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LES COMMUNEROS
CHRO~IQUE CASTILLANE.




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Imprimer\e de Grégoire, me du Crols. ... nt, ~,.




LES COMMUNEROS
CHRONIQUE CASTILLANE


DU XVIE SIEcu:. .~,,-.' :.:'" •


lrAPRES L'HISTOlRE INÉDITE DE PÉOOO DE ALCOCER


HENRI TERNAUX.


PARIS.


PAULIN, ÉDlTEUR, G, RUE DE SEINE.
183t.






TAllLf~.


PRÉFACE .................. ·.·······,········
INTRODUCTION ...........•........•.. , . . 7


CHAPITRE PREMIER.
Regne de Ferdinand et Isabelle. - Prise de Gre-


nade. - Augmentation du pouvoir royal. -
Les tl'ois grandes maltrises réunies a la cou-
ronne. - Mariage de ¡'infante avec Philippe,
al'chiduc d'Autl'iche. - Ferdinand déelaré ré-
gent....................................... 3~


CHAPITRE n.
Arrjvée.de D. Philippe 11 la Corogne. - Son en·


treVlte avec Fel'dinand. - Folie de la reine.
- Cortes de Mucientcs. - DisCU5sion entre




vj
Burgos et Tolcde. - Ty¡'alluic de D. J lIall Ma-
uue!. - Mort de Philippe ................... .


CHAPITRE IH.
Scconde régence de Ferdinand. -11 est reconnu


presque sans opposition. - n rait un exemple
du marquis de Pliégo el du duc de Médina-Si-
donia. - Son testamento - Sa morl........ .. 89


CHAPITRE IV.


Régence du cardinal Ximenes. - Résistance
qUf! luí opposent les grands de Castille. -
Troubles de Valladolid. - On le calomnie au-
pres de l'empcreur ... ,.,.,.",., .... ,...... 8:;


CHAPITRE V.


Arrivée de Charles V en Espagne. - Mort dll
eal'dinal Ximenes. - J\'Iécontentement excité
par l'avarice des Flamands qui se font donner
les priocipaux emplois. - Cortes de Vallado-
lid. - Mécontentement des villes. - Charles
est élu empel'eul' . , .. , ......•....... , ... , . . . 97


CHAPITRE VI.
COI'tes de Galice. - Troubles de Ségovie.


Mort de D. Antonio Tordésillas. - Souleve-
ment de pl'esque toutes les vilIes .•......... · 109


CHAPITRE VII.


Mesures que prend le cardinal Adrien pom' ta-
cher de rétablir l'autorité royale. - 11 envoie
cont!'c Ségovie l'alcalde Ronquillo et D. Anto-
nio de Fonséea. - COlll'ageuse défense de ceUe
ville. - Elle cmoie demander du secours a 1'0-




vij
lelle, qui lui envoie D . .luan de Padi11a. - In·
cendie de Méllina. --- J.ettl'e de cette \ille a
Valladolid ................... "............. 12r,


CHAPlTRE VJlI.


Tolede convoque une junte des villes a Avila.-
Padilla s'empare de TordésiUas et de la ver·
sonne de la reine. - La junte est transféréc
dans cette ville. - Sa requéte a l'emperem·. ---
Prise de Valladolid pat' Padilla... . . ... . . . . . .. 141


CHAPITRE IX.


Héception que l'empel'eur fail aux députés de la
junte. - Le connétable de Castille et l'ami·
j'ante rassemblent une aJ'mée a Médina de Rio·
Séco. - La junte choisit pour commandcr la
sienne D. Pédro Giron, qlli la tl'ahit. - 11 est
remplacé par Padilla ..................... '" 15.;


CHAPITRE X.


La discorde se met pal'mi les communes" - Acu·
ña, défait a Ocaña, se réfllgie a Tolede. - D. Ma·
ria Pachéco s'empare de l'argcnterie des égli.
cs. - Histoire el fin des trol1blcs de Biseayc.
- Conférences inutilcs cntrc les deux pm'tis.
- Trahison de don Pédl'o Lasw. . . . . . . . . . . . . 1 e 7


eH t\.PITRE XI.


Bataille de VilJalal'. - Panilla, t!'ahj, est b¡¡Uu et
fait prisonnier. - Ses leUres a sa femme et a
la ,'ilIe de Tolede. -- Su mort el celle de ses
amis....................................... liT




viij
CHAPITRE XII.


Suites de la bataille de YiIlalar. ~ Soumissioll
de la plllpart des villes. - D .. Maria Pacheco
défend Tolede contre le grand-wieurde Saint-
Jean. - Tolede capitule avec le marquis de
ViIléna. - Prison et mort de l'éveql1e de Za-
mora.......... .............................. 187


CHAPITB.E XIII.


Tolede reprend de nouveau les armes. - Hé-
rOlsme de D. Maria Pachéco. - Sa fin et ceHe
de la communidad......................... 199


NOTES.. ... .•... ........ ..........•...•..... 209




PRÉFACE.


La guerre des communeros est cer-
tainement un des événemens les plus
importans et l'un des moins connus de
l'histoire d'Espagne. Ce fut la derniere
lutte de la liberté contre le despotisme
et le commencement de la décadence .
de ce beau pays. Des lors les villes qui
avaient formé dans l' état un corps puis-
sapt et redoutable furent privées de
toute influence; l'industrie et le com-




2


merce furent frappés d'un coup mortel.
L'Espagne ne fut plus considérée par
Charles V, qui aspirait a la monarchie
universelle, que comme une province
conquise. Il détruisit, l'une apres l'au-
tre, toutes les lihertés qui s' opposaient
a ses projets ambitieux; son fils Phi-
lippe II mit la derniere main a son ou-
vrage.


Apres la défaite des communeros ~
les vaincus furent, selon l'usage, traités
par tous les écrivains de traltres et de
rehelles; et le gouvernement, dans la
crainte que ce feu mal éteint ne vlnt a
se rallumer, chercha a étouffer entiere-
ment le souvenir de leur mémorable en-
treprise.


La plupart des historiens espagnols
se taisent sur ce curiellx épisode de
leursannales ou n' en parlent qu' en peu




3


de mots. Sandoval seul, dan s son his-
toire de Charles V, s' est permis quelques
détails -' mais il était historiographe du
roi, et ce titre peut faire súspeeter sa
véracité.


Pendant mon séjour en Espagne, le
hasard fit tomber entre mes mains une
histoire inédite de ces troubles, écri~e
par don Pedro de Alcocer, auteur d'une
histoire de Tolede assez estimée. Cet ou-
vrage m'avaitparu contenir une fouJe
de détails inconnus jusqu'a présent, et
je pensai d'abord a en publier une tra-
duction en fram;ais. Quelques amis,
auxquels je eornrnuniquai cette traduc-
tion, me firent observer qu' elle serait
peu intelligihle pour tous eeux qui n' é-
taient pas parfaitement au eourant des
affaires d'Espagne a eette époque, e' est-
a-dire pour la presque totalité dupu-




4


hlic : car Alcoeer, Espagnol ei contem-
porain, n'oublie pas, en parlantdes
faits 'et des personnes, qu'ils sont par-
fllitement connus de son lecteur; des
notes devenaient nécessaires, et elles
eussent été plus longues que le texte.


D'apres ces réflexions, j'e medécidai
a refondre entierement l' reuvre d' Alco-
cer, en réunissant tous les détails qui
nous ont été conservés par les autres
historiens. Une introduction me sem-
bla utile ponr faire connaltre l'état de
l'Espagne a cette epoque, et expliquer
surtout quels étaient les droits et privi-
léges, soit des cortes ~ soit des municipa-
lités au commencementdu regne de
Charles V. Il faut s' ctre oeeupé de lit-
térature espagnole, il faut avoir étudié
1 'histoire de 'eette nation dans les au-
teurs originaux, pour appréeier les re-




5


f.herebes que m'a cot\tées ce travaiL.
La plupart des historiens ne négligent
pas, dans leurs énormes in-folios, de
raconter la plus petite escarmouehe eon-
tre les Maures, ou la fondation du moin-
dre couvent; aueune vieille légende, au-
eun miracle n' est oublié; mais la partie
politique et eivile de l'histoire est entie-
rement abandonl1ée. Je me eontenterai
de citer, par exemple, I'histOl'ien d' Ávi-
la, qui raconte fort au long le regne
d'Hercule en Espagne, et qui ne parle
pas de la junte que les communeros ras-
semblerent dans eette ville. Ni réper-
toire, ni guide, ni dictionnaire histori-
que, ne viennent faciliter les recherches:
a-t-on besoin d'un renseignement, iI faut
a peu pres deviner dans quel auteur ou-
Mié on pourra le trouver. Jeme vois
done forcé d'avouer que l'on rencontrera'




6


sans doute dans mon ouvrage quelques
partiesobscures ou ineompletes, paree
que, malgré toutes mes reeherches, les
renseignemens m' ont souvent manqué;
je· me suis cependant déterminé a le
livrer au publie, dans l' espéranee que
les événemens qui se passent en ce mo-
ment en Espagne lui donneront un in-
téret qu'il n'auraitpeut-etre pas a une
autre époque.


H. T.


Paris J novembre 1834.




INTRODUCTION.


Il était d'usage chez les Goths, comme chez
la plupart des peuples de race germaniqrie,
de convoquer dtl temps a autre les princi-
paux de la nation, pour les consulter sur les
affaires publiques. C'était surtout les affaires
ecclésiastiques que ron traitait dans ces as-
semblées, presque' entierement composées
d'éveques, et qui étaient, en réalité, des es-
peces de conciles. Elles exer~aient pourtant
une grande influence sur la direction des af-
faires civiles. Cet usage subsista, sans inter-.




8


ruption, jusqu'a l'in,-asion des Arabes et la dé-
faite du roí Rodrigue (1).


Les successeurs de Pélage, dont l'autorité
était tres faible dans les commencemens, ne
manquerent pas non plus, dans toutes les
occasions difficiles, de convoquer les princi-
paux du clergé et de la noblesse, qui étaient
toujours consultés, quand il s'agissait d'une
expéditio~ militaire ou d'un changement a
faire- a la législation du royaume. Enhardis
par des victoires remportées sur les Maures,
quelques rois essayerellt, mais en vain, de se
délivrer d'un controle qui leur pesait. n fut
décidé au contraire, dans l'assemblée des cor-
t.es tenues a Valladolid, en J 3 1 3, qu' elles de-
vaient etre réunies tous les de'ux ans; cet
usage, il est vrai, cessa bientot d' etre ob-
servé, mais on continua cependant de les
convoquer dans toutes les occasions impor-


(1) Voyez Teoría de las cortez o grandes juntas na-
cionales de Castilla y de Leon, por D. F. M. Marina.
Madrid, 1813, 3 vol. 4°, et Observaciones sobre las cor-
tez de Españay su organisacion. Valencia" 1809.




9


tantes. A elles seules appartenait le droit de
faire les lois, de choisir un régent dans les
temps de minorité, quand le dernier roi ne
l'avait pas fait par son testament, et surtout
d'accorder des subsides.


Jusque vers la fin du I~e sitkle, on ne eon-
voquait que le clergé et la nobIesse; mais, a
cette époque, les villes commen~aient a ae-
quérir de l'importance, et les rois de Léon el
de Castille avaient été obligés de Ieur aceor-
der des priviléges tres étendus, afin de trou-
ver en elles un appui eontre les prétentions
des deux autres ordres. On voit les villes pa-
raitre, pour la premiere fois, aux cortes tenues
a Burgos, en II 69, par le roi don Alphon-
se VIII; plus tard, a ceHes de Carrion, en
1 188, et a toules les assemblées des cortes
qui eurent lieu dep~is cette époque. C'étaient
elles surtout qui payaient les subsides, el eHes
profiterent avee adresse de cette circonstance
pour se rendre maitresses du droit de les ac-
cordero Leurs députés finirent par constituer
a eux senls les cortes du rovaume. II est vrai


"'




10


que ron continua a convoquer, dans presque
toutes les circonstances, les archeveques, les
éveques , les grands-maitres des trois ordres
militaires, les. ricos hombreS, et meme tous
les gentilshommes seigneurs de vassaux; mais
il para!t, par le peu de documens relatifs a ces
assemblées qui nous ont été eonservés, que
c'était seulement pour augmenter l'éclat de la
cour a eette occasion, et qu'aux députés des
villes ~euls appartenait le droit de décider.
Dans les actes des cortes tenues a Madri-
gal, en 1438, il n'est fait mention que du
conse..ntement des députés des villes. Elles
seules furent convoquées :aux cortes de To-
Iede, en 1480/ qui révoquerent toutes les
concessions arrachées par les nobles a_la fai-
bies se du demÍer ro(. Il. en fut de meme,
en 1505, a celles de Toro,. tenues immédiate-
ment apres la mort d'lsabelIe-la-Catholique
pour décider la question de savoir a quiap'"
partiendrait la régence de Castille. Des exem-
pies de la suprématie des villes se trouvent
encore a une époque bien plus recuMe; dan s




11


les actes des cortes de Valladolid, eDI298, et
dans ceux des cortes de Bijrgos, endoI, il
n'est fait mention que des députés des villes,
et nuIlement des représentans du clergé et de
la noblesse.


Bien plus, aux cortes de Valladolid, en
1295, les députés des villes exigerellt formel-·
lement que ceux des deux autres ordres fus-
sent exclus des délibératiolls, et ils l'emporte-
rent, malgré les protestations de don Gonza-
lo, archeveque de ToIede. JI est difficile de
détermiller a quelle époque les villes s'em-
parerent de ce privilége; mais iI est certaill
qu'aux cortes de Tolede, tenues en 1480 par
Isabelle-la-CathoJique, et dans toutes les as-
semblées subséquentes, sans exception, les
députés des villes furent les seuls qui prirent
part aux déliberations et aux votes. C'est done
avec justiee, et dans le but de régulariser la
représelltation nationale, que la junte réullie
par les communeros, a A vila, demanda, dans
son exposé des griefs de la nation, que cha-
que ville envoyat a l'avenir trois députés : un




12


du clergé, un de la noblesse et un de la hOllr-
geoisie, et que «hacun d'eux fUt choisi par
I'ordre qu'il devait représenter (1). Las dépu-
tés, en effet, étaient élus par le conseil muni-
pal ou tirés au sort parmi ses membres; mais
ce conseil, ne se recrutant que de membres
nommés par lui, formait·une véritable oli-
garchie, et toute la représentation nationale
se trouvait par V. meme concentrée dans
quelques familles pui:ssantes. Les députés des
villes n'avaient done ni l'indépendance que
la richesse territorial e donnait a la noblesse,
ni la force qu'ils eussent puisée dans le choix.
direct de la bOUl'geoisie, et, faciles d'ailleurs a
séduire, ils craignaient souvent de s'oppose ...
aux volontés de la cou1'onne.


Le nombre des villes que l'on convoqua)t
fut d'abord tres considérabIe ; iI Y en eut pres
de quatre-vingt - dix représcntées ~ux cor-
tes de Madrid, en 1391, mais ce nombre di-
minua bientot. Quelques-unes de ces villes


(1) Sandoval~ Historia de Carlos r, liv. 7,. chapo 1.




1"3


négligerent d'envoyer des dépULés, pou!' évi-
t.er les frais que cela leUl' occasionnait; d'au-
tres furent aliénées de la couronne et données
a des seigneurs, de sorte que leur nombre,
qui diminuait achaque assemblée, fut enfin
fixé a ·dix-sept, On ignore a quelle époque ce
changement eut lieu; mais cet usage est déja.
qualifié d'immémorial dans les acles des cor-
tes tenues a Valladolid, en 1518,


Les villes qui jouissaient dl1 privilége d'etre
représentées aux cortes étaient, pour le royan-
me de Castille, Bu rgos , Soría, Ségovie, A vil a
et Valladolid; pour celui de Léon, Toro, Za-
mora et Salamanque; pour celui de Tolede,
ou de la Nouvelle-Castille, Tolede, Guada-
laxara, Madrid et Cuen.;;a; pour l' Andalousie,
Séville, Jaen, Cordoue et Murcie; on' leur
adjoignit la ville de Grenade, quand elle eut
été conquise sur les Maures, ce qui en porta
le nombre a dix-huit. Trois provinces, les As-
t~ries, la Galice et I'Estr'amadure, n'avaient
point de représentans, quoique plllsielll's
de lelll's "ilIes eussent 311tl'efois envow'


.'




des députés aux cortes. J'ignore le motif
de cette exception; cependant, Charles V,
aux cortes qu'il tint a la Corognc, en 1 5~0,
accorda a la Galice le droit d'envoyer des dé-
putés.


Les députés des villes ne les représentaient
pas seulement; ils agissaient de plus au nom
des villes qui n'avaient pas de représentans di-
rects : c'est ainsi qu'aux cortes de Valladolid,
en 1506, les députés de Guadalaxara parIe-
rent aussi au Dom de Siguenc;a et de plus de
quatre cents villes et bourgades~ Ceux de Sa-
lamanque par}(~rent de meme au nom de Pla-
sencia, Coria, Caceres, Badajoz, Truxillo,
Mérida et Ciudad-Rodrigo, ainsi qu'en celuÍ
des deux grandes-maitrises de Saint-Jacques
et d'Alcantara. Du reste, les villes qui sié-
geaient aux cortes étaient tres jalouses de
ce droit, et, en différen tes occasions, elles
furent les premieres a s'opposer a toutes
les réclamations que pouvaient faire les au-
tres villes qui ne jouissaient pas du meme
privilége.




15


Chaque vilJe nommait ses députés selon
ses usages particuliers; mais généralement
on les choisissait, par la voie du sort, parmi
les membres du conseil municipal. Souvent
les rois chercherent a influencer les nomina-
lions, ou meme a les maitriser tou t-a-fait
en désignant, dans les lettres de convocation,
les personnesqu'ils désiraient voir élues,
et en les recommandant comme les plus
dignes; mais les villes opposerent toujours
une forte résistance a ces tentatives, et quand
la personne du souverain, ou le voisinage de
son armée la rendaient inutile, elles ne man-
quaient pas de protester aussitot~ qu'elles
avaient recouvré un peu de liberté, contre ces
élections extorquées par la violen ce ; cet abus
devint si grand, que ron fut ohligé de dé-
clarer, par une loi, renouvelée par différentes
assembIées des cortes, que les lettres de con-
vocation ne contiendraient a l'avenir que l'é-
poque a laquelle elles devaient se rassembler,
et les objets qui leur seraient soumis.


JI était expressément défendu aux députés,




16


sous les pe.ines les plus graves, de rien accep-
ter de la couronne, ni pour eux, ni pour les
leurs; mais cette loi était facilement éludée.
Leurs pouvoirs contenaient en outre des ins-
tructions sur la maniere dont ils devaient
voter sur toutes les questións; ces pouvoirs
étaient plus ou moins limités, selon les cir-
consta'nces el le degré de confiance qu'ils ins-
piraient. Quelques-uns des députés qui assis~
taient aux cortes de la Corogne, en 1520,
étaient simplement autorisés a écouter ce que
le roi proposerait pour le soumettre ensuite
á leurs commettans.


Le líeu de réunion des cortes n'était poinl
invaríablemenl fixé, et le roi les rassemblait
la ou il se trouvait : aussi iI n'est guere de
ville un peu importante en Espagne oú elles
n'aient été tenues. Le roí seul avait le droit
de les convoquer; i1 n'est pourtant pas sans
exemple de les voir se réunir d'elles-memes
en cas d'urgcnce. Aussítót apres la mort du
roi, son successeur devait se faire reconnai-
tre par elles et pnher serment d'observer les




17


10Ís et de respecte.' les privileges du l'Qyaume.
Nous verrons, dans la suite de ceUe histoire,
aux cortes de Valladolid, en 1518, que l' on
preta serment de fidélité a Charles V, qui
venait prendre possession de ses états, a
condition qu'il jurerait' lui-meme d'observer
les lois et priviléges du royaume.


Il est tres-difficile de déterminer les limites
des prérogatives des cortes, qu' elles étendaient
fort loin quand les rois avaient besoin d'el-
les, et que ceux-ci cherchaient a restreindre
quand ils se sentaient les plus forts; mais le
droit le plus important et le moins contesté
de ces assemblées était celui d'accorder les
subl:lides et de déterminer la maniere dont
ils devaient étre répartis, Voici, d'apres Ma-
rina , le mode que chaque ville suivait pour
le choix de ses députés aux cortes.


BURGOS, - Deux régidors a l'élection.
LÉON. - Deux régidors au sort.
GRENADE.-Undes vingt-quatre et un juré


au sort.
CORDOUE. -Deux des vingt-quatre an sort.


2




18


-MUIlCIE. - Deux l'égidors au sort.
JUN. - Deux des vingt-quatre au sort.
ToLimE. - Un régidor el un juré au sort.
ZAMOIlA. - Un régidor au SO\'t et un gen-


tilhomme choisi par la noblesse et par
le peuple.


TORO. - Deuxrégidorsau sort.
SORIA. - Deux régidors de la noblesse.
VALLADOLID. - Deux gentilshommes qui


devaient etre du nomde Tolar et de
Reoyo.


SALAl\[ANQUE. - Deux régidors au sort.
SÉGOVIE. - Deux régidorsau sort.
AVILA. - Deux régidors a tour de roJe.
MADRID. - Un régidol' au sort et un gen-


tilhomme choisi par les paroisses a tour
de role.


GUADALAXARA. - Un régidor au sort et un
gentilhomme au sort , pal'lui douze, qui
sont choisis a cet effet.


CUENC;:A.. - Un régidor et un gentilhornme
au sort (1).


(1) 1Jfarina Teoria de las cortez, t. 1, ch. 26, p.268.




19


Les villes qui, comme nous venons de le
voir, possédaient eIl quelque sorte toute l'in-
fluence dans les cortes se gouvernaient pres-
qu'en républiques, des le commencement du
I le siecle. Les rois de Castille et de Léon leur
avaient accordé des lettres de franchise tres-
étendues, soit pour se créer un appui contre
les empiétemens perpétuels du clergé el de la
noblesse, soit pour en obtenir des subsides
quand ils avaient besoin d'argent (1). Ces
pl'iviléges étaient devenus peu a peu si
étendus, que" les villes étaient presque in-
dépendantes de la couronne el jouissaümt ,
meme sur les villages environnans, de .droits
égaux a ceux que les grands exer'taient. dans
leurs domaines.


,Dans les premiers temps, tous les chefs de
fumille se réunissaient une fois par an pour
élire, a la pJuralité des voix, les alcaldes, les
jurés syndics, les officiers de justice, et les


Il paralt dans cette liste avoir oublié Séville. Voyez a
la fin du volume, note premiere, le tableau figuratif.


(1) Marina Teoría de las cortez, t. 1, chapo 11 , p." 24.




20


chefs qui devaient commander les fOl'OOS de
la ville en cas de guerre;. toutes les foÍs qll'il
s'agissait d'une affaire importante pour la
commune, ceUe assemblée était convoquée
pour la décider. Mais ce mode de procéder
avait de gtands inconvéniens; en effet, l'as-
semblée était rarément complete, il était fa-
cile a un parti de se concertér pour faire adop-
ter une mesure bientot annulée par I'assem-
blée suivante; dominée par une majorité con-
traire; da. la des querelles perpétuelles et pal'-
foís des combats. Pour bien comprendre
l'état de l'Espagne, iI est une cireonstance
'qu'il ne faut pas oubliet', paree qu'elle tient
aux. habitudes nationales, c'est que la no-
'bIesse habitait dans les villes et' y domi-
mtit presque seuIe. Aussitot qu'une ville ou
'qu'une province était enlevée aux Maures,
le roi partageait les maisons et les propriétés
entre ceux. qui l'avait aidé dans sa conquete,
en proportion des forces qu'ils avaient ame-
nées. Les grands vivaient done généralement
dans les pelites villas dont ils étaient sei-




21


gneurs, et la nobles se du second ol'dl'e, dans
les villes qui relevaient de la couronne ou
elle exer~ait la principale ¡nfluenee, oceupait
presque 10us les emplois, et sou vent meme
avait su les rendre héréditaires. Elle était
presque partout divisée en factions rivales;
la bourgeoisie, qui ne jouait qu'un rOle se-
condaire, De demandait pas miem: que de
secouer un joug qui lui pesait d'autant plus
qu'elle commenyait déja a s'enrichir par le
commerce et les manufactures. Ségovie était
célebre par ses étoffes· de laine, Tolede
et Burgos par leurs soieries; l' exemple des
Arahes avait commencé a faire naitre par-
tout l'industrie que le despotisme:ne tardapas
a étouffer.


Pour remédier. aux.. incoDvéniens qui l'é-
suhaiellt, comme nous venons de le voir,
des assemblées générales, ron déciqa, 50U5
le regue d' Alphonse XI (1), par un régle-


(1) Voyez la charte accol'dée pal' Alpbonse XI a la
yiHe de Burgos, dans Marina) tomo 1, chal)' 10, p. 86




22


ment qui fut adopté dans Burgos, Cor-
doue; Séville el quelques autres villes, que
le corps muniCipal ou ayuntamiento serait
composé d'un nombre fixede conseiHers;
ceux-ci prirent le titre de regidores; mais,dans
quelques villes de l' Andalousie, 00 les appe-
lait les vingt-quatre, a cause de Ieur nom-
bre primitif. lIs étaient nommét' a vie, el se
complétaient eux-memes au fur et a mesure
des vacan ces. Cependant quelques familles
parvinrenta rendre ceHe dignité hérédilaire.
Les choix faÍls par le conseil municipal de-
vaient etre confirmés par le roi, qui, cepen-
dant, nepouvait augmenter le nombre des
membres, el, dans quelques "mes, a"ait le
choix sur trois candidats qui devaient lui etre
présentés pour chaque place "acante. L'on
décida, entre autres choses, que personne ne
pourrait faire partie duconseiJ municipal d'u-
ne ville s'il ne l'avait habitée au moins pe n-


et ceUe de Séville, dans les Annales ecclesiasticos r se-
culares de la muy nohle y muy leal ciudad de S ellilla ,
por Diego Ortiz de Zuniga. Madrid, 1677, ro. p. 200.




dant dix ans; que 1'0n ne donnerait au~
cune leUre d'expectative ou de survivance,
et que nul chevalier ni écuyer ne pourrait faire
partie d'un conseil municipal; mais ce der-
nier réglement tomba bientot en désuétude.
Du reste, les viJles étaient tellement ¡ndé-
pendantes, qu'jJ n'était pas permis au roi lui ..
meme d'y enlrer sans unepermission de l' ayun-
tamiento Oll conseil municipal. Nous voyons,
dans une lettre écrite par le roi Henri II a la
ville de Murcie, en réponse a quelques plain-
tes que celle-ci lui avait adressées contre des
officiers royaux, qu'il reconnait positivement
que ni lui, ni la reine, ni les infans n'ont
le droit d'entrer dans une ville sans en avoir
obtenu préalablement la permission de l' arun,
tamiento ( I ).


Les mis essayerent cependant plusieulIs
foís, ma.is sans beaucoup de succes, de dimi~
nuer cette grande indépendance des vilJes.


(1) Discurso .• historicos de la muy noble y muy leal
ciudad de Murcia, por el b:cenciado Francisco Casca-.
les. Murcia, 1775, folio, discul'SO 7, chapo 10.




Henri 111 instítua, pour présíder le eorps mn-
nícipal et reeevoir les appels au nom du roi,
un magistrat qui prit le nom de correaídor ( 1 ).
n était a la nominatíon du roí qui pouvait
le révoquer a volonté; mais il ne pul triom-
pher de la résistance de la plupart des villes
qui soutinrent vigoureusement leurs ímmu-
nités el refuserent de reeevoir ces nouveaux
magistrats; la me me tentative fut renouvelée
par les successeurs de Henri sans qu'ils pus-
sent rétlssir a les établird'une maniere stable;
ce ne fut qu'aux cortes de ToIMa, en 1480, au
commeneement du regne d'Isabelle, que l'é-
tablissement de eeUe nouvelle charge fut Ié-
galeméílt l'eeonnu, et que l'on consentit a
recevoir les corre[JÍdores partout (2).


Comme chaqu~ ville avait son gouverne-
ment et ses priviléges particuliers, et qu'il


(1) Historia de la vida y hechos del rey Enrique Ill,
de Castilla, por el maestro Gil Gonzalez Davíla. Ma-
drid, 1637, folio, p. 123.


(2) Rernando del Pulgar, cronica de los re{Jes catlw-
licos. Valencia, 1780, folio, chapo 95.




25


faudrait un ouvrage ~pécial pon.. les faire
connaitre tous, je IDe bornerai a donner en
abrégé ceux de Tolede et de Séville. Par la 00
pourra facilement se faire une idée de la ma-
niere dont se gouvernaient les autres cités;
car la différence qui existait était pIutot dans
la forme que dan~ le fondo


Quand Alphonse V eut soumis la ville de
Tolede, en 1085, iI accorda aux Maures,
aux Juifs et allX étrangers des juges pris dans
lenr sein, pour décider les contestations qui
pourraient s'élever entre eux, et créa en ou"
tre deux alcaldes ponr administrer la justice.
L'un devait etre choisi parmi les Mozara-
bes (1), l'autre parmi les Castillaíls. L'aIcalde


(1) On appelait MOII:árabes les chrétiens soths qui,
3U lieu de /le I'éfugier dans les montagnes avec les
C(lmpagnoDs de Pélage, s' étaient soumjs a la domina-
tion des Arabes qui, se contentant de les soumettre a
un tribut, leur avait laissé le libre exercice de leur re-
lision et de leurs lois. lis étaient fort nombreux, SUf-
tout a Tolede ¡ ils avaient cOllServé la luesse selon l'u-
sase des anciens Goths, c'est...a-rure, ávec de nota-
.bles différencesde la messe latine. Un archeveq!le de
Tolede ayant vouIu introduirc le lit latin malgré la




26


Mozarahejugeait d'apres les anciennes lois des
Goths qui étaient restées en vigueur parmi la
nation depuis la conquete;. et son colIegue
jugeait d'apres les lois et ordonnances de
Castille. Leur juridiction s'étendait non-seu-
lement sur. la ville, mais encore sur tout le
territoire jusqu'a la frontiere des Maures. (1)


résistance de la population Mozarabe , on convint de
remettre la décision de cette affaire au jugement de
Dieu. Les deux rituels furent placés sur un bra-
sier; mais comme il parait qu'o~ y allait de bonne foi,
les deux rituels furent consumés. Il fallut done déci-
derla question par l'épée, et la victoire étantrestée aux
chevaliers des Mozarabes, ceux-ci continuerent a ob-
server leur rit; mais ils se confondil'ent peu a peu
avec les Castillans, et l'ancien rit serait entierement
oublié si le cardinal Ximenes n'avait fondé une cha-
pelle dans la cathédrale de Tolede, OU l'on dit encore
tous les jours la messe selon le rit Mozarabe.


(1) Voyez, pour les constitutions municipales de
Tolede, Descripcion de la imperial ciudad de Toledo J' de
sus alltiguedades, por el bcenciado Francisco de Pisa,
Toledo, 1617, folio, chap.· 34 et suivans; Historia de
la imperial ciudad de Toledo, por de Pedro de Alcocer·,
Toledo, 1554, folio, chapo 43; informe de la imperial
ciudad de Toledo al consejo de Castilla, 1758, in-S".
p. 59 et suiv.




27


Dans ·les premiers temps, on convoquait,
pour déciderdes affaires publiques, tous les
nobles etbourgeois qui voulaient venir vo-
ter. eette assemblée élisait annuellement ses
magistrats nommés fieles, qui, avec . les al-
caldes, expédiaient les affaires courantes.
Cette· coutume dura jusqu'au regne du roi
D.· Juan 11 , et·a cette époque les inconvé-
niens que nous avons détaillésplus haut fi-
rent adopter l' ol'donnance d' Alphonse XI (1).
Le nombre des regidores fut fixé a seize.;
huitpour la noblesse ethuitpourIa hour-
geoisie; iI faIlait, pour qu'une mesure fUt
adoptée, qu'elle obtint I'assentiment des deux
tiers des ·membres présens. Chaque. paroisse
eut en outre le droit d'élire deuxjurés, ceux-
ci siégeaient aussi dans l' ayuntamiento, mais
iIs n'avaient que voix consultative, le droit
d'arreter la décision des affaires et d'en


(1) Croniea del señor D. Juan JJ de este nombre, por
FernanPerez de Gusman.Valencia, 1779, folio, ch. 21.
Pisa, Bist. de Toledo, ch. 27; Alcocer, Bist. de Toledo,
ch. 93.




28


rC:fé.'er nu mi quand iJs croyaient les illlé-
ret~ des citoyells lésés; c'était, CGmme on le
'foit, des especes de tribuns. Il fallait, poUI'
que l'oyuntt1l1liento put prendre une déci-
sioo, qu'il y eut au moios cinq relJidores el
un juré présens.


La maniere dont SéviUe se gouvernait of-
frait peu de différence. St-Ferdinand avait
pr'is celte viIIe sur les Maures, en 1248, el par-
tagé entre les conquérans tous les biens-fonds
qoi avaient apparlenu aux vaiJlcus. Jl établit
un ayuntamiento qui fut d'aboM composé
de trent~six regidores a la nomination du
roi; le nombre en fut plus tard réduit a
vingt.quatre par Alphonse Xl, e~, quoi-
qu'il s'élBvat dans la suile a plus de soi-
xante,on continua toujour~ ~ les appeler les
vingt-quatre.Cinq alcaldes nommés par l' ayun-
tamiento rendaient la justice en premi~re jns-
tance, onappelaitde leurs sentences a quatre
alcaldes majol's, quiavaientaussiledroitde sié-
gel' dans l'ayuntamiento ; un alguazil majol'
nommé par le roi, qui confiait toujours cet




29


emploi au chef de l'une des principales famil-
les de la ville, était chargé de l' cxécution de
leurssentences, el des jurés, nommés comme
ceux de TolMe par les paroisses, jouissaient
aussi des memes droits et prérogatives. (1)


On reconnait facilement que ce mode de
gotivernement devait peu a peu amener une
oIygarchie. En effet, les familles qui compo-
saient l'ayuntamiento se recfutaient presqne
toujours dans Ieur seín , et insensibIement
finirant, en s'emparant de toutcs les charges,
par exercer, daos les villes, úo pouvoir pres-
que abs01u. Cet état de dIoses devait néces-
sairement mécontenter tous ceux qui se
tl'ouvawntexclus, et iI était aussi plus faQiIe /lU
pO'Uvoir royal de faire adopter les mesures
qlli luí convenaient, puisqu'iI n'avait qu'un
petit nombre de familles a gagner; le pQu-
voir dont elles jouissaient était d'autánt
plus exorbitant que, dans la plupart des


(1) Zuniga, Anllales de Sellilla, p. 200; Alonzo 1\101'-
gado, Historia de Sevilla. Sevilla J 1587, folio, liv. 2,
cb.16.




30


viHes, c'était dans le corps municipal que
ron choisissaitexclusivement les deputés aux
cortes.


Le mécontentement qu'excitaient ces abus
eut heaucoup de part aux. troublesdont lious
allons parler; dans presque tout.es les vil-
les, le partí des communes se hala de chan-
ger le corps municipal aussitót qu'il eut pris
IEr dessm¡; malheureusement on tomba dans
l'exces contraire, et,dans un grand nombre des
villes confédérées, l'ayuntamiento fut envahi
par des gens sortis de la líe dupeuple qui abu-
serent de leor pouvoir pour tyranniscr les ri-
ches el les nobles. Ceux·ci, mécontenls de se
voir exclus de toute participation au poUvoir,
chercherent a faire leur paix avec le gouver-
nement et ne contribuerent pas peu· a faire
rentrer sous son áutorité, les villes qui s'en
étaient écartées. Mais n'anticipons pas sur les
événemens, el voyons auparavant quelle était
la position des deux autres ordres de l'état,
la noblesse et le clergé.


La haute noblesse, désignée, dans les pre-




31


miers temps de la monal'chie,' sous le nom
de ricos hombres, possédait d'immenses do-
maines et vivait, retranchée derriere les mu-
railles de ses chateaux, dans' une entiel'e in-
dépendance. Profitant . des embarras ou la
COUl'onne se tl'ouvait souvent placée, soit par
les' guel'l'es contre les Maures, soit par les
guerres intestines non moins fréquentes,
elle lui vendait bien cher ses secours et sou-
vent meme son inaction; toujOUI'S sure,
quand ellevoulait se révolter, de trouver un
allié dan s ses anciens enne~is. Les seigneurs
possédaient une juridiction absolue dans leurs
domaines, étaient exempts d'impóts et vi-
vaient presque toujours éloignés de la' cour,
qui, ne pouvant s'en faire obéir, était obligée
'de les ménager.


Le c1ergé, le plusriche, peut-etre, de la.
chrétienté, était plus puissant encore. Les .
guerres contre les Maures, si longues et si
acharnées, avaient eotretenu, en Espagne, le
fanatisme religieux qui, déja, commen~it a
diminuer dans le reste de l'Europe. Aussi,




32


toot trembJait devant luí, el il n'était pas sans
eltemple de voir un archeveque de Tolede
D1éttre le rOyQume en interdil pour une of-
fense pe(lsonnelle.


Les trois ordres militaires de Santiago, Ca.
latrava el Alcantara, réunissaient a la fois les
priviléges du clergé et ceux de la Iiobles-
se. Protégés par l'habit religieux, composés de
tóut ce que l'Espagne renfermait de plus no-
blé et de plus brá\1e, ayant a leui' tete un


I


grand-maitre de leu!' choix, riches d'immenses
dOIíiaines, entteténus dans )á discipline el
les habitudes militaires par leurs guerres con-
tinuelles contre les Maures, ils formaient un
~tÍlt dáns l' état, et leur grand-maitre marchait
ptesque l'égal du sou\1erain. (1)


Le pouvoir royal était done a poo pres nuI
sous les ptemiers rois; mais l'habileté de
quelques~uns de leurs successeurs,qui avaient


(1) VO'Jez Cronica de [(J.f tres ordene., militaras, por
Fl'¡md~o Rades de Andrade. ToledQ, 1571 , folio;
Historia de las tres ordenes militares , por el licenciado.
Francisco Caro de Tones. Madrid, 1629, folio.




33


adroitement profité de victoires remportéessur
les Maures pour se faire des créatures et sur-
tout la conduite, a la fois ferme et prudente, du
roi D. Jean II, avait su le rendre assez considé-
rabIe; cependant il avait été presque anéanti
de nouveau sous le regne de son fils Henri IV
dit l'impuíssant. Ce monarque, faíble d'es·
prit et de corps, dilapida entierement le do-
maine de la couronne et se laissa gouverner
par son favori, D. Beltran de la Cueva, qui s'é-
tait rendu odieux a la nation par son orgueil .
et ses exactions. On l'aeeusait d' entretenir un
commerce criminel avec la reine et d' etre le
pere de l'infante D. Juana, a laquelle on don-
nait le surnom injurieux de Beltranija. On al-
lait meme jusqu'a dire que le roi avait en-
couragé eette liaison pour se laver du repro-
che d'impuissanee qui ne contribuait pas peu
au mépris qu'il inspirait. La noblesse, indi-
gnée de eette eonduite, résolut de seeouer le
joug du faible monarque et de l'insolent fa-
vori. Elle se réunit a A vila, au moís de juin
1465, déclara Henri indigne du trone, sa filIe


a




34


batarde et incapable de lui suceéder, puis pro-
clama a sa p]aee son frere D. Alphonse, alors
agé seulement de 1 j ans. Pour l'endre cette
déposition plus solennelle, elle eut lieu avee
les eérémonies suivantes, selon la ehronique
inédite d'Enrique del Castillo. (1)


( On dressa, dans une plaine pres d'Avila,
» un éehafaud sur lequel on pla~a une figu-
» re représentant le roiassis sur son trone
)1 et revetu d'habits de deuil; on lut ensuite a
» la foule immense, que ce speetacle avait at-
« tirée, un long manifeste eontenant tous les
» grjefs que I'on avait eontre lui et on le dé-
» clara indigne de régner. L'areheveque de
» Tolede s'approeha alors de eette effigie et lui
» ota la eouronne; on le déelara indigne de ren-
» dre la justiee, et le eomle de Plaseneia lui
» enleva l' épée de j ustiee; on le déelara indi-
»gne degouverner, et le eomte de Benavente
» lui arraeha le seeptre des mains; enfin, on


(1) Enrique del Castillo, Cronica del rey Enrtque Ir,
ch. 74; Hernanclo del Pulgar, Cromca de los rey's,
.ath., ch.t; Mariana,Hist. de Esp.,liv. 23,chap. 9.




» le déclara indigne du tróne, et Diégo Lopez
» le jeta en bas ignominieusement. Don AI-
» phonse fut alors placé sur le tróne, l'éten-
» dard royal déployé et toute la multitude ras-
» semblée s'écria: Castille, Castille! pour le
,) roí Alphonse ! »


Le roi Henri marcha contre les rehelles, el,
apres une guerre incertaine qui se prolongea
plus de deux années, les défit enfin pres
d'Olmédo. D. Alphonse fut fait prisollnier
dans cette rencontre, et quelques jours apres
mourut de la peste. Son partí quí était cepen-
dant loin d'etre abattu voulut proclamer asa
place l'infante dona Isabelle sa sreur; mais
celle-ci refusa de se preter a ce qu' elle regar-
daít comme une usurpation. Ce refus géné.
reux amena une transaction par laquelle Henri
déclara Beltranija hatarde et incapable de lui
succéder et proclama sa sreur héritiere de la
couronne; on lui preta serment aux taureaux
deGuisando(I);mais il se repentit bientót de


(1) Les taureaoux de Guisando sont des ma.ses de




36


celte démarche et voulut s'emparer de sa per-
sonne; celle-ci, pour se créer un appui,
épousa secretement, et malgré son frere,
D. Ferdinand, alors roi de Sicile et héritier
d'Aragon. Ce mariage eut líeu le dix-huit
octobre 1469. Le roi Henri, furieux et
craignant qu'lsabelle, soutenue pa-r l' Aragon ,
ne cherchat a lui enIever la couronne de son
vivant, négocia le mariage de BeItranija avec
le l'oi de Portugal; il tomba maJade bientot
apres, et la déclara son héritiere en maurant;
mais- Isabelle n' en fut pas moins reconnue par
tout.e la nation comme la reine légitime de
Castille. D. Ferdinand, quoique son époux,
n'avait aucun pouvoir en Castille; il n'y fut


pierre actuellement informes, au nombre de quatre ,
-qui se trouvent danf une vigne non Ioin de fEscurial.
L' opinion générale est qu' elles représenten t des tau·
reaux, et qu'eUes furent élevées par Jules-César en
mémoire de l'hécatombe qu'il sacrifia dans ce lieu,
apres a-voir remporté une vict€lire complete sur les
fils de Pompée, alantlcs prétendent que ce sont des
éléphans placés en ce lieu par Scipion , pour perpé-
tuer la mémoire d'une bataille gagnée sur les Cartha-
ginois.




37


toujoursconsidéré que eomme mi d'Aragonet
souverain étranger. Le roí de Portugal entra
en Espagne a la tete d'une nombreuse armée
pour faire vaIoir ses droits ; mais, apres queI-
ques eombats dont l'issue fut douteuse, iI se
vit enfin complétement baUu entre Toro et
Zamora et contraint de faire la paix. Dona
Juana ou Beltl'anija se retira dans un monas·
lI~re, el Ferdinand et Isabelle resterent paisi-
blement en possession de la couronne. (1)


(1) Hcrnando del Pulgar, chap, 17,45,92; Gari-
la'j, Annales de España, l¡v, 18, chapo 3 ct suiv.






CHAPITRE PREMIER"


Regne de Ferdinand el Isabelle. - Prise de Grenade.
- A.ugmentation du pouvoir royal. - Les trois
grandes maitrises réunies. a la couronne. - Mariage
de l'infante avec Philippe , archidllc d'Autriche.-
Ferdinand déelaré régent.


Aussitót que Ferdinand et Isabelle se VI-
rent paisibles possesseurs du treme, leur pre-
mier soin fut de réformer les abus et d'établir
l'autorité royale &ur des bases plus solides.
Le premiercoup qu'ils porterent a la noblesse




.. O


fut l'établissement de la sainte-hermandad (1)_
Cette hermandad 011 confrérie, qui fut ima-
ginée par don Alphonse de QuintanilIa et don
Juan de Olmedo, était destinée a réprimer
les brigandages et les meurtres impunément
commis dans toute l'Espagne. La noblesse
qui, hors des grandes vi11es, était presque
partout maitresse de la juridiction , négligeait
de punir les coupables , les protégeait mema
quelquefois quand ils lui étaient utiles. Mais,
d'apres les réglemens rédigés par les députés
des villes, réunis a cet~ffet a Dueñas, en 1476,
il fut convenu qu'il y aurait, dans chaque
ville de la confrérie ,deux alcaldes qui au-
raient le droit de juger les coupables, n'im-
porte ou ils auraient été arre tés , et que ron
entretiend~ait, par cent feux, un cavalier des-
tiné a poursuivre les criminels et a les arre-
ter partout ou ¡l)es trouverait. La confrérie
choisit pour son chef D. Alphonse d'Al'agon,


(1) Hernando del Pulgar, Craniea de los rqcs ea/ho-
[icos, chapo 41.




41


frere batard du roi, et eut bientot sous ses or-
dres jusqu':\ deux mille cavaliers. Toutes les
villes, excepté celles qui appartenaient a la
noblesse, s'empresserent de s'associer a la
Sainte-Hermandad. La noblesse, qui sentait
combien ceUe institution diminuait son in-
fluence, s'y montra d'abord fort opposée;
mais l'autorité du roi et l'exemple du conné-
table de Castille, le plus grand propriétaire du
royaume, la forcerent en fin a y entrer elle-
llleme , et la eonfrérie fut généralem~nt re-
eonnue. Ses réglemens furent encore perfee-
tionnés en 1480, et bientot 1'on put voyager
dans toute l'Espagne sans avoir rien a crain-
dre des brjgands qui l'infesUtient aupara-
vant.


Le roi, non content d'avoir mis un frein
a leurs rapines, résolut de détruire leurs re-
traites. JI assiégea, prit e(détruisit successive-
ment les fOl,teresses de Castl'o-Nuño (J),


(1) Hemando del Pulgar, Groniea de los reyes catho-
lieos, ch. 56.




42


Cubillas, Cantalapiedra, Montéon et d'au-
tres qui leur servaient de refuges. 11 cher-
eha peu a peu a se mettre en possession
de toutes ceHes qui étaient entre les mains
des grands, ou avoisinaient les fl'ontit~res,
el s'en empara, soit par des échanges, soit
en les enlevant de force,' sous divers pré-
textes.


Ferdinand et IsabeIle, voulant enfin frap-
per le dernier coup, convoq~erent les cortes
a Tolede (1), en 1480. Dans eeUe asselDblée,
qui, eomme nou;' l'avons dit plus haut, se
composait seulement des députés de dix-sept
villes, on eomment;a par annuler presque
toules les flonations de Henri l'impuis-
sant, el par les faire rentrer dans le do-
mame de la eouronne. On eondamna a
mort, el ron exécuta plusíeurs seigneurs
qui s'étaienl montrés rehelles aux ordres
du roi, el avaient pris les armes eontre luí.


(1) Rernando del Pulgal', Cronica de los reyes ca-
tholicos, ch. 95.




43
L'on éLablit des corrégidors pour rendre la
justice au nom du roi, partout ou il n'y en
avait pas encore. Ces mesures vigoureuses en
imposerent tellement, dit Hernando del Pul-
gar, que la paix régnait en tous lieux; le
chevalier, qui auparavant tyrannisait le la-
houreur et l'artisan, n'osait plus lever la
tete; les portes de toutes les forteresses étaient
ouvertes, et les chemins parfaitement surs.


Apres avoir ainsi établi son autorité sur les
villes et sur la nohlesse, il ne restait plus au
roi qu'a enlever aux Maures le royaume de
Grenade, le seul qui leur restat de tant de
conquetes. IJ s'empara successivement du peu
de forteresses qui défendaient les approches
de la capital e , et, profitan t habilement des
discordes civiles, il planta bientot l' étendard
de Castille sur ce dernier houlevard desinfi-
deles. CeUe conquete eut lieu en 1492:
ues-Iors Ferdinand songea a détruire le pou-
voir des trois ordres militaires (1). Apres la


(t) Cronica de los tres O/'denes X cahallerias de S af!h'a.




44
mo.rt de GarciLopez de Padilla, vingt-neu-
vreme el dernier grand-maitre de Calatrava,
et celle de D. Alonzo de Cardanas, quarante-
unieme et dernier.grand-maitre de Saint-
Jacques, iI obtiQtdu pape qu'ils ne seraient
pas remplacés, etque lui-meme, serait
adminístrateur, jouissant du revenude la
grande-maitrise .et du pouvoir de disposer des
commanderies. Bientot apres, D. Juan de Zu-
Diga, trente-.septiem.e et dernier grand-maitre
d' Alcantara., ayant renoncé a sa dignité en
s'en réservant les revenus, le roi réllnit sur sa
tete l'administration des trois grandes-maitri-
s~.Chllrl~ V obtint apres 5a mort eeUe meme
administrationsa víe durant, et enfin , sou!>
Philippe JI, elles furent pour toujours réu-
njes a la couronne. Ces ordres, devenus inu-
tiles par l'entiere expulsion des Maures, ne
conféraient plus qu'une distinction honori-
fique, et les commanderies, destinées a ré-
compenser les services militaires, ne donne-


go, Alcantara y Calatrava, por el licenciado Fray Fran-
cisco de Radcs y Anw'ada. Toledo, 1572, folio.




45


rent plus que des revenus sans aueun pou-
VOlr.


Toutes ces mesures, cependant, n'avaient
pu erre mises a exécution san s faire un grand
nombre de mécontens qui, comprimés par la
double autorité de Ferdinand et d'}sa-
bene, n'attendaient cependant que l'occasion
de ressaisir ce qu'ils avaient perdu, occasion
que la mort d'Isabelle devait bientot leur
présenter.


L'infante D. Juana, plus eonnue dans l'hís-
toire"sous le Dom de Jeanne-Ia-Folle, qui,
apres la mort de l'infant D. Juan, son frere,
el du fils de sa sreur ainée, mariée au roi de
Portugal, se trouvait la seule héritiere des
COUl'Onnes de. Castille el d'Aragon, avait
épousé Pbilippe, dit le Beau (1), archidnc
d'Autriche, fils de Maximilien, roi des Ro-
mains, et de Marie de Bourgogne. CeHe prín-


(1) Historia de la vida I hechos del imperador Car-
lo r, por D. Prudenció de Sandoval, obispo de Pam-
plona. Pamplona, 1618.


11 est a peu pres inutile de rappeler ici que Phi-




cesse résidait en Flandre avec son époux , et
sa raison, altérée, dit-on, par la jalousie, ne
fesait pas supposer qu'elle fut jamais en état
de prendre les renes du gouvernement.


Isahelle, voyant chaque jour décli~er sa
san té, appela aupres d'elle, en 1504, son gen-
dre el sa fine: ceux-ci, laissant en Flandre
D. Carlos, leur fils ainé, qui était né l'année
pl'écédente, se haterent de se rendre a ses or-
dres. Mais Philippe (1) réussit mal a la cour
d'Espagne. Son caractere vif et léger no pou-
vait s'accommoder a la gravité castillane, el
il résolut bientot de retourner dans ses états
héréditaires. Ce fut en vain qu'IsabeI1e cher-
cha a le retenir en lui représentant que cha-
que jour il pouvait etre appelé a gouverner
une nation dont iI ne connaissait ni les
mreurs ni la langue. Il négligeait ouverte-
ment l'infante, son épouse, qui était peu fa-
vorisée des dons de la nature; elle, au con-


lippe possédait les Pays-Bas du ehef de Marie de
Bourgogne, sa mere, fille de Charles-Ie-Téméraire.


(1) Sandoval,liv. t,eh.16.




47
traire, l'aimait éperdument, et s'affli-
gea tellement de ses froideurs et de l' obli-
gation de quitter sa patrie pour le suivre, que
sa raison, déja ébranlée, en éprouva un nou-
veau choco Aussitot apres avoir donné le jour
a l'infant D. Ferdinand, qui fut par la suite
roí de Boheme et de Hongrie (1), elle quitta
l'Espagne pour rejoindre son époux, qui s'é-
tait hité de retourner en Flandre sans atten-
dre qu'elle fUt en état de l'accompagner.


Isabelle languit encore pendant quelques
mois, et mourut a Medina del Campo, le 26
novembre 1 504 ( 1). Sachant que la maladie
de sa filIe la rendait incapable de gouverner,
et indignée de la conduite de son gendre qui
ne se donnait meme plus la peine degarder
quelques dehors vis-a-vis de sa malheureuse
épouse, elle fit son testament quelque temps
avant sa mort. Elle nomma, par cet acte, Fer-


(1) Petri martyrís epístola, 250, 253.
(2) Sandoval, liv. 1; chapo 17. Anna/es de Aragon,


por el maestro Pedro Abarca de la c. de i. Salamanca,
1684, folio, t. 2, p. 361.




48


dinand son époux, régent el administrateur de
Castille,jusqu'a ce quel'infantD. Carlos eut at-
teintl'agedevingtans. Elle Juidonnaen meme
temps la moitié des revenus des Indes , el la
totalité de ceux des trois ordres militaires.


Aussitót apres la m?rt de la reine, sa fem-
me, Ferdinand convoqua a Toro (1) les cor-
tes de Castille, 6l proclamer Philippe et
Jeanne, et parvint lui-meme a se faire re-
connaitre comme régent~ mais son triomphe
fut de courte durée. Les grands de CastiJle le
connaissaient trop bien pour le voir avec
plaisir a la tete du gouvernement, et ils es-
péraient parvenir a ressaisir sous un no u-
veau regne le pouvoir qui leur avait été
3rI'aché. Un prince jeune et ignorant les usa-
ges du pays, une princesse privée de la rai-
son, leur paraissaient moins roooutables que
le vieux Ferdinand qu'ils détestaient.


La plupart d'entre eux se retirerent dans


(1) Sandoyal, liv. 1, ch. 19; Abarca, Annales deAra-
{jan, tomo 2, pago 363.




-49


leursdomainesou dal1s les vi1les ou ils'avaient
quelque influence , et commencerent a armer
leurs vassaux. Ferdil1and n'eut bientot plus
avec lui que D. Bernardino de V élasco, con-
nétable de Castille; D. Fadrique de Tolede, due
d'Albe; le marquis de' Dénia el le cardinal
Ximenes, archeveque de Tolede.


La connaissance du testament d'Isabelle ne
suscita pas moins d' opposition a la cour de
Bruxelles. Philippe fut indigné qu'on voulut
lui arracher des droits qu'il regardait comme
les siens. n fut encore excité dans son res-
sentiment par D. Juan Manuel (1), ambassa-
deur de Castille a la cour impériale qui,
aussi habile que Ferdinand, s'aper(;mt bientot
qu'il serait plus avantageux pour lui de ser-
vir un prince jeune el magnifique que de
rester fidele a son ancien maitre, dont la
générosité ne passait pas pour la verlu prin-


(1) D. Juan Manuel était d'une des plus iUustl'es
farnllles de l'Espagne. n descendait en droite ligne de
l'infant don Manuel, septieme fils de saint Ferdi-
nand, I'oí dI' Castille.




50


cipale. II encourageait, sous main, les grands
de Castille dan s Ieur résistance contre Ferdi-
naIid, et conclut avec Louis XII , roi de Fran-
ce, un traité par IequeI iI crut s'assurer l'ap-
pui de ce monarque.


Ferdinand, de son ooté,ne resta pas oisif.
II tacha d'obtenir l'adhésion de D. Juana au
testament de sa mere. Par le moyen de Con-
chilla, gentiIhomnie aragonais, qu'iI envoya
aupres d' elle, iI obtint une lettl'e par Iaquelle
elle l'autorisait a se mettre a la tete du gou-
vernement. Mais Philippe ayant découvert
cette intrigue, fit jeter ConehilIa dans un ca-
chot, chassa tous les domestiques espagnols
qui étaient aupres de sa femme, et la confina
elle-me me dans ses appartemens. La dureté
de eette eonduite acheva, dit-on, de détruire
la raison de eette infortunée reine (1).


Ferdinand ne s' en tint pas la. Il ehereha a
susciter a Philippe des embarras qui pussent
l'empecher de quitter la Flandre, et a tI'OU-


(1) Petri martJris epístola, 287.




51


ver des alliés pour se maíntenir ari pouvoir.
Une tehtátive de nüiriage avec Betránijá, filIe
prétendue batarde du roiHenri IV, dont il vou~
lait ressusciter les droits , ayant' échoué pár
l'opposition qu'y mit le roi D. Emmanuel de
Portugal, il se tourna dú coté de lá Fránce, et
demandaen mariage Germaine de Fúix, nieee de
LouisXII (J). Illui fit des ouvertures auxquel-
les ee prinee, dont les affaires en Italie n'é-
taient rien moins q.'en bon état, répondIt
volontiers. Philippe privé par la de son seul
allié fut donc obligé de consentir a un traité
que ron signa a Salamanque, et p'lr lequel
il ful eonvenu que Ferdinand gouvernerait
conjointement avec sa filIe et son gendre. (r)


Ferdinand était trop rusé et trop aceoutu-
mé a se faire un jeu de la foi des traités pOOl'
nepas soup~onner que son gendre n'avait
consentí a ees conditions que faute d'autres


(1) Abarca, Annales de Aragon, '{l. 364. Mariana,
liv.28.


(l) Mariana, liv. 28, ch. 16.




52
ressources; il craignait qu'it son arrivée en Es-
pagne, iI ne cherchAt de toutes les manieres a
se délivrer d'un contrOle pénible. Mais apres
avoir épuisé tous les moyens de le reten ir a
l'étranger , il fut obligé de consentir a ce
qu'il vintprendre possession de la couron-
ne, avec son épouse, le 28 avriI 1506, a la.
Corogne, en Galice.




e HAPITRE n.


Arrjvée de D. Philippe • la Corogne. - Son entrevue
avec Ferdinand. -:- Folie de la reine. - Cortes de
Mueientes. - DiscussÍon entre Burgos et Tolede. -
Tyrannie de D. Juan Manuel. - Mort de Phllippe.


Áussit6t que ron eut re~u la nouvelle de
l'arrivée du nouveau roi, la noblesse et les
députés des villes s'empresserent d'aller au-
devant de lui. Ferdinand, se voyant ainsi
abandonné, et sentant qu'illui serait impos-




54


sible de faire valoir les droits que lui accol'-
dait le traité de Salamanque, consentit a y
renoncer, maIgré les conseils du connétable
de Castille qui I'engageait a exiger, meme
par la force, l'exécution de ce traité. Ce-
lui-ci voyant que Ferdinand, au lieu de se
roettre en mesure de ~ésister, se préparait a
aIler au-devant de son gendre, le quitta a la
Bañeza, pres Bénavente, pour rejoindre don
Philippe. Ce fut en vain que le duc d' Albe
voulut. l'engager arester ~~ec son ancien
maitre, )usqu'a, ce qu'il' eutquiúé léterri-
toire de Castille. Si le roi Ferdinand, lui ré-
pondit-il, veut forcer son gendre a renvoyer
don Juan Manuel et a' observer le traité de
Salamanque ,je le soutiendrai de tout mon
pouvoir et avec tous les miens; mais, s'il
vent céder, je vais rejoindre mon nouveau
maitre. « Connétable, s'écria le ~uc indi~né,
je t'avais tQujours cm un hornme.,sans hon-


), , . , ." :.'


neur;, ,~a~s Je vois qu'il t'en reste encore a
perdre. ( 1). »


(1) Alcocer. Historia de las: commun,'dades,




Ferdinand entra en Galice, et s'arreta a un
endroit que l'on nomme Yanta de Conejos.
On convint que l'enlrevue des deux rois au-
raít lieu entre ce village el Puente de Sana-
bria, ou se trouvaient Philippe el son épouse,
et que les deux princes se traiteraient eomme
rois de Castille et d'Aragon. Cet arrangamenl
fut conclu par don Juan Manuel, qui, avant
de se risquer a venir au camp de l'Arago-
nais, exigea que le duc d' Albe restat en
otage a 5a place (1).


Quand les deux rois se rendirent, le lende-
main, au lieu désigné pour l'entrevue, leur
suÍte offrait le plus grand contraste. Celle du
roi d'Aragon était composée d'un petit nom-
bre de seigneurs, sans armes, accompagnés
seulement de quelques page.s. Ferdinand 01'-
donna meme a l'alcayde de los DonzeIes de
renvoyer le sien, qui portait seulement son
casque et sa lance, en dísant : «c'est avec des


(1) Sandoval, liv. 1, ch. 22 j Garibai, Annales de
Rspaña, liv. 20, ch. 7; Mariana, liv. 28, ch. 20.




56


paroles, et non avec des armes, qu'il faut
aujourd'hui, décider la question.» Il arriva le
premier, et apres avoirplacé sa suite surdeux
files, qu'il fallait traverser pour arriver jus-
qu'a lui, iI attendit l'arrivée de son gendre.


Celui-ci parut bientot, environné d'une
foule de seigneurs couverts de brillantes ar-
mures et escorté par denx mille Allemands
de sa garde. Don Juan Manuel et quelques
autres Castillans firent durement sentir a
Ferdinand, par leur insolence a son égard,
que son pouvoir était flní, et que le joug qu'il
leul' avait imposé était brisé.


Le seul connétable de Castille, honteux,
de son lache abandon, se précipita aux pieds
du roí, qui le releva et l'embrassa avec bonté.
Il traita de meme le cardinal Ximenes, arche-
veque de Tolede, et l'ambassadeul' du roí des
R.omains, qui vinrent ensuite (J) lui pl'ésen-
ter leurs hommages.


(1) Alcocer, Historia de las communidades; Abarca ,
.AIIMles de Aragon, t. 22, p. 367.




57


Les deux mis, apres s' etre salués froide-
ment, se retirer-ent sous un chene avec quel-
ques personnes de leur suite el, apres
quelques minutes de conversation, iJs se sé-
parerent mécontens run de l'aulre. Ferdinand
retourna a Yanta de Conejos, el iI n'avait
pas encore flni de diner, que les fourriers
du roi son gendre arriverent pour marquer
les logemens de leur maitre. Le roi, offensé
de ce manque d'égards, monta aussitót a che-
val et retourna a Valladolid, plein de ressen-
timent (1).


Ainsi délivré- de son beau-pere, le roi Phi-
Jippe ne restait pas cependant sans embar-
ra.s. Le peuple commenC?it a murmurer des
exactions commises par la garde allemande,
dans les lieux ou elle avait passé, et ne voulait
pas entendre parler de l'interdiction de la
reine.


La plupart des députés des villes (pro-
(1) Voyez sur cette entrevue la lettre écríte par Fel'-


dinand a n. Franci~o de Roxas, son ambassadeur él
Rome, et quí se trouve rapportée dans d' A vila, Thealro
de la santa igle.ria de YalútdQlid, page~ 629 et suí".




58


curadores), et surtout Pédro Lopez de Pa-
dilla (1), député de' ToIede, étaient sourds a
toutes les propositions qu' on leur fesait a cet
égard. Ce dernier excitait les autres a la dé-
fense des droits de la reine, qu'il prétendait
calomniée, et a exiger qu'elle fUt mise en
possession du pouvoir. Les choses en étaient
la, quand le roi Philippe se rendit a Bénaven-
te, ou son intention était de tenir les cortes.


A son arrivée dans cette ville, Philippe
fixa le jour ou les députés aux cdrtes vien-
draient lui baisel' la main, selon l'ancien
usage. Ce fut une occasion, pour Burgos et
ToIede, de renouveler leur vieiIle querelle
pour la préséance (2). Car, quoique ce point
eut été décidé par le roi Alphonse XI et son
fils don Pédro, on ne négligeait aueune ocea-
sion pour renouveler le différent. L'historien
contemporain, D. Pédro Alcocer, raconte ce


(1) Ce Pédro Lopez de Padilla était le pere de pon
Juan de Padilla, dont il sera question dans la suite de
cette histoire.


(2) Voyez la note 11 a la fin du volume.




59


qui se passa, dan s eette eireonstanee , d'une
maniere trop earaetéristique, pour que je
ehange rien a sa narration (3).


« Aussitot, dit-il, que le jour fut fixé pour
» la cérémonie, les députés de Burgos, qui
» étaient alors le licencié del Castillo et Pé-
)'1 dr9 de Carta gima, se rendirent en toute
» hate au palais, et se mirent tout aupres de
» la porte par Iaquelle ils devaient entrer
») chez le roi, un de chaque coté, et les dé-
» putés des autres villes se plaeerent derriere


.


» . eux, a mesure qu'ils arríverent.
» Le roi ayant finí la sieste ( car on était au


» mois de mai), entra dans la salle d'audien-
» ce, et l'huissier ouvrit la porte, en disant :
» Entrez, députés. Burgos entra done, et dit
» qu'ils rendaient graces au cíel de l'arrivée
» de son altesse dans ce J'oyaume. Ses deux


(1) n faut observer que cet auteur comme tous les
chroniqueurs espagnols, quand ils parlent des cortes,
ne nomme jamais les députés, mais toujours la ville,
eomme si e' était elle qui parIat et qui agIto TolCde dit
teUe chose. Burgos se leva pour répondre 7 etc.




60
» députés se placcrent enimite a droite el a
» gauche du roi. Léon entra la seconde, et
» fit la meme chose. Tou1 le monde était
» étonné de ce que TolCde ne paraissait pas;
» mais Pédro Lopez de Padilla ne dormait
» pas, el il 6t une chose que ron n'avait pas
)1 encore vue jusque-Ia. Il resta derriere les
») autres députés, el pria ensuite un arquebll-
» sier de la garde, nommé Madriléjos, de
» marcher devanl lui el de luí ouvrir un pas-
)1 sage. Celui-ci s'empressa de lui ohéir; et,
» au momenl ou lous les députés étaient déja
» réunis dans la salle, l'arquebusier entra, en
» disant: Rangez-vous, députés, faites place
» pour TolCde! Ce qu'il répéta plusieurs fois,
» en portant sa masse sur l'épaule, jusqu'a
» ce qu'íl arrivat ou était le roi. Pédro Lopez
» le suivaít, et arriva devant le roi au moment
)1 ou le marquis de Villéna disait: Ou est
» done Tolede? Pédro de Padilla mit un ge-
» nou en terre, et dil a peu pres la meme
» chose que Burgos, quoiqu'il l'exprimat en
» de meilleul's termes. Le roí luí mil les mains




61


» sous les bras, comme pOUl' le relever, el se
» leva ensuite pour répondre aux députés
D du royaume; mais le marquis de Villéna
J) luí dit l-Sire, ce n'est pas l'usage, en Cas-
» tiJIe, que le roi parle debout aux députés;
» et alors il se rassit. Pendant ce temps-Ia, le
» licencié del Castillo, député de Burgos s'ap-
» proclla de don Martin de Acuña,·député de
» Léon, et luí dít : Ne vois-tu pas que le roi
» ne se leve que pour Tolooe el pour la re-
» rnercier? Alors, don Martin, un peu trop
) hardi, se mil a genoux. a coté de Padilla; et
» cornme le roí le relevaít dans ce moment,
» ¡lluí 6t perdre l'équilibre, en le louchant,
» et le 6t retomber a genoux. Padilla le re-
» poussa d'un coup de coude, en disant:
» Quelle mauvaise plaisantel'ie est cela? Le
» marquis de Villéna dit alor5 au roi : Ordon-
» nez au député de Léon de l'etourner chez
» lui. Ce que fit le roi, en disant quelljue
» chose de gracieux a Tolede; et son oFdre
» fut exécuté. »


La reine ne tarda pas, cependant, a donner




62


de nouvelles preuves du dérangement d~ sa
raison. Pendant son séjour a Bénavente, elle
sortit, un apres-midi, pour aIler se promener
dans le bois de Pabes, accompagnée du mar-
quis de Villéna et du comte de Bénavente, el
y resta assez long-temps. Quelqu'un luí ayánt
dit que le roi voulait la laísser a Bénavente et
gouverner seul, cette nouvelle la désespéra
tellement, qu'en revenant a la ville elle entra
dans la maison d'une patissiere, et s'assit sous
l'auvent de la porte. Le roí en ayant été in-
formé,s'y rendít en toute hate; mais ni lui
ni les grands qui l'avaient accompagné, ne
purent la décider a quitter cettemaison, ou
elle coucha, au grand étonnement de toute la
ville. Comme le bruit s' étaít répandu que le
roí Ferdinand, son pere,. venait la chercher,
les deux mille Allemands de la garde du roi
furent sous les armes tou te la nuit (1), pour
s'opposer a toute tentative de cette espece. Le
lendemain, le roi et la reine quitterent Béna-


(1) Alcocer, Historia de las communidaóes.




63


vente, et se rendirent a Mucientes, ou ron
ouvrit les cortes. Le roi, apres leur avoir ex-
posé que l'infirniité toujours croissante de la
reine la rendait entierement incapable de
s'occuper d'affaires, proposa qu'elle fut déte-
nue a Tordesillas jusqu'a son entiere guéri-
son, et qu'on l'autorisat a gouverner seu!. n
demanda, en outre, un subside de 400,000 du-
cats. Cette derniere proposition fut faite par
don Juan Manuel, qui était président du con-
seil royal et contador-mayor.


Quant a la détention de la reine, les avis
furent partagés. Burgos, Léon, la moitié de
Grenade et quelques autres vilIes étaient dis-
posées a consentir a la proposition du roí.
Beaucoup d'autres, entre lesqueIles ,étaient
Guadalaxara, Madrid, Salamanque et surtout
Tolede, s'y opposaient fortement.


L'archeveque de Tolede et don Juan Ma-
nuel en ayant eu connaissance, firent appeler
don Pédro Lopez de Padilla, député de To-
Iede, dont ils redoutaient, surtout, le talent
et l'influence, et lui jurerent que la reine




64


était réellement pl'ivée de sa raison, cher-
chant a le gagner par des prieres et a l'inti-
mider par des menaces. Mais ni les unes ni
les autres ne firent aucune impression sur
luí. Il répondait toujours qu'il voulait voir la
reine et lui parler, et qu'alors iI dirait son
avis. Voyant que rien ne pouvait ébran-
ler sa résolution, ils lui accorclerent Cf> qu'il
demandait. Il la vit et lui parla; quand on
lui demanda ce qn'il en pensait, iI répondit
que les premieres paroles qu'elle lui avait
dites lui avaient paru d'nne personne raison-
nable; mais qu'ensuite elle luí avait pam plus
qne folle; mais qu'il était pret a mourir pour
soutenir les droits de sa souveraine, et qu'il
ne consentirait jamais a ce que la reine et
maitresse d'Espagne fut enfermée et retenue
contre sa voIonté. Le roi, irrité de eette résis-
tance, ordonna a Padilla de quitter la cour
etde retournerchez lui (1). Peu de jours apres,


(1) Alcoccr, Historia de las communidade.f.




les cortes se séparerent, sans avoir rien déci-
dé a cet égard.


Lesdeuxépoux se rendirent a TudéJa,aussi.
tot que les cortes de Mucientes furent ter-
minées, et l' on chercha a profiter de cette
occasioD pour opérer un rapprochement en-
tre les deux rois: ils se virent dans une église,
ou D. Juan Manuel, le cardinal Ximenes et
l'ambassadeur du roi des Romains jurerent
que la reine était réellement privée de la rai-
son. Ferdinand parut convaincu de la vérité
de leurassertion et se réconcilia, du moins en
apparence, avec son gendre; il prit, en le quit-
tant, la route d'Aragon; le duc d'Albe et le
petit nombre d'amis qui lui étaient restés
fideles l'accompagnerent jl.lsqu'a la fron-
tiere. Alcocer raconte que le roi, épuisé par
la fatigue du voyage, la chaleur et la poussie-
re de la route, cherchait vainement une fon-
taine ou il put apaisel' sa soif. Enfin, il en avait


I


trouvé une, et il allait y puiser un peu d'eau
dans son chapean, quand un berger qui se
trouvait la lui offrit une petite tasse de bois.




66


Le roí tira alors de son sein un papier qu'il fit
voÍl' 3.U duc d'Albe; aussitot que celui-ci y eut
jeté les yeux, il fit le signe de la croix d'un
air épouvanté.


Quand Ferdinand fut arrivé a la frontiere
ou l'attendaient les chevaliers Aragonnais, le
duc d' Albe mit un genou en terre pour lui bai-
ser la main, mais le rOl le serra dans ses bras
en pleurant. Il donna ensuite sa main a baiser
a tous ceux qui l'avaient suivi, meme a ceux
du rang le moills élevé , continua sa poute et
se renditpar Saragossea Barcelonne, et de la
a Naples. Apres avoir quitté Ferdinand, le
grand-commandeur de Léoll, Garci-Lasso de
la Véga, demanda au duc d'Alhe le contenu du
papier que le roi lui a~ait montré et qui avait
paru l'effrayer. Celui-ci luí- répondit que ce
papier renfermait une prédiction annon~ant
a Ferdinand qu'id'arrivée d'un nouveau roi,
il quitterait la Castille si promptement qu'il
ne ·lrouverait qu'un herger pour lui donner
un peu d'eau (1).


(1) Alcocer, Historia de las commullidadcs.




67


Le duc d'Albe et les seigneurs de sa suite
se rendírent a Valladolid aupres du roí Phi-
lippe; mais, peu satisfaits de la réception qu'il
leur fit, excite par D. Juan Manuel qui le
gouvernait entierement, iIs ne tarderent pas
ase retirer dans leurs domaines.


Manuel, fier de la faveur dont il jouissait,
se rendit odieux a tout le monde par son in-
solence et par ses exactions. n fit chasser du
conseille marquis de Villéna, l' éveque de Bada-
joz et le grand-commandeul' de Léon, Garci-
Lasso de la V éga, et chercha a éloigner des af-
faires tous les vieux serviteurs qui y avaient
pris part sous le regDe précédent. Apres avoir
fait quelque séjour a Valladolid, Philippe se
rendit a Burgos. Mais son séjour dans ceUe
derniere ville ne fut pas de longue durée; a
peine y fut-il arrivé que, frappé d'uDe m:1-
ladie morteHe, il expira le 25 décembre
1506, a l'age de viDgt-huit aDS (1). Ceue perte


(1) Sandoval Abarca, Armales de Aragon, p. 371 ;
M.aúana, \\~. 7>"0, en. ~7>.




68
éteignit dans la lllalheul'euse Jeanne les der~
nieres lueurs de la raison. Elle ne voulut ja.
lllais croire a la mort de son époux; elle avait
fait,embaumer son corps, le portait partout
avec elle dans une litiere , et un lit magni-
fique, placé dans son appartement, le reeevait
pendant son séjour dans chaque ville. Tou-
jours animée des me mes sentimens de jalou-
,sie, elle ne petmettait a aucune ferrune 'de
5a suite d'en ápprocher, persuadée par une
sotte légende qu'un moine luí avait racontée,
que son époux devait revivre' au hout de
douze ans (1 ).


La nuít meme de]a mort du rOÍ, D. Juan
Manuel, ne se eroyant pas en sureté' en Espa-
gne, prit la fuite et alla s'emharquer pour la
,F]andre. Bien lui en prit, cal' le lendemain le
connétableet le duc de Nagéra le firent cher-
chel' partont et, s'iI eut été saisi, iI eut diffici-
lement échappé a une mort ignominieuse.


(1) Pelri Martyrisepistola, p. 318,324,328,332.




Seconde régence de Ferdinand. - Il est reconnu pres-
que sans opposition. - Il fait UD exemple du mar-
quis de Pliégo el du duc de Méclina-Sidonia. - Son
testamento -- Sa mort.


Peu s'en fallutque la mort du roi Philippe
ne replongeat I'Espagne dans l'anarchie la
plus complete. La reif!e Jeanne était in'capa-
ble d'exerc~r le pouvoir, et se refusait obsti-
nément a le laisser exercer par d'autres el1




70


son nomo Uniquement oeeupée de sa dou]eur7
elle ne voulait entendre parler d'aucune espe-
ce d'affaires, ni signer ~ueun papier. Les que-
relles entre les familles puissantes, que le pou-
voirroyal était parvenua étouffer,recommen-
cerent plus violentes que jamais. Les dues
d'Albe et de Bénavente s'armerent contre le
comte de Lémos (1). Le due de Médina-Si-
donia mit le siége devant Gibraltar (~): les
divisions de la vine d'Avila (3) firent couler
le sang dans les rues; et ToIede se partagea
pour savoir si l' on reconnaitrait le corrégidor
qu'avait nommé Ferdinand, ou celui que Phi~
lippe avait choisi pour le remplacer.


Cette querelle, que l'influence réunie du
marquis de Villéna et de Pédro-Lopez de
Padilla parvint a apaiser, se renouvela au
hout de quelques jours. Deux palefreniers


(1) Sandoval,liv. 1, ch. 23.
(2) Zuniga, His!. de Sevilla, liv. 13, p. 430.
(3) Voyez Historia de las granderas de la ciudad de


Avila, pOI' Fray Luis de A viz. Alcala- de Henares t
1607, folio.




7t


ayant eu une querelle pOli" une femme, un
d'entre eux se mit a crier: Llyala! Ayala ! et
l'autre Padilla! el Sylva (J); a l'instant toute
la ville fut en armes (2), le combat dura pres
de trois heures; et, sans la valeur du comte
je Cifuentes, qui chargea les combattans la
visiere levée pour se faire reconnaltre, la
luUe n'aurait probabIement finie que par le
sac de la ville et la destruction de l'un des
deux partis. CeUe circonstance prouve com-
bien les factions étaient animées les unes
contre les autres, el que le plus léger prétexte
suffisait pour leur meUre les armes a la main.
u CeUe année dit Alcocer, les trois louves l'a-
» vis san tes, la famine, la guerre et la peste
» fondirent a la fois sur la malheureuse Es-
» pagne. La fanegue de blé valait deux ducats.
» Quatre-vingt personnes mouraient par jour,
» et ron se battait jour et nuit dans toute la,
» Castille. »


(1) Alcocer, Historia de las communidades,
(1) Voyez la note III a la fin du volume.




72


La plus gmnde partie des nohles se rappe-
]aot la maniere dont ilss'élaient comporlés
envers Ferdinand, lor8 de la mort de son
épouse, trernhlaient de le voir rentrer en Cas-
tille armé du pouvoir' souverain. Ceux la,
ayant a Jeur tete le marquis de ViJléna et
le cornte de Bénavente, cherchaient a faire
proclamer régen t du royaume l' empereur Maxi-
milien, aleul paternel de l'infant D. Carlos.
Ce prince, excité par D. Juan Manuel, ré-
fugié aupres de lui, se montra d'ahord dis-
pOllé a faire· valoir ses droits; mais la répu-
gnance qu'ínspirait aux Castillans l'idée d' etre
gouvernés par un prince également étranger
a leurs mreurs el a leur langue et, d'un autre
colé, les intrigues de :Ferdinand, aidé du duc
d' Alhe et duo cardiÍlal Ximenes,· finirent par
l'emporler. (1)


Ce dernier, qui, de simple moine, était par-


(1) Histoil'e dlt cardinal Ximenes, par E. Fléchiel';
Hi.rtoil'c du cardinal Ximenes, par l\'larsoUier. Paris,
1704, in-12.




73


veilU, par la protection de la reine Isabelle, et
malgré Ferdinand, a l'archeveché de ToIede,
le siége le plus richement dote de toute la
ehrétienté, eut assez de grandelll' d'imie
pour préférer l'intéret de sa patrie au sien
propre; et, quoiqu'il ne put espérer d'exercer
aueune iufluence sons le gouvernement de
Ferdinand qui ne l'avait jamais aimé, il n'hé-
sita pas a soutenir le parti de ee prince, paree
qu'avee l'expérienee et J'habileté qu'illui con-
naissait, il lui paraissait le plus capable d'as-
surer le repos du pays.


Ce ne fut pas la le seul serviee que eet hom-
me vérÍtablement grand rendit a sa patrie.
Continuant a observer le vreu de pauvreté
imposé par les regles de son ordre, iI em-
ploya ses immenses revenus a faire fleurir les
leures, fonda l'université d' Aleala, ou il fit
imprimer la fameuse Bible polyglotte qui
porte ee nom, et étendit la domination espa-
gnole sur la eote d' Afrique. IlIeva 11 ses frais
une armée qu'il eommanda en personne, re-
vetu par des sus son froe d'une pesan te ar-


,."




...


74
mure de fer, et conquit sur les Maures la ~ille
et la citad elle d'Oran ..


Aidé du duc d'Albe et du connétable de
Castille, iI parvint, en gagnant quelques-uns
des chef S du parti contI'aire, et en intimidant
les autres, a faire reconnaitre Ferdinand en
qualité de régent dans tous les états de la
couronne de Castille. Ce prince se hata de
quitter Naples , ou il se trouvait alors, pour
venir prendre possession de la régence.


L'ordre, troublé par les dissentions surve·
nues a la mort du roi Philippé, commen~ait,
non sans peine, a se rétablir en Castille;
quelques grands hésitaient a se plier de nou-
veau a un joug auquel ils n'étaient plus ac-
coutumés et qu'ils avaient cru brisé pour ja·
mais ( J). Le Marquis de Pliégo, jeune homme


(1) Vous ne pensiez pas me revoir sitót en Castille,
dit Ferdinand a run des nobles qui ravaient aban-
donné. Pourquoi vous etes-vous si mal conduit a
mon égard? Paree que je nc pouvais supposer, lui
l·epondit nalvement eelui-ei, qu'un vieillard vivrait
plus qu'uo jeune hommc .
~.




75


a qm ses brillantes qualités et ses immen-
ses possessions donllaient un . grand pou-
voir en Andalousie, essaya le. premier de lui
résister. JI était alcalde-major de Cordoue,
et ilvoulut continuerd'y exercercette charge,
auméprisdu décret de Ferdinandet d'Isabelle,
qui déclarait qu'au roi seul appartenait le "droit
de rendre la justice, et ordonnait que tous
les nobles qui possédaient des charges de ce
genre continueraient d' en toucher les revenus,
mais que les fonctions en seraient exercées
par un corrégidor nommé par eux (1); il osa
me me faire arrt3ter el renfermer dansla forte-
resse de Montilla, Herréra, alcalde de casa y
corte (1) que le roi yavait envoyé pour le SOID-
mer de ren~rer dans le devoir. Ferdinand, a
cette nouvelle, quitta Burgos on il se trouvait


(1) Sandoval, liv. 1, ch. 26; Abarca, Annales de
Aragon, t. 2, p. 378; Cronica del grand capilan Gon-
zaloHernandez de Cordeopa y aguilar. Alcala de Hena-
res, 1587, folio, liv. 3, ch. 6; Mariana, liv. 29, ch. 13.


(1) On appelait akaldes de casa y corte, des magis-
tl'ats que·le roí env8yaít dans les provinces exercer la
iustíce dans des occasions importantes.




76


alors, el se dirigea vers Cordoue', Cependant,
arrivé sur la frontiere de l' Andalousie, il craignit
que le marquis 'ñe lui opposat une trop forte
résistance el dit au nonce du pape qui l'avait
accompagné, «allons a Jaen , cal' le marquis
pourrait bien nous manquer de respecto Sire,
s'écria Hernando de Véga, qui se trouvait
présent: c( a Cordoue ou en Aragon !» a ce mol,
Ferdinand sentit que tout était perdu s'il hé-
sitait, et continua sa marche ~ers cette ville,
ou iI entra san s obstacle. A son arrivée, la
plupart de ceux qui avaient trempé dans I'al'-
restation ,de l'alcalde Herréra prirent la fuite,
et le marquis de Pliégo fut obligé de se sou-
mettre. Ferdinand, en considération des ser-
vices de son pere, D. Alonzo de t\guilar; qui
était tombé sous les coups des Maures dans
la Sierra. J7 ermeja, et de ceux de son oncle ,
le grand capitaine Gonsalve de Cordoue ( 1 ),
et craignant peut-etre aussi de méconten-
ter les gr¡mds, par un plus dur chtuiment,


(1) Voyrz la note IV a la fin du volume.
~,~




77


se contenta de le bannir a perpétuité de I'An-
dalousie; iI lui accorda meme, quelque
temps apres, une graee pleine et entiere.l\1.ais
tout le poids de sa eolere t~mba sur ceux. qui
l'avaient aidé dans sa révolte. Il en fit exécu-
ter plusieurs, confisqua leurs hiens, fit con-
per le pouee a eelui qui avait écrit l'ordre
d'arrestation de l'alcalde Herréra, et raser la
forteresse de Montilla, ou il avait été dé-
tenu.


11 ordonna, a la meme époque, d'attaquer
et d'enlever de vive force le chateau de Sé-
govie ( 1) dont le commandant, qui n' était que
le lieutenant de D. Juan Manuel, el avait été
pIacé par lui, refusait de le reconnaitre; iI en
rendit le gouvernement a la marquise de
Moya,a qlli il appartenait pardroit-d'héritage,
et qui, le casque en tete, avait elle-meme con-
duíl ses soldats a l'assaut.


(1) Historia ele la insigna ciudad de Segopia, por
Diego de Colmenares. Segovia, 1637, folio, ch. 36;
Sandoval.




78


Ces deux marques de vigueul' el le chati-
ment exemplaire infligé a la vi1le de Nié-
bla, établirent si bien son autorité queper-
sonne en Castille n' osa plus lui résister (1).


CeUe ville appartenait au duc de Médina-
Sidonia, qui, apres avoir bravé l'autorité
l'oyale, avait été obligé de s'enfuir en Portu-
gal (1). Niébla ayant osé recevoir a coüps de
fleches et d'arquebuses les officiers royaux,
Ferdinand en voy a contre elle le comte Pédro
Navarro avee des forees considérables. La vilIe
fut prise d'assaut et traitée, dit un historien
contemporain, comme si elle eut appartenu
aux Maures. Les femmes furent vioIées, les
hommes mis a la torture, pour Ieur faire dé-
cIarer ou était leur argent; les meubles ven-
dus en place publique, les alcaldes et les
membres du corps municipal fustigés el pen-
dus. Le duc rentra en grace quelque lemps


(1) Sandoval, liv. 1, ch. 26; Abarca, Annalcs de
Al'agon, p. 379, t. 2.


(2) Voyez la note V ú la fin du volume.




19
apres, par la médiation du "roi de Por~
tugaJ.


Telles étaient alors les mreurs de l'Espagne
et de presque toute l'Europe. Le roí punissaít
les seigneurs qui osaient lui résister, en ra-
vageant leurs domaines, san s songer que
leurs vassaux étaient aussi ses sujets. Une
ville, appartenant a un sujet rebelle, était
traitée en pays ~onquis; et les malheureux
vassaux étaíent coupables, soít qu'ils aidassent
leur seigneur a prendre les armes contre son
souverain, soit qu'ils refusassent de prendre
part a la révolte. Ces cruautés·eurent cepen-
dant l'avantage de rétablir l'ordre en Castille,


, .,


et personne n osa remuer tant que vecu!
Ferdinand.


JI pla~ la reine, sa fille, a Tordésillas , sous
la .ga'rde du marquis de Dénia, et détermina
Maximilien, enJui donnant une forte somme
d'argent, a sacrifier ses prétentions a la
régence. Se voyant libre de toute inquiétude
au-dedans, iI songea a tourner ses armes
contre la France , et envoya le duc de Nagéra




80
s'elllparer de la Navarre (1), sur laquelle il
prétendait avoir des droits, el qu'il enleva a
son légitime possesseur, Jean d'Albret. Par
eette spoli.ation; il réunit sous un me me
seeptre toutes les provinees qui forment au-
jourd'hui l'Espagne, séparées depuis la mort
du roi Rodrigue.


Ferdinand, cependant, détestait son petit-
fils, qu'il regardait eomme un rival, et eomme
devan~ lui enlever un jour le trone de Cas-
tille. Son plus grand désir était d'avoir un fils
dont la naissance le privat des couronnes
d' Aragon, de Naples el de Sieile. Ce désir
meme hata sa fin, ear, apres avoir perdu le
seul fils qu'il avait eu de la reine Germaine,
sa femme, il eut recours, dans l' espérance
d' en a,·oir un autre, a des breuvages qui
acheverent de détruire sa constitution, déja
ruinée par l'3.ge et les fatigues. 1l tamba dans


(1) Favrin, His/oire de Navarrc; Moret, Annales de
Navarre. Pamplona, 1766, folio, t. 5, liv. 35, ell. 17;
Zurita, Mariana, Ferreras , Abarca, Annales de Ara-
gon, t. 2, p. 400.




81


un état complet Je marasme, et, sentant sa
fin approcher, j} fit un testament par Jequel
illaissait la régence a l'infant D. Ferdinand,
qui, né et élevé en Espagne, était cher aux
Castillans, dont il connaissait la Iangue et les
mreurs. n lui donnait, en outre, la grande-
maitrise des trois orares militaires, ce qui
l'aurait rendu entierement indépendant de
son frere, et presque aussi puissant que luí.


Cependant la santé du roi déclinait tous les
jours; et ses plus intimes confidens, Var-
gas (1), Caravajos et Zapata luí représenterent
que ces dispositions devaient nécessairement
ameneruneguerrecivile entrelesdeux freres,et
replongerl'Espagnedans l'abime de malheurs
dont ill'avait tirée; que si la grande.maitrise
d'un seul des' trois ordres militaires entre les
mains d'un sujet lui avait donné les moyens
de braver l'autorité royale, iI était certain que


(1) Vargas était son plus intime confident. Ferdi-
nand écrivait au has de presque toutes les requeLes
qu'on lui présentait: Allerigualo j7flrgas; que Vargas
le vérifie. Ces paroles ont passé en proverbe.


(j




82


les trois ordres réunis sur la tete de l'infant
le rendraient trop redoutable a son frere;
que les grands ne manqlieraient pas de pro-
fiter des troubles qui en résulteraient pour
se rendre indépendans, et qu'ainsi tout le
fruit de son regne serait détruit.


Ferdinand, vaincu par toutes ces raisons,
consentit a changer son testamento Il institua
l'infant D. Carlos son héritier, et ne laissa a
l'infant D. Ferdinand qu'un revenu de 50,000
ducats sur le royaume de Naples, et une
somme a peu pres égale a sa femme, la reine
Germaine. Il avait a peine signé ce testament,
qu'il expira, le 2.3 janvier 1516, a l'age de
soixante-quatre ans, apres quarante-deux ans
de regne, dans une hotellerie de Madrigalyos,
ou il avait été forcé de s'arreter (1).


Ainsi mourut celui qui avait été le plus
puissant des rois de son temps. Outre rEs-


(1) Sandoyal, liy. 1, ch. 59 et suiy.; Abarca, Anna-
les de Aragon, t. 2, p. 416; Garibai, Annales de Es-
paña, liy. 20, ch. 24; Leonardo de Argensola, AnTíales
de Aragon. Sarago~a, Í610, liy. 1, ch. 1 et suiy.; Me-




83


gne, qu'il avait réunie toute entiere sous son
sceptre par son rnariage avec Isabel1e, el la
conquete de Grenade et de la Navarre, il
possédait encore les royaumes de NapIes el
de Sicile. Fin et rusé poli tique , tous les
moyens luí étaient bons pour parvenir a son
but. Il dut ses succes aux talens militaires du
célebre Gonzalve de Cordoue, el a sa perfidie
bien plus qu'a sa valeur personnelle. Ce fut
lui qui établit le premier, en Espagne, l'au-
torité royal e sur des bases solides, en réu-
nissant les trois grandes-maitrises a la cou-
ronne, en abaissant le pouvoir des grands
et dirninuant l'indépendance des villes; en-
treprise dans laquelle il fut puissarnment
aidé par la découverte de l'Amérique, qui le
mil souvent a meme de se passer de subsides.


Les lrois hornmes les plus infIuens du
royaurne, savoir, Je connétable de Castille,


drano, Continuacion de Mariana, liv. 1, ch. 1; Fléchier,
Hist. du cardinal Ximemls; Marsollier, id., liv. 5; Ris-
toire de l' administration du cardinal Ximenes, par Mi-
chelBaudier. Paris, 1635, in-4o, p. 114.




S4
Gonzalve de Cordoue et Pédro Lopez de Pa ..
dilla, gmud-commaudeur de Calatrava, l'a~
vaient Pl'écédé de quelques mois dans la
tombe, autrement son. successeur eut eu bien
de la peine a enlever aux deux derniers les
maitrises de Santiago el de Calatrava, qu'ils
convoitaient depuis long-temps. Son corps
fut porté a Grenade et enterré aupres de ce-
luí de la reine rsabelJe, dans la chapetle qu'ils
avaient batíe.




CHAPITRE IV.


Régence du cardinal Ximenes. - Résistance que luí
opposent les grands de Castille. - Troubles de Val-
ladolid. - On le calomnie aupres de l'empereul'.


L'infant D. Cal'los n'avait que seize ans a
la mort du roí son grand-pere; il avait jus-
qu'a eette époque résidé dans les Pays-Bas.
Lors de la mort de Philippe-Ie-Beau, MaxÍ-
mílien avait choisi Philippe-de-Croy, sire de




86


Chievres, pour gouverner ses étals et pour
diriger son éducation; illui ~vait adjoint , en
qualité de précepteur, Adrien d'Utrecht (1).
Ce dernier, quoiqu'assez habile dans la théo-
logie et dans ce que ce siecle ignorant appe-
lait la philosophie, était tout-a-fait incapa-
ble de diriger l' éducation d'un prince. Sa
pédanterie augmenta encore le dégout, bien
naturel a son age, que I'infant éprouvait
pour l' étude; le sire de Chievres, qui l'ins-
truisit dans le métier des armes et dans d'au-
tres exercices plus conformes a ses gouts ,
n'eut pas de peine a s'emparer entierement
de son esprit. Il eut cependant soin de l'ac-
coutumer, des sa jeunesse, a s'occuper des
affaires et de faire passer sous ses yeux tous
les papiers relatifs a l'administration et au
gouvernement de ses états. Mais il était tou h
jours resté étranger, tant par son absence que
par la politique soup~onneuse de Ferdinand,
a tout ce qui se passait en Espagne. Il ne-


(1) Jo"ius vila Adri(J¡fli.




87


connaissait ni les lois, ni les moours des
peuples qu'il était appelé a gouverner. Leur
bngue mewe était loin de lui etre fami-
liere (1).


L'état de l'Espagne exigeait cependant, plus
que jamais, une main ferme et expérimentée.
La noblesse et les "mes étaient également im-
patientes de secouer le joug que Ferdinand
leuravait imposé; etlui-memeen avait sihien
senti le hesoin, que, ma]gré son antipathie
contre le cardinal Ximenes, il avait remis la:
régence, avant de mourir, entre ses mains.
Adrien d'Utrecht, que D. Carlos, prévoyant la
mort prochaine de son grand-pere, avait en-
voyé en Espagne avcc de pleins pouvoirs pour
gouverner le royaume en son nom, fut for-
cé, par le dégout que montraient les Espa-
gnoJs pour le gouvernement d'un étranger,
de consentir a partager la régence. avec ce


(1) Sandoval, rida y !techos del imperad.r Carlos r,.
por D. Juan de Vera y Figueroa. Brusselos, 1656,.
in-4°, p. 4.




88


pl'élat, el de se contenlerd'une autorité pure-
ment nominale.


Ce ne fut pas cependant sans beaucoup· de
difficultés que Ximenes lui-meme parvint a
faire reconnaitre et respecter son pouvoir.
On déniait a Ferdinand, qui n'était lui-me-
me que régent de Caslil1e, le droit d'avoi,'
pu disposer en lllouranl de la régence; et le
mécontentement fut sur le point d'éclaler
quand Ximenes donna l'ordre de proclamer
D. Cal'los roi de Caslille. Les mécontens sai-
sirent ce· pretexte et reftlser~nt de se sou-
mettre a cet ordre, fesant valoir les dr~its de
la reine Jeanne, el De vouJant rec0nnaitre son
fils que comme régent tant que durerait sa
maladie; mais la fermeté de Ximenes rem-
porta cette fois (1).


L'amirante de Castille se présenta a la tete.


(1) Garibai, Annales de España, liv, 20, ch. 20;
Al'gensola, AnnalesdeAragoll, liv. 1, ch. 4; Medrano,
liv. 1, ch. 3 ; Marsolliel', Histoire dlt cardinal X/menes.
liv, 6; Gomerius , rita cardinales Ximénes , pages 110:
et suivantcs.




89
d'une dépulation de la noblesse, pour faire
valoir les droits de la reine Jeanne, et de-
mander au cardinal de qui il tenait ses pou-
voirs, et aquel titre il se prétendait régent
de Castille. Le cardinal produisit d'abord le
testament de Ferdinand, et, eomme on lui en
contestait la validité , il eonduisit Jes rnécon-
fens vers un balcon qui donnait sur la gran-
de place, ou une nombreuse artillerie était:
rangée en bataille, (e voilit, dit-il en la leur
montrant, les pouvoirs que j'ai re~us de
sa majesté, et avec lesquels, s'il le faut, je
gouvernerai la Castille jusqu'a ce que le roi,
votl'e maitre et le mien, vienne prelldre pos-
session de son royaume.» Celte eonduite
vigoureuse en imposa tellernent aux rnécoll-
tens, que des cet instant ils renoncerent a
toute tentative de souIevement. Mais la no-
bIes se eraignait trop l'administration du car-
dinal Xirnenes, qui regar'dait comme un em-
piéternent sur les priviléges de la couronne
chacun de ceux dont elle jouissait, pour s'y
soumettre tranquillernent ~ el elle redoubla




90


d'intrigues a Bruxelles pour le perdre dans
l'esprit du roi (1).


Le cardinal sentant bien que la nobles se ,
si elle était d'accord, finirait par l'emporter
sur lui ; chercha: a se préparer des moyens de
résistance. On ne connaissait pas encol'e en
Espagne les al'mées réguliel'es. l~es seigneurs,
a la tete de leurs vassaux, et les bourgeois
des villes se rassemblaient autour de l' éten-
dard I'oyal quand iI s'agissait d'une expédi~
tion contre les Maures et, la campagne finie,
chacun s' en retournait chez soi. Depuis la
eonquete de Grenade, les hourgeois avaient
négligé l' exercice des armes, qui, de ee,
moment, avait eessé d'etl'e nécessaire; la no-
hlesse seule était restée guerriere.


Ximenes done, prétextant une invasion
projetée par les Maures d' Afrique , mais dans
le but réel d'assurer au roi une armée indé-
pendan te de la nohlesse, ordonna qu'un cer-
tain nombre de bourgeois de ehaque ville


(1) Sandoval, Argensola, Annales de Ara{Jon, liv. 1~
ch. 7.




91


seraient obligés d' apprendre l' exerciee mili-
taire, les dimanches el jours de fetes, sous
les· ordres d' offteiers nommés par le roí; et,
afin de populariser eette mesure, ilexempta
d~ toute laxe et imposítion ceux qui s'enr61e--
raient dans cette nouveHe milice.


La noblesse vil au'ssit6t le danger qui la
mena~aít; et ,n'osant s'opposer ouvertement
a eette mesure, elle profita du méconlente--
ment qu'elle excitait dans les villes, lesquel-
les n'en sentaient pas toute la portée, se
mit a la tete de eeHes qui s'y opposaient
comme contraire a leurs priviléges, etparvint
a en empecher presque partout J'exécution.


Valladolid fut la premiere ville qui osaré.
sister aux ordres ¡de Ximenes. Le capitaine
Tapia, natif de Ségovie, y étant arrivé pour les
faire exécuter, toute la population prit les
armes pour s'y opposer; il fut obligé, pouÍ'
sauver ses iours, de recourir a la fuite. Sala-
manque, Avih, Ségovie, ToIede, qui s'étaient
d'abord conformées aux volontés du régent,
chasserent les officiers qu'elles avaient déia re-




92


«US, et déclarcl'cut (lu'clles souliendl'aient
Valladolid dans la défense de ses dl'oits. Le
cardinal voulnL réduil'e eeHe derniere vi1le par
la force; mais elle arma plus de 30,000 hom-
mes pour sa défense, se garda eomme une
place assiégée et envo-yades députés' a Bru·
xelles, pour défendre ses priviléges" aupres du
roi. Tous les seigneurs qui possédaient des
terres dans la province leverent des troupes
pOUI' venir a son aide; en sOl'te que le cardi-
nal se vit contraint de eéder et de renonee)'
a son entl'eprise (1).


eeHe répugnance des villes sauva la IDO-
narehie; cal' si lors de la guerre des com-
munes, chaque ville eut possédé une mi-
lice organisée, et exercée a manier les armes,
les régens qui furent pl'is au dépourvu n'au-
raient pu leur opposer aucune résistance, et
il est vraisemblable que jamais la maison
d'Autriche n'aurait pu remonter sur le trone


(1) Sandoval, liv. 2, ch. 18; Argensola, Annales de.
Aragoll, liv. 1, ch. 35; Gomer, Vita cardinalis Xime-
nes, liv. 6, p. 161.




93


J'Espagne; on doit incme s'étonner que le
cardinal, qui employa toute sa vie a augmen-
ter le pouvoir de la couronne, ne s'apen;ut
pas que cette institution devait nécessaire-
ment assurer l'indépendance des viHes si ce)-
les-ei, comprenant mieux leurs véritables 111-
térets, ne s'y fussent opposées avee tanl de
chaleur.


Les ennemis de Ximenes profiterent des
troubles que eeHe mesure excita presque pal'-
tout, pour achever de le perdre dans l'esprit
de D. Carlos, en representant son gouvernf-
men t comme tyran nique et odieux au peuple;
mais il parvint néanmoins a neutraliser en-
tierement l'influence d'Amersdorf el de La-
ehau, gentilshommes flamands, que .Charles
lui adjoignit successivement a la régence. Il
fut puissamment aidé en cela par le peuple et
meme par tous les grands qui, tOllt en détes-
tant le cardinal, aimajent encore mieux se
soumettre a son autorité qu'a celle d'un
étranger.


Cependant', le meeontentement des Espa-




94
gnols croissait de jour en jOur. Habitués a
voir leur souverain au milieu d'eux, ils ne
pouvaient s'accoutumera etre gouvernés
comme un peuple conquis. D'un autre
coté, l'avidité des courtisans f1amands qui
se fesaient adjuger les emplois les plus lucra-
tifs, et disposaient des autres en faveur des
plus offrans, fesait frémir de rage les vieux
guerriers castillans. Chievres, premier minis-
tre du jeune roi, était d'une avarice sordide,
et la foule qui allait a Bruxelles, eut bientot
trouvé le moyen de se le rendre favorable. Il
tira d'Espagne des sommes immenses. Ce
n'était pas le moins violent ennemi du car-
dinal, qui avait dénoncé ses exactions a
son maitre, et qui le pressait chaque jour
de hater son arrivée, afin de mettre un
terme a la désaffection qui allait toujours
croissant.


Charles lui-meme, sentant combien sa pré-
sence était nécessaire dans ses nouveaux états,
conclut la· paix avec la France (le 13 aout
1516), et se prépara a se mettre en rou te ,




95


malgré l' opposition de ses courtisans qui re-
doutaient de voir tarir la source de ces trésors
incessamment envoyés a Bruxelles pour ache-
ter les graces de la cour. Chievres qui crai-
gnait par dessus tout que Ximenes ne dévoi-
lat au jeune prince toutes les turpitudes de sa
conduite, réllssit, en abusant de l'inexpérien-
ce de Charles, et en fesant naitre chaque jour
des obstacles, a le reten ir dans les Pays-Bas ,
encore pendant un an apres la signature du
traité de Noyon. Mais enfin, sur les plaintes
des Espagnols et les avis réitérés du cardinal
et de l'empereul' Maximilien, le jeune roi par-
tit accompagné de Chievres et d'une suite
nombreuse; il aBa débarquer a Villa-Viciosa
dans les Asturies. ou il fut accueilli avec des
cris de joie par ses nouveaux sujets et surtout
par la noblesse qui était aCCOllrue au-devant
de luí de tous les poínts de l'Espagne (1).


(1) Antiquedades y cosas memorables del principado de
Asturias, por el P. Luis Alfonso de Carvallo. Madrid,
1695, folio, p. 459; Argensola, Annales de ,dra{fon,
liv. 1, ch. 45; Medrano, livre 1, chapo 5.






CHAPITRE V.


Arrivée de Chal'les Ven Espagne. - Mort du cardinal
Ximenes. - Mécontentement excité· par l'avarice
des Flamands qui se font donner les principaux
emplois. - Cortes de Valladolid. - Mécontente-
ment des villes. - Charles est élu empereur.


Aussitót que le cardinal eut appris l'arrivée
du roi, iI se mit en route pour aller au-devant
de luí. Mais, soit que son grand age ne put
supporter les fatigues de la route, soit qu'une
main ennemie lui ait fait donner du poi son ,


7




98


eomme quelques uuteul'S semblentl'insinuer,
il tomba malade a Arunda. Se sentant pres de
sa fin, iI écrivit a Charles pour l'engagel' ~l
renvoyer lesétrangers tifui portaient ombrage
aux Espagnols, et lui demander une entl'eVlJe.
C' était ce que ses ennemis craignaient le plus;
ils ne négligerent ríen pour I'empecher. Charo,
les, trompé par leurs calomnies, écrivit
au cardinal une lettretres-froide dans laquelle,
sans répondre a ses demandes, il l'autorisait
a aller jouir, dans son diocese, du repos que
son grand age lui rendait nécessaire. Ce pré-
lat, affaibli par les années aútant que par 1a
maladie, 00 supporta pas ce dernier coup avec
son courageordinaire; une teUe ingratitude
et la prévision des malheurs qui mena<;aient
son pays, briserent entierement son ame;
il expira, peu d'heures apres avoir rec;u cette
leure, le 8 novembre 15 I 7 (1).


(1) SandQval, Argensola, Annoles de Aragon, liv. 1,
ch. 47; Ahraro, Gomer de rehus· gestis a Francisco Xi-
menio. AII<ala, 1569, folio; Médrano, liv.l, ch. 5;
P. Marryri epistola, p. 599 et 60 1; MarsoUiel', Hútoire




99


Ainsi finit le ministre le plus habile et le
plus integre qu'ait jamais eu I'Espagne. C'est,
comme le dit tres-bien Robertson (1), le seul
exemple dans' l'histoire d'un ministre aussi
célebre par la sainteté de sa víe que par l'ha-
bilelé de sa conduite, el auquel les peuples
qu'il gouvernait aient aUribué le don des mi-
racIes.


Charles se rendit d'abord a Valladolid, ou
il"avait convoqué les cortes, et parvint, non
sans peine, a se faire reconnaltre comma roi
de Castille par ceUe assemhlée; fideles a
leurs ancÍens usages, les députés voulaient
maintenir les droits de la reine Jeanne; il
n'obtint leur consentement qu'a la condition
expresse que le nom de sa mere précéderait
le sien sur tons les actes , el qu'eIle rentrerait
dans tous ses droit~ si jamais elle venait a
reconvrer l'usage de la raison. On lui accorda


du cardinal Ximenes, liv. 6; Baudier, Histoire du car-
dinal Ximenes, p. 211 et suiv.


(1) Húfory ofCharles r,liv. 1.




'100


'en me me tempsUll subside de 600,000 dllcats
,pour trois ans.


La premiere difficulté qUl s'éleva dans ceHe
assemblée des cortt~s, fut de savoil' si on laís-
serai:t siéger les étrangers quiavaient été éle-
vés a des,emplois ou a des évekhés. Le DI'.
Zumel, député de Burgos, s'y opposa coma-
geusement, et il y mil tant de persistance, que
la plupart des dépUlés refuserent le serment
jusqu'a ce que Charles eut juré I'observation
de leurs priviléges et des lois du royaume,
spécialement de celle qui défendait de don-
neraucun emploi a des étrangel's, celuí-ci fut
obligé d'y consentir, voyant bien que, sans
cela, iI n' obtiendrait rien (1 ).


Cependant le mécontentement augmentait
tous lesjours, tant par I'insolence et la rapa-
cité des courtisans flamands, qui allaient j us-
qu'a appeler publiquement les EspagnoIs,
leurs Indiens ~ que par le manque de paroJe


(1) Santloval, liv. 3, ch. 8; Davila, Theatro de la
santa iglesia de Burgos, p. 31; Al'gensola, Annales de
Aragol!, liv. 1, ch. 4, 41,42: ~Iédl'ano, liv. 1, ch. 6.




101


du roi. Sauvage fut nommé chancelier de Cas--
tille, et Guillaume de Croy, neveu de Chie-
vres, qui n'avait pas meme l'age canonique,
fut promu a l'archeveché de Tolede, qui était
la premieredignitéecclésiaSlique du royaume.
Chievres lui-meme fit sorlir d'Espagne des
sommes immenses, el la monnaie d' 01' était
devenue si rare, que Sandoval rapporle, que,
quand on en trouvait une piece, on lui disait:


Doblon de a dos nora buena estedes
Pues con vos no topo Xebres.


Salut, doublon, salut, puisque Chievres ne
vous a pas encore trouvé (1).


D'un aulre coté, la difficulté avec laquelle
le jeune prince s'exprimait en espagnol
fut prise pour de l'incapacité. On se disait
tout has qu'il tenait de l'infirmité de sa mere.
Une nouvelle tentative que l'avarice dicta- a
Chievres fit écIater le ressentiment de la na,.
tion , qui espéra profiter , pOlir recouvrer ses


\\)~al\\\~'i¡'/>.\, \\.'i.'i>, ~n.'l.; h.\"'i)~e", H'st"l"ad" la.
commllnidades.




102


anciennes libertés, de la nécessité ou la mort
de Maximilien mettait Charles de se rendre en
Allemagne, afin de faire valoir ses droits a la
eouronue impériale, que lui disputait Fran-
~ois ¡er.


Chievres, pour augmenter les revenus
royaux, dont iI disposait a sa volonté, ima-
gina d'augmenter les .A ¡cabalas (1) et de frap-
per d'une taxe la noblesse qui .en avait tou-
jours été exempte. II manoouvra si bien et lit
tant, par ses promesses et ses menaees, qu'il
obtint le consentement, non-seulement de
plusieurs seigneurs, mais encore eelui de quel-
quesvilles. II trouva pourtant une forte op-
position daos Tolede, ville puissante et riche,
et non IDoins jalouse de sa liberté. Il tourna


(1) L'alcabal est un impot que les Espagnols ont
imité des Maures. e'est un droit qui se paie surtoUs
les obfets mobiliers qui se vendent. Cet ¡mpot estd'au-
tant plus oppressif, que certaines denrées passent pal'
un assez grand nombre de mains avant d'arriver au
consommateur, et que le dmit doit etre payé chaque
foís, ce quien auglllente le pl'ix d'une manKI'e ex-
cessive.




103


. d'ahord ses efforts de ce coté, persuad4 :tvec
raison, que, s'il obtenait le consentement de
cette ville, aucune autre n'oserait résister. JI
gagna quelques-uns des régidors et des prín-
cipaux habitan s par l'appat des recompenses;
ils se chargerent de faire accueillir sa pro-
position par le conseil de ville, persuadés que-
leur influence serait assez forte pour que per-
sonne n' osat résister a une proposition qui-
serait appuyée par eux.


lIs réunirent done le eonseil et lui firent
part des demandes de Chievres, en les ap-
puyant par dds argumens spéeieux, et met-
tant en avant le service du roi. Elles furen!
aceueillies avee des applaudissemens par ceux
qui étaient dans le secret; ils s' écrierent
d'une voix unanime qu'ils étaient prets a sa-
crifier tout ce qu'ils possédaient a Ieur bien-
aimé souverain. Mais D. Juan de Padil1a,jeune
homme d'une des plus illustres familles de
ToIede (1) " et fils de Lopez de Padilla, qui


(1) La famille de Padilla était une des plus iIlus-




104


avait représenté ceUe ville dans plusieurs as-
&emblées de cortes, combattit vivement cette
proposition. t< Jamais, s'écría-t-il, je ne con-
sentirai a ce que la noblesse de Castille et
Léon soit rendue tributaire. C'est nous qui
ayons conquis ces royaumes; nos terres sont
le prix de notre sango Jamais Alphonse VIII,
ni ceux de ses successeurs qui ont tenté cette
mesure n'ont pu la mettre a exécution, et je
suis pret a mourir pour la: défense de nos
droits.»


1: éloquence el la chaleur avec lesquelles
avait parlé Padilla, firent un te} effet. sur le
conseil, que la majorité se rangea de son coté;
en sorte que les auteurs deJa proposition n'en
retirerent que la honte de l'avoir faite. Quand
l'assemblée se fut séparée, un grand nom-
bre de ses membres, ainsi qu'une foule de
peuple, accompagna Padilla jusque dans sa


tres de Tolede et meme de toute la Castille. Elle avait
donné trois grands-maitres et une infinité de dignitai-
l'es a l' ordre de Calatrava, et avait toujours occupé les
premieres charges de la ville,




105


maíson. Son pCI'e le voyant arrlver avec ce
cortége, et ayant été informé de ce quí ve-
naít de se passer, alla au-devant de luí, el le
serrant dans ses bras: «Juan, luí dit-il, tu as
parlé eomme un gentilhomme digne d'une
raee telle. que la tienne; mais je crains bien
que le roi notre sire ne te paie fort mal du
service que tu viens de lui rendre (1). »


Ce sueces enhardilles Tolédans, et, de con-
cert avec Ségovie el A vila, ils envoyerent des
députés a toules les autres villes du royaume
pour leur proposer de former une alliance,
qui prit plus tard le nom de communidad. Ces
vales, ainsi quecelles de Cuen<;a,Jaen el quel-
ques autres, envoyerent des députés au roi, qui
se lrouvaít alors a Valladolid, pour le prierde
ne pas sorti .. du royaume. Ceux qui se mon-
traient, a ToIede, les plus zélés défenseurs de
la liberté, étaient D. Juan de Padilla, dont
nous venons de parler; D. Pédro' de la V éga,


(1) AlcocCl', Historia de las cammullidades. Voyez la
note 6 a la fin du volume:




106
fils dugrand-commandeur de Léon, et D.
Herllando d' A valos, lous trois gentilshommes
de haut lignage, el alliés aux principales fa-
milles du royaume. Les dissentions entre ellX
etceux qui soutenaient le parti de la couren
vinrent jusqu'a tirer le poignard en plein con·
seil.Le roi, apprenant ce qui se passait, en-
voya a Padilla el a ses principaux adhérens,
l'ordl'e de le rejoindre a la Corogne, pOUI' ren-
dre oompte de leur. oonduite. Mais don Juan,
tout en feignant d'ohéir, 6t répandre le bruit
qu' on l' attendait pour le livrer au oourreall ( 1 ).
Toute I~ ville aussilÓt se Jeva en masse pour
l~empecber de partir; el, comme iI feignait de
persister dans son dessein, on l'enferma dans
une église, ou on le retint prisonnier pour
l'empecher, disait-on, de courÍr asa perte, et
de priver sa patrie de son plus ferme appui.
L'on expulsa de Tolede le corrégidor Juan de
Sylva, qui avaÍl toujollrs suivi leparti du roi,


(1) Sandoval,liv. 5, ch. 20; Alcocer, Hist. de/as
communidades.




107


en le déc1arant traitre a la patrie. aimi qu'une
grande partie de la noblesse; ron s'empara du
chateau et des fortifications, en chassant les
troupes et les officiers du roi, et les l'empla-
~ant par ceux de la ville; 1'0n choisit enfin
les membres d'un nouveau conseil pour gou-
verner ToIede au nom du roí et de la commu-
nidod, car il est a remarquer que, dans tous


. les troubles, on ne méconnalt jamais les droits
du roi; on prétendit seulement se soustraire
a l'influence abnsive qu'exer~aiént sur luí les.
ministres étrangers ( 1 ).


Ce fut dans ces mcheuses cÍrconstances que
Charles, qui n'avait pas mieux réussi dans ses
états d' Aragon, se détermina a se rendre en
Allemagne et a risquer une couronne qui
chancelait déja sur sa tete, pour courir apres
uneautre qui lui était vivement contestée.
Heureusement que, des son alTivée en Espa-


(1) Alcocer, Historia ·de las communidades; Argensola,
Annales de Aragon, liv. 1, ch. 47, ch. 100; Medrano,
liv.l,ch.9.




lOS


glle il a\'ait, sous un prétexte speCleux, en-
voyé son fl'ere en Allemagne. Car si ce jeune
prince, qui avait gagné lecreur de lous les
Espagnols, élant né et élevé parmi eux, se
fUt trouvé en CastiUe pendant l'absence de
son frere, il n'y a nul doute qu'il n'eut été
proclamé roía la place de U. Carlos, el que les
mouvemens qui eurent líeu alors n'eussent
en une toute autre issue.


Charles, avant son départ, convoqua de
nouveau les cortes a Compostelle, en Gali-
ce. n n'ignorait pas le mécontenfement géné-
1"al, et devait redouter avec raÍson d'y trou-
ver une forte opposition. Mais ses courtisans
avaient dlSsipé les trésors qu'avait amassés
Xi menes et celui qui avait été voté par les
cortes de Valladolid. Il se voyait donc ohligé
de solliciter de nouveaux suhsides pour faci-
lite!' son électioll a la couronne impériale,.
objet de tous ses vreux.




e HA PITRE VI.


Cortes de Galiee. - Troubles de Ségovie. - Mort de
D. Antonio Tordésillas. - S0111evement de presql1e
toutes les villes.


La nouvelle du départ du roí pour l' Alle-
magne, apres un aussi court séjour. el avant
d'avoir porté remede. a aucun des griefs du
pays, fit le plus mauvais effet. Le méconten-
temenl fut encore augmenté par le choix d'u-




110


ne pro"\iince aussi éloignée que la Galice pour
y tenir les cortes, et par cette demande de
nouveaux subsides avant· que le délai fixé
pour payer ceux qu'avaient accordés les cor-
tes de Valladolid fut entierement écoulé.
Toules les villes que Charles traversa lui firent
des remontrances; quelques autres, et parti-
culierement Tolede, luí envoyerent des dépu-
tés pour le prier de ne pas abandonner ses
états. Bien loin de vouloir accorder de nou-
veaux suhsides, on mena~ait de refuser le
paiement de celui qui avait été accordéa Val-
ladolid; le clergé protesta énergiquement
contre la donation que le pape avai~ faite all
)'oi de la dime des revenus de l'église. On es-
saya meme dan s plusieurs endroits de s'op-
poser de force a son départ.


Ce ful sous ces facheux auspices que les
cortes se réunirent a Compostelle. Toules les
villesavaientordonné a leurs députés de s'op-
po ser entierement aux prétentions de la cou-
ronne. Quelques-unes me me avaient refusé
d' en envoyer. A ToJede, oil, en vertu d'un an-




111


cien droit, les représentans étaient choisis an
sort parmi les membres de l' ayuntamiento,
ou conseil municipal, on refusa a ceu,," sur
qui le sort tomba, de signer leul's poo-
voirs, paree qu' on les savait dévoués au,," ¡nté-
rets du roí, et l'on envoya deux députés a
Compostelle pour protester contre l;iUégalité
detollt 00 qui s'y passerait. Ceux deSalaman-
querefuserentdeprétel' serme-nt jusqu'it ceque
l'oneutchangé le líeu de convocation. Le roí,
irrité de re mfus leur ordonna de sórtir de la
ville et alla meme jusqu'a défendre aux habi-
tans de les I'ecevoir chal. eux sous les peines
les plus graves. Murcie, Toro, Madrid, Cor-·
doue et quelques autres villes refúserent de .
nOlDtner des députés pour assister a une as-
sembléeqll'elles regardaient comme illégale.


Cependant, les ministres de Charles ne né-
gligeren t ni argent, ni promesses, ni menaces.
n. Alonso Manrique, éveque de Badajoz,
~\l'<.l)1;~ ue n:aTaTlguer \es cor'les au DOID au
roí, {eur représenta {'honneur qní rejaillíl'ait
sur I'Espagl'le de l'élévation de son souveraill




112


a la dignité impériale; il leur promit qu'il
reviendrait promptement; que, pendant son
absence, l'infant D. Ferdinand viendrait rési-
del' en Espagne (promesse que ron se garda
bien de tenir par la Imite), et qu'il ne donne-
rait plus dan s le royaume aueune place a un
étra nger (J).


De son coté, la noblesse que Charles avait
cherché a se concilier de toutes les manieres,
et qui ne voyait pas sans inquiétude l' esprit
de liberté qui commen~ta se manifester dans
les viUes, se rangea dans cette occasion du
coté de la COUl'; la majorité des députés finit
par accorder le subside demandé, malgré
les instructions pObitives qu'ils avaient re'Smes.
Pour auénuer le mauvaiseffet que devaitpro-
duire cette condescendance, ils présenh~rent
en me me temps au roi une requete contenant
tOU3 les griefs dont la nation ~I'oyait avoir a
se plainure. Charles, comme c'est l'usage en


(1) Sandoval, liv. 5, ch. 14; Argensola ,Annales de
AragQn, liv. 1, ch. 98.




113


pareil cas, prit l'argent, re~ut, en raisant de
belles promesses, cette requete trop tardive ,
et s'embarqua pour se rendre ou son ambi-
tion l'appelait. Il fit venir avant son départ,
ceux des grands qui avaient assisté aux cor-
tes, et c'étaient le rnarquis de Villéna, le
connétable de CastilIe,Je cornte de Bénavente,
le duc d'Albuquerque, le duc de Médina-Céli,
le rnarquis d' Astorga, le comte de Lémos et
le comte de Monterey, illeur présenta le car-
dinal Adrien, choisi par luipour gouver-
ner I'Espagne pendant son absence ( 1), sans
ten ir compte des observations que la plupart
d'entreux lui firent sur ce qu'il était étran-
ger.


Les cortes se séparerent aussitOt le départ
du roi. La plupart des graods se rendirent
dans leurs tenes, et les députés allerent reo-
dre compte aux villes qui les avaient en-
voyés ..


La nouvelle du départ du rOÍ, et la condes-


(1) Sandoval, liv. v, ch. 26.
8




114


'Ceudallceque les cortes avaienl montrée a
l' égard deses dernieresdemandes, firen t éclatel'
pal'tout le feu l'insurrection,Le premiermou-
vement eutlieu a Ségovie (1 ), Un des deux
.députés de cetteville, D. Antonio de Tmdé-
sillas, qui avait voté en faveur du subside
demandé par leroi, eul néanmoins l'audace
-de se présenter devant le conseil de ville pom
,rendre, selon l'usage, compte de sa mission. A
.peinelebruitdeiOn arrivée fut-ilrépandudans
la ville, que la place sur laquelle est située
l' église de St-Michel, dans laquelle l~ conseil
était rassemblé, fut en un instant couvel'te de
monde; On voulut essayel'd'en fel'merles por-
>tes; mais le peuple mena~ant de les briser, el
.de massacI'er tous; les. membres du conseil,
Tordésillas prit son parti avecun courage di-
gne d'une meilleure cause. Il se présenta au


(1) Colmenaros, Historia deSegollia, ch. 37; Sando-
val, liv. 5, ch. 31 j Pedro Mexi~a, rida de Carlos ri
Davila, Theatro de la santa iglesia de Segollia, pago 571;
Argensola, Annales de Aragon, liv. 1, ch. 103; Medra-
no, liv.1,ch. 9.




115


peuple le chapeau a]a main, en disant: «Mesa
sieurs, je suis venu pour rendre compte au
conseil de ma conduite, et, si vous voulez, je
le ferai dan s ce moment et en votre présen-
ce. u Ces paroles furent le signal d'un tumulte
efTroyable, les uns voulaient se jeter sur lui
pour le massacrer, les autres demandaient
qu' on le ]aissat parlero Tordésillas, voyant
qu'il ne pouvait parvenir a se faire entendre,
tira de son sein ~n mémoire justificatif de sa
conduite, qu'il présenta au peuple; mais on
le luí arracha el on le mit en morceaux de-
vant lui. La fonje se précipita sur lui pour le
trainer en prison; mais malheureusement elle
se trouva fermée lorsqu'on y arriva. Alors un
cri de mort s'éleva parmi la fouJe;·un miséra-
hle cardeur ge laine, qui fut dans la 'suite peo-
du pour ce fait, apporla une corde et la luí
mit au cou. La fouJe le traina ainsi, en racca-
hlaot d'injures et de coups, jusqu'au líeu
ordinaire des exécutions.


Les religieux de St-Franc.?0is, dont le gar-
dien d'alors se trouvait etre le propre frere de




116


TOl'désillas,firent de vains efTorls pOllr le san-
ver.Les éhanoines de la cathédrale,qui sorti-
reot en procession, précédésduSt-SaCl'ément,
ne furent pas plus heureux. Un moine oblint
cependan tia permission de l' en tendre en con-
fession; mais a peine se fut,;.il approché ,de
lui que;la foule voyant qu'on ne cherchait
qu'agagner du temps ponr le sauver, se jeta
de nouveau sur ce malheureux, el le traina
vers le gibel, le mallraitant si cruellement
qu'ils n'eurent bientot plus entre les tnains
qu'un cadavre qu'ils suspendirent par les
pieds; iI resta ainsi exposé pendant plusieurs
jours sans que personne ósat donner la sé-
puIture a ses restes. La multitude alla ensuite
ravager sa tnaison el tout ce qu'il possédait.


On destitua tous les officiers royaux, et l' on
en nomma ,d'autres au nom de la communi-
dad. Le peu de bourgeois qui l'esterent atta-
chés au parti du roi, ayantaIeurtete lecomte
de Chinchon, el son frere D. Diégo de Bova-
diJla, se réfugierent dan s le ch:heau qui est un
des plus fOl'ts de l'Espagnc, el parvinl'enl,




117


quoiqu'ils fussellt serl'és de pl'es par ceux de
la viUe, a s'y maintenir jusqu'a la fin des tl'OU-
bIes.


Zamora (1) excitée par son éveque, D. An-
tonio de Acuña, prit les armes le meme jour
queSégovie.Ses députés avaient, malgré leurs
promesses, consentí a la demande de subsi-
des. Le peuple les chercha partout ponr les
lllaSSaCl'er; mais comme ils étaient parvenus a
se réfugier dans un couvent aux environsde
la ville, ils furent pendus en effigie. Burgos
se souleva aussi, mais l'influence du doyen
du chapitre, D. Pédro Suarez de V élasco, fils
du dernier connétable, qui y jouissait d'llne
grande considération, empecha que les désor-
dres n'y prissellt un caractere aussi g.rave. Ce-
pendant la populace pilla et brilla un assez
grand nombre de maisons et massacra un
FI'an9ais nommé Jofre, qui ne voulut pas


(1) Sandoval,liv. 5, ch. 38; Argenso)a, Annale.r de
Aragon,liv. 1, ch. 103.


(2) Sandoval, liv. 5, ch. 38; Argensola, Annales de
Aragon, liv. 1) ch. 107.




118


rendre le chateau de Lara, qu'il tenait pour
le rOl. Le connétable D. Inigo Lopez de V é-
lasco, qui, heureusement pouda cause royal e,
se trouvait dans les environs, arriva en
tonte hate , parvint a arreter le mouvement
et a empecherque Burgos ne prit une part ac-
tive dans les troubles qui suivirent.


A Gnadalaxara ((), le peuple démolit les
maisonsdeD. Luis etD. DiéguedeGusman,qui
avaient représenté la ville aux Cortes, el procla-
ma>pour son chefPédro de Coca, charpentiel'.
Mais D. Diégo Hurtado de Mendoza, troisiinne
duc de l'Infantado, qui était tout-puissant
dans ceUe ville, I'éussit a apaiser le tumulte
et a s'emparer de la personne de Pédl'O de
Coca, qu'il fit étmngler dans la prison.


A Madrid (2), l'arrivée de l'alcalde Hel'l'éra,


(1) Historia ecclesiastlca y seglar de la muy noble y
muy leal ciudad de Guadalazara, por Alomo Nunez de
Castro. Madrid, 1653, folio, liv. 3, p. 159; SandovaJ,
liv. 5, ch. 17.


(2) Sandoval,liv. 5, ch. 15; Argensola, AnnaleJ'dc
Arago/l, liv. 1, ch. 43.




119


qui y fut envoyé par le régent, fut le signal
de la révolte. A peine le bruit de son arrivée
fut-¡l répandu, que les habitan s se souleve-
('ent en lllasse ; l'alcalde n' eut que le temps de
s'enfuir avec D.Francisco de Vargas, qui
cornrnandait pOUI' le roi. La populace, mru-
tresse de la ville, alIasur.le-champ attaqtier le
chateau, ou elle espérait trouver des armes.
MaisDona Ines de Carvajal, fernmede Vargas,
le défendit vaillarnment etne le rendit qu'au
bout de quelques jours, quand le peu de
soldats qu' elle avait avec elle eut été mis hors
de combato


Pendant que ceci se passait, les autres
provinces n'étaient pas plus tranquilles. L~
peupleprit les armes a Murcie (1); le corrégi-
dor et un des alcaldes fUl'ent tués dans le tu .
multe. L'alcalde Léguizana, que le régent y


(1) Cascales J Di.fc. hist, de la dudo d~ Murcia, Dis ..
cursio. 16, ch. 2 etsuiv.; Sandoval, liv. 6, ch. 14;
Nobiliarlio armas y triltmfos de Galicia J por Frey Fe-
lipe de la Gandara, Madrid, 1677, folio, p. 537; Ar
~ensola, .Á.nnales de Arall.lln > liv. t> ch.. t08 ~ M ... ma.-
no, liv. 1, ch. lO,




120


avait envoyé, ayant voulu faire chfttier un
cordonnier accusé d'avoir trempé dans un de
cesmeurtres,lepeuple se souieva de nouveau,
et le marquis de los V élez, gouverneur de la
province, ayant p'ris]a fuite en abandonnant
Léguizana, celui-ci ne dut la vie qu'aux solli-
citations de D. Diégue de V éra, qui avait ]a
plus grande influence sur' le peuple; l'alcalde
vou]ut essayerde ras~emblerquelques forces,
mais les habitans de Murcie s' élant réunis a
ceux de Lorca, ils s'avancerent contre lui au
nombre de plus de 8,000 hommes; se voyant
hors d'état de leur résister, il fut obligé de
licencierson armée, et de reprendre en toute
hAte la route de Valladolid. A Salamanque, un
cabaretier nommé Bolléria s'empara dn pon-
voir etfit piller la plupart des maisons de la
noblesse; il mena un corps considérable au
secours des communes, mais n'ayant pu ar-
river a temps, ses partisans se débanderent
et lui-meme fut pris et pendu. (1 )


(1) Compendio historico de la ciudad de Salamanca,




121


Pour comble de malheur, toutes les que~
relIes particulieres se renouveIerent ; chacun
chercha, sous le prétexte du bien public, a
venger ses anciennes injures. C'est ainsi qu'a
Baeza( 1 ),Caravajal,seigneurdeJodar, assassina
dans sa liliere D. Luis de la Cueva, chef de la
maison des Bénavides, et que D. Alphonse, fils
de ce dernier, saccagea et brúla le bourg de
Jodar. A Cuenc;;a (a) un fabricant de mords
de brides, nommé Calahorra et quelques au-
tres illdividus de la meme condition, s'empa-
rerent du pouvoiret accabIerent d'outragesD.
Luis de CariI10 de Albornoz, seigneur de Tor~
ralva; la femme de ce dernier, Dona Jnez de
Vanienta, résolut de venger l'injure faite ason


por D. Bernardo Dorado. Salamanca, in-4°, ch. 52,
S 6 ; Hisloria de las antiquidades de la ciudad de Sala-
manca, por Gil Gonzales Davila. Salamanca, 1606,
in-4°, liv. 3, p. 457.


(1) Sandoval, liv. 6, ch. 6; Argensola, Annales de
Áragon,liv. 1, ch. 108; Medrano, liv. 1, ch. 10


(2) Sandoval, liv. 7, ch. 7; Historia de la muy noble
y muy leal ciudad de Cuenfa , por Juan Pablo Martyr
Rizo. Madrid, 1629, folio parte 1", ch. 11.




122


mari , ayant invité a diner les principaux
chefs du peuple, elle les enivra, les fit ensuÍte
massacrer et pendre aux fenetl'es de sa mai-
son par ses dQmestiques.


Le comte de Luna, qui avait été dépulé de
Léon aux cortes (1) el avait consenti aux sub-
sides que le roi demandait, fut insulté en
plein conseil par Ramiro Nuñez de Gusman,
chef de la maison de ce nom, qui était attaché
a l'infant D. Ferdinand. Les deux partis en
vinrent aux mains dans les rues, le comte,
apres avoir soutenu un combat acharné, ful
obligé de monter a cheval et de s'enfuir a
Valladolid. Jaen, en Andalousie, Cacél'es et (:2 )
Badajoz, en Estramadure, se souleverelll éga-
lement; le malheureux cardinal, qui avait en
toute hate gagnéValladolid, recevait de ton tes
parts les nouvelles les plus affligeantes. Sur
dix-huit villes qui ont voix aux cortes, quinze


(1) Sandoval, liv. 6, ch. 10; Al'gensola, Ann,ales
de .dragon, liv.l, ch. 108; Medrano, liv. 1, ch. lO.


(2) Sandoval, li v. 6, ch. 5.




123-


étaient en armes, el son autol'ité Be s'élen-
dait guere au-dela des murailles de la ville ou
il se trouvait: encare avait-il bien de la
peine a la faire respecter.






CHAPITRE VII.


Mesures que prend le cardinal Adricn pon!' tacher de
rélabli!' l'aulorité royale. - Il envoie contre Sdgo-
vie l'alcalde Ronquillo el D. Antonio de Fonséca. -
- Courageuse défense de cette ville. - Elle cnvoie
demander du sccours a TolCdc, qui lui en voie D. Juan
de Padilla. - Incendie de Médina. -- Lettre de cette
,ille a Valladolid.


Le caí·dinal se hata de donnel' avis au rOl
de ce qUi se passait, il convoqua le coilseil
de régence pOUI' déJibérer sur les mesures




126


que l'on devait prendre en attendant ses 01'-
dres. Les principaux membres du conseil
étaient Don Alonzo Tellez Giron , Hernando
de V éga, grand-commandeur de Castille;
Don Juan de Fonséca, éveque de Burgos;
Don Antonio de Fonséca, Francisco de Var-
gas, grand-trésorier, et Don Antonio de Rojas,
areheveque de Grenade. Aussitot apres le tu-
multe de Ségovie, la noblesse et les régidors
de eeUe vilie, avaient envoyé quelques-uns
d' entre eux au cardinal pour lui exprimer
leurs sinceres regrets de ce qui s'était passé,
et l'assurer que la populace seule était
coupable, qu'ils feraient punir séverement
eeux qui pourraient etre convaincus d'avoir
trempé dans le meurlre de 1'infortuné Tor-
désillas. Mais, malheureusement, en l'absence
du cardinal, ce fut l'archeveque de Grenade,
homme tres-violent, qui les rec;ut. lIles acca-
bla d'injures et de menaces, el refusa de les
écouter. lIs l'etournerent done a Ségovie;
le récit de la maniere dont ils avaient été
tl'aités aeheva de déterminel' ceux qui hési-




127


taient encore a se déclarer en favcur des
communes (1).


Quelques membres du conseil opinaient
pour que ron cherchat a ramener, par la dou-
ceur, les esprits que les fautes du gouver'ne-
ment avaient aliénés; mais le parti violent, a
la tete duquel était l'archeveque de Grenade,
finit par l' emporter, et ron décida, enfin,
qu'il fallait envoyer des troupes contre Ségo-
vie et faire un exemple de cette ville ..


eette mission fut confiée a l'aleade de Ca-
sa y Corte, Ronquillo, homme déja connu
par son caractere dur el sévere; cette ville,
voyant qu'elle devait s'attendre a etre traitée
sans pitié, ferma ses portes, arma ses habi-
tans, envoya demander du secours a Tolede ,
el se prépam a une resistance désespérée (2).


Tolede, ayant rec;:u la leUre (1) par laqueIle
Ségovie lui demandait du secours, résolut de


(1) Sandoval, liv. 5, ch. 5.
(2) Colmenares, Hist. de Segopia, cb. 37.
(3) Voyez cette lettl'e dans Sandoval, livre 5, cha-


pitre 44.




128


ne pas abandonner son alliée Elle lui en-
Yoya, d'abord, 800 fantassins et 300 chevaux.
Les habitans de Ségovie, encouragés par ce
secours, et pour se venger de Ronquillo, qui
fesait afficher partout des proclamations
dans lesquelles il les déclarait traltres, firent
élever, de-~ant la porte de la ville, une po-
tence avec un écriteau qui annon~ait qu'elle
lui était destinée. Commandés par un de leurs
alcaldes nommé Pér~lta, ils attaquerent Ron-
quillo, qni était posté a Santa-Maria de Méra ,
mirent sa petite armée en déroute, et lui
prirent son bagage et sa caisse militaire. A
cette nouvelle, le régent envoya, a son se-
cours, Don Antonio de Fonséca avec tout ce
qu'il avait pu rassembler detroupes. De leur
coté, les villes confédérées se haterent de
diriger des renforts sur Ségovie, craignant
pour elles-memes. si elle venait a succom-
ber.


Tolede choisit, ponr commander ses trou-
pes, Don Juan de Padilla, quis'était distin-
gué, dans (outes les occasions, comme im des




129


plus zélés pal/'ioles (1). n avait, pou/' con·
current, don' Pédro Lasso de la Véga; ce-
lui-ci se vengea cruellement, daus la suite,
de n'avoir pu l'emporter sur son rival.


Don .luan de Padilla, issu d'une des plus
illustres familles de ToIede, était jeune et
ambitieux, iI s'était toujours montré l'un des
plus chauds défenseurs des lihertés de sa pa-
trie.ll était encore excité par sa jeune épouse,
dona Maria Pachéco, femme douée des plus
rares talens, qui s'immortalisa, plus tard, par
la maniere dont elle défendit ToJede. Quel·
ques historiens acéusent Padilla de n'avoireu
que l'amhition pour mohile de sa conduite,
el d'avoir aspiré a la grande.maitrise de St-Jac-
queso L'éveque Guévara (2) rapporte, dans ses
lettres, qu'une esc1ave maure, qui passait
pour magicienne, avait prédit a dona Maria
qu'elle serait~ un jour, reine de CastilIe.


(1) Piza, Historia de Toledo, liv. 5, ch. 15.
(2) Epístolas familiares de D. Antonio de G/II31'Ora


obí.rpo de Mondolliédo. Madrid, 1668, p. 239.




130


Mais ces reproches, adressés pal' une bOliche
ennemie, ooivent faire peu d'impression sur
un historien impartia]; rien, daBs la con-
duite de ce noble eouple, n'indique ql1'il
ait jamais pensé a renverser la monarchie,
ni qu'il ait agi par des molifs autres que
l'amour des libertés de leur patrie.


Padilla sortil de Tolede avee mille fantas-
sin s el deux eents chevaux, el marcha dl'Oil
sur Ségovie. n fut rejoint, en route, par un
grand nombre de partisans des eornmunes,
et par des détachemens envoyés de pll1sieurs
villes et surtout de Madl'id. Il opél'a, a
Espinar, sa jonetion avec don Juan Bravo,
qlli commandait les trollpes de Ségovie, an
nombl'e oe 2,000 fantassins et de 150 che-
vaux; de sorte que, quand il se trouva en
présence de l'armée royale, il érait a la tete
de cinq mille hommes el de cinq cents che-
vanx.


Don Antonio de Fonséca avail rejoint Ron-
quillo a i\révalo; n'ayant pas renoneé a
s'empárer de Ségovie, il se dirigea, d'abord,




131


sur l\'1édina-del-Campo (1), pour prendre
possession d'une nombreuse artillerie qui s'y
trouvait. Ayant éprouvé un refus, iI es saya de
s'en emparer de force; éprouvant une résis-
tance plus vigoureuse qu'il ne s'y attendait;
désespérant de s'en rendre maitre d'une au-
tre maniere, il fit mettre le feu a la ville,
dans l'espérance que les bourgeois quitte-
raient le combat pour voler au secours de
leurs propriétés. eette Gonduite infame aug,-
menta, au contraire , leut' courage; ils char-
gerent les troupes de Fonséca avec une nou·,
velle furie, el l'obligerent a se retirer, sans
avoir pu effectuer son dessein. Mais ce succes
leur cmita cher, cal' la viUe, presque tout
entiere, fut réduite en cendres. Elle était
alors une des plus considérables du royaume,
1'0n y tenait annuellement' qualre foires
céIebresdans toute I'Espagne (2); c'était le


(1) Sandoval, liv. 5, ch. 154.
(2) Sandoval, liv. 6, ch. 1; Argensola, Annales de


de Aragoll, liv. 1, ch.107 ..




132


gl'and marché pour }@s soierielO de Burgos el
de Tolede, et les étoffes de laine de Ségovie,
déja. célebres a eette époque; pOllr comble de
malheur, tous les magasins étaient remplis
de marchandises paree que l'époque. de la
foire approehaít. Pres de neuf eents maisons
furent eonsumées sans qu'on put en ríen sau-
vej'o La plupart des habitans perdirent tont
ce qu'ils possédaient: les femmes et les en-
fans erraient, presque nus, parmi les rui-
nes, saIis avoir de quoi apaiser Ieur fairo (1).
L'indignation fut sí grande, que non seule-
ment Médina, mais toutes les villes voisines
se·déclarerent en faveul' des communes. S311-
doyal nous a conservé la lettre que eeHe
malheureuse vílle écrivita Valladolid a eette


(1) La ville de Médina ne s'est jamais relevée de
cet incendie; elle avait alors quatorze mille habi-
tans. A. Mendez Silva, qui écl'ivit cent cinquante ans
plus tard, ne lui en donne que seize cents. Au licu de
quatre foires qui étaient célebres dans toute l'Espa-
gne,on n'en tenait plus qu'une, et encore était-elle
de peu d'importance. Voyez Mendez Sylva, Poblacio/'f
general de E.rpaña. Madrid, 1675, fol., p. 26.




133


occaSlOll; j' en donneraJ, le!, une traduc-
tion littél'ale:


Letlre de la ville de Médina-del-Campo el eelle de
Yalladolid.


« Seigneurs,


» Depuis les dernit~res lettres que nons
» avons re<{ues de vous et les dernieres que
» nous vous avons écrites, il est arrivé tant
» et tant de choses dans cette ville que nous
) ne savons par ou commencer pour les rap-
JI portero Cal' si, graces a Dieu, notre creur suf-
» tit pour les supporter, notre langue ne suffit
» pas pourIesdire. Nous avons bien vudesmal-
» heurs dans notre patrie et nous en avons
» entendu raconter bien d'autres qui sont ar-
JI rivés dans les pays étrangers; mais ni nos
» aneetres ni nous, n'avons jamais vu chose
JI pareilIe a ce qui est arrivé a la malheureuse
) Médina; cal' on peut remédier aux autres
» malheurs, mais le notre est si grand qu' on
tl ne peut pas meme l'exprimer.


) Vous saurez done qu'hier mardi,:H dn




134


»mOIs, D. Antonio de Fonséca arriva ici
» avec deux cents fusilliers et huit cents
» lances .. El certes, D. Rodrigue ne se le-
» vait pas plus matin pour attaquer les Mau-
» res de Grenade que ne I'a fait D. Antonio
» de Fonséca pour aUaquer les chrétiens de
)J Médina. Quand iI arriva anx portes de la
)J ville, iI nous dit qu'il était eapitaine-général,
» et qu'il venait prendre l'artillerie. Mais com-
» me iI ne nous était pas prouvé qu'il fUt ca-
J) pitaine-général de Castille, el que nous sa-
l) vions qu'il voulait s' en servir pour marchel'
» contre Ségovie; nous résolumes de la défen-
)} dre : de sorte que, ne' pouvant tomber d'ac-
» cord, il fallut décider la question par les al"-
u mes: D. Antonio, voyant qu'il ne I'elIl-
» porterait pas non plus sur nous de cette
ce maniere, mit le feu a nos maisons el a nos
» propriétés, espérant que notre avarice
» nous ferait perdre ce que notre valeur
») nous fesait conservero Et certes, pendant
» que le feu de l'ennemi blessait nos corps
~ le fen consumait nos maisons; et 110US




135


» voyions devant nos yCllx les soldats dépOllil:.
» lel' nos femmes el nos enfans. Mais cela ne
~ nous amigeait pas tant que la pensée que
» c'élait avec notre al'tillel'ieqlle l'on wmlail
» Jéll'uil'e Ségovie; cal' les ereurs généreux
» l'egardent Ieurs propres souffranees eomme
» peu de chose el ceHes deSatltres eomme
» beaueollp. Il y a deux mois que D. Alonso
». de Fonséca, éveqlle de Burgos, vint icí nous
» demander notl'e artillel'ie, et alors son frere
» venait pour nous la pl'endre de force. Mais,
» graces a Dieu et a notre vaillance, l'un fut
» déc¡:u el l'autre vaineu. Ne vous étonnez pas,
» seigneurs, de ce que nous vous disons , mais
» de ce que nous ne vous di¡;,ons paso Nos
» eorps sont blessés, nos maisons brulées, nos
» biens pillés, nos remmes et nos enfans sans
» abri, les temples du seigneur réduils en
» cendres; et nos ereúrs sont tellement brisés
» que nous eraignons d'en perdre la raison.
» Nous ne savons si c'est le crime de Fonsé-
)} ca, OH nos propres péchés qui sont cause
)J de l'incenclie de Médina. NOllS ne pOUVONS




136


» penser que Fonséca et ses gens en voulus-
» sent seulement a l'artillerie; sans cela,
» huit cents lances et cinq cents soldats n'au-
» raíent pas abandonné le- combat pour se
» meUre a piller comme ils 1'0nt fait; car ils
» négligeaient de se servir de leurs armes
» pour se charger de nos dépouilles. Quant
)t au dommage qu'a fait le feu dans la malheu-
» reuse Médina, el la quantité d'or el d'argent,
» de brocard, de soie, de joyau~,de perles, de
» tapisseries et d'auires richesses qui ont été
» consumées, iI n'ya pas de langue qui suffise
) a le dire, de plume qui suffise a l'écrire, de
» creurqui puisse le sentir, de tete qui puisse
» le ,calculer, ni d'yeux qui puissent le voir
» sans pleurer ; cal' les tyrans ont causé un
» aussi grand dé sastre en brulant l'infortunée
») Médina, que les Grecs en brulantla malheu-
» reuse 'froye. A la lete de ceUe expédition,
» étaient Antonio de Fonséca, l'alcalde Ron-
» quillo, D. Rodrigo de Méxia, Juan de Avila
» el Guttierre Quixada, qui ont été plus cl'ueIs
)} enwrs Médina que les barbares envel'S Ro-




137


» me; cal' les barbares respecterent les tem-
» pIes, et eux, ils ont hruIé les temples et les
» monasteres, entre autres celui de Saint-Fran-
» <;:oisJ dans la sacristie duquel a péri un im-
» mense trésor: maintenant les pauvres fre-
» res demeurent dans le jardin, et ont placé le
» tres-saint-sacl'emept dans le CretlX d'un 01'-
» me. Vous pouvez donc bien vous figurer
)l que ceux qui n'ont pas laissé Dieu dans sa
» maison n'ont laissé personne dans-Ia leur.
» C' est une pitié de raconter et' encore plus
» de ,"oir les pauvres ve uves , les malheu-
» reux orphelins et les maIheureuses jeu-
» nes fiBes qui vivaient autrefois dans leurs
») propres maisons du travail de leurs mains,
» obligées de pa~ser par la porte d'autrui : de
» sorte que Fonséca, en brillant leurs demeu-
» res, sera cause que d'autres bruleront len!"
» bonne renommée.


» Adieu, seigneurs, que Dieu vous garue.
» De la malheureuse Médina, le 22 aoút
» 1520. »




138


Padilla (1), qui pl'é,'oyait ce qui al'nya,
avait chargé un des principaux habitans de
Médina, nommé Gil Niéto, d'avertir ses con-
ciloyens, el de les engager a se ten ir sur lelll's
gardes; mais celui-ci, ne croyant pas le dan-
gel' si pressant, négligea entierement cet avis.
Le lelldemain de l'événement queJ<[u'un ayant
dit, dans la foule, qllece malheur ne serait
pas al'J'ivé s'il n'y avait pas eu tant de traltres
dans Médina: «qui sont les traitrcs»? deman-
da fierement Gil Nétio.-Toi, luí répondit un
nomméB.obadilla; et, en disant ce mot, illui
abattit la tete d'un seul coup. Cetteaction, qui
lui fit terminer plus tard ses jours sur le gi-
het, luivalut,parmi la populace, le surnom
de pere de la patrie; quand on eut LI'ouv(~
dans une des poches du malheUl'ellx Gil Nié-
lo la leUre de Padilla, la vilIe pl'Oclama Boba-
dilla pour son chef aux communes.


La nouvelle de l'incendie de Médina l'e-
doubla la fUl'eur populaire. Dans Valladolid


(1) Sandoval, liv. 6, ch. 26 ..




139


nH~me (1), et, sous les yeux du cardinal, ]a
populace brúla la maison de Fonséca. On fut
obligé de le rappeler, il s' enfuit en {<'landre,


, ou il fut tres-mal re~u par le roi. Le régent se
vit cibligé de liceneier ee qui restait de son
armée, faute de pouvoir la payer; car les pro-
digalités des Flamands avaient épuisé les eais-
ses de l'état, et les viUes se refusaient toutes au
paiement de l'impot. Ainsi la communidad se
vit presque entierement maitresse en Castille,
Valladolid meme.s' étant déclarée en faveul' des
communes apres ayoir pillé et brulé les mai-
sons des députés qui l'avaient représentée aux
cortes de Galiee. L'Aragon, Valence et les
provinees qui en dépendent, étaient en proie
a des troubles du meme genre:r qui sont
eonnus dans l'histoire sous le 110m 'de Ger-
manía. Mais ee qui s'y passa. est étrangel' a
cet ouvrage (2).


Chal·les n'était done plus roí que de nom


(1) SandovalJ liv. 6, ch. 2; Argensola, Armale,¡ de
Aragon, liv. 1, ch. 108.


(2) Voyez la note VII a la fin du volume.




140


dans presqlle toule la Péninsule, a l'exception
toutefois de I'Andalousie (1), province plus
nouvellement conquise, et dont les ,-iHes ne
respiraient pas le meme esprit de liberté que
celles de Castille. Aussi D. Juan de Figuéroa
fit-il de vains efforts pour y faire triompheJ'
le partí des communes. 11 réussit a s'emparel'
de la- fOl'teresse de Séville, mais le duc de Mé-
dina-Sidonia l'en chassa bientot. Le conseil de
la ville refusa de recevoir les députés que lui
envoya Tolede et leur rendit, cachetée la leUre
qu'iJs avaient apportée. Elle forma au contrai-
I'e une ligue, pour le service du roi, avec Cor-
ooue, Xért:s, Cadix ('2); et les seules villes de
eette province ou le partí des communes
tl'iompha pour quelques instans, furent Ube-
da, Baeza et .laen.


(1) Zuniga, Annales de Sepilla. liv, 14, page 472.
Morgado, Historia de Sevilla ,liv. 3, ch. U; Espinosa
de los Monteros, Historia de Sevilla, Sevilla, 1630, in-
folio, liv. 7, ch. 50; Sandoval, liv. 6, ch. 15.


(2) Gcronim~ dc la cOlZcepCton, emporio del orbe Cadix
illustrada. Amstndam, 1690, folio, p. 305.




CHAPITRE VIII.


Tolede convoque une junte des villes a Avila.- Pa~
dilla s'empare de TordésiUas et de la personne de
la reine. - ~La jlmte est transférée dans cette viIlc.
~- Sa reqnete a l'empereur. - PI'ise de Valladolid
pat' Padilla.


Cependant, sur la proposition de Tolede (1),
les villes résolurent d' envoyer des dépntés
pour former une espece de gouvernement


(1) Voyez la lettre que TolCde écrivit aux villes
~andoval, liv. 6, ch. 13.




142


central; l'on eon~int que eeUe junte se
l'éunirait a Avila. La réunion eut lieu, eomme
on en était eonvenu, le 29 juillet 1520, le
meme jOUl' que Padilla était sorti de ToIede
pour aller au secours de Ségovie. Les dépu-
tés qui la composaient étaient,


Pour Tolede:


Pédro Lasso de la Y éga ,
Pédro Ortéga,
Diégó Montoya,
Francisco de Rojas,
Le docteur Muñoz.


} Jurés,


Pour Burgo,)',;


Pédro de Cartagena,
Géronimo de Castro.


Pour Léon:


Don Antonio de Quiñones,
Gonzalo de Gusman,
Fray Pablo, pt·ieur des dominieains;
,hian de Bénavente , chanoine de l,éon.




143


Porir Salomanque:


Diégo ue Gusman,
Diégo de Almaraz, comman~eur ue·l'ol'ul'e


ue Saint-Jeao;
Francisco Maldonado,
Pédl'o Sanchez.,


POla A"i!tJ:


Sa ucho . Sanchez Zimbl'on,
Gomez de Avila,
Diégo del Esquina.


POllr Ségo.'Íe:


. Alonso de Guadalaxara,
Alonso de' Cuellar.


Pour Toro:


Don Hernando de Ulloa,
Péd['o Gomez de VaIaeras,
Péd,'o de Ulloa,
Phll'O Merino.




144


Pour. Madrid:


Pédro de la Sondax,
Pédro de Soto-Mayor,
Diégo de Madrid.


Pour Fallado/id:


George de Herréra,
Alonso de V éra,
Alonso Sarabia.


Pour Siguem;a :


Juan de Olivarez,
Hel'nan Gomez de Alcocer.


Pour Soria:


Don Hernando Dias de Morales,
Don Carlos de Luna y Arellano,
Hernan BI'avo de Sarabia,
Bartolomé Rodriguez de Santiago.


Pour Guadalaxara:


,luan de Orbita,
Francisco de Médina.




145


La junte se réunissait dans le chreur de la
catbédrale. Elle était présidée par don Pédro
Lasso, député de Tolede, et par le doyen d' A-
vila, qui élait natif de Ségovie. Son premier
acle fut de preter serment de fidélité an roi
et aux communes, et de décJarer nuI et illé-
galle choix que le roi avait fait d'un étran-
ger pour gouverner le royaume. Elle ordon-
na, en conséquence, au cardinal Adrien de
cesser d'exercer le pouvoir qui lui avait été
confié, et s'occupa a rédiger une requetecon-
tenant tous les griefs dont la natíon croyaít
avoir 11 se plaíndre, et nomma une commis-
sion qui devait raller présenter au roi, a
Bruxelles (1).


L'historien Sandoval núns a conservé le tex-
te entier de celte requete (2); COlIlme ríen ne
peut mieux nous faire connaitre l'esprit qui
animait cette assemblée, j'en donnerai ici un
extrait. CeUe piece remarquable est datée de


(1) Sandoval, liv. 6, ch. 20; Médr:lno, liv. 1, ch. 10.
(2) Sandoval, liv. 7, ch. 1.


10




146


TonlésiUas, ou la junte s'était tl'allSpOl'lée
apres que PadiJIa eut pris ectle vi1le, aínsi
que nous le dirons plus ba!:'.


Apres un long préambule, dans lequel sont
détaillés tous les abus des regnes précédens,
et les abus, plus grands encore, qui avaient
marqué la minorité de don Carlos, I'assem-
blée, qui prend l~ titre de junte et cortes de
~still~, demande que le roirevienne dans
s~s ~tats, pOllr y résider comme ses prédéces-
seurs l'~vaient fait; qu'il ne se marie pas sans
le consentement des cortes; qu'il ne l10mme
jamais d'étranger pour gouverncr le royaume
a sa: place, .s'il était forcé de s'ahsenter; que
la nomination du cardinal Adrien el celIe de
tous les Flamandsqui occupaient quelque'
'emploi dans le royaume, soient déclarées
l)lJIles et comme non avenues; que, doré-
Qavant, aucun étranger ne puisse etre ni natu-
raJisé, Qi employé dans le royaume. On y
demande, en outre, d'etre affranchi de l'obli-
gation de loger les gens de guerre, ou la suite
de la cour, pendant plus de si~ joUl's; le I'é-




147


tablissement des taxes, sur le me me pied que
pendant le regne d'Isabelle; l'annulation de
toutes les aliénations du domaine royal qui
avaient eu líeu depuis eette époque, et de
toutes les nouvelles créations de cbarges et
d'offices, ainsi que ceHe de tous les actes des
dernieres cortes de Galice; qu'a l'avenir cba-
que ville envoie, pour la représenter aux
cortes, un député de la noblesse, un du cler-
gé et un de la bourgeoisie,choisis chacun ex~
clusivement par son ordre; qu'il soit défendu
aux députés, sous peine de mort, de reeevoir
aucune faveur de la cour, ni pour eux, ni
pour leur famiHe, el que les cortes se rassem-
blent lous les trois ans, que le. roi les ait
convoquées ou non, pour exammer la situa-
tion des affaires publiques; que les juges re-
~oivent un traitement fixe, et non une partie
des amendes et des confiscations qu'ils infli-
gent, comme cela avait eu lieu jusqu'alors;
l'annulalJon de tous les dons faits au profit
de tous les membres des cortes qui avaient
eu lieu en Galice, et la suppression de tous




148


"ceux des pri viléges de la noblesse, con-
traires aux -ilroits des communes, eelui,
surtout, d'etre exempl de laxes; la défense
de transporter hors du l'oyaume de 1'01' OH
de l'ar.gent, et de preeher aueune indulgenee,
·dans tout-e l'étendue du royaume, avant que
le hut n'en ait été examiné el ('eCOllllU légal
par les cortes; enfin, que le roí j ul'e solen-
uellement toutes ees eondilions , et de ne ja-
maís solliciter du pape aucunc dispense de ce
serment; qu'une amnistie générale boít ac-
cordée aux communes et a leurs partisans.


La plupart des abllS don t on demandaí tia ,'é-
forme se fesaient généralement sentir dans lon-
te l'Enrope, et I'on réclamait anssi contre eux
en Franee, en Allemagne et en Angleterre,
L'arlicle relatif aux indulgences est surtout
.remarquable, et peut faire supposer que, si la
réforme eut été preehée aeette époque en
Espagne, elle y eut trouvé bon nombre de
partisans, Un voit, par tOllt le eontenll de ectte
rcquete, quel était l'cspl'it de liberté qui ani-
mait alors les communes d'Espagne, et qu'el-




149


les ne craignaient pas d'attaql1er de front des
abus el des priviléges dont on osait a peine se
plaindre dans le reste de I'Europe. Mais elle
excita aussi, a un tres haut degré, l'inquiétude
du clel'ge el de la noblesse. CeUe-ei, qui avait
fait cause COlIllllune avec la bourgeoisie, tant
qu'il ne s'était agi que de l'expu]sion desétran-
gel's el de ]a l'éforme de quelques abus, qui lui
étaient ulIssi lluisibles qu'aux eommunes, ne
put Sllppol'ler patiemment qu'elles osassent
aUaquer ses priviléges; Charl,es ayant, a
la meme époque, nommé l'amirante et le
connélable de CastiJIe, pom gouverner eon-
jointement avec le cardinal Adrien, la no-
blesse, satisfaite en partie par eette conces-
sion, ne tarda pas a s'apercevoir que les
prélenlions des communes étaient plus dan-
gereuses pour elle que l'aulorité royale. Les
gentilshommes élaienL d'autant plus mécon-
tem;, que, danli la pll1part des villes ou ils
avaient joui d'une gl'ande influence jusqu'a-
101's, les gens de la plus basse classe avaienl
J'éus.,i a se mettl'e a )a tete des affaircs, par




150


]eur Cl'édit sur la populace. Leur orgneil ne
pouyait se plier a regarder de pareilles gens
comme leurs égaux; el ils aimerent mieux ,
eomme l'histoire nous apprend que, dans
I'Europe, ils ont fail en pareil cas, courber la
tete sons le joug du pouvoir royal, que de
renoncer a leurs priviléges, ou consentir a
les partager avec le peuple.


Cependant Padilla, que la junte avait nom-
mé capitaine-général des communes, et a qui
la plupart de5 villes avaient envoyé du ren-
fOl't, poursuivait le cours de ses succes. n
prit plusieurs pIaces, et résolut ensuite de
frapper un coup décisif, en s'emparant de
Tordésillas, ou était la reine Jeanne, sous la
garde du marquis de Dénia. n y entra, sans
coup férir, le '2 septembre 152.0 (1). La rei-
ne , qui se trouvait alors dans un instant
demi-Iucide, fut étonnée de voir arriver


(1) Sandoval> liv. 6, ch. 26, rita del imperawre
Carla r, del Alf. Ulloa. Venesía, 1609, p. 67; Argen-
sola, A. nnales de .dragan) lív ~ 1, ch. 91; Médrano ~
liv. 1, ch. 10.




1M


tanl de gens de guerreo Elle alla au-devant
de Padilla, el Iui demanda qui il était. Je
suÍs, luí répondit-iI, capitaine-général de
<::astille; le royaume étant en proie aux trou-
bIes, par la mort du roi Ferdinand et l'ab-
sence de votre fils Charles, je suis l'enu me
mettre a vos ordres avec les troupes de la
vi1le de ToIede. La reine, surpl'¡se de ce
qu'elle entendait (car on lui avait tout laissé
ignorer), s'emporta contre ceux qui l'envi-
ronnaient, confirma Padilla dans sa oharge
de capilaine -- général, ne vil plus que par
ses yeux etappela aupres d'eJIe la junte qui
était réunie a A vila (1), et qui se hata de se
rendre a son invitation, espérant se servir de
son nom pour former un >nouveau gouver-
nement. On fit répandre partout le bruit
qu'elIe avait recouvré l'usage de la raison, et,
qu'elle réclamaitses droits au gouvernement.


Aussitot Salamanque, A vila, Madrid et
quelques autres vilIesenvoyerent de nouveI-


(1) Sandoval, liv. 6, ch. 27.




152


les troupes pour le service de )a reine et de la
junte. Cette.derniere, énorgueillie par ses
succes, chercha a frapper un coup décisif, én
s'emparant de ValJadolid et de la personne
des membres du conseilde régence. On en-
Yoya un moine dominicaill pour traiter avec
les chefs de la ville, qui s'était déclaráe pOli!'
les communes apres l'incendie de MédinH,
comme nous l'avons vu plus haut, mais que
la présenee des régens avait, cependant, tou-
jours empechée de prendre une part active
3 la guerreo Ceux-ci. apres avoir long-temps
délibéré, répondircnt que la junte pOllvait
faire ce qu'elle voudrait , qu'iIs De l'aideraient .
lliDe l'empecheraient. Le moine, qui s'était fait
accompagner par une partie des troupes de la
junte, fit an'eter, sur·le-champ, lous ce.ux des
conseillers de la régence qui ne pal'Vinren t
pas a s'échapper, et les envoya comme prison-
niers a Tordésillas. Quelques jours apres, un
moine augl1stin rénssit a souleverPalencia (1).


(1) Ar{¡cnsola, AflnaleHlc Af'agol1, liv. 1, ch. 111"
Sandoval.




153


Le cardinal, voyant ce qui se passait , ne se
CJ'ut plus en súreté dan s Valladolid, el résolut
d'en sortir. Mais aussitót yue le hl'uit de son
départ se fUt répandu dans la "Ville: on sonna
le tocsin, et toute la bourgeoisie prit les
armes pour s'y opposer. 11 fut obligé, malgré
la résistance que voulurent faire ceux qui
l'accompagnaient, de rebrousser chemin.
Que!ques jours apres, il trouva le moyen de
s'échapper, déguisé, et de se réfugier a Rio-
Séco. Quand iI s'y vit en sureté, il en voy a
réclamer tou.t ce qu'il avait été obligé de
Iaisser a VaIladolid, et on le.lui rendit sans
difficuIté (r ).


(1) Argensola, Annales de Aragon, chapo 112; San-
do val.






CHAPITRE IX.


Réception que l'empereur faíl aux députés de la junte.
- Le connétable de Castille et l'amirante rassem-
blent une armée a Médina de Rio-Séco. - La junte
choisit pour commartder ]a sienne D. Pédro Giron,
qui la trahit. - 11 est remplacé par Padilla.


Charles, qui était encore en Flandre, fut
bientot informé de ce qui se passait. en Es-
pague, et I'econuut, mais tl'Op tard, l'abime
ou I'avaient entl'ainé ses favoris. JJ sentait
combien sa présence y était nécessail'e. Mais




156


il ne pouvait s'y l'elldre en ce moment salls
renoneer á (otiles ses prétentions ¡. la COll-
mnne illlpérialr. Il se contenta donc d'écl'ire
a (ontes les villes de Castille ilOlII'les engagel'
a rentrer dan s le devoir, leur promettant de
ne pas exiger la totalité du subside voté clans
les dernieres cortes, et de ne nommer que des
Castillans aux emplois qui deviendr'aient va-
canso Il écrivit allssi a la noblesse pour l'en-
gager a soutenir vigourf'usement les droits de
la couronne; et, connaissant son aversion
pour le gonvernement d'un étr'anger; il ad-
joignit, au cardinal Adrien, le connétable de
Castille D. Inigo de V élasco ,el l' amirante
D. Fadl'ique Enriquez.


Cependant les députés de la junte ar-
l'iverent en Flandre. Mais Sanchez d'Avila,
qui avait devancé les autres pres de ltii, ayant
été envoyé pr'isonnier dans la citadelle de
\Vol'ms, ces derniers, effl'3yés, rebl·Ol1Sse.
l'enl chemin, et donnerent avi ... a la junte
de ce (¡ui se passait. CelIe-ci avait essayé de
traiter a"cc lc cardinal i mais les COllfel'Cllces.




157


furent hienlot rompnes, paree que le eomte
d' Alva de Listé, gcndre du duc d' Alhe, et ¡'un
des chef:; de l'ar'mée royale, fit étrangler un
des dépUlés de la junte, acticln ql1i fut bhl.mée
me me de ceux qui suivaient le partí du l'oi J
comme étallt contraire a la foi puhlique.


La junte, fUl'icuse de cet aLtenlat, déclara
le connétahle,qu'elleaecusaitd'y avoirtrempé,
déehu de tous ses litres el digni tés. Cellli-ci, ((ni
s'était rendu a Burgos dans l'espérance d'y
calmel' le désordre, eut beaucoup de peine
a échapper au danger d'y etre massacré, et
n'obtiut la permission <.I'en sortir qu'en y lais-
sanl ses deux fils en otage.


Les régens, expulsés de Valladolid, s'étaient
réunis a Rio-Séco, et cherchaient a rassembler
une armée. lIs firent un appel a la nohlesse,
el furent surtout pui~samment aidés par le
roí de Portugal, D. Emmanuel, qui Icur pl'eta
50,000 dueats, dont ils avaient le plus pI'CS-
sant hesoin, parl'impossibilité Olt ils seti'Oll-
"aient de lever les l'eVCl1US royaux (1). La 110-


(1) Chronica do felicissimo reí do/! Emmanuel, L'om-




158


blesse fit fondre son argentel'Íe, et ron mit en
gage les joyaux de la reine ( 1 ). Les prineipaux
seigneurs du royaume amenerent toutes les
troupes qu'ils purent lever sur leurs do-
maines; leur armée, moins nombreuse que
eeHe des communes 1 mais dont l'infanterie
était composée de vieux soldats aguerris dans
les campagnes de Navarre, et la eavalerie de
gentilshommes exereés a manier les armes,
fut bientot en état d'entrer en eampagne, sous
les ordres du eomte de Hal'o, fils du eonné-
table de Castille, et général non moins re-


. marquable par ses talen s militaires que par sa
valeur personnelle. CeHe des eommunes était
b~aucoup plus nombreuse; mais les soldats
ne connaissaient ni la guerre, ni la discipline;
les chefs eux-memes n'étaient guere plus


po.,ta, por Damian de Goes, IV parte, Lisboa, 1667,
folio, ch. 105. Cet auteur rapporte que la couronne
lui avait été offerte par les communeros; mai!! ce
fait est nié par tous les écrivains espagnols. Epitome
de las historias portuguesas, por D. Manuel de Faria y
Sousa. Madrid, 1628, in-4°, parto 3, ch. 15.


(1) P. Marty·,.. Epút. 718.




159


insLl'uits pOUl' la plupart. Un des principaux
était D. Antonio de Acuña, éveql1e de Zamo-
ra (1). 11 avait été élevé a cette dignité par le
l'Oi Ferdinand, a qui il avait autrefois rendu
<{uelques services (2). D'un caractfn'e ambi-
tieux et emporté, il avait eu plusiellrs déme-
lés avec le eomte d'Alva de Listé, gendre du
due d' Albe, qui était a la tete d'un partí tfes
considérable dan s Zamora. Il se déelara en
faveur des communes, espérant obtenir I'ar-
cheveché de Tolede, que la junte avait déelaré
vacant, nevoulant pas reconnaitre Guillaume
de Croy, a cause de sa qualité d'étranger.
Ayant d'abord été défait par le comte d'Alva,
101's de sa prenlÍere tenlative pour soulever
Zamora, il se réfugia a TordésilJas, ou la junte
lui ayant donné de nouvelles troupes, iI par-
vint a s'en rendre maitre. 11 avait réuni quel-
que cavalerie et environ mille hommes d'in-


(1) Davila, l'heatro de La santa iglesia de Zamora.
Madrid, 1647, folio, p. 410.


(2) Sandoval, liv. 6, ch. 20; Epistolas de Gltel'ara~
p,219.




160


fantel'ie, pal'mj lesquels se trouvaienl, dit-on,
quatre cenls pretres, qui combattirent tres
bien dans différen tes occasions , el s urlout au
combat de Tordésillas. Un d'entre eux tua
onze hommes a l'ennemi. Guevara (1) rap-
porte qu'avant de viser un ennemi, il avait
toujours soin, de lui donner sa bénédietion
avec son escopette. Ce vaillant ministre des
autels fut enfin tué lui-meme d'lln coupde
fleche. En général, le bas clergé el les moines
avaient pris parti pour les communes. Ce
furent eux qui souleverent Valladolid, Palen-
(~ia el d'autres villes. Guevara raeonle dans
ses leUres une aneedote des plus singulieres,
que je plaeerai iei paree qu'elle pejnt mieux
les mreurs du temps, surtont étant racontée
par un éveque, que tout ce que je pOUl'rais
dire (2).


(( Dans un vjIlage nommé Médina , aux en-
)l virol1s d'Avila, il y avait un cUI'é biscayen


(1) Epistolasfamiliares, p. 220.
(2) Epistola.r familiares de Guef.'ara ,p. 223. Voyez


la note VIII a la fin du volumr.




161


l) qll'i était tellement dévoué aux communes,
» qu'il terminait toujours son prone en di-
,), saD[ : Mes frere:;, répétons (rois Ave Maria:
D un pour la sainte communidad ~ un pour
11 D. Juan de Padilla, qui sera notre roi , et le
" troisieme pour D. Mal'ia Pachéco, qui sera
» notre reine. Ces prieres durerent environ
)) trois semaines, au bout desquelles l'armée de
j) Padilla ayant trav~rsé le village; les gens de
» guerre emmenerent la servan te du hon curé,
» burentson vin, volerentsespoules et mange-
) rent 500 lard. C'est pourquoi, le dimanche
Jj suivant, il nemanqua pas de dire en chaire:
» Vous savez, sans doute, mes chers parois-
» siens, que ces scélérats de communeros ne
») m' oot lai~sé ni vin, ni poules, ni lard, ni
» servan le ; c'est pourquoi vive le roi Charles
» et la reine Jeanne! et que le Diable emporte
» les rois de ToIede!»


On voil que les hommes ne sont pas chan-
gés depuis cette aventure, que nous raconte
si na'ivement le bon éveque de Mondoñédo;
mais ils ne s'exprilllent plus.aussi fJ·anchement.


11




162


La junte, ayant l'éUlll ses tmupes, s'oceupa
de choisit, un génél'al pOUl' les commandel';
úubliant les sel'vices qu'avait rendus Padilla,
elle nomma D. PédroGiron, filsainédu eomte
d'Uréna (t), espél'ant relever son parti aux
yeux de la noblesse, en choisissant pour gé-
uéral un homme allié aux pl'emitwes familles
,du royaume. Celui-ci n'ayant pu faire admcl-
tre, ni par Ferdinand, ni par ses sueeesseurs,
les droits qu'il prétendait avoir sur le duché
<le Médina·Sidonia, el ayant essayé inulile-
ment de les faire valoir par la force, s'élait
jeté a eorps perdu dans le parti des commu-
nes. Mais il était trop pénétr;mt pOUl' ne pas
s'apercevoir qu'il y avait plus a gagner a se
Téeoneiliel' avec le roi.


Il profita de l'absence de Padilla, qui était
alIé a ToIede voil' sa femme, a]ors malade
a l'extrémité, et des eonférenees que l'on
avait ouvel'tes a Villa-Bl'axima ponr traiter de
la paix, pour eorrespondre secretement avec


(1) Voyez la note IX a la fill du volume.




163


le connétable, son oncle, qui s'engagea a lui
obtenir un pardon complet, s'il lui livrait
Tordésillas et la reine.


n se mit donc en marche avec son armée,
sous prétexte d'aller attaquer ViUalpando, OU
il n'avait que faire, et nelaissa, pour défendre
Tordésillas ,que le régiment de pretres de
l'éveque de Zamora. n ne manqua pas de don-
ner avis de ce mouvement a l'amirante et Au
connétable, quí se mirent aussitot en marche.
lIs traverserent d'abord Peñaflor, qui-fut sac-
cagée, et attaquerent Tordésillas. Mais les gens
de l' éveque de Zamora se défendiren t vaillam-
ment; ce ne fut qU'apres un combat de plu-
sieurs heures, et par la grande supériorité du
nombre, que les lroupes royales parvinrent a
s'en emparer. La ville fut pillée et saccagée;
el les chefs de l'armée royal e aHerent, tout
couverts de sang, présenter lenrs hommages
a la reine.


Huit oudix des députés quí se trouvaient ¡t
Tordésillas furent faits prisonniers, les autres
s'enfuirent :. Valladolid. On enferma ceux




164


p"is clans la ciladellc de Médina-del.Campo;
et qualld la bataille de ViIlala!' ent mis fin
aux IroubIes, sept d'ent!'e eux furent déca-
piiés (r). Ainsi fut perdu en un instant ,el
par one lache tl'3hison, ce que Padilla avait.
gagné au prix de tantde sang et de combats.


-La jonte avait 'commis une .grande faute en
laissant la reiue dans une ville sans défellse,
el les choses auraient tourné bien autrement
si on l'eul conduite a Valladolid ou a Tolede.
Ce coup acheva' de déterminer ceux des
membres de la noblesse qui balan~aient en-
coreo Plusieurs vilJes consenti"ent a se sOlÍ-
mettre; et la cause des commllnes put (;tt'e
regardée comme perdue.


D. Pédro Giron, voyant qu'il n' était plus
en sureté a Valladolid, ou iI avait conduít son
armée, et que tout le monde lui reproehait sa
trahison, prit le parti de qurttel' eette ville, el
de se réfugier allpres des régens. Les membres


(1) Sandoval, liv. 8, ch. 8; Argellsola, Annale ... de
Al'flgon, liv. 1, ch. 121; Médl'ano, liv. 1, ch. 15.




165


de la junte qui étaient parvenus a s'échapper.
de Tordésillas, proclamerent de nouveau, ca-
pitaine-général des communes, Padilla, qui
arrivait a la tete d'un secours de 2,500 hom-
mes que leur envoyait ToIede. D. Pédro Lasso
de la Véga, qui avait espéré le généralat, fut
tellement offensé de ce choix qu'il jura une
hainc étemelle aux communes, et entra en
correspondan ce avec les régens, leur livI'ant
lous les secrets de la junte et des entI'epI'ises
que ron méditait (1).


(1) Sandoval, liv. 9, ch. 14.






CHAPITRE X.


La discorde se met parmi les commuoes. - Acuña,
défait 11. Ocaña, se réfugie a Tolede. - D. Maria Pa-
chéco s'empare de l'argenterie des églises. - His-
toire et fin des troubles de Biscaye. - Conférences
¡nutiles entre les dellx partis. - Trahison de don
Pédro Lasso.


D. Ju~m de Padilla ell'éveque de Zamora,
quoiqu'ils se vissent environnés de traitres et
qu'ils eussent bien de la peine a se faire obéir
des troupes des diverses villes qu'ils avaient
sous leurs ordres, el a les maintenir en paix,




168


résolurent cependant de marche}' conlre 1'ar-
mée royale. Le dernÍer, qui cherchait a se
rapprocher de ToU:de, dans l'espérance de
s'emparer de l'archeveché de cette ville, but
principal de son ambition, aBa se jeter dans
Ocaña. eeHe vilIe appartenait a 1'ordre de
St.-Jacque's, e,l s'était déclar'ée, ainsi que pres-
que tOllte la province, en faveu)' des commll-
nes; el1e était menacée par n. Antonio de Zu-
niga, grand-prieurde Saint-Jean,qui s'avan~aiL
a-la tete d'une armée.Les deux armées se ren-
contrerent pres d' Almaguer, hi. bataille dUl'a
ton te la journée; elle fut sanglallte el décisive.
Les gens de l'éveque, qu'il menait lui-meme
au combat, et qu'il ralIia plusieurs fois l'épée
a la main, furent obligés de prendre b. fuite.
Acuña eut lui-meme bien de la p.e in e a gagnel'
Tolede. Le grand-pri-eur s'étant rendu maltrc
de la ville d'Ocal1a, attaqua ensuite ceHe de
Mora, la saceágea, et mit le [en a ]a cathé-


(1) Sandoval, liv. 9, ch. 9; Sayas, Annales dcAra-
gon,c1l.17; Medrano, liv. 1,c1l. 17.




169


(h-ale ou s'élaient réfugiés prés de trois mille
habitans quí périrent presque tous dans !'in-
cendie (J).


Quand D. Antonio de Acuña arriva a Tole-
de, il trouva la ville fort tranquille; cal' l' é-
veque Castillo était parvenu a amener le
peuple et la nobles se a une espece de compro-
mis qui avait maintenu l'ordre dans la ville.
Mais les choses changerent de face aussitót
qu'il y futarrivé, apres la déroute d'Ocaña. La
populace le mena a la cathédrale au moment
oll ron disait ténebres, le pla<;a sur le siége
archiépiscopal et le proclama archeveque.
Mais comme le clergé refusait toujours de le
reconnaitre, il se rendít a la cathédrale, le 28
avril suivant, a la tete de plus de deux mille
hommes armés, 6t appeler les chanoines, les
llns aprés les autres, et les enferma dans la sa-
cristie, 01I illes retint trente-six heures, san s
boire ni manger, parce qu'ils persistaient tOll-
jours dans leur refus de le reconnahre pour


(1) Sandoval, liv. 9, ch. 9; Sayas, AI/nale.! deArra-
¡jon, ch. li; Médrano, lib. 1, ch. 17.




170


archeveque; de sOl'le que, pendant tout ce
,


temps, le service divin n'eut pas lieu dans la
cathédrale. Mais la nouvelle de la bataille de
VilIalar étant arrivée SUl' ees entrefaites, il fu t
obligé de les remettre en liberté sans en ávoil'
rien obtenu (1)


Pendant ce temps, le eomle de Salvatier-
ra (2), qui commandait ·les eommunes de Bis-
caye, fut entierement battu et fait prisonniel'.
Ses biens furent confisqués et il fut mené a
Burgos,ou iI resta dans un cachot les fers aux
pieds, jusqu'en 1524, el dans un état si mi-
sé rabie , que son fils, D. Alonzo d' Ayala , fu t
obligé de vendre son cheval pour le nourrir.
On le fit périr dans ce cachot en lui ouvrant
les veines, et on le porta au tombeau les pieds
découverts, afin que tout le monde put voir
les fers dont il était encore cha"gé. Quallt a
Padilla, qui aya it commencé la campagne d' une


(1) Pisa, liv. 5, ch. 16; Sandoval, liv. 9, eh, 11.
(2) Voyez, 110ur ce qui se passa en Biseaye, a cette


époque, Sandoval, liv, S, ch. 18; Sayas, Annales de
Aragon, ch. 8.




171


maniere assez ))f'illante en s'emparant de Tor-
re-Lobaton (1), place assez forte, qui n'est
qu'a trois lieues de To~désillas, ou se lrou-
vaient la reine el les I'égens, il se vit forcé,
faute d'argent de rester inactif dans cette
vilIe ; ses troupes, auxquelles il devait plu-
sieurs mois de paie, refusant de marcher,
la désertion commen<;a a se mettre parmi
elles, tandis que les régens, libres de tout au-
tre e~barras, se préparaient a l'attaquer avee
des forces bien supérieures.


D. Maria ,infOl'mée de la gene dans la-
quelJe se tl'ouvait son époux, et déterminée a
ren tirer a tout prix, résolut de s'emparerdes
trésors de la cathédrale de Tol~de. Mais, dans
un pays aussi religieQx qu{t l'Espagne, ce n'é-
tait pas chose facHe. Elle se rendit done a la
cathédrale, vetue .d'habits de deuil, pleurant
el se frappant la poi trine , demandant pardon
aux saints de l'action qu'eUe allait commettre,


(1) SandovaJ, liv. 8, ch. 64; Sayas, ArmaleJ· de A,.a-
grlfl, ch. 13.




172


et entra a genoux dans le sancluail'e qu'elle
dépouilla entierement aux yeux d'une popu··
lace qui admirait sao piété ((). L'al'genterie de
l'église lui fournit une somme assez considé-
rabIe qui aurait pu tirer n. Juan d'embarras,
en lui procurant les moyens de payer son ar-
mée; mais malheureusement cet argent, qui
l'aurait peut-etre sauvé, ne lui parvint jamais,
par la trahison de ceux qui étaient chargés
de le lui I'emettre,


Padilla se trouvait done seul pour résistel'
a I'al'mée des I'égens. Mais la noblesse était
loin de vouloir la ruine des communes, qui
l'aurait livrée eUe-meme a la discl'élion du
pouvoi¡' royal. Elle partageait leUl' haine con-
tre les Flamands ~ el appl'ouvait une pal'tie des
demandes conlenues dans la l'equele de la
junte. e' est poul'quoi, quoique certaine de la
\'ictoil'e, elle proposa de nouveau la paix,of-
ti'ant aux communes, si elles vOlllaient renon-


(1) Pisa, Húlol'¡'a de Toledo,liv. 15, ch. 15; Anna-
les de Aragoll, desde el a,to de 1520 Itasla el de 1525;
por D. Diego de Sayas. Sarago~a, 1666, folio, ch. 8.




173


cer. a ceHes de leurs pl'étentions qui t>taient
contl'aires :1 ses priviléges, ou subvel'sives de
I'aulorilé royale, de se joilldre a elles pour
ohtenü' le reste de gré a gré, ou meme de
force, si le roi, mal conseillé, refusait d'ac-
quiescer a Ieurs justes réclamalions. Il elit
élé a désil'er, pom' le hien du royaume et sur-
tout pour celui des vilJes confédérées, que ces
propositions eussent été acceptées. Il n'en fut
pas ainsi. Divlsées entre elles parla jalousie et
par d'anciennes querelÍes, elles ne pouvaicnt
réussir a s'accorder. Burgos, dominée par l'il1-
flnence du connétahle, avait déja, ainsi que
qllelques alltres villes, ahandonné la cause des
comlllunes. Padilla, qui avait su se rendre po-
pulaire, était devenu, par ceUe sellle raison,
odieux au peu de nobles qui suivaient le parti
des eommunes, et le peuple, d'un autre eoté,
rendu soup<;onnellx par la tl'ahison de D. Pi-
dI'o Giron, se méfiait de luí paree qu'il ap-
partenait a la I1oblesse. La junte se laissa en-
trainer jusqll'a menacel' la noblesse de la
dépolliller de lous les domaines quí avaient




174


autrefois appartenu a la cDul'Oune, acte qui,
en la ruinant el 'la privánt du prix de ses ser~
vices, aurait en m~me tempsdétruit les liber-
tés du pays, en rendant le roi indépendant
des cortes pour les subsides.


Voyant donc s'évanouir toute espérance
d'accommodement, l'arméedes régebs ouplu-
tot celle des seignem's, se pl'épara au com-
bat. Elle s'allgmentait tous les jours, tan di:>
que Padilla, renfermé dans Torre-Lobaton"
pamlysé par l'inertie de la junte qui, sembla-
ble a toutes les réunions populaires, ne savait
faire, comme le dit tres-bien Robertson, ni la
paix, ni la guerre, vo~·ait son al'mée diminuer
chaque jour par la désertion, el ne pouvait
empecherlajoneti~n du eomte Haro avee les
forces que le connéta~Ie avait réluúes a BUI"
gos, et qu'il amenait en toute httte,


Les régens avertis, par la trahison de D,Pé-
dro Lasso, du mauvais état des affaires des
communes, se déciderent a aIler attacjuel'
TOl're-LobatoD. Padilla, ne se sentant pasassez
fort pOUl' s'y maintenir, se détermina, apres




175


avoir pris cOllseil des pl'incipaux chefs, a ql1il-
ter ceHe ville et á opél'er sa retraite SlI\' Toro.
Les régens, prévenus par Pédro Lasso, s'a-
vancerent conlre Padilla. Leur armée , que le
comle de Raro commandait sous eux, se mOll-
lait a 6,000 fantassins el 2,400 chevaux, dont
1,500 hommes d'al'Ines. Padilla avait avcc lui
8,000 fantassins, 500 lances el l'artillel"ie de
Médina-del-Campo, iI altendait encore des se-
COUl·S. Mais l'habileté des mouvemens de l' en-
nemi l' empecha d' opérer sa jonction aVéc un
corps de 2,000 hommes que lui envoyaiL Pa-
lencia.


Alcocer rappol'te qu'au moment oú D. Juan
mettait son armure, son chapelain s'appro- ,
cha de lui en disant: «Seigneur, autrefois j'ai
étudié l' astrologie; aujourd'hui j'y suis re-
tourné pour l'amour de vous, el d'apres ce
que j'ai appris, je vous supplie de ne pas vous
mettre en marche aujourd'hui Eh bien! ré-
pondit Padilla en riant, Hons vel'rons done
maintenant si l'astrologie est une science vé-,
"itable.)) En disant ces mots, iI acheva de s'ar-




1'/6


me .. , mil pal' dessus sa cuil'3sse un surtout
brodé de dauphins d'al'gent, fit sonnel' la
tl'ompette, déployeJ' les bannieres el quitta
Torre-Lobaton ,. le 23 avril 1521.




CHAPITR.E XI.


Bataille de ViIlalar. - Padilla, trahi, est hattu et fait
prisonnier. ~Ses lettres a sa femme et a la ville de
Tolede. - Sa mort et celle de ses amis.


Padilla était a peine sorti de la ville que la
cavalerie de l' ennemi commenc;a a le harceler
de tous les calés; en approchant de Villa-
lar il vit bien qu'il était pel'du; car, aussitOt
que J'on eut aperc;u J'aJ'mée des régens, trois


12




178


bannieres el tl'Ois cents lances l'abandonnc-
rent, et ron vint l'averlir que les artilleurs
étaient gagnés, ce dont il netarda pas a ctl'e
convaincu; en arrivant a Villalar ils dé-
chargerent leurs eouleuvrines en raíl', el l'un
d'eux mit le fen aux poudres. Pour eomble de
malheur, il survint une plllie violente qui
donnait dans le visage de ses soldats el les cm-
pechait d'avaneer. L'artillel'ie que le comle
de Ham avait plaeée dans Villalar, fesail un
grand ravage parníi ses lroupes, et Juan Bm-
vo, eapitain,e Q-e Ségowie 1 qlÜ tacha de s'en
emparer, fut accablé par le nombre et obligp
de se rendre prisonnier. Le désordre de,'inL
alors général, el les soldats, mal diseiplinés ,
rompirent lem's rangs el se mirent a fuir, ar-
rachant les croix rouges qlli étaient les mal'-
ques des communes, el les I'empla<;{anl le
llJie»~ qu'Hs pOlJvaient pal' "el! croit.blan-
eJw~, q!li ét:tifmt l~ sigpe des troupes (·oyales.


Ml,SSllól que P~dilla, qlli avait déja eu dellx
cl1~V3\\~ ~ués sous lui, et f{lli était a l'arriere-
garQf 1 ch(,wchant a arrt'tcr les fllyards, fut




li9


averti que I'm'tillcl'ie était perdue, el Juan
Bravo prisonnier, iI saisit S3 lance, leva la vi-
siere de son casque pOUI' etre reconnu des
siens, et s'élan~a en criant Santiago libertad.'
vers trois chevaliers qui s'étaient a"ancés dans
l'espoir de faire le coup de lance. C'était D.
Alonso de La Cuéva, D. Diégo et D. Pédro Ba·
zan. Il renversa d'abord ce dernier d'un coup
de lance, et se jeta ensuite sur un écuyer
qu'il perc;a de part en parto Mais iI fut an me-
me instant environné d'unsi grand nom-
bre d'ennemis qu'iI ne pouvait plusfaire usa-
ge de sa lance; La Cuéva lui donna un re-
vers si violent, qu'iIlui coupa presque entie-
rement la cuisse,et le jeta en bas de son
cheval. Quand il fut par tert'e, D. Juan dc Ul-
loa, luí porta un coup dans la figure qui le
blessa légerement, dit Sayas(I), mais qui tua
l'honneur de celui qui le lui donna.Enfin, se
voyantdésarmé, son armUl'c brisée, ses vete-
mens déchil'és, il se rendit a La Cuéva, qui


(1) Aflnalex de Aragol!, ch. 23.




ISO


Irli pl'(~la Ull \'ieil habíl noíl', un bOllUct de
chasseur, el l'cu\'oya SOllS hOllnc escorIe a
Villalar, oit, quelques llIomens apres, on alllena
3tIssi pnsonniers les deux Maldonado , capi-
t3ines de Salamanque.


Les régens tinrent conseil, pendant la
nuit, avec les pl'incipaux seigneUl's, sur ce
qu'ils devalent faire de ICllI's p,·isollniel's.
Quelques-uns, a la tt~te desquels élaient le
cardinal et le connétable, 'voulaient qn' on se
contentat de les garder dans une forteresse
jusqu'a ce que le roi [tll de .. etour, ou qu'il
cut fait connaltre ses inlenlions. L'amíl'ante
opina pour une exéculion imrnédiate, et fut
appuyé par le grand-cornmandeur Hernando
de Véga, qui s'éeria : « Que Tolede ne baisse-
raíl la ere te que quand Padilla ne serait
plns. » Ces paroles furent l'arret de Padilla
eL de ses amis. Le seul don Pédro Maldonado
fut épargné, paree qu'il élaít neveu du comle
de Bénavente qui était lln des pl'incipaux
chefs de l'année royale.


l · ,.. • I ,es "egens, apr'es a\'oll' pns ecHe I'eso 1I-




1St


lion, fil'ent appelel' le licencié Zarate, alcalde
de la chanceHerie de Valladolid, el lui ordon-
nerent d'aller annoncer aux pJ'isonoiers Ieul'
senlence, et les cngaget· a se préparer a la
mort. Cette détermination fut prise san s ju-
geluent pl'éalable, et sans avoir meme inter-
rogé les condamnés! .


Padilla demanda un confesseur : el, apres
avoir rempli ses devoil's religieux, il écrivit a
la ville de Tolede et a sa femme, les deux
leUres suivantes. Le style en est trop remar-
quable pOUI' que jc me permctte d'y changcl'
un seul mol (1).


Lettre de don Juan de Padilla a la pille de Tolede.


« A loi, coul'onne de l'Espagnc el lumiel'c
du monde, libre depuis le temps des GOlhs,
a toi, qui, en n'épargnant pas ton sang pOUI'


(1) I,e texte de ces deux lettres est dans Sandoval,
ch. 22.




IR:!


versel' celui: de l'ennemi, as conquis la liberté
pOUI' toi et pou!' les autres villes, je m'em-
presse de faire savoir que, moi, Juan de Pa-
dil~, ton fils légitime, je vais rafraichir, de
mon sang, le souvenir de tes ancÍennes vic-
toires. Si le destin n'a pas permis que me!'>
exploits fussent plaeés parmi eeux qui te ren-
dent illustre, la faute en est a ma mauvaise
fortune, el non a ma bonne volonté. Je te prie
d?accepter mon saerifice eomme une bonne
mel'e, puisque Dieu ne m'avait pas donné
plus a risquer que ce que je perds pour toi.
Je tiens plus au souvenir que je te laisse de
moi qu'a ma vie. La forlune est changeante;
mais je vois, avee joie, que e'est moi, le moin-
dre de les enfans, qui souffrirai la mort pOlU'
toi; tu en as nourl'i, dans ton sein, d'autres
qui me vengeJ'ont. Bien des Iangues te meon-
teront mes derniers instans: quant a mOÍ,
je les. ignore encore en ce momento Je saÍs,
seulement, qu'ils sont bien proches, et ma
mort te prouvera ma llonne volonté. Je te
recommande mon ame comme a la patl'one




183


de la chrétienté . .le ne parle pas de mon corps
puisqu'il n'esl plus a moi. Je De puis t'écrrre
davantage, car dans ce mOlDent j' ai le couteaú
sur la gorge, el je crains plus ton mécantel1-
tement que la mort qui roe menace. »


Lettre de don Juan de Padilla ti safomme.


« Madame i si votre doulem ne m'affiigeait'
pas plus que ma mort, je me regaroerais
comme tres-heurel(x ~ cal', comme tont le
monde doit mourir,je rends grace a Dieu de
ce qu'il me fait mourid son service, et pleuré
de bien des gens. 11 faudrait plus de teffips
que j,e n'en ai ponr vous éerire des consola-
tions; je ne demande fas que~' on' retarde le
moment ou je dois recevoir la: couronne qui
m'attend, et mes ennemis ne me I'accotde-
raient paso Pleurez votre perte, madame, mais
ne pleul'ez pas ma mort; car elle est trop ho-
norable pour etre pleurée. Je vous li~gúe mon
ame qui est la seuIe chose qui me reste.
Tmitez-Ia comma ce <¡ui vous a le plus aiméeo




184


Je n'écris pas a mon pere, Pédl'o Lopex,
paree que je ne l'ose pas; car, quoique faie
hérité de son courage, en osant risquer ma
vie, je n'ai point hérité de sa bonne fortune.
Je n'en écrirai pas plus long, pour ne pas
faire attendre le bourreau, el ponr qu'on ne
eroie pas que j'allonge ma leUre pomo allon-
gel' mes jours. l\'Ion domestique, Lossa, qui
sera. spectateur de ma mort el a qui j'ai confié
mes plus secretes pensées, vous dira ce que
je ne puis écrire; je termine dans l' attente
de l'instrument de vos chagrins et de ma
délivrance. l)


Quand Padilla eut terminé ces deux lettres,
il se prépara a marcher au supplice. Lui et
don Juan Bravo furent placés sur deux mules,
et un hérault les précédait en criant:« Voici la
justice que le roi et, en son nom, les régens
et le connétahle font exécuter contre les gen-
tilshommes trattres el reheIles.» .Juan Bravo
entendant ces paroles, s'écria:« Tu mens, ce
n' est pas pas pour avoir été traitres que nous
mourons, mais pour avoir défendu le bien




185


puhlic el la libertó ele la patrie.) L'alcaldc
Cornéjo le frappa rudement de sa baguett~;
et comlIle Juan Bravo se mcltai-t en défense
en s'écl-iant: « Qllelle audace est ceei.? »
Padilla l'arreta en lui disant : « Bravo, nous
avons combattu hiel' eomme des hommes;
mourons aujourel'hui eomme eles chl'é-
tiens. »


En arrivant au lieu du supplice, Bravo de-
manda a etre exécuté le premier, pour ne pas
VOil', dit-il, la mort elu meillem chevalier
qu'il y c\tt en Castille. Quanel le tour de Pa-
dilla fuL alTi vé, iI se tOlll'l1a vers Enrique de
Sandoval y Roxas, fils alné dn mal'quis de
Dénia qui se tl'ouvait la, et, lui remettant un
reJiquaire d'or.et un chapelet qu'il tenait a la
main, iI luí dil : « Don Enrique, l'emettez ce
chapelet ama femme, eL elites-Iui qu'elle ait
plus soin de mon ame que je n'en ai eu de
mon COl'ps. » Puis iI se mit a genoux, el ten-
dit le con au bourreau en s'écl'iant: « Domine,
nOn secundum receata nostrafacltlS nobir. »)
Sa telc, el celle de Bruyo fllrent mises sur des




18(;
poteaux; el, qnand le bourt'eaú s'app,'ocha
potlr déshabiller les cadavres, don Enrique
s'écria: « Ne les tonche plus: el puisque leUl's
habfts te l'evieIlnent, "iens chez moi, et je t'en
dotlnerai d'atllres. )\


Q\mlque te'ftlps apres 1 on amena f ay
meme eooroit'1 don Ftanci5Co MaldO:l1ado,
capitaine de Salamanque, el il !>ubit le 501'1
de ses compagnons. ( T )


(l} Alcocer, Hist. de lds comm.; Sándpval, liv, 9,
ch. 20 et suiv.; Pisa, Hist. de Toledo,liv. 5, ch. 15.
Sayas, A,maZcs dc Aragot¡, ch. 23; Médrano; livre 1.
chapitr-e 18.




CHAPITRE XIl.


Suites de la bataille de Villalar. - Soumission de la
plupart des villes. - D. Maria Pacheco défend To-
Jede contre le gl'aml-pl'ieur de Saint-Jean. - Tolede
capitule avcc le marquis. de ViIléna. -' Pl'ison et
mort de l'é\'cque de Zamora. '.


Le parli des cornmunes ne put jamais se
I'elever du coup que luí porta la bataiHe de
ViHalar. La nouvelle de I'exécution de Padilla
et de ses cornpagnons serna l'épouvante dans
tout le royaume. ValJadolid,Palencia, Médina-




rss


del~Campo, se hatcr~nt d'OllVl'il' leul's porles
au vainqlleul' et d'implorel' leur panlon, que
l' on fut assez: politiqlle pour leul' accordel' it
des conditions avantageuses; ceHe révohe,
qui mena9aít de renvcl'ser le trone, se termi~
na, comme toutes les entrepr.ises manquées,
en le consolidant davantage,


La haine des élrangers avait d'abord rendu
le mouvement nnanimc, Mais, bientot, les
pl'étentions exagérées des villes détacherent
de la ligueht noblesse et le clel'gé; qllÍ ne
tarderent pas a s'apercevoir qu'il serait plus
avantageux pom' eux de transiger avec la
couronne. Les exces dont la poplllace se ren-
dit coupable, dans presque toules les villes
ou elle s'était emparée du gouvernement, ef-
frayerent lous ceux qui avaient quelque
chose a perdre; il ne resta bientot plus
qu'une tourbe sans frein et sans discipline,
guidée par quelques jeunes enthousiastes, La
jalollsie des villes en ll'C elles at')'eLa presquc
toutes lesopératiotls lllililail'es, et empecha,
dans le moment critiqlle, dc rÍcn d(:cidcI;




189


l'impéritic el la tl'ahisOll desc hefs adlcvcrenL
de ruincl' les espérmlces des vl'ais amis <le la
liberlé. La ligue se dispersa plus víle qu'elle
ne s'vtait formée; et le découragement qui
suivil le désastrc de VilIalar fut si grand que,
ni J'absence de l'armée royale, que 1'011 fut
obJigé, quelqnes jOlll'S apres, d'envoyer en Na-
varre, ni l'hérol<Jue résislancc de Tolerle, ne
purent engager les communes de CastiUe it
reprendt'e les armes.


Aussitot que dona Maria Pachéco eut ap-
pris le triste sort de son IDm'j, elle ne pensa
plus qu'á la vengeance. EHe pal'courut les
mcs de Tolede, montée sur une muIe capara-
({onnéede noir, revetue d'habils de. deuil ,
ainsi que son jeune enfanl qu'elle portait
dans ses bras et qu'elle montrait au peuple,
en I'cxcitanl i. pl'endre les armes el a ne ja-
mais se soumettre aux meurll'iet,s de son gé-
néral. Elle fesaít porter devant elle ulle hal1-
niere sur laquelle él ait rep"ésen tée l' exécu tion
de Padilla el de ses amis. Aprés ecHe lugubre
proC'ession, elle quilla sa l1laisoll¡ el nlln s'é-




190


tablir dans la forteresse. Elle ne s'occupa plus
qu'a mettre la ville en état de faire une vi-
gOUl"euse résistance, et remplit, malgl'é la
filiblesse de son sexe, tous les devoirs d'un
chef militaire ( I ).


Aussitót qu'elle vil son autorité bien éta-
blie,son pl'emier soin fut de punir la trahison
des deux Aguirres, Ces deux freres, Biscalens
de naissance, avaient été chargés, par elle et
Hernando d' A valos, de porter a Padilla 5,000
ducats, produit de l'argenterie de la cathé-
d"ale, et dont il avait le plus pressant beso in
pour payer son armée qui se mutinatt. On
crut ne pouvoir mieux faire que de confier
cet aTgent a ces deux freres, qui passaient
pOl1l' riches et dévoués au par ti des commu-
nes. Mais, ayant appris, a Ieur arrivée a Val-
ladolid, que les régens s'avan~aient avec leur
armée et qu'une affaire décisive était immi-
nente, iIs résolm'ent d'attcndT'e l'événement,


(1) Sandoval, liv. 9, ch. 17 et suiv.; Sayas, Alln.
de Arag., ch. 26.




191


el de pOI·ter I'argent a don Juan, s'il était
vaillqueur; el, s'il périssait, de s~ I'appl'oprier
clde soutenir qu'ils le lui avaient remiso


Cette trahison fut cause de la perle .de Pa-
dilla; cal' ils auraient pu arriver a telups, et
p .. éyellil' le malheur que causa le refus .de ses
troupes de marcher, avant d'avoir I'et,:u leu!'
solde a .... iér·ée (J),


Aussitót que dona Maria eut app"ls que
les Aguirres étaient de retour a ToIMe, elle
les 6t appeler au chateau. Ceux.-ci, croyant
lenr trahisou encore ignorée, se hatel'ent de
se rend.·e a ses ordres; mais leur crime était
counu et leur ch:itiment préparé. A peine
eurent-ils passé la premiere porte, qu'ils fu-
rf!nt poignardés, el leurs corps jelés par-des-
sus les murailles. La populace s'en empara
aussitot et les 'déchira en lambeaux. Le rrH~me
sorl frappa un capitaine de l'armée royale,
qui, quelques jOUI'S apres, parvint a s'Ínlro-


(1) Sandovnl, liv. 9, ch. 26; Alcocel', Hút. de las
comm.




19:2.


(hlil'e dans la ville, JI était cbargé, par les ré-
gens, de traite!' avec dona Maria, dont ils
l'edoutaient l'influence, el de l'engager, par
des pl'Omesses, a sOl'tir de la ville; ou de l' en-
lever de vive force, s'il n"e pouvait réussil'
autl'ement. Mais celle-ci refusa hautement de
traiter avec cellX qu'elle l'egal'dait comme les
assassins de son mari, et livra au peuple le
malheurenx négociateul', qui fut mIs en pie-
ces en un instant.


Cependant, le g,'and-priem de Saint-Jean,
don Antonio de Zuniga, qui, apres avoil' battu
l'éveque de Zamora, il Ocaña, avait établi son
camp devant Tolede, assiégeait IOlljoUJ'S cette
ville; les habitans, de Icur coté, fesaient
de fl'équenles sorties, tant pO~lI' se procurer
des "ivres, que pour haí-cele,', l'enncmi, lis
chasseJ'ent de la ville tous" ~eux qu'ils suppo-
saient dévoués au pm·ti royal, pilIel'ent et
saccageren t Icl1I's maisons, el déclarerent hau-
tement qu'ils ne se l'cndraient que si on VOll-
lait leur accol'der tout ce qu'avait demandé
la junte d':hila, el Jcm liHe!' la per50nne de




193


Pédro Lasso de la V éga, qui les avait trahis.
Les deux partis continuaient a se livrer des


combats presque journaliers, sous les lÍlurs
de la ville. Les Tolédans saccageaient tous les
villages qui appartenaient a des nobles du
partí royal, brulaient les moulinset détrui-
saient ce qu'ils ne pouvaient emporter. Les
gens du grand-prieur, qui avalent re<{u des
renforts apres la hatailIe de Villalar, enle-
vaient, de leur coté, fous les convois de vi-
vres et serraient, chaque joUt', la ville de plus
preso


Un jour pres de cinq miHe hommes sorti-
rent de ToJede et attaquerent le camp du
grand-prieur avec tant de fureur et tellement
a l'improviste, qu'il eut 11 peine le temps de
monter 11 cheval et de prendre la fuile. Ses
soldats, surpris dans le moment ou ils s'y at-
tendaient le moins, furent bientot mis en
pleine déroute. Mais les Tolédans, sans chefs,
el peu accoutumés a la discipline, au lien de
poursuivre Icor victoire, se mirent 11 piller le
camp, qui leu!' offrait un butin facile. Le


13




194


,grand-pl'ieur, revenu de sa surpl'ise, lle man-
qua. pas de profiter de ce désordre pOllr ral-
lier' ses soldats et les ramener au combato Ce
fut alors aux Tolédans a prendre la fuite,
embarrassés du butin qu'ils avaient faÍt, ils
~úrent bien de la peine a regagner la vil-
le (1).


On vit alors la vérité de ce qu'avait dit Hel'-
nando de V éga : si vous laissez vivre Padilla 7
vous laissez la crete a Tolede. Il est bien pro-
bable, en effet, que,' s'il eut dirigé ecUe atta-
que, elle eut eu une issue toute difTérente.


Cet événement jeta l'efTroi dans la ville; el
I'on commen/(a a parler decapituler. D. Maria
voyant que la masse des citoyens était fati-
guée de la guerre civile, et désirait ardemment
la paix, erut mieux faire en ne s'y opposant
flas et en remeUant ses projets de vengeance
a un autre lemps.


Les Tolédans envoyerent prie!' le marquis
de Villéna, en qui ils avaient une grandf' COI1-


(1) Akocer, !lis', de las comm.




195


{iunce, de venir en loule ha te, préférant capi-
tuler avec lui. n arriva bientot avec un grand
nombre de gentilshommes el des forces assez
considérables. L' éveque de Zamora, craignant
la mort ou la prison, prit la fuite, et chercha
a se réfugier en France (1) ; mais il fut arre té
preí; de la frontiere dans un endroit nommé
Villamédiana et livré au duc de Nagéra, qui]e
fit conduil'e, prisonnier, au chateau de Si-
mancas, ou il demeura jusqu'en 1526. Fatigué
enfin de la captivité et des mauvais traite-
mens de l'alcayde Noguerol, qui voulait le for-
cer a renoncer, en faveur de son fils, a certains
béCiéfices dQnt il jouissait, il résolut de s'é-
chapper. Dans ce dessein, profitant du mo-
ment pendant lequell'alcayde fesait la visite
dans sa chambre, ill'assomma avec l'étui de
son bréviairequ'il avait rempli de cailloux ,
l'ache,'a ensuite a coups de couteau, et
parvint a gagner les murailles; mais l'alarme


(1) Sandoval, liv. 9, ch. 32; Davila, 1'heatro de la
santa igle.ria de Zamora, p. 411.




196


áyant été Jonnée, il fut al'rété au momellt oil
il se disposait a les fmnchir, et renfermé dans
un cachot. Charles, en verlu des pouvoil's que
le pape lui avail accordés pour faire faire I~
proces a tous les ecclésiastiques compromis
dans]a réheIlion des communes, envoya ponr
le juge.'le meme alcalde Ronfluillo, que nous
avons vu plps haut mm'cher contre Ségovie,
el qui était son ennemi personnel. Celui-ci
le condamna a mort et le 6t pendre aux cré-
neaux de la forteresse, 00 iI était détenu, le
:a3 mars J 526. Le pape prétendit que ralcal-
de avait outrepassé ses pouvoirs, et ce ne fuI
qu':lvec beaucoup de peine que Charlesobtinl
son absoIution.La sentencequi fut pronQncée
contre ce prélat est ainsi con<;ue (t) :


(cConsidérant que l'évequeue Zamora, D. An-
tonio de Acuña a été l'une des principales
causes des troubles qui ont eu lieu dans le
royaumependant l'absencedu roi notre mailre


(1) Proces inédit de l'évcque de Zamora, p. 167;
Davila, 1'heatro de la .wnta ilfle.ria de Zamora, p. 412.




197


et seigneul'; qu'il a levé dans la CasLÍlle des
ll'oupes de cavalerie et d'infanterie, avec les-
queHes iI s'est emparé de plusieurs villes et
chateaux; qu'il a destitué les autoritées nom-
mées par le roi et qu'il en aplacé d'autres au
nom des communes; qu'il a résisté par force
aux régens que S. M. avait choisis pour gou,,'er-
ner le royaume en son absence, et pillé plu-
sieurs villes el villages qui refusaient depren-
dre part a 5a ré,-olte; considérant en outre
qu'ayant élé fail prisonnier, et la clémence de
S. M. ne lui ayant pas imposé d'autre chitti-
ment que celui d'étre détenu dans la for-
leresse de Simancas, il a profité de cette in-
dulgence pour tuer Mendo Noguerol alcay-
de de ladite forteresse; nous avons ordonné
et ordonnons qu'il soit étranglé el ~on corps
suspendu a la meme muraille qu'il essaya de
fl'anchir pour prendre la füite.


» Fait dans la viHe de Simancas, le :,d mal'S
1526. »


RONQUILLO.




19S


J ,a tradition rapporte qu'en punttton de
ce sacrilége le démon enleva Ronquillo, en
corps et en ame, un jonr qu'il entendait la
messe dans la cathédrale de Valladolid, et l' on
montre encore aujourd'hui, dans la toiture,
le trou par ou l' on prét~nd qu'il passa et que
l'on n'a jamais pu reboucher depuis (J).


(1) Voyez la note X a la fin du volume.




CIIAPITUE XIII.


Tolt:de reprend de npuveau les armes. - Hérolsme
de D. Maria Pachéco. - Sa fin et ceBe de la com-
munidad.


Le marqms de Villéna désirant terminer
coinpl€tement lous les troubles et négocier
une amnistíe pour les habitan s , appela a To-
¡¡~de D. Bernardino de Cardéna, duc de Ma-
ql1éda. Celui-cí se hata de se rendre a son in-




200


vitation et y arl'lva le joU!' de la Pentecotc.
Le jour meme de son arrivée, et au moment
ou chacun ne songeait qu'a se justifier et a
obtenir le pardon de sa conduite, les chefs du
par ti des communes rec;;urent la nouvelle de
l'entrée de l'armée franc;;aise en Navarre (1).
Croyant le moment favorable et les régens
trop occupés ~l défendre les frontieres pOllr
pouvoir envoyer des forces contre eux, exci~
tés smtoul par D. Maria Pachéco et sa famil-
le, ils persuaderent au peuple que le duc de
Maquéda était ven u pour les punir de leur
conduite passee, et qu'ils élaient perdus s'ils
ne prenaient de nouveau les armes. A I'ins-
tant me me , la populace, docile aux inspjra-
tions de D. Maria, qui était devenue son idole,
attaqua avec tant de fureur les maisons Olt


(1) Moret, Annates de NaIJarra, liv. 36, ch. 2. Je l'C-
marquerai, en passant, que ce fut dans eette guene
que fut blessé Ignaee de Loyola, gentilhomme bis-
cayen. Les livres de dévotion qu'illut pendant sa ma-
ladie lui monterent la tete. Jl pl'it l'habit ]'eligieux,
et devint le fondatcur de l' ordl'c des jésuites,




201


logeaicut ViJléna .et le duc, que, malgl'é la vi-
goureusc I'ésistancc de leurs gens, ils furent
tl'Op heureux d'obtenir de se retirer la vie
sauve. Laplupart des principales familles de
la ville la quitterent avec eux ; Dona Maria se
tl'ouva donc plus puissante que jamais. eeHe
femme extraordinaire, que tous les historien s,
meme ceux les plus dévoués au parti royal,
ne peuvent s'empecher de louer et d'admirer,
valait mieux, quoique malade et pouvant a
peine marcher, qu'une al'mée entiere pOllr la
défense de la ville: elle savait se faire crain-
dredu peuple comme elle savait s'en faire
aimer. Jamais sa volonté ne trouva d'obstacle
ni d'opposition; el sa seule présence suffisait
pour en imposel' a la multitude el al'l'eter le
désordl'c·,


Cependant, la guerre s'étant tel'minée en
Navarre, plutot qu'on ne l'avait pensé, les espé-
mnces quecette ru.version avait fait concevoir
ne turderent pas a s' évanouil', Guillaume de
Croy étant mort su!' ces entl'efailes, le c1el'-
g(\ qui avait stll'lonl étl' mécolltent de la n 0--




202


minal ion d'un élranger a l'arehcvcchédc To-
lecle, se monlra tout disposé a faire sa paix,
quand il le vit remplacé par un Caslillan, ct
qu'ainsi son principal grief était anéanti; il
commenc;a done a exciter le peuple contre D.
Maria, par une vaine accusation de magie. II
ne pouvait surtout lui pardonner d'avoir fait
arreter six des chanoines de la cathédrale el
de les avoir tenus pendant deux jours sans
noul'riture et sans lit, pour les forcel' a lui
co~ptel' 600 mares d'argent (1).


La ville résolut done de se soumetll'e, et
tl'aita de nouveau avec le grand-pl'ieul', qui
lui accorda, au nom de l'empereur, la nu~­
me amnistíe qu'aux autres villes. Les régens
envoyerent, pour rétablir l' ordl'e dans la ville,
D. Gabriel Mérino, éveque de Léon, arche-
veque de Bal'i, qui y fit son entl'ée le 26 oc-
tobre 1521 (2).


D. Maria et les pl'incipaux chefs de son


(1) Ferrel'as.
(2) Moret, Awzales de Nfll'al'!'a, }i\,. 36, rlr. 2.




203


parLi se sounment a ce qu'ils ne pment em-
pechero Mais 1 soit qu;ils n'eussent pas con-
fiance dans la sincérité de I'amnistie q(Ü lem
avait éfé aceordée, soit qu'ils ne pussentse
déeider a renoneer a leurs pInns d'ámhition,
ils che¡'chaient toujours a maintenir le peu-
pIe dans' un état d'irritation qui leur laissút
la facilité de le soulever de nouveau quaml
ils en trouveraient l'occasion opportune.


Quelques autems prétendent (j'ígnore si
c'est avec raison) que l'entreprise des Fran- .
<;ais en Navan e (1) avait eti líen de concert
avec eux, et qu'ils avaient fait un traité avec le
roi de France, par lequel ils s'engageaient ¿l
luí garantir la possession de eeHe provinee,
s'il vOl1lait faire une diversion en leur faveut'.
lis ajoutent que, n'ayant pu, pOllrne pas so u-
level' le pel1ple, qui ignorait eette I rahison,
la faire comprendre dans {'amnistie, et crai-
gnant d'etre recherehés plus tard pOllr ce fait,
dont ils savaient qne les régcns anicnt les


(1) Médrano) liy. 1, ch. 10.




204


preuves entre les mains, its {'urent ainsi cxci-
tés de nouveau a prendre les armes.


D. Maria, qui se maintenait toujours dans
l'Alcazar, nourrissait a ses frais lOus ceux qui
se présentaient. Ses partisans ne perdaient au·
cune oecasion d'insulter et de maltraitereeux
qui avaienl suivi leparti du roi, el répétaienl
partout que e'était a Padilla et 11 sa femme
qu'ils devaient ]a eonservation de leur liber-
té. L'archeveqne eonnaissant el ~edoutanl
l'influenee qu'avaient encore dans la ville les
mots de communes el de Padilla, n'osait ni
les faire punir, ni meme répl'imer leul' in so-
lenee: Cal' eomme ToIede était ]a ville qui
avait résisté le plus long-temps, une quautité
de gens sans aveu qui craignaient d'elre punis
pour 'leurs méfaits s'y étaient réfugiés des
autres villes.


D.Maria et les sien s ayant done appris que
l'archeveque avail re<{u de Flandl'e la confil'-
mation de l'amnistie qu'on attendait depuis si
long-tcmps, et fIll'il devait la pubJiel' le len-
demain, sentirent hi('1l r¡1I'ils Il'avaielll plus




205


de .tcmps i. penlre, el que, les cl'ainles une
füis calmées, iI serait bien plus difficile de
sOlllever de nOllveau la population. lIs résolu-
rent done d'essayer leurs forces. lis sortirent
sur les huit heures du soir de la maison de
n. Maria, et, ayant tronvé un affut dans un
endroit nommé Calahorra-Viéja, ils s'en em-
pal'e'rent et le trainerent avec bruit dans les
rues de la "iHe, en criant, Padilla ~ commu-
nidad! Au hont de quelques instan s, toute la
ville fut en armes. Les nns se réunirent 11 eux;
les autres coururent 11 la maison de l'archeve-
que de Bari, qui avait pris les armes avec tous
les siens. Ce préJat ordonna a la jl1stice de
s'emparer de l'affut, el a tous ceux qui étaient
venus a son secours de lui preter main-
forte. Mais ceux qui le tralnaient ayant atteint
le but qu'ils s'étaient proposé, l'ahandonne-
rent sans difficulté, et prirent la fuite. Les
royalistes s'en saisirent aussÍtot el le jeterent
par dessus les murailIes. La justice ne pal'vint
a an'etcr ql1'un seul homme, qui était ét.ran-
gel' a la ville el rabricant de luncttes de son




206


élat. Cet homme s'était déjá fail remarquer
par la hal'dicssc de ses paroles, et passaitpoUl'
etre run des principaux auteurs du tumulte
qui avait eu lieu.


L'al'cheveque vit bien quelle était l'inten-
tion de ses adversaires et résolut, en homme
de creur, de les intimider pm'un exemple,et,
s'iIs voulaient s'y opposer, de décider les ar-
mes a la main, quel parti devait définitive-
ment triompher. Il résolut dOlle de se présen-
ter le lendemain a l'église de la Vierge, suivi
de tous ses partisans bien armés, d'y procla-
mer l'amnistie et de faire exécuter ensuite le
lunetier.


Quand on se prépara a mettre cette sentence
demort a exécution, les partisans de D. Maria,
flui étaient réunis chez elle, résolurenl de s'y
opposel', el d'enlever le condamné, de gré ou
de force, a ceux qui le menaient au supplice.


L'archeveque, qui fut informé de ce projet,
s'avan<;a avec les siens pour en empeche¡'
l'exécution. Les deux tmupes se rencontre-
renl dan s une rue étroitc pres d'un endl'oit




20i


que l'on appelle les boutiques de Sancho-Mi-
naya. Les premiers, de chaque coté, se char-
gerent l'épée a ]a main; el les partisans de D.
Maria ayant eté attaqués a l'improviste,se dé-
banderent el se renfermerent dans sa maison,
ou i]s chercherent a se fortifier avec quelques
pieccs de canons qu'ils avaient. Quoique pen
nombreux, ils résisterent long-temps, étant
encouragés par l'exemple de D. Maria, ql1i,
pendant tout le combat ne quitta pas un ins-
tanl le poste le plus périlleux; ils ne céde:
rent qu'accablés par le nombre. La maison fut
enfin forcée, el la plupart périrent dans le
combato D. Maria pal'vint toutefois a sortir de
]a ville, déguisée en paysanne, et a gagnel'
la frontiere. Elle se réfllgja en Portugal aupres
de l'archeveque de Brague, son parent. Son
fils mourut peu de tcmps apres, el elle-me me
ne tarda pas a succomber sous le poids de ses
chagl'ins, victime dl1 patriotisme et de l'amoll!'
conjugal (1).


(1) Alcocer, lli" l. de la,\, ('Qmm.; Sandoval, liv.!),
('h, 26 ; Pisa,


"




208


Ceux de ses amis qui, échappés an com·
bat llC purent parvenir a sortir de la ville,
périrent dans les supplices~ Sa maison fut
rasée, et une inscription infamante pour sa
mémoire et ceHe de son époux ,fui placée sur
le lieu ou elle avaÍl existé (1).


(1) Cette inscription qui, sous le gouvernement des
cortes, avait été remplacée par un monument simple
en leur honneur, a été replacée en 1823, apres le ré-
tablissement du gouvernement absolu.


FIN.




NOTRS.






ORDRE DANS LEQUEL SE PLAGAlENT LES VILLES AUX ASSEMllLÉES DI<:S conTEs.


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212


~OTE n.


L:elte querelle entre Tolede el Burgos, pour la pré.
séance, était déja ancienne. Aux COl·tes tenues .. Val- \


.ladolid, en 1389, par don Pedre, dit le Cruel, la
question fut déeidée en faveur d(~ Tolede, par un pri-
vilége en date du 9 novembre 1389, qui est mpporté
tout alllongdansPisa, Historia de Toledo (liv. 1 ch. 29).
1\'Iais, pour mé11agel' les droits de la ville de Burgos, il
ordonna que ce semit le roi lui-lllellJe qui parlerait
au 110m de Tolede ; de SOl'te que Burgos, qui ne par-
lait qn' ensaite, était cependant la premiere des villes.
Comme cette derniere était en possession 'de la pre-
miere place á la droite' du roi, il fut réglé que ron
placerait en face du trone un banc a part pour Tole-
de. On a toujours observé depuis le meme usage, et
il eut encore lieu aux cortes convoquées á Madrid, ell
1833, pour preterSel'menl a l'infante dona lsahelle 7
aujourd'hui reine d'Espagne.


NOTE IIJ.


La querelle entre les Ayala's et les Sylva's da-
tait déja dll malheureux reg'nc d'Henri IV, quand ce
})I'ince fut déposé et son frere Alphonse proclamé a sa
place. Pédro Lopez de Ayala, comte de Fllcnsalida, se
mit á la tete du pal·ti qui resta fideIe ¡\ son aneien
lllaitre, el le Cflmle de Cifuentes, chef de la maiSOll
de Silva, se dédam le chef de ceux qlli proclamerent
D. Alphonse. Lesdeux factions, qui pril'ent les nOllls de




213


leurs che1's , se linerent plusíeul's 1'oís bataille oans les
mes de la vilIe. La haine continua entre elles apres la
1Il0rt oes deux 1'reres, ct n'atteiIdait que l' occasiond' é-
date.': c' est pourquoi, dans cette nouvellc querelle, le
parti de Silva se décla.'a pour les COllllllUlles, et celui
d' Ayala pour le roi. (Pisa, Historia de Toledo, ehap. 30
et suiv.)


NOTE IV.


Le mal'quis de Priégo était fils de D. Alonso de
Aguilal', rUIl des plus vaillans chevaliers de la COUl·
d'lsabelle. L' on peut voir dans la Chroniqlle des Mau-
res de Grenade, et dalls l' Histoire chevaleresque des
Maures de Grenade, le réeÍt de ses prouesses. La tra-
dition rapporte que ce fut un des quatre chevali~fs
qui combattirent coutre les Zégris pour maintenil"
l'innocence de la reine de Grenade. Apres la prise de
cette ville, il fut chargé, par Ferdinand, de soumettre
les Maures qui s' étaient soulevés dans les Alpuxarres;
mais iI fut surpris par eux dans les environs de Ron-
da, et pél'it avec tous les siens accablés parle nombre,
plutot que de faire reculer devant eux la ballniere de
Castille. Les détails de sa fin malheureuse sont raCOll-
tés dans deux romances que nous a conservées Pérez
lle Hita, et dont rune eommence par ces mots: Río
verde, río verde, et l' autre , . Estando el rey Ferllando.
Quand a son oncle, le grand-capitaíne, Gonsalve de
Cordoue, il est tl'Op connu pour qu'il 50ít néct'5saire
d'entrer ieí dans quelques détails.




214


NOTE V.


Le due de Médina-Sidonia, D. Enrique de Guzmall,
qui n'avait alors que treize ans environ, était marié
avec une fiHe du eomte d'Uréña, sreur de D. Pédro
Giron, dont il est plusieurs fois question dans le eours
de cette histoire. Celui-ci , qui le gouvernait cnticl'e-
ment, s'était emparé de l'administration de ses do-
maines, et avait chassé les tuteurs que lui avait donnés
le roi Frrdinand, quand le duc, SUl' la plainte de c.eux-
ei, eut été mandé a la cour. D. Pédl'o , soupyonnant
le roi de vouloil' rompre eette union pOUI' détruire son
influenee qu'il redoutait, persuada au due de s'enfuir .
avec 'lui en Portugal. Celui-ei obtínt bientot apres son
l,a¡'don, par r entre mise du roi de Portugal, et rcn-
tra en Espagile. Mais il mourut bientot apres, et ce
fut alors que D. Pédro essaya de faire valoir les pré-
tenlions dont nous parlero m plus bils (a).


NOTE VI (b).


Don Alphonse, VIII du nOI11, surnommé le Noble,
assiégeait la ville de l:uen~a , qui était alors au pou-
voir des Maures; manquan t d' argent pOIl1' continuer le
siége, il convoqua les cortes a Burgos, en 1177, et par
le conseíl de D. Diégo Lopez de Haro, seigneur de Bis-
caye, il proposa, qu' ontre le tribut que payaient les


(a) Zuniga, Historia de Sevilla, liv. 13, p. ·\5(;.
(b) Alldrada, .Ilisl. d~ Calatrava, p. 48




215


bourgeois et les paysans, chaque gentilhomme hit
obligé a payer annuellement la somme de cinq IDru:a-
védis d'or. Mais le comte D. Pédro, seigneul' de Lara,
prit si chaudement la défense des priviléges de la DO-
blesse, que le roi fut obligé de ren<mcer a I10D dessein.
C' est depuis cette époque que la maison . de Lua a le
droít de parler, dans toutes les OCcaSiODS, au Dom de
la noblesse de Castille. (royez Estivan de Garihay,
liv. l2, chapo 20 j Nuñes de Castro, Cronica del rey
D. Alonso Y/lI, chapo 22 Ca). Une ancienne romance
qui nous a été cODservée 11ar D. A. Duran (romancero
de romances cabalkriscos), p. 1, p. 207, raconte aínsi.
cet événement :


Dans cette ville de Burgos
Jj;n-corles étaÍent réunis
Le roi vaínquenr de las Navas,
A vec toos les hidalgos.


[, Le roí parle avec don Diegue,
Cal' c'est de lui qu'il prend conseil,
Il est seiguenr de la Biscaye ,
Entre tous· eelui qu'il préfere :
Conseilles-moi, dit-il, don Diegue,


10 Jc suis dans un grand embarras;
Cal', apres la guerre que fai taite,
Tout mon trésor est épuisé.
Je voudrais assíéger CueB~a,
Maís je n'ai pas ce qu'il me faut.


1á Dis-moi, qu'en penses-tu, don niegue:
Je veux demander aux cortes .
Que cinq maravédis d'or
Me sotent payés par chaque hidalgo ?




216
C'est une affaire bien difficile 7


20 Lui répond le sire de Haro,
De changer comme tu désire
Un homme libre en tributaire';
Mais l"amitié que je te porte
Me détermine a te servir;


21) Cal' je suia ,un des principault ,
Et par moi ils seront payés.
Quand les cortes fnrent réunies,
Et que le roi leur eut parlé.
Don Diegue alors se leva,


30 Comme ils en étaient convenu.
- Juste est ce qne le roi demande,
Et nul ne peut s'y refuser.
VoiJa mes cinq maravédis,
Et j e les donne bien volontiers.


35 Mais don Nuño, comte de Lara,
Est entré dans une grande colere,
Et sans manifester aueune crainte.
Ce fut ainsi qu'il leur parla :
- Ceux de qui nous descendons


10 N'ont jamais payé tel tribut,
Et nous le paierons encore moins •
Et nous le refuseroos au roi.
Quant a celui qui veut payer,
Qu'il reste ici comme un vilain.


4b Mais que tous ceux-Ia me suivent
Qui sont encor bons gentilhommes.
Tous alors sortent avec lui;
De trois mille il en reste trois ;
C'est dans le cbamp de la Cléra


50 Que tous ils se sont réunis.
Le trib'ut que le roi demande "
lis 1'0nt a leur lance attaché,
Et ensuite ils envoient dire
Que leur tribut est arrivé.


,&5 Qu'il leur envoie ses recenurs,




217
Que de suitc ils seront payés;
Que s'il vient le prendre en personne ,
On lui gardera le respect ;
Mais qu'il vaut micux cnvoyer ceux


00 Qui lui donn':rent un tel conseil.
Quand le roi eut appris cela,
Et qu'il vit qu'il se trouvait seul ,
Il se toume alors vers don Diegue •
Et lui demande un bon conseil.


6S Et don Diegue, en hommc prudent,
Lui donDa celui que voici :
- Exiles, exiles-moi, seigneur,
Comme étant la cáuse de tout,
Et tu recouvreras l'amour
Qu'avaient pour toi les gentilshommes.
- Le roi approuva ce eonseil ,
Et se h:1 la de leur faire dire
Que celui dont vient ce conseit
Est par lui déja bien cMtié,
Et qu'un hidalgo de Castille
N'est pas fait pour payer tributo
Tous se montrerent fort satisfaits ;
Et tGul.fut alors apaisé.
Et ron exila ainsi don Diegue
Pour un mal qn'il n'avait pas fait.
Daos quelque temps on lui permit
De renlrer au sein des Castillcs;
Car le bien de la loyauté
Ne s'achete pour aucun prix.


J~e don Diegue donl il est queslion dans eette ro-
mance est don Diégo JApez de Haro, quinzieme sei-
gneur de Biseaye. (Voyez Larr~tégui , Epi/ome de los
.fi,iores de risca ya, ch. 16.




218


NarE VII.


On donna le nom de Germanía a une ligue qui se
forma entre les différens corps de métiers de la viUe
de Valence, qui obtinrent du roi la permission de
s'armer et de se fornwr en compagnie; d'abord sous
le prétexte de résister aux incursions que les Maures
d'Afrique fesaient qnelquefois sur les cotes du royau-
me. Mais quand ils connurent leurs forces, ils résolu-
rent d' en profiter pour secouer le joug de la nob~e
qui était encore plus oppressive dans le royaume de
Valence que dans le reste de l'Espagne. lIs avaient
ponr chefs Jean Laurent, tondenr de drap j Gnillanme
Sorolla, Jean Caro et Jean Col. Charles, qui étaienl
pl'essé de se rendre en Allemagne , et mécontent de
la noblesse de Valence, qui avait refusé de le recon-
nahre pour roi, ayant confirmé Jeur privilége , lem
audace s' en augmenta encore, ,et la ligue s' étendit
bientot a toutes les villes du royaume de Valence. La
uoblesse fut expulsée pl'esqne partont et remplacéc,
dans les emplois municipaux, par des gens de la lie du
peuple. On dévasta ses propriétés, et ron prit d'as-
saut plusieurs chateaux. I


Le vice-roi corote de Mélito, que les révoltés avaient
obligé de fuir de la capitale, mssembla autour de lui
la noblesse et ce qu' elle put réunir de soldats parmi
ses vassaux. 11 fut d'abotd défait dans plusieurs com-
bats; mais les régens lui ayant envoyé, apres la 1a-
taille de Villalar, un secoms considérahJe, it parvint
a rentre!' dan s Valemc ; le;; prillCipélllX chcfs dI"! la




219


l'é\'oltc pérírellf dans les suprliccs (a). La révolte s'é-
tendít jl1sque dans nle de Majorque, et le vice-roi ,
)J. Miguel de Gurréa, fut obligé de s'enfllir a Ivi~a.
Ce ne fut qu'apl'es une vigoUl'euse résistance que ron
pal'vint a la somnettre de nouveau (b).


NOTE VIII.


Don Antonio de Guéval'a, de la famille illustre des
l .. adron de Guévara , naquit daus la province de Bis-
caye, et entm dans l'ordre de saint Fran~ois. Il fut
éveque de Cadix, et ensuite de Mondoñédo. Il fut em-
ployé par le cardinal dans ses ~égociatiolls a vec les
chefs des communes. Ses principaux ouvrages sont le
Liv,.c Doré, de Marc-Aurele, dont il a paru plu:!ieurs
éditions fran9aises dans le dix-huitieme siecle ; plu-
sieurs écrits sur la politique et l'histoire , et el1fin le


,recueil de lcttres que nous citons ici, recueil oú, par-
mi bcaucoup de fatms et d'él'udjtion mal digérée, on
trouve plusieul's anecdotes cmieuses. Elles 011t été
réimprimées SOlivent, et traduites en franyais par
Guttery, el impl'ill:u:CS a Pal'is, en 1565, 1573, 1577,
1585; ji mourut a Mondoñédo, le 10 avril 1544,


NOTE IX.


D. Pédro Giron, fils ainé du eomle d'Uréüu, pl'éten-


Ca) Caslate~, DiscJtist. de Murcitt, dise, P, eh. 3; S:I)"I<,
Annales de Aragoll. (La relation de ce quí se passa ,¡ Yalenee
cta MajOrfI"c OC.CIlpC ]11'L'.-l¡nellTI qnart ele HJlume)Argcnsolil,
Annalcsde Arrzgoll, el! 7&, RI, ti!), :02, HlL


(11) Saya'" /!nl1a!cf de ArütlOll, dI. 7.




220


<!ait au duché de lHédina-Sidonia, du chef de dona
Mencia de Guzman, son épouse, fille unique du pre-
miel' mariage de D. Juan de Guzlllan, le dernier duc.
Apres la Ulort de celui-ci, il attaqua la validité du se-
cond mariage qu'avait contracté son beau-pin'e avec
une de ses cousines, et dont était né D. Alonso de Guz-
man, qui était en passession du duché: Il tenta d'a-
bord de s' en emparer de vive force a la fa veur «es
troubles qui suivirent la mort du roi Philippe, et mit
le siége devant San-Lucal' de Ba .... améda;· mais 'il
ne put réussir a s'en rendl'e mahre. Il essaya, lIlais
toujours en vain "de faire admettre ses pl'élentions
sous les regnes sni vans.


NOTE X.


Voici comment Juan Anlolillez de llm'gos, dan s sou
Histoire inédite de Valladolid, rapporlc ce qui se
passa apres la mort de l'alcalde Ronquillo. Ilne le
nomme pas; mais don Pédro J .. adl'On de Guévara ,
chevaliel' d' Alcantara, et régidor pel'pétuel de Valla-
«olid, dit positivement, dalls ses commentaires sur
cette histoire, que e' est de lui dont il est question :


" Aprt:s la mOl't d'un certain jurisconsulte, un moi-
lO ue de saint Fl'all~ois, qui devait pl'ccher apres le
.. servicefullcbl'e, comme c'est l'usage quand on rend
lO les demiers devoirs a des peJ'sonnages d'un rang
lO élevé , se retira la uuit précédenle dans la hiblio-
lO theque du cOllvcnt pOUl' prépal'er son discours;
" mais, all lllilicu de la nuit, II entelldil un Lruil de
" u'ompette si llOrrihlr, qu'il fut saisi d'dfroi; ('l




221


l) qua'Hl iI cnteuJit que le IJruit approcltait de la
» bibliothcqlle, il se cacha tout tremblant SOllS la ta-
" bIe. Bientot il vit entre}' une multitude de gens ve-
n tus de dcuil, et l'un (}'enx, qui paraissait leur cllef,
" ordonna qu'on amení1t l'ame du malheureux juris-
" consulte. Aussitot on entendít UD grand bruif de
" chalnes, el une troupe de démons entra conduisant
" rame au milieu des flammes, etla tourmentant de
"toute5 les manieres. Celui qui présidait ordonna ;\
» I'un des assesseurs de lire le proces et la sentence
» que sa,majcsté Dieu avait fail in5truire e~ pronon-
» cer contre lui. L'assesseur]ut ¡'¡ hautevoix la Sf'ntellfC
» qui finissait par fes mots: Considérant les terribles
" pécltés dontl'ame de N. N. étaitchargéeau moment
" de sa morl, nous l'avons condamnée.et la condam-
» nons ¡'¡ la prison perpétueIle en enfer, en corps et
» ame, a datl'r d'aujourd'hui. Alors un des assesseurs
" demanda: Comment ferons-n,ous pOUl' publier eeUe
" sentenee, el COllll11ellt fcrons-Ilous ponr nous empa-
» rer du eorps? cal' VOGS savcz que cela nous est dé-
» fel1dl1. Prenez ce 1l10ille qui est la caché, dit le pré-
» sidellt; il publiera demain ce qu'il a VII et entel1dl1,
" et va nous remettre le eorps du maudit. On tira de
» sa caehette le malheureux moine dont je n'ai pas


. "besoin de ,vous peil1dre la teneul' et l' effroi; le
n président lui dit , en lui montrant rame au milien
)1 des flallunes : Demain tu racouteras en chail'e ce que
)1 tu as vu et ce que tu vas voir. Le président desecn-
n dit ensuite dal~s l'églisc accompagné d'une foule
.. jnnombrable de démons; eomme c'était pour exé-
:: cute!' les ordres du ciel, Dieu lui donna la force
:' d'entrer dans les lieux sacrés, Quand on fUI arri\'é




222


lO á l'enul'oit 011 l'illfol'tuné était entcrré , l~~s démons
lO ouvrirent la tombe ; mais ils n'osercnt pas'toucher
" au corpa , el se mirent au contraire tous a genoux
lO autour de la tombe, tenant a la I'ilain des cierges al-
lO lumés. Le pl-ésident dit alors an moine d'aUer a la
H sacristie, de revetir un surplis, et d'apporter un ca-
H lice, ce qu'il 6t facilement; cal' toutes les portes
H s'ouvl'Írent devant lui. Quand il fut revenu, on lui
H ordolllla de placer le caUce devant la bouche du ca-
H davre, et aussitót l'hostie qu'il avait re~ue avant su
H mort en sortit saine et entiere. Quand lé moine eut
" ainsi re~u le tres-saínt sacrement , quelques-uns des
"démous l'accompagncrcnt respectueusement jus-
lO qu'a l'autel av.ec un cierge a la main; d'autres s'em-
lO pal'erent du corps et l'emporterent. Aussitót apres,
lO un orage épouvantable accompagné-de tonnene et
11 d'éclairs éclata sur la viUeavec tant de violence, que
11 chacun en fut réyeillé, et recommanda son Allle ,i
lO Dieu, croyant sa derniere heute venue, I.e lendc-
11 main le religieux raconta en chaire ce quí lui était
» arrivé.·)J


V-oili le conte comme le rapporte Juan Antolinez,
Je l'ai traduit sans y changer un seul moto Le pere
de Roa, dans son ouvrage intitulé: Estado de Alma.r
chapo 23, imprimé a Madrid, en 1645, ainsi que Cris-
toval Lozano, dans son Alipio de Lastimados Dapirl
pC/'scguido, le racontait a peu pl'eS de JUcme,


,'IN DES NOTES,




EXTHAIT DU CATALOGUE
DE LA. LIBCAIRIE


DE PAULIN, ÉDITEUl\,
Rue de Seine, n. 6.


ENCYCLOPEDIE DECABINET,
Collection de Traités sur le plan de la ·Collection an-


glaisc puhliée par le docteur LaJ'docr, sous le titre
de : Gablnd oyclopalllia.
Les ouvr3ges qui feroot p3rtie de ectte colleetion scront, les


UDS, traduils ou iroilés de l'anglais, les autres, originaux 1 mais
lous écrits pal' }('8 hommcs les plus émincns daos chaque parlie
de 'la s('ience. e'est D. cette condition 'lue les lhrcs fJui s'adres-
sent aux gens uu monde pen vent ctrc utiJes; les vrais savans
seuls llarlent inlclligiblement de la scienec, M. Arago en France,
Herschel en Angleterre 1 savent mettre a la portée de tous 1 les
théories les plus éhn'ées de l'aslronomie.


Tous les TI·aités se vendent séparément.


TRAITÉ D'ASTRONOMIE,
PAR SIR roHN F. W. HERSCHEL,


De la Société royale de Lonures, corrcspondant de l'AcaJémir des
Scicnccs de Paris.


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Et augmenté ll'un chapitre sur les A.pplications Je la
Théorie des Chances a la série des orbites des co-
metes)


PAR A. eOURN OT,


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des scienccs matbématiques a la faculté tic Lyon.


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ques; c'est done une vuc générale de toutcs ces sciences que
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Prix : 4 f. 50 c. broché , 5 f. cal'tonné.




RUE DE SEINE, 6.


TRAITÉ DE GÉOLOGIE.
(OriginQl.)


TRAJTÉ DE BOTANIQUE


PHYSIOLOGIE VÉGÉTAI,E.
(Original. )


LlVRES
.-POUR VENFANCE ET LA JETJNESSE.
I~3 Francc maJHlue de livresponr l'enfance et la jeunesse. A }leu i


d'cxceptions pres, les livres élémentaires d'éducation sont de pi- .
toyables productioDS aussi pauvres par le ~ond que repoussantcs
par la forme et l'exécution. C'cst cncore en Angleterre qu'il faut !


i Jans cegenrf~ r.hea'cher des modeles, non pour les traduh'c, mais i
¡ ponr les imiter en les appropriant a nos mceurs et au caractere :


particulier de Penseignement fran9ais. C'est a quoi nous avons :
songé et n0118 sornllles en mesure d'exé<,uter prochainement un plan I
long-temps médité. Tous nos ouvrages seront choisis parmi les:
meilleurs livres dtéducation qui sont si nombreux en Angleterre
et en Allemagne. Les écrivains denotre pays qui ontacquisdans '
ce genre, plus difficíle qu'on De croit~ une réputation méritée se- !
ront mis a contribution par nous. Maia noua ne OOU8 bornerons :
llas a ce choix.. L'exécution de ces sortes de livres peut coutri- ~¡
huer heaucoup a lenr donncr l'attrait qui les rend utiles, et ,1
voila surtout ce que nous traduirons a la lettre dps ouvrages an- ,
glais, dans lesquels, la gravure m~léc au texte, achaque page, :
l'explique et surtont le fait lire, en excitant le jeuue lecteur, avide :
de connaitre dans tous ses détails le sujet dont le dessin a frappé
5a vue. Nous avon ... déja sous presse les ouvrages suivans:


LES CON TES DE PERRAULT.
AVEC 60 DESSINS lJ'E GRANDVIf.LE, GRAVÉS PAR CHÉRlltR,


J;:T IMPRmlÉs nANS LE TEXTE.
1 joJi volume in-l{).




4 PAU.LTlf. IiOXTI!UR,


LE LIYRE DES JEUNES GARCONS. ,
Encyclopédie complete de tous les sujels qui peuvent


servir a développer la force, l'intelligencc el I'C8-
prit de l'enfance el de la jeunesse.


CONTENANT :


Les jeux de l'cnfancc -- Les excrciccs proprcs a dévcloppcr la for-
ce et l'adresse -- Les récréations de l'esprit -- Les récréations
sdentifiques - Elément d'arithmétique, le magnétilime~ l'opti-
que, l'aerostatiquc, la chimie avec des excmples choisis pour
l'amusement des eufans -- 'Yariétés etc.


Aycc un grand nombre de fi~ures imprimó"s ,Jans le
texte, - I vol. in-16,


LE LIVRE DES JEUNES FILLES,
Ouvrage dans le genre du prel!dent approprié aux récréations,.


aux études· ct aux traV31lX desjeunes tilles.


HISTOIRE NATURELLE
DES QUADRupjmEs, DES orSEAUX, DES POISSONS,


DES REPl'lLES ET DES INSECTES.


beau volume. grand ín-IG, avee 200 gravures sur
boís.


LES POURQUOI? ET LBS PAReE QUE.
EXllRCICllS FAMILIERS


PAR DEMANDES ET PAn RÉrO!ll'SES SUR TOUTES LES SCIENCES.


4 forts volumes in-IS.
00 voit par les aononccs qui précedcnt que notrc plan admet


lous les sujets c¡ui peuvent etrc utiles aux enfans en les amusant.
On verrabientot comment uous t:'nlendons ex.écuter ces ouvrages,
aquel prix nous voulons les produil'c. Le luxe et le hon marché
peuvent alter ensemble; e'est cette cornhinaison que nQUS réalise-
rons avec l'aide du publico




RUE DE SEIN1l, 6.


LIVRES POUR LES ENFANS
~ÉJA PUBLIÉs CHEZ PAULIN, ÉDITEUR.


LES FEUILLES DE PALMIER,
I\t:C~H. ..


!lE CONTES ARARES POUR LES ENt'ANS
PUBLIÉ EN 4,.LLE)[AGfiE


PAR HERDEP.


ET TRÁDVIT EN FS .. NCAIS


PAR KAUFFMAN.


3 vol. in-lS. - Prix: 6 fr.


I,ETTRES n'UN FRlmE A SA SOEUR
SUR


LA BOTANIQUE,
OU


TRAITÉ ÉLÉlIIENTAIRE DE CETTE SCIENCE,
PAR iD. RASTOIN-BRiMOND,


Professeur de Mesdemoiselles, fil_ du roí.


j vol. in-1S. - Prix : 2 f.


ÉDITIONS PITTORESQUES
DES CLASSIQUES FRAN~AIS.


'sOU& puslle.


MOLIERE.
t vol. grand in-S, avec 300 dessins de Tony Johannot,


gravés sur bois et imprimés dans le texte.




· ------------------


¡
l. _{j _____ -_P_A U_L_IN_,_ÉDITElJ ~~ _____ ..


LESAGE (GIL-BLAS)
Avec 200 dessins de Gigoux.-l vol. grand in-S.


Nous uonoerons successi vement tous les anteurs qui compor
tenl ce genre d'orocment. -- Parmi les ouvrages étrangers, nous
uonnerons, en meme temps que les OEu,'res de l\lolii,re et Gil- ,
Bias:


DON-QUICHOTTE,


ROBINSON-CRUSOE.


$0116 pft65C el m eOll5ttiptiOll.


ENCYCLOPÉDlE
DE


L' AGRICUL TURE PRATIQUE,
,


COURS GO,IPLET ET MÉ'i'HODlQUE D'ÉCONOMfE nunALE. I
1 Contenant les meilletn'cs méthodcs de culture usitécs pal'ticulierc~
! menl en France .. en Angleterre ~ en _~ llemagnc el en Flandre;
j --tous les hons procédés Inatiques propres a guidcr le pctit !


Cultivateur, le Fermier, le Régisseur el le pI' Ilriétaire. dan s
l'exploitation d'lIIl Dornaioe rU1'al; -- L'>s principes ¡;énéraux
d'Agricultul'e, la CUltUl'C de tOlltcs les plantes utiles; --I'Etlu-
cation des animaux domestiques, l' Art vélérinairc; --la des-
cription de tons les Arts agricoles ; -- les Instrumens et Batim~n~
rnraux; --l'entretien et l'exploitation des Vigncs, des Al'hres !
fruitiers, des 80is et Forcts; des Etangs, etc.; --l'E.conomie, I
I'Orgauisatnn et la direction d'uDe Administration rurale; enfin
la législation appliquée a l'Agd.culture ;-terminé par des Tabies l'
méthodique et alphabétirJue, la Liste des Figure el celle des
Ahréviations el Ou vrages cités. I


l\IAISON RUSTIQUE DU XIX" sIi,cu~, ,
Accompagnée de plus de 2,000 figures intercalées dans I


le texte, représcntant le, instrumens, appareils,ra- I
ces d'animaux, plantes, b1\timens, rnraux, etc., ré.[


oo •• ______ _______ ..... ____ i




RUF. UF. SEINF., (). ¡


digée par lIoe réunion d'agronomes el de praticiens
appartenant aux so cié tés agricoles de France.


sous LA. nlRECTION


DE Mnl. C. BAILLY DE MEl\I IEUX .ET F. MALPEYRE AINÉ.


L'Encyclopédie de l' AgrÍclIlture pratique formera 4
volumes, ensemble de 130 feuilles, grand in-So, a
dcux colonnes, équivalant a 20 volurA 'o¡'dinaires,
avcc un tres grand nombre de figures.


L'ollvrage sera publié, a partir Ju lundi 6 janvier
j 834 , par livraisons d'nne fenm" de 16 pages on 32
colon nes pal' semaine :


Pans. Dép.
Prix de chaque livraison , a Pub. )\ f. 25 c. )) f. 30 c.
26 'U~ralsons ou six mois d'aOOnnement. 6 50 ., 80
·S2livralsons ou un au d'abonnement.. 13 t5 60
130 livraisons formant l'ouvrage co,mplet. 32 50 :'9


J.cs souscriptcursa rouvra~e complet jouiront de
la remisc.d.·s frais de poste qm sont de 6 fr. 50 c.


Les librairps, commissionnaires, Jépositaires et
,ollscriptellrs allront la faculté d'~changer tuutes les
livraisons contre d'autres, a leur choíx; de rempla-
cel', aux prix ci-dcsSLlS iudiqués, tantes les livraisoos
giltécs ou perducs.


Les abouncmcns ne sont requs fjn'en esp'\ccs, man-
dats sur la poste Oll sur le tTésor; ou papíe .. sur Paris.


Toutl'S les lettres doivent el res aflrancbies.
Les hurcaux sont qllai aux Fleurs, nO 15.


HISTOIRE l'ARLEMENTAIRE
DE [,!.


RÉVOLUTION FRAN<;AISE,
ou


JOURNAL DES ASSEMBLÉES NATIONALES,
Depuis 1789 jusqu'cn 1815;


CQNTJi.lfANT


La Narration des el'cnemcns, les Del)a1 s des: Assemhlécs, les dis· ¡
cussionsdcs princiJlalcs sociétés populaires,ct particuliercm,ent dC~




8 PAULIN , ÉDITEUR,


de la société deS Jacobins; les proces-verbaqx de 14 Commune
de Paris, les Séances du tribunal révolutíonnaire, le compte-rcn-
du des principaux proces politiqucs, le detail des budgets an-
nuels" le Tablean du mouvement moral extI'ait des journaux
de chaque époque" précédé dtune introduction sur l'histoire de
Francejusqu.'a la convocatiOD des Etats-Généraux,


PAR BUCHEZ ET ROUX.
<lONDITION5 DE LA. 50U5CIUPTlON.


L' Histoil'CJ1(ll'lementail'e de la Révolution {ran-
ca/se, desti/l'é'e a tenir lieu ele toutes le~ Collections
(le journaux de la J'évolulion, et autres documeDS,
aura 20 ou 25 volumcs in-So, dont chactm contien-
dra la matiel'e de 2 volumes in-So ordinaires.


Elle sera imprimée ayec soin sur un beau papicl', '
en caracteres neufs.


n en parait. tous les qninze j<lUl'S. un 4emi-volume
de lb ou 16 feuilles. ou un voIume par mo;., DEPUIS
LE 10 DECEMBRE lS3:t. Aussitot que les Souscrip-
teurs le d!,manderont, on publicra un demi-volume
par semaine, ou dcux voll,lmes par mois. Le prix de
chaqlle demi-volume est de 2 franes.


Le prix du voJume eót de 4 {¡'anes.


ATLAS HISTORIQUE
n ..


GUERRES DE LA RÉVOLUTION,
De 1792 a ISI5.


D1\E5St; PAR 1>. G., ..lKCIEJI iLi1VE DE L't-COU: POLYTEC'HNIQUE! ET GRAl),
PAR J,.MBIWISE TA..RDI!.U, COLLA.TIONN~ SUR LES DOCUKENS ET LES PLÁNS
CONSER.VÉS AtI' Db:POT DE U .. GCER~E.


1 vol. grand i 0-4", papier gtan.:i l'aisin.
PUBLIÉ PAR· SOUSCRIPTION.


Cet Atlas se composc de vingt-quatre Cartes et d'autant de noti-
ces. Les donze prcmieres comprennent les .srandes guerres de la
Répuhlique et de l'Empire. dcpuis 1792 jusqu'en 1814. Les
douze suivantes renferment: 10 les campagnes que Pon peut appe-
ler épisodiques~ c'esl-a-dirc celles qui ne se lient poiot immédja-
~cmenl aux faits génél'aux, COHUfle Pcxpédition d'Egypte 1 la




RUE DE SEINE, 6. 9


guerrc de la Vcndée, celles d'Espagnc, ctc~; 2° six batailles, choisies
parmi cclles qui ontjeté le plus d'éclat, y compt'is celle de Water-
loo, qui résume la cam"pagne de 18t5~


Plt!X DE LA. LIVl\,uSOr. ;


Cartes noires. . . . . . . . . . 4 fr.
Cartes coloriée5. • . . . • . •. 4 fr. 50 c.


Il Y aura su. livraisons, composées chacune de 4
Cartes géographiques et d64 Notices historiql1es. (En
vente. )


Q!)UlIfllge9 terminés.


ATLAS GÉOGRAPHIQUE ET STATISTIQUE
D85 DÉI'Al\TEMEMS


DE LA FRANCE El' DE SES COLONIES
CONTE'iANT 95 CARTES.


Prix de l'Allas complet, relié . 100 fr. Chaque carte
séparérnent, savoir :


La Carte de chacun des 86 départemens.
Martioique. . . . . . . . . . . .
Guadeloupe ...•..
Po%essions orientales ..
Guyane ...
BOl1rbon ..
Sénégal. .• . . . . . . .
Carte générale de la France.
Cartes des douanes. ...
Plan de Paris.. . . . . .


t fr.
t
1
t
1
t
t
2
2
2


25 c.
25
25
25
25
25
25


Ces Cart~s sont dressees a Ja. nlaui~rtJ de celles de l' A tlas de
Lesage; le dessill dana le milieu,' et tont a l'entouF. les ~documeO:s
histotiques et statÍ8ti'lues. la mention des hommes célebres, -.les
curiosités en tOllS gcnrcs, des produetions qu sol et des manufac-
tures ; en un mot, cet Atlas offre un ré"peTtoüe exact et c:;:omplet
des ri-chesses et des gloires nationales.






10 PAULIN, ÉDITEUR,
I ____________ ~-------------------


OEUVRES COMPLETES


DE THOMAS REID,
TJt.LDtIlTE5 DR L' j,NQL,US


PAR TB. JOUFFROY,


Mcmbl"e de l'Institut, profcsseur au collége de France et a l'Ecolc
. lIorraale; , ,


Aítec des mOl'ceaur inédils ~xtraits des Lefons de lJl. Royer-
Collard" une Introductioll et des préf~ces du lraducteur.


G volumes in-So: 42 fr.
Le tome ter eontenant l'introduetiondeM. Jouffroy, ayant pa-


ru longtemps apres les nutres, les souscripteurs qui ne ram'ont pa~
retiré, tres prochainement, ne pourront plus l'avoir sépareme-nt.,
attcndu qu*il a été imprimé a un nombre d'ex.emplaircs JIloins
srand -que les cint! autreS.


MELANGES PHlLOSOPHIQUES,
PAR TH. 1OIlFFilOY.


Unvol.in.So :.8 fr.
Les questions lnitées dallS ce yolnme sont placées sous ces qua~


tre divisions: Philosophie de l'Aiatoire.' -- Histoire de la phi/oso
phic.-- Psycologie.--Morale.


OEUVRES DE P. E. LEMONTEY,
DE LAC~t;lInE F .... NfA1SE.


Edition revue et préparée par l'auteur~
7 vol. in-So. - 49 fr.


HISTOIRE DE LA RÉGENCE
ET DE LA l\IINORITÉ DE LOUIS XV,


.JUSQU'AU .INI5Ti.AE 1)11 Cj.RDIN.LL DE FLEURT •