DU DE10ll DE~ tlTnOLI~EE~ r)ANS I.A QlmSTION LA LIBERTÉ D'ENSEIGNEMENT, P.r. ...
}

DU


DE10ll DE~ tlTnOLI~EE~
r)ANS I.A QlmSTION


LA LIBERTÉ D'ENSEIGNEMENT,
P.\r.


fe comtc be itlollllllcmbcrt,
['un HE FIIAN(:E.


Nihil magis diligit Deus in hoe mundu
<{uarn libert.atem Ecclesi.., su..,.


s. A;>\."l:LMI, í'pis.t. IV, 1)


PRIX : :l FRANe.


lP -'lllill~()
A.U BUBEA.U DE L'(]NI,TEBS,


RUE DU VIEUX-COLOMBIIlR, 29;
1':1 CHEZ TOUS LES LlBRAIRES.






DEVOIR DES CATHOLIQUES
n \ \S T. \ ()I;F.STTII"


HE LA LIHERT~ O'EXSEIHXE~IENTj
PHI


l.E cmrm [)~ ~IO:'oiTAI.EmlF:rrr,
p,lir br .$I'OIl'f.


Nihil magi. ,Iilig;t D .. us in hoc mund"
"lUdID JiLprtal..-nl E('elpsiBf" 8um.


S, .\S ... Fl.,l[ Fl'i~t., .IV, 9.


PARIS.
A e 11 u n E :\" 1) E LT N 1 V E n s ,


H CIIEZ TOUS LES UDRAIRES.




I1I11rIlBIERIE DE E.-J. RAn.I.T,
Place SOI'LOlllle, t,




(F.XTR.\lTS DI' llO~lTF.tJR DES Ji ET 10 AOUT Ul50.)


Olll' .. rtnl'e .te lu .eIiMlon, 3 BoAt 1830.


Dúcours de Ulonseigncur le duc d'Orléans, lieulenant-
général du royaume.


({ 'fous LES OROITS DmVENT ÉTRE SOLlDEMENT G.<\RAN-
« 1'18; loules les inslitutions nécessaires a leur plein el
" libre exercice doivent recevoil' les DÉVELOPPEMENTS
" lIont elles ont besoin ..... "


Artide 69 de la Charle: (( n sera pourvu successlve-
(' ment, par des lois séparées et DANS LE PLUS BREF
" DÉLAl POSSlDLE, aux ohjets qui suivent : § 8. L'IN-
" STRUCTION PUBLIQUE ET LA L1BERTt: O'ENSEIGXEMENT. "


lIéanee du Sel'ment, O aotlt 1830.


Sel'menl de mOllseigneul' le duc d'Orléans, lieutenant-
gél/éral du royal/me.


e En p\'(~~ence de Dieu, jejnrc el'observer ~id.~Jement




« la Charte constitlllionnelle, A \'EC r.ES 1\I0DIFIC.\TIO:'iS
« F:XPnl:\Il;F.S DANS T.A' D~:CLA R ATIOX. »


Alwes avoir prononcé ce sel'ment, Mgl' JI' due d'OI'lé:ms I li('ul('-
nant-général tlu royallllle, es1 proclamé Roi , monte slIr son Irllne.
I't LOUlS.PJIII.IPPE 1", roi des Fran¡;ais, prononce le discolll's sui-
vanl:


« 1lessiel1rs les Pairfl et Messiel1l's les Dépntés,


( J e viens de consornrner un gTand acte; je seos pro-
e fondément toute l'éteodue des devoirs qu'il rn'irn-
( pose; j'ai la conscience que je les l'empli1·ai ..... LE~
( S:\GES i\IODlFICATIONS que nous venons de faire ii la
« Charte GARANTISSENT L.~ SÉCURITÉ N: L'AVENIR. ,




· Retenn loin de la France par un devoir
impérieux et sacré pendant les discllssions
récentes qui ont eu lieu sur la liberté d'en-
seigne'ment, je n'ai pu dMendre a la tribune
les droits el les intérets que j'ai coutume d'y
représenter. Mais a Dieu ne plaise que jc
lmisse elre soup~onné d'avoir abandonné le


,combat que je 11l'enorgueillirai toujours d'a-
'''"-


voir en quelque sorte inauguré, il y a dOllze
ans, par le proces de l'École libre, devant la
Cour des Pairs cllc-meme. Qu'il me soit




done permis d'tHever de nouvean la voix au-
jom'd'hui, bien· qüe de tres-Ioin, et puisque
la tribune poli tique m'est interdite ponr un
temps, de m'adresser directement allX Ca-
tholiqnes. J'entends sons ce nom, non pas
tous ceux qui ont re<;ll le hapleme d'un prelre
calholique, rnais ceux qui professent et pra-
liquent publiq uemenlla religion qu'iLs croient
la seute vraie. On sait assez qu'ils ne sont re-
préselltés dans l'ullc et l'autre Chambre que
par une imperceptible minorité.


Cet écrit n'aspire qu'a un seul mérite, cellli
d'une sincérité entiere; il aura en outre I'hon-
neur d'etre un témoignage d'admiration el de
respect pour cenx d'entre les éveques de
France qui ont si noblenlent arraché le mas-
que a l'Université; un témoignage de recon-
naissance et de sympalhie pou!' ces jeul1cs
écrivains qui, an milieu des calornnies el des
critiques, ont plaidé avec une si généreuse
constance et avec un désintéressement Sl pUl'
la cause de nolre foi el de nolre avenir.


Ile de Madere, oclubre 18'3.




1


Quand on envisage avec calme et impartialité
l'état actuel de la France, quand on la compare,
telle qu'elle est, avec ce qu'elle a été, avec ce que
sont les nntiO'tls étl'angel'es, on hésite encorea ad-
mettl'e les arl'éts de ces juges nombreux et sévercs
'luí condamllent la politique de ses chefs eomme la
plus mesquine (lui ait jamais pl'ésidé a ses desti-
nées, qui regardent notre littérature contempot'sine
eomme aussi désordonnée qu'insignifiante, qui pro-
clament enfin l'influence de notre patrie partout
amoindl'ie ou perdut'. On Rime a repousser ou du
moins a ajournel' d'aussi désespél'antes conclusions;
mais il en est une autre, plus funeste encore, a la-




8


quelle on arrive tout droit : c'est que jamaiset nuBe
part on n'a vu une nation aussi officiellement il'ré-
ligieuse que la France de nos jOUl's.


11 ne s'agit pas en cela de ce qu'il peut y avoir
encore de foi dans la population, du nombre plus
ou moins grand de chrétiens ou de juifs croyant a
la religion dont ils portent le nom, parmi les trente-
quatre millions de Fran¡;ais : iI s'agit de la France
comme fOI'ce sociale, comme puissance publique;
il s'agit de son attitude nationale au sein du monde
civilisé.


e'cst pour la prcUlierc füis, depuis que le monde
existe, ({u'on voit une grande nation gouvernée
par des hornmes d'État quí seraicnt aussi embar-
rassés d'avoír une conviction religieuse qu~on l'eót
été autrefois de n'en avoir paso


C'est pOUl' la premiere fois "qu'on voit des assem-
pléespolitiques se réunir, délibérer et se sépa re l'
sans proclamer, par un acte quelconque," leur
croyance au Dieu dont émane toute justice et toutc
vérité.


C'est pour la prcmiere ibis qu'on voit I'élite des
enfants d'un peuple condallmés a rec.rutel' des té-
gions, a s'entasser sur des flottes d'ou tout symbole
et tout secours religieux sont systématiquemellt
bannis.


C'est pour la prcmierc fois, enfin, (lue les jours
consacrés au repos, a la douleur ou a la joie, pUl' la
loi rcligieuse, sont ouvertement et opiniátrémcnt




9
violés par le tl'uvuil, en vertu de l'exemple et des
ordres de l'autorité su périeure '.


Jamais, et pas plus dans l'antiquité que dans les
auuales des peuples chrétiens, uu spectacle pal'eil
ne s'était offert au monde. Entre toutes les na-
tions, la Fmnce est la premiere et la seule qui
l'ait donné. Ne parlons pas des natious catholi-
ques: la Russie sous le joug du despotisme schis-
matique, la 'l'ul'quie sous le sceptre défaillant de
la race (\,Othman, sont aussi étrangers que l'Es-
pagne ou l'Autriche a cettc négation pratique de
tout ce qui peut implü{uer, dans la vic d'un État,
la foi a l'existence d'un Dieu et d'une vérité reli-
gieuse. Et si ron veut mesurer la différence prodi-
gieuse qui sépare a cet égard la protestante An-
gleterre de la Frunce, iI u'ya qu'a comparer reffet
}uoduit sur les deux peuples par deux événements
contemporains. Lorsqu'il y a peu de mois, le gou-
vemeur-général des ludes anglaises sembla vouloir
honol'er ndolatrie des soixante millions de sujets
hindous de la reine Victoire par la restitution des
portes du temple de Somnauth, l'Angleterre tout
entiere répondit a cet acte par un cri d'indignation
et de mépris. Lorsqu'il ya peu d'anuées, M. le duc
de Nemours, Sls du roi et futur régent du royaume,
posa la premiere pierre d'une mosquée sur la terl'C
ou était mort son aleul saint Louis, la :France De


I La Convcntion avait scs decadis J ct les faisai~ sé\'ercJllcllt
obscrve!'.




10


s'en émuLpas autant que d'une escarmouche perduc
ou d'une revue manquée.


Veut-on une autre preuve de la différence des
résuItats que pl'Oduisent les deux systemes?J.a "oici.
On s'étonl1e quelquefois de la facilité avec laquelle
l'immel1se ville de Londres, a vec ses deux milliol1s
d'habitants, est maintenue dans l'ordre par une
fl"arnison de trois petits bataillons et de deux esca-
drol1s, tandis qu'il faut pour contenida capitale de
la I<'rance, moins gl'ande de moitié que celle de
I'Angleterre, deux armées,l'une de quarante mille
hommes de troupe de ligne, 1'autre de soixante
rnille gardes natíonaux. Mais l(uand on arrive
pour la premiere fois a Londres un dimanche
matin, quand on voit dans eette gigantesque mé-
t.l'Opole tout suspendu par obéissance a Dieu;
((uand, dans ce centre d'affail'es colossales, d'inté-
rets innombrables, et du mouvement commer-
cialle plus étenclu de l'univers, clans ce port OU
viennent chaque jour débarquer les- prO(luits des
cinC{ parties du monde, on voit régner un vaste si-
lence, un repos complet, interrompu a peine par
la cloclte de la priere et les Hots pressés d'une po-
pulation qui va remplir les églises, alo1'8 l'étonne-
ment cesse : on comprend qu'it y a un 8utl'e frein
pour un pcu pIe chI'étien que celui des bófionnettes;
ct t{lle la OÜ la loi de Dieu est exécutée avec Une
aussi solennelle docilité, Dieu lui-meme, si je rose
dil'c, sc charge de faire la police.




H
Que la religion perde beaucoup a cette privation


des hommages publics d'un royaume' qui, comme
la France, s'est si longtemps enorgueilli d'etre tres-
chrétien, je ne le peuse pas, vu l'état actue! des
choses et des esprits parmi nous. Mais que le paya
qui a ainsi le premier inauguré l'athéisme national
dans toute sa vie officielle, se trouve dans une po-
sit~on aussi étrange que funeste, c'est ce qu'iJ est
impossible de nier, a moins touterois qu'on n'aime
mieux supposer que toutesle$ sociétés hnmaines se
sont trompées depuis I'origine du monde jusqu'il
nos jours, en plac;ant la possession d'un cuIte na-
tional aU'premier ¡'ang de leUl's gloires et de Ieurs
richesses, et le service de leur Dieu au premier
rang de leurs devoirs.


l[


Rien ne démontre mieux cambien l'état'qúe troU5
signaJons est incontestable, et, de plus, universel-
lement admis, que les dispositíons réciproques des
Fran<¡ais les uns envers les autres. Supposez denx
Fran~ais quelconques, appartenallt a ce qu'on ap-
pelle les dasses éclairées, qui se rencontrent dans
un lieu public ou ailleurs, sans se connaitre ({'a-
vanee, et dont }'un cherche a deviner la carriere, lés
pl'éoccupations ou les convictions de l'autre. La
derniere des hypothe8(.,>g qui se présentera a son




42
esprit, sera de supposel' que son concitoyen pro-
fesse sérieusement et de fiüt 1'1Ine des religions exis-
!antes en France. De toutes les cxceptions que son
imagination aura pu se figure!', ecHe-la sera a coup
súr la plus rare et la plus improbable.


Bien plus, et cela se voit chaque jou!' , on vit
ensemble pendant des années entiel'es dans un
corps politiqlle, duns un tribunal, dalls nn conseil
ou une assemblée quelconque, et ron est tout étollné
de découvrir un jour, pal' quelque hasal'd, qu'on u
pour colleaue ou voisin un homme qui croit a la
vérité catholique, d (lui pl'atique sa croyance, sans
que pel'sonne s'en doutat, tant l'organisation sociale
laisse chez nous peu de place a la foi reliaieusc,
tant elle en !'end la professioll inutile ou impopu-
laire, dangereuse ou ridicule.


En vain voudrait-on, par je ne sais ({uelle distinc-
tion bizal'rc, établir qu'au dehors le catholicisme
e'est la France, et que les grands Politi'lues qui pré-
sident a nos destinées doiventse poser, aux yeux de
l'étranger, eomme les défenseurs spéciaux d'une
religion a laquelle ils sont eux-memes hostiles OH
inelifférents. e'est la l'illusion ele <{uelques ámes
généreuses et inquietes a bon Jroit de l'avenir de la
patrie; c'est aussi la prétention de quclques mc-
neurs moins aveuglés que el'autres par la passion
antireligieuse; mais elle n'ira pas loin. Ni Dieu ni
les hommes n'aelmettront ectte fiction insolente qui
permettrait á certains hommes de représenter au




dehors un ordl'c,de vérités et de faits de conscience
(I'l'ils n'ont pas le couroge de professer au dedans.
On peut y trouver mOliere it q uelques phrases
pour orner des eonquHcs dans rOcéan Pacifique:
mais en Europe, Slll' lc Uhin, en ül'Íent, cn pré-
:'icnce de fjllestion:'i séricnscs, dans nn eonflit de
puissancc a puissancc, les intérets catholiques ne
pcuvent manrpter fI'etre ollbliés 011 trahis par la
poli tique franc¡aise. Cette yérité n'a malheureuse-
mcnt plus besoin d'etre démontrée, depuis que
le protectorat exclusif des catholiqlles dans l'em-
pire ottoman, ce glol'iellx apanase de l'antique
France, a dé transformé Lénévolement en une
SOl'te de c0l11111anclite avec quatre puissonces qui
sont nos rivales, et dont ti'ois an moins sont en-
nemies nées de n~glisc.


fU


Ce phénomcne, qUÍ "ient d'elrc si¡~nalé, unique
daos l'histoire <.In monde, et bien moins I'ecloutable
encore en lui-memc (lue comme symptól11e du
tempérament social qu'il manifestc, a qui faut-il
l'attribuer? su r (fui doit en retombel' l'eiI'rayante res-
ponsabilité? Serait-ce sur te] ministere, sur telle dy-
nastíe, sur telle forme de gouvernement? Non certes:
cal' il ya peu d'années encore, la France était gou-
vernée pa!' une maison royal e qui faisait une pro-




fession publique de la piété catholique dans toute
son étendue. Et qui serait assez insensé pou!' vou-
loir ¿tablir que sous la Restauration la France était
plus religieuse qu'aujourd'hui 't Non, il fallt le
reeonnaitl'e, quoiqu'il en doive coúter a natre C(EtIl'
et a notre patriotisme, cet athéisme officicl qui
distingue aujourd'hui la Franee de toutes les autres
grandes nations du monde, n'estquel'expression trop
fidele de la société fran<¡aise, telle qu'elle est sor-
tic du tl'avail intellectuel et potitique des deux der-
niers siecles. Un pareil état de choses peut sembler
sati-sfaisant ou indiHerent aux espl'Í{s qui se quali-
nent de pbilosophiqucs, aux pontifcs de la dip!o-
matie ou de !'industrie, OH a ces réformateul's dé-
1l10eratiques qui ont habitué leurs adeptes a rq¡ar-
del' chaque ruine comme Ull progrcs; mais iI ne
peut qu'exciter la doulcUl· et l'indignation de tout
ce qu'il reste encore de catholi(IUCS en France et
dans le l"!londe. lis n'ont pas toujOUl'S a s'expliquel'
sur l'origine primitive d'un pareil état : mais il leur
importe toujours de rcconnnitre et de dénoncer les
causes qui le font durer.


01', le raisonnement et l'expérience démontrent
a l'envi que la raison principale et permanente de
l'irréligion publique en France, se trouve dans l'é-
dueation aetuelle de la jcunesse, teHe que l'État en a
constitué le monopole. L'ensemble des institutions
d'instruction publique, qui forme rUniycrsité de
Frunce, et au dehol's duquel un despotisme usurpé




ne laisse rien sllrni r, voil:'! le foyer 011 se forllle el
s'entretient cet esprit Pllblic qui en fait de l'eligion
n'est rien et ne croit a den. Voila la SOllrce OU les
générations successires vout boh'e le poison 'lui
desseche jllSqllC clans ses l'tlCillCS la clisposition nn-
tUl'elle de l'homme á sen"ir Bien et a J'ndol'er.


La s'étahlit entre les maltres et les éleves cette
intelligence, le plus SOllvent tacite, mais padois
avouée, f{ni reler,ue au rang cles préjll~~és et des
conventions sociales toutes les "prités de la révéla-
tion. Lü s'enseignc, non-seulement dans la chaire,
mais dans toutes les habitudes et dans tous les dé-
tails de la vie, l'art de méprisel' philosophiquemcnt
le joug de la loi du Seir,neur. Lit s'é}aborc l'idée si


. répanclue parmi n011S, que POlll' etre ce CJu'on ap-
pelle dans le j<1J'gon du jour un Itomme sérieux, un
IlOmme pratiqlle, il faut n'ótrc ilstrcint aux obser-
vanees d'aueun cuIte. La se développe cette maladie
étrange et monstrucuse de l'esprit qui consiste á
adopter comme vraies (lans le passé, et pour un
temps seulement, les solutiolls étcl'nelles de la révé-
Jation chl'étienne, á transformer des obligations de
eonscicncc en événements purelllent historiques, et
a admettre comme un bienfait social le Christianis-
me, donton l'etranche ladivinité du Christ; commc
si leChristianisllle ainsi mutilé, loill d'étl'e un bien-
fait, ne devenait pas la déception la plus scanda-
leuse et la plus prolonW'e quí ait jnmais été impo
st:'c a l'homme.




.Te ne parle iei que des erreurs les plus haLi-
tuelles et les plus inoffensivcs; je me tai8 sur les sa-
Cl'ilé{}cs, Sll r les dérisions, sur les habitudes i111111on-
des, sur eette fl'Oide et précoce corruption (lui dé-
prave l'esprit avant IlH"!me que les sens n'aient révélé
leurs impérieux iDstincts: je me tais sur tant d'o-
dienx outratres déversés par l'enfance sur tout ce
que l'humanite a j usqu'ú présent le plus révéré.
Nous ne le savons que trop bien, nous tous, chré-
tieus, qui avons etl le malheUl' de passer par les
mains de ru niversité . et le bonhenr fI'en sortit, sans
v laissel' notre foi,
01


Tout cela, .ie le repete, comUle l'état l'eligieux et
moral de la France qui en resulte, peut etre pro-
fondément indifférent OH me me a~réahle flUX phi-
losophes, aux polit.if(ues, aux gens soj-disant éclai-
rés, aux incl'édules de toutes les nuances; lIlais aux
yeux de tous les catholiques conséquents et simples,
de tous ceux qui ont appris dans lcm catéchisme ,
d'oü i1s "iennent, OÚ ils vont, et ce que coute une
ame rachetée par le sanB' d'un Dieu, sons un purcil
systeme l'opprcssion et l'hypocl'isie sont ér,aJes ct
au comble. '''-.


Comme l'a dit avec une purfaite justesse rélo-
c{uent et courageux évcque de Chartrcs: " Il est
.. incroyable qu'apl'cs les preuves actuelles, fla-
a grantes, incomparables par leur force et leui'
• évidence, de l'esprit antichretien et anticatho-
" lique que rUniversité COllllllUnique a ses élcvcs,




17


( onfol'cc des millionsde parcnts catholíques Ú COIl-
" duire cux-memes leurs enfants Ú cclie sourcc oÍl
« ils s'ahreuveront de doctrines dírectement contrai-
" res a la foi..Te ne erains point de le dire. : ceUe
" épreuve, quoique exempte de violences exté-
" rieures et de pcrsécution déclarée, est la plus
" terrible et la plus dan{)ereuse a laquelle aient été
" jamais 80umis les membres de la vraie É{)lisc t. JI


Il ne s'agit pas d'ailleurs ici de dénoncel' ~ou de
démontrer le mal: les familles ehrétiennes savent
maintenant a quoi s'en tenir. 11 s'a{)it seulement
d'examiner en quelques mots la nature du remede
et les mo~'ens de l'applif{ucr.


IV


Vouloil' l'efilil'C de la Frnnce 1111 l~tat catholic{ut>,
lelle qu'eHe l'a élé depuis Clovis jusqu'a Louis XIV,
ce senüt une tentative aujourd'hui impossible, et
(lui, nous ne le erairrnons que trop, ne se l'éalisera
jamais: mais conserver ce quí reste dc catholi-
cisrne en France, et fortificr par tous les moyens
légitimes l'empire purement moral de la Religion
sur les individus et sur les familles qui la profes-
sent encore; défendre lesfoyers qui n'ont pasen-
eore été atteints contre l'envahissement de la conta-


I Lcure publique <lu 22mai t845.




18


gion, e'est .un devoir impérieux pOUf' les eatholi-
ques, ET ILS NE PEU\'E~T J:ACCOMPLIll QU'E':iI OBTENANT
LA DESTRUCTION DU 1\lOSOPOLE VE L'UNIVERSITÉ.


Faut-il, au risque de revenir sllr une distinction
tant de fois rebattue, rappelel' qu'il s'agit pour nous
de la destl'uction du 1110nopole, et non de la dcstrue-
tion de l'Université el1e-meme? Ouí ,ille faut, cal' sur
ce point la mauvaise foi de nos adversaires est lo in
d'etre corrigée. Ce n'est pas á eoup sur que l'exi-
stence de rUniversité sans monopole puisse 110US
inspirer une sympathie ou une eonfianee queleon-
que. Fút-elle l1l('~me sous la haute direetion d'une
pensée eatholiciue, il fuudrait étl'e Lien aveugle
pour en espérer le salut du papo Le gouvernement
des Bourbons a témératremcnt essayé d'imprimel'
a I'Université eette tendance; et ce fut peut-etre la
plus éclatante et la plus fuueste de ses défaites. Le
gouvernement de J uillet y éehouerait étFllemcnt,
si cette pensée pouvait lui venir: iI luí serait pos ...
siLle assurémentde rendre le malmoins tlagrant et
llloins dévastateur; mais transforme!' le mal el).
bien, e'est un mirade Cjll'il n'est pas donné aux
hommes de notre temps d'accomplir. Toutefois,
eette institution, quelquc funcste qu'elle soit, a été
adoptée par l'État, et muintenue par lui :i travcrs
les changements de d ynastie et les révol utions. Cela
constitue en faveur de l'Université non-seulemeut
un fait, mais une cspece de droit. L'l~tat a la faculté,
légalcmcnt et politiquemcnt du moins, de maintc-




H)
n ir dans son sein une institution funeste, a la charv,c
d'en supporter les cOllséquellces, toul comme il
a la faculté de sc pl'écipilcr dans une gucrre dé-
sastreusc, ou d'intl'oduire le déficit comme" basc
deson systcmc financiero Mais 1""J<:tat n'a pas le droit,
souspeinc de violer la constitution qui est la condi-
tion m~l11e de son existence, d'imposer á tous les
citoyens un systerne d'éducation qui compromet le
mainticn de la croyance religieuse au sein de leurs
familles. De ce {'{ue 1'État n'a point de religion, il
n'en résultc point pour lui la faculté d'empecher
les citoyens d'cn avoÍr·. B:cn loin de la, la Charte
non-seulcment promet la liberté d'ensei({nement,
mais elle garantít solennellement la liberté reli-
r,ieuse : cette liberté en ce qui to"uche a une
rcligion positive comme le catholicisme, n'est plus
l!tÚme dérision, si en vcrtu d'une séric de dispo.
sitions extralév,ales, rcnducs en l'absence de toute
représentationnationale, .le pouvoh' exécutif se
trouve investi du dl'oit exclusif de fac;onnel' les
cl'Oyances et les mreurs de l'enfance, au profit soit
el'unc re1il}ion particulü~rc, soit, commc il arl'Íve


" dans l'espece, au profit d'un rationalisme purcmen1
négatif. Qu'il ouvre des écoles sans religion a cctte
portion si considérable du peuple franqais, pOut' ({ni
la religion n'est qu'une fiction, cela est dans son d¡'oit
jusqu'a un certain point; mais qu'il s'arl'oge l'atroce
pouvoir el'y parquet' les enfants de ceux ({tÚ reBor-
dent la foi catholique comme la base unif{tle et 8011-




20
\'crainc de toute vérité, a l110ins '{u'ils n'aicnt le
moyen el'entl'etcnit' des pl'éceptcurs, ou la volonté
de consacrer leurs enfants au sacerdoce; voila
l'usmpation, voila l'attentat, voilil la persécution
'lu'on a si justement comparée au systeme qu'uyuit
essayé contre l'Église naissunte rapostat Julien.


Que l'État garde done son Université, si bon lui
semble, mais qu'il nous laisse, ainsi que la Charte
l'y oblige, la liberté d'en rester dehors, sans
étre frappés el'incapacité et d'ilotisme.


v


C'est la notre "olonté et notre dl'Oit. POUl'quoí,
fondés eomme nous le sommes, non-seulernent sur
l'étcrneUc justice, sur les droits inviolables de
n~glise, mais encore sur l'esprit et la lcttre de la
Charte constitutionnelle de 1830, pourquoi n'a-
vons-nous pas encore obtenu cette liberté?


,le le dirai SUllS détour, autorisé peut-étl'c pal'
douze années de combats, d'cfforts publics et per-
sévél'ants pour eeHe sainte cause: la faute en cst·
aux catholiques eux-memes, a la rnollesse et ú
l'i ndifférence des peres ch rétiens .


. 1'ajolltel'ui meme, autorisé encorc, ce me semble,
llar la conduite généreuse des archcvéques de París,
de Lyon et de Toulouse, des évcques de Chartres et
de BeBey, et de lcurs vénérables (~mules) la faute




21


eu est au reste de l'épiscopat, qui n'a pas assCz pu-
bliquement, assez sérieusement, assez univel'selle-
ment dénoneé a l'indignation et a la sollicitude des
familles ehrétiennes eette épreuve, qU'llll éveque a
déclarée la plus tel'rible et la plus dangereuse it laqllelle
aientjamais été soumis les membres de la vraie Église!


Si vous l'aviez voulu, éveques de Franee, ct vous
'peres de famille eatholiques, il y a lonr,temps déja
que nous serions libres; etlejoUl' OU vous levoudrcz
sérieusement et énergiquement, nous le serons.


VI


Mais, avant tout, il faut dissiper les sophismcs
et les illusions qui nous abusent et nous endorment.


On nous dit que tout n'est pas si mauvais dans
l'Université; on cite des professeurs, des ehefs,
des maisons enti(;lres qui font exeeption a la regle.
Eh 1 qui ne les connait, ces exceptions, et qui ne
les admire d'autant plus que]a position des hommcs
dont je parle est plus délicate et les services qu'ils
rendent plus méritoil'es? Mais aussi qui ne sait que
ee sont des exeeptions aussi rares qu'éclatantes ~ SUl'
dix maltres formés et employés par l'Université, y eu
a-t-il deux qui eroient a la religion? y en a-t-il un qui
la pratique? SUl' toute eette masse d'enfants qui peu-
plent les eolléges royaux ele Paris, d'apl'cs le jugc-
llleut uuanime de leu .. s aumónicl's, cn saurait-oH




22


compter plus d'un seuL pal' annéc et par collége quí
ait conservé la foi jllsqu'a Ja fin de ses études I? Oui,
cel'tes, il y a au seiu de I'Université, depuis le Col-
lége de France et la Sornonne jusqlle parmi les
régents des colléges communaux, il Y a un petít
nombre de creurs droits et honnetes, d'hommes
qui ont !)}us que uu talent, qui out de la foi,
et qui, comme M, Lenormant etM. Ozanam,-
protestent par la fi'anchise de lenr christiauisme et
la solidité de leul' science contre les scandales de
l'enseignemcnt de leurs collegues. Mais ces hommes
formcnt-ils la majorité cluns les établissemeuts uni-
versitaires? Non. Sont-ils d'accord avec leurs colle-
gues? Non. Est-ce a eux que 1'U niversité confie la
direction de ses con seil s , le choix de ses méthodes,
l'éducation de ses mattl'es? Non, encore. Est-ce leul'
esprit qui se refU~te dans ce1ui de la jeunesse qu'elle
déverse chaque anntte au seill de la société? Non,
millefois non.


VII


D'autrcs prcnneut un tOll plus ticr et nous disent
que l'Univel'sité c'cst I'État enseignant, et qu'ose.'


I Happort des Aurnoniers des colléges l'oyauJ.: de Pal'is a M. l'Ar ..
chevequc de Pal'is, en i829, 11 unc époCj\lc oil le gouvememenL fai ..
sait tous ses efforts pour illtroduirc un esprit l'eligieux dans l'Uni-
,·cl'sité.




cOlllbattl'e l'U nivel'sité, c'est se constituer l'ennemi
de l'État, Ils vont me me j usqu'a clire que le lllono-
pole de l'enseignelllcntapparlient de droit a l'État,
comme eeluí de la force judiciaire ou delaforce mi-
Jitaire. L'Université, ectte innovation du despotisme
moderne, se trouve ainsi assimilée a la magistra~
ture et a l'armée, ees deux fondemcnts pcrpétuels
de toute société civilisée; et, s'il fallait en croire
ces nouveaux docteurs, il serait aussi téméraire et
aussi anti-social d'ollvrir une maison d'éducation
en dehors des méthodcs de l'État, que de lever un
régiment sous tI'autres eouleuI'., que le drapeau na ...
tional,ou de eonstÍluer un tribunal de sa propre


, autorité. On eon<¡oit quel serait l'avenir réservé .a
la liberté de la presse, a la liberté de conscience, a
tous les droits de l'intelligence et de l'ame, si un
ullssi monstrueux systeme pouvait prévaloir jamais
dans notre pays. Qu'il ait seulement élé avance et
sérieusement affirmé, en voila assez pour montrer
quel est le Renre de pl'Ofll'es auquel ahoutissent en
derniel' I'essort ces réformes, ces prétendues eon-
quNes de l'intellin'cnce et de la liberté, qui out
commencé pnl'tout par affranchil' les hommes de
la sainte et matel'l1cllc autorité de l'Ég-lisc, pou .. les
courber cnsuite sous les capl'ices despotiques d'un
égo'isme éphél11crc.


Ilcmal'quolls, en passant, par quelle bizal're et
vengel'esse contt'udiction ces apótl'Cs du progres,
apres avoir fondé la législation ct la société nou-




21
velle sur le triomphe jaloux de l'individualismc,
sur l'exclusion de tOl1t príncipe d'association et de
corporation, se trouvent subitement amenés a
identifier l'État avec la corporation )a plus puis-
sante, la plus envieuse, et la plus ambitieuse qu'on
ait encore vue daos notre pays. Ils ne s'aperlSoivent
pas qu'il ya la quelque chose d'inoui, quelque cbose
que la civilisation antique n'a pas connu, que Rome
palenlle, si jalouse d'absorber l'individu dans la cité,
n'a jamais tenté, quelclue chose dont l'Europe en-
tiere, dans le présent ni dans le passé, n'offre pas
un second exemple : cal' ll1cme sous les gouvernc-
ments les plus despotiques, il ya des Universités
surveillées par n~tat; mais nulle part elles ne sont
nttat meme; nulle part rÉtat ne s'est fait directe-
ment maitre d'école.


Mais nous n'avons point a approfondil' eette doc-
trine et ses conséquences eommc catholiques, paree
que, encore une foís, les catholiques ne dirigent pas
les destinées de l'État, et tres probablement ne les
dirigeront jamais de notre temps. Voici seulement
ce que nous avons a Jire sur ce point. S'i! plait iI
l'État de s'identifiel' avec l'Université, d'adoptel'
pour siennes la haine, l'envie, la cupidité pécu-
niaire qui enflamme contre nous les membres in-
fluents de ce Sl'and corps, tant pis pour l'État, cal'
il aura livré ses destinées a l'anarchie intellectuellc
el mOl'ale. Le jour OÚ il sera bien constaté que nttat
rccoll nait pOli l' ses pOlltiles ct seS OI'¡;flllCS ces risi-




bIes docteul's qui se posent au Collér,e de France
en successeurs d'Abailard et de Ramus, ce jour-lil,
ce n'est pas nous qui ser~ns del'enus ellnemis de
l'État, mais bien I'État qui se sera posé en ennemi
direct de l'Église. Ce jour-Ia, il aura élevé une bar-
riere insurmontable entre le catholicisme et lui ; il
aura achevé de détacher de lui toutes les ames éle-
vées et indépendantes qui pouvaient le servir; il
aura commencé une lutte qui a toujours été l'infail-
libleavant-coureur de la ruine et de la confusion de
ceux f{ui 1'0nt entamée.


VIII


Mais on va plus 10i11 encore; et, sans parler de
ces apótres de la tolérance et de la liberté, tels que
rUnivel'sité sait les former 1, qui demandent tout
simplement qu'on étahlisse par la loi une incompa-
tihilité radieale entre les fonctions du sacerdoce et
ceHes de l' enseígnemen t, nous rencon trons sur notre
c11emin de p,'Ofonds poli tiques quí affirment que
l'enseignement est une chose sécu1icre, (!ui se mo-
quent affl'éablement des eatholiques, quand ceux-
ci veulent eonclure des paroles de Notrc-Seigneur
a ses disciples : EUllles docetc omnes gentes; fIu'il y a
pour le sacerdoce chrétien un droit et mcme un de-


I Revue de l'hlSlructiOIl pulJlil¡uc.




26
VOil' imprescriptible a intervenir dans l'éducation.
lis veulent bien ne pas inventer pour les pretres ca-
tholiques quelque entrave spéciale, mais ils repous·
seront avec persévérance et en principe la liherté.
paree qu'ils prévoient qu'elle profltera surtout an
clcJ'gé. Selon eux, l'Église est dans l'État pOUI' les
eh oses temporelles, et l'instruction publique étant
une ehose temporcHe, il faut a tout prix empecher
l'Église d'y intervenir d'une f.lc;on indépendante de
l'État, ou d'y exei'cer une influence COÍlsidérable.
Ces esprils, a la fois si orgueillcux et si avcugles, ne
crais'nent pas J'avaneel' cette doctrine en présence
dll témoignage unanime des peuples chréticns, qui
ont de tout temps reconnu l'éducation eomme une
portion pratique de la religion, et comme un droit
inhérent au sacerdocf'.


De nos jours, et /lutOUl' de nous, tous les peuples
libres, plus Ubres flue la France, rendent hommage
par le fuit a l'imprescriptible vérité de ce principe.
Personne ne Iiiera que la constitution de la Belgiquc
et ceHe des lttats-Uuis He soient plus libérales encol'c
(fue ceBe de la France: 01', en Belgique, arflCc a
l'application sincere de la constitution, l'étlucation
des cnfants ,de la majorité est diriaée par les minis-
tres du culte de eeHe 1l1ajorité. Et dans l'Amériquc
du Nord, Ja Grande divel'sité des religionsnfa servi
qu\'t proclamer d\me fa<;on plus incontestable en-
core le t .. iolllplle de eette loi soeiale, pUisfiu'au dire
de l'obscnutcul' le plus profond et le plus impartial




27
que ce pays ait eu, la plus' grande partie de l'édu-
cation y est confiéc au clcrgé '.


Quant a l'Angleterre, qui pourrait comparer,
sous le rapport de la liberté, le pays oÍl on a pu im-
punément ct tons les jours , pendant une année,
comme M. O'Connell, rassembler, harangucr et dis-
cipliner dans le sens le plus hostile au pouvoir cent
mille citoyens, avec le nOtre, Olt un député ne pent
pas seulement rendre ses comptes a ses eommct-
tants, sans que la police n'intel'vienne et n'empe-
che, comme on l'a vu naguere a Toulouse. Eh bien!
dans ce pays, á la l'üis si }lllissant et si libre, l'ensei-
gncm'ent public e::;t exclusivement dirigé par le
clergé. Les deux univcrsités d'Oxford et de Cam-
bridge, les GTandes écoles publiques d'Eton, Har-
row, etc., d'Olt sont sortis ces grands orateurs, ces
éCl'ivains, ces hOl1ulles d'état, que M. ViHemain se
plaisait autrefois a HOUS faire connaltre, dans ses
cours de la Sorhonne; toutes ces institutions, dont
rantiquité, la rcnommée et la popularité sont sáns
rivales en EUl'ope, relevent excIusÍ\'ement de l'É-
glisc étahlie 2! ce qui d'ailIeul's n 'empeche pas l'exis·
tence d'innombrables écoles dirigées par le c1ergé


I M. de Tocqueville, de la Démocratie en Amérique, t. 11, p.250.
9 JI ya, SÜ\·tout a Cambridge, un certain nombre de cltalres oc-
cup(~es par des Jaiques; mais dans les deux Universités comme dama
les colléges de Winchestel', Eton, Westminster, Harrow et Rugby,
óo. sont élevés tous les enfants des cJasses supérieures, tous lea CMf.
el la plus grande partie des maitrcs sont ccclésiaslique&.




28
catholique et dissidel1t, et entr'antres de plusicurs
colléges de jésuitcs. Mais qn'importent a nos doc-
teurs modcrncs des exemples si universels et si écla-
tants? En s'affranchissant de l'autorité infaillible de
l'Église, ils ont acquis le don de se persuader qu'eux
seuls possedent la vérité; et qu'en dehors de leurs
pensées il n'y a qu'erreur et ténebres.


Si en Prusse et dans les autres royaumes euro-
péens, l'État a graduellement remplacé le clergé
comme puissance directrice de l' éducation publique,
la différence radical e qui existe entre la forme de
ces gouvernements despotiques et le nótre, semble-
rait devoir suffire pOUl' interdire l'imitation dé leur
systeme d'enseignement dans un pays dont la con-
stitution est basée sur la liberté. Mais en outre tous
ces États, qui reconnaissent tous une ou plusieurs
religions nationales, ont assigné aux ministres de
ces religions une influence, sinon complétcment
indépendante, du moins prédominante et obJiga-
toire dans leur organisation '. On peut affirmer
qu'il n'existe pas et qu'il n'a jamais existé dans le
monde un systeme d'enseisnement public Jivré
exclusivement. a. un corps laIque et séculier comme


1 C'est ce qu'a parfaitement démontré M. Cousin lui-memc dans
ses rapports officiels sur l'enseignemcnt en Prusse, en Hollanue, elc.
Voir aussi un exeellenllravail sur le caractere J'eligieux de I'instruelion
primaire en Prusse , comparée a celle qui se donne en Franee. par
M. Aurélien dc Courson I dans la Revue de l' Armol'iqlle. nO -1,
p.2U.




29
Tnivel'sité de France. QueIs S01lt d'aiUeul's, memc


nvec eeLte illtervention puissante et obligatoire
de l'élément reli{~ieux, <¡ueIs sont les résultats
de ce systeme moderne et absolutiste de la direc-
tion de l'enseignemellt par l'État? En AIlemagne,
iJs ne son! rien moins que satisHtisants, et des
jugcs désintéressés n'hésitent pas a reeonnaitre que
dans ectte ancienne patrie de l'érudition et de la
philosophie, une génération de médiocrités incon-
testables a remplacé ces grandes constellations intel-
lectuclles qui brillaient a la fin du dernier siecle
et au commellcement du natre '.-


Il ne serait pas difficile, je pense, de consta ter
les memes l'ésultats quant a la France, et de démon-
trel' l'infériorité des génél'ations formées par rUni-
versité, comparée ;;¡ ceBe des Chateaubriand et des
euvier. Dcpuis les statistiques de la jl1stice crimi-
nclle jUSqtÚlUx feuilletons de nos journaux les
plus répandus,-tout démontre suffisal1lment que ni
la l1loralité publique, ni la dignité des lettt'es ll'ont
gagné á la jll'opagation moderne de l'instructioll
tclle ({ue l'État la débite parmi nous. On peut hal'-
diment conclure que le mal ne fera qu'augl1lenter
sous l'inHuenee el'un systeme qui a eru pouvoir


I Nous engagcons "ivemcnt toutes les personnes qui veulent se
faire une idée eucte des résultats réels oe l'instruction publique en
Prusse, a consulter l'ouvragc remarquable de ll. Laing. voyageur
anglais, prOleslant el démocl'ate, intilulé : Notes of a eral'eller on
lIle so~jul ul1d poliliralllate of Frallce, Prlls8ia, elC.




30


suppléer a l'unité des croyances pal' l'uniformité
des méthodes, et quí aff¡ússera pen a peu le génic
autrefois si fécond et si brillant de la France sous
le joug de la médiocrité intellectuellc et d'une 1110-
ralité négative.


On a déja vu le chef actuel du monopolc uni-
versitaire, mu sans doute par le désir de stimuler
la générosité des contribuabJes, avouer dans son
-recent rapport au roi sur l'instruction secondaire,
que la ¡"rance moderne, malgré les ressources du
hudget et les exactions de la rétribution univcl'-
sitaire, offrait á la jeullcsse avide de s'instruirc
'beaucoup moins dc ressources que nc lui en avait
assurées sous rancien régimc la munificence dura-
ble du clergé, de la noblesse et des corporations
municipales. Qui sait si on ne yerra pas un jour
quelque successeur de M. Villcmain reconnaitre
par un nouvcau cri de détl'csse que le systeme
moderne le (,-ede autant a rancien sous le rapport
de la qualité que sous celui de la quantité, que
le soi-disant gouvernement des capacités a introduit
peu a pen le regne de !'incapacité, et (Iue 5011S
l'égide de l'enscignement offi ciel , le niveau intel-
lectuel de la France u baiss-é? e'est la du reste l'af-
faire des hommcs a qui la Frunce a permis de
disposer de ses destinées. La notre, comme catho-
Hques; est d'empecher l'obaissemcnt parallele dn
niveau moral flU sein de nos propres familles.
Nous ne sommes pou\' ríen dans l'invention dc




31


ce systeme désastreux, nous n'en avons été que
les victimes, et jamais les complices. Soyons au
moins les premicl's á le dénol1cer et Ü Hons en
affranehil'.


IX


11 faut bien l'admettre du reste, l'Gnivcrsité et
ses défenseurs en repoussant le saeerdoce eatho-
lique de l'enseignement, sont d'accord avec la mar-
che continuc de cet odieux despotisme qni se dé-
f3'uise partout sous le nOl1l d'esprit modernc ou de
progres social, et qui consiste a absorber dan s runit<~
facticc de rEtat toute la seve et toute la force de
la vie socia le. On a commencé par détendre et briser
tous les reSSOl'ts qui imprimaient a I'h01lll11e une
hnpulsion permanente vers un monde meilleur,
ven une vie plus haute, el qui lui servaient en
meme temps d'inviolable suuvegurde contre toutes
les tyrannies. On a détruit pen a peu toutes les insti-
tutions qui témoignaient de I'oriGinalité et de la
féconde varjété de sa nature: on a proserit toutes
les formes, toutes les tnu1itions (lui caressaient son
imauination en peuplant sa l11él11oil'e. Il s'agit main-
tcnant d'enchainer son intclligcncc et son activité
et de les sccHer pour jamaili au sein de ecttc grand~
maehinequ'on appellc l'Etat,({ui se charger<lcl'agil',
de penscl', de combattre, dcchoisir el de croire pour




52


luí, qui rcgll'tl son esprit comme elle ré~it déjá
son industrie et sa pl'opriété, quí élevera ses cn-
fants comme elle partage sa succession, et qui
deviendra ainsi l'unique agent et le seul arbitre
d'une nation moralement anéantie. L'Université
ne représente pas seulemellt l'orgueil du rationa-
lisme et l'anarchie intellectuelle oil conduit l'incré-
dulité : elle représente surtout et elle sert mer-
veilleusement cette tendance de rEtat a tout ployer
sous l'implacable niveau d'une stél'ile uniformité,
C'est par elle que ce nouveau despotisme, qui
menace le monde, tend a se substituer a l'Église
et a la famillc, ces deux foyers sacrés de la liberté
morale elu gel1l'e humain. Elle est l'instl'Ument do-
eile et efficace de cette coupable ambition des pou-
voirs publics de nos jours, quí leur fait mettre la
maiu sur tout ce qui était autrefois a l'abri de len!'
atteinte. Car, remarquons·Je encore, par une contra-
dietion aussi étrange que l'évoltante, plus leu!' durée
est éphémel'e, plus ils sont dépouillés de tout ascen-
dant moml sur les peuples, et plus ils aspirent a s'é-
riger en pontifes et en docteurs. e'est le moment oú
ils renoncent poul' eux-mcmes a la pl'ofession d'une
croyance quelconque, qu'ils choisissent pour régle-
mente!' et administrer chez les peuples le domaine
de la cOllscience et de la foi, OÚ leurs pl'édécesseUl's
n'avaient jamais osé s'avellturer qu'au nom et pour
le comple d'Ulle religion positive, Leur origine,
leurs révolntions, lenr constitution et leu1's condi-




tions I1H~ll1eS d'existence len!' in terdisell t }usqu a ces
6ctionsCflli autrcfüis entouraientl'autol'Ítéd'un pres-
tige salutail'c; et les voilú qui se posent en interpretes
et cn modél'a teurs de 1 'éternclle vérité pOUI' pénétrel'
jnsquc clUIIS le sanctuail'c de la famille et pOUl' pré-
tencll'e (fue lesG'énératiolls futures doivcnt etre mOIl-
{ées a lellr r'ffigie! QucHes (Iue soient les appréhen-
sions ou ]'jnsouciancc des philosophes ct des poli-
tiques étrangers á la loi de l'~~glise, au sujet des
pl'ogres de ce nouveau dcspotisme, les eatholiqucs
peuvent-ils laisser avec indiffél'ence se eonsommer
l'ceuvre fatale de eette séeulul'isation universelle?
Peuvent-ils se résignel' fl'oiclement a voir détaeher
ainsi pieee a pieee de la vérité religieuse tous les
éléments de la société qui avait été sauvée et régé-
nérée par l'incarnation du Fils de Dieu?


Naguere la politique, la jurispruclence, la seience,
toutes les hl'anches de l'art reconnaissaient la su-
prématie de rÉglise et faisaient dél'ivcl' el'eHe leur
fecondité et leui' suncuon. Toutes ces nobics vassales
de 1'Église ont été successivement arrachées a su
tutélail'e infIuence. Déjá l'uull1óne, cclte créatioll
exclusi,'c du eatholicisme, celle invenlioll de la vanilé
sacerdotale, comme elisai t Barere " est entt'av(~e et
poursuivie jusque dans ses asiles les plus sacI'és ct
les plus purs, cluns les hópitaux qu'administl'ent les


• Exposé des mOlifs dc la loi sur les _ secours plIl.lics, ·mars 1795,
el juin 179i.




sreurs de charitc, par cptte hurC3UcI'utie insatiable
qui ne connuit d'antl'e idéal tiue i'uniformité et
quí voudrait substituel' partout la bienfaisance
oHiciellc surveillee pUl' un comptable, a la charité
pmtiquée par des chrétiens.


Voici maintenant le tour de l'éducatioll, dulibre
cxercice de la puissance paternelle, que rEtat, sous
la figure de l'Université, vient dél'ober a l'Eü'lise et
confisquer a son proSt. L'épiscopat et le c1ergé fran-
«;ais peuvent-ils ne pas resister a ectte demiere usur-
pation, quí envahit direetemcnt le domaine de la
cOIlsciencc et qui sacrine á fido)c poli tique la por-
tion la plus délieate, et jusqu'u nos jours la plus res-
pectée du troupeau chrétien? Peuvent-ils abandon-
nel' un dl'oit a la fois ilIhérent lt Icur constitution
divine et garantí par l'csprit et la,lettre de la loi
fondamentaledu pays? Plaise au del qu'llne pal'cille
faiblcsse ne puisse jamais Ieur Hrc reprochée; Cat'
du moment OU l'Eglisc l'econnaitrait (lu'elle a perdu
ce droit, elle aura rcndu les armes á l'esprit mo-
derne, elle aura suhí une défilite non Inoins fll-
neste pour le salut et le bonhellr de l'humanité
que ceBe oú le despotisme des souverains, l'astuce
des légistes et l'iograt ol'Gueil des savants lui oül
dél'obé la noble fonction de juge entre les peuples
et les rois.




x


~Jais, VOIlS disent les chef., tlu monopolc, ITTni-
yel'sitó nc I'CpOllSSC P,18 le eonCOlll'S el II dCI'{jó; t01l t
au cOtltl'ail'e, elle le l'cchcl'chc ct le Clcilite parto:lt
Oll elle le peut. .Je le crois bien en vérité! Pl'étl'CS
de .1ésus-Christ, llJnivet'sité sachant bien qu'cllc
ne peut d'un seul coup anéantir votre inn Llence et
se sllbstitllcr pat'tout a vous, ne demande pas micux
qlle de vous prencll'e el son scnice, et de vous don-
nel' sa Jivrée: c'cst el'clle quc vous tiendl'cz vos gagcs
et "otre passcpol't aupr(\s eles génél'ations nouvcllcs.
Elle vous demande votre concours , dit-elle: mais el
quclles conditions? Sont-cc vos conseils qu'dle sui-
vra? est-ce yotre esprit (fu'elle inoculera, votre
symboJe qu'ellc imposel'a? Et ne sont-cc pas la les
seules conditions possihles du concours d'un pr€:-
t1'e? Tout au contraire, c'est elle qui vous imposera
ses méthodcs, qui vous pl'escrira ses systerncs, et
fluÍ slll'veillera votrc Janf\'a¡~c; clle qui ne compte
pas un seu 1 ecclésiastiquc panni ses che/s, et q ni cst
gouvct'n(;e pal' des hommes dont la croyance est
souvent un mytlte pllls impénétrable encore que
1em doctriné',


I Je me SlIís souvent dcmandt', , quanú j'étais élevc de !'üni"el'-
sité, comllle ¡/rpnis qUf' j'cn SlIís ~orti, ce qiW l'au\ll(lnícl' di' n'im-
[lorle quel collt>g" l'Oy~l de Pal':s pOli I'l'ai t f¡;jlondre ;\ I'é,p.rc quí luí




56


leí, encore, l'UníversiÍ(~ cst parfaitement d'accord
ávec cettc fou\e d'hommes d'Ittat, de moralistes et
de littérateurs que nons rcncontrons 11 chaque p3S
sllr notre cbemin, et qni róvcnt POlll' l'É:p,lise une
SOl'tc de servÍtude dor((c et tranquille. On satisfcrnit
ainsi ;\ la lüis, et3ux traditions du jaus((nismc pal'-
lcmentaire et du despotisme impérial, et aux illtl-
sions de ectte aristocratie philosophique 'luí chcl'-
éhe it se constituer parmi nons, avec la missiol1 de
lelldl'e dOl/cemenl, la main al! qenre Immain, el de
I'aidl?/" á s'élever plus !uf/ll encore (¡/le 1(; c/¡rislin-
lIislIlC '. Ah! nOlls les eOlllwissons bien, ces gral1l1s
esprits, pOut' qui I'I::¡j'lise n'est (Iu'une sorte lf'ad-
ministration des pompes funebres, it qUÍ ron
coüul1ande des prieres pour le convoÍ des princes,
ou meme des chants pour leurs victoires; m3is
f{Ue ron congéclie poliment des (!'I'elle s'avise de
manifester ses vo~ux et ses droits, Nous les COI1-
naissons, ces tacticiens de cabinct, qui ne deman-
cleraient pas micux que de transforme!' le clerc'é en
sendarmerie llIol'ale, S3¡j'C et docilc instrumcnt
d'tme police spécialc, á l'usaG'c de eertains esprits
prévenus, de certaines populations peu éclairécs.


dirait : ( Mais, M. l' AlJbé, pourquoi voulez-volls nOlls faire croire it
« des choses tI"e n'admettent auclIn de nos pl'Ofcsselll's '1 »


I La pbilosophie est patiente ... , elle est plcine de conlbncc flan"
¡'avenir. HCllrcuse de ,'oir les masses, le pellple, c'esl-i¡-dirc le
genre IHI~}ain tout clltier entre les bras dll christiani:5me, elle se
contente tle lui tentire ¡\oucemenl la main et dc I'aider a 8'éle"rl'
plus haul encore. M, COUSill, COtll', d'Ilisto:l'c de la Philowphic.




37
.i\OLlS les connaissons encore, ces organisateurs
llOUyeaUX, yui yculent bien rCCOl1naltre á l'antique
l'eligion de la France le droít d'exister, a la condi-
tiOl1 d'étre régléc, soull1ise, respectueuse et faciJe ;
espece ele terume de ménage yu'on ne consulte sur
J'ien, maís qui a son utilité pour eel'tains détails
csscnticls de l'éconolllie sociale. Nous les connais-
sons en/in, ces écrivains, ces orateurs plus ou
llloins diserts, qui, parce tlU'ils ont, dans un cours
OH une revue, l'endu en passant un obscur hOlll-
JlIa{}c a q uelque grande vérité ou a quelques granels
llOwmes dc I'histoirc catholique, se figurclll que
ce catholicisrne litÍl~raire doit coul'bel' l'Église sous
le paid:; d'uBe l'econnaissance éternelle envers eux;
qui, paree clu'ils poussent la eondesccndance jusIlu'a
aceompagner leur temme ou leurs enfimts a la
messe paroissiale, se croient investís du droit de
dénoneer comme un attentat a la súreté publil{ue ,
le premier signe de vie ou de courage qui échappe
aux catholiques, se posent a la tribune, a l'Académie,
dan s la presse, comme 110S correcteurs officieux, et
affectcnt de traiter nos plus vénérables éveqllcs
eomme des écoliers en révolte, et l'J~Glise de Frunce
comme une affrancbie (lui s'éeare, ou une protégée
qui s'élllancipe.


Gest paree que IlOLlS connaissons ces hommes ct
leu rs systemes, que nous n'aeceptons pus leur 01'-
gueilleuse pl'otectíoll, et (pJC 1l0US ne redoutolls
pas leul' inimitié. La position qu'ils vOlldraienL




58


faire a l'Églisc n'est yu'unc sorte de domesticite que
nous repudions avec toute l'énergic de notre amour
pour elle. On a vu, il est vrai, el d'autres époques
de notre histoire, co,mllC on voit encore dans ccr-
tains États catholiques, l'Église associée ú un systeme
poli tique , y perdre une portian de son éncrgie et de
son indépendance naturelle. e'est ulle epreuve, a
coup Sltr, et rune des plus difficiles qu'elle ait euc
a endurer : mais alors, du moins, eeux qui l'entra-
vaient ou la dirigeaient ayec plus ou moins de sin-
eérité, pratiquaient publiquement ses lois, et se
¡:lorifiaient d'etre ses eufants <.lociJes par la foi. Mais
ctre aux ordres d'hollulIes qui lui sont étrangers
ou hostiles, d'incl"édules, d'indifferents ou de pro-
testants que les chances des luttes parlementaires
peuvent appeler au pou·voir, se mettre au service
de quelques sophistes qui ne lui font plus }'honneUr
de la persécuter, parce qu'ils lI'Ouvent plus cl'avan-
tage a se servil' d'elle: e'est lá un métier qui peut
convenir a quelq u'une de ces églises batardes,
transfuges de l'unité et de la vprité; mais qui scrait
le dCl'uier cleBTé de l'ahuisselllellt pour l'nni(lllC et
pure épouse de .Jésus-Cln'ÍSt.


L'Église clltholique, iI faut bien (lu'on s'en sou-
vicnne, ne connait pas ces tl'ansaCl1ons avec ceux
qui ront reníée ou yaincue ieí-has. Elle se laisse
proscrire, mnÍs non pas exploiter. On pellt confis-
fIuer ses biens, la dépouiller de ses droits, luí in-
terdire, au nom de la loi, la liberté (lu'on laisse a




l'erI'cur ét au mal. Mais nul ue saurait confisquer la
sainte indépendance de sa doctrine, ni lui,fairc abdi-
quP.I' un atome de sa toute-puissance spirituelle. Dé·
positaire de la seule vraic éGalité, de la seule vraie
liberté, elle n'acceptcra jamais le partage des intelli.
IJcnces, dont on lui attribue comme la plebe, en
se l'ésel'vant I'élite. Elle n'a pas été cllvoyée seu le-
meut, COlUlllC on le dit, pour consoler le malheur,
la faiblesse el l'ignorance, mais ·bicn pour precher
la pé.nitence aux heul'eux, l'humilité aux. ~orts, et
la folie de la Cl'Oix uux sa~es et aux savants. Elle ne
dit pas aux homIlles : Choisissez dans rnoi ce qui
vous convient. Elle lcm dit: Croyez, obéissez, ou
passez-vous de lUoi. Elle n'est ni l'esclave, ni ia
diente, ni l'auxiliail'c dc pCl'sonne. Elle est reine ou
clle n'est rien.


Et nous quí, au prix des plus pénibles saerifices,
au milieu des soupc,ons et des calornllies, et dans le
s~ul intél'et de la j usticc et de la vérité, avons tra-
vail1é de notre mieux á détacher les liens qui SClll-
hlaicut naturcIlcwcnt itlentilier lcs dl'oits et les inté·
réts tlu catholicisme en France avce un parti hostilc
an Gouvcrnemcnt nouveau; nous qui voyons eette
u~uvrc diHicile appl'ochel' d'un sueees plus prompt
et plus eomplet que nnl n'eut osé l'espél'er il y a dix
ans; nous avons bien le droit de le dire, en éeoutant
le lap{)ageqlle tiennent les apolo¡-;istes de l'Uni\'ersité
ctde l'~:tat: ce u'est pos lá ce (lue nous avons voulu.




40
Nous irons méllle plus Ioin , et nous dil'ons que


si l'Église de France avait le malhem' d'en ctre
l'éduite a cette alternative, il vaudrait mieux pour
son honneur, qu'elle fut l'estée liée au légiti-
misme que de subir la position qu'on lui offre,
mais que·, heureusemellt, elle n'acceptera jamais.
Non, elle n'aura pas secoué le joug traditionnel
d'une solidarité scellée par tant de splendems ct
tant de calamités qui lui ont élé communes avec
l'allcienue dynastie; elle n'aura pas résisté en faee
au glorieux despotisme de l'elllpil'e, pOUl' aller
ntlllaSscr, dans les has-londs de la politique ac-
tueHe, je ne suis qucls iG·nobles liens pl'éparés
par les mains de ceux qui ne voient dans la reli-
gion qu'un instrument de gouvernement. Non, la
Frunce est encore trop généreuse pour que ce soit
}¡l le sort réservé a ses citoyens catholiques; iI n'y a
que des hypocrites qui pourrraient nous y COll-
damnel', il n'y a que des laches qui pourraient le
subir.


Xl


Nous sommes loin d'avoir épuisé la série des a1'-
guments qui établissent en général une opposition
radica le entre les intél'elS et les droits du catholi-
eisme d'une pal't, et les pl'étentiolls de l'Univel'sité
de l'autl'e. lVIais il convient d'entrer dans l'exumen
des circonstallces spécialcs OU se Lrouvc en ce




moment la qnestion de la liberté d'enseignclllent,
ct de passer en revue les motifs de satisfaction et
(['alarmes qui doivent dériver pOUl' nous des dis-
cl1ssions récentes.


I,e premier et le plus décisH des avanta{tes que
Hons avons ohtcnu a été el'ayoir fl'appé l'attention
en soulevant un vaste coin du voile sous lequel se
dérobaient, aux yeux des observateul's supel'fIeiels
ou insoucian ts, la vél'itable nature de l'enseigne-
lllent univer~itairc et les véritables dispositions de
ses ol'f,anes. II est peu de catholiques, je pense, qui
aient pu conservc!' des il1usions it ce sujet, apres
la publication si pl'ovideutiel1e des fragments pos-
thullles de M. Jouffroy; il en est peu qui soient
restés sourds a l'avertissement eontenu dans les
paroles mémorablcs Olt cet infortuné, si vanté et
si rcgretté par nos aclversaires, a raconté ({ud avait
été pour lui le l'ésultat de la science (IU'il enseignait
au nom de l'État a la jeunesse fran~aise. « La divi-
cc nité du christianisme une fois mise en doute a
ce mes yeux , ... je sus alol's qu'au fonel de moi-
" méme iI n'y avait ríen 'lui fLlt debout, que tout ce
" <Iue j'avais cru sur l11oi-meme, sur Dieu et sur
" ma destinée en cctte vie et en l'autrc, je nc le
" croyais plus ... Puisque je rejetais l'autorité qui
" me l'avait fuit croire, je ne pouvais plus rad-
" metlre I ! " Elles rcsteront ces paroles, malgré les


1 Pagcs i 13 el 11:; dc \'cdilioll pOSlhuIllC, a"allL les COU}lIJrCS
f;tilCS pal' MM. COll~ill el \)alllil'on.




42
efforts que rUniversité a faits 1)om les anéantk;
elles resteront comme un témoignage irréfutahle
de la -nature réelle de l'enseignement qu'on sub-
stítue a celui de I'Église, et qu'on prétend. im-
poser par la !'Use et la force aux générations fu-
tures.
L'eff~t de eeHe premiere et précieuse révélation


a été complété par l'cxcellente discussion entaméc
contre l'Université par M.léveque de Chartrcs,
avec un zeJe et une franchise qu'on ne saurait assez
admirer, tandis que les paroles énel'glques lJlI'cm-
ployaient .M. le cardinal de Bonald et M. l'évcquc
de Belley, pou!' mettre en sarde IClIrs fideles contre
les chaires de peslilence, trouvaient lellr justificatíon
irnmédiate dans une foule de citations chaque jou!'
renollvelées, et jusqu'i1 présent demeurées san s ré-
pJique.


Apres ces révélations éel'asantes sur les antécé-
dcnts littcraircs des membres les plus considé-
rabIes de I'Univcrsité ; apres ce fameux rapport
de S011 chef sur l'instruction secondaire, ou la
"érité est presque tOlljOUl'S dés·uisée quand dIe n'est
pas trahic , et oil les clroits de la liherté et de la rc-
I¡{{ion sont si dédair,neusement passés sous silencc ;
npres I'odieuse tentative faite par l'organe le plus
accl'édité du r,ouvernement et de l'Uni\'crsité pOUl"
remIre l'enseignement de nos séminaires suspect
des plus abominables turpitudes; enfin , apres l'ex-
plosion simultanée des coteres uuivcrsitaires par la




43
houche de .MM. lVlichelet J, Pierquin de Gem-
bloux" Libri ~ et Quinct 4, il faut etre vo]ontaire-
ment aveugle pour De pas savoir a quoi s'en tenir


I Le¡;ons au Collége de France, publiées depuis p31' lui-meme.
111. lHichelet a été longtemps professeur d'histoire dan s un collége
de Paris, puis maUre de conférences pendant huit aos a I'Ecole
normalc , oil. il a formé l'élire des jeunes professeurs de ¡'Univer-
Silé actuelle. Il dit de lui-mcme, dans sa l('con du 26 mai (p. 75):
, On me connaissait des lol's par mes livres, et par mon enseigne-
ment de l'École normale, enseignement que mes éleves répandaiellt
sur lous les poinla de la France.


• Discours COlllre les Jésuites, au Collége de Nevers. M. Pierquin
es! inspeeteur dc I'Académic de Bourgrs.


, Revlle des Deux lIlondes, du t el" mai et du 15 juin :1843. M. Li-
bri est pro~esscur a la Faculté des Seienees de Pal'is, el dppuis ses
dcux manifestcs conll'e le e1ergé et la doctrine calholique, il a clé
nomlllé professem' au Collége de France.


• Le90ns du Collége de France, publiées parlui-meme. lIl. Quí-
lIet a élé professeur a la Faculté des Lettres de Lyon, avant
d'clre appelé au Collége de FI'ance, qui ne releve pas dil'cc-
lement de I'Université. JI a, du reste, dans la susdite le<;on,
pal'failement posé la {IUestion qui 1I0US occupe, en ces termes:
« Quel est, selon \'esprit des institutions nouvelles, le droít de
« discussion el d'examen dan s l'cnseigncmolll publlc? En termes
« plus précis encore, un homme qui enseigne icí publiquement
« au 110m de l' É tal, devant des IlOmllles de croyallces dHlc-
e relltes, est-i1 obligé de s'allachel' a la lellre d'une cOlllmunioll
e particuliore, de porler dans toutes ses recherches cel esprit ex-
« e1usif, de ne rien laissel' ,"oir de ce qui pourrait l'cnsépal'er
e ll1rjme un moment? ,Et il répond comme de raison par la néga-
~Ye, ce qui I'autorise a annoncer a ses éleves un,' Evally;{e renDU-
, velé par les pell~eUJ'S, les écrivains, les poe/es, les philosop/¡es , Uf!
(/ Clzrist agrandi, renonvelé , sorti comme une seconde fois dn sé~
« pulcre. j) La logiquc de 1\1. Quinet esl sincere, el nous le Cl'oyolls
conséquent avec les bases acluellús de I'Université, II a dit avec la
I'ranchise que cOllljlone sa position ce qui esl déguisé daos l'ensei-




sur l'esprit ({ui fluimc la majOl,jté active du
corps univcrsitairc, et sur lc deGTe de COll-
fiance que médtent lcs aHinnations de M. Cousiu
et de M. Villemain, lorsqu'ils ont osé, l\m déclal'cr
él la chanlbrc des pail's I qu'ilue s'enscignait clalls
aucun des eours dc philosophic <.Iu l'OyaUll1c une
seule proposition directcment ou indirectcmcnt
contraire a la foi catho\i(IUC; el l'autl'e, díre sol en-
nellement au roi 2 que l'cllscigllcmcnt Ullivcl'sitaire
était irféprochab/e!


XII


En dehors de l'lJnivcrsité ct HU SCll1 du parle-
ment, nous avons appris, dans lc cours de ectte
derniere session, a connaitrc des opil1ions im-
portantes, grace aux discussions qui out eu lieu
sur les pétitions catholiques, grace surtout a la
propositioninsuffisante, mais faite avec tant de cou-


gllement de I'ordre inférielll', eL plus controlé que le sien. I! fauL
observer d'ailleurs que ni lui ni aucun tIes tmis autres oraleurs qui
se sont constitués les défenseurs tIe l'Université, n'ont reQu la llIoin-
dre marque d'improbalion ou le moilldre avertissement puMie de la
part du Ministre qui, pen de jours auparayant, déclarait au roi que
¡'enseignement universilaire élait irréprochable,


, Séance du 15 JIlai 184;;,
• Réception du ter mai 1815, discoUl'S prollollcé ¡¡la tetc du Con-


scil Royal.




]'age et d'opportunitt'~ par M.l de Carné. On ya vu
flue, sur cette grande qucstion, si essenticllement
socialc et morale, beaucoup d'csprits sinceres et in-
dépendants savaient s'affi'anehir des engac'ements
ordin<lires de lenr posilion poli tique. Tandis que les
"if'UX !m:i ugés voltairicns, les vieux épou vantails du
lJOt'ri-prélrc et dn jesuitisme, ont été exploités, COJl1me
on pouvait s'y attendrc, par les Ol'ateurs de la
vieillegauchc, comme MM. StoUI'lll ct Lestiboudois,
par ceux de la cour, comme M. Liadieres, par la
haine jalouse de ccrtains légistes, comme MM. Che-
garay et PlJilippe Dllpin, on a vu les promesses de
la Charte et les ffJl'antics quc la religion demande
a la liberté senle, g(~nércusell1en t réclamées par
de hauts fonctionnaires, comUlC ,MM. de Golbéry,
Baude et Janvier, eí 'par des membres sinceres et
vraiment libéranx de l'opposition, eOillme MM. de
Tracy, de COl'celles, Larabit, etc. Tous les oraleurs
du pal'ti légitimiste ont plaidé pOUl' la liberté. Dans
ectte derniere circonstance, nous ne saurions dissi-
mulerqu'j) n'yait un moti!' d'embarraset unobstacle
possible al! succés prochain dc notl'C cause. l/un des
principaux a1'(¡lllllcnts qu'emploient les défenseul's
dll monopole,et le plus populairedetous au sein des
l11asses ignorantes flu'ils ésarcnt, est de représcnter
l'éducation l'cli¡;ieuse commc un acheminement au
rctour de la dynastie ({ui a cessé de régner en 1830.
Les hOl11l11es qui 11e cI'üignent pas d'attribuer l'op-
position de M. de Tocqueville u un léuitimisme




déguisé r, se croient plus Leau jeu encore en voyant
M. de Brézé et M.! de La Rochejacquelein arLorer,
comme ils ront fait, le drapeau de la liberté d'en-
seir,nement. Mais qu'il11pol'tc, arres tout? Quclle
est donc la cause au monde qui n'ait point été em-
barrassée par de semblables oLstacIes, et quel est
l'embarras qu'on ne puisse VainCl"e par la franchise
et le dévouement? Les lér,itil11istes remplissent un
devoir de consciencc et d'honneur en revendiquant
ponr eux-l11emes, comme pour leurs antagonistes,
le bienfait de la liberté ~ qu'ils y pcrséverent suns
crainte. Le temps et la conscience publique feront
graduellement justice des clameul's intéressées f{ui
voudraient inspirer des doutes sur leur sincérité.
D'ailleurs, le jour approche, ce semble, OU tous les
légitimistes de bonne foi, tont ce qui dans ce parti
s'élcve au-dessus de la rancune et de l'intrigue, re-
eonoaitront f{Ue les intérets catholiques lenr ot'frent
le seul tet'fain digne de leur eourage, de leur acti-
vité et de leur dévoucment a la conunune patl"Íe.
Ce sera le jour d'nne grande joie pour la religion,
et el'une Grande confusion ponr ses ad,'ersaires.


I Voyrz le Joul'nat des Débals, apres une des discussions de la
derniere session.




1.7


XIII


La sugesse vul¡Jail'c nous le dit ; Hien n'imp0l'te
plus (lile de bien connattrc ses amis' et ses ennemis.
01', le chef naturel de nos ennemis est le chef
actuel de lVniversité : a deux /'eprises diHerentcs,
et pendant pres de quatre années, il a (3"0uverné ce
Brand corps; cela suffit et au-dela pour nOU8 le faÍl'e
connaitt'e a fondo Nous pOUVOllS done an'eter notre
jU(3"ement sur ce que nous avons a attendre de luí;
chose d'autant plus utile que, pendant long'temps
encore, il est probable que M. VilIemain présidera
GU département de l'Instl'uction publique. Non-
seulement les chances d'un chan(3"ement de minis-
tere semlJlent tres-éloignées, maÍs, en supposant
mélUe que M. le maréchal Soult etM. Guizotdussent
(luitter le pouvoir, il ne faudl'uit pas en conclul'e
que M. Villemaill dut les suivre. Reeonnaissons-Ie :
M. Villemain s'est fait une position non velle et fort(',
dans le mondc politiqllc, ú no& lMpcus, et par la
"iolence hahile de son langnge an sujet de l'édn-
cation relisieuse. Qui ne se souvient de la fac;on
dOflt cet orateUl' était décrié, bafoué par les jour-
naux de la ganchc dans les premie!'s temps de son
ministere? Aujourd'hui, et depuis que le mcme
M. ViIlemain a insulté les jésuites á l'Académie
frant,:ais(', et répl'imé, comnw i1s elisent, les pl'éten-




tions catboliqucs U la tribunc des. dcux ehambres,
ce n'est plus, daos ces mémes jou1'naux, qu'un C011-
ce1't d'élor,cs et de com plimentso On le distingue
memc soigneusement de ses eoW~gues; ses.l11oindl'es
actes sont entourés de sympathie; ses l110imlrcs pa-
roles recLleillies avce une sollicitude touchante;
tunt il est Hui que pOUl' tous ces prétenduslibéraux,
quelles que soient d'ailleu1's leurs dislinctions d'ol'i-
¡~i11e, de position ou meme de patrie, rinimitit.~
cont1'e les droits el les institutions de l'Éslise catho-
lique établit toujOUl'S une allianee ínstinetive et in-
time. Si ses collegues voulaient aujoul'cl'h ni se d(~-
1al'l'asser de lui, iI cleviendrait aussit6t l'idole d'u11e
popularíté rcdoutable; s'ils tombcnt, et qu'il ait
envíe de leursurvivre, nul doute qu'il ne le puisse
a son gré : l'cxtl°eme facilité uvee laquelle il s'est
associé a la meme politique qu'il flétrissait si éner-
fliquement sons la eoalition, He permet pas de
craindre q lI'il se laisse ard:ter par les lésercs diffé-
rences qui pounont exister entre le ministere ac-
tue1 et cclui quí le rcmplacera un jOUL .le suis con-
vaincu ({UC, tant que le pouvoir ne voudra pas
nccorder [rauchement la liberté de l'enseignemcnt
(et il ne le voudra jamais a moins d'y etre contrnillt),
M. Villemain sera le chef et l'ame de la résistancco
.J'ajouterai, pour 111a part, que j'en félicite sinee-
rement la cause de la liLerté, parce qu'en présenee
d'un tel adversaire 011 ne sonsera plus, sans donte,
a des transactions, ni it des conccssions fUl1estcs, qui




em~cnt tl'Op sllremcnt compromis l'avenir de l'j':tlu-
cation religieuse en Francc, SOllR un homme droít
et religicux comme M. de Salvandy, sons M. Cousin
lui-meme, ]e(luel, pendant son ministcl'e, ne paraís-
sait ras encorc atteint de ectte 80rte de monomanie
fluÍ le porte a identifier sans cesse lacausede la philo-
sO)1hie ct de la raison avec sa pel'sonne et son sys-
tEnue; sous n'im porte quel autre ministre plus con-
ciliant et moins infeodé aux passions univcrsitaires,
on aurait été sans cesse tenté d'accepter, avec con-
fianee, quelque demí-mesure qui n'eú.t serví qu'a
emplrel' le mal. Les antécéclents ele M. VilIemain,
les clispositions justes et respectueuses envers l'É-
Glise manifestées dans plusieul's de ses écl'Í ts, surtout
la haute indépendance clue lui donnait enversl'Uni-
vcrsité l'éclat de su posítion au scin memc dll corps
cnseig'nant, pouvaicnt, ú coup sÜr, faire supposer
qu'il prendrait une attitude plus forte et plus géné-
reuse ({He eelle de ses prédéeesseurs; et eette ilIu-
slon n'a été plus cherc a personne qu'u l'auteur de
ces pages qui a si 101lgtemps siér,é a eóté de lui SU1'
Ics banes de la filiblc minorité de la Charnbre des
Pairs. MalhcUl'euscmcnt, e'est le contraire quí est
arrivé: aueun ministre n 'u adopté avec plus d'uchar-
nement l'esprit égo"iste et jaloux de ses subordonnés;
aucun n'a sacrifié plus complétement les devoirs
généraux et nationaux du ministre de l'Instl'Uctíon
publique aux intéréts exclusifs et personne]s du
r,rand-maítl'c de I'Univcrsité.


Ij,




uO
DallS les premiers telllps de son administration


on- a pu encore se hercer de quelques espérallces;
mais elles ont ció disparaltl'e sans l'etoUl' 101'8 dc la
présentation du projct de 10l de 1841, qui a si
cruellemcnt trompé l'attenlc des prdats distingués,
dont on avait demandé l'avis et ootenu l'adhésion
conclitionnelle, en manifestant des dispositions dé-
menties par le texte et l'esprit de ce projet. Depuis
10rs, les actes et les paro les de M. Villemain ont
porté l'empreinte d'une hostiJité avouée et systé-
lllatique contt'e la libcl'té promise par la Charte et
réclalllée par la religion. Jc le répete, cettc-inimitié
patente est un STand bien; elle simplifie la situa-
tÍon; elle éloig-nc une solution insuffisante et dan-
gcreuse; on se semit pcut-etre laissé trop facilelllent
entraíner a traiter avec la faiblesse bienvciHante,
avec cette politique míelleuse f{ui cache su misere
morale sous le voile des bonnes illtenlions, quí
semble s'associer par ses phrRses a vos vreux pOUl'
11n meilleur avenir qu'elle prend a tache d'ajonmel'
indéfiniment par ses actes. Avec M. Villemain, du
nloins, on est a l'abri de ce dunr,er; car, oil est le
catholique, oil est le prell'e, oil est l'éveque assez
hardi ponl' se fiel' el la parole de l'homme quí a dé-
cIaré publiquement au roi que l'enseignement de
l'Université était irréprochabLe?


Qu'on me pardonne la sincél'ité de lUon langagc!
je ne parle pas ici a la tribune, je ne suis point
astl'cint aux ménasements parlementail'es, je nc




01


m'adresse point a des hommes d'opiníons et de
Cl'oyances diverses, je ne m'adresse. qu'u ceux qui
sont mes f('eres par la foí aux memcs mysteres et le
dévouement aux mcmes intércts, et qui ont besoin
de connaitre la véritt;, cette vérité tout entiere Cfu'on
lllct autant de soín ú ICUI' dér,niser (Ine j'en veux
mettre á la leu!' dirc,


XIV


Voyons maintcnant a quoi se réduit ce qui a été
tenté jus({u'á préscnt dermis la consécration du
príncipe de la liberté d'enseinncmcnt dans la Charte?
en petit nombre de paírs et de députés ont réclamé
au sein des chambrcs législativcs la réalisation de
ce principe : un petit nombre d'écrivains ont sou-
tenn dans la presse, avec la plus louable pe.'sévé-
rance, les droits de l'Éslise et de la société contre
le monopole; un petit nombre de pétitionnaircs ont
demandé au pal'lcment la restitntion du libre exer-
cice de la plIissance patcl'nclle; cnfin, un nombre
encore plus pctít d'évéqucs ont dénonc(; publique-
ment l'enseisnement uuivcrsitaire, Nous sa"ons bien
que la wande majorité des évéc{ues ont adt'essé au
minjstere des plaíntes éncrGic[llCs et réjtérées contre
la direction de cet ensei(jnemcnt et contre le déni
de justice qu'implique le maintien du monopole:




nOlls avons méme vu des lettres et des mémoirf's
émanés de plumes épiscopales crui Cllssent a coup
silr ébraulé l'opinion des plus indiflerents, si la- pu-
blidté ne leur eilt pas manqué. Mais quel a été le
résultat de ces démarches confidentielles? Aucun.
Les ministres répondent d'nne fac;on évasive, et
tandis qne leurs cal'tons sont remplis des plaintes de
l'épiscopat, ils répliquent effrontément aux orateurs
qui leu r objertent ces daléances, qu'ils ne savent ce
qu'on veut dire , et ils font vanter clans leurs jour-
naux la sagesse et la prudence de la majorité des
éveques franltais, par opposition a ceux d'entre ces
prélats qui ont commis le crime de confier au pays
tont entier le secret de leul's dou]eurs. Ces plainles
secretes de l'épiscopat sont si complétement inutiles
flue depuis treize années il n'a pas été pris par le
pouvoil' universitaire une seule mesure propre a
consolel' 011 :'t rassurer, Illcme pl'ovisoircment, le
c1ergé et les pcres de famille chrétiens. Leurs dé-
marches personnelles n'ont pas mieux réussi que
leul's plaintes par correspondance. Que se passe-t-il
en efret? Un éV{'que arrive a París le ere m' chuJ'gé
d'amertume et de tristesse par la connaissance qu'il
a de l'état déplorable de la jcunesse dans son dio-
cese: il se rend au Chateau; il écoute un auguste
interlocuteur qui de son coté écoute tort peu ou
n'écoute point; il recueille les touchantes paroles
d'une reine si grande par sa piété et par ses épreu-
ves, mais dont le plus granel malheul" assurémeL1t




8cI'ait de \'Oir su piété scrvir de voile a l'indiHcrellcc
ou á l'hostilité du pouvoir contrc l'Église. n descend
ensuite vers le ministre, et la, comme plus haut, ne
resolt que des expressions vagues de sympathie et
de conf:ancc dans ravenir, des promesses sans ga-
rantie et sans valeu!' : on porte, luí dit-on, les ¡nté-
rets de la religion dans son creur; on désire les ser-
vir de son míeux; mais les difficultés sont grandes,
les esprits sont échauHes; il faut surtout se Garder
du zele imprudent qui sate tout; les choses s'arran-
geront; le gouvernement est animé des meilleures
intentions; le bien se fera petit a petit; le projet de
loi sera présenté tres-prochainement, pOUl'VU toutc-
fois que le ministere ne soÍt point gené par les dé-
clainations inopportunes du partí religieux; sur quoi
ron accorde quelque favenr insis-nifiante et passa-
¡jete. L'éveque s'en va en pensant pent-etre qu'apres
tout ce ministre n'est pas si .manvais qu'on le dit :
le ministre se félicite avec ses confidents de ce qu'a-
pres tont, avec de bonnes paroles, on peut venir 11
bout de la majorité sage el prudente de l'épiscopat ';
et pendant ces conversations, comme avant, comme
apres, le l1l0nopole s'étend et s'euracine de plu:s


I On sait que les atlidés de I'Univcrsilé affecLent de distinguer
cnlre les éveques anciens et nouvcaux; et de ce que les prélals qui
ont le plus énergiquement dénoncé l'UniversiLé, comme M. I'é-
véque de Charll'eS, M. l'éveque de Belley et rtf. I'éveque de Chalons,
ont été Ilommés avant 1850, i1s concluent qu'i1 n'ya qu'a laisscl'
mourir ce qu'i1s appcllent l'épiscopat de la RCSlauraLion. pour JlOll-
voir COllll'LCr sU!' l'amol'tissclIlcnL tic ccllc résisLancc I'ctloulaulc.




en plus; les plus aprcs dispositions de son code
ilJégal sont appliquées avec une rigueur croissante,
et la main eupide du despotisme universitaÍl'e s'é-
tend jllsqlle sur les maitl'ises des cathédrales, OÜ
il est interdit a plus de douze cnfimts d'apprendrc
a la foÍs le latin et le chant ecclésiastique l.


xv


Ce n'est pas ainsi,'il faut le dire, qll'on affran-
chil'a les familles chrétiennes; ce n'est pas ainsi
qu'on échappera au danger imminent qui nous
mena ce. Ce danger ne consiste pas, comme on se
le figure, dans l'ajournement plus ou moins pro-
longé du pl'ojet de loi sur l'instruction sceondaire.
JI consiste bien plUlot dans la présentation prochaine
el l'adoption immédiate d'une loi qui, saus préte:xte de
pourvoir aux promesses de La Charte, les interprétera
de fac¡on ti resse~rer tous les líells de la servitude ac-
tuelle, el ti rendre permanent el irréparable un mal,
quz", en droit, n'est aujourd'hui que provisoire.


Nous aUl'ons a la session prochaine une loi, a
moins de quelque crise imprévlle: mais eette loi,
n'en doutons pas, nc sera que la rcproduction des
dispositi')ns oppressives proposées par le gouverne-
ment en 1836 et en 184 I. l..'Université qui a crll


I LeUre de M. Danjou , organiste de la métropole de Paris, dans
I'Ul1ivers du fo juillet t1B5.




pendant un temps pouvoil' prolonger indéfiniment
le monopole ab80111 dan8 son état aetuel) reeonnait
que eette pensée est vaine; III ais elle a hate de faire
consar.rer pal" une loi définitive le maintien des
attributions les plus essentielles de sonpouvoir,
avant qué l'importanee croissante des discussions
extraparlementaires uu sujet de ce pouvoil' meme
ne vienne augmenter le nombre et l'éncl'gie de ses
adversail'es. Nous aUl'ons done une loi , mais une
loi qui consaererales trois bases suivantes d'une ty-
rannie sans remede.


10 L'obligation pour tout chef d'institution ou
de pension, non-seulemcnt d'etre revetu d'un
grade universitaire ( ce qui constitue déjit une vio-
lation de la libe.rté) , mais encore d'avoir été pourvu
d'un diplome ad hoc a la suite d'un examen passé
par devant un jury prcsquc cxclusivement choisi
par le chef de l'Univel'sité. (Art. 6 du projet
de 1841.)


2° Vexercice d'une juri(liction pénale par l'Uni-
versité elle-memc sur tous les étabJissements libl'es
fJ ui, ne Jépendant pas d'elIc, semient nécessaire-
111ent ses l'ivaux.


3° L'intel'dietion de tout enscignement par des
ordres l'eligieux.


Les deux prcmiel'cs de ces dispositions rcnver-
sent l'idée mcme du dl'Oit COllJI1Iun , établissent la
cOllfusion de I'Uni\'cl'sité u\'cc l'État él'igcnt ecUe . ,
corpOl'ution n la fois en j u{Ie el partie, ínstituent




56
une pl'évention pcrmanentc eontrc la liberté, et
eonfient la répression des écarts inséparables de
eette liberté mél1le a une j llTidietion exeeptionnelle,
exercéc par le seul· corps qui soit intéressé a
l'anéantir.


La troisieme, spécialelOent dirigée contre les
.lésuites, et dont le gouverncment avait laissé en
1836 l'odicuse initiative a la gauche, sera tres-pro-
bablement proposée a la proehaine session, par le
mcme ministre, qui a donné le signa!. auxinvee-
tives réeentés de ses subordonnés, en déclamant
contrc " ectte société remuantc et impél'ieuse que
" l'csprit dc t}ouvernement et l'esprit de libcrté rc-
" poussent avec une égale méfiance l." Si elle est
adoptée, lc monopolc sera de iait tpaintenu. Sans
doute, en aholissant des exit~cnces rninutieuses quí·
rendcllt aujourd'h ui son joug si in tolérable, tdles
que l'autorisation pl'éalable et arLitraire de {oute
maison d'éducation, l'ohligation. de conduire les
élevcs des, pensions aux colléges universitaires, la
nécessité des certificats d'études dans ces colléges
avant d'.etre admis aux exarncns du haccalauréat;
on aura rendu plus tacile la création d'tm petit
nombre dc maisons dirigées par des ccclésiastil(ues
ou des,Iaú!ues pieux, qui offriront des garanties
c:onvenables aux famillcs. Mais qu'on le sache bicn,


I Discoul's de M. Yillcmain iI I'Académic Frall~:aise, le 30 juill
t842.




l'cllscigncmcnt teI qu'il,est, ne subil'a aueuIl ehan-
gement tres-notable. Le c1cl'gé sécuIier, tel qu'il est
uct]Jellement constitué en France, restreint en
nombre, absorbé pUl' les travaux du saint minis-
tere, dépouilIé de toutcs les ressources qui nuguere
permettaicnt a l'élite de ses membres de consaerer
1cu1' jeunesse a l'étude, le clergé séculier ne sauraít
] utter, avec le sucees que doivent vouloir les ca'tholi-
ques, contrc l'orG'anisation puissante de rUníversité.
n fera quelque bien, il n'en fera pas assez pOUl' gué-
rir le mal qui nous consume. Partout d'ailleurs et
toujours, chez les peuplcs cutholiqucs, l'enseigne-
ment a été, non pas exclusivement, mais -en pre-
miel' lieu, l'upanage des ordres religieux. Partout
d'ailleurs et toujOUl'S les restrictions imposées au
clergé régulier, les proseriptions lé~}ales pl'onon-
cécs eontre les moines, ont fini par retomher sur
l'épiscopat ct le suecrJoee tout cntier. On ne cite-
rait pas dans l'histoire un exemple du contraire, et
l'expérience toute réeente de l'Espagne démontre
assez ce que Gag'nc le clel'gé séculier a sépal'er sa
cause de eelle des moines.


II faut done le sentir, et il fimt surtou t avoir leeou-
l'a~~e de le dil'e, sans subterfuf~e et sans détour: l'édu-
cation ne peut étre solidement régénérée et épurée
que par les congrégations religietises. JI est juste
d'assiGner entre elles un rang élevé a ces Jésuites qui
ont sauvé la foi clans la plurart des pays cathoU-
<[ues al! seizicme sicclc, et quí dcpuis ont eu le ma-




gnifique privilége d'etl'e dans tous les pays et a
toutes le:; époques les premiers objets de la haine
de tous les ennemis de 1 'f<:glise. Il est juste et il est na-
turel que I'Église elle-méme et que tous ses enfants
doeiles et dévoués, éclairés par eette démonstra-
tion si incontestable de leurs immol'tels mérites, les
maintiennent en possession d'une contiance et d'un
respect que la rage de leurs antagonistes ne peut
qu'accroitre. Arriere done ces catholiques pusilla-
nimes, s'il s'en trouve, qui s'associeraient lachement,
méme par leur silcnce, aux invectives et aux calom-
nies de nos ennemis, contre des aceusés qui n'ont
pas besoin de se défendre, mais dont la gloil'c, les
,'ertus et les malheurs font partie de notre apanage.


Si la liberté ouvrait a cette illustre compagnie
les portes de la France, comme elle luí a ouvert
ceHes de l'Angleterre, de la Belgique et de l'A-
mérique, a l'abri désormais des dangers que luí
ont fait courir une alliance trop intime avec les
monarchies absolues dont elle a été si cruellement
la victime, stÍmulée par la concurren ce et pénétrée
par l'esprit G'énéreux de notre pays, on ne peut
douter qu'elle ne mit bientO! ses méthodes ancien-
nes et éprouvées au niveau de tous les besoins de la
science modern.e, et que dans les divers degrés de
l'enseignement ses membres n'obtinssent des succes
analogues a ces pl'odiges d'éloquence qui, dn haut
de la cbairechrétienne, ont été éveiller les jalouses
fureurs des prédicateurs du Collése de Francc.




Aussi la loi qui, sous prétexte de pourvoir a l'in-
struction secondaire, consacrerait l'exclusion de
cet ordre du sein d'un pays catholique', ne serait
qu'une sanction imprjmée a la tyrannie de l'incré-
dulité. Tant CJu'elle serait maintenue on verrait
toujours, comme aujourd'hui, un millier d'enfants
sortis des plus honnetes familles: de France, aller
chercher au deJa de nos frontieres, a FriboUl'g, a
Brugelette, le pain de la science , et dénoncer ainsi
au ciel et a la terre les dérisions de notre prétendue
liberté, et ren vieuse impuissance de notre prétendue
philosophie.


XVI


Entre le projet de loi futur et eelui de 184 J, il
n'y a qu'une différence importante a prévoir. Les
protestations de la majorité de l'épiscopat au sujet
des petits séminaires qu'embrassait le premier projet
de M. Villemain, ces protestations dont reffet a été
si grand paree qu'elles ont été publiques, seront exau-
cées de la fa~on que je vais dire. Apres avoir inséré
dans la nouvel1e loi les dispositiollS des ordonnances
de 1828, destinées it interdire l'acces de ces établis-
sements ecclésiastiques a la jeunesse laIque, on les
cxceptera quant a l'administration intérieure et a
l'exemption de la rétribution univel'sitaire, de l'ac-
tion de la loi, pour les laisser, comme aujourd'hui,




(JO
sous le régime des ordonnanccs; on ne manquera
pas, en méme temps, de bien constater que l'épi-
scopat demande a ctre hol's du droit rommun, et
on représentera comme un }Jl'iviléuc et une faveur
accordée au clergé, un état de choses qui ne sera
que l'aecomplissement des desseins les plus~chers a
lTIniversité. Le piége qu'elle a tendu a l'épiscopat et
aux catholiques dan's le projet de 1841 aura com-
plétement réussi. En y insérant des mesures res-
trictives, spécialement applicables aux petits sémi-
naires, on a voulu exciter les alarmes naturelles des
chefs de l'Église, et détourner lenr attention et leul'
zele de la question générale de l'enseignement
sur cet intérct sacré, mais spéci<!l; on a voulu leur
dérober le fait ultérieur, la eonséquence d'un chan-
gement qui, en délivrant les petils séminaires, mcme
au prix de tres-grands maux, du résimc arbitraire
des ordonnances, et en y admettant les é1cves
laIques, n'aurait pas manqué d'y attirer les enfants
de la plupart des familles chrétiennes, et de eréer
ainsi une eoneurrence formidable a l'Ul1iversité.
Les éveques ayant réclamé le maintien d\m l'érrimc
exeeptionnel,on le leur eoncédera, et on aura 1'31't
de faire envisager eette coneession eomme une
grande vietoire remportée par la religion. Par eOlll-
pen~ation de cette faveur aecordée a la jeunesse du
sanctuaire, on aura soin de resserret' les liens qui
enebainent la jeullesse laIque aux pieds de l'U ni-
versité. Nos docleurs infaillibles admettent que




j'Ji:GI ise doit encore d UI'CI' ([uclque temps, et, a l'ex-
c('ptian pcut-etre de M. Cousin, iJs veulcnt bien
1'eeonnaltre que leurs eonnaissanees théologiques
ne sont pas précisément de naturc a mériter qu'on
leur confIe l'éducation du c1ergé; mais, en revanehe,
ilsse croient un dfoit exc1usif a l'éducation du s-em'e
bumain. Ríen ne saurait convenir davantage él leurs
vues que eette distinction entre l'éducation premiere
des enfants destinés au sacerdoce, et eelle des en-
fants qui devraient former les ouailles de ce meme
sacerdoce. Ils abandonnent yolontiers a l'Église le
soin de former ses ministres, a condition de lui ar-
racher le droit de Jormer ses fideles. lIs consentent
avec joie a un partase qui fait de leu!' orgueil le
riyaI, I'héritier et le vainqueur tle l'Église; a elle,
(liscnt-ils, le prNre; a nous 1'ho111me, le citoyen, le
chl'étien j a elle la sacristie; a nous la patrie, la so-
ciété, le monde.


Les éveques de France aceepteront-ils un selll-
blable partnr;e? Borneront-ils l'exercice de leur droit
di\'ill SUl' I'éducatian de l'enfance chrétienne a la
posscssiolJ de leurs petits séminaiJ'es? Trouvel'ont-
ils ces petits serninai \,ps eUX-ml!llleS su ffisaUUllent
lprantis par les dispositions precaires de quelques
ordonnances que d'antres ordonnances peu vent ré-
voquel' dcmain ? .Te ne sais: mais ce que Je sais bien,
c'est que si les pe res de famille catholiques sont dis-
poses a se contenter d'un semblable état de dIOses,
s'i1s renferment ICnt, ambition cluns des hornes si




G2
étroites, alors il vaut mille fois mieux se taire des a
présent, et ne pas se consumer en petit& effol'ts pOUl'
arriver a un résultat puéril. En fait, une loi sur la
liberté d'enseignement comme celle qu'on nous ré-
serve ne changera rien a l'état actuel; elle ne sera
que l'occasion d'un nouveau triomphe pour rUni-
versité et ses défenseurs. Apres nous avoir garrottés
de nouveau, et de notre consentement, sous un ré-
seau de mesures restrictives qu'on aura décoré elu
nom de liberté, ils se moqueront a bon droit de la
stérilité de nos efforts pour leur éehapper, et des
clameurs ridieules par lesquelles nous aurons solJi·
cité eette liberté, dout nous ne sfiurons fah'e aueun
usage.


Si, au contraire, les catholiques de France ne
veulent plus etl'e du pes ni victimcs, s'ils veulent
sérieusement délivrel' leu!' postt'rité du joul} de
l'hypocrisie et de 1'0l'gueil rationaliste, alors, f{U '¡ls
le sachent bien, il faut changer totalement d'allures.


XVII


Et d'ahord, il faut híen se persuader que leu)'
affranchissement ne viendra que d'eux-memcs.
Aide-loi, le ciel t'aidera : cette vieille maxime 11'a
jamais été plus vraie que pour eux. 11s n'ont ríen a
espérer, ni de la Lienveillance du pouvoir, ni de la
bonne foi de leurs adversaires.




Nous l'avons déjil clit, se figurer que l'Université,
quel que soit l'hornme poli tique momentanément
appelé ti la dirige!', voudr8 siIlcerewellé se dé-
pouiller d'une portion quelconque de son autorité
usurpée pouJ' en revetír l'Église, SUppOSCI' qu'une
transaction il l'amiahle ayec elle satisferait aux be-
soins religieux ele l'éclucation, ce serait la plus dé-
plorable des illusions : entre elle et les catholiques.,
la guerre doit etre ouyerte et sans tl'eve, jusqu'au
jour ou, privée du droit abusifde nous pl'endre nos
enfants malgrénous, et reienuedansle devoir pal'la
cl'aintesalutaire de la concurren ce, elle sera réduitc
au rang d'une grande institution de n~tat, qui l11é-
l'itera l'appui et le concoUl'S (les catholiqlles et du
clergé, au meme point que toutes les autres, c'est-á-
(Jire seloll la mesure ele son respect et de ses ména-
Hements pour des intérets sacrés qui ne dépendront
plus d'elle; jusques-lil, tont rapprochement avec
eHe ne peut qu'entrainel' des inconvénients et eles
embarras, et fournir des occasions de iriomphe á
la perfide habileté que 1'0n déploie f;ontre nous.


Certainemen t, quand M. I'évec!ue tl'Anr,-oulcmc
a consentí demükement :l bénir la prcmiere pierre
d'un nouvcau collélje royal, il ne pensait pasque .
M. ViUemain interpl'étcl'ait cet acte comme une
marque d'approbation déccrnée a rUniversité, ainsi
qu'il 1'a fait a la tribune de la chambre éleclive, le
27 mai J 843. Quand M. l'archevcque de París est
allé donner la confirmation au collérre I1enri IV, et




6i
a pl'OnOnC(;, a cette occasion, quelf{llCs pal'oles ([ui
n'ont point été publiées, il s'attendait bien peLl á ce
que le méme M. Villel11ain, répondant, dans le Jour-
nal des Débats, a la crnelle attaque (l'un député de la
gauche contre l'enseigncl11ent moral de llJnivel'sité,
aurait la hardicsse de représenter cet enscigncmcnt
commejL1stifié par la visite du prélat'.


Pas plus que de l'Uni,'ersité, les catholiques n'ont
ríen a attendre d'aucune des branches du pouvoir
législatif.


Rien de la Chambre des Députés, oú, malr,ré la
généreuse minorité qlli s'cst prononcéc en favcur
de la proposition de M. de Carné, la cause de la
libertéreJigieuse ne triol11phera jamais de l'union
des instincts irréligieux de l'ancicnne e'auche uvcc
les instincts timides dc la pIupart des députt\s mi-
nistériels; a moins d'nu mouvcment d'opinion h01'1\
du parlcment qui éclaire les aveug]cs et cffraie les
opiniatres, eomme on 1'a vu en Angleterre lors de
1'émanci pation des ('atholiques.


Rien de la Chambre des Pairs, plus hoslile cn-


• Joumal des Déba/s du 17 ou 18 juin 1815. 11 n'cst pas hors de
propos de reproduil'e ici les paroles rncmes tle M. Chambolle, tlé-
pulé et rédaCleul' en chef du SUele, pl'ononcées a la [ribune dans
la séancc du 15 juin : (( 11 Y a des vérités morales qu'il eSl nécessaire
, de répandre dans lcs colléges : qui est-ce qui en esl chargé1 Je
a vois bien le texle de la loi, mais un texte stérile. VOIlS'connaissez
« lOUS des é\(!vcs de nos collégcs ; vous les avez intel'rogés; je les
« ai interrogés aussi. Eh bien! quand on ¡eur adresse cerlaines
Q f¡l\f'Slion~, ¡Is sawnt a peine ec qu'on \"Cllt I('ul' dire. »




cwc a la liberté d'cnseiGllclllcnt f{Ue ne l'est la
ChulIIlll'e dcs Députés, mais moins pllr il'réligion,
moins par défiance de l'J~líse que par complaisance
maladive enrcrs le t~ou\'el'Oemcnt, qui l'a accoutu-
mée it tour subí,', commc le luí a dit avec tant de
raison M, le due d'Hal'court ',et qui, graceaux ca·
té{~ories, peut r introduire sans eesse de llouveau~
instl'Uments de ses volontés.


Bien, enfin, de la Couronne, si ce n'est des
phrases plus ou moins bienveillantes, (Iue ron
n'aura meme pas tonjoUl's le courage de laisser im-


primer. 00 se rappelle la ooo-insertiOJl all A/ollllellr
de la réponse l'Oyale aux plaintes si justes et si mo-
dérécs de Monsieul' l'Archevéc¡ue de Paris, 10rs dll
ler mai 1842 • .Te nc erais pas manciuc!' an respeet
consütutionne\ que je dois el flue je porte a \a per-
sonne royale, en disant que ectte suppressíon donne
la mesure de la faveul' ([ue la question de la liberté
d'enseignement trouve aupl'cs du chef de l'État. On
aunút tort l\e m'imputer a ee sujet une hostilité
quelconque coutre le gOllvernemcnt actuel : je suis
pCl'suadé, al! contrairc, que la l'cligion PQul'fait
faire des pl'ogl'es durables et acquél'il' des dl'oits
\nécienx sous la dynastie d'Orléans, si tontefo,s les
hommes re1igicux le veulent ainsi; et cela, pal'ce
qu'i\ n'y a plus de confusion possible entre les inté-
rets temporels el" ponvoir et les droits éternels de
l'J~g·lise.


I}jscussion des foutls seC'I'('ls.




XVIII


Les catholiques n'ont done ríen u cspél'cr des
Chambres, ni de la Coul'onne. En revanche, ils ont
tout á espérel' d'eux-memes, toujours s'ils le veuleot
bien.


Les catboliques, en France, ont depuis trop lOl1{}-
telllpS l'hahitudc de compter sur tout, exeepté sur
eux-memes. Encore aujonrd'hui, beaueoup d'en-
{re eux comptent sur je ne sais (Iuel avenir chimé-
rique, et néslisent le présent dont illeur sera de-
mandé un eomptc si sévere. Et, cependant, aucune
})u!ssance, aueune l'Oyauté, aucuoe révolution ne
pourra jamais pour eux ce qu'ils peuvent déja tout
seuls; aueune ne pourl'a jamais Ieut' oetroyel' ce
qu'ils obtiendraient demain s'Us voulaient le de-
mander, non comme une faveu!', mais comme un
droit, et le poursuivre connne une condition llIt'>me
de leur existenee soeialc,


Les c,atholiques, en Francc, 80Bt llOllIbl'cux; ils
sont riehes; ils sont estimés meUlC par lcul's plus
violents adversail'cs. Il ne leu!' manque qu'une seule
chose, c'est le courase; mais cette seule eh ose , e'est
tout. Sans elle, le nombre, la richesse, la consi-
dérf;l.tion ne sont rien; sans elle, 00 ll'est Don qu'<i
servir de jouet aux habiles ct aux forts.


Et pourquoi des hOlTlmes d'ailleul's relllplis d'é-




67
nCl'gic, ue ereu!' et d'intelligence, viennent-ils
tout a coup a en manquer dans la défense des inté-
rets religieux? e'est qu'ils n'ont pas encare appris a
isoler ces intérets et a les l'eprésenter dans leur
force et leur majesté naturelle. e'est que, dnns la
"ie publique, ils sont catholiq~!es aj-Ji'es tOIl~, au lieu
de l'etl'e (lualll tout; e'est ({u'ils aiment miel1x laisser
hlirc aux auü'('s, et se mettre el la quene d'tm parti
que d'etre un parti par Cux-llH~mes.


Etcependant ils n'obtielldrontjamais ríen, jusqu'it
ce qu'ils se Mcident a agil' yirilement, jusqu'it ce
qu'ils aicnt la conviction de lcm force et qu'ils aient
dOIlllé eette eonvictioll Ú lcnrs adversaires, jusqu'ti
ce qu'ils solent devenu8 ce clu'on appelle, en style
parlementail'e, un embarras sérieux. Alors seulc-
mCllt 011 eomptera avec eux, 011 daignera prendre
en considération leu 1'8 droits, leurs ncux et lcurs
plaintes.


Pour en nrriver la, les moyens abondent. Il s'a-
nit seulcment d'entrer dans la vje publique avcc la
consclence du but Olt ron tend, et en lwenant pou!'
siGne de rnlHcmcnt la liberté d'cnscirplcment, OU,
en d'autl'es tcrllles, l'éducntion l'eligieuse garantie
par la liberü~ eomlllune. 11 n'y a pas d'assemblée
OH de corps constitué en France, depuis le dernier
conseil municipal jus<[u'a la ehamhre des députés,
oú ecHe grande question d'éducation ne soit posét~
une foís aH llloins ton s les aus; la, par le 1l'aitemcnt
de l'institutcur primaire ou le choix de la sreur ele




68
charité; ici, par le yote flu blldp,et de l'instruction
publique; ailleurs etd'alltl'CS fois par ces lIJille de-
buts qui surr,issent sans cesse sur les conv,rcv,ations,
sur les fondations, sur les nutorisatiom; qni dépcn-
clcn1 des diverses nutol'Ítés électiycs.


11 n\- a {"UCl'e d'affail'e (fLlÍ inté,'csse la citó et
, ,


n~tat oil le sort (le l'enfancc et de la jeuncsse ne soit
cOlllprolllis, et il n'y a pus d'aHairc (lui int(~l'esse
l'enfance, ou rUniversité, avec ses entraves et ses
confiscations, ne se troure en présenee du hon
droit et du bon sens. H faut done que partout les
cat.holiques se lwésenlent a\'(~c la n'~solution de la
cOlnbattt·c, et de s'entendl'c entre CllX , 8ans distlnc-
tion de dasse 011 d'opinion politi<[ue, pour "eni,'
;\ !Jout de l'ennemie commune. H f¡mt ({u'ils des-
ccnelent dans l'arene élect01'ale, charjllC foís (lu'elle
s'ouvrÍm pOUl' ellX, aree un plan ele couduite Ul'-
reté, pUl' de tout alliafre politique, de toute ran-
cune personnelle, mais combiné de maniere ú re-
pOUSSCl' des fonctions électives, par tous les moyens
léf,'itimes) les hommcs q tli He s'enr,ar,eront pus á
travailler uvec enx ú l'affranch issemen t complet
de l'éducation en Frunce. U faut qu'i1s plantentcette
hanniere nouvelle, mais franche et v,énéreuse, au
sein des élections municipales, départementale:) et
générales; partout, en un mot, oil notre constÍtIl-
tíon appelle les Fl'auC?ais ;'t témoisncl' ele leur in té-
ret pour la chose publi(lUC et de leur attaehcment
anx droits précieux dont elle les a investis. Dans




Gn
heaucoup· de localité~, les calholiqucs, ~'ils ~vou­
Iaient se cnlllptcr et se discipline .. , cOllstitucraicnl
;\ eux seuls la ma,l0¡'ité : dans presquc toutes, ils
formcraient cet appoint de votes, si rechcrché dans
les luttes électorales, et flui déterminerait pl'esquc
partout le triomphe du candidat dont les engage-
IlIents au pl'ofit de la liberté d'enseignement sc-
l'aient les plus sil)·oificatifs.


Les élcctions toutefois ll'otl'reut aux catholiqucs
qu'une occasion tempomil'c, quoique souveraine et
décisive, de déployel' leur force et lcur intelligence;
la presse, au contraire, les convie to!-'s les jours a dEs
sacrifices rnéritoires eL a des luttes sans cesse reno u-
velées. Dans la malheurcuse Espagne, ou la reli-
gion, depuis trop longtemps énervée par l'absolu-
tisme, s'est trouvée tout a coup et sans défense en
butte aux violences et aux perfidies d'une horde de
persécuteurs avides; au milíeu des conflscations, des
poursuites judiciail'es, des sentences d'exil pronon-
eées contre les meilleurs évéques, malgré le massaere
de tant de religieux, malgré la misere profonde
oú est plongé le cIer{~é tout cutie!', maIgré la guerre
civile, la eonfusion et la pauvl'eté générales, on voit
cependant avec admiration s'établir et se maintenir
dans toutes les gl'3ndes villes des journaux voués ex-
c1usivement a la cléfense des dl'oits dn catholicisme.
Dans toute la France, Oll les catholiques sont deux
fois plus nombrcux qu'en Espagne, OÚ i1s ont a leur
porlée plus de filcilités pom se tléfendl'c que dans




70
aucunautre paysdu ll1onde,c'csta peinesil'on comptc
trois 0\.1 ([uatre journaux consacrés, en dehol's eles
partís politiques, aux intérets catholi([ues. D'uú
vient cette honteuse inféríorité, si cc n'est de ce
príncipe général d'apathie et de mollcsse que nous
signalions tout a l'heure? Et cependant, si les révé-
lations et les dénonciations faÍtes contre rUniwl'-
sité par ces trois ou quatre journaux , ont tellement
alarmé et affaibli nos oppresseurs, que serait-cc
donc si, dans chacune de nos provinces, il y avait
un organc périodique consacré a rappeler aux
pel'es de famille leurs devoirs et leurs droits, a ar-
racher sur place le yoile qui couvre les désordres
et les miseres des établissements universitaires, et
enfin a constituer, poul' les catholiques de la eon-
trée, un foyer d\mion, de courage, de vigilanee
d de dévouement'!


En dehors des tuttes électorales et des <':0111-
hats quotidiells de la presse, nous avons encore
la ressource des pétitions, ressource si féconde et
si faeHe a la fois, par laquelle la voix des catbo-
liques, a défaut de mandataires plus spéciaux, pcut
retentir au sein du parlemcnt, l'éveiller sans cessc
les consciences endormies, et troublcr cette paix de
la servitude OU se complaisent les amis de l'Uni-
versité. C'est par la, peut-etrc, qu'il faudrait com-
meneer a déployer cctte énergie nouvelle qui est
indispensable au succes de notre cause, cal' c'est
par la qU'Oll })eut arriver le plus directement an




7t


centre de la publicité, démontrer sans réplique
l'intensité des répuGnances que souleve lemonopole.
Quedes pétitions nombreuses, diverses, suecessiyes,
arrivent des l'ouvel'turc de la prochaine session, et
pendant toute S8 durée, auxdeux Chambres;
({u'eHes répetent, non pas commc d'apres un mor.
d'ordre transmis d'ailleurs, mais ayec un ensemble
qui dénote l'unanimité des creurs catholiques, tout
ce que renfermaient celles qu'on ~ discutées et ad-
mises cette année; qu'elles réclament ayec persévé-
rance et fermeté la liberté tout entiere, sans autre
restriction que le dl'oit répressif qui appartient a
l'J<:tat; et, le lendemain du jour OU serait votée
par malheur une loi confirmative de ]a juridiction
universitaire , a quelque degré que ce fíH, sur les
établissemcnts libres, qu'elles recommcncent a de-
mande!' viuoureusement la liberté, en sollicitant
l'abrogation de la loí nouvelle comme premiere ga-
rantic. Dans la dernicre session, on a passé a l'ordre
du jour sm' deux pétitions qui demandaient le réta·
hlisscment des corporations religieuses consacrées a
l'éducation; eh hien! flu'á la pl'ochaine session il
en revienne, non pas deux, mais deux cents {(ui for-
mulent le méme vceu: nous verrons si elles renCOll-
tl'eront un accucil aussÍ dédaigneux. Ce ({ui est súr,
c'est qu'il une époque de dissolution sociale et poli-_
tique comme la nótre, il n'y a pas de partí, pas de
rninisterc, pas de gouvernement f{ui puisse résister
a raction Iéf,i time, énergi( [He et -persévérante d'tur




72-


grand COl'pS C0111I1lC celui des eatholiques frauljais,
s'jls sa\'aient usel' de leur force. Se figul'e-t-on reflet
que produiraicnt les pétitions de vingt dioceses seu-
le1l1cnt, sig-nées en premie)' lieu par l'éveql1e~ puis
pat' le cIerr,é et les chefs de famille 1


XIX


Ah! que ron connait peu les rcssources d'une
volonté ferme et u nic! Qu'il est triste de voir les
gens de bien ahandonner aux ambitions de has
étar.e~ aux intrigues, aux factions, tous les secrcts
et tous les droits du cournge 1 Qu'ils sont rares ces
creurs droits et purs, qui pourront, au déclin d'ulle
vie pleine de dé\'ouement et d'honneur, se remire
le témoignage d'avoir méprisé les conseils Pllsilla-
nimes de la pmdence humaille I!
I~orsqu'il y a quatre-vingts ans la premicre péti-


tion en faveui' de l'émancipation des catholiques fut
présentée a la Chambre des communes d'Anglc-
te1're, non-seulement elle fut rejetée d'emblée, maÍs
un -membre prit la pétition et la jeta a coups de
pied par dC!\SlIS la barre de la Chambre. Et au-
joul'd'hui, non-seulement les catholiques des trois
royaumes sont émancipés, ll1ais (luí peut dire OU


I Discours tiu cardinal Pacca, doyclI tiu sacre Collége, 1. l' Acadé-
Dlie Calholique de ROIll!."




i:5


en serait l'Augletel'l'e, si les eatholiques irlandais
avaicnt un chef moins loyal et ll10ins prudent que
M. O'Connell?


Au printemps derniel', pendant qu'en Franee les
orateurs universitaires se lllo({uaient avec assez de
raison du nombre presque imperceptible de péti-
tionnaires flui sollicitaient la liberté, que se passait-
il au-dela du détroit? Une loi destinée a pOlll'voir a
l'éducatioñ des enfants employés dan s les manufac-
tures, et a les placer'sous la surveillance du clergé
anglican, soulevait en un mois de tempsTREIZE MILLE
pétitions revetlles de DEUX l\IILLIONS de signatures,
au lH'emier rang desqueHes OIl lisait ecHes de tous
les vicaires apostol.iques, de la noblesse et elu clergé
catholique. L'admillistration de sir Ro1]el't Peel,
(IUoiqu'un peu plus forte que ceHe des collegues de
.!\'J. Villemain, recula aussitót dcvantcette imposante
manifestation des ami s de la liberté religieuse, et le
projet fut retiré. Cependant de quoi s'agissait-il?
Non pas d'empecher, comme cela se pratique en
France, les catholic¡ues et les autres dissiclents de
errer a leur gré des écoles pour y recueillir leurs
propres enfants, mais seulement de con Ser ceux
d'entre les enfants pauvres qui ne seraÍcnt pas au-
trement pourvus, a I'Église établic.


Et nous, pendant ce temps-lit, nous catholiqucs
fl'an~ais, nous sortions a peine de notl'e torpeul'
pour écouter les blasphemes de ces infol'tunés qui ,
payés par l'Ittat et parIant en son 110m, elisent a lá




-l Ji,


jcumisse qu'U r(y a cfhéréti(/ues el de schismaliqucs en
France que lcs cal/lOliqllcs ',et qu'ils se chargent d'cn
seigncr Dicu á I'Église ?.


xx


La liberté ne se rec¡oit pas, elle se conquiert. Cela
est surtout vrai de la liberté dans l'ordre moral et
religieux 3.


J.a constitution politique de la France offre aux
eatholiques tous les moyens qui leur sont nécessaires


. pour revendiquer Ieurs droits et en consolidcl' a


I «( Tous les Fran<;ais appartiennent légalement a une meme Églisc
sous des noros différents, ji n'y a ici désormais de srhismatiques,
d'hérétiques (lue ceux qui, niant toute nutre Église que la leur, toute
&utre autorilé que la leur, veulenl l'imposer 11 toutes les autres,
rejetcr toules les autres sans discussion, el osent dire: Hors de
mon Église il n'y a point de salut, lorsque l'État dit précisément le
conlraire. ) M. Quinet, des Jé~ui/es, p. "H. Plus loin , il se défillit
lui-meme ainsi qu'il SUíl : « Un homme qu; en.eigne, ieí, publiqueltlent,
QU 110m de l'État. » P.152.


2 (( L'Église s'occupe du monde, elle uous enseigne nos affail'es, a
la bonne heure 1 Nous LVI ENSEIGliERO:>íS DIEV ! )) M. lUiehclet, des
Jésuites, p. 26. Plus loiD iI se vante de ce que ses éleves ont ré-
pandn wn ellseigllempnl de I'École norma re su,' IOIU la poi"t. de
la France. P. 75. 11 fant que les eatboliqucs gravenl profolldémenL
dans Icur mémoire ces leflons dOllnées au nom de l'Él.!lt, el qu'ils
n'oublienl pas ell meme lemps que le chef de l'enseignement de I'É-
tat, qui a osé, 11 la tribune, Iraiter de calonmies les plaintes 11ft;
calholiques, n'a pas osé adresscr la moindrc observation publique
aux auleul's de ces blasphCme3 officiels.


, Yoir \'cxce\lent article de M. WilSOIl, sur la liberte d'enscignc-






jamais la possession. Malhcur a nOllS si elle cOllti-
nuait a étre pour eux l'objet d'une défiance absurdc
ou d' une indifférence cou pable! Cest un instrument
admirable et irrésistible; mais a une condition tou·
tefois, c'est qu 'on veuille et qu'on sache s'en servir.


Cette constitution effraie les plus perfides de nos
cnnemís quí pl'éparent déja le sacrifice de la Charte
a la philosophie '.


Cette constitution nous fournit le moyen de COll-
traindre le pouvoir a se prononeer devant la France,
rEurope et l'Église, entre le systeme helge quí sauve
la religion par la liberté, et le systcme russe qui, un
peu moins e'énéreux que 1\1. Villemain, ne laissc
pas méme flUX peres de famiUc la ressouree des
précepteurs domestiques 2.


Cette constitution nous garantít la liberté de la
prcsse, la liberté de la tribune et le droit de pétition.


Avec ces armes-la, mais bien moins assurées que


ment, dans le Correspondan' du \5 février 1843, t. J, p. U5. Noul
ne saurions assez en recommander la leclure a tous Ir.s amis de
notre cause.


I « 1I ya quelque chosc qlli vau! micux pom' nous que la Charle
clle-meme, c'es! I'esprit philosophique dont elle a consacré les droils
el résumé les conquetcs. , Jourllal des Débals, du 15 septembre
1845.


9 En Russie Hui ne peu! exercer les fOllclions de préeepleur, ni
IJlcme de gouvernante, sans I'autorisation du ministcre de l'instruc-
lion publique. C'esl le beau iMal de I'éducation par rÉtal. Voir le
rapport du ministre Uwaroff a l'empereur pour l'année 18i:!. 11 luí
apprend que sur 60 millions de snjels russes, iI n'y a que 15M pré-
cepteurs des deux sexcs. G6zette d'Augsbourg, du 20 juillet t8i5. !


í ..




76


les nutres, les catholiques bel~es ont Cl'éé une résis-
tance légale au despotisme hollandais, etapres avoi1'
renversé le tróne de Nassan et fondé une constitu-
tion quí ne consacre pas un seul privilége aleur
profit, c'esf encore avcc ces armes qu'ils mainticn-
nent le droit commun contre les libérátrcs (lui VOl1-
draient les en exclure '.


A vec ces armes-la, l'Irlande catholique, guidéc
par ses génél'cux évcques, a reeonquis sa nationa-
lité, fait ü'embler la puissante Angleterre etse trouve
a la veille d'aeeomplir ce que les politiques ont si
longtemps déclaré impossible, le l'appel de l'union.


Avec ces armes-la, les catholilfues fram;ais peu-
vent briser, au hout de quelqucs années d'efforts, et
pour jamais, le joug d'une législation abusive qui
est un attentat aux dl'oits de la conscience, de la


. famille et de la société.
Si vous ne le brisez pas, eatholiques, ue vous en


prenez qu'a vous-memes, Si vous vous laissez trom-
per par les paroles tantOt doucereuses, tantOt inso-
lentes et hautaines des chefs de rUniver3ité; si vous
vous endormez avec une Léatc·confiance dans jc nc
sais quelles promcsses cent fois démenties; si cha-
que fois qu'il s'éleve parmi vous des voix désillté-


I Puisque nous pal'ions de la Belgique, nous dirons que M, l'évc-
veque de Liége, dan s son ouvrage intitulé: Exposé des vrais prin-
CipfS ,ur ¡'J¡lstruclion publique, a ¡;arfaitement développé tous les
points de vue de cctte Sl'ande queslion en ce qui touche non-scule·
IIlcnt a la Belgiquc, mais 1:t la chl'étienlé loul CllIÍCl'(~.




l'ess(~es et intrépidcs pOlll' flétl'ir la tyl'nnnie, vous
criez au danr,er et á l'imprudenee, alors, vous P0tl-
yeZ Y eomptcr, ecHe tyrannie durera et se fortifiera
en durant; comptez-y allssi, vous sel'CZ punís de
votre liichelé et lle votre mollesse dans volre posté-
rilé: le p,el'lIle iufeet (JLÜ \'ous effraie se transmettra
et se propagera de fli'nératiol1 en p,énération, et les
enfants de vos enfants seront cxploités comme )'ont
été leurs per'cs, par des rhétcllrs, des sophistes et des
h)'pceritcs. Dormez maintellant, si vous le pouvez,
Botes volontaires, en présence d'Ull td avenir: mais
eessez de vous plailldr'e en dormunt d'Ull mal dont
le rcméde prompt et facile est entre vos mains, et
su Lissez en silence le sort que vous aurez vouIn et
que vous aurez mérit(',.


FIN.