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RÉFORtlE ,PARLE1IENTAIRE
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IMPR¡M~ PAR PLON FRiRES,
RUF. m: \'ALGIRARD, :-W.


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...





DE L.\


RÉFORIIE PARLEIIENTAIRE
ET DE L.~


HJtFOR1IE ÉLECTORALK


lf. P. ntTEluaEH DE HI\UR.\NNE,


DI';uXllhn; ÉDITIOX
,\ r ¡; \f R ~ T ~: F. {)' {; 1\ r; :\: o t; \' E L I. Jo: r n ~: .. i í. l' .


PAULIN, EDITEUR,
r.n RICBELIEU. 60.


18't7


j , f ~, ~ ... '''' ,~l ,'.-'
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,


PHEFACE
DE CETTE NOUVI1:LLE EDITIOX.


En publiant une nourcHe éJilion de ce! écrit,
j'aurais voulu trouver des objections a réfuter, des
ach-ersaircs a combaUl'e. Mais I par des motifs qu'il
m'appartient peu de juger, la presse ministérielle
s'est dispensée d' entrer dans le débat, et de dire son
aris soit sur les principes que fai exposés, soit sur
les conséquenccs que j' en ai déduitcs. Un jour seu-
¡ernent, quand elle a y vu un moyen d'étouffer
clans l' ombre une pl'Oposition que je soumcttais a la
Chambre, elle est sortie de son silence, non pour dis-




I'RÉF ACIo:


cuter, mais pOUl' dénoneer ma broehure eomme in-
jurieuse, eomme violente, presque eomme faetieusf'.
On eont;oit qu'a des critiques aussi sérieuses et aus~i
opportuues je n'aie absolument rien a répondre.


J e dois pourtant quelques mots d' explieation a un
de mes eolIc[l"ues, 1\I. Lasnyer, qui, dan s la discussion
de l'adl'cssc, a bien voulu eiter a la tribllne une page
de ma préface. Cette page est eeHe OU j' étahlis que
la majorité de la Chamhre acfuelle appartient, non
pas a tel.ou tel ministere, a teIle ou telle politique,
mais a la eouronne, et par suite au ministcre, a la
politique qu'il eomient a la eouronne de ehoisir'. Sí,
dans ce He assertion bien ou mal fondée, on eUt \'U
quelque ehose de blessant pour la dianité de la
Chambre ou de la majorité, j'aurais pu le eompren-
dre; mais iI m'est impossible d'imaginer par quel
effort d' esprit lJ, Lasnyer a pu y déeouvrir' une at-
teinte a la prérogative royale, Quand, en 1770, le
parti des amis du 1'oi adoptait et rejetait les lois,
faisait et défaisait les ministeres, selon qu'il plaisait
II la eouronne, Georges III trouvait fort bon qu' on le
<lit, et ne pensait pas que sa prérogative en souffrlt.
Quand, sous la Restauration, une portion de la
Chambre, personnellement dévouée a la royauté,
metfait toute sa gloire a la servir eomme elle enten-
dait etre serl'ie, et a faire prévaloir ses volontés




DE CInTE NOUVELLE ÉDITION. 111


toujours et partout, Charles X était lo in de s' en
plaindre ou de demandel' qu' on s' en cachat eomme
d'une mau\'aise action. Quand enfin, le 20 mars
l846, un illustre génét'al a été jusqu'u déclarer en
pleine Chambre des pairs : « Qll'il était pret a sou-
» tenir de toutes ses forces tous les ministres aux-
, quels le roi ferait l'honneUi' de leur confier le soin
r du gourernement, ~ je ne sache pas que "U. lc
chancelier ait rappdé a l' ordl'c cet illustre général,
ni qu'iI ait déplu en haut Iicu. Que 1\1. Lasnyer se
calme done et se rassure. Dit'c que la prérogative
rorale domine aujoUl'd'hui la prérogative parlemen-
taire, ce n' est pas faire injllre a la premiere; e' est,
au eontraire, lui rendl'e l'hommage auquel elle tient
lc plus, et reeonnaltre un fait dont elle s' enorgueillit
tous les jours.


lIon honorable eollegue me permett¡'a d'ailleurs
de lui faife remarquer que, dans l' exemple qu'il a
choisi pour mettre hors de doute l'indépendanee
parlementaire, iI n'a pas été fort heureux, ,Tout
~ ministre, avais - je éerit, qui sera agréable a
» la couronne, que la eouronne appuiera cordiale-
.~ ment de son influence personnelle, sera eertain,
~ eomme le ministere aetud, d' ohtenir la majorité
~ dan s la Chambre, - I,a preuve que eela n' est pas,
, m'a répondu M. Lasnyer, c'est que la majorité nc




IV PRÉFACE
1l laisserait pas vivre huit jours un ministel'e Dllver-
)' 3ier. » Quelqlles-uns de mes collegues me faisaient
observer, en sortant, que la preuve était pell con-
clllante, et qu'elle l'eut élé davantage si, a mOJI
llom , M. Lasnyer eút sllbstilué celui de ll. de l\Ion-
laliveL


Quant a la majorité, l' avenir montrera si je r ai
jllgée trop séverement. Ainsi que je l' ai dit dans une
Ilccasion récente, je désil'e sincerement que mon
pcssimisme re't0ive un éclatant démenli, et je serai,
dans ce cas, fort heureux de confesser humblement
mon erreur. J e dois déja reconnaitl'c qu' en élevant
l\I. Léon de l\Ialeville a la vice - présidence, et en
raisant respecter dans les bureaux le dl'oit de la mi-
norité, une portion de la majorité a montré qu' elle
11' entendait pas se pl¡e)' a toules les convenances,
obéir a toutes les consignes ministérielles. Je dois
I'econnllltre en outre que dan s la question si grave,
si pressante de la réforme parlementaire, quelques
membres du partí conservateur ont prouvé que le
mot de prof(l'es n'avait point été pour eux une
simple amorce éleciorale, et que, pour leur compte
au moins, ils prcnaient au sériellX le fameux pro-
gramme de I,isíeux. Maís jusqu'ici ces tcntatives
honorables, consciencieuses, n' ont eu d' autre effet que
de réduire le clliff¡'c de la majorité sans en modifiel'




DE CETTE .\OCrELLE 1::/)ITrO.\,


l' esprit, que d'jnquiétcr le caLinet sans le faire sortir
de son ornicre. Quoi qu'j[ en soit, 1\1. llillault l'a dit,
et je suis bien aise de le répéter ici, si les conser-
vateurs indépendants veulent ctre conséquents et
fermes, r opposition tout enticl'c est prMc a leur
preter un appui désintéressé. Dans l'état actuel des
choscs, l' opposition ne peut ni espé¡'er, ni désirer le
pouvoir pour elle-meme. Tout ce qu'elle peut de-
mander, c'est que la portio n la plus lilJérale, la plus
éclairée de ses adversaires h::tbiluels, entre dans la
roie des l'éformes, el prenne en main la cause de
nos libertés.


lIaintenant .ie tiens a préciser encore une foís la
pcnsée, I'intention véritable de cet écrit. Ce sera ma
srule réponse a CI'IIX quí m' accusellt d' etrc ínfidele
a mes anciennes opinions.


Quand, le 29 juillct j 8;30, la qllestion suprcme
du gouvernement repn;selltatif cut été résolue pour
le droit de tous contre le droit d' un seul, pour la
librrté contre le despotisme, la révolution victo-
ri(;Use avait Irois partis a prendrc.


Elle pom'ai!, comme le demandaient les plus im-
palienls, p¡'oc!amc(' la \'(;publique et suppl'imer ainsÍ
les derlliers vestiges du \'ieux principe hél'éditail'e.


Elle pouvait, eomme le désiraient les plus timi-
des, respectel' ce principe jusque clans ses violellces,




et, apr¡\s avoir accepté l'abdication de Charles X,
placer son petit-Gls sur le trone,


Elle pOlluait enGn créer une royauté noU\'elle qui
pl'océdat, qui relevttt d' elle, une !'Oyaute qui tint
fous ses droits, tous ses poU\'oi¡'s de la someraineté
nationale, et dont l'avénement fM, en quclquc sorte,
la conséeration, la réalisation des idées gní renaien f
de triompher,


De ces tl'ois partis le del'l1ict, préualul, et e' était ,
.ie persiste a le croil'e, le plus sensc, le plus politi-
que, le plus conforme aux verux et aux illtét'cts du
pays, Maís bien que, par suite de eette sane résolu-
tion, la forme du gourernement rut a peu de ehose
pres maintenue, il fut évident pour tous que l'esprit
en a\'ait été profonclément alt{~I'¡'~, IlItcrmédiaire entre
la monal'chie absolue et la R(;publi<JlIe, la monarehie
eonstitutionnelle incline en erfet vel'S l' une ou vers
l'auh'e, selon que la prérogative royale ou la préro-
aative pal'lementail'e est dominante, 01', en substi-
tuant dans le fait comme dans le pl'éambllle de la
Charle l' ocll'oi national a l' o(,[l'oi royal, J 8;30 auait,
sans conh'edit, chan3é la position relatÍlc des deux
préronatives, II rcsfaif ainsi hien établi que le pays
/1' entendait désormais appal'tenir a pcrsonne ef qll'il
\'oulaít se gouverner lui-mcme, Il resfait bien con-
n'nu que, si, par un aete libre de sa raison et de sa \'0-




D E CE T TE )\:0 UVE L LE É DI T 10 \1.
Ionté, il instituuit la monarchie constitutionnelIe plu-
tót que la République, ce n'élait point pour abdiquer
entre les mains d'un prince quelconque, mais pOUl"
intro duire dans son propl'e gouvernement plus d' 01'-
d re, plus de régularité, plus de concentration. C' esl
c etle pensée évid.ente, incontestable quí, pendant les
premiers mois, lit donner au gouvernement nom'eau
tant de noms aujourd'hui oubliés GU le mot de ré-
publique figurait invariablement a cOté du mot de
monal'chie. Et loin que eeHe aIJiance fut alors re-
poussée, chacun sait qu' on s' en honol'ait, qu' on s' en
parait, qu'on s'en couvrait comme d'un bouclier.


[ne dynastie choisie librement pal' la France et
placée sur le trone a la condition expresse de respec-
ter, de pratíquer les príncipes víctorieux en 1830,
et de laisscr le pays se gouverner Iui-memc d'apres
certaine~ regles et selon certaines formes, voilo. done
le gouvernement actuel, \'oila le gouvernement que
nous avons \'oulu il y a 17 ans, et que nous voulons
encore. Alainlenant eeHe eondition serait-elle vrai-


. ment remplie si, par des moyens indirects, la pré-
rogative royale \'enait a reprendre complétement et
définitivement la prépondérance qu' elle a perdue ~
Cette condition serait-eIle vraiment remplie si, ú
r aide d'une législation vicieuse ou de pratiques cou-
rabIes, la majorité des députés et la majorité des




\'1rl


électeurs devenaient, au prix de cel'tains avantai1rs
personnels, les instruments passifs, les exécutcurs
obéissants de toutes les volontés de la couronne?
eette condition serait-elle vraiment remplie si le
gouvernement représentatif ainsi faussé, ainsi co1'-
rompu ne semblait plus ct1'e, soit pour n:;tat, soit
pour les pa1'ticulie1's, qll' une machillC ú buitre mo¡;-
naie? Non certes, et il n'est pas une ame honnelc,
généreuse, élevée qui ne se soulcvat contre llllC
telle pe1'version des institutions repl'ésentatives.


Je suis loin de di¡'e Ol! de croi¡'e que le pacte de
l830 aií élé rompn a ce poiut, et que par la COD!Ji-
vence des uns, par l'indifférence des autres, toules
nos lihertés, ravies OH achetées, soient devenues la
proie, le jouet d'une tyrannie nouvelle S'il en était
ainsi, le temps des luttes légales serait passé, ('/ JI
resterait a aftendre une de ces terribles catastrophrs
que Dieu fait quelquefois lomher sur les peuplcs
pour les punir et les régénérer a la fois. l\faisle mal
peut ctre grand sans ctre incurable, et le mouvement
rapide sans que les effol'ts humains soient impuissanls
a le modérer. 01', je le crois profondément, a
rnonarchie constitutionnelle de 1830 touche aujonr-
d'hui a un de ces moments supremes qui, sclon le
choix qu'on fait, selon le partí qu'on prend, décidenl
du salut ou de la perte.




DE CInTE XOV\'ELLE í:OITION. 1\


C' est malla senrir que de lui cacher la pente Oll
elle glisse, les écueils qui l' em'il'onnent, les dangers
qui la menacent. C' est plus mal la servil' encore que
de flaUer fous ses penchants, que dc suivre tous ses
cntrainements, que d' obéir a tous ses capriccs. Pour
ma part, en défendant contrI' de facheuses théories
et contrI' des pratiques plus facheuses encore les
vrais principes du gouvernement représrntatif, jI'
crois défendre l' ordre aussi bien que la liberté, le
gouvernement établi aussi bien quc les conquetcs de
nos drllx Révolutions.


Je n'ignorc pas d'ailleurs que, dans le temps 01"
1l01lS sornmcs, on rencontre achaque coi n de rue
des esprits soi - disant pratiques qui pprouvent ou
qui arreclent d'éprouvcr pour ces sortes de qllestions
un magni(ique dcdain, Ce qui importe, rópMe-t-oll
chaque Jour, ee n' est point dc savoir qui gouverne,
mais enmment on est gouverné; quel est le pouvoi"
prépondérant, mais quel usage ce pouvoi¡' fait de sa
pl"épondérance. Il ne fant pas qu' on s'y trompe, c' est
la tout simplement erracer soixante ans de nolre his-
toire, désavouer nos deux Révolutions, et revenir ¡\
la tbéorie surannée, a la théorie servile du despo-
tisme éclairé. C' est en outre nier le rapport de l' effel
a la cause, de l' re,lIvre a l'instrumenf. On drmandl'
si le but des sociétés est de former leur gouverne-




P RÉ F.'\.C E


ment sur un cerlain type ¡Mal, et si les peuples se-
ront nécessairement libres el hCUI'eux quand la ma-
chine constitutionnelle sera organisée selon les re-
gles? Assurément non, et personne, que je sache,
n'a jamais dit pareille sottise, Quand une machine
est construite, il faut qu'elle travaille; mais pOUl'
(IU' elle Iravaille lIien, il faut qu' elle soit bien con-
struite el qu'il ne devienne pas nécessaire d' y retou-
cher, de la remanier, de la répat'ertous les joUl's, Il fallí
aussi que les rouases en soient tellement combinés,
lellement ajustés, qll'ils se prclent une assistance mu-
tuelle au lieu de se contrarier run l' autre ct de se
neulraliser, 01', placezutl roi qui veut gouverner au
mitieu d'un cabinet dont la politiqu~ esl opposée a
la sienne, et dites si la machine constitutionnelle ne
sera pas chaque jour et sur chaque chose, arretée,
entravée; dites si, comme l' écrivait Burke en 1770,
un fel sysf¡~me ne fl'appera pas de paralysie chaque
nerf de la conslitution, s'il ne plongera pas dans
l' engourdissement et daos la léthargie le pouvoir
exécutif tout entier, J e n' ai point enCOl'e vu qu' a cel
argument, décisif selon moi, on ait essayé de ré-
pondre, et je tiens, jusqu'a llouvel ordre, la démon-
itration pour complete et définitive.


Si ron veut juger le systeme donf il s'agit par ses
résuItats, a n' est d' ailIeurs pas hesoin d' arriver a




DE e 1\ TT fo: XOU t'ELL E J.:nIT 10 X.


l'hypothese extreme (1' IIne di rcrgence, d' un conflit
entre le roi el son conscil Bien de srmhlahh~ n'e;.,.iste
derlUis sept ans, et c' es! frl~s-pacifiqllement, pres-
que d'un consenfemcnt commun, (¡ue s' psí dablie
la prépondérancc de la prérogatirc royal(' sur la
prél'ogative parlemcnlmre. Qu'en résultc-t-il? A
I'extérieur, une politique a la fois pemrnse p( ilTé-
lléchie, inactive ct tracassiere, une poli tique qui ,
de raiblesse en faiblessc, de rante en faule, !lons a
conduits a la siluation la plus ;¡ravc m'l la France se
~oil lrouvéc Jepuis [rente ans; tl J'in[(;¡'iellr, l'abandoll
de jonte idée lihéralc, ia rllirre de ton te )'¡\gle admi-
nish'ative, l'anéantissement de toufe ruomlité poli-
¡¡que 1 le désordl'e des finances, la subordination
permanente des intól'l~ts g(;néraux aux int¡;l'(\ts jll'in;s,
eníln r abaissement sirnultané des ('~pt'its el d,·s crrurs,
et pour couronner l'muvre, la décr¡;pitude et l'im-
puissance. AillSi, c'est le 11 jaIl\'ier <¡ue les Charnbrcs
~e son! rassemblées, et nons touchons it la fin c\'anil. _
Combien de fui s , pendant ces Íl'ois ruois et demi, la
Chambre des députés s' est-elle réunic pour discuter,
ponr voter les lois ou les mesures millis{{'j'jcllrs!
Dix-huit fois seulemcnt, pendan! tlCllX helll'rs cÍlaqu('
I'ois, et Pl'esque tonjours pom des ¡ois de cl'l;dit ou
ti'urgence. e' est pour cela qu' au m ois ¡J' <loút df'l'Ilier
le pays a nommé 459 députés, et que ces déplltés,


b




III


l'épondant a r appe! de la eouronne, sont aecourus a
París de toutes les parties du territoire!


Il es! \Tai qu'ils n'y sont pas tout a fait oisifs et
qu'íls passent soit a sollicite¡' les ministres, soit á
con'espondre arce leurs éJectp,urs, le temps qu'i1s
n'emploient pas a faíl'e les affai¡'es publiques, Croit-
on qu'il y ait eompensation, et que le gomerncmcnt
rc'pl'l~senta!if amsi eompris, ainsi pl'atiqué soit eelui
que le pays \'ouluit en t 8:10, et pour lequcl il a eru
de\'oir faire une l'évolution?


Qu'on le jllge pal' ses p¡'ineipes ou palo ses a'unes,
le systeme acluel est eondamné, et les intérets, s'íls
n' étaient pas aveusles, se eoaliscraient avee les opi-
nions pour en faire bonne et prompte justicc. l\Iain-
tcnant, commcnt en fail'c justice légalement et sans
désordrü? Quclqucs pel'sonnes imasíncllI qu'il suffit
tic lui dire de temps en temps son fait a la tribune ,
et que le gouvernement l'eprésentatíf vrai, si l'on en
Pi'oelame hardiment les príncipes, saura, par ses
propres forces, briser les Iiens quí r entravent, et se
tlé;P3pr de l'atmosphc,'c empoisonnée Ol! illanguit.
C' est une illusion que j' ai partagée un moment, mais
dont la derniere ehambre et les dernieres élections
m'ont eomplétement affranchi. Je suis eonvaincu, au
eontl'ai¡'c, quc sans la réforme parlementaire, sans la
l'éforme éledorale, tous nos efforts seront vains) et




DE f.ETTE KOU\:ELLE ~:n[TIO~.


que le gouvcl'ncment représentatif, f{l1els que soien!
les ministres, restera, u tn':s-peu de chose pl't's, cl'
qu'il est aujourd'hui.Si c'es! lu ce qu'on \'Cut, Ol! a
raison de se montrer hostile OH ílldiffércllt aux ré-
formes; mais alors qn' on ne parle plus (le S0n
umour pour les príncipes de 18:30 et ponr les con-
,c'qurllces quí d(;coulent de ces principes.


Il fau! que dans les rangs de l'opposition eeUt'
com.'iction ait étó hien générale el hien forte pOUI'
f¡U'aU dehut de la législatul'e, en face cJ'une mujol'ité
de ccnt t'oix, ¡w milieu des gmt'es préoccupation~
du déd,u:s rt du dehu!'s, malgn) l'índiffáence el
l'échec don! on nons Tl}(!Jla<.:uit, HOUS ayons cm de\'oir
suisit'!a Chum!Jrc de ces deux grandes questíons. L' i:-
n'nernent a prom'é que nOlls ti.viOIlS eu j'uison, ei que
le pays, la ChuqtlJl'e ellc-rnr\lIle, ófaienf hien plus dis-
posés qu' on ne le croyait :l compreJlc]¡'e la nécessik
[les réformes. Je d<'passerais les hOl'lles d'une pré-
ra.ce, si je voulais analyser ici [es dClIx dé}¡ats aux-
<¡neIs nos propositions ont douné lieu. L' au prochain,
quand, selon l'eugagement que nOllS en a\'ons pris,
ces proposilions scront reproduites, il IlOUS sera fu-
cile de mon!rer toule la faiblessc, foute la futilitp
des arguments ministériels. Je me horne a constate!'
qu' au jugernent meme de nos adrersaíl'cs, la l'éformc
dectorale, la réforme parlcmelltaire out fait un pas




\¡\' PRI~F.'\C¡':


consiclérable " et que le Uloment appl'oehe Oll il nc
~Cl'a plus possiLle de les repoussel" C'dait pOUI' la
premiere fois que la réfol'llle declorale, une ]'(;fol'rrle
I'éelle, oeeupait la triuune ct se pl'ésentait de\'ant la
Chambre, Hans une Chambl'e de [/06 memhl'cs pré-
scnts , elle a ponrtant I'éuni 13'í- \'oix, et parmi ceux
(lui Ollí \oté eon[¡'e , plusieul's ont déeluJ'ó (Ine c'était
uniquement il raison de quPlr¡ues clauses qui leul'
Iléplaisaient on de LigIO tl'Op peu araneé de la léSis-
lature, Quant a la l'éfol'llle pal'lementail'e, OIl sait
qu' elle a pl'ofonclémclIt divisó le pul'li cOJlsen a(('ur,
et cOllquis ~u seill memc de la majol'it(; d'impor-
tantes adhésions, Qlloi de plus signillcatif d' ailleul's
t{ue ce scrutin ou, sur 2.l9 députés qui vot(~lIt contre
la réfol'nle pal'lemelltail'e, on !le compte pas moins
de 129 [onetiOll!laircs, tandis qu'il r en a :n, senle-
mellt SUl' les 170 d(;putés <¡ui votent pOli/', lletran-
dwz des deux colés les fonctiollnail'es, el \'OUS a\'ez
en faveur de la propositioll ulle Illajorilé de 4G \'oix,


Qu'on intelTo;¡e le débat ou la liste des YOlallts, el
[,on restera convaincu que la cause des d(;putés fOllc-
liot1nail'es esl une cause pel'due , el qu'(!1I dépit dc
toutes ses réslstances, le lIliJlisU~l'e aclnel, s'il vit eu-
core en 1S49, sera fOl'cé de jeter a la mer une
parlie de la cal'~aison pour sauver 1'aull'e, I1 sera
forcé ésalement de l'éparer quelques-unes des injns-




DE r:ETTE ~()llrELLE 1::nITJON.


tices, des iné3alitrs de la Ioi électoralc, et de donner
ainsi au.\: plus éclairrs de ses amis une cerlaine st:-
ti sfaction. En pl'ésence d'un teI resultat et d'une
tclle pel'spective, l'opposition serait folle et cou-
pahle si elle négligeait un seul des moyens légau:..
qn' ell c peut avoir d' agir Sllr l' opinion publique.
Vautre jour, ;\ propos de la réfol'me électorale,
11. Barrot exprimait a la trihune le regret qu' en
France l'agitation politique r,H un accident plutúl
qu'une haIJitude, ct ¿l ce mot d'agitation, un long
murmure a parcouru les hancs ministéricls, Ignore-
I-on SUl' les hancs ministériels que l'agitation poli-
tique est la compagne obligée, inséparahle des insti-
tutions lihres ? Ignore-t-on qu' en .!\ngleterre il n' esl
pas une mesure importante qui ait prévaJu dan!!
le Parlement sans que le succcs en ait été préparé
par une 'telle agitation? Je l'ai dit ailleurs, et je le
répete ici, pour que la vie circule avec énergie ,
avec plénitude dans toutes les parties du corps po-
litique, il faut qu'il y ait sans cesse action et réactioll
du dedans sur le dehors, du dehors sur le dedans ;
il faut que, tout en respectant la liberté des délihéra-
tions parlcmentaires, I' opinion extérieure p(\se SUJ'
ces délibél'ations et montl'e ¡\ des signes visibles
qu'elle s'en préoccupe, ~nL Guizot et Duchatcl sont
dé cet avis .• I\utrement ils n'auraient pas opposé anx




PR¡::FAC¡':


partisaus de la réforme le silenee du pays et l' absenec
des pétitions. En teuant ce lannage) en employanl
cet argument 1 lU!. Duchatel et Guizot ont) sans )e
vouloi¡', sans le savoir pcut-etre, donné au pays un
conseil salutaire, et proclamé l' excellence de l' agita-
tion politiqueo LeUl" voix scra éeoutée, je 1'espere, et
ron rerra s'il est \Tui que le pays s'accommmode uu
I'égime actuel et soit indifférent uux réformes.


II ne sed a ¡'ien de s' ahuscl' : il y a parmi la plu-
part des hornmes qui iJ0llterncIlt aujourd'hui la
France beuucoup de mépris non pour le hut que
poursuivait la Restauration, rnais pour les moyens
qu' elle a employés, et ron prend en grande piti(;
Charles X, quand on pense qu'avec toutes les res-
sources de la eeutralisahon, il u'a pas su gagner a s¡¡
t;ause cinquante a soixante mille decteurs. .I\ujour-
d'hui la difficulté a doublé avee le nombre des élec-
teurs, ce qui u'empeche pas <¡u'on ne s'en tire. e'est
d' ailleurs un systcme qui emhrasse tou 1, qui s' appli-
que a tout, qui troure partout son emploi. Ainsi deux
corps puissants, rUllircrsité et le Clergé donnellt-ils
au gouveruement pa¡' leur antagonisme, qucIques
embarras ct <¡uel<JlIes déplaisil's, aussitOt on jetle il
J'un tant de dignités 1 tant de gratifications, qu'il en
est étourdi et reconuaissant, a l' autre tant d' espé-
rances 1 tant de promesses qu'un jour, s'il n'est pas




J) E e E 1 T E :\ o ti rE L L Jo: 1:; J) 1 TI () S, XI 11


iU3rat, il doit finir a son tour par se sentir fouchl'
et désal'lné. :\" est-ce pas lil le sens vrai des cin-
quante del'lliers alTClés sur ITni\'ersité d'une part ,
du ch<lpih'e de Saint-Dellis de l'autre, et des primes
de 100 a 200 f¡'anes que le 3om;el'llement, en 18';.3,
.ouhit Jistl'ibuer annuellement, et selon son eapriee,
aux eUl'{;s el desservants? X'est-ee pas le motif réel
de la loi réeemment présentée sur l'enseignement
de la médecine et des C[uatre Oll cinC] mille places
nouvelles C[ui, si ceHe lui vcnait a passer, seraienl
encore a la disposition du miuish'e? Briser OH assou-
plir pal' la séduction des plaees, de l' argell!, des
honneurs, tout ce qui peut résister, voila la pensée
permanente, dominante du gouvernement actuel, la
pcnsée qu'il sllit al cc une ral'(' pel'Sé~'Ól'unce a h'avers
les .icissitudes de la pulitique f't de l'adrninisl/'ation,
Le jour oll eette pensée aura triomphé, la France
sera retombóe sous le poU\oi¡' absolu, et aura perdu
le fruit de ses deux. révolutions.


Quaud l' opposition veut qualifier un tel syslt\me ,
elle se sed tout simpJement du mot que presque tous
les puLlicistes, pl'csque lous les hommes (l'1:;tat ont
employé jusqu'ici, du mot de rOFJ'llplioll. A ce mol
qui lui paratt vulgaire ct.gl'ossier, ?il. Guizot sub-
slitue une qualificalion plus dislinauée, plus décente,
celle d' aúus dcs injlucnccs. :\1. de Rémusat en fin




l'appclle que B1ackstone, dans son úle monarchirlur,
désignait eela sous un nom for! in;¡énieux , foT"t pit-
toresque, et propose de dire an'c Blackstone (( l'in-
jluence persl/({sire de la COllrr)}/ue. )) llar malheur,
quel que soit le mot, le fait reste le nH\me, et e' est du
fait qu'il s'agit. (( La férocité, disait 11. Royer-Col-
lal'd en lSW, la férocité se J'assasie, la eupidik
jamais. )) La eupidité es! done pour les gouH'¡'ne-
ments qui vont y chereher leUl' force, une mine iné-
puisable, une mine OÚ, ehaque jO\ll', des II10ns iIl-
connllS se découvrent. On en a heaucoup déeoUFel't
depuis sept ans; on en décoll\'l'ira plus encore, et iI
est des recoins ¡gnorés 01, la perspicacité ministé-
l'ielle aper~oit déja, j' en suis sflr, de nouvelles
richesses.


Que les hOIlIlctes gells y sOIl;¡ent; ce n'est poin!
seulement du gouvernement rq)résentatif et oe la
libertó qu'il s' agif, e' est du vieil honneur natío-
nal, e'est de l'honncteté puhlique, e'est de fout ee
qu'il y a dans la nature humaine de noble, de gé-
néreux et d'élevé. Cela \'aut la peine d'ollbliel'
d'aneiennes querelles et de former au nom de la
liherté, au nom de la morale, la plus sainte des
coalitions . .t\ujourd'hui, comme il y a vingt ans, les
partis extremes doivent comprendl'e que le gouver-
nement étahli n'a rien a eraindre de ses ennemis




n E e E T T E X o r n: L L ¡.; ,:: 1)1 TI o X. \1\


systél1l:ltiqucs et que des altaques \ iolentes, au líeu
de l'ebranler, le fortifieraient et le pousseraíent dans
la Foie des réaclions .. I\ujounl'hui, cornme il y a vingt
ans, lcs partis moderes doivcnt sentir a leur tour
I/túl est temps de résisler a de déplOl'ables ten dances
cl de s'unir ft'ancltemen[, dUlls ce but, a tous ceux
qui ont le m(~me dúit" !ludis extremes et padís mo-
dérés, tous, en outre, doivent ell'e convaincus que la
Ilol'lle ne saurait ctl'e déplacée sallS un erfod énel'-
;¡ique el sans (Iue les intérels constitués au scin du
pays 1~~gall'e<;oiveJlt un ulile avertissement el une im-
pulsion salutait'e, Si cet a\"Cl'iissement, si celtc im-
pulsion manquent, on peut eh'e cel'iain que le
,'cntiment mOl'al, l' esprit lihéral irout sans cesse
s'affaiblissant, et que les pl'0chaines électiolls seront
pire.; que les dCJ'Ilil'J'cs. I! peut alol's ar¡,in'!' (lu'ulle
fois enCOl'e la tl'ilusaction cOllstitutionnelle s' éva-
Ilouisse, et que la qu/'stion se posc nettement enlre
[es principes ahsolus don! l'alliance est tout ('asem-
ble si désirable et si difrtcile ; il peut arl'i\"cl' que la
force des ehoses replace la France dans l'altel'Jlati\'e
d'ou elle a su sortil' en 18;30. Ce <Iue ferait alors la
Frauce, personne n'oseraiL le dire. Pour moi, j'ai
peine u cl'oire que, dans aucun eas, la cil'ilisation
recule et que r esprit de la révolution soit vaincu.


Quoi qu'il en soit, je le répcte, il est un moyen




PR~;F.\CE


d'échappcr a ces cXÍI't'mi!(;g IH'rillcllscs, e'est qUI'
tous les amis de la librl'té, qllrls que soiellt lellrs
précédents ou lcurs \ lICS ult(;,'íeures, fasscllt ce
qu'ils ont fait en 1827, et s'llnisscnt franchemrnt Sil!'
le terrain des r¡>formes l/'gales; c' est que, chaeuo
ahandonnant ce 'Iu'il J' a d'f'xcc~sif dans ses idées 011
dal!s ses projcts, on se tiennc á ('galf' dis(ancc de
I'actioll violente et de l'inartion, de Jet tr'mr!'it(; qui
l'evc les sonlórements poplllair('s, de la til1lidi[¡~ qui
s'effraie an seul mot el'agitation Jlolili(Jue; e'est qll'it
l'envallisscmen{ de; in¡l'T(~'S ma!(;I'i(,I~, des in!(''l'tt~
privés, on oppose SUl" ious les points de la Franee
des manifestations pacifiques, rnais imposanles el
quí prouvent que les irl(;es g(;néreuses, qlle les no-
bles sentimenls ne sont pas encore tont ~l fait étourrl;:'
on étrin!~; e'est en un mo!, (¡UC les pouvoirs óla]¡lis
l'omprcnnent enfin (jllC le pnys les suncil!e, <¡Uf'
le pays les jU3e et que la puissallec don! ils d¡spo-
sent est un fitlt'icommis don! il leul' sera dcmand¡,
eompte,


Si j'en erols certains sym[)tomcs, le momefit cst
renn Ol! l'aaitation tonte légalc, tOll!.e pacifique
que jI' d6si,'e pOlll'l'ait ell'c ol'ganisée avec sucecs et
an~e fmit. Le spcctaek dont nous somrnes Ií's Ü·jstes
témoins porte avee luí ses enseignements, et soule~'c
dan s tous les eccul'S honnCtes antant d'indiflnation




DE CInTE NOUVELLE ÉDITION. 'ni


que de dégol1t. Les éléments sont done prets, et il
De s'aaif plus que de lcs mctt¡'c cn ceuvre. Reste a
savoÍl' si les ehcfs naturels du mouvement feront dé-
faut, et si les uns, poor poursuivre lcur ufopie, les
autres, ponr ne pas sortir de leur qlliétude, laisse-
I'ont aller les ehoses et attendront qu'il plaise a Dicn
dl' Ics aicler sans qll'i1S s'aident eux-memcs. J'espcre
(In'il n' cn sera pas ainsi , et quc tous voudl'Ont don-
ner le hon exemple ct aeeomplir lcur devoir. Dans
tous les eas, je suis de ecux qui, nombrellx ou pell
nomlJl'cllx, ne sc déeollragcront paso POllrquoi nous
découragcrions-nous? l\"avons-nous pas vu les gens
sages, eomme il Ieor plait dc se nommer, désesph'el'
de la liberté en 1827, désespérer de l' ordre en 1831,
et se [airc de leur désespoir meme un prétcxte pOul·
sc reti¡'cr de la Illtte, pour ne pas se comp¡'omcttre '!
Heurellsement pour la liberté etpour l' ordre, d' autres
OIlt eu moins de résignation, moins de prudenee, el
la cause de la liberté de 1827 a 1830, la eause dl'
fordre de 1831 a 1834 ont sueeessivement triomphé.
Elles triompheront ensemhle aujourd'hui si 110ns le
\'olllons bien, et si nous ne les ahandonnons pas
lachement. ¡


París, ce 29 avril 1841,


..
.... "






La politique étr·angt\re de la France vient d'enh'cr
dans une phase toute noU\'elle. Lne alliance (Jlw
l'on avait renouée précipitamment, dans des cil'con-
stances fachellses pour l'amour-propl'e national, et
a laquel/e, clepnis si:\: ans, on ne se lassait pas ele
faire les plus hnmiliants sac¡'ifices, vient cJ'(\f¡'e rOIll-
pne {out ¡'t conp , saus Illo!ifs gravf'S, au moment 0('1
elle pomait eleveni¡' honorahle et utile. En n)(~nH'
temps, une antre alliance, dont on recherchait, dont
on hriRuait secrctement les bonnes Bruces, n'a rp-
pondu aux humbles avances dont elle était l' objrt
que par un défi audacieux. e' en est done fait de la
wande politique, de l' entente cordiale, de la paix
des esprits et des creurs, el de toutes les hrillantes
chimcl'es que ron faisait passer devan! les reux de
la ehamhre ponr endormir sa vigilallce. e'en est faít
anssi de l'esr{~rance (Ju'on arait nourrie de substi-
tner une alliallce a \' an tre et de retrouver dans des
cmhrassemenls 1l0UVeallX, les joies perdues d'Eu et


1




2 P R I~ F:l CE.
clr, lrindsor. On était \'enu, il Y a six ans, pour ré-
conciliel' la France avec l'Europe, pour rcfaire l'al-
liance anglaise, pour assurer la paix du monde .
.1\ I)l'eS six ans de succes pa¡'lementaire et au leIide-
main d'une grande victoire élecforale, on est forcé
d' a\'ouer que jamais l'Europe n' a été plus hostile,
L\ngleterre plus írritée, la Frallce plus isolée, la
paix du monde plus compl'Omise.


En présence de si waves é\'énements, on peut se,
diriser sur la questíon de sa\'oir quelle est exacte-
ment l'opportunilé ou la portée politii(ue de tel ou
lel acte spécial; on nI' peut emp('cl!e¡' que le!> r('slll-
tals généraux n' apparaissent a lous les yeux , et que
ces l'ésultals ne soient, pou!' la poli tique des derni('.[·es
années, l' échec le plus complet, le démenti le plus
éclatant; on ne peut empechcr que partout on nI' se
demande si la sagesse, si l'hahíleté qui a porté de
tels fruits a jamaÍs été autre chose qll'un mélange
malheureux d' étourderie et de faihlesse ; on ne peut
empecher surtout que les hommes sensés de tous les
partis nI' s' afílincnt et ne s'inquictent de voir les des-
tillées de la France, confiées, peut-etre pour long-
temps encore, aux mains qui les ont si mal conduites.
On aura hcau, dans les débats qui se préparent, faire
apile! aux passions, aux sClltimcnts gll'on décla['ait
TIagllrre absurocs et ínseIlsés; on aul'il heau exaltel'
tout ce i(U'Oll abaissait, ahaisscr tout ce qu' on exal-
lait; OIl aura beau cIllin cmpl'llnter a l'opposition,
dans une cause moios nalionale, les arguTllcnts que
1'00 accablait d'nIl si mngnifiqllc drdain, tOllt le




PH {.:FACE, 3
monde comprendm qu'on est a hout de voie, et
qn'al! fond de Lime OH se repent profondément,
amól'emcnt de ce que ron a f ait. Tout le momle com-
prcndt,u uussi que la situation 01\ ¡'on a mis le pays
n'est pas de cclles dont (IlIclljucs hcaux discOUl'S fas-
sent ét'anouit'les dimcultl~s, el que longtemps encore
ces difficultés pcscl'ont SUl' les ministres actuels 011
SIIl' leUl's sUCCrSSl'llrS,


Quand tel e,t l'état des clloses, iI est fort simple',
fort nutUl'cl que l'atlenlion se porte surtout SUl' les
affail'es extél'ielll'es, Fst-ce une I'aison pOUl' que les
affaires intél'icul'es soient nrgliaécs? Est-ce unc raison
pour qn'oll laisse phir a pclit hrllit les f¡rands prin-
cipes de nos dCllx rrvolulions ct s'éteilHll'e oh~curé­
ment, dans la col't'uption, les institlltions représenta-
ti\-es? Est-ce une raison TIotummcnt pOLIr qu'on ne
s'inqllÍ(\te plus de la cornposition de la Chamhrc
{~Iecti\e et de son organisalion? Tout au contl'ait'e',
ce me semble. Cltu(lue forme de' 20urernement a
ses conditions, scs lois, scs néccssités propres,
dont, pOOl' accomplir sa mission, pour atleindre son
hut, elle ne salll'ait s' écarter impunément. 01', la
condition essentielle, la loi fondamentale, la néces-
si té SllPI,(1me dll gOllvernement I'eprésentatif, c'rst
une Chamhl'c éluc lihl'ement, hOl1l1¡\!cment, ct qui
I'rprésente, qlli expl'ime les sentÍmeIlts et les Ul'UX
de la nation; une Charnbre qlli, au lieH de l'eCeVOil'
rI'en haut ses opinions et sa politiquc, les apportc
et les impose; UIle Chambl'e, en un mot, qui ne l'e-
I¡''\'e qllC' clll pays C'I qui s'uppul'liC'lInC' It pllC'-nl<\/lle',




4


Quund eette Chamlll'e existe, le gouvernement esl
I'fl mesure, au aehors ou au deaans, de pal'ler aver
f('rmel(', d' agir av'ec énergie, el de montrer, a ses
amis eomme a ses ennemis, la France tout entiere
derriere lui. Qlland elle n' existe pas, e' est en vain
qu' on demanderait a la polítique extérieure ou inté-
rj('lIre qllelqlle dignitó, quclque vigueur, quelque
persévéranee. \'I)US sommes dans un temps oÍ! l'on
ne trompe plus personne, et les seerets d'lttat son!
aujourd'hui fol't rares. Les eaLinets étI'angers savent
done tont aussi bien que IlOUS a quoi s' en tenir sur
les rapports du pays aree la Chamb¡'c, de la Chambre
aH'e le ministere, du minist(\re aFee la eouronne.
lis saFent a quoi s'en tenir sur la valeur de cel'taines
adhésions, de certaines aeclamations, de certaitl~
v'otes, et ils se eonduisent en conséquenee. On a
ainsi, au liell du [lourernement reprósentatif, la mo-
mal'chie absolnc, moins l' esprit de slIite, moins le
seeret, moins la hardiesse et la rapidité; on a la
monarehie ahsolue dépouillée de ses avantages na-
tllrels.


l\Iaintenant, est-il possible de dire que le gou-
vernement représentatif existe réellement en Frane!',
el que la ChamLre aetuelle, la Chamhl'e éJue au
mois d'aoút dcrnier, représente uaiment le pays


, t' \ 11 ' 'í}) , . et s arpar ¡enne a e e-m(~me. OUI' qll on en Juge,
il suffit de ¡'{'¡jare!er ce qui se passe et d'écollt{'r ce
qlli se dit. Le minisl<\re, chaclln le sait, est foJ't
éhranlé par les dCl'Iliers événemcnts, ct il est dif'fi-
cile de croire (ln'il puisse sllITirre au SystClIlC ¡¡u'il




.)


a défendu pendant six ans et qui vient de s'écl'ouler.
Beaucoup de personnes, parmi les mieux informées,
eroien! done 11 sa chute prochaine, ~éanrnoins,
est-il renu ¡\ l' esprit d' une seule de ces personnes
que le ministl~re pút, dans aueun cas, tomber par
un vote de la Chambre? Si le ministere périt, tOIl t
le monde le sait et le dit, ce ne sera pas pal'ee que
la majOl'ité lui fera ddaut ; ce sera parce que la eou-
ronne le trollvera usé, compl'omis, embarrassant, et
qu'il lui plail'a de s' en d(;fail'e. La COlll'onne alors
choisira a droite, agauche, au ccull'e, un autro ca-
binet quí, pOIll'FU qu'i! ait son appui., tI'ouvera
dans la Chambre exactemellt la memc fneur et
obtiendra la m(\me majorité, La couronno est done
maitresse ahsolue d' adopter la politique qui lui con-
vient, de prendre les ministres qui lui sont awéa-
hles, d'engager la France daIls les voies qui lui
plaiseut. Elle est ma¡tresse dc résisler Oll de cédcr a
son gré, et de fai¡'e voter parla Chambre la guerre
Oll la paix, l'alliance anglaise, l'a!iiaIlce I'llsse OH l'i-
solement. Elle est meme maltl'esse, eomme en 18!fO,
de s'avaneer d'abord, pour reculer ensuite, bien
certaine que, soit dans le mouvement en alfant, s(;~
daos le mouvement en arrie¡'e, la Chambt'e la sui\'l'a
avec un éaaI enthousiasme,


Je n' examine pas en ce moment si une telle pré-
pondél'ance, une telle suprémalíe n' es! pas pour la
couronlle elle-meme ún illconréllient et un dan¡¡er,
Je me borne aceite senIe question : est-ce la le gou-
vernement représentatif tel que nous l'a\'ons \'oulu




en H;;30, el el'oil-on que la ChamUI'e, une Chamure
ainsi eonslituée, ainsi disposée, puissc peser du poids
le plus léger sur les résolulions des cabinets étl'an-
gers? Croit-OIl que, dans ses paroles ou dan s ses
votes, rEurope soit un seul instant telltée de voir
l' expl'eSSiOIl l'éelle, r exprcssion sincere de la pensée
et de la volonté nationale? :\u lieu d'un pays, elle
n' aper~oit en faee d' elle qu'un pl'ince el un rninis-
tC!'C, C'est quelque ehose, sans doute ; ce n'est poillt
assez pOUl' lui imposel' et pOl1l' la contenir,


Il est d'aillelll's une autl'e eonsidération qui me
fl'Uppc: la Franee, les del'Jliers rvénements \·iennelll
de le pl'ouver, cst 1'orl isoll~e CIl Europe, au moins
du cóté des goU\'crnernents. Ce qui fail eucore sa
force, e' est que les peuples voient eu elle la tete dc
la civilisatioll modcrne, la garrlienne el la protectrice
des idóes et 'des inslitutiollS lil)(;l'ales. Otez-Iui celle
force, ct, en pl'ésellce des deux colosses qui se dis-
putent l'empire du monde, elle tomhe au rauu des
I~tats de second ol'dl'e. 01', cornment la eonseJ'H'ra-t-
elle, si, au dcdans comme au dehol's, elle s'endort
dans une hontcllse apathie? si elle vend, pOUl' qucl-
óJ.ues a\'anfages mall'riels, les principes, les institu-
tions, Ics lihertés dont elle était naguCre la pc!'son-
nificatioll glol'ieuse! Comment la consel'vel'a-t-cllc ,
si on la voit, pOli!' la sccollde foís dcpllis qual'antc
aos ct sans avoir la meme f'Xcuse, déposel' entre les
mains d'un seul homme les droits qu'elle a conqnís
au pl'ix de tant de dangel's el de fatigues! Nul doule
qu' alol's les p,"uples comme les gouvel'llements JlC




PlIÚFACE.


se retirent d'elle, el (ju'elle lIC se trourc, au milieu
du monde enlier, sans alliés et sans appui.


De tout cela je conclus qu'il est puéril, absurde,
de vouloir séparer la poli tique étrangcre de la poli-
tique intérieure: j' en eonclus que, nier la relation
intime qui existe entre une conduite digne el ferme,
au dehors, et une Chambre indépendante et natio-
nale, e'est nier le rapport de l'reuvre a l'instrument,
de l' effet a la cause. Plus les cireonstances det-¡en-
nellt graves, plus on a besoin de rendre au gouver-
nement rep"ésentatif toute son activité, toute su
vitalité, toute son énergie; plus on a hesoin de re-
vendiquer, de défendre, de f:lrtifier la prérogative
parlementaire, eeHe prérogalive sans laquelle la
Chambre élective serait dans notre constitution un
rOllage a peu pres inutile; plus on a hesoin aussi
d'empccher que la eorruption ne s'infiltre dans les
veines du corps politiquc, et qu'elle ne li\Te la
France amollie, épuisée, énel'vée, aux coups de
l'étranger on aux tenlatives de la contre-révolution.


Pour ma part, en plaidant anjourd'hui la cause, un
peu abandonnée, du gouvernement représentalif, je
erois ser\'ir les intércts de mon pays an dehors; je
erois aussi etrc fid(~le a I'idée <¡ni, depnis que je suis
entré dans la vie pol,tiquc, m'a constamment di,·igé.
Si, vers la fin de la Restaumtion, j' ai pris une parl
obseure, mais rive, a la lutte engagée entre la der-
niere dynastie et la France, ce n' était ni par ambi-
tiQn personnelle ni par haine eontre la brallche ainée,
mais paree que .ie voyais la cooronne déterminéc it




I'nÉFACE,


JlOUS refuser les droits qui nous appa\'tienncnt. Si j' ai
applaudi franehement a la révolution de juillet, et si,


• cette révolution faite, j' ai défendu avee quelque fe\'-
meté le 1)0uvernement qu' eHe a eréé, e' est que, dans
ee gouvernement, je \'oyais la réalisation des prin-
cipes pour lesquels l'opposition nationale a si long-
temps combaHu, Le 1)0uvernement représentatif vrai,
voila l' étoile sur laquelle j' ai toujours eu les yeux
fixl's, voila le but \'ers lequcl, par des moyens varia-
hles, j' ai tendu iJl\'uriablement. Quand ce but cessel'a
d'etl'e le mien, je reeonnaltrai que fai changé ; jus-
flue-Ia, dans quelque eamp que jc me trouvc, je
eroil'ui etre tres-eonsóquent, tl'cs-Jogiquc, plus con-
séqucnt et plus logi(Iue surtout que eeux avee qui
fai quitté la majorité ministérielle, en HnS, pour
défendre le gouvernement parlernentairc, ct qui, des
que ecHe majorité leur a offel't le pouvoir, se sont
emp¡'essés de le prcndl'e pOli\' Ic tOUl'ner eontl'e la
cause merne dont ils s' étaicJlt faits les champions,


Il est d'ailleurs, je suis pret a lc recoll/laitrc, une
partic notablc du parti consel'vateUl' que le u!' eon-
duite n'expose point au meme reproche, Dans le
parti eonservateur je sais bcaueoup d'hommes qui
JI' ont jamais aimé le gouvcrnement repl'éscntatif 111
lcs institutions libérales; j'en sais qui, une fois la
d.vnastie ehangée, se sont lCllUS pour satHifaits el
JI'ont plus songé qu'a reeonstl'uil'e a leu¡' profit tOllt
ce qu'une ré\Olution populaire venait u'ahattl'e : en
rotant eommc ils votent, ecux-ei nc sont point in-
cOJlséquents ; mais ils sont, (Ju'ils me pel'Illetttllt de




les en avertir, bien aveu8les et bien imprudents, l' an
dernier, je m' entretenaís des premieres années de la
révolution avee un des ehefs du pal'ti radical, at'ee
un homme quí, en 18:32 et 18:34, eombatfait dans
el' autres rangs que les nutres, et je lui disais, ce que
nous disons d' ordinaire, que, si depuis J8:30 la cause
libérale est en déclin, on doit s' en prendre surtout 11
eertaines tentatives violentes, a eertaines tentatÍ\·es
Cjlli, pendant cinq ans, ont imposé aux amis du 80u-
remement établi le d('voit, d'une énergique l'ésis-
tanee, ~ Cela peut-etre ,'mi, me l'épondit-il, pour
l"OUS et pOUl' (jllelqnes-uns de vos amis ; cela est faux
pOllt' la massc des hommes avee qui vous vous étiez
alol's associé : corbparcz ce qu'ils faisaient et ce qu'ils
font, ce qu'ils disaient et ce qu'ils disent, et vous res-
terez convaincu que notre action, notre intluence
a été toute eontl'ait'e a eeHe que vous supposcz, Si
quelqlles lois libérales, quelqllcs mesures nationales
ont été obtenues pendant les pl'emicl'cs aunées de
la révolution, e'est 11 nous que vous les devez, Si,
uepuis six ans, la eontre-révol ution va si vite, e' est
que nous ne faisons plus peur, »


Il sel'ait déplorahle, honteux, funeste qu'il y eut
quelque ehose de fondé dans ce l'aisonnemcn L!


Je n'ajoute qu'un moto Quand, il Y a un mois, je
eherehais a faire sentil' la néecssité d'un accord plus
droit, d'une union plus intime entl'e les diverses
fl'actioIls de l' opposition, je ne pensais gucre qu'un
Ilouveau déehil'ement la mena~ait et que le Liers-
parti était a la veille de t'cnaltre, On dit que l'oppo-




JO \' H {;FAC ,,;,


sition n'y pcrdl'a pas une voix, clu' elle en gagnera
m~me par l' accession de quelques memb,'cs de la
majorité, Je crains fort que ce ne soit une illusion,
et, dans tous les cas, quclqucs \'oix de plus ne com-
penseraicnt pas, a mon sen s , le fUchcux effet d'unc
scission, ceUe scission fút-elle plus apparente que
réeIle, Vers la fin du dernier siccle, les \lihigs firent
aussi la faute de se diviser en qllatre ou cinq f,'ac-
tions, ou co"netl'loJ/s, comme on disait alors : il y
avait la coulle,x'ioft Rockingham, la ('ollnc:l'ion Bcd~
ford, la cOllneX;Oll Grenville, la cOllllc,x'ion Shel-
burne, qui se l'éunissaicnt, qui délibél'aicnt a pal't el
qui, lorsqu' elles ne se quel'cllaient pas entre elles,
perdaient lcur temps a négocicr les unes at'ec les
autres. Sait-on quel fut le résuItat de toules ces divi-
síons? Ce fut d'assurer, pour bon nombre d'annécs,
le pouvoir entre les mains de la eouronne ; ce fut de
retarder le triomphe du parti libéral et la défaite du
gouvernement pc,'sonnel. Le raisonnement el l' expé-
rience s'unissent pour pl'ouvel' r¡u' en F,'ance, comme
en Angleterre, il n' en saurait etre autrement. Est-ce
la ce que l' 011 \'eut? J e suis loin de le croire, et
c' est pourquoi j' espere, s'il ell est temps encore, que
les projets dont on parle n'auront aucune suitc.
Pour ma part, ce quej'ai l'U depuis dixjours m'af'-
fermit dans moo opinion , et je ne veux ni ajouter ni
retrancher un seul mot a ce que j' (;crivais au mois
de décembre dernier. L'opposition a drja 1'avantage
de se parlager en quatre fractions distinctes, don!
eh acune a SR réunion séparée. C'pst assez, ce me




11


semble, pOUl' assurer pleioement l'illdépendaoce des
opioioos et pom' permeth'e a chacun de s'associfl',
de se gl'ouper selon ses affinités oaturelles, Aux
quatre réuoioos existantes, en ajouter une cinquieme,
ce serait pousser loin l' amour du fractionnement et
marcher o. wands pas vers la dissolution de toute
association politique,


Qlloi qu'il en soit, je le dis sans hésiter, le temps
Jes tiers-parlis est passé, et une opposition qui vou-
drait ménaser toutes les inf]uences, eumuler toutes
les chances, tendl'C la maio a tous les partis a la
fois ne seJ'ait pas une opposition véritable . .'\u de-
1101'S, au dedans, la Fmnce est arrivée a une de ces
situatiolls 011 il fant savoir se résoudre , et, la réso-
Iution prise, y persister fortement, cOllstamment,
saos se détourllcr a droite ou agauche, J e suis
pleio de respect pom' l'iudépeodance de chacuo de
mes collc3ues, et je ne demande point qu'ils arl'i-
vent aux rnemes solutions que moi. Ce que je de-
mande, c'es! qu'ils oe restent pas dans l'indécision,
dans l' obscurité, duns le silence, et <{u'ils disent net-
tement ~i r état. actuel lenr paralt bon, et, dans le
cas conh'aire, comment ils veulent l'améliorer, Ce
que je demande, c'est qu'ils ne transportent pas le
débat des grandes Cjuestions aux petités et de l' en-
semble au détail. .J e sais qu' on affecfe pom' les
questions purement politiques un grand mépris et
qu' on a peu de challce J' etre écouté quand, au lien
de padel' des chemills de fer ou de la loi des
tlouanes, 011 parle dll gOllvernement représentatif,




I~ l' ll~: 1',,\ e E.
X'ai-je pas lu, ce matin mcme, dans la COl'l'cspon-
dance ministél'ielle d' un joul'llal de BOl'deaux, quc
je venais d'improvisel' une bl'Ochure SlIl' la col'rup-
tion, afin de fail'e, tant bicn que mal, dil'ersion au.\.
mariages espagnols et a la sloire de .M, Guizot! Je
dois avouer humblement que je ne suis pas si ha-
bile, et que j'avais comrnencé cet écrit arant que les
mariages flssent grand bruit, avant quc l'alliancc
anglaise fut décidément l'ompue, avant quc I':\u-
Irichc eM mis la main Slll' Cracol ie, arant que la
¿¡Ioirc dc 1\1. Guizot fut a son comble. J' a llI'ai s pu
attendl'e, pour puhlier mon travail, des circonslan-
ccs plus opportunes; je ne rai point voulu, pUI'ce
que c'eút été, selon moi, sacrifier a mon amour-
pl'opre d'auteur mon uevoir d'homme politi<luc, En-
core une fois plus les érénements e.\.tél'icurs sont
gl'al'es, plus la réforme du parlcTlIcnt me pal'ait né-
ccssail'e, indispcnsable, urgentc ; <¡uand m<~me au-
cunc des solutions quc j'indi<¡llc nc sernblerait
bonne, jc mc ticndrais poul' satisl'ait si j'avais pu
ralllCnel' quclques-uns de mes collegues a cette
opinion,


P"ris, el' 1:1 jdll~ie,' 11'117.




BE L.-\


RÉFOR\IE PARLE~IENTAIRE
ET DE L.\


, ,


REFORME ELECrORl\LF..


eH .'\ PI T n E P HE '11 E H.


SITL\T!O\ •


Le f{OlH'CI'IlpmClIl I'ppn;spIllalif pst cn p(\¡'il. el'
n' esl point, eomllle en tS:30, la \ iolene!' qui le mc-
nace, e' pst la corruption qui le mine. Si le Jan¡¡!'1'
pst moins apparent, il n' est pas moins reJolltable;
il le serait plus si, par fallsse plldellr ou par
Bche eomplaisanee, OH le cachait au pays. La
violencc se maJlifeslc ¿1 de tels si){nps que nul !le
pellt la méconnall¡'c Oll la Jlicr. I,e propre de la
cOITllption est d'uttaC¡llpr soul'df'mcnt, obscurhncllt,
]ps (ludics ritalf's de l'ol'gunisation, de sorte que
sourc~llt 011 lI'a plus la fol'c(, de rési~tel' a la maladie
<¡nalld on en seJlt les atteilltes. A lous ceux I/lli ai-




J4 e " :1P 1 T TI F. P R E :111 E R.


ment le gouvernement représentatif, de nouvcaux
devoil's, de nouvelles lutfes sont done imposés, En
,'ain, pour échapper a ces dcvoirs, pour se dispen-
se'r de ces luttes, voudrait-on espél'er que le mal
est passager, superficicl, et qu'il s'usel'a urec le
temps; tout prouve au confruire que le mal est pl'O-
fond, dm'uble, et que le femps l'ump'u\'e un lieu de
le diminuer, 11 faut y porter un pl'ompt remede, si
['on 11(' \'eut v.Dir pél'ir honteusement l'amne drs
soixantc dernieres unn6es, le fl'uit de dellx glol'ieu-
St'S l'(;volulions .. !\u poillt 0[', les choses en sont ~ e-
Illles, il serait d'aillelll's insellsé de rien ullC'lldl'c
soit de la mujorité pal'lerneulaire, soit de (,C'ux (lui la
dil'igellt..C'est au pays qll'il comient de parler, al!
pays dont, a tra\'ers bien des e]')'eUl'S, hien des dé-
faillal1ces, le fOlld est resté bono Et si l'on nOllS I'e-
prochait de fail'e ainsi appe! a l'opinion du dehol's
('ontl'e l'opinion dll dedans, all Pllhlic conll'e la
Chambre, nous répondl'ions, at'ee .\1. Guizot en I SU,
que c'est le dl'oit et le devoir de l'oppositioIl.


« Prétendrc, disait alol's 1I. Guizot 1, que l'oppo-
» sition renfel'lne dans l'enceinte des Chamhl'l's ses
)) illtentions et son lallgage, qll' elle n' aaisse ct ne
» pade que pOUl' reconquérir la majol'ité et influer
), sllr les délibél'ations, cela est injuste et impossihle.
» L'opposition, 11. tort ou a raison, n'importe com-
) ment, est la en minorité; ('lIe cst en ll1inorit{~ non
)) dans une occasion el pOllr un jou!', mais d'une




SI TUATION.


)) maniere plus ou moios perman('nte. Communé-
» ment ses disconrs sont la sans verlu el ses effods
» sans SlICCCS. 11 est done dans sa nature de prendre
» an dehors son point d'appui ; e'est lit qu'il existe,
» c' est de lit qu' elle attend la force et peut la rece-
\) voir. Elle a droit d' en ehereher LI. »


Ce qui (;Iait vrai en 1821, sous la l'oyauté légi-
lime ct 80llS la Charle och'oyée, rest, a plus forte
raison, sons une conslilulion dont la souverainelti
nalionale est le principe et sous une roraulé que
l' élection a cré("e,


})our comprendl'e eL jugel' sainement la siluation
actueIle, il faut d'abol'd se rendl'e compte de l'état
généra~ des esprits depuis quelques années. Peul-
Mre certailles faIhlesses, cerlaines défcclions y trou-
rel'ont-cllcs non pas ulle excuse, mais une expli-
calion.


Depuis soixante ans la Franee n'a cess(; J'(\lre
agilée pUl' des passions dil'erses el successivement
dominantes. Sous nos premiel'es assemhlées, e' était
le désir énergique de faire passer dans les inslilu-
fions, dan s le gouvernement les grandes idées de
juslice, de liberté, d' égalité dont la société était
imbue; du temps de l'Empil'c, c'était l'amour de la
gloire el de la grandelll' naliOI:ale; sous la Reslau-
I'afion, e'était la haille de l'anciell J'(:'gime et un dé-
\'ouemeul I,dl(;chi a la cause libérale, a la cause des
instilulious l'L'[)l'ésenlalilJes; aujourd'hui c'esl la soif
m'denle de la ricf¡esse el un bien-clre. Renfel'mée
rJalls lIlle jnsle limile, la passioJl du bien-MI'e est




16 e H ,H I T R E P H 1011 EH,


IItile et légitime ; il n' pn est point de plus condalll-
nable, de plus honteuse, de plus funpste qualld la
juste limite est dépassée, Sons l' empiI'e de ecHe pas-
sinn s' éteignent au cccur de 1'homme les nobles sen-
timents, les aspirations génércuses qui l' élc\'ent au-
dessus des autI'cs ctres; sous l' cm pire de eette pas-
SiOll s' effacent ou s' obscurcissent dan s son esprit lp~
notions du bien et du mal, du juste et de 1'injuste,
et toutes Ics grandes idées qui, a toutes les époqlles,
ont remllé le monde : les idées de reliflion, de
patrie, de liberté; sous l'empire de celte passion au
contraire se développent sans Jl)pSllre et san s [¡-ein
les instincts brllfallx de la natlll'e humaine, ceux qui,
dans la vie publique comme dans la \'Íe prívée,
ne connaissent d' aufre loi que eelle de \'int(~r¡\t,
d' autre atfrait que celui des jouissancrs matérielles,
n'une sociét(; ainsi abaissée, déwadée, corrompuf',
vous n'avez peut-Mre point h craindre les crimes 011
les faufes hél'O'iqlles de la Rérolntion et de I'Em-
pire; mais gardez-vous d'en aHendI'e rien de flI"and,
ríen de ton, ríen d']¡onncfe, Elle pourra trouver
parfois que la fermeté au dehors rapporte plus
que la faiblesse, et que la liberté au dedans est plus
pro/hable que le despotisrne, lIais sí la fermeté faít
couri!' quelque danfler, si la dófense des institutions
libres entraine qllelque sacriflce, tenez pou:' cprtain
Cjll'aussitot la fermcté sera flétt'ie dll nom d'impl'll-
dencc, la liberté dll nom d'anarchie; tenf'Z pOUl' ce/'-
tain que, pour consp)'vrr OH pou/' accl'O¡t¡'e son lúpll-
MI'e, elle COl1l'hera joyeusernent la t(~te sous If's




SITVA T ION. 17


humiliatioJls et sous la trrannie. Dans une société
Ol! l'illtél'(~t semit le seulmobile, c'est d'ailIeurs en
vain qll' OH cherchcrait une de ces idées communes
(lui font la granueur et la fOl'ce des nations : les
opilliulls réunissellt en m(~me temps qu' elles élevent ;
les intérets divisent en meme temps qu'ils abaissent.
Au lieu d'un peuple vivant lout entier de la meme
vil', on n'a donc plus qlle de petiles ug¡p'égatioDs
('¡¡o'istes, quí se coalisent quelquefois entre elles
pOUt' avoir raison de l'intén\t puhlic, mais quí sont
toujours prCtes a se retoul'llCl' les uncs conlre les
nutres, eles que l'inléret public est vaineu : spectacle
dmDHe et trisle, dont personne ne s' étonne plus,
paree que tout le monde y joue son rMe,


La société fran~aise en est-elle venue la? .le suis
luill de le croíre. Xéanmoins, qllelque douleur qu' OH
en éprouve, iI fallt reconnaitl'e qu'ellc est sur la
[lente. A la tri!mne et dans la pl'esse OH s'impose
enCOl'e cel'tains ménagell1en ts, et ron gal'de quelque
l'ésel've; mais ailleurs toute hypocrisie cesse, tcut
voile tomhe, el c' est le fl'ont levé, au grand jou!',
que l'íntéret personnel marche, escorté de ses ap(l-
tres et de ses prédicateurs. Il faut voír alors avee
quel sublime dédain il traite ceux qui sont asscz
niais pom' conservel' le suuvenir de la Révolutioll, de
l'Empil'e, ele la Hestauration meme, el pour eroire
que les opillions sont encore quelque chose! il faut
voir avcc qucllc foi ardentc il proclame que l'homme
scns(\ l'homrne SilfTC doit faire ses affaircs plut6t (lile


, " ('dks dr I'Elat, (( qu'on ('sI pere de famille avan!
2




eH i\ l' I T 1\ ¡.: l' H yo: '11 Jo: 1\,


(Ut.'/, ('itoyrn ~ il fati!. roi,' avrc (IlIel ~aillt entholl-
siasmr il LI{'elare que le temps de la gloi['e militaire
est pass¡\ eommc eelui des id(;es lib¡'['alrs, el que
notre si¿~cle a pOllr llli,sion 1I11ique de s'enl'iehir et
de se repaitl'e! El ce nI' sont pOillt la de ces ,'aines
fOl'funleries que la conduite dérnrnt; jamais, au
eOlltrail'e, la eondllite n'a été plus d'aeeord arec le
langage , la pratiqllc arce la thé>ol'ie, II est des épo-
(lurs oú la fOl'!llC \'an!. Illicux que Ir fond, d'autres
Ol! le fonu \'Hut mielIX que la fOI'll\e; iei la forme et
le fond sont identiques. Ce flu'oll rait on le dit, ce
qu'on dit on le fail; el le eulle de l'illlél'N prl'son-
]Je¡ s' exeree sur la place pllblil/ue, salls mystl~l'e et
sans affecfation.


On 1'a remarqué quelquefois, la eOl'l'uption rles
rsprits est pire que eelle des ereUl'S, paree qlle la
'TUérison en est plus dil'neile. Oual1d 011 \'oit le hien n ~
sans le suiu'e, Ol! qna:Jd 00 sait r/ur d'alltres le
,"ojenl, il r a ehullee fllI' OH Y rcrieone un jOUI', soit
pou!' obril' a la roix de ~,t conseieflct', soit p~Ul'
désarmet' la jusle srrrl'itó de l'opillion puhlique.
~Iilis qualld , par la COITuption des espl'its, lu cou-
seieuce est Illllelle C'l l'opinion publique inrliffó-
rente, par qurl IlIotif, pUl' /fIlC! ehclllin sor!¡l'ait-on
de lu muuraise roie pOUl' l'ellt[',,¡, dans la !JOlllle ?On
finit alol's pUl' Cl'oil'e qu/' !e mai est le bir'lI, et par


'[ 1 ¡' j" I I . , 1" J • pl'~ CIJ( re !lOí] p liS a [fWll ;(ej}CC, IllUIS a ilU/lllra-
tioIl.


(Jualld l'illU;l'ct Friré> gou\'el'lle ¡\ ce point 1(,,; opi-
ni(lllS el la conrlnilt'. il "(,sI,, n¡dnl'i'lIeJ1wnl [l"" d"




SITUATIO~. 1\1


place pOIll' l'il1téJ,¡\t géneral et pour les questiol1s (lui
s' y raltachenl. Aussi ces qupstions tomhent-(~Iles eh a-
que jqur (hn:anlagp nans l'indifférence et dans 1(' dis-
crediL A ceux qui s' en plaignent et qui s' en affligent,
011 répond qu' a vrai dire toutes les questions d'intért-t
géneral, tontes les questions politiques ont pté ré-
solnes il y a seize am, et que le pays, en yaftachant
peu Il'importance , fait preu{Te de bon sens et de hon
esprit. C' est précisément le langage que tenait, en
lH.H, , le parti rainqu('lII' ¡'l crllX qui rléfendaient le
num rmement rppl'éscntalif, flui comhattaient la cor-
ruptioll, quí vOlllairnt affl"anehir la prpsse, qlli ré-
clamail'nt la purel(; dI! jlll-y, qui llltfaient contre
l'al'bitrail"c. 11 n'est pas aujollrd'hni plus nai, plus
sillct're qu'il ne l'était alors. Ql1i oserait dire, en
effet, que le goU\'ernen1C'nt ¡'eprésentatif est rép11e-
Ineut établi parmi nOllS, que la eorrllption n'pxíste
pas, que la presse psI libre de loute PIltrare, que le
jury n'a rien perdll de sa pnretó, que l'arhitraire est
impossihle? QlIi osel'ait dire que dans tontes les
parties de noh'c lpgislation politique il n'y a pas d'u-
tiles réfol'mcs a faire, des rdormes dont tout le
monde, il Y a seizc ans , reconnaissait la nécrssité?
Ce ne sont point lrs qllestions qui manquent aux
homrnes, ce SOllt les hommrs qlli mallCjllent aux
<¡lIestions.


Il faut pondan! 1(' rreollnaltre, il en est qnelques-
ulles ql1i cons(~rrrllt le pl'iriléi:e d'l'!Iflalllll1er les
esprits 1 oe remller I(·s tlllles 1 de faire hatl¡'e les
cccurs : (~e 80nl celff's qui, par quelqur el\f¡;, 1011-




CH;\ P 1 T R lo: l' R F. M 1 E H.


chrnt aux intérets et qui attrignent Irs [ol'tllnes .
. -\insi le gOut'Cl'llemrn! pcut, sans dangrr, presqui'
salls rósistancc, [aussfT les institulions, violi'r les
lois, annuler les lillí'rt,;s publiqucs; mais qu'il se
garde, s'll lien! a vit'l"r, de porlel' une main auda·,
,ii'use Slll' un tarif prolrclelll' ou sm' unr ligne dr
feJ'. Pour pré\'enir de telles calamités, pour puníl'
de tels attentats, il n' i'sl point de I'ésolulions assrz
pl'omptrs, de mesure's assez ¡\ne'rp,irfllf's; et c' est
alors qu'aux yeux eles plus al'llrnls consCI'l'atr\ll's
,'iIlSUI'l'e'rtion cst bien prcs de I'e'de\'cnir le plus saint
des det'oil's. QlIi ne se SOIH'i{'nt des injollctions mc-
nac:anles don! le lnlne' Se' rit assailli {jlland la France
eourllt le r1anger el'une unio]] plus intiJlle avec la
Bdgique, son aneienne province'! Qui ne se rap-
pi'lle Irs temp¡\les que le sé'same drclut!na sur les
banes les plus pacioljllcs di' la Cltambl'e, rt l'aspect
agité! tumultuenx! IJl'esqtlc )'{'roluliollllait'r de la
salle des Pas-Perdlls, le joU!' o¡'¡ se lit'l'llit la ;¡rande
hataille du SlICl'e de bctteraves et du slIcre des co-
Jonies? QlIi prllt avoil' ollbJié enon l'enthousiasme
patl'iotiqlle que l'embranchement tic Fampollx tll
¡'dater dans les tribunes'? Ce sont la les tJ'iomphcs
et les dófaites, les joies el les ¡Joulelll's ¡JI! temps
actlleJ ; ce sont les f(I'ándf's canses (Iui out I'emplac(;
celles pour ]cs(!lIelles nos p¡'~)'('s l"crsaiellt naf(uúJ'(,
leur sang Slll' l'échafall(l 011 Slll' les champs de ba-
taille !


Mainfcnant! plaerz le HOll\'f'rnemellt rrpl'¡'scntatif
(hns un te! miliell! et jllgez s'il y penl rirl'e . .JI' ne




!'ITljATIUS. :.!I


rClIx pas dire du aouvcrncmrnt l'eprésentatif ce que
AIontesquicu disait jadis de la l'épublique, que la
,"cdu en est le principe néeessaire, ce serait trop
demander, :lIais au moins ne niera-t-on pas que les
dellx bases foudamentales de ce gouvernement ne
soienLun eorps éleetoral pur, une Chambre des dé-
putés indépendante, Or, eomment le corps électoral
reslerait-i1 pur et la Chambre des dépntés indépen-
dante, lit 01" domine le eulle de l'intéret pri\"é? Hans
lous les pays libres, il s'est toujours trolll"é des élee-
tcurs pour trafiquel' de Icur ,'ole; mais e' élait une
mautaisc ae/ion, réprouvéc de lous, que ron eOlll-
JIletlait daos ]'ol1Jhre el la 1'01lgCllI' sur le front. :\n-
jOllrd'hlli ce n'est plus, selon eerlains rloctcllrs, qu'ulI
ealcnl fort simple, forl naturel, el Jont on aUJ"ait tort
de se caeher. tt Les qlleslions poliliq'les sont mortes,
répcte-t-on chaque jour aux électellrs; el pell \"OUS
importe qlle le pOLI l'oil' appal'tiellne a lel (lU 11'1 homme,
a tel ou tel parli. Ce qui nlllS importe, e'esl que le
chemin qui passe a roh'e porte soit rrparé, e' esl que
votre église ne tomhe point en ruines, e' est cIu' on
vous aeeorde l' alignement' on le Jéfrichcment dod
vous avez besoin , e'est sllrtout que vos enfunts soient
hien placés. Puisqu' en vous donnant le droit électo-
ral la loi vous donuc le moyrn d' ohteni!' tOllt c['la,
saehez \'OUS en s[,ITlr, et prom"ez aillSi qne '"OlIS
eles au nombre des :(pJlS SCJlS(;S et des h0l15 pcrcs de
famille. J) En faut-¡I rlavuntage pouI' I'assul'cr les
conscicnccs, pour dissiper les scrllpules, pour chassrl'
la honte'! En faut-il davantage pour faire ouhlier au




CJlA.l'lTIIJ<: 1'111<:.\111':1\.


corps éleeloral que les fonclions donl il est illvesli
ne sont point une propridé privée, mais un dépól
publie, un dópót dout iI doit cOlllpte au pays tout
entiert En faut-il da\'auta3e pour substituer, entre
l'éleeleur et l'élu, l'échange des seniees tll'éehange
des idées, el pOUl' falre des illslitutions représenta-
lives un moyen, JlOII plus de faire prévaloir la vo-
101l1é nationale, mais de constituer quelques domi-
na1ions individuelles t l;n dépu1é de l' opposilioJl,
.\I. Temaux Compans, le Jisait avee toule raison, au
débllt de la del'Ilicrc s( ss ion : le IJlus (¡rand dau<1ct'


, o


pour le ¡Jouvernement l'('p\'(:~selllatir, ce n'est pas que
la eOl'l'Uption se pratique, e' est flu'elle s 'avoue , e' es1
flu' elle se .i ustifie, c' est q u' elle se pro/'esse.


Le mal d'ailleurs ne s'UlTete pas au eorps éleclol'al,
et la eOl'l'uption des esprits met ses tristes sophismes
au serriee des éius 1l01l rnoillS que des électellr~. Il
y a Villat UIIS, iI Y a dix alls encore, Ol! désirait l;lre
député pOUt' prelldre part au gOllvememellt de son
pays, pOUt' aid('r au triomphe de tel ou tel parti, pour
concomir au SUCCl\S de te lIe ou teHe opillion politi-
que. ,lujoul'd' hui on venl e!t'e dépulé pour obtenir
plus aisémenl, plus súrcrnenl le bien - etre dont on
est aridc. Seulem{,llt, seion ll's sitllaliolls, selon les
goúls, ce bien - (;¡n~ preml des furmes dirrrses.
Ponr celui-ei, fondionnairr publie 011 qlli prétend
l'etre, e'est une place lllcralire. Pour cellli-L\, indlls-
tt"Íel ou banquil'r, c'est une positioll qlli augmente
son cr(~dit el qui fasse prospérer ses arfaires. Pou!'
beaucoup, c' esl 1111(' carril're a\'antageus(' pOllr leurs




:i 11 L .\ 1 1 () \.


ellfants, pOl\l' leul's famiHes, pour leUl's clien(s, Pou\"
les plus désintrres~rs euHn, c' est le plaisil' d' ajoutel'
un titre honorable a leUt' norn, et ti' (~tl'e, ¡Jn\ee a ce
litre, bien placés dan s le monde, Il suit de la qU'OIl
se soucie peu d'al'l'ivel' sous le drapeau du minislerc
ou sous le drapeau de l' opposition, pourvu qu' on ar-
I'i\e, et qu' on est toujOUl'S pret a subonloUIlCl' SOJl
opiuioIl a ses challces, Quand on tl'ouve la place prisc
tI'UII eúlé, 011 se I'e{oul'lle de J'au{re sans sCl'Upulc,
sal1s embarras, et l' 011 sigile aujouJ'd'hui le pl'ogl'llmmc
cOIlsena(eul', demuin le programmc liberal, qUl'I-
!Iuefois meme ou les signe {ous les deux a la I'ois,
sanl' A déchil'er celui (lui gell(~, Qu'on se I'ange d'ail-
leul's dans la lllajorité 011 clans la millol'ité, qu' 011
épouse le ministcl'e ou l'oppositioIl, le comble dc
l'habileté est de laisser toujours cntl'evoil' qu' on n' a
pas des opinioIls inéD!'aIllablcs et que le mariage n' est
puint indissoluble, On ¡'este ainsi en mesure de tout
obtenir de tout le monde, surtout s'il \jeut des jours
difficiles, des jours O" les nomlJl'cs se Dalancent, OÚ
le succi~s est il1cel'Íain, Ol! chaque vote est hors de
prix. 11 serait injuste de dire qu' on n' aime pas le
gouvernement I'cprésentatil', On l' aimc comme on
aime son champ, comme OIl uime su muison, pOUl'
la l'écolte ¡¡u'on y falt, pou\' lc pl'oduit qu'ol1 en til'e,
011 l'aimc, parce que, s'jl \'enait il succomber, on ne
h'ouverait pas facilcment une mine aussi riche et
d'une exploitatioll uussi commode, Dan s ce nuufrage
de toutes les idées ¡.jcrées, j' umDitioll, la grande
<lllJbitiol1 cllc-llIcme a péri, .-\ un ministcl'c qui passc




24 e H A P 1 T R E l' 1\ E :1111'. 1\


on pl'éfcl'e uue Loune place qui reste, el le profil a
plus de charme que le pouvoil'.


J usqu' a ce jour pourtaut, ce u' élait point saus con-
testation, saus luUe, saus pal'ta8e que la passion
é801ste du bien-eh'c s' élait établie au pouvoir, et l' 011
sait que pendant les f!'Ois pl'emiercs sessions de la
derniere Chambre, il lui faIlut comptel' avec de plus
nobles idées, avcc de plus nénércux scntimcnts. Sans
prétendre cxclure d'hcurcux rctours, on ¡)put erain-
dreque, depuis cinq mois, tous lcs obstaclcs n'aient
dispal'U, et que la politiquc dont il s' :lgít nc soit au-
jourd'hui maitressc du parlclllcnl eornme du mlflis-
tel·c. D'ol'dinail'e, toute ClwmlJl'c nOllwdlc est, pOll!'
quelques mois au moins, réservée, susceptible, pleine
d'ulle pudeUl' eraintit'e el délicatc. C' est de ecUc dis-
position habituelle que ?\I. le ministre de r intérieUl'
se préoccupait quaud il disait, quinze jours aranl les
éleetions : « Nous aurons eent eonsel'vatclIrs 110U-
» líeaux. II110us famb'a tl'ois rnois pOlll' les former. J
POUl' cette fois, ?\I. le ministre s'est trompé. Les COI1-
servateurs qu'il aHendait sont vcnus, rnais ils sout
venus fout forrnés. i\insi, la Chambl'e de HVd, sans
etre pUl'itaine , avait eu , a sou début, la faiblcssc de
croire que la cOl'ruption éleclorale rst un mal, el
qu'il peut (~tre utilc d'y porter rCflIcrlr . .Jalouse de sa
prérogative eonstitutionnelle, crlle Chambr(', en ou-
tre, avait refusé de se drssaisir <111 drúit qui appal'-
tient a toute asscmblée libre, cclui de vérifjcl' srs
propres pouvoirs, et de faire elle-mem;:) justic('. Salls
IH'écédents et cOlltre l' avis des ministres, elle arait




SITlATIU\.


en conséqllence ordonné une ellqu(\le qui , conduitc
a.ec vi;Iueur, avec persévérancc, avee suect~s, se m-
hlait promettre au pays que d'indignes seandales ne
se renouvelleraient plus, ou que, s'ils se l'elloU\'e-
Jaient, le chiltiment ne se fcrait pas atlendre. Il n'a
pas fallu trois mois a la Chambre de 1846 pour pro u-
\'el' qu' elle est fort au-dessus de toutes ces miseres.
Des son entrée dans la vie politiquc, on l'a done vue
donner une Je~on sé\'ere a ses devaneiers, en eou-
\Tant, non de son indulgence , mais de sa proteetion
avouée les actes dont eGux-ei s' étaient émns. Des
son cntrón dalls la \'ic politiq ue, on l'a \'tIC, pleine
d'indignution contre cellx qui dófendaient sa préro-
gative, pleine el'amoul' pour eeux qui l'attaquaient,
s' en dessaisil' pUl' aeclamation , au profit de la police
cOlTectioIlnelle. Xe fallait-il pas qu' elle róser\'l1t toutes
ses coleres, toules ses l'igueurs pour les dépntés con-
pables qui, an fien de transiger alce les intl;rets,
avaient osé tmnsiger avec les opiniolls '1 La élait le
véritable mal, le vérilable dan~F'r, la vérítable cor-
l'Uption électorale, ecHe con (re laquel/e les amis du
trone ne pouvaient trop s' élever et séviro


Il faut que le pays le sache: il y a en ce moment,
en Franee, un pouvoir royal et un ponvoir jndi-
ciaire ; il n'y a point de ponvoir parlementuire. Le
derniel' sentirnent que pcrde un pOlll'oir polilique est
eelui de son autorité pl'Opl'e et de sa práofíati\'l~ per-
sonnelle. JI al'ri\'c mcme souvent que eeHe antorité
il l'exagcre, que eette prérogative il l'étend outre
mesure, II arrive que, ponr maintellir l'unc et l'au-




:!(j e tí. .. \P lT HE I'R lO! I EH.


trc, il se porte a des extrémités rép¡'éhcnsibles,
Quand, au contraire, on voit un pouvoir politique
démolir son autorité de ses pl'opres mains, et ¡ivrcr
avcc complaisance, arec Joie sa juste pI'érogative;
quand on le voit chel'chcr partout, excepté eH lui-
IIH\me, le dl'oit (lui cOlmnande l'obéissance et la [ol'c(~
(luí l'impose, alors on peut dire arec cerlitude gu'il
n'existe plus commp pouvoir, et qu'il I'este tout au
plus en lui l' étoffe d' un conseil. II es1 \'I'al !Ju' une
teIle conséqucllce n'a rien qui déplaíse a cel'Íaills
cOHscrvateurs, et ((U'UI) conseil vaut un pouvoir pOlll'
l'usage qu'ils vculent 00 faire, Reste a s<l\oil' s'il COII-
\ient a la France de se pl'OsterncJ', CII 1 SH, devaJlt
le pl'incipe qu' elle a vaineu en 1 S;W, el d' assistel'
paisiblement au h'iomphe du gouvernement consul-
tatir.


Quand ceux <¡ui rcprésentent r dément démocra-
tique de notre cOIlstitution, les rIcctCllJ'S, les dépu-
tés, compl'ennent ainsi leul' mission el fonl si bon
marché de leuI's dl'oits, cornrnellt espél'er, cornment
attendl'e qu' on en [asse ailleul's plus de cas '! AssUl'é-
ment, il est tl'iste de voir repal'altre son s le manteau
du gouvernernent représentatif toutes Irs idées, tou-
tes les habitudes des gouvernements despotiques. Il
est Iriste d'assister deux ou trois fois par an lt ces
représentations SOIf'lllldles, Ol'¡ ron tient a constater
publiquernent que la l'é\'olutioll n'a point déplacé le
siége du POU\oÍl., et qu'lIne sellle volonté rúgne et
gOllverne aujolll'd'hui eornme jadis. 11 ('st triste de
lire ces discollrs qui font éclatel' entre les ::ra!l(!~




SIIL.\TlUS. :rí


eol'ps de r Etat une émulation si déplorable de doc-
trines serviles et de hasses adulatiolls. 11 est triste
enfin de retrouver ainsi, clans la monarchie cOIlslilu-
tionllelle, les sentiments et le langaae des monar-
ehies absolues, des sentiments qu' eut répudit;s la
vieille fiertp de la magistl'atnre fl'an~aise, un langage
<Jue Louis xlr an falte de la pllissance, J\'apoléon
au comb!e de la aloire ont a pi ille entendu. ~Iais
(' 'esl le l'rsultat naturel, inévitable de l' esprit du
lemps et de l'abandon par le eol'ps électoral, par le
parlement, de tuute initiativf', de toute pensée poli-
tique. Qu'OJl ne dise pas d'ailIeurs que ce sont lit des
politesses salls pOl'll'e et sans valeur. Quand on ou-
He la porte a r esprit de servi lité, il pélH\tl'e pal'lout,
sous l'uniforme du soldat comme sous l'habit du cour-
tisan, sur le siége du magistrat comme it la tl'ibune
législati\e. Ya-t-on pas vu des hommes dont la
gloire appal'tient a la Frailee, la sacl'ifier, sans hési-
ter, an dé sir de plaire el se faire les instrumenls do-
ciles el'une politique contre laqueIle pl'otestait Icur
vie enticl'e'? X'a-t-on pas entendu, dalls une circon-
stance solennelle, des pel'sonnages éminents H'gl'et-
ter l' abolitiondu (rime de Icse-majesté, et déclarer
que toutes les inslitlllions pement périr, pourvll que


-la royauté subsiste, la royallté, institution supreme
et prépondéI'ante! C'est ainsi précisément que ron
agissait, que I'on padait, en .:\.nglclerre, SOllS les
Sfuarts, en France, allx plus maurais jOllrs de la
Restauratioll. Entre les 1Iltra-royalistes de ces deux
(;poques el ceux de l'époqlle adlll'lIe, il y a poudallt




e H A, P 1 '1' H l<: l' 1\ ¡.; ,\11 E 11.


une gl'a\e diffél'enee: les pl'emiel's cl'oyaien! a que1-
que chose, et poursuivaient un but élcvé, bien que
maurais ; les derniers ue croient a rien, et prennen!
leur intéret pour hut unique, Ce sont, a \raí dire,
des spéculateurs qui remplacent des fanatiques,


Un corps électol'al el'OIl la \ie politique tend che-
que jour a se retirer ; ulle ChamlJl'e des députés qui
semble tenir au gouvernemcnt représcntatif, non pou\'
le POUVOil' qu'il donne, mais pom' les a\antages qu'il
procure, une royauté dont l'inlluence prép0ll(láante
n'est plus cOlltestée, voilit 011 nous en sommcs, seize
ans apres la rérolution de juillet, apres cetle ré-
volution <jui pal'aissait faíle pour limiter raulorjt(·~
rorale, pour constituer le pouvoir paderncllfaire,
pour donner le dernier mot au corps électoral. C' es!
un étrange résultat, un résuItat que persolllle IIe pré-
voyait en 1830. C' est uue IClI\'l'e qui, po u!' employel'
une helle expl'essíon de lI. Hoyer-Collard , etH étl~
~ au-dessus de l'habilclé comme de la penersité
humaíne» , si l' état gé]](;l'al des cspl'íts el des mO'urs
ne l'avait pas farorisée. Il s'agít maintenant de savoir
si la maladíe dont la Chambre des députés , le corps
électol'al, le pap paraissent atteints, est une de ces
maladies contre lesquelles tous les secours de I'art
sont inutilcs et (Iont on est condarnr](; ¡\ l'e;¡ardel' trif-
tement les progreso Il s'agit de suroir, en supposant
la guérison possible, it quelles conditions, pal' qurls
moyeJls elle peut etre opáée. A mon sens , de ces
deux questions, la seconde seule est douteuse. Il
n' est jamais pou!' un peuple de ~¡uérison impossiLle,




SITUATIO:\".


el, quel({'lC étendu, quelque profond que soil le mal,
ilreste cel'lailH's couches 01', il ne prnótre pas et d'o,',
sort, un jour, le remede, l\Ialhemeusement I'expé-
I'ience apprend que presque toujours ce remede est
dolent et terrible. La sagessc conseille de ne pas
l' altendre.


JI fant ici, sans m~na3ements et sans réticences,
dil'c la \'rrité fOllt rnti(\,'c.


Entre crux qni poss(\dent J¡raucoup et ceux qui
I1r po~s(\drllt rien , on a toujolll'S disti:1gué une posi-
lion interm(;diail'c qui, dans la langue politique, a
I'c~n le nom de c1assc moycnne. i\UjOlll'd'hlli , par
une pl'udel'ic singuli('.¡'e, on essaie de répudier le
110m, bien que la chose rxistc , ¡\ pelI prós comme
011 sc ré\'oIte cOllfl'e Ir mot de sujct, fout en main-
tecanf, fout en fOl'tifiant le rappol'f dont ce mot est
l'expr('s~i()n. II n'en reste pas moios induhitahle que
la r(;roIufion de l~no s'est ('aile sudont au profit des
classes morrl1nes , el que, depuis seizc ans, le pou-
voir politiqllc Icm appa!'tiC'nt. Il n'el1 rrste pas moins
induhitahlc q\lr SlIl' ellcs, pal' cOl1séqurnt, plus qne


. sal' lcs auh'es classcs de la sociétú, póse la respon-
sahilité dc la situation uclucHe ct dcs événements
C¡lli peu\'l'nt s'ensnirre. O¡', il est évident que, de-
puis quinzc ans, depnis (li" aos sul'lout, les c)USSí'S
moyenní's SOllt cl1trées daos une phuw nouví'llr,
dans une pha,e critique dI' lenr exi~t(,J1c(,. QnaolI ,
de 1815 a 1 ¡-no 1 ('11('s comhaltaient a\ec éllcl'gie,
avec persé\'érance pOli\' la r(;volution contre I' al1Cipll
rrnime, el, d(' 18:~O á 1 ~n;), pour la monul'chií'




32 e 11 A P 1 T R E I' n E M 1 E H.


les assemblées inférieures? n' est-ce pas d'avo'ir ainsi,
dans une foule de villes, manifesté deux mouve-
ments en sens inverse, et mis la seconde couche
électorale en opposition directe avec la premiere?
C' est la, quoi qu' on en puisse dire, un fait grave,
et dont un gourel'llement sage ne manquerait pas
de se préoccuper.


J' en ai dit assez pour illdiqller l'intention qui dicte
cet rcrit . .le crois le mal tres-grand, pas assez :p'and
n{~anmoins pOllr qu'on doive désespérer d'en trioIr.-
(lller par les \'oies légales el régulil·l·es. Rdablir arec
fermeté, avec persévérance, les rraís p"incipes du
gout'erncment rcprésentatif, ces pI'incipcs ollblit's,
méconnus, dédaignés pal' cellx-Ih TIII\rnes qlli s'en
faisaient naguere un moren ¡\'dération et de for-
tune; recherchcr dans la légíslation, dans les míPurs
les vices patents ou secrets qui alt('.l'ent nos institu-
tions, qtli les corrompent, flui les d(;lIafurent; exa-
miner les divel's rem('.des qui SI' pnisentent it l' esprit,
et choisir entre ces remedes cellX qui, cmcaees sans
Mre dolents, pruvent ohtenir en ddinitive l'assenti-
ment des hommes sages, des hornmes honnMes de
tous les partis : voilit le but que je me propose, et
ce hut, je le erois conservatel1l' dans le Hai sens du
mot. C' es1 eertes un fod bcall 110m, un nom fod
hOllorahIe que celui de comcnateur; mais c' est
<jurlquefois un nom usurpé. ~'illSi, ¡¡uf'lque p,'é-
cieuses que soient les lois d(~ I ~nl, il est, ce me
semblc, (fllClque chose de plns p"ccienx encore rt
¡¡ni mrrite rnieux d' (\fI'c conservé: ce sont les prin-




]) t: (j o l FE H X E M E X T HE!' IU~ S E X '1'.-'\ T 11".
eipes qui ont préralu en U~;)O; e' est le gomerlle-
ment qui repose sur ces principes; c'est le pouroil'
padementail'c) sans lequel ce ¡J0uví'l'lIement est un
vain mol. On n' est pas vrailUent conservatcur quand
on foule aux pieds ces principes) quallll on laisse
péril' ce gouverllement) ,!uand on abandonne ce
pouvoil'. , .


CH:1PlTRE 11.


n u r; o L l' E Il \: E \1 E \ T HE!' R~; S~; N T.\ TI i".


Quand) en 1814) a la suite des désastres de I'Ern~
pire) le gouvernement repl'ésentatif fuI rendu a la
Franee 1 les espl'its y daient peu préparés) et les
principes en étaient a peine eompl'is. Qui les eút
eompris en effeí! Ce n' était pas le pal'ti de r aneien
l'égime, ce parti qui, dans la restalll'ation de l'an-
cicnne race royale) avait vu sa propre restauration)
et pOut' qui le nom de Charle (;tait un norn odieux)
un nom détestable et révolutiollnail'e. Ce n'était pas
non plus l~ pal'Íi de I'Empire, que dix années d'llne
glorie use servitude avaient habitué a voil' dans les
assemblées délibél'anles quclque ehose de malfaisant
ou de ridieule. (Juant a ceux qui ) 11 h'avers les execs
de la Révolution) la eorruptioll du Dit'ecloire) la
~




CHAl'lTUJo: 11.


sel'vililé de l'Empil'e, avaient su cOllsrncl' l'allloul'
et le respcct des inslitlltions ]'epl'ésenlafires, ils se
rattaehait'nt pOllr la plupart aux idóes de l'.lssemblée
eonstituanle, h ces idées qui , plaSllnt le pom'oil' lé-
gislatif d'un ctJté, le pouvoir exéculif de I'autre, dé-
h'uisaient toute harmonie, toute lInitó dans le gou-
vernement, et erl'aient entre les ;¡I'ands pou\'oirs un
é:at pel'manent d' antagonisme. La Chambl'e des dé-
putés de 18l!í· a\'ait d'ailleul's été léguéc par n:rn-
pire a la Restalll'ation, et, oc cette Chambl'e, lIn
peu surprise d'a\'oil' recou\Té la parole, on ne POll-
vait attendl'e une connaissance hien nette de ses
droits, un sent¡ment bien rif de son importance.
Aussi la Chambl'e de 18 Ut, malgré quclques efforts
honorables, se montI'U-t-elle COllstamment raible ,
timide, peu jalouse de ses pl'él'ogatives, Hans la fa-
meuse discussion OLI il s'agissait de décider si la cen-
sure était dans la Charte el si le mot /,(l)}'imer étai¡
synonylllc de l'/'(;rcnll', :\1. l' ahbé de :Montcs(luiou
put, saus que personue le trom'tU mam;ais, pronon-
cer les sillgulie¡'cs pal'oles (lue voiei :


(( Si la Chambre des dc'putc's el la Chamlwe des
» pairs se trouvent divisées d' opinions, quí esf.-cc
» qui déeidel'a? j' ai peine 11 el'nir!' que ce ne soit pas
~ le roi. » De la pal't de :U. de :lIonles(!lIioll, don-
nel' au roí le mot déeisíf dans un seul eas 1 eclui dc
disscntiment entre les deux Chambres , e' était pres-
que une hal'diesse.


Des eclte époquc pourtaut, Ull l 10111 m e qui, pel!-
t1anl 23 ans , a plus que tout autre ':ontribué a notl·p




éducalion conslitutionnelle, M. Benjamin Constanl,
essayait d' établir les \Tais principes du 3ouverne-
me~l rep1'ésentatif et de proU\'er que la question fon-
damentale de ce gouvernement est insoluble, si l' on
conrond le pouvoir royal et le pouvoir nécutif. lIais
en meme temps, pour n' avoir pas l' air de trop d(;-
pouiller la royauté, il lui atfribuait le role assez
étrange, assez pen intdligible, d'interrn¿diaire el
d' a¡'bitre entre les h'ois pouvoil's législalif, exéculif,
judiciai¡·e. 1\1. Benjamin Constant d'ailleurs, el qucl-
ques autres avee lui, demandaient qu'au líen de mi-
ni~tres isolés, il Y etl! un millistcre solidaire, nui-
rnent responsable et dont les membres appal'tinssellt
¡\ rune ou a l'autre des deux Chambl'es. C'était de-
mande¡' un pas eonsídérable \'e1's la réalité du gon-
nl'llement rep1'rsenlatif, et les défenseurs de ran-
cien régime ne s'y tl'ompaient paso "Constituer un
11 ministe¡'e un, solidai¡'e, responsahle, disait :\J. Fi(;-
'1 rre dans sa eorrespondanee administratire, e' est
11 s' acheminel' vers cel abominable systóme qui place
~ le r¡ouvernement dans le ministóre, - Le gOll-
» vernement, ajoutait-il, e'est le roi; les ministres
" sont les délégués <iu roí, les Chambres sont ses
» eonseils, » Ce que disait 11. }?iévée , presque tout
le monde alors le pensait.


Pendant les CcnL-.Iolll's, l'idée \Taie du rrourerne-
ment représentalif ~e dégagea un peu rniellx, ct,
raillcu pal' la néccssité, \'apoléon lui-meme pal'ut
J'admcU¡'c avee toules ses cOllsé<luenecs. Ce n' est
néaullloins ni dans l' acle additionnel ni dans les di s-




;jü CIlAI'ITIlE 11


eussions de la Chambre de~ représentants qu' eIle ap-
parut nettement; e'est daos un lilTe 1 que publia
1I. Benjamín Constant POU¡' defendre la nOUlclle
eonstitlltion. "Xoh'e eonstitution, dit ;\1. Bi'njal1lill
D Constant, en établíssant la responsabilité des rni-
n nish'cs, sépa¡'e claircrnent le pOUloi¡' ministél'icl
» du pouvoir royal. - Le pOllvoi¡' royal est un pou-
" voir m'utre, eellli des ministres esl un pOUloir ae-
n tif. - Le roí, dans un pays libre, est nn etre a
" pal't, supérieur au\: diversités des opinions, n'arant
') d' autre illtéret que le Jl1aintien de l' ordre et le
)) mainlien de la liberté, planant en (luelque sorte
'J au-dessus des agitations humaines. - Cest le
)) chef-d'reuvre de J'oqpuisation polilique, que d'a-
)) voi¡, ainsi eréé, dans le se in nU\l1le des dissenti-
)) ments sans lesquels nulle lilJerté n' existe, une
)) sphere inviolable de sécUl'ité, de rnajesté, d'im-
, partialité, qui permet a ces dissentiments de se
n dévdopper sans péril, tant qu'i1s n' exciodent pas
)) certaines lil1li tes. » \" esl-ce (las, a peu de chose
lm'~s, ce que disent aujoul'll'hui les parti,ans uu
príncipe parlementaíre Y


Tandis qu' a Pa¡'is le gouvernement représentatif
faisait ainsi son ehemin, a Gand rncme, ¡¡raee a de
sages eonseils, iI gagnait aussi du terruin. :\insi,
dans son mémoire au roí, 1I. de ChateauL¡'iand re-
connaissait que les institufions royales avaient besoin
d'etl'e complétées; il reeonnaissait llotamment que


1 1'1'illripes de pulitirj/(e, I!l/;',




111' lIorrJ<:R\'E"E\'T H¡':PR~:SENT,'\TIF, ;\7
Ir' rninistel'e de\ait acqu(:rir plus d'llnité et qu'il COIl-
,'enaif que les ministres fussent memhres des deux
Chambre8. Dans un alltre m(:moire qlli fit bien plus
de hruit, eelui que le due d'Otrante, minish'e de
Louis XVIII, ad"essa a cellli-ci, en aoút 1815, peu
de jours apres la seconde Restauration, on lit entln
les pamles slli\'antes ;


" 11 Y a deux rénímes constítutionnels, hien difft'-
)) rents run de !'auh'e. Hans !'un, le roi accorde le
J moins gll'il peut. ,'\101'8 fout devient obstacle, paree
" que tout devif'Ilt de pal't et d'aufre un sujet de
)) dispute .... DaJls le second éfat du J'égime consfi-
)) lulionnel, il ya un ministr"re homog¡"ne ct respor:-
" sa11le. Lr rnonarqllc, glli est déposituire de toute
~, la puissance et de toute la majf'sté nationale, est
~ comme pIaré, au moyen du ministpre, dans une
l' enceínte impénéfI'uhle, a l'alwi de foutes les agi-
l) tations politique8. ),


Pour que, dans les eonseils dll roi eomme dans
ceux de l' emperelll', les principes du [í0uvernemenf
rrprrsentatir fussent aussi sainement ~tahlis, il fal-
laít certes qu'íls eussent fait depuis une année de
wands pro~p'es dans le pays.


Cependant, au mi lieu de la réactioll ,'iolente qu i
sllivit les Cent-Jours, il est difficilc de savoir Ce qll'ils
fllssent devenlls si, par 1lI1(' mJOl1lalie lleureuse, cette
rraction mcrne n'eM pas dllleur demander force rt
s' en faire un appui. Les élections de 1813 avaient
donné au parti de l' aneien régime une majorité in-
contestablf', f't ee parti, maltre de la Chambl'e t"lec~




38 CHAPITRE 11.


tire, n'y rencontrait plus aucun obstacle a ses des-
seins. Le roí, la Chambre des pail's, les ministres
inclinaient, au contraire, vers le parti constilutionnel,
et voulaient arreter la réaction, Il suivit de la ce qui
s' est vu quelquefois en Angleterre : c' est que, do-
minés par les cil'constances, les partis changcrent de
I'Me el de doctrine, Ainsi, pendant une longue ses-
sion, ce fut le parti de l'ancien réflime quí défendit
alTec al'deur, avec hardíesse, avee constance les vrais
príncipes du gouvernement représentatif, et qui, par
tous les moyens en son pouvoir, s'cffor~a d'agrandir
la prérogative parlemenlaire, Ce fut le pal'ti consti-
t utionnel qui devint le champion dévoué de la pré-
rogative royale, et qui fit aux vrais principes du
gouvernement représentatif une guerre systématiqlle
et persévérante, Chaque jour le parti de l'ancien ré-
gime comhaftait, mutilait, rejetuit les projets pré-
sentés au nom dllroi, et, soit en vedu du droit d'ini-
tiative, soit au moyen du dl'oit d'umendement, es-
surait de substitucr a ces projets d'autres projets tout
contrail'es, Chaque jour en ouh'e, au nom de la
Charte, il signifiait durement aux ministres qu'ils
eussent a se retil'er de\'ant les chefs de la majorité,
Pour résistcr a de si vives attaqucs, pour échapper
a un si pressant danger, le parti constitutionncl, an
contrail'e, se tI'oU\'ait en lI'aJné a se I'efmncher der-
I'i¡\re la sawsse royale, ¿l niel' le dl'oit d'initiative et
d' amendement, a sou/eni,' {¡n' en France il n'appar-
t('nait pas a la majorité de faire et défaire les minis-
f¡'~I'es, Il faisait beau "oir alol's a"cc quelle fouguf'lIse




J) ¡; (f o F r E JI .\ E ~I E ~ T n E P R É s E.\ Tl T 1 Jo'. :W
indi!Ination lcs ot'atellt's du cMé droit, M, de La
Bourdonnaic, 1\1. de Castelbajac, 11. Clausel de
Coussergue flétl'issaient des doctrines aussi serviles,
revendiquaient les droits de la Chambre, reléguaient
la royau:é dans l'asile impénétl'able de son inriolabi-
lité. 11 faisait beau voir avec quelle énergie indomp-
taLle i1s déclaraient que le gouvel'llement représen-
tatir serait un vain mot, si les ministres prétendaient
gouverner san s l' appui pel'manent , sans le concours
actif de la majoritó! (;n jour, dans un débat sur la
loi électorale, un ministre fod !H'U constitntionnel h
la vérité, .\J. de Vallhlanc, eut le malhelll' de di re
« qne le pom'oir électoral, pour n'()tre pas dange-
» rellX, de~ait etl'e dépendant et snbordollné, » A
ces mots, le cOté droit tout entier se souleva, et trois
fois dans le cours de la session "M, de VauLlanc dut
s'en eXCUSCl', «I1 fanl, oisait 1\1. de La Bourdonnaie,
)) orgalliser la Chárnbl'c élccti\'c de maniere a ce
~ qu' elle soit l' cxpl'eSSiOll vraie de l' opinion géné-
~ rale, » - « Cc dont la France a hcsoin, disait
)) M. de Bouvillc, c' est d' unc Chambre forte, m'gane
", de l' opinion nationale, qui se rctrempe dans le
» pays, et qui ucviennc ainsi l'iuterprete énergique
~ et éclairée du veru public. J


Qlland, au milieu de ccHe confusion, on veut se
l'eIHll'e comptc de l'état de la science politique, 1'at-
lention se porte llat}!rellement sur deux hornmes il-
lustres, aussi puissallts par la pensé e que par la
pal'ole, et dont I'un, fidele a la cause libél'ale, a eu
la sloire, qninze ans apres, d'attacher sonnorn au




40 CIHI'ITRE JI.


Il'iompltr ¡'-datanl, si ce u'l'sl ¡J('·[illifif, lIu pl'illcipf-
pal'lementail'e, .Ie vellx parler de ~BJ. de Serre I't
Royer-Collard, Tous deux étaient royalistes déroués,
mais en meme tcrnps amis sinceres des institutions
libres. Soit que leurs sentimellts eusscnt encore trop
d'influence sU!' leurs opinions, soit que, dans l' en-
tralnement de la lutle , ils cédassent outre mesure a
]' empirc des ci!'constances, tous deux émirent des
idées, établirent dcs doctrines dont I'application
rigoureuse eút, cn I S:W, mis le droit cont!'e la
Chamb¡'e el POUl' :U. de Polignac.


(( Lc sCllI moyen, disait 1\1. de Sm'l'c a propos de
)) la loÍ électorale, le seul moren de concilic!' l' exÍs-
)) tence de la libcrté publique avec la force du gou-
n vernement ~onsiste dans l'influence avouée, régu-
)) lipl'e, que le POUVOil' mona!'chir¡lIe exel'ce sur les
\) ChamD!'es qu'il a créécs. - En Anglete;re, ajou-
)) tait-il, I'hUl'monie ne s'étahlit dans l'Etat qll'au
)) moyen de l'influence immensc de la couronnc et
)) de l' al'istocra!ie ... En France, iI n' y a point d' aris-
)) tocl'atie, e'est ce qui rend plus nécessaire l'ill-
n fluence de la COUl'onne, par conséquent des mi-
l) nistres de la couronne ; cal' 011 nI' pcu! conce\'oir
)) un roí sans ministrcs, orHancs de sa volonté. »


)1. de Sen'e conclllait de L\ qll'on arait fort de
vouloir cl'éel' une chamhre foJ"te, indépcndante, po-
pnlaire, une chalIlhl'e qui ftH l'ima¿¡c et l'ol'gane de
l' esprit puhlic. Selon lui, (( La France, monarchique
)) par ses habitudcs, par ses affections, par toute Sil
~ f'onstitntion physiqllf' ct mOl'alc, atff'mlait un ror:-




Oli flOll\ERNE\IENT REPRI~SF:XT.'\TIF. 41
l' rOlll's filial de ses députés aux desseins patel'npb;
II de son ¡'oi, et non pas une indépcndance qui pt'tt
» le contraríer. La Chambre élcctive, en un mot,
» était le conseil nécessaire de la couronne, dan s des
» cas déterminés, conjointement avec la Chambre
1 des pairs, Son objet était d' éclai¡'er, de régulariser
» la marche du gouvernement, sans prétendre diri-
» gel' la royauté, »


Bans une autre occasion, comhatíant avec énergie
la proposition d'une commission qui, au projet du
gouvernement, avait suhslitué un projet tout nou-
\cau, lJ. de Serre disait : (( :\'ous soutenons que la
» Ol! est la P¡'oposition de la loi, la est le gouverne-
" ment, la pst la royauté. Nous soutenons que le roi,
» dépouillé de la proposition de la loi (et la partager,
, c' est la perore), le roi ne conserve pas meme la
, liherté de la sanction. Proposer la loi, c' est régner,
)) e'est gouvel'npr. »


(( J e sais, disait- il enCOl'e, qu' on cite I' .!\ngleterrp,
» 0"1 sans inconV,énient les Communes proposent la
, loi... Je réponds que l' i\ngleterre n' est poi nt une
» lIlonarchie, que notre royauté, notre Charte ne
» sont ni la royauté ni la constit ution anglaises. En
»Angleterre existent des partis tout formés. En
)) France il ne nous faut point de partis. S'il en exis-
» tait, le roí devrait planer sur fous, les dominer
l' tous égalcment. En France la rorauté ne doit point
)) etre Ínede, immohilc, mais agissante. Elle ne doit
11 point se cacher sons les voiles on, comme r a di!
" un rléputp, dans les nues. Elle doit paraltre inces-




CHAPITRE 11.


» samment; elle doit briller, et briller sellle allX
1) yeux de tous. »


Donnant a sa pensée eette largeur et eette préei-
sion dont le seeret appartiellt a lui seul, 1\1. Royer-
Collard suivait la meme voie, et pénétrait plus avant
encore dans la question.


« En Angieterre, disait-il, l'initiative, qui est le
» principe de l'action, la haute administration et une
" grande purtie du gouvernernent résident dan s la
" Chamhre des eommunes. Chez nous le gouverne-
)) ment tout enlier est clans les mains du roi. 11 n' a
)) beso in du eoncours des Charnbl'es (Iue s'il recon-
" naissait la néeessité d'une loi nOLH'elle el pour le
» budget. ))


(( J'il'ai plus loin, ajoutait-il; je dil'ai : Le jour 011
1) le gouvernement n' existera que par la majorit(i de
» la Chambre ; le jour Olr il srm étahli qu' en fait la
" Chambre peut repousser les ministres du roi et lui
)) en imposer d'aulres, qui seront ses propres minis-
)) tres et non les ministres du roi; ce jour-Iu, e' en
)) est fait non-seulement de la Cha~te, mais de toute
1) royauté, de eeUe royauté illdépendante qui a pro-
" tégé nos pcres; ce jom-llI, nous sommes en répu-
" blique : la :France veut que son roí le soit vérita-
'1 hlement, et qu'il ait le POUVOil' n¡;cessaire pour
" ¡f0uvel'ner. »


Plus tard, eonséquent avee lui-meme, lU. Hoyrr-
Collard établissait que la Chamhre n' dait pas 1'('1'1-
lement représentatire, rt que eelte d(~nomillation,
importée d'un autre pays, était en Franee fausse d




n t: (j o I TER X InI E X T R F. P H ~; S E X T 1\ T 1 F. '" 'l
tr'ompeuse. , La Chambre, disait-il, est un pouvoir
» non une représentation, 01', entre plusiellrs pou-
)) \'oirs qllí concollrent, la force des choses et le be-
)) soin de l'uníté font prédominer plus ou moíns l'uu
~ ou l' autre de ces pouvoil's, qui acquiert SUl' les
)) autres une influcnce ouverte ou cachée; nul doute
1) que dans notre gouvernement le pom'oir royal nf'
)) soit celui auquel doit appartcnir cette influence de
)) direction. »


11 est certes étmnge de trourer de telles idées,
de tcls principes dans la bOliche du président de la
Chambl'e de uno; il rest plus C'neore de les entendre
relever avee une fine ironie par 1\1. de Bonald, con-
tester avec une véhémence passionnée par 1\1. de La
Bourdounaie; mais, ene ore une fois, tous les roles
étaient alors intcrrertis, ton tes les situations dé-
placées.


Quoi fln'il en soit, tout en détcstant l'reuvrc a la-
quelle le parti de l'ancien régime roulait employf'"
le {l0uvoir de la ChambrC' él('etire, il faut recon-
naltre que ce partí contribna beaueoup a fonder
ce pouvoir, et qu'il fit faire a la théorie comme a la
pratique du gouvernement représentatif des progres
considérablcs. Tont en gardant une profonde recon-
naissanee aux homrnes eouragcux qui lutlcrpnt pour
la }1'ranee nouvelle contrc la contre-révolution, 011
ne peut niel' qll'involontail'ement ou a dessein, ils
ne méconnussent soU\'ent la nature, le caraetcre,
IC's conséquences néeessairC's de nos institutions. En
Mfinitivc , c' ('st a la bonne cause, a la cause de la




CHAPITRE 11.


Fl'allcc nouvclle et des institutíOIlS lihérales que pro-
IiU\rent l('s efforts des uns et des autres. :'\ la fin dp
18Hi, le príncipe fondamental du gouv('rnement re-
présentatif et les droits qui en découIent, le droit
d'initiati\'t', le droit d' amendement, lc droit d' en-
quete étaient acquis, et l'ordonnance dn :l sep'-
tembre venait arrachcr lc pays aux étt'eintes de la
contre-révolution, DI' ccs deux rósultats égalemcnt
heureux, égalemcnt salutaires, le premier était dl'l
au pal,ti dc l' ancien régime, le second au parti con..,
stitutionnel; mais c' est au partí constitutionllel seul
qu'ils de\'aient profiter l'un et l'ault'e.


A dater de ce momen!, il était clail' que ni le pal,ti
de rancien régime ni le parti constitutiollucl ne se
piqucrait d' Ml'e conséquellt, et que bientOt chaeun
rentrerait dans ses voies naturelles. Ce double retour
ne s'opéra pOlll"lallt pas tout dc suite, et, pendant
quelque tcmps I'impulsion dOllnóe par la t('íbuue SI'
commllniqua a la prcsse. ilinsi, oubliant ce qu'il
avait dit en 1814, 1\1. Fiévée I reconnaissait pIeine-
ment oc que le mini5fprc nI' pent ni nI' doit se main-


oc tenir sans le concours de la majorilé. Pour défcndre
» la royauté contre l'illfluencc d(;mocratiquc, la
JI constitution avait donné au roi le dl'oit de dis-
JJ soudre la Cha:l: hl'e des députés, Si les dq)Utés
» n'étaient pas réélus, tout était fini. Dan s le cas
JI contraire, toute résistance de la pad des agents
» de I'autorité royale de\'enait impossible J et ne PO?-


J Cn""f'~lJOII'¡allfP JlIl/itiqur el adminislmtiu.




lit: f i () L l' 1-: H ~ 101 lO T H Jo: l' R I~ S Jo; ~ T A T 1 F, I,~)
~ vait etre tentée qu' cn renversant les lois fonda-
~ mentales dc rÚat. )) "'\ssmément le Natiollal et le
(;(oúe n'eussent pas micux dit cn 18;30.
~I. Fiétée allail plus loin, et, abordant une ques-


lion non encore résollle, il maintenait "que dans le
)) 30uvernement l'eprésentatif l'initiative l'oyale est
II une absurdité, et que les lois ne doivellt jamais
" ¡\tre proposées au Ilom rle la couronne. »


Ün ne pouvait comprendre selon lui, « que le droit
~ de pro po ser la loi et lc dJ'oit de la sanctionner rési-
1 dassent dans la m(~me pCI'sonne, Ql1and les minis-
~ tres proposaient nnc loi, il convcnait que ce fút
" cn leur nom proprc comme en }\n¡¡leterre. (Juant
~ au roi, o/'f}al/.e de la CO/OllÜ; de la .\'ocidé, c'était
'1 seulement apres tous lcs débats parlementaires
" qil'il devait parler, )) Déjit 1\1. Belljamin Constant
at'ait soutenu cette lhese fort sensée et fort juste,
mais il était curieux <]u'un écrivain royaliste s'cn fit
le défellRcUl'.


A cOlé des passa¡¡es que je "iens dc citer, il en
était de fort diffél'enls, et 11. Fiévée, en prenant la
défense cIu principe parlementail'c, pal'aissait un
peu Sené. l\Iais il y avait alol's dans le parti roya-
liste un hornmc de génie , un hornme que les pas-
sions dc son tcmps el de son parti ont pu égarer
quelqucfois, mais <¡ui, an milieu de ses errcurs
memes, a tOUjOUl'S compl'is la wandenr ct la néces-
si té des institulions llbérales. Dans Ull livre célebrc
el dont la premicl'e partie doit obtenil' gnlce pour la
secollde , ce! homUle, )1. de Chateanbl'iand, posa,




e 11:\ l' 1 T H E ll.


mailltint, developpa a\'ec une rure ,:igueul' les Hais
principes, les principes fOlldamcntaux dll gOllVCI'IIC-
ment représentatif. La Jlunarcltic sdon la CIl({/,/f'
est trop connu(' pour qu'il soit utile d' en donner ici
l' analyse. J' en vcux seulelllent citer deux passages,
qui louchent dircctcrnent a la question, telle qu'elle
se débaHait en U~:30, lelle qu' elle se débat encore
aujoUl'd'hui entre les deux prérogatives.


" Sous la Illonarchie constitutioIlnclle, dit ll. de
~ Chateaubriand, e' est l' opinion publique qui est la
" SOUl'ce el le principe du ministerc, prillcipiulIl el
" funs, et, par une conséqucllcc qui dérive de celle-
! ci, le ministcl'e doit sortir de la majorité de la
» Chambl'e des députés, puisque les dópu{¡;s sont les
» principaux ol'ganes de l' opiníon publique. ))


" Le roí, dit-il ailleurs, étant emironné de mi-
l) nislres responsables, tandis qu'i! s'deve au-dessus
» de toute l'esponsabilité, il est évident (lU'il doit les
)) luisser agil' d'apr(\s eux-rw\mcs, puisfju'on s'en
» prendra a eux seuls de l' événement. S'ils n' étaient
» que les exéeuteurs de la l'olonté royale, il y aurait
» injustice a les poursui\'l'e pour des desseins qui ne
» seraient pas les leurs. !


)1. de ChateanlJl'iand d'ailleUl's Il'hésitait pas a
preIldre corps a corps " l' école prétendlle libérale,
» (lui professait hautement la doctrine qne les Cham-
~ bl'es ne sont qu'IIIl cOIlseil, et (IU'il JI'y a pas de
» l'eprésentation natiollulc, II 11 lI'hl~sitait pas daran-
tage Il soutcni¡', avec lnI. Benjamin Constant t'l
Fiévée, (( que l'illitiative esl UllC attl'ibutioll parlc-




llC (jOl\EH~IOI.E~T H¡';l'Hl~SEXTr\.TIF. n
» mentai¡'e, ct que la loi ne doit etre proposée au
» nom du roi que dans des eas extraOl,dínaíres, »


OH le \'oit, 1\ la fin de 1816, les roya listes , sur la
(luestion du gonveruement représentatif, parlaient,
éerivaient eomme out pal'lé, eomme ont éerit, de-
puis , les libél'aux de 18:30, En revanehe, dans la
presse aussi Lien qu' a la tribune, le padí constitu-
t ionnel venait \'aillamment au seeours de la préroga-
tive rople menaeée. C' était d' abord :U. Villemain
qui, répondant a la fois a 1B1. Fiél:ée et de Chateau-
bl'iand t , niait « qu' en Franee le ministere dút néees-
, sairement émaner de la majo¡'íté parlementaire, d
» que l'inviolabilité du roi fút incompatible avee son
» pouvoil' effeetif. » C'était ensuite :U. Guizot qui,
dans sa ferveur monarchique, s'indignait que 1'011
OSLl.t subordonncr le ministere a la ChamlH'e et eOIl-
damIler ainsi le roi a lIne pompeuse impuissanee.


(( La doctrine du parti, disait :U. Guizot 2 dans un
, éerit oiL se tromeut d'ailleurs beaueoup d'idées
» fort justes, el alo¡'s fort neuves sur la nature du
» gouvel'llement représentatif et sur I'aeeord des
» pouvoirs, la doctrine du parti se réduit a ces deux
» propositions : 10 C' est le ministcre quí gouverne
» au nom du roi ; 2° e' est la majorité des Chambres
)) qui gouvel'ne au llom des ministres. 01', e' est la
1 une théol'ie répuhlieaine et qui ne peut etre ac-
» eeptée que par ceux 'lui el'oient que le peuple


1 /'e Roi, {n Chal'le el {n .lIo/IIt/'ch;",
1 JJn yourel'lIclltelli '''in'esenialij; - llu\cmbre liil/j.




CHAJ'LTH¡'; 11.


» p~ut et doit se gouverner lui-memc. Les Ínstitu-
» tions représentatives assignent a l' autorité souve-
» raine des conditions et des limites, mais elles la
1 placent entre les mains du roí, et du roí seul, dans
» toute sa líberté comme dans toute sa plénitude ...
» C' est le. roí qui veut et qui agit, tluí seul a le droit
» de vouloír et le pouvoir d' agir. Les minist/'es súnt
» d/{{/'yés d' eX~clltel' sa 1'0[01/[(;. ))


Examinant ensuite la question de savoir si c' est
au gouverfi(~mcnt que doit appilrtenil' la majorité,
ou a la majorité que doit appal·tenir le gouverne-
ment, M. Guizotniait que la majorité mt et diltetre
une. quantité invariable. C'dait, selon lui, " une
» quantité incertaine et mobile, que l'on gague, que
» l'on perd, que ron retrouve. » Considérée en
elle-meme, la majorité « n' était rien , ou plutót elle
" n'était pas. » M. Gúizot en conclu&it qn'il était
impossible que la majorité gouvermll. Puis, venant
an droit de dissolution : « Le droit de dissolutioll,
» disait- il, et l'in'fluence que le gouvernement
» exe)'ce sur les élections out précisémeut pour
)) objet de prévenir ce mal qll' on a voulu ériger en
)) príncipe, savoir que le gouvernement doit appal'-
)) trnir a la majorilé. On ama beau brouillel' les
» idées, dénatnrel' les situations, ahusrr des théOJ·jes,
)) il sera étel'Dellement vrai que le gourel'Dement
)) appal'tient de dl'Oit, appartient de rait au pom oir
» qui gouverne en effet partout el a tout moment,
)) c'est-a-dire au pOllvoir exéclltif, pal'licipallt (t la
» pUÍssuuce législati\c. ))




IlU t;u L ll': 1\:'1: t: .\1 E 1\ T 1\ 10: P n És!o::x T A. T 1 F. 49
Xest-iI pas fort eurieux qu'apres un' voya¡}e de


Ir'enle années, U. Guizot soit exacterneut reveuu a
son poi nt de départ?


Je pourrais multiplier ces citalions. Elles suffisent
pO\lr montrel' que, des la premiere année de la
Resl~Ul'ation, la queslion do gouvernement l'epré-
sentatif et du gouvel'llemeñt consllltatif 8' est netlc-
ment posée el a été libl'ement et profondéma!1t dé·
hattue. Seulement, je le répete, pal' un eonCOlll'i\
singuliel' de cireonstances, c'élait le (ladí de l'au-


. cien l'égirne tlui défendait le aouvernement repré-
scnta/ir, e'élait le putí eonsfitlltionnel qui plaidait
pour le gouvernement cOllsultatif,


Dans les dcux sessions qui suivirent, le cOté droit
n'avuit plus la mu'lorilé, et le cOté <fUuehe arrívait.


, o


Les eircons(ances n'élaicnt done plus les mernes, et
ehacu'l pouvait I'eveni¡' a ses tendances nuturellcs,
llais la force des situations priscs faít qu'elles se
pl'olonaent soment an cIcla des causes (lui les out
pl'oduites. Pendant quel(lue temps la pl'él'oaatire
royale et la prérogative padementaire conse!'r("ren!
done 11 peu pres les memes défenseurs el les rnerncs
adversaires. n y ent meme parmi les constitutionnels,
ou soi-disant trIs, de nouveaux Hnus qlli v0ulllrent
renchérir su!' lcurs pI'édécesselll's.


« Jamais, disaít M. Harez I la FI'uncc, chel'cltan!
» la vic dans cc qu'ellc aímt~, lIC s'accollLumrrait II
» l'iMc tI'un gOlll'el'lIrrncllt 01" son roí, simplc ah.
~ stmction dcrant les ministrcs, n: pal'altJ'aít puís..:.
» SD~t qu'au jour des eérémoIlie~, des gdct et de~




;,0 e IL\ l' I T Il 10; I L


" vengeauces, Cest paree qu'elle est iiere de lui
» obéir qu' elle a besoin de savoir que le roi seul
" commande. e'est parce qn'il est roi qu'eIle \'eut
" trouver en lui une volonté devant Jaquel1e toutes
» les autres volontés fl(;chissent. Que les ministres
" ohéissent eomme elle. »


" R¿duire le roi, en Franee, au rdo des rois au-
" :¡Jais, disait M. Coul'l'ojsier, e'est e/l faire une
I \aiue idoJe et le 1'6duil'e 11 user de sductiou, de
" force, d' adresse pour reeonquéril' les justes pl'éro-
'1 gatives dont on le dépouille. ~


Il est a remal'quer que, le jour Ol! il pal'lait ainsi,
,\1. Courl'oisier combaUait 1\1. ROyl'r-Collal'd qui,
proposant d' attribuer au jury le jugement des délits
de la presse, venail de pl'Ononcer les beIles paroles
que voiei :


(( rne nation qui obéit a des lois qu'elle n'a point
') eonsenties peut etre saflement gomernée. Elle
l' peut avoir de bons rois, de gmnds I'ois. Elle peul
" lleuriI' au dedans et ae(luéril' de la flloire au de-
" hors; mais elle n' est -pas libre, elle ne s' appartient
') pas 11 elle-meme ...


" Il n' y a de nations lilH'es que celles qui partici-
" pent sans reltlche et au pom oir législatif et au
" ponvoir judiciail·e. "
,~insi, en 1817, deux ans aprcs la pel'tUl'bation


de 18 J;)) ehaenn commensait a revenir 11 son dra-
peau el a repl'endre sa place.


J. partir de UUí, on le sail, la luUc s'engaaea
\'i rement, ul·demment entre la France lIon velle et




11 L ti () L t< EH:\ lo: .\1I';;'i T 1\ Jo: l' H.É S E:\ T ,1 'J 1 F. ;,1


rancien réaime, entre la rérolution el la contre-ré-
\olution. :'\u milieu de eette lulle el de ces altel'lla-
tires, il Y avait peu de place pour des discussions
lh('oriques SOl' le gourernement représentatif. Dans
plusieul's écrits, 11. Benjamin-Constant revint pour-
tant a la charge et démonlm \ictoríeusement « qli'il
" I'allait, pour (\tre illl'iolable, que le pouroi¡' royal
» lIe pút pas fail'e de mal, et (Iue, pour qu'il ne ptlt
" pas fail'e de 111 al , il l'allait qu'il n'aglt jarnais dans
II la sphere 01'1 le mal peut avoir lieu. II Ce qu'il r a
de sin8ulier, e'est que, pendallt cctle pél'iode si
agitée, le gourernement repn'sentalif dllt ('!lcore au
parti de rancien n'gime 1111 bon pl'écédent el une
excellente loi. Le bon préeédl'nt, e' est r adrcsse eon-
trc le second ministó¡'e Richelieu, pl'ésentée en
J 821, par le coté droit et appll yée pal' le eoté gau-
che, Alors eomme plus tanl, les ministéricls et les
courtisans pl'étendil'('nt qll'il esl peu rcspeclucux el
peu constitutionuel de bUmer, dalls IIIle atlresse
a la eouronne, le milJistl\re que la COUl'OIlIle a
choisi dans la liberté, daIls la plénitude de sa pré-
rogative, Mais la Chambre passa outre, et, apl'l?s
aroir refusé d' entendre la lecture de l' adl'esse, le
roi dut en subi¡' les cOlIséqucIIces, L'cxcellente loi,
e'est la loi qui substitua le rcnouvcllemcnt infl'gral
au renoll\'cIlemcnt partiel. Cclle loi, qui avait le
grave incollvénient de rnaintenil' pour plusirurs au-
IIees au pom<oir le parti contre-rét'olutionnaire, fut,
a ce tih'c, combaUue par la gallche, el M, Hoyer-
Collard cssaya el' éhranler la droitc eJl lui démon-




CIlAl'lTHE 11.


trant « que, toutes choses égales d' ailleurs, le re-
»nouvellement intégral appartient danintage au
» principe républieain, le renouvellement partiel au
D p¡'incipe monarehiquc, » lIais, pour la droile
comme pour la gauche, l'inténH du moment l' em-
portait sur tout autI'e intérct. La loi passa donc, au
grand ehagrin de ceux qu' elle de\Tait samer, a la
grande joie de ceux qu' elle devait perdre,


Je suis entré dan s ces détails pour faire compren-
dl'e comment, de J 814 II 1827, le 3ouvernemenll'e-
présentatif en France s'est formé, a fp'andi, s'est d6-
\'eloppé, Pendant ce tcmps bien des erreurs avaienl
eu cours, bien des hél'ésies a\'aient été pl'ofessées ;
mais il y at'ait euconstarnment en préscllce une
majorité ct une minorité al'dentes , acti\'es et se dis-
putant le pouvoir pal' la parole comme par la tacti-
que, Chaque parti d' ailleurs, dans son intérCt proprc,
atait d!'! suecessivement inroquet'les \Tais principes,
~éanmoins la question fondamentale, la question su-
preme restait encore a "id el', 11 esl aisé, il est com-
mode dans les livres de faire arec art, avcc symétrie
la pat·t de chaeun des pouvoi¡'s constitutionnels , el
de les proclamer ensuite indépendants ct égaux, Il
est aisé, par exemple, de donner au poU\'oir royal
le choix des ministres, au pouvoir éleetif le vote de
l'impot, el d' établi¡' entr,~ ces deux gJ'andes préro-
gatives un équilibre idéal. ~Jais un jOut' vient né-
cessairement 011 les deux p¡'érogatives se rencontrenl
et se heurtent. 11 faut alors savoir laquelle doit l' eIll-
porter sur l' autre, el ¡¡XCI' ainsi , non plus en droit,




D U IJ o U V Jo: R N E:\I E N T R E P R {: s E N T A T 1 F. ~3
mais en {ait, le vl'ai caractt'~re du gouvernement.


Cette crise inévitable et décisive eut lieu, pel'-
sonne ne rignore, de 1827 a 18:30. En 1827, la
couronne, sage et bien conseillée, avait cédé au vrell


. du pays manifesté par les élections générales. En
1829, elle entrepl'Ít de lulter contre ce VeEU, et des
lors s' engagea entre la prérogati¡;e royale et la pI'é-
rogative parlementaire , entre le gouvernement con-
sultatif et le gouverncment représentatif, le combat
glorieux 011 périt la plus ancienne des dynasties eu-
ropéennes. Pour celte fois la question était entre les
deux prérogatives, entre les deux gouvernemenls
h'op nettement posée pour qu'aucune équivoque fUt
possible. Auquel des trois pouvoirs appartient l'in-
fluence prépondé,'ante , le mot décisif dans le choix
des ministres, et par conséquent dans la direction
générale des affairrs, tant au dedans qu'au dehoI's ?
r oila la qllestion qu'il s' agissait de résolldre, et de-
rant eette question s' év allollissaient, comme des fan-
tomes, toutes les distinetions· puériles, toutes les
délimitations arlifieielles qu' on avait imaginées pour
mettre d' aceord les deux principes. nevant eette
question aussi tomhait la théorie surannée de l' équi-
libre des pou\oirs.


"Comme il est inévitable, avait dit 1\1. Hoyer-
~ Collard en 182~, que la rolonté premien' qui es!
)i le principiO de radion réside qnclque part, eelui
.. des pouvoirs qui poss[.de légitimement ce principe
)) imprime an aom·ernement tont entier son prop\'[~
)) caracf(\re : monar'chique, !'i e' est le pouvoir royal;




CHAPITRE ll.


" I'épuhlicain, son s la déllomination de monal'chip,
)) si ce sont le Chamhl'es, I't pal'ticuli(\I'i'ment la
» Chambl'e électire, »


En 182.'/-, 11. Royer-Collard semhlait encore peu-
ser que le pou\'oir moteul', régulateur, dominant
est celui de la COlll"Onne, En 18:30, heureusement
pour la liberté, il pensa le contmire, et la majoJ'ité
de la Chambre le pensa avee lui, Peut-ctre pourtant
)1. Hoyer-Collard et la Chambre se fussent-ils \'olon-
tiers arret6s en route, )Iais il y avait derri(~re CUY
une opínioll plus jeulIe, plus rire, plus hal'die, qlli
les pI'essait, quí les poussait, qlli les ernprchait de
s' attal'del' ou de regarder en a1'l'i(\I'e, C' est alors que,
renol1\;ant aux ménagernents hauituels, la presse li-
hérale tout enliól'!' sut assigner a la royauté son vé-
l'itahle role, et décl'il'(' dans lous ses rouages l'inW;-
nicux mécanisme á ¡'aide duquel le pays, sans
désordre et san s \'iolenee, est appel!; t' se fíouvernel'
lui-meme, C' es! alol's allssi que, dan s Ir' Xatiollal,
qu'i! venait de fondel' arce i\BI. "ignet et Canel,
M. Thiers rósuma la pensée puhli!(ue dan s une for-
mule simple et elaire, a laquelle :\1. Guizot et ses amis
adhércl'ent pleinement dalls le GI()úe: « LE HOI I\~:(;u:
1';'1' :\1<: (;OLTEHn: 1'.~S j; » telle est ectte formule, de-
,'enue célcbl'e ct qui l'f'slc 1I0fl'e mol d'ol'dl'e au grand
scandaIe des llltm-l'oyalistes d'aujourd'hui cornmr
drs ultr'a-royalistes d·alol's.


roiIa dix-sept ans que ces érénf'ments ont f'U


[ .'\ppenrlic!' ñ,




In; tiOUrER\IDIENT RF.PRI:;SENTATIF'. ;O.',


lieu, et bien el'autrcs les ont suids. Xéanmoins,
quand j'entends ce qui se dit, quand je lis ce quí
s' éCl'it, quand je ,'ois ce qui se passe, je ne puis
sans une vive, salls une pénible émotion, me rap-
peler nos ~entimellts, nos opinions de 18:30. Que
nous n'ayons pas élé fous d'accord sur cerlaincs
conséquellces de la Hé\'olution ni sur la conduilc
que le gouvernement lié de ceUe Révolution devait
tenil' au dl'dans et au dehol's, rien de plus nafurel;
mais au moins devait,il r at'oir quelque chose de
sacré pom' nous tous : c'est le pl'incipe que nom
avions défl'ndu tous ensemble, c'est le drapeau sous
lequelnous avions combaftu en commUll, Si ce pl'in-
cipe est mauvais, que signifie la révolution que nous
avons faite? Si ce d!'apeau doit Ctre déchiré, 01'1
irons-nous chel'cher cclui quí le remplacera? Quand
les royalisfes de 18;30 proteslaient conlre la maxime :
" Le roi regne et ne gouverne pas, ~ ils n' étaient
/lu moins coupables ni d'ineonséquence ni d'ingrafi-
tude, Peut-on en dire autant des royalistes de 1:,4Ii,
et pensenf-ils qu' on ait dc'jit oublié fout ce qu'ils
doivent a ceUe maxime? Ce n' est pas la premiel'(~
fois, on le sait, qn' on a vu les parfis au pouvoil'
renverser l' écheIle 'lui les y a portés et renier, lp
lendemain ele la victoil'C, les idées qui les ont fail
l/aincre, Cest la premi(cre fois pcut-etrc que celn
s'est fait avec si peu d'cmbalTas et d'une fa~on si dc"-
ganée, C'est la p,'cmi(\l'e fois aussí qu'une trile ac-
lion a Irollvr fant d'appl'ohalcllI'!i et de complices,


(Jlloi qu'il en soit, en I H:W, ndce'" I'h(;I'oi~me




CHAPITRE JI.


populairf', le principe supl'cme du gom'ITlJemml rf'-
présentatif l' emporta sur le príncipe conlrail'e, et a
une dynastie venue de l'hét-¿.dité succéda une dynas-
lie créé par l' élcclion. Quand, au lieu d' octroyer
une Chal'le eo vertu de son droit p¡'opre , le chef de
eelte dynastie \'Ínt, au sein de la Chamhre électh'e ,
aceeplel' et jurel' la Charte que la Chamhre avait
faite au nom de la souve¡'aioeté nationale; quaod,
('o ouh'e, par un vote unanime, la souveraineté na-
lionale elle-m(~me fut inserite en t{\te de la Consti-
fution, comme sout'enil' et eomme uvertissement, on
put croil'e , on dll! croil'e qll(, la lulte entre les dcux
prérogatires, entre les deux gourcrnements était
Ilnit;, et qlle désormaís, en France comme en l\n-
gleterre, le roi regnel'ait sans gouverner. Mal~p'é
quelqucs relléités f¡lchcllses et quelques secretes ten-
tatives, il en fut a peu prcs ainsi tallt que :\1. Pél'ier
n;cut et tan! qu' U¡)\'{\s ~I. Périrr les pl'incipaux mi-
nistres dll 11 ocfobre sUl'ent I'(;sister aux efforts pe1'-
!'l;vé,'allfs c¡uí tenduient h !es d{'sllnir. Mais, en lS:34,
i l fllt aisé d' apercevoir que la p1'éroflative parlemen-
laire aurait bienlOt de nouveaux comhuts a li\'1'er.
En lS:H, , en effeí, deux faits gra,'es se pass¡\rent
presque dans le meme moment : h Londres, l'am-
bassadeur dc Fmnce s'ullit srcr(\tement aux puis-
sances ahsolutistes POUl' ¡'em'('J'ser un ministcre lihé-
1'.11 et suspect d'airncr tl'Op les n'\'olutions; a Paris,
uu ministcre courageux, éprouvé, mais indépen-
dant f't pal'ICI11Clltai"e, se vil remplacé par un mi-
nistc-rf' plus complaisant 1 plus dorile, pt qni bicn




nI: GOITERNElIlF.\'T RF.PR~;SF.NT.'lTIF. fi7
é~idemment ne relevait pas de la Chambre éleetive.
C' était trop se hater, et l' entreprise éehoua a Londres
eomme a Paris. A Londres, le ministt~re libéral et
révolutionnaire remonta au pouvoir, le ereur plein
des ressentiments qui depuis ont si tristement éclaté.
A Paris, lo/'miuistcre royal vécut trois jours, et bieo-
(ot apres " malgré de vives répugnanees, uo prési-
dent eonsidérable, un président réel vint donner
au ministere du 11 octob"e une uoité apparente.
On peut blamer la politique de 1\1. Périer et de
ses suceesscurs; on ne peut nier que ce oc fus-
sent la les heaux temps du gouvernement repré-
senlalif 1.


ilinsi, en 183~, la maxime: "le roi regne et ne
nouverne pas r, avait triomphé. Elle éehoua en 1837,
a J' arénemellt du ministcrc eontre lequel, un an
plus tara, la eoalition se forma. En 1841 2 fai dit
ce que je pensais de la eoalition. Je ne puis aujour-
tI'hui que persistcr dans mon opinion. En elles-
memes, les eoalítions sont un acte indifférent. Ce
qui les earaetérise, e' est le but qu' elles se proposent,
e' est la pensée qui les forme et les dirine. Si I' on
juge la eoalition de 18:38 par ses résullats et par
la eonduite aetuelle de eertains hommes qui y pri-
rcnt une part acti ve, e' est un événement déplorable
el hOllteux. Si on la j usc par les causes qui la dé-
tel'mincl'ent, par les principes qui en furen t le líen,


1 :lppclldice B.
2 II/' la J'olilil[lIf e,rli/'ÍI'lIre el inlt'/'ie¡o'(' di' la Fl'allcl'.




5R CHAPITRE 11.


par les dangers qu'elle voulut pré\'cnir, e'est un
événement honorable et salutail'c, Pour ma part, je
le disais en 184-1, et je le répete avec une conviction
plus profondc : en signalant alol's au pays les progre s
de la prérogative royale, le déclin de la prérogative
parlementaire, nous a\'Íons cent fois plus raison que
nous ne le pcnsions nous-memes, J' ajoute que 11'
principal membre du cabÍnet ne se rend pas jllstice
quand, pour obtenir gn1ee en haut lieu, il dit Ol!
laisse dire que le principe de la coalition n'avait pas
son assentiment complet , et qu'i1 gardait dans eettf'
lntte des deux prél'ogativf's une position intermé-
diaire . .J' étais avpc )1. Cuizot memlH'e de la com-
mission de l'adl'esse, et j'ui eu souvent l'honneur
de le voir avant, pendant, apr¡'~s la crise dectorale,
J'atteste que personne ne revendiquait avec plus dc
fermeté les dl'oits de la prérogutivl' parlernl'ntaire ,
ne s' éle\'ait avec plus df' résolution contr'l' les empié-
tements d'une autre prérogative. J'aUeste que pel'-
sonne ne paraissait plus décidé a remettrc sérieuse-
ment en pratique la maxime qu'il combat aujour-
d'hui, et, comme il le répétuit sans cesse, ti {(11el'
jllsqu' an bOllt. Si l' opposition n' avait pas eu un tort
grave, el'lui d' estimer l\I. GlIizot au-dessous de sa
valeur et de lui )'efuse)' le prix lé¿{itime de ses ser-
vices, 11. Guizot sel'ait uujourd'hui purrni les défen-
seurs les plus énergiques de la pl'érogative pal'lp-
mentaire, et jc n'aurais pas le rpgret d'etrl' sépar¡;
de lui dl'puis six ans.


Jl serail superflu de revenir iei sur les a¡'guments




nI: IiO r r ERX El\I ENT R EPRÉSENTA. TI F. 5!1
de la coalition et sur ceux de ses adversaires. 11 s'a-
¡rissait encore une fois de déeider quel est le pou-
voir prépondérant, eelui auquel doit appartenil', en
fait comme en dl'oit, la dil'eetion des affail'es. JI s'a-
gissait de déeider en ouit'e si des ministres, par cela
seul que le !'Oi les a choisis et que la majorité les to-
lere, sont des ministres naiment parlementail'es,
vraim~nt constitutionnels. Il s'a¡rissait de déeider, en
d'auh'es tel'mes, si la majn\'ité doit procérler du mi-
nistere, Oll le ministl~I'e de la majorité. LIt-desslls de
longs et vifs drhats eurrut lieu, des déhats 011 ron
vit, arec que/que surprise, exhumer an proftt de la
dynastie nout'cllc Ics doctnnes qui ont perdu l'an-
cicnne dynastic. Elles n'eurcnt pas, en '18:~n, plus
de crédit , plus de succcs qu' en 1830, et, pour ceUe
fois, on le sait, le vreu du pays fut promptement
obéi. Hien de plus faciló alor~ que d'aehever l'ceuvre
et de donrlcl' anx vrais príncipes du gouvernement
représentatif lenr sanction définitive, L' opposítion,
<¡ui avait su vaincl'e , ne sut pas protlter de la vic-
toire; et ses tristes querelles, habilement exploitées
par le parti vaincu, rendirent a celui-ci le terrain
qu'il avait pCl'du. Il faut etre aveu8le pour ne pas
voir que, depnis ce jOUI', la préroga!ive royale,
qui avait plié un moment , s' es! redressée plus fcrmp,
plus haute, plus inflexiblc que jamais. JI faut MI'e
aveuirle pour nc pas voír quc ]a prérogative parl(~­
mentaire, au contraire , s'est de plus en plus rape-
tiss(;e, assouplie, abaisséc. Qu' un tel retour pa-·
raissc doux a ceux qui, soit en 18:30, soit en 18:39,




60 CHAPITRE 11.


ont combattu le principe parlementail'e , je le com-
prends: qu'ils permettent seulement que leur satis-
faction ne soit pas p:ll'tagée par tout le monde, et
que d'autres aient un peu de lem' persévérance,


Quand donc, daos la del'uicre session, l' opposi-
tion, ap¡'eS un silence de quelques années, a repris
la question de 1830 et de 1839, ce n'est point,
comme on l'a dit, par caprice ou pour tirer de
queltJues mécomptes récenfs une venaeance mes-
quine, C' est parce que cette question naissait d' elle-
meme et se melait a toutes les autres, POUl' cer-
tains docteurs politiques, je le sais , la question est
oiseuse, misérable, l'idicule, digne 11 peine des
Grecs du Bas-Empi¡'e, Et pourfant, chaque fois qu'on
y touche, il y a des f¡'émissemellts et des colcres qui
p¡'ouvent qu'on en sent comme nous la pOl'lée el l'a-
propos, Il serait puéril d' aller, de gaieté de cmur,
!J¡'aver ces colc¡'es, provoquer ces fl'émissements;
mais il sérait Bche de s' en laissereffrayer ou tl'oubler.
Bes que la question se pl'ésente naturellement, on
doit done la traiter avec mesure, mais en toute li-
berté. J e vais encore une fois essayel' de ·le faire,
en la dégaaeant de tout ce que l'ardeur de la poll~­
mique a pu y joind¡'e d'irritant el de personnel. Et
ce n' est point la une concession ; c' est un acte de
jllslice aussi bien que de convenance. i\ mon sens,
entre deux pouvoil's, dont l'un tl'Uvaille a étemh'e sa
prérogative, dont 1'auh'e laisse envahi¡' et dllllinuer la
sienne, le \Tai coupable est le secoml. Guillaume In,
~J. Thiers l' a justement remal'qué, "oulait aussi gou-




IJ[; (,O[;lJo:RNIOIEXT REI'RI(SJo:XTATILl. 61


verner, et l'histoire ne luí en fait pas un grand re-
proche ; mais Guillaume 111 avait en faee de lui des
hommes allssi jaloux de leurs pl'érogalives qu'i1l'é-
tait de la sienne, des hommes qui n' oubliaient pas
que, peu d' années auparat'ant, ils lui avaient mis la
couronne sur la tete; des hommes qui, au lieu de
ramper bassement a ses pieds, se tenaient debout
devant lui. Si ces hommes u'a\'aient pas su lui résis-
ter, I'histoire, qui épargne Guillaume, les flétrirait
a t"ec justice.


Je veux prendre la question au point ou elle est
parvenue el la discuter dans les termes memes oú
on l' a posée. Ainsi on ue nie plus, cela est usé et
dangereux, qu' en cas de eonflit entre les pouvoirs,
le dernier mot n'appartienne au pays ; mais on sou-
tient qu' en prenant ses ministres au sein de la ma-
jOl'ité, la eOUl'onne , quels que soient ultérieuremenl
ses rapports avee eux, accomplit lous ses devoirs
constitutionnels. On soutient qu'une seule condition
lui est imposée, eelle de céder le jour OLI la majorité
r exige, et qu' elle est d' ailleurs maltresse de dirifjer
elle-meme, 11 son gré, les affaires du dehors eomme
celles du deJans, et d'avoir ouverlement, ostensi-
blement son parti et sa politique. Puis on gémit, on
pleUl'e sur le sod d'un prince sage, capable, éminent,
que le sophisme constilutionnel réduirait a la nullité
pompeuse de certains 1Il0narques de l' Asie. « :\on-
seulement) dit - on, cela est absurde, mais cela est
impossihle: et) pOllr avoir des rois tels qu' on les
\'eut, iI falldrail les ahrutir des l' enfance ou les en-




CJl.~I'ITH¡'; 11.


fermer dan s uJle étroile prison. Encore n' est-il pas
certain que de sa pl'ison n)(~me un roi hahile ne aou-
\" erwlt pas 1. »


Ainsi, d'apres eette maniere d'entendre lc gou-
vel'llement représentatif, il est hon, juste, cont'e-
nable que le roi manifeste ses pl'éfé¡'ences pOIll' cer-
tains hommes, pour certaines idées, et qu'il applique
a les faire triompher toute son influence ; il est bon,
juste, convenabIe qu'iI soit, se Ion ses penchallts, se Ion
ses sentiments, selon ses opinions, avec les conserva-
teurs contre les' libéraux, ou avec les libéruux conh'c
les conservatcurs. Seulement, le jour Ol! la majorité
se retire, il doit céder et appeler au pomoir le parti
qu'il a combattu au grand joUI', lu politique que
pubIiquement iI u déclarée muuraise. En d'uutres
termes, il y a deux hommes duns le roi : le chef per-
manent de nttat, investi a ce titre, quoi qu'il arrive ,
de eertuines uttributions constitutionnelles; le chef
de parti, soumis, eomme tel, a tOlltes les ~'jeissitudesj
a tous les mécomptes de la vie poli tique ; tuntot
vainqueur, tantot \'uilleu; aujoUI'd'hui appelé an
pouvoir par un vote, dcmain rem-c¡'sé du pouvoir
par un autre \ote; également in\'Íoluble d'aillelll's,
également respecté dans les deux situutions.


Je ne sais si .ie m'abuse, mais iI me sernhIe que
pour réfuter une telle théorie, il su('(it de l'e'\poser.
Les ro~'autés élues ne sont suns doute point des idol~s
det'ant lesquelles les peuples se prosternelll comme;


( ./l)lIl'lt(({ des /Ji/mIs, unil el IlHli 18·11;'




ils se prosternaient jadis devant les l'oyautés légiti-
mes; les royautés cIues ont aussi pomtant leur dignité
a [aire respecter, leur inviolabilité a maintenir, leur
haute position a garder. Que devient ceHe dignité,
si on les fait descendre dans la melée des partis, et si
les Chambres ont a controler, a critiquer, a juger la
poli tique du roi, non eeIle du minislcre? Que de-
\'ienl eette int'iolabililé, si toutes les attaques, toutes
les iIljlll'eS dont cette polilique peut etre l' objet pas-
~cnt, comme on le disait en 18:39, par-dessus la
tete des ministres ponr aUeindre une tete auguste?
Que devient cette haute position, s'íl est bien avéré,
bien constaté, le jom' oú la majorité change, que le
roi lui - melIle est vaineu et qu'íl rend son épée? Ce
u'est point la, qlloi qu'on en dise, élever et fortifier
la com'onne; c' est l' abaisser et l' affaiblir. On pré-
tend que, selon nous, « la Charte ne serait exécu-
)) tée que s'il y arait hostilité entre les Chambres et
» le prince, et que les ministres tinssent COllstaJll-
» mellt le pied sur la tete du roi 1, )) C' est précisé-
ment le contraire, Dans le systcme pal'lementaire,
dans le systeme ou le roí reste neutre et .impartial
entre les pal'lis constitutionnels, les ministres ne
tiennent jalllais le pied sm sa tete; i1s l'y tiennent
f/llelflllefois, daus le systcme oule roi se fait chef de
parti. I,equd des deux s1'stemes est le plus fait pour
assurer a la eouronne le respect qui luí est dti?


Ce JI' est pas tout, et le systeme que je eombals, si


1 ./o1l1'lUlI des f)¿bat.~, iW a\Ti!.




IH CH.-\PITRE 11.


dungereux qu'il soit pour la couronJle, l' esl eneOl'e
plus ponr l'J~tat. Xous ne sommes plus au temps
oi, ron voyait, 01" l' on voulait voir dans les rois des
etres a part, étrangers ou supérieul's aux faiblesses
humaines, Qu'on soit roi ou ministre, on a les mt'mes
sentiments au fond de l' ame, et ron n' aime point a
perdre le pouvoir quand une fois on l'a possédé, Le
jour oi, on le perd, on songc done aux morens de le
recouvrer, et on fait bien, puisqu'a la pos~sion du
pouvoir est aUaché le triomphc des idées que l' 011
croit bonnes et justes, En conséquence, le ministre
tombé devient memb,'e de 1'0pposition, et continue,
dans l' opposition, 11 défendre la polifique qu'il défen-
dait dans le ministere, l\Iais le roi, dont la polifiqul'
a péri, dont le parti est raincu, que fail-il ? passe-t-
il, comme les ministres tombés, dans l' opposition, et
tl'availle-t-il comme eux tI I'emel'ser les ministres
nouveaux, la polifiqne nouvellc? \' oilil des lors l' op-
position, et quelle opposition! placée, installée au
c(Cur meme du gouverncment, au sein meme du
pouvoir, et délibérant avec ceux dont elle déteste les
projets, dont elle médite la ruine! voila l' opposition
maltl'esse non-seulement de controler, mais de con-
trarier, d' enÍl'arel', d' al'rMcl' 11 chaque pas la politi-
que de la majorité! voilit l'opposition en mcsure de
fai,'e éehoucr par l' cxéeution , par le détail, les pl'O-
jets qu' elle désappl'oul'C dans lcur pcnsée, qu' elle
condamne dans Icur enscm hIr! n' cst-:c pas un dés-
ordre, une anarchie sans excmpll'? PCl'soIlne assul'é-
ment ne comprcnd,'ait lord Stanley ou lord Geol'ge




\) e (; o 1 i \ Jo: 1\); 1-; .\1 Jo: ;\ T H 1-; l' H Jo: S ¡.; ); T A T I F. ti;,
llentiuck aOHrerllant atec lord J ohn Hussell, 1\1. Thiers
OH 11. Odilou Barrot siégeant a\'ec 1\1. Guízot autour
de la fable du conseil; e'est pourtant it quelque ehose
de pire qu'on arril'e, quand on trom;e bon que le roí
gOU\'erne et qu'i! se fasse chef de PUl'ti.


IL est d'ailleurs é\'ident qu'entre le roi, chef de
parti, et le partí dont il est le chef, il se nouera cer-
taines intelligences, eertaines relations plus ou rnoins
secretes, et qui auront pour hut le Í1'iornphe de I'opi-
nion cornmune; il est (;vident qu'aillsi, enh'e la cou-
ronne ct ses conseillers 1('giliIlJes, toute confiance,
foute hienveillance réciproques amont bientot dis-
paru; il est évident qu'ils se regarderont rnutuelle~
Illent cornme des cnnemis, comme des rivaux, et
qu'ils se conduil'ont en conséquence. L' opposition in-
troduite dans le goU\'ernement, tou te harmonie dé-
truite entre les poU\'oirs, telles sont les cOIlséquences
de la thóorie, consóquences d(;plorahles, ahsurdes,
et qui ne rement manquer de pal'alper toutes les
forces de l'I~tat. ,


Qu' on ne vienne pas avec une candeur h1'pocrite
prétendl'e que ce sont la de vaines hypotheses, des
hypotheses auxquelles un prillce honncte donnera
toujours un éclatant démenti. Quand on tient ce lan-
~a8e, on force it répondl'e d'abol'd que fous les
J)l'inces ne sont pas honnctcs, ensnite que les plus
honIlMes OIlt leul's passíons, leurs préjllgés, leurs
affectioIls. On s'est quelquefois appuyé, daIls foule
cette polémique, de l' exemple de certains rois all-
;í1ais qui, dans le sil,ele drJ'llier, onl eu un pal'fi ,


t;


-




tW ClIi\I'ITHE JI


uJle politique, el qui out roulu rail'(' pl'édomincl' ICtl/'
inllucnce pcrsonnelJc. A-I-on jarnais vu que les r()i~
dont il s'aiJit se résiunasscnl, quantl Icul' partí suc-
combait, quand leur polítiquc ótait vaincue, a dépo-
ser le pouvoir puremenl et simplelllent, el a le 1'('-
mettrc de honne gnlce, sans arrit"re-pensée, cntl'(~
les rnains d'un autre pal'li, d'une untre politique? "\-
I-on jamais ru Cjll'ils n'employassenl pas an profit !le
la polifique <¡u'ils pr(.féraient tout ll! pouvoil' dont ils
pouvaient dísposCl'? .-\-t-Oll jamais vn, el'un autre
ctlté, que le partí coutre Jequel íls agissaient I'cspec-
hit en eux la fiction 1(;ipJe el pltdl le genou acran!
leur il11:iolaLilité? S'il esl UJI ('xemplc fluí puisse (\1('1'
cité, c'esl celui de (~eol'tle 111, de ce triste monal'quc
don! la santé fut ceut fois plus fuueste que la mala-
die, ct qlli , pou!' le plaisir de 8ourcl'!H'r , cOlldanlll<l
pendant vingt ans son pays a lous les r11\sordres, Ú
tous les désastrcs, a toutes les hUl1lilialions. 01', ¡¡ui
ne sait qu'aussittlt aprl's la dé miss ion fin ministre fa-
t'ori, lord Bute, il se forma sons les auspiccs, par
les soins de la COUl'onne, un parti qui s'intitulait ~ k
parti des amis du roi, ~) et dont la mission unique
était dc soutenil', non les JIIinislt'es contre l' opposi-
tion, mais lc roí contre les ministres? Quí !le sait
que, fcuus en échcc par ce déplorahle parti, et pl'i-
vés, au (]e1101'5 commc al! drdll!lS, de foufe consid(;-
ration, de tout Cl'roi!, t]p loutr fOl'ce, (JlwfI'e a cinil
cahinets se s1!ccédel'cnt jusqu'au jOlil' Ot'l un IlOU\ CilU
fayori, lord :\orth, \'ÍIlt satisfairc les pClIchallls
royaux en !H'rdallt I':\m(;riqllc? Qui nc sail qn'apl'i',




DC ~iO(jO;H~¡';iIl¡';NT REPRI:;SEXTATIF. 67
aro ir été un moment tolé["(~, ce régime honteux so u-
leva con/re la COUl' PI eontre le roi lui-meme toutes
les susceptibilités, tontes les jalollsies, toutes les
haines nationales? rlssul'ément, de 1770 11 1780,on
ne peut trouver en .'\.ngletelTc qllalI'e noms plus con-
sidérables que ceux de lord eha/ham, du marquis de
Hockinilham, du duc de Grafton, de lord Shelburne :
les trois premiers qui venaient d' elre premiers mi-
nistres, le dernier qui de\'ait l' etre bientoL Veut-on
savoi¡' ce qu'ils pensaient, ce qu'ils disaient du gou-
vemement personnel?


En 1770, en 1771, lord Chalham se lenIit dans
la chamlJl'c des pair,;, affaibli par la souffranee,
courbé par la maladíe, et déclarait que (( depuis
, I'avénement du roí Geor¡:¡e III le pouvoil' n'at'ait
" point appartenu aux ministres respomahles, mais
" 11 une inflllenee irresponsahle, imisiLle, a une in-
., fluenee aussi basse que pcrrerse. - JI' dois aVOllel'
" avec douleur, ajoulait-i1, que fai été dupe moi-
" meme, et que fai aequis, a mes propres dépens,
" la h'i.ste conviction qu' aueune adminisfration indé-
~ pendante ne peut exister. Si j' avais voulu me sou-
" mettre 11. l'influence dont il s'agít et aecepter la
" responsaLilité sans le ponvoir, je serais encore mi-
') nistre, "


En 1777, en 1~'7:), en liSO, le mal'quis de Roc-
kingham, comparant la gloire de l' :-lngleterre sous
Geor¡:¡e II allx désastres I a la décadence des der-
uieres années I n'hésitait pas 11. en trouver la cause
~) rlan!! le syst(\me pernicieux d'inflllcnces inconsti-




CHA1'11HE 11


)) lutionnelles qui tléplace le POUVOil' el lIe laisse sub-
)) sistel' que les formes de la lihf't'lé, On a d'ailleul's
» tol't, ajoutait le mal'tJuis de Bllcl¡in~¡harn, de s' CJl
)) prendre uniqucmcllt it 10l'd Bule; en hOlllle/e
)) homme, je dois dit'e que le meme syslpille CIJI
)) exislé, quand lord Bufe Il'eút jamais joui de la con-
II liance du roi et qualld iI IlC sCl'ait poin! lié, lIais
II s'a été, des les premiel's joul's dll I'l'gne, Ull axiollle
II de COUl', que le pouvoil' et l'influence de la cou-
1) l'OllnC doivcnt suffil'c pour mailltenil' tOllt minist(>¡-e
)) que Sa lIajesté juge it propos dc choisil', De lit un
II sys!erne de cOl'l'uptioJl, de \'(;nalit(;, de despotisOie,
1) dont iln'existe aucun exemplc daJls les i!0IH'el'Jle-
), ments limitl·s, Pendant le pen de tcrnps que j' ai
II passé dans le ministpl'e , je me sllis cffol'cé de ré-
II duire, de limitel' le poU\'oir inconstitutionnel de
II la courOllne, Je regl'elte tI(~ n'y aroir pas mielL\
II n;ussi, II


.-\ la melllC époque le tluc de Gl'afton cllol'd Shel-
bume tenaiellt un langage allalogue, et déclaraient
II tjue, depuis le jour Olt Geol'ge In était monté SUJ'
), le trone, un gouvernement occulle et inconstitu-
» lionIlel s' était emparé de l' Angletel're, et que les
)) mipistres, quoi qu'ils pussent dire, n'a\'aient ni
), pouvoir ni responsahilité u;ritahlc; - s'illeur al'-
n l'ivait malhelll', disait lord Shelblll'Ile, on en serait
)) quitte pOllr en prendl'e d' autres, qlli continueraient
» avec un úle, al'ec un SllCCCS égal la sale heso:Jlle
)) de leurs pl'édécesseul's, Le pays n'a l'ien a esp¡;-
)) rer, tant IJu'il en sera ainsi, (~t tant que le parl('-




n l' (J o u r E H N E :\I E X T H E P R ,:; S E N T A T , F. fin


ment, an líen d'ohéir asa eonseienee, obéira a de~
)J OI'dres supéricurs. »


}\insi parlaier!t dans la Chaml)I'c des lords les qua-
Ir'e hommes d'Etat les plus eonsidél'ables de l'épo-
que. De son eoté, dans la Chambre des eommunes ,
Fox déehirait fous les l'oiles et ne laissait rien a de-
viner.


(( Ce n'est poinf, disait Fox en J779, un yuin hl'llit
)) tIes rues que le roi est son pl'Opl'e ministre; e' esf
)J une fatale vérité, une n"l'itt;. eonnue de tous. Je
)1 sais que le premiel' ministrc l'a niée, mais ses su-
)J hOl'donnés 1 s/'s familiel's la proclament arec com-
)J plaisance. OJ', il n'est point de doctrine plus dan-
» ~(cl'euse, plus inconstitulionnclle, puisqll'elIe tend
» á déchaq'(er lcs minislrcs de leur responsalúlif¡"
)) pour la fai¡'e pescl' sur une pel'sonne inviolablr.
)1 Elle a pourtant un a\antagc, eelui de I'appeler aux
)) I'Oi8 que si, COII/'orm(;rncllt all"( príncipes oc notre
)) gom'crnement, les malhclIJ's el'un l'(\gllc doi\'ent
)) elre imputés anx maurais conseils des millish'es,
)) it peut arriver, il arri\'e , qualld ees malheurs d(;-
» passent une certaine mcsure, que les ministl'cs
') sont oubli(;s et que le prince scul est puni, Les
" StulLl'ls llussi arai~nt ele oét~stables ministres; ce
)) qui ne les 11 ras crnp(kh(',s d' (\lrc punis, ['un pat'
II la pedc de la vie, l'autr~ par la pel'te dc la 1'011-
)) ronllc. ))


Peu de .iOIlI'S apn\s, lorel Slrelbul'llc rép(;tait l'ac-
ensation ele Fox, ct déplorait que la COUl'onne, au
líeu de laisscr gom'el'lH'l' ses ministres, voull'tt ROIl-




70 CHA.PITRIo: JI.


verner elle-meme, d La COUl'onne, disait-il, doit tou-
)) jours etre dirigée par ses mÍnistl'es responsables,
» e est Ja-dessus qu' est fondée la maximc que le roi
, ne peut mal faire. eette maxime ueviendl'ait scan-
II daleuse et blasphématoire si le roí se dirigell.it pal'
» son propre jugement. l\falheur au monarque quí
)) I' oublierait et qui exereerait persollnellement les
» pouvoirs aclifs que la constitution eonfle a ses mi-
n nistres! D


Quancl, au sein meme du parlement, les influenees
secl'ctes étaient cléuoncées, attaquées avee eeUe au-
daee, on peut juger si la pI'csse restait muette. De-
mander au roi qui a un parti de l' abandonncr le jou\'
Oll il tombe, demander au parti qui a le roi pour cn-
nemí de respeeter en lui l'inviolabilité l'oyale, e' est,
il fallt le di re , uemander a la nature humaine plus
qu'elle ne peut dnnner. Qu'on ne s'abuse done pas :
quand une fois il sera bieu étabJi que le roi a un partí
et une pofitiquc, rienu'empechera que le partí et la
poli tique contrair'es ne s' en pr'cunent a lui dc leurs
revcrs, de leUl's désappointements, méme de leurs
fautes ; rien n' empeehera quc dans les aetes les plus
simples, quelquefois les plus légitimes, ils ne soup-
t;ouneut, ils ne délloucent une odieuse tr'ahíson,
Quand la eouronlle gouverne, quand clle anít, elle
n'pond inévitablementde I'adrcr'sité eomme de la
prosp(;rit(;, des re\'eI'S eOll1me des sueeós, de la honte
cOlJlme de la gloir'e, du rnauvais aouvernernelltcomme (~ ()
du bon, Cest ce qui est arri\'é, constamment arrivé
('n .i\ngleterre, qnand il a plu a la couronne dr se




D U (10 {; r E H \ E II ¡.;:\ T H ¡.; J> H ¡:: S Jo: X T ."\ T ¡ F. 71


meler personnellement aux querelles des partís. Ceux
quí paraissent en doutel' 11e savent pas un mot dn
l'histoil'e d' Angleterre, ou ne veulent pas dire ce
qu'iJs savent 1,


n ne faut d' ailleurs pas s'y méprendl'c : les clIOses
ne sont plus ce qu' elles étaient en J 770, et un roí
anglais qui voudl'ait aujollrd'hui imiter George JJI en
tl'Ouverait difficilement le moyen, En Angleterre la
saine intelllgence et la longue pratique du gouver-
nement repl'(;sclltatif ont établi, dans les rapports de
la couronne avec les ministres, des r('¡¡les sage;;, des
l'!'~¡les salutaíres et qui pr(\tent force aux principes.
Le jom' OÚ un cabinet tombe, la couronne discel'lle
au sein du padelllent et appelle auprós d'elle I'hommc
qui lui est désigllé par l'opinion publique, et qui lui
paralt le plus pl'0l)l'e Il rallier la majorité IlomreJle.
C'est cet homrne <¡ui, iIl\'esti de fonctions quasi.
royales, choisit ses co!lúgues, arn\te avec eux son
pl'ogl'Umme et distribue comme il lui plait les em-
plois inférieul's. C'est ceí hornme qui, premier mi-
nistre de [ait cornme d(~ droit, gouverne ensuite d'ac-
cord avec les autres ministres, sans que personne en
dehors du padement le gene ou le contrarie. lTne
fois constitué, le conseil d'ailleurs se réunit, discute,
ddil)(\l'c hol'S de la pl'(;srnce de la couronne, qui pent
approU\ el' Oll I'rjl'tl'l' ses r1(',fij)(;l'1ltioIlS, 1l01l. les mo-
dificl'. Lu COUI'OIlIlC ainsi conserre son reto sur les
,r¡'andrs l'(;solutiollS, non sur les résolutiolls sccon-
"


T .~rJlrJ)djrr c.




CIIAI'ITHE 11.


Jaires; SUl' les questions (1'I:;tat, non SUI' les mesures
qui touehent a l' exéeution. IIn' arrive done jamais, il
ne peut point arriver, soit a l'intrrieul', soit a ]' ex-
tél'ieUl', que la pensée royale et la pensée ministé-
rielle soient en contradi'ction ostensible et se neutra-
lisent. Il ne peut point al'l'i\er qu'au dehors les
eonversations et les dépeehes offieielles se trouvent
démenties ou affaiblíes par d' autres d(;pcehes (>t par
(¡'nutres conversations. Il ne peut point alTiver qu'au
dedans l' administration reste hallottée et íloftante
f'ntre deux maltres, l'un immuable, l'autre passagel·.
En Angleterre, l'initiative m(1me n'apparlient pas
au pomoir royal, et, qlland les miuisfl'es ,'exereent,
c'est en leur propl'e nom, comme membres du par-
lement, non comme délégués de la couronne. Tout
ce que peut fail'e la couronne , c' est done de laissel'
percer la malveillance qu' elle porte a ses ministres;
e' est de permeftre que dans le parlement et dans 11'
pays on exploite ceUe malveilJanee.


Dans un tel pays, avec de telles habitu(les, iI im-
porterait assez peu qne la couronne ellt sa politi-
que et son parti. Et pourtant, je le l'épete , quand
cela arrive, cela est considéré par tout le monde
comme une infraction déplorable aux vrais principes
de la constitution, comme un danger sérieux pOUl'
le gomernement représentatif.


Que ron retourne la ques/ioIl eomme on le vou-
dra, il faut toujours en revenir au point de d(;part.
Dans l'hypothcse du roi qui gouveme, il esí iné\i-
tahIe que la politique royale , le minist{\l'(~ royal, Jr




n u (JO IJ V ¡.; n x E M E N T 1\ E P R ¡:; S E N T A T r F. '¡ 3


pal'ti roral suecombe quelquefois dans la Chambre et
da~s le pays. i\lors si la terríble ressource des coups
d'Etat est écartée, 011 aboutit au dilemme que \'oici :
011 hien le roí dont la politique a suecombé, dont le
parti a été vaincu, dont le ministere est en minorité,
se résignera franehement a de\'enir l'instrument d'une
poli tique qui n' est pas la sienne, le soutien d'un parti
(fu'il hl¡imf', le président el'un ministere qu'il regarde
comme ennemi ; ou bien, eonséquent avee lui-meme,
fidele a ses opinions et a son pal'ti , il transportera
l' opposition an sein m()me du pouvoir, et détruira
dans le goun~rnemcnt foule uníté, foute énergie,
toute vifalifé. Hans le premier eas, c'est faire a la
rorauté une position qu' aUCUll ministre, aueun dé-
puté ne voudraient accepter on subir. Dans le se-
couó, e'est eondamner l'I::tat, foutes les fois que 1'avis
du roí n'est pas celui de la Chambre éleetive, a la
plus faíble , a la plus irl'ésolue, a la plus coufradie-
toire des politiques. C' es!, dans un cas comme clans
l' autre, eomp¡'omcttre gravement l'irresponsabilité
royale, et exposer la personne m()me du roi a tous
les ressentiments, a toutes les haines de l' esprit de
parti.


Est-il vrai mainfenant qne le systeme parlemen-
taire soit á son tour plein de eontradietions , plein
d'impossihlités! S'il en était ainsi, il faudrait recon-
naitre que les partis extremes ont raison et que la
monat'ehie eonstilutionnelle est impossible. Mais iI
n' en est point ainsi, et l' exemple de l' Angleterre de-
¡mis plus d'un demi-siócle est la ponr le pro~ver, Ce




74 CHAPITRE 11.


n' est point sérieusement, en effet, qu' on nous parle
tI'un roi qui aUl'ait des yeux pOUl' ne rien (oir, des
oreilles pOUl' ne rien entendl'c, ~t qui passerait a tra-
vel'S les grandes affaíres de rEtal sans se faire un
avis. Quand le magistrat quitte son siége , il ne luí
est point intcl'dit de jugel' la loi qu'il vient d' appli-
quer. Quand le général d'al'mée est sous su lente, il
pst libre d'approU\'er ou de bhlmer la guerre qu'il
est chargé de soutenir. Tout ce qn' on peut demande)'
a la conroune an milieu de sa COUl', commc au ma-
gistrat dans le prétoire , eomme au géuéral d' armée
sur le champ de batai/lc, c'esi de nc pas SOllff¡'ir que
s('s opiniolls personnelles illte¡'vieJllI(~IJl dans 1'('\(')'-
rice des hautes fonctions que la constitntioll lui con-
/'(\re. Sans doute la distinction est délicate , la limite
('st étroite , et il faut, pour ue pas la d(;passcl', plus
de sagesse que pour la fl'UllChil'. Il al'rirel'll done
qu'clle sera fl'anehie quclquefois. l\Iais, depuis la mo-
nare]¡ie ahsolue jusqu'ú la démocratj(~ pure, il n'es!
pas une forme de gOUliel'nement qui n'ait ses imper-
[eetions et ses diffieultés. })our que eelles dont il s' a-
git n' aienf point de graves conséquenees, il suffit
d'une opinion puhlique qui \ieille d'un (ril jaloux
sur tous les cmpiétrll1ents et qui \-euille r l'(;sister.


Je l1e sais d'ailleul's si jc dors ou si.ie \iciile fJlland,
einquante-sept ans apl'ós la l'{;volutioll de liSI), seize
ans arres la l'évolutioll de J S:30, j'(,lll(~I1ds di,'e que
condamncl' la royauté lt l'égnel' sculcmcnt, e'esl lui
assigller un role mesquin, IIlsigniflant, indigne <l'c!!!'.
Que la granrlf'ul' (1'UI1 tel l'úlc Df' pl'lt pas ¡\f¡'P eflfll-




DU GOUVERNE~IENT REPRI:;SEXTATIF. 15
prise par un Louis XIV, par un Napoléon , par un
Charles X meme et par ceux qui les servaient, cela
est naturel ; mais nos bOUl'geois-gcntilshommes de
la presse, de la ehambrc, de la cour ont une expé-
rience qui devruit lcs rendl'e plus clairvoyants et plus
modestes, e' est done pcu de cltose a lcurs yeux que
d' eh'e, cn Franee ou cn Angletel're, le chef honoré,
rcspecté, inviolable d'un grand peuple t e'est peu
ele chose que de.plauer, dalls une impartialité calme
et sereille, au-elessus eles orages poli fiques, au-des-
sus des agitations parlementaires ? C' est peu de chose
que de \'oir les padis se elébattrc et el'intervenir entre
eux, quand le rnoment est ven u , non pour donner
la préférence a 1'1In ou a I'autre, mais pour provo-
qller l' expressiou libre et sineerc de la volonté du
pays? e' est peu de ehose enfin, a travers les éter-
ncIlcs oscillations des hommcs et des choses, que de
repl'ésenter, quc oc personnifier eonstammeut les
ielécs , les intérCls eommUllS a fous , et qui consti-
tuent la grande unité nationale ? Quc les ultra-roya-
listes de 1846 y prenuent gal'ele pOUl'tant, et que,
dan s I'interet meme de la causc qu'ils croient servir,
ils moderent un pen l' effen-eseence de leur zCle. Le
gouverncment dabli en 18:30, il faut toujours s'en
sourenir, est une transaction entre la monat'chie et
la répuLlique. La rópuhliquc u'en a pas été satis-
faite, et, pendallt qua/re alluées, a tra\'aillé a la elé-
tmire. II y aumit quclque danaer a fait'e C!'oire que
la monarchie a alljourd'hui, hien que dans un sens
contl'aire 1 le ml\me rlesse in que la répuhlique.




76 CHAPITRE 11.


Faut-il maintenant réfuter les tristes sophismes
dont un des ehcfs de la eoalition s'est fait l'éditeUl'
)'esponsable dans la dernicre session'? Selon ~J. Glli-
zot, en 1846, e'est faire preuve d'un orgucil fri\Ole
que de s'interposer entre la couronne et le pays, que
de revendilJuer hautement l'indépendance de ses
opinions, Un roi qui a sa politique prop)'e, une Cham-
bre qui a la sienne, et, pour les mettre d'uccord,
des ministres, simples intermédiuires, ehoisis par
l'un, aeceptrs par I'autre, et qui s'erracent le plus
possible, voilit le gourcrnernent rC'pl'{;sentatjf lel quC'
.\1. Guizot le eomprend en I srf(j, tel du rnojns qu'jl
eonsent a le définil'. El qlTand on lui dil (IIt'aree di'
telles idées, avee une telle th('orie, il est éh'angc
qu'il ait fait partie de la coalition ; quand on lui rap-
pelle les opinions , si padementail'es selon les uns ,
si factieuses selon les autl'es , qll'il pl'ofessait alors ,
el qui le faisaient mctft'C' au han de la monarchie ,
non moins que )1\1. Thiel's et Barrot , sait-on eom-
ment il s'en til'e? « JI est, I'{;pond-il , pal'faitement
constitntionnel, parfaitemcnt légitime de dil'e aux
ministres qu'ils sont coupables de laisser prendre ¡\
la couronne une influence cxcessi\'e dans le gOllrer-
nement. Il n' est ni légitirne ni constilutioIlncl de dil'e
que la COUl'onnc prend une influcncc e\cessire. "
Et aprcs celte sublime distinction )1. GlIizot s'(;cl'ie :
(( Entre ces aCllx mani¡\J'('s de parler, il y a un


J ab¡me, et c'est cet ab¡rnc qu'il n'est peI'lnis ¡'( per-
" sonne de fl'anchir l. "


r lT()uit(>IIt' du 2n IIIf1i J X'Íf),




lJ lJ (; o t; \ ¡.: H ~ Jo: .\Il<: ~ 1 H r; i' ft 1:: S Jo: ~ T ,.J. T Ji'. " •
(Ju'entl'e le tl'ibun de lS:H) ct le courtisan de 18·'j.(}


11. Guizot ait quclque peine a rétahlir la Lonne haI'-
monie, cela se comprend el s'excuse ; lIlais, jusqu'a
ce jour du moills, il avait habitué ses adtersaires
comme ses amis a prelldre ses paroles au sérieux.


Dans ces del'l1iers temps, au reste, 11. Guizot a
pu voir s'il est aisé de laisser passer le bien sans le
mal, l'éloge sallS le bl,tme, ct si un roi qui gou-
\'erne est réellement couvrrt par un ministel'e qui
s'efface, Il y a six mois, on [rountit bon, juste, con-
stitutiollnel, que dalls un pays \'oisin Oll fit remonlel'
jusqu'¡\ la persolllJe dn roi tout le m(\rite, tout l'hon-
I]('lll', toule la gloire d'une cerlaille politique, et
qu'it ce lilre la presse enlicl'e retentlt de ses louan-
ges ; on tl'ouve aujourd'hui mall\'ais, injuste, ineon-
stilulionJlcl, que dans le meme pays on fasse pese!'
sur la m(~rne personne tous les tods d' une autre po-
litique, et qu'aucun outral{e ne lui soií épal'gné, Ce
n'est pas, en \Téritó, faire prcm'e de heaucoup de
hon sens el de perspicacité. Il en cot'Ite peu d' ÓCl'il'e
dans un liure ou dans un joul'l1al que le roi gouvel'-
nel'a, mais que ceux it qui le gouvernement royal
pourrait déplaire seront censé s n' en rien savoir; il
en coúte pen de dil'e ¡\ la trihune que le bien re-
montcra toujours u la couronne, jamais le mal, de
telIe sorte 1ue le meme acte, au rneme rnoment,
sera l'tell\Te uu roi pour ccm: qui en seront safis-
faits, l'crurre (lu ministere pour ceux qui en seront
rnócontents; il en coflte peu cI'introduire ainsi dans
la fiction constitutionllplle une seconde fictioll, ct




iK CH.~I'ITHE 11.


d' exige!' qu' on la respecte. Ce sont la des subtilités
dont se rit, dont se joue l'opinion puhliqlll'. Qu'au
líeu de s'étonllel', de s'inrliRne!', de se lamenter, on
l'econnaisse donc qu'on avait tort il r a six mois, ct
que l' opposition avait raison. Qu' on I'econnaisse que
l'éloge conduit au blame, et qu'il est puéril de vou-
loir échapper a l'un quand on a recherch(; l'aulrr;
qu' on reeonnaisse, en un mot, que la responsabilité
ne se dirise pas, et <¡u'en dépit de loutes les con-
\lentions, de toutes les fietions légales, elle est, pOlll'
le mal comme pour le hien, inséparable de l':1e-
tion.


JI' crois aro ir ncf!cmenf étab/i qu'un roi conslitll-
tionnel nI' peut Ctre chef dc parti SUllS que la di-
gnité ,dc la cOlll'onne en souffre, sans quc les intérels
de rEtat en soient grarement compro:] ¡s. Je erois
alioir étahli qu'entre les deux positiolls iJ y a incorn-
patihilité radica/e, ct que la Ih(;ol'ie du roi qui gou-
rel"!le, malgn; "amendement ([u'elle a subi, n'es! pas
plus soutcllahle en 1 H ~.(j qn' elle ne r élait en 18:30.
Je ,'ais rnaintenant plus loin, et ,ie dis qu'eHe res!
Illoins. En 18:30, on voulait que le roi gouvernúl ;
mais on vonlait en rneme temps que la Chambre des
députés ne pút pas lui imposel', aux yeux de tous,
des millistres qui lui déplussent, UIlC po[itiquc quí
ne fM pas la sicnlle. Si cela cltait maul'ais, cela dll
/Ilotns était logiquc. Ce qui est mauvais el h'es-peu
logiquc, c'est de \'oIJioit, que le roi gOU\'CI"I1C, sans
lui laisser le dernier mot ct l'influrl1cc principule.


On est ainsi conduit a se demandel' si, cnll'c les




D lO (i () L \" E H \ 10: .\i E S T H ~~ l' H }~ S Ti: :\ T . \ T 1 F. j, I
(kux systrmcs, cclui de 1 ~:W et celui de J H'~f), il Y
a au fond l)('allC(illp de dirfél'f!!l('f', el s'il Be s'agirait
pas sculrmcnt d'arrirer al! nl(\me huI pal' un autre
chemin. :: Hédllire le roi, en France, an n'de des
~ rois anglais, disait 11. COl!n'oisier, enl ¡.j17, c'est
)) le n;duire 11 user dI' ji)}'('c Oll d'(/drc.I'se pour I'C-
11 COll\Ter Sf'S juslf'S prrrogatircs. 11


') JI csl des gouvcrflcmcnts, disait 1I. (;uizot ell
" 1820, qui s'drorccnl de SUppl(i er 11 la rOl'ce par
~ l'astllce d de corromprc les inslilulíons qn'ils sont
)) conll'aints de slIbíl'. » L'hístoil'e, en efret, est lá
pOli!' prolll'cr que, clans les pays 0['[ le gourernement
l'epréscTlfatif exisle, il r a loujoul's cu dCllX manie-
rcs de rail'e pré\dloi!' la \'(¡Jon!é de la COUl'onnc SllI'
la rolonté nationalf', d que ces deux manieres ont
été snccessivcment cmployécs : on peut sllpprimcr
lm!falf'rncllt I'ohslarle qui gc\ne, OH le tourner avec
adresse; 011 peut bl'isel' par la fo/'cf' le COl'pS flui l'li-
siste, Oll l'assouplir par la I'USC, En 182r~, un des
minish'cs ael;¡els 1 11. de SalrulIdy, sa\'ait et pC!lsait
cela, qlland, dans un pamph!et ineisif, il uceusait
11. de Valele de vOllloir dépra\'er la France pOUl'
mieux l' asser\'Íl'.


¡¡ On se f'((cl'ie, disait-il f, sU!' le mainfien des
)) formes consfitutionncllcs. Vous ne Ics avez pas
;) délrllítcs, cn cffrt, rOlls arf'Z fait (J!lclqIlC eh ose de
') pis. Vous arez imite; ces jlJifs ¡J'UIl si¿'ele barhare,
;) qui, dans IcUl' haine contre la population ehré-


J J,(' llint:j/,'}'e 1'/ la it'/'(UI(t'. 1 ~tí.




bU LHill'lTI\E 11


~ tienne, imaginaient de la perdre an mo,\'en des
» fontaines publiques. Ne pouvant les tal'il' et n'o-
~ sant les abath'e, ils avaient pris le pal'ti de les em-
» poisonner. » X'en déplaise a 1\1. de Salvandy, les
fontaines ne sont pas aujourd'hui plus pures qu'en
1824, les juifs ne sont pas meilleurs, et, pendant ces
vingt années 1 l'art des empoisonnements a fait des
pl'OWes inattendus.


S'jl en est ainsi, la théol'ie de J8,'j,() cesse d' etl'e
inconséquente 1 el se rappI'oche Leauco~p de la
théorie de 'J 8:30. 11 reste entl'(~ elles ceHe seule dif-
férence que rUlle abou{j{ fatalcmcn{ a la tiolence,
l'autre non moins fatalcfllelJt it la cOl'ruplion, 1.a
corruption alors n' est plus un simple aceident, mais
la eonséquenec nécessaire, logique tle tonte une
théorie. Cette théorie donnéc 1 le l'aisonnement peu{
l' en faire sortir avee certitude, comme de la théorie
royalistc de 18:30 il pouvait faire so1'lir les coups
d'I~tat.


J e touche ici au vif de la questíon. Si le systeme
du roi qui gonverne n' avait d'inconvénients et de
dangers que le jour Ol' la politiquc royale est con-
damnée par la Chambre, on pourrait djre que le dé-
hat est peu Oppol'tun et qu'il comient de l' ajourner.
Si, d'un autre cOté 1 la corruplÍon tenaít uniquement
a quelques eireollstanees passanúl'es, tclles que le
caractúre ou les pellchanls de tels on tels ministres,
Oll pourrait dire (lue le mal eessera avec ces minis-
tres. Si, au contl'ail'e, entre le systeme dn roí qlli
gouvel'lle et la cOI'l'Uption politique il y a un lien




IJU (;Ol\!EJ\~.E.\IE1'\T REl'HÉSENT.-lTIF. !il
dl'oit el nécessairc ; si, dans ce systeme , la corrup-
tion est le seul moyf'n d'échapper soit aux humilia-
ti(Jns qui suivent la défaite, soit aux périls qui envi-
ronnent les coupa d'État, alors la question s'élarflit,
s'agrandit, et de\ient aussi pressante que sérieusc.
Encore une fois, quand on \'eut faire prévaloil' l'es-
pI'it et la peusre des monarchics absolues, tout en
respectant les formes et les apparences des monar-
clIies cOlIslitulionnelles, la corruption devient une
nécessité, C' est la sans doute ce qui la rend, po u!'
certaius publicistcs cornme pour ce!'tains hommes
(l'l:;tat, si rcspcctable et si sainte. Cest ce qui fait
qu'on la pare des ha bits les plus splendides, qu'on
la décore des Ilorns les plus honorables. e'est ce qui
fait gu' aiusi déguisée et ennoblie on la présente a
l'adrniration du monrle, comme la eompagne natu-
relle des institlltions libres et comme un contre-
poids obliaé,


u 11 y a, disait 11. Burke en liJO, peu d'hommc~
'~ d'¡:;tat assez maladl'oits, assez fous pour aller se
~ bl'iser exactement cOlltl'e l' écueil qui a été fatal it
, leurs devanciers, Chaque temps d'ailleurs a ses
» maJurs, ses habitudes, sa politique, et l' on s' y
» prend auh'ement pom' détruh'e une constitution
» toute fOl'mée el renue a maturité que pour l' étouf~
» fel' dans son IICI'Ceall. :. Cela e~t vrai, et :U, Guizol
le comprenait en J 8:3H, quand, dan s la cornmissioll
dont no liS faisions partie l'nn et l'autre, iI insistait
pour qu'une phrase formelle de l' ad,'csse vint flétrit'
le!! inflllences illégitimes j cOl'l'uptrices sur lesquelles¡


6




CUflPITHE 11.


selon lui, J\I. ?\lolé appuyait sa polifique et sa ma-
jorité. Aujourd'hui U. Guizot feint de ne plus le
eomprendre, et, du haut de sa chaire poli fique , il
veut bien nous apprendre que ce sont la des misen's
auxquelles les petits esprits seuls peuvent aUachcl'
quelque importancc. Fa~t-il rappeler a M. Guizot
qu' a la tete de ces petits esprits se trouvent lIontes-
quieu et apres lni une foule d'hommes d'{:tat émi-
ncnts 1 Fallt-il rappelcr que dans tous les tcrnps,
dans tous les pays, ces misóres out été signalées
comme la gmude plaie, comrne le grand péril des
gouvernements Ol! l' électiotl intervicnt t


En Angleterre, au reste, les choses out a peu pl'es
suivi la meme marche. J usqu' au regne de Charles 11,
ficre et forte de sa prérogative, la couronne ne son-
geait point a corrompre. Elle intimidait, elle eom-
mandait, au l'isque de rencontrcr une énergique
résislance. Charles II, dont le tempérament s'accolll-
modait mal des lutles violentes, changea tout ccla ,
et deux de ses ministres, Clífford d'aoord, puis
Danby, se chargerent de conduire la Chambre des
communes par des moyens moins dangereux. Ces
moyens ayaot peu réussi, Jacqucs 11 les dédaiRna et
en revint a ceux qui avaient fait monter son pere
sur l'échafaud. S'il n'y perdit pas la vie, on sail
qu'il y perdit la couronne, et que, vaincue arce
lui, la prérogativc royale laissa sur le cbamp de ba-
taille scs altrioutions principales. 11 etit été inscnsé
de vouloir les lui rendre au lendemain de la Rét'o-
lution de 1688, d'une révolufioll qui avait eu pl'é-




~"
0"


cisément pour hut de placer la \'olonté nationale
au-dessus de tontes les voloutés pel'sonnelies. ~Iais,
le sysÍl?lTIe de .Jac<jucs H éca,·tó, il restait cclui de
Charles 11, qui, sans exposel' aux nll\mes dangel's,
poU\:ait conduíre au meme hut. Ce systórne fut dOllc
reprís, étendu, perfectíonné, et, pendant uu si!'cle,
presque constarnment pratiqué. C'étai t ce qll' on llP-
pelait gouverner par I'influence au líeu de gou-
temer par la prérogatin'. 11 ne rnanquait pas d'ail-
leUl's de ministres Oll de minist(;riels pour soutenir,
pour démontrer que rien u'(;tait plus légitime el
plus uécessai,·e. (( De quO! vous plaignez-vous ~ ró-
pondaient-ils a l'oppositiou ; est-ce qu'il u'y a pas
une Charnbre, due aux époques rt par les électeurs
(Iue la loi ddcrmille ~ est-ce que dans eette Chamhre
uous n'avons pas la majorité, une majorité considé-
rabie et qui \'a toujours augmentant~ est-cc que dix
{'ois, vingt foís llOUS n'avoIls pas dit que nous céde-
rions la place a d'autres, le jouI' 01'1 cctte majoritó
IlOU~ ~!~pperait? C' est la le ['(;¡¡ime coustitutionncl
véritable ~ '\Qe !JOs peres out voulu en l(j!j·O,
en 1688. N' est-il pas C~l'Qrt uaturel que dans
la distribution des places, des ~-dPs 1'a-
\'eurs, les ministres prórl~reut leurs amis a leur'S-1:h.
nernís? n'est-íl pas juste que la couronne trome
dans celte disli·jhlltiou une compensation telle quellc
des privilégcs qu' elle a pcrdlls ~ Ce n' est p~jIlt la de
la cOl'ruptiou, e'cst de l'inflllellce, une lIIf1uence
salls laquelle la monal'chie De pomrait pas sub-
sister. :1




---- -"


e fl:\P 1 T R Jo: 1 1.


Je ne fais certes point allx minisft'es qui !enaient
ce langnge, a \ralpole nolamment, l'injlll'e de les
comparer a ceux qui les imitent aujoul'd'hui. \\'111-
pole n'aimait pas moins qu'eux le pouvoir, el, pOli!'
le conserver, rien non plus Jle lui eot'llait. Commc
eux il était done toujours pl'ct soit 1, sacrifier les
mesures qui lui paraissaient les lIleilleurcs, soit it
adopter celles qui lui paraissaient les plus ftlehcu-
ses; comme eux, il pI'enait le moyen pour le but,
et croyait ou feignail de eroire qu'lln Parlement as-
souvi conslitue le gouvernement parlemcntaire, Mais
\Valpolc, a beaucoup d'égal'ds, étail un homme
d'Ittat supérieur, et qui comprcmait bien les HI'ands


i ntérels de son pays, Cela n' emp(~che pas, malgl'(;
quelques tentatives tardivrs de réhahilitalion, que
le nom de \Valpole n'éveille aujourd'hui eueore duns
tous les esprits l'idée a'une 80eiélé perrerlie el d\1I1
gouvernement fonclé uniquement sur la eorruplion
polilique 1,


Si maintenant, pour mclh'e l'amo~ naljo-
nal de son coté, on veut .' , que tout cela esl
hon en .'\¡ ys de corruption électorale el


aIre, mais qu' en Franee rien de semblable
ne saurait avoír lieu, je demande qu' on s' cxplitIllc.
I~ est, t,out le ~~nde 1: s,ait, deux sortes de corrup-
hons: lune pl'lt"ee, qlll s excl'cc allX dépens du cor-
i'upleur; l'uutre publi(IIlC, dont n:;tat fuit les fruis
01', il est treS-Hai qn' en Frunce lcs candidats ne sorlf


1 ''\I'pendice 1).




DU GOUVERNE:\IENT REPR~:SENTATIF. sr;
pas assez riches pour que la premiere de ces corrup-
tions y soil aussi habituelle, :lUssi efficace qu' en
i\.ngleterre. Elle est d'ailleurs de ceIles que tous les
partis flétrissent volontiers, parce que tous la redou-
tent; de ceIles que le gouvernement ne pl'otége pas,
parce qu'il y voit une concul'rence. On est donc plein
de rigueur poul' ccux qui payent de Icur propl'e
bourse les rotes qu'ils achctcnt; mais on est plein
d'indulgence pOUI' ceux qui les font payel' par l'I~tat,
sous fmOle de places ou de faveUl·s. Or, des deux
corruptions, je maintiells que la seconde esf, a tous
¡;nards, la plus imOlorale , la plus étendue, la plus
dangereuse. Je maintiens en outre que, pOUI' enva-
hir, pour inonder le pays, elle a en France une foule
d'issues qui lui manquent en Angleterre. Il suffit,
pOUl' s' en convaincl'e, d' un coup d' mil jeté sur les
institutions des deux peuples et sur les forces dps
deux gouvcrnements.




r.H.I\PITRE 111.


CIJ.!\PITHE 111.


J) l'; L.\ e E x T 11 .\ LIS .1 T 1 () \,


Quand on examine la constillllion politiqlle de la
F,'ancp rt celle dp 1'.'lnglplpITe dans IplII' forme ('xllo-
l'ielll'l~ el dans IpIII' mécanisrrw \'isíhll~, on lr5 h'oll\'p
h peu pres semhlablcs, rt ron esl tentlo de croíl'c que'
11, mt~me souffle les animc, Mais, qlland on \'pul Irs
61udier dans lcuI' or¡pnisation intime et clans le jcu
secret de leul's ressoI'ls, on est ohliW' de reconnaltre
qlle la l'essemhJance cst plus appal'rnle quP rrellc,
En A.nglptrr,'p , pal' UIl helll'cux conCOIII'S de Cil'COll-
slances, le goul'pl'rIclTlent repn;senlalif C5t llé, a
grandi, s' est développl\ a\'ec les institutiom secol1-
daires et se les est, en quelque sorle, assimilées,
Peut-MI'e serait-il encore plus vrai de dire qu' en
¡'\ngletel'l'p les instilutions príncipalrs OH secon-
daires pl'oc(\¡lent de la mpme pens(\e, ql!' elles son!
~ol'lies Ile la TI!(\me souche, rt c¡u'pllps se rafta-
C][('l1t les unes aux autres par unp étl'oile pal'rnl{',
De L\ liien! !)n'un liPII sl'crl'Í en I'éunit fol'lPlTlrll1
toutes les parlies, el que sous heaucoup de di\rr-
sil,; se cache \Ine unitt; puissante, La discordanc,'
pst quelc¡uefois tl la slIrfaCI' : I'ha/'monie tOlljoU/'s psI




DE 1.,1 CENTRALISATION.


au fondo Allez tI Londres 0\1 dans le plus l:umhle
,,¡lIage, f'nh'ez U\1 parlement ou dan s une petite
cour de comté, et partout vous aurez le meme spec-
tacle : celui d'un pays qui se gouverne lui-meme,
d'un pays qui discute publiquement, librement ses
¡ntérets, 3rands ou petits. C' est a ce noble but que
l'Anglcterre, par ses mreurs comme par ses lois, n'a
jamais cessé d' aspirer et de tendre. C' est ce noble
hui qu' elle a flní pal' aUeíndre apres de long s efforts,
apres des effods qui n' ont pas lassé son énergiquc
pel'sévérance .


. L\insi, en "L\nglcteITe, loin (lile les mreurs, les lois,
les instilutions secondaires entmvent 011 contrarien!
le pou\'oir parlementai¡'e, ce pouvoir y trouve son
appui le plus solide, y puise ses forces les plus vives.
En ,L\ngleterre , ainsi que M. Fiévée le remarquait
justemellt Jós lS 14 : « Les droits du parlement son!
n le couronnement d'une [oule d'autres droi!s qui les
n soutiellllent, et la liberté publique se rellcontre a
)) chaque point de la circonfrrence comme au cen-
" h'e. n C' est un édiuce qlli peut avoir ses bizarre-
ries, mais dont fous les étages reposent fortemellt
les uns sur les autres. C' est un arbrc qui affecte des
formes peu réaulicrps, mais dont les racines plon-
RCnt profondément dans le sol, et don! les IJI'anches,
aussi bien <¡ue la tine, sont plrinrs de l'iHueur et de
séve.


En France, on le sait, I'ol'igine dll gouvernement
,'eprésentatir est [ort dirré¡'ente, pt c'est dans un fout
antr·p milipn qn'il SI' fI'onH' placé. Aprrs Ips el'relll'S,




CHAPITRE I1l.


apres les violences de la Rérolution, quand l'oror!'
politique tout entier était a refaire, un homme d(~
génie apparut, qui, en peu de mois, et presque eI'un
seul jet, créa. une machine réguliere, puissante, ad-
mirable, mais quí certes n' était pas destinée a avoir
la liherté pour moteur. C' est poudant de ceUe ma-
chine, inventée pour le despotisme, que la lrberté,
depnis 18F¡., est condamnée a se senir. On a hien,
a des époques diverses, notamment enI8:Jj, es-
sayé de la morlifier dans quelques-unes de ses partíes
et de l'appropl'ier a sa desfinufion nouvelle. En réa-
lité, elle est rcstée la m(~mc, et, en 18'¡.(3 comme eJl
181f¡., notre gouvernemellt se eompose d'un eorps el
d'une tete qui n'ont point été eréés run pour l'autre,
et dont chaque jour, a chaque minute, les fonctiollS
se contral'íent. La eonséqucnce, e' est qu' a l'inverse
de l' Angletel're, notre gourernemenl cache, sous urie
l'rlgularité appal'cnte, une iI'l'rlnulal'ité ¡·éelle. eom-
ment compl'endl'e, en c[("ct, que des institutions dont
l' origine cst si différente, dout le pl'inci pe est si con-
tl'adictoire puissent, par cela seul qu' 011 les juxta-
pose, pel'dl'e leur caractere pl'Opl'C et rivre en bon
accol'd? Comment eomprendl'e que lcs pensées si (h-
\'ergentes d'oll elles proct:dent se Il'ansforment au
moment ou elles se l'cncontl'cnt, el se confolldenl
lout a coup dans un!' scnlc peos(;e Y Comment com-
pl'endl'c, en un mot, quc d'ullc ullion aussi aI'hi-
Il'ail'c, aussi adificiclle il nc l'ésulte pus quelque
ehose de batal'd et d'incomplrt ?


La condition essenliellc dn gon\'l~\'ll('mrlll ¡·rpJ'{·-




DE LA e ENT RA.LISA. TION. 89


sentatif, pCJ'sonne ne le nie, e' est que la Chambre
élective soit indépendante, e'est que les élections
soient libres et pUI'es. La eondition essentielle de la
monarehie administrative, tout le monde en eon-
vient, e' est que les pouvoirs immenses dont l' auto-
rité eentrale est investie soient appliqués par elle
avee. justiee , a\'ec diseernement; e' est que les fa-
leurs innombrables dont elle dispose se répartissent,
se distribuent avee équité et dans le seul intérM
tI'une bonne auministration. l\Iais en meme temps le
~¡om¡ernement administrutif subordonne l'existcnee
des ministres au vote des députés, l' existence des
députés au vote des éleetems. La monal'ehie admi-
nistrative, d'un auh'e eOté, met ehaque jour les dé-
putés, eomme les éleeteurs, dans l' obligation de
fl'apper a la pode des ministres, pour obtenir d' eux
non- seulement faveUl', mais justiee. ~'y a-t-i1 pas,
dans ee doubJe !Jesoin, dans ce He double dépen-
llanee, une doubJe tenlaliou qui tend a altérer pro-
fondément les eonditions dll gom'erncment r~pré­
sentatif comme celles de la monal'chie admiuistl'ative'!
~e pellt-il pas, ne doit-il pas alTirer que, d'une part,
les électeurs et les députés pesent par lem vote sur
les ministres, que, de l' autre , les ministres pesent,
par toutes les forces de l'adminish'ation, sur les éJec-
teurs el SUl' les d¡;putés Y ,\'est-il pas a el'Uindl'e enfin
que cetle ae/ion, celte prcssion l'i~cipl'oque ne per-
vertisse la justicc adrninistrative, en mcme temps
qu' elle détruit l' indépendance parJementaire et la
pllrpt(; électoraJe ~




!)O CHAI'ITRE lJl.


Qu' on vienne dire maintenant que la eorrllption ,
crUe l(~pre des gouvernements libres, ne sau..ait SI'
pl'opa{Jer et s'étendre en Franee eomme en Angle-
terre ! Est-ce que les ministres anglais ont dans leurs
poehes quelques milliers de plaees a donner eomme il
leur plait? Est-ee que ee sont eux qui font les routes,
qui eonsh'uisent les ponts , qoi relevent les églises'7
Est-ee qu' on a besoin de leur permission pOOl' défl'i-
eh el' son bois, pOOl' rebatir sa maison , pour répare.r
sa fabrique? Est-ee qu'ils distrihuent a qui hon lem.
spmble des déeorations, des tahleaux et des hourses '!
Est-ee que leur patronage emhrasse tous les hesoins,
tous les intérets, toutes les carrieres, depllis le pre-
miel' jusqu'au dernier degré de l'échelleY jll1prl~s dp
tcls moyens d'influenee les riehesses de l'aristoc..atie
anglaise sont peu de chose, et celles du ministt'~re
anglais ne sont rien. On a faií grand hruit, dans le
dernier siecle, des pensiolls secretes dont H' al poI e ,
pOl1r se créer une honn(\te majorité, tirait si bon
parti. Qu'on donne a \\Talpole la centralisntion fran-
(:aise, et nul doute que sa vel'Íu ne répudie facile-
ment l'inutile ressource des pensíons.


Le flouvemement représentatif, c' est le pays qui se
gouverne lui-meme, non pas dil'ectcment, mais pal'
des représentants qll'i1 choisit. La monarchie aami-
nistrative, e' est le pays f(ui pst gOl1vemé despotiql1c-
ment, mais alTee équité et selon des formes régll-
lii~res, Quant au gOllvemcmcnt mi - parti de l'un et
de l'autre, iI se pourrait que chaeun des deux lui
PI'lt transmis ses ineonvénipnts salls ses avantages ; il




nE LA CENTRALIS.'\TIOX, 91


se pOUl'l'ait qll'il manquut d'éqllité comme de liberté,
de ré~ulal'ité comme de vie; il se pourl'ait, en un
mot, que la corruption, une corruption savante, 01'-
:¡auisée, syst(;matique, le possédat tout eUlier, et
qu'il dednt ainsi le pil'e des gouvernements,


On aurait d' ailleurs tort de croil'e que le vice, le
danger dont il s'agit ait échappé a la pénétration
politique de nos devanciers. Sans parler des éCI'i-
vains l'oyalistes, qui, au dl'but de la Restauration ,
attaquaient la centmlisation impériale par haine de
¡'Empire, il se tl'ouva, rers :\81 í, des hommes vrai-
!l1f'nt librl'aux, vl'aimellt patriotf's) qui mirent en
doule la possiuilité de faire t'irre et prospérpr en-
semhle des institlltions si opposées. Enl g20, dans
SOI1 livre sur le gouvernement de la France, M. Gui
zot, membre alors d'unc vive opposition, traita la
qupstion at'ec sa sagacité ordinaire : " En Angleterr('
), d PU .!\mériquc, dit-il, l'al'bre est sdl'ti de ses I'a-
~l ci nes, l' édifice s' cs! élevé sur d' auciens fonde-
n menls. Pour nous, au contrail'c, lc gourcmement
n représentatif esl al'rivé d' en haut 11 s' est superpos¡"
l' sur un pays qui l'implorait et nI' l' avait pas cré{>.
II Aussi en avons - nous rc<.(u les grands linéaments,
l' lps formes principales, avant d' en posséder les élé-
" mcnts les plus primitifs, les plus inaper~:us ...
)) Faut - il s'(>tonnf'I' que chaque année nom apporte
" la révélation de qUl'lque lacullP et la demande de
)) quelque effOl,t? Déja le besoin de certaines amélio-
l' \'atiolls s' es! rait arouer. Le temps non s indiqllcra
" ClICO\'C dans nos institutiolls bien df's vicies a l'em-




\)2 CHAPITRE 111.


)) plir, des ehangements a opérer, des irnpossibilités
" a faire disparaltre. »-« Le pouvoir, disaít-il ail-
)) leurs 1, a héríté d'une maehine dans laquellf' au-
" cune issue n'a été réservée a 1'opposition, Olt tout
)) émane du gouvernement et revient a lui. Il nommC
l) seul tous ses fOJletionnail'es puhlies, rrgit seul
)) foutes les affail'es puhliques, les plus pctitcs eomme
)l les plus g!'andes, les plus ohseurcs eomme les plus
)) appal'entes. Si, dans la région Ol! il s' exeree et quí
)) emb!'asse tout, ulle \Co!onté autre que la sieune se
)) rnanifeste, il la beise eomme i/lui pla!t. Si quclque
)) question oil il s'est ellgag6 se pl'ésf'lltc, il la déeide
» cornrne illui comiellt. .\ulIe pal't, si ce u'est a la
)) Chambre des députés, l' opposition ne se place SUI'
)1 son ehemin, N ulle part ai lIelll's une force indépen-
)) e1ante n' est admise a eoneoul'il'. a son aetion, a lui
)1 disputer ee qu'il veut. Est-ee la l'état uaturel e1'un
'1 peuple libre, la condition du gouvernement repré-
" senlatin le ne le pellse pas. TI


«De la société en poussicl'e, disait !\I. Royer-
TI Collard, en lH22, est sortic la eentralisation, Il ne
11 faut pas ehereher ailleurs son origine. La ecnÍl'ali-
)) sation n'est pas al'rin\e, comme tant d'autres doe-
)) trines non moins pel'nieieuses, le frollt le\'é, a\'ee
» l' ulltorité d' un IJI'inei pe : elle a pénétré modeste-
» ment, eomme ulle eOllséquenee, une néeessité, En
11 ('fTet, lit 011 il n'y a que des illdilidns, les affail'f's
)) qui ne sonl pas les leurs 80llt des affail'es pu}¡li<!ues,




nI<.: L.\ e E 'i 'J' R .\ LIS J\ T 10 S.


» Jes affail'cs de 1'J::tat. La oú il n'y a point de ma-
» f{istl'ats indrpenclants, i[ n'y a qu~ des Jéléi\ués
» c/u pouvoir. Cest ainsi que nous sommes dC\'CnllS
» un peuplc d'adminisfn;s, sous [a maill de fonctiou-
» nail'es irresponsables, centl'alisés eux-memes dans
" le pouvoil' dont ils sont les ministl'es ... La sociétt',
» si richc aulrefois de magistl'atlll'es populail'f's, n' en
» 11 plus une seu le, Elle est eentl'alisre. Son adllli-
» nislI'ution tout enfiól'e a pussé dans lc 1\oU\'ernc-
» ment. Pas un détai[ nI' lui l~ échappé. Ce sont les
» déll'gués de la souveraincté qui nettoient nos rues
» el qlli allulllent nos l'¡"l erl)(\l'es. ))


ElI 1I-L:24, .\1. Hop~l'-Collal'd al!a plus loin, Alol's,
COflllllC uujollrd'hui, on était au [cndemain J'une
é1ectíon dont la corl'Uption uvait faussé les résultats,
et qui li\Tait [a Franee a un ministcl'C, á une po[i-
litJlle que la Fl'Unee ri'[lOllssait. Cette situation fl'appa
)1. Royer-Collul'd, el, dans la discussion Sil!' la
septellnalité, il pl'onolJ(:a un discours que je vou-
dl'ais repl'oduire tour entiel'.


« Pour que le flouvernement repl'ésenfalif existe,
1I dit i\I. Uoyel'-Collard dans ce discours mémo-
» rabIe 1, il nI' sufflt pas de la présence d' une chafll-
» bre, ni de la solennité de ses dt~hats et de la rég 11-
» larité de ses délihérations, ni de la loputé, des
» lumieres, du patriotisme des hommrs qui la COIII-
»" posent; ct la réritahlc élite de la Fl'Unce , disccl'-
» née par un choix sUl'llatul"c¡ el l'assembléc clans


1 Séancr du !¡ juin I ~:!'!"




CH.-I.l'ITHE 111.


» cette eneeinte, nI' réalisEl'ait pas encol'C lc gome\,-
» nement représentatif, si elle u'était pas envoyée pUl'
11 la nation, Or, malgró la volonté d('clarée de la
)) Charte, nous avons vu d'année en année, d'éprruve
» en épreuve, l'éleetion de la Chambl'e passer léf\a-
J) lement, en quelque sorte , de la nation au pouvoir,
J) e'est ici surloul que j'aceuse les choses plus que
» les hommes; un si étonnant résultat est au-dessus
)) de toute pel'l'ersité comme de toute hahileté. 11 a
J) sa raison dans la société, telle qnc la révolulion
J) l'a faite, dan s le pouroir, trI que l'Empil'e, héri-
J) tier de la révolulion, l'a constitué. 11


Apres avoir élluméré, examiné lout('s les r('~­
sources dont l'administl'ation dispose, soit pOli\' i¡¡-
troduire sur les listes de fallX électeul's, soit pour el!
éliminer les électeurs véritables, M. Royer-CollaI'd
ajoutait:


« Le rninistere a formé les eolléges. (lui votenl
~¡ dans ces eolléges? TOlls les decteurs admis, saHS
11 doute. Non; ce sera, pour un tres-gl'and nombre,
11 le ministere. Ce n'est pas moi qui le dis, e'est lui,
J) e'est sa prétention publique, officielle, raisonnée.
11 Le miñistere vote par l'univel'salité des emplois et
J) des salaires que le gOllvernement distribue, et qui,
J tous ou presque tous, dircc!ement ou indircc!e-
11 ment, sont le prix de la docilité prouvée; il vote
J) par l'univcrsalité des affaires el des intércls que la
)) centralité lui soumet ; il \'ote pal' tous les étahlisse-
11 ments religieux, civils, mililaires, scielltiliquf'S
1 que les localités ont a perdre ou ((U' elles sollici-




» tent; il vote par les ponts, les routes , les canaux ,
» les Hótels-de-Ville, cte. ; cal' les uesoins puulies
» satisfaits sont des bíenfaits de l' administratíon, et,
» pour les obten ir, les peuples, nouveaux courtisans,
» doivent plail·e. En un mot, le ministpre vote de
" tout le poids du gOll\'ernement, qu'il fait peser en
» entier SUl' chaque départernent, cLaque commune,
" chaque profession, chaque partículier .....


» Le mal est grand, Uessieurs, il est si grand que
» noh'e raison uornée peut a peine le comprendre, ct
» !ju' elle est hors d' état d' en apereeroir toutes les
» cOlIsrql1enees , qni crpendant, par la force invin-
» cihle des eboses , se font JOIlI', s'amassent, et déjit
» nous accablrnt. Le gouvernement représentatif n'a
» pas été seulement subverti par le gouvernement
11 impérial; il a été pCI'verti, il agit conh'e sa natUI'e.
» ,'lu lieu de nons éleve!', il nous abaisse; au lieu
» d' exciter 1'énergie commune, i1 relegue tristement
., chacun au fond de sa J'aiblesse individueI1e ; au lieu
)) de nOUI'I'il' le sentiment de l'honneur, qui est notre
» esprit public et la dignité de notl'e nation, ill' étouffe,
» il le proscl'it, il nous punít de ne savoír pas renOll-
» cer a notre estime et a celle des autres. Vos peres,
» Messieurs, n' ont pas connll cctte profonde humi-
" liation. lIs n'ont pas vu la corruption placée clans
» le droit puulic et donnée en spectacle a lajeunesse
» étonnée, comme la le~on de l'<lge múr. »


Je le demande aux hommes sinceres de toutes les
opinions : y a-l-il dans cet admirable morcean une




\Hi CHAPITIIE 111.


ligne , une seule ligne qui dút ct!'c aujoul'd'hui 1'('-
tranrhée?


Je sais d'ailleurs ce (Iu'on peut dire. C'est en lS2'i,
que ~I. Royer-Collard déclarait le gouverncrncnt I'e-
présentatif abaissé et corrornpu. Tl'ois ans apres, le
gouvcl'llement repl'(;sentatif se I'elcvait, se purifiait,
el le corps électoral, le merne corps éledoral qui ,
en JS24 , arait enroré la charn]¡rc dC5 lrois cenls ,
nornmait une chamure toule différente, cclIe qu i
fit la gIorieuse adresse de H;:~O. Cela est vrai, et jc
reconnais qu' á la fin de la Restauration, cornme au
début du gourel'nement actuel, on a pll croire que
la~ maladie s'était al'l'ctée et (111r le PI'O¿P'¡"s drs
m<rUl'S suffil'ait, si non pOlll' la guérir lout a fait, du
moins pour la rend,'e peu dangeremc. La cause en
est fonte simple: a la fin de la Restauration cornme
au début du gouvel'Ilernent actur!, la France était
en Mat de crise \'Íolente. L' ancien I'égime triomphe-
rail-il de la France nom·elle, ou scrait-il vaineu par
dIe'! La monarrhie élue, la monarchié constitution-
nelh l'emportel'ait·eIlc, d'une pad, sur la monal'chic
légitime; de l' autre, sur la l'épuLlique'? Voila le~
questions qui se débattaient dans les Chambres , dans
les colléges électoraux, dans la presse, dans la rue ;
questions bl'ulantes, révolutionnaircs, et c¡ui mct-
taien! en pl'ésenee toules les passions et tous les in-
térets. Ol', dans de tels momellts, les petits caleuls,
les pelils moyens dispal'aisscnt devant la gt"andcut'
dcs événements, et les lImes les plus faiLles se re-
trempent. !lais les eonstitutions ne sont pas fllitr~




DE LA C¡';~'THJ\LISATlO~.


pour les temps de révolutioll et de ;¡uerre ci\,ile ;
plles sont [¡liles pOUl' les lemps ordinaires, pOU!' les
temps oú les passions s' apaisent, oú les intérets se
rassllrent, Ol! les questions se rapetisscllt. Si alors
elles fOllctionuent mal, c' est qu'il est en elles un vice
caché, un vice auque! il impol'le de porter rcm¡\de,


De 1827 a 18:33, la France {olait un champ de ba-
{aille 01'1 le hruit des armes couuait la \'oix de la
cOl'l'llplion, oil Lu'delll' et l'impol'tance de la Illtte
t>Ievaient a des pcnsées plus huutcs, a des senti-
ments plus g(;nén'llx les esprits et les C((,U\'S. De
I~:~;) tt 184·0, la lulte cessa, le calme se rétablit, el
la maludie ¡'('IB'il son COUl'S . .\(;anmoins, pour que
la t¡llestion se présentat an pays dans tOllle son éten-
dile, avec foute sa ;¡ra\ité, une épI'em'e resfait a
r¡'.il'c : eelle el'une lon;¡ue administration qui, an mi-
Ii(~l! dc I'apaiscment des pas:,ions politiIlUl'S, enlt'c-
pl'it de séduire la Chamhre éleclivc ct le corps élf'e-
loml, et consacdt systématiquement aceite reuvre
déplorable tous lcs pouvoirs, toutes les forces, foutes
les ressoUl'ces que la monal'chie administrative lllí
eonfie; d' une adminish'ation qui, non pas quelqnes
jours, mais plusieul's années de suite, mlt al! serviee
dc sa consel'vation personnelle la cenh'alisation im-
p(;I'jale tOllt enti¡\re; d'une administration, en un
mot, qui, sall!> sCl'IIpllIe et sans mesure, li\T¡1t a ses
amis, tL ses clients parlementail'es 011 pleclol'llll.\ les
¡inanees, I'admillistmtion, l'arm¡;e, la justice elle-
nI¡\me. }\Iljoul'd'hni I'¡;pl'em'e est faite, el. cerfes,
1'111' I'st flssez rOllrlllan(I',


7




CHAPITRE 111.


IJerldant quatre ans, n' a-t-il pas existé dans cha-
que arrondissement un protecteur officiel, avoué de
tous les intérets locaux ou privés, un intermédiaire
ohli3é entre les hesoins des populations et la juslice
ou la faveur ministérielle? Pendant quatre ans, a-t-
on vu un emploi donné, un sccours distrihué, une
Ilécoration obtcnue, une église rpparée, une route
construite ou rcdrcsspc, un défrichement autorisé,
une hourse uccordéc, sans l'aveu, sans l'appui os-
tensible ou secret de cet intermédiaire? Pendant
qualre ans, en un mot, est-il un aete de justice 011
(l'humanité <Jlli n'ait pié misérablement subo!'donn{'
a I'intén\t poli tique ? Qlland une place est vacante,
croyez-vous qu' on s'inquiete de savoil' quel est, pou!'
la remplir, le plus capable et le plus (ligne? Quand
une affaire est instruite, vous imaginez-vous qu' on
recherche de quel cOté est le bon droit ou l'intél'M
puhlic? Par qui sont recommandés les divers candi-
dats '? Qui pl'cud intéret a l' affail'e? Voila la wallde
question; pllis on suppute combien de vote!'; parle-
mentaires on électoraux pOlll'ra donner telle ou telle
décision. Et ces indignes calculs ne s' arretent pas
lTIl\me an seuil de la justice : ce n' était point assez
¡J'uvoir fait des grades militaires et du signe de l'hon-
neul' unp monnaie politique; il fallait qu'on alltit plus
loin, et qn'on vlt le plus saint des dl'oits, le droit de
grace, prostitllé an d(;.sil' de captel' quelques sllf-
fl'a;¡es! JI fallait que, SUJ' plusieurs points de la
Fl'ance , on dI J' exercice de la justic(' slIspendu, afln
de tenil' c('!'Iains plecl(,IlI's ('11 ,;('I]('c ~




DE LA CENTRALISATION,


Je le dis avec une pl'ofonde com;ictíon ainsi en-
tcndue, ainsi pl'atiquée, la centralisation impérialc
es! l'ins/rurnent le plus redoutable, le plus détes-
taLle qui jamais ait été mis aux mains d'un gouvel'-
nemcÍlt; et ll. Hoyrl'-Collal'd, en 1824, n'en disait
pas ussrz, Qu'il me soi! d'ailleurs permis de fraiter
aree tout le dédain qu'elles méritent les pauvrcs l'é-
cl'iminatíons quí, Sil!' cetle question comme sur
¡J'autt'es, fomlc le fond de l'éloquence ministérielle.
Vous commcnccz par lIier ce qu'on l'OUS reproche;
puís, cela fait, rous ditcs qu'aprrs fout, personne
n'est en dl'oit de \'OllS jeter la piel'l'e, et que tout le
monde est ou l'oudmi t etJ'e aussi coupable que vous.
¡\dmettons que \'OUS disiez vrai et que la tentation
soit, eu effet, trop forte pour tout miuistere, pour
toule majorité; admcltons que tous ceux qui out été
avant vous au pouvoir, que tous ceux qui y seront
apres vous aieut abusé ou doireut abuser comme
vous de la puissance admillistrative; qll'en \'oulez-
vous conclure? Saus doute que le tort est aux dIOses
plutOt qu'uux hommes, et que, pour détl'uil'e un
Illal aussi gl'and, aussi contagieux, allssí Ilniversel ,
les hornmes hOllI)(\tes de tous les partís doivent se
réullil'? Point. ,'ous en concluez que, la maladie
arant a{teint tout le monde, personne ne doit son-
gel' a la guél'il' : cOllclusioIl étrange, rt quí suffit
pout' tmhi!' aux yell'\ de tous \'oll'e \'(;ritahle pellSre.


Que fau/-il pellscr, ap\'es cela, de la peine qu'on
a pl'ise, daBs ces demiel's telllps, pour rcchel'cher
loutes les \,('('ornrnandaliolls, toutes lps apostilles




100 CHAPITRE 111.


(Ioooées II certaios électeurs par qllelqllPs Mpnt('s
de J'opposition? Hélas! cela est tl'Op Vl'Ui : il est au-
jOllrd'hui si hien établi qu'aucuoe c!pmaocle, m,1 mp
la plus juste, ne peut n'ussir saos l'appui d'un c!(;-
puté ou d'un aspil'ant d(;putó, que les députés de
l' opposition comme les ulltl'eS soot souveot exposés
a des obsessioIls prcssantes. Que faut-iI faire alors '!
Bcfuser l'apostille sans laquelle auenne demande ne
réussit, ou bien rernroj'el' le dpmandenl' au déput,',
surnurnéraire'! e'es!, dans le pI'emiel' cas, un arte
de durcté ; dans le seeond, un acle de vertu, dont
profiterait la politi(!lIc clInemic. OH signe done saIlS
heaueoup d'espoir de suee(\s, et 011 (;rrit llIW lettl'P
¿l laquelle il est rarcment répoIldu, Voila, dans SOll
f'xacte vérité, le fait, le grand fait dont on Yeut ,
faute de micux, se fail'e une arme contre la r¡'.-
forme. Qu'cst-ce que ce fait prouvf' en d,;fllIltil'P 1
()ac partout, au sein du COI'pS (;¡ectol'al, l'idée du
d';puté s'est pl'Ofondément alt(;I'(~e ou d('llaturée;
qu'au lieu de uoir en lui le reprósentant politiqup
des intérets sénél'aux, on n'y voit plus que le dé-
fcnseur, le patron des intérels locaux ou privés ; que
le gouvernement représentatif, en un mot, s' écroule
par la hase comme par le sommet. Et pourquoi en
('st-il ainsi'! Est-ce, comme 11. Dejean le prétendait,
an mois d'ao!',t demier, paree que l'opposition le
dit et qu'on la croit sur parole? .\"'esf-ce pas pllltM
pal'ce que le gouvcl'llemcnt y h'ouve son cornpte et
en fait, au su et au ''u de tous 1 la rrgle de sa COIJ-
duite?




11/\ LA CE~TIL\LISATION. 101


(Ju'on He se fasse pas iIlusion. Tant que ce déplo-
rabie srslcme durera, dépulés de la majorité, dé-
pulés de l'opposilioll, lous eH subiront l'inOuenee,
Les dépuf(;s de la majorité demandent el obtiennent
plus que les députés de I'opposition; le systeme
dOllné, cela est im;\'itable, bien qu' on s' amuse pal'-
fois a dire le contrai¡'e. l\Iais, sans diseuter sur le
plus ou sur le moins, Oll ne pellt nier qu'a des de-
;¡l'l'S dit'e/'s, la Chambrc presque enti(\re ne se fasse
sollieitense. 01', e' es! lit ie IIlal qu'il faut eOllpel'
dans sa l'aeine. Si I'úppositioll obtient aufant qn'on
le dit, son IIH;rite en sera plus gl'llnd ; si la majorité
esl moins bien traitre qll'on ne le prélelld, sa perle
en sera moiuJrc. lIalhcureuseInent, tout en se plai-
gnant quelquefois du fal'lleau llui pese sur elle, la
majorité nI' paralt pas fOl't pressée de s' en débarras-
ser. Ou sail a qllcl signe une sagcsse anliqlle dislin-
uua jadis la fausse 1Il(~]'e de la ml~re rérifable. Il est
un sigue non moÍns eerfain, allllucl 011 pcut distin-
gue¡' les vrais ou les faux adversai¡'cs de la corrup-
lioIl politique,


Je n' ente lid s point d' ailleurs nier, pour ma pad,
lIue, sur ce point comme sur d'autres, je n'aie beau-
coup appl'is depllis depuis six ans. On dit, atee ulle
Ínlcntion facile ¡\ saisi¡', que la d¡"fuite rend clail'-
\'Orant el que les I(,~olls de J'adrt'l'sité sont instl'llC-
filcs, Cela esl \Tai, comme il pst lrai que la rie-
¡oire meuale el que le succcs (;gal'e, C'est pOlll'ljuoi,
dalls le UOUlCl'Ilelllelll l'epl'l~sclJlalir, iI est bOIl, il




ClItll'lTRE Ill.


es! nécessaire que les partis chanHent quelquefois
de positions et de rOles, L' oppositio/l , dcvenue ma-
jOl'ité, s'apel'{;oit que, sur ccrtains poiuts, elle se
trompait, et que le pouvoi¡' a des difficutés dont elle
ne tenait pas assez compte, La· majol'ité, devenue
opposition, découvre que cerlains acles, certaines
pratiques, qui lui paraissaient natlll'els et légitimes ,
sont blamables et injustes, AillSi, pal' 1'em('iancrnent
salutail'e de l'expél'Íence se corrigent, se redressent
les exagél'ations et les e¡'¡'enrs des partis,


Bien que le padi consenatelll' ait grand brsoill de
cet enseignement, 011 ne pent esp("rer 'lu'i! aille le
chereher de son plein ~J'(\, llais, si le parti COllSel'-
\'ateUl' el'oit eneore un peu au 30nrernempnt l'f'[ll'é-
sentatif, il doit se pl'(;pare¡' au jour oü le pouvoi¡'
quittera ses rangs pour passe¡' dans eeux de l' 0ppo-
sitian, 'foutes les forces de l'adl1linis!r'ulioll, ces
forces dont le partí conservatenr use et abuse au-
jounI'hui, tombcl'ont alors rntl'e les maillS de ses
adversail'es, qui pourl'ont étre tentés de prendl'e
leUl' l'evanche, Que deriendrait, dans ce cas, le
parti eOllservateur, au milieu (le tant d'appétits SU1'-
exeités depuis longues années, el auxquels il nI'
serait plus maltl'e de donner leUl' p;l{ul'e? Que de-
viendl'Uit-il surtout, si celte pttture, distl'iou(;c par
des rnains enncmies, servait it parer des votes en
sens eontl'aíre? Ln jou!'nal cOllserva/eu!' (la 1'rcs,I'(')
disait, ces jours demiers, que la majorité ferait
toujours bien de se condui¡'e eomme si elle de\'ait,




)) Jo; LA e 1';:\'1' R.'\ LIS A 1'1 0.\. loa


le lendellluin, devenir minOl·ité. Le eouseil est ex-
eeIlent, et nulle part 1'applieation n'en est plus éri-
dente.


Ce n' est done point senlement an 110m de 1'h01l-
nctcté publique, au nom des príneipes eonstitution-
neis, au nom de la bonne adminístratíon, e' est en-
core au nom de l'intérct personnel et de la plus
\ulgail'e pl'évoyance que 1'opposilion, dans ectf(~
grave question, fait appel an parli conservatellr.
Qu'il y rcgarde de pres, et qu'il dise s'il est juste,
s'il est bon que le gonvernement représentatif et la
centralisalion aclmínístralive continucnt a s' énerver,
a se per\'l'l'fíl' l'un l'alllre. Qu'il di se s'il n'es! pas
temps d'empccher que, duns l'administl'ation, la po-
litiqnc ne détl'nise l'équité; que, dans la politique,
l'admillistration n'étouffe la liberté. Qu'il dise s'j[
n'y a pas danger poul' tout JI' monde a Jaisser entre
les maios d'uu partí quelconljlle, des que ce pal'ti
s'est emparé du pou\'oir, un mOyen a peu pres eer-
tain de domine!' les élections et d' obten ir une majo-
l'ité eomplaisante '?


Voiei, en ré~umó, comment je pose la question :
n existe en France deux gouvcl'l1ements, d'origine
et de nature opposées, qui, pris isolément et se dé-
veloppallt dans lellrs conditiolls normales, pourraient
donner au pays qudques-uns des biens allxqllcls le
pays aspire a juste litre. lIais, en se reneontrant, ees
dellx gouverllements s' embarrassent, s' entravent,
se nelltl'alisent mutuellement. 11 en résulte que la
machine ¡tdministrative est fallssée et le gouvel'l1c-




CHilPlTnE 111.


ment representatif perverti. Est-il possible que cellx
qui tiennent a l'une ou a l'autre resten!, en pré-
sence d'un tel mal, comme les O¡'ientaux en pré-
sence de la peste, immobiles, résignés, silencieux ~
Est-il possible qu'ils voient perir a la fois la justice
administrative et la liberté politique sans essayer de
les 8auver toutes les deux ?


lbis, je le ['econnais : ici comme pal'Íoul, il esl
plus aisé de signalel' le mal qlle d'cn décou\Til' le
remede . .\"ous en avons eu la preuve dans la pl'OpO-
sition qn'nn ancien d(~pu{é, homme de talent,
homme de courarre, a soumisc denx fois a la Cha!ll-
bre, l>ersonnc assurément ne s'est ('Ievó aree plus
de force que lJ. de Gasparin contre le systeme hOI1-
teux, degradant, désastl'eux qui envahit en ce mo-
ment les électcurs, les dépntés, les ministres, Per-
sonne n'a déclare plus nettement que le mal a fou-
jours eté croissant depuis dix allS, el tIU'íI rloit
croltre encore. Qll' a-t-il pro posé pourtant? D'une
part, je ne sais qnelle déclaration sentimentale, sons-
crite par lons les membl'es de la Chambre; de I'autre,
quelques articles de loi insigllifiants, POll[' rrgler
l'entrée et l'avancement daIls les f'onclions publiques.
e'est cel illnocenl spécifi<[lle ;1 la main, (l"c)1. de
Gasparin conviait toules les opinions Ú se I'éllnir el
la Chamb['e iL saU\'el', par \111 grand erfod, les li-
bel'tés constitutionnellcs ct rhonnetcll~ publique!


11 faut allcl' an ronel des cho~cs et ne pas sc eOJl-
tcntel' dc si pcu. D'un cOté, la ecntralisation irnpé-
l'iale, av ce les lois el les décl'cts innombl'ablcs qui




Il E L ,\ t: E N T 1\ AL I S A T I O ~. UF.


la constituent; de l' autre, la Chambre des députés
el le corps électoral, avec les trois ou quatre lois
qui les organisent, voilit les éléments dont le contact
est funeste et qui, par leur rapprochement, engen-
drent le triste systeme que nous déplorons, On ne
saurait ohtenir un resultat quclconque sans touchel'
sérieusemcnt a l'lln ou a l'auh'e, peut-etre meme il
fous les deux,


:Halhellreuscmcnt, S'.Il' ceHc qucstioll, au seill
llIcme du parti libéral, les opifJions se dirisenf.
Pour lcs UllS, la centl'alisation ('st la plus admirable
conquete dc la civilisation IlIodel'l1e, la plus 5th'c
garantie de la force, de la wandeur, de l'indépen-
dance nationales, Pour les autres, la centl'alisation
est l'instl'ument le plus puissant du despotisme,
I'ennemic la plus danf(erruse du gouvcrnement rc-


'presentafif el de la liberté cOllstitutionnclle, De lit
unc tendnnce manifcstc, chcz Ics uns, ¡\ maintenil',
it fortifiel' la centralisation, meme aux dépens du
¡¡ouverncment représcntatif; chez les mItres, ¡\ sau-
\'cr le gouvernement représentatif en détruisant la
centralisation, Ce sont dcux avis extremes et qui
ne tiennenl pas un compte suffisant de l' état des
opinions et drs fnits, JI esl ¡\ re'Tretter sans doute {}
qlJe toutes nos institutions n'aicIlt pas la memc ori-
sinc, qu'elles ne découlcIIt pas du rrH~me principe,
qu'rlles ne se groupcnt pas autour dc la rnt~mc PCll-
see; il cs! a l'cgt'ettrl' que l'organisatioll cOllstitulioll-
nelle de la Francc manque ainsi dc cettc unité, dc
celte homogénéité, de ecHe concol'dance qui font




lOo e 11:1 P 1 T il ¡.; 1 1 1.


la [o¡'ce dc la constilulion Lritanniquc ; mais il cn cst
aiusi, et nous nc pouvons ras empcche¡' que nos
instilutions, nos lois, nos fw.curs ne procedent a la
fois de l'ancicn régime, de la Róvolulion , de l'Em-
pire, de la Hcstaumtion, Quoi que l' on dise, !juoi
que l' on fassc, la cClltralisation impérialc, (1' une
part, lc gouvel'llcrnent rcpréscntatif, de l'autre, ont
POllSS(; eH Francc dc [urles racincs el sont asscz 1'0-
Lustes pour se défcndrc, Pl'élendl'c aLaU¡'e rUlle
pour [aire mieux pl'ospérel' l'autrc, ce semit la plus
follc des cnlrcpriscs,


Est-il d'ailleurs Lien prou,¡", Licn étaL!i qu'clltre
le 3011Vel'llcment rcpl'l;scIltalif et la celltmlisation
adminislrati ve l' incompall Lili té soi t radicale el tou te
conciliation impossible 't Uui, ccrtainemcnt, dans les
conditiollS actuelles du gomcmclllent rcprésentalif
el dc la cClllralisalion ; non, pcut-etrl', si ces COIl-
dit;olls (;taieIlt sailefllcllt IlIodi¡iécs, Ccs!, il [aul le
dire, unc pellsée UOllt jalllais 011 n'a pam sc préoc-
cuper, (juand on touchait soit a l' ol'gauÍsation poli-
li(Iue, soit a l' orflanisation admillish'ali \' e, A voi¡' la
maniere dont on s'y p¡'ennait, on eút dit que chacllu
eles deux systórnes élait isolé, indépcndallt, et n'a-
\'ait Lcsoin que el' (~trc l'(;glé cn lui-Illcmc, .\'est-ce
pas commc si l'OIl cOIlstruisait UIle Illachine dont
lcs pióces, pl'ises a parl, scraiclIl admirables, mais
aumicIlt l'incom-énienl de lIe pas s'ujusler en-
semble1


Exarninel' les lois qui ol'ganisent la ccn(m[isation
adrninistl'ative et le gOll\'el'nement l'cp¡'ésentatif, non




DE La CE:\Tll..-\LISATIü:\. lIJ'


pas en elles-memcs 011 dans leurs rapporls avec le
syst(\me auqucI elles se raltachent dil'cctement, mais
clans l'influellce qu' elles ont les unes sur les autres
et dans ICUl'S rdations a\'ec le systeme qui leur esl
éh'anRer, voilil le premier tmrail u [aire. Le second,
c'est de reviser, de r('/ouehcr ces lois, de maniere
a les mettre en harmonie. Il y a lit, ce me semble,
pour 10115 les hornmcs que ks querelles du momenl
i1'ahsorlJeut pas ct qui sOllilelll au lenderIlain, le Sll-
jet de rdle:\ions séricuses el tI'importanles éludcs .


.le dois me iJOJ"IH'r, en ce qlli concet'lle la celllra-
lisalion, ¡\ quclqurs rcllcxions génáales et som-
maircs. A. IlIon scns, oa conrond SOU\'Cllt SOllS ll~
lll(~rne uom des choses fol'l difl'l;l'ellles. La centrali-
sation, dit-on, falt la wa,deul', la force, l'indépen-
dance de la Fmns,e. De quelle celllI'ulisalion veul-
on parlel'! Esl-ce de eclle qui de villat pI'O\illeeS,
divcrses pal' la lanalle, par les mrcurs, pal' les lois,
a fait un rasle empil'e dOIlI tous les habitanls se re-
connaissent pOli!' ['¡'hes el se conflJlldent dan s une
grande ussociation nalioflale 1 Est-ce de eelle qui it
la confu~íon des coutllrnrs jndiciaires el all désordre
des finances a sllbsliluó l'llnifol'rnit(; du Code civil
et la réglllal'ité f1nullci(\l'e! Est-ce de celle qlli place
entre les rnnins dil gou\rl'llf'ment central l'arrnée,
l'adrninistl'iltiol, polilj,/tle) I'llllirel'si/l;, le h¡ulaet)
tout ce qui tend Ú J'(;lIui¡' dans UiW lIili/(~ puissantc
toules les pal'lics d" lell'itoil'C ct loulfS les forces
momles ou matl'l'ielles du pays ~ Est-ce euflll de celle
qui, pal' des moyells divcrs, rnct le goU\'ernement




CHAPITHE 111.


en mesure de se faire partout respecter el partoul
obrid Excepté peut-ctre dans quelques salolls, dans
que11lues chateaux des \'iellX temps, persollne, que
.ie sache, ne songe a sll(>primel', U altérer, a affaiblir
la centralisation ainsi com (>l'ise. Ce n' est point seu-
lement r lPuue de l'Empire ; c' esl r reurre des siecles,
eoml1lencée par Richelieu, cOlltinuée par Colbert el
Turgol, complétée par la Révolution el par I'Empil'e,
Qucls lJu' en puissent ctre les illeonvénients parliels,
lcs arantages généraux en sont troji granrls ponr <jliC
la France consent1t 11 les penll·e.


Mais, a ctlté de eetle cClltralisalioll, il en est unc
autre, que l'Empire a créée, quc la Restauralion a
perfectionnée, el qui ne peut se couvril' des memes
raisons. Peut-on dire, par exemple, en qnoi la force
et la flranden!' de l'Élat seraient comprollliscs si les
drpartemenls, si les eommU\1CS i:laient soumis a UJJC
tul elle moins rigoul'euse! Peut'()ll dire en quoi il
importe a l'illdépelldance naliollale que les minis-
tres réparent les églises el lcs pl'esbytcres, distri-
huent f,;a et lu des tableaux et des li\Tes, disposent
enlln arbitmirement, comme bon leur semble, de
tous les fonus COnlmuns'! Est-ce que par hasard
l'ullité de la France serait moins grande, la fron-
ticre moins bien gardée, le gouvel'llcmellt moills bien
ob(;i 1 si ces ronds eommllllS, rópartis) d'upl'('S cer-
tilines l'I"gles, elltre les d¡"pal'lemellís, élLlil'ut distl'i-
buós soi t pUL' les cOIlseils gi'J1rraux., soi t par les
prófels, SOllS le conlrMe de ces eonseils '! QU'OIl cesse
done dc eonfondre ces deux ccntralisations el de




nE LA CENTRALlS}\T/OX. IO!I


mrttrf' If'S illflrmiti's de l'une :1 com'er! sous les m¡;-
I"itrs de l'auh'e. Il y a une centmlisation poli/iqlle,
~¡all\'enJf'mentale, qui, dans l'intl~rt\t de la gmnrlf'llr
f'f de la force nationales, doit MI'e, a tout prix,
maintenue. Il y a une centl'alisation plll'ement admi-
nistratirc, qui, sans danger, sans inconrénicllt pour
aueun des f!rands intérets du pays, peut l\tl'e rer isée
f't rlimitluée.


lei (l'aillrlll's se place et s'applique 1'0bselTatioll
que j' ai faite: si l' on voulait f'xaminel' l' organisalion
admínistrali re itldépcndammcnt .de l' organisation
politique, peut-Ml'c h'ouverait-on que les chosf's
son! J¡ien comme elles sont. Ainsi, il est possible que
11'5 commllIles et les dépal'tements, si ron élendait
lelll's atlI'ihutions, n' en fissel1t pas tOlljours un excel-
lent usagf' , et que la tutelle étroite de 1'1~lat leur
¡'rilc cf'rtaines fautes. Il est possihle également que
la dislriblltioll des fOllds communs par l'alltori/¡'
centrale soit trcs-hien imaainée, tI'cs-bien entendue,
(Ians lc systcmc de la monarchie administl'atirc, dI'
ceUe monarchie Ol! l' autorité ccntrale, assurée dI'
son existence et maltl'esse de ses mouvemel1ts, n' a
personne a ménager, personne a gagner, et peut fa-
cilement restel' juste. l\Iais c' esl une singllli¡\re pré-
ffmtion que (ie vouloir, dans un pays libre, pl'évenil'
tOlltes les fau/es, tOlltf'S les CITell\'S el affl'anchil' les
c¡/oyells de taute J'esponsahilité collective on [ocaleo
Cest une (;ll'ange illllsion, d'un alltrl' c¡\té, que de
drmandcr a l' arhilraire uni a l'intér¡\t heancoup d' é-
![nité, heaucollp d'impartialité. Encore une foís,




110 CHAPITRE 111.


l' autorit(; centrale de 18 f¡,6 n' est point celle de j 808 ;
celle de 1808 relcvait d'uu chef unique et n'u\'ait
;'¡ comptcr ni aucc !,,;)\) députés ni a\'cc 2,")0,000
dccteurs; cclle de lSf¡,6 aUclld de ccs dépu/és, de
ces électeurs l:t ric!oire ou la défaite, la ,'ie ou la
mort. Pour que la premil\re fút impar/iale, il suffi-
sai/ el'une faíble dose de jus/ice et d'honnplcté; pour
que la seconde le soit, il faut de la ,-crlu. 01', la
vertll n'a jamais passé pOlll' commllne cn ce monde,
I't .ie doute que, sons le régime ac!ul'l, clle soit CIl
roic de le dcrcnil',


H y a donc, j'CIl suís com'aillcu, qllclqucs modi-
flcations it introdllire dafis no/re orgilnisafion adllli-
nistratirc; mais, qUUlll! on y rc;¡arde de p"t's, on
s'apersoit aisément quc, toulcs ces 1Il0difications hi-
tes, ir res{era encore entre lcs mains dll ponvoir CCIl-
tral uIIe masse considérable de moyens d'inf1l1encc.
On De slIpprímcra pas, en effet, les administra/ions
linancicl'cs, ql1i, dans leut's /¡l'anches si dire\'ses et
si nomlH'cuscs, ollurcnt aux famillcs une can'ihe
avantageuse; on TIe slIpprimera pas l' orflanisatiou
judiciaire , <fui, dcpuis le premier prl'sident ele la
Cour de cassation jusqll'au plus pctit juge de puix ,
place sous l'aulorilli el'un seul millis!l'e plllSielll's
millie!'s de maaisll'ats, tituLtit'es 011 aspit'Ul:ts; on ne
supprimera pas l'armóc, la marille, üil la farrut'
Iutte sans ce~se contre la n\;¡le , oú trop sOll\'cnt les
sl'lTiees mililai!'cs s'cffacl'llt denll1t d'aull'cs scnicl'S
b~'an('onp Illoins rrloricu \:; Oll !le supprimem pas
I'adminisfralion dps pon/s I't chanss/'es, ¡¡ni, clans




J) E L.I\ e l': N T R.'\ LIS A T IO\". 111


ces dCl'lli(\rcs années surtout, a éveillé tant d'espr-
I'anccs, inspiré tant de craintes, suscité tant de con-
\'oitises locales ou personnelles ; on ne supprimera
pas enfln, dilllS I'administl'atian propl'ement dite,
celtc foule d'alll'ibutions de taule espece, qui, en
l\nglelel'l'e, se pal'ta3cnt entre le parlcmrnt rt lrs
assoeiations locales, tundis qu'en FI'allec, c\les \'ollf,
al! 110m de l'aulol'itó centrule , chcl'chel', saisir lcs
cifoj'ens dans pt'esf]llc fous les actes de IcU\' "ie pu-
blique el pl'ir(e, C'rn est plus <11l'il n'en L\ut assuré-
tllcnt pour qu'un gOllverncmclIt cOI'l'lIpleur :lit tou-
jOlll'S les mOY('IIS de COl'l'Ompre; e'en esl plus qu'i!
n'ell [¡lUt pOut' qll'elltl'e les ministres, d'une part, les
t-Iecleul's el les di'pIlIl's, de J'autrc, de dép!orables
transactiollS restent facilcs ; e'en est plus qu'il n'en
faul pOlll' que les tristes prédieliolls de 11. Royer-
Co!!ard snicnt un jour réalísóes,


Qll'Oll Cll¡~VC ¡\ l'aut0['iti~ ccntmlc lont ce qu'oll
peut lui f'111\'\ el' SUllS do:nrnaae pa!ll' I'l~tat, ([Uf'
pal'tout, si cela est possihle , Oll substitne la r¡"¿¡k
au bon plaisi,', le ¡Ji oit il I'al'bitl'aire; que J'entl'éf'
dans les ronrtiolls publiqucs ct Lwancell1ent saien!
soumis a certaines condílions ohligatoircs ; que les
fnnds commUllS soient, au moins pour la plupal't,
l'emis it la di,pos¡lion des cOllsriis W;lIérall\. , el. (¡Uf'
(,f'tk source de cOl'l'llpfioll sni! ainé'i tarie Oll dirni-
lIlU:C, ce sel'a 1Jlf{']¡JlJe ('hose ~ans ¡Joule; ce nc sel"l
[)(lin! assez, si ¡'Oll reu! r¡"f'llemellf ¡llll'iflcr Ip nou-
, " \('l'IICml~id l'l;jll'(:sf'ntatir. !\Pl'l'.s aroir altaqu(; la COl'-
rtlpfioTl dans Ijllelqllc,--llIlS des IllOyf'T1S qll'('lIc' ('m-




112 e IL\.P 1 T R ¡.: I I 1.


ploie , iI fant done la fl'appel' dans son si(;{\1' pl'inri-
pal, la oil ses ravages se fonl surtout sentir. roiei ,
des lors, eomment la question doit (~tl'f~ pos(;e. Lf'S
lois qui reglent actllellement la composition, l' ol'ga-
lIisation de la Chambrc des députés sont-elles faro-
rabies OJl eontl'ail'es an développement , allx pro~~r(\s
de la eorrllption politiqne 1 Pelll-oll, rIl modiliant
ces lois, non pas sllppl'imc¡' enli¡'~I'ement le mal,
mais le eirconscl'ire, le l'édllirc de mani("l'e qllP la
Chambre, an lien de représentcl' qnelqnes intén\fs
particllliel';¡ et loeanx, rel)l'(;sente naiment l'inll'!'('t
gélH;l'llI? En un mot, n'e\.iste-t-i¡ pas, an poillt dI'
\'lle de la moralc et de I'honI\(\teté publique, des 1'(;-
formes praticables et eonvellahI('s, c!rs l'éformcs qlli ,
sans donner au'x théories aLsolllcs une satisfaetion
impossible, eorrigeront des injllstiees llIanifestes, fp-
ront eCSSi'r des abns f1aarants, drs abus inlolrl'llhles '!
Cest el' que jI' vais examine/' dans les dellx r"arill'!'s
qui slIivent.




II Jo: L.\ 11 ¡:: F O 1\ "E J> A R L E !lI E X T A. 1 n E. J l:l


CIL\PITHE IV.


La <¡uestion (le ~u\'oil' jusqu'¿'¡ quel point les fOllC-
lions de dr"lllIt(' son! compatibles ut'ec d'uutres fonc-
¡ioos puhiil(ues c,:1 ullssi \·ici!le quc le goun'I't1ement
J'('p¡'éscntalif, 1'1, sojl CI! Frullce, soit en :\nglrterre, a
('lé sourcnl délllllllle. n'un corps électoral cOl'l'ompu,
l'hístoi¡'e es! la pom' le promer, il peut quelquefois
sorlir ulle Chandl!"e libre, inrlélH'ndanle, qui fasse
Iloblelllen! ('/ i[l"Ullc!('!lJcnl les affair'es dll pays; d'un
parlcrnrnt assen'i, arili, il ne sort rien que la
honre, l'esclarage, la ruine. Le gOllvel"llement rc-
¡m:'senlatif alors, au Iiell d'elre un bienfait, devient,
commc le disait Pulteney, en in·O, "un instrument
" pOul· tontes les 0Pp¡'cssions, un manteau pour lous
" les crinws. " 1liell\ rUlldrait ccnt fois le gou\,cr-
llcmenl ahsolu, dallS sa franchise et a:ms sa nudité.


La fliClt!tl~ de dOll/l('!' au\: d"Plltés des places OH
d(~ \'¡¡rancemenf n'cst pas sans donte le scul moren
dI' cOlTupli.on don! les minislrrs dispüscnt; jI en cst
un dl'~ princjpuux, rl L\.nglctcrl"e n'u jamais cessé
dt' s'pn rrroccuper, bjcn que le nornl)l'c des fondions


s




114 e H A l' 1 T n~: r r.


}"(;lribuées y soil beaucoup moins considérahlc qu'ell
France. On a, dans la dernió,'e discussion est dans les
discussions pr6cédentes, énuméré les lois nomhreu-
ses qui, uepuis 1688 jusqu'a nos jours, Ol1t, chez nos
voisins, réglé la matiere; mais on n' a pas pu, uans
les étroites limites d'un discours ou d'un rapport,
faire ressorti,' suffisamment l'esprit qui a pré~idé lt
lous ces débats. J e vais tacher, par une courte ana-
Irse et par quelques citatiol1s, d' en donner une
idée : on \'eITa que toutes nos hardiesses sont hien
peu de chose aupres de ceHes de nos devanciers.


Sous les derniers Stuads la corruplioll parlernen-
taire avait été larfIernent prati(¡uée, et Guiliaume lIJ,
hientOt apres son accessioll, He se fit pas faute d' y
recouri,'. ?\Iais, par des raisons diverses, la Chambrc
des cpmmul1cs était peu disposée a lui complaire.
En 1092, un bill fut done P¡'oposé (( pour assurcr la
" liberté et l'ímpal'tialilé du Pal'lcmellt, )) en vertu
duqucl un grand nombre d'emplois publics, si ce
n' est tous, étaient dóclul'és inrompaliblcs avec les
fonctions de député. A ce bíll le parti du gouvel'ne-
ment opposa précisément les raisons qui, depuis,
ont été si SOllrent repl"Oduitcs. C'était attenter an
droit des électcllI's, resf¡'eind¡'e la p¡'óro)ptire royale,
déconsidérer les fonctionnaircs. Nóanmoins, "ive-
ment soutenn par les \\'higs et par Harley, le hill
passa, a une forte majorilé; mais la Chambre des
lords le rejela. En HiW~, il ftd, an contrail'e, adopté
pal" les deux Chamh¡'es, mais Gnillaume refusa net-
jerneot ~a sanction ; alors Cllt li(,\I une se<'>ne elranw




]) E L 1\ 11 ,:: «' O H ~I E l' A. ti L Jo: ~I Jo: ~ T :l , H K ) ,,)


et qui fait COlll(lI'('II(h'e quels étaient, cinq ans apJ'{"~
la l'(;rollltion, I'esprit et I'atliturlc de la Chaml)['e
¡:Jecti\e, j\ p('ine la d(;tel'nlínation rorale Mait-elle
connu(', (IU'UU sonlevement gén(;ral éclata dans fous
les partis, dans toutes les opinions, «Sans doufe,
" s' (~cria-t-on 11 l' eIH'i, le ceto est un droit de la
)) couronIle; mais ce droil lui a (,té conféré pour
11 qu' elle en fit hon usaae, Si elle s' en ser! contre les
J) inft''l'(\ts du j>euple, il fant que quel<Ju'un en sOlf
11 l'esponsah!e. 01', cornillcnt com prend!'e qu' on \;euille
• emp¡\chel' Lt ClJarn!Jre des commllnes de se puri-
" fiel', de s'hollorer aus ycux !lu pays et de prouver
" C[u'clle donne ses \'01cs an l¡eu de les vendre? Si
)) le roi el scs cOllseillel's s('crcts préfel'ent un Pal'-
l) lcment COlTOlllpU, un Pademenf asseni a un Par-
» leH/ent plll' ct libre, cc n'était pas la peine de
)) chanacl' de prillce. II Te! fut le langage de sir
Thomas Clarges, de sil' JohIl TlJompson, de Hut-
chinsoll, de Har!ey ct de plusil'ul's alltrcs.
~\ la suit(~ de ce débat, la Cltambre déclara, u l'n-


nanimité llloins deux \'oix, que « quiconque a COI1-
" seillé au roi de Be pas donner sa sanction 11 l'acle
" destilIé 11 assU/'cl' un vote libre et impartial dans
" le Parlement , el 11 dótruil'e aiTlSi un ahus scancla-
" Irux ct mani[cste, est un eJlnemi du roi ct dll
" royaume, » }luis, se fondant SlIl' cette résolution ,
elle adressa au roi \lIle repri>sentalion netle el hal'die,
pOllr (1 I'imitel' a user (res-rarement dll l'do roya! ,
" et a s'en {Ier allX aris dll Parlement pluftlt qu'aux
" ('ollseils secl'cts de eertaillcs pel'sonncs, dont les




lHi CHAPITRE Ir.


"intérets particuliers pcuvcnt efre diffél'ents de
~ ceux du roi et du pcuplc. »


tc roi ayant répondll 11 ecHe I'cprpsenfation d'unc
maniere affcctucusc, mais évasivc, quelques mem-
Ll'es, Harley cnfre allh'cs , proposcl'cnt qu'une nou-
vclle adressc fút faitc pOli\' dcmandcr un<;l'éponse
plus clail'e. l\Iais ce procédé pcu !'e~pectucux fut
écarté, et ron convint de \'egard(,l" la dponsc du roi
comme une pl'omesse implicite dc sc conformc!'
désormais an vren du Pademenl.


Cependant le ('onflil continua, el, soit que la per-
sévérance dll roi l'emportilt SUI' ('eIlc des COmmUlI!'S,
soit que d'auh'cs questiol1s fissel1t un peu ollblicl'
ceHe des incompatibilités , les choses, jusqu'it 1700,
resterent a peu pres dans le meme état. Seulement,
chaque fois que les Communes votaicnt un nouvel
impOt, elles avaicnt soin d'y mctfl'e pour conclUion
(Ille les percepteurs de ce! impOt ne pourl'áient etre
membres de la Cham!m'. lIais, en 1 ;00, sous une
Chambre tout l'écemment élue, et qui, pOU!' pre-
miel' acte, l'cnait d'appclcr Harley a la présidcnce,
la mort du fils de la princf'sse dc Ilancmark im-
posa 11 Guillaumc et au Parlement l'obligation de
rpgler de nouvcau la succession él la coul'onne. Pllls
libre alors ('Í maltl'cssc de son vole, la Chambrc des
communcs illfroduisit dans l'acle d'¡\!;llJlisscment un
a!'fielc qlli déclamit incapable de srnil' commr
l11embrc de la CIHUIi!J1'C des communrs « foufe (Jel'-
)) sonnc ayant un offiee ou charac rétribués sous le
» ('oi, 011 rf'l'evant unr pension de la com'onnr. l' JI




DE L.\ U{;I'OR.\lE I'i\RLI0IE~TAIHE. 11,
n'y avai! aueune exeep!ion, pas mcme poul' les mi-
nistres; et, si eette mesure ellt définitivement pl'é-
ralu, elle e lit , eomme le remarque justement Hal-
lam, dénatllré le gouvernement représentatif et in-
stilué un conflit ·permanent entre la eoul'onne et la
Chambre des eommunes, Mais l'artiele dont il s'agit,
eomme tous les autl'es ar!icles de l' acte d' établisse-
men!, JI'é!ait applieable qu'il l'avéuement de la mai-
son de Hallovre, On avait done le temps de le ree-
tifiel', et e' est ee qu' un nt en liOo, sous la reine
,-lnnC', dans l'acle dit de s/c/lrité, Ce ne fut pourtant
point salls ulle \'ire l'(:sis!anee que la Chambre des
cOll1muues abandonlla une ciause qu'el\e regardait
comme ulle conquae, et, pour la mettre d'accord
aree la ChamLre des lords, une conférenee devint
indispensable, La l:hambre des eOInmunes reeOIl-
naissait bien que,' dans l'acle d'étahlissement, le
principe arait étó posé tI'une malliere trop absolue;
et, tont en le maintenant, elle consentait rolontiel's
a que1ques exccptions, La Chambrc des lords \'Oll-
!ait, au contraire, que la eompatibilité devlnt la
reale et que l'incompat,hililé [út purement excep-
tionne\lC', En délinitire, la Chambre des lords l'em-
porta, qllant au principe; mais la Chambre des
eommuncs Jlt passcr, en ¡'CIOIll', deux clauses im-
portantes: l'uIlP, qui soumettait a l'éélcction tout
membl'e de la Charnbl'c acceptant \In emploi dc la
coul'onne; l'auh'c, qui renJail inéligible toute per-
sonne l'ccevant unc pcnsion révocable ou oecupant
un emploi créé depuis 1705. eette del'lliere clausc




II ~ e H A P 1 T H ¡.; 1 r,


<lrait pour hut d'empccher <fu'a l'arenil', comme par
le passé, OIl nc Cl'!>¡tt des emplois illutiles, uni(jlle-
ment pour cn gratifie,' dcs memhl'cs dn Padcruent.


Je passc su!' les ddJats qui eurent Iíeu sur le
III(\mc sujct, cn nos, I'¡-Jo, 1711, 1712, et dont il
rcste peu de traces. Ces dóbats pl'ouvent quc le hill
de 1,OH n'avait pas mis fin aux ablls et quc la COI'-
l'uption continuait son U'llVI'C. Chaquc annéc, ¡J'ail-
lcu!'s, la Chambl'c des cornmunes adoptai,t un !Jill
i'cstriclir, qui, cbaque aow>c, élail rejeté par la
Chambl'c des JOl'ds. EII 1, J~) la Illajorit(~, dalls cctle
dcmicrc chamhre, ilC fut (Iue de ¡;inlJ voix) el il
n'est pas dOllteux, si la rcine A.une (,tH \(>CII, que le
pal'ti de la réfol'lne n' e ['11 {ini par l' clIIpol'ter. 1J¡¡is la
reine .lnnc mourllt en 17 Ll~, el l'aréncment de la
maison de Hanot'l'e, aillsi <Ille les gmu's l'rrllClll('llls
(lui suivirent, dOIl1l('r(,1l1 ulle aurr!' dircclion au'\.
esprits.


En UH¡¡, StanJ¡ope, ~ccrétail'c d":;tat, complda
pourtant la Illesure de I,Oí;, en plasant les pensioIls
dOl1nées pour un ce!'lain lemps dans la m(~me caté-
gOl'ie que les pensions l'ó\'ocablcs a \'olonté. Ce fuI
d'aillclll's pn i ,:;0, quand \Ltlpo!f' et soa systr"rnc
étaieilt au comble de la pllissancc , que la qucslion
fut s(;]'ieu~erncJlI ],1'pl'isc prrl' Sandys , uu des mem-
hl'l's les pllls actifs de l'oppositioll H higo .\6alJl1loins
les <]lla!re bills qui, dI' J7:W a I,:n" rUrell! SllCCCS-
silcmcnt [ln;scut("S pal' S:'llIdys, <traien! pon!' bul,
non de rien ajolllel' aux lois pl'éc¡;dt'ntcs, mais d'PII
assurel' l'cxéclltion. ."-iusi, les loís pn;cl~dclI!es




Ufo: LA HI~¡.'OHiIlE l'AHLElIEXTAlfiE. Ji\!
excluaient de la Chambre des eommunes (Iuieonquc
avait une pension révoeable ou temporaire; les
memes lois déclaraient inéligibles eedains fonetion-
naires salariés, 01', on trouvait le moyen d' éluder la
loi, d'une part, en reeevant de la eouronne des ca-
cleaux au lieu de pensions; de l' autre, en faisanl
mettre la place dont on fouehait les appointements
sous le nom d'un parent ou d'un ami Cest cet abus
'Iue Sandys voulut aUeindre en imposant 11 fous les
membl'es des Communcs le serment " qu'ils ne re-
n cevaient, directement on indirectcmenf, de la
n eOllronnc ancnne gmtification, et que personnc
» n' occupail pom' eux une place queleonqlle en
,. fidéicommis. » Quatre fois la proposition passa,
presque sans débat, aux Communes; quatre fois
Walpole la fit rejeter pal' la Chambre des lords,
malg¡'é lord \l illehelsea, lord Bathurst, lord Carte-
ret, lord Straffon¡, qUÍ la soutinrent avec a1'dem',
Du cóté ministéricl, elle fu! surtout comhattue pal'
lord Falmouth, le duc de l\'e~castle et l'éveque de
Bangor, ln .iour, celui-ei déclara naú'ement qu'iI
fallait ~ se garder d'assurer l'indépendanee de la
D Chambre des eommunes, de peur de lui donner
lJ une trap gmnde supériorité sur les aulres po u-
D \'oil'S et de détl'UÍl'e ainsi l'éqllilibre de la comtitu-
lJ tion, D On compl'elld qucl pal'ti J'opposition tim
de ce diseours, qui, réimprimé 11 ses frais et ré-
pandu pal' foufe I' Anuleterre, parut a tout le monde
une apologie audaeieuse de la eorl'uption politiqueo


En 17;~ Ií-, a la veille des élections, l' opposition prit




I:W e H A l' I 'j' 1\ Jo: I F.


un parti plus net ,'"plllS décidú , et p/'oposa) á quel-
qucs cxceptions pres) l'exclllsion de tous les fonc-
tionnaires civils et militaires, Ce fut encore Sandys
qui se tmura chal'f{é de cctte p,'oposition, Elle eut
ponr adversaÍl'es lI. Carnpbell) 1J. \rinninHton, Ho-
l'J.ce \tT alpole) Henri Pelharn et Robert Walpole lui-
meme, qui dénonc(\rent le J,ill cornme contrai,'e au
dl'oit des électeill's, cornme déshonorallt pour les
fonctionnail'es) commc attentaloil'e a la pl'rl'ogatire
de la COUl'Ollne, «La loi ) sdon eux) en sourIlettanl
)l <'t la réélection les rnernbl'C's des C;Hllmuncs <pi
» de\'cuaienf fonc!ionnai/'('s) <llait rait tout c(' qll'il
~ était possible (lcJail'c, )) :1. cela, Salldys, PU/kill·.\,
Dighy, Thomas \\'YlIdharn r(,pondil'cnt avec llll
grand avanlaac ct par des al'~¡lIrnenb qui !le SOllt pas
moins applica!)les en I~rl(i qu'en lí;F~, (( II esi
" absul'Je, dil SJ.lId.\s) de pl'dcnd¡'c quC' le J¡il¡ POl'lé'
J atteinle au dl'oit des (·l('dclI!'". Si c"la ¡;¡ait, il riw-
» drait supp,'imel' loutes lcs cOlldi¡ioflS d'(;¡igibilik
)) el toules les r('str~tio!ls IJlo(,C(,¡]CfliIlH'Ut adoptées.
, Quant aux fO!lctionnaircs cllx-memes, dl",jll la loi
» exclut les emplo~'és ues douancs rt de l'exci;;e,
~ ainsi que les ministres du culte, Cela dil1lillue-t-i/
D IcUt' considératiJIl? II faut ajolltr!' que la eOllsid(;-
» ratioll dcs f onclioflllui res s' acel'o ¡t f¡'(\S-I'UI'I'IlH'l't
~ dans la Ch¡llTIbre, Cela n'alTile ;(II(\I'C fIlie le jOlll'
~ 01, on les dcsíiluc h caUSt~ de IClII' indépc;¡dancr,
» Il est ¡J'aillcul's fl)i't aisé de dire fjll'UIl clllp/oi
» n'c'\cI'CC auculle in{lllencc sur c('lui <¡Lli !e possed(',
» Tatll que les hommes sont hornmes, il Y en aura




j) ¡.: J..\ H ¡:; l' u iDI f<: P A lí. J. E ~I E ); T J. 111 1<:. U I
» heaucoup qui voleront au gré du premier ministre,
J plulot que de pudre une place lucralive. Que les
" choses restent sur le meme pied, et bienlot la
» Chambre deviendra aussi méprisable que le sénat
» romain, quand les empereurs en curent fait leul'
» inslmment servile. I)ersonne ne demahde que les
" hauts fonctionnaires, les secrdaires d'l~tat notam-
~ mcnt, rcssent d'clrc rneIIlI¡¡~es de la ChamlJl'e. Il
;, s'agit d'en excllll"C ceu\. que leul's rOllctions doivcnl
» absorbrr fout clltiei's el CCHX lju' elles placeut dans
" la dl'pcIHJant'(' dcs llIillisll'CS", »


" L'j¡díllCllCe de la COll¡'OflnC, di! Oigby, a beun-
') t"Oll(l augw('jllé, el rOIl pcnt cl'uilldl'e qu'dle n'as-
» ~('n issc les dell\ UlIll'CS bnlllc!t('s de la lq¡islalure,
), II est nai que l'inlén;t dll peuple el l'inléret de la
~ COUI'Olllle ueuaicllt tOlijOUI'S etl'e le meme; mais
" ceja n'esl ras, el la ('omOUlle s'est monll'éc (lucI-
, qudiJis la plus danglTl'lise flllJl'lllie du peuplc,
n C'es[ con!¡'(' Ull Id páil <l1l'1l raul se pt'(;mUnil', en
» emp(~l'halll 1(, Parlclllcnt de' se íaissc¡' corl'ornpl'í', "


u Jarnais le iJill, s' écría Pll¡lf~lley, llC fut plus né-
JJ ccssai¡'c, plus indispeIlsable, Gdce a la cOlTuplioll
~ parlemcnlail'e, declorale, L--\lIg1cterre touche au
» mOfIlellt 0I't le pi'ClllíCl' millísl¡'c aura la majol'itl~
» des deux CltafllblTs dal!s sa poche, Qui songcra
» alol's á l'accllSCI' dcrullt Uile rnajol'itó u'ndue et
Jl tOlljolll'S 1)i"(\I(' it. l'arquiUcl', (jlJelquc coupable qu'il
'J puissc e¡l'e '1 ))


Jl .\ la r('riU;, dil )'hornas \\ ~ ndharn, on objectc
» I/u'en soumcttallt les membl'es promlls 11 la néccs-




CHrlPITUJ'; 1\.


D síté de se faire réélire, la loi a faít assez, et on se
)) vante que la réélection a presque toujours lieu.
D Comment en serait-il autrement, par la corruption
D <¡ui court? Le membre promu ne reparait-il pas
D avec un double crédit devant ses commettants, qui
~ voient en lui le favori du ministre'?." Autrefois il
.) Y avait peu de plaees a donner; aujourd'hui il y
)) en a heaueoup, et l' on eommence a croire que,
)) pour les obtenir, iI est nécessaire, indispensable
» d'etre mcmbre du Parlement. iIu tmin dont vont
D le~ choses, ]a ChamlJI'e sera bientOt remphe de
D servitems de la couronne, tandis que, d' aprós
:) la eonstitution, HOUS devrions etre les serviteurs
)) du pays. »


Quand Thomas 'Vyndham parlait ainsí, il y avait,
d'apres les calculs de l'opposition, un peu moins de
200 fonctionnaires dans une Chambre de 540 mem-
IH'es. \"OIlS en avons autant dans IIne Chambre
de 459.


Plusiellrs membl'es ministériels ayant , cluns ecHe
eirconstance, voté avec l'opposition, la proposition
ne fut rejetée qu' a 2:30 voix eontre 19 L


Les élections de 17:314" SUl' lesquelles l' opposition
comptail, n'arant pas chan8é la force relatil'e des
partis, I'oppositíon perdít coumge et, pendant qucl-
t¡ues années) abandonna le bíll des plaees . .lIaís des
circonstances contraires, notammenl les démel¡;s
avee I'Espagne, ayant ébranló U· alpole, l' opposi-
tion résolul, enJ 740, de repl'cmlre le débat et de
liHer, sur ce terrain, au premier ministre un comhal




D~; LA. R É F o R 111 E l' A. 1\ L 101 E ~ T .11,1\ Jo:. I :.!~¡
déeisif. Sandys pro posa done de llouveau le bill de
17:37 el le défendit a peu pres par les mernes rai-
sonso Parmi eeux qui appuyerent Sandys, il faut ei-
ter en premiere ligne Liulelon, Pulteney, U'¡]lial11
\r yndham. Apres avoir établi que les nations soup-
¡;onneuses sont les dernihes asseITies et que la e011-
fianee n' est point une \'rrtu parlernenlaire; apres
s'clre demandé s'il n'al'rivaít jamais que les eOil\'er-
sations parlieulióres des JIlembl'es du Pal'lement 1'U5-
~ent en eOlltradietioll manifeste avee leur conduite
publique, Littleton 1)(~lI¡"tm au C({'UI' mcme de la
qlleslion el ~ignala (;oergiquernrnt les dangers que la
COI'l'uption fait eourir au gomernement représentatif.
,( La forme actuelle du gouvrrnement anglais, dit-il,
» si on la garde de la col't'uption , a tous les avan-
» tages (1'une rópubliqlle, sans en avoir les Íneonvé-
l' nients. lIais, si la eorl'up!ion remahít et si le
» controle du Padellll'I1t est aclle!¡; par la eourOIlIle,
" e' est précisément le coulmll'e. La forme aetueHe
,) uu gouvernemel1t aurait alol's tous les vices, fous
» les inconvénients des monarchies absolues, sans
') en avoir les avanta~Ies. n y aurait plus de dé-
" penses et moios de ehanees d'une honne admi-
)) nisteation. »


Passant de la th(;orie a l' applieation, Pulteney lit
un tablean animé de la silualion actuclle dn Parlc-
ment et prédit le morllent Ol! la Chambl'e, l'emplie
des instrumcnts les plus has et des plus vils syco-
phantcs du pO\lIJOil' ministél'icl, semit une honle et
un désastre pour le pays.




J:H eH í\ P J T 1\ Jo: 1 V.


« .L\ssurément, ajouta-t-il, pel'sonne ne pense que
» les liberlés de celte nution consistent a avoir le
» semblant d'un Parlement. On peut u\'oir un Parle-
" ment; ce Parlemenl peut ctre élu lous les sept ans
» et siéger tous les ans , comme celu se fait aujoUl'-
» d' hui; il peut passcr des lois, voter de l' ar;¡ent,
» recevoír des comples , meme f~ire des enquctes,
)) et poudant on peut Jl'avoir ni lihel'f6 ni conslitu-


lion, Qu'il soít jamais uu pom'oir de I'admiuistl'a-
» lion de se faire, it l'aide des fonelionnaires rt des
'1 pensiolllluires, une majorité 10lljouI's prele a obéir
" au ministre, el, de ce moment, il devien! inutilc
~ de délruire la fOl'lne de la cons/illltion ou de Sllp'-
~ primer directel1lent les libertrs publiqucs. Sans en
" veni¡' it eetic ex(¡'émité, le roi régnant srrait aussi
)) absolu el pourrait elt'e aussi despote (lue le wand-
" seigneur lui·m(\IIlI'. rn (pI Pal'lemellt lui acconlc-
» rait E¡dallt de spahis ct de janissail'l's (IlI'íl luí en
" falldrait POll[' t{'nir ses escla\'cs en respect; jI lui
» donnerait foutes les lois, tout l'argent qu'i! deman-
» deI'ai!, rt I'opprcssion se (¡'oureI'ait aillsi protégc'e
» pat'les formcs II1(\me de In loi ... Suns doute: il r a,
11 dalls la Chambl'e actllelle, drs fonclioIlllaires fOl'l
» honorables; mais il y en a d'auil'cs qui , ('n venanl
» íei, n'ollt d'autre hut que de fai['e lC\lrs affaíres pl'i-
" u'es. JI faut, si J'on \ cut samrl' la cOllstitutioll,
" climillUC[' Ir nOIllbre de ccs mrl'eClla:f'Cs. »


EIl(ln, (bns llll discoul's ,fUIll' ~l"ande 61ération 1
le chef des (Ol'jes, \\'illiam \\'YIIclham, fit ressOl,ti,'
I'incoméllicnt qu'i1 y a de placer le pouvoir exécutif




DEL i\ IU:: F O IDI E l' A R L 101 E X TAl R Jo:. 1 :2"


tout entier sous le contr61c d'nne majorité dévouér
a ce pouvoir par intéret et pal' position.


« Pr'enez-y f{arde, l\Iessieurs, s' écria-t-il, r esprit
~ et les habitudes de la cormplion font parmi nous
» des progrcs effmyants. C' est cet esprit détestable,
» ce sont ces habitudes honteuses que le biU de
)) i\J. Sandys est appelé a combaure. Quand la cou-
» ronne n'avai! que pru d'emplois lneratifs a donner,
» l'adminislmtion la plus perverse était a peu prbs
)) impnissante. ~Iais ces cmplois sont si nombreux
" aujourd'hui (JlIC, si 1'011 s'en sed POIJ[' cOI'!'ompr'c
» la Chambrc et le corps rIce/oral, bienlut e'en sera
" fait de tonle liberté et de toute hOlllleleté en 1\n-
)) f{leterre. On eOlllmence dans cette Chambre, puis
» le mal se pl'opage pal' l'exemple. La cormption du
» premiel' aulorise celle du seeond, et edle-ei auto-
» rise la eorrllptioll du troisicme, de teIle sor!e que
~ biento! la majo!'iré doi! e/r'e alteinte. Lile foÍs bien
)) établie dans eeUe Chambl'e, eommen! la eorruplion
» ne descendmit-elle pas pal'mi les éleetellrs'? Si
» nons vonlons que le ruisseau soit pUl', commen-
» I.;ons par purificr la soul'ee. ))


Les al'f{lIments des adrersai!'es du bill peuvent se
résumer en peu de mots : « Le mal n' existe pas; s'il
1) existai!, le bill n'y rcmédierait pas, puisque les
II membres rlispos(;S 11 se l'enrlr'e pOlllTaicnt tOlljollrs
1) obtenil' soi! des wali(]caliolls seer'ctes, soit des
» plaees pou!' leul's farnillrs. ElI(in, si les fonction-
» uail'es ne faisaient plus partie de la Chambr'e, il Y
" riplld!'uit plus rlp r(;pnhlieains t't de .iaeobites. ~




I :lfi


On voit qu'il n'y a pas un sophismc nouv('uu sous 11'
501l'il. Qllclqncs-uns, Henri Pelham c"ntrl' aub'cs, fu-
1'I'nt plus sincórcs, et !lC craifJnirent pas d'a\'OIH'I'
quc « la librc disposilion des emplois lucratif.~ I'sl
r, nécessuirc pom' limiter le pouroil' des Pul'lemen(s
., ct pour les empechl'r de devenir faetieux. )) Quallt
a \\'ulpolc, qui, comptant su!' la Chumbl'c des 101'ds,
laissait d' ordinairc ces sol'lcs de ]¡ills pusser sans
mot dire, il rompit le silence pOUl' lancel' conlrc 1'op-
position une r6niJllinatio!l \"ire ('t TIlordante. U. Du-
chtücl, qui, on le sai 1, a pour celte sor(e d' a¡'WI-
ments un got'rt tont pal'liculiel', tnait hicn de lil'l'
uvec soin le discours de U"alpole el d(~ s'('n penétrl'!'.


Le hill aran! été rejeté a I {i voix dc majorilé
('222 conÍl'c 20G) , la Chamhre des lords n' eut point
a s'en occuper. lIais un untre bill, celni des pen-
sions, passa pl'C'sqne sans dirllClllté a la Chamhl'e des
communes ct dorllla aux lords opposan(s une occa-
5ion tonte nalul'C'lIe d'exprimer leul' opinion. lis la
saisirent avec empreSSl'mcllt, et l'on vit I('s hommes
les plus considérables de l'al'istocl'atie anglaise, lord
Talhot, lord Halifax, lord Cm'lisle, lord Ca1'lerct,
IOl'd Chesterficld, le duc d','''"ayle flétril' á l'cnri lcs
COITllptelll'S et lps COI'l'Omplls. « Quund les minis-
)) tres, dirent-ils, ne pCll\'ent obtcnir la majol'ilé par
)) les inflllences morales, i!s la demandent aux in-
)1 f1uences rnatórielles, el tOlljOUl'S il se Irou\'e C)llel-
n qllPs misérablps prMs a rendre leur rote pour tlllC
1) place ou pour ulle pensiono C' est ecUe cOl'l'llplion
)) que lf'~ Commllnes ont aperc,lIe; et, (!uunrl e!les




J) ¡.; L\ 111:; 1" () IDI Jo: PAR LE '1 E X TAl R E. 127


" refuscn! de se laisscI' souiller par la prostitution mi-
II nistÓ'ielle, eonvient -il a la Chambre des lords ele
l' les cn empecher ~ Ce semit cneoUl'ir 31'atuítement
)) et jllstcment l'indignatíon du pars, Qlli ignore
)) d' ailleurs que la corruption est le plus i{l'and dan-
)) gel' auquel soient exposées les institutions des pays
)) libres? Son vent, en Angleterre, les princes et leUl's
» minish'es ont essayé d' établir le gouvernement ah-
l' sola contre les Parlements ou sans leur assistance,
)) Ils ont échou¿ et payó qllell/uefois de Icur ríe ceUc
)) audacieuse tentatire, QlI'on laisse faire la cOl'rllp-
» tion, et d' allh'es !'Oís, ¡j' autres ministres pourront,
1: sans cOUl'íl' les m(\mes l'ísquf'S, ar¡'ivel' a la ill¡.\me
)) fin, Qu' on laisse fail'c la corrllption, et le Pal'lc-
» mcnt ne sera bientO! plus qll'un divan turc, ~


De tous les diseoul's prononcés dans le débat, le
plus remaJ'qllable sans eontl'eclit est eelui de 100'd
Chestcl'Íicld, En voici que!(lucs passai(es :
~ ~o(¡'e constitlltion se compose de deux Cham-


» In'es, qui limitent le pOllvoil' de la coul'onne et qui
n se limitent entre elles, SlIpposez maintenant que,
l' par cel'lains moycns de cOlTuption, par des places,
" pal' des pensions, par des pots-dc-vin, la eourOllne
)l (levicnnc maltresse des deux Chambr('s ; n' est-iI pas
» évident que la Constitution sera détl'uite? La cou-
n ronlle alol's n'aul'ait pas besoill de bl'isCl' la forllle
)) meme du Parlemcnl. Sous eeUe forme, en erfd, sous
)) celte appal'ence, le roi poul'l'ait etre plus absolll et
» gOllvel'l1er plus al'Litl'ail'emellt que si le nom m(\rne
" (le Pal'lemcllt se tl'ouvait aholi, Remarquez fl'ail..,




128 CHAPITRE l\'.


)) leurs qne nos hommes riches et hien IH;S ne vou-
lJ draient peut-etre pas, pour une pension ou pour
." une place, aholir la forme du [l0ul1crnement. Cest
») a ceHe forme qu'ils doivent l'al'untage de receroir
1l le prix infRme de leurs inf¡tmcs serric'cs, et cct
lJ avantaifc, ils le perdraicnt lc jour Ol't la constitll-
1l fion périrait. Tant qu'ils sont memlH'cs du l'arle-
r rnent, il est, au contraire, lcii~iblc et cornmodc a
II nos hommes riches et bien n(;s d'approurer les
» mesures les plus détestables, de consentir aux dr-
» penscs les plus inutiles, de va ter les 10ls les plus
» tyranniqlles, de sanctionrJel' les cornptes les plus
II faux, d'acquitter' les hommes les plus coupah!es,


de condamner les hommes les plus innocents, sllr
l'ord¡'e du ministre qui leur donne leur place ou


)) qui lenr paye lenr pensiono 11 lcur est loisible et
II commode de rénnir ainsi les profits dc tous lcs ré-
» gimes et de constiluer, sous l'apparence de la li-
)) herté, la pllls ialloble des tyrannies. ))


l\IalWé ce discours et cellX des uutres membres
de l'opposition, le hill fut encore rejcté a 51 vOÍx
conh'e !¡·O.


En 17/¡.1, l'étoile de \\Talpol e palissait, el le vent
soufflait du coté de l'opposition. Le hill eles places,
rcpl'oduit par Sandys, passa dOlle llll\. Commllllrs,
mais la Charnlwe des lords le n'jeta de IlOIl\·eau.
C'cst arres ce rejet que 2 L paii"s, llsant d(~ leul' droit,
Dnmt consinncl' Sl1l' le rcsislre dcs Mlibl'l'alions uuc
pl'otestation tr&s-fortement motitoée, el dont le qlla-
Il'ieme f'onsidérant est aimi ron~1l :




DEL.~ R Í<: F O R II E PAR L E II E N T ,-'\/1\ E. 1 :W
« Parce que nous ne pensons pas que la liberté


" du Padement soit assurée le moins du monde par
" l' obligation imposée 11 tous les membres des Com-
» munes qui acceptent un emploi de se faire réélire,
» l'expérience ayant démontré que cette prétendue
» garantie est presque tOlljours illefficace et que
" trcs-rarement les membres promlls échollent dans
., de teIles élections, quelque étrangl'rs qu'ils soient
" allx élecfeurs; et parcc qll'il es! naturel de sup-
)) poser qu' au moment ou les moyens de corrllption
" augmentent, le SllCC<'S des candidats qui se l'e-
» commandent par la corruption ne peut pas dimi-
" nuer. »


l\'e semble-t-il pas que ce considérant ait été ré-
cligé non en Angletel're, mais en France; non en
lH.O, mais en 18'j.6?


Vn an apres, le :3 février 1742, \ralpole tombait,
et l'orateul' le plus éloquent de la coalitioll, le chef
des whigs dissidcnts, Pulteney, était chargé par le
roi de fOl'mer un cabinet. On sait par quelle fautc
étrange Pulteney refusa lui-meme le pouvoir, et,
dupe de \\~ alpole et du roi, maintint aux affaires,
11 la wandé colere de son parti, plusicurs des an-
ciens ministres, entre autres le dne de Newcastle,
Le cabinct nouveau a\'ait néanmoins, ponr chance-
lier de l'1~chiquier, l' anteur persévérant du bill des
pensions et clu bill des places, Sandys, quí, peu dc
jours auparavant, venait de les faire passer tous les
deux a la Chamhre des Communcs; et, pour secl'(~­
tairc d'État, lord Carterct, qlli les avait toujours dé-


9




CHill'ITll.E Ir.


fendus. 11 était difficile que ces deux ministres aban-
donnassent subiternent Icur reuvre, bien que leurs
nouveaux alliés les genassent, el qu' ils eussent pcu
de scrupules. l\Iais il restait la Chambre des IOl'ds,
qui les tira d' embarras pour le moment, en rejetallt
les deux bilIs. Ce fut alol's que, par une transaction
teIle l{uclle, le ministcre fit passer un bill beaucoup
plus restreint, et q ni se bornait a exclure nominati-
vement certains petits fonctionnail'es. Ce bilI est en-
core celui qui régit la maticre, avee les bilis de
lmF4-, 170G et 1716.


Ceux qui ont étudié l'hisfoire d'ilngletcrre savent
dan s qu-elle confusion, daus queHe anarehie tom-
berent les partís, depuis la chute de \Valpole jus-
qu'au jour OU un patriote élóquent, le premier Pitt,
en réunit les éléments dispersés. Ils savent aussi
qu'au moment meme OU ce gl'and ministre, maltre
d' une majorité considérable dan s le Padement et
dans le pays, venait d' accroltre sur tous les points du
globe la gloire et la puissance de l'Angleterre, un roi
qui voulait gouverner monta sur le h'clIle, et que, li-
vrée pendant vingt ans, pl'esque saQ,s interruption,
aux courtisans et aux favoris, l' i\ngleterre perdit
l'Amérique, et vit décliner ti. la fois sa puissance et
sa liberté. Pendant cette triste période, la corl'Uption
politique, un moment suspendue sous \Villiam PiU,
fit de tels pl'ogres, que les allciens ¡'cm{\des parurellt
trop faíbles, et que l'idée ({'une réforme compl(·tc
s'empara des esprits les plus modérés. On \it alol's
(en 1770) \\Tilliam Pitt, devenu lord Chatham, dé-




DE LA RÉFOHME PAnLE~lENTAIHK l:ll
clarer nettement « que la cOl'l'uption était la grande
» cause du mécontentement du petiple, des usurpa-
1 tions de la couronne, du dépérissement de la
" constitution, et que, pour y por ter remede, il
» était nécessail'e d'augmenter la représentation des
» grandes villes, » 011 vit, un an apres (en 1771 ),
le meme lord Chatham , apres avoi,' aecusé la cou-
rOIllle « d' exerccr dans le ParlenIcnt une influenee
n eOlTuptriee, » el les membres des CommuIles
(( d' ohéir, comrne des esclat'('s, a J'homme qui tient
» la clef d' 01' de la trésorerie, » s' écrier que « la
» constitution élait perdue si on n' élevait pas un fort
n houlevard pour la défendl'e, el qu'il se déclal'uit
» convertí aux Parlements tricnnaux, » C' est ve!'s la
meme époque (de 1777 a 1779) que Fox et Bllrke,
dans la Chamhre des communes, le marquis de Roe-
kingham, lord Shelhurne, le dllc de Grafton, le duc
de Richrnond, dans la Chambre des lords, dé non-
¡;aíent, chaque jour, a l'indianation puhlí(Jlle (( le
» vaste systeme de rapine dont le pays était a la rois
» cornpliee et victiIMe, Il est noloil'e, disaient-íls, que
» la corl'Uption la plus effl'Ontée ravage et dévore le
1 pays, 11 est notoire que son pouvoir est devenu
n irrésistíble et que, de la vieilIe lihel'lé bl'itanniqlle,
)) il reste ¡'¡ peine le norn, Trourerait-on aujolll'd'hui


clans l'État un scul homme possédant un droit po-
J litique, et qui ne songe pas ,'t le vendl'c pOlll' le
~ pl'ix qu'il en peut trourer? L'actioll uu Parlerncnt
» n'a point été abrogéc; mais clle a été indil'ccfe-
)) mCHt détruile par la corruption.




132 CHAPITRE IV.


En 1780, l' Amérique élait pet'due, et, devant l' é-
motion pt'oduíte par un si grand désastre, la eOl'rup-
tion redoublait en vaiIJ ses cfforls. Le ministere était
done ébranlé , la majorité ehaneclante , l' opposi tion
ralliée, pleine d'ardeur, détcl'minée a f¡'apper les
f(1'ands eoups, Le pays aussi s' ugitait, et de no m-
breuses, d' énormes pétilions vcnaient, ehaque jour,
demander le renvoi des ministres et la réfol'me des
abus, Dans eette situation, un vaste plan de I'éfol'me
fut eon¡;u par 1'oppositioll , et lord Shelburne , a la
Chambre des lords, Burke, a la Chambre des eom-
munes, proposerent en meme temps eertaines ré-
formes finaneieres, dans le but avoué d'annuler, de
diminuer an moins les influenees illégitimes qui per-
vertissaient le Parlement. - ~ Ces influenees, disait
» lord Shelburne , ont pénétré partont, dans les ser-
» vices militaires eomme dans les serviees eivils,
" Ce sont elles qui dietent tous les ehoix , au détri-
" ment des bons serviteurs de n:;lat. ,,- u l\Ion but ,
» disait BUI'ke, est moins oc diminuer les dépenses
" publiques que de détruire, que de restreind¡'e au
" moins l'influenee eorruptriee de la eonronne, eeUe
" sonree éternelle de tous les désordres et de tous
» les désastres ; ce ehanere qui ronge les entrailles
» de la eonstitution, sans qu' extérieurement le eorps
" paraisse moins robuste; ce mal redoutable qui
~ ote toute vigueur a nos bras, tonte sagesse a nos
" eonseils, foute moralité a notre eoncluite, » Il
n' est pas sans intérCf de remarquer que Burl\C ayant
l'epris, en 1781, le bill de 1780, le seeond Pitt, qui




DE L.>\ RÉFOR~IE PARLE~IENTAIRE. 133
venait d'entrer dans la Chambre I a rage de vingt-
deux ans I ehoísit eette question pour son début et
sigoala I eomme Burke et eomme Fox I les dangers
que faisait eourir au pays l'influenee éxeessive de la
eouronne,


De toutes ces attaques a la eorruption politique I
la plus vive, la plus di recte , la plus siguifieative fut
eeHe de l\I. Dunning, qui, en 1780, d'aeeord avee
l'opposition tout enticre, Pl'oposa ¡\ la Chambre de
déclarer « que l'influenee de la couronne avait aug-
n menté, augmentait et de\'ait etre diminuée. »
U, Dllnning, eomme eons(;quenee de eette déclara-
tion, demanda en olltre que la Chambre des eom-
munes frappttt d'inéliuibilité un certain nombl'e de
fonetions, surtout dans la maison royale, eomme in-
compatibles avee l'indépendanee du Parlement. La
motion de l\I. Dunlling était hardie et fut hardiment
soutenue, Ainsi 1\1. Thomas Pitt, lIeveu de lord Cha-
tham , eousin germain de lFilliam Pitt , alIa jUSqll' ¡\
dire ~ qu'il voyait dans lord 1\'orth la preuve, une
n preuve vivante de l'influenee démesurée de la cou-
n ronne, Comment, sans eette influenee, lord 1\'orlh


• n resterait-il ministre, lui qui a abaissé , dégradé ,
n flétri I'honneur de la Grande-Bretagne ; lui par qui
» le nom d' Analais , jadis r envie du monde entiel',
« est tombé au-dessolls du mépris; lui qlli a rendn
» ses compatrioles et son pa ys un sujet de risée POIll'
» les peuples étrangcrs ? - Au reste, ajoutait TIIO-
» mas PiU , e' est a sa mauvaise politique meme que
» 11' noble lord doit sa durpc, 11 est hien eonnu quP,




134 CHAPITRE l\'.


» s'íl avait conseillé une poli tique plus honorahle et
~ plus sage, il ne serait plus mi,Jistre. I,a IiRne qll'il
11 a suivie est la seule qui, dans une certaine ré-
» gion, put lui concilier la faveur. » Le débat fut
d'ailleurs fertiJe en incidents curieux, en révélations
instl'Uctives. Ainsi, M. Dunnina ayant dit "qu'il
» était dans la Chambre, a sa connaissance person-
~ neUe, plus de -cinqual1te membres qui votaient
» toujours avec le miuistcre et qui, au dehors \ par-
» laient commc l'opposition, 11 lord l\'ugellt releva
vivement cette asscrtiol1 et s'indigna a la seule pen-
sée que de tels misá({!Jles, que de si ~lJrontrJs co-
qui/ls pussel1t siégcr a ses catés. ]\1. Dunninff reprit
alors et déclara qu' en disant cinquante, il était l!lin
d'al'oir dit assez. «Je sais, aj04ta-t-i1 1 ({II'il (lst p(lu
" convenable de citCI' des noms pl'Opres : mai¡¡ j'af-
" firme sur l'honneur que je connais dans la Chambre
» plus dc cinquante membI'es, dorlt la plupart m' é-
l' coutent en cc moment, et qui, hors de l~ Chílmpre,
11 réprouvent et condamnent les mesure~ memes
» qu'ils soutienDent et qu'i1s vQtept. Dien qlle per-
» sonne plus que moi De resarde les ~onversations
» particulicres comme une chose sacrée, je suis pret
» a nommer ces membres, si la Chambre le désire et
~si I'issue du débat peut en dé pClldre. J Comme on
sarait 11. Dunnins homme a tcnir su paroJe , peI'-
sonne n'accepta le défi,


l\Ialgré la vive opposition des ministres et de leurs
amis, les résolutions de M. Dunnins, soutenues paI'
I"ox et par Burke 1 passcrent , runo a seize voix,




DEL A R I~ F O R M Jo: P ,'lo R L IDI E X T ,H R E. 1 :l;;
l' llutre a deux voix de majorité. JI rcstait a les con-
yertir en lois et a compléte,' ainsi r muvre de 1740.
"Mais le pn;sident de la Chamhre tomha malade : les
séances furent suspendues pendant quinze jours, et
lord Xorth, a l'aide des moyens memes qu'on pré-
tendait lui enlever, profita de l'infervalle pour re-
conquérir la majorité. Alors ce fuf, au sein du par-
lemenf, une des sccnes les plus drarnatiques dont
fasse mention l'histoire parlementaire. l\u moment
Ol' la Chamhre se réunit de nouveau, l' opposition
savait fout. Pour que la question se ddat tout de
suite, :\1. Dunnin¡r proposa done une adresse au roi,
fondée sur les ]'(;solutions pr¡'cédentes , et ceUe mo-
tion fut appuyée par Fox , dans IIn de ses discours
les plus éloquents. «roiltl, dit-il , 0I1ze ans que je
» suis dans la Chamh¡'e , et j' ai la doulrur de voir
» fous les priucipes qu' on m' a enseignés, abandon-
)) ués, frahis par ceux-Ia memes qui me les ensei-
» guaient jadis ; n' est-ce pas du no~Je lord (lord
» North) que j'appris que la Chamhrc. des eommunes
» est le palladium de la liherté hritannique, et que
» ses priviléges doivent etre mainfeuus a tout prix ?
"Avec quelle lucheté le noble lord déserte aujour-
» d'hui ce ferraill! avec queHe hassesse il laisse
" foulel' aux picds If'~ p¡'i\'iléges de la Chamhre ! JI
») ne fauf pas s'en ('tonne>,', an surplus, cal' e'est le
" sor! de tous les alltl'cs principes que le nohle lord
» a professés. » 11. Fox termina en 'faisanf un appel
chaleureux aux ,2:3:3 membres qlli avaient adopté
la glol'ieme motion de ~1. DlInninff, et en les sup-




136 f. H A PI T R F. 1\',


pliant de ne pas se déshonorer par un vote en sens
contraire. Ualgré cela, la proposition fut rejetéc par
254 voix contre 203.


C'est alors que Fox se leva, !'reil ardent , la voix
émue , et qu'il dirigea contre les déserteurs, contre
les traUres la plus puissante, la plus sanglante des
invectives. «Le vote, dit-il, qui vient d'avoir lieu
)) est un vote honteux, scandaleux, déshonorant,
)) lIon pour ceux qui, le 6 arril, Ollt voté avee le mi-
l) nistere, mais pour ceux qui ont voté eontre et qui
» viennenl de se démentil' honteusement. Ce qui
» m' afflige le plus, e' est que ces misérahles siégent
, de mon cOté et qu'ils m' entourent , an moment
, meme ou je parle! Personne ne tient en plus
» grand mépris que moi ceux ql1:, sont habituelle-
» ment a la discrétion des ministres; ee sont des es-
" claves de la pire espeee, paree qu'ils se vendent
)) eux-memes. Cependant, si hasse que soit leur con-
JI dition, ils ont une vertu : eeHe de la fidélité , de
)) la reeonnaissance, de la pcrsévéranee. A lcurs au-
, tres vices ils n' ajoutent pas l' absurdité et la trahison
» de déclarer, aujourd'hui, qu'une chose est vraie ,
» et, demain, qu' elle est fausse. IIs ne trompen!
» pas leurs pah'ons et leurs amis par de fausses cspé-
» rances, par des pl'Omcsses faIlaeieuscs ... On pcnt,
» dans leur état d'ahaissemcnt, les vo)r aucc quel-
» que indulgellce, avcc qnelque pifié, qualld ils se
» courbent, quanr! ils rampent au lever du prillce ou
» du ministre. Comment voir, au contraire, sans
» horreur ceux qui ont d' autres iMes et qui n' en




DF: L.~ RI;:FOR~IF: p,~nLF:lIF:NTAIRF:. 137
~ votrnt pas moins pour le ministre eontre leurs
D idées? Il n' est pas un ereur honnete qui, en pré-
" senee d'une teIle effronterie , ne doive ressentir le
1 ressentiment le plus a1,dent et le mépris le plus
1) poignant. ,


Parmi les nbmll1'euses mesures que l' opposition
produisit a eette époque, une seule h'ouva graee
devant la majorité : eeHe qui excluait de la Chamhre
toute persoone intéressée directement ou indireete-
ment dans un marehé avrc I'I:;tat. En 1778 et 1779,
ce nouveau genre de corruption avait été signalé
rlans les dClIx Chamlll'cs, notamment par lord Shel-
hume. En 17S0, le hill qui tendaít a la réprimer,
adopté saos di\"ision par les Communes, vint éehouer
devant la Chambre des lords, malgré un admirable
discours de lord Camhdcn; rejeté de nouveau en
1781 , il fut repris par Fox , en 1782, pendant son
court ministere , et devint loi de rÉtat. C' est, sur
ectte fll'ave matirre, le dcrnier acte impol'Íant, bien
qu'en 1801, HH2 et lSL7, qllelques incompatihilités
nOllvelles aient encore été pl'ononcées.


De eette analyse et de ces eitations je tire deux
conséquenees : la premicre, e' est que, depuis 1688,
la question de la corruption parlementaire a été eon-
stamment regardée, en "I\ngleterre, comme une ques-
tion essentieIle, vitale, comme une qllestion de la-
quelle dépend la vie ou la mod de la Constitution ;
la seconde , e' est que, dans les grands déhats aux-
quels elle a donné lieu 1 l'influence excessive de la
cOllronne n'a cessé d'Mre attaquée 'par les premie!'!'




\3> CHf\PITRE IV.


hommes d'Ittat, par les premiers oratcurs dll Parle-
ment avec une [l'anchise, arec une audace que per-
sonne, en France, n'a jamais égalées. El poudant, il
[uut le répéter encore, l' état social et politiq~e de
L\ngleterre est loin de donner a la eouronne tous les
moyens d'influenee, tous les moyens de séduetion
dont, en Franee, elle dispose libremcut.


Laissons maintellant l'.{ngleterrc, et royons si,
en Franee mcme, il n'y a pas qllelqlles pl'ée(;dcnts
curieux a reclleillir.


L'idée [ondamenfale de la Constitlltioll de 1791 ,
c'était, on le sait, la sépal'Ution ahsolup- des pouroirs.
Tont le monde comprend aujounl'hui a que) point
cetle idée méconnalt, altere la natlll'e el les eondi-
tions véritables dll gOllverncment rcprésentiltif; mais
elle urait alors toute la puissanee el'un axiome, et
e' est a peine si on osait la eoutestcr. :1ussi, par u ni'
eonséquence lo¿¡iquc, hien que d¡'ofestahle, la COII-
stitlltion de 1791 Mahlit-eJlc entre les [onctions de
législateur et toutes les all!t·cs fonctions révoeahles,
meme eelles de ministre, une incompatihilité radi-
cale. Au lieu d'Ctre les chefs de la majorité, Ics
ministres en devinI'ent ainsi les advel'saires ou les
snhOl'donnés; el la lutle, une lutte inéritable ct pel'-
manente, se troura instituéc par la Constitution
meme au seill (Iu gOllVCI'nemel!t. ,{ cl'autl'es (;pofllles,
le pOllvoir législatif eM pcut-(~¡re sllccomb(; clans
cctte lulte. Ce fut, pour cdtc fois, le pO\1\'oil' expculif
qui pl'l'it; ct, pcndant ql1f'lql1es nnn{'('s, :, la sl'pa-
ration ahsolue dci'i pouvoil's sllccc'da, clll moios cn




DE LA RÉFORME PAULElIENTAIRE. 139


fait I leur confusion complete. En l' an III I quand la
erise r(~vólutionnail'e touchait a son terme I l'idée de
la Constituante reparut, et l'ineompatibilité de 1791
devint de nouveau partie intégrante de la Constitu-
tion. Elle fut implicitement maintenue daos la Con-
stitution de l' an \III, ainSl que dans les sénatus-eon-
snltes de l'an x et ue l'an XII j Ipais c'était alors
en vertu d'un tout autre principe. Sous le Consulat
et sous I'Empire, les memures du Corps Législatif,
déchus de toute participation réelle au pouvoir,
étaient de pUl'S fonctionnair'es salariés, que la regle
administrative, a cléfaut de la l'(\gle politiquc, derait
tenir éloignés des autres fonctiolls publiques. Par la
Chade de J 81 !¡., aussi bien que par' l' acte additionnel
de 1815, cet état ele choses changea, et fous les ci-
toyens, fonctionnaires ou non, fUI'ent admís, pourvu
qu'ils réunisscnt certaines conuitíollS d' .lHe et de
cens, a faire partie de la ChamLl'e élcctive. JI est
pourtant hon de remarquer qu' en interelisant l' élec-
fion des compt&hles , ainsi que ceHe des préfets et
sous-préfets, dans leurs départements ou leurs arron-
dissements, r a~te addítionnel entra, bien qu' avec heau-
coup de timidité, dans la voie des incompatibilités.


i\insi, dc179 L a 1814, hormis pendant la tour-
mente révolutionnaire, aucull fonctionnaire puhlic
salarió et rérocablc ne put e/re memhre du Corps
LéHis1atif. 1'ous le purcnt, au contraire, depuisl8 L'4-.
C' était, comme il arrilc tI'Op souvent, passer d'un
extreme a l'autre et remplacer nn danger par un
autre danger. 1\ussi, plllsieurs écríts en font foi, ne




140 CHAPITRE IV.


tarda-t-on pas a se. préoccuper de la cminte que la
Chambre élective, envahie par les fonctionnaires, ue
devint, un jour, une annexe du conseil d'I~tat, une
succursale de l' administration. C' est a cette crainte
que répondaient M. Baríhe-Labastide, en 1816,
1\1. Cornet d'Incourt, en 1817, 1\1. 1\léchin, en 1820,
quand ils proposaient d' exclure de la Chambre cer-
taines catégories .{le fonctionnaires. Leurs proposi-
tions furent rejetées; mais on reconnut en memc
temps qu'il y avait CJuelque chose a faire, et, repre-
nant une disposition de I'acte additionncl, on déclara,
en 1817, les préfets, en 1820, les sOlls-préfets, iné-
ligibles dans les départcments ou dans les al'l'ondis-
sements qu'ils administraient.


Cependant l'invasion des fonctionnaires continuait,
augmentait, et deux faits importants se produisaient
simuItanément dans les coUéges élpctoraux eL dan s
la Chambre : d'une part, les colléffes électoraux nom-
maient, achaque élection, un noml))'e plus wand de
fonctionnaires : d'auh'e parí, d'une élection a l'autre,
un nombre plus grand de députés briRuaient ou ac-
ceptaient des fonctions publiques. De ces deux faits,
le dernier fl'appait surtout l' opinion et provoquaít de
vives réclamations. De la, a la tribune et dans la
presse, des plaintes ameres sur la sCITilité chaque
jour croissante, chaquc jOllr plus manifeste de la
Chamb,'e élective. C' est pOllr un article Ol! ces plaintes
étaient rlldement exprimées que le ,lu/ll'11al du Com-
mCl'ce, en 1826, fut traduit a la barre de la Chambre
rles députés. 1\ ceHe occasion, plusienrs memhrrs




DE LA HÉFORME PARLEMENTAIRE. 141
de la Chambre et M. Barthe, défenseur du journal
incriminé, signalcrent énergiquement le dangcr qui
mcna~ait l'indépendallce de la Chambre. l\Jais pcr-
sonne ne le fit uee plus d'autorité, avec plus d'effet
que M. Royer-Collard.


" L' article incriminé, dit 1\1. Royer-Collard, fai t
D allusion a deux faits : l'un, qu'il y a beaucoup d' é-
II migrés dans la Chambl'e; l' au{re, qu'il y a beau-
D coup de fonctionuaires. Ces deux faits sont de
» notoriété publique, et personne ne se défend de
» l'application. Les émiarés tiennent a honneur de
)) l' avoir été , ct les fonctionnaires, ce me semble,
» consentent parfaitement a l' etre.


» Mais, de ce qu'il y a beaucoup d'émigrés clans
» la Chambre, le journaliste conclut que l'indemnité
» a été votée clans des intérets personnels et que la
» Chambre protége les courtisans; de ce qu'il y a
» beaucoup de fonctionnail'es , le journaliste conclut
» que le crédit de la Chamhre est siU8ulicl'ement
» affaihli, et qu' elle protége surtout les commis ...


» Je crois, moi, que les émigrés qui siégent dans
» eeUe Chamhre ont été mus, dans le vote de l'in-
» demnité, par des considérations fort supérieures a
» le nI' intéret personnel ; mais iI me platt de le croire,
» ni la raison ni la morale ne m' en font un devoir.
» De meme, je crois que les fonctionlJaires apportent
» dans la Chamhre et qu'ils y conserveut une par-
» faite indépendance; mais je ne suis pas obligé de
" le croire ni de le dire.


» La prudence cornmunc, eettc prudence aussi




14~ e H A PI T 1\ ¡.; 1 V,


» vieille que le genre humain, enseigne que la situa-
» tion padiclIlihe des hommes détermine Icurs ill-
" térdts, et qu'il faut s'attcndre trop souvent que
» leurs intérels détermincnt Icurs aclions, La Oll le
» eontraire arrive, il y a de la vertu : elle seule 0pól'e
n ce miraele. Je le dis done hautement, je le dis avec
» l'alltorité de l'expérÍcllce universelle : il a fallu de
11 la vertu aux émigrés pOli!' se dégagcl' de lcurs iu-
n térets dans le vote de l'indemnitó; il faut de la
» vertu aux fonclionnail'es pOU!' rester indépendanls.
11 Quel est mainlcnant le erime du journaliste? d'a-
n voir jugé la CJ¡ambre vllJgairement, eomOle ju;¡e
il la prudenee eommune I eomme juue l'histoil'e, et
n d'avoil' eherehé et trouvé l'esprit qui l'anime dan s
n les lois ordinaires du ereur humain plulot que dans
n les lois exlraordinai!'es de la vertU.... J e \'OUS le
» demande, l\Iessieurs : 'quel serait le dearé de ser-
» vitude d'un peuple pro\'oqué a parler el qui serait
n eondarnn¡; 11 Irouver toujours de la verlu 11 ceux
» qui gourernenl '1 ))


Cc diseours, d'une ¡ronie si puissante, n' empecha
pas la condarnnation du Jou7'nal dll Commercc; rnais
le trait resla dans la blessure, et la cause des dé-
pulés fonclionnaires fut, a pa!'lir de ce jour, perduc
devant le l!'ibunal de l' opinion publique.


Ccpendant une idée arait surgi (jui, sans pronon-
eer aucune incompalibilité nouvelle, sernhlaít de\'oir
porte!' an mal un remódl' emeace et diminuer nofa-
hlernent le nombre des dépllll;S f'onctiorlnai!'('s, Ccllc
idée, p!'oduite pOUl' la pl'ernicre fois en HH 7 , par'




DE LA. HI:;FOIDIE PA.RLEMEl\;TA.IRE. 113


1\1. de VilIele, et, depuis, reprise annuellement, tanlót
par la gauehe, tantót par la droite indépendante ,
eonsisfait a renvoyer devant le eorps éleetoral,
comme on le fait en Au;]leterre, lout dóputó qui ae-
ceplerait soit de l' a\'aneement, soit une fonction ré-
tribuée. Jusqu'en 1828, la question, aillsi posée, était
restée au nomhre de ecHes quel'on discute, mais sans
espoir J'un résultat sórieux et prochain. En 1828,
aussiUlt apres la chute de M. de \'ilIele, l' opposítioll,
rictol'ieuse, s' en empara et entreprit de la conduirc
a bOllne fin. Darls ses termes, la proposition llouvelle
n'allait d'ailleurs pas plus loin que celles de :\1. de
\'iJlCle, en1S17, de :\1. LegraverenJ, en 1820, de
M. Janko\\iitz et de 1\1. Boucher, dalls les sessions


.subséquentes. Mais, dans son esprit, elle était bien
plus large; et, pour en comprendre toute la portée,
il suffit de lire, J'une part, le développement de
l\I. de COlllly, aufeul' de la proposition, de l'autre,
le rapport de i\1. de Chantclauze. L'alms que 1\1. de
Conny attaque, ille déclare nettement, e' est l' ema-
hissement de la Chamhre pal' les fonctionnait'es pu-
blics, e' est la prodigalité seandaleuse avec laquelle
les emplois so~t distrihuós aux dépntés par les mi-
nistres. La proposilion a dOlle pour but de diminuer
le nombre des fonctionr:aires députés, et (ce sont les
propres termes du déreloppement) ~ d'établír une
" barriere qui reBele les députés étrangers atonte
» promotion de pIaces, pendunt la dUl'óe de leurs
» fonctions. " M. de Conny veut, en un mot, (( que
» la carl'iel'e des pluees liC 5' ouvre plus que rarement




144 CIlAPITRE I\:.


» et a de tres-grandes distances pom' les melllbres
» de la Chambl'e. » 1\1. de Chanfelauze, au nom de
l'unanimité de la eommission, ne \'U pas aussi loin ;
mais, fout en déclarant que l'ineompatibilité des fone-
tions publiques avee les fonclions de député sel'ait
eontraire a la Charte et au hon sens, il reconnait
"qu'il est urgent d'cmpccher que les députés ne
" spéculent sur leur mandat et ne fassent de leur
» élec'ion un moyen de parvenir aux Itonneurs et
» d' aecroitre leur fortune. » Sclon lui, la proposi-
tion de 1\1. de Conny doit avoir ce résultat, et e' est
pomquoi il en propose l' adoption.


La proposition fut, en effet, adoptée par la Cham-
bre des députés; mais la Chambl'e des pait·s la rejcta,
apres une discussion longue, approfondie, et qui ne
laisse aucun doute sur le hut que ron voulait aUein-
dre. Qu' on lise eeUe discllssion, a laquelle prirent
pal't lcs pl'emiel's orateurs de la Chamol'e, et qu' Oll
dise si, aux yeux de tous, aux yeux de ses défen-
Seurs comme de ses adversaires, la proposition ne
devait pas réduire notahlement le nombre des dépu-
tés fonctionnaires. Je ne veux point réimprimer le
discours de 1\1. de llroglie, discours si souvent cité a
la tribune, et daos lcquel cet homme d'l~tat attaquait
avec tant de verve, avec tant d' énergie ~ la pl'Odiga-
» lité des emplois publics vis-1l.-\is de la Chambre
» élective. » Je ne veux point reproduire le tablean
si vrai, si frappant qu'il préselltait de toutes les pro-
fusiolls al' aide desquelles des ministres peu scrupu-
lcux s' appliquaient, selon lui, a corrompre, a per-




DE U. RÉf'OIUIE PAHLElIENTAIRE. 14:.;


\'ertir a la fois le f{0uvernemenl représentatif ct l'ad-
ministration . .fe veux sculement constater qU'Cll sou-
tenanl la pl'oposition, 11. de Bl'oglie espérait JI troll-
ver UIl rem('.de emeaee au mal qu'il si¡{lwlait. Je
veux constater <Iu'n s'agissait pOlll' lUÍ, non pas de
faire pl'évaloir un principe et d'obteni¡' une salisfue-
tion lh(;OI'iqllC, mais de reformer en fuil, dalls la
p' afiqlle, un ahus réel, un abus quí, disait-il, " était
n del'CllU énorTJIe, mOl1stmeux, intolél'able, » Réfor-
mer l' aLus, tel était le Lut. SOllmettre les déplltés a
rééleclion, td élmt le moyen; el, ce moren, 011 n'a-
vait garde de pellSel' qu'jl plit etre insuffisant; la
seule crainle que I'on eút, c'était, au contraire, qu'il
ne fUt trap violent, trop radical, et qu' en fait il
n' exc!út tous les fonctionnaires de la ChamLre. i\insi,
M. Pasquier, rapporteur de la commission, ne niait
pas l'abus; mais iI fallait, selon lui, "prendre garde,
» en le sllppl'imant, de lomber clans un abus pl!IS
» dangereux et de re\'enir indil'cctemeut au princi¡w
» de la Constitllante. » 1\1. Pasquier, si ron entrait
dans cette voie, préfél"ait qll' on étendit le cercle des
incompatibilités.


Ainsi, en 1828, la question était celle-ci : on trou-
vait le nombre des fonctionnail'es députés trop con-
sidérable pOul· que la Cham)}I"e pIlt ctre ou paral!r~
indépendante. On trourait en outre que les emplois
publics avaient seni trop sOlIVent a payer ccrbillS
services parlementaires, a récompenser certairs {·o-
tes, a faciliter certaines conversions, et que, dcllls
l'intérCt du Parlernent comme dan s l'intér(~t de /ad-


10




146 CH.L\PITRF. 1\7.


ministration, il était temps de mcttre un terme .. ces
scandales. Puis, cela établi, on eroyait qu' en sou-
metlant les députés fonetionnaires a la néeessité
d'une réélection, en eas de promotion, les ahus et
les seandales eesseraient aussitót. C' est eette pen-
sée, e' est eette eonvietion qui dicta le paragraphe :3
de l' article 69 de la Charte et la loi du i 4 sep-
tembre 1830.


On je m' abuse fort, ou ce sont lit' des faits démon-
frés. La question des lors, se réduit aux termes les
plus simples: la loi de 1830 a-t-elle, eomme on
l' cspérait, réduit notablement le nombre des députés
fonctionnaires't La meme loi a-t-elle prévellu ou
pUIli les ahus, les scandales dont on se plaignait '?
Qui peut nier que la question, ainsi posée, ne soit
résolue par la notoriété publique? ~ Malgré mon
» respect pour la cho~e jugée, dit l\1. le due Pasquier,
» dans la derniere édition de ses discours, je ne puis
" m' empikher de remarquer que le sysleme adopté
n depuis 18:30 n'a point arre té le cours des ahus
n auxqueIs eeux qui l' ont fait prévaloir espéraient re-
, médier. n C' est une opinion grave, et que ne réeu-
sera pas sansdoute le partí eonservateur, Voyons
pourtaut si ron ne peut pas y ajouter r autorité irré-
sistible de quelques ehiffres.


Toutes les fois que ce déhat s' est élcvé dans la
Chamhre des députés, les adversaires de la proposi-
tion out fait grand hruit d' un ealeul de 1\1. le duc
de llroglic, en 1828, caleul duqucl il semhle résulter
(Ille, sur 1,'4-00 députés, llommés de 181!í· a 1828,




DE LA nÉFORME I'AHLE~IENTAIRE. 147
J,200 a peu prcs avaient accepté des fOllctions pu-
bliques. Si les adrersaires de la proposition avaient
pris la peine de lire le déLat tout enlier, ¡Is auraient
vu que, dans son calcul, 1\1. de Broglie faisait entrer
beaucoup de fonctionnaires gratuits, les maires, pill'
exemple, et les membres des conseils généraux. lis
auraient vu aussi que 1\1. de Broglic éraluait a 130
le nombre des vrais fonctionllaires qui faisaient alors
partie de la Chambre, ct que ce nombre de 130 lui
paraissait démesuré. Si, aujourd'hui , il Y a plus de
1:30 fonctionllaires dóputés, il faut done reconnaltre
(Iue la loi de U;:30, défendlle, en 1828, par 1\1. de
Broglie, a eomplétcment manqué son hut. 01', voici
eomment, depuis la loi de 1~nO, les choses se sont
passéf's : en 1831, au lendcmain de la révolulion ,
quaml presque toutes les fonctions publiques avaient
ehangé de mains, quand tout naturellement on avait
dO. choisir les fonctionnaircs noureaux parmi les
hommes notables de la majorit6libérale, une Cham-
hre des députés fut élue. Dans de telles eireonstanees,
il était nalllrel, presque inévitable, que beaueoup de
fonctionllaires y prissent place. lis atteignirent, en
cffet, le chiffre de 14'2, douze de plus qu'ell 1828.
l\Iaís, je le répete, ce chiff,'e pouvait paraitre excep-
tionnel, et l' on avait lieu de croire qu'il irait en di-
rninuant, surtout aprcs une loi qui déclarait absolu-
ment inéligiblcs les préff'fs, les SOus-p¡'éfets, les
comptahles, et qui appliquait aux procurcurs-géné-
raux et aux commandallts milituircs le principe de
l'incompatibilité rclative. O!', depuis 1831, le chiffre




CHAPITRE Ir.


des députés fonctíonnail'cs a-t-Il dirninué? Tout au
contraire. Ainsi, des tahleaux l'édigés avec soin ct
dístl'ihués a la Charnhl'c constatent que ce chifrre
était, au 1"1' mars 181;.2, de 167; au 1"1' mars l1HO,
de 184. 11 est aujourd'hui de 1\):3 dalls une Chambre
incomplcle, et arant que cerlaincs amhitions nou-
t'eHes aient cu le temps de se prOdllil'e.


Ces chiffres son! sinnificatífs par ellx-mCmcs. lis
le sont plus encore si on les décompose. ilinsi, la
liste des fonclionnaircs, aux tI'oís épOqllCS de 18:32,
1842, 18'406, se suhdiliisait ainsi qu'il suit :


18:3.2. - Administration centmle.. .•. 8
Corps diplomatíque.. 2
Conseil d'État. . . . . . 8
Cour des comptes. . . . :3
l\Iagistrature inamovible. a6
Magistrature amovible. . 19
Administrations diverscs. H)
lhmée el marine.. . . . !j.t'
~Iaison civile et militail'c du roí. 4


1842. - Adminish'ation centrale.. 18
Corps diplomatique.. !jo
Conseil d'I:;tat. . . . . . 18
Cour des comptes. . . . 5
Ma¿¡islralul'c inamovihle. '¡.~.
l\Iagistratlll'e amot'Íble. . 1 B
Adminisll'Utions divcrses. 2:1
Arlllée et marine.. . . . 26
l\Iaison ciliile et militail'c du roí. 11




DEL il. n ¡:; F O n :\1 E P 1\ R L E :\1 E N T il. 1 R E.


18'.6. - Administratíon centrale ..
Corps diplomatíque ..
Conseil d']:;tat. . . . , .
Cour des comptes. . . .
l\1anistrature inamovible.
~la3istrature amovible. .
Administrations diverses.
Armée et mal'Íne .. , ..


14!J


20
,..
,)


24
7


48
20
20
29


Maison civile et milifaire du roj. 11


Quant au chiffl'e ac!uel, de 19:3, en voici les élé-
ments:


18 r¡.7. - Administration centrale.. 24
Corps diplomatique.. 5
Conseil (l'!:;tat. . . , . , 24-
COUI' des comptes. , . . 10
lHagisfl'atm'e inamovible. 47
l\JagistJ'ature amovible, , 20
AdministJ'atiolls dit'crses. 17
Armée et marine .. , . . 31
lIaison civil e et militaire du roi. 14


Ainsi I de url2 a 18'.6, le chiffre de l'armée et
de la marine a diminué, celui de la magistrature [)st
resté presC]ue sfationnaire; celui de l'.-\dministration
centrale, de la Cour des comptes, du Conseil ¡/'J:;tat,
de la maison citile et militaire du roi a notablement
aunmenté. La conséquence, ce me semhle, n' est pas
dífllcile a til·el·.


JI peut étre curieux de placer a cOté de ce tableau




150 CHAI'ITRE l\".


celui des fonctionnaires publics lJui font partie de la
Chambre des communes d'i\ngleterre, Le voici, d'a-
prcs le Pal'liameutary ('ompauion de 18·r¡·6 :


Ministres et sous-secl'étail'es d'l~tat. 10
Lords et secl'étail'es de la trésorerie, 6
LOJ'ds et secrétaires de l'amirauté, , 5
Artille1'ie, bureau de commerce, hUl'eau de


controle" , , , , , , , , , , , , , 6
Attorneys et avocats-géll('J'aux, , , , , 5
l\Iaison de la reine et !lu pl'ince i\lbert. 10
Al'mée, , , , , 52
Marine, , , , , 22
Emplois divers" 5


Il faut remarquer que les '¡.:2 fonctionnaires des
six premicres catégories sont tous des fonctionnaires
poli tiques qui changent chaque fois que le cahinrt
ch~ge, et qui forment, en quelque so1'te, le minis-
tóre, Il ne reste donc, a vrai dil'e, que l'armée et la
marine, dont, en Angletert'e, l'indépendance absolue
n' est cootestée par persoone, En déduisaot des deux
cOtés l'armée et la marine, 00 al'l'it'e, pour les aull'es
catégories, aux résuItats que voici,


En .~ngleterre, sur une Chaml)\'e de 6;)8 mem-
h,'es, il Y a 47 fonctionoaires, presque fous politi-
ques, et qui suivent le sort du parti auquel ils ap-
partienoent.


En France, sur une Charnb,'e de !¡.;)9 memhres, il
ya, pn deho,'s de J'armpp et de la marine, 16 [ fonc-




DE LA TI {: F O R ~IE PAR LE~IEN T AIRE. 151
tionnaires, dont 12 ou 15 tout au plus se croient
obligés de quitter leUl' place quand le ministere est
renversé.


Ce n' est pas tout, et yoiei qui parle plus claire-
ment encore : enl 8:32, sur les 142 fonctionnaires-
députés, il y en avait 66 qui votaient avec l' opposi-
tion. En J ~¡rt2, iI Y en avait 48 sur 167; et, en 18';.6,
H sur '18' •. 11 Y en a, aujourd'hui, :3:3 sur 193, Il
résulte de la que, la majorité absolue restant fixée au
ehiffre de 2:30, on compte dans eeUe majol'ité : en
J 832, 7() fonctionnaires; en 18't2, 121 ; en 18'.6,
HO; aujonrd'hui, HiO. Que dit-on de la progression?
:\,'est-elle pas tout á fait rassul'ante, et n'est-ee pas
fort a tort que l' opposition s'alarme pour l'indépen-
dance de la Chambre et pour l'avenir du 3ouverne-
ment représentatif?


Ce chifrre, tout énorme qu'il est, n'est d'ailleurs
pas le chiffre vél'itable. J e citais tout a l'heure le bill
par lequel Fox, en 1782, fit ássimiler aux fonction-
naires salariés tous ceux qui avaient un intél'ct, di-
rect ou indirect dans des marchés passés avec l'I~tat.
Croit-on que ceUe assimilation soit fausse, ou qu' en
France, l'abus dont il s'agit soit moins a craindre
cru'en .I\ngleterre? Qu'aux I (jO députt\s fonction-
naires OIl ajoute cen:\, que le bill de Fox exclu"rait, et
qu' on dise si, en dPfinitive, plus des deux tiers des
membres de la majol'ité ne se fr'ouvent pas, soit par
leurs fonctions, soit Pilr leurs intérets privés, en rap-
port direct, éh'oit, avec les ministres. Je ne parle
point de cel'taines favellrs plus secretes, qni, mal-




1;;2 CHAI'ITRE Ir.


heureusement, ont souillé, dalls lous les temps, les
assemhlées représentatives, et dont rien n' aulorise
u e¡'oire que l' rpoque aetuelle soit plus pure que les
époques préeédelltes .


.J e le demande : en présenec de tcls ehiffres, la
démonstration n'est-elle pas complete J et quelqu'un
peut-iI soutenir de bonne foi que la loi de 1830 ait
atteint son premier but, celui Je rarnener a des pro-
portions plus modestes le nombre des dópulés fone-
tionnaires? Eneore les eboses n' ont-elles pas été jus-
qu' Ol! elles iront, si la législation n'y met ordre,
Avant les éleetions, on a publié dans les journaux
une liste del 00 a 120 fonetionnui¡'es, qui, en sus des
18'. déja membl'es de la Chambl'e , se présentaient
aux éleeteurs. On peut prédil'e qu' en 1850 il Y en
aura plus eneore. Ce n' est pas sérieusement d' ail-
leurs qu'on imagine répondl'e a tout, en disant que
l'opposition ehoisit, eomme la majorit(>, un eerlain
nombre de ses candida!s paI'Cni les fonetionnttires.
Les lois, meme mauvaises, sont lf's memes pOUl' fous
fant qu' elles existent, et le pI'emie!' devoir d'un parti,
c' est de prendre, parmi les candídats qui repl'ésen-
tent ses opinions, cclui qui pal'alt avoir les meilleures
chances.


Déclarer, par le fait, les fOlletionnail'es de l'oppo-
sition inéligiblcs, tandis que ceux de la majol'ité res-
teraient éligibles, ce sel'ait le comble de l'ahsurdité,
le comble de la dllperie. Il était en 18;~ 1, bon nom-
hre de consel'Vatem's qui vOlllaient maintenir le ceus
,'lectoral it :300 franes et qui on! \'ivement ¡'ewpftr




DEL A IlI:: F O R II E P.i. R L E M E N TAl R E. 153


({U'i! fút abaissé a 200 franes. Je ne sache pas que,
pOllr rester fidMes a leur opinion, ils se soient aLste-
nus de sollieiter les suffrages des électeurs qu'ils
roulaient exclure, ou qu'ils leur aient eonseillé 1'ab-
stcntion. Tant que eerlains fonctionnaires seront éli-
gihles et tant que les éleeteurs pa¡'altront disposés a
lrs nommer, ils figureront done sur les lisies de l' op-
position eomme su\' edles de la majorilé , sans qu'il
soit possible o'en faire un reproche soit a l'opposi-
lion, soit ¡\ la majorilé. Cela pmllve-t-il quC' 1'iIl\'a-
sion des fonctionnail'es ne soit point a craindl'C et
(lile la loi doive ¡'ester muettc '? A Inon sens, cela
pl'ouve précis(;ment tout le eonh'aire, Si le eoI'ps
l:lectol'al repoussait les fonctionnuires, la législation
n'uurait point a s'en oeeuper, Il faut que la législa-
lion s'en oeenpe, parce qur, malgré tous les avertis-
semenls, le eorps électoral Ieur est, ehaque année,
plus favorable. JI faut que la ló;¡islalion s' en oeeupe,
paree que les intrI'cts pu¡'¡ieuliers tendrIlt ainsi a do-
miner les intérets [{énél'aux et a eréer une ChulllDre
qui représente les ministres, au lieu de repl'ésenter
le pays.


J e le répele : la loi de U~:30 n' a pas atteint son
premier but, eclui de diminuer le nombre des dé-
pntés fonelionnairrs. i\-t-elle atleint le seeond, eclui
d'emptkhel' les Ilominations, les promolioIls abusi-
\'es et de mettre un terme a ce que 11. Thiers appe-
In.it si jllstement, duns la srance du 17 mars nFl,6 I
« Ir, I'rgime du passr-dl'oit? » Ici j' épl'omie quelque
prnharras. Il est plus facile, surtout quand on a




154 CHAPITRE IV.


I'honIleur d' ctre membl'e de la Chambl'e, de toucher
aux chirrl'es qu'aux personnes. Je me bOI'ne, comme
11. de Bl'oglie, en 1828, a invoquer la notoriété pu-
blique et a poser en fait qu'il y a eu, depuis quinze
ans, des abus énormes, monstrlleux, intolérables.
Nous avons dans la Chambl'e des premiers prési-
dents et des maitres des comptes , des procul'eurs
sénéraux et des directelll's des finances, des con-
seillers d'l~tat et des ministres plénipotentiaires, des
officiers supérieurs et des rérérendaires, dont plu-
sieurs OIlt fait leur chemiIl assez aisémeIlt, assez
vite, saIlS quitter les baIlCS de la Chambre. Pense-t-
OIl qu'ils l' eussent fait égalemeIlt si les électeurs ne
leur eussellt pas mis Une boule blanche et une boule
noire dans la main? J e ne serai point assez indiscret
pour répéter lit-dessus tout ce que j' ai rntendu dire
dans la salle des Conrérences, non par l' opposition ,
mais par les membl'es les plus dévoués, les plus ho-
nOl'ables de la majorité. Je me contente d'affirmer,
sans crainte d' etre démenti, que de tristes nomina-
tions ont eu lieu et que ces nominations ont, sur
presque fous les bancs, renconfl'é le meme senti-
ment. Qu' on sorte, au reste, de la Chambl'e et gu' on
interroge, non publiquement, mais a part, un des
innombrables fonctionnail'es non députés auxquels
les députés font concurl'encc. En est-il un qui ne
sache, qui ne dise que, pour raÍl'e son chemin aujour-
d'hui, les services parlementaires valent incompara-
blement mieux que les autres services ? En est-i1 un
qui ne plie tl'istement, doulolll'pusement son!; le poi[l~




IlE LA RI::FOIL\IE PARLE:\IENTAIRE. 15(;


de eeHe f<ieheuse eonviction? C' est la, qu' on le sache
bien, ce qui pousse vers la Chambre tant de fone-
tionnaires qui, dans d'allh'es eireonstanees, se tien-
draient sagement a l' éeart. lIs veulent devenir dépu-
tés, non pour entrer clans la earriere politique, mais
pou!' avaneer dans leur earriere administrative, Ce-
n' est point a eux qu'il faut en faire un reproche;
e' est au systeme dont la partialité eorruptriee leul'
en fait p,'esque une néeessité,


U. Thiers avait done miIle fois raison quand, daes
la dernicre s('ssion, il disait qu'il venait défendre le
pouvoi,' en meme temps que la Chambre, les fone-
tionnaires non députés en mcme temps que les dé-
pntés non fonctionnaires, la justice administrative
en meme temps que l'indépendanee parlementaire,
!Iaintenant, si la loi de 1830 n' a point pI'évenu les
ahus, les a-t-elle du moins punís, non toujours, mais
quelquefois , mais une foís sur díx? PouI' en juger,
que ron eompte parmi les députés sOllmis a la réé-
lection combien n' ont pas été rééllls : dellx ou trois
tout au plus! Je sais qu'on présente 3ravement ce
fait eomme une preuve de l' excellenee des ehoix
faits, depuis quinze ans, par tous les ministeres, C'est
précisément ainsi que raisonnait U T alpoJe, en 17!fI,
et e'est 11 ce beau raisonnement que les premieI's
hommes de la Chambre des lords r(;pondaient par le
eonsidérant que j' ai déja cité. Quand leS éleeteurs
atfendent de leur député non des votes indépen-
dants, mais des faveurs personnelles, pourquoi.
eomment ne le rééliraient-i1s pas au moment ou son




¡;¡6 CHllPITRE IV.


crédit aunmente, Oll son pouvoir s' affermit? Ce se-
rait rompre son bail a la veille d'une récolte aLon-
dUllle, abandonner sa p¡'opriété quand elle est en
rleine valeur, Tout ce que ron peut demander, e'est
une part proportionnelle au pI'oduit, et, dans eer-
tains moments, cela ne se refuse gucre,


Est-il besoin d' en dil'e davantage pour prouver
que lu loi de 1830 n'a point diminué le nombre des
déplltés fonctionnail'es, qu' elle n' a prévenu aueun
scandale, qu'ellc n'a répr¡mé ancnn ahlls, et que les
puroles si sévcres de 11. de BI'o;¡lie, en182S, sont
alljomd'hui aussi vraies, plus vraies qu' elles ne
I\;taient a cctte époquc'? l\laintenant, a eeux qui,
pour se dispensel' de rien faire en 18't7 , se retl'an-
chent sans eesse derriere ce qu'on a fait en 18:30,
j' adl'csse eeUe seule question : quand 11 une maladie
bien eonstatée, hien définie la médecine a opposé un
rcmede qu' elle croyait effieace, mais (lui a complé-
tement échoué, que lui reste-t-il a faire? Boit-elle
s' en tenir au remede qui a échoué, ou en eherehel'
un autre ? laisser mourir le malade ou avouer qu' elle
s' est trompée ?


Il faut, d'ailleurs, en eom'enir : si l'opposition fout
pnticI'c est d'aecord sur le mal, ellc ne l'est pas au
Ila\mc point sur le rem('de; et tont naturellement
cenx qui eroient la loi de /8:30 surfisante profilcnt
de ses dissentiments. Il est donc utile (1' examiner
par avance si, sur qllrlqurs points au moins, on ne
poul'l'ait pas s' accorder. Panni les remedes PI'OPO-
sés, il en est d'abord un qui trancherait dans le rir :




DE LA UÉ!<'OIDIE PAULE!\lEXTAIRE. 15,
e' est eeIui qui) aiusi que le voulait la majorité des
Communes, en J 70G et i 7 40, poseJ'ait en príncipe
l' exclusion absoluc des fonetionnaires, tout en ~xcef1-
tant de la r('gle communc eertains emplois politi-
ques. De eette fagon, on limiterait strictement le
nombt·e oes fonctionnail'ts , et on fermerait la porte
a toute nominatioll, h tout avaucernent scandalellx.
Si la constitution sociale de la France J'essernhlait á
eelle de l'i\ngleterre, j'illclincl'uis fod vcrs ce re-
móde, tout muical qu'il est. 1Jais le lé¡Jislatcur, s'il
est sensé, doit tenj¡· eOIllple des faits et ne pas h,ltir
dans le dde. 01', iI fau! reconnaltre que la Francé
ne passcde pas, eomme L'\nglcterre, une classe élc-
\(;e pour la \ ie puhlíque, et qui se destine, des l' cn-
fanee, non aux emplois, mais au gouvernement. La
Chambre des dépuh;s doit done se reeruter indisiinc-
tement dans les diverscs profcssíons dont la sociélé
se compase; et, parmi ces pl"ofcssions, eelle de
fOIlctiollnaire est illcontestablcrncnt Ulle des plus
noruhrellses, une des plus honorahles, une des plus
éclairécs, peut-ctre mernc une de eelles Ol! l'idée de
l'inléret publie s' erraee le moins devant eeHe de l'ill~
téret privé. Comment sans injustiee, sans dommage
pour le paIs, exclure de la Chambre eeUe profcssion
tout enticl'e? Cornmellt admeftre l'avocat I non le
magistrat, le eommrr~aTlt, non le militaire? :U. de
Rémusat et ~I. Thicrs ront prtrfaitement démonlré :
la Chamhre doit (\tre la I'ep!'éscntation fidcle, cxncfc,
sincóre de la société, daos toutes ses parties et dans
ses proportions véritables. Le scrait-clle) si une




CIlA.I'ITRE Ir.
.-


cIasse influenle et considérahle se trouvait absolu-
ment écartée?


La sollltion radicale mise de cOté, il s'en IJI'ésente
plllsieurs qui se sont succcssivement pl'oduites, et
qui, apres une épuralion nécessaire , ont abouti, en
définitive, aux deux idécs que \'oiei : selon les uns,
pour aHeindre le mal st'rl'ement ct promptcment, il
fa lit , sans d(;clarer aUCllne fonction incompatible
av('e la fonction de député, interdire aux députés,
une fois nommés, toute promolion et tout avanee-
ment; selon les autres , il vaut mieux, a l' exemple
d"e l' Annleterre, sllivre la voie ouvcrle par la loi dc
1831 et ajouter aux incompatihili!és établics d'au-
tres incompatibilités, En JW~O, M. de RemilIy, au
nom de plusieurs consel'vateurs, proposa la pre-
miere solution; tandis que .M. Thiers, au nom du
ministere, qu'il présidait, déclarait sa préférence
pour la seconde. I)lus tard, en y r('ijardant de pres,
on s'est apen;u que, dans une certaiJle mesure,
toules deux élaient honnes, et qu'au lieu de les op-
poser l'une a l'autre, il convenait de les réunir et de
les associer. De la le projet pré.3enté par ~1. Gan-
Il('ron, repris par ~1. de Rémusat, complété par
JI. Odilon Barrot. De lit le projet qui, dans la der-
ni ere Chambre, a provoqué un si ¡p-and débat et
qui, soutenu par une minorité de 18'~ voix, a suc-
combé devant une majol'ité de 2:32 conserva/eurs,
dont 1:3:3 fonctionnaircs,


Quand, au lieu d'écarter la proposition par une
fin de non recevoir, la Chambre voudm hien la dis-




DEL.I\ R É F O R M E PAR L lDl Jo: N TAl R E. 1;'\1
cuter, il sera temps d' en appréeier les détails et
d'examiner les objeetiolls seeolldaires llu' elle so u-
leve. J e veux seulenlent au jOlll'd'hui poser quelques
pl'ineipes et montrer que, pour atteindre le double
but que la loi de 1830 a marqué, les deux parties de
la propositioll son1 absolumcnt néeessaircs. Je eom-
menee par la partie la plus importante, selon moi,
eelle qui tend 11 élal'gir le cerele des ineompatibi-
¡¡Iés.


La question générale de savoir qucIs sont dans le
gouvernement représentatif, tel qu'il existe en
Franee, eeux des fOllctionnaires publies qui ont un
cal'actere Vl"Uimellt politique et qui doi1ient s'asso-
cier 11 la pensée ministérielle, est une des questions
les plus sérieuscs, les plus diffieiles, les plus déli-
cates qu'il y ait, une de eelles dont la solution im-
plique les plus graVEs eonséquences. Je prends tout
de suite un exemple, le plus simple et le plus frap-
pant de fous : on semhlc généralcment admettre que
les préfets et sous-préfets sont les eollaborateurs
politiques des ministres, et qn'il leur est non-seule-
rnent permis, mais imposé de faire prévaloir, au
llIoyen de leur influenee, tcl ou tel systeme, teIle ou
telle opinion. La eonséquenec logique de ectte
Ihéorie, e' est que les préfets et sous-préfets , s'ils ne
50nt pas de pures machines, doivent etre ehangés
chaque fois que la politique ehange. J e diseutais,
un jour, eette ql1estioll avee un sous-préfet qui n' en-
tcndait point se réduire ¡\ un role purement admi-
nistratif. ~ Qu' a"urais-jc ¡\ faire uans ma sous-pré ..


r




160 eH r\ P I T H ¡.; Ir.


» feeture, me disait-il, si .ie ne m' occupais pas de
)) pl'OLn'er que le ./olil'lIal des /)(;¡J({ts a raison eonll'c
II le Siéclc? - C' cst a mencille, lui répolldis-je;
~) mais alors vous (\tes bien résolu a quitter votl'C
JI sous-préfecture, le jOUl' Oll le ministcl'e tombel'u '!
JI - PounllloÍ cela ?-Pal'ee que, d'aprcs votre doc-
» trine, rous vous velTiez duns la nécessité de pl'OU-
" ,'I~r que le Siecle u raison contre le .Jo/ll'1wl dcs
» Déúa{s, et que cela df'uait vous etre fort pé-
JI nible. » "'\ mOIl argument le sous-préfet en ques-
lion objeeta que la poliliqne reste soU\'ellt la meme,
hien que le ministcl'e ehan[Ie. Cela s' est ,'u en erfe!;
mais il fau! cspér-er que cela ne se rerl'a plus, et,
aans tous les eas, ee n' est point l' état normal du
gouvernement représentatif.


Plus on approfondit eeUe question, plus on se
pcrsnade que, dans un pays de eentralisation, eornmc
la Franee, il est impossihlc, sans a\'i!il' I'admi-
¡,istmlion ou sans la désol'ganisel' péI-iodiquemenl,
d'a!tribuer le ea¡'actcl'C politique 11 un grand nombre
dc fonctions puLliques; plus on se persuade qu'apl'l\s
deux ou h'ois changemcnts sél'icux de cabinet, tout
le monde scntira la néeessité de réduil'c l' aclion po-
litique de la plupnl't des fOllctiollnail'es, m('me des
préfcls et sous-préJcts, a la déf(~nse de la dynlls(ic
et des insti!utiollS cOlls!itutiollllclles. En attrndant,
iI cst 11éccssail'e d(~ prelldl'e les choses Idles <In' elles
son!. Or, qlla!ld on SOllmct a une analyse "i¡¡OUl'('use
les divel'ses classes de fonctionnail'cs, on d(;COlHTe
hientót qu'ils sont de tI'ois sortes : 1° ceux donf les




DEL ARÉ F O R 1\1 F. P.'\ R L E 1\1 E N TAl R E. 16\
fonctions sont complétement, incontestahlement po-
litiques, et qui, collahorateurs ohligés des minis-
tres, ne peuvent, sans un trouhle profond, se sé-
parer d'eux dans la Chamhre ou ho)'s de la Cham-
hre; 2° ceux qui occupf'nt des emplois auxquels la
politique est ou doif rester étranflcre, et qui peu-
vent, sans dommage pour 1'I::tat, parlager ou ne pas
partager les opinions ministérielles; 3° ceux enfin
qui, infermédiaires entre les uns et les autres, ont
un caractere semi-polilique, semi-administratif, un
caractcre qui, sans les associer entierement au
systeme ministériel, ne leur permet pas de s' en faire
ouvertement les contradicteurs. Il est sans doutc
teIle ou telle fonction qu' on peut hésiter a range)'
dans l'une ou l'autre de ces catégories. On ne peut
nier qu' elles n' existent toutes les trois et qu'il ne
soit possihle, sinon faciJe, de les distinguer les unes
des autres.
~Iaintenant, en supP9sant cette cIassification faite,


rien de plus simple que de déterminer, non pas ar-
hitrail'cment, mais d' apres une regle positive, queIs
fonctionnaires doivent ou ne doivent pas Ctre éligi-
bIes. Point de difficulté d'ahord pOUl' la premiere
classe, celle des fonctionnaires vraiment politiques,
des fonctionnaires qui, clans tous les systemes, meme
dans le systcme radical, peuvent et doivent res ter
memhres de la Chamh)·e. Quand leurs amis arrivent
au pouvoi)', ils y arrivent avec eux. lis en sortent
a\'ec eux, quand la majOJ'ité les abandonne. A Hai
dil'e, ils font partie du minish\re, dans des sitllations


1I




162 CHAPITRE IV.


inférieures a eeHe de ministre, mais avee les m(~mes
devoirs eomme avee les mcmes droits.


Pour la seeonde cIasse, il est, ce me semhle, une
distinetion a faire. Puisque les fonctionnaires clont
eette c1asse se eompose sont étrangers a la politique
et maltres de leur opinion, il est naturel, iI est
juste qu'ils puissent siéger dans la Chambre, a eon-
dition que leur indépendanee soit bien reeonnue,
hien garantie, et que, dans aueun eas, un ministre
queleonque ne puisse, direetement ou indireetement,
leur demander eompte de leur vote. l\Jais , a défaut
de l'intimidation, la séduction pourrait encore avoir
prise. On ne craint pu d' etre destitué, mais on dé-
sire avancer; et, si l'a\L8.ncement n'est pas interdit
aux députés, on peut, devant ce désir, pour peu
qu'il soit vif, abaisser son indépendance. Je suis
done porté a eroire que, dans cette c1asse de fonc-
tionnaires, il scrait utile de placer l' éIigihilité a. une
eertaine hauteur. On prétend qu' on étahlirait ainsi
entre les grands et les petits fonctionnaires une
distinetion absurde et odieuse. Pas plus absurde, pas
plus odieuse que eelle qui est établie par la loi ac-
tuelle entre les citoyens qui payent 500 fr. d'impOt
et ceux qui payent 490 fr. Quand il s'asit d'élection
ou d'éligihilité, il faut toujours s'arreter a un eertain
point et déterminer une eertaine limite, limite plus
facile a critiquer qu'a justifier, mais qui n'en est pas
moins le produit de l'observation et de la réflexion
combinées. Pour éehapper a eeUe néeessité, pour
pvitf'r ef't inconvénif'nt, il n'est q1l'un mOyf'n : e'f'st




DE LA Hlh"ORl\lE PAI\LEl\lENTAIRE. 163


de supprimer absolument les droits politiques ou de
lrs douner a tous.


ltrste la drrni¡\re c1assc, celle des fonctionnaires
que la politique et l'administration revendiquent a
la fois. Pour assigner a ces fonctionnaires leur vrai
caractl're et pOl1l' faire, en ce qui les concerne, la
parí de l'indépendance parlementaire, lout en main-
tenant celle de l'aulorité ministérielle, M. Guizot,
oepuis dix ans, a inventé successivement deux ou
trois théories. e' étaient (1' abord le vote silencieux,
distinRué du vote ostensible; puis le vote sur les
queslions spéciales, distinRué du vote sur la poli-
tique générale. Les fonctionnaires dont il s'agit
étaicnt libres, quant a l'un, et dépendants, quant a.
l'autre. Qui ne compl'end que ce sont la des dis-
tinctioos puériles et de vll.ines subtilité .. 1 Qui ne
compreod que la liberté uu vote est indi\'isihle,
qu'elle es! tout enticl'e, ou n"est pas? Au lieu de
s'é;pn'l', de se pel'dl'e dalls cetle 103omachie, qu'on
t'euille hien tout simplement- se placel' au milieu de
la Chambre et examine\' quel es1, quel peut ctre, le
lelldemain d' une révolution mioistérielle, le role de
rcrtains fonctionnail'cs, Hiel', pom' sauvcr l' ancien
rninistcre, 011 lem' a fait uéclarel' par Ieur vote que
telle ou telle poli tique est digne et ferme au de-
llOl's, hOllnele el modérée au dedans. Aujourd'llUi,
pOll!o consolide\' le millistcre 1l0u\'call, on leur de-
mande de déclarcl' que la m¡\me politique es! faible
et basse au dehol's, violente ct cOlTlIph'ice au de-
dans. Que ferout-i1s? Ce n' es! point la une qucstion




164 . CHAPITRE 1\1,


spéciale; et, depuis l' abolition du serutin seeret, il
n'y a plus guere de vote silencieux, Encore une fois,
que feront-ils? L'altel'Oative est elaire, Ou bien, fi-
deles a leur parti, a leurs précédents , on les verra
sacrifier leurs places, renoncer a leur eal'ricI'e, et,
s'ils sont llombI'eux, jeter dans plusieul's bI'anches
de l' admillistI'ation le désordl'e et l'ínstabilité; ou
bien, transportant d'un partí, d'un systeme, d'un
mínistere a l' autl'e la banalité de leuI' dévouement,
ils dOllnerout le tt'iste et honteux spectacle de trente
a qual'ante d(;putés sans opinion, san s eonscience
politique, que toute majol'ité possede, que tOllt mi-
nistcre transmet a ses suceesseurs, comme un trou-
peau ou eomme un mobilier! Croit-on que cela soit
bon pou!' la Chamb!'e ,. pOli!' le gouvernemcnt, pOIlI'
les fonctionnail'es eux-memes? Croit-on qu'il ne
vaille pas cent fois mieux, en leur fel'mant les portes
du Pat'lement, mettre a la fois a couvert leur
exisfence et leur dignité?


Des fonctions politiques et des fonctions non po-
litiques, compatibles avee les fonctions de député,
mais a cOlldition : pour les premieres, de rester
soumises a toutes les vicissítudes ministél'ielles;
pour les dernieres, d'assureI' a ceux qui les occlIpent
l' entícre liberté de leur vote; puis, entre les unes
et les autI'es, le principe d'ineompatibilíté I'igouI'eu-
sement appliqllé a tOlltes les fonctions qui partici-
pent assez de la politiqlle pom' ne pas laissel' une
indépendance compli~te, assez de l' administt'ation
pouI' qu'il ne soit pas néeessail'e de les quittel' cha-




DEL r\ R~; F O R 1\1 E P r\ R L E l\l E N T r\ 1 RE. 16;:,
que [ois que le ministere change, voila, ce me
semble, la pensée qui doit dominer tout le projet.
Maintenant, la proposition de 1\1. de Rémusat cor-
respond-elIe exactement a ceHe pensée? e' est , je le
répete, ce qu' on pourra examiner, quand la eham-
bre voudra bien passcr a la discussion des articles.
Il suffit, quant a présent, que le principe soít neUe-
mcnt établí.


J'arrive a la caténoric qui, soit dans la ehambre
meme, soit au dcllOrs, a [ait le plus de Lruit et ex-
cité l'émotion la plus virc : ceHe dc la maison civile
ct milítairc du roí. Pour qu'une proposition aussi
simple, aussi l<"gitime, aussi rcspectuellse ait ren-
contré tant de résistance et soulevé tant de colere, il
faut que 1 depuis quelqucs années 1 en }·'rance , l' es-
prit courtisan ait fait de notables progreso Pour ma
part, jc suis convaincu que, de toutes lcs incompa-
tiLilités 1 ecHe dont il s'aiJit cst la plus juste cl la
plus nécessaíre. On pcut repousscr le príncipe des
incompatibilités; on ne peut pas l'admeftrc sans que
la maison du roi y prenne la premiere place.


La question de príncipe est [acilc a vider. D' apres
la Charte 1 il Y a trois pouvoirs 1 dont chacun a ses
d¡'oits et scs de\·oirs , ses prérogatires et ses aUl'ibu-
tions réguliercs et constitutionneHes. L' csprit de la
Charte pcrmct-il qu'un de ccs pouvoirs viennc, par
délégation, siégc¡' ostcnsiblcmcnt au sein de l'autrc,
ct qu'il cxcrcc ainsi sur ses délibérations intérÍeures
unc influcnce di¡'cctc ct positive? L' csprit de la
Charlc permet-il en ouh'c qu' entre la couronne et le




16(; CHAPITHE IV.


Parlement il Y ait d'auh'es intermédiaires que les
minish'es t A mon sens, cela n' est pas plus tolél'able
dans l'hypothese du roi qui gouveme que dans l'hy-
pothese du roi qui ne gouverne pas, dans la théorie
du gOllvernement consullatif que dan s la théorie du
gouvernement représentatif vél'itllble. I~levez le pou-
voir royal, abaissez le pouvoir parlementaire autant
qu'il vous plail'a; toujoul's faudl'a-t-il qu'i! existe
entre cux certaines limites et que ces limites soient
respectées. Elles ne le sont pas 1 quand la couronne
peut parlel' et voter au sein du Pal·!emrnt.


J'ai déja montl'é combien, en ce qui touche les
rappor!s de la couronne avec le Pal'lernent, les wands
parlementaires anglais se sont tou jOUl'S montrés ja-
loux et susceptibles. Rn voici un exemple qui va
plus droit encore a la queslion : en 1 n~:3, quand le
bill de l'Inde fut rejeté pal' la Chambl'e des lords,
on ap!)I'it que le roi Geol'ge 111 s'était servi de lord
Temple pou!' fai!'e SIl\roil' aux gentilshommes de la
ehambre qu'il désil'ait le rejet du bill en question.
Alo!'s la Chambl'e d('s communes prit fen, et, par la
voix de R Bakel', de lord l\Iaitland, de 1\1. Fox, de
lord North, revendiqua avec la de!'nit\re énergie les
d!'oils méconnus du Parlement. ~ La Constitution,
• dil'ent-lls, a sagement établi l'indépendance mu-
» tuelle des g!'ands pouvoirs de n::tat; 01', que de-
» viend,'a ceHe indópendance 1 si l'un de ces pou-
» voi!'s peut exel'cel' su!' les auh'es une influence
» mystérieuse t que deviend\'ll-t-elle, si le roi 1 sans
» cesser d' et!'e inviolable, inte!'vi ent, dil'ectement




DE LA IIÉFORl\IE PA.RLE~lENTAIIlE. 1(j1
» ou indiredement, dans les délibérations parle-
" mentaires? que ueviendra-t-elle, s'i1 peut porter la
~ majorité d'un eOté ou de l'autre, au moyen de ses
" gentilshommes de la Chambre, instruments pas-
» sifs et devoués d'une volonte supérieure, vérita-
11 bies janissaires, toujours prets 8. étrangler qui-
!) eooque déplait au mailre? Il faut le dire avee
» franehise : dans un tel systcme il n'y a plus de
» Parlement, plus de Constitution, plus de liberté. "
Ce débat se termina par une resolution adoptée a
une ¡{rande majorité, et par laquelle l' exerciee de
toute ¡nfluence seerete sur les voles parlementail"es
fut déclaré " eontraire ti l'honneur de la eouronne,
• aUentaloire aux priviléges du l>arlement, sub-
~ versif de la Constitulion établie. » En outre, pour
éviter une accusation qui le mena<,¡ait, lord Temple,
tout récemment nommé ministre, fut obligé de don-
ner sa démission.


Ainsi, sur la question de uroit point de doute.
Quant a la question de fait , il faut reeonnaitre que,
si la théorie du roi qui ne gouverne pas étaÍt si bien
reeonnue, si exaetement pratiquée qu'aueune dé-
viation ne ptit mcrne etre soup<,¡oonée, la question
de fait perdrait beaucoup de son importanee. l\Iais
e' est la l'idéal du gouvernement représenta/if! un
idéal qui jamais n'a été eomplétement réalisé. Ot'!
quand le roi a une opinion! il est difficile que sa
maison l'innore; et, quand elle la coonal!! il est
difficile qu' elle en adopte une eontraire. Quoi que
I' 011 disG, quoi que ron fasse, 00 o' empeehel'a pas




168 CHAPITRE IV.


que dans eertaines paroles, dans eel'tains \'otes, tout
le monde ne eroie trouver un éeho, un reflet de la
pensée royale; on n' empcchera pas qu' aux yeux de
tous, la royauté elle-meme, la royauté non eouverte
par ses ministres ne paraisse siéser au milieu du
Parlement. Qui, parmi les députés de 1831, ne se
souvient d'avoil' vu Casimir P(;rip.r s'étonner, s'indi-
8ner hautement quand, dan s quelque eirconstance
importante, un membre de la maison eivile ou mili-
taire du roi se lc\'ait avec l'opposition Y qui, parmi
les députés de JS:3G, i81l0rc que plusieurs ministres
du 11 octobre, le jour Otl ils pel'dil'cnt la majol'ité,
aUribuerent Ieur chute a trois ou quatre défections
de meme orisine, el qu'ils en con~urent un víf res-
sentiment? qui enfin, parmi les députés de 1845, a
oublié l'interprétation qui, a la veille de l' adresse ,
fut dOllnée a quelques votes peu prévus, et l' effet
qui s' ensuÍ\'Ít? Xier que cela soit ou que cela doive
ctre, e' est uaiment nier l' évidenee.


Aujourd'hui d'ailleurs, il faut l'avouer, la situa-
tion de la maison du roi est fort simple et fort com-
mode. La poIitique du roi est eelle des ministres,
celle de la majorité; de sorte q'u' en votant at'rc la
majorité, avec les ministres, la maison du roi peut
a la fois suivre ses penchants et se eonformer a ses
instructions. l\Jais si le gouvernement représentatif,
en France, est autre chose qu'un vain mot, cette
situation eesscra. La presse royalc et ministél'ielle
le reeonnait elle-meme <Juaud, tout en maintcnant
pour le roi le droit d' avoir une poli tique , elle dé-




BE LA RÉFORME PARLEMENTAIRE. 169
ciare qu'il doit eéder, le jour ou eette politique
eesse d' ctre ceIle de la majorité. QlIelle peut etre
alors, dans la C hambre, l' attitllde de la maison ei-
vile et militaire du roi? J' estime trop les honorables
députés <¡ui en font partie pour eroire qu'i1s portent
au ministere nouveau, si ce ministere contrarie leur
opinion, l'appui d'un vote forcé. lis iront done a
l'opposition, et l'antagonisme des pouvoirs aura, au
milieu de la Chamhre meme, un signe visihle. Et
ce n' est pas seulement dans leurs votes ou dans leurs
discours qu' on cherchel'a I' exprcssion vraie de la
politique royale, de ecHe politique vaineue, mais
toujours mena~anle ; e' est daos leurs conversations,
dans lcurs gestes et dans les exclamations les plus
fugitives qui leur éehapperont sur leurs banes. Ce
sera entre la majorité de la Chambre et la couronne
un état permanent, apparent de méfianee et d'hosti-
lité; ce sera pour l'une eomme pour l'autre un af-
faiblissement et un danger.


Remarquez que je m' en tiens aux ineoIlvenients
nalllrels, neeessaires d'une telle situation. J' aurais
bien autre chose a dire si je supposais la eouronue
lravaillant dans l'ombre, eomme George III, eontre
son minish\re, et les députés qui l' entourent rleve-
uant, comme en 1783 les gentilshommes de la
ehambre, les eomplices et les instrllments de ce He
maIl(('lIV¡'e mystc\l'ieuse. Puisque cela s' rst vu dans
un pays, cela peut se voil' dans l'autl'e ; et ce n'est
point, .ie pense, faire injure aux rois constitution-
neIs de la Frauce que de les eomparer a George lB.




110 t:HAPITRE IV.


Pour prévenir ces désol'drrs, il n'est que deux
moyens : run, de mettre tous les emplois de la
maison cilile et mililuil'c du roi a la discrétion des
ministres; l' autre, de les luisscr il la dispo,ilion du
roi, mais en fermunt it ceux qui les oecupent l'eo-
trée de la CllIl.mure, C'est enlre ces deux moyens
que nous sommes ouli¿¡és de ehoisir.


Le pl'emier, on le sui!, est eelui qu'a ehoisi L~n­
nletcrre. Quelqucs emplois illfé,'icurs de la maison
<lu roi SOllt exclus de la Chumbre ; mais les emplois
8upé,'ielll's y SOllt admis, et Irs ministres, quand ils
arrivent au pouvoir, rn disposenl lihremcnt rn fa-
veur de leurs amis, Tel esl le principe étaIJli, consa-
cré par une longue suite de précédents, A une (;PO-
que toute récente, en lS;}9, la qur8tion se posa sur
une des ~ol1s¡\quenees les plus singnlicres, les plus
exeessires de ce principe : sir Hoberl PeeJ , appclé
par la reine et ehar;¡é de former un eaIJinet, avait
obteIlu d' ellc SUllS difficulté le renvoi de fous le!! ofli-
ciers de sa maison <{ui faisaient padie des deux
Chambl'es; mais il exigeuit en outre la. destitlltion
des dames d'honncur, et la ,'eine, f,'oissée duns ses
affections, eontra¡'iée dans ses habitudes, rdusait
el'a1ler jllsque-lit. Sir Hobert Ped, par une leftl'c ferme
et I'cspcetueuse, c1éclina alors les fonclions de pre-
miel' ministre, et une explica/ion s'ensllivit c1uns les
deux ChamlH'es. ,~ la Chambr'e des IOl'ds, ce fut le
due de U"ellin¡Jton (luí poda la pal'o!c. II Melara
nettcment quc, « sclon lui, il était irnpossible de se
" chargcl' dll gouvernemenl !'ans aroi¡' sur la maison




)) E L:l ItI:; F O R ~I E l' A R L E ~I E ~ T .-\ I Il. E. 17 1
» royale l'influenec et le eontJ'ole dont les eabinets
» pl'éeédents avaient toujOUl'S joui. » 11 ajouta 'Iue ,
" 10l'squ'une reine était sur le tl'one, on ne pouvuit
» dire que les fOlletions de dames d'honneul' ne fus-
» sent pas des fonelions polili'lues. L'histoh'e nffrait
» une foule d' exemples d'influences pernicieuses qui
» s' élaiellt ainsi exereécs, an 3I'und délrimellt de la
» chose publique. » .'1 la Chambre des commUlles,
sil' Hobert Pecl entra daus de plus srands détails. Il
rCcollllllt qUf', pour les offieiers de la maison royale,
la reine n'avuil l'if'n refusé tl ses ministres. l\Iaís le
ministre ne pourail l'elllH1Cer au droil de faire, pal'mi
les dames d'hotHleUl', les changemenls (Jui lui parai-
truien! nécessaires. « Les fonetioIls de premier mi-
» nish'e, dit sir Hobert Ped, sont les plus hautes et
» les plus difflei!cs qu'íl y ait. Il semit peu raison-
» nahle de les aecepter sans obtenir tout l'appui nó-
» cessaire. 01', :n'est-il pas évídent que, si les pre-
~ miel'es charf{es de la maison l'oyale étaient occupóes
1l par les parents, pal'les amis des adversail'es et des
n rivl!-ux du ministere noU\'eau, celui-ei ne paraltl'ait
» pas investi de la confianee de la COUl·onne? ... Que
" ron remonte a d'autres temps, que ron prenne
" Pitt, Fox ou tout autre ministre de ce noble pays,
" et qu'i1s dísellt s'ils auraiellt souffert que la femme
" ou la srenr de Icurs principaux advel'saires entou-
» rassent la pel'sollne J'oyalc. L'inU;rct pubJic ne
" souffl'im pas de l'a~'orternellt du ministcre. Il
» souffl'irait gravement si j'abandonnais mes de-
" voirs envers moi - mcme I envers le pays I envers




172 CHAPITRE 1\;.


, la reine; il souffrirait si je consentais a garder
» le pouvoir a des conditioos incompatibles, se Ion
» moi, avec l' autorité et les devoirs de premier mi-
n nistre. »


Lord John Russell, qui répondit él sir Robert Peel,
lui donna raison en droít, mais luí reprocha d'avoir,
en ¡ait, dépassé la juste mesure. Il lut ensuite l' avis
éerit du ministcre whig. Voici les termes m(1mes de
eet avis:


« Le eabinet pense que, pomo donllcr a une admi-
» nistration un earacfere suffisant d' efficaeité et de
» stabilité, il est raisonnahle que les wands ofllees
» de la couronne et les emplois de la maison du roi,
II s'ils sont occupó' par des membres dul'arlemenl,
» soient compris dans les arrangements politiques
» qui ont lieu achaque ehangement de ministere,
» mais que ce principe ne doit pas etre étendu aux
» emplois des dames de la maison rorale. ~


On sait que sir Hobert Peel, quand , en 1841, il
vint au pouvoir, appuyé par une majorité nom-
breuse, persista daos son opinion, et que, ponr eeHe
fois, les dames d'honneur furent chanaées.


Ainsi, entre les deux grands partis eonstitution-
neIs de I'Angleterre, accord parfait, hormis en un
seul point. Quant aux memhres du Ilarlement qui
font partie de la maison royale, e' est l' av is de lord
:i\Ielbourne eomme du duc de \\' cllington, de lord
John Hussel comme de Sil' Hohert Peel, que 1'0Ppo-
sition oc leur est pas permise et que, par eOlls{>quellt,
ils doivent etre, achaque changement de ministel'e,




DE LA RÉFOR ME P:\ RI.ElIENT AIRE. 173


choisis par les nouveaux ministres. J'ajoute que, l'an
passé, ce príncipe a re¡;u une nouvelle sanction par
la démission du marquis de Granuy et de plusieurs
autl'es officiers de la maison royale ou de la maison
du prince Albert, quand ils ont voulu, dans la ques-
tion des céréales, voter contre sir Robert Peel.


Qu' on n' équivoque done paso En Angleter¡'e, ce
n' est point la eouronne qui envoie ses délégllés au
Pal'lement, c' est le Pal'lement qui envoie les siens a
la eouronne ; e' est la majol'ité gui veut, en quelque
sorte, tenil' gal'nison dan s la maison royale. On peut
juger, d'apres cela, de ce qu'il y avait de sérieux,
de sineere dans l'aJ'8umentation de 1\UI. Guizot et
Dllehatel, quand a r amendement de 1\1. Odilon
Barl'ot ils opposaient l' exemple de l' Angleterl'e. Des
deux moyens qui peuvent empecher un contact di-
rect et une lutte visible entre la COUl'onne et le Par-
ment, l'Angleterre a choisi le plus dur, le plus bles-
sant, le plus radical; nous pl'oposons le plus doux ,
le plus respectueux, le plus modéré, et l' on nous
objeete l' Angleterl'e! Eh bien! soit. Qu'i] reste bien
entendu que, le jour Olt l' opposition aura la majo-
rité, elle disposera de tous les emplois civils et mili-
taires de la maison royale , comme des emplois mi-
nistériels! Qu'il reste bien entendu qu' elle choisira ,
parmi ceux qui partagent ses principes, l'intendanl
de la liste civile, comme les secrétaires des comman-
dements, les aides-de-camp et les officiers d' ordon-
nanee, comme les bibliolhécaires! Qu'il reste bien
C'ntendu que, fermant ainsi tout acces aux opinions




li4 CHAPITRE IV.


qui ne sont pas les siennes, elle plaeera la personne
J'oyale, quelle qu'dle soit, dans une atmospJu'~re foute
lihérale! :\ ce prix, l'arnendement peut disparar/re,
et 11. Odilon Barrot, i' ('11 suis eonvaineu, en fera
volontiers le saerillee. 1BI. Guizot et DuehtHel se
char¡p~nt- ils d'oblcnir aillcUt,s le meme assentimcnt
et de terminer aillsi le débat?


En atlendant la solution radieale, il faut s' en teuir
a la solution modérée (,t comprendre la maison ei-
vile et militaire du roí dans les ineompatibilités,


Supposons, a présent, que la liste des ineompa-
tibilités soit faite et que, sous une forme ou sous une
autl'e, eel'taines c1asses de fonetionnaires aient été
exclues de la Chamhre élective : tout est-i1 flni, et ne
reste-t-il aucune précautiun u prcnul'c? Tout le monde
en eonvient : s'il cst un exemple déplorablc I funeste,
eontaaieux, e' est eelui d'hommes ehoisis par leurs
coneitoyens pour défendrc les intércts généraux, et
qui eherehent dans leurs fonelious non I'honncUt"
mais le profit, non l' avantage de servÍl' une cause,
mais eelui de fail'e leurs affaires pcrsonnelles. TOlltes
les fois qn'un député obtient, pour prix de sa eom-
plaisanee, une place a laquelle il n'est pas naturel-
lement appelé, e'est un mal qlli, luin de s'UJ'I'(\ter
Ji¡ , deseend de pro che en proche dans toutes les ré-
niOllS, dans toutes les classcs OII s'a¡¡iteut, 01" fcr-
Illf'utent r amhition et la eupidité, .\1. de Hcmilly
obéissait a cette pe[Jsée (lllUlld, en I !-)'í-O, il proposa
(l'intcl'dire aosolument aux députés l'acces des fOllc-
tions puhliques et toutc esp(~ce d'avanccment. i\insi




DEL A R~: F O R ~1 E PAR L E II E N TAl R E. mo,
se trouvaient eoupés dans leur racine, faris á leur
source les abus et les seandales dont l'honneteté pu·
blique se pl'éoccupe. JI faut néanmoins reconnaitre
que le remede est aussi ruae qu' effieaee. Interdire
aux députés non fonctionnaires tout aeces dans la ear-
ricl'e des fonetions non poli tiques, rien de plus simple
et de plus juste; mais admettl'e eerlaincs classes de
fonctionnaires et les priver de tout droi! á l'avanee-
ment, meme lé¡¡itime, meme hiérar'ehique, n' est-ee
pas retirer d'une main ce qu'on donne de l'autre et
tenir la porte de la Chambre á la fois omerte el
fermée? Hans la prop~ition de lJ. de Hémusat eette
eonsidération a préralu; et, pour les députés, fonc-
tionnaires au moment de leur nomination, l'avance-
ment hiérarehique n'a point été interdit.


Je sais que ce systeme souleve, a son tour, de
graves objeetions et qu' on y voit, entre les députés
fonctionnaires et les députés qui ne )e sont pas, une
inégalité tout 11 fait choquante. On peut répondre a
cela: d'une part, que )es fonctions po!itiques reste-
ront toujoul's ouvertes aux députés non fonction-
naires; de l'autre, que, si les fonetionnaires d'un
rang peu élevé sont fmppés u'inéligibilité, l'inégalité
dont on parle sera plus nominale que réelle. Je re-
connais poudant la force de l'objeclion, et je désil'e
que, par qllelqlle comhinaison hahile, 00 puisse
concilicr les clenx s,rslcmes. Ce qui importe sllrtout,
c' est que )es diflien )tés seeondaires ne fassclJ t pas
oubliel' )e hut \ers leque) on cloit fend,'e ct dont on
est sí loin cncore. Ce quí importe, e'est que la pu-




176 CHAPITRE IV.


reté de la Chambre soit mise a l'abl"i de toute at-
feinte, et que, cent allS apres \Valpole, les doc-
trines et le lannage de \Valpole ne revivent pas an
sein d'un autre Parlement.


Il est curieux, d'ailleurs, qu'aujollrd'hui comme
alors on veuille défendre la corruption parlemen-
ta:re par son étendue meme et par la m'ultitude d(~
ses ressources. A quoi hon, dit-on, empccher les
députés de solliciter pour eux-mcmes, pUiSqll' on ne
les empechera pas de solliciter pom leurs parents,
pour leurs amis, pour leurs électeurs? A quoi hOll
fermer une des issues de la corruptioll, puisgu' on ne
peut pas les fermer toutes? A ce compte, on devrail
proposer de supprimer toutes les r¡aranties, parcc
qu' elles ne préviennent pas tous les abus; d'aholir
toutcs les constitutions, parce qu' elles ne sont pas
efficaccs contre toutes les tyrannies; de déchirer le
Code pénal, parce gu'il ne prévient pas fous les
crimes. On devrait proposer aussi de rétahlir les
jeux puhlics et la loterie, puisque la suppression de
la loterie et des jeux publics n' a pas éteint une fu-
neste passion. Ce sont la des sophismes dont l' école
doctrinaire a fait cent fois justice, lorsqu' elle était
jeune et qu'on la croyait austcre. Faut-íl, guand elle
les exploite a son tour, que ses ancicns disciples lui
disent ce que Fox disait a lord Xorlh, en 1780 : «De
» tous les principes que vous nous avez cnseinn{'s, il
! n'est est pas un seul que vous n'aycz tmhi? ))


En résumé, une des conditions cssentielles du
gouvernement représentatif, c' est que la Chambl'e




DEL A R 1:; F O R ~1 E P:l n LE :\1 E N T .11 R E. 171
élective soit toujours indépendante et pureo Elle ne
saurait eIJ'e ind~p('ncIante tant que les fonetionnaires
forilleront les deux tiers de la majorité. Elle ne sau-
rait Mre pure tant que les députés poul'ront exploi-
ter leur position au profit de leurs intéf(~ts partieu-
liers. 01', dans l'état actuel de la législation, ces deux
ehoses sont nOIl-selllement possibles, mais probables,
si ce n'est certaiJles. De la la nécessité d'une ré-
forme qui réduise considérablemcnt le nombt"e des
fonetionnaires et qui enlere a la corl'uption parle-
mcntaire ses moycns les plus puissants. Sans regar-
del' comme inraillihle le )'cm("de que l'opposition pro-
pose en t"ain dpplIis quah'e ans, jc le crois bon et je
désil'e qu' on en essaie. Si l' on en imagine un meil-
leur, jc suis d' ailleurs tout pret a m'y rallier. Mais
qu' on ne eroie pas tromper le pays, soit en nÍant le
mal, soil en refusant les uns apres les autres tous
les remedes proposés. Ce qu'il y a de pis I c'est de
ne rien faire; el quiconque aboutil a eeHe eonclusion
donne a eroire qu'au fond I la corruption n'a rien
qui lui déplaise I et qll'il est bien pres de devenir,
s'íI ne l' est déjil, eorrupteur ou corrompu.


12
. ·\




liS CHAPITRE V.


CHAPITRE V,


DE LA R~FORME ~LECTORALE,


La souveraineté nationale est inscrite en tete de la
Charle de 18:30. Cela veut dil'e que la Fl'ance s'ap-
padient a elle-meme, et que ni une personne, ni une
famille, ni une classe n' a le dl'oit d' en disposer. Cela
veut -dil'e encore que les intércts particuliers ne doi-
vent jamais se mettre au - dessus des intél'ets géné-
raux , et que le pays est maltre et capable de se
gom"ernel'. Faut-il en conclure que chaque individu,
queHe que soit sa position, quellcs que soient ses lu-
mieres, ait le droit absolu de padicipel' par son vote
au gouvel'nement et, comme on le dit, de n' ohéil'
qu'a des loís, de ne payer que des impOts auxquels
il a consenti? Faut-il en conclul'e, en d' autl'f'S tel'-
mes, que le vote électoral soit, comme la liberté
religieuse, comme la liberté individuelle, comme la
liberté de la pensée, au nomhre des dl'oits nalurels ,
permanents, univel'sels, au nombre des dl'oits d' é-
tel'nelle justice, « de ces dl'oits (selon la belle ex-
11 pression de 1\1. de La Fayette) qu'il n'est permis
» a aucune puissance, pas m¡\me á une nation 10111




o Jo: L ,-1 n ,:: F o R l\l E {.; L E e TOn A LE. 179


» entiere, de vi oler , pús meme envel'S un seul
» homme? » Faut-il en eonclure enfin que toutes les
lois électorales de la Franee et toutes eeIles de l' .'\n-


lefelTe aient jusqu'ici reposé sur l'injustiee, eonsaeré
l'oppression?


C' es! la, on le eomprend, une question fort wa\'e
et qll'il est impossihle de passer sous silenee. eeHe
question d' ailleurs se l'attache étroitement a l'idée
({U' on se fait de la sOllveraineté en eIle-meme, de
sa nature et de ses limites. Ainsi, pour eeux qu
croienf a la sOllveraineté du nomln'c, le pouvoi¡',
dans la rigueUl' de la logique, appartient a la majo-
rité des indiddlls, dcs volontés, et doit ctl'e ahsolu.
Pour ceux qlli font résidel' la souveraineté dans la
justice et dans la raison, le pouvoi~ appartient a la
majorité des droits, des intércts , et doit etre limité.
11 est /Jon de remarquer d'aill(~u.'"s que, fort doignécs
dans la th(;orie, lcs dt'\Ix opinions tendent heaueoup
a se rapproeher dans la pratique. .'\insi, parmi les
partisans de la souveraineté du nombre, iI s' en
tl"On\'e peu qlli pesent an meme poids le snffrage
d'un irliot d celui d'un homme de génie, ou qui
soient d' avis de livrel' la minorité , sans protection ,
sans garantie a la toute-puissance de la majorité.
l)'un autl'(' coté, pamli les défenseurs de la sOllverai-
neté de la raison, il ne s' en Irouve pas qui aUribuent a
la raison le don de se manifester SOllS une forme sen-
sible on de se ¡'évéler mystérieusement a qllelqnes es-
prits d'élite. Malgl"(~ qn'on en ai!, iI fant done en
vrnil' : cenx-I¡\ ¡\ limiter la souveraineté du nombre,




180 CHAPITRE V.


au nom de la raison ~t de la justice ; ceux-ci a délé-
guer au nomlJI'e, dans une eerlaine mesure, la sou-
vet'aineté de la raison. POUl' ma part , entre eeHe for-
mule: ~ l'aptitllde confere le dl'Oit » , et cette autre
fOl'mule : « le droit appal'lienl a tous, mais sous la
condition que l' aptitude en précede r exerciee 1 , je
ne vois pas, en fai!, une tres-wande différencc. Ce
sont, a ce qu'il me semble, deux manieres de parla
plutOt que de penser et d' agi\'.


Quoi qu'il en soit, je le dis en toute sincérité , je
n'ai jamais pu comprendl'e comment ceux qui re-
:Jardent le vote électoral comme un droit na[U1'e!,
absolu, universel, le soumeUent anssilot eux-memes
a eles restrictions qui ruinent de fond en comble leur
principe. Je n'ai jamais pu comp¡'endre eomment,
par la force de la logique, ils ne se trouvent pas
eonduits a compter également le suffrafte de foute
creature humaine" des qu'il est matéricllement pos-
sible de le recuejllir. Est-ce que les dl'Oits naturels
n'appartiennent pas aux mineurs aussi bien qu'aux
majeurs, aux domestiques aussi bien qu'aux mai-
tres, aux femmes aussi bien qu' aux hommes? Est-ce
que le droit de pratiquer librement son culte, le
dl'oit de puhlier sa pensée, le droit d't\tl'e prolégé
dans sa personne ne sont pas les memes po nI' tous
les ¡lftes, pour toutes les cLlIldilions, ponr tous les
sexes ~ Quand on fait, pOUl' cerlains d¡'oits poliliques,
des distinctions qu' OH ne fait pas pour d' auh'es, OIl
]'econnalt que ce I1e sont pas des droits ideIltiques.
On reconna¡¡ que, si les uns ne peuvent t·tre légiti-




llE L,-\ RÉFORl\IE ÉLECTORALK 1St


mement retirés lt. personne, les autres doivent rcsler
subordollnés a certaines conditions, que la raison
publique détermine et dont le législateur est jU3e.
Une fois ceHe concession faite, la question de prin-
cipe n' existe plu!!.


A la vérité, on cherche a démontrer que plus,
mieux que tout autre, le suffrage universel peut
donner aux peuplcs lc bon gouvcrncment auquel lcs
peilples ont droit. Ainsi l' on dit que, par un he u-
reux don dc la !lrovidencc, les intelligences les
moins vives, les moins culti\rées s'éclairent, s'illu-
minent, en quelque sorte, palo le contad et produi-
sent en commun ce que, dans l'isolement , il scrait
absurde d' aUendre d' elles. On dit que, grace a cette
faculté admirable, les hommes qui ne seraient pas
pl'Opi'CS a gouve¡'ner sont mervcilleusement propl'cs
a choÍsir ceux qui gouvcl'ncnt. On dit enfin que,
pour empeehcr les intérels pl'ivés de prévaloir sUl'
les intérets génél'aux, l'in tel'vention de la multitude
est nécessai¡'e. Dans une cel'taine mesure, tout cela
pent el!'e vraÍ; mais qu' on y prenne garde : du mo-
ment Ol! l' on se place sur ce tel'rain, ce n' est plus de
d¡'oit qu'il s'agit, mais d'utHité. 01', devant le droit,
qui est absolu, il n'y a qu'a courber la tete. L'nti-
lité, qui est reIlItive, s' examinc, au contraire, et se
discute. On en vient done, par une autre voie, a re-
connaitl'e que les loís électorales n' ont rien de né-
cessaire, rien d'immuable, el qu' elles doh-ent se mo-
difiel' sans cesse, selon le progl'es de la civilisation,
se Ion le degré des lumieres, seloo l' état géoéral des




CHAPITRE V.


esprits et des mmurs. On en vient a ¡'cconnaitre que
le droit de suffrage doit avoir une double mesure:
d' une parl, l' aptitude de celui a <Iui on le confrre ;
de l' autre, la grandelll', r étendue des intércts aux-
quels iL s' applique, On en vient a reconnaitre que,
dans le choix a faire par le législateur entre tous
les systemes, entre tous les modes d' élection, iI faut
<lu'iI tienne comple de l' expériencc autant que de la
logique, On en vient a rcconnaltre , en un mot, que
les (Iutestions électorales son! des qlles!ions purement
poli tiques , c'est-a-dire des (/ueslions complexes et
dont la sollltion dépend de rnilIe ci¡'constances di-
\'erses.


J'ai d'ailleurs hate de le di¡'e : s'j[ fallait ici re-
monter a l' origine du droil électoral, en scruter la
nature, en mesurer l' étendue, en déterminer les li-
mites, jc m'arretel'ais devant la rllriété, devant la
gradté des Cjuestions. lIon intrntion est plus mo-
deste, et je la trouve c1airernent, lIcttcrnellt expri-
mée dans un discours que je p¡'ollonc;ais il y a douze
ans : ~ La loi électol'ale acl uelle, disais-je alors,
" donne-t-elle au pays le gouvel'llement représenta-
" tif l'rai, le gouvel'llerIlent pour lf'qucl, pendant
" qlli[Jze ans, la France a comhattu? \oiI1\ la ques-
'J tion. » .~ mon sen s , la qllcstion est, aujollrd'hui,
la memc, hien (Jlle je la résolvc autrClIlf'llt. 'En
18;~3, 11 me semhlait que la loi (:Iectoralf', malaré
ses imperfections notoires, fonclionnait Lien, et
qll'elle donnait a la France le gou\ernelllent repré-
sentatif vrai. En UF .. 7 , il me semhle qu' elle fonc-




DE LA RÉFORl\IE ÉLECTORALE. ]83
tionne mal, et qu' elle laisse périr le gouvernement
représentatif. Il me semble en outre, apres y avoir
regardé de pres, que cela tient non pas a quelques
circonstances passageres, accidentelles, mais aux
vices mcmes de son mécanisme. Avais-je raison, ou
tort, en 1835? peu importe. Ce qui importe, e' est
de savoir si fai tort ou raison en 18'.7. Si, comme
je le pense, les lois électorales n' ont qu'une bonté
relative, il serait d'ailleurs possible que la loi de
1831, bonne en 1835, fut mauraise en 1847; il se-
rait possible qu' il fút sage alors de la maintenir, et
qu'il soit sage de la réformer aujourd'hui. Encore
une fois, la n' est pas la question. llonne ou mauvaise,
salutaire OH nuisible a une autre époque, la loi élec-
torale s'acquiUe-t-elle aujourd'hui avec régularité,
avec efflcacité des fonctions qui, dans le mécallisme
de nofre constitution, lui sont spécialement attri-
buées 1 Si elle s' en acquitte mal, lt quoi cela tient-il,
et que faut-il faire pour la soustraire aux infIuences
pernicicuses qui la paralysent et qui la faussent?
Voillt ce qu'il s'agit de rechercher sans parti pris,
sans prévention, avec le seul désir de rendre 3U
gouvernement représentatif, dont la loi électorale
est le pivot, la puissance qu'il a perdue.


Avant d'aller plus loin, il peut ctre utile de rap-
peler dans une coude analyse les dispositions prin-
cipales des lois élecforales qui ont régi la France,
depuis 1789, et des projets qui, a diverses époques,
oot été présentés.




Í84 CHAPITRE V.
Dans un écrit 1, qui dale de 18.2() et qui est le


résumé de ses opinions a eette époque, 1\1. Guizot
remarque avee raison qu'en Aualeterre, I'élection
directe est née naturellement 1 néeessairement du
droit qu' avaient les franes-tenanCiers d' ab()rd, puis
les bouraeois de prendre part, par eUx-rhetrles ou
par leurs fondés de POUV()Íl's, attx affaires publi-
ques, 1\1. Gtiizot ajoute que e' est a la suite du suf-
frage universel et par 1'impossiLilité manifeste de
faire passer eette théorie (bus la pratique que l' élec-
tion indireete a páru dans le monde. Je doute que
eeHe derniere observalion soit lout á fait exucte.
Quand l'assemblée de 1789 se déclUl·U Assembh;e
nutionale, elle ne déeréta poillt le suffl'uge unil'er-
sel et n' eut point a inventer l' électioll indirectc. Bon
ou mauvais , ce mode d' éleclion élait dans les habi-
tudes, dans les traditions nationales, et e' est uillsi
que les députés du tiers-état aruient eux-mcme·s été
nommés .. i\ussi, le début s' (;tablit-il , non pas entre
1'élection direete et l'é1ection illdireete, mais entre
les divel'ses formes de eeHe dernihe éleetion. Le eo-
mité de constitution avait pl'oposé t1'ois deWés; l' as-
setnblée en vota deux seulement, et le droit d' élil'c
fut eonféré, non pas á tous les eitoyens, mais au.\":
citoyens actifs, c'est-á-dire aux citoyens payant une
eontribution direcle égale á la valeur de Iroi5 jour-
nées de travail. Les élecleurs, ainsi élus par les as-


I lillcycl0l){:,zic 1" oyressivc. - Éu:cr;o.\. - I 'l2fl,




D ¡.; L ti. R É F o R ~l E É U: e T o R .H E. 1 i\i;
setnblées pl'Ímail'es, se réunissaient ensuite au chef-
lieu de départcmcnt et nommaient les représentants
a l' Assemolée hatiOIJale, Le nombre de ccux-ci était
filé, pour chaque département, en raison composée
du territoire, de ia population et des contributions,


En 1792, l'}\.ssemblée législative, par une me-
Sure provisoire, maintint le systeme en supprimant
tout eens électoral. En 179:3, la Convrntion, a son
tour, supprima l' élection dr'partcmentale, comme
tendant an fédéralisllle, ct le double de¡:rl'é, comme
favorable á l'al'istocl'Utic. La population fut done di-
visée, l'éf(ulir\I'Clllellt, m(;thodiquelllcnt, en fractions
de :3':) mille a !tI rnille illdividus, et chaque fraction
eut, pal' le vote direct, bu député á choisir, l\Iais,
apres avoil' proclamé ce qu' dIe appelait un grand
pl'incipe, la COllvelltion cut soin d'en ajourner I'ap-
plicatioll, Elle échappa ainsi á la nécessité assez pé-
niblc d'or81lnisel' son systep1e et de lui donner vie
aillcurs que sur le papier,


En 17\}j (au 111), malgré la comrnission des onze,
ehargée de prépal'er la nou velle Constitution, la
Convention ahandonna le vote direct et revint au
syst(\me de 17\)1. Seulelllent, prenant un terme
moren cnf¡'e l':\ssemblée constituante et I'Assemhlée
législalive, elle attI'ibua le droit électoraI> dans les
Assemblécs prirnaires, ¡L tout cito yen payant une
contribulion dil'eclc> fonciel'e on personnelle. De
plus, elle pal'!agea le pOllvoil' législatif en deux
hl'anchcs et Iha, d' apres la popnlafion nniquernent ,




186 CHAPITRE r.


le nombre des représentants que les départemants
devaient envoyer el l' une ou el l' autre.


En l'an nn (1800), il ne s'agissait plus d'organiser
le gouvernement représentatif, mais de le supprimer
sans qu'il y parut tropo Ce fut alors qu'on inventa
ces trois listes de notabilité, qui, partant des Assem-
blées primaires, s'engendraient l'une l'autre et re-
montaient ainsi jnsqu'au Sénat, électeur unique.
Dans ce sysh~mc, les citoyens, rénnis en assemblée
pl"imaire, choisissaient le dixieme d' entre enx, pour .
en former une liste dite communale; les citoyens
faisant partie de la liste communale choisissaiellt, a
leur tour, le dixieme d' entre eux, ponr en former
la liste dite départementalc; enfin les citoyens por-
tés sur la liste départcmentale choisissaient le dixieme
d' entre eux, pour en former la liste dite nationale.
C' était sur la liste nalionak, ainsi établie, que le
Sénat élisait les législatcurs et les tl'ibnns. Pour
comprendre tonte la beauté du sysleme, iI est né-
cessail'e d'ajouter que les listes communales, dépar-
tementales, nationales, une foís faites, l' étaient pour
toujours, et que les notables ne pouvaient en Ctre
retranchés qne par une délibération formelle et spé-
ciale. Il faut ajouter encore que l' élection ne devait
avoir lien qn' en l' an IX et que, provisoírement, tous
les fonctionnaires nomm(;s palo le gOllvernement fai-
saient partie nécessaire des lisies.


Assurément la combinaison laissait pell a désirer,
et le despotisme le plus ingénicnx, le plus exigeant




DE LA HÉFORME };LECTORALE. 1!l7
pouvait s' en contenter. Il ne s' en contenta pas; et,
le 16 thermidor an x, au moment du Consulat a de,
le Sénat conservateur imagina quelque ehose de
mieux encore. D'apres celte derniere eombinaison,
les citoyens portés sur la liste de notabilité commu-
nale, telle qu' elle existait alors, dm'ent former, par
voíe d' élection, un collége d' arrondissement et un
collége de dép2.rtement, le Pl'emier sans eondition,
le seeond parmi les six ccnts plus imposés. Au eol-
légc d'arrondisscmcnt, qui ne pouvait pas dépasser
le nombre de 200 , le premier Consul avait le droit
d'ajouter dix notables a son ehoix, pris principale-
ment p'armi les chevaliers de la LégÍon-d'Honneur.
Il avait le droi t d' en ajouter \'ingt au eollége de dé-
partement, quí ne pouvait pas dépasser le nombre
de 300. Ainsi eons!itués a vie, ces eolléges nom-
maient des candidats pOllr le Trihuna!, pom' le
Sénat, pour le Corp.s I(;gislatif; et, parmi ces eandi-
dats, le S(;nat choisissai L


On compl'end qu'il fut tout a fait inutile de modi-
fiel' encore ceHe organisation, quand le Consulat a
vie céda la place a l'Empíre. Aussi fut-elle main-
tenue, mais complétée par l'adjonction obligatoire
des officiers de la Légíon-d'I1onneur au collége dé-
partemental ct des simples légionnaires au collége
d' arrondissemen t.


Telles sont ]es ]ois en l'er(u desc]uelles fut élu le
Corps légíslatif de l'f~mpire, ce Corps législatif qui, a
l' exempl~ du Sénat lui-rncme J resta lidele a Xapo-
léon aussi longtemps (Iue la fortulle, En 1814, la




1~8 CItJ\PITR~ V.


Charle se boma a dire 4 que la Chambre des dé-
» putés serait composée de drputés élus par des col-
n léges électoraux, dont la loi détermincrait l' DI'ga-
, nisation; » ruáis I provisoitement, le Corps légis-
latif et les lois de l'Empire se ti'ouvercnt conserves,
Vacte additionnel des CerH-Jours porta le nombre
des représentants a G29 et e11 répartit la nomination,
d'apres une proporlion détermillée, entre les colléges
de département et les collégcs d'arrondissement,
tels qu'ils étaient constitués par le sénatus-consulle
de l' an x. ElIfin, apres les Cent-J ours, ces excel-
lcnts colléges flll'ent encore conservés 1 et chargés
d'élire 393 députés d'apr(\s une combinaison nou-
velle. 1\u lieu de nommer directcment un député,
chaque coUége d'arrondissement dut seulement pré-
sen ter un nombre de candidats égal au nombre to-
tal des députés du départcment, et les colléges de
départcment dUl'Cllt choisir an moins la moitié dcs
députés parmi ces candidats. De plus 2, les préfets,
conformémellt a racte du 1G thermidor an x, furent
autorisés a ,djoindl'e villgt Ilot.ables, a IeUl' choix ,
aul. colléges de département et dix uux colléges
d' urrondisscment. C' est ce systcme qui produisit la
fameuse ChamDre de 1815, la ChamLre introurable,
comrne l'appelerent, a cette époque, ses partisáils
aussi hien que ses adversaires,


011 voit, pal' ccUe rapide analyse, que, jusqu'il


1 On]onnance du 14 juillet I HI".
2 Ol'donnance du 31 juillet.




DE LA Rl::FORlIE ÚLECTORALE. 189


1815, l' élection directe était il peu pres inconnue en
Franee et que les assemhlées primaires, plus ou
moins fanssées,· plus ou moins dénaturées, n' avaient
pas eessé d'ctre la hase constante des colléges élec-
toraux. On voit aussi que, depuis ran x, les eolléges
étaient avíe, et qu'il vrai dire, le gouvernement re-
présentatif n'exlstait plus. Ainsi que je l'ai expliqué
ailleurs, la lu/te des passions royalistes et de la
pmdenee royale lui rendit tout a coup une vie no u-
vclle, et ses principes trouveren!, au sein meme du
parti qui le détestait, des ornanes inattendlls. n
fallut done en flnir avee eeUe merveilleuse inventión
du despotisme, les colIénes a vie, et un projet de
loi fut présenté par 1\1. de Vaublanc, ministre de
l'inlérieur, qui consacrait ene ore l' élection a deux de-
grés. D'apres ce projet, il y avait, par chaque can-
ton, un collélJe électoral, lequel se composait des
soixante plus imposes et de certaines catéIJ0l'ies de
notahles, tels que jUIJes , jUIJes de paix, cures, cte.
Ce colIége avaÍt pour mission de nommer un cerLain
nombre d' électeurs départementaux, auxquels la Ioi
adjoignait d' office : 10 les soixante plus imposés du
département parmi les propríétaires; 20 les dix plus
imposés parmí les negociants et manufacturiers;
~() les éveques et archeveques; 'j.O les memhres du
conseil général; 5° les presidents des consistoires;
6° les présidents des com's l'oy ales, les proeureurs-
généraux et le premier avoeat genéral. Le collógc
départemental, don! le chiffl'~ ne pouvai! etl'e au-




J!lO CHAPITRE V.


dessous de 150 ni au-dessus de 250, étant ainsi
composé, nommait ensuite les députés.


Dans d'autres circonstances, un tel projet cut
charmé le parti de l'ancien régime. Mais, en 1816,
ce parti était de l' oppositioll, et la créalÍon des élee-
teurs de dl'Oit lui parut ce qu'elle est en effet, une
création monstl'ueuse. En vain, pOllr la justifier,
M. de Vaublanc soutillt-il : en dl'oit, que le pou-
voir électol'Ul doit Mre subordollné et dépendant; cn
fait, que les persollnes dr'signées étant celles dont
tout bon citoyen d(\sirait la Jlomination, il valait au-·
tant que la loi lrs chois1t tout de suite : la commis-
sion dont 1\1. de Vilh\le était rapporteul' prít la li-
herté de trolWel' les raisonuements de 1I. de Vaublanc
peu concluants, peu constitutionuels, et de proposer
\1n tout autre projct. Celui - ci cr<,ait dans chaque
canton une assemblée composée de tous les citoyens
papmt 50 fr. de contl'ibutiolls dil'cctes, d chargeait
cclte asscmb!ée de choisir\ pal'mi Ics citoyens du dé-
pal'fement payant 300 fr. I un collége électoral de
J 50 a 300 éledeurs. Les députés I au nombre de
40'2 pour foufe la France I étaient nommés par ce
collége, au scrufin de liste, el la Chambre se renou-
vclait intégl'alement tous les cinq uns.


APl'l'S des débats longs, \"ifs, curieux, le projet de
la commission fut adopt(~ dans ses dispositions prin-
cipales par la Chamln'c des d(;putés ; mais la Cham-
bre des pairs le rejcta, et un projet p)'ovisoi¡'e inlel'-
\'illt, pO\11' dOIlIlC')' force de loi aux OrdOIllll1l1CPS dc




DE LA RÉ 1<' OR ME ÉL E CTORALE. 191
j uillrtt 815. Peu de temps apres, l' ordonnance du
5 sf'ptemhre réduisit a 258 le nomlll'c total des dé-
putés, tout en dissolvant la Chambre int1'ouvable.


Tel était l' état de la législation quund, a la fin de
1816, apres des élections qui u\'aient enlevé la ma-
jorité an parti de rancien ré¡¡ime, le gouvernement
présenta la loi de févriel' 1817. Dans un moment Otl,
eomme au débllt de la révolution, la lutte était éta-
hlie en/re rancien régime et le nom'eau, entre l'a-
ristoe!'atie et lcs classcs moyennes, ceHe loi était un
admirable eoup de padi, Par le d1'oit dectoral, égu-
lemf'lIt eonfé1'é a fous ceux qui payaient 300 fI-.
cJ'impM, elle donnait le pouvoil' aux classes rnoyen-
lIes. Par l' élection directe, elle rneUait l' élll SOUS
l' mil, sous la main de l' électelll' et rendait les tra-
hisons difficiles. Par le vote au chef-lien, elle affai-
blissait les inllllences locales et pel'sonnelles, elle
fOl'lifiait les inflllences g(;nérales ct politiques. Je ne
suis si tous ceux qui votcl'ent la loi de 1817 en aper-
~lll'ent toute la portée; rnais le parti de l' ancien ré-
gime !le s'y h'(}Iilpa paso On le vit done tout entier


. comhattl'e la loi de 1817 , taudís que le parti lihéral,
í'aus s'arrcter lt qllclques irnpel'fections théo1'iques,
l'adoptait aree vivacité, avee pussion, comme le com-
plément uatlll'cl de la Charte. Pal' rnalhellr, le parti
libéral était alo1's pen !lomul'eux dan s la Chamb1'e ;
mais la loi de J817 arait d'au/res appuis, d'autres
défrllseul's; et ~I. de Hieheliru, 1\1. Lainé, U De-
cazes, eornme ministres, 1\1. Cm'iel', comme com-
mÍssairr du rOÍ, i\J. Pasquier, eomme président dr




¡9il eH.HITRE r.


la Chambre, padaient pour elle ou la protégeaient·
de leuI' inf]uencc, non moins qne .U. Horcr-Colllu'd,
~I. de Sainte-Aulail'e et M. Courvoisicl'. Gnlce a
ceUc union passagere du parti lib(~l'al et du partí
admínistratif, la Joi de 1817 fluít par passer, et
mm'qua dans l'histoirc du gOllvcl'llemcnt représen-
tatif, en France, une ere toute notil'elle.


La Chambre alors, on le sait, se rcnouvelait an-
nucllement par cinquieme. 01', apres l' élection des
deux premieres séries, le parti admillistl'atif, dé-
bordé, commensa a rewettel' l'adhésion qu'il avait'
donnée a la loi de 1817. De lit, en 181H, l'apPlli
que rencontra dans les dcux Chambl'~s, dan s la
Chambre des pairs surtout, la P¡'oposition de
JI. Barthélemy, tendant a révise¡' CfUe loí. l\lai!l le
partí libél'al était alol's beaucoup plus fort qu' en
1817, et le ministere, pl'ésidé par M. Dessoles,
a\'ait co'ntraeté avee ce parti tine union fort intime.
La proposilion de M. Barthélemy, adoptée par la
Chambl'e des pairs, fut done l'ejetée pal' la Chamb.'e
des députés, et une eréation de soixante pairs ré-
tablit l'harmonie entre les pouvoirs de l'État. Mal-
heureusement ee fut pour peu de temps ; et, en 1820,
le lendemain meme de l'assassinat du due de Berry,
M. Decazes, alors premier ministre, pro posa une
loi d' élrction toute nouvelle et dont voici les dispo-
sitiolls priuripales : les 258 Mpul(;s alol's existant
devaiellt etre nommés non plus par les électelll's a
300 fr., réullis au chef-lieu du dép:ll'temellt, mais
par les électeurs a :300 fr. , répartis entre 258 col-




1)[0: LA IIÚ'OlDIE ÉLEC'!'OR¡lLK l\1a


Inges d' al'1'ondissClllellt. Ccs eolléges, en outre , de-
I aient ehoisil', parmi les électeul's payant J,OOO fr.
<I'ill1pol, un collégc de département, auqucl ét~lit
atlJ'iLuée la nominatioJl de J 72 députés. Le proje t
(lui portait le nombre des députés it !,,30 établissait,
1'1\ outl'e, bien que d'ulle maniere un pen défournée,
11' rellou\ellemcnt intégral et le l:ole public.


Ce projet, par des 1'aiSOn8 divel'ses, fuI lIlal ac-
cueilli de tout le monde, et il faHul bientOt y renoll-
('('l'. Le 11linistere (lui succéda it M. Decazcs présenta
dOlle un seeond projet, d'apri~s 1equel1e nombre des
(jéputés res[ait fixé it 2,;8. Ces députés étaient nOIll-
/llés par des coll(;ges eompos(;s des plus imposés
dans eha(lue tlépartelllellt, jusqu'á eOllCllITCnee du
cillquicme du nombre total des éleeteurs a 300 fr.
Quant a ceux-ci, réunis dans 258 eolléges d'arroll-
dissernellt, ils lI'avaient d'autre droit que eelui de
pl'ésentcl' au eollége de déparlerncllt ehaeull autant
de ealldidats <¡u'il y avai! dedéputés a nornmcr.


Personne n'igllore a quels violcnts d(;bats, a (lue1s
waves événements dOllna lieu la diseussion de eeUe
loi. Pour la gauehe eomme pour la droite, pour le
partí de la Franee nouvelle eomme pour le parti de
rancien régime, c'était une question de vie ou de
mort; el le gou\'crnement, qui, par peur de l'un, \'e-
nuit de s'uuir a l'autre, semilla, pendant prcs d'un
mois, aussi iucapable d'avanecr que de reculer. Bu
l.; maí au 12 juin, la questiou se débattil ainsi dans
la Chambl'c el SUI' la place publique, avec une "iva-
cilé, avec une pCl'séváancc dont I'irn, aujourd'hui ,


1:]




1!J4 CH¡lPITHE r.


ue peut donner une idL;e. Enfin, de cctte uiscussion
si agitée, si violeutr, si tumultueuse, il sortit un troi-
si€me projet qui ne ¡'essemblait en rien aux ueux
projets précédents. On sait que ce projet crealt deux.
sortes de colléges : les colIenes d'arrondissement,
qui nommaient 258 deputés ; les coHeges de dépar-
tement, qui en nommaieut 172. Ces derniel's colléges
se composaient des éledeurs les plus imposés, en
nomhre égal au quart de la totalité des éledeurs du
département. Ceux qui faisaient partie des colléges
de département u' eu votaieut pas moins daus les
colléges el' arroudissemeut, ce qui leur assurait un
douhle vote. .


Ce fut, eu définitive, ce dernier projet qui passa;
et ce furent les colléges, aimi formés, quí, en 1827
et en 1830, nommerent les deux assemhlées dont la
fermeté a fait pl'évaloir, mcme au pl'ix d'une révolu-
tion, les nais principes du nouvernement représen-
tatif. Assurément, en 1820, 011 ne pomrait pas s\
attendre. Aussi u' est-il pas douteux que la loi de
1820 n' cut été changée, comme la loi de 1817, par
le partí qui r avait faite, si ce parti eut eucore pu
mesurer, année par annce, le terruin qu'il perdait.
Mais, ainsi que je l'ai rappclc plus haut" le partí de
l'aucien rcgíme, maitt'e de la majorite en J82't, s'e11
était servi pour substitucl' le renouvellemellt inté~p'al
au renouvellemellt particl. 11 ani ra ainsi, les yeux
handés, au bord elu précipice ; et, qllund il s'aperSllt
tle sa faute, elle était irreparable.


On le voi[ : pendant la Restauration, l('s électeuJ's




a aoo fl'. se mont!'prent toujom's , excC'pté en 1824.,
fidcJes a Icur origine et défenseul's inrIPpendants,
intelligcnts, des lihertés rt des intén\ts du pays, 11
éfait done naturel qu'apresl S:30, eeux ¡¡ui \'oulaÍent
la réalité do ilouvernement l'eprésentatif dssent dans
les électeul's a :300 fr. l'élément le m('il!eul', la hase
la plus solide d'un hon systpme électol'al. Ce n'était
sans donte point l' avis des hommes pour qui la mo-
nal'chie eOllstitlltionnclle ne valait guere mieux que
la monal'ehie ahsolllc, ni de eeux qui, fideles aux
idées dc 1792 et de 17!l:3, rcgurdaient l'électorat
eomme un dl'oit univel'sel. C'était l'avis de tous les
hommes qui ne désiraient rien au dela de la Charle
et de I'étahlissement nou\'eau. A.ussi, une fois le
dOllhle votc supprimé, le déhat enh'e le parti du
mouvernent et le parti de la résistanee se renfel'ma-
f-il dans un eereIe rOl't étt'oit. Le ministere dont
1\I. Lafitte était pI'ésident, don! :U, Dupont (de \'J~ul'e)
éfait gal'de des secaux, proposa un pl'ojet qui, tout
CII consel'vant lcs eolléges d' al'rondissement, désignait
eomme élccteurs les citoyens les plus imposés jus-
qu' a coneurrence du douhle du nomhre des électenrs
inserits sur les dernieres listes, On ohtenait ainsi un
chifrre de 1S0 mille électeul's a peu pr(\s, leque!
pouvait s'élevcl' a 200 mille, au moyen de eertaines
adjonctions emprunt(;es a la loi du jury, J)'un autre
cOté, la eommissíon, apres aroir admis le cens fixe
eOlllme pr'éférable au eens variable, se divisa en deux
rl'actions : l'une, qui proposait le ehifrre de 240 fr, ;
l' autl'e , qlli voulait abaísser ce chiffre jusqu' a 200 fr,




l!Hi CIIAl'lTUE l.


Le systerne des plus illlpo~és ayant d(; aoandoIlllé
pal' le ministcrc et n'danl J'epl'is pal' pel'SOnIJe, ce
fut entre ces deux chil'fl'rs si voisiJls que s'agita
tout le débat. ChaeulI sail que le chil'fre de :WU [r'.
I'emporta, malgré la cOJlllllission, el (Iue ce vote
fut regal'dé par la ;¡illlChe eomme un triomphc
(;c1ataut. Pel'SOJlIle d'aiilclIl's Ile pl'Oposa les deu.\
degJ'(;s el les assemblées primaircs, si ce ll'esl
\1 Berryel', dOllll'amendernent fut r('jeté a la p1'CS-
1( lIC lIuanirnitó.


<)uanl au \'ote au chef-lieu, 11. Odilon 13al'l'Ot dit
'Iu'iI en l'estail parlisan, lllais qu'j[ lui pal'aíssail
impossible de le raíl'e pn;mloíl'. Iln'r cut done de
discussioll <¡u' (,lIft'C leprojPl dn goul'crnement, qui,
atltl'iouanl Ull s('ul députó achaque collége decto-
ral, [!'actiollnaíl Cel'taillS alTondísserncllts adminis-
¡!'alífs, el un amcndelllent de .\1. \i(,JlIlCI, <Jui faisait
elil'e par Ull seuI col/(;ge et par un seuI lole lous les
députés du mell1e al'l'ondisscfllenL Eufln, ll1aIgeé dc
vives réclamatiolls conl!'e la répartilion des députés
entre les Jépartemellts, cette répal'lition se lit COll-
fOl'mémellt aux tableaux du gouvememcnt, tableau\:
'1ui, a peu de chose pl'eS, 1'cspcctaicnt les P1'0I'0I'-
tious étah/ies. Pel'SOllllC d'ailleul's nI' sc dissimula
«u'une loi aussi 1'apidemellt faile ne dtH etre défec-
lueuse; d les plus zélós eonsel'vatl'ul's, 11. Jugustin
P.iriel' nolarnment, l'ecollIlurcnl (Iu'it une époque
plus paisíble, elle poulTaít (\tre utilelllenl réviséc,
Toulle monde aussi S'(~lllpl'eSSa de déclal'el' que le
dl'Oit de suffm;¡c devaít e{¡'(~ donné il tous les ci-




J) E L.-l R~: F O R l\I E':: L E e T o R A L F.. l!li
toyens capables de l' exercpr, et que, dans un dc'la i
Pl'ochain, il serait juste et eomenable d'abaisspr P!l-
core le censo Ainsi, sur les principes de la lo ¡
eomm(' sur ses dispositions importantes, il y eul
entre les partis parlemenlaires aceord presque com-
piel. Ce ne fut point l'muvre de quelques-uns, mais
de tous.


Depuis ce He {~pOqllC \ quinze ans se sont éeoulés \
six éleelions ont pu Ueu, et I'on a eu le tcmps d'étu-
diel' la loi de I HM da~s son action, dans son méea-
nisme, dans ses ¡·(;slIltats. La consóqupnce, e' est qU('
le;; imperfcctions dont tout le monde comenait en
lS:H ont enfi("rement disparll aux yeux des uns,
tandis qu'aux ycux des allh'es, ces imperfeetions sonl
devenlles plus sensibles. Dans les ehapitres qui prr-
eedent j'ai sllffisamment expliqué pOUl'quoi je nH'
range au nombrp de ecs dcrniers . .fe veux pourtant
dire eneore sU!' quel termin je me place d eomment
j'entends la réfol'me.


Pour ceux qui croient qu'au dl'Oit d'Mrc bien gou-
rernó eOI'l'espond néeessail'cmcnt, unirel'sellpmPTl t
le droit de participer au gouvel'nement, l('s lois (>[pc-
tOl'ales sont bonnes ou mauvaises, selon qu' elles S('
l'app¡'ochent plus ou moins du sufft'age llllivel'sel, [('
sellljuste, Ip sculléuitime en ce monde. POUl' CCII\
qui roient dans I'élcctomt une fonction :,ocialc plutril
L/u'un dl'oit personnel, les loís ("pdorales n' ont f[U'UII
hut: e'esl dC' placel' au falte de 1'I~lal une assembléc
!fui, (que avec lihertó, avec honnMetó, a\'pc diseel'-
;lernenl, l'pp¡'rscnfp, dans de justl's proporfions, 10m




JU8 CHAI'ITIIE V.


les droits et tous les inlérels. Une loi électqrale qui
approche de ce hut est honne, quels que soient ses
défauts théoriques. Elle est mauvaise, quelle que
soit sa perfection philosophique, si elle s' en éloigne.


C' est a ce dernier point de vue que, pour ma part,
.i' examine la loi électorale acfueHe. J e ne luí repro-
che point d' e/re en contradiction avec certaines théo-
ries plus ou moins contestables; je lui reproche de
ue point donner au pays le gouvernement représen-
fatir vrai, le gouvernement représentatif tel que nous
le voulions tous en 1830; je lui reproche d'agir en
sen s inverse de son hut et de suhordonner partoul
les íntérets généraux aux intérMs locaux, les intérets
locaux aux intérctspersonnels; je luí reproche,
comme le lui reprochait 1\1. Royel'-Collard en 1824,
" de reléguer tristemenf chacun au fond de sa fai-
D blesse individuelle, au lieu d' exciter l' éuergie COIll-
» mune; d'étouffer le sentimeIlt dI' l'honnenr el l'es-
» prit public, au lien de nOUITÍ!' l'un el l'antr('. »
Pour tout dire en un mot, je lni reproche de créel'
une représentation mensongere, une représentation
viciée a sa source, faussée dans son actioo. 01', si,
cootrairement a la théorie du suffrage universel, on
peut admeftre qu' un échantillon suffise pour con-
naltre, pour apprécier exactement les vmux et les
hesoins dll pays, au mojns fant-il que cet échantillon
soit bien chojsi et qn'il ne soif poin! frelaté. Je suis
profondément eonvaincu qu' aujoUl'd'hui l' échantillon
n'a rien de sincere, et qu'ainsi, entre le pays et ceux
qui le représentent, H n'y a plus cette ressemblance,




j) E L il. R 1:; F O ¡DI E Í-; L E e T o R .-1 L E. Hhl
eette eonformité qui fout la force et la vil' des gou-
vernements libres,


Uais,j'en eomiens, ce u' esto pas tout de reeouualtre
le mal daus ses efrets, dans ses symptomes exté-
ricurs; il faut en~ore en distiuguer la cause, en dé-
couvrir le siége, avant d'en chel'cher le remede, 01',
n' est-il pas évidclIt que la cause directe du mall'é-
sicle clans la dépendance mutuelle des électeurs et
des députés et dans les aceommoclements déplora-
hles qui en l'(>sultent '! i\' est-il pas clair que le siéfle
principal du mal est dans les eolléges peu nomhrellx
01'1 eette dépendanc!, est plus étl'oite, ou ces accom-
modernents sont 'plus pl'ofitables? Si l'on ne veu!
point illliter ces m(~decins qui hatent la fin du malade
en le traitan! pour une autre. maladíe que la siennp,
("est il d(\trui"e, OH du moins a attónuer ce double
incollvrnient que doit rise!' foute l'éforme sérieuse,


Le pl'oblórne ainsi posé, j'en clICrehe la solution
el j' examine tout de suile deux id(;es, deux systómes
quí paraissent en ce morncnt jouir d'une assez
grande faveur. Je veux parler des deux degrés,
comme en 1791, et du vote an chef-líeu, eomme
en 1817.


Quand OJ1 étudie la série de uos lois électorales
et <Iu' on lit 1('5 déIJats auxqllels ces lois ont donné
lien, Oll voil que, sur la qllestioJl du \'ote direet ou
indíl'(~ct, les opinions ont suhi, entre J816 et 1820,
un changemenf sinaulier. De J78H a J816, le prín-
cipe dcs deux degl'és était admis p¡'esqlle universel-
¡('mcnt, prcsquc sans dpbat, et l' extreme démocl'atíe




200 CHAPITRE \'


se l'aHachait seule au principe conh'aire, De I S I ji it
I S20, apr(\s une luUe fod ri\'e, Ir principe de 1'élec-
tion diI'ccte I'emporla (ldinilivemenf, et, clepllis celt(·
{;poque, il regne en mallr('. Il ne raut d'aillellJ's pas
oublier que, pcndanl la pél'iode lmnsi/oire, la. ques-
tion du \ole direct ou indirect fut le tCITain sur lf'-
(Iuel la France nouvellc et I'aneif'n régime se li\Tp-
l'enl les combats les plus aeharnés, :\ 101'1 011 ¡\ rai-
son, le parti qe r aneien résime eroyait que, dans
les assemblées cantonales ou eommunales, I'in-
tlllence de la grande propriété serait toujours pr('-
pondérante. A tort ou ¡\ raison, le parti de la Franee
nouFelle avaíl la m(~me pensée, Chaque pal,ti d'ail-
leurs, pour comhattre son ad liersail'e, se servait
d' armes qui eussent trouvé dans le camp opposé un
emploi plus nature!. Ainsi, le parti de I'ancien 1'('-
gime s'indignait qu'on \'oult'tt réduil'r ¡\ cent mille Je
nombre des électeurs ct priver aiusi la majol'ilé des
Fmn<;ais d'un dl'oit imprescI'iptible. te parti de la
France nouvelle, au conlraire, étalait les souvenirs
sanglants de la Révolution, et s'étonnait qu'on voult'lt
rourrir a I'anal'chic la porte des colléf(es éleetoraux.
Qu' on lise les débats del SI;) , de l816, de 1817 ,
et partout on rcmarquera ce contraste enlre la pensre
et le laugage,


Cependant, il faut le rceonnaltre, oufr'e les raisons
de convenance et d'utilité acluelle, les partisans df'
I'rJpction direcle pouvaient all¿guer, ¡\ l' appui dI' leUl'
opinion, des motifs puissants et péremptoires. "r,p
~ qll(' rOllS appe!pz {'lprtion, (lisaient-ils, nOlls J' a,,-




n EL: 1\ {: JI O R:M Jo: 1:: L E t: T O R A L E. :10 I


" pelolls diminatioll. Que font, en effet, vos asselll-
') 1>1(\es pri rnaires '! Elles ehoisissent entre des citoyellS
~ don! la loi a pl'éeédemment reeonnu l'aptitudc.
n Or, l'aptitude eonf,''\"e le dl'oit; la Oll elle existe,
') elle es! entihe, indivisihle , et I'on ne peut rien
') demander au dela. I::gal it,; des élecfeurs, éga-
" lité des suffrages, óleclion dirccfe, e' est une seull'
, et m,\me ehosp. » Puis, ap\'(\s aroir invoqué 11'
dl'oit, les parlisans du vole dil'eet faisail'nt appd a
I'expérience. , Qui ne sait, disaient-ils, que les as-
" semhl~es pl'imail'es, passionn,;cs et violentes an
.. milien des tl'Oublrs cirils , de\iennenl, dl·s que le
" calml' \,pnalt, indiffél'cntcs et serviles Y Encore n'a-
" t-on jarnais ('prollu; ce que seraient ces assemhléps
;1 si leUl' mission se hornait a ehoisil' des élecfcUl·s.
lJ :\van! la Révolulion, eeux qui ehoisissaient les
D assl'mblées primail'es étaient chal'sés non-seule-
• menl de nornmer les déput(\s, mais de rédigel' des


cahiers. Pendant la Ré\olutioll, les assemblél's
lJ primail'es nommaient, oUÍI'e les élecfcurs, cedaios
') fonctionnail'es publics dont le choix avait pOUI'
" elles une tres-wande importance. e' est par la que,


soit avant, soit pendant la R~\'olulion, les fonr-
• tions des assemblées primail'es a\'aipnt quelque rie
" et quelque réalilé. Si vous lcm' donnez sCllicmcnl
TI des élrcfelll's a nommel', l'OUS pourrf'z, sans dan-
,. }ler, san s inconn;nient, les faire aussi nOIllIJreusf's
" <[u'il l'OUS plail'a : la plus petite salir' sera tOlljOll\'S
• assez vaste pOlll' les contenir. »


. \PI'(\s :U'Oil', ppndllnt plnsirlll's sessions ronSl"('II-




;W2 CHAPITRE \'.


tives, résisté aux cffods comhilll;S du gouvcl'llemcnl
et du parti de l' ancien l'égime; apres avoil', de 1 H 17
ti. 1830, obtcnu l'appui fel'mc, énergi1llle, pel'srvé-
!'Uní de l' opillion libérale touí enticl'e, il sembluit
<¡ue l'élection dil'cctc n'eút plus rien a redouter, el
<fu'elle eút définitiverneJlt gaglJ(; su cause. Cepelldant
le proc(\s se plaide de nouveau, el, au sein Ill!~me
du parti libél'al, je cl'ois apercevoir en ce moment
quelque hésitation et <¡uelques Íncel'liludes. " L(lS
syslt\mes électoraux, dit-on, tout le monde le l'econ-
naH, ne sauraient (~tl'e les memes, a tOlltes les épo-
fInes et dans toutes les circonstances; il faut, ¡¡Olll'
(~h'e bons, qu'ils s'accommor!f'Jll a retul des esprits
rl des IlW)lll'S, 01', il est des temps 011 il est l'aison-
Jluble, ulile , Il(~cessail'e de ct'écl' entre l'élccteur p(
),¡qu des rappol'ls immédiats, joul'fIaliel's, intiillrs;
il ell rst d'autres Oll ces l'apports SOllt I/lol'lels pOlll'
la pl'obitó de )'uu, pOlll' )'iud(;pelldance de raUIl'r,
et, pal'-dessus lout, pOlll' la moralitó publi(llle rt
pour la pureté du gouvel'llerneut l'cprósentutif. e'est
la que nous en sornmes venus, et ce sont ces lieus
fllnestes qu'il est indispensable de l'Ornpl'e. Or, corn-
ment les rompre, tant <¡u'il y aura, d'une part, des
decteurs pel'mancnts, qui verront dalls lcm d(;putó
le pl'otccteul' de leurs inU;l'cls p,'irés; de I'antl'e, un
dt;put(i tempomi,'e, dont la I'é(>!ection d¡;pendra de
cerlaines familles, de cel'lailles pCl's(JIIlles a lui COI1-
IIU('S ~ Qu' 011 augllH'nte le ll(}rnIJl'(~ des élc('leul's,
<¡u'on transporte le vale dn chd -lieu d'al'l'olldis~e­
IIIcnt au chef-lien de d(;pal'tcmenl : Oll pOlll'l'a di mi-




nuer le mal, on ue le supprimera pas. Le seul moyen
de le supprimel', e' est que, pendant toute la durée
de la législature et j usqu' au dernier moment, le
député ne connaisse pas l'électeur et que l'électeur
ne se connaisse pas lui-meme; e' est, en d' autres
termes, qu' au moment Oll l' élection vient d' a\'oir
líeu, la délégation dispa¡'aisse et que le collége élec-
toral s' évanouisse. Sans doute ce systcme a ses dé-
fauts; maís il ne faut point, dans les choses llU-
maínes, espérer la pCl'fection. De quel ctlté est la
plus grande somme d'arantaf¡Ps, la plus wande
somme d'inconvénienls'( voil!t toujours la question.
Eh hien! celte queslion doit se I'ésoudre non par des
príncipes absolus, mais par unc appréciation justc
et saine du mal auqucl iI s'agit de porter remede.
i\ujourd'hui, le mal, c' est la corruption, la cor-
ruptíon quí nalt des rclatiollS habíluelles enfl'c l' dec-
teur et J' élu. Done ce sont ces l'ela[jons gn'il faut
détruire, si ron ue veut pas qu'un jour le gOllverne-
ment l'epl'ésentatif s' éteígne, en France , dans l' avi-
lissement et dans la honte. n


Je l'avoue sincerement: en présence des scandales
qui ont eu lieu et de ceux quí se prépal'ent, ces l'ai-
sons ont heaucoup de force a mes yeux. Elles n' a-
vaient point, d' ailleurs, échappé a la eommissíon de
18:31 , et je les trouve exposées avee heaucoup de
Ilctteté dans le remarquable rap pol't de ?\J. Bérengcr.


« Avee J'élection a dr,ux dewés, dit ?\I. Bél'cnger,
n on évite la permanence des eolléges électoraux,
)) quí rst ll(;cessaire, indispensahle dans l' élection di-




:!tH e 11 A PI T 1\ E r.


» l'eele, afin de pl'évenir les fraudes; mais quí, arec
» le temps , peut avoi,' ses dangel's, e' est-a-di\'e fa-
') vOl'iser des eoalitions dan s le but de pl'otr'ger ou
') de défendl'e eertains intérCts qui se\'aient cont\'ail'es
') aux intér(\ts géné,'aux, Cette permanence des eol-
') léges ofC\'e aussi l'ineonvéllient de mettre le députl'
') dans une dépendaIlee trop grande de eenx qu i
1) l' ont élu ; cal' pourra - t - iI oublicl' qll' a r expíl'ation
» de son mandat les mem~s hommes seront appelrs
» a l' élil'e de nouveau ? Cette pcnséc ne le préoccu-
)) pel'a-t-elle pas assez pOlll' lui inspi\'el' le désir de
)) m('naael' len\' snseeptibilité, de les fat'Ol'isc\' exclll-
, si\cment dans le partagc des emplois pou\' la dis-
O) f\'ihution dcsquels il pCllt aroir quelque inOuene(' '!
)) de teIle sorte que, par une réeipl'ocitó dr bons
» offiees, il est eonfluit a leur saerifier jusqu'a ses
» propl'es devoirs,


" TOlls ces ineOIlu;nients dispal'aisscnt arce I'élec-
)) tion a deux dcgrés : ie;, point de permanenee, ou,
') pour mieux Jire, point de eOl'ps l'leeto\'al, les élee-
)) tenrs nommés pal' les citoyens se réunissent en as-
., semblée qui n'a plus d'existenee, ou plutOt quí
, s' évanonit aussitot que l' éIeetion cst terminée;
» ecux qui en ont fait partie ne SOllt point assur('~
') d'entrer dans la eompositioll de l'assernbl(;e qni
)) suilTa; toute eoalitioll drt'ient done irnpossihlr;
" lous suff.'ages pl'éparés d'avanee le devienncnt óga-
» lement. Le député élu n'a plus d'autrc intér¡'.t <¡!lf'
" eelui de remplir honorahlcmcnt son mandat; il srnl


(\\lf'\ pom' luí, JI' Tnpillpll\' moyplI df' ff;moi~lnf'l' ~"




]) 1'; 1. A. 11 ¡.; ¡. () R .\1 E ¡.; L E e T 11 H A L 1<. ;.!(I¡,


" reeonllai~sallLe a ceu" qui r ont 1I0mmé, e' est de
.. se lil'rel' tout cutier aux soins qu'exigent les affail'cs
.. généralcs du pays ; et, eornme il ignore quels se-
" l'Ont ccux qui sel'ont appelés a le 1I0mmer de 1l0U-
" \ cau, il ne trome dans la prévision de l' avenir
" aueun motif personnel de se ménager une clientt'dc
" el de favol'isel' des ambitions pl'ivés, ))


.le slIis fort loin de lIiel' ce qu'il y a de vl'ai, de
;¡I'u\e dans ces obsC'ITations, et .ic !le voudrais pas
lIl'encraUCJ.' a rcpousser touJ'OUI'S (Iuoi ('u'il al'l'i~'e le o,; "1 ~
rote a deux degt'és, :\Iais, J'une par!, l'opinion pu-
blique est pcu favo!'able a C(~ \'ote; de l'autre, illle
lile pa!'alt nulleme:lt d(;1II011I!'é (Iue ses arantages SUl'-
pussent ses inconvéuiellts, le ne \'CUX point me re-
jetel' dans la philosophie polilique de lS20, ni l'echel'-
cher si le dl'oit d'é1ire est de cenx qni puissent se
déléguCl', el si les caJ'acité~ SOtlt OU nOll indirisibles,
.Je m'ell tiens a des motifs plus simples, plus hum-
bies, plus p!'ali(IUCS, 01', daos le systcmc de l'eleetioJl
inrlirede, il est indubitable que, pOUl' J'dectcur du
(ll'emicr ucgl'é, le rl'sullat cst si éloigné, si iucel'taill,
ttu'un g¡-and int(;l'ct ne saul'ait s'y altachel', Il est in-
dubitable que pl'csque toujoul's la pl'emicl'e opém-
lioIl, cclle de laquelle dépcnclla seconde, s'accomplit
au milicu de la plus pal'faile imlifTél'encc .• lu lieu
d'utl, droit considérable el qui s'exel'ce dans toute sa
plénitude, aree tout son cfl'd, on a aillsi un dl'oit di-
,¡sé, mulilt;, dont l'e"cl'cice est plus apparent que
l'l;d, :\u lieu d'ullc rnacltinc simple, puissante, effl-
cace, OH aUlle Irliu:!tine compliquúe, embarl'ussée,




CHAPlTRE t.


improduelivc. L' élrction it dcux dcgt'és serait d'ail-
leul's une ridicule parodie, si le droil de voter daus
les assemhlées pl'imaires nI' s'étenduit pas a presquc
lous les ei(orens. On lomhe alors dan s eette singu-
liere eontradietion, de eréer mi eorps électoral peu
índépendunt, peu éelairé, et de lui eoufier UlIC opé-
ration diffieiie, eomplexc, une oprrution qlli suppose
autant de réflexioll que de pl'l;voyanee. N'est-cc pas
metlre ec corps élccloral a la discrétion, a la IlIerci
de loutes les in/luences, de foutes les passions locales
el pcrsonneIles? Yest-ee pas en faire un instrument
aveugle et senile tantIH des ractions, tantOt clu pou-
voir, sclon les lemps 1


A ces raisons, SOUl'ent pl'Oduitcs contrc le volc a
deux degrés, j'cn ajoute UIlC (Iui me pal'ait fort grare :
ce que nous déplorons par-dcssus tout, e'esl que,
cllaque jour, la pensée polilir¡uc tende 11. disparaitre
des coll(;ges électoraux ; I'elldl'e uux npél'alions (;¡ee-
lorales le mouvement polilique, <¡ui s'uncte, la vil'
politique, qui s'éteint, \'oilil nof¡'e dési¡' et nolre hut;
01', ec mouvement et eette vie, 01', trouveront-ils
placc, dans l'éleetion a deux de¡p'és? Ce qui consti-
tuc le mouvement cl la \-ic politiquc, ec n' est point
le fait d' écril'e isolémcllt et silcncieusrrnell t SUl' un
bullctin un OIl plusielll's lIoms, conllus ou inconllus :
ce sont lcs réunions 011 les él('cf¡~uI'S, ul'rachrs, pour
quclqucs jOllrs, a l'égo-,sme ele la lie lll'irre, se com-
mUlliqucnt, se trunsrnrltcllt lcul's impressions, )eurs
sentimellts, leUl's idécs; ce sont surtout les usscm-
hlées 011, en présence des électeurs, les cundidals




riellnenl, cornrrH' ('ll .-\ngletel't'e, exposer lellt's prin-
cipes, ddJattre Ieurs opinions, jnstifier leurs votes.
Cluam( auront lien ces rl'llllions, ces assemblées dont
il importe tant aux "Tais amis dll ¡¡onvemement re-
présentatif d' étendre l'usage, de consacrcr l'habitllde'!
Ce ne sera point, ce ne peut pas clre an premier de-
gré d' élection, an chef-liell du canton on de la com-
mune. Ce sera dOllc an seconrl degré, tIuand les
éleclenrs se rrnniront au chef-lieu de drpartement,
pour nommer les dl;pntrs, l\Jais, IIu' Oll y prenne
¿¡arde: l' élrctioll, a!ors, SITa a peu pres faite. Si
,'élcclioll primai¡'c ('OllselTe encore quelque chose de
politique, chaC¡llc élcclcul', en effel, ama été choisi
dans I'intérct de tel ou tel candidat, auec tel ou tel
manda! positil'. :1 quoi serviront, des lors, si ce n' est
a umuser I'auditoirc, les questioIls des électeurs, les
cXDlicatiolls des eanrJidals '! ,


De tout crla jI' conclus que, ¡oin d'arl'acher la
France a l'indiffácllCC politiqüe, l' électioll indirecll'
aUl'ait prohablement pour cffet de l'y plonger davaJl-
tane, el qu'ainsi elle pourrait aflfll'Uver le malau liel!
de le fluét'ir. J e comprendrais peu, des lors, que,
pour la faire prévaloir, on se mlt en luttc contre
l' opinion publique, qui, depllis trente ans, la re-
pOl1sse,


Sí les de¡¡" <lc;(n;s so:!t impopulail'cs depllis trente
ans, d<'Pllis trente 1lns, al! cOIl!mire, le rote an chef-
lielljoult, en Francr, d'une ccrtaine populaI'ité, C'esl
par ce rote que le padi lihéral, de IH 17 lt 1820,
I'eprit force el s'appl'ocha dll pom'oir; e'est ce \'01('




e H A l' 1 T 1\ ¡.; \.


que lc partí rétl'ogradc s'elllJlrcs~a de supprimc!' en
IS20, quaud, a la suite de tristes défedions el eI'uUl'
déplorable eatastrophe, l'aseelloant lui fuI renou, JI
esl naturel que, sans examinc!' si la situation est la
Ill(\llle, le paI'li lihél'al eouserre pOUI' le votc au
chcf-lien beaueoup rJ'a/Tcdion ct de reconnaissaucc,
Le \otc au chcl:"liell a, d'ailleUl's, oes mérites évi-
dents, incontestahles, el qui, alljourd'hui COUlmc ell
I H ,'7, doirent frappel' les bons esprits,


" La réunioll de tons les dcctcurs d'un oépartc-
.. rncnt pour la nornination des députés, disait
" 11. Lainé, en J S 17, tend a Clc\'cr les é1CCtiOIlS, it
., les soustraire (l l' esprit des petites loealités el it
n dil'igcr les choix H'1'S les hOlllTJleS les plus connus,
1) les plus cOJlsíd{'rés, oans tonte l'élenduc du dépar-


tcment, par leur fortunc, leu1's \el'tus, leu1's lu-
.. mieres, L'intrigue et la llIódiocrit6 pement réllssj,.
., dan s un c('rcIe étl'Oit; mais, a mesure que le ('er-
" dc s'étend, i1 faut (Iue l'hornme s'élere, pOUl' atti-
.. ['el' les regaros el les suffl'af¡es. On ancte aillsi
" l' effet des petites ct obscures inllueuees, pOUl' as-
" surer eclui des influclIces grandes ct légitirnes, el
" on garantit d'avance a la nation que la CharnlJrc


des députés ne sera compos(;e que d'homffies vrai-
') lJIent considél'abJes, elfeclil'CIllellt l'evetus de la
.. con/jance de leul's concitoyells, et nailflent diunes
.. el capables, par leu!'s lalents, ¡cm existence et ¡CUI'


caraetel'e, de concouril' a la confedion dcs lois, "
" La pl'emiel'e el la plus indispensable couoitioll


de la llleilll'llI'e éledion, disait \1. HOFl'-Collal'd,




D jo; L. \ 1\ [:: " (J l\ .\[ ¡.; [:; L E e T () H :\ L E. :10\1


" CII I Hl \1, c'esl le l'upprOehellwnt des dec{eul's et
" leul' I'(;unioll dans le IneITIe col\(;ge. \'oulrz-vOlls
., que l'é!eclellr roie tout ce qu'il doit roir pOllr bien
" choisir, et qu'il nI' \'oie rien de plus? dégagez-Ie
., de I'atmosphcre loeale, élevez-Ie, agrandissez son
., horizon. Voulrz-vous qu'il soit 1'ort eOIl!t'e le pou-
TI \'oír et eonll'e les partís i donnez-Iui des compa-
~ ;{nons, mettez lrs 1'Ol'ces en eommun, formez des
,l masses. Les rnasses srulrs résislcnl ; sCllI('s elles Ollt
" de la dignité, de I'aulol'it(;, ('[ cc \'ir seI!lirncnt des
" illtérMs générallx, sans I('quel il n'y a pas dI' nou-


\'('I'uement repn;sentalif; seulrs ellfin riles repré-
" sentenl vérilablelllcnl la nation. L' objrction de
" l'intl'igue est t!'op fortc. Ut oit l'intriguc serait
,) l'endue impossible, il n'y aUl'ait plus d' élcetion ,
., paree <¡u'il n'y aurait plus de Jibcl'lé. La plus fa-
') tale des intriaucs s('ntil ('elle (Iui liVl'erait les élec-
)) tcurs, dispP"s(;S cl désJrmps, aux séductions du
') pOllvoir el a la tyntnnie des partis, J


(( Des changcllleuts al,ticulés, disait 1\1. de Sen'c ,
') a la mcme ¡"poque, le plus funeste sel'ait celui <¡ui
') briserait les colJéges dc départcment en sections
" sii'geant dans les chefs-lieux d'arrondissement. On
» détruirait aiusi lout esprit puhlic, c' esl-tl-dire le
)) principe vital de tout élat hien constitué. tes élcc-
J tellrs, réullis au chef-Iíeu, se cou1'ondent duns des
)) intérets gélléraux, S¡;pal'(;s par al'l'Ondissements,
" leurs sentirncnts et IClIl's votes tiC ress('ITeraient
1) al ce Icursphcre, Les choix, au licu de s'¡;level' rcrs
') I'hoillme en possessiotl u'une influenec, d'une con--


l4




:210 e 11 A l' 1 T 1\ l': L


» sidél'ation qui domine le départemell t, s' abaisse-
» raient vers les influcnces de loculilé. »


Quund, aujourd'hni, apn\s bientM trente unnées ,
on relit ces pussages, en es! frappé de les tmurer si
\Tais, si précis, si concluants; tout ce que pré-
voyaient 11. Lainé, :U. Royer-Colla¡'d, 11. de Sene,
nous l'arons vu; tout ce qu'ils disaient, nons som-
mes forcés de le ,'épétcr, beuucoup moills bien, TlJuis
avec une con\'Íction plus [orte em'ore, puisqu'ellc
repase sur l' expérience. Il [uu t Hll\rne reconnalll'(,
avec tristesse que la sagacité des gmnds oratclll's ,
des grands penseurs dc I S 17 et de 18H) n' aruit pa~
tout aper~u. lis araí('nt prém <fu'en dcsccndant du
département a l'alTondissernent, l'éleclioll dcscen-
dl'ait de la sphere large et pure des intél'cts géné-
raux a la sphere étroite et trouble des intércts loeam;
ils n'avaient pas prévu qu'elle descendrait encore
da\'antag-c et que les inlércts locaux f¡'oUl'eraient, ú
leur tour, UIlC conCUlTcnce rcdoutable dalls les inté-
rets privés ; ils n' avaient pas pl'évu que, uans une
foule de colléges, l' électorat, ce 'dl'Oit si noble, celle
fonction si sainte , deviendrait ainsi l' occasion el le
moyen des plus misérables trafics.


Placer r élection sur un terrain é)e\'é, Ol! les inté-
rets (f(;néraux dominent a la fois les int('rcts locan,\ o'
el les inlén\ls privés; tI'ansporter la lultc eIecíorale
des pctits aux gl'Ullds centrrs de population, et luí
donner ujnsi le caractere polítiquc qui lui manque;
renelee plus rares, plus difficiles )rs relations pel'-
sonnelles de l' électellr et de l' élu, te)s SOBt aujoul'-




(['hui, comme en 1st 7 , les avantages visibles, eVI-
dents dn vote au chef-lieu. Comme en lH 17 aussi,
ses iUcoIHéllienls sonl ceux qui résultelll du scrutill
de liste et de l' éloigneITlellt des électeurs.


J e n'hésite pas a le Jire : si IJOUS élions encore
dans les conditiuns électol'ales de 1 S 17, et si, cornme
alors, \.10,000 decleul's seulelllcllt devaient nOlllrIl('l'
.2:;S ¡J(;put(;S, ni les iucOlI\éllil'llts du scrntin de liste,
Ili ecu.\. de l'éloignerneIlt lIe poul'l'uiellt m'url'etel'.
\lais, depuis 1 H 11, il s'esl ()pél'(~ dans lIotre lé;¡isla-
lion des ehallgemenls COllsi(J¡;l'uLles el dOllt il faul
1('lIil' cumple. A.i/lsi, /lOUS arolls 2'iO,OOO {>Iecteul's ,
au lieu de !W,OOO, ·'j,:m d(;pull;s, au lieu de 2:;S, On
Ile peut niel' que ces dcux cil'constances ne I'endent
la question plus diHlcile ct n'ajoutent beaucoup a la
force dcs anciennes objections, Peu de mots SUffil'Ollt
pOllr le pI'OUVe¡',


(luel esl le rice ess811lie! du scrulin de liste: le
\oiei, ce me sCJIIJ)le, lel íjU'OIl I'a toujoul's sigllaló ;
(luand chaque électeUl' doil (icri¡'e un seul nom sur
son bulletin, il choisit nalul'cllemellt, nécessail'erne¡¡l
cclui des candidats qui lui cOllvient le mieux ; mais
'1u'au lieu d'un seul Hom, 1'élecleul' en ait plusieurs
it écril'e, et jI est illlpossihlc que, dan s son choix, il
y ait le merne disl'f'l'Ilement, la rrH'rne indépenrlance;
il esl impossible flll' entre ses opinions et ses afTec-
tions, entre ses r!e\'oÍrs el ses int(>rets il ne s'opere
pas, a son insu JJl(\rnc, de funestes compromiso
P¡'esque toujours, d'aillcurs, chu(llle élccleur a UB
candidal ¡¡u'il préf(\re a lous les allt['(~s el dont il dé-




212 CHAI'ITRE r.


sire arant tout le succes, Pour faire passer ce candi-
dat, il est pret a entrer en négociation , en arrange-
ment avec quiconque peut o ffri¡' un appoint. De la
une porte ouverte a tous les calcllls et a toutes les
intrigues; de la, non-seulement entre les partis, ce
qui pourrait etre légitime, mais entre les pel'sonnes,
des transactions mystérieuses, des pactes secrets, <¡uí
vicient la sincérité de l'élection; de la aussi ces com-
binaisolls étranges, ímprévues, fluí placent quelque-
fois a la tete de la liste le candidat dont, au fond,
personnc ne voulait. Si, comme 1\1. Guizot le disait,
en l82(), «le principe fondamental, en ce He maticre,
» est que l' électeur fasse ce qu'il veut et qu'il sache ce
» qu'ilfait, »ce principe est violé a double titre, L' élec-
teur ne fait pas ce qu'il veut et ne sait pas ce qu'il fait.


Cependant, tout réels, tout graves <Ju'ils sont, ces
illconvénients se trouvenl considérablement attéllués
Ijuand le llomb¡'e des candidafs l.t élire ne dépasse
pas froÍs ou quatrc, et quand ceux (fui doi\'ellt les
éli¡'e son! assez voisillS pour avoir les uns avec les
autres des rapports cOlltillUS, L'élection alors se pré-
pá¡'e , se discute entre eux longtemps a r avance, et
il y a chance que Irs calculs personnels soient dévoi-
lés et déjoués, ~lais supposez qu'au lieu de frois ou
quatre noms a écrire, il Y en ait huit, dix et rncme
douze; supposez que ceux qui doirent les éC¡'Í¡'e, au
lieu d' ctre voisins, se réullissent une [ois tOIlS les
quatre ans, tons les cinq ans, de tous les points d'un
vaste ten'itoire , et soient appelés a remplir précipi-
tamment, pl'esque sans préparation, une mission




DE J..>l n{.:FOHME ¡::LECTORALK 213


aussi difficile; supposez, en un mot, que les candi-
dats lenr soient inconnus pour la plupart et qu'ils se
connaissent a peine les uns les autrcs; ne compre-
nez-vous pas quelle confusion aveugle dans les opé-
rations électorales et quelle bizarrerie dans leurs
résultats? C' est un combat Ol! l' organisation et la
discipline l' emporteront presque inévitablement sur
le nombre; c' est une partie de jeu, dont les chances
pourront varier, au gré du hasard ou du bien joué,
mais qui tournera rarement en faveur de la vraie ma-
jorité. JI est possible que, dan s ce conflit d 'intrigues
p{ de l'llses diverses, les vél'Ítables élus de l' opinion
publique se trouvent complétemcnt écartés; il est
possible qu'a la place des représentants sérieux, con-
sidérables, significatifs de tous les partis, on voie
surgir quelques-uns de ces hommes indécis, insigni-
lIants, {noffensifs, qui ont le triste avantage de ne
déplaire a personne; il est possihle, au contraire,
que, par des coalitions subites, ·les hommes modérés
de toutes les nuances se voient remplacés par les re-
préseotants extremes des opinions les plus opposées.
}\ vrai dire, tout est possible, si ce n' est que l' élec-
tion soit véritablement sincere et libre.


Que 1'00 compare maiotenant 1847 a 18J 7, et
que l' on dise si le scrutin de liste ne serait pas au-
jourd'hui hien plus f¡lcheux qu'a cette époqllc. En
/817, deux a trois milIe électeul's tout au plus ve-
naient nommer six députés a Rouen, cinq a Bor~
deaux, huit a Lille. Aujourd'hui I il faudrait rassem-
hIel' á Lille 8,500 électeurs pour noromer douzr




214 CHAPITRF. V.


députés; a Bordeaux, 5,000 électeurs pour nommf'J'
neuf députés; a Rouen , 7,:100 électeurs pour nom-
mer onze députés. Yest-il pas évident qu'uvec cettp
masse d' rlecteurs, at'ee eette masse de candidats , If'
scrutin de liste deviendrait une vraie loterie '? N' est-
a pas ét'ident qu'il n'y aurait plus, de la part des
(~leeteuI's , acte de jugement, acte de volonté?


\'oiHl pouI' le scrutin de liste. Je viens a J'éloigne-
ment des électeUl's, lei la différence entre HH 7 el
UV,,7 est encore plus frappante et plus décisive.
Déja, en ISt7, on trouvait qudque diffieulté a réu-
nir au ehf'f-lieu, des points les plus éloirrnés clu dé-
partement, 2 a :1 mil!e électeurs, et l' on se plai-
gnait que, retenus par la distanee, par la dépense ,
beaueoup d'entre eux se dispensassent d'aeeomplil'
leul' devoil', 01', dans quinze départements , le nom-
hre des éleeteurs varie alljoUl'd'hlli de'¡· a 9 mille.
Que serait-ce quand, ¡\ un jour donfl(\, iI faudrait
que, des extl'émités m(\mes du département, ils
vinssent tous voter au ehef-lieu! Xe eI'aint-on pas,
sal1S supprimer ainsi la eorruption actuelle, el: en
créer une tonte nourelle"? \' e eraint-on pas d' eneou-
rageI' les eandidats a transporter les éleeteUl's a Jeurs
f'l'ais , a Jouer drs losemf'nts, a tenil' fable om.'eJ'te?
Déja ces fllnesles pl'atiqups tendent a s'intl'Oauirc
dans eertains collérrf's , et l'on n'a ouhlié ni l'éleetioTl
de Langt'es, en J S'I2, ni celle d'.'\ Itl{il'(~h, en 18Hi.
Veut-on y pousspr, et rf'm!l'e, en Franee comme en
.'\nRleterI'e, l'élection a pell prcs inaccessihlr allx
f'\l'fllnf's médior!'ps? rpnt-on, d'nn :lnlr'!' ('(,(/;, P!·j-




DE LA Rl::FORl\lE lhECTORALE. su:,


vel', en fait, de le nI' droit les électenrs pen zélés,
pen riches, mais tl'Op honnMes ponl' aceepter une
indemnité honteuse? Po nI' ma part, .le suis lo in de
redonter les grandes réunions d'électeurs et le mou-
rement qui doit s' ensuivre, Ce que je redoute, e' est
que ces réunions el ce mouvement n'aíent lieu qu'¡'t
des eonditions quí enlcvent au eorps élcetoral foule
liberté el toute moralit(:,


Il faut d'aillcUl's qu'on r songe : en suppo~anl
qu' apres tout, le eens électoral aeluel fút assez éle\'¡:
et le noml)l'e des éleeteUl's assez mod¡:l'(i pour que
la l'éunion au ehef-lieu fIH possible, ne eesserait-elle
pas de l\\tre, le jour Ol! le eens élec!oral sel'aH
abaissé , le jour Ol! le nombre des électeurs augmen-
terail notahlement? J e erois ee jou!' t!'(\s-proehaill ,
et ceux qui demandent le vote au ehef-lieu sonl pour
la plupal'! 0(' cet avis, Qu'ils prennent garde de pro-
poser dellx réformes éOlltradictoires et d'annnlel' les
UllS par les alltres les \'(PUX qu'ils fOI'ment, les opi-
nions qu'ils soutiennent. Ce n' esl certcs pas allc.'
bien lo in que de supposer le nomlH'c des élcctcm's
porté de 2r~o,OOO u ,r"oo,OOO. D(\s lors, ee ne serait
plus d'une impossibilité mo!'ale qu'il s'agirail, mais
¡J'une impossibilité matérielle . .Je tiens dOlle pOU!'
eedain qu'entre le lote au ehcf-lieu el l'augmenta-
lion du nomlll'e des élec!eurs iI ya illeompatibité 1'a-
diealc, absolue .• Te fíells pOllr eedaín que demander
I'un, e'est repousser l'alllr'e, el qu'il raul ehoisil' entrc
les deux.


:\ la n;.'íté, POllt' (;chapprr ¡\ nn rhoíx quí con-




:216 CHAPITIIE \,l.


tJ'arie, on a empl'unté a quclques ministres de 18 Hl
une comLinaison singulió¡'e. D' apres cetle comhi-
naison, fous les électeurs d'un département seraient
appelés a en nornmer tous les députés; mais, au
lieu de se l'éunil' au chef-lieu, ils se réuniraient a
l' al'rondissement ou au cantono Du canton ou de l' a 1'-
rOlldissement, la bolte du scrutin serait envoy{>e au
chef-lieu de département, Ol! le dépouillement au-
raitlieu. J e remarque d' ahol'd que eeUe comLinaison
a les incom:énients sans les avantuges du vote aU
chef-lieu. L'ineonrénient principal du vote au ehef-
lieu, c'est le scrulin de liste; le sCl'Lltin de liste est
maintenu, L' arantage csscntiel du vote au chef-lieu,
c'est le l'approehement des éleeteu('s dans un grand
centre de population et de l'ichesse, c'est le mouve-
menl que ee l'appI'ochcmeut proc!uit et I'rnsei!plC-
ment qll'on y puise ; le l'uppI'oehrrnent des électelll'S
esl supprimé. Il faudI'a donc que, sans réunion qui
les Illette en l'apport, sans assernLlée prépul'atoire
qui les éclaire, les éleeteurs \'iennent, au sortir de
leul's maisons, éerit'e' huit, dix et jusqu' a douze
noms. Peut-on imaginer ql1elque chose de moins
raisonnahle, quelque chose qui Me datan/age a l'é-
¡eetion tOllt sét'Íellx el toutc l'éalité.


Uais il esl, en oulI'e, conh'e la cornLinuison dont
il s'agit un argumcnt I)(:('cmptoire, un argument
sans répli'lue. Irapl'es notre l(;gislation électorale,
l'élcction n'a lien qu'a la majol'ité absolue, du Tlloins
aux ucux premiel's tours dc serutin. C' est unc ques-
fion de sa\'oir si ron ne pOlll'rait pas slIpp,'imp(' UII




D Jo: L.I\ 1\ 1:: F O H .\1 El:: L E e T o H A L K :! I i


de ces deux tours et abl'éger ainsi l' opération; mais
personne jusqu'ici n'a proposé de le supprimer tous
les deux. 01', qll' arriverait-il qlland, les électeul's
votant au chef-lieu de canton ou d' arrondissement ,
le dépouillement aUl'ait líeu au chef-lieu de dé parte-
ment? Il arriverait qu'avant de savoir si un noU\'eau
tour de sCl'utin est nécessaire, les élecleurs de\Taienl
attendre le retour du courrier un jour, deux jours ,
quelquefois trois jours. }lcnse-t-on qu'ils poussassent
jusque-Ia la patiencf'; el, s'i1s s'éloignaicnt une fois,
pense-t-on qu'ils I'cvinssent? Quelques-uns sans
doute; la plupad, non cerfainement. 11 semble, en
vérité, que les auteurs de ces beaux projets aien!
tOlljours vécll dans les grandes villes et qu'ils n' aient
pas la plus faible idée de ce que sont, de ce que
font les électeul'S des eampagnes et des petites villes;
On ne sai! pas combien on a souvent de peine,
meme pOut' une élection prompte et décisive, a les
détourner de leurs occupations, a les amener au
chef-lieu. Qu' on en soit certaín: apres le premier
tour, la moitié des électeurs présents disparaitrait ,
et on ne la reverrait pas.


Jl suit de la que le systeme. dont il s'agit n'est
pralicahle qu'a une condition : celle de substituel',
comme en Angleterre, la majorité relative a la ma-
jOl'ité absolne . .I\.insi, il Y aurait un seul tour de
scrutin, et tout semit terminé en un jour. l\Iais qlli
ne comprend que ce serait tlter J' élection des mains
des decteul's pOUl' la metÍl'e dans celles du minis-
fl\¡'e? Lr ministrl'f' n'(I. cl'ordinaire qu'un candidat,




:118 CHAPITRF. r.


soutenu par toutes les forees de J'admillish'ation,
'porté pal' tous ceux qlli sont favorables ¡\ la politique
ministérielle. En France, 01" la discipline politi<Jlle
est si rare, ou la honlle f'ntente des minorités s'éta-
hlit avec fant de peine, il arrive pl'esque toujours
que l' opposition a plllsieurs candidats, appartenant
¡\ des nuances diverses, et qlli font, au premier tour,
l'essai de leurs forces respectives. Sllhstituez la ma-
jorité relative a la majorité ahsollle, ef l' opposition
perd la moitié de ses chances. La majorité lé~ale,
ti' aillems, pour peu que les votes se di visl'Ot ) pellt
Mre tn\s-inférieure a la majorité n'elle. Dans ce cas,
~r¡lee a une meilleure discipline, e' esf la millorité quí
J'emporte.


\' oici, en définifive, comment .le r¡"sume mon
opinion sur le \'ote au chef-Iíeu : aree les ~)O,OOO
électeurs et les 2;")S déput(;s delSl7, je crois le vote
uu chef-lien hOIl f'n principe, désirahle en fait, mal-
gré les inconvénients du scrutin de liste. A H~C les
2',.0,000 élecfrurs et les !,.;)n députés de lS47, je le
erois contestable en principe, et, en fait, d' une ap-
plication tres-difficile. Arec un corps élcctoral plus
nomhreux, je le crois mauvais en pI'incipe, inexp-
cutable en fait. Pour qu'il soit praticahle, dans Cf'
dernier cas, une seule eomhinaison se pl'l;sente,
eelle qui sépare lf' vote dn dépouillernent. Or, cetle
combinaison aggrave les ineonvénients du vote an
chef-lien, en m(\rne temps q n' elle en suppI'ime les
avalltages. De plus, elle n'est elle-m(\me applieahle
qu'it ronrlition dI' suhstihll'l' la majol'ité "l'lati\'l~ ¡\ la




Il E I..~ R ,:: Jo' O R ~I ¡.: ~: I. E e T o R i\ L E. :Wl
majorité ahsolue et de rendre, par lit, possihle et
probahle le triomphe de la minorité.


Je voudr'ais qu'au lieu de se bomer a fah'e valoir',
apres ~1. Lainé, apres M. Royer-Collard, apres M. de
Serre, les mérites incontestahles du vote an chef-
lien, les partisans de ce vote vonlnssent hien des-
cendr'e de la théorie u la pratique et examiner sans
prévention les objections que je leur soumets, S'jl;;
pom"aient les détruire, je m' en réjouimis, pour ma
part,et je m' empr'essemis de reconnaLtre mon erreur.
Jusqu'u pl'ésent jls ne sont point parrenus 1\ résondl'f'
le prohlcme, et, tOllt examen fail, je doute qu'ils y
parviennent.


11 est une considération d'un ordre tout di rférellt ,
mais qlli a aussi sa valenr : depnis vingt-six ans ,
l'élection d'arrondissement est établie en France, et,
dcpnis quinze ans, les colléges acfuels sont en pos-
session du dl'oit d'Mil'e clJacun un dépnté, Croit-olt
qu'ils r tiennenl peu et íju'i1s se résignassent facil(·-
ment a le pel'dre '? .le pense, pour ma part, tont le
contl'aire, et je snis convaincu que, si le \'ote al! chcf-
lieu faisait partie nécessaire du progmmme de l' op-
position, la majorité, la gl'ande majorit¿ des colléges
d' arrondissement s' en inquiétel'ait sérieusement, .J e
suis convaincu que, sur ceUe questioll, les candidals
de l'adrninistl'ation auraient, po nI' la plupart, 1111
grand avantu[íe su!' les ntltn's, l\' ul doute qll 'al'unt
lout la réforrne éJec!ol'ale ne doive M.'e sérieuse t't
('meace; si elle ne l'était pas, iI vaudrait autan!, il
ulIId,'ait mirllx J1e !'írn raíl'e; maís, ponr qlle la 1','.-




:2:W CHAPI TRE \".


forme ar¡,ive a bon port, il fau! que, non-seulement
dans la presse, mais dans le pays, elle réllnisse la
majol'ité des suffrages. La réunira-t-elle jamais, si
l' on se plait a conlrarier, sans nécessité, toutes les
hahitudes, a poder aratuitement atteinte a tous les
intérets?


On voit que je joue cartes sur table et que je n' en-
tends rien dissimuler, II est possible d' ailleurs qu' au-
pres de quelques esprits forts, la considé¡'ation du
succcs paraisse hien mesquine el. hien basse. J'avoue,
en foute sincérilé, en toute humilité, que je la trouve
trbs-grave. J'ajoute que je ne suis pas le seul et que
d'autres en ont été frappés avant moi. .J'ai sous les
yeux, en ce moment, dcux projets de réforme élecfo-
rale, qui, hormis en un point, se ¡'essemhlent beau-
coup : celui que la gauche constilutionnelle al/ait pré-
paré, en lS:~f), et celui que les directelll's de la presse
Iihérale, dans les dépaJ'tements, ont rédigé a París, au
commencement de 18!fo. Dans le premier, tout en
regrettant le vote au chef-líeu, on le déclare impos-
sible. Dans le second, on l'admet. Pourquoi cette dif-
férence? Xe tiendrait-ellc pas a ce que les directeurs
et rédacteurs des joumaux de l' oppositioll, placés
po"r la plupart dans les grandes villes, connaissent
moins hien que les députés l' esprit des al')'ondisse-
ments?


Il faut s' expliquer franchemenf. Si , eomme qllel-
ques personnes semblent le penser, il s' aait seulement
d'une question a déhaftre et d'une manifestation a
faire, peu importen! les difficultrs, les imp()ssi(¡ilit/;~




morales ou matél'ielIes. Pour une diseussion eomme
pour une manifestation, le suffrage universel vaut
les plns imposés, les deux deWés valent le vote au
chef-lieu. Mais, si ron veut que tout cela aboutisse
a un projet réel, sérieux et qui ait ehanee d' etre
adopté; si ron trouve le mal assez grave, le dange¡'
assez pressant pour qu'il ne suffise plus d' en parler ;
si, en un mol, on entend se mettre a r reuvre al/ee
éner¡¡ie, avee persévéranee, par les senls moyens
que lournit la eonstitution, alors on est tenu de eher-
eher, de provoquer dans la majorité du pays, dans
la majorité du corps électoral, un assentiment aetif et
des sympathies effieaees; alors on est tenu d' éviter
tont ce qui pourrait refroidir ces sympathies, retarder
eel assentiment. Si e' est la ce qu' on appelle de la
taetique, e' est du moins une tactique que l'intéret du
puys eonseille et que le bon sens avoue. e'est une
tactique qui, loin de ehereher sa force dans le sil ene e
el dans r omhre, peut et doit se produire et se pro-
clamer puhliquement.


Je n'hésite done pas a le dire : plusje erois la ré-
forme néeessai¡'e, plus je dé sir e qu' elle respeete,
autant que possible , les habitudes établies , les idées
dominantes, les positions faites el tout ce qu' on
nomme les droits aequis. Plus je erois la réforme
UI'gente, plus il me paralt sage de la rattaeher aux
prineipes i au systcme de la loi aetuelle el a ses
dispositions principales. En un mot, a une tentative
audaeieuse, mais qui éehouerait eertaillement, je
préfere une tentative modcsle, mais qui puisse réussir.




CIIAPITRE \


J'éeal'le done toutes les réf'ormes qui détl'Uil'aient,
qui ruineraient de fOlld en comble la loi éledorale
aetuelle; et, me plasant au cceur mcrne de ceUe loi,
.ie me demande qllels sont les principes sur lesqllels
elle esi censée reposer, Les voici, ce me semble,
tels qll' on les a tOlljOlll'S définis,


La Charnbre des dóplllós doi t (\tre, (lans de justes
pl'OpOrtiOIlS, la représenlation lid(~le des dl'oits, dc~
intérets, des opinions du pap,


Le droit d' élire n' est ni lIn dl'oit uni versel (Iue
IOus puissent réclamer, ni un pI'ivil(;ge cn;é uu pl'ofit
de quelques-uIls, e'est un droit que la capacité COl/-
ret'e, que la loi recollIlalt et qui s'e.\c/'ce au pro/it
de la société tout entierr,


POllr que l' altril.llltioll du dl'Oit é1ectoml aux uns
plulot qu' aux aulr'es se justille aux yeux de la rai-
son, de lajusticr, ue la IIIorale, il fau! que ceux qui
s'en trouvent illlestis r roien! une fonetion soeiale
¡'¡ exelTer, llon une propriétó pl'i\ée il exploiter, el
que l'élection soit toujOUI'S libre et pure,


n suit de la : i o que les eolléges électoraux doivent
(\tr'e dish'ibués de telle sorte que la millorité ait sa
place dans la Chambre, mais (Jlle le gouvel'nement
appartiellne a la majol'ité ; 2 0 que toute capacité élec~
tomle doit etre admise par la loi, a (luel(Jlle signe
<[u' elle se mani reste; :~o que des moyclls efficaees
doivent etre pris pou!' IlWttr'c l'ó1ectellr a l'abl'i de la
cOITuption comme de !'intimida/ion; de la fraude
comllle de la \'iole/lce, et pom' aS5urcr aillsi cunlre




le gouvernerrH~n{, comme contre les partis, la sillcé-
rité, la pureté, la liberté du ,·ote,


Tels sont les principes, fres-~rais Se/DlI moi, sur
lesquels le législateur a voulu établir la loi éleclorale;
telles sont les conséquellces tres-sensées qui d(;cou-
lent nahl\'eliement de ces principes, E:\aminons jus-
(IU'U quel point les principes out été respeclés el
leul's conséquences réalis('es


.1 e lisais dernierernenl, dans une revue radical e ,
(/ue le I\leilleul" systcme élecloral, s'il (;tait prafi-
cable, serait celuí ot't tous les élecleUl's nommeraielll
tous les députés, de sor/e que la ChamlH'e tout en-
¡ie,'e fLit bicn é\'ideIIlment la représentatioll et 1'01'-
gane du pays tont entier. A mon sens , c' est ne pas
comp,'endre la destination véritable du gouverne-
ment I'epl ésentatif, de ce gouvernement quí, uu líeu
de confércr le pOllvoir supreme a une seule opinion,
place toutes les opinions sur un thé¡ltre élevé 01', elles
se renconlrent, 01" elles se débattent, Olt elles lut-
lent, comme dans la société elle-meme, 01', dans le
systcme d'un seul colIége pour toute la France, pOOl'
loute la Chambre, les minorités seraient muettes el
opprimées. A quoi bon, des lors, '4-59 députés '! "'\u-
tant vaudrait, mieux \'audrait nommer un seul
homme et rimestir de la diclature,


Mais, si c'esl la une e,'reUl' wave, c'en serait une
plus grave encore que de combiner la loi électorale
de telle sorte (1'le la majorité de la Chambre fUt choi-
sic par la minorité des électeurs, pal' la minorité des
droils el des inf(;l'cts généraux, 01', dans un éc¡'it




CHAPITlIJo: \.


fort euríeux, quí a pal'u l'an del'llicl', )1. Charles
Lesseps déIllontre par des chifft'cs posilifs qu'il en
est ainsi en France, 11 dernonlre que, sur les 220,000
éleeteurs dont se eornposait, en U3lt5, le eOl'ps élec-
toral, 92,000 nornmaíent 28'. députés, tandis que
128,000 n'en nommaíent que 175, Il démontre
que, sur les 405,tn7,(i9:~ francs fOl'fnant le total
des quatre eontl'ibutions direcles, la 80mme de
208/.11,820 fl', est payée par la pOI,tíon du tel'l'iloire
qui nomme 181 députés, et celle de 197, r.25, 87:3 fr,
par la porlion du territoil'e qui en nomme 278, 1l
démontre que, dans eette l'épal'tition sin¿¡uliel'e,
les grands centres de richesse, d'instl'uclioll, d'in-
telli¿¡ence sont parliculieremcnt maltmités. 11 dó-
montre enfln qu'il n'a pas été plus tenu comple de la.
population que des autres éléments, Sa conclusiotl,
(,'esl que la majorilé de la ChamhI'e ne eOl'l'espond
ni a la majorité du nomlJI'e, ni tI la rnajol'ill; de la
richcsse, ni a la majorité de I'intelligencc,


Sans avoir beaueoup de flOl'tt pour' la g¡;ollldl'ÍC
politique, on nI' peut s' empechet' d' eh'e frappé d' un
tel résultat. J e le répete : il est nécessaire, il est in-
dispensable que les minorités soient rcprésentées
dans la juste proportion de lcur force nUlllériIJllc el
de lcur imporlance, lIais il e~1 tout aussi nécessaire,
lout aussi indispensable quc la \Taie lIlajol'jté sode
du n'cuset élcctoral et qn'cIle se lIlanif('stc, IJu'cllc
se produise dans la rnajol'ik de la Chambre deetirc,
Si ectle del'llieI'e majorit¡; nI' cOl'l'cspoIllI ni it la ma-
jorité dll nornhl'c, ni a la majol'ité de la l'ichcsse, ni




n E L.I\ R (.: F O IDI E ÉL E e T O R ALE. 22"


a la majorité de l'intclligence, on ne sait trop a quoi
elle correspond ni queHe est sa raison d' Ctre.


Quand on y regarde de pres, il n' est pas d' ailleul's
fort difficile de comprend¡'e comment se sont intro-
duites toutes ces anomalics. La Constituante, on le
sait, avait réparti les députés entre les départe.
ments, en raison composée du tcrritoire, des contri-
butions et de la population, Sous la Con\'ention, l'é-
Iément ou territoire oisparut, comme aristocratique,
I'élément des eonh'ihutions, eomme boul'geois. En
l'an IIl, en !'an \"111, en I'an x, on re\-int 11 l'él(;ment
eles contl'ihutions, auque! on adjoignit encore l' élé-
ment au tel'l'itoir'e, non plus en raison de son éten-
due géométrique, mais en raison de son fractionne-
ment administratif. Sous la Restauration enfin, en
1820, la répartition se trouva encore modiGée par
de pures combinaisons oc parti, C' est de tous ces
I'emaniements sllccessifs, ele toutes ces combinai-
sons contradictoi¡'es qn' est sortie la répartitioIl de
18~1. Faut-iI s' étonne¡' qn' elle ne soit ni régulíel'e
ni lOBique?
~i l' on avait a faire entre les départements actuels


une répar'tition toute nouveHe, il faudrait sans doute
lIe négIige,' aucun des trois éléments de la Con-
!'fituanle; mais, pour rester fidóle a l'esprit de nofre
loi électorale, il c1eviendr'ait indispensable d'en
ajouter un quatri(\mc, celui du nomlll'e des élec-
lelll's, Hans le systi'me de nolre loi dedor'ale, il
rauí le r(;p-éter sans cesse, la capacité confere le
dl'oit et les rapurités sont égales, 11 est donc jnste


).',




CHAPITRE \.


et légitime que, la oil elles sont plus nombrcuses,
elles aient un plus ¡¡\"amI nomb¡'e de représentallts,
Il est juste et légitime que, rlans la balance parle-
mentaire, :3,000 électelll's pesent plus que 150, "I\.u-
jourd'hui, il n' en est point ainsi, et les 3,000 élee-
teurs du deuxieme ar1'ondissement de Paris nom-
ment un seul député, absolument comme les 150
d'Em b1'un ct de Bou1'gancuf. ~'est-ce pas une in-
justice c1'iante?


J e ne peuse pourtant point qu'il soit néees-
saire d' enle\'e1' á ceux - ei pou1' donne1' a eeux-
la. D'nne pal't, ce serait llllil'e lt des populatíons
pauvres, pell nombrellses et dont la voix doit allssi
se fail'e entendre a I;l. Chambre ; d' autl'e part, ce se-
raít t1'oubler des positions failes, Uais, pour rame-
ner la 1'épartition de 18:31 a une certaine égalité
p1'opo1'tionnelle, iI Y a un autre moyen : e'est d'o-
pé1'er, en sens illrel'se, comme on a opéré, comme
on veut opé¡'er encore en mati¿'l'e de eontl'ibutions
direetes.


I)our dé::p'ever les départements slI1'imposés , sans
eharge1' les au[\'es, 011 commence par rédllil'e la
somme totale des contrihutions, et Oll applique aux
p1'ernie1's seuls la totalité dll Mwevcl11ent. 11 s'aai-
rai! iei !l'ullgmente1' le nombre eles d(~put(;S el d'a!-
tribuer aux collégcs 110rnbl'ClIX I'augrnenta!ion tout
cntiL're, ¡-lll-desslls d'nn cet'faill ehilTre d'é!ectenrs,
chaqlle coll(;::¡e aUl'ait dplIx nornilla[ions a faire; et
ainsi, san!'! dornmage pOlll' fiUClln des col/éaf's
existants, !le lJ'onvPJ'ait ¡nfI'oduit dans la répaJ'lilion




nE L,-\ R(FORME I::LECTOR,-\LE. 227


générale un élément important. Si l' on examine la
liste des colléges auxquels s'appliquerait l'auflmen-
lation, on voit d'ailleurs que tous, ou presque tous
sont placés dans de flrandes villes, an milieu de
populations riehes, laborieuses, éclairées, On aurait
done le doublc avantage de réparer une inéflalité
ehoquante et de placer dans la splu'~re vraiment po-
litique soixante ou quatre-vingts élections nouvelles ;
de raí,'e une part plus convenahle a l'intclligcnce, au
Iravail, a la richesse , et de favoriser, la seulemenl
01' elle peut e/re active et réellc, la luHe des opi-
lIions. J'ai déjlt cité lord Chatham qui, pour com-
!JaU¡'e la corrnptioll et pour retrempCl'le Parlement,
proposait, ('n 1770, d'auflmenlet' le nomhre d('s
membres de la Chamhre t'lective et d'attribuer la
Ilornination des membres nOllveaux soit aux comtés,
soit aux g,'andes villes, Je puis cíter également son
fils, U'illiam Pitt, quí, en 1782 et 178:~, pl'ésentait,
dans le mdme blJt, un plan tont a fail analoflue,
Selon Pitt, a ectte époque, "011 avait raison de
» poursuivre dans le Parlement, dans l'administl'U-
)) tion, dans les finances, l'influenee eorruptriee de
lIla eouronne; mais il fallait la poursuivre aussi
" daos la loi élcctorale, si l'on vou)ait qu'elle nc pf,t
J pas ,'cvivl'e et qu'elle ne Vlut pas de nouveau
~ souiller le noble édiflce de la constilution, 01') les
» clloses en étaient vcoues lt ce poillt qu' 011 avait Vll
" une Chamb,'e des eommunes a5sez hasse, a5sez
1) vile pour nOUl'l'i,' elle-m(~me l'iuflueuee qui servait
" ti. J'asservi,'; de telle sor tí' fln'elle Mui! a la fois




CH.-lPITIIE r.


)) mere et filIe de la corruption. Si cela pouvait se
n renouveler, la Chamhre des eommunes, gardienne
»naturelle des droits du peuple, ne serait plus
» qu'un instrument de tyranuie, et la constitution an-
l) glaise, jadis rorgueil et l'admimtion du monde,
)) en deviendmit la ris(;e et l'opprobl'e. Pour préve-
» nir un tcl malheur, il était indispensahle dI'
II remettI'e les représelltants en rarpod avce les 1'1'-
» p¡'ésentés. C' est dans ce hut qu'il convenait d' ajou-
)) ter cent meml)t'es au moins h la Chamhl'e drs
II communes et de faire élil'e ces cent membres pUl'
" les grandes populations du royaurne .. .'\insi, sans
)) loncher aux droits acql1is, une vil' Ilouvelle nr
~ ponvait manque!' (le se répandrc dans l' organisa-
" tion politique du pays. »


11 est bon de remarque!' qu' I'n 178:~, lorsque Piu
f'aisait ceUe proposition , il venait d'Ctl'c ministre, eL
CJ u' en 17S;), il la ¡'cnol1\'cla, avce cel'laines modifi-
cations, comme chef d'un cahinef conseruatcur.


Ce premier point vidé, j' en \iens au second, et ji'
eherehe jusqu' aquel point la loi électorale actnellr
(~st fidele au pl'incipe de la capaeité,


Entre le prineipe arístocmti(lue, quí attribue a la
pl'opriété foneie¡'e seule l'exereiee des droits politi-
qnes, d le príncipe démocratíquc, qui Ics donne il
l'índividu, la h;iJi~lalion fransaíse, depllís :30 ans, a
placé un auft'e príncipe, le principe ralionnel, qui
conf(~¡'e, ql1i disfr'ibue les dI'Oits poli fiques sp!on les
aptitudes: (, Partout Ol'¡ se ¡'encontrc la présomrtioll
., d'\11l .lugemrnt libre et r('lairé, di~ait "\l. noyel'-




IIE L.-\ H¡';FOH~I¡'; I:;LECTOH.-\LV ;1:0
» Collard, en t8 17, elle déclare l' aptitude person-
" nelle; et laptitude est le fondernent unique du
" droit, elle est le dl'oit lui-meme. " 1I. Royel'-Col-
lard en concluait que, si la loi excluait sciemment
ulle seule aptitude, elle était injllste el tyrannique.
" C' est la capacité qlli conrel'e le dl'oit, écl'Írait
" J\I. Guizot, en 1 8:W; et la capacité elle-meme est
" un fait indépendant de la loi , quc la loi ne peut
~ ni créer ni détruire, mais qu' elle doit s'appliquel'
" a l'econnaitre avec exactitllde, pOUI' reconnaltre en
" mellle temps le droit qui en découle. Et pourquoi
') la capaci té confól'e-t-elle le droil! parce que lc
., droit cst inhél'ellt a la raison, el seulement a la
" raison. La capacité n' est autI'e cllose que la faculté
" d'agir selon la raison. » 11. Guizot ajoutait qu'au
milieu d'ulle société nomlll'euse et cirilisée, la capa-
('ité politiqlle se rércle a des signes di\ e!'s, ¡\ de~
signes \ariables, et qu'on doit lous les admellre.


Voila donc le principe de notI'c législation élec-
Im'ale bien fiXl~, bien défilli. La capacité conré!'e le
droit, et ce n' est point a un seul siRne , mais a plu-
sieurs que la présornption de la capacité doit eh'e
aUrihuée. QllellJli'lm oserait-il prétendre que la loi
declorale soit, dalls ses dispositions fondamentales,
conforme a ce pl'illeipe 1 En 1 S:jJ, on le sai!, le
:JouVel'llClI1ellt et la commission al'aient essayé d'in-
Irodllil'e dans la loi dectorale une clause qui, selon
les eonseils de :\I. GlIizot, en I S2(i, pla~ait la pré-
somption lé¡{ule de la capacitú uilIeurs que dans la
propl'iéU;. Cctte clause rut l'cjelée, et, depuis, tou-




CHAl'lT!lE L


tes les fois qu'on l'a reproduite, la Chambre ne lui
a pas meme fait l'honneur de la prendre en considé-
ration. Assurément, l' admission au dl·oit électoral de
la seconde liste du jury était, en elle-meme, une ré-
forme bien insignifiante, bien inoffensive; et, quand
r opposition avait la bonté de s' en contenter, il sem-
blait qu' on dut la prendre au mot. On n' en a rien
faif, et il n' est pas cerfain que, malgré le dernier
pl·ogramme de Lisieux, on ose encore porter aussi
loin l'audace et l'espl·it d'innovation.


Pourquoi cela? le voici¡ selon moi : on s' est servi,
on se sert encore du principe de l'aptilude, de la
capacité pOUl' combaUre le principe démocratique;
mais, au fond, on ne déteste guere moins run que
l' auh·e. Ce n' est donc poiut telle ou teHe application
du principe qu' on repousse; c' es! le principe lui-
m~me, qui, une fois inlroduit dan s nolre législation,
saurait bien y faire son chemin. JI serait puéril de
Cl"oire, en effet, que le jour OU la porte s' ouvrira,
ce sera seulement pour la seconde lisIe du jury, el
que d' autres aptitudes, tout aussi légitimes, tout
aussi certaines pourl'ont etre longtemps écartées.
« Qui dira, écrivait encore M. Guizot en 1826, qu'un
n at'ocat, un notaire , un médecin ont moins de lu-
n mieres et d'indépendance que tout hnmme qui
n paye pour ses champs 300 fr. d'impOt? La science,
, d' ailleurs, la situation sociale sonl aussi des signes
D de forfune, et, si la richesse est nécessaire a la CR-
" pacité poli tique , les professions industrielles et Ii~
» bérales la donllent aussÍ bien que la propriété du




() ¡.; L:\ H J:; F o n .\1 E):; L ¡.; e T o H • .'\ L E. :!3l
JI sol." La capacité poli tique est un fait, il faut la
» prendre partout oil on la rencontre et la reCOIl-
n naltre a tous les siflnes par lesquels elle se mani-
D feste, Le législateur peut erre aveugle ou ferme¡'
1! les yeux, mais les faits qu'illle peut point ou ne
II veut point voir n'en subsistent pas moins , des ca-
n pacités méconnues n' en restent pas moins réelles
" et actives, et il y a u leur refuser le droit qui leut'
" appartient autant d'imprudence que d'injustice, un
n grand malaise pOUt' la société, un grand péril pour
» le pouvoir, »


(Ine s'agit donc plus d' accepter de conliallce, sur
pal'ole, une vieille liste rédig(;e, dans d'autres cir-
constances, pour un autre usage, 11 s'agit d'appliquer
sérieusement, laq~ement, un principe souvent pro-
clamé, jamais róalisó, un p¡'incipe (lili jusqu'ici a ft-
guré au sommct de JIOS Jois élcdorales sans y pé-
nólrer, 11 s'aait de faire ainsi ¡\ IlOllveau, e1'aprcs les
lumieres du bon SCIlS, d'aprós les rcgles de la pn.-
dence, le catalogue des signes dilJe,'s aux(luels l'ap-
titude, la capacité politique peut el!'e rcconnuc, Puis,
ce catalogue terminé, il s'agil de lui donller droit de
cité. Je n'ai point la pl'ételllion tI'en éCI'ire iei tous
les al'ticles, .le el'ois, poul'fanf, que les pl'ofessions
indush'ielles et libl;ralcs n' y doi 1 ent pas seules etre
compriscs, et qu'il eomieut d'y placo' également
certaines fonetions électi \ es , toutes les fois qu' elles
supposent, chez cclui qui les confcre, comme chez
ceIu; ¡\ qui elll's sont conférées, un degré suffisallt
d'jndépellduIlce et de discerncrnellt. Je comprcn-




CHAPITBE r.


dmis peu, pal" exemple, que, pOUl" l'élection des
députés, comme pour r élection des eonseils géné-
ram" on donnat le dl'oit électoral aux maires et ad-
joints des villes populeuses sans le donner, en meme
temps, a tous les membl'es du conseil municipal.
Dans les villes dont la population agglomérée s' é-
leve a 2 ou ;3,000 ames, les éligibles sont assez
llombreux, les intérCts assez considémLles pour quc
le ehoix électol'al discerne et indique suflisammenl
la capacité politique, 01', i\L\I. Hoyer-Collard et
Guizot ront dit, la Ol! la capacité apparalt le droit
apparalt avee elle,


Quoi qu'il en soit, il me parall élahli que ta loi
éleclorale de B:H n'a pas plus respecté le principe
de la capacité que le principe d'une juste répal'li-
tíon. \íoyons si" du moills, elle a {¡lit tout ce (Iu'elle
devait faire pour assurer la 1JU1'eil;, la liberté c/u
\'ote et la sincél'ité de l'éleelion.


Dans tous les pays libres on a eu recours, pour
empecher la corruption électorale, a deux sortes de
lIloyens : des lois contre la brigue, une organisation
des colléges électol'aux guí la rendit plus rare el
plus difficile. Quant aux lois contre la hrigue, il Y a
dans notre législation Jacune presque complete. En
1844, l' opposition 5' élait crforcée de combler ceite
Iacune 1'11 présentallt un projet rédigé avec soin, et
gui pouvait atteindre quelques - uns des faits les
plus habituels et les plus condamnables. La COlll-
mission charuée d' examiner ce projet I imagina dc
le convertil' en une mesure conh'e le mOlH'emcn{




DE L.-l H~:FOR)IE ~;LECTORJLK '2;¡~;
politiquc , contl'C les réunions élecforales, contl'C le
votc public, et, ~l"ace it eette habile transfol'mation,
il tomba abandonné par tout le monde, Reste l' orga-
nisation des eollé~es électoraux, quí, on doit le re-
conualtre, peut (~tre bealleoup plus effieaee que les
loís contl'e la hrigue, 01', iei, deux dangel's sont it
évitcr, On peut, comme dans eel'taines villes d' }\n-
gleterrc, donner le droit électoral it une multitudc
aveugle, ignomntc, gl'Ossicre, tOlljours disposée a
\cnd¡'e son vote iJ. ¡¡ui \cut ct pCllt l'aehetel', On
peut le eoncenh'er dans un petjt nombre ¡['électeul's
d en fai¡'e, pOUI' aillsi dirc, la propl'iété, le patl'i-
llI~ine dc quclques hommes et de quelques familles,
De ces deux ¡[angers, le prcmier cst loin d'existel'
(~n Francc, En est-il de me me du sceond, et n'y a-t-il
aucun collége Olt le nomlH'e des électcul's soit si res-
tl'eint, si l'esscl'l'é, que l'élection pc¡'de pl'esque né-
!-,cssaircment tout ca¡'actcre gélléral ct politique '! 011
peut en juger par lcs chiffl'cS suivants, D' apres les
uerníereSlistes, il Y a 61 eolléges qui ont plus dc
HOO éleeteurs, 1:3\) qui cn ont de 800 a 500 , 87 qui
en ont de ;)00 a !~OO , \);:) quí en ont de 400 iJ. :300 ,
7/ enfin qui en ont moins de ;~OO 1, Sur 4.j!) eol-
légcs, en voilit done 258 dont lc cláffl'e n' atteint pas
;)00 \otants; en voilit 17.2 dont le chiffl'e n'atteint
pas 400; en \'oilit 17 entre l.jO cl :300, VoiliJ. par
conséquent, en s' arretant a la del'Ilicl'c catégol'ie,
77 colléges dont nécessail'emcnt l'élection dépcnd


r ,\pprlldict· 1-:.




CHAl'l'fHJ..: L


d'un tres - petit nombre de famillcs, {oujom's les
memes, et qui, pour la plupart, oulre les inlérMs
locaux, ont des intérels personnels a faire valoir.
Placez maintenant a coté de ces familles, pendun!
quelques années, une autorité quelconque armée de
toutes les forees de la centralisation, dispenslltricc
de toutes les faveul's administratives, et dites si la
tenfation ne sera pas presque toujours irrésislihle ;
dites si, comme 1\1. de Beaumont le ¡'emarquait jus-
tement a propos d'Emhl'un, les colléges dont ils'agit
ne sont pas tous desfinés a devenir nécessaircment,
fatalement, des bouras pourris minislérieIs 1 H surnt
pour cela d' avoir quelque habilcté, peu de scrupule
et d'y mettre le temps,


Qu' on fasse juger ecHe quesfion par des hommes
de bonne foi, de bon sellS, et dont aucun inleret
local ou personnel ne frouble l'esprit, el.ie suis cer-
tain qu'il n'y aura poiat deux avis parmi eux.


,( Je regarde comme admis, disait encore M, Gui-
~ zot en 182G, qu'i1 est a désil'er qu' en gmérall' é-
1 lectíon des députés ne soít pas l' muvre d' un petít
» nombre d' électeurs. Quand les réuníoIls électo-
» rales sont fort ressel'l'ées, non-seulement l' élection
': manque de ce mouvement, de cette énel'gie <Jui
» entretiennent dans la sociélé la vie politi<Jue, et
" font ensuíte, en pal'tie du moins, la force da dé-
" puté lui-memc; mais les inlérels génél'aux, les
» idées étendues, les sentiments publics cessent d'eH
)) etre le mobile et le régulateur. Des coteries se for-
» ment; au lieu de hrignes politiques, OI! a des




DE LA nÉFOHl\lE I:;LECTOIL\.LE. ;Z;l;,


)) intrigues personnelIes ; la lutte s' étahlit entre des
" intél'ets, des sentiments et des rapports presquc
, individuels, L' éleetion n' est pas moins disputée,
, mais elle est heaueoup moins nationale". Partons
» done de ce point que les réunions éleetorales doi-
» vent etre assez nomhreuses pour que les eonsidé-
» rations individuelIcs n'y dominent pas si aisément.»


l\J. Guizot p.ense-t-il que les intérets généraux,
les idées étenducs, les 5entiments puhlies soient au-
jourd'hui le mobile et le régulatcllr des eolléges de
l¡jO élecfeurs? pensc-t-il que dan s ces eolléges il y
ait heaueoup de vic politiquc et que les eonsidéra-
tions individuelles n'y soient pas dominantes?


C' est la, je le dis sans hésiter, le vice principal de
la loi, eelui qui demande un prompt remede. Or,
quand on a repoussé les deux degrés et qu' on n' a-
dopte pas le votc au chef -licu, je ne vois plus
qll'une ehosc ¡\ fail'c, e' est d' augmenter notablemcnt
le chiff¡'e néeessaire pour eonstituer un eollége, et
de le porter au moios a 400. l\Iais iei s' élere unc
grave question. Pour que le nomhre des électeuI's
ne !loit dans aueun eollége au-dessous de 400, il Y
a deux moyeos : on peut, laissant le eens a 200 fr. ,
éleve¡' simplement le minimum fixé par la loi de
1831, et, eomme aujourd'hui, demander aux plus
imposés les éleeteurs supplémentaires; on peut, en
ahaissant le eens, faire en sorte que, par l' effet de
la loi eornrnunc et sans mesure exeeptionnelle, lous
les eolIéges, la plupad des eolléges au moins, arrí-
vent au chíffre de [.00. De ces deux moyens Jequel




CHAI'ITRE r.


est le meilleuJ' , le plus sage , le plus conforme a l'in-
téret publie et an rléveloppement plcin et rél.fulier
de nos institutions eonstitutionnelles 1 Voilil. ce qu'il
s'agit d'examiner,


Il me paralt, d' abord, démontré qu' en regle u¡;-
nél'ale , le sl'steme du eens fixe est tl'cs-supérieul' au
systeme du eens variable et des plus imposés. Dans
le systcme dn eens variable, le nombre des éleeteurs
conserve tonjoUI's le me me rapport avee la popula-
tion , quelles que soient la richesse, J'intelligenee,
tout ce qui eonstítue I'aptitude électorale, Il suit de
la que dans ee¡'tains collét[es l'aptitude, une aptitudc
réelle et eonstatée, ne eonfcre pas le dl'oil, tan di s
qu' ailleurs le droit préeede J' aptitude; il suit rle la
(Iue dans les grands foyers de lumi¿Te, dans les
gmnds centres d'acti\'ité eommel'ciale et industrielle,
il faut payel' un eens t!'Ois fois, six fois, dix fois plus
élevé que dans les loealités les plus i¡{norantes et les
plus pauvres; il suit de la, en un mot, que, dans
les Basses-A.lpes, ,')0 ou 25 fr, suffisent peut- etre
pour fail'e un électenl', et que, dans tel collége de
Paris, 500 fr, ne suffisent pas, Cela est directement
eontl'aire an systi'll1e qui fait découler le droit de
l'aptitude, Il n'en est pas de mcme qnand le eens
l/xe est la regle, et que le eens variable vient seule-
ment'it ti!t'e exeeptíonnel, et dans un petit nombre
de colIéges, empeeher que le nombre des électcul's
!le tombe a un ehiffl'e ridieule,


l\Iaintenant, si tout en eonservant le eens fixe i1
200 fl'" on éleve an ehiff¡'e de 400 électeul's le mi-




nR LA R~:FOR~IE ÉLRCTORAL.K 2;\7
nimum nél'essaire pour former un eollége, iI est a
eraindre que l' exeeption nc- devienne presque la
¡"("gle. D'apn\s les dernieres listes, il ya 172 eolléges
flui devraient reeourir aux plus imposés, de telle
sorte que dans ces eolléges eomparés aux 2S7 autres
se produirait l'inégalité et l'injustiee que je signalais
tout a l'heure.


La eons¡;qllenee que j' en tire, e' est que, dan s le
systeme ele notre législation actllelle, l'élévation elu
minimum entralne, par une conséquence nécessairr,
]' angmentation générale elu nombre des électeurs.
Est-ce donc un si wand mal, et faut-il aujollrd'hui
¡'('culer d'crfl'oi elevant une mesure que, libél'aux et
conservateurs réunis, signalaient en lS31 commf'
désirahle et p¡'ochaine. J e persiste a croire, quant a
moi, que, dans l' organisation politiqlle d'un pars,
le nombre n'est pas l'(;lément principal, et qll'Ull
COl'PS élecfol'al tn"s-resh'cint peut pl'oduire une 1'1'-
pl'ésentation honne, sinc¡'~I'e, complete. )lais, si lp
grand nombre a son fanatisme, le petit nombre peut
aussi avoir le sien. 01' est-il possible de nier que,
toutes choses égales d' ailleurs , il ne soit désirablp
¡J'appeler a la \ie politique une po1'tion plus con si-
dé1'ahle de la population '! Est-i1 possible de nier que
cela JI'ait le douhle avantage de rendre la corruption
de I'éJecteul' plus difficile et d'aunmenter l'autorit~
mOl'ale de l'élu1 Voici comment, en ISJi, s'expri-
mait a ceí é¡JUl'd l'adversai1'e permanent, le con-
tempteur passionné df' la ro1'cf' et du nomln'e,
1I. HOFr-c'oJ\ard :




2 8 t:HAPITRI': r.


~ Il suit de la, disait-i1, avee la deI'lliere évidenee
» que la Chambre éleetive remplira d'autant mieux
» la destination qui lui est assignée dans n::tat,
J qu' elle sera investie d' une plus grande eonfiance ;
» et il n' est pas moins óddent que eeUe eonfia~e
» sera d'autant plus étendue que le nombre de ceux
" qui la lui auront donnóe sera plus eonsidérahle. 11
II n' esl done pas indifférent que le nombre des élcc-
" tcurs des députés soit plus grand ou moindre,
» puisque l'autorité mOl'ale de la Chambre, {lui esl
» une si grande partie de son aulorité politique, et
» son aptitude a ses fonctions eonstitutionnelIes crois-
» sent et décroissent dans la m¡1me proportion. ~,


11 est bon d'ujouter qu'en lS4G, apres quinze aus,
le nomhre des éleeteurs en France n'aUeint pas le
chiffre auquel!' évaluaient en 18:H les ministres et
les membres de la commission. D'apres leul's conjee-
tures, d' apres leurs calculs, le cens de 200 fr. de-
rait {¡'ipler subitement le chiffre tofal dll corps élee-
toral el donner 11 Paris :36,000 électeul's. Le ehiffre
total du corps électoral a seulement doublé, et Paris,
au lieu de :36,000 électeurs, n'en a que 16,000.


La question est done celle-ci : En 18:31 , sans aub'e
pensée que eeHe d'appelel' a la vie politique une
pOl,tion plus considérahle de la société fran~aisc, on
voulait tdpler le nomhre des électenrs, el on annon-
~ait que hientOt on l'augmenterait encore. On esl
uujourd'hui fort en de~a de la limite fixée ent 8:31,
et aux raisons quí déterminaicnt alors la ChamlJl'c
íl se joint d' autres raisons plus puissantes encore,




DE L.'\ RI;:¡.'OR~IE ÉLECTOR!\.LK \Wl
puisqu' elles touchent a la moralité m(\rne de l' élec-
tion. Ce qu¡, en 1801 , était juste, opportun, pt'O-
chainemcnt réalisaLle, est-il, quinze aos apres, in-
juste, inlempestif, dangereux? S'il en était ainsi , il
faudrait avouer que, depuis quinzc ans, la civilisation
a fait peu de pl'ogrcs en France et le gomernement
poussé peu de racines.


S'il faut dire toute ma pensée, il se pOUl'rait qu'il
en ftH de l'abaissement du cens élpctol'R1 comme de
certaines rMormes commerciales dont on s' exagt\('('
la portée, et qlli, le leudemain de leur adoption,
tromppnt 11 la fois les cspéranccs et les eraintes
qu' elles araient suscitées. J e n' atfacherais done pas
11 l' abaissement du epns électoral une tres-grande
impol'tance si celte mesure se présenta:t isolément.
J\Iais ceux flui tiennent a la pUl'eté des éleetions ne
doi\'ent pas oublier que les pelils colléfíes, les col-
léws ele !.lO élcctClIl'S, sont alljolll·d'hlli ou devien-
dl'out hientilt drs foycl's de cOI'ruption. 11 est donc
nécessaire, incIispensable d'a~{randir ces colléges.
Or, cC!la est diflicile, presque impossiLle si, en meme
temps, par une mesure générale, on n'augmente pas
clans tous les eoHéges le nombre des électeurs. L' a-
Laissement du cens se pl'ésente ainsi, non eomme
une mesure isolée, mais eomme le eOI'oIlaire d'une
autre mesure, ¡J'une mesure sans lalIueHe la sineé-
rité des élections ne saul'Uit elre rétahlie. j\ ce till'e
surtout, .ie vois dans I'ahaissemenl du cens une par-
tir essentiplle de la rMorme et nn moyen non pas




240 CHAl'ITRE V.


de détruire la lói de 1831 , mais de la l'amenel' a
son principe.


J e n' entends point d' ailleurs me prononcer défini-
tivement sur le chiffre. :Uais il ya, ce me semble,
d' utiles considérations a présentel' sur la maniel'e
d' établir ce chiffre et de le compter. La propriété est,
¡\ grande raison, selon moi, considérée comme un
des signes principaux de la capacité poli tique ; mais
il est difficile de mesurer directement la propriétr.
De la la nécessité d'un signe interm(·diail'e, visihle
pour tous, et qui ne puisse PaS peNer a l'arhitl'Uil'r.
Dans l' état actllel de notre législation, ce signe esl
l'impM qui manifeste la prop,'iété, de m(~me que
la propriété manifeste r aptitude. Si l'impOt main-
tenait avec le revenu un rapport invariahle et per-
manent, rien ne serait miellx imagine'. !1ais il n' en
es(pas ainsi. Aujourd'hui, des centimes additionnrls
de toute natllre viennent allgmenter J'impM; demain,
crs centimes cessent d' etl'e per~lIs, rt l'impM dimi-
uue en conséqllence, Le revenu allgmeute-t-il et di-
minue-t-il dans la meme propoetion? Tout an con-
traire. Quand l'impOt aUflmente, le revenu diminlle
de tout le montant de l'auflmentation; qlland l'impM
diminue, le revenll allflmenle de tOllt le monlant dr
la diminution. 01', comme l'impclt, non Ir re\'el1\l,
déteemine en fait les dl'oils élcctOl'allX, il en résultr
eeUe sinifuliól'e conséqllence qu' on acquirrt ou qu' on
prrd le clroit électol'al en mison iIlvt'rs(~ de J'allr¡men-
tation rf de la diminnlion de son revrnu. Dans la




n E L.~ H 1:; F O R II E {.: L E e T o R A L E, 241
théorie , le revenu reste le signe de l' aptitude, Dans
la prali(llle, il cesse de l' erre, et le príncipe re<;¡oít
chaque jour un éclatant démenti,


Cette anomalie 11' avait point échappé aux écrivains
politíques de la Hestauratíon, lis l'avaient sígnalée,
et, enlH:31, la Chambre des pairs s'effor~a d'y re-
m{~dier,. Le moyeTl étaít simple, Dans toute cote ce
conlrdlUtíollS directes, iI Y a plusieurs éléments fa-
eilC's a sfparer et qne l'on sé pare habilneIlement; ]e
principal, qui est {ixe et dont In rapport avec ]e re-
t'ellU est irnrnua!J!e; Irs crlllimes additionnels pe]'-
m:lllf'nts el ra]'iahlrs, ordinail'es et exlraordinaircs,
dont la quolíl(; subi! chaque ann(;e, dans chaque ]0-
calité, des varialions inccssantes, Le chiff¡'e total de
l'impot étant donné, il sufflsait de le ramener au
chilTrr du principal el nc prend¡'e ce nernier pour
signe de ]'('l"{'IlIl, e'est ce (/ne voulut faire la Cham-
hre de; pairs pat' UIl amendement a la ]oi électorale,
~Iais elle eut un (ort grave et qui pet'dit son amen-
dement. La Chambt'e des députés at'ait admis le cens
de 200 ft" Bien que ce cens lui pat'ut beaucoup trop
has, la Challlht'e drs pairs n'osait guere le relevel'
ostensihlement. La question de la forme sembla ve-
nir a pro pos pour réagit' sur ]a question du fond ,
sans qu'il y pan';! trop, La Chamhre des pairs étahlit
dOllc pat' d'cxccllentes raisons que lc principal de
l'irnpot daillc \'rai si¡¡nr, le signe naturel dUl'cvenu.
!luis , en ver/u dr calculs plus ingénieux qu'exacts,
elIr fixa it 150 fr" en principal, le (h'oit électol'al.
C'(\l>lit rcpl'end¡'e inuirccternent le chiffre de 2'400 fr.,


11)




CH:\I'ITUE 1.


(~e chiffre proposé par la commissioIl de la Cham),l'i'
des députés et repoussé par la majurité.


I.a Chambre des députés n'jeta done, pl:esqllf'
sans débat, l' amendement de la Chambl'e des pairs.
llaís la question de forme reste enti(\re et peut l\tre
,'epl'ise. 11 ne faut pas qu' on s' abuse. La propriélt;
[onciere, chal'gée oult'c mesure de centimes dé par-
tementaux, commllnaux, sp/'ciaux, plie aujourd,'lllIi
sous le faix et demande un pl'ompt sOlllaffement.
Que ce sOlllaffement lui soit accol'd{o, et roílit qua-
rante, cinlJuante mílle \',Ieclcurs pcut-(\Ire I)ui , tout
(~n devenant plus riches, pCl'dent 11'111' aptítude el lelll'
droit. :\' est-ce pas absunJe ~ 11 est It'("s-facheux en
outre que le remaniement des impots entruloe de
telles conséquences, et que, soit le ministere, soit
I'opposition, puisse y VOil' une occasion de gain ou
de perle politique. Je me souvíells, /(uant a moi, dI'
la loi des patentes el des conlldellces que j'ai rer,ues
apl'(\s coup . .fe me souviens allssi du d6gn\vement
de lL de l'illóle el des rl'sultats qu'il procluisil. EII
prenant le principal pour signe, toules c('s petilrs
munreuvres de\'iellnent impossibles .


.J'ai voulu me I'em!t'e comple du rapport moyen
qui existe, dans un al'rondisseml'nl du centre dI' la
France, entre,le pl'incipul des contrihlltions dil'ecles,
llrhaines ou rurales, el les centimes de loule esp("!'('.
Ce rappod est de 120 a so pOlll' les villes et de !I!I
a 101 pour les communes I'males. 11 esl en mOyPnnf'
de 102 a lIS. Si J'on voulait, IhllS le syst¡\n¡e artll('l,
sllh~lihH'r 11' (,PlIS nI' LíO 1'1'. 1111 (,I'IIS dI' 200 fl'" 011




11 E L:\ R Ú' O IUT E f; L F. e T o HA J. F.. :.14:\
pOUlTait donc l' étahIir a peu pl'es a so fr. en prin-


• cipal.
J e erois a\'oil' dómonlré que la ¡oi del S:31 est in-


lideJe aux trois principes sU!' lesqllcls elle repose, pt
que, pour la ramener a ces principes sans hrusque-
rie, sans violence, il doit suffil'e : 1" d'all¡¡menter de
cinquante a. soixante le nomhre des membl'es de la
Charnhl'e rt d'aftl'ibucl' ces cinquanle (1 soixante no-
minations aux collégrs les plus nornbreux; 2° dí'
fairf~ une liste sériruse et eomplÓ/e dI' toutrs les ap-
titudes élcetorales, 11 qurlque signe qll'elles sr ma-
nifesl(mt; ;~(J de flxr,' 1\ un minimum heaucoup plus
(qerr que 1;')0 par collége le lloml)['e obligatoire des
t'lecleurs el d' ahaisser par une mcsure gónérale Ir
cens (;lectoral. 11 ne m' apparl ient point d' ailleurs de
drcider, h moi senl, jnsl[lI'ot't doil et peut allel' la
I'(;fo,'mr. J'indiqlle srlllrrrH'nt dans qurlle roie, 1\
mon srns, il faut rnff'('I' el. qurllr m(;tllOde il eonrienl
(l'employrr. Quund, (m I ~nl , l'opinion publi(pw,
pesant for!emrnt sur lrs nhigs , leur fit comprendr('
la nócessitr, un pen ouhliée par eux, de réviser, dr
l'éfoJ'mer s('l'icnscmrnt les virilles lois éleclorales,
lrs \tlligs ne s'avishent pas de tont jetel' abas p01l1'
tout I'econsfl'ui,'r ensllitr. Prrnanl p01l1' hons les prin-
cipes, pOllr solides les bases de Jrlll' lésislation, e' rsl
all contmire h une simple I'rpamlion qu'ils bOJ'llcl'cnt
lrurs rfforts. lis arairnt des houl'gs oú, par un ahus
tl'aditionncl, le .. dl'oit élrctoral appartcnait au pro-
Imétaire de deux 011 trois maisons en ruines: ils
I/'s snpP,·illl(\,'rnt. lis rn a\"airnt ¡('anh'rs oú Ir rll'Oil




CH!\PITRE \'.


électoral restait concentré, renfermé dans la maío
d'uo petit nombre de personnes : ils les ouvl'Írent.
lis avaient enfin de grands centres de populatiun ,
de richesse, d'intelli8ence, qui n'avaient point leur
juste part dans la représentation nationale: ils la
leur donnerent. Partout d' ailleurs ils étendirent ou
régularisl'¡'ent le dl'oit électoral. A l' exception des
hourgs saos électeurs, qui n' existent point en France,
nous avons a peu pres les m(\mes abus a corrifler,
les m(\mes réfol'mes U opé/'el', POllrquoi serioll&-
nous moins hardis que les whigs, et pOUl'quoi cr
qui leur a réussi ne nous r(\llssil'ait-il pas a noh'c
tour?


Parmi les objections que l' on fuit, non pas a tellc
ou telle padie, mais a l' ensemble m(!mr de notre
systeme électorul, il en e:st pourtant une qui mI'
frappe et qui me touche, On dit que, dalls son uni-
formité, ce systcme ne se prcte pas suffisamment
aux variétés sociales, aux diversités politiques, et
qu' en fait il doit, a la longue, bannir de la Chambre
les minol'ités, celles du moins que séparellt du gou-
vernement actuel des dissentiments profonds et pel'-
manents. n fau! a cet éflard s' expliquer tl'CS-llette-
mellt. Je ll'appartiells ni a la rnillol'ité radieale ni a
la minorité légitimiste, mais je reeonnais qu'clles
tiennent l'une et l'autre une place importante dan s
la soeiété fran~aise, et je erois juste et hon qu' elles
aient entrée a la Chamhre, .le erois que, si elles en
étaient exc!ues par le fait de la législation, la rep/'(\-
scnlation des droits el des intl'rMs sel'uit incomplete




\lE L.\ nl::FOR~IE J.:L):t:TOIU\LE. ~4;)
el muliil'c. Mais je ne pense pas que, pour la pre-
rnicl'e au moios de ces minorilés, pour la minorilé
radieale, il Y ait aueun danger. La minorité I'adieale
a dans le eorps électoral des adhérents nombreux ,
ardents, et qui sauront toujours la faire respecter. Il
est d'ailleurs inévitable que daos l'avenil', eomme
dans le passé, pI liS que dans le passé, il s' étahlissc
entre les divel'ses f¡'Refions de l' opinion libéralc un
aeeord, uoe entente, dont la minol'itó radieale pro-
fitera eomme les autres. A une eerlaine époque, la
minorif.é radical e s' (~tait fait wand tort c1uns le eorps
électoml, paree ql1'elle annon~ait le desseín de fuire
t('iomplIer ses idées par la force. Qu' elle renonee a
ce desseio, et qu' elle demande son sueees a la raison
publique. Le eorps éleetoral alors ne lui fera pas
défaut.


La position de la mino¡'ilé légitimisle est plus
grave, et les dcrnih'cs éleetions lui ont fait subir de
nrandes perles. l\Iais, il serai t inutile de le nier, la
minorité légitimiste, eomme parti homogcne, orga-
nisé, discipliné, existe a ppine aujourd' hui. Elle
existe m moios ene ore quand un événement iné-
vitahle lui aura eolevé ses dernieres espél'anecs, ses
dernieres ilIusions. Le temps d'aiIJeurs ne s'éeoule
pas en vain, ct iI esl impossihle qu'une c1asse riehe,
éelairéc, influente, se résigne a émígrer pendant
vingt aos a l'intériem', el a rester systématiquc-
ment étrangcre au gouvernement de son pays. Dcs
lors il arrivera ce qui arrive déja : e' est que la
rilinorité lé3itimistc voudra rentrer dans les affaires.




CIIA.I'ITHE \.


Pom cela deu),. \oies lui sotll ourerles, celle des
antiehamh1'cs et eelle des co1'ps électifs, celle des
fonetions salarié es el eelle des fondions watuites.
On verra done les uns se préeipitel' ve1's la eour ou
\c1's l'auminist1'atioll, et h'ansportel', pmement el
simplement, d'une dynaslie a l' autre l' ardeur uc
JCUl' zele el la plénitude de leur d(;vouemellt. On
ven'a les autres Ll'igller I'honnell1' de défendre dans
les assemLlées éleetivcs les !ibertés publiques, les
iutérets génél'aln, la digllité nationale. C'est ainsi
que les clloses se sont passécs dans le del'nier siecle,
en Angletell'e, ot't la llloitié des jaeobites pliail
déjit le genou derant la maison de HanoVl'e, tandis
que l'autl'e moilié résistait au.\: empiétemellls de
ceHe maison, au 110m des pl'ineipes IlH\mes de la 1'(;-
rolulion,


De ces deux manii~l'(,s de se rallie!", il est inutilc
de dire la!Jllelle est la plus diglle , la plus nohle, la
plus honorahle. Quoi I/u'il en soit, il !le faul avoir
HuI souci de ceux qui adoptel'ont la prellliere, Le
jOUl' Ol! its frappl'l'ont a la pode des Tuileries Ol! des
hMels ministériels, on ouvrim les deux Lattallb.
(Juant aux: seconJs, l'opposition se rnanqUl'l'ait ¡t
elle - llIeme si , se som'enant de lem orig:nc, épiant
Icul's re3,'ets, elle I'erllsait de les COlllptCl' pUl'mi les
siens. Ce serait tout simplcrllcnt déelUI'CI' Ú la mino-
rité légitirníste que la farclIl' I'oyale ou ministériellc
est la sCllle !jn'clle puisse amoitionner el que la
liberté es! plus exclusive (jue le poU\oil'. COlJlme
cundidats c/u gouVernl'mellt Ol! COllllue calldidats de




r opposition, les mem[JI'es de la minorité légitimiste,
~clon qu'ils pencheront d'un coté ou de l'autre, trou-
\'el'ont des colléf(es pour les élire,


.Ie ne sais trop d'ailleurs par quel moyen, plus 011
moins al'lificiel, on pourrait rail'e, d'une maniere cer-
laine el permanente, la pal't légitime des minorités,
.J' ai bien vu dans le principal orf(alle du parti léUi-
timiste un sysleme ou les électellrs se grollperaienl
d'apres lcur opinioll; mais ce sysleme, inaénieux en
lhéorie, est inapplicable dans la pratique el rom-
pl'ait, s'il poU\'ait elre appligué, la Ul'allde unilé na-
(ionale. JI faut le dire : la prépolldéralll'e des intérets
prÍrés sU!' les intén\ts UélléI'aU\:, la cOl'l'lIption, voilu
I'ennemi cornmun de toutes les minorittés 1 \'oilit
"obstacle conlre lequel elles se brisellt ~s unes el
1 es aulres. 'Qu' elles s'unissent pour abattre cet en-
nellli, po ur l'emeJ'sel' cet obslacle , et elles auront
bcaucoup fait.


Je ne dis plus <{u'un mol. La sincél'ité du vole
('·Iectoral peut ¿·trc faussée de deux fiH;ons : par la
\iolence extérieure, par la corruption illtérieure •
.'\.lIX dernicrcs éIections, la violcnce extérieure a fail
apparition sU!' dellx Oll trois points du tl'rritoil'e;
mais la fOl'ce publique l'a bientot r(;primée, et nulle
part elle n' a triomphé. Partout, au contraire, la cor-
l'uptíon s'est déployéc a son aisc, cn tOllte libel'fé,
ct l'on compterait diflicilement les élections <{u'elle a
raites. Je sais, dans la majOl'ité de la Chambre, dcs
hommes hoftorablcs, hOnlletes, <jui arouent le fait
d s'cn aflliHent, milis !fui croicnt le remede impos-




eH .\ P 1 T R Jo: r.


sible, lIs se trompent : le remede est inévitable, L'u-
nique question est eelle de sat·oir s'iI sera tel que la
raison l'indique, tel que la morale le eonseille, tel
que la loi le perrnet. On est cel'tes rnaltre de voir les
pr03res de la corruption, sans s'cn inquiéter, sans
s'en érnouvoir, sans essaycr d'y rncttre obstacle ; on
est rnaitrc dc s'endorrnir aillsi dans unc séeurité qlU-
pable et de profiter dll mal, tout en le bhlrnant; mais
la Franee Il'c~t pas tornbée asscz bas pour suppol'!er
toujours un tcln;gimc, J'aper¡;ois, guant ¡\ moi , 1('
moment 011, ¡\ la t'cille ti'une élection gélléralc, la
COI'l'uption \ CITa tout ¡\ coup sUl'gil' en fae!' ti'elle UII
rival rcdoutable, la \ iolenee, Entre ('('s dcux fUI'Ce~l
égalempnt irréguliercs, égalcment condamnablcs,
ce sera alors un dud ten'ible, un combat achal'm; 1
0:1, que! que soit le \ainqueur, la liberté pl'l'ím. CJu!'
la respollsabilité de ce combat el de ses suitcs re-
tomhe tout entiel'!) SUI' CPux qui auront pu el (jui
n'amont pas \'oulu I'empechcr!




t:o~t:LrSl0S.


CHAPITHE tI.


C()\CLL::;IO\.


Lc gouvcrllcmenl ('('pl'¡;senlalil' /l' {'\isle v¡'~l'ilable­
rnenl fJu'it Imis condilions :


lo Que la COUl'oIlIle, cOlH~erle par UIl ministcl'e
Ilui !}OIl/'CI'III', reste tOUjOlll'S dalls la haule sphere
oil la constitutiOJl l'a plade ;


2" Que la Chambrc dcctire, iuoépcndantc et ja-
louse de sa I)\,(;l'ogatirc, soi!, cn fait commc en tIroi!,
le ceHIl'e rl~c1 du gouvel'llrment et Ic poU\'oir pré-
pondéi'a/l t ;


:3° Quc les dectiolls soient libres el pUl'es, et
qu' elles produisent ainsi UIlC assernbléc qui repré-
sente, dans de justes proporlions, les droits, les in-
térets, les opinions du pays.


Hors de ces trois conditions, on peut avoi¡'l'appa-
rence du gouvernement rrprésentatif; on n'en a pas
la réalité .


.Te crois at'oir établi quc pas une des trois ne sc
rcncontre aujourd'hui. .Te crois at'oir indiqué en
outre quelques-uns des moyens a l'aidc desquels on
pcut les fai¡'e revivre.




c; 11 :\ l' I T 1\ E \ l.


lJais, pour (lue, d'une pad, ces lIloyeus penetrent
dans la léglslatioll ; pour que, de l' autre, ils produi-
sent les bons effels qu'on doit en aUendre, il faut
'1u'ils trouvent dans l' opinion publique, dan s r opi-
Ilion du dehol's un énergiqlle auxiliaire, La eitadeHe
c(n'il s' agit de rédllire est bien fortillée, bien défen-
tlue, et ne se rendra eedes pas a la premiere so m-
J/Iation, Les intén\ts qu'il s' aait de \'ainere sont de~
intérCts eonsidér'ables, fortement ol'ganisés, habile-
menl diseiplinés. A mesure <¡ue le temps marche,
ces intércts, d'ailleurs, se woupent el s'enh'emelent
de maniere a s'appnyer les uns les au(¡'es et a dou-
hler, a triple¡' ainsi leur force de résistancr. e'est
done une eampagne longue, diflicile, labol'ieuse que
le pal,ti libéml doit enlr'cprendl'e; et tout le monde,
!!ans le parti libéral meme, n'aime pas ces sol'tes .de
campagnes.


lIetlre dans la défense de l'inlé¡,(\t 3i~lI(;ral la
Ilj(\me aetivité, la meme pe¡'sévérance, le meme ae-
corel que d' autres mettent dans la défense des inté-
rels privés, voilil la loi qu'une uéeessité aúsolue
1I0US impose, Si nous prétendoIls réussir prompte-
ment et sans peine, il vaut mieux donner notre dé-
mission et attend¡'e des temps meilleurs.


Mulheureusement, je le sais, la Fmllee u toujours
été plus renommée pour l'attuque <¡ue pOUl' la dé-
reuse, pour l'enthousiusme que pour la persévérance;
si elle tOoit en faee d'elle un ennemi a eombattre, un
oustacle a reuversel', elle se jette duns la lutte av('c
UII élan adrnil'ahle; mais cct élan durc peu. \'iclo-




CU.\CLLSIOX.


I'ieuse, cHe s'endol'l ; vaincuc, elle se déeoul'age : de
so¡'te que trop sou\'ent ses effOl'ts les plus généreu\,
fes plus héroú\ues ¡'estent san s résultat et sans fruit. Si
eelte disposition est toujOUl'S f¡lcheuse, combien IlC
le devient-elle pas dal'antage quand l' ennemi se dé-
guise, quand l'obstacle se dissimule, quand, en un
lIlot, au lieu dc sc haltrc en rase campagne, on esl
eondamné a marcher lentement, péniblemcnt a tra-
\crs un fourré épais OH dc profonds marécages ~ La
rictoire alol's n'csl point an plus lH'are, mais au plus
paticn!, et la fouguc h'alH:aise n'y pcut rien,


Encorc unc fois, si on se scnt incapable d'une tellc
fut/e, qu'on IJ(' l'cn{reprenne pas, Si on l'entreprend,
UlI contraire, qu'on ne s'en reli¡'e pas au prerni('l'
échee,


CeJa dit, vopns quelles sont les forccs du gou-
t cl'Ilement, les forces dc J'opposition, et que! usage
on peut faire des lInrs c! des ault'es,


Lcs forces du gOllre\'llcment, tout le monde le sail,
sont considél'ables, Lne administl'UtioIl puissammcn!
organisée, qui s'étend con~mc un réseau SUl' toule la
France et qui, soit par un cóté, soit par l'auh'e, en-
lacc toules les loculilés et tuus les individus j la dis-
pensation a¡'bitl'Uil'c, joul'llalicre, d' emplois sans nOIll-
lH'e et de favcurs salls lilllitcs, ce sont la, daus un
tcmps ou l'csprit du lucre étoul'/'e l'espl'it polilique,
des forces irnn"lCnses, incomparables, telles, qu'ú au-
CUDe époque, allcun gOll\'emernent 11' en a possédé de
pUl'cilles, Quant a I'usage <¡u'on en fait, je raí dit el
u'y \'elIX pas l'e\'enil', Tout le monde sait d'aíllelll'~




CHAI'ITUE tI.


<[uc, depuis plusieurs années, il n'y a pour le gou-
vernement qu'une question impo¡'tante, eeHe des
l,leetions. Tout lc monde sait qu'auprcs de eeUe
question, unique, dominantc, exclusive, palissent et
s' cffacent toutes ceHes qui touehent a la grandeur, a
la prospéríté, a la liberté de la }l'ranee, Préparer de
bonnes élecíions, e' ei'it-a-dire des éleetions qui don-
nent la majorité a la poli tique minist¡;¡'ielle, e' est la
le hut supremc, lc but vers lequel on tend par toute
espece de moyens.


Les rO¡'CeS dc l' opposition sont bien moindres. Ce-
pendant elles ont aussi leur valelll' el leur puissancc.
C'est d'abord, el avant tout, la justice de sa eause,
dont la plupart de ses adversai¡'es ont eOllseicnce, an
fond du emur, Ce sont ensuite les fautes du gouver-
uellient qui, de tcmps en temps, éelatent avec assez
d' évidence pour que les moins clairvoyauts les aper-
~oi vent. Il r a, d' ailleurs, dans les idées de liberté,
d' éaalité, de dignité lIationale quelque chose qui
remue les ames, <Iui agite les esprits a travers l' é-
go'ismc général; et ees idées , l' opposition est mat-
tresse, par la pal'ole et par la presse , de les fairc
pénétrer dans toutes les parties dll pays, Elle est
maitrcsse enfin , malgré quelques entra ves , d' oppo-
ser a l' organisatien officielle du gouvernement unc
organisation officieuse et de manifestcr l' esprit qui
l'anime partout ou l'élection intervient. TeIles sont
les forees de l' opposition, inférieures lt eelles du gOll-
vernement, mais considérables encore. Comment en
use-t-elle!




CONf.LUSION.


JI faut le dire : elle en use a peine , et la surt.out
est le mal. Quinze jours, un mois avant les élections,
elle se réveille, elle s' a3ite, elle fait grand bruit;
mais, le jour des élections passé, elle retomhe pres-
que entiel'e dans son sommeil, dans son repos, daus
son silenee. C' est tout au plus si elle eonsent, dans
l'intervaUe , a surveillel' la révision des listes électo-
mIes, eeHe opél'ation, si impodante, si décisive, et
qui, dans tous les }:;tats constitutionnels, excite la
sollicitude continnelle de tous les partis. D'ailleurs,
point d'associations, point de réuuions, ric>n de ce fJui
tieut J'opiniou puhlique en éVf'il, en halcine ; rieu de
ce qui fOI,tifie, de ce qui endurcit, de ce qUÍ prépare
a la luUe. Entre deux adversaires dout I'uu sort de
son repos tous les quatre ans, tandis que l'aulre ue
se repose jamais, cst-il hien étranf{e que le second
soit rainqui'ur?


En .'lngletcrre, les clioses se passent antrement.
La lutte entre les opinions , éntre les intérets, entre
les partis est permanente, et s' engage dans toutes les
occasions, sur tous les terraiús. Pas une question
grave qui, avant de se déhattre au Parlement, ne se
débatte puhliquement dans tous les comtés, dans tous
les hourtis. Pas une Ioi ¡mpol'tante qui ne fasse nai-
fl'e, d'un coté comme de l'autre, une foule de péti-
tions. Pas une élection Iocale ol' lc>s deux drapeaux,
celui du ministere et cclui de l'opposition, ne se troll-
ven! en pl'ésence. Aussi, en Angleterre, y a-t-il une
opinion puhlique qui pese sur tous les pouvoirs, avc>c
lucluelle tout le monde compte, et qui remporte qucl-




e IU P 1 T R E r 1


quefois des lrie!oil'es inattendlles. e'est eetle opinioll
qlli imposail, en 18:31, la r(;forme parlementairr all
minist(\re nhig; en 18 '1,6, la réforme eommerciale an
ministere tory. e'est eetre opinion qui prépare au-
jourd'hui d'antres réformes dans l'organisatiol1 so-
ciale dll pays. Qllelquefois san s donte elle s'enine,
elle s'égal'e, el les hommes d']::tat s'honorent en lui
résistant. el' n'en est pas moins une pnissance n;pl/e,
visible, don! I'appni est recherehé par lous, et quí
donne 11 ceux qu'elle f~l\'ol'ise autant ele confianc('
que de force.


Qu' on <lise 01'1 est, en Frallce , eelte puissanc(~, el
par quels signes elle se munifeste! .JI' n'en connais
que deux exemples depuís quinze ans : l'héréelit¡; de
la pairie, la dotation. llais le lH'emicr est voisin de
la révolution de juillet , et Ir ~ecolld JI'a qll'llne im-
podance médiocre.


,rais &i, en Franee, I'opposition pal'lerllrntai¡'e Ile
[¡'om'e pas dans l'opposition du dehol's tout l'appni ,
fonle l' assislanee qll' elle aurait droi t d' en allendre,
lI'a-I-elle elle-meme Ilneun I'eprocltc a se faire, el nI'
peut-clle pas, en wande partie au moins, s'attr'ibl)('l'
cr triste résultal'! Que ront , en .I\ngleten'r, aprrs les
sessions, les principaux membl'es de l'opposition
parlementai¡'e, ceux qui padrn! et ceux qui éCI'i-
\'(~nt! :\ssurément leul' l'ie de clHlteall, celtI' liie si
splendide, si anim(;c, si s{;dlli~ante es! bicn fail('
pOIl!' les ret('nir, et ils y trourent d('s plaisi!'s auxqu('ls
il est tOlljOIl!'S diflicilc de s'UlTac]¡e'I'. lis s'y a!'rachent
pOlll'!anl, pO\ll' pal'colll'il' )ps comt.',s, POlll' IH'I"sidl'l'




CoNCJ.{;SIO~. ~.-I~J


I,·s réuuiolls publique~, pOUl' assister aux hanquets
politique~ ; ils s'y arraclH'nt ponr ('c\airer, ponr ra-
nimel' toujours el pal'tout l' opinion públique; ils s'y
arrachent ponr soutenir leurs amis, pour combaUre
leurs adversaires. C' est dallS cetle double action,
dans cetle action réciproque du pays snr le Parle-
ment, du P,arlement sur le pays, ([ue s'entreticnt
J'esrr'i! politique, que se rclr'empe l'opinion publique,
que s' élabore la pensre nalionale. Si Rohert Ped,
rainen en I S:11 et en 1l';:H, el'rt allendu paisiblement,
(Ians son cabind ou dan~ ses ehamps, que la fortune
'ni rrdnt, eroil-oll (lu'jJ elil reconstitné le grand
partí qni \'ienl de se dissoudre, mais quí, pendanl
cinq ans, a gouverné rAn3Icterr~"! Si O'Connell, pen-
dan! le cour~ de sa longue liie, flit rest(: muet el
oisif, croil-on qu'il eM arraehé aux préjugés, a 1'01'-
~{lreil anglais l'émaneipation eatholique d'aho .. d, el
lIienlM salls doute )'¡:aalité des deu'\. peuples? Si
Villiers, Cohden, Br'ight se fussellt hor'n(:s a quel-
«ues diseours en plrill Parlemenl, eroil-on qu'ils
t'ussent fait capitulet· le mínistere e! sonmis, réduil
r arisloeralie tel'l'itol'iale? La lutle poli tique n' est pas
plus que les autres Inltes exemple de soueís et de
ratigues, et Ir sueet·s appartienl ¡\ ceux qui savent l(~
eonqué .. ir a la surlll' de Irur [[·ont.


Dernierellleut, au restc, l'.-\ngleterre nous a offel'l
un exemple bien plus enrieux, hirn plus [!'appant
('neGr'e de ce (rne doil (\ll"e la \'ie politique ct de ce
(Jl['elle rst chez un pellple 'luí la compl·ellll. Trahi
prtr SPS chpfs natuJ'els, pillO cenx-I;\ rn(\me fJll'il a\'ait




256 CHAPITRE VI.


portés an ponvoir, le parti p1'otectiolliste voit tout il
coup s('s gén61'aux qui luí manquent et la majorité
qlli lui éehappe, Qui ne croirait que, dan s une telle
sitllation, il va s' abandoIiner lui~m(\me et Oll vrir son
cmur an d(;colll'agement ~ Eh bien! non: le partí pro-
frrtiollisf(' rassemble ses forces, serre ses rangs, et
dI' son sein sort iout il coup un homme de grande
famille, il peu pres étranger aux affaíres, connu seu-
lement comme grand pal'ieUl', comme gl'alJl! chas-
scm', dont personne ne Soup(:onnait la capaeit(; poli-
tique, I't l{lIi, depuis \¡ngt alls au moins, n'arait pas
fait un discours. Poussé par la ll("crssit¡\ inspil'i~ par
la nOllvcauté de sa position, cet homme, riral im-
provisé des ministres passés et pl'ésrnts, parle ave('
talent, a\'ec SUCC(\s, et son parti, d' une voix una-
ni me , lui décerne le commanrlement. AussílOt le
parieul' renonce aux COlll'SeS, le chaS5eur \:end sa
meute, l'homme étrangel' au\: affaíres SI' plonge
dans toules les difllcul16s de la statisfíque, de la po-
litique, et le voilil qui, non eonte11t d'aceomplír ses
devoirs parlementaircs, va de eomté en eomté , re-
levant le dl'Upeau }J}'oteclionistc, ranimant les fer-
miers, pI'omettant a ses amis une revanche pro-
chaine; le voíla qui, d'aecord avee d'autrrs mcmlm's
des deu\: Chambres, refol'me ainsi une 110uvelle al'-
mée, un nou\'eau partí, le lendemain I)](\me de la
cléfuite! Ce sont la les \'raies mwurs, lrs \Taies ha-
hitudes du gourel'llf'l1lellt I'epl'l;senta:if. Ces m(PIlI'S,
ces hahitudes sOllt-elll's les n!lt]'('s, ¡\ 110115, ¡¡ui 1I'a-
\'ons pus meme su opposel' nos hanqllets d' opposition




COXCLlSIOX.


aux ballquets ministél"iels de l\IlI. Gui7.0t , DuehtHel
et I,aeave-Laplagne ?


Je ne veux point l:anter I'Angleterre a nos dé-
pens. Elle a ses qualités, nous avons les nOtres. Ce
qu'il y a de fUeheux, e'est que les nOtres ne sont pas
les plus propres a garder entre l'insurrection et la
soumission, entre la révolte et l' obéissanee, le milien
qui seul maintient et vivifie les institutions libres.
C' est beaueoup de eonquérir la liberté par un effort
prompt et sublime; e' est plus encore, de la eonser-
lel' par des efforts ohscurs et journaliers .. -lujour-
tI'hui, ces efforts-lit sont ceux dont la cause lihérale
a besoÍn .


.i\pres la persévé¡'unce \'ient le bon aeeol'd, non
Illoins dift1eile it obteni)·. Qll' on ne pllisse sans heau-
coup de soins, sans heaucoup de bonne volonté, sans
beaucoup de tolérunce réciproque, l'éunÍr, meme
pour quelques jOllrs, des partis dont les vues sont
\Taiment divergentes, cela est tout naturel. Ce quí
r est moins, c' est qu' on se donne autant de peine,
chez nous, pllur faire apparaltre des dissidences
imaginaires, qu' on s' en donne ailleurs pour en ef-
racer de réelles ; e' est que duque parti, si petit qu'il
so;t, tende sans eesse a se di\'Íser en deux ou trois
partis, lesquels, it peine formés, tendent a se sub-
diviser de nouveau; e'est qu'ainsi l'esprit de eoterie
remplace l'esprit de parti, et que toute aetion eon-
ceJ"tée, toufe action commune et puissante d~ienne
a peu pres impossible. X' est-ce pas la ce qu' on a vu
trop souvent, en Franee, depllis quelques années?


17




CH;\ PI T 1\ E \: 1.


11 faut dit'c toutc la vérité : si, pour beaucoup de
mcmbl'es de la majorité ministérielle, iln'y a clans
la vie politiquc qu'une question, faire son chernin ;
pour quelques membres dc l'opposition, en re-
l'anehe, il n'y a qu'une affaire, sc distinguer de ses
eollegues, 01', quand on n'a pas la taille tres-haute,
on a plus de ehanee d' etre vu dans un petit ~:p'0upe
que dans la foule. Ajoutez q~'i1 n' apparalt pas, dans
la Chambre ou dans la presse, une dissidenee quel-
conque, sans qu'i1 se trouve des rnains eomplaisantes
pour la reeueillir, pour la eulttrer, pour la rail'('
fleurir et fl'uctificr.


Je ne dirais l'ieade ces miscres, si elles n'araien!
fait plus de tort peut-(\tre a la cause libérale que
l'indiffé¡'enee des uns, l'a\'ielité des au~¡'cs et toutes
les rnanreuvres rninísté¡'ielles. Sí J' on l"eut n' ell'c d'un
partí qu'a la conelition el'airner tous eeux qui appal'-
tiennent a ce pal'ti el d'approuver fout ce qu'ils font,
tout ce qu'ils elisent, tout ce qu'ils pensent, autant
vaut renoncer a la politique et se réfugier dans la so-
litude, l~tre d'un parti, c' esl rnettre en commun une
certaine somme d'idées et de desseins, avee l' enga-
gement taeite de ne point se séparer al"ant que ces
desseins soient aceomplis et ces id(;es réalisées. Cela
n'emp(\che et ne doit emp(\cheJ', sur fout le resle, ni
les penehants divel's ni les H1CS séparées .


.J e prie qu' on nc clte¡'che dans mrs paroles aucuJle
application personnelle. Ce n' es! pas td Oll 11'1 de
mes collegucs que j'attaque, e' est une maladie fOI'l
cornmune que je décris, une maLulie dOllt, en 4nc.




CONCLlSIOl\'. :!59


gleterre mcme, le gonvernement représentatif a
souffert plus d'nne fois.


« QlIano les hommes sont lié s ensemhle et forment
1) un parti, écrivait Burke, en 1770, ils peuvent
~ aisément s' avertir, se donner mutuellement l' a-
n larme, an moment me me OU les mauvais desseins
» apparaissent. lis peuvent en outre sonder ces des-
» seins en commun et s'y opposer avec tontes leurs
" forces réunies. QlIand, au contmire, ils sont dis-
h prrsés, sans concert, sans ordre, sans discipline,
» les communirations sont incerfaines , l'accord dif-
" ficile, la ¡'ésistance illlpossible. Tant que les hom-
» mes ignorent quels sont leuT's principes, tant qn'ils
» n' ont pas , par des efforfs communs, fait l' éprenve
~ de leurs talents, de leUl'S dispositions, de lenrs
II habitlldrs I'éei prof[lIes, il est évident qu'ils ne peu-
11 rent joller un rMe Pllhlic avec Ilniformité, avec
., persét-é¡'ance, arec efficacité. Dans une associa-
n hon, I'homme le moins considérable, en augmen-
» tant le poids total, a sa valeur et son utilité. Dans
" l' état de division, les plus grands talents devien-
» nent inutiles au publico Aueull homme, s'il n' est
" égaré par le délire de l' amour-propre, ne peut se
» flatfer que ses efforts isolés, passagers, non sys-
» tématiques, aient jamais le pouvoir de déjoller les
" trames habilcs et les intrigues combinées de quel-
11 ques citoyens ambitieux. Quand les méehants se
, li[íuent, il faut que les hons s'associent, autrement
» ils tomberaient un par un, victimes peu dignes de
» pitié 1 dans une lutfc méprisable ... Pour l'hornme




:!liO CHAPITHE \'1.


qui a re~u de ses concitoyens une 1lllSSlOll illlpol'-
)) tante, ce n' est pas assez de vouloir le bien de son
~ pays; ce n' est pas n)(~me assez de pouvoir dire
)) qu' on n' a jamais commis une mauvaise action,
» mais qu' on a toujours volé, parlé selon sa con-
I science, et résisté a tous les actes qu' on regardait
1) comme nuisibles. Le devoir obli;¡e non-seulement )) a voir le bien et a le montee!', mais a faire tous ses
1) effods pour le fai¡'e prévaloir; non-seulement a
~, signale¡' le mal et a le comhaltre, mais a ne rien
') négliger pou\' en veni¡' a hout. Quand I'homme
" public refuse ou néglige de se mettre dans une po-
n sition oil iI puisse faire son devoir avec erref,
)) il manque 11 son devoi¡' presque autant que s'ille
)) trahissait. Ce n' est cedes pas une conduite sensée
» que de suivre la ligne droite, mais en s'y prenant
,) de telIe sorte que les efforfs que I' on fait ne plIis-
» senf avoi¡, aucull résultat utile, ))


Quand Burke éCl'ivait ces lignes remarquables, il
Y avait un parti dont fai déjll parlé, le parti des amis
du roi, qui, dans un dessein facile 11 comprendre, fai-
sait tous ses efforts poul' divisel' l'opposition, et qui
déjiJ. n'y avait pas mal réussi,


A mon sens, les conseils de BurJ{C sont aussi
bons, meilleurs peut - ctre en France qu' en Angle-
telTe; et il me paralt insensé de cl'oire qu'une
¡tllerre de guérillas puisse veni¡' iJ. bout d'une amiée
bien ol'ganisée, bien noul'rie, d'une armée qlli re-
~oit tout en ti ere le meme mot d' ol'dre et dont une
seule pensé e dil'iae tous les mouvements, Dans I'op-




CO:\TCLUSIO~. 261


position, sans doute, les choses ne peuvent pas se
passer ainsi. C' est dans des conférences, dans des
délibérations en commun que la direction doit etre
al'retée, le conscil exécutif choisi, le mot d' ordre
donné. ~Iais, une fois cela fait, l' opposition ne doit
pas oublier que, pour vivre, les démocraties n' ont
pas moins que les monarchics besoin d' ordre et de
discipline.


Est-il \Tai d' ailleurs qu' entre les diverses frac-
tions d~ l'opinion libél'ale il soit dífficile d'arriver, je
ne dis pas a un accorrl complet, mais a une alliance
lItile et honorable ~ On en doute quand on lit cer-
fajns journaux 01\, dans la vivacité d'une polémiql1e
quotidienne, les dissentiments ~p'ossissent et s' ell\'e-
niment. Mais, en Anglelerre aussi, les journaux
\thigs et les journaux radicaux sont souvent en que-
relle, ce qui n'em?cche point le parti \\llig et le parti
radical de mal'chel' d' accord dans le Parlement et
daos les élections, JI est d' abord deux fractions de
l'opposition libérale, les plus nombreuses, CIui, éga-
Irment dévouées aux institutions de 18:30, n' ont
jamais différé que sur les circonstances, sur les
moyens, sur les personnes, Aujourd'hui, ces diffé-
I'ences sont 11 peu pres effacées , et, pendant tout le
cours de la derniere session, la bonne entente a étt;
complete, Dans un temps Ol! les institutions se jugent
non par le sentiment, mais par la raison, on ne peut
attendl'e que la monarchie constitutionneIle soi t,
comme fut jadis une autre monarchie, 1'0hjet d'une
idolah'ie aveugle et d'un culte intolérant. Il est done




262 CHAPITRE \'I.


possible qu'a gauche et au centre gauche, tout le
monde ne voie pas dans cettc forme de gouverne-
ment la forme définitive des sou\'ernements libres
ni l'idéal éternel des sociétés humaines. J\Iais, sans
contester a l' avenir ses espérances indéfinies, les
aeux grandes fractions de l' opposition constitution-
neBe sont ésalement convaincues que la forme dont
a s'asit , favorable au maintien de l'ordrc, se prMe
en outre a tous les développements dc la libel'Íé, a
toutes les améliorations don! l' organisation sociale
est susceptible. Elles venlcnt donc que l' cxpérience
se fasse sinceremellt, complétement, et elles croient
qu' ainsi faite l' expérience réussil'a.


Les radicaux croient le contl'aire, et, chaque jour,
autant du moins que la loi le leur permet, ils es-
sayent d' en dire les motifs. Est-ce pourtant une rai-
son pour qu'ils s'isolent, pour qu'ils se ticnnent (1
l'écart, pour qn'ils fasscnt obstacle aux effMls de
ceux quí, plus confiants q u' cux, I'cgal'dent la mo-
narchie et le gouvernement I'eprésentatif vrai comme
parfaitement compatibles 1 Pour la plupart, les ra-
dicaux n' en jugent pas ainsi, et, soit dans le Par-
lement, soit d:ms les colléges élecforaux, il est rare
qu'ils se soient séparés de l'opposition cons!itutioll-
nelle. Pourquoi s' en sépal'el'aient-ils en erre! 1 Les
radicaux pensent, avec certains royalistes, que, clans
une soeiété démocl'atique cornme la société fran~aise,
le pouvoir royal et le pou\'oir parlementaire ne peu-
"\'Cnt exister á la fois, et que I'un doit nécessaire-
ment tuer l' autre ; ils pensent, des lors, que la monar-




CO.\CLUSION. 263


chie constitutionnelle doit périr, non par les telltativcs
\ iolentes de ses ennemis, mais par ses propres fautes,
par ses propres imperfections, par ses propres im-
possibilítés. Les constitutionnels nient qu'il en soit
ainsi ct soutiennent que, sans dépouillel' le ppuvoir
royal de ses justes prérogatives, le pouvoir parle-
mentaire, une fois établi, une fois constitué, peut
tres-bien Pl'endre sa place et se faire respectel" Il y a
la, entre les cOllstitutionnels et les radicaux, une ques-
tion dont l'avenil' seul est juse. l\Iais, pour qu'elle
puisse se juger, il est une condition préliminaire :
(" est que le pOllvoil' roral n'absorbe pas le POUVOil'
parlemeutaire, et que eelui-ei se ranime au sein
d'nne majol'ité inrlépendante el libérale, Constitution-
neIs et radieaux ont done pro\isoil'ement le men1/'
int¡;l'el et doivenl avoir le m(~me bul.


Ce n'est pas sél,irusemcnt d'aillcurs qu'on prétf'nd
l'efllser aux oppositions c1ivel'ses le droit de sllspeu-
tire Il'urs querelles <Juanu l'intérM eommun l'exige
et de réunir leurs cffol'ls, ,rai fait partie, avl'c
'I~I. Guizot et Duchillcl, de deux coalitions : celle de
1827, celle de '18af). 1\1. Guizot oserait-il dire que,
dans le comité dont il Mait président en 1827, tou/es
les opinions se renfermassent clans le cercle de la
constitlltion ¡"Iablie, el que ~nl. Bastide et Cavaignac,
ses coW~glles, ellssent pour la forme monarchiqlle
heaucollp d'affeetiori et de respeet? Oserait-il dire
lJu'en IS:3H, qlland il donnait ulle main a 1\1. llel'ryrJ',
l' autre a :\1. Garnier-Pag(\s, il leul' eomml1niquat, par
le seul contad, l'allloUt' de la drnastie et des institu-




264 e 11:\ l' 1 T n E r 1.


tions actuelIes? Oserait-il dirc que, daos ces dcux
graves épisodes de sa vie polititlue, il ne sut pas qu'il
s'associait a des hommes, a des partis dont les nrm..
n'étaient pas ses vreux, dont le but était fort au dela
de son but '? A mon sens, en 18:39 comme en 1 ~'%í,
111\1. Guizot et DucMtel avaient raison. En 18:39
comme en 1827, ils savaient que la dynastie avait
plus a craindre ses ami s que ses ennemis, ses flat-
teurs que ses délractcurs, et que les institutions me-
na\aient ruine au sommet plutM qu'a la base. En
!tommes sensés et préroyants, ils allaient au plus
pressé, et s' alliaicnt a qui voulait drfendre a\'ec enx
la conslitution menacée. Quand, de H¡;31 a 18:3.),
l' émeute grondait daos la rue, je ne sache pas qu' 011
demandat a ceux qui prenaient un fusil pour la com-
batfre s'ils préféraient, au fond de l' ame, la bran-
che ainée a la hranche cadeUe, la forme monarchique
a la forme répuhlicaine. Pourquoi le demunderait-on
a ceux qui comhattent aujoul'd'hui pour la liherté
contre l' oppression, pour la moralité publique contre
la COl'l'uptíon, pour la dignité nationale contre l' a-
haissement systématique? La cause de l' ordre est
sans doufe une grande et noble cause; ceHe de la
diguité nationale, de la moralité publique, de la li-
berté n' est pas moins belIe et ne mérite pas de moin-
dres sacrifices.


Dans cette Anglcterre , que l' on admirait fant , il Y
a peu dc mois, et OU l' on était fant admiré, ce sont la
des \'érités élémentai¡'cs. Allez reprocher aux whii{s
d'avoil' les radicaux pOUl' alliés, aux radicaux 111'




CONCLUSION.


roter avec les whigs , et personne ne vous comp1'en-
dra. Enh'e les vrais whigs et les vrais 1'adicaux la di s-
tance est pourtant fo1't grande, puisqu'il ne s'agit de
l'Íen moins que de maintenir ou de détl'llire la vieille
constitution du pays. Ici d' ailleurs le présent s' appuie
et s'autorise de I'exemple du passé : Pulteney, pour
combaUre \Valpole, s' entendait cordialement avec
\\'yndham, avec Bolinftbroke; et Shippen lui-meme,
Shippen, le chef reconnu du partí jacobite, était ad-
mis sans difficulté aux conseils de l' opposition.


Tout cela, il faut qu' on le sache, est une pure co-
médíe, une comédie dont ceux-lil memes qui la jouenl
sont les pI'cmicl's a sr moquer, une fois rentrés dans
la coulisse. Le partí conservateur semble d' ailleurs
heaucoup moins rigol'iste, beaucoup moins exclusif
dans sa conduite que dans son langage ; et l'appui
des opinions extremes, quand il peut I'obtenir, ne
lui parait nullement a dédaigner . .:ve lui a-t-on pas
prouvé par des listes authentiques, par des calculs in-
contestables, qu'il se compose, au moins pOUl' moitié,
d'hommes dont la fierté nationale se révoltait quand
la France prenait Ancone, dont l' amour de l' o1'dre
sommeillait quand on se baUait dans les rues, dont
la passion pour la liberté débordait quand la lihedé
était al'mée et mena<;ante, mais dont la fierté natio-
nale s' est calmée, dont l' amour de l' ord1'e s' est ré-
veillé, dont la passion pOUl' la liberté est rentrée
dan s son lit, depuis qu' }lncone est rend ue, que les
rues sont paisibles, que la libedé est vaincue? Ne lui
a-t-on pas démontré qu'iI y a dans ses rallgs, aujolll'-




266 CHAPITRE rI.


d'hui ene ore , des hommes qui son!, eomme ils le
disent eux-memes, pour le ministere et eontre la dy-
nastie; des hornmes qui servent volon!irrs le [(O u-
vernement actue) , muis qui en serviraient un autl'C
avee beaucoup plus de pluisir? Ce sont la des
conVel'SiOllS, des trunsuetions tl'i~s-opportunes sans
doute, et dont l' opposilion est lo in de sc plaindre.
'fout ee que l' opposition demande, e' est, chez eeux
qui s' en honorent, chez eeux qui en profitent, un
peu plus de rnodestie et d'iIldulgence.


Au surplus, a la peine qu' on prend pour empe-
eher entre elles tout bon uccord, [es di verses frac-
tions de l' opposition doivent eompl'endre combien
ceí accord est nécessaire; si elles ne le comprennent
pas, ou si, le comprenant, elles hésitent encore ,
elles justifieront tous les reproches qu' on lem: adressr,
elles rnéritcl'Ont la d(;faite commune qui les atiendo


Ua conclusion, c'est qu'au lieu de s'abandonIlel'
an conrs des événenwnts et des fantaisies person-
nelles, l' opposition, des le début de la législature
acluelle, doit adopter un plan de réforme el un plan
de conduite donl elle ne dévie point ; c' est que, par sa
persévérunce et par son bon accord, elle doit rel('\'el'
les courages abatlus, déjouer les rnanceunes sou-
terruines, eomprimer les dissidenees artificielles;
e'est enfin qu'elle doit, par tous les rn0l'ens dont rIle
dispose , créer dans chaque d(;partemcnt un centre
d'actirité politique, et fuil'e ainsi parvenir sur tous
les point du ferritoire ses intentions el sa pensée. A
re pri'\, la lutte légale es! possible. Elle cesserait dr




CO~ e L u S 10 N. 21lj


l' etre I s'il plaisait a l' opposition de rester in active et
divisée.


J e le répcte, en terminant cet écrit : le mal est
wand; si grand, que des hommes graves, et dont je
respecte l' opinion, doutent qu'il puisse etre guél'i.
J e prie ces hommes de se rappeler que le mal n' était
pas moindre, en Annleterre, vers lc milieu du der-
nier siecle, en France, de 1824- a 1827. Dans un jOUl'-
nal dont je m'honore d' avoil' été un des rédactellrs
sous la Restauration, dans le Glabe, je relisais der-
nierement quelques lignes écrites par un de mes
amis les plus chers , par le seul avec qui, depuis
duat ans, .rai eu le oonhelll' de rester eonstam-
ment ell eommuoauté d'opinion et de sentiments :


(( 11 n' est ríen, éeriraít 11. de Rémusat , en 18:W ,
1) que n'excuse maintenánt, ml\me aux yeux de tous
II les padis, la eminte de se eompl'omettre. La el'ainte
)) de ce daflger s'at'oue sans honte; la pl'Udenee est
II de\-cllue la premii'l"c \cl'Íu ; la timidjlé meme est
II excllsée. rne opinion tOllle pleine de IAche!(; s'est
II répunduc; elle a Bagné jusqu'uux Ames honnetes.
II Elle a dil a tous : )Il~nanez voh'e posítion. Triste
n effct de l' ébl"Uulemellt dOllné a tous les caracteres
» et a toules les comictions, pUl' qual'ante années de
)l vicíssitudcs politiqnes! Triste d'ret de eel amollisse-
II ment moml t/ne commellcerent la Terreur et I'Em-
II pil'e, et que \-ienncnt d'aclH'rer les préjugés de
» cour el les doctrines jésuiliques! De la es! résulté
)~ un esprit de servilité dont je ne connais pas d'autre
" excmple, paree ({u'jl s'allir avrc le hOI1 80tH et les




:W8 CIf:1PITRE \'1.


,) helles mani(\res, avec l' esprit, la vanité, 1'honneul'
)) meme; c' est un mélange de respect pour la force
, et pour les convenances; c' est le produit de l'inté-
1 r(\t qui calcule et de la raison qui doute, de la peul'
» qui se ménage et de la médiocrité qui s'humilie!
» et, chose étrange, un tel avilissement n'a ni 1'al-
)) lure, ni la reuommée d'un vice. Tout au contraire,
,) ou en fait cas , c' est un devoir que le pere recom-
» mande a son fils. L'expérience le preche a la jell-
» nesse; 1'indulgeuce seule excuse parfois ceux qlli
)) Y manquent, et le courage a besoin d' apologie el
» de pardon. »


Deux ans apres l' époque Oll 1\1. de Rémusat tru-
~ait ce triste tableau, la France libérale, ranimée,
rajeunie, se relevait, se redressait et faisait, dans les
colléges élecforaux, preuve d'intelligence et de cou-
rage. Cinq aus apres, elle en faÍsait preuvc sur la
place publique, et le gouvemernent I'epr(;scntati[,
corrompu d'abord, puis violemmcnt attaqut>, sortait
\'ainqueur de la lutte.


Pourquoi, avec de la persévérance, avec de l' ac-
cord, ne ferions-nous pas aujourd'hui ce qu'ont fait
l' Angleterre dans le demier siecle , la France daos
le siecle actuel? A cOté des ames basses, que toute
puissance possede, il est, je le sais , des esprits faÍ-
bies, auxquels le SllCCeS est nécessaire, et qui, s'il se
fait trop attendre, se dépitent et se rebutent. J amais
de grandes c1lOses ne se sont faite s ainsi. Ce qui crolt
rite périt vi te , et la natllre , dans toutes ses créa-
lions, mesure le temps a l'importance de l' ~uvl'e. 1,e




CU~CT.USIO~.


UOU\Cl"/ICJlIcut représcntatif, dans ses eondi tious nor-
males, est mi en18J 4 seulement, et eeux qui l'avaienl
mis au monde out peu fail pour qu'il ~p'and¡t et pour
qu'il se développat. 11 a srandi pourtant, il s' est dé-
vcloppé malgré eux, et, en s' éehappant de Ieul's
lIIains, il a fait aete de puissanee. Depuis ce moment,
il s'agite, il se délJat au milieu des tentations, drs
corruplions qui l' assiégent, el, dans eette Iutte sté-
rile et dégradante, ses forees se consument et s'é-
puisent. Je erois siueerement qu'jl dépcnd de nous de
Ics lui rcmlre.






ilPPENDICE.


APPENDICE A.


II ne sel'a }las sans intéf(~t de trouver ici deux des arti-
eles que ;vr. Thiers écrivit, á cetle époqne, dans le lVa-
lional, sllr la crantl¡· questioll don! il s'a¡¡it. Ces articles,
on ne c/uit [l3S I'ollblicl', ¿taient écrils sous un roi con-
\aillcu de son tlroit, jaloux de sa préro¡;ative ; sons un roi
qlli eroyait sincerel1\ellt, rcliciclIsell1ellt que Dieu seul lui
a\'ait dOI1\H\ la eouronne et qll'il n'en devait eompte (lu':\
Dieu; ils étaient écrits en présence d'un parquet ombra-
nellX et avee la perspective presque certainc d'un proce,;
eH police cOITectiollne!Je. Qu'on voie ponrtant avee queUe
netteté, ave e qnelle hartliesse la !]nesti/lll estposée el ré-
solne. Si ces articles paraissaieilt aujourd'hlli , ponr la
premiere foi" dans le Constitutiollnel ou dan, le Sieclc,
nul doute que la presse ministérielle tout enticre ne lan~~at
contre enx les foudrcs royalistes; nul doule (lLle, dans UIl
certain monde, l'alltenr n'en fút signalé comOle un en-
lIemi dll roi et de la lllonarchic.


PremlCf ar/iclc.


LE IWI Ú;(;.\E ET NE liOUVERXE i'AS.


" Nous v/liei Cllcorc anx (ll'iscs avce le:; pnhlicistcs Illi-
Iti,tériels, SIL\' la forme de 1I0tre Illouarchie et ~Ul' la lilllite
<lu pOLll'oir royal el dll pouyoil' parlclllcntaire. Ces llles-




i\l'I'EXUICE.


slcurs 0111 faiL uu a\ ell IJne UOUS IIOLIS ClIllll'C'SOIl~ di: 1'1'-
cueillil': e'esl (lIl'clI AIIGleterrc, le ministre csl ('()/lsfal/l-
lIIell( e/lUísi r/an,\ la mnj"rifé des C/U/ml!/'I's el '/(' /'('('UI/ Sil
missiun ,/uc d,'s C/wlllf¡res; {"CSI (Fle les ChatllJ¡I'C'~, ell
.\lIulelcrn', (1lOisisscllt les millistres, :\OIlS ('itons I'expres-
sion lexlllelle de Illc>siellrs les pllblicisle, nlillisléricb.
lis ~c h<Ítel1l (i'expliqllcl' pourquoi cela {'~t aillsi : c'e~t
paree rllH', disellt-il", ell AII¡¡lelcrrc, lcs Chillllhns 0111
l'illilialive des !ois, et (11I'lnitlaUIIC el chnix des ministres
S(tllt dC/lx f(/{'/,[tés rlOllt ['/lIIC S///I/I')Se {'a/ltn'.
~ La mOIl:IITllÍe all¡;laise II'CSl done p:1itlt, sllivaut ('lI\,


la llIouarchie f'rall\'aise ; et, dc cett" lIIallierc, ils se sall-
\ ellt des (,oIlSl-f(lIellces de leur aYI'U, f:CHel,,,;t alors a
prOllyer í(1I'i! Il'y a, sons le rappurl des attrilllltiolls
royales el parlclllelltaircs, aUCllllC différellce elltrc la
Frailee ell'AllGletcrre, CeSI re (11lC nou,; el'oyolls, ell
erret, el cela lI'i's-,illci~rclllelIl. ('IDuS pCIlSOIlS qll'il 1I'y a
qll'ulle scule forme de Dlonarchie reprl-,clllalivc possible ;
'Iue la différence eutre I'AnlJleterre el la Franl'e est 1l1Ji-
quclllent dalls l'état 50I'i;1I, tout I'l-otlal, tOlll :II';"locr¡¡tiquc
cllcore tlalls un pays, el rOlllpll-temenl réyohltioullaire
dans I'autrc; l1Iais (lue les allrilJUtiolls des pOllvoi¡'s y
sunt identiquel1lent les mélllcs, paree '1u'i Is Ile pCll\'ellt
l',tS varier, paree que la mOIHII'C!.ic rcpréseutatlve, úablic
en Esp¡¡Gtle, Cll ltalic, eu Allellla¡;Ue, en l\ msie, se troll-
"crait pal'lonl la l1léllle, f{lLoiqlle dalls nu fIIilieu diffe-
rCllt. Ce,;l HU syst(;IllC doul lUlLtcs les partics sout ul:ecs-
~"ircs el IlC sanraicllt challcer,


" L'espace el le tem(ls IlIms ohli¡;ellt de 1'I'IIlettre ;', dc-
luaiu cette f(llcstion si {}fa ve; Illais 1l0llS allolls rt-polldee
:[ trois ebjcctiolls lll'illcil'alcs des l-crivains millisléricls,
(¡tÚ non s paraissl'llt Ull pen plllS lIonvellcs rIlle celles donl
ils Ollt fail habitncllclllelll usauc jllS(Ill'ici,




APPENDICE.


" :\OllS a/lous le. pl'éSCUICl' avcc tonL le soill el toule la
t:larlé possiblcs, el (ln jll¡;era, aux effol'ls quc 1I0US allollS
fairc ponr Ics bien cxposcr, si ces ohjecliolls !lOUS emhar-
rassent bcaucollp.


" Lcs minislres u'onl encore rien fail, rien ahmllllllt'lIt:
c'c~t donc la préféreuce dll roi qu'oH attalllle dalls lIlIe
atlresse improhati"c; C'csl SOIl droil de choisir, c'esl Sil
I'rél'O{)'<Itive C)U'OIl envahil.


» Lc roi n'est pi liS alors ('/lIf slIpnime de ['IÚal, cotnmc
le veut I'arliclc H,; ilu'esl II1cmc plus premia fi>llc(oll-
Itaire lntú!ic, car jamais on IIC dOlllla a un chef d'allllliuis-
!ration un aide malGré Illi-Il](~lIIe : " UIl cspl'it de cOllve-
.. lIance, ;. défallt dI! lui écrite, a inlroduit Ilalls luns les
" etablissellleuls civils el lIIi1iLaires, qllclle que soit Icm'
o nalllrc, ({lIC les slIbalternes doivent elre a¡;réahlcs i,
" leurs cheh. "


" 11 resulte de la cncorc ({lIC \'adlllinisll'atioll passe dalls
I.·s mains d'lln potlvoir incapable el'administrer : ce sollt
"'~ (~halllhres. Si el:es 1l0!ll'IICllt les ministres, elles nOIll-
,"eront at1s~i les préfels, le,' lI1aires, ele. J e !'di penl!'.!
ainsi toutes ses auributiollS. 011 lui contestc déjit le droit
de pail el dc r,lIerre, on lui cOlltestc la nominalioll des
illilliSlres: 011 le déponillera sl1ccessivement dc son pou-
,oil' tont enlier.


a ~atlf les lamenlaliolls d'llS~GC. voila, nons le C!'OyoIlS,
les objeclions de Illcssieurs dtl milliste!'c •


• l\eprellllns-Ies ulle a une.
" 11 c~t vrai que les lllinislh'cs u'out ricn fail, riclI du


!(},tL, qu'altércr la llJar,istraturc el aur,mentcl' le nOlllhr(~
des inamoviblcs de Icul' choix, aUlant que les morta lité"
de l'hi\'et le leur out permiso Ce ne SOtll pas lel1l's actes
<¡'Ie !lOUS alt3qllollS, cela est vrai. - Vous cOtltrúlez done,
!lOUS dira-t-oli, les préférellces du roi? - Ce nc sont pas ses


18




:l P P E S Die E.


I'référellees que nous cOlltrúlolls, car elles ne !lOIlS reGar-
dent )las; lIIais le choix d'llOlIlIues qlle la notoriélé pu-
¡¡Iique, suffisaute en celle lIlaLÍere, désir,ne COll1\l1e eUllelllis
de ))(lS illstitlltiolls,-~Iais, ajollte-t-oll, \'OIlS vous lrulJl-
pez: ils IIC sont pas clIlJelllis de ces institulions. - Si nou,
UOIIS trompons, e'est uu lIIalheur; Illais, ,/unlld !O!tt le
1II011'{C a lorl, tout le monde a miso/!. D'ailleurs, ce,
h0ll1111cS elltendeut IlOS ilJstitutious autremeut que 1I01l5 ,
et la maniere de les (,!ltendre est 3ujounl'hui la qucsliull
tout entiere. Ellfin, ils ont dit: " Plus de concessions, J¡
Illlaud il reste i. 1I0US dOllller CIICOfC ulle loi des COlTllIIll-
ues, UlJe loi des gardes llati"lIales et lllle foule d';¡utl'l'';.
Par tonles ces raisons, nons lttlUlIS pOIIl' rait tOllt ce (Jlle
ces mcssieurs voudraient fair(' , el 1I0US lf:s I'CpOllSSOIlS.


" l\Jais, llaus l'atlente ,le ce qu'ih fel'out, vous de\(~'
respectel'le c1lOix Ju roi, c'est-a-dil"(~ ~Oll droit Je 1I0ll1mer,


" Ce Jroit, \)(,1IS le répétollS pon!' la millieme fui~, lIC
peut }las s'exereer d'llue maniere absolue. Dans tout acle
écrit, le seus d'lIue e1allse ue résultc jamais de cette c1am;c
isoléc, llIais de eetle e1ame cOlllbillée avee d'autres. 01",
du dl'oit de dlOisir les lIIillistres, apparlen~nt an .... i,
eombiué a\'Cc le dl"Oit de leu"\'"fuserles mnyel:s Il'exister,
apparteuallt allX Chambres, réslllte pour eelles-ei IIlle
partieipation incontestahle an c1lOix des millistres.


» :Mais, dira-t-on, dalls ton te adlllillistrHti,'u, les suh,d-
tC"ues doil'ellt eU'e du dwix !In e1ld.


" (lll a raison. En ad!lliuislratioll, cu G"f'ITe, il eJl d"it
ctre aiusi; lIIais le cas dout il s'H{Jit esl seul c:\cepté.


}) Le r(Ji /I'III!lIIi"is/rc /}{/S, l/e gtll/Ucl'lIe )las: il re'JIlC. lA"
lIIinistrcs administrenl el GOllvernl'lIt, et ue pell\ellt avoir
1111 selll .mbalterne (ollll'e lellr Gré; mais le rui pent avoir
UII ministre cOlltrc :;011 ¡;ré, paree (Ille, ellcorc IIne foi"
il 1I'.lllmiuistrc pas, il \le (louYerne pas : il r;'(llle.




.HPE:\DICE. 275


" Hé::Ill'1' e,1 t[11 c1qlle chose de fort del t;, de fOl't dif'-
¡¡rile a faire comp.'elldre a cerlains prillces, mais que les
rois anGlais elltewleut a meneille. Un rai aU(jlais est le
premier GentilholllnH' de son royallme; il est, an plus haul
poiut, tout ce fln'un AUGlais de hanle condilioll pent étre.
il cha~se, il :lime les rhevaux. il est cnrienx <in eontinelll
et \a le visiler, t[Il3nd il esl prinet' de Galles; il est ménH'
I'hilosophe, qnand e'e,t 1'lIsaue tlcs ¡;Talllh seignellrs; il il
I'or¡:neil anGlais, l'ambilian allGlaist~ au pllls !Jaut tle¡:ré;
ii son!taite II's lriolllplws dll pa\il!/ln; il est le Cfelll' le plus
joyeilx de l'Anulclerre, apr(;s Ahau]"il' eL Trafa:¡:ar; il es!,
ell UU IItot, la pllls hallle expr¡'ssiotl dll c<JI';¡elere anGlais;
il "51 trois c,'uls rois cc ((lI'C5llll1 lord de la (;l'audc-Brc-
lal;/I!', La IIalion all¡;bise rt'spccle, aiulc ell lui SOIl repn;-
,clltanL le plus \rai; clIe le dote, l'cnrichit et YCllt flu'il
\ il P dans Ull {;Iat conforme á son ran¡; et a la riehcsRe du
pay5, Ce roi a ,le, scntimcuts de r,elltilltomllle; il a scs
préférellcPs, ses alltipalhies. Tallllis qn'nn lord II'a que le
troi,,·cenlienlP du l'f'lo de la Cltalllhre hante, il" le ¡Iclo
de la rOy:llllt: lout Cllti"I', il dissollt IUH' chambre, il r,'-
fme llll !Ji 11 , f]lliln,lles dIOses lui sClIlble!lt aIle\' dallS 1111
seus trop contraire au sien, :\Iais il !le {l0uverne (las, il
].Iisse le pa~s se ¡~ouverller. Il sllit rarement ses GOúts da""
II~ dlOix de ses ministres; cal' il prend Fax, qn'illlc Gante
p;.IS, lIlai, il¡lI'clHl Pi ti, 'I11'i 1 ¡¡arde; il prend l\I. Canllill¡:,
([u'il ue rcnvoic pas, mais (¡lIi nll~urt all ponvoir, 1'111"
;JIICienllPlllcllt, le lIlollarqne an:;lais recoit des n:llOllSes
,ollllllP la sui\',,"tc : Cl'iltltalll le pl're, sorti du mi!Jist.'re,
était I'hOlll'IIe Id'cessail'l~, ;111 {ir!: des COlllllllllles. Le roí
Iili ell"oic :\1. le Se{TI:laire d'ÚaL rox, pou\' lui om'ir J..
Illinistere: " Allez dire a Sa i\Iajeslé, répOIld CJ,atllalll ,
,. '[ue, lorsf¡u'clle Ill'ell\('r;';, un messa¡:e\' plns tli¡:lIe
., tI'elle eL de Illoi , je \'épondrai á l'ltollnell\' de son mes-




276 APPENDICE.


" sage. " Le messaGer plus digne fut envoyé, el Chalhalll
devint le fomlateur d'ulle dynastie de ministres désarrréa-
bIes ;1 leurs roi, et maitres du pap, un dellli-siccle. Ré-
{lller n'est done ¡¡as rrouverner : e'est élre l'imarre la plus
vraie, la plus haute, la plus respectée du pays. Le roi,
e'eH le pays fail homme,


" La comparaison qn'on fait dn roi el d'HU chef d'admi-
nislration esl done fausse; el e'est :linsi que le roi penl
ayoir des aides (luí ne soient pas s¡ú,'allt ses Gouts.


" l\lais, dit-oll eneore, de la nominalion des ministres
I('s Chambrcs arriveronl a la nominatioll de lons les em-
ployés, et alol's I 'administralioll passe dans les mains d'nn
eorps eolleetif, ce '111 i e,t allomaliqlle, inadmissihle, etc.


" On a raison: un eorps colleelif IIe pent administrer
(!t ne le doil paso JI ne fatlt pas de délilrération dans
I'exéention; elle n'e~l bonne (¡ne d:ms la formation de la
volonlé, Il faul délibél'er pOllr vonloi,', ne jamais déli-
hérpl' ponr auir, Cela est llH\laplrysiquemellt Hai pom'
I'intlivitlll, el poliliclllernelll vrai pOlll'les Ú;¡ts.


» ~Iais nons ferons \lile seule ohsel'vatioll : 011 1I0llS
al'col'lle flu'en Analelerre lcs minislres sonl nomrnés pal"
les Chamlrres, ce qlli veut dire SOtlS lenr influenee. En
t'ésulte-t-il que l'administratioll soit llevenue uuarellique,
désorllonnée et conduite Mm viuuenr? Comment cela
s'est- il fail? Cela s'est fai! de la maniere la plus naturelle,
et cela se fera, il fant l'espérer, de la meme malliere ehez
nons,


» Le minislerc, une fois Ilommé par l'illfluence de la
Challlhre, a la pl'érouative royale, 'fui a él,; faite pOli!'
concenlre!' le pOllvoir d<lns les mains CXéculi"es; il fail
la paix, la guene; iI pen;oil, il paye, il ('omposc le pel"-
sotlne! de l'ac1111illislralioll, il rClHlla jmliee par Ic, jl1¡;es
de son choix, il {;ouverne, en un mOL; el, cOlllme il a l;t




APPENDICE. 2"
rouSance des ChamLres (car il n't'xislerait pas sallS cela),
illle fait que des choses qu'elles appronvent; mais il les
fait avec unité, landis qu'elles, dans leul' diversité et anr
leurs cenl yeux, l'ohservenl, le crÍli(!ueut el le jlJ¡¡elll.
Ainsi, le roi l'eGne, les ministres Gonvemenl, les cham-
bres JUGent. Di's que le mal {¡ouvemé commcuce, un le
roi ou les Chambres renvel'seut le minislre qlli GOll\crnt'
lila I , Pt les Chambres offl'elll Icm majol'ité comme liste
de candidals .


.. Voilil conunent les ministrf's peuvent ~tre au choh
des Chamhres, sans d¡:sordre, salls anal'cJ.ie dans I'adllli.
uistralioll. 11


Deuxicme article.


" Le roi regnc et ne gouverne pas, avons·nous dit il y a
peu de ten1ps: c'est la la seule question nonvel1e qu'on
llllisse reprocher 11 b press'e. CeHe qllestioll devielllll'J, un
jour, ce qu'c1le pourra : une qllestioll ,le personnes, si un
spteme insensé I'l'l1IpOl'tc; mais alljollrd'hui, elle Il'cr-t
qu'uue (lllestion de cboses.


» Le ¡¡OIlVernemenl des sociétés appartient il qni en esl
capable. Lorsque, Jans des pays peu avancés encore , les
rours sont seules éclairées, elles gouvernent seulrs; el
pel'sonne ne leur conteste ce droit, rondé sur la capacité.
'bis il en est alltremellt daus tons les pays OÚ les lIilliollS
sont assez alaucées pOllr se Ilollverner clles-mémes. Alors
elles le veulent, parce qu'elles le pellvcnt. En HlIssit:, par
"xemple, SOtlS Ulle auminislratiou civilisalrice, 011 laisse
¡;ouverner la cour, parce qu'elle en sait plns que le papo
]':n Prusse, on peul déjil se GOllveruer soi·lIl~rne, mais 011
s,~ confie cucare dans uu ¡¡-ouveruement donl ou conuaíl
I,·s iutentions parfailes el les lmuieres sllpériellres. Fu




278 APPENDI CE.


France, le pays en sait plus que la cour et veul se gOIl-
verner lui·méme. En AlIGleterre, e'est dpjil fail depuis
lonr,temps: la royauté S'eSI li\Tée au pays; el, loin de se
}lertlre, elle est tle\'etllle la pllls t1ancluille, la plus IlU1Iol'ée
de la tClTe,


») Tel est le faiL La FI':ilIce veut se r,0uverner elle-
méme, paree qu'elle le pent. Appellera-l-on cela un es-
prit républicaill? Tanl pis pOllr ccux qui aiment a se f..Jire
peur avcc dcs 1II0ts. Cet esprit, I'épuhlicain, ,i 1'011 H'lIt,
niste, se mauifesl<' parlonl, el deviclIl impossiblc a COIl!-
primer.


» 11 y a tlenx fOfmes de GUII\ crncllIent, alljonrd'llIIi
t'lllployées daos le monde pOli!' ;,ati~¡:aire cet esprit; la
forrue an¡;laise et la f()rtlJe all1éricaitlc. Par I'ulle, le pays
cltoisit ljueh¡ues rnalldalaircs, lesljuels, an 1IlOyen d'lIl1
Illécanisme fort simple, oL,li¡;ClIl le 1ll0nar<¡lle a choisir les
ministres (llúls préfi'l'I,nt, el oblir,em ceux-LÍ a gouverner
a leur aré, Par l'autre, le pays choisit ses malldalaires, ses
ministres etle chef de l'Etat lui-Illéllle, tOIlS les IIualre
:HIS.


1) \roil:\ les dellx IllOyells COllIll:S pour' alTi~('I' al! m{'me
¡Hit. Des esprils "ifs el G':llén'ux préféreraient le secoll¡!;
lllais la masse a une peur vague des anitaliolls tI'une l'l:pu-
hlique. Les esprits positifs, calclIlant la situalioll néogra-
Jlhiqlle el militairc de la Frailee, SOll caraelere, les trou-
l.1es allachés a l'élcction d'un présitlellt , les intriGues de
1'¡:ll'¡[Il¡;Cr le jOllr de epll(' (\Ieclion, la lIécessil(: ¡\'lIIlC por-
l¡OH de stabilité au mi!ieu de la /Ilohilitt- du rér,ime re-
1'1'{"sentalif, les esprits positifs rel'0llssent la forme I'i>Pll-
1,Iicaine, Ainsi, la }leul' \a¡;uc des lIns, la )'('>HI~"ioll des
al/tres comjlOselll lIll(' l'ra,:renc(' pOlll' la forme monar-
('hique,


») Un ¡lcHail étrc hellrenx, "e me sembll>. de ('('11,> di,.




APPF.NDrCF.. 2j!l


posl\lOn eles esprils, Mais eelle clispositioll, incertaine,
souvent comhatlue, a Iwsoin J'étre secondée, et il n'y a
(IU'UU moyell de la seeonJer: e'est de prouvel' que la
fo rlll e ulOllarchiqllC renferme uue liherté suftisante,
f¡n'elle réalise eufill le vU!u, le besoin du pays, de se
{louverner llli meme, Avec le mouvement des espl'its, si
on n,~ produit pas eelte eonviction, on pOllssera les ima-
;;inatiolls bien <tu tlela tle la Manche, on les poussera all
d"I!! meme tle l'.\tlanti(lue,


" Si la Charte, par exemple, ne eonteuait pas eette
forme de {)ol1vel'llement f} ui permet au pays Je se G(III-
vcruer 111i-llll~me , oh! sans cJollte, il faudl'ait y renoueer
el se tair/', Ol! d(:clarr'r po,;tin'mellt f}ue la loi fonJamen-
t;tle esl mallvaise, s'dever aussi hieu contrc elle que
contrI' cenx (lui l'exécutent. Mais le r,ouvernemrnt du pap
par le pays est dans la Charte , dans ceUe Ch:.ne rédiÜéc
avec des imelltions ~i úroites; el ce u'est pas merveille
(¡u'il y soit : il est llans tonte constitutioll (¡ui institue une
Challllwe élective el lui dOlllle 1" vote de l'impút, OH pent
IOII.iours I"'H fain' sorlir, avec un )1/'11 ¡l'intdliGeuce el
de conra{l'e.


" Sur trois yoix, le pays n'en a flll'llIle; mais, ayec
l'nsane habite de eelte yoix, il empu('he; il elllpeclll~, jlIS-
fJII'a ce f}n'on le laisse ¡aire; et alo)'s il Gouverne, nOIl
pas de seS mains, ce ((ni serait une confusion, mais par
ceIles des ministres de ,on rhoix,


» 1'Ollt eela, 1l01lS sonlllWs assez henreux pour pouyoil'
le faire sorlir de la Charte; et c'('st la eelte (Iuestion de
dIOses qui a ,:Ié réeellllllcnt et J.ardilllent po.ée, Qui
I'omprencl nos Opilliolls SltI' IIl1e lelle fJucstion comprelld
'In'il 1'11 résnlle IIlle parfaite illdiffél'elwe pOUI' les per-
:;OI1I1CS, Ce syslcllIe n'a nlt~llle élé inventé que pOUlo
(1"'1'11('8 fmsent indiffér/'Iltl'';, pOllr (111'1111 mal\vai~ prince




280 APPENDICE.


púl slIccéde\' a un bon, sans (Ianuel' pOli\' I'Étal. Ce sys-
teme n'est que I'hérédité el l'éleCliou se corriaeant mu-
luellement. L'hérédilé fait succé(ler le méchant au hOll,
l'éleclion aGite le pays. Grace a ce systeme combiné, on
corrilfe un incoménient par 1';iUtre. Un ll\'ince quelcon.
filie sllcce¡\e a un jlrilll~e f[nelcon(ple; mais i\ ue ijou-
"erne pas; on lui impo,e cpux ¡¡ni ¡;ol1"ernent ponr lni.
On a ainsi l'immlluble pOli\' (\yiter le Irollble, el le va-
riahle ponr atteindre le mérill'.


" Dile telle comLinaisoll eSI, pou\' les pel sonnes, l'in-
différellee systématisée. La France d'ailleurs doit étre
hien d{>sellchanlée des pcrsolllles: elle a aimé le géuie. el
elle a vu ce qlle lni a cuCtté cel amom'! De~ "ertus ~im­
pies, mO(leSleS I solides, fIll'lIlle hO!lne éducalill!l pelll
loujollrs assure\' chez l'hériti('r dll (rúue, qU'Ull ponvoir
limité ne sallrait aater, yoilil ce qll'il faut a la Francl',
voilit ce qll'el\e souhaite, el cela, e!lcore ponr \a diGuiu\
.Jn trúlle heaucoup plus qU(~ pOllr elle: cal' le pays, avce
51'S instillltiolls, Lien comprises et hi('n pratiC¡llées I n'a
ríell a erailldre de qui que ce ,oír.


JI La (!ueslioll est done lIUic¡uelllellt daus les clloses.
Elle pOllrrait élre, un jOllr, d~lIS les personues, mais par
la faute de ces deruil\l'es. Le sysleme est indifférent }>OUI'
les personnes; maí.', si elles n'étdient pas illdifférenles
ponr le systl\me, si elles le ha'issaient, \'attaqnaienl,
alors la qllestioll (IPyiendl'ait qJlcslioll de ('hoses el. de
})Pl'sollnes ;1 la fois. Mais ce seraiellt les persounes q:¡i
1'aul'aiellt \llls,:e elles-mrrn('s. "




APPENIHCl<:. :l81


------- ------


APPENDICE B.


Les seizc anuées 'lui ~e ¡¡onl t:colllées Jepui~ lR30 1)('11-
vpnt, :1 vrai dire, se parla!}"r eu lrois p,)riode$.


Pendanl la pl'emicre (de 1830 a 1836), la prél'oflative
royale et la préroGalive parlemelllaire avaieut un cu-
nemi commllu a combatlre, uu dauller commull a évilel',
uue reuvre eomlllunf' a faire. Au líel! de se quereller
entre elles, iI leur imporlaít de s'lInir el de s'appuye¡'
l'une sur I'aulre. e'eSI ce qui ent lien, en effet, daus
daus loules les circonstauces Graves. Loill que les droits
el le pOllvoir de la Chambre fussent alor8 contestés, on
le~ proclamait bien hallt, on les hénissait, ou s'en faisail
nn rempart. Nbnmoills, des celte époque, il existajl entre
les deux préroüalives nne lultc sOllrde el qui , de lelllps a
'1 11 lre, se faisail jOllr. De la la faveur plllsqlle médioere dont
jouissait Casimir Péricl' et les difncnltés '1u'jl rcncon-
lrail aillelll's qu'il la Chambre. De la, apres sa morl, la
tentative de eonslituer un cabinet puremenl ro)'al, en
dehors de toutes les notabilités parlementail'es. De la,
eelle elltl'epríse ayant écllOLLé , taut tl'efforts pour sépal'er
les lrois hum mes don! )'clltcnte assllrait l'indépendaLlee
(In cabinct ; :\1. de BroGlie, :\1. Thiel's , :\1. Guizot. De la
le lIlinislerc des tmis jours, si{\ualé par M. Fonfl'cde
lui-méme commc un mjllistere de camarilla et qui , 011 le
disait oLlverlement, devait affranchir la couronne d'lIl1
joufl illlolérable. De la entiu, au commelleemcllt de 183,-1,
la lameuse brochul'c éCl'ite par M. Rredcrer, et dalls la-
IJllelJe il était tout i!o!ll'ement éwhli qu'i1 ya, d'aprcs la




APPENDICE.


Charle} des minislre" point de minisli..-e, el (lu'au roi
~enl pent el doit apparlellir la présidellce de SOl! cOlISeil.
:\Iais la GraYÍlé des évéllelllellls et l'unioll du parti parle-
Illeulaire élouffaient daus leur {]crme, sans pOMrlalll les
((¡:truire enlieremellt, lULllcs ces velJéilés ultra-monar-
chiques, el, peu de jUllrs apd.!s la Lrochure Hccdcrcl',
:\1, de Bro¡:lie, dcveuu president du cOllseil, prononc-ail,
cn pIcio P;lIicmenl, les paroles que voici :


{( J'ai rel,'u dll roi, j'ai refu dc la confiance el de I'alllili,:
» de mes collef~lIes I'honorable Illission d'irnl'rilller an ca-
" binet, dutanl qll'il dépend de Illoi , cel enselllble, celtp
» unilé de vues, de prillcipes el de condllile, cclle ré{Jula-
» rité dans 1'01'IIre des lravallx, dans la (Iistribulion des
" affaires, sans laqllelle la \Taie responsaLilité minisli--
» tériclle, la respollsahi!ité colleclivc, nI' devient qU'lIlJ
» "ain mot, et qui fail la furce el la di¡;nilé df's r,0uve¡',
» nements. »


C'était une réponse direcle aux doctrines donl M. Rrc-
derer avait bicn vouln se faire I'éditcul', el qui avaienl,
depnis qllelqlle temps, si r,ran,l crédit :1 la cour.


La seconde périodc elllhrasse cinq années, du COI11-
mencemenl de 1836 á la fin de 181,0. L'émeule alors es!
vaincue, les associations sont supprimées, la cause ,11'
I'ordre a triomphé. A datrr de ce moment, la IUlle s'en-
¡;a¡¡e visiblemenl, ostensiblement entre les deux l)J'éror,a-
lives, el lcs tristes divisiollS, (lepuís si lonctcmps fomen-
lées, éclatent ayec force au sein dll parti parlemelllaire,
rpl'elles affaihlissent el (j'I'elles paralyscnt. On a com-
Illcncé pal' s(:parer 1\1. Thif'rs tle 1\1, GlIizOI; on sépare
1\1. Guizot dc 1\1. de Broclie, cl, hallottés an cré d!l venl qlli
~onfflc a la conr, Ics ministercs tombellt les !lOS sur les
:mtres, jlls'[ll'all jOllr 011, sllr I(·s ruines du parti parle-
menlaire, S'(:J('ye le ministere du 15 avril, Mai, bient¡'¡t le




A. PPE ND IG E. 28!l


parli parlerncnlairc s'aper~oit que ses uiscol'ues inleSlines
I'ont percln et que les {Jrands príncipes dont il esl le re-
préselllanllui COUllllandent d'y meltre un tel'me. Le parlí
parlellleulaire, dans loules ses nuances, ollblie done de
,ieilles querelles el forme la coalilion. Alors on pent voil'
Je rhemin qn'on a fait t1epuis deux ans el lout le terrain
(/lIe la préror,alive royale a con(lllis SUl' la prérouativt'
parlementaire. Ce ne sont plus les insiuualiolls polies, mo-
dérées, uoucereuses de l\f. Hrederer.


Cest ~I. Fonfrede, vrai tribun royal, niant avee em-
portement les droits de la Chambre, donnant raison ;1
CItarles X conlri' les 221, déclarallt <Jll'all roi seul appar·
lieut le droit de Gouverner, le droit de ehoisir les minis-
tres, et que la Chamhre, c¡ lland elle en veut 53 part, esl
llsurpatrice el factieuse.


Ce sont les }lnblicistes habituels clu minislere el de la
conr entassant brochllre sur brochure pour pl"Ouver que
le roi doit rér,ner el Gouverner, que la préro{Jalive royale
est supérieure a tflntes les autres, que les ministres sonl
pllrt'llICnt el simplernent les :tgents de la COlll'OtlJlP et \ps
exécllteurs (le sa VO)ol1l(:.


Ce sont les journaux minisléricls ellx·mémes dénon\~alll
la tlléorie qn i donne le dernier mot it la Chambre éleclive
cOll1me une th(:orie conpahle, et élah\issant celle singn-
liere doctrine fple, d'apn'.s la Charte de 1830, la majorit(:
lér,alt', la majorilé cOllslilutionnelle, en Franee, est eelle
dI' dellx pOllvoirs conlre un, 1'1, par eonséqllent, que le
roi el la Cllambl'e des pail's .. éllnis doivent tonjollrs I'em-
pOl'ter sllr la Chamhre élective '.


C'f'Sl entin, dans la Ch:tmhre elle-meme, une exaltalion
royaliste qlli se manifeste par des c1alllenrs plus ellcort'


, I'I·P.~.<P, Irl juillel 183R.




284 APPENDIC¡.;,


que par des discour" et coutre laquelle 1\1. Guizot est
obliaé de luHer avec une admirable énergic, avec une
éuergic qui, plus que M. Thiers, plus quc M. Barrot Illi-
meme. le rend odieux au parti de la cour,


Cependallt, victorieuse dans les colléGes électoraul,
la préroaative parlell1cnlaire sc laisse vaincre dans les
eouloirs de la Chambre, et la préronative royale, un mo-
mcu! étourdie, un moment dt:concertée, oc tarde pas i.t
reprendrc son ascenLlant, La préro{F'tive parlementairc
luue pourlant eucore SOUi le ministere du 12 mai el
regague, pour quelques mois, le poul'oir, SOtlS le minis.
tere du 1 lE mars, C'est la fin de la seconde période.


La troisieme commcncc al! 29 octobrc 1840 ct dlll'e en-
care, C'est celle UU lriomphe complet, ahsolu, incontesté
de la préroaative l'Oyale, QuaIltI fiuira-t-elle? 11 est diffi-
cile de le dire. D'une part, cu efret, la prél'OGalivc rople
a Sil prendre a son service fluelques déserteurs élllillelllS
de la causc parlemcnlaire. De l'aulrc, elle a obtcnu tlu
pays une Chambre <¡ni ne met a sou uévoncmcut /Ji COII-
ditious lIi limites, une Chambre flui I'arait l'erloulel' S3
pl'Opre pl'é/'O¡;ative autallt qu'elIc aime la prél'oGalive ri-
vale. Dalls I'élal actuel des esprits et des CtellrS, cela pent
menel' loín. II Ill'est pourtaut impossilJle de croil'e qU'lIn
jour ou l'alllre, le pap ue se réveillc pas, et quc les idús
de 1789 el de 1830 soienl pOUI' toujours ollhliées. Ilm'esl
impossible dc croin que la préro[¡ativc parlt:lllentaire aít
abdiqué délinitíHmelll. Eu supposalll (IUC le Parlemelll
soit mort, le pays /lC l'e81 ras, el les évúlCmenu, si je ue
me trompe, se char¡;eront bientÍlI de le tirer de sa tor-
penr, Dieu vcuille alor, qll'on lIe passe }las tI'lIl1 cxtrellH'
11 l'¡¡utre !




,-\P}' J<:N OleE.


APPENDICE C.


J'cntenus loujollrs dirc ayec étouncment qu'en A1I61e-
terre la royaulé est plus respeelée qn'en :France, et
fln'auenn parli ne se permet jamaís, quoi qn'elle pllisse
faire, de la prendre persol1nelJement d partie. La vérité,
e'est qu'il n'es! jall1ais arrivé a la royauté auglaise de dé-
ViCI', mem(' léGerclllent, de la liGllc conslillltionnellc,
salls qu'ull oraGc violellt éclalát anssitot dans la presse
eOlllme dan s le Parlelllent. Un coup J.'reil sur les huit
rcalles qui se sont slIccéJ.é dcpuis J ü88 en fournira la
preuve évidente,


GlliJlaume In était un GranJ. homme, etlJni n'avait poillt
auendn, pOllr se faire 'e défenseur du parti parlemen-
!aire, que la I'évolutioll fut achevée. e'est de sa pe¡'sonne,
it la téte d'lIne armée, qn 'il s'était jeté dans la Intle el
qn'il en avait décidé le résultat. Qllaml Guillaume von-
lait a"oir 53 bOlloe part dans le ¡;ouverncment, il selll-
hlait done qu'il revendiqullt un droit incontestable, le
droit de la eonquéte. Qu'arriva-t-il pourtanl? La révoln-
tioH avait été faite par l'ullioll de deux partis : le parti
whia, parti parlcmentaire, au nom de la liherté mella-
eée; le parti tory, parti royal, au 110m de I'Église mé-
('onlente. De res dellx partis , le premier plaisait a Gllil-
laume par son dévOllemellt it la dYllastie nonvelle; le
secolltl, par ses príncipes el par ses telldances. Mais, 6-
fleJe a la vieille maxime de diviser pour réGller, il chercha
il les tenir en éehee l'un par l'aulre et a fonder ~ur lellrs




286 Al' l'EN nIl: ¡.;.


qucrelles sa puissallce llP!"sollllelle. La cOllsi'!Jucnce, e'esl
que, pcndant presll"c tont le (ou!"s de MlIl n"¡;ue, (~(lil­
laullle sc vil successivculcllt, ([Ilelllucfois lI}(~m(' sillllll-
tanémellt, CH bulle allX altal(lles, aux olltra¡;I'S des dellx
partis. Je nI' parle pas des jacohites, C¡lli lui illl[lllt'lieut
jonnlellelllelll tons les crimes el lontes les infamics . .le
parle des "hins et des tnrics rallil;', c¡ne I'oll ,it SOUVCHt,
dalls leurs discoul's COlllllle dans 1l'IIrs pampltlets, nllir
('ontre Illí Il'lu'8 r,riefs et lenrs I'laillt(,s. UIl Ini reprocl¡,¡it
sa hauleur, S3 froidelu', ses hahitudes lIlililaires, sou
penclwllt pour les Hollandais. On I',ll:cllsait de corroml'n:
le [ladelllent, afin de rúalJlir a son pl"Olit le IlespotislIle
r¡n'il avait rell\crsé, et OH rc¡;rellail de n'avoir pas, a son
avéllelllent, pris contre lui des préealltiolls snflisantes,
Dans uu palllphlet célebre, et <{lli se lrOllve panlli les
soml'l"s-Iracl." 011 alla méme jus({u'il prételldre (IU'il
llIauquait de cou~ane sur le champ de bataille : calollluie
absunle, lI1ais llui prouve jU~qll'Ot't allaient cont('(~ Gllil-
lauIlle la vindellce des pal'tis el les alt;HIlles persoll-
llelles.


Apres (~llillallIllC '¡lit la reillt' .\llne, ({ni lit, par fai-
blesse et pal' capricc, ce !Jlte Guillall\l1e a\ail hit 1I,lr
calcul et par politique. Son sexe obtillt-il Gráce pour elle,
el cut-elle le privilé¡;e (l'étl'e llIiellX respeclée? Loiu de
lil, Pendant les prellliercs aUllécs de SOH ri~G1H', les ",!Ji;;s,
qui teuaient le pouvoir, el Irs tories, l{ni cS[lI:raieut le
pl'clIllre, avaient \lU t\;al intérét a llIélla¡;Cr la reilll' el
s'entellclaiellt assez biclI pour la Hatler; Illais, (11l311d
lllatlallle l\Iaslralll l'eut d(:{illitivclllelll I'll'l)()rté sur la dll'
chess/' de ::\Iadborou¡;h, d lIade), sur Godolpllill, ce fut,
de la P;ji't dll parti vaiuell, UH dt:c!Iaillclllellt allSsi viulent
({lle prulouné conlre ces llIisérables intrinncs de bondoir
et d'alltichamhre. Tontes les fdiblesses, tnutcs les ¡ll'ti-




,\ P P E N n 1 e E. :287


lesses dc la I'l'ille fUl'cul alon; cxpo,;ecs IHI1JlittllCllICIJI, el
ses aFfcCliol1s, Sf'S r,OÍllS, ses pcuchallts dcvinrcl/l I'objel
ti'uuc ardentc jloléllliquc. Dans 1']\xamiHer, jOllrllal des
luries, Swih s'eu plaifluait alllerclllcnl, cl cherehail salls
sl/cees i1 obleuir quc lcs whiGs respectasscul la rcine, au
Illoius dans ses bahitulles pcrsoul1cllcs. A cela leswhiG~ ré-
Jlondaient (I'\'il fallail biell allribller Ics ,:vénel1/cnIS jlO-
litiques;1 leul' véritablc cause, cl quc, si eelte causc úail
r1aus I'antidlambrc 011 c1allS Ic hondoir de la reiuc, il
':Iait impossible de ne point aller l'y saisir.


La IlIorl pUL sellle lJ]etlre un tcnne 11 ectlc polémiljllC ,
('[ Geor¡¡c I'r, flni, plus c/leorc que la rcine AUllc, tellait
ses droils r1u pays el dn Parlemeul, s'empressa, al1SSilot
al'res son avéllclllcnl, dc congédier les tarics et dc I'enrlrc
al/x whiGs lc IHHlvoir. l'erSOI1I1C, d'ailleul's , n'iG"ore que!
fut, SOtlS Geurr;e (tr eomme gons Geor¡}e 11, le telTaill
hahituel des diverses OPPOSiliollS. GCOl'ge }" el GeorGe Il
úaicl/t asscz disposés a ¡;onverner eonslitlllionnel1elllenl.
Par lIlalhcur, ib avaient ponr IClIrs Élats dll conlinentllll
¡¡el1chanl i/lvill('ihlc, qui I;¡isait lc déscspoir dc lellrs mi-
lIistres, mais alHjuel eCllx-ei nc pOllvaicllt Gllác, s;tns ,e
hriser, opposer une résistance enicaec. e' est el' l'enehall t
lOllt persolllld que I'oppo~ilion exploitait sans eesse, it
lont propos, el qni raisail sa puissancc dans le pays. t:llc
cxploitait allssi cc qu'il y avail d'étroit cl de meslfuin dallS
!ellrs idées, dalls leurs sentiments, nolamment ICIl\' ava-
riec. El cc u'élait pas selllement dalls des pamphlets, ("é-
lait CII pleill l'arlemcllt que loul ccla se disait. ,"oiei, par
excmple, qnelflllcS passaóes d'lIl1 diseours qlle \\'illiam
\\'yndham prolloll~:a, cn 1734, dans ulle disellssioÍl SIIr
la septellllalité, \\' alpolc étant premier ministrc :


11 SUppOSOllS, !lil-il, fIlt'tlll eapriec de la fortune ait
" élc\'é a l;t silnatioll de premier lllinistre UlI homllle mé-




288 A PPEN l)lCE.
" diocrelllcul riche el dc )~asse oriGine, élrall¡;ec á tomes
" les notions d'honneur el de vertu, n'ayalll d'autrc bul
" que son proprc arrralltlissement; SUppOSOIlS qlle cel
" homme ll'entenue rip.n aux inlérets t1u pays el qu'il em-
" ploie, dans tontes les transactions avee l'étran¡;er, des
H hommes encore plus iGnorants que Ini; SlIppOSOIlS
• l'honnenr de la nalion temi, SOIl importance politi(plC
B perdue, SOll commerce insulté, ses marchands piIJés ,
" ses marins périssan t an foml des donjon~, et tonl cela
" paBié ou néGliGé, de penr de metlre l'administration ell
H dallaer. Pnis, SUppOSOIlS que ce millistre soil posscsseur
» ,l'llne fortune illlmellse, la dépollille d'ulIe natioll ap-
1( pauvrie, et que cclle fortune, il l'emploie iI achete!'
H dans le Sénat national des places pout' ses confidents cl
It pour Se6 favoris. Sl1ppOSOllS, dans un tel Parlrmen.,
" lons les efforts ponr examiner sa condnite conslamlllellt
" dominés, annulés par tlne rnajorité corrompue, par
" nne majorité qu'on récompense de Ma trahison euvers
" le pays au moyen Jes places el des pensions (111'011 lui
" Jislrihue avec une hontcllse profnsion. SUppOWIIS fIlle
" le ministre dont il s'auit se place illsolemmeut ¡¡ll&dessus
" de lous les hommes qui se dislinGuent par le hon l!em,
» par la forttme, par la nais~ance j el que, lI'ayallt poiot
" lui-meme de principes hOl1lH~le8, il les toume en ridi-
" cule chez les autres et eherche partont 11 les délrnirl';
" a les sOlliller. Ayec un lelminislre et 1111 td Pilrlemenl,
» placez maintenant sur le Ir{me un prillce salle instnlc'"
" liou, atlssi iGllorant dcs inlérels de Sf~S pCllples que de
» lcurs penchants, faible, cill'ricicllx, et Gouverné pat dell'
" seulcs passions : 1\lIllhilion et l'aval'iee; lIe pensel-v(")tlS
" }las que le plus GTand Hi-an qni pllisse désoll"r UII pa~" ,
" c'est un tel prince conscillt: par UII tel ministre, el ('C
" ministre SOlltenu par un tel parlcment? io L'hi~loire dit




APPENDI CE. 289


que cette sanglante apostrophe de Wyndham fut accueilJie
par de vifs applaudissements.


Vers la fin de sa vie, Georg"e 11, qui s'était successive-
ment accommodé de \Valpole, de Carteret et de Pelham,
s'avisa de rer,arder comrne son ennerni personnelle grand
ministre qui devait illuslrer les dernieres années de son
regne. Apres avoi1' subi William Pin pendant quelques
mois, ille eongédia done, sans eérémonie, ponr rep1'end1'e
1(' vieil équipar,e qu'il espérait condnire 11 son gré. Mais
l'opinion publique, dont Pilt était le favori, le soulint si
énerrriqllement conl1'(, le roi, que personne n'osa le rem-
placer, et qll'il rf'vint triompl¡;¡lement au pOllvoir. Comme,
dans celle erise , l'aetion personnelle du roi avait été vi-
sihle, e'est, en dépit de la ¡ielion constitulionnelle, au
roi lui-méme qu'o.n s'en était pris.


En 1760, Geor r,e III slleeéda a George 11. Pour celui-
ei, né en Angleter1'e, et, a ce titre, trcs-populaire, au
jour de son avénement, c'était le gouvernemunt person-
nel incarné. All moment Ol! il hérita de la eouronne,
l'Annleterre voyait avec orrrueil, avec joie 11 la téte de ses
affaires un des plus rrrands miuistres ql1i alent existt~.
Monté au pouvoir malr,ré la COllfonne, eu 1 i 56, quand
I'inquiétudc et le d,!sordre élaient parlout , quand le dra-
pe"lll brilannique reculait snr tons les points dll globe,
\\'illiam Pitt avait su, en qnatre annécs, rétablir l'ordre
et la conliallce, enlever a la France le Canada, la Guadc-
¡(Jupe, les Indes, remporler de Grandes batailJes navales,
vellGer ellfin sur le COlllillent la défaite <lu dllc de Cum-
berland, el opposer avec succes l'alliance de la Prusse et
de la Grandc-BretaGne a celle de I'Ault'iche et de la
Franl'e. Mais \Villiam Pitt, comme il le dit lui-méme
[lllls tarl!, n'était poinl hOll1me a se coulente!' de l'appa-
rellce du pouvoit' I't J dder, soit an roi llli-méme, soit


19




290 APPENDICK


U son favor;, lord Bn le, le Gouvernement de l' Anllleterre.
JI tomba done, et, livrt:e pendant vinGt ans au GOllyer-
nement personnel, )' Anllleterre assist8 tristement au dé-
dio de sa grandellr et de sa liberté. Pendant eeUe déplo-
rabie périoJe, imaGine-l-on qu'elle ne ~(It pas a (Iui s'en
prendre, ou <¡u'elle n'osat }las le dire? J'ai eiló plnsieurs
Jiseonrs parlementaires tres-séveres, tres-conclllants, el
qni prollvent le eonlraire, Mais , dans le Parlement, cer-
taines conyenances pesaient nécessairement SU1' les ora-
tenrs et les empcc)¡aient d'ex)¡aler tout ce qu'ils avaient
dallS le creur. C'est it la presse (lu'JI faut Jemander I'ex-
pression eompl¡'le Je I'opinion pldlliqlle, ;, celle époqlle.
POlll' en donner IIl1e idée, j'emprllnlí'rai qllelqllí's pas-
sa{les, non pas au vrai J3retoll de lf/ilkes, pampl,let lll'Os-
sier el hhimé de tOllS, mais aux leures de Junius, qui ,
chacun le sait, jouil'ent, a ceUe ép0'lue t u'une popula-
rité san S exemple, et qui sont reslées HU nombre des lí-
vres classiques. Yoici d'abord comment se termine la fa-
meuse IcUre an roi, cette )eltl'/~ qui fut IraduÍte devant
le jury et acquftlée {la!' acclillllation :


f( Le peuple anclais est fidele a la maison ue Hanovre,
l) non par ulle vaine préférenee pour une famille MlI'
~ l'aull'e, mais par la conviction qne l'élablissement de
" eetle maisoll est néccssaire pour le mainlien de ses li-
" Lerlés civiles et l'cli¡;it'nses, e'est };" sire, un prineipe
M de fi(léli:é aussi solirle qnc rationllPl, un pl'incipe de
" fidélité di(!ne que le pellpk <lllnlai~ l'adopte el que \'olre
" :\lajesté I'e/lcollrane, l'\o1l3 11(' I'0ll\ons pas ('tre trompés
" )ollr,temps par d(~s dislillctio/ls Hominales, Le \]0111 des
" Stllarls est lllépl'isablc CII lui-flIcllle. Les principes de~
• Stllarls, armés de l'alltorité slIl'l'emc, sout redontahles.
" Le prince qlli iruite len!" conduite doit l~lre a\'l'rli par
" leur f'Xemplf'; il doil, lalllli~ flu'jl se vante dI' )'1'\('1'1-




.IlPPENDICE. 291


• lenee de son litre a la couronne , ne pas onhlier que, si
• ce lilre a été acquis par une révollllion, il peUl élre
• perdu par une uulre. JI


On croil peul-élrc qu'apres son proces, Junius, averli,
devilll plus prudellt, plus respeclneux pOllr la eonronne.
QU'OIl en juge pal' les tIeux passa¡;cs qui suivent, et lJue
j'extrais dc dellX lettl'es au (Iuc de Grafton, l'une tIe juin,
<>1 l'autre tIc scplembrc 1771.


• ~fILORD,
• Le profoutl respecl que .ie porle an r,racicnx princ!'


lO c¡ui 1l0uvcrrH' re pilyS avec antarH d'llOuneul' ponr lui-
" m(~rnc fl"C de salisfaclio[) pOllr ses SlIjels, et qlli vienl
" tle VOIIS rappeler an pouvoir SOtlS son drapean, "OI1S
)j évilera de TIla part une mllltilllde de rf'proches. L'al-
" (eulion que j'aurais flortée sur vos faules est invo\ou-
• (airemenl attil'ée sur la llI'1in c¡ui les récompense; el,
lO hien que ma parlialilé ponr le junemellt royal n'aiJIe
lO ras jnsqu'il dire ({tIe la favell!' tI'un mi pelll faire dispa.
• raílre des mOlltar,lIes d'illfamie, elle ser! au 1Il0ius it
lO dilllinller le farde:,u en le divisilll! Ql1an(] je me r:1p-
" pelle tout ce qui es! drí a S()/l caractere sacré, je ne llUis
" plus, sans iujllstice el sans incollvcnance , voir en VOtlS
" le derllier et le plus has coquin du royaume. Je pm-
• teste, milord, qne .ic u'ai pas de vous ceUe opinioll.
• Dans l'espece de répntation vrrs Iaqnelle vous avez jus-
I) qu'ici si heul'ellseUJeflt dirir,ó "olre ¡¡mbition, vous au-
" rez un rival danr,erellx , aussi lonfltemps qn'il exislera
" un homme qni VOIIS croira di¡;ne tIc sa cOflfiallce cl
.. propre it leuir ulle place ql1elconqlle dans son r,0IlYer-
11 nement. J'avoue qlle vous avez un flTalld /IIérite iutrin-
1) seque, mais prenez Barde de l'évaluer Irop hau!. Cou.


11 sid{;rez qnelle part de ce méritc eíll été !,erdlle pour le




APPENDICE.


» monde, si le roi n'y eút ¡¡raciensement aprosé son ca·
» chet, el s'il nf> l'eÚl mis en circulation parrni ses sujet"
" S'il est vraj clu'ull homme vertlleux, luttant contre
" l'adversité, soit un spectacle diune des diellX, cerres la
» cloriellse rivabté elltre vous el le meillenr des priuces
" mérirc un auditoire ;nls,i attcnlil' el aussi respeclable.
" 11 me semble déja "oir sortir ,le la lelTe des diellX d'Ulle
'/ alltre espece pOl!l'le cOlltempler ....


" Il Y a certes (!uel(Ille c1lOse de sill¡;ulih'enH>nt birn-
" veillant dans le caracli~rc de notre sOll\'el'ain, Dn Il10-
" ment qll 'ji est IlI011U; Slll' le t("()ue, il n'y a poiut d(~
" crime qui ll'ait pal'll vl-lliel a ses yeux. Al!\ yeux d'uu
» autre prillce , le hOlltcux ahalltloll 01'1 \OllS I'a\'c-z laissé,
" au milieu des diftiCllltl-S que VOl!S ¡¡,iez cré(\es YOllS-
" 11l<~me, elÍt eHacé lesoll"euir ele 'os scrvices antérieurs.
" :\Iais Sa ~Iajesté est pleinc de justice et comprend la
» doctrine des compensations. Elle se rappelle avec Gra-
" titude combien vite vous avez su accommoder yolre
" Illorale allX n(;cessités de SOIl service ; combieu joyeuse-
" ment vons avez, pour lui plaire, rOl1lpu les eu¡;ace-
» ments de l'amilié privée et abjuré les déclarations Pll-
" bliques les plus soleuuelles. Le sacrifice de lord Chatham
)/ n'a point élé perdu dupres d'elle. Meme la lacheté et
• la perfidie de votre dernjere déserlion ue vous ont fail
" aUClln túrl dans son estime. L' (;vénell1cnt était dOlllou-
» reux, mais le prillcipe élait hOIl.


" D'autres princes, avanl Sa :\Iajesté, olll eu enlre les
" mains le moyen de corrompre; lllais ¡ls en ont usé aH'('
" modération. Autrefois la corrll¡>tioll (:tait considérée par
» le GOllVel'llemcnt COlllllle un auxiliaire étrauuer, el qll'OIl
» t!evait appeler seulemenl daus les <'ÍrcolistanCes ex-
" traordinaires. La pi,;t<: silleere el la saiutcI,; eO/lIme de
" Gl'nq;e IJI llli 0111 ,lppris iJ dOlllH'r aux forces ('ivill"




A l' P E l\ DIe E .


.. (le J'Élat une or¡;anisalion toule lIollvelle. La corrup-
" tiou brille a l'avaut-p,al'lle, rasselllble el mailllient uue
" arrnée permanenle de mCl'cenaires, <:t, au mblle mo-
" IlICllt, appauvrit el asservit le pays. Les prédécesseurs
., de Sa l\'Iajesté (cxcrpté celte digue famille dont vous
" deseelHlez certainement) avaicnt ()lIelqlles qualités gé-
., nél'cuscs, mclérs, j' cn conviens, a des yiees nombreux.
" C'étilient des rois ou des {leulilshomrnes, point des hy-
" pocrites on des ca¡¡ots. Ils étaient a la tete de l'Ér:1ise,
" mai, ils ne counaissaient pas tonte la "aleur de lenr si-
., tualioll. lis disaient lenrs pri(\res sans cérémonies et
" avaient trop pen l'esprit préll'e pou\' accommoder Ics
" formes saintes de la rcli¡¡ion a la ruine complete de la
" mOI',dité publique. Milord, ce sonl la des fails, point
" de déclalllations. Ave!' toule votre partialité pour la
" maisoll de Stllart, vous dcvcz avoner (¡ue mcme Charles Il
" eút rou¡;i de ces cneOUra¡;f:lllents Olnerts, de ces ca-
" ress!'s tendr!'s el lascives lIui, a Sa¡UI-Jall1e~, accueillelll
• toute espeee (le vc!' priyé et de prw;titution pnbliqll('.
l' La lIlalllellreuse Il1aiSOll dI' Stllart a ('té traitée ave e Hue
" duret,; (¡tli, si I'on peut voir IIlle défen:;e dalls la COIII-
" paraison, semhle IOllcher;'t I'illjustice. l\i Charles lli
" son frere n'étaient artes a soutenir le systeme de HIe-
l' sures uécessaires ponr ehanr,er le ¡¡OllVerncmem el pOllr
" rel1verser la COllstitlltiou. L'un était trop yraimellt dé-
" \ou': a sps p¡aisirs, I'autrl' iJ S,I reli¡;ion. Mais le daue''!'
" t!pvait se mallif(~stcr dail'elllent, 1(· jour oit llloutPrait
" sur le lróue un lJl'inee dOlll la siJllplicitr; ;¡ppal'ente
" pourrait mettre ses ~lIjets llOr:; de leuf carde; un IJI'iuce
') qui up serail pas liberlill daus sa couduite, lllais (lui
" Il'aul'ail pOllr se retellir ,!Uellll seulimenl d'honllenr; 1111
" prince l¡ui, tout jllste avec assez de reli¡;ion ponr impu-
" ser a la lllultitllde, n'anraít alll'UU sernpule de COI1-




294 APPENDIt:K


" sciellce pour acil' sur S'l moralité. Avec ces honorahles
" (IlIa!ités eL l' avantaGe décisif de la situation, une fonr-
" herie hasse et l'art de mentir sont les seuls talents
" dout on ait besoin pOllr détrnire la sar;esse des siccles
» eL pour désbonorer le plus be) édifice tIue la politiqlle
" hnmaine ait élevé .• Te connais IIn tel homme, Milord t
" je vous connais tous les (leux, el, ave e I'aide de Diell
" (car llloi aussi je sllis reliaienx), le penple anclais \,ons
.. eotmaltra bientót eOllltlle je VOll~ cOllllais .•


Ellfin, en réllnissaut ses 1('lIres pour en faire un volutlle,
.Tullins Cnlt tle\'oir exposer sa théoi'Íe Slil' la maxime: «le
roi He pellt IlIal faire. " Yoici ses explieations sUt' cetle
Grave qlleslion :


lO On penl maintetlant atlelJ(lrc que je m'expli'ltle sur
" liD point llélieat pour I'éerivain el hasanlellx pour l'im-
" primenr. Quallll le earaetere et la eonduite dn premier
" maGistrat sont mis en (¡nestion, il faut que le \ecteur
" eomprenlle ¡¡llls que I'éerivain ue peut dil'c avee qnel~
" que s{)relé. Si e'est Ulle partie réelle de notre eonSlitll~
" tion et llon tlll si,np!e rfictwlI It:¡¡al (Jlle le 10i lle pel/(
» 7)(/' mnl ¡aire, c'est le scnl exemple dans la plus sa1Jp
" des instituliolls hlllnaines, ot't la théorie soit en contra-
" ,lictioll avcc la prilti'llle. Que le sOllvprain de ce p~ys
• llC [H1is~e etre tradnitlé¡¡alement "evant auenn tribunal,
}) cda est in{lubitable; mais eelte exemplion de tout cht,.
" timent est un privilé1Je sin1Julie,' atlaché a la personue
" royale, el qui n'exclul poillt la possibilité de le mériter.
» COlllbien de temps et jLlsqu'a (Illel poiut un roi e1'An-
" uleterre peut.il ctre proté¡¡é par la forlJle de la eOllgli·
" tntion, (lLldnd il en viole I'esp,'it? Cela mérite eonsiM-
» ration. Dne CITenr sur eetle question est devenue fatale
" a Charles et a son fils. Pour ma part, loin de penser
" que le roi ne puisse mal faire, loiu de me laisser effrayer




:\ P P Jo: X U ua:. i!d5


11 uu imposer par la formp, I\uand dIe esl en eontradie-
" lion avec la vérité, si j'avais le malhcur de vivre sous
" le trisle re¡;ne J'UIl prinee dont loute la vie se passál
" dans une Illtte basse el méprisahle eonlre l'esprit libre
Il de ses peuples, on dans la déleslable tentative de eor-
" rompre leur moralilé, je n'hésiterais pas a lui dire :-
» Sire, vous éles seul l'allteur des lllaux de votre peuple
" et des volres. An lieu de régner sur le ereur de vos su-
" jets, au lieu d'obtenir de leur affeclion la libl'e disposi-
" lioll de leur vie el de leu .. forlune, Il'esl-il pas vrai que
J) le pouvoir de la ('uurOUlle, qu'on I'appelle illflueuee ou
" prél'Ogalive, ue s'esl llIanifesté, ue s'esl déployé, pell-
" dant onze aus. que pOllr soutcui .. un sysleme de gOll'
» vcrucmclJl élruit, pitoyable, qui se ruille lui-merne, el
" qui. ell défillitivc, lIe vous Ilonne ni puissanee réelle, ni
" pwfil, ni satisfaetion persollnelle? Avee le plus GTall11
• revenu dont jouisse aucun prince en Europe, lle vous
"a-I-olI pas vu réduil a 1I11e détresse vile el sordide, ;1
" tille détresse ({ni elÍt l'ondllit tout autre qu'un roi en
" pris{Jn? Avee ulle Grande force militaire cl la plus
»Grande force lIavale 1J1I'il y ail au mondc, llC vous etes-
" vous pas laissé insulter impllll(:mcnl et ;1 plusiclll'S re-
l) prises par les llalillns étrau{;t'res? N'esl-il pas notoire
11 que les vastes rcvellus ;¡rrachés au travail el a l'indus-
" lrie de vos sujets, el qui, remis clItre vos maiu:;, de··
" \Taielll élre elllploy(:s pOLlr l'honncur de la nalion el
.) pour le vOlre, se Jépellscn t hOlllcLlsemcnl 11 eorromprc
• ltoS repn;senlants dl¡ pays? iV étcs-vous pas un priuce de
" la Illaison de Hallovrc, el ll'exclut'z-VOllS pus de vos
»eollSeils tous les prilleipaux whiGs du l'oyaull1e? Ne
" faites-vous pas profcssion de GOLlverner seloll la loi,
" el, mal¡¡-ré cela, 1Ie ré~er\'ez-v()us pas tunle votre con-
» ti¡¡lIce el tuule volre affcctioll pour les homrnes /.fui,




296 Al'PENDI e E.


» bien (Iue llélachés peut-étrc de la cause .désespérée du
» prétendant, sont connus dans le pays par un attache-
" ment héréditairc aux principes du dcspotisme? N'étes-
"vons pas assez infatué pour juger des selltimellts de
" votre peuple par le langage (le vos ministres ou par les
" clameurs d'une fonle notoiremenl payée pour eutourcl'
" votre voiture on pour vous accompagner au théatre?
»Et, si tout ccla es! vrai, PCllSCZ-vous que, pour satis-
» fairc votre pellplc, il suffise de lui répondre que
n panui YOS domestiques vous éles de bonne humenr, que
» vous étes fidele a une seu le remme, que vous étes pour
» vos cllfants UIl pel'c indulaent? Sire, l'holllme qui vous
" parle ainsi est yolre Illeil!ellr ami. JI risqllerait vuloll'
" tiers Sil yie ponr défendr'e volrc litre a la courunne, el
u si le pOllvoir est "otrc bUI, il ,·ous lIloutrerait comment
" un roi d' Angletcrre pcut, par les moyens les plus 110-
" bIes, devcnir le prince le plus ahsolu en Europe. Vous
» n'avez d'autres ennelllis, sire, que cellX qui vous l)pr-
» suadenl de tcndre au pouvoil' sallS dl'oit el qui croiellt
» vous flatter en vous disan! que le earaetere de la l'Oyauté
~ rOlllpt la rclalion llaturclle entre le crillle el le cháti-
" lllent. • -


" Je ne erois pas 'lu'il y ait un CU~tlr assez elldurci on
" une intelligence assez dépravée pou!' Il!' poiut écouler
, un tcl discours et pour u'en pas comprendre la force.
" -:\lais oü est, parmi ceux qui ont acces d3m le caLinet
• royal, l'!romllle assez résolu, asser. hOlm{~le pour le pr,,·
" lloneer? La liberté dc la presse est notre sellle res-
" source. "


Quclqucs alluées plus tard, dans son palllphlet • Sur
les circollstances aetuelles, » Burke, a son tour, remontail
;1 la sou!'ce du lIlal et Haacllait d'Ulle main impitoyahle
" le parti des amis du J'oi, • ce parti {lui, ~ COlllme les




APPENDICE. 297


" janissaires, puise dans la servjtude memc une sor le de
" liberté. »


Aneien ami, aneien eompaGnon de Fox el de Sheridan,
GeorGe IV était heaueoup plus disposé que son pere a
laisser Gouveruer ses ministres et a prendre tout sImple-
ment eenx que lui désiGnait la majorité du Parlement. Ce
serait se trompel' sans doute que d'attrihuer a eelte dis-
position le par ti qu'il prit, eomme réGent, en 1811, de
rompre avee ses amis personnels et de eonserver un eahi-
)Jet qui, en limi tant outre mesure sa préronative, veuai t
dI) le hlesser au fond de I'ame, On ne peut douter pon!'-
tant qLie la erainte de mécontellter les majorités parlemeu-
taires n'entrat pour qllel!}ue ehose dans sa déterminatioll.
1Ialheul'ellSemeut pOLI\' GeorGe IV, sa vie privée se méla
a sa vie publique, et eertaines ei\'eonstanees le mirent en
scene personnelIement. On sait alol's de quelles attaques,
de qllelles injllres Georr,e IV fut assailli. Je visitais l'AH-
Gleterre pour la premiere fois, en 1820, pendant le prod's
pddemelltairc de la reinc, all milieu de l'effervescence
(ILle cet étranr,e événelllent avait pl'Oduile, Est-ce que,
par hasard, on s'en prellait a lord Castlerea{jh et a lord
Li,,-erpool, qui, constitlltionllellement, étaient responsa-
hles du p~oees? Non certes. On savait que, dans ce!!('
affaire, les ministres ne faisaient qu'exécuter la \'olonté
I'o)'ale, et c'est sur le roi Ini-méme que tomhaient les 011-
traaes. Cha(Iuc .iour voyait paraitre lltle earicalUl'e OH UIJ
pamphlet !}ni, pllhlilIuement étalés, appelaient sur le per-
sécuteur ¡Je Caroline le mépris et la haille. Un de ccs
pamphlets, jc m'en souviens encore, contenait une suitc
de ¡¡ravures sur huis ({ui 1Il0ntraient le roi dal,ls Ics situa-
rions les plus odiellses et les plus ridicules. Daus la der-
niere de ces Gravures, Oll ,,-oyait GeorGe IV mort et couché
tlans une bruLletle, ayec ceUe hideuse inseriptioll : cat's




.\PPENDICE.


mcat (viande pour les chats). Je De pClIse pas qu'a 811CllUC
époquc, le chef d'un État ait eté aussi publiquement,
aussi impullémcnt outraeé.


Guillaume IV, au début de son reCne, se montra le plus
constitutionnel des rois; et ce fut t on le »ait, sans diffi-
culLé qu'ils se sépal'a, en 1830, du duc de Wellinston
et qu'il appela lord Grey. Ce fut aussi sans dif6eulté qu'il
accorda a son ministere la dis~olution de 1831, ceHe qui
déeida le sueces du bill de réforme. Plm tard il commen~a
a tromer qu'on allait un pen vi te et un pcu !oin, et il
manifesta qllelquc désir de g'arréler ou de revenir sur
ses paso Jnsqu'cn 1834 ponrtuut, il laissa ¡¡ouverner sou
ministere. Mais, a celle époqlle, uuc assez forte réactiou
en faveur des tories s'élanl manifeslec, il crut le U10meul
venu de rappeler les torjes el de faire al'pel Bu p!lys. Ce
u'était point sortir de son role conslitutionllcl; maíll 011
sut que la reine, dévouée anx tories, avail eu unc tres-
grande part dans la détermillatiou de la couronue. On sul
que les ambassadellrs, dans Icur haine pour lord Palmer-
8tOIl, s'en étaienl meJés secretcment, el cela suffit pOllr
sOlllever eonlrc Guillaume IV un ora {le violent. Dé~u dans
son espoir, Guillaume d'ailleurs se soumit sans résistanee
au jU{l'ement du pays, et ne soneea plus jusqu'a sa mort
a se défaire de ses ministres Oll a les Iléner dam leu\' ae-
¡ion. Était·il rcvenu á ses sentiments de 1831? l'ersévé-
rait-il lIans eeux de 1834? Ses ¡¡mis le savaient salls doute,
el iI pouvait en percer !ll1elqtle chose; oSlensiblemellt,
publiquement, rien ne I'illdiquait.


Ql1and, en 1837, la reine Yieto\'ia monta sur lc trúlle,
il Y. eut nn challgemcnl de secne fort mdrqué. Elle avait
18 alls aI01's, et e'esl des whies que la rapprochaiellt ses
habitudes el ses affeetions tI'enfanee. Elle n'hésita dOlle
pas a manifesler sa sympathie pour les wlligs, et eellx-ei,




Al'PENDICK :W\!


fort ébranlés a celle époque, s'efforccrclIt d'eu IIrer bOll
parti. Tout se borna néanmoins a dire, dans les journaux,
dalls les meetings, sur les hustinGs électoraux, que la
reine avait confiance dans les whigs el qu'il seraIt forl
dur de lui enlever, .le jour meme de son avénement,
ceux qu'dle reGardait cornrne ses meilleurs ami$. Assu-
rément, si un tel US8Ge du nom de la reine était peu con-
slitutionnel, peu convenable, surtout de la part du
parti libéral, il n'avait rien qui dút exposer une jeune
femme de 18 ans a la colere, aux invcctives des partis.
Ni ces coJ(:res, ni ces invectives, ne manquCrent pourtant
a la reine, et, pour eeUe fois, ce furent les tories, les
conservatcurs qui prírent la perSOllllC royale a partie. A
les entelldre, la. cour était tlevenue " un líeu de débauche
• Olt se vautraielll des familiers corrompus, un lieu pesti-
o lentiel dont I'ordure devait dé¡¡ollter tous ceux qlli sa-
• vaient dislinguer la vertn du vice el la pnreté de J'im.
" purelé. o A les entendre encore, .. la reine était une
" nouvelle Jésabel, qui avait déclaré la [¡llerre au pro tes-
» talltislllC et á I'uristocl'alie terrilOrialej • mais l'AlI[¡le.
lerre de 183911'était plus cclle du lemps d't;Jisabeth, et lIe
" voulait pas se laisser (louverllcr par les capriccs d'une
" femme. " En 18 iO, les tories, dans une dc ICllrs publi-
calions dll dimanche, allcrellt jusqu'iJ déplorer le sort du
prince Albert, ti victime inforlllnée tI'un caraeh~re trop
• violcnt pour élre reten u par le jU{lclllcnl, par la poli-
" tes se, on lIléllle par les affccliolls privéesj prince mal-
" hellrcux, dont les altentiollS ponr sa royale maÍtresse dé·
" lruisaient, il vue d'mil, le bien-elre moral el matérieI. ~
C'éfait fairc cruellcment payer a la jCllnc reine qucl'lllCS
parolcs impnulelllcs et ¡'abus qll'Oll avait fail de son
nomo


Il est probable que la reine Victoria n'a rien oublié,




3()O APPENDICE.


cllil1'aujourd'hui, comme en HHO, elle pl'éfere les whi¡?
aux tories. Mais dcpuis 1840 elle esl relltrée, compléte-
Illellt rentrée dam la spliere c1'impartialit(:, dc !Ieulralitt;
constitutionnelle ou la couronne, sans effort et salls sa-
nitice, obtielll le respect, rc~oit lcs homma(les de lous les
parlis, Le jour OU sir Hobert Peel esl devenu premier mi-
nistre, ce n'est point de la maison royale seulemenl qu'il
a pu disposer, mais de la maison dn prinee Albert, el
pendanl cinq alls il n'esl pas arrivé une fois, une seule
fois que l'inHlIence de la courOJllle se mIL Oll parÍlt Sr'
lIleltre en Opposilion avec le minislel'e, Aussi, comll1c le
disait l\I. Thiers au lIluis de lI1al'S c1cl'lIicr, la " reiue
" passe-t-elle paisiblelllcnl au milieu de tuutes les dil'-
.. ticultés, enlourée <Iu I'eslwcl el de I'affeclioll Uéllé-
" rale ...


En 1'appelant ici les attaqllcs, les oUlra(lcs auxC[llcls ont
élé en bulte les huit sOllverains cOllslilutionncls de l' All-
¡¡leterrc, je ne veux cel'les poinl en jnslifier, en excuser
la virulellce el la Gl'OSSierelé; jc vellx seulcment llIontrer
que dans ce pays, sur celte tcn'e c1assiqllc dI! HOIlVCI'IH'-
IlIclIl représelllatif, la plus h:uere dévialioll des vrais
principes COIISliluliollllels a toujours exposé la couronllc
a de violen les , a de sanGlantes rcprésailJes. Je veux
l1Iont1'e1' que l'expérience des IjO dernieres années est
uniforme 11 cel (:Gard, el. (Iu'elle vient plcinement a l'~ppui
dll raisollucllIent. Jc dome (Iue l'esprit hlllJlaill soit rail
autrcment en Franee qu'en Anuleterre, el que la royaulé
éllle de 18:30 puisse ohtenir ce que Il'a POillt ohtcllu la
royauté élue de 1688 el de 1 ¡Ol.




J\PPENDICE, 301


APPE;\;D ICE D.


DCllX des ¡;rands plus éCl'ivains politiques de l' AnGlete¡'re,
)\()Iin¡;broke et Burke, ont pal'faitemellt expliqllé, run
.J:lllS le CI'(!!tsmnn, vers l'nO, I'aulre dans nn pamphlet
d·¡¿~bI'P, en 1770, eomment, ¡¡preS 1688, l'inflnence a
sllceédé il la préro¡¡ative et la corrllptioll i\ la \'iolellet~,
QlIel(jlH'S extr~its de J'UIl et de I'alltre pellvent a\'oir all-
jOllnl'b ni beauconp d'intérét.


C'esl en 17:W que le C/'(~flsman fut fondé par Boling-
llroke d'accord avee Plllten~y, qui venait de se séparer de
"'aJpole, Ce jOllfnal avait ponr but avoúé de l'éuuir
l'Ollll'e 'Valpole, alurs tonl-l'uissant, les whiGs dissi-
dell(s el les tOl'ies ralliés il la maison de Hal1oue, 01',
('omment a!laqner \\'alpole saBS a!ta(luel' la COl'l'uplion?
La corruption de"int done le theme habituel de lloling-
hroke, eelui qn'ill'etourna de toutes les fa~:ons, A eha(!ne
page il démontrait, soit par le raisollllcment, soit par des
exemples hislOri([ues, que les peuples ne sont pas libres
parce qu'ils ont les forllles de la liberté, et <¡n'on pcut les
a"ervir au moycll tI'un Parler.Jent corrompll allssi com-
plétemcnt ct plus súremellt (Iu'au Illoyen d'une al'méc,


.. Délrllire la lihcl'l(~ bl'ilallui(luC avee une al'l1Iée dc
" Brelons n'cst ras unc mesure aussi faeile que ccrtaines
" pcrsonnes le penscnl. Corrompre le Parleulcllt esl une
n méthode plus Ipllte, nmis f{ui llP.ut élrc plus cfficaee, el
" dCllx ou tmis ('ruls mel'cruail'es dafls les dellx Cham-
" hl'cs, si un pOllVilil les y l'~lIllil', sel'airnt plus fnuestcs




301 i\PPE N DIG E,


, a la constitution que mille fois autant de mercenaires
IJ habillés de rouge ou de bleu, Les Parlements sont le~
IJ vrais ¡prdiens de la liberté, C'est pour cela surtont
IJ qn'ils ont été institués, Mais de tous les esclavar,es,
" l' esclavage parlemelltaire est le plus facile a inlroduire,
" a établir parmi nOlls. Par la cOl'ruption tlu Parlement et
IJ par l'illflnenee ahsolue du roi ou de ~on ministre, nous
" retournons préciséll1ent it eet état dont l'institution des
• Parlements devait nous délivrer, et nOlls SOll1llles GOll-
" vernés en réalité par la voJonté arbitraire tI'un homme,
" ~otre eonstitution s'écroule tout entiere. Certaines Ga-
" I'anties en fa "e 111' de la 1 iberté pel1vent elleOl'e exister j
"mais I'intégrité, l'indépendancc tlll Pal'lement est la
" clef de ,'oúte: si on I'ébranle, la constitntion eh:m-
" celle; si 011 I'ote, la constitntion tombe en mines.
" Ce noble étlifice, l' orgllei 1, de l' A ngleterre eL l' envie
IJ de ses voisins, élevé par le travail de tant de ¡¡ieeles,
IJ réparé an prix de tant de ll1il1ions, cimenté par tant de
, sang j ce noble édifiee, (lui pouvait résister anx efforts
• unis de IJlllsienrs races de f,éanls, lleut ctre aillsi déLruit
" par une raee de pyr,mées, L'illtPcrité d" Parlement est
" une sorte de palladium, de dieu lutélaire qui protér,e
" I'Étot. Quand elle disparait, nOl1~ pouvons étre la proie
" du plus faible ennemi. 11 n'est plus bt:soin ni d'Agall1em-
H non, ni d'Achille pour prendre notre cité, Thenite pel1t
., y suffire. •


11 Le reGne d'Hellri VIII lI'e8t-il pas la pom montrel'
"qu'aucllne tyrannie n'est plus sévhe que celle qni
" s'exeree d'accord ayer les parlemcllts; ([n'ulle volonré
• arbitraire peut devenir la seule reGle du gOllvernemellt,
.. llIéllle ([nalld le nom et la forme de la liberté sont maill-
" teHus; qll'un prince Oll un ministre, pour devenir tyrau,
" n'a pas beso in d'abolir le Parlement ? POllflluoi en effet,




APPENDICE. 303


lO maitre d'nDe partie de la légillature, aboliraic-illes deux
" antrcs quand il peut, en loute oeeasion, disposer de
H IOlltes les forces réunies? Pourquoi serait·i1 tyran en
• gros quand il peut l'étre en détail, de nom quand il
l) peutl'étre de fait? Pourquoi, en un mot, renverserait-i1
N la Grande Chane ou les aulres soutiens de nos libertés,
" quand au moyen deil Parlements meme, il hli est si aisé
" d'étahlir le despotisme? ..


Ailleurs BolillGbroke répond tres-vivement a ceux qni
disrnt ou flui iosillurnt qne l'influeuce do;t venir au se-
cours de la préro¡;ative éhralllée et (Ine la corrllptiun est
J'llllile qui fa;llllOllvoir pllls facilement les roues du ¡;011-
ye¡-nelllent. Ce sout 1:', seloll lui, des doctrines allssi ah-
sunles qu'abolllinahles, des doctrines qlli, si elles parve-
lIaienl a s'établir, placeraient le siécle actuel, avec une
infame preéminenee, a la tele dES sil-eles les plus cor-
rompus .


• Si la liherté, dil-il, est ce fnlil déliciem: et ~allltaire
» dont s'eslllonrrie la nation brilJnuiqlle depnís les temps
» les pllls reculé" el auqllcl elle doit sa richesse, S3 forct'
» el tous les avantages dont elle est fiere, la constillllion
• britanniqlle est I'arbrc qui porte ce fruit et qui eonli-
» nuera a le porler aussi lonGtemps qu'on aura soin de le
• {larder sO;Gneusement et de le défelldre soit contre les
» animaux qui ródent dans la campaGne, soit contre les
• insecles qui rampent daos la terre ... Or, la constillllion
» n'a eu 10nuteIllps qu'une sorte d'cnnemis. Ce sonl les
» hommes qui, dans lenrs écrits ou dans letll's discours,
» pronaienl ceHe chimere, appel,:e préror,ative; qui son-
» tenaient qn'elle avait fplelque chose de réel et que
» c'hai! un droit inhérenl a la couronne, un droit fondé
» slIr la constilution meme cl lmssi néeessait'e pour main-




304 APPENDICE.


• tenir la juste autorité du prince que ponr protéffer le
» peuple ... Heureusement eette doctrine d'esclave a péri
~ avec la révolution, et, sí quarante-un ans arres ce
• grand événement elle conserve qnelgnes partisans, j],;
» sont trop peu nombreux et trop pell importants pon!'
» qll'on y fasse attention. Mais il y a mainlenant u'autres
') homllles qui poursuívent le meme but par dts chemins
,) différents. Le~ premiers attaquaient ¡¡ force ollve!'le,
II cenx-ci minent nos libertés. Les premiers (\taient les
" animaux de la e;¡mpacne, eeux-ci sont les inseetes de la
» terreo Et eomme tons les inseetes, bien (lue !l(:S (blls la
)) fance et "ils cntre tUlItcs les er('alllres, ils peu\'ent
» mordre, rOIlGc!', cmpoisollllcr. QlI'on les laisse:;e Illlll-
» tiplicl', qu'on les laisse faire, et par ellx le pays fe plll~
» fertile deviendra bienlot llU et stérile, »


Dans les rCGnes quí préeedent eelui de Chades 1I , 011
pul bien si¡¡naler quelques membres du Parlement aehelés
llar la eour, mais c'esl sous Charles 11 selllemelll que la
corruption eommcn<;a a (~Il'C eonsidérée eomllle un utilc
anxiliaire de la lJl'érouative; uéaltmoins )'entrcpris,'
écllOua. «D'ulle part, ui! llolill¡¡broke, CharleS 11 avail
j) llU revenu qui suftis<¡it it peine a sa dépcllse, et pell de
» places, peu de pensiolls a JOllner. De l'autre, nous 11'(.-
j) tions alors ni corrompus, ni mÍí.rs pour la corruption.
» II y avait des partis, les UllS violents jusqu'a la faction,
» les aull'es serviles jusqu'¡¡ la bassesse, mais qui tons
,) obéissaienl a eertaines idées, ~ certaines passions désinté-
» ressées. PerSOllue n'eút cOlllpris iI cctte (;po<jue UIl Pa\'-
» lcmcnt en opposition avce le seIltiment dll pays .• Jac-
I¡ues 11 Irouva ([lIe la préror,alive ét;¡it un eXjl(:dielll
U\oi.ns coúteux q\\e la cO\'\'\\PÚOIl, et, UII le vit, pon\' (Ille
Irs élections tOllrnassenl eOlllllle il d,:sirail, forcer les
corporatioIls it remIre lrllrs viei\les ('hartes el ;, en rect'-




APPENDICE. S05


voir de nouvelles avec des restrictions tout all pront de la
ronronne.


« Snpposons, dil BolinGbroke, qu'au lieu de faire ainsi
"violence aux corporations. Jacqnes eut pris le moyen
» plus commode et plus súr d' ac]¡eter les électe.urs et les
" d(~PUlés, pense-t-on que l'alarme eút éLé rnoindre panni
" les amis de la liberté? N OIl certainemellt. Ils allraienl
• VII que le blll était le méme, et ils auraiellt détesté les
" llloFuS t!'autalll plus (fil'i1s (;taient moills visibles el
., 1lI0illS hrnyants, t'u priuce (lui l"cvendiquait une }ln'-
" rOGalive i IJér,alc el dall{\ercuse, el (lui élait secoud(:
» dans son entrel'risc pal' IIn parti nombreux et pllissaül,
» aV;llt salls donle UII aspecl mena~ant el terrible; mai¡;
" 011 pOll\ait espérer (lile bientut le parti qlli favorisait de
" lel,; empil\lcmclIl'; reculerait Ilevant son reuvre et se sé-
" parcrait de la conr pOllr se réunir au parti uational...
" Si, au contraire, au lieu d'intimider, Jacques eút voulll
" corrolllpre, il e51 prohable que les amis de la liber\(\
" allraiClI1 rCGilnlé la silualioll comme plus désespérée.
" C'¡:sl IIlIe 1:It'IJe pltls facile et moios danr,el'cuse de IUlIel'
" ayee IIn Gl'ilnd princc f¡ui s'al'mede sa préroGative qne
» d" ]'(:sisler a 1111 ministre faihle, mais pel'vers. s'iI a
» entre ses maills lous les moyens de corrompre et §i
J) l'élat des lureul'S publi(!ues favorise une telle prostitn-
" tiou ••.


» Qlloi qu'il ('11 soit, la coodnite de Jaeques fil (Iue le
" pellple s')¡abilna ;1 re¡pl'(lel' la préror,ative cornme le
" seul inslrlll1lCllt de la Iyrauuie et (IU'il onblia la COI'-
" rllPlion. Le cri t111 prnple, HII moment de la Révollllion,
" élait pOllr un PdrlclIlenl libre, et, dans la fermentation
" f,(;nérale, personne ue doulait que le Parlcment ne fút
)) lihre qllaud I'aulorilé usnrpée par la cOllronne dans les
l' rennes préeédents, serait éeartée et détl'uite, On oublia


20




;306 APPENDICE.


11 done eeHe admirable muxime de Maehiavel, 'fU'UIl gou-
" vememi'llt li[,re, pour rester libre, (1 [,esoill tous les JO/liS
" de pOllrvoir el sa liberté fiar qltelque llo11velle prémutioll,
11 C'est ainsi que, eontrairemeUI a la uéclaralion un prine,!
1) d'OranGc, I'ceuvre fut laisséc imparfaitc. Satisfaits dp
» voir (Iue les atl<HIllcs ou\ertes eonlre la COllstitutioll
1) avaient éellOlIc:, les ~lIteurs de la Hévolntion ue se pré-
" oeeuperent POilll des a!taques SCCI'eleS ([ni pouvaielll
l' ('trI' dirjGées coutre I'indépendauce dn Par/emenl;
1) cOlllme si nos dauGe!"s élaielll d'uue seule espece ~
" ('omme s'jls Il'étaiellt :, craindl'c ([nI' de la parl tI'l/IIP
" falllille! Dieutót apres la Hévolutloll, a la "éritÍ', les
u hOlllmes (le tous les partis COIllIllCIlC(\rcnt ;'¡ s'apcl'cc-
" "oir non-sculcllIcHt quc rieH Il'avait (~lé fait pOlll' COlll-
" battrc I'influence illéGitime de la eOllrOllne uans les
» élections, et l'envahisselllent uu Parlement par les
• eréaturcs de la COlll', mais que, tout an contrairc, les
1) moyells d'excreer eelle inHuellce el tl'alTlvel' a cet ell-
» valtisscmcllt avaiellt aUGlllellté el allGlIlclltaiellt tOlls Ips
» jO\ll'S, En un mot, ils cOlllmcllcCl'clll ;', voil' (lile la COl,-
• rOllne I'I'GilGuait d'ull cilté plus flu'elle ll'avait penlll de
» l'aulrc, et quc, si le pOllvoir (}tl'clle leuait direclemcllt
» de la préro¡;ative étaiL plus appareut et plus bruyaut,
• ce\ui qu'elle accluét-ail inJircclcmellt par la C01TuJllion
• ,\lait plus réel ct plus tlan¡;ereux. :\IalllellrcuO'elllent il,
• s'en apel'ceVaienL trop tanl, '1


La eonclllsion saus eesse n;pétée de DoljuGbl'okc, e'c,t
'lIle, si 1'011 veut sauver la liberté, il fatlt comhler la !a-
cune, et empecher <Ine la cOllstilutiou lle soil souillée pitIO'
longtemps par I'esprit tle rapille el ue vl'llalité,


( 11 est t('mps, dit-il, pOlll' tout Itolllllle qlli vcut sauvc!"
» la Constilutioll britauniqllc, lle cOlltribuel' pal' 10llS 1",
» llwyens ;, !l1'1:venir le, tri,tPs erfet,; dI' "1"111' llOltll'lIe




APPE ~DI CE. 301


» influence, de ce Ilouveau pouvoir, dont la forcc s'esl
» :lccrue sous c1liHluC regne depnis la Hévolulion. 11 PSI
» lcmps de cOIllballrc éuerr,ic¡uemenl ces moyens de cor-
• rOll1pre donl la courOlllle pcul uscr un jour on I'antre
" el ccllr di,posilioll 11 se laissel' corrompl'c qlli, chaque
n jonr davanlace, caGlle Ir IWlIple ... S'il y a ell dll Illl:-
» rile, cl eerlcs jI y l'll avait ¡¡caueoup ;', résislpr jadis all);
» défcnscm's Ile la prén,¡;alive, f(1Ia 1111la pn:rocalive s'{--
» kvail ¡¡ssez hall! pOlll' mcllrc nos liherlés ell danr,pr, jI
» Il'y en a pas llloius 11 lutlc!' cOlllrc les d.:fcllseurs de la cor-
» I'lIplioll 1'1 a cxposer les mnyens par lesflne!s 011 peut S'CII
,) servir 1'0111' la ruille de l1otl'e cOllstilu!ioll, pour la pellp
• de lontes 1I0S libertés. A f{lIpl<fI1CS é¡:ards ,le lllérile
" esl ménlP Idus crand, si, COIllI1lC je le erois, la corrup-
» tioll , par S.1 nallU'C propre, dans les cireonstanees ac-
" tueBes, el eu éGanl a la disposilion dll penple, esl plus
" daIlcerellse que De le fut jamais la prérogalive, el si la
D tenlative d'étahlil' le ¡:ÜllVCl'IJelllenl absolll par la 1'01'-
Il rllptioIl a pllls dl~ challcl!s dc ,ucces (JIIC U'CIl elll SOIIS
» les derllil'\'s Sluarts la tClIlali\c d'aITin"f a LllllcllIe Jin
» par la pn:r0L:ati\c. ])il'u Y('llille ([u'il uc soil pas plus
" tliHicile de sall\"I'1' alljollrd'ltui Ilolre pays dcs effets de
» la (,OlTlIplioll qll'ilue le fuI jadis de vaillere les eff()rl~
» de la préroualive~ ... QlIcls (iue soieu! les ministres qui
» Gou\"ernelll , '¡tll'ls (¡tIC soienl les parlis c¡ui se fornwIlt,
» Ull Jevoir est imposé a tous les allli, tle la liherté, celui
') de mettrc de colé de frivoles di:<lillelions, des distinc-
" lions qui ne servcul (IU'a les anllu'cr d a le, lfahir.


» DissjdcIlls, wlti¡:s ou tories, 'Iu'ils sachen! done sp
» coaliser pour lIlaiulenir lellr illti'Cri1é cOlllllluue el pOli!'
)} déreudre avee coura¡;<" avec persl:vt:rallee b CHIlS(' dI'
" lenr pay". Ces! ainsi f]ll'i1S Pllcollraceronl les bOll:<,


'(Il"ils /'orrigcI'()1l1 Il's lllauvais, l¡tl'ils yailll'l'OIIt les ill-




308 APPENDICK


» corriÜibles. C'est ainsi qu'ils assnrcronl le ·triomplle de
» la constitution britauuiquc sur la corrllptioll. »


Qllel que fúl le scnLilllenl qui diclüit ce lüllgage a Bo-
liu{]broke, c'était un lloble lau{]a{]c, eL qlli, al! Illilicu dIos
corrnptiollS de l'épor¡lIc, devait éveillel' tlaus lcs tHllCS
bonuetes de tres-vives sYllIpatlljes.


POllr (IlIe la corruplioll atteiüllít SUB apofjéc, il r('slait
pourtant eucore (luel'lucs pas il fairc. Sous Cuillaulllc, SOIlS
la reinc AUlle, SOIIS les deu"- prcllliers rois de la lllaisotl de
lJallovl'e, c'étail ulle arlllC (lui l'assait de llIaill ell Illaill
'-l.!Olll cha'¡tlf' lIlillisll"~ IIsail il SIIII lour daus l'inlér/-t ..1,-
SIIU parti. SOIIS Gcor¡;e II1 , la "Ol/rOUll(' S'Cll elllp¡lra per-
sonnellelllent el la llIil dil'l:clcJIICIlI il SIIIl sl'/'Ijec. e'e,l
alol's que lIllrhe éerjyit, en 1 T70, 1111 p:'lllpldl'l illlilltl,; :
(( Peusées Sllr les ruéconleulemellls actuds, " doul je ve U"
ciler qucl(lues passaGes. llllrke fail tl'abol'll rCllIar'lucr
({UC les homllles onl pres1llle toujours raisoll (\ans lellr
mécontenlcmcnt cOlllre le pill!l'oir, presr¡l!e toajours Ion
dalls la cause (lll'i1s en dOllllcnt, el 1111e prcsI¡tII- Général,'-
menL ¡eul' Folili'llle pst de cill(llIallll~ <1111](:1'5 "11 arriiTe. II
n'y a d'aill'~lIrs lIi inl¡:r'-ls per~lJlIlIcls ui passiollS dclucl\l's
c¡ui emp"cllent ele jll¡¡cr jllstclllellt el sél'eremcnl le
passé.


« Ainsí, farl peu sont parlisans des ly¡'aunics f[ui n'exis-
» tent plus, el 1'0 n pelll élre facilelllent UII whi¡;.tu siecle
D passé san s rien pcrdre ,l,'s avanlaHes de la SI'l'Vilill: pn:-
» SCl/te. CellC saGesse rétrospeelil"~ el ce palriolislIlc \Iis-
" tori'llle sont dwses lllerYl,ille;ISClllent (,Olllllllll\rs, el ({lli
» sencnt 011 l/e penl mi"'lx a 1"l'lIliller la vi,-ille l!uerelk
» lle la t1l1:uril~ el de la prali'lue. l'lt", <I'UII ,'iUide j'(:llil-
» Illicain, apres s'.Jlre G"rgl: lLlIlllliralioll pour les j'(:pu-
"bli([lIes Url'Cl{llCS el pour la vraic cOllstiluliO!1 saXOIJlIl',
» Ol! apres a"(ji .. , dan,; lIn trampurt d'illdi¡lIlatiol/ YI'r-




·'li'l'ENDICK


» 11I1'ml" d('('haru,: sa hile sur le roi .leall el le roi JaC({Ilc:"
» !roll"c fon hon de parliciper a la plus sale hesoGlle du
» !('mps ot't il vi! el allX i(lllobles profits qllj en résultcnl.
» .JI' nI' pensc pas ([ne, parmi les instrull1ellls du dernier
» roi Jacqul's, il Y eÚI nn admira!enr en titre de
» lIenri VIII, )la~ plus (Ine ,LlI1s la conr de llenri VIII jI
• n'étail IHlssilde dI' Il'onVe!' (!nelqll'lI11 ¡¡ni plaidál pou!'
" les fd\()ris dI' Hichan[ H. »


Il esl dOllC a hSll l'llc , sdon Blll'ke, de l"Cdon!cr anjollr-
tI'hlli ponr la liber!é !Ps allciclls dall¡:('l'';,


(( l' ll!' }¡0I111e portioll de l'allciell IIlObilil'!' de la Iyrallllie
n <'sl 1IS1"C m: (01111)(' ell LIIIIIH':lllx. L" rl'slr est passé d ..
" IIJod". En (llllr,·, il eq pen d'llOlllllles ,1'1~ial asscz G!'os-
') sierrlllclIl llIaladroils IHJl\I' 1"'lIbe!' ,~,act(,Ill('1I1 ,[alls le
" "ié¡;c (Iui a éll: f'¡¡!id :\ lellrs t!"v¡¡llcic!'s ... Chaque IClllpS
n a SI' S lllo:urs el sa politi'l'lc; el l'OIl nr s'y prelld pas ,
" p"ur ,1t"lrtlire ¡lile (,olls!itlllioll lonte fOl'lllée el YI~lIlle it
» lllatllri((:, COllllIll' 011 s'y pr"lIail pOllr la tue!' dall' son
., 1)(~I'l"';lll 1l1! [JIlur cmpec)¡('r sa c!'oissallc,~ pendalll ses
" jCLlIH'S aUllécs.


" Coutre I'cxistellcc lll'~lllC dll P'ar!rllJl'tll, jI' sllis COll-
l) ninCll qLl'allcuu desscin lI'a é!é fOrllH\ dqJllis la Hévo-
" Ill!iou. ehaCllll comprcllll qne c'esl l'illlé('(~L de la conr
" !['ayoir !lllljOlllS UIlC callsc secOlHle illlerposéc entre les
".milli,!res el le pellpl,~. Ces llIcssicurs de la Chambre des
" COllllllllnes out IIU illlúí,l é¡;a! ii .iollcr le rúle de eetle
"callse illtcrlllécli¡¡ire.Qllel'fllc dispos,:s 'J11'ils Sllienl it céder
" j'l"sllfl'llit de lenrs yotes, jalllais ils u'ell nlllllraietll aban-
l) dOllllcr la Illlc-prllpri,:t(: ... 011 a dOllc bient,',l ¡],:collyert
" 'l'~e les formes de la libt'l'!é lle sonl poiUI incompalibles
» ¡¡vec la n:alilé dll despo!islllC.


" Le pOllvoir de la courOlllle, preS([llC mort, presque
» pOllrri ir lilre de prérocative, a pOllssé de 1I0UVeall avec




:110 r\PPE~DIGK


» [Jlus de force el IIlOin, otlicuscmelll SUllS le IIOIll (filio
" flllf'IlCe, Dile illHlICIH'C (lui opérait salls brllit el sans
» violence, \lile inf!nellcc (llli dOllllail pOllr illstrllrnclIt au
n POllyoil' SOIl allta¡;olliste lIalllrcl, une inf!nclIce qni COIl-
" tellait en ellc·méme nll prillcipe l'crp(\tlld tl'a{jralltlis-
» SClIlClIt el dc reIlOllYl:llemclIt, llllC iuHuence (iue la tlé-
n trcsse el la prospl;rité dll pays contrihuaiclIt éaalemenl
» a accroítrc IlC remplarait,clle pas admirahlement une
n préro{j<ltive ({ni, filie dI' viell:'\: pn\jn{j¡"s, portait dans
» son sein \lU ¡¡crme illde,trllctiblc lle décadellce et dc
n ruillc? L'illtl\rh des IWlIlllles (·,.t cl'aillcul'>; un fowll\-
n IIlCllt plus solidc ([1[(' 11'111' i¡;1I0raIlCc, el c'c:"t slIr cc
» foudclIIClIt (¡tH' le spt"'IlIC\ actllt'l t'Sl ('ollSll'lIil, n


llurke l'xpli(IIlC comlllellt, I)('ndallr les 1)l'('llIil'res al!-
tlées, ce syslcml' n'cllt pa~ tons Ics fanestl's effets qn'olJ
Jlonvait en atten(lre, Trop faible ponr lutler ~cule eoutr!!
les difficult(~s donl elle étail assaillic, la eOllr a"ait dlt,
en cffl'l, se.\c1es>aisir, I'n favcnl' des chefs des (ll'ands
partis, d'lllll~ portioll de ses 1lI0yCll, c1'illflIlCIICi', et ce
!,al"ta::c I'cllclait le lila I IIlOillS sCllsihie, i\lais les elwfs d,'
parti Ile l'araissaielll pas assez sOllplcs, el alljounnlil!
la plúentioll de la conr e'esl qlle ¡'iIlHllCIlt:C ,:c la COll-
rOllne lluit (1tre llIis~ tout cnlicre an scrvice de la t'llll-
rOlllle elle-IlII'me, ('1 (¡tll', ,'il pLlisait an roi de choisir
lllt de srs dOlllestiques ¡>lllll' lIlillistrp, 11' Parlemtlll dCIT,lit
le troll\Cr !JUII, C'('st a réaliser (,,'I)(';lll jllall t¡u',,!! a Ira-
yaillé le \contlclIlaill lll('lllC de 1'¡¡";II('IlH'llt dll roi, Ce>l
POll[' cela ((11'011 a rellversé a Ll rois dalls ~1. Pin le 1'011'
I·,,!r résllltalll de la l)()[lllLrif(;, dalls 11' dlic de ~('w('astle
le l'0llvoir l'l:sldf;lIll des ¡:ralldcs C"llllCXiollS l'0:ilic¡w'"
e'eSl pOllr 1,,'la "llSsi l¡tl'''1l ,'cst élllllié ;'¡ [,()Illprt\ tonfes
les associati,,"s cxistallfcs, a beiser IOlls Il's partis, a déSll-
nir tons les lLOllIlIIes dOllt \'accord l'0n,ait falre "hstadc:




.:\PPEl'\IJICE. 311


~c f'albit-¡I }las détrui¡,c (oute dépCllllallcc, hunnis ULlC
scule, et mettrc le roi 1101's de page? ~c fallait-il pas af-
franchir le sOllverain de la tyraunie sous laquelle avait
Gémi SOIl Grand-pere?


lei Rurkc décrit le parti (¡ui s'esl constiwé récemmellt
sous le nom de parti de~ amis du roi ([(iIl9'~ ji'iends) , et
dont tons les efforts consistcnt a ([iviser, a annuler, a as-
servir au profit de la couronne le~ ministres ostensiblcs.
Cest la, selon Burke, un systvme qui, sans violer direcle-
mcnt la lettre tic la lui, aGit cOlllre l'esprit de la comti-
IHlion tout entiere,


« Il est, dil-il, certaills pOllvoirs discrétiollllaires qui
') sout remis au roi paree que le roi seul peut les exerCC1'


J) lItiJetllent. Mais e'est dans I'illléret des principes, dam
'J I'inlérét <lu pays ({ue ces pllllvoirs duivCllt elre excrcés,
») nOll selon le caprice, les iuterets, les préjuGés de la
1) '?Ur." Les lois sont la plus petite part du Gouverllemenl.
) Coustilllez le GOllvernemcnt coml1le \'ons vOlldrez, la
" plus Grande part' en reste lIéccssairCIllcnt atlachéc a
~ I'exel'cice dcs pOll'lúirs confi(l s a la prlldenec, a la jus-
• ticc tles ministres. C'cst de ces pOllvoirs que les lois
» elles-me mes tircllt lellr I!sace et leur force; satis eux
» \ olre cotlstitution existe SllI' le papicl' sculemcnt; ce
D II'C,t point tlTlC constillltioll vivante, aeli\e, cffieaec. "


Burke conclllt de la fIuC le peuple doit avoir alllallt
(l'aetioll mr le c],oix tles mini,tres quc sllr la co"fectioll
des lois. 01', cette aelion cxi,te-l-e!lc quand la majorilé
parlcmentaire es! ¡ja¡j1H1c el (IIlC les millistres, faits cl lIé.
faits au r,r:: dc la COlll'olllle, \lC so"t plus que les inslrll-
Illcnls passif,.; de tOlUes ses Vúllllllés?


" Xon-senlelllellt le syslcme dont il s'aGil frappe tIe pa-
» ral ysic ('haque lIcrf de la comtitutiotl, mais en m(~me
J) temp", il cIlGoul'llit, il stupétie le pou\'oir exéeutif tout




312 AP PENDICE.


D entier. Par l ui le fjouvernement devient iucertain, lan-
D (lllissant, inefficace daus toutes les Grandes opératiolls.
" Par lui les ministres n'osent ten ter el sont incapables
" d'exécuter aUClln projet ulile d'arranr,ement intérieur
D 011 tle politif(l1e étrallGL~re. e'est un syst¡~me qtii ne peut
" donner ni la sécurité des Gouvernements libres ni l'é-
1) ncq]ie des monarchies absolnes ••


llllrke cxpose ellSLLilc tous les illCO!l\ éllients, IOns les
dall¡;ers f{U'Un lel état de e110ses cntrainc néccssairemcllt,
el qui se manifeslent chaque jour tant all dchors llu'au de-
dans. Ainsi la eour craint I,l GLLeITe, palTc (JLI'ellc sait LILle
la {}uerrc fait hatlre le cccur dll peLlple d reml son a55er-
vissemcnt plns diffieile : aussi POL¡¡!f éviter Ja Guerre,
u'est-il }las de honte fln'elle ue subisse,


a Si, par hasanl, UIl des ministres qui :;nlt en scene
11 l'0ssede ou affeCle un pen de courage, cela rait ¡¡en Ol!
» poiut d'impression. Les cours étranUeres et lenrs mini,-
» Ires, Lini out été des prelllien; a dt:couvrir ee((p imen-
)) liun d'lInc double poliliLl'lc et it en profitcf', nI' ¡ie/lllellt
» puillt comple des relllolllranL'(,s lIlinistéricllcs; ils silyenl
Il L[ne ces omh¡'rs de ministres n'out, en définitive, ríen a
» faire, rien 11 résoLltlre. e'est aiusi qne la politique hri-
" tanniql1e est devenllc la riSL:e des nations qui naGnpre
" tremblaient encore llevant le ponvoir de nos arllles. »


Quant a l'inlérielll', l'anarchie sans la liberté, la sen i-
tmle sans la snhonlination, sont la consl:L[llenCe iuévi-
tablc dn SystClllC. Ce 'lu'il y a pourtant de plus di-pIOl'ühle,
e'rst qn'íl vicie la Challlbre des COlll1lllllleS dans SOIl esprit,
dans SGn e:;scurc; e'est L[tl'il transfórn\(' en inslrlllLlC'L1t
servilr Lle la cour la Gantieune des droil:; pOllUlaires. e'est
I:t la plus Grande, la plus incnrahle des corrllptious. An
líen de se rClifcrlller t!;¡US la forleresse ruilu:e dC' la pré-
rOGaliye, le pouvoir sest loeé an rniliell ud'llle du Parle-




APPENDICK


IlJenl, el lit il fail lout ce qn'il Iui ¡¡Iait de faire. Plus que
jamais il importe done de veillcr 11 la maniere dont la
Cllambre des commuues est composée et anx JI10yens qu'oll
emploie pour la cOllllllire.


ft Dll cOlé de la eonr se trollvcnt IOus les honnelll's,
l) toutes les places, IOUS les émolllll\ents, en nl1 mol tont se
l) qlli pent donner salisfactiotl a l'avarice Oll it la vanité.
J) Ajontez-y, ce (¡tli, pUII\' Leallcoup de lI1emhres, c,t
)) pllls impurtallt encore, le moyctl de se conSliluer dalls
J) leur p~ys ulIe positioll inébranlahle all tllOyen de pelits
• serviecs sans nOlllhre rClulllS ;1 (les illdividlls. Suppo"ez,
» d'un ~lIlrc cúl(:, IIlIe pel'sollllc san" liaisoll avec la cOllr
1) el dans I'oppositioll. PUIII' c11c-lIlclllc, ]Joint de placc,
l) poilJt r1'ClllOluIllCllts, poilll de ti tres ; point de promo-
l) liollS ecc1ésiastiqlles, ci,'iles ou militaires pon\' ses en-
n fants, ponr ses freres, pOllr ses parents_ En vain utle
» réélection compromise a-t-ellc hesoin de flllelques pe-
l) tits emplois ponr les enf.lIlts des maircs, des Aldermen
" et des prin('ip~nx honr¡;eois. TOllt est ¡mur le rival de
" eour. Cclui-ci peul fairc aux d(:pctJs du [lllblir: un UOIJI-
» bre infiui d'uc[es de lJienfaisallcc el de ¡;éllérosité. Il
» penl, qlland il y a des GCUS de ¡;uerre, assurcI' des dis-
l) penses de lngemcnt. 11 I'clIl procurer des avantaGes dans
» le eommeree et ,Irs relllises de peine'. JI ¡¡ent obtenir
» mille fdvenrs el é\'iter mille lI1all\. II peut, lallllis qu'il
» trahit les intérels Sél(T(:S ,In pap, devcuir le Lieufaitenr,
» le patron, le p,\re, ¡'atice ¡;ardicu d(~ son bonr¡;. Le
» malhellrcux IlIcllIbrc indél,clltlaut ll'a ricll ;'¡ ofrrir qll'un
" dllr refus, IIlle excuse pitopble 011 le triste a,"eu d'un
" crédit sans cspoir. Excl'pt(~ sur sa fortllllC privée, qni
» peut-etre est éGaléc, cxcé(léc meme par celle de son
" eompétittf1r de eour, iln'a 3UClI1I moyen dl~ faire prenve
~ de bonl1e yolonté on de G"rrncr un ami. Dans la Cham-




314 Al'l'EXDlCE.


» Dre, il vole toujollrs avpc une lIIillOl'ilé Jecouragée. S'il
» fiarle, les portes son! fermées. 1J ne trollpe de fOlletioll-
" 1ionnaires bavards s'en va di~alll partoul qne tout ce
» qu'il veut, c'es! d'avoir une place a son tour ... Peut-Otl
l) concevoir un parti oi! l'accomplissement rlll devoir soit
» plus difficile? Otcz-Iui la pamre récompense de la po-
l) plllarité, et dites si le peuple pourra lrouver encore l1n


seul hommc pour le sen ir. l) •
Aprcs ce morcean, ({ll'On croirait écrit en 1846, Burhe


conclnt en déclarant que la COlIstitutioll es! eu péril, el
a que la IUUe esl entre ie peul'le el la cOllrolllle, aGissanl
» par ulle ChallJbre des commnnes dont elle a fait sou
» instrumellt. l) Oc, une telle Chamhre ¡'ellverse ton tes les
idées constiI111iounelle~.


« La vcrtu, l'esprit, I'essenee tI'uue Chambrp des como
" munes résident daus cette cirCOllslancc ()u'elle est
» l'image fidéle des senliments dn pays. Elle u'a poiut été
D institnée ponr rtre un controle sur le pel1ple, comme
ft I'ont enseiGué dernieremcnt ccrtaines ¡Joetrinp5 bas~es
" el pernicieuses, Elle a été erééc comme lIl1 contrr",}e
» ¡JOIII' le pcup)eo ))'ilutl'eS instillltions ont pour Imt de
" réprimer les exces popnlaires, el je Ics erois pleinelllclIl
,. snftisanles. Si elles lIe le s()nt pas, il faut les ¡'e!Hlrc
» lelleso Mais la Chambre <les eOllllllunes u'ayant poilll
l) été instituée pOli\' maintcllir ronlrc el la suhor<limllioll
" esl cOlll)lh:temellt impropre iJ cet usa¡:;e .... t:n leil yi¡;i-
)) )aut el jaloux (oujomos diriGe snr les lIlar,istrallllocs exé·
» eutives el judiciaires, un soin inquict d" la fOl'tune l'll-
» bli(ILlC, une dispositioll (lui al'l'rochc de la facilité a
)) reccvoir les plaillles popnlaircs, Yoilit ce qui e,H'aetérise
n réellernenlla Chamb¡Oe des COnlllJlllles. ;\lais une Cballl-
» bre des COlllmunes qui rail des adresses lallllis que la
" \Iation fail des pétitiolls; une Chamhre des eommulles




.\l'PENDICE, :li.',


• "Ieinc de cOIilialJee 'lllalltlla llation ,'st plull¡;ce dalls le
» désespoir, en bonllc hal'lllonie avee ,les miniso'cs (lue le
» pl'Up'C d(:teSlP, qui vote des l'emCrcilllents qlland l'opi-
» lIioll pllhliqllc lui dcmande dC5 aecllsatiolls, qni cst
• pl'ess';e de donner (luallll la yoix universelle lui dit de
» comptel', (['Ii, dans tontes les querelles entre le pellple
» et l'aumillistratioll, prenu parti enntre le penple, gni
n pnnit les rll'sordlTs, mais rcfuse nlf~me d'ordollner une
» enlJll,Óte wr les proYOcatiolls qui les ont eausés, e'est
') la dans la eonstitlltion une chose l1Jonstrueuse et COIl
» tre lIatnre, e'e>t ulle cOrI'nption e,senti!'!l!' et eent
» rois pil'c (/,IC fOil tI" 1 .. , (,IlITuptiollS seeollclail'es et P:U'-
>l tic He" »


Quand 011 lit tOIlS ('es passa¡;cs, 011 esl fral'pc de leur ¡¡-
Ill'OPOS, et e'e,t lIll tnlil de plus dans la rcssclllhlallce si
sOU\'l'lIl siGualée cntre la seeoude révolulioll anGlaise el
la lI(,lre. COllllllf' Charles 11, Louis XVIII, prinee I'ntdenl
el égo'iste, préf(:rait l'illflllence a la }ll'éroGatiH', la cOl'rllp-
ti OH ;1 la vio!cllce d ttlc!tail, sans trup Ile brllit, d'elllcver
á la F¡'allCe ses lihcrU:s. COllllne JaCI!IICS 11, charles X
dédaiGlla dc td, lllOyCIl', el, confiant dans son dl'oit, eOIl-
Hant dall5 sa force, se jeta ollvcl'leUIl'llt dans la lntte.
CUlllI1l.C Jacqlles II Cllcorc, Charles X a péri ayec sa pl'(:-
I'OGatíve, el, satisfaíts de la victoire, nous n'a\'olls, !las plus
(llIe les whins ell 1(;88, rcusé que le Gouverncmenl pcr-
SOllllel pút rellaitre SOIIS 11111' antre forme, et s'étahlir par
d'aulres moyclIs. Al1jo\lrd'lllli, eomme les w!tiGs apre,; la
ré\'ollltioll, lrttls C()!llnlCll\,ons it comp),(~lldl'e que la vio-
IC\lcC lI'est )las la seule cllllemie df's gouveruemellls lihres,
el que la cnrrnption pent arri"pr plus sÍtremellt au Illéllle
but. Resle a sa\'oír si, eOlllllle aux whins , il nous faudra
un siecle p\jnr fl\parcr norre ralllP,




31ti ,lP1'E:'-'DICK


APPENDICE E.


COLl.ÉGES Al:-DESS¡;S JlE ROO I~LECTECl\S.


flo 11 L'lws -¡{lI-II/¡¡)nc. .\lar-
spi]]", I ero


lIInrseille, 2".
lIarsedle, :¡e.


¡:(l/clulos. Caell, 1 n.
llayctn.
Lisieux.
1'onl-I"::1'I'llllC.


¡:/wl'fnle. Anaolll'·me.
Cote-d' 01'. Beaune.
Hure-el-Loil·. Char!res.
[Jllule-(]aI'Onlle. Toulousp,


XIV
1,:HJ7


1l1í
D:!:!
liJO
!I!)H
SO:!


1;3,,0
!lH7


l,:!V!¡


ler. HIG
¡;((I·d. Xillles (illtm-mul'os) H41
¡;íronde. llol"leam, l el'. HHH


110rdl'''ux, :!e. !JOS
Bordeaux, ·1". !JO:,
LibourI!e. V(il


llállult. ~Ionlp!'lli!'l'. (ex-
tl'((-IIlIH·O.~). l ,01;;\


BézÍ<·l's. ti I;¡
Loiret. Orléan", II'T. I,UI;V
¡,oír-et-Cha. Bloi,. I,OH:!
Lot-et-Ga/·omte. ~Iarmande. 1,Oi2


\'illeneurl'. B.'O
.1lm·llc. Heims, 1 '·T. H¡,O
.Yo/·d. Lille, 2 e. 1,IHi2


Lill", :1". 1,21(;
ralencicllnes. H'Jl
Alesnes. Hit;
HazebrollcL X2:¡


Oise. lleau\ {lis, .tI'.
Clermollt.
Compip¡¡IlI'.


!'lIs-rll'-Clllilis. Boul"une.
BélhuIII'.


/lit "11 !!. Lron, I 'T.
L}OIl, :;l(',
LrolJ , je.
\ ill"frallche.


• .,'cinc. 1"1',
::ly.
:\".
.V.
;:;e,
()('.
7('.
X".
I Ü".
11".
1:\".
1.1(',


Sdne-lnJ(;l'ieure. Rouen,
1 t:r.


HOllen, 3".
HOllen (CJ'(l'tL-ll1ll-


1'0,1,'\.


L" BaHI'.
Xellfl'húlel.


8eil1l'-I'I-.ll,,/'ne. lIrallx.
Seil1e-l't-Oise. Saint-Ger-


IIIain.
l'ulIloi,e.


IJell.,·-S/!¡;¡·es. X iurf.
Somme. Í\miens, 1 er.


Pél'oone.
Ta/'n-et-(;a/'ullne. Caslel-


Sarrazin.


~J 1/
Il;;:,


1,liHI
1, :lfi:!


!Hí:,
J,OO:\
J ,Ijofi
~,!H)!I
1';,70
1 ,OH;,
l,llI
l,1:31
l,0:31
l,l(jli
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1.1:H
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l,aHI
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1 ,0 !-) ':2
!IíS


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XJI
8:2:2


l,0:2!1
8;;;,




APPE ND ICE.


COLlJCF.~ OE 800 A GOO ÉLECTEUnS .


.J ;"11e. Laon.
Soissolls.
Saint-Quelltin lin-
lrlt~nwrn.~) .


Saiut-Qucntin I,e.r-
t ¡'a-m H l'O.~ \ .


,'en iIlS.


llIil'l'. \IOIII'"s.
l,·dél'/¡l'. Pri,,,,.
4,',III1I/1)s. ::\U·zi("l'Ps.


1\ hétrl.
,. () ~I Z i prs.


1"/"'. 'J'ro\ cs.
B"I-,"r-:\uh ...


4 "r!(J. (;al'CaSSOJlIII' (P.r/N(."
mUI'os).
Castel na llllarr.
Xal'bUllnl'.


il'e!l)'oll. ~Iilhall.
(,'011',/110". (;;,,'n !r.r/m-lIIu-


ros'.
FaIaisr.
\'i re.


C" 11 lal . .l'li iI lac.
1;//(/}·(llle. Barl,,'zj"lIx.


CnSllac.
r;¡'(I/·flllr-lllfririen,'e. Sain!-


Jeall-d'.'l.llgely.
Jonzac.
Rochrfo1't.
Sainfcs.


C"te-d' 01". DijOIl, ¡ el'.
DijOIl, :l".
SrmuI'.


DorJogne. Beqlcrac.
Riherac.
SarJa!.


n,:óme. l"alrnce.
Saint-Romans.
~Iontplimart.


HU/·e. ~:Heux.


7()!,
773


:¡:;¡


;;¡O
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,-);2.-)
t-)~i )lJli
¡,:!O
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:;:;0


l' c1'nruil.
Andell".
Bl'rnar·
\'ou\'j,,1's.
Pon!-:l.u,l,'ml'1'.
Brionnl'.


Tlllre-et-[,o¡'·. Drem.
l";"istúe. :\Iorlaix.
(¡al'd. Ximes 1/,rtl·(t-1n1l1~n.~).


¡-""s.
J[a u tr>-(J(lI'(}}I!/(), To[doll~e,
~{'


Touloll:-;p, ;;".
-'!me!.
Snint-Gaudrns.
t'ill,ofrallch.,.


fleJ's. Condom.
ITél'ftlllt. :\Ionll'elliH, ¡ c'.


ppzrnas.
1.0<1,,\'(,.


llle-el-l'i/ain!!. ReuIle,.
l¡¡dl·e. Ch,\lraul'oll\.
[Ilill'e-et-[,oire. TOllrs I.ín-


lJ'a-rnUl'OS'I.
Tours (extra-rnuros).
Chinon.


[sin-e. Grrnohle. 2".
Vienne.


'!w·u. LOlls-le-Saulnier.
¡,andes. Da\.
f,oi/·e. Sa;nt-Étienne.


Saint-Chamond.
Roallue.


lIallte-l,oirl!. Le Pul'.
¡'oil·e-lnjr'l'inu·e. l\'antes. 2".


)\:antes le:rtra-?II1(I'os'¡,
[,oiret. Pilhiriers.


Orléan, (e:rtra-rnll-
l'OS l.


LOÍl·-et-r.hel'. \' endóme.
Lot-et-Gal'onne. Agen, 2 e.


:117


602
Oín




3\8 APPENDICE.


Xérac. , ;,80
.\lllille-et-Loj¡·e. Angers (ih-


tm-lIIw·os). 79\
.l/anche. Saint-Lo. ;;();;


Cherbourg. U(j.-,
\' alognes. ,70
COlltaoces. :¡:\7
Arranch.... (j17


.1Iarae. Reims '1'.l'tl·(H/lllrOsl. fili! {.:pertJ~l' 72H
r i ley. ;¡;,~I


.\layenne. Mayelllle, !¡e. ;;HI
Chúteall-((ontier. ;¡H;,


.\leul"t}¡e. ~ancr, ler. (ji:l
.\"i/l'I'e. X,'\',·rs. ;,99
Yard. Lille, 1..... 701


Anluo.
CharoU"s.


S(!/'the. La Fli,('h,' .
Se;ae. Paris, ge •


1 :.le.
Seille-Jllfá;eure. Rouen, 2°. id:!.


BolbH. fi2:\
])ieppe ¡illtl'lt-utUros). :í17
lIi"ppe :ext1'll·mlll'os). ;,;36
Y\!'Io!. ;,',;,


Sei/lc-el-.lllll'1w. M"¡un. 70í
Fonlaillebl,'alJ. ;¡~If¡
Prodlls. fHG
Cou)ommif)fs. ¡j,-)X


Seil/e-el-()isf'. rersailles. ,,:\H
Corbei\. ;)(j~1


])ouai, ll'r.
Bergllrs.
CUIIlbrai, :l/',


lil:\ ~IalJte,.


Oise. Senlis.
Orllc. (Jacé.


Domfront.
Pas-de-Calais. Arras, :le.


Saint-Omer.
Sainl-Pol.


,jOS So mine. Ami,,"s, 2".
7tH Abberill,', 2°.
j;jO MOlltdidier.
;;'i~' Tal'lt. Alhi.
1i31 Castres, I cr.
66" Ca,t:es, '2".
623 Gaillac.
;';h~ La\:aur.


I'uy-de-Dóme. Clermonl, 1 er. 78H
I'yréllées-Uriell/ales. Perpi-


1'1I1'/L-el-(;It/'Ollllf. Ca IIssad". 7'71


gnan.
/las-l/hin. Slrasbúur)j, 1''''.


Hanuenpau.
lI,tIt/-Rhin. Colmar, 1 "",


Colmar, ;le.
Sa,i/le-et-J.oil·e. Chalon, I-r.


Chalon, 2".


/


lIoissae.
ral', Drauuigllílll.


I
t·{(Uclllse. ,\\i¡¡noll.
lTienlll'. Poili('l's.


\


J"olllle. Au,erre.
- JoigllY·
- S.'IIS.


COI.LEG ES DE ~)OO A iOO EI.ECTEURS •


Aill. Tr('\·OUI. !,O;~ . ~I·iéyc. Pumier •.
.Iislle. Chauny. 4;l8 .~ltbe, Bar-sor-Seine.


Chakau-Thierrj, !¡O~ .~ I'eyl'on. Rudez,
.i/l;el'. La Paliss,'. 111 Saint-Alrriquc.


'¡onllutoll. !¡OH !Jo 1I rhes-du-nh'¡ ne. Ail.
,41'lleIl1les, Sedau. 'Ji', (;1/ n/l/l. \Iall,.iac.


,1;)·1
'13fj
HoH.
·1 J ~,
W7
\:1]




A PPENDICE.


Cha/'ente, Confolens, 451)
Clwrente-Infél'ie1l1'f. La Ro-


rhelle, ler. ·101
Che/'. Sain!-.I\mand. Hi;
Cótes-du-Nord. Lannioll. HI
J)ordof}ne. Périgueux. 4()O


"'ontron. 4;\7
IJoubs. llcsall~oIl lintra-l1m-
ro.~\. no


f:ure-et-1,o;". Chateaudun. 499
Finistere. IIrcsl, I,·r. 417
GaN( Al~.. 484
(lers. Auch. 480


Lectourc. 459
;\Iirande. 4G7


¡;il'ollde. Bordeaul, :l". 404
Balas. 443
La Réolr. 49H


lIIe-d- L'iluine. Saínl-Malo. 49!)
Indl·e-et-Loire. Loches. ''I'''ri
(sere. Grenoble, ler. 491


\"icnne. 423
Saint-Marcellin. 400
La Tour-du-Pin. 487
\·oiron. 4;19


.fllra. )),jle. 41G
- PoliH"j'·12H


1,o;re. :\Iolllhrison. 449
Haute-Loire. YSbl'lIgeaox. 409
/'oire-Illfériem·e. ~antrs, I ero 4,)7
Loiret. Montarais. ·1!l7
Lo!. Fiueac. 421
lIaine-et-Loil·e . • I\ngers ie:rt/'{!-


murosl. !¡7R
Beau(jé. . 404
Cholld. 1¡73
SaulIlur. ,119
Doué. 4a I
Srgré. 40,;


,\lulIf/¡e. Carrntan. 'lO2


Haute-]lm·lIe. \'aS8r.
, lile ur tite. Lunéville.


Meuse. \·C!·dulI.
MOl'bihan. Lorien!, 2".
:lloselle. Melz', I er.


:\Ietz, 2°.
:\Ietz, 3".


l\"ol·d. Cambrai, ler.,
Oise. Beau rais.
Orne. ~Iortagne.
l'as-de-Calllis . • -lrras, I ero


- l\Iontreuil.
l'uy-de-Dóme. Clermont, 2e•
llas-Rhill. Strasbour¡¡ • 2".


, Savcrne.
Srhlcstadt.


Haut-I1hil1. ~Iulbouse.
Haute-S(!óne. Gra)'.
Saone-et-l,oÍl·e. Clully.


Louhans.
S(!l'the. Le Mans, 3-.


Saillt-Calais.
lleaumout-sur-Sarthe.


Seine-I/ljéi-ieure. Saint-Va-
lcrr· ,


Seine-et-Oise. Etampes .
Rambouillrl.


J)eu.r-Sh-I"es. :\1"lIe.
SOl/tllle. Doullens.
Tal'l1- et- GUl"oll/le. ~rontau­


han, ICI'.
l'{(/·. TouloIl, 1 e,'.


Toulon, '2".
Ilri3"olles.


l"endée. Foutena¡'.
Les Sables.


Fiel/lle. Ch,itelIerault.
1Iaute- Vienl1e. Limogcs.


Limo¡¡es, 2".
l"osf}es. "Iirceourt.


31t1


411
~22
414
460
421
425
467
/¡92
491
/¡()9
/¡i7
486
/¡76
114
410
40G
497
458
486
464
433
408
442


414
438
436
468
494


454
42(1
423
405
455
437
429
442
416
421




320 APPENDIC E.


COLJ.líGES DE 400 .\ 300 ÉLEcTEens •
....


Jin. Pont-cle-lOaux.
:l/lier. Ganllat.
lJ(lsses-.4/pes. Digne.
Ifllutes-.lI]ies. tiap.


311) Lot. Cahors. 346
:3,)1 Cahors. :W6
37:2 lIIarle!. 3n


~ ude. CarcaSSOIlU!l.
:\:\1 LOL-ct-(loronlle. A¡¡en , I OT • 3tH
376 l,ozáe. ~If'llde. :\0:,


LiIllOU\. :\í;¡
.~Vf!l'·O". Espalion. :\fll


\·ill"franche. :376
lIouches-dll-Jl/¡olle. ,~rle8. 397


Tal'ascon. aH7
f,'!tuJ'enfe. Ruffee. ;] 14
(;/IIlI·o,(e-Illjái('/(1·('. La !\o-


elldle, :2". ;¡ 10
lIar('IlIl('s. 37B


Cha. Bour¡¡rs ,int¡·a-1II1lI"Os',. :3:,;,
Saneerre. 3:2:-\


(,"orrtze. Tulle. 3.11
Bril es. 3;",


(,'"te- d·Or. Ch¡\tillon - sur-
Sdnr. 31:1


C¡)tes-du-Xord. Saint-Brieuc. :I:!S
S;¡iut-Ilrirue. :lti:l
])inan. :117
(Jllin~¡Olllp. :¡t,S


Tlo¡'dogne. E\cidf'lIil. :3:\:\
Lalinrle. 306


Tlrome. Cresl. 3:~6
Ewoe-et-Loir. Xo¡¡ent-Ic-Ho-


trou. 3:;9
Finislere. Ilrest, 2°. ;\:11


Quimprr. 37:1
(la,·d. L., '·i¡¡all. :\;;.-,
(;el's. LOlllbez. ;~,~)H
llle-et- ri/(line. ritré. :\;,()


Fougrl'Ps. ;~7(j
hu/re. L,' Blaue. :\:\:2


~Iar\f'joI8. :l!1I
.lIaucile. Pi'rif'[. aSí!
~I"rt"ill. :W9


.11al'1/(·. Cl;alnlls-,ur-:\Iarn.'. :\!I!I
SaiIlIP-llendlOllld. :\1~


1I1IIlfe-.1fll/·lIe. Lan3ft·s. :\:11
Challmollt. :\S'.


.1Ia.ll"1lIU'. Lar;¡J, }('r. .;2j'S
Lllal, :l". :\:\;,


.1leIlI'Lile. Xancj', 2 e. :I!IS
Chutrllu-Salins. ;~G.l


)leuse. Bar-Ie-Duc. :l~lS
Commercy. :),:1, j


:lIOl·/Ji/llm. Ponliw. :\~;,
Ploirmel. • :11'<


.l/osclle. TJ.iollville. :\ 1"
Ilrif'j·. :\11
Sal'! t'ITuemiIW!L :HUi


.\'í¡-",·c. ensll". ;11:2
-","'rI. llunkert¡ue. :\:1,
Ul'1u. Alf'lll'OIl. :\61
Ar3~ntall. 33!)
L'r\i8k 301;


Pns-de-Cnlais. Saint-Omrr. ~S!l
l'uy-de-Dome. Hiom ( in lra-


7nllros\. ;~¡)l
Issoirf'. :IH:\
Thi(>¡ s. :)O~.


JllIsses-I'Y",:)I/:I'R. Pau. :\.-,1;
B"lollllf'. :\S,
Orlh.,z. :\;2\


l.llndes. "ont-df'-:lIarsall.
S;¡illt-Srlf'r.


:HU Il(/II1i·s-I'YI'':I/I:"s. Tarbes.
:lfi!l llallf-Uilíll. ,\Itl,ircll.


¡,oil'e. Ft'urs.
ilauLe-l.oire. Ilriourle.
l.oire-lujáieU/·e. Sar"IJa)'.
~'-,(j I - B.'fOl't.
:{S" lU"illl'. Ll on. :1".
3::lr; llullle-SatÍne. JuSS('r.




:lPPE!';DfCE


Sar'me-e[.·[.oire. ;\1.1con.
Sarlhe. Le Mans, 1 ero


.\/nmers.
Deu.r-Sáres. Parlhenar.


Brcssuirr.
raro (irassr.
F(llle/usl!. Üralla".


:11'1.
reudie. Lu~oll.


;~RO
a!J4
3(h!
341;
31~
387
3:J3 ¡
;130
;J 1;)


Hnurbon-\'l'lJdé,'.
¡fienne. Ciuray.


Alonlmorillon.
llal/le -Viellne. Bellac.


- 1I0chechouart.
Fosljf's. l:;pinar.


,\"llfcl,"l(>a(l.
rOHHf TOflIlrrre.


CULd:GES DE :100 I~LECTE:;I1S ET .U'-DEs',or.;.


.4in. Bourrr.
Belle¡-.
(](IX.


!losses-A/l1es. Forcalquier.
Ha 11 tes",4/l'es. Embrun.
,~rdeche. Tournon.


Annonal··
L',-\r¡¡cutii~re.


.4riége. Foi •.
Salnl-Girons.


A libe. :x 03ell l-sur-Seine.
¡;alltal. Sail.t-Flollf .


.\1 u 1',,1.
Cher. Honr:;f'S ((,x/loa-muros::. ~H~
C07"I'Oe. ¡'Zf'l'chr. ~;¡;;


rssel. 2(i4
Corseo ,-\jaccio. 155


Ba;tia. 2,,:3
Cotes-dl/-Nord. Loudéac. 191
Creuse. (juérl'l. 300


Au!;us,on. 270
BOlJI'ganeuf. 144
!lo"""c. 161


lJoubs. B,',alifon (e:d7'(~-
1H !(ros 1. 278


Hau I!J(>-I,'s-J)ilmcs, 226
~lolIl!,,·,liaf'(!. 271
Pontarlier.


},inislere. Chitleaulin.
Quimperlé.


Gironde. /lIare.
!,psparre.


2:1I
I7tl
I (in
;){¡O
270


lIémult. Saint-Pons .
llle-rt- (,i/aine. H,'nl)('5 (r.r-


tra-murus'l.
Hedoll. '
:llonlforl.


[lldre.lssoudun.
La Chúlrr.


Jllra. Sain~-Clau"e .
Luir,'-lllférieure. :\Ilccni·


(:hillra u brian t.
Purnie.


l,o¡¡·et. (licu.
IJuir-ct-Chel'. ROllloraulill.
[,01. (jounlOlI.
¡Joz,;'}'!!. FJorac.
lIaute-.llar"e. BourboHlH'.
Jlayenue . .\Iarenne.
.Uellrt}¡e. Tonl.


SarrebOUf¡¡.
Meuse. ~Iontmédr.
.uorbi}¡all. raunes.


:lluzIllac.
LOl"iPDt, 1 ('l'.


Xie!'l'e. Chútl'au-Chinon.
"Iamper·


¡\·O/'d. Oouai I extra-muros i.
Onu'. Sée¿. '
I'lIy-de-[),;me. Hi,,¡¡¡ (e:1'/m-


muros).
,-\mhnl.


Basses-Pyrénecs. Saiu!-!',,-
lais.


21


3'21


304
330
3~7
346
3~i
:l29
;; )()
:30~




tlP P E N DIe E.


OIel'on. J!H 801111111'. :\hllP,\'illr. iflO
lIaulcs-l'Yl'éllées. ArH"Ii·,. J ~)B Fltllt'lttsr. Carpcntraf;. ~j1


BU;¡llt'!'es. Ifl~) {·elldl;e. L"s ",,!'h¡.,r.. ;i(j!
f'Yl·t!lItl's-()rienla{cs. Cfr~'1. :!:¡l L'i(,/lllr. Loudull. 22'j


Prades. :!!K Ifal/le· ri p l1lll'. Sainl-Y!'i,'¡" 27!
Has·Hllill. \\'¡s>rmhollrB· :!:I:\ L'o.<yes. BL'lllirelnont. I ~)~)
Haule-Saolle. resoo!. :!K:\ S,¡jllt·))¡~. 2(1}


Lurr, :!:ll Y01l11l'. ;\¡alloll. :!'j:!
Sal'llle. Le 1Ians. :!:!K


II Y aUl'ait 11 la suile de ces tahlcanx de 1J0Illhreu,c.,
consér¡lIellces a lirel' . .le llIe J¡ol'ucl'ai, <Jlldlll il pl'l~';Cllt, a
denx ()bscnations. Les dcux Call~{:ol'ics ('xlrémes SOIlI
celles !Ir', ('Ol)I~¡;CS au-dí's<;olls de :300 ilectellrs el cclk"
des eoll,;!!es an-des,n, de SOO. Dc ces dCllx call1aories, la
prellliere IlOlllmc 71 déplllés, la ,ceo!lI'!c ell 1I0mlllf.' ti!'
Or, si l'OIl addilionuc le 1101Ilbrc des declelll's qui appal'-
tiennellt ;\ l'nne ~t a l'aulre, on "oit que 61 clépntés rc-
présentent ti:J,290 élcc1eurs, landis que 77 délJUlés en
repn:sentcnt lR,0.17. N'esl-ce pas une inégalité choflnanfl'
et flui appcllc uue proIllpfe rl;fol'llIc?


Si lIIailltcnalll 011 yeut se rClldl'c cOlllple d(~ la rélmrti-
tion des d';¡llltés de la 1I1:ljnrilé lIlilli,tiri('!le el des d(~llllll\S
lle I'opposition entre les divcrses calt-{lories, \oici :\ ¡¡IIl'h
résultats on arrive.


La Chambre actneHe se compase de .159 mcmbl'(",
parllli lesr¡llels, ¡'Il complant les t!oubles l')ectioTls, la 1lI¡¡-
jorilé millistériclle }lelll en revelllliqllcr 27ti ell'oppositil'll
de toule ll11anCe 183. 01', dalls les coIlé¡;cs 'lui out 1lI0illS
de 400 élc('tcurs , la Ill<ljorité llIillistérielle a O)¡tCllll 113
nominatiolls el ]'opposition 59; dans les coIlér,es de .íOO ,¡
SOO la majorité millistérielle a ohlenll 133 Ilolllillaliolls el
l'oppositiol1 93; daus les colléaes au-dessus de 800 la ma·
jOl'lte millistériclle a obfenu 30 lIomillatiolls el l'oPP"-
sition 3 I.




.'\ P P E ~ DIe E.


(J1l voit quc LlIallla¡¡e millisléricl \a diminllanl a lJIe-
ollre q!le le nombrc dcs t·lcclcnrs al.¡pUcntc, .insqn'an
IllOI11Cnl "Ú 1'01\ arri"e aux eoll(:(;(,5 "l'aimCnl }lolitiques .
. \Iors c'est l'oppositiol1 qui l' ~mportc. .


II me parait diflicile, en f<lce dc te/s chiffrcs, (IllC l'oll
vienne sc vantcr eneorc d'<lvoir ponr soi l'opillion "áitaLle
de la Frailee. Diles !Pl'a l'aide d'ullc loi électoralc i!lü':'
nieusemcnt cornhinée el profondérnent viciée par mil'
<'orruplioll sysléllla tique, VOllS vous étes assllré la majo-
rité lé¡ple d<ll1s la Chambre el que vous voulez en user.
~e dites pas (Ille la Franee vous approuve et cIue "olre
politiqnc es! la sicnnc. Les résllltats de l'élcction la 1lI0illS
sincerc, la lIlains libre '111'il y ait en dcpuis 1821 "iCllllf'llt
"U\-Il](~IllCS YOItS "Ollller UII écJatJnt di·menti.


Fl ~.


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... f~:"-




T.!\BLE DES .cHAPITRES.


l'r.Y.FACE VE CETTE \·Ol'VEJ.LE ÚllTIOX,


Pr,Ü'ACE DE L.l Pr,EAIl~;R~ ÉIlITlOX,


CIHPITRE 1. Situation. ,
JI. Du ¡¡ourernc1l1enl n'présentatif.


IIl. De la centralisiltion~ ,
IV, De la l'éfor1l1e parlc1l1eu taire. , .
V, De la rdorme elect'Orale ..


,'I. Conrlusicn .•.


¡hn:\DICE,. , • • • • , ' ,


~' 1 X DEL" T ~ B L E.


24\)