RÉVOLUTION D'ANGLETERRE
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RÉVOLUTION D'ANGLETERRE
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LA RKPUlìLIQl.'Ji ET GROMAYEU.
(UH!)­1 OOS)


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R É V O L U T I O N D ' A N G L E T E R R E
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(• ! i z O Ï
n.st ttieisee cii fraii jjfirtu:* :


l l i s ion iE DE C H A U L E * 1 « (Ifi23-](ï' i9), pr«.''cci]i'u d'un DUcours »ur tu
linuluttnn (VAngleterre. S" ('ditioii. i i n l . in-hJ. 7 u


HISTOIRE » E LA RÊIUDLIOLE I>'A.NCLETEKKK BT CE CROSWELL, ( l6W-l i i5S . ' .


3* vdit iou. i vol . i i i -12 . 7 »


HISTOIRE DU MW>TECTOR»T DE RICHARD ('ROMKEI.I. et du HÉTAÏH.ISSEWEM DES


STLARTS ( 1 0 5 9 - 1 «60) , 3 e éd i t ion . 2 vol . iti-12. 7




Ii I ST 0 I K E
É PUBLIQUE


Li л M i I, К T Ii H U!


DE СНОМ WE L L






AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR


Quand M. Guizot a public, en 1 8 3 0 , son DIS-


COURS suu L'HISTOIKE DE LA RÉVOLUTION D'ANGLE-


J'EKiiE, il a considère ce grand événement dans son


ensemble et à travers ses phases diverses, depuis


l'avènement de Charles I" , en 162o, jusqu'à la


chute de Jacques II et à l'élévation de Guillaume II 1


au trône, en 1 0 8 8 .


Dans le cours de ces soixante-trois années qu'il


;i. remplies, le drame de la Révolution d'Angleterre


se divise naturellement en quatre grands actes :


!" Le règne de Charles 1", sa lutte contre le Long




VI AVERTISSEMENT


Parlement, sa défaite et sa mort : 2" La République,


tantôt aux mains du Long E'arlement, tantôt soû-


le joug de Cromwell; 3 ° Le l'établissement des


Stuart, à la suite d'une courte anarchie parlemen-


taire et militaire; 4° Le règne des deux derniers


Stuart, Charles I I et Jacques I I , et la chute défini-


tive de cette race royale.


Chacune de ces quatre époques est, dans le plan


de M. Guizot, l'objet d'un ouvrage spécial. La


réunion des quatre ouvrages formera l'histoire coin-


plète de la Révolution d'Angleterre, et comme la.


preuve dramatique du DISCOURS dans lequel


M . Guizot a résumé le caractère et le sens général


de cette Révolution.


En 1 8 2 6 et 1 8 2 7 , M. Guizot a publié le premier


de ces quatre ouvrages, 1'HISTOIRE OU RKGXE PI:


CHAULES I e r . Il publie aujourd'hui le second,


1'HISTOIRE DE LA RÉPUBLIQUE D'ANGLETERRE ET DI;


CROMWELL. Les deux autres paraîtront successive-


ment et compléteront le tableau de ce laborieux,


enfantement du plus grand des gouvernement:»


libres qu'ait encore connus le monde.


De nombreux DOCUMENTS HISTORIQUES, jusqu'ici


inédits, et empruntés aux Archives des affaires




D E L ' É D I T E U R . VII


étrangères de France, aux Archives espagnoles de


Siniancas et à diverses collections de manuscrits,


sont placés à la fin cle chaque volume, et servent


de développement et de preuve, soit aux assertions,


soit aux jugements de l'historien.






ÏÏIST01I1E REPUBLIQUE D'ANGLETERRE ET DE CROMWELL
LIVRE I


< i r ^ a ; u s : i ; i o n -lu M a i v m i e n i e i i t r é | n r > i i e a i i i . — F o r m a t i o n da c o n s e i l d ' E t a t . —
\ : r s i - t o i r e du p a y s . ™ d ' o r o s e t c o n d a m n a t i o n d e r i : e | eliel's r o y a l i s t e s , 1 r s
h.ni* Mamillon, H ' . I I h i k I . C - i I m - I I , '.Nm-\yic-li r t s i r .Tulni O m i - l l a l n i l l û n ,
H o l l s i i d i 't C a p c l l s o n t c v e u r o - s . — i ' u M i c a t i o n <!<_• 1'/'. ';/ '.;;! A ' . /m7i7o: .— l ' o l o -
i i i i ' iuc n n a l i s t e c i r e p i i l i l h - n n e ; M i l t o r i et. S a u n n i i s e . — E x p l o s i o n e t i n s u r -


is i l ion d o s \ e . e l o u i s . - L i l l n n n o . — L e u r n o l a i i e . — P r o c è s et u C ' p u t t e i n e n t d e


i . i l l i n n i o . — T y r a n n i e du P a r l e m e n t . — G r a n d e u r c r o i s s a n t e d e C T o i n w e l l .


,S'ai l'aconlc la cliulc d'une ancienne monarchie et la
mort violente d'un roi (limite de ivspecl, quoiqu'il ait
mal cl ît jjiit-loiïiotiï gouverné ses peuples. J'ai niai nie-
llant à raconter les vains efforts d'une assemblée révo-
lutionnaire pour fonder une république, et le gouver-
nement toujours chancelant, bien que fort, et glorieux,
d'un despote révolutionnaire, admirable par son hardi
et judicieux génie, quoiqu'il ail, attaqué et détruit, dans
son pays, d'abord l'ordre légal, puis la liberté. Les
hommes que Dieu prend pour instruments de ses grands
dépeins sont pleins de contradiction et de mystère : il
mêle cl unit en eux, dans des proportions profondément




£ OTSfi.W'rSATÎOX n r ( Î O l T K K V K M E X r


cachées, les qualité? et les défauls, les \er luset les vices,
les lumières et les erreurs, les grandeurs et les fai-
blesses ; et après avoir rempli leur temps de l'éclat de
leurs actions et de leur destinée, ils demeurent eux-
mêmes obscurs au scia de leur gloire , encensés et
maudits tour à tour par le monde qui no les connaît pas.


A l'ouver ture du Lon g Pari en îe n I, le r> n ovembre l fi 10,
laChambro des communes était formée de cinq cent six
membres. En 1049, après l'exécution du roi. lorsqu'elle
abolit la monarchie et proclama la République, à peine
on res ta i t - i l cent qui prissent part à ses séances et à
ses actes. Dans le cours du mois de février, la Chambre!
se divisa huit fois pour voter; et dans la séance la plus
nombreuse, soixante - d ix-sept membres seulement
étaient présents 1 .


Ainsi mutilée et réduite à une coterie victorieuse,
celte assemblée m mit à l 'œuvre, avec une ardeur pleine
en même temps de foi et d'inquiétude, pour organiser
le gouvernement républicain. Le 7 février IfiiO, le,
même ;<mr où elle abolit expressément la monarchie,
elle vota la création d'un conseil d'Etat chargé d'exer-
cer le pouvoir exécutif; et cinq membres, Ludlow, Seolt,
Lisle, Holland et Robinson, pris parmi les plus fermes
républicains, reçurent mission de préparer les instruc-
tions de ce conseil et de proposer au Parlement la lisie
dos membres qui devaient le former-.


1 Pnrl. hist., t. TX, p . 1 2 . — J o x r n o h of Hic Howe of commons,
i. Vr, p . 128, 130, 132, MO, M l , 1 13, 1 17.


- Jon/Hah of the TJousc of commons, t. V I , p. 133. Jo r a p p e l l r




REPUBLICAIN (1649). fi


Six jours après, le i ?> février, Scott fit à la Chambre son
rapport. Toutes les fondions pratiques du gouverne-
ment furent confiées au conseil d'État. Il reçut pouvoir
de disposer des forces publiques et des revenus publics,
de faire ta police, de réprimer toute rébellion, d'arrêter,
d'interroger et d'emprisonner quiconque résisterait à
ses ordres, de conduire les relations de l'État avec les
puissances étrangères, d'administrer les colonies et de
veiller aux intérêts du commerce; il élait ainsi in-
vesti d'un pouvoir presque absolu, sous l'empire et
selon les instructions du Par lement , seul dépositaire
de la souveraineté nationale 1


Le lendemain et le surlendemain, en votant spécia-
lement sur chaque nom, la Chambre nomma les qua-
rante et un conseillers d'État; cinq anciens pairs, cinq
magistrats supérieurs, les trois chefs de l'armée, Fairfax,
Cromwell et Skippon , et vingt-huit gentilshommes de
campagne ou bourgeois, presque tous membres de la
Chambre. La nomination des anciens pairs rencontra
des objections ; les démocrates voulaient les exclure,
comme la Chambre des lords elle-même, de toute par-
ticipation au gouvernement de la République; lespoli-


q u e l ' A n g l e t e r r e , h c e l l e é p o q u e , n 'ava i t p a s e n c o r e a d o p t é !a
ré forme du c a l e n d r i e r g r é g o r i e n , e t q u e sa c h r o n o l o g i e étai t en
/ e l a r d d e dix j o u r s s u r c e l l e du c o n t i n e n t . Le 7 f é v r i e r , e n A n g l e -
terre , on x v i t - s i è c l e , c o r r e s p o n d d o n c au 17 f é v r i e r s u r le c o n -
t inent . .T'ai c o n s e r v é , e n p a r l a n t d ' é v é n e m e n t s a n g l a i s , l e s d a t e s
a n g l a i s e s p a r c e q u e , si e l l e s é t a i e n t c h a n g é e s , il s era i t t rès -d i l i i -
e i l e d e s e r e t r o u v e r d a n s l e s d o c u m e n t s a n g l a i s a u x q u e l s j e
r e n v o i e .


1 Joumals o[ the llouse of >,<.>mmo}i.<, t V I , p . I;tS.




4 ( m i î A X T S A T T O X DTI OOTJY1ÏRXKMF.XT


tiques n i i contraire accueillirent avec empressement ce?
grands soigneurs encore puissants par leur richesse et
par leur nom, et que leur fanatisme ou leur bassesse
livrait au parti qui avait détruit leur ordre. Ea liste
proposée par les commissaires du Parlement fut acceptée
iout entière, sauf deux noms, freton et Harrison, que
probablement on jugea Irop attachés à Cromwcll, et
qui furent remplacés par deux républicains méfiants ei
roides envers l'armée et ses chefs. Ils étaient tous
nommés pour un an


Quand ils se réunirent pour la première fois 2 , on
leur demanda de signer un engagement portant qu'ils
approuvaient tout ce qui avait été fait pour le jugement,
du roi et pour l'abolition de la monarchie et de la.
Chambre des lords. Quatorze conseillers d'État seule-
ment assistaient à cette réunion; treize souscrivirent
sans hésiter la déclaration proposée, et une réunion nou-
velle fut convoquée pour le surlendemain ; trente-quatre
membres s'y rendirent , et le même jour Cromvvell
rendit compte au Parlement de ce qui s'y était passé.
Six conseillers d'Etat de plus, en tout dix-neuf, avaient
signé l 'engagement; viugl-deux persistaient à le r e -
pousser. Ils se disaient résolus à servir fidèlement, dans
l 'avenir, le gouvernement de la Chambre des cont-


1 .Tournais vf Ihe Housc of cumtuoiiS, t. V I , y. i:î.—M~<rnn/reï


de Ludion-, t. I , p . 357 , d a n s m a Cullcrlj^u de* M^noires rclaf/fs à


Jn lïrnduUv}! d'Aii'.jJ<:tcrro ; ~~ G o d w i n , lli^L oftlte C^mmo;vn:>ill'ii,


t. I I I , p . 11.




KKPUBUOAIN (16J9). 6


mîmes, pouvoir suprême, seul resté debout et n é -
cessaire pour les libellés et Je salut du peuple; mais par
(les mol ifs divers et en termes plus ou moins nets, ils
refusaient de s'associer à tout le passé. La Chambre émue
entra sur-le-champ en délibération, interdisant à tous
les membres présents de sortir de la salle sans une pe r -
mission expresse; mais le bon sens politique réprima la
passion; on ne voulut pas, aux premiers jours de la
République, faire éclater les dissensions des répnbli-
cains ; les régicides comprirent qu'ils seraient trop fai-
bles s'ils restaient seuls ; laChambrc se borna à ordonner
que les conseillers d'Etat qu'elle avait nommés se réuni-
raient pour conférer entre eux sur ce qu'il y avait à faire
dans cette circonstance, et qu'ils viendraient ensuite
lui donner leur avis. L'affaire fut réglée sans plus de
bruil ; on se contenta de l 'engagement de fidélité que
K'S dissidents offraient pour l'avenir, et ils prirent leur
place, à coté desrégicides, dans le, conseil d'État républi-
cain


Ce compromis fut surtout l 'œuvre, d'une par t , de
Ci'oimvell, de l 'autre, de sir Henri Yane, le plus émi-
nent , le plus sincère, le plus capable et le [tins chimé-
rique des républicains civils. 11 était révolutionnaire
ardent, et il détestait les "violences révolutionnaires.
Lorsque, le t> décembre 1048, l'armée expulsa de la
Chambre des communes tout le parti presbytérien,


* Journah oftheHome of commowt, t. V I , p . 139 , 110;—AVli i te-


l o c k u , p. - '382;—Goihvin, Ilist. of the Commomvealth, t. I I I , p . ¡¡¡8-


31 ;—Cromi i c l l i a .no , p . M ,




G O K O A N I S A T I O X M ; l î O r V K K N I J M K N T


Vane improuva hautement cet acte, cl cessa de prendre
pari aux séances de la Chambre mutilée, il s'éleva plus
vivement encore contre le procès du roi , et depuis
cetlo époque, il vivait dans son château de Raby, com-
plètement étranger aux affaires. Mais la République
était l'objet de sa foi et de ses vœux; dès qu'elle appa-
rut , il lui appartint de cœur. Cronnvell, qui s'inquié-
tait peu des embarras que pourraient lui causer plus
tard les alliés dont , pour le moment , il avait besoin, <U
sur-le-champ tous ses efforts pour que Vane revînt
donner au gouvernement républicain l'appui de ses
talents, de son dévouement et de son crédit. Varie
résida d'abord, comme on résiste quand on cédera;
puis ce l'ut lui qui, mettant le passé à l'écart, suggéra le
serment de fidélité pour l'avenir, et Cronnvell, bien
sur que cela suffisait pour que Vane lui acquis au ser-
vice du conseil d'Etat et du Parlement, l'ut des plus
empressés à s'en contenter 1 .


Cromwell avait raison, car à peine installés, ce même
Vane cl celle même majorité du conseil d'Elalqui avaient
refusé de s'associer à la responsabilité des régicides,
(durent pour leur président - IJradshaw, le président d.e
la haute Cour qui avait condamné Charles l < r; et trois
jours après, Vane, avec quelques-uns de ses collègues,
se rendait dans une modeste maison de Iïolborne pour


1 F o r s t o r , The Statemnvn of IheCommonvcalth ofKmjlan'i, t. nr


j>. 120-1*27. d a n s la F i t - d e s ir H e n r i V a n u . — C î o d w i n , liisl. of ihe


C<>mmutnrroUh,i. I I I , p . 3 1 .


.Le 10 murs l l j l i ) .




K K r > ( ' l U . I ( : ' A Í \ 1.1649). 7


ülí'rii' la charge lie secrétaire latin ilu Conseil à un cou-
sin de Hradshaw, qui venait, de soutenir, dans un pam-
phlet éloquent, « qu'il est légitime d'appeler à rendre
compte un tyran ou un mauvais roi, et après l'avoir
dûment convaincu, de le déposer et de le mettre à
mort. » C'était Milton l .


lin même temps que du conseil d'Llat, la Chambre
s'occupa des tribunaux; question urgente, car on tou-
chait au jour où leur session trimestrielle devait s'ou-
vrir, et nul n'admettait que le cours de la justice pût
('•Ire interrompu. Parmi les douze grands juges, dix
avaient été nommés par le Parlement lui-même depuis
¡explosión de la guerre civile : six d'entre eux pourtant
refusèrent tout serment de fidélité à la République' 2, et
Jes six autres ne consentirent à continuer leurs fonc-
tions qu'à condition que, par une déclaration formelle
de la Chambre, ies anciennes lois du pays seraient
maintenues, et que les juges les prendraient toujours
pour règle de leurs décisions. Tout fut, fait comme ils le
demandaient, e l l e s six juges qui avaient donné leur
démission ne furent remplacés que dans le cours de
l'été suivant 3 .


Le grand amiral , le comte de Warwick, \ivail en
intimité avec Cromwell; mais c'était un presbytérien


T o d d , Life ofinlhn. i». 0 3 , 7 0 ; — C a r l y l o , Cromu-cU's Letters,


t. I, p . ill);—Godwin, Mit. of Oie Commuuu-enlth, t. I I I , p . 30 .


ï Le 8 l é v r i e r 10 III.


's Jovrnah "f (he House ,-f W K W I I Í , 1. V I , p. 13-1-130 ;— W h i l e -
¡ o e k e , |». 37H, 3SO ; C ' a r e n d o n , Mst. of the Rvbdlbn, 1. s i , c . 24»•


i. IV , p . 510 , ed i t , d e lijl'J.




8 Oli l ' iAMSA'J'IO.N 1)1' IVOI'VKKMOIKN'I '


décidé, qui n'inspirait aux républicains aucune con-
fiance, et qui préférait lui-même son reposa leur ser-
vie*?. Sa charge lui fui re t i rée 1 ; les pouvoirs de 1 ami-
rauté furent remis au conseil d'Etat, qui les délégua a
un comité de trois membres, dont Va ne était l 'âme;
et le commandement de la flolie passa dans les mains
de trois officiers, Pophani, Dean et Robert fîiakc, puri-
tain lettré et guerrier, déjà éprouvé dans l'armée tic
terre' et destiné à faire sur mer la. force et la gloire de
la République qu'il servait avec un austère et hardi
dévouement 2 .


La Chambre avait touché et pourvu à tout ; la législa-
tion, la diplomatie, la justice, la police, les finances,
l 'année, la Hotte étaient dans ses mains. Pour paraître
aussi désintéressée qu'elle était active, elle admit les
membres qui s'étaient séparés du parti vainqueur, au
moment de sa rupture définitive avec le roi , à repren-
dre leur place dans ses rangs, mais en leur imposant
un tel désaveu de leurs anciens voles que bien peu
d'entre eux purent s'y résoudre; elle autorisa, pmir
combler les vides, quelques élections nouvelles, mais
en très-petit nombre, sept seulement dans l'espace de
six mois, car elle se méfiait des électeurs; elle ordonna
même la formation d'un comité chargé de préparer une
nouvelle loi électorale et l'avènement d'un parlement
nouveau. Mais c'étaient là de pures démonstrations,


' Le 20 f é v r i e r KM9.
2 J ournah <>fthe Houseof commoin, i. VI, p . 117, 1-19, 1 5 0 ; — l ! o d -


w i n , Ilist. of the Commonwealtli, i. 111. p . 'Jô.




R K P l ' R L T r A l N :ln.lft). j


non dos résolutions el'lieacos : « Prenons conseil des
saintes Ecritures, ilisail Henri Marlyu; quand 3'oïse
enfant fut trouvé sur le 11 cuve et apporté à la fille de.
Pharaon, elle fit chercher partout sa mère pour en
faire sa nourr ice, ce qui réussit à merveille. Notre
llépubliquc aussi est un enfant à peine né et d'un tem-
pérament très-délicat; personne n'est aussi propre a i e
nourrir que la mère qui l'a mis au monde ; gardons-
nous de le laisser passer en d'autres mains avant, qu'il
ait acquis plus d'âge et de vigueur 1 . »


Henri Maiiyn ne disait pas assez : non-seulement la
République ne pouvait vivre sans les soins de la Cham-
bre qui l'avait entaillée ; niais quand cette Chambre
toute-puissante voulut mettre la République en vigueur,
elle se trouva trop faible elle-même pour accomplir
celle œuvre, et ne put que flotter entre la précipitation
i:l i'ajourncincul, l'hésilation et la violence. Les actes
volés le 7 février, pour abolir la royauté et la Chambre
des lords, ne furent définitivement adoptés que les 17
et Ifl mar s , et quand la Chambre en ordonna la pro-
clamation officielle dans la Cité de Londres, le lord
maire Reynoldson s'y refusa absolument. Mandé, dix
jours après, à la barre, il allégua pour sa justification les
scrupules de sa conscience. La Chambre le condamna


1 JonrnoU oftlic Uonse of cammow, t. V I . p . HO. 130, 133, l.'iO,


5 1 0 ; — R o d w i u , J7i'vJ. oflhe CommonweaUh, 1. I I I , p . 33-35 ; — F u r s -


i rr , Sfalesmen of Ihe Cu';n}non>r^aJl]i . i. I I I . p . 'Ali: d a n s la. 1 ' i > ck


Jh.'nri J l a r t y n ; — L u J l o v , Mémoires, t. i l , j». 4 -0 , dau> m a (!u{-




1') O l i ( ' A N I N A T H > X IU' C . O U V K K X K . M E N T


à 2,000 liv. si. d'amende, à deux mois d'emprisonne-
ment, et elle ordonna l'élection d'un autre lord maire.
L'alderman Thomas Andrews, l'un des juges du roi ,
fut élu; mais la Chambre ne crut pas devoir lui impo-
ser immédiatement cette proclamation officielle de la
République,à laquelle s'était refusé son prédécesseur;
vile laissa même entrevoir, contre la Cité, de plus .rigou-
reux desseins : « Ils se croient assurés de la ville,
écrivait à M. Servien le président de Bellièvre, am-
bassadeur de France en Angleterre, soit en faisant
élire d'autres magistrats qui soient à leur dévotion, ou
en supprimant absolument la forme de gouvernement
qui a été observée jusqu'ici , et y établissant quelqu'un
des officiers de l 'armée en qualité de gouverneur,
comme on croit qu'ils prétendent le faire. Mais il y a de
l'apparence, quoiqu'ils puissent avoir le dessein de le
faire dans quelque temps, que , pour le présent, ils se
contenteront d'y établir leur autorité, sans témoigner
de violence. » Le 10 mai suivant, plus d'un mois après
l'élection du nouveau lord maire, et plus de trois mois
après la mort de Charles I" , l'autorité de ta Chambre
n'était pas établie dans la Cité, car la République n'y
avait pas encore été proclamée. On demanda raison de
ce retard, et vingt jours encore après, le 30 mai seule-
men t , cette proclamation eut lieu enfin, en l'absence
de plusieurs des aldermen de la Cité qui se dispensèrent
d'y assister, et au milieu des marques de la réprobation
populaire : « On avait voulu, écrivit au cardinal Mazai in
M. de Croullé, secrétaire du président de Bellièvre, faire




cet acte dans la forme ordinaire d'une simple publica-
tion, sans (|U(! le main; ni lesaldermen se fissent assis-
ter d'aucuns soldats,pour témoigner «ju'il n'y était [toini
intervenu de violence ; mais quantité de peuple s'étant
assemblés autour d'eux avec des huées et des injures, les
obligèrent d'en envoyer quérir qui d'abord tirent écar-
ter tout ce qui y était, et ainsi ils achevèrent leurs
publications »


Les aldermen qui s'étaient absentés furent mandés à
la barre, et ils avouèrent hautement les motifs de leur
absence : « Ce qui se faisoil étoit contre ma conscience
et nies serments ,» dit sir Thomas Soames, membre
aussi de la Chambre : «Je n'avois pas cœur a cet ou-
vrage,» répondit llicliard Chambers. Ils furent tous deux
des!ilués de leurs fonctions municipales et déclarés inca-
pables do Ion le fonction publique. Sir Thomas Soames fut
même expulsé du Parlement. Mais quand il fallut
lus remplacer, on cul grand'peine à leur trouver des
successeurs; sept refus successifs attestèrent le mau-
vais vouloir des bourgeois; un dîner, offert à la Cham-
bre par la faction de la Cité qui lui OAnP dévouée,
couvrit mal ces échecs; et, pour mettre le corps m u -
nicipal en état de remplir ses fonctions, on fut obligé
de donner à quarante, et même, dans certains cas,


l J'jvrviil:: nflhe II»»*? nfccmmnm, t. VI, p . 1 3 3 , 100 , 1 0 8 , 1 7 ! ) ,


H!!, m , 221 ;—VÏ , i«elo< l;e, p . 3!i:î, m ,—Lettres du p r é s i d e n t ,1e


U r K i e v t e il M. S e n ion 12 avri l liîll*., et d e M. d e O u t i l l e à M,i-


/ . l ' i'ie ,11 j u i n l o l ' J ) ; Archiva des Affaires élranyire» de l-'mnre;—


LàceUcr'h Journal, i>. 7o .




I;> OttO.WJLS.Vt'l ' lN l>C l i u r V I ' . H \ K . M KNT


o div de ses membres, le droit d'agir eji soi! nom 1 .
Les mêmes obstacles, la même résistance se rencon-


traient partout. Le Parlement ordonna, dans loin les
lieux publics, la destruction des emblèmes de la royauté;
et cet ordre, renouvelé quatre l'ois 2, fut si peu obéi que,
deux ans après l'établissement de la République, le Par-
lement fut obligé d'en mettre i'exécuiion sous la res -
ponsabilité et à la charge des paroisses. On demanda
aux ecclésiastiques pourvus de bénéfices, aux membres
des Universités d'Oxford et de Cambridge, à tous les
fonctionnaires publics, shérifi's, juges de paix et nu Ires,
un engagement de simple fidélité à la République; et
les refus arrivèrent par milliers, publiquement sanc-
tionnés par les autorilés les plus graves, entre autres par
l'assemblée du clergé presbytérien, réunie à Londres en
1(!.*)0 '. Ce fut seulement au mois de janvier -lo.'io, un
an après la mort du roi, qu'on osa changer, dans la
Hotte, les noms de vaisseaux qui rappelaient la rovaulé ''.
Au printemps de celte même année, une frégate neuve
fut lancée à Londres, en présence du conseil d'Llat
réuni : on avait envie de l'appeler la /(('publique d'Au-


» Journals of the Home of nommons, i. V I , p . 2 2 1 , 222;—VVln-


t d o c k e , p . 3 8 1 , 401 , 40 j ; — G - o d w i u , Hisl. of the Contmomcealth,


t. I I I , p . OT.


* Le» 1 3 f é v r i e r e i 9 ooûf l e 10 , 9 avri l lOêO ei 5 f é v r i e r Ifi.'.l


Jovrnah of the Uovse of commonx, I. V I , p . 142, 2 7 0 , 3 9 4 , 50J.


» Journal* of the IIousc of comment., I. VI , ¡ ' . 300 . 127: — Xefii,


llis!. of llic l'itritans, t. IV , p . H-IO ;— lleUoni-- liuéjleriunT, ii ',. i,


p a r s ] , p . 01 .


Juuro.a'sof ti'.c House of eouaiions, i. VI , [o l'Ai).




H K I T l ì U C A I V •Hil!>). l:i


yklrnr : «mais ou a jugé, «'­crìi M. ile Crollile au ear­
• linal /Mazariu, que, si clic venait à périr, coinme tous
les vauseaux > sont sujets, ce serait un mauvais pré­
sage, » et on se refusa cette hasardeuse satisfaction


Rien n'irrite plus le pouvoir, ruriont un pouvoir vain­
queur, que le sentiment de son impuissance ; et quand
il l'éprouve, il cherche aussitôt à faire quelque acte de
force pour s'en distraire ou pour s'en venger. Ce gouver­
nement républicain, si entravé dans sa marche, avait
entre ses mains quelques­uns des plus éminenls parmi
les chefs royalistes, le duc de Hamilton, le comte de
lloJland,lecomic deNonvich, lordCapell,sirJohnOweu,
\nillanls débris des dernières luttes de la guerre civile,
lombes, à divers jours, au pouvoir du Parlement, el ses
prisonniers depuis plusieurs mois. Un moment, ils
avaient pu se croire délivrés. En novembre 10­fô, les
deux Chambres avaienl voté que le duc de llamillon
payerait une amende de JjOO,000 liv. st., et que les autres
seraient bannis du ro \ aume 3 . Mais avant que ce rote eût
reçu son exécution, les Presbylériens, qui l'avaient
l'ail rendre, étaient expulsés de la Chambre des com­
munes, et les Indépendants, restés seuls maîtres, le fai­
saient formellement révoquer, et, retenaient les cinq
chefs en prison, annonçant l'intention de leur faire
leur procès 3 . Indifférent à cette périlleuse perspective,


1 Oroul ló a u o a n l m a l M a z a n n ¡2mai ]0~>(() ; Archives des Affaires


i Junri.iii* <>/" Vue­ House, uf rorivirions, t. V I , p . 1:2.
13 duocm'bru 10i'­i,—lbid., [i. №.




! i P R O C È S P.KS CIIKI- 'R


lorsque, peu de jours après, un procès plus grand, celui
du roi, commença, lord Capelî, avec l'entraînement
d'un lier gentilhomme et d'un soldat vertueux, écrivit,
du fond de la Tour, le -15 janvier 10-49, à C roui well pour
lui représenter l'énormité d'un tel attentat et le con-
jurer de sauver le roi : «Je vous permets, lui disait-il,
et peu m'importent les inconvénients qui pourraient eu
résulter pour moi, je vous permets de penser qu'il n'y a
point de moyen honnête de servir mon malheureux
maître auquel je ne fusse, à tout risque, prêt à recou-
rir pour lui, comme il n'y a point de bonheur ici-bas qui
me fût plus cher que celui d'aller un peu plus loin que
tout autre dans le dévouement que je lui dois. Mais
mon sort actuel m'interdit tout autre pouvoir que celui
d'invoquer sur lui la protection de Dieu, et de m'a-
dresser à vous que je regarde comme le chiffre qui
donne leur sens et leur valeur aux nombreux zéro; qui
le suivent.» Il faisait longuement valoir, en termes
tantôt blessants, tantôt flatteurs, tons les motifs de reli-
gion, de justice, de politique, de devoir, d 'honneur,
d'intérêt, d'orgueil et d'ambition personnelle qui de-
vaient décider Cromwell, et il Unissait en lui disant:
« Ma conclusion sera très-franche, pour que vous en
soyez d'autant plus sûr de ma sincérité envers vous sur
toutes choses. Les anciennes constitutions et les lois
toujours subsistantes de ce royaume sont mon héritage
et mon droit de naissance; si quelqu'un prétendait
1 n'imposer ce qui serait pour moi pire que la mort, je
veux dire un lâche abandon de ces lois, je choisirais la




HOYA M S T KS ( i ' K V K i t r t lim). üj


morl comme le moindre mal. J'ai aussi dioil, au main-
tien i!c la rovauté, qui est le pouvoir proleelcur de nos
! o j s , et à ce seul titre, elle m'est plus chère que la vie.
Enfin c'est sur la tète tin roi aujourd'hui mon maître
i j u c reposent mon droit et aussi mon devoir, à cause
des inappréciables faveurs que j 'ai reçues de lui. Plût à
Dieu que le sacrifie»! de ma vie pût sauver la sienne ! Si
vous pouviez faire qu'elle fût bonne à quelque chose
pour ce dessein, je vous porterais plus de reconnaissance
que vous n'en attendrez jamais vous-même des gens à
qui vous aurez rendu Je plus de services, et je mourrais
votre affectionné a m i 1


« C a I ' C I . L . »


Cromwell ne répondit point à celte let Ire et ne l'ou-
blia point. Il avait celle sagacité impitoyable qui sait
reconnaître la valeur d'un ennemi, et qui n'en conclut
que la nécessité de l'écarter. Le 1 " février, la Chambre
vola la formation d'une nouvelle haute cour de justice
formée de soixante membres, dont quinze suffisaient
pour prendre une décision ; Dradshavv en fut nommé
président. Elle reçut mission de juger divers délin-
quants, spécialement le duc de Hamilton, lord Holland,
lord Norwich, lord Capell et sir John Owen, et l'ordre
fut donné de commencer immédiatement le procès 4 .


' Lives of the friends and contemporaries of lord chancellor Cla-


rendon, par l a d y T h e r e s a L e w i s {Vie dc lord Capell;, t. IT. p. 102-


Iii3 ( L o n d r e s , L-S2;.


- l"r l é v r i e r Ki-L1 ; Journals of the House of commons, I. V I , p. 128,




10 PROCÈS' D E S C H E F S -


Le lendemain, ¡2février, dès que la nuit fui venue, lord
Capcll, à (jui Ton avait trouvé moyen de faire [tasser une
corde, se laissa glisser de sa fenêtre dans les fossés de la
Tour, On lui avait indiqué sur quel point il lui serait plus
facile de les traverser; mais soit qu'il se trompât, soit
que l'eau et la vase fussent plus profondes qu'on ne
l'avait cru, il y enfonça jusqu'au menton et fut sur le
point de renoncer et de crier au secours ; sa haute taille
et son obstiné courage le sauvèrent; ii atteignit ]"auIre
bord où l'attendaient des amis qui l 'emmenèrent au
'temple. Il y resta caché deux jours. Le gouverne-
ment , ému de sa fuite, le faisait chercher avec ardeur.
Un de ses plus fidèles amis pensa qu'il ne pouvait res-
ter en sûreté au Temple, où venaient trop de gens, et
qu'il serait mieux caché dans une petite maison du
quartier de Lambeth. Le soir même, lord Capell sortit,
accompagné de ce seul ami , pour aller prendre le p re -
mier bateau qu'il trouverait sur la Tamise, au bas de
l'escalier du Temple. Il était si tard qu 'un seul bateau
restait, lis y entrèrent et demandèrent au marinier de
les conduire vers l'autre rive du fleuve, à Lambeth.
Lord Capell était déguisé avec soin; mais soit que son
compagnon, comme on l'a dit , l'eût par inadvertance
appelé mylord, soit à quelque autre signe, le marinier
conçut des soupçons, suivit de loin les deux passagers
débarqués, observa la maison où ils entraient, et allant
aussitôt trouver un officier : « Combien me donnerez-
vous, lui di t- i l , pour vous mener a l'endroit où est lord
Capeib.'» L'ol'licier lui promit lOliv. si. 3 le marinier




tint sa promesse-; lord Capeli l'ai pris et ramené le l en-
demain à la Tour 1 .


Le ',) février, la Cour entra en séance. Cinquante des
commissaires désignés pour la former étaient présents.
Les cinq accusés furent amenés, divers d'altiiude et de
langage comme de condilion ci de caractère. Le due
de llamîlton était un grand seigneur, politique de cour,
sincèrement attaché au roi qu'il avait toujours désiré
servir, mais encore plus préoccupé de son crédit ou du
sa popularité en Ecosse, sa vraie patrie, attentif à ména-
ger là tous les partis, et s'inq nié tant peu d'aggraver,
pour son maître, les difficultés ou les périls, quand il
peinait les atténuer ou les ajourner pour lui-même.
Lord llolland, courtisan frivole, mobile, avide de plai-
sirs et d'argent j peu de foi, peu de capacité, peu de
nucurs ; il avait brigué el obtenu la faveur, d 'abord du
duc de Buckingham, puis de la reine Henriette-Marie,
puis du roi lui-même, puis du Parlement ; passant, selon
ses besoins ou ses craintes, de l'un à l 'autre parti; dé-
crié dans tous; euirelenanl à la cour de France des
relations suspectes, el s'ctanl attiré, soit par quelques
propos piquants, soit aussi, di t -on, par une relation
de femme, l'humilié jalouse de; Cronivvcll. Le comte de
JNonvich, Cavalier jovial, facile, empressé a faire son
devoir cm ers le roi, a servir ses amis el n'inspirant
à ses ennemis ni ressentiment, ni crainte. Sir John


1 T . . . : ly T h e i r - a i l . f . u i s , TJ/eoflrr-l Caju-H, i. I I , p . 103 : — C l a -


riuà-n.'m-i. -/•<;.,: Uebdliun. 1. x i , c , 2 0 0 , i, IV, p . 2 5 5 ; - W h i t e -


c c k f , p. 0 ¿7,




18 P R O C E S D E S O U l i T S


Owen, simple gentilhomme du pa\s de Galles, honnête,
courageux, sans ambition ni pensée personnelle,
martyr obscur de sa cause et ne songeant pas à se faire
un mérite de son dévouement. Lord Gapell enfin, aussi
noble de cœur que de race, digne héritier d'un grand-
père célèbre dans son comté par ses vieilles et ver-
tueuses mœurs : « Il tenait, a dit de lui son petit-fils,
une maison abondante et témoignait sa foi par sus
œuvres , répandant si largement sa charité sur les
pauvres qu'il était du pain pour ceux qui avaient faim,
de la boisson pour ceux qui avaient soif, des yeux pour
les aveugles, des jambes pour les estropiés, et qu'il pou-
vait justement être appelé le grand aumônier du roi
dos rois. » Lord Capell avait porté dans le Parlement, à
la cour, dans les camps, les vertus fortes de sa famille,
et Charles I , r avait éprouvé tour à tour, selon le besoin
des temps, son indépendance et sa loyauté. Ces cinq
hommes formaient par leur réunion une image à peu
près complète et fidèle du parti royaliste, dans ses plus
nobles comme dans ses moins honorables éléments; et
le parti semblait représenté et poursuivi tout entirr.
dans leur personne, devant la Haute Cour qui venait
siéger dans Westminster-Hall, quelques jours après celle
qui avait jugé le roi


» State-Triah, t. IV", c o l . 1155 ;—ClarcrKÎon, Ilist. oftlc llchH-
lior,, 1. i , c . 9 0 ; 1. i l , c . .10, 87 , 99 : !. x i , c . -253-258 ; 1 .1, t.: 137.
MU ; 1. i v , o. 2 . M ; 1. v , <:. 115; 1. x i , c. 253 232; 1. \ u . c . 307; !. \ r ,
c . 252-258 ; 1. x n , c . 2 5 5 ; — L a d y ' X l w r c s a Lewis- , Lijeuflurd Cqn-U,
i. 1, p . 252 .




R O Y A L I S T E S ( F K V R i t u Uî i ' r . I!)


Hamilton garda une contenance sereine et demanda
du temps pour taire venir d'Ecosse des papiers dont ii
avait besoin. La Cour lui accorda des délais qui ne sul-
iisaient pas, et lorsqu'il insista: « Vous avez été long-
temps en prison, lui dit Bradshaw, il fallait préparer vos
preuves pour le procès. » Après sa condamnation, le
due fut vivement sollicité de faire sur le passé des révé-
lations; Cromwell lui envoya même, à ce sujet, des
officiers chargés de lui offrir, non-seulement la vie
sauve, mais le retour à son ancienne fortune : « Quand
j'aurais autant de vies que j 'ai de cheveux sur la tète,
répondit Hamilton, je les sacrifierais toutes plutôt que
de les racheter par un si honteux moyen. » Le malheur
suprême et irrévocable élève les âmes qu'il ne dépouille
pas de toute vertu ' .


Lord iîoîlancl et lord Norwieh ne s'appliquèrent qu'à
atténuer les faits qui leur étaient imputés, et à faire
cadre , dans l'esprit des juges, par la modestie de leur
altitude,quelques dispositions favorables 5.


Lord Capo'i no fut pas seulement dig tic ; il se montra
fier et rude. Sans faire attention à la Cour, il promena
autour de lui , sur tes assistants, des regards sévères,
comme pour leur reprocher la complicité de leur pré-
sence. 11 soutint qu'aux termes de la capitulation de
Colchester et des explications du général lui-même,


' State-Triah, t. IV c o l . 1150 , 1187, 1188, 1191, T211;—Tv'lnto


locKc , p. asi.
2 Slale-TriaU, t. I V , c o l . 1195 e t s u i v . ; — V V l i i t o l o c k e , p . 38J ,


885 , ; •»( .




20 l ' K O C K S 1)1']S C H E F S


Fairfax, la vie sauve lui avait été garantie : « Je suis
prisonnier de guerre, dit-il, il m'a été l'ait quart ier ;
toutes tes robes du monde n'ont rien a voir avec moi. »
En tout cas, il demandait à être jugé par ses pairs :
« Quoique le roi et les lords aient été mis de côté, les
lois fondamentales du pays sont encore en vigueur. Je
vous rappelle la grande charte et la pétition (les droits.
Où est mon jury'? Je ne le vois pas ici. Je voudrais voir
mon jury et que mon jury me vît. Je ne crois pas qu'on
trouve aucun exemple d'un homme condamné a. mort
si ce n'est par un bill du Parlement ou par un jury.—
Vous vous Irompez, lui dit Bradshaw; vous êtes en
jugement devant les juges qu'il a plu au Parlement de
vous donner, et ils ont jugé plus grand que vous 1 . »


Quand le procureur général conclut en demandant
qu'il fût pendu cl son corps traîné sur la claie et mis
en quartiers, lordCapell tressaillit; mais se reprenant :
« Du reste, dit-il, de quelque façon que je sois traité
ici, j 'en aurai ailleurs une meilleure résurrection \ »


lis furent lous cinq condamnés a avoir la tête Iran-
d i t e . Quand le président eut prononcé l 'arrêt , sir John
Owen lit à la Cour une profonde révérence et la remer-
cia. L'un des assistants lui avant demandé pourquoi :
« C'est un grand honneur , di t - i l , pour nu pauvre gen-
tilhomme du pays de Galles, de perdre la tête en com-
pagnie de ces nobles lords, » et il ajouta avec un jure-


i Slttte-Trials, t. I V , c o l . 110.3 c i S U Ï T . j — W h i l e l o e k e , p . ,'JHO,


3 * l ; - F . B ! l y T l i f i w a L e w i s , Life ofïurd CafeU, t. 11, p . 106-115 ,


" WliitcloL'li-y, p . . J 8 1 ,




UOYALT^TKS ( fkvrtkt î KM). 21


nient : « J'avais peur que ces gens-là ne voulussent nie
iaire pendre 1 . »


La Haute (.'oui' cependant était soucieuse, et soit
désir de quelque clémence, soit qu'elle aimât mieux
n'avoir pas à répondre seule de sa rigueur, après avoir
condamné les accusés, elle renvoya, quant à l'exécution
de la sentence, à la décision souveraine du Parlement ' .»


Le lendemain, 7 mars, le comte de Warvvick, frère
de lord Holland, lady llolland, lady Capell et plusieurs
autres hommes et femmes, de leur famille ou de leurs
amis , se présentèrent à la porte du Parlement, et
demandèrent à implorer en personne la grâce des
condamnés. Ils furent introduits et remirent leurs
pétitions. Mais la Chambre, après en avoir entendu la
Lecture, déchira qu'elle n'avait point à s'en occuper, et
qu'elle s'en remettait à la justice de la Cour qui avait
prononcé l'arrêt. Les meneurs auraient voulu, sans
intervenir davantage dans cette triste affaire, profiter
de la rigueur des juges qu'ils avaient nommés; mais la
Cour était résolue à n'en pas porter seule tout le poids ;
elle accorda aux condamnés un sursis de deux jours
pour qu'ils pussent recourir de nouveau au Parlement 3 .


Contraints de décider eux-mêmes, les chefs républi-
cains ne consultèrent plus que leurs haines et leurs
peurs. Le duc de Uamilton n'inspirait, soit par lui-


< C l a r e n u o n , llhl. of l'ai- Rébellion, 1. s i , c . 2.'»«; 1. I V , p . ">3.
Slate-Triuh. I. I V , c o l . 1188 ;—VYlii uv lurke , p. .IRii.
Jt.ojnoi'-, of the Uouse of corn in o ns, i. V I , p . 158 ; — Hiaie Tnols


t. I V . c o l . 12UI.




•a vTMdvs t v e s c t t k f s


mémo, soil, comme Ecossais, aucun intérêt; sa pétition
fut écartée sans hésiter. Lord Holland avait des amis;
sou frère et sa femme étaient là : il était d'un naturel
obligeant et doux; en passant à travers tous les partis,
il avait, dans tous, contracté des relations et rendu des
services; mais Cromwcl-i et Ireton le détestaient et le
méprisaient ; sa grâce fut rejetée à une voix de majorité.
Sur le compte de lord Norwich, les voix s'étaient parta-
gées également : l'orateur de la Chambre, Lenthall, dit
qu'il lui avait des obligations personnelles, qu'ayant
encouru un jour le déplaisir du roi , il avait dû à lord
Norwich de n'en pas souffrir, et qu'il ne pouvait se dis-
penser de voter pour lui ; lord Norwich fut sauvé
comme lord Holland Y O ti u it d'être pe rdu , à la majorité
d'une voix. Personne ne disait un mot pour sir John
Ovven : « C'est une pitié, dit le colonel Hutchinsonà
Ireton assis près de l u i , que tandis que tant de gens
travaillent à la délivrance des lords, personne n ' inter-
cède pour ce gentilhomme qui est condamné comme
eux ; si vous voulez nie seconder, je suis résolu de par-
ler pour lui , car je vois qu'il est étranger ici et sans
amis. » Ireton le. lui promit : Hutchinson alla chercher
la pétition du pauvre Gallois qui était restée entre les
mains du clerc de la Chambre ; il la fit lire, la recom-
manda vivement, fut soutenu par Ireton, et sir John
Ovven eut la vie sauve, à cinq voix de majorité 1 .


! Jovnuth ofthe Bouse of cnmmom, t. V I , p . 159, IfiO ; — W l i i t e »


l o c k o , p . 3tit! ;— Mémoires de mhlriu Unlclùiwvn, t. I I , p . 199-202,




"ROYAT.TST'ES ^ v r t b r IfUft). 2 ' l


Reslnit Ion! Capell, objet, pour sa famille cl ses
amis, d'une sollicitude passionnée et des démarches les
pins actives; tout fut tenté pour le sauver ; on offrit, on
donna même de l'argent à des personnes qui promirent
le secours de leur influence. Un long débat s'engagea ;
quelques-uns parlèrent pour lui, faisant valoir ses ver-
tus et disant qu'il ne les avait jamais trompés, qu'il
s'était toujours montré tel qu'il était en effet, dévout
au roi. Cronnvell prit la parole et témoigna d'abord,
pour lord Capell, plus d'estime et de bienveillance que
personne n'avait fait : « Mais mon zèle pour l'intérêt
public, dit-il, l'emporte sur mes amitiés particulières,
et je ne puis pas ne pas vous dire que vous avez main-
tenant à décider la question de savoir si vous voulez
sauver votre plus implacable ennemi ; je connais très-
bien tord Capell; ce sera le dernier homme en Angle-
terre qui abandonne la cause royale; il a beaucoup
décourage, d'habileté et de générosité, et beaucoup
d'amis qui lui resteront fidèles ; tant qu'il vivra, quelle
que soit sa situation, il sera une épine dans vos flancs;
pour le bien de la République, je me sens obligé de
voler contre sa pétition ; » et elle fut rejetée, on ne sait
pas précisément à quelle majorité


L'exécution fut fixée au lendemain, 9 mars. Dans la
nui t , lord Capell demanda au docteur vlorley, son ami,
qui venait le visiter dans sa prison, de lui donner la


,\n T.n.How, i. I, p . :jr>ô-:î.">7, d a n s m a Collection ; — C l a r e n d o n ,


llixl. ../' I!te ilehcliioi,. 1. M , (.'. 20(1.


t i„„'|v T h o n - a L i -wm. Life ;{\or,l Capell, t. 1T, p. ï l î l - 1 2 1 .




-'A P R O C È S OKS CIII 'CS


communion: « Je désire la recevoir, dit-il, d'un mi-
nistre du parti du roi , et selon la liturgie de l'Eglise
d'Angleterre le crois n'avoir à m'acenser d"aucun
péché grave commis contre la lumière de ma con-
science, si ce n'est d'avoir volé dans le Parlement pour
la mort de mylord Stratîord. Cela, je l'ai t'ait contre ma
conscience, non par aucun mauvais vouloir envers
l'homme lui-même, mais par une lâche crainte et en-
traîné par la violence d'une faction dominante. J'en ai
été depuis et j ' en suis profondément repentant. J'en ai
souvent demandé à Dieu e t , j 'espère, obtenu de lui Je
pardon; si vous le jugez nécessaire ou seulement con-
venable, je confesserai publiquement mon péché cl sa
cause sur l'échafaud, à la gloire de Dieu et à ma honte. »
Le prêtre l'encouragea dans cette vertueuse intention.
La famille de lord Capell entra, sa femme, son tils aîné,
deux de ses oncles, sou neveu, tous ensemble; on ne
leur avait pas permis de le voir séparément. Il les garda
une heure , tendre et triste, mais surfont occupé de
soutenir leur courage et de leur donner ses derniers
conseils : « Je ne voudrais pas, dit-il à son fils, que vous
négligeassiez aucune occasion de servir votre roi et
votre pays, au péril de votre fortune et de votre vie:
mais ne vous engagez dans aucune entreprise, ni pat-
désir de vengeance, ni par espoir de récompense; ne
cherchez que votre devoir. Je vous enjoins, en vous
bénissant, de faire entrer dans vos prières do chaque
jour, connue je l'ai toujours fait dans les miennes, ce
verset du 27 e psaume de David : a Eternel, enseigne-




P.OYAf J S T R N ' F I ' - V H T F R Ifi1<l\ 25


moi la voie et conduis-moi par un sentier uni , « car j 'ai
toujours aime, dans les actions ci dans les paroles, ce
qui est uni et droit; je déteste toute dissimulation et
l<aii artifice, et je désire que vous en fassiez autant. »
Quand vint le moment de la séparation, lad y CapeH
succomba; on l'emporta défaillante: « Maintenant, dit
lord Capell au docteur Morley, resté seul avec lui , ce
que j'avais de plus difficile à faire en ce monde est fait,
me séparer de cette pauvre femme ; grâce à Dieu, je me
sens bien disposé et prêt ; j 'espère qu'au moment, de
mourir, je n'aurai plus rien à penser qu'à mourir. »
Pourtant il écrivit encore deux fois à sa femme, dans le
court intervalle entre leur séparation et l'éehal'aiid :
'( Je t'en conjure, ne te désole pas démesurément ni
étrangement; que je vive longtemps dans ta chère
mémoire; que Dieu soit, pour toi, mieux qu'un mar i ,
et pour nos enfants, mieux qu'un père. Je suis sûr qu'il
le peut; j 'ai la confiance qu'il le fera 1 . »


Le duc de Itamilton fut amené le premier sur la
place de Westminster, où était dressé Léchafaud. Il
mourut dignement, après avoir parlé aux assistants en
tenues simples et tranquilles, justifiant modestement sa
vie et faisant profession de son attachement pour le
roi mort qu'il avait servi et pour le roi absent dont il
espérait le retour qu'il ne devait point voir. Comme il
parlait, les rayons du soleil tombaient sur son visage;


« Shts-Trutl*. i. IV , o o l . 12:Jw-l-231 ; — L a d y T h e r e s a L e w i s , Life


ofkn.l Cn>eil. t. TI, |i. 1IIU-1-.10.




9C, P K O c K S TIFS C I I F J S


on l'engagea à changer do position : « Non, dil-il ,
j 'espère voir bientôt un soleil pins brillant ipie celui-ci.»
Lord llolland avait laissé paraître la veille plus d'an-
goisse et de, faiblesse; il était malade et inquiet de son
Ame ; mais au dernier moment, soutenu par deux mi-
nistres presbytériens qui L'avaient accompagné, la fer-
meté convenable ne lui manqua point. Lord Capel)
parut le dernier, et seul, sur l'ecbafaud : « Monsieur, lui
dit l'officier qui commandait, votre chapelain est-il là?
—Non, répondit-il, j 'ai pris congé de lu i ; » et voyant
quelques-uns de ses serviteurs qui pleuraient : « Conte-
nez-vous, Messieurs,contenez-vous.)) Puis,se retournant
vers l'officier : « Les lords qui m'ont précédé ont-ils parlé
Je chapeau sur la tête ou non?—Tète nue, Monsieur. *
Lord Capell ôla son chapeau et parla brièvement, fer-
mement, également franc et décidé comme royaliste
et comme chrétien. Il fit ce qu'il avait promis au doc-
teur Morley ; il s'accusa de son voto cou Ire lord Slral™
ford : « Je confesse de nouveau, dit-il, pour la gloire de
Dieu et à la honte de ma propre faiblesse, que ce fut
vraiment une indigne lâcheté de ne pas résister an tor-
rent qui nous,emportait dans cette affaire. » Peuple ci,
soldats, amis et étrangers, tous le regardèrent mourir
dans le recueillement de l'admiration et du respect '.


C'est un devoir pour l'histoire de rendre pleine jus-
tice à ces morts vertueuses et tories qui agissent puis-


i Slalc-Trioh, t. TV, c o l . U R S - l i O i ; 1230-1535 ;—X*Ay T b w *


l > w i s . IJfroflorù C ' r i j U ' ) ? , t. TT, p. 1-10 153,




K O Y A I . I S T K S K I . V K I M : 1(5 l i n . r i


samincnl sur les seuliments des peuples, et qui relèvent
au fond des o r u r s les causes perdues sûr les champs de
bataille. A l'exception du parti républicain, l'éehafaud
de lord Capell indigna et attendrit tout le pays. La
guerre était Ihiio ; le sang du roi avait été versé pour
expier, disait-on, loul celui qu'elle avait l'ait répandre :
pourquoi encore dusaug"? Pourquoi, sur des prisonniers
l'aiis dans une guerre qui avait cessé, ces rigueurs indi-
cées par des juges que les lois ne connaissaient pas,
e! soutenues par des subtilités d'école"? Le Parlement
lui-même sentit qu'il ne pouvait persister dans cette
voie. 1! avait encore à statuer sur plusieurs chefs roya-
listes, ecclésiastiques, civils cl militaires; contre quinze
d'entre eux, il prononça le bannissement à perpétuité
et la confiscation de tous leurs b iens ; il en renvoya
cinq devant des cours martiales, pour faits de guerre ;
il décida que deux autres, le marquis de Winchester et
l é-.èque de Nonvich, seraient retenus en prison aussi
longtemps que cela serait jugé nécessaire; deux seu-
lement, sir John lloxvell et le juge David Jenkins, furent
renvoyés en poursuite capitale, non plus devant un tribu-
nal extraordinaire, mais devant les cours d'assises léga-
les: et cette poursuite même n'eut pas lieu: ils restèrent,
tous deux en prison, Jenkins jusqu'en -J050, sir John
llovvell jusqu'à la Restauration. Le Parlement ne vou-
lait plus de brui t ; il interdit la publication des débats
et des actes de la Hante Cour qui avait condamné lord
Capell; on saisit des pamphlets, on gagna des journa-
listes; un comité fut chargé de préparer des mesures




P U B L I C A T I O N ПК L'KTkON


ponrréprimer la liberté de la presse. Les rigueurs silen­
cieuses remplacèrent les poursuiles éclatantes et les
échafauds ' .


Mais le Parlement ne disposait pas sent de l'éclat et
du bruit : peu de jours après la mort du roi, parut
YEikôn BasHikè ou image royale, donnée comme l'ou­
vrage de Charles I e r lui­même, et qui, sous une forme
pieuse, révélait à l'Angleterre les rétlexions, les senti­
ments, tes impressions, les espérances et les angoisses,
toute l'âme du roi pendant le cours de ses épreuves.
Avertis, avant même l'exécution de Charles, qu'on im­
primait ce livre, les meneurs républicains pressentiront
le coup qu'il devait leur porter, et firent tous leurs
eiîorls pour en empêcher la publication 8 . Ils n'y réus­
sirent point : l'ouvrage se répandit rapidement; qua­
rante­sept éditions en furent faites, et plus de quarante­
huit mille exemplaires distribués en Angleterre dans le
cours de l 'année; il fid aussitôt traduit et avidement lu
en France et dans toute l 'Europe. Partout i'etlel en fut
prodigieux ; rattachement pour la mémoire du roi dé­
tint de la passion et le respect du cul te ; ses ennemis
furent les bourreaux d'un saint. C'est surtout à YEikôn
BasHikè (pie Charles l01' a dû le nom de Koi­Jîarlijr.


L'ouvrage n'était pas de lu i ; les témoignages exté­
rieurs comme les preuves internes ne permettent plus
d'en douter : le docteur Cauden, évèque d'abord d'Exe­


1 Jmmmh oftlu: Tlcwse of eommom, t. V I , p . IU4­lt>5 : 270, 2 9 8 ,
Ç.iJv, m , llid. „/'// , , СтитччссаИа. i. I I I , p. |:L 1 I : Ij.ja :UH.


­ l ] 0 inar­i 1.011) ; Journal* oftlu: Uousc of cumulons., i. V I , p. 100.




I i r. |niis île YYorecster, sous lu règne de Charles II, en
elîiil lu véritable auteur ; mais le manuscrit avait pro-
bablement été connu et approuvé, peut-être même cor-
rigé par Charles lu i -même, pendant son séjour dans
l'île de vYight. En tout cas, c'était bien l'expression et
vraiment l'imago do sa situation, de son caractère et
de son âme tels que les avait laits le malheur : une é l e -
vai ion à la t'ois naturelle et tendue ; un constant mélange
d'aveugle orgueil royal et de sincère humilité chré-
tienne; des élans de cœur à travers les habitudes d'une
personnalité obstinée; une piété vraie au milieu d'une
conduite fausse ; un dévouement invincible, quoique un
peu inerte, à sa foi, à son honneur, à son r ang ; et tous
ces sentiments exprimés dans un langage monotone
et souvent emphatique, mais grave, doux, onctueux
même avec sérénité et tristesse : il y avait là de quoi
remuer profondément les cœurs royalistes cl, leur per-
suader aisément que c'était le roi lui-même qui leur
parlait \


Le Parlement sentit qu'il ne pouvait rester muet en
présence d'une émotion publique si forte, et il chargea
Milton de la combattre. Ce génie sublime et sévère qui,
! les sa jeunesse, avait résisté à ses parents et à ses maîtres
pour s'adonner tout entier à la poésie et aux lettres, était
épris d'une passion ardente pour la liberté : non pour


1 L'Eikén liaullikà e s t t r a d u i t e n e n t i e r d a n s m a Collection (les


?.ii'nioïrrs rclnlifi a la Jléeulnlion d'AeojU•.•terre, et la q u e s t i o n d o


son a u t h e n t i c i t é cet d i s c u t é e d a n s l a n o t i c e p l a c é e e n t è t e d e c e


Y o i u m e .




3 0 p u L K M i g r i - ; K N T R I : M I T . T O M


cet te liberté réello et vrai»; qui résulte <lu respect de
tous les droits et des droits de tous, mais pour la liberté
idéale et absolue, religieuse, politique, domestique ; e',
son puissant esprit se repaissail, à ce sujet, d'idées For-
tes, de sentiments élevés, de grandes images et de belles
paroles sans qu'il s 'inquiétât de savoir si, autour de lui,
Jes faits positifs et ses propres actions même répon-
daient à ses principes et à ses espérances. îl pouvait
servir et il servit en effet la tyrannie , tantôt d'une
assemblée, tantôt d'un seul homme, croyant toujours
défendre et servir la liberté. Eclatant el. doulourem;
exemple des illusions peu dignes où l'imagination
rêveuse, le raisonnement abstrait et le beau langage
peuvent jeter une intelligence supérieure et un noble
cœur.


Milton écrivit et publia promptement son Iconoclastes,
longueet froide, bien que violente réfutation de l'Jinmjn
roj/ak. Jlillon ne comprenait point, CharlesI e r el ses
sentiments, ni ceux que le roi inspirait aux royalistes;
il reproduisit contre lui, avec l'animosifé puritaine et
républicaine, tous les faits connus, loufes les accusa-
tions vraies ou fausses qui, depuis dix ans, retentissaient
en Angleterre, sans tenir compte des idées ni des im-
pressions nouvelles que les événements avaient suscitées
dans les cœurs, et sans que cette diatribe rétrospective
fût relevée par la verve et l'éclat du langage. Elle ne
produisit en Angleterre qu'un médiocre effet; mais sui-
te continent, en France surtout, elle excila une vive
colère; et à la demande de Charles 11, le célèbre crudil




i:T s . U ' M A r s i - ; o:,f)). 3 !


p r o t e s t a n t , S a u m a i s O y réfugié el professeur honoraire à
l ï 'n iversi té de Lcyde, en entreprit la réfutation. Sau-
maise n'avait pas attendu, pour taire éclater s o u indi-
g n a t i o n , que Charles la lui demandât et ta lui payât:
huit jours après l'exécution du roi, il avait, d a n s u n e
lettre spontanée et soudaine, maudit passionnément
ses ennemis devenus ses j u g e s 1 . La Défense royale
pour Charles /«, adressée à Charles II, fit grand bruit,


plus encore par le nom de l'auteur que par le mérite
de l'ouvrage : c'était un panégyrique savant, spirituel
el quelquefois éloquent, mais sans mesure et sans goùl,
de la monarchie en général, une apologie enthousiaste
de Charles 1", et une attaque violemment injurieuse
c o u Ire les républicains anglais et leur défenseur. Quand
le livre de Saumaise parvint à Londres, le gouverne-
ment s'en préoccupa, et dans une séance du conseil
d'Klat à laquelle, dit-on, Milton assistait, il fut décidé
q u ' i l devait y répondre. Il le fit aussitôt, et avec bien
plus de talent et de succès qu'il n'en avait déployé et
obtenu en attaquant Charles L r lui-même : sa première
el sa seconde défense du peuple anglais, en réponse à la


défense royale de Saumaise, sont des modèles de dis-
cussion passionnée, soit générale, soit personnelle; la
République y est défendue, dans ses principes comme
dans ses actes, avec une fermeté intraitable, et Milton
s'y met lui-même en scène, sa personne, sa vie, sa


t T.a lotir» est fin 17 f é v r i e r ItiJ!) ; — C a r t e , OrnonrT* Lettm, t. X,




.')-.' I N S U R R E C T I O N D K S


ceci lé, contractée dans Je cours de ce travail même ,
avec une éloquence tour à tour noble et louchante,
répandant partout, même sur des idées fausses et sur de
mauvaises actions, cette splendeur de pensée et de lan-
gage qui attire et charme quoique sans convaincre, et
quelquefois même en irritant. Le succès de ces répliques
républicaines fut grand , sur le continent comme en
Angleterre; la reine Christine de Suède en témoigna,
devant Saumaisc lui-même, son admiration; les États
généraux de Hollande crurent devoir supprimer la
Défense royale du professeur de Leyde. 11 s'en indigna,
tomba malade et mouru t , laissant, une itéjionte de
Claude Saumaisc à Jean Millon qui fut publiée après


sa mort. D'autres écrivains, royalistes et républicains,
français et anglais, se jetèrent dans cette arène; 31 il ion
> reparut encore, par irritation personnelle plus que-
par nécessité politique ; et ce grand débat, qui avait
commencé avec tant d'éclat par l'apologie d'un roi des-
potique et d'un Parlement révolutionnaire, tinil obscu-
rément par une polémiqua ; russierc el vu'gaire cuire
des lettrés acharnés à : injurier l .


Quand il prit tin, depuis longtemps déjà le gouver-
nement républicain n'y pensait plus ; des soins plus
pressants et des ennemis plus dangereux avaient ab-
sorbé son attention.


Le 20 janvier I0'i9, au moment même où le roi com-


1 l 'odcl, Life ofMihuit, p. li-HÏ M i il'orcl, Life ofMUhn, p . 77-


'*'").;—JJiliiju, l'rose Works, i- I c i IV X o n d r u » , I b ô E .




N 1 V E L E U L S (1049).


paraissait".pour la première t'ois devant, la Haute Cour
chargée de le juger, le général en chef et le conseil
général des officiers de l'armée avaient présenté au
Parlement, sous le IPro d e : «Convention du peuple
d'Angielej re pour établir une paix solide sur les fonde-
ments du droit commun, de la liberté et de la sécu-
rité de tous, » leur plan de gouvernement républi-
cain. Ce plan, rédigé, dit-on, par breton, comprenait
di\ articles, dont les dispositions essentielles étaient
celles-ci ;


1" Le Parlement actuel se dissoudra le 30 avril


2" SI y aura une assemblée représentative (ils écar-
taient les nom de Parlement) formée de quatre cents
membres.


3° L'assemblée représentative sera élue tous les deux
ans, et siégera six mois chaque année.


Seront électeurs et éligibles tous les natifs ou habi-
!;mls jouissant des droits civils en Angleterre, taxés
pour le soulagement des pauvres, n'étant au service ni
aux gages do personne, âgés de vingt-un ans au moins,
et domiciliés dans le lieu de l'élection.


Ne pourront être électeurs pendant sept ans, ni élus
[tendant quatorze ans, tous ceux qui ont adhéré au roi
contre le Parlement dans les dernières guerres, ni
ceux qui feront ou appuieront, par voie de force, oppo-
sition à la présente convention.


Ne pourront être élus à l'assemblée représentative nul
membre du conseil d'Ltal, nul officier, commandant.




31 INMIUUKI'' MON iu:.n


des Forces salariées, nu! t-itiplové v i n s la percée! ion et
I administration du revenu public. Si mi a \ o r ; ! î c r i élit
membre de l'assemblée représentative ou du conseil
d'Etal, il \m pourra pratiquer au barreau tant que du-
reront ses fonctions.


•i° Cent cinquante nienibres au moins devront être
présents pour le vote d'une loi ; soixante subiront pour
les débats préparatoires.


5° Chaque assemblée représentative, dans les vingt,
jours de sa réunion, nommera un conseil d'Etal charge
de diriger les affaires publiques jusqu'au dixième jour
de fa réunion de l'assemblée suivante.


(iIJ Dans l'intervalle entre deux assemblées représen-
tatives, et en cas de danger ou de nécessité urgente, le
conseil d'Etat pourra eu faire étire et réunir une qui ne
siégera pas au delà de quatre-vingts jours.


1" Aucun membre de l'assemblée législative ne peut,
pendant t a durée, recevoir aucun emploi public, si ce
n'est celui de conseiller d 'État.


8" Le pouvoir souverain et déliiiilil, entre autres celui
d'instituer des cours de justice, est remis à l'assemblée
représentative dans toutes les choses naturelles et ci\ iles.
mais non dans les choses spirituelles ou évangéliqucs.


Quelques limitations à ce pouvoir souverain étaient
indiquées ici, pour la garantie des libertés civiles, ries
engagements financiers de l'État et des interdictions
qui pesaient sur le parti royaliste.


'.)" La religion chrétienne est ta foi publique de celte
nation: «Nous désirons qu'elle soit, par la grâce de Dieu.




reformée, pniir sa plus parliüi- piirotédans la doelriue,
!i' cuite el la discipline, conformément à la parolo do
D i o n , ipio le peuple y soil iuslruii. puliliijueiiieiil, mais
sans contrainte, etijue ses ministres soient maintenus
aux frais du trésor public et, c'est du moins notre vœu,
sans recourir aux dimes. »


«Le papisme et l'épiscopat ne seront pas publique-
ment professés au sein de cette nation.» Hors de là ,
point de pénalité en matière religieuse; égale liberté et
protection pour tous ceux qui professent la foi en Dieu
par Jésus-Christ.


•10" Quiconque résistera, à main armée, aux ordres
de l'assemblée représentative, sera juin i de mort comme
ennemi et traître à la nation, excepté dans le cas où
¡ assemblée représentative trahirait ou violerait e l le-
même les principes fondamentaux; de droit commun,
de liberté et de sûreté publique établis dans la pré-
sente convention l .


C'étaient là les vues des républicains politiques, des
modérés, mililairesou civils, qui avaient déjà manié ou
vu de près les affaires; mais elles étaient loin de satis-
faire aux idées et aux passions de tout le parti qui avait
fait la guerre au roi et renversé la monarchie : à peine
installé, le gouvernement républicain se viten face d'une
opposition ardente , démocratique et mystique ; et un
homme se trouva qui, avec un courage et un dévoue-
ment indomptables, se fit, non pas le chef, nul n'était


i Parlhm.IMory, t. XVITI . v . 510-530.




•Mi TXSUTcTfFf'TTO V n E s


chef dans ce camp-là, niaisl 'inlerprèle, le défenseur et
le martyr populaire de tous les mécontents :ce fut John
Lilhurne.


Ce n'était pas pour lui un rôle nouveau; il en avait
déjà, sons Charles I e r , affronté les souffrances et con-
quis la popularité. Même contre le Parlement républi-
cain, il avait naguère, à l'occasion du procès du roi.
commencé une vive opposition, s'élovant contre l'insti-
tution de la Haute Cour et demandant que le voi fût jugés
selon les lois du pays, et par un jury indépendant. Non
qu'il fût possédé du cynisme démagogique et qu'il vou-
lût humilier la royauté déchue, mais par un respect
strict du droit commun et des garanties légales promises
à tout Anglais. 11 renouvela, plus chaudement encore,
les mêmes attaques contre la nouvelle Haute Cour insti-
tuée pour juger lord Capell et ses compagnons, et haïr
fil. même offrir ses services pour leur défense, cherchant
partout des occasions et des clients à son ardeur de
combat. Il avait, dans la Cité où s'était passée sa jeu-
nesse, et dans l'armée où il avait vaillamment servi,
d'anciennes relations et de nombreux amis, des bour-
geois et des apprentis, des officiers cl des soldats, îles
sectaires mystiques ou esprits forts, tous passionnément
adonnés, comme lui, aux idées et aux sentiments les
plus démocratiques, tous raisonneurs et querelleurs
comme lui, ne s'inquiéiant ni des conditions de l 'ordre,
ni des nécessités du pouvoir, et toujours prêts à le cri-
tiquer et à le combattre dès qu'il blessait ou les instincts
de leurconscience, ou les rêves de leur esprit, ou les ré-




NivKr.rctms nom). T,


renies habitudes de leur indépendance révolutionnaire,
ou les prétentions do leur orgueil. Lilburne mit tous
ses soins à Caire fermenter ensemble toutes ces hu-
meurs ; il s'appliqua surtout à ranimer, dans les rangs
inférieurs de l'armée, la pratique des réunions, des
péiitions, et ce travail des agitateurs délégués par leurs
régiments dont les Indépendants et Cromwell s'étaient
si efficacement servis pour dompter le Parlement. Dans
un conseil d'officiers tenu à Whitehall, on résolut de
prendre, contre ces menées, des mesures sévères, et un
ordre du jour de Fairfax interdit dans l 'armée toute
réunion, toute délibération contraire à la discipline,
admettant encore le droit de pétition des soldats, mais
pourvu qu'ils en informassent d'abord leurs officiers '.
Aussitôt parut un pamphlet de Li lhurne 2 , les nouvelles
Chaînes de, V Arujlelerre dévoilées, attaquant avec vio-
lence ces excès de pouvoir de ces mêmes chefs qui na-
guère avaient si souvent autorisé cl poussé leurs subor-
donnés à tous les excès de la liberté. En même temps
cinq soldais signèrent et présentèrent à Fairfax une
pétition pour se plaindre des obstacles ainsi apportés à
leur droit de pétition : «Veuillez considérer, lui disaient-
ils, que nous sommes des soldats anglais, volontairement
engagés au service des libertés de l 'Angleterre, non dos
mercenaires étrangers chargés de tuer les gens pour de
l'argent, et que nous n'avons à servir les ambitieux


' Lo '22février 10 10; W h i l e l o c l i e , p . 3 8 3 .




: ) 8 I N S T H K K C T I O N D E S


dessoins et les pernicieuses volontés de qui que ce soi!
sous le ciel »


Fairfax déféra immédiatement cette pétition au conseil
de guerre qui condamna les cinq soldats à passer, la
face tournée vers la queue de leur cheval, devant le
front de leur régiment, à avoir leur épée brisée sur leur
tête et à être cassés. La sentence fut aussitôt exécutée,
le même jour où la Haute Cour de justice condamnai!
lord Capell à mort. Quelques jours après, Lilburne pu-
blia un nouveau pamphlet intitulé : les Renards chassés
de Newmarlel cl de Tripioe-IIe.alh à Whitchali, par


cinq petits bassets, ou les grands trompeurs démasqués :


récit à la fois burlesque et tragique de la pétition si-
gnée et du châtiment subi par les cinq soldats, et invec-
tive brûlante contre les chefs (paie leur avaient infligé:
'( Fut-il jamais une bande d'apostats à ce point faux ei
parjures"? Jamais hommes ont- i ls , plus que ceux-ci,
prétendu à la piété, à la sainteté, au zèle pour le service
de Dieu et de leur pays? Ils prêchent, ils jeûnent , ils
pr ient ; ils n'ont à la bouche que des phrases des saintes
Ecritures, le nom de Dieu et de Christ. Parlez aCrom-
well de quoi que ce soit : il mettra sa main sur son
cœur, il lèvera les yeux au ciel, il prendra Dieu à témoin,


1 Parliam. llist., t. X I X , p . 41 ) ;—Journa l s of the llouse nf envi-


mom, x. V I , p . 130 ; — W l n l e l o c k u , \>. 3 8 3 , 3 8 1 , 385 ; — T h e hunlieu


ofthe Foxc$ fromNeivmarket uml Trijilae-llcalh (o WkitthtU, l;j #>•<•


small hit-figles, p . 1 .7 ,—Rudv . in , Ilisl. af llte (lunimonicealili, t. 111,


p . 1 5 - 5 9 ; — m e s Jïlades bioijnqihiijues sur la HéwAuUon à'Augleto re


( Vie ,le J. Liil/urne), p . 1-19-173.




N'TYF.I.ET'RS a0-105. Sy


il pleurera, il gémira, il se repentira ; et ainsi taisant, il
TOUS frappe sous la première rôle. N'est-il pas évident
que désormais l'influence des officiers est directement
opposée à celle des soldats, et que là où l'une triomphe,
l'autre succombe'?... Qu'êles-vous, maintenant, soldats
anglais? On vous ferme la bouche; vous ne pouvez vous
plaindre ni demander redressement ; vos officiers sont
vos seigneurs et vous êtes des vassaux qu'ils ont conquis.
Vous n'avez à leur résister en rien ; s'il leur plaît de
dire que les corticaux sont blancs, dites comme eux;
ne vous avisez pas de prononcer un mot sur leurs abus,
leurs fausses revues, leurs voleries; tout soldat assez
présomptueux pour articuler quoi que ce soit contre un
officier sera cassé. »


Et en même temps qu'il dénonçait ainsi les officiers
aux soldats, Lilburne adressait au Parlement la seconde
partie de ses nouvelles Chaînes de l'Angleterre dévoilées,


autre invective aussi ardente et aussi bruyante pour
dénoncer au pouvoir civil les chefs de l'armée qui tra-
vaillaient et avaient toujours travaillé a s'emparer de la
tyrannie : « Si la Chambre, disait-il, ne fait pas son
devoir en déjouant ce complot, nous avons la confiance
que ce que nous venons de dire et de répandre ou-
vrira les yeux et relèvera les cœurs de tant de soldais
et de citoyens que ces hommes ne parviendront jamais
à accomplir leurs détestables desseins 1 . »


; Port . Hi*t.,t. X I X , p. 51 ; - W b i t e l o e k e , p . 3R5, 3(10 , — n . -alh,
A brief ChnnicU e t c . , p . 130 , — L i l l m r n e , The hmitmg >,f Ihf




40 i x s n : T , K 0 T T o x n r . s


Le, Parlement et le conseil général des officiers s'e-
nuirenl d'une uiêinc colère et mirent en couvre à la fois,
contre leurs nouveaux ennemis , et les armes révolu-
tionnaires et les armes du pouvoir. Des pétitions arri-
vèrent de plusieurs comtés, pleines de blâme contre
l'opposition qui éclatait et d'adhésion dévouée au Parle-
ment. Diverses congrégations de sectaires, anabaptistes
et autres, vinrent déclarer que c'était contre leur gré
(pic le pamphlet de Lilburne, les nouvelles Chaînes de
l'Angleterre dévoilées, avait été lu dans quelques-unes
de leurs assemblées, et elles en témoignèrent leur dés-
approbation. Plusieurs régiments, sur le vœu de leurs
chefs, protestèrent formellement contre la rébellion
naissante. Le conseil général de l'armée adressa à la
Chambre «une humble pétition» dans laquelle, en
demandant le redressement d'abus administratifs nui-
sibles aux soldats, il témoignait de la bonne intelli-
gence qui régnait entre le Parlement et l 'armée; et la
Chambre attacha tant de prix à cette démarche qu'elle
en fit aux pétitionnaires des remerchnents officiels :
« Ce jour, leur dit en son nom l'orateur, sera un jour
de grand mécompte pour nos communs ennemis; tons
les gens de bien qui se sont engagés avec nous pour le
salut du royaume verront avec une vive joie votre mo-
deste et discrète pétition ; elle fermera ta bouche à nos
détracteurs malintentionnés qui seront forcés de reeon-


Fn.vcs, o i e , , p . 1 2 , 1 3 ; — E n g l a n d ' i i X e t r - C h m m , etc. ;2" pari . ) , p. l i e
— ( r o d w i n , liist. of ihc Comment* l'ulth, l. 1 H , p. .19,




N I V K L E U I i S (jnJO). 41


naître que l'armée el le Parlement sont uuauhnespour
Je bien public. La Chambre regarde comme très­impor­
(ailles, et elle prendra immédiatement en considération
les choses que vous lui recommandez: et comme vous
vous êtes toujours montrés, dans votre service, empres­
sés et fidèles, elle m'ordonne de vous remercier de vos
discrètes et sérieuses représentalions. » Etpour soutenir,
par l'énergie de ses propres résolutions, ces manifesta­
lions publiques de ses partisans, la Chambre vota que Je
pamphlet de Lilburnc était plein d'assertions fausses,
calomnieuses et séditieuses, que les auteurs et distribu­
teurs étaient coupables de haute trahison et seraient
poursuivis comme traîtres ; et elle enjoignit au conseil
d'État de donner suite à ses déclarations. Le conseil
d'État, de son côté, chargea Mi lion de répondre à Lil­
burnc; et dès le lendemain Lilburnc lui­même et ses
trois principaux associés, William Walvvyn, Thomas
Prince et Jîichard Overton, furent arrêtés et mis à la
Tour


Évidemment, dans le parti républicain, soit de l'ar­
mée, soit du pa\s, la majorité, plus sensée que consé­
quente, désavouait les opposants et voulait soutenir ses
chefs et le Parlement. Mais les factions extrêmes ne se
sentent jamais faibles, car la lièvre l'ait croire à la force,
ell'espérancc demeure toujours là où est le courage du


« La 38 m a r s l i i l i ) , Joiu-r.nl­; of the TTovsr. of nommons, I. V I ,
p. l'a, IHH, 171, 177: ­ Y V l i i t o l o c k e , ;>. '№ ; — O o t l w i n , Uist. of lh«
CommoHicealib., t. 111, [>. OU, iil­J.




49 ! \ s r i ; K E ( ' l 1 ON DES


martyre. Du tond de l.'iTour, Lilhurue publia sous le litre
de l'orlrail du conseil d'Etal, le récit de son arrestation


et de celle de ses compagnons, de leur interrogatoire.,
de leur défense et de leuremprisonnemout • remarqua-
ble mélange de fierté digne et de bravade puérile, d'hon -
nèlelé et de vanité. Apostrophant Cromvvell et Ireloîi :
« Qu'ils fassent du pire qu'ils pourront, disait-il, je les
délie ; ils ne peuvent pas me faire plus que le diable
n'a l'ail à Job. Ils ont une armée à leurs ordres; mais
dut chaque cheveu sur la tête de chacun de leurs sol-
dats devenir une légion d'hommes, je ne les craindrais
pas plus qu'autant tic brins de paille, car le Seigneur
Jéhovah est mon rocher, et sous ses ailes, je suis en
sûreté; je chanterai et je serai gai... Ami lecteur et cher
compatriote, excuse-moi, je l'en supplie, si je me glo-
rifie el me vante; j 'y suis forcé par mes adversaires qui
me calomnient bassement; d'ailleurs Paul et Samuel
l'ont fait avant moi. Si tu liens pour les justes droits et
les libertés du pays où nous sommes nés, je suis à toi,
moi John Lilburnc, que la peur n'a jamais pu jeter ni
la séduction attirer hors de mes principes, qui n'ai ja -
mais craint les riches et les puissants, ni méprisé les
pauvres et les faibles, et qui espère, avec l'aide de la
bonté de Dieu, demeurer sempsr idem '. »


l.ilbnrne ne s'en tint pas à des pamphlets, ni à des
invectives contre quelques hommes; il avait dans l'es-


1 T. L i l b u r n c , The Picturc of the council of State, e t c , 2" édit.,


V. IL», 20 ,




N T Y ï . L F . I . ' K S I f i W . 4A


prit certaines idées morales et politiques, peu réduites
en système, mais fort accréditées dans les classes popu-
laires, et qu'il aspirait ardemment à faire triompher.
Déjà, le 2(> février précédent, il les avait rédigées cl
présentées, sous l'orme d'adresse, à la Chambre, jaloux
d'opposer, au plan de gouvernement des meneurs répu-
blicains, son propre plan de gouvernement, cl de mettre
sa république en l'ace delà leur. La Chambre avait reçu
son adresse comme on reçoit les vœux d'un ennemi, et
sans l'honorer d'aucune réponse. Blessé dans son amour-
propre et dans sa foi politique, Lilburne publia de sa
prison, et de concert avec ses compagnons de captivité,
une nouvelle Convention du peuple d'Angleterre, r é -


sumé de leurs vues en fait d'organisation sociale, et qui
devait, dans leur espérance, frapper de décri cette autre
Conven!io)a\\\c, trois mois auparavant, le conseil des
officiers avait présentée an Parlement. Composée de
trente articles, la constitution de Lilburne n'était pas
aussi éloignée qu'il se le figurait de celle à laquelle il
prétendait la substituer; elle en différait cependant par
quelques dispositions, les unes plus justes et plus libé-
rales, les autres plus impraticables el plus vaincs. D'une,
part, Lilburne donnait aux droits et aux libertés des
individus, surtout à la liberté de conscience, plus d 'é-
tendue; de l 'autre, il s'inquiétait bien moins encore des
moyens de gouvernement, et prenait contre le pouvoir
quelques-unes de ces prétendues garanties qui désor-
ganisent à la fois le pouvoir et la société ; il interdisait,
par exemple, aux membres de l'assemblée représen-




J l I N S n i R K f ' T I U N OKS


tativo on fonction, le droit d'être réélus celle qui de-
vait lui succéder. La république du conseil général îles
ofliciers ne pouvait pas durer; celle de Lilburno n'eùi
pu seulement commencer à vivre


Au moment même où il la mettait au jour, elle rece-
vait, d'un incident d'abord obscur, un nom qui la frap-
pait de mort. Dans le comté de Surrey parut une bande
peu nombreuse encore, mais qui annonçait qu'elle serai i
bientôt de quatre mille hommes. Everard et YYinslanley,
le premier ancien soldat, en étaient les chefs; ils com-
mencèrent à cultiver et à ensemencer oà et la, appelant
à eux le peuple des environs, promettant, à tous ceux
qui viendraient les joindre, des aliments et des vêle-
ments, et menaçant de renverser les clôtures des parcs
voisins. Sur la demande des magistrats du comté, Pair-
l'ax envoya deux escadrons qui les arrêtèrent ; les chefs
parurent devant lui le chapeau sur la tète ; on leur de-
manda pourquoi •' « Parce qu'il n'est qu'une créature
semblable à nous. » Everard défendit leur conduite et
leur droit : « Nous sommes, dit-il, de la race des Juifs ;
toutes les libertés du peuple ont été perdues par la ve-
nue de Guillaume le Conquérant; le peuple de Dieu a
vécu depuis lors sous une tyrannie pire que celle qu'en-
durèrent nos pères sous les Égypliens. Mais nous tou-
chons au temps d e l à délivrance; Dieu veut tirer son


1 Joiinwh af Uie HOKSC of commois, X. V I , p . 151;—\Vl i i to ]oe l ; e ,


p. 3 8 1 ; — .1. I.ilbumo, An agrément »f tbe fret- peopU >.f KmjUwl
L o n d r e s , 30 avr i l 10-11};, p a m p h l e t d e l iu i l p a g e * .




N r V K I . K C K S !IM0). iï>


peuple de cette servitude et lui rendre' la libre jouis­
sauce des biens et des fruits de la terre; une vision m'a
apparu qui m'a dit : « Va, cultive et laboure la terre, et
rccueilles­cn les fruits pour les distribuer aux pauvres,
pour nourrir ceux qui ont faim el vêtir ceux qui sont
nus. » Nous ne voulons attenter à la propriété de per­
sonne, ni détruire aucune clôture; nous ne prenons que
les terres non cultivées pour les rendre fertiles et profi­
tables aux liouimes; un temps viendra où tous les hom­
mes donneront volontairement leurs biens et les met­
tront en communauté. Nous ne nous défendrons point
par les armes; nous nous soumettrons à l'autorité et
nous attendrons fe temps promis, car il est proche ' . »


Ces hommes se nommaient e u x ­ m ê m e s les P i o ­
cheur* *; mais le public les appela les Kiceleurs ; el ce
nom devint aussitôt celui de tous les petits groupes qui,
soit dans le pays, soit dans l 'armée, poussés par d.es
idées politiques ou religieuses, et diversement anarchi­
ipies, voulaient une république autre que celle qui
essayait de gouverner l'Angleterre, et lui faisaient une
opposition ardente. En vain Lilburne et ses amis pro­
testèrent contre ce nom; en vain ils ajoutèrent à leur
plan de constitution un article déclarant formellement
«que les biens ne seraient point partagés, ni toutes
choses mises en commun ;!. » La qualification avait une


i "Wlii iolocke. j>. 31N», :t!)7; — C a r ! y l e , CromwelVa Lctters and
Speetlm, 1 . 1 , p.l .J . l ; ­­Gou\viri , Hist. o/ ' l 'ncC'orninoniveal th , i . I I I , p . № .


­ The Diggers.
3 W l i i t o l o c k c , p. aîiy­ioo.




•Ifí I N S r i l K K C X l O N I ) K S


origine naturelle; îles faits et des discours épars, niais
frappants, venaient de temps en temps la confirmer ;
elfe continua de peser sur tout le parti, et les républi-
cains en possession du pouvoir, dans le Parlement et
dans l'armée, eurent cette fortune que leurs ennemis
révolutionnaires s'appelassent les ÍN'ivoleurs.


Chaque jour la lutte touchait de plus près à la guerre;
le moindre incident, sérieux ou frivole, devait la faire
éclater. Par les relations qu'il entretenait, par les lettres
qu'il écrivait, Liiburne, de sa prison, continuait de fo-
menter, dans la Cité et dans l'armée, une agitation de
plus en plus menaçante. Le Parlement résolut 1 de lui
taire avec éclat son ¡troces, à lui et à ses trois compa-
gnons; un comité de conseillers d'État et de grands
juges, présidé par JJradshaw, fut chargé de rechercher
quelle était, dans cette circonstance, la procédure la plus
convenable; six avocats eurent ordre de se tenir prêts à
porter la parole contre les accusés. Des préparatifs si
solennels excitèrent, parmi les partisans de Liiburne.
une émotion passionnée ; les pétitions affluèrent en sa
faveur ; les unes, signées par dix mille citoyens de Lon-
dres et des environs; les autres, présentées par des mil-
liers de femmes qui se pressaient aux portes de West-
minster ; aux premières , le Parlement fît répondre
sévèrement que les quatre accusés seraient jugés, et
<{iie tout le monde en Angleterre devait se soumettre à


1 l . o H- avr i l lli-19 ; Journal* '->/' Ihu House of comment, t. VI
|'. 1SJ.




.\"IVT" L E U R S :1019). J7


la décision du Parlement. A la seconde pétition, on ne
fit point de réponse. Les femmes insistèrent :« Elles
savaient, dirent-elles, que Lilburne et ses compa-
gnons devaient être, à minuit, enlevés de la Tour, menés
à Wliileliall et fusillés ; le Par lement , en déclarant
traîtres les distributeurs et fauteurs du livre de Lil-
lmrne, avait tendu un piège au peuple, car on ne pou-
vait parler des affaires du temps sans parier de ce livre;
on voulait donc abolir toute liberté de conversation, ce
qui élait la pire des servitudes. » Pour toute réponse, la
Chambre fit dire à ces femmes de retourner chez elles
laver leurs assiettes : « Nous n'avons plus d'assiettes,
dirent-elles, ni de viande à y mettre K »


Au milieu de cette fermentation, huit régiments,
quatre d'infanterie et quatre de cavalerie, furent dési-
gnés par le sort pour se rendre en Irlande, où la guerre
civile avait recommencé 2 . Les soldats, mal disposés,
murmurèrent violemment : c'était un service rude et
déplaisant, dans un pays détesté et méprisé, et on les
y envoyait sans leur avoir fait justice, sans que leurs
arrérages fussent payés ni leurs droits reconnus, sans
que ie gouvernement et les libertés de l'Angleterre fus-
sent assurés. En court imprimé circula aussitôt dans les
casernes et dans les rues, engageant les soldais à récla-


i Journal» ofthe limite e,f commons, t. V I , p . 178, 180, 10f i ;—
W h i t i - l o c k c , p . :i!ia, .TJIi, 3!*7, M * ; — Cli'-monl. W j ] krr , n;*i. ef
In:!, N.ii'isr». pari , u , p. 100 , — G o i h v i u , 11kl, ofilicComiiiuravealtli,


t. m, p . io : ».
Lu M avri l lul'J.




4H l N S l . K K K Í T T O N D E S


mer et à ne point partir eu attendant, (ai escadron du
régiment de cavalerie du colonel Whalley, que le sort
n'avait point désigné jiour le service d'Irlande, reçu!
l'ordre de quitter Londres: les cavaliers demandèrent
des satisfactions préalables, se saisirent du drapeau et
refusèrent formellement d'obéir. Fairfax et Crom-
wcll accoururent, réprimèrent la sédition, mirent le
régiment en marche, et traduisirent quinze des mulins
devant la cour martiale. Cinq furent condamnés à mort,
l i lburne écrivit sur-le-champ au général qu'il y prit
bien garde, qu'en temps de paix nul Anglais ne pouvait
élre condamné à mort par une cour martiale, (pie la
violation de ce principe avait été l'un des principaux
entre les griefs qui avaient coûté la tète à SlraU'ord. Les
généraux républicains n'hésitèrent point : « lllaut mettre
ce parti en pièces, avait dit Cromwell dans le conseil d'E-
tal, au moment de l'arrestation de Lilburne ; sans quoi
il vous mettra en pièces vous-mêmes, et vous passerez
pour les plus sots et les plus plats personnages du monde
d'avoir été vaincus par une si méprisable espèce d'en-
nemis. » Cromwell savait à la fois frapper et caresser :
à l 'instant même, sur les cinq soldats condamnés, quatre
reçurent leur grâce, et le cinquième, Robert Lockver,
tut immédiatement fusillé au milieu de Londres, dans
le cimetière de Saint-Paul 1 . Il était jeune, brave soldat,
sectaire pieux, républicain exallé, aimé de ses cama-
rades ; sa mort lit sur eux et sur leurs amis du peuple.


i Le 28 avr i l 10-19.




N I V K I . K U R 8 (UMÎ>) .19


une profonde impression de douleur el de colère ; on
veilla, on pria auprès de son corps; el deux jours après >,
un cortège aussi solennel que populaire le conduisit au
cimelière de Westminster. Cent cavaliers, cinq ou six de
front, marchaient en tète ; venait le cercueil entouré de
six trompettes qui sonnaient une marche funèbre,
el suivi du cheval de Lockyer, caparaçonné en noir; son
épée et des brandies de romarin à moitié, teintes de sang
étaient posées sur le cercueil j une grande foule l'accom-
pagnait, portan taux chapeaux des rubans noir et vert de
mer; des femmes fermaient le cortège; plusieurs mil-
liers de citoyens, d'une classe plus relevée et qui
n'avaient pas jugé à propos de le suivre à travers les
rues de Londres, l 'attendaient à l'entrée du cimelière.
Ce fut le sentiment général que de telles obsèques
étaient un grand alfront aux chefs de l'armée et an.
Parlement'.


Six jours après on apprit à Londres qu'à Ranbury et
à Salishury, dans les régiments des colonels Reynolds,
Scroop et Ire ton, l'insurrection avait éclaté; les soldats
avaient chassé leurs officiers, sauf un petit nombre qui
avaient, pris parti avec eux; l 'un de ceux-ci, le capitaine
Thompson, avait publié sous le titre de : l'Étendard de
l'Aii'jh-teire en avant3, un manifeste réclamant l'abo-


t Le :!0 avri l 1019.


- VVÏe ie locke , p . 397, 398, 3 9 9 ; — C l é m e n t W a l k e r , But. of


Lj.'è'jj.. par t , u , p. 151 ; — C a r l y l e , CromwcU's Lttlcrs, t. I, p . -135 }


— C / v e i e e ' - é ' i a a u , [>. 35, 50.


s Le 0 é tat 1019.




50 INSPIHIECTION DKS


lilion du conseil d'LTat, de la Ifaido Courdc justice, un
Parlement nouveau, l'adoption du plan de gouverne-
ment de Lilburne, sa inise en liberté immédiate ainsi
que celle de ses compagnons de captivité, et déclarant
que, si un cheveu tombait fie leur tète, vengeance en
serait prise. Dieu aidant, sur celle de leurs tyrans. On
sut en même temps qu'à Oxford, à Glocester, dans les
régiments des colonels Harrison, Ingoldsby et Horion,
la fermenlalion était extrême, et que la plupart, des sol-
dats de ces corps, en correspondance avec les insurgés,
se disposaient à se mettre en mouvement pour se join-
dre à eux.


Ce fut, dans cette pressante épreuve, le mérite des
chefs républicains, Parlement et généraux, de ne point
s'exagérer le mal ni le péril, et d'y opposer des remèdes
prompts et fermes, mais mesurés. Ils agirent sans peur
et sans colère, avec foi dans leur droit et dans leur force,
connue un gouvernement contre des rebelles, non
comme un parti contre des rivaux. Le Parlement vota
que toute lenlative, par action ou par écrit, contre te
gouvernement républicain établi, l'autorité des Com-
munes ou celle du conseil d'Etat, ou pour exciter quel-
que sédition dans l 'armée, serait considérée comme un
acte de haute trahison; il enjoignit à son comité de
terminer sans délai la loi contre les abus de la presse;
il prit des mesures pour la police intérieure de la Cité;
il ordonna que Lilburne et ses compagnons à la Tour
seraient séparés les uns des autres, et que toute visite,
toute communication avec Je dehors leur seraient iu-




N I V K L E U R N milîi;. r>l


(enfiles. Puis, il resta calme, ut laissa faire les géné-
ra ux


Fairfax et Cromwell, à leur tour, voulurent «l'abord
s'assurer des troupes qu'ils avaient sous la main, car
l'ébranlement avait pénétré partout : ils passèrent dans
llyde-Park une revue des deux régiments qu'ils com-
mandaient en personne et qui portaient leur nom,
Lromvvell parla beaucoup, tantôt aux troupes réunies,
tantôt aux hommes isolés : « Qu'avaient-ils de mieux à
taire (pie d'adhérer fidèlement au Parlement"? il avait
l'ail justice des grands délinquants ; il organisait nue
forte marine qui protégerait efficacement ie commerce;
il avait garanti le payement de tout ce qui restait dû à
l 'armée; il était décidé à mettre bienlôl un terme à sa
propre durée et à régler la convocation des Parlements
nouveaux. Quant à la loi martiale, ceux qui ne voulaient
pas s'y soumettre n'avaient qu'à déposer leurs a rmes ;
ds recevraient leur congé, et aussi le payement de leurs
arrérages, comme ceux qui resteraient sous le drapeau.»
Un seul soldat lit, d'un ton peu convenable, quelques
objections; Cromwell le fit arrêter ; mais aussitôt, sur
les instances de ses camarades qui en répondirent, il lui
pardonna et le fit rentrer dans les rangs. Quelques-uns
avaient mis à leur chapeau le ruban vert des Niveleurs;
its l'ôlèrent. Les deux corps se montrèrent pleins d'ar-
deur, et, la revue terminée, les deux généraux, pleins


' Joumals of Uni Hnuse nf n m i i i o i i ! , t. V I , p. 205, 2U7, 208, 201);


- W h i t e l o c k o , p. ' 1 0 1 , — l ' a i l , Uml,, t . X I X , p . 122 .




•y> I X ' S f l i l i K C T I O X D E S


do confiance, les nliront et se mirent oux-inôines sur-
lo-champ ou mouvement


Ciii([ jours après, ayant fait uno marche de quinze
lieues en un jour, ils atteignirent à Rurford , dans le
comté d'Oxford, les insurgés déjà troublés par un échec
que le colonel Reynolds venait de leur faire essuyer à
Ranhury même, oii fe capitaine Thompson avait com-
mencé T'insurrcction. Surpris et baltu, Thompson avait vu
sa troupe dispersée, et ne s'était sauvé lui-même que par
la fuite; un messager, envoyé aux insurgés par Fairfax,
les avait de plus fait tomber dans une trompeuse sécu-
rité ; ils se flattaient qu'on voulait négocier avec eux.
Croinvvell entra tout à coup dans Rurford au milieu de
la nuit, avec deux mille hommes, pendant que Rey-
nolds arrivait à l'autre extrémité de la ville [tour fermer
aux insurgés la retraite. Ils se défendirent quelques
moments du haut des remparts et par les fenêtres des
maisons; mais perdant bientôt tout espoir, dénués de
chefs et de munitions, les uns se rendirent, au nombre
d'environ quatre cents; les autres parvinrent à s'échap-
per. Fairfax réunit sur-le-champ une cour martiale qui
ordonna que les rebelles seraient décimés. Dès le len-
demain , dans le cimetière de Rurford, le cornette
Thompson, frère du principal chef de l'insurrection, fut
amené et fusillé le premier. Tous ceux qui devaient
subir le même sort étaient sur les plombs de l'église,
assistant à l'exécution de leurs camarades et attendant


1 CromweUtana, p . 50 ; — C a r l y l e , CromweU's Lelters, i. I , [>. -V-iG.




N l V K I . K I ' R S \№9). 5'i


loi»1 loin­. Après lo cornette Thompson vint un caporal,
puis un troisième, qui moururent avec une terme lu
indomptable, ne rétractant rien de ce qu'ils avaient l'ail
et commandant eux­mêmes le l'eu. Le corne lie Dean
l'ut amené le quatrième, ancien et brave soldat que les
généraux connaissaient; il témoigna du repentir; Fairhix
lui ht grâce et l'exécution n'alla pas plus loin. Cromwell
cuira dans l'église, y­ lit descendre le reste des con­
damnés, les tança, les admonesta, leur reprocha le péril
qu'ils avaient lait courir à la bonne cause, à la cause
de Dieu et du pays : «Ils pleurèrent, dit un journal
du temps , et lurent consignés pour quelques mois
dans une garnison voisine, puis rendus à leurs régi­
ments et envoyés en Irlande, où ils marchèrent de bon
cœur i . »


Quelques bandes erraient encore dans les comtés
d'Oxford et de Korlhamplon ; le capitaine Thompson les
rallia lit les retint quelques jours ; mais vivement attaqué
par le colonel Butler, il resta bientôt seul et se réfugia
dans un bois; les soldats de Butler y entrèrent à sa pour­
suite; Thompson sortit du fourré; marcha sur les assail­
lants, en tua ou blessa trois, se replia dans le bois blessé
lui­même, revint à la charge, criant qu'il ne voulait ni
se rendre ni être pris vivant, et tomba enfin frappé de
sept b a l l e s L a première et la seule sérieuse insurrec­
tion des Nivcleurs finit avec lui.


i CrvmwelUana, p. 5 3 ­ 5 7 ; — C a r l y l e , Cromwell'it Leltcrs. t. I , p . 137­
.13lt;­Wbiluloc) .<; , p. J O i ; ­ I I c a i L , / l MefChrviMv, c l e , p . 331­132 .


~ Le l'J niai lljl'J ; W l i n u l u c k e , y. 4 0 3 .




M I N s r U K K r r i O N l ) l \ S


Le Parlement témoigna, do ce succès, une joie où se
révélèrent, pour la première l'ois, ses craintes. L'ora-
teur eut ordre d'adresser à Fairfax, à Cromwell et a
tous leurs officiers, des rcmercîments officiels. Crom-
well seul était présent dans la Chambre, et ce fut à lui
que s'adressa l'orateur Trois membres furent chargés
d'aller porter à Fairfax le même hommage. Lu jour
fut désigné pour rendre à Dieu des actions de grâces
solennelles; deux prédicateurs, célèbres parmi les Indé-
pendants, John Owen et Thomas Goodwin, reçurent
mission de prêcher; et ce mémo jour, 7 juin, après avoir
assisté à leurs sermons, la Chambre entière! se rendit
dans la Cité, à un dîner de felicitation publique auquel
le lord maire et le conseil commun l'avaient invitée.
Tous les officiers présents à Londres, au-dessus du
grade de lieutenant, y assistaient. Quand la Chambre
arriva à Grocers' Hall, le lord maire présenta à l'orateur,
qui la lui remit aussitôt, i'épée qu'on portait devant
lui, honneur qui n'avait jamais été rendu qu'au roi, et.
au banquet l'orateur occupa la place royale. Au moment
oîi les convives allaient s'asseoir, le comte de Pem-
broke, devenu simple membre des Commîmes, mais
que, pour récompenser sa bassesse et par égard pour sou
ancienne grandeur, on avait placé à côté du général en
chef, appela Whitclocko, disant que c'était à lui de [(ren-
dre celte place comme premier commissaire du grand
sceau. 3Yhitelocke déclinait cet honneur : « Comment


1 l . u i O m a i 10-10.




M V K L K U K S fl«49 , l . 55


donc, lui dit le, comte à liante voix, et de manière à être
entendu de tous ses voisins, croyez-vous que je m'as-
siérai au-dessus de vous? j ' a i cédé jadis celte place à
révèipie Williams, et à mylord Coventry, et à mylord
l.iltlelon ; vous occupez aujourd'hui les mêmes fonc-
tions qu'ils occupaient; certes, ces fonctions ont droit
à aillant d'honneur sous une république (pie sous
un roi , el vous êtes un gentilhomme aussi bien né
et aussi bien élevé qu'aucun d'eux; je ne m'assiérai cer-
tainement pas au-dessus de vous. » Whitelocke céda
avec une vanité; humble et satisfaite , et lord Pein-
brocke eut les éloges comme le mépris de tous les assis-
tants 1 .


A la fin du banquet, le lord maire, de la part de la
Cité, fitàFairfax, dans une aiguière de vermeil, un pré-
sent de 1,000 liv. st., àCromwell deoOoliv., et la Cham-
bre, charmée d'un accueil si éclatant dans ce même lieu
où elle avait eu naguère tant de peine à faire proclamer
la République, eu remercia officiellement le lord maire,
et chargea un comité spécial de chercher quelque mar-
que de haute estime et de faveur que le Parlement pût
donner à ta Cité. Cinq semaines après, un vote du Par-
lement attribuait «au lord maire et à la communauté
des citoyens de Londres, et à leurs successeurs à per -
pétuité, » la propriété du parc de Itichmond, offrant


! W h i t e l o c k e , p . 400 ; — C r o n n v e l l i a n a , p . 59 ; — L e t t r e d e M. d e


Croul l é a u c a r d i n a l M a z a r i n (21 j u i n 1 6 1 9 . ; — A r c h i v e s de» Affaire*


etrunqères de France (vo ir l e s Documents historiques p l a c é s à la fin


de e e v o l u m e , n- 1 ) .




56 I X S U U I i K f T I O X PICS


ainsi, comme appfit, les dépouilles du roi pour les plai-
sirs de la Cité 1 .


Les meneurs ne se faisaient cependant point d'illu-
sion sur les périls qui les menaçaient encore ; ils
voyaient de trop près le peuple et l'armée pour croire
(pie le feu qu'ils venaient d'étouffer fût réellement
éteint; ils avaient été fermes et calmes pendant la
lu t te ; ils furent prudents et modérés après la victoire.
Ils s 'appliquèrent à donner ou à faire espérer satisfac-
tion aux vœux, légitimes ou populaires, des mécon-
tents. Des mesures furent prises pour assurer effective-
ment le payement des troupes, pour mettre la population
à l'abri de l'abus des logements militaires, pour venir
au secours des soldats blessés et de leurs familles, pour
procurer quelque soulagement aux prisonniers pour
dettes et du travail aux pauvres de Londres Des co-
mités curent ordre de rechercher ce qu'il y avait à faire
à l'égard des monnaies altérées et comment on pourrait
rendre fa procédure civile plus prompte et moins oné-
reuse ». line amnistie générale fut proposée *. La ques-
tion du ternie et du système à adopter pour l'élection
d'un Parlement nouveau fut mise fréquemment à l'or-


1 W h i t e l o c k c , p . 100, 1 1 1 ; — L e k e z t e r ' s Journal, p . 7 3 ;—Journal*
o[ the Housc o['commons, t. VI, p . 227, .203.


- L e s 5 m u r s , 7 et 12 m a i ; Journal* uf'tlic Home of eommons,


t. V I , p . 153 , 202 , 208.


» L e s 2 m a r s , 18 tuai , 1, 22 et 27 j u i n ; ibid., t. V I , p . 151, 211,


2 2 1 , 210, 211 .


'* L e 25 avr i l 10-19; ibid., t. V I , p . 105 ;— W h i t e l o e k e , p . 598,




W V E T . F T H S (1640) . 57


dre du jour 1 . Dos lois turent rendues d'une part pour
abolir les anciennes contraintes imposées à la foi et
au culte des sectes chrétiennes, de l'autre pour ré­
primer la licence des mœurs, car l'opposition deman­
dait à la fois plus de liberté et plus de sévérité \ On ne
s'en tint pas aux mesures générales et aux promesses
législatives ; on voulut témoigner aux hommes les plus
compromis des dispositions bienveillantes; plusieurs
chefs du Parlement et de l 'armée eurent, avec les prin­
cipaux Niveleurs, des conférences pour essayer de s'en­
tendre sur les réformes à accomplir et sur les moyens
de gouvernement 3 . L'esprit de conciliation s'étendit jus­
qu'à Lilburne lui­même : en les mettant au secret, lui
et ses compagnons, on leur avait retiré l'allocation ac­
cordée en général aux prisonniers; on la leur rendit 4 . Un
des affuies du parti dominant, et même de Cromvvell, le
révérend Hugh Peters alla 5, comme de lui­même et par
un pur sentiment d'intérêt affectueux, visiter Lilburne
à la Tour pour tenter de l'adoucir en lui ouvrant des
perspectives d'accommodement et de liberté. On ajourna
les poursuites commencées contre lui. Son fils aîné


1 L e s 1 e r , 11 et 15 mai 1С 10 ; .Tournais of the Hov.se of commons,
t. VI, p. !!>[), 207, 210.


8 L e s <«> j u i n et l.'î s e p t e m b r e 10­19, l e s 8 f é v r i e r , 10 m a i e t
27 s e p t e m b r e 1050; Journah of the Housc, e t c . , t. V I , p, 2­15, 205 ,
•171, 350, 110.


я W l u t e ' o e k c , p . 1 2 1 .
* Les 12 et 15 m ni ] 0­10 ; Journnls of the Поиче of commons, !.. V I


p. 208, 210.
S Le 25 m a i 10­10.




m ixsimBTîCTroN nr.s


tomba malade; l'anxiété paternelle l'emporta sur la
lierté politique; Lilburnc écrivit à Henri i lartyn, qui
était resté avec lui en bons rapports, pour demande! 1 la
permission de sorlir de la Tour et d'aller voir sa femme
et ses enfants. On la lui accorda, et cette tolérance de-
vint presque habituelle pour lui et pour ses compa-
gnons 1 Le Parlement républicain avait, au fond, un vif
désir de faire, avec l'opposition démocratique et fana-
tique qu'il avait vaincue, une paix véritable, et de la
voir rentrer dans les rangs du parti qui , avec toutes
ses forces 'éunies, suffisait à grand'peine à contenir et à
gouverner violemment le pays.


liais rien n'est plus indomptable qu'un esprit étroit,
subtil vain, joint à un cœur honnête et ferme : Li 1—
burne eût traité peut-être, tout en les délestant, avec
des ennemis qu'il eût crus, comme lui, convaincus cl
sincères ; mais il méprisait ses vainqueurs comme des
ambitieux intéressés, roués et hypocrites ; leurs faveurs
même n'étaient, à ses yeux, que des concessions de leur
faiblesse ou des artifices de leur perfidie. Il traita Hugh
Peters, quand celui-ci vint le voir à la Tour, avec une
franchise brutale, et repoussa ses insinuations comme
des insultes ou des pièges. Peters lui reprochait d'avoir,
par ses attaques, causé les malheurs de la dernière lutte
et mis à nu les plaies de la République : « Quand le
soleil brille sur le fumier, répondit Lilburnc, si une


l L e s 18 j u i l l e t e t 7 s e p t e m b r e ICI!) Juurnals „f Un: Jloim ai
confiions, p . '2ti4, 292.




N I V E I . K U R S (IfiW). 5!l


odeur infecte en sort, est-ce la faute du soleil ou du
fumier1'? » et dans l'espace de trois mois, quatre nou-
veaux pamphlets attestèrent son intarissable hostilité.
L'un de ces pamphlets, adressé au conseiller d'État
Cornélius Iloiland, était un défi en champ clos de dis-
pute politique : «Que votre Chambre, écrivait Lilhurne,
choisisse deux personnes et moi deux autres, et si ces
quatre personnes ne peuvent s'accorder, qu'elles en
nomment une cinquième pour décider entre nous ;
nommez, si vous voulez, Cromwcll, frelon, tîradshavv,
fous les orateurs ou plaideurs que vous avez eus contre
le roi et les lords que vous avez fait décapiter; que je
sois seul à défendre ma cause : pourvu que le débat soit
public et que je puisse parler librement pour moi-
même, je consens, si je n'établis pas mon innocence, à
perdre tout ce que je possède, y compris ma vie... Mais
si, dans cinq jours , ma proposition n'est pas adoptée,
je nie tiendrai pour libre de disséquer et d'étaler devant
le public tout ce que je sais de vous et de vos associés';»
et dans deux pamphlets en effet, l 'un dirigé nommé-
ment contre Cromwcll et Ireton », l'autre contenant une
provocation séditieuse adressée, par dix apprentis de la
Cité, aux soldats de l'armée, en particulier au régi-


1 A discuarse belieixt lient.-col. John Lilburne, close prisoner


in llie Tower uf London, and _V. Hugh Peter», upon Slay "25 , 1 6 1 ! ) ,


p. :!.


- John Lilhurne io his honourcd frient} M. Cornélius Holland, p. T>.
5 Aa n)i[jciirhmcnt uf hitjli (rensov- figriinst Oliver Cru mi oeil and


Biiirtj Irclou, l>y John Lilhurne [Ciunt 1 0 4 ! . ) ; .




00 I X R r K R E C T T O X 11F.S


mont do Fnirfax ', Lilhurne usa largement du droit mi'il
s'était réservé.


Ces provocations ne demeurèrent point, sans elfel ;
une nouvelle sédition éclata à Oxford 2 dansle régiment
du colonel Ingoldsby; les soldats arrêtèrent et empri-
sonnèrent leurs officiers, et leur colonel lui-même en-
voyé, en toute hâte par le Parlement pour les réprimer:
ils choisirent entre eux des agitateurs, se fortifièrent
dans les bâtiments de Neiv-Collaje, et renouvelèrent
de là toutes les demandes des Ni voleurs. Ils attendaient,
disaient-ils, six mille hommes du comté de Northarnp-
ton, aidant des comtés de l'ouest et de Kent. Sur plu-
sieurs points en effet et dans plusieurs corps, l'ébran-
lement se fit sent i r ; le cornette Dean, à qui naguère,
dans le cimetière de l ïurfird, Fairfax venait de faire
grâce, reparut à la tète d'une bande. Mais le marnais
succès de la première insurrection et la fermeté clé-
mente des généraux avaient laissé, dans l'armée et dans
le peuple, une impression profonde; le mouvement
ne réussit ni à se propager, ni à se prolonger; les
officiers retenus en prison à Oxford reprirent sans
bruit leur autorité, d'àliord sur les sentinelles mêmes
qui les gardaient, puis sur les soldats épars dans les
rues; bientôt le régiment tout entier si; soumit à son
colonel, et dix jours après son explosion, la rébellion


1 An outenj of Ile ijoung men rail iipprentica of L<milt,n hy
J. LUimrno i/JO a o û t 1010;.


Le 0 s e p t e m b r e 10-10.




NTVET.FT.RS: ;]riifl). (il


était partout comprimée on s'abandonnait elle-même 1 .
Maison l'ait nouveau et grave se produisit alors pour


la première t'ois. Quand Hugh Peiers était allé voir
Lilhurne à la Tour, «Dites à vos maîtres, lui avait dit le
prisonnier, que si maintenant je pouvais choisir, j ' a i -
merais mieux vivre sept ans sous le gouvernement du
vieux roi Charles, quoiqu'ils lui aient coupé la tôle
comme à un tyran, qu'un an sous leur tyrannie actuelle;
et je vous dis que, s'ils persistent dans cette tyrannie,
ils feront au prince Charles assez d'amis, non-seulement
pour proclamer son nom, mais pour le ramener sur le
trône de son père 2.» Deux mois après, en publiant son
Cri des Apprentis aux Soldats, le même Lilburne disait
à ces derniers : « Quand vous êtes accourus au service
des lois du pays, vous ne vous êtes nullement engagés
contre la personne du roi, comme roi, ni avec aucune
pensée de le détruire, mais uniquement pour régler la
royauté9. « Ce sentiment et ce tangage avaient porté
leurs fruits; les Ni velours étaient entrés en liaison avec
ies Cavaliers ; au moment même où éclata la sédition
d'Oxford, une lettre fut interceptée, écrite par un Cava-
lier en prison à la Tour, à lord Coliington, l'un des
conseillers intimes de Charles II, en France, et qui por-
tail : « 'foules nos espérances ici dépendent de la bien-
veillance apparente que S. M. témoignera à Lilburne et


i Jovrnah of O'ie îToxise of communs, t. V I . p . 203 ; — W l i i t c l o c k e ,
p. 1-21,


A ihsronrsc hclici.r! ,J. i/ilharnr and JJiKjh Pclcrs, p . H ,


"> r i e o,ilcrn of ihc yui iNj mai c / ' Lomloii. p . I .


i'. i . i




Cr> p r o p e s rm


au parti nivolcur, don!, lo méeoidcnlement s'accroît chn-
que jour ; il n'y a rien à faire pour nous si les Niveleurs
ne marchent avec nous, et les premiers, ce qu'ils sont,
j 'espère , bien près d'accomplir. Je demande qu'on
m'aide dans ce travail, car sans un peu d'argent, il n'y
a pas grand'chose à attendre, les gens avec qui je traite
étant très-pauvres et besoigneux 1 . »


Le Parlement ne pouvait manquer de se prévaloir de
tels faits:il en fit son principal argument dans une lon-
gue déclaration qu'il publia contre les Niveleurs, pour
justifier la conduite plus rigoureuse qu'il se proposait de
tenir envers eux, et pour raffermir ses partisans': et
joignant faction aux paroles, il ordonna (pie le procès
de Lilburne seraitinnnédiatement poursuivi, et nomma,
pour présider au jugement, une commission extraordi-
naire de quarante membres, laissant toutefois au jury
le droit de prononcer sur les faits imputés au prévenu 3 .


Les parents et les amis de Lilburne, sa femme, aussi
courageuse que lui et qui l'aimait tendrement, son frère,
le colonel Robert Lilburne, officier estimé des généraux
et de l 'armée, firent les derniers efforts pour le sous-
traire à ce procès. Il laissa percer lui-même quelque
désir d'y échapper; il offrit de se retirer en Amérique;
mais il publia au moment, même un pamphlet pour ex-
pliquer les motifs de son départ cl en débattre aigre-


1 ParUamenlanj Htetory, t. X I X . p . l'Xi.
2 Le 2S s e p t e m b r e 1 0 1 9 ; l'ariinmcnl. Uisl., i. MX", p . 177 -21 )0 .
3 Le 11 * e p i e m b r e 101!» ; Journal* uf Ihe Ilwii-- <-•] (vm.tu »*.


t. Vf, p . 293 .




nient les coiiililious 1. Ou ne lui répondit point. Cédant
aux inslanees de sa l'en une, il demanda un délai. On ne
lui répondil pas davantage; le gouvernement républi-
cain était résolu de pousser à bout eet insupportable
ennemi, et se croyait sur de s'en délivrer.


Le procès commença à Cuildhall, le 24 octobre IliV.i.
Lilburne y déploya tontes les ressources de sou esprit et
toute la vigueur de son caractère pour lutter contre de
savants et subtils magistrats, les uns serviles et ardents
à entraver sa défense, les autres honnêtes et désirant
protéger l'accusé dans ses justes droits,- mais à chaque
instant piqués et irrités par ses brusques saillies el par
l'amertume de ses sarcasmes ou la violence de ses invec-
tives contre le pouvoir dont ils étaient les représentants.
On touchait au terme du débat qui avait duré deux
jouis; Lilburne se tournant tout à coup vers les jurés :
a .Messieurs du jury, dit-il, vous êtes mes seuls juges, les
gardiens de ma vie; c'est à vous que le Seigneur deman-
dera compte de mon sang. Je vous conjure donc de
Lien connaître votre pouvoir, de bien considérer votre
devoir envers Dieu, envers moi, envers vous-mêmes,
envers notre pa \s ; el que l'esprit du Seigneur Dieu tout-
puissant, maître du ciel et de la terre, et de toutes les
choses qui y sont contenues, soit avec vous, vous assiste
cl vous dirige, el vous enseigne à l'aire ce qui est juste
et pour sa gloire ! »


1 l ,e ïi o c u i l i r c 1C; 10. Cu p a m p h l e t e s t i n t i t u l e : Ttie innocent


V'ta'.s secocot l'enfer.




( i l P R O C È S I)K


«Amen ! » s'écria d'une seule voix toute l'assistance
<jui était nombreuse. Les juges se regardèrent les uns
les autres avec quelque inquiétude, et demandèrent
au major général Skippon de l'aire venir trois compa-
gnies de plus. Le procureur général Prideaux et le
grand juge Keble qui présidait la cour, renouvelèrent
leurs efforts pour convaincre le jury de la justice et de
la nécessité de la condamnation. Après trois quarts
d'heure de délibération, le greffier s'adressanf aux jurés :
« Messieurs du jury, ctes-vous d'accord de votre verdict?
—Oui.—Regardez le prisonnier; esl-il coupable des tra-
hisons dont il est accusé, ou bien non coupable1?—Non
coupable de toutes ces trahisons.—Ni de toutes, ni d'au-
cune1?—Non coupable, ni de toutes, ni d'aucune. »


A ces mots «non coupable» la salle retentit d'une
acclamation telle, dit-on, que peut-être on n'en avait
jamais ouï de pareille. Durant une demi-heure, les j uges
demeurèrent immobiles sur leurs sièges, exposés à cette
explosion de la joie publique. Le prisonnier était debout
¿1 la barre, tranquille et plus modeste dans sa conte-
nance qu'il ne l'avait été auparavant. Le tumulte upateé.
le greffier reprit la parole :« Messieurs du jury, f a i t e s
attention à votre verdict; la cour l'a en tendu; vous
dites ({ne John Lilburne n'est coupable ni de toutes, ni
d'aucune des trahisons dont il est accusé. Vous le dites
tous"?—Oui, nous le disons tous 1 . »


Lilburne fut reconduit a la Tour, suivi des acclama-


i State-Triats, I. I V , c o l . 1270-1170.




L I T . B U R X E ( O C T O B R E 1610;. 65


fions de la multitude, et toute la nuit des feux de joie
lurent allumés dans les rues. Le gouvernement essaya
de le retenir encore eu prison; mais au bout de quinze
jours, le méeonlenfenient du peuple et les efforts de
quelques membres des Communes, prudents et bien-
veillants, entre autres de Ludlow et de Henri Marlyu,
obtinrent enfin son élargissement L


Le Parlement ressentit vivement cet échec, plus amer
cependant pour son amour-propre que dangereux pour
son pouvoir : quoique Lilburne lui échappât, la victoire
lui demeura sur lesNiveleursqui renoncèrent à soulever
le pays et l'armée, et ne furent plus que des conspira-
teurs. Mais celle victoire même était vaine ; le gouver-
nement républicain triomphait sans s'affermir ; ses en-
nemis, le roi, les Cavaliers, les républicains anarchiques
tombaient sous ses coups, et il se sentait contraint do
maintenir et même d'aggraver ses rigueurs. Il ajouta,
aux anciens statuts sur la trahison, des dispositions nou-
velles et plus menaçantes, car elles considéraient les
paroles comme des actes et les érigeaient en crime capi-
tal 3, tën laissant tomber la censure préalable, il vola une
loi de la presse qui portait la sévérité jusqu'aux inter-
dictions et aux inquisitions les plus tyranuiques ; non-
seulement elle condamnait à des peines très-dures les
auteurs, imprimeurs, vendeurs et distributeurs d'écrits
séditieux; mais les acheteurs mêmes étaient tenus, sous


' Le S n o v e m b r e 10-1!'.
- Ce bi l l , p r o p o s é le 1 e r m a i 1010, fut a d o p t é l e 14 , Joarnals of


ihelIoii.sc uf communs, t. V I , p . 100 , 200 .
•1.




fiC X Y K A . N M K OU


peine d'amende, d'aller, dans les vingt-quatre heures,
remettre au plus prochain magistrat les exemplaires
qu'ils avaient acquis. Toute imprimerie fut interdite ail-
leurs que dans quatre villes, Londres, York, O.vford et
Cambridge. La publication des journaux ou recueils de
nouvelles et le commerce, tant extérieur qu'intérieur,
des livres étaient mis à ta complète discrétion du gouver-
nement. Tous les colporteurs et chanteurs publies furent
supprimés, et partout où l'on en rencontrait un, on le
saisissait, on l 'amenait dans une maison de correelion
pour y être fouetté comme un nialfaileur, et une amende
était infligée à tout magistrat qui négligeait d'accomplir
cette prescription de la loi 1 . 11 fut défendu de rendre
compte des procédures et des débats devant les hautes
cours de justice. La Chambre, contre les lois et les tradi-
tions du pays, se fit elle-même, dans plusieurs circon-
stances, cour de justice, et condamna à des peines g raves,
au bannissement, à de fortes amendes, au pilori même,
des prévenus qu'elle n'espérait pas atteindre par d'autre •
voies 5 . Elle interdit le séjour de Londres aux Cavaliers,
aux catholiques, aux officiers de fortune, à tous ceux
qui lui étaient suspects : quand elle ne pouvait in ton 1er
aucune poursuite contre des ennemis qu'elle redoutait,
elle les retenait arbitrairement en prison. Au m o m e n t
où Lilburne, acquitté par le jury, sortait de la Tour, un


1 Ce b i l l fut p r o p o s é l e 9 a o û t et a d o p t é le 90 s e p t e m b r e 1019 ;
Joumals of the Ilouse of commo-as, t. V I , p. 276, 208.


2 Juurnuls of the. Housc of commons, t. VI, p. 351-350 r,f)l


, VII , p. 7 1 - 7 3 , 75 , 7 8 , 7 9 ; — W l t i t e l o e k e , p. 1-10.




i w n r . F . M F . Y r a o r a - i o r , ] ; . en


royaliste pi'i 'sl)\lérien, Clément Walker, membre du
Parlement dont il avait été expulsé en 1018, avec son
parti, publia ÏÂnarchia anqiicana, ou Récils et Obser-
vations historiques cl polititiues sur le Parlement ou-


vert (-/(•-Ki-iO, histoire passionnée, mais pleine de faits
importants et d'anecdotes curieuses, du parti républi-
cain et de ses chefs. Walker remplaça Lilburne à la
Tour, et y resta sans jugement jusqu'à sa mort, sur-
venue en K M ! d . Dans le cours de cette même année, le
conseil d'Etal lit transférer dans diverses -villes cinq des
plus distingués parmi les anciens chefs presbytériens,
sir William Waller, sir William Lewis, sir John Clot-
worthy, le major générrl Browne et le commissaire
général Copley ; et cet ordre révèle qu'ils étaient, de-
puis l'établissement de la République , détenus dans
li! château de Windsor 2 .


Toutes ces rigueurs ne parvenaient pas à donner au
pays, ni au\ républicains eux-mêmes, le sentiment de
la force et de la sécurité de la République : ils étaient
en pleine possession du pouvoir; ils avaient mis hors
de toute activité politique la haute aristocratie et la
démocratie radicale de leur temps, les Cavaliers et les
Ni velours. Leurs angoisses intérieures les tourmentaient
déjà plus <pie n'eussent pu faire tous leurs ennemis.
Vainqueurs et maîtres, ils voyaient s'élever au milieu


' O o . h v m , ÏTitt. Kflhf Cnmmomi-calUi, t. HT, p . 317 .
1 I.i'ur I r a n - l a i i ' H i lu i n r . l i i M i n ; l e 11 m u r s 1031 ,— G o c ' v u n , Mit.


t.flhcCvm,Uoniv»llh, t . U I , p •-'•jC




CS P R O G R È S DK


d'eux un vainqueur et un maître dont ils ne savaient
ni comment se détendre ni comment se passer. La Ré­
publique, à peine née, sentait déjà Cromweil au­dessus
d'elle ; à chaque crise de péril et d 'alarme, elle avait
recours à lui, et elle s'alarmait le lendemain du crédit
et du renom qu'il acquérait en la sauvant. Cromweil,
de son côté, tout en prodiguant à la République les dé­
monstrations du dévouement le plus humble, laissait
à chaque instant éclater les élans de son ambition et de
son orgueil. Henri Martyn, qui vivait en grande fami­
liarité avec lui, s'avisa, un jour, à la Chambre, de te
contrarier obstinément dans quelques­unes de ses vo­
lontés à l'égard de l'armée : Cromweil tira brusquement
son poignard, et l'enfonçant clans le siège placé à côté du
sien, il menaça tout haut tic sa colère « Harry et sa
bande de Niveleurs. » Un autre jour, dans une disposi­
tion plus amicale et plus gaie, il appela Henri Martyn,
« sir Harry ; » le républicain se leva, et le saluant :
« Je remercie Votre Majesté, lui dit­il; j 'ai toujours
pensé que, lorsque vous seriez roi, je serais fait cheva­
lier ». » La première année de la République n'était pas à
son terme, et déjà on saisissait à Coventry des pam­
phlets intitulés : Le caractère du roi Cromweil"­; et des
le 14 juin 1649, M. de Croullé écrivait au cardinal
Mazarin : « Selon la créance de plusieurs, Cromweil


i Mercurinsprngmaticvs, mars 1HM ; — F o r s t e r , The Statesmen of
t'ne Cuinmoateerilth ÇVie d e H e n r i M a r t y n ' , t. III, j . . '•№}; Crum­
irelU'inn, p. 53.


W h i l e l o c k c , P­ ­134.




C R O M W E L L (1619). 09


pousse scs pensées au delà de ce que l'ambition la plus
déréglée le peut por ter 1 . «Les meneurs républicains
ne reneontraienl plus aucune résistance active; mais ils
étaient seuls, contraints de tendre de plus en [dus les
ressorts du pouvoir, au milieu d'ennemis irréconcilia-
bles, et à côté d'eux Cromwell grandissait pour leur
ruine en les servant.


Un fléau sanglant , la guerre civile, vint ajourner
]'explosion de ces discordes, et rendre pour quelque
temps a la République l'unité et l'énergie lièvre use qui
pouvaient seules la l'aire vivre.


1 Archives des Affaires étrangères de b'ranez.






LIVRE II
Etat des partis en Ecosse et en Irlande.—Charles II y est proclamé roi.—Com-


missaires écossais à la Haye. —Guerre d'Irlande.-Çromwell en prend le
'mninaneement—Ses cruautés et sus succès.—Expédition de Montrose en
Pi -nsse.— Sa deiai'.e, sou arrestation, sa condamnation et son exécution.—
Charles It se rend en Ecosse-—Croniwell revient d'Irlande et. prend le corn-
ruandeaieiit de la guerre d'Ecosse. —Périls de sa situation.— Bataille de
Ihinlrir.— Charlrs 11 entre eu Angleterre.—Cromwell y rentre après lui
Pataille île WorcesLer.—Fuite et aventures de Charles II.—Il débarque en
France.—Cromwell revient à Londres.—Triomphe complet de la Ilépu-
Ijli.jue.


Entre les trois royaumes de Charles I " , l'Angleterre
seule contenait un parti républicain assez fort pour
vaincre un moment et assez hardi pour tenter de gou-
verner. Par des causes très-diverses, l'Ecosse et l'Irlande
restaient profondément royalistes, mais avec des dispo-
sitions et à des conditions qui les rendaient, incapables
de soutenir efficacement le roi dont elles ne pouvaient
ni ne voulaient se passer. Ni dans l'un ni dans l'autre
île ces deux royaumes, les royalistes proprement dits ne
dominaient : en Ecosse, les presbytériens étaient les
maîtres; en Irlande, les catholiques : maîtres inégale-
ment tyranniques, à cause de la diversité de leur situa-
tion, mais également haineux et aveugles, également,
emportés par leurs passions religieuses au delà de leurs
desseins publiques, et ne sachant ni tenir compte des




"•>. É T A T H E S P A R T I S E X


droit? et des forces de leurs adversaires, ni mesurer sur
leur force réelle leurs propres prétentions. Les uns elles
autres étaient divisés. En Ecosse les presbytériens vio-
lents remportaient dans le Parlement et dans l'Eglise;
mais ils avaient à côté d'eux une opposition formée des
presbytériens modérés qui, en 1(M8, avaient fait la
guerre au Parlement d'Angleterre pour Charles Ier, et
qui comptaient, dans l'aristocratie et dans l'armée, de
nombreux adhérents. En Irlande, une grande partie
de l'aristocratie catholique, par loyauté ou par pru-
dence, soutenait franchement, de concert avec la plu-
part des protestants irlandais, la cause du roi proles-
tant ; mais elle était, à chaque pas, entravée par les
passions, les méfiances et les exigences, aussi naturelles
que mal calculées, du peuple catholique qui marchait
sous ses drapeaux. Et dans l'un et l'autre royaume, au-
tour du parti dominant intérieurement désuni, s'agi-
taient des partis attactiés à des principes contraires,
inférieurs en nombre, mais actifs, braves et obslinés : en
Ecosse, d'un côté les royalistes purs, soit par foi angli-
cane, soit par dévouement monarchique; de l'autre, les
sectaires indépendants, en intelligence avec les républi-
cains anglais et leur Parlement : en friande, d'un côté les
catholiques intraitables, ennemis de tout gouvernement
prolestant, soit qu'il fût monarchique ou républicain, et
qui les combattaient tous tour à tour selon l'intérêt du
moment ; de l 'autre, un petit nombre d'Anglais protes-
tants et républicains établis en Irlande, et un assez grand
nombre de catholiques irlandais timides qui se rau-




t':rr>SSR F.T FA* TRT.AKFlF.. 7."!


goaiont sons la bannière du Parlement parce qu'ils
croyaient à sa force, et uniquement pour se soustraire
aux périls d'une lutte dans laquelle il n'y avait, pour
eux, point de victoire à espérer.


Les rivalités des chefs aggravaient les dissensions des
partis. En Ecosse, à la tête des presbytériens fanatiques,
marchait le marquis d'Argyle, prudent, persévérant et
rusé, aimant le pouvoir et craignant le péril. royaliste
1 a r tradition plutôt que par goût, plus fidèle à ses clients
qu'à ses maîtres, préoccupé surtout de son influence ou
de sa sûreté personnelle, et habile à se ménager, dans le
parli qu'il combat lai t, des alliés contre ses rivaux dans son
propre parti. L'exécution du duc de Hannllon à Londres
fit perdre aux presbytériens modérés leur ancien chef,
mal remplacé par son frère, lord Lanark, qui hérita de
son titre, non de son crédit, et par lord Lauderdale,
courtisan servile avec un esprit libre, passionnément,
haineux quoique profondément indifférent, et corrompu
sans cesser d'être fanatique. Montrose semblait né pour
charmer et pour commander les royalistes purs, car il
était le plus brillant, le plus entraînant, le plus hardi,
le plus dévoué et le [dus présomptueux d'entre eux.
Au sein du barreau d'Edimbourg s'était formé, pour le
petit parti des sectaires républicains écossais, un chef
que le Parlement anglais eût pu leur envier, Archibald
.kihnslon, lord Wariston, ardent, inventif, prompt, infa-
tigable, savant, éloquent, subtil comme un fourbe et
sincère comme un martyr. L'Irlande comptait parmi ses


chefs moins d'hommes éminents et dont le nom ait
i . i . 5




7.-1 CFTATîT.KS IT PliOfTAVH> ROT


survécu à leur temps. Plus <onsidéré que redouté ou
suivi, le marquis d'Ormond, vice-roi pour Charles 11
comme pour Charles I' : r, y présidait avec un dévouement
inépuisable, quoique souvent impuissant, aux etîortset
aux discordes du parti royaliste ; et parmi les Irlandais
indépendants qui ne se souciaient ni du Parlement ni du
roi, Ovven Roe O'Neil est le seul qui, par ses beureux
coups de main et ses défections alternatives, ait laissé
dans l'histoire quelque souvenir. Mais une foule de chefs
secondaires, importants alors, aujourd'hui inconnus,
s'agitaient soit autour du vice-roi, soi t au sein du peuple,
ardents à poursuivre, tantôt contre leurs ennemis, tan-
tôt contre leurs rivaux, leur propre élévation ou la déli-
vrance de leur foi et de leur pays.


Après la mort de Charles l", l'élan royaliste triompha,
au premier moment, de ces diversités et de ces discordes :
à Edimbourg, dès le » février lC-iV), et en Irlande, par-
tout où Ormond était le maître, Charles II fut proclamé
roi. Le Parlement d'Ecosse avait contre le Parlement
d'Angleterre un nouveau grief; les commissaires qu'il
a\ait envoyés à Londres, d'abord pour faire des repré-
sentations, puis pour protester contre le jugement, de
Charles I e r , avaient été brutalement arrêtés 1 au moment
où ils repartaient pour leur patrie, et reconduits sous
escorte jusqu'à la frontière d'Ecosse, pour empêcher, de
leur part, toute publication, toute commiuiicaliou avec


1 I . e 2 m a r s 10-19 ; .Tournais of f'nc Houst oj'-'communs, t. VI,
p, 1.-.2 ;—YVOite locke , p. 3 8 4 , 3 8 0 , 388 .




EN E C O S S E ET E X TTiT.AXDE '10401. ~r<


le pays 1 . La conscience et l 'amour-propre des Ecossais
étaient également froissés. Leur Parlement décida que
des commissaires seraient immédiatement envoyés au
nouveau roi pour l'engager à revenir parmi eux. Ormond
le pressait en même temps d'arriver en Irlande, où il
trouverait tes trois quarts de la nation dévoués à sa
cause; et le plus farouche des chefs irlandais, Owen Roc
O'Xeil lui-même, qui n'avait pas voulu traiter avec Or-
mond, faisait porter à Charles, par un messager part i-
culier, les assurances de sa fidélité -.


Tous ces envoyés arrivèrent presque simultanément à
la Haye où résidait Charles, sous la protection du
stadlhouder, le prince d'Orange, son beau-frère, et traité
par les États généraux de Hollande avec un respect
bienveillant quoique réservé. 11 avait là auprès de lui ses
plus sages conseillers, ceux que le roi son père, avec
l'expérience du malheur, lui avait expressément recom-
mandé d'écouler, lord Coltington, sir John Colepcppcr,
sir Edouard Hyde surfout, monarchique et anglican
avec passion, mais sérieux, habile, et qui demeurait
fidèle, dans l'exil comme sur le sol natal, a la religion,
aux lois et aux mœurs de son pays. Ils avaient folle-
ment insisté pour que Charles ne s'établît pas en France,


i Parîiam, Ilist., t. X I X , p . 16-30; -10-48 •—JoiCnyth ofthe Home
if rommom, t. V I , p . 131, 13,"), U n . , • V ' .


* W h i l e l o e k e , p.. 381 , 383 , 381), 3!>2 ; — A l a l c o l m . ' t a i r r g / i ^ k of
flcotlonâ, t. I I I , p . 131 ; — C l a r e e d o n , Hisl*(heTtAeWon, 1. s u ,
o. 4, H - 1 3 ; 3 , 28 ; — C a r t e , Ornumd's hrtkn, t.'*; p-.-213, ,231.


* V e r s la lin d e m a r s I041O V -' -~




7fi C O M M I S S A I R E S É C O S S A I S


où la politique de Mazarin leur élail suspecte, ni auprès
de la reine douairière sa mère, qui vivait tantôt à Saint-
Germain, tantôt à Paris, toujours peu aimée des vrais
Anglais qu'elle aimait peu, et entourée de prêtres catho-
liques et de ces courtisans frivoles et téméraires qui, sous
le feu roi, avaient exercé quelquefois sur la conduite,
et toujours sur la cause royale, une si funeste in -
fluence.


La perplexité de Charles était grande ; les commis-
saires du Parlement et de l'Église d'Ecosse lui faisaient
des conditions très-dures : il fallait qu'il se séparât de
ses anciens amis, surtout de Montrose, objet de toutes
les haines presbytériennes, qu'il arrivât presque seul en
Ecosse, qu'il se livrât tout entier au parti dominant, qu'il
signât, leurcoveuantde 1(538, qu'il se fît enfin, (pie ce fût,
sincérité ou hypocrisie, presbytérien avec eux et comme
eux. Quoique ennemis des presbytériens fanatiques
et tout en déplorant leurs exigences, les modérés, lord
Hamilton et lord Lauderdale, conseillaient à Charles de
s'y résigner, et ils insistaient autant que personne pour
qu'il reniât absolument .Montrose, refusant eux-mêmes
toute communication avec lui et sortant insolemment du
cabinet du roi quand il y entrait. Montrose, à son tour,
exhortait Charles à repousser toutes ces prétentions qui
le mettraient en servitude sous prétexte de le refaire
roi, et à ne compter, pour remonter sur son trône, que
sur l'épéc, s'offrant à la tirer le premier et en avant-
garde, pour lui en ouvrir le chemin. Charles goûtait,
assez les avis de Montrose, sans y croire beaucoup; mais




A T.A IIAVK ; M \ I Î S If, 19). 17


le prince d'Orange, d'accord en ceci avec les lettres de
la reine mère et avec l'opinion commune de la Hollande,
le détournait vivement de s'y conlier, l'exhortant, au
contraire, à accepter les propositions des commissaires
écossais, et ne concevant pas qu'il s'obstinât à refuser un
royaume qui venait le chercher, pour soutenir l'Eglise
anglicane cl tes évèques qui avaient déjà coûté au roi
son père la couronne et la vie


On suggéra à Charles, qui n'avait encore rien fait ni
rien dit depuis la mort de sou père, l'idée d'adresser,
en se rendant en Ecosse, une déclaration à l'Angleterre
pour y faire connaître ses sentiments, ses vues, raffermir
ses partisans et prévenir les fausses interprétations aux-
quelles ses démarches pourraient donner lieu. Hyde
qui , dans le conseil, n'avait point été d'avis de cet
acte, fut chargé de le rédiger; mais quand il en apporta
le projet, avec quelque habileté qu'il se fût efforcé d'en
mesurer les termes, tant d'objections discordantes s'éle-
vèrent, et l'impossibilité de contenter, en parlant, les
royalistes d'Angleterre sans aliéner ceux d'Ecosse ou
d'Irlande, devint si évidente que, d'un commun ac-
cord, on en revint au silence qui avait d'abord été gardé
par inst inct 2 .


Les clifiicultés lassaient promptement Charles ; la
perspective des dégoûts et des mensonges compromet-
tants qui l'attendaient en Ecosse le rebuta; il lit aux


1 Carte , Omund'x LelUn. t. I, p . 2 3 8 ; — C l a r e m i o n , Ilist. ofthe


RtbeHien, 1. x i i , e. 21).


* Claret i ' lou , Hist. of Ihe Rébellion, 1. x i i , e . .13-40.




commissaires écossais dos objections et une réponse
dilatoire qui équivalaient, pour le moment, à un relus. I!
donna en même temps à Montrose une commission se-
crète, avec te titre de lieutenant-gouverneur et de com-
mandant en chef de toutes les forces royales eu
Ecosse, l'autorisant à lever en Europe, partout où il en
pourrait obtenir, des hommes et de l 'argent, et à tenler, à tout risque, dans sa patrie, une expédition royaliste.
Cuis, se disant résolu à se rendre en Irlande où l'on ne
lui demandait rien que d'arriver, Charles fit embarquer
et partir en effet, sur deux petits bâtiments, une portion
de sa suite et de son bagage; mais alléguant la conve-
nance d'aller, avant de quiller le continent, faire, en
France, une visite à la reine sa mère, il différa son
propre départ 1 .


Au fond et quoique, pour le nombre et le dévoue-
ment de ses partisans, son principal espoir fût en Irlande,
il était peu empressé à s'y rendre et à se montrer ainsi,
A U X yeux de l'Angleterre et de l'Ecosse protestantes, en-
touré d'un peuple et d'une armée catholiques pour pre-
mier appui. Mais précisément par ces mêmes raisons,
l 'Irlande, aussitôt après la mort du roi, devint l'objet
de l 'attention et de l'action vive du Parlement républi-
cain . C'était là surtout qu'il s'attendait à voir éclater une
guerre royaliste, et là aussi qu'il préférait la rencontrer.
La guerre à l 'Irlande excitait toujours en Angleterre une


i C a r t e , Ormond's Lctlcrs, t. T, p . 2l>3, 3-i"> ; — C h t r c n d o n , Ilisi. vf


tlu- ReheV.wt. 1. s u , c. 13 , 17, 3 ! ) d l ; — W k k i r i , Manoirs of Monl-


i m s c , p . 3U&-3ÛU l É d i i n b o u r g , 181U,.




1) LIU.AXM-: (liilfi;. 7!)


ardeur passionnée, presque dans Ions les parlas. On avait
exploité eonlre Charles E r , avec un inépuisable succès,
eelfe hostilité de race, de religion, de politique; on se
promit d'en retirer, contre sou fils, les mêmes avan-
tages. Dès qu'on sut à Londres qu'il avait été proclamé
roi en Irlande;, et qu'Orniond la ralliait presque tout
entière sous son drapeau, on résolut d'aller l'y attaquer.
Au même moment où elles abolissaient la royauté et la
Chambre des lords, les Communes votèrent 120,000 liv.
st. par mois pour l'entretien d'une armée de quarante-
quatre mille hommes dont une grande partie serait
employée en Irlande, et le conseil d'État eut ordre
d'examiner, de concert avec le général en chef et ses
principaux officiers, comment la guerre d'Irlande de-
vait être préparée et conduite 1 .


Scott vint, cinq jours après, au nom du conseil d'Etat
et du conseil de guerre réunis, déclarer à la Chambre
que la première mesure à prendre pour organiser
l'armée et préparer la guerre d'Irlande, c'était de nom-
mer le général qui la commanderait. La Chambre r e n -
voya au conseil d'Etat la proposition de ce choix. On
croyait qu'il proposerait Lambert, et la plupart des amis
de Cromvell avaient paru l 'indiquer. Mais quelques-
uns, plus habiles ou mieux dressés, proposèrent inopi-
nément Cromvell lui-même, qui n'assistait pas à la
séance. Informé aussitôt, il se montra surpris e t incer-


i toHut!) m a r s ICI!); Jnv.rnah of the Ilouse of commons, t. V I ,


p. m, 103, 170, 172, 182, 180, 188, 2U8 ; — W h i t c l o c k e , p . 385-380 ,


331-3;i2




CROMWEU,


(aiii, et demanda (|ue deux i>fliciers fussent désignés,
dans chaque régiment, par le conseil général de i'ar-
mée, pour se joindre à lui dans une réunion pieuse, et
invoquer ensemble, sur une résolution si importante,
les lumières d'en haut. La réunion pensa qu'il devait
accepter et la Chambre le n o m m a 1 . Il accepta avec
trouble et modestie : «Il était, dit-il, indigne et.inca-
pable d'un si grand fardeau ; mais il se soumettait à leur
volonté, comptant sur le secours de Dieu, dont il avait
déjà reçu tant de preuves ; les tristes extrémités aux-
quelles les récents succès des rebelles (il appelait ainsi
Ormond et les royalistes d'Irlande) avaient déjà réduit
ce royaume, le décidaient à y risquer sa personne et sa
vie ; non qu'avec les forces dont il disposerait d'abord,
il espérât étouffer la rébellion; niais la République con-
serverait du moins quelque empire en Irlande jusqu'à
ce qu'on y pût envoyer plus de troupes; en attendant il
conjurait la Chambre de ne pas perdre un moment poul-
ies préparatifs qu'exigeait une telle entreprise ». »


La Chambre répondit à son vœu, et dans les soins
qu'elle prit pour assurer le succès de la guerre, on r e -
connaît, à chaque pas,la prévoyante sollicitude et le sens
pratique du chef qu'elle en avait chargé. Pour consoler
l'airfax de son inaction, on l'investit du titre de géné-
îalissimc de toutes les forces du Parlement, en Irlande
comme en Angleterre; Cromwcll n'était ni vain, ni sus-


1 L e 30 m a r s 1049.
2 W i i i t e l o c k c , p . 390 , 391 ; — C l a r u i i d o i i . llisl. of tkv licbdliun,


1. x i i , c . "ÎO-Ti.




MX I U L A X D E i l i i ] 0 ; . 81
ecpliblo, et nul ne taisait. à l'amour-propro doses rivaux,
une plus large part, surtout quand il travaillait à les
supplanter. Il se fit donner pour major général son
gendre Ireton dont il avait éprouvé la capacité, l'éner-
gie et l 'amitié. Les régiments désignés pour son expé-
dition formaient un corps de douze mille hommes; ils
furent payés de leurs arrérages, bien pourvus d'armes
et de munitions, et des mesures bien combinées en
assurèrent le recrutement. On régla les comptes des
officiers, et ils reçuren t , à titre d 'avance, d'assez
fortes sommes. D'autres officiers, qui avaient aban-
donné lord Inchiquin lorsqu'il s'était déclaré roya-
liste, rentrèrent au service du Parlement et furent
traités avec la même faveur. On pourvut au service
îles vivres de l'armée. Un certain nombre de bâti-
ments stationnèrent sur les côtes d'Irlande, a la dis-
position du général. Un emprunt de 150,000 liv. st.,
spécialement att'ecté aux besoins de cette guerre, fut
ouvert dans la Cité, et Croimvell en suivit lui-même la
négociation. Le comité des séquestres fut invité à presser
la rentrée des sommes dues par les royalistes admis a
composition pour leurs biens, et ces rentrées eurent en-
core l'Irlande [tour destination. La prévoyance de Crom-
well s'étendit au delà de sa mission spéciale et guerrière;
patron vigilant de ses amis, il engagea ceux d'entre
eux qui avaient des affaires à traiter dans le Parlement
à présenter immédiatement leurs pétitions, et il insista
pour que justice leur fût faite avant son départ. 11 se lit
faire pleine.justice à lui-même pour le payement de ses




82 e i ; n M \ v t : e ! ,


arrérages, pour lo règlement de sa solde qui était con-
sidérable, et pour les diverses allocations supplémen-
taires dont il avait besoin. Enlin sa commission lui
attribua eu Irlande le pouvoir civil aussi bien que le
pouvoir militaire, et elle lui fut délivrée pour trois
ans '.


Assuré de ses forces matérielles, il se préoccupa de
ses moyens d'action morale : la République avait, en
Irlande, peu d 'amis; il fallait lui en faire; il fallait du
moins éelaircir les rangs de ses ennemis. Cromwell ap-
prit que l'un des hommes les pins considérables et les
pi us capables de l 'Irlande, lord Broghill, qui, après avoir
servi tour à tour le roi et le Parlement, s'était retiré
dans ses terres, venait d'arriver à Londres avec le des-
sein de passer en Hollande, pour offrir à Charles H ses
services. 11 lui fit dire par un de ses officiers qu'il irait
le voir, désirant s'entretenir avec lui. Lord Broghill
s'étonna et parut craindre quelque méprise, n'ayant pas,
disait-il, l 'honneur de connaître le général. Cromwell
arriva chez lui peu d'instants après, et en lui témoi-
gnant la plus bienveillante estime, il lui déclara (pie son
dessein était connu , qu'il avait un passe-port pour les
eaux de Spa, sous prétexte de santé, mais qu'en réalité
il se rendait auprès de Charles Stuart dans des vues hos-
tiles au gouvernement de son pays. Lord Broghill nia :


' Journal* of tlw Ilonsc e.f commom, t. V I , p . 1S3, 18-1, 5-2(5, •>:}•!,


2:1."), -3 10, 218. 248 , 253 , 2 5 1 , 237 , 273 , ïXI , -Js-i. 301!, 301 , Mi, 32* .


331 ; — W l i h u l o c k e , p . 330, 101, ,101, 109, 11(1, 312, 315, -121, 323 ,


3 20. 130.




E N I R L A N D E (IfidO). 8.1


«N'insistez pas, lui dit Cromvudl ; je poux vous montrer
a os propres lettres; le conseil d'Etal les a déjà examinées
et ¿1 rendu un ordre pour vous faire mettre à la Tour ;
mais j'ai obtenu qu'on différât jusqu'à ce que j'eusse
causé avec vous. » LordBroghill convint de tout, le re-
mercia et lui demanda conseil : « Je suis autorisé, lui
dit Cromwell, à a o u s offrir un commandement d'officier
général dans l'armée d'Irlande ; on n'exigera de vous
aucun serment; vous aurez seulement à servir contre
les catholiques irlandais. » Lord Broghill témoigna sa
répugnance et demanda un peu de temps pour se déci-
der : « Impossible, dilCromvvell ; si je vous quitte, mon
«lire refusée, vous serez à l'instant prisonnier d'Etat. »
Us se séparèrent bons amis, et trois mois après, ils étaient
tons deux en Irlande, servant ensemble le Parlement


Vers ce même temps, on vit arriver à Londres quel-
ques hommes connus par leur ferveur catholique, sir
Kenelm !>igby, sir John Winlcr, l'abbé Montagne, déjà
souvent mêlés dans les affaires d'Irlande, et qui avaient
toujours mis la cause de leur Eglise bien au-dessus de
celte du roi.On leur lit espérer la pleine liberté de leur
foi cl de leur culte en Irlande, pourvu (pie les catholiques
désavouassent les prétentions temporelles du pape, et
missent dix mille hommes au service de la République.
Des conférences curent lien, par l'entremise de l'ambas-
sadeur d'Espagne ; et pour donner quelque gage des


s Vavw.Orih'wrl'x Ltlfers, l .T , p. "219 : — O o d w i n , Ilist, uftheCom-
n.vf.iri'rt'C, i . i i l , p . 153, —C'ar ly le , Cromwcll'* Lelters, t. I,


p. 135.




K l CRI )M YVKLL


dispositions des catholiques, 1111 prêtre savant, Thomas
Whitc, dans un écrit intitulé : « Les fondements de l'obéis-
sance et du gouvernement, » soutint que le peuple pou-
vait être délié de son serment par la mauvaise conduite
du magistrat civil, et (pie, celui-ci une t'ois déposé, l'in-
térêt général pouvait commander de se soumettre plu-
tôt que de tenter sa restauration. Sur le continent,
Charles II et ses conseillers s'alarmèrent et avertirent
Ormond de se tenir sur ses gardes. Ils avaient raison,
car pendant que cette négociation se suivait secrète-
ment à Londres, Monk, inspiré par Cromwell, concluait
en Irlande une suspension d'armes avec le grand chef ca-
tholique O'IVcil; suspension qui couvrait l 'engagement
d'O'Neil de prêter sous main son concours aux opéra-
tions de l'armée et des généraux du Parlement Crom-
well avait l'esprit trop libre pour méconnaître la force
des catholiques en Irlande; et sans plus de scrupule,
mais plus discrètement que ne l'avait fait Charles l j r , il
travaillait à se tes concilier si le Parlement et te publie
protestant voulaient bien le lui permettre, ou à les com-
promettre et à les diviser s'il lui était interdit de s'en
servir ! .


11 essayait aussi de renouer, avec les presbytériens
eux-mêmes, ses plus récents et ses plus ardents adver-
saires, quelques bonnes relations, se défendant de toute
inimitié religieuse contre eux, et leur donnant a en -


< Lu S m a i !(LU>.


•< Cur ie . 0 > » f o « ' f \ L«lkr>, l y le -.M-'.




ES I I U . A X D K (UUÎl) S5


lemlre qu'a son avis leur établissement ecclésiastique
élait celui que l'Etal devait adopter et soutenir. 11 vou-
lait, au moment de partir pour l ' I r lande, s'y faire
d'avance des amis, et conjurer on du moinsadoucir, en
Angleterre, les ennemis qu'il laissait derrière lui.


Cependant il ne parlait point. Voulait-il seulement,
alleudre que ses troupes fussent arrivées et prêtes en
Irlande avant d'y paraître lui-même, ou méditait-il
quelque secret dessein ? Le Parlement en concevait
quelque inquiétude, car c'était surtout pour éloigner
Cromwell. et pour occuper l'armée qu'il avait entrepris
si vivement la guerre d'Irlande, et qu'il y faisait tant de
sacrifices. Ces ministres étrangers résidant à Londres
doutaient fort que Cromwell voulût partir : « L'on con-
lintic de dire, écrivait M. de Croullc au cardinal Mazarin,
que Cromwell partira tout au plus tard à la lin de ce
mois. Le sentiment que j 'ai eu du contraire est con-
forme à celui de trop de personnes intelligentes pour
m'en rétracter, et jusqu'à ce que je sois convaincu par
l'avis de son passage en ce pays-là, j ' y persévérerai tou-
jours. 11 ne peut presque tomber sous le sens que Crom-
well qui, selon la créance de plusieurs, pousse ses pen-
sées au delà de ce que l'ambition la plus déréglée les
peut porter, se résolve d'abandonner ce royaume à la
merci des brigues qui pourraient être formées en son
absence, et que sa présence peut empêcher d'être seu-
lement entreprises »


1 I J j u m I b ' i ' J ; — A r c h i v e * des Ajj'uircs cirangrres de France




3!ais an commencement do juin, Orinond entra en
campagne; et malgré les dissensions de son parti et la
mauvaise organisation de son armée, ses snecès furent
si rapides qu'a la fin du mois il ne restait plus au Par­
lement, en Irlande, que Londonderry et Dublin. Croni­
well se décida : le 10 juillet, un grand nombre de ses
amis se réunirent à Whileliall ; trois ministres invo­
quèrent sur ses armes les bénédictions du Seigneur;
Cromwell lui­même, après deux de ses officiers, Golfe et
llarrison, prit la parole et commenta plusieurs textes
de l'Écriture sainte analogues à son entreprise. Puis, à
cinq heures du soir, il se mit en route pour Bristol,
«avec une pompe et dans un équipage, dit un jornalad
du temps, tels qu'on n'en a guère vu. 11 était dans un
carrosse traîné par six juments de Flandre gris pom­
melé ; plusieurs carrosses l'accompagnaienl, et beau­
coup d'officiers supérieurs de l 'armée. Sa garde étail
formée de quatre­vingts vaillants hommes dont le
moindre était un officier ou un écuyer, et plusieurs des
colonels en grand uniforme. Les trompettes sonnaient.
Fi maintenant garde à vous, mylord d'Ormond ! vous
aurez affaire à des braves ; les vaincre sera pour vous
assez d'honneur, et être vaincu par eux ne fera pas
grand tort à votre renom. Si vous dites : César ou rien!
ils disent : la Réjrubliifue ou rien^l »


Arrivé à Bristol, et sans qu'on en démêle les motifs,
(Cromwell s'y arrêta près d'un mois: il allait et venait


' Crviuxelliana, ]>• 02 , — Y V I u i e l o e k c , p . ­ Ш .




t ' X I R r A N D K 1H 10 . 87


dans les divers ports de ! la côte, présidant à l'einbar-
queinenl de ses troupes et recevant de nombreux visi-
teurs, l.a population des enviions affluait pour le voir ;
sa femme et plusieurs personnes de sa famille vinrent
passer quelques jours avec lu i ; il semblait hésiter en-
core et ne se détacher du sol anglais qu'avec doute et
effort1.


Une nouvelle arriva d'Irlande qui mit un terme à ses
lenteurs. Avant de marcher sur Dublin, Ormond avait
écrit au gouverneur Michel Jones, tenu jusque-là pour
un presbytérien modéré, pour le presser d'abandonner
«ce prétendu Parlement qui avait égorgé son roi et vou-
lait introduire l'anarchie, et lui promettre île grandes,
récompenses s'il revenait à la cause royale!. » — « J ' i -
gnore, lui répondit Jones, de qui Votre Seigneurie tient
son pouvoir; le Parlement d'Angleterre n'eût jamais
consenti à la paix que V. S. a faite avec les rebelles, sans
aucune sûreté pour la religion protestante; comment
peut-elle être établie par une armée de papistes? J'aime
mieux mourir à mon poste qu'acheter par une honteuse
trahison les avantages qui me sont offerts. » Ormond
s'établit devant Dublin, espérant réduire la place dont
la garnison était faible, et dans laquelle il avait des
intelligences. Mais, dans les derniers jours de juillet,
l'avanl-garde de Croniwell, amenée par un vent favo-
rable, entra dans le port de Dublin sans qu 'Ormond
put y mettre obstacle ; la garnison, fortifiée, ravitaillée


i C a r l y l e , CromweV.'s Lctlm. x. I, p . 4-15,




88 C H O M W E L r ,


et très-animée, demandait à son chef quelque c o u p
hardi; le ï août, Jones lit sur un point du camp des
assiégeants, au village de Rathmines, une sortie si inat-
tendue, si vive et si heureuse que, malgré les efforts
désespérés des officiers supérieurs et d'Ormond l u i -
même, le désordre gagna toute l'armée royale q u i l'n!
mise en désordre, avec une perle considérable, et con-
trainte de lever le siège


Quelle que fût la cause de son retard à quitter l'An-
gleterre, il ne convenait pas à Cromwell qu'un autre eût.
l 'honneur de soumettre l 'Irlande. Le lendemain m ê m e
de la nouvelle, il partit; et à peine embarqué, encore
dans le port de Mitford-haven, soigneux de se montrer
des plus empressés à célébrer la victoire de Jones, il
é c r i v i t à son a m i Richard 31ayor, dont son fils aîné
Richard V T m a i f d'épouser lafille : «Le marquis d'Ormond
assiégeait Dublin avec dix-neuf mille hommes ou en -
viron : sept mille Écossais, et puis trois mille devaient
venir le rejoindre. Jones est sorti de Dublin avec quatre
m i l l e hommes de pied et initie deux cents chevaux ; il a
mis eu déroute toute cette armée, tué sur place quatre
mille hommes, et fait deux mille cinq cent dix-sept pri-
sonniers, dont trois cents officiers, quelques-uns de
grande qualité' . C'est une grâce surprenante, si grande


1 W l i U o l o c k e , p . 3 S U , 439 , 430 ;— . Tourna i s of llte Il ou se. of rom-


m . i / i s , t. V t , p. 175, -¿78: — C l a r c i u l o i i , llkl. of Ihe Rébellion, 1. su,


c. 09 ; t. V I I , Irelanl. c. 7 1 , 75 .


t T . m s (•<:•' e U i ï r c s .'•luii-ut fort o . \ a i , " ; r . 3 x , — C a r i e • Om><»,<l v


lelleis. t- I I , \>. -liW, -107-111.




E N I R L A N D E RM!h. 89


et si opportune que vraiment nous avons l'air de
rêver. Que dirons-nous? Dieu veuille remplir nos âmes
de reconnaissance, afin que nos bouches soient pleines
de ses louanges, et nos vies aussi, et qu'il nous donne de
n'oublier jamais sa bonté pour nous. Il y a là de quoi
i'orlifier noire foi et notre amour pour des temps plus
difficiles. Priez pour moi ; que je marche digne, du Sei-
gneur dans toutes les voies où il m'a appelé ! »


Et cet élan de piété patriotique finit par ce trait de
sollicitude paternelle :


«Je vous ai confié mon fils; donnez- lu i , je vous
prie, vos avis. Je ne lui envie pas ses joies, mais je crains
qu'il ne s'y laisse absorber tout entier. Je voudrais
qu'il réfléchît et qu'il s'appliquât aux affaires, qu'il lût
un peu d'histoire, qu'il étudiât les mathématiques et la
cosmographie. Ce sont là de bonnes connaissances,
subordonnées aux choses de Dieu; elles valent mieux
(pie l'oisiveté e l les seuls plaisirs mondains. Elles con-
viennent d'ailleurs au service du pays, pour lequel tout
homme est né '.


Cromwell fut toujours vivement préoccupé de ses
enfants, de leurs affaires temporelles et de leurs dispo-
sitions morales ; et il portait dans cet intérêt, comme
partout, sa prévoyante et dominante activité.


Arrivé à Dublin, le surlendemain K> août, il y fut
reçu avec de vives acclamations; la foule se pressait sur
son passage, curieuse et bienveillante : vers le milieu


i L'arlyk', CrvmweU's LMw and A t y c c c / t » » , l . 1 , p . 44li,




(10 r " R O M W r u .


île ki ville, là où le concours était le plus grand, il s'ar-
rêta, et debout dans sa voiture, le chapeau à la main, il
l'aria au peuple : « Il ne doutait pas que ta divine pro-
vidence, qui l'avait amené sain et sauf au milieu d'eux,
ne leur rendit à tous leurs libertés et Jours biens ravagés
[par la guerre ; tous ceux qui concourraient de cœur
à cette grande œuvre, entreprise contre les barbares
et sanguinaires Irlandais et pour la propagation de
l'Evangile du Chr is t , trouveraient auprès de l u i ,
comme auprès du Parlement d'Angleterre, protection
et faveur, et chacun serail récompensé selon ses
mérites. » On lui répondit par te cri : « Nous vivrons
et mourrons avec vous; » et dès le lendemain, une pro-
clamation militaire et puritaine marqua le caractère de
son gouvernement : il y rappelait « les grâces de Pieu
sur cette ville, signalées surtout, dans la défaite qu'avaient
subie naguère les rebelles qui l'assiégeaient; a il s'éton-
nait «qu'en présence de tels bienfaits, le saint nom de
Dieu fût encore journellement outragé, parmi eux, par
les jurements , les blasphèmes, l'ivrognerie et tous ces
emportements profanes condamnés par les lois de Dieu,
les lois du pays et les lois des camps; » il enjoignait
au maire et aux magistrats de la ville, ainsi qu'aux offi-
ciers de l'armée, de faire strictement observer ces lois,
déclarant que ceux qui négligeraient de veiller en ceci
à l'exécution de ses ordres encourraient eux-mêmes
toute sa sévérité '.


1 t ' a r l y l v , CruMw'.l'sLeUvrs, e t c . , 1 . 1 , u . - i i O ; - W n i i d u r k e , . ] ; : ; .




KX I R L A N D E {КИП). !)!


Л peine ses troupes s'étaient reposées quelques jours
qu'il entra en campagne, mais avec des dispositions bien
différentes de celles qu'il avait témoignées de loin, pen­
dant (jue son expédition se préparait. Dès qu'il fut. en
Irlande, sur le théâtre de la guerre et au milieu des
combattants, Cromwell sentit que les préjugés et les
colères des Anglais contre les Mandais, des protestants
contre les catholiques, des républicains contre les roya­
listes, étaient là des passions farouches et intraitables,
qu'on pouvait exploiter puissamment, mais en leur lais­
sant un libre cours, et qui n'admettaient ni calculs ni
ménagements politiques. Il les accepta sans hésiter,
comme des faits qu'il ne discutait point, et des forces
dont il avait besoin. Les instructions et les exemples qui
lui venaient de Londres le poussaient sur cette pente,
bien loin de l'y retenir. Les nouvelles d'Irlande, surtout
la victoire de Joues devant Dublin, et la confiance
qu'elle inspira, firent évanouir ces velléités de négocia­
tions naguère entamées avec les Irlandais et les catho­
liques. Le Parlement désavoua la suspension d'armes
que Monk avait conclue avec O'Neil, et les chefs du
parti, qui avaient secrètement poussé Monk dans cette
voie , se crurent obligés d'être des premiers à blâmer
son acle pour réussir ensuite à le faire excuser lui­même
sur son intention. Quelques jours après, la Chambre vota
que sir Kenehn Digby, sir John Win ter, ces catholiques
ardents qu'on avait laissés venir et presque appelés à
Londres pour s'assurer leur concours en Irlande, au
prix de la liberté de leur culte, étaient des hommes dan­




!>2 O R O M W E l . l . E N I R L A N D E .


gereux qu'il fallait su hâter d'éloigner, et ils eurent
ordre de sortir immédiatement d'Angleterre, sous peine
de mort et de confiscation de leurs biens s'ils y ren-
traient. Tout esprit de transaction, par justice ou par
prudence, avait disparu, et dans les conseils en Angle-
terre comme dans les camps en Irlande, le fanatisme
religieux et politique dominait s e u l l .


Ce fut sous ces sombres auspices (pie Cromwcll sortit
de Dublin, le 31 août, à la tète d'environ dix mille
hommes, pour aller assiéger Drogbeda, la place la plus
importante de la province de Leinster. Ormond, en se
retirant du siège Ile Dublin, avait jeté dans cette place
une garnison de trois mille hommes, presque tous An-
glais, et commandés par sir Arthur Aston , vieil officier
à jambe de bois, d'une bravoure comme d'une fidélité
éprouvée, espérant qu'elle arrêterait longtemps les pro-
grès de l 'ennemi. Après six jours employés aux travaux
du siège, Cromvvell fit sommer le gouverneur de se
rendre, et sur son refus, le 10 septembre, il iit donner
fassaut. La première attaque, bien que vigoureuse,
échoua avec une grande perte pour les assaillants; le
colonel Cassel et plusieurs officiers y furent tués. Crom-
wcll se miL fui-niènie à la tête de la seconde attaque, et
malgré l'énergique résistance des assiégés, les divers
retranchements lurent emportés, puis les tours et les
églises de la vil le, dans lesquelles les plus obstinés


1 Journal» o[ Ihc îîonsc of communs, t. V I , p. 277 , 2S'J;—Wlnto-


l o c k u , p. l l 'J , 122, 1.23.




PTtTSF. DP, n n O O T T K D A Cl» « f v t c n b m î 10-10). 8 3


s'étaient renfermés: «Danslachalcur de l'action, écrivit
Cromwell au président du conseil d'État et à l'orateur
du Parlement, j 'ai défendu qu'on épargnât aucun de
ceux qui seraient trouvés en armes dans la place. Le
gouverneur, sir Arthur Aston , plusieurs officiers con-
sidérables, et je crois environ deux mille hommes ont
été passés, cette nuit-là, au fil de l'épéc. Le lendemain,
nous avons sommé les deux tours ; dans l 'une se trou-
vaient cent vingt ou cent cinquante hommes qui ont r e -
fusé de se rendre ; nous avons compté sur la faim pour
les contraindre, et nous avons placé des gardes poul-
ies empêcher de s'évader jusqu'à ce que leurs estomacs
se fussent rendus. Us ont tué ou blessé quelques-uns de
nos hommes. Quand ils se sont soumis, les officiers ont
été mis à mort, et les soldats décimés; le reste a été em-
barqué pour les Barbades. Tous leurs prêtres et, leurs
moines ont été mis à mort indistinctement. Je ne crois
pas que, de toute la garnison, 1 rente hommes se soient
échappés vivants. Je suis persuadé que c'est un juste
châtiment de Dieu sur ces barbares qui ont trempé leurs
mains dans tant de sang innocent. Cela préviendra,,je
crois, l'effusion du sang à l'avenir. Ce sont là les motifs
satisfaisants pour de telles actions qui, autrement, ne
pourraient pas ne pas inspirer du remords et du
regret. »


'( !'• S. Voici la liste des officiers et des soldats tués :
le gouverneur ; dans la cavalerie, deux lieutenants-
colonels, un major, huit capitaines, huit lieutenants et
huit cornettes ; dans l'infanterie, trois colonels, leurs




<"ii Ï ' P J S K D P D R O f ; I T F . D A


1 ioulenants-colonols ri leurs majors. quaranfe-rpialre
capitaines, leurs lieutenants et leurs enseignes; deux
cent vingt cavaliers, deu\ mille cinq cents fantassins,
outre les officiers d'état-major, les chirurgiens et beau-
coup d'habitants '. ».


Selon d'autres rapports, royalistes et même parle-
mentaires, non-seulement le carnage dura deux jours,
mais des officiers, découverts au bout de cinq ou six
jours après avoir été cachés par l'humanité de quelques
soldats, furent égorgés de sang-froid ; et au moment du
massacre, les femmes et les enfants ne furent pas plus
épargnés que les hommes armés : « Ce fut, dit un con-
temporain, panégyriste de Cromwell, un sacrifice de
trois mille Irlandais aux mânes de dix mille Anglais
qu'ils avaient massacrés quelques années aupara-
vant 5 . »


Le sacrifice ne produisit pas l'effet que Crormvell s'en
était promis pour le justifier; il ne suffit point à pré-
venir l'effusion du sang; il fallut recommencer. YY ox-
ford, un mois après, se défendit comme Drogheda, ci.
subit le même massacre. D'autres places, il est vrai,
inlimidées ou trahies, se rendirent, Corke, lioss, Youg-
hali, Kilkenny; mais d'autres aussi , comme Cullen ,
Cowran et Clonmel s'obstinèrent à résister, quclqucs-


' C a r l y l e , CromxrM's Lette.rs (16, 17 e t 22 s e p t . 104!!;, 1 . 1 , p . 45%


4G3 ;—Part . ITfet., t . XIX, p . 201-210 ; — W h i t e l o e k c , v . 427-42K


» Parl.Hist., t. XIX, p . 2 0 9 ; — C ] a r e i n l o n , Ilisl. vf il.e TleM'h»,


Ireland. c . 82 , ~ Mémoires de Ludion, t. I I . p . 2-4 , d a n s m a


Collection.




ET A T T T î r S P L A C E S I V I R L A X O E (IfilOl. !l">


unes, comme Watorford, avec tant de vigueur que
Cromweil fut obligé de lever te siège. Là même où le
succès parut plus facile, il fut encore souillé de grandes
cruautés. A Gowran, les soldais obtinrent la vie sauve
en rendant la place; mais à condition de livrer à discré-
tion leurs officiers qui furent tous égorgés. L'évêque de
Ross fut pendu, en habits pontificaux, sous les murs d'un
cliâleau fort que ses gens défendaient. Clonmel résista
héroïquement, et lorsque enfin la place se rendit,
Cromweil n'y trouva plus un seul homme de la gar-
nison ; pendant qu'il signait avec les habitants les art i-
cles de la capitulation, elle était sortie de nuit et en
armes, pour aller ailleurs recommencer la guerre ' .


C'est l'artifice ordinaire des mauvaises passions d'im-
puter les cruelles satisfactions qu'elfes se donnent, soit
à quelque grande idée dont elles poursuivent l'accom-
plissement, soit à l'absolue nécessité du succès : l 'his-
toire se déshonorerait en acceptant ces excuses menson-
gères; c'est son devoir de renvoyer le mal à sa source
et de rendre aux vices des hommes ce qui leur ap-
partient.


Le fanatisme humain m e n t , ou s'abuse lui-même
par orgueil, quand il se prétend l'exécuteur des hautes
œuvres de lajuslicc divine; il n'appartient pas aux hom-
mes de prononcer,suries peuples, tes sentences de Dieu.


i Car îy lu , Cromiceir» Lelters, I . I , p. 406-516 ; — Journah of ihe
1V/V\« "f nommons, t. V I , p. 611 , 626 : — W h i i o l o c k c , p . ¡66, 13! ,
1 5 6 ; — G u J v l n , llist, of the Ccmmonicealih, t. I I I , p. 151-102 .




S l f i l ' I i O M W F . Ï . I .
Cromvv'oll n'était pas sanguinaire ; mais il voulait


réussir promptomcnl et à tout prix, par nécessité
pour sa fortune bien plus que pour sa cause, et il
ne refusait rien aux passions de ceux qui le servaient.
C'était un ambitieux égoïste алее grandeur, qui avait
des fanatiques étroits et durs pour instruments. Ses
grands et vrais moyens de succès n'étaient pas dans
ses massacres, mais dans son génie et dans la haute
idée qu'avaient déjà conçue de lui les peuples. Tan­
tôt par instinct, tantôt par réflexion, il se conduisit
en Irlande, envers ses amis et envers ses ennemis, avec
une habileté aussi souple que profonde, supérieur dans
l'art de traiter avec les hommes, et de persuader, ou
de séduire, ou d'adoucir ceux­là mêmes qui devaient lui
porter le plus de méfiance et d'aversion. En même
temps qu'il livrait au meurtre et au pillage les villes
dont il s'emparait, il maintenait, dans son armée, la
discipline la plus sévère, ne soulïrant pas qu'elle fit à
la population aucun tort, et soigneux de faire payer ce
qu'elle consommait. Cet homme qui se vantait d'avoir,
à Drogheda, fait égorger indistinctement tous les moi­
nes, et qui exceptait toujours avec faste les catholiques
de ses promesses de tolérance chrétienne, ce même
homme entretenait, par des moines irlandais, une po­
lice très­active chez ses ennemis, toujours bien instruit
de leurs desseins ou de leurs démarches, et quelquefois
assez influent au milieu d'eux pour les faire échouer
par leurs propres dissensions. Il travaillait incessam­
ment à détacher de la cause royale: les hommes consi­




E N I R L A N D E ; 1649). 91


oY-rablcs, et ses tentatives en ce genre allèrent, sans
succès, jusqu'au marquis d'Ormond lui-même pour
qui il exprimait hautement son estime, ajoutant sou-
vent : «Qu'a donc à l'aire lord Ormond de Charles
Stuart, et quelles obligations en a-t-il jamais reçues? »
Avec le Parlement, sa conduite était fort indépendante,
mais sans vanité et sans bruit ; il portait au contraire
dans son langage la déférence jusqu'à l 'humilité; après
la prise de Ross, il écrivit, à l'orateur de la Chambre :
« Vous ayant ainsi rendu compte de l'événement, je ne
vous fatiguerai pas de demandes particulières; je les
adresserai au conseil d'État ; mais permettez-moi de
vous dire humblement ce qui, à mon sens, est bon pour
votre service, me soumettant d'ailleurs pleinement à
votre volonté. Nous désirons des renforts. Cela n 'aug-
mentera pas vos charges si les sommes que vous avez
déjà assignées pour les forces maintenant sur pied


nous arrivent à temps C'est ce dont je vous supplie
humblement, ainsi que de nous envoyer les vêtements,
les souliers et les bas que j 'ai déjà demandés, afin que
les pauvres créatures qui sont sous mes ordres aient un
peu d'encouragement. Et moyennant la bienheureuse
assistance de Celui qui n'a cessé de marcher avec nous,
j'espère qu'avant peu non-seulement l'Irlande ne sera
pas un fardeau [tour l 'Angleterre, mais qu'elle deviendra
un membre utile de la République 1 . »


i Carlyl.>, Cromrtsli* Let ter s ' L t n o v . 1019}, ». I , p . 4 8 0 . — Clnrtm-
don, UM. "fthe Rehtttion, 1. x u , c . 147 ; I. x m , c. 111 . V V I i i i f l o f k o ,
p, 1 ) 0 ; — ( l o J w i n , llist, of the Comment* eullli, t. 111, p. ¡,',1,


T . l .




»8 o n O v n v E E E E S T R A E P E I . É


Il ne larda pas à démêler ci à médire en pratique le
moyen le plus efficace pour y réussir. Quand il vit que,
malgré quelques succès partiels, il ne parviendrait lias
à désorganiser le parti royaliste en Irlande en lui enle-
vant ses chefs, il tourna ses efforts vers les soldats : ils
étaient nombreux, braves, souvent dénués de (oui et
découragés ; il fit publier dans tout le pays qu'ils étaient
libres d'aller servir à l 'étranger, et qu'il autorisait tous
les officiers, et quiconque voudrait l 'entreprendre, à
lever autant d'hommes qu'ils en pourraient trouver,
et à les transporter hors d'Irlande pour le service des
puissances du continent. Il fit donner avis, aux minisires
de France et d'Espagne à Londres, de l'autorisation qu'il
accordait. Beaucoup d'officiers royalistes. Anglais comme
irlandais, sans emploi et sans ressources, virent s'ou-
vrir là, pour eux, un avenir, et s'offrirent aux agents
étrangers pour lever et transporter en Espagne ou en
France des régiments. Bon Aionzo de Cardenas, m i -
nistre d'Espagne en Angleterre, et le cardinal Jlazarin
saisirent cette offre avec empressement; environ vingt-
cinq mille Irlandais furent eu peu de mois enrôlés poi.r
l'Espagne, et vingt mille pour la France; et ce territoire
catholique, sur lequel Ormond avait peine à tenir rassem-
blé, pour le service du roi, un corps de huit à dix nu'be
hommes, se déchargea, sur l'Espagne cl la France, de
plus de quarante mille soldats ennemis du Parlement^.


I C l a r c n J o n , m»t. ofthe RvMUon , 1. s u , c . 118-1 IL» ; ~ C a r I y l e


CratoictTl'* Ldters, t. 1, p . 513 .




I ) ' I K I . \ M ) K . m i i n ; l i i r , ( l ' , . !)9


fanl île succès, militaires et politiques, si rapidement
obtenus et habilement célébrés par de zélés amis, cau-
sèrent bientôt au Parlement presque autant d'alarme
qu'ils lui donnaient de sécurité. Cromwell à Londres
élail à tout moment un sujet d 'embarras; mais Crom-
well, si puissant et si glorieux en Irlande, menaçait de
plus en plus l'avenir. Le bruit se répandait d'ailleurs
que Charles Stuart, par suite de nouvelles négociations
avec les Ecossais, était près de se rendre en Ecosse; on
aurait probablement besoin de Cromwell; le 8 janvier
H>•%(.>, on résolut de le rappeler, et le conseil d'État eut
ordre de l'en informer. Détail alors en quarliers d'hiver,
à peine remis d'une assez grave indisposition. Il rentra
soudain en campagne, recommençant vivement, à tra-
vers l 'Irlande, ses courses et ses sièges. Le 23février, on
lut, dans le Parlement, des lettres de lui qui a n n o n -
çaient de nouveaux succès : on vota d'abord qu'il en se-
rait officiellement remercié, puis, que de retour à Lon-
dres , il aurait à sa disposition, pour s'y loger, le
Cockpit, portion du palais de Whitchall , et le palais
de Saint-James, avec le commandement du Parc,
fa femme et la famille de Cromwell firent, bien
qu'avec quelque répugnance, leurs préparatifs pour
s'y établir; pour lui, il continua de rester et de vaincre
ci: Irlande. Le 2 avri l , enfin, il écrivit au Parle-
ment :


«J'ai reçu divers avis particuliers de votre intention
que je me rende auprès de vous en Angleterre, ainsi
que la copie des voles du Parlement à cet elfe t. Mais, ne




100 C R O M W E t . I , E S T H A P l ' E E E


sachant cela que par des avis particuliers , cl les
votes se référant à une lettre qui devait mètre
adressée par l'orateur, j 'ai pensé qu'il y aurait témérité
de ma part à quitter mon poste avant d'avoir reçu
celte le t t re ; je ne pouvais d'ailleurs deviner si elle
porterait un ordre absolu ou si le Parlement me lais-
serait la liberté d'examiner quand et comment je
devais obéir. Votre lettre m'est parvenue le vendredi
22 mars, le jour même où j'arrivais devant la place de
Kilkenny. J'ai appris par le docteur Cartwiïght, qui
me l'a remise , que les vents contraires et le défaut
d'embarcations dans nos ports de l'ouest l'avaient
empêché de partir plus tôt. Votre lettre porte la date
du 8 janvier et je ne l'ai reçue que le 22 mars. Elle
suppose en outre que votre armée est en quartiers
d'hiver , ne pouvant rien faire dans cette saison do
l'année , et c'était là le motif de voire o rdre ; or vos
troupes ont toujours été en action depuis le 21) janvier.
Je n'ai donc su que faire... J'ai humblement pensé
que mon devoir était de vous demander humble-
ment quelle est précisément votre volonté; car, je le dis
comme devant Dieu, je suis prêt et empressé d'obéir à
vos ordres; mou unique désir est d'accomplir l 'œuvre
à laquelle je suis appelé par ceux que Dieu a établis
au-dessus de moi. ce (pie vous êtes bien certainement
à mes yeux ; je vous supplie donc humblement de me
dire si votre lettre ne me laisse pas la liberté de vous
demander une expression plus claire de vos com-
mandements ; elle me t rouvera , quand je l'aurai




D'IRL.WDE ( t A W T r n 1R5II). 101


reçue, tout prêt à une prompto et facile soumission »
11 avait gagné autant de temps qu'il avait voulu, et


pendant qu'il tardait, le cours des événements taisait
pour lui, de son retour à Londres, une nouvelle occa-
sion de pouvoir et de grandeur.


Quand Charles I I , après avoir quitté la Haye pour
aller faire, à Saint-Germain, une visite à la reine sa
mère, apprit avec certitude que Cromwell prenait le
gouvernement de l'Irlande, il hésita de plus en plus à
s'y rendre, se souciant peu de jouer, sur un terrain si
périlleux et contre un si rude adversaire, son avenir et
sa vie. Il passa trois mois à Saint-Germain, monotone
séjour que la cour de France cherchait peu à lui rendre
agréable, et dont les tracasseries impérieuses de sa mère
ne dissipaient pas l'ennui. A la nouvelle de la défaite
d'Ormond devant Dublin, le premier mouvement du
jeune prince fut de partir et de se jeter en Irlande au
milieu de ta lutte. A ceux qui lui disaient qu'il n'y fal-
lait pas aller pour prendre sa part de cette déroute, il
répondit : « Il faut donc y aller pour mourir, car il est
honteux pour moi de vivre ailleurs. »—«Ce discours pa-
raissait procéder d'un grand cœur, dit Mme de Motfevillc,
qui vivait presque aussi intimement avec la reine Hen-
riette-Marie qu'avec Anne d'Autriche; les plus grands
hommes de l'antiquité n'ont pas mieux parlé; mais de
jeunes gens passent aisément de cette roide vertu au


1 C a r l y i e , Cromccll's Letters, I. I, j , . 507, 51-1-510 Journal* of
i.he House of commons, t. VI , p . 0 1 1 , 3 7 1 .




102 C H A U L E S 11


i ulac! icDJCiit ; ils souIVreul ensuite avec indifférence dos
maux qui l e u r oui d'abord paru les plus insupportables
de la vie, et le plaisir qu'ils reneonlrent en celle même
vie en est cause. C'est ci: qui arriva à ce prince. >> Ses
propres courtisans no lardèrent pas à s 'en apercevoir :
« Les princes étrangers, écrivait l'un d'eux au marquis
d'Ormond, commencent à regarder le roi comme un
homme si indolent et si peu soucieux de ses propres
affaires qu'ils ne croient pas sûr pour eux-mêmes d'ir-
riter, en venant à son aide, des ennemis aussi puissants
que le deviendront probablement ses rebelles sujets. »
Charles ressentit bientôt les effets de celte disposition ;
l e cardinal Mazarin lui donna clairement à entendre
que son séjour prolongea Saint-Germain devenait un
embarras pour la cour de France, qui ne voulait pas s e
brouiller avec la République d'Angleterre ; la reine
Henriette-Marie elle-même, qui avait besoin du bon
vouloir de Mazarin, engagea son f i l s à comprendre, sans
explications plus précises, le désir du cardinal ; cl vers
le milieu de septembre I(>Ï9, Charles se mit en route à
travers la Normandie, pour aller s'établir dans file de
Jersey, seul point de ses Etats dont il lut encore eu
possession


A peine y était-il arrivé qu'il reçut d'Irlande la nou-
velle du désastre de Rrogheda, et presque au même
moment le parlement d ' E c o s s e lui fit demander de re-


i Mémoires de Mm* de MoltevPlc, t. III, p . 320 , 333 , eolln-l^n
Pdilot ;—Carie, Onnond's Lillers, t. [, p. 318 ; — C l a r e u c l e n , Uni,
of lin* RelieVdun, 1. s u , c . " ê - 3 7 .




A J i - ; i ;sKY -'if;Jf»;. 10:?


prendre l e s négociations entamées à la Jlayc , pour le
rappeler dans son royaume. Depuis que celle première
tentative rivait échoué, le senliment général du peuple
écossais en laveur du roi n'avait pas cessé de se
manifester; plusieurs insurrections royalistes avaient
relaté sur divers poinlsdu royaume; et quoique le Par-
lement presbytérien les eût promptement réprimées, ses
chefs, Argylo entre autres, comprirent qu'ils ne pou-
vaient se dispenser de faire de nouveau, auprès de (maries
cl pour son relour, un effort, sérieux, ou du moins une
éclatante démonstration. Les propositions qu'apporta à
Jersey leur envoyé, Winram de Liberlon, étaient au
fond les mêmes, et aussi dures que celles que Charles
avait naguère repoussées à la Haye; mais sa situation
était aifaiblie; en Angleterre et en Irlande, ses ennemis
triomphaient; de Paris et de ta Haye, sa mère ci son
beau-frère le pressaient plus vivement que jamais d'ac-
cepter les propositions des Ecossais, lui écrivant l'une
que la cour de France, l'autre que le peuple de Hollande
étaient décidément de cet avis. Charles voulut consulter
Orniond; Ormond répondit qu'il n'y avait rien à espérer
si l'on ne parvenait pas à susciter la guerre entre l'An-
tdeterre et l'Ecosse, et à opérer ainsi une diversion qui
permît aux royalistes irlandais de reprendre haleine et
de tenter de nouveaux efforts. A peu près tous ceux des
conseillers intimes de Charles qui se trouvaient auprès
de lui insistaient dans le même sens : il se résigna, et
soit que Jersev paru! un lieu incommode pour négocier,
soit pour gagner encore du temps, il donna rendez-vous




101 E X P É D I T I O N D E M O N T R O S E


aux commissaires écossais à Broda, ville du domaine
propre de son beau-frère le prince d'Orange, el où i! se
sciilait parfaitement libre et sûr. Mais ne portant ni
goût ni confiance à la négociation qu'il acceptait, il
écrivit à Jlontrose occupé à chercher en Allemagne de
l'argent et des soldats : « Je vous conjure de poursuivre
vigoureusement, avec votre courage et vos soins ac-
coutumés, les affaires que je vous ai confiées; ne vous
laisse/ pas troubler par ce que vous pourrez entendre
dire que je suis autrement disposé envers les presby-
tériens que je ne l'étais quand je vous ai quitté. Je suis
toujours, je vous l'assure, dans les mômes principes que
vous m'avez vus, et je compte aidant, que jamais sur vos
entreprises et vos efforts pour mon service 1.»


Montrose n'avait nul besoin d'être excité; passion-
nément orgueilleux et dévoué, il avait foi dans sa cause,
en lui-même et dans sa destinée. Une prédiction popu-
laire avait dit qu'il remettrait le roi sur son trône; il tenai t
de Charles tous les pouvoirs dont il avait besoin pour
agir1. 11 parcourut les Pays-Bas, l'Allemagne, le Dane-
mark , la Suède, cherchant partout les moyens d'ac-
complir sa mission, voyant chaque jour manquer quel-
qu'un de ceux qu'il s'était promis, et se remettant cha-
que jour à l 'œuvre avec la même conviction et la même
ardeur. Cette partie de l'Europe, surtout la Suède, était


» 19 s e p t . 1010 , — W i M i a r l , Aj'p., 11, l a , 15 ; — M a l r o l m l .ai iu- ,


HM. «fUrotlaml, I. 111, p . -1.11, 5H|, — Clar. ' i i . lun, I <.[!!;:


Rrln-V., ). s u , o . J U t - l i f t ; — T a r i » , Ormvnd'» Ldhn, C I p. : jy«,


,;;,ij - _ W l m u ! i > c k e , p. 12«, 129 .




KN KCOS.SE i 1050). 105


alors devenue la seconde patrie d'un grand non dire
d'olïiciers écossais qui, après avoir servi sous Gustave-
Adolphe, dans la guerre de Trente ans, s'y étaient éta-
blis avec la fortune et le renom qu'ils avaient acquis.
Monlrose vivait avec eux en bon compagnon de guerre
ou de tète, charmant les uns par l'éclat de ses espé-
rances, attirant les autres par ses libéralités, et ils lui
avaient tous promis, pour sa grande entreprise, l'appui
de leur crédit ou de leur personne, quelques-uns même
de leur argent. Le roi de Danemark et plusieurs petits
princes d'Allemagne lui avaient donné des assurances
semblables. Quand il se crut près d'entrer en action, il
publia, de Copenhague 1 , une déclaration annonçant et
justifiant son entreprise, et invitant tous les fidèles sujets
du roi à venir le joindre en Ecosse pour l 'accomplir;
puis il assigna Hambourg comme lieu de rendez-vous à
ses recrues, et s'y fixa lui-même, avec plus de faste
qu'il ne convenait à ses ressources, pour les attendre,
les organiser et les faire partir ' .


Les recrues vinrent lentement et en petit nombre ;
la cour de Danemark était zélée, mais pauvre ; la reine
Clirisline de Suède, qui s'était d'abord montrée favo-
rable, se prit tout à coup d'admiration pour la Républi-
que d'Angleterre et pour Cromvvell. Montrose réunit a


1 En d i ' c i ' m O r c KilO ; — W i s l i a r t , ilemoirsof Manirose, Appendix,
îi" X I X , ] . . -151-158.


2 Cl .m' i i . l tm, Hi-,1. nfthe Reldliun, 1. m i , c . 4 0 , 1 2 8 , 1 2 9 , —


\ \ i»hari, MetHoifs ofSlonirote, p . 301-000 ; — W l n t c i o c k c , p . 430,


400, 434, 433 , 430-




101) K X I ' H I J I T I O N ] ) K . M O . Y T K O M ' J


grand'peine, à Hambourg et àfiol lien ibourg, douze cents
iioiiinies assez mal armés ; une première division, qu'il
lit partir eu septembre KH9, périt en m e r ; la seconde,
sous les ordres du comte de kiimoul.arrivaheureusemen t
à Kirkwall, chef-lieu de l'île do Poniona, la principale
des Orcades, et s'y établit en attendant son général,
Moutrose attendait, de son côté, et des recrues nou-
velles, et des soulèvements que lui avaienl promis les
royalistes des montagnes d'Ecosse. Mais les premiers
essais d'insurrection, commencés trop tôt, avaient été
trop facilement réprimés 1 : rien n'éclata; les amis de
Montrose lui écrivirent que sa présence était indis-
pensable et serait certainement efficace. 11 partit enfin,
et débarqua aux Orcades, dans tes premiers jours de
mars 1650, avec cinq cents hommes et. quelques nobles
écossais dévoués à sa personne et à sa fortune.


Peu avant son arrivée, et en réponse à sa déclarai ion,
l'Eglise et le parlement d'Ecosse avaient publié contre
lui deux autres déclarations, singulièrement violenles,
même dans ce, temps de passions déchaînées 2 : «Non
qu'il vaille la peine, y disail-on, de réfuter les calomnies
de JamesCrahain, celle vipère de là semence de Salan.
que depuis longtemps le Parle meut a déclaré traître,
que l'Église a livré aux mains du diable, et que toute la
nation abhorre; mais parce que le silence pourrai! è l r i -
mai interprété, et que quelques espriis faibles se laisse-


' Rro-wne , Hist. oftlw Mghlands, t. I I , j>. iii, «*.
Les 2 c i -21 j i u i v i o r 1000 ,—AVi&kurl, Aj^uudU-, u " X X cl X X I


y- 408 -101 ,




E X ' E C O S S E ( И Г Л ) . 1 0 7


raient poul­rlro abuser par les asseiiions audacieuses do
ccî impudent. fanfaron qui se présente au monde comme
revêtu de l'aulorilé de S. AL, sous le litre de lieutenant­
gouverneur et capitaine général de ce royaume. » Tous
les anciens griefs du parti dominant, et les variations de
conduite imputées à Montrose à l'origine des discordes
civiles, cl les cruautés dont on l'avait accusé pendant sa
campagne de ili i">, pour Charles I e r , étaient habilement
résumés dans ces deux actes que toutes les chaires pres­
bytériennes se chargèrent de commenter; et au moment
où il remettait, le pied sur le sol d'Ecosse, les colères et
les terreurs du peuple s'unirent, contre Montrose, aux
haines et aux alarmes de ses rivaux.


Eu débarquant à l'extrémité septentrionale de l'Ecosse,
i! déploya un pou fastueusement trois bannières, deux au
nom du roi, dont l'une portait l'image de la tète coupée
de Charles 1", avec ces mots : «Juge, ô Seigneur, et
venge ma cause;» sur la troisième, qui était la sienne
propre, un bras nu tenant une épée sanglante, sur un
fond noir, et cette devise : .Y/7 médium. Puis if avança
ieniement à travers les comtés de Caithness et (te Sulher­
land, attendant, du pays môme, des renforts qui ne ve­
naient point, apprenant au contraire que des chefs, sur
qui il avait compté, se rangeaient du coté du Parlement,
et visiblement surpris et troublé du peu de bruit que
faisaient son nom et ses pas. Le gouvernement d'Edim­
bourg, pendant qu'un corps d'armée considérable se
rassemblai! sous les ordres de David Lcslie, envoya en
avant quelques escadrons de cavalerie commandés par




Ï08 DEFAITE ET ARRESTATION


Jo lieutenant-colonel Strachan, sectaire fougueux et offi-
cier ha rd i ; cinq cents hommes d'infanterie, qu'axait
réunis le comte de Sutherland, se joignirent aux cava-
liers de Strachan, et ils étaient ensemble à Tain, sur la
côte orientale du comté de Hoss, quand ils apprirent que
Montrose était campé à quelques lieues seulement et se
gardait mal, ignorant que l'ennemi fût déjà si près de
lui. C'était le samedi 10 avril; Strachan hésitait à se
mettre en marche, ne voulant pas courir le risque d'avoir
à combattre le dimanche; mais un mouvement que fit
Montrose rapprocha encore les deux troupes; Strachan
prit son parti et s'avança jusqu'à une lieue du camp de
Montrose, établi à Corbiesdale, toujours sans information
et mal gardé. Les escadrons de Strachan le chargèrent à
l'improvistc, et successivement, comme s'ils eussent été
l'avant-garde d'une armée. Montrose voulut se replier
sur un bois voisin; les soldats qu'il avait amenés d'Alle-
magne combattirent vaillamment ; mais les recrues
faites dans les Orcadessc débandèrent; avec sa bravoure
accoutumée, il essaya, mais en vain, de les rallier; son
cheval fut tué sous lui, et il eût été pris sur le champ de
bataille si son ami, lord Fraidraugld, ne lui eût, à l'in-
stant, donné le sien. Ce ne fut plus qu'une déroule et un
massacre; dix officiers et plus de trois cents soldais fu-
rent lues; parmi les prisonniers, au nombre de pins de
quatre cents, cent Irlandais furent fusillés. Montrose
^éloigna à toute bride, et dès qu'il fut hors de vue, il
jauta à bas de cheval, jeta son habit, son Sainl-Ccorgc
et son cordon de la Jarretière, prit les vêtements d'un




ПК X I O X T U O S E ( * v r t i . ­ m u 1СЯ0). 109


paysan, et s'entoura à travers champs, cherchant un
asile. Il erra quinze jours dans les montagnes des comtés
de Ross et de Sutherland, tantôt accueilli avec ferveur,
tantôt repoussé avec effroi, souvent exténué de fatigue
et de faim, et s'elforcanf de gagner la côte. Le 3 mai,
soit malheur, soit trahison, il fut découvert et arrêté
dans une chaumière, sur les terres de Ncil Maclcod, sei­
gneur d'Assynl, jadis l'un de ses partisans, qui le livra,
pour quatre cents balles de farine, au parlement écos­
sais ; et on le conduisit de là dans les châteaux de
Skibo et de Braan, où arriva l'ordre de le transférer
immédiatement à Edimbourg 1 .


Hélait dans la pire des situations; il avait contre lui le
gouvernement et le peuple, les haines profondes de ses
rivaux et les colères brutales de la multitude. Elles
s'unirent sur sa roule pour l 'outrager, sans réussir un
moment à rabattre. If son dut avec la même force d'âme
les injures de ses ennemis et les adieux de ses enfants
qu'il vit en passant chez son beau­père, le comte de
Southesk. Les marques de sympathie ne lui manquèrent
[tas absolument : au château de la Grange, où il logea
avec son escorte peu avant d'arriver à Dundee, la daine
du château lit, pendant la nuit, pour le faire évader, une
tentative qui fut sur le point de réussir; et à Dundee
môme qui, en lo io , avait eu à souffrir de ses armes, les


« W i s l m H , p . ;i' .*:i77 ; — I lo l l ïmr, Antutls nf 8,­othnuV, t. 1П',
p. 4:12; I. IV.p.H­U': — H n . w n r , llisl. uflhf ШцЫтчЬ, t. II . р.аи­ЗО:
Malcolm La m ­ 1 Ш . i.f .SYùi/u/i d, t. 111, p ­ 1 1 2 ­ Ш .




110 P R O C E S


habitants, loin do lo mallrailer, lui témoignèrent un
grand respect, cl obtinrent, à force d'instances, de ses
gardes la permission de lui donner des babils conve-
nables, en remplacement des vêlements grossiers sous
lesquels il avait été arrêté et que, par insuile, on l'avait
jusque-là contraint de garder 1 .


Il arriva le 17 mai à Leitli, près d'Edimbourg. Le Par-
lement se réunit le même jour et vota que «James
Graham, tête nue et lié par une corde sur une charrette,
serait conduit par le bourreau, en costume et le cha-
peau sur la tête, depuis la porte dite Walcr Gale jusqu'à
la prison d'Edimbourg, et amené de ià à la barre du
Parlement pour y recevoir à genoux sa sentence de
mor t ; qu'il serait pendu à un gibet, à la croix d'Edim-
bourg, avec le livre qui contenail l'histoire de ses guerres
cl sa récente déclaration suspendus à son cou ; et qu'après
être resté pendu durant trois heures, son corps serait
mis en quartiers par le bourreau, sa tête plantée sur une
pique et placée sur la tour à l'extrémité de la prison, ses
mains et ses jambes sur les portes de Pertti et de Slir-
ling, d'Abcrdeen et de Glasgow ; que si, à sa mort, il
montrait quelques signes de repenlance et pouvait être
ainsi relevé de l'excommunication prononcée contre lui
par l'Église, le tronc de son corps serai! enseveli parles
fossoyeurs, dans le cimetière de Gray-Friars; sinon, il se-
rait enterré au lieu ordinaire des exécutions, sous lecha-
faud, par les valets du bourreau °. » Les mœurs de ce


1 Yv'ishart, p . 379 -382 .


• B a l f o u r , Armais af Scolland, t. I V , p. 12, 13.




T)V. ArOXTr iOST: ["vu ifi-m. n i


temps étaient encore assez, dores pour que la liai no
des ennemis prît, plaisir à un tel spectacle, et que les
spectateurs indifférents en fussent plus intimidés que
révoltés.


Le lendemain, en elfet, a quatre heures après midi,
Montrose fut conduit, sur un vieux cheval ércinté, de
Leilh à la porte d'Edimbourg, où les magistrats muni-
cipaux le reçurent en robes, escortés de leur garde et du
bourreau. On lui remit une copie de la sentence. Il la
lut et la rendit en disant : «Je'suis prêt; je regrette seule-
menI.que la majesté du roi, que je représente, soit si indi-
gnement traitée dans ma personne. » On se mil en mar-
che: Mont rose notait pas son chapeau; le bourreau le lui
abattit; trente-quatre de ses officiers, ses compagnons
de captivité, marchaient, liés deux à deux, devant la
charrette. Sur foule la route, une grande foule était
réunie, venue avec le dessein d'assaillir Montrose de ses
outrages; mais la fermeté tranquille de son maintien, la
gravité de ses regards, l'indomptable courage qui éclatait
en lui, frappèrent si vivement ce peuple que les outrages
s'arrèlèrcnl, le silence s'établit autour du cortège, et fui
même interrompu çà et là par des signes de compassion
et. par des prières en faveur de l'illustre prisonnier.
Comme le cortège passait devant la maison du comte de
Moray, la charrette s'arrêta un moment; quelques per-
sonnes levèrent la tète; elles purent apercevoir derrière
une fenêtre entrouverte le marquis d'Argyle avec sa
famille et plusieurs de ?es amis; il avait voulu repaître ses
yeux del'abaissemeni de cet enneni i devant lequel iJ avait




iiii cinq ans auparavant 1 . Quoique la dislance fût à
peine d'une demi-lieue, on mit trois heures pour aller
de la porte de la ville à la prison ; en descendant de
charrette, Mont rose donna quelque argent au bourreau,
pour avoir si bien conduit, dit-il, «son char de triom-
phe. » Le Parlement était en séance; cinq commissaires
vinrent à la prison demander «à James Graham s'il avait
quelque chose à dire en attendant qu'il fût amené devant
la Chambre pour recevoir sa sentence'.'» Le Parlement
attendait leur retour; ils rapportèrent queMontroseavait
refusé de répondre jusqu'à ce qu'il sût où on était le
Parlement avec le roi, et s'il avait conclu avec lui quel-que arrangement. Sept commissaires lui furent aussitôt
renvoyés pour l'interroger, en lui disant qu'un arran-
gement avait été conclu avec le roi qui était sur le point de venir en Ecosse. Un peu ému sans doute de cette
nouvelle, Montrose s'excusa de répondre, disant que son
voyage avait été long, et qu'après la réception cérémo-nieuse et un peu fatigante qu'on venait de lui faire, il
avait besoin de quelque repos 2 .


Quand il lut conduit le surlendemain à la barre du
Parlement, il se donna le plaisir de suivre son naturel


î Oc la i t e s t c o n t i n u e par u n e l e t t r e d e l ' a g e n t f r a n ç a i s G r a v -
j . ior.d, au c a r d i n a l lUazarm. d a t é e d ' E d i m b o u r g l e 31 mai lGêd:
- P l u s i e u r s p r i r e n t g a r d e , e t e n o n t b i e n d i s c o u r u d e p u i s , qu 'on 31
i ia l i e v i s - à - v i s l a m a i s o n d u c o m t e d e M o r a y , o ù e s t o i t e n t r e a n -
ires AI. le m a r q u i s d ' A r e y l e , q u i c o n s i d é r a i t s o n e n n e m i par u n e
i e n e s t r e e i i t r ' o u v c r i e . » ;.I rcliires rfrv .-I//»,>.•< v'iraoyrri* de Fronce.)


8 W i s b a r p p , 3M3-3SG ; — P a l l o u r , i. IV, p . 11.




D E MONTKOXK 'mai 1<>50). l i a


et de paraître devant ses ennemis avec éclat. 11 portait
un riche vêtement de soie noire couvert de broderies en
argent, et par-dessus un manteau écarlate orné aussi de
galons d'argent et bordé de taffetas cramoisi. Un cha-
peau de castor avec un large rebord en argent couvrait
sa tète. Amené à la place un peu élevée où se tenaient
les criminels, il promena ses regards autour de lui, le
visage pâle et fatigué, mais plein d'une fermeté vraie,
quoique préparée. Le chancelier, lord Loudon, lui adressa
un discours long et amer qui concluait en disant : « Qu'à
raison des meurtres, des trahisons et des impiétés en si
grand nombre dont il s'était rendu coupable, Dieu le
condamnait maintenant à subir un juste châtiment. »
Montrose obtint, non sans peine, la permission de dire
quelques mots pour sa défense ; il le fit avec une fierté
mesurée et qui n'était pas sans adresse, comme s'il eût
attendu de ses paroles quelque résultat : «Il considérait,
dit-il, le Parlement comme siégeant sous l'autorité du
roi ; c'est pourquoi il paraissait devant eux avec le res-
pect convenable et en se découvrant, comme il venait de
le l'aire, ce qu'autrement il n'eût pas fait de plein gré. »
11 se défendit des cruautés qu'on lui avait reprochées
pendant la guerre, disant : « Qu'il n'wtail pas au pou-
voir des plus grands généraux de prévenir, dans leurs
années, tous les désordres, qu'il y avait toujours fait tous
ses efforts, et qu'il n'avait jamais versé le sang, même
de ses plus acharnés ennemis, ailleurs que sur le champ
de bataille Je vous demande à vous tous ici assem-
blés, «tit-ii en Unissant, d'écarter toute prévention, touie




114 E X É C U T I O N DE


auiniosilé particulière, tout désir do vengeance, de' ne
tenir compte, dans ma ('anse, que de la justice, et de voir
en moi un sujet obéissant qui a fidèlement exécuté les
ordres de son souverain. J'ai pu, quand j'axaislauforité,
détruire la vie et la fortune de plusieurs d'entre vous ; je
vous les ai conservées. Jugez-moi selon les lois de Dieu,
les lois de la nature et des nations, surtout selon.les loi a
du pays. Si vous ne fef'ailes pas, j 'en appellerai au juste
juge du monde, à celui qui nous jugera tous à la fin, et
qui prononcera la vraie sentence. » Le chancelier lui
répliqua avec colère et invectives. Moulrose essaya de
reprendre la parole. On la lui interdit, en lui ordon-
nant de se mettre à genoux pour entendre sa sentence:
«Je le fais, dit-il, pour rendre honneur au roi mon
maître, et non au Parlement. » L'exécution fut fixée au
lendemain '.


Dans la soirée, les ministres presbytériens et les ma-
gislrais d'Edimbourg assiégèrent Moni rose de leur pré-
sence pour lui arracher quelque parole qui impliquât la
reconnaissance du droit de leur Eglise et de leur gou-
vernement. Leur insistance acharnée ne fit qu'exalter
son âme : « Je vous remercie, leur dit-il, de l'honneur
(pie vous me faites; je suis plus fier d'avoir ma toio
plantée sur la porto de la prison que je ne le serais de
savoir une statue d'or érigée pour moi sur la place du
marché, ou mon portrait placé dans la chambre du roi.
Vous dispersez mon corps dans les quatre principales


i WisJiart . }'. 380-392 ; — B o l l b u r , t. I V , i>. 1 « .




M O X T K O S K (21 M A I 1 0 5 0 ) . 115


villes du royaume; je voudrais qu'on en pût envoyer un
lambeau dans loules les villes de la ehrélienlé pour
aftesler ma fidélité à mon roi et à mon pays. » Il passa
h nui! à prier cl à faire «les vers où il exprima en termes
grands, quoique subtils et contournés, les mêmes sen-
timents. Dès le malin du 21 ma i , les lambours et les
trompettes retentirent dans toute la ville; il en demanda
la raison au capitaine de sa garde qui lui dit qu'on ap-
pelait les soldats et les bourgeois aux armes parce qu'on
craignait une tentative d'une portion du peuple pour le
sauver: «Comment donc, dit Moulrose, ces bonnes gens,
qui avaient si grand'peur de moi quand je vivais, en
ont-ils encore peur quand je vais mourir? Qu'ils y pren-
nent garde; c'est quand je serai mort que j'assiégerai
leur conscience et que je serai bien plus redoutable que
de mon vivant. » Il se mit à sa toilette, qu'il lit avec
grand soin : pendant qu'il s'en occupait, sir Archibald
Joiuiston, l'un de ses plus ardents ennemis et greffier du
Portement, s'étonna avec quelque dérision que, dans une
situation pareille, un homme s'occupât si frivoleinenlde
sa personne : «Tant que ma tète est à moi, lui dit Mont-
rose, je l'arrange comme il rne convient; demain,
quand elle sera à vous, vous en ferez ce qu'il vous
plaira. » 11 s'habilla magnifiquement, et jeta sur ses
épaules un beau manteau de velours écarlate, brodé en
or, (pie venaient de lui envoyer ses amis. En allant de la
prison au lieu de l'exécution, sou grand air et sa conte-
nance lière et calme agirent encore (dus puissamment
que la veille sur les spectateurs. 11 aida lui-même 1




110 L E S C O M M I S S A I R E S É C O S S A I S


bourreau à suspendre à son cou , selon la sentence,
Fhisloirc de ses guerres et le tevde de sa dernière décla­
ration : « Je me tiens, dit­il, pour plus honoré de c e c i
tj ne de la jarretière que j 'ai reçue de шоп roi.» On ne lui
permit pas de s'avancer pour parler au peuple ; il adressa
a ses voisins quelques paroles très­persévérantes dans
les sentiments de sa vie, mais tranquilles et pieuses. 11
demanda la permission de mettre son chapeau pour
mouri r ; on le lui refusa : de garder son manteau; on
le lui refusa également: «Si vous pouvez, dit­il aux
magistrats assistants, inventer encore quelques marques
d'ignominie, je suis prêt à les endurer. » On dit qu'a­
près avoir obéi au signal funèbre, le bourreau lui­même
pleura, qu'un murmure douloureux s'éleva au sein de1
la foule, et qu'Argyle, en entendant les détails de celle
grande mort, se montra troublé et triste, comme frappé:
de quelque regret ou d'un pressentiment de son propre
avenir 1 .


Les commissaires du Parlement n'avaient point (rompe
Montrose quand ils lui avaient dit qu'ils avaient Irailé
avec le roi et qu'il était près de revenir au milieu d'eux.
Au moment même où Monlrose commençai! en Ecosse
sa courte et fatale campagne, Charles recevait à Jïréde
les commissaires écossais et reprenait avec cuxla discus­
sion de leurs dures propositions. 11 y eut , autour de lui,
à ce sujet, de vifs dissentiments : ses plus sensés et plus


1 W i s b a r t , p . 392­405 ; — B i l f o u r , t. TV, p. 2 2 ; — Mak­o lm E a i n r ,
Hisl. ofUvolland, t . I I I , p . 411­1­17, 58;?..




A CREDA ( 1 6 5 0 : , UT


Jionnòtcs conseillers l'exhortaient à ne pas subir un Ici
joug; ils voulurent s'appuyer de l'autorité de ilyde en
qui Charles avait confiance cl qu'il venait d'envoyer en
ambassade à Madrid : « Si le roi se met, entre les mains
des Écossais, répondit llyde an secrétaire d'Étal Nicho-
las, on ne pourra pas les accuser de l'avoir trompé, car
certainement ils ne le traiteront pas plus .mal qu'ils ne
le promettent en demandant tout ce qu'ils lui deman-
dent. Je voudrais que les personnes qui engagent le roi
à y consentir agissent aussi franchement, et, qu'elles
dissent nettement au roi qu'il doit jurer le covenant et
l'imposera tout le monde, et que tous devront l'observer.
Mais dire que le roi doit se mettre entre les mains des
Ecossais dans l'espoir qu'il sera dispensé de jurer le co-
venant, et qu'il pourra en dispenser ses amis, ou (pie, lui
et nous, nous devons prêter ce serment et le violer ensu ite
comme il nous plaira, c'est là une folie cl un athéisme
doni nous devrions rougir d'avoir la pensée. Ah!
monsieur le secrétaire, si jetais maintenant àBréda,
je m'enfuirais aux Indes plutôt que de m'engager dans
de tels conseils 1. »


Tant qu'il y eut quelque incertitude sur l'issue de
l'expédition de Montrose, Charles hésila; son bon sens
et sa dignité le rangeaient à l'avis de Hydc; mais lors-
qu'on sut, à Bréda, Montrose battu, fugitif et bientôt
prisonnier, les conseillers légers cl de peu de foi t'em-


' C larondon , Slatc-Paper», t. I I I , )«. M ; — C a r t e , Ormond's Let-
Un, t. 1 , p . 373 , — C l a r e n d o n , 11ht. of the Rébellion, 1. s u .




118 C H A U L E S II V A


portèrent ; ils avaient, pour eux la reine more, le prince
d'Orange et cette impatience de l'attente immobile qui
est la maladie de l'exil. Les amisdellvde ne prirent poiin
de part à la délibération du conseil, et Charles consentit
à tout. 11 promit de jurer le covenant écossais, de désa-
vouer et d'annuler toute paix conclue avec les Irlandais,
de ne jamais permettre le libre exercice de la religion
calholique en Irlande, ni dans aucune partie de ses
Elals, de reconnaître l'autorité des parlements tenus en Ecosse depuis l'origine de la guerre, enfin de gouverner,
dans les choses civiles, d'après l'avis du Parlement, e!
dans les choses religieuses, d'après celui de l'Eglise. El
'pour donner à ses promesses la sanction d'un mensonge
éclatant, il écrivit au Parlement qu'ayant défendu à
Alontrose de s'engager dans son expédition, il ue pouvait
regretter la défaite d'un homme qui avait osé agir con-
tre son autorité


On dit que Charles espérait sauver par là la vie de
Alontrosc, et que , lorsqu'il apprit son exécution, il fut
sur le point de tout rompre. On dit aussi qu'à Edim-
bourg, quand l'expédition de Montrose éclata, le parti
violent voulait rappeler de llréda les commissaires du
Parlement, et cesser, avec Charles, toute négociation, et
que le prompt supplice de .Montrose fut la satisfaction que
les modérés donnèrent aux fanatiques pour que ceux-ci


! C l a r e n d o n , State-Papers, t. TIL p . 1-1-10 ; — l i a l f o u r , 1. I V .


p . 1, . ' - " i ; — L i n y a r d , H i s t , of En'jland, C X I , p . 1 3 ; — I T i u r l o e , S / a e '




EN ECOSSE ( j u i n 1650). 119


continuassent de se prêter au retour du roi. Aucune
(race positive n'est restée de ces capitulations mutuelles;
les partis ont, comme les consciences, des secrets hon-
teux qu'ils emploient tout leur art à couvrir. Quoi qu'il
eu soit, on s'en tint, départ et d'autre, aux faits accom-
plis; les commissaires écossais se déclarèrent satisfais
des promesses du roi ; Charles accepta le supplice de
Monlrose comme il avait accepté sa propre humiliation ; et le -2 juin 1 GaO, il s'embarqua à Terveere pour l'Ecosse,
sur une flottille que le prince d'Orange mit a sa dispo-sition1.


11 arriva, trois semaines après, sur les côtes d'Ecosse ;
mais avant de lui laisser mettre pied à terre, on vint le
sommer de signer le eovenant. Les grands seigneurs
écossais qui lui avaient conseillé de consentir à tout,
Jlainilton et Lauderdalo entre autres , se séparèrent do
lui pour se retirer dans leurs terres; ils étaient de ceux
que, dès le 22 mars 1649, le Parlement presbytérien
avait formellement exclus de toute participation aux
affaires publiques ; et leur présence auprès du roi, com-
promettante |K>ur l u i , était , pour eux , pleine de dan-
ger. Deux jours après son débarquement, presque tous
les Anglais qui avaient accompagné Charles furent
expressément renvoyés du royaume; le duc deBucking-
ham, lord Wilmot et quelques autres de sa maison ,
les plus frivoles ou les plus hypocrites, furent seuls


i M n l c o l m L a i n g , Hisl. 0f Scotland, t, 111, p . 119;—ClaroncJui i ,


Siak-Pyers, t, 111, p . 22.




120 C R O M W E I . I , R E V I E N T


autorisé? à rester auprès de lui. Le Parlement avait
îninnlieuseinent réglé d'avance la route qu'il suivrait
pour se rendre dans son palais de Falkland , à quelques
lieues d'Edimbourg, et il y l'ut conduit avec de grandes
marques de respect, mais étroitement entouré et sur-
veillé 1.


Au mémo moment , Cromwell, obéissant enfin au
Parlement, revenait d'Irlande en Angleterre, salué, en
débarquant à Bristol, par le concours et les vivat, de la
ville entière. Dès qu'on le sut près de Londres, Fairfav
et la plupart des officiers de l'armée et des membres du
Parlement allèrent à sa renconlre jusqu'à llounslow-
Ileath ; il trouva à Hyde-Park le lord maire et la milice
qui l'attendaient ; et de là jusqu'au palais de Saint-James,
où il devait loger, ce fut, selon L'expression des jour-
naux du temps, un vaste tumulte de. salutations, de
félicitations, de décharges d'artillerie et d'acclamations
humaines : « Quelle foule pour voir le triomphe de Votre
Seigneurie!» dit à Cromwell l'un des assistants; à
quoi Cromwell répondit avec son libre; et brûlai bon
sens : « Il y en aurait bien davanlage pour me voir
pendre 2 . »


Dès qu'on avait eu connaissance; à Londres de; l'expé-
dition de Monli'ose dans la liante Ecosse, et de l'arran-
gement conclu à Bréda entre Charles II et les conunis-


i G o d w h » , Mst. oftheCommomrcnUh. t. I I I , p . 2 0 6 ; — C l a r . - n . i o u ,
Ithl. of the HeleUhn, 1 . x m , >;. 2 - 1 ; — M a l r o l m J.»iii}r, „f


sclh.tnd, i. m , p. 1 0 0 .


i C a r i y l e , CrommWs Lctters., i. I, p . ,">10 ; - - W O i u - I u u k ' j , j . 157.




I i T l í l . A N D K .n i>. J(i:,0). l i l


sures écossais, le Parlement avait sur-le-champ donné
au conseil d'État tout pouvoir pour repousser toute inva-
sion, et volé une notable augmentation de l'armée. Dès
tpie Cromwell l'ut de retour d'Irlande, Fairfax et lui
furent nommés, l'un comme général en chef, l'autre
comme lieutenant général, pour commander ce qu'on
appela vaguement « l'expédition du Nord. » Ils accep-
tèrent tous les deux. Mais peu de jours après, le conseil
d'État ayant décidé qu'au lieu d'attendre que les Ecos-
sais envahissent l'Angleterre, l'armée anglaise prendrait
l'initiative et porterait la guerre en Ecosse, Fairfax
témoigna des scrupules à se charger d'un tel comman-
dement. Sa femme, presbytérienne zélée, et les ministres
qui l'entouraient, avaient, dit-on, dans ses irrésolutions,
une grande part ; peut-être aussi Fairfax commençait-
il à s'apercevoir que les républicains et Cromwell s'é-
taient servis et voulaient encore se servir de lui comme
d'un manteau pour couvrir, et, d'un instrument pour
accomplir des desseins fort éloignés de sa volonté. En
tout cas, sa résistance était , aux yeux du public, un
.'înbarras grave, qu'on ne pouvait Iraiter légèremenl
et qu'il fallait s'efforcer de surmonter. Cinq commis-
saires, Cromwell, Lambert , Harrison , Saint-John et
Wliitelocke, furent chargés par le conseil d'État de se
rendre auprès de lui pour débattre et lever ses objec-
tions : « Nous avons ordre , lui dit Cromwell, de faire
tous nos efforts pour donner satisfaction à V. E. sur Ions
les doutes qui peuvent s'èlre élevés dans son esprit rela-
tivement à celle résolution du conseil pour l'expédilion




1 2 2 CONFÉRENCE AVEC FAIRFAX
d'Ecosse; V. E. aurait­elle la bouté de nous l'aire con­
naître les motifs de sa réprobation ? »


« F A U Î F A X . Je le ferai très­librement. Je suis fort aise
•bavoir l'occasion d'en conférer avec ce comité où je
vois tant d'hommes qui sont mes amis particuliers,
aussi bien que de la République ; je n'ai pas besoin de
vous faire, à vous ni à aucun de ceux qui me connais­
sent, aucune protestation de mon dévouement et de
mon affection persévérante pour le Parlement, et de
ma disposition à le servir dans tout ce que me permettra
ma conscience. »


« HARUISON. On ne peut demander ni attendre plus
de V. E. »


« F A I I Ï F A X . Permellez­moi donc , milords, devons
dire en toute franchise qu'à mon avis il est douteux que
nous ayons un juste motif de l'aire une invasion en
Ecosse ; nous sommes liés envers les Écossais par к
covenant et l'alliance nationale; et maintenant, en dépit,
de ce covenant, et sans cause suffisante fournie par eux,
envahir leur pays et y porter la guerre, c'est ce qu'il ne
me paraît pas possible de justifier devant Dieu ni de­
vant les hommes. »


« CROMWELL. Je reconnais, milord, q u e , s'ils ne nous
ont pas donné déraison de les envahir, nous ne saurions
être justifiés de le faire. Mais, milord, ils nous ont en­
vahis, comme V. S. le sait bien, depuis la signature e!
malgré les dispositions du covenant national, quand le
duc de Hamilton, par ordre du parlement d'Ecosse, est
venu porter chez nous la guerre ; et maintenant ils ne




S U R EA G U E R R E D ' E C O S S E ( m x 1050). 123


nous donnent que trop de motifs de soupçonner qu'ils
méditent une seconde invasion, de concert avec leur roi
avec qui ils viennent de s'arranger, à l'insu et sans le
consentenient.de cette république; c'est pour cela qu'ils
lèvent des hommes et de l 'argent; je le soumets hum-
blement au jugement de V. E. ; ne sont-ce pas là des
motifs suflisants de prévenir leur hostilité et de pré-
server notre pays des souffrances que lui apporterait,
une armée d'Écossais'.' Qu'il y ait bientôt, une guerre
entre eux et nous, je regarde cela comme inévitable;
c'est, à V. E. à décider s'il vaut mieux que cette guerre
soitcliez nous ou chez eux. »


« FAIKFAX. 11 est, probable que la guerre aura lieu ;
niais que nous devions commencer cette guerre et, être
les agresseurs, au lieu de nous tenir sur la défensive,
c'est là mon scrupule. Le duc de Hamilton nous a en-
vahis, il est vrai, il y a trois ans, par l'ordre du Parle-
ment qui siégeait alors en Ecosse ; mais Je Parlement
suivant a désavoué cet acte et puni quelques-uns de ses
fauteurs. Si nous étions certains qu'ils vont entrer en
Angleterre avec leur armée, je conviens qu'il serait
prudent de les prévenir; mais nous n'avons pas cette
certitude. »


«HARRISON. Je vous demande pardon; mais en vérité
il ne saurait y avoir plus de probabilité humaine sur les
desseins d'un Élal que nous n'en avons sur leur inten-
tion d'envahir notre pays. »


« F.URFAX. Des probabilités humaines ne suffisent
pas pour faire la guerre à une nation voisine envers qui




l'-'l F A I R E A X Q U I T T E I.B


on est lié par u n traité. Chacun, en ceci, doit se décider
selon sa conscience ; ceux qui sont convaincus de la jus-
tice de cette guerre peuvent s'y engager; ceux qui ont
des doutes à cet égard, comme j 'en ai, je l'avoue, ne
sauraient y prendre de service. Certainement tout ce
qu'on vient de dire a beaucoup de poids, et personne
n'a plus d'autorité sur moi que ce comité, de même que
personne n'est plus disposé que moi à servir le Parle-
ment dans toutes les occasions où ma conscience sera
satisfaite. Elle ne l'est pas dans celle-ci. Mais comme je
ne veux pas être un obstacle aux desseins du Parlement,
je lui remettrai volontiers ma commission, afin qu'il
puisse choisir un chef plus digne que moi et qui puisse
entreprendre eu conscience celle affaire dont je de-
mande à être dispensé. »


« CUOMWELL. Je suis désolé que V. S. ait l'idée de re-
mettre sa commission qui lui a fourni, avec la grâce de
Dieu, l'occasion de rendre au Parlement tant d'éminenls
services. Je vous en prie, milord, rappelez-vous vos
fidèles officiers, nous tous qui avons servi sous vous et
qui ne désirons servir sous aucun autre générai. Ce
serait un grand découragement pour nous tous, et un
grand péril pour les alfaires du Parlement que notre
noble général pensât à remettre sa commission, .l'es-
père, milord, que V. S . ne donnera pas tant d'avan-
tage aux ennemis publics, ni tant de tristesse à ses amis.»


« FAIUFAX. Que voulez-vous que je fasse".' Tant que
ma conscience me le permettra, je suis prêt à m'unir
encore à vous pour le service du Parlement; mais




C'OMMANMiKVn'N'T DK I . ' A R M É E . 125


aucun de vous, j 'en suis sûr, ne vomirait s'engager
dans aucun service contre sa conscience ; c'est ma
situalion aujourd'hui : je demande donc à être excusé 1.»


Les eoninussaires rendirent aussitôt eompfe au consoil
d'Ela! de celle coni'éfenee. « Le lieutenant général, dit
Ludlow, joua son rôle tellement au naturel que je crus
qu'il agissait lout de bon ; cela m'obligea d'aller à lui
comme il sortait, de ta chambre du conseil, pour le prier
de ne point pousser les égards et la modestie jusqu'à un
relus qui nuirait, au service de la nation; mais la suite
lit. bien voir que ce n'était nullement son intention. »
Dès le surlendemain, Wbitelocke et lord Pcinbroke
tirent à la Chambre leur rapport, et sur le fond mémo
de la question de l'invasion en Ecosse, et sur ce qui
s'élail passé entre le conseil d'Etal et Fairfax. La Chambre
vola, sans contradiction, qu'il était juste et nécessaire
tpic l'armée anglaise entrât en Ecosse, et que, sans
délai, elle serait mise en mouvement. Une déclaration
l'ut lue et adopté*; pour justifier cette résolution. Le gref­
fier informa la Chambre que M. Rusbworth, secrétaire
du lord général, était à la porte. On le fit entrer. I) dit
que le lord général lui avait enjoint de renie lire, de sa
pari, au Parlement la dernière commission qu'il en avait
reçue pour la guerre d'Ecosse, et même son ancienne
commission do général en chef, si le Parlement le lui
ordonnait. L'ordre fut donné aussitôt et tout comman­
dement militaire retiré à Fairfax. C'était la rupture de


« V k i l c l o c k o , p . 1 0 0 ­ 1 0 2 i—Parl №(„ t. X I X , p. 266 .




120 CROMWL'LI. C O M M A X I l E


lu République avec le seul des chefs presbytériens qui
l'eût servie. Cromwell l'ut immédiatement nommé
général en chef rte toutes les forces d'Angleterre. Trois
jours après, il avait quitté Londres pour aller rejoindre
son armée, et trois semaines après, le 2 2 juillet lliaO, il
passait la Tweed et entrait eu Ecosse à la tète d'environ
quinze mille hommes. En mettant le pied sur le sol
écossais, il harangua ses troupes : a Comme chrétien et
comme soldat, voici ce que je vous recommande : soyez
doublement et triplement diligents, prudents et sages,
car certainement nous avons de l'ouvrage devant les
mains. Mais n'avons-nous pas eu jusqu'ici les bénédic-
tions de Dieu? Marchons dans la foi et. espérons encore
la mémo faveur 1 . »


S'il eut bien connu ce qui se passait dans les conseils
de l'Ecosse et dans leurs relations avec le roi qu'ils ve-
naient de rappeler, Cromwcll eût pris, à coup sûr, pleine
confiance dans son succès. Ni les respects publics ni la
pompe royale ne manquaient à la situation de Charles :
on avait voté 9 , 0 0 0 liv. st. ( 2 2 0 , 0 0 0 fr.) par mois pour
l'entretien de sa maison; on l'avait entouré île nom-
breux serviteurs. En l'absence du Parlement qui s'était
ajourné, les membres du comité intermédiaire, dit
comité des États, rendaient au roi, le marquis d'Argyie
à leur tète, des hommages assidus. Argyle était un cour-


1 Mémoires de Lvdlow, t. I I , p . 4-1, d a n s ma Collection;—Journal*


of the llouse ofcommom, t. V I , p . 431-132 ; — G o d w i n , Ilist. of Ile


Commonweallh, t. I I I , p . 2 2 2 ; — C a r l y l o , CromwuU's Leltcrs, l. I I ,


p . 12.




L ' E X P É D I T I O N D­KCOSSK .iris­ 127


tisan consommé, soigneux d'observer loulos les conve­
nances et de saisir toutes les petites occasions de plaire
au roi. 11 faisait faire en même temps pour la guerre de '
grands préparatifs; le Parlement avait prescrit des levées
nui devaient donnera l'Ecosse une armée de trente mille
hommes; un général expérimente, David Lesley,lacom­
mandait; des fortifications s'élevaient autour de la capi­
tale. Mais ces apparences monarchiques et zélées cou­
vraient mal la nullité forcée du roi et l'incohérence îles
idées comme des actes du parti qui voulait à la l'ois le
soutenir et l'écarter. Charles n'assistait point au conseil
où se traitaient les affaires, et quand il essayait d'en en­
tretenir sérieusement Argyle , celui­ci éludait respec­
tueusement la conversation. Les théologiensen revanche
assiégeaient le jeune prince que les politiques s'appli­
quaient à annuler; les observances, les remontrances,
les sermons remplissaient les loisirs qu'on lui imposai!;
et quelque effort qu'il fit sur lui­même pour être hypo­
crite, il passait toujours, et à bon droit, pour un libertin.
Quoique presbytériens avant t ou t , les Ecossais étaient
sincèrement royalistes, et Charles , peu enclin aux
illusions, savait parfaitement que, hors d'Ecosse, il n'y
avait pour lui ni royaume , ni armée; mais de part et
d'autre, la méfiance et la déplaisance étaient profondes,
et bien qu'ils se fussent mutuellement nécessaires, ils
différaient trop pour se comprendre et s'unir '.


1 C l a r o n d o n , Hist. of the Rebéll., 1. Ш 1 , c. 1­7; — W h i t e l o e k e ,
;>. ­1H2;—Malcolm L a i n g , Uist. of Scotland, t. I I I , p. ­150 ,




1 2 8 S I T U A T I O N D E C H A R L E S 11


Quand on sut que Cromwell avait franchi la frontière,
on ne crut pas pouvoir se dispenser de montrer le roi a
l'armée écossaise. Il vint au camp, près de Leilh, et les
troupes le reeuren t avec une joie qui fut bientôt suspecte
aux prédicateurs ardents et aux politiques jaloux. Charles
était gai, spirituel, affable : sa présence produisit
dans le camp un vif mouvement de conversation libre et
de dévouement à sa personne, et probablement quelques
symptômes d'indiscipline et de mauvais vouloir contre
ses surveillants. Les fanatiques saisirent avec empres-
sement l'occasion ; ils se récrièrent contre la composi-
tion de l'armée qui contenait, dirent-ils, beaucoup de
malintentionnés, d'anciens amis du duede Hamillon, des
royalistes épiscopaux ou libertins. Une épuration fut
ordonnée; quatre-vingts officiers furent renvoyés, ci
même, selon d'autres témoignages, plusieurs milliers de
soldats. Le roi n'eut pas la permission de séjourner plus
longtemps au camp ; on l 'emmena en toute hâte à
Perl h, plus loin qu'il n'était auparavant. Ce fut encore
trop peu pour calmer les alarmes ou satisfaire ia passion
des fanatiques; ils voulurent dompter et comprometlre
Charles avec plus d'éclat. Us lui demandèrent designer
i me déclaration' expiatoire, dans laquelle il reconnaîtrai!
et déplorerait formellement les torts du roi son père,
l'idolâtrie de la reine sa mère, son propre péché dans
le traité qu'il avait conclu avec les rebelles irlandais, et
où il renouvellerait, contrôle papisme et l'hérésie, et en
faveur des parlements libres et du régime presbytérien
dans l'Eglise, en Angleterre comme en Ecosse, toutes




EX E C O S S E . 12!»


Jos protostations et tes promesses qu'on avait déjà ob-
tenues de lui


De premier mouvement, Charles refusa : «Jamais,
dit-il, je ne pourrais regarder ma mère en face si je
signais une telle pièce. » Puis il demanda du temps pour
prendre l'avis du conseil. Les fanatiques refusèrent d'at-
tendre. Le comité des Étals et celui de l'Église déclarè-
rent qu'ils n'entendaient point s'unir à un parti de mal-
intentionnés, que la cause du roi était subordonnée à
celle de Dieu, et qu'ils voulaient se laver du reproche
de soutenir le roi actuel dans les procédés et les fautes
de son père. La plupart des officiers de l 'armée envoyè-
rent au comité des Étals leur adhésion à celte déclara-
lion. Quelques-uns même, entre autres le colonel Slra-
ehan, le vainqueur de vlontrose, eurent, à ce sujet, avec
l'armée anglaise et Cromwell, des communications se-
crètes dont les royalistes purent, à bon droit, s'alarmer.
Des ministres dirent en chaire que le roi était la racine
du mauvais parti, el qu'il avait juré le covenaut sans
iulenlion de tenir son serment. Les rélicences politiques
ne supportent pas le contact des passions sincères.
Charles intimidé céda et signala déclaration expiatoire.
Ravis de leur triomphe, les fanatiques, et le peuple et
l'armée avec eux, célébrèrent, en l'honneur de cette
expiation, un jeûne solennel; et plus d'un prédicateur


' GrOilwin, llist. of IheCommonwealth, t. I I I , p . 2 2 6 ; — C l a r o n d o n
tt.'vf. oflh« HvbHUon. 1. x m , c . i U ; — l î r . » i : c , lli.il. uf llm BrilUh
Empire, t. I V , p . 2S0 ;—Jia i l i i e , LHlea, i. I I , p. .117.


T. i.




i:)o S I T U A T I O N - n i :


assura son auditoire q u e , « maintenant que la colère
du ciel était apaisée, on remporterai! une \icloire l'aeiie
sur rm général lilaspltémateur et sur une année de sec-
taires »


Peu de jours après cette humiliation, Charles donnait
audience au docteur King, doyen de Tuam, qui retour-
nait en Irlande auprès du marquis d 'Ormond: «Mon-
sieur King, lui dit-il, j 'ai bonne opinion de vous; je
n'hésite donc pas à vous donner l'assurance que, si in
nécessité ùe mes affaires m'oblige à d'antres apparences,
je n'en suis pas moins un fidèle enfant de l'Église d'An-
gleterre et que je reste ferme dans mes premiers prin-
cipes. M. King, je suis un vrai Cavalier. Vous allez en
Ir lande; milord d'Ormond est l 'homme du monde sur
qui je comple le plus. Je crains bien d'avoir été forcé
de faire certaines choses qui loi seront nuisibles. Vous
avez entendu dire, comment on m'a extorqué une dé-
claration, et comment j'aurais été traité si je ne l'avais
pas signée. Mais ce qui concerne l'Irlande n'est pas obli-
gatoire, car je ne puis rien faire, quant à ce royaume,
sans l'avis de mon conseil irlandais; coque j 'ai fail n'es!
donc rien ; je n'en crains pas moins que cela ne nuise
à milord d'Ormond cl à mes amis autour de lui. Si vous
pouvez lui donner satisfaction sur ce que j 'ai élé con-


' M a l c o l m L a i n g , HUI. uf Seotland, 1. 1II , p . -15I-J57; W h i t c -


l u c k e , j>. 408-409 ; — C a r l y l e , CronaeeU's Lutter», t. I I , p . 80 ; — U n .


g a r d , Hist. vfKhijlaml, I . X I , p . 49-51 ; — B r o d i < \ Mal. ,,( Ihe lin-


tish Empire, t. I V , p . 281-284 ; — B u r n u l , IIM. de- mon temps, t. I .


p . 119-120, d a n s m a CoUeetion.




CROMYVEI.T. E N E C O S S E (lfiHow VrU


trnint de faire à cot égard, vous nie rendrez un vrai ser-
vice. El diles-lui qne.je regarde, non-seulement connue
faute, mais comme un malheur , de n'être pas allé en
Irlande quand il m'y a appelé'. »


Cromwcll n'ignorait rien de ces dissensions du gou-
vernement écossais ; mais il se trouva bientôt lui-même, avec son armée, dans une situation si difficile qu'il fut
plus occupé d'échapper à ses propres périls que d'ex-
ploiter les faiblesses de ses ennemis. A mesure qu'il avan-
çait sur le territoire d'Ecosse, entre la frontière et Edim-
bourg, la population se retirait devant lui avec ses bes-
tiaux, ses provisions, ses meubles, laissant à peine dans les villages quelques vieilles femmes qui refusaient même
de cuire du pain ou de brasser de la bière pour les An-
glais. C'était Je fruit des ordres de Lesley et des prédi-
cations des ministres presbytériens qui ne cessaient de
tonner contre les sectaires étrangers, annonçant qu'ils
massacreraient tous les habitants entre seize et soixante
ans, qu'ils couperaient la main droite à tous les jeunes
gens entre six et seize ans, qu'ils brûleraient les seins
des femmes et détruiraient tout sur leur passage. En
vain Cromvvell avait publié et faisait répandre sur la
route deux proclamations adressées, l 'une « au peuple d'Ecosse, » l'autre « à tous les saints qui partagent la foi
des élus de Dieu, » et destinées, l'une à dissiper les ter-reurs, l'autre à satisfaire les passions pieuses do la popu-
lation ; en vain il maintenait dans son armée; la plus


' Carte, Ormond's Ldten. t . I , p . 391 ,




K i î S I T U A T I O N DE


stricte discipline, et roiivoyail à Edimbourg dans s a
propre voiture, pour démentir le renom de dureté fa-
rouche qu'on voulait lui l'aire, quelques officiers écos-
sais pris dans une rencontre : Je mouvement d'effroi et
d'antipathie subsistait et se propageait toujours. Crom-
vccll ne pouvait nourrir ses troupes qu'en se tenant près
des côtes et avec les vivres qui lui arrivaient par mer
d'Angleterre. Quoiqu'on fût au mois d'août, la saison
était mauvaise, les pluies continuelles; les maladies
s'établissaient dans l'armée anglaise. Le général écos-
sais tenait la sienne enfermée dans ses retranchements,
entre Edimbourg et, Leith, évidemment décidé à se con-
tenter de couvrir la capitale cl à éviter toute grande
action, laissant les Anglais se consumer dans la solitude
des campagnes et la disette de leur camp. Plusieurs fois
('romvvell tenta d'attirer Lesley hors de ses lignes et
d'en venir aux m a i n s ; il s'engageait quelquefois si
avant , de sa personne, dans ces escarmouches, qu'un
soldai écossais le reconnaissant et ayant tiré sur lui.
Cromwell lui cria : « Si tu étais des miens, je le ferais
casser pour avoir lire de si loin. » 'foules ces tentatives
n'aboutirent à aucun résultat; Lesley restai! ou rentrai!
toujours dans ses lignes : « Us espèrent, écrivait Lrom-
welJ àBradshaw, deMusselbiirgh, le 30 juillet, que nous
mourrons de faim faute de vivres, ce qui arrivera Irès-
probablement si nous ne sommes pas approvisionnés
avec abondance et à temps \ »


1 CarJy ie , Cromwéll's Lelters, t. II . ;>. l - l - l" , i i ; - W i i i i f ' . u c k e




i ­ R O W E T . T . E X E C O S S E flfioO). 13:(


La situation devint si pressante qu'à tout prix Crom­
well résolut d'en sortir : il lut décidé dans un conseil
de guerre que l'armée se retirerait sur Dunbar pour y
attendre des vivres et des renforts, et de là, le long de
la côte, sur la frontière d'Angleterre, si les renforts
n'arrivaient pas. Dès le lendemain, cinq cents malades
furent embarqués à Musselburgh, et on se mit en
marche. Lesley sortit, aussitôt de son camp, et suivit de
près l'armée anglaise, la tracassant et l'attaquant à cha­
que pas, sans jamais consentir à une action générale.
L'une de ces attaques, pendant la nui t , fut si vive que
« notre cavalerie d'arrière­garde se fût trouvée aux
prises avec toutes les forces écossaises, dit Cromwell, si
la providence du Seigneur n'eût étendu sur la lune un
nuage qui permit à nos escadrons de se replier sur le
gros de l'armée. » Les Anglais arrivèrent à Dunbar
harassés, et Cromwell apprit, en y arrivant, que Lesley
venait défaire occuper, par undétachement considérable,
le passage dit Cockburnspath, sur la route entre celle
place et la frontière anglaise; défilé «si étroit, dit Crom­
well lui­même, que dix hommes y valent mieux pour
arrêter que quarante pour s'ouvrir un chemin. » Aussi
incapable d'illusion que de découragement, Cromwell
écrivit sur­le­champ à sir Arthur Ilaslerig, gouverneur
de Neweaslie : « Nous sommes dans une situation très­


p. №;—Parl,UM., i. X I X , p . à l W ­ r i U ; — B r o . i i u , ffist. of Ihc TJri­
Cn'/'i £'«.J.iVc , i. IV, |>. 2 7 S , 2 « . l ­ i « 7 ; — ( i o d w i u , Ukl. of Ihc f.'ora­
mond­eaiïh, l. III , j>. 22«.




VU MOT'YF.MEXT TlT. TU1TT! ATTF:


difficile. L'ennemi a coupé notre roule à Lockbmns-
palh, et nous ne saurions traverser ce passage pres-
que sans un miracle. 11 occupe autour de nous les col-
lines, si bien que nous ne pouvons qu'à grand'peine
sortir d'ici, et, en y restant, nous consumons nos sol-
dats qui tombent malades, au delà de ce qu'on peut
imaginer. Je vois bien que vous n'avez pas sous la main
assez de forces pour venir promptement à notre aide.
Quoi qu'il arrive de nous, vous ferez bien de rassembler
aidant de troupes que vous le pourrez; qu'on vous
envoie du midi tout ce dont on pourra disposer. Il y va
de l'intérêt de tous tes gens de bien. Si vous aviez été
eu mesure de tomber par derrière sur le détachement
ennemi qui occupe Cockbtirnspath, vos renforts auraient
pu venir jusqu'à nous. Mais Dieu seul est sage el sail ce
qui vaut le mieux. Nous ferons tous pour le mieux. N<k
cœurs sont en bon état, grâce à Dieu , quoique noire
situation ne le soit guère. Nous espérons dans le Sei-
gneur, dont nous avons si souvent éprouvé la bonté.
Mais encore une fois, réunissez autant de forces que vous
le pourrez. Faites dire à nos amis du midi de vous en
envoyer. Que Henri Vano sache ce que je vous écris. Je
ne voudrais pas que ce fût public, de peur d'accroître le
danger. Vous saurez quel usage il convient d'en l'aire'. »


Une vive agitation, bien différente, celle de la joie et


i W h i t e l o c k e , p . 470 ; — B r o d i e ;—JIi*t. "f /./><; Brili»h Kmpin-,


t . I V , p . 2 8 1 - 2 8 0 ; — Cromu-eJliana ., p . 8 7 - 8 0 ; — C w t u , Onn. . i . . / 's


Le lier s, t. I, p . 380 ;—C'arlyle , CromrâT* I.rtkrs, <• II , }>• 3 0 .




HK C R O M W E I X (401-T 1650) . m


de l'orgueil.. régnait aussi dans le camp des Ecossais :
ils voyaient si! retirer devant eu \ « cet anlechrist, cet
arrogant Cronrwell qui avait adiré sur sa lèle la nialé-
diclioii de Dieu en égorgeant le roi et en violant le cove-
nant, qui appelait ses canons les douze a poires, et pla-
çai! en eux toule sa confiance. » Us le tenaient, lui et
sou armée, enfermés cuire leurs montagnes, leur océan
et leurs bataillons. Lesley réunit son conseil; sa propre
situation n'était pas exempte de difficultés; il ne trou-
vait, sur les coltines qu'occupaient ses troupes, ni eau,
ni fourrages; il n'y pouvait qu'a grand'peine prolong oi-
son séjour. 11 persjsla pourtant dans son avis; il fallait,
dit-il, continuer à éviter toute action et pousser de jour
eu jour l 'année anglaise vers la frontière; quelle plus
grande victoire que de la contraindre à la repasser
malade, humiliée, vaincue sans combat? Presque tous
les militaires furent du même sentiment. Mais le conseil
de Lesley n'élail pas un simple conseil de guer re ; des
délégués du comité des Étals et de celui de l'Eglise l'ac-
compagnaient; beaucoup de ministres, et les plus
ardents, vivaient et prêchaient dans son c a m p ; ils le
taxèrent do mollesse; ils le sommèrent de ne pas laisser
échapper ces ennemis que Dieu livrait entre leurs mains :
«Ils avaient disposé de nous, dit Cromvvell, et réglé
leurs affaires comme il convenait à leurs sentiments de
colère et de vengeance contre nos personnes ; le pauvre
pouvoir de l'Angleterre disparaissait devant eux, et iis
croyaient que leur armée et leur roi marcheraient droit
à Londres sans obsiacles. « Quoique peu convaincu.




13() M OH'Y KM K M ' !)!•: K E T K A I Ï K


Lesley ne résista pas fortement ; il avait sans doute, lui
aussi, ses illusions et ses tentations «l'orgueil; dans une
affaire d'avant-poste, un soldat anglais qui , n'ayant
qu'un bras , s'était fait remarquer par sa bravoure
acharnée, fut pris et amené devant Lesley qui lui de-
manda : « Est-ce que votre armée veut combattre?—
Que croyez-vous donc «pie nous avons à faire ici? ré-
pondit le soldat, nous ne sommes venus que pour cela.—
Mais comment combattrez-vous? Anus avez embarqué la
moitié de vos hommes et tous vos gros canons.—Géné-
ral , ayez seulement la bonté de descendre avec vos
troupes au pied «le la colline: vous y trouverez encore
«les hommes et de gros canons. » Lesley, plus touché de
la fermeté du soldat que de son avertissement, le renvoya
libre et se décida à aller chercher la bataille' «pie jusque-
là il avait évitée avec tant «le soin : « Demain, à sept
heures du mal in , dit-il à ses officiers, l'armée anglaise
sera à nous , morte ou vive *. »


Le même jour, dans la matinée, Crormvell, perplexe
malgré sa fermeté, avait engagé ses plus fidèles amis a
se réunir à lui pour prier et invoquer ensemble, dans
leur péril, le secours de Dieu : «Nous étions, dit-il, bien
près de l 'ennemi, et noussenlions bien les désavantages
de notre position ; la chair avait bien quelques faiblesses;
nous demandâmes au Seigneur son appui pour notre puu-


i B r o d i e , flirt, oftheBrithh Empire, *. I V , p . 28(3-202 ;—Lingurrl ,
/;»»/. e.f EngUlH'l, t. X I , p . 32 ;—<'nrlyk > , CromirrV* Mien, t. I I .
p . 41, 43 , 5 1 ; — C a r t e , OrmeiuOs LeUen, t. 1, p . 331-3N1.




1VF; CROMTVF.TX ( \ O T J T 1050). 137


vre foi chaneclanlc; et. plusieurs d'entre nous se dirent
([lie, précisément à raison du nombre de nos ennemis, à
raison de leurs avantages, de leur confiance, de notre fai-
blesse, de noire détresse, nous étions, comme les Israé-
lites, au pied de la montagne, et que le Seigneur se
manifesterait sur la montagne et nous ouvrirait une
voie de délivrance et de salut; et en effet nous eûmes
nos consolations et nos espérances. » Au sortir de cette
réunion, vers quatre heures de l'après-midi, Cromvvell
monta à cheval avec Lambert, son major général, et,
alla se promener aux environs de Dunbar, dans le parc
de lîroxmouth-House, château du comte de Roxburgh.
De là, dirigeant sa lunette vers les positions de l'armée
écossaise, il fut frappé du mouvement qui s'y opérait;
une portion, d'abord de leur cavalerie, puis de leur in-
fanterie, se perlait de leur aile gauche à leur aile droite,
et descendait du haut des collines vers la mer comme
pour couper plus sûrement toute retraite à l 'armée an-
glaise et la combattre dès qu'elle se mettrait en inarche.
« Le Seigneur les livre entre nos mains; les voilà qui
viennent ! » s'écria Cromvvell; et faisant remarquer ce
mouvement à Lambert , il lui demanda s'il n'en rece-
vait pas la même impression. Lambert fut de son avis;
ils envoyèrent chercher Monk qui en fut également. Le
conseil de guerre se réuni t ; Cromvvell y proposa que,
des le point, du jour, l'armée se mît en marche et allât
attaquer les Écossais qui paraissaient décidés à livrer
bataille pour lui disputer partout Je passage. Monk l'ap-
puya énergiqueinenl, s'olfranl à marcher le premier,




138 TA T A I L L E D E


en tète de l'infanterie d'avanl-garde. La résolution fut
adoptée, et les Anglais passèrent la nuit à se préparer
sans bruit pour le combat 1 .


Une mut orageuse, et, vers le point du jour, un épais
brouillard le firent commencer un peu plus tard que ne
l'avait projeté Cromwell, et il ne commença pas heureu-
sement pour les Anglais; leur avant-garde de cavalerie
fut vigoureusement reçue et repoussée par l'artillerie et
les lanciers écossais;les premiers régiments d'infanterie
anglaise rétablirent l'action, mais sans la décider; la
mêlée dura quelque temps, aux cris : le Seigneur des
années! parmi les Anglais; le Carénant/ parmi les
Ecossais. Vers sept heures , le régiment d'infanterie de
Cromvvell chargea brusquement , et sur ce point les
Ecossais furent ébranlés. A ce moment le brouillard se
dissipa; le soleil brilla sur l'océan et sur les coltines :
«Maintenant que Dieu se lève, s'écria Cromwell, ses
ennemis seront dispersés; » et ses paroles releniirenl
au loin, répétées par Ions ceux qui l'entouraient : « C'é-
tait un homme puissant dans les périls de la guerre et
sur les ebampsde bataille, dit un de ses contemporains;
l'espérance brillait en lui comme une colonne de l'eu
quand elle s'était éteinte dans tous les autres; » l'en-
thousiasme est contagieux comme le trouble ; les Anglais
redoublèrent leur choc; la cavalerie écossaise plia; un


1 C a r l y l e , Cromucll's Lellers, i. I I , p . 4 5 ; — B u r n e t , Histoire 'le


tu on temps, 1. I, p . 1 1 4 , d a n s m a C-dlc-lion; — C a r i e , ( ) n « a J ' . ,


Lettres, t. I, p . 382 ; — M a l c > l m T.aing, Tînt, of Heotiand, 1. III ,


y. 4 3 9 ; — Moult, c'.ade lustonom (1831;, y. 3S.




D t l N ' R A R (3 « K i - T K M B n K 1050;. 130


corps d'infanterie, qui résistait fermement, l'ut, rompu
et traversé par quelques escadrons; ou entendit le cri :
« Ils fuient, ils fuient ! » Le désordre gagna rapidement
toute l'armée écossaise ; elle s'enfuit en tous sens : «Ils
ne furent plus, dit Croinvvell, que du chaume pour nos
épées. » À neuf heures, la bataille avait cessé; trois mille
Écossais avaient été triés; plus de dix mille prisonniers,
toute l'artillerie, tout le bagage, deux cents drapeaux
étaient au pouvoir des Anglais : «Je crois que je puis le
dire sans partialité, écrivit Crornvvcll le lendemain au
Parlement; vos principaux commandants et officiers,
chacun à son poste, et vos soldats aussi, se sont conduits
avec autant de courage que dans aucune au Ire action de
ectieguerre. Je sais qu'ils ne l'ont pas l'ait pour être nom-
més; c'est pourquoi je m'abstiens desdélai ls 1 . »


Dès le surlendemain, ,*> septembre, Cromwell requit
l'offensive, et quatre jours après il était maître de Leilh,
de tout le' pays a.u\ environs d'Edimbourg, et d'Edim-bourg même, saufle châleau occupé par une forte garni-
son. Charles II et tout le gouvernement écossais se retirè-
rent vers le nord, à Perdi; Lesley, avec les délais de son année, vers l'ouest, àSlirhng. Le Parlement républicain avait atteint son but ; l'Ecosse était envahie et ne son-
geait plus qu'à se défendre sur son territoire.


i C a r l y i e , Cromiceli'* Lettera, t. I I , p.. 1 1 - 5 2 , — C a r i e , Ormond's


Lelìer*, t. I, p . 380-381 ;—Mémoires de Ludlow, t. I I , p . 59 ; — W h i -


t e î o c k c , p. 170-171 ; — l imi l i . ' , Ilist. of the Tlrithh Empire, i. IV ,


p. 2 0 2 - 2 9 1 ; — F o r s t e r , Statarne* of lite Commoniceallh, t. I V ,


p . 2S0-29O,




110 C H A R L E S IT S ' É V A D E


Au milieu de l'alarme générale, Charles se réjoui!,
dans son cœur, de la défaite des fanatiques dont il por
tait impatiemment le joug. C'élail à eux, à leurs exclu-
sions haineuses, à leurs exigences aveugles que l'opinion
commençai! à s'en prendre de ces revers inattendus, En
vain les six minisires qui formaient le comité de l'Eglise
essayèrent, dans un sombre manifeste, d'en rejeter la
responsabilité sur les péchés obstinés de leurs adver-
saires, soutenant que Dieu aurait donnée Lesley la vic-
toire si l'armée et la cour avaient été purgées de lous les
profanes. Il y a, même sous l'empire du plusardcnl fana-
tisme, un degré d'absurdité qui, en présence d'événe-
ments puissants, tristes et clairs, n'obtient pas facile-
ment créance. Charles jugea le moment favorable pour
échapper à ses maîtres; par l'entremise do quelques-
uns de ses officiers, surlout du docleurFrazicr, son mé-
decin, ennemi d'Argyle, qui l'avait naguère fait éloigne! -,
il entra secrètement en négociation avec les chefs roya-
listes de la haute Ecosse, entre autres avec les lords
Huntley, Middlcion, Ogilvy, Dudhope, qui lui promet-
taient de se lever en armes dès qu'il serait an milieu
d'eux. Mais au moment même où l'évasion se préparait,
le secret fut livré à Argyle, et le comité des Étals or-
donna sur-le-champ à tous les Cavaliers qui étaient en-
core auprès du roi, de quitter la cour flans vingt-quatre
heures et le royaume dans vingt jours. Trois seulement
lurent exceptés, entre autres le due de fluckingliam, qui
fut soupçonné d'être le révélateur. Charles demanda
pour ses amis neuf exceptions de plus; on les lui refusa.




D E P E U T I I ' o . t o b r * I650i. 141
Il n'insista point ; mais huit jours après, il sortit do
l'i'rlli, h t s une heure après midi, en habit de citasse,
suivi seuleiueui de cinq domestiques, et dès qi fil fut hors
do vue, il prit le galop, rejoignit lord Dudhopc, puis lord
Bûchai), qui l'attendaient, et arriva dans la nuit, escorté
de quelques mon lagnards, chez lelaird de Clova, pauvre
maison à dix-sept lieues de Perth. Il se reposait sur un
matelas lorsque, à l'aube du jour, entrèrent le colonel
Monlgomery et trois autres officiers envoyés de Perth
par le comité des Etats qui avait découvert presque en
même temps la lui te du roi et le lieu de sa retraite.
Charles parlementa avec eux; il ne s'était évadé, leur
dit-il, que parce qu'il avait su que le comité des Elals
voulait le livrer aux Anglais, et faire pendre ses ser-
viteurs. Monlgomery se récria contre cette calomnie.
Les chefs qui axaient escorté le roi dans son évasion l'en-
gageaienl à repartir avec eux, l'assurant qu'à deux ou
trois lieues de là, il trouverait un corps nombreux de
montagnards prêts à exécuter ses ordres. Mais la pro-
messe paraissait légère, et Charles, comme son père,
avait peu de goût pour les aventures hasardeuses. Pen-
dant qu'il avait l'air d'hésiter, deux escadrons de cava-
lerie écossaise arrivèrent à l'appui des représentations
tle Monlgomery. Ils entouraient la maison. Charles céda,
et lut aussitôt ramené à Perth


i M a i e o l m l . a i n g , Ilist. of Seothni, t. I I I , p . 464 ;—I ia i l l i c ,


;,f6<;.<, i. I I , p. 656 ; — C l a r e n d o n , Hist. o[ Ihe Rébellion, 1, x n i ,
r. 17 -16 ;—Lingar i l , Hist. ofEnglmd, i. X I , p . 53 -55 ,




142 REACTION EX EAVEE'li


Cette frivole éehaulfourée ne fol cependant pas per-
due pour lui : Argyle et le coinilé des Étals s'alarmèrent
de l'antipathie qu'ils lui inspiraient et des faciJilés qu'il
pouvait trouver pour leur échapper. Dans l'Eglise pres-
bytérienne aussi, il ne manquait pas de ministres plus
sensés que leurs fougueux confrères, et qui disaienl
qu'on trait ail mal le roi, qu'on était injuste et dur envers
les royalistes modérés, qu'il fallait s'efforcer de rallier
les partis au lieu de perpétuer et d'envenimer les dissen-
sions. Ces dispositions influèrent sur le Parlement qui
se réunit à Perlli ; il se montra zélé pour la cause du roi
et plus tolérant envers les royalistes de diverses nuances.
Un vola tout ce qui était nécessaire pour la réorgani-
sation de l 'armée; deux résolutions, vivement combat-
tues pa r les fanatiques, furent adoptées; elles décla-
raient, l'une que les expressions de repentir des partisans
du feu duc de lfamilton devaient être acceplées; i'aulre
que, cela fait, ils devaient être admis à servir le roi et à
défendre te royaume. Un grand nombre de presbytériens
modérés, et même de Cavaliers, se hâtèrent de profiler de
celte autorisation ; flamilton et Lauderdale revinrent à
la cour. Charles présida le conseil et s'occupa sans
obstacle des affaires du Parlement et de l'armée. On an-
nonça enfin qu'il serait bientôt, selon l'ancien usage,
solennellement couronné à Scorie, et on commença les
préparatifs. Argyle n'était pas sans quelque inquiéludo
de ce mouvement qui rappelait auprès du roi ses adver-
saires et irritait les fanatiques, habituellement ses amis;
niais il sentait la nécessité d'y céder, et Charles s'appli-




riK C1IARI.KR TI ( O C T O B R E (ÎG.'O). m
([unit avec bonne grâce à calmer ses méfiances ou ses
déplaisirs. Il alla même jusqu'à lui laisser entrevoir qu'il
pourrait bien épouser sa fille, et le capitaine Titus, pres-
bytérien agréable à Argyle, l'ut envoyé en France à la
reine mère, connue pour obtenir son consenlement


Cromvvell, libre du grand souci qui l'avait un moment
absorbé, observait attentivement ces évolutions politi-
ques de ses ennemis, se promettant bien d'en profiler.
11 savait également parler aux masses et aux individus,
cairc appel aux croyances et traiter avec les intérêts. La
déclaration qu'en mettant le pied en Ecosse il avait
adressée « à tous les saints qui partagent la foi des élus
de Dieu» fut, de la part de l'Eglise écossaise, l'objet
d'une vive réponse : Cromwell saisit à l'instant cette oc-
casion pour entrer, avec les presbytériens écossais, en
correspondance et en controverse, discutant leurs argu-
m e n t s et leurs actes, les renvoyant à tels ou tels passages
dis livres saints, et provoquant, entre eux et lui, le juge-
ment populaire des fidèles : « Vous leur cachez, dit-il,
les papiers que nous vous envoyons; ils y verraient
quels sentiments d'affection sont pour eux dans notre
âme. Envoyez au milieu de nous autant de vos papiers
qu'il vous plaira; ils y ont libre passage. ,le ne les crains
pas. » Dès qu'il fut maître d'Edimbourg, il fit écrire
au gouverneur du château, où la plupart des ministres


1 C l a r o n d i . n , JTkl. of Ihe Rébellion, 1. x m , c. 4 9 - 5 0 ; — M a l c o î m


Uir.fc-, Uist. of Seotland. i. III, p . 401-405 B u r n e t , Histoire de


mon lemns, i. I, p . 121, J a n s ina Collection.




1-14 NITCT.S IIP, CROMACELE


presbytériens s'élaieni réfugiés,«qu'ils pouvaient rentrer
dans la \illo et venir prêcher librement dans leurs
églises, qu'ils n'avaient ni insulle ni désagrément à re-
douter, car il avait donné, dans son armée, des ordres
formels à cet égard.» Ils s'y refusèrent, «ne trouvant
pas, dirent-ils, dans ses paroles, des garanties suffisantes
pour la sécurité de leur personne et la liberté de leur
retour.» Il les tança de leur pusillanimité, disant que
« s'ils avaient surtout à cœur le service de leur mail re
(comme ils l 'appellent), ils n 'auraient pas l 'imagination
si alarmée sur leur propre compte, » et affirmant har-
diment que personne, en Angleterre ou en Irlande,
n'était inquiété pour prêcher l'Évangile, «à moins qu'on
ne prétendit, sous ce prétexte, dominer ou humilier le
pouvoir civil. » 11 se préoccupait, peu de l'evaclitude de
ses assertions pourvu qu'elles lissent, au moment où il
parlait et. sur te public auquel il s'adressait, l 'impres-
sion dont il avait besoin


Quelques mois plus tard, pendant un séjour qu'il fil
à Glasgow, ilassisla souvent à des sermons presbytériens,
soigneux de protéger la liberté des prédicateurs, même
quand ils l 'attaquaient, et toujours empressé d'enlrer en
discussion avec eux. « Il leur demanda un jour, dit l'un
de ses officiers, de se rendre à une conférence amicale
et chrétienne, pour nous entretenir îles ebosesqu'ilsnous
reprochaient, et afin de faire cesser, s'il était possible,


» C a r h ' l e , Cromiceli's Lcliers, i. Il, p. 18-22, 5U -73 ;-P,iri. Uni.,


\ . M X , p. 32U-323 ; — T l i u r l o e , StaU-Pajirn, l. I, j - . 158-1G2.




EN ECOSSE. i 15


ions les malentendus. Ils y consentirentmercredi dernier.
Il n'y cul la, d'aucun côlé, point d 'amertume ni de pas-
sion ; tout se passa avec modération et douceur. Milord
général et le major général Lambert soutinrent presque
seuls, pour nous, la discussion ; de l'autre part, M. James
Gutbrie et M. Patrick Giiiespie. Nous ne savons pas s'ils
se tinrent pour satisfaits ; ce dont je suis sûr, c'est qu'il
n'y avait pas, dans leurs arguments, de quoi nous décou-
rager de ce que nous avons entrepris 1 . »


Cromwell apportait à se concilier les personnes, au-
anl de soin qu'à ménager ou à ramener les sentiments


populaires. Il trouva, parmi ses prisonniers, Alexandre
,'alfray, prévôt d'Aberdeen, et M. Carstairs, ministre
presbytérien de Glasgow, tous deux intelligents et in-
fluents; il s'entretint familièrement avec eux et les
traita si bien qu'il s'empara de leur esprit; il s'empressa
alors de les échanger contre quelques prisonniers anglais
retenus dans le château de Dunbarton, et ils devinrent,
pour lu i , dans le pays, d'utiles agenls. il ne laissait
échapper aucune occasion de se montrer prévenant et
conlïant envers les hommes qu'il savait plus favorables
à la République qu'à Charles Sluart, envers sir Arclu-
baid Jobnslon, entre au Ires, dont if se fit dès lors un
ami secret, et plus tard un énergique allié. Dans les cir-
constances même les plus insignifiantes, par caractère
ou par calcul, il prenait soin de plaire, aux indifférents
ou à ses ennemis. Faisant un jour, a\ec quelques otiî-


C n r h i e , Cromvcïï'a L citer s, t , I I , p . 120-121.
T. J, M




140 D I S s E X . S T D X S y. s.


fiers, une reconnaissance dans le comté de Lanark, il
eut besoin d'un guide, et n'en put trouver d'autre qu'un
jeune homme malade, fils de sir Walter Stcwarl d'AI-
lerton , gentilhomme royaliste qui avait un autre de
ses fils capitaine dans l 'armée écossaise, à la bataille de
Dimbar : la reconnaissance faite, Oomwell entra au
château; sir Walter s'était caché; sa femme, aussi
royaliste que lui , reçut seule le général républicain;
Oomwel l causa avec elle, lui parla avec intérêt de son
mari, de ses parents, de ses enfants, lui dit qu'elle devrait
faire changer de climat à son fils malade, et que Mont-
pellier, dans le midi de la France, serait pour lui le
meilleur séjour. Un autre fils, enfant de dix ans, s'ap-
procha de Cromwell et toucha la poignée de son épée :
« C'est bien, lui dit Cromwell en lui frappant sur l'é-
paule, vous êtes mon petit capilaine. » Il se leva de
table, fit à haute voix sa prière accoutumée, en priant
pour la famille dans laquelle il se trouvait, et parfit
laissant la maîtresse du château émue de sa bonté et de
sa piété : « Elle était s û r e , dit-elle, que Cromwell
était un homme craignant Dieu et qui avait à cœur le
véritable intérêt de la religion 1 . »


Ainsi fomentée par l'habileté de Cromwell, la scis-
sion éclata parmi tes Ecossais : plus les chefs presbyté-
riens devenaient modérés et témoignaient de déférence
au roi et de tolérance à ses amis, plus les fanatiques
s'échauffaient et s'éloignaient de lui. Us étaient surtout


i C a r l y l e , Cromwell's Letters, t. II, p. 101-105 ; 118-124.




KfOSSE •'!050-1 r>r,l.) 14*7


irrités des résolutions du Parlement qui, moyennant
quelques expressions de repentir, avaient rouvert aux
anciens royalistes la cour et l'armée ; ils adressèrent, à
ce sujet, au comité des États, une remontrance violente,
attaquant ouvertement le ro i , déplorant qu'on l'eût
rappelé, demandant qu'il fût écarté, du moins pour
un temps, de toute participation au gouvernement; que
ses ministres, Àrgyle et Loudon entre autres, fussent
changés ; et protestant contre toute idée d'invasion en
Angleterre, même contre la guerre, comme essentiel-
lement illégitime si elle était conduite dans l'intérêt et
par les mains des royalistes libertins ou hypocrites.
Après la défaite deDunbar , cinq comtés du sud-ouest
de l'Ecosse, dans lesquels ces sentiments dominaient,
s'étaient formés en association particulière et avaient
demandé à lever des troupes pour leur compte, décla-
rant qu'ils résisteraient toujours aux scolaires anglais,
niais qu'ils ne voulaient plus servir sous Lesley. Le par-
lement de Perl h avait eu la faiblesse d'y consentir : trois
ou quatre mille hommes avaient en effet été levés dans
ces comtés, et ils étaient sous les ordres des colonels Kerr
et Strachan, les deux officiers les plus fougueux de
l'armée, et lousles deux, Strachan du moins, en relation
intime avec Cromwell. Les fanatiques avaient donc là
des troupes et des chefs. L'émotion fut grande dans le
gouvernement écossais ; on vota que la remontrance
était calomnieuse, factieuse et dangereuse ; et le colonel
Monlgomery eut ordre d'aller, avec deux régiments de
cavalerie, prendre le commandement de toutes les




148 COïmONNKMEXT TVF. CïrATU.ES IT


forces dans l'ouest. -Mais la discussion avait été longue,
l'exécution fut lente ; avant que l'autorité du gouverne-
ment eût pu être rétablie dans les comtés confédérés,
Cromwell y envoya Lambert, avec un corps de troupes;
puis, il s'y porta lui-même; soit par les armes, soit par la
connivence de ceux qui la commandaient, la petite armée
des fanatiquesfutbattueetdispersée; et de sesdeuxchefs,
l 'un, le colonelKerr, fut blessé et pris sans grande résis-
tance, l'an Ire, le colonel Slrachan , passa ouvertement à
Cromwell avec plusieurs officiers : « 11 y a ici, écrivait
Cromwell après celle expédition, une grande désorga-
nisation et de puissants effels de la main de Dieu sur
bien des gens, ministres et peuple ; il y a beaucoup à en
attendre pour la justification de notre cause. Quelques-
uns sont aussi mauvais que jamais ; ils rusent hypocri-
tement axec leur conscience et avec le covenant pour
faire croire qu'il est légitime de s'unir aux anciens mal -
intentionnés, comme ils le font en ce moment, etcomme
ils l'ont fait depuis longtemps en adoptant pour chef le
chef même des malintentionnés; maisd'autres s'arrêtent
devant de tels actes; quelques-uns même ont été con-
traints, par l'action de Dieu sur leur conscience, à s'accu-
ser tristement eux-mêmes, se reconnaissant coupables
du sang versé dans celte guerre par leur participation au
traité de Bréda et le retour du roi au milieu d'eux. C'est
ce qu'a fait un lord de la cour de session, qui s'était
retiré du comité des Élals; et dernièrement M. lames
Livingston , homme très-estimé pour sa piété et son
savoir, qui avait été, à Bréda, l'un des commissaires de




\ S C O N E !l<" J A N V I E R 1651.) 119


l'Église, s'est reproché solennellement cette faute (levant
leur assemblée, et en est sorti pour rentrer dans sa
maison 1 . »


Charles se félicitait autant que Cronivell de cette dés-
organisation du parti presbytérien; car en même temps,
et par une correspondance naturelle, le parti royaliste
se reformait; les hommes modérés s'engageaient de
plus en plus dans ses rangs pour échapper au joug des
sectaires; ceux-ci se décriaient, aux yeux de la popula-
tion tranquille, et par leurs violences et par leurs re-
vers; les grands seigneurs royalistes reprenaient de
l'influence.


Le couronnement eut tien dans l'église de Scone,
le 1 e r janvier 1651, avec l'ancienne pompe royale;
et malgré la rudesse presbytérienne du sermon pro-
noncé à cette occasion par Robert Douglas, modérateur
de l'Assemblée générale de l'Eglise, malgré la rigueur
inintelligente des serments exigés de Charles, un. sen-
timent de loyauté sérieuse et dévouée animait toute la
cérémonie; les assistants, laïques ou ecclésiastiques,
nobles ou peuple, quelque mal assorties que fussent leurs
niées en l'ait de gouvernement, voulaient sincèrement
la royauté pour leur pays et Charles Stuart pour roi.
Par respect pour son droit, ils affrontaient, en le cou-
ronnant, une lutte bien inégale : heureux s'ils avaient


i C a r l y l c , Cromccll's Lettres, t. II, p , ,32-81 ; — B a i l l i e , Lellers


1. I l , p . 318-303 ; — l i u r n e t . Ilisl. de mon temps, x. I, p , 110-119,


M a l c u l m Lain¡¿¡ Hiit, ofUculiand, t. I U , p . 401-400 ,




I-V) CO.MJ'l.OTS ROYALISTES


pu compter, do sa part, sur un juste retour de sincérité
et d'affection 1 !


Presque au môme moment où Charles était couronné
àScone, le Parlement républicain d'Angleterre envoyait
à Edimbourg un graveur célèbre, M. Simon, -pour faire
le portrait de Cromwell, destiné à passer sur une mé-
daille frappée en souvenir de la victoire de Dunbar. « Je
n'ai pas été peu surpris, répondit Cromwell, que vous
ayez l'ait l'aire à 31. Simon un si grand voyage pour nue
chose si peu importante, du moins en ce qui me touche:
autant que mon humble opinion peut avoir quelque
poids auprès de vous, je pense que ce qu'il conviendrai I le
mieux do consacrer ainsi, ce serait le souvenir de cette
grande grâce de Dunbar et votre reconnaissance envers
l 'armée; ce qui serait très-bien exprimé sur la médaille
si elle portait d'un côté le Parlement , comme on en a,
dit-on, et avec grande raison, le dessein, de l'autre, une
armée avec cette inscription : te Seigneur des armées,
qui était notre mot d'ordre ce jour-là. Je vous conjure
donc sérieusement, si je le puis faire sans vous offenser,
qu'il en soit ainsi. Si vous ne trouvez pas mon idée con-
venable, vous pouvez la modifier comme il vous plaira;
je puis dire seulement avec vérité que je serai pénétré
de reconnaissance si vous voulez bien nie dispenser d'a-
voir, sur cette médaille, mon effigie. » La médaille fut
frappée sans égard à ce désir et comme elle avait été
projetée d'abord. Nul grand homme n'a poussé aussi loin


• S o m u r s , Tracts, t. V I , p . 117-14J.




E N A N 0 I . K T K K 1 Π(1C50-N551). 151


que Crnmweli l'hypocrisie <le la modestie, ni si facile-
ment subordonné sa vanité à son ambitionL


Deux incidents vinrent imprimer aux affaires et à la
guerre une direction nouvelle et inattendue. Cromwell
tomba gravement malade. Des complots royalistes écla-
tèrent en Angleterre.


Depuis que Charles était en Ecosse, les royalistes an-
glais s'agitaient de tous côtés pour lui venir en aide. 11
avait envoyé à plusieurs d'entre eux des commissions
signées en blanc pour leur donner pouvoir de lever des
hommes, de conférer des fondions, de faire des pro-
messes, d'agir enfin pour lui et en son nom. Parmi les
Cavaliers qui vivaient en Angleterre, beaucoup élaieul
indiscrets, par témérité ou par vanité; ceux qui étaient
en sûreté sur le continent, en Hollande ou à Paris au-
près de la reine mère, compromettaient souvent, par
leurs correspondances ou par leurs conversations, leurs
amis dans leur pairie; la jalousie et la méfiance étaient
grandes entre les divers groupes de ces proscrits qui se
disputaient ou l'influence dans les ennuis de l'exil, ou
les espérances de l 'avenir; tantôt ils refusaient de se
communiquer et do s'entendre; tantôt ils se livraient
les uns les autres, par haine ou par légèreté. Le conseil
d'Etat républicain avait organisé, contre eux et parmi
eux, une police Irès-aclive; un doses membres, Scott,
en était spécialement chargé, et ne manquait, pour s'en


i C a r l v l r , CrnnnrtWx Lrttm, i. I I , p . J 0 0 - 1 1 3 ; l l a r r i s , Life of
Ot. Cromiecll ( L u n d i s , 181 J), 1. I I I , p . 2-11, 518 ,




152 CItOM VvELL T O M B E M A L A D E


acqnitici', tii d'adresse ni d'argent. Dans les années loft»
et 10,)1, quatre complots royalistes lurent ourdis, soit
par d'anciens Cavaliers,, soit par des presbytériens d'au-
tant plus zélés que lent conversion élait à la l'ois récente
et sincère : ils échouèrent tous, et dans l'espace de treize
mois, vingt-sept royalistes, militaires ou civils, laïques
ou ecclésiastiques, connus ou obscurs, montèrent sur
l'échalaud, condamnés quelques-uns par des cours mar-
tiales, la plupart par ces hautes cours de justice chargées
non déjuger les prévenus selon les lois, mais de défendre
la République contre les sentiments du peuple et les en-
treprises de ses ennemis. Tant d'échecs ne découragè-
rent pas les royalistes anglais; ils étaient dévoués, t ra -
cassés et oisifs; leur roi était en Ecosse; là ou se battait
pour lu i ; de là leur arrivaient, sur ses périls , sur ses
forces, sur ses desseins, des notions vagues qui entre-
tenaient leurs colères ou leurs espérances; ils ne pou-
vaient se résoudre à rester immobiles dans leur cause si
vivement débattue à leurs portes; et ils renvoyaient à
leur tour en Ecosse le bruit de leurs tentatives de soulè-
vement, leurs illusions et leurs promesses


Pendant que l'esprit rovab'slc se relevait ainsi eu
Ecosse et fermentait eu Angleterre, Croniwcil, au retour
d'une longue marche d'hiver à lu lùle do nus troupes,
sous une pluie et une neige glacées, fut saisi à Edim-


i H i l t o n , Statt-Papers, p . 3 3 , 3 1 , 'S!;—Journal* oflhe Uonsc r>[


ccnvmous, t. VI , p . 504, 500 ; — Win iulci.:ku, p . 4<s l. 4.S0 ;—( ' a i l e ,


Ormond's Letters, t. I , p. 4 1 4 ; — C i u r v u d u u , IiiU. vf ihe lteOei-


Iwn, 1. -v in , c . 117, 118, 119-




KX E C O S S E ; l( i51) . 153


bourg d'une fièvre violente. Le mal devint grave; te
Parlement et le conseil d'État s'en inquiétèrent et
envoyèrent à Cromwell, par un exprès, de vifs témoi-
gnages de leur sollicitude; il répondit à Uradshaw : «.le
vous exprime mon humble reconnaissance de votre
haute faveur et de vos tendres égards pour moi, indigne
•pie j 'en suis. Vos affaires n'ont pas besoin de moi ,
milord ; je suis une pauvre créature; je n'étais naguère
que des ossements desséchés, et je suis encore un ser-
viteur bien inutile pour mon maître et pour vous. J'ai
cru que je mourrais de cette maladie; le Seigneur sem-
ble vouloir en disposer autrement ; mais en vérité, m i -
lord, je ne désire pas de vivre, à moins qu'il ne me fasse
la grâce d'employer mon cœur et ma vie à lui témoi-
gner plus de reconnaissance et de foi et à être plus actif
et plus utile pour ceux que je sers. » H se trouva mieux
et reprit son train de vie ordinaire : « Le lord général
est maintenant rétabli, écrivait-on d'Edimbourg à Lon-
dres; il a dîné aujourd'hui avec ses officiers; il y était
animé et gai ; nous n'avons plus de crainte ; avec la
grâce de Dieu, il sera bientôt, en état de rentrer en cam-
pagne. » H y rentra en effet; mais la maladie recom-
mença, et trois rechutes successives en attestèrent l'opi-
niâtreté. Le Parlement fil partir pour Edimbourg deux
médecins célèbres, les docteurs Bâtes et Wright , et
Fairfax leur donna sa propre voiture pour leur voyage.
Enfin la Chambre vota que « vu l'indisposition du lord
général et l'âpre lé du climat où il se trouvait, on l'enga-
geait, à raison de sa sauté, à venir dans quelque partie


¡ 1 .




ir>4 c u . a k i . e s a i : \ t r i : de l'Angleterre, où, par la grâce de Dieu et à l'aide de
remèdes efficaces, if put retrouver assez de santé et île
force pour- retourner à l 'armée dont, en attendant, il
était le maître de placer le commandement entre (elles
mains qu'il jugerait convenables 1 . »


Quand ces voles arrivèrent en Ecosse, un fait impor-
tant venait de s'y accomplir, et faisait pressentir, dans le parti royaliste, de nouvelles résolutions. Les modérés,
llamillonet Lauderdale à leur tête, avaient décidément
pris l'ascendant dans le parlement écossais; Argyle
faisait do vains elforts pour s'y opposer; Charles, tout
eu le ménageant , lui et ses a m i s , employait avec
succès sa bonne grâce et son adresse à faire pro-
valoir leurs adversaires; l 'armée fut réorganisée selon ses désirs ; malgré de vifs débats et la protestation for-melle du chancelier lord Loudon, beaucoup d'anciens
royalistes, et des plus prononcés, furent nommés colo-
nels. Enfin le parlement invita le roi à prendre lui-même le commandement, et Charles devinI eifeclive-
ment le chef de ses troupes comme tle ses conseils, au
moment même oii le Parleinenl d'Anglelerrc engageait
Cromwcll malade à quitter l'Ecosse oii il semblait près de mourir -.


Un mois s'éiait à peine écoulé, et soit vigueur de son
1 Jour nais of the Uousc of oommons, t. VI , p . 57!) , — l ' a r i y l e ,


O o m i c f l ' * Lctters, I . 11, p. 113, HD ; — W H I L C L O R K » , p . 101.


» J l a l r o l i u I . a i n g , Ilixt. »/' S>'otlan<l, t. 111, p. IfiO ; — I S m w n e ,


Jlisl. ofthe Hi'jhlanrls, l. II, p . 00 : — U u i h v i n , IIisl. i,(Ihn Cominon-


H eaita, l. 111, p . 210 .




E \ A N G L E T E R R E ( J U I L L E T 1051). 155


tempérament, soiL énergie de sa volonté, Cromwell
guéri rentrait vivement en campagne, manœuvrait
autour de l'armée écossaise de nouveau enfermée, à
Slirling, dans ses retranchements, soumettait les comtés
d'alentour, faisait tomber, par assaut ou par trahison,
la plupart dos châteaux forts qui tenaient encore, battait,
soit en personne, soit par ses lieutenants, les corps déta-
chés qui essayaient de l'arrêter dans ses mouvements,
et mettait eniin le siège devant Perth, menaçant ainsi
Charles, campé à Slirling avec son armée, de lui enle-
ver, sur ses derrières, le chef-lieu de son gouvernement.


Charles prit brusquement alors la résolution qu'il
méditait depuis longtemps : il annonça à son conseil son
intention de lever le camp et de porter la guerre en
Angleterre où ses partisans n'attendaient que sa pré-
sence pour éclater. Bien des chefs écossais, à coup sûr,
quoique fermement royalistes, étaient loin d'approuver,
dans leur cœur, un tel dessein; ils avaient peu de goût à se compromettre à ce point avec leurs redoutables
voisins; quelquefois même ils avaient insinué à Charles
qu'il ferait bien de se contenter de la couronne d'Ecosse,
et de laisser l'Angleterre se débattre, tant qu'il lui plai-
rait, sous le joug de sa République et des factions révo-
lutionnaires. Le souvenir de l'invasion tentée en 1017
par le feu duc de Ilamilton, et de son mauvais succès,
était encore présent aux esprits. Cependant la plupart
se turent et adhérèrent, intimidés par la volonté du roi
ou entraînés par l'empire qu'exerce toujours sur les
âmes une résolution hardie dans une situation près-




106 O U A U l . h S II KN'TKK


saute. Argyle presque sent lit tous ses cU'orls pour en
dissuader le roi; par j jlousie de; pouvoir, car cV'.-nl le
triomphe de la l'action des Hamilton, ses rivaux; mais
aussi par prudence et sagacité politique: il appréciait
mieux que la petite cou 1 de Charles l'état des esprilsen
Angleterre, l'ardeur du parti républicain encore jeune
ci le peu de chance des soulèvements royalistes; pour-
quoi courir de tels busards et laisser ainsi, sans son
armée et. sans son roi, l'Ecosse qui lui avait montré tant,
de dévouement? Pourquoi se lancer, avec la petite armée
écossaise, au milieu de ses ennemis, quand on pouvait,
en restant en Ecosse sur la défensive, user et détruire
l'année anglaise, et Cromwell lui-même, dans les
rigueurs d'un second hiver? Charles ne tint nul compte
de cet avis. Argyle insista, déclarant que, pour lui, il ne
saurait participer à une telle entreprise, et qu'il deman-
derait fa permission de se retirer dans ses terres. Quel-
ques personnes conseillèrent à Charles de le faire immé-
diatement arrêter: il y avait péril, disaient-elles, a.
laisser derrière soi, en Ecosse, ce puissant mécontent.
Charles s'y refusa, soif égard pour son intimité si récente
avec Argyle, soit crainte de l'éclat d'une rupture.
Argyle partit pour son château d'Iuverary. Le roi
annonça publiquement, par une proclamation, sa réso-
lution de se mettre en marche le lendemain pour l'An-
gleterre, accompagné de ceux de ses sujets qui vou-
draient lui prouver leur loyauté en partageant sa
fortune; et dès le lendemain, en effet, :SI juillet li;.'»l,il
était sur la route de Carlisle, à la tète d'une armée de




Ey ANC I .ETKUKK 'jrrr.ia­T 1051), 157


onze mille, cl, selon quelques­uns, île quatorze mille
hommes, avec liasid Leslev pour lieutenant général '.


(,'t'omvvell était devant Pertli, donl il venait de s ' e n i ­
paier, lorsqu'il apprit celle nouvelle. On peut douter
qu'il en lût surpris ou taché : il était vivement frappé
des difficultés et des périls, pour son armée et pour lui­
même, de la prolongation de celle guerre peu efficace
qu'il faisait, depuis un an, en Ecosse; il se croyait bien
plus sûr, en Angleterre, d'un succès prompt et décisif.
Dès le mois de janvier précédent, il avait fait enf revoir
au Parlement que les Écossais pourraient bien tenter
une invasion; et ses récentes manœuvres, en le jetant,
sur tes derrières de l'armée écossaise, ouvraient si clai­
rement au roi la roule de l'Angleterre qu'elles sem­
blaient presque Lv, provoquer. Il ue se dissimula point
l'impression d'effroi, de colère et de méfiance qu'on en
icssentirait à Londres; d'autant que, huit jours aupara­
vant, au moment où il se portait sur Pertli, il avait
écrit : «.le laisse derrière moi des forces suffisantes pour
combattre L'ennemi, s'il se décidait à s'engager, et pour
s'opposer a toute tentative de pénétrer en Angleterre. »
Il alla sur­le­champ, avec une fermeté digne et adroite,
au­devant des reproches et des soupçons qu'il presse n­


i C l a r u n d o u , llisl. efthe Rébellion , 1. x i n , c. 5 3 ; — W l i n e l o c k e ,
j . . 5 0 1 . — M a k o l m r.aii:};, Ui.it. of Sruilanâ, t. I I I , p. 408 ; U o d w i n ,
№t. t,f Ihe CommonuwaWi, l. I I I , p. 253, 200 ; — B r o d i e , Uist. of
tiieUiiiish Empire, (. IV , p. 304 ;—Bnra' i i f , M.­,!, of Oie lliahlanrh,
t. II, p. 7 1 ; — l o l ' è r e d ' O r l é a n s , Uist, des Révolutions d'Angleterre,
i. IV, p . 50.




L E T T R E D E C R O M W E L L


lait; il écrivit le A août au Parlement : « Nous avons eu
quelque nouvelle de la marelie de l'ennemi vers le
midi, bien qu'avec des contradiclions qui rendaient le
fait douteux. Présumant que ce pouvait êlre vrai, nous
sommes en toute hâte revenus sur nos pas; notre infan-
terie et la plus grande partie de noire cavalerie ont passé
aujourd'hui le détroit; nous marcherons aussi rapide-
ment que nous le pourrons sur l'ennemi qui, dans sa
crainte et son désespoir, eL poussé par une impérieuse
nécessité, s'est décidé à tenter la fortune dans celle voie.
J'appréhende que, s'il marche sur l'Angleterre, comme
il a sur nous quelques jours d'avance, cela ne trouble
l'esprit de quelques personnes et n'entraîne quelques
inconvénients. Je les sens profondément, et j 'ai été, et
je serai aussi vigilant que qui que ce soit pour les pré-
venir. Ce qui me console, c'est, que j 'ai agi pour le
mieux, selon mon jugement et en toute simplicité de
cœur devant Dieu; j 'étais convaincu que, si nous ne
mettions pas fin à cette alfaire-ci, elle entraînerait un
autre hiver de guerre, à la ruine de nos troupes qui
ne sont pas aussi endurcies que les Écossais aux
rigueurs de ce climat, et avec des dépenses infinies
pour le trésor public de l'Angleterre. On pensera que
nous pouvions empêcher ce mouvement de l'ennemi
en nous interposant entre lui et notre pays. Je crois
vraiment que nous le pouvions; mais comment nous
aurions pu, sans faire ce que nous avons fait, l'aire
abandonner à l 'ennemi la position qu'il occupait, c'est
ce que je ne sais pas ; a moins que nous n'eussions eu




Л Г P A R L E M E N T v l л о и т 1051). 159


m i e lotie année sur l 'une et l'autre rive du Forlh, ce
que nous n'avions pas Connue il est possible que
l'ennemi vous cause quelque embarras, je vous prie de
vouloir bien, avec le même courage cl la même con­
fiance eu Dieu qui vous ont soutenus dans les grandes
choses que Dieu a jusqu'ici laites par vos mains, mellre
en mouvement toutes les forces que vous pourrez ras­
sembler, afin d'arrêter un peu l 'ennemi, jusqu'à ce que
nous puissions l'atteindre, ce qu'avec l'aide de Dieu nous
nous efforcerons de faire promptement. Nous avons
celle rassurante expérience que Dieu glace les coeurs de
nos ennemis; quand nous les rencontrerons face à face,
nous espérons que le Seigneur fera éclater la folie de ce
dessein désespéré. L'Angleterre était naguère bien plus
troublée qu'elle ne l'est maintenant; une armée écos­
saise bien plus considérable que celle­ci, et qui n'avait
jamais été battue, nous envahit; nous n'avions que bien
peu de forces pour lui résister à Preslon ; nous n'hési­
tâmes cependant pas à nous jeter entre elle el l'Ecosse,
et comment Dieu nous lit réussir, c'est ce qu'il ne faut
pas oublier. Le mouvement que vient de faire l 'ennemi
n'est f i a s de notre fait, et n'arrive que par une sorte de
nécessité; espérons qu'il aura la même issue. Ce sera
la fin tant désirée de votre œuvre ; nous devons
compter sur le Seigneur, sur les expériences que nous
avons déjà faites de son appui, et espérer dans sa pré­
sence qui est la vie de notre cause 1 . »


» Parl.Utst., i. X I X , j . . 155, ­ 1 9 8 ; — O o d w m , IIisl. o[ the Corn­




160 M E S U R E S DU l > \ m E M E N T


Cronnvell ne s'élail pas Irmnpé; le trouble fut grand
dans Londres ; la peur se cachait sous la colère; dans le
Parlement comme dans la Cité, et jusque dans l'inté-
rieur du conseil d'Etat, on s'en prenait à lui, on décla-
mait contre lui ; on se demandait s'il n'avait pas traité
avec Charles Stuart : «Il y eut des hommes, dit mislriss
llulchinson, qui ténioignère.'it d'indignes et ridicules
frayeurs, et Bradshaw lui-même, tout ferme de cœur
qu'il était, ne pouvait s'empêcher, en particulier, de ma-
nifester ses craintes. » Mais, parmi les chefs du moins,
l 'ébranlement fut court ; Vanc, Scott, Robinson, Henri
Marfyn , étaient des hommes d'un courage actif et
obstiné, passionnément dévoués à leur cause, et com-
promis d'ailleurs à ce point où le courage, sans cesser
d'être une vertu, devient une nécessité. Ils prirent sur-
le-champ des mesures pour faire face au Y événements
et pour raffermir tes esprits. L'armée, à laquelle ils
avaient ajouté trois mille chevaux et mille dragons,
reçut une nouvelle augmentation de quatre mille, fan-
tassins. La milice fut remise en vigueur dans tout le
territoire. Trois régiments de volontaires furent formés
dans Londres et aux environs, spécialement affectés au
service et à la garde du Parlement. Des hommes ardents
et influents, entre autres le colonel llulchinson et John
Cleypole, gendre de Cromwcll, levèrent eux-mêmes des
escadrons semblables, et le Parlement vota les sommes


racwri'iiWi, t. I I I , p . ¿ 5 3 ; — C a r l y l u , ÇrvmKtU'* Lutter*, t. I I ,


p . 1 3 5 - 1 3 7 .




C O N T R E L ' I N V A S I O N D E C H A R L E S I I . l f i l


nécessaires pour pourvoira loules ces dépenses. Charles,
en eulraul en Angleterre, avait publié une procla-
mation d'amnistie générale! dont trois hommes seule-
ment, Cromwell, Uradshaw et Cook, les trois grands
acteurs dans le procès du roi son père, étaient exceptés.
Le Parlement y répondit en la faisant brûler à Londres
par la main du bourreau, eu déclarant Charles Sluart
et les laideurs de son entreprise coupables de haute t ra -
hison , en votant contre! quiconque, par une voie quel-
conque, entretiendrait, avec lui , quelque correspon-
dance, la peine de m o r t , en emprisonnant, exilant ou
eontinant dans tours terres les anciens royalistes , en
exerçant culhi une police rigoureuse et minutieuse à ce
point qu'entre autres prescriptions il fut enjoint à tous
les chefs de famille, dans certaines parties du terri-
toire, de tenir leurs entants et leurs domestiques étroi-
tement renfermés chez eux, sauf à des heures déter-
minées, et de les signaler au comité de la milice du lieu,
s'ils étaient, pendant plus de douze heures , absents de
leur maison l .


Charles cependant, avançait, avec son armée, à travers
les coudés du nord-ouest de l 'Angleterre, sans ren-
contrer aucun obstacle. Cromwell, en apprenant son
départ, avait aussitôt détaché Lambert et Harrison, avec
deux corps de troupes légères, en leur ordonnant de le


1 Mni'.oires il/: mistrm lln.lchinson, d a n s m a ColUrtion, t. I I , p . 231;


J„>,moh vf the llot.se uf ruminons, t. V I, p . 537, O U , 01LMJ22,


'. V I I , P . 3 , G, 7, 9, 11).




l ' i î M A R C H E D E ("'HAUTES I!


suivre et de le harceler, soit séparément, soit ensemble,
sur ses flancs et sur ses derrières, de manière a ie gêner
et à le resserrer dans sa marche, sans engager contre lui
une grande aclion qu'ils n'auraient pu soutenir et que
Cromwell voulait se réserver. « Sa Majesté, écrivait de
Henri I h lord Lauderdale à sa femme, s'avance en Angle-
terre à la tête d'une très-bonne armée, presque double,
si ce n'est plus, de celle avec laquelle le feu roi de
Suède, Gustave-Adolphe, entra en Allemagne. Dès que
nous avons mis le pied en Angleterre, S. M. a été pro-
clamée roi d'Angleterre, par un Anglais qu'Eue a fait
roi d'armes pour ce jour-là, à la tête de l'armée, au
bruit de ses acclamations et de ses canons. Hier, le roi
a élé proclamé àPenr i th , et il le sera ainsi dans toutes
les villes de marché où nous passerons. Jamais armée n'a.
été [dus disciplinée que nous ne le sommes depuis notre
entrée en Angleterre; j'ose dire que nous n'avons pas
pris la valeur de six sous. Croyez-moi, ceci est la meil-
leure armée écossaise que j 'aie jamais vue, et j'espère
qu'elle le prouvera. Tous ceux qui n'étaient pas disposés
a lout risquer dans cette affaire avec leur roi nous ont
abandonnés sous quelque spécieux prétexte. C'est une
purgation naturelle qui nous fera grand bien, l'oint
d'action encore, si ce n'est qu'on a repoussé quelques
petits détachements qui ne valent pas la peine qu'on
en parle. Je ne veux pas oublier une chose : ce matin,
le lils de milord Howard d'Escrick est venu à nous de
l 'ennemi, amenant tout son escadron ; S. M. l'a reçu
gracieusement et fa aussitôt l'ait chevalier. 11 est le pre-




EN A N O E E T E U K E ( A O Û T 1651}. 163


îmer, îruiis j 'ai la conliauce que, sous peu de jours, bien
d'autres reviendront à tour devoir 1 . »


La confiance de lord Laudeidale fut t rompée; peu
d'Anglais vinrent joindre Charles dans sa marche ;
il envahissait l'Angleterre à la tète d'une armée d'Ecos-
sais et de presbytériens; des étrangers et des scolaires ;
l'orgueil national était blessé; les partisans de l'Eglise
épiscopale étaient mécontents et inquiets; ces senti-
ments venaient en aide à la crainte qu'inspiraient le Par-
lement et ses rigueurs. Charles ne rencontrait pas plus
d'appui que de résistance; dans la plupart des villes
qu'il traversait, il était accueilli par des acclamations;
mais les populations ne se levaient pas ; les chefs roya-
listes eux-mêmes n'arrivaient qu'en très-petit nombre
et très-peu suivis. Charles, en parlant d'Ecosse, avait l'ait
prévenir de son mouvement l'un des plus dévoués et des
plus braves, le comte de Derby, qui, depuis la fin de la
guerre civile, vivait retiré dans son île de Jlan, avec
Charlotte de la Trémouille, sa femme, aussi royaliste et
aussi héroïque que lui. Derby se hâla de rejoindre le
roi, avec, une petite troupe d'amis et de serviteurs d'élite,
et Charles le chargea de parcourir le comté de Lancaster
pour y eveiler et l'assembler ses partisans. Mais pen-
dant «pie le comte s'efforçait de remplir cette mission, il
fut surpris et défait à Vïigan, par ie colonel Robert Lil-
burne, que Croniwell, dans sa prévoyance, avait envoyé


1 C u r l y l e , CromœeU's Letters, i. I I , p . 137; — W h i t e l o c k e , p. 501;


—Cary, MenivriuU o(lhv grwt tivilwurinMnijlund, t. I I , ]>• 307.




104 M A R C H E H E C H A R L E S II


vers les comtés de l'ouest pour y étouffer les mouve-
ments royalistes: et Derby, un moment prisonnier,
s 'échappa à grand'peino pour aller presque seul el en
fugitif retrouver le roi à Woreoster. Un autre des lieu-
tenants de Charles, d'une autre nuance religieuse et
politique, le général Massey, bon officier, jadis presby-
térien et parlementaire, reçut ordre aussi de rallier les
royalistes dans ces comtés de Lancasler et de Chester où
il passait pour avoir du crédit; il y réussissait assez
bien lorsque les ministres écossais, qui suivaient toujours
l'armée, s'aperçurent qu'il ralliait indifféremment des
épiscopaux et des catholiques aussi bien que des presby-
tériens; ils lui adressèrent, sans en rien dire au roi, une
déclaration portant que nul ne devait être admis dans
l'armée s'il ne prêtait serment au covenant, et fui enjoi-
gnirent d e l à publier. Charles averti écrivit aussitôt à
Massey pour interdire cette publication ; mais sa lettre,
interceptée et publiée par le Par lement , révéla une
fois de plus le peu de sincérité du roi et les troubles
intérieurs de son parti. En même temps que les roya-
listes se montraient timides, les républicains se mon-
traient obstinés : le commandant de la petite place de
ISigger, sommé de la rendre, répondit qu'il la gardait
pour la République de qui il la tenait. Charles avait
compté faire, de la ville de Shrewsbury, le centre de ses
opérations dans l 'ouest, et il se flattait que le gouver-
neur, le colonel Mackwortb, homme de loi devenu mili-
taire, lui en ouvrirait les portes ; Mackvvorth les lui ferma
rudement, et reçut aussitôt du Parlement une chaîne




F.V AXOLKTT'RIVB ( K O V T 1(551). 165


d'or, on remercîmont de sa fidélité, l u i arrivant à W a r -
ringion, sur la Morse y, l 'armée royale aperçut sur la
gauche un eorpsde troupes considérable ; c'était Lambert
et Harrison réunis cpd voulaient lui barrer le passage
en coupant le pont sur le fleuve ; ils n'y réussirent pas;
l'armée passa, et quelques escadrons de Cavaliers char-
gèrent vivement l'avant-garde de Lambert, en criant :
« Ah ! coquins, nous serons sur vous avant que voire
Cromwell arrive. » Lambert refusa l'action et se replia
un peu en désordre. Charles ne jugea pas à propos de le
poursuivre; il était pressé d'avancer : mais au moment
même où l'ennemi se retirait, le roi vit son lieutenant
général David Lesley, marchant à l'écart, l'air mélan-
colique et abattu ; Charles poussa vers lui son cheval et
lui dil vivement : «Comment pouvez-vous être triste,
général, à la tête d'une si brave armée? Voyez connue
elle a lionne mine !—Sire, lui répondit Lesley à l'oreille,
je suis triste parce que je sais, quelque bonne mine
qu'elle ait, que cette armée ne se battra pas »


Le -2-2 août , Charles arriva à Worcester où il avait
promis à ses troupes fatiguées, de bons quartiers et
quelque repos. Un moment il fut tenté de repartir
immédiatement et démarcher, sans s'arrêter, sur Lon-
dres ; mais il était de ceux qui ont assez d'esprit pour
entrevoir les grands desseins et l a m e fropfaible pour les


' O i a r o n d o n , mut. of the Ileheïïiov , 1. x i n , c . 53-61 ; — W b i t e -


J o i k o , p. 301-503 , 206 ; — O u d w i n , Hist. ofthe CommomveaWi, t. I I I ,


p . 2 0 0 - 2 0 7 ; — L i n i r n r d . llhl. uf Englund, t. X I , p . 04-07;— The Jlcs-


cobel Tracts H830), p. 27-29.




lfiO riTATU.F.S II A I Î l i l Y i ;


exécuter. Worcosler était une ville importante et bien
située ; te conseil d'État en avait l'ait un lieu d'evil pour
un certain nombre de gentilhommes des environs qui
s'y trouvaient ainsi réunis à l'arrivée du roi, et qui le
reçurent avec transport ; le maire et toides les auto-
rités locales lui témoignèrent le même dévouement;
elles prirent aussitôt des mesures pour l'approvision-
nement de son armée. Charles résolut d'établir là son
quartier général ; et le 23 août I6*>l, précisément neuf
ans, jour pour jour, après celui où le roi son père avait
planté l'étendard royal à Nottingbam pour commencer
la guerre civile, Charles planta le sien à Worcester, et
appela, par une proclamation solennelle, tous ses sujets
entre seize et soixante ans à s'y rallier peur la grande
revue qu'il voulait passer dans les prairies situées entre
la ville el la Saverne qui l'arrose. Trente ou quarante
gentilshommes seulement, avec deux cents hommes à
leur suite, vinrent à ce rendez-vous. L'armée royale se
trouva là forte d'environ douze mille hommes, dont
dix mille Écossais et à peine deux mille Anglais 1 . »


Un mouvement très-vif, au contraire , éclatait dans
le parti républicain, et même dans le pays, contre ces
voisins arrogants cpii venaient imposer par la force un
roi à l'Angleterre, et ces presbytériens tyranniquos qui
prétendaient fonder leur culte sur l'oppression des


! W h i t o l o e k p , p. 50a, r>01 ; — f l a r e n d o u , TIM. of lia; BrheïKm


I. x m , c . 7 0 ; —- ThcBoscuhd Tracts, p. '27, 173-1H0, — C a r h i V ,


Cr<,,nwdV.i Lctlcrs , t. I I , p . 13« ; — r . i n g a r d , UUt. of RtujUml,


t. X I , p . lia,




A W O R C E S T E R m a o û t 1651). iffî


consciences chrétiennes. La diversité des idées et des
vœux politiques se taisait presque devant ce sentiment
national. Les milices d'un grand nombre de villes,
Londres, Bristol, York, Covenlry, Gloeester, Heret'ord,
se levaient avec ardeur pour détendre leurs foyers,
ou même pour aller rejoindre l'armée qui défendait
le pays. Des régiments de volontaires se formaient
dans plusieurs comtés avec le même dessein. Fairfax,
qui s'était refusé à envahir l'Ecosse, se niellait, dans le
comtéd'York, à la tête de ses voisins, et offrait lui-même
à Cromwell ses services pour repousser ceux qui osaient
envahir l'Angleterre. Le Parlement par ses mesures et
ses récompenses, et Cromwell par ses commandements
et ses exemples sur toute sa route du nord-est au sud-
ouest de l'Angleterre, fomentaient sans relâche ce mou-
vement ; et lorsque après vingt et un jours de marche,
Cromwell, parti d'Ecosse avec dix mille hommes, arriva
le 28 août devant Worcester, il réunit sous ses murs
une armée de trente-quatre mille quatre cents hommes,
dont vingt-quatre mille fantassins et dix mille quatre
cents chevaux 1 .


L'armée royale était beaucoup moins nombreuse,
moins animée et moins bien commandée. On ne savait
même pas avec certitude qui la commanderait. Au m o -
ment où elle était entrée en Angleterre, le duc dcBuc-


' VvTiilnloclce, p . 497 , 50-2, 501 :— .Tournais of the Hnvse of com-


muns, i. VIT, p. (!, 8 : — U u i h v i n , llist. oflhe (' omrnieno-ealth, 1. I l i ,


p. 303, m, 1 0 7 ; — B r o d i c , Jhsi. ofthe British Empire, l. IV , p. 3o7 .


— TheBjscohcl Tracls, p . 180.




368 CUOlrsYETX ARRIVE DEVANT


kingham, ambitions, présomptueux cl remuant, avait
dit au i'oi quelle ne pouvait plus rester sous los ordres
d'unEcossais, et il s'élait,à la grande surprisede Charles,
proposé lui-même pour remplacer Lesley. A Worcester,
quand l'action décisive approcha, il renouvela sa de-
mande avec tant d'insistance que le roi impatienté lui
dit : « Vous ne parlez pas sérieusement ; vous n'êtes pas
propre à cette charge.—Pourquoi donc, sire? — Parce
que vous êtes trop jeune.—Mais, sire, le roi de France,
Henri IV, a commandé une armée et gagné une bataille,
étant plus jeune que moi.—Je n'aurai point d'autre
généralissime que moi-même,» répondit le roi qui ren-
voya Huckingham plein d'humeur, à ce point qu'il ne
parut plus au conseil et se tint à l'écart, adressant à
peine la parole au roi. La mésintelligence régnait parmi
les autres généraux ; Lesley, triste et impopulaire, dé-
lestai I Middlcton, confiant et aimé des soldats ; Masses,
grièvement blessé dans une rencontre où il avait voulu
empêcher l'ennemi de passer la Saverne et de s'établir
sur les deux rives du fleuve, élail dans son li t , hors
d'état de servir. Charles s'employait tantôt à réconcilie'!',
tantôt à suppléer ses lieutenants ; mais il élail, lui-même
léger cl insouciant; il avait peu d'autorité, peu de loi
dans son propre succès; et les traîtres ne manquaient pas
dans les murs de Worcesler pour l'aire connaître à Crom-
svell le mauvais état intérieur de l'armée royale, ses dis-
sensions, ses hésitations, ses mouvements et ses projets 1,


s C l a r c n d o n , Uùt. ofthe liebài., 1. x m , o . 7 1 ; —Botcohél TrurU




WOTJCKSTER m A O T - T JC51). HO!»


Cromwoll n'hésila point : sans s'arrêter aux lenteurs
d'un siège, il résolu! d'assaillir sur-le-champ YVorcesler,
sur les deux rives de la Savernc, par les deux extrémi-
tés de la place, et de l'enlever à lout prix. Campé sur la
rive gauche du fleuve, il lil, le jour même de son arri-
vée, et malgré la vive résistance des royalistes, passer
un corps de troupes sur la rive droite où Lambert les
établit, et cinq jours après, le 2 septembre au soir et le
3 au matin, de nombreux renforts commandés par Flcet-
vvood firent le même mouvement , avec ordre d'aller
attaquer, à l'ouest, le faubourg de Worcesler, tandis
qu'à l'est Cromwell dirigerait lui-même, contre la ville,
l'attaque principale. Charles, mal informé, ne s'alfen-
dait ce jour-là à aucune affaire sérieuse et se reposait
sans inquiétude ; mais un peu avant midi il monta, avec
son état-major, au haut du clocher de la cathédrale de
Worcester, et vit de là plusieurs régiments de CronrweJl
passant le fleuve sur un pont de bateaux et marchant
contre le corps écossais chargé de défendre la ville à
l'ouest sous les ordres du major général Montgomery.
Presque au même moment, on entendit, du côté de
l'est , les décharges de l 'artillerie républicaine qui com-
mençait à battre les approches de la place. Charles des-
cendit en bille du clocher, monta à cheval et se porta
sur le faubourg de l'ouest pour soutenir Montgomery.
Cronwvell y était déjà en personne et poussait vivement


p. 30, m , ISO, 2 * 0 ; — W h i t e l o e k e , p . 505 ; — C'arlyle, CrommWi
Letters, t. Il, p . 140.


T . 1 . |(L




Vf» BATAII .T .E l )E VrOTiCESTETt


l 'attaque; il avait voulu. avant d'agir lui-même sur la
rive gauche, s'assurer que les ordres qu'il avait donnés
sur la rive droite seraient bien exécutés. Les Ecossais
résistaient fermemenl. Charles pensa que le gros de l'ar-
mée parlementaire était engagé de ce côté, et rentrant
aussitôt dans la ville, il se mit à la tète de sa meilleure
infanterie et de ses escadrons de Cavaliers anglais, sortit
par la porte do l 'est, et alla attaquer le camp de Crorn-
vvcll, dans l'espoir de le trouver très-affaibli et de l'em-
porter. Mais Cromvvell aussi repassa rapidement sur la
rive gauche du fleuve, et reparut à fa tète des troupes
qu'il y avait laissées. La bataille, ainsi engagée aux doux
extrémités de Worcester, dura quatre ou cinq heures,
« aussi rude que j'en aie jamais vu, » écrivit Cromvvell,
mais commencée et soutenue, par les royalistes, au mi-
lieu d'une grande confusion. Le corps conduit, par
Chai les lui-même chargea si vivement les républicains
qu'ils fléchirent d'abord, abandonnant une partie de
leurs canons ; trois mille hommes de cavalerie écossaise,
commandés par Lcsley, étaient sous les armes en arrière
du roi qui leur fit donner l'ordre de suivre son mouve-
ment et de chargera leur lour : « Une heure de Monl-
rose!» criaient les Cavaliers anglais; mais Leslcy resta
immobile. Cromvvell cependant ralliait ses troupes cl,
reprenait l'offensive; l 'infanterie royale, manquant de
munitions, se replia; le duc de llamiltou et sir John
Douglas furent, blessés à mort. Cromvvell, partout pré-
sent et confiant, poussa de sa personne jusqu'au pied
des retranchements du fort royal qui couvrait dece côté




Si s F I > T 1 W I I R K I B M ) . 171


la place, el (il sommer le commandant, qui l'occupait
a vec quinze ceii I s hommes, dose rendre; on lui repondit à
coups de canon; le fort fut emporté et la garnison passée
au fil de l'épée. Royalistes et républicains arrivèrent en
combattant à la porte de la ville; là, le désordre fut ex-
trême; des chariots renversés obstruaient le passage;
Charles fut obligé de descendre de cheval et de rentrer
a pied dans YYoreesler; les républicains s'y précipitèrent
après lui. Pendant ce temps, la lutte avait, à l 'ouest, la
même issue; les Ecossais de Montgomery, après avoir
épuisé leurs munitions, se reliraient sur la ville, pour-
suivis par les troupes de Fleetwood qui y entraient avec
euv. Le combat recommença dans les rues, transformé
eu rencontres particulières, el mêlé de pillage et d'hé-
roïsme, de fuite et de dévouement. Charles, remonté à
cheval, s'clfnreait de rallier les siens, disant : « Tirez
sur moi plutôt que de nie laisser vivre pour voir les
suites de ce jour fatal. » Mais bientôt il ne fallut plus
songer qu'a ne pas tomber aux mains de l'ennemi ; une
cinquantaine de royalistes, conduits par lord Cleveland,
le eolnnel Wogan, sir lames llamillon, le major Care-
Jess, se formèrent en un petit corps, et, avec un ardent
courage, chargèrent çà et là les troupes républicaines,
pour couvrir la retraite du roi qui sortit eulin de\S~or-
eesler par la porte Saint-Martin, et se jeta sur la roule
du nord. Il y retrouva,à peu de dislance, une partie de
la cavalerie de Lesley qui fuyait sans avoir combattu : il
eut un moment quelque envie de tenter encore, sur
eux, un elfort pour revenir sur ses pas et rengager lac-




172 D E F A I T E E T F U I T E


(ion : « Mais non, dit-il ; des hommes qui m'ont aban-
donné quand ils étaient en bon ordre, ne me soutien-
dront pas quand ils sont nallus; » il laissa Lesiey et les
Ecossais opérer comme ils voudraient leur retraite, et
ne s'inquiéta plus que de sa propre sûreté. L'idée lui
v int d'aller chercher un asile dans Londres, le meilleur
lieu peut-être, et pour se cacher, et pour éclater dans
l'occasion ; mais il n'en parla qu'à lord Wilmot, son plus
intime confident, et suivi d'une soixantaine de Cavaliers
dévoués, il poursuivit sa route vers le nord , protégé,
pour le moment, par la nuit, et cherchant, avec ses
compagnons, des moyens de salut pour le lendemain 1 .


Au même moment, à dix heures du soir, Cromwell, à
peine entré dans Woreester encore en proie à la confu-
sion et au pillage, annonçait en peu de mois au Parle-
ment sa victoire; et plus libre le lendemain : « La ba-
taille, écrivit-il, a été livrée avec des succès divers,
quoique toujours avec bonne espérance pour nous, et
elle est enfin devenue une victoire complète, si complète
que c'est la ruine totale de l'armée ennemie Aous
avons pris tout leur bagage et leur artillerie. Je ne sau-
rais vous dire encore le nombre îles morts, mais il yen
a eu beaucoup; car la lutte a été longue et soutenue de


i Boicobel Tracts, p . 30-38 , 133-130, 134 ; — C l a r e n d o n , Mît. „/


the Rcbclhun, 1. x u i , C. 72 -81 ; — C l a r e n d o n , Xtale-l'apen, t. 111.


p. 3 0 ; — V V l i i l e l o c k e , p. ">07 : — C a r l y l e , CroiinceWs Lettres , ;. I l ,


l . i o d w i n , p . 1 1 0 ; — H â t e s , Eteneliv* motuum nu^eromm , part . I l ,


] . . 210-2-25 ;—llist. vfihe CmtmmiceaUh, I. I I I , p . ¿71-271 ;—Llu-


gar.I , .Hist. u/ Enatawl, t. XI , p. 07-70 ; — C r o m i c c l l i a n u , p. 115 :—.


l'ariiam. UUtory, t. X X , p . 5 0 - 0 8 .




D E C H A R L E S I I . 173


très-près, souvent à coups île pique. Nous avons si\ ou
sept mille prisonniers, beaucoup d'officiers et de nobles,
le duc dcllamilton, le coin le de Rallies, on dil aussi Je
comte de Lauderdale, et bien d'autres hommes de grand
nom dont quelques-uns seront, à bon droit, les objets de
votre justice Vraiment les dimensions de cette grâce
de Dieu surpassent mes pensées; c'est, si je ne me
trompe, une grâce suprême et qui couronne vos tra-
vaux pourvu qu'elle porte tous ceux qui y seul,
intéressés à la reconnaissance envers Celui dont le bon
plaisir est de consolider notre changement de gouverne-
ment, en disposant si bien le peuple à le défendre el en
bénissant les efforts de ses serviteurs dans cette grande
couvre1. »


A la lecture de cette lettre, le Parlement fit entrer
le major Cobbctt qui l'avait apportée, et voulut entendre
de sa bouche un récit circonstancié de la bataille.
Cobbctt déposa eu même leiups le collier et la jarre-
tière du roi, trouvés à Worcesler dans la maison qu'il
occupait. Deux membres de la Chambre, Scott et le
major Salloway, revenus du camp où ils avaient été
envovés, satisfirent aussi par de nombreux détails la
curiosité de leurs collègues. Chaque jour apportait les
noms de nouveaux et importants prisonniers; les
comtes de Derby, de Cleveland, de Lauderdale, de
Shrewsbury, de Kelly, Jlassey, Middloton, Lesley lui-
même, presque tous les chefs royalistes tombèrent, dans


I C a r l y l e , Cromwcl.l s Letters, t . ,U. p . 113-1-16.


1 0 .




!74 RTOIJKUKS Dr P A R L E M E N T


leur fuite, entre les mains des autorités républicaines.
C "était vraiment, selon l'expression de CroniweJl, une
victoire suprême et le couronnement de la guerre. Le
Parlement voulut en témoigner, par toutes sortes de
marques, sa joie reconnaissante. Il ordonna un service
solennel d'actions de grâces dans les trois royaumes et
un grand banquet dans Whitehall. Quatre membres,
YVhitelocke, Lisle, Saint-John et Pickering, furent dési-
gnés pour aller au-devant de Cromwell, et lui exprimer,
entérines officiellement votés, les sentiments qu'inspi-
raient à la Chambre ses glorieux services. Le palais de
ltamploncourt lui fut assigné comme résidence, avec
une dotation en terres de 4,000 liv. sterl. de revenu.
Ses principaux officiers, et jusqu'aux obscurs messagers
qui avaient apporté les nouvelles, reçurent de riches
récompenses. Les rigueurs tombèrent sur les vaincus
en même temps que les grâces sur les vainqueurs.
Parmi les principaux prisonniers, neuf furent choisis
pour être traduits devant des cours martiales, comme
coupables de haute trahison; l 'un d 'entre eux, le duc
de Ilamillon, mourut de ses blessures avant le juge-
men t ; trois, le comte de Derby, sir Timothée Featliers-
lonbaugh et le capitaine Benbovv, jugés et condamnés
à Chester, subirent leur sort en martyrs d'élite : « Je ne
sens dans ma conscience, dit le comte de Derby sut
l'échal'aud, aucun scrupule sur la cause dans laquelle
je me suis engagé; c'est au nom des principes de la loi
et de la religion que je l'ai soutenue; mon jugement
est satisfait, et j ' en bénis Dieu. Je n'ai point la présomp-




CON'TKE L E S V A I N C U S . 1 7 N


fjon de prononcer dans ces controverses; je prie Dion
de l'aire prospérer, pour sa gloire, ceux qui oui le bon
droit; et je vous souhaite autant de prospérité et de
paix que j 'en vais trouver au delà de tout ce que vous
possédez ici. » Soit que de tels discours des vaincus
parussent, au Parlement, plus dangereux que le châti-
ment n'était utile, soit que la grandeur du triomphe
l'inclinât à la modération, il ne multiplia point ces san-
glants spectacles; les autres prisonniers de marque res -
tèrent détenus à la Tour. La multitude l'ut traitée dure-
ment, mais sans bruit ; on vendit ou l'on donna par
milliers les soldats royalistes à des négociants et à des
planteurs, pour les travaux de.- colonies ou des mines
d'Afrique. Enfin il fut décrété cl solennellement pro-
clamé partout qu'une récompense de mille livres ster-
ling serait donnée « à quiconque amènerait au Parle-
ment Charles Stuart, fils du dernier tyran 1 . »


Pendant que le Parlement rendait à Londres ce
décret, ses soldats parcouraient en tous sens les comtés
de' l'ouest, cherchant parlent le roi et Irouvanl sa trace
partout, mais lui nulle part. Cinq jours après la bal aille,
un détachement d'infanterie arriva brusquement à
AYliile-Ladies, ancien monastère devenu la demeure
de M. Gilfard, gentilhomme catholique, et le somma,


1 f.jvrnnh ofthe Hovac of n u m n o i M , t. V i l , j>. 12-1(5 ; — Parlinm.
1 . XX, {,.1-i,—Sl,,ln-TrixU, i. V, p. m-:m;—lto>,rohd Tinih,


y. 1*7. |!>:i-ltw ; — W l u i . ' ! T . < - k c . \>. rxjs ; ~ C.'larendim, lihl. <>[!<•€


K..•./•'(,<,«, 1. M I I , <:. 7 0 - 8 2 , —CIix lwui , Uhl, of the Commonv:e:nUh,


t. I l ) , p . 273-270,




170 A V E X T T U E S P E C H A R L E S II


le pistolet sur la gorge, de déclarer où était maintenant
le roi que naguère, lui dit-on, il avait caché chez lui.
M. Gi(Tard nia résolument, demandant qu'avant de
mourir on lui donnât le temps de l'aire ses (trières : « Si
vousnenous donnez pas des nouvelles de Charles Sluart,
point de prières. » 11 persista dans son silence, et les
soldats, après avoir rudement touillé toute sa maison ,
s'éloignèrent sans lui l'aire plus de mal. YVhite-Ladics
avait été en effet le premier asile de Charles; arrivé là,
le 4 septembre, au point du jour, douze heures à peine
après s'être échappé de Worcester, il avait aussitôt
coupé ses cheveux, teint ses mains et son visage, pris un
grossier babil de paysan, et cinq paysans, les frères Pen-
derell tous laboureurs , bûcherons ou domestiques au
service de M. Ciffard , s'étaient chargés tic sa sûreté :
« Voici le roi, avait dit M. Gitfard à William Penderell;
tu auras soin de lui, et tu le défendras comme tu me dé-
fendrais. » Ils emmenèrent Charles à Boscobel-House.
leur chaumière, et le cachèrent dans les bois. Il pleuvait
violemment : Richard Penderell se procura une cou-
verture et rélendit an pied d'un a rbre ; sa sœur,
mislriss Yates, apporta du pain, du lait, des œufs, du
beurre : « N'est-ce pas, lionne femme, lui dit Chartes,
vous serez tîdèlc à un Cavalier malheureux?—Oui, Mou-
sieur, je mourrai plutôt que de vous découvrir. » Des
soldats passèrent sur la lisière du bois, mais sans y
entrer, à cause de l'orage qui éclatait plus violemment
sur le bois même qu'au dehors. Le lendemain, ce fut
dans les branches touffues d'un grand chêne que le roi




A P R È S LA B A T A I L L E D E W O R C E S T E R , 177


se tint caché, cl de là il voyait rôder dans la campagne
(ies pelotons de soldats ardents à sa recherche. Une
nuit, il quitta son asile pour essayer do traverser la
Saverne et de se réfugier dans le pays do Galles; mais
comme il passait avec Richard Pendere l l , son guide,
auprès d'un moulin : « Qui va là? cria le meunier.—
Des voisins qui rentrent chez eux , répondit Penderell.
—Si vous êtes des voisins, arrêtez-vous ; sinon, je vous
assomme. » Ils s'enfuirent à toutes jambes, poursuivis
par plusieurs hommes sortis du moulin avec le meu-
nier. Dans une de leurs tentatives d'évasion, ce fut le
roi, nageur habile, qui soutint, au passage d'une petite
rivière, son guide hors d'élat de nager. Il erra ainsi sept
jours dans cette contrée, changeant presque chaque jour
d'asile, tantôt enfoui sous le foin d'une grange, tantôt
enfermé dans quelqu'un des réduits obscurs qui ser-
vaient de retraite aux prêtres catholiques proscrits,
entendant ou voyant, à chaque instant, les soldais répu-
blicains près de le découvrir. De concert avec ses fidèles
gardiens et avec lord Wilmot qui l'avait rejoint, ii
résolut de gagner le rivage de la mer, du côté de
Bristol, dans l'espoir de fréter là un bâtiment pour
passer on France. 11 changea de déguisement, prit une
livrée de domestique au lieu de son habit de paysan, et
partit à cheval, sous le nom de William Jackson, por-
tant en croupe sa maîtresse, miss Jane Lane, sœur du
colonel Lane, de Bentley, son dernier refuge dans le
coudé de Stafford : « William. Icii dit le colonel au
moment du départ, donne la main à ma sœur pour




A V E N T U R E S D E C H A R L E S II


l'aider à mouler ; » le roi, peu expérimenté, se trompa
sur la main qu'il fallait donner : « Qu'est-ce donc que
ce beau cavalier qu'a là ma lille pour la porter en
croupeV» demanda en riant la vieille mislriss Lune,
mère du colonel, qui assistait au dépari sans en savoir
ie secret. Ils partirent; mais à peine avaient-ils marché
deux heures que le cheval du roi perdit un de ses fers;
ils s'arrêtèrent dans un polit village pour en faire
remettre u n ; Charles tenait lui-même le pied de son
cheval : « Quelles nouvelles"? dit-il au maréchal.—Je
n'en sais point, sinon que ces coquins d'Ecossais oui élé
bien hall us.—N'a-t-on pris aucun des Anglais qui se
sont joints aux Écossais':'—On en a pris quelques-uns,
mais je n'ai pas entendu dire que le coquin de Charles
Sluart ait été pris.—Ce coquin-là, dit le roi, mériterait
plus que tous les autres d'être pendu pour avoir amené
ici les Écossais.—C'est parler en honnête homme, » dit
le maréchal, et Charles remonta à cheval et reprit sa
rou te 1 .


Arrivé le 12 septembre à Abbolsleigh, près de Bris-
to l , chez Al. iNorion, cousin du colonel Cane, il
acquit bientôt la triste assurance qu'il n'y avait, dans
le port de Bristol, aucun navire sur lequel il put
s'embarquer, et il fut obligé de rester là qualre jours,
passant pour un jeune domestique malade, et enfermé,
à ce titre, dans une petite chambre où, sur la recom-


i Boscobd Tracts, p . 13d, 190. J 9 2 , 218,10-40 ; 13G-140 ;~223-22G ;
239-211.




A P TIF. S I,A TUTATT.T.K F ) F wDROF.STEIl. 170


mandalion de miss fjiine, on prenait de lui des soins
particuliers. Il était elîeeliveinent harassé et détail,
mais peu disposé à supporter patiemment la faim ou
l'ennui : le lendemain de son arrivée, il quitta de bonne
heure sa chambre pour aller chercher à l'office son
déjeuner; le sommelier de la maison, Pope, et deux ou
trois autres domestiques s'y trouvaient, et Charles y
resta, mangeant et buvant avec eux : « J'avais là , dit-il
lui-même, à côté de moi , un grand garçon, vrai cam-
pagnard , qui se mit, à raconter aux autres la bataille
de Worcester avec des détails tels que j ' en conclus qu'il
était un des soldats de Cromwell. Je voulus savoir com-
ment il était si bien instruit de ce qui s'était passé ià ;
i! me dit qu'il servait dans le régiment du roi, et je
reconnus, en le questionnant, qu'en elîei il avait été
dans le régiment de mes gardes. Je lui demandai alors
quelle espèce d'homme j 'é ta is ; il décrivit exactement
mon costume et mon cheval, et me regardant il ajouta
que le roi était de trois doigts plus grand que moi. Je
jugeai prudent do sortir de l'oflicc, de peur qu'il ne me
reconnût, car j'étais plus inquiet, le sachant un de mes
soldats,, que lorsque je le prenais pour un de mes
ennemis. » Charles était à peine rentré dans sa chambre
qu'un de ses compagnons y vint fort t roublé, disant :
« J'ai peur que le sommelier Pope ne vous ait reconnu ;
il m'a alfirmé que vous étiez Je roi ; j'tii nié absolument;
(pie faut-il faire? » Charles avait déjà appris que, dans
les situations périlleuses, la confiance hardie est souvent,
une sûreté aussi bien qu'une nécessité ; il lit venir le




180 AVKNTT'KKS D R P H A K I . K S If
sommelier, lui dit tout, et rend, de lin, pendant son
séjour eliez M. Norton, les soins les plus intelligents et
les plus dévoués '.


Mais les soins même les plus discrets sont des indices
compromettants; au bout de quelques jours, il fallut
caariger d'asile ; Charles partit d'AbboIslcigh le 11 sop-i tcnibrc pour aller, dans Je même comté de Somerset, à


; Trent-IIous^., chez le colonel Wyndham, royaliste
éprouvé. En 1036, six ans avant l'explosion delà guerre
entre CharlesI" et le Parlement, sir Thomas Wyndham,
pèrft du colonel, avait, sur le point de mourir, dit à ses
cinq fils : « Mes enfants, nous avons vécu jusqu'ici dans
des temps sereins et tranquilles; mais préparez-vous à
des jours d'orage ; je vous ordonne d'honorer et de
servir notre glorieux souverain et d'adhérer toujours à
la couronne : fût—elle suspendue à un buisson, ne l'a-
bandonnez jamais. » Les paroles du mourant furent
ohéics ; trois de ses lits et un de ses pelils-lils se firent
tuer pour Charles 1 e r sur les champs de bataille ; et le
colonel Wyndham, qui axait aussi servi avec honneui
dans l'armée ro \a ie , était, en 1051, prisonnier chez lui
sur sa parole. 11-reçut le roi avec un dévouement absolu,


'et se mit sur-le-champ à l'œuvre pour lui procurer,
dans quelqu'un des porls voisins, un moyen d'embar-
quement. Il crut y avoir réussi à Southampton ; mais
le bâtiment qu'il avait arrêté fut requis , par les agents
du Parlement, pour transporter des troupes à Jersey, l i i


i Pnxcobel Tracts, p , 54 , 108-110, 110-150, 243 .




A P R È S LA И Л Т А П . Г . К П К Y C O R C L S T E R . 181


patron do Lyme, nonimé Limbry, s'engagea, non sans
hésitation, à transporter à Saint­Malo quelques gentils­
hommes royalistes compromis à YYoreester ; tout fut
convenu, le prix, le jour, l 'heure, le lieu d'embarque­
ment ; Je bâtiment devait mettre à la voile le 23 sep­
tembre, de Cbarmouth, petit port voisin de Lyme, et
une chaloupe devait aller, pendant, la nuit, prendre,
sur un point, de la côte, les royalistes fugitifs. Charles,
guidé par Je colonel Wyndham, se rendit au point dé­
terminé, oîi lord Wilmot vint le rejoindre; ils attendi­
rent là toute la nui t ; la chaloupe ne vint pas. Le patron
Limbry, au moment d'embarquer ses effets pour partir,
avait vu éclater le désespoir et la colère de sa femme;
on avait, ce jour­Là même, à la foire de Lyme, proclamé
l'acte du Parlement qui promettait 1,000 livres sterl.
de récompense à quiconque arrêterait Charles Stuart,
et qui menaçait en même temps des peines les plus
graves quiconque lui donnerait asile. La femme de
Limbry, sans se douter qu'il s'agissait du roi lui­même,
déclara à son mari qu'elle ne soulfïïrail pas qu'il prît à
son bord aucun royaliste, ni qu'il l'exposât, elle et ses
enfants, à une ruine complète pour aucun de ces sei­
gneurs, n'importe lequel ; et avec l'aide de ses deux
tilles elle enferma son mari chez lu i , le menaçant, s'il
persistait, «l'aller sur­le­champ tout dénoncer au capi­
taine Macy qui commandait, à Lyme, une compagnie de
troupes du Parlement. Limbry céda aux craintes et aux
violences de sa femme. La situation du roi devenait
dangereuse ; la présence et les allées et venues de plu­


i . î . u




18'» AYi:XTT-RTv8 11E CITAT! T.ES Tl


sieurs étrangers à Cliarmouth avaient ('lé remarquées;
le cheval de lord Wilmol cul. besoin d'être l'erré; le
maréchal chez lequel on le conduisit dit en l'exami-
nant • « Voilà trois l'ers qui oui, été mis dans trois
comtés différents, et il y en a un qui vient du comté de
Worcester. » Des soupçons se répandirent; le ministre
puritain du lieu, républicain ardent, alla trouver l'hô-
tesse de l'auberge où s'était arrêté Charles : « Eh bien !
Marguerite, lui dit-i l , vous voilà donc tille d'honneur 1
—Que voulez-vous dire, monsieur le curé ?—Oui, Charles
Stuart a couché chez vous la nuit dernière et vous a em-
brassée en partant; vous ne pouvez manquer d'être tille
d 'honneur.» L'hôtesse se fâcha : «C'est une indignité
avons, monsieur le curé, de me mettre, par vos propos,
moi et ma maison, dans une telle peine ; mais si c'était
le roi, comme vous le dites, je penserais avec plaisir à
mes lèvres tous les jours de ma vie ; sortez de chez
mo i , je vous prie ; sans quoi, j'appellerai des gens qui
vous en feront vile déguerpir. » Charles quitta Cliar-
mouth en toute hâte ; mais en arrivant à liridporl, petite
\ille voisine, il trouva les rues encombrées de soldais ;
c'était Je régiment que le Parlement faisait partir pour
aller s'emparer de Jersey : « Qu'allons-nous l'aire? » dit
le colonel Wyndham un peu troublé; Charles avec sa
présence d'esprit accoutumée, et jouant toujours son
rôle de domestique, mit pied à terre, prit par la bride
son cheval et ceux de ses compagnons, et passant har-
diment à travers les soldais, rudoyé par euv et les ru-
doyant à son tour, il alla droit à la meilleure auberge




AI'KKS LA BATATT.LF. DK W O R C E S T E R . J83


du lion, ol ils n'en i-opiii-iii-oiil qu'après y avoir tran-
quillement diné. Pendant eo temps, à Charmoulh et
dans les environs, le bruit que Charles Stuart était la
avait pris de la consistance ; le capitaine Macy monta à
cheval avec quelques hommes de sa troupe, arriva a
toute bride à P.ridport, et avant, pris là quelques infor-
mations, se remit sur-le-champ à la poursuite des fugi-
tifs; mais à peu do distance de la ville, Charles et ses
compagnons avaient quitté la route pour se jeter dans
des chemins do traverse. Macy perdit leur trace; et do
village en village, ils regagnèrent le comté de Somerset
et la maison du eolonel Wyndham, partagés en Ire une
perplexité croissante et le plaisir du repos après le
danger 1 .


Charles passa encore onze jours à Trent-House, cher-
chant toujours, mais sans succès, un moyen d'embar-
quement; la nécessité de changer do résidence se lit de
nouveau sentir; le colonel Wyndham fut averti que sa
maison devenait de plus en plus suspecte; quelques
iron pes arrivèrent dans les environs. Le roi quittaTrent-
Itouse le (i octobre, pour aller prendre refuge à Ileale-
ilouse, chez rnistriss lJyde,dans le Willsbire, et se trou-
ver ainsi plus près des petits ports du comté de Sussex,
où ses amis se flattaient de lui procurer un bâtiment. Ils
y réussirent enfin, et, le 1 J octobre au matin, Charles
sortit do sou dernier refuge, escorté de quelques roya-


» Boscobd Travis, y. 5 7 - 0 7 , 112-119 • 1 5 1 - 1 5 5 , 2 1 1 - 2 - 1 8 , 2 7 8 -
3 9 5 .




181 A V E N T U R E S \W. ("'IlARLES 11


listes du pays qui emmenaient leurs chiens, comme
pour une partie de chasse dans les dunes. Ils couchèrent
à Hambledon, dans le Ilampshire, chez un beau-frère
du colonel Gunter, l'un des guides du roi ; et le maître
de la maison, en rentrant chez lui, s'étonna d'y trouver
à table des hôtes inconnus dont la gaieté allait, dit-on,
un peu au delà d î m e hilarité décente. Les cheveux ra-
sés de Charles et quelques paroles que le roi prononça
en l'entendant jurer redoublèrent sa surprise; il se pen-
cha vers son beau-frère, fui demandant si cet homme
ne serait pas le fils de quelque coquin de tète-ronde. Le
colonel le rassura; il prit place à table avec ses hôtes, et
porta gaiement une santé au roi en lui disant : « A vous,
frère tête-ronde! » Ils se rendirent le lendemain, I l oc-
tobre,à Hriglilhelmstone, près deShoreham où devaient
se trouver le patron du bâtiment et le négociant roya-
liste qui l'avait engagé. Ils étaient tous à table dans une
auberge du l ieu; le patron, AntoineTcttersall, portait
et reportait à chaque instant ses regards sur le roi ; après
le souper, il lira à part le négociant : «Vous n'avez pas
agi loyalement avec moi ; vous m'avez donné un très-
bon prix pour emmener ce gentilhomme; mais vous ne
m'avez pas tout dit; c'est le ro i ; je le connais bien. » Le
négociant l'assura qu'il se trompait. « Je ne me trompe
pas ; en 1018, il a pris mon bàlimonl à Drighthehnslono,
avec beaucoup d'autres bateaux pêcheurs, quand il com-
mandait la flotte du roi son père; mais ne vousinquié-
lez pas; je sais que je sers Dieu et mon pays en sauvant
le roi; avec la grâce de Dieu, je risquerai ma vie pour




Л P l i E s L A H A T A I L E E I1E W O R I ' E S T E R . 1 8 3


lui, ft je l'amènerai sain et sauf sur la côte de France.)!
Au même moment, dans un antre coin de la salle, le
maure «le l'auberge s'approcha du roi qui était debout
auprès du feu, la main appuyée sur une chaise, et lui
biaisant la usquoment la main : « Que Dieu vous protège
partout où vous irez! lui dit­il; je ne doute pas main­
tenant qu'avant de mourir , je ne devienne un lord et
ma femme une lady. » Charles sourit, passa dans une
autre chambre, se confia pleinement à l'aubergiste;
et le lendemain, Ci octobre, à cinq heures du matin, le
roi el lord Wilmot (Haientà bord d'un petit bâtiment de
soixante tonneaux qui n'attendait que la marée pour
sortir du port de Shoreham. Dès qu'ils furent en pleine
mer, le patron Tellersalt entra dans la cabine où se te­
nait le roi, se jeta à ses genoux, lui baisa la main, et
protestant de son dévouement, lui demanda, pour pré­
venir toute difficulté, d'engager lui­même les hommes
de son équipage, qui ne se croyaient embarqués que
pour h;port anglais île Pool, à faire voile vers la côte de
France, en se donnant à eux pour un négociant endette
qui craignait d'être arrêté en Angleterre et allait cher­
cher de l'argent à Rouen, (maries s'y prêta volontiers,
et sut plaire aux matelots qui insistèrent eux­mêmes au­
près du patron pour qu'il se détournai de sa course en
faveur doses passagers. Ce lemps était beau, le vent fa­
vorable, et le Hi oclobre.à une heure après­midi, la cha­
loupe du bâtiment jétale roi et lord Wilmot dans le port
de Fécamp. Ils se rendirent le lendemain à Rouen, si
mal vêtus et de si таил aise mine que, dans l'auberge où




1R6 KETCH' K HE O H O M W E I . I ,


ils se présentèrent, on liésila a tes recevoir, les prenant,
pour des malfaiteurs. Charles envoya chercher un né-
gociant anglais établi à Rouen, et écrivit sur-le-champ a
la reine sa mère qui était, à son sujet, dans la plus vive
angoisse; les bruits les plus contradictoires avaient cir-
culé; on l'ayait dit tantôt (iris par les soldats de Crom-
vvell, tantôt débarqué en Hollande. Dès qu'on le sut a
Rouen, les réfugiés anglais aflluèrenf vers lui; il en par-
tit le 29 octobre, et le 30 il rencontra d'abord, àMagny,
le duc d'York son frère, puis à Monceaux, près Paris, la
reine sa mère, le duc d'Orléans son oncle, avec un grand
nombre de gentilshommes anglais et français, venus à
cheval au-devant de lui, et il rentra le soir même au
Louvre, sauvé de tout, péril el vaincu sans espoir 1.


Il avait erré pendant quarante-deux jours à travers
l'Angleterre, successivement caché dans huit asiles dif-
férents; quarante-cinq personnes de toute condition,
donl les noms sont connus, et sans doute plusieurs au-
tres qu'on ignore, avaient su qui il élait el où if était.
Pas une ne trahit, môme par une indiscrétion, le secret
dosa présence ou doses mouvements. Un dévouement
sincère donne aux plus simples de l'habileté et aux plus
faibles de la vertu.


Pendant, que Charles éprouvait, ainsi à la fois les ri-
gueurs de sa desl i née et la fidélité de ses amis, Cromvvell


i BoseobA Tracts, p . 07 -"3 ; 1 l!)-l->-¿ ; 100-133 , 231 259 ;—Claren-


d o r , Rtate-Vaper*. t. I I ! , p . 30 , 3 1 ; — B a i e * . Elatvlwx motuum mur.


roruw, p- 226-266 .




A l , n \ n i î F , S <U s p r T K M W R K 1(551). 187


rentrait trinurphalenienl dans Londres, précédé des pri-
sonniers qu'il avait faits et entouré des officiers qui
avaient vaincu avec lui. Les quatre commissaires délé-
gués par le Parlement allèrent, le 11 septembre, à sa ren-
contre jusqu'au delà d'Aylcsbury : « Nous venons, lui
dirent-ils, au nom du Parlement, féliciter Votre Seigneu-
r i e de l'heureux rétablissement de sa santé après sa dan-
gereuse maladie ; vos infatigables efforts en Ecosse pour
le service de la République, votre zèle à poursuivre l ' e n -
nemi quand il s'est enfui e n Angleterre, les périls aux-
quels vous vous èles exposé, notamment dans la récente
bataille de Woreesler, l'habileté et la tidélite avec les-
quelles vous avez conduit cette grande affaire que le
Seigneur a couronnée d'un si glorieux succès, tous ces
mérites de V. S. ont déterminé le Par lementa vous en
témoigner par notre bouche, avons et aux officiers et
soldats qui ont servi sous vos ordres, sa profonde satis-
faction et sa cordiale reconnaissance. Maintenant que,
par les bénédictions de Dieu sur V. S. et sur farinée,
l'ennemi esl si eompiélomenl détail, et que l 'état des
affaires, e n Angleterre comme en Ecosse, dispense V. S.
de tenir plus longtemps la campagne, le Parlement dé-
sir»; que, pour l 'entier affermissement de votre saule,
vous preniez tout le repos que vous jugerez nécessaire, et
qu'à cet effet vous fixiez votre résidence à peu de dislance
de Londres, afin (pie, dans les importantes délibérations
auxquelles il a à se livrer pour l'établissement définitif
île celle Republique, le Parlement puisse avoir le secours
de votre présence et de vos conseils. » A l'entrée do




188 R E T O U R DE C R O M W E I . I ,


Londres. Crormvcll trouva t(Mitris l'orateur dn Parte
ment avec tin grand nombre do membres, le président
dti eonseil d'Etat . le lord maire et les aldermen de In
Cité, et plusieurs milliers de citoyens notables qui rac-
compagnèrent à Wbiteball, au bruit des décharges d'ar-
tillerie et des acclamations populaires; et lorsque .
quatre jours après, il répand, pour la première l'ois à la
Chambre , l 'orateur lui renouvela les rernercîments
solennels du Parlement el du pays 1 .


Cromwell recevait tous ces honneurs avec une mo-
destie pieuse, parlant peu de lui-même et reportant a
Dieu d'abord, puis à ses soldats, le mérite de ses succès.
Cependant, à travers son humilité , perçaient les élans
d'une joie orgueilleuse et mal réprimée; sou alîabililé
avec les commissaires que le Parlement avait en-
voyés à sa rencontre fui empreinte de magnificence
et de grandeur; il fit présent à chacun d'eux de très-
beaux chevaux et de quelques-uns des prisonniers de
marque qu'il menait à sa suite, et qui ne pouvaient
manquer de se racheter à haut prix. Whitelocke en eut
deux pour sa pari, et les renvoya sans rançon. Crom-
well cheminait.lentement, recueillant, sur sa roule les
hommages de la population, s'arrèlant même quel-
quefois pour prendre part aux chasses des gentilhommes
qu'il rencontrait. A Aylesbury, on remarqua qu'il
s 'entretint longtemps à part avec le grand juge Saiul-


1 Journal* of the Ilouse of commom. t. V I I . p . 13, 1 8 ; — W l i i t - -


l o c k e . p . 509 .




A L O N D R E S fil S F . P T K M H K K 1651). 189


John, l'un des commissaires cl aussi l'un fie ses plus
intimes afflues. Son air, ses manières, son langage, sem-
blaient subir une transforma lion naturelle; et Hugii
l'elers, sectaire sagace, déjà accoutumé a le com-
prendre et à le servir, dit en le regardant : « Cet homme
là se fera roi '. »


La fortune do Croimvell s'étendait sur ses lieutenants:
en quittant l'Irlande d'abord, puis l'Ecosse, il avait laissé
dans l'une Irolon, dans l'aulreMonk, l'un républicain,
l'autre royaliste au fond de l'âme, mais tous deux sensés,
habiles et rudes, très-propresà poursuivre une œuvre do
guerre et de gouvernement par l'épée après la victoire,
ils obtinrent l'un et l'autre un plein succès. Monk ren-
contra sur quelques points , entre autres au siège de
Dundee, une résistance acharnée; breton continua te
système de rigueurs cruelles que Cromwcll avait prati-
q u e , et mourut du typhus 4 , après le siège et la prise de
Liminerick. .Mais, à la lin do l'année 107>1, l'Irlande et
l'Ecosse étaient soumises; Ormond, dès l'année précé-
dente, avait repassé sur le continent* ;los montagnards
écossais, hors d'état de rien entreprendre , défendaient
a grand'peino , dans leurs âpres retraites, un reste
d'indépendance. En même temps, les vaisseaux el les
troupes du Parlement avaient fait rentrer sous son
pouvoir les îles do Jersey, de Cuornesey, de Scilly,


1 W h i t e l o c k c , p. 500 , — Mémoires de Lud.iow, t. XI, p . 185, daim


ma Collection; — C a i l y l i ; , (.'romweil s Letiecs, t. I l , p . 148.


* Le 27 n o v e m b r e 1051 .
5 Le J..I i l é e u m b r c 1050.


11,




1 9 0 T R I O M P H E C O M P L E T D E I ,A R E PI ' B E I Q U E .


de Man, derniers refuges de Ja domination royale; les
principales colonies lointaines, la Nomelle-Angleterre.
la Virginie, les Barbaries, s'étaient empressées ou auu'euf
été contraintes d'accepter le nouveau régime de la mé-
tropole ; et peu de mois après la balai lie qui avait con-
sommé, en Angleterre, la défaite de la royauté, le Par-
lement républicain , dans le nouveau , comme dans
l'ancien inonde, était maître de tous les territoires an-
glais 1 .


l Jovrnah ofthtHome of nommons., t. VII , p . 3 1 , 35 , 02 , 90, 1 2 1 ,
1 7 : 2 ; — W b i i o l o c k e , p . 523 , 5 2 7 ; — C l a r e n i l o n , Bist. of the RebeV.ion
1. x n i , c . 110-173 .




LIVRE III
I m p r e s s i o n s p r o d u i t e s , s u r l e c o n t i n e n t , p u r le p r o c è s e t l ' e?a . ; e t i t ion de


C h a r l e s \pt. — A s s a s s i n a t d e l l o n s l a u s a la H a y e e t d ' . U c l i a t n à M a d r i d , —
A t t i l a d e r é c i p r o q u e d e s L i a i s da c o n t i n e n t e l d e l a l i e p u b l i q u e d ' A n g l e t e r r e .
— D é v e l o p p e m e n t e t s u c r e s d e la m a r i n e a n g l a i s e . — M a u v a i s e p o l i t i q u e e x -
t é r i e u r e d u P a r a n i e n t r é p u b l i c a i n . — R i v a l i t é d e l a F r a n c e e t d e l ' L s p a g n e
d ; ins leui-s r e l a t i o n s a v e c l ' A n g l e t e r r e . — L ' K s p a g n e r e c o n n a î t la R é p u b l i q u e .
d ' A n i ù e l e r r e . — R e l a t i o n s d o l ' A n g l e t e r r e avec; l e s P r o v i n c e s - U n i e s . — A m -
b a s s a d e u r s a n g l a i s a l a H a y e . — A m b a s s a d e u r s h o l l a n d a i s à L o n d r e s . — L e u r
m a u v a i s s u c c è s . — N é g o c i a t i o n s d e M a / a r i n à L o n d r e s - — L o u i s X I V r e c o n -
nci t l a R é p u b l i q u e d ' A n g l e t e r r e . — G u e r r e e n t r e l ' A n g l e t e r r e e t l e s P r o v i n c e s -
C n i e s . — Ï J l a k e , T r o m p e t ftuyter.—Succès a l t e r n a t i f s . — E t l ' e t s de la g u e r r e à
l ' i n t é r i e u r .


\ ietoriouse, cliez elle, de ses ennemis, la République
n'élail encore, avec les États étrangers, ni en paix, ni
en guerre.


Le procès et l'exécution de Charles f e r émurent forte-
ment l'Europe. Celait la seconde fois, dans le cours de
soixante ans, que la royauté tombait en Angleterre, sous
la bacile du bourreau. C'était la première l'ois que la
souveraineté populaire et la République étaient pro-
clamées el. mises en pratique dans un grand Étal chré-
tien. La surprise, la curiosité inquiète, la pitié, l ' indi-
gnation furent générales. Dans les pays protestants, on
sentii le besoin de laveria Réforme du reproche d'avoir
poussé ou contribué à un tel allentai.. En Allemagne,
en Danemark, en Suède, en Hollande surtout, les pré-
dicateurs s'empressèrent de témoigner avec éclat leur




W E F F E T S T)T' P R O C È S D E C H A R T E S 1 "


réprobation; les chaires relenlirent de malédictions
contre les sectaires anarclnques et sacrilèges; le clergé
de la Haye se rendit en corps auprès de Charles lf. et
lui exprima solennellement sa douleur et son horreur.
Le sentiment du peuple répondait à. ces manifestations
de l'Eglise; les détails du procès et de la mort de
Charles I e r étaient recueillis et propagés avec un pieux:
respect; une femme de la Haye accoucha et mourut ,
saisie d'effroi, en tes entendant raconter. Les représen-
tants ou les partisans des meurtriers royaux rencon-
traient, dans iesrues, l'aversion et l'insulte; par instinct
populaire, par conscience chrétienne, par sagesse poli-
tique, la Hollande protestante et républicaine repoussait
toute apparence d'indulgence pour cet acte inouï, plein
de péril social comme d'iniquité '.


Dans les pays catholiques, en Espagne, en Portugal,
en Italie, dans l'Allemagne méridionale, l'impression
fut de nature différente, mais non pas moins forte. Le
clergé et le peuple virent, dans le sort de (maries I L T, la
conséquence naturelle de l'hérésie, et un coup delà
justice de Dieu qui punit les uns par les autres, quand
ils se séparent de son Eglise, les peuples et les rois.
L'attentat excita une aversion profonde, avec moins de
surprise que dans l'Europe protestante, et peut-être
aussi avec moins de sympathie et de douleur.


En France, les impressions étaient plus mêlées ; au


1 C l a r e n d o n , Hist. nf the Rébellion. !. Ï I I , r. 1 ; — \Vie<[uefor>. ,


Histoire des Provinces-Unies, t. IV, p . 1 0 5 ; — W h i l e l o c k e , p . 386-390,




S U R f.K C O N T I N E N T . 193


moment même ou la monarchie pure était près d'y pré-
valoir, l'esprit de rél'orine et de liberté politique tentait
un effort sincère et vif, quoique superficiel et vain. Le
Parlement d'Angleterre trouva, dans la Fronde, bien
des admirateurs; ou accueillait ses maximes, onobservaii
ses actes avec une complaisance empressée, et plus d'un
pamphlet proposa la Chambre des communes et la Cité
de Londres pour exemple au Parlement et aux bourgeois
de Paris. Mais le procès de Charles 1 e r, la mutilation vio-
lente de la Chambre des communes, l'abolition de la
Chambre des lords et l'établissement, tyranuique de la
République donnèrent en France, au sentiment royaliste
sur les affaires d'Angleterre, un ascendant en harmonie
d'ailleurs avec le cours des affaires françaises, et que les
desordres prolongés de la fronde et les relalions de ses
chefs avec les républicains anglais affermirent, au lieu
de l'ébranler. La révolution d 'Angleterre, loin île sé-
duire, exciia dès lors une réprobation mêlée d'alarme;
elle fut ailaquée dans une multitude de pamphlets;
Jeanne d'Arc fut remise en scène exhortant les Fran-
çais à prendre les armes pour aller venger, sur les par-
ricides Anglais, la cause des rois ; etle public de France,
toujours spectateur avide des événements, ne ressentit,
pour ceux qui se passaient en Angleterre, qu'une cu-
riosité sans sympathie.


Peux hicideuls tragiques donnèrent, de cet état de
l'opinion européenne, une éclatante démonstration.


Le ;t mai Iti-io, le docteur Isaac Dorislaüs, nal if de
Hollande, mais établi depuis longtemps en Angleterre




"lot A S S A S S I N A T l iR I I O I I I N L A T ' N A T A H A Y E 3 M A I I C I ' , ) :


cl l'un des jurisconsultes employés à drosser l'acte d'ac-
cusation de Charles L r , arriva à la Haye, envoyé par le
Parlement, en qualité d'adjoint à Wallcr Striekland.
résident de la République auprès des Provinces-Liues,
Il soupait tranquillement ce jour-là môme, avec plu-
rieurs personnes, à l'auberge du Cygne, lorsque six
hommes masqués arrivèrent devant la maison; deux
eu gardèrent la porte; les autres entrèrent, éteignirent
la chandelle allumée dans le vestibule, et paraissant
tout à coup dans la salle à manger , ils engagèrent les
assistants à n'avoir aucunecrainle, car ils n'en voulaient,
diront-ils, qu'au représentant et au complice des assas-
sins du roi ; ils arrachèrent Dorislaùs de la table, le biè-
re ni, à coups d'épéo, et remettant froidement leurs épées
(tans le fourreau, ils rejoignirent leurs compagnons
dans la rue , et sortirent de là Haye sans que personne
eut le temps ou la volonté de les arrêter


Environ un an après, dans les premiers jours de mai
li'iM», Antoine Ascham, écrivain assez obscur, qui avait
poussé au renversement de la monarchie et au procès
du roi, débarquait à Cadix, envoyé auprès du roi d'Ls-
piigne par le Parlement. 11 avait, en partant do Londres,
l'esprit frappé du sort de Dorislaiis, et il laissa voir au
chargé d'affaires de France, Croullé, toute son inquié-
tude. A son arrivée à Cadix, le gouverneur, le duc de


> W i c q u e f o r t , Histoire de» Provinees-Ï'rries, t. I V , p . 1 5 7 ; — I . e
C l e r c . lThi»ire de.-, Prorinre^-T' mVs. t. I I , p.'211, — O n r o n d o » , Uixl.
ufthe Rébellion. I. x n , r . 23-20:-— W h i i o k « . k e , p . 308, lui ;—Joarit:iU
„i L'ne, House of comiitvm, t. V I , u. 200.




!•:'!' n ' A S r i l A M A MA DRU') i ( ! j t d » 1050-. 105


Mcdma-Cfeli, li! plaça sons la garde du colonel don
Itiego de Moreda cl de deux capîtainesqni l'urenl chargés
de l'escorter jusqu'à Madrid et de ne le quitter qu'après
l'y avoir établi on toute sûreté. Ils y arrivèrent le ri juin,
et soit négligence, soit mauvais vouloir, les officiers
espagnols, après avoir conduit Ascham dans une pelile
auberge, l'y laissèrent seul et allèrent se loger ailleurs,
Le lendemain, vers midi, Ascham était à table avec sou
secrétaire Rivas, moine franciscain renégat; un homme
entra; Ascham alla à sa rencontre, le prenant pour un
ami; mais à la vue de trois au Ires inconnus qui cu -
iraient, aussi, il se rejetait vivement en arrière pour
saisir des pistolets places surunetable , quand le premier'
verni, l'appelant traître, le retint par les cheveux el le
frappa à mort de plusieurs coups de stylet. Son secré-
taire Rivas, essayant de se sauver et criant au secours,
lut aussi tué à l'instant; un domestique anglais s'échappa
seul et répandit l 'alarme; les quatre meurtriers sorti-
rent de la chambre, rejoignirent deux de leurs compa-
gnons qui les attendaient à la porte, et s'éloignèrent
sans obstacle pour aller se réfugier, l'un dans l'hôtel de
l'ambassadeur de Venise, les cinq autres dans l'église
voisine <le l'hôpital de Saint-André l .


A Madrid comme à la Haye, la rumeur publique, et


» T h n r l u e . ShiU:-Pap"rs. i. I, p. U8-iQ2 ; — C l a r c n d m, Ffist. of
the Rébellion, 1. <•• 8-11;—Croulli '- à M a / a r i n ,30 j u i n 1050i ;—


.•11 rliiees lit": Aifuirn rirn,»jhe* 'le Fr'iive .Documents historiques,
i r 11 ,— l'o'i- //''»«.. t. X I X , p . 2M5 ,— Jour indu oflhe Uouse of coin
mous. t. V I , p. -107,




196 F R O I D E U R D E S G O U V E R N E M E N T S


l'inquiétude des deux gouvernements hollandais et espa-
gnol, furent très-vives; le Parlement républicain res-
sentit, comme on devait s'y attendre, ces sanglants ou-
trages ; il témoigna, par des honneurs publics, sa sym-
pathie pour les deux victimes; Yane lit, sur l'assassinat
rie Dorislaiis, un rapport solennel 1 ; le corps fut trans-
porté à Londres, et enseveli dans l'église de VYesl-
minsler,le Parlement tout entier assistant aux obsèques".
Des témoignages analogues, quoique moins éclatants,
furent rendus à Ascham : on donna aux deux familles
des pensions et des emplois. On fit on même temps, et
I on renouvela à plusieurs reprises, à la Haye et à Madrii I,
des démarches pressantes et quelquefois menaçantes,
pour obtenir justice des assassins. Les deux gouverne-
ments la promirent et essayèrent delà rendre ; les rneur-
t ri ers étaient connus ; ceux de Doridaiis étaien t des com-
pagnons de Montrose ; ceux d'Ascham, des Cavaliers
anglais réfugiés à Madrid, et parmi eux se trouvait un
domestique de ta maison de lord Cotlington et de Uyde
qui résidaient alors à Madrid, comme ambassadeurs de
Charles IL Mais à la Haye, on n'arrêta personne; a
Madrid, quoique l'autorité civile eût fait enlever les
meurtriers de leur asile, I Église réclama ses privilèges,
et le conflit prolongé entre les deux juridictions aboutit
a l'impunité des assassins; un seul, qui se trouva pro-
testant, fut abandonné au bras séculier et pendu. Eu


i Le 1J m a i 16-19.


' Lu 11 j u i n 16J0 .




D F H O L L A N D E F,T D ' E S P A G N E , 197


Hollande et en Espagne, le sentiment populaire les pro-
tégeait; ils a\aieid, disail-on, puni par le meurtre de
bien plus grands rneurlriers : loin de témoigner, de leur
action, aucun repentir, ils s'en taisaient gloire; ceux
qui avaient tué Asehani répondirent aux magistrats de
Madrid qu'ils l'auraient tué en présence du roi d'Es-
pagne s'ils n'en avaient pas trouvé une plus prompte
occasion. El l'indulgence cachée des gouvernements
connivait avec le sentiment populaire; ils poursuivaient
le crime par convenance OLÍ par crainte, mais sans désir
sérieux d'atteindre les criminels : quelques semaines
anrès l'assassinat d'Ascham, dans une conversation avec
lord Eolfingion et llyde, le premier ministre espagnol,
don Louis de Haro, n'hésitait pas à leur dire : « Je porte
envie aux gentilshommes qui ont t'ait une si noble ac-
tion ; quoi qu'il puisse leur en arriver, ils ont vengé le
sang de leur roi ; si le roi mon maître avait des sujets
aussi résolus, il n'aurait pas perdu son royaume de
Portugal '. »


Mais bien plus encore au xvu° siècle que de nos jours,
les politiques s'inquiétaient peu que leurs actes fussent
en accord avec leurs seutimenls réels et leurs paroles in-


1 Journah vfthe Jlmise nf cemmons. 1. V I , [>. 209 , 2 1 1 , 3 1 3 ; —


rarl.llisi., I. .XIX, ] . . 2 8 0 - 2 S 7 : — L e C l e r e , Fisl. des Provinces-Unies,


t. TI, | ) . 272 ; — W i e q u e i o r t , Hist. des Provinces-Urnes, t. IV , ]r. 158;


— C l a r e n d o n , Hist. ,,[ the Rébellion , 1. x m , c . 11-10 ; — Délibc


coio'.es au. conseil d Etat de Madrid, svr les jiroceidares à l'occasion dn.


nirurtce d'Ascham ( juiJÎ et o c i o h r o 1 ( 1 0 0 ) ; — Lettre de Carderías


a don Gerónimo de la Torre, sur le même sujet (20 d é c e m b r e 1650'


% Archiva de Simancas', (Documents historiques, n" I I I ] ,




10« AT H T ! ' D E D E I.A rOT.'K DE E T A N T E


times : autan! Je public, sur le rouf inouï, laissai! éclater,
envers les républicains juges de Charles F' , son mauvais
vouloir, aidant les gouvernements, par calcul ou par
crainte, si; montrèrent indifférents et réservés. Les am-
bassadeurs hollandais qui avaient été envoyés à Londres
pour tenter de sauver le roi,deniandèrenl, après samorl.
qu'on ne publiât rien de leurs démarches auprès du Par-
lement ; et si l'un d'eux , Adrien Pauvv , quitta sur-le-
champ l'Angleterre, l 'autre , Albert Joachim, coulinua
d'y résider. Anne d'Autriche et Mazaiïn avaient j u g é
convenable que le jeune roi de Fiance fit, pour la viedu
roi son oncle, quelque effort; LouisXIVécrivit àCrom-
welJ et à Faii'fax deux lettres solennelles 1 ; niais avant
même que M. de Varennes, chargé de les porter, eût
quitté Paris , Charles P r étail evéculé. SI. de BelJièvre
alors ambassadeur de France à Londres, ne tenta rien en
sa faveur; il ne demanda pas même à le voir : on en té-
moigna quelque surprise à Paris, dans le conseil du roi ;
mais Bellièvre y fut défendu et approuvé : «Je vois le
besoin que j 'ai eu de voire protection, écrivait-il le 21 lé-
vrier 1019 à M. Scrvien, et la bonté avec laquelle vous
me l'avez départie... Je crus qu'il valait mieux être blâmé
pour n'avoir point rendu un office que chacun pouvait
juger ne devoir produire aucun effet pour le roi d'Angle-
terre, que d'élre coupable du mal que cet office aurait
pu causer aux affaires du roi; car, comme vous le con-
naissez très-bien, monsieur, on est ici si soupçonneux;


l L e 2 l é v r i e r 1610. (Document* historique*, u*> IV'




i ; \ ' V K I ; S | ,A K K P r n i . I Q I ' K . W!>


pour ce qui est de la France, <|u<.'. cequi serai! nidifieront
en d'autres est déclare criminel quand il vient de notre
part ; et comme, des étrangers, ils ne craignent que
nous, ils prennent tellement garde à nos actions et à nos
paroles, ipic le moindre témoignage du ressentiment
qu'on doit avoir de ce qu'ils ont tait serait capable de
faire faire l'alliance avec l'Espagne; et c'est cette con-
naissance, jointe aux ordres généraux que j 'ai toujours
reçus de ne point irriter ces gens-ci, qui m'a fait résoudre à en agir comme j 'ai fait Je ne saurais me repentir
d'avoir été trop circonspect, me trouvant maintenant
forlitié de votre avis 1 . »


Après l'exécution de Charles h 1 , Beflièvre persista
dans sa circonspection : « S'il y avait ici une cour, écri-
vait-il, il ne nie faudrait point d'autre règle pour le
temps de prendre le deuil el la manière de le porter;
mais cela n'étant pa s , je crois devoir attendre ce qu'il


\ O I I S plairanfen ordonner*. » On lui ordonna de prendre
le deuil el de partir; on ne voulait pas plus reconnaître
la République d'Angleterre que l'irriter. I!eliiè\re parfit,
mais seulement au bout de trois mois ' , et en laissant
a Londres son secrétaire Croullé , chargé de veiller,
quoique sans caractère officiel, aux intérêts de la France.
Les dernières relations de l'ambassadeur avec le Par-


i Yv'icquoi'ort, Histoire des Provinces-Cmei, I. I V , p. 162s—Ma>'
nuscrils de, Br'fMie, h la Bibl i i»thOcjuo i n i j . c r in l f ; — Archives des
Affoiecs étrniuicres de h'rouée.


- Le; p r é s i d e n t iio Iii.>ili<''vri; ,i VI. S c r v i o n , 8 f é v r i e r .1619. [A.r-


Jiires îles AU'oiees étrangères de France.)


'•s £.'ii m a i il) l'J,




2 0 0 A T T I T U D E D E I.A O O I I i n ' E ' U ' A O X E


leuient furent difficiles ; il essuya, mais on vain, d o b -
lenir ses passe-ports sans prendre congé; ill'nl obligé do
faire u n i ! \isile à î'oraleur, qui o n rendit, compte à ht
Chambre : « Il n ' y a point ici, écrivait IJellièvre, de pe-
tites affaires ni de promptes expéditions, surtout quand
il se parle de la France , et en ce temps où ceux qui
gouvernent sont si jaloux de celle nouvelle autorité cl
peu entendus en ce qui leur en peut acquérir ou con-
server à l'égard des étrangers , que toutes choses leur
l'ont ombrage , et qu'ils oublient ce qui est d û , de


crainte d'en trop faire De plus, si incertains dans
tours résolutions qu'ils sont capables de passer en un
instant d'un compliment, à une injure , comme de
l'offense à un excès de civilité l . »


La cour de Madrid témoigna à. la nouvelle République
plus de ménagements encore que celle fie Paris, car elle
laissa à Londres son ambassadeur, don Alonzo de Car-
deiias, sans renouveler d'abord ses lettres de créance,
niais en l'autorisant coulidcntiellement à continuer ses
relations avec le Parlement républicain. C'était, pour
don Alonzo, une situation moins difficile que pour tout
autre, car depuis longtemps déjà, froid ou même mal-
veillant pour Charles I e r , il avait cultivé la faveur des
meneurs révolutionnaires, et il s'était établi, entre eux
et lui, un échange de bonnes dispositions dont la po-
litique espagnole se promettait do profiler K


L'empereur el les princes d'Allemagne, le roi de Da-


1 Eo S avri l 1010. (Archive* des Affaires étrangères de France,'


- Lettres de Oardchas aurai PhilippeI V (15 j a n v i e r ut 18 f é v r i e r




ET DES C O U R S D U N O R D E N V E R S LA R E P U B L I Q U E . 201


ncmark, la reine de Suède manifestèrent avec moins de
réserve les senlimenls que le Parlement républicain et
sesactes leur inspiraient; mais, seul entre les souverains
de l'Europe, le czar de Russie, Alexis Alichaelowitz, père
de Pierre le Grand, rompit tout lien avec la République
révolutionnaire, et chassa les négociants anglais de ses
États'.


Tord n'était pas fait, pour les puissances du conti-
nent, quand elles avaient pris ainsi, envers le Parle-
ment républicain, une attitude incertaine etexpectante;
elles avaient aussi à régler leurs relations avec le roi
proscrit; et ici leurs pcrplexitéset les faiblesses incohé-
rentes de leur conduite furent encore plus grandes.
Charles II vivait au milieu des souverains de l'Europe,
tantôt auprès du prince d'Orange, son beau-frère, tan-
tôt à la cour du roi de France, son cousin germain; la
reine d'Espagne, Elisabeth de France, était sa tante ; il
pouvait invoquer, et il invoquait en effet partout les
liens du sang aussi bien que l'intérêt et l'honneur com-
muns des rois. Il envoya à Madrid lord Collington el
llyde, à Moscou lord Colepepper, à Ratisbonnc lord
Wilmot, en Pologne M. Crol'ls. Les souverains et leurs
ministres se trouvaient sans cesse en présence de ses
droits, de ses espérances, de ses demandes, de ses plaintes,


ii;19'; — Délibération du conseil d'État de Madrid, sur les Lettres de


Carileûas (13 m a r s 1019); —Arclc iees de Sirnancas (Documents liisto-


ïiaues, n ' V ) , — Ciar i judon . Hist. oftheltebellion, 1. x n . <\ 108.


' W i u q u e l o r t , Histoire des rrurinecs-l'iurs, 1. IV, p. 1 5 0 ; — C l a -


rendun , llùl. oflhe Rébellion, l . x i . c . ¿50-251 Uîlo.rku, p. 100.




m À F T I T l T)E ÎIF.S n ) T r R S IVÏ, CONTTXF.XT


do ses agents. Rien ne pèse plus a la puissance que l'as-
peel des inforiunesqii'cllene veutpas secourue! qu'elle
est lenue de respecter; niais elle est habile à se déli-
vrer, à peu de trais,de ce fardeau. Guillaume d'Orange
seul fut, pour Charles Stuart, un ami chaud et actif;
c'était un jeune prince ambitieux, impérieux, enclin
aux entreprises violentes et au pouvoir absolu, mais d'un
cœur noble et sincère; pour relever la fortune de son
beau-frère, il se consuma en efforts et en sacrifices trop
bornés pour être efficaces et que sa mort inattendue
vint bientôt arrêter. Excités parleur stadthouder et par
le sentiment populaire en Hollande, les États généraux
des Provinces-Unies donnèrent a Charles de grandes
marques d'intérêt et de respect; à la nouvelle de la mon',
du roi son père, ils se rendirent en corps auprès de lui
pour lui offrir leurs condoléances, et le grand pension-
naire Van Client, dans sa harangue,l'appela Sire et Voire
Majesté ; mais ces mois furent prononcés avec quelque
embarras et. à voix basse, comme ne voulant pas se trop
compromettre avec la République naissante en recon-
naissant avec éclat le nouveau roi. La cour de France
jugea <pie c'était bien assez de donner,à la veuve et aux
enfants de Charlesl", un asile et unepeusion; elle s'abs-
tint de toute autre démarche, et Charles il n'en reçut, à
la mort du roi son père, ni lettre, ni message, aucune
marque de sympathie ou d'appui. Le roi d'Espagne,qui
n'avait pas à répondre de la présence des Stuart dans
sesElats . crut devoir écrire à Charles II une lettre de
condoléance amicale où il lui donna le titre de roi; mais




ENVFR< CirAHT.KS IT DAN"S L L X Î L . 2()3


oiJo PO fil longtemps attendre ; et. lorsque Charles, on
(|oilliiol la Haye pour se rendre à Paris, traversa les Pays-
Bas espagnols, il hit reçu à Anvers et à Bruxelles avec do
grands honneurs; on lui fit présent d'un beau carrosse
et de six beaux chevaux; on lui prêta quelque argent;
l'archiduc Léopold et l'ambassadeur d'Espagne en Hol-
lande, Antoine Brun, lui tinrent , dans leurs conver-
sations intimes, des propos encourageants; mais ils pre-
naient en même temps des précautions minutieuses pour
enlever à ces démonstrations toute valeur politique et
pour les représenter comme île simples actes de conve-
nance. La cour de Madrid leur interdit absolument
toute démarche, foute parole qui pourraient être con-
sidérées à Londres comme une déclaration positive en
faveur du roi; on leur enjoignit même d'antidater quel •
ques lettres qui semblaient offrir ce caractère. On vou-
lait bien rendre à (maries II des égards et des services,
pourvu qu'ils fussent vains et qu'on gardât , entre lui
et te Parlement républicain, une stricte neutralité 1 .


i C l a r e m l o n , llist. oflhe Rébellion, I. xu, c . 35-10 , 19-53 . 57, 77 -
85 ; 1. xri ï , i ' . 129 ; — Le Clore , Histoire îles Provinces-Unies, t. I I ,
p. 270 ;—Let t re th1 l'anhitluc Léopold, noucerneur des Toujs-ltus, au roi
Pu il ipue I V ,'-1 mars. 1 (!39. ;—I ,él ire de cou ttoieu ace du roi Philippe IV
a .S. .1/. le roi Charles d'Aai/'elerre {"> avr i l 1010;; u n e p r e m i è r e m i -
nute ava i t é t é p r é | .an'":', l e 10 m a r s p r é c é d e n t . ; — D é l i b é r a t i o n s Au
conseil d.'Etat de Madiid sur la politicpte a xaierc diecrs l'A.ngleterre
'ii> r» e t 2 a o û t 101!! : ;— Lettres il: Cnrdeha.-. un, comte île Pena-
ronda 20 pain 1019, ,• — Dit comte de Pchurttnda a Curdeîias (3 j u i l -
0 [ 1 0 1 9 ) : — D u c o m l c de PenaiStnda au sa rciaire Auiju^IlnlXacurro
/ • j u i l l e t 1019 . ' '— Lettre* du cuite de Prùarantln ci de l'are!,idac
Leopold av roi Philippe IV (0 ei 8 j u i l l e t 1019, , — {Archives de Si-
maitcat) [Documents itistoriuttis. n° \ L-




20-1 Ï R R T T A T Ï Û \ D E S R O Y A L I S T E S Î V A X O E E T E R R E


A celle froideur politique se joignirent, dans la vie
privée, des actes d'une cynique inditférencc : on vendit
à Londres les meubles et les tableaux de Charles l , r qui
aimait les arts et les avait protégés avec goût. Cardeiias
et Croullé en informèrent avec soin don Louis de Haro
et Mazarin qui, soit pour leurs souverains, soit pour
eux-mêmes, s'empressèrent d'acheter, quelquefois à vil
prix, ces dépouilles du roi martyr : « Si les tableaux se
vendent au prix porté par le mémoire que vous m'avez
envoyé, je les trouve bien chers, écrivait Mazarin a
Croullé; cela n'empêchera pas néanmoins que je ne
songe à envoyer dès delà quelque personne intelligente
pour m'en acheter 1.» La reine, Christine de Suède, l'ar-
chiduc Léopold,gouverneur des Pays-Bas,en acquirent
aussi plusieurs; et lorsqu'onHi.'il, au milieu de l'hiver,
le roi d'Espagne lit imi ter lord Collinglon et llyde à
sortir de ses États, un des motifs secrets de cette réso-
lution si dure était la prochaine arrivée de dix-huit
mules qui venaient de la Corogne chargées des ta-
bleaux et des médailles de Charles f" que Philippe IV
avait fait acheter à Londres, et qu'il ne croyait pas
pouvoir décemment faire entrer dans sou palais
tant que les ambassadeurs de Charles 11 seraient a
Madrid.


Grands ou petits, dans leur pallie ou dans leur exil,


i C l a r e m l o n , Ilist. of the Rébellion. 1. x i , o. 251 ; 1. x m , e. 2 5 ;


— Lettres de Croullé « Ma:arrn il O ' v r i e r e t 2:1 mai Iti.iiJ , v i 5,
•VosKi-ift à CraMe \ïl j u i n 10.">U,i (Arohives îles Affaire* ctnunjercs tic


France: Documents historiques, nu V i l ) ,




C'O.NTRK f.ES OOCKS D U C O X T I N ' E N T .


k s royalties anglais s'offensaient et s'indignaicntdeeet
avide empressement a ))reliter de leurs désastres quand
an leur prêtait si peu d'appui : «Les princes voisins, dit
f.larendon, fournissaient, ainsi à Cromwell de grosses
sommes d'argent qui le mettaient en état d'accomplir
sa détestable victoire, et. ils s'enrichissaient et se pa-
raient eux-mêmes des dépouilles de l'héritier de notre
Irène, sans en appliquer la moindre partie à lui venir
en aide dans les plus pressantes nécessités où jamais roi
se soit trouvé réduit. » Et Graymond, agent du cardinal
Mazariu en Ecosse, iui écrivait le 23 octobre 1 Giù : « Les
serviteurs du roi de la Grande-Bretagne font ici des im-
précations contre les rois et souverains de la terre, et
principalement contre Sa Majesté si elle n'assiste pas
leur roi, après la porte duquel ils souhaitent celle de
tous les antres; et ils ne feignent point de dire qu'ils
contribueront de tout leur pouvoir à leur destruction,
qui sera, comme ils disent, fort facile à causer, les
peuples ayant une l'ois baleiné, par l'exemple de l'An-
gleterre, la douceur de l'état populaire. Us désignent
déjà Cromwell pour l'auteur de ce grand dessein et le
réformateur de l'univers et ils disent qu'il com-
mencera par nous, et que nous le méritons bien puis-
que nous ne songeons pas au rétablissement du roi
d'Angleterre, y étant les plus obligés 1. »


Colère bien naturelle dansdes proscrits convaincus et


1 r l a r v i i d o u , IHst.ofthi-HiMUunJ. x i , is.^A; —Lettre û«Gmg-


ï:i< ,nd à M<izurtu ¿3 o r i u O r i : lOCf) ^Yrclnvcs des Affaires étrangères
de France).




•m C A U S E S D E E T X D J E F E R E N T E


dévoués! Mais ils comprenaient, ma! l'étal politique de
l'Europe, et ne démêlaient pas les causes générales qui
rendaient les rois du continent si froids et si inertes en
présence d'événements qui semblaient les loucher de
si près.


Ce qui se passait en Angleterre préoccupait les gouver-
n e m e n t européens, mais sans leur inspirer un effroi
sérieux. Quoique pleins d'antipathie pour les révolu-
tionnaires anglais, ils ne se soldaient pas vraiment me-
nacés par eux, et ils ne trouvaient, dans leur propre si-
tuation, aucune nécessité d'engager contre eux une
lutte directe et avouée. Précisément à la même époque
où la royauté chancelait et tombait en Angleterre, elle
s'affermissait sur le continent; dans tous les grands
Etats, les libertés féodales et municipales, l'aristocratie
indépendante et la démocratie turbulente du moven
âge disparaissaient devant elle; le besoin d'ordre dans
la société et d'unité dans le pouvoir dominait ; te cours
général des idées était monarchique comme celui des
faits. La République d'Angleterre parut un fait singu-
lier, purement local, et dont, même dans les Etais en-
core travaillés par des dissensions civiles, on n'avait,
pas, sur le continent, à redouter beaucoup la con-
tagion.


Le nom de République, d'ailleurs, n'était pas néces-
sairement alors un sujet de déliance cl d'alarme ; quoi-
que cette l'on ne de gouvernement n'eût prévalu que
dans des Etals secondaires, elle avait lenu sa place en
Europe sans que l'ordre européen en fui Lrouhlé ; les




î ï K S COTTliS TUT C O N T I N E N T . 207


grandes mnnarcliies européennes avaient vécu entions
et tranquilles rapports avec tes républiques d'Italie, de
Suisse, d'Allemagne, des Pays-lîas ; l'Europe n'avait pas
encore contracté l'habitude de considérer le gouverne-
ment républicain comme le précurseur et, le railleur des
révolutions et de l'anarchie.


ha révolution d'Angleterre se présentait en outre
comme religieuse autant que politique : or les grandes
guerres de religion étaient terminées; le traité de VYesl-
pbalie venait de poser les bases du nouvel ordre euro-
péen ; les États ealholiques et les Etats protestants s'é-
taient, mutuellement acceptés ; parmi ces derniers, le
plus récent et le plus contesté, les Provinces-Unies
avaient enfin conquis leur repos et leur rang. Le
régime de la paiv entre les diverses communions
chrétiennes, sinon dans le sc inde chaque É ta t , du
moins dans les rapports extérieurs des Etats , avait
déJinilivcmenl prévalu ; et quoique les préventions et.
les haines religieuses fussent loin d'être éteintes, per-
sonne , ni les gouvernements , ni les peuples, ne
voulait rengager une lutte dont tous avaient cruelle-
ment souffert, et dans laquelle ni l'un ni l'autre parti
ne se Huilait, plus d'écraser son rival. C'est par la fati-
gue et la nécessité qi le Dieu im pose aux nations la justice
et le bon sens.


La paix de religion rendit la politique à sa nature
propre et à sa, liberté ; les croyances et les passions reli-
gieuses ne décidèrent [dus des desseins ni ries alliances
des États ; l'esprit d'ambition ou de résistance à l'am-




•m AiTiTmi-: nr UARI.EM I-;XT i i K i T n i . i r A i N
lotion, de prépondérance ou d'indépendance, d'agran-
dissement ou d'équilibre, devint le principal mobile
de la conduite des gouvernements dans les relations
internationales ; ce fut là surtout qu'ils cherchèrent
des moyens d'attaque ou de défense dans leurs espé-
rances ou dans leurs craintes temporelles, et des armes
dans leurs rivalités. La révolution d'Angleterre profila
de ce nouveau caractère , essentiellement laïque , de la
politique continentale : des deux grandes puissances, la
France et l 'Espagne, qui se disputaient alors l'ascen-
dant en Europe, ni l'une ni l'autre ne voulut s i ; brouil-
ler avec la République naissante; elles s'appliquèrent
l'une et l'autre soif à l'attirer dans leur camp, soit à ta
retenir loin du camp ennemi ; et deux systèmes d'al-
liance plus ou moins complète, plus ou moins avouée,
d'une part la France, l'Aiiglelerrc et les Prov inccs-Unies,
de l'autre l'Espagne, l'Angleterre et les Proviuces-Lnies,
lurent , à Paris et à Madrid, la pensée constante (te
Mazarin et de don Louis de Haro, et à Londres l'objet
du travail assidu de leurs agents 1 .


Le Parlement républicain eut, de cette situation, un
sentiment juste, bien que confus et incomplet : il com-
prit qu'il était défeslé des grandes monarchies euro-
péennes , mais nullemenl menacé, et il se conduisit,
envers elles, avec méliance el lierlé, mais sans inquié-


( Lettres rfe Croullé à Mazorin (10 j a n v i e r 1 6 5 0 ; . — de Servien a


Crovtlé ,¿8 j a n v i e r 1650 . [Aretiires des Affaires étrangers de France,


(Documents historiettes, n» V.UO.




F.NYL'KS I.KS C O U R S D U C O N T I N E N T . 200


tnde ni emportement. Il ne se montra point pressé
d'être reconnu pnrelies, ni empressé d'établir, auprès
d'elles, les représentants de la République. Non qu'il
ne ressentit à cet égard aucune impatience; il fit sonder
plusieurs fois les agonis étrangers qui restaient encore
en Angleterre, Crotillé , Cardcfias, Joachim, tantôt
pour savoir d'eux comment seraient reçus , à leurs
murs, les ministres que la République pourrait y en-
voyer, tantôt pour leur l'aire entendre qu'ils ne pou-
vaient continuer eux-mêmes de résider à Londres s'ils
ne recevaient, de leurs gouvernements, de nouvelles
lettres de créance qui les accréditassent auprès du Par-
lement ' . Le vif désir d'être reconnu perçait de temps
en temps par des voies indirectes : « On a imprimé ici.
écrivait Ooullé à .Maznrhi, que les conseillers d'État de
France avaient traité avec les marchands anglais sur le
sujet des affaires qu'ils poursuivent, et avaient par là
reconnu te Parlement comme représentatif de la Répu-
blique. Je souhaite qu'ils se veuillent contenter de celle
reconnaissance imaginaire 2 . » Le Parlement ne s'en con-
tenta point , il continua au contraire de se montrer, à
cet égard, exigeant et patient à la fois, décidé a attendre


1 Lettres de Croulai a Mazarin ;15 n o v e m b r e e i 0 d é c e m b r e 1 CiJ0,


7 n o v e m b r e ÎCÔO) de Sereieu, à Crouilé (li n o v e m b r e 10-10'. {Ar-


chives des Affahes étrangères de France,;—de Cardeùas à Phi-


l,j,[ic 7 F 20 juin e t F! m><H 10110; TSéliltération du, conseil d'Etat, de


Madrid sur lu rec('una>ssaare de, la. Piri>"'>iîrjue. d'Angleterre o c t o -


bre li' iO {Archives ,lc. Hiinancas] tDociements liislorujues, n o s VI


et IX).
8 Le 23 août 10-19 (Archives des Affaires étrangères de France),




910 A T T n T P K OU P A K L F M F X T H F IT'nr.rf 'A I v •


la reconnaissance, de la République aussi longtemps
qu'elle ne serait pas complète, el délibérant à diverses
reprises, et avec une susceptibilité jalouse, sur les
formes qui devaient être observées dans ses relations
avec les gouvernements étrangers '. Mais sou atti-
tude était tranquille autant que Hère; il déclara pu-
bliquement son intention de maintenir tous tes traites
existants entre l'Angleterre et les autres E t a t s 5 ; il
recommanda au conseil d'Etat d'entretenir parlent
des consuls afin que les bonnes relations d'affaires
ne fussent pas interrompues ; t ; il conserva en France
un agent officieux, nommé Augier, qui veillait ac-
tivement aux intérêts ang la i s 4 ; il resta en rapports
fréquents et bienveillants, à Londres, avec quelques-
uns des ministres étrangers, tels que l'Espagnol Car-
deiîas et le Hollandais Joacliiin, qui n'avaient pas
encore reçu de nouvelles lettres de créance, mais dont
il connaissait ies bonnes dispositions. A travers de nom-
breuses marques d'inexpérience et quelques velléilés
d'arrogance, la conduite des meneurs républicains, eu
l'ail de politique extérieure, indiquait autant de réserve
que de fierté, une prudence intelligente, et le désir de


1 L e s 24 mai 1050, 1 e r j a n v i e r e t 7 a o û t 1(151, 8 j a n v i e r 1052; —
Jotirnats of ihe Honse of commons, t . VI . p . 110, 517, 018 ; i. VII ,
p. 0 4 .


2 Le 17 avr i l 1040 ; — T h n r l o e , Stale-Paper*, 1. I, o . LJf,.
3 Le 14 d é c e m b r e 1 6 1 0 ; — J o w n o l s of the Honse of commons,


i. VI , p. 663 .


' L e 5 l é v r i e r 1 6 4 9 ; — J o u r n u l s of the Ilo'tsr of communs, l, VI .


p . 132, 494 .




K W K I t N I . K S l O I ' l i S f»I ! C O N T I N K S T . 211


rosier on paix au dehors pour no pas aggraver, au de-
dans. Les dillicultés el les charges de leur gouver-
netnenl.


Sur un seul poinl ils entrèrent, sans ménagement et
a tout risque, dans une action l'orte et mémo violente.
Des le mois de juin 1018, une portion considérable de
la flotte, onze vaisseaux s'étaient soulevés contre le
Parlement et étaient allés en Hollande se mettre aux
ordres du prince de Galles pour servir la cause du roi
prisonnier. Au mois d'octobre suivaut, le prince Robert
lui nommé amiral de celle flotte royale; étranger jus-
que-là à la m e r , il était d'une bravoure populaire,
ardent aux aventures, sans crainte de la vie dure et in-
certaine, familier el libéral avec ses inférieurs ; il plu!
aux matelots comme aux soldats, et il continua sur
mer, contre la République, la même guerre acharnée,
errante et pillarde qu'il axait faite sur terre au Parle-
ment, Charles 11 vivait dans une détresse profonde;
l'argent lui manquait pour aider son parti, pour payer


ses serviteurs, pour envoyer un messager à la reine sa
mère, pour se mettre lui-même en voyage. Sou beau-
frère, le prince d'Orange, ne pouvait, malgré la plus
généreuse amitié, suffire à tous ses besoins; quelques-
uns des princes du continent, le duc de Lorraine, la
reine de Suède, le roi de Pologne, le czar de Russie, lui
lil'ont quelques prêts ou quelques présents ; ses fidèles
aniisd'Angleterreliii envoyaientunc part de ce que leur
laissaient les confiscations ou les séquestres; mais ces
secours étaient proinptement épuisés; Charles n'avait




212 LE CREXCE R O B E R T


aucun revenu permanent ni assuré. Il chercha el
I couva, dans la tlolle commandée par le prince Robert,
des ressources précaires, mais quelquefois abondantes ;
elle se promena dans la Manche, dans la mer du Nord,
tout autour de l'Angleterre, faisant sur le commerce de
Ja République, et souvent au hasard sur le commerce de
tous les peuples, des prises nombreuses et riches ; ce fui
une flotte de corsaires sous pavillon royal, chargés de
pourvoir aux dépenses du roi proscrit. Des armateurs
particuliers, anglais , écossais, français, hollandais,
demandèrent à s'associer, en armant à leurs frais des
bâtiments, à cette vie d'aventures et de profils; l'aulu-
risalion leur fut aisénienl accordée, ou vendue; des
ordres de Charles 11 réglèrent ce service et le partage
de ses produits ; un quinzième de la valeur de toutes
les prises fut attribuée au roi , un dixième à l'amiral ;
le restant fut divisé en trois parts, une pour les pro-
priétaires du bâtiment, une pour les fournisseurs des
vivres et objets d'enlrelien, la troisième pour l'équi-
page, selon le rang et l'emploi de chaque homme, de-
puis l 'amiral jusqu'au simple matelot. Toute sûreté
commerciale et personnelle disparut de ces mers ; elles
devinrent une arène de déprédations incessantes, véri-
table guerre privée à laquelle les vaisseaux mêmes du
roi de France et des Etats généraux de Hollande, eu
déguisant leurs pavillons, ne laissaient pas quelquefois
de prendre pari K


1 C l a r e n d o n , Hist. ofthe Rébellion, 1. x i , c . 2 1 , » ) , W-Ï.yl ;—




C O M M A N D E EA F L O T T E R O Y A L E . - T '


Contre ce péril ruineux et instillant, le Parlement
républicain prit sur-le-champ les mesures les plus
vigoureuses. A peine installé, il réorganisa et augmenta,
par fous les moyens, la Hotte qui lui restait ; dès le
2 lévrier IGil), trente bâtiments marchands lurent
requis pour le compte de l'Etat et armés en guerre ; les
Forces navales volées en mars 1 (>«>(), pour la campagne
de l'été suivant, s'élevèrent à soixante-cinq bâtiments
montés par huit mille cent cinquanle hommes; et dans
l'hiver de Uiè.0 à IGoT, trente-neuf bâtiments montés
par quatre mille cent quatre-vingt-dix hommes, et por-
tant neuf cent cinquante-quatre canons, furent spécia-
lement affectés à la protection des côles d'Angleterre.
La presse des marins s'exerça avec rigueur. Il fut lar-
gement pourvu à toutes les dépenses de l'établissement
maritime, au traitement et à l'avancement des officiers,
à la solde, à l'entretien et aux récompenses des matelots.
Yaiio présidait le comité delà marine, et faisait pénétrer
dans toutes les parties de ce service son activité aussi
intelligente que passionnée. Blake, Dean, Popham,
Avscough, Penn, Baddeley, furent mis à la tète des
diverses escadres et envoyés dans la Manche, dans la
nier du Nord, sur les côtes d'Irlande, de France, de Hol-
lande, de Portugal, d'Espagne, dans la Méditerranée,
dans le Levant, aux Antilles; la plupart officiers de


Cranv i l lu P o n n , Mcmoriah ofthe lifts ofuir William Penn, t. I, p . 2 6 0 ,


•200 -.—lloltrl hlobe, l>ij lley.ienrth J)i.ron , p . 111-118 ; —Mcmoin of
priuee Ruptrt, publisbed by lilholt 1 F a r l u r t o n , t. III, p. 250 , 200 ,


•m .297:—W l i i t f l o c k c , i>. 508, 319 , 347-




211 M E S U R E S p i ' P A R L E M E N T


1 armée de terre, saris expérience de la nier, maisd'une
hardiesse comme d'uni! capacité éprouvées, dévoués a la
République, avides, pour leur pays comme pour eux-
mêmes, de succès et de gloire, peu soucieux de ce qu'il
en pourrait coûter à eux-mêmes ou à leur pays, et fer-
mement résolus de maintenir partout, et à tout prix,
l 'honneur et la sùrclc du nom et du pavillon anglais 1 .


A ces forces matérielles ainsi bien entretenues et bien
commandées, le Parlement joignit, pour la proleclinn
du commerce national, des mesures législatives non
moins efficaces. Il régla la législation des prises mari-
times de la façon fa plus propre à exciter l'ardeur et à
récompenser les efforts des marins anglais K 11 rappela,
dans leur patrie tous ceux qui servaient dans des
marines étrangères. Auxnégociantsanglais qui auraient
essuyé en mer des perles graves, parle fait. île vaisseaux
étrangers et sous prétexte de visite, il assura les moveus
d'en poursuivre la réparation*. Une déclaration t|<>
Louis XIV i avait naguère interdit l'entrée en France de
toute étoffe de laine ou rie soie fabriquée en Angleterre ;
le Parlement se fil faire, par le conseil d'Llal. un rap-
port sur les divers traités qui avaient réglé les relations
commerciales des deux nations, cl soutenant que la pro-


i .Tournais ofth.e llov.se of eomrooos, t. V I , p. l->{). pj 1. ppS. I \r,


156, 375 , 4fi7;—Mfn\oriil* of tir WHHmn l'enn, t. 1, p . 231-237,


302-304 .


- Los 7 e t W m a i 1019 ;— Journal* of tlic Ho use. »f rmnmonx, t. VI .


P . 202 , 201 .


L e s II m a r s 10-13 e t 13 avr i l 1050 ,—[h!,l., p. 379 , 397.
•'' Ou 21 o c t o b r e 10-18,




n o n : г.л C T ' E R R E Л Г А Р Л Т Ш Е . <iir>
lùliU'um récenfe (''(ail illégilhne, il interdit à son tour
l'entrée on Angleterre dos vins et dos étoffes do Jaino ou
de soie do France 1 . « El à ceux qui leur ont dit que
celte défense ne tiendrait pas et qu'ils ne pourraient se
passer de nos vins, écril Croullé à Mazarin, ils ont
répondu par manière de raillerie que les hommes s'ac­
coutumaient à tout, ot que, se passant bien de roi,
cou Ire la créance (pie l'on en avait eue, ils se pourraient
bien aussi passer de vins de France ' . »


Le succès répondit à cet ensemble de mesures fortes,
ordonnées par un pouvoir hautain, et exécutées par des
agents habiles et hardis. La marine républicaine par­
courut fouies les mers , lantôt convoyant le commerce
anglais, tantôt faisant, sur le commerce étranger, de
riches prises, poursuivant partout à outrance le pavil­
lon de Charles I I , et répandant partout où elle péné­
trait cette crainte mêlée de respect qu'inspire la force
rapide et intraitable. Le prince Robert, à la tin de l'hiver
de Hii'.i, s'était établi en croisière sur la côte orientale
et méridionale d'Irlande, pour seconder les opérations
de farinée royale dans l'île, et pour saisir les navires
marchands toujours nombreux dans ces parages. Rlake
vint l'y chercher et le bloqua dans le port de Kinsale.
Robert s'en échappa avec sa flotte", en perdant trois
I(aliments, et se rendit sur les côtes de Portugal pour


1 Ее 23 a o û t 3019;—Jimrntih of the Uouse ofeommom. t. V I ,


s i­e I ucioOro 10 la ; Archives des Affaira, étrangères Je France,
1 \ ors la lui 0 o c t o b r e I04te




-211) C A M P A G N E P)E L ' A M I R A L H I . A K E


reprendre librement sa vie de courses et d'aventures,
Blake l'y suivit par ordre du Parlement 4 , emmenant a
son Lord Charles Yane, frère de sir Henri Vane, charge
île présenter au roi de Portugal les plaintes et les
demandes de la République. Les deux Hottes station-
naient L'une en face de l'autre à l 'embouchure du Tage,
négociant l'une et l'ardre avec la cour de Lisbonne,
Robert pour qu'elle lui maintînt son appui, Blake pour
qu'elle le lui retirât. Robert trouvait grande laveur el a
la cour et parmi le peuple portugais ; au moment de sou
arrivée, le roi Jean IV avait envoyé au-devant de lui
plusieurs de ses officiers pour le conduire en pompe au
palais, et toutes les fois qu'il venait à terre, la popula-
tion de Lisbonne se pressait sur ses pas avec de bruyantes
acclamations. Blake au contraire était, pour la cour et.
pour le peuple, ardemment royalistes et catholiques, un
objet de profonde antipathie; quand des hommes de sa
Hotte quittaient leur bord, ils étaient insultés et quel-
quefois maltraités, soit par les gens du prince Robert,
soit par les Portugais eux-mêmes. Ne prenant, de ces
mauvaises dispositions, que peu de souci, Blake demanda
au roi Jean d'éloigner de ses Etals des pirates qui
avaient dérobé ¿1 la République d'Angleterre une partie
de sa ilotle en lui débauchant ses matelots, et qu'il avait
ordre de poursuivre et de détruire connue des ennemis
de tout commerce régulier entre les nations civilisées;
si le roi de Portugal ne voulait pas se charger lui-même


Ver* la lui de j a n v i e r 1050.




S U R LES C O T E S D E P O R T U G A L (1050). ¿17


de renvoyer les pirates de ses ports, que du moins il ne
trouvât pas mauvais que l'amiral anglais y entrât avec
son escadre, et s'acquittât de la mission qu'il avait reçue
de son gouvernement. L'indignation fut grande à Lis-
bonne ; la reine et le prince royal soutinrent le courage
un peu chancelant du roi que quelques-uns de ses
ministres engageaient à céder. On répondit à Blake en
lui adressant des compliments et des présents, mais en
repoussant ses prétentions et en lui refusant l'entrée du
port. 11 tenta, mais sans succès, de la forcer; les forts
tirent feu sur ses vaisseaux. Il tourna dès lors, contre
le commerce portugais, ses menaces et ses coups; les
navires, royaux ou marchands, ne purent plus entrer
à Lisbonne ni en sortir ; Blake en saisit d'abord cinq,
puis neuf; puis il détruisit, une riche flotte de vingt-trois
bâtiments qui venaient du Brésil, déclarant qu'il ne ces-
serait pas tant que les pirates royalistes ne seraient, pas
ln, rés ou renvoyés. La cour de Lisbonne flottait entre la
colère et la crainte; elle fit arrêter et emprisonner, par
voie de représailles, les marchands anglais établis à Lis-
bonne, et Charles Yane, ne pouvant obtenir qu'on leur
reudil laliberté et leurs biens, se rernbarquael retourna
eu Angleterre 1 . Mais en même temps le roi de Portugal
pressait le prince Hoberl de s'éloigner s'il ne se croyait
pas en étal d'attaquer la Ilot te de Blake et d'en délivrer
le royaume. Robert parut un jour disposé à engager le
combat; mais Blake avait reçu un renfort de huit vais-


1 En juin 1050-




•ilH C A M P A G N E D E Í . ' A M Í R A L B E A K E


seaux amenés par l'amiral Popham, cl il se montra si
empressé à attaquer lui-même (pie Hobert.se relira smis
la protection des forts, et prit enfin le parti de s'échap-
per, à grand'peine, du port de Lisbonne, pour aller
chercher, dans la Méditerranée, sûreté et fortune 1 .
Rlake le poursuivit sur les celles d'Espagne comme sur
celles de Portugal; et les mêmes hésitations de faveur et
de défaveur, tes mêmes alternatives de colère et de
crainte qui avaient agité la cour de Lisbonne en pré-
sence de ces deux flottes rivales, troublèrent, quoique
de plus loin, celle de Madrid. Dès que le prince Robert
parut devant Malaga, les den m ambassadeurs de Charles it
en Espagne, Cottinglon et Ilyde, en informèrent le
gouvernement espagnol en réclamant, pour le cousin
et les vaisseaux de leur roi, un bienveillant accueil'.
Don Louis de Haro le promit aveceinpressement, autant
par inquiétude devant une force étrangère que par
faveur pour une flotte royale. Mais on apprit peu après
à Madrid que la flotte républicaine était aussi sur les
côtes d'Espagne, poursuivant celle du roi Charles, et
réclamant, comme à Lisbonne, l'entrée des ports espa-
gnols pour l'attaquer et ladélruire. Les prétentions arri-
vaient des deux parts, également violen les et hautaines ;
Robert, après avoir coulé à fond devant Malaga, plu-
sieurs navires marchands anglais, demanda au gouver-
nement de faire arrêter à terre et de remettre entre ses


i En s e p t e m b r e 1050.


'' En o c t u b r e 1050-




SEP. L E S C O T E S D'ESPAG­ME (1650). ¿1!»


mains le capitaine de Гни de ces navires, « qui avait,
disait­il, furieusement conspiré contre le feu roi Charles,
et qu'en revanche il voulait faire bouillir dans la poix.»
lllake, de son côté, apprenant que le prince Robert était
descendu à terre, fit presser les autorités espagnoles de
le lui livrer, comme un chef de pirates ennemi de
toutes les nations. La cour de Madrid se.défendit, par
les délais et l'inertie, contre ces instances fougueuses.
La guerre des deux Hottes continua plusieurs mois
encore sur ses côtes : eniin Riake détruisit devant
Mataga la plus grande partie de celle de Robert qui ,
resté avec deux vaisseaux seulement, erra quelque temps
dans la Méditerranée, puis, repassant le détroit, alla
chercher, dans l'Atlantique cl le long de la côte occi­
dentale d'Afrique, de nouvelles prises à faire sans avoir
a combattre la marine du Parlement. Elle resta domi­
nante dans les mers du sud­ouest de l'Europe ; Penn et
Lavvson furent chargés d'y poursuivre encore Robert,
dont on ne savait ce qu'il était devenu; Blake fut rap­
pelé en Angleterre 1 pour reprendre, avec Dean et
Pophani, le commandement de la flotte dans la Manche
et la mer du Nord : la marine républicaine était là en
présence de rivaux plus redoutables; mais là aussi elle
avait déjà l'ail, ses preuves de vigueur et d'audace; le
commerce français surtout avait payé cher les [irises
qu'avaient d'abord laites sur les Anglais ses armateurs ;
au mois de septembre 10,41, le Parlement déclara que,


! Te 2 n o v e m b r e 1650.




220 A T T I T l * D K D U P A R l . E M K X T KÉPU1H.TCAÏN


ne pouvant obtenir justice du roi de France, ¡1 était
décidé à se l'aire justice lui-même ; six navires français,
arrêtés par des capitaines de bâtiments de l'État, furent
définitivement confisqués, et l'on n'accorda rien aux
réclamations venues de Paris à ce sujet. Sur mer, le
Parlement républicain sentait et axait fait sentir sa
force; son pavillon flottait fièrement, redouté de ses
ennemis et respecté de ses rivaux '.


Mais là se bornèrent, en fait de politique extérieure,
son habileté et ses succès : aidant dans ses affaires mari-
times, il déploya de savoir-faire et d'énergie, aulanl,
dans ses relations et ses entreprises diplomatiques sur
le continent, il manqua de sagacité et de bon sens, de
mesure et de résolution.


Il était en présence de deux puissances ardemment
rivales, mais placées dans des situations et animées de
dispositions très-diverses. L'Espagne, encore superbe
de sa grandeur récente dont l'Europe restait encore
effrayée, déclinait rapidement : l'empire d'Allemagne
ne lui appartenait plus; malgré ses longs et sanglants
efforts, elle avait perdu les Provinces-Unies ; sa domi-
nation en Italie s'était restreinte; une conspiration ve-
nait de lui ravir en un jour le Portugal ; au loin et dans
le nouveau monde seulement, ses possessions demeu-


i Mémorial* ofprince Rvpert, t. 111, p. 288-388 ; — C l a r e n d o t i , Ui*t.


oflhe Rébellion, 1. s u , c . 3 , 110-114 ; 1. x i v , c. 08 ;— T l i u r l o o , blate-


Papers, l. I, p . 1 3 1 , 1 0 7 , 138, 140 142, 154-158 ; — W h i ( e l o o k o , p . 410


429 , .1415 , 419 , 158, 403 , 470 , 4 7 1 , 4 7 5 , 470, 484 -480 , 515, bit) , -


Robert Rlahe, p . 122-105.




E N T R E T A F R A N C E E T L ' E S P A G N E . 221


raient immenses; e'élail, selon la belle expression de
Sully, « un de ees Elals qui ont les bras et les jambes
fortes et puissantes el le cœur infiniment faible et dé-
bile '•. » Au milieu des splendeurs de sa cour et de son
langage, le gouvernement espagnol se son lait faible en
eil'el et cherchait à cacher sa faiblesse sous son im-
mobilité. Philippe IV el don Louis de Haro, tous deux
sensés et modérés , l 'un par mollesse , l'autre par pru-
dence, el las de lutter pour être vaincus, n'aspiraient
plus qu'à la sécurité de la paix, et niellaient tous leurs
soins a écartertoules les questions, toutes les affaires qui
leur auraient imposé des efforts dont ils ne se sentaient
plus capables. Divisée et énervée, la maison d'Autriche
gardait encore moins d'ambition que de puissance, et
hors le cas de nécessité absolue , une pompeuse inertie
devenait la politique des successeurs de Charles-Quint.


La France au contraire et la maison defkmrbou mar-
chaient ensemble dans une voie de progrès rapide et
hardi : un puissant esprit d'activité et d'ambition ani-
mait les conseils de ta couronne et les diverses classes,
surtout les classes supérieures, de citoyens; partout
régnait le goût des grands desseins et des cuire-
prises éclatantes, sans crainte des efforts el de la res-
ponsabilité qui les accompagnent. Aussi malgré les
dissensions civiles et d'infructueux désirs de liberté
politique, l'Etat s'affermissait et s'étendait; l'unité ua-


' Sul'.y au p r é s i d e n t J e a n n i u ¡26 f é v r i e r 1608 ; , d a n s Jes Neçjo-


• binons du pmiUtnt Jcaiiniitj t, 111, i>. 2U9; Collection Pelitot.




2 2 2 A T T I T U D E D U P A R L E M E N T RÉ P U P . L H ' A I N


lionale et l'autorité royale se développaient en même
temps. Persévérant autant que souple, et tour à tour
vainqueur ou fugitif, mais toujours favori et premier
ministre, dans l'exil comme à Paris, Mazarin poursui-
vait , à travers ses succès et ses échecs de guerre et de
cour, l'oeuvre de Henri IV et de Richelieu. C'était un
gouvernement et un pays à la fois anciens et jeunes,
guidés par des traditions puissantes dans un mou-
vement nouveau, pleins de force et avides de gran-
deur.


Cuire ces deux puissances, l'Angleterre pouvait ou
choisir à son gré son allié, ou maintenir fermement
la balance; malgré leur répugnance pour la République
régicide, elles étaient si passionnément jalouses et in-
quiètes l'une de l 'autre qu'elles subordonnaient tout au
désir de s'enlever mutuellement un si imporlant appui.
Le Parlement républicain ne prit ni l'un ni l'autre parti ;
appréciant mal les forces et les chances d'avenir des
deux puissances, et dominé par des routines passion-
nées, il resta flottant, mais non impartial, entre l'Espa-
gne et la France, affeclanl la neutralité sans savoir ni
en sortir à propos, ni la garder réellement.


L'Espagne avait ses préférences : ce n 'était pas de-
Madrid qu'était venue la reine Henriette-Marie, objet
constant de l'anlipathie et de l'hostilité des parlemen-
taires; ce n'était pas à Madrid qu'elle trouvait encore
asile et appui. Au moment du procès du roi, don Alouzo
de Cardcfias, pressé par les royalistes de faire en sa faveur
quelque démarche, s'y était formellement refusé, disant




E X T K G I.A E K A X C E E T L ' E S P A G N E , 223


qu'il n'avait point d'instructions de sa cour 1 . La Répu-
blique p j -oc l améOj il était resté à Londres, on bonne in-
telligence avec les chefs républicains, et il avait sollicité
de sa cour le renouvellement de ses lettres de créance,
donnant à entendre qu'il en tirerait, bon parti, et pour
les intérêts politiques de l'Espagne, et pour les intérêts
religieux des catholiques d 'Angleterre 2 . Philippe IV et
don Louis de Haro étaient, moins empressés que Car-
deùas : ils auraient voulu ne se prononcer ni pour ni
contre la République ou Charles 11, profiter sous main
des velléités favorables de l 'une, donner sans bruit, à
l'autre quelques témoignages royalistes, et se tenir dans
une complète inaction en attendant les événements. Ce
tut en ce sens qu'opina constamment le conseil d'État
espagnol, consulté par son roi tantôt sur les dépêches
de Cardefias, tantôt sur celles de Charles II et de ses
ambassadeurs. Pendant, plus d'un an on mit en pratique
à Madrid celle politique d'indifférence et d'inertie : on
n'emoxa à Cardefias ni instructions ni pouvoirs nou-
veaux; on essaya d'empêcher que Collinglon et llyde
ne vinssent à Madrid, et n'ayant pu y réussir, on ne
tint nul compte de leur présence 3 . Quand ils apprirent
qu'Antoine Àscham allait arriver en Espagne, au nom


1 Cardeùas ait, roi Philippe IV (15 j a n v i e r 1649). {Archives de Si-
mancas} (Documenls historiques, ri'1 V) .


2 Caràehas au, roi Philippe IV (18 l é v r i e r 1619). (Archives de Si-


mancas) [Documents historiques, ne X).


3 Délihéralions du conseil dElai de Madrid (18 et 29 m a r s , 6 j u i n


e t 2 a o û t 1649). (Archives de Simancas) '^Documents historiques, n o s V


e t VL).




224 ATTITI.'rjE D U P A R T . E P I E N T R É P U B L I C A I N


Ilu Parlcmenl, ils en témoignèrent une douloureuse
surprise : « .Nous ne saurions croire, dirent-ils, que Sa
Majesté Catholique, qui a été le premier elle seul prince
auquel le roi notre niaîlre ail olîorl, par ses ambassa-
deurs, toute son amitié, soit le premier et le seul prince
qui donne crédit au gouvernement de ces rebelles en
recevant leur envoyé '. » Le conseil «l'Etal délibéra sur
leur plainte ; puis, quelques mois après, sur leur de-
mande pour que le prince Robert et sa flotte fussent bien
reçus dans tons les ports du royaume \ On éluda de
répondre à leurs demandes comme à leurs plainles: soil
qu'il s'agît du gouvernement républicain ou du roi pro-
scrit, la cour de Madrid n'aspirait qu'à ne rien direct à
ne point agir.


Mais les situations se développaienl ; le P arlomeul se
montrait plus exigeant ; Cardehas é c r i v i t qu'on ne voû-
tait plus traiter avec lui et qu'il serait contraint de partir
s'il n'avait pas de nouvelles lettres de créance où la
République fut expressément reconnue 3 . L'assassinat
d'Aseham et l'insistance du Parlement pour en obtenir
justice mettaient la cour de Madrid dans un grand em-
barras, Charles 11 de son côté lui donnait de l 'humeur ;
il allait à Paris sous prétexte de voir la reine sa mère.


! Note de lord Cotlington et de Hyde à Philippe IV (10 niai 1050 .


(Archives de Simancas) (Documents Iiistoriqtt.es, n" X) . - - C l a r e n d u n ,


Ris t. ofihe Rébellion, 1. x m , c . 8, 10-11 .


s Délibérations du conseil d'Etat de Madrid (10 m a i e t 22 octobre,


lOrV.V. '.4 7a: ai ut's de Simoneas) .Docutnents }>istoric[ncs, n n XI; .
3 L e 20 j u i n 1640. {Archives de Simaaieas) [Documents i'istorinaes.


n° VI; ,




E N T R E LA F R A N C E E T L ' E S P A G N E . Mf.


mais en réalité, disait-on, pour recevoir les conseils et
les directions de Mazariu : il traitait de frère le roi de
Portugal toujours qualifié en Espagne du nom de tyran
usurpateur'. Le Parlement républicain au contraire
menait rudement la maison de Bragance et lui faisait
presque la guerre à cause de l'appui qu'elle avait prêté
au prince Robert. Après vingt et un mois d'hésitation,
la cour de Madrid se décida enfin ; elle congédia d'Es-
pagne les deux ambassadeurs de Charles If, et envoya à
Cardenas de nouvelles lettres qui l'accréditaient auprès
du Parlement de la République 2 . En même temps arri-
vait en Angleterre Jean de Guimaraes envoyé par le roi
de Portugal pour mettre fin à la mésintelligence des deux
l^als. Le Parlement fit attendre quinze jours à Guima-
raes l'autorisation de venir à Londres ; ; elle ne lui fut
accordée qu'à la majorité d'une voix, et on décida qu'il
serait reçu sans appareil, par un comité de onze m e m -
bres \ Mais le surlendemain même du jour où Cardenas
avait annoncé ses nouvelles lettres de créance, il fut
reçu par le Parlement tout entier en audience solen-
nelle \ Trois commissaires parmi lesquels était le


1 Antoine Brun à Cardenas ( la H a y e , 29 n o v e m b r e 1(310. : —


Cardenas a Philippe IV (11 d é c e m b r e 1(319;. (Archives de Simancas}


Docuinents liislonijucs, n 1 \ I I \


- En d é c e m b r e 1050.


•! D u 3 an 18 d é c e m b r e 1050.
4 Le 1(1 j a n v i e r 105Î;— .Tournais oftlie TToiise of <ommons, i VT,


f. 501. 510, 511, 510, 319, 522, 529, 530.


•> Le 20 d é c e m b r e XCiM) .1 ournuls o{t'nellouse of commons, t. V I ,


V- 513, 515.


J3 .




220 LA COUK D E M A D I i l H


comte de Salisbury, l'allèrent prendre chez lui dans les
carrosses de l 'Étal;trente ou quarante voitures l'accom-
pagnaient, pleines de gentilshommes espagnols cl an-
glais; deux régiments de cavalerie étaient rangés devant
WhilehalJ, sur son passage ; LUI régiment d'infanterie
lui faisait escorte. Entré dans la salle du Parlement, il
s'assit dans un fauteuil préparé [ t o u r lui, remit à l'ora-
teur ses lettres de créance écrites en latin, et prononça
en espagnol un long discours, se félicitant de venir le
premier, au nom du plus grand prince de la chrétienté,
reconnaître cette Chambre comme le pouvoir suprême
de la nation, et retraçant, avec détail ce qu'avait fait le
roi son maître, pour assurer le châtiment des meurtriers
d'Aseham et pour éloigner des ports d'Espagne le prince
Robert. L'orgueil républicain prenait plaisir à recevoir
avec cette pompe cet éclatant hommage monarchique ;
quelques puritains austères en étaient seuls mécontents :
« ,1e crains, écrivait Bradshaw à l'un des officiers de
Cromwell 1 , que notre impuissant empressement à nous
mettre en faveur auprès des nations voisines ne nous
hisse ni honneur ni prolil. Dieu nous fasse la grâce de
compter sur lui, de ne rechercher que lui, et d'être in-
dépendants de tous les autres! Mais, sur ce point, beau-
coup de nos frères pensent autrement que moi, et j'écris
4 quelqu'un qui est bien plus capable que moi d'en
juger. Je m'arrête donc \ »


i Le 24 d é c e m b r e 1650.
•i M i h o n , Stule-Pajjcr:,, je 30 40. \ %




! ; K ( ' M \ \ A I T 1,A RÉPUBLIQUE (26 D S C S M M K 1650). 227


Au mémo moment où le Parlement donnait à l 'am-
bassadeur d'Espagne et recevait de lui ces éclatantes
marques de bon vouloir mutuel , le chargé d'affaires de
France, Croullé, voyait sa maison envahie par des sol-
dats, et était lui-même arrêté, conduit devant le conseil
d'État, et renvoyé d'Angleterre sous dix jours. « Bien que
ces messieurs les Espagnols aient attendu à l'extrémité,
écrivit-il sur-le-champ au cardinal Mazarin, ils n'ont
pas laissé d'être bien reçus; et comme ce n 'aura pas été
sans conditions qu'ils se sont résolus d'en venir là, en -
tre lesquelles la principale sera d'être mal avec la France,
l'on a voulu faire précéder, à cette cérémonie, une
action qui témoigne (pue l'on veut la bien désobliger.
Hier, lorsque, suivant l'approbation que j 'ai reçue de la
cour de tenir un prêtre pour mon usage, il était à dire
la messe où assistaient plusieurs Français et fort peu
d'Anglais, une compagnie de soldats vinrent en mon
logis dont ils surprirent les portes, et étant entrés, frap-
pèrent et maltraitèrent d'abord tous ceux qu'ils ren-
contrèrent, dont je fus du nombre ; un gentilhomme
français et moi, nous étant opposés aux violences qu'ils
allaient l'aire à l'autel, nous donnâmes assez de temps à
celui qui y célébrait pour se dévêtir de ses ornements
et se ranger parmi la foule, d'où je trouvai moyen de
le lirer et de l'enfermer dans mon cabinet, en sorte qu'il
ne lut point vu. Les soldats s'étant rendus maîtres absolus
de tout, je fus, avec un seigneur anglais el deuxgenlils-
honnnes français, pour en porter ma plainte au prési-
dent du conseil qui , sans me vouloir entendre, me ht




2 2 8 LE C H A R G É D ' A F F A I R E S D E F R A N C E


mener et garder dans Je corps de garde et dans un nié-
chant cabaret jusque sur la nuit. Environ sur les six
heures , je fus appelé au conseil d'Etal où, ayant fait
une déduction simple et véritable de l'action, il fut ré-
solu de m'ordonuer de me ret irer; ce qui m'ayaut été
dit par le président, je lui dis (pie j'élais ici par le com-
mandement du roi mon maître auquel je ferais savoir
cequ' i lm'avaitdi t , et qu'ayant reçu les commandements
de S. M., j ' y obéirais sans remise; à quoi le président
m'ayaut répliqué que ce que je disais alors était plus
au mépris du conseil que tout ce que j'axais dit, qu'il
n'y avait point de rois qui eussent autorité de donner
des ordres en leur pays, et que si je n'obéissais pas, ils
procéderaient contre moi comme ils devraient, je lui
répondis que, lorsquej'avais parlédes commandements
de S. M., je ne les axais entendus qu'à mon égard à moi
qui partout n'en recevais point d'autres, qu'ils avaient
en main le pouvoir et la force de faire ce qu'ils vou-
draient, mais non pas de me faire rien faire contre mon
devoir, sur quoi je me retirai. Ce malin, un messager
du conseil d'État m'en a apporté les ordres, avec passe-
port pour me retirer dans dix jours, à quoi il faudra que
je satisfasse. J'attendrai pourtant les commandements
qu'il plaira à Votre Émincnce de nie faire donner '. »


Mazarin ressentit, de cet incident, un vif déplaisir;
depuis longtemps déjà il s'inquiétait des menées deCar-


1 Croatie a Mazarin ( 6 . janvier 1 6 5 1 ; . {Archives des Affaucs étran-


gères de F/anceJ




l.'NT K K . W O Y K DU L O S O U R S (5 J A N V I E R 1661). 5 5 9


défias à Londres et de la préférence que l'Espagne y ren-
contrait ; le 6 août. Kilo, il taisait écrire à Croullé par
Senien : «Je vous prie de ne perdre aucune conjoncture
pour donner au Parlement les dernières défiances des
Espagnols, ce que je ire doute pas que vous ne fassiezfor-
Iémeut et adroitement en toutes sortes de rencontres;»
el quelques mois plus tard ' : « Il faudrait que le Parle-
ment d'Angleterre nous fournît sous main quelques as-
sistances d'hommes ou d'argent pour nous donner
moyen de nous défendre des grands préparatifs que les
Espagnols font poumons attaquer de tous côtés la cam-
pagne prochaine Il faut au moins que vous ayez
toujours pour but d'empêcher qu'ils n'en donnent aux
ennemis, sur les fausses suppositions que Cardenas leur
fera. » Les informations que Croullé transmettait à Ma-
zarin n'avaient jamais été propres à le rassurer : c'était
tantôt le récit des marques de faveur que donnait à Car-
denas te Parlement, tantôt l'annonce, bien ou mal fon-
dée, que cent mille livres sterling avaient été expédiées
de Londres àMadrid pour aider l'Espagne dans sa guerre
rentre la France. MM. de Bouillon et de Tu renne, alors
chefs de la Fronde, avaient, disait-on, écrit àCromwell
pour demander son appui ; le conseil d'État républicain
inéditait d'envoyer une partie de la flotte, qui croisait
devant Lisbonne, au secours des Frondeurs insurgés à
Bordeaux 2. Le bruit se répandit que Cromwell, après


1 Le 28 j a n v i e r 11,50 :.An-hres 'les Affaires etrangei es de Fiance),


* Croatie a Mazann, le» 10 j a n v i e i , 10 m a i , 4 j u i l l e t e l 12 s e p -




2 3 0 P O L I T I Q U E D E LA COTTTi D E F R A N C E


avoir soumis l'Irlande, irait l'aire un voyage en France;
par une méprise singulière, Mazarin ne vit d'abord la
qu'une intention amicale,etServien écrivit sur-le-champ
à Croullé : « Si, après l'expédition d'Irlande, M. Crom-
woll vient en France, étant, comme il est, personne de
mérite, il y sera bien reçu, car assurément lout le monde
l'ira recevoir au lieu où il débarquera 1 ; » mais les let-
tres de Croullé ne tardèrent pas à désabuser le cardinal:
« Je ne sache point de persuasion assez forte, lui écrivit
Croullé, pour ôler de l'esprit de toutle monde qu'aussiiôl
que Cromwell aura fait èn Irlande, il passera en France


avec son armée; ce qui se dit de son dessein procède
de ceux qui le désirent pour de différents intérêts; et
pour ce, on lui fait dire quantité de choses que j 'ai tou-
jours négligé d'écrire comme étant sans certitude et
sans apparence, et cnlr 'autres que regardant ses che-
veux déjà blanchis, il a dit que, s'il avait dix ans de
moins, il n'y a point de roi dans l'Europe qu'il ne fit
trembler, et qu'ayant un meilleur motif que le défunt
roi de Suède, il se croyait encore capable de faire plus
pour le bien des peuples que n'a jamais fait l'autre pour-
son ambition V»


Vrais ou faux, ces propos, ces bruits préoccupaient
fortement Mazarin ; l'hostilité déclarée de l'Angleterre;


t e m b r e 1650 {Archiva Jeu Affaires étrangères île Fmnee). •Documaits


historique», u " V I I I et X I I I . i
l Le 0 a o û t 101» [Archives des Affaires étrangères de France


•'• L e s 25 o c t o b r e e t 15 n o v e m b r e 10-1» [Archives des Affaues


cirariqcres Je lrrance).




eut fort aggrave les embarras de sa situation intérieure,
toujours si chancelante, et les difficultés de sa politique
extérieure qu'il poursuivait obstinément, quels que
lussent ses embarras personnels. A côté de lui, Colberl,
encore simple conseiller d'État, et intendant de la mai-
son du cardinal, mais déjà passionnément appliqué au
soin de la prospérité nationale, dénonçait sans relâche
les souffrances et les pertes que causaient au commerce
français les mesures prohibitives du Parlement ré-
publicain et la guerre sourde et déréglée que se fai-
saient les marines des deux États. Il fallait absolument à
Mazarin des alliés puissants en Europe, à Colbert de la
sécurité pour le commerce de France, sur terre et. sur
mer. Un moment Mazarin se flatta de conclure, avec les
Provinces-Unies, contre l'Espagne et l'Angleterre, une
alliance efficace : le comte d'Estrades, longtemps am-
bassadeur en Hollande, était, en 1652, gouverneur de
Dunkerque; le prince d'Orange lui écrivit le 2 septem-
bre : « La confiance que j 'ai en votre amitié, et en celle
que vous aviez pour feu M. mon père, me fait espérer
que vous ne me refuserez pas la prière que je vous fais
de venir me trouver à la Haye au plus tôt, ayant à vous
communiquer des affaires très-importantes. » 11 s'agissait
d'un projet de traité par lequel Louis XIV et le prince
d'Orange se seraient engagés « à (aire en commun la
guerre à l'Espagne et à rompre en même temps avec
Oomvvell, en tâchant, par toutes sortes de voies, de ré-
tablir le roid'Anglelerre dans ses royaumes. » D'Estrades
en rendit compte à Mazarin qui lui répondit sur-Ie-




232 OrVERTI'RKX DR VLAZARIN


champ : « La reine m'a commandé de vous donner ordre
de passer incontinent en Hollande, près M. le prince
d'Orange; et afin que vous soyez en élat de traiter avec
lui, si vous le trouvez disposé à rompre avec l'Espagne,
|e vous envoie le pouvoir du roi pour conclure lelrailé,
et ce sera le plus grand service que vous sauriez jamais
rendre au roi. En mon particulier, je vous saurai très-
bon gré si vous portez ce prince à rompre avec l'Espa-
gne ; ce qui romprait toides les mesures de mes enne-
mis, et dissiperait les cabales et factions qui paraissent à
la cour et dans le Parlement contre moi. Je vous prie
de ne rien négliger pour faire réussir cette affaire qui
est très-importante 1 . »


L'affaire ne réussit pas ; le prince d'Orange mouru t 5 ;
et vers la fin de cette même année, Mazarin se trouva
seul, en face de l'Espagne toujours ennemie, de la Ré-
publique britannique officiellement reconnue par l'Es-
pagne, des Provinces-Unies détachées, par la mort de
leur sladthoiider, de la cause monarchique, et sans re-
lations, même officieuses, avec l'Angleterre d'où son
agent était chassé.


Par caractère autant que par politique, il ne pouvait
rester dans cette situation : aussi impatient que fourbe,
et redoutant peu les dégoûts, il était de ceux qui se
pressent d'agir pour sortir d'embarras et qui s'exposent


1 Lettres, mémoires et négociations de M. le comte d'Estrades (L'on


cires , 1753), 1. I, p. 9 9 - 1 0 3 .
3 L e ti n o v e m b r e 1050.




AT' P A R L E M E N T R É P U B L I C A I N (1060­1651). 233


з un nouvel échec plutôt que de ne rien l'aire pour ré­
parer celui qu'ils ont subi. Les négociants français in­
sistaient fortement pour qu'on renouai, avec l'Angle­
terre, des relations pacifiques; ils essayèrent d'entrer
eux­mêmes en correspondance directe avec le Parlement
républicain, et un il. Salomon, vicomte de Yirelade,
écrivit en leur nom, de Paris, an conseil d'État britan­
nique, demandant un sauf­conduit pour aller à Londres
négocier dans leur intérêt : « Il n'y a ici personne, lui
répondit. YYalter Frost, secrétaire du conseil d'Etal,
qui puisse Irailer avec vous deces affaires, sinon la puis­
sance souveraine ou ceux qu'elle députerait; et celle
puissance­là ne voudra recevoir d'adresse de personne
que de la puissance souveraine de France,laquelle seule
peut donner les pouvoirs nécessaires pour traiter de
telles affaires. Je ne puis donc vous procurer un sauf­
conduit pour venir en la qualité que vous marquez
Mais si l'Élat de France veuf faire, par vous, ouverture
d'adresse publique à cette République sur ces affaires,
et en la forme usilée entre Etals souverains, je ne doute
point que cet Etal­ci ne soit content de recevoir les pro­
positions lionne tes et justes qui seront pour terminer
les différends et rélablir le commerce en sa liberté pour
le bien coi uni un '. »


Loiberl vint, en aide aux négociants : il rédigea un


' T.P И f lnrpmbrn 1650 ;—T)ncnment* inédit!: sur l'histoire diplo­
matique de­ Erronée ; —Revue nouvelle, t. V, p . 113­116 (Documents
lostcriques, n° X L Y}.




234 OUVJEUTUKE.S D E M A Z A I U N


mémoire où, posant en |ii'incijic <iue « pour remettre
Je commerce il y a deux choses nécessaires, la sûreté ei
la liberté, » il rappela les faits qui détruisaient, pour le
commerce de la France avec l'Angleterre, ces deux con-
ditions de salut, et indiqua, sans hésitalion, par quels
moyens on pouvait les retrouver : «Le point, où les An-
glais s'attachent le plus, dit-il en finissant, est la recon-
naissance de leur République, en quoi les Espagnols
nous ont précédés. On a à craindre une plus étroite
union par suite des négociations de l'ambassadeur d'Es-
pagne en Angleterre. C'est à nos seigneurs les ministres
à prescrire la forme de cette reconnaissance, jusqu'où
elle doit aller, en quoi la France sera excusable devant
Dieu et les hommes si elle est conlrainte de venir à la
reconnaissance de cette République pour prévenir les
ligues et mauvais desseins des Espagnols qui font toutes
les injustices et se soumettent à toutes les bassesses ima-
ginables pour nous nui re 1 . »


S'il eût décidé seul, Mazarin eût probablement pris
un parti prompt et complet; mais il avait à décider Anne
d'Autriche, son conseil et ses entours; il lui présenta un
mémoire où la question de la reconnaissance de la Répu-
blique d'Angleterre était soigneusement débattue : « Il
semble d'abord, dit-il, que, si on se règle par les lois de
l 'honneur ou de la justice, on ne doit point reconnaître
cette République, puisque le roi ne saurait rien faire de


I Documents inédits sur l'histoire diplomatique de France ;—Reçue


nouvelle, t. V, p . 400-113 (Documents historiques, w X V ) ,




Al l ' A l U . K M K X T R E P t m i . l C A I X (1650-1651). 235


plus préjudiciable à sa réputation que cotte reconnais-
sance par laquelle il abandonne l'intérêt du roi légitime,
son proche parent, voisin et allié, ni rien de plus injuste
que de reconnaître des usurpateurs qui ont souillé leurs
mains du sang de leur souverain Mais comme les
lois de l'honneur ou de la justice ne doivent jamais rien
faire faire qui soit contraire à celles de la prudence, il
faut considérer que toutes les démonstrations que l'on
pourrait faire présentement en faveur du roi d'Angle-
terre n'amèneraient pas s o n rétablissement; qu'un plus
long refus de reconnaître la République ne servira de
rien j t o u r augmenter ou confirmer les droit s du roi; , . . .
que ce cp.ie la nécessité du temps et, des affaires obligera,
de taire en faveur de la République n'empêchera pas
que ci-après on ne puisse se prévaloir des conjonctures
favorables qui se présenteront quand o n seraen meilleur
état pour l'aire quelque grande entreprise Que
d'ailleurs il y a sujet de craindre que, si les Espagnols
sont une fois plus étroitement liés avec les Anglais,
comme ils y travaillenl avec chaleur, ils ne les empê-
chent de s'accommoder avec nous, et ne les engagent,
sinon à nous faire une guerre ouverte, au moins à leur
donner de puissantes assistances contre n o u s . Il ne reste
donc pas lieu de douter que l'on n e doive sans délai
entrer en négociation avec la République d'Angleterre
et lui donner le titre qu'elle désire. Il y a néanmoins une
condition absolument nécessaire, et sans laquelle il sc-
iait inutile de s'engager à faire cette reconnaissance, qui
est d'être assuré auparavant q u ' o n en retirera quelque




33IÎ E X V O I D E M. D E GEXTTI .EOT


utilité capable (remporter, en la balance, le préjudice
qu'on pourra en recevoir en la répulalion 11 serait
doublement préjudiciable de taire une bassesse si, après
l'avoir faite, les Anglais demeuraient dans l'indifférence
et la froideur, et si ces avances ne servaient qu'à les
rendre plus orgueilleux et plus difficiles dans les condi-
tions du traité qui devra être fait avec eux pour accom-
moder les différends que nous avons ensemble 1 . »


Pour échapper à ce danger et ne pas « s'exposer à une
honle publique sans aucun profit, » on résolut d'envoyer
d'abord à Londres un agent secret, M. de Gentillet,
homme d'esprit, connaissant bien l'Angleterre et déjà
employé plusieurs fois dans des missions semblables :
« Sa Majesté, disaient ses instructions, a trouvé bon que
le sieur de Gentillet, s'en allant en Angleterre, travaille,
adroitement et sans éclat, par le moyen des anus et ha-
bitudes qu'il a en ce pcuplc-là,à se bien informer s'il, y a
une véritable disposition à faire cesse)1, par un bon ac-
commodement, les différends qui sont cidre les deux
nations et à rétablir entre elles une bonne correspon-
dance. 11 doit être assuré avant toutes choses que le
Parlement d'Angleterre n'a point fait de Irai lé particu-
lier avec les Espagnols contre la France, et qu'il n'est
point tellement engagé avec eux qu'il ne puisse faire
tous les accommodements et confédérations qui seront


1 ,1 arivier 1651 ; — D o c u m e n t s inédits sur l'histoire diplomatique de


France ; Revue nouvelle, t. V , p. 4 1 6 - 4 ! » (Manuscrits de. Brienne, a


la Bibliothèaue impériale-'.. (Documents historiques, n" XVI.}




A ï .ONTJRKS J A N V I E R 1651). 23"7


jugés utiles pour los deux royaumes Les Anglais ne
manqueront pas de demander que le roi reconnaisse
apparemment leur République par des lettres et autres
démonstrations publiques ; sur quoi le sieur Gentillot
représentera qu'il n'y aura point de difficulté sur cet
article, et que c'est un point que le Parlement peut te-
nir pour accordé selon son désir, mais qu'il nous im-
porte d'être assurés qu'après la reconnaissance faite nous
ne rentrions pas en rupture ou en mauvaise intelligence,
et que les hostilités cesseront entièrement. L'assurance
ne peut être autre que de convenir en même temps
d'un projet d'accommodement pour les différends qui
sont entre les deux nations. » Ici venait l'exposition de
ces différends ainsi que des conditions du traité qui
devait y mettre un ferme, et les instructions finissaient
en disant : « Le sieur de Gentillot pourra même laisser
entendre que, si la République d'Angleterre désire quel-
que engagement plus étroit avec la France, principale-
ment contre l'Espagne, l'on y est entièrement disposé


de ce côté-ci En cas que ledit sieur de Gentillot y
trouve disposition du côté des Anglais, sur les avis qu'il
en donnera, l'ambassadeur qui passera en Angleterre
sera chargé et aura pouvoir suffisant d'en trai ter 1 . >•


Mazarin, dans cette démarche, avait oublié de pré -
voir deux choses, la faiblesse de sa propre situation et ta


' Le 20 j a n v i e r 1651 ; — D o c u m e n t s inédit<! sur l'histoire diplomati-


que de France iftecae rioucílle, t. V , p. 419 4-22;. [Documents hùto-




288 M. DF. ffKNTTT.T.OT Kf i in tn - ; .


fierté des républicains anglais : au moment où M. de
Centillot arrivait à Londres, les Frondeurs triomphaient
à Paris; Je cardinal, oblige de fuir', trouvait, à grand-
peine, un asile d'abord au Havre, puis à Sedan; et le
Parlement britannique de son côté, voulant être reconnu
par la France comme il venait de l'être par l'Espagne,
hautement et sans plus de délai, refusait d'écouter et
même d'admettre à Londres aucun agent officieux et
secret : « J'ai eu tous les regrets du monde, écrivit M. de
Gentillot à M. Servien, que je n'aie pas su au vrai les
choses avant de me charger de ce voyage; ces gens-ci
ont trop de sujet de se plaindre; ils veulent qu'on parle


à eux par les formes et que l'on vienne à compte ,
J'ai fait lout ce qu'il m'a élé possible; tout cela n'a servi
de rien. L'on a cru que vous ne m'aviez envoyé ici que
pour faire office d'espion dans leurs affaires. Soif cela
ou quelque autre raison, ou pour nous montrer qu'ils
ne peuvent s'accommoder à cette façon de trader qui
s'éloigne de leur reconnaître la puissance, tant il y a (pie
fort brusquement ils m'ont envoyé chercher vendredi,
comme particulier, pour venir auprès d'eux; six députés
du conseil d'Ëlal m'examinèrent peu, s'en allèrent faire
leur rapport, et peu de temps après me tirent donner,
par un secrétaire, un acte qui porte que je sortirai
dans trois jours de Londres; à quoi obéissant, je s<n s
d'ici aujourd'hui qui est mon troisième jour ; je [ l a s -
serai a Calais pour attendre réponse à celle dépè-


1 l u i f é v r i e r 1651 .




MORT T>r PRIXOB D'ORANGE (fi S O V K M B R E 10501. 239


ehe f . » On n'ordonna rien de plus à M. de Gentillet; il
rentra à Paris, et le reste de l'année Ifiol s'écoula sans
qu'aucun nouvel essai de rapprochement lût tenté
entre la cour de France et le Parlement républicain.


On s'en inquiéta peu à Londres, car la République et
ses chefs étaient dans l'un de ces accès de fortune et
d'espérance qui trompent tes gouvernements, surtout
les gouvernements nouveaux, sur leur force réelle, et
font éclater les rêves de leur orgueil. En même temps
que la reconnaissance de l'Espagne faisait entrer la jeune
République dans la société des États européens, la mort
de Guillaume, prince d'Orange, livrait à l'influence de
l'Angleterre les Provinces-Unies, celui de ces États au-
quel l'unissaient les liens les plus naturels de situation
et d'intérêt. Toutes deux protestantes et républicaines,
l'une à peine victorieuse, Pau Ire encore engagée dans
la lutte pour la défense de leur foi et de leurs libertés,
los deux nations avaient, au nom d'idées analogues, la
même cause à soutenir, souvent contre les mêmes enne-
mis. Tout les invitait à une alliance intime. Un obstacle
grave s'y opposa d'abord : deux grands partis, d'un côté
Jo palriciat bourgeois des villes, de l'autre la maison de
iNassan soutenue par les restes de la noblesse féodale et
par la multitude, se disputaient le gouvernement des
Provinces-Unies : tous deux puissants et respectables,
car ils avaient tous deux glorieusement combattu


i E e 6 i n a r > - 1 0 5 1 ; — M m i w m U de Brie une : — Documents inédits


sort /í¿.,7F.¡Ye ijiptúiiintiqoc de Fi anee.




'240 E T A T D E S R E L A T I O N S D E L'ANO LETLKViE


el souffert pour conquérir l 'indépendance de leur pa-
trie. Vainqueurs, ils entrèrent aussitôt en lutte sourde
ou déclarée, l'un aspirant à fonder une République aris-
tocratique et fédérative, l 'autre tendant à transformer,
sous le nom de stadltioudérat, la confédération des Pro-
vinces-Unies en une souveraineté unique et héréditaire.
Désunion déplorable, dans laquelle l'un et l'autre parti,
obéissant à des sentiments nobles et soutenant des inté-
rêts légit imes, aggravaient outre mesure, par leurs
passions, l ' importance de leurs dissentiments, et
méconnaissaient également tour à tour la limite de
leur force et le vœu de leur pays. Tant (pie le prince
d'Orange vécut, il lit prévaloir, dans les conseils des
Provinces-Unies, une politique hostile à la République
britannique : non pas sans effort ni complètement; il
eût voulu, même au prix de la guerre, engager la Con-
fédération dans la cause de Charles II ; c'était plus qui;
ne comportaient évidemment le bien et le sentiment
public; la province de Hollande, où dominaient les in-
lérêls commerciaux et les patriciens bourgeois, soutint
éncrgiquenienl. la politique de la paix el de la neutralité;
elle avait, pour son propre compte, avec le Parlement
anglais, des relations bienveillantes; il prenait soin de
ménager ses négociants et de lui témoigner des égards
particuliers ; elle envoya mémo et entretint quelque
temps à Londres un agent spécial, Gérard Schaep, (pie
le Parlement reçut et traita avec distinction'. La rupture


i L e 11 j u i n 1 0 6 0 ; — J o u r n a l » uf thr ilouu- of vummviu. t. \ 1


p. 4 M , 4 2 1 , 422, 4 2 5 .




À V F . C L F . S P R O V I . V O E S - r . V I K S ( F I N T>E M » ! . m


entre les deux États l'ut ainsi prévenue : mais là se
borna l'inlluence de la province de Hollande et de ses
magistrats; ils ne purent empêcher que, dans la con-
duite générale des affaires, le prince d'Orange, secondé
par les jalousies des autres provinces et par le sentiment
populaire, ne fit prévaloir la politique royaliste. Non-
seulement les États généraux donnèrent à Charles II
toutes les marques d'intérêt et tout l'appui indirect qui ne
les compromettaient pas absolument à son service; mais
ils l'admirent à conférer avec eux, à leur exposer sa si-
tuation et ses vues, à réclamer leurs conseils; et au même
moment ils refusaient toute audience au résident de la
République d'Angleterre, Walter Strickland , resté à la
Haye après le meurtre de son compagnon Dorislaùs; et
ni ses instances répétées, ni la protestation formelle des
Etats particuliers de la province de Hollande ne purent
surmonter ce refus '. Strickland retourna à Londres et
lit connaître au Parlement, en lui rendant compte de sa
mission avec l 'amertume d'un agent offensé, l'inimitié
profonde (jue lui portaient et le prince d'Orange et les
Etats généraux qu'il dominait' 2.


A la mort du prince d'Orange, cet état de choses chan-
gea complètement; malgré de grandes marques de res-
pect et d'alfeclion envers sa famille, ni ses dignités ni


i Le C l e r c , Histoire des Provinces-Unies, t. 11, p . 2 7 2 ; — J o n r n a l s


of Vue Home ofcomrnons, i. V I , p. 2!C>, . 1 1 5 ; — I l m i l o e , State-Papers,


i. I, p. 1 1 3 - 1 1 5 ; — C l a r e n . k i n , llist. of Ihr PebeiUon. 1. x n , c . 27 .


* L« 7 a o û t H>50 ; — J o u m u U of ll,e House of conanons, t. V I ,




•M'i L E P A R L E M E N T E X V O I E ! i l X


son pouvoir no passeront à l'enfant dont sa veuve, la
princesse Marie Sliiarl, accouclia une semaine après sa
mort, et qui devait être un jour Guillaume III. Les ma­
gistrats des principales villes, les de Witt, Ricker, de
Waal, Ruyl , Yoorhoul, reprirent partout les fonctions
dont le prince les avait violemment écartés; l'aristo­
cratie municipale et la province de Hollande, où résidait
surtord sa force, ressaisirent leur ascendant dans le gou­
vernement centra l ; une assemblée extraordinaire des
Etats généraux remit en vigueur les traditions républi­
caines de la confédération ; tout annonçait qu'une poli­
lique pacifique, et même bienveillante, envers la Répu­
blique d'Angleterre, remplacerait la politique royalisle
et hostile du prince d'Orange. Jamais une occasion plus
favorable ne pouvait se présenter pour conclure, entre
les deux républiques protestantes, celle alliance intime
que leur indiquait leur situation ' .


Le Parlement s'empressa de la saisir ; il décréta que
des ambassadeurs extraordinaires seraient envoyés a la
Haye pour accommoder les ditl'ércnds cl traiter de l'al­
liance des deux Etats". Afin de donner à celle ambas­
sade plus d'autorité, on en chargea le yrand juge Olivier
Saint­John, l'un des plus habites meneurs du Parle­
ment pendant la guerre civile et de la République depuis


* Le C l e r c , Histoire des Provinces­Unies, t. I I , p . Ш­Ш ; — W i c ­
q u e f o r i , Histoire des Pr<n inces­ ['mes. t. IV, p. W­i­M .­­­ \Хл.:>­
n a a r . Vaderlondsclic hiitorie ­eu l i o l i a n . l a i s , A m s t e r d a m , !7;Vii.
I. X I I , p. 18 e t s i i iv .




Al i MASSAI)E I ' KS A LA H A Y E O . U ' V I I Ì R 1651). Ul'-Ì
la victoire;, ami d'ailleurs et conseiller intime: eie Crotu-
well '. Saint-John refusa d'abord, alléguant sa mauvaise
santé. C'était un révolutionnaire égoïste, hautain et
craintif, content de sa fortune judiciaire, de son influence
indirecte dans le gouvernement, et peu empressé à com-
promettre, dans une mission difficile et peut-être péril-
leuse, son amour-propre ou sa sûreté. La Chambre r e -
poussa son refus'2, lui adjoignit Walter Strie.kland, leur
remit en séance leurs instructions : |, et tesili parlir en
entourant leur mission d 'un éclat inaccoutumé. Qua-
rante gentilshommes et une suite d'environ deux cents
domestiques les accompagnaient. Saint-John emmena
Thurloc comme son secrétaire. A leur arrivée en Hol-
lande, d'abord à Rotterdam, puisa la Haye, ils furent
reçus avec non moins d'empressement et de solennité ;
une elépulalion des Étals généraux vint à leur ron-
coni re, suivie de vingt-sept carrosses ; on leur exprima
le regret de ne pouvoir les conduire à l'hotel consacré
par l'Etat aux ambassadeurs étrangers, et qu'occupait
déjà l'ambassadeur de France, M. de lielh'èvre; on les
établit dans un hôtel parliculier, et la plupart des gens
de leur suite se logèrent aux environs, allant et venant
sans cesse dans les rues, toujours plusieurs ensemble et
portant leurs épées à la main ou sous le bras, comme se
croyant eu pays ennemi et entourés des meurtriers de
Uorislaiïs. Les royalistes anglais étaient en effet nom-




244 D E S S E I N D E P A R L E M E N T D ' \ N I > L E T E R R E


lireu.v à la Haye, autour de la princesse d'Orange et du
duc d'York, et fort enclins à insulter les ambassadeurs
lie la République. La multitude hollandaise elle-même
leur était malveillante et les suivait avec curiosité, se
moquant de leur attitude et disant que sans doute ils
avaient peur 1 .


Les dispositions des hommes placés alors a la tête du
gouvernement hollandais étaient différentes ; par situa-
tion comme par prudence, pour eux-mêmes comme poin-
teur pays, ils désiraient sincèrement les bons rapports
et même une alliance véritable avec la Répuhliqued'Aii-
glcterre. Trois jours après leur arrivée à la Haye 3, Saint-
John et Strickland furent reçus par les Etals généraux en
audience solennelle avec les plus éclatantes marques de
considération amicale, et, sept commissaires (UWDI dési-
gnés pour entrer en conférence avec eux. Ils avaient mis-
sion de déclarer aux ambassadeurs « que les Provinces-
Lnies offraient leur amitié à la République d'Angle-
terre, et qu'elles étaient portées non-seulement à renou-
veler et entretenir inviolablement l'affection cl les
bonnes relations qui avaient existé de tout temps en Ire
la ualion anglaise et elles, mais aussi à faire avec la
République un traité d'intérêts communs. » Les pro-


1 Jovrnals of the House of rommon*. t. V I , p . 523 , 527, 528, 511,


5 4 3 ; — W h h e l o e k e , p . 487 , 488 , 490 ; — C l a r e n d o n , JJUt. of the Ue-


bcUion, 1, x i n , c . .151 ;-—\\ M.MpiiOort, Histoire ries J'rovrio'es-l'nie.i.


i . I V , p . 287; — L e C l e r c , Histoire des l'rorinces-i'rues , t. Il,


p . 307-308 .


* L e 30 m a r s 1051 .




S V R I.KS P I U > V I \ T E S - T N r F . S . 245


mièrcs paroles des deux ambassadeurs lircni clairement
e)]!re\oir que de telles offres ne leur suffisaient pas :
« Nous proposons, direnl-ils, que l'amitié et les bonnes
relations qui ont eu lieu anciennement entre la nation
anglaise et les Provinces-Unies, ne soient pas seulement
renouvelées cl i nviolabloment maintenues ; mais qu'elles
entrent dans une alliance et une union plus étroite et
plus infime, de telle sorle que, pour le bien de toutes
les deux, il y ait entre elles un intérêt mutuel plus
substantiel et plus efficace1. »


Que devait être «cette union plus étroite et plus
intime? » Que signifiait « cet intérêt mutuel plus sub-
stantiel et plus efficace?» Pendant six semaines, Saint-
John et Strickland refusèrent de s'expliquer à cet égard :
c'était, disaient-ils, aux Etals généraux à faire connaître,
avec précision et détail, leurs vues dans cette négocia-
tion; quant à eux, ils ne jugeaient point satisfaisante la
première offre qui leur avait été faite; et comme le
Parlement avait assigné à la durée de leur ambassade
LUI terme fixe et prochain, ils insistaient pour qu'on
donnât promplemcnl à leur proposition générale une
réponse claire et péremploire 2.


En dessein d'ambition vaste et chimérique, un de ces
desseins qu'on n'avoue pas en travaillant à les accom-
plir, était au fond de l'âme de Saint-John et des meneurs
du Parlement qui l'avait envoyé. Présomptueux et


1 W i o q u e l o r t , Histoire des Provinces-Unies, Preuves, 1. I I . p . 379-
530.


2 Wicque l ' or l , IJ.istuiie des Provinces-Unies, t. I I , p . 392-394 .


14




211) D F S S F I X 1 \)V VAUT KM F . \ T T Y . W G F K PHl i l iE


inquiets à la fois, ils étaient en proie à celte exubérance
d'activité téméraire, à ce besoin de grandir pour s'af-
fermir qui s'emparent des pouvoirs nouveaux enivrés
de leurs premiers succès. Les bruits répandus sur les
projels d'expédition de Croimvcll en France n'avaient
pas d'autre origine; sensé, même au sein de la fermen-
tation révolutionnaire, Cronrwell n'y pensa probable-
ment jamais; mais dans l'armée, dans le Parlement,
partout dans l'Angleterre républicaine, des idées de ce
genre préoccupaient passionnément des esprits hardis
et sans mesure, à qui, pour leur patrie et poni'eux-
mêmes, tout semblait possible après ce qu'ils avaient
déjà fait. Les Provinces-Unies n'étaient pas la France; il
ne s'agissait point de les conquérir par la guerre ; l 'œu-
vre était déjà à moitié accomplie ; tous les liens moraux
et matériels, la religion, les institutions, la politique, le
commerce, rattachaient et assimilaient les Provinces-
Unies à l'Angleterre. Pourquoi l'assimilation n'irait-elle
pas jusqu'à l'union? Pourquoi deux républiques si sem-
blables et si voisines resteraient-elles séparées? Facia-
mus eos inunam geniem; faisons-en une seule nalion, »
Ielle était la pensée des chefs républicains de l'Angle-
terre ; Strickland, dans sa première mission à la Haye,
l'exprimait déjà 1 en écrivant à Walter Frost, secrétaire
du conseil d'Étal ; elle inspira l'ambassade de Saiut-johu
et domina toute sa négociation "-.


' Le 27 s e p t e m b r e 16J9.


« I h u r l o e , State-Ptijptn, t. 1 , p . i 3 0 , — C l a r e n d o n , t i n i . ;ft'.f




S U R LES P R O Y l N T l i S - U N U Î S . 217


Celait un rêve |ili.'in d'imprévoyance autant que d'or-
gueil. La réunion on un seul Liât, et sous le même
gouvernement, des deu\ grandes républiques protes-
tantes eût, à coup sûr, rencontré en Europe dos résis-
tances acharnées, et rallumé peut-être les guerres de
religion. La populaliou hollandaise l'aurait passionné-
ment repousséc; c'était la perte de son existence na-
tionale et son absorption dans le sein de la puissante
Angleterre, déjà très-impopulaire dans les Provinees-
l'nies, comme un ancien prolecteur, maintenant un
rival et bien près de devenir un ennemi. Déjà cir-
culaient parmi le peuple des sat ires, des chansons,
de petits écrits, en prose ou en vers, pleins de haine
et de menaces conlrc les Anglais. Les chefs mêmes
du gouvernement hollandais, les .hommes les plus dé-
cidés à la bonne intelligence avec l'Angleterre avaient le
cœur trop lier pour ne pas mettre au-dessus de foules
choses l'indépendance de leur patrie, et leur bon vouloir
dans la négociation se glaçait dès qu'ils voyaient percer
l'ambitieux dessein des négociateurs étrangers. Déplo-
rant, quelques années plus tard, les menées orangisles
et les passions populaires qui avaient, poussé à la rup-
ture, Jean de, VYift disait avec une patriotique amer-
tume : «A cela il faut ajouter l 'humeur insupportable
delà nation anglaise, sa continuelle jalousie de notre
prospérité, et la haine mortelle de Cromwell contre le


Rehdhon, 1 x i u , c . 1 5 1 , — O o i h v i u , Hist. of the Cooioionieeallh-


t. III, p. Tii;—\ o C l o r e , He,lo)re, de» Provinces-Vnie*. t. I I , p.SQtf,




2-W I.KS AMRASSADr.I'TÎS ANGLAIS


jeune prince d'Orange, fils de la so'ur de ce roi banni
qui était, au monde, ce qu'il craignait le plus \ »


Divers incidents, les uns naturels et presque inévi-
tables, les autres suscités à dessein, vinrent encore
aggraver les embarras de la négociation. La populace
de la Haye témoignait fréquemment aux ambassadeurs
sa grossière malveillance; dans les rues et aux environs
de la ville, leurs gens furent insultés et maltraités par
les gens de la princesse d'Orange ou par les Cavaliers
attachés au duc d'York qui résidait en ce moment au-
près de sa sœur. Le prince et la princesse eux-mêmes
passaient et repassaient souvent, en grand cortège et
lentement, devant l'hôtel des ambassadeurs, comme
pour les braver ; plaisirs puérils que se donnent les
haines et les humeurs de parti pour se consoler ou se
distraire un moment de leur impuissance. Un jour, le
prince Edouard, jeune frère du prince Robert, voyant
passer les ambassadeurs en carrosse, les apostropha des
noms de : « Coquins, misérables chiens! » Saint-John,
se promenant dans le parc de la Haye , y rencontra le
duc d'York, à pied comme lui. et ils ne se reconnurent
qu'en se voyant face à face. L'ambassadeur de la Répu-
blique ne cédant point le pas , le prince lui abaltil son
chapeau en lui disant : «Apprenez, parricide, à res-
pecter le frère de votre roi. — Je ne vous reconnais,
vous et celui dont vous parlez, que comme une race


! Leeven en Dood der Gehroede.rs Cornelif en Johan de WiH


( A m s t e r d a m , 1*05;, p . 20 , 27, 3 3 : t r a d u i t o n f r a n ç a i s s o u s le t i tre


d e : UUMre de Corncilh e> Jean de WiU (L' irecl i t , 17u0,,, 1. I, p . W.




S O N T TXSri .TÉS A LA H A T E . 249


do vagabonds, » répondit Saint-John : ils mirent l'un
el l'autre la main sur leur épée; mais les gentilshommes
qui les accompagnaient les entoureront et les emme-
nèrent. Un colonel Àpsley se vanta, dit-on, qu'il irait
élrnngler Saint-John dans sa maison. Les ambassadeurs
portaient plainte aux Etals généraux de ces offenses;
les magistrats entamaient des poursuites, prenaient des
mesures de police, plaçaient des gardes tout autour de
l'hôtel. Les satisfactions officielles ne manquaient point;
niais les animosités royalistes ou populaires persistaient
el trouvaient toujours, pour éclater, quelque nouvelle
tonne et quelque nouvelle occasion *.


Les ambassadeurs rendirent compte à Londres de
cette situation presque aussi périlleuse que difficile ; ils
v envo\èrenl même Thurloe pour l'expliquer avec
détail et demander s'ils devaient négocier encore ou
part i r 2 . Le Parlement, qui tenait fortement à son espé-
rance, les autorisa à prolonger leur séjour : mais en
même temps, pour donner aux Étals généraux une
marque de, son mécontentement et de son pouvoir, il
fit arrêter' en mer neuf navires marchands d'Amster-


i Journal* of the> lionne of communs, t. V I . p. 5 0 0 ; — W h i t e l o c l c e
p. 401 , 493 , 1 9 4 ; — C l a r e m l e n , IHsl. oflhe Rébellion, 1. x i n , c. 155 ,
—Pari. / / (» ' . , I. X I X , p. 473 ; — C a r t e , Ormond's Letton;, t. I, p . 427;
t. I I . p. 2 j — K a g u e n o t , Histoire d'Olivier Croini.eell J . ' t rec l i t , 1692 ,
t. I l , p. 2 7 ; — L e C l e r c , Histoire de* Provinces-Unies, t. I I , p . SOS,
3 1 0 . — W i c r p i c f o r t , Histoire des Provinces-Unies, i. I V , p . 2 8 9 ;
ï h n r l o e , 8laU-P't)>ers, i. I, p . 179.


* Le 29 avr i l 1051 ;— .Tournais of ttee House of commons, t. V ' ,
p. 568,




250 L E S A M B A S S A D E U R S A N G L A I S


(loin destinés pour le Portugal, et demanda raison a la
Haye de l'attitude de l 'amiral Tromp (fui station-
nai! avec son escadre dans les enux des îles Seitly
comme s'il eût voulu s'en emparer. Les États généraux
expliquèrent les instructions données à Tromp et récla-
mèrent contre la saisie des neuf navires. Nul ne voulait
prendre l'initiative de la rupture, mais de part et d'autre
l 'humeur devenait chaque jour plus amère, et perçait
jusque dans les démarches ou les paroles de courtoisie
destinées à la couvrir 1 .


Après plus de deux mois de conférences vaines, con-
sumées par les négociateurs anglais à ne pas dire ce
qu'ils tentaient de faire, et par les Hollandais à ne pas
répondre, quoiqu'ils le comprissent fort bien, à ce qu'on
leur demandait sans le leur dire, Saint-John et Strick-
land se décidèrent enfin à énoncer avec précision, en
sept articles, quelques-unes de leurs prétentions''. Celles-
là seules auraient eu pour résultat délier complètement,
en fait de paix ou de guerre et d'alliances, la politique
et le sort des Provinces-Unies à la politique et au sort
de la République d'Angleterre; elles obligeaient en
outre les États généraux à abdiquer, dans certains cas,
sur leur propre territoire, les droits et le libre arbitre
de la souveraineté. Et pour indiquer que leur mission


' T h u r l o e , Slah-Popers, t. I, p . J7T;—Whit . ; l .»ck t - , p . 4 9 1 . 192 ;


W i c q u e f o r t , Histoire des I V o r m ' 4 ' S - F » i V « . 1. II; Praires, p 397-102;


— L u Clurc, Histoire des Proeinecs-l> mes. i. H, p. 311 .


i Le 10 niai 1651 , T h u r l o e , Kfo ' e - I ' i i iw* . I, L p- 1 * 2 - ; — W x q u t ; -


fort, Histoire des Proeinces-Vnies, t. I I , p . 410-414,




É C H O U E N T ;2!i J T - [ N 10511. 231


étaii loin de se renfermer dans ces termes déjà si
extrêmes, les deux ambassadeurs se hâtèrent d'ajouter
que, si leurs premières demandes étaient agréées, « le
Parlement leur avait donné pouvoir de proposer et de
mettre à effet, de sa par t , des choses de plus grande
et de plus haute conséquence pour le bien des deux
républiques »


Évidemment, avec de telles arrière-pensées, rien
n'était possible: on se comprit sans s'expliquer; par
convenance, la négociation se prolongea encore quel-
ques jours ; mais le 21) juin UMI , Saint-John et Strick-
land déclarèrent que le Parlement les rappelait et de-
mandèrent leur audience de congé ; elle leurfut donnée
le lendemain. Devant les Étals généraux, les paroles
officielles de Saint-John furent modérées et courtoises;
mais en se séparant des comniissai res hollandais avec les-
quels il négociait depuis trois mois, il leur dit : « Mes-
sieurs, vous avez les yeux fixés sur l'issue de nos affaires
e n Ecosse, et à cause de cela vous avez dédaigné l'amitié
([lie nous vous offrions. Je puis vous assurer que plu-
sieurs membres du Parlement étaient d'avis que nous
ne devions point venir ici, ni vous envoyer aucun ambas-
sadeur, qu'il fallait d'abord mettre fin à nos affaires avec
le roi d'Ecosse, et attendre ensuite vos ambassadeurs chez
nous. Je reconnais maintenant ma faute; les membres
du Parlement qui étaient de ecl avis avaient raison ;


i l.r- 10 j u i n 1051 ; — T l m r W , Siate-Pnpers, i. I, p.. 1 8 8 ; — VVic-


«IUWUTI, 17i»«.».- JV. . , -„ . , ,>- / ; ,„> . - . l'rrurei 1. 11, p . 415-41».




252 LE ]>AKLE.\IEN"r VOTE L'ACTE


vous verrez, sous peu, nos affaires avec le roi d'Ecosse
terminées ; et alors vous viendrez rechercher par vos
envoj és c e yuc nous sommes venus vous offrir cordia-
lement. Croyez-moi; vous vous repentirez d'avoir rejeté
nos offres '. » Deux jours après, fes ambassadeurs quit-
tèrent la Hollande, en refusant, selon l'ordre formef du
Parlement, les riches présents que leur offrirent fes
Etats généraux, et le 7 juillet Whitelocke annonça à la
Chambre qu'ils étaient de retour à Londres prêts a
rendre compte de leur mission 2 .


Deux mesures décisives suivirent promptement le
compte qu'ils en rendirent en effet : Whitelocke pro-
posa, le 5 août, au Parlement, le fameux hill connu
sous le nom d'acte de navigation, qui interdisait à tous
les navires étrangers d'importer' en Angleterre aucune
denrée autre que les produits du sol et de l'industrie de
leur propre pays. C'était le coup le plus rude qu'on pût
porter à la Hollande, dont le commerce de transport
faisait la prospérité. Avant la lin de l'année, le bill fut
définitivement adopté et nus en v igueur 3 . En même
temps des lettres de représailles lurent données aux
négociants anglais pour les mettre, dit-on, en mesure


i Histoire de Corneille et Jean de Wilt, 1 . 1 , p . 0 3 ; — Y v i c q u e f o r !
Histoire des Provinces-Unin», \>. 42« ; — I l e u t b , A lyrief Chroniele, e t c . .
p . 5 2 1 - 3 2 7 ; — T l m r l o e , Slate-Paper», t. I, p . 139-192.


* Journal» of Ihe ilouse of commoh», t. V I , p . 5'J3, 335 ; — W h i t e -
l o c k e , P- 4 0 0 ; — T e C l e r c , Histoire îles Prorinees-Chies, t. I I , p, 313.


3 Le 9 o c t o b r e 10.51 ;—.tournais of Ihe Ilouse of r„nimui.s, !. V I
p . 017; x. V I I , p . 2 7 ; — L e C l o r e , Histoire des l'rocinees- Unies, t. II ,
p . 313 , 31-1,




])]• N A Y T H A T I O X oj O C T O B R E 1051';. 553


lie s'indemniser eux-mêmes des perles que la marine
hollandaise leur avait l'ait subir. Les Proviiiccs-l'iiies
n'avaient pas voulu se laisser conquérir par les négo-
rialions; o j i prépara contre elles la guerre.


La victoire de Worcesler porla au comble la con-
fiance orgueilleuse du Parlement républicain, et les
Etats du continent, par leur attitude et leurs démarchée
après ce grand revers du parti royaliste, vinrent la jus-
tifier et l'accroître. De toutes parts affinèrent à Londres
les déclarations de reconnaissance de la République, les
ouvertures de relations officielles, presque les félicita-
tions et les flatteries diplomatiques. La Toscane, Venise,
(.eues, les villes hanséaliques, les cantons suisses, les
pelils princes d'Allemagne onvovèrenl et reçurent des
agonis 1 . De Suède, de Danemark et de Portugal, des
ambassadeurs extraordinaires apportèrent au Parlement
des lellres de leurs souverains, lui lurent présentés en
audience solennelle, et entamèrent avec lui, soit, pour
mettre tin a lotit différend, soit pour entrer en alliance,
des négociations empressées". Frappée des succès de la


'. L e s 10 s e p t e m b r e e t 15 o c t o b r e 1051 ; l e s 25 f é v r i e r et 15 j u i n


1652; l e s 8 l é v r i e r c i 15 avr i l 1 6 5 3 ; — J o u r n a l * of the Home of


sommons, t. V I I , ,,. l!l. iX, 96, 112, 255 .


* L e s 23 j a n \ ier , l u e t 12 no irs , 6. 25, 26 et 28 m a i , 2 et 28 j u i l l e t ,


Il août , 10, 11, 15, 17, 28 , 29 e t 30 s e p t e m b r e , 12, 14, 22 er 29 o c -


t o b r e , 30 n o v e m b r e , 15, 10 c l 23 d é c e m b r e 1652; l e s 5 e t 11 jan-


v ier , 1" e t 22 f c r ier . 22 , 23 c! O n m„rs . 7 c i S avri l e( 17 mai 1653; —
Journal* ofthe Housr c/'créa l e , c e ' . | . V U , p. 77 , 103, l o i , 130, 165,


J86, 137, 110, 159, l i .5 , 177, l',H, 182, 1H\ 186, 187, 100, 101, 194,


203, 226, - ¿ 2 1 1 , 2 3 0 . 231, 213 , 215, 252, 261, 269 , 270, 273 , 276, 277.




Ч.Л R E L A T I O N S ПК C'EOVIWEI 1,


lîépublique, l'Europe prenait partout ses mesures pour
Ыеп vivre avec elle, soit qu'elle crut ou non à son
avenir.


Mazarin ne pouvait rester étranger à un tel mouve­
ment, car nul n'était plus prompt à s'incliner (levant
la force, soit pour l'attirer et l'exploiter à son profit, soi!
pour lui dissimuler ses vrais sentiments. 11 recommença
ses tentatives pour rentrer, avec la République d'An­
gleterre, en bons rapports; M. de Gcniillot fit un nou­
veau voyage à Londres 1 ; Mazarin y entretenait de nom­
breux agents secrets, français et anglais, tantôt pour
recueillir des informations, tantôt pour nouer des fils
dont il espérait tirer un joui' quelque parti. Son empres­
sement devint bien plus vif quand il sut que sir Henri
Vanc était venu à Paris, et avait eu, avec le cardinal de
Reiz, un entretien : « En retournant chez moi sur les
onze heures du soir, dit le cardinal, je trouvai un cer­
tain Fielding, Anglais, que j 'avais connu autrefois à
Home, qui me dit que Vane, grand parlementaire el
I rès­coufidenl de Cromwell, venait d'arriver à Paris,
el qu'il avait ordre de me voir, .le me trouvai un peu
embarrassé ; je ne crus pas toutefois devoir refuser cette
entrevue, dans une conjoncture où nous n'avions point
de guerre avec l'Angleterre, et dans laquelle même le
cardinal faisait, des avances el basses et continuelles au
Protecteur. Vanc me donna une petite lettre de sa pari,
qui n'était que sa créance. La substance du discours fut


3 En r t o \ е ш Ь г е et d é c e m b r e iGôL­




AXV.V W. C A R D I N A L DE R E T Z . 9 5 5 ( f i i c les sentiments que j 'avais l'ait, paraître pour la
défense de la liberté publique, joints à ma réputation,
avaient donné à Cromwell le désir de l'aire une amitié;
avec moi. (le Fond lut orné de toutes les honnêtetés, de
toutes les offres, de toutes les vues que vous pouvez
imaginer. Varie me parut d'une capacité surprenante,
.le répondis avec tout le respect possible; mais je ne dis
ni ne fis assurément quoi que ce soit qui ne fût digne et
d'un véritable catholique et d'un bon Français 1 . »
.Mazarin en jugeait autrement, et du sein de son exil, il
écrivait à la reine : «Le coadjuteur a toujours parlé
avec vénération de Cromwell, comme d'un homme
envoyé de Dieu en Angleterre, disant qu'il en suscite-
rail aussi en d'autres royaumes; et une fois, en bonne
compagnie où Ménage était, entendant relever le cou-
rage de M. de Beau fort, il dit en termes exprès : « Si
M. de Beaufort est Fairfax. je suis Cromwell\ »


Mazarin excellait à envenimer, pour perdre ses
ennemis, leurs aclions ou leurs paroles, et. à s'appro-
prier aussitôt effrontément leurs exemples et leurs
ruines. Pendant qu'il faisait ainsi un crime au coadju-
teur, auprès de la reine, de ses sentiments sur Crom-
well, il travaillait à enlrer lui-même, avec Cromwell,
eu relalîon int ime; trop sagace pourue pas reconnaître
que là étaient, en Angleterre, l'habileté et le pouvoir,
c'était au maître futur de la République, non plus an


1 Mémoires ,iu eardinel de Rete, p . 211 'MU. in-S». P a r i * . 183TS.
2 I.eiiees du. eordinul M,i:.nrin a (,/ reine Arn.e il'A iilrielie , l l n i h l ,


ni avri l IGOli, pui'U.'i'-. pai \ I , K a v v n v l , p . 5, 0 \Vnri>, JS3(i,.




ï5fi OT T VKUTr ' l ï ) ->: VIF. r i U V U W E T . l ,


Parlement républicain , qu'il adressai! ses avances,
f 'romwells'y prèla volontiers : lui aussi, il élait inces-
saminenl appliqué à se faire partout de puissants amis :
« Il laisse adroitement aux autres la conduite eL le soin
de ce qui fait crier, disait, dès 1050, Croullé à M. Ser-
vien, et se réserve à lui-même les choses qui obligent ;
dont au moins il fait courir le bruit, afin que, si elles
réussissent, elles lui soient attribuées, et sinon, que, l'on
voie qu'il en a eu la volonté, et que l'elfel en a été
empêché par d 'autres 1 . » Le 5 février 1052, le comte
d'Estrades, toujours gouverneur de Dimkerque, écrivit
à Alazarin alors rentré en France, et qui venait di-
re joindre la reine à Poitiers : « Le Prolecteur 5( 'rotnwell
m'a envoyé M. de Fitz-James , son colonel des gardes,
pour me proposer de traiter de Dunkerque, qu'il m'en
donnerait deux millions, et qu'il s'engagerait de fournir
cinquante vaisseaux et quinze mille hommes de pied
pour se déclarer contre l'Espagne et contre les ennemis
du roi et de Voire Excellence, avec qui il voulait l'aire
une étroite amitié. Je répondis à .M. de Filz-Janies que.
si les troubles et la guerre civile qui étaient en France


. Le -20 j u i n lb'50 \Arclnves des Affaires étrangères de France..


2 J'ai é t é s u r p r i s d e t r o u v e r le t i tre d e l'ruteeleur àcjli d o n n e a


C'romwel l l e 5 l é v r i e r lb\V2. L ' a u t h e u t i e h é et la date d e la l e n t :


du c o m t e d ' E s t r a d e s n e s o n t puis d o u t e u s e s , . le s u p p o s e , o u .p ie


[ e s é t r a n g e r s , d é s c e l t e é p o q u e , i p i a l i t i a i e n t C r o m w e l l d e I V . -


leeieuc de' la r é p u b l u p l e d ' A n ^ U ' I e r r e , un p l u t è t i p i e c e t i t t ' ' ' , de -


v e n u . e u d é e e n i è re l l iôd, l e l i t r i - o f l i c i e ! d e C i o t n w e l l . a. é l e i i j i . r


ea!<' ' tans le l e x t e do~ l e t t r e s d u c o m t e d ' E s i r a d e s , au l u o u e n i d<


[eu r p u b l i c a t i o n ,




•\ M AZ A Kl N' f K K V R W î B 1052.1 257


ne m'obligeaient pas d'envoyer \ e r s la reine el, Voire
Excellence, je l'aurais l'ail jeler dans la nier pour
m'a voir cru capable de trahir mon ro i . mais que la
conjoncture présente m'obligeait à le retenir chez moi
en al tendant la réponse de la cour. » Jlazarin répondit
a d'Estrades : « Mon sentiment était qu'on acceptât la
proposition de Ooimvel l ; mais M. de Châteauueuf s'y
est opposé, et l'a emporté près d e l à reine qui n'a pas


voulu y consentir Je nie remets au sieur de Las à
vous dire les sentiments que j 'ai pour vous ; vos inté-
rêts me sont aussi chers que les miens. » D'Estrades
comprit, et ne perdit pas un moment ; cinq jours après,
il écrivait à Mazarin : « Dès «pie j 'eus reçu de M. de Las
la lettre qui me faisait savoir les iulenlions de Voire
Émincncc touchant la proposition d'Angleterre, je le
lis savoir à mon ami à Londres, et le priai de me faire
réponse sur les points de ma lettre au plus lot. 1J est.
arrivé lui-même ce malin eu celte ville, et m'a dit, de
la part de M. Cromvudl, que ce que la République
demande est que le roi les reconnaisse et envoie au
plus toi un ambassadeur, et qu'on paye à leurs sujets ce


qui leur a été pris sur mer Il m'a dit, ensuite que
M. Croinwell l'avait chargé de nie dire que, si Votre
Lminence ne pouvait rosier en France, el que ses
ennemis l'obligeassent d'en sortir, il m'assurait qu'elle
serait bien reçue en Angleterre s'il s'y voulait: retirer,
el traité de la République avec toute sorte d 'honneur;
qu'on lui donnerait une bonne maison pour retraite, une
siireté entière et l'exercice de sa religion libre, et que,




9"'K A V A N C E S D E M A Z A R I N


quand il voudrait s'en aller à Rome, il lui sera fourni
des vaisseaux pour lui cl tout sou équipage, pour le
porler où il voudra »


Mazarin se crul an but de ses vœux : des pouvoirs
lurent aussitôt envoyés à d'Kstrades « pour traiter d'une
nouvelle alliance avec la République d'Angleterre.... Et
jugeant, faisait-on dire à Louis XIV, que le sieur Crom-
well pourrait envoyer vers nous quelqu'un pour être
davantage éclairci de nies lionnes intentions, vous aurez
à les lui faire connaître et vous ouvrir en toute con-
fiance, non-seulement sur ce qui s'y peut, traiter avec la
République, mais encore avec la personne dudit sieur
Cromwell, tant pour le bien commun des deux royaumes
que pour ses intérêts particuliers, vous donnant, par la
présente, pouvoir d'agir, négocier, trader et promettre
en mon nom tout ce que vous jugerez à propos audit
Cromwell, et je ratifierai et exécuterai tout ce (pue vous
aurez promis en mon nom *. » Cependant d'Estrades ne
quitta point Dunkerque; nu mois seulement après la
date de ses pouvoirs, il reçut des instructions précise* et
une lettre de Mazarin qui tes commentait. Le cardinal
voulait vendre cher la reconnaissance de la République,
et ne l'accorder qu'en échange d'un traité immédiat
qui non-seulement mît fin aux différends des deux États,


1 Lettres, Mémoires et Négociations du comte d'Estrades, C I,


p . 103 -1 .07;— !c e o m i e d ' E s t r a d e s au c a r d i n a l M a z a r i n ; 7 mars


10.V21 [.iretiim d.es Affaires eiraiigères de France).


"• Louis XIV a u c o i m e d ' E s u a i d c s (¿1 m a r s ÍOÓ-J) ; Bibl iot i i ; ' t |<ie


i m p é r i a l e ; Manuscrits de ftrienm.




A C ü O M W E f T . ' M A K S - A V K I L 165$.) 259


mais (¡ni assurai a la frailee l'alliance, ou du moins
l'appui caché de r.Vnglolerrc conlro l'Espagne. Dans cet
espoir, il autorisait même d'Est rades à reprendre 1 "allaire
de la cession de Dunkerque au\ Anglais 1 . Averti sans
denle par ses amis de Londres cpi'il aurait peu de
chances de succès, d'Estrades ne partit pas davantage.
A sa place, des insl mêlions à peu près semblables l u -
rent données à M. de ('•enlillol qui eut ordre en outre
de remettre à Cromwell une lettre de Louis X I V lui-
même portant : « Monsieur Cromwell, envoyant ex-
près à Londres le sieur de Cenlillot, gentilhomme de
machambre, aveclellre de créance au Parlement de la
République d'Angleterre et au conseil d'État pour leur
taire entendre mes lionnes intentions, et comme il est
avantageux à l'un et à l'autre État de vivre en bonne
vuisinance, paix et amitié, je l'ai chargé de cette lettre
pour vous, pour vous assurer de ma bonne volonté et
disposition entière à l'aire ce qui servira à la sûreté et
liberté du commerce, bien et utilité réciproque des deux
n,liions; et massiirant- que vous contribuerez volontiers
a un si bon elîel, je me reméis audit sieur de Cenlillot
de vous en dire davantage, vous priant de lui donner
créance comme à. une personne en qui je prends une
coiillanco entière 2 . » Soit qu'elle ne s'accomplit poinl,
soit qu'elle échouai obscurément, la mission de Cenlillot
n'eut pas plus de suite que celle de d'Estrades. De pari


< 23 avril !952 ; — JhiJ. Documerds historiques, XXT1I).


• i " m a i 1332 -,—ibvl.




2 0 0 M E N É E S PF. r O N P É KT T>KS


cl d'autre, on làlonnait sans avancer. Cependant Mazarin
était de plus en plus inquiet et |)resso : quelques mois
auparavant, au mémo moment où il entamait ces négo-
ciations, le prince de ("oncle el les Frondeurs de Bor-
deaux avaient aussi envoyé à Londres deux agonis,
HLM. Barrière et de Cugnac, chargés de solliciler l'appui
de la République et d'offrir en retour le libre commerce
avec la Guyenne, certaines faveurs pour les protestants
français, et même la cession de l'île d'Oleron. Ces agents
n'eurent d'abord aucun caraclèro public; ils s'adres-
saient à Ions les hommes considérables, à Cromwell sur-
tout, colportant partout dans Londres leursdcmandes et
leurs offres. Mais le 81 mars lo'ci, Fondeur informa Je
Parlement qu'il axait reçu une lellre signée Louis (If
Hourbon , et adressée « au Parlemeril de la République,
d'Angleterre , » pour accréditer M. Barrière. La loi Ire
fut lue et renvoyée au conseil d'Etal qui reçut Barrière
et entendit ses propositions. Whileloeke en rendit
compte au Parlement. Colle mission semblait prendre de
la consistance; l'ambassadeur d'Espagne l'appuyait chau-
dement; le comte du Daugnon, gouverneur du Brouage.
qui s'était allié avec le prince de Coudé, envoya aussi a
Londres des agents et des promesses. Enliu la ville de
Bordeaux, elle-même et en son propre nom, fit partir
deux députés spéciaux, MM. de Rlarut el do Trancao.
chargés de «demander à la République d'Angleterre,
comme à un État puissant el juste, des secours d'hom-
mes, d'argent et de vaisseaux, pour soulouir la ville et
commune de Bordeaux, unie avec messeigneurs les




r R O Y l U U U t . S Л [ O X I i R E S ;Rj52.) 2 fit


princes; cl non­seulement pour les mettre a couvert de,
l'oppression et des cruelles vengeances qu'on leur pro­
pare, mais encore pour les l'aire rétablir dans leurs an­
ciens privilèges et leur l'aire respirer un air plus libre
qu'auparavant. Et sur ce que lesdils sieurs du Parlement
de la République (l'Angleterre leur pourront demander
de convenances réciproques, ils les laisseront s'expli­
quer sur leurs prétentions, et après, s'il le faut, pour­
ront leur accorder un port dans la rivière de Bordeaux,
pour la retraite et, sùrelé de leurs vaisseaux, comme
Castillon, Royan, Talinonl, ou Paulbac, ou celui d'Ar­
cacbon, s'ils le veulent, lequel ils pourront fortifier à
leurs frais. On pourra mémo leur permettre d'assiéger
et prendre Blaye, à quoi nos troupes les aideront en tout
ce qui sera possible. Ils pourront encore faire une des­
cente à ta Rochelle et s'en emparer 1 .»


I/alarme fut grande à la cour et dans le conseil: pen­
dant (pie, dans les provinces du midi, la guerre civile ap­
pelait ainsi en franco l'étranger, la guerre étrangère
continuait, dans les provinces du nord ; les Espagnols
poussaient vivement le siège de Gravelinos ; Dunkerque
était près de succomber; on apprit tout à coup que sep!
vaisseaux , partis de Calais pour y porter des vivres et
des renforts, avaient élé arrêtés et pris en mer par l 'es­
cadre anglaise sous les ordres de l'amiral Rlake.En vain


* journal; ofHtellonxe ofeommons. t. VU, p . 112. 1 1 7 , Щ1, Ш ;
lloeaenenis inédits .лиг l'histoire­ dqilomali'iue de h'rauee, d a t e ; l a


Reine noueelie, I. V, p . З Ы ­ . Ш ; — T t t u r l o c , State­Papers; t . [,
p . 21ti. 2 2 1 , 22(1, J.M.




•if'ï MVZATÎTX S E D Ê C T U E A


toulcs les autorités françaises (''levèrent les plus instante?
réclamations; en vain le duc de Vendôme, grand amiral,
écrivit à l'amiralRIake, au conseil d'État républicain, au
Parlement même ilsrépondirentque les lettres deuiar-
q110 données par le gouvernement français avaient causé
et causaient encore au commerce anglais les plus grands
dommages, qu'ils avaient résolu d'en obtenir ou d'en
prendre réparation, et ils refusèrent de relâcher les
bâtiments saisis 2 . Evidemment le Parlement ne voulait
pas acheter la reconnaissance de la République au prix
que Mazarin voulait lui en faire payer; il était décidé a
maintenir, entre la France et l'Espagne, sa llollante
neulralilé, el penchant toujours vers l 'Espagne, il sai-
sissait volontiers les occasions de faire sentir à la France
ton pouvoir de lui nuire. Don Àlouzo de Cardefias
entretenait avec soin, à Londres, cette disposition ;
les démarches et les envoyés de Mazarin lui avaient
causé de vives inquiétudes; il en avait exactement in-
lorvné sa cour en la pressant de faire, de son côlé, au
Parlement les avances et les concessions nécessaires
pour prévenir, entre l'Angleterre el la France, tout rap-
prochement. Tantôt il travail lai I à l'aire entrer FEspague
dans une alliance intime avec les deux républiques pr<>-
leslanles de Londres et de la Haye contre la France et
le Portugal ; tantôt il demandai! a sa cour de seconde]


1 Ee 23 s e p t e m b r e 1 6 5 2 . — M a n a v r r i h 'la 11 rien ne (Bibliothèque


lOlfrl'iJi'c


i p, . \-i i l iV'- i l ibre 1652 ; — Jour»«l.' ofth>-llcu*c oflomn-on*, I. V U


ie t . 5 , ï',ii>: 2 2 1 , — UobalBlakc, p . 2U«-21y.




R E C O X X A I T U E EA K É P E P I I O E E . ' D k C B M B B B 1652). 263


l e s Anglais dans une entreprise sur Calais, à charge par
eu\ d'aider tes Espagnols dans les sièges de Ci-avelines,
Dunkerque et Mardyke. Enlin il entreprit de conclure,
cuire l'Espagne et la République d'Angleterre, un traité
Ibrinel d'amitié qui liât sûrement les deux États; et le
20 septembre H v . 2 il envoya à Madrid un projet en
vingt-quatre articles, déjà présenté par lui, le 12, au
conseil d'État républicain, qui se montrait assez enclin
à l'accepter 1.


Pressé par ces périls, Mazarin se décida enfin à
reconnaître la République sans en recueillir, à l'heure
même, le fruit: le 2 décembre 10 >2, M. de Bordeaux,
conseiller d'Etat et intendant de Picardie, reçut la mis-
sion de porter au Parlement une lettre du roi et de
rétablir les relations oflicielles des deux Etats. La réso-
lution fut prise et exécutée sans hardiesse ni bonne
grâce, d'un air à la fois hautain et embarrassé. Les
instructions de M. de bordeaux portaient formellement
qu'il n'était point ambassadeur, et il avait ordre de le
déclarer en arrivant ; elles semblaient faire, des intérêts
commerciaux des deux pays et de la restitution des sept
'.aisseaux prison allant à Dunkerque, l'objet presque
unique de sa mission; elles lui recommandaient, à la
vérité, « de ne rien dire qui fasse rupture ni qui offense
les Anglais, pour ne leur donner aucun prétexte de se


I Lettres de Cardenas à Philippe IV (28 j a n v i e r , 5, 15 e t ' 25 fé-


vrier , IH j u i i l e i , 12 e i 20 »Cj. lr iul .rc 1052 ;—J)rliU rations du cun.setl


i Etat île Madrid, sur les dtpihhes île Cardenas ( M a o û t } . {Arckiees


le Sinuiacas; (Ooeunienls hitlviiwes, n« XXI).




-'CI M. m-J BORDEAUX EST


déclarer ennemis de cette couronne, paraissant à S. Y!,
qu'il vaut mieux, pour un temps, qu'ils courent les
mers et exercent la piraterie qu'ils reprochent aux
autres, que s'ils entreprenaient quelque chose de pis,
ce serait de joindre leurs forces aux Espagnols et
prendre en protection les rebelles;» mais en même
temps on enjoignait à Bordeaux «s'il ne pouvait rien
obtenir sur l'affaire spéciale dont, il était chargé, de
repasser en France sans attendre aucun ordre; » tandis
que, s'il trouvait le Parlement bien disposé et prêt a
désigner des commissaires pour revoir avec lui les
anciens traités, il devait attendre « et dépêcher vois
S. M. pour recevoir ses commandements avec les pou-
voirs et instructions nécessaires. » Au fond, la démarche
était décisive et emportait la reconnaissance de la Ré-
publique; mais soit hésitation naturelle, soit complai-
sance pour les scrupules de la reine et de la cour. Ma-
zarin avait voulu lui donner encore l 'apparence d'une
mission d'essai, limitée et conditionnelle, et dans la-
quelle ou se réservait, la faculté de revenir sur ses
pas '.


La fierté républicaine déjoua promptement ce petit
artifice : quand l'orateur annonça, au Parlement 1 qu \\
avait reçu une lettre du roi do France, ou en exaniuu
d'abord la suscriplion; elle était adressée a À nos tre:*


1 Archives des Affaires éiianijircs de France.— Manuscrit*


Brie'n.ne ^Bibliotlièque iiaperauee (Documents Itislortques), n ' 1 X X I I .
2 Le U d O c w i i U c mi.




r . W O Y K A l . o x n i i K S '•> n K M - ' 5 i T i u i - : I n t . J i , 2fl.->


ehers et grands amis 1rs gens du Parlement de Ja (îépu-
l.ili(|ue d'Angleterre ; » on fit dire à M. do Bordeaux, par
|i> maître des cérémonies, sir Olivier Fleming, que ce
n'était pas dans celle forme qu'écrivaient an Parlement
les princes étrangers, et qu'on ne pouvait recevoir une
lettre ainsi adressée. Deux jours après, Bordeaux envoya
la lettre avec cette nouvelle adresse : « Au Parlement
de la République d'Angleterre ;» elle fut aussi tôt admise,
et on fixa au 21 décembre suivant la réception de M. de
Bordeaux; mais on le prévint que « n'étant point
ambassadeur, il n'aurait audience ni dans le Parlement,
ni dans le conseil d'Etat, mais dans un comité. » Admis
en elfet devant ce comité, « Le roi de France, mon
maître, dit-il, ayaul jugé; à propos, pour le bien de son
service, de m'envoyer devers le Parlement de là Répu-
blique d'Angleterre, il m'a commandé de le saluer de
sa part et de l'assurer de son amitié, sur la confiance
qu'il a d'y trouver une mutuelle correspondance à ses
bonnes inlenlions. L'union qui doil être en Ire les Elals
voisins ne se règle pas sur la l'orme de leur gouverne-
ment ; c'est pourquoi, encore qu'il ail plu à Dieu, par sa
providence, de changer celle qui était ci-devant établie
dans ce pays, il ne laisse pas d'y avoir une nécessité de
commerce et intelligence entre la France et l'Angle-
terre; ce royaume a pu changer de face, et de monar-
chie devenir république; niais la situation des lieux ne
change point; les peuples demeurent toujours voisins et
intéressés l'un avec l'autre par le commerce, et les
traites qui seul entre les nations n'obligent pas tant Je»




266 R É C E P T I O N D F M. DE B O R D E A U X


princes que Jes JH;IfpTes, puisqu'ils ont pour principe!
objet leur ulilifé commune. » La République ainsi for-
mellement reconnue, Bordeaux rentra aussitôt dans
l'objet, spécial de sa mission, et jetant çà cl là quelques
phrases contre les menées de l'Espagne et sur la puis-
sance de la France, il conclut par demander la resti-
tution des sept vaisseaux en donnant au Parlement
l'assurance que « Sa Majesté, qui regarde la justice
comme le principal appui de son sceptre et le solide
fondement des empires légitimes, ne manquera pas de
faire faire raison a. fous ceux de cet État qui auront
de justes prétentions contre ses sujets, et que, rappor-
lant la satisfaction qui lui est due, elle embrassera tous
les moyens qui pourront entretenir une parfaite corres-
pondance entre les deux Elats »


Eu apprenant la démarche du roi de France auprès
du Parlement républicain, la reine d'Angleterre, Hen-
riette-Marie, écrivit à son second lils, le due d'York :
•< Mon fils, celte lettre est pour vous faire savoir que.
comme l'on a envoyé d'ici en Angleterre pour recon-
naître ces infâmes traîtres, nonobstant toutes fes raisons
que nous avons pu donner cou Ire et sur cela, le roi vo-
ire frère a résolu de s'en aller el a déjà fait parler à la
reine. Il n'a pas encore pris de résolution pour vous.
C'est pourquoi vous devez toujours faire connue si voie.


i Jimrnah ofthe Huase nf rnmmnns, t. V I I , p. 228, 230. 2.T1 . -


Archives étrangères de France :—Maavsrnls de, lln.enne •MibUoi!tët,v


imjienatei.




l'A К l'.V ГОДИТЕ ИГ' TVAKI.E.MENT 21 Г Е Г Н М П К К 1652). 267
ignoriez cet envoi. o( (ai cas IJIIO l'on vous en parlât,
dire que vous ne le pouvez croire Je vous avoue
(pie. depuis mon grand malheur, je n'ai rien ressenti à
réuni de ceci. Dieu nous prenne dans sa sainte protec­
tion et nous donne la patience qu'il faut avoir pour sup­
porter ce coup 1 ! » Charles II ne quitta point Paris; on
ne lui demanda point de le quitter, et la pension de
'»,OiiO livres par mois qu'il y recevait lui fut continuée;
mais sa situation y devint de plus en plus isolée et triste,
et ses plus fidèles conseillers l'engagèrent dès lors à
chercher un asile ailleurs.


La République semblait triomphante au dehors
comme au dedans et dans la diplomatie européenne
comme dans la guerre civile ; mais les funestes ef­
fets de sa politique aussi imprudente qu'arrogante en­
vers les Provinces­Unies avaient éclaté, et surpassaient
infiniment les avantages que sa reconnaissance par
Louis XIV el son imparfaite neutralité entre la France
et l'Espagne pouvaient lui procurer.


Lorsque les chefs hollandais s'étaient refusés aux .pro­
positions des ambassadeurs d'Angleterre, el n'avaient
pas voulu lier le sort de leur pairie à celui d'une répu­
blique à ce point hasardeuse et chancelante, ils avaient
lait acle de patriotisme autant que de courage, el ac­
quitté leur devoir envers la dignité de l'Etat qu'ils gou­


i c l m i l l o l , li> i K W m b r r lf;.".V; МптмтН* ileUrienne гЫШоПк^ик
l y r i i ' c , ;—Clarcn к ш , 1Ш. oflhe Rébellion, 1. х ш , с. 129 , 1. .­av,
, . ,>1.




21» O R I G I N E S n i : G l EMKE K N T K B


vernaienl aussi bien qu'envers sa siirelé. .Mais ils dési-
raient vraiment la paix, el même une alliance avec
l 'Angleterre; la victoire du Parlement à. Worccsler ci
«m acte de navigation, en leur montrant la guerre à la
l'ois comme plus probable et plus périlleuse, les déci-
ilèrenl à tenter, pour l'éviler, un dernier ell'ort. Dès
pi'ils apprirent la fuite dcGharlcs II après sa défaite, un
décret l'ut proposé dans les Elats généraux, portant
qu'aucun prince étranger no pourrait entrer sur leur
terri loire sans leur consentement formel, el peu après ils
envoyèrent à Londres (rois ambassadeurs avec ordre de
reprendre les négociations que Saint-John et Strickland,
en quittant la Haye, avaient brusquement interrom-
pues. A Jour première audience 1 , le principal des trois
ambassadeurs, Jacques Calz, naguère grand pension-
naire des Provinces-Unies, s'efforça dans un long dis-
cours, trop tlatteur pour être habile, de se concilier la
bienveillance du Parlement. On avait mis, à leur récep-
tion un grand apparat; Je maître des cérémonies avait
eu ordre d'aller les prendre sur la Tamise, à Gravesend.
dans des barques officiellement décorées; trois membres
lu Parlement étaient allés au-devant d'eux jusqu a
lireenvweh, et les avaient, dès le lendemain, conduits a
Westminster. A leur entrée dans la salle, l'orateur et
tous les membres se levèrent et se découvrirent. Les
républicains anglais voulaient traiter avec grandeur la.
République des Provinces-Unies, et répandre parmi tes


» Le 19 d é c e m b r e 10:>L




I / A N O L K T K K K R RT LES P R O V I N C E S - E N I E S . '¿09


(ieit\ nations la conviction qu'ils lui portaient une sym-
pathie sincère. Mais en même temps, dominés par un
orgueil mêlé de rancune, ils écoulèrent et débattirent
ses propositions avec l'entêtement hautain d'un pouvoir
confiant dans sa torce et ardent à se venger d 'un
meeomple qu'il prend pour une injure. Dans l'un el
i autre pays, les sentiments populaires concouraient
avec, celle disposition du gouvernement anglais : en
Hollande, soit esprit orangisle, soit rivalité nationale, le
peuple s'aftendaità la guerre et se montrait plus porlé à
la désirer qu'à la craindre; les pêcheurs des bouches
de la Meuse racontaient, avec une palrioliqueconfiance,
leurs visions île grandes armées navales qui avaient
apparu dans l'air, au-dessus de leurs cèles, se livrant de
grands coinbals, d'où ils pronostiquaient le triomphe du
pavillon hollandais. x V Londres, lamultilude était encore
plus animée : elle entendait parler tous les jours de
procédés hostiles, sur nier, entre des bâtiments anglais
el des bâtiments hollandais ; c'étaient tantôt.desaffronts
et. des perles que le commerce anglais avait subis, tantôt
des réparations hardies qu'il s'était données lui-même,
aux dépens de ses rivaux; et plus d'une fois, sur le
bruii tic ces nouvelles vraies ou fausses, la populace se
porta vers la maison que les ambassadeurs hollandais
occupaient à Chelsea, si disposée a les insulter que le
Parlement se crut obligé d'y envoyer une garde pour
leur sûreté '.


'• Journal» of'theHouse of eomuions, l . V I T . p . 1 5 , 5 3 - 5 4 , 5 6 , 5 8 .




2 7 0 O R U Î I N K . s I » K I A C l ' P t K K K N T I i K


Entre les négociateurs ouv-mèines lesdifllcultés s'ag-
gravaient tous les jours ; des questions inattendues
s'élevaient; on manifestait, de part et d'autre, soit d'an-
ciennes, soit de nouvelles prétentions. Les Hollandais,
devenus naguère un État puissant, voulaient fonder
aussi sur mer leur entière indépendance, et s'affranchir
des marques d'infériorité que l'Angleterre avait, été ou
se disait endroit de leur imposer. Les Anglais accusaient
leurs rois de la maison de Stuart d'avoir abandonné ou
laissé tomber en désuétude ces gages extérieurs de leur
empire de la mer que jadis, et surtout sous le glorieux
rogne d'Elisabeth, leur marine avait possédés ou récla-
més. Le salut du pavillon, le droit de visite, le droit de
pèche, devinrent, l'objet de vifs débals ; plus ils se prolon-
geaient, plus les désirs elle ton des Anglais semonlraicn!
hautains; ils en vinrent à parler sans détour de leur sou-
veraineté sur les mers qui entouraient leur île. Les am-
bassadeurs hollandais, par loyauté comme parprudence.
déclarèrent que leur gouvernement armait une grande
Hotte pour protéger, dans ces parages, la sûreté de son
commerce; les commissaires anglais leur contestèrent
presque ce droit, disant qu'ils feraient eux-mêmes la
police delà mer, au profit de tous. Pendant (pie les que-
relles de principes s'envenimaient ainsi, les hostilités die
l'ail commençaient spontanément entre les deux nations;


6J , — W k i t e l o c k e . j i . 5J» 318 , 521 , 533 ;—Le U l c r v , UMitircdtsPfa-


v imcs-U nia, t. H , 1>- " 4 ; — V i e q u c f u r t , Uhlmra da l'i "<:inc<j>-


Knk*, t. I V , p. 307-310,




L A M J L L T L K U h KT L E S P K O V I X C L S - U N I Ë S . 271


leurs bâtiments ne se rencontraient guère sans se don-
ner (|uekjiie marque d'inincitié; on apprenait tantôt
qu'un embargo avait été mis, dans les ports de Hollande,
sur les navires anglais, lanlôl qu'une flotte marchande
hollandaise, revenant de la Méditerranée, avait refusé
de baisser pavillon devant l'escadre anglaise, et que le
comniodore Young l'avait attaquée pour l'y contraindre.
Iles explications étaient, de part et d'autre, réclamées et
données; l'embargo de Hollande était levé; mais l'hu-
meur qu'il avait excitée en Angleterre demeurait. Les
négociateurs hollandais s'efforçaient d'atténuer tes
griefs et de résoudre pacifiquement les questions; mais
ils n'étaient pas, tous les trois, animés au même degré de
ce désir; on remarquait leurs dissidences ; on les appelait
ironiquement, «les ambassadeurs désunis des Provinces-
fuies. » Ils insistaient en vain sur l'abolition, ou du
moins sur la suspension provisoire de l'acte rie naviga-
I ion ; le Parlement se montrait, à cet égard, intraitable ;
el soil par les incidents extérieurs, soit par le tour tics
négociations mêmes, le maintien de la paix devenait
chaque jour [dus don (eux et plus difficile


Au milieu de ces agitations diplomatiques, on apprit
huit a coup ipic, le fi mai, dans les Dunes, aux appro-
ches de Douvres, la Hotte hollandaise, commandée par


» Journal» oflhe Uome of common*, i. VTI. |>. 103, 135, 139: —
Whi t i - lm-kc , p. 512 , 517 , 522, 529, 53n -.-Jloberl Blahe, p . 189-101;
X\ i .-ipicOjrl, JlMair* 'les Proriifes-Unies, i. IV, p . 310-318 ; - L e
C l e r c , Histoire des Proeuieei-Unis, t. I I , p . 31 1-010 ; — I l e i l l h , Clin-




272 LA O U E R R E E C L A T E >)•> M A I 1052;.


Tromp, cl la lloltc anglaise, sous les ordres de Blake,
sel aient rencontrées et combat lues. Averti que Tromp
naviguait dans ces parages, et craignant de sa part quel-
que dessein hostile, Blake s'y était porté aussitôt, et eu
arrivant, il avait, par trois coups de canon successifs,
sommé l'amiral hollandais d'abaisser, devant l'escadre
anglaise, son pavillon. Troinp avait pris le large sans
répondre. Il rencontra en mer un aviso venant de Hol-
lande et qui lui apportait sans doute des ordres, car sou-
dain il vira de bord et lit voile vers Blake qui, se dirigeant
aussi sur lui, renouvela sa sommation. Tromp y répon-
di t , tel fut, du moins le récit de l'amiral anglais, en
lâchant sur le vaisseau le James, «pie montait Blake, une
bordée qui y causa d'assez grands dommages : «Ce n'es!
pas poli à Van Tromp, dit Blake, de prendre mon vais-
seau pour un mauvais lieu et de casser ainsi mes vitres; »
et à son tour, il canonna vivement le Brederode, vais-
seau amiral de Tromp. L'action ainsi engagée dura plus
de quatre heures ; Tromp avait quarante-deux bâti-
ments et Blake seulement vingt-trois. L'amiral anglais
eut, à son bord, plus de cinquante hommes tués ou
blessés ; l'escadre hollandaise perdit un de ses balinients.
Le soir venu, Tromp fit voile vers les côtes de Hollande ;
et le lendemain, au point du jour, Blake ne vit devaui.
lui plus d'ennemis '.


i W h i t e l o c k e , p . .WJ-S-'U —Robert lilabe, p . 1 0 1 - 1 0 5 : —Jjteroo-


nais of sir William Penti, t. 1, p . 119-120 : — L ç Clora, Histoire des


Procinees-J'nies, t. I I , p. 315-01 .7 ;—Wict juvfort , Histoire des Prv-


einees-Vmes, t. IV , p . 318-320 .




A M B A S S A D E [ f O E T . A N D A I S E A L O N D R E S ( J U I N - 1052*. «73


Deux impressions lrès-<li\erses, à Londres la colère, à
la Haye l'inquiétude , s'élevèreut à celle nouvelle :
« ï r o m p est venu nous liravei - dans nos eaux, disaient
les Anglais; il a voulu surprendre notre llotle pour l'al-
Iailier et la détruire.—Troinp a été poussé vers la cèle
par le mauvais temps, répondaient les Hollandais; il
s'éloignait, disposé à saluer la Hotte anglaise, quand il a
été violemment sommé et attaqué; il n'a l'ait que se dé-
tendre, et il s'est retiré dès qu'il l'a pu honorablement ;
avec ses forces supérieures, il eût aisément détruit la
Hotte anglaise s'il en eut eu le dessein. /> Ces réponses,
la dernière surtout, élaient accueillies, à Londres, avec
ironie, comme des mensonges et presque connue une
nouvelle insulle. La popidaee témoigna plus vivement
que jamais , aux ambassadeurs, son grossier mauvais
vouloir. Un quatrième ambassadeur extraordinaire ar-
riva soudainement de la Haye 1 , Adrien de Paiixv, pen-
sionnaire de la province de Hollande, déjà connu et es-
timé en Angleterre, al lachéa la politique pacilique et
d'un caractère prudent et conciliant; il apportait, delà
pari de son gouverncmenl, les plus vives dénégations de
toute intention hostile ou offensante pour l'Angleterre;
il déclarait que ï r o m p n'avait reçu aucune instruction,
ni médité aucune attaque contre la Hotte anglaise , et
que ce qui était arrivé n'avait été quole fruit de malen-
tendus el de liasardsinalheureux ; il demandait une en-
quèle sur les faits et sur la conduite des deux amiraux,


'• Lu.S j u i n lu'5.2.




•m U U E H R E EX THE E ' A X O Ï . E T E I Ï K E


offrant la révocation de Troinp si les loris cpi'onlui impu-
lait étaient reconnus ; et on attendant., il insistait pour
que les négociations fussent suivies cl menées à leur
terme. Pauw fut reçu avec beaucoup de considération ;
niais dans leurs soupçons comme dans leurs volontés,
le Parlement et le conseil d'État se montrèrent intrai-
tables; et après plusieurs conférences, un peu embar-
rassés des instances des négociateurs hollandais, ils éle-
vèrent tout à coup, comme condition préliminaire, la
prétention que les Provinces-Unies eussent à les indem-
niser des dépenses que la perspective de la guerre leur
avait déjà imposées; après quoi, on poursuivrait les né-
gociations. On ne saurait examiner de près ces faits
et ces documents sans demeurer convaincu que, malgré
les menées du parti orangisle, les chois des Provin-
ces-Unies désiraient sincèrement la paix , tandis que ,
soit passion, soif dessein, les républicains anglais, Par-
lement et peuple, s'attachaient obstinément aux causes
de guerre, espérant établir, sur mer, leur suprématie,
rai même accomplir, par la force, sur les Provinces-
Unies, ces vues ambitieuses que les négociations n 'a-
vaient pu faire réussir. Reconnaissant la vanité de leurs
ciforts, Pauw et ses collègues demandèrent enfin leur
audience de congé; ils furent reçus dès le lendemain
avec de grands égards oi'liciels, et partirent en remettant
an Parlement des pièces où leurs propositions et leur
conduite étaient, a leur sens, fidèlement retracées e!
pleinement justifiées. Cinq jours après, le 7 juillet Ki.Vl
le Parlement publia, a \eeses motifs, sa déelaralinn de




H T T . R S i » K O \ i \ T T - : s - T 7 x f r : s (îosa. ¿ 7 5


guerre; et quinze jours après, parut aussi lo manifeste


ors Etais généraux acceptant avec fierté, bien q u ' à re-


gret; le défi qui leur était porté 1 .
Quoique avec des forces, au fond, très-inégales, les


deux peuples entrèrent dans la lutte avec la même ar-
deur et presque avec la même confiance ; la marine des
Provinces-Unies était alors, en renommée comme en
habileté, supérieure à celle de l'Angleterre ; elle s'était
formée, depuis près d'un siècle, dans le commerce de
long cours, dans la conquête et l'exploitation de posses-
sions lointaines, en Amérique et aux Indes, dans les
pèches difficiles cl périlleuses; ses matelots étaient
nombreux et exercés ; ses amiraux avaient commencé à
pratiquer, dans le commandement des grandes flotles,
l'art, des manœuvres savantes et combinées, presque
ignoré à cette époque, selon leurs propres historiens, des
meilleurs marins anglais. Ceux-ci en revanche avaient
des \aisseaux en général plus grands, montés par des
équipages et munis de canons plus nombreux ; ils
.talent en proie à un violent accès des plus énergi-
ques passions humaines , le patriotisme, l 'orgueil,
i anibilion et la jalousie; et ils avaient, pour les soûle-
nir, un pays bien plus peuplé el plus riche que les Pro-
vinces-Unies, cl placé, non sous la direction faible et


« Journal* of Oie Home of eommons. t . V I I , p . l l p , 1 1 1 , J.1-2-1 17:


li:> J . V e ; — \ V m i . . : T M : k c , p- ">;J7: ih.hrrl HM.: p . l i i . V l ! l 7 : —


.v .. . | , i , . ! ' i . r l . IP.*loi7v ,/,•., l'roeooe,-r,|, | v , p . ,'¡22 3 2 1 ; — I , i :
•• u Hiilfire Pi-vcinci-i-ridn. i . r i , p . 3 1 8 - 3 2 0 .




air, ОГЕТт'П FXTW. i . " Л N 0 l . K T K R K K
changeante d'une confédéral ion d'Etats, niais sons l'au­
torité unique d'une assemblée révolutionnaire, Hère de
ses triomphes intérieurs, et accoutumée à prodiguer les
hommes et les ressources pour le succès de ses desseins.
Un mois après sa rencontre avec Tromp, devant Dou­
vres, Blake avait sous son pavillon cent cinq bàlinienls
de guerre, portant trois mille neuf cent soixante­une
pièces de canon, et axant à bord, outre leurs équipages,
deux régiments d'infanterie. Les Hollandais n'avaient
pas été moins vigilants dans leurs préparatifs; ils avaient
loué, pour le compte, de l'Etat, tous les navires mar­
chands d'un fort tonnage, mis en construction soixante
gros balhnenls. appelé à leur service, par Paîtrait d'un
large salaire, une multitude de bons malelolsélrangers;
et lorsque Tromp entra en campagne, il avait sous ses
ordres une flotte de cent vingt vaisseaux, capable, dans
laconviclion des patriotes hollandais, de balayer la ma­
rine anglaise sur toute la l'ace des mers 1 .


Le -21 juin, avant même que les ambassadeurs hollan­
dais eussent quitté Londres et que la guerre fût ofliciel­
lement déclarée, Blake mil à la voile, de Douvres, avec
soixante vaisseaux, laissant son lieutenant, sir George
Ayscough, chargé de la défense de la Manche, et se por­
tant lui­même vers le nord, soit pour protéger les nom­
breux navires do commerce anglais qui revcnaienl de la
Baltique, soil pour aller détruire les pêcheurs hollandais,
adirés en foule sur les cotes d'Ecosse el des iles voisines


* Hubert Шике, p. 107­20:.' ;— Penn'.i Memuriul», i. i, |>. :K>.Vj:ii*.




K T T.J-.S P R O V Î N T E S T'XTES t.W,i). 977


par ln poche du hareng. Cette pèche mail pris, dans la
marine hollandaise, un grand développement; une
multitude de barques s'y rendaient, montées chacune
par une famille de pécheurs; les femmes même et
tes eufanls y prenaient part. C'était, pour les classes
pauvres, un moyen de subsistance, et pour l'État la
source d'un commerce important et une pépinière de
matelots. Plus de six cents barques de toute grandeur
étaient réunies au nord de l'Ecosse quand Blake y
arriva; douze bâtiments de guerre hollandais les proté-
geaient. Fondant brusquement sur eux avec des forces
infiniment supérieures, Blake, malgré leur courageuse
résistance, en coula trois, prit les neuf autres, s'empara
îles six cents barques de pêcheurs,leur imposa le tribut
d'un dixième sur les produits de leur pèche, et par
un sentiment d'humanité généreuse, les renvoya chez
euv avec le reste, en leur enjoignant de ne plus venir
pécher dans ces parages sans en avoir obtenu, du conseil
u l.'.il. l'autorisation. Cependant Tromp. informé par
les ambassadeurs hollandais, a leur retour, du [dan de
campagne de l'amiral anglais, sortit du Texel des qu'il
sut Blake en mouvement vers le nord, et se porta rapi-
dement vers le lias de Calais avec soixaute-dix-neuf
bâtiments de guerre et dix brûlots dans l'espoir de
déli uire la Hotte très-inférieure d'Avseough, et d'opérer
ensuite, le long des côtes d'Angleterre, soit quelque
débarquement, soit de grands ravages. L'alarme fut
v i v e ; à Londres cl dans les eumlés vnisins ; les milices du
comte de Kenl se levèrent ; sur plusieurs points de Ja




rôle, on drossa on hâte dos bal lories; on envoya à
lilake courrier sur courrier pour l'informer de ce qui
se passait dans la Manche et pour presser son retour, La
nature prêta au Parlement un secours que Rlake n'aurai!
pas ou le temps de lui apporter : au milieu du pas de
Calais, l'escadre de Tromp l'ut arrêtée par un calme
plat qui lui interdit tout mouvement ; et lorsque Je
calme cessa, un vent de terre s'éleva, si violent que,
malgré l'habileté et l'obstination des marins hollandais,
il leur fut impossible d'approche)' de la côte d'Angleterre
et d'aller attaquer Ayscough à l'abri dans ses rades et
sous ses falaises. Renonçant aussitôt à ce qu' i lne pouvait
accomplir, Tromp se; mit avec toute sa flotte en roule
vers le nord, sûr de trouver là Rlake séparé d Ayscough,
loin des lienv d'où auraient pu lui venir des renforts,
et se prometían! d'infliger, à l'amiral anglais hú-
meme, l'échec auquel avait échappé son lieutenant. Le
"i août en effet, la flotte hollandaise et la hotte anglaise
se renconlrèronl en Ire les Orcades et les Îles SI ici tain i ;
les Anglais étaient affaiblis, car, sur les avis venus de
Londres, Rlake avait détaché huit de ses vaisseaux vers
le sud, pour, aller renforcer Ayscough; cependant il ne
chercha point à éviter le combat, et i! faisait, sur son
vaisseau amiral la Résolution, ses préparatifs pour atta-
quer Tromp lorsqu'il vil apparaître les signes pré-cur-
seurs d'une tempête ; prévoyant que, ce jour-là. loule
bataille serait impossible, il ordonna à ses capitaines
de mettre, do leur mieux, leurs bâtiments;! l'abri dans
le petit archipel des îles Shetland, et d'allendre ainsi le




El I.K.S O l a i V j X C K S U N I E S ,1052; . 279


lendemain. La tempéle eclala et dura loule la nuit avec,
une violence rare, nièuie dans ces parages; le, veut, la
pluie, le hvnuerre, l'obscurité rendaient, enti'e les vais-
seaux, loute manu'uvre concertée ei [ires<[iie toute
çouiiuuiiiealion impossibles ; la Hotte hollandaise tut
dispersée et cruelleuienl niait rai lée ; plusieurs bâtiment»
périrent eu nier nu sur les cèles; d'autres se réfugièrent
jusqu'en Norvège; les brûlots l'uren! mis en pièces ; et
lorsque le jour parut, Trouip, au lieu de la belle escadre
qu'il avait amenée, ne vit plus, du pont de son vaisseau
amiral, le Ji redéfinie, que des bàlimenls errant au
hasard, démàlés , leurs voiles en lambeaux, et lu t -
tant encore à grand'peine contre une mer couverte
de débris. 11 ne parvint à rallier que quarante-deux
bàlimenls avec, lesquels il retourna désespéré en Hol-
lande, où il lut accueilli par la surprise, la douleur et
l'injuste; colère de la population. Blake, dont la Molle
avait beaucoup moins soulfert, poursuivit les Hollandais
dans leur re/nù/o. cl n 'ayant pu les joindre pour les
comli.'iKre, il parcourut avec insulte les cri/es occiden-
tales des Provinces-Unies, el rouira à Yarmoulh avec
les bâtiments dont il s'était emparé et neuf cents
prisonniers \


Tromp était lier et susceptible : blessé et dégoùlé pat-
tes clameurs qui l'assaillaient parce que le calme et la


i U„i^rl lilaim. p . 2 0 2 - 2 0 7 ; — P e i m s iJem;riah, 1. T, p. 132-135 ; —


VV '•lii./l.n.-ke, p. .VI*-512; —H<;;uh, Chrmiiek; p. 597-5S9 ; — Ee, e ' iurc,


H . ' . - v Pr»,iwt*-Vmn.. i. U , p. 3 2 0 - 3 * 1 ; - Wic^ue ib r i , Uh-


I ,,7'c des Prurinees-P>'ies, t. IV, p . 331-333,




2 s o I ; I ; E I ; H K L N T K I ; f / . A . v r ; I . K ' I ' K U H ) ' :


tempête loin-à four lavaient empêché de joindre l'en-
nemi, il se démit de son eonimandemenl. Il inclinait
d'ailleurs au parti orangiste, et les chefs de l'aristocratie
républicaine, alors dominante, ne firent point d'elîorls
pour lo retenir; ils croyaient pouvoir lui donner un suc-
cesseur digne de le remplacer. Ils avaient, peu aupara-
vant , rappelé au commandement d'une partie de leurs
forces navales Michel îiuyter, d'origine obscure, de re-
nom populaire, cher aux matelots, étranger aux partis
politiques, et toujours prêt à servir son pays aussi mo-
destement qu'héroïquement. A peine monté sur son
vaisseau le Neptune lîuyler entra dans la Manche avec
trente bâtiments, rencontra à la hauteur de Plynioulh
une flotte anglaise sous les ordres d'Ayscough. forte de
quarante bâtiments plus grands et mieux armés que les
siens, l'attaqua brusquement*, cl la contraignit à se re-
lirer dans le port de Plynioulh, laissant les Hollandais
maîtres de la pleine mer. Ruyler s'étonna lui-même
humblement de son succès : « Ce n'est, dit-il, que lors-
qu'il plaît à Dieu d'inspirer du courage qu'on remporte
la victoire; c'est ici une œuvre de la Providence dont
les hommes ne sauraient rendre raison. » Le Parlement,
mécontent d'Ayscough qu'il soupçonnait de royalisme,
lui relira son commandement, mais sans rudesse, eu
lui donnant ;iuo liv. sterl. et un revenu de même va-
leur en terres, en friande ; son escadre l'ut mise sous les


i Le 10 août 1652.


* L e 26 a o û t 1052.




КГ 1.Е.Ч P R f l V i X C K S ­ t ' X T E S (1652). 281


ordres de Blake. Les Klals généraux, de leur côté, réso­
lus a pousser énerglqiicment la guerre, avaient, aussitôt
après la retraite de Tromp, armé une escadre nouvelle,
el l'un des plus hardis entre les chefs du parti aristocra­
tique, Corneille de YVitt, en avait été nommé amiral. 11
elait brave à outrance et très­exercé à la mer, mais dur,
emporté, obstiné en même temps qu'imprévoyant, et
peu aimé des matelots qui craignaient sa rigueur sans
avoir confiance dans sa fortune. Ce chois fut considéré
comme plus politique que militaire, et donna aux amis
de Tromp, nombreux dans la flotte, beaucoup d'humeur.
Axant de prendre la mer, au moment.même de s'embar­
quer, Corneille de Witt eut déjà à sévir contre quelques
mutins. Ruyler reçut ordre de venir le rejoindre et de
servir sous lui. Leurs forces réunies le 2 octobre Ш>2,
entre Dunkerque et ISieuport, s'élevaient à soixante­
quatre voiles. Blake croisait depuis quelques jours non
loin de ces parages, à la tète d'une escadre de soixante­
huit voiles, cherchant 1 ennemi el le combat. Averti Je
s octobre que lallolle hollandaise était en vue au nord­
est de Douvres, il se porta rapidement en avant de la
sienne, lit à tous ses vaisseaux le signal de ralliement, et
donna sur le sien cet ordre : «Dès quequelques­uns des
nôtres nous auront rejoints, portez­vous droit au milieu
des ennemis. » Dans un conseil de guerre tenu la veille
abord de l'amiralhollandais, Ruyleravait été d'avis d'é­
viter plutôt que de chercher la bataille; il trouvait plu­
sieurs des vaisseaux de l'escadre en mauvais état , mal
pourvus de munitions ; peut­être aussi n'avait­il pas une


п..




•m G l - J E U R K K N T K K l . ' A N R ! I K T I Î R K E


entière confiance dans les dispositions de liais les équi-
pages, et même delonsles ofliciers. Corneille de Wilt in-
sista absolument pour combattre; et quoique, dans la
nuit précédente, une tempête eiitéloigné de lui plusieurs
bâtiments qui tardèrent à le rejoindre, il accepta l'at-
taque de lilake avec une ardeur que cinq heures de
lutte malheureuse ne refroidirent pas un instant, Deux
des vaisseaux hollandais coulèrent au premier choc :
deux autres furent prisa l'abordage; plusieurs capitaines
exécutèrent lentement et avec mollesse les ordres île
l'amiral. Au détint de l'affaire, il avait voulu porler son
pavillon sur le lliedriude, naguère le vaisseau amiral
de Tromp ; mais le mauvais vouloir de l'équipage parut
Ici qu'il y renonça et resta sur son hàlimonl, miníense
et lourd navire de la Compagnie des Indes. Iluyter lit.
avec la division d'avant-garde qu'il commandait, des
prodiges de bravoure habile et dévouée; de Wilt, par
son indomptable courage, se til admirer, même de ses
ennemis. Mais leurs ell'orlslurent vains; l'avantage resta
partout aux Anglais, et quand la nuit descendit sur les
deux escadres, des sentimcnl s très-divers s'v déployèrent;
a bord des vaisseaux anglais régnait l'activité de la sa-
tisfaction et de l'espérance; ofliciers el matelots I ra v ail-
laient avec ardeur à réparer leurs avaries, à recueilli!
leurs munitions, à se préparer pour la lutte du lende-
main : chez les Hollandais, au contraire, le mécontente-
ment et le trouble étaient extrêmes; de Wilt rassembla
de nouveau son conseil de guerre ; il voulait recommen-
cer au point du jour le combat ; mais ou apprit succès-




KT I.KX l'KOV l X < l v v - [ : _ \ ' I E S (1052). 283


sivemenl que vingt capitaines, sans allendre aucun
ordre, ni donner aucun avertissement, s'étaient, à ta l'a-
\e(ir de l'obscurité, séparés du gros de la dette, se por-
tant on ne savait sur quel point, l îuvlcr et tous les
membres du conseil déclarèrent qu'une seconde action
était impossible; il l'ail ni y renoncer et se décider à
l'aire! voile vers la Hollande pour réparer, dans ses ports,
l'escadre et recevoir, des Etals généraux., de nouvelles
instructions, lîlake suivit les Hollandais dans leur re-
traite, sans les serrer de trop près, et se promena quel-
ques jours le long de leurs cèles, lier de sa victoire et
jaloux de' la bien constater '.


I.e malheur et l'inquiétude enseignent aux peuples la
justice : les regards de loido Ja Hollande se reporlèrcnl
vers Tromp; il n'avait pas tait loul ce qu'on attendait de
lui. mais il n'avait point été battu ; il avait cédé à la tem-
pête, non aux Anglais. Celait lui qui, pendant vingt ans,
avait commandé les flottes hollandaises contre celles
de l'Espagne, et conquis sur mer l'indépendance de sa
patrie. Ou le savait ennemi fervent de Ja marine an-
glaise don! un croiseur l'avait l'ait prisonnier dans sou
enfance, et l'avait retenu pins de deux ans a son bord.
La voix publique pressa les Etats généraux de lui rendre
son commandement. Le roi de Danemark., alarmé de


i Hol.rri Maki-, |'. 208-215 ;—l'cnn 'x Mcworiah. t. 1 , p . 435 , —
J„,,r, .«/> uf //.<• IIVHM: vf rommmm, t. VII , p. llili ; — W h i l r l o c k o ,
... 512 5 0 ) ; - I,,- ( : ] , . ,v , HMmrr <'"• / ' / ! , " • < é II , p. 521 341
- WSr.paciurl, f / i J m ' i ï i/r« /'nirOcv".--!".'»/'^, t. I V , p. 333 3 5 0 , - -
!'«• • '<• H'i-'jUr, par G é r a r d l l r . m d l , A m s t e r d a m , IQWSi, ] ' • 18-25.




98.1 G U E R R E E N T R E E ' A \ G I ETE ERE,


la prépondérance maritime de l'Angleterre, employa son
influence à la Haye pour les y décider. Tromp fui rap-
pelé; toutes les forces navales de l'État furent replacées
sous ses ordres; Corneille de Witt, Huyter, Evverlz el
Eloritz, les [dus glorieux marins de la Hollande, lui
lurent donnés pour vice-amiraux. De Witt s'excusa, allé-
guant sa santé ; il était réellement malade de fatigue,
de chagrin et de colère; Rnyter accepta sans hésiter. Un
allié plus brillant que puissant, Charles 11, lit offrir aux
États généraux de servir, comme simple volontaire, à
bord de leur escadre; il était sûr, dit-il, que plusieurs
capitaines de l'escadre anglaise n'attendaient qu'une
occasion de venu' à lui, et la saisiraient dès qu'ils le ver-
raient devant eux. Sur le conseil de Jean de Witt, alors
pensionnaire de la province de Hollande, les Etals géné-
raux déclinèrent cette offre; ils n'avaient, pas voulu
mettre leur destinée à la soi le, de la République régicide;
ils ne devaient pas davantage lier leur cause à celle du
roi proscrit. E'étal-major ainsi formé, Tromp se mil a
t 'œuvre , avec une ardeur puissante, pour refaire
prompiement l'escadre; tous les poids, tous les arsenaux
des Provinces-Unies déployèrent toutes leurs ressources.
Le Parlement et Rtake se croyaient, pour quelques mois,
dispensés de nouveaux efforts : une campagne navale
d'hiver semblait alors, aux plus braves marins, à peu
près impossible ; plusieurs divisions de Ja flotte anglaise
avaient été envoyées à Jours stations spéciales, vers la
Baltique, au nord de l'Ecosse, a l'enlrée occidentale de
ta Manche- Blake, modeste même dans le succès, et lou-




Kl' CES | > | { ( )VFN ' ( 'KS - r :MRS '1652), 285


jours inquiet do sa responsabilité, avait demande au
Parlement de lui adjoindre, pour le commandement
naval, deux généraux éprouvés qui l'aidassent à en por-
ter le poids; Monk et Dean avaient été désignés pour
ce service; mais ils étaient encore occupés à achever
la soumission de l'Ecosse ; et en attendant leur arrivée,
lîlake croisait, avec sa division, entre le comté d'Essex
cl le llampshire quand le bruit lui parvint qu'une grande
escadre hollandaise s'était mise en mouvement sous les
ordres de Tromp ; et peu de jours après, de la dunette
de son vaisseau le Triomphe, il reconnut cette escadre
voguant ¿1 pleines voiles entre Douvres et Calais. Elle
elail forte de soixante-treize bâtiments , et Dlake n'en
avait <pie (reule-sept. Il convoqua à son bord un conseil
de guerre, pour donner à ses capitaines ses instructions
plutôt que pour les consulter, car il était décidé à com-
bat Ire; il leur communiqua sa confiante ardeur , et la
bataille s'engagea le lendemain 1 , avec un acharnement
égal des deux paris. Ce l'ut une série dccombals particu-
liersdont Ruyler, Evverlz et Tromp pour les Hollandais,
cl Rlake pour les Anglais, portèrent surtout, le poids. Biake
lui quelque teinpseulouré par plusieurs vaisseaux enne-
mis qui l'abordèrent trois l'ois, et furent I rois t'ois re-
pousses; sans la fidèle opiniâtreté de deux de ses bâti-
ments, le Supphir et le Vanguard, qui accoururent et se
dévouèrent à son secours, l'amiral anglais aurait suc-
combé sous le nombre de ses ennemis. Le brouillard et


' c e 311 n o v e m b r e 1652-




2 8 6 ' l U K i î K K K M T U I : i ; A M ; I .L: ri-, i: I ; K


la nuit sépareront enliri tes ileux escadres ; mais relie de
ltlake était hors de combat; deux de ses vaisseaux . la
Guirlande et la Bonne-Aventure, après la [dus énergique
résistance, étaient tombés au pouvoir des Hollandais;
plusieurs autres, ravagés dans leur uiâlure,leurs agrès
leur équipage, ne pouvaient plus tenir la mer ; ltlake si
retira dans les eaux de la Tamise pour remettre s e s lia
timenls en étal, rappeler à lui les divisions éparses de k
Hotte, et attendre en sûreté leur retour. Tronip s e pro-
mena en vainqueur dans toute la .Manche, portant un
balai à la cime de son grand nuit, et bravant ainsi la ma-
rine anglaise dans ces mêmes eaux où elle se prétendait
souveraine; les Etals généraux, phiseiiorgiieilhs encore
que leur amiral, iul'ormèreut officiellement de leur vic-
toire les puissances étrangères, et interdirent- toute cor-
respondance, toute communication avec les Iles Britan-
niques, se croyant assez forts pour les mettre ainsi en
état de blocus


Blake déclara son échec sans réserve, avec un désin-
téressement ferme et triste : «Je suis obligé, écrivit-il
au conseil d 'Etat 2 , de faire connaître à Vos Honneurs
qu'il y a eu beaucoup de lâchetés, non-seulement parmi
les bâtiments marchands, mais aussi dans plusieurs des


l Robert Blahe, p . 216-225; - r « m ' « Mémorial*, i. I, p . 156 1 0 0 . -


" W M t d o o k e , p . 5 5 1 ; — ( l i i r r i i i l e i ) . liht. « / ' ' / • - / { . ' M / I ' O I . , 1- \uv


c . 101-100 ; — L o C l e r c , IT/s/uiVr- 'tes Prorinaes-Unies. 1. 11, p . 02 1; —


W i e i p u e f o r t , Histoire ries l'rormccs-tmes, t. I V , p . 3 3 U ; — l ' ' t
Ruijlvr, p . 21 ;—ileul . l i , Chronide, p . 0 1 1 .


- L e l t r d é c e m b r e 1652.




Î'T T.KS PROVTXfKS-T.NTKS n 6 7 2 \ 987


vaisseaux de l'Etal. Je vous demande instamment d'on-
vover i|iiet(|ues personnes |iour l'aire une enquête
impartiale et sévère sur ta eonduilo de plusieurs com-
niandanls, afin que vous sachiez quels sont ceux à qui
l'on peut et ceux à qui l'on ne peut pas se confier. Il
•sera temps ensuite de perler remède à quelques autres
causes du mal, notamment au petit nombre et au
découragement des matelots... J'espère que, pour mon
propre compte, Vos Honneurs ne trouveront pas inop-
portun (pie je les prie de vouloir bien penser à me
décharger, moi votre serviteur indigne, d'un fardeau
trop grand pour moi... de telle sorte que je puisse
passer- le reste de mes jours dans la retraite, en priant
le Seigneur de répandre ses bénédictions sur vous et
sur celle nation. » Le conseil d'Etat lit tout ce que
demandait Rlake, excepté ce qu'il demandait pour lu i -
même; trois membres du conseil furent envoyés à
bord de la flotte, et soumirent à un examen rigoureux
la conduite des officiers ; plusieurs furent congédiés,
quelques-uns même arrêtés ; le propre frère défaillirai,
Reiijainin Rlake, soupçonné de quelque négligence dans
son devoir, fut cassé et mis à terre. En même temps
Ions les bâliments disponibles dans les ports voisins
furent requis de rejoindre laf lol te; on décida que les
équipages et les troupes de mer seraient portés à trente
mille hommes; on saisit partout les matériaux néces-
saires pour l 'armement et la réparation des agrès;
Moiik et Dean reçurenl ordre do se tenir prêts à s'em-
barquer pour aller prendre leur pari delà responsabilité




288 G U E R R E E N T R E L ' A N G L E T E R R E


comme du péril. Quant a lîlake lui-même , le conseil
d'Klat lui écrivit que « loin d'accueillir son vœu de
retraite, il lui donnait toutes les forces qu'il avait
demandées, et le laissait libre de les employer, dans des
affaires qu'il connaissait si bien, comme il le jugerait
i*ùle pour sa propre défense et pour le service de la
République 1 . »


Deux mois après son échec, Rlake taisait voile, des
bouches de la Tamise, avec soixante bâtiments de
puc-rre; les deux marins les plus expérimentés de son
pays, Penn et Laxvson, commandaient ses divisions
d'avant-garde et d'arrière-garde; il avait à bord deux
des plus vaillants généraux de l'armée de terre, Monk et
Dean, avec douze cents hommes de troupes éprouvées;
vingt autres bâtiments, venus de Porlsmouth, le rejoi-
gnirent dans le pas de Calais. C'était la Hotte la plus
nombreuse, la mieux armée et la mieux commandée
([n'eût mise en mer la République. Rlake se dirigea
vers l'ouest de la Manche, plein d'impatience et d'espoir
de rencontrer bientôt l 'ennemi; il savait que Trorup
devait, vers celle époque, revenir de la cèle occidentale'
de France, où il élail allé chercher un riche convoi de
navires marchands rassemblés dans les eaux de l'île de
Ré, et qu'il était chargé de ramener en Hollande. Le
18 février 1GJ3, en effet, au point du jour, entre le cap


i Penn's Mmoriah, t. I, p . 4&6-M6 ;— liohrrl nhih: p. -'.'.V-'-iS -
Wii i l w l u c k e , p. Û5J ; — Juui-wls uf lin- Uvtttv vf ( « m m w i t l V l i .
p. -nz.




ET T.RS P n O T T y c E S - t T S T E S (1C53). 989


de la lingue cl. la presqu'île de Porlland, la tlolle hol-
landaise l'ut signalée; et, IVIake lui-même, de son vais-
seau amiral, le Triomphe, lui. l'un des premiers a la voir
s'avancer. Soixante - quinze bâtiments de guerre et,
deux cent cinquante navires de commerce, voguant
sous leur escorte, couvraient au loin la mer. Biake
avait, en ce moment, à portée de lui ses deux vice-
amiraux Penn et. Lavvson, mais non pas toute son esca-
d re ; Monk entre autres était en arrière avec une
division. Tromp reconnut la supériorité momentanée
de ses forces, et donnant l'ordre à son convoi de se
metlre à l'écart, il résolut, d'engager sur-le-champ le
eombal. Blake, à cet instant même, se portait sur lui, et
le Triomphe envoyait au Brederode sa bordée. Tromp
essuya le feu sans répondre ; mais lorsque les deux
vaisseaux furent à portée de mousquet, le hollandais
lâcha à l'anglais sa première bordée, puis virant de
boni, la seconde, et tout à coup, rechargeant ses batte-
ries et tournant autour de son ennemi, il lui envoya,
sur l'autre bord, une troisième bordée qui fil, dans les
agrès et l'équipage du Triomphe, les plus grands
ravages. A la vue du vaisseau amiral couvert de feu et
de débris , h; vice-amiral Penn se porta rapidement à
son aide et al laqua Tromp à son tour. Toute l'escadre
anglaise arriva successivement, el une bataille furieuse
s'engagea de toutes parts. Elle dura tout, le jour , avec
des alternatives de succès et de revers qui redoublaient
d'heure en heure l 'ardeur des combattants , faisant
tour à leur espérer de uarl el d'autre la \ ieloire. Tromp,


i'. i 17




« 9 1 ( i l Kl! HE K X T R R Ï . ' A X O E E T E R R R


Imyter, de Wildt, Kruik, Su ers, du côté des Hollandais,
Blake, Pcnn, Lavvson, liarker, du eôlé des Anglais,
firent des prodiges de bravoure et d'obstination, Huyter,
entouré par les Anglais au moment où il venait de
prendre à l'abordage un de leurs vaisseaux, lut sur le
.point de tomber à son tour entre leurs mains. Aucun
'des vaisseaux anglais ne souffrit autant que celui de l'a-
miral lui-même ; son capitaine de pavillon, André Bail,
et son secrétaire , Sparrow, lurent tués à côté de lui ;
plus de la moitié de son équipage tomba sous le l'eu des
Hollandais. Blake lui-même, enfin, l'ut grièvement
blessé à la cuisse, d'une balle qui alla toucher encore,
derrière lui, le général Dean. A l'approche du soir
cependant, Blake, se croyant on possession de l'avan-
tage, donna ordre à quelques-uns de ses bâtiments de
se porter vers le convoi hollandais et d'empêcher qu'il
ne s'échappât; Tromp s'aperçut de celte manœuvre, et
se replia aussitôt, avec h; gros de son escadre, pour
couvrir son convoi. La nuit vint et suspendit toute
action. Le lendemain, dès que le jour parut, Tromp,
disposant son escadre de façon à mettre son convoi à
l'abri, fit voile vers le pas de Calais; Blake le suivit
avec toutes ses forces, le rejoignit vers midi, et la
bataille recommença avec la même fureur. Buyler,
toujours te plus hardi et le plus opiniâtre des Hollan-
dais, fut encore ce jour-là près de tomber au pouvoir
des Anglais, et ne dut son salut qu'à la vigilance de
Tromp qui, le voyant en grand péril , le lit à l'instant
soutenir et dégager. Mais les efforts de l'amiral hollan-




i \T r.KS IMíOYTXTTIS.TiXTES ;i(55S). yol


u'ais (''(nient partagés et divers; il l'allail (fu'en combat-
tant, il protégeât incessamment son convoi, et se
rapprochât peu à peu des côtes de Hollande pour le
mettre enfin en sûreté. La seconde journée lui l'ut moins
heureuse que la première ; quatre ou cinq de ses bâti-
ments furent [iris ou détruits; soit animosilé de parti,
soit faiblesse, quelques-uns de ses capitaines lui firent
dire, vers te soir, qu'ils n'avaient plus de poudre et ne
pouvaient plus prendre part au combat ; il leur donna
ordre de s'éloigner pendant la nuit, craignant pour le
lendemain une trahison ou quelque exemple de conta-
gieuse lâcheté. Blake s'apercevant, le lendemain, que.
l'escadre hollandaise était réduite en nombre, reprit
aussitôt, avec une ardeur nouvelle, et l'attaque contre
ï r o m p et la poursuite du convoi. ¡Ni l'habileté ni l'é-
nergie de l'amiral hollandais ne faiblirent un instant ;
d combattait toujours, ralliant à grand'peine son convoi
en désordre, et se retirant successivement le long des
côtes de Francis pour regagner celles de son pays. Il y
réussit enfin le quatrième jour, à force de [terséveranee
intelligente et courageuse, maisaprès avoir perdu, selon
les rapports hollandais, neuf vaisseaux de guerre et
vingt-quatre navires marchands , selon les rapports
anglais, dix-sept bâtiments de ta première classe et [dus
de quarante de la seconde. Les Liais généraux, dans
celle épreuve, se montrèrent dignes d'être si bien servis,
car ils furent justes : non-seulenieiil ils témoignèrent à
Tromp, liuyler, Evverlz cl Florilz leur reconnaissance;
icais, [tour leur en donner une marque éclatante, ils




•292 F . F F F . T S P n r . r n g F P . N P F , Ï.A ( iUF.RKfc


leur firent des présents auxquels les Etals particuliers
de la Province de Hollande joignirent aussi les leurs,
Le Parlement, deson côlé.se livra, un peu bruyamment
peut-être, aux transports de sa joie; non-seulement
il adressa aux commandants de l'escadre des reniereî-
ments officiels, et prit des mesures, d'abord par voie de
souscription, puis au nom de l'Étal, en faveur des
familles des marins et des soldats qui avaient succombé
dans l'action ; mais il ordonna, dans toute la Répu-
blique, la célébration d'un service solennel d'actions de
grâces; partout où les prisonniers hollandais débar-
quaient, on les mettait en marche sur Londres, escoriés
par des détachements de cavalerie, et dans foutes les
villes qu'ils traversaient, les cloches sonnaient au mo-
ment de leur passage, pour célébrer une victoire qu'a-
vait précédée une inquiétude si vive et qui avait coule
tant d'efforts


Elle était à la fois réelle et vainc; c'était une vicissi-
tude de plus dans une lutte déjà pleine de vicissitudes,
mais non l'un de ces triomphes qui vident Jes questions
et décident du sort des Elals. Victorieuses naguère, les
Provinces-Unies étaient maintenant vaincues, mais point
abattues; on apprit bientôt que, dans leurs ports, nue
nouvelle escadre se préparait.; quel que fût le viiiu-


t W h i t e l o e k e , p . 5 5 1 ;—Robert Blatte, p . %10-ML—Parliara. Iltsi


t . X X , p. 110-1-21 ; -Pena'» Mémorial*, t. 1, p . I72-1S5 ; -AVi«- ,p , t .


for l , Histoire des Provinces-Unies , i, IV, p. .0:10-000 : — l.o CI - n . ,


Histoire des Provinces-Unies, i H , p. :12.S-,,),,11 ; — ["/,- de R»,ih,.




E N T R E E A N G L E T E R R E ET L E S P R O V I N C E S G N 1 ES. mi


qiiour, la guerre ressortait, île chaque bataille, plus rui-
neuse et plus acharnée.


Les puissances catholiques du continent, la France et
l'Espagne surtout, assistaient avec une secrète salistac-
iion a cette lutte ardente des deux Républiques protes-
laulos auxquelles, malgré leurs empressements, elles
ne portaient, au tond, que méfiance et mauvais vouloir.
Le Parlement anglais n'avait su ni rester vraiment neu-
tre entre les cours de Paris et de Madrid, ni s'assurer,
par un choix décidé, l'une des deux alliances; il avait,
dans son indécision, penché toujours vers l'Espagne dont
ta politique inerte et en déclin ne lui pouvait porter au-
cune aide efficace, et il m'avait témoigné qu'une froi-
deur hostile à la France dont l'activité ambitieuse et la
lorce ascendante auraient pu faire, pour lui, un utile
allié. Les deux cours restaient immobiles, cherchant bien
plutôt à envenimer la guerre qu'à la calmer. De leur
côté, les cours protestantes du nord , le Danemark et la
Suéde entre autres, se divisaient entre les deux Répu-
bliques rivales; le roi de Danemark, Frédéric 111, après
avoir fait d'abord à Londres des avances marquées, pre-
nait parti pour les Provinces-Fines auxquelles le liaient
ses intérêts commerciaux et de premiers traités ; la reine
Christine de Suède montrait plutôt quelque faveur pour
la République britannique, mais sans se prononcer, ni
lui prêter aucun appui. L 'arrogance ambitieuse et im-
prévoyante du Parlement républicain avait porté le
trouble dans toutes les relations extérieures de l'Angle-
terre, pour la jeter dans une politique qui la mettait




291 K F F E T S ! : - s D E I A U O E U U E


aii v prises avec ses amis naturels sans lui donner nulle
pari des alliés '


Au dedans, celte politique imposait à la nation des
charges énormes, cl an gouvernement nouveau un
redoublement de tyrannie. Il fallait maintenir constam-
ment l 'année sur le pied de guerre pour défendre la
République contre le mauvais vouloir du pays, et
accroître incessamment la Hotte pour défendre le
pays contre l'étranger. En décembre 1052, le Parle-
ment vota, pour cette double dépense pendant l'année
suivante, 120,000 li v. sieri, (trois millions de francs)
par mois, dont 80,000 liv. steri, pour l'armée, et 4-0,000
pour la flotte; et de nouveaux votes spéciaux vinrent, à
plusieurs reprises, dans le cours do 1053, élever ce bud-
get reconnu iusullisant. El comme les taxes publiques,
bien que fort aggravées, ne répondaient pas à de telles
nécessités, on avait sans cesse recours soil à de nouvelles
ventes des domaines de la couronne et de l'Église, soit
à de nouvelles confiscations tantôt du revenu, tantôt du
fonds morne des biens des royalistes délinquants. En
novembre 1052, le Parlement vola que les parcs eI les
chàleaux de Windsor et de tlampfon-Court, llyde-Park,
le parc de (Jreenwieh, et Somcrset-lioiise seraient ven-
dus , et que le produit en serait affecté aux dépenses


i Ee. C l e r c , Histoire des Provinces-Unie*, l. 1 1 , p . 3 2 0 - 3 2 7 ; — W i c -
quet'o tt, Histoire îles Provinres-Vnies. I. IV , ]>. 353 -301;—Journa l» of
the House of commons, I. V U , p. 103, 104, 111», 133, 135, 137, Li'.).


-132, 100, 191, 19-1, 2U3. 251 .




K.NTliK I .'AN O T.ETER RE ET E E S P R O V I N T E S - U N I E S . ¿95


i.l(j i.t marine; des hills furent aussi proposés pour la
\eule dos forêts rojales et même de quelques cathé-
drales qu'on se proposait de démolir. Plusieurs de
ces mesures n'eurent pas de suite ou furent plus tard
révoquées; mais les confiscations ou les amendes infli-
gées aux royalistes étaient toujours perçues avec
rigueur ; en l(i">l, au moment où les uégocialions avec
tes Provinces-Unies furent rompues, soixante et dix
Cavaliers riches se virent condamnés à la confiscation de
tous leurs biens, réels et personnels; dans le cours de
! année suivante, au milieu des exigences de la guerre,
vingt-neuf autres subirent, le même sort, et six cent
quatre-vingt-deux autres ne furent admis à racheter
leurs biens séquestrés qu'en payant à la République,
dans t'espace de quatre mois, io tiers de la valeur. La
tyrannie civile se chargeait do pourvoir aux besoins
qu'une mauvaise politique étrangère avait créés 1 .


Un gouvernement uni et incontesté aurait eu grand -
peine à porter longtemps un tel fardeau. Le Parlement
républicain, au milieu de son exaltation fiévreuse, était
faible et chancelant, car de violentes dissensions inlé-
rieures le travaillaient, et Cromwell, à la fois puissant
et oisif, ne s'appliquait plus qu'à exploiter ses fautes et à
miner te sol sous ses pas.


i Journals of the House of commons, i. VI , p . 00-1; I. V I I , p . 1(H),


-J 11, 2 1 2 , 21« , 2 2 2 , 2 2 1 ; — I ' a r l i a r n . Hist,., X. X X , p . 103, 110 , — S c o -


Oeli, ^1 Collection of acts and ordinances, e t c . , p. 1 5 0 , 2 1 0 -






LIVRE IV
L u t t e e n t r e l e P a r l e m e n t e t C r o r a w c l l . — T e n t a t i v e s p o u r l a r é d u c t i o n d o


l ' a n n é e . — P r o p o s i t i o n d ' u n e a m n i s t i e a é n e r a l o e t d ' u n e n o u v e l l e l o i é l e c t o -
r a l e . — P r o j e t s d e r e f o r m e s civi les , et. r e l i g i e u s e s . — C o n v e r s a t i o n rte C r o t u -
w e l l a v e c l e s p r i n c i p a u x c h e f s d u P a r l e m e n t e t d e l ' a r m é e . — P é t i t i o n (le
l ' a r m é e e n f a v e u r d e s r e f o r m e s e t p o u r l a d i s s o l u t i o n d u P a r l e m e n t . — A c c u -
s a t i o n s d e c o r r u p t i o n c o n t r e le P a r l e m e n t . — L e P a r l e m e n t e s s a y e d e s e
p e r p é t u e r e n s e c o m p l é t a n t p a r d e s é l e c t i o n s n o u v e l l e s . — L ' r g e n c e de. l a
s i t u a t i o n . — C r o n i w e l l c i t a s s e l e P a r l e m e n t .


Le 0 septembre IfiSI, au moment même où Je Parle-
ment envoyait au-devant de Cromwell quatre de ses
membres pour lui oltrir, sur la victoire de Worcesler,
les plus éclatantes félicitations, il votait que les charges
de la République seraient promplement allégées, et
donnait au conseil d'Etat et au comité île l'armée l'ordre
de lui présenter le tableau de toutes les forces actuelle-
ment sur pied, pour qu'il en pût apprécier la nécessité
et le fardeau. Dès le lendemain, quatre mille hommes
de cavalerie et quatre mille d'infanterie furent licen-
cies. Sis jours après, Cromwell, reprenant son siège
dans la Chambre, y recevait les remercîrnenis solen-
nels de l'orateur, un don en terres de -4,000 Iiv. sterl.
de rente, et le palais de llanipton-Court pour résidence ;
mais en même lemps la Chambre renvoyait au conseil




ÏÎW L U T T K K S T K B I.K l ' A K l . K M KNT


d'Elat lu question c!(! savoir quelles forces devaient être
maintenues, et quinze jours après, elle ordonnait le
licenciement de cinq régiments d'infanterie et de trois
régiments de cavalerie, la réduction d'un grand nombre
de garnisons, et la fixation do l'armée au chiffre total
de vingt-cinq mille hommes, ce qui procurait une éco-
nomie de 35,000 liv. sterl. par mois 1 .


Ces mesures étaient évidemment commandées par
l'intérêt public; le pays succombait sous le poids des
impôts, et la victoire devait emporter au moins une
partie des charges de la guerre. Mais à côté de l'intérêt
public, l'attitude du Parlement laissait percer d'autres
sentiments et d'autres motifs; dans son empressement
à licencier des soldais, c'était surtout un rival qu'il vou-
lait abattre. Tentative périlleuse, quelque nécessaire et
légitime qu'elle pût être : les gouvernements révolu-
tionnaires sont mal venus à briser i'épéequi leur a sauvé
la vie; le service est si grand qu'ils ne peuvent ni le
payer ni l'oublier, et leur prévoyance contre une ambi-
tion mal satisfaite passe pour de l'ingratitude et de ia
(leur. Aux seuls pouvoirs fondés par le droit et Je temps
il appartient de récompenser et de désarmer les grands
vainqueurs sans crainte d'en faire des maîtres.


Cromvvell ne lit aucune résistance, ni même aucune
objection; la mesure était trop naturelle et d'une néces-
sité trop incontestable. Il était (tailleurs bien aise du
licenciement des régiments de milice dent les babilude»


1 JommU vf the Uotii'j t'f common». l, V I I , ¡1. 1-J, H '




RT CROWET.T. атлъщ. зоо
indépendantes cl l'esprit plus patriotique que militaire
lui convenaient peu. Mais trop clairvoyant pour se mé­
prendre sur les vues du Parlement, il se hâta de
prendre à son tour, contre lui, ses précardions et sa
revanche. Л son instigation et алее son appui, deux pro­
positions, tordes deux populaires dans le pays quoique
auprès de partis différents, lurent sur­le­champ reprises
et vivement poussées dans la Chambre : une amnistie
générale et une loi d'élections destinée à régler l'époque
de la dissolution du Parlement et la nomination de ses
successeurs. Ni l'une ni l'autre de ces propositions n'était,
nouvelle; depuis plus de deux ans, elles figuraient au
nombre des questions que le Parlement annonçait l'in­
tention de résoudre et dont il avait l'air de s'occuper.
Dès le 25 avril iG­'iO. il avait décidé, sur le rapport,
clireton, qu'un acte d'amnistie serait préparé; on en
avait mémo indiqué les bases; et cet acte rédigé en
ell'et, lu rnème deux l'ois le 5 juillet suivant, avait été
renvoyé à un comité qui devait se réunir le lendemain,
et où, depuis lors, il était resté enseveli. Vers la même
époque, le 15 mai ШУ, un comité avait été chargé de
préparer une loi pour l'élection dos Parlements futurs.
Vane lit, à ce sujet, le 9 janvier ¡650, un long rapport
où les bases du nouveau système électoral étaient
posées ; la Chambre décida qu'elle se réunirait une fois
par semaine pour le discuter, et dans le cours des années
J050 et 1051, quarante­huit séances furent en cil et
tenues, ou du moins convoquées, dans ce dessein. Mais
ni 1 amnistie ni la loi électorale ne liront, en réalité,




3 0 0 L U T T E E N T R E LE P A R L E M E N T


aucun progrès; le Parlement n'était sérieusementoccupé ( j ir ' à se maintenir et à se défendre contre ses ennemis.
Des que, par l'influence de Crourwell, les deux mesures
eurent été remises à l'ordre du j o u i ' , leurs partisans ne
laissèrent à la Cliarnbre point de relâche. Repris le
17 septembre 1051 et rapporté le 27 novembre suivant,
l'acte d'amnistie fut vivement débattu dans seize séances,
et adopté enfin le 24 février 1052, avec quelques restric-
tions. On en était, dans le pays, si vivement préoccupé
qu'en en ordonnant la publication, la Chambre chargea
le conseil d 'Étal de veiller à ce qu'il ne fût pas abusive-
ment et fautivement réimprimé, de telle sorte qu'il en
piïl résulter quelque inconvénient. La discussion de ta
loi électorale fut encore plus pressée et plus chaude ;
elle occupa, soit le comité chargé de rédiger le projet,
soit la Chambre elle-même, du 17 septembre 1051 au


18 novembre suivant ; des convocations expresses, des
divisions fréquentes eidos majorités Lrès-disputéesalles-
tèrenl l'ardeur des esprits comme la gravité de la ques-
t ion; quarante-neuf voix seulement contre quarante-
sept décidèrent que le moment était venu de fixer un
terme à la durée du Parlement actuel ; et dans tous ces
votes, on rencontre Cronivvell à ia tête des plus vifs par-
tisans de la dissolution. Ils l'emportèrent enfin ; mais leur
triomphe effectif fut renvoyé à une longue échéance ; le
Parlement votale 18 novembre 1051 qu'il ne siégerait
pas au delà du 3 novembre 105-i. Grâce aux victoires de
Cromwell, la guerre civile entre le Parlement et le roi
avait cessé; on prétendit assigner une durée de trois




E ï n ; o \ r \ v i ' i r. .'io:>i-lor>3;. 301


ans au duel qui s'engageait entre Cromwell et le Par-


lement '.
Par lion sens, non par modération ou patience dans


h' caractère, Cronrwell savait attendre ; il appréciait
sainement, dans chaque circonstance, ce qui était pos-
sible, et il s'arrêtait là, quoique ses désirs et ses menées
portassent bien plus loin. Il avait réussi, à l'aire fixer un
tenue à la vie du Parlement; il ne tenta point de le
faire rapprocher selon son gré. Mais des moyens
détournés s'offraient à lui pour harasser et user plus
vile le pouvoir auquel il avait affaire : il les mit eu
œuvre, tantôt avec un emportement passionné, tantôt
avec une astuce profonde, selon ce, qu'indiquait ou per-
mettait l'occasion.


L'esprit d'innovation ne se bornait pus, à celle, époque,
en Angleterre, aux seules questions de gouvernement
et d'ordre politique ; il pénétrait, aussi dans l'ordre
civil, et sollicitait, dans les lois et la procédure, des
reformes où les inlérèls quotidiens de toute la popula-
tion étaient engagés. Beaucoup d'idées fermentaient a
cet, égard, encore obscures, vagues et incohérentes,
mais toujours puissantes par les rudes besoins auxquels
elles répondent et les perspectives illimitées qu'elles
enir'ouvrent. 11 s'agissait d'abolir de lourds impôts, de
rendre la justice prompte cl peu coûteuse, de simplifier
le régime de la propriété, d'alléger le poids des délies,


1 Joui nais of the II. of C, t. VI , p . 195, 250, 210 , 31-1; t. V I I ,


p. 19, 44, 90 . 30 , 37 ,—Meaio i res do Ludlovv , (. I I , p. 101,




3 0 * P R O J E T S DE R É F O R M E S C I V I L E S


de lever les entraves (|iii gênaient l'étal des | i e r s o n n e s
on les relations communes, de satisfaire, à meilleur
marelié et avec moins d'embarras, aux nécessités de la
vie. Dans les classes élevées cl éclairées, soil égoïsme,
soit esprit d'ordre et juste intelligence des conditions de
l'état social, ces idées obtenaient peu de crédit; les
jurisconsultes surtout les repoussaient obstinément et
l'alliaient à leur résistance des intérêts nombreux et
respectables. Mais au sein des classes inférieures, les
ni voleurs, les mystiques, les esprits honnêtement rê-
veurs o u méchamment déréglés, et huile celle' porliou
du peuple en qui se tiennent de si lires les sentiments
justes et les mauvaises passions, les inslincls praliques
cl les absurdes chimères, accueillaient avec transport
l'espoir de telles réformes et en réclamaient à grands
cris l'accomplisse)lient.


En matière religieuse, des désirs à la fois ardents ci
confus, des soulfrances vives et des désordres graves
suscitaient aussi une fermentation continue. L'Église
anglicane était tombée; plus d'évoqués, [dus de cha-
p i t r e s , p i u s d'établissement ecclésiastique officiel el
exclusif. Mais la nation anglaise restait passionnément
chrétienne ; il lui fallait un culte assuré, des pratiques
régulières, une prédication assidue de l'Évangile. Les
sectes satisfaisaient, pour leurs adhérents, à ces besoins
des âmes ; mais les sectes ne formaient qu'une petite
minorité; en dehors des scolaires, des cal Indiques pro-
scrits et des incrédules plus nombreux a celle époque
q u ' o n ne le croit connnunénienl. ésaii la n i a s s e de la




FT liKI.ïnTF.CTSKS ']Or.1-1053). 303


populaliou désolée cl indignée tantùl de manquer, pour
sa loi, de ministres, tanlôl de se voir privée de ceux en
qui elle avait confiance, et obligée, par dénûmenl
sinon par conh'ainle, d'en écouter d'autres auxquels elle
n e croyait pas. Les presbytériens s'étaient offerts, et vers
la lin de Kil1.), le Parlement les avait admis à organiser
leur établissement ecclésiastique, à titre d'Église natio-
nale' ; mais ils n'avaient que très -incomplètement
réussi, car ils passaient pour aussi exclusifs, aussi tyran-
niques qu'avail pu l'être l'Eglise anglicane, et les autres
sectes dissidentes les repoussaient aussi vivement que
les anglicans eux-mêmes. De lotit cela résultait, eu fait
de religion, un état tanlôl d'abandon et de disette, tantôt
de persécution et d'anarchie qui donnai! lieu à des cla-
meurs, à des récriminations, à des contestations, à des
plaintes, toujours adressées au Parlement comme à la
source de tous les maux et de tous les remèdes, et qu'il
ne savait ni comment étouffer, ni comment satisfaire.


Sur toutes cesqueslions d'orgatiisalion, civile ou reli-
gieuse. Crnmxvell n'avait point, de principes arrêtés, ni
de parti pris; nul esprit n'était moins systématique, ni
moins gouverné par des idées générales et conçues d'a-
vance; mais il avait un vif instinct des sentiments et
des vœux populaires; cl sans s'inquiéter beaucoup de
savoir jusqu'à quel point ils étaient légitimes ou pos-


i N e a l , irisl. ofthe Puritain., t . ! I I . p . >iS-ï'A) ; t . I V , p . 1 2 - M ,
— U t u n , A siomnanj of Ihe hulory of the JinyUsh Churth, e t c . ,
t . I l , p . ¡ 1 3 .




3 0 1 P R O J E T S D E R É F O R M E S (M V I R E S


cil>lcsà satisfaire, il se faisail hardiment leur patron pour
s'en faire des alliés, Depuis longtemps déjà il avait en-
trevu quelle laveur pouvait s'attacher aux idées de ré-
forme de fa procédure civile, et il leur avait prêté son
appui. En 1 0 5 0 , écrivant au Parlement .après la victoire
de Dunhar, il lui disait : « Soulagez les opprimés ; écou-
« lez les gémissements des pauvres gens qui sont en
« prison; consentez à réformer les abus de toutes les
« professions; s'il y eu a une qui fasse beaucoup de pau-
« vres pour faire quelques riches, cela ne convient pas
« à une république \ » Lorsque, la guerre civile termi-
née, il vécut oisif à Londres, n'ayant plus à s'occuper
que de ce qui se passait dans le public ou au Parlement,
il devint le centre de tous les projets de ce genre et l'es-
poir de leurs fauteurs : le 27 octobre 107)1, des détenus
dans les prisons de Londres s'adressaient à lui, disard :
«Laloi est le sceau de là servitude normande; les pri-
« sons sont des sanctuaires pour les riches cl des lieux
« de torture pour les pauvres qui ne peuvent payer les
« avocats ni les geôliers: nous [trions le gémirai, aux
« mains duquel lepéc a été mise, de nous délivrer de
« l'oppression, de rendre à la nalion ses lois et ses liber-
« lés fondamentales, de lui procurer une représentation
« nouvelle, et de faire en sorte que tes pauvres puissent
« obtenir justice et que les arreslalions et les emprison-
« nemenls soient abolis. » Six semaines après, de nom-
breuses pétitions arrivaient des comtés, adressées aussi


i 4 s e p t e m b r e 1050 ; C a r i y l e , CrommU's Lilters, t. I I , p. 4«.




CIVILES ET L E L I O I E T S E S . 305


au générai cl a ses officiers, el leur demandant « l'abo-
« liliou des dîmes, de t'excise, el de tous les abus intro-
« doits dans l'administration de la loi et de la justice par
« la multitude, l'orgueil, l'astuce et l'a\idile des avocats,
v des procureurs el des greffiers, ce qui fait que les
« pauvres habitants des campagnes trouvent le remède
« pire que le mai. » Le mouvement du peuple, à ce su-
jet, vers l'armée et ses chefs était tel que, sur plusieurs
points, des officiers reçurent de leur général l 'autorisa-
tion de siéger comme juges, et de prononcer sur des
procès, ce qu'ils tirent « à la grande satisfaction des par-
ti ties, à cause de la pronqililude de leurs jugements 1 . »


Quand il s'agissait de religion et d'Eglise, Cromwell
elail un peu plus embarrassé, car il avait à cet égard,
non des résolutions intraitables, mais des engagements
et des alliés dont il ne voulait pas se séparer. Les sec-
taires passionnés de l 'armée, les soldats de la cinquième
monarchie, qui devail être celle de Jésus-Christ, avaient
l'ait sa force d'abord contre le roi, puis contre le parti
presbytérien dans le Parlement ; il savait tout ce qu'on
pouvait en craindre ou en attendre; par leur fidélité
militaire et leur fanatisme myslique, ils étaient, dans un
moment de crise, ses plus nécessaires el plus sûrs i n -
struments. 11 maintint, soigneusement avec eux son inti-
mité. Mais il lui fallait, dans l'ordre religieux, une in-
lluence plus élevée et plus étendue; il la chercha et la
puisa a deux sources, la prédication régulière de l'Évan-


• W O i i e l û i ' L e , p . 512. 517. 510-




HOh C O N F K K E N C E J)K C L O . U W E L L A V E C L E S C1JEES


gileel la libellé de conscience: il se lit le protecteur dé-
claré de ces deux intérêts ; par le premier, il se ratta-
chait les presbytériens qui, dans la ruine de l'Eglise an-
glicane, pouvaient seuls olîrir, en grand nombre, au
pays des ministres instruits, pieux cl honorés - au nom
de la liberté de conscience, il devenait l 'homme néces-
saire à tous les persécutés, même aux épiscopaux et aux
calholiques à qui la libre pratique éto leur loi était refu-
sée, mais qui se promettaient de lui une tolérance tacite
et un secret appui. Dans tous les rangs cl sous tous les
drapeaux chrétiens, il avait ainsi des relations, et in-
spirait des espérances qui lui fournissaient tantôt des
griefs, tantôt des armes contre le Parlement.


Il ne s'en tint pas à celte guerre sourde et aux pro-
grès lents qu'il y pouvait taire ' il élail plein de passion
autant que de ruse, et pressé de porter les grands coups,
dès qu'ils étaient possibles, aussi bien qu'obstiné à pour-
suivre obscurément son dessein, s'il fallait attendre du
temps les occasions de succès. Il voulut savoir avec
quelque certitude ce que pensaient les hommes dont le
concours lui était nécessaire, et jusqu'à quel point il
pouvait compter sur leurs dispositions. Le 1 0 décembre
•1051, il provoqua, chez l'orateur de la Chambre, Lent-
hall, une réunion de quelques chefs de farinée et du
Parlement; d 'un côté, Fleetwood, Desborough, Harri-
son, Whalley, ses compagnons de guerre et de victoire;
de l'autre, Wbilelocko, Widdrington, Saint-John, Lent-
hall, les meneurs civils de la révolution :


« Maintenant que l'ancien roi est mort et son (ils dé-




1)1' р л Ш . К М Е Х Т E l ПЕ L ' A R M É E 10 D É C E M B R E ЮМ). 307


« l'ail, je crois nécessaire, » «lit Croinwell, « d'en \en i r
« a fonder tin gouvernement stable pour la nation. J'ai
« demandé celle réunion pour que nous considérions
« ensemble c e qu'il convient de faire et ce qu'il faudra
« proposer au Parlement. »


L ' o i m i u u î . r . v i R À L L : « Mi lord , celte réunion s'est
« empressée de se rendre au vœu de V. E . , et il est
« Irès­néeessairc d'examiner l'affaire dont, vous voulez
'.< l'entretenir. Dieu a donné à nos troupes, sous votre
« commandement , un merveilleux succès, et nous
.< serons très­dignes de blâme si nous ne faisons pas
« servir tant de grâces à quelque solide établissement,
к pour la gloire de Dieu et. le bien de celte République. »


i i A i n u s o x : « Ce que propose le lord général, c 'est , je
« pense, d'établir une forme, de gouvernement, qui
к assure nos liber lés civiles et religieuses, en telle sorte
« que les miséricordes dont le Seigneur nous a comblés
« ne soient pas rejetées. Comment cela peut être fait, là
« est la grande question. »


vvurria.ocKc : « C'est une grande question, en clt'el,
« et qui ne doit pas être brusquement résolue : ce serait
и pitié qu'une réunion do tant d e personnes capables et
« dignes demeurât sans résultat. Je demanderai d'abord
к humblement sur quelle base o n veut établir cette
a forme de gouvernement, et si l ' o n veut faire une
« république absolue, o u bien y introduire quelque
« mélange de monarchie. »


CROMVVELL : « Miiord YVhitelocke a touché te vrai
« point de la question; c'est en elîet ma pensée que




'¡08 CONFERENCE D E r 'ROMWELL AVEC CES C H E F S


« nous considérions ce qu'il vaut lu mieux établir, une
« république ou un gouvernement monarchique mixte,
« et, si l'on y l'ail enlrer quelque, chose île monarchique,
« en qui sera placé ce pouvoir. »


SIR THOMAS wiDDRiNGTOx : « Je crois qu'un gouverne-
ii ment monarchique mixte convient mieux aux lois el
'.< aux mœurs de cette nation; et si nous rélablissions
« quelque chose de monarchique, je crois qu'il serait
y jusle de remettre ce pouvoir à l 'un des tils du l'eu roi.»


LE COLONEL FLEETWOOD : « ha queslioii de savoir si c'est
« nue république absolue ou une monarchie nn'xlo qui
« convient le mieux ¿1 cette nation, ne sera pas facile à
« décider. »


SAINÎ-JOIIX : «Le gouvernement de celle nation, sans
« aucun pouvoir monarchique, sera très-difficile à éla-
« blir, de façon du moins à ne pas ébranler les i'ondc-
u ments de nos lois et des libertés du peuple. »


LENTHAU. : « On tombera dans une étrange confusion
« si on ne met, dans ie gouvernement de celle nalion,
« rien de monarchique. »


LE COLONEL DESiiORoi'GU : « Je vous prie, milord ,
« pourquoi cette nation-ci ne pourrait-elle pas, aussi
« bien <pie d'autres, se gouverner en république'? »


wiiiTF.Lor.KE : « Il y a, dans le tissu des lois d'An-
« gleterre, tant de pouvoir et de pratiques monarchi-
« ques que, pour fonder ici un gouvernement sans
« quelque mélange de monarchie, il faudrait faire,
« dans nos lois et nos procédures, des changements
« tels qu'à grand'peine en aurait-on Je temps el qu'on




M, l ' A l i E E M F X T E T T)E l.'ATtVlÉE (10 D É C E M B R E ¡051). 009


« no saurait prévoir tes inconvénients qui en résulte-
« raient. »


I.E COLONEL w i i A u . r . Y : « J 'entends mat les questions
« de lois; mais, à mon avis, il nous convient mieux de
« n'avoir, dans noire gouvernement, rien de monar-
« chique ; si nous nous décidions à avoir un monarque,
« lequel prendrions-nous? Le fils aîné du roi nous a fait
« la guerre, et son second fds est également notre
« ennemi. »


SIR T. vviDDiuxGTOis : «Mais le troisième fils du feu
« roi, le due do Glocester, est toujours entre nos mains,
t( et il est trop jeune pour avoir porté les armes contre
« nous , ou pour être imbu des principes do nos
« ennemis. »


\VIUTE!.OCKE : « On pourrait assigner au fils aîné du
« feu roi, ou à son frère.le duc d'York, un certain temps
« pour qu'ils vinssent se réunir au Parlement; et on
« pourrait alors, aux conditions qu'on jugerait conve-
•-< nobles et efficaces pour assurer nos libertés civiles et
« religieuses, instituer avec eux une forme de gouver-
« neinent. »


ORO.MWKI.L : n Ceci serait u n e affaire d'une difficulté
« plus qu'ordinaire; mais je pense vraiment que, si
« nous pouvons le faire avec sûreté pour nos droits
« d'Anglais et de chrétiens, une forme de gouverne-
« ment avec un peu de pouvoir monarchique serait
a bien utile 1 . »


i W b î i e l o e k e , [». 510




W l R E F O R M E S T E X T E K S


La conversation se prolongea sans autre résultai que
de l'aire entrevoir, aux hommes importants du Parle-
ment et. de l'armée, les desseins de Cromwcll, et à lui-
même leurs dispositions. Il vit aussi de quel danger
pouvait être, pour lui, le jeune duc de Gloccster, présent
sur le sol anglais et sous la main du Parlement. Quel-
ques mois après, le gouverneur du prince, M. Loveï,
reçut secrètement l'avis qu'il pouvait demander que le
duc de Gloccster sortît de prison, et lut envoyé en Hol-
lande, à la princesse d'Orange, sa sœur. 11 l'obtint en
effet sans peine, avec 500 liv. stcrl. pour les frais du
voyage, à la condition que le prince s'embarquerait
dans l'île de Wight où il était détenu, et ne toucherait
à aucun point de la côte d'Angleterre. C'était un con-
current royal éloigné, sous une apparence de générosité
et de douceur 1 .


Les chefs républicains du Parlement n'ignoraient pas
des vues et des menées que Cromwcll cachait si peu, et
ils faisaient, pour les déjouer, tons leurs efforts. Depuis
longtemps déjà, ils avaient essayé de donner ou de faire
espérer, aux désirs de réforme qurs'élevaienL de toutes
parts, quelque satisfaction. Un comité avait été chargé
de rechercher quels changements devaient être apportés
dans les lois civiles, et plusieurs fois le Parlement axait
recommandé à ce comité, dont le travail languissait,


i C l a r c n d o n , IHit. of IheHelMion, I. x i v , c . Hj-Hl • —liu.' it l i , A


ou , . / (JlituuiAv, e t i ., i). O U .




>\Y\l C E P A l t L E M E N ' l ' m


une assiduité plus el'licaee '. .Mais ces recommandations,
probablement un peu molles, avaient eu peu d'effet, et
un seul résultat important était sorti des délibérations
du comité ; il avait [>i'0|iosé ctle Parlement avait adopté »
un acte ordonnant qu'à l'avenir toutes les lois et toutes
les procédures devant toutes les cours dejustice seraient
rédigées en anglais, non plus en français, ni en faim ;
et pour assurer t'exécution de cette mesure vraiment
populaire, le Parlement était entré dans ies détails les
plus minut ieux 3 . Quelques abus avaient aussi été réfor-
més dans tes pratiques de la cour de chancellerie, cl
quelque allégement apporté aux frais dejust ice 4 . Mais
soit entêtement de profession, soit juste crainte des
entraînements d'innovation, les jurisconsultes, qui
dominaient dans le comité, y avaient combattu presque
tous les plans des novateurs, et il était retombé dans sa
langueur quand la lutte entre le Parlement et Crom-
vvell vint le ranimer. Dès qu'il vit Cromwell rechercher
celle sorte de popularité, le Parlement ordonna que
« le comité p uir la réforme des lois serait remis en
« vigueur, qu'il siégerait assidûment, avec pouvoir do
••' faire.venir devant lui toutes personnes et apporter
« tous documents dont il aurait besoin pour accomplir
« son œuvre, el qu'il en rendrait comple à la Chambre


'• Journal* of ihe Jlousc of eommoM. i. V I , p. 2 8 0 , 3 2 8 , 4 8 5 ,
•'- Or- 22 noveniOn. ' 1030 .
« J'oiruah of Ihe If. ,,(('., I. VI, j). 4w7, 4K8, 3 1 0 , 4 9 3 , 5 0 0
* IM., i . VI, | i . 5 3 9 , 5 2 3 .




m R E F O R M E S T E N T E E S


« aussi souvent ([ii'iJ le jugerait a pronos 1 . » Mais ce
n'étail encore là qu'une promesse déjà renouvelée plu-
sieurs fois et toujours demeurée \ a inc ; on sentit le
besoin de faire quelque chose de plus nouveau et qui
inspirât, aux partisans des réformes, plus de confiance.
On décida qu'une commission serait formée de per-
sonnes étrangères à la Chambre, qui auraient mission
de rechercher quels défauts existaient dans les lois
civiles, quels inconvénients en résultaient, quels étaient
les plus prompts moyens d'y [tortor remède, et qui
feraient ensuite connaître leur avis et leurs propositions
à u n comité du Parlement désigné [ t o u r les recevoir 5.
Vingt el une personnes, presque toutes considerables
par la qualité o u la science, furent e u effet choisies pour
former cette commission, et le célèbre jurisconsulte
Matthieu líale y fut appelé le premier 1 . Elle s'occupa
des plus importantes questions de la législation civile,
des mariages, des naissances et des décès, de la trans-
mission des propriétés el de la tenue des registres
publics destinés à ta constater, des droits perçus à l'oc-
casion de certaines transactions o u de certains actes; el
sur ces divers sujets, elle préparades projets de réformes
réservés à ia délibération du Parlement, et dont plu-
sieurs lui furent elfeclivenioiit soumis par Whiteiocke
qui, selon sa prévoyance des chances de succès, se fai-


> L e 8 o c t o b r e 1051 ; _ Jmtmah oflheJI. ,,f C... t. V I I , p- Ai.


2 L e '26 d é c e m b r e 1(151; Mtl., i, VII , p. 58 ; — W l i i t e l o o k e , p. 519


» L e s 1-1 e l 17 j a n v i e r 1652 ; — Jtiurmih of th.: H. vf C . t. VII,


y. 7 1 , 91 .




i'An T/P: P A R L E M E N T , M I S


sait loiir a tour l'adversaire ou lo rapporteur des inno-
vai ions 1 . I n travail général où était résumée toute la
ici civile, c'est-à-dire une sorte de code; civil, tut même
préparé par cette commission et présenté à la Chambre
qui en entendit la lecture et en ordonna l'impression,
au nombre de trois cents exemplaires distribués aux
seuls membres du Par lement 2 .


En matière religieuse aussi, l e Parlement eût bien
voulu obtenir quelque popularité, et, comme Crom-
well, se faire, dans les c r o y a n c e s d i v e r s e s , des clients et
des amis. Dans le cours de l 'année 1050, il axait aboli
les lois rendues sous la reine Elisabeth pour prescrire
l'uniformité de foi et de c u l t e 3 ; mais on même temps
il avait maintenu et même aggravé la proscription des
catholiques, ajouté à la proscription des catholiques
celle des épiscopaux, et promulgué des lois nouvelles
contre «les mauvaises mœurs , les pratiques licencieuses
« et les opinions athées, blasphématoires et exécra-
« hles 4 ; » voulant ainsi donner à la fois satisfaction aux
haines religieuses, à la liberté de conscience, et à l ' a u s -
térité des âmes. Tâche impossible pour le pouvoir chargé
d'appliquer tous les jours toutes les lois, et qui, même
aux yeux du p e u p l e dont elles ont adopté les passions,


i Los 1!) et 2 5 m a r s 1 6 5 2 ; .tournais ofthell. ofC, i . V I I , p . 107,
i > 0 .


» L e s 10 e t 21 j a n v i e r 1G50 ;— ibid. , t. VII, p. 249, 250.
: ! Le 27 s e p t e m b r e 1050 ; — i l . l d . , I. V I , p . .171.
* Le* 10 m a i , 11 el -21 j u i n , et 9 a o û t 105O .— ibid.. i. V I , p. 410 ,




.'('M l'KO.ÏET D ' T " X T n \ D E T.'KOnsST:


porle la peine de leurs inconséquences cl de leurs ini-
quités. CronTvvell, atlentil à se tenir en dehors du gou-
vernement, pouvait proléger tour à lotir, avec plus on
moins de réserve, les sectaires de toute sorte, les épi-
scopaux, les catholiques, même les esprits libres jusqu'à
la licence ; le Parlement, chargé de gouverner, se lui-
sait taxer tantôt de dureté en les réprimant, tantôt de
mollesse en les tolérant, et ne créait ainsi que des
mécontents là où Cronrwell recrutait des partisans.


Les esprits élevés et fiers, Vanc surtout, supportaient,
impatiemment celle situation et cherchaient, à s'en rele-
ver. Quelque événement ou quelque acte considérable
pouvait seul y suffire; il leur fallait un grand succès
qui ne leur vînt pas de Cromwell. Ce fut probablement
là une des causes qui, soit réflexion, soit instinct, les
poussèrent dans leur projet d'union intime de l'Angle-
terre avec la Hollande, el dans la guerre que celte
tentative, en échouant, fit éclater entre les deux Etals.
Précisément, vers celte époque, une autre perspective
s'olfrit à eux qui ne manquait pas de grandeur. L'Ecosse
riait soumise. Monk la gouvernait en soldat rude, mais
jusleel sensé. Argyle seul gardait encore, dans ses do-
maines, un reste d'indépendance, sans danger pour les
vainqueurs. Pourquoi ne pas incorporer l'Ecosse à l'An-
gleterre? La Grande-Bretagne ne formerait plus quant
seul État comme une seule île, et la République aurait
ta gloire d'accomplir coque les [tins grands rois d'Angle-
terre avaient vainement (enlé. Le "septembre H>'>l, siv
jours à peint; après la vicloire de Worcesler, ce dessein




A l , ' A N ( ; i : F . T K R I ! K ( 1 1 1 5 1 - 1 0 5 2 ) 3 1 5


apparut dans lo Parlement; et avant que l'année eût
atteint son ternie, il était transformé en une déclaration
expresse de rentière union ries deux pays, et liuil com-
missaires, Vane et Saint-.lolin à leur tète, partaient pour
l'Ecosse, avec des instructions détaillées pour l'accom-
plir. Ils y arrivèrent le 20 janvier i0o2, et établirent
leur résidence près d'Edimbourg, àDalkeitb, où ils con-
voqueront des délégués de tous les comtés et bourgs
d'Ecosse, pour les faire consentir à l'union. L'entreprise
était difficile, et sans l'autorité de Monk et de ses garni-
sons, tout le savoir-faire éloquent de Vane n'y eût pro-
bablement pas réussi. Le peuple écossais s'indignail a
l'idée de perdre sa nationalité; le clergé presbytérien
prolestait contre toute atteinte à l'indépendance de son
Eglise cl toute acceptation du pouvoir spirituel du Par-
lement. Les vassaux d'Argyle n'obéirent pas aux ordres
des commissaires anglais. Le prévôt d'Edimbourg essaya
vainement d'engager les ministres de la ville à prêcher
en laveur de l 'union; il n'en obtint que celle réponse :
« Nous savons mieux que le prévôt ce que nous devons
« prêcher. » Les comtés et les bourgs qui se refusaient
a envoyer des délégués, ou dont les délégués refusaient
d'accéder à l'union, perdaient leurs franchises; et pour-
tant, selon le calcul le plus favorable aux Anglais, vingt
comtés et trente-cinq bourgs seulement, sur quatre-
vingt-dix, donnèrent leur adhésion. Mais il n'en faut pas
tant à la force victorieuse pour proclamer que son droit
>st reconnu.Argvie, sur la promesse que ses domaines
• i raient protégés, et qu'on lui payerait ce qui lui était




316 ON R E P R E N D LE P R O J E T


du, consentit enlin a traiter. Vane retourna à Lon-
dres 1 , au nom des commissaires, pour rendre compte au
Parlement de tour succès; ii l'ut convenu que vingt et un
délégués d'Ecosse y viendraient plus tard pourdébattre
les termes définitifs de l'union, et, le 13 avril 1052, sur
le rapport de Whitelocke, au nom du conseil d'Etal, un
acte fut proposé pour décréter l'abolition riela royauté
en Ecosse, et l'union des deux pays sous la seule auto-
rité du Parlement, dans le sein duquel un certain nom-
bre de députés écossais seraient admis ».


Peu de semaines après 3 , soit que ce succès, bien
qu'inachevé, donmit au Parlement plus de confiance,
soit que la nécessité de pourvoir aux dépenses de la
guerre maritime avec la Hollande, lui parût une occasion
favorable, la question de la réduction de l'armée fui
reprise; la Chambre ordonna que « le conseil d'Etat
« conférerait avec le lord général et toute autre per-
te sonne qu'il voudrait appeler, pour examiner l'état
« des garnisons et des forces sur pied en Angleterre et
« en Ecosse, rechercher comment des retranchements
« considérables y pourraient être apportés sans corn-
et promettre la sûreté de la République, et en faire, dans
« huit jours, son rapport au Parlement. » A peine cette


' E n m a r s 1052 .


» Carlyle, Cronméll'x Letters, I. II , p. 150-152;—Burnet, Ilist.
de mon temps, t. 1, p . 123 , 1 2 0 , — M o n } , é l u d e h i s t o r i q u e , p . 3 9 - 1 2 ;
—Journalsofthell. ofC, t . V I I , p . 1 1 , 2 1 , 3 0 , 3 1 , 5 9 , 85, 9 0 , 1 0 5 , 1 1 0 ,
118, 2 2 9 ; — W h i t e l o c k e , p. 519, 5 2 1 , 522, 523 , 528 , 5 2 9 ; — H a l f o u r ,
Annal* of Seotlaiid, I. I V , p . 350 ; — L u d l o w , Mémoires, t. I I , p , 139


4 Les 20 m a i e t 2 . i u u i 1052,




0£ RÉtjriKE R'AUMÉK (илдошк 10521, 317
décision était rcnduo que l'orateur reçut une lettre de
Croinvvell qui tut lue dans la Chambre; elle n'est point
restée inscrite dans ses registres; mais évidemment elle
avait trait aux désirs de réduction que la Chambre
\enait de témoigner, et douze jours après, les dépenses
de l'armée d'Angleterre et d'Ecosse furent votées sans
aucune réduction '.


Le Parlement se promit et parut en effet obtenir,
(piantà l'armée d'Irlande, un meilleur succès. Quoique
certains points de l'île fussent encore dans un état d'in­
surrection ou du moins d'insoumission, la guerre y
était, à vrai dire, terminée; toutes les placée de quelque
importance s'étaient rendues, et les ennemis de la Répu­
blique n'y tenaient plus nulle part devant ses soldats,
l u e autre opération, plus cruelle que la guerre, com­
mençait ; l'expropriation et la transplantation, complètes
ou partielles, de toute la population catholique irlan­
daise, pour payer d'abord les prêteurs de l 'emprunt
contracté en Ш З а х е с les confiscations d'Irlande pour
gage, ensuite les arrérages dus aux soldats licenciés.
Lue telle perspective ue pouvait manquer de rendre
ta réduction de celte partie de l'armée plus facife. Cet
effroyable remaniement de la propriété et de la popula­
tion une fois accompli, le Parlement se proposait d'in­
corporer l'Irlande à l'Angleterre, comme l'Ecosse, en
lui faisant aussi, dans l'assemblée générale investie du
gouvernement delà République, une petite part ; et il


Journal* ofth* Я. ofC, t. V I I , [J. 1 3 6 , 1 3 8 , 1 3 0 , 1 4 2 ,




318 C R 0 M Y 7 E L L S ' E M P A R E DE


espérait exercer, dans un pays oii il disposait ainsi de
toutes choses, une prépondérance décisive ' .


Mais Cromvvell, toujours habile à ne rien laisser
échapper de ce que lui oll'rait la fortune, avait trouvé,
dans un incident frivole, une occasion d'élendreà l'Ir-
lande son influence, et s'était empressé de la saisir.
Après la mort d'Jrcton qu i , sous lo nom de lord dé -
puté, commandait en Irlande comme tieiilenu.nl de
Cromvvell, encore investi du titre de gouverneur géné-
ral de ce royaume, Lambert, qui servait alors en Ecosse,
fut nommé pour le remplacer, sous le même nom et
avec les mêmes prérogatives. Vain et fastueux, il quitta
l'Ecosse en toute hâte pour jouir de ses nouveaux hon-
neurs, et fil son entrée à Londres dans un équipage
magnifique qui lui avait coûté, dit-on, 5,000 liv. st..
Peu de jours après, lady Lambert, sa femme, aussi vaine
que lui, rencontra dans le parc de Si-James la veuve
d'Ireton, Bridgel, tille aînée de Cromvvell, et prit avec
éclat le pas sur elle. Malgré sa piété et, sa douleur, lady
Ireton ressentit amèrement cet all'ront. Eleelvvood, lieu-
tenant général de Cromvvell dans le commandement de
toutes les forces de la République, se trouvait par ha-
sard présent à cette scène; veuf lui-même, il offrit a
lady Ireton d'abord ses condoléances et sa sympathie,
et bientôt sa main. Elle l'accepta sans hésiter; la femme


i Journal* oftheH. of C, t. V I I , p . 7U, 123, 1 0 1 , 22!»;— -Mémoires


d e L u d l o w , t. I I , passim ;—Leland, liist. oflielun-J. t. I I I , p . 3S7-


31)7.




I . ' I N K I f ' l ' \ ( ' K i : \ rULAN'OH 1 6 5 3 } . 3 1 9


(lu lieulruaul du général en devait passer partout
avant celle' du tord député d'Irlande. Ce mariage con-
venait àCromwell ; Heetwood apparlenait à mie famille
considérable et ne pouvait manquer d'être un gendre
utile. L'occasion se présenta aussitôt de mettre ce nou-
veau lien à profit : le brevet de Cromvvell comme gou-
verneur général d'Irlande éiait près d'expirer; on en
proposa à la Chambre le renouvellement; il déclina lui-
même celle faveur: « il avait déjà, » dit-il, « trop de
pouvoir et d'honneurs. » La charge de lord lieutenant
ou gouverneur général d'Irlande fut supprimée. Celle
de lord député, c'est-à-dire délégué du lord lieutenant,
se trouvait dès lors sans base; ou oifrit à Lambert un
autre titre et diverses compensations : mais il ne voulut
point accepter ce qu'il regardait comme une déchéance,
i'l il se démit de son office. On décida alors que le gé-
nérai en chef des forces d e l à République nommerait
fui-nième an commandement des forces d'Irlande, et
Cromvvell j nomma Fleelvvood. Mais, soigneux de pan-
ser la plaiequ'il avait faite,il s'appliqua en même temps
et il réussit à persuader à Lambert que le mauvais vou-
loir du Parlement lui avait seid l'ait enlever ce titre de
lord député qu'il eût été, lui Cromvvell, charmé de lui
conserver; et avec une intelligence profonde de la bas-
sesse qui peut se cacher sous la vanité, il exprima aussi
¿1 Lambert son regret des dépenses énormes auxquelles
(elle courte dignité l'avail enlraîné, et lui demanda la
permission de s'en charger; à quoi Lambert consenti!,
devenant ainsi, dans sa mésaventure, l'obligé deCrom-




820 l ' É T I T I O X D E L ' A R M É E


well, qui, du mémo coup, Jil. de son gendre le comman-
dant de l'Irlande, et de l 'homme qu'on avait quelque-
fois essayé de lui donner pour rival dans l'armée, un
ennemi ardent du Parlement 1 .


Il excellait à pousser vivement ses avantages. La
Chambre, malgré l'échec qu'elle venait de subir, per-
sistait dans son dessein de réduire l'armée. Cromwell se
résolut à engager ouvertement la lutte entre l 'année et
ta Chambre, au nom de tous les griefs, réels ou imagi-
naires, de tous les vœux, praticables ou chimériques, qui
éclataient dans le pays, et auxquels la Chambre pro-
mettait sans cesse et ne donnait jamais satisfaction. Le
12 août l(Jo2, la Chambre ordonna au conseil d'État de
lui rendre compte sans relard de ce qu'il avait l'ail, pour
préparer la réduction des divers corps de troupes, spé-
cialement des garnisons de Glocester, d'Exeter et de
Bristol. Ce même jour, un conseil général des officiers
se réunit à Whilehall; et dès le lendemain, six des
principaux, le commissaire général Whallev, les colo-
nels Hacker, Barkstead, Okey et Golfe, et le lieutenant-
colonel Worslcy se présentèrent au Parlement porteurs
d'une pétition où tous ces griefs, tous ces vœux, reli-
gieux et civils, étaient résumés en douze articles, sans
violence, niais en ternies péremptoires, et finissant
par insister sur la convocation des Parlements fu-
t u r s , « réglée de telle sorte que des hommes pieux


1 L u d l o w , Mémoires, t. I I , p . 1 5 1 , — M i s t r i s s H u t c h i n s o n , Mé-


moires, t- I I , p . 2 4 0 - 2 4 ; ! , — W i i h e l o e k e . p. 525 , 530 , 530.




, \ f l ' A U i . J v U K N T - 1 2 A O Û T I f i 5 2 ' . 3 2 1


•« et lidt.'les aux inlérèl* do la République fussent seuls
« élus 1 . »


La Chambre ressentit quelque surprise : on axait na-
guère employé de tels procédés contre la Couronne;
mais depuis que la République était fondée, l'armée
n'était plus intervenue ainsi dans le gouvernement.
Cromvvell lui-même avait contribué à rassurer le Parle-
ment, car sans nul souci de se contredire et de se clé-
meulir, au moment même où il excitait sous main les
officiers à le presser de se dissoudre, il avait paru vou-
loir les détourner de cette démarche, et s'était porté ga-
rant it la Chambre que, si elle leur ordonnait de briser
leurs épéeset de les jeter à la mer, ils lui obéiraient sur-
le-champ La pétition fut reçue avec de grands égards ;
on la renvoya à un comité spécial qui eut ordre d'en
examiner les divers points et de rechercher ce qui avait
déjà été fait et ce qu'il y avait encore à faire pour y don-
ner satisfaction. L'orateur, au nom du Parlement, r e -
mercia les officiers des sentiments qu'ils y exprimaient
et de leurs soins vigilants pour les intérêts publies. Mais
après ces démons! rations officielles, les principaux mem-
bres de la Chambre témoignèrent sans réserve le tir mé-
contentement d'une démarche et d'un langage « si in -
« convenants, pour ne pas dire si arrogants, de la part
« des chefs de l'armée envers le Parlement, leur maî-


1 Journal* of the IL ofC-, t. V I I , p . I C I ; — W l u t e l o c k e , p . 541;
- C a r l y l e , CrowicelVzltltrrs. t . Il, p . 174.


* I . u . l l o w . Mcmnires., t. I I , p . 1ÎH-I03




322 C O N V E R S A T I O N r u : i i . " M ; i •


« Ire. » --« Prenez garde, » dit \VhileIoeke à CïomwclL,
« à cette façon de l'aire ainsi pétitionner tes officiers,
« Téiiée à la main; quelque jour, cela pourrait liieit
« s'adresser à vous. » Mais Cromvcll traita légèrement
cette inquiétude; nul ne se préoccupait moins des em-
barras que pourrait lui attirer un jour Je succès 1.


Environ six semaines après , rencontrant un soir
Wliilelocke qui se promenait dans le parc de Saint-
James, Cromwell l'aliorda « avec une courtoisie plus
qu'ordinaire, » et, l 'emmenant à l'écart :


« Milord Whitelocke, » lui dit-il, « je sais voire Jidé-
« lité à la bonne cause dans laquelle je suis engagé,
« ainsi que nos autres amis; je connais aussi voire
« excellent jugement et, votre amitié particulière poin
« moi; je désire m'enlendre avec vous sur les impor-
« tantes affaires de notre situation actuelle. »


w u i t e l o c k e : « V. E. me connaît depuis longtemps,
« et ne dira pas, j 'espère, qu'Elle m'ait jamais trouvé
« manquant de lidéiilé ou d'affection pour sa personne,
« Vos faveurs envers moi et vos services publics mé™
« ritent, bien plus que je ne saurais faire. Vous ne vous
« (rompez, permettez-moi de le dire, que sur un seul
« point, sur mon faible jugement qui n'est pas en étal
« de rendre aucun service considérable, soit à vous,
« soit à cette République. Cependant je suis prêt à taire
« tout ce qui sera en mon pouvoir pour vous servir
« promptenient et iidèlement. »


1 Journal» ofihe II. ofC, I - VII , |>. KM , — W l u t o l u r k e , p, 311




A V E C V\THTEÏ .O( 'kY . ( K O V S M B R I Î 1052:). 323


< m i i i w 1 1 1 : ,< Je ne puis avoir ol je n'ai aucun doute
« sur votre fidélité; je connais votre bienveillancepour
« moi, et v o s talents pour le service de la République ;
« assez d'autres pourraient les attester. Je crois que
« nous sommes, vous et moi, aussi engagés que nuls
« autres envers cette République, et certes, jamais
« elle n'eut plus besoin de bons, fermes et sincères
« conseils. »


WTUTF.LOCKE : « Personne, j e pense, n e peut parler de
« ce qu'il a l'ail pour cette cause au moment où l'on
« parle de ce qu'à l'ail V. Ë. Cependant peu d'hommes
a s'y sont engagés plus que je ne l'ai fait à m o n poste
« et dans la mesure de ma capacité ; et même à part
« votre bon naturel et la connaissance que vous avez
« de moi, il y a là de quoi mettre ma fidélité à l'abri
« de tout soupçon. »


cuovrwELL : « Je voudrais qu'il n'y eût pas plus de
« soupçons à concevoir sur d'autres que sur vous; je
« vous confierais volontiers ma vie et nos plus secrètes
« affaires. C'est pour cela que j ' a i désiré m'entretenir
« en particulier avec vous. Et vraiment, milord, nous
« avons lieu de réfléchir sur la dangereuse condition où
« nous sommes tous et sur les moyens de mettre à pro-
ie lit les grâces et les succès que Dieu nous a accordés.
« Au lieu de nous en laisser dépouiller comme des
<• sols, et de nous mettre nous-mêmes en pièces par nos
a discordes intérieures et nos animosités mutuelles, il
« faut que nous unissions nos conseils, nos bras et nos
« r i e u r s pour l'aire fruefitier ce que nous avons si cbè-




3 2 4 ( . ' O V V E R S A T Í M N ) J K C n m i Y V E i . f ,


« renient acheté par líinl. de hasards, de trésors el do
« sang; le Seigneur nouons a pas donné une sicioire
« complète sur nos ennemis pour que nous nous per-
te dions par nos querelles particulières, et pour que nous
« nous fassions nous-mêmes le mal que n'ont pu nous
'« faire nos ennemis. »


w i i i T E L O C K K : « îl est v r a i , milord; je regarde nos
« dangers actuels comme plus grands que ceux que
« nous avons jamais courus sur le champ de bataille;
« comme le dit V. E . , nous travaillons à nous détruire
« nous-mêmes, ce que n'ont jamais pu faire nos enne-
« mis. îl n'est pas étonnant qu'une vaillante armée
« comme la vôtre, après avoir pleinement dompté ses
« ennemis, se livre à des factions et à des desseins ambi-
« lieux; je m'étonne bien plutôt que des officiers d'un
« esprit si actif, maintenant oisifs, et qui souvent croient
« leurs services mal récompensés, n'éclatent pas en
« rébellion ouverte. Les soldats aussi, n'ayant rien à
« faire, doivent tomber aisément dans le désordre. C'est,
«après Dieu, votre excellente conduite, milord, qui
« les a si longtemps contenus dans la discipline et les a
« empêchés de se mutiner. »


c i t o . M W E i . L : «J'ai employé et j'emploierai tout ce que
a peuvent mes pauvres efforts pour les maintenir dans
« l'ordre et l'obéissance. »


w u i t e l o c k e : « V. E. l'a fait jusqu'ici d'une manière
« admirable. »


e . K O M W E i x : « Vraiment Dieu m'a abondamment béni
« ou ceci, et j'espère qu'il continuera. Connue Y. E. t'a




A \ i ; : C W n i ï K L O C K K i s i i ï t i i i i R i U;52j. :'>:>:>


• irès-hicn observe, les olf iciors de l 'année sont enclins
au\ factions et aux mnnmiii 'S quand ils voient qu'ils


<» n'obtiennent ni les profils, ni l 'avancement, ni les
, emplois i ju ' ou accorde a des gens qui n'ont rien souf-
« i'erl ni rien risque pour fa République. En cela ils


n'ont cpie troji raison, et leur irritation est frès-
" grande, et leur influence sur les soldats pousse ceux-


• ei à des mécontentements et à des murmures sem-
< blables. Quant aux membres du Parlement, l'armée
•< commence à les prendre en grand dégoût ; je voudrais
» qu'elle en eût moins de motifs; mais véritablement
•• leur orgueil, leur ambition, leur ardeur avide à
« envahir, pour eux et pour leurs amis, toutes les places
« honorables cl lucratives, les rolards qu'ils apportent
•< aux alfaires, leur dessein évident de se perpétuer au
•• pouvoir, leur intervention continuelle dans des ques-


lions d'intérêts privés, ce qui est. contraire à l'in-
. s l i l n l i o n des parlements, leur injustice et leur par-
« lialilé dans ces matières, et la vie scandaleuse de
•• quelques-uns des principaux d'entre eux, tout cela,
,ï niilord , donne aux gens trop juste sujet de mal parler
" d'eux et de les prendre en degoùt. Et comme ils sont
n le pouvoir suprême de la nation, n'ayant aucun
•J compte a rendre a personne, etne rencontrant aucune
.< autorité sn|)érieure ou égale à la leur, ¡10111' contrôler


ou régler leur conduite, ils ne peuvent être contenus
a .fans les limites de la justice, de la loi et delà raison.
1 En sorte que, s'il ne s'établit quelque pouvoir assez
« iorl et assez haul pour mellro un terme à ces excès.




8 3 0 C O N V K R S A T T O X fVK C({ i )M\VKf .L


« cl tenir foutes choseson îneilleur ordre, Usera iiumaï-
« noment impossible de prévenir noire ruine. »


v r n i T K i . o c . K i ; : «Je reconnais que le péril où nous mettent
« ces pouvoirs excessifs et désordonnés est plus grand
« qu'on ne l'appréhende communément. Cependant,
« en ce qui touche les soldats, l'autorité de V. E. sui'lit
« pour les maintenir dans l'obéissance, et Dieu merci,
« vous l'avez fait j u s q u ' à présent, et je ne doute pas que.
« par voire sagesse, vous ne le fassiez encore. Quant
« aux membres du Parlement, la grande difficulté est
« là, j ' en eonvieus; c'est d'eux que vous tenez votre
« commission; ils sont reconnus comme le pouvoir
« suprême de la nation, sans contrôle et sans appel. 11
« en est trop parmi eux, je l'avoue, qui méritent les
•< reproches que vous leur adressez, et beaucoup de
« choses très-inconvenantes se sont passées là; pour-
'< tant je suis sûr que V. E. ne les regarde pas tous
« comme dépravés, et j'espère bien de la plupaii
« d'entre eux quand les choses en viendront à une
« crise. »


ciiovivvELL : «Milord, il y a bien peu à espérer d'eux
« pour un bon établissement de gouvernement. Non,
« vraiment, il n'y a rien à espérer ; il y a bien plutôt à
« craindre qu'ils ne détruisent ce que Dieu a fait pour
« nous et pour eux. Nous oublions Dieu; Dieu nous
« oubliera et nous livrera à la contusion ; et ces gens-là
« nous y jetteront, si on les laisse suivre leurs propres
« voies; il faut avisera quelque moyen de les réprimer,
« ou bien ils nous perdront. »




A V t r WTTTTEi.OCKE . S O V F M B R R 1052;. 32'/


WIUTEI.OC-KK : « C'est nous-mêmes qui les avons
" reconnus pour pouvoir suprême ; nous louons d'eux
< nos commissions cl nos fonctions les plus élevées; il
« est malaisé, après cela, de trouver un moyen de les
« réprimer. »


CKOM\VI:I.L : « Et quoi donc? si un homme prenait sur
-< lui d'être roi? »


W'HITEI.OCKE : « Je crois que le remède serait pire (pie
« le mal. »


CBOMWKU. : « Pourquoi le croyez-vous? »
WUITELOCKE : «Pou rvous personnellement, milord,


« le titre de roi ne vous serait d'aucun avantage. En ce
« qui louche l'armée et la milice, vous avez, comme
•< général, la plénitude du pouvoir royal. Quant à la
« nomination des officiers civils, ceux que vous désignez
<• sont hien rarement refusés. Vous n'avez ( t a s , il est
•y vrai, en matière de lois, le vole négatif; mais il ne
<• serait pas aisé de faire passer ce qui vous déplairait.
« Les impôts sont établis, et vous disposez de l'argent.
< qu'ils produisent. Quant aux affaires étrangères, bien
« que pour la forme on s'adresse au Parlement, c'est
« de V. E. seule qu'on attend le bon ou le mauvais
'< succès îles négociations, e l les sollicitations des mi -
it nislres étrangers ne vont qu'à vous. Selon moi, vous
•< êtes donc, comme général, avec moins de haine, de
« danger et de pompe, aussi puissant et aussi bien placé
« pour faire le bien que si vous aviez pris le îilre de
« roi, »


c.ROMWKf.i. : « J'ai eufendu dire à quelques personnes




U Ï H r O N V l ' U S A T I O N D E C R U . U W T . I . I .


« de \olre profession que, si un homme esl elfeciiveineni
« roi, soit par élection, soit par droit de naissance, tous
« les actes q u ï l l'ait comme roi sont légaux et justifiés
« en droit, comme s'ils émanaient d'un roi qui aurait.
« reçu la couronne d e s e s frères; et cela e n vertu d'un
« acte du Parlement du temps de Henri VII ; il y a donc
« plus d e sûreté pour ceux q u i agissent au n o m d'un
« roi, quelle que s o i t l'origine de son titre, que pour
« ceux qui agissent au nom de t o u t autre pouvoir. Le
« pouvoir d ' un roi e s t d 'ailleurs si grand et si élevé, et
« si universellement compris et respecté de toute cette
« nation, que non-seulement i l couvre ceux qui agis-
« sent en son nom, mais que, dans des temps comme
<( les nôtres, il est. d'un usage et. d'un avantage un-it menses pour dompter les insolences e t les extrava-
« gances de gens que les pouvoirs actuels n e sauraient t( contenir, surtout quand ils sont eux-mêmes les extra-it vagants et les insolenls. »


w i i i T E i . o c K E : « Je conviens qu'en principe ce que
« V. E, vient de, rappeler, quant au titre de roi, est vrai,
« mais, malgré l 'acte du Parlement de la onzième1


« armée d e Henri VII, j e doute beaucoup que, dans l'état
«i actuel des choses, il y ait, soit pour V. E. elle-même
« et ses amis, soit pour la République, aucun avantage
« à prendre ce titre; nos ennemis, s'ils l'emportaient
« sur nous, feraient peu de cas de l'acte de Henri VIL »


eiumxvELL : « Quel danger voyez-vous donc à prendre
« ce titre'? »


w u i T R i . o c . K E : « Le voici. En des principaux sujets do




A V E C W H T T K I O r K F ( m i r a u i , ' l f i r « ; . f! î :>


débat outre lions ol nos adversaires, c'est de savoir si
le gouvernement rie celle nation sera établi en mo-
narchie ou en république. La plupart de nos omisse
sont engagés avec nous dans l'espérance d'arriver à
l'établissement de la République, et c'est pour cela,
qu'ils ont alf routé tant de dil'ficullés et de périls, ils
sont persuadés (bien qu'a mon avis ils se (rompent)
que, sous une république, ils jouiront de plus de droits
et de libertés, civiles et spirituelles, qu'ils ne feraient
sous une monarchie dont les pratiques oppressives son!
encore fraîches dans leur mémoire. Si, maintenant,
V. E. prend le litre de roi, if n'y aura plus d'iucer-
tiiudo sur la nature de notre cause : la monarchie
sera établie dans votre personne, et la queslion ne
sera plus de savoir si notre gouvernement sera répu-
blicain ou monarchique, mais si notre monarque sera
Cromvvell ou Stuart. La question, qui était nationale,
deviendra purement personnelle; le parti de la Répu-
blique, qui est très-considérable, voyant ses espé-
rances frustrées, vous abandonnera; vous vous trou-
verez affaibli, votre inlluenee restreinte, et voire
cause en danger évident de ruine. »
oi tOMWKi. i . • « Vous dites vrai en ceci; mais quel
autre moyen avez-vous à proposer pour remédier a
nos embarras et à nos dangers? »
v n i i T E L O C K K : « C'csl bien diflicile. Cependant il m'est
venu a ce sujcl bien des idées, dont quelques-unes ne
pourraient guère èlre communiquées, du moins avec
sûreté pour moi. »




•'»30 C O N V E R S A T T O \ D E < K l i M W E E E


• ' k o m w k l i . : « Je vous prie, milord, quelles seni ce?
» idées? Vous | i r>ri \ cz ine les eonlier : il n'en résultera
e [mur vous aucun incouvénienl. .le ne Iralurai jamais
« mon ami; vous pouvez êlre aussi libre avec moi
« qu'avec votre propre c o t i t . »


m l U T i i ! . o c k i c : « Je n'hésite pas à m o l i l e ma l'ori une
« et ma vie entre les mains de V. E., et c'est en elici ce
« que je ferai si je vous communique ces idées qui
« on! peu de valeur et pourraient bien vous déplaire.
« Vraiment, ce que j 'ai do mieux a l'aire, c'est de les
« supprimer. »


ciio.vivvr.!], : « Non, je t'en prie, milord Whitcioeke ;
m quelles qu'elles soient, ces idées ne peuvent m'n.i-
« fenser et je les prendrai bien de vous : ne tes cachez
« pas à votre fidèle ami. »


v v i i i T K L O C K F , : « V. E. m'honore là d'un titre qui est.
« bien au-dessus de moi ; puisque vous me l'ordonnez,
« je vous dirai ce que je pense; mais je vous supplie
« humblement de ne paste prendre en mauvaise part. »


CROMVYL'LL : « Soyez tranquille, je le prendrai en
« bonne pari. »


w n i T E L o C K E : « Permettez-moi donc de considérer
« d'abord la situai ion de V. E. Vous êtes entouré d'eune-
« mis scerei s; depuis que vous avez vaincu l'ennemi
« public, les ofliciers de voire armée se tiennent fous
« pour des vainqueurs el veulent avoir une égale part
« avec vous dans la victoire. Ee succès que Dieu nous a
« donné a enflé leurs cœurs ; il y a, parmi eux, des
« esprits turbulents, qui ne seuil pas sans nourrir le




A V L i ' V V I M T K M N ' K K ' S I . \ - K I H H > . 1 6 5 2 ) . 3 3 1
dessein de jeter bas V. K., et rie se mettre eux-mêmes
CM selle a sa place. I.e conseil cl l'encouragement ne
leur manqueront pas delà pari de certains membres
du Parlement jalons de votre grandeur c'i qui, crai-
g ua ni que N O U S ne deveniez leur m a i ire, conq doteront
pour vous renverser, ou du moins pour vous rogner
les ailes, i 1


CKOMWKM. : « Je vous remercie d'examiuer avec tant
de soin ma situation : c'est une preuve de votre amitié
pour moi, et vous l'avez I rès-bien décrite. Mais je puis
dire sans vanité que dans ma situation est enveloppée
aussi la vôtre , et celle de tous nos amis, et que les
gru<qui remploient ma ruine ne seraient guère dis-
posés a vous maintenir dans une lbrlune digne de
vous. La cause publique d'ailleurs peu! avoir elle-
même à souffrir de nos dissensions intérieures. Mais
enfin, quelles sont vos vues, monsieur, pour prévenir
'es maux suspendus sur nos têtes? »
WIIÎTKLOCKI- • v Pardonnez-moi, monsieur, si j ' en
viens a considérer la situation du roi des Écossais.
Par voire valeur, par les succès que Dieu a donnés
au Parlement et a voire armée, ce prince est main-
tenant réduit très-bas. Lui-même et fous ceuv qui
l'entourent ne peuvent être que très - disposés à.
prèler l'oreille à lout ce qui leur rendra quelque
espoir de retrouver, lui sa couronne, eux leurs biens
el. leur pallie. Vous pouvez, par un traité particulier,
vous mettre en parfaite sûreté, vous, vos amis et leur
fortune; vous pouvez vous rendre, vous et votre pos-




332 C O N V E R S A T I O N I1E O I ' O M W E L E


« térité. aussi grands, selon foules les probabilité?
« humaines, que Fait jamais été aucun sujet. Vous
« pouvez assigner au pouvoir monarchique îles limites
« qui garantissent nos libertés civiles et religieuses;
« v o u s pouvez mettre notre cause à l'abri de (oui péri!
<• e n retenant, pour vous cl pour la personne que vous
» désignerez après vous, le commandement de l'armée
« Je propose donc à V. E. d'envoyer vers le roi dosEens-
« sais, et d'entrer a v e c lui dans un traité particulier. Je
« vous demandepardon de ceqno je viens de vous dire:
« c'est un pur elle t. de mon attachement et de mon
« désir de servir V . E . , ainsi quêtons les honnêtes gens,
« et je t o u s prie très-humblement de n'en concevoir
<( aucune méfiance sur ma fidélité éprouvée envers
« V. E. et cette République. »


CRoaiwiiix : « Je n'ai, je vous assure, pas la moindre
« méfiance de votre fidélité et de votre attachement
« pour moi et pour cette République. Il y a, beaucoup
« de bonnes raisons en faveur de ce que vous proposez :
« mais c'est une affaire si grave cl si difficile qu'il y
« faut plus d'examen et de discussion que nous ne pou-
« vous y en apporter a u j o i i n i ' h u i . Nous e u reparlerons
« plus fard 1 »


Cromvvell pouvait, à son gré, quand le tour ne lui en
plaisait f i a s , ajourner une conversation avec WhilelocKe.
mais non pas la situation même que révélaient cl qu'ag-
gravaient, entre le Parlement et lui, de telles cordi-


i W k i t e l o c k e , p . IU1 -548 .




A V [•'.( W I H T K I . O » K K f v . t v ' R M B R K l«5îS, m
douces : celait la guerre, et l 'une rte ces guerres qui
n'ailineUent plus de paix. Malgré, l'hypocrisie des rela-
tions pei'suuuelles (.'I du langage, elle fut, de ce jour,
déclarée et active. Irrité et. paralysé à la lois par les me-
ures de son ennemi, le Parlement perlait, dans les af-
faires publiques, le senlimenl de son propre péril el les
préeaulions de sa défense personnelle. Jamais il n'avait
inonlré tant d'empressement à donner satisfaction aux
vœux du pays ; la réforme des lois, le soulagement des
pauvres, les mesures nécessaires pour assurer partout
la prédication de l'Évangile et le sort de. ses ministres,
toutes les questions populaires, civiles ou religieuses,
turent l'objet de discussions et de délibérations répé-
tées : les grands actes politiques propres à relevé rie pou-
voir, comme l'union de l'Ecosse avec l 'Angleterre, le
règlement, des atfaires d'Irlande, les nécessités de la
guerre avec, les Provinces-Unies, étaient incessamment
à l'ordre du jour ; le Gouvernement cherchait partout
un peu de faveur ou d'éclat. Mais la plupart de ces ten-
tatives n'aboutissaient point ; les débats se prolongeaient
c m se renouvelaient indelinimenl ; les conférences elles
rapports do*s comités se multipliaient sans résultat ; des
résolutions qui semblaient définitives étaient révoquées
ou l'émises en doute. Le Parlement était évidemment eu
proie à une perplexité continue qui en même temps le
poussait à redoubler en tous sens ses efforts et les frap-
pait de stérilité.


Cromvvell. de son côté, n'était pas exempt de trouble
et d'hésitation ; il avait, tantôt avec ses officiers seuls.




331 M E N E E S | ) E (KOMYVEEI


(autôl avec, eux el des membres du Par lement cl inème
a\ee des ecclésiastiques, presbytériens ou autres, qu'il
consul lait comme sur un cas de conscience, de fréquents
entretiens où il s'efforçait de les amener a ses vues ;
mais il rencontrait quelquefois des résistances aussi
tranches que ses propres paroles étaient indiscrètes ci
emportées. Dans l'une de ces conférences, le docteur
Edward Calamy, prédicateur cher à la Cité, combattu,
vivement le système d'un pouvoir unique comme illé-
gitime et impraticable : « Pour illégitime, non, » dit
Cromwell, « car le salut du peuple est la suprême loi;
K et pourquoi impraticable, je vous prie?—Parce (pu:
« c'est contre le vœu de la nalion, » répondit Calamy;
« neuf boni nies sur dix seront contre vous.- -Mais si je
« désarme les neuf, et si je mets Cépée dans la main
« du dixième, est-ce que l'affaire ne sera pas faite'? »
Ces hardiesses d 'un vainqueur tant de fois éprouvé en-
traînaient fa plupart des assistants, mais en effrayaient
aussi quelques-uns. Les sectaires passionnément m y s -
tiques?. Harrison à leur tète, appartenaient, à Cromwell :
le Parlement n'élail, a leurs yeux, qu'un pouvoir pro-
fane qui tenait l'a place du gouvernement de Christ,seul
roi légitime, cl ils allendaienl, de la piélé de Croniweli.
l'avènement du règne des saints, et. de sa vaillance, la
chute de l'Anle-ChrisI, c'esl-a-dire du pape et «les 'turcs,


* F o r s î e r . S'atesmen, of the C'nri menm rahh, i . V . p . , V 2 . — L f f V >>f


Olnei ViouureU ( ô ' é - l u . L o n d r e s , J ï i » , - , p. , — N e a l , lit»*. vf 0,H


l'autan*, i. IV , v. 374.




l ' O N T R K I .K P A B I . K M K N T ( t « 5 2 ' . . 335


Les esprits libres, les politiques mondains comprenaient
'.pie la infle entre loin' général et le Parlement, ne pou-
vait se prolonger et que le moment approchait d'en
linir. De nombreuses lettres arrivèrent des officiers de
i armée d'Ecosse, promettant à l 'année d'Angleterre
leur adhésion. Dans l'armée d'Irlande, les dispositions
• laierii moins unanimes; Ludlow, qui n'avait pas cesse
d'y servir avec éclat, y exerçait une grande influence,
toute employée à entretenir l'esprit républicain. Trois
officiers. Je colonel Yenables, le quartier-maître général
Downing et le major Slrealer, se rendirent à Londres
pour s'opposer aux desseins qu'ils enl revoyaient. Croin-
well gagna ou fil laire Venables cl Downing; mais
Slrealer tint bon, cl alla jusqu'à dire, dans une confé-
rence. « que le général cherchait sa propre grandeur,
•< ce qui était trahir leur glorieuse cause pour laquelle
.< lanl de sang avait été répandu. » Harrison repoussa
cetie accusation, disant « qu'il était sur que le général
v ne se cherchait point lui-même et ne voulait qu'ou-
« voir la voie au règne de Christ. »— « Eh bien! » reprît
SIreator, « que Christ vienne avant Noël, sans quoi il
« viendra trop tard '. »


Le péril n'était pas si pressant que Slreater le pen-
sait : Cromvvell savait sentir les obstacles et prendre du
temps pour les surmonter : au milieu de celle lutte si
chaudement, engagée, et sans doute pour la ralentir en


1 F o i rtii-i, Statcswen '»/' the l'an wonn etillli, i. V, p. i l ; — The Life
ofOLViwcill, p V V U c d o c k v , p . 353.




331! M A U V A I S E S I T U A T I O N


calmant un pou les soupçons, il oossa tout à coup de
s'opposer à la nouvelle réduction de l'armée qu'il avait
fait repousser cinq mois auparavant; et le 1 e r janvier
1053, de concert entre le Parlement et le général, cette
réduction fut en effet ordonnée, licenciant environ
trois mille hommes d'infanterie, mille cavaliers, une
partie de quelques garnisons, et retranchant, sur les
charges de la République, 10,000 liv. sterl. par mois 1 .


Gromwell pouvait faire à la Chambre ce sacrifice;
elle avait déjà reçu de lui, et surtout d'elle-même et du
temps, les coups sous lesquels elle «levait succomber.
Depuis plus de douze ans, entier ou mutilé, ce Parle-
ment gouvernait, responsable, aux yeux de l'Antrle-
ferre, des événements comme de ses actes, de ce qu'il
n'avait pas prévu comme de ce qu'il avait voulu, de ce
qu'il n'avait, pas empêché comme de ce qu'il avait fait,
ixon-seulenienl, depuis douze ans, le Parlement gou-
vernait, mais il avait attiré à lui tous les pouvoirs ; il
traitait et décidait, seul d'une multitude de questions
ifui, avant-lui, auraient appartenu a la couronne on a
ses agents, aux magistrats, aux autorités locales ; les
confiscations, les séquestres, les ventes des domaines
royaux ou ecclésiastiques, les contestations qui s'éle-
vaient a ce sujet, les nominations aux emplois, la con-
duite de la guerre de terre et de mer, toute l'adminis-
tration comme tout le gouvernement révolutionnaire
étaient dans les mains du Parlement, chargé ainsi d'un


1 3 ournois of the tlou.se of 0\„ V U , p . 2 1 ! .




n r P A P J . F V I F X T . 337


nombre infini d'iuléréls prives aussi bien que des initi-
e r 1s publics. Les jouruauv de la Chambre l'ont foi, à
ebaijiie page, de celle monstrueuse concentration d'af-
faires de Ionf genre débattues et résolues chaque jour
soit par la Chambre elle-même, soit par ses corniles ;
a tel point tpie, de temps en temps, la Chambre était
obligée de décider que. pendant une ou deux semaines,
elle laisserait de côté toutes tes affaires particulières
pour ne* s'occuper que de celles du pays'-. Confusion
déplorable, où le l'ailemenl perdait non-seulement son
temps, mais sa vertu : ni te bon sens, ni l'honnêteté de
la plupart des hommes ne résistent à cette épreuve pro-
longée du pouvoir au sein du chaos ; les abus, les vexa-
tions, les malversations, les transactions illégitimes
naissaient et se multipliaient, comme un fruit naturel
d'une telle situation ; et le Parlement, maître absolu de
la fortune et du sort de l'Étal, passa bientôt pour un
fover d'iniquité et de corruption.


Adressée auv régions liantes de la Chambre, l'accu-
sai ion était iiijusie : ses chefs politiques, Vane, Sidney,
Ludlow, Ihitchinson, Ilarriugton, étaient des hommes
d'une haute intégrité, passionnés pour leur cause, niais
dégagés de loul autre intérêt que le triomphe de leur
cause el de leur passion. La cause même, quoique peu
sensée et antipathique au pays, élail noble et morale;
les principes qui y présidaient étaient la loi dans fa vé-
rité, l'estime affectueuse de I humanité, le respect de


'• Journal» of Ihc IL of C... t. V I c l V I I ; passim;—Whitelocke,
] : . 5.31.




.13« a c c u s a t i o n s i > k c o r i u t t i o s


ses droits, le désir de son développement libre e t glo-
r i e u x . Mais dans les rangs secondaires, e t pourtant ac-
tifs, du parti, chez un grand nombre d e membres soit
du Parlement, soit descotnilés locaux qui le servaient,
et sous l'empire soit des mécomptes politiques, soit des
tentations personnelles, l'égoïsme avide, l'esprit de li-
cence ou d 'indifférence, le dédain ou le doute pour ta
justice et la. probité, avaient l'ail de Irisles progrès, ci
suscitaient d e s désordres qui attiraient, sur le parti cl
s u r le Parlement tord entier , une grande déconsidé-
ration.


Plusieurs scandales é c l a t a n t s vinrent justifier et e n -
venimer ce sentiment public. Lilburne, loujoiirsacharne
a soutenir ses droits et ¿1 sa t i s fa ire ses Imines , avait, au
n o m de l'un d e ses oncles, réclamé la propriété d e cer-
taines mines, dans le comté île i M i r h a m , c o n t r e sir Ar-
thur llaslerig, aussi remuant et aussi populaire dans le
Parlement que Lilburne dans la Cité. La récfainaljon fut
deux l'ois rejeiée par l e s cornilés chargés d e la juger 1 .
Lilburne publia, contre ses juges, un pamphlet où il les
appelait « d e s hommes iniques et indignes, que loule
« socielé h u m a i n e devait vomir de son sein, et qui mé-
« rilaient bien m i e u x q u e d'être pendus-: » puis, il
adressa au Parlement même une pétition n o n m o i n s in-
jurieuse pour llaslerig". Le Parlement la ht examiner


' E n 1619 e t l ' i f S l .


• Ce p a m p h l e t a n n u l é ; J W . . f>h,h,u contre le comité d'ilalo-
itindiei s'il"!!, ! u r p u h ' lé e n ,n un 10,,l




C O N T R I ­ : i e P V R I . E M K X T • №


par un cornile de cinquante membres; et après une
lougue instruction, Lilburne fui condamné à payer
¡1,000 liv. si. d'amende à ia République, 2 , 0 0 0 à Jfasle­
ÌÌÌÌ commodommiiges­intérêts, 5 0 0 à chacun des qualro
membres fin cornile qui avait statué sur sa réclamation,
et de plus à cire banni d'Angleterre pour sa vie 1 . Que
la demande de Lilburne fût ou non fondée, et quelle
que fût la violence de sa plainte, une telle sentence,
prononcée non par des juges, mais par des ennemis po­
litiques, révolta le public par sou excessive rigueur. Ce
lut bien pis lorsqu'on eut à la comparer avec une indul­
gence encore plus choquante. Lord Howard d'Esrnek.
membre de la Chambre, avait été chassé de sou siège,
emprisonné à la 'four, et condamné à une amende de
­10,000 liv. sieri, pour un fait de corruption notoire­;
l'amende lui fui remise, et il obtint sa mise en liberté ].
A l'occasion d'une all'aire de [irise maritime, un iiégo­
cianl. Jacob Slainer, fut amene devant la Chambre et
interrogé sur des lettres où, faisant allusion soit au l'ar­
ienicnt, soit au conseil d'Etal, il disait a ses correspon­
dants d'Amers : « Nous nous sommes l'ail ici des amis
« parmi de grands personnages qui parleront pour nous
<> quand lattai re viendra devant eux. » Il s'expliqua
asse/, contusemeli!, et au bout de quinze jours il fut mis


1 L e s i . " ) «l 20 j anv ie r 1 0 0 2 , ./ nuronls of tkti 11. of C., t. V I I ,


I <• 2"> j u i n 1 e,r, 1. , » , . „ o „ , J , „( ti,,­ llev«: of •-MIU , , i . \ 1.




.'MO Î.T P A R L E M E N T N E K K i ' I l l K A P R É P A R E R


en liberté sous caution' . Cn membre de la Chambre,
M. Blagrave, fui formellement accusé, par un plaignant.
(|ui se nommait et offrait do prouver son dire, d'avoir
reçu do l'argent pour certaines nominations, et l'affaire,
renvoyée à un comité spécial, y demeura ensevelie'.
L'àprelé grossière des intérêts privés, et quelquefois
même l'improbité de certains membres, étaient/ainsi
couvertes, sinon par la complicité, du moins par la com-
plaisance inquiète du Parlement.


C'était trop de rigueurs et trop de faveurs également
odieuses de la pari d'une assemblée usée par sa longue
vie autant que par ses fautes, mutilée de ses propres
mains, pleine encore, de discordes dans son polit nom-
bre, que la défaite même de ses ennemis du dedans n'a-
vait pas affermie, et qui, au dehors, engageait de plus
en plus le pays dans une guerre obstinée contre la seule
nation protestante et républicaine parmi ses voisins. La
lassitude et le dégoût publics éclataient, de toutes parts;
une multitude de pamphlets circulaient, chaque joui'
plusinjuiïeuv ; le mépris s'y mêlait a la haine; on réfu-
fait ironiquement les déclarations « du Parlement ima-
« ginaire de la République inconnue d'Angleterre ' ; »
on le sommait de taire place à un Parlement véritable.
La Chambre courroucée enjoignit au conseil d'Etat
<t de supprimer ces écrits, hebdomadaires ou autres,


i L e * l" r e t 15 d é c e m b r e 1052 . Journal-, of Un- H. ofC, t. V U ,


p . 223 , 220.


* L e s 3 et 10 l é v r i e r 1 0 3 3 . Journal* of the II. of <:.. ». VJ) .


p . 257.


•* Jonrnah afihe H. ofC, t, V I I , j>. 193.




_ n F . S F T . F f ' n O A ' S X ' O I ' V l i . L L E S , 341


« publiés pour le déshonneur du Parlement et ta ruine i ' de la République, » et elle lui donna pouvoir « d'eui-
•< prisonner les olfeusours ef de leur infliger t e lau l re
•( châtiment rpi'il jugerait à propos 1 , » Mais ni les co-
!ères de la Chambre, ni les pouvoirs du conseil d'E-
lai ne sullisaieui plus a réprimer l'hostilité d'un pu -
blic qui se sentait Cromvvell pour allié ; le Parlement
s'acharnait vainement à vivre ; la force morale et la
force matérielle lui manquaient à la l'ois; unis enfin
dans une antipathie commune, ni le peuple, ni l 'armée
n'en voulaient [dus.


Pressés par celte situation, les chefs républicains pré-
paraient, en se déballant, le bill de dissolution qu'on
iourdemandail : un événement survint qui modifia tout
à coup leurs sentiments ; la grande victoire que, vers Je
milieu de février Hio.'i, lUake remporta sur Tromp. dans
la Manche, leur parut une circonstance favorable; c'é-
tait de l'éclat pour leur gouvernement ; quelques ouver-
Iures de paix vinrent de Hollande. Pans les conseils
inlimes du parti, Vane insista fortement pour qu'on
renonçai à de dangereuses lenteurs : « 11 y a ici, » écri-
vait de étiez lui L'un de ses amis, « de grandes préoc-
« cupalinus et préparations pour un Parlement nou-
« veau ; quelques-uns de nos amis son! disposés à croire
» qu'il nous servir;!, nous et notre cause, mieux que
« n'a l'ait celui-ci. » On. décida que le Parlement actuel


1 Les ;!H iliSc<nul>r<> Hi.*)i cl 7 j a n v i e r 1053 ; Jmiruals ofllinH. ofC,


i . V I I , y. 230, Mi.




312 lIYPOC'l i lSII-: DE L'A E T E l'Ii V I V UR


se retirerait le :.! t i o \ î l e celle aimée mémo, c'est-
à-dire un an plus (èl qu'on tic lavait jusque-là résolu',
on commença a. discnler sérieusement l'aelequi devait
régler l'élection de ses successeurs '.


Cet acte a élé perdu ; il n'existe par: sur les registres
de la Chambre, et on ne t'a retrouvé nulle pari : cepen-
dant ses dispositions essentiel les sont connues. Il éta-
blissait un système à peu près conforme à celui que, le
2 0 janvier l(U!>, le conseil général des olliciers de l'ar-
mée avait présenté au Parlement, une assemblée de
quatre cents membres, élus dans les comtés par Ions
les possesseurs d'une fortune, réelle on personnelle, de
2 0 0 liv. sterl., et dans les bourgs par tous les habitants
payant un certain loyer dont le (auv n'était pas encore
déterminé. Le tableau des bourgs investis du droit élec-
toral fut, minutieusement, débattu, et supprimait beau-
coup d'anciens privilèges. Mais les électeurs n'étaient
appelés qu'à compléter le Parlement existant, non à
le renouveler tout en lier; les membres actuellement
siégeants, au nombre d'environ cent cinquante, res-
taient de droit membres du Parlement nouveau, pour
les coin lés ou les bourgs qu'ils avaient jusque-là repré-
sentés. Ils formaient même seuls le comité iuveslidu
pouvoir de prononcer sur la validité des élections et la
capacité des élus; en sorte que, loin de courir au-


I Eor-4o r, S lut ••!•-:» en cfllie ('•»nm->mre>illl,, t. 111, ]<. 1 I!) ,,i -ic 'le. sir


H e n r i V,!ue< ; — J ' w n i c i h efthell. nfC-, t V I I . p . 2 1 1 , 2!'il.2iJ3, 2(15.


208 , 270, 273 , 277.




u n i l« T ) K S K L B f T M i N S N O r V B I . l . R R ( M A R V * Y I U I . l f i M ) . 3 1 3


nine chance d'être écartes du Parleuieul futur . ils
continuaient d'en être te noyau permanent et domi-
nan t 1 .


Ce n'était point la, à coup sûr, la dissolution qu'atten-
daient le pays et l'armée; le mensonge était grossier et
palpable. Cependant Cromwell s'en inquiéta et résolut
eu lui-même de ne pas soult'rir qu'un Ici acte fût con-
verti en loi. Il connaissait l'empire de la légalité, le:-
faiblesses des partis, et savait combien de gens , quand
la «aise approche, sont disposés à se contenter à bon
marché. Ses intimes confidents, les prédicateurs dé-
voués à sa personne dirent cl redirent partout, du haut
même de la chaire, que décidément le Parlement ne
voulait passe dissoudre, et que, de manière ou d'autre,
il faudrait l'y contraindre. Cromwell lui-même se mon-
trait plus que jamais indécis et perplexe : « Deux
partis, » dit-il un jour au quartier-maître général
Yerunti. « me poussent à faire une chose au dénoù-
« meut de laquelle je ne puis songer que mes cheveux
(( ne. se dressent sur ma tète; l'un est celui du major
« général Lambert qui, dans son ressentiment de Lat-
te Ironique le Parlement lui a fait en ne lui permettant
« pas d'aller en Irlande avec un caractère conforme
« a son mérile, ne sera jamais coulent qu'il ne le voie
'< dissous : le major général Harrison est à la tète do


1 C a r l v l e , rr-w«•<•!/•»• I.elieo* "-,,.! Speeches, t . I I . p . 177, 13:1-1 I K ;


- . t i . - . l v v i n . / ' i ' * / . oflhl-Cn>»mm»r<.„!th,i. I l l , p I I S ; - F o m e r , SOt-


!• w f (fowmi-mrr'illl,, r. I l l , p . 1 3 7 - 1 3 2 ; — J a v r n u h of th.",


IL. i \ , u \ II , p . 273 . 273.




314 REI*NION" fïTS M E C O X T K N T S


« r a i ! t r o paru ; c'est un honnête homme, et a d'ov-
« eellentes inleiilious, mais tant d'impatience ipi'il ne
« veut pas attendre le temps du Seigneur, et qui ! m»1


« presse de l'aire un aele dont lui et tous tes honnêtes
u gens se repentiront. » Il recherchait tous les homme-
de quelque importance, militaires ou civils, 1 an toi les
îéunissant chez lui en conférence, lanlol les sondanl en
parlicidier, et variant ses confidences selon qu'il vou-
lait détourner les soupçons de ses interlocuteurs ou
qu'il espérait les attirer dans sou dessein '.


Le 19 avril Kièi.'f, une réunion, plus nombreuse que
de coutume, se forma à Whilehall ; tous les officiers im-
portants, les jurisconsultes, Whilelocke, Widdringioi^
Sainl-.lnhn, et une vingtaine d'autres membres de Ja
Chambre, sir Arthur Haslerig, sir Gilbert Pickering,
appelés ou venus là pour se concerter sur ce qui s'y
ferait, ou pour le découvrir. On avait appris que les
chefs du Parlement, Y;me surtout, voulaient presser
l'adoption du bill proposé. CroinweU invita la réunion à
chercher quelque moyen de mettre un lermeau Parle-
ment actuel et do pourvoit, jusqu'à la convocation d'un
Parlement nouveau, au gouvernement de la Répu-
blique. 11 proposa que, le Parlement une fois dissout-,
quarante personnes, prises dans la Chambre et dans le
conseil d'Etat, fusseul provisoirement chargées de la
conduite desalfaires. Il avait souvent dit que «ce serait
« feuler Dieu que de s'en renieltre uiiiquemen! au


1 L u d l o v . Mémoires, t. .11, ]>. 183 , — W J i i i u I o i ' k o , p . 553.




n-IKZ C H O M W E f . l . ' ] 9 r : i ' 2 o * r i w . IfiiïiS. 31.')


-.1 peuple et a l'éleetioii ¡ ¡ ' 1 1 1 1 nouveau parlement selon
« i"anciemie constitution; Dieu, il en avait la confiance,
«voulait sauver celle generation ; mais il le ferait
« comme il l'avait fait jadis, par les mains de quelques
« hommes. Cinq ou six hommes, ou quelques-uns de
« plus, se mettant à l 'œuvre, en feraient plus en un
" jour que te Parlement n'en avait l'ait ou n'en ferait en
« cent ; quelques hommes, sans préjugés, pouvaient
« seuls être les instruments du salut du peuple. » La
discussion fut vive et longue ; on attaqua le hill dont la
Chambre s'occupait ; comme mensonger et destiné,
non à dissoudre, mais à perpétuer le Parlement ; comme
dangereux pour ta République, car il ouvrait la porte
des elections aux Presbytériens, ses ennemis caches.
Widdringlon et Whiteloekos'élevèrent cependant contre
tout, dessein de dissoudre le Parlement malgré l in, et
d'instituer à sa place un pouvoir provisoire; selon eux,
la conscience et la prudence s'y opposaient également :
« Ce serait une œuvre maudite, » s'écria liaslerig,
" noire mission ne peut être transmise à personne. »
Saint-John soutint, au contraire, (pue, de manière ou
d'autre, il fallait en finir, et que le pouvoir du Parle-
ment ne pouvait se prolonger. Presque tous les olliciers
lurent, de cel.avis. Cromwell blâma ceux qui s'expri-
maient violemment, et la conférence se sépara vers
minuit sans qu'aucune résolution eut été adoptée. Mais
on convint qu'on se rev errai i le lendemain et que les
membres de la Chambre ieraienl en sorte que rien ne
tut brusquement décidé sur te hill en question, alin




.'M« CKO.VI\VELX c n . X S S K


qu'on oui encore le temps de s'entendre el d'aviser en
connu un 1 .


Le lendemain, la réunion lui moins nombreuse:
irrités ou effrayés, quelques-uns de ceux qui étaient
venus la \cille tic revinrent point ; d'autres allèrent à
la Chambre pour veiller à ce qui s'y passerait et en in-
former Cromwell. Whitelockc retourna citez le général
et reproduisit ses objections contre la dissolution du
Parlement et la formation d'un gouvernement provi-
soire, prévoyant qu'il serait appelé à en faire partie el
que, n'osant pas refuser, il se trouverait compromis.
Comme la discussion continuait entre eux à ce sujet, on
vint avertir Cromwell que la Chambre était en séance,
el que Vane, Marlyn, Sidney, poussaient à l'adoption
immédiate de ce qu'ils appelaient le bill de dissolution.
Les membres de la Chambre qui se trouvaient à While-
hall en partirent aussitôt pour se rendre à Westminster ;
mais Cromwell resta avec ses officiers, voulant encore
attendre et n'agir que sous la vocation de l'extrême
nécessite. Bientôt accourut le colonel Ingoldsby, disant :
« Si vous voulez faire quelque chose de décisif, vous
« n'avez pas de temps à perdre. » La Chambre était
[très de prendre une résolution; Vane avait énergique-
menl insisté pour faire voter le bill ; llarrisou embar-
rassé avait engagé, en termes doux et humbles, ses


i W h i t e l o c k c , p 55-ï ;—TT<mt!s, FUigelhnn, or ( / , « Hf>; « » • / « W >
hirl'h uml l'uriu! a[ U. V ruunndl r.ï > ' . t i i . I . o n e n v , 1 ' :•(>.">,, y. U t i l ,
— C u r l j l t t , CYu' i i iCi ' i l ' . ' . I.ullcr-: ami S ¡11 . ;•), ,-v, t 11, |i. 177, »oi




l ' . O X i , l ' A U L F . A i E N T Ï . '20 A V R I L 1 0 5 3 ) . 3 4 7


collègues a o e rien précipiter dans un cas si grave.
Crnniwcll quitta sur-le-champ Whitehall, suivi de Lam-
bert cl de cinq ou siv officiers; il prit, en passant, un
détachement qui se tenait prêt, et, arrivé a Westminster,
il plaça des soldats à la porte du Parlement, d'autres
dans le, vestibule, d'autres encore tout près de la salle
des séances, et. y entra seul, sans aucun bruit, on habit
noir et en bas de laine gris, selon sa coutume lorsqu'il
n'élail pas en uniforme de guerre. Vanc avait repris la
parole et démontrait avec passion l'urgence du bill,
Cronrwell alla s'asseoir a sa place accoutumée. Saint-
John s'approcha de lui : « Je viens faire, » lui dit Crom-
well, « ce qui me navre jusqu'au fond de la ine , ce dont.
« j'ai prié Dieu avec larmes de me dispenser; j ' a i m e -
« rais mille lois mieux être mis en pièces que de le
« faire ; mais i! y a une nécessité qui pèse sur moi, pour
« la gloire de Dieu et le bien de la nation.—Je ne sais
« c e que vous voulez d i r e , » répondit Saiiil-Jolin.
« mais Dieu veuille que ce que vous ferez, quoi que ce
« soit, ait une issue conforme au bien public,» et il re-
tourna à sa place. Vanc parlait toujours; Cromwell
l'écoulait. Vanc demanda a la Chambre d'affranchir le
bill des foruudités qui, selon l'usage, devaient précéder
l'adoption. Cromwell fit un signe à Harrison, disant :
« C'est le moment ; il faut que je le fasse.—Monsieur, »
lui dit Harrison un peu (rouble, « pensez-y bien ; i 'œu-
« vre est grande et dangereuse.—Vous avez raison, »
reprit Cromwell, ci il resta immobile, en quart d'heure
s'écoula encore : Vane avait cessé' de parler; Pondeur se




S-ls <:UOMYVKLL C H A S S E EE


disposait a mettre ta question au* voix; Cromvvell se
leva, (Ma son chapeau et, prenant la parole, il s'exprima
d'abord en ternies pleins d'égards pour Je Parlement et
ses membres , rendant justice à leurs travaux, à leur
zèle ; mais peu à peu son ton changea; son accent et ses
gestes s'irritèrent; il reprocha aux membres de la Cham-
bre leurs lenteurs , leur avidité, leur attachement à
leurs intérêts personnels, leur peu de soin de la justice :
« Vous n'avez pas le cœur de rien taire pour le bien
« public ; vous ne voulez (pie vous perpétuer dans le
« pouvoir; voire heure est venue ; le Seigneur en a Uni
« avec vous; il a choisi pour son (ouvre des iiislru-
« menls plus dignes ; c'esi le Seigneur qui m'a pris par
« la main et qui me l'ail taire ce que je lais. )> \ ane ,
WoritvYorth, Martyr), se levèrent vivement pour lui re-
pondre : «Vous trouvez peul-clrc, » dit-il, «que ceci
« n'est pas un langage paiienienlain; , j 'en conviens;
u niais n'en alterniez pas un autre de moi. » Woulworih
parvint à prononcer quelques phrases : » Jamais Je
« Parlement n'a euiendu de telles paroles, d'aidant plus
« horribles qu'elles viennent de son scrvileur, d'un
y serviteur que le Parlement, dans sa boulé sans
« exemple, a élevé si haut, et qu'il a tait ce qu'il est. J>
Cromwell s'élança de sa place au milieu de la salle, cl
mettant son chapeau sur sa lèie : « Venez, venez, »
dit-il, «je vais mettre lin a voire bavardage. » Il lit un
signe à liarrison, la porie s'ouvrit; vingt ou trente
fusiliers enirèreni, commandés par le J i e u l e n a n t - c o l o i i e l
Worslev ; « Vous n'êtes pins un parlement; sorie/.. lai tes




M i X i ; l 'A R I . I - . V t n X " r l'O A V R I L 1053). 3 1 0


« place a de pins honnêtes gens. » 11 se promenait en
long et en large, frappant du pied el. donnant ses ordres:
« Faites-le descendre, » dit-il à Harrison en lui mon-
trant l'orateur dans son fauteuil ; Harrison engagea
l'oraleur à descendre ; Lenthall s'y refusa : «Descendez-
« le vous-même, » dit Cromwell ; Harrison mit la main
sur la robe de l'orateur qui se soumit aussitôt. Algernon
Sidney était assis près de l 'oraleur; «Faites-le sortir, «
dit Cromwell à Harrison ; Sidney ne sortait poinl :
« Meltez-le à la porte; » Harrison et Worsley en tirent
le geste, et Sidney s'éloigna. «C'est une indignité, »
s'écria Varie ; « c'esl contre lout droit et tout honneur.—
>< Ah, sir Henri Va ne, sir Henri Va ne, » reprit Crom-
well, « vous auriez pu prévenir tout ceci; mais vous
a êtes un jongleur; vous n'avez pas même l'honnêteté
« commune; le Seigneur me délivre de sir Henri
v Varie! » Et au milieu du trouble général, il adressait
aux membres qui passaient devant lui des apostrophes
semblables ; a Challoner : « Ivrogne ! » à Wentworih :
« Adultère! » à Henri Jlarlyn : «Est-ce qu 'un coureur
« de lilies est t'ait pour siéger ici et pour gouverner'? »
il s'approcha de la table où était placée la masse qu'on
perlait devant l 'orateur, et appelant ses soldais:
« Qu'avons-nous à faire de celle babiole? qu'on l'em-
« porte. » 11 répétait fréquemment : «C'est vous qui
a m'avez forcé do faire cela.—Vous n'êtes pas encore
« allé si loin que les choses ne puissent se rétablir, » lui
dit l'alderman Allen ; «ordonnez à vos soldats de sortir
« de ia Chambre, et faites rapporter la niasse; les




350 C R O a I V Y E I . E l î E X Y t OE


« alfaires reprendront leur cours. » Cromwell s'omporla
contre Allen, et lui demanda compte de quelque cent
mille livres sterling dont, comme trésorier de l'armée,
il avait, fraudé la République : « Ce n'est pas ma faute, »
répondit Allen, «si mon compte n'est pas soldé depuis
long temps ; je l'ai plusieurs fois présenté à la Chambre. »
Cromwell le fit arrêter et emmener par ses soldats, l.a
salle était vide; il en fil saisir tous les papiers, s'ap-
procha du clerc de service, lui prit des mains l'acte de
dissolution qui était près de passer, le mit sous son
habit, sortit le dernier, lit fermer tes portes, et retourna
à Whilehall 1 .


11 y trouva plusieurs de ses ol'llciers qui y étaient
restés, attendant l'événement ; après leur avoir r a n i m e
ce qui venait de se passer : « Quand je suis allé a ta
a Chambre, «leur dit-il, «je ne croyais pas que je lisse
« cela; mais j 'ai senti l'esprit de Dieu si puissant sur


i W l i i t e ï o c k o , p . 551 ;—Leke*ler's Journal. ]<• JîKM 11 ;— I . i i . i l i vv .


M,;wres, 1. I I , p. lW-ilfi;~P<irlfom. Wxlory, t. X X , p. WH, ••


U e a i i i , A brief Vi.roiocie, n i e , j . . « •>«:—Batr», Hintrltus « " ' « m i


-nujierorutn in Anglia , par i . II , p . -2S 4 E e l s i r d , Ht*!, oj 1:1 tu'jht o J ,


i. II , ¡ . . 7 4 1 ; — J ' e c k . Vemoirs of tltc llf- ami ,icllons of Olinr (.',,..„-


tcell , Préface;, p . 3 l-oO ; — ( J a . o 11 il o n , lli.-il. of llte Rebellant, 1. . \ j V,


c . 1 - 9 ; - - f i u n u n , Parlutinentonj Db.tnj, 1. I I I , p . I I S , m » .


En r e n d a n t e o m p î o d e l ' e x p u l s i o n du Eon'; 1 Pa r l e i n e n t a .AI. Sri


v i e i l .1 niai 1C53,, .M. de B o r d e a u x d o n n e t p u d o u o s d é t a i l s ipje ie


n'ai pas ta i t e n t r e r d a n s l e r o e i t tnèirie. n e l e s a y a n t trouvas uan-,


arteun d e s é c r i v a i n s a n g l a i s o n n t e i n p o r a i n s . I ls n ie para i s sent


d ' a i l l e u r s a s s e z p e u v r a i s r i n ida I 1 e s , d a nt en i en I radiei ion av. si


l e e a r a e t è r e g é n é r a l d e l ' é \ « • n e m e n I , mais, i ls in- l a i s s i e i ;


a è tre e u r i e u x et la l e t t r e ipti i s e o n l ien i m é n f e e 'é tre j juMiée .


'pwmenh / .»«,„ « , . . ,* »." X.VlI l . i




' .F r o \ S K t r . I C É T A T K K I ' l ' H L t C A I X .20 A V R I L 1050V 051


" moi que je n'ai plus écoule la chair ni le sang. « Quel-
ques heures plus tard, dans l'après-midi, on l'informa
que le conseil d'Etat venait de se réunir dans la salle
ordinaire doses séances, à Whilehall même, sous la pré—
-idenee de BraaHiavv; il s'y rendit aussitôt, suivi seule-
ment de Jlarrison cl de Lambert : « Messieurs, » leur
dit-il, « si vous êtes ici connue de simples particuliers,
y ou ne vous dérangera point; mais si vous siège/,
•• comme conseil d'Etal, ce n'est pas ici votre place ;
: vous ne pouvez ignorer ce qui s'est l'ail à la Chambre
•> ce niai in; prenez donc garde que le Parlemenl est
• dissous.-Monsieur. » lui répondit itradshavv, «nous •i avons appris ce que vous avez l'ait ce malin a. la.
( Chambre, et dans quelques heures toute l'Angleterre
< l'apprendra; mais vous vous méprenez, monsieur, si
•\ vous croyez que le Parlement est dissous ; aucun pou-
< voir sous le ciel ne, peut le dissoudre que lui-même ;


prenez donc garde à cela 1. » Tous se levèrent e! sur-
firent. Le lendemain. -21 avril, on lut dans le Jlermrius
/'o/o'/'n./s, devenu le journal de Croniweli : « Le lord
• < général a evposé hier au Parlement, diverses raisons


qui devaient l'aire suspendre actuellement ses séances,
•i ce qui a élé l'ail. L'orateur et les membres se sont


retirés. 11 est probable que les motifs decel acte seront,
<•. sous peu, rendus publics, » Et ce même jour, à la
porte do fa Chambre, les passants s'arrêtaient devant,


i Li. i i l low, J / , ' « i # w , t . 1 1 , p . 2011-21] ; — Mwnriits P„liHrw ,


<e 100 , p . 20S ; — Fnrsu-r . SO;/••>/.'!ru uf '/'e Cuni moim-eiilili, t. V,


P . 00-08 .—Godvvi i ! . . Jlisl, vj Un: CvmmoiwcaUh, t. 1 1 1 , p . - r . j ' j - i . i l p




352 C R O U W E L L R E N V O I E , E T C .


une grande affiche, probablement, l'œuvre nocturne de
quelque Cavalier ravi de se voir vengé des républicains
par un régicide :


« Chambre non meublée, à louer, »




DOCUMENTS HISTORIQUES






D 0 C U M E N T S
HISTORIQUES


I


( P a g e 5 5 . )


M. de Cronllé au cardinal Mazarin.


L' i i idre- , i i l j u in 1649 .


U s'était proposé do contenir quelques dignités dans le
festin qui a été. fait par la ville, au Parlement et aux; officiers
de l'armée, ce qui a été remis à un autre temps. Lorsque le
speaker y arriva, le maire de Londres vint au-devant de lui ,
et comme reconnaissant la souveraineté de l'Etat en sa per-
sonne, en qualité de chef du Parlement, lui remit la masse et
l'épée, ainsi qu'il s'est toujours ci-devant pratiqué aux
vois


(Archives des affaires étrangères de France,)




D O C U M E N T S


I I


( P a g e 195.;


}]• de Croullé au cardinal Mazarin,


Londres, 30 j u i n I S S U


(Après avoir rendu compte de l'assassinat, d'Ascham a Madrid,
il ajoute :)


La nouvelle en fut suc des Lier matin ; et ce jourd'hui l'am-
bassadeur d'Espagne en a reçu un exprès dont il adonné a v i s
au conseil d'Etat, qui lui a envoyé le maître des cérémonies
pour en savoir le détail et remercier le roi Catholique de la
diligence dont il a usé pour trouver les coupables, et de la
justice que l'on mande qu'il en fera faire. Si le dit roi eût fait
autant d'état de l'envoyé de ces messieurs ici qu'eux-mêmes
en ont fait de celui de la province de Hollande, il n'eût pas
été logé dans une misérable hôtellerie, m abandonné de sorte
que, si le remords d'une mauvaise action n'eût aveuglé ceux
qui l'ont commise, il n'y en aurait point eu de témoins. Je le
rencontrai un peu axant qu'il partit d'ici, et. parce que je le
connaissais assez familièrement, lui dis que j'avais regret de
ce que nous l'allions perdre, qui est un terme assez ordinaire
à notre langue en pareil cas; ce qu'il expliqua comme si je
lui eusse prédit la même destinée qu'à Dorislaùs, qui lui est
arrivée; dont il tut tout échauffé, jusqu'à ce que je lui eus
fait entendre ma pensée.... Cet accident ne saurait rien alté-
rer de la bonne intelligence que l'on suppose être entre cet
État et l'Espagne, niais plutôt fournir moyen de la cimenter
dans les remercîments et les compliments qui se feront réci-
proquement sur ce sujet. Je sais qu'en toutes choses ces gens-
ci la favorisent au préjudice de la France...


(Archives des affaires étrangères Je France.)




H I S T O R I Q U E S .


I I I


( P a p e 197.)


P Délibération du conseil d'État d'Espagne sur les con-
séquences de l'assassinat du résident d'Angleterre,
Antoine Aschum.


Madrid, 29 juin 1 6 5 0 .


Le conseil d'État auquel ont pris paît le duc de Médina de
lits loties, don Francisco de Melo et les marquis de Caslel-
Hodrigo et de Valparaiso, a longuement discuté les mauvais
cflets qui pourraient avoir lieu pour les intérêts de V. M. par
suite de la mort du résident envoyé à cette cour par le Par-
lement d'Angleterre, et de la personne qui lui servait d'inter-
prète. Quoique cet événement ait été tel qu'il était impossible
soit à V. M., soit à ses ministres, de le prévenir, car on ne
pouvait, croire qu'il pût avoir lieu à la cour de V. M. et sous
ses yeux, et il n'y avait pas à s'en douter par quelque indice
que ce lût , néanmoins , le conseil d'État pense que le crime
est de la plus haute gravité à cause des circonstances qui l'ont
accompagné, le résident étant venu ici à la faveur de la sé-
curité et sous la protection de V. M. Si un tel crime restait
impuni ou ne recevait pas un châtiment exemplaire, personne
ne se croirait en sûreté à la cour de V. M. En outre, le Parle-
ment d'Angleterre pourrait en concevoir un grand ressenti-
ment et prendre quelque mesure grave, comme il esta crain-
dre qu'il ne le lasse. Quoique Y M. ait déjà envoyé des
ordres à la Cour des Alcaldcs pour qu'elle procède aussi
promptement que possible dans cette affaire et pour qu'il soit




D O C U M E N T S


tait prompte justice , le conseil trouve qu'on agit avec, plus
de lenteur que le cas ne l 'exige, car c'est une ailaire dans la-
quelle l'autorité de Y. M. et son service sont grandement
in téressés , une de ces affaires qui devraient, sans manquer
aux exigences de la justice, être expédiées [tins proinplemeni


qu'on ne le tait, car il ne peut y avoir lieu ?i des négociation*


quelconques . Par tous ces mot i fs , le conseil croit de son d e -
voir de représenter tout cela à V. M. el de dire qu'il esl né-


cessaire d'envoyer, aussi promptement que possible, un nouvel


ordre au président du Conseil en lui déclarant que le service


de V. M. exige qu'on procède en celle allaite dans les stric-
tes l imites de la justice et avec autant de hâte et de vigueur


;|u'il est possible d'en mettre. On devra rendre compte a


V. M. de ce qui sera f a i t , car l'affaire demande à être pressée


et décidée. V. M. voudra bien ordonner ce qui lui plaira,


2- Résolutions prises par S. M, le roi sur les avis donnés
par le conseil. d'État à l'occasion de l'arrivée du
résident du Parlement d'Angleterre el du châtiment
de ses assassins.


Mulrid, octobre lf.oO.


1. D'après la dél ibération du .'! avril , à l'occasion îles let-


tres du duc, de Médina Celi dans lesquelles il rendait conipic
fie l'arrivée du résident du Parlement dans lit port de Cadix,


8a Majesté a ordonné que le duc le fit partir pour Madrid en


prenant toutes les mesures de sûreté et en le faisant voyager
par les routes n o n infestées de brigands . On a. écrit dans ce


sens au duc qui a fait accompagner le résident par le mes l i e


de c a m p don Diego de Moreda.


2. Dans une autre dé l ibérat ion , du 7 j u i n , on a rendu


compte à S . M. de l'arrivée à Madrid d u résident et de sa




(JTSTOKÎQUES. 3 5 5 )


ifinrt, ainsi quo do celle de son interprète. Le m ê m e jour on


a examiné les lettres de créance i l»nl le résident, était porteur


pour S. M., et on a su l'arrestation des c inq Anglais qui l'ont
a s s a s s i n é . Sa Majesté a ordonné d'écrire à don Alonzo deCar-
oenas pour l' informer de l'événement et de la promptitude
avec laquelle on poursuivrait les assass ins , et pour lui dire de


déclarer au Parlement (pie, s'il voulait envoyer une autre per-


sonne! pour remplacer le résident as sass iné , il pouvait le


taire. En m ê m e temps S. M. a décidé qu'on répondit au Par-
lement it l 'occasion de cet événement , et que cette réponse ser-


vit à don Alonzo de lettres de créance pour d'autres occasions.


1 ouf, c e l a a é l é e x é c u l é c o n f o c m é m c n t a u x résolutions de S. M.


3. Pans une autre dél ibération, du 8 du m ê m e mois de


j u i n , le conseil s'est réuni in pfrno pour disculer la formule
de i'ailresse que l'on mettrait sur les lettres destinées au P a r -


lement. S . M. s'est rangée à cet égard à l'avis d u marquis de
OiMel l îudrigo.


A , Lu K> j u i n , il y eut une autre dél ibération présentée h


S. M., à l'occasion d'un rapport du président du conseil d'a-


près lequel les agresseurs, demandaient que dans leur procès
• JII piniluisil Pécussoii et les ins ignes trouvés sur Je mort , «ous


son vê lement , ainsi que l i s livres qu'il avait chez lui. A c e su-
ie t le conseil représenta à Sa .Majesté qu'un ne devait pas l'aire
cela avant que, lesdi ls objets n'eussent d'abord été remis au


secrétaire, qui accompagnait le rés ident , car ce, n'était que
deeet le manière qu'on observe]ait la foi publ ique . Le conseil


fut. d'avis que le procès des coupables se poursuivît r é g u -


l ièrement, mais en abrégeant autant, que possible la procé -
dure ; quant aux papiers qui pourraient être livrés à la pu-


blicité et. produits dans ce procès, c'clait au tribunal du


crime qu'il appartenait d'eu décider, sans aucune action su-


prême de S. M. ni aucune intervention cachée . Ce sont là les


principes d'après lesquels on a jugé convenable de procéder




3fio n o e m i F . v T s
(fins cette affaire, et c'est ce que Sa Majesté „ tjien voulu


confirmer.


5. Dans une autre dél ibérat ion, du 8 août, le conse i l , Je


son propre m o u v e m e n t , a entretenu S a Majesté des actes de


guerre mari t ime du Par lement ; il a fait observer combien les


foires mari t imes du Par lement étaient puissantes et irrés is -


t ibles; à cette occasion le conseil a fait remarquer qu'il n'a-


vait reçu aucune information sur l'état où se trouvait l'a (faire


des assassins qui ont tué le résident du Parlement . 11 a parti


au conseil qu'on tardait beaucoup à se prononcer à ce sujet


et à exécuter les ordres de S. M. ; c'était une affaire qu'il ne


fallait pas perdre de vue par les raisons qui ont déjà été expo-


sées dans plusieurs dé l ibérat ions : le conseil a pensé que ces


retards pourraient inspirer au Parlement quelque résolution


qui obligerait S . M. à prendre plus tard des mesures qu'elle


pourrait prendre dès à présent sans aucun embarras , f e con-


seil est d'avis que S. M. ordonne au président du conseil de


terminer cette affaire sans p lus de délais . À quoi Sa Majesté


a daigné répondre en ces t e r m e s : « On fait diligence et, l'af-


faire marche . »


fi. Une autre délibération a eu l ieu te 3 septembre au


sujet des lettres reçues de don Alonzo de Cardeîias, en date


îles mois de ju in et de j u i l l e t , ainsi que de celle que le Par-


lement a écrite à S. M. pour exprimer ses sent iments à l'occa-


sion de l'assassinat du résident et l'espoir qu'il avait dans


la loyauté de S. M. qui ferait bonne justice des coupables , car,


disait-i l , si de pareils cr imes se commetta ient i m p u n é m e n t ,


sous quelque prétexte que ce soit , dans les Etats de, Sa Ma-


jesté, il serait inév i tablement forcé de rompre toute relation


tuitre les deux pays. Ces lettres ont été lues en conseil inplem,


e t après avoir réfléchi sur ce que don Alonzo dit des forces du


Par lement et de la faible situation où se trouve le parti du roi


d'Angleterre , le consei l , entre autres choses qu'il a dites an




H I S T O R I Q U E S . 361


-ujfl du chât iment ii infliger auv Anglais arrêtes comme.cou-
pa'olos île l'iissassiiiiit, a représente à S. M. que la lettre du


Parlement lui paraissait une déclaration honnête et respec-
tueuse que lu guerre s'ensuivrait s i , d'une façon que lconque ,
« n u e lui donnait pas satisfaction par un chât iment exemplaire


du crime c o m m i s . Cette lettre a paru mériter de la part du


conseil une atlention toute particulière, car elle était é v i d e m -


ment écrite, d'après des notions extrajudiciaires et incomplè-
tes de l'affaire, don Alonzo n'ayant pas encore pris des m e s u -
res pour mettre entre les mains du Par lement ta lettre que
S. M. lui avait adressée à ce sujet. Ce conseil a donc jugé îi


propos de rappeler à S. M. ce qu'il avait déjà exprimé à p l u -


sieurs reprises, à savoir que par cet assassinat l'autorité royale


et la. dignité, de S. .M. avaient reçu une grave atteinte, attendu
que le résident était venu en Espagne sous la sauvegarde de
la foi publique et de la protection de S. M. ; ce qui fait qu'on


serait sans excuse de, laisser les coupables impunis .


7. E u e autre délibération a eu lieu le 7 septembre au sujet


d'une lettre de don Alonzo de Cardenas du 4 août dans la-


quelle d informait le roi qu'à Londres on avait publié la


nouvelle que les assassins du résilient du Parlement avaient
été restitués à l'Eglise; dans cette lettre don Alonzo disait que


le gouvernement anglais en était grandement indigné , et qu'il
se plaignait tout haut , menaçant de se faire donner une sal is -


faction si on ne la, lui donnait pas. A cette occasion fe conseil


d'Etat a de nouveau représenté à S . M. combien il importait ,


par toute sorte de motifs exposés dans la dél ibération, do punir


les assassins du rés ident; il ne peut que répéter à S. M. qu 'il


serait fion que S . M. daignât dérider an plus lot dans cel le
aifaireen envoyant la lettre que don Alonzo vien; d'écrire à ce


sujet, au tribunal devant lequel s'est poursuivit» et. se poursuit
celte allai ré.


ci. Le 9 septembre il y a eu une antre dél ibération du eon-


i , . 21




suiI in plenn, et nu a Irausmis à S, M. les deux délibérations
dont il a clé. ijucslicm l'eus haut ainsi qu'une nuire prise à la
su i te d'une m u t i o n spéciale. Le conseil a discuté la question


de savoir s'il fallait accuser à don Alonzo reeeplimi de ses dé-


pêches , part icul ièrement de celle dans laquelle il vend eoniplo


des demandes que fait le Par lement au sujet des litres et du


prolocole dont on doit, se servir à son égard. Le conseil a été
d'av is qu'il serait convenable que la punit ion des coupables de


l'assassinat d u résident eût l i eu avant qu'on répondit à don


Alonzo . A cela S . M. a répondu ainsi qu'il suit : « Qu'on
agisse conformément à l'avis du conseil , mais qu'on ne r é -


ponde pas à don Alonzo avant que je donne des ordres à cet


égard . »


\ ) . En dernier l i e u , après la délibération du 15 octobre,


présent moi s , en conseil in -plcno au sujet des dépêches reçues


dernièrement de don Alonzo , à celte fin que S . M. réponde,
au Par lement en lui donnant les litres qu'il lui demande, o u
qu'El le permette audit seigneur son ambassadeur de s'éloi-


gner de son poste, ainsi que pour presser l'expédition du


procès des assassins du résident d'Angleterre, S, M. a daigné


déc ider ce qui suit :


« En ce qui touche, l'affaire de ceux qui ont assassiné le


rés ident du Par l e m e n t , j'ai donné les ordres nécessaires pour


qu'on procédât avec toute, l'attention possible et aussi promo-
t e m c n l que cela se peut , sans contrevenir en rien aux règles


de la just ice; car en m ê m e temps j'ai recommandé que tout
se fit selon les l o i s , qu'on ne pressât rien et qu'on n'aliàt.


point, par aucune raison d'Etat que lconque , au delà de ce qui
se doit. Je perdrais plutôt tous m e s Etats que de m a n -


quer à ce qui est m o u premier devoir, et le conseil d'Etal ne
m e conseil lera jamais autre chose . S i , c o m m e cela est pro-


bable, le prononcé de la sentence énrouvo quelque délai, on


rendra compte à don Alonzo de l'élal où se trouve l'a lia ire .1




H I S T O R I Q U E S 303


on lui eu enverra une relation dans la forme que propose le
conseil. »


bon Ahmzo de Curdehaa à don Geronimo de la Torre.


Londre?, 20 décembre 165U.


Cher Monsieur,
J'avais bien besoin de la faveur que vous m'avez faite en


m'écrivant ce que vous m'écrivez dans votre lettre du 23 oc-
tobre qui m'est parvenue avec la dépêche de Sa Majesté
du 2 i , car, d'après ce que j'y vois, il me faudra encore bien
attendre et bien soulfrir. Les gens d'ici s'impatientent de voir
iant de délais dans la satisfaction qu'ils ont exigée, et je n'ai


aucun moyen humain de les apaiser Ce qui me fait le plus
do peine, c'est de voir que tous mes efforts auront été en pure
perle, que les intérêts de S. M. seront compromis et que nous
perdrons le grand avantage d'entretenir la désunion entre ce
gouvernement-ci et nos ennemis; quand on cherchera à re-
médier au mal, on s'apercevra que l'occasion a échappé et que
les ordres sont venus trop tard. Je crains beaucoup que ce
malheureux événement de l'assassinat d'Ascham ne soit la
cause de beaucoup d'embarras et de désagréments, à moins
qu'on ne punisse les coupables qui se sont si volontairement
et si aveuglément exposés à un danger si évident et nous ont
enlevé tous les avantages que nous pouvions retirer de l'An-
gleterre. C'est vraiment extraordinaire que, dans un cas si
atroce, on n'ait pas encore trouvé moyen d'en finir, et qu'il y
ait en Espagne des membres du clergé qui justifient le crime,
sans faire aucune distinction entre des cas particuliers et un
crime aussi public et aussi grave, un crime par lequel l'auto-
rité de S. M. se trouve outragée, les intérêts de l'Etat com-
promis et dont il peut résulter d'immenses inconvénients.




D O O T I M K N T S


Quant a la guarrt! d'Ecosse, je puis vous dire, qu'indépen-


dammnnt du siège de la citadelle dT.d imhourg qui est déjà


très-avancé, on a reçu ici la nouvel le d'une autre défaite quo


le général Cromwel l a fait subir aux Ecossais qui ont perdu


trois mil le h o m m e s en mort s , blessés et prisonniers. Les nou-


velles d'Irlande portent que les cathol iques , voyant qu'il leur


est impossible de se m a i n t e n i r , se proposent d'envoyer des


dé légués au Par lement pour tenter avec lui un a c c o m m o d e -


m e n t et obtenir les mei l leures conditions possildes.


lArchhes Je Simancas.)




H I S T O R I Q U E S . 3e:>


I V


( P a g e 198. v


1" Louis XIV à Cromwell.


S;unl-Gt;rma';n, 2 lévrier U'<i9.


Monsieur Cromvvell, j'ai le cœur si touché du mauvais état


auquel est réduit mon frère, oncle et cous in , le roi de la


Grande-Bretagne, que je ne puis plus longtemps d i s s imuler


sans être éclairé des véritables intentions de ceux qui ont sa


personne royale en leur pouvoir, ne pouvant pas m' imaginer


que ce qui s'est dit ici puisse avoir autre lin que de justifier


son innocence , alin de faire honte à tous ses accusateurs ; et


c o m m e vous êtes un de ceux qui y pouvez beaucoup contr i -


buer, je vous écris celle-ci en particul ier, de l'avis de la re ine


régente notre dame et m è r e , qui vous sera rendue par le sieur


de Varennc, conseiller de m o n conseil d'État et l'un de mes


gent i l shommes ordinaires , que j 'envoie exprès pour vous faire


connaître que vous avez en main u n e occasion de vous s igna-


ler, en faisant u n e action juste en faveur de votre souvera in ,


en usant bien du pouvoir que les armes vous ont donné sur


lui, pour le remettre dans sa dignité et dans ses droits , ce qui


sous serait avantageux par la récompense que vous auriez


méritée et par le bien qui en reviendrait à votre patrie, le repos


de laquelle vous devriez procurer : et ce faisant, je vous en


serai obligé et vous donnerai de solides effets de ma bonne


volonté. Je veux bien juger de votre intérieur, et croire que


vous vous servirez de l'occasion pour redonner à votre prince


les marques de la grandeur et l'autorité qui lui appart iennent ,


élisant une chose fort glorieuse et qui vous rendra digne de




366 D O C U M E N T S


2° Louis XIV à Fuir fax.


2 E'.rier 16411.


Monsieur le général Fairfax, nous avons toujours cru que
vous aviez pris le, commandement des armées d'Angleterre
avec celte seule intention d'assurer le repos des peuples sous
la juste et légitime domination de leur roi, et nous ne pouvons
pas nous imaginer que sa personne royale, étant tombée sous
votre pouvoir, puisse davantage être maltraitée, et que, si
vous avez quelques raisons qui vous aient engagé d'en venir
si avant, vous serez maintenant plus éclairé, et, après avoir
reconnu ce qui est seul de sa dignité, ne perdrez pas l'occa-
sion d'agrandir votre fortune en rétablissant la sienne. En
quoi, si mes prières peuvent être efficaces et qu'il se traite
quelque accommodement en la conjoncture présente, non-seu-
lement je vous en saurai gré, mais je veux être le garant de
l'exécution des promesses qui vous seront faites par ledit roi,
mon frère, oncle et cousin ; et faisant réflexion sur ce qui vous
sera plus particulièrement exposé par M. de Bellièvre et par
le sieur de Varenne, je prends sujet de bien espérer de votre
humeur généreuse, qui donnera beaucoup d'éclat à sa répu-
tation, si l'innocence du roi est manifestée; et ne pouvant
m'imaginer qu'on voulût mépriser mes instances en une
chose si juste et si raisonnable, et qui me tient au cœur par


toutes les grâces et faveurs, pat ticidicrement de la royauté, et
ipu vous seront .assurées par la parole que je vous ai donnée,
et par ce que mes intentions vous seront plus particulièrement
expliquées par M. de Bel lièvre, mou ambassadeur, et par
ledit sieur de Varenne, en qui vous prendrez toute créance,
.le m'en remets à eux de s'étendre, davantage sur ce sujet, et
cependant je prierai Dieu qu'il vous ait, etc.




H I S T O R I Q U E S . 367


le iicu du sang et de la fraterni té , aussi je m e persuade qu'a-


près avoir ouï t e que j'ai mis en créance sur mon a m b a s s a -


deur et sur ledit s ieur de Varenne , vous prendrez des r é s o -


lutions conformes à l 'honneur de votre profession et à ce que


doit un sujet a son roi et à sa patrie. S u r vos assurances , je


prierai Dieu qu'il vous ait, e tc .


{Manuscrits de Brienne. — Bibliothèque impériale.)




D O C U M E N T S


V


( P a g e s 2 0 0 - 2 0 1 . )


i° D. AL de Cardehas au roi d'Espagne{Philippe i\).


Londres, 15jtinviei- i l i iU.


Sire ,


Dans m a dépêche d u 18 d é c e m b r e , j'ai rendu c o m p k


à V . M. de ce que l 'armée des Indépendants avait lail jus-


qu'à ce, jour depuis son arrivée à Londres; les choses oui


marché depuis avec une grande rapidité pour aboutir à


l'état où se trouvent dans ce m o m e n t - c i les affaires du roj


(Charles I o t ) que l'on a transféré du château de l lurs l à


celui de W i n d s o r , é loigné de vingt mil les d'ici ; c'est là


qu'on le tient renfermé sous bonne et sûre garde; il n'est per-


mis à personne de lui parler; on lui refuse les objets néces-


saires pour écrire , et on a défendu, au petit nombre de d o m e s -


tiques qu'on lui a la i s sés , de s'agenouiller en le servant et


d'observer à son égard le cérémonial d'usage et les formes de


respect qu'on lui rendait autrefois; dans les publications i m -


pr imées , faites ces jours -c i , on le n o m m e s implement Charles


Striait , sans autres titres. A part l'insolence de ce procédé, il


y a là une. lésion de ses droits , car lors nièine qu'on le dépoui l -


lerait de la couronne de ce royaume , il lui resterait toujours


celle d'Ecosse et celle d'Irlande dont le Par lement ne peut pa-


le p r i v e r . . . .


. . . . La reine de la Grande-Bretagne a écrit au Parlement


et au général Fairfax, et l 'ambassadeur de France a, reçu des


lettres adressées au Par lement . On dit qu'il (le Parlement) ne


les a pas ouvertes attendu que l'adresse n'était pas rédigée




H t S T O K T Q U E S . 309


dans la ferme vou lue ; on rapporte qu'elles contenaient la


demande d'un sauf-conduit pour prendre congé du roi avant


qu'on ne juge Sa Majesté.


Depuis quelques jours le bruit c o u r t ici qu'un ambassadeur


d e France arrivera pour intervenir en faveur du r o i ; mais


jusqu'à présent on ne dit pas qui sera cet ambassadeur , car le


prince de Condé, de qui on pariait, aura b ien de l a besogne


là-bas (eu France) . Selon les dernières nouvel les arrivées ici ,


i l y a e u des troubles à Paris qui ont forcé L L , MM. Très -Chré-


tiennes de se sauver, dans la nuit de l a veil le de l 'Epiphanie ,


de cette capitale. De m ê m e il a couru ici le bruit , propagé , à


ce que je crois , par des personnes amies du roi , que Votre


Majesté enverrait u n ambassadeur extraordinaire dans le


but de faire des démarches du m ê m e genre , et , il y a deux


jours , lorsqu'on a vu que la cause d u roi était de plus en plus


désespérée, une personne, envoyée par d'autres personnes du


parti du roi et du parti presbytérien, est venue chez moi pour


m e persuader que , puisqu'il s'agissait de la cause de tous les


rois et qu'il importait que la monarchie f û t conservée dans la


personne de ce roi (Charles 1er), je d e v a i s , dans l'intérêt


de Votre Majesté, et pour acquitter les devoirs de l 'amitié que


Votre Majesté a toujours témoignée au roi Char les , que je


devais , dis-je, demander une audience des deux chambres du


Parlement et du conseil de guerre , et employer m e s bons offi-


ces avec la prompti tude que les circonstances ex igea i en t , en


déclarant que Votre Majesté ressentirait v ivement les procédés


dont on use à l'égard du roi , et m ê m e en m e servant de


paroles de m e n a c e s ; on ajoutait qu'une t e l l e démarche


serait plus tard appréciée p a r l e s fils du roi , la probabilité


étant que t a couronne retournerait à l'un d'eux. E n e x p r i -


mant le chagrin de voir les choses réduites à cetle ex trémité ,


et en appuyant beaucoup sur l ' impression que la nouvel le


(d'une catastrophe) causerait à Votre Majesté, j'ai répondu


il




370 D C X T M E N T S


qui ' je ne Joutais pas que Votre Majesté ne n o m m â t , s'il le


fallait, un ambassadeur extraordinaire pour la représenter ic i ,


ou qu'elle ne daignât m e donner , à m o i , des ordres spéciaux


pour faire des démarches de cette n a t u r e , mais que sans de


tels ordres , je n'osais pas m e charger d'une affaire de ce


genre et d'une telle gravité. Celte m ê m e personne m'a dit


qu'on croyait que la re ine de la Grande-Bretagne m'écrirait


pour m e prier d'employer mes bons ofi iees; mais je. doute


qu'elle le fasse, car il est probable qu'el le aura compris que.


m e s excuses pouvant s'appuyer sur le. manque d'instructions,


j e ne manquerais pas de m'en servir auprès d'elle, surtout la


re ine ne pouvant, pas ignorer q u e , quel que soit l ' empresse -


ment qu'on y m e t t e , il n 'empêchera pas le Par lement et


l 'armée de poursuivre la marche qu'ils ont adoptée à


l'égard du roi. Les Indépendants , soit pour se concilier les


cathol iques d'Angleterre et les e m p ê c h e r de faire aucune


démonstrat ion en faveur du roi , suit parce qu'une telle c o n -


duite est d'accord avec le principe de cette secte, la liberté de


consc ience , ont fait espérer cette l iberté aux catholiques, et


ceuv-c i ont grand espoir de l 'obtenir , ou au m o i n s d'ob le tib-


ia permiss ion d'exercer leur culte et de voir abroger les lois


pénales qui sont en v igueur à leur égard. Voilà tout ce que


j'en puis d u e à Voire Mujee*,s- Que Dieu , e V ,




HISTORIQUES. 37 !


2« Don A lotizo de Cárdenas au roi d'Espagne.


Londres 1S février 1G49,


Sire ,


Dans ma dépêche d u 12 do, c e mo i s , j'ai rendu compte à V. M. de la triste lin du roi de la C iande-Bre taguc ; j'ai r é s e r v é à la présente un exposé du tour que vont prendre les a l t a n e s de ce pays. L'opinion générale est que le gouverne-m e n t monarchique va. faire place à u n gouvernement, popu-
laire par l 'établissement d'une républ ique dont le p lan, à ce


qu'on m'a assuré, a élé lait il y a déjà quelque temps et ser •


publié sous p e u . On dit aussi que le Par lement actuel ne
durera q u e jusqu'à la lin du nues d'avril prochain, qu'alors
il se dissoudra en laissant un comité composé de vingt-cinq


personnes, ou davantage, investi de l'autorité s u p r ê m e , j u s -q u ' a u premier jeudi du mois de j u i n , époque îi laquelle e n -
trera en fonction un nouveau gouvernement composé d'une


représentation nationale de quatre cents personnes n o m m é e s p a r les comtés et les \ d l e s de l 'Angleterre, chaque c ircon-
scription électorale étant chargée d'élire u n certain nombre


de dé légués , conformément à t'aetc que le Par lement votera


avant de se dissoudre ; ees dé légués seront, c o m m e qui dirait,


des procureurs du comté ou de la ville qui les chois irai t , t o m m e Pelaient ceux qui formaient jusqu'ici la Chambre des
c o m m u n e s . De cette manière il n'y aurait plus de Par lement ,


et le corps qu'on se propose de créer diífércrait des parle-m e n t s en ce q u ' i l serait en permanence ; seulement ceux qui
le composeraient ne seraient élus que pour deux ans . On croit q u ' o n a imaginé ce plan pour exclure du gouvernement, du p ;ys la noblesse et tous les personnages t itrés, à moins qu'ils
ne soienl élus nar u u e l d . u e C o m t é ou ville. Les Indépendants




.T72 D O C U M E N T S


ne trouvant pas que ce lut assez, la Chambre des communes
a déridé , par un vote du 10 de ce mois, qu'à l'avenir il u'v
aurait plus d e Chambre haute ou Chambre des barons. C'est
un système qu'elle a adopté pour effacer dans l'esprit d'un
grand nombre la douleur causée par l'exécution du roi, en fai-
sant voir que, la Chambre des lords une fois écartée de 1<ml
gouvernement, les affaires du pays resteront sans partage au
peuple et que son pouvoir et son autorité s'en accroîtront. A la
suite de ces résolutions, il y aura de grands changements dans
les lois qui étaient conçues jusqu'ici dans l'esprit de la consti-
tution monarchique du pays; aussi s'occnpe-t-on déjà de les
changer, et de faire des statuts abrogeant les lois anciennes.
On espère que, parmi ces lois destinées à être abrogées, seront
comprises les lois pénales concernant les catholiques; chose
qui, si elle a réellement lieu, devra être attribuée aux. arrêts
particuliers de Dieu qui aura voulu manifester combien ses
décrets sont immuables, puisqu'il aura, par des voies si
mystérieuses et si inespérées , apporté un soulagement à ces
pauvres catholiques qui ont sou (fort une persécution si ter-
rible. Aujourd'hui déjà, grâce aux Indépendants, les catho-
liques peuvent circuler librement dans cette capitale et dans
tout le pays, sans que personne leur fasse du mal ; bien qu'on
puisse craindre que ce ne soit une ruse de ces gens (les Indé-
pendants), dans le but de se concilier le parti catholique eu
adoucissant les rigueurs dont il a été l'objet de la part des
presbytériens.


Le roi n'étant plus en vie et. ses descendants se trouvant
exclus du trône, il paraît que les lettres de créance de tous
les ambassadeurs sont expirées et qu'il faudra que chaque
souverain les renouvelle à son envoyé, pour l'accréditer non-
seulement auprès du Parlement actuel tant qu'il durera,
ni ils encore auprès du gouvernement qu'un se propose d'in-
troduire. Il tarait que ces lettres de créance deviunt (.tu




msToiirouEs. 3 7 3


précédées (l'une reconnaissance de c e gouvernement c o m m e
pouvoir légitime, et qu'il faudra se servir de formules conve-
nables en lui écrivant et le traiter de souverain, titre auquel
il prétendra. Ceci étant un point d'une grande importance,
j'ai cru devoir appeler a ce sujet l'attention de V. M. afin
qu'Elle daigne m'ordonner telle résolution qui lui paraîtra
convenable. C'est pour avoir prévu ces inconvénients que
j'ai cru devoir représenter à V. M. , dans ma dépêche du
20 août de l'année passée transmise par le secrétaire Gc-
ronimo de la Torre , qu'il serait dans l'intérêt du service
de V. M. qu'il n'y eût pas ici d'ambassadeur de V. M.,
mais seulement un agent chargé de rendre compte de ce qui
se passerait, jusqu'au moment où les choses reprendraient leur
assiette et où l'on pourrait voir à quoi aboutira ce gouverne-
ment-ci. Aujourd'hui je serais porté à c r o i r e que, si V. i l .
prenait cette résolution, on éviterait des embarras qui ne
manqueraient pas de surgir dans le cas où Y. .M. n e daigne-
rait pas reconnaître le gouvernement qu'on se propose de
créer, ni me renouveler mes lettres de créance; si ce gouver-
nement me les demandait sans que je pusse les lui présenter,
il cesserait de, me regarder comme un personnage revêtu d'un
caractère public et. ambassadeur de V. i l .


Les Etats de Hollande avaient envoyé deux ambassadeurs
au Parlement pour intercéder en faveur du feu roi ; ils étaient
venus ici le ri de ce mois, dans la nuit qui a précédé le jour
où la sentence a été prononcée contre le roi. Le 8, ils ont e u
une audience du Parlement et ont proposé différentes combi-
naisons; ils offraient leur médiation e n faveur du roi qui
comparaîtrait e n jugement dès qu'on le demanderait, et les
Elats s'engageaient à donner des garanties de l'accomplisse-
ment de cette promesse; mais cette combinaison n'étant pas
agréée, les ambassadeurs ont prié le Parlement de se borner à
déposer le roi en lui conservant la vie et d'accepter pour roi




:n i n n r u ' v n î N T S


le prince de Gal les; ils mil .«(Tei'l lu m ê m e médiat ion et les


m ê m e s garanties relal ivemcnl à l 'accomplissement de ce (|in


serait convenu a \ec le pr ince . Mais le Parlement , axant m ê m e


de répondre aux ambassadeurs , a fait exécuter la sentence et a


défendu à qui que ee soit de n o m m e r le prince de Galles ro<


d'Angleterre et d'Irlande. I.es ambassadeurs en ont conçu


beaucoup de m é c o n t e n t e m e n t et de dépit; l'un d'eux est


Adrien de Pauvv; c'est notre ami de Hol lande, te m ê m e qic


était plénipotentiaire pour la Hol lande, à Munster, lors de la


conclusion de la paix générale . Je les ai déjà \ u s et j'ai eu avec


eux des rapports d'amitié et de correspondance ; hier ils m'ont


l'ail une visite et se sont montrés affectueux et satisfaits.


L'archiduc m'a écrit une lettre le G de ce mois; je. l'ai reçue,


le H), le l endemain de i'exéculioii du roi ; il m'y ordonnai!


d'employer m e s bons ofiiees avec tout l 'empressement néces-


sa ire , à l'elfet de demander un sursis dans l'affaire du roi,


jusqu'au m o m e n t où arriverait un personnage que son souve-


rain avait résolu d'envoyer dans ce but . Mais quand m ê m e la


lettre de l 'archiduc ne serait, pas arrivée trop lard, il est c e r -


tain qu'aucun empressement h u m a i n n'aurait empêché les


Indépendants de poursuivre , à l'égard du roi, la marche,


qu' i l s avaient une fois adoptée ; leur opiniâtreté à le faire


mi.iuiir était incroyable; elle était, fondée sur leurs craintes,


car sa mort seule pouvait les garantir contre les elf'cts de l'of-


fense dont ils se sont rendus coupables envers lui , et son exis-


tence était un obstacle aux [dans qu'ils \ o n t mettre à exécu-


t ion. On f a bien vu, non-seu lement à la manière étrange et


violente avec laquelle on ¡1 conduit son procès, mais encore à


la prompti tude avec laquelle on en a pressé la conclusion. Le


2 3 janvier le roi était arrivé dans la. nuit à Londres; le len-


demain on le mit en j u g e m e n t ; le fi du présont mois de février


on le condamna, et le 9 on l 'exécuta, sans avoir perdu une


seule heure, ni pour te juger, m pour l 'exécuter. Lt eu eifet on




HISTORIQUES. 3 7 5


d" Délibération du conseil d'État d'Espagne sur les
affaires d'Angleterre.


Mi.liiJ. 15 mars 1649


(A cette séance du conseil d'État ont pris part le comte de


Castrillo et les marquis de Caslel Rodrigo et de Yalparaiso.)


Itésumé.—Le Conseil exprime son opinion sur le contenu


des dépêches de don Alonzo de Cardcnas au sujet des alfaires


d'Angleterre et des projets des Français sur l 'Irlande. Vient
ensuite une décision parafée de la m a i n du roi , et de la


teneur suivante : « On ne répondra rien (à don Alonzo) rela-
tivement, à l 'excuse dont il s'est servi pour ne. pas intercéder


en faveur d u roi Charles 1er auprès d u P a r l e m e n t ; mais on


approuvera sa conduite dans la négociation avec l'abbé.... et
dans ses efforts pour faire une diversion aux projets des


Français; on ne lui donnera cependant point de nouveaux


pouvoirs, car après un événement aussi grave et aussi ex-


traordinaire que celui dont il est quest ion, il faut, avant de
(.rendre une résolut ion, voir le changement qui surviendra
ij ins les affaires d'Angleterre, et examiner ce qu'il nous con-


ne devait pas s'attendre à nu uns de la part de ses juges , car,


«•utre qu'ils étaient parfaitement i l légaux et sans aucune a u -


f u i t é qui les autorisât à. te j u g e r , ils étaient ses e n n e m i s , et


les plus intéressés à le perdu'. Aucun des personnages titres


ou barons n'a pris part à ce j u g e m e n t ; au contraire la plupart


d'entre eux ont quitté Londres ; u n grand nombre ne sont pas


encore revenus , d'autres ne se laissent pas voir. Les ambassa-


deurs de Fiance et de Hollande ont pris le deuil et l'ont l'ail


prendre à leur maison ; j'en ai fait autant : c'est une m a n i f e s -


tation due à ta m é m o i r e du roi ; d'ailleurs on serait mal vu ici


si on négl igeait de la faire. Que Dieu garde V . M. , e t c . , e tc .




.'!7(i n O C r M K N T S
a it-ndra Je faire. » — Exécuté le 15 m a r s . —• Geronimo Je
la Turre.


Sire ,


Les lettres de don Alonzo de Cardenas , apporlées par le der-


nier courrier à Votre Majesté et au secrétaire Geronimo de la


Torre , ont été mises sous les yeux du Conse i l , c o m m e V. M.


l'avait ordonné . Ces lettres rendent , en détail , compte à Votre


Majesté de l'état des choses en Angleterre , du danger dans le-


quel le roi se trouvait par suite de la nominat ion des juges


qui devaient e x a m i n e r les accusations portées contre lui . et


des craintes qu'on avait de lui voir ôter la vie. El les r a p -


portent le bruit qui courait de l'arrivée d'un ambassadeur


extraordinaire de France pour intercéder en faveur du roi


auprès du P a r l e m e n t ; et elles disent qu'à l'occasion de ce


bruit quelques personnes d u parti du roi et de celui des


presbytériens ont parlé à don Alonzo pour rengager , p u i s -


qu'il importait à la cause de tous les rois que la monarchie


fût conservée dans la personne du roi d'Angleterre et que c'é-


tait u n devoir de l 'amitié que Y . M. a toujours témoignée à


ce pr ince , à demander une audience du Parlement et à e m -


ployer ses bons offices au n o m de Y . M. , en disant que V. M.


serait offensée si l'on intentait un procès au r o i ; à quoi don


Alonzo a répondu qu'il déplorait le danger auquel le roi était


exposé , que V.- M. éprouverait un grand chagrin en a p -


prenant tout cela , et qu'il ne doutait pas qu'Ellc n'envoyai ,


s'il le fallait, u n ambassadeur extraordinaire pour emplojer


ses bons off ices , ou qu'El lc ne lui e n v o y â t , à l u i , l'ordre


de faire les représentations qu'on lui demandait , mais que


sans cet ordre il n'osait pas s'engager dans une affaire de


cette nature et d'une telle importance . Les dépèches de don


Alonzo disent encore (pie les Indépendants ont donné dese spe -


i a u t e s aux catholiques relativement à la. liberté de conscience,




H I S T O R I Q U E S . 3 7 7


dans le but de s'assurer leur appui et de les e m p ê c h e r de


taire une démonstrat ion en faveur d u roi .


Don Alonzo rend compte ensu i te de la m a n i è r e dont il s'y


est pris pour mettre l'abbé , Irlandais arrivé d e Paris ,


en rapport avec l e . P a r l e m e n t ; cet abbé a d o n n é , à en tendre ,


dans quelques conférences qu'il a eues avec un comité de cinq


[ici sonnes chargées spécialement, de. traiter cette ques t ion , que


les f r a n ç a i s avaient des projets sur l ' Ir lande, chose .dont les


personnes du comi té avaient déjà eu quelque conna i s sance ; il


leur a c o m m u n i q u é aussi quelques papiers concernant cette


affaire et leur en a laissé copie


Dans cette conférence on a discuté les m o y e n s de


conclure une all iance a v e c Y . M . , soit pour une guerre offensive


et défensive, soit pour une guerre défensive s e u l e m e n t ; et les


m e m b r e s de la conférence n'ont vu de difficultés que dans les


embarras de leurs affaires intér ieures qui ne leur permetta ient


pas d'agir au dehors c o m m e ils désireraient


D o n Alotizo fait observer q u e , pour le cas d'une convent ion


à conclure , il serait nécessaire que Y . M. envoyât les pleins


pouvoirs suffisants et de l'argent qui est indispensable , s u r -


tout quand on a affaire à une nation aussi intéressée que le


sont les Angla i s .


Don Alonzo rapporte ensui te qu'i l s'est employé à faire eu


sorte que le Par lement anglais entret ienne de bons rapports


avec le Par lement de France et encourage ses résolut ions; on


lui a dit qu'on écrirait au résident anglais à Paris pour offrir


l'assistance de la flotte ainsi que d'autres s ecours ; enfin don


Alonzo finit en disant qu'il serait convenable que Y. M. e n -


voyât quelques secours d'argent au parti du c lergé ir landais ,


que par ce moyen on gagnerait certaines personnes dans ce


pays , et il ajoute que l'abbé cherche avec le plus grand


•u-and zèle à a m e n e r un accord, entre le P a r l e m e n t anglais et


le royaume d'Irlande . afin que leurs forces réunies c h a s -




378 D O C U M E N T S


sent de là les Écossais et les Irlandais qui marchent e n -


semble sous la protection de la France . Don Àlonzo dit


qu'il prêtera son concours à ce plan si avantageux pour les


intérêts de Dieu et de votre Majesté. Il s'étend à ce sujet dans


ses dépêches que le Conseil renvoie à V. M. avec la présente


dél ibérat ion.


Ce Consei l , après avoir conféré sur le contenu de ces d é p ê -


c h e s , a émis les opinions suivantes :


Le comte de Castrillo : La première partie de la dépèche qui


a été mise sous les yeux d u Consei l , et qui a été: envoyée par


don Alonzo , cont ient des rapports sur ce qui se passe en A n -


gleterre , surtout au sujet de l ' empr i sonnement et du procès


d u roi ainsi que de l ' événement auquel on s 'attend; c'est là


une affaire qui , par plusieurs mot i f s , peut et doit donner lieu


à de profondes cons idérat ions , bien qu'elle n'exige plus ni


ordre ni résolut ion que lconque de la part de V. M. , car il


paraît qu 'une intervention ou des démarches quelconques


auprès d u P a r l e m e n t ou auprès d u tr ibunal institué en vue


de ce procès , seraient inopportunes si l 'on a déjà accompli


ce qui était à p r é v o i r ; on dit m ê m e qu'on a déjà tranché


la tête au roi d 'Angleterre . Les efforts de V. M. seraient


donc sans résultat , et le comte de Castrillo ne croit pas que


l 'Espagne ait fait une pareil le démarche dans d'autres occa-


s ions semblab le s , c 'est-à-dire lorsque d'autres rois d ' A n g l e -


terre ont été déposés . D'ai l leurs, l'affaire une fois placée sur


le terrain judic ia ire , il était facile d'éluder toute démarche .


S e u l e m e n t le comte de Castrillo aurait voulu que don Alonzo


n'eût pas dit qu'il n'avait point d'ordre de Y. .M., mais p l u -


tôt qu'il eû t d o n n é à entendre qu'il en attendait . Il y aurait


fort à réfléchir sur ce qu'on devrait lui r é p o n d r e ; mais pour


ne pas tomber ni dans l'un ni dans l'autre e x t r ê m e , on pour-


rait , en donnant pour mot i f s les bruits qui courent et les


conjectures au sujet de ce que dun Alonzo rapporte, lui rc-




Ur.STORTQI'lîS, 3T9


pondre que ses démarches seraient inopportunes , ou bien
passer entièrement ce point sous silence. C'est ce qui ne
serait pas le plus mauvais parti à prendre.


L'autre partie de la dépêche concerne les machinations des
Français ainsi que les pourparlers , les négociations et les
partis du rovaurnc d'Irlande , le, voyage que l'abbé a
fui, les démarches de don Âlonzo pour le faire entrera. Lon-
dres et le compte rendu de cette affaire ainsi que la conduite
qu'il a tenue. En premier lieu il faut l'approuver; et comme
il importe de faire échouer autant que possible les projets des
Français, on pourrait, répondre à don Alonzo qu'il faut qu'il
agisse dans ce sens, et qu'il entretienne, ainsi qu'il y paraît
décidé, dans l'intérêt de V. M., ses bons rapports avec les
membres du clergé et avec les anciens Irlandais, ainsi qu'avec
( eux qui sont de leur parti en tout ce qui touche à la reli-
gion, car c'est là l'intérêt principal de V. M.


Dans le reste de sa dépêche, don Alonzo demande à V. M.
des pleins pouvoirs pour le cas où une alliance pourrait être
conclue en Angleterre. Mettant de côté que Votre Majesté
n'est pas trop disposée à conclure des traités avec des héréti-
ques (car ce point mérite bien d'être considéré), le comte de.
Caslrillo ne pense pas que Votre Majesté doive maintenant
envoyer les pleins pouvoirs qui lui sont demandés par don
Alonzo. L'ordre de choses en Angleterre n'est pas bien établi;
les allaires sont encore dans un moment de crise; il peut, en-
core survenir des causes de grand trouble; à quoi l'on doit
ajouter les affaires de France. 11 paraît donc plus convenable
de ne pas décider ce point dans ce moment et de répondre à
don Alonzo que les pleins pouvoirs ne lui manqueront pas dès
que les circonstances les rendront nécessaires. Qu'il cherche
toujours à frayer la voie aux négociations avantageuses pour
Y. M. en examinant bien le fond des choses, et qu'il rende
compte de tout.




3 8 0 D O C U M E N T S


Le marquis, de Cartel Rotlrù/o : B ien que le roi d 'Angle-


terre (Charles h") ait si mal agi envers Y. .M. lors des affaires


de Portugal , et dans d'autres c irconstances , tous les princes


ne peuvent que ressentir v ivement ce qui lui est arriv é, à cause,


de l'affront qu'en a reçu la dignité royale. D'un autre côté, Je


marquis pense qu'il résultera de là de grands avantages pour


V. M. , par suite de la haine et de la mélianec qui doivent


nécessairement surgir entre les Indépendants et la France ;


n o n - s e u l e m e n t à cause des l iens de parenté de la veuve du roi


avec la France , mais encore à cause de la chute des Presby-


tériens qui étaient d u parti français. Les h o m m e s maintenant


au pouvoir chercheront toujours à abaisser les patrons des


Presbytériens; et c o m m e la puissance de la France est grande,


ils doivent s'appliquer à lui susciter des embarras et à y semer


des d iv is ions; ils le pourront m i e u x que qui que ce soit à cause


du voisinage et des rapports qu'ils ont avec les huguenots .


De cette manière et par ce m o y e n , on pourra faire beaucoup


sans paraître, c o m m e l'a déjà proposé le marquis à don Louis


de Haro . Et m ê m e le marquis n'éprouve aucun scrupule à ce


que V. M. favorise les huguenots de France , car la guerre


que leur roi leur a faite n'était pas une guerre de religion,


n ia i s de politique ; il ne la faisait qu'aux murail les des villes


qu'il a détruites en leur laissant l'exercice de leur re l ig ion;


d'ailleurs la liberté de conscience est admise dans toute f t


France . A cela il faut ajouter le grand préjudice que la tran-


quillité- intérieure de la France a causé à toute la chrétienté,


car c'est ainsi que la rel igion catholique a péri en Al lemagne


et que l'île de Candie est tombée au pouvoir des Turcs; de


sorte que tout ce qu'on pourrait faire pour susciter des embar-


ras aux Français parait au marquis absolument nécessa ire . . .


Selon l'opinion du m a r q u i s , il faut donc savoir gré à don


Alonzo de ce qu'il a fait à ce sujet et bu ordonner expres-


sément de continuer à agir ainsi et à fomenter ces désac-




ITiSTOrtîOTIKS. 381


civils par [nus los moyens en son pouvoir, en s'entendant
toujours avec le comte de Peñaranda, car lors même que la
voix serait faite, il faudrait, agir ainsi pour la conserver....


Lorsque les circonstances seront favorables, on pourra
envoyer des pleins pouvoirs à don Alonzo. Pour le moment on
lui dira qu'on ne les lui envoie pas par les raisons qui vien-
nent d'être expliquées, à moins que V. M. ne juge convenable
de les transmettre au comte de Peñaranda pour les expédier
â don Alonzo dès que le moment sera opportun.


Le marquis pense, comme le comte de Castrilio, que, dans
la réponse qu'on fera à don Alonzo , il faudra passer sous
silence tout ce qui concerne l'intervention qu'on lui a de-
mandée en faveur du roi (Charles I").


Le marquis de Valparaíso partage l'opinion des membres
précédents....


.... Quant à ce que dit don Alonzo que le Parlement d'An-
gleterre a l'intention d'offrir des secours à celui de France, il
tant l'y encourager en cherchant ensuite, par tous les moyens
possibles, a faire en sorte que celaéeltoue, quand même il fau-
drait y dépenser quelque argent. Ou recommandera aussi i
don Alonzo t[ue, puisqu'il a des renseignements si détaillés et
de source certaine sur les mouvements et les démarches de la
France, il continue, à informer Y. M. de tout sans rnanquet
aucune occasion de le faire. Du reste Y. AL ordonnera ce qui
lui semblera bon.




DOCUMENTS


V I


(Page 20:1.)


L'archiduc Leopold (gouverneur des Pays-Bas) au roi
d'Espagne (Philippe IV).


Bruxelles, 4 niar^ U j i y .


Henri de V ie , résident du feu roi d'Angleterre, étant sur le


point de retourner à la Haye , m'a prié d'écrire à son maître


pour lui expr imer m e s sent iments de condoléance à l'occasion


de la mort de son père (Charles I") et de répondre ainsi à detiv


lettres qu'il m'avait écrites lorsqu'il s'appelait prince de Galles,


1! n'y avait aucune difficulté à traiter avec ce prince jusqu'au


m o m e n t où l 'Angleterre, après avoir été la vie à son roi et


souverain l ég i t ime , a statué qu'à l'avenir elle ne serait, plus


gouvernée par u n roi , en dépouil lant en m ê m e temps les des-


cendants du roi défunt de leur héritage légi t ime. C o m m e il se.


trouve dans ce m o m e n t - c i à Londres un ambassadeur de V. M.


qui n'a pas encore reçu d' instructions au sujet de la manière


dont il doit agir avec les parlementaires , je n'ai pas voulu


être le premier à décider la quest ion de savoir comment


doit être traité le prince dépoui l lé , si injustement et contre


tout droit , de son royaume et de ses Etats . J'ai entendu dire


que les Hollandais ont envoyé des délégués pour exprimer


leurs condoléances au prince, et que ceux-c i l'ont appelé Sire.


en français, et que m ê m e u n e fois ils l'ont traité de Majesté,
quoiqu'on prononçant indis t inctement ce mot , et sans vouloir


mettre par écrit ce qu'ils avaient dit de vive voix. C'est pour-


quoi j 'a i chargé le secrétaire d'Etat d'exposer au résident


anglais les raisons qui m'empêchaient de répondre aux Mires




n i s ïORlQUF.S ' . 383


du prince, et m e déridaient à a l lendrc que l 'empereur m o n


rnailre el. Voire Majesté eussent ai 'rangé d'abord celte affaire


avec son raailrc; j'ai ajouté que , si je ne me trouvais pas ici


c a n i n e gouverneur de ces provinces , je ne refuserais point


au pr ince , en ma qualité de fils d 'empereur et d'archiduc,


un litre que lui donnent sa naissance et une si longue suc-


cession de rois . Le résident a paru satisfait de m a réponse


et a envoyé chez moi en m e demandant d'écrire officielle-


ment à S. M. l 'empereur et à Votre Majesté pour les prier


de ne pas manquer à ce devoir de piété envers son maî tre ,


al tendu que toute l 'Europe est en suspens re lat ivement à


la résolution que prendront à cet égard les deux plus grands


souverains d u m o n d e . Notre Majesté daignera m e faire c o n -


naître ses ordres au sujet de la manière dont je devrai agir


d o i s cel le circonstance. Jusqu'à ce m o m e n t je différerai d ' a -


voir des rapports avec ce prince infortuné à tant d'égards.


Que Dieu , etc.


•1» Premier projet de lettre du roi d'Espagne (Philippe l\)
au nouveau roi d'Angleterre.


-VUilriil, 10 mari 1 6 4 0 .


Des nouvelles de la mort du roi Charles , père de Votre


Jîajcslé, sont arrivées ici de divers côtés . J'en ai éprouvé un


profond sentiment de chagrin à cause de la parenté et de


l'étroite amit ié qui nous unissaient ; j ' en témoigne m a grande


douleur à V. M. , et je vous fais part, ainsi qu'il est jus te , de


la peine que m'a causée cet événement , c o m m e Y. M. le c o m -


prendra aisément, par le conseiller Antoine B r u n , m o n a m -


bassadeur dans les Provinces-Unies , qui remettra la présente à V. M. que Dieu garde etc.
(I.e projet lut iiiudilié et e n v o y é dans les lermes suivants J




Le roi d'Espagne au roi (Charles II) d'Angleterre :
Condoléances à. l'occasion de la mort du roi son père.


b rivril 1 li Cl.


(On lit dans l'intérieur de la lettre: An nonrenu liai d'Angleterre.)


Les nouvel les du triste événement de la mort de Sa Majesté


le roi Charles , père de Y. M. , sont arrivées ici par dil lérenles


voies; j ' en ai éprouvé u n chagrin et une peine que devaient n é -


cessairement provoquer des circonstances aussi extraordinai-


res et déplorables ; car lors m ê m e qu'il n'y aurait e u , pour


faire naître ces sent iments , ni les l iens de parenté ni l'intime


ami l i é qui nous unissaient , j 'en aurais trouvé dos motifs bien


puissants dans les excel lentes qualités qui se trouvaient réu-


nies dans la personne du roi e tdont Dieu, dans sa bouté, avait


bien voulu la doter. Je conçois quel le allhetion V. M. aura


ressentie à raison et de la perte et de la manière dont elle es i


arrivée ; je puis assurer V. M. que celle que m'ont l'ail


éprouver, à m o i , et l ' événement lu i -même et toutes ses cir-


c o n s t a n c e s , n'est pas peu Considérable. J'en exprime me-;


couiioléances à V. M., et je suis persuadé que \ . .M., grâce h


sa sagesse et à sa fermeté, se sera résignée à la volonté de liieu


qui dispose de tout pour le m i e u x , et c'est ce qui; je prie Y. M.


de. faire. Je m'en rapporte, pour c e c i et pour tout le reste, à


ce que V. AL entendra de la bouche du conseiller Antoine


Brun qui iomettra cette lettre à V. M.




m . S T n R I Q l T f ' S .


3° Délibération du Conseil d'État d'Espagne sur les
dépêches de l'ambassadeur d'Espagne ci Londres et
sur la politique ci suicre à l'égard de l'Angleterre.


Ï 9 mars 1649.


Sire,


Votre Majesté avait daigne ordonner de convoquer pour


dimanche soir u n e séance du conseil d'Etat in pteno, alin


qu'il pût prendre connaissance des lettres de don Alenzo de


Cardefias en date des 12, 18, et 20 février, ainsi que d'une


lettre de l 'archiduc Léopold du 4 de ce mois (mars) . Dans


res lettres il est rendu compte de ce qui est arrivé au roi


d Angleterre, de toutes les circonstances survenues jusqu'au


m o m e n t de sa m o r t , du tour que les choses vont prendre


n i Angleterre , de la résolution (pie les Anglais ont prise


de ne plus se laisser gouverner par u n ro i , de l 'exclusion


îles lils du feu r o i , et de leurs délibérations sur la forme


île gouvernement à adopter à l 'avenir. . . Don Alonzo prie


qu'on f i l i forme comment il doit agir dans ces circonstances,
attendu que sa mission est expirée ; il explique aussi dans
ses lettres pourquoi il n'a pas employé ses bons offices en
faveur du roi auprès du P a r l e m e n t , c o m m e on le lui avait


demandé; il dit avoir pris le deuil parce que les ministres


de France et de Hollande l'avaient fait ; il parle de la pro-


clamation du prince de Galles c o m m e roi par les Ecossais .


Monseigneur l'archiduc prie aussi qu'on l'informe de quelle
manière il doit traiter le prince de Ga l l e s , attendu que le


résident de ce prince l'a prié de répondre à deux lettres
qu'il lui avait remises de sa part, et de lui adresser que lque-
parules de consolation dans une conjoncture aussi triste et


déplorable.


Oui pris part au Conseil le coin le de Mouterev, !•• duc de




•iw; I V M l \; ! ' \ i'S


Mrdina Je las Tnrres et les ît ianjuis de Caslel Hodi igo et de


Aalparaisci; le comte de Caslril lo s'est excusé pour cause de


mauvaise saute', l.c Conseil après avoir longuement discuté


le contenu desdites dépêches , expose à V. M. ce. cpii suit :


L'all'aire du roi d'Angleterre est un événement très-exl rnor-


dniaire et digne d'une m û r e considération, attendu ijue ce


sont les sujets m ê m e s du roi d'Angleterre qui lui ont été la


vie par de si détestables moyens , et sans autres motifs que


ceux que donne dans ses dépêches don Alonzo. Le Conseil


est ime (pie cet événement est d'un si mauvais exemple qu'il


serait jus le que tous les piinc.es s'unissent pour infliger un


cl iâ l iment exemplaire au Par lement d'Angleterre. Toutefois


le Conseil pense , d'un autre c ô t é , que Y. M. ne pourrait


s'en occuper à cause de tant d'affaires et d'embarras dont Lite


est entourée , et à cause de tant de guerres si pressantes qu ' e l le


a en Espagne et au dehors ; les autres princes, qui de\ raieni


é g a l e m e n t le faire, se trouvent occupés chez eux , surtout le


roi de France qui est embarrassé dans des guerres qu'il a lui-


m ê m e suscitées , et dans des discordes et. dissensions de. ses


propres sujets, c o m m e tout le m o n d e le sai t ; le Parlement


d'Angleterre est te l lement puissant que personne, aujour-


d'hui ne pourrait défaire ce qu'il a fa i t ; ce m ê m e Parlement


a t émoigné l' intention de rester avec V . M. dans de bons rap-


p o r t s ; en quoi , loin de manquer à Votre Majesté, il lui a


rendu serv ice ; de p l u s , il conviendrait de fomenter la m a u -


vaise intell igence entre le. Par lement et les Français , et de


suivre l 'anc ienne m a x i m e d'après laquelle il est toujours


du plus grand avantage pour l 'Espagne de vivre en paix avec


l'Angleterre et de conserver son a m i t i é . — P a r ces motifs le


Conseil est d'avis que , pour le, m o m e n t et jusqu'à ce que le


t emps révèle quelque autre combina i son , il ne convient pus


que V . M. introduise aucun c h a n g e m e n t dans sa pol i t ique ,


qu'an contraire, il convient d'entretenir des bons n ippons




H I S T O R I Q U E S . .387


avec le, Parlement . I.e Conseil ajoute que, Y. M. devait fort


peu au l'eu roi d'Angleterre qui , aussitôt après l ' insur-


l e r . t i o n d c P o r t u g a l , axait reçu l 'ambassadeur du tyran,


oubliant P in l ime amitié qui l 'unissait à Notre Majesté. Tout


ce qu'un peut faire pour le m o m e n t (selon l'avis du Conseil) ,


l 'est de répondre à l 'archiduc en lui disant qu'i l peut faire


M I M -réponse aux lettres que lui a adressées le prince de Galles ,


en lui donnant le titre de « Votre Majesté » et tous ses autres
titres ; le Conseil est aussi d'avis que, pour agir avec pru-


dence à l'égard du Par lement qui pourrait en prendre de


I"ombrage, il serait bon que la lettre (de l 'archiduc) fût anti -


datée, alin qu'on pût dire qu'elle a été écrite avant qu'on eût


reçu la nouvel le que le Par lement avait exclu du trône la


postérité du feu roi.


Ce Conseil pense que, de m ê m e , Votre Majesté pourrait


adresser une lettre antidatée au prince de Gal les , en lui ex pri-


mant la peine que. la mort de son père a causée à Y . M. , et


eu lui disant que cette nouvel le est arrivée à Y . M. de d i -


vers côtés, et qu'elle n'a pas vou lu perdre u n seul m o m e n t


pour lui témoigner ses s e n t i m e n t s ; le Conseil pense qu'il


sciait lion d'envoyer cette lettre à l 'archiduc afin qu'il la con-


fie, avec celle que Son Altesse écrira e l l e - m ê m e , au conseil ler


liriin qui doit être déjà en Hollande ou bien près de s'y


rendre; il conviendrait, que , de la part de Votre .Majesté; ainsi


que de la part, de l 'empereur, il y eût une expression de s e n t i -


ments de condoléance en forme convenable , et que l'archiduc


rendit compte à V. M. de ce qui en résulterait et de. tout ce


qui se passerait.


I.e Conseil est ime qu'il conviendrait de ne faire aucune


déclaration formelle, ni en faveur du prince de Galles , ni eu


laveur du Par lement , jusqu'à ce que l'on sache avec p lus de


certitude c o m m e n t les choses tourneront; il conviendrait de


' .nie connaître ces motifs à l 'archiduc, alin que , dans les




388 D O C U M E N T S


événements qui pourront surgir, il s'y conforme. Les mêmes
instructions devraient être données à don Alonzo, (ont on
l'approuvant d'avoir pris le deuil pour le roi d'Angleterre; on
lui dirait également que pour le moment il n'y aura aucun
changement, et que, si on lui faisait, de la part du Parlement,
quelques propositions de négociation , il devrait les écouler
avec plaisir et répondre qu'il rendra compte de tout à V. _M.
Le Conseil pense, que, pour tout le reste, il convient que l e s
choses aillent comme par le passé, car il n'y a aucun motif
de croire que les parlementaires désirent un changement dans
leurs relations avec l'Espagne, ni qu'ils élèvent des doutes sur
l'intention de don Alonzo de traiter avec eux, vu que le Parle-
ment n'en est qu'au début de sa carrière, et qu'il lui convient
plutôt de raffermir ses affaires par ta continuation du séjour
des ministres des souverains étrangers. Si te contraire a i t . i -
vait, don Alonzo demandera du temps pour pouvoir en infor-
mer V. M. On devra recommander à don Alonzo de mettre
un soin fout particulier à informer V. M. par toutes les voies,
et jour par jour, de tout ce qui se passera en Angleterre; i!
faudrait écrire ta même chose à l'archiduc.


Le Conseil, étant d'avis qu'il conviendrait à V. AL de faire
quelque manifestation à l'occasion de ta mort du roi Charles,
pense que le moyen le plus convenable serait que V. AL prit
le deuil dans la même tonne qu'elle Pavait pris à l'occasion
du feu roi Louis de France.


Votre Majesté ordonnera ce qu'il lui plaira d'ordonner.




I l I S T O T i l Q T J F S . 88!)


h Dèlibéntiiim du Conseil d'Etat d'Espagne au sujet de
plusieurs lettres de don Alonzo de Cardeàas traitant
de divers sujets.


Madrid, ti juin 1 6 4 9 .


(Ecrit delà main du roi : « Qu'il soil l'ait conformément à
l'avis An Conseil. »—« Exécuté à midi.»—Geronimode laTorre.)


Sire,


Le comte de Montcrey, le duc de Médina de las Torres et
les marquis de Castcl Rodrigo, de Valparaiso et de Yclada
assistant, au Conseil, on a pris connaissance, conformément
aux ordres de Y. M., des lettres de don Alonzo de Car-
defias portant les dates des 13 et 27 avril et du 3mai, et dans
lesquelles, entre antres choses, don Alonzo rend compte à
V. M., d'une manière détaillée, de l'état dans lequel se trou-
vaient à cette époque les affaires d'Angleterre, de la conversa-
tion qu'il a eue avec un agent du Parlement relativement au
désir que le Parlement avait d'être en bonnes relations avec
V. M., et pour savoir si un ambassadeur envoyé par le Par-
lement serait bien reçu en Espagne. Don Àlonzo informe
aussi V. if. qu'il a reçu une lettre de don Francisco Cot-
lington, datée de la Haye, dans laquelle celui-ci annonce à
don Alonzo la résolution que son maître, le prince de Galles,
a prise de l'envoyer (lui Cottington) en Espagne, accompagné
d'une autre personne, dans le but, d'exposer à Y. M. l'état de
ses affaires et de lui demander des secours; il a dit qu'il parti-
rait dans le courant du mois de niai et passerait par Bruxelles.
Don Alonzo rend compte de ce qu'il lui a répondu.


Le Conseil, après, avoir examiné ce sujet avec une attention
toute particulière, estime que c'est une des plus graves ques-
l'ions qui puissent se présenter, et que dans son opinion il v a
lieu aux plus prudentes réllexiûtis de V. M , car l'arrivée de




300 D O C U M E N T S


Cottington on Espagne ne peut manquer d'eulrahier h sa


suite de grands inconvénients ; d'abord parte qu'on ne «ait


pas encore quel les résolutions on prendra en France, par rap


port à la m ê m e proposition qui a déjà été ou qui allait être


laite par un personnage que le m ê m e prince (de Calles) v


envoyait ; ensuite à cause de l'état où les a l loues de Y. Jl.


se trouvent au mil ieu d e tant d'épreuves qu'il a plu à Pieu


de lui envoyer . La circonstance que le Parlement d 'Angle -


terre se propose d'envoyer aussi une personne en Espagne a


éga lement beaucoup d ' inconvénients ; il ne conviendrait pas


de taire aucune déclaration avant que le Par lement ait bien


raffermi ses affaires et offre plus de garanties de durée. 'Fous


ces points réc lament un examen m û r et approfondi avant


qu'on arrive à une résolut ion, et il est certain qu'il y aurait


beaucoup à dire soit dans u n sens, soit dans l'autre. Le Con-


seil , en s'abstenant de le faire dans ce m o m e n t et jusqu'à ce


(pie les circonstances l 'exigent, représente à V. M. qu'il


regarde c o m m e important (d'après l'avis donné du départ de


don F. Cottington et de son compagnon pour l'Espagne) qu'il


soit expédié en toute hâte un courrier à l'archiduc pour l'in-


former du contenu des lettres de don Alonzo de Cardenas au


sujet de ces deux po ints , c 'es t -à-dire l'arrivée de Cottington


et la quest ion faite relat ivement à la manière dont une per-


sonne envoyée par le Par lement serait, reçue en E s p a g n e ; on


dirait à l 'archiduc q u e , si Cottington a r r i v é e Bruxelles ou


passe par la F l a n d r e , Son Altesse doit chercher , avec toute


l'adresse imaginable et en secret , à l 'entretenir et à savon


( c omme si cela venait de S. À. seulement) dans quel but il


veut se rendre en Espagne et de quel le miss ion il est chargé ;


S. A . lui dira en conversation quo, vu l'état des choses , il serait


plus à propos, pour lui , de s'arrêter à Bruxel les , de se mettre


en communicat ion avec S. A. avant d'aller plus lo in , et de


lui faire part du but de sa négoc iat ion , al in que S, A. puis-sc




T l I S i ï O U T Q t ' K S . 391


on inroiruiM- V. M. , et avoir la l'épouse Je V. M. avant qu'il


(Gottinglon) s'engage trop dans son voyage . En prenant des


détones et sans lui nier toute espérance , au contraire, eu lui


témoignant beaucoup de bon vouloir et eu l'assurant de la


bienu'i l lance de V. M. et de ce qu'il peut en espérer, Sou


Altesse pourrait lui dire combien il serait ut i le , poui le réta-


blissement du prince de Gal les , que la paix pût être conclue


entre la France et l 'Fspagne , car ce serait le m o y e u le plus


sur d'obtenir les avantages que l'on désire et que l'on se pro-


pose, d'obtenir. A lin ( p i o n [misse délibérer avec plus de cer-


t itude, l 'archiduc devra l'aire connaître à Y . M, comment les


événements d'Angleterre ont été accueil l is en France, ce


qu'on se propose d'y l'aire et quel le réponse on y a laite à,


l 'envoyé du prince, de Galles. On fera sentir à S, A. combien


il importe que Gulliiigtou et son compagnon ne persistent pas


dans leur intention de venir en Espagne , et, si c'est possible,


qu'ils ne viennent pas du t o u t , toutefois en leur disant des


paroles d'amitié et de bon voulo ir ; et si malgré tous les efforts


de Son Altesse , Cottington voûtait abso lument v e n i r , que


Son Altesse le laisse faire en informant V. M. de ce qui a u -


rait lieu à cet égard.


11 faudra accuser à don Alonzo réception de ses lettres, et


lui dire qu'il eût été plus convenable de s'expliquer moins


posit ivement avec l'agent du Par lement qui lui a demandé si


une personne envoyée par le Par lement serait bien reçue (en


Espagne) : dans le cas où on lui en reparlerait directement ,


qu'il réponde qu'il en rendra compte à V. M. ; mais qu'i l ne


dise pas qu'il l'a déjà fait et qu'i l cherche , avec toute l'adresse


et toute, la prudence possibles , à éviter ce sujet ; pour tout le.


reste on peut dire à don Alonzo qu'on s'en rapporte à sa d i s -


crétion, et que, c'est une question qu'on doit laisser en s u s -


pens jusqu'à ce qu'on sache c o m m e n t le P a i l c m c n t aura,


;,--uré ses affaires et rallcrnù sou pouvoir .




'•№ D O C U M E N T S
Dans le cas où Cottington se serait déjà mis en route, et


où le courrier (expédié d'ici) n'arriverait pas à temps (auprès
de l'archiduc), il faudra envoyer aux autorités d'Irimet de
Saint­Sébastien des ordres portant que, si Cottington y arri­
vait, on le retint, qu'on en informât aussitôt Y. M., et qu'un
fit attendre à Cottington la réponse. On devra envoyer ce.
rapport par un exprès et traiter en attendant Cottington avec
toute sorte de politesse.


Votre Majesté ordonnera du reste ce qui lui plaira.


5° Don Alonzo de Cárdenos au comte de Peñaranda.


Londres , 20 juin 1649.


Les dépèches envoyées à Sa Majesté avec la présente infor­
meront Votre Seigneurie des allai res de ce pays­ci cf. de la
manière dont te gouvernement (anglais) a résolu de me dé­
clarer le 1 6 de ce mois que, si je ne lui présentais pas de nou­
velles lettres de créance, il ne traiterait plus avec moi; celte
résolution a été prise, non qu'aucune considération d'un inté­
rêt quelconque ou de convenance empêchât le Parlement de
continuer ses relations avec moi, mais parce, que l'orgueil
nature], accru par le succès, remplit ces hommes d'une arto­
gance qui ne tient compte de rien.


Cet incident parait rendre mon départ d'ici nécessaire, en
supposant que Sa Majesté ait pris la résolution de ne faire au­
cune déclaration formelle, ni en faveur du prince de Galles, ni
en faveur du Parlement, car dans ce cas il n'y aurait pas lieu
de présenter de nouvelles lettres de créance. D'ailleurs quand
même il serait utile de le faire, le fait seul que les gens du
Parlement ont voulu forcer Sa Majesté à cette démarche,
d'une façon si contraire aux égards et au respect qui lui s e u l
dus, exige qu'on rélléehisse s'il serait convenable de presen ter




H I S T O R I Q U E S . a 03


(i° Don Alonzo de Cardehas au roi d'Espagne.


Londres, 15 ac.iit


Sire ,


Dans ma dépêche du 2i jui l let , j'ai informé V. M. que le


gouvernement de ce pays se proposait d'envoyer à son agent ,


qui depuis deux ans réside en Flandre , de nouvel les lettres de,


créance qui l'accréditent auprès de l 'archiduc. J'ai éga lement


informé Y. M. du mécontentement qu'avait causé ici la n o u -


velle des rapports que le conseil ler Brun, c o m m e ambassadeur


de Y. M., a eus avec le prince de ( .a i les ; on a publié la copie


d e l à lettre que Y. M. a écrite au prince pour lui exprimer


ses condoléances à l'occasion de ht mort de son père ; on a


relevé le titre de roi de la Grande-Bretagne dont Y, M. s'était


serv ie , et tes manifestations et l'accueil solennel qui ouf été


laits au prince en Flandre. Ce que j'ai à dire dans ce m o m e n t


;i Y. M., c'est qu'aussitôt que ces nouvel les sont arrivées ic i , le


Par lement a repris le projet d'envoyer des agents en E s p a g n e ,


eu France, et auprès d'autres républ iques et cours souve-


raines; mais c o m m e je n'ai pas entendu dire , jusqu'à ce m o -


ment , qu'on ait encore envoyé des lettres de créance à l 'agent


qui e s ta Bruxel les , et c o m m e je n'ai pas été in formé, par des


(h s lettres lie créance, du m o i n s aussi p r o m p t e m e n l . Ainsi je


ne doute pas ipie Sa Majesté no donne des ordres pour m e


laire parti)' d'ici, et dans ce cas j 'espère qu'on m'accordera la


permission de. retourner en Espagne . Ma santé a grandement


besoin de l'air natal; c'est pourquoi j'ai cru devoir prier Votre


Seigneurie d'en dire quelques mot s , s'il le faut, pour m'obtenir


ce dont j'ai tant besoin, et en m ê m e temps de m e faite payer


mou traitement celui et les frais de voyage suffisants pour


la route. Que Dieu , etc.




391 DOCUMENTS


avis de Flandre-, que ragent l é sa i t présentées , il est à croire
que le Parlement a changé d*a\is ou suspendu sa décision.


On me dit que depuis dix jours on discute dans le conseil


d'Etat la question de savoir si l'on doit envoyer ces personnes
c o m m e de s imples agents du Parlement ou comme ambassa-
deurs; on ajoute que la première qui doit être envoyée le sera
en Espagne, dans l 'hypothèse qu'elle sera reçue plutôt lit que
partout ailleurs : ce qu'on infère de mon séjour ic i , car on ne


peut pas admettre qu'il en soit autrement du moment que


V. M. a ici un ambassadeur. Dans le cas où celui du Parle-


ment ne serait pas reçu en Espagne, on m e ferait sortir d'ici
dans le plus bref délai. On m'assure qu'il en a été décidé


ainsi et qu'on fera la m ê m e chose à l'égard de. l 'ambnssaduir
de Hollande à qui l'on s'est plaint amèrement de ce que les


Etats généraux (à l'exception de la province de la Hollande)


n'ont pas voulu reconnaître la nouvelle république , ni rore-
voir c o m m e son ambassadeur un personnage du l'arlemenl qui


se trouvait à la Haye et à qui le Parlement avait envoyé des


lettres de créance après la mort de Dorislai ïs , bien que l 'am-


bassadeur des États, lorsqu'il vint avec Adrien de Pauw intercé-
der en faveur du feu roi , tût porteur des lettres de créance des


Etats généraux auprès du Parlement . Il est vrai qu'alois on
supposait qu'il était accrédité auprès de la couronne ( d ' A n -
gleterre) et que le Parlement ne s'était pas encore érigé c i


pouvoir souverain et n'avait pas encore changé le gouverne-
ment monarchique en républicain. Le l'arlemenl. demande
que cet ambassadeur lui présente, maintenant de nouvclli s


lettres de créance ; un mécontentement à ce sujet commence
à se faire jour entre le Par lement et les Etats généraux, et d


s'accroît surtout depuis que les bâtiments du Parlement se


sont emparés d'un navire d'Amsterdam qui se rendait e i


Irlande avec une cargaison d'une, valeur considérable, loqiuJ
navire sera considéré j d i t -on, c o m m e de bonne prise , mal-




H l S T O Ï U I . i U E S . 395


t u ' i r - di ;m.i, ,<lics ot los menaces que fait l 'ambassadeur des


l-dals généraux pour en obtenir la restitution. On peut juger


par ce fait de l'orgueil de ces gens cl de leurs procédés envers


leurs voisins, quoiqu'ils aient besoin d'eux.


J'ai commencé à faire des déniai ches , par l 'entremise de


(| iclqucs membres du Parlement qui se moll irent nos amis ,


pour faire compien i l i e à ces gens-ci , c o m m e si cela venait de


m o i seul, qu'il ne leur est d'aucun avantage de presser leur


résolution d'envoyer quelqu'un en Espagne, et que si les e n -


voyés du prince de Galles ne se rendent pas en Espagne ( les


gens du Parlement avaient entendu dire c o m m e probable


qu'ils s'y rendraient par suite des relations que les ministres


de Flandre ont eues avec le résident de Vie) , ce que j'ai inter-


prété c o m m e un acte de neutra l i té , je regarderais c o m m e


une résolution prudente de la part du Parlement de ne pas


presser l'envoi de ses agents jusqu'à ce que la question soit


bien mûrie et jusqu'à ce que le Parlement ait bien établi


son pouvoir et raffermi ses affaires. Je ne sais quel sera le


lésultat île ma démarche, mais quel qu'il soit, j'en rendrai


compte à Votre Majesté. Que Dieu garde Y. M. etc.


7" Le comte de Peñaranda à don Alanzo de Cárdenas


Bruxelles, S juillet 1640 .


. . . . J'ai lu avec une attention toute particuliers les deux


copies de vos dépêches à Sa Majesté, et m o n opinion est que


tout ce qui est arrivé était fort naturel et nécessaire , car


du moment que le Par lement a pris la résolution d'exiler le


,¡o¡ et d'en finir avec la royauté, quelle probabilité y a-t-il


qu'il veuille traiter avec un ministre accrédité auprès du roi?


Y. E \ c . l'a l'ait connaître à temps en Espagne ; mais c o m m e


V. Eve a reçu de Sa Majesté l'ordre (dont une copie m'a ùl"




090 l i O C U M K N T N


également envoyée) do rond re compio de tout et de ne rien
changer dans sa position, il n'y a pas lieu de discuter ni de
donner des conseils. Hier un courrier est arrivé ici en toute
hâte d'Espagne avec une dépêche pour V. Exc. ; je ne l'ai pas
encore \ue, niais le secrétaire Navarro m'écrit quelques mots
sur son contenu; le résumé en est que nous cherchions à em-
pêcher Cottington d'aller là-bas (en Espagne) de la part du
roi (d'Angleterre) et que V. Exc. agisse également de manière
à empêcher un ambassadeur du Parlement d'y aller. Le but
qu'on se propose en agissant ainsi est facile à comprendre :
on désire rester indifférent et neutre à l'égard des deux par-
tis; mais il y a grande probabilité qu'il nous arrivera ce qui
arrive d'ordinaire en pareil cas, c'est de laisser échapper les
Jeux partis, et en peu de temps; toutefois je ne vois pas quel
/noven reste, àV. Exc. ou à nous, pour la ire changer d'avis aux
gens du Parlement qui voudraient envoyer des ambassadeurs
»11 des ministres en Espagne, à moins de déclarer que le mi
jie veut pas les recevoir, ce qui serait une rupture formelle, .le
lirai la dépêche, s'il plaît à Dieu, et je ne manquerai pas de
dire à V. Exc. ce qui me, paraîtra. Ceci vient fort à propos,
car ce pauvre diable a l'ait hier son entrée à Bruxelles avec
une pompe égale à celle qu'on aurait pu mettre à recevoir sou
père s'il lui avait pris lantaisie de venir ici pour passer eu
Espagne. Là-dessus je crois devoir faire connaître à V. Eve,
tout ce qui s'est passé.


L'archiduc se trouvait avec l'armée en France, près de
Cuise; voilà qu'un jour le résident d'Angleterre se présente
au quartier général et expose deux choses : d'abord la néces-
sité où se trouve son maître Je demander six nulle doublons
de charité, puis le désir d'une entrevue amicale de son roi
avec l'archiduc (il est vrai de dire qu'il ne m'a parici à moi ni
de l'un ni de l'autre). La première condition de cette ciitrcv ne
était qu'il viendrait incininilo avec vingt domestique.--, sans




i i r v r O R I Q U K S . W<7


cérémonial ni réception nul le p a r t ; mais petit à petit la chose


a pris des proportions ipn en ont changé le caractère; le rési-


dent a désiré que le roi IVit reçu formel lement à Anvers , ici , et
partout, avec le cérémonial le plus rigoureux; et avec autant


de salves d'artillerie qu'on en pût faire. Je n'en ai rien su ,
car les ordres oui dû être envoyés après que Son Altesse (l'ar-


chiduc) s'était mise en c a m p a g n e ; cependant c o m m e l'affaire


me parut devenir d é m e s u r é m e n t sérieuse et que je pensais


i[ue le roi pourrait n'être pas content qu'on fit ici des d é -


monstrations aussi désagréables au Par lement , j 'écrivis au


secrétaire Navarre quelques mots là-dessus , bien avant d 'a-


voir lu les dernières dépêches d u roi ; mais c o m m e l'af-


faire devait être déjà grandement en train , on n'a pas fait
grande attention à ce que je disais . Il est vrai de dire que les


A n g l a i s , surtout ce farceur (picarilh) de résident, se sont


insinués citez nous à la sourd ine ; et je c o m m e n c e à m'aperce-


voir qu'ils ont pu avoir deux buts : d'abord d'éveiller la


ja lonne du Parlement et de l'obliger à se métier du roi notre


maître, ensuite de donner u n avertissement au cardinal Ma-


z.it m en lui taisant voir que nous autres Espagnols avons fait


«-«•la ici, sans avoir les m ê m e s obligations que les Français et


-ans être unis par des liens de parenté aussi in t imes . V. Eve .


juiirra se servir de ce renseignement c o m m e elle le jugera,
convenable, car enfin il n'est pas raisonnable que , contraire-
m e n t a u x intentions du roi, e t d e notre fait à nous qui s o m m e s


-i loin de ses communica t ions , ces mess ieurs nous croient déjà


tout à fait engagés au rétablissement de ce pauvre, roi d 'An-
uteterre; en vérité, ayant tant d'affaires sur les liras nous-
m ê m e s , ce serait une charité bien étrange que de nous attirer


de nouveaux e n n e m i s . Voila, ce que je puis dire dans ce m o -


ment, à ce sujet ; je me réserve d'en dire davantage lorsque
l'aurai pris connaissance de la dépêche de Sa .Majesté.


On m'annonce que le roi d'Angleterre partira d'ici dans




H ' ) - ; i i O c f ' M T - I N T s :
deux jours pour aller trouver Sun Al t i s sc : je viens de le von


fout à l'Iieure; il a une plns io inmi ic tpii ressemble, on ne peut


pas plus à celle de son père.


o u Le comte de Peiiaraiula au secrétaire Any. Nantfro-


Bruxelles, r> juillet It'.-io.


j e vous avoue que ces Anglais m e fat iguent; je vois qu'il:,


abusent de notre courtois ie , et que c'est à dessein et tout à


fait eu opposition avec les intentions du roi notre maître


avec ses intérêts . C'est pourquoi d met paru iiérrssaire d'ex-


pédier ce courrier pour prévenir S . A. et M M. les ministre*


de ce qui m'arrive avec e u x , alin qu'ils puissent, l à -bas , agir


eu mine il paraîtra le plus convenable , et alin qu'on en vienne


à ce due le roi désire, si e est faisable.


Eu premier l ieu, il faut savoir, c o m m e je m'en suis assoie


(pie toute celle intrigue est dirigée par le grand écuyer de le


reine; il s'appelle M. J e r m y n , lavori in t ime de la reine d'An-


û'Ieterre qui suit, exactement ses consei ls . Ce Jermyn es! Me


la cl ique du cardinal; et toutes ces machin itions, qui ieuifin ni


à faire acceptera l'Irlande la protection de la franco (ce que


nous savons du reste par les dépêches de don Alonzo) ont e le


conduites d'après les inspirations de Jermyn et par lu i -mémo.


C'est un hérét ique de la pire espèce qui ne pense pas tant


aux intérêts de son maître qu'à se maintenir dans ses Ik.uikh


grâces et à conserver la laveur du cardinal qui lui fournit Us


moyens d'existence et d'entretien. J'ai eu avec bu deux c o n -


versat ions ; la première a été assez impertmenlo de sa pari ,


il faisait voir avec fort peu de réserve sa l'aucune contre non- ,


ainsi que les inspirat ions ut les principes du cardinal dote il


est i m b u ; mais le second entret ien , celui que j'ai eu avec lui


hier so ir , a été plus cm' impert inent , il était impudent et




fïfSÏURÎUi'l'>'. 3iK¡


mémo iiti)ii'iidimf ; pour ne. parler que île. sa moindre faute,


fa i tes les l'ois parlad des deux n u s , il nommait en p r e -


mier tien le roi de Franco et ensuite le nô tre , chose que son


neutre lu i -même ne faisaii pas. Gotfùigton et le résident ne


cachent pas le mocon lontementque leur cause cet homme, et
ne se gênent pas de donner à entendre que Je r o i , père du


ji une prince de Galles , s'est perdu pour avoir suivi l es conseils


de la cour de Paris et que le fils fera de m ê m e .


Je vous ai déjà dit ce qui s'est passé hier entre moi et Gof-
hrigton; aujourd'hui le résident es.t venu chez moi et, dans
la conversation j'ai trouvé une occasion, fort à propos, de lui


dire ceci m ê m e : a .Monsieur le résident , le rot mon maître


n'a pas besoin de nouveaux ennemis , il en a déjà assez ,
i eus connaissez la bienveillance et la courtoisie avec lesquel les
le roi et Son Altesse vous ont traité et accueil l i ici; je vois


"l iimih voyons tous que ce j eune roi ' a a l'école des français^


qu'il est guidé par une mère aussi trauçaise que vous lasave,: ,


'•i qu'il suit les conseils de monsieur de J e r m y n dont vous


>•. .nnaissez bien les iulentions et les disposit ions ; je vous le dis
c e c iV.mcliiM' et sincérité ; le roi fera très-mal s'il envoie des


aii'iijas.vidcui's auprès du roi mon rnaitre, étant l u i - m ê m e en


! tance, et les ambassadeurs feraient bien de ne pas se charger


de cette miss ion . Les rois d'Espagne ont cul t ivé , avec les rois
•''Angleterre, des rapports d'amitié , de fraternité et de bonne


intel l igence, c o m m e vous le savez; mais il est tout à fait im-


possible que le roi d'Angleterre, courtisan de la France et du
'•ordinal, ne soit pas suspect au roi m o n maître pendant que


celui-c i est engagé dans une guerre aussi acharnée avec la


Frunce; m u i i d m ê m e cela ne serait pas, il vaudrait m i e u x


pie le roi (d'Angleterre) s'établit dans un lieu où il put avoir


:mc cour à lui , qui se fit acier par les Français c o m m e ils le


veulent l'acre, et c o m m e tes liens Je parenté et d'alliance qui


l'unissent à la couronne de France les y obligent, et qu'il




B O l H J M l ' N ï K


cherchât à amener cette couronne à faire, par égard pour bu,
une paix avantageuse, sans vouloir qu'elle soit inique. .Mais
tant qu'il ne le fait pas, je vous le répète, il suivra un mau-
vais conseil s'il envoie eu Espagne des ambassadeurs, et
ceux-ci ne s'en trouveront pas bien. Je vous parle avec toute
franchise et de mon propre chef, car vous voyez bien que je
n'ai pas pu rendre compte au roi de ce que j'ai observé ici, ni
recevoir encore des ordres de Sa Majesté à ce sujet. »


La réponse a été de me remercier et de me dire que je di-
sais la vérité toute pure, et de m'assurcr que, si un ministre du
roi se trouvait présent, il dirait la même chose. Tel a été notre
entretien dans lequel j'ai commencé à préparer ce que le roi
notre maître désire, d'après la lettre que vous m'avez écrite,
et ils ne peuvent pas soupçonner que cela vienne de Sa Majesté,
ou que S. M. ou S.A. s'en fussent déjà préoccupées. Je pense
que mes paroles ont produit quelque effet, et qu'on pourra
accomplir facilement ce que le roi désire en suivant la roule
que j'ai frayée. Dans ma conscience, je vous avoue que je
crains qu'il n'y ait des personnes qui pensent que nous nous
sommes trop avancés dans les politesses faites au prince, et
qu'il faudra bien recommander à don Àlonzo de ne pas per-
mettre que le Parlement conçoive du ressentiment à ce sujet.
Que peut-on répondre quand on voit que le roi de France n'a
pas encore écrit une seule lettre à ce pauvre diable (le prince:
de Galles), ni fait la moindre manifestation depuis six mois
qu'un a tranché la tète à son père, et quand en même temp-.
il (le prince de Galles) nous demande et obtient de nous loul
ce <pie le roi de France n'a pas fait? On est parfaitement -n'ir
que c'est la reine qui commande à son fils ce qu'il fait, ci
qu'elle même reçoit des instructions de ce Jerniyn lequel re-
çoit des ordres du cardinal.


Quant à lit paix, il a été très-imperlitient; il voulait savoir
en délail lotit ce. qui se passait et discuter avec moi tous | ( „




rirsTonrorns. •№)
points, c o m m e s'il était q u e l q u e g r a n d médiateur ou un per­
sonnage d'une grande autorité dans ee m » m ! c . Je lui ai c o m ­
muniqué les copies des deux dernières lettres du nonce et de
l 'ambassadeur de Venise , ainsi que les réponses qu'on y a
laites; il écoute ce qu'on lui dit, mais encore, plus cequ' i l dit
l u i ­ m ê m e ; il parle t rès ­ l entement . En s o m m e , c'est un des
tdus ennuyeux nersounages que j'aie connus de m a \ le. l.o
résident m ' a dit qu'il allait voir S. A. de la part de son
maître ; aussi voudrais­je que le courrier qui emporte la p r é ­
sente y arrivai avant lu i .


q« Le comte de l'eïiamnda ou roi d'Espaç/uc
(Philippe. IV).


Hriuelle.­, fi juillet 1 0 « ,


Sire,
Pendant que S A. l 'archiduc se trouvait avec, l 'armée en


France, p r i s de Cuise , le résident, d'Angleterre arriva au
quartier généra l ; il veut que nous le. regardions c o m m e
l 'homme le plus digne île confiance en ce qui touche, au s e r ­
vice de V. M., et il a parlé à S. A. de ' 'extrême désir que,
sou maître avait de s'entendre, avec V. M. pour qui il assu­
rait avoir le plus grand respect ; il a annoncé, que son uiailre


proposait de se rendre en Irlande, mais en passant par la
f iance, tant pour la commodi té du voyage que pour s'abou­
cher avec sa mère, qu'il viendrait au camp incognito , a c c o m ­
pagné seulement, de vingt personnes , sans prétendre à. être
reçu avec le cérémonial d'usage ni aucun bruit , et u n i q u e ­
ment pour voir Son Altesse soit au camp, soit là où S. A. se
trouverait; le résident a en outre demandé qu'on lui don­
nât six mille doublons à titre d'aumône et de commiséra t ion ,
et pour mettre son maître à m ê m e de faire le voyage . Sou




402 r>orn\iK\TS


Altesse a communique' celte proposition dans une réunion ii


laquelle j'ai assisté; et liien qu'on ail représenté les embarras


et les inconvénients qui pourraient en résulter, surtout


c o m m e on ne savait pas quel les étaient les intentions de V. M


touchant les intérêts de ce prince , cependant , vu la forme


dans laquelle cette affaire devait avoir lieu d'après les propo-


sitions du rés ident , on a pensé qu'on ne pouvait , sans s'at-


tirer un grand b lâme , refuser ni l 'entrevue ni le secours d'aï-


gent . Le rés ident ne. m'a parlé à ce sujet que lorsque la.


chose a été résolue; mais , quand il m'en parla, je lui dis q u e


c'était une résolution grave que prenait son maître, d'aller


en France étant si j eune , et de recevoir, pour sa gouverne,


es instructions des minis tres d'une cour dont les conseils


ont conduit le feu roi à l'échafaïul, ce que le résident lui-


m ê m e reconnaissait . Je lui ai aussi donné à entendre que


ce l le démarche du prince ne pouvait que donner lieu à de.


soupçons , à cause de toutes les considérations qu'il ne p o u -


vait i g n o r e r ; il se borna à répondre en termes g é n é r a u x ,


avant déjà atteint le but de. sa m i s s i o n . Son Altesse arriva ici


après la prise d'Ypres ; don Francisco Cottineton et d'autres


personnes n o m m é e s c o m m e envoyés extraordinaires du nou-


veau roi auprès de Y . M. , arrivèrent éga lement . On discuta


la réception que S. A. devait faire à ce pr ince , et on décida


qu'el le aurait l ieu dans le parc et sans aucun cérémonial . Le.


roi arriva à . . . , où S. A . devait l 'attendre; mais l 'ennemi


avant c o m m e n c é un m o u v e m e n t sur la l igne de S. A , , elle


sortit d'ici pour marcher d u côté de la Hotte, en laissant la


réception du roi préparée dans les conditions convenues ,


savoir qu'elle, devait avoir l ieu incognito et sans aucun céré-


monia l m publicité ; niais les Anglais changèrent entièrement


ce qui avait été convenu en déclarant à S. A. qu'ils voulaient


que le roi tût reçu pub l iquement , la bourgeoisie sous les


armes et avec des salves et autres cérémonies d'une grande




Il f s T O I i K . i r F . S , -10:1


pompe. Ceci <i. été résolu pendant nue S, A était, au c a m p , et


on l'a exécuté ainsi.


I,o roi est accompagné, d'un certain M. J e r m y n , grand


couver et favori de la re ine , envoyé de P a n s par A m i e n s pour


recevoir et accompagner le roi . Cet h o m m e est i m c o n l i d e n t


du cardinal M.izarin, et ce n'est pas faire une conjecture t e m e -


RAI n> que de croire que. ce c h a n g e m e n t d'avis touchant la


réception du roi a été suggéré et d i l i g e par le- cardinal. Maza-


nn. Je ne savais rien de ces manifestat ions publiques que les


Au J a i s avaient d e m a n d é e s ; mais après avoir réfléchi là-


dessus, je (ruinai la chose digne de beaucoup d'attention, \ u


qu'on n'a pas encore appris que les Français aient envoyé un


ambassadeur pour expr imer leurs condoléances au roi li'Aii-


;e 'e!ene, hien que tant de mois se soient déjà écoulés depuis


!a mort de son père, bien qu'il soit hu-inèiric si près, et bien


que leurs d e v o n s soient plus grands que ceux que Y. M. peut


e.on;. C e s i une intrigue de vouloir quo Y . i l . soit le premier


souverain (¡111 cherche à rétablir le roi d 'Angleterre sur son


hoir.-, et qv/KIle s'expose ainsi , hors de saison, à avoir pour


ennemi le Par lement anglais . C'est sous cette triste i m p r e s -


sion cpic je me suis décidé à parler hier à Cottingion dans


!<'< termes que V. è,l. voudra bien lire dans la copie de la


lettre (pie j'ai écrite le m ê m e jour au secrétaire N a v a r r o ; et


pm«, hier, le résilient étant venu m e voir, je lui dis tout ce


que 0.ut-ioni la copie de la seconde lettre que j'ai écrite au


scerei a 1 re Muv.i I T O . . .


J'ai l endu ('gaiement compte à don Alonzo de. Cardenas ,


(buis la forme.que V, Al. voudra bien voir dans la lettre a -


ij ir l i ise .de Ionie eelle all'aire, alin qu'il cherche à empêcher


le Parlement d'en prend rode l'ombrage et qu'il l 'entret ienne


dans la coiiliance jusqu'au moment où il plaira à V . M. d'ev-


ei nuer ses vo iou lé s . \ o d i ioni ce qu'il m'a paru nécessaire de


Oire à Y. M. (o i e Dieu ua.ru'e Y, \ \ ,




404 D O C U M E N T S


L'archiduc (Lcopuld) av. roi d'Пущие.


Ca.nl.rai, S jiii'k­t liii'.i.


Par le courrier que V. M. m a envoyé avec des dépêches
relatives a u \ affaires d'Angleterre, j'ai reçu la letlre de Y. M.
du If) du mois [lassé dans laquelle Y. M. m'ordonne de
chercher à e m p ê c h e r don Francise» CoUinglon de se rendu­
dans ses Etals en qualité d'ambassadeur du roi de la < 1 ronde ­
Bretagne, et dans le cas où l'on ne pourrait pas l'en détour­
ner , de lui permettre de cont inuer sou \ o y a g e , eu réduisant
les choses au point qui a été adopté des le commei iee ineul .
Je crois devuij'l'appeler à V . M. que j'avais refusé au prince
de Calles le litre de l îoi avant d'en ш Р а ш е г Y. M. Votre Ma­
jesté m'a répondu en rn'ordonnant de lui donner ce titre,
sauf à antidater la le t lre , ce qui ne pouvait se faire d'ici iJe
B r u x e l l e s ) , d'où les lettres vont en deux jours à la H a w
où le roi (d 'Angle terre) se trouvait alors. En m ê m e teiiin­.
V. M. a écrit au roi pour lui exprimer ses condoléances à l'oc­
casion d e l à mort de son père, et Elle a ordonné aueunseil lei
Brum de présenter (de vive voix) les m ê m e s condoléance.­;
c'est ce que le conseil ler a l'ait à Bréda, et il en aura rendu
compte à V. M.


Pour éviter de traiter le prince de Galles de l îo i , connut
Y. M. l'a fait et connue Elle m'ordonne de le fa'ue, je lui ai
envoyé le passe­port qu'il m'avait demandé pour se. rendre pai
ses Etats en France ; de là , c o m m e m'a dit le résident qui es .
ici depuis le temps du roi Charles 1" son père, il doit se ren­
dre e n f r i a n d o . Quand je lui ai demandé pourquoi il ne par­
tait pas de Hollande m ê m e , il m'a répondu que c'était parce
qu'il n'avait pas de forces mari t imes suffisantes pour traver­
ser le canal de l 'Angleterre , et aussi parce qu'il désirait
voir sa m è r e qui est encore à Paris . De Hollande, il a e n ­




HISTORIQUES. -m


voyé près de moi don Francisco Cotlington en qualité d'am-
bass.tdcur accrédité auprès do Y. -M. J'ai suivi à son égard
l'étiquette qu'avait suivie l'archiduc Albert à l'égard des au-
tres ambassadeurs d'Angleterre, d'après les renseignements
que m'ont donnés à ce sujet d'anciens ministres de Votre Ma-
leslc dans ces provinces.


Le roi est entré à Anvers, d'où il s'est rendu à Bruxelles; je
le verrai après-demain à Valenciennes; de là il passera par
Gainbray à Pérenne dans les États de V. M. On lui a rendu
les honneurs dus au rang de roi, ce qu'il était impossible d'é-
viter du moment que V. M, lui a écrit en lui donnant ce titre.
Je rendrai compte à V. M., à la première occasion, de ce qu'il
me dira.


Quant a Cotlington, qu'il s'agit de retenir ici, je n'ai rien
à ajouter à ce que le comte de Peûaranda dit dans ses lettres à
Augustin Navarro, dont les copies sont jointes à la présente,
si ce n'est que le résident d'Angleterre, étant venu aujourd'hui
ici, a demandé à Navarro un passe-port pour Cotlington; je lui
ai demandé pourquoi il en voulait avoir un, puisque son maî-
tre allait entrer en France ; je lui ai dit qu'il en .aurait besoin
pour envoyer des ambassadeurs à V. M. s'il se trouvait hors
du territoire de la France et dans quelque Etat de Y. M., mais
non pas lorsqu'il était sur le point d'entrer en France ; le
résident a paru satisfait de cette observation. Je chercherai à
avoir des renseignements sur la manière dont on accueillera
te ini d'Angleterre en France, et je les transmettrai à V. M.


Don Alonzo de Cardenas rendra compte à V. M. de la ma-
nière dont le gouvernement anglais commence à agir envers
lui à Londres. Il m'écrit qu'on lui demande que je prenne sous
ma protection un agent du Pai Iemali qui se trouve ici. Don
A lonzo nu voit aucun inconvénient à ce que je le protège:
quaiil à moi, j'hésileàle taire, de peur que de cela on ne lasse
uil acte d'adhésion au l'atlement ; l'agent c.-t du reste subi-




•¡os Doctoii-: . \rs


somment en sûreté, car eeu.\ qui ont assassiné le iloclenr De-
ridaiis l'ont assassiné, non parce qu'il était un agent du Par-
lement, mais parce qu'il avait été accusateur public du l'eu r»i
Charles. D'ailleurs je n'ai pas encore pris de résolutinn au
sujet de la réponse à faire à don Alouzo; les deux partie»
cherchent à provoquer des déclarations qui donnent la sanc-
tion qu'elles désirent, le ïioi à sa succession au trône et le Par-
lementà son gouvernement. Que Dieu, etc.


M" Délibération du Conseil d'État d'Espagne au sujet
des deux dépêches précédentes du comte de Peña-
randa et de l'archiduc Léopold.


Madrid, 2 a„ù l 11)41'


Sire,


Ce conseil d'Etat, auquel ont pris part le duc de Medina de
las Torres et les marquis de Castel-liodrigo cl de Valparaíso,
a pris connaissance, conformément aux ordres de V, M. ,
des deux lettres ci-incluses, l'une de l'archiduc Léopold en
date du 8 juillet, et l'autre du comte de Peñaranda du tí do
même mois, ainsi que des documents dont ils parlent. Les
deux lettres sont une réponse à ce (pie V. M. axait daigné
écrire au sujet de l'étiquette que J'archiduc devait, observer, i
l'éeard du roi d'Angleterre, dans les occasions qui se préser-
feraient. Ce que S. A. a jugé à propos de. faire a été >'-c
suivre l'étiquette qui avait été adoptée par l'archiduc Albert.
Ces lettres rendent compte aussi de la résolution qu'on a
prise en faisant entrer le nouveau roi d'Angleterre dans les
États de V. M., et de son passage en France. Le comte de
Peñaranda en parle longuement, et expose les inconvénients
ipil pourraient en résulter pour le sen ice de V. M. ; i! pai ¡e
aussi des démarches fjui avaient été faites et qui s« l'ahue»'.




f l I S l ' O U i Q U E S . -107


encore pour empêcher Confus ion et un autre personnage


envoyés pat le nouveau lui de se rendre en Espagne ; il rend


•.ompte enfin des conversations qu'il a eues à ce sujet avec


Cottington et avec le résident du roi d'Angleterre à Bruxel les ,


>'i de la franchise avec laquelle il leur a pat lé .


Ce Consei l , après avoir longuement délibéré sur ces points ,


et avec loulc l'attention possible , représente à Y . M. q u e ,


dans la lettre écrite le 10 avril à l 'archiduc, on lui avait


:•.ecornmandé de ne l'aire aucune déclaration formelle ni en


laveur du nouveau roi d'Angleterre , ni en faveur du P a r l e -


ment , jusqu'à ce que l'on sût avec plus de certitude quel le


•ournure prendraient tes affaires, afin que S. A. pût agir, dans


les circonstances qui se présenteraient , de la manière qui se -


rait la plus convenable . On avait écrit à l 'archiduc qu'il pou-
vait répondre aux iellres du roi d'Angleterre en lui donnant
!e titre de roi, de Majesté, cl tous ses autres t i tres ; mais on


ajoutait q u e , pour prendre à ce sujet des précautions envers


le Par lement , o 'es t -à-dire pour ne pas lui donner de l'orn-


•>iago, d fallait que la lettre fût antidatée afin qu 'on pût dire


p i ' n i i axait fait cela avant d'avoir reçu la nouvelle que la pos-
térité du mi défunt avait été exclue du trûne par le Parlement ,


d e p u i s , don Aliinzo de Cardeùas a annoncé que don F r a n -
,. Isco C l l i n g t o n et un autre personnage devaient venir en


Espagne c o m m e envoyés du nouveau roi d 'Angleterre, et là-
lessus on a. écrit à l'archiduc pour lui recommander d'abord


de chercher, avec toute l'adresse et tout le secret possibles, à


retenir Coltington et à savoir quelles étaient ses proposit ions,
ensuite d'attendre la réponse après avoir rendu compte de


•ouLà Y . M.


Bien <pie l'ordre de. V. M. n'ait pas été exécuté en Flandre,
et que fal ïa irc ait changé d'aspect re lat ivement au passage du


<•>! d Angleterre dans celte province, on ne peut eependant i lé -


s.ippi ouvei ru qui s y est fait du démonstrat ions publiques en




108 D O C U M E N T S


faveur du roi , car, quoique V. M. a i l résolu, et que les ordres
envoyés en Flandre et en Angleterre eussent pour objet de
rester en expectative et de ne faire aucune déclaration ni


pour le roi ni pour le P ar l ement , vu qu'il est dans l'inlérêl
de V. M. d'être en bons termes avec le Parlement et de ne
lui causer aucuu déplaisir, cependant, si le Parlement t é -
moignait du mécontentement de ce qui a été fait en faveur


d u roi en Flandre , on pourra toujours dire, pour s'en excu-
ser, que lesdites manifestat ions étaient dues à ce prince en sa
qual i té de roi proc lamé, déclaré et reconnu sous serment roi


d'Ecosse et d ' Ir lande , et. qu'il était impossible de les éviter


sans manquer à toutes les règles d'urbanité. Quand m ê m e
d'ailleurs ce prince ne porterait pas ces titres, on ne pouvait


s'empêcher de faire, ce. qu'on a fait pour lui , attendu que
c'était un prince qui passait par les Etals de V. M . , et qu'il


est de l'étiquette de faire de. telles démonstrat ions , dans les


voyages de ce genre , à l'égard de tout prince, étranger,


quand m ê m e il n'y a pas le concours de circonstances et


de titres qui se réunissaient dans la personne du roi d'An-


gleterre.


Le Conseil est d'avis qu'au m o m e n t où l'on prenait la ré-
solution de recevoir le prince de Galles c o m m e on l'a reçu
d'après le rapport contenu dans ces lettres, on eût bien but


d'écrire à don Alonzo de Cardenas pour lui expliquer les


motifs de ces procédés, alin qu'il pût s'en servir auprèr du
Par lement dans la forme qui lui eût paru le plus convenable.
On pourrait m ê m e écrire à l 'archiduc que , dans le cas où il


n'aurait pas encore fait cela., il ait à. le faire maintenant. Il


faillirait écrire d'ici la m ê m e chose à don Alonzo, et lui
recommander, sans qu'il fasse ni déclaration ni démarche
posit ive, de, donner à entendre , c o m m e si cela venait de lui-


m ê m e , au Parlement , combien son bon vouloir cause d'


satisfaction à V. M.




I ' Í M " i ; : * , ' t i > . -ion


De nièiuo il l'an l il i re à S . A. l 'archiduc que ce qui c o n -


viendrait le mieux , ce serait qu'il s'en tint aux ordres qui lui


ont été envoyés d'ici à ce s u j e t , et que , si quelque autre


voyage ou passage se présentait , la chose se fit sans éclat et


avec prudence. O n écrirait dans le m ê m e sens a u comte de


Peñaranda.




410


V i l


i P a g e 201.)


defrmtlb' au cardinal Marann.


2~ m a i l n r > e .


J'envoie à V. E. des mémoires des tapisseries et prin-


cipaux tableaux qui sont en vente à S o m e r s e t , avec les prix


qu'i ls sont e s t i m é s , plus haut néanmoins ; à ce que j'ai su,


de dix scbell ings par aune de. tapisseries . Il a déjà été vendu


plusieurs tableaux et enlr'autres une grande Vénus de Tissian


qui était est imée quinze cerils livres s t e t h n g , qu'un colonel


du Parlement a achetée sept cents livres sterling seu lement ,


c'est elle qui l'ut donnée par le roi d'Espagne au roi d 'An-


gleterre , lors p i ince de d a l l e s , en sou voyage' d'Espagne,


que l'on dit èlre une des plus belles pièces du monde ; celui


qui l'a achetée dit qu'elle est trop grande pour sa chambre,


et qu'il s'en déferait s'il trouvait quelqu'un qui en fût amou-


reux : mais je sais que ce qui lui en donne envie est qu'elle


paraît, écai l lée et quoi appréhende qu'elle se gâte, à quoi


eeux qui s'v connaissent disent qu'il n'y a point de danger


pourvu qu'elle soit maniée avec, soin, et de plus qu'il est bien


aise, en cas de révolut ion, de n'avoir point de si grandes


pièces qui ne sont pas a i s ément transportées : on l'aurait,


s inon pour le prix, pour peu plus qu'elle ne c o û t e . . , . .


Estât de quelques tablcuus reposés m vente d la maison
de Somerset {wwj I (>-">0).


IW tableaux estimés en tout : iU.'MVi srlidliiiys,




H I S T O R I Q U E S 4 1 1


Savoir les principaux :
8 Raphaël;


21 Tilien;
!) Cnrréito;
5 Tintorel ;
f> llulbeen;
S Kubens ;


1 5 Vandyk;
9 Jules Romani, etc.


Sept portraits du feu roi Charles I e r , de sa femme et de ses en-
fouis, par Vandyk, estimés : .150, 60, 200, 25, 60, 30, 120 sch.


Deux satyres écorcliés, du Cot'rége, estimés chacun 1000 sch.
Les douze Césars, du Tiiien, 1200 sch.
Une petite Notre-Dame, de Raphaël, 800 sch.
Le Voyage d'Entaùs, du Titien, 600 sch.
L'Enterrement du Chrisi, par le même. 600 sch
fdie Notre-Dame, de Raphaël, 2000 sch.
La maîtresse du Titien, par lui, 100 sch.
Un Mercure qui montre à lire à Cupidon, du Corrége, 800 sch.
Les carions de Raphaël des Actes des Apôtres, 300 sch.
Une grande Nativité, par Jules Romain, 500 sch.
Charles V, empereur, et l'impératrice, sa femme, du


Titien, 30 sch.
Due Vierge, Christ et saint Jean, du Cortège, 50 sch.
Vénus et Adonis, du Titien, 80 sch.
Cinq ducs de Venise, du Tintorel, 25 scli.
Le duc de JLmloiic, par Rubrns, 30 sch.
Vandyk, par lui-même, 15 sch.


Plus 169 pièces de tapisseries, formant diverses séries de tableaux
de l'Histoire sainte, de la Mythologie et de f Histoire romaine, es-
timées en tout 49,953 liv. st. 15 sch.


Environ. . . , 1,218,8il liv. 5 sous.




V I I I


( P a g e 208.)


1° 31. de Croullé au cardinal Mazann.


Londres, 10 janvier 16fi0.


. . . . Aussitôt que les ordres pour le retour de l 'ambassa-


deur d'Espagne ont été d i v u l g u é s , le lord Asebam a été


n o m m é par le conseil d'Lta! pour aller résident en Espagne ;


il fut. peu de temps après voir ledit ambassadeur, et lui faire


une s imple civi l i té , qui n'ayant, à ce, que l'on dit , été reçue


que fort froidement avec témoignage, qu'il doutait que le roi


sou maître récrit b ien un envoyé de ceux qui persécutent sans,


relâche ceux de sa re l ig ion , le maître des cérémonies y a de-


puis été , par ordre du conseil d'Etat, sur la plainte faite par


ledit, ambassadeur de ce qu'une compagnie de soldats, sous


prétexte du payement de, quelques taxes , a été dans sa mai son ,


où elle a l'ait plusieurs inso lences , et lui porta un résultat du


Conse i l , s igné du Par lement , dans lequel il est qiialilîé a m -


bassadeur, qui désavoue l'action dont il lui promet toute satis-


faction, et de plus qu'ayant su les termes sur lesquels il en est


de son retour, bien qu'il ne leur ait rendu aucunes lettres


de créance , voulant, reconnaître les témoignages d'affection


qu'il a montrés à cet Etal , ils désirent, en étant avertis, lui


faire toutes les civil ités qu'ils pourront et qu'ils savent être


ducs au ministre d'un si puissant prince. Le général , le jour


précédent , sur Je m ê m e sujet de sa plainte, lui envoya l'adju-


dant général de son armée pour lui donner les mêmes témoi-


gnages de satisfaction, et le pria d'envoyer quelques-uns des


siens à leur conseil de guerre pour en taire entendre le détail:




H I S T O K T Q U E S . 413


à quoi l 'ambassadeur dit que tout consiste à l ' insolence que


des «eus ont eue d'entrer dans sa, maison et en violer le res -


peei ; et sur ce que l'adjudant se déchargea sur ce qui concerne


ceux qui les ont conduits , c o m m e n'étant point sujets à leur


juridiction , l 'ambassadeur lui dit que c'était un alderiiian


qu'il lui n o m m a , qui a le département du quartier où est sa


maison, et se laissant sans doute emporter à son ressent iment ,


ajouta que ce, gouvernement n'a point de plus passionnés e n -


nemis que cet aldertnan cl, autres de la l'action presbyté-


r ienne.


Cette résolut ion prise d'envoyer ledit lord Ascbam en E s -


pagne, justement au moment de la retraite dttdit ambassadeur ,


qui , ce s emble , la devait plutôt empêcher , jointe à ce que ces


messieurs-cy ont dit plusieurs fois qu'ils ne hasarderont jamais


d'envoyer qui que ce soit sans être assurés de son admiss ion ,


t'ait croire qu'ils le sont déjà, ou du moins qu'il y a tant de,


disposition qu'ils n'eu doutent p o i n t . . . .


2" M. Servit'u à M. de Croullé.


J d i i v n : r 1 Ôr'îO.


Monsieur,


J'ai reçu votre du 17' du courant . Les avis que j ' a i d e


Madi id ne se trouvent pas tort conformes à ce qui s'est publié


à. Londres de la réponse que le roi d'Espagne a faite au m i -


lord Lot l ing lon . Vous marquez q u e ledit, roi a répondu qu'il


ne se mêlait point des différends entre les rois et, leurs parle-


ments , et que, sur celle présupposi l ion, le maître des c é r é m o -


nies avait été chez l 'ambassadeur Cardenas lui t émoigner , par


ordre du Par lement , quelque gratitude de cette réponse . C e -


pendant la vérité de la clio»e est que Coltington ayant de-


mainlé assistance de la part de son maître au roi Cathol ique,




4 1 4 n O f U J l E Y I ' S


on lui avait répondu tpio Sa Majesté n'awtil pas au moud-,


une plus grande passion que de pouvoir lui témoigner , par de-


eiïets solides , combien elle délestai! I W w i b l o action de la


mort violente du roi, son père ; que c'était la cause commune


de tous les rois; qu'il fallait que tous eussent continuellement


dans l'esprit le dessein d'en prendre la vengeance; (pie poni


lui i! y contribuerait avec plaisir plus que nul autre : mais


que l'état de ses affaires présentement ne lui pouvait permeitri


de donner les assistances qu'il souhaiterait qu'après la con-


clusion de la paix avec la F r a n c e ; qu'il avait contribué ci


continuerait encore de contribuer toutes les facilités qui dé-


pendraient de lui pour l 'avancement de cette pa ix; mais qu'il


fallait que S. M. !>. tournât ses offices du côté de la. France,


pour la presser de se relâcher sur divers points essenliels du


traité, et part icul ièrement sur la restitution de la Catalogue;


et que , s'il obtenait cela ( t enons , it pouvait être'assuré: ,jue.


quand m ê m e la France ne concourrait po in ta son rétabli^se-


m e u l , il lui donnerait de belles assistances d'argent, d 'hommes


et de vaisseaux, qu'il ne serait pas longtemps sans avoir mis


tous ses sujets à la. r a i s o n , et sans se. voir avec aillant de


puissance et d'autorité que ses prédécesseurs en aient j a -


mais e u .


Voilà la pure vérité des négociations qu'a eues ju-ques ici


le miloi'd Col lu ig lon . que je s u s d'un heu a n'en pouvoir


doubler . J'ai été bien aise de vous en informer alin que voin-


vous en prévaliez des delà pour le service du i<u - d'autant


plus que je suis averti par la m ê m e personne que le roi d'Es


pagne envoie ordre a Cardcnas de déguiser le l'ait de lotiu-


autre façon, et d' insinuer aux principaux du Parlement une


la France s'est relâchée depuis peu de beaucoup de points


essentiels de la paix générale , alin d'être bientôt en état de


travailler de toutes ses forces au rétabl issement du roi île fi


<.raude~l>rclagne; que, jioiu lui , il élail, résolu do. continuel i.>




I FTS ' J 'ORIQr 'ES- 115


guerre pisqu ' à ce qu'il e û t recouvré, tout ce qu'il avait perdu ,


niyis qu'il J'ai luit en échange que le Par lement d'Angleterre, lui


en donnât le moveu en fomentant la sédition de Bordeaux, et


lui donnant des assistances sous m a i n , parce qu'autrement il


serait contraint de prendre sou parli , et d'accepter les condi-
tions avantageuses que la France lui offrait.


Maintenant que vous serez informé de ce que Cardenas a


charge d' ins inuer dans les esprits de delà, vous aurez beau


c h a m p de faire, une. contre-batterie en publiant la vérité du


t'ait, qui est tout autre que ce qu'il dira, et faisant connailie.


que cette couronne est. résolue de tenir ferme sur les points


du traité qui sont encore content ieux , et n o t a m m e n t sur la


restitution de. la Catalogne; mais que, pour nous fortifier


dans cette résolut ion, il faudrait que le Parlement d ' A n g l e -


terre nous fournît sous main que lques assistances d 'hommes


ou d'argent, pour nous donner moyen de nous défendre des
grands préparatifs que les Espagnols font pour nous attaquer
de tons côtés la campagne prochaine .


Cependant qu'il serait assez diflîcile, dans la disposition où


sont les esprits de delà , d'eu tirer ces sortes d'assistances, il


faut au moins que vous ayez toujours pour but d'empêcher


qu'ils n'en donnent aux e n n e m i s , sur les faussas supposit ions


que Cardenas leur fera, .le ne m'étendrai pas davantage sur
ce sujet , remettant à votre prudence et à votre adresse d'en


tirer le fruit qui se pourra, et , c o m m e je dis , en tous cas nous


garantir des préjudices que les artifices de Cardeûas nous
pourraient l'aire.


fa. m ê m e personne, nie inarque, que le Hoi d'Espagne a


donné ordre, à Cardenas de se garder bien de donner aucun


écrit, ni de traiter tout ceci que. c o m m e il le dit, extrajndi-


rtohvcnle, se contentant de parler en secret aux principaux du


Pfirlemeul, sans l'aire aucun acte positif; et vous verrez en


eilet qu'il se conduira de celte sorte, ce qui vous fera juger




•116 P O f T M E N T S


combien ri en peu de fondement la. question de ceux qui vous


ont demandé si \ o u s aviez ordre, aussi lôl que l'ambassadeur


d'Espagne aurait présenté des lel lres de créance et demandé


audience , de (aire de m ê m e . ]l ne se peut rien de plus avisé


que la réponse que vous avez faite à cel le question ; cependant


leurs M i l . désirent, que vous vous conduisiez avec la même


circonspection que le roi d'Espagne ordonne à son ministre.


On me marque encore que ( 'ardenas a ordre d'unir, autant


qu'il le pourra, le Parlement d'Angleterre avec la province de


Hol lande en particulier : ce qui vous doit obliger à une con-


duite contraire , sans pourtant paraître; m e remet tant, sur ce


point , a ce qui vous aura été mandé' par le sieur Brassel , eu


conséquence des dé-pêches que je lui ai écrites.




B t S T O R T Q U P . S . ai


I X


( P a g e 209 . )


1° M. Servien à M. de Crouîlé.


6 novembre 1049 .


Monsieur, j'ai reçu vos lettres auxquel les pour réponse je


vous dirai qu'il faut que vous insinuiez toujours de delà qu'un


ne songe ici qu'à entretenir une bonne correspondance avec


l 'Angleterre, et à remédier à tout ce qui pourraitavoir apporté


de la difficulté au commerce , et causé mauvaise satisfaction.


Mais pendant qu'on travaille ici à donner bon ordre à tout,


il est juste qu'on fasse de m ê m e à Londres , et on verra s'il y


a de l'artifice et de la diss imulat ion en nos paroles l o r s -


qu'elles portent assurance qu'on veut vivre en une parfaite


intell igence avec l 'Angleterre.


On a renouvelé avec tant de r igueur les ordres pour toute


la navigation, et pour réparer les d o m m a g e s que M. Augier


a. représenté que divers marchands avaient reçus , que je suis


assuré que les plus crit iques et mal-affectionnés à cette c o u -


ronne seront obligés d'avouer qu'on veut ent ièrement r e m é -


dier à tout ce qui peut altérer la bonne correspondance qui est


en Ire les deux royaumes .


S i , après l'expédition d'Irlande, M. Cromwel l vient en


France, étant, c o m m e il est, personne de méri te , il y sera


liien r e ç u , car assurément tout le monde f'ira recevoir au


lieu où il débarquera; mais je ne crois pas qu'on lui consei l le


;! entreprendre un semblable voyage.


On m'assure de Bruxelles que l 'ambassadeur d'Espagne,


qui est à Londres, sera rappelé sous prétexte que l'archiduc a




• i i * i.w i r u v r e x i T S


des affaires à conférer avec lui . Je vous prie de, ne perdre


aucune conjoncture pour donner an Parlement les dernières


défiances des Espagnols , ce que je ne doute pas que vous fas-


siez fortement et adroitement en toutes sortes de rencontres.


2» M. de Croullé au cardinal Mazarin,


Loti,Ire:-, 15 novembre ICÌ9.


. . . . . A i n s i , m o n s e i g n e u r , j'ai l ieu de persévérer dans n u


créance que l'on ne traitera d'aucune chose , je ne dis pas sans


reconnaissance, mais du moins sans une adresse particulière


au parlement d'Angleterre, qui de cette sorte, ayant été ci-de-


vant laite du vivant du défunt roi d'Angleterre, pourrait être


prise coi il nie une suite et non pas cornine une nouveauté , leur


reconnaissance ne pouvant être inférée que de l'admission ito


leurs ambassadeurs , s'ils en envoyaient , et non pas d'une


s imple lettre du roi , qui , portant dans celte mauvaise con-


joncture de temps les affaires dans l 'adoucissement , pourrait


être d'un plus grand avantage au roi d'Angleterre m ê m e que


ne silurai l être la mauvaise intel l igence avec la Fra nei -, à
laquelle on n'a ici que trop de disposition ; la suite qui en


pourrait être appréhendée est «pie bientôt après ils n'envoyas-


sent, et que par là on ne tombât dans l'embarras que l'on


veut é v i t e r . . . . .


(VA pins bas, dans la même fellre :)


. . . . . Ce qui se dit du dessein de Cromvvell de passer eu


France procède de ceux qui le désirent pour de différents


intérêts ; et pour ce on lui lait dire quantité de choses que


j'ai toujours négl igé d'écrire c o m m e étant sans certitude et


sans apparence, et entre autres q u e , regardant ses cheveux


déjà blanchis , i l a dit que, s'il avait dix ans de moins , il n'y




.1 point île nu dans l'Kurn|w qu'il m; fil trembler, et qu'ayant


un mei l l eur mutJC que U< dél'unl coi de S u è d e , il se croyait


«ne.ire capable, de l'aire plus pour le bien des peuples que n a


jamais l'ait l'autre pour son a m b i t i o n . , , , ,


?>•> Le même au même.


Londres, 6 décembre 164y.


Monseigneur,


fo i cens samedi au soir la lettre dont il a plu à Voire


L m m e n r e de m'honorer du 2(> du passé, qui m e tut appor-


tée de, la poste, toute ouverte , où elle avait été. reportée au


conseil d'Mtat, après y avoir demeuré depuis le mercredi au


soir. Le respect n'avaul pas été gardé pour ce qui venait d e


Voire Hinineiice, je ne dois pas trouver à redire que toute»


mes a n ires lettres aient eu la m ê m e dest inée; mais bien que ,


quelques ombrages que ces messieurs ici puissent avoir, ils se


-uiciil oubliés jusqu ' à en user de telle sorte, après avoir bien


e..aiooic en moi - i i i è iue de quelle sorte je devais me. c o m p o r -


k r , t'ai luge que le mei l leur était de le passer sous s i lence,


a ' . .m' , su que le conseil d'Ltal n'aurait pas mieux a imé sinon


q.u: j'en eusse lait bruit, alin d'avoir prétexte à m e demander


en v e n u de quoi et de quelle autorité je suis ici, et de. là


prendre occasion de l'aire querel le , que j'éviterai avec autant


de soin que j'apporterais de résolution si j'étais dans un


lornjis où l'on dût témoigner tous ses ressentiments , ou qu'il


m e . lût c o m m a n d é de le faire. Votre E m i n e n c e , monse igneur ,


p e c r a bien que c'est leur but de ce ([n'ayant proposé m o i -


m ê m e à quelqu'un qu'en cas que mes lettres eussent été


ouvertes, on les fit recacheler et que je les prendrais c o m m e


.-ans m'en apercevoir, ils n'ont pas seu lement voulu se servir


de cet e x p é d i e n t , mais qu'elles m'aient été rendues toutes




4-m DOCUMENTS


ouvertes, afin que je ne pusse douter qu'ils l'ont ainsi voulu...
Je passe plus avant que je n'ai fait ci-devant, et dis


que non-seulement nous ne pouvons espérer aucune corres-
pondance avec ces messieurs ici, s'il ne leur est vendu une
lettre du roi qui autorise de traiter avec eux, mais que sans
cela nous ne devons presque pas douter d'une prompte rup-
ture. Les causes qui les y obligent sont assez connues, il me
serait superflu d'en faire une déduction; mais, pour les cacher
d'un prétexte spécieux, ils ne manqueront pas de se servir de
celui de la religion, et pour ce de ne rien omettre pour obli-
ger ceux de la leur de remuer en France, afin de pouvoir aus-
sitôt accourir à leur secours. Pour cet effet, l'on m'assure
qu'il y a quantité d'émissaires, plusieurs de Jersey et Guor-
nesey, qui passent pour Normands, et quelques auttes encore,
entre lesquels on dit être un médecin allemand dont je tâche-
rai d'apprendre le nom et de quelle façon il est fait, qui ne
travaillent qu'à les poussera se soulever par la promesse d'un
grand secours dont ils les assurent. De ce côté ici, outre ce
l'on soupçonne fort qu'ils ont reçu des lettres de. Bordeaux qui
les appellent; et quoiqu'il n'en soit venu personne exprès, c'est
une chose assez facile à négocier parce qu'il y a ici quantité
de marchands de ce pays-là qui sont de la religion, et même
des catholiques, par le moyeu desquels la chose peut être an-si
adroitement et plus secrètement faite que par un envoyé. • t i
gentilhomme m'a assuré que l'on lui a offert emploi pour ce
pays-là, et qu'il yen a plusieurs de sa connaissance qui y sont
engagés, et qui avaient été arrêtés par Cromvvell, dès aupara-
vant son départ, par la promesse de cet emploi. Autant que
nia faible lumière peut me donner de, jour, je ne vois pas (pie
l'on puisse éviter en France on de s'accommoder ou de roium e
avec ces gens ici dans fort peu de temps, si ce n'est que l'on lou i
puisse procurer d'ailleurs tant d'affaires qu'ils n'aient jw*
le loisir de penser à celles des autres. Cet acconiinodeineiil, si




m s T O ï U Q U f i s . " î a


l'on en prenait, la résolution, serait un m o y e n de divertir l'orage


<|ui se forme, et c o m m e la nécessité l'aurait fait faire dans


un iernps, la raison dans un autre serait assez forte pour s'en


départir. Si cela était, je pourrais peut -ê tre tirer assurance


que l'on n'enverrait point si UU d'ambassadeur en France , ou


du moins qu'ils n'en eussent auparavant dépêché u n en Es -


pagne, dont la proposition peut être assez appuyée de l 'hon-


nêteté publique qui y répugnerai t , la reine de la Grande-


Bretagne étant présente et en étant fille. Sur ce que plusieurs


leur ont objecté, mais non pas m o i , qu'il faut, avant que de


pouvoir être reconnus par les princes et Etats, qu'ils leur fas-


sent savoir par des ambassadeurs ce qu'ils s o n t , deux des plus


considérables du conseil d'Etat, avec lesquels j'étais en discours


il y a quelques j o u r s , m e (front que ce qu'ils avaient fait étant


p u b l i c , personne ne le pouvait ignorer , et qu'encore qu'ils


n en aient pas averti les princes par des a m b a s s a d e u r s , ce n'est


pas qu'ils ne le voulussent b ien , et que pour c e , si l'on les veut


assurer qu'ils seront a d m i s , ils en enverront partout avant


qu'il suit huit j o u r s , mais que de les hasarder dans l ' incer -


titude, c'est ce qu'ils ne feront jamai s ; que dès lors qu'ils


ser»ut recherchés par la F r a n c e , ou que l'on y voudra recevoir


leurs ambassadeurs , ils seront tout prêts de, renouveler ton?


les traités d'alliance d'entre les n a t i o n s , mais que de se tenir


toiijoiirs dans l ' incertitude, et d'attendre notre temps pour c e -


pendant perdre le leur , c'est ce qu'ils ne feront p o i n t , et qu'il


leur faut nécessa irement être, uns ou autres ; que pour l é m o i -


. .nerque leur intention est telle, aussitôt que les défenses de


e qui concerne le négoce auront été révoquées e n F r a n c e , ils


eroiil le m ê m e , dont ils m e donnaient, leur parole; que leur


u lé iv l , d i s e n t - i l s , les y porte assez; mais qui! néanmoins celui


le l'observation de leurs résolutions prévaudra à tout aiilre.




u n i : t. M rx i's;


io J.e. même au même.


, Ce que m'écrit .M. le comte de Bneiuie m'ap-


prend qu'en cas que ces gens-ci envoient en F r a n c e , l'on est


résolu d'écouter et de recevoir leur e n v o y é , mais non pas assu-


rément connaître s i , pour prévenir l'unirai que l'on croit


toujours qui se conclura bientôt entre eux et. l 'Espagne, <«n


désirerait qu'ils le lissent ; en ce c a s , je pense q u e , si la crainte


de n'être pas liien reçus les a jusqu'ici retenus, quand ils scr rot


assurés du contra ire , ce qui se p o u n a i t (aire adroitement et


sans qu'il parût que la recherche eu \ hit du côte de la 1* rame ,


il serait aisé de les y porter et de faire choisir quelqu'un qui ,


s'il n'était pas îles plus aUecl io in iés , du moins aurait la dé-


position de le devenir; el lors j'ose presque assurer qu'en leur


étant cette jalousie qu'ils ont, il serait fort facile d'accommoder


tout ce la , et qu'ils se cotitenteraienl. pour la satisfaction de-


demandes qui serviraient de prétextes a leur envoi , Ou laiie


compensat ion pour partie avec les prises qu' i l s ont fa i tes , el


pour le surplus de prendre des assurances, plutôt pour la forons


tjue pour le retirer, ne faisant point de doute que , bien qu'ils


affectent l'indifférence sur la reconnaissance de tous les prince»,


ils achèteraient-pourtant relie de France avec une amitié


ferme beaucoup plus que tout cela . . . . . .


, . . , . . . A i n s i , monse igneur , par la connaissance que


V. E . a des intérêts des Etals el la particulière de, celui-ci , a


laquelle tout ce que je puis lui mander n'ajoute aucune l u -


mière dans fa l ionne posture, où il se trouve. elle jugera ,


s'il lui niait , s'il est ou non du bien de la Franco de s'accom-


moder avec eux. Leur nouvel le i lépubl ique se forlitie de tous


celles; l 'Angleterre est t o m e paisible , sans qu'il y ait uu sent




a¡ onb ­ji; \\ pui.iqpq iv i ; ¡ e q n d t g ¡i|> oipadpp vin ­ni¡¡


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op siiuouun sa[ )uop JD 0.11 uj v. .lopiüd s,i[ soui.ioj do.i'i 1 nÍ;• ¡:•)
os uo nb '.íiuojoj so[ 10 sdtuoi un ,mod jounuo.i ;ip .ino¡p u:s
p><> )i 'n.irnj ;>[ op liiio uo o.io.iua stid pnjjnji 'onb osuod oi' si.r>
í.lOlKp.quOO Op puoilpi? UO OpUOin 0¡ llioftippl ÍOlU!.i:i S.lii. 1,
lonb \: fn,qi,T,id sn[ 1; s.iss.wpu inos sn.iuitd se| snoj «síiiij.I.» o
­oiii s;i¡ sojnoi o.nn.iirip .impío v op juiod i i i . k p i m os oh sp p¡ . .p
uiossfip {I{ sirep 'mili uoiq siüs or qu.iiuo.iOAOS luossumd p>
uaiq iiiasuaduioaai 'auijdiasip o.rnos­sa.i] aun ir.To.unsqo ' 1 1 0 1 1 1
pia.qsiuuupi; sp.nli ]iioíin;.p ppprenb apue.iri p«» sp ís.udoíd
sauuois s¿i[ sinip nuiíuoa opiTiMii] iinoripi snpanbxm: *mi>ippt<i
so.mijpi s.ino| ,mod jiicmíiipo.id p> .leqii.ii |.n;d ,mo| .mud pt.m.­
­iiidp ' xiio n.tpt,i noipqruuo suüs ' rusiq í ius ]o uoipipi.nso sin,
'¡uoviA sp í a.i.ioj ,n;d yo .toni .nal s)urssind píos sp srqd e(¡ ' ( . 11
V iiiourool'os 111b xnaa op onb ou.uiqo.isi­upmu'j v\ op 101 no
•pnq o].iod iq 1; j.i ri­siia.o saa op ]iioui.^suu.io(pij v. ¡ua.uioauo.;
'appilosno SOSOI).! ¿0)110) Onb OppiIOS |i |0 ' MÍO 0,tpiO SOSnqi ¡UoS
stqd íip snissoa;,{ saq 'oippepii­se.ii pos 110 u ;>||.>ni> pi.xl as 01;
p.nb soj.íad s.qiiiiM.o is op naa.i r apa ' asso.1%1 no v»io sp.nb
soauodqpi|iu ?a¡ o.ipuo jo ' rii||i|iissi: 0]iio) ,mbs,i.i(l ¡sa ,q>uiq.i ¡ ¡
ia.uissi! uaiq ¡ios 011 •),! ; ossii.'inioa.i.i s,i| an mb O.Í.IOÍ ap oaooo


tro siíiru'u doxsi 1 ¡




m nocTMKNTs


g o u v e r n e m e n t de ce pays se proposaiI d'envoyer h sou agent»


qui depuis deux ans réside en F l a n d r e , de nouvelles lettre»


de créance qui l 'accréditent auprès de l 'archiduc. J'ai égale-


ment in formé V. M. du mécontentement qu'avait causé iei la


nouvel le des rapports que le conseiller B r u n , c o m m e ambas-


sadeur de V. M., a eus avec le prince de Galles; on a publié


la copie de la lettre que V. i l a. écrite au prince pour lui ex-


primer ses condoléances à l'occasion de la mort de son père:


on a relevé le litre de roi de la Grande-Bretagne dont Y. XI.


s'était servie et les manifestations cl l'accueil solennel qui on!


été faits au prince en Flandre. Ge que j'ai à dire dans ce m o -


m e n t à V. M., c'est qu'aussitôt que ces nouvelles sont,


arrivées ici , le Par lement a repris le projet d'envoyer des


agents en Espagne , en France et auprès d'autres républiques


et cours souvera ines ; mais c o m m e je n'ai pas entendu dire,


jusqu'à ce m o m e n t , qu'on ait encore envoyé des lettres do


créance à l 'agent qui est. à Bruxel les , cl comme je n'ai pas


élé in formé par des avis de Flandre que l'agent les ail pré-


sentées , il est à croire que le Par lement a changé d'avis ou


suspendu sa déc is ion. On m e dit. que depuis dix jours cm


discute dans le conseil d'Etat la quest ion de savoir si l ' o n


doit envoyer ces personnes c o m m e s imples agents du Pai li-


m e n t ou c o m m e ambassadeurs ; on ajoute que la première


qui doil être envoyée le sera en Espagne, dans l'hvpolhèse


qu'el le y sera reçue plulôt que partout ail leurs; ce qu'on infcie


de m o n séjour ic i , car on ne peut pas admettre qu'il en soil


autrement du m o m e n t que V. M. a ici tut ambassadeur.


P a n s le, cas où celui du Parlement no serait pas reçu en Es-


pagne , on m e ferait sortir d'ici dans le plus bref délai. On


m'assure qu'il eu a été décidé a ins i , et qu'on fera la m ê m e


chose, à l'égard de l 'ambassadeur de Hollande à qui l'on s'est


plaint, amèrement de ce que. les Etats généraux (à l'exception


de. fa province de Hollande) n'ont jias voulu reconnaître h




mnm-llc Hepubliqur, ni reconnaître c o m m e son ambassadeur


un personnage du Parlement qui se trouvait à la Haye , à qui


le Parlenionl nv aiI envoyé des lettres de créance après la mort


de Dorislaiis, bien que l 'ambassadeur des Éta i s , lorsqu ' i l vint
••ivcc Adrien Pmiw intercéder en faveur du feu roi, lût p o r -


teur des lettres de créance des Ktats généraux auprès du
Parlement, 11 est vrai qu'alors on supposait qu'il était accré-
dité auprès de la couronne (d'Angleterre) cl. que le Par lement


ne s'était pas encore érigé en pouvoir souverain et n'avait


i>,is encore changé le gouvernement monarchique en républi-


ca in . Le Parlement demande que cet ambassadeur lui p r é -


sente maintenant de nouvel les lettres de créance; un
; uéi 'onlentement à ce sujet c o m m e n c e à. se fane jour entre le


Parlement et les Ktats généraux , et il s'accroît surtout depuis
que les bâtiments du Parlement se sont emparés d'un navire
d'Amsterdam qui se rendait en Irlande avec une cargaison


d'une valeur considérable, lequel navire sera considéré, d i t -


on, c o m m e do bonne prise, malgré les démarches et. les


menaces que l'ambassadeur des Etats généraux fait pour en


obtenir la restitution. On peut juger p a r c e fait de l'orgueil


de ces gens et de leurs procédés envers leurs vois ins , quoi-


qu'ils aient besoin d'eux.


J'ai commencé a faiie des démarches par l 'entremise de
quelques m e m b r e s du Parlement qui se montrent nos amis ,
pour faire comprendre à ces gens -c i , c o m m e si cela, venait de


moi seul, qu'il ne leur est d'aucun avantage de presser leur


i ésoliiIiini d'envoyer quelqu'un en Espagne, et que si l e s e n -


\ovés du prince de da l l e s ne se rendent pas en Kspaunc ( h'S


u i 1 11 s du Parlement avaient entendu dire c o m m e probable
qu'ils s j rendraient , par suite des i elalions que les ministres
de Flandre ont eues avec !c résilient V i e , c e que j'ai iuler-
| réle c o m m e un acte n e i hmi ! rai i l>q j e regarderais c o m m e une
i ' M . l u l i o o ¡ , 1 udeiile de la .part du Pai le iuent de ne pas pi ester


, ' t .




42¡J TIOCTWFNTS


l'envoi de ses agents jusqu'à ee que l;i question soit bien ¡mi .


vie et jusqu'à ee que le Parlement ail bien établi son pouvoir


et raffermi ses affaires, .le ne sais quel sera le résultat de ma


déniai c h e ; mais quel qu'il soi l , j 'en rendrai complu a Y, \ i .


Que Dieu garde V. M, etc .


<î» Délibération du Conseil d'Elal. d'Espagne sur les
a [fa 1res d'A ngl cl erre.


Madrid, ie 9 octubre 10 Í9.


Ont pris p a r t a n Conseil le comte de Monterey, don F i a n -


cisco de i l e l o et le marquis de Valparaíso.


S ire ,


Conformément aux ordres de Votre Majesté, le Conseil a


[iris connaissance des deux lettres de don Alonzo de Cárdena.-


en date du 13 août dans lesquel les , entre autres choses, il


parle de la résolution que le Par lement avait {irise d'env.jy o


en Espagne , en France et auprès des autres Eta l s , des ié . i .


dents ou ambassadeurs . Il dit aussi que Cronivvel! n'était p i.


encore parti pour l 'Irlande, et qu'on croyait que s'il y alla I,


les presbytériens profiteraient de son absence pour r e c o u v r e i


re qu'ils ont perdu, et qu'ils se met lraienl en rapport a. v u .


Ormond ; il dit aussi que les troupes du prince de *'.alf. •


c o m m a n d é e s par Inchiquin avaient pris d'assaut T r e i f ' a h -i


q u ' O n n o n d se trouvait devant Dubl in . Le Conseil, après -ivon
examiné ces divers points , a émis l'avis suivant :


Le comte de Monterey pense que, ce qu'il y a de plus ut ie


pour le service, d u roi re lat ivement à l'Angleterre, c'est de. >,••


point se prononcer ni pour le roi ni pour le Parlement , p¡ ; -


qu'à ce, que l'on voie, quelle tournure prendront les aii'sii e s . t .


quel parti aura lu dessus; cl qu'il vaudrait m é m o mieux m i e




HISTORIQVKS. 427


If parti (lu Parlenieul l 'emportât sur relui du roi, laid à.


eause du peu d'nbligati"tis qu'on doit à soi: père , que parée


qu'on pourrait obtenir du Parlement plus d'nvanlages. On


a*ail déjà appris q w le nouveau roi d'Augletci re allai! en-


Mivor à ir t le tour don F r a n c i s c o Cull inglun et un autre


ambassadeur, et Vobe Majesté a résolu qu'on écrirait à S . A .


l'archiduc (c'est ce qu'on a fait déjà) que , si ces personnes


passaient par les Flandres , il cherchât à s'informer quel les


étaient leurs instructions et rendi lrompte de tout ; qu'en outre ,


l'archiduc cherchai à les rele.nir jusqu'à ce qu'il eût reçu une


réponse d'ici ; mais que , s'ils voulaient absolument continuer


leur route, il les laissât (aire. D'un autre côté, on a ordonné


aux fonctionnaires qui sont dans le Guipn/.eoa que, si ces per-


sonnages y venaient, ils eussent à les vre ten ir en leur faisant


toute sorte de politesses, cl qu'ils attendissent également la


réponse de V. M. Le comte pense que l'on pourrait tenir fi


• iièiue conduite à l'égard des personnes (pie le Parlement, en •


verra if ici, en expédiant des ordres dans les F landres , pour le


cas où ces ambassadeurs viendraient à passer par là, ainsi


qu'à don Abuizo de Gardeîias et dans les ports d'Espagne.


Lorsqu'il s'agit a ensuite de prendre une résolut ion définitive,


v. M. voudra, bien ordonner à don Alonzo de Cardeftas de


lui faire exactement cuimaitre quelles sont les forces dont le


Parlement dispose et jusqu'à quel punit il est bien établi ; don


viotizo devra aussi informer V. M. des forces du roi, et de


i e qu'il peut en avoir en Angleterre , en Irlande et en Ecosse ,


ainsi que de la part de ses a l l iés .


Don Francisco de Melo est dit m ê m e avis que le comte de


Montereyj il ajoute qu'il croit que les affaires d'Angleterre


doivent être initiées sans aucun principe a n été e t s a n s aucune


déiernuuation de la part de Y, M. Sur la (question de savoir


• i ! lui euov ieieb'ait d'y voir !e roi rétabli o u un g o u v e r n e -


• " ' • n i r é p u b l i c a i n l .eidé, (ai bien que la bille entre les d e i u H :




(28 D O C U M E N T S


prolonge; il pense que c'est le m o m e n t de tirer de là quel-


que fruit contre la révolte du Portugal et les complètes de


l 'Angle terre; il désirerait savoir ce que V. M. voudra bien


ordonner pour qu'on puisse atteindre ce but .


Le marquis de Yalparaiso expr ime le m ê m e avis que le


comte de Mouterey. Y. M. ordonnera ce qui lui paraîtra le


plus convenable . ( I l y a u n parafe de la m a i n d u roi por-


tant: « Qu'il soit fait selon l'avis du Consei l . » )




HISTORIQUES".


X


M"moire présenle ou roi l'hili¡nie i Y par lord Colliiujlon
ei sir I-'iiiiiKird Hyde, amliüssadviirs de ('hurles !!.


siai i(¡:;o.


Si iv,


IN ot i s s o m m e s personóles que V. M. est bien convaincue de


noire entier dévouement à son service et <|ue, depuis que


nous avons eu l 'honneur d'être recusa cette cour , nous avons ,


c o m m e ¡1 conwri i t à des serviteurs (idèles de V, M., r en t au


/.clc pour le service du roi notre maître, le respect cl la con-


sideration dus à V. M., prenant soin de ne, rien proposer


qui pût. causer des embarras à Y. M. , ni être h l'avantage di-


ses e n n e m i s . Nous avons toutefois le ferme espoir q u e . W s -


que ( l i eu , dans sa grande miséricorde, aura fait inclin; ; les


cornes des ennemis de V. M. à une juste paix, et l'aura déga-


gée des guerres qu 'elle a maintenant à soutenir , Votre Ma-


jesté ne manquera pas de prendre à co-ur la cause si juste du


loi de la Cianile-l ' i ictagne, qu'KUe s 'y portera avec une


vigueur qui répondra à ses nobles dispositions de roi et de


chrétien, et qu'eu attendant Y. M. prêtera au roi notre


maître autant d'assistance que ses propres affaires le lui per-


mettront , et. qu'Elle l 'encouragera à c o n s e r v e r í a coniiance


qu'il a eue en se jetant entre les bras de V. M. avec la r é s o -


lution de ne contracter point d'autres amit iés que celles qui


s'accorderont avec la sympathie qu'il professe pour la rel igion


catholique et pour les intérêts de V. M.


Ce dévouement pour le service de V, M., qui s'unit chez




430 DOCOIKNTS


nous au zèle et à la sollicitude, pour l 'honneur et les intérêts


du roi notre maître , nous oblige à dire à V. M. que nous


avons appris qu'il a débarqué dans l 'Andalousie un individu


employé c o m m e agent des cruels e t sanguinaires rebelle»


d'Angleterre, et qu'il se rend auprès de cette cour avec de»


lettres pour V . M. que lui adressent ces assassins. Non*


s o m m e s informés qu'il a pour miss ion principale de cor-


rompre les Anglais qu i , en vertu des traités, résident dans le-,


F,tais de Y . M., et de les faire renoncer à l'obéissance et à la


l idél i lé dues à leur roi, en leur proposant certains serment-,


dont il apporte la formule , et à l'aide des menaces et autres


m o y e n s . Il est t'oit naturel de croire qu'il aura aussi reçu,


parmi ses instructions , celle de travailler à répandre dans


l'esprit des sujets de Y. M. le m ê m e v e n i n , cette doctrine


si contagieuse qui enseigne la haine de tout gouvernement ,


de toute autorité, surtout de l'autorité monarchique , et de


chercher à leur inoculer l'esprit d'égalité et d'anarchie. Ce!


indiv idu ne prétend pas en effet être envoyé par quelque


usurpateur armé contre son roi l ég i t ime; il vient au nom de


cette populace infâme qui a livré la dignité el les saintes


fonctions des rois au mépris et à la tyrannie populaire, et qui


a baigné ses mains dans le sang de son roi oint et couronné,


sans aucune attire raison ni prétexte sinon parce qu'il était


ro i ; ces gens- là se déclarent publ iquement ennemis de tout


gouvernement, monarchique ; et dans ce statut, ou acte du


P a r l e m e n t , c o m m e ils l 'appellent, par lequel ils veulent a n -


nuler et détruire le gouvernement monarchique de l 'Angle-


terre , ils attaquent tous les autres , mais particulièrement et


avec une ins igne 'méchanceté et insolence la personne sacrée


de V. M.; et ils critiquent avec une grande arrogance la con-


duite si juste et si prudente de Y. M. dans son royaume do


Naples , cherchant ainsi à exciter les ,a i jets de Y. .M. dans ce


royaume. Dans le cas où Y . M. t r a m a i t pas été suflisaruincu!




I I T S T n H l Q L ' E S . A U


informée de tout cela., nous lui p r é s e n t e r o n s , si El le l'or-


donne, une copie de l'acte dont, n o u s par lons .


Anus s o m m e s trop bien i n f o r m é s et trop persuadés de


i'horreur dont le emur de Y. M. est rempl i envers ces r e -


belles et régicides pour craindre qu'El le consente à l'aire à cet


individu un accueil de nature à d o n n e r q u e l q u e crédit à ceux


qui l 'ont envoyé ; et n o u s ne pouvons i m a g i n e r que Y . Ai.


Très-Catholique, étant le premier et le seul prince à qui le roi


notre maître ail offert n o n - s e u l e m e n t une amit ié perpétue l l e ,


mais encore tout ce qu'i l a et tout ce qu'il peut espérer , soit le


premier et le seul souverain qui , par ses faveurs , donne du


crédit et d u poids au nouveau g o u v e r n e m e n t et à l'autorité


de ci/s rebelles qui ont si od i eusement mis à mort le père d u


roi. C'est pourquoi nous représentons h u m b l e m e n t à V . Al. et


nous portons à sa connaissance , c o m m e ses ser \ iteii rs d é v o u é s ,


pie t;Jut que cet indiv idu restera dans les Etats de V. .M., il


.ei'.iit. nécessaire qu 'une survei l lance fut exercée sur sa c o n -


bute , ses intrigues et ses d i scours , de peur qu'il ne prenne


m - m o m e une in i luence funeste à la paix et à la tranquil l i té


le \ . .M. et de ses Htals. .Nous prions donc Y . M . , de la part


le noire maître ei au n o m de son h o n n e u r , que cet ind iv idu i jouisse , dans cel te cour , d 'aucun accès ni d 'aucune faveur
p u attirent vers lui les Angla i s résidant dans les États de


. Al. et à l'aide, desquel les faveurs il puisse les c o r r o m p r e


t les dé tourner de la fidélité d u e à leur souverain l ég i t ime ,


e qui pourrait bien arriver si ces Angla i s trouvaient ici


lotect ion par u n e autre intervent ion que cel le du roi notre


mitre.


Que Dieu garde et fasse prospérer votre personne Très-Ca-
c.aïque. c o m m e n o u s le dés irons et c o m m e le m o n d e entier


• L- besoin. CoTTiNin 'ox-lIï i iE.




D O C U l l E N Ï S


X I


( P a g e 22-1.)


Première délibération du Conseil d'Etat d'Espagne sur
les demandes des ambassadeurs de Charles 11.


Madrid, 10 mai 1650.


Le conseil d'Etat, auquel ont pris part don Francisco de


Melo et le marquis de Yalparaiso, exprime son avis sur le


c o n t e n u du m é m o i r e présenté par les envoyés du roi d'An-


g le terre .


S i re ,


Conformément a n s ordres de Y . M. du 21 avril dernier, on


a pris , dans le Conseil auquel ont pris part don Francisco de


Melo et le marquis de Valparaiso, connaissance du mémoire


présenté à Y. M. par les ambassadeurs du roi de ta Crandc-


l 'retagne . Ils y expriment leur ferme espoir que Y. M. ap-


puiera sér ieusement la cause de leur maître; ils dfsent ensuite


q u e , m u s par le zèle sincère de servir \ elre Majesté, ils se sent


vus forcés, en apprenant l'arrivée d'un ministre envoyé pai le


Par lement auprès de cette cour, d'informer V. 51. que ce


min i s l re esl chargé par ses instruct ions d é v o i l e r les Anglais


qui sont au service de 5'. M. à renoncer à l'obéissance due -,


leur roi ; ils eu infèrent aussi qu'il cherchera à répandre, d a i s


l'esprit des sujets de Y. 51., de la haine et de l'aversion pour


le gouvernement m o n a r c h i q u e dont les h o m m e s du Parle-


m e n t se sont proclamés e n n e m i s morte l s ; ils signalent ,VI-H


ce que le Parlement d'Angleterre a l'ait contre V. M. dans


statut ou acte oii il exprime un blâme sur la conduite de




msTonTQTTs. 4m


V. M. à A'aplcs, tentant ainsi de soulever les sojels de ce


pays contre V. M.; ds déclarent nue , si V. M. l 'ordonnait, ils


n.i communiquera ient une copie de cet acte , et prient \ . M.


oe iai ie veille)' à ce que l ' emové du l'ai leinent ne puisse, par


N . S intrigues, nuire au service de V. AI,, c o n n u e aussi à ce


qu'on ne lui accorde pas trop d'accès et dé faveur à cette cour,


I E qui pourrait porter les Anglais résidant dans les Etats de


V. M. à manquer de, fidélité à leur roi.
Le conseil d'Etat expose à V . M. qu'on pourrait répondre, à ces envoyés , si V. M. l 'ordonne, que , c o m m e ils le savent


très-bien e u x - m è i n e s , on ne peut pas refuser d'entendre m ê m e


les plus grands cr imine ls ; que du reste V. M. les remercie


des ml'ûimatious qu'ils v iennent de lui donner , qu'on en pro-


iilera en t emps et l ieu , qu'ils peuvent fournir foutes les autres


informations qui leur seraient parvenues , qu'on les prie de


communiquer la copie de l'acte du Par lement dont ils ont


parle, et tout ce, qui aurait trait aux intérêts de V. M. , jiarti-


I i i i iërcuicnt en ce qui concerne le royaume de Naples . V . M.


ordonnera ce qui lui plaira.


Lcrit en marge d e lu main du roi : ••< On fera selon l'avis du
Conseil. ••)


Seconde délibération dit Conseil d'État d'Espagne


sur le mente sujet.


Madrid, ii octulire 1630.


Le. conseil d'Etat, auquel ont pris part don Francisco de


'de,o et le comte de Penaramla, donne son avis sur le contenu


ui mémoire présenté par les envoyés du roi d'Angleterre et,


dans lequel ils demandent que les navires de leur maître


• - ' H n i bien accueill is tant dans les ports de Flandre que dans


. eux d'Espagne.


1- '. i~>




Sire ,


l'ar décret du il de ce moi s , V. M. a ordonné au Conseil


de prendre connaissance, cl c'est ce qui a eu lieu, d'un m é -


moire des envoyés du roi d 'Angleterre dans lequel ils repré-


sentent, au nom de ieur roi, que q u e l q u e s - u n s de ses bâti-


ments de guerre , étant entrés dans ieportd'O.i lcnde pour s'y


réparer et pour acheter des vivres, n 'y ont pas trouvé l'accueil
conforme aux ordres que V. Aï. avait daigné donner à ce


sujet , et qu'ils ont été soumis à l 'embargo, aux taxes et autre-


avanies ; ils supplient V. M. de faire écrire à S . A . l'an lu-
duc, afin (pie tous les bât iments de leur roi soient bien
accuei l l is tant dans le port d'Ostende que dans tous les autre-,


auxquels ils arriveraient , et qu'il leur soit permis d'exécuter


leurs m a n œ u v r e s et de s'approvisionner on tout ce dont ils


auraient besoin , conformément aux articles du traite, io-


prieiit que les m ê m e s ordres soient donnés à tous les cortège


dors et juges de tous les autres ports, afin que lesditsnavire


puissent entrer dans ces ports et en sortir librement et sur .
obstacle. Les envoyés font ressortir la grande nliligaiinh


que leur maître contracterait envers V. M. si ses bàtiineiil-;


jouissaient , dans les ports de Flandre et dans les a u t r e


Liais de V . AL, de ta liberté dont ils jouissent, dans couv île


France .


Le Conseil, auquel ont pris pari don Francisco de Melo ci le
comte de l 'eharanda, est d'avis que V. AL pourrait l'aire c i rue
à S . A . l 'archiduc en lui recommandant de faire bon aceneè


aux navires du rm d'Angleterre dans les ports de ses F.laU. e;


d'observer à leur égard les stipulations du traité de paix,


ainsi que cela s'est toujours fait. Quant a n \ envovés du mi


d'Angleterre, on pourra leur faire connaître les ordies qu'on


envoie à l 'archiduc, mais ieur dire en même, temps qu'on


n'enverra pas les méines ordres aux autres poi l s avant d'avoir




i î l 'STORTQT.ES, 43!".


appris qu'un y ait m a n q u é aux disposit ions déjà prescrites à
ce sujet, et que , si l'on apprenait que lque chose de pareil , on


ne manquerait pas do donner des ordres convenables . V. M.


ordonnera ce qui lui plaira.


(Ecrit de la main du roi : « C'est bien. »)




« 8 n O C T ' : \ i r \ " í N


A i !


; 1'i.ge 2¿:>.)


I O /)on Afonz-o de Carderías au roi Philippe I V


I . o m l r c ? , 14 i l . - v n l l j i v 1 >, i o .


Sirc,


J'ai appris qu'on admettait dans les ports porlugais les
prises que les \ aisseaux du nouveau roi d'Angleterre et les
frégates d'Irlande allant en course faisaient sur les navires et
les marchandises de ce royaume pour le compte du prince
palatin Robert, que ces prises y étaient reconnues bonnes el
qu'on en permettait la vente. J'ai soupçonné que cette pet-
mission pouvait venir de ce que le nouveau roi d'Angle-
terre, aussitôt après la mort do son père, aurait reconnu le
tyran de Portugal et admis auprès de lui, en qualité d'ambas-
sadeurs, des personnes qui, en cette même qualité, se trouvent
à la Haye et à Paris où le nouveau roi a résidé depuis qu'il
a succédé à son père. Ayant jugé à propos de m'en assurer,
j'ai écrit à ce sujet au comte de Peñaranda, lequel en ayant:
informé le chevalier Brun afin qu'il s'en assurât aussi, celui-
ci l'a fait comme il m'en donne avis dans sa lettre du 2 0 n o -
vembre dont je joins ici copie pour V. M. En même temps,
après avoir fait des questions en France par un canal et une
main sûre quoique anglaise, j'ai obtenu par cet agent la rela-
tion ci-incluse. Votre Majesté verra par là combien peu le
nouveau roi d'Angleterre a profité de la fin tragique du roi
son père que ses maximes el ses fautes ont conduit au comble
des malheurs. Sonlils les suit connue si le succès leur avait
donné quelque autorité et comme si lui-même n'eu subissait
pas maintenant les tristes conséquences. Tant que la reine s;¡




rnere exercera, connue el le le l'ail, son inl lucncc sur les résolu­
liens du roi. el lau! que les conseillers qui l 'accompagnent,
pour diriger toules ses actions, seront dans la dépendance de
la relue, ce prince, il i'aul le croire, suivra la conduite et
l'exemple de son père ; et si maintenant qu'il est dépoui l lé de
la coii ioiuie d'Angleterre el qu'il risque é v i d e m m e n t de
oerdre les royaumes d'Frosse et d'Irlande,s i maintenant qu'il
a tant besoin du secours de V. M. pour recouvrer l'une e'
assurer l 'autre, il m a n q u e à ce qu'il doil à Y. M. et à ce qui
est juste et loyal , puisque V. M. l'a reconnu pour roi de la
i jrande­I!retagne et a fait l'aire en sa faveur en Flandre toutes
les démonstrations et toules les politesses qu'il eût pu désirer
s'il eût été possesseur tranquille de la c o u r o n n e , s'il en est ,
dis­je, ainsi maintenant , p e u t ­ o n espérer que ce p r i m e
• l iante d'opinion lorsqu'il se verra en possession de tout ce
tjui lui appartient el qu'il n'aura besoin de personne?


1! m'a paru nécessaire de rendre un compte particulier h
x­ . M. de tout ce qui s'est passé et de tout ce que j'ai appris,
l.a connaissance de tout cela pourra être utile dans le cas où
l'on jugerait à propos de se plaindre de ce prince. Ces motifs
de plainte, ajoutés à ceux qu'avait déjà donnés la conduite de
son père, justifieront au\ veux du m o n d e ce que la conve­
nance et la raison d'État conseil leront de faire en faveur do
cegouvernement­c i (de la république d'Angleterre) , soit pour
'e reconnaître et accueill ir ses ambassadeurs , soit pour entrer
en alliance avec lui si les circonstances et l ' intérêt de Y. 31.
Je commandaient .


:Ь Le chevalier Antoine Urun à don Alonzo de Cardenas.
U l l i y c , lu 29 novembre 16*9.


A en juger par le tour que prennent ici les affaires, on
peut d u e que le pauvre roi Cd'AnjjlotemO court à sa perle




'138 DOCUMENTS;


sous tous les rapports, à moins que Dieu ne fasse quelque


miracle eu sa laveur. Je me suis assuré qu'il a reçu l'envoyé


du tyran de Portugal en qualité d 'ambassadeur, et son rési-


dent n'a pas pu m e nier la c h o s e , m a i s il l 'excuse en disant


q u e , ce Portugais ayant ce titre auprès des Etats généraux


d'ici, son maître n'a pas pu le traiter autrement , car sans


cela il aurait perdu l'appui du prince d'Orange, son beau-


frère. Je lui ai répondu que déjà feu son père, avait fait la


m ê m e chose quoiqu'i l fût à L o n d r e s , à quoi le résident m'a


dit qu'à cette époque le feu roi son père recevait la loi du


Par l ement , à tel point qu'il se vit force de signer l'arrêt de,


mort prononcé contre le vice-roi d'Irlande, son grand ami.


Cola é tanl , si nous avions quelque lionne alliance avec les


grands du Par lement d'Angleterre contre la France, nous


pourrions faire ce qu'ils désirent ; mars que nous soyons les


premiers à faire gratuitement un tel acte, c l seulement dans


l'espoir de ce qui peut eu arriver, cela m e paraît très-dur.


•'!" Rapport enroué de Paris par la personne chargée de
s'assurer si l'enroué de Portugal gui se trouve d.


celle cour, en qualité d'ambassadeur, a eu une en-


treeuc aeec le roi d'Angleterre et s'il a traité arec lui


quelque affaire.


L'ambassadeur de Portugal a été étiez le roi d'Ecosse


plusieurs fo i s , ainsi que chez, la reine d'Angleterre; il a eu


avec la. nuire et avec le lits plusieurs conférences et entrevues


secrètes. Cet, ambassadeur , ayant quitté la France, a laissé à


Paris un résident n o m m é Suarez , créature de Calatrava; ce


Suarez est allé plusieurs fois chez le roi d'Ecosse; Sa Majesté


l'a reçu et a traité avec lui de diverses affaires, et elle a écrit


on Portugal plusieurs lettres depuis son retour de Flandre en.




)iis -roKi(.)[']-:s, :i39
Fraure ; sur ces lettres elle a mis l'adresse suivante : « Au
Roi d e Portugal» et « monsieur mon frère. » La reine d'An-
gleterre, en écrivant à la renie de Portugal, s'est servie de
cette, farmule : « A Madame, Madame la Peine de Portugal,
ma s ieur. » Dans ces correspondances le Portugais a promis
au roi d'Ecosse de, l'assister et de recevoir dans les ports de
ses Etals les navires du roi et les prises qu'ils pourraient
iaire sur des navires du Parlement d'Angleterre, et c'est ce
qui se fait.




4.',0 TKJCOIhN ' J 'S


M i l


( V a g o ->;}<). )


•U 3!. de Croiùlé au cardinal Maznrin.


! . . n n ! u ! i , ¡6 i


Ledit ambassadeur (d'Espagne) a plusieurs l'ois e n v n a


des écrits s ignés de lui au conseil d'Etal, qui v ont, été reçu->:l


considérés , s inon c o m m e venant d'un ambassadeur, du m o i r


d'une personne qui appartient à un prince avec lequel on ëc


veut bien entretenir.


2 ° Le ini'tne au un nie.
Loi . ikus , 4 j u i l l a 11)50,


Il se dit aujourd'hui que le général Fairi'ax, sur le
point île partir pour Ecosse , a remis sa commiss ion . Lcii-


l 'honneur de mander à V . E . , i! y a quelque temps, que le
Parlement avait ordonné que tant lui que le lieutenant «enc-
rai remettraient leurs anciennes pour en prendre de nou-


velles, et que je croyais que c'était une chose déjà l'aile. C e - ! ,


d i t - o n , sur l ' instance de satisfaire à cet ordre qu'il a mieux


aimé remettre ; à quoi il a encore été perlé par la méliance


qu 'il connaît que l'on a de lui , et par le déplaisir de ce qu'il


ne lui restait que le n o m de cette charge dont Cronivveli a


toute l'autorité. Possible que, quand il n e s ' v serait p i s jiorlé,
l 'on eût trouvé quelque autre prélcvtc de la lui demander,


parce qu'il se dit tout haut que les presbytériens, au parti
desquels sa f e m m e le pousse toujours, n'attendent que de voii




I U S T o R t l l T l K N . -141


i'armée engagée avec les Ecossais pour les seconder par


des soulèvements de deçà, et que , pour cet effet, i ls ont in-


tel l igence avec une partie de l 'armée qui se déclarerait


aussitôt, quoique la chose soit assez difficile par le bon ordre


que l'on y a mis en établissant la mil ice des provinces en


des mains assurées , et laissant outre cela quelques troupes


iivs-aflidées en chacune . El le n'est pourtant pas imposs ib le ,


ni que Cromwell n'entretienne l u i - m ê m e ce dessein pour


donner jour à ses ennemis de se déclarer et avoir sujet de


les perdre ainsi qu'il a fait plusieurs fois par de, semblables


voies . . .


. . . . . L'on m'a fait donner avis que Cromwell a reçu des


lettres de mess ieurs de Boui l lon et de T u r e n n e : mais je


pense qu'on ne l'a. dit en c-nl idenre à ceux dont je le lien:,


qu afin qu'ils m e le rapportassent et que je l 'écrive, ce que ,


tout (aux qu'il peut être et que je le c r o i s , j'ai jugé devoir


faire, puisqu'il pourrait être (pie, sur la moindre recherche,


jointe à ce que l'on mande que les brouil leries de Bordeaux


se renouvel lenl , ces gens-ci se porteraient à les assister d'une


partie de leur flotte qui est à Lisbonne.


3" Le même au même.


t-omire.-, 1 - .*epU']iil»n! 16S0.


, Un h o m m e de ma connaissance m'a dit avoir reçu lettres


l 'Al lemagne d'un de ses correspondants , qui est h o m m e i n -


i'Iiigent, qui lui mande que , s'étonnant de voir au l ieu où il


si. tant de monna ie d'Angleterre entre les mains des ofliciers


' soldats, il avait, eu la curie-été de savoir d'où elle pouvait


"inr. et cp l 'ayant l'ait étroite amitié avec le gouverneur de la


' .e .e, il a su qu'il a été envoyé d'ici 100,000 l ivres sterling
a.uvaiit letraité l'ait entre l 'Espagne et ces gens-ci , par lequel




-1-43 nOCT'VIvVI 'S


l 'Espagne s'engage. île continuer la guerre avec la France et de


ne l'aire jamais la paix sans les y comprendre en qualité d'al-


l i é s , m o y e n n a n t quoi ceux-ci doivent fournir tous les mois


à Bruxel les une s o m m e considérable . L'on ne m'a. jamais


voulu dire le n o m de la. place, mais seulement que le »ou-


verneur y a été u n s , ou a appartenu à M. le maréchai (te


Tu renne.




T n v r n i U Q C l L S
X I V


1" JSote du vicomte Salomon de Virelade adressée au
cardinal illasarin.


11 es l si iliflicilc de réussir aux affaires qui sont en!reprises
avec (éniérité et sans avoir pris les précautions nécessaires ,


qu'on ne saurait b lâmer ceux qui usent de circonspection


avant les c o m m e n c e r , surtout les négociat ions si délicates


que celles d'Angleterre où j'ai demandé passe-port, bieu qu'il


n'y ait point do guerre entre les deux nat ions , parce que n'a-


gissant, que pour les marchands ils pouvaient m e rendre r e s -


p'ai -aîée , parlant an nom des c o m m u n a u t é s , de ce que tous


les j ou i s ils demandent aux particuliers et prennent sur eux à


main a n n é e par droit de représailles. C o m m e particulier, je


n'aurais pas craint ces violences qui eussent été honteuses à.


notre nation si elles eussent été exercées sur moi c o m m e per-


sonne publique.


.l'avais aussi deux lins en écrivant, ou d'engager le rég ime


d'Angleterre à traiter en m e faisant réponse , ou en m e d o n -


nant, sauf-conduit , à se contenter de la reconnaissance des


marchands sans eu exiger une plus formelle de. la part du roi


i[ue sa permiss ion; ou en m e refusant le passe-purt que je


demandais , j'éviterais l'affront qui m'eût été très-sensible


parce qu'il eût intéressé toute la France, si on m'eût chassé


c o m m e ou a fait l 'ambassadeur de Hollande et le s ieur de


Croullé, et est ime qu'il vaut mieux avoir cel te déclaration pnr


écrit, av imlavo ir mis le pied en leur pays , que de la. recevoir


plus nqui iciiscmciit de leur bouche .




4 4 ! D O r T M ^ N T S


J'avais cnroio uni.' autre considération ; e'< s! IJIH 1 l e s A n -


g l a i s , élanf oxlrèineinenl. tiers et gli-rii-iix , mil néamnoin-.


i an u plaisance et se laissent gagner \t:.\v ci v ili tés. qui est la rai*>u


(lui lc< porto à a imer sur lotîtes les nations les l lel iens qui


ont l'avantage ele J'adresse et courtoisie sur Ions les auhes


peuples de l 'Europe; et par cel te raison j'ai est imé que . leur


écrivant avec grand respect et c o m p l i m e n t , i ls se porteraient


à avoir m a négociation [.dus agréable. J'ai réussi en ce point


de les obliger à nie faire réponse , ee qu'ils n'avaient fait, ni


directement ni indirectement , auparavant à Imites les l e t t r e


qui leur ont été écrites et aux témoignages plus exprès et plus


formels des intentions qu'on avait de les satisfaire, desquelles


rua lettre , qui n'était qu'un s imple c o m p l i m e n t , ne faisait


aucune m e n t i o n . Il est vrai que cel le réponse es! connu: en


termes un peu aigres, mais qu'on dit être fort l'ami) ICI s


ce l te nation impér ieuse , et desquels pourtant j'infère qu'ils


alfeeteiit quelque forme de just ice en leur p r o c é d é ; nia.s


quand ils prennent un prétexte faux qui est le déni de justice


de la part de la France , ils nous donnent lieu, de nous servi)


d'une défense véritable fondée en l'injustice qu'ils oui faite


aux vaisseaux français; et ainsi ils se convainquent eux-mêmes


d u reproche qu'i ls nous imputent , et s'oient le moyen de nous


rien demander des prises faites sur eux parce que les pertes


de nos marchands excèdent beaucoup si on venait à compen-


sation. Pour la liberté du c o m m e r c e , i ls offrent de la rendre


pour toutes nos denrées , soudain qu'en France on le leur pei -


mettrait de m ê m e ; mais fout ce que. nous pouvions désirer


d'eux ils le met tent à un prix qui est ou bien haut , ou bien


considérable , suivant les diverses réflexions politiques qu'on


fera sur cette m a t i è r e ; c'est, la reconnaissance de. leur Ij.d


nouveau de la part du roi, don' ils prétendent aussi bien ruéd


n'est pas le juge au fond,




MIMOuryHCS. o í r .


.île nu are mmwttox des iiisiniciiom nrmmim au •sieur
Salomon ¡mar la iièijix-hithn d'Angleterre,


- a v o i r si, représentant ios intérêts (Jos marchands et l |u'l1l>


comité soit appointé pour l'ouïr, ou qu'il soit m ê m e admis au
conseil d'Élal ou au Parlement, dans ses requêtes eu autres


actes il doit qualifier le régime d'Angleterre d'Etat de Répu-


blique, ou autres tels litres et qualités que les Anglais désire-


ioui ;
l2'J S'il ne p o u n a pas renouveler les offres faites au sieur


Anuier, agent des aIf'.iiees d'Angleterre des l'an D û " , et


. cceplées des lors pai' ledit Par'rineni d'Angleterre , pour


le.- prise- fu les pisques audit tcliqis, à condition que. ledit


i cg imc d'Angleterre fasse, la m ê m e justice aux marchands


trancáis; o u si ayant i aprésenle les dil igences laites en France
par l'autorilé du roi et de ses ministres pour donner aux


An;Jai« satisfaction en justice, il ne doit point protester du


déni de justice en Angleterre aux marchands français;


.'t" Demande si venant à demeurer d'accord de l'a.imuslie


iéeiproqne cl générale pour toutes les prises faites sur mei
respectivement entre les deux; nations, cl que pour parvenir à


fniite a m n i s t i e , il y eût quelque membre du Parlement ou
personnes puissantes dans ledit Etat intéressées auxdites


pl ises , il ne peut pas leur eu promettre d é d o m m a g e m e n t


pour les attirer et. les mettre dans les intérêts ou dépendances


île la France , par forme de pension qui les engage au service


S. M.; et pour cet elfet il supplie S, i l . de faire un fonds


q u e les m a i v K n d s es v f ! e s marit imes du royaume souíJVirou!.


\o ! on!iei 's être pris par augnaaila! ion dans les bureaux des


(aeréese ! douanes éla Mis dans tes po i l s , pour gagner !e- plus


puissanis d'Angleterre qui se trouveront disposés , moyennant




•un r i o r r w \ T S


telles craldications, à. se porter au service de la France ci à
favoriser la liberté du c o r n t i i e r c e ;


{" Demande que, pour le rétablissement et sûreté du c o m -
m e r c e à l'avenir, il lui soit permis, en continuant les offres
fades par M. le comte de IJriennc, de promettre aux Anglais
que dorénavant il n'y aura plus de représailles accordées, et
que les commissions données, s'il y en a, seront révoquées,
pourvu qu'ils en usent de même, fassent cesser toutes hos-
tilités et déprédations sur mer et révoquent toutes leurs
lettres de représailles;


M° Demande que les ordonnances des 10 juillet 1613 et
¿0 mai 16-47 soient renouvelées et que copies de semblables
ordonnances lui soient délivrées, portant itératives défenses
aux sujets du roi de prendre ou acheter aucuns effets sur les-
dils Anglais et de. les molester en façon quelconque; laquelle
«ïAounancc on nuisse faire oublier au même temps que les
Anglais en accorderont une semblable en faveur des sujets
du roi;


(')" Demande si les Anglais, venant à un traité, désirent (pie.
les vaisseaux marchands de leur nation ne soient point visités
s o u s prétexte de robe d'ennemis cachée quand ils seront ren-
contrés par des vaisseaux de guerre du roi, et prétendent qu'ils
ne sont tenus que de baisser les voiles et faire honneur a la
bannière et pavillon de France, ledit privilège de n'être point
visité ne leur peut pas être permis, un semblable étant accorde
par eux aux vaisseaux français qui trafiqueront en Ecosse ou
autres lieux qui seront, en guerre déclarée avec lesdils Anglais,
l'inconvénient n'étant point plus grand que les Espagnols
reçoivent leurs marchandises par des vaisseaux anglais que
par les vaisseaux français qui les leur portent tous les jours;


7° Demande s'il ne doit pas faire instance poui obtenir une
decliaige des droits et impositions ipi o n exige en Angleiviie
ries Français, auxquelles iinnositions les natiucls du pavs ni




H Ï . S T C i r U Q t ' E S , 1.17


1rs autre- étrangers no s n u t point sujets, «I s i , obtenant ledit
|iri\ ilége cl décharge, il «ipeut pas promettre quelque grati-
fication à ceux qui la moyenneront ;


8" Demande, qu'il plaise à S. M. promettre lever les dé-
fenses de l'entrée des draperies et autres manufactures de
soie et, laine, à condition que les Anglais permettent l'entrée
des vins et manufactures de France en Angleterre, et révo-
quent l'acte de ladite prohibition du 28 août ¡7 septembre)
HU9;


(> Demande qu'il puisse promettre, suivant les offres de
A!, le comte de Rricnnc, par ordre de monseigneur le cardi-
nal, que le traité qui sera projeté et concerté entre lesdits
Anglais et lui, suivant les ordres qu'il recevra tous les jours,
sera confirmé, approuvé et autorisé de S . M., si, après l'avoir
communiqué, à son Conseil, Kilo, le trouve agréable;


10° Demande que, ne pouvant obtenir le rétablissement
entier du commerce, il lui soit permis pour le moins de tâ-
cher à le remettre en quelque partie et dans quelque pro-
vince s'il ne se peut pour tout le royaume; comme, si la Nor-
mandie s'oppose à l'en liée des draperies, qu'au moins elles
puissent être reçues en Guyenne, la llochelle et Bretagne,
pourvu que les Anglais permettent l'entrée des vins desdites
provinces ;


11 o Demande de quelle sorte se doit traiter avec te général
Cromwell, et s'il ne doit pas lui faire concevoir, par l'exemple
du prince d'Orange, de Mansfeld, du duc de YVeimar et
autres, que c'est avantage, honneur et sûreté, aux hommes de
sa valeur et de son poids, d'avoir l'amitié, et protection de
France dont les inclinations nobles et belliqueuses se portent
toujours à es t imer et. favoriser les personnes de courage et
mérite extraordinaire ;


1-2" Demande que le sieur Croullé , qui a les cachets du roi
i n Angleterre, ne puisse agir s a n s s a participation et coiiseu




11« n o C i : M K \ T S


tonico! , bien que ledit sieur Salomon ne p i é l c u d e point enga-


ger le n o m ni l'autorité du toi en t a négociat ion.


d-. Walter Frasi à M. Salomon, viconde de Virelade,


WlulcluH, lo t 1 - 2 1 dccuuiLro ÎC'IU.


Monsieur , j 'ai reçu votre lettre de Paris du 10 déceinlire
(style nouveau) , laquelle;, selon (pie je suis obligé par le d e -


voir de m a charge , j'ai présentée au conseil d ' E l a t , où je


dois produire tout ce que je reçois de d e h o r s , où aussi plu-


sieurs lettres ont été lues par d'autres, écrites à quelques-uns


du Consei l , et une écrite à un marchand; d'aucune desquelles


le Conseil ne. peut prendre connaissance , étant lettres do par-


ticuliers touchant une all'aire publ ique . Mais alin que celle,


que vous m'avez écrite pleine de civilités ne soit pas tout à


l'ail sans réponse , je vous donne la peine de lire ce peu de


l ignes , pour vous faire savoir que vous ne pouvez pas être


plus sensible que je le suis d u grand bien que ce serait ans


deux nations que le tralic et le commerce de l'une et de


l'autre lût l ibre et sans interruption. Je m'assure bien que


vous n'êtes pas ignorant de quel côté la première infraction a


é t é , ne se pouvant faire que vous n'ayez ouï parler de-:


grandes injures que le peuple de cette l ìépubl ique a souffertes


de l'Étal de la France par les pirateries qu'ont faites les Fran-


çais sur nos navires ès mers du Levant, pour passer sous


s i lence les autres torts faits à la Républ ique , dont nous ne


s o m m e s pas insensibles ; et bien que l'on ait fait longues


instances audit Etat pour avoir jus t i ce , ti est-ce qu'on ne l'a


jamais p u obtenir , soit pour les pirateries n u autres torts en


t r o p grand nombre pour les déduire ici au long : aussi ne


» euv-ie pas vous en importuner. C'est pourquoi nous avons,




I i r S T P B T Q c E S . 1 1 9


selon la loi des nat ions , duiiuc dos lettres de représailles à
ceux qui ont soultert des pertes, pour qu'ils aient le: moyen de


s i > taire droit à e u x - m ê m e s , étant en effet une chose d'obser-
vation l'orl vulgaire que la justice nette et prompte ne se p r a -


tique pas ordinairement par de là . Quant aux défenses des


M U S de f ranco , eu quoi nous savons que les vil les de Jîur-


drau.x e! do "Sautes sont les plus intéressées, nous ne les avons
laites qu'après que les Français ont défendu nos manufac -


tures de laine et de soie ; et je m e persuade assez que , s'ils se


peuvent bien passer de nos manufactures , nous le pouvons


a u » i bien de.- vins de F r a n c e , et que nous aurons le m o y e u


de leur faire savoir que le c o m m e r c e doit être réciproque. Le


temps pourra aussi nous apprendre que nous pourrons pa-î tel lement nous passer d'autres choses manufacturées en
France. .Mais c o m m e votre envoi par deçà, avec les procura-


tions de Bordeaux, et de .Nantes et autres c o m m u n a u t é s , pour-


rait être avec, l'approbation de votre roi , je ne puis pas vous


\ porter, parce qu'il n'y a personne ici qui puisse traiter avec


vous de ces aifairessi ce n'est la puissance souveraine ou ceux


qu'elle députerai t ; et cette puissance-là ne voudra, recevoir


d'adresse de personne que de la puissance souveraine de


France , laquelle seule peut donner les pouvoirs nécessaires


pour traiter de telles affaires, l e ne puis donc vous procu-
rer un sauf-conduit pour venir en la qualité et avec le pou-
v o i r que vous marquez ; et quand vous seriez ici, aucun de n o s marchands ne pourrait traiter avec vous de telles choses,
osant affaires d'Etal et non de fa nature de leurs affaires p a r -


ticulières. Mais si l'Etal de France veut considérer les torts et
les dénis de justice qu'il a faits, et nous sauver la peine de


tiens faire droit à n o u s - m ê m e s , et l'aire par vous ouverture


de sa part d'adresse publique à cette républ ique sur ces


alî'aires et en la forme usitée entre Etats souvera ins , je


ue doute point que cet Liai ne soif content de recevoir les




'ir>0 T l O C U - U K X Ï ' S


I iriiput-itions I ion ne tes c l justes qui seront pour terminer les


dilféreinls el rétablir le commerce en s a liberté pour le bleu


c o m m u n . Et c o m m e j'espère que , par la présence de Dieu


avec nous , l a force et la pins mice de cette république ne


seront jamais employées à faire f c l à autrui , ainsi i'élal a u -


quel elle se trouve à présent, par la m ê m e présence et béné -


d ic t ion , est Ici que nous pouvons faire justice à nos peuples


contre ceux qui la refusent. Toute fo i s , nous serons désireux


de v i v r e pa is ib lement avec tous, et a imerons m i e u x reccu»i


ceux qui nous ont fait des injures à nous l'aire volontairement


raison que l a tirer d'eux par la force, au prix des souffrances


présentes de ceux qui peuvent e n leur particulier être i n n o -


cents , et desquels c'est le ma lheur , et non la faute, qu'ils


dépendent d'un Etal qui a ime mieux exposer ses peuples


innocents à des représailles que de faire justice aux justes i n -


stances qui se font pour l'obtenir. J'ajouterai seu lement que


je, souhaite un heureux accommodement des affaires, et une


pour y parvenir par les voies justes et honorables , j e c o n -


tribuerai tout ce qui est du pouvoir de votre affectionné,


serviteur


'W'ACTEH Eitosr.




I l l S T O l U Q U i S .


X V


( P a g e 2tM.)


y é moire louchant le commerce arec l'Angleterre,
(rédigé par Colbcrl).


4 6 S O .


l'ion que l'abondance dont il a plu à Dieu de douer la.


plupart des provinces de ce royaume semble le pouvoir mettre


en élat de se pouvoir sufiire à l u i - m ê m e , néanmoins la P r o -


vidence a. posé la. France en (elle situation que sa propre


fertilité lui serait inutile et souvent à. charge et, i n c o m m o d e


•ans le béiiéiice du c o m m e r c e qui porte d'une province à


l'autre et chez les étrangers ce dont les uns et les autres


peuvent avoir besoin pour en attirer à soi toute l 'util ité.


iVms avons laissé, perdre l'usage et. le bien du commerce .


Mat pai la. nonchalance avec laquelle nos peuples s'appliquent


à ce't honnête exerc ice , soif aussi par l ' iulorrupliou que les


étrangers y causent .


Le remède du premier m a l , qui vient de n o u s - m ê m e s ,


des humeurs et incl inations lurbulenies contraires à. u n légi-


'une trafic, est plus dii'licilo à trouver après les troubles qui


ont agile la France et qui ont été aux marchands la liberté el


sûreté de transporter leurs denrées; et la conliance nécessaire


'iu négoce ne, pouvant s'établir dans la confusion et la violence


.«les factions dont chacun veuf mettre à couvert ses effets, la


crainte survenue du péril qui procède des hostil ités étrangères


e. achevé, no In: r u i n e , étant le courage aux marchands d ' en -


voyer ou demander rien aux étrangers pour n e pas exposer à,


une visible perte tout ce qu'ils r isqueraient ,




4Ô2 D O C U M K X T S


! ti 111 que n i i M < n avons ou allaire qu'il l 'Espagne non? nous
en s o m m e s garantis assez heureusement : mais depuis que,


par un surcroît de malheurs , les Anglais nous oui déclaré


une guerre qui n'est pas moins fâcheuse qu' imprévue, r e l i a -


surprise en l'élut ou nous nous trouvons, sans armée navale


pour résister aux leurs Irès-puissanles , et dans l'abattement


des peuples des villes frontières, et le peu de secours ¡pie


reçoivent les l inances du roi depuis la cessation du cumineicc,


et les troubles qui empêchent de faire un fonds suffisant pour


armer une Hotte telle qu'elle serait nécessaire, il est difficile


tjue le c o m m e r c e puisse se rétablir tant que ce désordre con-


tinuera et qu'on soulfrira les représailles que les Anuláis


donnent , fondées sur diverses prises faites par des vaisseau.v


français ou vendues dans les ports de France.


Pour obvier aux suites de cet inconvénient qui nous puni-


rait en lin causer une guerre f ie l leuse , il semble qu'il n'y a


que ileux m o y e n s qui se réduisent ciitin à. un, c'est de Irai Ici


avec eux ; ou par un traité particulier, avec les intéressés qui


demandent , d isent- i l s , justice et restitution des choses prises


et confisquées sur eux , ce qui se réduit à. un long examen ou


discussion où il faut apporter beaucoup de considération et


faire comparaison des prises faites par les Anglais sur nus
marchands avec plus d'injustice ; ou il faut venir à un traite
général avec te r ég ime présent d'Angleterre qui , ayant ren-


versé la forme de l'Etat ancien, nous oblige p a r c e l l e muta-
lion à prendre nos sûretés avec eux par de nouvel les conven-
t i o n s , ou au moins à renouveler et confirmer les ancieas


traités entre la France et l 'Angleterre, avec cette différence


néanmoins que les prétent ions des rois ci'Angleterre (qui


n'ont point été transmises à leur peuple et dont la Uépublapie


ne peut avoir succédé) ayant rendu nos rois moins exacts à


demander diverses conditions pour le commerce avec iesdits


Anglais , dont les autres nat ions , el .particulièrement l e sEspa-




r f T S T O W Q U K S . 4 f â


griots, se sont prévains, nous pouvons a présent tirer divers
avantages en ee changement pour l'égalité du commerce sur
lequel ils nous traitaient très-iniquement tant par les imposi-
tions sur les marchandises que nos marchands en tiraient ou
y transportaient, qu'ils appellent d'esdavache, de capi.de., du
*nn eyeur et du coquet, qui étaient des impôts que les r o i s aug-
mentaient tous les jours aussi par des licences particulières et
'privilèges à des compagnies, exclusivement à.tous autres, du
transport de diverses marchandises, par le choix qu 'en avait
le pourvoyeur du roi d'Angleterre qui décriait et mettait à vil
prix le résidu de nos denrées où il n'aurait pas mis sa mar-
que, comme aussi par l'inégalité des poids et mesures, si fort
condamnée dans l'Ecriture et par laquelle néanmoins ils ne
donnent qu'au poids particulier et ne reçoivent aucune mar-
chandise que dans des balances publiques beaucoup plus
fortes.


Pour remettre le commerce, il y a deux choses néces-
s a i r e s , la sûreté et la liberté. La sûreté dépend d'une mu-
tuelle correspondance à empêcher les pirates et courses des
particuliers qui, au lieu de s'appliquer en leur navigation à
l'honnête exercice du commerce, rompent avec violence Je lien
de la société civile par lequel les nations se secourent les unes
les autres en leurs né :essités. Celte sûreté ne se peut établir
que. par des défenses respectives dans les deux Etals de faire
des prises sur les marchands des deux nations; et parce que
le prétexte du commerce que nos alliés font avec n o s ennemis
portant leurs effets dans n o s vaisseaux, a donné occasion à
des vaisseaux français d'attaquer les Anglais, et que les con-
fiscations ont été. fondées s u r cette raison par u n e explication
qu'on a donnée à l'ordonnance de François 1 e r e n l ' a n I.Viè!
-or le fait de l'amirauté, ait. Cl, néanmoins il semble qu'il
.aut m i e u x consentir que les Espagnols et autres nos enne-
mis tuent celte commodité par le moyen de nos al l iées , pourvu




• Il M ' U . U R N ' rs


que los Anglais s 'obligent à obtenir le m ê m e privilège pont


nos marchands quand ils passeront, «levant les armées dT.spa-


g n e , leurs ell'ets dans des vaisseaux anglais , pour o c pas, pour


causer un dommas'e de peu de conséquence a u x Espagnol.-,


donner occasion à la continuation d'une, piraterie qui ruine
le commerce , étant certain que jamai s des vaisseaux de guerre


ne visitent des marchandises sans laisser des marques de la


rapine des soldats qui n ' o n t pas la modest ie de se retenir,


trouvant facilité à prendre : l ' inconvénient q u ' o n peut trouver


que , s o u s la couverture de n o s al l iés , les sujets de n o s c i m e


m i s fassent quelque profil, se pouvant remarquer tous les


jours encore plus grand par la facilité que les propres sujets


du roi y prêtent sans q u ' o n les en puisse empêcher .


Cette déclaration réciproque, aux vaisseaux de guerre de-


deux nations interdirait d'arrêter, s o u s quelque prétexte que


ce soit, les vaisseaux marchands , et défendrait aussi l'entrer


des ports aux forbans et corsaires pour vendre leurs marchan-


dises , avec, injonction d'un sévère: châtiment à ceux qui e n


achèteraient . A quoi les gouverneurs des places et des poil-,


capitaines et officiers de la marine seront obligés do tenir l;<


m a i n , car ou ne doute point que la cessation des hostilités ne
remette en peu de temps le c o m m e r c e et par conséquent l'a-


bondance publ ique c l la richesse des particuliers, et notable-


m e n t les droits du r o i par la réception des. marchand oe:-


éti . ingères qui ne v iennent point cl. la sortie des denrées du


pavs qu'on n'ose exposer a la m e r .


Pour ce qui est du passé' et prises faites sur ues marchand-,


anglais , elles sont de deux natures et condit ions : ou bien el'o-


sont faites s u r les commiss ions du roi d'Angleterre dont nous,


no. saurions répondre, ni avoir e m p ê c h é que les sujets du roi.


et m é m o commandant ses vaisseaux, n'aient pris commission


d'un autre, prince, cousin du roi et dont la ic ine sa ntere e s t


présente et si considérée en France qu'au mil ieu de la guerre




l f i N T O l U Q ( : K » . 4r««


. <\ili> ii' parlement ilo P a n s | , i gratifia d'une pension notable,


puisqu'on \oit l o o s l e s jours que divers Français et m ê m e des
« iii-l's d e s troupes du roi M i n e n t le maréchal de Turcnue et
s n wal l 'archiduc et l e s e n n e m i s de la France . Mais tout ce
eue pouvait 'aire le roi avec son conseil était d é f a i r e délense


8 tous les ports d e recevoir les prises laites par les vaisseaux
et au nom du roi d'Angleterre, qui n'ont point de ports si


commodes qu'en France pour retirer leurs prises , au l ieu que


ledit Parlement et République possède tous les ports d'Angle-
terre q u i leur servent de retraite. Ou bien les prises ont été.
laites par des vaisseaux du roi avec sa commiss ion et bannière


(it1 France. Il se trouvera que tes vaisseaux anglais étaient


chargés de robe d'ennemi, ou qu'ils n'ont pas voulu amener


et obéir aux lois de la. m e r ; au contraire ont tiré sur les vais-s e a u x français; que s'il s e t r o u v e quelques abus c o m m i s par
i'"- capitaines des vaisseaux du roi, ou en peut demander la


justice q u i ne sera jamais déniée , au heu de représailles sur d e pauvres marchands qui n'ont point participé auxdites
prises, en q u o i l'injustice est évidente .


Et d'autant que les pertes faites par nos marchands, qui n e se plaindraient pas peut-être s'ils avaient été pris de la
îuè.ete sorte que les Angla i s , excellent ou pour le m o i n s é g a -


ient les leurs , il y a de l'apparence qu'il faudra venir à con-


sentir que chacun gardera, ce qu'il a pris, vu l ' impossibil ité d e la restitution que les Angla is m ê m e ne demanderaient
pas après une guerre ouverte , ainsi qu'il a été pratiqué eu


tous les traites faits avec leur nat ion . Il nous serait désavan-
tageux d'avoir été leurs anus et alliés s'ils nous traitaient si
rudement et a v e c des condit ions onéreuses, après avoir oh-
e r u 1 si rehgictiscïoeul n u e ponctuel le et exacte neutralité


perdent les guerres civiles oii le roi d'Angleterre m ê m e s'est
p i a i n i diverses lois que i.i Franco favorisait ouvertement, lu




456 n O c r V i E X T S


l ' u n i ' la liberté du c o m m e r c e , il y a deux choses à dési-


rer : l 'une la décharge des unpusi l ions et de celles que l e s


Anglais lèvent sur les marchands trancáis et où les Espagnols


m ê m e ne sont sujets en vertu de leurs traités : nous a v o n s
raison de demander pour le m o i n s îles conditions égales, le


c o m m e r c e de la France avant été toujours plus utile à l'An-


gleterre , et l 'entrée de ceux de notre nation n'y étant point, s i
dangereuse que celle de ce peuple méridional , avare cl amie


lieux : l ' au tre , qui regarde part icul ièrement la province


de G u y e n n e , la Rochelle et S a u l e s , est qu'ils laissent entiei
les vins de France en Angleterre , en leur permettant l'entrée


de leurs draps d irectement suivant, les traités faits avec leurs
rois pour le c o m m e r c e , au lieu que nous recevons tous les


jours leurs draps par les Hol landais qui leur portent aussi


nos vins transvasés dans d'autres futail les. L'intérêt d e s


fermes du roi est visible en cette permission réciproque, t e s
douanes ne. pouvant subsister si toutes les marchandises n'v


sont reçues indifféremment avec liberté et. n'en sortent île


m ê m e .


Le point où les Anglais s'attachent le plus et pour lequel
ils veu lent relâcher et condescendre à fout ce qu'on leur peut
demander est la reconnaissance de leur Républ ique , en quoi


les Espagnols nous ont précédés et obtenu en conséquence


l'adjonction de la flotte anglaise pour attaquer celle des
Portugais oui vient du Brésil . On a à craindre une plus


étroite uuion des négociat ions de l 'ambassadeur d'Espa-


gne en Angleterre. C'est à nosseigneurs les ministres à
prescrire la forme de cette reconnaissance, jusqu'où elle


doit aller, en quoi la France sera excusable devant Dirai ci


les h o m m e s si elle est. contrainte de venir à la reconnaissante


de cette République pour prévenir les ligues et mauvais des-
seins des Espagnols , qui l'ont toutes l e s injustices et se smi-


rnetlenf à toutes les bassesses imaginables pour nous nuire.




HISTORIQUES. 457


Jl semble que cette alfa ire, bien que délicate, se peut traiter


uc telle sorte que cette nation orguei l leuse s 'en peut contenter,


sans préjudice au roi d'Angleterre , ou favoriser le m a u v a i s


exemple de la dégradation de la royauté , après ce que la


franco a fait en faveur des Hollandais qui ne se contentaient


pas, c o n n u e les A n g l a i s , d'un c o m p l i m e n t , et ont fait voir


enfin que la foi germanique , ou plutôt batavique, n'était pas


plus solide que l'anglaise.




A Y !


Touchant ta République d'Angleterre (.Mémoire prhmlè
à la reine Anne d'Autriche et à son conseil par h
cardinal Mazarin.


J.MVIER ITJST.


Sur la quest ion proposée, il semble d'abord que , si on M-


règle par les lois de l 'honneur ou de la justice, l'on m-. d»n


pniiit reconnaître la Républ ique d'Angleterre, puisque la >••>,


ne saurait rien faire, de plus préjudiciable à sa réputation qiir


celte ivcoiniiii>sance par laquelle i iou-. iculcmciit i l . I IMIIHIOID»-


l'inlérèl du l'oi légi t ime, son proche panait , voisin et alla .


mais lui fait une ollense publ ique , et qu'l'jlle ne saurait M A I


la ire de plus injuste, que lie l'econnailre des usurpait ne- qui


ont souillé leurs mains du sang de leur souverain, et qui -c


sont v io l emment attribué le droit, de le condamner à m-AI I p a r


une entreprise barbare, de dangereux exemple dans loules


Jes m o n a r c h i e s , et qui fait horreur à tous les gens de bien.


Le roi d'Angleterre en fera, des plaintes et en témoignera


sans doute des ressent iments ipii feront de la (peine!, La rai-


son d'Etat obligerait plutôt de secourir le roi * .n ids iai


Ecosse ci eu Irlande, étant extrêmement, à craindre q u e , M le-


r e m u e m e n t s de ces deux royaumes sont une lois apaisés, ta


République d'Angleterre ne devienne plus orgueilleuse pn


ces heureux succès , vovanl son autorité élabhe au dedans, ne


fasse des entreprises au dehors , et n'emploie la giande force


qu'elle a sur pied plutôt, contre la franco que1 contre k-


autres f i a i s , à, cause do l'amruosité naturelle H grande ial»n-




HlSr<>HliiH!<>. IM


• ie qui ¡1 rUi ; (I'' tout temps ru in- les doux nations, et qui st*.
' I ' u u M ' H U | o u r ! ] ' h n i trruieniLTiI . uugmculec par les bostdi les
qui out I'ti: cvci lecs depuis pen sur 1» m e r entre, les sujels


l e s dcnv royaiunes,


Mais romine. les lois dc H i o n n e u r el do la justice nc d o i -


reiit jamais rieu Pure l a n e qui soil eoulraire a cellos di' la


orudence, il taut considerer que toutes les demonstrat ions


-pic run pourrait fa ire presentemenl. en favour du roi d ' A n -


•.deterre. ir'ameiicraient pas son retal i l i ssement; qu'un plus


'onu re his dc reconnaitre la l l epub l ique , qui est en possession


de faulori le sou \era ine , no scrvira de rien pour augmenter


o n conl i inicr les droits du ro i ; que ce que nous pouprions


iaire inainteiianl pour lui no servirail qu'i'i nous rendrc inea-


jialilesde l V s i s l e r mi jour plus u l d e m e n t dans une conjunc-


ture plus favorable ; ipic I Via I des a f f a i r e s do franco lie per-
i o d pas do 1111 doiiner ai icune sorlo d"assistance pour lui aider


'., relahhr ses alfaues; on i n e i i i e que les Anglais c't.ilit les m a i -


tres de la m e r , olent Ions les moye.ns de l u i en envoyer , et


que la pari ipic Ton prenilrait mairilciianl dans sa. querel le ,


o i l les ressenli i i ienls qu'ou loudrail leinoigner (de nouveai.i ' . ')


pour les Anglais oe s e n iraieul uu'a leur acquerir de nouveaux


. ' \ a u l a g e s ; que la t r a n c e , a cause do. la grandc guerre dont. i lie se trouxe charger au dehors, et des diverses tactions (tout
i lie est agitt'e an dedans, qui la jcl leraicnt dans uri peril


( xtreme si les Anglais \ ena ient b se declarer en favour d'une.


des factions, et quMs pussciil. y engager , coumic i l 'scrai l a
c raiudre a \cc le temps , les religiouuaires de ee r o y a u m e ;


siirtoiit ee que la uecessile du temps el de> alfaires obligera


de (aire en l'aveur de la. Kepubhque , i i 'enuiecl iera pas que


i i-apros en ne piiisse se pri'valoir des conjunctures favorables


(¡111 se pnVeii lcroot quand on sera en mei l leur clat pour laire


ipielepie grandc enterprise, et qu'il y a m a p k i s d'uppuicoco


i t 'v jiouvoir rcus-ir heureusement ; et que dVullcu.is il y a




4яо р о г г ' л п ; \ т 8
sujet «с craiudre que, si les Espagnols s*mt une l'ois, plus é t r o i ­
tement liés avec les Anglais, comme ils y travaillent плес r h ; ­
leur. ils ne les empêchent île »'arconmiodcr avec nous, cl oc
les engagent sinon à nous l'aire une guerre ouverte, «lu iiioin­
à leur donner de puissantes assistances contre nous; il ne
reste pas lieu de douter que l'on ne doive sans délai entier en
négociation avec la République d'Angleterre, et lui donner l.;
titre qu'elle désire,


Il y a néanmoins une condition absolument néeessaiie.
et sans laquelle il serait inutile de s'engager à l'aire cette re­
connaissance, qui est d'être assuré auparavant qu'on en reti­
rera quelque utilité capable d'emporter à la balance le préju
diee qu'on pourra recevoir en la réputation; car présupposé
qu'on puisse avec quelque certitude se promettre quelque
avantage, de ce qu'on fera, je n'estimerai pas qu'il se fallût
beaucoup arrêter aux formalités; mais il serait doublement
piéjtidiciable de faire une bassesse si, après l'avoir faite, lie
Anglais demeuraient dans l'indifférence et la froideur, et si
ces avances ne servaient qu'à les rendre plus orgueilleux et
plus difficiles dans les conditions du traité qui devra être fait
avec eux pour accommoder les différends que nous avons
ensemble.


La voie la plus honorable pour entrer en négociation
avec eux serait qu'ils envoyassent, ici un ambassadeur qui
sera reçu et honoré comme ministre d'une république libre.
Le roi de Portugal en a usé de cette sorte après sa proclama­
tion, ayant envoyé, vers tous les princes qui n'étaient point
obéissants d'Espagne, des ambassadeurs pour en donner part
et pour se mettre en possession de sa nouvelle souveraineté
par la réception qui leur serait faile­


Si les Anglais ont. une véritable disposition à s'accommo­
der avec nous, ils recevront favorablement cet expédient et
ne feront pas difliculté de renouveler la communication qui a




H I S T O R I Q U E S , К".]


• ;lr init ' i 'rompue depuis le c h a n g e m e n t arrive en Angleterre ,
¡1111 ­qu'elle doii produire d'abord un eilet qui leur est avanta­
geux et (ju'iis souhaitent si fort, que l 'exemple de ce qui aura
éié fait par le n u , qui l ient le premier rang parmi les rois de
l 'Europe, s o n ira c o m m e de règle à liais les attires, et qu'ils
ne peuvent pas refuser алее raison de faire pour nous ce qu'il»
ont voulu faire pour l 'Espagne où leur envoyé a. clé tué. On
pourrait m é m c J c u r faire valoir qu'ayant c o m m e n c é leur c o m ­
pliment par le lieu qu'ils ne devaient pas, ils nous ont donné
•ujet île plainte qu'on veut oublier pour le bien des deux
notions .


Ce qu'il y aurait de plus à craindre et qu'il faut so igneu­
enient éviter esl que les Anglais , qui visiblement penchent


plus du c»té d'Espagne cpie de franco,, n'aient l ' intention de
; MIS engager en leur laveur alin de s'en servir connue d'un
éperon pour hâter les Espagnols à, les reconnaître ouverte­
rient et à, s'unir avec eux.


La précaution dont on pourrait user serait d'exiger d'eux,
­'î! esl possible, de ne point traiter avec l 'Espagne pendant
quelque t emps , jusqu'à ce que la négociat ion que nous con­
duironsaveo eux soit terminée ou rompue , ou bien d'ébaucher
"o arrêter tel lement les condit ions de l'accommodement
avant, que de venir à aucune reconnaissance , qu'il n'y ail pas
lieu d'appréhender que l ' accommodement se (misse rompie
après que la reconnaissance aura été faite .


En un mot , c o m m e les Anglais ne voudront peut­être pas
.и .heter notre reconnaissance par les conditions d'un imi t é '
éventuel , nous devons aussi éviter de reconnaître la Képu­
i­hque sans cire déjà assurés que l 'accommodement entre


di­'iv nnlions s'en e n s u i v r a , car autrement on s'exposerait
à une houle publ ique sans aucun prob'­




D O C U M E N T S


X V I !


( P a K u 237.)


Projet d'instruction pour M. de ('•cnliilot, eueo;jê
en Angleterre.


Janvier,—Février l û j l


Le roi est, ent ièrement persuadé (pie les différends et hostr


l i lés , arrivés depuis quelque temps sur la mer entre les Fran-


çais et les Ang la i s , procèdent plutôt de quoique désordre e


malentendu entre ceux qui ont c o m m a n d é jusqu'ici les vais-


seaux de guerre que d'aucun dessein qui ail été formé de par


m d'autre d'entrer eu r u p t u r e , ni m ê m e d'interrompre la


bonne intel l igence qui avait élé entretenue jusqu'aux der-


nières années entre les deux nat ions , et dont la confirma!ion


semble éga lement nécessaire pour le bien et commodité »1«


l'un et de l 'autre.


Sur cette présupposi l ion, Sa Majesté a trouvé bon que le


sieur de Gentillot s'en allant en Angleterre travaille adroite-


ment et sans éclat, par le moyen des .amis et habitudes qu'il a


en ce pays- là, à se bien informer s'il y a une véritable dispo-


sition à faire cesser par un bon accommodement les diffé-


rends qui sont entre les deux nations et à rétablir entre elles


une bonne correspondance.


Le sieur de Genti l lot , pour agir ut i lement dans l'exécution


de ce desse in , doit être assuré avant tontes choses que le Par-


l ement d'Angleterre n'a point fait de traité particulier a'-oc


les Espagnols contre la France , et qu'il n'est point tellement


engagé avec eux qu'il ne puisse faire Ions les accommode-


ments et confédérations oui seront jugés utiles pour les deux




ÎIJSTOKIQCKS'. .103


I,'exemple d e i e qui e s ! pratiqué envers 'l'ambassadeur


d e P o i tugul oblige doublemenl. d'user de cette circonspection


avant qu'entrer eu aucun traité a \ e e l o Parlement , puisque ,


pour favoriser les E s p a g n o l s , on a longtemps maltraité ledit


ambassadeur, et que sous prétexte d'examiner son pouvoir ou


par des démarches inusitées , on a différé l 'audience qui lui


doit être d o n n é e , quoiqu'i l n'ait été envoyé que pour faire


honneur audit parlement et pour terminer a imablement les


différends que le Portugal peut avoir avec l 'Angleterre, ce


qui a donné heu de soupçonner que le traitement qu'il


recevait était une condit ion secrète au traité fait avec les


Espagnols.


D'ailleurs, nous avons sujet de nous plaindre que les dis-


cours obligeants qui ont été faits ici au sieur Morrell et les


bonnes dispositions qu'on lui a témoignées n'aient encore,


rien prolité pour l'aire cesser les hosti l i tés que les vaisseaux


anglais exercent confie, les sujets du roi, et. que l'on s'en soit


seulement servi en Angleterre, pour avancer les affaires des


Espagnols, Au moins ce procédé, joint au traitement que,


r e ç o i t l 'ambassadeur de Portugal , n o u s doit donner sujet de


craindre qu'après que nous aurons fait ce que ledit Parle-


ment désire de nous , il ne devienne dès le l endemain plus


eifiicile dans les intérêts que nous avons à démêler avec lui ,


lesquels demeurant indéc i s , et causant la continuation des


hostilités qui s'exercent sur la rner, donneraient, lieu aux Es -


pagnols de se prévaloir de notre peu de prévoyance et de


ti iompher de notre facilité qui ne nous aurait servi de r ien .


Il est donc abso lument nécessaire, pour ne rien faire qui


puisse exposer la réputation d'un grand royaume , de, s'assurer


avant toutes choses , non-seu lement que le Par lement d'An~


glcteire est eu pleine bberlé de Irai 1 e r avec nous et n'a point


d 'engagement avec les Espagnols qui les en e m p ê c h e ou qui


o o u s s o i t pré |udhaahic , mais que l'on convienne présente-




ment el on lermes généraiu «loó moyens d-accommndci Ion-*
los différends qui pourraient l'aire durer ou renouvelé! i . . .
après quelque sorte de mauvaise intelligence entre Íes sipeí
des deux royaumes.


Les Anglais ne manqueront ¡tas de demander que le roi
reconnaisse apparemment leur itépublique par des lettres ci
attires démonstrations publiques. Sur quoi le sieur de f.cn-
lillot représentera qu'il n'y aura point de difficulté sur cet
article, que Sa Majesté esl disposée de l'aire ce qu'on de ne
d'elle sur ce sujet, et que c'est un point que le Parlement peu!
se lenir pour accordé selon son désir: mais que, pour les con-
sidérations touchées ci-dessus, il nous importe d'être assuié-
qn'après la reconnaissance faite nous ne rouirions pas en run-
diré ou en mauvaise intelligence pour les dilïérenls qui son!
aujourd'hui entre les deux nations, et que les hostihlés ces-c-
runl entièrement.


L'assurance ne peut être autre que de convenir en même
temps d'un projet d'accommodement pour les différend? qui
sont entre les deux nations et qui semblent avoir procédé
piincipaleinent de deux causes : la première, de la prohibition
des marchandises d'Angleterre, faite à l'instance du Parlerneoi
de Paris; la seconde, de la prise do quelques v aisseaux anglais
laite par ceux du roi équipés en guerre contre l'Espagne...


Touchant la première cause, l'on n'ignore pas en Angle-
terre que S. M., pour la pacification des troubles de e»n
royaume, a été obligée d'accorder celte défense aux instan-
tes supplications qui lui en ont été faites par sou Parle-
ment de Paris en faveur de ladite ville, et que S. M, qui a
toujours fait traiter favorablement les étrangers dans son
royaume, et particulièrement les marchands anglais, ne s'est
portée qu'avec déplaisir à ce qui a été désiré d'Ellc en cette
rencontre par quelques-uns de ses sujets, en même temps
qu'il y en a. d'autres qui en reçoivent, du préjudice. Or Sa




n i s T o i u i . i ï ' E s . m


V.ijcslé c>! inriiie résolue >li! l'aire Imil ce qui dépendra d'elle,


j x i u r ifiellrc les choses dans l'élut qu'el les étaient a \ant cette


dé'l'ense.


Si on vent, examiner sans passion la seconde cause des,


cilVéï'r-uds. il se trouvera que tout le sujet de plainte est de


nuire ei'ilé : quoique S- M. n'ait, jamais d o n n é commiss ion ni


a <es sujets, ni îi aucun autre pour agir contre l 'Augletcrre.


qu'elle ail. l'ait observer par tous ses Etals une' si exacte n e u -


tralité entre les deux partis d'Angleterre que m ê m e elle a


i .-l'usé la reirai le dans ses ports auv vaisseaux du roi de la


i n'a nde-Bretagne, qu'elle a défendu l'entrée et \ ente dans son


royaume de toutes les prises qu'ils auraient faites cl. p o u r -


raient faire c i -après sur les marchands et autres tenant le


parll du Parlement , qu'elle a depuis fuit publier des dé-


o 'uses très-rigoureuses à ses sujets d'armer ou qu'on reçoive


i. c o m m i s s i o n de quelque pottvnii étranger que ce suit, et


qu'elle a toujours offert de faire prononcer , selon la justice


ci les lois observées de tout temps entre les deux nat ions ,


-i ir toutes les plaintes qui lui ont été portées des prises faites


par ses vaisseaux oit les Anglais se sont trouvés intéressés;


nonobstant toutes ces favorables déclarations et procédures ,


le Parlement d'Angleterre n'a pas laissé d'interdire le c o m -


merce avec la France et d accorder des lettres de marque


ou de représailles contre les sujets du roi, et ensuite ne faire


p.-s seulement attaquer et prendre tous les vaisseaux m a r -


; f a n é s qu'ils ont rencontrés sans aucune raison ni prétexte,


mais même de faire attaquer les vaisseaux de guerre de S. i l .


¡1.0-les s iens , témoin le combat contre l'escadre de Turenno


qui venait dans la rivière de Bordeaux servir Sa Majesté et oit


h Irégate la Vharitr fut prise , l'attaque que les Anglais firent


aussi sur quatre vaisseaux du roi aux côtes du Portuga l , où


c ni du cheval ier de F o n l e u j fut pris et lui tué rée l lement


après la prise, et témoin enl iu la prise d u vaisseau le Juk»




4№ ПОСимГЛ'ТК
qu'ils iront pas laisse do prendre quoiqu'il ait baissé le pavil­
lon et n'ait rendu aucun cianba! , ce. qui est commencer une
espèce de guerre sans l'avoir dénoncée auparavant et sans «.•<•
avoir aucun sujet l ég i t ime.


Il serait bien à. propos que le sieur de Gent i l l e t , ayant
représenté ce que dessus à ceux du Parlement avec lesqin.'
il a. quelque habitude, qu'il reconnaîtra mieuv disposés à 1 i
réconciliation des deux nations et capables de la. procurer,
essayât de les engager à l'aire quelque ouverture d'accommo­
d e m e n t pour découvrir en quels termes ils est iment qu'il se
puisse faire p r o m p t e m e u t , en donnant assurance que de ce
côté­c i on est ent ièrement disposé à toutes les choses r a i ­
sonnables qui pourraient être faites avec honneur . Cepen­
dant on a déjà donné charge à une personne de qualité
de se tenir prèle pour aller à Londres de la. part du r o i
pour la reconnaissance ci­dessus , et puis ajuster les a i i h e ­
choses pour le rétabl issement de la bonne intell igence etdie
f.'s deux nations aussitôt qu'on aura eu des nouvelles du dit
Genti l let .


Il semblerai t surtout nécessaire, r a c c o m m o d e m e n t élan'
résolu et projeté, que la I iépubl iquc envoyât eu cette coui
quelqu'un de sa part pour dorinei avis du changement qu'elle
a l'ait en la forme du gouvernement d'Angleterre, c o m m e elle
a t'ait en E s p a g n e , aux Pays­Bas , à Hambourg et autres en­
droits où on a voulu recevoir ses mimslres . Néanmoins ,
c o m m e ils pourront dire d'avoir déjà envoyé le sieur Aucecr
qui n'est pas encore venu, s'ils apportent Irop de difiictillés à
consentir à cet envoi , le sieur de Gentillet pourra ne pas s'v
arrèler.


Le projet dudit traité pourrait être aux termes s u i ­
vants :


Qu'il y aura "a l'avenir bonne correspondance et amitié
entre le roi Très­Chrét ien de France et de Aa vai ro, ses pays et




iijets d'une part, et la Républ ique d'Angleterre, ses pays et


sujet- d'autre part.


Que les traités ci-devant laits entre les rois de France et


e'Angleterre pour régler la façon de vivre et la forme du c o m -


merce entre les deux nations demeureront en leur force et


vertu, et seront invio lablemenl observés entre S. M. et ladite


Républ ique.


Fn conséquence de quoi les host i l i tés cesseront, dès le jour


du traité, entre les sujets des deux États, et toutes lettres de


i la ïque et de représailles seront révoquées dès ledit j our ,


e t sera le commerce rétabli en la m ê m e l iberté et aux m ê m e s


• oiiditions qu'il était fait avant le c h a n g e m e n t arrivé en A n -


g l e t erre , moyennant que les défenses qui ont été faites de


part et d'autre seront aussi révoquées , Sa Majesté et ladite


République se réservant chacun le pouvoir qui leur appartient,


d établir, dans les lieux de leur obéissance, tels droits , péages


el impositions qu'elles jugeront, à propos sur les marchandises


et denrées venant de l'un ou l 'autre pays.


Toutes actions et demandes des vaisseaux et autres choses


pn-es de part el d'autre sur la nier avant le jour du traité,


il.-iiienreronl éteintes et abolies puur nter tout sujet de n o u -


veau trouble à l'avenir en Ire les deux nat ions , et n é a n m o i n s


I" Jules et autres vaisseaux de guerre qui se trouveront avoir


été pris appartenant immédia tement à Sa .Majesté on à ladite


h. 'publique, seront restitués de bonne foi en l'état qu'i ls


étaient lorsque la prise a été faite.


Les vaisseaux do guerre de Sa Majesté seront, reçus dans


les poi ls d'Angleterre et ceux de ladite Républ ique dans les


ports de France , aux condit ions el pi crantions tenues aux


'mites précédenis , et l'entrée desdits ports sera interdite a u \


,:ii-'-e;iu\ ée guerre des ennemis de Sa Majesté en Angleterre ,


i i ceux des e n n e m i s de la Républ ique dans les ports de




Ee loi et ladite RépuhlK|no n o j i i m i T o n L donner à l'avenu


a u i a m o sorti; d'assistance aux e n n e m i s l'un de l'autre.


S'il reste quelque sujet de diiVérend entre le? deux E t a l s


ou leurs sujets , il sera i c i m i u é a imablement et selon lu j u s -


tice, sans que pour raison de t e l'iintitii'' et lionne inte l l i -


gence de Sa Majesté et de ladite Républ ique puisse être


altérée.


Toutes ces condit ions sont si raisonnables et si avanta-


geuses pour l'Angleterre qu'il n'y a pas lieu de croire que


ledit Par lement y lasse difficulté, vu m ê m e que le droit de


faire les traités et confédérat ions est une plus solide marque


de souveraineté , et que celui qui sera fait présentement sera


un acte plus authent ique que celle dont ladite République


est en possess ion, que toutes les lettres et compl iments qui


peuvent être faits pour la reconnaî tre , lesquels sont plus


sujets à être révoqués ou changés qu'un traité signé de


part et d'autre qui doit servir de loi aux deux nations pour


leur négoce et forme de vivre ensemble; ce que le sieur de


C.eutillot saura très-bien faire valoir afin d'augmenter ta


disposition que les Anglais peuvent avoir déjà de traiier a n c


nous ,


!! pourra m ê m e laisser entendre que si ladite République


désire quelque e n g a g e m e n t plus étroit avec la France, prin-


c ipa lement contre l ' E s p a g n e , l'on y est ent ièrement dis-


posé do ce côté-ci . H lui sera très-facile de faire connaître


l'avantage que les Anglais y trouveraient, et les moyens que


nous pourrions leur fournir de se prévaloir, soit du côté ilc-


Indes ou ai l leurs , de l'état où se trouve à présent réduite la


monarchie d 'Espagne à laquelle il? ont grand intérêt de ne


pas laisser reprendre les avantages qu'elle a eus ci-devant


lorsqu'elle a formé des entreprises sur l'Angleterre. El en c a -


que ledit sieur de Gentil let v trouve disposition du côlé des


Analais , sur le? avis qu'il en donnera, l'ambassadeur qui




I i r S T O l U Q T ' E S . 4C9


passera en Angleterre sera chargé et aura pouvoir suffisant


d'en traiter.


Le sieur de Ceulil lot pourra sur ce sujet les faire adro i -


tement souvenir de ta max ime qui a toujours été tenue par


ies pins sages nnnis lres de leur nat ion, qu'il est plus avanta -


geux à l'Angleterre d'être en guerre ouverte avec l 'Espagne


que d'avoir la paix avec el le , et qu'au contraire en ce qui re-


garde la France , soit par le voisinage, soit par la puissance de


notre gouvernement , et par l'avantage que l 'Angleterre tire


de notre c o m m e r c e , l'amitié lui en doit être très-considé-


rable; d'autant plus que quelque mal et quelque i n c o m m o -


dité que nous peut apporter la rupture, la France est toujours


le royaume dont l 'Angleterre a le plus à espérer ou à craindre;


el m ê m e dans le trafic, la prise que nous faisons d'un seul


vaisseau anglais nous fait le plus souvent dédommagés de la


perte que nous aurions de trois des nôtres, pour la valeur des


marchandises dont ils sont ordinairement chargés


On remet au sieur de Genli l lot de s'adresser, pour le bon


succès de sa négociat ion, aux personnes qu'il croira les mieux


intentionnées et les plus capables de la faire réuss ir .


Le sieur Angier a témoigné que la France se portant à


la reconnaissance ci-dessus, il ferait favoriser le plus possible


cette couronne en contribuant avec chaleur ce qui peut d é -


pendre de lui pour la bonne intelligence des deux nat ions . Le


sieur Genlil lot le verra et lui dira la conliance que Leurs


Majestés ont en sa parole, et qu'elles lui en demandent m a i n -


tenant les elfols.


Il verra aussi le sieur F leming , et lui rendra la lettre de


M. de l îc lhèvre. C'est une personne qui en tout temps a té-


moigné alfeclioii pour cette couronne et a, rendu tous les s e r -


\ i ee s qu'il a pu aux ministres de S. i l . , et on no doute point


qu'il ne continue à le l'aire en (ette conjoncture, qui a tant


d'importance au bien el. au repos des deux nat ions .




4T0 ТММЧПИШЗ


Sur Ion (os choses , il rsl abso lument nécessaire que M i t
sien г de Gentillot l ienne le secret de son vovage bien secret,
de crainte que , s'il était découvert par les Anglais , il ne r e n ­
contrât des obstacles à entrer en négociat ion avec eux, pareils
à ceux qui se sont formés quand Ton a su que le sieur Salo­
m o n y allait être envoyé .




m s T n i u o t . i ' i s . 471


(Г>аЬ­е 25! ) . )


!" instruction pour le comte d'Estrades envoyé en
Angleterre.


M o n t e r e z , i!5 avril 1 6 S 2 .


M. d'Estrades, pour traiter avec les Anglais et disposeí
les choses à un bon accommodement avec eux, doit être i n ­
formé que nous avons présentement trois diÛérends princi­
paux avec la République d'Angleterre.


Le premier est sur la forme de traiter avec elle, puisqu'elle
ne veut entrer en aucune sorte de négociation ni de coulé­
tence que le roi ne la reconnaisse pour République libre et
souveraine, et ne lui écrive aux mêmes termes que lui ont
écrit les autres souverains qui ont déjà l'ait cette reconnais­
sance.


Le second est touchant les prises faites sur la mer de part
et d'autre par représailles ou aulrement, touchant les moyens
de rétablir le commerce entre les deux nations, touchant la
forme de vivre et de se saluer quand les vaisseaux de guerre
ou autres des deux Elats se rencontreront à la mer, et tou­
chant l'observation des anciennes alliances et précédents
traités.


Le troisième est touchant les hostilités ou représailles qui
s'exercent présentement de part et d'autre.


Pour le premier, nous demeurons d'accord qu'il précède
¡es antres dans la négociation et dans l'exécution. Pour cet
elfel, le sieur d'EsIrades peut promettre, à ceux qui ont charge
de traiter ou conférer avec lui, que le roi est prêt de r e ç o i t ­




l'/V n i 'M ' ' r \ n<Nïs
naili'C la République cl de lui écrire une lettre avec tes
mêmes titres qui lui ont été donnés jusqu'ici par les autres
rois, de l'aire rendre cette lettre par un gentilhomme qui sera
envoyé exprès en Angleterre, cl de le faire suivre, si on le
désire, par une ambassade solennelle.


Mais cet article ne peut être accordé ni exécuté que l'on ne
soit en même temps d'accord du troisième avec les Anglais,
car il ne serait ni honorable pour le roi, ni juste pour les
Anglais, que Sa Majesté leur envoyât faire un compliment en
la forme qu'ils désirent, si elle n'est assurée que la lettre
ayant été rendue et la reconnaissance faite, les hostilités et
les représailles cesseront départ et d'autre. Sans cela, il sem-
blerait que les Anglais voudraient ajouter le mépris à l'of-
fense , si en même temps que nous leur faisons des civi-
lités, ils continuaient d'attaquer les vaisseaux des sujets du
roi sur la mer.


Pour le second article, comme il contient la matière de
tous les traités précédents, il faudra nécessairement le ren-
voyer par-devant des commissaires qui seront nommés de
part, et d'autre, parce qu'ils auront besoin d'un plus long
délai pour examiner et résoudre les différends qui sont entre
les deux nations pour raison des prises, du commerce, de la
forme de vivre en se rencontrant sur la mer et de l'observa-
tion des anciennes alliances, qu'il n'en faudra pour les deux
autres articles qui peuvent être accordés et conclus en un
moment. Lesdits commissaires auront pouvoir d'arrêter ce
qui se trouvera raisonnable de part et. d'antre, et d'en assu-
rer le payement, selon ce que ledit sieur d'Estrades a témoi-
gné par ses lettres que c'était l'intention des Anglais.


L'on ne doit, pas craindre que ce second article soit capable
d'empêcher l'accommodement, puisque dès à présent l'ouest
prêt, de la part du roi, de rétablir les choses au même état
qu'elles étaient avant l'interruption du commerce entre les




M I N T O R I Q U K S : 47-i


douv nations si le? Anglais lo désirent; ou s'ils souhaitent
• I i ut ta i<] nue quelque nouveau règlement, l ' on est prêt
d'en convenir pourvu qu'il soit égal pour les uns et pour les
autres.


Quant aux premier et troisième articles, les Anglais ne
pouvant pas refuser de les traiter conjointement, il sera né-
cessaire que ledit sieur d'Estrades les ajuste e n même temps,
c'est-à-dire qu'il ne s'engage point à l'envoi d ' u n gentilhomme
chargé d'une lettre du roi pour reconnaître la Itépublique
l'Angleterre, qu'il n'ait parole et n e soit assuré que, dès le


inur même o u le lendemain de l'arrivée dudit gentilhomme,
quelqu'un du corps du Parlement d'Angleterre aura pouvoir
de signer une convention avec lui par laquelle il sera porté que
toutes les hostilités et représailles cesseront de c e jour-là, et
que dans deux mois, o u plus tôt si faire se peut, o n enverra
de part et d'autre des commissaires, a v e c pouvoir suffisant, ¡111
heu dont if sera convenu pour traiter et s'accorder ensemble
rie tous les autres différends.


Si les Anglais font difficulté de révoquer o u faire cesser les
hostilités et représailles pour toujours, à quoi pourtant ou n e
vilit aucune apparence, il faudra ménager que la cessation
dure pour deux o u trois ans tout au moins.


Le roi, désirant d'avancer cette négociation autant qu'il s e
pourra, a envoyé au sieur d'Estrades la lettre que Sa Majesté
écrit au .Parlement de la République d'Angleletre, et au cas
qu'il Y ait quelque difficulté sur les termes, il n'aura qu'à fa
renvoyer à Sa Majesté et f a i r e savoir c e qu 'on désire alin
qu'elle y fasse pourvoir promplement.


Le. sieur d'Estrades choisira, parmi les officiers qui sont
prés de fui ou ailleurs, telle autre personne qu'il reconnaîtra
plus propre pour être chargée de cet emploi, lui délivrera
iadde lettre et la commission du roi qui lui donne pouvoir de
huiler, et le lera partir sans délai pour se rendre à Londres




471 p u r T V |. \ i s


eu di l igence , après néanmoins avoir t ire assurance de ce qui
est perlé c i -dessus .


Sa Majesté a déjà c o m m a n d é qu'on envoyât an sien)' d l'.s-


Iraiies toutes les expéditions nécessaires , à ipna M. le ronde de


Bidonne n'a pas manqué de satisfaire; de sorte que ledit sieur


d'Estrades les ayant reçues , il n e reste qu'à lui recommander


que, si eu avançant cette négociai i o n . c o m m e o n ledés i i e pur


deçà, il engage Sa Majesté à quelque chose , il n'oublie pas


de prendre garde que ceux qui traiteront avec lui soient suf-


f i samment autorisés pour faire tenir e n Angleterre les choses


qu'ils lui auront promises . 11 n'oubliera pas aussi de remer-


cier de ma part M. Cromwel l des offres obligeantes qu'il me


fait faire, dont je m e sens e x t r ê m e m e n t son redevable, et de


lui faire sur ce sujet toutes les civil ités qu'il jugera à propos,


2 ' Le cardinal Mazarin au comle d'Estrades.


M u n ' t r e m , -2s n v r i l 1 0 : , ? . .


Monsieur, vous apprendrez de n o u v e a u les intentions du


roi touchant ce que l'on peut faire avec les Anglais par la


lettre que M. de Br ienne vous écrit. Celle-ci ne sera qu'un


abrégé des principaux points que l'autre contient qui vous


servira peut -ê tre à la m i e u x comprendre .


L'attaque de Cravelincs nous m e t dans une pressante


nécessité de savoir les intentions des Angla i s , parce que la


place ne pouvant être secourue que par m e r , la chose peut


être entreprise avec espérance du s u c c è s , pourvu que les


Anglais ne s'en m ê l e n t p o i n t ; mais étant c o m m e impossible


s'ils sont joints à l 'Espagne et obligés «le favoriser ses des -


seins contre nous , il est de la dernière, importance «le décou-


vrir promptement leurs résolutions en traitant, avec eux du


différend que nous avons ensemble .




! ! fSTOlï IQTTT%S, 475


Si !c haiié que nous devons l'aire avec eux peut être conclu
bientôt, ce sera le meilleur et il réglera tout. Vous savez
en ec1 cas que nous sommes prèls : en premier lieu, de recon -
H titre la République d'Augletcia o et ée lui éei ire aux termes
qu'elle peut raisonnablement ilésiror; eu second lieu, de
i i'Himier présentement des eoiumissaii'es pour examiner, avec
ceux que la République nommera , les prises qui ont été
laites île part et d'autre sur la mer, et pourvoir avec sûreté é la
,-ilislactioti de ceux à qui elle se trouvera due, à la charge
néanmoins que d'abord, en rendant la 1 ••lire du roi avec la
suscriptiou <pie la République a désirée, on conviendra de
surseoir toutes hostilités et représailles de part et d'autre.


Si cet article est accordé, nous serons assurés pour les se-
cours que nous entreprendrons d'envoyer à Graxeliiics; et tou-
t-lois pour plus de précaution, il sera bon d'en loucher un mot
à -M. Gromvvell pour avoir sa parole s'il est possible, ce qu'oïl
pourra faire en demandant quelque chose de plus, comme
par exemple la liberté, pour les vaisseaux du roi destinés pour
i e secours, de relâcher en sûreté dans les ports d'Angleterre
si le vent contraire ou quelque autre considération les y
oblige.


Pour obliger les Anglais à désirer davantage de se réunir
avec nous, il ne sera pas mal à propos d'entrer avec eux en
traité de la cession de Dunkcrque; et en effet le roi leur
remettra volontiers cette importante place pourvu, en pre-
mier lieu, qu'ils se joignent avec nous contre l'Espagne et
qu'ils y demeurent unis tant que la guerre durera, avec obli-
gation de nous assislcr de leurs forces de mer pour la défense
de nos places maritimes ; en second lieu, qu'ils nous donnent
nue somme d'argent considérable, comme pourrait être un
million d'or ou huit cent mille écus ; en troisième lieu, qu'ils
commencent leur assistance présentement pour le secours de
Gravrhncs. pour lequel ils nous prêtent de leurs vaisseaux ;




•170 U O C I J M E X T N


en quatr ième l i eu , qu'ils s'obligent de laisser la. religion t-nilt..


I iqueen l'état où elle est à présent dans Dunkerquc , et s'il e s t


possible, de ne mettre dans la place qu'une garnison catho-


l ique .


S'ils faisaient difficulté de se déclarer ouvertement conl ie


l 'Espagne par le secours dcGrave l ines , en nous fournissant un


lion nombre de vaisseaux pour transporter en France (lors-


qu'on leur remettra Dunkerquc) la garnison qui est. mainte-


nant dans la place, ils pourraient donner ordre secrètement,


à ceux qui auraient soin de votre conduite , de. taire ce que


vous leur ordonnerez, et vous les pourriez engager à \ d é -


mettre dans Gravclines avec toute votre garnison.


Dans l'état présent des affaires, nous aurons sujet de noii*


consoler de la perte de Dunkerquc si el le produit la conser-


vation de Gravclines et la jonction des Anglais avec nous con-


tre l 'Espagne aux condit ions marquées ci -dessus.


Si toutefois toutes lesdi les conditions étaient trop malaisées


à obtenir, le roi vous permet de partir par degrés de quel-


q u e s - u n e s des moins importantes , es t imant p l u s u l i l e , dans la


conjoncture présente , de conclure promptemont un traité1 d'al-


liance avec les Anglais qui sauve Gravcl ines , que de le ditleier


pour l 'espérance d'obtenir quelque condition plus avantageuse


pour laquel le il faudra renvoyer par deçà et employer plus


de temps , à cause que , pendant cette longueur, Grav cimes se


pourrait perdre.


En lin tout est remis à votre prudence et à l'affection que


vous avez pour le service du roi. Je vous dirai seulement qu il


importe, merve i l l eusement que. vous envoyiez en diligence à


M. Cromvvell une personne intel l igente qui puisse, étant sur


les l ieux, s'éclairer des desseins qu'il peut avoir. Car s'il est


vrai, connue les nouvel les publiques du Londres le portent,


que la Républ ique d'Angleterre soit eu termes de s'accom-


moder avec Messieurs les Etals, et que votre accommodement




t U S T O U l Q U E S .


avec elle suit incertain ou lire «le longueur, il y aurai!, sujcl
de croire que les propositions d'accommodement dont
M. Cromwell vous a l'ait parler n'ont été faites que pour
nous amuser ; et il serait à craindre que ladite République,
pour profiter de la dépense qu'elle a faite en composant, une
si puissante flotte, ne se portât à faire quelque, entreprise
contre cet Etat, dont nous savons qu'elle est. extrêmement
sollicitée par les envoyés de Aï. le prince.


En ce cas , il faudrait promptement en donner avis à
M. Brasset1 et agir de concert avec lui pour voir s'il n'y au-
rait pas moyen d'engager Messieurs les États, qui ont de puis-
santes forces sur la mer, à nous donner quelque assistance,
leur intérêt les obligeant à empêcher les Anglais de prendre
des avantages sur nous qui leur donneraient moyen, étant les
plus forts sur la mer, de se rendre enfin les maîtres du com-
merce de France ; mais il ne faudra faire cette tentative
qu'après avoir perdu toute espérance de notre accommode-
ment avec les Anglais et avoir reconnu qu'ils ont résolu de
nous attaquer.


> E n v o y é d e la c o u r d e F r a n c e à l a H a y e .




D O C T M E N f S


X I X


( P a g e 250 . )


Don Alonzo de Cardeîtas à don Geronimo de In Torrc


Louilie», 1» juillet 1058 .


Le Parlement a résolu de publier un manifeste contre les
Hollandais;, dans lequel il expose les griefs de celle République
contre eux. On dit que le manifeste paraîtra dans deux jours
et qu'il sera suivi d'hostilités. Ces puirs-ei, une escadre de,
bilimeuts du Parlement, qui croisait à l'entrée delà Manche,
a fait subir une grande défaite aux bâtiments hollandais tpn
venaient de l'ouest au nombre de quarante voiles. Les Anglais
en ont pris sept, en ont brûlé quatre et en ont forcé vingt di-
se jeter sur les sables de Calais : c'était comme s'ils avaient
donné contre un récif, car les Français de la côte les ont pillé-
complètement. La cargaison de l'un des bâtiments qui ont
été brûlés valait 100,000 ducats, au dire des gens qui se trou-
vaient à bord.


On a fait ici subir de grands affronts à Gentillot, envoyé
du roi de France. Avant d'entrer à Londres, il avait écrit au
maître des cérémonies qu'il venait de la part du roi Très-
Chrétien auprès du Parlement, avec des lettres de créance
pour reconnaître la République d'Angleterre dans le cas où
elle révoquerait les lettres de marque délivrées contre la
France, ainsi que l'avait offert, de la part de l'Angleterre,
Guillaume Villiers, frère du duc de Ruckingham, au roi de
France, ce dont il avait ordre de rendre compte au Parle-
ment. Le maître des cérémonies porta cette lettre au conseil.




iri'STOTUQÎ'ES, m


tl'Elat o ù , après ou avoir dél ibéra, on décida d'appeler Yi l -


liei's, on lui lit voir la le lire de Genl i l lo l et on l' interrogea


là-dessus. Mal lui en aurait, pris s'il n'avait pas absolument


nié la chose, et m ê m e d e m a n d é au Par lement la permiss ion


de provoquer Genl i l lot en due l . Le conseil d'Etat se borna


cependant à lui ordonner d'écrire u n e déclaration dans la-


quelle il désavouerait l'offre faite, disait-on, par lui , à la cour


de France. Le maître des cérémonies a répondu à Gentillet


d'une manière très-brusque, en lui disant qu'on avait vu , par


Ja déclaration de Villiers qu'il lui c o m m u n i q u a i t , que ses


dires étaient une imposture . C'est à la sui te de cela que ce


Français vint à L o n d r e s ; le Conseil le lit venir , et le faisant


rester debout et d é c o u v e r t , il l ' interrogea au sujet de divers


points en c o m m e n ç a n t par lui demander qui il était , de quel


pav- , comment II s'appelait, pourquoi il venait et qui l ' e n -


voyait. Il répondit qu'il était Français , qu'il se n o m m a i t


Genli l lot , qu'il venait c o m m e envoyé du roi de France et


qu'il trouvait qu'on ne le traitait pas selon sa qualité d ' en -


i o \ é . On lui demanda s'il apportait des lettres de créance,


à quoi il répondit que. oui ; alors on lui d e m a n d a pourquoi il


ne les avait pas apportées pour les présenter; à quoi il répon-


dit en donnant toute sorte d'excuses fondées sur des ordres


dont il se disait porteur. Alors on le lit sortir de la salle et


attendre; au bout d'un quart d'heure, on l'appela de nouveau


et ou lui dit de présenter ses lettres de créance dans trois


jours et de venir en rendre compte , avec menace de lui assi-


gner un bref délai pour sortir de Londres et du pays dans le


cas où d ne le ferait pas.




I i O C l ' . U J C . v n ;


( P a g e 2W.)


[" il. de GenUllot à M. Servwn.


Caliii.-, 1~ *ia_i!umlirc lljr>2.
Voici des nouvelles non moins fâcheuses que véritables.


Les Anglais ont pris les vaisseaux que l 'on avait préparés pour
le secours de Dunkerqtte, après les a v o i r guettés plus de dix
jours, à c e que rapporte le capitaine d'un v a i s s e a u brûlot.


M. le commandeur de Roisrnorand , qui commandait un
vaisseau nommé le Iien/er, dit que M. de Vendôme ayant
commandé sept v a i s s e a u x et autant de brûlots pour aller à
Calais charger les vivres, gens et munitions que l'on devait
jeter dans Dttnkerque, l'amiral ayant retenu seulement s ix
ou sept brûlots a v e c l'Anna et un autre grand vaisseau, cette
petite escadre prit la route v e r s Calais où elle arriva sur le
soir et mouilla l'ancre. Ce qu'à peine elle avait fait quand
cinquante-quatre voiles anglaises lui fondirent sus à pleines
voiles. Dans le commencement elle crut que les Anglais l a
prenaient pour anglaise, si bien que pour les désabuser e l l e
arbora ses pavillons. Les français, voyant que les parleuten-


' taires ne laissaient pas de les joindre, appareillèrent dans le
dessein de gagner la Hollande, et pour cet effet levèrent
l'ancre; mais ils ne firent pas grand chemin sans être enve-
loppés par les Anglais qui les ont tous pris, à la réserve du
commandeur de Doismorand qui, à la faveur de la nuit et d u
feu des ennemis, trouva moyen d'éviter leur rencontre et de
se sauver. (Je fut samedi au soir. 11 est arrivé ici environ les
six ou sept heures de ce mutin.




H I S T O R f Q U E S 4 8 1


2" Le duc de Vendôme à L'amiral. Blake.


O i e p p c , 2 3 s e j n e m b i ' e LTÈ';2.


J'ai été extrêmement surpris d'une nouvelle que je viens
d'apprendre. Quelques matelots qui étaient sur les vaisseaux
du ini, mon mai Ire, m'ont rapporté qu'une escadre de son
innée, que j'avais envoyée pour le secours de Duukerque, a
été attaquée et presque toute prise vers la rade de Calais par
la flotte de la République d'Angleterre que vous commandez,
l'envoie ce gentilhomme vers vous pour en savoir la vérité,
et ne puis croire, n'y ayant point de guérie déclarée entre les
lotix nations, m aucun juste sujet d'exercer des hostilités entre
l'oue et I autre, que ce qui a é t é entrepris contre, les vaisseaux
de Sa MiqcsLé ait été fait par l'ordre de la République. V o u s
.riirc/; p u voir par ceux que j'avais donnés au sieur de Menti-


l.i! capitaine ilu b r û l o t , qui est armé un pou après l'autre,
'lit qu'ayant été pris et reconnu par le généra! filake qu'il
avait servi autrefois , et ledit général ayant cru que son
vaisseau n'était que frété et n'appartenait pas au roi parce
que. ledit capitaine lui e n dit, le lui avait rendu, et qu'ayant
été parmi les e n n e m i s il avait vu quelque chose du mauvais
tialternent que messieurs les chevaliers avaient reçu parles
Anglais avec menace d'un plus rigoureux, en haine des prises
que les autres chevaliers ont. faites sur eux en Provence. Ils
s11111. venus, j e dis les Anglais, jusques auprès de nous cher-
cher notre amiral VAnna et tes autres vaisseaux qu'ils ont
grand regret de n'avoir pas pu surprendre. Ils disent qu'ils
les saisiront en quelque pari qu'ils aillent; mais tout le
monde croit que le veut a été si favorable à leur retraite à
lire-.!, que ces perfides perdront leur temps et leur peine à.
les chercher.




D O C U M E N T S


3° Le même à In République d'Angleterre.


Divine, ¿5 .sijilemliro 16.V. .


Très-illustres seigneurs,


Envoyant ce gentilhomme à M. l'amiral iîlabe, qui com-
mande votre flotte, pour lui demander la restitulion de quel-
ques vaisseaux du roi, mon maître, que j'avais envoyés au
secours de Dunkerque, avec ordre exprès à celui qui les com-
mandait d'entretenir toute sorte de bonne correspondance
avec vos sujets, je l'ai voulu charger de celte lettre pour
supplier bien humblement vos Seigneuries d'ordonner ladite
restitution, puisqu'il n'y a point eu jusqu'à présent dogiicire
déclarée entre les deux nations, et (pue Sa Majesté n'a point
cru qu'il y eût aucun juste sujet d'exercer des hostilités eu!rc
elles. Je me promets cet effet de la bonne justice de vos Sei-
gneuries, et sur cette assurance elles me feront la faveur de
me croire,


Très-illustres seigneurs, de vos Seigneuries,


Ce In s-humble serviteur.


loi, qui commandait l'escadre, qu'il était expressément chargé
de ne se point mêler des différends d'entre l'Angleterre et les
Provinces-Unies, et d'enlretenir toute sorte de bonne corres-
pondance avec les sujets de votre Etat. Cela me l'ait espéser
que la ^publique, élant informée de ce qui s'est passé, don-
nera les ordres nécessaires pour la restilution des vaisseaux
qui ont été menés en Angleterre, et que vous ne refuserez pas
d'y contribuer ce qui dépendra de vous. J'attendrai votre
)épouse avant qu'en écrire à Sa Majesté ; ne doutant point
qu'elle ne soit conforme à la raison et telle que j'ai sujet de la
désirer, je demeurerai, monsieur, votre très-affectionné, etc,




m S T O K I Q l ' E S .


4" M. de Gcnlillot ù M. Serrien.


Calai;, - 4 seplciuljfc liiS,-2.


Depuis TIICS précédentes , il n'est vieil arrivé, s inon qur


le Parlement d'Angleterre a envoyé vendredi un commis -


s u r e à Douvres pour faire donner du pain et passage aux m a -


telots des navires du roi, et déclarer aux officiers (pie l'ordre


et l'intention du Par lement étaient qu'ils fussent traités c i v i -


l ement , dépendant ils ont pris, sans rien restituer a u x u n s et


autres , leurs n ippes . Ils ont retenu Jlenil let et quelques autres


officiers, jusques au retour des v a i s s e a u x qui les ont portés,


i l s en ont envoyé à Dieppe. Q u e l q u e s - u n s ont pris parti parmi


eux. Ils disent que ce n'est que par représail les. Ils ont fort


examiné s'il n'y avait pas de ces chevaliers qui ont pris de


leurs navires sur la m e r -Méditerranée.


L'on m e mande de Londres qu'ils ont fait u n grand bruit


de réjouissance, parmi les C o m m u n e s , de la prise de c e s na~


< ires, et que les plus sensés et tous les marchands et citovens


ont été, tres-fàchés, les uns croyant que cela excédait l'ordre


des représailles et laisserait u n sujet aux Anglais de mél iance


plus forte qu'auparavant de notre a m i t i é , qui pourrait, faire


passer les choses trop avant ; les marchands de peur qu'on no


SAISIT leurs effets en France et que tout espoir de bonne intel-


ligence ne lut êtté, à laquel le on avait espéré de bons t e m p é -


raments .


L'on m e mande (pie les agents de M. le Prince et de M. du


Doignou n'ont pas plus d'audieuee qu'auparavant , c'est-à-dire


rien, et que leurs instructions ou affaires n'ont d'organe que


l 'ambassadeur d ' E s p a g n e ; m a i s si votre, ressent iment pour


< et'.e dernière instille parait trop, que le Par lement prendra


de oins confidentes m e s u i e s avec eux.




481 D O C U M E N T S


.'>" Le Conseil d'Liât (l'Angleterre an due de Vendôme,


ii dticeinlin: Î( |S2.


Monseigneur, le Parlement de la République d'Angleterre
ayant, le 20 d'octobre dernier, reçu une lettre de la part
de Votre Altesse, datée de Dieppe du S de septembre 1,332,
demandant certains vaisseaux appartenant au roi de France,
pris depuis peu par le colonel Robert Rlake, général de leur
Hotte, ont commandé à nous, auxquels ils ont confié et com-
mis lesalîaires de leur amirauté, d'y faire réponse.


Le conseil d'Etat sait fort bien l'inclination du Parlement
de la République d'Angleterre à maintenir amitié et corres-
pondance aussi bien avec, le roi, votre maître, qu'avec leurs
autres voisins. Mais trouvant que depuis quelques années les
personnes, vaisseaux et biens des marchands anglais trafi-
quant ès mers Méditerranécs, ont été pillés et pris nou-seu-
lement par les sujets de France, mais par les navires propres
du roi, et qu'on ne peut obtenir satisfaction par aucune
adresse qui ait été faite en la cour de France, il a autorisé
ledit général pour tâcher d'avoir réparation de ces dommages
sur les navires et biens de la nation française; et aussi fût que
la. restitution sera faite, et que la satisfaction se, donnera
pour cesdits torts et griefs, le Conseil sera prêt, au nom du
Parlement, de satisfaire aux désirs de V. A. exprimés en votre
lettre.


Whitehall, 2 décembre I(i32 (v. st.).
TuniLOK, clerc du Conseil,


Signé au nom et par l'ordre du conseil d'Etat
établi par l'autorité du Parlement


.1!. WlllTEI . O C K K . président.




i l l M ' O R I O l i F N . 1 8 5


X X I


ej ; :s . )


S u L'archiduc Lénpvtd au roi Philippe IV,


Hi-uiellfii, lo li iB.rier l ' i o - .


Don Alniizo di! Cardefias se trouvant sans autres pleins pou-


voirs de V . 11. que les premières lettres (le créance qui l'accré-


ditaient auprès du Parlement d'Angleterre, et prévoyant qu'il


te pourrait offrir une occasion pour entraîner les Anglais


dans une guerre cou Ire la France et le Portugal , m'a déniai idé


qu'eu attendant les ordres que Y. M. lui donnerait au sujet


(le ce qu'il a evposé dans ses dépêches , je lui en donnasse de


mon côté par rapport à ce qu'il devrait l'aire. Don Alonzo


pense qu'il serait, hou de chercher dès à présent à faire en sorte


que les Anglais rompent avec la. France. (1 dit que ce qui les


engagerait le (dus à cela, ce serait de pouvoir occuper Calais


qui est la plus proche conquête à l'aire. Il ajoute (pie, c o m m e


la guerre avec le Portugal dépend du recouvrement d e l à Ca-


talogue, on pourrait remettre a. plus lard la conclusion de ce


second traité.


Au premier coup d' ie i l . e i icons idérant combien il serait utile


d'opérer dans le sein de la France une si puissante diversion et de


!,i priver de Calais, ville si imporlanle et d'où elle a faitpar mer


iaul de complètes dans ces prov inces -c i , considérant en outre


de quel avantage il serait pour le service de Y. M. de mettre la


France au.v prises avec un ennemi aussi puissant et aussi h a u -


tain depuis ses dernières v icloires, j 'avoue à V. M. que je serais


porté à penser que don Alonzo devrait chercher à pousser les




480 n o n C M K N T S


Anglais à la conquête de Calais, si je n'étais retenu par (Vau-
tres considérations qui sont celles-ci.


Les Anglais sont de leur ualure peu constants dans leu;
amitié avec les é-trangers, et si un jour ils devenaient enne-
mis de V. M., étant maîtres de Calais, ils auraient a v e c
Douvres les deux portes de la Manche à l'aide desquelles ils
fermeraient cette mer à tons, et intercepteraient par Jru's
puissants bâtiments de guerre la communication entre l'Es-
pagne et ces provinces-ci, d'où résulterait pour i r a i s le dan-
ger do les perdre.


l'ion que les Français soient divisés en différents partis,
aucun d'eux ne consentirait à perdre la moindre parcelle du
royaume de France. Les dissensions qui y existent aujour-
d'hui, du moins aux yeux de tout le monde, ont leur source
uniquement dans le désir de satisfaire des passions indivi-
duelles; mais si les Français voyaient une place si importante
occupée par les Anglais qui pourraient de là poursuivre leurs
complètes comme ils l'ont fait dans d'autres temps, ils ne
prendraient probablement plus conseil que de leurs appréhen-
sions et ils s'uniraient dans l'intérêt commun: et alors les
avantages que nous recueillons de leurs discordes cesseraient
aussitôt.


Il est également à croire que les Hollandais, qui ne. sont pas
déjîi très-bien avec le Parlement d'Angleterre, en lui voyant
faire de telles conquêtes, s'allieraient avec la France, car il ne
leur serait pas moins sensible qu'à nous de. voir leurs b:1 limenP-
livrés, dans la traversée de la Manche, à la merci de la cour-
toisie des Anglais.


Dans ce cas il serait à craindre que les Hollandais ne cher-
chassent avec ardeur à acheter nos places maritimes possé-
dées actuellement par les Français, ce qui nous obligerait de
nouveau à déclarer la guerre, car c 'es t pour les empêcher
d'accepter la vente de ces places, auo les Français leur offraient.




m s T O H T O i n ' . s .


qu'un leur a fàil entendre que Y. M. était décidée à recoin i e r


-es places, dans quelques m a i n s qu'elles se trouvassent.


Voilà ce que j'ai fait répondre à don Alonzo de Cardeùas ,


eu lui recommandant d'entretenir des pourparlers au sujet des


deux points, la rupture avec la Fronce et lu rupture avec le


l'oi itigal, jusqu'à ce qu'il ait reçu réponse aux dépêches qu'il


a adressées à V. M. et je lui ai dit que si les Anglais élaiont


décidés à rompre a \ec la France , ce qui vaudrait le mieux , ce


serait qu'i ls le l issent d u coté de la Bretagne ou de la N o r m a n -


die. Que D i e u , etc.


2 - Bon Alonzodc L'ardejlas au roi Philippe IV.


Londres, 23 janvier 1052.


Sire ,


Après la bataille deWorces ter , les affaires ont pris ici une telle,


assiette qu'on n e voit a u c u n m o u v e m e n t qui puisse affecter


ia paix et la tranquillité publique ; d'autantplus que l es l io imnes


du gouvernement s'appliquent à amél iorer l'état de la R é p u -


bl ique, et sont d'ail leurs te l lement enflés d'orgueil qu'ils n'ont


pas l'air d o s e soucier du concours des ambassadeurs et des


ministres étrangers q u i , d i t -on, négocient d e tous côtés pour


venir reconnaître la Républ ique et se conci l ier son amit ié .


(J'est ainsi que trois ambassadeurs extraordinaires de la Hol-


lande sont venus ici le 2 9 décembre, dernier , regrettant v i v e -


ment de ne l'avoir pas fait lorsque cette Républ ique avait


envoyé à la Uol landc une. ambassade solennelle pour solliciter


son a l l iance . Aussitôt après leur arrivée, ils l i ra i t des démar-


ches fres-empressées pour avoir une audience du Par lement ;


d i e leur a été accordée le 2!> du mois susdit ; et à cette occasion


M. Catz, qui occupe, le premier rang parmi les trois envoyés et


qui dirige les négociations (ju'ils sont venus ouvrir, a fait un




48« O O C I ' M K N T S


discours on lalin donl il a laissé corne par écrit et dont je joins
une copie à V. M. J'en ai également e n \ o \ é une en Flandre a


I archiduc, et à la Hayeai i conseil ler Brun, en rcndanleomple ,


à l 'un cl. à l'autre, des mauvaises disposi l ions que ces gens-fi


commencent à manifester à l'égard de fF.spagne, c o m m e on
peut le voir par divers points contenus dans le document. La
chose n'est pas nouvel le pour m o i , car j'ai observé les mau-


vaises disposi l ions de l'un d'entre eux qui se n o m m e Scba-p


quand il était v e n u e Londres , il y a [dus de deux ans, comme
commissaire envoyé par sa p r o v i n c e , la Hol lande, pour faire


des propositions qu'il a en effet adressées au gouvernement an-


gla is . Ayant considéré combien d'inconvénients pour le service
île V . .M. aurait l 'union des intérêts de ces deux républiques,


j'avais c o m m e n c é , avant l'arrivée de ces envoyés , à m'occupe!-


des moyens de faire ent ier V. M. dans leur accord, s'il n'élai!


pas possible d 'empêcher ledit accord, ainsi qu'à prendre soin


qu'il ne se fil aucune stipulation ni convention qui lut au


préjudice des intérêts de Y . S E ; c'est pourquoi , après avoir


conféré sur cette, matière avec nos amis du Parlement par le
seul intermédiaire qui lût resté pour communiquer avec eux,
j'avais résolu d'introduire fa proposition de quelque traite,


J'ai reconnu cependant qu'il y avai L des difficultés à le faire •
ie ressentiment qu'on conserve ici de l'impunité des assassins
du résident a été un obstacle , et ces jours-ci , ce ressentiment


a été fomenté .par les presbytériens, partisans des Hollandais.
L'n autre obstacle s'est rencontré dans la résolution que le Par-
lement a prise de ne point envoyer d'ambassadeur eu Espagne
et de ne. conclure aucun traité avec aucun ministre de V. Ai.


avant d'avoir obtenu la satisfaction à laquelle ils prétendent


avoir droit. A c e l a il faut ajouter le désir que j'avais d'amener
les h o m m e s du Parlement à. faire les premiers quelques pro-


posit ions ; mais je n'ai jamais p i l l e s y amener , bien que j'aie


cherché à le faire par de dillcrciiles voies déguisées, et bien




i î f S T O l U Q r K S . -lHo


que j'aie fait, moi-même des ouverture? à une personne appar-
(enautà ce gouvernement, avant qu'on eût défendu aux mem-
bres du gouvernement de se laisser visiter par les ministres
étrangers ou d'aller eux-mêmes les visiter. Même après cette
défense, j'ai tenté de le faire, par l'entremise d'une personne
de confiance. Un des membres du gouvernement, ayant appris
•pic j'hésitais à faire au Parlement des propositions d'alliance,
d ans la crainte de les v oir écartées à cause de l'affaire des assas-
sins du résident Ascliam, a dit à mon homme de confiance
qu'il lui semblait que, si j'avais toujours cette intention, il n'y
avait pas d'occasion pics favorable que la présente, attendu
que le Parlement se trouvait précisément peu satisfait des
Hollandais, des Français et des Portugais, et qu'il croyait que
c'était à nous à parler les premiers d'une alliance avec la Ré-
publique d'Angleterre contre la France et le Portugal avec
qui Y. II. était en guerre ouverte, de même que ce serait au
Parlement à faire des ouvertures s'il s'agissait pour lui de
s'unir à Y. M. pour conquérir l'Ecosse ou Y Islande, ou de
reconquérir quelques auties provinces. Il m'a été impossible
de les amener à autre chose. Voyant l'avantage qui résulte-
rait pour le service de Y. M. d'un traité quelconque, avec ces
gens-ci, et trouvant une occasion favorable pour le faire dans
l'absence de Henri Vane qui venait de partir comme commis-
saire en Ecosse, homme très-influent et très-hostile à l'Es-
pagne, je me suis décidé à demander au conseil d'Etat une
audience avant l'arrivée des envoyés de la Hollande, ne voulant
pas leur donner lieu de soupçonner, en demandant une au-
dience après cette arrivée, que c'était pour contrecarrer leur
négociation. Le conseil d'Etal, larda pcndaul trois ou quatre
j o u r s à me fixer le. jour de l'audience, attendu que le maître
des cérémonies était absent de Londres d'où il était parti pour
préparer à Gravesend et à Greenvvich des logements pour les
envoyés hollandais; on avait été averti qu'ils attendaient seu-




m I W T T V T Ï V T S


leinent un vont favorable pour s'embarquer. Le20 décemfre
on me livu le jour du 2'.L Les Hollandais eurentee jour-là i'.iu-
dience du Parlement dans la matinée, el moi j'obtins colle du
conseil d'Etat à cinq heures du soir du même jour. 11 m'a paru
convenable de commencer par l'affaire des assassins d'Aschani,
et j'ai parlé des droitsd'imni unité de l'Kgliscavec plus de force
que je ne l'avais encore fait; comme il fallait leur dire quel-
que chose de l'état de celte affaire, bien que je n'aie reçu
aucun avis là-dessus, j'ai cherché à les entretenir dans l'es-
pérance qu'il leur sera donné satisfaction ; puis j'ai parle de
la nécessité de rendre l'amitié entre les deux Etats plus étroite,
et j 'ai clos mon audience en priant qu'on rendit justice aux
Espagnols propriétaires de l'argent qui se trouvait sur le navire
la Santa Clara, Le président du conseil d'Etat me répondit en
quelques mots en disant que le Conseil prendrait en considé-
ration ce que je venais de dire, de vive voix et ce que je laissais
par écrit, et qu'il me transmettrait sa réponse le lendemain.
J'ai su ensuite qu'après ma. sortie les quatre pièces que j'avais
laissées ont été lues et qu'on a pris jour pour les discuter. Ce
jour là on les a relues, et quoique la pièce n° 1 leur ait paru
bien (c'était celle qui traitait de l'affaire des accusés de l'as-
sassinat du résident), le président et quatre ou cinq autres
membres qui ont parlé après lui ont insisté avec chaleur pour
qu'on me fît dire que la réponse définitive me serait envoyée
lorsque la satisfaction aurait été accordée; mais les autres
membres ont été d'un avis opposé en faisant observer que
ma note expliquait la procédure suivie en Espagne dans
cette affaire, qu'elle donnait des espérances du châtiment des
coupables, et qu'elle exprimait les sentiments de V. M. el son
désir de donner satisfaction, ce qui constituait déjà un com-
mencement de satisfaction. A la suite de cette délibération, on
a résolu de rendre compte au Parlement du contenu de toutes
mes notes. Le Conseil reconnaissait, la nécessité d'être autorisé




ITfSTOTîTOÏ.'ltS. •')'.> I


rl'tino T i i .nn t ' i 'O s p é c i a l e pat' la l'arlomerit à conclure avec moi
nu l l'a î le , cl. o n en lit un r a p p o r t , l .o Par lement , conformément


n i rapport<lu Conseil , Ici renvoya les note'» qui traitaient des
Ici Ires iie marque et du navire la Sanla Clara, en lui r e c o m -


mandant de prendre à ce sujet une réso lut ion . Quant à la pièce
qui traitait de. l'affaire des assassins d 'Aseham, on la remit à


un comité du Parlement avec ordre de répondre en insistant


sur la nécessité de punir ces h o m m e s . La trois ième p i è c e ,


celle qui avait trait à un traité à conclure avec la République,
fut discutée l o n g u e m e n t ; les presbytériens s'efforçaient de


persuader aux autres qu'on ne devait traiter avec moi d'au-
cune all iance avant qu'on eût reçu satisfaction dans l'affaire


d e s a ssass ins ; mais les indépendants l 'emportèrent et on d é -


t ida qu'on traiterait avec m o i . Alors un p r e s b y t é r i e n , ne


achanl plus aucun autre moyen de mure , dit qu'il serait bon


eue le Conseil, avant de nie donner une réponse , m'ordonnât


d'exhiber les pleins pouvoirs de V. M. pour traiter avec cette


l ï épubhqne . l ine résolution ayant été prise dans ce s e n s , le


maître des cérémonies vint chez m o i , le 19 de ce moi s , et m e


r ' i n i t i a copie de l'ordre d u Par lement ainsi que celle de


binaire que le conseil d'Clat lui avait donné de m e remettre la


première . J'ai répondu que V. AL m'enverrait sa réponse


quand elle aurait vu ces deux p ièces . Nos amis ici ne pouvaient
croire que je m e trouvasse sans pleins pouvoirs de Y . M., et


ils insistaient pour que je les exhibasse. .Te les assurai que je
n'en avais pas , mais qu'ils m e seraient envoyés sous peu ; ils


ont cherché alors à engager le Par lement à se contenter du


caractère ofliciel et de l'autorité que m e donnaient m e s l e t -


tres de créance, et à commencer les négociat ions en vertu de


ces lettres. Il m'a paru nécessaire de rendre compte à V. M.


de tout cec i , avant m ê m e qu'on m e donne une réponse, a.lin


qui', si la chose parait convenable à V . M. , il m e soit transmis
de,, pleins pouvoirs générauv qui m e permettent de suivre une




4\H ' n O O T J N f E M T S


négociation quelconque avec le Parlement de celte République


et d e la C o n c l u r e ; o u bien afin que, î les pleins p o u v o i r s soieul
donnes à la p e r s o n n e qui nie r e m p l a c e r a ici, s ' i l y a l ieu. Les
instructions devraient être très-délai liées afin qu'on sache bien


ce qu'on doit d e m a n d e r . J 'entretiendrai des pourparlers jus-
qu'à l'arrivée des ordres de Y. .M. et de sa réponse à la pré-


sente dépêche . Je prie V. M. de me la l'aire, expédier auss i
p r o m p l e m c n t que possible et par diverses voies avec des i n -
structions très-détai l lées pour savoir sur quel les bases je d e v r a i
négocier , en cas qu'il en soit ques t ion , ce qui est très-probable.


.le crois devoir rendre également compte à V . i l . de ce que


j'ai entendu dire , savoir que les presbytériens et d'autres mem-


bres du P a r l e m e n t , qui ne nous sont pas favorables, disent


dans leurs conversations particulières qu'aujourd'hui il n'existe


aucun traité de paix entre l 'Espagne et l 'Angleterre, attendu


qu'il n'y a aucune obligation de considérer c o m m e en vigueur


le traité conc lu av ec le roi (maries b ' ; que par conséquent ce


ne serait pas le rompre si la l îépubl ique d'Angleterre prenait


telle résolution qui lui plairait, et dès que cela lui conviendrait,


Ceci méri te une m û r e considérat ion, et je regarderais c o m m e
un grand mal si les assassins du résident n 'étaient pas enlin
puni s , et si le gouvernement, de ce pavs-ci tardait à envoyer


des ambassadeurs auprès de V. Alors l 'ancien traité de
paix serait très-précaire tant qu'il n'aurait pas été renouvelé


formel lement entre V. AL et cette Républ ique .


Il" Extrait d'une, 'lettre du même au menu-
(l.'i férrier U\:'t~2).


Pan?, une autre lettre du Ici février ! l > o 3 , don Alnnzo dé-
veloppe ce qu'il avait dit , dans celle du *2.'J janvier, relative-
ment au projel de coalilion enlre l't'.snaeaie et le Carlenieui




il I N T O I U Q I E S , , -l'i.i


A" Don AJonso de Cardeùas à don Geronimo de


la Torre.


Lomlroe 2"i février 1CÔ2


Cher Monsieur,


Il y a environ quatre j o u r s , j'ai envoyé un pli adressé à


S . .M., par la voie de Flandre ; pour le cas où le courrier ordi-


naire qui se rend en Espagne n'arriverait pas à sa desi ina-


l i o u , c o m m e cela se rencontre quelquefo is , il m'a paru néces -


saire d'envoyer les duplicata de ce pli par u n navire qui se


tend à l i d n a o , .Te les envoie donc ci-joints avec la dépêche qui


parle île la quest ion de Calais et avec u n extrait de la lettre du


docteur August in Navarro ,du ;> février, dans laquelle on parle


'les mol ifs qu'on a eus en Flandre pour différer la propos i -


tion jusqu'à ce qu'on ait reçu les ordres de S. M. Il m'a paru


à propos de jo indre ici la réponse que j'y ai faite, pensant


qu'elle pourrait arriver à t emps , avant qu'on prenne une réso-


lu lion à ce sujet, .le n'ai rien à njonlcr à cela s inon que je


vo i i sha i sc les mains et que Pieu vous garde longues années , i o i i i m e je le désire.


d'Angleterre à qui ¡1 proposait une expédit ion en c o m m u n


contre Calais , à comi il ion ipie les Anglais aideraient l 'Espa-


gne dans celle de Gravelines, de Dunkerque et de Mardyke.


11 rend compte des raisons qui lui ont fait différer d'avoir à ce


sujet des pourparlers, et sollicite v ivement une réponse à sa


dépêche du 2 3 janvier avec des pleins pouvoirs et des ordres


relatifs à son caractère officiel, dans le cas où quelque occasion


viendrait à s'offrir pour entreprendre quelque chose , tant


contre les Français que contre, les Portugais .




.|!l.l D O C U M E N T S


5 Awj. Namrro Buicnn à don Alonzo de Carderais.


Brandie» , 3 f é m u r 1032 .


J'ai rendu compte à Son Altesse (l'aveliidue) de ce que vous


m'avez écrit en désirant connaître son avis sur ce qu'il vous


conviendrait de dire aux commissa ires anglais lorsqu'ils s 'ou-


vriraient, c o m m e vous le, supposez, au sujet des deux points,


savo ir , la rupture de l'Angleterre avec la France dans le cas


où l'on faciliterait à l 'Angleterre la prise, de Calais, la gueire


avec le Portugal qui serait plus avantageuse pour le Parlement.


Vous avez j u g é , c o m m e on juge ici, qu'il y aurait désavantages


incomparables pour S. M. si le gouvernement anglais faisait


la guerre à la France . La quest ion du Portugal , que devrait


précéder le recouvrement de la Catalogne, admetlra.it plus de


délai .


On désire ici beaucoup que vous receviez des instructions sur


des quest ions aussi délicates ; or , il n'est pas facile d'expédin


à S . M. un courrier en la priant qu'Fl lc veuille faire c o n -


naître ses volontés à ce s u j e t ; cela dépendra beaucoup du


temps que mettra le courrier ordinaire qui part d'ici le ti de


ce m o i s ; on lui remettra le pli que vous adressez à Madrid.


La semaine passée je vous ai écrit re lat ivement aux incon-


vénients que l'on appréhendait de l 'occupation de Calais par


les Anglais ; car étant maîtres de Douvres , par conséquent des


deux côtés de la Manche , le jour où il y aurait rupture cuire


S. M. et e u x , la Manche serait fermée à nos navires, et la


c o m m u n i c a t i o n avec les autres Etats de S. M. serait rendue


imposs ib le .


On a considéré aussi que les Hollandais en v iendi aient peut-


être à former quelque nouvel le a l l ianceavee les Français p o u r


la m ê m e cause ; et on pourrait craindre i iu ' i l snc cherchassent




r d S T O K I Q t l K R . 103


à . i r l i c l i T les places maritimes, moyeu par loque! les François
espèrent les engauor contre nous.


Si le gouvernement anglais voulait rompre, avec la France,
el qu'il lil quelque expédition eu lîrelagne un en Normandie,
• xi v gagnerai! d'opérer en France une' utile diversion ; mais
|>eiil-èlre aussi que cela obligerait les deux partis eu France de.
s ' u n i r lorsqu'ils verraient que les étrangers prollteut de leurs d i s s e n s i o n s . Voilà c i : que S. A. me recommande de vous
dire , ou ajoutant (pie vrais devez chercher adroitement à
amener une rupture entre l'Aïudclcrre et la France, ou à
entretenir les deux pourparlers, tant celui dont je viens de p a r l e r que celui qui est relatif au Portugal , jusqu'à ce que
les ordres do S. M. vous arrivent.


if' Don Alonzo de Ca.rdeùas à Aug. Nararro liurena.


Londres, il février ifeï.':!,


.l'ai lu ce que vous avez bien voulu me dire sur les deux
points au sujet desquels j'avais consulté S. A. l'archiduc, et
v o s réflexions sur les inconvénients qui résulterai eu! de l'occu-
pation de Calais parles Anglais ; elles sont certainement
pleines de prudence; mais ce qui doit faire hésiter à les ad-
mettre c'est que le, mal qu'on paraît craindre ne s'est cepen-
dant jamais produit dans tout l'espace de deux cents ans pen-
dant lesquels l'Angleterre a possédé cette, ville (époque dans
laquelle s'est trouvé placé le règne de l'empereur Charles-
Quint et de son père) jusqu'au moment où elle l'a perdue, du
temps de la reine -Marie. D'un autre coté il faudrait tenir
cour de désavantages qui en résulteraient pour Sa Majesté et
d u préjudice qu'en recevraient nos ennemis, avec lesquels
m a i s sommes en guerre flagrante. Il me semble qu'on devrait
picférer un grand avantage certain et actuel à des éventualités.




•W I i O C L ' M l - A T S


et abandonner quelque chose à l'avenir e t au N>rl; d'ailleurs


la ville étant une fois a u \ ni;,iu> des Anglais , elle serait une


semence de discorde entre la France cl. l'Angleterre , et les


haines nationales qui ont toujours existé entre les deux pays


en seraient sans cesse attisées. Quant au danger de la perte de


nos provinces f l a m a n d e s , cela ne serait possible que dans le


cas oh l 'Espagne serait en guerre avec l 'Angleterre, et alors la


France, pour' recouvrer la ville de Calais , s'unirait à l'Espagne,


ce (pu rendrait facile de chasser les Anglais dès qu'on le von


(Irait.


Quant aux conquêtes que le Par lement pourrait faite e n


Bretagne et en Normandie , ce n'est pas un plan qu'il puisse


être lente de mettre à exécut ion , car les Anglais ne pourraient


se. promettre là, par terre, le secours de nos armées , et. ils ne


sont pas norlés à rompre seuls avec la France . Quant au risque


de coalit ion ct' ! rc la Hol lande et la F r a n c e , il serait le m ê m e


si la Républ ique d'Angleterre s'unissait à. nous pour prendre,


soit Calais , soif d'autres vi l les de Bretagne ou de Normandie .


E n ce qui touche l'achat par les Provinces-Unies des plaies


m a r i t i m e s , ou ne croit pas ici qu'el les le l issent, car ce gouver-


nenienl-ci s'y opposerait , et il le ferait avec d'autant plus Je


raison que ce serait sa conduite qui aurait dé terminé , de la


pari des Hol landais , une telle résolut ion.


Quoi qu'i l en s o i t , je ne presserai pas la négociation à ce


sujet, el je m e bornerai à eutrefeuir des pourparlers sur cette


quest ion ainsi que sur celle du Portugal , jusqu'à ce qu'il m'ar-


rive de la part de S. M. des ordres conformes aux idées de


S. A. .Mais je crains que le temps d'agir, qui serait dans le


p r i n t e m p s , uo se passe; à cel le époque là les Anglais auront


leur Ilolte prèle ; elle se prépare déjà, et on dit qu elle comp-


tera cent c inquante navires , dont cent vingt de l'Etat el trente


navires marchands frétés nom - l 'Eta l .




M l N l n l U Q t » ;


7" Ihm Alwizo de (Àircleflas au mi Philippe 1 V,


Londrcî , 20 septembre l « S Ï ,


Sire,


Dans Ji\ erses dépêches j'ai déjà rendu comple à Y. .M. de la
proposition que j'avais l'aile aux commissaires du Parlement
pour le renouvellement du traité de paix entre Y. M. et la
Lépubiiqtie d'Angleterre, conformément aux ordres de V. M.j
j'ai aussi parlé à V. M. du contenu d'une note que je leur
.•i\itis remise cl dont je lui ai envoyé copie. Ensuite j'ai rendu
compte des démarches que j'ai faites pour obtenir une ré-
ponse et de celle qui m'a été donnée en dernier' lieu l e 2 2 août
île tout quoi j'ai également envoyé les copies % Y. M.
Dans cette réponse on me disait que le con-iii d'Liai atten-
dait que je rédigeasse les articles que je lui devais proposer;
l'ai donc signé et présenté à ces mêmes c o m m i s s a i r e s , le 12 de
>-e mois, les articles contenus dans le cahier joint à la présente;
ils sont extraits du dernier traité qui avait été conclu avec le
l'eu roi , sauf les changements nécessaires à raison de l'état
actuel des choses. Dans l'article Ilb' se trouve la clause que
V. M. m'avait particulièrement recommandé d'insérer; elle
porte qu'aucune des parties contractantes ne pourra donner
aucun appui ni secours direct ou indirect aux rebelles et aux
ennemis de l'autre partie. Le, dernier article a été ajouté par
moi à raison de la prohibition qui a été faite ici de transporter
en Angleterre des marchandises dans des navires non anglais
ou qui n'appartiennent pas à la nation d'où proviennent les
produits, ou au pays de leur fabrication. 11 m'a paru juste et
convenable que tous les sujets, quels qu'ils soient, de Y. M.
pussent transporter, des divers Liais appartenant à Y, M.,
'mis produits et marchandises., bien qu'ils ne soient jm> eux-




1 0 « n O C T ' M K K T S


mêmes originaires du jwvs 0 1 1 ICMIIIS produils se fabriquent,
J'ai appris (|lie le manie jour fie 12 septembre) ces articles
ont été lus en Conseil ainsi que lu noie qui les accompagnai! et
dont j'envoie copie avec la présente. De môme je joins in
copie de la noie dans laquelle j'ai répondu à ee qui regarde
les prévenus du mcurlre d'Aschain qui sont encore en pri-
son, car j'avais appris que le Conseil aurait Irouvé mauvais
si j'avais négligé de le l'aire. Tout cela a. élé renvoyé! à la Com-
mission des affaires étrangères. Je rendrai compte a V. -M. de
la réponse qu'on y fera.


H" .Vo/c et Propositions présentées ou Conseil d'Iitttt
d'.Utt/leterre le 12 septembre K>è>2, pardon Alonzn
de Carde fois.


Don Alouzo de Cardenas, du ('onscil de Sa Majesté
Catholique et son ambassadeur auprès du Parlement de la
République d'Angleterre, dit qu'après avoir vu la réponse
(pie l'honorable conseil il'Cial a faite en dernier lieu, le I 2-
22 août, à ses notes des (î juin (27 mai) et du (!-l(» août, dans
lequel document il est dit d'abord que le Parlement persisie
dans sa résolution de continuer et maintenir l'amitié et les
bons rapports avec le roi son maître, comme cela avait été déjà
exprimé dans d'autres occasions et notes précédentes, particu-
lièrement dans celle du -10-20 avril, et ensuite que le conseil
d'Etat attend que le susdit ambassadeur lui piésciile quelque
articles pour le renouvellement du traité de paix ainsi qu'il a
élé proposé par lui, il a paru convenable au susdit ambas-
sadeur de rédiger des articles qu'il a l'honneur de présentai,
avec la présente, afin que le Conseil les fasse examiner, et,
une, dans le cas où il les trouverai1 convenables et conformes
aux intérêts des deux Etais, il en ordonne l'expédition. Le
susdit ambassadeur se réserve la faculté d ajouter, de chaîna r




n i S T O K I Q T ' E S . JilO


le suppr imer , avant lu en n cl 11 si i m définitive du Irai le , rc


qui lui pm-ailrait exigé par les circonstances qui se présente-


raient dans le cours de la d i scuss ion ,


\rlieles proposés par don Almn-o de Cnrdeîtas dn Conseil de S 31.


Callioliquc et son iimhwœmlenr auprès dit Parlement de la lle-


putiliqve d'AittjtetrUrre, pour le renouvellement du traite île


paix, d'alliance et d'amitié entre le roi son maître et le Parle-


meut de ladite llépiiblltnie.


I


P r e m i è r e m e n t , à partir de ce jour il y aura une l i o n n e ,


eènéralc , s incère, vraie, constante et parfaite amit ié , alliance


i ! paix i leilurée perpétuelle, et réciproquement inviolable, tant


sur terre que sur nier cl eaux douces , entre le sérémss ime roi


il Espagne et ses hérit iers et successeurs , et la Républ ique


d'Angleie ire , et entre les royaumes , Etals , territoires, pays et


sujets quelconques des deux puissances , tant à présent qu'à


l'avenir, de quelque rang et dignité qu'ils s o i e n t , de manière


que les susdits sujets et peuples se secondent et s'enlr'aident


iéripi'uqiieiuenl et cnl ie i iennei i t des relations et des c o m m u -


ne ations de bon vouloir,


11


Ni le sérénissime.roi d'Espagne ni ses héritiers el s u c c e s -


seurs , ni le Parlement de ladite Républ ique ne feront et n'eii-


li éprendront, tant par e u x - m ê m e s que par d'autres, aucune


cb..se qui soit au préjudice de l'autre partie contractante, ou


de ses royaumes, possessions ou territoires quelconques situés


en quelque partie que ce soit de la, terre ou de la m e r , de ports


eu d'eaux douces , sous aucun prétexte ni dans aucune occa-


>'e>n que ce soit ; et aucune des deux, parties ne donnera appui




' ) 0 ( i D O C U M E N T S


cl nu consentira à aucune guerre ou dessein qui soit ou jniwse


être au préjudice de l 'une ou de l 'autre.


III


A u c u n e des deux parties n e consent ira que , par aucun de


ses sujets, vassaux, peuples ou habitants respectifs, il soit prêté


secours, ou assistance, ou faveur, ou consei l , directement ou


indirectement , par terre, par nier ou s u r e a u x d o u c e s , aux


e n n e m i s ou aux rebelles de l'autre p a r t i e , de quelque genre


qu'ils s o i e n t ; ni que , par lesdils sujets ou vassaux, il soit


fourni , à ceux qui attaqueraient ou qui ont attaqué les


possess ions, territoires et États dudit roi et de ladite Ré-


publ ique , ou à ceux qui se soustrairaient ou se seraient sous-


traits à l 'obéissance et à l'autorité de l 'une ou de l'autre


des deux parties, des so ldats , des vivres, de l'argent, des


armes , des chevaux , des instruments de guerre , des muni -


t ions , ou tout autre secours servant à fomenter ou à entrete-


nir la guerre .


IV


E n outre le séréniss ime roi d'Espagne et le Parlement de


ladite Républ ique d'Angleterre renonceront , c o m m e ils renon-


cent en elfet par le. présent traité, a toutes l igues , confédéra-


t ions, a l l iances , capitulations et accords , conclus , de quelque


manière que ce s o i t , au préjudice de l'autre partie , et con-


traires ou qui pourraient devenir contraires à ce traité de pais


et à la bonne entente des deux parties, ou à quoi que ce soit


qui est contenu dans ce traité. Les deux parties annuleront


déclareront de nul l e valeur lesdites l igues et promettent de ne


point en faire de pareil les.


V


Le séréniss ime roi d'Espagne et le Parlement de la R é p u -


blique d'Angleterre s'efforceront de faire eu so lde que leurs




Il I N T O K l n U E N . r.()l


MIJVN respcclif» n e sr l'a.-senl à l 'avenir aucun nia!; el ils révo-
queront Icuiie espèce île lel lres île représai l les ou de marque


ainsi que loules autres con iunss ions qui emporteraient la


permission de l'aire aucune sorte, de prises , au préjudice


dudil roi ou de, ladite Républ ique , ou de leurs sujets res-


pectifs, el qui auraient élé données à leurs propres sujels ou à


des étrangers ; les deux parties les déclareront n u l l e s , c o m m e


elles les déclarent en effet nul les par le présent traité ; et ceux


qui y contre» 'tendraient seraient punis ; et i n d é p e n d a m m e n t de


la peine qu'ils subiraient , ils seraient obl igés de restituer les


d o m m a g e s causés à ceux qui seraient lésés et qui d e m a n d e -


iaient, une i n d e m n i t é .


A l 'avenir il ne sera punit délivré de lettres de représailles


ou de marque par aucune des deux parties à leurs sujets ou


liabilauis respectifs, ni à des étrangers, sans qu'on ait aupara-


vant fa.il connaître les griefs et c o m m u n i q u é copie des réc la-


m a t i o n s , à l 'ambassadeur du séréniss ime roi , ou de la R é p u -


blique , qui résiderait à la. cour de l'Etat contre les sujets


duquel on demanderait, lesdiles lettres de représailles el, de


i . l a ïque , et sans qu'on ait connaissance de la c h o s e , excepté


les cas permis pur le droit des gens relatif aux représail les et


selon les règles prescrites par le droit ,


VI


Entre ledit séréniss ime roi d'Espagne et ladite Républ ique


d'Angleterre, ainsi qu'entre leurs sujels et habitants de leurs


Etals respectifs tant sur terre que sur mer et sur eaux d o u c e s ,


dans tous les royaumes, Etats, d o m a i n e s , villes, ports , villages


et localités dudi l roi et de ladite Républ ique , il y aura et il devra


v avoir libre commerce , connue il bétail avant la guerre entre,


le mi Philippe 11 roi des Espagues et Elisabeth re ine d'Angle-


Loire, de la manière convenue dans le traité de paix de lliO'i.


ariicle L \ , et conformément aux usages consacrés p a r l e s au-




503 D O C U M E N T S


d e m i e s alliances et traités conclus avant ladite époque ; de
telle sorte q u e , sans aucuns sauf-conduits "i autre p e r m i s s i o n
générale ou particulière, tant pur terre que par mer ou eaux


d o u c e s , les sujets (ledit roi d'Espagne et ceux de ladite Répu-


blique d'Angleterre puissent m u t u e l l e m e n t u m i r , entrer ,


nav iguer , aller aux vi l les , local ités , ports, rivières, golfes et


s'ai rèier dans n' importe quels ports o i i , avant !a susdite épo-


que , il y avait c o m m e r c e réciproque se lon les usages consacrés
par les anciennes all iances et traités ; qu'ils puissent conduire


des marchandises dans des charrettes à dos de cheval , do i s
des s a c s , sur des bateaux chargés ou à charger; qu'ils puis-
sent acheter et vendre toutes choses qu'il leur plaira et s'ap-


provis ionner en choses nécessaires pour la vie et le. vovage, à


des prix modérés ; qu'ils puissent vaquer à leurs all'aires d'ar-
gent et au radoub de leurs bât iments ou voitures lant à


eux propres que de louage ou e m p r u n t é s , et qu'ils puissent


s'éloigner desdits ports avec leurs b iens , marchandises et au-
tres choses quelconques, après avoir a c q u i t t é , selon les I as
locales, seu lement les droits et. péages en v i g u e u r ; et < aéin


qu'ils puissent s'éloigner et. retourner l ibrement dans leur


propre pays ou clans des pays étrangers sans empêchement


aucun et c o m m e ils voudront .


VU


Il sera permis d'arriver, de séjourner et de retourner dans
les ports dudil séréniss ime roi d'Espagne cl de ladite Répu-
blique d'Angleterre respect ivement avec la m ê m e liberté ; non-
scu iement avec des navires de c o m m e r c e destinés au transport


des marchandises , mais encore avec d'autres bâtiments pro-


pres armés et appareillés pour réprimer les ennemis; soit que


ces bât iments entrent dans Jesdits ports par suite du mauvais


t emps ou spontanément , dans le but des'approv isiouner; à ci ai-


di l iou toutefois que , si ces bât iments arrivent, spoiilaiiémeut




>•! nnii pas r<ii-(T> par la. l e iupele , haïr nombre n'excède pas six'


i i . I l i in l , cl. ij11 11 s nr s é j o u r n e n t pas dans les jiorls ou dans


voisinât:!1 au delà du leiups nécessaire pour réparer leurs


avaries «m pour s'approvisionner en choses nécessaires , alin


.pi ils r.e soicnl d'aucun ohslaelc au passage et au libre e o m -


tnerec des an 1res nat ions aunes . Dans le cas cependant où il


a agirait d'un nombre [dus considérable de navires de guerre,


il ne leur sera pas permis d'entrer avant d'en avoir prévenu


ledit roi ou ladite Républ ique , ni sans leurs permiss ions res-


pectives; et encore pourvu qu'il ne soit c o m m i s dans les ports


dudi l roi ou de ladite Républ ique aucun acte hostile au préju-


dice Juil i l roi ou de ladite Républ ique , mais que lesdits bât i -


ments restent tranquilles et paisibles c o m m e amis et al l iés , en


élisant attention à ce que , sous prétexte, de c o m m e r c e , il ne soit


fourni par les sujets, vassaux ou habitants desdits royaumes nu


de ladite Républ ique respect ivemenl , ni appui , ni secours eu


v o i e s , a u n e s ou ins truments de guerre ou quelque autre fa-


,eur ou appui mi l i ta ire , au profit des rebelles ou e n n e m i s de


l'une ou de l'autre, des deux part ies , et que tout indiv idu qui


chercherait à, le. faire soit puni des peines les plus sévères por-


tées contre les sédit ieux et perturbateurs de la paix publique e!


de la foi dos traités. Les sujets respectifs de. l 'un des deux


Liais ne seront pas traités sur les territoires de l'autre plus


r igoureusement que ne le seront les nat ionaux quant aux


ventes et transactions c o m m e r c i a l e s , tant sous le rapport du


prix q u e sous tout autre rapport ; sous tous ces rapports la


position des étrangers devra être égale à celle des nat ionaux,


sans que des lois ou coutumes quelconques aient u n elfet cou-


Indre.


VIII


vussilôl après la signature, des articles du présent traité, le


Pari en! de la République- d'Amib terre détendra et p u -




- 0 1 ÎVO( ' l ' M V, \ ~ T S


bhora parmi édil ladófenso qu'aucun sujet, habitant utt vass.i!
do ladite République puisse porter, transporter en aucune,
manière directe ou indirecte, en son nom ou au nom de qui
que ce. soit, d'aucun n a v i r e ou bateau, m qu'il puisse donner
ou prêter son nom à un autre pour transporter, des n a v i r e » o u
embarcations, aucunes marchandises, produits manufacturés
ou autres objets quelconques, du Portugal ou de ses possessions
conquises, en Espagne ou aux autres royaumes et possessions
du sérémssimc roi d'Espagne, ni porter sur ses navires dans
iesdits pays aucun négociant ou marchand portugais, sous
peine d'encourir l'indignation du Parlement et d'autres peines
établies contre ceux qui ne tiennent aucun compte des ordres
supérieurs. A cet eli'et, et pour mieux prévenir toute espère
defraude qui pourrait résulter de la ressemblance des mar-
chandises d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, il est c o n v e n u ,
par le présent article, (pic les marchandise? qui devront être
transportées aux royaumes et Etats diubl roi d'Espagne seront
pourvues du registre et du sceau de. la ville où elles auront
été prises, et ainsi enregistrées et marquées, elles seront
considérées comme anglaises, écossaises cl irlandaises suis
qu'il soit soulevé aucunes difficultés ni doutes;, et elles se-
ront regardées comme légitimes, sous réserve de prouver la
fraude, mais sans qu'il soif apporté, au moment même,
aucun obstacle au passage de ces marchandises. (Viles qui ne
seraient ni enregistrées, ni pourvues de sceaux seront confis-
quées et regardées comme étant de bonne prise , de même
(jue tous les Portugais qui se trouveraient sur lesdifs bâti-
ments seront arrêtés et, emprisonnés.


I X


Les marchandises d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande pour-
ront venir librement des Etals de la République d'Angleterre
en Espagne et dans les autres royaumes et Etals du sérénis-




TTfSTomquES. 51)0


Mine roi d'K<pague, comme il a clé stipulé plus haut en
payant les droits et redevances d'usage.


X


A l'égard des-marchandises que les marchands anglais,
1 ''-crissais et irlandais achèteront en Espagne ou dans d'autres
royaumes ou Etats du sérénissimc roi d'Espagne , et qu'ils
importeront sur des bâtiments, soit à eux propres, soit loués
ou empruntés à cet usage , excepté toutefois, comme il a été
dit plus haut, les bâtiments du Portugal, on n'augmentera
point les droits ni redevances, à condition que lesdites mar-
1 hambses soient conduites et portées dans les États de la Répu-
blique d'Angleterre ou dans les poils des provinces amies du
toi d'Espagne, et n o n pas en Portugal ni dans aucun des Etals
eu territoires du Portugal. Et a f in qu'il n'y ait point de fraude
à cet éuard et que lesdites marchandises ne soient point portées
dans d'antres lieux ou rovaumes, ni transportées dans le Por-
tugal ni dans aucune de ses conquêtes, il est convenu que les
susdits marchands, au moment. 011 ils chargeront leurs bàti-
uienls soit en Espagne, soit, dans d'autres royaumes ou Etats
diidit sérënissime roi d'Espagne, déclareront devant, l'an to-
tale judiciaire de l'endroit où ils prendront lesdites marchan-
dises, qu'en cas où ils les porteraient dans d'autres pays que
• eux qui onlélé spécifiés, ils payeront au sérénissimc roi d'Es-
pagne un droit de :t() pour 100. Si ensuite, dans l'espace d 'un
m . ils représentent un certificat, délivré par des magistrats de
l'endroit prouvant qu'ils ont déchargé lesdites marchandises
élans lesEials ou lerriloiresde la République de l'Angleterre, ou
dans les ports des pays appartenant, an roi d'Espagne ou des
pays amis, il leur sera restitué les taxes qu'ils auront payées.


X I


Aussitôt que le présent traité aura été signé par le Parlement




f.no T > o r P M p : \ t s


•le la Ré puhlique d'Angleterre, celui-ci défendra à qui que.ce
suit île porter do« marchandises d'Espagne, nu des autres
royaumes ou Etats du séi énissimo roi d'Espagne, dans d'autres
pays que. ceux de la République d'Angleterre nu ceux qui relè-
vent du roi d'Espagne ; sous peine de coulisealion de toutes ces
marchandises au profit du trésor du Parlement de ladite
République d'Angleterre, en accordant la moitié de la mar-
chandise ou de sa valeur au dénonciateur do la fraude, après
avoir d'abord prélevé un droit de 30 p. 100 qui devra être
payé aux délégués du sérénissime roi d'Espagne. Dans ce cas
il sera ajouté foi aux preuves reçues en Espagne et qui seront
envoyées en Angleterre en forme authentique. Il est en même,
temps déclaré que cette défense, de porter des marchandises
d'Espagne dans d'autres Etals que les Etals et territoires de.
la République d'Angleterre et ses autres provinces, ne s'appli-
quera eu aucune façon .aux royaumes ou Etals qui entretien-
nent avec l'Espagne des relations commerciales libres, car il
sera permis aux sujets de la République d'Angleterre d'y
porter des marchandises des Etats d'Espagne en observant les
conditions et les précautions ci-dessus mentionnées. Les
peines portées contre les transgrosseurs dans les articles pré-
cédents restent en vigueur.


Xiï


Aucun magistrat ou fonctionnaire des villes et cités de*
Etats et territoires de la République d'Angleterre, chargé de
délivrer tics certificats de la décharge des nav ires et de v iser les
registres de marchandises, ne devra consentir ni permettre
( ¡ 1 1 'il y ait la moindre fraude à cet égard, sous peine d'encourir
l'indignation du Parlement de la République d'Angleterre, la
pmle de son emploi et autres peines qui' le Parlement jugera
à propos d'inlligcr.




H I S T O R I Q U E S . 507


Mí!
He même que ledit roi el. le Parlement promettent solennel-


lement de ne prêter en aucun temps aucun secours militaire
aux rebelles (ai ennemis de l'une ou de l'autre partie, de
même il est défendu à leurs sujels respectifs et habitants de
leurs royaumes et Etats, de quelque nation et de quelque qua-
lité ou rang qu'ils soient, de fournir, sous prétexte de com-
merce ou sous tout autre prétexte, et par aucun motif, des se-
cours aux ennemis ou rebelles dudit roi et de ladite. République ;
il est défendu de leur fournir de l'argent, des subsistances,
des armes, des chevaux, des machines de, guerre, des muni-
tions, de l'artillerie ou autres instruments de guerre , ni
aucun appareil île guerre quelconque. Ceux qui y contre-
viendraient seraient punis des peines les plus sévères portées
contre les séditieux et les perturbateurs de la paix et de fa
foi publique.


XIV


Afin qu'il résulte de ce traité de paix des fruits abondants
pour les sujets et populations du sérénissime roi d'Espagne
dans ses provinces et Etats, ainsi que pour les sujets et popu-
lations de la République d'Angleterre dans ses provinces et
Elals, les deux parties contractantes, tant ensemble que sé-
parément, s'appliqueront à ne point leur fermer la circu-
lation et le passage entre les ports de leurs Etals respectifs ,
comme cela a été dit plus haut, afin que les uns et les autres
puissent librement y aller avec leurs na\ires, marchandises
ou voitures, en acqiullanl seulement les péages et droits
ordinaiics , et en sortir avec la même, liberté, emportant
d'autres marchandises, dès que cela leur plaira.


XV


Quant aux divers anciens traités el conventions de coin-




.VIN nrifTMT:NTs


mcrco. conclus entre les anciens cois d'Angleterre, d'Ecosse et
(l'Irlande et les Etals des ducs de Bourgogne et princes de, la
Belgique, traités et conventions tantôt interrompus, tantôt
éludés de différentes manières [tendant les bouleversements
passés, il est convenu par le présent traité, et par manière de
réserve, qu'ils reprendront leur ancienne valeur et autorité,
et que les deux parties contractantes les pratiqueront de la
même manière que cela se faisait avant la guerre entre la
reine Elisabeth d'Angleterre et le roi Philippe 11 des Es-
pagnes, conformément aux stipulations à cet égard du traité
de paix de -1604, art. 22.


Et dans le cas où l'une des deux parties contractantes au-
rait à se plaindre de quelque infraction, ou si leurs sujets res-
pectifs se plaignaient de l'inexécution du traité ou de ce qu'on
leur ferait supporter des charges non consacrées par l'usage,
alors les deux parties nommeront des délégués qui s'enten-
dront à ce sujet et appelleront devant eux , s'il le faul , de'
négociants expérimentés et experts pour en traiter à l'amiable
et de bonne foi, et [tour réparer les torts et rétablir les choses
changées par le laps du temps ou par des abus qu'oit y dérou-
vrirait.


XVI


Et afin que les relations commerciales qui découleront de
retraité de paix ne restent pas stériles, ce qui arriverait si les
sujets de la République d'Angleterre, dans les voyages qu'ils
fi'i'nntdans les royaumes et Etatsdu sérémssimo roi d'Espagne
ou pendant leur séjour dans ces Étals pour affaires commer-
ciales ou antres, étaient inquiétés à raison de leur religion,
leditsérénissime roi voulant garantir la sécurité du commerce
sur terre et sur mer pourvoira à ce que lesdils sujets ne soient
aucunement molestés ni inquiétés contrairement au droit com-
mercial des peuples, à raison de leur religion, aussi longtemps
qu'ils ne donneront, pas de scandale à d'autres.




l i T S T O R J Q t ' R S . S0!>


Et ledit Parlement de. son côté pourvoira à. ce que , dans
aucun des Etats de ladde République, les sujets du sérénis-
simc roi d'Espagne ne soient molestés ni inquiétés à raison
do leur religion, contrairement au droit commercial des peu-
ples, tant qu'ils ne donneront pas de scandale à d'autres, et ce
nonobstant les lois, statuts ou usages en vigueur chez les deux
parties contractantes qui y seraient contraires.


XVII


S'il arrivait que des sujets de l'une ou de l'autre partie trans-
portassent des marchandises prohibées des royaumes , Etals
ou territoires respectifs dudil sérénissimc roi et de ladite Ré-
publique d'Angleterre, dans ce cas les personnes contreve-
nantes seules encourront des peines, et les marchandises pro-
hibées seules subiront la confiscation.


XVIII


Les biens des sujets de l'une des parties contractantes qui
tiendraient à mourir dans les États de l'autre , seront con-
servés pour leurs héritiers et successeurs, les droits des tiers
réservés.


XIX


Les concessions et privilèges accordés par les rois d'Espagne
et d'Angleterre aux négociants des deux parties contractantes
q u i se.rendaient dans leurs Etats respectifs, s'ils ont cessé
dclre exercés par quelque raison que ce soit, seront renou-
velés et reprendront leur force et leur validité entière.


XX


Si un jour, ce. qu'à Dieu ne plaise, il s'élevait quelque
mésintelligence entre le sérénissimc roi d'Espagne et la Répu-
blique d'Angleterre de nature à interrompre les relations com-
merciales, alors, les sujets respectifs des deux parties auront,
à partir du jour où ils auront été avertis de cet état de choses,




510 DOl.'UM K N T S


un délai d(! six mois pour emporter leur marchandises , SUIE


que dans cet. intervalle on leur fusse subir aucune arrestation


interruption ni d o m m a g e dans leurs affaires ou dans leur-


personnes .


XXI


Ni le roi d'Espagne ni le Par l ement d'Angleterre ne retien-


dront les navires des sujets respectifs de leurs États dans leurs


ports ou e a u x , ni ne les feront retenir soit pour le s e r v i c e


m i l i t a i r e , soit pour tout autre service , au préjudice de I c t u s


patrons; à m o i n s que ledit roi ou le Par lement de ladile Répu-


bl ique n'en donnent préalablement avis l'un à l'autre, selon


que les navires appartiendront aux sujets de l'une ou de l'autre


partie , et n'en obt iennent le consentement .


XXI1


P a n s le cas o ù , pendant la durée de cel le paix et amit ié , il


serait tenté quelque entreprise contre sa validité et ses elfets


sur terre, sur m e r ou eaux d o u c e s , par des s u j e t s , vassaux ou


populat ions dudit séréniss ime roi d 'Espagne, ses héritiers ou


successeurs , ou par des sujets dudi l Par lement de la Répu-


blique d'Angleterre ou par îles alliés compris dans ce traité


ou leurs h é r i t i e r s , ou s u c c e s s e u r s , ou par des sujets de ces


a l l iés , lo présent traité de paix et d'amit ié n'eu continuera


pas m o i n s d'avoir sa force, et les coupables seuls , et uou pas


d'autres, seront punis de toute tentative de ce genre.


XXI 11


S'il s'élevait, dans les Etats dudit mi d'Espagne ou de ladite


Républ ique d'Angleterre, une réclamation de la part d"une


personne qui ne serait pas un sujet dudit roi no de ladite


Républ ique pour cause de prise o u d'épaves, la cause scia


portée devant le juge propre des États du roi ou de la Repu-




n i s T ( i i ; i r j r j : s . 51 i


J.iJie"|in', selon ce seenni des sujets ou u n sujet du n u ou de


la Républ ique qui seront poursuiv i s .


XXIV


Les sujets duel il roi . l 'Espagne pourront , quand il leur


plaira, l ibrement et en toute sécur i té , porter dans les ports ou


Etats de la Républ ique d'Angleterre Ionie espère ibi marchan-


dises , produites ou fabriquées dansn'iniporlo. quel le partie des


Etats, royaumes et lerriloires du roi d 'Espagne, n ' importe sur.


quels bàl i inents appartenant à des sujets dudit roi , et dans


quelle partie de ses Etats i ls habiteront.


Les navires appartenant aux r o y a u m e s , î les , provinces,


villes ou à des sujets dudit roi habi tant n ' importe dans quelle


partie de ses Etats pourront porter l ibrement des m a r c h a n -


dises, et propriétés ou produits naturels ou manufacturés dans


toni autre endroit que celui auquel ils appartiendraient eux-


m ê m e s , mais obéissant au roi d'Espagne.


Si des marchandises ou propriété,» étaient portées en Espagne


de n'importe quelle partiel les Etats appartenant à sa couronne ,


>1 sera permis à tout sujet, dudit roi de porter ces m ê m e s mar-


chandises ou propriétés du territoire de l 'Espagne dans n ' im-


porte quel le province appartenant à la Républ ique d 'Angle -


terre en quelque navire que ce soit appartenant, à un sujet du


roi de quelque province que ce soit , sans que des lo i s , statuts


ou usages contraires puissent y déroger.




' 1 2 n O f C ' M ) - . . \ T , S


X X I I


( P a p e d i t . )


1» Instruction au sieur de Ilordeaux, conseiller du un


en son Conseil d'Etal, maître des requêtes ordinaires


de son hôtel, intendant de justice, police cl finances


de la province de Picardie, s'en allant en Anfjleteire,


i d««i»l.re I61.Î


Bien que le s ieur (le Bordeaux soit eu telle sorte instruit de


l'état des choses et ait u n e si particulière connaissance de ce


que Sa Majesté désire de son service qu'il est assez inutile de


dresser un m é m o i r e de ce qu'il aura à taire, néanmoins , a tin


qu'il s'y porte avec plus de fermeté , Sa Majesté est résolue tic


lui donner c e l u i - c i .


Il sait bien que les Anglais ont non-seu lement décerné des


lettres de marque contre les sujets de Sa Majesté , mais même,


qu'i ls ont procédé avec une telle arrogance qu'ils ont fait atta-


quer les vaisseaux do la couronne , et c o m m e ennemis déclarés


fait, servir leurs forces à procurer aux Espagnols divers avan-


tages que , sans leur a ide , ils n'eussent osé se promettre de


remporter .


Il n' ignore pas aussi que Sa Majesté a fait passer eu A n -


gleterre par diverses fois le sieur Gentil let pour reconnaît; e


le nouveau rég ime , mais avec ordre de ne le point fane que


premièrement ceux du Par lement n'eussent engagé leur fui a


surseoir l 'exécution des lettres de représail les, et ensuite à dé-


puter des commissaires pour, avec ceux de Sa. Majesté, prendre


connaissance des d o m m a g e s soutfcrts par les sujets des deux


E t a t s , en intention de chercher les moyens de les soulager en


leurs pertes. Mais ceux du rég ime n'ayant pas approuvé qu'on




HISTORIQUES. 513


leur fit acheter la reconnaissance qu'on en faisait c o m m e d'une


i•'•publique fondée et qui avait une entière et l éml ime autorité 5


dans l 'Angleterre, firent entendre au s ieur Gentil let qu'il eût


à soi tir de leurs Etats.


Cela avait été exécuté devant que les vaisseaux de ce nou-


veau régime eussent attaqué ceux de Sa Majesté et qu'il eût


déclaré que les lettres de marque, ne faisaient point de rupture


entre les a l l i é s , soutenant son dire par une raison tirée des


traités qui les permettent , mais avec cette restriction et précau-


tion de ne pouvoir être dél ivrées qu'après u n déni de just ice


à l'intéressé" et cela pourrait être excusé si cette Républ ique


était demeurée ès termes accoutumés d'accorder la permission


à un eomplaignant de prendre , saisir et arrêter les ell'ets et


navires de la nation dont il se plaint; mais il est inouï et c'est


une chose qui répugne aux droits des gens q u e , sans avoir


déclaré la guerre à u n roi, on attaque ses vaisseaux.


Néanmoins Sa Majesté demeure persuadée que l 'équité , la.


raison et le respect qui lui est dû , ne sont point ent ièrement


etlàcés de l'esprit de. ceux qui exercent présentement l'autorité


du gouvernement en Angleterre, espérant m ê m e que la recon-


naissance qu'elle fera de leur républ ique les satisfera, en sorte


que ne se laissant plus emporter à leurs passions, ils se sou-


mettront à la droite raison et condescendront aux choses


iu<tes qui leur seront d e m a n d é e s , Sa Majesté s'est résolue


d'envoyer vers eux .


Aussitôt que le sieur de Bordeaux sera arrivé à Londres , il


en fera avertir le maître des cérémonies , et après lui avoir d é -


claré qu'il n'est pas ambassadeur, lui fera entendre qu'il est


: hargé de lettres pour le Par lement de la Républ ique et le


priera, de le dire à celui qui préside à cette assemblée et de lui


f lire, avoir audience . Y étant a d m i s , il représentera à ceux


tiudjt Parlement l'avantage que la bonne intel l igence qui sera


•.litre les nations leur apportera, et que c'est l ' intention de Su




514 DOC'irMEXïS


Majesté de la garder entière et s i m è r e , et avec autant dr so in
et d'exactitude qu'elle faisait avec les rois d'Aiiidolci re ; que
se ressouvenant luen que les traités étaient, de nul ion à nation,
comme de roi à roi, et ayant exalté l'Iionneur qui leur est rendu
par Sa Majesté d'envoyer vers eux, il leur fera, entendre li-
vrai sujet de son voyage, appuyant, les demandes qu'il est charge
de leur faire de tontes les raisons que lui pourra fournir son ex-
périence et sa capacité, en sorte, s'il est possible, qu'il obtienne
d'eux la restitution des vaisseaux de Sa Majesté, de leurs ca-
nons et apparaux comme des munitions de guerre et de bouche
dont ils étaient chargés.


Qui mesurerait les choses par la droiture et qui serait assoie
que ceux dudit régime l'eussent en telle considération qu'ils
fussent incapables de rien faire qui y fût opposé , on ne met-
trait point en doute que. le sieur de Bordeaux n'obtint de
leur équité et. de leur prudence ce qu'il leur demandera.


Mais soit l'emportement qu'ils ont fait paraître en diverses
rencontres, soit que bien souvent les hommes préoccupés de
leurs passions s'y laissent en telle sorte entraîner qu'ils ne
voient que ce qu'elles leur présentent, il est à craindre rpr'il
aura un refus cl qu'il lui sera parlé en des termes dont un
nouvel Etat se devrait abstenir traitant avec le ministre d'un
grand roi.


Si cela leur arrive, Sa Majesté désire que le sieur de Bor-
deaux leur réponde en sorte qu'ils s'aperçoivent que la F i a n c e
n'ignore pas ce qui lui peut être dû par une république nais-
sante; mais il évitera de rien dire qui fasse rupture ni qui les
offense, pour ne leur donner aucun prétexte de se déclarer
ennemis de cette couronne, paraissant à Sa Majesté qu'il vaut
mieux pour un temps qu'ils courent les mers et exercent la
piraterie qu'ils reprochent aux autres, que s'ils entreprenaient
quelque chose de pis, ce serait de. joindre leurs forces aux E s -
pagnols et. prendre en protection les rebelles.




mSTORrOI'ES, 515


Que si lit fini une decetlàtat était telle. que, mieux conseillés
qu'en n'ose se le prninotlie, ils accordent la îr-stilutiou desdils
na.\ Ires et. de l'équipage , lois ledit s ieur de lioi ileaux , ou en
une seconde audience, cela, étant remis à sa prudence, leur pro-
posera de députer des commissaires pour a.v iseràcequi sera à
laire pour les particuliers intéressés es prises qui onlété laites
de part, et d'autre, et leur déclarera que Sa Majesté y est dis-
posée, afin que sans y apporter aucune difficulté ni longueur,
ds fassent choix et nomination de députés.


Ce qu'il évitera de mettre en avant si ceux du Parlement
d'Angleterre faisaient difficulté de consentir à l'entière et
prompte restitution des navires du roi, de crainte qu'ils ne
publiassent que son envoi n'avait point eu d'autre fin que de
terminer les différends des particuliers, étant de l'avantage de
Sa Majesté qu'Elle a dépêché vers eux pour demander le, sien
et que la reconnaissance qu'il aura faite de leur Plat ne. lui
[misse être- imputée à bassesse, comme, l'on a fait à plusieurs
autres princes qui sont, allés au-devant, des désirs des Anglais,
e| nouvellement le lîoi Catholique sous espérance d'en être
assisté en la guerre qu'il fait durer à la ruine de la chrétienté
et qu'il aurait souvent [tu finir s'il y eût été aussi disposé que
ceux qui le servent l'ont osé publier.


Kl n'ayant ledit sieur de Bordeaux rien su obtenir d'eux,
jepassera en ce royaume sans attendre aucun ordre, si ce n'est
qu'il jugeât que, leur faisant honte, de leur dureté, et de leur
injustice, cl ([tic ménageant avec adresse quelques-uns des
plus accrédité^ parmi eux, il peut conduire à bon port l'affaire
dont il est chargé.


Que si, au contraire, ils se rendent à la raison et qu'ils se
disposassent à faire choix de plusieurs pour aviser aux movens
de. régler les affaires de mer, ajouter ou diminuer aux précé-
dents traités ce qui peut Imnilier le commerce, pour ensuile
euro que les nations l'exercent avec prolit cl repos, en ce cas




510 D O C U M E N T S


2° Louis XIV au Parlement d'Angleterre.


2 décembre 1652 .


Très-chers et grands amis, nous envoyons vers vous le sieur
de Bordeaux, l'un des conseillers on notre conseil d'Etat,
maître des requêtes ordinaires de notre hôtel et président en
notre grand conseil, que nous avons destiné notre ambassadeur
en Savoie, pour vous faire entendre la bonne volonté que nous
vous portons, et le désir que nous avons de continuer avec
votre république la bonne correspondance qui a de tout temps
été observée entre les deux nations. Nous l'avons aussi chargé
de vous dire que,comme nous n'avons rien entrepris qui vous
ait pu l'aire croire, que nous n'étions pas en cette disposition ni
qui ait pu causer du préjudice à votre Etal, nous avons été
surpris de voir nos vaisseaux attaqués par les vôtres. Car bien
que vous ayez fait expédier à aucuns de vos marchands des
lettres de marque, si est-ce qu'il est inouï qu'on les ait exé-
cutées contre les vaisseaux du prince. Et ce n'est point une.
chose extraordinaire et qui ne soit pas prévue par les traités
d'accorder ces sortes de lettres; au contraire, bien loin d'être
défendues, elles sont permises; mais c'est après un déni formel
de justice qui ne nous peut être reproché , et qui aura con-
naissance de tous les soins que nous avons apportés pour être
bien informés des pertes souffertes par nos sujets et des prises
qu'aucuns d'eux pouvaient avoir faites sur les vôtres qui
étaient obligés de les satisfaire, jugerait et avouerait sansdoutc
que notre intention n'a j a m a i s été autre que de faire observer


ledit sieur de Bordeaux dépêchera vers Sa Majesté pour rece-
v o i r ses commandements et les pouvoirs et instructions néces-
saires pour travailler à une all'aire si importante.




HISTORIQUES. M 7


les traités qui ont été passés entre les nations pour la sûreté et
commodité de leur commerce, et le faire fleurir au commun
avantage des deux Etals. Ledit sieur de Bordeaux, selon la
charge que nous lui en avons donnée, vous fera plus particu-
lièrement connaître les résolutions que nous avons prises de
vivre eu étroite union avec vous, espérant que vous ajouterez
entière créance à tout ce qu'il vous dira de noire part, ainsi
que nous vous .en conjurons, nous prierons Dieu qu'il vous ait,
très-ehers et grands amis, en sa sainte et digne garde. Ecrit à
Paris, le deuxième jour de décembre 1652.


Votre bon ami et confédéré,
Louis




t l O i T M T - NTS
X M IJ


( I ' a g y 3TKJ.)


M. de Bordeaux à II. Sereien.


I dre«, 5 m * t m .
Avant-hier , qui était mardi dernier, le général C.roinvvell


alla au Parlement après en avoir été absent trois semaines,


et s'assit au plus bas bout du Parlement , et ne dit jamais mot,


tout le temps (pie le Par lement se tint. Hier il vint de même


au P a r l e m e n t ; et c o m m e environ midi on y déballait lou-


chant un nouveau Par lement , et quand celui-ci prendrait tin.


et qu'il serait bon de lui donner pour terme le g novembre


prochain , ledit général O o m w e l l se leva tète, nue et lit une


petite harangue en ces termes :


« Messieurs , vous n'avez, que faire de vous mellre lanl en


« peine touchant les affaires qui sont maintenant sur le lapis;


« car ayantrnùrernenl considéré que le gouvernement de tant


« de personnes était méchant , l y r a u m q u e e l p l e m d'oppression,


a et voyant qu'on y avait employé des s o m m e s mil l ièmes


« sans que jamais on en ait donné aucun compte , c'est nour-


a quoi j'ai résolu de mel lre le gouvernement de celle nation


« entre les mains de peu de gens , mais gens de bien ; et par-


« tant, dès à présent je déclare qu'il n'y a plus de Parle-


K meut , et n'en reconnais plus. »


Ayant achevé son pelil discours, il se couvrit et se promena


de il \ ou trois tours dans la chambre du Parlement ; et voyant


que le Par lement ne bougeai t , ledit généra! commanda au


major l ia i a isou de faire entrer les soldats qui étaient en




m s T o m o r E S . o i a
garde : ils entrèrent, sans dire aucun mol ; cl pour lors ledit
major, le chapeau à la main a \eo tout respect, s'en alla à la


chaire du speaker, et lui baisant la main le prit p a r l a s ienne


cl le. conduisit lieu s du Parlement c o m m e un gent i lhomme fe-


rait une demoise l le , et tout le Par lement le suivit . Le général


Cromvvell prit, la masse et la donna aux soldats .


Hier après dîner on devait choisir un nouveau président au


conseil d 'Elat; mais ledit général Crom.well y étant venu
leur déclara qu'ils ne se missent plus en peine de s'assembler
en ce l i eu , et que leur pouvoir était, expiré.


Ensui te de cela le conseil de guerre, s'y t int , et on y appela


ie maire de Londres ipn présenta, sou épée , marque de pis-


tice, au général qui la lui rendit , et lui dit qu'il devait exer-


cer la justice de môme c o m m e si rien n'était a d v e n u .


Hier au soir les soldais allèrent prendre les sceaux au lo -


gis de ceux qui les gardaient ; et au malin ce jour d'iluy on a


envoyé deux barques remplies de soldats pour garder une


partie de l'argent espagnol qui est encore dans ses vaisseaux,


V'. reste étant dans la (oui'. L'armée (ail une déclaration pour


pistitier ses act ions.


Avant-hier arriva un messager de Hollande apportant ré-


ponse des Etals au Parlement; le messager a donné la lettre
au chevaher Cuillauine S lr ickland et lui l'a mise en mains
propres du général Cromvvell.


Tout le peuple universellement se réjouit , et pareil lement


la nobles-c , do la généreuse action du général Cromvvell, et


de la chute du Parlement qui est fort, vi l ipendé eu la bouche


d'un chacun. On a écrit sur la maison du P a r l e m e n t :


'Uns hmtsc ù nuit' tu be tel uiifurnhhrd;


c l o n chante des chansons partout contre eux . H s'en vendait


une publ iquement que le général Cromvvell, par sa grande




520 D O C U M E N T S H I S T O R I Q U E S


modération, a commandé de n'être plus chantée, et en a fait
supprimer quarante mille exemplaires qui ont élé pris chez
l'imprnneur. On no laisse pas d'en vendre sous main.


Ledit général (h'omwell a changé tous les principaux offi-
ciers de l'armée navale.




TABLE DES MATIEUES
D U T O M E P R E M I E R .


A v r a T f s s M E N T BE L'EDITEUR. Page 1


LIVRE I.
Oi'uanisMtinn du gouvernement ré-public ain.—Formation du Conseil


il'Klal.— Bésislanee du pays.— Procès et eniiilaiimalion de cinq
i-liels royalistes, les lords llaiiiilton, Rolland, Capell, Norwich et.
-ir.fohn Owen.—llainilloli, llolland et Capell sont exécutés.—
Publication de VEtkôii liasilihi'.— Polémique royaliste et répu-
blicaine; Milton et Samuaiso,—Explosion et. insurrection des
.\i\eleurs.—Lillmrue.—Leur défaite.—Procès et acquittement
de Ldhuine.—Tyrannie du Parlement.—Grandeur croissante de
là-iiiiiwi11. Page I


fdVIiK II.


Elut des pactiser! Ecosse et en Irlande.—Charles II y est proclamé
roi.—Commissaires écossais à la Haye.— (inerie d'Irlande.—
Cromvwdl en prend le coinniaiidenienl.- Ses cruautés et ses
succès.— Expédition de Vlonlrose en Ecosse.—Sa défaite, sou
ai rostalion, sa condamnation et son exécution.—Charles 11 se
rend en Ecosse.—Cvomwell revient d'Irlande et prend le com-
iriaiidenienl de la guerre d'Ecosse.—Périls de sa situation.—
lia taille de Duuliar. —Charles 11 entre en Angleterre.—Cromwel!
y renlie après lui.—Bataille de Worcester.—Fuite et aventures
de Charles II.— Il débarque en France.— Cromwell revient à
Londres.—Triomphe complet de la République. Page 71


LIVIIE III.


Impressions produites, sur le continent, par le procès cl l'exécution
de Cloutes P' .— Assassinai de Ilori-daiis ii la Haye et d'Ascham




TA ì l i .F. OKS MATTFISFS


à Madrid.—Al l'uni le réciproque des Etals du eentinrut cl de la
République d'Angleterre.---Ilévoloppeiiioiil. cl. succès de la ma»
jine anglaise.--Mauvaise publique extérieure du gouvcniciiiriil
républicain.—Hivalilé de la France cl de l'Espagne dans leurs
relations avec l'Angleterre.—L'Espagne reçoit liait la République
d'Angleterre.—Relations de l'Angleteri'o avec les Proviiices-
Cnios.—Ambassadeurs anglais à la Haye.—Ambassadeurs hol-
landais à Londres.—Leur mauvais succès.—Négociations de
Ma/arin à Londres.—Louis XIV reconnaît la République (l'An-
glelerre.—Guerre entre l'Angleterre et les Provinces-Unies.—
lilake, Trornp et lluyter.—Succès alternatifs.— F.llels de la guerre
à l'intérieur. l'âge l'ai


LIVRE TV.
Eutle entre le Parlement et CronivvelL— Tenlatives pour la réduction


de l'armée. —Proposition d'une amnistie générale et d'une nou-
velle toi électorale. — Projets de réformes civiles et religieuses.
— Conversation de Croimvoll avec les principaux chefs du Parle-
ment et de l'armée.—Pétition de l'armée en faveur des réformes
et pour la dissolution du Parlement.—Accusai Ions de corruption
contre le Parlement.—Le Parlement essaye de se perpétuer en
se complétant par des éfeeiious nouvelles.—Urgence de la situa-
tion, Cromwell chasse le Parlentenl. Page -2U7


1)0(11 JJIENTS HISTORIQUES.


I. M. de Crollile nu cardinal Ma/arin 333
II. Le melile au même 333


III. 1" Délibération du Conseil d'État d'Espagne sur les consé-
quences de l'assassinat du lésident. d'Angleterre, An-
toine Aschain 337


i» Késolutions |iriscs par Je roi d'Espagne sur les ovi--
donnés par le Conseil d'État à l'occasion de l'arrivée du
résident du Parlement d'Angleterre et du châtiment de
ses assassins. 33s


.3" Don Aloii7.il de Cnrdonas à don Geronimo de hi
Torre 303


IV. 1« Louis NIV à Cromwell , . 303
'2» Louis N1V li Eairfax 30«


V. t" l'on Alouzo de Cardenas au roi d'Espagne (Phi-
lippe IV) iiliS


2" Le même au même . .371
;>•' Délibération du Conseil d'Etal d'Espagne sur les all'aire;.


d'Angleterre. 375
VE I» L'archiduc l .énpold (gouverneur des Pavs-Bas) an roi


d'Espagne (Philippe IV) ." . . 382
i" Premier projet de Icore du roi d'Espagne (Philippe IV)




T A B L E D E S M A T T E R E S .


au nouveau roi d'Angleterre 3H3
I!" Délibération du Conseil d'Etat d'Espagne sur les dépê-


ches de l'ambassadeur d'Espagne à Londres el sur la
politique ii suivre à l'égard de l'An^leterro . . 383


4« Déliliénilion du Conseil il'Clat d'Espagne au sujet de
plusieurs lettres de don Alouzo de Cardeùas traitant de
divers sujets IW!»


3» Don AJeiizode (airdefias au comte de IVfiaranda 3!l2
li" Don Alouzo de Cardeùas au roi d'E.spagiie . . 303
7" Le coin te de l'eniiranda à don Alouzo de ( lavdenas 31)3
S" Le comte de LYuaranda au seerélaire Aug. Xa-


varro . . , 398
9" Le comte de Peûaranda au roi d'Espagne (Phi-


lippe TV). . . . 101
10" C'archiduc (Eénpnld) au roi d'Espagne . . . 101
-I I" Déliliéralion du Conseil d'Etal d'Espagne au sujet des


deu\ dépêches précédentes du comte de Penaranda el
de l'archiduc l.éopold 40(>


VII. .M. de Croullé au cardinal Mazarin i'IO
VIII. 1" Le inèiiie au inénie • i l i


2" M. Scrvien à M. de Croullé . .113
IX. I" l.e même au même 417


•y M. de Croullé au cardinal Mazariii. . . . . i l s
;{•• Le même au même . . . . . . . . II!»
i<> l.e même au même . . . . . . . . 422
3 u Dim Alouzo de, Cardeùas au roi Philippe IV • • 423
(1" Délibération du Conseil il Elal d'Espagne, sur les affaires


d'Angleterre .{?G
\ . Mémoire, présenté au roi d'Espagne Philippe IV par lord


Collinglnn el sir l'àluuard llyde, arnhassadeurs de
Charles II '. U<)


XI. 1" Première délibération du Cotiseild'Etat d'Espagne sur
les demandes des ambassadeurs de Charles II. . 432


2" Seconde délibéraliou du Conseil (l'Étal d'Espagne sur
le iiiènic sujet 133


XII. loDon AloiizoïleCaiileiiasauroid'Espagne Philippe IV i30
2» Le chevalier Antoine llriui à don Alonzo de Car-


denas 437
3" Ihippoi't envoyé de Paris par la personne chargée de


s'assurer si l'envoyé de Torturai qui se trouve à celte
eoin1, en qualité d'ambassadeur,.a eu une entrevue avec
le roi (l'Angleterre et s'il a traité avec lui quelque
allaire . .' ', . ii-S


XUI. 1" ,M. île Croulé nii^nitlipal Mazarin. . . . . 440
2° Le même au iiiêmç *. - • ' • « • - • • • ibiil.
3° Le même auYfléine .• .'^r 441


i '• ' * • -




59-1 TÀTìT/E D E S MATIErsT'S,


XIV. I" Xoie 11u vicomte Salomon ile VirMade adrtvtfe au coi--
(linai Ma/ariu i l .


2iJ Mémoire sommaire des iiislruclions nécessaires ; i u sieur
Salomon p o u r la négociation d'Angleterre . . Vi;»


d« Waller I'"l'usi ilM. Salomon, vicmtite do Virelade. l i s
XV. Mémoire toiiclcoit le (onnnerce avrò l'Angleterre (rèdine


par Col beri) l-'il
XVI. Tenelianl la Répuliliquo d'Anglelerre iMéuiuire présénlé a


la reine Anne d'Autriche el à son Conseil par le cardi-
nal Mazariu ) i."iS


XVII. Projet d'instriieliun pour M. de C e n t i l l o t , envoyé en An-
gleterre ili*


XV11I. I" Instruction pour le corniti d'Estrades, envoyé en An-
gleterre i l !


2» L e cardinal Muznrin a u conile d'Cslrades 1M
XIX. Don Alonzo de Carde lias à don Coronimi) de la Ton e i"s
XX. 1" M. de Gentillet à M. Servien 180


2" Le duc de Vendôme à l'amiral ISlake . . . 181
3o Le miane à la liépiihl'upio d'Angleterre - 182
i" M. de (ienlillol a M. Servien .' ÎSS
'>'-> Le Conseil d'Etat d'Angleterre au duc (le Yen-


illune . is.r
XXI. I " L'archiduc Léopnhl an r o i d'Espagne Philippe IV i N-'i


2" lien A lonze de Cardenas au roi d'Espagne Piu-
li|i|ie IV i 8 7


3" K x i r a i t d'une leti re du même au m ê m e . . . i'M
i" Don Alonzo (le Cardenas à don Coronimo de ia


Terre . . . . , i'ci
M0 Auge Navarro liurena à don Alonzu de Cardenas. l'Ji
Ci" Don Alonzo de Cardeiias ii Aug. Navarro Ilurr-na. 1115
7" Don Alonzo de Cardenas au roi d'Espagne Phi-


lippe IV i'i?
8" Nule et propositions prèsoniées an Conseil d'Eial d'\n-


«lelerre, le '12 septembre .|li.ï2, p a r don Alnnzu de
Cardenas . , iiiS


XXIE I" Inslruetion au sieur de Dordeauv, cunsriller du r i é i en
son Conseil d'Elai, maître des requêtes ordinaires de-
son hôtel, inlendanl de juslice, police et linaiices de la
province de Th('ardjp-rrh^»jdlanl en Angleterre . al 2


' 2« I . n u i s . X I V a u ) * ^ m ( ' ' f i t Ì Ì , \ i ! { l e t . o r r < ' . . . Sili
. . o!8 XXIII. M- de Doiaieauxi/irSieiSicn , \ \ .


P i ì r i - s . — I i r i v r i n i e i H ' I g n a v e .T^TJHJ; e t^ ^ j^^y fj by^Td 1 ilo - (', RAMI;- A t i ^ i i s t i u ô -




H I S T O I R E
It К L \


REY0LUTION D'ANGLETERRE
I V


DEUXIÈME ГЛКТ1Е


LA RÉPUBLIQUE ET CROMWELL
( 1 0 4 9 - 1 6 5 8 )


I 1




P a r i s . — h u d r imò c h e z B o n a v e n t u r a еЛ D u c o s s o i s .




l i I S T O I l ì E
RÉPUBLIQUE


n ' A N G L E T l ^ R R l i


DE (Mi О M W E L L
f | r , { ! i ­ i r , : ¡ s \


PAI? M. (ПИХОТ






HISTOIRE


li H J . A REPUBLIQUE D'ANGLETERRE
ET DE CROMWELL


LIVRE V
1. iT'i'i'iinr f>n],][• l'a- ;i l ' i ' y p i j l s i i m {]:Î L o u ^ I 'arteraenT.—Manifeste clo Crom-
•T-t-ii j i r ï i j ï - W j u - i i N . a v - - U j ' i i ' i i i ] f i i i s s i ' s ^ i n i ! j o v r r - . ' i T n ' m i ' u : . . — Convocation


•ils j 'a:î--i:i' 'i:t ]'•!!'. 'hdi.r,~ I l i s i T i u i ' ^ fr<>ii'%"crtare î l e Cromvrell.— Caractère
<•! a i ' l r ; ; 'ic er l 'a i l i ' im" ' i . l . - - - I / r sp r i l l 'C ' iilltiunnuire mystique )' prévaut-—'
\ > i - J u i - . - i : i i i t i r i . a l d i i r a t i i i i i d u Cai'b'inrnt Ihreboiie.— Ci\mnvell est proebime;
: l 'dtt 'c: \-\u\ •- ( 'niji d e s tvpuhlieaiiis fi ¡ 1 r s Caval iers.— Lilbn rue, Géra rd
i ! \ o w r i i , • I jtn;H-r i i<• t i n t de ( ' r u i i i w i - l l . — Sa. cour.— Ses reformes.---
! Lee-'-e i'v ! ' I r i a : . n i > ; .mt '. a e a rporôc? à l ' A n /.oti T r e , — T'e-liliiinc e \ t .eri r u r e


< V (.>'(']iiwcll.™r;ii\ a v f i - i . L llol'an.lf..—Aiiilj;ips;ule de Whitelocke en Suède .
--Trait;-. <i> ('ro:n\v,-!] N V - C la Su.'.!.*, l e Danemark <-t le J ' o r t u u i ù . — Kela-


'.('iiN d e Croaiwi'il r E s p a . m i ' 1 <-i 1 a France . - - l î l ee t ion d'un nouveau
! ' !... n.i 1 )!:-•..'!ue'S d'i»u'. errure de Cronm ell.— Hustiiit*'- du Par lement .—
v > e < i L d discaur- i l r Cnaiiwell r ; retrait*1, d'un <_\ r ta ia nombre de me t t i ons .
• [ . ' i r ' s i . ' n ie du l ' a r l T i i e i u recommence. - Troisième discours de CromvveU.


— 11 d i r o n t le Parlement .


L'expulsion du Lon^ ParlementnX'xeiia,, dans Londres
èi dans le pays, qu'une curiosité indifférente et m o -
queuse ; pas un bras, pas une voix ne s'éleva pour le
détendre ; « Personne, » dil Lroinwell dans un grossier
iddii de triomphe. « n'a entendu un chien aboyer à


leur départ. » À la haine ou au dédain pour les
\;.ineus se joignait ce mouvement d'admiration popu-
î.iiit1 qu'inspire i ou jours la l'orce hardie et victorieuse;




t k ' i ' a t r>Ks i:*pprrs . . \ r i iK« .


f.ronraoll avait seul décidé ci seul accompli, de s a
personne, ce grand coup. l.'uo miilliludc d'adresses <le
Iclicilatioii lui (urhcivii l , dictées, <[(icli[iios-nnes p.ir
cet empressement servile (|tii su précipite autour du
vainqueur, la plupart par l'enthousiasme- mystique <Icl-
sectaires qui se promettaient, de la chute du Parlement,
le règne du Seigneur. D'autres adresses, plus impor-
tantes, vinrent de l'armée d'Ecosse qui approuva sans
restriction ce qui venait tic se passer, de l'armée.
d'Irlande qui se horna à se soumettre et à recommander
la discipline, sans adhésion politique, de la Hotte en lin,
que le Parlement avait soignée avec tant de prédilection,
mais où dominait, en l'absence de iliakc, l'inlluence do
3Ionk depuis longtemps enclin à chercher sa l'or lu no.
dans la grandeur de Croinwell qui, avant d'éclater,
s'était assuré de ses dispositions. Soit hasard, soit dessein,
illake avait, été, quinze jours auparavant, envovu en
croisière vers le nord de l'Ecosse; ce l'ut là, en raoe
devant Aherdeen, qu'il apprit la chute du Parlement ;
il réunit aussitôt à son bord ses capitaines; quelques-
uns, comme lui républicains sincères, Je pressaiem d e
se déclarer contre (Iromwell : «Non,» dit-il, « ce n'es!
« pas à nous à nous niùkr des ali'aiivs d'i-uai ; empè-
<( étions les étrangers de nous humilier ; » ci renonça!;,'
de ce jour à toute politique, il ne s'inqiiiéla plus qui: d e
vaincre pour sa patrie, quel (pie lui son maî t re 1 .


I C a r l y l c , CroniTrU'ï Lcllcrs, l. I I , p . IK] ; —/>„,•, ', '„,„. Tlisl., I . ,\ N.


p . l | : i - M 7 ; - \ !! l t i . i i , .S»«ffPii / .c i- . ' , ( ) i i - f». L , j j n ! i v . , 17 l a . J I . 'm -il', ; -




1/EXPÜT.X.TON m i I " \ , ; VA RÏ .OIKXT. í!


Hans la Cilú do Londres, quelques aldermen hasar-
dèronl iuie pélifioil «à S. K. le lord général , pour le
« prier de perniellre que le Parlement roprîL ses séances
•< el. l u i admis à se dissoudre légalement lui-même. »
Mais aussitôt une con ire-pétition \ in t aussi de là Cilé,
accusant les aldermen qui avaient signé la première
'<• de n'avoir pas oublié la monarchie,.» et disant à
Cromwell : « Nous vous demandons humblement de ne
•i point regarder en arrière, et de marcher hardiment
« pour accomplir ce que le Seigneur et ses fidèles, et
« cette pauvre nation languissante attendent de vous,
« connue vous l'avez souvent promis 1 . »


Celait aussi le désir et l'instinct de Cromwell de
marcher hardiment; mais dès le lendemain de cette
\icloire si facile, et quoique aucune résistance n'éclatai,
les obstacles apparurent. Les grandes justices de Dieu
•:ont toujours mêlées de grandes rigueurs, et souvent
exercées par des mains qui ne commandent ni la con-
liancc ni le respect. Quand il tomba, le Long Parlement
avait mérité son sort; il avait tantôt mal compris, ianlôt
liolé lui-même ses principes; il avait pris pour des
droits les mauvaises nécessités créées par ses taules; il
s'était montré également inca pal 4e de gouverner el de
laisser gouverner, l'on riant, il complaît dans ses rangs
des hommes d'un esprit el d'une vertu rares, qui con-


f'romwelliana, p- 1 3 1 - 1 3 1 ; — L n . l l o w , .V>'wif.»v.\ L I T , p . 2 1 0 ; —


i l i i M i L u ' , ! > de Munit ,1. ho , U i r / , , p . 7 1 ; — J i , . W t Mike,
p . 3 1 1 - 3 ! ! ) .




servaient, dans leur chute, une juste considération, ci.
beaucoup d'honnêtes gens qui, malgré leur entêtement
dans des vues fausses, avaient voulu le bien de leur
pays et retrouvaient, eu renlranl. dans leurs loyers, de
l'es lime et de la sympathie, ils n'avaient plus de pouvoir
à exercer n i a défendre; ou en élait plus disposé à les
écouter; ils ne tentaient rien contre leur vainqueur ;
mais ils parlaient librement de lu i , de ses action-;
passées, de ses desseins tuturs. Qui Cromwell n'avait-il
pas trompé'.' A qui n'avail-il pas dit le contraire de ce.
qu'il disait ailleurs? N'avait-il pas fait lui-même tout ce
ipfil reprochait au Parlement ? Qui pouvait croire à sou
désintéressement ou si; lier a ses promesses ? Efail-eo
pour se courber sous l'épéc d'un général que 1'A.ngle-
Ic.vvc avait brisé le sceptre d'un roi ? Ces propos, partout
répandus, réveillaient d'anciens ressentimonls, provo-
quaient des méfiances importunes, et; M. de Bordeaux
élail bien informé lorsque, quinze jours après le succès
du coup d'Etat, il écrivait au comte de Bricnne :
« Le peu de satisfaction que le public témoigne d'èlre
« gouverné par des officiers de guerre, et de se voi:
« privé de ses anciens privilèges par la suppression du
« Parlement, joint à la diversité des esprits et des reli-
« gions dont est composée l'armée, donne, à ce qu'on
« d i t , quelques inquiétudes au général , et lui l'ail
« appréhender que son entreprise ne soit pas de durée
« et du succès qu'il en at tend 1 . »




l ' i ; \ P I ' i , s i O N ni: L O V ; P A I ; I . K U I - : \ r s


Crnmwcll n'avait coïnMiilaii l pas perdu un. moment
pour faire ajjrrcor au public son coup d'Etat ; dès le sur-
lendemain l , parut, au nom du gênerai et du conseil
d e s officiers, une déclaration qui en expliquait les
motifs en rappelant les l'aules du Parlement, les dan-
gers de la République et les vains efforls de l 'année
pour prévenir une rupture. Peu de jours après, une
si-ronde déclaration, émanée des mêmes.autorités, lit,
» ers le même liul, un nouvel ell'orf. Mais ces documents,
froids et embarrassés, produisaient peu d'etîet. Il fallait
sortir de cette situation précaire et donner, à un pouvoir
encore sans forme et sans nom, quelque sanclion, réelle
ou apparente, du pays. Cromwell fit appeler sir John
(Jarew et le major Sattoway, fermes républicains avec
qui il était resté en bons rapports : « Le fardeau don! je
« me suis chargé en faisant ce que j 'a i l'ait est trop lourd
« pour moi, » leur dit-il, « je ne puis songer aux conse-
il quences sans trembler; délivrez-moi, je vous en
(< conjure, des tentations auxquelles je vais être exposé;
« allez trouver le grand juge Saint-John, M. Sclden,
« tous ces habiles gens, et engagez-les à dresser
h quelque plan de gouvernement qui relire l'autorité
« de mes mains. »—« Vous avez, monsieur, » lui dit
Salloway, « un sûr moyen de vous délivrer de ces
« tentai ions, c'est de ne pas vous y croire exposé; dc-
k meurez bien persuadé qu'aujourd'hui comme au pu-




f; r O M ' O C A J ' I O N H t :


« ravant l'autorité de la naliou réside dans les honnêles
« gens d'Angleterre '.


Cromwell réunit àWhitohall les |>rhicipau\ entre ceu\
des honnêtes gens, militaires et civils, qui se trouvaient
près de lu i ; et dans cette réunion, à laquelle Carow et
Salloway assistaient, on résolut d'appeler, de foules les
parties delà République, un cerlain nombre d'hommes
pieux et fidèles, à qui serait remis le pouvoir suprême.
Mais comme il fallait du temps pour leur désignation et
leur arrivée, un conseil d'État fui, en attendant, charge
des soins du gouvernement. Les avis dilîérèrent sur le
nombre de ses membres ; Lamberl et les plus mondains
des assistants n'en voulaient que dix, pour que les
affaires marchassent plus vile; Ilarrison en demanda
soixante et dix, par analogie avec le sanhédrin juif; le
colonel Okcy et d'autres saints insistèrent sur le nombre
treize, image du Christ et de: ses douze apôtres. Leur avis
prévalut, et, le 21) avril, un conseil d'Elal. de treizr
membres, huit militaires et quatre civils, fut installé a
Whilehallsous la présidence de Cromwell qui l'annonça
le lendemain au public par une déclaration en su.u
propre non) et signée de lui seul ; circonstance qui fui
remarquée, dès lors, connue un indice de ses desseins'.


i l'arliumvi.1. Mil., I. X X , p . 1 3 7 ; — C w l y l c , Cromv, ij s L, {>,,:, •.
t. 11, ]>. 183 ; — U o i h v i n , Hhl. v[ibv C»mm;mrca>!h, t. J U , p. :>•>().-.
l ' V r s t c r , Slaltismcn of the Cvmmvn'rcallh, t. V, j». 133 ;—Luùhnv
Ji . . . i»vi>cs t. I l , p . 2 1 1 .


•! Porlwm.llvil., I. X X , p . l.'il ; ­ ~ i ; > . r l v k , CrmwWKLMw, t. 1!,
i> . j . f s3 ;— Oi>№trrf l icm« , \>. ¡ ­ 2 3 . — T k u r J o u , HlnW VUIM*, s, J.




i 'AJ i l .KMK.VT i ; \ 1 ; K ] : 0 ' \ F . ;(.: .11;ix 1 1 5 ' * . 7


O n ifil ( j i i i ' . , niaifi'rc lu mémoire si fraîche des all'ronls
q u ' o ù lui aval! natïtièro l'ait subir à vTesiminslor, sir
Mniri V ; j n c , dans sa relraiie du c o m t é de Lincoln, recul
do te nouveau conseil d'iilal une invitation a en l'aire
partie; a ijuoi il répondit que « sans mil doide celait le
" rè'me des sainis qui commençai!, mais qu'il était,


quanl à lui, décidé à atlendre le paradis pour en
•< prendre sa part 1 . »;


i>n se1 mi! pourtant à l'œuvre pour chercher ces
i!"pi!;-iiaires inconnus auxquels la someraiuelé en
suspens devait être déférée. On voulait des hommes
qui no se fussent point mis en avant eux-mêmes
comme candidat:-, qui ne sortissent point froissés et
meurtris des luiies de J'élection popula i re , qui ne
t i n s s e n t leur mission que de la sainteté do leur sic,
ai lestée, par fasse) 1 liment des vrais chrétiens, au pou-
voir chargé de les désigner. Les prédicateurs en crédit
dans les cou l i é s rosfrml lièrent leurs congrégations pour
prendre leur avis sur ces difficiles choix. Cromwell cl
si -; "flicirrs (inrenl de fréquentes réunions, soit pour
iuv-.mer les lumières et les bénédictions d'eu haut, soit
pour examiner les noms ci les renseignements qui leur
riaient transmis. Les mécontents de toute sorte. ro\a-
h'slcs ou parlemeiilaires, si; répandaient en propos de
oérision et d'insulte sur ces procédés des nouveaux


,-. .MO, 2 0 3 ; — W l i i M o o k e • I1- 555 ; — O o . l w i n , Mut. of the (iotn-
w.Mîr.-iWi, t. 111, ['. 5 1 1 , &-Ï0 ; —Vvnivr, Stalumen of the (.'<„„«
. . , . , . : w, ,a i ; . . i, v , |>. i->s.


I - |-: .l . irluc. XlilU-l'llJlfrS, I. I , |J. 205 .




H C O N V H ' \ r r o x m>


maîtres de l'Angleterre; Cromwell, disaieu!-iis. se p r e -
tendait en eonunnniealion direele a\ec le Saint-Esprit
et donnait ses volontés pour des ordres que lui dictai!
Dieu même. Mais la moquerie est une arme vaine contre
l'enthousiasme et la discipline; ni tes sectaires ni les
soldats de Cronrwell n'en étaient émus, et il poursuivie
son œuvre, sans se soucier de telles attaques, prêt a s'en
moquer lui-même dans L'occasion : « Les bruits qu'on
« l'ait courir du général ne sont pas vrais,» éerivai!
Bordeaux à M. de Drienne 1 ; «il alîeele bien une grandi'
« piété, mais pas une communication particulière avec
« le Saint-Esprit, et il n'est pas si faible que de se laisser
« prendre par des flatteries, ,1c sais que 1'ainbassadciu
« de Portugal lui en avant, fait sur ce changement, ii eu
« fit raillerie. » Après un mois d'informations et de
méditations, Cromwell et son conseil aboutirent à ia
désignation de cent trente-neuf personnes, cent vingt-
deux pour l'Angleterre, six pour le pays de dalles, cinq
pour l'Ecosse et six pmuTlrlaude. Tous ces noinsavaieji!
été discutés avec soin ; plusieurs, celui île l'ai it'ax entre
autres, proposés d'abord, furent écartés; quelques-uns,
qui avaient été inexactement écrits, sont recliliés sur la
liste, de la main même de Cromwell. Quelques soldais
mécontents, et se cro\ aul le droit d'intervenir < la us cet ie
opération aussi bien que leurs ol'iicieis, réclamèrent par
une pétition contre certains chok Croinwell n'en linl
nul compte, et, le 0 juin Hw3, lorsqu'il eut bien arrélé


' L e 5 j u i n l •




i ' .AlU.UIKVr 1 I A K K B 0 N K •/! j v i v 1053; . 9
n< liste, il adressa, soi il et on son propre nom. aux cent
irenle­neiir personnes qu'elle conlenail, des lellres de
eonvocation ainsi conçues : « A raison de la dissolution
" du dernier Parlement, il est devenu nécessaire de
• pourvoir à la paix, à la sûreté el, an bon gouvernement
c de eette République; en conséquence, diverses per­
<• sonnes craignant Dieu, et d'une fidélité et d'une
" honnêteté reconnues, ont été nommées par moi, de
« l'avis de mon conseil d'officiers, pour que la charge de
« ces grandes alîaires leur lût confiée. Ayant pleine
« assurance de votre amour et de votre courage pour le
" Seigneur notre Dieu et pour le service de sa cause
« et du bon peuple de celle République, moi, Olivier
•i Ooimvell, capitaine général et commandant en chef
i de (ouïes les armées et forces levées et à lever
•< dans celle République, je vous somme et requiers,
>•­ attendu que vous êtes l'une des personnes ainsi nom­
< niées, d'être et comparaître en personne, le 4 juillet


•i prochain, à la salle connue sous le nom de Chambre
« du conseil, à Whitehall. dans la cité de Westminster,
•i pour y prendre la charge à laquelle vous êtes appelé,
« et y siéger comme membre pour le comté de Et


n'ayez pas à y manquer 1 . »
Cette satisfaction une l'ois donnée aux scrupules


1 l ' a r l y l e , Cromwll's Lettcrs, t. I I , p . 1 0 3 ; — P a r t i a t * . Ilhl., t. X X ,
!.. t o i ; — T l u i r l o e , SMc-l'apers, p . 25« , ­274, 280 , m Archiva <l«
r;ift;:r>'* rlrariijircï tie Frah>:r ;—Journal* nf rhe Uuuse of c o m m e t .
1. V U , p . 2 s 2 ; — W i a r l f K ' k . . - , ] . . iî.T7; — I h ' i i i h , A hri.f Chr.,m


. • ! . • „ p . №Ji — C o J w u i . Uisi, „[ the Comm'jnicvMh, ». I I J ,
... .".).'L­C.21.




10 ("iOU\ F J i X K M K V ! ' ])F.


constitutionnels qui t'entouraient, ol en allendanl l'ar-
rivée do cet étrange Parlement, Cromwell, par l'entre--
mise tantôt du conseil d'Étal, tantôt du conseil générai
îles officiers, prit en main le gou vcrneincni (oui entier.
On ordonna la continuation des taxes votées par le
Parlement expulsé, pour le service du l'armée et de la
Hotte 1 . On destitua quatre juges dont on se méfiait, et
on en nomma deux autres pour le pays de Galles 2.
« Le général a envoyé le maître des cérémonies à
« tous les ministres étrangers, » écrivait Bordeaux
à M. de iîrienne, « pour les assurer que ce change-
nt ment n'altérera point l'intelligence et l'amitié qui
« peut être entre leurs maîtres et cet Elal, et que, dans
« peu de jours, nous saurions avec qui traiter'. » Le
conseil d'Étal chargea en effet cinq de ses membres de
reprendre, avec les ministres de France °A de Portugal,
les négociations commencées. Des envoyés arrivèrent de
la part des Étals généraux de Hollande et du grand-duc
de Toscane ; ils furent reçus sans délai 4 . Ni tes relation?
diplomatiques ni les affaires intérieures n'éprouvèrent
d'interruption. « Notre grand changement de cent
» cinquante ou deux cents gouverneurs à dix a été sans
" bruit ou tristesse, » écrivait au cardinal Mazarin un


I Lu !) j u i n inr.3.


i L u * 1« c i 3 9 j u i n Ifi-VI.


:1 Btmleonrr. à Drknnr. ¡1'-' m a i 1653) [Ar'hivr* <h"< Affaires clran-
ijeres de France).


' T l i u r l o i ' . Slale-Voi.ers, t. 1, [>. i'i'J ; — G o i t w i i i , / / i \f . v f ' k ' . ' w , , .


mohixmtth, t. 111, p .




C K O V i U T [ . ) . j i ' i : v - j i - i i . i , : - i Irt.Vl . i l


a t ' L ' . ' i c i iriide Londres, nomméMorrell, avec uni il cuire-
ivmnl une correspondance particulière : « voyant que


les auiresou quatre années n'ont rien l'ait pour le bien
un peuple, par mer ni par terre, nous espérons mieux


; de dix que de deux cents; plus de secret, plus de
.< promptitude; moins de discours, plus «i'eiï'eis, sans
•< manger quatre aimées en harangues 1 . »


En même temps qu'il prenait ainsi possession des
a!)aires publiques, Croimvell veillait à. la sécurité des
iiiiércls privés, des siens propres comme de ceux d'au-
trui. Des désordres, auxquels les liassions politiques
n'étaient pas é Iran gères, éclatèrent dans le comté de
Cambridge, à l'occasion d'un grand dessèchement de
marais culrepris par une compagnie dont il était l'un
di.s principaux fondateurs; il écrivit.sur-le-champ à l'a-
gent de ta compagnie : « J 'apprends que quelques mau-
" vais sujets oui commis de grands désordres dans te
x coin l é de Cambridge, aux environs de SwalTharn et de
•• !îo's'uim. renversant les travaux commencés, et m e -
•< nacan! les ouvriers qui y sont employés. Envoyez sur
» les lieux un de mes escadrons, avec un capilaine qui
k exhorte le peuple à se tenir tranquille, en lui faisant,
•< bien saxoir que, si quelques excès sont commis, on
K ne les soulfrira pas. et que, si quelque lort est l'ait
« aux eulrepri'iieurs, salisl'aclion leur sera donnée selon
« le deuil, ei, jushee, sera faite. » Il tu prendre en effet,
par le conseil d'Elat, les mesures nécessaires pour assu-


1 Lu 1;', m a i lil'Ài ; . ln , f ,n '<..s des Alj\uiei elean^e-i'e* de l'ian^e),.




J=? Î U T A I U . J - . XAY V U . i : . \THK .MONK


rcr la réparation des dommages si les troupes ne suffi-
saient pas aies prévenir


Jl eut, peu de jours après, un de ces coups de fortune
qui grandissent et atferniissenl les pouvoirs nouveaux,
comme une marque de la laveur de Dieu. Quelque
temps suspendue après la victoire remportée par Rlake
sur les Hollandais, du !S> au ~2i) février précédent, la
guerre maritime venait de recommencer, soutenue par
les escadres qu'avait préparées et les amiraux qu'avait
nommés le Parlement. Tromp tenait la nier pour Jes
Provinces-Unies, triste et peu confiant , car sa Hotte,
(n'en que nombreuse, était composée de bâtiments la plu-
pari faibles el mal a rmés , niais toujours aussi hardi
qu'habile, et ayant Ruyter, doWil.l o! l-ïoiïlz pourlicu-
leuants. Il venait d'escorter un grand convoi de navires
marchands lorsqu'il apprit que la Hotte anglaise s'elail
divisée, que Blake avait fait voile vers le nord, et que
Monk et Dean, avec une cenlaiue de bâlimenls, navi-
guaient à l'entrée nord du pas de Calais, entre liams-
gâte et Nicuport. Il se porta vers ces parages, et l'action,
que les deux escadres cherchaient également, s'engagea
le 2 juin avec passion, surtout de la part des Anglais.
Aux premières volées de canon, Dean qu i , le matin
môme, préoccupé d'un sombre pressentiment, avait
passé, dans sa chambre et en prières, un temps plus
long que de coutume, fut frappé à morl, d'un boulet, à


1 C a r l y l e , Cromwtjll's Leliurs. l . 11 , j . , 1b . . ' ;—Ciwm«<•»» '« . / .




Г Г T K O M P . — . M i ï K T Dl' ' l ' R O M P 'П . i i ' i s J 6 5 3 ) . 1 3


! ­nié de Молк, Л И Г le pool du vaisseau lu Bésolution que
1rs deux amiraux montaient ensemble. Monk jela son
uianleau sur le corps do son collègue ei poussa ardem­
incnl le combat. La nuil sépara les doux escadres qui
axaient presque également souffert. L'action recom­
mença le lendemain, un peu lard, Tromp ayant, sans
succès, employé les premières heures du jour en ma­
noeuvres pour reprendre sur les Anglais l 'avantage du
venl. 11 ne savait pas que, soif par instinct, soit d'après
quelques avis qui lui étaient parvenus, annonçai)! une
rencontre prochaine, Blake faisait, à ce moment même,
force de voiles vers te sud, pour venir y prendre part,
fin oulendil fuul d'un coup relenlir son arlitlerie sur les
derrières de la llolle hollandaise, et, peu d'instants
après, un jeune officier , son neveu, le capitaine Ho­
1­erl lilake, perçant avec son bâtiment la ligue des enne­
mis, vint le premier rejoindre le gros de l'escadre an­
glaise, aux acclamations des matelots ravis de revoir au
milieu d'eux le Uni delà mer, comme ils appelaient
lïlake. L'énergie et l'obstination de Tromp croissaient
avec le danger: animé par ses instances et par ses exem­
ples, l'équipage de son vaisseau, h Brederode, aborda
le vaisseau anglais le James, que montait le vice­amiral
l'enn ; les Anglais repoussèrent vigoureusement les as­
saillants, passèrent pêle­mêle avec eux sur le Brederode,
et en occupaient déjà le pont lorsque Tromp , décidé à
n'être pas pris, jeta sur des barils de poudre une mèche
allumée: le pont du lired-'rode sa; il a avec tous ceux qui
>"% trouvaient el une partie du bàlimenl; le bruii cou­




m o r v i ' T i ' n a u : n r


rut aussi lot dans la flotte hollandaise que l'amiral élail
mort ; le désordre se propagea rapidement; plusieurs
bâtiments prirent la fuite. Troiup cependant , sauvé
comme par miracle, avait passé du Jln-dcrode sur une
frégate légère, et se portait en tous sens parmi les bâti­
ments hollandais, ramenant les braves au combat et
tirant sur ceux qui fuyaient. Mais toute sa vigueur fut
vaine; il fallut se retirer à son tour et regagner les port?
de Hollande, chaudement poursuivi par les Anglais. Le
lendemain ­i juin, Monk et Blake annoncèrent, à Crom­
well leur victoire, avec la prise de onze bâtiments hol­
landais et de treize cent cinquante prisonniers. Tromp.
Uuyler et de Will, de leur côté, se hâtèrent de rendre
compte aux Etats généraux de leur défaite cl de se:­
causes, déclarant qu'ils ne retourneraient, plus eu mei
si la Hotte n'était mieux a r m é e , plus abondamment
pourvue de munitions et accrue de bâtiments plus loris :
« Pourquoi me lairais­je plus longtemps? « dit Cor­
neille d e W i l l c n pleine assemblée desKIals; «je suis ici
« devant mes souverains; c'est mon devoir do leur dire
« que les Anglais sont maintenant maîtres de non*
« et des m e r s 1 »


Les actions do grâce ordonnées par le conseil d'Etat


1 Parlwvi. Jli:<l., t. X X , [.. 1JK ; ­ ( > . ( « ! . • . • ' > . „ . ' , | ' . I­.'I :—W i l i lv­
l o c k e , p . :>:>7;— Uuburl №«!;<•. p . '­}\\\--<:c, ; I I , , » , , ;.,uf,ir \ym;,^


t, I , p . ­191­ l'.l!) ;— Lo C l e r ; : , II».!. - / « l ' r v t w w . C c u , i. I l ,
p . : . » ! ; — \ \ r i c . . | U f f u r ( . UM, >lti Vr»r;»en>-r»><•*, i. I V , p . :r,:> • -
l i m u i l i , Vie de liuyicr, p . :j:j­U7;— l ' i iui ' lui ; SMe-l'iiptr*, i. !,
p . Mil 21U,




K U i / . O I E X T l U I Ï E J i O X E (1 j u l l i t l e » » ) . K.


j>our cetle victoire avaieut à peine cessé de relenlir dans
ioulc l'Angleterre quand rassemblée- des élus de Crom-
weli se réunit, le i juillet, dans la Chambre du conseil,
a YVhilohall, selon l'ordre qu'elle en avait reçu. Deux
seulement, parmi les appelés, ne se rendirent pas à la
convocation, ils étaient assis sur des sièges rangés au-
tour de la salle, lorsque Cronrwell entra, suivi d'un
grand nombre d'officiers. Tous se levèrent et se décou-
vrirent. Cronrwell ôia aussi son chapeau, et se plaçant
le dos tourné vers une fenêtre en face du milieu de la
salle, la main appuyée sur une chaise : « Messieurs, »
dil-il, « je suppose que la convocation qui vous a ame-
•< nés ici vous fait bien comprendre pourquoi vous y


êtes. Cependant j 'ai quelque chose de plus à vous
« communiquer; c'est un document rédigé de l'avis
« des principaux officiers de l 'armée, et qui en dit un
». pou plus que la lcllre de convocation. J'ai aussi, pour
« ma décharge, quelque chose à vous dire qui sera, je
« l'espère, satisfaisant pour vous, .fe vous vois siégeant
« ici assez mal a voire aise, car il y a peu de place, et
« le temps est très-chaud; je serai court; » et ayant
chaud lui-même, il ôta son manteau cl le donna à un
officier qui le garda pendant toute la séance, comme
on o u i fait pour le roi en pareille occasion 1.


Cromwell ne tin! pas sa parole, car il parla (dus de
deux heures. 11 n'avait pas écrit sou discours, et ses


1 PnilUnn. Hist., i, XX, p. I V . ! , — C a r ' y i c , CiwmceïC* Lelt«n and


!<fj.:Ju-s, t. 11, p. )s7.




in O r V E M T R K Mr l ' A K I . O K . V T IJAKKHOXK


idées, quelque arrêtées qu'elles pussent être d'avance,
se pressaient dans sen esprit si abondaules et si vives
qu'il semblait s'abandonner à leur cours plulù! qu'en
disposer pour les élendre ou les resserrer à son gré. It
élail étranger à l'art oratoire, à l 'harmonie dans la com-
position, à l'élégance dans la diction; il,jetait pêle-mêle,
les récits, les reflexions, les raisonnements, les citations
(lieuses, les commentaires, les interpellations, les allu-
sions, les réminiscences, les vues d'avenir; mais une in-
tention profondément politique, pratique cl précise, ani-
mait toutes ses paroles, perçait à travers leur confusion,
persistait dans tous leurs replis, et il poussai) puissam-
ment ses auditeurs vers le but qu'il voulait allcindre,
en suscitant à chaque pas dans leur à me l'impression,
dont it avail besoin de les frapper. 11 commença par
leur rappeler les grandes choses dont ils avaient élé té-
moins depuis l'ouverture du Parlement jusqu'à la ba-
taille de Worcester, la guerre civile, le jugement du
roi, la défaite de son Ills, la soumission des trois royau-
mes, « ces étranges voies, détours cl retours de la Pro-
« vidence, ces grandes manifestations de Dieu qui s'é-
« tait plu à traverser et à renverser les desseins des
« hommes habiles, pour élever à un merveilleux succès
« une pauvre et obscure troupe d'hommes, nuilcmeiil
« versés dans la guerre et qui y avaient peu de peu-
« chant .» Il voulait remplir cette assemblée nom elle
du sentiment de la puissance et du droit de l 'année, in-
strument et représenlant des volontés de Dieu qui lui
avait donné la victoire sur tous ses ennemis. De la il




Mis i (M'l is hK r i t m i \V KM. '1 .il o u i UÏ.-.3). 17


passa ,i sa dernière lulte aver le Parlement , cl après
avoir sauclilié l'armée au nom du suecos, i l la justifia
au nom delà necessiti';. Le Parlement n'avait voulu ni
(çeomptir les réformes que désirait le peuple, ni se dis-
soudre réellement et rendre au peuple son libre droit de
sull'ragc; les jurisconsultes s'étaient disputés trois mois
s u i s parvenir a s'enlendre sur le sens d'un seul mol. le
moi lii/iioiltètjMs {¡Hcuinbrances); les conférences, obte-
nues à grand'peino, entre les chefs du Parlement et les
eiiieiers de l'armée avaient toujours abouti à celle ré-
ponse : « La continuation du Parlement peut seule san-
ie ver la nation. » Non-seulement, par l'acte qu'ils
avaient préparé pour les élections nouvelles, ils se per-
petua ¡en I eux-mêmes, mais ils auraient fait entrer dans
[e Parlement des presbytériens, des déserteurs et des
ennemis de la bonne cause :« Si nos libertés et nos droits
« avaient succombé dans un combat, » dit Crnnivveli,
« la nécessité nous eût enseigné la patience : mais les
« perdre par insouciance et apathie, c'eût été nous dé-
« clarer nous-mêmes des lâches, traîtres à Dieu e t à son
» peuple.... L'est v raimen! la nécessité qui nous a coll-
ii il i liis (Lins celle all'aire, ca r ie gouvernement ne doit
.i pas tomber ; vous n'auriez pas voulu, je pense , qu'il
« passât aux mains des pervers; je suis sur que Dieu ne
u je voulait pas. L'est donc par la voie de la nécessité,
H pai' la voie de la sage providence de Dieu, quoique à
« travers de faibles mains, que le pouvoir vient aujour-
« d'hui dans les vôtres. » Il Ut alors, selon sa coutume,
élalaue d'humilité au moment même où il faisait acte.




d'autorité cl de puissance : « Je déviais J ) H . ; , o n K T a
« prier pour N O U S plutôt que vous donner des cou-
ce scils..,. Pourtant, si celui qui vous a appelé? a IVsér-
ie ciee du pouvoir suprême, el qui ne veut être que
« votre serviteur, s'acquitte de ce qu'il regarde comme
« mi devoir envers vous, j'espère que vous Je prendrez
« eu bonne part .» !1 les entretint des conditions du
bon gouvernement, leur conseillant la justice envers
tous , « envers un infidèle aussi bien qu'envers un
« croyant, » la sympathie pour les saints, la compassion
même pour les infirmités des saints : « Je vous en cou
« jure , quoique ce ne soit pas nécessaire, je pense ; ayez
« soin de tout le troupeau ; aimez les brebis, aime/. ic-
« agneaux; soyez doux et tendres envers tous; si Je
« plus pauvre chrétien, le chrétien le plus égaré désire
« vivre en paix sous votre autorité, proiégez-le.... j 'ai
a dit quelquefois, à tort peut-être, j 'en conviens, que
« j 'aimerais mieux avoir tort, envers un croyant qu'eu-
« vers un infidèle.... Faites ions vos efforts pour Ja pro-
« pagalion de l'Evangile : encouragez ses niiuisires....
» Je n'ai qu'un mot. de (dus à v eus dire, el en ceci p e u i -
« être je trahirai ma faiblesse; mais je veux vouson-
« courager vous-mêmes à marcher fenncnieni et avec
« confiance dans votre œuvre. . . . Vous êtes él rangers tes
« uns aux autres; vous venez de toutes tes parties de ta
« nation; vous ne vous connaissez peut-cire pas de vi-
ce sage.... J'en appelle à votre conscience à tous : ni di-
« reetement, ni indirectement, vous n'avez cherché
c vous-mêmes à venir ici; vous y êtes venus passive-




A P L ' A U L E M E X T 1 U K E H O N K ( 4 j i - i l i . C T 1 0 5 3 } . 1 ! )


0 înc-nt ; vous avez été vraiment appelés : avouez hau-
« ieinent votre mission ! Jamais, je puis le dire, il n'y a
« eu un lel corps, plus de cent quarante personnes, qui
<• soif ainsi parvenu à i'autorilé suprême à. ce seul t i ire,
f avouer Dieu et être avoué de lui. Si c'était le moment.
y de comparer votre litre à celui des assemblées qui
« ont été appelées par les suffrages du peuple!, . . Qui
« peut dire quand viendra le jour où Dieu rendra le
« peuple capable d'une telle œuvre? Personne ne le
« désire plus que moi.. . . Biais ceci est une digression ;
u je vous le répète : avouez votre mission, car elle
'.( vient, de Dieu »


Admirables instincts d'un protond génie qui voulait
l'aire descendre de Dieu ce prétendu pouvoir suprême
qu'il avait élevé de ses propres mains el dont il sentait
rinlirmité !


L'assemblée écoutait Cromwcll avec faveur et respect.
Elle n'était pas, comme on l'a dit, composée tout entière
d'hommes obscurs cl de condition basse ; elle comptait
dans son sein quelques noms illustres par la naissance
ou par la gloire, el un certain nombre de gentilshommes
de campagne et de bourgeois importants dans leur ville
ou dans leur comté. Propriétaires, négociants, mar-
chands ou artisans, la plupart de ses membres étaient,
d'ailleurs des hommes de mœurs bien réglées, point.


1 L ' A R L Y J E , Crowittll'n Lrtter* and HVev:ha>, T. U, P . J. S 7 - - U 9 ; -
r.irlhm. Ukl., 1. X X , [ i- 1 5 3 - 1 7 5 ; — M I L W N , l<lnl-~P>n«;-», i>. 1 0 0 -
1 1 ( . — -Curdïnas ou roi l'hilipjiv l V ( 1 7 J U I L L U I 1 0 5 3 , . (Arehivn de Si-




prodigues, point onilt'lti'-s, point chercheurs d'emplois
ou d'avenhires, passionnément attachés à leur patrie,
rumine à leur foi, et ne manquant ni de courage ni
d'indépendance. .Mais leurs habitudes, leurs idées, leurs
vertus même étaient petites et étroites, comme la situa-
lion sociale de la plupart, d'entre eux; ils avaient plus
d'honnêteté privée (pie d'intelligence et de iierlé poli-
tique; et malgré la droiture de leurs intentions, la pro-
bité de leur vie et. l'ardeur de leur piélé, ils ('liaient inca-
pables de remplir et même de comprendre la haute
mission à laquelle la volonté de Cromwell venait de les
appeler.


Ils commencèrent pourtant par s'approprier le nom,
les formes et tous les signes extérieurs de leur nouveau
rang. Ils transportèrent leurs séances à Westminster,
dans la salle de la Chambre des Communes. Là ils re-
çurent et lurent solennellement l'acte signé du général
et de ses officiers qui leur déférait le pouvoir suprême,
en leur imposant l'obligation de ne le garder que j u s -
qu'au <l novembre 10,Ml, et de désigner eux-mêmes, ( rois
mois avant ce terme, leurs successeurs qui ne siégeraient
qu'un an et auraient, à régler le gouvernement futur. Ils
votèrenl, après un débat et à soixanle-einq voix contre
quarante-six, qu'ils s'appelleraient le Parlement. Us
élurent leur orateur, Francis lïouse, ancien membre du
Long Parlement, liront apporter Mir leur table la n i a s s e
qne Cromwell en avait fait enlever, nommèrent un
conseil d'Llat de Ironie et un membres qui reçut d'eux
des instructions analogues a, celles du conseil d'Etal pré-




i n : \ u i • • ; : л : к а к е п п х к . ¿1


. edent, reprirent enlin Imilort les prérogatives et réta­
blirent Ions les usages du Parlement expulsé '.


Croinwell et le conseil des officiers avaient l'ait d'eux
un Parlement : pour eu témoigner leur reconnaissance,
ils votèrent à leur tour que le lord général,, les majors
généraux Lambert, Ilarrison et Desborough, et le colone.
Tondinson, seraient appelés à siéger parmi eux comme
membres du Par lement 2 .


Le jour même où ils s'installèrent à Westminster a ,
ils consacrèrent presque toute leur séance à des mani ­
festations pieuses : non pas en assistant, comme le
Parlement précédent, à des sermons prêches par des
ministres spécialement désignés, mais en se livrant eux­
mêmes, et sans le concours d'aucun ecclésiastique de
profession, à des prières spontanées. Huit ou dix m e m ­
bres prirent successivement la parole, invoquant le Soi­
u'iieur cl commentant divers passages des livres saints :
« Lf plusieurs allumèrent, i> dit l'un d'entre eux, « que
« jamais, dans aucune réunion ni aucun exercice de
« piété, ils n'axaient senti la présence et l'esprit de
« Christ autant, ni avec autant de joie que ce jour­là. »
Aussi persistèrent­ils dans celle pratique, et au lieu do
se choisir un chapelain, chaquejonr, dès que quelques
membres étaient arrivés, l 'un d 'entre eux faisait une


1 J.,urn<th »/' .'/­г­ I!uu>:r *,[ r.nnmonx, 1. УТГ, p . ­281­­2S.") G o . l w i n ,
llhl. „f thcC;»!.m.n<r,«ltU. i . n r . |). r,:­!l;--Vort-U-v, Xtnln.mtn of
lh- Г м н ш к . т г . a l l h , t. V, p . li;:f.




••>•) TYTr'T.AT? ATÏON Tiï" •pATH.TTtfKNT


prière, et d'autres lui succédaient jusqu'à ce qu'il.-,
iussenten nombre poli!1 ouvrir la séance cl entrer en
travail. Le lendemain de leur installation, ils volèrent
qu'un jour spécial serait consacré à invoquer solennel-
lement, sur leurs actes futurs, les bénédictions de Dieu ;
et après s'être acquittés de ce devoir, [ t o u r engager toute
la nation à joindre, dans le même but, ses prières aux
leurs, ils publièrent u n e déclaration 1 où éclatent à la
(ois tes orgueilleuses espérances d'un enthousiasme mys-
tique et les sentiments d'une humilité profonde : «Nous
« sommes le Parlement de la République d'Angle-


« terre Quand nous nous regardons nous-mêmes,
« nous sommes effrayés, nous tremblons de l'œuvre
' i immense qui pèse s u r nous, infiniment au-dessus de
« notre force, et nous nous écrions avec Josaphat :—.
« Seigneur, nous ne savons ce que nous devons faire,
« mais nos yeux sont s u r toi !... —Nous espérons que
« Dieu, dans sa grande et libre bonté, n'abandonnera
« pas s o n peuple, et que nous serons, dans sa main, des
« instruments efficaces pour que tous les jougs oppns-
« sifs soient brisés, tous les fardeaux écartés, pour que
« les pauvres et les nécessiteux soient aussi comblés de
« béuédiclions, pour que toutes lesnafions transforment.
« leurs (''liées en charrues, pour «pie le loup paisse avec
« l'agneau, cl que la ferre entière soit pleine de la con-
te naissance de Dieu, comme les eaux remplissent les
« abîmes de la mer Voici fout ce que nous disons,-




•( si noire en! reprise vient de Dieu, qu'il la bénisse cl la
« lasse prospérer, et que chacun prenne garde à ne pas
•< coinhallre conlrc Dieu; niais si elle ne vient pas de
« Dieu, ([d'elle tombe, quoique nous devions tomber
¡1 tes premiers 1 ! »


Ainsi fortifiés et confiants, ils se mirent à l 'œuvre
pour accomplir enfin ces réformes tant désirées. Douze
comités furent institués pour ics préparer. Deux avaient
à régler les affaires d'Ecosse et d'Irlande et leur incor­
poration avec l 'Angleterre. Un comité fut chargé des
réformes à apporter dans les lois; un autre de la ques­
tion des dîmes, objet, pour le clergé et les seclaires, et
aussi pour les politiques, d'une vive préoccupation. Les
armées de lerro cl de mer, le revenu public, les délies
publiques et les fraudes envers l'État, les pétitions, le
« nmtnoree cl les corporations, les pauvres, les prisons,
l'avancement de l'inslrueiion publique et des sciences
occuperont huit comités. Les actes ainsi préparés de­
vaient être aussitôt soumis à la discussion et au vole du
l'arlemeut ~.


L'ardeur ei l'assiduité do ces comités et du Parlement
tui­mènie dans leurs travaux furenl grandes. Le Parle­
meid vola qu'il se réunirai! tous les jours, sauf le
dimanche, à huit heures du malin. Ni les comilés.ni le


i ,f,,,m.«>„ r.fii.,ll.„i,i- o/V.dpi.m!*, t. V U . il ; . 'S1­­J.sa;­­Paru,un.
/ > , , / . , i . \ \ , | ' . l u i 1KU;~ K«.rs!iT. .Sf«/c.>«i. ». "/" .'< ': Cuin n< tmu-,,ilth,
• V , il I C i M T I , ­ / , ,vV. . / . ­ , ­ s J . , « , - « « J . }: ! ix-


* . / . . i , , im'/s o/ lia- / ! . . „ % ! • . . / • > • < / » , . . . i . ; , . - . I. V I I , |>­ №[l ASO. ,




y.i K K F O I O I K S T K . V T K R S l ' A l i


conseil d'Ida! ne devaieni se l'assenihler ianl que ie
Parlement était on séance; il fallait que leurs membres
pussent y venir siéger; c'était avant et après Ja séance
générale qu'ils se livraient à leur mission particulière.
Ils ne lardèrent pas à présenter au Parlement de nom-
breux rapports : les dîmes, les réformes dans les lois
civiles et criminelles, Fadminisl ration des finances, l'état
et la comptabilité de l 'armée, le règlement des dettes et
la répartition des terres en Irlande, les pauvres, les pri-
sons, les pétitions devinrent, coup sur coup, l'objet de
vifs et longs dédiât s. Un zèle sincère animait l'assemblée;
les queslions d'intérêt privé leuaienl pende place dans
ses délibérations ; honnête et hardie, elle ne songeai!
qu'à servir et à reformer l'Élal.


Mais on vif bientôt éclater ce que les réformalcnrs
populaires ne prévoient, jamais, les ol«stades et les chi-
mères. Pour accomplir, sans la bouleverser, de grandes
réformes dans une grande société, il faut, au législateur,
beaucoup de lumières et une pusilion baule; vernies
d'en bas, les réformes sont inséparables des révolutions.
Le Parlement des élus de Cromwell n'était ni assez
éclairé, ni assez considérable pour réformer, d 'une
main tranquille, la société anglaise; el comme ce
même temps il n'était ni assez insensé, ni assez pervers,
ni assez fort pour détruire aveuglément au lieu de ré--


1 Jounurfs of tlie Hoitse ûf comment, i. VIT, p . -2S5, -iS(;,


V.K.I, •>[>•>, -.'lia, -JU7, Ï ' i i * . -Jin), lieu, a i i l , -\ia, ;;ua. a u i , :um a i u , ,:\:>. a n ; , .<•«!, :i-r,, :Wti, : K H , : t : U , : i l l , x d




i.K PAm.F.MFAT BATHÏBnXR. •.'.•>


¡11¡11if!-, il ne tarda pas, maigre son honnêteté et son
courage, à devenir impuissant, et ridicule par son im-
puissance dans son ardeur.


li trouvait pourtant une partie de sa tâche très-avan-
cée : les deux comités que le Long Parlement avait insti-
Inés en IGViJ, l 'un dans son sein et l 'autre en dehors,
pour s'occuper de la réforme des lois, avaient laissé un
grand travail où la plupart des questions étaient réso-
lues, et même les solutions toutes rédigées. Vingt cl un
projets, dix-sept sur divers points d'organisation judi-
ciaire et de législation civile, quatre sur des points de
législation criminelle ou de police religieuse et morale,
éïaienf là tout prêts, attendant le vole qui devait en
faire1 îles lois. Le nouveau Parlement fit réimprimer et
ihslribiior ce travail à tous ses membres '. II n'en sortit,
après de longs débals, que quatre lois de réforme; l'une
pour placer sous l 'autorité civile la célébration des ma-
riages et la tenue des registres destinés à les constater,
ainsi que les naissances et les décès; les trois autres pour
le soulagement des délenus pour délies et autres prison-
niers, cl pour l'abolition de certaines redevances et de
certains délais de procédure. La perception ries impôts,
la concentration dans un seul trésor public de tous les
revenus de l'Llal, l'administration de l'armée et de la
marine furent aussi l'objet de règlements qui mirent t i n a de graves abus. La question de la distribution des
b ri es coniisquées eu Irlande, d'abord aux prêteurs des




vg R w v m n r - N TFN"n*:i:s I*ATS
divers emprunts, puis aux of'liciers cl aux soldais li-
cenciés, loi en lin réglée. Les Irailenienls des t'11 » j > i « » > e •
dans plusieurs services publics l'iirenl réduits: des ci-
forts sérieux et persévérants eurent lieu pour l'aire lace
à toutes les dépenses et à toutes les obligations de l'Élal.
Dans ces affaires administrati vos, importantes bien que
secondaires, le Parlement perlait un esprit d'ordre, de
probité et d 'économie, honorable pour lui-même et
idile pour l'Etat, quoique souvent étroit et dur 1 .


Mais quand il en vint aux questions vraiment grandes
et politiques, quand il fut en présence des obstacles et
des ennemis qu'elles lui suscitaient, ce l'ut alors qu'écla-
tèrent l'insuffisance de ses lumières, ses idées chiméri-
ques, ses tendances anarchiques, ses dissensions infé-
rieures et la faiblesse de sa position. Un. grand nombre
de ses membres avaient passionnément à coeur quatre
innovations : dans l'ordre ecclésiastique, l'abolifion des
dîmes el celle du patronage laïque pour la collation
des bénéfices; dans l'ordre civil, la suppression de la
Cour de chancellerie et la substitution d'un code unique
au vaste ensemble de statuts, de coutumes et do précé-
dents qui formaient la loi du pays. Non-seulemenî ee>-
innovalionsavaient pour adversaires naturels les classes
dont les intérêts s'en trouvaienl lésés, le elerg/'. les pro-
priétaires patrons, les magistrats, les jurisconsultes el


1 Somm'fi Troch, t. V I T , p . 1"I7-2 l."> ;~Jmmmh of Ihe Jlr-iu «.;
rf..»i.>»H*, I. V i t . p . -2.s:!, iui, -><M, 2Ï/7, -m, W, .lui), : i u l , :;(>;, ao:i,
sin, a n s , a u i , :nr>: ; u o . a s a . a - i - i , a-ii;, av.7. ;:•><». :m, a.'.fi-aun.




I F i ' A l i l . T \ M K \ T I V M ' ΠI i O X l v 27


toutes les profession* engagées à leur suilo: mais elles
pnrlaienl, plus ou moins directement, alleinle à ces
fi.-oils de propriété el d'hérédité auxquels on ne saurai!
iouelier même de loin, sans que la société tout entière
no se sente ébranlée. Aussi, dès que ces questions vitales
-'élevèrent, une scission profonde s'opéra dans le Par-
lement ; les hommes on qui dominaient soit les intérêts
do classe ou de profession, soit l'esprit conservateur*
repoussèrent les innovations proposées; ceux qui, dans
:euvs désirs de réforme, conservaient leur bon sens, de-
mandèrent qu'avant d'abolir ces institutions et les droits
attaqués, on examinât comment les institutions devaient,
éire remplacées el les possesseurs des droits indemnisés
d e leur perte. Mais les réformateurs, sciemment ou
aveuglément emportés par l'esprit révolutionnaire, vou-
laient qu'on volât d'abord, absolument et en principe,
les innovations qu'ils sollicitaient, sauf à rechercher
ensuite ce qu'il y aurait à faire pour combler les vides
ou réparer les dommages qu'elles auraient causés. Ils
w >a\aient pas quels loris et intimes liens rattachaient
1rs intitulions ai laquées aux hases mêmes de la société
•i îglaise, ni combien de temps ci de soins il l'aul pren-
•bv pour réformer un abus sans ébranler h; droii sacré
<>:i le pouvoir nécessaire au sein duquel il s'est formé,
lis i'oinporièreni un moment sur les quatre questions :
S' diolilion des d îmes 1 , du patronage laïque -, de la Cour


l J , - . 15 1 ( i j : ; i ; I • 1 1 H 10 d v u o m b r u 1C>53.




as F F F O I Î . M F S I F \ I ' F F N I W K


de chancellerie 1 cl la rédaction d'un code unique t'n­
rcnl en effet volées en principe; mais les intérêts froissé?
étaient puissants et habiles; ils s'unirent Ibrletnenl. cl
opposèrent, à la mise en pralique de ces résolutions gé­
nérales, des entraves et de ces délais qui les rendaient
\ aines. L'esprit révolutionnaire irrilé se déploya de plus
en plus : les molions étranges se multiplièrent ; les unes
puériles, comme celle­ci : « Seront incapables des cm
« plois publics Ions ceux qui les auront sollicités; » les
autres menaçantes, non­seulement pour les classes éle­
vées, mais pour toutes les existences établies, par le
myslicisme démagogique et deslrucleur qui s'y révélai!.
Ouoique vivement combattues dans le Parlement, ces
propositions y étaient tôt ou tard adoptées, car les sec­
taires ardents et béats, le major général llarrison à leur
lèle, y prenaient de jour en jour plus d'empire. Ils re­
cevaient, de leurs amis du dehors, mie fougueuse im­
pulsion ; toutes les questions, politiques ou religieuses,
qui occupaient le Parlement étaient simullauémeul
débattues dans des réunions de simples ciloxens, sans
limite quant au nombre, sans frein quant aux idées et
au langage. Deux prédicateurs anabaptistes entre autres,
Christophe Feake et Yavasor l'ovvell, enthousiastes élo­
quents , tenaient Ions les lundis, à DJack­J'riars, des
séances où se pressait мне multitude d'auditeurs,
s'échauifant les uns les autres dans leur esprit d'opposi­


i l.i.' ."> u o ù t l U â U .


*• L e s 18 e t J O u o u t l G W




! K l'A Hl KM K.\ r l i A h K B O N E 29


fion et 'le réwilulion; la politique étrangère y était
traitée connue les affaires intérieures, avec le même
emportement et encore plus d'ignorance : la guerre
contre les tYo\inces-l'nies préoccupait surtout les deux
prédicateurs: «Dieu,» disaient-ils, « a livré la Hollande
« aux Anglais; c'est là que les saints doivent aborder,
« et île là qu'ils doivent partir pour aller renverser de
« son trône la prostituée de Ratiylone cf. pour établir,
« sur le continent, le règne du Christ. » —« Je suis allé
« lundi dernier, dans l 'après-midi, à la réunion de
« Black-Friars, » écrivait à Jean de Witt son ami Be-
verning, alors envoyé de, Hollande à Londres 1 ; « le but
« de ces gens-là est de renverser les gouvernements et
« de soulever ici le peuple contre les Provinces-Unies;
«j'ai en tendu, dans cette assemblée de saints, une
« prière cl. deux sermons; mais, bon Dieu! quelles
« cruelles et abominables trompettes de destruction, de
« meurtre et d'incendie ! En les écoulant, j 'ai pensé à ta
« réponse de Xotre-Seigneur à. ses apôtres Jacques et
a Jean : —Vous ne savez de quel esprit vous êtes ani-
« mes \ »


Cromwell observait attentivement ces désordres et ces


1 L e 5 s e p t e m b r e 1 0 5 3 .


"J .ïoujinth of the Hnvsc of rooimons, I. V i l , p . ¿ 8 3 , 284. 285,


280. 290, 30.1, 352 , 3 3 5 , 530 , 3 2 ] , 3 2 5 , 3 3 3 , 3 3 3 , 310 , 03(1 : _ ( : , . r l y ! c ,


( V j m i r W ! 8 /."/, ' (Iilil Hpi;; / , , . , , | . I I , p . ^ j .J . ; T h u r J " ( . \ Si,iU--l'a-


j:,.r.<. l. I. p . ! 12, 3 9 1 , 0 1 1 , - O o O w u ] , of Ihï C " " " « ' » - r . - » » / ' .


I. ¡ 1 1 . p . 5Vi-">7f» , i . I y, p . 38-00 ; — l ' o i M c r , .88 , / i -xmm ,,/' ils,: Corn-




îiû C O . N H I . ' I T K DE «Mwi : i i


Il il les : c'était au nom et a\ec l'appui îles sectaires i r -
lornialeiu's qu'il avait chassé le Long l'arlemeiil e! sai.--i
le pouvoir; il demandai! naguère avec euv ce qu'ils
clamaient aujourd'hui. Mais il avait proniplonieni r e -
connu (pic de tels novateurs, bons pour détruire, res-
taient destructeurs pour le pouvoir môme qu'ils avaient
élevé, cl que les classes au sein desquelles dominaient
les intérêts conservateurs étaient les alliés naturels ei
permanents de l 'autorité. 11 n'avait d'ailleurs ni prin-
cipes, ni scrupules qui l 'empêchassent de changer,
selon les temps, de conduite et d'amis. Gouverner, c'etai !
son dessein; quiconque l 'empêchait de parvenir ou de
se maintenir au gouvernement éiail son adversaire ; ¡1
n'avait d'amis que ses agents. Les propriélnircs, le
clergé, les jurisconsultes, avaient besoin de lui o!
s'offraient à le soutenir s'il voulait les détendre; il lit
alliance avec eux , changeant ainsi compléleinenl de
position, et devenant de populaire arisloerate et de
révolutionnaire conservateur. Mais il était habile et pru-
dent, et savait ne rompre que dans la mesure qui lui
convenait, et ménager encore, même quand il voulait
rompre. Il lit v enir les principaux meneurs des sectaires,
entre autres le 'prédicateur anabaptiste Feake , leur
reprocha l 'aveugle violence, de leur opposition qui, au
dehors comme au dedans, servait leurs ennemis c u m -
in uns, et rejeta sur eux la responsabilité de (nul. ce qui
pourrait en ar r iver : «Milord, » dit Feake, je voudrais
« que ce que vous dites ci ce que je vous répondrai lût K enregistré dans le ciel ; ce sont d'abord vos intrigues




r i j S l . o i - . \ r n ' i \ M. Î ' A I M . K . M K N T Î U R K B O N K . 31
" avec le l'eu roi, cl puis voire usurpation il'un pouvoir
« cxoiiiikml ipii oui amené Ions ces désordres. »—
i Je ne m'attendais pas.» reprit Cromwell, «en vous
« entendant souhaite!-de voir vos paroles enregistrées
« dans le ciel. que vous diriez sur la terre un tel men-
ti songe; sachez bien que le jour où je serai pressé par
« mes ennemis, plus pressé que je ne l'ai encore été, ce
« sera par vous que je commencerai à m'en défaire; »
»t il le l'envoya sans au Ire répression. Mais sa résolution
ïtail prise et, dans son âme, l'arrêt du Parlement, où de
telles gens avaient laut d'influence, élait prononcé 1 .


Le lundi, 12 décembre 1 (>•).'), les membres dévoués à
Cromwell se rendirent, à la Chambre plus tôt que de
coutume. L'c râleur, Francis Rousc, y arriva aussi de
ti'ès-bouric heure, et dès qu'ils se virent eu nombre, la
séance fut ouverte. Les membres du parti réformateur,
étonnés de cet. empressemen t auquel ils ne savaient poi ni.
de motif, et soupçonnant quelque secret dessein, en-
voyèrent, do ions côlés des messagers pour faire venir
en hâte leurs ami*. Mais à peine les prières avaient été
prononcées que le colonel Sydenham prit la parole :
« 11 demandai!, » dif-il, « la permission, de se décharger
« de certaines choses qu'il avail depuis longtemps sur
« le cœur; il s'agissait, non pas seulement du bien-être
« de la hépuhlique, mais de sou evislence même. » M
attaqua avec violence les mesures du Parlement et la.


i Thur im» , .Sf<.(c-JM/..r.. . 1. !.. | „ Ov'l , — L . i d l ' j w , . U t m v t r » . t. Il,
p. 2-21, ila:.5 i w C ' , " . M-jn.




D I S L O C A T I O N " KT A B D I C A T I O N


majorité de ses membres :« Ils ne visent, » dil-il, «a ne»
« moins qu'à la destruction du cierge;, des luis el de la
« propriété des sujets. Us veulent abolir la loi du pays.
« ces droits natifs des Anglais pour lesquels ce peuple a
« si longtemps versé son sang, et y substituer un code
« modelé sur la loi de Moïse, et qui ne convient qu'à !a
« nation des Juifs. Dans leur fanatique ferveur, ils ont
« mis la hache à la racine du ministère évangélique. ie
« traitant de babylonien et, d'invenfion de l'An tê-
te Christ. Ils sont ennemis de toute culture intellectuelk-
« et de toute science. Ils ont de plus, par certaines
« motions indirectes, laissé entrevoir leur secret des-
« sein de dissoudre l'armée. En de telles circonstances.
k Sydenham ne pouvait, lui, se résoudre à siéger plus
« longtemps dans cette Chambre. Il proposait <BNU
« qu'on déclarât que la continuation, du présent Parle-
a ment était nuisible à la République, et que U
« Chambre se rendît en corps auprès du lord général
« pour déposer entre ses mains les pouvoirs qu'elle
« en avait reçus. » La motion du colonel Sydenham lu'
à l'instant appuyée par sir Charles Wolseley, geiuil-
homme du -comte d'Oxford et l'un des aflidés d e
Cromwell 1 .


« Journal* ofthe 11. of C, t . V I I , p . 303 ;—An «.>•«<•/ rJ»0#i, .


d a n s Sumers'x Trarls, i. V I , p . ; - | . u , l l o w , 1IVI;'"/.'-I>-, i . I I .


p . -Z-U-ïM ;— Pariiarp. lli*t. , i . X X , p . î W - i l l ; — Whii-.-lo.-l


p . :")7e ;—CRUMU-I 'Hin-MI. p . 13(1 ; — M a r r i - , / . i / ' r . . /7 ' , . . » , . . •# / / p. :>: I. -


C u . j w i n , W»l. nfth«i''»n)WT,TUVI!th, i- I I I , j . . .VH3-K>i.— l ' u r . ' :


Si'ÂIE^NU'it o[Hia Cvih'vunicculUi* t . V, p . - K J - - ? - -




OH PAKr.KMI-.NT J î . \ J : W O . \ T I ? w i h i o n r I f t ï XI


.Maigri! leur surpris»' ci leur trouble, les réformateurs
se défendirent ; l'un d'eux, prenant aussitôt la parole,
traita de calomnies la plupart des assertions du colonel
Sydeiiliain, ennuiera les mesures utiles ([ue le Parle-
mou I avail proposées ou dé'jà volées, vanta son désinté-
ressement, son zèle pour le bien public, et protesta
contre celle motion d'abdication volontaire donl les
filiales conséquences étaient incalculables. D 'autres
membres parlèrent dans le même sens; quelques-uns
dirent qu'ils avaient à proposer des moyens de con-
ciliation qui satisferaient tous les partis. Le débat se
prolongeait. Plusieurs des réformateurs qu'on avait
envové chercher étaient arrivés; l'issue devenait, dou-
teuse. L'orateur llouse quitta brusquement son fauteuil
et leva la séance. L'huissier prit la masse et, la portant,
devant lui, sortit avec lui de la salle. Quarante mem-
bres environ en firent autant, et ils s 'acheminèrent tous
ensemble vers Whilehall. Ironie ou Ironie-cinq mem-
bres restaient dans la salle, indignés el embarrassés; ils
n'étaient pas eu nombre compétent pour tenir une
M 'unce; vingt-sept seulement, IJarrison était du nombre,
persistaient a siéger el. s'étaient mis en prières; deux
olliciers. le colonel (ioffe et le major Wlu'le, entrèrent
tout à coup cl les engagèrent à se retirer : «Nous no
ii nous retirerons pas, à moins que nous n'y soyons
« eunlrainls parla force. » Wliile lit appeler un peloton
de soldats; la salle lut vidée, el des sentinelles placées
aux portes en gardèrent les ciels".




3 1 A B D I C VHON" T I P P A U I.F M E N T


Les Cavaliers, dans leurs ironiques récils, prétendent
(m'en entrant dans la salie, White dit à Harrison : <• Our
faites-vous là?—Nous cherchons le Seigneur, répondit
le major général; — En ce cas, reprit White, allez
ailleurs, car depuis douze ans, à ma connaissance, Un--
vient plus ici ' , »


Cependant l'orateur et les membres qui l'accompa-
gnaient étalent arrivés à Whitehall ; ils entrèrent d'aboi'' i
dans une chambre, rédigèrent en quelques lignes l'acte
de leur abdicalion entre les mains de Cromwell, le
signèrent, puis demandèrent à être reçus par le lord
général. 11 témoigna une extrême surprise; il n'était
point préparé, dit-il, à une telle démarche, ni capable de
porter un loi fardeau. Mais Lambert, Sydenham, tous k>
membres présents insistèrent; la résolution était [irise ;
il fallait bien qu'il acceptât la restitution du pouvoir
qu'il avait donné. 11 se résigna. L'acle d'abdication du
Parlement resta trois ou quatre jours ouvert à ceux des
membres qui n'étaient pas venus à Whitehall. 11 réunit
bientôt quatre-vingts signatures; c'était au delà do J;t
majorité. Cromwell a\ait lue le Long Parlement, de su
propre main ; il ne lit pas huit d'honneur au Parlement
qu'il avail créé lu i -même; un suicide ridicule e! te
ridicule surnom quelle tint de l'un des plus o iwuis
entre ses membres, M. Praise-Cod Uarebone J, marchand


1 Ibidem.


- VIVE G o d w i n e t F o i ^ l r r [llisl. uf Hit- V-minwM-.. i . 111, ,,, ;.•> <•
— N / « ( « f i n e n vf Ike C 'vmt»>»i>r. , I. V, | . . I l l m : ! m i ; c|tii'l.-,ii<> i n . .
p o r u u i c u à é t a b l i r q u e l e v r a i i m i i i <l<; m a r c h a n d i'•;.•] ¡1 Ilnrl
' j U i u n Uai\bvuu: v o u l a n t u u r - i a n u i i r lu n J i c u l u ' e u / ' j -l a U a c m '




•le cuirs de la Cité de Londres, ce son! là les seuls sou-
\eeirs qu'ail l a i . - s e s dans l'hisloire celle assemblée. Elle
a elail d e | i o u r v i i e ni d'Iiounèlelé ni de patriotisme; niais
elle manqua de dignité quand elle aecepla le mensonge de
son origine, et de bon sens quand elle entreprit de réfor-
mer la société anglaise elle-même ; l 'œuvre était infini-
ment au-dessus de ses forces comme de ses lumières; le
Parlement Uarcbone avait élé pour Cromvvefl un expé-
dient; il disparut dès qu'il essaya d'être, sans lui, un
pouvoir1.


Quatre jours après sa chute, le 10 décembre JG*>3, à
une heure après midi, un pompeux cortège se rendit de
YYliitehall à Westminster entre deux haies de soldais;
les lords commissaires du grand sceau, les grands juges,
le conseil d'Etat, le lord maire et les aldermen de la
Cité de Londres marchaient en lêle, en robe écarlale et
dans leurs carrosses de cérémonie; Cromwell venait
;,pi'ès, en babil de velours noir, en grandes boites, une
large ganse d'or autour de son chapeau. Sa garde et un
grand nombre de gentilshommes, la fêle nue, précé-
daient à pied sa voiture qu'entouraient les principaux
officiers de l'armée, Vépée à la main et le chapeau sur la
lêle. Arrivé à Weslniinsler-liai!, le cortège entra dans
la salle de la Cour de chancellerie au bout de laquelle
un laiileuild'Klal avait été placé. Cromwell se tint do-


ina :> à o l e u r p r o p r e . t r o u ,
:y C ' 1 n i i < n è >r>' 'lu C a r ] < ' 1 : H ' I) t




l ' H O M V n : T , î , K S T l ' I i o n . A M l " ;
bout devant le lauleuil. c1 les assistants sV-tanl rangés
alentour, le major général Lambert annonça la dissolu-
tion volontaire du Parlement, et au nom de j 'armee,
des trois nations et de la nécessité des temps, il demanda
au lord général d'accepter le protectorat de la liépu-
blique d 'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande. Après un
moment d'iiésitation modcste,Cromwell donna son con-
sentement. L'un des secrétaires du Conseil, M, Jessop,
lut alors l'acte constitutionnel qui réglait, eu quaranle-
deux tirticles, le gouvernement du Protectorat. Crom-
well prêta et signa le serment « de prendre à sa charge,
« selon les règles établies dans ledit acte, la protection
« cl le gouvernement de ces nations.» Lambert, s'aue-
nouillanl, lui présenta une épee dans le fourreau, l'epfe
civile ; Cromwell. eu la recevant, détacha et dépo-a
sa propre épée, déclarant par là qu'il ne gouvernerait
plus par la seule loi militaire. Les lords eommissaire.-
du grand sceau, les juges et les o('liciers rengagèrent a
prendre possession du fauteuil d'Llal. 11 s'\ assil cl se
couvrit, tous demeurant découverts. Le lord maire lui
présenta h son tour son épée que le Protecteur lui ren-
dit àl ' instant, en L'exhortant a en bien user. L'acte était
consomme: levot'tégv retourna de Westminster à Wliite-
hall, accueilli par la curiosité plutôt que par les acclama-
tions populaires. Le chapelain de Croinwell, M. Lockier,
fit, dans la salle des Banquets, une prière solennelle :
et entre quatre et cinq heures, trois décharges de !a
Iroupe annoncèrent que le Protecteur était installé dan-
son palais de While'uall. il l'ut proclamé, à. ce Mire,




l ' I i O T T X T Ì ' T ' R (li; Ъ Г Г Т М И П Е ÌG53). 37


sur les diverses piares politiques de Londres et dans Ions
le? condes el e u e s de l 'Angleterre. L'inlention première
était, di!­on, de lui donner sur­le­champ le Mire de lloi,
et l'acte constitutionnel avail été d'abord rédigé dans ce
sens; mais soit prudence spontanée, soit ménagement
pour des résistances déclarées parmi ses plus intimes affi­
dés.Croimvellrepoussa lui­même un éclat trop brusque,
et pour laisser vivre encore le nom de la République,
il n'en voulut point d 'autre que celui de Protecteur 1 .


Le Parlement pouvait abdiquer, mais les sectaires, ana­
haplistcs, millénaires et autres, n 'abdiquèrent point; le
surlendemain de l'installation du Prolecteur, une foule
plus nombreuse que de coutume se réunit à Riack­
Friars, autour de la chaire de son prédicateur favori,
M.Feake; il fut. violent au delà de toute mesure : « Allej
« dire à voire Protecteur, dit­il, qu'il a trómpele peuple
« du Seigneur ; il esl un parjure; il ne régnera pas long­
ce temps; il finira plus mal que n'a fini fe dernier Pro­
ci lecteur d 'Angleterre, le lyran bossu Richard; dites­
« Inique je l'ai dit. » Feakefuf mandé de vani le Consci!
cl remisa la garde de l 'huissier. Ou fit demander au ma­
jor général Ilarrison, le plus émitient des anabaptistes,
s'il reconnaît rail le nouveau gouvernement protectoral;
il répondit i'ermenienl : « Non. » Sa commission lui fut


i Parliaw. Uist,, t . X X , p . 240­205 ;—СгопмеПшпа, p . 1 3 0 ­ 1 3 1 ; —
W ï a l i j l o c k e , p , 5 7 1 ­ 5 7 7 ; — T h u r l u e , S í e / e ­ I V r j W í , t . I , p . 032, tKt!>,
f i l i , 04­1; — l í a t e » , EUiuhus nwlimm mqjerorum, p a r t . I I , p .2 ! J3 ; —
F o r s t e r , Stulumm of Ihe CommonweuUh, t . V , p . 2 2 3 ­ 2 2 8 (I)ocv--


•í




:t8 O P P O S I T I O N ' D K S I M ' W I W . K ' U K N .


retirée, et il recul l'ordre (le ;-(! rendre chez lui, l t o » S
le comté (le SlafTnrd, el de s'y tenir en repos ' .


Cromwoli ne s'éîait pas trompé quand ii avait prévu
que de ce coté viendraient, sinon ses plus graves peru .
du moins ses plus incommodes embarras. Déjà, si.v mois
auparavant, il s'ékiit retrouvé en présence de l'indomp-
table uiveleur qui, dès les premiers jours de la K é ~
pubiiqne, lui avait fait une guerre si acharnée. Le
3 mai 1053, dès qu'il apprit que le Long Parlement éfail
chassé, Lilburne écrivit à Cromwell, en ternies respec-
tueux, mais sans bassesse, pour lui demander l'autori-
sation de l'entrer en Angleterre; c'était le Long Parle-
ment qui l'avait banni ; il espérait de Cromwell, quoique
jadis son ennemi, la réparation de l'injustice du Long
Parlement. Ne recevant point de réponse, il rentra sans
autorisation el publia, en arrivant à Londres, un pam-
phlet intitulé : :< lîéclamalion d'un banni à S. E. le lord
« général Cromwell. » Il fut aussitôt arrêté el empri-
sonné à Nevvgale. Mais il aimait bien mieux la prison
que le bannissement, car de Novvgale, grâce à son intré-
pide adresse el au dévouement de ses partisans, il pou-
vait, tous les jours, parler, écrire, agir, faire parier,
écrire et agir pour lui. Cromwell, le conseil d'Etat, les
tribunaux, le Parlement l.arebonc furent assaillis de si-s
pétitions et des pétitions de ses amis, hix d'eiiire ou\,
« an nom des jeunes gens el des apprends de Loudn s.
« Westminster, Souliivvark et autres lieux adjacents. ..


î T h u r l . x ' , Zltiu-Pitims. t. r. ]. <W 1 . !U 1 . - r i v î r , CY« <;•'•!'<,


f,flU,-~ . 1 , , , ; . S > i > . r / ' « . 1 11, u. ;.M




WtOCES OI­. Ш . В Г П Х К ( j t n i . L B T ­ . \ O T т i f i .Vi). :P>


vinrent Ш 1 jour on présenter une conçue ou termes
violenis et presque menaçants; le Parlement les lit venir
à la barre : « Voire nom? » demanda l'orateur au pre­
mier d'entre eux;—« Nos noms sont au bas de notre
<•. pétition;—Savez­vous qui a t'ait celte pétition?—Nos
. camarades ne nous ont pas envoyés ici pour répondre à
« aucune demande, mais pour demander une réponse.»
i.e Parlement déclara la pétition séditieuse, fit mettre
мг prison tes pétitionnaires, et ordonna que Lilbnrne
serait retenu à Ncwgatc. Maison ne parvint ni à le faire
taire, ni à le faire oublier. Lassé lui­même de cette lutte
incessante et bruyante, Cromwell se décida à lui faire
faire son procès : « Jean Libre (Frerborn John), » écri­
rait i'un de ses al'lidés, « a été renvoyé aux assises d'Old­
« baiiey, ci je crois qu'il sera bientôt pendu. » On prit,
pour assurer sa condamnation, toutes les précautions
que peut inventer l 'habileté, subtile ou effrontée', des
4.'rviteurs d'une tyrannie puissante. Le procès devait
marcher rapidement; il commençait au moment où les
i\ocats les plus célèbres, qui auraient pu prêter ;'i Lil­
bnrne le secours de leurs conseils, quittaient Londres
,iour aller faire leur circuit dans les comtés. On refusa
de donner au prévenu copie de l'acte d'accusaiiou et de
.aire lire publiquement i'acte du Long Parlement qui
l'avait banni, et sur lequel l'acte d'accusation était fondé,
i­our animer contre lui les jurés, on publia les rapports
dis agents qui avaient dénoncé ses relations en Hollande


tes Cavaliers émigrés, entre autres avec le due de
iiiicKingham. Lilbnrne lutta, avec une énergie iuépui­




•in i ' i m r l ' s n i : I,TT,IVI'TÏ\"T';


salili1, contre lo.is r i s obstacles prémédités. Il rciissd .-.
se procurer, avant leur départ, le conseil cl la signature
do deux, avocats de renom, en Ire autres du savant près-
livtérien Maynard. 11 pai-vint à obliger la Cour à lui don-
ner copie de l'acte d'accusation et à lui promettre lec-
ture publique de l'acte de bannissement. Il opposait
entêtement à entêtement, argutie à argutie. I.e procu-
reur général Prideaux, qui siégeait Irès-irrégulièremeni
parmi ses juges, se montrait acharné contre lui ; Lit
burne l'interpella et le somma de descendre de son siège
avec celte fougue de mépris et d'insulte qui trouble et
affaiblit le pouvoir le plus arrogant. El quand la Cour
était inflexible, quand les efforts de Lilhurne n'eu obie-
naienl pas ce qu'il lui demandait, il s'écriait avec un dé-
sespoir plein de force et de foi : « Milord, ne me refuse/
« pas ce qui est mon droit de naissance, le bénéfice de
« la loi, ce que je réclame comme mon héritage. Si vous
« nie refuse/,, si, en face de ce grand auditoire de peuple,
« vous êtes assez injuste pour m'eiilever mon droit, me
« fermer forcément la bouche et m'empècher de parler
« pour ma vie, selon la loi, alors je crierai de toute ma
« force, et j ' en appellerai au peuple; cl vraiment je crie
« et j 'en appelle à tout ce peuple qui m'entend, et qui
« voit comment cette Cour m'enlève' par la violence
« mon droit de naissance, mon droit selon la loi, et ne
« me permet pas de parier pour ma vie. »


L'assistance était passionnément émue ; les parents et
les amis de Lilburne, son vieux père, de braves suidais,
jadis ses compagnons d'armes, une foule d'appronlis ri.




( j r i L t E T ­ A O r T l C ' i o ) . 41


de gens fin peuple l'entouraient, la plupart, armés, tous
aussi irrités t|u'in<p:ie!s. Ils répandaient dans la salle et
dans les rues de petits billets portant : « fjuoi donc?
« Est­ce (pie l'honnête John Lilburnc doit mourir'.'
« Soixante mille personnes veulent savoir pourquoi. »
—« Samedi dernier, » écrivait Peverning à Jean de
Witt 1, « il y avait, à son procès, au moins six mille
« assistants qui ne l'auraient pas entendu condamner
« sans que quelques­uns d'entre eux n'y laissassent leur
« vie. » Les juges, au milieu de leur colère, laissaient
percer leur inquiétude. Ils étaient pourtant Lien gardés;
Cromvvell avait mis sur pied quatre régiments; des
détachements parcouraient incessamment les rues; deux;
compagnies stationnaient autour de la salle ; on fit venir
ces renforts. Le procès, à travers de nombreux inci­
dents, dura du ­13 juillet au 20 août 1053; au dernier
moment, Lilburnc s'adressa aux jurés : «L'acte du Par­
« iç.nient en vertu duquel on me poursuit est un acte
« inique, illégal, qui n'a nulle ombre de raison ni de
a droit; aux yeux de la loi, c'est un acte semblable a
a celui de Pharaon ordonnant que tous les enfants mâles
« seront égorgés. Depuis qu'on a coupé ta tète au roi,
m ou ne peut plus l'aire, selon la loi, un acte du Parle­
« ment. De même qu'ils ont voté ma mort, ils peuvent
« voler la mort de mes douze honnêtes jurés. Pensez­y
a bien : si je meurs lundi, le Parlement peut, mardi,


1 L e 5 s e p t e m b r e [¿0 a o ù t v . s.) № 0 8 ; — T l i u r l o c . state-PujHn,
<• 1, ... 4 4 1 .




R' U L I t l J K N K KST A C Q I T I T K .


« passer une pareille sentence do haimisseuietd, sous
a peine de morl , contre chacun de vous douze, el contre
« vos femmes, et contre vos entants, et contre vos
a parents, et contre tout le reste de la Cité, el pi u s
a contre tout le comté de Middlcscv, et puis contre
« le comté de Hertlbrd; et bientôt il ne restera plus
« personne pour habiter l'Angleterre, iiersonne qu'eux-
« mêmes. »


l'eu importo à uno Ionio émue l'exagération des sup-
positions et des paroles : la sympaihie populaire et le
respect pour les anciennes lois du pays remportèrent
sur les efforts de tous les chefs, militaires et civils, de la
Révolution. Pour la seconde fois, le jury acquitta Lil-
burne. Trois jours après, par ordre du Parlement l'a re-
boñe, le conseil d'Etal manda les jurés et les somma,
avec, menace, d'expliquer pourquoi ils avaient prononce
un tel acquittement. Sept d'entre eux refusèrent for-
mellement de répondre, disant qu'ils ne devaient coin | >te
de leur décision qu'à Dieu et à leur conscience. Quai re-
donnèrent quelques raisons de leur voie, mais en te
maintenant cl sans se séparer de leurs collègues. Contre
cette fermeté de citoyens obscurs, niCromwell ni son
Parlement n'osèrent rien de plus; on les laissa rentrer
tranquillement chez eux. Mais Lilburne acquitté ne l'ut
point mis en liberté; le Parlement, après s'être fait,
rendre compte et du [trocès et de l'evamon des jurés, lit.
donner au lieutenant de la Tour l'ordre de le retenir en
prison « nonobstant loul mandat, ú'ltabeas corpus ac-
« cordé, ou qui pourrait être accordé, soit par la




И Л Г Т К С О И ; И!': .И М ' Н ' К ш м а в и и I0Ô3). lu


«cou)' du li;iul Папе, soi! par loulc ai lire Cour' . »
Lilliuriie. (|ui sï­lail cru victorieux, succomba à celle


rigueur : déiouu d'abord a i a lo i i r . puis dans i de «iu
Jersey, il consentit eiilin a \ i \ r e en paix pour vivre en
iiberlé, ci il mourut obscurément, quatre ans après,
dans nue pelile ville du comté de Kent, laissant à son
pavs un ièrnie exemple de résistance légale el. nue nou­
velle dékiile des lois, Convaincu, par cette éprouve, que
le jury ferai! subir des échecs a son pouvoir, au т о ­
пки! même où il aurait le plus besoin de succès,
Croimvell résolut de s'en dé l'aire comme il s'était défait
de Long Parlement, mais avec moins de bruit ; il lit
demander par ses al'iidés au pelil Parlement qu'il aval!
l'ail, et. trois semaines avant d'èlre chassé à son four, ce
l'aricinenl lui donna le rétablissement de la juridiction
exceptionnelle qui avait jugé d'abord le roi, puis lord
Capell, puis les divers conspirateurs royalistes donl la
République avait eu à se détendre. Le 2i novembre Km,'*.
une haule Cour de juslice fut insliluée, composée de
trenlc­qualrc membres , parmi lesquels figurait en­
core Lradshaw, républicain trop sincère pour servir
Oonivcll dans ses conseils, mais révolutionnaire trop
acharné pour se refuser à juger les ennemis de la Révo­
lution. El pour que rien ne manquât à lasùrelé du Pro­


1 Le 20 n o v e m b r e 1053 ; — J m m m h "f ihe House of commous,
i. VU. p. 2H. j . -ПП, -m, 2 0 s . w „ 30!», a ô » ; — Ulule-Trial», i. Y ,
c<L. .107­•!(il); — E h n h - \ '],'<,r/>­i//i/>f./»cw . s u r hm'vohlthn tVAïnjlcfen-e,
ь. 1N7­1 ! ' 2 ; — T U u r W , m.ah'-l'upcrs. t. I , p . 3157, 3 0 8 , 3 0 9 , 4*»,
Ш, ­П2. l l l 1 . Ш , 15>J.




•11 c o x n u r i K m C i t O M W E L I . k n v f . k s
lecteur, le parlement lîarebone ordonna aussi que le
statut sur les cas de trahison serait révisé et adapté a n b e s o i n s comme à la nature du nouveau gouverne-
ment*.


Ce n'était pas trop de précautions, car ainsi que\Yhi-
telocke J'auiil prédit à Crnmwoll, dès que, sous te nom
de Protectorat, le pouvoir monarchique l'ut rétabli sur
la tète d'un seul homme, ce l'ut contre lui que se diri-
gèrent tous les coups. Cavaliers et, niveleurs, épiscopaux
et anabaptistes, tous recommencèrent à conspirer, tantôt
isolément, tantôt de concert. Cromvvell traitait très-
diversement ces diverses sortes d'ennemis. Avec les
sectaires républicains et mystiques, il restait toujours
modéré et presque bienveillant, même en les frappant;
il se contentait ou de les révoquer, ou de les mettre
quelque temps en prison, toujours prêt à leur rendre,
sur la moindre marque de repentir ou dès que le péril
s'éloignait, leur emploi ou leur liberté. Le Protectorat à
peine proclamé, il sut que les colonels Overton, Okey,
Àlured et Pridc étaient engagés dans des menées hos-
tiles; il se borna à les séparer de leurs régiments, le*
rappelant iudi\iduellement les uns d'Ecosse, les autre-
«l'Irlande, cl- les retenant à Londres. Quand il avait al-
faire, dans ce parti, à des hommes influents mais «tu-
emploi, à. des prédicateurs fameux, a des rêveurs popu-
laires, il les priait de venir le voir, maintenait entre


1 L ' t /n ips - bioijra t/hiyuc^ s y T lu rér (.>0e0)« « AiujbOerrc i F c 1 </,.- /. ><
burne), }J. lli-2;—Juio'tv-iU of th-t> IIousc of n.mmons, t . V I ] , IJ. 2 9 7 300. 333-33-1.




L E S C O . V S I ' I B A T K I ' J Î S » I : j > U I * J . I C A I N S . •»••


eux el lui l'ancienne familiarité, formail lui-même la
porte quand ils élaieiit entrés, les faisait asseoir et cou-
vrir devint lui, témoignant sou mépris pour l'éliquelle
et la pompe qu'ailleurs il était obligé de garder, et s'é-
panclianl avec eux comme avec, ses anciens cl "vrais
amis. Il aurait, leur disail-il, infiniment préféré au Pro-
iecloral un bâton de berger; rien n'était plus contraire
a ses goûts que l'appareil de la grandeur ; mais il voyait
qu'il fallait, avant tout, empêcher la nation de tomber
dans un extrême désordre et de devenir la proie de
l'ennemi commun ; c'est pourquoi il se décidait à mar-
cher quelque temps, c'était son expression, entre les
xivanls et les morts, en altendanf que Dieu leur indi-
quât sur quel terrain ils devaient s'établir, et toujours
prêt à se décharger du lourd fardeau qui pesait sur lui.
avec autant de joie qu'il éprouvait de peine à se courber
sous ces apparences de dignité. Il priait ensuite avec
eux, remuant vivement les cœurs, et quelquefois ému
lui-même jusqu'aux larmes. Les plus soupçonneux
étaient ébranlés; Jes plus irrités lui savaient gré de sa
confiance, et s'il ne parvenait pas à étouffer, dans le
sein du parti, toute fermentation ennemie, il empêchait
du moins qu'elle ne se répandit ou qu'elle n'éclatai, et
il retenait la plupart de ces pieux enthousiastes engagés
a son service ou bien embarrassés et inertes dans leur
mauvaise h u m e u r 1 .


« X i i u r l o o , .S/ Î ./.--J> (; /-o- s . C I ' , i,. ¿8."., 2:<l, J1J ; — R u r a c t ,


JJië. ofhi> - i c i Ï W < , l. I, ¡ 1 . -,i ( L u u d r e s , itiliS,; — l, I , p. J 13-113




du <joM)t:iTi-: D K O I O J J I \ Y I : I J


Envers les conspirateurs royalistes, ii agissait bien
autrement ; c'était sur eux que portaient ses dénions!râ-
lions de rigueur, et, au besoin, ses rigueurs môme, soii
pour se détendre effectivement de leurs complots, soit
[ t o u r rallier autour de lui les républicains haineux ou
alarmés. Les occasions ne lui manquaient pas; les con-
spirations sérieuses ou frivoles, réelles ou imaginaires,
sont l 'arme et le passe-temps des partis vaincus et oisifs.
Au moment de l'arrestation de Lit h urne, plusieurs Ca-
valiers aussi furent arrêtés; pendant son exil en Hol-
lande, il était entré avec eux en relation intime, se
faisant fort, si on mettait dix mille livres sterling à sa
disposition, de ruiner dans six mois, par ses pamphlels
et bes amis, Cromwell et le Parlement; on disait même,
quand il rentra en Angleterre, que le duc de Ikicking-
ham l'avait accompagné jusqu'à Calais. Un mois après
la proclamation du Protectorat \ un comité de onze
royalistes fut surpris dans une taverne de la Cilé, com-
plotant une insurrection générale du parti et l'assassinat
de Cromwell. Il se contenta clc les envoyer à la Tour et
de faire publier un récit de leur complot. Mais bientôt
•circula mystérieusement une proclamation publiée,
disait-on, à Paris, le 23 avril 1051, et portant : « Char-
« les 11, par la grâce de Dieu, roi d'Angleterre, d Ecosse,
« de France et d'Irlande, à tous mes bons et affectionnes
« sujets paix et prospérité. Attendu qu'un certain
« drôle, ouvrier de profession el se nommant. Olivier




F. . W E I ! S: L E S C O X . S P L R A T K F R S RCA A L T S Ï E S . ­17


« Cromwell, après avoir inhumainement el barbare­
« m<!iil égorgé le roi, notre père chéri, de mémoire sa­
« crée, son légitime souverain, a tyranniqucment. et
« traîtreusemenl usurpé le pouvoir suprême dans nos
« royaumes, pour l'asservissement et la ruine des pcr­
a sonnes el des biens de nos bons et libres sujets, nous
« donnons par les présentes, à toute personne quelcon­
« que dans nos trois royaumes, permission el liberie de
« détruire par le pistolet, l'épée ou le poison, ou tout
« autre moyen, la vie dudil. Olivier Cromwell, ce qui
« sera un acte agréable à Dieu et aux honnêtes gens. Et
« à quiconque, soldat ou autre, rendra à Dieu, a son
к roi et à son pays ce signalé service, nous promettons,
« par les présentes, au nom et sur la parole d'un roi
a chrétien, de donner, à lui et à ses descendants, un
a revenu annuel de cinq cents livres sterling en terre
a ou eu capital, avec le titre de chevalier; et s'il sert
« dans l 'année, nous lui promettons le grade de colo­
a nel, avec un emploi qui le mette à même d'obtenir
a tout l'avancement ultérieur dont ses mérites le ren­
« dront capable »


Que celle proclamation émanât réellement de Char­
lesII, que même, comme on l'a prétendu, elle lut sortie
de la plume de 11 yde, rien n'est moins vraisemblable;
elle oilre des indices d'une origine subalterne, et on mi


i T J n ù i e si,,U--l'-ii'-r*, i. J. ]. ; j ! N , . ,| 11, .i\->. f. I ! , p . :7.j,
1U.V M l . t­'.l, П 8 : - ! ' ! • , , - , , r i . Sl„i. -!•„,„ I. I I I , ¡,.7.­., 7!l, ! . « ;
— U . i i w i i i . Я м , ' . „j i\,mm i c « W - , i . J \ , ]•- 0" , 71 ; — l ' u i : , u . ­ | ,


fa », с-с „I Ut* (J'/mmviitcMUh, t. V, | J . l t ­ J : l u i , ; iJl .




•I* C O M P L O T KOVAUJ-TK HM ÏI>:>.1)


proclame (ta? l'assassinai, qu'on commande. Mais elle
élail, répandue et accueillie, sous le sceau du secret, dans
le parti royaliste, et les hommes n'y manquaient pa-,
même dans les rangs élevés, à qui un tel assassinai J I E
répugnait point. Cromwell, qui n'avait l'esprit ni pusil-
lanime, ni traeassier, en était sérieusement préoccupé :
« Les assassinats, dit-il, sont des actions détestables, eî
je ne les commencerai jamais; mais si quelqu'un du
parti du roi tente de m'assassiner et me manque, je
ferai une guerre d'assassinat, et je détruirai toute la
famille; j 'ai des instruments pour exécuter nies ordres,
dès que je voudrai les donner '. »


Dans la nuit du 20 au 21 mai loo-i, cinq royalistes,
entre autres le colonel John Gérard, jeune homme D E
bonne maison, et Pierre Yowell, maître d'école a Pline-
ton, furent enlevés dans leur lit par ordre deCromwcil,
accusés d'avoir complolé l'assassinat du Protecteur. L E
projet avait dù s'exécuter la veille, sur la roule où Crom-
well devait passer en allant de Whitehall à llamplou-
Courl, et il n'y avait échappé, sur un avis donné quel-
ques heures auparavant, qu'en traversant la Tamise a
Putney et en évitant ainsi l'embuscade. Charles 11 devait
être aussitôt proclamé dans la Cité, et le prince Robert
avait promis de débarquer promptement sur la cote du
comté de Susscx, avec le d uc d'York et dix mille I tommes,
Anglais, Irlandais et Français. Plus de quarante per-


1 B u r u v t , XfisJ, c f hit ou:n Tunes, i. I , H'J ; l, l. u. Uu, dun,-i u:,,.


CniieiAiuH.




l 'KOC'KS l>K t ! R K Mil» Kl' VOWEL.r . . .lu


sonnes. <11K• 1 <j!11 s - i i l11 s- considérables, furent arrêtées le
lendemain cl le siirlcmlcniain. connue impliquées dans
Je complot. Jinis Croniwcll n'en lit renvoyer que Irois,
Gérard. Vowell et Soiuersel Fo.\. devant la liante Cour
de justice instituée pour en juger les auteurs '.


Somerset Fox s'avoua coupable et reconnut les laits,
ce qui lui valut sa grâce. Gérard et Vowell nièrent tout
projet d'assassinat. Vowell demanda à être jugé par ses
pairs, douze jurés, aux ternies de la grande Charte main-
leiiue, dit-il, par l'article VI de FÀcle constitutionnel du
Protectorat : « Nous sommes vos pairs, lui dit lord Lisle,
président de la Cour, non pas xos supérieurs, niais xos
égaux, et sous \n\ez bien que nous siégeons ici presque
au nombre de deux l'ois douze, plus que vous ne de-
mandez; nous allons procéder en \ei iu de l'ordonnance
qui nous a institués, m Glynn, l'un des juges, établi! que
celle ordonnance avait force de loi, et que dans l'ancien
statut sur les cas de trahison, le mot roi, signifiant seu-
lement chef suprême de l'Etat, comme on l'avait déjà
décidé à propos d'une reine, s'appliquait également, à un
lord Prolecteur. Le procès tut conduit d'ailleurs avec;
modération, quoique la police tint dans la procédure
beaucoup de place, et que l'un des principaux conjurés,
te major Henshaxv, ne fût puis Iraduil en justice, proba-
bleinenl parce qu'il avait été le révélateur. .Malgré les
dénégations des accuses, les preuves, aujourd'hui encore',
paraissent péremploircs. Evidemment llenshaw et Gc-


i L u 1 3 j u i n l ' i j l ; — i , c u ! j . ; I l , J l c / » und OrdimiH-cs, i - a r i . I l , p , 3 1 1 ,




5 0 PROCÈS DE «EKART» KT


ranl étaient ailes à Paris, s'étaient entretenus avec le
[ii'iuce liobert de leur plan de complot, avaient été d'a-
bord vivement encouragés par lui, puis introduits auprès
cic Charles II, et de retour à Londres, ils avaient tout
préparé pour l'exécution de leur dessein. Avaient-ils
instruit le roi des extrémités où ils devaient se porter,
et reçu son approbation'? Hyde, à cette époque même et
dans sa plus intime correspondance, le niait absolu-
ment : «Je vous assure sur mon honneur, écrivait-il le
•J2 juin IGo-i à son ami le secrétaire d'État Kicholas,
que je ne sais rien d'aucun projet pareil, et j 'ai la con-
tiance que le roi n'en sait rien non plus. Lien des gens
fort légers et étourdis proposent au roi des choses fort
étranges qu'il décourage poliment, et ils vont ensuite,
eux ou leurs amis, se vantant partout do ce qu'ils oui
entendu et de ce qu'ils peuvent faire. C'est sans doute
par suite de quelque noble accès pareil qu'est arrivé ce
dont on parle tant à Londres et ce qui a l'ait mettre eu
Saison tard d'honnêtes gens; mais le roi n'en sait, sur
tout cela, pas plus que vous-même. » Après sa condam-
nation et jusque sur l'échafaud ', Gérard persista dans
ses dénégations. Mais quelle que lût la mesure de sa
participation au projet d'assassinat, ci soit que Charles
en eût été, ou non, exactement informe, le l'ail même
était incontestable, et probablement même plus grave
que Cromvvell ne le laissa paraître, car il y a lieu de
CRI»ire que M. de Laas, envoyé exlraordinaire de ilazarin


Le lu j u i l l e t l t i û i .




vmvF. t / i , m i L L H n i : , 4 ) . a


a Londres vers celle époque el adjoint momentanément
à la légal ion de 31. de Bordeaux, n'élail pas él ranger aux
conspirateurs et à leur dessein. Cromwell en fut si cou-
vaincu qu'il manda M. de Baas, et l'interpella vivement
à ce sujet (.levant son Conseil. Mais il avait trop de sens
pour grossir l'affaire au delà de ce qu'exigeait sa sûreté
et pour embarrasser longtemps de cet incident ses rela-
tions avec Mazarin et la cour de France- qui se mun-
iraient empressés à se rapprocher de lui. 11 se borna à
renvoyer M. de Haas en France, en donnant hautement,
à Louis XIV et à Mazarin, le motif de ce renvoi, comme
il s'était borné à traduire devant la haute Cour trois des
(•(inspirateurs. 11 avait échappe au péril, déployé, sous
l o veux de l'Europe connue de l'Angleterre, la vigilance
ellicace de sa police, et prouvé aux royalistes qu'il ne
îe> ménagerait point. 11 ne chercha rien de [dus. Il pos-
sédait ce secret difficile de l'art de gouverner qui con-
siste a apprécier justement, dans chaque circonstance,
c l qui suflil, et à s'en contenter 1 .


Il savait aussi ne poinl s'enfermer servilement dans
sa propre politique, et emprunter à celle de ses ennemis
c e qui élail bon et pouvait le servir. 11 avait congédié le


i S M c - ï W v . I. V , r<;l. :,r,-m. - ' l l m r l . . c , Xlnte-Poj,.;?, I. l i ,
j . . :;u:i, , :::(.)-:« I, 35-n y r , 7 . 3X2 3S1 . -11?, J : j7 , 310-31 1. .-,:!:),—


t V i n - l i i l i - i ; : , U3'-7. I(cl.t!!i,.i>. 1. . s l \ . r. 3 3 - 3 3 ; Sltnlr-l'oper*,


[ f j H . i , , a]"; .— .1 lyiic a, '••'"ni ('[ ihi' iliininj fnill iili'l/fnun / y . ) J < ^ ' < -


, , . | , . (!;! l i - la ( '<3 3 ' i- l i n l ] II •irti'ii'H M'** rii-:. II. i. X . h. -Jl l) ••',)]




S 2 C K O M W K J . I . R U K . N I > l'i ( S S ' I ' N M M N
Parlement Barebone pour préserver la sodélé anglaise
des réformateurs anarehiques et chimériques, ci l'éta-
blissement du Protectorat qui plaçait « l'autorité sou\e~
raiuo cl législative de la République d'Angleterre..
d'Ecosse cl d'Irlande dans nue seule personne et dans le
peuple assemblé en parlement » avait été le premier
wup de la réaction monarchique qui commençait.
Ji'omwell poussa vivement cette réaction. L'Acte consti-
tutionnel lui conterait, soit à lui seul, soit avec le con-
cours d'un conseil d'État qui dépendait de lui, presque
toi des les attributions de la royauté *. 11 s'empressa d'en
user. A peine installé, il lit délivrer aux juges et à tous
les grands officiers de l'Etal de nouvelles commissions
signées de l u i 3 . Tous les actes publics, administratifs
ou judiciaires, étaient rendus en son nom '•. 11 institua
solennellement son conseil d'Etat el lui imposa, dans
ses délibérations, la plupart des règles que suivait le
Par lement 3 . Le 8 février iGLJi, il se fit donner, par la
Cité de Londres, un pompeux banque!, a la fin duquel
il lit le lord maire chevalier et lui fit don de sa propre


1 A r i . I o r r l e l'Acte constitutionnel du Protectorat ; — Pari. JU.il..
t . X X , p . 218 .


» A r t . H , I V , V , X I , X X N I , X X I V ; — I h i d . . p . 21:)-2' i2.


•< Pari. Uist.. t. X X . p . 2 7 1 ; — G o ê w i n , ; / , V / . oftheÇommnmrvitth,
t . I V , p . 2 3 .


4 A n . I I I d e l'Acte con^'ituliot.ne!.
h A n . 11, X X V , X X V I ; — U m h v i n , IH-.I. „f '!>e Ce,,,„>,.„i(„e..


i. IV, ;>. t.t-'ii;—Forsutr, Htat&mcn o) li,e CvmtnonweaUh, i. \




n i : <-;nrYi-:R\ 'E. \ i r : \T. :y:,


épée, comme l'eût l'ail, à son. avènement, un nouveau
roi '. Il ijnilta lo Cor/.pil, où il avait logo jusque-là, et
s eiablil dans les appartements royaux de \\ hitehall, qui
lurent magnifiquement resiaurés et meublés à celte
occasion 2. Sa maison prit la splendeur et les tonnes
d'une cour ; sa dépense intérieure et matérielle s'élevait,
eu I ()•''•'>, à trente-cinq mille livres sterling par trimestre,
ou Irois millions et demi par au ; ) . 11 introduisit, dans
ses relations avec les ambassadeurs étrangers, les règles
et i'éiiquelle des grandes monarchies; les Irois ambas-
sadeurs de Hollande, l.everuing, Nieuporl et Jongesfall,
venus à Londres pour traiter de la paix, l'endent compte
en ce s termes, aux Etals généraux, de l'audience qu'il
leur donna le -i mars -lorii : « Nous lûmes conduits dans
la voiture de Sou Altesse, accompagnés des lords SIrick-
land ci Jones et du maître des cérémonies, et amenés
dans la grande saile des banquets, à \Yliitehall, où S. A,
n'avait encore jamais donné d'audience. Il était debout
sur une eslrade, élevée de trois marches au-dessus du
sol, et entouré de plusieurs lords, le président du con-
seil d'Etat Laurence, le vicomte Lislc, Skippon, .Mack-
vvoi'lii, Pickeriug, Montagne, son secrétaire Thurloe, et
le lord Eieypole, son premier éeuver. Après avoir l'ail à
l'entrée, au milieu et devant les marches de l'estrade,


' ll'.si.., i . XX, |>. t'ii,— CfoniirelUuna, y . 1 3 1 .


s I•! . i v r i l 1 < ! \ | , — ( V o m u - . Uinun, |>. VJt, 1 3 B ; — C u r l y l c , Vn-m-
\aJi',< Lt'U.'rs, I . I l , I L 2 1 1 ) .


! I i j i . - u . r . .S'tu i'jtiiLeii uj' liiv C'JÏU <IHUI.<J <t h. t. V, p .




Irois révérences que Son Altesse nous rendit |••• i • i'• '••
inouï, nocs nous avançâmes sur iestrade. cl o m i s lui
reluîmes, avec un compliment, nos lettres de créance
qu'il reçut sans les ouvrir, sans doute parce que n o u s
en avions remis le malin la copie et la traduction a
31. Tliurloe. Nous lui adressâmes alors nos reniercî-
monts pour la bienveillance qu'il avait montrée à l'oc-
casion de noire Irai lé de paix, nos félicitations sur sa
nouvelle dignité, nos oll'rcs île lions offices, de la pari,
de Vos lïaules et Puèsanlcs Seigneuries, et nos veux
pour la sûrelé et la prospérité de son gouvernement. 11
nous répondit par de grands et posilifs lémoiguages de
bon vouloir pour vos II. et P. Seigneuries, et pour la
paix. Sur quoi, lui ayant renouvelé nos rcniorcîmonts,
nous présentâmes à S. A. vingt de nos gentilshommes,
qui nous avaient précédés dans la salle, et vingt autres
qui nous avaient suivis, pour qu'ils eussent l'honneur
de lui baiser la main ; mais an lieu de cela, S. A. s'avança
sur le bord de l'estrade, fit un salut à chacun de ces
gentilshommes, en leur tendant la main a distance,
comme pour leur faire accueil. Nous fûmes ensuite
reconduits de la même manière L » L'audience ne se
fût guère passée autrement si Cromwell eût clé roi '-.


Aussi le bruit courait-il partout qu'il allai! l'être, qu'il
l'était même déjà et qu'il avait été couronné en secret,


i T l i u r l o e , Rtalc-Pppm.i. I I , p. IMi—CfuWKeWann, p. l ' l(3.
'- Bardeaux àBriennc, 1' ~ol ô j a n v i o r 1 OO-i (l)oiw:-nl$ Imtormit'-s.


n» I I I ) .




W O . X A R O I i r Q U F S . •>:>


On annonçait, la composition do la. maison rojale ; Lam-
bert serait commandant cm chef do l'armée et duc;
Saint-John lord trésorier, sir Antoine Asliloy Couper
lord chancelier, lord Say grand chambellan. La Cham-
bre des Pairs devait être rétablie; tous les pairs étaient
près de venir a. Londres et de se soumettre au nouveau
pouvoir. (In revoirait bientôt les spectacles, les acteurs,
les tètes, et toutes choses recommenceraient à se passer
gaiement cl brillamment, comme autrefois. On disait
même que le prince de Coudé avait fait proposer au
Protecteur une alliance entre leurs deux maisons L


De telles rumeurs, à coup sûr, ne déplaisaient point
à Cromwell; mais il n'avait garde de se laisser entraîner
à leurs séductions; il était à celle heureuse époque
d'ardeur et de prudence à la fois où le génie et la for-
tune , encore jeunes, des grands hommes se déploient
sans enivrement cl sans excès. Eu même temps qu'il
relevait, sous un nom modeste, le trône où il voulait
s'asseoir, il sentait le besoin de donner aux hommes-dû
parti populaire, jusque-là le sien , des satisfactions ou
des raisons suffisantes pour les décider à le suivre dans
une si complète évolution, et puisqu'il venait de se
brouiller avec les réformateurs aveugles, c'était à lui de
faire les réformes qu'appelait réellement le vœu public
et qu'admettait le bon sens. Il accomplit rapidement et
avec mesure plusieurs de celles dont le Long Parlement


i T h u r l o e , Slale-Papers, t . T, p . 0 1 5 ; i. I I , p . ;>, 8 ; — F o r < t o r .


jiht&imn ofthe Comnonmalth.. i. Y , p . ¿ 3 1 .




5 3 R K F O K M K S A c r O M ï U . I K . S


et le Parlement Parebone avaient tant parlé. L'adminis-
tration des linanees. la réparation et l'entretien îles
routes, la situation des détenus pour dettes et le régime
intérieur des prisons, la police de Londres et celle des
divertissements populaires, comme les courses de ehe-
\ aux et les combats de coqs, furent réglées dans l'intérêt
du lion ordre et de la civilisation générale. Les duels
furent interdits et surveillés sans excès de rigueur. Une
grande ordonnance, étudiée avec soin, limita la juridic-
tion et modifia les procédures de la cour de Chancel-
lerie. Cromwell la fit rédiger par les jurisconsultes
mêmes qui avaient combattu, dans le Parlement Dare-
bonc, l'abolition de cette cour : « Je veux. » leur dit-il,
« donner aux savauls de votre robe l'honneur de
« réformer leur propre profession, ci j'espère que Dieu
« leur donnera le cœur d'accomplir cette œuvre. » Un
comité central, composé de trente-huit personnes, neuf
laïques et vingt-neuf ecclésiastiques, fui chargé d'exa-
miner les prédicateurs qui aspiraient aux bénélices, et
nul n'en put être investi sans avoir reçu son aveu. Cha-
que comté eut en outre un comité spécial appelé à faire
une enquête sur tous les ministres de l'Evangile ci les
maîtres d'école de son ressort, cl à écarter ceux qui pa-
raîtraient scandaleux, ignorants ou incapables. La pré-
diealion et l'instruction chrétiennes, ainsi que la lionne
administration des paroisses, lurent oflicaceineul encou-
ragées. Des commissaires, presque tous hommes consi-
dérables et instruite, eurent ordre de visiter les Univer-
sités d'Oxford ci tic Cambridge, ainsi que les grandes




P A R ( 'ROAnYTlT.L '.Ifi'D-lHlVi':. h".


écoles classiques d'Eluii ci do YVinehesler pour on r é -
former les abus el y inlroduire les améliorations néces-
saires. En moins do neuf mois, du 2 4 décembre
au 2 septembre Hioi, quatre-vingt-deux ordonnances,
touchant à pres([ue foules les parties de l 'organisalion
sociale, al testèrent l'activité intelligente et l'esprit à
la fois conservateur et réformateur du pouvoir 1 .


Cromwell achevait en même temps une autre oeuvre
que le Long Parlement et le Parferaen! Barebone avaient
tous deux poursuivie cl laissée incomplète. A la faveur
des dissensions entre les grands pouvoirs de la Répu-
blique, les royalisles d'Ecosse avaient conçu des espé-
rances et repris les armes; et l'Irlande, même l 'année
républicaine en Irlande, étaient ébranlées. Quand la
nouvelle de l'établissement du Protectorat arriva à
Dublin, en janvier -1055, le nouveau régime ne fut
accepté dans le Conseil de gouvernement, quoique pré-
sidé par le gendre do Cromwell, le général Fleetwood,
qu'à la majorité d'une voix, el l 'un de ses principaux
membres, Ludlow, se démit à l'instant de toute fonction
civile, conservant son commandement militaire dont on
ne savait pas bien quel emploi il ferait. En Ecosse,
l'insurrection, retranchée dans les montagnes, en des-
cendait pour ravager les plaines; et vers le commence-
ment de février 105-J, Middleton, envoyé de France pat


1 S c o l e l l , A Culkelfon of acU ami onlinances, e t c . , p a r i . I I .


p . 2 T 5 - : « i 8 ; - C a r l y l o , Cromietl!'.iMU-n, t . I I , p . 2 3 7 - 2 - 1 0 ; — W l i i t o -


l u c k o , .1 J:u,-nal of tha Hirulùh Kmhumj in Ihe yvan 1033-1651


(2 VL 'i. L e n v i r e s , 1772 , t. 11, p . 1 3 3 ,




:>i U N I O N m<: I / E C Q S S T : E T D E


Charles ÍÍ, \ in! essayer de lui donner, au nom du roi,
la consistance et l'ensemble qui, jusqucs-là, lui avaient
manqué. À peine proclamé Protecteur, Crormrell prit
contre ces périls naissants des mesures décisives; il lit
partir pour l'Irlande son second fils Henri, jeune homme
intelligent, mesuré et résolu, et pour l'Ecosse Monk
qu'elle connaissait déjà comme son vainqueur. L'un et
l'autre réussirent dans leur mission : Henri Cromwell,
à Dublin, raffermit les amis du Protecteur, ramena les
incertains, intimídales malveillants, embarrassa Ludio w
lui-même par ses conversations à la l'ois fermes et
caressantes, et revint à Londres au bout de quelques
semaines, laissant son beau-frère Fleehvood en paisible
possession du pouvoir. Monk, avec son audace aussi
prompte que froide, porta la guerre au cœur même des
montagnes d 'Ecosse, y établit ses quartiers, poursuivit,
les iiisurgés dans leurs plus âpres retraites, battit
Middleton, le contraignit à se rembarquer [tour le conti-
nent , et, rentré à Edimbourg après quatre mois do
campagne 1, il recommença à gouverner sans passion et
sans bruit le pays qu'il avait soumis deux fois. Cromwcil
avait compté d'avance sur ce succès, car dès le ¡2 avril
KKii, au moment même où il envoyait Monk contre les
insurgés écossais, il avait, par une ordonnance souve-
ra ine , incorporé l'Ecosse à l'Angleterre, aboli dans
l'ancien royaume des Stuart toute juridiction monar-
chique ou féodale, et déterminé quelle place oce.u-


< .Y l a l in d ' a u ù l !ü\>¡ .




i, i l U A N n K A i. A \T;T.F .TT.imv.. *,<»


|H-rni,"iil. ses rrprésonlanls, comme ceux do l'Irlande
dans Je Parlement commun du nouvel Etat. Ainsi était
fuvotnpHe ci organisée- Eunilé intérieure de la Répu-
blique britannique, sous le pouvoir de son Protecteur ' .


Ses affaires csJériciires, au moment où Cromwell sait
io rang suprême, éiaieni, non pas en péri!, mais dans
une pénible et stérile confusion. La guerre avec la Hol-
lande avait continué, et en même temps des négocia-
tions s étaient ouvertes pour rétablir la paix; des am-
bassadeurs allaient et venaient de la Haye à Londres,
essayant de s'entendre pendant que les flottes se cher-
chaient, pour se combattre. Le 29 juillet ¡053, Monk,
resté commandant en chef en L'absence de Blakc, que
le mauvais état de sa santé avait forcé de débarquer pour
prendre quelque; repos, ordonna à ses capitaines de ne
faire ni prise ni quartier : « Vous îveles pas chargés, leur
dit-il, de procurer des vaisseaux de plus à la Républi-
que, mais de détruire ceux de l'ennemi. » Engagée avec
c e redoublement d 'animosité, la bataille ilofiait encore
incertaine le 31 juillet lorsque Trornp, qui avait percé
jusqu'au milieu de l'escadre anglaise, fut frappé à mort
d'une balle : « C'est lait de moi; mais vous, prenez cou-


'' T V . i r l o o . SUU-Paj,!;*, I . I I , i '- I-!!*, H'i, 1 3 3 ; — Ï - U i l l o w , Me-


M . / i i v » . t . If, p . 1 3 , dan-* m a Colla a v u ; — Vie J t Lu>ih\c, d a u s


1,1 - Kl a il, i. I, r i , , , ; , , / , / , ; ' / 1 . . a i / , - | i , 1 ' ' ! . 1 ! <ïAh-jidiiff e, p . 00 -OS ;-—


.1/ ,„;',, SU'k hi-l;,;r<.; p. . W - . Y } ; — W h i l o l o » k - , p . "01-330, 5SW-


I, rte, r,!-r--»a!i : — . S , . „ „ . . l | , . l r N « , i , J ( M N » i , . , . t v « , c l . . - . , p a r t . IT.


|«. « N J - S m ; - - f . V : . ; « ! i v / î ï > O f « . \ : Vil, 130, 1 3 S ; — l l i i r u o i , U'wl-rirr </<•


H . , 1 . u[S~„i!,.,.,l, i I I I . p . l:>.' | . - T . ; — < ! . . . ! « , I l , / / , . , / . Lif li,e CVi i l -


, , i r . m . ' / I . , S. I V . ¡1. 'i-.' ILS.




••я c r r a r a ; E T Х К ^ П П Л П О ^
r age ;» telles l'uronl ses dernières et seules paroles. Ni
ses lieutenants, l îuyter , Corneille <le Wiii, l­'lorilz.
Everlz, ni les Etais généraux, ses maîtres, ne perdirent
courage, mais leurs espérances déclinaient à mesure
une les forces de leur patrie s'usaient et que les desseins
de leur ennemi se révélaient dans la Julie. Par une
coïncidence singulière, le même jour où Mon к clTromp
en venaient aux mains, non loin des bouches de Ja
Meuse, lleverning écrivait do Londres à Jean de
Wilt 1 : «Votre Seigneurie a vu par mes lettres précé­
dentes que j 'a i toujours peu compté sur notre arrange­
ment avec cette nation... . Le voile est enfin tombé par
la dernière réponse du conseil d'Étal ; ils ont osé pro­
poser que les deux républiques, unies et confondues,
n'en forment plus qu'une seule, soumise à un seul gou­
vernement, suprême composé de personnes prises dans
l'une et l'autre nation.. . . Nous avons remis, il y a deux
j ou r s , un mémorandum [ t o u r demander au Conseil
notre audience de congé; nous ne sommes pas encore
expédiés.... Je ne doute pas que les procédés exorbi­
tants et les extravagantes proposilions de ces gens­ci
n'ouvrent les j eux à tous les princes de l'Europe sur
leurs ambitieux et insaIialdes desseins. » Trois des am­
bassadeurs hollandais, Nieuporl, Van de Pcrre et .ton­
geslall, retournèrent ¿1 la Haye'; mais Pcxernjng resta a
Londres; de pari et d'autre on ne voulait pas rompre
toute négociation ; Cromwell s'employait à prévenir


1 L e S a o û t [id j u i l l e t v . s.) 1 0 5 3 ,




A V E C t,A n O T . T . A N m . 01


coite extrémité; lioverning oui avec lui plusieurs con-
Jercnccs qui lirenl l ' i i l ivvoir quelques chances d'aeeom-
nioileiiient : » J'ai en samedi dernier, écrivait-il, avec
S. E. L'romweil, un enlrelien de deux heures sans
aucun témoin. Son Excellence a parlé sa propre langue
si clairement que j 'ai pu l'entendre. Je lui ai répondu
en latin. J'ai insisté sur plusieurs points que Son Excel-
lence a reconnus tort graves, et sur lesquels elle m'a
promis de réfléchir 1;» et trois semaines plus tard : «Je
trouve un peu plus de modération; j 'espère qu'ils se
contenteront d'une bonne et étroite alliance 2 . » Mais le
Parlement Barobone était encore là; les arrogantes pré-
tentions des fanatiques se déployaient en pleine li-
berté; le pouvoir était dispersé et la déraison déchaînée;
personne n'osait décider et conclure. La guerre et les
négociations continuèrent entre Londres et la Haye sans
aboutir à aucun résultat. Les mêmes tiraillements et la
même impuissance se manifestaient dans les relations
de la République avec les autres Etals. Cromvvell fit
nommer Wliiteîocke ambassadeur auprès de la reine de
Suède, dont il souhaitait que le bon vouloir se trans-
formât en une vraie et efficace alliance. Whilclocke hé-
sitait à accepter celte mission lointaine qui lui semblait
une marque de défiance plulol que de faveur; sa J'en une
s'y opposait avec larmes au nom de leur repos, rie leurs
douze enfants, le conjurant de se rappeler Dorislaùs et.


' Le. ii a o û t 1653 .


- L e 13 ; iOj3ci i i3re 1G33.




R F . î . \ T T n v < ! K \ T K R I P . I e r s


Ascham assassinés. Crmnweli insista : « Ceci, lui <lil-il.
est île la. plus grande importance pour la République ; il
n'y a, dans ia eh-vlienié, poini de prince ni d'KInl avec


nons ayons chance do lier amitié, si ce n'es' la rriiv
Christine Si vous l'ci'usiez, l'intérêt protestant en
souiïrirait.... Voire mission est le meilleur moyen de
régler nos affaires avec les Hollandais et les Danois, et
aussi les affaires de notre commerce.... Je m'engage a
prendre moi-même soin de vos intérêts; je veillerai a
ce que rien ne vous manque; je vous serai particulière-
ment, obligé si vous acceptez, et je m 'attacherai à vous
comme votre peau à votre chair. » Whitelockc accepta;
mais son consentement une l'ois donné, il ne trouva, ni
dans le Parlement, ni dans le conseil d'Etal, Je hou vou-
loir qu'on lui avait promis : on éleva des doutes sur s,i
piété; on ne lui accorda pas.ee qu'il croyait, nécessaire
pour l'accomplissement de sa mission ; il demandait un
traitement de quinze cents livres sterling (.'(",MKi fr.)
par mois , on ne lui eu donna que mille (•i'S/KX» fr.);
une suite de cent personnes, on n'eu autorisa que
soixante-dix. Retardé par ces embarras et ces mé-
comptes, il ne partit que deux mois après sa nomina-
tion. Ces affaires, même décidées, ne se faisaient que
péniblement et avec lenteur. Quelquefois même les plus
faciles ne se faisaient pas du tord. L'ambassadeur do
Portugal, le comte de Sa, était à Londres depuis plus d««
dix-huit mois; pour melire un terme aux différends
entre les deux États, il avait consenti à toutes les indem-
nités, à toutes les conditions qu'avait exigées le Parle-




"К 1.Л H È P U I i L l Q U K (1053). 03


ment, « conditions Iodes, , ' . n ïvai! Bordeaux à M. Ser­
\ieii, qu'il serai! t o u j o u r s I'HJ­I facile de sortir d'alfaireù
ce prix '. » Cependant le Irai.'é a v e c l e p o i i j i g . i J ne se
conciliai! point. Le projet d'alliance qu'au nom du r o i
u Espagne don Àlonzo de Cardefias avait présenté le
•iù septembre Hi'>2 au Long l 'arlement, restait égale­
ment eu suspens comme oublié et non avenu. Le mi­
oislre de France, malgré le refus ohsliné.que l'encon­
irait sa demande en résiliation des vaisseaux pris par
lltakc devant Calais, semblait plus avancé dans sa négo­
ciation ; ou lui avait laissé entrevoir quelque désir d'en­
voyer en France un ambassadeur; les commissaires
chargés de iraiter .avec lui, lui avaient témoigné que
<'. si S . 31. avait dessein de l'aire quelque liaison avec leur
Etat, l'intérêt des marchands ne les (ieudrait point, me
disant avec une espèce de mépr i s : quoi! nous nous
amusons ici à des marchands­? Ce n'es! pas là le moud
de l'affaire s. » Le Long l 'arlement se sentait en pressant
péril et cherchait des amis ; au moment de son expul­
sion, Bordeaux se croyait sur le point île conclure avec
lui un traité. 11 reprit, auprès des pouvoirs nouveaux,
son travail e! ses espérances. Mazarin, toujours prodigue,
d'avances ilatleuses, écrivit a CrouivveU pour lui offrir
c i lui demander une utile amitié. Croinxvcll lui répondit
avec un rare excès d'humilité alfeclée : « C'est une sur­


' О л ' : ; 7 j ' i n v i i - f 1 и 5 3 ; Aj'c'hlv^'- A if'liytj^ elrenigèrcï thj Уга iicc.
• a,a-,tn'/Li- чи,:,mie <i, llria.ne ao a v r i l 1 0 5 3 ) ; Arcliicus dvi Af-


! 15 t . , i i o . ' M i / u a ' s de t'rtoive.




R K I A H 1 > \ s k x t k k i k v i U ' . V
prise pour moi (pu1 Vuirr Kuiiitenee ait t'ait attention a
un homme aussi insignifiant que moi, qui vis en quel-
que sorte séparé du monde. Cet honneur a t'ait sur moi.
coin me il ie devait faire, une profonde impression, et
m'oblige à servir Votre Fminence dans toutes les occa
sions (pie j'aurai le bonheur de rencontrer: c'est à quoi
m'aidera, j'espère, cette honorable personne, M. llurdoe
(Bordeaux) » Mais ces démonstrations demeurèrent
stériles; la France, son roi et son cardinal étaient, pour
les républicains et les anabaptistes du Parlement tiare-
bone, l'objet d'une antipathie méfiante que Cromvvel!
ne voulait pas encore braver : « L'on ne vous a possible
pas informé de tous les rebuts que votre envoyé a reçus
à Londres, écrivait M. de Gentillet à M. de lîrieime
Son Fminence a dit tout liant que le général Croinwell
lui faisait faire beaucoup de civilités, et que tout était
en bonne correspondance. L'on en croit autrement ici,
et qu'il a traité fort rudement voire envoyé, ne lui ayant
jamais voulu accorder aucune audience privée, ni rece-
voir quelque compliment particulier; ce que je dis pour
vous porter à vous persuader de la mauvaise affection
de ce régime, afin (pie vous vous y précautionniez *. »
Bordeaux reçut bientôt et transmit à Paris la mémo im-
pression : «Le général, écrivil-il à M- de Prienuc, me
paraît peu échauffé pour la France; la première ré-


mciiis ^ i \ ' ( c / v ' ( ; / ( w , n " I V ; .


- .Le tll) j u i l l e t i t i j t i . Archices des .1 iluucs c / r a m p } ? ^ dj i - V ^ H i e ' .




1»K LA î l É r r B U Q U K fl(Ki.T). 05


ponse qu'iJ nu: lit sur ce que je lui dis que le roi était
très-porté a raccommodement des deux nations, fui.
qu'une juste guerre valait mieux qu'une mauvaise paix
(justum bcllum prœslabal iniquà pace)l. » Deux mois


plus tard, la froideur et la réserve étaient encore plus
grandes : « Depuis quelque temps, écrivait Bordeaux,
31. Ooimvcll m'a fait dire, par le maître des cérémo-
nies, qu'il me priait de ne plus m'adresser à lui pour
affaires, quoique cela m'est arrivé seulement deux fois;
et ni'ayant même évité en quelques rencontres, je n'ai
pu l'entretenir, et il m'a fallu, par tierces personnes,
insinuer les raisons qui doivent obliger l'Angleterre a
rechercher J'amilié de la France, puisque Sa Majesté y
procède avec sincérité, et qu'elle se veut porter à tout ce
que la bienséance permettra pour les en assurer *'. »
En présence d'un parlement fanatique et subalterne,
et au sein de cette république défaillante, en proie
aur conflits des pouvoirs divers et des préjugés popu-
laires , aucune politique décidée et conséquente no
pouvait être adoplée; personne, pas même CromweJl,
ne se sentait assez fort pour prendre hautement la res-
ponsabilité d'un grand acte ou la poursuite d'un grand
dessein


'• Bardeaux a !}.-hhtn; !'.' 1 a o û i lOy.'!; Àrehivn des Affaira clran*
gères de Fraii.ee.


- Uerdeonee a llrienne, l e o c t u b r e 1 0 0 3 ; Archim ih-s Affaire?


!:ire.rai:ree de. F,•„•„•;•.


« l i u i u U c , Vif deMenl. n. - ! u u ;—!„ . ' C l . j r r , UMuire des Pro-


rt>a:a-liiieb; 1, IX, p . 0 0 1 ; — J j r a . m l l , Vie liv Hdij'.eie. p . 0 0 - 1 2 ; —




(¡6 CUOMWíX! , I"A1T I.A I'AIX W E C


Les choses ehangereni de face quand Cnumvell fu!.
Protecteur : en l'ait de ])oliii(¡ue éirangère, il porlaii dans
le gouvernement deux idées arrêtées, la paix avec les
Provinces - Unies et l'alliance des Etats protestant
c'élaient à ses yeux les deux conditions vitales de la
sûreté et tic la grandeur de son pays eu Europe, de sa
sûreté et de sa propre grandeur en Europe et dans son
pays. 11 se mit sans retard à l'œuvre pour les réaliser.


l a paix avec les Provinces-Unies était, pour lui,
dillîeile; il avait ouvertement approuvé et soutenu
l'ambitieux projet de l'incorporation des deux Républi-
ques; non-seulement les rêveurs fanatiques n'y vou-
laient pas renoncer, mais plusieurs des chefs de l'armée,
et même des plus sensés. Monk entre autres, a va ¡en i
pris pendant la guerre un tel sentiment de haine ci de
dédain pour les Hollandais que toute concession leur
était insupportable envers ces rivaux qu'ils avaient
vaincus et qu'ils se proniellaient d'écraser. Par sym-
pathie protestan le, par intérêt commercial, par lassi-
tude des impôts , la nation anglaise souhaitait cebe
pais ; mais le parti révolutionnaire et militaire y était en
général opposé; ils accusaient CromweJi de la vouloir
pour son propre compte et dans l'unique vue de conso-
lider son pouvoir. Il n'ignorai! pas celle opposition, ella
ménageait dans son langage et dans les procédés de h


T h u r l o c , Sinie-Pnpm , +• I , p . :!*> , 117, -11«, l.¡:j ; — yvh:¡...
] , . r k o , .1 J„„rnn1 oflbe .S ' iu ' /Mi / • : .» ' . • /«! / , ht t,V !i:r,:!-li;.ii,
i. Í. p . 1, 0. 13 , 10-22, 31-30 , i l 10 p:i — / j , . . - , , , , , . . , . . - , /O,! , , , , . , . . , - ,
x - Y . )




J .KS r i ; i ) Y I N C K N l ' X Í E N ; v v n i L - j u i N 1651; , ( ¡7


négociation, mais sans hé-siler ni se ralentir dans son
dessein, Tout en se montrant, avec les envoyés des Etats
généraux, exigeant et lier, il était en intelligence avec,
ilovemiiig et ¡Nieuporl, qui appartenaient à la province
île Hollande et qui, connue lui, voulaient décidément
la paix. 11 renonça à l'incorporation des deux Républi-
ques et à certaines stipulations trop blessantes ou trop
onéreuses pour les Hollandais; il admit leurs alliés,
entre autres le roi de Danemark, au bénéfice du traité;
et à ce prix, il assura à l'Angleterre non-seulement une
étroite alliance avec les Provinces-Unies, mais des gages
éclatants de sa prépondérance maritime et de sa pros-
périté commerciale. Sur un seul point, sur un intérêt
révolulionnaire qui éiail le sien propre, il futinlrailalile;
après avoir imposé aux Pro\inces-l'nies l'obligalion de
no recevoir sur leur territoire aucun ennemi de la
République, et fermé ainsi aux Stuart cet asile, il
demanda qu'elles s'engageassent à ne jamais faire le
jeune prince Guillaume d'Orange et ses descendants ni
sladlbouder, ni commandant de leurs forces des ferre ou
de mer, ni gouverneur d'aucune de leurs places fortes.
Il xoulait écarter absolument du pouvoir, à la Haye
comme à Londres, les princes issus de la maison de
Sluart et attachés àsa causo, t ne telle stipulation portail
é\ idemmeni aileinte à la souveraineté et à la dignité de
la Cojifédéraiion; les partisans de la maison d'Orange,
nombreux et populaires, se récrièrent avec indignalion.
Les Etats généraux se refusèrent à cette clause, e. Je
Iraiiô lui sur le peini d'échouer. A Ja négociation directe




<;« I . 7 C I M W F ! !. FA1Ï I \ F\TX A Y K Ç


c! publique, Cromwell subslil.ua n u i ; voie détournée : il
dil à Boveruiiig cl à Nieuporl qu'il se eonlenlerail d'tui
engagement secret de la province de Hollande, qu'il
regardait comme assez puissante pour décider, à cite
seule, d'une telle question. C'était tenter fortement
l'intérêt et la passion du Pensionnaire de Hollande, Jean
de YVitt, et de ses amis qui gouvernaient cette province:
Cromwell leur demandait d'exclure ajamáis du gouver-
nement, dans leur patrie, le pirineo et le parti qu'ils en
a\aient naguère renversés. Firent-ils, pour repousser
cette prétention, des efforts parfaitement sérieux et sin-
cères? Toutes les pièces de la négociation, confidentielles
ou publiques, semblent l 'attester. Quoi qu'il en soit,
l'exigence de Cromwell fut connue; ta plupart des Pro-
vinces-Unies et même quelques villes de la province de
Hollande protestèrent; Cromwell insista péremptoi-
rement ; il fallait choisir entre cette clause et la conti-
nualJon de la guerre. Apres une vive agitation, les États
particuliers de Hollande, à quatorze voix contre cinq,
se décidèrent à prendre l'engagement que Cromwell
leur demandait; mais ils ordonnèrent a leurs envoyés a
Foudres de tenter encore, avant de remettre leur si-
gnature, un nouvel effort [jour le faire écarter ou du
moins modifier. Le Iraité public avait été signé le ?> avril
JGS-i; la négociation se prolongea encore pendant deux
mois; Cromwell se refusa à toute modilicafion, et, le
."> juin seulement, l'article secret ayant enfin été ratifié,
le traité de paix devint définitif, au milieu des plus
bruyants témoignages de la satisfaction populaire.




I ES l ' i a i y r V K S - - E x r E S ; A V I U W I . ' 1 \ 1 0 5 1 ! . 00


Le roi de Danemark, les caillons suisses protestants,
les villes Jianseali<[ues et plusieurs des pelils princes
protestants du nord de l'Allemagne y étaient com-
pris1.


Whilelocke, pendant ce temps, négociait eu Suède le
second des traités qui devaient placer l 'Angleterre à la
trio de l'Lurope.protestante. De graves obstacles, peu
prévus, s'opposaient au succès de sa mission. M la reine
Christine, ni son peuple ne partageaient les passions re-
ligieuses qui animaient la politique dont il était l'or-
gane. Fermement et sincèrement protestants, les Sué-
dois élaient froids dans leurs croyances ci dans leurs
pratiques. WTiileloeke, quoique peu sévère, s'étonna du
relâchement des m œ u r s , d e l à tiédeur du cu l t e , de
l'inobservation presque complète, les dimanches, du re-
pos religieux. Dès leur première conversation % la reine
lui parla légèrement de l 'enthousiasme puritain de sa
pairie : « Quelle religion, je vous prie, professez-vous en
«Angleterre'?» lui denianda-t-elle; « le monde dit
« que vous en avez beaucoup de différentes : des luthé-


1 M o i : k , JUv.de /O.sOoWaw, ¡1. -if,'. ; — - E n r ô l e r , X tatevr.en oftlie Com-


momeollh, t . V, p . - i . - . l ; — T b u r l o o , Slah-J'ajuro. t . 1 , p . 517 , 5 1 ' ' ,


520, 530, 000, 570, «il*,. 012 , (¡11, 0 2 1 , (,,'Jl, 010 ; t. 1 1 . p . ](J, 2 0 , ¿ 8 -


o0. 05 , 07 , 10-100, 2 1 1 , 2-17, 2 15, .251, 2 5 7 ; — L e C l e r c , Uwloire dm


Prorincm-UHit*, i . U , p . 0 0 1 , . 1 1 0 , l:.l-2-J5(J ; — D n m o n t , Corps di-


j,h,r."li;>h- vmrrr*tl, I. V I , p a r i . I l , i r a i 16 X V I I G n . l w i u , UM.


»flheCi.'ii'inunir,"illh, t . I V , ['• - 1 5 - 5 2 ; — B o r d e a u x à Bricnne, 11 e t


li a o . ' u , 22 s e p i e n i O r c 1 0 5 3 ; ¡1 M. Servie», G d é c e m b r e 1050


{Archive* dexAlfuin-s rlrawn» de France),


2 1 e ¿0 d é c e m b r e Itj.alî




70 AMR A N S U O ; HE W !1 !T1' l . n r K K


« ríen?, des calvinistes, des ¡JI¡ic|>oiol;mts, des anabap
« lisies, el plusieurs ¡mires encoró plus exaltés don!
« nous ne savons pas les noms. » Quand ils comiiiencc-
rent à s'entretenir d'alliances politiques ! , la reinn se
montra favorable à celle de la Suède et de l'Angleterre
avec l'Espagne : « On objectera probablement Ja dill'é-
« renco de religion.» dil W'hiteloeke;—«ce ne sciait
« pas un obslacle à la solidité de l'union. » reprit la
reine; « les Hollandais et les Danois, qui sont proies-
CE tards, s'unissent bien avec les Français, quoiipie pa-
CE pistes. Vous autres, Anglais, vous êtes des dissimulés
ce et des hypocrites. » Whilelocke se récria : « Je ne dis
« pas votre général, ni vous-même, mais je? crois qu'il
« y a en Angleterre beaucoup de gens qui l'ont proies-
« sion de plus de sainteté qu'ils n'en ont réellement,
« espérant en tirer profit.» L'ambassadeur de Ooni-
voll rencontrait souvent, dans la population suédoise,
des préventions et des dispositions très-hostiles : ou ve-
nail, la nuit, crier devant sa porte : « Hors d'ici ces
chiens d'Anglais qui ont tué leur roi ! » On appelait le
Parlement «une compagnie de savetiers et de tailleurs.»
Whilelocke eut plusieurs l'ois à. se garder contre des
projets d'insulte et même d'assassinat. Quand il entra
en conférence avec le vieux chancelier Oxensiieru \
« le grand homme, sage; du continent, » comme l'appe-
lait Cromwell, il eut all'aire à des objeclions sérieuses et


i Le 30 à . ' e e m b r e 1 0 5 3 .


L e 1 ¿ j a n v i e r 1 0 0 4 .




F \ S T ' F F F 'Ï.TCTVT.V.T. 1053 — n - i \ 1 0 5 1 . 71.


difficiles a réfulei : «h> vendrais savoir, » lui dit Oxens-
fiern, «quelle peu! être la stabilité de votre République
« et de voire gouvernement, et comment il s'est l'ait
« que voire précédent Parlement, qui avait, été appelé
« par le feu roi, ait été dissous, et que vous en ayez
« établi un autre qui probablement, dit-on, sera bientôt
« dissous à son tour. Quel, bon et solide fondement
« pourra avoir notre traité? Tenez-vous le gouvorne-
« ment royal pour illégitime, que vous bayez aboli? »
Wlu'leloekc détendait et. expliquait de son mieux des
faiis qu'il n'approuvait guère lui-même; mais il réus-
sissait mai à convaincre le chancelier, réservé et lent
par tempérament comme par prudence, et qui traînait
la négociation en longueur, voulant voir ce qui arrive-
rait entre l'Angleterre et les Provinces-lut tes, et si elles
feraient la guerre ou la paix. L'inquiétude de White-
Jocke redoubla quand il découvrit qu'Oxenstiern avait,
au fond de t'àme, «un peu de jalousie du Protecteur,
.< qui avait l'ait do plus grandes choses que fui, et qui
'< s'était élevé à ce haut rang que le chancelier avait
•< rêvé pour lui-même quand la reine était jeune, mais


auquel il n'avait pu atteindre. » Wbilclocke rendit
compte à la reine des objections qu'élevait Oxenstiern
et des craintes qu'elles lui inspiraient; elle approuva
fort ses réponses, disant que «s'ils ne parvenaient pas à
« s'entendre; c'était à elle qu'en définitive foutes choses
« reviendraient, et qu'il la trouverait toujours guidée
« par l 'honneur et la raison. » Mais au moment où
Christine donnaiI à. Whitelocke cette assurance, elle




Л M В AS '̂ATl К ПК ТГИТТКГ.ОГКТ:


rapprocha de lui sa chaise cl lui dit 1 : « ,1c vous sur ­
<• prendrai bien par une chose <|uoje veux vous coin •
« mimiquer, mais sous le sceau du secret » —« J'ai etc.
« Madame, trop avant dans tes alVaires d'Angleterre
« pour ôlrc surpris des confidences d'une jeune dame :
« quelle que soit la communication que Votre Majesté


juge à propos de me faire en m'ordonnani le secret.
« je lui obéirai fidèlement.» — «Voici ce que c'est.
« Monsieur : j 'ai résolu de quitter la couronne! de Suède
« et de me retirer dans la vie privée, bien plus agréable
v pour moi que les embarras et les soucis attachés au
« gouvernement de mon royaume. Que pcnsez­\ous de
« celle résolution ­? »


Rien ne pouvait troubler plus vivement Wtiitelocke.
car c'était, dans la reine Christine elle­même que toute
son espérance était placée. Cromwell le lui avait dit au
moment de son départ , et depuis son arrivée en Suède,
tout avait continué le jugement du Protecteur. Sa mis­
sion ne serait plus qu'un échec ridicule s'il n'était venu
que pour recevoir la confidence et pour assister au spec­
tacle de l'abdication de cette princesse qui pouvait soute
taire son succès. Il fit, pour la détourner de son dessein,
de vains efforts, et se retira très­inquiet de; l'entrevue
qui lui avait valu l 'honneur d'un tel secret.


Whitelocke ne comptait pas assez sur l'empire que le


i Le 2 1 janvier1C64.
a WUiieluuke, . 1 JvurnaJ vf the Sivedish Е)пЬа^^^, é> 1(мЗ пущ


1 6 5 4 ; i. J , p . m-m, m, m, -m,-m, M I ar. .на .
i. il, p. asa.




K.X SI 1 i­:T)l". ( п и к м в и к l fWI— i n s 1051). T'i


génie cl la i'oi'imic merveilleuse «l'un grand homme
devaient exercer sur l'imagination d'une femme étrange
elle­même et supérieur*?, et qui mettait son plaisir et sa
gloire à se conduire selon les fantaisies de sa pensée,
non selon les règles de la raison et de son rang. Dans la
première audience particulière qu'elle lui donna : «Votre
« général, » lui dit­elle, « est un des plus galants
« hommes du monde; il a fait de plus grandes choses
« qu'aucun homme au monde ; le prince de Condé est
« près de lui, mais au­dessous de lui. J'honore et je
« respecte votre général autant que nul homme vivant;
« et, je vous en prie, qu'il le sache de ma part. » Quel­
ques jours après, elle interrogea curieusement. Whitc­
Jocke sur la famille de Crom well, sa femme, ses enfants :
« L'histoire de votre général a quelque ressemblance
« avec celle de mon ancêtre Gustave 1", qui, simple
« gentilhomme d'une noble famille, s'éleva au rang de
« maréchal de Suède on délivrant sa patrie de l'opprcs­
« sion où la louait, le roi de Danemark, et, en récom­
« pense, il fut élu roi de Suède. Je crois qu'au bout du
« comple, votre général sera roi d'Angleterre.»—«Par­
ti don, Madame, cela ne se peut pas; l'Angleterre a
« résolu do vivre en république, et mon général, qui
« commande foules les forces de son pays, sur terre et
« sur mer, a bien assez de pouvoir pour s'en contenter.»
—« Résolvez ce que vous voudrez; je crois que voire
« général a résolu d'être roi. » Kilo recul, avant Whife­
locke, la nouvelle de l'établissement du Protectorat, et
dès qu'elle le vil. : «Àvcz­vous vos lettres de Londres? »




7 4 A M K A S S A D K T)K W T I T T K I . I > O K E


—« Pas encore, Madame; mais j 'ai lieu de croire que la
« nouvelle csl. vraie, el. j 'allends impatiemment ce qu'eu
« pense V. M. »—« Par Dieu, j 'a i , pour votre général et
« pour vous, le même respect qu'auparavant, et plus
« encore; j 'aime mieux avoir affaire à un seul qu'à pli--
« sieurs. » Ce n'était pas Cromxvell seul, mais aussi
toute la révolution d'Angleterre qui avait fortement
frappé l'imagination de Christine ; elle se plaisait à Ja
juger et à en parler avec l'indépendance d'un philo-
sophe; elle exprima à Whitelocke une grande admira-
tion pour Mil ton, pour la force de son raisonnement
comme pour la beauté de son langage. Un jour, au mi-
lieu d'un bal, elle invita Whitelocke à danser avec elle;
il s'en excusa vivement ; il était boiteux: «Madame, j 'ai
« peur, en dansant avec vous, de faire, honte à V. M.
« comme à moi-même. » — « Je veux voir si vous sa-
« vcz danser. »— «J'assure V. M. que je ne suis pas
« digne de la tenir par la main. » —« Je vous tiens pour
« très-digne de cela, el, j 'ai fait choix de vous pour dan-
« ser avec moi. » — « Je tiens trop de compte du juge-
« ment de V. M. pour ne pas lui obéir; je voudrais me
« rappeler, en fait de danse, ce que je savais dans ma
« jeunesse. » 11 dansa, en effet, avec la reine, et connue
il la ramenait à son fauteuil : « Par Dieu, » lui dit-elle,
« ces Hollandais sont de grands menteurs. »—« Et pour
« quoi donc, Madame, les Hollandais vous reviennenî-
« ils à l'esprit dans cette occasion 1 » —« Je voi is le dirai ;
« les Hollandais m'ont dit, il y a longtemps, que toute
« la noblesse d'Angleterre était du parti du roi, et qu'il




E N S U È D E {rôd­sr­m­R 1 0 5 3 — " r r e '1651). 7 5


« n'y avait, dans le parti du Parlement, que des ouvriers,
« pas un gentilhomme ; j 'ai voulu vous tafer et vous
« taire honte si vous ne saviez pas danser; mais je vois
« que vous êtes un gentilhomme et que vous avez été
« élevé en gentilhomme : c'est pourquoi je dis que les
a Hollandais sont de grands menteurs ' . »


Les dispositions personnelles de la reine surmontèrent
les hésitations de son chancelier : après avoir habilement
imposé à Whitelocke quelques concessions utiles ou flat­
teuses pour son peuple, elle mit, son amour­propre à
faire, avant de descendre du trône, acte de puissance au
profit du grand homme qu'elle admirait.Le 28 avril 1634,
Whitelocke signa, avec Ovenstiern, entre l'Angleterre
et la Suède, un traité d'amitié et d'alliance où se trou­
vaient les articles essentiels de ses propositions. Un mois
après, le 30 mai, Christine abdiqua solennellement
devant la Diète réunie à Upsal ; et le lendemain 31 mai,
Whitelocke s'embarqua à Stockholm pour retourner en
Angleterre, où il arriva le 30 juin, rapportant à Crom­
well un succès important pour sa politique et des récits
'AILS pour charmer son orgueil 2 .


l.'n traité spécial avec le roi de Danemark 3 , qui assura


Wii i t ( : l o ! ­kc , A Journal of the Swedish Emhasftij, p . " ' 2 ­ ^ l , \
:m, .m-, i. u , P . i r , 5 . \


­'­ W l i i t r l o c K O , A Journal vflhe Sire'JMt EmljU}i,fi$ifâ>-.''-28% . ' 1
» -M), o u i , 3 1 1 ­ 3 M , 319 3 2 3 , 335, 4l&tà,'ii&M-,m,'.
•isiï-m, m,­193­1311,513, m ; 1 . n , p . o, 2 3 , 2 0 , S T ^ o i ^ i , i u y ­
113, 3o0, 101, ­112. ' ­ >M..\•


3 II n u l ' a i i l i ' l ' i u t i v o i i R ­ u l s i f ­né i | u c l e H s e p t a K i b f e ï O â ­ l ; D u ­
iiiont, Corjir 'Jijiloti'i'iti^uo unirent!, 1. V, p a r i . 11 , | i , ^ № r ­ 9 i . ''­




'à; À T T ï t t n i , n i , c u o m y v l l i ,


an commerce anglais, pour le passage du Sund, i o s
avantages dont, jusque-là, les Hollandais avaient seuls
joui, et l'envoi d'une légation perniauenle dans les
cantons suisses pour y entretenir une influence assidue ! ,
complétèrent l 'œuvre de la politique protestante de.
Cromwell. De ce côté son but était atteint; il était entré
en rapport intime avec tous les Étals protestants de
l'Europe, combinant habilement les intérêts avec les
croyances, et se donnant les faibles pour clients et les
forts pour alliés.


On disait en France qu'il méditait, dans l'intérêt du
protestantisme, un plus vaste et plus difficile dessein :
(( Le Protecteur se propose, » écrivait au cardinal Maza-
rin un de ses affidés, « de faire assembler un concile de
« toutes les communions protestantes, pour les réunir
« en un corps par la confession commune d'une
« même foi2. » Quelques faits particuliers indiquent que
cette idée l'avait en effet préoccupé. C'était un de ces
génies puissants et féconds en qui les grands desseins et
les grandes tentations naissent en foule ; mais il appli-


1 V a u g h a n , the Protectorate of Oliver Cromwell and the state of
Fnreqie (hiring the early part of the reign ofLouis tlie XIVf illustrated
in a series of letters between T)~ John Pell, resident ambassador wvd>
ilie.Su-^ Cantons, and sir Samuel Mariana, sir W. LocVnart, 3Í, Se-
cret. TKurloe, e t c . , 2 v o l . i n - 8 3 . L o n d r e s , 1838 .


2 Avis à Mgr. Je Cardinal sur le dessein du Protecteur d'Angleterre
de réunir enune toutes les communions protestantes, avec Je moyen de.
le prévenir tt iel'en empêcher (21 j u i l l e t 1(15-1), s i g n é L a M u l e t i è r e .
(Areliives des Affaires étrangères de France) (Documents historiennes,
i l" V I ) .




K N V K K S L E S W I S S A X C K S C A T H O L I Q U E S (1651! . 77


quait proniptement son ferme lion sens à ses plus beaux
rêves, et ne poursuivait jamais bien loin ceux qui ne ré-
sistaient pas à cette épreuve.


Il prit envers les puissances catholiques une attitude
de complète et froide liberté, sans préjugé ni mauvais
vouloir, mais sans empressement, se montrant disposé
à la paix, mais laissant toujours entrevoir la guerre, et
portant une fierté rude dans le soin des intérêts de son
pays ou de sa propre grandeur. It mit, enfin un terme à
la négociation depuis si longtemps en suspens avec le
roi de Portugal, ci signa, avec le comte de Sa, un traité
où l'Angleterre obtint, pour son commerce d'importants
avantages. Cromwell était d'ailleurs bien aise de faire
sentir sa force à la cour d'Espagne en vivant bien avec
un souverain qui s'était naguère affranchi do sa do-
mination el qu'elle traitait d'usurpateur. .Mais au même
moment un incident tragique lui fournil, l'occasion de
donner, aux dépens de la cour de Portugal, une satisfac-
tion éclatante à l'orgueil républicain de l'Angleterre et
à l'antipathie instinctive du peuple pour les étrangers.
En frère de l'ambassadeur portugais, don Pantaléon de
Sa,s'était brutalement engagé dans une querelle de rue,
auprès de la Nouvelle-Bourse, au milieu du quarlier le
|itas populeux de la Cité; revenu le lendemain sur ce
lieu avec une cinquantaine d'officiers et de gens de
l'ambassade, tous armés jusqu'aux dénis, ils excitèrent
un grand tumulte dans lequel un passant fut tué et plu-
sieurs autres grièvement blessés. La sédition était cho-
quante, le meurtre flagrant, l'exaspération populaire




7 8 X E I U H ' I A T I O N S T)E O R C V U W E L L


très-vive ; le rang du principal coupable aggravait l'of-
fense. Cromwell résolut (pue justice serait faite. Ni Ji->
ardentes instances de l'ambassadeur, ni les objections
tirées des privilèges diplomatiques n'ébranlèrent sa déci-
sion. DonPantaléon de Sa fut arrêté, jugé, condamné et
décapité le 10 juillet, à la Tour de Londres, en présence
d'une multitude dont ce spectacle charmait le féroce or-
gueil. Ce même jour, quelques heures avant l'exécution
de son frère, le comte de Sa signait le traité qu'il était
venu négocier, et quittait Londres pour ne pas assister
au coup qu'il n'avait pu détourner


En présence de tels succès et de tels actes, preuves
évidentes d'une force redoutable et d'une énergie in-
traitable, les deux grandes puissances catholiques riva-
les, la France et l'Espagne, s'empressaient auprès de
Cromwell avec une inquiétude jalouse, ardentes à s'as-
surer et surtout à s'enlever mutuellement son amitié.
Dès qu'il fut proclamé Protecteur, don Alonzo de Car-
defïas, dans une entrevue particulière, lui offrit l'appui
de l 'Espagne pour fonder son pouvoir, promettant que
le roi son mail ro s'engagerait à repousser les prétentions
de Charles Stuarl, et à ne poser les armes (pie lorsque
la cour de France aurait été contrainte de soutenir aussi
te gouvernement de Cromwell. En retour de cet appui,
Cardefias demandait au Prolecleur de s'allier avec l'Es-


1 Slnte-Triah, I. Y , c o l . - 4 0 1 - 5 1 8 ; — T l i u r l o e , Slate-Papcrs, t. I ,
p . (¡10, 016 ; i. I I , p . 222 , 4 2 7 , 4 2 8 , 4 2 0 , 147, 173, 5 1 7 ; — A V l m e l o c l . v ,
p . 5 6 0 , 5 U J ; — C l a r u n d u i i , llislury of the llcldlion _, 1. x i v .




AVKC L ' E S P A G N E E T L A F R A N C E (1054). 79


pagne conire la France, cl de l'ournir à Ja cour de Ma-
drid un corps de troupes de ierre et une flotte dont elle
payerait les deux tiers et la moitié aussi longtemps que
la guerre durerait Quelques mois après, Cardeîias of-
frit de plus à Cromwcll une somme considérable, jus-
qu'à six cent mille écus par an, « sans avoir à Londres
ni en Flandre, écrivait Mazarin à Bordeaux, le premier
sou à lui donner s'il les prenait au mot ; ils lui promet-
traient avec la même facilité un million, \oire deux,
pour l'engager, puisque assurément il ne leur coûtera
pas plus à tenir et à exécuter l'un que l'autre -. »


Les olfi'cs de Mazarin étaient plus positives, et il s'en-
iendail mieux à les appuyer par les habilelés détournées
d'une diplomatie vigilante. Le 21 février K»M, en en-
voyant M. de Baas à Londres, il fil écrire, par Louis XIV
au Protecteur, une lettre pleine d'expressions flatteuses
et presque amicales \ Bordeaux fut élevé au rang d'am-
bassadeur et eut ordre de le déployer avec éclat \ On
s'enquil des termes dans lesquels Croinwcll et sou Cou-
se;! désireraient que les lettres de créance fussent con-
çues; ils auraient bien voulu (pie Louis XIV appelât le
Piolecteur mon [rire, mais la complaisance niouarclii-


; T a u r i n e , $tale-Var,ers, t. I , p . 70-5, 700-700 [Documents iiistun-


eues, H " vi;.


- L e 18 a v r i l 105-1; Archives des Affaires étrangères de France.


;î Documents leistongacs, t i ( ) "VII .


• E n l é v r i e r 1051 ; Tlordi (m.r nu comte de Briennc, 2 m a r s e t


7 ivri l 1051 ; Jiaas a Mazarin. 7 et 10 a v j i i 1051 ; Arehiees des Af-


faires étrangères de France \Ducumenls h.'stonqucSf i.'J X I I




80 NÉC10C' ! A lTON'S I>1-: C K O . M W K l . I .


(]ue n'était pas encore prèle à s'étendre jusque-la ; o n
proposa le titre de mon cousin; Croinwell le repoussa,
déclarant qu'il n'en voulait mil autre que celui de M. H-
Protecteur \ Mazarin fit offrir, si le traité d'alliance
était conclu, d'abord 1,200,000, [ans -1,000,000, puis,
1,800,000 livres par an et la remise de Dunkerque a
l'Angleterre quand les troupes françaises et anglaises
réunies s'en seraient emparées \ Le séjour des princes
proscrits en France était le continuel sujet des méfiances
et des réclamations de Cromwell. Charles 11 venait d'en
sortir pour aller se fixer à Cologne *; mais la reine sa
mère et ses deux frères, les ducs d'York et de Gloceslcr,
résidaient Ion jours, soit à Saint-Germain, soil à Paris:
io duc d'York servait mémo dans l'armée française. Ma-
zarin fit entrevoir qu'on pourrait bien « faire passer ce
prince, par quoique voie civile, auprès de son frère, cl
assigner à la reine mère quelque ville du royaume, sous
l'orme d 'apanage, où elle se pourrait retirer avec le duc
de Giocesfcr, lequel, dans un âge plus avancé où ses
desseins pourraient donner quelque ombrage, serait
aussi renvoyé auprès du roi son frère. » Et à ces avances
politiques Mazarin joignait toute sorte d'attentions per-


1 Bordeaux à Brienne, 1, ô, 10 . 11 m a r s e t a v r i l 10"il ; An-ho-n


des A flaires étrangères de France lh_>< uniei'ts /.IS/,>»V;M.-.<, U" V I I , .
- Mazarin au baron de Uaas .il m u r * lli.'i V. ;—M nu uirc pour s<r ,,


d'in^iruclions an sieur de Bortlewrv ¡10 j u i l l e t 1001; : AECT>iecs ,


Araires- eirennjères de Fran.ce JJocnrniott* /f.tsO.'Oiyu-.s, il" V i l .


: 1 A u e o i n m e i i e e u i e u t d e j u i n 1001 : C ' i a r e m l u j i , llis!. oj ii>C iC-~


heSUon. i. x i v . e .




A V F . 0 l / K S P A O N K E T l . A F R A N C K (105-1». 8 1


sonnellcs : « Consultez-vous, monsieur l'ambassadeur
et vous, écrivait-il à M. de Baas, s'il serait bon que j ' en-
voyasse quelques barbes à M. le Protecteur, et diles-
nioi si ce ne serait point trop de familiarité de lui faire
quelque présent de vin, et enfin quelles autres choses
lui pourraient être plus agréables '. »


Le cardinal s'inquiétait d'autant plus de plaire au Pro-
tecteur que la cour d'Espagne n'était pas, auprès de lui,
son unique rival ; en apprenant l'établissement du Pro-
tectorat, le prince de Condé s'était hâté d'écrire à Croin-
well : « Je me réjouis infiniment de la justice qui a été
« rendue' au mérite et à la vertu de Votre Altesse. C'est
« en cela seul que l'Angleterre pouvait trouver son salut
« et son repos; et je tiens les peuples des trois royaumes
« dans le comble de leur bonheur de voir maintenant
y leurs biens et. leurs vies confiés à la conduite d'un si
« grand homme. Pour moi, je supplie Votre Altesse
is de croire que je me tiendrais fort heureux si je pou-
ce vais la servir en quelque occasion-. «Les agents du
prince, Barrière et Cugnac, ainsi que les députés de
Bordeaux, étaient, toujours à Londres, s'efforçant d'ob-
tenir, pour la Fronde, l'appui du Protecteur comme
naguère celui du Parlement 3 .


Cromvvell recevait toutes ces avances avec les mômes


( L E H a v r i l 11 )54 ; Archives des Affaires étrangères de France.
- D c C L - m b r e 1 6 5 3 ; Monuments de Brienne {Bibliothèque'impériale.


'•• T l s u r l o e , cil'iie-Paperx, t . T, p . 7 0 0 ; t . I I , p . - ¿ 5 9 , 0 8 5 ; — Bor-


I/- en •• à Brienne, 2 7 M U R E 1 0 5 1 (Archive» des Affaire» étrangères de
Prune:. ,




82 N E G O C I A T I O N S D E C R O . U W K L L


apparences Je bon vouloir : non qu'il les vît toutes du
même œil, et qu'entre des alliés si divers il flottai indif-
férent ou incertain ; au contraire du Long Parlement,
il penchait bien [dus vers la France que vers l'Espagne ;
avec une sagacité supérieure, il avait compris que l'Es-
pagne était désormais une puissance apathique et peu
efficace, e t , malgré ses démonstrations favorables,
plus hostile que toute autre à l'Angleterre protestante,
car elle é ta i t , plus exclusivement que toute autre ,
adonnée aux maximes et aux influences de l'Église
romaine. Et en même temps qu'il y avait peu à attendre
de l'Espagne, elle offrait, à l'ambition maritime de l'An-
gleterre, par ses vastes possessions dans le nouveau
monde, de riches et faciles proies. De la France, au
contraire, Cromwell avait beaucoup à craindre, car elle
tenait dans ses mains les Stuart, et un utile concours à.
espérer, car elle était gouvernée par une politique libre
et active, capable do penser et d'entreprendre hardi-
ment. Mais la plupart des compagnons de Cromwell,
Lambert entre autres, n'avaient pas, sur l'état des faits
et. sur les intérêts de leur patrie au dehors, des notions
aussi justes ; asservis à la routine des idées et des pas-
sions populaires, ils détestaient surtout la France, et
•souhaitaient la guerre contre elle, pour l 'honneur,
disaient-ils, comme pour la sûreté de leur République.
Cromwell, toujours plein de ménagement, pour les dis-
positions des hommes dont il avait à se servir, essayait
de les redresser à cet égard ; tantôt dans des entrevues
particulières, tantôt dans des réunions chez son (ils




AVKC 1 , ' J W A O N E KT J .A F R A N C E (1051). H3


Henri, scs inliincs aflidés Iravaillaienl a faire compren-
dre, à Lambert et aux officiers prévenus, les dangers
d'une rupture définitive avec la France cl, les avantages
(|iie son alliance pouvait offrir. L'ainI>assadeurd'Espagne
avait quelquefois veut de ce Iravail.indice des sentiments
cachés de Cromvvell, «et il faisait alors, dit Bordeaux,
de grandes imprécations contre ce régime, soubaifant
que le roi son maître et le roi de France se délivrassent,
par un accommodement, de toutes les bassesses que la
jalousie les obligeait, l 'un et l 'autre, de faire à M. te
Protecteur pour l'attirer dans leurs intérêts. » Mais
Oomweîî, qui n'était point pressé d'éclater, dissipait
aisément l 'humeur de Cárdenas et de Bordeaux en leur
faisant entrevoir tour à tour l'espoir de ses préférences.
Il répondit à. leurs propositions eu leur déclarant les
siennes. A l'Espagne, outre la somme de cinquante
mille éeus par mois que Cárdenas lui avait offerts, il
demanda Ja libre navigation dans les Indes occidentales
et l'assurance que les négociants anglais pourraient pra-
tiquer librement leur religion en Espagne, à l'abri de
toute poursuite de l'Inquisition et en se servant de la
Bible anglaise et autres livres religieux selon leur foi.
De la France, il voulait obtenir, d'abord quatre millions,
puis deux millions au moins de livres par an, la remise
d'une grande place maritime, de Brest par exemple, en
attendant que Dunkerque l û t pris, l'expulsion desStuarf.
et d'un certain nombre de ro\alistes dont il donnait l e s
noms, enfin des engagements pour la libertó de con-
science et la sécurité des protestants trancáis. Cárdenas




8 1 .CROMwï: r , r , si: n r cnu ; A F A I K I - :


et Bordeaux se récrièrent, chacun à son tour, à la vu.:
de telles prélenlions : « Demander rall'ranchissement de
l'Inquisition et la libre navigation dans les Indes occi-
dentales, dit Cardeiïas, c'est demander les deux yeux de
mon maître; rien ne peut être l'ait à cet égard que selon
la pratique des anciens temps.»—« Des demandes si exor-
bitantes, répondit de son côté Bordeaux, ne se peuvent
considérer que comme un prétexte dont M. le Protecteur
veut se servir pour se dégager de la parole qu'il avait
ci-devant donnée de s'accommoder avec la France. >•
Les deux négociations continuèrent avec des oscillations
diverses; tantôt Cromxvell atténuait ses prétentions,
tantôt des concessions plus étendues lui étaient offertes :
on en vint, surtout du côté de la France, à des projets
de traité minutieusement rédigés et débattus; mais ni
avec l 'une, ni avec l 'autre des deux puissances, rien ne
fut conclu; Cromxvell les tenait l 'une et l'autre en sus-
pens, et devenait de plus en plus l'objet de leurs jaloux
empressements ' .


Ainsi recherché, au dehors, par tous les Etals , et
vainqueur, au dedans, de tous les partis, en présence de
l'ordre civil raffermi et de la paix rétablie par son pou-


i T k u r l o e , State-Papers, t . T, p . 7 0 5 , 7 0 0 - 7 0 1 ; — C o r r e s p e n d a n e c


de Bordeaux avec Brienne et Serrien g j u i l l e t , 5 , 0, 10, 2 1 , î l o t ,


M~ a o û t 1 0 5 1 ; , Archives des Affaires étrangères de Fronce; — C.e.recs-


pondonce deÇordenaset de Varrhidac Léopcid arec P/.i')>/><• JV, et


Délibérations duco.tseil d'I'Aal d'Espagne (fi. 10 ci 21 u n i r - , 12 i\\r;l


e t 20 a o û t 1 0 5 1 ) . Archices de Simancas.— {Documents hM»ri^Ht\.


a- V I I I . )




.F . I IRK f.\ P A K T . F . M K N T . K,


voir, il se crut on mesure (i'iilîii itiU 'r sans péril l'épreuve
que lui imposai! l'article VU" «le l'Acte constitutionnel
du Préfectoral; et il ordonna pour le septembre lOèi,
jour anniversaire de ses victoires de Dunbar et de Wor-
cesfer, la réunion d'un parlement librement élu.


C'était la première l'ois, depuis quatorze ans, que
l'Anglelerre avait un parlement à élire, et le système
électoral était lui -même nouveau; l'Acte constitu-
lionuei l'avait emprunté presque en entier au [dan
(pu: Varie était sur le point défaire voler par le Long
Parlenienl le jour même où Cromwell l'avait chassé.
Quatre cent soi.vaulo députés, quatre cenls pour l 'An-
glelerre et le pays de Galles, élus deux cent cin-
quante et un par les comtés, cent quarante-neuf par les
\ illes et bourgs ; [dus trente pour l'Ecosse et trente pour
l'Irlande; tous tes eiloyens possesseurs d'une fortune,
réelle ou personnelle, de 200 liv. st. (5000 fr.), investis
du droit de suffrage; nulle condition d'éligibilité, si ce
n'est d'être homme d'une intégrité reconnue, craignant
Dieu, do lionnes mœurs et âgé de vingt-un ans ; qui-
conque avait pris parti contre le Parlement depuis le


janvier lo i ) et tout catholique exclus du droit d'é-
lire et d'être élus : tel était le système. Trois partis se
disputèrent vivemenl les élections : les partisans du
Protecteur, les républicains, et les presbytériens qui
avaient fait la guerre au roi, mais qui regrettaient la
monarchie. Tous les hommes importants du gouverne-
ment do Cronivvell, à l'exception de lord' Lisle, furenl
élus; parmi les républicains éprouvés, Vano, Ludlow,




CTIOVIWT'I .L n c v i i i - :


Sidney, Hutchinson, ou no réussironl pas, ou no se
mirent pas sur les r angs ; mais Bradshaw, Haslorig.
Scoll et plusieurs autres, aussi termes quoique moins
connus, l'emportèrent sur les candidats du Protecteur.
Les presbytériens furent nombreux; ils arrivaient, non
en opposants décidés, mais indépendants et peu bienveil-
lants. Une même condition était imposée à tous, et par
l'article XII de l'Acte constitutionnel du Protectorat,, et
par le procès-verbal môme de leur élection : « Les élus
n'auront pas le pouvoir de changer le gouvernement tel
qu'il est maintenant établi, dans une seule personne et
un parlement »


Lès la première réunion, sur une invitation de
Lambert qui, au sortir du sermon, engagea les membres
présents à se rendre dans la Chambre peinte où le
Protecteur les attendait, quelques symptômes d'humeur
apparurent; quelques m en dires crièrent : «Ne bouge/
« pas. » C'était un dimanche; on ne pouvait rien faire
ce jour-là. Cromwell n'entendait nullement manquer
à ce devoir; il se borna à recevoir le Parlement et à
prier les membres de se réunir le lendemain dans la
même salle, où il leur ferait des communications qu'il
jugeait nécessaires pour le bien de la République-,


i Par]. I-Iist., t . X X , p . 250-250, ¿0l-2l . i l • .—Cai ' lyle , Cn.tmrW*


Ltllm and Sfeechc*, t . I l , p . 251 ; _ ( ; o ù \ w : , Ilid.. <• ( !hr (:.jm m on-


ircaUiK t . I V , p . 100-112 ; — K o r < l - T , Xlulennen »flhvV<nnwonvuiith,


t. I I I , p . 158-102 ; : . I V . p . 2 0 2 - 2 0 1 .


* . ' n i ; . W * u; ibe Ile.n.c ,•••;•..<•..»*, (. VIT, p . Oi:5 ; — 'i„ddrrd\


IKIVJ (•/' thé Parlan.uni fur i O j J , dvtm 0: Un, (,.,,'* HUnj, t. 1, !,<••




L E P A R L E M E N T (3 S E P T E M B R E 1654) . 87


«Messieurs,» leur dit-il Je lendemain, «vous vous
« réunissez ici dans la plus grave circonstance, je crois,
« que l'Angleterre ait jamais v u e ; vous êtes chargés
« des intérêts de trois grandes nations; bien plus, je
« puis le dire sans hyperbole, vous êtes chargés des
« intérêts de tous les chrétiens du monde Vous avez
« à guérir et à fonder. » 11 écarta les souvenirs du passé
qui , au lieu de guér i r , dit-il, pouvaient rouvrir des
blessures; mais il s'arrêta à peindre la situation du pa\s
cpiand le gouvernement duProtectorat avait, commencé :
« Dans l'ordre civil, où en étaient nos affaires? Un no-
« ble, un gentleman, un fermier laboureur, c'est là le
« bon état de la nation, l'état qui a fait le renom de
« l'Angleterre depuis des siècles : cet état n'élait-il pas
« foulé aux pieds avec colère et mépris par les Nive-
« leurs? Consciencieusement ou non, lesNiveleurs vou-
« laienl mettre tous tes rangs, fontes les propriétés,
« ioules les fortunes sur un pied d'égalité, rendre le
« locataire aussi riche que le propriétaire. Quand ils y
« auraient réussi, cela n'aurait pas duré longtemps;
« après avoir fait leurs affaires, ces mêmes hommes au-
« raient célébré et défendu, à leur tour, la propriété cl.
« la fortune; mais, en attendant, le mal de leur prin-
••( cipe pouvait s'étendre beaucoup, car ce sont là des
« paroles agréables à tous les pauvres et bien venues de


« fous les mauvais sujets Et dans l'ordre spirituel,
« notre condition (dait encore plus déplorable. » 11 fit le
tableau du déchaînement de fontes les rêveries qui, sous
prèle vie de religion, aboutissaient à la licence, aublas-




88 D I S C O U R S U K O U ' C M W E I . L


phèmc ou à lu folio : «La grâce de Dieu est tournée en
« libertinage; Christ et l'esprit do Dieu sont devenus un
« manteau pour toute sorte de vilenies et de coneep-
« tions dépravées Et le magistrat n'a rien a voir
« dans tout cela; il n'a a. s'occuper que de l'homme ev-
.« lérieur : l 'homme intérieur ne le regarde pas Et
« c'est au nom de la liberté de conscience qu'on l'orme
« ces prétentions! La liberté de conscience et la liberté
« civile, deux biens aussi glorieux à défendre qu'aucun
« de ceux que Dieu nous a donnés, prostituées à pu-
« Donner de tefles infamies!... C'est pourtant là tout ce
« qui était au milieu de nous Renverser, renverser,
« renverser, c'est tout ce qu'il y avait dans les esprits
« et les cœurs des hommes.. . . Et pour ajouter à nos
« misères, nous avions la guerre au dehors, la guerre
« avec les Portugais, la guerre avec la Hollande, la
« guerre avec la France; de cruelles souffrances
« pour le commerce de la nation, et des charges que
« la bourse de la nation n'aurait pu supporter long-
« temps Il fallait succomber à tous ces maux ou
« bien y appliquer un remède. Un remède a été appli-
« que : c'est le. gouvernement actuel. Je dirai peu de
« chose à ce sujet; le fait est clair et visible pour tous;
« qu'il parle pour lui-même Pourtant il me sera
« permis, j 'espère, humblement devant Dieu et modes-
te tement devant vous, de dire quelque chose en faveur
« du gouvernement. Je ne veux que vous mettre un
« peu au courant de ce qu'il a déjà fait et du poinl où
« en sont aujourd'hui nos affaires Le gouvernement




AI! P A R L E M E N T i l S E P T E M B R E 1054) . 89


<. a travaillé à réformer les lois..,. Plusieurs bills sont
« préparés qui vous se roui bionlôl. soumis La Cour
« de clia.'icellerie a clé réformée.... Le Parlement s'est
« efforcé d'arrèlercelle téméraire manie (me le premier
« venu se fit lui-même ministre et prédicateur de la
« foi; il a établi une méthode pour reconnaître et con-
« sacrer les hommes pieux et capables d'une telle œu-
« vi'e 11 a aussi pris des mesures pour expulser ceux
« qui en sont incapables et qui font le scandale et le
« déshonneur de celle fonction. Le gouvernement a
vc l'ait autre chose encore : il a été l'instrument de la
« convocation d'un parlement libre; je dis d'un parle-
« nient libre.... j'oublie peut-être, mais j 'a i dans le
« cœur de vous dire, et je désire qu'il soit bien entendu
« que, si quelque bien a été l'ait, c'est le Seigneur qui l'a


« l'ait, et non pas nous, ses pauvres instruments le
« vous ai parlé des guerres qui épuisaient votre trésor;
« maintenant vous avez la paix avec la Suède.... la paix
« avec les Danois,.... la paix avec la Hollande. Je paiie-
« rai peu de celte dernière paix, voxanl que les bienfaits
« eu sont si bien conquis Rien ne plaisait tant à nos
M ennemis que de nous voir en querelle avec celle ré-
ce publique... Aulauf la paix avec les Etals protestants
« nous apporte do sécurité, aulaul elle vaut de force et
« d'honneur à l 'intérêt protestant dans le monde. Je
« souhaite que vous ayez toujours à cœur de bien sou-
« tenir cet intérêt.... Nous avons aussi la paix avec la
« cour de Portugal; nos marchands qui font là le coni-
.' nierce y auront Ja liberté de conscience., la liberté




90 M A X I M E S E T P K K T K X T T O X S


« d'adorer Dieu dans leurs propres chapelles. La paix
« est désirable avec tous le? peuples, eu faut qu'elle
« peu! cire obtenue avec conscience e! honneur. A'ous
« son unes en négociation avec la France.... J'ose dire
« qu'il n'y a point de nation en Europe qui no désire
« vivre en bonne intelligence avec nous.... Vraiment
« Dieu nous a traités avec bonté, et j 'ai cru de mon de-
« voir de vous le faire connaître. Ce ne sont encore que
« (les perspectives, des portes d'espérance ; avec la bé-
« nédiction de Dieu, vous pouvez entrer dans le repos
« et la paix; mais vous n'y êtes pas encore entrés.... Je
« vous dis ces choses, non en homme qui prétend
« s'arroger l'empire sur vous, mais en homme décidé à
« servir fidèlement, de concert avec vous et dans ses
a grandes affaires, le peuple, de ces trois nations. Je ne
« vous retiendrai pas plus longtemps; je vous prie de
« vous retirer dans votre chambre, d'exercer votre li-
ce berté dans le choix d'un orateur, cl de ne pas perdre
« de lemps pour vos travaux '. »


Il semble que ces paroles pleines de sens auraient dû
frapper les hommes engagés, comme Cromvvell lui-
même , contre l'ancienne monarchie et intéressés à
affermir le gouvernement de la révolution ; mais, quand
les partis sont à un certain point séparés et passionnés,
ils ne se comprennent et ne s'écoulent même plus;
chacun sait sa propre idée et marche à son but particu-


t C a r l y l c , CromiccU's teUen and Specches, l. i l , p . ¿53-275 .—


Parham. Uust.,, i. X X , p . 31b -330 .




H O S T I L E S D U P A R L E M E N T . 91


lier, sans prêter aucune attention aux vérités qui lui
déplaisent; bien moins encore, quand elles lui viennent
d'une bouche suspecte. Après le discours du Protecteur,
les républicains en rentrant dans leur salle reprirent
toutes les maximes, toutes les prétentions du Long Par-
lement que naguère il en avait chassé. Ils ne se conten-
tèrent ni d'exercer les pouvoirs très-étendus que l'Acte ,
constituHonnelleur attribuait, ni de remettre en vigueur
ies privilèges légaux et nécessaires de la Chambre,
entre autres l'entière liberté de la discussion et de la
parole; trois jours après leur installation, ils décidèrent
après un vil' débat, à cent quarante et une voix contre
cent trente-six, qu'ils examineraient, le lendemain, la
question de savoir si la Chambre approuvait que le
gouvernement résidât dans une seule personne et un
Parlement 1 .


C'était bien plus (pie la réclamation d'une ambition
rivale; c'était la prétention systématique de n'admettre
comme légitime aucun gouvernement, aucun pouvoir
qui n'émanât du Parlement, comme la créature de son
créateur; c'était la souveraineté primordiale, unique
cl absolue, en principe, du peuple, en l'ait, du Parle-
ment, son représentant.


Cromvvell n'était point un philosophe; il n'agissait
point d'après des vues systématiques et préméditées;
mais il portait dans le gouvernement les instincts su-


1 L e G s e p t e m b r e 1 0 5 1 : Journal* vf (ht lluusc of commons, i. V I I ,


p . 305-307,




M SL 'C 'OND J U S C O U R N |>K C K O M W J E J . L


périeurs et le lion sens pratique de ITiotrime marqué de
ta main de Dieu pour gouverner. Il avait vu à 1 épreuve
cet arrogant dessein de créer, par la seule volonté po-
pulaire ou parlementaire, le gouvernement tout entier;
il avait lui-même audacieusement poussé a l'œuvre
de destruction qui devait précéder ta création nouvelle;
et an milieu des ruines faites de ses mains, il avait
reconnu la vanité de ces téméraires espérances; il avait
compris que nul gouvernement humain n'est et ne peut
être l'ouvrage de la seule volonté des hommes; il avait
entrevu dans ce grand travail la main de Dieu, l'action
du temps et de toutes les causes é! rangères à la délibéra-
tion humaine. Entré, pour ainsi dire, dans le conseil de
ces puissances supérieures, il se regardait, par le droit de
son génie et de ses succès, comme leur représentant et
leur ministre. 11 résolut de ne pas souffrir qu'on remît
en question ce qu'elles avaient fait et ce qu'il avait fait
lui-même pour fonder, à la place de la monarchie ren-
versée, le gouvernement nouveau auquel il présidait.


Le Parlement discutait depuis quatre jours la question
de savoir s'il donnerait à ce gouvernement son appro-
bation. Le 12 septembre 1054, au matin, les membres
se rendaient à la Chambre pour continuer ce débat : ils
rencontrèrent partout sur leurs pas le bruit (pie le Par-
lement était dissous, que le conseil d'Etat et le Conseil
de guerre, siégeant ensemble, avaient décidé celle dis-
solution. En arrivant à Westminster, ils trouvèrent les
portes du Parlement fermées et gardées par des soldats;
quelques-uns essayèrent de mouler l'escalier : «On ne




A r l ' A H I . I v M E N I (12 S E P T E M B R E 11)51'. H-l


« passe pas, » leur dirent les gardes; « la Chambre est
« fermée; il y a ordre de ne laisser entrer personne; si
« vous êtes un des membres, allez à la Chambre peinte :
« le Protecteur y sera bien lot. » La grande salie de
Westminster, la Cour des requêtes et la Chambre peirile
étaient pleines do membres se promenant en tous sens,
s'inlerrogeant avec anxiété et attendant le Protecteur.
Vers dix heures, Cromwell arriva, entouré de ses offi-
ciers, de ses gardes, et prenant place sur l'estrade qu'il
avait occupée huit jours auparavant pour ouvrir ce Par-
lement : « Messieurs, » leur dit-il, « je vous ai vus
« naguère ici, dans une circonstance qui me donnait
••( plus de contentement et d'espérance que je n'en ai
« aujourd'hui Je vous ai fait connaître alors la pro-
ie mière origine de ce gouvernement qui vous a appelés
« ici et par l'autorilé duquel vous y èles venus. Je vous
« ai dit, entre autres choses, que vous étiez un parle-
« ment libre, et en effet vous l'êtes, pourvu que vous
a reconnaissiez ce gouvernement qui vous a appelés.
» Certainement ces mots : parlement libre, impliquaient


« un lien mutuel, une réciprocité entre vous et moi
« Je ne nie suis point appelé moi-même à la place que
« j 'occupe;. . . . j 'étais, de naissance, un gentleman, ne
« vivant ni dans un rang élevé, ni pourtant dans l'ob-
« scurifé. J'ai été appelé à divers emplois pour Je service
« de la nation, dans te Parlement et ailleurs Après
« avoir travaillé de concert avec mes frères et mes coin-
ce palriolcs, quand j 'ai vu la guerre contre l'ennemi
« commun heureusement terminée, j 'ai espéré que je




lit SECOXn D I S C O U R S ; D E ( ^ O M V v E T . E


« pourrais jouir, comme simple citoyen, du fruil de nos
« fatigues cl île nos périls Je voulais renlrcr dans la
« vie privée ; je demandai et redemandai d'èlredéchargé
« de mon commandement. Que Dieu soit juge entre moi
« et les hommes si je mens! Il y a bien des gens qui
« savent que je ne mens pas. » Il retraça sur ce ton
tout son passé, sa lutte avec le Long Parlement, les
ouvertures qu'il en avait reçues, la nécessité où il s'était
trouvé de le dissoudre : « A raison de la vie que j'avais
« menée, et qui m'avait jeté çà et là, partout, dans les
« rangs de la nation, je connaissais mieux que d'autres
« les sentiments de tous, et des meilleurs entre tous, et
« je savais que la nation était dégoûtée de ce Parlement,
« si arbitraire dans son pouvoir qu'une multitude de
« pauvres gens, comme des troupeaux de moulons,
« souvent quarante en un jour, voyaient confisquer
« leurs biens sans que personne pût donner une raison
« pour qu'ils eussent mérité de perdre un sehelling. »
Passant de là à la convocation du Parlement Barebone :
« J'en ai déjà appelé à Dieu devant vous, » dit-il ; « c'est
« une chose délicate de faire ainsi appel à Dieu; j ' es -
« père pourtant que, dans des circonstances comme.
« celle-ci, il ne s'en offensera pas : mon principal bld..
« à moi, était de déposer le pouvoir placé dans mes


« mains J'avais un pouvoir illimité, car j'élais, par
a acte du Parlement, général en chef de toutes tes forces
« de ces trois nations Je ne désirais pas garder un
« sent jour ce pouvoir illimité Je vous le répète, en
« présence de ce Dieu qui m'a béni et qui a éié avec




AU P A K L E A ΠN T ( | 0 S E P T E M B R E 1054). 9 5


<( moi, dans mes adversités comme dans mes succès,
« c'était la mon grand but Quelle a été l'issue de
« cette assemblée? c'est un triste souvenir, et plein
« d'enseignements qui, j ' espère , nous rendront plus
« sages désormais. Quand ils vinrent me trouver et
« résigner leur pouvoir entre mes mains, je ne savais
« pas un mot de leur projet; je puis le dire ici en pré-
ce sence de plusieurs personnes qui sont ici et qui savent


« si je mens Mon pouvoir, après cette abdication,
« redevint aussi illimité qu'auparavant Toute admi-
« nistration civile était dissoute J'avais sous mon
« commandement les armées de trois nations, et vrai-


ce mentj'étais assez aimé d'elles, et assez aimé du peuple,
« du bon peuple Les personnes qui entreprirent
« alors d'organiser le gouvernement actuel se réunirent
« entre elles; je n'étais pour rien dans leurs conseils :
« elles le savent. Elles vinrent me dire que, si je ne me
« chargeais pas du gouvernement, toutes choses retom-
<• lieraient dans la confusion et dans le sang, ,1e refusai;
« je refusai plusieurs fois; elles le savent et Dieu le
« sait Elles me pressèrent; elles me dirent que je
•'. ne recevais par là rien qui m'élevât plus haut que je


n'étais; qu'au contraire, le nouveau gouvernement
" limitait mon pouvoir, puisqu'il m'obligeait à ne rien
« faire sans le consentement d'abord du Conseil, puis
« du Parlement Enfin, sur leurs instances, sur les
:< instances de beaucoup de gens d'honneur, j'acceptai
« la l'onction cl le litre de Protecteur Vous le voyez,
•< comme je vous l'ai dit, je ne me suis point porté moi-




!MÏ S K C O X D K I S C O V H S iiK e f K O M W R J . L


« même à celle sil nation. Ceci n'a pas été lait dans ni i
« coin; toi11 a éié ouvert et publie ,1 "ai une nuée de
« témoins; j 'ai des témoins au dedans, au dehors, au-
« dessus de nous J'ai eu l'adhésion des officiers de
« l'armée des trois nations. El avec l'adhésion expresse
« des officiers, j 'ai eu l'adhésion implicite d'un corps-
ce qui a bien eu quelque chose à faire, en ce monde.
« pour le service de Dieu et de son peuple, l'adhésion
« du corps des soldais Il n'y a pas beaucoup d'his-
« foires qui offrent un pareil exemple; tout gouverne-
« ment était dissous ; plus rien que l'épéc pour tenir les
« choses en ordre : eh bien ! nos soldais eux-mêmes
« désiraient qu'on mit fin à cet arbitraire, et que le
« pouvoir, lié et. limilé connue il l'est dans l'Acte con-
« stilulionnel, tût placé; dans les mains d'un homme'
« qui était celui dont ils se méfiaient le moins et qu'il?
« aimaient le mieux. J'ai eu aussi l'adhésion manifeste.
« expresse, de la grande Cilé de Londres, et celle île
« beaucoup de cités, de bourgs et de comtés, au nom
« de leurs nobles, de leurs gentlemen, de leurs labou-
« reurs, qui m'ont remercié de me charger d'un tel
« fardeau dans un tel moment; . . . . et l'adhésion des
« juges qui ont voulu, pour rendre en conscience; la
« justice, recevoir de moi de nouvelles commissions;....
« et l'adhésion de tous les shérilfs d'Angleterre qui ont
« exécuté mes ordres, et celle de tons les habitants qui


« sont venus , sur ces ordres, pour vous élire Et
« vous-mêmes, je vous le demande, ne rendez-vous
« pas témoignage pour moi? n'avez-vous pas éié élus.




Ali P A R L E M E N T ÇIÎ s R P T « s r a i w ] « 5 4 ) . FFI


« n'èlcs-vous pas venus ici en \ e r lude mes ordres, aux-
« quels tout le peuple avait obéi?L'Acte constitutionnel
« de ce gouvernement n'a-l-il |>as éié lu au peuple dans
« les lieux d'élection, pouréviler les surprises par fraude
« ou ignorance?.... N'a-l-on pas signé le procès-verbal
« porlant que « les élus n'auront pas le pouvoir de eban-
« ger le gouvernement Ici qu'il est maintenant établi,
« dans une personne et un Parlement?.. . .» Quand donc
« je vous ai dit que vous étiez un parlement libre, je
« pensais qu'il était bien entendu que j 'étais, moi, le
« Prolecleur, l'autorité qui vous avait appelés, investi
« du gouvernement en vertu d'un bon droit venu de
« Dieu et des hommes Est-ce que ce caractère n ë -
:T quivaut pas à un titre héréditaire, souvent conteslable
« et contesté, objet de doutes pour la science et source
« de disputes selon la loi? Pour moi, je ne vois pas
« pourquoi je ne metlrais pas ce sceau do la providence
« de Dieu eu balance avec un titre héréditaire quel-
« conque Et pour vous, ne pas le reconnaître, vous
« servir de l'autorité parlementaire pour le méconnaître,
« siéger ici et ne pas accepter l'autorité par laquelle
« vous siégez, c'est là ce qui étonne le public encore
« [ilus que moi, ce qui désappointe et trouble la nation
« au delà de tout ce qu'aurait pu inventer notre plus
« grand ennemi Sachez-le bien; il y a, dans l'éta-
« Plissement actuel, des choses qui sont fondamentales,
a comme il y en a qui sont variables et de eircon-
« siance Dans tout gouvernement, il doit y avoir
y quelque chose de fondamental, quelque chose comme




il8 S E C O N D D I S C O U R S D E C R O M W E 1 . 0


« une Grande Charte qui soit stable et inaltérable
« Le gouvernement par une seule personne et un par-
ce lement, cela est fondamental epic les parlements
« ne se rendent pas perpétuels, cela est fondamental;....
« la liberté de conscience en l'ait de religion, est-ce que
« cela n'est pas fondamental? La liberté de conscience
ce est un droit naturel; qui veu I l'avoir doit la donner
ce II y a des choses variables et de circonstance : faut-il
ce 200,000 livres sterling pour payer les juges et les au-
ee très officiers civils '? Avons-nous besoin de 20,000 born-
ée mes de pied et de 10,000 chevaux, ou bien 5000 ehc-
ce vaux et 10,000 hommes de pied peuvent-ils suffire?
« Ce sont là des eptesfions de circonstance à débattre
« entre vous et moi Je me laisserais rouler dans
e< mon tombeau et ensevelir honteusement plutôt que
te de consentir à laisser détruire ce qu'il y a de lbuda-
ee mental dans ce gouvernement Je regrette d'avoir
<e été obligé devons appeler ici pour vous reprocher de
« telles choses, et d'une telle façon; mais la nécessité
ce n 'a pas de loi : alléguer des nécessités feintes, itnagi-
ee naires, et s'en faire un prétexte pour violer les règles
« établies, c'est la plus grande fourberie que les homme-;
ce puissent commettre envers la providence de Dieu;
ce mais il est aussi contraire à la grâce de Dieu, aussi
e< coupable, aussi stupide de nier des nécessités réelles
ce et manifestes que d'inventer de fausses nécessités..,.,
ce J'avais pensé d'abord qu'il n'y aurait rien de déslto-
ce norant, rien de contraire à la liberté du Parlement,
<e de demander à un parlement élu comme vous l'ave/.




AU P A R U R E N T (13 s j i P T i - M R i ï E 1654). 99


« élu, cl avant votre entrée dans la Chambre, quelque
« reconnaissance île 1 "autorité qui vous a appelés ici,
« conformément à cet Acte constitutionnel en vertu
a duquel vous avez été élus. On m'en a détourné, et
« cela n'a pas été l'ait ; personne, surtout aucun de ceux
'i qui vous ont envoyés ici, ne pouvait croire que vous
d viendriez avec des dispositions contraires Ce dont
« je me suis abslcn 11 d'abord, vous me forcez à l'exiger..,.
ci J'ai ordonné qu'on mit obstacle à votre entrée dans la
ii chambre! du Parlement. Je suis désolé, désolé, je pour-
« rais dire désolé à mort qu'il y ait motif d'agir ainsi;
il mais il y a motif Voici donc un papier qui con-
c tient l 'engagement de ne rien changer à la substance
• et aux fondements du gouvernement maintenant éla-
<• bli : en le signant, vous entrerez dans la Chambre,
, pour y faire, en qualité de parlement, les choses utiles
i pour le bien du peuple. Le vestibule, à la porte du
«. Parlement, est le lieu où pourront- venir et signer
v lotis ceux que Dieu y disposera »


Tant de hardiesse à déployer son pouvoir et à se servir
pète-mélo, en le déployant, de la force et du droit, de la
vérité et du mensonge, frappait les esprits de stupeur,
indignés, mais impuissants, les chefs républicains,
lîratlshaw, Scott, Ilaslerig, se refusèrent a tou t engage-


< Tlurton , P'mry, etc., t . T, Introduction, p. X X X I I - X X X Y I ; —
C - n - h i c , Cronurcll'sLcitcrs ond Spcechcs, t . I I , p . 277-806 ; —Par-
m/.,- . J / M . , i . -XX, p . 3 1 8 - 3 7 1 ; — L m l l o w , Mémoires, t . I I , p . 260-
263 ;—Journal* vf the llouae of conimonn, t . V I I , p . 367»




1(J0 L E P A K L E M E N T S E S O U M E T .


mont ot sortirent du Parlement; à l 'honneur du parti,
environ centcinquantc membres sui\ iront leurexcmple.
M,ris le gros de l'Assemblée approuva ou se résigna ; dès
le premier jour, cent quarante membres signèrent l'en-
gagement demandé; avant la lin du mois, pins de trois
cents l'avaient souscrit, et le Parlement poursuivait ses
travaux. Cromvvell ne témoigna, contre les membres
qui se retirèrent, aucune humeur : « Je les aime bien
« mieux dehors que dedans,» dit-il; «un seul dedans
« ferait plus de mal que dix dehors. » Ceux qui restaient
crurent cependant devoir, aux principes de l'ordre légal
et à leur propre honneur, quelque explication et quel-
que réserve; le ii septembre, sur le rapport de White-
lockc, le Parlement déclara que rengagement de ne rien
changer ne s'appliquait point aux quarante-deux articles
de l'Acte constitutionnel du Protectorat, mais unique-
ment à l'article 1 e r , qui établissait le gouvernement de la
République par une seule personne et des parlements
successifs. Quatre jours après 1 , pour donner à sa docilité
un air d'indépendance, la Chambre prit à son propre-
compte fa mesure même que Cromvvell venait do lui
faire subir; elle ordonna elle-même que «nul ne serait
« admis à siéger'dans son sein s'il n'avait souscrit l 'en-
« gagenient d 'être fidèle au Protecteur, et de ne jamais
« proposer ni consentir aucun changement dans le
« gouvernement de la République par une seule por-
te sonne et un parlement. » Honteux artilice d'une


1 L e 18 s e p t e m b r e 11354.




C R O M W K I X TOMJîK l)K V O I T t î K K ,i!> M-.iMF.MiRi-: 165Jî. 101
Assemblée nuililée qui s'attribuait faussement un acte
de violence, pour couvrir par ce mensonge son humi-
liaiion1.


Un accident bizarre faillit renverser brusquement cet
édifice précaire si laborieusemenl soulenu par un bras
si fort. Le 20 septembre, Cromwell s'était donné le diver-
tissement de dîner en plein air, dans llyde-Park, avec
Ttiurloe et quelques personnes de sa maison; sa voilure
était attelée de six chevaux dont le duc d'Oldenbourg lui
avait naguère l'ail présent; l'envie lui prit de les con-
duire lui-même, «ne doutant pas, » dit Ludlovv, «qu'ils
« ne fassent d'aussi bonne composition que tes Irois
« nations qu'il avait soumises au frein. » Thurloe ne put
se dispenser de monter dans la voiture que menait le
l'rotecleur. La tentative réussit bien d'abord; mais
Cromwell ayant l'ail, dit-on, trop d'usage du fouel, les
chevaux s'emportèrent, le postillon fut jeté à bas de celui
qu'il montai!, Cromwell perdit les rênes et tomba du
siège sur le limon et du timon à (erre ; son pied s'em-
barrassa dans les harnais; traîné un moment, if parvint
heureusement à se dégager et la voiture passa au-dessus
de lui sans le toucher; mais, pendant la chute, un
pistolet qu'il portail dans sa poche partit tout à coup,
révélant ainsi, au milieu du danger accidentel qu'il
courait, ses précautions cachées contre les dangers per -


1 Journal* of Ois II'on.se. of corn ni ans, i. V I I , p . 3 0 8 ; — P a r i . Ilist


t. X X , p . 3 7 0 - 3 7 1 ; — T l i m - l o u , Stale-l'ajiers, 1- i l , p . 7 1 3 ; — W i i i i e -


ïovk i - , p . 005 ,




102 L E P A R L E M E N T S E P R O m i . E E


manents dont il était assiégé:. Ile-levé à. l'instant, ainsi
([iicThurloe qui s'était démis la cheville en sautant, de la.
voiture, il fut transporté à \.Yhilehall, saigné et continu
lires de trois semaines dans sa. chambre, recevant peu
de personnes et s'occupanl peu des affaires. Les journaux
du gouvernement gardèrent le silence; les opposants
parlèrent du danger que le Protecteur avait couru, sans
en dire la cause ; les poètes de cour célébrèrent sa mira-
culeuse délivrance; tant qu'il tut renfermé, ses ennemis
disaient, qu'il était très-mal, ses amis qu'il se portait
bien; en fait, l'accident fut plus dangereux que grave,
et les termes dans lesquels les ministres étrangers en
rendirent compte à leurs cours indiquent que le public
no fut ni sérieusement ni longtemps alarmé 1 .


L'inaction, réelle ou apparente, de Cromwell se pro-
longea fort au delà de son indisposition ; (tendant plu , ;


de trois mois, il resta presque complètement immobile
et silencieux, comme s'il n'eût eu qu'a observer et à
attendre. Le Parlement discutait l'Acte conslitulionnel
du Protectorat.


Les chefs de l'opposition républicaine et le gros de
eur parti n'étaient plus là ; mais leur imprévoyance


présomptueuse et obstinée y restait. Appelée pour fonder
• un gouvernement, la Lhambre ne s'inquiéta que de dé-
battre une constitution; pendaul plus de trois mois, elle


i T h u r l o e , SMe-Vopers, t . I I , p . 0 ' . 2 , 05:'!, 050 ;— L u O l o w , Mé-
moires, i . I I , p . 270 ;—Eat<:^ . K/.'..W.»iç MOT,»,>it )>«;" >'o.•'«),", :>;: r i . ' I ,
p . 050 ; — O o d ' . v i n , tlist. of theCoinniov.IRRN!lii I. ( V , ... 1 0 0 . - - 1>:-
rmnmis hishri'iuts, u« I X . )




A V E C C R O J W E I . L 103


en disséqua et amenda les quarante­deux articles qu'elle
étendit a soixante, avec celle méfiance démocratique et
celle subtilité Ihéologique qui appellent au pouvoir au­
tant d'ennui que de danger. Le Protecteur aurait­il
part à la législation, ou serait­il rigoureusement ren­
I'crmé dans le pouvoir exécutif'? Son veto sur les résolu­
tions du Parlement ne serait­il jamais que suspensif, et
pour combien de temps, ou quelquefois péremploire, et
dans quels cas? Л qui appartiendrait le droit de paix et
de guerre? Dans quelles limites le Protecteur aurait­il
la disposition et le commandement de l 'armée et de la
milice? Qui nommerait le conseil d'État? Quelle serait,
en l'absence du Parlement et dans les cas d'urgence, l'é­
tendue des pouvoirs du Protecteur en matière de lois et
d'impôts'? Ces questions, déjà résolues dans l'Acte consti­
tutionnel du Protectorat, furent reprises et disculées
comme si l'Acte constitutionnel n'eût, pas existé, ou
n'eût élé qu'un thème sans autorité pour le débat; elle?
remplirent, du 2(1 septembre Ki ' if au *20 janvier 1(555,
presque toutes les séances de la Chambre, et souvent
deux séances par jour. C'était toujours la prétention de,
ne tenir nul compte du fait accompli, et d 'instituer à
nouveau le gouvernement du Protectorat, on vertu de la
souveraineté exclusive du peuple et du Parlement. Et
les diseussions, bien que passionnées, étaient pleines
d'hypocrisie, car les partis en présence étaient tous ani­
més, au fond, de vues qu'ils n'avouaient point; les par­
tisans du Protectorat voulaient pousser plus loin la réac­
tion monarchique commencée sous ce nom; les ré pu­




101 F F P A R F F M F N T - F F i R O r i F I . K


lilicains résignés à Crolliceli s'elforoaiont île maintenir,
dans les institutions, des moyens île retour pour la ré-
publique <pii leur échappait ; les presbytériens essayaient
d'y faire rentrer ces principes de monarchie parlemen-
taire en vertu desquels ils avaient commencé la révolu-
tion. Quelques Cavaliers, qui s'étaient glissés dans la
Chambre en dissimulant leurs sentiments et leur ori-
gine, travaillaient, sous le masque d'un grand zèle pour
la liberté, ou mémo pour la république, à fomenter les
dissensions doni ils espéraient la ruine commune de
leurs divers ennemis. En présence de ces éléments in-
cohérents, mais toujours prêts, dans des desseins con-
traires, à se coaliser contre lui, Cromwell et ses affidés
tentaient vainement d'exercer dans la Chambre une in-
iluence qui en lit, pour lui, un instrument de force et
de stabilité; elle ne faisait qu'entraver ou menacer son
pouvoir, et if y essuyait souvent des échecs aussi bles-
sants qu'inattendus '.


Dans la question qui le touchait de plus près, il fil de
so i ; peu de crédit une amóre épreuve. Au sein du comité
général où se discuta d'abord la constitution, on s'était
demandé si le Protectorat devait être électif ou hérédi-
taire ; mais l'hérédité ayant paru rencontrer peu de fa-
veur, la proposition avait été indéfiniment ajournée.
Elle reparu! le 10 octobre 1055, à l'occasion de l'examen


1 Journaïs nfthe Tïovne of emmenons, X.Xll, p . o f l H - 1 1 3 : — ['or-
Ion s Diary, t, I , Introduction, p . x r . - r s x . x m ; I . I I I , p . CiûU-fûl,—
U a t e s , JFleneims ruotuurn, ìeuveru'runi, p a r i . I I , ]:.. o.ji.




A V E C C U O W E I X . 105


de l'article XXXII" de l'acte constitutionnel, et la dis-
cussion dora trois jours : « 11 y avait peu d'apparence,
écrivit Bordeaux au conile de Brionie, que la résolution
dût être avantageuse; M. le Protecteur néanmoins, per-
suadé du contraire ou porté de quelque autre considé-
ration qui n'est pas connue à tout Io inonde, a fait agiter
du nouveau cette question. D'abord son parti pan i f ie
plus fort; même le général Lambert fit une harangue
pour persuader au Parlement qu'il était nécessaire de
rendre la charge de protecteur héréditaire; mais lors-
qu'on est venu a prendre les voix, tous ses parents et
amis ont été d'avis de la rendre élective, et de 200 dé-
putés dont ce corps était composé, 200 ont été du même
sentiment : ce qui a surpris non-seulement le public,
mais aussi la famille du Prolecteur, qui, le jour d'aupa-
ravant, se croyait assurée de conserver cette dignité
dans sa maison l . »


Non contente de combattre ou d'entraver ainsi le Pro-
tecteur dans sa politique, la Chambre lui fit aussi, en ma-
tière religieuse, une opposition presque continue, quoi-
que moins directe et moins déclarée. Pour garantir, dans
les limites que lui permettait l'esprit de son temps, la li-
berté de conscience, Cromwell avait fait insérer, dans
l'Acte constitutionnel, un article portant : « Ceux qui
« professent la foi en Dieu par Jésus-Christ, quand même


1 Bordeaux au conile de Brienne ¡'29 o c t o b r e 1051';; Arciduca des


Aij'ao-res etraiojèrcs de France ; — ' l ' b u r l u e , Sliik-Puj,en,t I I , 0 8 1 ;


—Ui'rlon'sDinry, t. I , p . LI , — C J o d w m . Jlisl. oftiie Commomveaith,




100 L E P A R L E M E N T NE P R O F I L E E


« ils différeraient de la doctrine, du eulte et de la dis-
« ciprino publiquement adoptés, ne seront nullenien;
« gênés, mais seront au contraire protégés dans la pro-li i'ession de leur loi et l'exercice de leur religion : pourv 11
« qu'ils n'abusent pas de leur liberté pour taire à
« d'autres un outrage civil, ou pour troubler la paix
« publique. Bien entendu que cette liberté n e s'étend
« point au papisme, ni à l'épiscopat, ni à ceux qui, sous
« le nom de Christ, professent et pratiquent la licence.).
Ces restrictions, déjà si fortes, n e suffisaient point aux
presbytériens, nombreux et puissants dans la Chambre;
ils entreprirent de les aggraver par toutes sortes de
voies. U n comité de quatorze membres, qui s'adjoi-
gnirent un nombre égal de théologiens, parmi lesquels
l'influence presbytérienne prévalait, l'ut chargé de dres-
ser le symbole que devraient accepter tous les ecclésias-
tiques pourvus de bénéfices publics. Ces mêmes c o m -
missaires eurent mission de définir, par les caractères
essentiels qui y étaient impliqués, c e s mots de l'Acte
constitutionnel : «Ceux qui professent la loi e n Dieu par
« Jésus-Christ, » afin de restreindre, dans les limites de
cette définition, la liberté promise aux dissidents chré-
tiens. U n autre comité eut ordre de dresser la liste de
toutes les hérésies qui devaient être considérées c o m m i
damnables. Et mettant sa pratique d'accord avec ses
maximes, le Parlement fil poursuivre et emprisonner
plusieurs hérétiques, entre autres John Biddle, rêveur
sincère, doux et obstiné, qui avait publié plusieurs écrits
peu eouform.es, en ell'et, à la doctrine chrétienne.




ÀVl' .C C R O M W F . l . r . . 107


Le Parlement les fil hrùlcr par la main du bourreau,
et ordonna qu'un bill lui préparé pour en punir r a i l -
leur 1 .


En même (cmfis que, dans les questions d'organisa-
tion constitutionnelle, la Chambre se montrait à ce point
infatigable et intraitable, elle négligeait, soit par insou-
ciance, soit à dessein, toute autre question et toute autre
affaire. Plusieurs bills furent proposés, sur la Cour de
chancellerie -, sur la Cour des tutelles : î , sur l'égalité des
taxes publiques, sur la célébration des mar iages 4 , sur
les idiots et les fous R , sur l'abolition du droit d'approvi-
sionnement 6, sur le soulagement des prisonniers 7 , pres-
que sur tous les intérêts dont le public était préoccupé;
mais aucune de ces propositions ne fut définitivement
discutée et adoptée. Cependant les ordonnances de
réforme qu'en l'absence du Parlement le Protecteur
avait rendues de son autorité, notamment celles qui
avaient pour objet les procédures devant la Cour de
chancellerie et l'expulsion des ministres et des maîtres


> Parliam. OM., t . X X , p . 201 ; a r l . X X X V I I d e l'Acte constilu-


ii^nnel du Protectorat ;—Journal* of llie Ilouse of common*, t. V i l ,


p . :J7:J, 300, 4 0 0 , 410 ; • - l ia .e ler 'a Life. 1. 1, p a r i . I I , p . 1 9 7 - 2 0 5 ; —


S-nl,W*t. ofthePuriiuos, i. I V , p . 1 2 2 - 1 2 3 ; — O o a w i j i , / 1 / , - ; . of t'ne


C;„imonu-eaUh, i. I V . p . 1 1 4 - 1 ! « ; W l i i i . : l « c k o . | . . tiOtMili).


- L e s 15 e t 25 n o v e i n l r e I(i5-i.


- L e 31 o c t o b r e - 1054.


- Le 20 s e p t e m b r e 105-1.
, ; Lo 15 j a n v i e r 1 5 5 5 .


:-' I.') 21 n o v e m b r e 1 0 5 1 ,


1 Le 25 o c t o b r e 105-1,




1 0 8 F,K P . Y I U . K M E X T .SE I ; I !OI 'RR, I J0


d'école indignes ou incapables, l'ui'ciil suspendues e t
renvoyées à des cornilés chargés de les soumettre à. une
complote révision 1 . C'était à la fois un ajournement des
réformes cl une injure au Protecteur. Un autre comité
avait été nommé pour examiner quelles réductions pou-
vaient être opérées dans les forces de terre et de mer, et
pour conférer, à ce sujet, avec Cromwel l 2 ; les confé-
rences furent rares ou tardives, et quoique certaines
réductions, dans la flotte surtout, eussent été conve-
n u e s 3 , rien n'indique qu'elles aient été définitivement
accomplies. Quand il s'agit de pourvoir aux dépenses
de l'armée et de la flotte, les lenteurs, qui étaient bien
plus graves, furent bien plus volontaires et préméditées:
deux mois se passèrent sans que le Parlement parut
songer à la nécessité des subsides; il ne pril, quand il
commença à s'en occuper, que des résolutions provi-
soires et sans effet *. Une ordonnance du Protecteur avait
fixé d'abord à 120,000, puis à 00,000 liv. st. par mois,
la somme affectée à ce service; le Parlement, sans
paraître se douter ou se soucier de l'insuffisance, la
réduisit à 60,000 liv. st. r >; et même pour cette somme,
le Mil traîna en longueur et ne fut jamais présenté à la
sanction du Protecteur. Quelquefois la Chambre inli-


1 L e s 5 , 10 , 13 e t 2 3 o c t o b r e 1054.
8 L e 20 s e p t e m b r e 1C54.
3 L e 5 o c t o b r e 1034 .
4 L e s 7 e t 21 n o v e m b r e 1054.
û L e s 2 8 e t 29 n o v e m b r e , 4 e t 20 O é o e m b r o 1054,




A V E C C R O M W E L L . ] 0 9


initiée, ou spontanément inquiète, revenait tout à coup
sur ses voles hostiles ou dilatoires, et prenait des résolu-
tions conformes au vœu du gouvernement; mais elle
retombait bientôt sur sa pente, n'ayant fait qu'ajouter
les preuves de son hésitation ou de sa faiblesse à ceiles
de son mauvais vouloir. Évidemment elfe n'était sérieu-
sement préoccupée que de sa lutte sourde avec le Pro-
tecteur, et elle travaillait sans relâche à lui rendre le
gouvernement insupportable ou impossible, sans oser ni
pouvoir le lui enlever


Longtemps Cromwell supporta patiemment cette hos-
lililé, dont il se promettait plus de décri pour le Parle-
ment qu'il n'en redoutait de danger pour lui-même ;
elle Unit cependant par l ' importuner et l'inquiéter ; tant
de critiques, bien qu'indirectes et timides, ternissaient
ci minaient sou pouvoir; par le relard et l'insuffisance
des subsides, la Chambre tendait à prolonger indéfini-
ment la session. L'humeur le gagna à son four; if parla
de dissolution. Les plus modérés de ses conseillers,
Whitelocke entre autres, qui avait, à ce qu'il paraît,
acquis dans la Chambre assez d'influence, s'efforcèrent de
l'en détourner; les dissolutions soudaines, lui disaient-
ils, avaient toujours mal réussi au pouvoir; à quoi bon
d'ailleurs se hàtci"? Le terme légal de la session était
prochain; ne devant, d'après l'article VIII de l'Acte con-


jo>m:«ls ofthe Hoim OFEOMMOM, t . V I I , p . 3 7 0 , 3 7 3 , 3 7 5 , 3 7 0 , ' ;*: . ; i > , ; t ;u. MI, :wr>, 3 8 7 , :JHU, -m, :KM , -tor», -113 ; - c i o j w n i .
!i,-t. uft),r CiMnvmreuM, 0 I V , p . 1-10113, 118 -131 .




HO EE PAREE "M EXT SE BROCn.EE
sîilulionnel, durer que ciii(| mois, eJle expirait, de droit,
le 3 février; if pourrait alors, avec bien moins de i»mi!
et d'inconvénient, pi'ononcer, s'il le voulait, la dissolu-
tion. Mais ces raisonnements louchaient peu Croinwdl :
la Chambre, en lui laissant toute la responsabilité du
gouvernement, l'empêchait de gouverner; il était em-
barrassé et irrité; à ces attaques sourdes et détournées,
il avait envie de répond re par un coup d'éclat ; et autour
do lui, les complaisants ne manquaient pas pour l'exei-
ler dans sa passion et dans son dessein 1.


Pendant qu'il délibérait ainsi, la Chambre lui fournit
elle-même le prétexte et l'occasion d'éclater. Elle éiai!.
enlin a r m é e au ferme de ses débals sur la Constitution ;
le 10 janvier b ' ,Y>. Jos partisans de Cromvvell deman-
dèrent qu'avant d'arrêter définitivement la rédaction du
bill, intitulé : « Acte pour déclarer et régler le gou\cr-
ic nement de la République d'Angleterre, d'Ecosse et
» d'Irlande, cl des territoires qui en dépendent,» ! i
Chambre eût, -sur ses dispositions, une conférence avec
le Prolecteur ; la proposition fut rejetée par cent sept
voix contre quatre-vingt-quinze. Six jours après, le
•10 janvier, la Chambre vota en outre, à quatre-vingt-six
voix contre cinquante-cinq, que ce bill n'aurait pas
besoin, pour devenir loi, du consentement du Protec-
teur. Elle avait à peine adopté celle résolution qu'elle eu
reconnut l'extrême danger, et elle la rétracta le lende-
main en décidant « que le bill serait transcrit pour être


Pnrlium. NUL., l . X X . ¿ 5 0 J—-AVliiwlocki; , ]>• 0 ) 0 .




ÀVF.r i l a r o v . n i . ì l i


« soumis à l'examen o( au consenlcment du Protecteur;
mais elio vota eu même temps que « si Je Jord Protecteur
« et le Parlement ne s 'accordaient pas absolu meni et sur
« tous les articles, le bill serait nul et sans effet, » refu-
sant ainsi d'avance au Protecteur tout droit d'amen-
dement 1.


Cromvvell prit sur-le-champ sa résolution. On lui sug-
géra un expédient pour respecter en apparence la léga-
lité. C'était l'usage, en payant la solde des troupes, de
compier par mois lunaires de vingt-huit, jours. En appli-
quant cette méthode à la durée du Parlement, les cinq
mois de session que lui donnait l'Acte constitutionnel
expiraient le 22 janvier I0.v>i>. Le 22 janvier au matin,
le Prolcclcur, avec son corlége accoutumé, se rendit à
Westminster, dans la Chambre Peinte, et y fit aussitôt
appeler la Chambre déjà réunie; elle arriva surprise et
inquiète, s'atlendan! à quelque rudi; rcmonlrancc, mais
nullement à la dissolution immédiate : « Messieurs, »
leur dit Cromvvell, « la première fois que je vous ai vus
« ici, j 'y élais venu avec beaucoup de satisfaction et
« d'espérance.... Je vous y ai vus une seconde fois, et,
« je l'avoue, nies espérances étaient fort abattues, mais
« pas tout à fait évanouies.... Je pensais, comme je l'ai
« éprouvé dans ma vie de soldai, que quelques m é -
« comptes, quelques échecs au début, ouvrent souvent
a la voie à de grands et heureux succès, et je ne déses-
« pérais pas que, rencontrant devant vous un obstacle,


1 .Tournais of Ike House of commons, i. V I I , p . 414 , 418 , 4 1 9 .




i l î TROTSTEME DfSCOURS DE n U l M W E L i ,


« vous ne devinssiez l'objet des bénédictions de Dieu...
« Nous ressentons aujourd'hui, moi et ces trois nations,
« un vif désappointement.... Vous me rendrez tous ce
« témoignage q u e , depuis votre entrée dans celle
« Chambre, après que vous avez reconnu le gouverne-
>< ment élabfi, vous n'avez essuyé de ma part aucune
« opposition, aucune entrave à vos travaux, aucune ab-
« solumenl jusqu'à ce jour. Je me suis mis sous clet
« pour tout ce qui se passait entre vous.... Mais si je
« n'ai pris aucune connaissance de ce que vous faisiez,
« j 'a i au moins le droit de vous dire que je ne sais pas
« ce que vous avez fait. Je ne sais pas si vous avez été
« morts ou vivants. Pendant iout ce temps, je n'ai pas
« entendu parler de vous une seule fois, vous le savez
« tous... . Si j ' en ai ressenti quelque tristesse, ne m'au-
« rait-il pas été permis de me considérer comme un
« homme tout à l'ait désintéressé et étranger dans vos
« affaires? Je ne l'ai point fait; je ne me suis point cru
« sans lien avec vous... . J'ai veillé pour vous, pour la
« sûreté de votre session, pour le maintien de vos pri-
« viléges.... Je croyais qu'il était de mon devoir d'aller
« jusqu'au bout et d'attendue ce que Dieu ferait par vos
« mains plutôt que de m'en mêler hors de propos....
« Mais maintenant j 'ai quelque chose à vous dire; si je
« ne vous l'ai pas dit plus tôt, c'est que je m'étais im-
« posé de ne point vous interrompre dans vos travaux.
« 11 y a des arbres qui ne poussent jamais à l'ombre
« d'autres arbres.. . . Je vous dirai ce qui a poussé sous
« votre ombre; je ne veux pas dire ce que vous avez




A I ' P A R L E M E N T 3 2 J A N V I U R 1655), 113


« cultivé; ce serait trop rigoureux. Au lieu de la paix
« et. de raffermissement de l'État, au lieu de la réconci-
« liation des honnêtes gens, ce qui a poussé sous votre
« ombre, ce sont les ronces etles orties, les perplexités,
« les dissensions, les mécontentements; dans les cinq
« mois de votre session, les dangers publics se sont
« multipliés, plus que dans le cours de plusieurs an-
« nées précédentes. Vous avez semé des troubles non-
ce veaux parmi ces nations, et réveillé tous leurs enne-
ce mis, au dedans et au dehors. Que ces paroles ne vous
« paraissent pas trop dures ; elles sont vraies, aussi


« vraies qu'aucune démonstration mathématique
" Pendant que vous poursuiviez vos idées, le parti des
« Cavaliers a repris ses desseins et s'est préparé à ro-
te plonger celte nation élans le sang... On a rassemblé
« eles armes.. . On a établi des banques pour avoir de
« l'argent... On a envoyé, au nom de Charles Stuart,
c des brevets pour dos régiments de cavalerie et d'in-
ee fanteric, pour des commandements de châteaux...
« Quelles ont été de tout temps les insolences de ce
« parti, les honnêtes gens le savent... Ce n'est, pas tout ;
« d'autres fléaux aussi ont. reparu, des hommes d'une
t< autre sorte épie ceux dont je viens de vous parler,
« vraiment des épines et eles ronces, et pis encore, s'il
« y a. quelque chose de ; pis. Ceux-ci. au nom de la llé-
« publique, se sont efforcés de ; jeter l'Angleterre dans
« la plus dangereuse, la plus désespérée des confu-
ee sions... Si une république doit succomber, il vaut
« mieux qu'elle succombe sous des hommes que sous




114 1 R 0 I S I È M E D I S C O U R S D E O R O W E I . l ,
« des gens qui diffèrent bien [tendes bêtes; si elle dot!
« souifrir, il vaut mieux qu'elle soutire de la main des
« riches que de celle des pauvres, car « les pauvres.
« comme dit Salomon, quand ils oppriment, sont comme
« un orage qui ravage tout et ne laisse rien derrière
« lui. » Voilà quels ennemis publics ont grandi sous


« votre ombre Pourquoi? à cause de vos lenteurs.
« parce qu'ils avaient, disent-ils eux-mêmes, l'espérance
« que ce Parlement ne fonderail rien... Vous aviez
« pourtant l'occasion de mettre la paix entre tous les
« gens de bien et de piété, et de les rendre, eux et ces
« trois nations, tranquilles et heureux... . . Il y avait un
« gouvernement étiez ce peuple , un gouvernement
« qui dure déjà depuis quinze mois... Si vous jugiez
« des choses autrement que m o i , c 'eût été, de votre
« par t , un acte amical de me montrer en quoi con-
te sistait mon erreur ; mais je n'ai pas entendu un mot
« de vous. Au lieu de cela, vous avez employé votre
« temps à instituer quelque chose de nouveau, sur u n
« fondement autre que celui du gouvernement actuel,
« comme si vous aviez voulu chercher matière à nue
« querel le , plutôt que donner au peuple un établis-
« sèment solide... Et quel motif aviez-vous de quê-
te relier? Quels raisonnements avez-vous mis en avant
« pour m'amener à votre opinion? J'aurais voulu que
« vous me lissiez l'honneur de me l'aire connaître vos
« raisons?... N'y avait-il personne parmi vous pour le
« proposer?... Si je n'ai pas lort d'écouler des commé-
« rages de ville, cela a été proposé et rejeté avec ru-




AU P A R L E M E N T M J A N V I I - H 1055). J 1 5


« desse ci roideiir... .le n'aurais point été opposé à des
« ehangemenls doul \ons ni "auriez démonlré l'utilité...
« Je puis vous le di re ; je nie suis chargé de ce gouver-
« neinont dans la simplicité de mon cœur et comme
« devant Dieu, pour y jouer le rôle d'un lionnéle
« homme; aucun intérêt particulier, ni de fortune, ni
« d'honneurs, ni de famille ne m'a déterminé à celle
« entreprise... Si vous m'axiez c-IVorl, sous la couslilu-
« tion première de ce gouvernement, une chose, une
« seule chose... (je parle après y avoir bien réfléchi et
« devant Dieu, et j 'ai toujours été de cet avis, comme
« le savent plusieurs de ceux qui m'enlendenl) si, dis-je,
« vous aviez inséré dans votre constitution cette seule
« chose que te gouvernement serait placé héréditaire-
» ment dans ma famille, je l'aurais refusé! Et selon
« ma conscience et mes lumières actuelles, je n'aurais
« pu faire aulrement ;... quoique je ne puisse pas dire
« ce que Dieu voudra (aire de moi, et de vous, et de la
« nation, après les précieuses occasions qu'il nous a
« offertes.... Je sais qui; je rencontrerai des difficultés,
« cl que, notamment dans la grande affaire de lever de
« l'argent, celle nation ne se laissera pas, et ne doit pas
« se laisser abuser par de faux prétextes de. nécessité....
a Si je n'avais pas eu bien l'orme en moi l'espérance
« que la cause et rétablissement que je soutiens
a \ iennent de Dieu, il y a bien des années que je m'en
a serais retiré. Si c'est l'œuvre de Dieu, il la soutiendra;
« si c'est l'œuvre de l 'homme, elle tonifiera, comme
» tout ce qui vient de J'homme seul est tombé depuis




11(1 C R O W K L l , l ' ( - - ' i ! ' !


« le commencement du mondes ; que sont toutes no-;
« histoires et tous les récits des temps anciens, sinon
« Dieu manifestant lui-même qu'il renverse et fouie
« aux pieds tout ce qu'il n'a pas pilante? Que le Dieu d e
« sagesse traite ainsi noire établissement! S'il est d e
« structure et d'invention humaine, si ce sonl des in-
« trigncs et de vieux complots qui ont amené les choses
« à ce point, si elles ne sont pas nées du sein de la Pro-
ie vidence, elles s'écrouleront. Mais si le Seigneur prend
« plaisir à l 'Angleterre, s'il nous veut du bien, il a
« bien le pouvoir de nous soutenir! Que les difficultés
« soient ce qu'il leur plaira ; avec l'aide de Dieu,
« nous serons capables de les affronter. Grâces eu
« soient rendues à Dieu, j 'ai été endurci aux diflicul-
« tés, et Dieu ne m'a jamais manqué quand je n i e
« suis confié en lui. Je puis rire et chanter dans mon
« cœur quand je parle de tout cela, soit à vous, soit.
« à d'autres. Bien des gens peuvent penser que c'est
« une rude entreprise de lever de l'argent chez celle
« nation sans aucune autorité de Parlement; mais
o j 'ai à présenter aux braves gens do cette nation Par-
ie gument de leur propre salut : aiment-ils mieux
« suivre leur volonté, pour leur ruine, que s'accom-


« moder à la nécessité? Je ferais injure à ma pairie
« de le supposer. Là sera mon excuse Je vous ai faii-
« gués par un long discours; il ne fera pas, je crois.
« sur tous, l'impression qu'il fait ici sur quelques-uns,
« Mais comme ceci m'est inconnu, je l'abandonne à
« Dieu, et voici ma conclusion ; je crois de mon




CE P A R L E M E N T (-22 J A N V I E R 1055). 117
« devoir de vous dire qu'il ne convient ni à l'intérêt
« de ces nations, ni au bien public, que vous siégiez
« plus longtemps ici. ,1e vous déclare donc que je (lis-
te sous ce Parlement 1 . »


1 C a r l y l e , Cromweil's Letters and Speeches, t . I I , p . 3 1 7 - 3 1 7 ; —


ParUom. Uni., t. X X , p . 103-331 ; — V v l n t e l o c k e , p . 0 1 0 - 6 1 8 ; — L u d -


Imv, Mémoires, t. I I , p . 2 7 0 - 2 7 6 ; — G r o d w i u , Ilist. of the Common-


viealth, t . I V , p . 153-157 .






L1VEE VI
G-onct-rm'inriil intérieur d<- Cromwell sans Par lement .—Complots républicains


et royalistes.—Attitude ditlbrente de Cromwell envers les deux par t i s .—In-
surrections dans i'oucst et dans le nord.—Essais de résistance légale .—Éta-
blissement des majors généraux. — Taxe du dixième du revenu sur les
royalistes. — Tolérance r e l i L Û ' U s e de Oromcveli. — Sa conduite envers les
p t i b ; — envers les r m v e r s i l é s et les lettres.—G-ouvernement de Vlonk en
tvosse ; — de Henr i Cronuvcll en I r lande.—Conversat ions deCromwei! avee
budlov,-.


La colère de Cromwell n'élail pas feinte; il rentra
dans YYhilehall mécontent quoique confiant ; il sentait
sa force, croyait à sa fortune et méprisait les adversaires
qui voulaient l'empêcher de gouverner. Étaient-ils capa-
bles de gouverner eux-mêmes? Qu'avaient-ils à mettre
à sa place'? Lui seul pouvait les préserver du retour de
Charles Stuart, en maintenant dans le pays l'ordre et la
paiv. D'ailleurs, il ne prétendait point en principe au
pouvoir absolu; il ne l'érigeait point en système légal
cl durable ; il connaissait les conditions du gouverne-
ment de l 'Angleterre, un monarque, un parlement,
la loi. Mais il lui fallait, à lui, un parlement qui ac-
ceptât, comme des faits hors de toute discussion, ses




1 Î 0 С О Я P L O T S И П У Л Г Д Ч Т К Я


actes passés et son pouvoir, qui lût, pour lui, on com­
plice, non un rival, l u moment il avait espéré que
le Parlement qu'il venait de chasser comprendrait cette
situation, et satisferait à la fois au\ besoins du nouveau
Prince et aux vieilles traditions du pays. C'était un amer
mécompte; il le ressentait avec cet orgueil irrité qui
s'empare des grands cœurs trompés dans leur attente et
décidés à ne pas accepter un revers.


Ли mécompte se joignait le danger. Cromwell disait
vrai quand il reprochait au Parlement les espérances et
les complots des Cavaliers et des Niveleurs ranimés pat
l'opposition que rencontrait le Protectorat. Partout eu
Angleterre, en Ecosse, en Irlande, le parti royalislo
s'agitait; dans les comtés, les gentilshommes se visi­
taient ou se réunissaient fréquemment, s'échautfant les
uns les autres par rechange de leurs plans ou de leurs
nouvelles; entre eux et la petite cour de Charles II,
établie à Cologne, les correspondances, les allées et
venues se renouvelaient sans cesse; le comité central,
qui avait seul en Angleterre les instructions et les pou­
voirs secrets du roi proscrit, s'opposait à toute prise
d 'armes ; rien n'était mûr, rien n'était prêt, disait­il ; il
fallait attendre que les dissensions intérieures de l'armée
et les humeurs malveillantes du pays se fussent aggra­
vées; on perdrait ses chances en précipitant ses coups.
Les impatients, les hommes d'action se plaignaient au
contraire de la tiédeur du comité qui laissait échapper
toutes les occasions et donnait à Cromwell le temps
île tout découvrir, En dehors du parti, les circonstances




E T K E l ' n r U J C A l X S l ' i c ' . ô 1 . Ml
semblaient favorables au sentiment des plus hardis : un
mécontentement républicain, plus vif qu'étendu, fer-
mentait dans l 'année; parmi les troupes cantonnées
¡1res de lui ou a sa portée, Cromwell le dissipait ou
le réprimait aisément.; mais au loin, le mauvais vouloir
était plus libre et les chefs no lui manquaient pas.
Ludlow était encore en Irlande, peu entreprenant ,
niais ferme, rude', ouvertement contraire au Protecteur
et se refusant formellement à promettre de ne rien
tenler contre lui. Cronivsell avait renvoyé à son com-
mandement en Ecosse Overlon, brave el pieux officiel-,
téméraire avec une douceur mystique, qui avait dans
les rangs intérieurs de l 'armée la confiance des saints,
el se croyait obligé, s'ils le lui demandaient, de se faire,
au milieu de tant de défections mondaines, l ' instrument
fidèle du Seigneur. Les colonels Okey, Alured, Cobbell,
Mason partageaient les sentiments d'Ovcrton , pleins
cependant, connue lui-même, d'hésitation et d'inquié-
tude quand le moment approchait d'agir contre leur
général, protecteur encore du nom de la République.
.Mais ils étaient dominés et entraînés par quelques
hommes, leurs anciens camarades, le major Wildman.
le colonel Sexhy, sortis tout à fait des rangs de l'ar-
mée, ennemis passionnés de Croinvvell, héritiers intrai-
tables de l'hostilité comme des principes de Lilburne,
el qui vivaient en conspiration intime et permanente
avec les partisans de Charles Stuart ; soit q u e , par
haine du Protecteur, ils se résignassent à l'ancien roi,
toit qu'ils se promissent de le renverser au proiit de




12? M F M ' i i K . s n e < i .
îa République quand ils atiraieni renversé le Protec-
îeur 1 .


Resté -ml madré et libre (te toute entrave dans le
gouvernement au milieu de tant d 'ennemis, Cromvvel!
se mit sur-le-champ en mesure pour la lutte cl lendi1


forlcment les ressorts du pouvoir. 11 prescrivit par or-
donnance la perception des diverses taxes, entre autres
des 60,000 livres sterling par mois que le Parlement
avait affectées à l'entretien de l'armée et de la ilolle
mais sans les voter définitivement. Dès que le bruit
d'un complot royaliste commença à se répandre, le
Protecteur manda le lord maire et toutes les autorités
municipales de la Cité, leur communiqua ses informa-
tions et les engagea à maintenir sévèrement l'ordre, leur
donnant pouvoir de lever des forces que le major
général Skippon devait commander. 11 remit en vigueur
les lois qui ordonnaient, contre les jésuiles, les prêtres
et les récusants catholiques, des poursuites judiciaires ci
le bannissement. Une proclamation enjoignit à tous les
royalistes connus de quitter, dans six jours, Londres.
Weslminsler et la banlieue; les courses de chevaux ci
toutes les réunions populaires furent interdites pour six
mois. Les mesures prises contre les républicains suspects
étaient d'une autre sorte; depuis quelque temps déjà,
une police attentive les surveillait ; mais rien de public


i C l a r e n d o n , Hist. of the RebcWox , 1. x n - , c . 4 8 , 6 0 - 6 1 , 123-
125, i : }0 ;_Sfo t«*P«i><T*, l. I I I , p . 2 6 5 ; - T . u J l o w , Mén-.irt».. !. U,
p . 277-202;—Crumiedl iami , p . 149 ; — TLur lo i . ' , FUttc-Pajpers, 1.111.
p . 17, 5 5 , 185 , 217;—VVlulo loL 'kc , p . 600 , 016 .




C O N T I t K r ,KS C O N S P I R A T I O N S (!G.';5! 123
ni d'éelalani ; des avertissements, des changements de
résidence, des destitutions, tics arrestalinns sans bruit.
Fleehvood, à Dublin, avait eu ordre « de faire remplir
v< de quelque autre manière tes fonctions qu'exerçait
« dans l'armée Liidloxv qui se déclarait mécontent du
< gouvernement, et de le renvoyer au besoin en Anglo-
« terre, sur sa parole. » Thurloe et Cromxvell lui-même
entretenaient en Ecosse avec Monk, sur les officiers mal-
veillants de son armée, une correspondance assidue, et
.Monk mettait fidèlement au service du Prolecteur sa
silencieuse mais efficace vigilance. Il fut averti que
des menées, républicaines et royalistes à la fois, se
tramaient autour d'Overlon don! le commandement
éfait fixé à Aberdecn; elfes allaient, disait-on, jusqu'au
dessein de surprendre Dalkeilb, où résidait Monk, de se
saisir de lui et de marcher aussitôt vers le nord de l'An-
gleterre où Bradshaw et Haslcrig devaient faire éclater
l'insurrection. Ees conspirateurs se flattaient qu'ils pour-
raient disposer de deux mille hommes de cavalerie et do
plusieurs régiments d'infanterie. Ils avaient dans la
flotte, surtout avec le vice-amiral Lawson, des intelli-
gences. On prétendait même que, du fond de son châ-
teau de Nun-Applelon , Fairfax leur était favorable, et
qu'il se mettrait en mouvement dans le comté d'York,
quand ils y paraîtraient. Croinwell, à Londres, et Monk.
a Dalkeilb, suivaient pas à pas ces projets informes et
trahis de toutes paris. Monk manda Overlon auprès de
lui; Overton larda à s'y rendre ; Monk le remplaça dans
ï o n commandement, lui assigna Leitli pour résidence,




1 2 1 .VESl 'UK­S П К C R O . M W K L L


cl peu après le lil arrêter et l'envoya à Londres où il lui
mis à la Tour 1 . On trouva dans ses papiers des indices
de ses relations avec les Cavaliers et des vers écrits
de sa main contre le Protecteur : « Lu Protecteur !
« Qu'est­ce que cela'? Une personne fastueuse cpii se
« proclame elle­même le singe d'un roi,.... une mon­
» naie contrefaite où s'étale gauchement une effigie en
« or avec un nez en cuivre Que le Loi des rois non?
« protège contre ce que nous appelons un Protecteur 2! »


Overton était depuis trois semaines à la Tour quand
le plus acharné des conspirateurs républicains, le major
Wildman, y fut amené comme lui. Peu de jours aupa­
ravant 1 1, il était occupé à dicter une « déclaration des
« hommes libres et bien pensants d'Angleterre niainfc­
« liant en armes contre le tyran Olivier Cromwell. » Il
y l'appelait les espérances de liberté au nom desquelles
Cromvvell avait autrefois soulevé l'Angleterre, les men­
songes par lesquels il l'avait Irompée, l'oppression qu'il
faisait peser sur elle, et il conjurait tous les honnêtes
gens, tous les soldats, ses anciens camarades, de se
joindre à l'insurrection qui voulait délivrer d'un Ici
joug leur pays. Dans son obscure maison de la pelife
ville d'Exton, Wildman se croyait parfaitement en


1 L e 10 j a n v i e r 1 0 " 5 .
i P,wlia,,i. Hi.il., t. X X . p . 101­102 T h u r l o e , S O O e ­ i V p ; . ­ ,


t . Ш , p . 4 0 , 47 , 35, « 7 , 7 5 , 7 0 , 110, 1 8 5 , ¿17 , 2 M O , — W L U c l e c K " .
p . O L S , 0 2 5 , — C r o v n c e l U a n u , p . 1 1 0 ­ 1 5 2 ; — L u i l l u w , Д Л / и к л ' г о , .. П ,
p . 2S7.


a L e 10 l é v r i e r 1 0 5 5 .




rONTKE U i S rn .NSI ' rRAT ' lON'S (1055)- 125
H i r e l c : la porte de sa chambre élail ouverte; il n'avait
pas encore fini de dicter; des soldats, envoyés sur un
ordre de Croimvcll, entrèrent inopinément et le saisi-
rent, lui, ses papiers et ses armes, que le colonel Butler
expédia sur-le-champ au Protecteur. Plusieurs autres
chefs, anabaptistes ou uhc leu r s , Harrison, lord Grey
de Groby,Carexv, furent également, et avant qu'ils eus-
sent rien entrepris, arrêtés, dispersés et retenus dans
diverses prisons; aucune poursuite ne fut entamée
contre eux. Quand if avait affaire aux hommes de son
ancien parti, Cromxvell s 'appliquait à prévenir et à
étouffer; il les voulait impuissants, mais non victimes
avec éclat '.


Envers les royalistes, il agissait bien autrement : en
même temps que, par la sécurité des intérêts civils et par
l'esprit conserv aleur de son gouv ornement, il travaillait
a rallier les grands propriétaires, les hommes tranquilles
el fatigués delà lui t e , il laissait les hommes ardents, les
lèles chaudes du parti, s'engager et se compromettre à
leur gré, surveillait leurs menées sans les entraver, en
exagérait plutôt qu'il n'en atténuait la gravité, et les
frappait rudement dès qu'il les saisissait en action. Ils
étaient, quand le Parlement fut dissous, en grande effer-
vescence el conliauco; ilscomphiienl sur le concours de
leurs alliés républicains dans l'armée, sur les mesures


i T l i o r l o c , Statc-r«pcrs, t. I I I , p . M " ; — W k h c l o c k e , p . 018-0-20:
—Cr»mireU;,wit, p . 1 0 1 ; — C S a r e n i l o n , llkt. uf Ihc Rébellion, 1. x i v ,
• •, IS. 1 0 : — U u d w i n , 11M. oflheCumm»mcmlth, t . IV, p . 1.09-100.




h'ii PI! V.PA RATI I : S D ' I ' X E I \'S1.'RRE( T U i i\


A iolcniesdu Protecteureî sur l'urilalion qu'elles produi-
raient, sur une prise d'armes dans les montagnes d'E-
cosse, sur lalaiMesse etFhésiialiondu gouvernement de
Eloelwood en Irlande. Une grande insurreelion lu! pro-
jetée; elle devait éclatei' dans les comtés de l'ouest et du
nord, foyer principal des forces du parti. Les meneurs
envoyaient à Cologne message sur message, conjurant
le roi de les autoriser à agir, et de se tenir lui-même
prêt cl à portée, car ils seraient bientôt, en mesure; ils
lixaient déjà au -14 février le jour de l'explosion; le roi
débarquerait aisément dans le comté de Kent qui se
lèverait comme un seul homme, et où le château de
Douvres serait dans leurs mains; ils prendraient enfin
leur revanche du désastre de VYorccster1.


Charles avait peu de foi dans ces assurances et peu
de penchant à se confier de nouveau à tant de pré-
somption et do hasard ; ses plus sages conseillers, Hyde
et Ormond surtout, partageaient ses doides; mais com-
ment se refuser toujours à risquer quelque chose avec
ceux qui voulaient tout risquer pour lui'? Parmi les
émigrés qui l'entouraient, la plupart, par imprévoyance
ou par ennui , le pressaient de se rendre à des instances
si vives; son plus intime favori, lord VYilmot, qu'il ve-
nait de faire comte de Rochester, lin demanda la per-
mission d'aller lui-même en Angleterre pour apprécier


i C l a r e n d o n , TJM. of Ihe ReheV., 1. M V , c . J î : J - 1 5 5 ; — L n d l o w ,
Mémoire*, t . I I , p . 277 c l * u i v . ; — C r o m t c d l i a i w , p- 1 11' ; — C m r c n .
. Jon , State-Popers, t. 111, p . 20,V20!J.




KOVALISTE •JVNVIISK-J'ÜVRIKU 1050). 127


de près les préparatifs, les forces, les chances ; Wilmot
était adroit, hou compagnon, et personne ne savait en- '
coco qu'après s'être montré si empressé à tenter, il ne
serait pas bien terme lorsqu'il faudrait agir. Par laisser-
aller plus que par conviction, Charles l'autorisa à parlir,
à approuver en son nom l'insurrection projetée, à pro-
mettre sa présence quand le moment propice serait
venu, et quittant lui-même Cologne en secret, il se
rendu à îliddlebourg, dans l'île de Walcheren, sur la
côte do Zélande, pour y attendre, chez un hôte sûr, que
Wilmot l 'engageât à passer la m e r 1 .


Jlais le secret est diflicile aux rois, même détrônés, et
nul homme n'était plus habile que Cromwell à épier
ses ennemis. Un Cavalier nommé Planning, qui vivait à
la cour de Cologne et dans l ' intimité de Rochesler, te-
nait le Protecteur au courant de ce qui se passait autour
du roi. Rochesler lui-même, indiscret et vantard, ra-
cdida, en traversant les Pays-Bas pour s 'embarquer à
Dunkerque, ce qu'il allait faire en Angleterre. Les États
particuliers de la province de Hollande, instruits du
projet de Charles et craignant qu'if ne prît leur terri-
toire pour point de départ, écrivirent à la princesse
d'Orange, sa sœur, que, d'après leur récent traité avec
la République d'Angleterre, ils ne pourraient tolérer un
ici séjour. Les révélations, les renseignements arri-


' C l a r e n t l on , HM. ofthtRcheïï., 1. x i v , c . 120-129 ;—Stalc-Pa-


jn - r s t. U I . p . 2ir>-2(ii>;„— H e a i h , Clu-onMt, p . 0 7 7 - 0 7 8 ; — ï i i u r l o e ,


.S ' iuie-rcf- 'Vo t. J I I , p . l & g 207 ,




128 T N S t ' R R K C T T O M


vaicnt à Cromwcll de toutes parts, et axant que l'insui-
réel ion royaliste eût éclaté, il en connaissait le plan,
les moyens, les espérances, et savait où en étaient ca-
chés les acteurs 1 .


Soit hasard, soit dessein, il ne fit rien d'efficace pour
la prévenir; dès que le bruit s'en fut répandu, il lit. arrê-
ter un grand nombre de royalistes, mais non pas ceux
qui préparaient etfectixeiiienf la prochaine exécution
du complot. Rochesler passa plusieurs jours à Londres,
se concertant avec les Cavaliers qui s'y étaient rendus
pour le voir, discutant leurs [dans, envoyant des mes-
sagers dans les comtés, et transmettant au roi, dans sou
asile de Middlebourg, de telles espérances que Charles
n'attendait plus, pour s'embarquer, qu'un dernier s i -
gnal. Les mesures que prenait Cromwell devaient re-
doubler la confiance des royalistes, car il paraissait,
inquiet, faisait venir d'Irlande des renforts de troupes,
et les trouvait si mal disposées que le conseil de guerre
fut obligé, sur le rivage de Dublin, de casser une com-
pagnie et de faire pendre un soldat pour intimider ceux
qui refusaient de s 'embarquer a .


Le 11 mars 1655, à cinq heures du malin, une troupe


i C l a r e n d o n , Ilist. of the. Reiett., 1. x i v , c . 1 3 8 - 1 1 0 ; — Statc-r,*-


pers, 0 H T , p . âliO ; — T h u r l o e , Stnle-Paj>trs, t. I I I , p . 190, 130, -j-.'i,


3 0 1 , 3 3 9 , 390, 407 . 5 0 1 , — l l c a i h , Chroi.i.-U; p . 078, 080 ;—13;i H;-,


FJ.cnehas motauvi. mqierorinv , t. I I , p . 520.


- C l a r e n d o n , of t.he Rebeil., 1. x i v , e . 130 ; — I l e a t ' n , C'</'.)-


•m'oie, p . 678 ; — B â t e s , Elenchus, e t c . , p . 322-3.25 ; — Croimre^in,, ^


j i . 150 ; — T l m r i o c , Slolc-Pupers, t. I I I , p . 1 0 1 , 162, 164, 172, 170,


190. 253 e t e u i v . , — L u d l o w , Mémoires, t. U , p . 278-279 .




R O T A f.TSTE ( M * T I S 1655). 1 W


de Cavaliers entra (ont à. coup dans la ville de Salisbury,
où se tenaient en ce moment, sous la présidence du
grand juge Rolles, les assises duconilé. Ils étaient en-
viron deux cents, presque tous gentilshommes du
Wiltshire, réunis sous le. commandement de sir John
Wagstaff, hra\e et joyeux officier, jadis major général
d'infanterie dans l'armée royale, et tout récemment ar-
rivé de Londres pour se mettre à la tète des insurgés de
l'ouest. Ils s'établirent sur la place du marché, et y firent
immédiatement amener le grand juge Rolles, son col-
lègue Nicholas et le shérilf du comté, surpris dans leurs
lits. Wagslaff ordonna au shériff de proclamer le roi
Charles II ; le shériff s'y refusa absolument. Wagslaff
voulait le faire pendre sur la place, ainsi que les deux
juges : « Il faut les traiter, » disaii-il, « comme ils nous
« traiteraient nous-mêmes s'ils nous avaient pris. » alais
les genlilshommes qui l'entouraient, entre autres John
Ptnru Idock, propriétaire riche et estimé des environs,
s'y opposèrent vivement, décidés à ne commettre ni
violence ni désordre au moment où ils revendiquaient
les lois du pays. On relâcha les juges, en les invitant à
se rappeler à qui ils devaient la vie. Le roi fut proclamé
sans le concours du shériií qu'on retint comme otage.
Les insurgés firent ouvrir les portes de la prison et
prirent tous les chevaux de la ville, respectant d'ailleurs
le repos et les propriétés des habitants. Nulle résistance
ne leur fut opposée, mais presque personne ne se joignit
à eux; on les trouvait trop faibles pour se déclarer en
leur faveur. Us attendaient les insurgés des comtés




iaa íNSTTRlíErnON


voisins qui devaient se rendre aussi à Salisbury. Ne tes
voyant pas arriver, ils quittèrent la vilie le joui' rnèmo
•pour aller eherelier et porter ailleurs Je soulèvement,
A lïlandford, dans le comté de Dorset, le crieur public,
amené sur la place, eut l'air de consentir à proclamer le
roi; mais quand Penruddock, qui lui dictait sa procla-
mation, le somma de prononcer les mots : «Charles 1J.
« roi, » l 'homme épouvanté déclara qu'il ne le ferait
jamais, dût-on apporter à l'instant des fagots et le
brûler vif. Dans la pensée populaire, la cause royale
était encore, une cause perdue, et qu'on ne pouvait
embrasser sans se perdre. Les insurgés ne faisaient
nul progrès : par fanatisme républicain, par peur,
par ignorance, par esprit d 'ordre, la population se
détournait d'eux. Trois ou quatre cents Cavaliers du
llampshire, qui s'étaient mis en marche pour le rendez-
vous de Salisbury, s'arrêtèrent en. apprenant que
Wagslaff n'y était déjà plus, et se dispersèrent au lieu
d'aller le rejoindre ailleurs. Le colonel Didier, cantonné
dans le pays, mit en mouvement quatre compagnies
avec ordre de suivre les insurgés et de les attaquer dès
(pie l'occasion favorable se présenterait. Le major géné-
ral Desborough arriva avec des troupes. Le décourage-
ment gagnait d'heure en heure dans les rangs, déjà si
peu pressés, des Cavaliers. Le I I mars, à Sonih-Molton,
dans le comté de Devon, ils furent rencontrés et aussitôt
attaqués parle capitaine IluttonCrook. Ils se défendirent
vaillamment, mais inuti lement; Penruddock et une
quarantaine de ses compagnons furent pr is ; sir John




H O T A I . I S T I " {\r\i№ iCW) . 131


№ agslatr ci quelques autres réussiront à gagner la côte
ci a s'embarquer. Après avoir erré quatre jours comme
une bande de fugitifs, l'insurrection des comtés de
l'ouest s'évanouit au premier combat 1 .


Dans les comtés du nord, elle fut encore plus courte
et plus vaine : c'était là que Rochester s'était réservé
d'agir en personne; il s'y rendit en effet, et plusieurs gen­
tilshommes considérables du pays, sir Henri Slingsby,
sir Richard Malevercr, M. Hutton, prirent les armes à
son arrivée el lui amenèrent leurs amis. Mais il les
trouva moins nombreux et moins bien pourvus, dit­il,
qu'un ne le lui avait promis; il se répandit en plainles,
en questions, en objections, raisonnables mais tardives,
et qui auraient dû l 'empêcher d'entrer dans la roule où
il ne voulait plus avancer. Après quelques conciliabules
sans résultat, et avant même de savoir la triste issue
des mouvements de l'ouest, fîoehester reprit le chemin
de Londres, laissant les Cavaliers de ces comtés aussi
humiliés qu'irrités de s'être compromis sur la foi de sa
mission el de son nom. Arrêté un moment à Aylcsbury
par un juge de paix soupçonneux, il réussit à s'évader et à
rentrer dans Londres où ii resta caché quelques jours,
eld'où il informa le roi que foui était manqué. Charles,
peu surpris, quiila Midiilebourg et retourna sans bruit


'' C l a r e m l o n , ; / (» ( . <./' Ihe Rébellion, 1­ x i v , c . 1 3 1 ­ 1 3 4 ; — ï h u r ­
i o ' ; . ."•'!«'<• J ' < > , ­ < T v . t . I I I , p . ¿411­248, i;,{>, 202­2(>3; — Crooueei'uino,
(,. loi: — Li i i l l i i u , Mn),>,ires, l. I I , p . ­¿31.1; ­ ­ I l o i u i i , Chronicle,
; , I'MSMWI ; — J J u l v » , KUnchn* mvtvum, t u e . , p a r t . I l , p . 322­112"),




132 P R O C È S D E S T V S i r R O E S


a Cologne on fiochester ne tarda pas a le rejoindre ; et
la petite cour exilée se donna la consolation de rejeter
le mauvais succès de reinïepiïse sur l'espion Manning
dont la trahison fut découverte, et que Chartes, avec
l'autorisation du duc Philippo-Cuillauniede Ne u bourg,
fit fusiller sur le territoire de ce prince 1 .


Presque au même moment, le sang de Penruddock
et des principaux insurgés de l'ouesl, ses compagnons,
coulait sur l'échafaud à Exeler et à Salishury *. Crom-
well fit d'abord venir les prisonniers à Londres et les
interrogea lui-même, pour bien connaître le caractère
de l'insurrection et pour en rehausser l'importance.
Puis it ios renvoya dans l'ouest, pour qu'ils fussent ju-
gés et exécutés sur les lieux où elle s'était accomplie. Il
ne craignit pas cette fois de remettre le jugement au
j u r y ; le mouvement n'avait pas eu la faveur populaire,
et Cromwell était bien sûr des shérilfs chargés de dési-
gner les jurés. Penruddock et ses amis moururent sans
faiblesse et sans enthousiasme, en hommes à la fois cou-
rageux et découragés, qui auraient désiré sauver leur
vie, mais qui tenaient encore plus à leur honneur cl sa-
vaient subir dignement leur sort. Cromwell ne mult i -
plia point les procès et les exécutions; il lit arrêter un


i C l a r e n d u n , IUst. of (ht Rébellion, 1. x i v , c . 135-116 ; — T ! m r -
l o e , State-Papers, t . I V , p . -102-408;—Hir Henry SUngsby's Diury,
Préface, p . X I - X I I I ; — B a i e s . , Elenchus, e t c . , P a r i . I I , p . 3 2 3 ; —
Y Y l u t e l o e k e , p . 6 3 3 .


* L e p r o e e a d u r a du 19 a u 2 3 a v r i l 1055 , u i l ' e x é c u t i o n e u t p e u


l e 10 m a i .




R O T A r . r S T E . s ( A V R I L tñbó). J : ] 3


sr.ind nombre de royalistes, retiñí quelque temps en
prison les plus considérables, el lit embarquer les au­
tres pour les colonies des Indes occidentales, où ils lu­
rent vendus comme esclaves, bes plaideurs des bar­
bados en achetèrent soixante et dix. Le Long Parlement,
après la bataille de YYorccster, avait donné l'exemple
île cette indignité


La victoire était aussi complète qu'elle avait été facile]:
Cromvvell en fit grand bruit, ainsi que du péri l ; il en
avait besoin pour justifier, dans le passé, la dissolution
du dernier Parlement auquel il avait imputé cette re­
crudescence des discordes civiles, et dans l'avenir les
mesures rigoureuses dont il prévoyait la nécessité. C'est,
l'un des vices du pouvoir absolu qu'il est contraint,
pour vivre, d'entretenir et d'aggraver dans la société la
terreur des maux dont il promet de la guérir. De tous
les grands despotes, Cromvvell est peut­être celui qui a
le moins abusé de ce mensonge, car son despotisme,
qui fut court, avait descanses naturelles et vraies, el il
tenta lui­même, à plusieurs reprises, de le transformer
eu un gouvernement tempéré. Lui aussi, pourtant, il
lit. quelquefois, des séditions et des conspirations, un
usage menteur, et notamment en 105'), il tira, de leur
apparition faible et fugitive, plus de force pour son
pouvoir qu'elles n'avaient eu de danger.


» Slate-Triah, t . V , c o l . 707­790 ; — W h i t e l o c k c , p . №;—Crom-
e ­ e ' w i n i . p . M 9 ­ 1 0 : j ; ­ C i a r e i n l u i ] , Hist. of t}„; lielMwn, 1. xiy,
i 131;­­­ l i a i K l ' w h t u , ''le, p a r i . TT,p, 150;— l i u r i o i i JHary, i ­ U : . ,




134 E S S A I S D E R E S I S T A N T E


Délivré pour un lenips des complots, il rencontra un
autre genre d'obstacles, sinon plus redoutables, du
moins plus incommodes; il eut a surmonter des essais
de résistance légale. Un négociant de la Cité, nomme
Cony, qui avait été longtemps eu relation intime avec
Cromvvell, refusa 1 le payement de certains droits de
douane illégalement exigés, disait-il. Ils ne l'étaient,
en effet, qu'en vertu d'une ordonnance du Protecteur
non sanctionnée par le Parlement. Traduit devant les
commissaires des douanes 2 , Cony fut condamné à une
amende de 500 livres sterl ing 3 , Sur son refus de payer
l'amende comme les droits, CroinwcH le fil venir :
o Jamais, » lui dit-il d'un ton caressant, « il ne se serait
alleudu, de sa part, à une telle opposition ; lui, un an-
cien ami, et dans un cas si important pour la Républi-
que! » Cony lui rappela à son tour leurs anciens prin-
cipes, et combien de fois il lui avait entendu dire que
ceux qui payaient des taxes illégales étaient plus blâ-
mables que ceux qui les imposaient, Cromvvell se ta-
cl ia : «Je suis aussi entelé que vous; nous verrons
lequel des deux sera le m a î t r e ; » et Cony fut mis en
p r i son 4 . Il réclama sa liberté devant la cour du haut
liane, et trois des plus célèbres avocáis, Maynard. Twis-
den et Wadham Wiudhani, se chargèrent de sa cause.


' E e 4 n o v e m b r e lfi.34.
2 E e 6 n o v e m b r e .




I .K.GALK ( M M — 1 6 5 5 ) . 135


Us i,i soutinrent 1 , Maynard surtout, avec tant de
vigueur, que Cromwell prit S'alarme ; ee n'était rien
moins que la dénégation absolue du droit légal de
son pouvoir, et si Con y eût été acquitté, tout- autre
Anglais eût pu, en vertu des mêmes principes, refu-
ser le payement de tout impôt. Le lendemain de la
plaidoirie, Maynard et ses deux confrères furent
mis à la Tour pour avoir tenu un langage destructif
du gouvernement. La violence était grande; elle fut
insuflisantc ; Cou y ne renonça point ; ii parut sans
avocat devant la Cour, et se défendit si bien lui-même
((ne le juge Holies, embarrassé et ne sachant comment
couvrir le déshonneur de l'arrêt qu'on lui demandait,
ne prononça point et remit la cause au forme suivant,
laissant Cromwell inquiet et Con y en prison -.


Ce n'était pas la première marque de scrupule et d'in-
dépendance que Holies donnait au Protecteur. Appelé,
eu mois auparavant, à présider les assises d'Exeter, où
Penruddock et. tes insurgés de l'ouest devaient être ju-
gés, il s'y était refusé disant qu'après la manière dont
les accusés l'avaient traité à Salisbury, son jugement,
serait suspect. De tels ménagements ne convenaient
pas à Cromwell; Holies fui écarté de la Cour 3 , et Glynn,


1 L e 17 m a i 10.75.


'• L t t . ï l u w , . V r ' w w ' m , t . I I , p . 2 0 0 - 2 9 0 ; — H e a t h . , Chronicle, p . 0 9 1 ;


— Ti.e Life of Otirer Crollaceli [éy e d i t . L o n d r e s , 1710) , p . 0 1 7 - 3 1 9 ;


— e O i r i M n l o i i , 11 iti. of Ile lieheliiun, 1. x v , c . 1 3 0 ; — G o d w i n , Hist,


of I'ee VummiiwrcaUh, t. I V , p . 1 7 5 - 1 8 1 .




LU; E S S A I S n i : R É S I S T A N C E


qui avait l'ait preuve de plus de complaisance, y prit sa
place. 11 était, encore plus urgent de mettre lin à l'alTaire
dcCony, car l'exemple devenait contagieux ; déjà sir
i'eter \Ventworlb, dans s o u comté, avait refusé aussi do
payer les taxes et intenté des poursuites contre le col-
lecteur. En ceci nulle destitution n'était, possible : par
d'autres moyens dont il n'est fias resté de trace, on dé-
cida Cony à retirer sa réclamation ; les trois avocat»
consentirent à reconnaître qu'ils avaient, eu tort et sor-
tirent de la Tour. Cromwell manda les juges et leur
reprocha d'avoir toléré devant, e u x tant de licence. Ils
alléguèrent la loi et la grande Charte : «Votre grande
« Charte, » dit Cromwell avec un grossier jurement,
« n'a rien à v o i r a m e s actions; ce que j ' en fais est
« pour la sûreté de la République Qui vous a faits
« juges? Quelle autorité avez-vous si ce n'est celle
« que je vous ai donnée? Que deviendriez-vous si m o n
« autorité, à moi, venait à manquer? Veillez un peu
« plus à ses intérêts, c a r c'est la seule qui puisse vous
« soutenir, et ne permettez pas a u x avocats c e s bavar-
* dages qu'il ne vous convient pas d'entendre.» Sir
Peler Wentvvorth, mandé devant le Conseil, y soutint,
d'abord ce qu'il avait l'ait, disant, que «les loisd'Auglo-
« terre ne permetlaienl pas de lever de l'argent sur les
« peuples sans leur consent ornent donné en Parlement;)
— «voici tout ce que je vous demande', » reprit brus-
quement Cromwell; «voulez-vous, oui , ou non, re-
« noncer à votre poursui te?—«Si vous me Je c o i n -
« mandez, » dit sir Peter, « il faudra bien me s o u -




U ; ; 0 - , \ M - . . 1 1 1 5 1 — 1 0 5 5 : . 137


« mellre; '< cl, sur l'ordre immédiat de Cromvvell, il y
renonça en elTel. La résistance légale parut ainsi domptée
sans grand effort, connue la conspiration '.


Mais elle avait, dans les traditions et tes mœurs na-
tionales, des racines trop profondes pour être si aisé-
ment extirpées. C'est l 'honneur de fa magistrature, dans
ies temps d'orage, de fournir tour à tour, à Tordre et à
la liberté, leurs derniers défenseurs. Quand il fallut,
après la condamnation des insurgés de l'ouest, procéder
aussi au jugement de ceux du nord, deux des grands
juges, ïhorpe et Newdigatc, désignés pour cette mis-
sion, s'y refusèrent et furent aussi révoqués. Le plus
illustre d'entre eux, Matthieu Haie, avait déjà donné plu-
sieurs fois l'exemple de la résistance; il s'était, dispensé
d'assister aux assises où fut jugé Penruddock, donnant
pour excuse ses affaires privées; « et si Ton eût insisté,»
dit fiurnet, «if n'aurait pas hésité à parler plus claire-
« ment. » Dans une autre occasion, apprenant que des
jurés avaient été choisis d'après un ordre spécial de
Cromwell, Haie écarta cette liste et en fit dresser une
autre par le shérilt; Cromvvell s'emporta enle revoyant :
« Vous n'êtes pas propre à être juge,» lui dit-i l ;—
« c'est très-vrai, » lui répondit Haie, l 'ourlant Crom-
well ne le révoqua point. Il avait à grand'peiiie décidé
Haie à siéger à la Cour du haut Banc, sous sou gouver-
nement, et il tenait à honneur de l'y voir. Les magis-
trats scrupuleux ne furent pas seuls à refuser de servir


1 L u d i o w , C l a r e m l u u , G o d w m , ibld,




docilement les voJonlés du IVolocleiir; |>;ii-tnî soscoie
seillers habituels, quelques-uns. par espril de corps oa
par prudence, s'en détendirent aussi quelquefois. Ko
avril 1655, il voulut faire mellre en vigueur l'ordon-
nance qu'il avait rendue, en août h'.51. pour la réforme
de la Cour de chancellerie, et dont le Parlement na-
guère dissous avait suspendu l'exécution. Deux des
commissaires du grand sceau, Whilelockc et Widdring-
ton, refusèrent d'y concourir, donnant pour leur résis-
tance des motifs qui niaient implieilement le droit du
Protecteur à changer ainsi les lois de sa seule autorité:.
Cromwell prit d'abord patience, et laissa aux deux op-
posants du temps pour réfléchir sur leur refus; quand il
vit qu'ils y persistaient, il les destitua el mit le grand
sceau en d'autres mains. Mais il ne croyait guère à la
résistance de Wkilolocke ou de YViddrington et. ne
voulait pas perdre leurs services; quelques jours aprè-,
il les nomma l'un et l 'autre commissaires de la trése-
rerie, avec un traitement égal à celui qu'ils avaient
comme commissaires du grand sceau; ménagement dé-
daigneux, que YVhitelocke, dans ses Mémoires, attribue
« au bon naturel du Protecteur et au regret qu'il avait,
« de nous avoir traités durement, Widdringlon el moi.
« à cause de noire attachement à cette liberté de con-te science qu'il regardait lui-même comme le droit do
« chacun »


i W'hitclockc, p . 6 2 1 - 6 5 7 ; — Jiionraphia TtrUannim, n r t . //.>><•,
i . IV, p . 2 1 7 7 ; — P l u i r l o e , Hlak-Pupm, 1. I I I , p . 3 5 3 , 36e , :]«5 : -


L u d l o w , Mémoires, l. I l , p . 2 S J ; — - ( Ju i lwi i ) , Ui\t. uf the Connu'..,'-




DES MA.IOHS uÉNKKAI'X I.U.UT lli.>r>) 13!»


Si Croniwoll n'avait eu a surmonter que les insurrec-
tinns do lmehesler cl les résistances de Whilelocko, sa
tâche cùl. élé facile ; mais, au milieu de ses succès, il
élail en présence des deux plus grandes difiieuliés de
gouvernement, un revenu public trop faible et une a r -
mée ébranlée. Malgré l'assurance do son langage en
dissolvant le dernier Parlement, il n'osait pas mettre
lui-même, et lui seul, sur le pays tout entier, des taxes
tout à fait nouvelles; c'élail assez de perpétuer, de son
autorité, celles qui existaient déjà. Et quoique l'armée
lui fut, en masse, soumise et lidèle, il n'ignorait pas
que les anabaptistes, les sectaires de la cinquième m o -
narchie et les «républicains mécontents y étaient nom-
breux et actifs. Il lui fallait absolument et plus d 'ar-
gent et d'autres soldais ; ce qu'il en avait no suffisait
pas aux besoins de son pouvoir.


Ce fut à un acle d'iniquité et de tyrannie révolution-
naire qu'il demanda ce qui lui manquait : tel élail le
vice de sa situation que son génie ne sut trouver rien
de mieux.


Sous prétexte de maintenir la paix publique et de ré-
primer tes complots des royalistes, il résolut d'établir
dans chaque c o u d é , une milice locale, composée
d'hommes qu'il choisirait lui-même et qu'il payerait
bien. Pour les payer, il imagina d'imposer, sur les
royalistes seuls, une taxe égide au dixième de leur


vealtii, i. I V , [). 1 7 3 - 1 3 3 ; — N o b l e , Memoirs of the Protectorat
lieuse, i, l, 134,




140 ClïOMVVEI.I, K l'Ali] J T [,K KÉUIMF.


revenu, comptant bien que le produit s'élèverait
for! au—dessus? de ce que la milice pourrait coûter. El,
pour instituer eirectivement cette milice et percevoir
cette taxe, il se proposa de diviser l'Angleterre et le
pays de Galles en douze districts dont il remettrait le
gouvernement à douze de ses plus sûrs et plus fermes
officiers qui, sous le nom de majors généraux, y exer-
ceraient tous les pouvoirs politiques, administratifs, et,
jusqu'à un certain point, judiciaires, sans qu'il y eût,
contre leurs actes, aucun autre recours qu'au Protec-
teur lui-même et à son Conseil. C'étaient la tyrannie
révolutionnaire et la tyrannie militaire se déployant
ensemble pour traiter l'Angleterre royaliste en peuple
vaincu et conquis.


Toujours prudent, même dans ses violences, Crom-
vvcll commença cette mesure par un essai partiel et
presque inaperçu. Dès le 28 mai 1053, peu après l'in-
surrection de l'ouest, il nomma son beau-frère Desbo-
rougb major général des milices levées et, à lever dans
six comtés du sud-ouest de l'Angleterre. Deux mois
après, le 2 août, Desborough prit, dans ces comtés, te
commandement direct de douze escadrons de milice de
nouvelle formation; et, le lendemain, la question de
l'établissement général de la milice fut traitée dans le
Conseil. Elle y fut définilivemenl résolue la semaine
suivante par la division de tout le territoire, d'abord eu
dix, puis en douze districts, où te commandement des
forces nouvelles fut confié aux douze majors généraux
EleeLxvuod, revenu naguère de son gouvernement d'ir-




D E S M A J O R S O É V É I U U X ( A O Û T 1655). 111


lande, ltesborough, Lainlierl, Whalloy, GofTc, Skippon,
Berry, Kelsev, Bu lier, Worsley, Barkslead et Davvkins1.


Fendant cpie la mesure miliiaire s'aceomiilissail. ainsi
progressivement, Cromvvcll avait commence la mesure
révolutionnaire;' Dans le cours du mois de juin 16o5,
quoique les insurrections de l'ouest et du nord fussent
étoulfées et jugées, il fit arrêter avec éclat un grand
nombre de royalistes, et des plus considérables, les
comtes de Xcwport, de Lindsey, de Norihampton, Hi­
vers, de Peterborough, le marquis de Hertl'ord, le vi­
comte Falkland, les lords WiUoughhy de Parbam, Saint­
John, l'être, Coveulry, .Maynard, Lucas, et plus de cin­
quante autres Cavaliers d'un nom et d'un caractère
honorés; il n'alléguait pour les traiter avec celle rigueur
aucun l'ait particulier qui pût les faire traduire en jus­
tice, mais un danger général de la République, dont le
Protecteur devail, à tout prix, la préserver. Il renouvela
e n même temps, contre tous ceux qui avaient servi le
feu roi ou ses lifs, l'ordre de s'éloigner de Londres, lit
partir les majors généraux pour leur mission, et le
•'Jf octobre enfin, il proclama et motiva officiellement,
dans un long manifeste, tout son dessein'.


Celait un acte d'excommunication politique contre


i T h u r l o e . Siaic-Рчрт, 1. I I I , p . 1 8 6 ; t. I V , p . H7;—Parliam.
llhi.. i . ­XX, p . ­ Ш ; — G o d w i n , Uni. vf the Commmwndth, t. I V ,
p . 2-2И-Ш.


» l ' cmï t fx­ . IHsi.. (. X X , j . . . Ш ­ 1 0 0 -,—Perfect Ргигее.Ипда, e t c . ,
1­i ci. 21 j u i n , 5 j u i l k ­ i ;~M,rc»rim 1>оЫк>ч, 1 4 , 21 e t 28 j u i n ; —
1'сфЫ lUimuil, С j u i l l e t ; — P « H i c Intelligence.!-, 8 o c t o b r e ; — G o d ­
\ v m ; Uni. vflke. CommuHweullh, i, I V , p . 2 2 3 ­ 2 2 1 ,




112 R K G I M K


le parti royaliste loot entier; les uns, comme des con-
spirateurs eu permanence ; les autres, à cause de leur
hostilité incurable et de leur connivence cachée avec
les conspirateurs. Puisqu'ils n'avaient sincèrement ac-
cepté ni leur défaite, ni le régime nouveau, ni l'amnistie
dont ils avaient été l'objet, puisqu'ils faisaient planer
sans cesse sur l'État de nouveaux périls, c'était à eux à
payer les frais des mesures nécessaires pour le défendre.
Ifs furent tous mis hors de la loi commune et assujellis
à une taxe annuelle du dixième de leur revenu.
Ceux-là seulement dont le revenu en biens-fonds ne s'é-
levait pas à cent livres sterling, ou dont les propriétés
mobilières n'atteignaient pas une valeur de quinze
cenls livres sterling, en furent exceptés.


Les instructions données en même temps aux majors
généraux leur prescrivirent de répandre dans tout le
pays le manifeste du Protecteur, de s'entourer, dans
chaque comté, de commissaires sûrs, et de procéder im-
médiatement, avec leur concours, à l'évaluation des
revenus des royalistes et à la perception do la taxe, ils
étaient en outre investis, sur les personnes, des pou voies
les plus étendus; ils pouvaient les désarmer, les arrê-
ter, en exiger caution, non-seulement pour eux-mêmes,
mais pour leurs enfants et. leurs serviteurs, et les
astreindre à comparaître, de temps en temps, de-
vant un agent délégué à cet effet. Un registre général
de toutes les personnes ainsi surveillées dans chaque
comté devait être tenu à Londres, et aucune d'elles ne
pouvait y venir sans donner, à ce bureau, connaissance




\WS AT M O U S UKX'KIUTTX ( l05r . - ] (55O. 1 1 3


de son arrivée, de son logement' et de tous ses mouve-
ments. C'était une législation spéciale contre un parti et
une classe de citoyens, point sanguinaire, toute de fisca-
lité et de police, mais complètement arbitraire et ac-
compagnée de toutes les mesures accessoires qui pou-
vaient en assurer l'efficacité1.


Parmi ces mesures figuraient, en première ligne, des
précautions rigoureuses contre la presse : le nombre
des feuilles publiques, rédigées à Londres et toutes heb-
domadaires, qui avait, été de douze en JG33, était, de-
puis le Protectorat, réduit à huit, dont deux seulement
avaient quelque nuance d'opposition. Un ordre du Con-
seil ' défendit d'en publier désormais aucune sans l'au-
torisation spéciale et continue du secrétaire d'Klal ; et
deux feuilles, toutes deux rédigées par Marchamonl
Needham, écrivain d'abord royaliste, mais que 31 ¡11 on
avait g,'t}iné à la République cl à Cromvvell, survécurent
seules à cette prohibition :i,


L'exécution de ce plan aggrava, comme on pouvait s'y
attendre, ses etfels prémédités et naturels : par obéis-
sance militaire, par passion de parti, par rivalité de
zèle, les majors généraux usèrent et abusèrent à l'envi
des pouvoirs presque sans limite qui leur étaient con-
fiés; ils multiplièrent les perquisitions, les arrestations,
les vexations, uniquement préoccupés de découvrir les
ennemis du Protecteur, d'élever les produits de la taxe,


i r v r i O r a . liât,, l. XX, p . 401-407.
s Le r, s . -pe-inl . r f : 1055.


Gudvs i i i , ilisl. nflli,: Cinumonu-cultl:. t. IV, p . 2.25.




i I I K K f t n r K


el lira ni vanité tti r i lot do l'empressement, lanlôt do la
peur qu'ils inspiraient : « Le colonel Lîirch, qui es! ici
« en prison, » écrivait le major général llerry aThur-
loe 1 , « s'est adressé à moi comme à un petit roi qui pou-
« vait redresser tous les griel's ; » et un peu plus Lard- :
« Nous avons mis en prison bien des mauvais sujets,les
« uns pour avoir trempé dans le complot, les autres
« pour mener une vie dissolue; tous gens dangereux
« pour la paix de la nation; parmi eux sont des papiste?
« qui étaient venus en chassant quand le major Waring
« les avait mandés ; ce sont des hommes capables de
« tout, et dont plusieurs mériteraient de moudre la.
« canne à sucre et le tabac; si l'on en envoyait quel-
« ques-uns aux Indes, cela ferait grand bien. »
« Nous envoyons chercher un certain sir Charles Eger-
« ton, » écrivait 3 le major général Worsley, « q u i a été
« d'abord membre du Long Parlement, et a passé ensuite
« dans le camp du roi; nous ne doutons pas que nous
« ne trouvions des preuves pour faire de lui un délhi-
« quant ; nous sommes décidés à découvrir autant de
« gens de cette sorte qu'il peut y en avoir. » Et ce n'était
pas sur les Cavaliers seuls que s'exerçait celte ardeur tle
police, quoique, selon le manifeste, ils fussent seids le
motif cl l'objet de la mesure ; les majors généraux pour-
suivaient également, sous ce manteau, les républicain.»


i I ,c il n o v e m b r e 1 6 5 5 .
: î Le 5 j ; i n v i e r 1650.




M A J O R S G É N É R A U X (1055-1G5C;. 1 4 5


et les scolaires hosiiles au Protecteur: « Je trouve, »
écrit. Worsley 1 àTliurlne, « que le major VYiklmaii a,
« dans ce comté, des terres considérables Je vous
'i demande un mot de direction ù ce sujet ; si vous ne
« nie dites rien, je me propose de séquestrer ce qui lui
« appartient; » et il exécuta son projet, car, six semaines
après 2, il écrivait à Cromwell lui-même : « Nous avons
« saisi et séquestré ici, pour l'usage de V. A., un grand
<( domaine qui appartient à John Wildman, et nous es-
« pérons en découvrir encore davantage. » Il y a peu do
lettres, dans cette nombreuse correspondance, qui ne
fassent mention de quelques personnes recherchées, tra-
cassées, arrêtées, emprisonnées, sans autres motifs que
leurs sentiments suspects, ou leur fortune présumée, ou
leurs déclarations inexactes quant à la valeur de leurs
biens. L'intérêt personnel le plus vulgaire jouait quel-
quefois un grand rôle dans le zèle des majors généraux,
el quelques-uns le lémoignaieut avec une franchise bru-
tale : a Que V. A. veuille bien tenir sa promesse au ca-
« pitaine Crook, » écrivait le major général Berry au
Protecteur 3; « mais il faut que ce soil pendant que vous
« vivez, car autrement nous craindrons que cela n'ar-
:< rive jamais; vous savez combien il y a de complots
» contre votre personne ; si quelqu'un venait à réussir,
« que deviendraient nos avancements 4? »


i L e 9 n o v e m b r e 1 0 5 5 ,


- Le 24 d é c e m b r e 0 1 5 5 .


' Le 1 " d é c e m b r e Jii.%5.


* r b u r l o e , S l n h - P d / w s . i- J V , p . 2 3 7 . 394 , 4 7 3 , 179, 3 1 0 , 2 7 L




MO R K O T M F . nr.fi


De la pari <le la population, les majors généraux
n'obtenaient pas partout le même concours : quel-
ques-uns se plaignent des difficultés qu'ils rencontrent
et des refus qu'ils essuient élans leurs efforts pour
s'entourer de commissaires capables de travailler avec
eux à rétablissement et à la perception de la taxe;
d'autres parviennent aisément à réunir des commis-
saires, mais ils les trouvent ensuite froids, inactifs ou
craintifs. La plupart cependant se félicitent du zèle avec
lequel ils sont reçus et secondés : « Nos commissaires, »
écrit Haynes à Tburloe 1, « sont extrêmement bien dis—
« posés et ardents à exécuter leur mission Je n'es-
<' pérais pas en vérité que nous trouvassions parmi eux
« un si bon accueil. » «Cette taxe mise sur leparii
« des Cavaliers, » écrit Tburloe lui-même à HenriCrom-
xvell2, « est merveilleusement agréée par tout le parti
« du Parlement; tous tes hommes de toutes les nuances
« s'unissent en cefa de grand cœur. » Dans plusieurs
comtés, les commissaires trouvèrent même mauvais que
la taxe fût restreinte aux royalistes dont le revenu dépas-
sait cent livres sterling, et ils exhortaient les majors gé-
néraux à demander au Protecteur l'abaissement de cette
limite, disant que la taxe rapporterait bien davantage
et qu'il y avait autant de royalistes au-dessous qu'au-
dessus de cent livres sterling de revenu. Les jalousies
et les haines de parti étaient bien plus fortes au fond des


'• L e 8 n o v e m b r e 1 6 5 5 .


* L e 17 O é e e n i b r e 1055,




M A J O R S 0 F N É Ti A TIX : 1055­1050}. 1 4 ;


comtés qu'à Londres; Cromwoll était puissant dans la
petite bourgeoisie et dans te peuple ; et les gens d ' u n e
condition médiocre, même quand ils n e portent point
d'aversion aux classes élevées, s'empressent volontiers à
jouir du pouvoir, comme d'un plaisir rare et fugitif


L e s Cavaliers se soumirent sans résistance : il semble
i j i i e l'idée n e leur e n venait même pas, tant ils étaient
certains qu'elle serait vaine; les plus récalcitrants ne se
rendaient pas aux sommations des commissaires et se
laissaient taxer en silence, sauvant leur honneur par le
refus de comparaître et le reste de leurs biens par l'inac­
tion. Même parmi tes grands seigneurs royalistes, quel­
ques­uns, parpusillanimité, ou par quelque ressentiment
personnel, reste des anciennes dissidences politiques,
allèrent au delà de la soumission nécessaire : « Le comte
« de Northumberland, » écrit le major général Golfe à
Tlmrloe­, « loue beaucoup le manifeste de S. A Il
« paraît qu'à cause de l'adhésion du comte, dans les
« premiers temps, au Parlement, le marquis de Hcrt­
« lord a rompu un mariage presque conclu avec sa
« famille, ce que le comte a vivement ressenti. » On
remarqua la fierté du comte de Southampton : « Il a élé
« tres­roide, » écrivit le major général Kelsey à Tlmr­
loe : !, « et n'a voulu nous donner aucun renseignement
« sur ses terres ; sur quoi, je l'ai nus en prison, pour sa


1 T U u r l o e , Stali-Paper$, t. I V , p . 1 7 1 , № , 149, 1 7 9 , 2 1 5 , 2UÎ ,
2 2 ! , 225, 227, 235, 3 0 3 .


2 l.i• 25 n o v e m b r e 1055 .
i L e 23 n o v e m b r e J 0 5 5 .




UH IWÙVITT. OR OROMVVFÏ . I . K W I T S
« désobéissance à nos ordres. Il s'esl adouci en lin; mair-
ie quand, selon mes instructions, je lui ai demandé une
« caulion, il a péremptoirement rel'usé : aussi l'ai-je
u l'ail arrêter; mais comme sa mère élail irès-malade ci
« lui assez soull'ra ni, je lui ai permis de retourner dans
« sa propre maison, qui est a trois milles d'ici ' . »


Comme expédient financier, la mesure réussit; elle
s'exécuta promptement, efficacement, presque sans
obstacle, et valut au Protecteur des sommes considéra-
bles. Comme acte politique, ce fut la ruine de sa belle
gloire et de son grand avenir : il avait pris le pou-
voir au nom de l'ordre et de la paix intérieure à rétablir,
et il avait en effet commencé avec éclat leur rétablisse-
ment ; par sa taxe du revenu sur les royalisles seuls cl
par son institution des majors généraux, il replongea
lyranniquement le pouvoir dans l'ornière des violences
révolutionnaires, et il remit les partis aux prises, non
plus par la guerre civile, mais par l'oppression. Il invo-
qua la nécessité, et sans doute il s'; crut réduit : s'il
avait raison, c'était une de ces nécessités infligées par la
justice de Dieu, qui révèlent le vice inné d'un gouver-
nement et deviennent l'arrêt de sa condamnation.


Il en eut lui-même, de ce jour', un secret et importun
sentiment : brouillé avec les républicains et avec les
royalisles, à la fois révolutionnaire et conservateur, fai-
sant en môme temps aux classes élevées la guerre et la
cour, il s'agitait sous le poids de ces contradictions


! T l m r l o e , Stale-Papvrs, !.. TV, p . •.>;>!!, M l , l t ) ï .




I.KS ( ' y r / J O L I C M ' E S E T I.E-S É P 1 S C 0 P Â U X . U'J


iruvssanles dans sa situation, dans ses maximes, dans sa
conduite, et cherchait de tous côtés des idées justes et
utiles à exploiter, des intérêts inlluenls à satisfaire, pour
s'en faire des points d'appui et suppléer aux principes
lixes et aux grandes amitiés qui ! ni manquaient. La
liberté de conscience fut, en ce genre, sa plus noble et
sa meilleure ressource. 11 était fort loin, on l'a déjà vu,
de l'admettre en principe général et dans toute son éten-
due; les catholiques et les épiseopau.x, qui tonnaient
probablement, à cette époque , la majorité de la po-
pulation d'Angleterre, en demeuraient absolument
exclus; et cette exclusion n'était pas seulement pro-
clamée comme une maxime d'Etal; elle était mise eu
pratique. En juin ICo-l, un pauvre prêtre catholique,
nommé Soullnvold, qui, trente-sept ans auparavant,
avait été, à ce titre, condamné et banni, se hasarda à
rentrer en Angleterre, et fut pris, dans son lit, pa r l e
major général Worslcy qui l'envoya à Londres, où il fut
jugé, condamné et pendu : « Nous avons eu hier ici un
« martyr, » écrivait M. de Bordeaux 1 au comte deClia-
rost, gouverneur de Calais; « c'est un prêtre qui a été
« exécuté, nonobstant mon inferxention et celle d'au-
« très ambassadeurs pour obtenir qu'on lui fit g râce ;
« il a été accompagné au lieu du supplice par deux cents
« carrosses et par un grand nombre de gens à cheval
« qui admiraient tous sa constance. » Cromwcll n'allait
pas au-devant de telles r igueurs; il souhaitait même que


1 Le. ,'¿9 j u i n 1G5J.,




i.-,y o ' o x ' D u n i . i ) ) : f : i [ ( i , u w ] ' : i , i , k x v e h s


les proscrits lui fournissent, en sauvant les apparences,
i|uel([uc moyen de les éluder; mais quand leur foi
ardente ou leur caractère énergique se refusait à ces
petites faiblesses, il laissait, sans hésiter, à la cruauté de
ta loi, son libre cours. Avec le clergé de l'Eglise angli-
cane, il avait un peu plus de latitude; ni la législation, ni
les haines de parti ne lui imposaient, envers eux, celle
persécution sanglante, et il était, par son propre pen-
chant, enclin à les ménager, car les maximes politiques
ci la forte discipline de leur Église lui convenaient.
Cependant, pour obéir aux traditions révolutionnaires,
pour plaire aux presbytériens, pour avoir des bénéfices
à donnera ses partisans, il pourchassait partout les épi-
scopaux, leur retirait les cures, leur interdisait foule
pratique publique de leur culte. 11 alla même jusqu 'à
défendre 1 que, dans l'intérieur des familles, ils fussent
[iris, comme cela arrivait souvent, à titre de chapelains
ou de précepteurs. C'était fermer, à un grand nombre
d'ecclésiastiques chassés de leur cure, leur dernier refuge
contre fa misère, et enlever aux parents toute liberté
dans l'éducation, même domestique, de leurs enfants.
Contre une persécution si acharnée, les réclamations
furent vives : le savant et illustre Usber, archevêque
d'Armagh et primat d'Irlande, que Cromvvell traitait
avec faveur, s'en rendit l'organe ; il obtint, bien qu'avec
peine, du Protecteur, la promesse que cotte odieuse
interdiction serait levée. Mais la promesse ne s'exécutait


5 L u 2 1 n o v e m b r e 105)5,




I . K S f ' A T I J O I . I Q l ' M S KT I,PN É P T S C O p \p;x. 151
pas : t 'sher relourna. à YYhilchall; il i r o m a Croinwell


eufre Ji 's mains de sou chirurgien occupé à lui panser


un énorme clou sur la poilrine; le Proleeleur ordonna


q u ' o n fil entrer r a r e h e A è q u e , et le pria de s'asseoir et


«le l'attendre un m o m e n t , lui disant : « Quand ce clou


v sera une f o i s e x l i r p é j e s e r a i t r è s - b i e n ; » - -« Je crains,»


l u i dit l 'sher, « que le clou ne soit plus avant ; il y en a


« un dans le cœur q u ' i l faut extirper; sans quoi rien


« n'ira bien; » —« Ah ! » reprit Cromvvell e n soupirant,


c cela est vrai. » Mais quand l 'archevêque v o u l u t l ' e n -


tretenir du motif de sa visite, Cromvvell l ' interrompit en


disant qu'il y avait mieux pensé, q u ' i l en avait délibéré


avec son Conseil, et «pic tous é t a i e n t d'avis qu'i l n'y avait,


pour lui, point de sûreté à accorder la liberté de con-


science à des hommes qui se montraient les implacables


ennemis de sa personne et de son gouvernement. Crom-


wcll n'était ni si inquiet ni si r igoureux qu'i l voulait le


paraîlre; sa d é c l a r a t i o n contre les chapelains et les


p r é c e p t e u r s empruntés à l 'Eglise anglicane demeura


presque sans elfet; mais il n'avait osé ni la refuser au


fanatisme de son parti, ni la révoquer publiquement,


au nom de cette liberté de conscience qu'il se faisait


gloire de soutenir ' .


1 ï h u r l o e , SMe-Papm. t . I I , p . 400 ;— W h i t e l o c k o , p . 592 ;—
J . W î d k e r , Hvlfmmjs oflheChrgy <-/' 77.« Cfatrch of Ki.glomi, p . 1 9 4 ;
— T'heLtfc of Jtrcirnj Tirjlur ^ L u n u r e a , 1 S I 5 ; , p . S i , — TheUfc of D r


U.IlHnimont), b\j J • Fell iEcelrMuit. Biwjruhluj, J . o u d . 1810.;, i . V,
; . 37J, :tï-l ; — The lifc oj ArMithvji L'shvr, Ç . 7 5 ; — U i v i j r . tint,
l VI; p 1078,




152 r O . N T H i l T K D i : r R O M W K I . I .


Quand il ne s'agissait ni des catholiques ni des épiseo-
paux, quand le débat se passait entre les sectes diverses
qui avaient toutes pris part a la révolution, Groins cil
était plus hardi dans ses propres maximes; il protégeait
efficacement les uns contre les autres les presbyté-
riens , les indépendants , les anabaptistes, les millé-
naires, les sectaires de toute sorte, leur rappelant qu'ils
avaient été naguère persécutés tous ensemble et qu'ils
se devaient mutuellement charité et appui. El quand il
était, obligé, pour faire cesser des désordres politiques
ou des scandales révoltants, de réprimer les emporte-
ments d'un mysticisme insensé ou licencieux, il gardait
encore, envers Jes principaux des sectaires égarés, de
grands ménagements, toujours attentif à rester avec
eux en rapports assez intimes pour qu'ils se crussent
toujours ses amis ou ses obligés. Vers la fin de l'an-
née 1600, les Quakers, et en particulier George Fox, leur
fondateur, avaient été, dans divers comtés, l'occasion de
troubles graves : « Ces gens-là, » écrivait le major gé-
néral Golfe à Thurloe 1 , « trompent ici beaucoup d'àno's
« simples, et répandent dans les églises de mauvais li-
« vi 'es contre. le Protecteur; j 'ai quelque envie de
« mettre ce Fox et ses compagnons aux fers, si j 'en
« trouve l'occasion.» George Fox alla à Londres et pé-
nétra jusqu'à Whiteliall. Cronnvcll le reçut en faisant
sa toilette; le valet, de chambre qui l'habillait, llarvev,
avait eu avec les Quakers des relations, et servit à Fox


'• L e 10 j a n v i e r 1B&5,




E N V E R S L E S Q U A K E R S (1(555). 153


(1 inlroducteur : « J 'eus avec le Protecteur un long en-


« Indien,)) raeoiile t'o\ lu i -même; « je lui expliquai ce


« que moi et les amis nous avions été conduits à penser


« concernant Christ et ses apôtres dans les temps an-


••( ciens, ses ministres et ses prêtres de nos j o u r s : je


c l'exhortai à vivre dans la crainte de Dieu, par où il


« recevrait de Dieu la sagesse, guide nécessaire pour


« toute personne souveraine il se comporta avec


« beaucoup de modération, disant plusieurs t'ois, à rae-


n sure que je parlais : —ceci est bien ; ceci est vrai .—•


» D'autres personnes arrivèrent, des personnes de qua-


« lité, comme on dit ; je me relirai . Il me prit la main


« et me dit , les yeux humides : —Deviens dans ma


.< maison; si toi et moi nous passions ensemble une


« heure par jour , nous serions bien plus près l 'un de


« l 'autre; je ne te veux pas (dus de mal qu'à moi-même


« et à mon â m e ; » et il renvoya George Fox content, se


cmlenlant lui-même d'une promesse écrite que lui


donna le Quaker de ne rien faire contre son gouverne-


ment. Il est difficile de démêler ce qu'i l pouvait y avoir


d'émotion vraie dans ce langage : le poète \Yaller, scep-


tique libertin et un peu parent de Cromwel l , qui vivait


aussi avec lui en grande familiarité, rapporte qu'il se


trouva quelquefois dans le salon de Whiteliall quand le


Protecteur y recevait quelqu'un de ces pieux enthou-


siastes, et qu'après les avoir affectueusement congédiés,


Cromwell revenait à lui en lui disant : « Cousin YYaller,


<• il faut parler a ces gens-la leur jargon : reprenons


'• notre entretien. » Quoi qu'il en soit, parées bons pro-




î . i- i C O N D U I T E n i : C K O M W E L L


cnlôs personnels el ces épanelienienls sympathiques,
Cromwell rclenail à lui les sectaires, et, même en les
réprimant, conservait toujours, au fond, leur conliaiice
et leur appu i l .


11 entreprit aussi de s'assurer la bienveillance et le
concours d'une ardre classe d'hommes, très-impopulaire,
très-méprisée, hors d'état de nuire, mais qui pouvait
servir, les juifs. Ils avaient été expulsés en masse d'An-
gleterre, en 1290, par le roi Edouard b r , et depuis celle
époque, ils y étaient fort peu nombreux, sans aucun lien
social, sans existence reconnue par la loi. Cependant
Cromwell, depuis qu'il était puissant, avait avec des
juifs, soit d'Angleterre, soit du continent, d'assez fre-
quents rapports. Un jour, pendant qu'il était en conver-
sation avec lord Broghill, on vinl l'averlir qu'un inconnu,
demandait à lui parler; sur son ordre immédiat, un
vieillard mal vêtu et de mauvaise mine entra, et le Pro-
tecteur s'entretint quelques moments à part avec lui.
C'était un juif qui venait l'informer que le gouvernemen I.
espagnol, avec qui Cromwell était sur le point d'entrer
en guerre, avail fait charger une somme considérable,
envoyée eu Flandre, sur un navire marchand hollandais
qui devait bientôt passer près des côtes d'Angleterre.
Cromwell profila de l'avis et lit indirectement saisir le
navire. Probablement les juifs lui avaient déjà rendu


1 T h u r î o e . S'-ule-Puj'crs, i . I V , p . - i e S ; - C a r l y l e , C r o m w e l l ' * Let-ters emit Spceciies. i. I I , p . l i i l i , : ! 7 7 ; — W a l t e r ' s Life, on e ' i e do
I , i n s . 3;ui^ h i e o l l e c o i o n h i l i e . i l é e : Ti<e \Ve>ri,s of t'ie E>-'/0V>


i W » {il vo l . iu-H«. L o n d r e s !S10; , (. X 1 1 1 , p . l i .




EXVKnS 1 F S .TUTES ;lfi55). 155


plus d'une luis, soi.1, comme espions, soil dans ses besoins
d'argent, d'utiles services. Il paraît même1 que sa renom-
mée, sa deslinéo, son caractère avaient ému leur ima-
gination à ce point que quelques-uns d'entre eux, tentés
de le prendre pour le Messie qu'ils attendaient, étaient
ailes dans le comté de lbmtingdon pour recueillir en
secret, sur sa famille et sa généalogie, des renseigne-
ments précis. En octobre 1.655, un juif d'origine portu-
gaise, mais établi en Hollande et l'un des chefs de la
synagogue d'Amsterdam, Menasseh-ben-lsrael, arriva
en Angleterre et publia un pamphlet intitulé : « Humble


adresse au Protecteur en faveur de la nation juive. »
li y demandait formellemenl, pour les juifs, l 'autorisa-
tion de s'établir en Angleterre, d'avoir à Londres une
synagogue, un cimetière, d'y jouir de la liberté du com-
merce, du droit de juger entre eux leurs procès, sauf à
recourir en appel aux tribunaux du pays, et la révocation
des anciennes lois contraires à ces privilèges. Ni l'idée
ni mémo la démarche n'étaient tout à fait, nouvelles:
frappé des paroles de tolérance et de liberté religieuse
qui retentissaient en Angleterre au milieu des troubles
civils, Menasseh-ben-lsrael avait déjà demandé, d'abord
au Long Parlement, puis au Parlement Barebone, un
passe-port pour venirà Londres lenler son dessein. .Mais
il n'avait donné à celle velléité aucune suite. Un autre
juif, Manuel Martinez Dormido, avait aussi, l'année pré-'
eedeuîo, présenté à Gromvvell une pélilioudans le même
but, et Cromvvell l'avait renvoyée au conseil d'État avec
celle note : « S. A. recommande spécialement ces pa-




156 < " M - ' ' I ' ni-! e i î O V l W L L L


« picrsà la prompte considération du Conseil.« D'antre


part, pendant la guerre avec la Hollande, J'iniporlanee


et Tact i\i lé des juifs avaient été fort remarquées des


officiers anglais ; en 1054, les trois commandants de la


flotte avaient, dit-on, engagé le Protecteur à recevoir


cette nation en Angleterre pour y attirer le commerce';


et lorsque Menasseli-ben-Isracl eut formé publiquement


sa demande, le major général W bal ley écrivit à T h u r -


l o e 2 : « I l me semble qu'il y a de fortes raisons poli—


« tiques et religieuses pour que nous admettions les


« juifs à vivre au milieu de nous ; certainement ils a p -


« porteraient dans cette République beaucoup de ri-


« ehesses, et puisque nous prions pour leur conversion


« et que nous croyons qu'elle arr ivera, je ne vois pas


« pourquoi nous leur eu refuserions les moyens. » Ou


dit aussi que les juifs promirent à Cromvvell, si leurs de-


mandes leur étaient accordées, une somme considérable,


deux à trois cent mille livres sterling. C'était un grand


acte à accomplir, en vertu d'une grande idée, peut-être


dans un grand intérêt. Cromvvell s'y porta avec chaleur :


il convoqua à Whitchall une conférence composée de


pirisconsultes, de négociants de la Cité et de théologiens,


les chargea d 'examiner les propositions de îlenassch. ci


présida lui-même à la discussion. Elle fut. longue et ani-


mée : la conférence, qui comptait vingt-sept membres,


se réunit quatre fois. Les jurisconsultes furent en gêné-


1 L e 16 o c t o b r e 1 6 M .
f- Le 12 u é e e m b r e 1 6 5 5 .




| ' ' v v e t ï ^ i . k s . i u i f s , i r a


ral favorables aux juifs, les négociants incertains et plu-
tôt conlra i rc , les théologiens divisés. Selon les uns,
l'admission légale des juifs, de leur société et de leur
culte, serait un péché scandaleux et dangereux pour les
chrétiens; quelques autres, moins rigides, se montraient
disposés à tolérer les juifs, sous certaines conditions
restrictives ou humiliantes. Cromwoll parla en leur fa-
veur, et, selon le dire d'un témoin des débats, avec
beaucoup d'éloquence ; mais il ne surmonta ni les ar-
guments des théologiens, ni les jalousies des négociants,
ni les préjugés des indifférents, et voyant que la confé-
rence n'aboutirait point à ce qu'il désirait, if mit lin à
ses délibérations, fuis, sans accorder aux juifs l'établis-
sement public qu'ils sollicitaient, il autorisa un certain
nomhre d'entre eux à habiter Londres où ils bâtirent une
synagogue, acquirent le terrain d'un cimetière, et com-
mencèrent sans bruit a former une sorte de corporation
dévouée au Protecteur dont la tolérance faisait toute
leur sûreté '.


Vers la même époque, les vues élevées et libérales de
Cromwoll se déployèrent avec plus de succès, dans une
plus nationale épreuve. Depuis l'explosion, et surtout


i W h i i e l o c k o , i ' . 033 ; — T h u r l o e . Rfoto-Papen, i. I I , p . 6 5 2 ,
t. I V , p . 3 0 3 , .321;— B a i e - , JJlmchus motuum, e t c . , p a r t . I I , p . 3 7 1 .
— Ih.e Life of Oliver CrvmwtV, p . 320 , 3 2 1 ; — B a n k s , Crilieal Revieie
vfthe Life of Oliver Crtmvrll, y. 2 0 7 ; — X e a i , Pliai, of the. Purilans,
t. IX' j i . 1 2 0 ; — C r u H u r c i i i a n a . p . 1 5 ! ; — E e l i a r O , Ris!, of KeiqJetnd,
t. 11. p . 770 ; — P l l i s , Oriyintil Leiters. 2 J uiïet, i. I V , p . 3 - 7 ; — 1 1 « ) -
0-ae. Tnirts. 0 V I I , p . 017 , — B u r n e t , llut. de mon temps, t. I ,
- j . 153-155, Oan;; nia C'o/ lccdo/e




l . 'S r O N T i r i T F , P E C n O M W E T . l .


depuis la fin de la guerre civile, les imi\ci sites d'Oxford
cl. de Cambridge étaient, tantôt sourdement, tantôt ou-
vertement attaquées. Dévouées à la cause du roi et de
l'Eglise, elles subirent, en -10-47 et 10-49, un premier
coup qui frappa les personnes plutôt que les institutions ;
leurs chefs et leurs professeurs royalistes et épiscopaux
furent remplacés par des presbytériens; mais le tond
même des deux établissements resta à peu près intact.
Sous la République, et surtout après l'expulsion du
Long Parlement, quand lesscctaires indépendants furent
partout les maîtres, la question devint, beaucoup plus
grave ; ce fut à la nature et à l'existence même des uni-
versités qu'on lit la guerre. Ces grandes écoles où les
jeunes gens destinés à prêcher la loi chrétienne étaient
instruits en même temps dans les lettres anciennes et
mondaines, et en commun avec les jeunes gens destinés
aux professions du monde, ces institutions qui subsis-
taient par elles-mêmes et se gouvernaient par des règles
fixes, cet empire de la science humaine et de la tradition
choquaient violemment les principes religieux et tes
[lassions démocratiques des plus ardents sectaires: ils ne
voulaient ni de ces études païennes pour former les pré-
dicateurs chrétiens; la lecture des livres saints et les in-
spirations de la grâce divine y devaient suffire; ni de ces
dotations permanentes et indépendantes où venait s'éle-
ver un clergé doté et indépendant à son tour ; les mi-
nistres de la religion devaient être choisis par les lidèles
eux-mêmes, et constamment à la disposition de leur
croyance et de leur volonté. Trois sectaires, longtemps




E N V K R 8 T.E.S U N I V E R S I T É S . 15!)


chapelains dans l 'année, William Bell, William Erbory
cl John Webster, se mirent à la lèle de celle croisade
contre les deux universités : il esl difficile de détermi-
ner jusqu'à quel point le ParlementBarobone, avant son
abdication, était entré dans leurs vues, et ce qu'il eût
l'ail pour les seconder; ce qui est certain, c'est qu'il ne
s agissait de rien moins que de la vente des biens des
universités et de four complète abolition. On vit, dans
l'enseignement public, la même lutte que dans l'Eglise
et. dans l'État, le mysticisme individuel et la démocratie
absolue aux prises avec la tradition organisée et l 'aris-
tocratie fondée. Ce n'était plus la rivalité de deu\ Eglises
se disputant les bénélices et les chaires; c'était la guerre a (oui l'ancien syslème d'éducation nationale, guerre
poursuivie par des ennemis mortels, acharnés à dé-
truire ce qu'ils appelaient « les camps deCaïn, les syna-
gogues de Satan et les palais de l'Antéchrist »


Cromwcll, à l'âge de dix-sept ans, avait passé un an
a l'université de Cambridge; en 1051, il avait été élu
chancelier de l'université d'Oxford. Son esprit était
grand à force d'être juste, pénétrant et profondément
pratique; en même temps que l'utilité sociale de ces
hautes écoles lui était évidente, leur beauté intellec-
tuelle lui plaisait. Il comprit que leur ruine serait pour
son pays une décadence et pour lui-même un déshon-


• Godv . in , II>si. ofiheCnmmonirealth, t. TV, p . SO-10-1 ; — E c h a r d ,


J!>'- < / " E . ' 7 ; " » ' ' , t. 11 , p . 7 ( i 5 ; — C h i r o m l o i i , Hist. of the liebeuion,


v:v , e . I a, ->IJ ; — 1 I u 5 < . t e t X t . ' w u i a i i , Thv Mmjlhh Vhk'nltm




100 O O N ' D T ' J T E D E C R O M W E L I ,


nour, et il les prit sous sa proteclion. Pour les défendre
contre leurs ennemis, il y fit entrer quelques hommes,
naguère sectaires passionnés eux-mêmes, mais qui
s'étaient attachés à sa fortune et rangés sous son in-
fluence, entre autres deux de ses chapelains, Thomas
Goodvvin et John Owen fous deux hommes de talent
et de conduite habile; et il fit, du dernier, son vice-
chancelier à Oxford. Les traditions et les mœurs de
l'université reçurent, de cette introduction d'éléments
si hétérogènes, quelque atteinte partielle et momenta-
née. Owen altéra à Oxford les costumes et les cérémo-
nies; au lieu de s'astreindre aux anciennes habitudes
de son état, il portait souvent lui-même, dit-on, des
bottes à l'espagnole, de gros nœuds de rubans aux ge-
noux et un chapeau retroussé. .Mais il défendit éueigi-
queinent l'établissement lu i -même, ses é tudes , ses
règles, ses biens; et les universités, avec leur système
d'éducation et leurs moyens d'action, furent l'une de
ces fortes pièces de la sociélé anglaise que Cronrwell
sauva des coups de la révolution qui l'avait porté au
souverain pouvoir 2 .


II ne se contenta pas de les sauver; il prit soin de
leur prospérité et de leur éclat. 11 fit don à l'université
d'Oxford d'une collection de manuscrits précieux, la
plupart grecs, et il y accorda aux études théologiques,


' E n 1656 e t 1052 .


- W i ' O i l , Alhenus Oxonietim, t. I V , c o l . 1)8, 0 0 . é d i t i o n m l ' ,


C o u d r e » , 1 8 2 0 .




KN vi' KN I .KS i . K T T K K K . ici


unlainineul à la publication de la grande Bible poly­
glotte, par le D' Wallon, d'ellicaoes encouragements.
A tSurlnun, el pour assurer aux comtés du nord, qui se
plaignaient d'être trop/ éloignés dïKI'ord et de Cam­
bridge, les bienfaits de I cdiicaliou savante, il décréta
ia fondation d'un grand collège, doté sur tes liions du
doyenné! et du chapitre abolis. 11 n'avait pas l'esprit na­
turellement élégant ni richement cultivé ; mais son libre
génie comprenait les besoins de l'intelligence humaine,
et les grandes institutions d'éducation et de science lui
convenaient comme moyens de patronage et de gouver­
nement 1 .


Il portait, dans ses rapporls avec les lettrés et les
savants eux­mêmes, les mêmes dispositions, nulle
sympalhie de connaisseur, mais une bienveillance po­
litique, honorant leurs travaux , tenant compte de tour
intluence, avide d'être loué, ou détendu, ou ménagé
par eux, et les protégeant ou les ménageant à son
tour, selon qu'ils étaient de son parti ou du parti en ­
nemi. La plupart avaient compté ou comptaient encore
dans les rangs royalistes : parmi les poètes, Cowlcy,
Sîenham, Daveiiant, Cleveland, Waller, Butler, parmi
les philosophes el les savauts, Uobbes , Cudworfb,
Jeremy Taytor, l 'sber, étaient tous au service, ou
favorables à la cause de la Couronne et de l'Église,
Cromwell ne s'y trompait point; mais il se gardait de


1 IVe!,­. Mémoire "fth< Life i/c!ioiis of Oliver Cromwell ; / /5s ­
'-•i-.il / V A , | ' . 00­7­2 : ,Luiul . , 1710; ,— l l i i n i d , The Life of O. Crom-
•xti'i, |>. •№). 421,—IfroroAveiiiuiuij \>. 156 ,




Myl C O N D L ' I l ' K !)!•: f'KO.Vl VVKI.I


les Irai 1er si clnremenl. (ju'il les eùl p o u r anletils cime
mis; s'il les rencontrait dans quelque menée de parti,
si même ils Tenaien t à ê t re arrêtés, il ne tardait guère a
les faire relâcher; s'il croyait pouvoir, par un peu de
faveur ou de tolérance, les gagner ou les amortir, il
s'y empressait par tous les moyens ; Waller vivait, en
cousin, à sa cour; Cowley et llohhes revenaient de
l'exil; Butler méditait dans la maison de l'un de»
officiers de Cromvvdl ses grotesques satires des sec-
taires fanatiques ou hypocrites; Davenanl, sortant do
p r i son , obtenai t , du dictateur pur i ta in , la permis-
sion d 'ouvrir , à liutland-JIouse , un petit théâtre et
d'y faire représenter ses comédies. 11 en coûtait, a
ces beaux esprits amnistiés ou tolérés, quelques pro-
messes de neutralité politique ou quelques pièces de
flatterie poétique; mais après leur avoir imposé ces
actes de contrition, Cromwell ne se montrait ni bien
exigeant, ni bien soupçonneux. Quand il avait affaire a
des hommes graves et tranquilles, il leur témoignait
son estime, cherchant à vivre, avec eux, en bons rap-
ports, mais sans prétentions ni fatuité de despote; a
Cudvvorth, qui vivait en sage à Cambridge, il faisait de-
mander , par Thurloe, des renseignements sur les
hommes élevés dans cette université qui aspiraient à
quelque emploi public; il fit offrir à llohhes, dont les
doctrines politiques lui plaisaient, une charge de secré-
taire dans sa maison; Seldcn et Méric Casaubonfurent
invités, par lui, à écrire, l'un contre VEikùn, Inisilikè,
l'autre l'histoire des récentes guerres civiles; ils s'en




KN v i t u s u i . s 1,1: n UKN. i ( i3


défendirent fur! of, l 'autre; Casaubon refusa même une
Itension toute gratuite; Cromwell m; leur eu témoigna
point d'humour. A ia mort de i'archevèque Uslier, il
voulut lui faire faire, dans l'église de Westminster, des
obsèques solennelles, et lit acheter sa bibliothèque pour
qu'elle ne passât point sur le continent. 11 ne tenait pas
toujours, en ce genre, tout ce que, de premier mou ve-
inent, il avait projeté ou promis; dans l 'entraînement
des grandes affaires, les plus attentifs oublient, et les
moyens manquent aux plus puissants pour accomplir
toujours les bienveillants desseins qu'ils ont annoncés;
mais s'il, n'a pas été exempt de ces légèretés du pouvoir
suprême, Cromwell est peut-être l'un des souverains
qui en ont Je moins abusé 1 .


Envers les lettrés du parti révolutionnaire, il avait
moins de soins à prendre : tes uns, comme Thomas
May, Samuel Jlorland, John Pell, Owen, Goodwin, Nye
ci. beaucoup d'autres sectaires théologiens, étaient ou
compromis sans retour dans sa cause, ou activement
engagés dans son gouvernement ; les autres, Millon au-
dessus de tous, étaient des républicains sincères que I-es
illusions de la pensée, les sophismes de l'intérêt, les en-
traînements de la situation tenaient attachés à un des-
pote, au nom des principes de la liberté. Cromwell, pro-


1 The Worh ofSnglhh 2'oefe, I. V I I e t V I I I , V i e s d e C envie y,
Teerd inm, YValler, l i m i e r ;—Bingraplria Britannica, a r t . Cudworth,
Je, e,>eant, D'-iiiiaa, , Hotiiics. l'siier:— H . t r r i s , Cruoin cil's Lifo,
\ : 117. . n > ; _ | ' . ' . ' k , .V.'»>.>|V< t,f Oliv. Cc<i„,a-ctt, e t c . — G o d w i n ,


Ut4. "f Un. CviMtMiwuUh, t. I V , i i . iUO, ¿11.




Jfil ' " \ | T ! ! ' .1)1.; l ' I i i n i W h l h


filant de son ascendant, les gardait à son service, niais
sans goût ni confiance; quand il se (if Protecteur, il
plaça à côté de Jlillon un autre sec-rôiaire latin de son
conseil d'Etat, Philippe Jleadows 1 , et un ordre du Con-
seil retira à Milton, déjà aveugle, le logement qu'il occu-
pait à Wliitehall. Il conserva son traitement ; il continua
à écrire des dépêches latines; il recevait de plus une in-
demnité pour donner, dans sa maison et à sa table, aux
lettrés étrangers qui venaient visiter l'Angleterre, une
libérale hospitalité; mais il n'entrait ni dans le secret
des affaires, ni dans l'intimité du Protecteur auquel i!
adressait pêle-mêle, dans l'occasion, '.te magnifiques
louanges et de généreux conseils. 11 avait lui-même le
sentiment de son peu de crédit et ne s'en plaignait point:
u Vous désirez, écrivait-il à Pierre lleinibach, JJoJJaii-
« dais de ses amis 2 , que je vous fasse recommander a
« notre envoyé désigné [jour la Hollande ; je regrette
« que ce ne soit pas en mon pouvoir; j 'ai très-peu de
« familiarité avec les faiseurs de grâces, et je me liens
« renfermé chez moi, et cela volontiers. » D'autres let-
trés républicains, étrangers à toute fonction publique,
Henri Neviit, Cyriac Skinner, disciple doMilton, Hoger
Coke, John Aubrey, Maximilien Pettie s'étaient grou-
pés autour de Harringlon, et formaient, avec lui, dans
un café voisin de Westminster-Hall, un club connu
sous le nom de Rota, où ils discutaient publiquement
chaque soir toutes les questions d'organisation politique,


i L e 3 l é v r i e r l u 5 4 .


- L e 1S d é c e m b r e Uio7 .




tfNVKKK I,F.S L E T T R E S . 1C5


dans des senlinienls pou favorables au gouvernement
de Cronnvcll. Des soldais, qui venaient assister à ces dé-
liais, furent plus d'une fois (entés d'y mettre fin violem-
ment; mais le nom et le langage modéré de Harringlon
les arrêtèrent. Cromwell surveillait celte coterie philo-
sophique sans la poursuivre : informé que Ilarrington
était sur le point de publier sou utopie républicaine,
l'Oceana, il fit saisir chez l 'imprimeur le manuscrit
qu'on apporta àWbiteball. Après de vaines démarches
pour se le faire rendre, Ilarrington désolé imagina de
s'adresser à la fdle favorite du Protecteur, lady Claypole,
qu'on savait bienveillante pour les lettrés et les pro-
scrits. Comme il était dans son antichambre, attendant
qu'elle le reçût, des femmes de lady Claypole vinrent à
traverser la pièce, suivies de sa petite fille, enfant de
i rois ans. Ilarrington arrêta l 'enfant, et il l 'entretenait
d'une façon si amusante qu'elle restait immobile à
l'écouler quand par hasard lady Claypole entra : «.Ma-
li dame, dit le philosophe en déposant devant elle l 'en-
« faut qu'il avait prise dans ses bras, il est heureux que
« vous arriviez, car j 'aurais certainement volé cette
< charmante petite fille.—Volé ma tille? Et pourquoi'?
i' —Elle est faite assurément, .Madame, pour de [dus
« brillantes conquêtes; mais, je l'avouerai, c'est la ven-
« geance, et non l'amour, qui me poussait à commettre
« ce vol.—Quel mal vous ai-je donc l'ail, Monsieur, pour
«i que NOUS vouliez me voler ma fille?—Aucun, iMa-
« dame; mais je voulais vous obliger à obtenir de votre
« père qu'il me fil, justice, en me rendant mon enfant




¡00 A l E s i r R F . S "DE <T!OM\VET,T,


« qu'il m'a pris; » cl il expliqua à lady Claypole le su-
jet de sa plaitite : « Je vous promets de parler pour vous
« à mon père, lui dil-elle, pourvu (pie voire ouvrage
« ne contienne rien de nuisible à son gouvernement;—
« C'est une sorte de roman politique, Madame, si éloi-
« gué de toute trahison, que je vous prie de vouloir
« bien dire àmilord Protecteur, voire père, que mon
« dessein est de le lui dédier, et qu'un des premiers
« exemplaires sera pour vous. » Lady Claypole obtint
la restitution du manuscrit à ïïarringlon qui le dédia
en effet au Protecteur : « Ce gentilhomme voudrait bien
« me pousser hors du pouvoir, » dit Cromwoll; « mais
« un petit coup d'une fouille de papier ne fera pas tom-
« ber de mes mains ce que j 'ai acquis par mon épée. Je
« n'approuve pas plus qu'aucun de ces messieurs le
« gouvernement d'un seul; mais j 'ai été forcé de me
« charger de l'office de grand consiable pour rétablir
« la paix entre tous les partis de la nation, car ils ne
« pouvaient s'accorder pour aucune forme de gouver-
« ncment, et ils ne savaient que se détruire tes uns les
« autres 1 . »


Peu de despotes se sont à ce point contenus dans les
limites de la nécessité pratique, et ont laissé à l'esprit
humain de tels espaces de liberté.


: T o d d , Life ofMilion ( L o n d . , 180:); ; — M i f l b r d , Life ofMMon.au


tê te , d e l ' e ' d l t i o n d e s e s œveres ( L o n d r e s , 1851). t. I , p . x c i v ; —


M i l i o i i , Epûtolv familiarss, t . V , p . 100 ;— I la r r iny ton ' s WorU O n - L .


L o n d . , 1771 ; , d a n s In. Vie p l a c é e e n I c t e d u v o l u m e , p . \ v r ;-JH„-


yi.>}>/ml Britannica, a n . Harriinjlon ;—Godwm, Hist. uflhi- dm.


•mume-eallh, t. I V , p . 0 0 . ¿ 1 0 .




D A N S L 'TNTKRÏ ' .T TVO C O M M E R C E . lfi'7


C'est dans le sein de la prospérité matérielle qu'au
sortir des grands troubles sociaux le pouvoir absolu se
complaît et triomphe : CroimveJl y veillait avec une ac-
tive sollicitude, non-seulement par le mainiien général
de l'ordre, mais par des mesures spéciales et direcles.
Il institua 1 un conseil du commerce où se réunirent,
sous la présidence de son fils aîné Richard, les membres
«lu conseil d'Etal, les juges, des jurisconsultes et les
aldermen des neuf principales villes commerçantes
d'Angleterre, chargés de rechercher les moyens de se-
conder le développement du commerce et de la navi-
gation britannique, et investis do tous les pouvoirs né-
cessaires dans ce dessein. Il donna à la compagnie des
Indes orientales une nouvelle charte" qui amena la
souscription d'un nouveau capital de 370,000 livres ster-
ling (i)/2')O,0ü0 fr.) et releva ce commerce de ta déca-
dence où il était tombe*. Le service de la poste aux lettres
reçut une extension et des améliorations importantes 3.
Des commissaires eurent ordre d'examiner les abus qui
s'étaient introduits dans les nombreux établissements de
charité publique et d'en poursuivre le redressement.
C'étaient partout tes essais d'une administrai ion vigi-
lante, inspirée par un génie sensé et soutenue par un
gniivernement fort''.


s E n 105").
••• E n 1(157.
< 1> KjOl.


l>«rU,ii,f.im.,i. X X , p . 470-171 ; — v V l i i l r l n r k o , p . 030 ; — C a r -
l u - , O v . i i i i r r / r . v U l e s (nul Hiieivhcn, i. 11,- p . 3 0 0 ; —Thv I>j,-h-


liiUunj ufKiHjliini. t. 111, ]). 517 , 54S, 552.




l'iN AIOVK E N E C O S S E E T


Pendant que Cromwell gouvernail ainsi lu i -même


i 'Angfeierre, il avait |inui- l icnleuanls, en Ecosse Jlotik


cl en Irlande son lits Henri, tous deux judicieux e! mo-


dérés,, comprenant bien sa situation et sa politique, et


enclins, par leur propre pente, à s'y conformer. A


l'égard de Monk, le Protecteur n'était pas sans


quelque méfiance; l'Ecosse était, pleine de royalistes;


Monk les ménageait , et à leur four, ils le courtisaient,


pour le gagner ou le compromettre. Une lettre lui


arriva un jour de Cologne; Charles II lui écrivait 1 :


« Quelqu'un qui croit bien connaître votre caractère


« et votre inclination m'a assuré que, malgré tant de


« malheurs et, de fâcheux accidents , vous conservez


« pour moi votre ancienne affection, et que vous èies


« déterminé à. la montrer quand l'occasion deviendta


« favorable, ,1e ne vous en demande pas davantage. Al-


« tendons patiemment cette occasion qui s'offrira peut-


« être plus tôt que vous ne pensez; soyez prêt au mo-


rt m e n t ; et en attendant, prenez garde à ne pas tomber


« outre les mains de ceux qui savent le ma! que vous


« êtes en état de leur faire quand les conjonctures s'y


« prêteront, et qui no peuvent manquer de soupçonner


« que vos affections se tournent, comme j 'en ai la cou-


« fiance, du côté de votre affectionné ami , Charles fi. /•


Monk envoya àCromwoll copie de celte lettre ' , mais


sans dire qu'elle lui était adressée a lui-même, et comme


! T e M a o û t 1050 .


2 E e S n o v e m b r e IG.Vi T k u r l o c , .S'M.-.JV/jvrv ' . I V . p . l ' b c




îTEXl ïT r i J O W E U . E V I H L V X T i R (1631-1657.) 160


ignorant a qui clic devait être remise. Soit que Crom-
well t'eût, ou non,découvert, il écrivit à :Monk, quelque
temps après : « Ou me dit qu'il y a en Ecosse un certain
•< rusé compagnon, appelé George Mouk, qui n'attend
>i que le monienl pour y introduire Charles Stuart ;
••• laites, je vous prie, vos diligences pour le prendre el


pour me l 'envoyer 1 . » Mais ces précautions mutuelles
ne nuisaient point aux rapports de ces deux hommes ;
Afonk savait servir iidèlement, sans lui livrer tout son
avenir, le pouvoir qu'il croyait fort, et Cromwell savait
se servir des hommes capables sans s'y confier. En Ir-
lande, le Protecteur avait affaire à des difficultés plus
compliquées ; presque toute la population, indigène et
catholique, lui était ennemie; l'armée y comptait beau-
coup de républicains; Ludlovv y résidait encore. Crom-
well avait là une double tâche à accomplir : il fallait,
d 'un côté, déposséder et transplanter, dans la province
de Coimaught, la plupart des propriétaires irlandais;
d e l'autre, satisfaire les préteurs de l 'emprunt de 1011
et les otheiers ou soldats anglais à qui les terres confis-
quées avaient été promises. Décrétée avant le Protecto-
rat, cette terrible opération, qui niellait également en
jeu les [tassions des vainqueurs et des vaincus, n'était
pas encore exécutée, et Cromwell en chargeait un jeimo
homme encore non éprouvé, qui n'avait d'autre auto-
rité que celle de son nom. Il ne lui remit que graduel-
lement ce grand et dillicile pouvoir; il l'envoya d'abord




170 ÏTFNTU OnOAfWRI.r,


en Irlande comme simple observateur 1 , puis comme
major général de l 'armée 2 , à coté de Fleetwood, gou-
verneur; el toujours hardiment fidèle à ses habitudes
de ménagement hypocrite, il écrivait à Fleetwood 3 :
« Le bruit court que vous serez rappelé et que Harrv
« deviendra gouverneur, ce qui n'est jamais entré dans
« mon cœur ; le Seigneur sait que, pour lui el pour son
« frère, mon désir était qu'ils vécussent à la campagne,
« en simples gentlemen; Harry sait très-bien cela, et
« avec quelle peine je me suis décidé à lui donner sa
« commission actuelle. Ce sont là de malicieuses inven-te lions, comme le bruit que j'ai été couronné. » 11 ajou-
tait pourtant en finissant : «Si vous avez dessein de venir
« ici avec votre chère femme, prenez le meilleur mo-
rt ment pour le bien public et pour votre propre conve-
« nance. » Fleetwood rentra en effet en Angleterre,
el Henri Cromvvell resta seul investi de l'autorité e u I r -
lande, où il prit officiellement, quelque temps après, le
caractère de gouverneur 4 . Il justifia la confiance de
son père : ses mœurs privées et la tenue intérieure de
sa maison laissaient pourtant beaucoup à désirer ; le
scandale alla même assez loin pour que sa sœur M a r i e ,
qui devint plus lard lad y Faulconbridge, crût devoir
l 'en avertir' : « Mon cher frère, lui écrivait-elle 3, je ne


1 E n f é v r i e r 1654 .


s E n j u i n 1 6 5 5 .
3 L e 2 2 j u i n 1055 .
, ! E n n o v e m b r e 1657.


5 L e 7 d é c e m b r e 1655 ; — T î n i r l o e , Stale-P,ip,rs. t . I V , \>. 200.




KN n î L A V I i K r i « 5 4 - j n 5 7 ) . 171


'< puis nie dispenser de faire quelque allusion à une per-


« sonne qui est auprès de vous et qui , vos. anus le crai-


« gîtent beaucoup, deviendra, si vous n'y prenez garde,


« une cause de déshonneur pour vous et pour nia chère


« sœur. On dit qu'elle gouverne tout dans votre maison


- et qu'elle en éloigne les gens de bien. Ne prenez pas


•• mal, mon cher frère, ce que je vous en d is ; si je ne


•.c vous aimais pas vraiment, vous et votre honneur, j e


•i ne vous aurais pas parlé d'elle. » Il ne paraît pas que


tien ri Cromwell tint grand compte des conseils de sa


sceur ; mais sa bonne conduite politique couvrit tes torts


do sa vie privée; il atténua pour les Irlandais dépossédés


l'extrême rigueur des mesures qu'il était appelé à exé-


cuter ; il se concilia les presbytériens, et même beau-


coup de royalistes; il écarta de l 'armée la plupart des


anabaptistes et des républicains décidément hostiles;


e i t f u , sur une obscure et incomplète promesse de


tranquillité, il fit partir Ludlow pour l 'Angleterre ;


et Cromwell put dire, en partant de son fils, avec


ta satisfaction de l 'orgueil paternel : « Voilà un gou-


•• vernour de qui j 'ai m o i - m ê m e quelque chose à ap-


-( prendre *. »


Le 12 décembre IG53, Ludlow venait à peine d'arriver


t I h u r l o o , HiaM'oprr*, t . I I I , I V e t V , v o i r t o u t e s l e s l e t t r e s
H c i i r i C r o m w e l l à T ' m i r l o o e t d o T h n r l o e à I I . C r o m w e l l ;—


.\U.rk N o b l e , MoMin of Ihe Vroltelorol Hume, i . I , p . 1 9 7 ; — C a r -
h i e , ÇreMWtiïs Lelltri aud S^ee-jus, t. TI, p . 3 0 7 , 3U3, 3U7; —
t -it»), JIM. .>/'!(• •*««./. t. I I I , p . l o i ; — G o d w i u , Uist. of llic Corn-
..•.viiu'-idi.it, i I V , p . 4 * 7 , 4 0 3 .




172 C O . N Y E K S A T I O X S ]>E cJ io .M\VK I , ! .


a Londres; le Protecteur l'envoya chercher et le reçu!
sur-le-champ, dans sa chambre a. coucher, à Whitehall.
entouré de plusieurs de ses officiers généraux : « Vous
« n'en avez pas usé loyalement avec moi,» lui dit brus-
quement Cromwell ; « vous m'avez l'ail accroire que
« vous aviez signé un engagement de ne rien faire con-
« Ire moi, en vous réservant une explication qui le ren-
« dait vain. Pourquoi n'avez-vous pas voulu vous on-
« gager à ne point agir contre le gouvernement établi '
« Quand même Néron régnerait, il serait de votre dc-
« voir de vous soumettre. »


L I D L O W : « Je suis prêt à. me soumettre, et je n'ai, je
c vous assure, connaissance d'aucun dessein contre
« vous; mais si la Providence ouvre une voie et donne
« occasion de se montrer pour Je peuple, je ne puis
« consentir à me lier les mains d'avance, et m'obliger
(( à ne pas profiter de la conjoncture. »


C R O M W F J J . : « Comment donc'? Est-il raisonnable de
« souffrir qu'un homme dont je me mélîe entre dans
« ma maison avant de m'avoir promis qu'il ne me fera
« point de mal? »


H : D L O W : « Ce n'est point ma coutume d'aller dans
« aucune maison à moins (pie je n'espère y être bien
« venu. Je ne demande qu'un peu de liberté de vivre
« en plein air. J'y ai le mémo droit que les autres
« hommes. Je ne puis aller, en l'ait d'engagement, plus
« loin que celui que j 'ai pris. Si on n'en est pas con-
« lent, je suis résolu, avec l'assistance de Dieu, à soui-
« Irir tous les maux qu'on voudra me faire subir, »




A V E U I . r n i . O W ' ,1655-1656). ¡73


c m o n v E L i . : « Nous connaissons assez voire i'ermeié, et
« nous avons de quoi clro aussi lenace que sous. Mais,
« j e vous prie, qui vous a parlé de vous faire soull'rirV »


i . n iLow : « Si je ne me trompe, Monsieur, vous avez
parlé de vous assurer de moi. »
ciioviwr.M, : « J'en aurais bien des raisons. J'ai honte
de voir l'engagement que vous avez pris, et qui sié-


« rail mieux à un général prisonnier, ayant encore en
» campagne une armée de trente mille hommes, qu'à
•i un homme dans votre situation. J'ai toujours été prêt
<J à vous rendre tous les bons offices que j'ai pu. Je
« vous souhaite autant de bien qu'à qui que ce soit de
« mon Conseil. Choisissez quelque lieu salubre pour y
'i fixer voire résidence. »


I .CDI .OV : « Monsieur, je vous assure que mon mécon-
<i leulementne vient d'aucune animosité contre votre
« personne; si mon propre père élait en vie et à
« votre place, mes sentiments seraient absolument les
« mémos. »


C R O M W E I X : « C'est vrai ; vous en avez toujours usé
« ouvertement et loyalement à mon égard ; mais je ne
« vous ai jamais donné juste sujet d'en user autre-
•( meut, v


La conversation s'arrêta là; on fit passer Ludlow dans
une pièce voisine où lèleelvvood vint bientôt Je trouver,
le conjurant encore de s'engager comme le Protecteur
le souhaitait, ne fut-ce que pour une semaine :«Pas pour
" une heure .» répondit Ludlow; et il retourna chez
Su:, où Croinwell le laissa on paix. Six mois après, en.


lie




17.1. C O N V E R S A T I O N S НЕ С К О А П У Е Е Е


aoùl 1050, Cronivvell venait, d'ordonner la convocation
d'un nouveau Parlement; il voulait on écarierles répu­
blicains influents; il lit rappeler Ludlovv devant son
Conseil : « ,1e n'ignore pas, lui dit­il, les complots t r a ­
ie mes contre mon gouvernement, et je veux que vous
« sachiez que ce que je fais ne procède d'aucun mot il
« de crainte, niais d'une prudence qui sait à temps pré­
« voir et prévenir le danger. Si j'avais l'ait mou devoir,
« je me serais assuré de vous aussitôt après votre ai­
« rivée en Angleterre; je vous demande à présent eau
« tion de ne point agir contre te gouvernement. »


umovv : «Dispensez­m'en, je vous prie ; vous savez.
< les raisons sur lesquelles j 'a i fondé mon refus, ,1c sui>
« en votre puissance ; vous pouvez me traiter comme
« vous le jugerez à propos. »


cnoviwELL : « Je vous prie, que vous faut­il donc ?
« Chacun n'a­l­il pas la liberté d'être aussi bon qu'il
« veut? Que pouvez­vous souhaiter de plus que ce que
« vous avez? »


LCDLOVV : « Il serait aisé de vous dire ce qu'il nous
« faudrait. »


CROMVVELL : « Dites­moi donc ce que c'est. »
LCDLOVV : « Ce pour quoi nous avons combattu : que


« la nation soit gouvernée de son consentement. »
CROMWEi.L : « Je suis autant que personne pour celle


« forme de gouvernement; mais où trouver ce consen­
« tement de la nation? Chez ies évoques, chez les près­
« bytériens, chez les indépendants, chez les anabao­
« tistes? »




AVEC LCDLOYV i,l((.V.-1656). 17.";
L I D I . O W : « Chez Ions ceux qui oui agi pour lu public


u avec lidélilé et all'oction. »
C K O W K U : « Mou gouvernement protège lout le


« inonde: sous mon autorité, la nation jouit du repos;
« je suis résolu d'empêcher qu'elle ne soit do nouveau
.< plongée dans le sang. »


LI DLOW : « Il n'y a déjà eu que trop de sang répandu
« si l'on n'en relire nul avantage. »


«to.viwr.Li. : « C'est bien à vous de rejeter sur nous le
u crime du sang! Mais nous pensons qu'on est bien
'i payé de celui qui a élé répandu; et nous savons qu'il
« va , à l'heure qu'il est, des correspondances secrètes
" en I re lesEspagnols et ceux de voire parti qui se servent
o de votre nom, assurant que vous leur donnerez assis-
" tance. »


nm.ow : « Je ne sais ce que vous entendez par mon
« parli, et je puis dire avec vérilé que, si quelques-uns
a sont entrés en traité avec les Espagnols, ils ne l'ont
« pas fait par mon conseil; mais s'ils veulent se servir
« de mon nom, je ne puis les en empêcher. »


CROMWELL : « Je ne vous veux pas plus de mal qu'à
» moi-même ; j 'ai toujours été prêt avons rendre tous
'( les bons offices qui ont dépendu de moi, et je n'ai en
« vue dans lout ceci que le repos et la sûreté du
« public. »


u' iuow : « Au fait. Monsieur, je ne sais pourquoi vous
« s e r i e z de mes ennemis, à moi qui vous ai été fidèle
« dans toutes vos traverses. »


i uoMYvtLI. : « Je ne sais ce que vous entendez par mes




170 C 0 . W K R S A T 1 0 X S 1>K C R O M W K I . L


« traverses; je suis sûr que ce n'étaient pas tant mes
« traverses à moi que celles du public; car pour ma eon-
« dition extérieure, je ne l'ai pas fort améliorée, comme
« ces messieurs le savent bien. »


Les membres du Conseil se levèrent de leurs sièges,
en signe d'adhésion. Ludlow reprit :


« C'est précisément ce que je dois à ce public, pour
« lequel vous témoignez tant d'égards, qui ne nie per-
« met pas de donner la caution que vous me denuindez;
« je la regarde comme contraire à la liberté du peuple
« et a-ax droits de l'Angleterre. Voici un acte du Parle-
v. ment qui ne permet au Conseil d'emprisonner aucun
« des libres citoyens anglais, et qui porte que, s'il le fait,
« les juges du haut Banc, sur la plainte de la partie lésée,
« lui accorderont un icrit d'habeas corpus et lui adju-


« geront des dommages considérables. Vous avez sans
« doute concouru de bonne foi à cet acte, et pour mon
« compte je ne me permettrai rien qui tende à le violer.^


c i t O M W E i x : « Mais l'armée et le conseil d'État ne fout-
ît ils pas arrêter les gens? »


L I D L O V : « Le conseil d'Étal le fait en vertu du pou-
« voir que le Parlement lui en a d o n n é ; et si l'armée
« l'a fait quelquefois, c'était en temps de guerre et uni-
té quemont pour traduire en justice les personnes arrè-
« lées. Mais on prétend faire la môme chose aujour-
« d'Iiui que nous sommes en paix el que nous devons
« être gouvernés parles lois du pays. »


GHOMVVELL : « Coin ment'? l'a juge de paix peut faire
•( arrêter, et joue le pourrai pas'.' '<




v v t r u u m u w .:ii.;r,.-,-ifir,ii). 1 7 7 1.1 ni.ow : « l 'n juge tic paix es! tut officier autorisé par
« la loi, et. \ m i s ne pourriez l'être, fussiez-vous roi,
•.• parce que, si vous agissiez injustement à ce titre, ii
( n'y aurait point tic recours contre vous 1 . «


Evidemment, des deux parts, la discussion était vaine;
eromweJI ne la poussa pas plus loin, et renvoya Eudlovv
sans le faire arrêter. 11 était moins surprit? qu'il ne vou-
lait le paraître île celle résistance et de ce langage. Il pen-
sait lui-même au tond du cœur tpie l'Angleterre ne pou-
vait être tranquillement ni longtemps gouvernée que
sous certaines conditions de légalité et avec le concours
d'un Parlement, cl l'expérience, plus forte que les argu-
ments de Ludlow, le confirmait chaque jour dans celle
conviction. Tout lui avait réussi; il avait abat lu fous
s e s ennemis et surmonté tous les obstacles; il restait
seul maître; et les obstacles reparaissaient, les enne-
mis se relevaient devant lui ; partout et constamment
vainqueur, son gouvernement ne se fondait point; ni
la délaite de fous les pari is, ni le rétablissement du
l 'ordre, ni l'activité salutaire de son pouvoir au de-
dans ne suffisaient a lui assurer ce qu'il cherchait, le
droit et l'avenir, lie grands succès au dehors, de bril-
lantes et utiles alliances, la puissance de l'Angleterre
cl la gloire de sou propre nom porlées au loin y réussi-
raient-ils mieux? En s'élendant et s 'illustrant dans le


i l . u d l o » , Menmrrx il a ne I M P O M M I , t . I I , p . 317-319 , 3 2 2 -


827. t U o - o M ; — E t u d e s biographique» sur la Révolution d'Anqleierre


V. f;S-77




178 CONVERSATIONS DE (,'ROM W'JU.L .AVf'.C IJJDLOW.


inonde, s'affcrniirail-il dans son pays? 11 l'espérait, et
il déployait dans sa politiijuo extérieure, avec plus do
confiance que dans son gouvernement intér ieur , son
audacieux esprit d'entreprise et le pouvoir absolu qu'iJ
a\ ait saisi.




LIVRE VIT
Cron-Avell prépare la cuorrc contre l 'Espagne.—Son plan de campagne dans


ées deny mondes . - l ikpeddion de Olake dans Ja Médi ter ranée , devant
l.ironrno, T u n i s Tripoli, A'.pi r et sur k\> côtes d'Kspa'u'ne.—1/expedltion
.'oramandeo par Penn rt"v'onabL.-s p a n de l 'or tsmouth.—Secret de sa desti-
nakon.—Uo :i Louis d e l l a r o , Conde ci. Mazarni pressent leurs négocia:ions
;e.a c Cnunweli.— Persécution des Vaudois en Piémont .— Intervention de
Cromwell en leur laveur.—L'expédition de Penn et Venables a t taque Saint-
Oomi.aguo et échoue.—Elle s 'empare de le. JamaiYjue.—Rupture entre
Ci ' O i i n v e l i et l 'Espagne.—Trai té entre Cromwell et la France .—La cour de
Madrid pronn-t des secours à Charles IL—Croniwell envoie Poekhart
courue ainba.s.-adear a Caris .—Grandeur d e Cromwell en Europe.—Il eon-
eoaue un Parlement.


Vers la lin de l'clc cl dans le cours de l 'automne do
piVi, pendant t[ue le Protecteur cl le Parlement qu'il
venait de convoquer se faisaient sourdement la guerre,
deux grandes Hottes s'équipaient et s'armaient à Ports-
inouth : l 'une, forte de vingt-cinq vaisseaux, était sous
le commandement de l'amiral Blake; l'autre comptait
trente-huit vaisseaux et avait pour amiral sir William
Penn; trois mille soldais, sous les ordres du général
Venables, devaient en outre y être embarqués. On gar-
dait, sur la destination de ces deux flottes, un profond
secret; le Parlement les avait mises à la disposition du
Protecteur sans lui demander ce qu'il en voulait faire,
et Cromwell disait qu'elles auraient pour mission de
rétablir partout la prépondérance marit ime de l'Angle-




IM J ' P O T F Ï X IVR f 'ROMXVFT.I .


terre. Un jour, une troupe de femmes des mafelois qui
servaient à bord le poursuivirent dans la rue en lui de-
mandant où allaient leurs maris; Cromvvell se eo.n-
tenta de répondre : « Les ambassadeurs d'Espagne et de
« France rue donneraient volontiers chacun un million
« pour savoir cela »


C'étaient les préparatifs de l'exécution d'un plan arrêté
dans son esprit. Pour se maintenir où il était monté, et
pour monter encore, il lui fallait, pour l'Angleterre, de
la prospérité et de la grandeur, pour lui-même, de la
gloire, et aussi de l'argent, car les mesures révolution-
naires et les majors généraux ne suffisaient pas aux
dépenses de son gouvernement. De plus, il avait besoin
d'employer au loin et avec éclat la marine nationale ;
les marins, officiers et matelots, lui étaient en général
peu favorables ; ils n'avaient pas avec lié, comme l'ar-
mée de terre, la fraternité des victoires et la complicité'
des attentats. Quelques-uns étaient républicains, la plu-
part royalistes. L'Espagne et le nouveau monde espagnol
laissaient seuls entrevoir, à tous ces intérêts de la politi-
que du Protecteur, une ample satisfaction; il y avait la
des expéditions, des conquêtes, des dépouilles, du com-
merce, de quoi occuper les esprits ardents, éloigner Je-
niécontents, assouvir lesavides. Et c'était aux dépens du


i T h u r l o e , State-Paper*, t. I l , p . 5 1 î , 5 7 1 - 5 7 1 . 0 3 8 , CXI ; t. I I I ,
p . M ; — W b i t e l o c k o , p . 0 2 1 ; — D i x o a , Robert Mule, p . 2 0 0 - 2 7 2 ; - -
U r a n v i l l e P o n n , Mémorial* of sir William Penh, l. 11, p . 2 - 2 7 -
Herdeaux à Mi-ieni:e ¡21 dOceniOre H15-1 ; Arvhan de* . i / / a i » . , eteae,




C O X T R K T . ' E S P A t t X K . 181


¡ I ; ¡VÍ : calliolitiiio et papisle par cv<-ollonro qu'on pouvait
obtenir <lc? suceé?; il'iiu pavsqui. loin d'avoir dans son
sein, oonnno la Franco,, un grand nombre du protestants
légalement, tolérés, ne voulait pas souffrir, sur son ter-
ritoire, la moindre pratique de la religion réformée, pas
même pour des étrangers, pour les négociants anglais.
L'Espagne, il est vrai, avait la première, entre les
grandes monarchies du continent, reconnu la Répu-
blique, et ne lui donnait aucun motif légitime, aucun
pretexte spécieux d'agression; mais c'était, de sa part
l'ai blesse et timidité, non pas bon vouloir véritable, et
Croimvell n'était ni dupe quant aux actes d'aulrui, ni
scrupuleux quant aux siens propres. En nommé Gage,
autrefois prêtre, qui avait séjourné longtemps dans les
Indes occidentales, lui décrivit complaisamment leur
Hnmeuse richesse, leur grand avenir commercial, la
décadence de l'adminisiraliou espagnole, la facilité que
h-niiverait l'Angleterre à pousser très-loin ses succès si
elle frappait heureusement un premier coup. Cromxvell
.-o resoluta attaquer l 'Espagne eu Amérique : l'escadre
ei les troupes du débarquement, commandées par Penn
et \ eualiles, avaient cette destination ; Saint-Domingue,
l'orlo-liieo, Cuba, e t , sur le continent américain, Car-
tilagine étaient les points spécialement désignés à leurs
entreprises : « Nous n'entendons vous lier, portaient
'( leurs instructions, par aucun ordre précis ni à aucune
« méthode spéciale; nous vous communiquons seule-
c ment, les faits et les vues qui nous ont frappés; Io
". dessein général est d'acquérir un élablisseinenl dans




' I M lè\ P K I i r n n . V Di: ili.AKE


« cotto parilo dos Indes occidentales (pie possèdent les
<i Espagnols; quand vous serez sur les lieux, vous doli-
ti bérerez entre vous et avec les personnes qui connais-
« sent bien ces contrées, et vous prendrez, soit sur les
« tentatives à faire, soit sur la façon de conduire tord io
« dessein, les résolutions qui vous paraîtront les plus
« raisonnables et les plus efficaces. » Et pendant que
Penn, avec son escadre, se porterait sur l'Amérique
espagnole, Blake devait croiser, avec la sienne, fout
autour de l'Espagne elle-même, surveiller ses ports, ses
navires, couper toute communication entre la métropole
et ses établissements américains, et assurer ainsi, par un
ensemble d'opérations combinées dans les deux mondes,
le succès de ce grand dessein '.


La flotte de Blake, moins nombreuse et qui exigeait
de moins longs préparatifs, fut prête trois mois avant
ecile de Penti. Il convenait à Cromwell que la coopéra-
tion des deux escadres et l'unité de leur mission fussent
d'abord dissimulées. L'Angleterre avait, dans la Médi-
terranée, des réclamations à exercer, des indemnités à
prendre, son renom et son influence à établir. Blake
avait le temps d'accomplir celte mission avant que sa
présence permanente sur les côtes d'Espagne fût néces-
saire aux opérations de Perni et de Venablcs en Amé-
rique. Il reçut l'ordre de partir; et avant de le .lui


( Rolerl Blake, p . 2 7 3 ; —Memoriate <>f sir William Penn, 1. l i ,


p . 2 8 - 2 0 ; — B u r n e t , Histoire démon !,>„,]>*, I. I, p . 101 , d a n s m a ' V I -


Ieri ion;—Thurloe, Xtate-Pajim, I. I l i , V- J l , J « ; - C J a r < ' u . l o i i , Ui: t.


ùflhe Relelliaii. 1. xv , c . 5 - 1 0 .




D A N S Г.А М К Ш Т К К К А Х К Н ;1(!Г 1­Г65Г>). Ш


lonner, Cromwell, pour écarter ton! soupçon, avait ou
oiu d'écrire au roi Philippe IV 1 ; « La sùrelé et la pro­
c tection <le la navigation et du commerce des peuples
( de celte République nous imposant la nécessité d'en­
' voyerdans la mer Méditerranée une flotte de bâtiments


de guerre, nous croyons devoir eu informer Voire
Majesté. Nous ne faisons point cela dans le dessein do
causer aucun dommage à aucun de nos alliés et amis,
au nombre desquels nous comptons Votre Majesté.
Nous enjoignons au contraire à notre général Robert
Pilake, que nous préposons an commandement de la
flotte , de se conduire envers eux avec toutes sortes
d'égards et de bienveiliance. Nous ne doutons pas
qu'en revanche, foules les fois que notre flotte abor­
dera dans vos ports et vos stations, soit pour acheter
des vivres, soit pour toute autre cause, elle ne soit
reçue avec tous les bons offices possibles. C'est ce que,
parla présente le tire, nous demandons à Votre Majesté.
Nous la prions d'accorder pleine confiance à notredit
général toutes les lois qu'il s'adressera, par lettre ou
autrement, soit à Votre Majesté elle­même, soit à vos
gouverneurs et ministres dans les lieux où il aura
besoin de toucher. Que Dieu garde et protège Votre
Majesté'! »
Rlake mit à la voile avant la fin d'octobre, encore


iuflïant de la blessure qu'il avait reçue dans son der­


1 Ce Г> a o i U 1 0 " I.


" A)'"7ii'i­,:•: de Simeinrax {Uocitmmh hkforiquen.n* X I ) .




i x 4 j : x p i : n r i TON D P : BT.AKV*


nier combat contre les Hollandais, mais plein d'ardeur
el de confiance, et inspirant à lous ceux qui servaient
sous lui les mêmes sentiments. C'était un héros simple
el contenu, hardi avec modestie, dévoué à sa toi , à son
pays, à sa profession, puissant sur ses compagnons quoi-
que silencieux, et aussi honoré que redouté de ses en-
nemis. La nouvelle de son départ fit à Paris, à Lisbonne,
à Madrid et dans tous les États de l'Europe méridionale,
une vive sensation; on ne savait ce qu'il allait faire;
mais on croyait qu'il tenterait beaucoup, et q u e , dans
ce qu'il tenterait, il pousserait jusqu'au bout. Presque
au même moment où il quittait Portsmouth, une flotte
française partait de Toulon portant à Naples, avec;
quelques troupes, le duc de Guise dont Mazarin exploi-
tait, pour la seconde fois, contre l'Espagne, la folle
témérité. En apprenant que Blakc se dirigeait vers la
Méditerranée, l'inquiétude saisit le cardinal; le comte
de Brienne écrivit, par son ordre, à M. de Bordeaux :
« Je pèse en mon esprit les mots que j 'ai à vous écrire.
« en crainte qu'un trop élevé ne causili, un mal dont la
« suite fût à craindre, ou qu'un trop bas ne nous con-
fi vrît de honte.. . . Il est nécessaire que vous donniez,')
« entendre que Sa Majesté ayant été avertie que Blakc
« avait reçu ordre de naviguer vers le détroit, le passer
a et entrer en la Méditerranée, Elle a résoin d'éviter
« quelque accident qui pourrait mettre ses affaires fior?
« d'état d'accommodement. » Des instructions furent
sans «foute données en conséquence, car lorsque Blakc
arriva devant Cadix, un de ses navires de transport.




P . i . V S LA M L D I I K.KKAXLK .mOL-lOOO!. ]HS


iiuxnl été arrèlé pur des bàliuicnls pariis d<> Brest pom-
renforcer Je dur île Guise à Toulon, le commandant


français, «le's t[u'il sul.que ee navire appartenait a l'es-
cadre anglaise, lit \ en i r te capilaine dans sa cabine ei le
remit on liberté, en l'engageant à boire avec lui, à la
sauté de l'amiral Blake, un verre île vin de Bourgogne
qu'il lit accompagner d'un salut de cinq coups de
canon ; et les vaisseaux français, au lieu de continuer
leur marche, se replièrent sur Lisbonne. Les bâtimenls
espagnols, portugais, hollandais, algériens même, qui
se trouvaient dans ces parages, témoignèrent à Blake
l e s mêmes égards. Le comte de Molina, gouverneur de
Cadix, le /11 inviter à entrer dans le port, où il trouve-
rait le plus bienveillant accueil; mais Blake répondit
qu'il avait hâte do profiter du vent pour passer le dé-
t r u i t cl aller exécuter, dans la Méditerranée, les ordres
du Protecteur, il se porta, en effet, rapidement vers
fxaples pour s'opposer à l'invasion du duc de Guise, car
Cromxvell, toujours en balance entre la France et l'Es-
pagne, ne voulait laisser prendre, ni à l 'une ni à l'autre,
trop d'ascendant, et s'appliquait à les contenir tour à
tour. Mais quand l'escadre anglaise arriva devant Xa-
ples. le duc de Guise avait déjà échoué et venait de su
rembarquer; Blake n'avait plus à s'occuper de celle
tentative frivole et pouvait poursuivre, sur toutes les
•.êtes de la Méditerranée, l'accomplissement de sa hau-
taine mission


r h u r l o e , Mnle-Papers, t. 11, p . 7 3 1 , t., 111, p . 1 0 3 ;—VVIUIH-




180 B L A K E D E V A N T


II se présenta d'abord devant Livourne, et fil de-


mander au grand-duc de Toscane, d'une part, des in-


demnités pour les prises faites en 1050 par le prince


Robert sur îles négociants anglais, et qui avaient été


vendues dans les ports de Toscane ; de l 'autre, le droit,


pour les protestants a n g l a i s , d'avoir à Florence une


église et d'y pratiquer l ibrement leur culte. L'alarme


se répandit sur toute la côte de l'Italie; des prises avaient


aussi été vendues dans les États romains, et le g r a n d -


duc de Toscane rejetait sur le pape une portion des in-


demnités réclamées. S u r cet avis Blake envoya un offi-


cier à Rome pour demander aussi réparation. L'effroi y


fut tel que beaucoup de personnes quittèrent la ville,


emportant ou cachant leurs ellèts précieux, et que le


pape fit aussi transporter à l ' intérieur le trésor déposé


dans la cathédrale de Lorelte, craignant un débarque-


ment et un coup de main des arrogants hérétiques an-


glais. Biakc n'était ni pil lard, ni indifférent aux règles


et aux procédés du droit des gens; il insista péremptoire-


ment sur les indemnités qu'il avait réclamées, mais sans


commettre aucun acte de violence. On négocia sur le


montant des réclamations. Blake demandait 150,000 li-


vres slerling; le grand-duc de Toscane en donna 00,000,


et lepapo y ajouta 20,000 pisloles'. Quant à la liberté du


l o c k e , p . 609;—Robert Blake, p . 272-270 ; — C l a r e n d o n , State-Pa-
ptn, t . H T , p . 269 ;—Histoire des ducs de Gaise, p a r Je m a r r j u i s R e n é
d e B o u i l l e , t. I V , p . 4.84-490 ;—(Documents Jiistoriqaejs, n ° X I I ; Ar.
ehiues de Simancas;—Arciiives des Affaires élrangc.res de France;.


• La, i . 'Utole r o m a i n e v a u t a u j o u r d ' h u i 17 Si, 2 8 c e n t .




U V O I ' R N K ¡1055). 1K7


culte protestant à Florence, le grand-duc éluda, disant
(jue rien de pareil n'était admis dans aucun des Etats
italiens, et qu'il s'y prêterait dès que d'autres souverains
en feraient autant, tîlake n'en exigea pas davantage; il
était de ceux qui avaient sincèrement à eainr, bien
qu'avec un peu d'embarras et d'inconséquence, la li-
berté religieuse, et il aurait voulu i'assurer partout aux
prolestants; mais il était sensé et équitable; il ne mé-
connaissait point les droits des souverains, et l'état des
catholiques en Angleterre le gênait dans ses préten-
tions l .


De Livourne il se porta sur la côte d'Afrique, d'abord à Tunis, puis à Tripoli, puis à Alger, réclamant là aussi
des indemnités pour des négociants anglais, et de plus
la mise en liberté des captifs tombés au pouvoir des pi-
rates. Le bruit s'était répandit que, par ordre du Grand-
Seigneur, foules tes flottes des Etals musulmans dans la
Méditerranée devaient se réunir à Tunis, sans doute
pour assaillir et piller quelque Etat chrétien. Blake vou-
lait déjouer toute entreprise de ce genre et imprimer
dans l'esprit des Barbaresques le respect de l'Angleterre.
A 'l'unis seulement il eut occasion d'employer la force.
En annonçant au bey ses réclamai ions, il lui lit de-
mander la permission de renouveler sa provision d'eau;
le bey se refusa brutalement à tout : « Dieu a donné le


* Robert PVile, p . 271-278 ; — T l m r l o e , Slnte-Papers, t . I I I , p . ]


• 1 , I d o , t. I V . p . .104 G o c h v m , JIi.il. of theCommomvcullh, t. J V .


.-. 188 , — L u i l l u w , Mémoire»,, t . I l , p . 260 .




1SH l!l,.V K.F. DEXÀST


« bienfait de l'eau a toutes ses créatures, » lui lit dire
Dlake ; « c'est de la part des hommes une méchanceté
« insolente que de se la refuser les uns aux autres. « —
« Regardez,» dit le bey aux officiers anglais en leui
montrant ses forts bien armés de la Goulelle et de Porfo-
iïerino; «faites du pire qu'il vous plaira, votre grande
« Hotte ne me fait pas peur ; » et il se préparait à re-
pousser toute attaque lorsqu'il vit l'escadre anglaise
s 'éloigner sans tirer un coup de canon. Il jouit or-
gueilleusement pendant quinze jours de cette facile dé-
livrance; mars le 3 avril fOorj la flotte anglaise reparut,
devant l 'unis, et le lendemain, au point du jour, elle
vint jeter l'ancre à demi-portée de mousquet des batte-
ries tunisiennes. Blake était allé à Trapani, sur la côte
de Sicile, rallier quelques-uns de ses bâtiments et com-
pléter ses munitions. Dès que le service divin eut été so-
lennellement célébré sur le pont de tousses vaisseaux,
à la vue des Musulmans frappés de surprise et de res-
pect, l'action commença, et pendant deux heures les
forts tunisiens et les vaisseaux anglais se canonuèrent
ardemment; le vent était favorable aux Anglais; ils di-
rigeaient sûrement leurs coups, tandis que les Tunisiens
ne tiraient qu'à travers des nuages de fumée. Cepen-
dant le résultat était encore incertain quand Blake or-
donna à l'un de ses officiers de confiance, John Steaks,
capitaine du vaisseau amiral le Sahtl-Gconje, de me tire
à la mer quelques-unes des chaloupes de la flotte pour-
vues de brandons et de torches, et d'aller à la rame
mettre le feu à neuf grands bâtiments de guerre, ancres




n ' N i s ai;!™;. j « p


an Coud du port, ot qui taisaient tolde la force maritime
du bey. L'ordre fui liardimeni- exécuté; malgré la
mousqueterie des soldats placés sur la côte, ta flotte tu-
nisienne fui incendiée : en vain les gens du bey essayè-
rent d 'arrêter les progrès du désastre ; les frégates an-
glaises balayaient, à coups de canon, le pont des navires
attaqués par te feu et en chassaient les travailleurs en-
voyés pour l'éteindre. Le port fut bientôt, de ce côté,
une mer de llammes, et devant ce terrible spectacle la
lolle de l'escadre anglaise et des forts tunisiens resta
quelques moments suspendue. Mais l'issue n'en était
plus douteuse; les Tunisiens perdirent complètement
courage ; le l'eu des forts cessa, Blake, s'il eut voulu, eût
pu aisément débarquer cl s'en rendre mailre; mais il
avait al teint son but ; lo bey avait senti la puissance do
lAnglelerre. Le désastre de Tunis retentit tout le long
de la còte d'Afrique ; Blake ne rencontra, à Tri]ioli ni a
Alger, aucune résistance, et modéré dans Ja victoire, il
lit partout régler, sans exigence arrogante, les réclama-
lions de ses compatriotes et le rachat des captifs '.


Même envers des Musulmans et des Barbares, il ne se
croyait pas permis de tout faire, et il portait dans ses
actes un respect prudent du droit des gens et de ses in-
siruclions. Le Li mars, devanl Tunis et sur le point de
i atiaquer, il écrivait à Tliurloe : « Je ne suis pas pleine-


R„l,m Mah; p. 230-293 ; — l ' i m r l o t : , Slalr-l'apm, t. U I , p . 23-2,
:.;•!, .MHP ,— VA hilr],><-!,r, p . 1121. (¡27;— O ' I a r o i u l o n , 11i.il. of //>.• ,tr
• > 5 < M i , i. . Y Y , <.'. ; , a, 1.2,—liaSu.--, Ehmclii.r< iu-jU''.niì, o l e , p a n . i l .
i... 5!j,:.


1 1




l'JO B L A S E D A N S LA


« trient satisfait sur ta question de savoir si, en cas rie
« refus de nos réclamations, mes pouvoirs me donnent
« le droit de saisir, couler à fond et détruire tous les
« vaisseaux de ce royaume; je voudrais avoir à cet égard
« des instructions plus explicites et qui me dictassent
« plus clairement mon devoir; » et le 18 avril, après la
victoire, il disait : «Maintenant qu'il a plu à Dieu de
« nous justifier d'une façon si éclalaule, j'espère que
« Son Altesse ni aucun de ceux qui tiennent à l'Iion-
a neur de notre nation ne seront mécontents de ce que
-< j 'ai fait, quoique je m'attende aux clameurs de bien
« des gens intéressés ici. Je reconnais qu'avant l'affaire.
« trouvant, comme je vous l'ai déjà dit, quelque am-
« biguïté dans mes instructions, j 'ai hésité quelque
« temps en moi-môme; mais la barbare conduite de
« ces pirates a décidé la balance »


Les Barbaresqucs ainsi réprimés, Blake se promena
quelque temps dans la Méditerranée, portant ses forces
partout où l'appelait quelque intérêt do la puissance,
ou de l 'honneur, ou de la fortune de l'Angleterre : à
Malte, pour donner aux chevaliers, qui avaient plus
d'une fois arrêté et pris des navires anglais, un avertis-
sement efficace; à Venise, pour recevoir les félicita lion s
du doge et du sénat charmés, au milieu de leur lutte
contre les Turcs pour la possession de Candie, que les
Musulmans subissent dans les parages voisins quelque
échec; devant Toulon et Marseille, pour intimider les


1 I h u r l o e , mie-Va^n, u I I I , | . . 2 3 2 , 3 9 0 .




M K D I T E R R A N K K (1655}. 191


armateurs irai irais, qui, malgré les défenses du roi,
sériaient quelquefois do ces [torts et couraient sur le
commerce anglais. En droit et en fait, la police «les
mers était encore, à celte époque, presque nulle ou im-
puissante; la paix entre les États n'était point, pour
tours sujets mutuels, une garantie de navigation sûre ;
•A les gouvernements ne réussissaient ou même n'aspi-
raient guère, soit à réprimer eux-mêmes les désordres
mariiimes de leurs nationaux, soit à les protéger contre
des désordres semblables ou contre la répression vio-
lente des marines étrangères. Iflake usa largement du
droit de veiller dans la Méditerranée à la sûreté du
commerce anglais; pour décourager ou punir les dé-
prédateurs, il lit lui-même à son tour, sur le commerce
Irançais, espagnol, portugais, hollandais, hambour*
;jeois, des [irises plus ou moins considérables et qui de-
vaient amener, entre les gouvernements, de fâcheux
< mbarras; mais, par son activité et sa vigueur, il inspira
aux négociants anglais une confiance et aux armateurs
étrangers une crainte qui servirent puissamment la
prospérité et le renom de son pays. Et quand il crut
avoir assez fait dans cette v u e , il retourna sur les
côtes d'Espagne attendre l'explosion de la guerre que
devait amener, entre les deux Étals, l'entreprise contre
'Amérique espagnole, et dans laquelle le rôle européen,
lui était réservé


• «»'.<•!« Hlake, p . «fi 'J-«»l , — T l i u r l o e , HMo-Paym, I. 111,
i . s;>, - iv i , . i s , , 6 U M r - W J i u d u e k e . p . 6 1 ! . — a ,1 . ; « ( „ , - , » u,u,Ui,:




[:.­.' B L A K E D E Y A X T
En passant devant Malaga, quelques­uns des mate­


lots de Rlake deseendirent à t e r r e , et rencontrant
dans les rues une procession du saint sacrement, au
lieu de s'incliner avec respect, ils se moquèrent avec
bravade et insulto. 1. n prêtre indigné excita le peuple
a venger l 'honneur de sa foi; un violent tumulte s'en­
suivit, et les malelols anglais, bai tus , eurent grand'­
peine à regagner leur barque et leur flotte, où ils ra­
contèrent, connut! il leur convenait, à l'amiral ce qui
venait de leur arriver. Plusieurs l'ois déjà, à Lisbonne,
à Venise et dans d'autres ports catholiques, des scènes
semblables avaient eu l ieu; dans la perspective de la
rupture qu'il savait près d'éclater entre l'Angleterre et
l'Espagne, Blake résolut de ne point passer celle­ci sous
silence. 11 envoya à terre un trompette, demandant,
non pas, comme on s'y attendait, que les violences de
la populace fussent punies , mais que le prêtre qui
l'avait excitée fût lui­même traduit en justice. Le gou­
verneur de Malaga répondit qu'il ne pouvait satisfaire
a ce vœu, car en Espagne les servilcurs de l'Eglise
n'étaient pas justiciables du pouvoir civil : « Je ne m'iu­
« quiète pas de savoir qui a droit de m'envoyer l'oflén­
« seur, lui fit dire Blake, mais si, dans Irois heures, il
« n'est pas à bord du Saint-George, je brûlerai votre
« ville de fond en comble. » Aucune excuse, aucun
délai ne furent admis; le prèlre fut envoyé à l'amiral.


rt'J O'.".obro 1651;, Archives des Affaires cl гага/а te d.c P r o u e f •.'•>"•
•.aaiiiifs h't'.ortqueb. a"




M A Ï . V O V uns.v. 193


lîlake iil aussitôt venir 1rs malolols, el après avoir écouté
1rs deux récits, il déclara qu'ils s'étaient conduits avec
inconvenance cl grossièreté envers les Espagnols, ci
avaient eux-mêmes provoqué l'attaque dont ils se [dai-
gnaient : « Si vous m'aviez envoyé sur-le-champ la re-
« talion de ce qui s'était passé. » dit-il au prêtre, « mes
« hommes auraient été sévèrement punis : je ne souffre
« pas qu'Us insultent la religion des pays où ils lou-
« client; mais j 'ai été blessé, que vous vous fussiez fait
« justice vous-mêmes par la violence; je veux que vous
« sachiez et que le monde sache qu 'un Anglais ne doit
v être jugé qui; par des Anglais;» et il renvoya le prêtre
à terre avec respocl. Ilare exemple d'équité et de tem-
pérance dans l'ardeur de la loi et de la force, cl au sein
do la confusion des droits 1 !


Quand Cromxvell recul la lettre où lllake rendait
compte de cet incident, il la porta au conseil dT'taf et
ta lut lui-même a haute voix, avec la [dus vive appro-
bation : » Voilà, » dit-il, « comment il faut s'y prendre,
e el je rendrai le nom d'Anglais aussi grand que l'a
« jamais été celui de Romain *. »


ih'omxveU avait raison d'employer DJako avec con-
fiance, car cédait sincèrement qui; le marin républicain
avait renoncé a se mêler des dissensions intérieures de
son pays, pour ne s'inquiéter que de sa grandeur dans


! ParwI.Jlnl. </.•»».«• tftfjn.. e 1, p-l"i ,yi";o. d a n s UIHCoVnlîOK;
- Roi ,,l p. 5" l . - , ;e l ,


1 livlu'i.




1!M LA F L O T T E D E P E V N E T V E X A I i L E S


lu monde. Quand Tliurloe, on janvier 1055, annonça a
BJake la dissolu!ion du Parlement qui axait prétendu
reconstituer, à son gré et en vertu de son seul pouvoir,
le gouvernement du Protectorat, Blake lui répondit :


-te irai pas été surpris de la nouvelle que vous me
« donnez; les interminables lenteurs et les inoppor-
« tunes motions de cette assemblée m'avaient fait pres-
te senlir qu'on en viendrait là. Je ne pins assez m'élon-
« ner qu'il reste encore, dans le cœur des hommes qui
« se disent patriotes dévoués, tant d'esprit de parti et
« de préventions passionnées qu'ils mettent de côté les
« seuls moyens de sauver la république, au milieu des
K complots combinés de ses anciens et de ses nouveaux
« ennemis. J'espère que le Seigneur, qui nous a sauvés
« jusqu'ici, nous sauvera encore, quoique nous fassions
a fout ce qu'il faut pour le lasser '. »


Environ deux mois après le départ de Blake pour la
Méditerranée, vers la lin de décembre lOoi, la flotte de
Penn et de Yenables, avec ses trompes do débarque-
ment, quitta à son four Portsmouth et m i t a la voile pour
l'Amérique espagnole. Quoique préparée de longue
main, l'expédition commença sous de fâcheux auspices ;
peu avant le départ, une sédition fui près d'éclalei
parmi les matelots qui se plaignaient de la mauvais!'
qualité des vivres, ne voulaient plus être recrulés paria
voie de la presse, et disaient avec humeur que tout te


1 ttlt'ke a Tliurloe [1-1 m a r s 1 0 5 5 ; ; — T i t u r l o u , (SlaU-I'urus, t. 111.




1>AKT J)K P O U T S M O l î T U ( I > » - > . M B R K 105-1;-. 105


monde savait où ils allaient, tandis qu'on le leur cachait
à eux seuls. Les deux chefs, Peiin et Voua!îles, n'étaient
guère mieux disposés que leurs soldats; Pcnn, au fond
du cœur, était royaliste, et quand if se vit à la tète
d'une forte escadre, if fit dire à Cologne que, si le roi
était en mesure d'agir et lui indiquait un poste où il
pût conduire en sûreté ses vaisseaux, il était prêt à se
déclarer [tour lui. Venables, faible et irrésolu, et peu
attaché à Cromvvell, quoiqu'il eût bien servi sous lui en
Irlande, fit parvenir à Charles II des ouvertures sem-
blables. L'amiral et le général ne s'étaient point com-
muniqué leur dessein; mais tous deux avaient peu de
foi et peu de goût pour l'avenir de Cromxvell, et vou-
laient ménager toutes les chances. Charles, qui n'était
ni en état ni en disposition de rien tenter, les engagea
a poursuivre, dans l'intérêt de l'Angleterre, L'entreprise
dont ils étaient chargés, et à attendre qu'un meilleur
temps vînt pour le servir. Ils partirent sans grande ar-
deur ni confiance, ayant reçu du Protecteur l'ordre de
n'ouvrir qu'à laBarbadc ses instructions sur l'objet et
la marche de l'expédition L


Les matelots avaient raison de croire que le secret
était mal gardé : c'était- dans l'intérieur même de
Cromxvell, et par l'un de ses plus alfidés serviteurs, que
l'indiscrétion avait commencé. Il employait souvent


i T r n r l o o , SMe-Pnpeu, i. I I , p . 512 , 571-574 , 705 ; t . I I I , p . I l ,


- 0 ! : m - ! i O n n , / / , » ( . „f H,e R t r M b o n , L s \ , c . 5, « O - r i i i i v P k -


p , - ; : i , . Monurtvh nftir WH.Utun Venu, !.. I I , p . 1 1 - 1 8 , — W h i O j l o c k . ; ,


\yi\, — I K - i u l i , (Ji.rmkk, }'• 0 7 1 , 0 0 2 .




l l y L\C KIÎTTTI" M V. s r ; i ! | . K ÎÎT'T


(mur scs rapports avec le continent, surtout avec les
protestants de t r ance , de Suisse cl d'Allemagne, un
agent nominé Sloupe, Grisou de naissance et ministre
do 1 Eglise française à Londres, liomme d'esprit et d'in-
trigue, tour à tour théologien, négociateur, pamphlé-
taire, soldat, sans vertu, sans prétention à paraître avec
éclat, mais curieux, actif, avide d'importance cachée cl.
d'argent, et prêt à servir quiconque lui dormait ces
satisfactions. En entrant un jour dans le cabinet du
Protecteur, Stoupe le trouva occupé à examiner atten-
tivement une carte et à mesurer des distances; il y jeta
furtivement les yeux, reconnut une carte du golfe du
.Mexique, remarqua le nom du graveur et alla le lende-
main chez celui-ci pour acheter la carte. Le graveur
répondit qu'il ne l'avait pas : « Je l'ai vue, » dit Stoupe;
—«en ce cas, ce ne peut être qu'entre les mains du
« Protecteur, car je n'en avais que quelques exem-
« plaires, et il m'a fait défendre d'en vendre un seul
« sans sa permission. » Vivement excitée, la curiosité
de Stoupe passa bientôt à l'indiscrétion; s'cntrelenau!
un jour avec quelques personnes de l'expédition de
Penn, il dit que, pour lui, i l l a croyait destinée aux
Indes occidentales. Ce propos revint à don Alonzo de
Cárdenas qui lit appeler Stoupe, lui demanda sur que!
fondement il l'avait tenu, et lui offrit 10,000 liv. st. s'il
pouvait lui découvrir le secret de ce dessein. Stoupe,
cette fois, ne se laissa pas lenler et donna le change à
l'ambassadeur espagnol au lieu de le salisfaire. Mais il
était en correspondance a\ec les Frondeurs protestants




DE I Ï E X P É . I H T f o \ P E P E N N , Vf!


qui entouraient à Bruxelles lp prince d p Coudé, Iriste-
inenl fugitif eï guerroxaul. sans gloire chez les Espagnols
depuis 1111o la ruine de la Fronde Taxai! mis hors d'élal
d'èlio loin- à leur, dans sa patrie, un héros et un fac-
tieux. Sloupe envoyait à ses correspondants des nou-
velles en échange de leurs lions offices; il leur manda
sa eon.jecture sur le hul de l'expédition de Penn ; Coudé
eu lui aussilôt informé et en informa à son tour don
.luari d'Aulriche qui avait succédé a l'archiduc I.éopold
dans le gouvernement des Pays-lias. Mais don Juan ne
tint aucun compte d'un bruit dont l'ambassadeur
d'Espagne à Londres ne lui parlait point. On y faisait
ailleurs plus d attention ; lord Jermyn écrivait, de Paris
a Charles 11 1 : « J e ne pins m'empêcher de puiser
'/ quoique espérance dans les rumeurs qui nous arrivent
« de loules paris que la flotte de Cromwell a pour
« mission une tentative sur Hispaniola; quoique ce
« soit au delà de la Ligne, je ne puis me figurer que les
« Espagnols, se voyant attaqués sur un point si impor-
< tant de leurs possessions, restent amis de l'agres-
.! seur. » — « Je ne comprends pas, » disait un peu plus
lard Ma/arin à Bordeaux , «comment il esl si difficile
u de delà de pénétrer le dessein de la flotte de Penn,
H vu qu'ici où nous en devrions savoir bien moins do
v. nouvelles qu'au lieu où vous êtes, nous avons appris
« qu'en passant à Saint-Christophe , il s'est embar-




108 N O r V E U . E S O E E E K S D E lOENIOAONE


v que, sur ladite Hotte, trois cents Français on habi-


« tants de File, et qu'ensuite elle a pris sa route vers


K C u b a 1 . »


La cour de Madrid ne l'ut pas aussi légère que sou


ambassadeur à Londres : frappé des informations indi-


rectes qui lui arrivaient, don Louis de Haro, par ordre


exprès du roi, se plaignit à Cardcfias, non-seulement de


son silence sur le but de l'expédition de Penn, mais de


l 'incohérence de ses avis sur les affaires d'Angleterre- et


de son peu d'influence auprès d'un gouvernement que


l 'Espagne avait la première reconnu et appuyé. Car-


denas se défendit v ivement de ces reproches, rejetant la


lenteur et l'insuccès de ses négociations sur le défaut


d'instructions positives, sur fes hésitations de sa cour


elle-même, et disant quant à l'escadre de Penn : « Le


« dessein sur les Indes est le seul que je n'aie pu pénétrer


« parce que le Protecteur l'a tenu avec soin caché


« précisément aux personnes par qui je pouvais espérer


« d'en apprendre le but Je n'ai donc pu recueillir a


« cet égard que des conjectures, et j 'ai transmis a


« V. M. toutes celles qui se l'ont sur cette expédition,


<J dans toute leur diversité. » Cardefias finissait par


demander son rappe l 2 .


Au heu de le rappeler, Philippe IV envoya à Londres


1 B u r n e t , Ilist. de mon temps, i. I , p . 101-104. d a n s m a Collection


— C l a r e n d o n , Stale-Papers, i. I I I , j>. 204 ; — Muzarin à Bordeaux


Arcliioes des Affaires c'ra.n.gércs de Franee).


" Cardenas au roi Philippe IV 0-JS j a i ; \ n j r 1 0 0 0 ) . Areinces de ,S'C


rrooieas Documents histori'iueSj n , J X I V ; ,




A O R O M A V E L X O A X V I E K 1655) . 199


un ambassadeur de plus, h; marquis de Lcyde, liomine
grave et vaillant officier, qui sï;taifc fait honneur dans la
guerre des Pays-Bas par sa vigoureuse défense de
Maestricht contre le prince d'Orange. 11 avait ordre, en
se concertant avec Oardcfia-, de ne témoigner au sujet
de l'escadre de Penn aucune défiance, de renouveler au
contraire au Prolecteur les plus formelles assurances
des bons sentiments de sou roi, et d'insister pour la
conclusion d'un traité d'alliance intime entre l'Espagne
et l'Angleterre, rappelant à Cromvvcll tous les motifs qui
devaient l'éloigner de la France, et lui offrant de l'aider
immédiatement à prendre Calais, pourvu que, de son
côté, il aidât Je prince de Coudé à rentrer dans Bordeaux
et à reporter la guerre, de concert avec les Espagnols,
sur le territoire français 1.


Une telle avance de la cour de Madrid à Cromvvcll, au
moment où il commençait contre elle une telle agres-
sion , surprit la fierté peu exigeante de Mazarin lui-
même et l'inquiéta vivement. L'Espagne était donc
décidée à tout supporter et à tout faire pour engager
l'Angleterre contre la France. Bordeaux recul ordre de
presser la conclusion du traité qu'il négociait depuis
(dus de deux ans, et d'annoncer même son départ
d'Angleterre si on le traînait encore en longueur*.


i T ï i u r l o e , Slate-Papen, 1. I . p . 688 , 7 6 1 ; t . I I I . p . 5 1 , l.TUj-Ck-
r o n d o n , JXM. of ihe UeMUon , 1. s v , o . 8 ; — H e a t h , Citrouille,
p . 689 .


- Mazarin a liordeaux ;-2 j a n v i e r 1655); Archives des A/j'aires dira».-
aères de France,




200 X K O O C r A T T O r - . S [>(•: M-VZAKTN


Plusieurs t'ois il a\uil cru louclior on terme do sa négo-
ciation; niais tantôt les questions qui semblaient réso-
lues avaient été reprises, tantôt des questions nouvelles
et imprévues s'étaient élevées. On ne pouvait parvenir
à s'entendre sur les termes de l'article secret qui devait
éloigner de France les Stuart et leurs principaux par-
tisans; Cromvvell ne voulait pas s'engager a ne pas
proléger les protestants français si, pour maintenir leurs
libertés, ils avaient besoin de son appui; pour rester
fidèle aux anciennes prétentions îles rois d'Angleterre,
il demandait que le roi de France ne prît, dans le traité,
que le titre de roi des Français; il voulait traiter d'égal
à égal avec Louis XIV, et être nommé avant lui dans
l'exemplaire anglais de cet acle, ainsi que cela avait eu
lieu dans les conventions qu'il avait conclues avec les
rois de Suède, de Danemark et de Portugal. Quelque
envie que Mazarin eût de la paix, quelle que fui l'insis-
tance de Colbcrt pour qu'on rentrât avec l'Angleterre
dans des relations commerciales bonnes et sûres, ils se
refusèrent longtemps à ces exigences : quand la fortune
de Cromvvell semblait chanceler, Mazarin s'arrêtait et ne
poussait plus à une conclusion; en octobre lOîj-i, au
moment oii la lutte s'envenimait entre le Protecteur et
le dernier Parlement, il écrivit à Bordeaux ; « 11 est
« bon de ne rien précipiter et de tenir seulement les
« choses en état, attendant la suite et qu'on puisse voir
« un i i e u plus clairement la pente qu'elles prendront;
» car il semble (pie la prudence ne veut pas qu'on se hâte
o si fort d'aller épouser ouvertement les intérêts de M. le




AVEC f 'TlfWniTr.i , .1055). 301


" Protoelcur dans une conjoncture où, le parti contraire
« venant par hasard à prévaloir par-dessus lésion, tout
« ce que nous aurions l'ait ne servirait qu'à obliger ses
« adversaires à se déclarer contre nous et à tendre les
« bras aux Espagnols qui ne manqueraient pas de l'aire
« leur profit de ce contre-temps. » Mais quand Cromvvel'
l'ut, au dedans, vainqueur et seul maître, quand on le vit
déployer au dehors sa puissance, contracter alliance
avec tous les États protestants de l'Europe du nord,
intimider également dans le midi les catholiques et les
Musulmans, et méditer sur l'Espagne des conquêtes,
quand on apprit à Paris que Montecuculli était allé à
Londres pour essayer d'adirer le Protecteur dans les
intérêts de la maison d'Autriche, que Whitelocke,
poussé, disait-on, par la reine Christine, Pavait appuvé
à W'hiteball, et (pie le roi d'Espagne lui envoyait le
marquis de Leyde pour donner à ses offres d'alliance
plus de poids et d'éclat, en présence de tous ces faits,
les oscillations et les lenteurs de Mazarin disparurent;
il enjoignit coup sur coup à Bordeaux de pousser la né-
gociation ; on se montra facile sur les termes de l'article
secret rotatif à l'expulsion des Stuart et de leurs plus
intimes amis; on consenlii au main lien de l'ancien pro-
tocole qui donnait au roi de France le titre de roi des
Français; et en maintenant, sur fa question de pré-
séance, dans le préambule du traité, la dignité de la
couronne de France. Mazarin ajouta : « Nous ne deman-
•« dons pas mieux que de trader d'égal à égal avec
« t'Aiiglelerro, ou bien avec le Proiecieur même .




'¿02 R E L A T I O N S 1H-1 C E O M W E I . i .


« pourvu qu'il prenne le lilro de roi ; ol alors Sa
« Majesté n'hésitera pas à lui taire tout l 'honneurqno les
.< rois de France ont accoutumé de faire à ceux d'An-
« gleferre, et lui enverra aussi un amhassadeni' extraor-
« dinaire pour l'en féliciter, s'il le désire de la sorte 1 ! «
Refus admirablement flatteur et qui devait séduire
Cromwell, bien loin de le blesser'.


Cromxvell ne fut ni blessé ni séduit ; il céda sur la
question de préséance, mais ne se pressa pas davantage
de conclure. Au fond du cœur if penchait do plus en
plus vers la France: il savait bien que la rupture avec
l'Espagne était inévitable après le coup qu'il était près
de lui porter, et la patience avec laquelle elle en sup-
portait, l'approche le rassurait sur sa colère quand vien-
drait l'explosion. Les offres du marquis de Leyde ne le
tentaient pas : sur les deux points auxquels l'Angleterre
tenait le plus, la libre navigation dans les Indes occiden-
tales et la liberté de culte pour les négociants anglais en
Espagne, la cour de Madrid persistait dans son refus.
Les paroles de Condé et de ses agents à Londres n'inspi-
raient à Cromwell nulle confiance : « C'est un étourdi
<i et un bavard, » dit-il un jour à Sloupe, « et il est
« vendu par les siens au cardinal. » 11 n'ignorait pas


1 Nozarin à Bordeaux (16 j a n v i e r 1005) ; ArcJducs des . î . r /eé><
étrangères de France,


2 Bordeaux à lirienne (19 o c t o b r e , 9, 2:1 e t -,>!l n o v . , M e t 2-1 d é -
c e m b r e 165-1 ; 3 , 4 e t 14 j a n v i e r , l ' r m a r s , ,0 a v r i l , 20 r i -27 m a .
1 6 5 5 ; ; Archives des Affaires idratxjer'-s de Freiner <l),,r,nnrnls laM,.-
riques, n ' 1 X V ) ,




A V K O T.ES P K O T E S T A X T S T)K F R . A X O E . ans
que l 'Espagne, ioul en appuyant les mécontents fran-


çais, ne serait jamais pour eux un patron bien efficace;


elle manquait d'argent et avait eu naguère quelque


peine à envoyer à Condé, par les mains de Gardénias, un


secours de cinquante mille écus Il voulut connaître


avec certitude les dispositions des protestants de France


que Condé disait prêts à se soulever en sa f a v e u r ;


Stoupe, par son ordre, parcourut la France en simple


voyageur, les bords de la Loire, Bordeaux, Montauban,


Nîmes, Lyon, s'entretenant avec les principaux protes-


tants, et leur parlant du lion vouloir que Cromvvell leur


portait. Il les trouva, pour la plupart, décidés à se tenir


en paix; les édifs étaient observés; ils pratiquaient li-


bremenl leur culte et faisaient tranquillement leurs al-


lâmes; ils pensaient mal d'ailleurs du prince de Condé:


« C'est, » dirent-ils à S toupe , « un homme qui ne


« cherche que sa propre grandeur , prêt à sacrifier tous


K ses amis et toutes les causes qu'il semble épouser. »


Tout concourait à convaincre Cromvvell qu'i l n'avait


rien à attendre de l 'Espagne ni des Frondeurs , et que la


France, Louis XIV et Mazarin, plus puissauls et plus


habiles, étaient pour lui des voisins plus redoutables,


et seraient de plus utiles alliés. 11 donna solennellement


audience au marquis de L e y d c 2 ; mais le marquis ne


farda pas à reconnaître que son ambassade n'aboutirait


a rien, cl repartit pour la Flandre. Cromvvell le lit ac-


1 I - ' - M a v r i l et K> j u i l l e t 10,'>5 (Documents historiques, n» XVT) ,


i . e 11 mai liiûu,




-•m P E R ^ K C T T T O X E T 1NS1 R R E C T I O N


compagncr avec pompe jusqu'à Crinesend, cl resta,
envers la France, dans la même immobilité, ne se sen-
tant point pressé de se déclarer ni de s'engager pins
avmt. La cour de France lui inspirait toujours, et en-
core plus au public anglais, de grandes méfiances; la
plupart des négociants de Londres penchaient pour
l'Espagne, où leur commerce était considérable. A quoi
bon, d'ailleurs, se décider avant que l'issue de l'expé-
dition d'Amérique fût. connue'? L'Espagne alors rom-
prait elle-même la paix, et le traité avec la France serait
conclu au nom de la nécessité. Bordeaux démêlait assez
bien ces motifs des tergiversations du Protecteur, et en
rendait fidèlement compte à sa cour 1 : « L'esprit de
« complète et le prétexte de religion l'attirent contre
« l'Espagne, » écrivait-il à M. de Brienne; « son incli-
« nation, la jalousie de noire puissance et l'intérêt des
K marchands, contre la France. Les mécontentements
« qui pourraient éclater dans l'Angleterre, si l'une des
« deux couronnes lui était ennemie déclarée, le rô-
ti tiennent au dedans; et la confiance que nous n'ose-
« rions rompre lui fait mépriser toutes menaces et ern-
« pressements que je pourrais mettre en usage pour
« l'obliger à changer de conduite à notre endroit. C'est
a le plus naturel crayon que je puisse l'aire de la dis-
«. position présente de son esprit •". »


1 L e l= r o c t o b r e 1(131.


''• T l m r l o o , 8uiU-P<n«:r*, I. H T , p . 570, 01.1 ; - P u t m on i , f'-,rp:
unfa*rM tV,p\mmV,<tm!, t. V I , p a r i . I I . p . l u e , - - l l u r m - i . Ilï.t. ./••
>i. '-« /.•»!)>*, t . I . |>, 150-158, d a n s m u I W M W N ,




HK.S V A l . 1 ) 0 1 « "DE P T K M O N T ,lCr.5). ¡11 incident, eni 'n|iécn par le bruit i|ii"iJ lil partout,
quoique renfermé dans un coin obscur des Alpes,


fournit a Croinweli de nouveaux prélextes pour ajour-


ner encore toute solution définitive. Au tond de quel-


ques vallées du Piémont vivait un petit peuple de la-


boureurs et de patres, soumis depuis des siècles à la


maison de Savoie, mais séparé aussi, depuis des siècles,


par sa foi et son culte, de ses compatriotes et de ses sou-


verains. On a souvent recherché, sans résoudre avec


certitude cette question, quelle était l 'origine des croyan-


ces et du nom des Yaudois: l 'Église romaine les traitait


comme des hérétiques, et, à leur tour, ils accusaient


l'Eglise romaine de n'être plus cette primitive Église


apostolique dont ils se regardaient eux-mêmes comme


les Iidèles héritiers. Quoi qu'il en soit, c'était une race


d 'hommes simples, pauvres, laborieux et pieux, passion-


nément attachés à leurs montagnes, à leur foi et à leurs


pasleurs. Ils avaient, à diverses reprises, obtenu des ducs


de Savoie certains privilèges qui assuraient leurs li-


bertés religieuses et locales; et du x r au x \ T siècle, ils


avaient passé par de fréquentes alternatives de tolérance


et de persécution, plus souvent tranquilles qu'inquiétés


pourtant dans la pratique, de leur culte et la jouissance


de leurs droils. Quand la réforme éclata, ils s'en occu-


pèrent assez peu d'abord ; ils n'avaient aucun désir de


changement dans leur régime hi lér ieur, et la maison


de Savoie, habituellement prudente et bienveillante en-


vers ses sujets, ne les troublait guère dans leur repos,


tdle avait des motifs politiques de les ménager ; leurs




•m P E R S E C U T I O N E T 1 N S U I I R E C T I O N


vallées touchaient à des vallées françaises du Itauphiné.
peuplées de montagnards de même origine, de même
loi, de mêmes mœurs ; leur territoire était le point de
passage ordinaire des armées françaises dans leurs ex-
péditions en Italie; les rois de France en avaient pris
occasion de leur témoigner de la faveur, et quelquefois
même de les protéger officiellement: le 28 septem-
bre tr>71, moins d'un an avant la Saint-lîartbélemy,
Charles IX écrivait au duc Emmanuel-Phil ibert , qui
traitait, dans ce moment, les Vaudois avec rigueur : « ,1e
« vous veux faire une requête, non point ordinaire,
« mais tant affectionnée que vous sauriez avoir de
« moi . . . . ; car, durant tes troubles de guerre, la pas-
'•• siou ne permet, non plus que la maladie au patient,
« de juger ce qui est expédient;.. . . et de même qu'avez
« traité vos sujets extraordinairement en colle cause,
« veuillez aujourd'hui, en ma faveur, à ma prière et
« spéciale recommandation, les recevoir en votre bo-
« nigne grâce, les remettre et rétablir en leurs biens
« confisqués.... Cette cause est si juste de soi et si
« pleine d'affection de ma part que je m'assure une
« m'en concédiez volontiers l'effet 1. »


Quand la réforme eut conquis la moitié de l'Europe et
allumé partout, dans les ospiïls et dans tes Étals, le feu


1 L é g e r , Histoire générale des Eijlhes cvangéll-.jues cl des vallées </,.


Piémont; iu- fo ; L e y d e , lfllil) ; — M e r l a n , Í , The hi.Jory of lin* era,oie


lieal Charcdies of lite vallen* of l'ieilnooii ; i l l - j " ; L m n l r e s , I [15,S , —


A l e x i s IVIusIon, l'Israël des Alpes, /,,.,/,•/>• C,,h,¡dele u,s Vnud.à- de


Peonen! ( P a r i s , 1851), t . I I , p . H t "




D E S V A U D O U S DE P T É M O N T (1655). ¿07


(ic lu controverse (il do la guerre , les vallées vaudoises


ressentirent l'alieinle de eel ébranlement généra l ; la


polémique Idéologique y deviut plus fréquente, la pré-


dication contre l'Eglise romaine plus \iolen!e. Les pas-


teurs vaudois, connus sous le nom de Barbas, terme de


déférence filiale, élaient divisés en deux classes : les


uns sédentaires et attachés aux paroisses, les autres mo-


lli les et voyageurs, véritables missionnaires qui allaient


semer cl recueillir dans les diverses contrées de l'Eu-


rope, en Italie, en France, en Al lemagne, vers le midi


jusqu'au fond de la Calabre et vers l'est jusqu'aux bou-


ches du Danube, les doctrines évangéliques. A la lin du


s u ' et au commencement du xvn* siècle, ceux-là rap-


portaient dans leur patrie le mouvement qu'ils trou-


vaient partout : au sein des communes où les catho-


liques étaient mêlés aux Vaudois , les dissentiments


religieux s 'envenimèrent; le besoin de soutenir avec


éclat et de répandre autour d'eux leur foi échauffa


ie cœur de ces montagnards ; ils se portèrent dans


les vallées voisines, tantôt en passant, tantôt pour s'y


établir, discutant et prêchant, avec une ardeur obsti-n é e , animés do ces deux puissants esprits doul les gou-
vernements libres et forts sont seuls en étal de sup-


porter l 'explosion, l'esprit de résistance et l'esprit de


propagande.


Dans le Piémont catholique, e! pour la défense de la


cause contraire, la môme ardeur s 'a l luma; l 'Église ro-


maine, irriiée cl inquiète, engagea, contre les Vaudois,


• m e guerre active. Elle avait uour elle le pouvoir légal




?<K P E R . S I ' . C I ' I ' I O X KT I V . 1 P I { ] ( F l , ' l ' I O M


et la passion publique, le prince cl le peuple. La Propa-
gande de Rome entreprit la conversion, et la cour de
Turin la soumission des Vaudois; dos docteurs et de-
predicatcurs catholiques parcoururent leurs montagne.-;
deux associations volontaires, l'une d 'hommes, l'autre
de tomines, se tonnèrent, a Turin pour les seconder.
Tue grande dame de la cour, la marquise de Pianezza.
belle, spirituelle, riche, passionnée, voua a. celle œuvre
pieuse son temps, sa l'or lune, son inlluence; son mari,
dur et vaillant officier, s e chargeait d'exécuter les désirs
de sa femme, les ordres de son souverain, les préceptes
de sa foi. La iille de Henri IV, Christine de France, ré-
gente de Piémont, pendant la minorité de s o n lus
Charles-Emmanuel II, leur prêtait son appui. Les Vau-
dois ne manquaient pas, dans l'aristocratie piémontaise,
de patrons bienveillants qui recommandaient, au pou-
voir u n e politique modérée et le respect de leurs an-
ciennes libertés. Pendant quelques aimées, et presque
jusqu'au dernier moment, des édils alternatifs de tolé-
rance et de rigueur attestèrent la lutte de ces deux in-
fluences. Mais l'esprit de tyrannie religieuse prévalait
de plus en plus dans le gouvernement piémontais; et
les Vaudois, par leurs imprudences ou leurs violences,
lui fournissaient souvent des prétextes, quelquefois do<
mol ifs. Iles jeunes gens, poursuivis [ t o u r insulte à des
prêtres, se réfugièrent dans les lieux escarpés des mon-
tagnes, et y menèrent la vie de bandits, e n révolte
contre l'ordre et les lois. Dans quelques-unes des vallées,
au Villar, a Dobi, à Angrogne, des couvents, naguère




PKS. V A I ' l m l S P K P I E M O N T .lfl.%5}. 200


tendes, lurent incendies; a FéiuT, Ii; curé lui assassine.
La masse de la population vaudoise déplorait ces crimes,
el faisait de sincères efforts pour les réprimer, pour s'en
excuser, pour s'accommoder aux exigences do son sou-
verain: mais incessamment harcelée elle-même dans ses
sentiments et dans ses droits, elle ne parvenait ni a se
résigner, ni à se défendre, et lassait la timide bien-,
veillance de ses protecteurs aristocratiques, impuissants
à prévenir ses fautes et à contenir ses ennemis.


Le 25 janvier -1055, l'orage qui s'amassait depuis
longtemps éclata enfin sur les Yaudois : il leur fut en-
joinl d'évacuer dans trois jours, sous peine, de la vie et de
la confiscation de leurs biens, neuf des communes dans
lesquelles ils étaient établis; ou leur imposait aussi la loi
do vendre, dans un délai de vingt jours, les terres qu'ils
y possédaient et de se concentrer, eux et leurs propriétés,
dans quatre communes, les seules où leur religion dut
cire désormais tolérée ; dans ces communes mêmes,
pour amener la conversion des protestants, la messe
devait être célébrée chaque jour, et quiconque détour-
nerait un protestant de se convertir serait puni de morl.
Les Vaudois consternés réclamèrent, se disant prèls a
acceptei' toutes les conditions qu'on leur imposerait,
pourvu que leur liberté de conscience n'en fût pas
atteinte; si l'on était résolu a la leur retirer, ils deman-
daient l'autorisation de sortir en masse des Étals du duc
(Je Savoie. On eut l'air d'écouter leurs réclamations; ou
négocia ; un jour d'audience fut assigné, a Turin, a leurs
députes; niais ce jour-la même, 17 avril llioè, le mar-


ie




2 1 0 P K R S E f T T T O X E l ' [ X S U T t U E U M O N


i[ilis (le Pianez/a entra, a\ee u n corps de troupes consi-
dérable, dans les \allées vaudoises, pour l'aire exécuter
par la force l'évacuation des coniniuues désignées;
quelques essais de résistance amenèrent une lutte san-
glante, et pendant huit jours cette population fut li\ rée
aux violences de soldats fanatiques ou licencieux,
déchaînés contre des hérétiques vaincus. Le 21 a\ ril en
particulier fut, dans ce petit coin du monde, un de ces
jours de massacres et d'outrages à l 'humanité dont,
après plusieurs siècles, le récit fait encore frémir de
pitié et d'horreur. Je répugne à en retracer les hideux
détails; mais je prends plaisir à reproduire l'honnête
arrêt que rendit, quelques mois après, sur cet événe-
ment, un brave officier français qui y avait assisté. Le
régiment de Grancey, envoyé par Louis MV en Italie
au secours du due de Modène, avait été, à la demande
des autorités piémonlaises, arrêté dans sa marche et
cantonné dans ce territoire, soit pour intimider les
Vaudois, soit pour prêter au besoin main-forte a leurs
oppresseurs; le capitaine du Petit-Bourg, qui le com-
mandait, ne voulut pas subir la moindre part de celte
responsabilité, et, le 27 novembre suivant, à Pignero),
en présence de deux officiers des régiments de Saull et
d'Auvergne, il signa une déclaration portant : «Je, sei-
« gneur du Petit-Bourg, premier capitaine du régiment
« de Grancey et le commandant, ayant eu ordre d'aller
« joindre le marquis de Piauozza et prendre ordres do
«, lui, le marquis étant à la Tour.... j 'ai été témoin de
« plusieurs graudes violences cl extrêmes cruautés




D E S V A E D 0 I S 1 ) E P I É M O N T { 1 0 , " . ; . 2J1


•< exercées par los soldais sur toute sorio d'âge, do sexe
a et de condition, que j'ai vu massacrer, pendre, brûler
e. et violer, et de plusieurs effroyables incendies....


U u a n d on a m e n a i l des [irisonniors au marijuis d o Pia-
• nezza, j 'ai vu l'ordre qu'il fallait ioul tuer parce qui;
a Son Altesse ne voulait point de gens de la religion h dans toutes ses terres.... Tellement que je nie formel-
" lenienl, el le protesle devant Dieu,' que rien des
« cruautés que dessus n'a été exéculé par mon ordre ;
« au contraire, voyant que je n'y pouvais pas apporter
« aucun remède, je fus contraint de me retirer et
u d'abandonner la conduite du régiment, pour n'assister
w à de si mauvaises actions 1 . »


Croniwell n'avait [ias alîeridu, pour prendre intérêt
aux Yaudois, celte cruelle catastrophe : attentif à se te-
nir partout au courant des affaires des protestants, et à
ieur taire partout sentir sa bienveillance avec sou pou-
voir, il avait élé informé des premières mesures [irises
coiilre eux par le duc de Savoie, et Thurloe avilit aussi-
loi écrit à John Peil, résident anglais en Suisse, pour lui
donner ordre de taire engager sous main les Yaudois à
s'adresser au Protecteur, dont l'appui ne ieur manque-
rail pas. Quand la nouvelle du massacre des vallées par-
vint en Angleterre, elle y produisit une explosion gémi-
raie d'indignation cl de sympathie; on en écoutait, on
en iépéiail, avec une curiosité irritée, le lamentable


' la ,.-or, [Iiitofp aaai.a.Wr ,/>< ;•:,///.,.• : r'tirtniïes, p a r t , i l , • !E>;
VI-|-tiMi, / fol .^if t E , a I i l , p. 0 2 0 - 0 0 1 .




2 1 2 I N T K K V K S T I O . N D E i ' ) ! O M W E I , 1
récit; dos relations détaillées circulaient partout, accom-
pagnées de petites gravures où les plus hideuses scènes
de l'événement étaient grossièrement retracées. Crom-
well se fit l'organe et le chef de la passion publique:
Milton fut mis sur-le-champ à l'oeuvre, cl le -•'•< mai
I * • ' ' • " ' , le Protecteur écrivit, d'abord au duc de Savoie
lui-même, puis à Louis XIV et au cardinal Mazarin, aux
rois de Suède et de Danemark, aux États généraux
des Provinces-Unies et aux Cantons suisses, enfin au
prince de Transylvanie, George Ragotzki, pour récla-
mer en faveur desVaudois, soit la justice de leur propre
souverain, soit la protection de tous les souverains
protestants ou qui admettaient les protestants dans
leurs Etais 1 . Cromwell chargea le savant Samuel Mor-
land, sous-secrétaire du conseil d'Etat, do porter a.
Louis XIV et au duc de Savoie, en qualité d'envoyé ex-
traordinaire , les lettres qui leur étaient adressées. Il
ordonna en même temps, dans toute l'Angleterre, une
collecte destinée à secourir les malheureux Vaudois.
et il y contribua le premier pour deux mille livres ster-
ling.


Les lettres de Cromxvell ne contenaient rien qui rend it
la mission de son envoyé inconvenante pour les souve -
rains a qui elles s'adressaient, ou embarrassante pour
Morlaud lui-même : elles étaient graves, précises el


1 Milton, Prose WorU, t . V , p . 2 l 5 - 2 : i 8 , _ Th»rhe a John
P<V 1 2J i u * r s 1055,), V i i u g l i u i i , P i ol.eel.e'ale of (Jromieeli, i. 1, p. 1.5tf.




E N K A V r . n t D E S V U T K H S . 1 1 1 1 5 6 ) . 2 1 5
pressantes; Cromvvell v proclamait hautement le prin-
cipe de la liberté de conscience, « droit inviolable, «
disail-ii. « el dont. Dieu s'est réservé à. lui seul la juri-
» diction; » il déclarait « qu'il avait à cu/nr les calarni-
.< tés du pauvre peuple de Piémont autant, et plus que
« s'il s'agissait des plus chers parenls (|u'il eût au
a inonde, ii Auprès du due de Savoie, il insistait sur
ranciennelé des libertés demi les Vaudois avaient joui
dans ses Etals, el sur le lidèle dévouement qu'ils avaient
toujours témoigné à sa maison. En écrivant à LouisXlV,
il s'étonnait du bruit répandu que des troupes françaises
avaient pris pari au massacre des vallées. Aux Etats
prolestants, rois ou républiques, il rappelait la nécessité
de l'union el de l'action commune on faveur de tous
les protestants d'Europe, dans l'intérêt de leur propre
sûreté connue au nom de leur devoir chrétien. .Mais
aucune apparence de bravade ou de menace, aucune
provocation, aucune insinuation séditieuse ne se mê-
laient à ces réclamations. C'était une politique décidée
el active, mais qui se contenait dans les rapports régu-
liers des gouvernements, et parlait un langage mesuré
quoique énergique et clair 1.


Parti de Londres le 2(i niai I C o o , Morland arriva le.
I r juin à la Eère où se trouvaient Louis XlVet Mazarin;
il leur remit immédiatement les lettres du Protecteur,
et trois jours après il transmit à Cromvell une réponse
de Louis XIV qui désavouait l'emploi qu'on avait fait en


Dch:u>n,.nti liigfoi-igtft'f, n" XV.Il




214 I N T E R V E N T I O N I>E C ' R i V U W E E L


Piémont de ses troupes, annonçait qu'il avait déjà lait
à Turin des démarches en faveur des Yaudois, se féli-
citait d'avoir « ainsi prévenu les désirs du Protecteur,»
cl lui disait en finissant : « Vous avez bien jugé dans
« cette affaire, car il n'y avait pas d'apparence que le
« soupçon pût tomber dans l'esprit d'aucune personne
« éclairée que j'eusse voulu contribuer au châtiment
« de quelques sujets du duc de Savoie faisant profession
« de la religion prétendue réformée que je tolère dans
« mes royaumes, pendant que je donne tant de marques
« de ma bonne volonté à ceux de mes sujets de la môme
« créance, et que j'ai tout sujet de me louer de leur
« fidélité et zèle à mon service 1. »


A Turin, la mission de Morland fut un peu plus agi-
tée. En remettant au duc, le 2 1 juin, en audience solen-
nelle, la lettre do Croinwcll, il y ajouta un discours dont
le ton pathétique et rude blessa la régente Christine qui
assistait à l'audience : « Je ne puis, » dit-elle, « qu'ap-
u plaudir à l'extrême charité et, bonté de S. A, le lord
«'Protecteur envers ceux de nos sujets dont on lui a
« représenté la condition comme si déplorable; mais je
« m'étonne que la malice des hommes soit allée au point m de peindre sous des couleurs si noires les châtiments h paternels infligés à de rebelles et insolents sujets.
« J'espère que lorsque S. A. sera mieux instruite de la


* Louis XIV à Cromwcll (12 j u i n — 2 j u i n v . s. —HJ.1V ; Areidees


rfes Affaires étrangères iteFranee ; — M n r l a w l , The llist. ef the eean


gel. Cherches, p. 5 0 3 - 5 0 7 . — D o c u m e n t s historiques, n 1 X V I I I




E X TAVRT 'T î D E S V A T T . O T S '1R5.',}. 31 r.


« vérité des ('ails, Kl le approuvera les procédés du due


« (.'t cessera de souleuirdes sujets désobéissants. Cepeu-


« (tant, par égard pour S. A . , non-seulement nous par-


« donnerons à ces rebelles,mais nous leur accorderons


« des privilèges qui montreront au lord Protecteur


« quelle estime nous faisons de sa personne et de sa mé-


« dialion. » A l 'exemple de la régente, le marquis de


Sainl-Tliomas, premier secrétaire d'Etat du duc de Sa-


voie, et plusieurs hommes considérables de sa cour,


laïques et prêtres, enlretinrent Morlaud, le comblant


de politesses et s'efforçant, mais avec peu de succès, de


lui démontrer la fausseté des faits qui avaient amené sa


mission. L'ambassadeur de France à Turin, M. Servien,


lui parla plus sensément : « Le duc Kmmanucl-Phil i-


« beri, » lui dit-il, « avait l'ait en l-'iOl, à celte popuia-


« lion toutes les concessions qu'elle demandait ; et je


« crois vraiment (pie S. A. 11. le duc actuel et Madame


:< royale sa mère seraient disposés à les lui rendre et à


» la traiter comme faisaient leurs royaux ancêtres;


« mais il y a à la cour quelques personnes puissantes


« qui, par zèle ardent pour la religion catholique, pré-
•< sentent toutes choses au prince sous le plus mau-


« vais aspect- . levons engage à ne pas jeter de l'huile


•< sur le feu, et à faire plu loi, à S. A. le lord Protecteur,


« un récit modéré qui le satisfasse et l'apaise. » C'étaient


la les instructions de Mazarin. Morland en rendit compie


à Cromwetl, lui envoya la réponse du duc de Savoie,


pleine de justifications cl de promesses embarrassées,


et quitta Turin le l!> juillet pour aller, selon l'ordre




fXTF.lîVKXTTON l)K ( l a )A1\VFJ.I
on avait corn, attendre à Genève ce que résoudrait


le Protecteur'.
En Angleterre, le sentiment public était toujours le


même; quoique les comtés n'y eussent pas montré au-
tant d'empressement que Londres, la collecte en faveur
des Yaudois s'éleva à la somme do 38,211 livres sterling
(près d'un million de francs); l'émotion contre tes catho-
liques était vive, et le peuple semblait vouloir venger sur
eux les maux que les protestants souffraient ailleurs. Les
commissaires chargés de négocier avec M. de bordeaux
lui dirent que le Protecteur no signerait point le traité
tant que la cour de France n'aurait pas agi, à Turin, de
tout son pouvoir pour faire rendre aux Yaudois leurs
libertés. Cromvvell se montrait toujours passionnément
préoccupé de cette affaire : quelquefois, avec des vues
favorables à fa France; son agent Stoupo, que Mazarin
avait pris aussi «à son service, moyennant une pension
annuelle de trois cents livres sterling , laissa un jour
entrevoir à bordeaux que le Protecteur pourrait bien
demander la cession des vallées vaudoiscs au roi, ce qui
deviendrait entre les deux États un gage d'étroite anulie.
Plus souvent c'était do concert avec les Etats protestants
que Cromvvell voulait agir dans l'intérêt des Yaudois;
il pressait les Provinces-Unies et les Cantons suisses de
se préparer à la guerre pour cette cause; il faisait par-
tir pour Genève un nouvel envoyé. George Uowning.
chargé de pousser à des démarches énergiques et de se


« V l o r i a n J , The ffisi. of ihe evanijeï, Chun-fa-s, P- 5fiT 5i!>




1.X F A V E U R T)T.:< V A T T l O L S 'lfi5r>\ 2 1 "


rendre ensuite a Turin, avec .Morland cl les ministivs
île Suisse et de Hollande, pour arriver en lin à un résul-
tai décisif. Ses coniidcnls parlaient de Mec et de Yille-
Ji anche, dans les Elals sardes, connue de points où des
lioupes anglaises pourraient Lien débarquer 1.


Ces rumeurs, ces perspectives de guerres et de com-
plications nouvelles inquiétaient vivement Mazarin,
également prompt à craindre et à espérer.. Peu soucieux
des idées générales de droit et de liberté, il ne s'inté-
ressait guère auxYaridois, ot si personne n'eût fait de
bruit à leur sujet, il eût mieux aimé les voir réprimés
•pie tolérés; mais il était modéré et prévoyant, et ne
méconnaissait jamais les embarras que la violence ob-
stinée pouvait susciter. L'influence croissante de Crom-
vell sur le continent lui était suspecte; il redoutait
qu'elle ne s'employât à fomenter des mouvements
parmi les protestants de France. Surtout, il souhaitait
ardemment la conclusion du traité de paix depuis si
longtemps négocié à Londres, et qui devait, dans sa
pensée, amener entre la France et l'Angleterre une al-
liance intime, seul moyen, pour la France, de rem-
porter enlin, dans sa lutte conire l'Espagne, une vic-


I M o r l a n i l , Tlellisl. of the ecangel Churehcs, p . 5 8 - 1 - 5 9 0 ; — B o r .


• >\ .«(..• a Brienne ,->7 m a i , 0 ut 10 j u i n , ] " ' , H ot 21 j u i l î u i , ,5 <>t


a) m u t 1055. : —Mazarin ,i BuriieivLv ,0 j u i l l o l 10.15 , Ardu ce* ilct


Atfnuii. elraunerm lie Franee ;—Thnriui- à Julie, Bel.} [ti ot 29 p a i n ,


-.. ¡ 2 . 211, 27 ot -2H j i u l l o i 10.55) ; V i i u b ' h n n , l-ruteelurnteufCruniieelL


i . f p . l o i , 200, 21,1. 210. 225 n-n. m ; — T i i a r W , HMe-Paftn,


i UE. p . 000. - •Vneam. n'a IliiloriijtleS. u» X I X .


¡0




cm iNTKP.VKXTrn\" ni: V I A Z A K I X


foire décisive : « Ce roi. » écrivait-il a P.ordcrnvx« m'a
a commandé devons (aire savoir que, si VI. le Protecteur
« veut, dès le même jour qu'on signera l'accommode-
« ment, commencer un autre traité de ligue offensive cl
« défensive, vous êtes prêt d'y enlendre ; que vous con-
« sentez mêmement q u e , dans ce premier traité-là,
« il soit inséré un article qui engage les parties à cetlo
« liaison plus étroite suivant les conditions dont elles
« tomberont d'accord, desquelles on peut, en effet, con-
<( venir en vingt-quatre heures. » L'affaire des Vauilojs
arrêtait tout ce travail de Mazarin et ajournait toutes
ses espérances; il résolut d'y mettre lui-même un
ferme ; des instructions péremptoires furent envoyées a
M. Servien ; il eut ordre d'insister à Turin sur une paci-
fication immédiate, en déclarant qu'à celle des denv
parties qui s'y refuserait le roi de France retirerait abso-
lument son appui; et le 18 août 1055, un traité de paix,
connu sous le nom do Patentes (le tjrâce, fut signé en
effet à Pignerol, qui amnistia les troubles des vallées,
annula les poursuites commencées à celle occasion, et
rendit aux Vaudois leurs anciens privilèges, e'est-à-duv
la liberté de conscience, de commerce et de transit, en
y attachant à la vérité certaines conditions assez dures,
qui devaient donner lieu plus tard à de nouveaux dé-
bals, et que Gromvveil eût peut-être épargnées aux
Vaudois si ses agents étaient arrivés à temps pour pren-
dre pari aux dernières négociations -.


1 L e 25 m a i 1G55 ; Arclùtn des A f'fut.-es étrangères Au France.
2 Mazarin à BardeauLC (19 a o û t 1 0 5 5 ; ; Archiees des Affaire*




K * F W K T ' T Î D F . S V A T T i O T S .


Elles étaient d é j à r n n c f u e s ri le Iraili' 1 de PiiUierol


signé quand Downing, traversant la France pour se
rendre à Genève, eut à la Fère une entrevue avec Ma-
zarin'qui le combla de prévenances, lui envoyant, pour
le servir, ses gens, son carrosse, et jusqu'à son propire
souper, avec ce compliment : « H est trop tard pour que
« M, Downing trouve à se pourvoir; je chercherai
« ailleurs un souper pour moi. » Il s'entretint avec
Downing pendant deux heures : «Je ne désire rien tant
<i au monde,» lui dit-il, «que de m'entendre avec
« S. A. le lord Protecteur; je ferai tout pour te lui
« prouver; si nous avions ensemble une étroite al-
« liance, il n'y aurait n'en de trop difficile pour nous ;
« cite nous est nécessaire à tous deux.... Que Charles
a Stuart et cette famille n'y soient pas un obstacle ; ils
a ne seront pas plus comptés que n'est compté main-
te tenant, entre la reine de France et le roi d'Espagne,
a te litre de frère et de sœur. Quant aux protestants de
« Franco, depuis que j'ai ici tes affaires en main, j'ai
« été leur ami, et j'ai empêché qu'on ne leur fît tort;
i s'il y a quelque chose que le Protecteur désire pour
:i eux, et qui soit compatible avec l'honneur de la
•< France, je le ferai, quoique, pour mon compte, je no
« sois point intervenu en faveur des catholiques d'An-
ce gleterre. Pour tes affaires de Piémont, elles sont près


..r.ihoéra de France ; — Moriand a John Pe'il ( 11 a o û t 1 6 5 5 ) ,


v>.ufri>»n, Protectorats ofCromweU. t, I, p . 2 5 6 ; — M o r l a n d , The


• l e ' , ofthe eniageJ. Chvrclm. p . 013-809 , — A l u s t o n , Ilist. deiVau-
i. i i , p . m, m.




•J2I> P A C / F I C A T T O N I I T N VAT. '1H>1S ( i c i T 1 1 " , : , ) .


« de s'arranger par ! intercession du roi m o n inaiire 1.-
Croniwell n'apprit pas sans h u m o u r qu 'e l les e la ienl


en olfel arrangées, que les envoyés de Suisse s 'étaient
concertés avec l'ambassadeur do France , et que les
Vamiois n'avaient plus besoin de lui. Il reçut froide-
ment la nouvelle de la pacification, et ses conseillers
firent plus d'une fois sentir à 31. de Bordeaux que le
Prolecteur ne se méprenait pas sur les motifs de cet
empressement à terminer sans lui une affaire qu'il
avait si vivement prise à cœur . Mais il n'y avait pas
moyen de s'en plaindre. D'autres nouvelles venaient
d'ailleurs d'arriver à Cromwell, plus graves pour lui et
qui lui rendaient le bon vouloir de Mazarin plus pré-
cieux que, jusque-là, il ne l'avait estimé.


Au commencement de juillet 1 ()>•->,'>, on ne savait en-
core à Londres, de l'escadre de Penii, que son arrivée à
la Barbade, et de là son départ pour les lieux inconnus
auxquels elle était destinée. Des bruits divers en avaient
couru en Angleterre et sur le continent : tantôt elle
s'était attaquée aux colonies françaises; tantôt elle avait
pris Saint-Domingue ou la Havane; on en était vive-
ment préoccupé, mais l'incertitude subsistait toujours,


Downing à Thurloe ¡25 n o v e m b r e 1C55) ; T h u r l o e , xi.iU-î;,
fers, t . I I I , p . 73-1.


8 liurdcaux à Urtenne (16 s e p t e m b r e , 7 o c t o b r e 1(555! ; A>'ch,-<-


des Ajf. éirany. de fronce ; Mvrlanâ à Pell (fin a o û t , 13 e t 18 - , p


l e m b r u l u T > 5 ) ; - - T W < . < r « Petl et aMoetand ( I I I e t 16 s e p U - o e . i r


1U55; . V a n g h a n , Protectorat* uf CrmmrrV. i . I , p . '.'58, ;!!;J. 2e5 ,


-Mti, T.?.. — Documents hihloritiueà, n" X X .




KX i ' i ' ;nn o i \ m: P I : N \ , I«5V. . 9 ? !


Vers la fin de juillet, un exprès, venu par l'Irlande,
apporta une lellre au Protecteur, auprès do qui Slnupe
se trouvai! en ce inonienl. Ooniwell lut la lettre et
renvoya aussitôt Stoupe qui sortit frappé du soupçon
qu'il y axail là une mauvaise nouvelle. 11 apprit dans la
soirée que sa conjeclure élait fondée, en informa sur-le-
champ ses correspondants à Bruxelles, et. le gouverne-
ment espagnol appril par cette voici que l'expédition
anglaise avait débarqué à Saint-Domingue et tenté de
s'emparer de l'île, mais qu'elle avait complètement
échoué1.


Quand l'expédition, dans les derniers jours de j an -
vier H.iè"), arriva a la Barhade, une fâcheuse mésintelli-
gence s'élail déjà manifestée entre les deux chefs, fa-
illirai et le général. Demi élait un brave et bon marin,
niais pointilleux et susceptible; Venables, qui n'avait
jamais commandé en chef, était jaloux de son aulorile,
inquiet de sa responsabilité et peu aimé des soldais qui
le trouvaient avare et indolent. Les renforts que l'armée
recruta dans l'archipel des Antilles furent composés de
colons dérangés dans leurs affaires, de Cavaliers pro-
scrits eu Angleterre et d'aventuriers étrangers, troupe
indisciplinée cl cherchant sa propre fortune plulôl que
le succès de l'entreprise ou l 'honneur du drapeau. Les
approvisionnements que la Hotte devait prendre à la


» T h u r l o e , $ W . : - J V p . T x , t . T U , j M l " . 4 ; i b 6 2 3 , 6 3 6 , 6 6 2 ; —


V a i i p h a o , P r . i f f f . . r . i f « nf CVotmi .'.7, 1 .1 , p. 210 , 2 2 0 , — B u n i t ' t . Uist,
de mon temps, t . 1, \>. 1 6 1 . d a n s n i a Collection-




222 LOS A N O L A l . S W' . ' I JOl . 'KNT D A N S


Darbade n'étaient pas arrivés quand elle l'ut obligée d'en
par t i r 1 . D'après les ordres de Cronivvell, les chois
n'avaient ouvert qu'aux Antilles les instructions qui leur
indiquaient le but précis de l'expédition. Le 14 aveu,
l'escadre, portant huit à neuf mille hommes de troupes,
fut en vue de la côte sud-est de Saint-Domingue; un
conseil fut tenu à bord pour régler l'attaque ; il semblait
qu'en débarquant toutes les forces sur le même point,
près de la ville de Santo-Domingo, et en donnant brus-
quement l'assaut, on ne pouvait manquer de s'en em-
parer ; mais l'amiral, le général et le commissaire civil
qui leur était adjoint, Edouard Winslovv, ne parvinrent
pas à s 'entendre; les troupes furent partagées en deux
corps; un petit détachement, sous les ordres du colonel
Didier, débarqua près de la ville; le corps principal,
commandé par Yeiiables, sur un point éloigné de plus
de douze lieues; on espérait, distraire ainsi l'attention et
diviser les forces des Espagnols. Mais quand Yenables
eut à rejoindre Buller, trois jours de marche sous un
soleil ardent, tantôt sur des sables, tantôt à travers
d'épais fourrés, la soif, les mauvais aliments, la fatigue
jetèrent parmi les troupes l 'humeur, le découragement
et une dysenterie violente. Le 18 avril, à peine réunis et
en mouvement pour attaquer la place, les deux corps
tombèrent tout à coup dans une embuscade; les Espa-
gnols, cadrés dans les ravins et dans les bois, liraient sur
les Anglais qui ne savaient où diriger leurs coups; plu-


l L e 31 m a r s 165-3




î . ' A T l \_QPE HK S A l N T - D C O t l N P I T - E ( A V R I L J055V 2J3


sieurs officiers furent tués; les soldats s'arrêtaient en
jiuinnnranl ; l'hésitalion devint générale; au lieu
d avancer, ou prit Je parti de se replier sur le point, de
débarquement le plus rapproché, et de là on lit deman-
dera la (lotte des vivres et des renforts. Au bout de huit
jours seulement, le 2,> avril, après des tâtonnements qui
de plus en plus discréditaient les chefs et troublaient tes
soldats, l'armée se remit en marche vers Santo-Domingo ;
mais dès le lendemain, en traversant un défilé très-
ci roit, l'avant-garde donna dans une nouvelle embus-
cade; le désordre s'y mit à l 'instant; en vain quelques
braves se firent tuer ; les timides se rejetèrent sur la
eavalcrie qui suivait et qui se rejeta à son tour sur le
corps principal en tète duquel marchait le régiment de
Venantes lui-même; les fuyards obstruaient le défilé en
se pressant d'en sortir, et sans l'énergie du bravo major
général Ileane qui fut tué, ainsi que ses meilleurs
officiers, en couvrant glorieusement cette honteuse re-
traite, les Espagnols auraient détruit l'armée anglaise
tni.it entière. On se retira cette fois jusqu'au point de
débarquement le plus éloigné; et là les délibérations,
les allées et venues entre l'armée et la flotte recommen-
cèrent : Penn ne cachait pas son blâme méprisant; les
marins se moquaient des soldats; Venantes, pour se
laver du désordre, fit cas-ser l'adjudant général Jackson
qui s'élait conduit lâchement, et pendre quelques-uns
des fuyards; le commissaire Winslow tomba-malade et
mourut. Dans ce désarroi général, on s'accorda à re-
connaître qu'il n'y avait pas moyen de tenter sur Saint-




221 ( . E S A N f i f . A T S P K E . W F . V I
Domingue une troisième attaque. Que hnre après un bd
échec? Et comment ne rien faire après des préparatifs
si éclatants? Comment retourner en Angleterre et vers
le Protecteur sans avoir au moins quelque réparation a
leur offrir ? L'idée vint, on ne sait pas Lien à qui, de
chercher dans ces mers une autre conquête. Le 3 mai,
l'escadre et les troupes rombarquées s'éloignèrent de
Saint-Domingue; le 9, elles se présenlèrenl devant la
Jamaïque, île bien moins connue et bien moins impor-
tante que Saint-Domingue, grande pourtant et fertile.
Dès te lendemain, le débarquement fut opéré, la ville
emportée, et la population espagnole, qui était peu nom-
tireuse, rejelée dans les montagnes. La conquête ainsi
accomplie, une portion do l'armée anglaise fut établie
dans l'île comme garnison; douze bâtiments de la Hotte,
mis sous les ordres du vice-amiral Goodson, formèrent
une station sur fa côte; et, vers la fin du mois de juin,
à peu de jours de dislance l'un de l'autre, Penn et
Yenables repartirent pour l'Angleterre où ils arrivèrent
l'un le 31 août, l'autre le •) septembre, précédés par de
longues apologies et très-inquiets de l'accueil que leur
ferait le Protecteur1.


Croinvvell les fit mettre l'un et l'autre à la Tour en
annonçant une enquête sévère et leur procès. L'issue de


» T h u r l o e , State-Papers, t. I I I , p . 219 -252 , 1 1 1 , 5 0 4 - 5 0 8 , 5 0 9 , 5 ) 5 ,


6-10, 009 , l ô ô -,—Mémorial* of sir William l'eau, i . 11, | , . 5(1-132,—


ILrrlciaii Tracts, t. 111, p . 5 1 0 - 5 2 0 , — G o d v . n i , Litst. of lie Conmnjn-


u-ealth t . I V , i>, 189-203-




r.A .TAAfAl'Ql'K :!• MAI I 0 5 5 1 . ?25
leur entreprise était pour lui un amer mécompte, car il
se voyail engagé clans la guerre avec l'Espagne, et il y
débutait par un échec, au lieu «lu succès qu'il sciait
promis. 11 le ressentit vivement. Ses ennemis ne dissi-
mulaien! pas leur joie; parmi ses conseillers, la plupart
s'empressaient de dire qu'ils avaient désapprouvé l'ex-
pédition ; l'interrogatoire de Penu et de Yenables devant
Je conseil d'Etat ne permit pas de douter que ces chefs,
que Crornwell avait choisis, n'eussent élé inhabiles, et
que les mesures d'exécution, qu'il avait confiées à son
beau-frère Desborougli, n'eussent manqué de précision.
A mesure que de nouveaux détails arrivaient, Crornwell
s'enfermait pour les lire seul, ne se décidant qu'avec
peine à en parler, même à ses intimes aflidés. Sa santé
pareil un moinent ébranlée: « Ces mauvais succès,»
écrivait Bordeaux à Brienne 1 , « sont la principale cause
« des indispositions de M. le Protecteur; si le médecin
« qui m'avait autrefois parlé assez tidèlcmeiif de ses
.1 maladies csl aujourd'hui aussi sincère, il assure, con-
< tre le bruit public qui le l'ail (ouriiienlé de la pierre,
» que c'est seulement une colique bilieuse, avec trans-
« port au cerveau de celte même humeur , et que sou-
•• vent le chagrin le persécute plus que l'une et l'autre,
« son esprit n'étant pas encore accoutumé aux dis-
» grâces.r> Mais cette agitation intérieure et ces menaces
de rigueur envers les chefs de l'expédition durèrent peu;
Crornwell était prompt a se relever des impressions


' -L'- - 1 u'. t o i l e J O J J , Arvhvet 'les Affaires étrangère) de F» »«.;<•,


I,;




220 R E P T I OR E E N T E E ( T u U 1 W E E E


trisles, disposé ;'i voir le lion còlo des choses cl facile
envers ses serviteurs. On étouffa les récits fâcheux
venus de la llolte ou de l'année; on célébra l'impor-
tance de la Jamaïque, la troisième des Antilles. Iles
mesures furent prises avec éclat pour en exploiter la
fertilité et en régler l'administration. Il fut même ques-
tion d'y envoyer Lambert comme gouverneur, sans
doute pour rehausser la conquête plutôt que dans l'es-
poir qu'il y consentît. Les chagrins du passé disparurent
devant les soins de l'avenir. On commença, dans les
ports, les préparatifs d'une nouvelle expédition aux
Indes occidentales, et après quelques semaines de déten-
tion et d'enquête, Penn et Venables sortirent de la Tour,
disgraciés, mais non poursuivis1.


L'Espagne et la franco, Cardeflas et Bordeaux aidè-
rent Cromwell à oublier, dans l'entraînement des af-
faires, son déplaisir. En annonçant à sa cour le mauvais
succès de l'expédition de Saint-Domingue, Cardeùas
s'exprimait sur le Protecteur dans les termes Jes plus
durs,qualifiant cet acte de «méchanceté infâme et per-
ce lìdie abominable; » mais en même temps, possédé sans
doute du désir de rester ambassadeur à Londres, il es-
sayait d'empêcher qu'on n'en vìnta une guerre ouverte,
et même de renouer, entre l'Espagne et l'Angleterre,
des négociations d'alliance, « car ce serait, » disait-


' L e 25 o c t o b r e 1555 ; — T l i u r l o e , Slale-Paper», i. TV, p . 1, 5, 21-


22 , 20, ,18, lTf;—3T«morml* vf'ir William Penn, I. TI, [>• 151-1 lì- —


2h»i . l Î M i i ï i - lie Cardena» àPIiiìinpe 1 V ,50 d é c e m b r e 105-3 ; dniiH--




KT I , ' E S P A , n \ K (mrrrwRK lOTC). W
il, « m i grand avantage pour Votre Majesté, que ces dif-
« féconds s'accommodassent dès leur principe, et que le
« Protecteur renonçât à ses mauvais desseins *, » Bor-
deaux, de son côté, s'empressa de faire dire aux com-
missaires avec qui il négociait «que le roi son maître
« était toujours dans les mêmes sentiments, et que, si
« Je Protecteur lui en faisait les ouvertures, il trou-
« verait une entière correspondance » La cour de
.Madrid, fut plus digne que son ambassadeur: en appre-
nant ce qui s'était passé à Saint-Domingue, elle donna
le litre de marquis et cinq mille ducats de pension au
gouverneur de l'île, mit un embargo général sur les
navires et les liions des négociants anglais en Espagne,
iil jeter en prison plusieurs d'entre eux, et envoya a
Cardenas l'ordre de demander son audience de congé
et de quitter Londres '". Mazarin et Brienne aussi furent
un peu moins empressés que Bordeaux, et parurent
disposés à croire qu'après l'échec que le Protecteur
venait de subir, on pouvait trader avec lui à meilleur
marché '*. Mais Cromwell démêla sans peine, à travers
ces marques d'hostilité et ces velléités d'hésitation, que


1 Cardenu.* au roi Philippe IV i'2 a o û t , f> s e p t e m b r e et 1 o c -


t o l r r - 10.V.Î ; Archiva, de Smonca*.
* Bordeaux a Brienne e'JO . s e p t e m b r e 11)33!; Archives des Affaires


• imhij. de Freiner..


S e p i c i n b r r IfiâD, Archives de Siinancas ;—Tkurloe, 8lale-Pa~
t. IV , p . Ub 2 1 , 2,1, -13.


• HICULC àMttMfii, (7 e e t o b r e I b - j i , , Aeeinves des Aff, e'trang.
, e preuo i ,




9 ? « T R A I T E D E P A I X E N T R E C R O . M W E E E


la cour d'Espagne avait peur et la coin - de France
besoin de lui ; avec Bordeaux il fut lier, et roide avec
Cárdenas: «On vient de me mander, » écrit le premier
à Brienne, « que le Conseil avait jugé que ce serait agir
« avec bassesse s i , après la disgrâce arrivée aux Indes,
« Fon me venait rechercher de la paix; que mainle-
« nant, ne restant plus d'obstacle à notre traité, c'était
« à moi d'en proposer la s ignature, si mes ordres
a n'étaient point changés \ » Bordeaux demanda, eu
effet, à signer; et dès que Crornwell l'y sut pleinement
décidé, il fit envoyer à Cárdenas ses passe-ports, avec
tordre de sortir d'Angleterre dans quatre jours, sur une
frégate mise à sa disposition Cárdenas s'embarqua à
Douvres, et le même jour, 24 octobre 1 (>'>•'>, le traité de
paix et de commerce entre la France et l'Angleterre lui
enfin signé a Londres : « Noire conférence, » écrivit le
lendemain Bordeaux à Brienne, « finit par des souhaits
« mutuels que le traité put rétablir ajamáis une véri-
« table amitié entre les deux nations; s'il a perdu sa
« grâce par la longue áltenle, il semble que la rupture
« avec l'Espagne lui doive donner de nouveaux agre-
« m e n l s 3 . » Le ,28 novembre suivanl, le Irailé avec la
France et la déclaration de guerre a l'Espagne furent


l Bordeaux à Brienne (30 s e p t . 1305) .


" Cárdenos au roi Philippe I V s D o u v r e s , 8 n o v e m b r e 1 0 5 5 ; , Ar-


chives de Simancas.


Bordeaver a. Brienne ( i n o v . 13 ' , .v . Arehic.j Afl'. ei'ae.,;, de
IXu/e . ' t . .llocuments l>.istoúe¿>>cs, ri' 1 X X . )




КГ 1.Л КНЛМ'К '21 о п о и в » ИЗД. 229


solennellement proclamés dans les eues de Londres'.
Emiroii six semaines après, Cordeaux prit congé du
Protecteur pour aller passer quelques mois à Paris 2 ;
Cromwell compléta les rapports officiels des deux Étals
en nommant son neveu par alliance, sir William Loek­
harf, son ambassadeur auprès de Louis XIV; et quel­
ques mois plus lard, pour (Mer, par la fidèle exécution
du Irailé, tout prétexte à la méfiance, l'agent du prince
de Condé, Barrière, fut invité à quitter l 'Angleterre, et
on fui refusa une frégate qu'il avait demandée pour
s'embarquer avec quelque éclat ''.


Uès qu'on apprit que la rupture entre Cromvvell et la
cour de Madrid était consommée. Ions les ennemis du
Protecteur, royalistes et républicains, en Angleterre et
sur le continent, se mirent en mouvemenl pour ex­
ploiler tes chances que leur offrait celte nouvelle situa­
tion. Depuis sou relour à Cologne, après le mauvais
succès de l'insurrection leulée oL abandonnée par son
favori lïochesler, Charles 11 vivait la pauvre, oisif cl dé­
couragé, sollicitant sans cesse les secours de tous les
souverains, et du pape lui­même, engageant tour à tour
avec indifférence, eu public aux protestants, en secret
aux catholiques, sa loi et son pouvoir futur, et licen­
cieusement adonné à ses plaisirs et a ses maîtresses, a


1 СготкеШапа, j>. 15­ t .— l l i u r l o e , ЯШе-Рпреп, t . I V , p . 2 1 5 .
•' T h u r l o e , хти-Гирт, t­ I V , p . i­iti.
•• L i ' yy w.vviuЬхч I­OIJO.
'• T i . u d c •btalc-l'npiii, i. IV , j j . 7 . 3 7 ,




230 LA i'.OVR r ) 'KSI ' .A«;M-: S ' A I J . I i-:


qui ses lionnèles conseillers, Ilyde ol Orniond, avaient,
grand'peine à l'enlever une fois par semaine pour l'oc-
cuper de ses affaires. Il les reprit pourtant un peu à
cœur quand il put espérer que l'Espagne, brouillée avec
Cromwell, lui prêterait enfin quelque appui ; sur l'avis
de quelques-uns de ses partisans, il se rendit , sans
suite, près de Bruxelles pour s'entretenir à ce sujet avec
l'archiduc Léopold et le comte de Fuensaldagna, qui
n'avaient pas encore remis à don Juan d'Autriche et au
marquis de Carracena le gouvernement des Pays-Bas
espagnols. En même temps arrivait aussi en Flandre le
plus acharné peut-être des ennemis de Cromwell, le
colonel Sexby, républicain hardi, haineux et infatigable,
qui , depuis un an, allait et venait ineessanunenl de
Londres à Bruxelles, de Bruxelles à Madrid, de Madrid à
Paris, offrant partout ses services contre le Protecteur,
et cherchant partout des complices do conspiration,
d'insurrection, de guerre et d'assassinat. Il avait, l'un
des premiers, donné avis au gouvernement espagnol do
l'expédition anglaise contre Saint-Domingue, ce qui hu
avait valu à Madrid un peu de crédit et d'argent; il
venait de Londres, où il était allé renouer les lits de son
éternel complot, échappant à toutes les recherches de la
police de Cromwell, qui s'était saisie d'une portion de
son argent, mais n'avait pu atteindre sa personne. Don
Alonzo de Cardefias, qui résidait à Bruxelles depuis sa
sortie d'ambassade, et qui croyait les républicains bien
plus forts en Angleterre que les royalistes, connaissait
Sexby et était entré dans ses intrigues. Un pressa




A V E C cri VRI . l lS I t . 2 3 1


Charles II de le.voir; ses plus graves conseillers, qui
élaient. venus le rejoindre, en furent d'avis, et les deux
proscrits se virent en etfcl a Bruges, où ils traitèrent
ensemble île leurs atfaires. D'accord, en apparence du
moins, sur le but, ils ditléraieiit beaucoup sur la façon
d'agir pour l'atteindre : Sexby demandait que le roi
gardât le silence, se produisît peu et se bornât à se-
conder sous main les conspirateurs républicains qui se
chargeraient d'exciter en Angleterre une insurrection,
de se saisir d'un port, et d'ouvrir alors, s'il le fallait, à
une armée de royalistes et d'Espagnols, l'entrée du
pays. Charles et ses conseillers avaient peu de foi dans
tes promesses de Sexby et peu de penchant à livrer aux
républicains la fortune royale. Mais, entre proscrits
et conspirateurs, les nécessités et les haines communes
foui, taire toutes les ohjecJions et couvrent tous les men-
songes ; le roi et le niveieur s'unirent et agirent de con-
cert, à Bruxelles cl à Madrid, pour obtenir de l'Espagne
un appui efficace, en Angleterre pour préparer un
grand soulèvement


La cour d'Espagne acceptait ces alliés, mais avec hé-
sitation et lenteur; elle ne s'était décidée qu'avec regret,
et à la dernière extrémité, à la guerre contre Cromvv eli;
il lui répugnait de s'y engager très-avant et sans retour.


i C U r c n d o n , nhl. cf Ihe lichcHte», 1. x v . c . 18-2-2, 1 3 3 , 2 7 1 ,


iHli—St.-itc-Pvperx. t . T U , p . 153 , 170, ISO ; — ï l r . i r l o e , Siale-Pupns;


t. Y, :>• 37, 150, 100, 178, 3 1 0 , 310 ; l. V I . p . .'«O-s:.!:) ; i. V I I , p . 325 ;


— • • . i r : - , O n / , ••!>•!.* .1, p , , i . u , | , , MO-ltc! ; — Citideùa-, a l'iu-


hjJH i l ' ,25 J u u u i i i O i e 1055), .1 /'/.-/,• irt••> do -8 i / i ao /cus .




2 3 2 LA C O U R J V F J S I ' A C N K S A I . L I K


Elle manquait d 'argent, même pour commencer. S i s
ministres dans les Pays-Bas no permirent [ias à Cliarlcs 11
de s'établir à Bruxelles ni à Anvers ; ils auraient voulu
qu'il retournât à Cologne, et il n'obtint qu'à grand'peiue
l'autorisation de résider modestement, a Bruges. A cha-
que pas dans la négociation, il fallait attendre les ordres
de Madrid, et de Madrid venait toujours l'ordre d'éviter
la précipitation et fa publicité; on promettait à Charles
de le soutenir, mais non de l'avouer. Comme Sexby.
les Espagnols lui demandaient de s'effacer et de leur
donner ses amis, non pas son drapeau. Charles, a u con-
traire, était convaincu que, pour le succès comme pour
sa dignité, l'amitié déclarée et les démonstrations pu-
bliques de la cour d'Espagne étaient indispensables; les
royalistes d'Angleterre ne remueront pas, disait-il, tant
qu'ils ne se verront, pas fortement appuyés, tandis
qu'ils éclateront de toutes parts, sur terre et sur mer,
si ie i'oi d'Espagne se proclame l'ami et l'allié de leur
roi. Après des conférences et des correspondances pro-
longées, et malgré la résistance du conseil d'Etat de
Madrid, un traité d'alliance fut enlin conclu, le J2 avril
1(150, entre les deux rois; PhilippeIV promit à Charles 11
un corps de (iOOU hommes , et une pension annuelle
de 10,.àU0 livres sterling pour lui et. pour son jeune frère,
fe duc de Glocester, qui vivait près de lui, à condition
que, de son côté, Cliarlcs loverait, parmi ses sujets,
quatre régiments dont les colonels fuient sur-le-champ
désignés, qu'il rappellerait sous son drapeau les Irlan-
dais engagés au service de la. France, et qu'il opérerait.




WP.C ( ' [ I A 1 U . E S I I 1 ? j v i n r 1656). 233
avec ces forces réunies, un débarquement en Angle-
terre . des i|ue lent reprise pourrait cire tentée avec
quelque chance do succès !.


Quoique ces promesses mutuelles ne s'exécutassent,
de pari cl d'autre, qu'incomplètement et lente nu ni,
Cronivve.il et Ma/ariu s'en inquiétèrent. C'était un l'ail
«rave, pour Cromvvell, (jue l'un des grands souverains
du continent, naguère si indifférent à la cause de Charles
Sluart, lût devenu pour lui un allie déclaré et actif.Que
servait au Protecteur d'avoir fait sortir d'Irlande tant de
soldats royalistes s'ils devaient être bientôt réunis en
Flandre, autour du roi proscrit ? Avec l'appui de l'Espa-
gne, leur embarquement était possible, et si, du dehors,
une invasion avait lieu, au dedans, a coup sur, une in-
surrection éclaterait. Mazariii, de son côté, désirait gar-
der au.«ervice de la France les régimenis irlandais, et tes
voyait avec un vif déplaisir près de se désorganiser, ou
même de passer en masse dans les Pays-Bas espagnols,
sur l'appel de leur roi. Un expédient s'offrit à l'esprit
des deux rusés politiques qui pouvait les délivrer, en
partie du moins, de leurs inquiéludes. Le frère de Char-
les Il. le duc. d'York, servait, depuis quatre ans, dans
l'armée française; il s'y était l'ail honneur par sa bra-
voure et son exactitude militaire; ïurenne avait pour


i O î a n - n d o i ) , flixt. ofthe IXehett., 1. X V , c . 2 0 - 2 2 ; —Cardenus a


l'fahw? i Y 25 m a r s , 20 jiulO.-l 1050 ;—L'arehid-„r Lcopoli! „ Vhi-


)<!'i" ; 'S u v r i ! 1«.V! :—J)fli>.iruiw»i dit eunseil ,1'Klnt tVEapngnt


\~ ' 'LI Î , 19 « . • i > t c i » l . r e , 10 O O c i - m b r e 105(0 , Archives^ de »,•»,«»«:.(*.


iShK-ummlê lualu)inu.es, a" -XA.1.J




* « INTIMITÉ r»K ':i{'>.M\VKI,L


lui (lu l'eslime el lu lui témoignait. En vertu du Irailé
du *2Ï octobre précédent, ce prince devait cire renvoyé
de France : pourquoi ne pas l'y garder, au contraire?
11 le désirait vivement, et la reine sa mère encore plus
que lui; on le tiendrait ainsi séparé de son frère et
de l'Espagne; peut-être , à son exemple el par son in-
fluence, les régiments irlandais resteraient au service
de Louis XIV. Mazarin lit sonder, à ce sujet, Cromwell
qui accueillit cette idée : tout leur en convenait, à l'un
el à l 'autre, le fond et l'apparence; Mazarin, en traitant
avec bienveillance l'un de ces princes proscrits que na-
guère il avait été contraint d'abandonner, plaisait à sa
reine et à son roi, rendait secrètement service à Crom-
well, et retenait dans sa main un instrument qui pou-
vait être utile un jour ; Cromwell se montrait généreux
en y consentant, et divisait les forces de ses ennemis.
Mais pour réussir, if faltait susciter, entre les deux
frères, quelque altercation qui les empêchât de se réu-
nir et d'agir ensemble; une intrigue ourdie par Mazarin
atteignit un moment ce bul : à la suite de prétentions
et de dissensions uomesliques entre les serviteurs
des deux princes, le duc d'York qui, pour obéir aux
ordres de Charles II, était allé le rejoindre à Bruges,
s'évada un jour de Flandre et passa en Hollande pour
revenir en France par l 'Allemagne; on put croire les
deux frères décidément brouillés, et Cromvvell écrivit à
Mazarin 1 : a Je fais à Votre Éminence tous mes remer-


1 L e 2vj d é c e m b r e 1050.




AYKC MA// \ R T \ ' 1 6 5 6 , . 935


K déments ¡ 1 0 1 0 ' la façon dont Kilo a conduit notre ini-
« portante affaire, une affaire dans laquelle Y. E. est
« intéressée, quoique pas aidant que moi.... Je craignais
« que le duc ne cédât à son frère.... Si je ne me mé-
« promis pas sur son caractère, tel que Y. E. me l'a fait
« connaître, le feu qui vient d'être allumé entre eux
« n'aura pas besoin d'être souillé pour brûler.... Les
« services el les marques d'affection que j'ai reçus do
« Y. E. me font désirer de lui témoigner toute la recon-
« naissance que je lui dois; pourtant, quoique j'aie cela
« bien fixé dans mon esprit, je ne saurais, dirai-je que
« je ne puis pas, en ce moment et dans l'état actuel de
v mes affaires, répondre à l'appel que vous me faites
« pour la tolérance des catholiques. Votre Emmenée a,
u je crois, en ce qui les touche, moins à se plaindre de
« mon gouvernement que du Parlement. J'ai soustrait
« beaucoup d'entre eux à ce l'eu dévorant do la persé-
« eu lion qui tyrannisait leurs consciences et se saisis-
« sait arbitrairement de tours biens. C'est mon dessein,
« dès que je pourrai écarter quelques obstacles qui
« m'arrêtent, d'aller plus loin et d'acquitter, à cet égard,
« ma promesse à V. E. ; mais je ne puis aujourd'hui
« manifester publiquement mon sentiment 1.»


Mazarin eût bien voulu qu'en retour de ses bons of-


i T h u r l o e , SMe-Papm, t. V , p . 7 3 5 - 5 3 6 [ — M é m o i r e s de Jac-
ques 1[, i. I , p . 373-507 , d a n s m a Collection;—Cl.'irendon, Stule-


Pupcrs, I. I I I , p . :m;—Hnrdaiv.r à Mazarin ( 1 0 a v r i l 1050: ; Mazarin,


d Hordeaurc ,-20 a v n i 1050 ' ; Archives des Affaires étrangères de France,


• Documents historiques, u" X X I I ,




?8<i J.Of K 1 Ï A 1 1 V , AM ICVSSADFJ'R


lices, Crornwell le dispensât de recevoir à Paris son am-
bassade! ir Loekliart. C'était à ses côtés, et à tout moment,
un témoin gênant de ses tergiversations, de ses doubles
manœuvres, de ses ménagements pour les ennemis du
Protecteur. Moins puissant d'ailleurs à la cour que dans
le Conseil, il craignait, sur ce théâtre, les mauvais pro-
pos, les rencontres fâcheuses, les impertinences étour-
dies ou préméditées, peut-être même les attentats con-
tre l'ambassadeur de l'usurpateur régicide. Bordeaux, a
son reloue à Londres, en avril 10r>0, eut ordre de faire
tous ses efforts pour empêcher tpie Lockhart ne partît :
mais ce fut en vain; et lorsque, après des insinuations
qu'on refusait de comprendre, it se hasarda à parler a
Thurloe des inconvénients que cette ambassade pourrait
avoir, « ledit secrétaire, après une attention fort Iran-
« quille, me dit qu'elle n'avait point d'autre cause
« qu'un désir de confirmer à Sa Majesté les sentiments
« que M. le Protecteur m'avait ici témoignés, que Ja
u bienséance ne permettait pas de changer la résolu-
« tion qui avait été prise, et que comme l'on avait en
« ici de la joie de mon retour, ledit colonel trouverait
« sans doute la même disposition. » Mazarin se résigna,
mais non pas, comme il avait,coutume de le taire, avec
empressement et liai toile; Lockhart, arrivé à Paris au
commencement de mai, y reçut d'abord un accueil
assez froid, quelquefois même désagréable; mais il était
adroit autant que fier, et il parlait au nom d'un maître
puissant dont le cardinal avait besoin; il surmonta les
difficultés de sa situation, et devint bientôt l'objet des




O R O M W K U . A P A R I S (Aru 1050) . ¿31


caresses do Mazarin, trop habiJo pour ne pas sentir com-
bien il lui importait de s'assurer le bon vouloir d'un
homme habile aussi et influent auprès du Protecteur.
C'est l'art suprême des grands politiques de traiter tes
affaires simplement et avec franchise quand ils se savent
en présence de rivaux qui ne se laisseront ni intimider
ni tromper. Mazarin en était capable, et Cromwetf le
réduisait presque toujours à cette nécessité. C'était,
entre ces deux hommes, un échange continuel de con-
cessions et de résistances, de services et de refus, dans
lequel ils risquaient peu de se brouiller, car ils se com-
prenaient mutuellement et n'exigeaient pas l'un de
l'autre ce qu'ils n'auraient pu s'accorder sans se nuire
plus que leur accord ne les eût servis. Le Protecteur
eut souhaité que le cardinal lui fournît de l'argent pour
pousser vivement ses entreprises contre l'Espagne on
Amérique; mais Mazarin, qui ne voyait là, pour la
France ni pour lui-même, aucun avantage, déclina for-
mellement toute insinuation de ce genre, et Cromvvell
n'en prit point d 'humeur. Mazarin qui, au fond, voû-
tait arriver à la paix avec l'Espagne comme avec l'An-
gleterre et qui préparait de loin le traité des Pyrénées,
envoya, en juin 1050, M. de Lionne à Madrid pour enta-
mer des négociations, et Cromvvell, qui venait de trai-
ter avec la franco sur la hase de la guerre commune
contre l'Espagne, eu conçut d'assez vifs soupçons; mais
Mazarin expliqua nettement à Lockhart les molifs do
celle mission et, les circonstances qui rendaient à pieu
près impossible que la paix en surfil; Lockhart l ecom-




m O R A X T O W l t ПК CTJOJIWTT. ' I .
prit et en instruisit Cininvvoll; M. de Lionne revint en
olfef bientôt sans résultat ; cl, Join d'être ébranlée par
eetlo inéliance passagère, l'union entre le cardinal et le
Protecteur en devint plus intime, ils jugeaient saine­
ment l'un et l 'autre de leurs nécessités comme de leurs
forces mutuelles, et maintenaient , avec une indépen­
dance un peu soupçonneuse, la politique qu'ils avaient
adoptée en commun 1 .


Cromwcll, par cette politique, était devenu grand en
Europe, et sa grandeur n'était pas contestée sur le con­
tinent comme en Angleterre, car, au dehors, elle se
fondait sur la force habile et heureuse, sans crime ni
tyrannie. S'il n'avait pas toujours scrupuleusement res­
pecté le droit des gens, il n'avait rien fait qui révélât
une ambition sans limite et sans frein ; issu d'une révo­
lution, il n'avait point cherché à bouleverser les États
même avec lesquels il avait des différends; il avait été
tour à tour guerrier et pacifique, plus souvent pacifique
que guerrier ; et sauf l'échec de Saint­Domingue, qui
avait pourtant abouti à une utile conquête, il avait
réussi dans toutes ses entreprises. Il était en intimité
sincère avec tous les États protestants, en alliance active
avec le plus puissant des souverains catholiques, par­


< Bordeaux à Brienne ( d u 1« m a i a u 29 m a i 1G5G ) ; ai» 'même
( 1 0 a v r i l 1 0 5 6 ; ; à M azar in- ( m ê m e d a t e ) ; Uazarin à Bordeaux
rït'i a v r i l 1656; ; Archives des Affaires étrangères de France-,—îlmr­
l o e , Slate-Papers, i . I V , p . 7 3 9 , 7 5 9 , 7 7 1 ; I. V, p . 8, 32 , 3 0 , 1 3 1 , 210,
2 1 7 , 3 1 7 , 3 1 8 , 319 , 3 6 8 ; — D n m o n t , 11Ы. des iradés de paix, 1.1,
p . 6 0 0 . (Documents: itisloriques, и" . X X I I . !




ioul. présenl, influent, considère', redouté. Les témoi-
gnages extérieurs du respect qu'inspiraient son nom et
son pouvoir lui arrivaient de toutes parts; indépendam-
ment des ministres étrangers qui résidaient habituelle-
ment auprès de lui, des ambassadeurs extraordinaires
xonaient de Suède, de Pologne, d'Allemagne, d'Italie,
lui apporter avec éclat les hommages ou les ouvertures
de leurs maîtres. On frappait en Hollande, pour célébrer
sa gloire et humilier devant lui les rois, des médailles
quelquefois étrangement grossières1. Son portrait à
cheval était exposé dans les rues de Paris, accompagné
devers peu respectueux pour les princes du continent 2.
Le grand-duc de Toscane le lui faisait demander pour
en orner la grande salle du palais ducal'; et l'ambassa-
deur de Venise, Jean Sagredo, venu de Paris à Londres,
écrivait dans le style de son pays et de son temps : « île
« voici en Angleterre ; l'aspect de ce pays est bien dif-
« férent do celui de la France ; on ne voit pas ici des
« dames qui vont à la cour, mais des daims qu'on pour-
« suit à la chasse; ce ne sont plus d'élégants cavaliers,
« mais de la cavalerie et de l'infanterie; au lieu de mu-
« sique et de ballets, des trompettes et des tambours;
a on ne parle pas d'amour, mais de Mars ; point de co-
« médies, mais des tragédies; point de mouches sortes
« visages, mais des mousquets sur les épaules; on ne


1 I l a m s , Life of Cromwell,


* T l i u r l u e , Slale-Pujn-rs , t. N I , p . 502 , 510.




y 10 i ; 1-; A N DK L'K OF. C K O M W E T . Î . KN K U l i o r T .


« veille pas (tour se diverlir, niais «les ministres sévères
« tiennent sans eesse leurs adversaires en éveil. En
« somme, tout ici est plein de dédains, de soupçons, de
« physionomies rudes et menaçantes.... Le roi Charles
« était trop bon pour de si mauvais temps. Cromwell a
« chassé le Parlemenl ; il parle et ment seul; il a J'au-
« torilé de roi, si ce n'est le nom. Son titre est celui de
« Protecteur, mais il détruit la noblesse. Tant de troupes
« assurent son pouvoir, mais elles ruinent et accablent le
« pays. Toute solde est pour les soldats. La machine est
« forte, mais je ne la crois pas durable, car elle est vio-
« lente 1 . »


Cromwell lui-même, au milieu de sa puissance et de
sa gloire, sentait que sa situation était violenle, el aspi-
rait à la changer : depuis plus de dix-huit mois il gouver-
nait seul et arbitrairement; son ferme bon sens l'aver-
tissait que le pouvoir absolu s'use vite, et que, même
heureux, on ne gouverne pas longtemps isolé el sans
appuis. La guerre avec l'Espagne lui préparait et lui
imposait déjà des charges auxquelles, sans taxes nou-
velles, il ne pouvait suffire. Il reconnut la nécessité, et
il crut qu'après tant de succès le jour était venu de fon-
der un ordre légal pour fonder un ordre durable, et il
convoqua de nouveau un Parlement.


1 L o n d r e s , 0 o c t o b r e lfî.'ti ;—Letfere. inédite di N'ester (¡ieirnn.ru


Sagredo ( p u b l i é e s p a r s o n d e ' c o u l a n t A i f o s t i n o S n ^ r e d o , ; V e n i s e ,


l « 3 ' i • u. ¿9.




LIVRE Vi l i
Pronostic d'un nouveau Par lement . —Pamphle t de Yane.—Elect ions .— Dis-


«•uurs do Cromwell à l 'ouverture do la session.—Exclusion d 'une centaine
do membres.—Succès de la Hotte anglaise devant C«id.ix.—Le Par l emen t
adhère- pleinement à Cromvvell.—Proposition et travail pour faire Cromwell
roi.—HumOlr Pétition et Avis.—La tentative échoue.—Nouvelle constitution
du Protectorat.—Clôture de la session.—Manœuvres de Cromwell.—Mort
de Blako.—Seconde session du Par lement forme de deux Chambres.—
.iirouillene des deux Chambres.—Cromwrll dissout le Par lement .—Fermen-
:a:IUÏI dos partis.—Complots, royalistes et républicains.—Alliance active de
< 'romvvrll avec la France.—Ses succès sur le continent . —Prise de Mard\ ko
;-t <]•• Diin^orque.— Ambassades do lord Fauleenbrid^e À Par is et du duo de
(':<_•!]ni ù Londres. —Cromwell médite la convocation d'un nouveau Pa r l e -
ment.—AlMublisseinent de sa santé.—Intérieur de sa famille.—Ses rapports
a iëe sa mère , sa femme, ses enfants. —Mort de sa i'iile. lady Claypole,—
Maladie de Crounvcil .—Ltat de son âme.—Sa mort .—Conclusion.


Quelques mois avant de prendre celle résolution, et


soif préméditation, soit instinct, Cromwell avait fait un


acte qui laissait percer son dessein d'appeler Je pays à


i"appui de son pouvoir. Le 1 \ mars iu'-">6, il publia une


proclamation ordonnant dans toute LVn^Jelorre un


jeune général cl des prières publiques pour invoque]*


sur son ^oirverjiemeut Je secours d'en liant et supplier


i-' Seigneur de maniiesler eniin tpiel élait I : ÀcJian ] qui ,


depuis si longtemps, l 'mpècbait que l 'ordre ne se rêta-


A l l u s i u n a u c h c i i n i r . ' v x i i d u L i v r e do / o u a ^ dan.: IH Bible




•:>}> P R O X O S T T f M ' \ X i U ' V E A V r-AlU.F.MEXT.


Mil «m sein île? (mis nations' . De (elles cérémonies
étaient alors si fréquentes i |u'elles passaient souvent
inaperçues, connue des manifestations d u n e piété ordi-
naire cl officielle. Mais le plus émiuenl des chefs répu-
blicains, Varie ne se méprit point sur le sens de celle-ci.
Depuis rétablissement du Protectorat, il vivait relire
dans sa résidence favorite du Jïolleau, dans le coudé de
Lincoln, étranger, en apparence du. moins, aux com-
plots de son parti et à toute opposition active. Quand il
vit le Protecteur s'adresser au peuple et annoncer, bien
que do loin, l'inlention de provoquer son concours,
il résolut de rentrer lui-même en scène, et il publia
aussitôt - un pamphlet intitulé : « Question de guéri son
« proposée et résolue à l'occasion de l'appel public et
« opportun fait récemment.à un acte do pieuse humilité
« pour ramener l 'amour et l'union dans le parti des
« gens de bien; écrit dicté par le seul désir d'appliquer
« le baume sur la blessure avant qu'elle devienne
« incurable. »


C 'était un exposé c o u r t , ferme et clair des principes
essenliels du gouvernement républicain, tel que Yano
et ses amis l'avaient conçu : la souveraineté complète et
absolue du peuple, source unique de tout pouvoir; un
Parlement, assemblée unique, seul représentant du
peuple et seul en possession du gouvernement ; la


1 F o r s t e r , Statesmen of ihc CommomoeoJ.lh, t. I I I , p . liW. ,-


G o d v v i n , Ilisl. of the C omrnohiv eaïth. t. I V , p . 2(10.


* l'Ai a v r i l ou e n n i a i i(J5l>.




T'AXI P ï f P E T P E V A V E J ! \ v > ! i i 1 (150 ) . 2 J 3


liberté do conscience', droit sacré, posé eu maxime fou-
danientale, sans y comprendre pourtant explicitement
les catholiques ni les épiscopaux, et sans les exclure
formellement; les droils politiques exclusivement ré-
.-•-•nés. pour un temps indéterminé, aux seuls partisans
de ta bonne cause, c'est-à-dire de la l'évolution; sous
l'autorité du Parlement et par son choix, un conseil
d'Etal à vie, et peut-être, si les circonstances l'exigeaient,
un seul homme investi du pouvoir exécutif; tel était le
[dan de conciliation que Vano proposait à l'Angleterre
et au Protecteur. Pour le faire accepter de ceux dont
l'adhésion lui était évidemment indispensable, il y par-
lait bien de l'armée «placée comme elle l'est, » disait-il,
« dans les mains d'un sage et honnête général et d'ofti-
« cieis modestes et fidèles; » et il les exhortait à s'unir
intimement « avec le parti des honnêtes gens, et à sou-
« tenir la même cause, dans leur esprit de simplicité et
« d'humilité primitive. » Mais à coté de ce langage
hypocritement caressant, se rencontraient des paroles
i mères sur le péril que courent les libertés publiques
« quand on les établit sur la base d'un intérêt privé
« cl égoïste, vice radical du gouvernement créé par la
» conquête normande. » Bizarre mélange de sentiments
(levés et d'idées étroites, de sincérité patriotique et
• l'aveugle entêtement de théorie et de parti. Vane pré -
tendait fonder le gouvernement de l'Angleterre en en
excluant tous les grands pouvoirs, anciens ou nouveaux,
vainqueurs ou vaincus, qui avaient fortement régi la
société anglaise; il mettait les royalistes hors la loi,




24! r W P m . i T T . s DF V \NF.


comme Charles Sluart lui-même, e( sommait Oornwell
et ses officiers de se convertir à la coterie réjiublieaiui'
qu'ils avaient chassée, ou d'abdiquer ' .


Il n'y avait rien là qui donnât à Cromvvell de nou-
velles lumières sur les dispositions de ses ennemis,
ni qui dûl le détourner de sou dessein. La convoca-
tion d'un Parlement fut résolue; les mils, publiés le
10 juillet. lUoti, ordonnèrent les élections pour le mois
d'août, et la réunion des élus pour le 17 septembre sui-
vant. Lue forte agitation se répandit aussitôt dans toute
l'Angleterre ; les partis étaient comprimés, mais vivants
et prompts à se relever dès qu'un peu de mouvement
leur était permis. Le pamphlet de Vane, bien qu'écrit
sans verve et sans éclat, était lu avec avidilé : « 11 ne
« propose rien moins, » écrivait Thurloe à Henri Crom-
vvell S «qu 'un nouveau gouvernement, en mettant de
« côté celui qui existe aujourd'hui. Au premier mo-
« ment, il a élé fort applaudi ; mais à la réflexion, on
« l'a jugé impraticable et ne visant qu'à la résurrection
« du Long Parlement. Tous disent cependant que
« Vane doit avoir de bien bonnes espérances puisqu'il
« montre tant do courage. 11 faut avoir l'œil très-
« attentif de ce côté. » Un second pamphlet intitulé :
I, Appel aux souvenirs de l'Angleterre, ou un mot


1 L e p a m p h l e t d e V a n e e s t i n s é r é e n e n t i e r d a n s Somcrs's
Tracts, t . V I , p . 3 0 3 - 3 1 5 , e t d a n s l'Appendice a u I, I I I d e s Slalcs-


rnea «/' IheCommonncalth d e I I . l ' o r d e r ,


2 I. e, 10 j u m .1050.




n r ATTKITH'KS A VANE qp.'ifl). 3 4 5
<• ojipoiiun à fous les Anglais sur l'élection des membres
<( du prochain Parlement, » vint redoubler l'efferves-
cence publique et la sollicitude du pouvoir; c'étaient,
quelques pages simples, pratiques, d'une opposition
ouverte et ardente : « N'hésitez pas à vous rendre aux
1/ élections, quoique ce soit le Protecteur (comme on le
« nomme) qui vous y appelle ; n'ayez pas peur de reeon-
« naître par là son pouvoir.... Si un voleur, après vous
« avoir longtemps fermé le chemin de votre maison,
« vous laissait tout à coup passer, vous feriez-vous
« scrupule de rentrer chez vous 1.'.... » Et après avoir
donné aux élecleurs les plus énergiques conseils : « Que
« vous dirions-nous de (dus, chers chrétiens et compa-
ti triotesV Est-ce que vos amis emprisonnés ne parlent
« pas'".' Est-ce que vos voisins bannis ne parlent pas?
« Est-ce que vos droits violés, vos biens usurpés, vos
u libellés haletantes ne parlent pas? Est-ce «pie toutes
« nos ruines, au dedans cl. au dehors, par terre et par
M mer, ne crient pas a vos oreilles : au secours ! au
« secours! l'Angleterre périt1'.' »


Probablement à tort, on attribua aussi à Vane ce
nouvel écrit : quel qu'en fût l'auteur, il produisit, le
plus grand effet ; on Je distribuait dans les villes, on le
colportait dans les campagnes, on se réunissait, pour le
lire. CromweiJ se sent ail de nouveau en présence de 1


cette lièvre populaire qu'il avait, dans le cours de sa,


' T h u r t o e , $t«le-Poj>ers. t . V , p . Ui, Ml>. 17«, 3 1 7 , — C a r t e ,


OrmonJ s LMuio, t. I l , p- l y y . — B u r w n , Ùutiy, t. 1, p . ( . u v ,


1




21« F.LECTr<>.N l . i 'CN K i H T M n


vie, allumée et éloiillée teiu'àluur; il n'hésita point
à engager, lui aussi, contre ses ennemis, un ardent
combat; en ordonnant dos élections, il avait compté
sur ses majors généraux; ils tenaient tout le pays sous
leur pouvoir; ils avaient partout des soldats obéissants
et des agents dévoués ou compromis. Des instructions
pressantes leur furent envoyées. Les distributeurs de
pamphlets furent arrêtés. Les principaux meneurs ré-
publicains, Bradshaw, Ludlovv, Bich, Vane lui-même,
eurent ordre de comparaître devant le conseil d'Ltat ;
la lettre adressée à Vane, le 20 juillet 165(1, était conçue
en termes rudes, sans aucune formule d'égards ni de
politesse; on se bornait à lui dire : «Vous avez à coin-ce paraître le 12 août prochain devant, le conseil d'Etat. »
Celait évidemment un parti pris de pousser, contre
l'opposition, la guerre à outrance, et par tous les
moyens 1 .


Vane, qui n'aimait pas le danger quoique, par con-
science, il sût le braver, croyait s'être mis a l'abri de
telles violences; avant de publier son pamphlet, il en
avait envoyé un exemplaire à Fleetwood, pour donner
au Protecteur une marque de déférence dont, au besoin,
il pût lui-même se prévaloir. Fleetwood le lui renvoya,
au bout d'un mois sans aucune observation, et proba-
blement sans l'avoir communiqué a Croinwell auprès


i T h u r l o c , Statc-Pafim, 1. V, p . 272 . •').12. 32« , 310 ; — O . h v m ,


J h . O . vf the Ceminotwi'tilth, e J V . p . ¿ 7 - — F o i x - w r , d ' t o J w n t . i


ihc Vvmmomcealtk- t, 111, j>, 1 7 1 .




l ' A K f . K M 0 N T ; . t m I 1 0 0 0 1 , 2 1 7


de qui il i-fil «'raiiil de se rompromellre par celle enlrc'--
mise. Varie lit alors paraître son ouvrage en imlupiant,
dans un (ml-scriptum, sans nommer t'Jeelwood, la
précaution qu'il avait, prise. Quand la sommation du
Conseil lui arriva, presque aussi surpris de l'acte «pie
blessé de la l'orme brutale, il répondit que 1 : «selon les
-i lois et les libertés «le l 'Angleterre, personne ne pou-
ce vait être mandé devant le roi (quand il y avait un roi)
< par un mouvement de bon plaisir et quand aucun
« service spécial ne l'y obligeait; il réclamait le même
« privilège. 11 ne refusait point de se conformer à l'ordre
< qu'il avait reçu, et, sous peu de jours, if serait à
K Londres, dans sa maison de Cliariug-Cross, à la ilispo-
;< sitiou du Constat; niais il ne pouvait s'y rendre im-


médiatement; » et en attendant, il s'adonna avec
ardeur a la lutte électorale et au soin «le sa propre
candidature, tentée sur trois points à la fois'.


Des deux parts i'acbarnemenl fut extrême : Répu-
blicains, Anabaptistes, Niveleurs, Presbv lériens, Roya-
listes, Cavaliers dissimulés, tous les opposants s'unirent
conire le Protecteur : « Point de soldats, point de cour-
tisans, point, de salariés ! » c'était leur cri de ralliement.
Cromwelbde son côté, lança en tous sens ses employés et
ses soldats, et se mit lui-même a réouvre; il entretenait
avec ses majors généraux, soit personnellement, soit


i Le ->i) ; i o u i 1 . 0 5 6 .


" 'I M i i r l m ' , -s'OiO'-I ' ./j'i y.--, | . V , p . ; t j H . — F o r s t e r , Xtaiesmci, of
• H-'. ' ïmiHWHvvtiîf/ ' . ITU.ON.I




2 1 » E L E C T I O N D 'T 'N N O E V E A n


par Thurloe, une correspondance assidue, leur adres-


sant quelquefois, en son propre n o m , des lettres qu'ils


allaient lire dans les réunions électorales ou qu'ils fai-


saient colporter par leurs affidés. Promesses et menaces,


faveurs et violences, l 'un et l 'autre parti, chacun selon


sa situation et la nature de ses armes, usèrent de tout


pour s'assurer le succès : « Gony sera élu à Douvres si


« sa personne n'est pas mise à l 'écart, » écrivait le major


général Kelsey à T h u r l o e 4 , et probablement Cony était,


mis en lieu de sûreté, car ce fut Kelsey lui-même qui tut,


élu. Les emportements populaires répondaient aux


coups du pouvoir ; dans plusieurs lieux, les élections


s'accomplirent au milieu d'émeutes qui devenaient


bientôt de vrais combats ; à Westminster, deux hommes


furent tués et beaucoup d'autres ldessés; à Brenlford,


les Anabaptistes, pour faire réussir leur candidat, bat-


tirent et chassèrent les magistrats qui présidaient a


l'élection ; leurs adversaires se rallièrent au cri : « Point


d'Anabaptistes ! » et la mêlée devint si violente que les


soldats, reprenant leur rôle légitime, ne s'employèrent


plus qu'à disperser les combattants. « L à où paraissent


« nos honnêtes soldats, on fait un choix raisonnable, »


écrivait de Londres un des agents du Prolecteur 2 ;


« mais plus on s'éloigne de Londres, plus c'est mau-


« v a i s ; et même au milieu de nous, sons notre nez, les


« malveillants sont si hardis et si ingrats qu'ils crient :


' L e 13 a o û t 16Ô6.


* L e 22 a o û t l'iôG.




l ' .VRI .RAJ E X T i\»„T 1056) . «JJO
«. Poinl de suidais. point de courtisans! .» Pour d é r i - i e r
la coalition drs liépubbeains ri des Cavaliers, pour ré-
chauffer contre eus les passions révolutionnaires, Crom-
well fil publier sur le compte des Stuart les bruits les
[dus injurieuv : «Charles,» disail-on, «était un prince
« maladif, paresseux, sans énergie, et son frère, le duc
« d'York , un papiste. » On alla plus loin : l 'une des
maîtresses de Charles 11, Cucy \Valters, mère de l'enfant
qui fut plus lard le duc de Moninoulh, était venue en
Angleterre et y avait élé arrêtée et mise à la Tour ;
Cromwell la lit relâcher en publiant son histoire ainsi
«pie le texte du brevet d'une pension de 5000 livres
«pie Charles lui avait donnée ; et les journaux du Protec-
teur ajoutaient au récit de ces faits : « Ainsi les per-
,i sonnes qui soupirent après Charles Stuart voient
« qu'elles sont déjà pourvues d'un héritier, et qu'elles
« ont pour maître un prince charitable qui dispose des
« contribulions qu'elles recueillent, à son prolit, en
« Angleterre, pour l'entretien de ses concubines et de
« ses bâtards 1. »


Le succès ne répondit pas, pour le Protecteur, à tant
d'efforts; ses majors généraux et ses principaux parti-
sans furent élus; parmi les chefs républicains, Vane et
llradshaw échouèrent; Ludlow et llulcliinson se tinrent
a l 'écart; la majorité appartenait au gouvernement;


! T h r e r l o e , SMe-Paprn, t. V , p . 209 , 0 0 2 , 3 0 3 , 3 0 1 , 3 0 8 , 312 , 3 1 3 ,
537 , 3 1 1 , 549 , 3 5 2 , 5 . 5 ; , 57u ; — l i e . u l i , Vhromçle, p . 704 ; — B â t e s ,
K W U v »'(>(•/»>» <.".'•., p a r t . I I , p . 3 7 5 ; — Cromu:elliana, p , 1 5 7 ; —




350 V A N E D E V A N T


mais plus do cent ennemis déclarés, et dans ce nomine
quelques-uns des plus intraitables, Ilaslerig, Scott, Bond,
Robinson, avaient réussi dans leur candidature; et
quand la lutte lut terminée, l'un des plus confiants
parmi les majors généraux, Oofl'e écrivait à. Tburloe 1 :
« On peut dire, j 'espère, que les élections ne sont ni
« aussi bonnes que nous l'aurions désiré, ni aussi man-
te vaises que l'auraient voulu nos ennemis*.


Quelques jours après ce résultat, le 21 août I6ùo', Vane
comparut devant le Conseil, avoua hautement son pam-
phlet, remit à Crornvvell un autre écrit où il renouvelait
ses avis avec ses protestations, et sommé de s'engager,
sous peine d'emprisonnement, à ne rien entreprendre
contre le gouvernement du Protecteur, il s'y refusa
formellement: « Je ne puis rien faire, » dit-il, « qui
« mette en question la bonté de la cause pour laquelle
« je souffre; vous marchez sur les traces du feu roi qui,
« pour rendre la monarchie absolue, ne savait rien de
« mieux que de jeter dans la disgrâce les amis des lois
« et des libertés du pays. Il est. déplorable que ces
a funestes maximes soient ressuscitées cl pratiquées par
« des hommes qui font profession de sainteté. » Croin-
vvell. attendit encore quinze jours avant d'exécuter ta
menace adressée à Vane; les rigueurs après, coup lui
répugnaient; comme plus irritantes que nécessaires ; il


i L e 29 a o û t 1050.


5 T b u r l o e , Statu-Papen, t . V , p . 3 1 1 , 3 0 5 , 209, 3 1 3 , 290, 3 1 9 ; —
Parliam. Ilibt., t . X X I , p . 3 - 2 3 .




T.R f O V S E T L ' D ' É T A T ;VOT-T lfir.fi). 5."il


toi«sn on repos Ludiow of l'iiadsliaw qui lui avaient cgali ' i i i i- i i f résisté, l.i' '.) septembre pourtant, Vano l'ut
arrt ic oi omoyé dans l'île do Wighl. au ehàleau do
Carisbrook, dans la mémo prison où Jo Long Parlement
a\nit retenu Charles 1"; et le gouverneur eut ordre de
ne le laisser parler à personne qu'en présence d'un
officier. Le colonel iiieh et le général Harrison, qui
s étaient aussi refusés à tout engagement;, furent pareil-
lement mis en prison, l'un à Windsor, l'autre au
'•hàleau de Pendennis, dans te comté de Cornouailles;
douze royalistes, connus par leur zèle actif, furent
envoyés à la Tour ; et le 17 septembre, après avoir ainsi
frappé quelques coups pour se montrer sûr de la vic-
toire, CroimveJl réunit le Parlement ' .


Il ouvrit, la session par un discours qui dura près de
(rois heures, le plus long, et aussi le plus embarrassé et
le plus violent, qu'il ait prononcé. Il était embarrassé et
des choses qu'il avait à dire et de celles qu'il voulait
faire : deux motifs Pavaient décidé à convoquer un Par-
lement; la nécessité d'avoir de l'argent pour la guerre
d'Kspagne et L'espoir de se faire roi ; cette nécessité,
toujours importune à ceux qui gouvernent, lui déplai-
sait à proclamer, et il n'avait garde de laisser percer son
espoir. Il étala, avec la rudesse révolutionnaire, les dan-
gers qui menaçaient l'Angleterre : « Vous êtes en guerre
« avec l'Espagne; nous vous avons engagés dans cette


i T î t u r l o o , Slatt-Pnpm, l . V , p . 349 , 4 0 7 , -130 ; — L u d i o w , Mé-


Aftir,-*, i. I I , p. 300, :U#, dans m a Collection j—G-odwin, Uiat. of


> Cvmmonwtulth, t. I V , ] ' • ¿70-277 ,




'-':')> nrsmrns !)K C l t O M W E T . T ,
' guerre, par nécessité, inulil de jusliliealion, pour les
« actions des hommes, ipii esl au-dessus de loules tes
« lois écriles.... L'Espagnol est voire grand ennemi,
« votre ennemi naturel et providentiel, car c'est le
« papisme lui-même.. . . Il n'y a pas moyen d'obtenir
« de l'Espagne satisfaction ni sécurité.... Nous ne lui
« avons demandé, pour nos marchands, que la liberté
« de garder leur Bible dans leur poche et de pratiquer
« leur foi ; mais il n'y a point de liberté de conscience
« à attendre de l'Espagnol.... Son dessein (les Fran-
ce çais et tous les protestants d'Allemagne le savent
« bien), c'est d'envahir la domination de tout le monde
« chrétien, si ce n'est plus; et à ce dessein, il vous
« regarde, vous, cette nation-ci, comme le plus grand
« obstacle.... Si vous faites la paix avec un État pa-
« piste, vous êtes lié et il ne l'est pas, car la paix ne
« dure qu'autant que le pape dit amen. Nous n'avons
« rien à démêler maintenant avec aucun Etat papiste,
« si ce n'est la France, et il est certain que les Français
« ne se croient pas aussi absolument assujettis au pape;
« ils se tiennent pour libres de se conduire lionnèlc-
« ment envers les nations qui traitent avec eux, et ils
« peuvent répondre sans embarras à ce que nous leur
« demandons raisonnablement,. . . L'Espagne, là est
« la racine de votre péril; c'est la la puissance qui
« soulève contre vous tous vos ennemis. Elle vient
« d'épouser la cause contre laquelle vous luttez depuis
« si longtemps, la cause de Charles SluarL.. . Elle a
« levé pour lui sept ou huit mille hommes qui sont




EN' O U V R A N T L E E A T l E E V Î E X T ,17 S ^ P T ^ V U R R 1056) . "253


« maintenant en quartiers à Bruges, et don Juan d'Au-
" Irielie a promis qu'il en ajouterait bientôt quatre ou
» cinq mille.... L'Espagnol a des alliés jusque dans
« vos entrailles; depuis que je suis au monde, j 'entends
« dire que les papistes anglais sont espagnolisê*; ce n'est
' pas la France, c'est l'Espagne qui est leur patron...
'.< Pouvons-nous méconnaître que les Cavaliers sont en
« intimité avec les papistes dans toute l'Angleterre'?
« Vous dites que c'est indigne, antichrétien, anti-
« anglais ; vous avez raison ; mais cela vous montre
« quel est votre péril et d'où il vient.... Il y a encore,
« dans celte nation, une race d'hommes divisés en
a toute sorte de sectes, qui ne crient que piété, justice
'< et liberté, et qui tendent la main à l'écume et à la
" l'ange du pays. A ce parti nivelcur se sont unis
« naguère ries hommes qui portent un plus beau nom,
« le nom de républicains, auquel peut-être ils ont peu
« de droit. II est étrange que des hommes riches et
« considérés se joignent à de telles gens; mais c'est le
« l'ait.... Ne méprisez pas ces ennemis; ils sont assez
« nombreux; ils ont soulevé la dernière insurrection....
« Ils avaient, projeté de m'assassiner; je ne vous parle
« pas de cela connue d'un l'ait de grande importance
« pour vous ni pour moi-même; ils auraient à couper
a un nombre de gorges an delà de tout calcul pour
•i accomplir leur dessein ; mais tel quel, le fait est avéré ;
« il y a eu des hommes traduits en justice et condam-
« nés à raison de ceci, et sur de bonnes preuves... . Un


« ofticier, qui se trouvait de garde, devait aussi me
i n i




9*i niSCOTTiS TiV. f ' B O M ' W K I . T .


•« saisir dans mon lit.... Il y avait cenl autres projets
« insensés, comme de placer des sacs de pondre sous ta
« chambre où j'étais et de la l'aire sauter.. . . Les meneurs
« de tout cela, ce sont vos anciens ennemis, les Papistes
« elles Cavaliers.... Ils ont pris à leur service un misé-
« ral.ilc, un apostat de toute religion et de toute
« honnêteté, jadis colonel dans l 'armée, et ils l'ont
« envoyé à Madrid pour s'entendre avec le roi d'Es-
« pagne, à cette fin de faire débarquer ici des troupes
« pour envahir cette nation.... Quand j 'a i vu tous ces
« desseins, quand j 'ai reconnu que ies Cavaliers ne
« voulaient pas se tenir en paix (« Il n'y a point de paix
« pour les méchants, » dit le prophète Isaïe), j 'ai eu une
'.' pauvre petite invention qu'on a beaucoup blâmée, à
•< ce que j 'entends dire ; j 'a i institué vos majors géné-
« raux pour surveiller un peu ce peuple de mécontents


si divisés, si agités, et les menées du parti papiste....
- Si jamais il y a eu une mesure justifiable au nom de
.t la nécessité et honnête de tous points, c'est celle-
.< là.. . . et je jouerais ma vie pour la soutenir, aidant
••i que dans aucune autre chose que j'aie jamais entre-
« prise.... Les majors généraux se sont conduits en
«. gens d'honneur et de foi, accoutumés à verser leur
« sang pour la lionne cause.... Et vraiment chaque
« jour de plus que l'Angleterre voit ajouter à son repos,
« c'est à eux qu'elle le doit. »


Cromwell entrait là dans un pas difficile; au heu de
s'appuyer, comme il l'avait fait d'abord, sur les vieilles
passions révolutionnaires, il se heurtait contre des pré-




1 T \ O U V R A N T T E P A K T . H J f K X T fïY « E P T F J t i t B F j « 1 6 } . 2 5 5
veillions récentes cl vivo?; la tyrannie de? majors géné-
raux avait frappé Ions los regards ot choqué ceux-là
mèmoipii n'en avaient pas soulferl. Cromvvell lui-même
hseiifail, cl après avoir hautement avoué la mesure,
il ne s'arrèla pas longtemps à en parler. Mais le sujet
auquel il passa n'était pas meilleur; il avait étalé les
maux; il fallait montrer les remèdes; . i l ne pouvait
nommer celui auquel il visait, et qu'if croyait seul effi-
cace, le rétablissement, à son profit, de la monarchie,
avec ses grandes comblions de force, d'ordre et de
stabilité. 11 demanda de l'argent pour la guerre, l'appui
dévoué du Parlement pour son pouvoir, la réforme des
lois et des mœurs. Mais c'étaient là des nécessités
prévues, ou des paroles banales et sans vertu. 11 termina
son discours par une paraphrase du psaume 8il'', élan
il'actions de grâces du roi David qui se promet que Je
Dieu fort pardonnera tout à sou peuple, le ramènera de
tous ses égarements cl le sauvera de tous ses périls. Mais
rien n'indique que celte péroraison de Cromvvell ait
J'ai! sur ses auditeurs l'impression que sans doute il en
ai tendait; il commençait à abuser des cordes que, pen-
dant longtemps, il avait si puissamment touchées, la
Ilourde l'anarchie cl la piélé 1.


Au sortir de la Chambre peinte, Cromvvell retourna à
Whitehall et les membres du Parlement à la salle de
ieurs séances : ils trouvèrent à la porte des gardes qui,
pour les laisser entrer, demandèrent à chacun d'eux


* C a r i ) l e , Cn-uurdi's Lettm und Xpeu-hs, 1. I l , p . •115-402.




C'EXT B F . U X M E M B R E S S O X T F.XCT.T'S


son certificfil (l'admission; la plupart le présentèrent,
d'autres ne l'avaient pas et ne purent entrer. La surprise
et la rumeur lurent grandes. Quel était donc ce certificat
exiger? Qui le donnait ou le refusait, et de quel droit "'
On ne tarda pas à comprendre : la pièce demandée
portait : « Ceci est pour attester (pic, d'après tes procès-
« verbaux d'élection, M.... est élu l'un des chevaliers
« appelés à servir pour le comté de .... dans le présent
« Parlement , et qu'il est approuvé par le conseil de
« Son Altesse.—Signé Nathaniel Taylor, greffier de la
« République en chancellerie. » Environ Irois cents
membres étaient munis de cette attestation; cent deux
ne l'a\aienl pas fournie et se trouvaient exclus du
Par lement 1 .


Le lendemain 18 septembre, la Chambre était en
séance; elle venait de choisir sir Thomas "vViddrmglon
pour son orateur et commençait ses travaux ; une le t t re
lui fut remise, signée de soixante-cinq personnes et
« portant: « Nous dont les noms sont ici souscrits, et
« d'autres encore, avons été élus et envoyés pour servir
« avec vous dans ce Parlement ; afin de nous acquitter
« de notre mission, nous nous sommes présentés à la
« Chambre; nous avons été, à la porte du vestibule,
« repoussés par des soldats. No voulant pas manquer a
a notre devoir envers vous et notre pays, nous avons
« jugé convenable de vous informer de ce fait, pour


< Pari. / f i > f . , i. X V I , p . 24 ; — C a r l v l e , CnmvtV* t.ctten ««-/


i r i d i é s . I 1 J , p . -1(511.




0 1 ' P A R L E M E N T ¡17 s t ; n . 1650). 257


•r qu'il soit communiqué a la Chambre et que no'ispuis-
i- sions y être admis '. »


A la lecture de celle lettre, la Chambre ordonna que
le grellier de la République en chancellerie aurait à
paraître le' lendemain devant elle, apportant les procès-
verbaux d'élection de tous les chevaliers, citoyens et
bourgeois? appelés à servir dans ce Parlement. Quand cet
ordre arriva chez le greffier, il n'était, pas à Londres;
son suppléant se présenta devant la Chambre avec
tous les procès-verbaux des élections; on lut les noms
des signataires de la lettre, en demandant, pour chacun
d'eux, au grellier si un tel avait en effet été élu dans le
lieu désigné; pour tous, la réponse fut affirmative; une
vive agitation régnait dans la salie ; les membres allaient
et venaient, s'arrèlant les uns les autres, se formant eu
groupes, parlant et questionnant pêle-mêle; l 'orateur
les rappela à l 'ordre; tant qu'un étranger était dans la
salle, dit-il, tout membre devait rester à sa place, Iran-
quille et silencieux. On vint annoncer que le greffier
de la République, de retour à Londres, était à la porte;
il entra; on lui demanda comment il se faisait que
diverses personnes qui, d'après les procès-verbaux, pa-
raissaient bieu cl dûment élues, ne vinssent pas siéger
dans la Chambre; il répondit qu'il avait reçu, du Con-
seil de Son Altesse, l'ordre de ne délivrer de certificat
d'élection qu'aux personnes qui lui seraient désignées
connue ayant été approuvées par le Conseil. L'ordre fut


'- .JovmnU oft'ne HV.IM r.f ommoni-. t. V I I , ¡1. 42-1




258 R E C L A M A T I O N E T P R O T E S T A T I O N


produit. La Chambre décida ([ii'cdlc dcmatidcrail an
Conseil par quels motifs des membres élus n'avaient
pas été approuves et admis à siéger. Le lendemain»
22 septembre, Nathamel Fiennes, lord commissaire du
grand sceau, vint répondre, de vive voix, par ordre du
Conseil, qu'on vertu de l'article XVII de l'acte constitu-
tionnel du Protectorat, « nul ne pouvait être élu mem-
« bre du Parlement s'il n'était homme d'une intégrité
« reconnue, craignant Dieu et de bonne conduite, » et
qu'aux termes de l'article XXI du même acte, le Conseil
était en droit et en devoir « d'examiner si les personnes
« élues possédaient les qualités exigées;» le Conseil,
dit-il, n'avait refusé son approbation à aucun des élus
qui lui avaient paru réunir les conditions légales; à
l'égard des personnes non approuvées, Son Altesse avait
donné des ordres pour qu'elles n'entrassent pas dans la
Chambre '.


Kien ne manquait à la hardiesse de l 'aveu; les arti-
cles de l'acte constitutionnel étaient formels; la Cham-
bre essaya d'ajourner sa délibération; mais l'ajourne-
ment fut rejeté; il fallut subir celte mutilation; on
vola, à cent vingt-cinq voix contre vingt-neuf, (pie les
membres élus,-qui n'avaient pas été approuvés, étaient
renvoyés à se pourvoir devant le Conseil pour obtenir
son approbation; et la Chambre passa outre, pressée,
dit-elle, de s'occuper des grandes affaires du pays '-.


1 .Tournois of the House of commons, i. V I I , p . - 1 2 5 , i:Hr. — P;ti livon,
UUl., t . X X , p . 2 5 5 , 250 ; t. X X I , p . 2 0 - 2 8 .


• Jourmb ofthe House ofcommom, t. V i l , p . 120,




D E S ME.M [1RES E X C L U S (SEPT. 1650) . 239


Los membres exclus r e t i r e r a i t cl signèrent une pro-
testation, énergique dans laquelle, après une exposition,
trop longue, de leurs justes griefs, ils déclaraient «traî-
a 1res aux libertés de l'Angleterre et complices des en-
<( nemis capitaux de la République » tous ceux qui
continueraient de siéger dans ce Parlement mutilé.
Plusieurs milliers d'exemplaires de cet acte, revêtu île
quatre-vingt-treize signatures, lurent renfermés dans
des boîtes et déposés dans diverses maisons de Londres
ou les fidèles devaient venir les prendre pour les dis-
tribuer. La police de Cromvvell découvrit et saisit quel-
ques-unes de ces boîtes; mais l'esprit public, sans rede-
venir favorable auv Républicains, se lassait et s'irritait
de ces coups répétés de tyrannie; un vif intérêt s'atta-
chait aux actes de résistance, quels qu'en fussent les au-
teurs; la protestation fut recherchée et lue avec avidité.
Quelques-uns de ceux qui l'avaient signée la démen-
tirent bientôt eux-mêmes, car ils sollicitèrent et. obtin-
rent du Protecteur leur admission tardive dans ce
Parlement qu'ils avaient flétri. Mais l'impression publi-
que ne changea point et pesa sur l'assemblée elle-même;
parmi les membres qui y avaient été admis sans diffi-
culté/plusieurs se dégoûtèrent et cessèrent de prendre
part aux séances; et la plupart do ceux qui continuèrent
de siéger avouent, au tond du coeur, le sentiment d'une
boute dont ils espéraient trouver quelque jour, sans
trop de péril, l'occasion tle se laver K


< Ptn-liam. / / i s f . . t . X X I , p . 2 8 - O a ; — V V i i i t e l o c k e , p . 6 5 1 ; —


l U o i i u e , . S ( a O > i V i ; j i r s , t . V , p . 4 5 6 .




2i!0 V I C T O I R E D E LA F L O T T E A N U L A t S K .


A ce moment même, et coinine pour distraire les
esprits froissés, la fortune envoya à Cromwclt un coup
de gloire. Le ~-l octobre 10M0, Tburloe vint annoncer au
Parlement que la flotte qui croisait sur les côtes d'Espa-
gne, pour intercepter les galions venaul d'Amérique,
avait en effet rencontré,comballu et pris, à leur arrivée
devant Cadix, plusieurs de ces riches vaisseaux. Ce
n'était pas aux commandanls de ta llolle, Diake et .Mon-
tagne, que revenait l 'honneur de ce succès; après une
longue atlenle, ils avaient quitté les côtes d'Espagne
pour se porter vers celles de Portugal, laissant devant
Cadix un de leurs officiers, le capitaine Richard Slay-
ner, avec sept bâtiments. A peine les amiraux anglais
s 'étaient éloignés que les galions espagnols parurent,
quatre vaisseaux de guerre et quatre grands navires
marchands, trompés par les rapports qu'ils avaient
reçus et se croyant assurés d'entrer sans obstacle dans
le port de Cadix. Stayner les attaqua brusquement, en
vue de la ville dont les habilants pouvaienl suivre, du
haut de leurs maisons, les incidenls du combat. Malgré
une vaillante défense, les Espagnols succombèrent ;
quatre de leurs vaisseaux furent détruits et deux pris,
avec leur précieuse cargaison de piastres, de lingots et
de richesses diverses. Le Prolecteur et le Parlement
s'entendirent pour faire grand bruit de celle v i c to ire ;
le Parlement ordonna un service, solennel d'actions de
grâces, d'abord pour la Chambre elle-même, puis dans
le pays tout entier ; un récit détaillé île révénoinenf,
rédigé par un comité de la Chambra l'ut répandu avec




D E V A N T C A D I X . S H ' T H S I B R » 1656) . 261


profusion; les poêles, courtisans cl populaires, joigni-
rent leurs hymnes aux éloges officiels; l'amiral Monta-
gne, qui arriva peu de temps après, amenant lui-même
les prises, fut. comblé des faveurs de Cromwell et des
hommages du Parlement ; Richard Slayner fut fait che-
valier. Lorsque les trésors d'Espagne débarquèrent à
Porlsmoulh, ils furent aussitôt chargés sur trente-huit
chariots et lentement transportés, sous une brillante
escorte, à travers les villes et les campagnes du sud-
ouest de l'Angleterre, jusqu'à la Tour de Londres, pour
y être convertis en monnaie anglaise. L'imagination du
public et la charlatanerie du pouvoir enflèrent à l'envi
la valeur de la capture; on parlait de trois, de cinq et
même de neuf millions de piastres, «(l'est beaucoup
«moins qu'on n'attendait, » écrivit Tlmrloe à Henri
Lromwell ' ; «non que la prise elle-même ait été moins
« riche qu'on ne nous l'avait dit d'abord ; il y avait dans
« les deux vaisseaux bien près d'un million sterling;
« mais il n'est guère resté, après le pillage, que 2."iUou
« .'Juo,0UO livres slerling; on dit. qu'un capitaine a eu,
«.< pour sa pari, uo ,000 livres sterling, et plusieurs s im-
« pies matelots chacun - 1 0 , 0 0 0 ; c'est un usage si mu-
te versel parmi les gens de mer, dansla chaleur du com-
« bat, qu'il n'estqias possible d'en rien retrouver après.»
L'est Je privilège de la gloire des armes que même la
cupidité et Je mensonge en ternissent a peine l'éclat8.


1 1 n.o\"C. m hrç lc't(i.


•• Jiunuli vflh<Hv»>* ofwmmon.. t . V I I . p - -132, l ' ! 3 , — T h u r -




202 A C T E S D E E A U L E M E V I "


Sous l'influence de ce triomphée! en l'absence de la
vieille opposition républicaine, le Parlement vola loules
les lois, loules les mesures (pie Cromvvell pouvait dési-
rer. Un bitl l'ut adopté pour «rejeter et annuler de
« nouveau le prétondu titre à la couronne de Charles
« Stuart et de ses descendants ' .» Un autre bill institua
des garanties « pour la sûreté de la personne de S. A.
« le Protecteur et pour le maintien de la paix de la na-
« l ion 2 . » On déclara, à l 'unanimité, que «la guerre
« contre l'Espagnol avait été entreprise par dejusles et
« nécessaires motifs et pour le bien de cette république,
« et que le Parlement, avec l'aide de Dieu, ysoulien-
« drait Son Altesse". » Le Parlement s'en fût volontiers
tenu à cette promesse, et plus de deux mois s'écoulèrent
sans qu'il parût songer à l'acquitter; mais les amis du
Protecteur la lui rappelèrent vertement : « Nous ne
« pouvons pas, » dit le capitaine f ' iennos 4 , «tuer le
« roi d'Espagne ni prendre l'Espagne ou la Flandre par
« un vole; il faut do l'argent. » On volaaiors iOo.ooo li-
vres sterling pour les frais de celte g u e r r e 3 ; et. plu-
sieurs impôts furent remaniés et aggravés aliu d'y


J o e , State-Favers, t . V, p . 3î>0, 4 3 3 , 434, 47-2, 5 0 5 , 500, r,U, 5 5 7 , —
W h i t e l o c k e , p . 0 5 3 ; — C l a r e n J o n , Ilistorij uf Ute llcb<:Hion., t . .vv,
c o l . 5 5 , 50 ; — l l o b e r r l î l a k e , p . 332-337;—C'vouit.vi,ÏHu>;ri , p . l.'.o,


1 L e 20 s e p t e m b r e ; 1050-


- L e 9 o c t o b r e 1050.


' L e L ' o c t o b r e 1050 .
1 L e '20 d é c e m b r e 1050 .


•' L e 50 j a n v i e r 1057 .




A l.'VPJM'I IIK CRn;\nVF,IJ, (J65C). 203
pourvoir. Dans Ions ses rapports avec le Protecteur, le
Parlement lui témoignait une extrême déférence; on
régla, de la façon la plus respectueuse pour lui, les
formes des communications officielles entre les deux
pouvoirs 1. Tous les choix qu'il avait faits pour les hautes
charges de magistrature furent approuvés 5 . Presque
iouïes les ordonnances qu'il avait rendues, de sa seule
autorité, furent confirmées 3 , La Chambre ne publiait
pas une déclaration, n 'ordonnait pas une cérémonie
publique sans avoir demandé et obtenu son assenti-
ment. On ne laissait pas échapper une occasion de ma-
nifester, non-seulement pour lui, mais pour sa famille,
la laveur la [dus efficace. Le 27 décembre 16o(i, le Par
lenient discutait un acte destiné à régler des questions
de domaines en Irlande : Whitelocke proposa de don-11er, par une clause additionnelle, « au lord Henri Croui-
« well, à raison de ses bons services et des arrérages
« qui lui sont dus, la terre de Portumna, pour lui et ses
« héritiers à toujours. »—«Bon présent,» dit Thomas
Dur Ion qui assistait à la séance; « un manoir, un parc,
« une maison et 4000 acres; c'est faire largement les
« choses. » Personne ne parla contre la clause proposée.
« J'espère, » dit sir William Slrickland, « que vous
« l'adopterez sans délai; ce gentilhomme vous a rendu
« d'éminents services; ce n'est pas un pur don ; il s'agit


1 Lo 1 " o c t o b r e l ' i ô f i .
:: J .i : Il o>:io b r u 1050.
' iMu ¿1 a i j i i i i m b r c ; 1050, « j u t 30 . m i l 1057 .




2 0 1 OONVRRSVrïON OK CROMWilLr,


de ses arrérages.»—«Ce n'est pas graud'clinse,» ajouta
sir Joli n Reynolds; « cela ne vaut pas plus de -1000 livres
« sterling; c'est aussi peu que possible. »— « C'est moins
« que ne valent ses services et son mérite, » reprit
M. Coodwin ; « il y a encore 2000 acres de plus dans le
« Connauglit ; je demande qu'on les y ajoute; ce sera
« encore trop peu. » — « On ajouta les 2000 acres ; en
« tout 0000 acres ; il n'y eut que deux non, M. Robinson
« et le major général Lilburne. » 11 y avait, dans cet
empressement, autre chose encore que de la flatterie
intéressée ; le Parlement croyait la révolution arrivée
au port, et voulait fonder son gouvernement 1 .


Cromwell le voulait plus que personne; mais, bien
mieux que personne, il en savait la difficulté. Il avait
les deux qualités qui font les grands hommes et qui leur
font faire les grandes choses ; il élail à la l'ois sensé
et audacieux, sans illusion sur sa condition présente et
indomptable dans ses espérances. Son pouvoir était ab-
solu, mais précaire, accepté comme nécessaire et pro-
visoire, non comme légitime et déihiiuT. Tour à four vio-
lées et renversées depuis quinze ans, trois institutions et
leur droit restaient cependant debout dans l'esprit du
peuple anglais, le Parlement, la couronne el la loi. La
royauté héréditaire, l'intervention du pays dans sou
gouvernement par les deux Chambres, et cet ensemble


1 Journal* of the II ov.ie nf commow. 0 VIT . p . 428 , 430 . Ci l , IH4-
, !!)(>. 3 * 3 , 4 3 1 , 437 , 4 3 8 , 4 2 3 , 324, 52t,, 528 , - l i a i lo i : , Dhr,,. t. I,


p . 174, 191 , 269 , 259 -260 .




A V E C L O K D DR 0 0 H I L E , 205


de statuts, de coutumes, de iormes, de traditions et de
décisions qui représentaient la justice et s'appelaient la
toi, c'était là, dans la conscience publique, le pouvoir
légitime. Croimvell en était si profondément convaincu
que le rétablissement même de la royauté légitime s'of-
frait quelquefois à sa pensée, sinon comme une chance,
du moins comme un doute, et qu'il acceptait, dans l'in-
timité, la conversation à ce sujet. Lord Broghill vint le
voir un jour après avoir passé la matinée dans la Cité :
« Qu'avez-vous entendu dire là'? » lui demanda Crom-
well; — « Que vous êtes en négociation avec le roi qui
« sera rétabli sous peu et épousera votre fille. » Crom-
well ne se fâchant pas, lord Broghill ajouta que, dans
l'état des affaires, il ne voyait, pour lui, point de meil-
leur parti à prendre : « Vous pouvez ramener le roi aux
•.< conditions que vous voudrez, et garder, avec bien
c moins de troulile et de péril, l'autorité que vous avez.»
« — Le roi ne peut jamais pardonner le sang de son
« père,» dit Cromwell.—«Vous n'êtes que l'un de ceux
« qui ont pris part à cet acte, et vous aurez seul le mérite
! d'avoir rétabli le roi. » Cromwell répliqua ; — « 11


y est si damnablement débauché qu'il nous perdrait
« tous; )> et il changea de discours sans aucune hu-
meur: d'où lord Broghill conclut qu'il avait souvent
pensé a cet expédient '.


A peu près vers la même époque, le marquis de
llerlford, l'un des plus honorables conseillers de Char-


' B u r u e l , Union e de mon lc>«p*. t. 1, p . U9 , d a n s m a Ccllectmt.




ш> r n \ v : : h i г о » \ ш­: C K O M W K I . I ,
les I e r , et qui, depuis la mort du ro i , vivait retiré dans
ses terres, perdit son lils aîné, lord Beauchamp. Crom­
vvell, qui saisissait avec empressement les occasions de
se rapprocher des grands seigneurs royalistes, lui lit
porter par sir Edouard Sydcnham ses compliments de
condoléance. Lord Hcrtford répondit comme il convenait
à cette courtoisie, l 'eu après, le Prolecleur fd inviter le
marquis à dîner. Ne sachant comment s'excuser, et
réfléchissant que Cromvvell pouvait le ruiner, lui et
tous les siens, lord Hcrtford dit qu'il se rendrait au vœu
de Son Altesse. Cromvvell le reçut avec tous les égards
imaginables, et après le dîner, le prenant, par la main,
il remmena dans son cabinet où, se trouvant tous deux
seuls, il lui dit. qu'il avait désiré le voir pour lui de­
mander conseil : « car je suis hors d'état de porter plus
« longtemps le fardeau qui pèse sur moi; j 'en suis las;
« et vous, milord, qui êtes un homme considérable et
я sage, et de grande expérience, et versé dans les
« affaires de gouvernement, dites­moi, je vous prie, ce
« que je dois faire. » Lord Hcrtford surpris se récusa
vivement; il avait toujours servi le roi Charles; il était
de son Conseil privé ; rien n'était plus en désaccord avec
ses principes que d'entendre le Protecteur lui deman­
der, et de donner, lui, au Protecteur, son avis. Crom­
vvell insista, disant qu'il n'admettait ni excuses ni
refus, et qu'il fallait que ie marquis parlât librement.,
bien sûr que ce qu'il pourrait dire, quoi que ce fût, ne
lui ferait jamais le moindre tort; «Monsieur,» répondit
lord Hcrtford ainsi pressé, «sur cette assurance que




AVE(" WW> / J K K T F O R D . l '07


« vous me donne/, je vous dirai loule ma pensée; vous
« pouvez eonlimior à èlre grand, et établir grandement
«. "votre nom et votre famille, pour toujours. Notre
« jeune maître,.. . . c'est-à-dire mon maître et notre
« maître à tous, est loin ; remettez-le sur le trône, et en
« faisant cela, vous aurez pour vous-même ce que vous
« voudrez. » — «J'ai été trop loin pour que le jeune
« homme puisse pardonner, » répondit ' tranquillement
Cromvvell. — « Si Votre Altesse y consent, » répliqua le
marquis, « je me chargerai d'arranger l'affaire avec
« mon maître. » Cromvvell se contenta de dire que,
dans sa situation, il ne pouvait s'y fier. Ils se séparèrent :
et tant que Cromvvell vécut , lord Hertford ne fut
jamais inquiété '.


Mais ce n'était là qu'une tolérance de conversation et
une courtoisie de vainqueur; quoiqu'il admît qu'on
lui parlât de Charles Stuart, Cromvvell, en fait de
royauté, ne pensait qu'à lui-même, et à lui seul. Il pou-
vait se croire en droit d'y penser avec quelque con-
fiance; à mesure qu'il durait et grandissait, l'idée qu'il
devait être et qu'il serait roi s'accréditait dans le pavs.
Des pétitions vinrent de quelques comtés demandant
qu'il en prît le titre comme le pouvoir. Au nom de la
religion connue du gouvernement, on parlait mal de la
République; on rappelait (pie c'était un roi qui, le
premier, avait introduit dans cette île la foi chrétienne.


1 I.'idy TIIITCSO T.owis , Lires ofthe friands and ••unlenipi,rarie< „f
inriï elvineeiior Clurendcm [Vu ; d u j n a r q u i - i du i l o r i J ' o r d ) , (, I I I .




208 T R A V A I L D E C R O M W R L I .


On assurait que, si certains officiers étaient contraires à
celte transformation, bien naturelle, du Protecteur, les
soldats en général l'approuvaient et lui seraient lidèles.
« Nous avons besoin d'un roi, nous voulons un roi, »
disait-on tout haut, « milord Protecteur n'osera pas s'y
« refuser ; » et quand Walfer célébra la victoire de la
Hotte anglaise devant Cadix et l'arrivée des trésors de
l'Espagne, ce n'était pas par un simple mouvement
poétique, ni en flatteur isolé qu'il disait : « II n'y a sur
« sa tète conquérante plus de place pour des lauriers;
« qu'on fasse donc ce que toute la nation demande;
« que, sans plus larder, le riche métal soit fondu pour
« lui faire une couronne, et que revêtu d'hermine et de
« pourpre et un sceptre d'or espagnol a la main, il fixe
« enfin le sort de l'État ', »


Plus ce mouvement d'opinion semblait se prononcer
et pouvait faire croire à Cromwcll qu'il approchait de
son but, moins il en partait : il était de ceux qui, dans les
circonstances décisives, préludent ai'aclion parle silence.
Il savait bien d'ailleurs que rien n'était possible tant qu il
n'aurait pas un Parlement qui se chargeât de lui impose»
la couronne. Mais, vers la fin de 1(550, quand la nou-
velle assemblée qu'il venait de faire élire eut accepté
sa propre mutilation, Cromvvell crut le joui 1 venu; il se
sentait enfin en possession d'un Parlement hardiment


1 B u r t o n , Diary, t. 1, p . < j \ t i . 3*J ; I I I , j>, 3 . M E 2 2 0 , — ! r - , ! -
1er'» I F u r f o , d a n s l a C o l l e c t i o n Wvrk» <•/' Englkh i V O , t. \Ul
p . 60 .




P O U R s t : F M R F KOT -îm


• w i\r et dévoué. Hors du Parlement, l'état des esprits
et des pari is semblait propice à ses espérances. Parmi
les Cavaliers, beaucoup élaienl découragés, el ne croyant
plus au retour du roi, se montraient disposes a se con-
lenler de retrouver la monarchie ; quelques-uns, plus
obslinés et plus téméraires, se flattaient que, si la.
revauté était une lois rétablie, le pays ne pourrait sup-
porter do voir la couronne sur une autre tète que celle
du roi légitime, et ils trouvaient bon quo Cromwell
relevât le trône, dans la confiance qu'il en tomberait
bieniôl. Les Presbytériens avaient surtout désiré le
triomphe de leur système religieux dans l'Église et du
régime constitutionnel dans l 'Étal ; Cromwell traitait
bien leur clergé, les soutenait dans leur prédication,
leur accordait la plupart des bénéliecs ; c'était à eux que,
dans les affaires de religion, appartenait fa prépondé-
rance; si Cromwell, en devenant roi, pouvait être amené
a rentrer dans l 'ordre légal el à gouverner de concert
avec le Parlement, pourquoi la nation n'acceplerail-
elle i>as un changement de prince qui servirait en défi-
nitive la cause do sa foi et de ses libertés? Les sectaires,
Indépendants, Anabaptistes, Millénaires, Quakers,
étaient "plus rebelles à toute perspective monarchique;
cependant, beaucoup d'entre eux commençaient a se
lasser de leurs efforts politiques si vains, et ne se sou-
ciaient plus guère que du libre exercice de leur croyance
et de leur cul te; Cromwell les y protégeait, autant que
le permettait l'intolérance générale, et plus, à coup
sûr, que ne l'eût l'ait tout autre pouvoir. Eniin, depuis




270 TU A Y A U . OV. <Tîi ) M W l ' I .L.


trois ans, il gouvernait en maître; tout lui avait réussi;
tes derniers coups qu'il avait frappés prouvaient que
son audace serait sans limites : amis, ennemis ou indiffé-
rents, presque tous croyaient que sa fortune irait aussi
loin que la voudrait pousser son audace, et se mon-
traient enclins à s'y confier ou à s'y résigner.


Averti par un instinct sûr de ces dispositions publi-
ques, Cromwell recommença à. aborder, avec ses affidés,
la grande question : ii eu avait d'origine très-diverse ci
d'intimité très-inégale : le royaliste lord Broghill,
homme de guerre, d'intrigue et de cour, qui se plaisait
à prendre part à la fortune d'un grand homme; le
presbytérien Pierrcpoint, esprit judicieux et libre, prêt
à soutenir tout gouvernement qu'il espérait faire tourner
au bien du pays; les jurisconsultes YYhitelocke, vYid-
tlrington, Glynn, Saint-John, Lenthall, zélés à servir le
pouvoir pourvu qu'il ne leur demandât pas de se dé-
vouer ; et plus avant que tout autre dans ta confiance
de Cronrwell, Thurloc, chargé de toute sa police et de sa
correspondance infime d'affaires ou de famille, servifeut
fin, actif et discret, et sans prétention d'indépendance
ni de gloire, ce qui le rendait aussi commode qu'utile
pour son maître. Avec ces divers contidents, avec
Tlmrloe lui-même, Cromwell ne s'ouvrait pas licite-
ment de ses desseins; quoique naturellement aussi
fougueux que menteur, l'âge et l'expérience lui avaient
enseigné plus de réserve ; mais en excitant, par ses entre-
tiens tantôt leur curiosité, tantôt leur zèle, il les pous-
sait de jour en jour dans la voie qui devait le conduire




l'OHR SK F A I R E K O I . '271


ni11ml, restant toujours en mesure de les arrêter ou de
les démentir.


Le bruit de ce travail du Protecteur se répandit bien-
lot, non-seulement en Angleterre, mais sur le continen!.
Ce n'était pas, en France surtout, un l'ait nouveau ni
inattendu. Dès l'année précédente, un bourgeois de
Paris qui tenait note avec assez de soin des événements
contemporains, grand ennemi d'ailleurs des révolution-
naires anglais et de Cromvvell, écrivait dans son journal :
« Un bruit bizarre a été semé dans Paris durant le mois
« où nous sommes; l'on disoit que Crornwell, ne se
« contentant pas de celte souveraine autorité qu'il
« s'étoit arrogée en Angleterre, Ecosse et Irlande, sous
» le nom de Protecteur de ces trois nations, aspiroit
« secrètement à se conserver sous celui de roi; et que,
« pour y parvenir avec l'approbation do toute la chré-
« lien té, il avoit envoyé deux catholiques angiois à
« Home qui négocioienl sous main de sa part avec
« Sa Sainteté, et tâchoient de lui persuader qu'en don-
« nant son consentement au desseing ambitieux de cet
M usurpateur, il rainèneroil assurément dans le giron
« de l'Église ce nombre iuliiii dames qui recoguois-
-( soient sa puissance et son nouvel établissemenl sur
- elles. Le temps nous fera voir si cet illustre inipos-
» leur estoil capable d'une si bette pensée, et si, d'ung
« si méchant principe, il ponvoit naislre ung si grand
'.• bien à tous ces parricides insulaires 1 . »


Ce Journal, i p u va î le 1(548 à 1057 , s e t r o u v e p a r m i l e s J I H I U U -




373 T U A v-\ir . ru; C K O M W E J X


Le Parlement était à peine assemblé que bordeaux
écrivit au comte de Urienno : « M. le Protecteur m'a
M donné ce soir l'audience que j 'avais demandée.... Je
« suis persuadé, tant par ses paroles que par sa conte-
« nanec. que les affaires du dedans de l'Angleterre
« occupent plus son esprit que celles du dehors, et sa
« conduite depuis peu de jours continue qu'il a grande
« alarme ou grand dessein.» fl ajoutait un mois après:
« M. le Protecteur l'ait toujours profession de ne vouloir
« rien changer; néanmoins le bruit public veut que le
« Parlement fera quelque innovation en sa laveur,
« après que les moyens d'entretenir la guerre avec le
« roi d'Espagne auront été résolus. » Puis , au com-
te niencement de décembre 103G : «C 'é tait la créance
« commune que le Parlement traiterait aujourd'hui de
« la succession, et que nonobstant les oppositions appâ-
te rentes de quelques officiers de l 'armée, elle serai!
« résolue; j 'apprends néanmoins qu'il ne s'est rien dit
« ce malin. Quelques-uns veulent que la proposition
« soit remise après que toutes les aulres affaires seront
« conclues; d'autres que la répugnance des officiers de
« farinée l'éloigné pour plus longtemps; et quoiqu'il
« soit plus raisonnable de croire que M. le Protecteur
« doive réussir dans son dessein, n'ayant que des esprit;-
« peu élevés à réduire, je ferais néanmoins difficulté
« d'en parler si hardiment que fait le colonel Lockhart.


& e r : U d e la. I l i b i i o t l i è q u e i m p é r i a l e , <n;.ipleiiMM)( i Y . u i r n i - , ;~nns l e
i ' . '38 bis. I l .se c o m p o s e , d e c u i o v o l u m e » cote,-, n, b, r , d, ,\




POTTÎÎ HT. T'ATRT: P.OT .•Ifi.W.


¡1 ot il se serait bien moins avancé s'il réglait ses discours
« sur ceux de son maître. » EL enlin, dans les derniers
jours du même mois : « Quelques-uns veulent que le
« bruit d'une descente du roi de la Grande-Bretagne
« en Ecosse se répande afin de rendre plus plausible la
a proposition qui se doit faire l'un de ces jours en fa-
« veur de la famille de M. le Protecteur; la matière a
« déjà été traitée plusieurs fois indirectement, et les
« officiers de l'armée ont toujours paru contraires;
« mais il semble qu'à cette heure ta résolution soit prise
« d'en parler ouvertement. Dès avant-hier, la plupart
« des membres s'y attendaient, et la remise qui s'y
« apporte fait dire que les esprits de l'armée ne sont pas
« encore bien disposés. Néanmoins, l'opinion la plus
« commune veut qu'ils seront, d'accord, et n'affectent
« celte répugnance (pie pour conserver leur crédit
« parmi les officiers inférieurs qui ne peuvent goûter
« l'établissement d'une monarchie parfaite. Les gentils-
« hommes et gens de foi dont le corps (le Parlement)
« est composé, ot beaucoup d'autres personnes de
« toutes les conditions d'Angleterre le souhaitent; ceux
« même qui sont affectionnés à la famille royale croient
« «pièce serait son avantage que la querelle fût réduite
H outre elle et celle du Protecteur. Néanmoins, s'il sur-
et vivait quelque temps à rétablissement dont il se parle,
.< ses enfants pourraient conserver l'autorité »


Quand les choses furent ainsi préparées, soit par ses


Horàeov.c ,i Iliienne, 21 , - i - p i . , 2tj o c t o b r e , 11 d é c e m b r e ei e n




'i-, t T.T. P A m . r . ï r K X T rnTTTisrrr
soins soit par leur poule naturelle. Cromwell entra
décidément en campagne, et son premier coup fut dirigé
contre ce Parlement même qui devait le faire roi. C'était
peu de l'avoir mutilé et humilié ; il fallait l'aire fortement
sentir à l'Angleterre le vice redoutable de celte assem-
blée unique qui, malgré son abaissement, se regardait
toujours comme dépositaire de la souveraineté natio-
nale, et au sein do laquelle tous les pouvoirs, sans
distinction et sans limite, venaient encore quelquefois se
confondre et se déployer tyranniquement. La Chambre
fournit elle-même à Cromwell l'occasion de faire éclater
ce péril aux yeux du pays. Un sectaire, .lames Nayler,
d'abord soldat, puis quaker, et insensé parmi des insen-
sés, prétendait que le Christ, descendu de nouveau sur
la terre, s'était incarné en lui, et à ce titre, il se livrait
à tordes sortes de manifeslalions et d'actes extravagants
ou licencieux; des femmes, des vagabonds fanatiques le
suivaient partout, chantant ses louanges et presque
l'adorant. Il fut arrêté à Bristol et conduit à Londres où
la Chambre, au lieu de le renvoyer devant les juges
ordinaires, se fit faire, sur ce qui ic concernait, un long
rapport, le manda à sa barre, et décida qu'elle le juge-
rait elle-même. Ce fut moins une question de liberlé
de conscience qu'une lutte entre le vieil esprit de
rigueur cruelle et l 'esprit naissant de modération pénale
en matière de blasphème et d'offense à la foi chrétienne.


d i ' c i ' m b r o {sans d a t e d e j o u r ? 1656, ; Archives des Affaires étrangères




LE Q U A K E R \ A V L E R ICOO). '-iï'é,


L'affaire occupa di\ séances; la Chambre soutint qu'elle
avait, aussi bien que les trois pouvoirs réunis de l'an-
cien Parlement, le droit de vie et de mort ; les fanatiques
voulaient qu'elle en usai pleinement : « Cet homme
< s'est fait Pieu.—C'est notre Dieu qui est ici supplanté.
•- —No serons-nous pas jaloux de l 'honneur de Dieu


comme nous le sommes de notre propre honneur?—
a Pourquoi siégez-vous dans ce fauteuil sinon pour dis-
« cerner qui est pour Christ et qui est contre lui?—Mes
« oreilles ont tressailli, mon cœur a frémi en entendant
« ce [•apport.—Que le blasphémateur soit lapidé.—Je
« vous en conjure; point de délai; je ne veux pas me
a taire, de peur que ma conscience ne me poursuive
a dans ma chambre, dans mon lit, dans mon loin-
•< beau. » Ainsi parlèrent une Coule de membres, et
parmi e i iN quelques-uns des plus considérables, Skip-
poM, Huiler, Downing, Drake; et si quelques officiers,
comme Desborough, et quelques jurisconsultes, comme
Whitelocke, n'avaient pris la parole, ce fou blasphéma-
teur eût probablement été pendu sans autre forme de
procès : sur cent soixante-dix-huit volants,quatre-vingt-
deux membres, parmi lesquels Richard Cromwell lui-
même, opinèrent en ce sens. .Xavier fut condamné à
être mis au pilori, à avoir la langue percée d'un fer
rouge, à être fouetté publiquement, et à rester en pri-
son, aux travaux forcés, aussi longtemps qu'il plairait
au Parlement


i .Tournais uf ihe llousc ofeommom, t . V I I , p . 4 1 8 - 4 0 0 ; — < * / « / « .




à'/f, A T T I T U D E D E C P U H E W T . E I ,


Cromvvell n'ont garde de toucher à cette sentence; ii
eût blessé le sentiment public soulevé contre le blasphé-
mateur. Mais un autre sentiment public s'élevait aussi
contre cette violation du droit commun, contre la
Chambre s'érigeant en pouvoir judiciaire, supprimant
le jury, les juges, toutes les formes légales, et enlevant
ainsi aux Anglais les plus chères garanties de leurs
libertés. Cromvvell saisit l'occasion; au moment même
où la sentence s'exécutait, il écrivit à l'orateur du Par-
lement : « Très-lidèlc et bien aimé, salut. Nous avons
« pris connaissance d'un jugement rendu naguère par
« vous contre un nommé James Nayler. Nous détestons
« et nous repoussons toute idée de donner, directement
« ou indirectement, le moindre appui à des personnes
« coupables de telles opinions et pratiques, ou préve-
« nues des crimes imputés audit Nayler. Cependant.
« étant actuellement chargé du gouvernement au nom
« (tu peuple de ces nations, et ne sachant pas jusqu'où
« peuvent s'étendre de tels procédés, dans lesquels le
« Parlement est entré tout à l'ail sans noire concours.
H nous désirons que la Chambre veuille bien nous faite
« connaître les arguments et les motifs sur lesquels elle
« s'est fondée pour procéder ainsi 1 . »


La Chambre fut embarrassée ; elle ne voulait ni entre!
en lutte ouverte avec le Protecteur, ni abandonner la


Trials, l. V , c o l . 8 0 1 - 8 1 2 . — B u r l c m , Mary, t. I, p . -¿1 107. ley-lTl,


18-2-184, 2 1 7 - 2 2 1 , 216 -258 .


i L e 25 O é c . 16511; - ~ ( J a r l y l c , CrumudV- Lclirrs uni Hpctclt,,,


t . 11, p . . -Ui).




DAN'S L ' A F F A Ï R E E I E N A Y L E R . 2~'ï


juridiction qu'elle s était arrogée: elle se borna, pour
toute réponse, a repousser la proposition qui lui fut
laite d'ajourner l'exécution encore incomplète de la
sentence 1 qu'elle avait rendue contre Nayler, et le len-
demain même, la portion du châtiment qui était resiée
en retard lui fut en effet infligée. Peu importait à
Cromwell : il avait mis en lumière les vices de la con-
stitution républicaine, et à la charge du Parlement seul
la plus flagrante de ces violations de la loi qu'il avait
lui-même si souvent commises; et en même temps,
sans faire aux sectaires effrénés aucune avance compro-
mettante, il s'était lavé, à leurs yeux, des rigueurs que
l'un d'entre eux venait de subir.


Après le Parlement, ce fut l 'armée, ceux-là du moins,
entre tes chefs de farinée, dont il redoutait ie mauvais
vouloir ou le crédit, qu'il s'appliqua à abaisser et à com-
promettre. Sous prétexte de pourvoir aux frais de la
milice, Desborougb proposa 2 un bill pour continuer, sur
les anciens royalistes seuls, celle taxe du dixième de
leur revenu qui, l'année précédente, avait été affectée à
celle destination : on amnistiait par là les majors géné-
raux qui, chacun dans son district, avaient arbitraire-
ment imposé cette taxe; et on sanctionnait à la fois la
taxe et l'autorité militaire qui l'avait déjà perçue. Tout
portait à croire que ce bill était proposé de l'aveu de


1 L e 97 ' L ' e e m l j r e 105A;—Journal* of the Home of comvions,
{ V I r , [>. 4 7 6 , ~ ~ l f i m c . u , Diary, t. I , p . 28(1-201




STB O P T U T P A N S f.T" P À T i T . F V r F X T


C'ronrwell <1c qui seul les majors généraux avaient reçu,
en I " - i . leurs inslruelions; à la première molion du
bill dans la Chambre, Tlmrloe lui-môme l'appuya for-
mellement; mais, au grand élonnemenl de Ions, quand
le débat s'engagea, l'un des gendres du Protecteur, lord
Claypole se leva le premier et dit : « Ce bill consiste en
« deux parties : la continuation de la taxe du dixième
« sur les Cavaliers et un acte d'amnislie pour les auto-
ce rites qui l'ont d'abord établie. Je ne comprends pas
<( comment la première partie peut être adoptée, à
« moins que vous ne violiez vous-même l'amnislie
« accordée aux partisans du feu roi. Vous avez par-
ce donné leur offense; vous ne pouvez les frapper de
« nouveau par une mesure rétrospective. Youdriez-
« vous substituer celte charge sur leur postérité et
« punir les enfants pour Ja faute de leurs pères'? J'ap-
« prouve la seconde partie de la motion, l'acte d'amuis-
« lie pour les autorités qui, l'an dernier, ont perçu la
« taxe; mais j 'espère qu'on y pourvoira par un bill
« spécial. Je ne fais que lever le gibier, et j 'en laisse la
« poursuite à ceux qui s'y entendent mieux que moi.
« .Mon avis est que ce bill doit être rejeté 1 . »


La colère des majors généraux fui vive; ils se
voyaient trahis par le inaîire même de qui ils tenaient
leur mission, et il les lis rait à la haine qu'avaient soûle-


l Joumah of tue Jlouse of cornm., i. V I I , p , 375 ; - B u r U m , Uiur,/.
1 .1 , p . « l O - î M , : U O ; - X l i u r l o e , Htcde-l'tq.crs, t. V, p. 7 8 0 ; — Vurlium


llist., t. X X I , p . 4 8 - 5 3 .




S! l; LES MA.nHiS CKNKIÏACX 'IIKCF/MHRF ÎO'O;. 27H
vce contre eus les mesures qu'il leur avait commandées.
Lambert, Desborougli, Whalley, Butler et leurs amis
soutinrent ardemment le bill. Encouragés par l'exemple
de Claypole. les jurisconsultes et les courtisans persis-
fèrenl à l'attaquei'. Le débat devint violent et personnel,
f.'n jour, le major général Butler ayant parlé des Cava-
liers avec rudesse, Uarry Cromvvell, cousin du Protec-
teur, dit en lui répondant : « Quelques-uns de ces
« messieurs pensent et disent que, parce que quelques-


uns des Cavaliers ont commis des fautes, il est juste
« que tous soient punis. Il suivrait de là que, parce que
« quelques-uns des majors généraux ont commis des
a laides, ce que j'olfre de prouver, tous mériteraient
« d'être punis. » Les majors généraux se soulevèrent;
l'un d'eux, Ivelsey, demanda que Uarry Cromvvell lut
tenu de nommer ceux qu'il avait voulu inculper :
« Je suis prêt, » dit Uarry, «je demande à fa Chambre
« la permission de les nommer, et je m'engage à prou-
« ver qu'ils ont fait des choses insoutenables.» La
Chambre était en feu ; « mais ce feu fut éteint, » dit. le
membre même qui raconte l'incident, « par les graves
« porteurs d'eau toujours prêts en pareil cas. » En sor-
tant de la séance, quelques amis des majors généraux
mcuacèrenl Uarry Cronnvell de la colère du Protecteur;
Uarry alla le soir même à WTiilohall, et y répéta ce
qu'il avait dit à la Chambre, ajoutant qu'il apportait les
papiers par lesquels il était prêta le prouver. Cronnvell
prit ta chose en plaisanterie, et ôlanl de ses épaules un
riche manteau écarlatc qu'il portait ce jour-la, il le




2 8 0 C 0 M I ' 1 / > T 1)].; S K \ 1 ! Y


donna, ainsi que sos gants,, a llarry, « qui est venu
« aujourd'hui même, » dit le narrateur, « se pavaner ,i
« la Chambre avec ses gants et son manteau nouveaux,
« à la grande joie des uns et au grand trouble des
« autres. Ce lut un charmant tour de Son Altesse 1. »


Cronnvcll avait ses fantaisies et ses entraînements;
gai quelquefois et moqueur avec plus de verve que de
bon goût, il prenait presque autant de plaisir à jouer ses
adversaires qu'à les vaincre, et il fut, à coup sûr, ce
jour-là, amusé de leur surprise et de leur courroux à
se voir ainsi bravés et dupés. Il prévoyait l'opposition
de quelques-uns des majors généraux à son espérance,
et il tenait plus à les décrier qu'il ne se souciait de les
irriter. C'était manquer à sa prudence accoutumée, car
il ne croyait pas pouvoir se faire roi sans l'aveu de la
plupart, et des principaux parmi ses anciens compa-
gnons; mais une seule idée le préoccupait en ce mo-
ment ; se placer à part et au-dessus du Parlement et de
l 'armée; s'offrir au pays connue le seul refuge contre
leurs excès, et fonder ainsi l'élan suprême de sa fortune
sur la juste impopularité de ses propres instruments.


Pendant que ses amis se divisaient, ses ennemis lui
vinrent en aide et lui firent faire un grand pas dans son
dessein. Charles II, fixé à Jîruges, rassemblait quelques
compagnies de soldats, recevait de Madrid un peu
d'argent, semblait enfin préparer une expédition pour


1 T h u r l o e , fstate-Pavers, l. V I , p . 2 0 ; — U u r t o n , Duiry, t . 1 ,
p . 009 ; — M a r k N o b l e , Manoirs of the Protectorat llov.se of O o t n -
<ccll. t. i, p . 0 7 - 7 3 ,




E T S l N ' n K R l ' O M J I E ( J A N V I E R 1637) ' 281


rentrer dans sou royaume. Son allié, le républicain
Sexby, revenu naguère en Flandre, après avoir passé
plusieurs mois en Angleterre, ne demandait que mille
hommes d'infanterie et cinq cents chevaux, et promettait
qu'à peine débarqué dans le comté de Kent, il y ferait
éclater une insurrection, républicaine d'abord contre
Cromvvell, mais qui deviendrait royaliste dès que Crom-
vvell serait renversé. Pour renverser Cromvvell, c'était,
sur l'assassinat que Sexby comptait; il avait laissé à
Londres un de ses anciens compagnons de guerre et de
complot, Miles Sinderconibe, soldat hardi, républicain
passionné, plutôt esprit fort que sectaire chrétien, et
qui, avec quatre ou cinq complices, [tassait son temps à
inventer des moyens et à épier des occasions de tuer le
Protecteur. Sexby en partant avait remisa Sinderconibe
cinq cents livres sterling et devait lui en envoyer davan-
tage; selon son propre dire, c'était l'ancien ambassadeur
d'Espagne a Londres, don Alouzo de Cardenas, qui se.
concertait avec lui, a Bruxelles, pour ce grand coup et
lui fournissait de l'argent


Le lit janvier 105", Thurloe se leva dans le Parlement
et y révéla solennellement le complot, annonçant que
Sindercombe et doux de ses complices étaient arrêtés,
donnant des détails, lisant des dépositions, et faisant
pressentir des périls encore obscurs et plus étendus, un


I C i a . i e n o o i i , Uislonj of the Rébellion, 1. x v , c . 1 3 3 ; Staje-
r . i p : r s . >.. HT. p . 315 , 3 2 1 . 324, 3 2 7 , 338 ; — T h u r l o e , State-Papm, i rv. p . 1, i, 3 3 . 1*2. 560 , — U o d w n j , liât, Û[ the Commonuealth.
' . I V , p . 278 , 333 e t ï U l V t U l t u t f .




582 P U E M 1 É K E O U V E M T K K D A N S L E l ' A H L K . M K X T


grand soulèvement des Cavaliers, une invasion de
Charles Stuart et des Espagnols. Sincère ou alfectér,
l'émotion l'ut profonde; on vola un service solennel
dans les trois royaumes pour rendre grâces à Dieu de la
découverte du complot ; on proposa la nomination d'un
comité chargé d'aller demander au Protecteur quel jour
il lui plairait de recevoir la Chambre et d'entendre
l'expression de ses sentiments : «.l'y voudrais ajouter
« quelque chose, » dit un membre obscur, M. Ashe.
« quelque chose qui serait très-efficace pour le salut de


S. A. et de nous-mêmes, et pour mettre fin à tous
« ces projets de nos ennemis; ce serait que S. A. voulut
« bien se charger du gouvernement selon noire ancienne'.
« constitution; alors nos libertés et noire repos, la su
« reté et les privilèges de S. A. seraient établis sur de
« solides fondements. » L'émotion lit place à une ru
meur violente : «Je no comprends pas, » dit M. Uohin
son, «ce que signifie cette motion qui parle d'une
« ancienne constitution, et je ne vois pas commcnl nous
« pourrions la discuter; l'ancienne constitution, c'est
« Charles Stuart; j 'espère que nous n'allons pas Je
« rappeler .»—«Le membre qui vient de faire, cette
« motion,» dit M. Highland, a était jadis un de ceux qui
«. travaillaient à détruire ce que maintenant il voudrai'.
« rétablir; un roi, des lords et des communes, c'était là
« cette ancienne conslilution «pie nous avons renversée,
« en prodiguant notre sang et nos trésors.'Voulez-vous
« faire de milord Protecteur le plus grand hypocrite en
•« le faisant asseoir sur ce trône contre lequel Dieu a




l 'OVIt K.UKK r i î O J l W E T X KOI î i m i E E WÔT,. 283


« suffisamment rendu témoignage? Vous proposez-vous
« de relever ce gouvernement royal qui, pendanl,
« mille ans, a persécuté le peuple de Dieu? En altendez-
« vous mieux désormais? Quel crime qu'une Ielle 1110-
'.< lion ! Est-ce sur cela que vous ordonnerez un jour
« d'actions de grâces! Qu'elle disparaisse, qu'elle meure,
« car elle est abominable ! Je vous en conjure, que
« jamais cette idée ne prenne pied ici, parmi nous 1 . »


Attaquée avec celte véhémence, la motion de M. Ashe
tut détendue aussi, mais un peu timidement et avec
embarras. On finit par la laisser tomber comme intem-
pestive, sans la rejeter, et par une sorte de consentement
général : «Je n'ai jamais vu, » dit Thomas Burlon,
« un débat si chaud s'évanouir d'une façon si singu-
« lière, comme un l'eu follet 2. »


Ce n'était pourtant pas la première fois que la Cham-
bre entendait de telles paroles; quelque temps aupara-
vant, le colonel William Jepbson, on ne sait plus à quelle
occasion, avait nettement proposé de faire Cromvvell
roi; mais sa proposition, à peine écoulée, était tombée
sans bruit. Comme il dînait peu après à Whilehall,
Cromvvell l'en réprimanda doucement, lui disant qu'il
ne concevait pas quelle était son idée en faisant une
proposition semblable : « Tant que je siégerai dans cette


1 Jnnrnah of Ihe II. of covm., t. VII . p . 4SI;—But-ton, Dianj,
t. I, p. 371, 3 : .0 - -0 i ; i ;—Claremloii, Siatc-Taj.ers. 1. TU, p .323;—-
Tburloe, Slalcl'ttfei*. i. V", p . 777 ' ;—Statu-Trials , t. V, col. 812-
872.


3 B u n u i i , Via,;,, t. ) p . 3tjij.




281 PROpnsrTfn'Nf rOTOfF.l ! ,! '


« Chambre, » répondit Jephson, «je demande à être
« libre d'acquitter ma conscience, dût mon opinion
«avoir le malheur de dépla i re ;» et Cromvvell, lui
frappant sur l'épaule, lui dit : Va-L'en ; lu n'es qu'un
« fou.»—«On \it bientôt,» dit Ludlovv, «de quelle
« folie le colonel était possédé ; il obtint immédiatement
« une compagnie d'infanterie pour son fils, étudiant à
« Oxford, et un régiment de cavalerie pour lui-même 1 . »


Celaient là des préliminaires significatifs, mais vains ;
on montrait le but sans y marcher. Cependant les inci-
dents se pressaient ; le bill que Deshorough avait proposé
dans l'intérêt des majors généraux fut rejeté, et il devint
clair ({lie Cromvvell se disposait à les laisser tomber ;
Sindereombe, condamné par le jury, s'empoisonna à la
'four, la veille du jour où devait avoir lieu son exécu-
tion ; des soupçons sinistres s'élevèrent-. Il fallait sortir
de cette attente agitée qui menaçait de devenir funeste,
si elle restait stérile. Une proposition décisive fut pré-
parée; on demanda a Whileloeko de la présenter au
Parlement; il s'y refusa, promettant de l'appuyer quand
elle serait faite 3 ; il était de ceux qui veulent que l'évé-
nement marche devant eux, aimant mieux avoir a
répondre d'une complaisance un peu servile que d'une
initiative un peu hardie, L'alderman, sir Christophe!
Pack, l'un des représentants de la Cité de Londres, s en


< L u d l o w , Mémoires, 1. I l , p . 306 . d a n s m a Collection.


» L e 13 f é v r i e r 1037:~.S'f«f<s-2Y<«K t. V, c o l . « 0 0 , obi.


W l u t e l o e k e , p - 006 .




J i E C A I R E C ' R O V I W E L L K O I (23 F J ' V I U E U 1057). 285


chargea. Le Protecteur l'axait naguère créé chevalier,
et il avait, comme commissaire île l'Excise, des comptes
à rendre dont il était un peu embarrassé. Le -o lévrier
11757, dès (pie la Chambre l'ut réunie, il se le\a, et mon-
trant un long papier qu'il tenait à la main, il demanda
la permission de le l i r e : «Cela i t .» dil-il, « quelque
« chose qui tendait à établir définitivement le gouver-
« nement de la nation, et à consolider la liberté et la
« propriété. » L'orage éclata soudain, car personne ne
se méprenait sur l'objet de la proposition; les républi-
cains, militaires et civils, s'opposèrent à la lecture, se
recriant, contre l'irrégularité de la l'orme, accablant
l'ack de questions et de reproches, poussant même la
violence jusqu'à l'arracher de la place où il siégeait près
de l'orateur, pour l 'entraîner à la barre. Mais les parti-
sansdu Protecteur, lesjurisconsultes surtout, soutinrent
résolument la proposition et son auteur ; la lecture,
mise aux voix, lui ordonnée par cent quatorze suffrages
contre eiuquaule-quaire ; elle eut, lieu immédiatement,
et il lut décidé que le débat commencerait le lendemain


L'acle était intitulé : « Humble adresse et remontrance
« des chevaliers, citoyens et bourgeois, maintenant
« réunis dans le Parlement de cette République,» et
il rétablissait la monarchie a\ee les deux Chambres,
imitant le Protecteur à prendre le titre de roi, et à dési-
gner lui-niènie sou successeur.


i Jovrnol* ofthe II. ofeomm..t. V I I , p. 490 ; — L u . d l o w , Mimotret,


' ï i , e - 3 5 7 - 5 0 0 , d a n s n i a Collection.




286 O P P O S I T I O N D E S O F F P T P K X P'J


Dès le lendemain -21 février, Thurloo éerivail à Motif,
en Ecosse : « Nous sommes tombés hier, au sein du Par
>i lement, dans un grand débat; l'un des aldermon,
,< membre pour la Cité, a apporté un papier intitule :
« Remontrance, etc., qui demande à milord Protecteur
« de prendre le pouvoir royal et de comoquer à l'ave-
« nir des Parlements composés de deux Chambres. ¡1
Et après avoir expliqué à Monk les divers articles du
projet, Thurloe terminait en disant : « Je vous donne
« tous ces détails atin que vous soyez en mesure do
« donner vous-même satisfaction aux personnes qui
« pourraient avoir des scrupules sur celte affaire. Je
« vous assure qu'elle vient du Parlement seul, et que
« Son Altesse ne savait rien des propositions avant
« qu'elles eussent été introduites dans la Chambre; et
« personne ne sait si, dans le cas où elles y seraient
« adoptées, Son Altesse ne les rejettera pas. C'est ce
« qu'elle fera certainement, si les intérêts des honnêtes
« gens et de la bonne cause n'y sont pas pleinement
« garantis. Il sera bon que vous vous teniez bien in
« formé de f attitude de l'armée qui est autour de vous,
« car des esprits inquiets prendront ce prétexte, comme
« un autre, pour la jeter dans le méconleutenienl par
« de faux rapports 1 . »


L'avertissement était opportun, car le 27 février, le


1 C e t t e l e t t r e d e T ln i rl oe a M o n k , J> m a e o n n n i ^ s a n c e d u m o i n s ,
é t a i t r e s t é e j u s q u ' i c i i n é d i l e ; j e la d o i s a l ' n M i . r e u n e e d u d u e l e u i


T r a v e r s ï w i s s q u i l 'a t r o i n <'e e l a I •: e n v e n i n la c o p i e r j ' e n : :m!


d a n s l e s m a n u s c r i t s d u cUà tcau . d e L i u l e c o t i ,




U K J ' O N S E r»K C l i O i r W E r . L . 2 8 7
jour môme, o ù le Curlcuicnt célébrait un jeûne solen-
nel [>oui- appeler les lumières d'en liant sur le grand
débat qui l'occupait, une centaine d'oflieiers, conduits
par plusieurs des majors généraux, Lambert, Desbo-
raigh, ïïleetwood, Whalley, Golîe, se présentèrent de-
vant le Protecteur, et le conjurèrent de ne pas accepter
le litre de roi : « Ce titre, lui dit le colonel Mills, qui
« portait la parole au nom de ses camarades, ne plaît
« point à l'armée ; il sera un sujet de scandale pour le
« peuple de Dieu et de joie pour ses ennemis ; il est
« plein de péril pour votre personne et pour les trois
« nations; il prépare les voies au retour de Charles
« Sluart. »


Cmmvvell leur répondit sur-le-champ : « Le premier
« qui m'ait parlé du litre de roi, c'est le même qui est,
.< aujourd'hui l'organe des officiers ici présents. Quant
« à moi, je ne suis jamais entré, à ce sujet, dans aucune
« intrigue. Il y a eu un temps où vous ne rechigniez
« point, à ce mot de Roi, car l'acte sur lequel est fondé
« le gouvernement actuel me fut présenté avec ce t i tre;
•< je vois ici quelqu'un qui pourrait l 'attester; je re -
« fusai de l'accepter. Comment il se fait que mainte-
u. nant ce même titre vous fasse frémir, c'est ce que
« vous savez mieux que moi. Pour mon compte, j 'en
« fais aussi peu de cas que vous; c'est une plume à un
« chapeau. En toute occasion, vous avez fait de moi
« voire souffre-douleur; vous m'avez fait dissoudre le
« Long Parlement, qui s'était, il est vrai, bien gâté en
« siégeant si longtemps. Vous m'avez fait convoquer un




y*» R K P f i X S F . Î)K CROM'YVELL


« Parlemenl, une Convention nommée par vous; ci
« qu'a-t-elle l'ail Kilo a saisi d'effroi la liberté et la pro-
« priété. Si un bomme avait douze vaches, ces gens-la
« pensaient que celui qui n'en avait point était en droit
« de partager avec son voisin. Qui eût pu dire quequet-
« que chose était à lui s'ils avaient continué'? Il a fallu
« les dissoudre. Un parlement a été ensuite convoqué:
« il a siégé cinq mois, et à peine en ai-je entendu
« parler pendant ce temps-là ; il l'a employé à mettre en
« question l'acte fondamental. Il a fallu dissoudre ce
« Parlement. Peu après, vous avez jugé nécessaire
« qu'il y eût des majors généraux. A son origine, celle
« proposition, amenée par des insurrections récentes et
a générales, était bien fondée; et vous, majors géné-
« raux, vous avez bien rempli votre office. Vous pou-
« viez continuer : qui vous a poussés à présenter à la
« Chambre un bill à ce sujet, comme vous l'avez fait
« naguère, et à vous attirer un échec? A peine aviez -
« vous exercé quelque temps voire pouvoir que vous
« avez impatiemment demandé la convocation d'un
« Parlement. J'étais contre ; niais vous aviez la cou-
« fiance que, par votre force et votre crédit, vous foriez
« élire des hommes selon le désir de votre cœur. Vous
« y avez échoué, et le pays a été offensé; cela est évi-
« dent. Il est lemps d'en venir à un règlement déliuilil
« du gouvernement, et de met Ire de côté ces procédés
« arbitraires si désagréables à la nation. Par les actes
« mêmes de ce Parlement, vous voyez bien qu'il \ faut
« un frein, un contre-poids; ce qui est arrive a James




V " \ f i F F Ï C T E ï i N . >2№


» X,iv 1er pnnrrnit vous arriver a vous; par Jour pouvoir
« judiciaire, ils atteignent la vie et tes membres de
« lous. Lsl­re que t'aele fondamental du Protectorat me
<­ met en élal d'y résister"? »


Les faits que rappelait Cromvvell étaient embarras­
sants, ses idées imprévues et saisissantes, et sa voix,
pleine d'empire sur ses anciens compagnons. Plusieurs
fléchirent dans leur résistance à ses desseins, entre
antres trois majors généraux, Whallcy, GotTe et Rerry.
fin transigea ; il fut convenu que la question du titre de
roi demeurerait en suspens jusqu'à la fin du débat, et.
qu'aucune clause du bill ne serait définitive, ni obliga­
toire, laid, qu'on n'aurait pas statué sur tontes. A celte
condition, les officiers acceptèrent le Parlement composé
de deuxChamhres.le droit de Cromvvell de nommer son
successeur, et ils s'engagèrent à laisser le débat suivre
paisiblement son cours.


Du 4:.î lévrier au '¿0 mars loti", il occupa vingt­quatre
séances dont sept, contre les usages d e l à Chambre,
remplirent la journée tout entière, avant et après midi.
Les détails peu nombreux qui en restent semblent
indiquer q u e , longues et animées, elles ne furent
cependant troublées par aucune violence. Seulement,
lorsque après avoir discuté tout le projet, on revinl à
l'article 1'r qui avait été laissé en suspens et qui réta­
blissait la roy.au té, la Chambre ordonna que ses portes


i i S n r t o » , Dinru, t. I, p . 382­364 ; — C a r l y l e , Cronureïï's Lettm
«H<1 *>(:••<•/«•», l. IL j . . lt»V.


T ii ; i




РТ­ГПТТОХ П Г PATI I ,FA1 E X T Р О Г К


fussent fermées et qu'aucun membre ne pût sortir sans
une permission expresse. Plusieurs sans doute auraient
désiré se soustraire à i a nécessité de prendre parti dans
une si embarrassante question. Cent quatre­vingt­cinq
membres votèrent, soixante­deux contre et cent vingt­
trois pour l'article qui fut adopté en ces termes : « Que'
« Votre Altesse veuille bien prendre les nom, t i t re ,
« dignité et office de roi d'Angleterre, d'Ecosse et d'Ir­
ci lande, et de tous les domaines et territoires qui en
« dépendent , et en exercer le pouvoir conforrnénien !
v aux lois de ces nations. » Et pour mettre immédia­
tement le style de l'acte en harmonie avec les conve­
nances monarchiques, au lieu de l 'appeler: «Adresse
« et remontrance, » on l ' intitula: «Humble pétition
« et avis 1 , »


Rien ne donne à penser que, pendant ce débat, le
pays en fût violemment agité, ni qu'il y prêtât une
attention passionnée; les journaux du temps, exacte­
ment censurés on rudement intimidés, s'en expriment
avec une réserve sèche et brève; ou n'y trouve que
des paroles comme cellès­ci : « La Chambre a adopté,
« le 25 mars, une résolution de grande importance,
« dont nous rendrons compte plus ta rd 2 . » Justement
tasse et méfiante, la population se souciait peu de ses
maîtres et des changements où ifs lui semblaient seuls


1 Journais of the House of communs, t. V I I , p . 4 9 C ­ 5 M .
8 Рн 'ОО 1 / / i ? L ч " • < • ; ' _ . ,40 m a r * l l i . 7 7 ; ­ МгГ'-шшч / V I ' I V M » , i a v r i l


1 0 5 7 ; — ( U k h v i n , Uhi. of the Vviimomreuilh, t. IV, p . Х Л




QIK f ï R O W E l . I . D E Y 1 E V X K R O I {MARS 1 0 . " - M


intéressés. C'était autour du gouvernement , parmi ses
serviteurs et, ses adversaires que se concentrait la
passion comme l'action; et même là , malgré l'ardeur
de la lutte, le doute et la réserve étaient grands. Thurloe
('crivait, le 3 mars , à Henri Cromvvell : « Son Altesse a
« parlé aux officiers en termes très-clairs, mais affec-
« tueux et doux, et à leur pleine satisfaction, à ce qu'on
« rapporte. Cependant, je suis hors d'état de dire quelle
« sera l'issue. Je n'aime pas la physionomie et le
a tour actuel des affaires; un sotide établissement,
« n'est, je le crains, et ne sera jamais dans l'esprit de
« certains hommes. J'espère que ceux qui souhaite-
« raient d'y parvenir apprendront à se soumettre à la
« main de Dieu qui dispose sagement de toutes choses. »
Presque au même moment », Henri Cromvvell écri-
x ait de Dublin à Thurloe : « Je bénis le Seigneur de ce
« que Son Altesse inspire, à la plupart des membres du
« Parlement, tant d'affection et de confiance qu'ils aient
« cru devoir témoigner une si complète satisfaction de
« la façon dont elle exerce son pouvoir, et même peu-
c ser qu'il est de l'intérêt de la nation de lui conférer
« un pouvoir encore plus grand.. . . Quant au mérite
« des propositions en elles-mêmes, si quelques-uns de


nos grands personnages ne peuvent les digérer, ce
« n'est pas une raison pour qu'elles me plaisent moins,
w Puisqu'ils ne peuvent consentir à ce qu'a fait un Par-
te louent fait, de leurs propres mains, je les tiens pour




-.'»•-' I.K l ' A H I . F l l l - ' X T l'KI.SENTO;


» ries hommes incapables de vivre en repos ci. de sup-
« porter un gouvernement quelconque. II ne fan!, pas
« l'aire grand cas des appéiils dépravés d'esprits si
« malades, et je suis si peu louché de leur méconlen-
« tement que je regarde ce qui se passe comme une
« occasion providentielle d'extirper ces épines, qui.
« seront toujours si incommodes dans les flancs de
« Son Altesse.... Que le Seigneur lui fasse la grâce de
« voir combien il est plus sûr de s'appuyer sur des
a personnes considérables , accréditées, intègres et
« sages, que sur des hommes qui ont laissé éclater toute.
« leur envie, et qui ne savent se soutenir eux-mêmes
« qu'en perpétuant la confusion ! Quant à moi, en ceci
« comme en toutes choses, je m'efforcerai de plus eu
« plus de soumettre ma volonté à la Providence de
« celui entre les mains de qui je remets votre destinée
« comme la mienne 1 . »


Picmarquable exemple de tranquillité prudente de ta
part de deux hommes personnellement si intéressés
dans la question en suspens, et qui s'en entretenaient'
dans la plus libre intimité 1


Dès qu'elle toucha au terme de son travail, le 27 mars
•1057, la Chambre nomma des commissaires charges
d'aller demander au Protecteur quel jour il voudrait lui
donner audience pour qu'elle le lui présentât; et quatre
jours après, le 31 mars, vers onze heures, Cromwell,
entouré des principaux officiers de son gouvernement,


i T l m r l o e , State-Papers, t . Vf . y . 0 3 .




I.A Pl'îTTnON" A CfcOMWKU. f,3l u . i w ll.ir>7>. 2!W
recul le Parlement à Whilehall, dans celle même salle
• les Banquets que, huit ans auparavant, Charles I e' avait
traversée entre deux haies de soldais pour aller a
t'éehal'aud : « Avec le bon plaisir de Votre Allesse, lui t> dit l'orateur de la Chambre, j'ai reçu, du Parlement
•( d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, l 'ordre de vous


présenter, en son nom, cette humble pétition. Je
• /l'ignore pas (pie je parle devant un grand person-
« nage, dont le jugement supérieur sait écarter et dis-
ti siper tous discours inutiles, comme le soleil dissipe
•• les vapeurs. Je ne suis qu 'un serviteur et je n'ai point
•• à exprimer mes propres pensées, mais à déclarer ce
- que le Parlement m'a commande. Je ressemble à un


jardinier qui cueille des Heurs dans le jardin de son
" maître et en compose un bouquet; je n'oll'rirai à
" Vol re Altesse que ce que j 'ai recueilli dans le jardin du
'•' Parlement. »


Widdringlon fil, des dix-huit articles de la pétition,
une analxse détaillée : le rétablissement de la royauté, et
d'une seconde Chambre désignée sous lenoni de Vanire-
CHAMBRE, le mode d'élection ou de nomination des mem-
bre? divers du Parlement ainsi formé, la fixation d'un
revenu publie permanent, la domination exclusive de la
foi protestante avec quelque tolérance pour les sectes,
telles en étaient les principales dispositions que Wid-
dringlon justifia sans goût, niais non sans art, par les
autorités les plus hétérogènes, Abraham et Aristotc, la
Bilile cl la grande Charte, les dogmes chrétiens et tes
traditions légales de l'Angleterre : «J'en ai fini, dit-il.




294 P R E M I È R E R É P O N S E P.E C R O M Y V E U ,


« dos diverses pièces du gouverne 1 lient projeté par
« notre pétition, mais non de tous tes articles; il en
« reste encore un. Le Parlement a une si bonne opinion
« de ce plan de gouvernement, tel qu'il résulte de tous
« les articles réunis, que son humble désir est que \ous
« veuillez bien les accepter tous. Ils sont liés de façon
« à ne former qu'une seule chaîne; c'est comme un
« édifice bien construit et bien cimenté; si une seide
« pierre est retirée, tout s'écroule. Le rejet d'un seul de.
« ces articles rend tous les autres incohérents et impra-
« ticables; ils sont tous les entants d'une même mère,
« le Parlement; nous espérons que Votre Altesse les
« adoptera tous : Aid nifùl. nul tolum dabd'. »


—« il faudrait vraiment que j'eusse un front d'airain,
« monsieur l'orateur, » répondit Cromwell, « si ce plan
« de gouvernement, qu'il a plu au Parlement de m'ot-
« frir par vos mains, ne me jetait pas dans un trouble
« d'esprit extrême : évidemment, le bien-être, la paix,
« tout le trésor des intérêts de trois nations, et des plus
« honnêtes gens du monde,' sont engagés dans cet acte
« si grand et si important. Cette seule considération
« doit susciter en moi le plus profond sentiment de res-
« peet et de crainte dont aucun homme ait jamais été
« saisi. J'ai passé ces dernières années dans le feu, si je
« puis ainsi dire, au milieu de nos troubles; quand je
« rassemblerais dans un étroit espace, et tle manière a
« les voir toutes à la fois, toutes les choses qui me sont


i U u r i o n , Diartj, t . I , p . ,197-413




AU l ' A K L I O J E N T (31 MARS 1057; . 295


с arrivées depuis que je suis eniré dans les affaires de
a eetle République, elles ne rempliraient pas, et,
« selon moi, elles ne devraient pas remplir mon cœur
« et mon esprit de la crainte et du respect de Dieu qui
« coin iennenl à un chrétien, autant que cette chose que
« \ous venez maintenant nroffrir. Si je vous commu­
« niquais, à cet égard, une résolution soudaine, sans
с chercher une réponse mise dans mon cœur et dans
v ma bouche par celui qui a été jusqu'ici mon Dieu et
« mon guide, cela vous donnerait Lien peu de motifs
« de confiance dans le choix que vous avez fait, car ma
« résolution aurait alors toute l'apparence d'un appétit
« de la chair; et si vraiment elle provenait en moi d'une
« telle source, l'issue de cette affaire, quelle qu'elle lut,
« pourrait, bien être une malédiction pour ces trois na­
ît lions, et pour vous qui, j ' en suis convaincu, n'avez
« eu dans tout ceci qu'une bonne intention et des vues
«. sincères et honnêtes pour la gloire de Dieu, le bien
« de son peuple et les droits de la nation. Voyant donc
к à quel point vous êtes avancés dans cette affaire, et
ч <pie pour votre part vous avez accompli l 'œuvre,
« je n'ai que ce seul mot à vous dire, c'est qu'il me faut
« un peu de lemps pour prendre conseil de Dieu et de
« mon propre cœur. J'espère que ni l 'humeur d'esprils
« faillies ou peu sensés, ni les désirs de ceux qui pour­
« raient prétendre à des choses qui ne sont pas bonnes,
« ne me pousseront à vous répondre autrement qu'avec
« sincérité et reconnaissance, en rendant justice à votre
„ •/,'.!.. et ;'i v o t r e inléa­rité. et de façon uuc ma réoonse




29« S E C O N D E K E E O X N E H E C K O M W E E E


« tourne au liicn de ceux que, vous el moi, nous servons
« el sommes lads ]»our servir. Vraiment la chose méiilo
u délibération, la plus sérieuse délibération de ma pari,
« et je me tiendrai pour obligé de vous donner ma.
ii. réponse aussi promptement que je Je pourrai 1 . »


Ce qui se passa autour de Crotnwcll et dans so
propre esprit au sortir de celle conférence, on J'ignore .
trois jours après, le 3 avril, il lit demander au Parle-
ment de lui envoyer des commissaires à qui il donnerait
sa réponse, et ce même jour, à Irois heures après midi,
un grand comité, composé de quatre-vingt-deux mem-
bres , se rendit en effet à Whilehall : « Je suis Irès-
« lâché», leur dit Cromwell, «de n'avoir pu l'aire con-
« naîlre plus lôtau Parlement mon désir; j 'ai éleatleinl
« de quelque souffrance ces deux derniers jours, hier
« et mercredi. J'ai pris en considération, aussi bien «pie
« je l'ai pu , les choses contenues dans le papier qui
« m'a été présenté par le Parlement mardi dernier, et
« j'ai demandé à Dieu qu'il me lût donné do vous l'aire
« une réponse convenable pour moi et digne du Parle-
« ment. Je dois vous rendre ce témoignage que vous
« avez pris soin des deux plus grands intérêts que Dieu
« ait en ce monde, la religion et la protection duc a
« ceux qui la professent, la liberté civile et le droit de
« la nation. Ce sont là des choses chrétiennes? et hono-
« rables, et vous y avez pourvu en chrétiens et eu gens
« d'honneur, en vrais Anglais, comme vous l'èles. El


l î u n o n , DiariL t. I . p« 11U-110-.




•\I ' C A J . ' I K . M K N ' T / 3 . . V R I I . l«r.7;, 2 9 /


• pour ces doux intérêts, si Dieu m'en juge digue, je
vivraiel mourrai.Permettez-moi maintenant devons


« dire qu'il y a une ou deux considérations qui nie
• trappent. Vous m'avez nommé d'un autre titre que
•• celui ijue je porte maintenant. Vous exigez que ma
.< réponse soit catégorique, et vous ne me laissez, entre
; les propositions que vous me (ailes, point de liberté
•< «le choix. Je ne mets pas en question votre sagesse en
» agissant ainsi; je me tiens pour obligé de me eon-
« tonner à votre résolution ; vous êtes des hommes
« sages et investis d'une grande confiance ; c'est un


devoir de ne mellre en question rien de ce que vous
» avez l'ail. Je serais bien abruti si je ne reconnaissais
« pas le très-grand honneur que vous m'avez fait dans
< ce papier, e t , par votre entremise, j 'en témoigne au


« Parlement ma protonde reconnaissance. Mais, je dois
« le dire, ce qu'il peut vous convenir d'offrir, il peut
« no pas me convenir de l 'entreprendre. Que le Parle-
« ment, je vous le demande, veuille donc bien ajouter
•• a sa faveur, à son allée!ion el à son indulgence pour
« moi, celte autre faveur de ne pas prendre eu înau-
•< vaise part une réponse que je lui fais lotie que je la
«. trouve dans mon cieur; e'esl que je ne suis pas ca-
« pable d'un si grand honneur el fardeau. Voyant que
« je ne puis accepter aucune des choses que vous ui'ot-
• Irez si je ne les accepte toutes, je ne suis pas parvenu
( à penser que ce soil mou devoir envers Dieu el envers
.< vous de me charger de ce fardeau, sous ce titre. Je
• sais que tout ce que j 'ai dit a la louange de voire




M T R O I S I E M E FA'TREVfE DE C K O M W E I . I . A V E C


« nouveau plan de gouvernement, on peut le retour-
K ner contre moi et me dire : — S'il y a tant d'ovcel
« tentes choses (tans ee plan , les refusez-vous à cause
« d'un seul ingrédient.?—Mais rien ne peut faire, de la
« conscience d'un h o m m e , un esclave, et. vraiment
« c'est ma conscience qui me dicte cette réponse. Si le
« Parlement est bien décidé à ceci, — tout le plan ou
« rien,—il ne me convient pas de rien l'aire pour vous
« engager à modifier votre résolution. C'est là tout ce
« que j 'a i à dire. Je désire, et je n'en doute pas, que
« vous le rapportiez au Parlement avec fidélité et can-
« deur '. »


Le Parlement comprit les perplexités et les obscurités
de cette réponse; il était accoutumé à démêler et. a
suivre le secret désir de Cromwell dans le labyrinthe
de sa conduite et de son langage. 11 vota qu'il persistait,
absolument dans sa Pétition, chargea un comité de ré-
diger par écrit les raisons qui l'avaient dirigé dans celle
grave délibération ; et après avoir entendu et approuve
le rapport de ce comité, on décida que des commis-
saires iraient demander au Protecteur quel jour il lui
conviendrait de recevoir la Chambre qui se proposait
de lui donner lecture de cet evposé des motifs de sa
Pétition, et de lui en laisser copie, s'il le désirait 2 .


La nouvelle entrevue eut lieu en effet le mercredi,
8 avril. Les documents officiels n'en ont pas été con-


i C a r l y l e , Cromwell'sLeUers and S / M W / I C S , (. I l , p . 1 0 7 ">ao


* Jeiurruds of Ihe Haute of COMMENT, 1. V I I , p . 0 1 0 - O î l .




r . K X n n n r r s S A t K K N DU l ' A K L F . M K X T ¡8 A V R I L 1657), 29!)


serves, ni l'exposé des motifs du Par lement , ni la
re | innse de Cromwoll ; mais les journaux du temps
rapportent que le Protecteur s'y montra moins péremp-
toirc dans son refus ; il parla do ses infirmités, doses
incapacités; puisque le Parlement persistait dans sa pro-
position, il ne lui restait, à lui Cromvvell, qu'à deman-
der conseil : et à qui pouvait-il le demander, sinon au
Parlement lui-même ? Il désirait donc être informé,
avec plus do détail, des motifs de leur détermination.
11 demandait la permission d'exposer à son tour ses
doutes, ses craintes, ses scrupules. Il était prêt à rendre
raison de ses propres appréhensions qui seraient peut-
être surmontées par des appréhensions contraires. Il
repérait que lorsqu'on serait ainsi, de part et d'autre,
au courant de loules choses, on s'arrèlerail à quelque
plan également cou vénalité pour le Parlement et pour
lui , et qui satisferait aux intérêts de torde la nat ion ' .


Evidemment les journaux ne sortirent, dans celle
• évasion, de leur réserve habituelle qu'avec l'autorisa-
tion du Protecteur et parce qu'il jugea à propos de
noi 1er devant le pays lui-même ce grand débat.


lies le lendemain , le Parlement vola que « pre-
.< liant en considération ce que S. A. avait proposé la
« veille, des commissaires seraient chargés de se rendre
« auprès d'elle; qu'ils auraient pouvoir de recueillir de
•< sa bouche ses doutes et ses scrupules sur les divers


i Mnv.,RIU\ L\>HTH-,s. <J . i v n l 1(157,— G o c h v i n . LLIST. of Ihc C W


RTICNN EALIH.. !• I V , p . 55y.




:m I N S U R R E C T I O N D E S S E C T A I R E S


i- points de ta Pétition ; qu'ils offriraient à S. A. les
« raisons pi'Opros à la satisfaire en maintenant les
« résolutions de la Chambre ; et q u e , sur les poiuls a
« l'égard desquels ils ne parviendraient pas à satisfaire
« S. A., ifs feraienl leur rapport au Par lement 1 . »


Prie discussion solennelle était ainsi engagée sous les
yeux du public; le Parlement se eliargeail de démon-
trer au Protecteur qu'il ne devait pas refuser d'êlrc roi.
Cent commissaires, parmi lesquels se trouvaient presque
tous les hommes considérables de la Chambre, en
graude majorité partisans deCromwell, furent désignés
pour cette mission.


Au moment m ê m e où ils la recevaient, une bande de
béais fanatiques se soulevaient dans Londres pour éta-
blir eux aussi, disaient-ils, u n e monarchie, mais la
seule monarchie légitime, celle de Christ. C'étaient les
sectaires qu 'on appelait et qui s'appelaient eux-mêmes
les hommes delà cinquième monarchie. Toute autre loi
q u e la loi de Dieu, révélée dans les livres saints, foui
autre pouvoir que celui de Christ, représenté par l'as-
semblée des saints, devaient être abolis. Le \) avril W > 1 .
une vingtaine d'entre eux , sous la conduite d'un tonne-
lier, Venner, se réunirent à Shoredilcb, « tout bottés e 1


éperounés, » disenl les journaux du temps, pour se por-
ter ensuite a un rendez-vous général; u n e escouade
de cavalerie les avait devancés la et les arrêta aussitôt.
Dans un champ voisin du lieu désigné pour le rendez-


• Jvurimls of 0\e UWMK ofcommon», u V i l , J > . 5 * 1 .




DANS t o N O R I ' S fl w n n . 1Ç57,. Ш
vous général, où personne nevinl , ou I r o t i v a des a m i e s ,
îles pamphlets destinés a èlre djsh'ibués, et un étendard
portant MU lion rouge couchant, алое celte devise : «Qui
le fera lever 1' » Quelques hommes plus importants,
l'amiral Lawson, les colonels Okey et. Danvers, et même
le général Jlarrison et le colonelilich qui. peu aupara­
vant, avaient été mis e n liberté, se trouvèrent compro­
mis, soit par leurs propres actes, soit par les paroles
des sectaires, et lurent également arrêtés. Le surlende­
main, Thurloe, par ordre du Protecteur, rendit compte
au Parlement du complot et des mesures prises pour le
déjouer; sans exagération, en homme expérimenté,
déclarant que le nombre et la qualité des personnes qui
ivaien! ieuio ce coup étaient « peu considérables et
т е ш е méprisables; » mais il le rattacha, non sans rai­
son, a l'état général des partis et des esprits ; il donna
des détails sur l'organisation secrète de ces sectaires et
••ur leurs relations avec tous les mécontents politiques.
Le Parlement comprit et soutint la démarche de Thur­
loe ; sur une motion laite et adoptée à l'instant, l'ora­
teur lui adressa ol'ticiellcnienl. ces paroles :« Monsieur
« le secrétaire, je reçois l'ordre do vous témoigne)­, au
« nom du Parlement, s e s sincères remercinienls pour


vos excellents soins cl vos heureux ellbrls dans la
Ч découverte de cette all'aire, el pour les grands serv ices
« que vous ave/ rendus à la République dans celle occa­
« sion et dans beaucoup d'autres. » Ion môme temps


les commissaires, déjà designés pour se rendre auprès
du Protecteur, jurent charges de lui dire « que le




3 0 2 C O N F E R E N C E S E N T R E L E S C O M M I S S A I R E S


« Parlement avait reçu le rapport du secrétaire d'Étal,
« qu'il en appréciait toute l'importance, et qu'il le preu-
« tirait immédiatement en sérieuse considération 1. »


Ce fut sous ces auspices que s'ouvrirent, le M avril
Ifi.')", entre les commissaires du Parlement et le Pro-
tecteur, ces conférences qui devaient décider si l'on
ferait ou si l'on ne ferait pas un roi.


C'est un spectacle peu digne que celui d'une comédie
obstinément jouée par des hommes graves dans une
affaire grave. Cromwell et le Parlement savaient
d'avance l'un et l'autre ce qui manquait au gouverne-
ment de l 'Angleterre; ils étaient l'un et l'autre cou-
vain eus que la royauté pouvait seule, en y rentrant, lui
donner un caractère régulier et stable. Ils consumèrent
un mois en conversations cl en argumentations, comme
s'ils avaient eu besoin de se persuader inuluellenienL
Au fond, le Parlement ne parlait pas à Cromwell,
ni Cromwell au Parlement; ils s'adressaient l'un et
l'autre à un public qui n'était point dans Whitehall;
aux républicains opposants, mais modérés, qu'ils espé-
raient amener à leurs vues, et au pays tout entier qu'ils
voulaient émouvoir assez fortement pour qu'il s'associât
à leur désir d'une royauté nouvelle, et qu'il contraignît
les anciens pactisa l'accepter 2-


1 Journal* of Ihe Hov*e of'.'., t. V I L p . 5 2 1 - 0 2 2 . ; — T b u r l o c ,


State-Pnpers, t . V I , p . 1 8 1 - 1 8 0 .


'2 Lo c o m p t e r e n d e d é t a i l l é d e ee.-i o o u i ' é r o n c ' e s s e t r o u v e dei)*


tin p a m p h l e t i n u t u l é : Que In 'nioiuire'eic es/ In uiedleure. lu j > 5 < * ' e e


euenc i f hi seule forme le'aale de 'jouveiueinenl. puOL'e en 1 0 0 ( ) . e i




DU P A R L E M E N T E T C R O M W E L L (AVRIL 1(5571. >ïfW


Quelque embarras se jnanit'esla au début, de la pre-
mière entrevue : qui parlerait le premier? seraieut-ee
les commissaires du Parlement pour exposer les motifs
de la péliliou, ou le Prolecteur pour dire ses objections?
Pc part et d'autre, on voulait se tâter et voir venir.
Disposition commune dans cette dernière période des
révolutions 011 presque tous les hommes, même les
braves, devenus sceptiques et prudents, s'efforcent
'1 éluder ou d'atténuer la responsabilité. Comme il élail
aisé; de le prévoir, ce l'ut le désir du Protecteur qui pré-
valut. Whilclocke prit la parole, et ce jour-là Croniwell
ne lit guère qu'écouter les commissaires du Parlement.
Pans le cours des cinq conférences qui eurent lieu, du
Il au 21 avril, neuf d'entre eux parlèrent successi-
venienl. développant tous à peu près les mêmes idées;
les jurisconsultes, surtout Whilclocke el Glvnu, savants
el judicieux, mais subtils et diffus ; l 'homme de cour
guerrier et politique, lord Broghill, plus précis et plus
pratique; il résuma à peu près en ces termes les raison-
nements de ses collègues et les siens propres :


« C'est par le lilre, de Boi, cl jamais par aucun autre,
« que nos anciennes lois désignent le magistral su-
« prènie; or, les anciens fondements, quand ils sont
« lions, valent mieux que les nouveaux, ceux-ci l'ussent-
•« ils également lions; ce qui est confirmé par te temps
« el l'expérience a bien mieux fait ses preuves et porte
:< en soi bien plus d'autorité. »


iii-i'-n? i l an» le r e c u e i l (le p a m p h l e t s d e S o m e r s pS'omer.e's Tra>U




:m CONFÉRENCES! ENTRE LES C i r S S A 1 1 ' ! E S


« il vaut mieux mettre le magistrat suprême en liai-
« monie avec les lois en vigueur qu'avoir à modifier les
« lois en vigueur pour les mettre en harmonie avec
« lui. «


« La nation, légalement assemblée en Parlement,
« vient d'examiner quel titre convenait le mieux au
« magistrat suprême; et après un débat solennel, elle
« s'est arrêtée au litre de Roi, comme à celui par lequel
u le peuple connaissait le mieux ses devoirs envers le
« magistrat suprême, et le magistrat suprême ses do-
it voirs envers le peuple , et tous deux en vertu de lois
<t anciennes et bien connues. »


u Parmi les personnes qui reconnaissent dans notre
« pays un gouvernement quelconque, il n'en est à peu
« près aucune qui ne se croie tenue d'obéir, soit au s
« anciennes lois, soit aux lois nouvelles que font cu-
ti semble Votre Àttesse et te Parlement. Si donc le ma-
te gistrat suprême de ces trois nalions s'appelle le Roi,
« ceux qui respectent tes anciennes fois accepteront vo-
it Ion tiers son gouvernement connue fondé sur la base
ii qu'ils reconnaissent, et ceux qui reconnaissent les
« autorités nouvelles en feront autant parce qu'elles
« auront été greffées sur ce litre; en sorte que, partisans
« des anciennes ou des nouvelles autorités, il n'y aura.
« personne qui n'ait obtenu satisfaction. »


« Les anciennes autorités du pays ne connaissent le
« magistrat suprême que sous le titre de Roi, et i'au-
« torité actuelle, le Par lement , désire ne le coniiailre
« aussi que sous ce mémo titre ; si vous le refusez, no»




OH PAT! J.EVI F NT F:T fROMWTI.T, Î I T R U 1(.;57). ail*


enneuûsn'eu seront-ils pas relevés? Nesoutiendront-
ils pas liMirs espérances chancelantes eu se disant
entre eux et en disaid a leurs alliés que leur chef, à
eux, porte le litre qu'approuvent, non-seulement
tous les anciens Parlements,, mais même le Parlement
actuel, taudis que notre chef, à nous , n'est point
connu îles anciennes lois, et a refusé de se faire con-
naître sous le litre que veut lui reconnaître le Par-
lement qu'il a lui-même appelé? »
« Si Votre Altesse porte le titre de Roi, tous ceux
qui lui obéissent et la servent sont mis en parfaite
sûreté par une loi bien antérieure à nos dissen-
sions; loi rendue dans la onzième année du règne
de Henri VII, et qui affranchit de tonte poursuite
tous ceux qui servent quiconque , de fait, est, Jioi.
Celle loi paraît très-raisonnable, car elle pourvoit,
non ¿1 l'intérêt d'une personne ou d'une famille par-
ticulière, mais à la paix et à la sécurité du peuple.
Le but, de tout gouvernement est de procurer au
peuple justice et sécurité, et le meilleur moyen d'at-
teindre ce but est d'établir un magistral suprême. Si
Votre Altesse est revêtue du titre comme de l'office de
Roi, et si, sous cet abri , le peuple jouit de la paix et
de ses droits, ceux-là seraient presque des fous qui
rejetteraient ces biens uniquement pour atteindre le
même but sous une autre personne. »
« Il y a maintenant divorce entre le prétendant à la
royauié et le pouvoir royal effectif dans noire pays;
or nous savons que des personnes divorcées peu veut




3 0 0 C O N F L U E N C E S K X T U E L E S C O M M I S S A I R E S


« se remariée; mais si l'une eies deux se marie à u n e
« autre , cela coupe court à toide espérance. »


« Enfin, et ceci est une très-puissante raison, le Par-
ti lenicnl. T O U S donne aujourd'hui ce conseil; les con-
« seils des Parlements doivent loujours avoir, et , j 'en
« suis sûr, auront toujours beaucoup de force et d'au-
o forité. Et ce conseil ne vient pas seul ; il esl accom-
« pagué, pour nos libertés civiles et religieuses, do
« beaucoup de choses excellentes auxquelles Votre AI-
« fesse a déjà rendu une éclatante justice ; et il vient
« d'un Parlement qui a déjà donné à Votre Allesse d'in-
« contestables preuves de son affection, et qui, si Votre
« Altesse l'écoute en ceci, sera encouragé à lui en donner
« bien davantage »


Cronrwell écoutait ces exhortations avec une satisfac-
tion évidente, mais mêlée d'une grande fermentation
d'esprit; ce n'était point un homme à idées simples et
fixes, ni qui marchât constamment à son but ; il errait
de tous côtés en le poursuivant, sondant très-loin le
terrain et se jetant dans toutes sortes de voies indirectes
ou même contraires. Pendant qu'on lui parlait, sa forte
imagination faisait rapidement passer devant ses yeux
les replis les plus cachés comme les faces les plus di-
verses de sa situation, cl toutes les conséquences pro-
chaines ou lointaines, probables ou seulement possibles,
de l'acte dont il délibérait. Il prit et reprit plusieurs fois
la parole, plus long et plus diffus que les jurisconsultes,


» Hvtncn's Trari*, i . VI, p . 352-304 .




ÎH" P A R L E M E N T El. ' C R O M V V E L E ( A V R I L 1057) . 3 0 7


accueillant et produisant pêle-mêle les réflexions, les
souvenirs, les allusions, les pressentiments; incohérent
et obscur, tantôt par entraînement, tantôt à dessein ;
quelquefois jetant des trails de lumière, plus souvent
donnant le change sur sa véritable pensée, décidé à ne
jamais se laisser saisir, et bien sur en même temps de
se retrouver, quand il le voudrait, dans le labyrinthe de
son âme : « Si vos arguments pour m'imposer celle
« seule chose, la royauté, sont fondés sur la nécessité, »
dit-il aux commissaires, « eh bien, alors, je n'ai rien à
« répondre; ce qui doit être doit être ; » et il résumait
en termes clairs et frappants tout ce qu'avaient dit les
jurisconsultes pour établir que la royauté était en effet
un litre et un office nécessaire, si intimement incorporé
avec les fois fondamentales de l'Anglelerre qu'elles ne
pouvaient être exécutées sans son concours : « Mais si on
« peut trouver, hors de ce concours, quelque remède,
« quelque expédient, » reprenait Cromvvell, « alors vos
« arguments ne sont plus absolument concluants et la
« question n'est plus une question de nécessité, mais
•J simplement d'utilité et de convenance.... Or , la
v rovnuté, ce n'est pas un simple mot, quatre ou cinq
a lettres; c'est le pouvoir suprême, quelque nom qu'il
< porto, et l'autorité souveraine qui l'a baptisé de ce
« nom aurait pu lui en donner un autre. Elle lui en
« a donné un autre deux fois, d'abord celui de Gardiens
u de la liberté de l'Angleterre1, quand cette République


* CusioJe* Hhe-rtnlu Amjlu-: c e fut l e nom q u ' e u 1 0 1 0 , au m o -




3 0 8 C O N F K « E N C K . S E V J T Î K f.KS C O M M 1 S S A 1 K K S


« a été fondée, et puis celui que je porte aujourd'hui.
« lot je puis dire qu'à ces deux mots une obéissance
u presque universelle a été accordée par tous les rangs
« et toutes les sortes de personnes. Pour mon compte, je
« ne voudrais pas parler avec vanité, mais je puis dire
« que, depuis le commencement du Protectorat jusqu'à
« ce jour, les lois ont eu un libre cours, jamais plus libre
« dans aucun autre temps, pas même dans ces années
« appelées, et justement appelées des jours d'Halcyon et
« de paix, depuis la vingtième année de la reine Élisa-
it betli jusqu'au temps du roi Jacques et du roi Charles.
« Et s'il y avait ici, en ce moment, plus de milords
» juges qu'il n'y en a, ils pourraient peut-être dire
« quelque chose de plus.... J'ai entrepris d'être dans le
« poste où je suis, non par espérance de taire aucun
« bien, mais par désir d'empêcher beaucoup de mal,
« un mal immense que je voyais près de tondre sur la
« nation; nous nous précipitions dans la contusion el
« le désordre, et de là dans le sang; j'ai élé f'instru-
« nient de ceux qui ont voulu que je me chargeasse
« du fardeau que je porte.... Quelques-uns de vous
« savent, et il -me convient de dire moi-même que
« je sais comment j'ai été appelé, à partir du pre-
« mier jour jusqu'à celui-ci. Dès mon premier pas dans


m e n t d e l ' é t a b l i s s e m e n t d e 1» R é p u b l i q u e , on s u b s t i u i a h c e l u i d u
l i o i e n t è t e d e s a r r ê t s d e s c o u r s d e j u - u i u e e t d e t o u s l e s a c t e s
a n a l o g u e s ; il d é s i g n a i t s p é c i a l e m e n t l e s e o m m i s s a i r e s d u g r a n d
> , . eau , g a r d i e n s d e s l i b e r t é s p u b l i q u e * , p a r CL . e u s l ' a u t e n l é d u




Dti T'A R f.lTNIENV E T C K O W E Î / T . H V B T I . IBST; . 3 C $


a les affaires publiques, j 'ai été porlé et élevé d 'em-
« |i!ois intérieurs à (1rs emplois plus grands ; j 'ai élé
« d'abord capitaine d'un escadron de cavalerie, et je
« faisais de mon mieux dans mou poste, et if a plu à
« Dieu de m'y bénir. Sincèremenl et avec une simplicité
;< un peu puérile, à ce (pie pensaient des hommes grands
•' et sages, je voulais que mes subordonnés me secon-
« dasscnt bien dans mon œuvre. J'avais alors un t rès-
« digne ami, une noble personne, et je sais que sa mé-
••( moire vous est chère à tous, M. John Hampdcn. A ma
« première campagne, je vis que nos hommes étaient
« battus partout : j'engageai M. Hampdcn à faire ajouter
« à l'armée de milord Esscx quelques nouveaux régi-
« monts, et je lui dis que je lui serais utile eu ame-
« nant des hommes animés d'un esprit qui ferait quel-
-( que chose dans notre entreprise. Ce que je vous dis est
« vrai; Dieu sait que je ne mens pas.—Vos Cavaliers, lui
>Î dis-je, sont, pour la plupart, d'anciens domestiques
-( hors d'âge , des garçons de cabaret et autres de
:< même sorte ; les leurs sont des fils de gentilshommes,
•:i des cadets et des gens de qualité. Pensez-vous que


des drôles de basse espèce, comme les vôtres, aient
a dans l'âme de quoi tenir tèle à des gentilshommes
« pleins de résolution et d'honneur? .Ne prenez pas mal
< ce que je vous dis; je sais que vous ne le prendrez
•( pas mal; il faut que \ous ayez des hommes animés
a d'un esprit capable de les faire aller aussi loin que
« peuvent aller des gentilshommes; autrement vous
« serez toujours battus.—M. liampden élail un sage et




810 C D X F K K T , \ ( ' [-'S F.X'TTCK T.FS ( ' O V l U Î S S A T r i F S


« digne homme; il me dit <|ue je disais vrai, mais qoe
'< c'était impraticable. Je lui dis que j ' y pouvais faire
« quelque chose, et j ' y fis vraiment quelque chose.
« Attribuez-le à ce que vous voudrez; je levai des
« hommes qui avaient la crainte de Dieu, et qui fai-
« saient avec conscience ce qu'ifs faisaient; et depuis ce
« jour, je vous fe dis, ils n'ont jamais été battus, et
« partout où ils ont été engagés contre l 'ennemi, ils
« l'ont battu... . J'aurai la hardiesse d'appliquer ceci à
« notre dessein actuel , car tout est, là pour moi... . Je
« vous dis qu'il y a de ces hommes-là dans celte nation,
« des hommes pieux, animés de ce même esprit, des
« hommes qui ne seront jamais battus par un esprit
« mondain ou charnel, fanl qu'ils conserveront leur
« intégrité; et j 'agis sincèrement avec vous quand je
« vous dis que Dieu, j 'en suis convaincu, ne bénirait
« pas une entreprise, quelle qu'elle fût, royauté ou
« autre, qui offenserait ces hommes-là justement et par
« de bonnes raisons. Ils pourraient, il est vrai, s'offenseï
« sans raison, et je serais un esclave si je me condaru-
« nais à complaire à de telles humeurs. Mais je vous
« dis qu'il y a des hommes honnêtes et fidèles, fidèles
« aux grands intérêts du gouvernement et à la liberté
« du peuple, qui, je le sais, ne digèrent pas ce titre de
« Roi. Ce n'est pas, j 'en conviens, un trait d'honnêteté
« de leur part que de ne vouloir pas se soumettre à ce
« qu'ordonnera le Parlement; pourtant ma conscience
« me prescrit de vous demander de ne pas m'imposer
« des choses dures, je veux: dire dures pour i u \ , et




n i ! V A W . E M E V T E T CTiOMVvF.T.T. i * v i m . 1657). 511


qu'ils n i ! pou\enl pas digérer.... Vraiment la provi-
dence de Dieu a rejeté en t'ait ce titre de Roi; et cela, non dans un accès d 'humeur ou de passion, mais à la
suite d'une délibération aussi grave qu'il y en ait
jamais eu chez aucune nation ; elle a été le résultat de
dix ou douze ans de guerre civile, où beaucoup de
sang a été versé. Je n'examine pas la justice de ce qui
a été l'ait; je n'ai pas besoin de vous dire quelle serait
mon opinion si cela était de nouveau à faire; mais si
on recommence à l'examiner, et si un homme vient et
trouve que Dieu, dans sa sévérité, a déraciné non-
seulement toute une famille royale, mais le nom et le
litre même!.. . . ce n'est pas moi qui l'ai fait, ni ceux
qui m'ont offert. Je pouvoir que je porte aujourd'hui;
c'est le Long Parlement ! »


* Je veux maintenant vous dire à vous, qui êtes une
part si considérable du Parlement , que je suis infi-
niment touché de ce m o t : Etablissement définitif; a. mon avis, quiconque n'en est pas touché n'est
pas digne de vivre en Angleterre; et je ferai, pour
ma part, tout ce que je pourrai pour chasser du pays
tout, homme qui ne désire pas que nous en venions à un établissement définitif, car c'est la grande misère
d'une nation de n'avoir pas un gouvernement défini-
tivement établi.... Et vraiment je l'ai déjà dit , et je
le redis; je crois que celte forme de gouvernement,
que vous proposez, tend à faire jouir la nation de
toutes les choses pour lesquelles, depuis si longtemps,
noiisnous sommes tous prononcés. C'est là ce qui me




'i\-> t'ftsvv.RENCES E X T E E I.T:< rovnrTsSAïu'ES


« l'ail huit aimer ce papier, et Irait ce qu'il contient,


« avec quelques additions que j 'ai maintenant, a vous


« offrir; j ' a ime, par-dessus loul, un établissement, déli-


ce nitif; . . . . à l'exception d' iuiseul point, celui que nous


« venons de discuter. J 'a i cnlcnrlu voire sentiment:


« vous avez enlendu le m i e n ; je vous ai dit mon juge-


« ment et mon c œ u r ; que le Seigneur amène l'issue


« qu'if lui p la i ra 1 ! »


Cromvvellse rejela alors sur la Pétition m ê m e , et en


examina successivement les diverses dispositions, entre


autres celles qui avaient trait aux conditions d'éligibilité


pour le P a r l e m e n t , au mode de vérification des élec-


tions, à la nomination des membres de l 'autre Chambre,


des j u g e s , de tous les officiers d 'Etat , à la fixation du


revenu publ ic ; cl sur chacun de ces points, il indiqua


les modifications qu'il désirait , presque toutes j u d i -


cieuses el dictées par une ferme intelligence des condi-


tions de l 'ordre et des nécessités du pouvoir. 11 insista


aussi, soit par conviction vra ie , soit pour complaire a


un sentiment répandu el puissant, surtout dans le parti


qu'i l avait besoin de ramener , sur la réforme des lois


civiles el sur la reforme des mœurs , développant avec


complaisance les salutaires effets d'une procédure s im-


ple dans les affaires de la vie c o m m u n e , et d'une


discipline forte dans la moralité nationale. Il remit, par


écrit, aux commissaires, ses observations et ses propo-


* Somers's TrtieU, i. V I , |) . 305-373 ; — C a r l y l e , Cromu-etl'i M ' I V I -,
Mi'! Hpen'hts, t . I l , p . 5 1 5 - 5 0 1 .




n i p . V K I J . ' V K X ' J i;r nimiwrjj, ; i y R I L )C,',7). 3!-i


silions: « Kl mainleuanl, dit-il, j'ai fini pour ma part;
« quand il vous plaira de me l'aire connaître vos pen-
« sées sur ces divers points, alors je serai en mesure de
>< m'aeqiiilter moi-même, selon ce que Dieu me mettra
« dans laine. Je ne dis pas ceci pour rien éluder, ni
•< pour vous taire aucune condition; mais alors seule-
« ment je pourrai taire honnêtement ce qu'on pourra
" raisonnablement exiger de moi, et dire ce que Dieu
« me permettra de vous répondre l . »


Dès le lendemain , 23 avril, les commissaires, par
l'organe de Wbitelocke, firent à la Chambre leur rap-
port sur ces conférences. Ils l'en avaient plusieurs fois
entretenue pendant leur cours, et ta Chambre, avec une
discrétion intelligente, avait fait tout ce qui pouvait les
appuyer dans la négociai ion sans les embarrasser. Quand
elle fut informée, par ses commissaires, de toutes les
fluctuations de Cromwell et de l'impossibilité où ils
avaient été d'obtenir de lui une réponse claire, elle en
ressenlil d'abord quelque humeur; elle voulait bien
aider le Protecteur à se faire Roi, mais elle ne voulait
lias avoir l'air de le faire Roi malgré lui, et prendre
ainsi, à elle seule , la responsabilité du rétablissement
de la Monarchie. Cependant elle entra sur-le-champ
dans l'examen des modifications que Cromwell récla-
mait dans le plan de gouvernement de la Pétition. La
discussion en fut [ilus longue et plus vive qu'on n'eût
été tenté de le présumer; même parmi les amis du


' C 'ar lyl i : , CrtjihM-M's Lctlers uiul Sjm-ches, l. H , p . 5 G I - 5 W .


1 II ,




.'¡11 IXf 'F.TtTTTT"r)K S f R I.KS


Protecteur, deux classes d'hommes, sinon doux parfis,
étaient, en présence dans le Parlement ; d'anciens par-
tisans de la Monarchie qui n'avaient accepté la Répu-
blique qu'à contre-cœur et par nécessité, et des répu-
blicains fatigués, mais non convertis, qui n'acceptaient
le retour à la Monarchie que par la même cause et avec
le même déplaisir. Sur chaque question, ces deux ten-
dances se manifestaient et se contrariaient, les uns
préoccupés de sauver du moins quelques débris de la
République qui faisait naufrage, les autres empressés à
saisir cette occasion de rendre au pouvoir monarchique,
toute sa force et son action. Ceux d'entre eux, d'ailleurs,
qui avaient pris, aux violences et aux spoliations répu-
blicaines, une part active, s'inquiétaient déjà des con-
séquences que la réaction monarchique pouvait amener,
et réclamaient, à chaque pas, pour leur personne ou
pour leur fortune, d'efficaces garanties. Ainsi compli-
qué et échauffé, ce débat remplit, du -î'3 au .'in avril ,
cinq longues séances, dont la dernière dura de huit
heures du matin à huit heures et demie du soir, sans
ajournement même pour aller dîner, « ce que je n'avais
« encore jamais vu , » dit Thomas Burlon dans son
journal


Cromwell était encore plus préoccupé et plus aclif
que la Chambre : indépendamment de ses hésilalions,
alfectées ou réelles, il voulait que la question traînât en


'- B u r ' . o n . J ) m r i / , t . T I , ]). 23 -04 ;—Journnls of th.-. 7/, ,«?,. <,/>,.>„-


vti»,*, 1 \ 1T, p . 523 OiO.




( X I 7 - : . \ T X ' ' i \ s HK P K O M W K M , ( A V B I I - M A I 1057). 315


longueur, incessamment, exposée el débattue devant


le public, soil pour le convaincre, soil pour l 'inquiéter par ta perspective de crises nouvelles ; puissant moyen
de ceuxieliondont les meneursdes révolutions excellent


a se servir. 11 lit imprimer et répandre le compte rendu


de ses conférences avec les commissaires du Parlement;


1rs principaux journaux publièrent les discours qu'i l y


avail tenus. 11 attirail auprès de l u i , sons mille pré-


textes, les officiers de l 'armée, connus ou obscurs, favo-


rables ou contraires, et il mettait tout en œuvre pour


conquérir ou leur adhésion ou leur neutralité ; même


a'.ce ses plus intimes aflidés, dont le concours n'était


pas douteux, il prenait des soins assidus pour soutenir


leur confiance et leur zèle : « Le Prolecteur, dit While-


< locke, conférait souvent de celle atfaire, cl d'autres


! grandes affaires, avec lord Brog l i i l l , Pierrepoinf ,


« sir Charles Wolseley, Thurloe, et moi -même ; il se


u renfermait avec nous trois ou quatre heures en con-


• t versation particulière, él personne alors n'était admis


; chez lui. 11 était quelquefois très-gai, et mettant de


<! côté sa g r a n d e u r , if nous montrait une extrême


« familiarité, et par manière de divertissement, if faisait


des vers avec nous, et il fallait que chacun s'y essayai.


« Ordinairement, il l'aisail venir du la b a c , des pipes


.( ut une bougie, el if prenait lui-même du tabac de


•.. lenips en t e m p s ; ensuite if revenait à sa grande


.< affaire »


i WIjiiL'lo'.'ki.', p . 0 5 0 .




31« I N l ' K K T J T r n K ,si 'U I.KS I X T K N T I O N 8


Cotait la croyance générale qu'il voulail décidément y
réussir el qu'il y réussirait en olïet : « Ces Presbytériens,
« écrivait le colonel TU us à llyde , disent que tout esl
« prèl, el que, bien que les républicains de laChamhrr
« et de l'année aient d'abord parlé très-haul, ils sont
« niainlenant assez abattus et commencent a ne plus se
« croire en état de faire aucune opposition. » Sir Fran-
cis liussell, dont Henri Croinvvell avait épousé la fille,
écrivait le 27 avril à son gendre : « .le prends, dan.--
« cette lettre-ci, congé de Votre Seigneurie, car ma prn-
« clinine sera probablement adressée au duc d'York.
« Voire père commence à sortir dos nuages, et il nous
« semble qu'il s'est résolu à prendre le pouvoir royal.
« Le grand bruit qu'on a l'ail dernièrement, à ce pro-
« pos, est ii peu près passé, et je ne crois pas qu'il en
« résulte le moindre désordre. J'ai eu, aujourd'hui
« même, un petit entretien avec votre père sur celle
« grande affaire ; il est très-gai et parait hors de ses
« perplexités1. »


Les habitués intimes de Cromwcll n'étaient [tas si con-
fiants : « Certainement, écrivait Thurloe à Henri Citan-
te vvell-. Son Altesse a de grands embarras dans son
« esprit, et cependant jamais homme n'a été si claire-
« meut appelé; autant que je puis voir, le Parlement
« ne se laissera point persuader que le gouvernement


» B n r t o n , Dianj, t. I I , j i . 1 1 8 ; — F o r s i e r , Stalamcn of Ikt Cou--
nionurvutih, i. V , p . 3 5 3 .




DK f ' R O M W F . I J . ' A v n i L - M A i 1057! . 017


v puisso être dél iui lhemeul établi d'aucune manière,


i' l.a plcipuif des soldais son! non-seulement eonsen-


« lunls, mais contents ; quelques-uns grognent, mais je


" crois que ce sera tout. Quelque résolution que prenne


" Son Altesse, ce sera bien sa propre résolution, car il


' n'y a rien au dehors qui puisse la contraindre soit


( à accepter , soit à refuser. . . . La vérité est que son


•> altitude, dans ses conférences avec les commissaires,


a fait, grandement espérer qu'Elte céderait enfin au


« Parlement. Le temps seul fera voir ce qui en est ;


a quant à présent, nous ne pouvons que conjecturer 1 . »


Mais c'étaient là les doutes d'un vieux politique et les


inquiétudes d'un serviteur intéressé; le public ne les


partageait point; il croyait fermemenl à la résolution et


au succès; on allait jusqu'à dire que, pour le jour d e l à


cérémonie royale, la couronne était prêle et apportée a


Whilehall ; et. C r o m w e l i , dans quelques moments


d'abandon, confirmait Iwi-même ces bruits publics, car


il lui échappait de dire que, « dans son for intérieur,


• depuis sa troisième conférence avec les commissaires


•> du Parlement, il était convaincu qu'il lui convenait


i de prendre le titre de f ioi ' . »


Le t!0 avri l , la délibération sur les amendements a la


P o l i l i o u était terminée; le Parlement (il demander au


Protecteur une audience pour la lui présenter ainsi mo-


» lïi.irlt».-, SMr.l'ap-rs. I . V I , j>.21i>,


' \v . ; lhv»y<i , 1 / f i M n . i . p . 110 , — F o r a i o r , Slatesmeii ofthtÇom-


•iia«";Mh, C V, p . O . j l , — W U t u l o c k e , p . 0 5 0 .




318 Ï.F, P A R L E M E N T P R É S E N T E A CR< E U W E I . L


fiifiée. L'entrevue l'ut courte cl froide ; Cromwell reçut


des mains de Whilelocfe la Pétition amendée, jeta les


veux sur les dernières pli rases, el se contenta do dire,


précipitamment et à voix basse, « que ce papier exigeait


quelque délibération; il ne pouvait encore indiquer un


jour à la C h a m b r e ; dès qu'il en aurait iixé un , il le lui


ferait savoir ; ce serait aussitôt que cola se pourrait, ci


que lu i -même il le p o u r r a i t 1 . »


C'était peu pour lui que la plupart de ses amende-


ments à la Pétition eussent été adoptés; la difliculté


n'était pas là, ni dans le Parlement. Malgré son a i -


dent travail, il n'avait pas réussi auprès de quelques-


uns des chefs les plus importants de l ' a r m é e ; ils per-


sistaient dans leur opposition à son dessein, par e m i e ,


par fidélité républicaine, par fanatisme de scolaires, par


humeur de sa conduite envers les majors généraux,


quelques-uns m ê m e , proches parents de Cromwell ,


comme Fleetvvood, son gendre, et Desborough, sou


beau-frère, dans leur intérêt de famille, el convaincus


(pie le rétablissement de la monarchie tournerait au pro-


l i tde Charles Stuart. Auprès de la nation en général.


Cromvvell n'avait pas réussi davantage; elle ne résistait


point, mais ne poussait point à son succès; il n'était


point parvenu à le lui faire considérer comme utile c!


décisif pour e l l e -même; elle assistait à l'entreprise avec


une curiosité indifférente, comme à une affaire d'arnbi-


1 Journal* of the îlouse of comuiuns. t. VI !, e . •V-'J ; — U m î u n ,


Viai'i.. t. I I , p . 1 0 1 .




L A PKTir iO .N A M M M i L L (:!() AVRJÎ. 1057). 319


(ion personnelle el deeolerie politique; un instinct pro-
fond avertissait l'Angleterre que sa propre condition en
serait peu changée, el (pie l'événement, s'il s'accomplis-
sait, ii(3 lui rendrait pas les doux choses qu'elle avait a
co'iir. un vrai Roi el un vrai Parlement. On ne ranime
pis. à son gré, les passions confiantes dans le cœur des
peuples, el les plus habiles échouent à persuader les
hommes qu'ils ont souvent I rompes.


Mais Cromwell ne renonçait jamais. Il ne pouvait se
résigner à croire que, dans sa propre famille, la résis-
tance fût invincible. Le fi mai 1057, il fit dire aux com-
missaires du Parlement de se rendre auprès de lui le
lendemain, dans l'après-midi, el ce même jour il s'in-
cita lui-même à dîner chez son beau-frère Dcshoiough,
où ii amena son gendre Fleetvvood. Là, familier et gai
selon sa coutume, il plaisanta sur la monarchie, répé-
tant sa phrase favorite « que c'était une plume à un
« chapeau, el qu'il s'élonnail que des hommes ne pér-
it missent pas à des enfants déjouer avec leur hochet. »
Mais Fleetwood et Resborough demeurèrent sérieux el
obstinés : « il y avait dans cette affaire, » lui dirent-ils,
« bien plus qu'il n'y voulait voir; ceux qui l'y pous-
'.i saient n'étaient pas du tout ennemis de Charles
a Sliiarl ; el s'il y conseillait, il attirerait sur ses amis et
« sur Jui-mème une ruine infaillible; »—« Vous êtes
« un couple de trop difficiles compagnons, » leur dit
« Cromwell en liant, « il n'y a rien a faire de vous; »
el il les quitta, décidé a passer outre, malgré leur
humeur. Le lendemain, 0 mai, il annonça aux commis-




.".VII o i ' f n s i r j n \ DI;:S ! \ \ i ; T ; : \ T S
sa ires du l 'arlcmenl, (|ui sciaient rendus à son invita-
tion, que le jour suivant il recevrait la Chambre entière
à Westminster, dans la Chambre peinte, et que la ii
donnerait sà réponse délhiilivo à la Pétition. Le lieu
désigné pour cette audience semblait indiquer que sa
résolution d'être Koi était prise; ordinairement, ilrece-
vait le Parlement chez lui, dans le palais de "Whitehall;
dans les grandes circonstances seulement, pour l'ouver-
ture des sessions, ou lorsqu'il s'agissait de quelque évé-
nement grave, il se transportait à Westminster, dans la
Chambre [teinte, et de là il envoyait au Parlement un
message pour l'inviter à se rendre auprès de lui. liais,
le 7 mai, vers onze heures du matin, au moment où la
Chambre réunie attendait ce dernier avertissement, l'un
des commissaires, Lenthall, vint annoncer que, le matin
même, le Protecteur avait envoyé chercher dans la ville
tous ceux d'entre eux qu'on avait pu trouver, pour leur
exprimer son désir que l'audience de la Chambre fui
remise au lendemain, et que tes commissaires seuls se
rendissent auprès de lui, le soir même, a cinq heures,
car il avait à les entretenir. En se promenant la veille
clans le parc de Saint-James, Cromvvell avait rencontré
lJesborough, et soit qu'il cul nelieinenl déclaré ou seu-
lement laissé entrevoir son parti pris d'accepter la cou-
ronne, lJesborough, de jour en jour plus vif dans son
opposition, lui avait déclaré à son lour qu'il regardait sa
cause et sa famille comme perdues, et que, tout décidé
qu'il était à ne rien faire contre lui, jamais en revanche
il ne ferait plus rien pour lui, sur quoi ils se séparèrent,




I)K C R O M W K l . I . A SA K O T A T ' T R . 321


I un <le nouveau perplexe, l 'autre irrité. Hesborough, en


rentrant chez lu i , y trouva h; colonel IViile, le même


qui. le (i décembre 1 ( i ls , avait, sur l 'ordre do son géné-


ral, chassé (ont le parti presbytérien do la Chambre des


Communes; l'ride avait été naguère l'ail chevalier de la


main rie Crouiwcll, et il élait maintenant l 'un des répu-


blicains les plus intraitables ; « Cromvvell est décidé a


« accepter la couronne, » lui dit Dcsborpugh;—«11 ne


ie fera pas, » répondit l ' r ide;—« Comment l'en empè-


« cheras-tu? »—« Procure-moi une pétition bien réd i -


i géo, et je l'eu empêcherai, » A l'instant, ils allèrent


ensemble chez le docteur Ovven, le vice-chancelier de


l'université d'Oxford ; le théologien était de même,


humour que les olliciers, et rédigea volontiers la péti-


tion qu'ils désiraient. Cromwell en eut sans doute


quelque avis ; de là son retard à recevoir le Parlement,


l ine reçut pas même ce soir-là les commissaires, quoi-


qu'il les eût expressément convoqués ; ils l 'attendaient


depuis plus de deux heures lorsque, pour aller voir un


cheval barbe qu'on venait d'amener dans son jardin , il


traversa la salle où ils étaient réunis ; il s'excusa, « un


i peu légèrement , » dit Ludlovv, rie les avoir fait


attendre si longtemps, et les pria de revenir le lende-


main matin. Ils revinrent en effet, et soit pendant qu'ils


étaient auprès du Protecteur, soit au moment oit ils


rouiraient dans le Parlement pour rendre comple de


leur enlrelien, des olliciers arrivèrent à la porte de la


Chambre, demandant à être admis pour présenter une


pétition, llecus à la barre, l'un d'entre eux, le colonel




329. P E T I T I O N D E S O E F I C T E K S C O N T R E


Mason, présenta en elfel la pétition qu'avait rédigée te
(loeteur Ovven et que venaient de signer deux coloneb,
sept lieutenants-colonels. Luit majors et seize capitaines.
Les officiers se retirèrent; leur pétition fut lue : « Ils
« avaient,» disaient-ils, « risqué leur vie contre la mo-
« narchie, et ils étaient encore prêts à le faire pour
« la défense des libertés de ta nation; niais, s'apercevant
« que certaines gens faisaient de grands efforts pour
« remettre leur pays sous l'ancienne servitude en pres-
« saut leur général de prendre le titre de roi, et cela
« pour le perdre lui-même et pour que la force ne fût
« plus aux mains des fidèles serviteurs de Dieu et du
« public, ils suppliaient la Chambre de ne prêter aucun
« appui à de telles gens ni à de tels desseins, et de tenir
« ferme pour la bonne vieille cause, pour laquelle ils
« étaient, eux, toujours prêts à donner leur v ie 1 . »


La Chambre embarrassée hésitait cl. attendait; Crom-
vvcll, informé sur-le-champ, envoya chercher Fleel-
vvood, et se plaignit amèrement, qu'il eût souffert une
pareille pétition; il aurait dû et pu l'empêcher, car il
savait bien que lui, Croinwell, était résolu à ne pas
accepter la couronne contre le vœu de l'armée. 11
demanda donc à Flcetvvood de retourner aussi lot à la
Chambre pour empêcher que cette a 11 aire n'allai plus
loin, et aux commissaires d'inv iler de sa pari la Chambre


» JournaU of the Home of eommonn, l. V I I , p . 531;—I,u>l!o \v , Mé-
moire*, t . I I , p . 362-306 , d a n » mil Collection ; — « i o J w i u , IIi»i. of
theCommonweallli. t. I V , p . 305-367 .




Ï . A R O Y A 1 T K TW. fROVnVEt.I. ( 7 MAI 10:~). 3 2 3


3 so rendre ce jour-là même, à Whileliall, pour recevoir
.-a réponse définitive. Fleelwood obéit; les commissaires
et foule la Chambre obéirent; dès qu'ils furent réunis
dans la salle des Ifanquets, Cromwell entra :


«Je viens, monsieur l 'orateur,» dit-il, «répondre
« aux désirs que m'a témoignés la Chambre dans ce


papier qu'elle appelle sa Pétition. Je conviens que
•« celte affaire a causé à la Chambre beaucoup d'em-
« barras et lui a coûté beaucoup de temps. J'en suis
« ( rès-f'âcbé. A moi aussi, elle m'a suscité quelques em-
« barras et bien des pensées. Puisque j 'ai élé malheu-
« reusemenl. l'occasion d'une si grande perte de tempr
» j 'en perdrai peu aujourd'hui. »


« J'ai, du mieux (pie j'ai pu, tourné et retourné tout»
; l'all'aire dans mon esprit. C'est, je pense, un acte qui,
( dans son but, cherche à établir le gouvernement de la
< nation sur un bon pied, en ce qui touche les libellés
« et les droits civils qui sont les droits de la nation.
< On x a aussi très-bien pourvu à la sécurité des lion-
•< nètes gens dans la jouissance de celte grande liberté
•< naturelle et religieuse qui est la liberté de conscience,
u Ce sont là les bases essentielles; et comme je l'ai déjà
'( fait et je le ferai, tant que Dieu me laissera vivre en
n ce monde, je dois rendre ce témoignage que les inlen-
« tiens et les dispositions sont honorables et honnêtes,
« et une œuvre digne d'un Parlement. »


« J'ai eu seulement le malheur, soif dans mes confé-
« renées avec vos commissaires, soit dans mes propres
« méditations, de n'être pas aussi ' inva incu que vous




321 ( T i O W K T j . P K I ' r S Ï '


« île la nécessité de relie chose sur laquelle vous avez si
« souveril insislé, le lilre de Uni. J'affirme, en luul
« lionncur et respect, que, lonles choses égales, aucun
« jugement particulier ne peut entrer en balance, avec
« le jugement du Parlement. .Mais, en ce qui louche
« les personnes elles-mêmes, tout homme appelé à
« rendre compte à Dieu de ses actions doit pouvoir,
« dans une certaine mesure, justifier sa propre conduile
« et trouver dans sa propre conscience l'approbation de
« ce qu'il fait. Au moment où vous accordez tant d'au-
« très libertés, vous ne me refuserez pas celle-ci, qui est
« non-seulement une l iber té , mais un devoir.... J'ai
« vraiment pensé et je pense encore que si, dans cette
» circonstance, je faisais quelque chose pour répondre
:< à votre désir, je le ferais au moins avec doute. Ce qui
« est fait avec doute n'est pas un acte de foi, et ce qui
« n'est pas un acte de foi est un péché pour celui qui le
'( fait.... »


« Décidé par cette considération, je crois qu'il est do
« mon devoir.... Je voudrais seulement l'avoir fait
« pfus lot, par égard pour la Chambre envers qui j'ai
•< contraclé des obligations infinies; je voudrais, dis-je,
« l'avoir fait [dus lot, pour vous épargner du temps
« perdu et de l 'ennui, et aussi par égard pour vos com-
f1 missaires, à qui j 'ai été, je dois le reconnaître, bien
« déraisonnablement importun... . Mais enfin et. sin-
« cèrement, quoique je croie que votre acte de gouver-
« ne ment se compose de dispositions excellentes, loutes
« excellentes excepté une seule, le titre qui me concerne,




i .0 T I T K E OE TtOf (8 MAT N557). 32?


m a réponse osl que je no serais pns un lionnèle


• homme si je no vous disais pas ([no jo no puis accepter


« le gouvernement, dont je connais un peu mieux que


» tout autre les difficultés et le poids, que je ne puis,


v dis-je, entreprendre ce gouvernement avec le litre de


>< Uoi. C'est là ma réponse à cette grande affaire 1 . »


La Chambre se retira silencieusement et remit au


Ci mai toute délibération. Six semaines encore se pas-


sèrent en débats languissants, insipides pour ceux-là


même qui s'y livraient. On rétablit dans la Pétition le


titre de Protecteur à la place do celui de Roi2; et, à cette


occasion, le major général Jcphson proposa qu'on retran-


chât de l'alphabet les quatre lettres qui formaient ce mot


kiiuj, si déplaisant, dit-il, pour quelques personnes*. On


demanda que certaines conditions fussent attachées à la


nomination des membres de l'autre Chambre; il y avait


là aussi, pour le vieux parti républicain, un vif déplaisir;


il redoutait que beaucoup d'anciens lords ne fussent ap-


pelés dans celle Chambre nouvelle, et il voulait que, pour


les en écaiier ou pour les humilier en les admettant, on


leur imposât l'obligation d'approuver la mort du feu


roi. l'expulsion de sa famille et l'abolition de la Chambre


des Lords''. On discuta la queslion de savoir si le Protee-


ioral, ainsi modifié dans sa constitution, serait un gou-


' C a r b / ' . e , CfomieeU')i Lctteri and Spec-hes, t . I I , p . 5 8 0 - 5 8 8 ; —
I i ; ue , \ , Mémoire*, L I L p . 307 , Oan.s rua Cotleelhm.


ï L e -ii mai 1057; H u r l o n , Dianj, 1. If, p . 110.
-i L e "27 tua i ; J l n r l u n , Diuxj, L U , p . 110. ' L e ;'l j l l i l i ; l i e r t e N I>,urij, t. I I , p . -iOS-OuO.




320 C U O M W E I X A C C E P T E l.A X O V V E l . I T.


veruemenl nouveau, cl si le Protecteur ci les membres
des deux Chambres auraient, un nouveau serment, à
prêter 1 . On apportait dansées débals plus d'entêtement
que de chaleur; la Chambre était, pressée de s'en aller :
« Je propose,» dit Lenthall, «que toute affaire privée
'•• soif mise de côté; la saison devient chaude; j'espère
« (pie nous ne siégerons pas ici tout l'été; je voudrais
« que nous traitassions uniquement des affaires publi-
« ques et des questions de subsides. » —« J'appuie cette
« motion, » dit sir Thomas Wroth ; «vidons les affaires
<• publiques; ce sera probablement tout ce qu'aura le
« peuple pour son argent, et il les payera bien 2 . «Quand
ces diverses questions furent résolues, le 25 mai Ki.'iT.
la Chambre se réunit pour présenter de nouveau au
Protecteur l'humble Pétition et «tvs ainsi modifiée;
l'huissier vint annoncer que « Son Altesse était dans la
« Chambre des Lords, où elle attendait la Chambre. »
t 'n silence plein de surprise accueillit ces paroles; mais
l'huissier ne les avait, dit-il, prononcées que par mé-
garde; c'était dans la Chambre Peinte que leProlecleui
invitait les membres à se rendre 3 . Ils s'y rendirent
« Je n'ai qu'un ou deux mots à vous dire. » leur dé
Croinvvell, « u n seul mot ; j 'ai bien pensé, en venant ici
« aujourd'hui, que je n ' j venais pas connue à un


i L e s 23 e t 23 j u i n ; T î u r t o n , 7)«?r>/. t. I I , p . ?,So, 9 H 1 , 2(15 , _
Jottrnuhoflhe / / . . « . « • o / V < , . « i , . . , » v . >. V I I , ] . . ,"0(0374.


* l R 2 l i m a i ; R u r t o u , fli'.irj, i. I l , p. 12 1 12.").
1 l . p 23 m a i ; T i u r l u n , Dinrij, '.. I l , p . 123 .




« • O X S T J T t r r T O X Г ) Т : P R O T E C T O R A T (OS mai K m " 3 2 7
« triomphe, mais pour me charger «l'un dos plus lourds
« fardeaux qui puissent cire mis sur les épaules d'une
« créature humaine;» et il insista алее une fermeté
triste sur celle idée, se déclarant incapable de s u f f i r e
à sa tache sans le secours de Dieu, et aussi de ce. Parle­
ment qui s'était montré plein de bon vouloir, mais à qui
ii restait encore, « pour le bien de ces nations et pour
« c e gouvernement, » bien des choses à faire : « Vous
« les ferez, j 'espère, » dit­il, « à votre heure, et aussi
« promptement que vous le pourrez 1 . » Puis, il donna
son adhésion formelle à la nouvelle constitution du Pro­
tectorat et retourna à Wlntehall.


Pendant que, sous un air de pieuse indifférence pour
(e mécompte qu'il venait de subir, il laissait ainsi percer
son espérance obstinée, on jetait dans les rues, cl peut­
être sur son passage, un pamphlet intitulé : Tuer n'eut
pas assassiner, et qui débutait par une dédicace « A Son
« Altesse Olivier Cromwell,» en ces termes:«C'est mou
« intention tle procurer à Votre Altesse une justice que
« personne ne lui rend encore, et de faire voir au peu­
« pie que, plus il tarde à vous la rendre, plus il fait, tort
« à lui­même et avons. A Votre Altesse, appartient l'hon­
te neur de mourir pour le peuple, et ce sera certaine­
« ment pour vous, au dernier moment de votre vie,
« une inexprimable consolalion de voir quel bien vous


i .tournois <•/' Ihe Лоте of ranimons, t. V T , ] i . ГДО. Г я г I I I IB s i n ­
. • jh . ' ï - ' ' 10 О IS ,¡,,0 , OO. 3 i - . i ' n i l Г:, О О I Г i H I V C ¡00- J7I h:-'. 1,1. 0< i l ] i ' 0 h (11)


• 11'•. L,itm •/ Di'Cniirs tir I'', ,onи i IL p u b l i é e p a r M. C ' a v h l c , o ù .i;
(ièvj­HU f i n ; p l a c é , t. I l , ¡1. 330.




3 9 « ÎMUUJCATTOX ni* TVvMTilï.EÎ


« ferez au monde en le quillanl. Alors seulemenl,
« milord, les litres que.vous usurpez maintenant seront
« vraiment a v o n s ; alors vous serez le libérateur de
« votre pairie, car vous la délivrerez d'une servitude
« presque égale à celle dont Moïse affranchit la sienne.
« Alors vous serez ce réformateur que NOUS voudriez
« maintenant paraître, car alors la religion sera réla-
« hlie, la liberté recouvrée, et les Parlements posséde-
« ront les privilèges pour lesquels ils ont combattu....
« Nous espérons tout cela de l'heureuse mort de Votre
« Altesse.... C'est pour hâter ce bien immense que j ' é -
« cris ce papier; et s'il a les effets que j ' en espère, Votre
x Altesse sera bientôt hors de l'atteinte de la malice des
a hommes, et vos ennemis ne pourront plus porter
« qu'à votre mémoire des coups que vous no sentirez
« pas. » Répandu avec profusion et lu avec avidité, ce
pamphlet inquiéta vivement les amir du Protecteur :
« C'est l'écrit le plus dangereux qui ait été publié de
« notre temps, écrivait Morland à Pell 1 ; le Diable lui-
« même n'aurait pu faire pis. » L'infatigable artisan de
tous ces projets d'insurrection ou d'attentat, Sexby e n
était, à ce qu'il paraît, l 'auteur; mais il avait trop
compté sur sa haine pour susciter des assassins cl sur
son adresse pour échapper à la police de Cromwell ; il
fut découvert à Londres, arrêté et mis à la Tour-, où il
mourut au bout de quelques mois ' , déclarant laulôl


"' L e 1 e r j u i n 1657 .


« En j u i l l e t 1(557.
1 Lu j a n v i e r 1058.




TI E l ; VI 'N ' I ' l'A> ASSVSSIN'KU 329


avec orgueil , tantôt, avec trouble, que c'était lui qui


a\ait ourdi le complot <ic Sindercoinbe et écrit le pam-


phlet qui taisait tant de hruil '.


Au milieu de cette tormenlaiion ennemie,, le 2(1 juin


iC'.'i", une estrade lut élevée dans Westminster-Hall.


Le fauteuil royal d'Ecosse, apporté de l'abbaye de West-


minster, y était placé sous un dais. Au-devant et plus


bas était une table couverte d'un tapis de velours do


Cènes rose, garni de franges d'or. Sur celle table


elaicnl la Bible, l'épée cl le sceptre de la République.


Devant, la table, sur un fauteuil, était assis sir Thomas


Widd ring ton, orateur du Parlenienl. A quelque distance,


des sièges avaient été dressés eu amphithéâtre, desiines


a u x membres du Parlement. Au-dessous, des places


étaient réservées pour les aldermen de la Cité et pour le


rode des spectateurs.


Vers deux heures, précédé et suivi d'un cortège nom-


breux et magnifique, Cromxvell entra dans la salle.


Après lui et son col lège, venaient les membres du P a r -


lement. Au milieu de bruyuiil.es acclamations, Croin-


i THE HMLRIM ILHCVLKNIJ, I. I V , p . 2S'J--M)ê> : — T h u C o e , SLNLE-


J"..Q I. V I , P . ISO, .",00 ;— IJ:; i -Cli , DIERIJ, T. I l , P . 012-01 1 : — ( '• OU


v. i j . , / / t > ' , VFLHV VVIUMNMREOTTH. t . I V , P . 000 . On a x o u v c m n t l n -


!,!!•' " 0 p a m p h l e t a u i . -o loucl Nthis T i t u s p r e s b y t é r i e n roya! I - , io ,


q u i , a j . r i 'S l a r e s t a u r a t i o n , ou r é c l a m a o n c i i c l l ' hcmuc-n r , c l Ont


, roi.I.i '/O.'uicu'. ii c u l t e a s s e r t i o n MI c h a r g e d e g e n t i l h o m m e d e l a


c h a m b r e d e C h a r l e s I I . M a i s l ' e x a m e n a t t e n t i f d e s c i r c o n s t a n c e , - ,


e t . e s u ' e n o i g n a g e s d o n n e , à m o n a v i » , i i e u t ic c r o i r e b i e n PLUTÔT,


,!•.•',• t i o d w n . ; , q u e ISCYB'J Ou. i l r é e l l e m e n t 1 a u t e u r d o KIILIIU/ UN




;-|J0 I X A r G I ' l î \ r i O " N 1)11 NOt'VKAI!


well s'assit dans le fauteuil royal d'Ecosse. A sa gauche,
étaient le lord maire de la Cité et l'ambassadeur de Hol-
lande; à sa droite, l'ambassadeur de Eranci; et lîoberl.
coude de Warwiek, qui, dans la marche, portail devant
lui l'épée. L'orateur, au nom du Parlement, présenta a
Cromwell une magnifique robe de velours pourpre bor-
dée d'hermine, une Bible richement reliée, avec de-
lernioirs d'or, une épée à riche poignée et un sceptre
d'or massif, il lit un discours sur ces quatre emblèmes,
prit la bible, et ouvrit devant Cromwell la formufe d u
soi nient qu'avait arrêtée le Parlement : « En présence
« et au nom du Dieu tout-puissant, je promets cl jure
« que, de tout mon pouvoir cl de tout mon enlendc-
c< ment, je soutiendrai et maintiendrai la vraie religion
u chrétienne proleslanle réformée, dans sa pureté,
o comme elle est contenue dans tes saintes Écritures de
« l'ancien et du nouveau Testament, et que j 'en oncou-
« ragerai la profession et les fidèles; et aussi que, de.
« tout mon pouvoir, je m'efforcerai, comme magistrat
« suprême de ces trois nations, de maintenir la paix et
u la sécurité, et les justes droits et privilèges du peuple,
« et qu'en toutes choses, je gouvernerai le peuple d e
« ces nations conformément à la loi. »


Cromwell 'prêta ce serinent. Le docteur Manton fit une
prière. Le héraut d'armes, au son des trompettes, pro-
clama Sou Altesse Olivier Cromwell Protecteur d'Angle-
terre, d'Ecosse et d'Irlande et de tous les domaines cl
lerritoires qui en dépendent, A quoi le peuple répondit
par ses acclamations ; « Dieu sauve le lord Protecteur!




P U D T I l O T i U i \ I. r'I! ,ir j - , !c.r.7•. ; « i
c Vivo longtemps Son Allesso! H uzza! « Croni woll se


leva, saiua. l'assemblée, descendit do l'estrade, et suivi


de tout sou collège, retourna en pompe à vVhilehali.


Les membres du Parlement rentrèrent dans leur salle,


cl s'ajournèrent au 20 janvier su ivant ' .


Unsi l'ut inauguré, pour la seconde l'ois, le Prolcc lo-


i.il de Ci omwell , lei ipie t'établissait la nouvello consti-


tution, réglée de concert par Croniw cil et le Parlement.


Les deux. Chambres étaient rétablies. Le gouvernement


elail concentré aux mains du Protecteur. 11 avait le


droit de nommer son successeur. Ce n'étail plus la


tiepubh'que. 11 y manquait le droit héréditaire cl le litre


de tioi, c'est-à-dire ta Monarchie.


Croniv\cil t'avait formellement refusée. En appa-


rence, son honneur était saut. 11 ne souffrait pas non


plus dans son pouvoir. Délaissée après avoir été poussée,


la Chambre ne voulut ou n'osa montrer aucun ressen-


iuiienl. Tout ébranlement, dans l 'armée cessa ; contents


cl non enivrés de leur succès, les officiers opposants se


i allièrent autour du Protecteur ; il restait puissant et


redoulé. Pourtant, il avait reçu une profonde atteinte.


Ses ennemis le lavaient d 'irrésolution cl de pusillani-


mité : « Les majors généraux et les ofliciers de l 'armée,


... écrivait l'un d'eux à Hyde ! , sérient de ses espérances


i Pnrham. Ui.>l.. t. X \ l , ;.. i l s . I 5 M 3 9 ; — S w n o b oflhclloim
, m m-ji<!,, i. VII, p. f>77-.'i7.s, - l i u r i u n , IHnry, t. I I . p . 511-515 ;—


\ \ . M l c l o e l w , p. mi Olii : - Crono, eUianu, p . 155-107.


- VI, lîn.iilrri'jL 5 a r p e 11 \-. 11 :, 7 mai 1057: C'Jaroudon, State
/ '•./.RRS, t. 111, p, 5 3 9 ; Ulti, of Ine Rébellion, 1, xv, c. 51-




« et le méprisent pour ses craintes ; dans l'opinion des


« spectaleurs imparliauv, leur à lour il joue (il manque


» ibllenienl sa l'oiiime. » Ses plus inlinies amis turent


surpris (il attristés en le voyant hésiter et reculer à ce


point : « Tout homme sage dans le publ ie , écrivail


« ThuiToeà Henri Cromwell s'étonne de tant de dé-


« la is ; si ce Parlement ne nous établit pas définitive


« ment, il n'y a point d'espoir qu'aucun Parlement le


« lasse jamais ; il n'en viendra jamais aucun qui y cou


« sacre autant de temps, ni qui lasse la moitié de ce


« qu'a l'ait celui-ci. » Ev idemment , dans la pensée de


ses contemporains, Cromwell l'ut diminué par sa con-


duite dans cette circonstance; il avait tenté plus qu'il


n'avait p u ; il avait désiré et renoncé. Quand on est


placé si haut et sur une pente si glissante, il faut ou


monter toujours, ou rester immobi le ; si l'on s'arrête en


essayant de monter encore, on descend.


Mais Cromwell savait subir sans bruit les échecs qu'il


était bien résolu de ne pas accepter; et toujours confiant


dans les retours de la fortune, if ne songeait plus, dès


qu'il en avait besoin, qu'à les préparer et à tes attendre.


11 commença son nouveau travail par un acte de ven-


geance qui semblait hardi et qui fut facile; parmi le.-.,


adversaires qui s'étaient opposés à sa royauté, Lambert


avait été l 'un des plus ardents et des plus efficaces ; hos-


tilité qui eût été singulière après les services que Lam-


bert avait reçus de Cromwell et ceu\ qu'il lui avait ren-


' L e 29 a v r i l 1057; T u u r l o o , StuM'ayer*. i. V I , i . -'Ot.




I, V M B l ï U T - .331


du?-, si la présomption et la vanité, n'expliquaient toutes
les inconséquences. Lambert axait poussé à la fortune
•de Cromwell tant qu'il avait cru qu'elle serait viagère,
et que, lui aussi, il pourrait un jour devenir Lord Pro-
tecteur. C'est l'un des plus pernicieux effets de la fortune
révolutionnaire d'un grand homme qu'elle fait, de tous
les sots ambitieux, autant de prétendants aux mêmes
grandeurs. Lambert ne put supporter l 'idée que le pou-
voir de Cromwell devînt héréditaire, et fui enlevât ce
qu'il regardait comme son avenir. Soit volontairement
et par humeur, soit qu'il n'y eût pas été invité, if n 'as-
sista point, au banquet que Cromwell donna au Parle-
ment et aux officiers après la proclamation du nouveau
Protectorat; et quand le jour vint, de prêter serment de
Mdélitéau Protecteur, Lambert fut encore absent. Crom-
well le fit venir : « Je ne pense pas, lui dit-il, que votre
'.' refus provienne de la nouvelle conslilulion de l'auto-
• cité; vous pouvez vous rappeler que c'est vous qui
" m'avez, le premier, pressé d'accepter te titre de Roi;
•• si vous èles mécontent de l 'état actuel des affaires, je
v vous redemanderai voire commission. »—« Si j'avais
« prévu que vous me la redemanderiez, répondit Lani-
>• borlje Laurais apportée; vous pouvez l'envoyer eher-
•-• ehe r quand il vous plaira. » Deux jours après. Crom-
well lui relira en elfe! tous ses emplois; mais soigneux
de l'abaisser en le disgraciant, cl pour conserver encore
sur lui quelque prise, il lui laissa un Irailenient de deux
mille livres sterling, et Lambert, qui l'accepta, alla
1 ivic oublie dans sa maison de campagne de Wiinble-


l'.i.




334 M O N T


(low, cultivant ses fleurs el épianl l'occasion de se venger
à son tour 1 .


Pendant qu'il écartait ainsi un ennemi incommode,
la mort délivra Cromvvell d'un témoin sévère. Dans les
premiers jours d'août I6'>7, l'amiral Blake rentrait en
Angleterre sur son vaisseau le Saint-George, après
avoir, le 20 avril précédent, remporté sur les Espagnols,
dans la baie dcTénériiîe, la plus périlleuse et la plus
éclatante de ses victoires. Arrivé en vue de Plyinouth,
Blake épuisé par les blessures, la maladie, et par son
dévouement aux. rudes devoirs d'une campagne d'hiver,
à la lèle d'une Hotte délabrée, rendit l'âme au moment
où l'aspect des côtes do la terre natale réjouissait ses
derniers regards, et les mêmes signaux qui annonçaient
son retour annoncèrent qu'il avait cessé de vivre. Ce
l'ut, pour l'Angleterre, une douleur publique; Cromvvell
s'empressa d'honorer avec éclat les restes du héros
républicain qui avait usé sa vie à illustrer son pays ou
servant un pouvoir qu'il n'aimait pas. Transporté par la
Tamise à Greenvvich, au milieu du deuil de tous les
navires qui couvraient le lleuve, le corps resta quelques,
jours solennellement exposé sur cette même place eut
s'élève aujourd'hui l'hôtel des Invalides de la marine
anglaise; et le A septembre, les obsèques de Blake furenf


i L u d l o w , Mémoires, i. I I , p . J7U-37I . Oans m a Colierloon :--_Mis-


t r i » ? nu t<* ln )Won , 3Iim-in.t, i . H , p . ï'Ui : ,bid.;~r.ifi ofC'romo .-•'<',


p . 3 . " i 8 ; — M a r k N o b l e , Mémoire, of l'r„,0 t„r„> r ; „ „ , , , j _
p . 3 W J ; — C u t r u a i u o n , i l i s i . of /M, Rr'oHi,,,, i. ^ , , . ;:i -J<J ;
. . - G ' J > l w i : i , UUl. of Ih.e Çommomxe'vJh . i V\ , y. J J,..- Lis




P K m . A K E ' . v o i - i in:.7). .m
célébrées dans l'abbaye do Westminster, avec Ions los
honneurs i |uo la pompe officielle et la sympathie popu-
laire peuvent répandre sur un tombeau ' .


Le nouveau Protectorat n'était, pour Cromvvell, qu'un
pas de plus vers le but auquel il aspirait; mais c'était
un pas considérable ; il se voyait ou tin en présence d'un
Parlement bien disposé pour lui,, et monarchique dans
sa constitution comme dans ses sentiments. 11 avait à
former celle mitre Chambre qu'on venait de rétablir en
principe, et à préparer la seconde session du Parlement
ainsi complété. C'était, pour lui, une occasion naturelle
de rallier à son gouvernement des hommes considé-
rables et de donner d'avance, à sa royauté future, de
vrais loyalistes pour appuis. 11 chercha partout, dans sa
propre maison comme dans le pays, des moyens d'ac-
complir ce dessein. De ses quatre filles, deux restaient a
marier, Marie et Françoise, tordes deux jeunes et laites
pour plaire : Marie, spirituelle avec bon sens, active,
Hère, remuante, dominante, passionnément préoccupée
désintérêts de sa famille et des vues de son père avec qui
ses traits offraient,dit-on, quelque ressemblance; Fran-
çoise, .belle, vive, gaie, séduisante et disposée à de len-
dres entraînements. Lu jeune homme d'un rang élevé,
Thomas Uollasis, vicomte Faulconbridge, revenait, vers
cette époque, de ses voyages sur le continent, et avait


i ;<„/„.,•/ lihdr, |.. ;)KI W b i i e l o c k c , |>. 00 1-065 ;— C l a r e n -
«ivn, Ihsi. vj thelUUU., I. w , c. 5 e - U o j w i n , IHd. of thtCom-
mcm.'/euO'/, i. I V . |>. U S - J U l .




33i1 M A R I A G E D E E E E X F I L E E S


témoigné, en passant à Paris, des sentiments Irès-favo-
raliles au Protecteur : « C'est un homme de talents
« rares, écrivait Lockbart à T h u r l o e 1 , et doué de qua-
« Jilés qui Je rendent propre au service de Son Altesse
« et du pays; il s'est montré fort troublé du bruit ré-
« pandii pa r l 'ennemi (le parti royaliste) qu'il était
a catholique, et il s'est vivement défendu de toute incli-
« nation semblable. Il pense que le nouvel élablisse-
« ment de gouvernement conviendra à toute la no~
* blesse du pays, à l'exception d'un petit nombre de
:* personnes que pourront retenir des intérêts ou des
« liens de parente. » Cromwell accueillit avec empresse-
ment ces ouvertures, et Je 18 novembre 10.'»7. sa fille Ma-
rie épousa lord Faulcoubridge. Françoise, la plus jeune,
avait paru un moment réservée à de bien plus hautes
destinées; lord Broghill s'était attaché à l'idée de la faire
épouser à Charles II et d'accomplir , à ce prix , la
restauration; on dit même que Charles s'y élait laissé
croire assez enclin, et que lad y ilysarl , amie, trop
intime peut-êt re , du Protecteur, en avait entretenu
la Protectrice qui avait tenté , mais sans succès, d'y
amener son mari : «Vous êtes folle, avait répondu
« Cromwell à sa femme ; Charles Sluarl ne peut jamais
« me pardonner la mort de son père, et s'il le faisait, il
« serait indigne de la couronne. » A défaut du mi d'An-
gleterre, il fut question, pour lady Françoise, d'un
prince français, le duc d'Fiighien, fils aîné du prince de


* L e i l m a r s 1007.




\W CROMVv'raî. -wvi tv jnœ 1057). 3 3 7


Conclé, et une souveraineté, conquise dans tes Pays-Ras
espagnols, devait èlre le prix de celle alliance. Mais cette
idée aussi n'eut aucune suite, et Cromwell projetait de
marier sa fille à un riclic gentilhomme du comté de Glo-
vester lorsqu'il eut lieu de soupçonner, d'après des rap-
ports domestiques, qu'un de ses propres chapelains,
.lérérnie White, aimable, gai et encore jeune, faisait se-
crètement la cour à Put y Françoise, et n'était peut-être
pas loin de réussir. Entrant brusquement un jour dans
l'appartement de sa tille, le Protecteur surprit White à
ses genoux et. lui baisant la m a i n : «Que veut dire ceci?»
•icmanda-l-il;—« Une Vol re Altesse daigne m'entendis,»
répondit Whilo sans se troubler, et montrant une des
lemnies de lady Françoise qui se trouvait dans la cham-
bre : «.le fais depuis longtemps ma cour à cette per-
•> sonne, et je ne réussis pas ; je suppliais milady d'in-
« lercéder pour moi. » — « Comment donc, dit Crom-
•( vu 11 a la jeune femme, .lérémie est. de mes amis, et
« j'espère que vous le traiterez comme te l ; »—«Si ' i M. White veut me faire cet honneur, répondit-elle en
a s'inclinant respectueusement, je ne m'y refuserai i ' point; » — «C'estbien, reprit le l'roleeleur,faites venir
« Cnodwin, et que celle affaire se fasse tout de suilc,
» avant que je sorte de la chambre. » Le chapelain
( I n o d w i n arr iva; While ne recula poiul; il fui sur-le-
champ marié à la jeune femme (pie Cronivvoll dola con-
venablement; et peu de temps après, le 11 novembre
¡ ( ¡ . ' » 7 , lady Françoise épousa Iloberl Hich, petit-fils du
comte de W arvvick, et qui devait èlre un jour, à ce titre,




:•№ <T<OM'V\'ET,7, KO RM F FA N O F Y F r j . F


l'un (les plus grands seigneurs de l 'Angleterre. Quoique
lord Wanwek fût son ami particulier, le Proleeteur
apporta d'abord, pour des arrangements de fortune,
linéiques délais à ce m a r i a g e ; mais l 'empressement de
lady Françoise elle-même l 'obligea bientôt à les lever :
« ,1e vous dirai entre nous, » écrivait sa sœur Marie a
leur frère commun Henri Cromvvell ! « qu'ils sont déjà
« si engagés l 'un à l 'autre que le mariage ne saurait, a
« aucun prix, être rompu. » Le Protecteur en était, a
coup sûr , très-satisfait, car il le fit célébrer avec grande
pompe, et se l ivra lu i -même, dans les têtes intérieures
de vYbileliall, à des accès de gaieté qui ïémoignaientde
sa joie [dus que de son bon goût" .


Ses tilles ainsi établies dans la liante aristocratie,
il chercha là aussi des forces et des ornements poui
la seconde Chambre qu'il avait à former ; c'était in-
stinct des grandes conditions du gouvernement plutôt
(pie vanité ; il voulait assurer à son pouvoir l'adhé-
sion des noms consacrés par le temps cl dans l'histoire
du pays. Parmi les membres de l 'ancienne Chambre des


i C e l t e J e t i r c , d ' a p r è s l e s State-Ptijvns d e T h u r l o c >. V , p­ l i e ,
e s t dae.Oj d u 2 3 j u i n 1353 ; j e s u i s p o r t é à c r o i r e i | u 3 1 y a l a u n e
e r r e u r , >ci ­ j i i i j la. Ja i .o r iol t ê t r e le 23 j u i n 1057; il m e p a r a i t d e e ­
e d e q iCen d e t e l l e s c i r c o n s t a n c e * , l e m a r i a g e se fût t a i t a t t e n d r e
d u 23 j u i n 1050 a u 11 n o v e m b r e 1057 .


3 T h u r l o e , SMe.Pni>-r.% t. V, p . 110 ; î. V I , [>. 101, 125, 1 5 1 , 573 ,
0 2 0 ; — A t a r i ; N o b l e , Mémoire of the Proltvh.rnl Home, O 1, p . 125­
155 , 5 1 1 ­ 5 1 9 ; t. I I , p . 3H,s­(i)2 ; ­ . f W t i ­ W / « V ! . > « , p . ÎO'I ;__ F , , r , P u ,
Sl«te*men of the CommonweaUK t. I V , )>. i s l ­ l s i i , i. V, p . 305­300 ,
— ( j o t h v i n , llut. of the CommoiaceoJlh. t. I V , p . 121­122,




011AM M K F H F H r.OBnR ;10 n r . B W E R E Ifiiï7}. , 1 3 9


Lards, sept, consentirent à recevoir, pour la nouvelle, ses


lellrcs de, convocation. Il y appela en outre neuf grands


fonctionnaires civils, quinze officiers généraux, parmi


lesquels cfiicJqucs-uns des plus humbles soldais de for-


lune de la guci're civile, des gentilshommes de campa-


gne el des bourgeois importants dans leur comté ou dans


leur ville, ei les plus notables des acteurs qui avaient


ligure dans les derniers parlements de la Révolution; en


tout soixante-trois personnes, sans compter huit grands


juges des cours de justice appelés à siéger comme a s -


s i s t a i s . Le Protecteur eut grand'peinc à former cette


liste: il rencontrait tantôt beaucoup d'hésitation, tantôt


un empressement incommode : « L a difficulté; est cx-


« Irenie. » écrivait Thurloe à Henri Croimvel l 1 , «entre


« ceux qui conviendraient fort mais ne veulent pas, et


c ceux qui désirent vivement mais neconvieuneut pas. »


L'un des chefs les plus ardents de l'opposition, sir Arthur


llaslerig, était désigné, niais on doutait de son accep-


tation : « Qu'il ne manque pas de v e n i r , » lui lit dire


Lenlhall , désigné auss i ; «assurez-le de ma part que


i; fous ceux qui entreront dans cette Chambre seront à


« jamais pairs d 'Angleterre , eux et leurs héritiers. »


I J i l iu . Je 10 décembre 1037 , au dernier terme permis


par i 'acleconstitutionnel du Protectorat, la liste fut pu-


bliée; les lettres de convocation, qui ne conféraient et


n'excluaient point l'hérédité du siège, furent adressées


aux membres nommés ; el , le 20 janvier 1058, les deux




o 10 (.ROMYVT.I.T. O l ' V R L LA S E C O N D E S E S S I O N


Chambres du Parlement se réunirent, l 'unedans la salle


ordinaire de la Chambre des Communes, l 'aulre dans


la salle de rancienne Chambre des b o r d s 1 .


La session s'ouvrit avec des formes significatives;


l'huissier à la verge noire vint avertir les Communes


que Son Altesse le lord Protecteur était dans la Chambre


des Lords et les y attendait. Elles s'y rendirent et Croni-


wel l prit ta parole en ces termes : « Milords et Wes-


« sieurs de la Chambre des Communes,» comme l'eût


l'ait le roi sous l'ancienne monarchie. Son discours fut


bref et peu remarquable ; il se borna à insister sur le


bon état du pays qui devait être satisfait, car il jouissait


enfin des libertés religieuses et civiles pour lesquelles,


pendant dix ans, il avait combatíu : « J e ne vous par-


ti lerai pas longtemps, j e suis atteint de quelque souf-


« trance; »i l répéta cela deux fois, et donna la parole a


Nalhaniel Pionnes, premier lord commissaire du grand


sceau, qui débuta en disant : « C'est une marque si-


« gnalée de, la providence de Dieu que nous voyions,


« dans ce jour , en ce lion, un chef de t'Elal et deux


« Chambres du Parlement. Jacob disait à. son fils


« Joseph :—Je ne croyais plus voir ton \isage, et voici,


« Dieu m'a fait voir et foi, et la famille aussi,—c'est-à-


« dire les deux lils de Joseph. Lphraïm cl Ma nasse,


« Combien d'eulre nous pourraient dire : — Nous ne


« croj ious plus voir parmi nous un chef de l 'Etal, et


t Vm-Uiim. Hi'.sí., t . X X I , ¡i . 1 0 0 0 0 ! ! , — T h u r l u u , X ' I . I ' Í - Í ' ^ , . - , ,


t. V I . p . 017-018 , — L u d l u v v , Uànoix*, e I I . y. 07:1 0 , 1 , ,Uu« »..>
Ci)i.le-ji¡í>n.




m t P A R I . K M K V r K K C O N S - I r iTK ( W M N t IHR N Ï S * ! . .'141


r voici, Dieu nous l'ail voir un chef de l'Etat avec ses
« deu\ Chambres du Parlement... . Dieu veuille les
;c traiter comme il (il ICphiaïm et Manassé, el faire de
« ces deux Chambres du Parlement comme de Lia ci


de liachclqui fondèrent la maison d'Israël ! » Fienncs
disserta pendant plus d'une h e u r e , dans un coin-
menlaire diffus, subtil et lourd, quoiqu'un fond judi-
cieux et opportun, sur les mérites do la nouvelle con-
stitution monarchique et parlementaire du Protectoral,
sur les dangers qui la menaçaient, sur la conduite qu'il
fallait tenir, dans les Chambres et dans le pays, pour les
éviter; puis, s'adressant au Protecteur lui-même :
' Uuoi que vous soyez, mainlenanl ou que vous deviez


( èlre un jour, » lui dit-il, « quoi que vous ayez fait ou
•• que vous puissiez faire, quelques talents que vous
<. ayez, reçus ou que vous puissiez recevoir encore en
« don, tout cela ne vient pas de vous et n'est pas pour
v vous; tout cela vient de Dieu et est pour le service de
c Dieu et le bien des hommes, spécialement du peuple
« de Dieu parmi les hommes.. . . Marchons donc Ions
u la lace tournée et les yeux fixés vers ce but ; que
« chacun de nous s'acquitte fidèlement, et à sa place, de


son propre devoir; et accomplissons l'œuvre que
Dieu nous a assignée dans celte vie, afin que dans


« la vie à venir nous puissions entendre ces douces et
« bienheureuses paroles : «Venez, bons et fidèles servi-
n leurs ; entrez dans la joie de voire maî t re ' . »


4 l ' adyJc , Cromwdl'n Leikrs and . tycecJtcs , t . I I , }>• (J0S-G19




•Ai-2 l.A C H A M B R E DKS C'AMM t : \ K S SK l'Ila U'II. ,1.] ' .


ïiaUic c e langage solennellement salisfail, au fond le
Protecteur et son chancelier étaient tristes, et ils avaient
raison de 1 cire ; dans Ions les esprits, l'avenir était plus
que jamais obscur et incertain; évidemment Cronivveii
ne renonçait point à s e l'aire roi ; surmonterait­il les
obstacles devant lesquels il venait d'échouer? Sa saule
cbancelanle enhardissait ses ennemis et troublait ses
parlisaus; les plus dévoués hésitaient a s'engager plu?
avant dans s a fortune. Parmi les sept anciens lords qu ii
avail appelés à la nouvelle Chambre, u n seul, lord Eure,
vint y prendre s o n siège; les six autres n e parurent
point : «Je n o veux [ t a s , » dit le comte de Warvvick,
« in "asseoir à coté du cordonnier Ile w son. » Pour rem­
plir convenablement sa Chambre Ifaule, le Protecteur
avail enlevé à la Chambre des Communes quelques­uns
dc­s chefs tes plus habiles et les plus influents de son
parti. Et non­seu lement s e s adversaires y restaient ;
mais ceux­là même qu'il e n avail, violemment exclus, a
l'ouverture de c e Parlement, se présentaient pour y
rentrer; et lui­même il n'osait songer à les exclure de
nouveau, car ils oll'raienl île prêter le serinent qu'exi­
geait la nouvelle constitution ; et les amis du Protecteur,
empressés à saisir celle occasion de se laver de la honte
qu'ils av aient naguère acceptée, repoussaient hautement
toute idée d'une seconde exclusion, fiés le premier jour
de la session, six commissaires furent établis a la porte


Par!,mn. Hhl., t. X X I , p . lW-№;—Jvuniati eflhe Uvuit afcvin-
ninni. t. V I I , p . 578­5S7,




WF.C l.'i N O U V E L L E r i l A - M H K I i L E S - L O R D S . . ' ¡43


ilu Parlement pour recevoir le serinenl des membres


qui arrivaient, et presque tous ceux qui avaient été


exclus en septembre l(i->(i le prêtèrent sans balancer,


un abondait avec curiosité ce que ferait sir Arthur


llaslerig que le Protecteur avait nommé membre de


i 'autre Chambre ; il n'y parut point, se tint quelques


j o u r s caché, cl , le 2 o décembre, il se présenta inopiné-


ment a la Chambre des Communes, demandant; ! prêter


serment. Un hésitait à l 'admettre ; il appartenait à


l'autre Chambre, disait-on; sir Arthur insista péremp-


toirement : « J 'ai été élu par le peuple pour siéger ici ; je


v prêterai volontiers le serment ; je serai iidèle à la per-


*< sonne de milord Protecteur; je ne veux tuer per-


¡' sonne. » Il lut admis et prit sur- le -champ sa place a.


la lète de l 'opposition 1 .


Elle avait déjà engagé la lutte. Dès le surlendemain


de l 'ouverture de la session'', deux messagers vinrent de


la pari de la Chambre des Lords inviter la Chambre des


Communes à se joindre à eux clans une humble Adresse


a Son Altesse pour l'aire iixer un jour de prières publi-


ques dans tout le pays. Une vive rumeur s'éleva sou-


dain : « Vous n'avez point de message à recevoir d'eux,


« à tiltc de Lords, » s'écrièrent plusieurs m e m b r e s ;


.1 Jen-Mis " f ílif l in i i .v ' ,,f (-OMWOLI*. I. V U , p . 3 7 3 , — B u r i o n ,


lli-ir:,. 1 I L p . 3 1 Í Í ci s o i v . , 3 J ( ) - L I K H O W , .U<-'»>CIRES, l. I l , p . 3 7 1-


,'E.s. t e i n s UTA ('oli<'<don ;—Carlyie, Ciomœell't- Lcltt'i'6 and ,SJ?EA;c7,t.',..


t. I l , p . OUH-oll, OUI.


- L e ~:¿ j a n v i e r l ü j t í .




3-n i n s r o r n s ni-: c ru )M\vr . i . i ,


« ils no sont qu'un essaim sorli de chez vous; vous a\t*z
« décidé (ju'il y aurait une autre Chambre, mais non
u pas des Lords; on vous traite comme des enfants;
« fiaree que vous avez dit A, il faut que vous disiez R. »
Personne n'osa réclamer contre celle colèri!; pourtant
on voulut se donner le temps de réfléchir; on se con-
tenda de répondre que la Chambre enverrait une réponse
par ses propres messagers 1 .


Cromweli senlil sur-le-champ la portée du coup : les
Communes républicaines et seules souveraines se sou-
levaient contre le rétablissement des trois pouvoirs de
l'ancienne monarchie; la nouvelle conslitulion du Pro-
tectorat était attaquée dans ses retours vers le passé cl
dans ses tendances pour l'avenir. Le 2.*) janvier - M M N , le
Protecteur convoqua les deu\ Chambres à VYhilehall,
dans la salle des Banquets; et là, pendant plus d'une
heure, il les entretint des dangers extérieurs et intérieurs
dont l 'Angleterre était menacée. Au dehors, dans toute
l'Europe, le Proleslanlisme était violemment attaqué et
compromis; en Allemagne, en Italie, eu Suisse, la mai-
sou d'Autriche cl le Pape conservaient ou reprenaient
l'ascendant; le plus lidèle allié protestant de l'Angle-
terre', le roi de Suède, était battu en Pologne el en
guerre, avec son voisin, le roi de Danemark : « Nous
« dites peut-être que tout cela est bien loin el ne vous
« importe en rien. A la bonne heure. Moi, je vous dis


• Jovrnah of lite Home of eommons, t. V I I , p . 5 8 1 ; — U u r t u n ,
Duetti, t. I I , p. 33U-3-W.




A U X I i E l ' X C H A M B R E S f?5 TANVIFR 1(;53). 34.'.


•a que cola vous importe, que votre religion et la lionne
« cause en Europe y sont engagées. .le dis qu'il s'agit
« aussi de votre commerce et de voire sûreté. Vous vous
« êtes toujours tenus heureux d'être entourés d'un
« grand fossé qui vous sépare du monde. Vous ne polir-
ci rez pas maintenir voire fossé ni votre navigation, à
« moins que vous ne changiez vos vaisseaux en esca-
li (Irons et en bataillons, et que vous n'alliez vous dé-
ci fendre sur la terre ferme.... Vos alliés, les Hollan-
« dais, professent un principe que, grâce à Dieu, nous
« n'avons jamais connu; ils vendront des armes et
« loueront leurs vaisseaux à vos ennemis.. . . Àdressez-
« vous à la Bourse; vous apprendrez là qu'on a engagé
« des bâtiments pour transporter chez vous quatre mille
ce hommes de pied et mille chevaux, au service de ce
;< jeune homme, le fils du feu roi.. . . El au dedans, je
« vous le demande, quelle est votre situation'/....
« IN'êles-vous pas misérablement divisés en toutes sortes
ce de sectes, sectes religieuses et sectes civiles? Et que
« veulent toutes ces sectes? prendre le pouvoir, être
« les maîtresses du pays... . Depuis six ans enfin, après
u dix ans de guerre, nous avons la paix, la paix et
« l'Évangile. N'ayons qu'un cœur et qu'une âme pour
u maintenir cette paix et les justes droits de cette na-
ti lion.... Pour moi, j 'ai acquitté ma conscience; vous
u jugerez s'il n'y a pas danger.... Tant que je vivrai,
« je serai prêt à luller et à tomber avec vous dans celte
te cause.... Milords et Messieurs des deux Chambres du
n Parlement, car c'est ainsi que je dois vous appeler,




::ii, J.A CÍTAMTSIU; D E S f i n n t l ' N J - S P E K S I S Ï K


« vous on (jui repose, île concert avec moi. Je pouvoir
« législatif de ces nations, j 'ai prèle serment de gouvev-
« ncr selon les lois qui sont maintenant en vigueur:
« je tiendrai mon serment 1 . »


Ces vues si sensées et si fermes auraient dû produire
une impression profonde; mais elles étaient confusé-
ment et longuement exprimées; Cromwell d'ailleurs
avait déjà, et plus d'une fois, dit ces choses-là, ou à
peu près; bien que vraies, elles étaient usées, car il
s'en était trop servi. Surtout la confiance manquait dans
leur interprète ; ceux-là même qui trouvaient que Crom-
well avait raison doutaient de lui en l'écoulant et ne
voulaient pas se livrer à lui. Enfin if y avait, dans ses
paroles, un certain air de fatigue qui en énervait la
vertu. Elles ne furent point efficaces : en rentrant dans
leur salle après celle conférence, les Communes repri-
rent, avec un redoublement d'Apreté, le débat dont les
Lords étaient l'objet. La question ne demeura pas une
simple question de politique pratique et d'utilité dans le
présent ; elle devint en même temps historique et spé-
culative ; le, Long Parlement, l'ancienne Chambre des
Lords, l'Eglise épiseopale, la souveraineté nationale,
huile la révolution et la guerre civile rentrèrent en
scène : « 11 faut. dit .M. Scott '-, que nous mettions touks
« choses à découvert. Les Lords ne voulurent pas se


1 C a r h - l e , VniimrelVn Lrilvr* W Sp, <vhei. t . I I . p . O ï l - ' I I I —
Ji-vrnah of the Bvn*t vf r o m i n o i » , t. V i l , p . 5KÎ-5KÎI , — I t u r t o n ,
Dianj, t . 11, p . 3 5 1 - 3 7 1 .


2 Le ;!;') j a n v i e r 1G5S,




i ' iA.V'- SON" O P P O S I T I O N " ; j A X r i K R - n Ï R Î I K U;.'>8). :M.


» joindre a nous pour le procès du roi; nous nous
« \ imes obligés de prendre à noire compte tout le sang
« versé pondant dix ans. ou d'en reporter ailleurs la
« responsabilité. Nous appelâmes le roi d'Angleterre à
« notre barre et nous le jugeâmes. 11 fut condamné et
« exécuté pour son obstination et son crime. Qu'ainsi


périssent tous les ennemis de Dieu ! La Chambre des
« Lords s'ajourna alors et ne se réunit plus; un franc
« adieu fut dit à tous ces pairs; on espérait bien que
« le peuple d'Angleterre ne verrait plus au-dessus de
< lui un pouvoir qui eût droit de dire non à ses volon-
« tés. » Sir Arthur Haslerig ne fut pas moins violent
que Scott : « Heureux sont Pym, et Strode, et Hamp-
'• don, s'écria-t-il mes compagnons quand le feu roi
« nous poursuivait comme traîtres '. Ils sont morts!
« Pourtant je suis bien aise d'être encore vivant pour
•:< parler aujourd'hui. Ces Lords d'autrefois, si inutiles,
a si pernicieux, ils renoncèrent volontairement à la vie,
" el l'armée, notre armée de saints, leur accorda dos
« funérailles décentes. Irons-nous les déterrer au jour-
« d'hui, après tant d'années qu'ils ont [tassées dans le
« lombeau? Ne sera-ce. pas une honte sur toute la na-
« lion? Ya-l-il un homme dans cette Chambre qui n'ait
« prèle serment de ne pas te souffrir'? Pourquoi alors
a repoussons-nous d'ici les Cavaliers? » Ces emporle-
ments révolutionnaires et républicains provoquaient de
\ ives représailles :« Les Lords sont une Chambre du Par-




* Ï S r.A Cl TA ATTIRT: r>ES r O M M Ï ' X E S PKHSrSTK


t. lenieul, «lisait le colonel Shapcolt. ; cela est clair, par-
« foilemenl clair; et si cela est, a-l-on jamais vu en An-
« glcterre deux Chambres des Communes1.' Vous ne pou-
« vez pas les reconnaître comme une Chambre du Par-
« lement sans les appeler une Chambre des Lords. » -
« L'autre Chambre, dit M. Nanfan-, c'est absurde; quand
« T O U S entrez ici et qu'ils parlent de vous, c'est vous qui
« êtes pour eux l'autre Chambre.»—«On nous dit : Ne
« refaites pas un Roi, ne refaites pas une Chambre des.
« Lords, car Dieu les a couverts de mépris; je vous ren-
« voie ces paroles, s'écriait le majorReake'; Dieu a con-
« vert aussi une République do mépris; y a-t-il en une
« goutte de sang versée quand on l'a mise à la porte-/
« Jamais, à coup sur, République n'a fait moins de bruit
«• en mourant. » — « Pour moi, dit M. Cevven'', comme
« nous sommes un Parlement libre, je propose que nous
« rédigions un bill pour donner à Son Altesse la dignité
<( et le titre de Roi, caria Providence les lui a conférés\»


Pendant cinq jours, la Chambre ne lui qu'une arène
de violences et de récriminations semblables. D'une
part, l'entêtement révolutionnaire se donnant et se pre-
nant lui-même pour de l'héroïsme républicain, et vou-
lant lier, à tout prix et pour toujours, le sort du pa\s a


' Ce 30 j a n v i e r 1008.


- Ibidem.
3 L e i l é v r i e r 100H,


*> L e 3 l é v r i e r 10.VS.
5 Journal* ofthe llvtiievfcommons, l. V I I , p . "SS-OOS),—llurOon


Ou i r i / , I. I I , p . 3«7 , 400 -107 , •Hu», . l o i , 110, -L'I




(IMXS R O X O P P O S I T I O N ' : . i A \ - v i K ) : - F i h ' R T P R 1G."8N 31!»


son propresorl ; d 'autre pari, le zrln lanlôl. grossier, tan-
lùl sceptique, des soldats et des légistes engagés au ser-
vice d'un maître dont ils avaient longtemps partagé le
succès et dont ils commençaient à pressentir le déclin,
('ans celle lutte, la passion, plus sincère et plus conta-
gieuse, des vieux révolutionnaires prévalut; la Chambre
des Communes se refusa décidément à reconnaître la
Chambre des Lords sous ce t i t re; et le 3 février 1658,
elle vota qu'elle enverrait sa réponse à l'a M ire Chambre
par ses propres messagers 1 .


Le lendemain, i lévrier, un peu avant midi, sans con-
sulter ni avertir personne, le Protecteur monta tout à
coup dans son carrosse, et suivi seulement de quelques
gardes, il se rendit à la Chambre des Lords, et y fil appe-
ler la Chambre des Communes. Son allocution fut courte
et sévère : « 11 avait espéré, dit-il, que Dieu ferait, de
celle session, une bénédiction pour le pays; il croyait
que la l'élilion cl avis volée par le Parlement avait
placé le gouvernement sur un terrain ferme; il ne s'en
.•lail chargé que dans cette confiance et aux termes fixés
par cet acte : « Je ne l'aurais pas entrepris s'il n'y avait
i eu des personnes appelées à s'interposer entre moi et
i la Chambre des Communes, et en état de prévenir les
« entraînements populaires. J'ai reçu mission de nom-
« mer une autre Chambre ; je l'ai formée d'hommes de
, voire rang et île voire qualité, disposés à vous tendre


1 T menai* of lite lluusr uf communs, t . V t l , j i , , 0 9 1 ; — B n r f o n ,
Dun-Li, i. U , 1 1 1 .




:0>(i <'R<V.\rvrr.T.T, riTSSOl'i'


« la main, capables défaire contre-poids à T O U S , a m»*.».
« à eux-mêmes. . . . S'il y avait eu on vous quelque in-
« tonlion d'établissement solide, vous l'auriez.i'ondësui
« cette base. . . . Au lieu de cela , au lieu d'accepter ce
« régime comme une chose convenue, vous avez voulu
« avoir je ne sais pas quoi ; vous vous êtes mis en pièces.
« vous et toute la nat ion ; . . . . et cela, au moment où le
« roi des Écossais a, de l 'autre côté de l 'eau, une armée
« prête à s 'embarquer pour envahir l 'Angleterre. . . . Do.
« tout cela il ne peut venir que d e l à confusion et du
« sang. Puisque telle est votre conduite, je crois qu'il
« est grand temps de mettre fin à votre session, et je
« dissous ce Parlement. Que Dieu juge entre moi cl
a vous! » — « A m e n ! » répondirent, à haute voix, quel-
ques-uns des opposants 1 .


Cette brusque mesure excita dans le public, et autour
de Cromvvell lu i -même, une émolion très-vive; comme
Charles I " , il voulait donc rompre avec tout Parlemciu
et aucun Parlement ne pouvait vivre avec lui. Quelques-
uns de ses plus intimes confidents, Fleelvvood, W h h V ­
locke, Thurloe lui-même, dit-on, avaient tenté; de l'en
détourne)'; ils auraient bien voulu se reposer enfin d a n s
tes lionnes situations qu'il leur avait faites; ils étaient
las des périls et des efforts nouveaux qu'il recommen-
çait sans cesse à leur imposer. Cromwoll désirait plu*


' JourncOf: of the Uni/se of № i » N » N T , 1. V I L p . 5 0 } , — 0 , n \ , a .
Çromircll'x Leller* ami .N>,VWI. », i. 11. p . Hlâ • I ! 111­ I • T R .0,




I.K l'AKI.KMKXT 'I frviur,: 10585 031


aideunuenl qu'eux lous un établissement définitif et
Mal lie; mais, pour lui, le seul établissement définitif et
;-la!i!e, celait la monarchie, avec ses vraies conditions
de force cl de durée; ni son grand esprit, ni sa liante
ambition ne pouvaient se contentera moins, et à travers l e - détours inlinis, et quels que fussent les obstacles, il
piuirsuivail obstinément son but, également incapable c l de renoncer a l 'espérance de l'aiteiuih'e, et de s'ar-
H' ier tant qu'il ne l'aurait pas atteint. If venait de faire
un grand pas; le régime des deux Chambres était
redevenu l'ordre constitutionnel et, légal; il voulait
garder sa conquête. 11 voyait bouillonner autour de
bii l'esprit révolutionnaire irrité et inquiet de ce ré-
unir des iiislilulioiis monarchiques qui le menaçait
d'une, défaite irréparable; les Anabaptistes, les Nive-
icurs, les sectaires religieux et politiques de toute j-'O'le tenaient des réunions, préparaient des pétitions
puiir s'élever contre ces innovations rétrogrades et
pour redemander à leur tour la vraie république,
suis Proleeleur comme sans Chambre des Lords. L'op-
posilion dans le Parlement, Ilaslerig et Scott enlre
aut res , étaient ie point d'appui de ces espérances c l de ces menées, impuissantes tant qu'elles ne pou-
vaient procéder que par la sédition, redoulabiés dès
qu'elles trouvaient dans les pouvoirs légaux, par conni-
vence ou par faiblesse, des organes el des défenseurs.
Ci'onivvell voulut, à tout risque, frapper ses ennemis a
ta lèie ; quand le Parlement revêche ne serait plus la, if
aurait aisément raison de la populace révolutionnaire;




352 OHOxj W E I . I . n i ' X T l 'N (. RA. XII


et plus lard, il se promeHail un autre Parlomenl plur
intelligent ou plus docile, qui lui ferait l'aire vers sun
l'iit de nouveaux cl derniers pas 1 .


I.e surlendemain de la dissolution, il réunit à Wlule-
liall un grand conseil d'officiers et Jour en exposa les
motifs: une invasion et nue insurrection imminentes;
(.liarles Sluart uni avec les Espagnols, les Espagnol
avec les Cavaliers, les Cavaliers avec les ¡Vivoleurs i Í
tous les brouillons de l'Angleterre; la guerre civile »1
l'anarchie près de recommencer, et tout le fruit des
travaux et des victoires de l'armée perdu pour le pavs
et pour l'armée elle-même. C'étaient là les maux qu'il
avait voulu prévenir en renvoyant un Parlement qui
leur ouvrait la porte par son opposition et ses discordes.
11 n'avait fait d'ailleurs que mainlenir l'acte couslitu-
lionnel que ce mémo Parlement, avait volé et juré, et
que, lui aussi, il avait juré . L'armée et ses chefs étaient-
ils résolus à le mainlenir avec lui 1 Voulaient-ils dé-
fendre la paix publique, la religion, la liberté, leurs
propres droits et. leurs propres biens, ou laisser retom-
ber l'Angleterre et leurs familles dans la confusion et
dans le sang.' Un vif assentiment se manifesta; presque
tous les assistants s'écrièrent qu'ils étaient prêts a résis-
ter et à tomber, à vivre et a mourir avec lui. Cromvvel!
ne se pavait pas d'apparences et [toussait vivement ses


i T h u r l o c , Stalc-Pai'cn, t . V I , p . 7i)!), 7 7 3 , 790 ; — l ' n r l m m . Hi>!,.
t. X X I , ] i . 205 , 200 ;-—COirlyO;, Croma-ed's Lrllcn aad Saeerl
I. I I , p . 051 ;—Ciudvv i i i , Hiit. uf Ihe L'vmmonu:t:altli, I. IV . p . 10-:
10.;,




C O . V S K Ï l . I V O F F I C T E J 1 S (fi H ; V K T E K 1058) . 0 5 3


avantages; it avait remarqué quelques officiers froids


ci silencieux; il s'adressadirectement à eux, entre autres


à Packer et à Gladman, le premier major commandant


de son propre régiment, et leur demanda ce qu'ils fe-


raient; ds répondirent qu'ils étaient prêts à combattre


Charles Stnarl et ses adhérents, mais qu'ils ne pou-


vaient s'engager aveuglément et en tous cas, ne sachant


pourquoi, ni contre qui. Cromvvell ne les maltraita


point; mais, quelques jours après, par une épuration


assez étendue, il lit sortir des rangs de l 'armée les o f f i -


ciers qui s'étaient montrés mal disposés o u incertains;


Packer entre autres fut écarté : « Je l'avais servi quinze


K ans, depuis qu'il était lu i -même capitaine d'un esca-


dron de cavalerie jusqu'au moment de son grand


</, pouvoir, » disait, après la mort do Cromvvell, ce rude


cl honnête républicain ; « j 'avais commandé un régi-


>< meut pendant sept ans ; et sans aucun jugement , par


'< un seul souille de ses narines, je fus jeté dehors.; j e


y perdis, non-seulement m a place, mais un ancien ami


•( de camp et de combat ; cl cinq capitaines sous mes


« ordres, tous braves cl intègres, furent renvoyés avec


••: moi parce qu'ils ne voulaient pas dire que c'était, li 1


a une Chambre des b o r d s 1 . »


Dans une le lie situation et pour de lois mécontents,


Lambert, disgracié et solitaire àWinib ledon , était un


1 j ' t i u r i n e . Sla!e-Pnpfr>-. i. V I , p . 7S0, 7 0 5 , S00 ; — C a r l y l e ,


i , .«. ir , U'sl.'-llrrs «ii'l Spwhrs. i, 1J, |>. 051 ; —11 u n o n , Dionj, {. I I I ,


0)5 107: — ( lo i ivv in , UI-I. "I iht, VommonKMllh, t . I V , p . 1 0 0 , —


ÏOo' i io / : , LU-'., i. X X I , p . 205 .




334 E N T R E T I E N D i ; C O L O N K L U T n v i i l . V S O N


chef naturcllemc-rjt indiqué. Ils allèrent à lui et il les


accueillit avec empressement. Les plus fougueux médi-


taient un complot qui n 'allait à rien moins qu'à se saisi i


de la personne de Cromwell en lui présentant une pé-


tition, à le jeter dans la Tamise par une des fenêtres d e .


Whileliall, et à proclamer Landiert à sa place. Le colo-


nel Hutchmson, qui se trouvait en ce moment àLondiv--.


eut veut de ce dessein, non que les conjurés lui en


lissent confidence, mais par quelques propos détourne-


et indiscrets. Chrétien et républicain s incère , Ilui-


chiuson, depuis l'expulsion du Long Parlement, s'é-


tait retiré de l'armée et de la politique; il délestai!


la tyrannie de Cromwel l , mais il délestait encore plu--


celle des fous et des brouillons subalternes qui préîeu


liaient à lui succéder : « Cromwell , dit mistriss Hulchin


« son, était bravo et grand ; Lambert n'avait, qu ' u n i


« « l intolérable vanité. » Jlulehinson alla von


FleehvowJ, et sans nounner personne, il l'engagea a


avertir Cromwell de se tenir sur ses gardes contre ce»


tains porteurs de pétitions qui pourraient bien eu vou-


loir à sa vie. Cet avis donné, il se disposait à quitloi


Londres quand Cromwell l 'envoya chercher avec in-


stance, le combla de reruerchnciils et de caresses, m


de longs eltorts pour en obtenir des informations plu-


précises, et n'y réussissant pas, « Mais enlin, colonel,


« lui dit-il, pourquoi donc ne voulez-vous pus venir et


« marcher avec nous' ' » Jlulehinson lui dit sans délonr


ses griefs, « q u i sont, ajouta-l-il, ceux de Ions les g e n s


« de bien, » Cromwell l 'ecouta, discuta, se justifia; pue-




h reconduisant, jusqu'au houl do la galerie, en pré-
sence des personnes de sa cour i|ui se trouvaient là, il
lui dit à haute voix et en l'embrassant : « bien, colonel,


content ou non coulent, il faut que vous soyez des
'.' nôtres; nous ne pouvons exempter plus longtemps
« du service public un homme aussi capable et aussi
• fidèle; vous serez satisfait dans toutes les choses lion-
•.' nèles et convenables 1 . »


Comme les officiers de l'armée, Cromvvell réunit les
aldermen de la Cilé, et les entretint aussi des motifs de
la dissolution, s'appliquani à les alarmer pour la sécu-
rité de leur ville et la prospérité de leurs affaires. 11
senlait vivement la. nécessité de ménager celte pm'ssanle
corporation, car depuis quelque temps, pour y acquérir
quelque inlluenec, beaucoup de royalistes y avaient
l'ail entrer leurs lils à titre d'apprentis, et l'opposition
au Protecteur y faisait de rapides progrès 2 .


C'était le seulinieu! général que, dans toutes ces do-
nionstrulious, Cromvvell exagérait beaucoup les périls
dont le repos public et son gouvernement étaient me-
nacés. Ses longs succès, l'adhésion constante du gros de
l 'année, la soumission qu'il rencontrait partout, tant
d'exemples de détection et de servilité, royaliste et répu-
blicaine, faisaient illusion sur l'état réel du pays. In-
domptables dans leurs espérances comme dans leurs


5 Hui<r l r 'u«oj i , M.'-mnire,., i. I l , p . -JlîLMfiS, , Jnns m a ( V -
l'Ji'i» p . :n:)-;nri i!<- l ' . ' iiil l(..u a n g l a i s e - iln HDIIII { L o n d r e s , 1KI'6).


Vmho.'ii. / / ( . / . . I X X I , p . » )G- ; i 03 ; — C k r u n i l ù n , Un,!-, of Ihe
iiiJ.Cuun, 1. x v o, HS.




356 PH1 :",]'.\1;AT'T1'"S m r O M T ' L O T P


haines, les partis ennemis se ranimaient a l'ombre de
leurs défaites; dès qu'on vit le Protecteur brouillé avec
le Parlement qui avait voulu le faire roi, un complot,
plus grave qu'aucun de ceux qu'il avait jusque-là ré-
primés, s'ourdit contre lui de toutes parts. Malgré la
parcimonie de la cour de Madrid et sa propre mollesse,
Charles II avait enfin réuni, sur les côtes des Pays-Bas
espagnols, un petit corps de troupes; quelques bâti-
ments de transport avaient été loués; tes bruits d'une
expédition prochaine prenaient quelque consistance;
les royalistes d'Angleterre la sollicitaient ardemmenl,
promettant de se lever en masse et nommant les villes
dont ils s 'empareraient, Glocester, Bristol, Shrevvs-
bur \ , vYindsor, dès (pie le roi aurait mis le pied sur le
sol anglais. Les royalistes ne faisaient pas seuls de leiies
instances; plusieurs congrégations anabaptistes en-
voyèrent à Charles II un messager porteur d'une longue
adresse, expression humble, mais sans bassesse, de leurs
mécomptes, de leurs repentirs, de leurs désirs, de leurs
espérances, et dans laquelle ils otfraient forme-Uenieul
au roi leurs bras et leurs vies pour le rétablir sur son
Irène. Charles hésitait, bien qu'avec un peu de honte, à
se relancer, sur la foi de ces démarches, dans les périls
auxquels il avait si miraculeusement échappé. L'un de
ses deux plus intimes conseillers, le marquis d'Ormnnd,
le lira de peine en lui olt'raiit dal ler lui-même à Lon-
dres observer les faits, apprécier les chances et juger,
sur tes lieux mêmes, s i te miunenl était en elfe! venu,
pour le roi, de relever en personne son drapeau. Uydc.




ROYALISTES ( J A N V I F R 1R5R). 3fft


jijiis inélianl ([lit.1 Charles lui-même, s'opposait à ee
voyage d'Ormood, « connue à une aventure déraison-
c nahle, disait-il, pour un dessein improbable. » l'our-
t.ant. Ormond parti t ' , et sous toutes sortes de déguise-
moi) Is, changeant sans cesse de demeure, il [tassa plus
d'un mois à Londres, s'entretint avec des conspirateurs
de toute origine, de toute condition, et revint sur Je
continent, affirmant qu'une tentative immédiate n 'au-
rait aucune chance de succès, que te roi ne devait point
s'y hasarder, mais que le Protecteur chancelait, qu'il
était, dans une foule de coeurs, l'objet d'une haine pas-
sionnée, (pie les complots préparés contre lui élaieul
sérieux, qu'il avait promis, lui Ormond, de retourner
dans les comtés de l'ouest où ils devaient, éclater, et que
le moment arriverait peut-être bientôt, [tour le roi lui-
même, de tenter en Angleterre quelque grand coup 2 .


Ormond disait vrai : à peine avait-il quitté l'Angle-
terre que le mouvement de conspiration devint de jour
enjoué plus actif et plus étendu. Au nord, dans le comté
d'York, sir Henri Slingsby, depuis deux ans retenu pri-
sonnier dans lliill, se liait avec certains officiers de la
garnison, pour que la place fût livrée à Charles 11 qui
viendrait y débarquer. Au sud, dans le conilé do Sus—
.-ex, John Mordaunl, lits cadet du comte de Peterbo-
rough, s'elforçait de rallier à la cause royale les gentils-


5 E n j a n v i e r icljH. M l . i r e n . l c j n , llist. oflhe ReMl, 1. X V , e . 8 5 - 9 1 , 103-131 , —
C m r , Ornu j /n t3 ; L'ff, t . I I . )•• 175-1 ' ; ' , ! , Ormond'* LttUn, t . I I .


... U S - 1 5 5 .




3r,R f K O l l W E ! [ ] )KJ i i! : R L!<>:


hoirunes ses voisins, el réussissait si bien que te (ils de


l 'un des juges de Charles b ' , M. Sfapley, conseillait a


recevoir de Charles II une commission pour lever, a son


service, un escadron de cavalerie dont il prendraiI, dans


l'occasion, le commandement. Abol ies ! , au centre, les


mêmes menées se poursuivaient avec le mémo succès:


des Xi velours comme des Cavaliers, des liépublieains


comme des Niveleurs, d'anciens membres du conseil


d'État de Cromvvell comme des prédicateurs anabap-


tistes y étaient engagés ' les rapprochements les plus


inattendus s 'accomplissaient ; des manifestes concertés,


bien que divers, se préparaient. A Londres enfin, soû-


les yeux de Cromvvell, les conspirateurs poussaient l'au-


dace à ce point qu'ils levaient le jour et l 'heure où il.-


devaient, les uns occuper les principaux postes de la


Cité, les autres se saisir de la personne du lord maire,


d'autres encore mettre le feu à la Tour cl s'en emparer


pendant que l'incendie absorberait l'attention et le-


elforts de la garnison.


Mais lavigi iance delà police de Cromvvell nos'était pa*.


énervée p a r l e long usage, et elle se trouva présente et


efficace partout où se lit sentir le péril. A l iul l , deux des


officiers à qui sir Henri Siingsby s'était ouvert n'écou-


taient ses propositions que de l 'aveu do leurs chefs, cl


pour en témoigner plus tard. Informé que M. Slapk v


était entré en rapport avec Charles S luar l , Crouiwell le


lit venir, le remplit de trouble en lui rappelant, avec


une vivacité tour à tour menaçante el alVecluense, ce


«lue pensait et avait lait sou père, et il linil par .lui




C'iTMPCn r.s R O V A C I S T E S .'/.%\-vtrR-»VRTl. 1653). 359


arracher l'aveu détaillé des desseins auxquels il avait


pris i>art et les noms des personnes qui l'y avaient en-


traîné. Pendant qu'Ormond était à Londres, le Protec-


teur dit un jour à lord P.roghill : « Un de vos anciens


« amis vient, d'arriver en ville.—Qui d o n c ' — L e m a r -


« «pus d'Ormond. » Lord Broghill protesta qu'i l n'en


savait rien. « Je sais cela, reprit Cromvvcll, mais si vous


« voulez sauver votre ami , faites-lui dire que je sais où


« il est et ce qu'il tait. » Cromvvell avait à son service


sir Richard VVillis , l 'un des principaux membres du


petit comité secret chargé en Angleterre des affaires de


Charles II. VVillis s'était vendu au Protecteur, à condi-


tion qu'il n'aurait de rapports qu'avec lui et qu'il ne


serai! jamais appelé à témoigner contre, personne.


C'était avec Willis surtout qu'Ormond avait communi-


qué pendant son séjour à Londres ; et pour se laver un


peu, à ses propres yeux , de son indignité, VVillis l 'avait


engagé à partir au même moment où le Protecteur


lui-même lui faisait donner par lord Broghill ce s a -


lutaire avis. Cromvvell témoignait volonliers ces g é -


néreux égards à ceux de ses ennemis qu'il honorait


•-ans les redouter beaucoup; mais il n'en persistait


pas moins, envers tous les autres, dans sa politique


Iroiile et rude. Sur tous les points de l 'Angleterre, de


nombreuses et rapides arrestations vinrent surprendre


les conspirateurs, royalisles, républicains, anabaptistes :


sir William Complon et le colonel John l iussell , tous


deux membres du petit conseil de Charles IL Hugh


Courtnev et, John liouers, deux prédicateurs sectaires




300 P R O C È S T)RS C O X s P T R A T F X R s R O Y A T . T S T E S


qui avaient répandu des pamphlets séditieux, Potimon.
naguère secrétaire de l'amiral Blake, llarrison et Ca-
revv, à peine sur lis de prison, beaucoup d'autres, impor-
tants alors, aujourd'hui parfaitement inconnus, furent
tout à coup saisis et envoyés à la Tour. Et à Londres, le
matin même du jour marqué [ t o u r la grande insurrec-
t ion 1 , au moment où les conjurés se répandaient dans
la ville pour se rendre à leurs postes, ils apprirent que
leurs chefs venaient d'être enlevés dans la maison où ils
étaient réunis ; toutes les gardes avaient été doublées;
la milice se mettait en mouvement; le colonel Bark-
stcad, lieutenant de la Tour, s'avança jusqu 'au centre
de la Cité avec des troupes et cinq pièces do canon. Une
quarantaine de conspirateurs et à peu près aidant d'ap-
prentis engagés à leur suite furent pris dans tes rues.
Partout ce grand complot, si général et si divers, fut
déjoué et frappé d'impuissance, soit par avance, soit an
moment de l'explosion*.


Alors recommencèrent ces tristes scènes de procès,
de condamnations et d'exécutions politiques dont l'An-
gleterre, depuis dix-huit ans, avait si souvent le, tra-
gique spectacle. Il y eut, parmi les conseillers du Pro-


1 I .e ir> m a i 10."8.


* C l a r e m l t . r , , im. of the TU-lell, J. x v . .... 0 1 , 0 7 , 100 ; I. m ,


c . ¿ 8 - 0 2 ; StaU-Papers , t. H T , p . ; t M 8 - l o i ; — T l i i i r l . m , SUI,--P„-
pern, t . V I , p . 7 8 J , 780 , t. V I I , p . 2."., 27 , 77 , 78 , 8 2 , 80 , 88 . 80, 111, 148 : — W l i i t v l o c k e , p- 0 7 0 ; — C a r i . ' , o ,•»,<.«•)'« L r / , 0 . , . i . I I , p.
1 3 4 ; — Sir Henry Shngsby» Menmirs; — C u d w i u . llixl. »f !)<•• ( ' « m .


r)u./!!!-«(.0/i, t. I V , p , 102-027 .




D K V A X T r.A t l A l ' T h C O U ! ( M A I - J U I L L E T llîôS;. ;)<H


lecteur, quelque dissidence sur lu juridiction devant
laquelle seraient traduits les accusés : soit par respect
du droit national, soit pour so séparer prudemment
d'une tyrannie ardemment at taquée, Whitelocko et
quelques autres redemandèrent le jury. Mais Croinxvel!
voulait être sûr que ses ennemis seraient frappés. En
vertu d'un acte du Parlement qu'il venait de dissoudre,
d institua de nouveau 1 une haute Cour de-justice, com-
posée de cent trente membres choisis par lui et présidée
par lord Lislo, l'un des juges de Charles 1 e r . Des régi-
cides, des révolutionnaires compromis sans retour, des
officiers bien disciplinés, des serviteurs éprouvés for-
maient celle liste sur laquelle figuraient aussi quelques
noms (dus impartiaux, entre autres celui de Whitelocko
lui-même qui mit sou courage et sa prudence à ne pas
Meger. Du -2-> mai au \ " juillet Ui-">8, quinze des prin-
cipaux conspirateurs furent successivement traduits de-
vant ce I ri hi i un l d'exception auprès duquel le savant
Maynard soutenait l'accusation au nom du Protecteur.
Sir Henri Slingsby, le docteur Hevvett, ecclésiastique
''•piscopal justement honoré, et John Mordaunt compa-
rurent les premiers. Mordannt était très-jeune; il ve-
nait de se marier; l'activité passionnée et intelligente
de sa femme, les avis confidenliels de quelques juges
qui se ménageaient dans l'avenir, un billet qu'on lui lit
passer secrètement à l'audience, l'absence, volontaire
ou achetée, d'un témoin légalement indispensable, le




sauvèrent; il fut acquitté. Sir Henri Slingsby pl lo doc-
teur Hewell furent moins heureux; ils contestèrent
énergiquement la compétence de la cour : « Je demande
« à être jugé par un jury, dit Slingsby ; vous êtes nus
« ennemis, pardonnez-moi cette expression; je v o i s
« parmi vous des personnes qui ont séquestré et fait
« vendre mes biens.... Vous m'accusez d'avoir violé
« vos lois; je n'ai jamais pu les violer, car je ne m "y
« suis jamais soumis. » Le langage du docteur Jlewett
fut moins fier, mais non pas moins ferme : « Je serais
« désolé de faire, pour sauver ma vie, quelque chose
« qui me fit perdre le repos de ma conscience; je porie
« en moi un double caractère ; je suis ecclésiastique et
« citoyen ; je ne renoncerai jamais, dans mon intérêt
« personnel, à aucun des droits qui sont les droits do
« mes concitoyens autant que les miens propres; » et il
soutint, à ce sujet, contre l'avocat général et le président
de la cour, un débat si obstiné que lord Lisle finit par
lui dire : «Je vous ferai emmener ; on vous a demande.
« plusieurs fois demandé de répondre; vous vous y
« êtes refusé; greffier, au nom do la cour, je vous
« somme d'en prendre acte, cl laites emmener votre
« prisonnier; —Mais milord, reprit Hcwett....—Emme-
« uez-le, emmenez-le, » s'écrièrent les juges. 11 fut aus-
sitôt emmené en effet, et condamné à mort, ainsi que
Slingsby 1. Mais quand on en vint à l'exécution de l'ar-
rêt, le Prolecleureut, âson tour, danssapropre maison,


i L e s 25 m a i c l ] " j u i n ICoS




O ' O N S l M T Ï A Ï F X ' n S u n y U . I N T K S {.rn\- 165Kt. 863


de tris!es momonls à s u b i r ; sir Henri Slingsby élait,


l ' iiclede loril Fauleonbridge que sa liile Marie venait d'é-


pouser; après la célébration officielle faite a Hamplon-


court par l'un des chapelains de Cromwell , le docteur


Hewolt avait lui-même consacré une seconde fois ce


mariage, car les filles du Protecteur ne se seraient pas


crues légil imcmenl ma idées si un prêtre de l'Eglise


épiseopale n'avait béni leur union ; et Cromwcll lui—


même y avait, consenti, « par complaisance, disait-il,


pour la folle importunité de sa fille. » De plus, le doc-


teur Hevvctt célébrait on secret chez lui le culte angli-


can , et la fille favorite de Cromwcll , lady Claypole, y


assistait habituellement. Non qu'elle fut , comme on l'a


prétendu, royaliste et favorable au retour de Charles


Sluart ; elle était tendrement dévouée à son père, trem-


blait pour sa sûreté et souhaitait son succès : « Le Sei-


« gneur nous a fait une grande grâce en sauvant mon


< père des mains de ses ennemis, » écrivait-elle à co


moment m ê m e 1 , quand le complot de Slingsby et


de Hevvell fut découvert, « car toute sa famille aurait, à


! coup sûr, été perdue, cl probablement, la nation tout


« entière aurait été plongée dans le sang. » Mais, sans


-e séparer de son père, lady Claypole était généreuse et


dfcctueu.se, et bien plus préoccupée de ses sentiments


que des nécessités politiques. Elle fit, avec ses sœurs,


d 'ardents efforts pour obtenir la grâce du docteur


Hewett. Cromwell aimait beaucoup sa lilte; mais il


i Le 15 j u i n JtfiW.




30-1 INQOIien . lTF.S f:T PUECOVUTIÛNSJ


croyait la rigueur indispensable, et son tempérament
robuste et rude ne lui laissait pas pressentir le coup
qu'une forte émotion douloureuse pouvait porter à une
personne délicate, passionnée et malade, il refusa pé-
remptoirement. Hevvett et Slingsby furent décapités, le
s juin, à la Tour. Trois semaines après, le 1 e r juillet, la
haute Cour condamna encore six autres conspirateurs,
et trois d'entre eux furent pendus, traînés sur la claie
et mis en quartiers avec toutes les circonstances bar-
bares ordonnées par les lois du temps pour frapper d'ef-
froi les complices et les spectateurs


Pour le moment, le but fut atteint ; la crainte contint
la haine ; les complots s'arrêtèrent; les conspirateurs
se cachèrent ou s'enfuirent. Croniwell ne mit poinl
d'acharnement à les rechercher; il laissa même reposer
sa haute Cour et traduire devant le jury les prisonniers
plus insignifiants qu'il avait encore entre les mains. Cite
fois de plus, ses ennemis avaient échoué; mais il avait
l'esprit trop clairvoyant et trop ferme pour se méprendre
sur la porléode son succès; il ne supprimait point les
périls auxquels il échappait; sauvé aujourd'hui et pour
demain peut-être, il se sentait toujours menacé; entre


1 W b i t e l o e k e , p . 073 ; — C l a r e n c l o n , llixl. of Ike Hrh.V., 1. w .
>. W,-lOZ;-8ta!e-Triah, t. V, c u l . 871 000 ; . - T b u r l o e , S f < i W « ; » - > s ,
t. V U , p . 40, 0 5 , OS, 1 1 1 , 1-21, 150, 1 0 2 : - , 1 / r t i c i e ofsirlJeefu
HUrnjsbu; — L i u l l o w , Mémoires . i. I l , p. 383 -303 , ,\,,n< uni ( 7 0 -
5 < r , O u / e - M a r k N o b l e , Memoin of lliel'role-hral / / . . . .>.-, 1. I ,p. l a s .
1-15,314 ; — G o o V i . i i , Uisl. vftlie Commoiueenltii, t. 1 \ , p . 51 7 027 :—
E o r s i e r , Statesmen of il,e Couimonirenllh. 0 V, p . J70-3H2.




D E C R O M W E E E (1657-105S) . 365


lui et les partis acharnés contre lui, c'était une guerre
à mort, et la chance était trop inégale; un jour, ou
pouvait le tuer, et lui, il fallait sans cosse recommencer
à vaincre. Le sonlinient, de jour en jour plus vit, de
celte situation lejela, pour sa propre sûreté, dans une
vigilance incessante et inquiète ; il était toujours armé
et cuirassé; quand il sortait, il prenait plusieurs per-
sonnes dans son carrosse; une escorte l 'entourait; il
allait très-vite, changeait fréquemment de direction, et
ne passait jamais, au départ et au retour, par le même
chemin. Dans Whitehall, il avait plusieurs chambres a
coucher, et dans chacune quelque porte cachée. Il choi-
sit dans sa cavalerie cent soixante hommes, tous bien
connus de lui, leur donna la paye d'officiers, et en forma
huit pelotons de vingt hommes qui, deux par deux, fai-
saient constamment la garde autour de lui. El toujours
prêt à payer de sa personne, pour s'assurer qu'il était
bien servi, il allait souvent inspecter et relever lui-
même les postes intérieurs du palais. Dans ses au-
diences, qui étaient fréquentes, car il coin] »1 ail. beaucoup
sur son inlluence personnelle, ses interlocuteurs se sen-
taient incessamment surveillés par ses regards. Partout
il était prêt aux soupçons soudains cl aux précautions
extrêmes : une nuit, il était allé s'entretenir secrète-
ment avec Thurloe; il aperçut font à coup, dans un
coin de la chambre, le secrétaire de Thurloe, Samuel
Morland, endormi sur son pupitre; il lira son poignard
pniir l'en frapper, craignant d'avoir été entendu, et
Thurloe eut quelque peine à lui persuader que Moi-




300 Т К Л Г Г Е i V A U . I . \ N C R E N T K E


land, excédé i.lс l'aligne depuis deux uuils, donnait en
ell'el d'un profond sonuueil. Cette triste préoccupation
de sa sûreté répugnait au caractère de CromwelJ qui
n'axait, dans son puissant égoïsme, rien de concentré
ni de sombre ; au milieu même de ses mensonges et de
ses ruses, il était naturellement plein d'abandon et se
répandait volontiers en démarches confiantes et hardie?.
Mais une évidente nécessité pesait sur lui , et il l'accep­
tait sans illusion ni ménagement, veillant sur sa vie
avec la même ardeur qu'il avait apportée à conquérir
sa grandeur


Il ressentait, à coup sûr, un amer mélange de déplai­
sir et d'orgueil quand il portail ses regards au delà de
la Manche, et qu'à sa situation au dedans, si périlleuse
et si précaire, il comparait la puissance et l'éclat quai
avait conquis au dehors pour son pays et pour lui­
même. Ce fut précisément au moment où if luttait si
rudement en Angleterre contre les complots, qu'il ob­
tint sur le continent les plus brillants succès. Il n'avait
pas tardé à s'apercevoir que, pour l'aire à l'Espagne une
guerre efficace, son traité de paix et de commerce avec
la Franco ne suffisait point, et il avait accueilli les
avances de Mazarin pour une alliance pins intime et plus
active. Dès le mois d'août 1056, des pourparlers com­


1 L u d l o w , Mémoires, I. I I , p . 3 9 1 ­ 3 9 7 , dan­ ; m a Collection , ­—Bur­
n c t , Hisl. de mon temps. I. I , p . 109­172 ; ildd.;—Baie», ШипеЪн*
rnotuum, e t c . . p a r t . I I , p . 3 9 9 ; — VV'chvooJ , Memnirs, p , 9­1; —
O l d n i i x o n , Hisl. of'the Htuar/s, p , 401,—b'untvr, Slulesmen of IJ e
Conanomcealth, t. V, p . 3S0­3S­1.




l . ' A N i î I.K 111 I(KI] K T I.A I--UA.NOK .23 M.VRN 1057; . 3(i7


tncneèrenl pour la l e u r , eu Angleterre, de quatre mille


hommes destinés à cnlrer au service du roi de France


contre les Espagnols. La négociation fut longue et épi-


neuse; des inétiances mutuelles venaient sans cesse


i entraver; tantôt Cromvvell se refroidissait tout à coup


va découvrant la trace du travail continu de Mazaiïn


pour préparei' la paix avec la cour de Madrid ; tantôt le


vovage secret d'un secrétaire de Cardeîiàs à Londres


inquiétait à son tour Mazarin sur un rapproclicment de


l 'Angleterre avec l 'Espagne. Le cardinal, dans de lon-


gues conversations avec Lockharl , lui faisait, sur l 'ave-


nir que pourrait valoir au Prolecteur l 'intimité do la


fiance, des insinuations grandes etindéfinies que Loek-


liart recueillait cl transmettait à Cromvvell avec une


satisfaction complaisante, mais sans duperie. É v i d e m -


ment, à travers leurs inétiances cl leurs réticences, les


deux négociateurs se plaisaient mutuel lement et se


rapprochaient peu à peu, sans dépasser, de part ni


d'autre, leur dessein. Le 23 mars 1057 enfui, fa négo-


ciai ion aboutit, et un traité d'alliance offensive fut con-


clu à Paris entre la France et L 'Angleterre 1 . Cromvvell


promit qu'un corps de six mille Anglais , soutenus par


une flotte prête à les ravitailler et à les appuyer le long


1 On t r o u v e r a c l a n s j o » Document» Itwtorinuct {n" X X I I I , ' l e t e x t e


• • e m p l e t et e x a c t J e c i ' t rai t ' ' 1 q u i n 'a j imi t i i * c l é p u b l i é q u e p a r


i V . V ' t H ' n l s , *|>c;oialc!t>oi)l d a n s le Corps diplomatique d e D û m e n t


i . V I , p a r i . I I , p . 22.1), o u l ' on t r o u v e e u r e v a n c h e ( m ê m e t o m e ,


u. 17* un a u t r e t ra i té ' p o u r l e m ê m e o b j e t , m a i s c o m p l è t e m e n t


i r o c r v e u e e t p l a c e hou.e in C u i s s e d a t e d u il m a i 10,37,




308 T l i A I T L l ' i ' A U .1A V P! K \ T H K


des cotes, irait se joindre à l 'armée française, toile de


vingt mille hommes, pour faire la guerre dans les hiys-


Ças espagnols, spécialemenl pour assiéger les trois


,'/laccs de Gravelines, Mardyke cl Dunkerque, dont la


dernière devait èlrc remise aux Anglais et resler ci:


leur possession. La solde cl les dépenses de ce corp..


auxiliaire étaient partagées entre le roi de France et i t


Protecteur. La conclusion de ce traité causa, aux deux


cours, un vif contentement, et Cromwell témoigna, peu


api ès, le sien en recommandant chaudement à Mazarhi


l 'ambassadeur de France à Londres, lîordeaux, dont le


bon esprit et le savoir-faire avaient contribué a cet


heureux résultat : la mort de M. de l iel l ièvre 1 fil vaquer


précisément, à cette époque fa première présidence du


Parlement de Paris, el Cromwell avait, à ce qu'il paraii,


porté jusque- là sa demande de faveur, car Bordeaux


lu i -même s'en excusa auprès du cardinal en disant


qu'une charge de président à mortier comblerai! ses


désirs. La recommandation de Cromwell éîail excessive


et demeura v a i n e ; M. de Lanioignon fut nommé: pre-


mier président, du Parlement de Paris. Mazarin n'aurait


eu garde de paver si chèrement, après coup, un succès


désormais atteint-,


Environ six semaines après la conclusion du traite,


1 L e 15 m a i 1057 .


•2 T l i u r l o e , Stntt-l'npp,*, 1. V , p . 3 1 8 , 3 0 0 ; t. V I , \<. 115. I l f i , k ' J ,


6 1 8 ; — r m m o n l , Corps ,l!j<lnniotiq»*, I. \ I, j . . I l , i>. ->.'•!, 178; l O n -


.k ' i t . llhMre générale, 'les 7V.I.7-V «V j.m.r, i . I l , ['. 10 17: l U i O u . . . ,


Klsf. of taie Commoniccalthj l. IV, [>. 537 517'—C ' .o 're^georla_nee et'




i,A I K A X e r , |.;T [ . ' A M i l . K T h K K K ;23 MARS 1857) . .HK)


les 13 et 14 mai I(i57, les troupes anglaises, comman-
dées par sir John Reynolds, débarquèrent à Boulogne;
la cour el l'armée, Mazarin et Turenne les attendaient
i i v e c impatience et les reçurent avec de grandes mar-
ques de satisfaction ; on prit, pour qu'elles fussent bien
traitées, des soins administratifs très-imparfaits et peu
efficaces, mais alors assez rares. Celaient des régiments
formés el éprouvés dans les longues luttes de la guerre
civile, dressés à la discipline la plus exacte, de mœurs
févères, d'une bravoure forte et grave; ils avaient été,
en partie à leur départ, en partie à leur débarquement,
armés et équipés à neuf. Louis XIV vint en personne
leur faire accueil el les passer en revue : « Sire, » lui dit
Lockliarl, « le Protecteur a ordonné à ses officiers et à
« ses soldats de déployer, pour le service de V. IL, le
« même zèle que pour le sien propre. « Le jeune roi se
montra très-sensible à ces témoignages d'affection « d'un
v prince qu'il considérait, dit-il, comme l'un des [tins
>• grands et des plus heureux de l'Europe. » Les Anglais
ne tardèrent pas à rejoindre l'armée de Turenne et à
entrer en campagne : mais les mécomptes et les pbiinles
succédèrent bientôt au contentement mutuel ; ils s'élon-
naient de voir les villages désertés par les habitants
quand ils y arrivaient; ils se trouvaient mal nourr is ;
beaucoup tombèrent malades; ils envoyèrent à Londres
îles échantillons du pain qu'on leur distribuait, pour


M. J( H-ir-lram: «e.;<; il. ne linen ne et te ctirilinal Ma:artn l B » n -




370 M K C O N T F . N T K M K . N T E T P L A I N T E S


montrer combien il était loin de valoir le pain anglais.
L'humeur des chefs, et deLroinwoll lui-même, se joi-
gnit à celle des soldats; la campagne se prolongeait
sans que les promesses spéciales du traité, c'est-à-dire
les sièges de (irav clines, Mardyke et Dunkerque l'usseni
accomplis ou seulement tentés; on employait le corps
auxiliaire anglais dans l'intérieur du pays, à des expédi-
tions ou devant des places qui n'intéressaient que la cour
de France, cl où le succès même était pour l'Angleterre
sans résultat. Loekhart réclamait et se plaignait en vain;
Cromwell lui écrivit1 : «Je n'ai aucun doute sur votre zèle
« et votre habileté pour notre service dans cette grand'.:
« affaire; mais je suis Irès-hlessé devoir combien fes
« Français y sont moins sincères et moins efficaces que
« nous; d'autant plus blessé que, loin de rester en ar-
« rière, nous avons été au delà des stipulations de notre
« traité. Nous n'avons jamais été assez badauds pom
tí croire que les intérêts des Français et les nôtres se-
« raient les mêmes en toutes choses; mais, quand il
« s'agissait de lutter contre les Espagnols, de tous temps
« les plus implacables ennemis de la France, nous ne
« nous attendions certes lias, en faisant notre traité, aux
« mécomptes que nous éprouvons. Dire qu'on nous don-
« nera des places dans l'intérieur des terres, comme
« garantie de la conduite future, et parler de ce qu'on
« fera dans la campagne prochaine, ce sont des paroles
« bonnes pour des enfants. Si on veut nous donner des


1 L e 31 a o û t 1007.




D E S AMI',! ,ATS F \ F R A N C K . 371


places en allendaul, qu'on nous donne Calais, Dieppe
» on Doujogne.... Diles, je vous prie, do ma pari, au
« cardinal que l'exécution de son trailé vaudra mieux
H que tous les projets dont on nous entretient Si on
a n i ; vous écoute pas, je désire qu'on nous indemnise
<­ des grandes dépenses que nous avons (ailes, et qu'on
•s nielle nos troupes en mesure de nous revenir; nous
'.< les emploierons plus utilement qu'on lie le t'ait là ou


elles sont 1 . »
Ce langage ne manqua point son effet : Mazarin se


laissai! aisément tomber dans les embarras d'une situa­
tion compliquée et d'une politique astucieuse; mais il
sas ail, sortir des embarras quand ils devenaient vrai­
ment des périls. L'armée française eut ordre de laisser
là les opérations dans l'intérieur des terres et de se rap­
procher des cotes. Mardyke l'ut assiégé, p r i s ' e t remis
provisoirement en gage aux Anglais. Tu renne marcha
sur Craveliues; mais les Espagnols, lâchant les écluses,
inondèrent les environs de la place et en rendirent l'ap­
proche impossible. Cromvvell insistait pour qu'on lit
immédiatement le siège de Dunkerque, offrant d'en­
voyer doux mille hommes de pi us pour y concourir.
Turoune ne jugea pas l'entreprise opportune et mit lin
à la campagne. Cromvvell se résigna sans trop d'hu­


i T h u r l o e , Stalr-rapen, l, V I , p . i!,70, 787 , 1:10, OIS -—Theperfect
polilicn'K, ]>. 737, 3 3 7 ; ­ ­ ( l o d \ v j i i , Uut. of theCommonxceaUh, t . I V ,
j>, 512­310 : ­ llui'IcnH.x a Brienne, 73 uouc 1057 .Do'-amaiU hhiori,.


il" X X V ,


» L c 3 octobre № 5 8 .




372 STURE Г)F. DON К ГС RQUF.
meur ; il avait repris quelque confiance dans les inten-
tions de Mazarin et reconnaissait l'autorité militaire de
Turcnne. Le traité d 'alliance offensive fut renouvelé
pour un a n 1 aux mêmes conditions; et quand la c a m -
pagne se rouvrit , au printemps de KioK, Cromwell eu
réclama le prompt accomplissement. Turcnne s'avança
vers les côtes, « sans savoir si on pourrait assiéger Dun-
kerque,» dit­il lu i­même, « car attaquer celte place a \ ; u i !
d 'avoir pris Furnes , Bergues et Gravelines qui Ion vi
ronnent , c'était être assiégé en même temps qu'on
assiégeait Mais M. le cardinal souhaitait que l'on
marchât, en Flandre , et M. de Turenne désirait aussi de
faire voir naïvement aux Anglais que l'on faisait tout
son possible pour l 'exécution du traité. » Les deu\ réui-
ments nouveaux que Cromwell axait promis arrivèrent ;
Lockhart lui-même, cl sous ses ordres le général Mor-
gan, brave officier formé à l'école de Cromwell et de
Monk, prirent le commandement du corps anglais. Dun-
kerque fut invest i 2 . Louis X I V e t Mazarin vinrent à
('alais pour assister de là à ce grand siège. Lo marquise'
Lcydc défendait, la place. A Bruxelles, ni don Juan ni le
marquis de Carraccna ne voulaient croire qu'elle fût en
péril; à la fois indolents et fiers, ils dédaignaient le~"
conseils tantôt d'activité vigilante, tantôt de réserve
prudente que leur donnait incessamment Coudé; ils ne
soutiraient pas qu'on vînt les éveiller pendant lem


i L o 28 m a r ? 1 0 5 8 .
* L e 25 m a i 1658 .




sieste si quelque incident imprévu survenait, ni t|u'ou
doutai de leur sucées quand ils étaient debout et à che-
val. Ils accoururent à la défense de Dunkerque, laissant
eu arrière leur ariillerie et une portion de leur cava-
lerie. Coudé les conjurait de se retrancher en les atten-
dant ; don Juan au contraire voulait s'avancer dans les
iUnies et marcher a la rencontre de l 'année française :


Vous n'y pensez pas, disait Condé; ce terrain n'est
» favorable qu'il l'infanterie, et celle des Français est
•s plus nombreuse et plus aguerrie.—Je suis persuadé,
« répondit don Juan, qu'ils n'oseront seulement pas
« regarder en face l'armée de S. 31. Catholique.—Ah,
•( vous ne connaissez [tas 31. dcTurenne ; on ne fait pas
.< impunément une faute devant cet homme-là. » Don
Juan persista et s'engagea eu elîet dans les Dunes. Le
lendemain l.'ijiun, de plus en plus convaincu du dan-
ger, Coudé (il île nouveaux ellbrls pour rengager à se
relirer : « Mo relirer ! s'écria don Juan, si les Français
<- osent comballre, ce jour sera le plus beau qui ait
i' jamais éclairé; les armes de 8. M. Catholique.—ïrès-
i beau en eil'ei, dit Condé, si vous ordonnez la re-
!«. traite. » Tu renne mil fin à ce dissentiment dans le
camp ennemi : décidé à livrer bataille, le 1A juin, au
point du jour, il en lit prévenir le général anglais par
l'un de ses officiers qui voulut en même temps expli-
quer à Lockhart le plan du général en chef et ses mo-
tifs : « C'est bon, répondit Lockharl, je m'en rapporte a
« M. de l u r o n n e ; il me élira ses raisons après la ba-
» taille si cela lui convient. » Contraste frappant entre




371 m : X K E R Q I ' K E S T P R I S


la mâle discipline du bon sens anglais el le frivole aveu-
glement de l'orgueil espagnol. Condé ne s'était poinl
trompé : engagée sous de lois auspices, l'issue de la ba-
taille ne pouvait être douteuse : « Monseigneur, » dil-il
au jeune duc de Giocesler qui servait dans l'armée espa-
gnole, à côté de son frère te duc d'York, « avez-vous
«jamais vu livrer une bataille?—Non, prince—Eb
« bien, vous allez en voir perdre une. » La bataille des
Dunes fut en efl'et complètement perdue pur les Espa-
gnols, après quatre heures d 'une lutte très-vive dans,
laquelle les régiments anglais enlevèrent vaillamment.
et avec de grandes pertes, le poste le plus difficile el fe
mieux défendu par l'ennemi; tous les officiers du régi-
ment de Lockharl, à l'exception de deux, y furent lues
ou blessés. Le duc d'York, de son côté, el le petit corps
de royalistes anglais ou irlandais engagés sous ses
ordres au service de l 'Espagne, rivalisèrent de bra-
voure, en se rencontrant face à face avec leurs compa-
triotes républicains. Turenne et Coudé, qui avaient l'ait
l 'un et l 'autre, chacun dans son camp, selon l'expres-
sion du duc d'York, « tout ce qu'il était possible do
faire, soil comme général, soit comme soldat, » ren-
dirent pleine justice à leurs alliés. Avant la lin du jour,
l'armée espagnole se retira en déroute, laissant quatre
mille prisonniers aux mains des vainqueurs. « Les en-
ci iiemis sont venus à nous, » écrivit le soir Turenne a
sa femme; a ils oui été battus; Dieu en soit loué I J'ai
« un peu fatigué toute la journée; je vous donne le
« bonsoir et je vais me coucher. » Dix jours aptes, le




E T R E M I S A l " \ A X n i . A I s ,•>:, n i.< 1008 ; , 375


2:'J juin liioS, la garnison do lUuikerque était épuisée ;
le vieux gouverneur, le marquis de Leyde, u\ail. été
blessé a mort dans une sortie; la place se rendit ; et le
surlendemain, 25 juin, Louis XIV y entra pour en taire
aussitôt la remise aux Anglais. « Quoique la cour et
'•s l'armée soient au désespoir de se dessaisir de ce qu'ils
•< appellent un si bon morceau, » écrivait la veille
Loekbart àThurloe, « cependant le cardinal, est ferme
« dans ses promesses, et semble aussi satisfait de re-
<. mettre cette place à Sou Altesse que je le suis de la
•< recevoir. Le roi aussi est extrêmement obligeant et
<• poli, et il a dans l'âme plus de probité que je ne
« l 'imaginais 1 . »


Cromwell n'avait pas attendu que Dunkerque fût
pris pour témoigner avec éclat a Louis XJV sa Hère
satisfaction de l'alliance qui les unissait. Dès qu'il sut
le roi et .Mazarin à Calais, il y envoya son gendre, lord
Faulconbridge, comme ambassadeur extraordinaire,
pour les complimenter en son nom, Deux vaisseaux et
trois petits bâtiments portaient l'ambassadeur, ses équi-
pages et sa suite, au nombre de plus de cent cinquante


1 T h u r l o c , Slute-Pnpers. t. V I , p. 489 , 524, 5 2 5 , 537 ; t. V I I , | , . 5 2 ,


•VI, I 10. 118, 1 5 1 , 155, 1 7 3 , 1 7 1 , 175 , 1 7 8 , 1 9 2 ;~lli*loire et Mémoires
du vicomte de 'luronne, 1. I , p . 300-375; t. I I , p . o n I I I - C L X V I ;—J)i>
' . ' j rrm . y .uA, IUduire île Louis II, prince de Coudé, t. IV, p . 1 1 8 -


l 11;--lié acres de L i o n s XIV, l. I, p . 1 0 7 - 1 7 1 , — M é m o i r e s de Jac-
.;•!,> II. t . I, p . Iii8-5(i0, dan- ' m a Collection; — C l a r o n d o i i , Ilist.


• c tin: Ilelcli., 1. j v , o. 1 3 L 1 3 3 ; — O u d w i n , Ilist. of the Coin-
e oii'ceoiHc i. I V , p . 5 1 0 - 5 1 8 ; — E e h a r d , Ilist. of Kngland, 1 .11 ,




375 \ M Î U S $ \ r > K S l»K I . O J » ) K A U L C O N B l l t D O F .


gentilshon и nos. Une tempête les dispersa devant le
port de Calais, et à son vil' déplaisir, lord Fauleon­
hridge débar([iia1 très­]»eu accompagné, en vue du roi,
de la reine et de la cour établis sous une lente dressée
sur le quai. Ce comte de Cbarost, gouverneur de la
place, vint à sa rencontre avec huit ou dix carrosses, et
le conduisit au logement, préparé pour lui, dont les
gardes suisses du roi occupaient les portes. Lord Faul­
conhridge apportait au roi et au cardinal des lettres du
Protecteur qui insistait pour la prompte soumission de
Ihmkerque, «repaire de pirates. » Ils le reçurent l'un
et l'autre, en public et en particulier, avec les plus
grands honneurs officiels et les plus familiers témoi­
gnages d'intimité. Louis XIV se promena plus d'une
heure avec lui dans son jardin, tète à tête et découvert.
Mazarin, après un long entretien, le reconduisit jus­
qu'à la porte où l'attendait sa voiture, «extrême poli­
tesse, dit lord Faulconhridge, dont le cardinal se dis­
pensait d'ordinaire avec tout le monde, même avec le
roi. » Louis XIV fil don à l'ambassadeur de son por­
trait richement orné, et le chargea de remettre au
Protecteur une magnifique épéc. Mazarin envoya aussi
à Cromwell une belle tenture de tapisserie. C'est
l'habileté et l'orgueilleux plaisir des anciennes cours
de combler de leurs faveurs les grands parvenus qu'elles
ont besoin de gagner. Louis XIV et le cardinal ne se
bornèrent pas à recevoir avec cet éclat l'ambassadeur du


1 L e U) m a i 1658 .




E T ГШ П Е С D E l ' M É Q E l м д г ­ д п х 1058) . 377


Prolecteur: peu «le jours après son dépari, ils envoyè­
rent à leur tour à Londres 1 un ambassadeur extraor­
dinaire, le duc de Créqui, accompagné du marquis Man­
cini. neveu de Mazarin, et porteur de deux lettres per­
sonnelles adressées à Cromvell par le roi et le cardinal:
•­ Monsieur le Protecteur, lui écrivait Louis XIV, ayant
i ' beaucoup de sentiment des témoignages que j 'a i reçus
« de \otre alfeciiou par le vicomle de Faulconbridge,
" voire gendre , je n'ai pu me contenter d'y avoir
« répondu par son moyen, et j 'ai désiré de vous donner
v encore des marques [dus expresses de la mienne en
e vous envoyant mon cousin le duc de Créqui, premier
.< gentilhomme rie nia chambre, auquel j 'ai ordonné de
• : vous (aire parliculièremeni connaître quelle est
и l'estime en laquelle je tiens voire personne et coin­
« bien je tais d'élat de votre amitié. Je l'ai aussi chargé
< de vous témoigner la part que j 'a i ressentie du glo­
< rieux succès do nos armes dans l 'heureuse journée du
.< 1 i de ce mois, et connue celle victoire cl. la rigueur
•,< avec laquelle Punkorque continue à être pressée me
« t'ont espérer la réduclion de cette place dans peu de
« jours; à quoi je ne cesserai point de m'appliquer avec
u les mêmes soins que j 'ai pris dès le commencement
ii du siège. El bien que j 'aie in formé mon cousin le élue
« de Créqui de mes intentions, comme aussi du détail
« de celle action, pour vous on faiie le récit, je ne puis
« pourtant que je ne vous dise, par cette lettre, que le


< L e 19 j u i n 1(158




37« A M B A S S A D E S J>E L O B E l 'A( ' 1.« ' t I X ) ; U f 1 )(71-:


« sieur Loclvhart, voire ainha>sadeur vers moi, s'est
a signalé par sa valeur et sa conduite en celle rencontre
a et que les troupes que vous m'avez envoyées y ont
» donné, à son exemple, des preuves de générosité ci
« de courage extraordinaires. Du surplus, je me pro-
« mets que vous voudrez bien, ainsi que je vous en
a prie, prendre une entière créance en ce que mondil
« cousin vous dira de ma part, el surtout qu'il n'y a
« lien que je désire davantage que de vous l'aire cou-
« naître par effet jusqu'à quel point vos intérêts me
« sont clicrs 1 . »


Oomwell répondit magnifiquement à ces fastueuses
démonstrations; un autre de ses gendres, Fleelwood,
alla recevoir a Douvres le duedeCréqui, avec une suite
de vingt carrosses à six chevaux et de deux cents cava-
liers ipii escortèrent partout l'ambassadeur île France,
l'épée nue. Arrivé à Londres, le due de Créqui y l'ut
traité comme lord Faulconbridge l'avait été à Calais ;
Cromwell, à son audience publique, descendit, pour
aller au-devant de lui, deux degrés de l'est ratio sur
laquelle il était placé, et le lit, plus lard, asseoir à sa.
droite, axant, à sa gauche, son fils Richard. Enfin, à son


' O n t r o u v e r a d a n s l e » Z ' o f t i m « i f s hirloriqvn (u» X X V I : o e l i e i o i -


t r e c o m p l è t e , a in- i i ' p i e s i x a u t r e s a d r e s s é , ; ^ d u 12 j u i n a u j u i l -
l e t l t l ëS , p a r l e c a r d i n a l V l a ^ a r i n il C r o m w e l l , p a r M. d e B r u e i n e


à M. d e B o r d e a u x e t p a r M . d o B o r d e a u x à VI. île B r i e n u e . C c e e


r o r u ^ i ' O i i L i n c : a i t i h e n i u j u o d é m o n t r e pi i ' n i i s M > t é ,P>s ; i u e e -


d o t e s e t d e s p r é t e n d u e s l e t t r e s a t t x i j i H L i s , a p r è s d ' a u t r e s h i s t o -


r i e n - , .M. i j o d w i n a a j o u i é foi tllisl. uf ihe CominvHKeuUh, x, I V


P, r.-itf-j-UÇ.




i-:i DV m v m curjjî! , » 4 / - . » ; \ ¡0580 3 7 9
départ, l'ambassadeur reçut, pour ses maîtres et pour
lui-même, de beaux présents, entre autres six caisses
pleines de plaques d'étain de Cornouailles, richesse
solide que Croimvell envoyait au cardinal avec une con-
fiance familière et un pou dédaigneuse, le sachant bien
plus avide que vaniteux 1 .


Au milieu d'un tel succès accompli avec tant de vi-
gueur et manifesté avec tant d'éclat, à la vue de ces
ciels de Dunkerque remises entre ses mains par la France
pour rester dans celles de l'Angleterre, Croniwell replil
la pensée et l'espérance d'un Parlement qui vînt sanc-
tionner, appuyer et perpétuer son pouvoir. Ses plus
intimes conseillers, Thurloe surtout, ne cessaient de l'y
pousser; malgré les triomphes de leur maître, ils sen-
taient péniblement les embarras journaliers du gou-
vernement; la confiance et l'argent leur manquaient ;
« Nous sommes ici sans ressources, nos habits et nos bas
»• troués; mendiant, de quelques aldermen de la Cité,
v pour les envoyer à Dunkerque, cinq ou six mille livres
« sterling que, je le crains bien, ils nous refuseront....
« Nous dépensons aussi peu que possible dans les cir-
« constances extraordinaires; mais nos circonstances
« et nos dépenses sont si extraordinaires que nous ne
« pourrions en rien retrancher avec sûreté.... Je ne


1 T h u r l o e , SMe-Paper», t. V I I , p . 1 5 ] , 158 , 1 3 2 ; — C l a r e n d o n ,
/f.'.sc vflhe Rébellion, I. x v . <•. l a » : — M a r k N o b l e , il on vin «file
l'vleclurul llomc, i. I I , p . 391-333 , — G o . Iw i n , HiU. of Ibe Cvm-
ne.oe.e eoll h, t. I V , j . . 5-10-5,70 ; — L a r r e y , UUh d*Fr<tne**ou* le renne.


,;,-LB»hxiv, i. m , p . 3(j-ii.




m r R o M W E l . I , MEOITE I A CONVOCATION


« sais en vérité ce que unies forons sans le secours d'un
« Parlement. « Ainsi écrivaient 1 Thurloe etFleetwood
à Henri Cromwell, qu'ils tenaient avec soin au courant
de l'état des affaires. D'autre part, on disait au Protec-
teur que les dispositions des officiers récalcitrantsélaienl
changées, qu'il ne rencontrerait plus dans l'armée les
mêmes obstacles, et qu'il pourrai! hardiment accepter la
couronne que le nouveau Parlement ne manquerait pas
de lui offrir. On allait jusqu'à prétendre que, parmi les
chefs républicains, quelques-uns des plus illustres et des
plus obstinés, ftich, Ludlow, Vane lui-même, étaient
disposés à se monlrer plus faciles. Cromwell écoulait et
ne se décidait pas :« Si vous me demandez par quels mo
« tifs Son Altesse n'en vient pas à cette résolution, écri-
« vait ThurJoe à Henri Croniwell \ je vous dirai que je
u n'en sais point d'autres sinon les préjugés de quelques
« honnêtes gens qui ne veulent pas des fondements sur
« lesquels le Parlement pourrait nous établir, et les
« inquiéludes éle quelques autres qui pensent que, si
« le Parlement se laisse (1010111(0" par ces antipathies, if
« amènera notre ruine. » Cromwell voulut sonder les
dispositions de quelques hommes ; il chargea un comité
de neuf membres d'examiner ce qu'il y aurait à faire
dans le prochain Parlement pour se défendre, soil des
Cavaliers, soit des vieux républicains. Fienncs, Fleet-
wood, Pickering, Desborough, Whallcy, Goffe, Philippe


i L o s 13 , 20, 37 , 30 a v r i l c l 27 j u i l l e t 1058


" I ,e 27 a v r i l 1058.




и С Л" X O r V E A l ' P A K I . E A I K N T ( A V R I L ­ J U I L L E T J 658!. W i


Jones, Coopor et Thurloe, cinq oiïiciers eL quatre fonc­
tionnaires civils, formaient ce comité. Après plus d'un
mois de délibération, la majorité vota « qu'il était indif­
« feront que fa succession dans le gouvernement fût élec­
« tive ou héréditaire; » mais par complaisance pour les
républicains obstinés, on ajouta « qu'il était désirable
« qu'elle demeurât élective, c'est­à­dire que le Protee­
« tour désignât lui­même son successeur. » Quand on
lui remit cette consultation puérilement vaine, « Son Al­
« fesse, voyant qu'elle ne pouvait obtenir aucun avis des
« hommes de qui elle attendait les meilleurs, dit qu'elle
« prendrait elle­même ses résolutions, car elle ne pon­
« vait on conscience resler pi us longtemps immobile,
<' et se rendre coupable de la ruine du parti des lion­
ч notes gens et de toute la nation. Et vraiment, ajoute
« Thurloe je souhaite depuis longtemps que Son
« Altesse agisse selon sa propre pensée, et ne se préoe­
« eupe pas tant de celle des autres. Du reste, Son Altesse
« est maintenant à Hampfoncourt, où elle restera en­
« core quelque temps, aussi bien pour sa propre santé
« que pour être auprès de sa fille, lady Elisabeth, qui
« a été dangereusement malade, mais qui va un peu
<i mieux 2. »


(Jromvvell en effet, depuis quelques mois déjà, ne


' Le 13 j u i l l e t I(if>8.
' T h u r l o e , НШк-Vaperx, t. V I I , p . 7 1 , SI , !,i!l, Пи), I­11, J6D,V!>5
t'.unit­U, ii>:J. iii- iln.n k'oie.,, t 1 , p. l o i ln'2, d a n s nia C'ouV'rruui ,


» G u d w i t l , ll'tsK uj thr C'elnlaona rnltb. t. IV, p . 'hri-jl».




.<«-.' C R O M T r F T . T . IDAXS î . ' T X T F H 1 V\' l£
donnait, aux soins do sou gouvernement ou di- sonam-
In"! ion, ni iout son temps, ni tonte son âme. Sa Camille,
ses enfants, leurs intérêts et leur destinée l'avaient tou-
jours sérieusement préoccupé. Sans ardeur ambitieuse
et sans illusion paternelle; il ne s'abusait point, sur
leurs talents ou leurs mérites, et traitait leurs affaires
en père soigneux et prévoyant plutôt qu'en souverain
pressé de répandre sur les siens l'éclat de son pou-
voir. Connaissant l'indolence naturelle cl l'insouciance
politique de son fils aîné Richard, il le laissait vivre
chez son beau-père, M. Major, dans le manoir de
llui'sley, en bon gentilhomme de campagne ; et il ne
lança son second fils Henri dans le gouvernement de
l'Irlande que sous des formes modestes, par degrés
lents et après avoir éprouvé sa capacité. Devenu Pro-
tecteur, il voulut avoir et il eut une cour; mais l'austé-
rité de son parti, le caractère militaire de son gouver-
nement, les mœurs , les goûts et les méfiances de la.
plupart de ses adhérents la contenaient dans des limites
assez étroites ; la famille de Crotmvell fut le centre et le
principal élément de sa cour. Sa femme, Elisabeth
Bourchier, était peu propre à y bri l ler; c'était une
personne simple, craintive, plus intéressée qu'ambi-
tieuse, inquiète de l'avenir, préoccupée de s'y assurer
des ressources, et jalouse de son mari qui, touten vivant
bien avec elle, lui en fournissait de justes motifs. Lad y
Dysart, qui fut pfus tard duchesse de Lauderdale, nus-
(riss Lambert, et peut-être d'autres encore dont les
noms sont plus incertains, avaient, ou, ou avaient avec




DP. S A F AX.ITT.LR.


f.'!!• 111 wi 'I], une intimité sans liruit, mais point complé-
Irmonl. ignnréo; un lui alh'iliuait dos enfants naturels;
el les inquiétudes conjugales de lad y Elisabeth étaient
si vives (pie la reine Christine de Suède dont, après sou
abdication, on annonça un voyage à Londres, en fut
elle-même l'objet. C'était sur ses enfants, plutôt que
-air sa femme, que le Protecteur complaît pour Je suc-
ées de sa cour. Il appela à Londres son fils Richard, et
le fît nommer membre du Parlement, conseiller privé,
chancelier de l'Université d'Oxford. Son gendre, John
Claypole, était un homme de mœurs aristocratiques et
de plaisirs élégants, lié, comme Richard lui-même, avec
beaucoup de Cavaliers. Après le mariage de ses deux
dernières lilles avec lord Eaulconbridgc et 31. î î ich,
Cromwell avait ainsi autour de lui quatre ménages
jeunes, riches, empressés à jouir et à faire jouir ceux
qui les approchaient de l'éclat de leur sort. Il avait lui-
même le gofd du mouvemenL social, des réunions bril-
lantes, surtout de la musique dont il prenait plaisir à
.durer les artistes el à entendre les concerts. Sa cour
devint, autour de ses lilles, nombreuse et animée. Une
seule d'entre elles, la veuve d'Ireton, devenue Jade
l'iechvood, républicaine ardente el austère, prenait
peu de part à ces fêles, et déplorait l 'entraînement mo-
narchique et mondain qui prévalait dans la maison
comme dans la politique du Protecteur 1 .


' "Mirk X » U u , Mmwirs vf lin- l'roU'doral llousc, t. I , p . 121-128,


; .";J-lh2. la: , , t. I I , p . 37(i-:i7H : C.t rl v h>, I ' roui irelis Le!ter< „n,l


•<•;.,••.•, i. I. p . •121-4111 , 1 . 1 1 , p . lu, RU, 241 .




:;KI l"R(J\r\V];T/l, DANS L IXTKKÏF. l '!(


An milieu des soucis de son gouvernement, Crom-
vvell jouissait avec quelque orgueil de cette prospérHe
domestique. Les aillielions dis famille ne lui avaient
pas été tout à lait épargnées. En juillet 1U18, pendant
le cours de la guerre civile, il avait perdu l'aîné de
ses lils, jeune capitaine de dix-neul ans, qui portail aussi
le nom d'Olivier, et qui lut tué dans une affaire contre
les Écossais. On ne rencontre, pendant dix ans après sa
mort, aucun souvenir de ce jeune homme; niais en 1 (>•>;,
la fidélité de l 'amour paternel éclate dans le cœur de
Cromvvell malade; en entendant lire un passage de l'E-
pître de saint Paul aux Philippiens, «Ce texte, dit-il, m'a
« sauvé une fois la vie, quand mon fils aîné, mon pauvre
« Olivier, fut tué, ce qui me perça le cœur comme un poi-
«gnard. » En lGo4, Cromvvell perdit aussi sa mère, Eli-
sabeth Stevvart, femme de sens et de vertu, à laquelle il
n'avait jamais cessé de porter et de témoigner un grand
respecl. Elle se méfiait de la fortune de son lils, et ne s'y
associait qu'avec un sentiment de modestie (¡1 de regret.
11 eut quelque peine à la décidera venir habiter Whilo-
hall; elle vivait dans une inquiétude permanente, s'at-
lendanl toujours à quelque calastroplio, cl s'écriant, tou-
tes les l'ois qu'elle entendait LUI coup de feu :« On a lire
a sur mon lils! » A sa mort , elle manifesta le désir d'être
ensevelie sans pompe et dans une petite église; mais
Cromvvell lui lit faire, dans la chapelle' de Henri VU de
l'abbaye de Westminster, des obsèques magnifiques.
Pendant quatre ans , de Ib.Ylù IUè>8, aucune épreuve
ne l'atteignit dans sa famille; elle brillait et prospérait




DL. SA 'f A M I L L E . 3tfi»


sans mélange. Mais dans i'Iiivei- de lo<'>8, la mort y entra
avec des rigueurs inaccoutumées : au bout de trois mois
de mariage, sa lille Françoise perdit son mari , Robert
Ricb, a peine âgé de vingt-trois ans; trois mois après,
ie grand-père de M. Ricb, le comte de Warwick, le
plus intime des amis de Cronrwell parmi les grands
seigneurs, et qui n'avait cessé de lui donner à la
lois d'utiles conseils et «.les marques d'un vrai dévoue-
ment, suivit son pelit-llls au tombeau. Cromwell sentit
vivement ces deux pertes ; l 'une était prématurée ; l 'autre
l'avertissait des approches de la vieillesse et des vides
irréparables qui se l'ont autour d'elle. A peine quelques
semaines s'étaient écoulées; un coup bien plus rude vint
Je frapper. Sa fille chérie, lady Claypole, était depuis
longtemps faillie et. soutirante ; il l'avait élablie dans le
palais de Hamptoueourt pour qu'elle y jouît de l'air et
du repos de la campagne. La voyant de plus en plus
malade, il vint y résider lui-même, pour la soigner de
[ i r e s et constamment. Elle avait, pour lui, un grand et
particulier attrait; c'était une personne de sentiments
nobles et délicats, d'un esprit élégant et cultivé, fidèle à
ses amis, généreuse envers ses ennemis, tendre pour
¿011 père, à la fois hère et inquiète de lui . et qui
jouissait vivement de son intimité. Souvent fatigué,
rt des hommes qui s'agitaient autour de lui, el de
s e s propres agitations, Cromwell prenait plaisir à se
reposer dans la sociélé de cette âme si étrangère aux
luttes brutales et aux actes violents qui avaient rempli e! qui remplissaient encore sa vie. Mais ce plaisir se




:jsri jtokj ni­: r.Ain rtAYJ'OT.r: r> «,.­t ifi­w.
chaiijioa une amère douleur ; le mal, compliqué et
obscur, île lady Claypolc empira rapiilemciil ; elle
tomba dans des crises nerveuses au milieu desquelles
elle laissait éclater, devant sou père, tanlèl ses cruelles
souffrances, tantôt les tristesses et les anxiétés pieuses
qu'elle ressentait à son sujol. Toujours assidu auprès de
sa tille, Cromwell subissail, en les comprimant avec sa
force d'âme, ces impressions si douloureuses. I.e (i aoul
IG.'iH, lady Claypolc mourut. Le Protecteur se (tonna la
triste satisfaction d'entourer le cercueil de sa fille de
loutes les pompes dont il pouvait disposer; illalit trans­
porter à Westminster, dans la Chambre Peinte, ou elle
resta vingt­quatre heures solennellement exposée, cl
de là dans la chapelle de Henri Vil, où elle fut ense
velie dans un caveau spécial, au milieu des lombes des
cois 1.


La maladie de lady Claypolc avait trouvé Croniweli
malade lui­même : quoiqu'il eût. résisté avec succès aux
crises de fièvre dont il avait été atteint dans ses cam­
pagnes d'Irlande et d'Ecosse, son robuste tempéranicui
en était resté altéré; des maux douloureux, et toujours
près de devenir dangereux, la gravelle. la go ni te, des
désordres dans le foie et dans les reins, le défaut de som­
meil lui étaient devenus habituels. Quand il en ressen •


1 C a r l y l e , Cromtrelt's Lrtter» and Sjtterlm, l. I I , p . O.YMifiO —
T h u i l o e , ataie-Papers, i. V I I , i'­ : № ; — M a r k Noblv, .¥«»;,,
t>f tho Protei'loral JloMe, i. I, j». «4­90 , \:t-2, 1 3 1 , 137 ] ¡1
t. I I , p . 9 9 6 ­ 4 0 2 ; — ( i u d w i n , IIUt. vf >!••• rum,n,„„r»,Uh. e ï \ .
p . ;W7­J30.




M A I . A I ' i l K \>E ÇKOAnVl-lLI.. 3 8 7


lait quelque atteinte gênante poiu- ses affaires, il s'en
inqialit:nl!iil et sommait ses médecins tic le remettre, à
foui prix, sur jlied. Au moment où le danger de lady
Claypole éclata, il soulîrail d'une attaque de goutte ;
donnant, audience le do» juillet a l'ambassadeur rie Hol-
lande, iSieuport, il se sentit si mal à l'aise qu'il cessa
l'i nlreliuii et renvova l'ambassadeur à la semaine sui-
vante. Trois jours auparavant, Tburloe écrivait à Henri
(jromvvell1 : « Son Altesse reste si assidûment à l l amp-


toncourt, auprès de lady Elisabeth malade, que,
depuis quinze jours, on a t'ait bien peu, ou plutôt rien


•< ilii tout, pour les affaires publiques. » Après la mort
de lady Claypole, le Protecteur fil effort pour repren-
dre ses travaux; il tint son conseil; il passa quelques
troupes on revue; il termina une négociation commer-
ciale avec la Suède; il s'inquiéta de l'arrivée soudaine
de Ludlow à Londres, et donna ordre à l'Teetwood de
s assurer qu'il n'avait point de mauvais desseins. Mais
une lièvre intermittente se déclara, avec de violents
accès; il se mit au l i t ; on le crut en grand danger.
Vers le 20 août, la fièvre céda; il se leva et reprit ses
habitudes. Le quaker George fox , qu'il avait autorisé a
compter toujours sur sou bon accueil, vint à Ifampton-
coiirl cl demanda à le voir pour lui parler de quelques
poursuites dont les quakers étaient l'objet : « ,1e le
« trouvai, dit il,se promenant à cheval, accompagné do


sa garde, dans le parc de Hamploncourl; je sentis en


' Lv i l j u i l l e t Mi,-,».




3 8 8 E T A T M O R V E DE I; E< ")M W E E E


« l'approchant un souille de niorl sur lui; il avai! l'air
« d'un homme mort. Quand je lui eus exposé les sout-
il tranees des IVères, il m'ordonna de venir chez lui pour
« lui en reparler. Je retournai le lendemain à Hamplon-
« court; mais quand j 'arr ivai , Harvcy, qui était de
« service auprès do lui, me dit que les docteurs ne
« voulaient pas que je lui parlasse. Je m'en allai, et je
« ne l'ai jamais revu 1 . »


La fièvre s'était fort aggravée : les médecins furent
d'avis que le Protecteur changeât d'air et quittât Uauip-
toncourl pour Londres. Il rentra à Whilehall le 2i août
1058, et de ce moment , malgré quelques apparences
de répit, le mal et te péril devinrent de plus en plus
pressants. Lroniwell ne s'occupa plus d'affaires publi-
ques, el parut n'y plus penser. Dans son âme pourlanl,
il n'avait point renoncé à la vie cl à tout avenir ter-
restre; ayant entendu ses médecins s'entretenir de sou
poufs qu'ils trouvaient désordonné et intermittent, ci s
paroles le frappèrent ; il fut saisi d'une sueur froide, se
trouva presque mal, se remit dans son lit, lil appeler u n
secrétaire, et régla ses affaires intérieures et privées.
Le lendemain matin, l'un de ses médecins entra dans
sa chambre : « Pourquoi avez-vous l'air si triste "Mm
« demanda Cromwell;—Ceux sur qui pèse la responsa-


i T h u r l o e , Stftte-Papers, t. V I E p . 239 , 3 0 1 , 320 , 305 ,— F . - ; r 0


Journal, t. 1, p . -185-480 ; — C i r h d o , Cruinu-.ell's L,.!(crs onol s^,:-


CIM, t . I l , p . 0 0 1 - 0 0 2 ; — C l a r e m i o n , Ihsl. of ll,e HcbJiwn. I . i v :
1-15-110.




P E N D A N T S.A .MÀI.AEiJE • M .ir i - S Ï I T F M B H E lii.iS). : « 9


» tiililô ilo voire vie ne peuvent pas ne pas être forte-
« ment préoccupes; — Tous autres médecins, vous
a croyez que je vais mourir, » et prenant la main de sa
femme lady Elisabeth, qui était auprès de lui : « Je te
•< déclare qucje ne mourrai pas de cette maladie-ci; j'en


suis sûr. » Ee médecin le regardait, sans doute avec
quelque air de surprise : « Vous croyez que je suis l'on ,


reprit Cromwell; mais je dis la vérité, et fondé sur
; des motifs plus certains qu'Hippocrate et Galien ne
- vous en peuvent fournir. Dieu a accordé cette ré-
« ponse, non pas aux prières de moi seul, mais à celles
« d'hommes qui ont avec lui un commerce bien plus


intime. Ayez donc confiance ; chassez de vos yeux la
« tristesse, et traitez-moi comme un pauvre domes-


tique. Vous pouvez beaucoup par votre science;
ruais la nalure peut bien plus que tous les méde-


< cius ensemble, et Dieu est infiniment plus puis-
• saut que la nature. » Le voyant si vivement excité


après une nuit presque sans sommeil , le médecin lui
ordonna un repos absolu, sortit de la chambre et ren-
contrant, un de ses confrères : « Je crains, lui dit-il,
.t que notre malade ne soit bien près de la folie, »
et il lui répéta ce qu'il venait, d'entendre. « Êtes-
« vous à ce point étranger dans ce palais, répondit
« l 'autre, et ne sa\ez-vous pas ce qui s'est passé
•( la nuit dernière? Les chapelains du Protecteur et
•• tous les saints, leurs amis , dispersés dans les
« différentes parties du palais, se sont uns en prières
* pour son salut, ci ils ont tous entendu cette




É T . l f M''j î Ai.. n i ; ( .TiOMWK 1,1.,


« voix de Dieu:—Jl guérira.—Ils s'en tiennent pour
« assurés '. »


Non-seulement dans le palais de Whileliall, mais
dans une multitude d'églises et do maisons de Londres,
des prières ferventes s'élevaient pour la guérison do
Protecteur : prières à la fois sincères et inlércssécs, sus-
citées et par la sympathie et par la crainte ; indépen-
damment des hommes attachés à sa personne ou a son
gouvernement, et dont la fortune se trouvait liée a la
sienne, Cromwell était, pour tous ceux des révolu-
tionnaires et des sectaires que le fanatisme républicain
n'avait pas rendus ses ennemis, le représentant île leur
cause, le défenseur de leurs libertés civiles et religieuses :
quel serait leur sort s'il mourait? Sous quel joug tom-
beraient-ils? El leurs prières n'étaient pas, pour eux,
des formules froides et vaincs; ils avaient une ferme foi
dans leur accès auprès de Dieu, et la présomption de
croire qu'il leur révélait ses desseins : « Seigneur, s'écriai i
« Goodwin, l'un des chapelains du Protecteur, nous ne
« te prions pas pour sa guérison; lu nous l'as déjà accor-
« dée; ce que nous te demandons maintenant, c'est sa
« prompte guérison. » Les politiques n'étaient pas s i
tranquilles, et pourtant, eux aussi, ils espéraienl beau
coup : « Jamais, écrivait Thurloe à Henri Cronnve'l - ,
« il n'y a eu, pour aucun homme, un tel trésor' d e


i B â t e s , Elmchus mntuu.m nupevorum, p a r t , I I , je 113-11.; , - .


U e a i l i , Chronide, p . 73(1-737.


s L e 30 a o û t 1058,




l ' E X I ' ì A x r s v M . U . A u r E uhp i -skitj'.mhkk . 105* . 391


« prières; Lo i i s Ics esprits, lions ou mauvais, sont frap-
i pésde consternation, à l'idée de eequi pourrait arri-
« ver s'il plaisait a Dieu de retirer aujourd'hui Son
« Altesse de ce monde; puisque Dieu a tant incliné les
« eo ' i i r s à le prier, j'ai la confiance qu'il inclinera son
a oreille à les exaucer 1 . »


Cromwcll était loin de guérir ; les crises devenaient
de plus en plus \ioleules et rapprochées, cl en en sor-
tant, il tombait dans un abattement profond. La [dus
\ h e sollicitude sur l'avenir agitait sa famille et ses con-
seillers. Qui serait son successeur'.' Aux termes de l'acte
constitutionnel, c'était à lui de le désigner. Depuis sa
maladie ci avant de quitter llamploneourt pour reve-
nir à Londres, Cromwell lui-même s'en était préoccupé ;
il axait chargé un de ses secrétaires, John Barringlon,
d'aller chercher dans son cabinet, à Whitehall, au fond
d'un tiroir, un paiiier cacheté sous forme d'une lettre
adressée à Thurloe, et dans laquelle, au moment de la
seconde constitution du Protectorat, il avait d'avance
nommé son successeur, sans en dire à personne le nom.
On ne trouva point ce papier, et Cromvvell n'en parla
plus. Quand le danger parut imminent,les enfants et les
gendres du Protecteur, lord Faulconbridge entre autres,
pressèrent Thurloe, son seul confident véritable, de
lui adresser à ce sujet quelque question, quelque insi-


i T t n i r i o o , Stnte-Pniieff, t . V i l , p . 3(1-1, 30(>, 3 6 7 , 3 6 9 ; — N e a l ,
Uixhnj oj l ! i e l ' , m h , n s , e I V , p . I M O , — L u d l o w , Mémoires, t . 11,
p . 3 3 7 - U K \ >lai.> m a Collection.




3P2 E T A T MO'UAT. D E C K O M W E E I


uuation. Thurloe le promit et tarda à le faire. 11 n'avait
lui­même, sur les intentions de son maître , aucune
cert i tude; Cromvvcll les avait tenues absolument s e ­
crètes, ne voulant enlever l'espérance de lui succéder
à aucun de ceux qui pouvaient y avoir quelque préten­
tion. Quelques personnes disaient que son choix ne por­
terait sur aucun de ses fils, mais sur son gendre Fleet­
vvood, plus agréable à l 'armée et aux républicains. Dans
ce doute, Thurloe hésitait à se charger de demander au
Protecteur une réponse positive, ne voulant se mettre
mal avec aucun des prétendants


A ces perplexités de ceux qui l'entouraient, Cromxvetl
n e prenait plus aucune part : les affaires du monde, les
questions de la politique, les intérêts même des per­
sonnes qui lui tenaient de plus près s'éloignaient et s'é­
vanouissaient à mesure qu'il sortait de l'arène de fa vie ;
son âme se repliait sur elle­même, et retrouvait, eu
avançant vers les mystères de l'avenir éternel, d'autres
pensées, d'autres perplexités que celles qui s'agitaient
autour de son lit. La foi religieuse de Gromxvell avait
bien peu gouverné sa conduite; lescombinaisoiis,les [ tas­
sions, les nécessités terrestres s'étaient emparées de lui;
il s'y était adonné avec un emportement cynique, dé­
cidé à réussir, à grandir, à dominer à tout prix; le chré­
tien avait disparu devant le politique révolutionnaire et
despote; maison disparaissant, il n'avait point péri: les
croyances chrétiennes étaient, restées a u fond de cette


1 T b . i r l o e , Slals-Papen, t . VJU, p . d№­30<S




I > K \ Î » A \ T SA M AT. AI i l H < \ n r T . s h P T E M B R K 165«) . 3ÎKÎ


âme chargée do mensonges et d'allentafs; quand vint
l'épreuve su]Trème, elles reparurent, et selon la belle
expression de l'archevêque Tillotsnn, en présence de là
mort, « renthousiasme religieux de Crounvell prit lo
" dessus sur son hypocrisie. » Le 2 septembre, après un
violent accès de lièvre qui l'avait jelé dans le délire, il
élait rentré en pleine possession de ses sens; ses chape-
lains étaient assis auprès de lu i : « Dites-moi, » de-
uiauda-t-il à l'un d'entre eux 1 , « est-il possible de dé-
M choir do l'état do grâce'.' »—« Ce n'est pas possible, »
répondit le chapelain.—« En ce cas, je suis tranquille,»
dil CronivvelL « car je sais que j 'ai été une t'ois en état
v de grâce. » 11 se retourna, et se mit, à haute voix, en
prières •' « Seigneur, » dit-il, « je suis une misérable
« créature....; tu as t'ait de moi , indigne, un instru-
it meut pour Ion service; ce peuple souhaite que je
« vive; ils croient que cela vaut mieux pour eux et lour-
« lierait à la gloire. D'autres ont envie que je meure.
« Seigneur, pardonne-leur à tous, et de quelque façon
•< que lu disposes de moi, accorde-leur tes bénédic-
<J lions....; donne-leur le repos, et à moi aussi; pour
« l'amour de Jésus-Christ, auquel, comme à toi et au
e Saml-Jjsprit, soient honneur et gloire à toujours!
« Amen -! »


1 A u d o c t e u r O o o d w i i ) . . se lon l e s u n s , a u d o c t e u r S t e r r y , s e l o n
, l ' ; o .n res .


' l î ax tu i - , Life, c i o . , | , n r i . 1 , p . u S , - - - . \ ' e a l , Hist. nf thePimUim,
e IV , p . I S l p - t ' a r h l e , Cr:mirrïï'« Lifter* and Speeche.i, (. 1 ] ,
,-. ndli-ljtiS.—La. p l u p a r t J e c e s d é t a i l s s o n t p u i s é s d a n . , u n p a i n -




30-1 M O U T D E C K O . U W E L L A M : C 11 M I I K I Ï 1038'-


x\ cet élan du piété succéda un éiat de torpeur qui se
prolongea jusqu'à la fin du jour. Quand la nuit vhil,
une forte agitation saisit Cromwell; il parlait, mais a
voix basse et entrecoupée, n'achevant pas ses idées ni
ses paroles : « Vraiment Dieu esl bon ; il ne me... Dirai
« est bon... Je voudrais vivre pour' le service de Dieu et
«de son peuple; mais ma lâche est accomplie; Dieu
« sera avec son peuple. » Ou lui offrit quelque chose a
boire, en l'engageant à dormir : «Je ne veux ni boire
« ni dormir ; je ne pense qu'à me hâter, car il faut que
«je parle.» Le jour se levait; c'était le 3 septembre,
son jour heureux, avait-il dit souvent, l'anniversaire de
ses victoires de Dunbar et do Worcesler. Par une coïn-
cidence étrange, la nuit qui venait de finir avait été 1res-
orageuse; une tempête violente causa, sur ferre et sur
mer, beaucoup de désastres. Cromwell retomba dans
une apathie dont il ne sortit plus; entre trois et quatre
heures de l'après-midi, ayant , depuis quelque temps
déjà, perdu toute connaissance, il poussa un profond


p 111 e 1 i n t i t u l é : A Collection, of several jiassoatcs eoneerninq las late


Highness Oliver Cromwell, initie Haie of his sichusx, e t c . Written


one that was then groom of liis l.,e,h-haicJ,i.r. C e p a m p h l e t esi. a t u i -
b u é p a r l e s u n s à M a i d s t o n e q u i éu i ï t ;i\or-> i n t e n d a n t d e 1» m a i -


s o n istewart of the iioiiseh.old) d o C r o m w e l l , p a r l e s a .u i r e s , f t ,


s e l o n m o i , a v e c p l u s d e v r a i s e m b l a n c e - , à U n d e r w o m ) , q u i é e i r .


e n effet l ' u n d e s e s v a l e t s d e c h a m b r e à e e n e é p i c | u c , e t , p n ,


a p r è s sa m o r t , l u t e n v o y é e n I r l a n d e , à H e n r i C r o m w e d . p e u r Or


e n r a c o n t e r l e s d é t a i l s ; — T h u r l o e , •Stale-I'aqiers, 1. \ 1 I . p . :f, 1,


375 ; — H a r r i s , C r o m w e l l ' s Life, p . 781-480 ,—Uiograpiua Briiann.r a
a r t i c l e Cromicell, t . I I I , p . 1572 .




3 1 0 UT r»K rnOMWF.I.T. (3 trvmwnr 1658) . 305


soupir; les assistants s'approchèrent de sou lit; ¡1 venait
d ' e x p i r e r 1 .


A celle nouvelle, un frémissement universel, bien que
1 lès-divers, circula dans toute l'Angleterre. Cavaliers et
Républicains*, Episcopaux et Presbytériens , Anabap-
tistes et Xivoteurs, tous les ennemis de Cromwell respi-
rèrent, comme des prisonniers délivrés; mais ils ne
remuèrent point. Ils firent p lus ; ils continrent leur
joie. L'armée et l'inquiétude publique leur imposaient.
Officiers et soldats se montraient dévoués à leur général
mort, cl. le publie, n'ayant plus de maître, se demandait
avec anxiété comment il aurait un gouvernement. Les
douleurs de famille et les tristesses officielles parurent
seules. Les unes étaient sincères, et les autres, par con-
venance et par calcul, se manifestèrent avec un grand
éclat, croyant, par la pompe de leurs hommages envers
Ii passé, s'assurer de l 'avenir: «Le porteur de cette
« let tre, écrivait le 7 septembre lord Faulconbridge
• . .i Henri Cromwell, donnera à Votre Seigneurie
« les tristes délails de la mort de votre incomparable
« père, événement, qui enlève à ces pauvres nations
» te plus grand personnage cl le plus grand i n -
« si ruinent, de bonheur public, non-seulement de
"• noire siècle, mais de tous les siècles. La nuit qui a


; I?/..or.//;/./.! lîntanriica, a r i i e l e C V o a é r r l / , 1. TTT, p . 1 5 7 2 . — T l i u r -
,ft,!le-l'„,,,rK, t. V I I , p . 3 7 2 ; —13>rse:.i ' , Slali-xma, oflheVcm-


i i . . . . . a . * ! ! l . . t. V. p . 3MI-3D2 : - 1 1 . ' a i l . , ClirvitiAo. p . 733 -737 ; -




finit ETAT HE L'ESPRIT Pt 'HElO,


c procédé sa mort, cl pas plus lot, eu présence de quatre
« ou cinq membres du Conseil, il a déclaré niiloid
« Richard son successeur;..., , et environ trois heures
« après sa mort (temps employé uniquement à rédiger
« l'acte, non en hésitai tous cl en disputes) le frère de
« Votre Seigneurie, maintenant Son Ailesse, a été pro-
ie clamé Protecteur de ces nations, avec la pleine adhe-


« sion du Conseil, de l'armée et de la Cité Pendant
« les jours où feu Son Altesse louchait à sa lin, la consfer-
« nation du peuple était inexprimable.... S'il en était
« ainsi hors de la famille, vous pouvez juger de ce qui
« se passait dans son sein. Ma pauvre femme, je ne sais
o vraiment que faire d'elle; quelquefois elle semble se
« calmer; mais elle tombe tout à coup dans un nouvel
« accès de désespoir; son cœur est près de se briser, cl
« je ne puis la blâmer, car je sais ce qu'elle a perdu. »
Le même messager portait aussi à Henri Cromwcll une
leltre de Thurloe 1 qui lui disait : « l i a plu à Dieu de
« donner à Son Altesse votre frère un bien facile et par
« silde début dans son gouvernement; il n'y a pas un
« chien qui remue la langue, tant est profond le calme
« où nous sommes. » Au sein de ce calme, les onlhou
siasles, pieusement adulateurs, qui avaient entouré le lit
de mort de Crom\\ell, élevaient, seuls la voix, disant ¿1 ses
anus et à ses serviteurs désolés : « Cessez de pleurer;
" vous avez bien plutôt raison de vous réjouir; il élail


1 7 s e p t e m b r e KjijTi




OHSKQtïtf .S DK r R O M W T X I . 2 3 x m hîii!1!F 10.".*. 007


« voire Profecleur ici-bas ; il sera pour vous un Protec-
« teiir bien plus puissant, maintenant cpi'il est assis,
« avec Christ, à la droite de Pieu 1 . »


Plus de deux mois après ces explosions de douleur
et d'enthousiasme domestiques, le 23 novembre 1058,
les obsèques du Protecteur furent célébrées dans
l'église de l'abbaye de Westminster, avec une pompe
qui surpassa tout ce qu'on avait jamais fait en Angle-
terre pour les funérailles des rois. Quoique le corps eût
été embaumé, sa prompte décomposition avait obligé à
l'ensevelir sans cérémonie peu de jours après la mort .
Un magnifique catafalque l'ut érigé le *2(> septembre à
Somersel-IIouse, dans la quatrième salle d 'un grand
appaiicinent tendu d'abord eu velours noir, puis en
velours cramoisi ; et l'etfigio du Prolecteur y demeura
plus de six semaines exposée aux regards d'une foute
immense qui venait chaque jour la visiter. On avait
consulté, pour régler l'ordre de ces cérémonies, non-
seuletiicnL les souvenirs nationaux, mais le savoir des
honinics versés dans l'étude des pompes royales, au
soin des grandes monarchies du continent. L'un d'enlrt
eux,.M. kinnersley, indiqua les obsèques du plus ca-
lliolique des monarques, de Philippe II, roi d'Espagne
l'oiiiine les plus dignes d'élre reproduites ;i rhoniieui
iluProtecteur du protestantisme européen. Son co^seif


i "liiui'l.-..- .S ' / . . / . - />,/,.<-r"i. f. VIT, p . ; t 7 ! :t7r»;—T.ii.llow. Mrmo'm,
I.U, p. ïl-i, 0,m mal' il,: !(,,,, , A , ,,,,,', „• ,i,ili,:,i ,.f ihr hiilu ,,f
O, ..iiH i!../,,. » l a ujC Bai.\< > VUrmui-U (Luudrt;». l l iO.3 . . p . cm) .




3 0 8 O B S È Q U E S 1VE n i O M V V E E E m xoykvibrk 105»;.


fui suivi; et, à soixante ans d'intervalle ', Philippe. Il et
Cromvvcll, an moment de paraître devant Dieu, oui
reçu, au milieu du même éclat funèbre, les mêmes
témoignages du pieux respect des nations -.


Oromvvell mourut dans la plénitude de son pouvoir
et de sa grandeur. Il avait réussi au delà de toute
attente, bien plus que n'a réussi aucun autre des hom-
mes qu i , par leur génie, se sont élevés, comme lui , au
rang suprême, car il avait tenté et accompli, avec un
égal succès, les desseins les plus contraires. Pendant
dix-huit ans, toujours en scène et toujours vainqueur,
il avait tour à tour jeté le désordre et rétabli l 'ordre,
fait et châtié la révolution, renversé et relevé le gouver-
nement dans son pays. A chaque moment, dans chaque
situation, il démêlait avec une sagacité admirable Jes
passions et les intérêts dominants, pour en faire les in-
struments de sa propre domination, peu soucieux de se
démentir pourvu qu'il triomphât d'accord avec l'instinct
public, et donnant pour réponse aux incohérences de
sa conduite l 'unité ascendante de son pouvoir. Exemple
unique peut-être que le même homme ait gouverné les
événements les plus opposés et sufli aux plus diverses
destinées. Et dans le cours de cette carrière si forte et
si changeante, incessamment en butte à toute sorte


1 P h i l i p p e I I é t a i t m o r t s o i x a n t e a n s , j o u r p o u r j ou r , a v a n t


C r o r n v v e l l , l e 13;3 s e p O - u n é r e lôUd.


* Parliam, Ilist.. !. X X I , p. 238- ' . '15; • -Ci omu-etlunui, p . l " u - 1 8 ] ;


L u u l t o w , Mémoire*, t. H , p . 4 u 7 - 1 0 3 , dan- ; n , a CoiMivn.




c o \ c n ' S î o : s ' . зои
d'ennemis et de complots. Croni vvell eut de plus celle
laveur du sort que jamais sa vie ne fut effectivement
ai laquée; le souverain contre lequel était écrit le
pamphlcl, Tuer n'es! pas assassiner, ne se vit jamais en
face d'un assassin. Le monde n'a point connu d'exem­
ple de succès à i a fois si constants et si contraires, ni
d'une fortune si invariablement heureuse au milieu
de tant de luttes et de périls.


Pourtant Cromvvell mourut triste. Triste, non­seule­
ment de mourir, mais aussi, et surtout, de mourir sans
avoir alloint son vérilahleof dernier but. Quel que fût
son égoïsme, il avait l'âme trop grande pour que la plus
baule fortune, mais purement personnelle et éphémère,
oonnne lui­même ici­bas, suffît à le satisfaire. Las des
ruines qu'if avait faites, il avait à cœur de rendre à son
pays un gouvernement régulier et stable, le seul gou­
'•erneiuenl qui lui convînt, la monarchie avec le Parle­
ment. Et en même temps ambitieux au delà du tom­
beau, par cetle soif de la durée qui est le sceau de. la
grandeur, il aspirait à laisser son nom et sa race en
possession de l'empire dans l'avenir. Il échoua dans
i'un el l'autre dessein : ses attentais lui avaient créé des
obstacles que ni son prudenl génie ni sa persévérante
volonté ne purent, surmonter ; et comblé, pour son
propre compie, de pouvoir et de gloire, il mourut déçu
dans ses plus intimes espérances, ne laissant après lui,
pour lui succéder, que les deux ennemis qu'il avait
ardemment coin hait us, l'anarchie et les Stuart.


Dieu n'accorde pas, aux grands hommes qui oui. posé




400 COXr'T.rSTON'.


dans le désordre les fondements de leur grandeur, le
pouvoir de régler, à leur gré et pour des siècles, même
selon leurs meilleurs désirs, le gouvernement des na-
tions.




DOCUMENTS HISTORIQUES






D O C U M E N T S
HISTORIQUES


I


iPage 37.J


M. de Bordeaux à M. de H tienne.


Londres, 29 déeeniliri! 165^.


Monsieur,
Vous aurez pu reconnaître dans mes dernières lettres une


sriandc disposition à l'établissement d'un nouveau régime,
dans l'Angleterre. La résolution en étant prise par les officiers
de l'armée, ils s'assemblèrent vendredi au matin dans le lo-
¿18 ordinaire du roi on se tient le conseil d'Etat, el y mandè-
rent le maire de Londres, les conseillers de ta ville, les juges
et les chanceliers si peu informés qu'ils rendaient chacun la
justice dans leurs tribunaux. Après que la lecture leur eut
t'.fo faite de la résolution de l'armée, qu'ils se levèrent sans
résistance et qu'ils eurent pris leur robe de cérémonie, toute
la compagnie monta en caresse et en forme de cortège, mar-
chant devant celui de Al. le général, l'infanterie en haie dans




40,1 lOOCt.'MKVrS-


les rues, et m ê m e les colonels à. pied h lu lèlr de son carosse,
se rendit au palais où siéue le Parlement et dans une tribune
é levée . Lecture lut faite de la. déclarai ion de l'armée. Elle
expose dès le commencement la nécessité, qu'il y a d'établir
un Protecteur pour conservería. République, nomme .M. le
g e n é r a l a celte charge, lui ordonne un conseil de \ m p t - q u a l r e
personnes par l'avis desquelles il gouvernera, lui donne pou-
voir de. faire la. paix et la guerre, et. dans la nécessité pres-
sante, de. lever jusqu'il doux millions si le Parlement, n ' e s t
point établi, l'oblige de maintenir la religion réformée, et. d e
réformer les abus qui se commettent par les hérétiques, I m
permet d'avoir des officiers pour la conservation île son bien,
et lui assigne pour son entretien les domaines du roi non
aliénés, ordonne en oulre qu ' i l y aura toujours vingl m i l l e
hommes sur pied et dix mille chevaux, et qu'un Parlement
libre se ra convoqué pour le '.) de soplembre proeJiuin, et
qu'advenant la mort du Protecteur, ¡I en sera choisi un autre'
par le conseil, donnant l'exclusion aux enfants du défunt et
à ceux qui seront du sang royal. La lecture faite et le ser-
inent prêté entre les mains du chancelier, le s i eu r l'rolecteui
s'assit dans une chaise préparée, se couvrit, et les autres d e -
meurant debout et tè te nue, les chanceliers lui présente! en !
iiisiipna majvstatis, et le maire l'épée. Il les prit et leur r e n -
dit, et s'en retourna dans le même ordre, sinon que ledit
maire portait devant lui l'épée comme autrefois devant le iv i .
et même dans son earosse, où tout le monde, jusquos à -e<
gardes, était tète nue. La cérémonie s'acheva dans le palais
royal d 'où il é ta i t parti, par un sermon sur le sujet.


La déclaration contient bien d'autres particularités, Ouït
pour l'élection du Parlement que loin liant son pouvoir plu-
grand que ne fut jamais celui (lu roi, quoiqu'il senile
un peu assujetti à son conseil et au Parlement. Depuis,
tous les ofiieiers ont eu les mains l iées. les conseiller-




H I S T O R I Q U E S . 405


d'État mit été nommés; ce sont la plupart les mômes qui
servaient dans le précédent, et la publication a été faite par
la ville cette après-dîno'e, avec grande assemblée tant de
troupes, noblesse à cheval que de carosses. Le peuple n'a
donné aucune démonstration de joie; mais les soldats par des
salves et le canon de la Tour l'ont solemniséc, et devant, les
musons publiques il s'est fait des feux. On lui donne le nom
d'Altesse, et il doit loger dans la maison du roi, dont quel-
ques officiers de l'armée voulaient qu'il prît le titre. Les ana-
baptistes paraissent abattus de ce coup. Leur chef, généra!
major de l'armée, s'est retiré, et les autres officiers et soldats
de ce parti sont menaces d'être licenciés. Néanmoins un
de leurs ministres, hier, ne laissa pas do le comparer à
Richard 111, mais c'est un dernier effort de leur emportement


Le maMrc des cérémonies n'a point encore fait part aux
ministres étrangers de cet établissement, et sans doute, jus-
qu'à ce que les affaires du dedans soient réglées, l'on ne leur
donnera pas lieu de traiter de celles du dehors.




h M. de Bordeaux à M. de Hrieime.


Lotidî'Or; tï;> juin ttitĵ .
Monsieur,


J'ai laissé [tasser deux ordinaires sans me donner fiionneiir
de vous écrire, le premier, pour n'avoir rien eu à mander
que des remises, et le second, pour avoir voulu attendre Je
retour de M. de Baas de chez .M. le Protecteur qui l'avait en-
voyé chercher, prévoyant que c'était pour quelque cho»c
d'extraordinaire. Il ne m'eut pas sitôt fait le rapport de sa
conférence que trois ministres du conseil me vinrent tremer,
et me tinrent jusques après l'heure du départ de la poste. J'ui
depuis vu 31. le Protecteur, et quoique je pusse remettre au
sieur de Baas la relation de tout ce qui s'est passé, néon
moins, crainte qu'il n'arrive pas assez tôt à la cour, je tâche-
rai de satisfaire l'impatience que Sa Majesté pourrait aura
d'être informée des sujets de sa. retraite. Il sera sans doute.
Monsieur, venu à votre connaissance que depuis deux mo\<
un nommé Naudin, médecin français, avait été trouver AI. de
Baas, et s'était offert de gagner quelques officiers de l'armée,
même quelque place, et fomenter une division dans cet État,
si la. France voulait appuyer ce dessein, présupposant que
nous ne devions pas rejeter des propositions si avait taeeuses.
puisque ce régime était entièrement porté à préférer l'ami lié
de l'Espagne à celle de France. Quoique cette ouverture fît!
faite dans un temps auquel toutes nos instances pour l'accom-
modement ne produisaient aucun effet, néanmoins ledit siéra
de Baas ne se voulut point engager, sur ce qu'il ne ciovaé




I?! .S ' ( 'ORH,i l 'KS. 407


|ms nue lu cour ont intention rj'culrcr dans de semblables en-
treprises, taul qu'elle verrait \ mr à I 'accommodement. Ledit
Nauilin ne laissa pas de temps en temps de le revenir voir,
lïTivanl sans doute que Sa Majesté lui enverrait de nouveaux
outres. Ce commerce a. continué sans ma participation, jus-
qu'au jour que ledit Naudin a été fait prisonnier. Il ne fut
pas sitOt interrogé que de plusieurs endroits l'on m'avertit
que nous étions soupçonnés d'avoir part à la conjuration.
Même un de nos commissaires me le fit savoir, et désigna le-
dit sieur de Baas, en me. déchargeant de ce soupçon, que je
considérai comme un prétexte dont l'on se voulait servir pour
relarder noire négociation. Je ne laissai pas néanmoins de
l'aire toutes diligences pour effacer cette défiance, principale-
ment après avoir appris dudit sieur de Baas tout ce qui s'était
passé, et le peu de fondement qu'elle avait. Elles n'empo-
ta lièrent pas que M. le Protecteur ne le mandât, il y a quinze
pairs, pour l'inlerroger, dont quelques-uns de son Conseil le
détournèrent; et quoique depuis ce soupçon parût être dis-
sipé, néanmoins, soit que, comme l'on m'assure, il ait été re-
nouvelé par des lettres de France, ou que l'on fasse présente-
ment moins de difficulté d'éclater, moiidit sieur le Protecteur
le renvova chercher lundi après dîner, et en présence de sept,
de son Conseil, lui fit des reproches de ce qu'il avait trempé
dans une conjuration contre sa personne et cet Etat, lui hit
la déposition de Naudiii cl le pressa d'y répondre. Ce coup
n'ayant point été imprévu, nous avions jugé à propos de ne
lui point refuser en parliculier quelque éclaircissement, mais
<ju"il ne fallait, se laisser traiter en criminel ou témoin. Ledit
sieur de Baas ne croyant pas de pouvoir répondre sans jouer
l'un ou l'autre personnage, se défendit sur ce qu'il ne devait
rendre compte de, ses actions qu'au roi, et néanmoins lui of-
frit pour sa satisfaction tout l'éclaircissement que la bien-
séance pourrait permettre. M. le Protecteur ne laissa pas do




JOS POCKVIFATS


le presser, et le trouvant ferme dans la négative, se rot in
pour délibérer avec son Conseil, et aussliôt lui vint déchu ci'
que, puisqu'il ne voulait point répondre , il eût à se retirer
aujoiird'lini. Ledit sieur de Bans sortait de me rapporter ce
procédé lorsque deux de nos commissaires et le sieur l'icke-
ring, à dix heures du soir, me vinrent trouver de la part de
Son Altesse; ils me dirent qu'elle les avait envoyés devers
moi, et que, crainte de ne se pas bien expliquer, ils avaient
mis par écrit leur ordre, dont la substance était qu'il y a six
semaines qu'un gentilhomme d'honneur fui recherché d'en-
trer dans une entreprise contre la vie de Son Altesse et la paiv
de cette République par un nommé Naudin, Français, qui
promettait que le sieur de Oaas, fort accrédité auprès de. S.n
t 'nnnence, fournirait argent et toutes choses nécessaires poru
1 exécution de ce dessein; que, depuis, il lui avait souvent re-
nouvelé les mêmes assurances, dont étant demeuré d'accord
dans son audition, et ledit sieur de liaas ii'avau! voulu donnei
aucune satisfaction sur ce sujet à. Son Altesse, elle ne ie
croyait plus capable de traiter, et qu'afin de me faire connaî-
tre que sa retraite ne porterait point de préjudice aux allures,
elle avait ordonné à mes commissaires de s'assembler et. dres-
ser un traite à des conditions raisonnables et égales. Ils m'a-
joutèrent ensuite qu'elle ne croyait peint que le roi ni Son
Luiinence eussent aucune part à cette entreprise, et qu'elle
écrirait à l 'un et à l 'autre. Je n'oubliai rien de ce qui la pou-
vait désabuser que ledit sieur de Baas eût rien fait «mire
leurs intentions, et pour l'obliger à ne. pus faire injure, sur
un soupçon si léger, à une personne qui avait, l'honneur
d'être ministre de Sa Majesté, et les pressai de rue l'aire savnu
quelle satisfaction Son Altesse désirerait, aliu que je lui don-
nasse. Mais je ne pus tirer d'eux aucune répon-e, sinon que
i l . le Protecteur ne pouvait témoigner sou jessenlmient ;r>ei
plus de. douceur, qu'il était persuadé de la volonté dodo




H I S T O R I Q U E S . ,100


sieur de Pians, el ne demandait point de satisfaction ; que ,


sans cel le conjoncture, le traité aurait été conc lu , qu'ils


avaient charge d'en examiner les condi t ions , et feraient leur


rapport de ce que je leur venais do dire, t e ne laissai pas de


demander audience dès le l endemain , dans laquelle je t émoi -


gnai à M. le Protecteur que le roi ayant procédé en son e n -


i lroitavee tant de s incérité , et les act ions noires étant en si


uraride horreur à ceux: auxquels il confie le soin de ses affai-


res, il y avait de quoi s'étonne)' que ses ministres pussent


être soupçonnés d'avoir eu part dans une telle entreprise , et


que si ledit sieur de Haas se trouvait avoir passé par dessus


ses ordres, sa conduite serait désapprouvée , et Son Altesse en


recevrait la m ê m e justice que Sa Majesté pourrait désirer


dans une semblable rencontre; mais qu'i l ne fallait point si


iéyèreiuenl entrer en deliance d'une personne dont les intérêts


ii'cluienl point séparés de ceux de son maître ; que , quand l e -


dit iVaudin aurait empb' j é son n o m , ou m ê m e avouerait avoir


reçu quelques proposit ions, ce n'était pas une preuve suffi-


sante, étant assez ordinaire à ceux qui 'veulent engager q u e l -


qu'un dans leurs desse ins , de se faire forts de personnes


puissantes, et auv .accusés de rejeter leur cr ime sur a u t r u i ;


outre que, ne paraissant par sa déposit ion, si ce n'est que


ledit sieur de Baas lui a fait force questions sur l'état des af-


faires de ce pays et la disposition des esprits , il ne s'en peut


pas inférer que c'ait été, avec dessein de brouil ler ce gouver-


n e m e n t , et que si Son Altesse voulait suspendre son j u g e m e n t


jusque* à ce qu'elle lut plus éclairrie , je m'assurais qu'il ue


lui rcslcrait aucun .-.empale: que , quand m ê m e sa. deliance


aurait plus de fondement, elle devait au m o i n s en user avec


colle dé férence , devant que de chasser ledit s ieur de baas .


d eu l'aire ses plaintes au roi et demander sa révocation, qui


ne o T . o l piw i c l u s c ' . Je lui roprésciilai aussi que le reloue


dédit sieui de lî.ia-., sur le point de la conc lus ion d'un traite.




4 1 0 n O C C M K N T S


après tant de remises, pouvant être impute à d'autres causes
qu'au défaut de sa conduite, et. confirmer les avis qui nous
venaient de tous cèles que Sa Majesté ne. devait s'attendre à
aucun accommodement avec l'Angleterre nonobstant touil-
les paroles qui nous avaient été données , il était nécessaire,
pour prévenir les mauvais effets que cela pourrait produire,
de me mettre en état que les mêmes dépêches qui porteraient
les nouvelles de celte retraite portassent aussi celles de la
conclusion du traité, qui se pouvait achever en peu d'heures,
puisque déjà les propositions générales étaient réglées, et que,
touchant le commerce, nous étions convenus de le régler sui-
vant les anciens traités et à des conditions égales. La réponse
de M. le Protecteur fut qu'il n'avait jamais entré en soupçon
que Sa Majesté eût part à la conjuration qui avait été décou-
verte, mais que ledit sieur de Baas lui paraissant plus coupa-
ble' que je ne présupposais, il ne le pouvait souffrir plus long-
temps en Angleterre; qu'il ne doutait point que Sa Majesté,
auquel il en écrirait, ne, lui fit. justice, et qu'il était bien aise de
voir que je correspondais au dessein qu'il avait de continuer
incessamment le traité; que jeudi dernier les commissaires
me fussent venus trouver sans cette rencontre, et que, dans
deux jours, ils m'apporteraient la réponse à mes articles et seo-
propositions. Ce fui le résultat, d'une audience de deux heures,
dans laquelle je n'oubliai pas de témoigner que Sa .Majesté au-
raitsujt't de se plaindre du traitement, que recevait son minis-
tre, insistant, sut • lesdéfiances que lui donnaient tant de remises
et ta liaison avec cet Etat dont nos ennemis se vantaient, ni
aussi de lui loucher les considérations qui le devaient obliger
à changer de procédé, s'il souhaitait l'amitié de la franco, sans
en retirer aucune antre satisfaction pour ce qui élail du sieur
de fîaas ; et, à l'égard de l'accnnimoéeiiieitl, d me dit qu'il ne
doutait pas que nnus ne reçussions, aussi bien que lui. beau-
coup d'avi» qui nous donnaient de la jalousie, mais que nous




n r s i o r : i i ^ i r.> -i l i


i ecoimaUrums que les Anglais - u n i Irancs et s i n c è r e s , et m e
continua que, ilans celle semaine, j ' a u r a i s un entier éclair-
cissement de s e s prétentions. Encore que j 'eusse été averti
des la veille que la résolution a \a i t été prise de ne pas révo-
quer l'ordre donné audit sieur de Baas, j e crus néanmoins
qu'il était à propos d'en témoigner du ressentiment, m a i s
n o n pas, suivant son opinion, de n i e retirer d'Angleterre ou
de Londres devant que d'en avoir reçu un commandement
e.vprcs, pour ne pus engager le roi dans une rupture, encore
qu'il paraisse ici beaucoup de mauvaise volonté; et quand
même, devant que d'aller à l 'audience, j ' aura is été d'un a u -
tre sentiment, la parole précise que m e donna M. le Protec-
teur de se déclarer dans trois jours m e l'aurait fait changer.
Que si cette retraite est jugée si injurieuse que j e ne puisse
plus demeurer avec honneur en Angleterre, Sa Majesté sera
e u état de i n e retirer sans scrupule que rua révocation ail em-
pêché l'accommodement, si par le prochain ordinaire, elle
n'en apprend la conclusion, ,1e n'ai pas, Monsieur, sujet de
néattendre à cet ordre après avoir vu les lettres que vous
m'avez faitl 'honneur de m'éer i re .La dernière du 18, suivant
laquelle j e réglerai ma conduite à. l'avenir, semble approuver
celle que j ' a i tenue dans cette rencontre, et mes discours se
sont trouvés entièrement, conformes à la manière de parler au
Protecteur qui m'est presente, m ' é l an t tenu dans des termes
généraux. Aussi n'avais-je pas encore reçu lesdites lettres
dont les axis se rapportent au procédé dece gouvernement cl
a u x bruits qui courent aujourd'hui. Beaucoup de petites cir-
constances me les persuadent être véritables. L'ambassadeur
d'Espagne a encore vu ce malin le Protecteur. Barrière assu-
rai!, il n'y a pas longtemps, à un marchand de Bordeaux qui
est en cette ville, qu'il serait bientôt en étal de Je servir dans
son pavs. Mazerolles et lin ont en tons ces jours de grandes
e o u i c ï c u c c s a v e c ledil ambassadeur, qui affecte publiquement




41? n o n ' M F A T S


d'appréhender que les vaisseaux que l'on double ne. soient
Jour les Indes; el néanmoins il ne laisse pas de lui échapper
fue je ne demeurerai pas encore longtemps en ce pays. Je
fois aussi une opinion générale que cet Fiat ne se peut assis-
ter que, si la France a jamais le pouvoir, elle ne fera éclater
sa mauvaise volonté. La conjuration nouvellement découverte
ne guérit pas cette défiance. Il se trouve que les principaux
accusés étaient venus de France; il a été pris encore un gen-
tilhomme de la chambre du roi d'Angleterre, il y a, deux
jours, que l'on disait être arrivé depuis peu, et même les avis
que l'on en écrit ne nous sont pas favorables. Cette déposition
de A'audin leur donne créance, et je ne puis pas garantir que
mes négatives en puissent empêcher les effets; l'on m'assure
que le iils d'un nommé Scott, membre el secrétaire d'État du
vieil Parlement, a été envoyé par le Protecteur en Franco
pour apprendre les particularités de cette entreprise de quel-
qu'un qui n'a pas voulu les lier au papier. Je vois aussi que
de différents endroits, depuis cinq jours, il est arrivé à Lon-
dres des Bordelais ; deux entre autres, dont j'attends les noms,
viennent de Bordeaux. Le député avec lequel j'axais quelque
relation ne me visite plus, quoique je l'eusse assuré que,
continuant de servir, j'obtiendrais sa grâce. Kl ils témoignent
tous d'être dans l'espérance de leur rétablissement. Néan-
moins il me semble que l'on doit plus appréhender des reli-
gionuaires de France. Un nommé Hollis, grand Presbytérien,
qui fut chassé du Parlement par l'armée, et depuis a demeuré
en France étiez un gentilhomme de la religion, proche Sainl-
Lô, nommé Cambcrnon, a eu force conférences particulières
avec le Protecteur, qui lui a donné la liberté de retourner;
et ceux qui m'en avertissent croient que, comme il est homme
fort zélé dans sa religion, remuant et habile, il pourrait bien
avoir pris des mcsuies en France avec ceux de sa secte, de-
vant son départ; et l'un de mes commissaires dit, il n'y a




m s T o i u q r F . s . m


que deux jours, à un de mes gens de (elle même profession,
qu'il me serait l'ait quelque proposition en leur faveur, peut-
être pour avoir nu prétexte de rompre agréable à beaucoup
de ci; pays; cl il l'assura aussi qu'il n'y avait point encore de
mesures prises avec l'Espagne, mais qu'elle faisait, de grandes
offre* que quelques-uns du Conseil écoutaient volontiers, et
uiéiiie qu'il me conseillail de presser la conclusion de mou
traité, l'résentemeiil l'on m'a donné avis qu'il est arrivé des
vais-eaux d'Espagne à bile de Wiglit avec de l'argent, que
trenle-riiiq vaisseaux anglais devaient taire voile au premier
jour, se joindre avec eux, et qu'ils pourraient faire descente
ou à Rayonne, ou devers le Havre. Quoique cette nouvelle, ne
me vienne pas d'une voie bien sûre, néanmoins l'audience de
l'ambassadeur d'Espagne de ce matin et la grande satisfaction
qu'il a témoignée à la sorbe, distribuant de l'argent aux sol-
dats du corps-de-garde, marquent quelque chose d'extraordi-
naire. On me fera envoyer cette dépêche par un courrier
e x p r è s , si je puis avoir un passe-port, ne doutant, point que
mes Jel 1res ne fussent retenues, s'il y a quelque dessein prêt
à exécuter. J'entre encore dans quelque défiance de ce que
l'oit n'a pas encore envoyé celui que j'avais demandé pour
M. de Raas, ce. retardement, après avoir témoigné tant de
chaleur pour son départ, n'étant, point sans cause ; je souhaite
d'être trompé dans toits nies sou pçous, cl j'av ouc que, jusqu'à
ce que le traite soit signé avec 1 Espagne, je ne désespérerai
pas dé notre accommodement; non que je doute des mauvai-
s e s intentions du Protecteur, mais parce qu'il ne lui peut
rien arriver de plus désavantageux que de nous avo i r pour
ennemis déclarés. Je ne mets pas en compte l 'intérêt du
peuple, comme ne croyant pas qu'il lui soit de, grande recom-
mandation. .Néanmoins je répandrai parmi les marchands les
bruits qui sont nécessaires pour les exciter




Di >( TV1 K . \ Is


3" I.e Protecteur de la République d'Angleterre
au roi Louis XI Y.


VVInleliall, «»jni» I6'U,


Sérc'nissimc Roi,
Lorsque Votre .Majesté nous eut envoyé M. de Bordeaux à


titre (l'ambassadeur, et M. de Baas à litre de commissaire,
munis de pouvoirs pour rétablir l'ancienne amitié de l'An-
gleterre et de la France, et pour conclure une paix forte e!
durable, non-seulement nous leur avons fait une réception
amicale et nous nous sommes acquittés envers eux de tous les
devoirs de la politesse; mais encore, voyant que leurs propo-
sitions et nos propres vœux, nos propres efforts usaient à un
but commun, nous avons souvent, et de lionne volonté,
donné audience nous-mème aux susdits envoj és ; soin eut aussi
nous avons conféré avec eux, par intermédiaires, sur ce qui
avait trait à leur négociation, dans le but de la mener à
bonne, fin ; et, après beaucoup d'ouvertures mutuelles, nous
avons conçu un ferme espoir de voir toute cette affaire se
terminer a souhait. Cependant, tandis que tes négociations
avançaient ainsi, il est venu à notre connaissance que l'un des
susdits envoyés, M. de Baas, contre notre attente et contre
les devoirs de sa charge, s'était non-seulement jeté avec
ardeur dans la société d'hommes turbulents et pervers, que
la paix de cette République irrite, mais encore qu'il agitait
avec eux de mauvais desseins, et qu'il s'était mêlé a leurs
machinations criminelles pour me tire le trouble dans la
République, pour renverser la présente constitution, et pour
tout souiller de meurtre et de sang; atroce complot, auquel il
a voulu donner un patron et ajoute)' des forces en abusant du
nom de l'homme qui occupe le premier rang à ta cour et




HISTORIQUKS. 4ls.


dans les conseils de Votre Majesté, et en promettant d'obte-
nir de lui des envois d'argent pour l'exécution de leurs
projets.


Tous ces faits ont. été mis en pleine lumière par plusieurs
preuves et par les aveux de ceux qui avaient connaissance et
faisaient partie du complot. Lors donc que M. de Baas a été
accusé de ce crime devant nous, et qu'on lui a eu déclaré,
comment, de quelles bouches, et par quel enchaînement de
circonstances diverses nous avions appris son secret, nous
avons jugé que le salut publie nous ordonnait de ne pas
permettre un plus long séjour en Angleterre à un homme,
d'un esprit si turbulent et si dangereux pour la tranquillité.
Eu conséquence, nous lui avons fixé un jour après lequel
il devait être sorti de celte République, et nous lui avons
assigné un de nos navires de guerre pour la traversée; et
nous avons voulu que la présente lettre le suivît de près, pour
apprendre à Votre Majesté la vérité sur la marche de celte
alfa ire. Enfin, comme nous avons fa conviction et fa. cert i-
tude que Votre Majesté déteste ce crime dans son cœur, et
que ledit de Baas ne l'a entrepris que de son propre mouve-
menl, sans avoir reçu de Voire Majesté aucune instruction
dans ce sens, il nous a semblé utile d'assurer Votre Majesté
qu'en renvoyant ledit de Baas nous n'avons point eu la pensée
de vouloir interrompre en aucune manière les négociations
actuelles, désirant, au contraire, en loule candeur et simpli-
cité d'âme, que les interprétations fausses et les sujets de
mauvais soupçons soient rejetés bien loin, et que la paix
se fasse, solide et sincère. Dans ce but, nous avons député des
commissaires qui sont entrés en pourparlers avec M. de Bor-
deaux sur des articles conçus de manière à servir comme de
terrain et de base à la paix, selon les intérêts el avec l 'agré-
ment des deux parties; cl rien ne sera épargné de notre côté
pour l'heureuse conclusion de cotte affaire, Du reste, nous




4Ifi P O C t ' M E N T S


recommandons Votre Majesté et ses États à la protection de
Dieu.


Donné à Wlntehall, le 2[> juin 10m l.


•> Le Prolecteur de la lié publique d'Angleterre


au cardinal Mazariu.


Wli i teh i lO 29 ju in I0o4.


Très-Cm mon t Cardinal,


Dans la lettre que nous avons adressée au Roi, nous avons
exposé les faits et les raisons qui nous ont forcés à renvoyer de
cette République M. de Baas, et nous avons assuré S. M.
ipie, malgré cette conspiration du sieur de Baas, dont nous
n'imputons le crime qu'à lui-même et a lui seul, nous per-
sistons encore dans la même pensée de recberrlier et de
conclure avec la France nue paix solide et une étroite amitié ;
et nous saisissons avec joie cette occasion de renouveler le
témoignage et l 'assurance que nous vous avions déjà donnés
de notre intérêt pour vous et pour ce qui vous regarde; et
nous sommes prêts à le déclarer tout haut et à. le prouver
abondamment dès qu'une occasion niais en sera offerte. Ku
attendant, nous recommandons Volie L'miuence à la protec-
tion de la bonté divine.


Donné à Whitchall, le'20 juin lti-ji .




U I S T O R I Q L E S . 417


I I I


(Page 54.)


1° M. de Bordeaux à M. de Brienne.


Londres , l e r p r m e r 1654 ,


. . . . Monsieur ie Protecteur se met e n posses-
sion de toutes les prérogatives que sa nouvelle charge lui peut
donner, ayant pris aujourd'hui possession de la Tour, et reçi
dans la maison de ville les compliments et la reconnaissance
de tous les corps de métier. Son Conseil, qui n'est encore que.
île quatorze, nous envoya le maître des cérémonies, il y a
'ieux jours, pour nous faire part de ce changement, et que
désormais nous devions faire nos adresses : A son Altesse
Monseigneur le Protecteur de la République d'Antjlrleree,


k'eom et Irlande; et ensuite me laissa aller qu'il prétendait
en user envers les ministres étrangers de la même façon que
!es rois, puisque son pouvoir n'était (tas moindre que le leur,
et que tous les ministres qui n'avaient point qualité d 'ambas-
sadeur parleraient à lui debout et tète n u e ; sur quoi je crus
devoir faire quelque difficulté, et lui témoigner que, par la
même raison, les ministres qui avaient aussi grand pouvoir
que'les ambassadeurs devaient prétendre d'être traités avec
autant de civilité. Il n'eut d'autre répartie sinon que l 'on
rhoreberait quelque voie d'accommodement, qui sera sans,
doute de demeurer de pari et d'autre debout et découvert,
puisqu'il en a usé de même façon, recevant visite des sei-
gneurs anglais. Ledit sieur maître, des cérémonies mo
témoigna que l'on ferait plaisir à Monsieur le Protecteur de
Mirseoir ies compliments pour quelques jours, pendant les-




MO D O C U M E N T ? .


quels il scclianfrcait àYVhitcliall. MM. les députés de Hollande,
ayant reçu celle même visite et compliment, me vinrent
aussitôt trouver pour savoir mon .sentiment, et me témoi-
gnèrent èlrc résolus de. ne, le point voir s'il exigeait d'eux ci-
grand respect ; et comme leur affaire les engage aux premières
démarches, ils feront ta planche des autres. Pour moi, je
m'accommoderai à tous les expédients que la bienséance
permettra, principalement si je trouve de la disposition à
l 'accommodement, dont je ne puis encore rien vous dire avec
certitude, la politique voulant que Monsieur le Prolecteur,
pour rendre son administration agréable et soulager les
peuples, rétablisse commerce avec la France, que tout le
peuple désire, cl d'ailleurs m ê l a n t donné avis qu'assuré-
ment il nous fera de grandes demandes de dédommagement,
et même le sieur Beverning m 'ayaut dit, dans cette, dernière
visite, qu'il n'avait point de réponse à faire sur celle propo-
sition. Quelques raisons d'intérêt politique et de lneuséainv
dont j 'aie pu me servir pour leur persuader d'aider à nos
affaires avec plus de chaleur, ils ne m'ont donné aucune
bonne parole. Ainsi, Monsieur, il est encore, bien difficile
de garantir l 'événement de ma négociation, toule l'autorité
se. trouvant entre les mains de celui qui depuis mon arrivée a
témoigné beaucoup de, froideur pour ta France, nonobstant
les assurances que j 'aie taché de donner des bons sonlmienis
de Sa Majesté envers cet Fiai


2° Le même au même.


Luî i l i - c - - , j j.;n\n;r 10'.4.


Celle (la diflieullé) qui se présente dans la
visile de Monsieur le Prolecteur m'a jusqu'à présent empêché
de lui l 'aire compliment sur son élévation. J'avais espéré qu'il




fliSTOklQLKS.: 410


jjrenumil le parti d'en user avec nous comme avec les sei-
gneurs anglais. Mais le maître des cérémonies m'a dit depuis
depuis deux jours que quatre du Conseil devaient régler ces
cérémonies, et que cependant je pourrais m'adresser au
secrétaire pour avoir audience, ce que je fis samedi. La
réponse nie devait être, rendue aujourd'hui. Il m'a semblé,
Monsieur, à propos d'en user de la façon, principalement
après que les députés de Hollande ont refusé de traiter mon-
•lit sieur le Protecteur en roi, jusques à ce que Sa Majesté
m'ait ordonné le contraire; et cependant je ne laisserai pas
de lui faire, savoir la part qu'elle prend à sa nouvelle dignité,
afin que ce retardement ne. s'attribue point au défaut de
bonne volonté ; et si même la déférence qu'il désire est
capable d'avancer nos affaires, je passerai par dessus toutes
ces considérations ; mais il serait rude de s'exposer à une
bassesse sans profit, et la lettre que j'ai écrite au secrétaire,
parlant de lui avec les termes qu'il désire, doit produire
le même elfel qu'une visite, pour peu qu'il soit bien inten-
tionné envers la France. . . . .


dn Le même au même.


Lomlfe-, 7 avril 1G5Î.


Il no, me reste de temps que pour accuser la réception de
la. lettre qu'il vous a plu nv'écrire le 2 8 m e du passé, et, vous
taire savoir ma réception dans Londres. Le maître des céré-
monies m'est venu prendre à Greenwich, où je m'étais rendu
ce matin, et m'a mené dans les berges de l'Etat jusques à la
Tour, ou deux ministres du Conseil, le grand écuyer, gendre
de son Altesse, et beaucoup d'olliciers m'ont reçu. M. de Paas
et un île mes beaux-frères se sont mis dans son carrosse, et le
reste avec une inimité, d'autres personnes qui s'étaient aussi




4:M DOCtr.UENTS


rendues à Greeuvvicli dans les carrosses de toute la noblesse
qui est dans Londres. J'ai été conduit en cet ordre; dans la
maison des ambassadeurs, où je dois être traité trois jours,
quoique cela soit seulement dù aux extraordinaires ; au moins
le maître des cérémonies s'en est ainsi expliqué à moi, pour
me faire voir que Son Altesse considère particulièrement le
ministre de Sa Majesté; je devais avoir demain audience,
mais l'avis m'étant venu qu'une partie de mon équipage arri-
vera, elle s'est remise au lendemain pour la rendre plus
solennelle. S'il est permis de juger du succès de ma négocia-
tion par les souhaits publics et l'affluence de peuple qui s'est
trouvée dans les lieux par où j 'a i passé, elle sera sans doute
conforme aux intentions de Sa Majesté. .


-in M. de L'aas au cardinal Mazarin,


Londre», 7 »ml LIS!.


M . l 'ambassadeur a fait aujourd'hui son entrée. Nous
avons été ce matin à Greenxvich, où le maître des cérémonies
est venu. Le dîner, la compagnie cl. le cortège ont été fort
beaux. Nous avons été conduits dans des berges de l'Ltat sur
la Tamise, et avons mis pied à terre à la Tour de Londres,
011 le carrosse de Monsieur le Protecteur nous attendait.
Le chevalier Couper, M. Strickland, M. Claypnle, gendre
de Son Altesse et le capitaine de ses gardes, avec les dcu\
commissaires généraux de l'armée et quantité d'officiers,
nous ont r eçus ; le chevalier Cooper a porté la parole à
M. l 'ambassadeur, et, après que tout le monde, lui a eu fait la
révérence, ils m'ont aussi salué. Puis M. Strickland a dit q u e
Son Altesse ne pouvait me recevoir connue un ambassadeur,
mais que le caractère que je portais du lioi et l'honneur q u e
j'avais d'èi.re à votre Liuiuence obligeaient M o n s i e u r le P r u -




iir.STORTQTi'F.s. 4 2 1


lecteur 'le me traiter avec toute.-; les civilités qui lui étaient
possibles, .l'ai répondu que je connaissais la diiîéi-enee des
caractères cuire M. l'ambassadeur et m en , qu'il était l'image
du Roi, pour lequel tout Français devait avoir du respect, et
que je m'étais assez expliqué à AI. Fleming sur cette affaire.
Après ces compliments, nous sommes montés en carrosse;
M. le chevalier Cooper a fait monter AI. l 'ambassadeur et est
monté après l u i ; Al. Strickland m'a traité de même : ainsi,
au passage des portes et dans le souper, cette cérémonie a été
observée.


5» Le même au même.


L o n J r e s , l e 1 0 avril 1C54,
. . . . M. le chevalier Cooper prit la gauche de AI. l'ambassa-


deur, depuis la sortie du carrosse jusqurs auprès de Son Al-
tesse, de laquelle il fut reçu avec un visage civil, mais sérieux
et conforme à l'action. Al. Strickland et moi les suivions dans
le même ordre, avec une petite différence, de sa part fort
exacte. L'accueil de Son Altesse pour moi fut plus ouvert et
riant, pareil à celui d'un supérieur qui reçoit un particulier
dont la venue ne lui est pas désagréable; et il semblait, par
tel air adouci dont, il me salua trois fois, qu'il voulût confir-
mer les paroles de civilité qu'on m'avait données de sa part,
cl me témoigner quelque gré de ce que je taisais.


t




D O C UMTiNTSs


( P a g e 6 4 . )


General Cromwell to cardinal Mazarin.


VrVlmiiltler, 9th of J une I d a .
Il'is surprize to me. that your Emmency should lake notice


of a person so inconsiderable as myself, living (as it were)
separate from the world. This honour has done (as it ought) a
very deep impression upon me, and does oblige inc to servo
your Eminency upon all occasions, so as I shall be happy to
iind out. So I IruM., that very honourable person .Monsieur
Ihirdoe will I herein be helpful! to


Your Eminencios thrice
humble servant


O. C.HOVIVV KIT,




uîSTOnigu£y 4-23


V


/Page G6.>


<» M. de Bordeaux à JI. de Brienne,


, , , . , Il m'a été demandé s'il y aurait sûreté
pour envoyer un ambassadeur en France, sur le discours que
j'en avais tenu ; j'ai assuré que l'on n'y avait jamais violé le
droit des gens, et que le droit d'hospitalité dont S. M. usait
n'empêcherait point qu'elle ne reçût ceux qui seraient envoyés
eu France. Si cette proposition m'est faite à dessein, je ne le
puis pas assurer; j'en entends tous les jours de si différentes
qu'il n'est pas à propos de prendre beaucoup de mesures sur
ce qu'on dit bien souvent pour connaître avec quel esprit j'agis.
Il est bien difficile d'établir l'opinion de sincérité; l'on y prend
des ombrages sur des sujets qui ne peuvent s'imaginer.


2» Le même au même.


Lon.lroi, 10 avril 1 6 5 3 .


Monsieur,


te rendis vendredi dernier rop"iise aux commissaires du
conseil d'État sur les propositions qu'Us m'avaient faites
dans la dernière conférence, et leur parlai de la prolongation
du délai de trois mois dans des tenues qui n'engagent point
l'honneur de Sa .Majesté à recevoir un refus. Après quelques
discours siii' ce sujet dont la résolution fut remise au conseil
d'Ftal, ils me témoignèrent que ce n'était pas la principale




4 2 1 normiTNTs


question qui se devait leader, et que. si Sa Majesté avait
dessein de faire quelque liaison avec leur État, l'intérêt des
marchands ne les tiendrait point, me disant par une espèce de
niépns : «Quoi ! nous nous amusons ici à des marchands;
« ce n'est pas là le nœud de l'affaire ! » Ils me laissèrent e n -
suite aller qu'il y avait d'autres mesures à prendre, et. que
nous devions considérer l'Angleterre comme l'Klnt qui est ca-
pable de faire pencher la balance. Je ne pus pas m'empècher
de les assurer qu'ils trouveraient toujours autant de disposition
en nous de bien vivre avec eux qu'ils en auraient de bien
vivre, avec nous. Ils me parlèrent aussi de la retraite que mais
avions donnée au prince Hubert, avec des [irises, au préjudice
des arrêts et règlements du conseil du roi, et qu'ils en pour-
raient user de même qu'avec le Portugal. Je leur témoignai
qu'ils avaient tort de se plaindre après avoir reçu les députés
de M. le prince et. du comte Du Pognon; à quoi ds me répon-
dirent qu'il y avait grande dillorcnee, n'ayant point été reçus
avec des prises contre la France, et leur négociation n'ayant
produit aucun effet. De là ils vinrent à parler du roi d'Ait-
glelerre qui leur donnait avec raison sujet do douter de noire
bonne volonté. Mais je leur dis que, les raisons de sang et le
droit de, l'hospitalité ne permettaient pas que Sa .Majesté en
usât autrement, et qu'ils n'en devaient concevoir aucun om-
brage, s'ils voulaient juger de l'avenir par le procédé du
passé. Cette conversation, en ternies d'amitié plutôt que de
reproche, huit par des assurances d'une entière disposition à
s'accommoder


3° M. de Bordeaux au cardinal Mazartu.


L u n d i e s , in.ii 10 j 3 .
Monseigneur,


Rien n'était capable de retarder le Uaité de paix qui m'a-




HISTORIQUES. d î 5


%«it été proposé, et dont j'étais demeuré d'accord devant
même que les ordres et pouvoirs m'en fussent venus, sinon le
changement arrivé en cet létal mercredi dernier. Votre Kmi-
nence apprendra, par les lettres que j'écris à M. le comte de
lîrieniic, la disposition des affaires, et l'autorité du général
plus grande que n'a été celle des rois d'Angleterre; ce qui
me conf i rme dans la pensée qu'une lettre de civilité, sans au-
tre proposition, sur cette conjoncture présente, pourrait pro-
duire l'effet dont l'on m'avait donné des assurances si la
lupturedu Parlement ne fût survenue contre l'attente des
plu? éclairés, et même de ceux qui en sont les auteurs. Jus-
ques à présent il ne m'a pas été possible de faire les compli-
ments qui me semblent nécessaires dans cette occasion. Mon
lessein est de témoigner que Sa Majesté, et principalement
Votre Emmenée, apprendront avec joie la nouvelle de l'heu-
reux succès dont Dieu favorise son entreprise. Il m'a été
coniirmé que M. le Prince le Irailc d'Excellence. L'on pour-
rail avec raison lui donner aujourd'hui des titres plus élevais,
s'il fallait se régler sur son pouvoir et l'estime que l'on a de
sa conduite, ne paraissant dans ce changement pas un gou-
verneur ni officier de terre ou mer contraire à ses intérêts,
quoique le Parlement fût rempli de personnes d'esprit oppo-
sées à sa grandeur.




D O C U M E N T S


VI


( P a g e 76.i


Avis à Mgr. le Cardinal sur le dessein du Proteclem
d'Angleterre de réunir en une toutes les communiait*
Protestantes, avec le moyen de le prévenir el de l'en,
empêcher.


î i juillet 1 6 1 t .


Monseigneur,


Si Voire Emmenée a fait quelque considération du moven
que je lui ai proposé, et si elle le juge solide et utile pour ra-
mener à l'Église nos compatriotes qui l'ont délaissée, je crois
qu'elle en reconnaîtra maintenant l'importance plus spéciale
sur les avis, qui viennent d'Angleterre, du dessein qu'a le
Protecteur de faire assembler un concile de toutes les com-
munions protestantes, et d'en promouvoir la convocation,
pour les réunir en un corps par la confession commune d'une
même foi. Comme toutes les raisons de sa conduite et de se-
intérêts autorisent grandement la vraisemblance de cet avis,
je ne doute point aussi que Votre Kmincncc ne juge que.
pour prevenirles maux qu'il machine à l'Eglise, et en parti-
culier à la France, par ce dessein, il est à propos de le préve-
nir et de couper chemin à tout ce qu'il projette, auparavant
qu'il fasse eclore tout, à coup ce qu'il dispose maintenait,
sourdement, selon l'ordinaire de ses procédures. CM- il a be-
soin, pour préparer la tenue de ce concile, et pour dispose]
ce qu'il y veut faire résoudre d'une commune voix, d'euu>yef




H I S T O R I Q U E S 427


| i i r avance donner comnussaucc de ses intentions, et de con-
sulter les avis des plus habiles ministres et professeurs qui
>oient en France, à Genève, en Suisse, en Allemagne, en Po-
logne, en Suède, en Danemarck et en Hollande, outre ce qu'il
a dans l'Angleterre cl dans F Ecosse, pour requérir ensuite
k's autres républiques et les princes de ces communions-là
d'y envoyer leurs députés. Mais il y a apparence qu'il ne le
.!..•!<i, ni ne s'en déclarera ouvertement que par l'autorité du
Parlement qu'il doit, assembler dans le mois de septembre,
oii c'est qu'il fera résoudre publiquement la convocation d'un
concile des trois nations, et l'envoi vers les autres Etats sépa-
rés de la communion catholique, pour les convier d'y faire
aller leurs députés.


Je sais que Votre Emmenée a eu connaissance que divers
ministres ont passé de France vers lui, et qu'elle est. infor-
mée qu'il y a environ six mois un des ministres français de,
Londres a passé ici allant à Genève et en Suisse, l'un des
missionnaires, sans doute, de cette négociation. En la per-
sonne duquel il est particulièrement à remarquer, pour le
choix que le Protecteur a fait de lui, qu'étant homme de sens
et d'érudition, Suisse de nation, nourri à Genève, il a de-
meuré longtemps en Daupbiné, précepteur des enfants du
marquis de Montbrun, d'auprès duquel il a été appelé à Lon-
dres pour y être ministre ; ce qui s'est fait par l'entremise du
marquis de Cugnac, beau-frère du marquis de Montbrun, et
par le crédit du sieur de Mayerne, son beau-père, qui sont là,
les plus considérables des Français de leur communion. Tou-
tes ces circonstances rendent sa négociation plus digne d'être
observée, en laquelle il n'aura pas omis, sans doute, de
voir tout ce qu'il y a de plus habiles ministres sur son
chemin.


Or, comme la convocation de, ce concile ne peut avoir d'au-
tre tin que le dessein de former une ligue de toutes les com-




D O C U M E N T S


mimions protestantes, il est aisé de voir que l'intention par-
ticulière de celui qui en est le promoteur ne tend a t i s s
ailleurs qu'à se faire chef de cette ligue, pour les engager en
une guerre de religion, laquelle il ne peut faire qu'il ne l'en-
treprenne contre la France. Cependant qu'il en ourdit la.
trame, il endort l'Espagne (malheureusement opiniàtrée en
la guerre avec nous) par un traité de ligue offensive et défen-
sive avec elle, a f i n de l'éloigner toujours davantage des pen-
sées et des inclinations à la paix. Mais il cherche avec n o u s ,
par les artifices qui lui sont familiers, des prétextes de mé-
sintelligence, et de querelle, pour en faire naître, quand il
voudra, des causes d'une rupture entière, et ouverte


Comme il est en effet très-habile politique, il connaît
très-bien qu'il n'a point de moyen plus puissant pour affer-
mir en sa main la, puissance qu'il a usurpée, et pour se con-
cilier, à celle fin, la bienveillance de ses peuples, que de lc.<
flatter cl de. leur complaire sur le sujet de la religion qui do-
mine dans ses Etals. Il s'est déclaré pour cet ellet calviniste,
incontinent après qu'il s'est porté pour souverain au gouvci-
nement, sous le titre de Protecteur. Mais pour faire voir son
zèle envers une religion qu'il professe, il faut qu'il emploie
son autorité par quelque action solennelle capable de toucher
le cœur et de. frapper les yeux du peuple, pour leur fane
croire, qu'il en désire et qu'il en procure, à bon escient, l'éta-
blissement et la propagation. Il ne le peut mieux faire qui:
par la tenue de ce concile, où il ne manquera pas de leur faire
entendre, par un discours plausible au sentiment de ceux qui
composeront l'assemblée, « qu'en toutes les choses qu'il i
« faites il ne s'est proposé que ce qui concerne la gloire de
« Dieu, pour l'avancement de la religion qu'ils ont repurgée
« de toutes les erreurs de la papauté, et. réformée s e l o n |,,
« vérité de l'Evangile; que pour liler l'obstacle qui él.iit laO
« à l'entier accomplissement de la réf'onnatiun, par faute-




HISTORIQUES. 4?n


« rite des évèques et par l'établissement des cérémonies pâ-
te pistiques qui étaient demeurées dans l'Angleterre, ¡1 a été
« nécessaire d'abolir la domination précédente qui les avait
<t voulu rétablir pareillement dans l'Ecosse, faisant par ce
c moyen lotis ses efforts de les assujélir de rechef sous le joug
« du pape et de l'Eglise romaine; qu'après la bénédiction
i' que Dieu a donnée à ses conseils et à ses armes pour les en
a délivrer et pour les remettre en leur entière liberté, ayant
« détruit la tvrannic qui les opprimait, il n'y arien à quoi
« ¡1 se seule tant obligé, ni qu'il souhaite davantage, que
v de procurer la réunion de tous ceux qui sont sortis de
« l'Église romaine pour embrasser la pureté de l'Evangile, à
« quoi tend lu lin de la convocation de leur assemblée. » Sui-
vant celte protestation et pour en accomplir la proposition, il
v fera résoudre deux choses. La première sera l'union des
calvinistes et des luthériens ; ce que les calvinistes désirent
île toute leur affection , comme ils en ont toujours recherché
le.- occasions et les moyens, ainsi que ceux de France l'ont
témoigné au synode de Charenlon, en l'an 1631, où ils ad-
mirent les luthériens à leur communion, désirant pareille-
ment recevoir la leur. La seconde chose et la principale que
(joinwell fera résoudre en ce. concile, sera de déclarer par
un article de foi exprès et formel que le pape est l'Antéchrist,
et que l'Eglise catholique, qui le reconnaît pour sou chef, est
la lîabylone prédite dans I Apocalypse ; que c'est le faux pro-
phète e! la femme paillarde, qui a enivré les rois de la terre de-
là coupe de ses abominations et de ses paillardises


Il ne faut point douter que ce ne soit là le fondement
principal qu'il veut faire établir dans ce concile, pour une
conjuration universelle de tous les protestants à la nécessité
do la guerre contre le pape. Car jusqu'à présent ils n'eu ont
p o i n t déterminé d'article de foi ; ils en ont bien soutenu l'opi-
nion dans leurs écrits et composé plusieurs volumes pour le




-130 D O C U M E N T S


faire croire ; ils en ont pris le prétexte le plus spécieux pour
autoriser la nécessité de leur séparation d'avec nous, fondée
en cette parole :« Sortez de Babylone, mon peuple ; » de quoi
Luther fit aussi le titre du premier ouvrage de, sa révolte;
mais d'avoir obligé les consciences à cette, haine irréconci-
liable contre le pape et ceux qui lui adhèrent, quelque inten-
tion que les ministres en aient eu jusqu'à présent, ils ne l'ont
pu faire. Ceux de France l'avaient entrepris, et en avaient
dressé l'article au synode de la Rochelle; mais Henri IV, qui
connaissait l'esprit delà faction qui leur donnait lors cette,
inspiration nouvelle, empêcha qu'ils ne le publiassent et lit
supprimer les exemplaires de leur confession de foi, où ils
l'avaient déjà inséré, plusieurs desquels sont néanmoins de-
meurés qui se conservent dans leurs cabinets. Les Puritains
d'Angleterre et d'Ecosse, qui ont tous les mêmes sentiments
que les Calvinistes de France, n'auraient pas été moins zélés
à faire la même déclaration si le roi Jacques, qui craignait
la conséquence de ce zèle, n'en eût arrêté l'impétuosité; d'où
provenait aussi la principale cause de la haine qu'ils lui por-
taient, et à tout le parti episcopal, qu'ils tenaient pour demi-
papiste, et ne le haïssaient pas moins. Mais Cronrvvell, qui sait
mieux cpie personne que, ce zèle a été le principal moyen du-
quel il s'est servi lui-même pour faire perdre la couronne et
la vie au fils et au successeur de ce roi et son héritier en Ia
haine des Puritains, connaît aussi qu'il ne peut attirer loin
amour par aucun antre moyen plus puissant que, de sesemr
de l'autorité de ce Concile, qu'il veut assembler, pour donuci
ce plein contentement au zèle passionné qu'ils ont contre le
Pape. 11 sait fort bien qu'il ne peut atliier les Ecossais par un
appât plus friand que de leur servir ce ragoût de la chasse de
la Bète Romaine (qui est le titre sous lequel un de leurs mi-
nistres a combattu l'autorité du Pape), capable de faire accou-
rir du haut de leurs montagnes tous les plus fier? et les pio-




ÎITSTORTQT'KS' 431


mutins, pour venir s'enrôler dans les bandes qui passeront la
nier pour une si sainte el si agréable expédition, qui leur
pi omet l'accomplissement des ouvertures que leurNapier leur
a faites de l'Apocalypse. Il sait encore qu'il ne peut mieux
apaiser les Anabaptistes (s'ils sont en effet aussi animés con-
tre lui comme ils en font semblant) que de réchauffer en
leurs esprits cette même fantaisie, par laquelle on vit, dans
leur naissance, quarante mille hommes prendre les armes et
taire d'horribles ravages dans l'Allemagne, sous la trompette
de Mimecr, qui leur inspira de s'élever contre les magistrats
souverains en leur disant que ce sont eux qui ont donné leur
puissance à la Tièle, et qu'il faut les abattre par conséquent
pour la détruire; ce qui fut encore suivi des tragédies san-
glantes excitées à Munster par la fureur de Jean de Leyden et
de ses complices, pour accomplir de la sorte leurs pro-
phéties.


Toute la politique de Cromvvell n'a donc point d'expédient
plus propre d'unir ensemble les Anglais et les Ecossais, pour
•i i v ir h ses intentions, que île les exciter par ce zèle de la reli-
g i o n calviniste, en leur promettant {pic, par le moyen de ses
armes et des succès que doit leur faire espérer l'exemple de
ce qu'il a fait jusqu 'à présent, ils obtiendront bientôt ce qu'ils
oipellent la délivrance cl le triomphe de l'Eglise. Car il les
trouvera tous très-ardents et très-obéissants à tout ce qu'il


oiidra, tontes fois et qualités qu'il s'agira d'accomplir de la
- .rte une prophétie célèbre que tout leur peuple a dans la
bouche, comme nu des principaux oracles de la réformât ion.
( 'est une parole qu'ils attribuent à Robert, évoque de Lin-
soin, qui vivait il y a environ 400 ans, sous les papes Gré-
goire IX elCéteslin IV, par laquelle iiè disent qu'en mourant
• c appelant le Pape l'Antéchrist, il fit celtf déclaration p ro -
j.liéliqm' : A'o/i liberahiiur foW» ab Lgiji'liuc} mvitute, nisi


i» m'yladii criwnlandi.




•1T' o i h t . v i e x t s


Quant aux Calvinisles de France, la liaison desquels avec
les Anglais et les Ecossais est ce que Cromwell a principalc­
încnt intention de faire, par le moyen de son Concile, рош
les associer aux mêmes intérêts auxquels leur conscience sera
obligée par ce nouvel article de loi, il n'ignore point l'efficace,
qu'il aura sur leurs esprits, et quel mouvement il est capable
d'exciter en eux pour se joindre avec lui, toutes fois et qualités
qu'il viendra arborer, dans nos côtes, l'étendard de la déli­
vrance de leur Église. Car pour connaître de quelle sorte ils
y sont animés, et ce que pourra dans l'occasion sur leur cou­
rage ce sentiment qu'ils ont, les premiers, voulu réduire en
article de foi, il ne faut que lire l'épitre latine du sieur Du
Idessis au roi de la Grande­Bretagne, auquel il dédie son
Mystère d'Iniquité. Ce fut l'année d'après la mort de Henri IV,
car la date en est remarquable, pour reconnaître leur propen­
sion à penser à choses nouvelles, en toutes occasions qui iem
en présentent quelques ouvertures. Il adresse sa parole au
roi Jacques, mais il regardait en с (Tel à son (ils aîné, prince de
qui les mouvements d'esprit et de courage le faisaient lors re­
garder, de tous les factieux zélés de ce parti­là, pour un futur
entrepreneur de plusieurs nouveautés à leur avantage, il dit
à ce roi « qu'il est temps de quitter la plume et de prendre
i ' l 'épée; que ce temps demandait d'autres mœurs et qu'il
« avait besoin d'autres armes , qu'il fallait réunir les princes
« et les peuples divisés de parti, passer sur la croupe des
« Alpes, où le l'ô s'ouvrant et l'Apennin se fendant en deux
« pour lui faire passage, il en verrait plusieurs courir de
« toutes parts vers l'enseigne de leur liberté, tirant droit à
« Borne, que personne n'avait jamais attaquée sans succès,
« qu'au seul son des trompettes, on verrait ses monts abais­
« ses et ses murs renversés par terre. 11 se promet que Dieu
« jetterait le. Pape (qu'il appelle le Jupiter du Capitule)à bas
« de son siège, pour n'y être jamais rétabli, il exhorte ce




n i S T O R Î Q U E S . 433


« i 'ni do ne souffrir pas qu'un nuire lui ravisse la couronne
« ou la palme. île ce bel evpfut, qui lui (levait être plus cher
« que S u n saug ni sa vie. il invoque Dieu et lui demande
« qu'il se réveille et qu'il se lève, qu'il appelle son serviteur,
i< qu'il prenne son oing par la. m a i n , qu'il marche devant
« lui pour combler les vallées, aplanir les montagnes, assé-
c cher les fleuves de frayeur, ouvrir les portes, briser les
« barres et faire tomber Jéricho, par l'esprit de sa bouche,
« en la présence de ce conquérant. » En cet enthousiasme, ce
bon vieillard dilà ce roi que lui-même, « quoique â g é de plus
« de soixante ans, il marcherai là ses côtés, et qu'il se trouve-
« rail à la mêlée dans les premiers rangs, pour chanter après
« la voix de l'ange : Elle est ciuUe la grand'Hàbylone , et au
•< milieu de la. joie du triomphe, se sentant prochain de
i- f éleriielle, mourir pour être ravi dans le ciel. »


il est bien certain que ce discours, enflé de termes et de
ligures poétiques, ne fut en effet au Ire chose pour lors que le
-oligo d'un vieillard qui rêve, enivré delà vapeur de son h é -
résie. Vais néanmoins c'est véritablement la corruption et le
dé-ir qui leur donnent cette opinion échauffée par leur zèle.
Le roi auquel il s'adressait, peu louché île ce zèle des Puritains,
neii plus que de l'envie de passer les Alpes, ne put sans doute
f ie ce discours sans se rire de son auteur, duquel il se moqua
depuis plus ouvertement, cl de tous ses semblables, lorsque,
quelques années après, le sieur Du Picssis abandonna lui-
iiiémc la "place qu'il tenait pour son parti, et vil tomber par
terre les meilleures villes qui en soutenaient la faction, sans
que ce roi, qu'ils réclamèrent, se souciât non plus de secou-
lir leur Jérusalem que d'aller attaquer leur Jiabylone. Mais
i e l l e même exhortation, adressée aujourd'hui à Cromwell
par l'esprit secret de tous les Calvinistes de France qui
• l i s e n t , dans leur eojur et d'une affection commune, la même1


t i i o . s e que ce qu'ils lisent dans ce livre avec loi et admiration.




•Vil nonTTMENTS


doit faire indubitablement eu sa pensée un tout autre effet
qu 'on l'esprit du ro i Jacques. C'est un miroir pour lui ..ù ¡1
voit le succès qu'il doit attendre de ses desseins, toutes fui? et
qualités qu'il voudra les appeler, pour joindre leur maiiiau;.-
la sienne, alin d'en faire l'exécution


Pour cet effet, venant armé et muni de forces très-puis-
santes, il publiera partout où il aura pris pied que son inten-
tion n'est point de nuire aux peuples, ni d'envahir leur
bien ; qu'il ne vient que pour les convier à leur liberté, tant
pour la condition de leur vie que de la religion, en laquelle
il n'entend néanmoins contraindre personne ; que son prin-
cipal but est de les affranchir de toutes les vexations qu ' i ls
souffrent de la domination sous laquelle ils vivent. Car ii sait
que les peuples qui se trouvent las et harassés des grandes
charges que la pesanteur d'une longue guerre, pleine de d é s -
ordres et d'excès, leur fait supporter, qui sont d'ailleurs
accoutumés, par l'artifice des esprits séditieux qui les ont
quasi tous corrompus, à porter bien peu de respect et d'amour
à ceux qui les gouvernent , quand ils concevront, l'espéram e
d'être soulagés et de jouir de plus de repos et de liberté, ils ,-,e
rendront facilement susceptibles de. ces impressions, il sail
encore ce que fait l'habitude des vins et des débauches ordi-
naires dans les esprits des hommes, pour les porter au chan-
gement de religion ; que le grand nombre de profanes et
d'athées, qui se trouvent partout, sans sentiment ni affection
pour les vérités et les exercices de la foi et de la religion
catholique, mère de l 'austérité, de la pénitence et de la sain-
teté de vie, n'auront pas grand 'peine à la quit ter ; qu'il
trouvera parmi ceux qui sont de cette trempe, et dans une
intinité d'ignorants, toutes les dispositions qu'il désire p o n t
leur faire goûter sa religion, pleine d 'une part de relâche-
menl et de libertinage, et d'autre pari spécieuse au raisonne-




m s ï o m Q n F . s . 4'C,


n-H-nl humain et commode à l'inquiétude que ln remords du
pedié duiiiio à la conscience. Pour ra i son de quoi l'iiomme
x ii ieu\ se plaît naturellement à l'hérésie comme à la super-
sièton, qui sont les deux extrêmes de la vraie religion catho-
lique.


Mais la séduction la plus dangereuse par laquelle il espère
de corrompre les esprits et de faire la plus douloureuse et la
plus mortelle plaie à l'Eglise, est celle qui a été partout la
plus puissante pour en démolir les fondements, aux lieux où
l'hérésie s'est une fois plantée. Car il sait que la grande quan-
tité de biens d'Eglise, très-mal employés entre les mains de
la plupart de ceux qui les possèdent, par où ils paraissent fort
peu utiles au service de Dieu, élant présentés aux gens de
coi te humeur, à qui la religion touche d'ailleurs fort peu au
; u-ur, elle leur deviendra une amorce très-puissante pour les
porter à la révolte contre l'Eglise et à l 'abandon de la reli-
gion catholique. 11 considère qu'il adviendra, comme en A n -
gleterre, et partout ailleurs où l'hérésie a ruiné l'Eglise, qui!
ie voisin d'un bénéfice à sa bienséance, voyant qu'il se le
peut approprier impunément, entrant dans le parti qui a la
puissance, et qui lui promet de lui en conserver la posses-
-ioii, se laissera facilement surmonter à cette tentation, qui
produirait en peu de temps une grande suite d'exemples. En
eilll, c'est chose certaine que les biens de l 'Eglise, que le
Vunt-Espril a conservés par la charité des fidèles pour èlre
l'appui de sa foi, eu la bouche et dans les mains de ceux qui
/ en rendent dignes ministres, se voient devenus tout au con-
traire, par l'usage sacrilège de ceux qui en possèdent la plus
uiaiale abondance, le sujet pour lequel elle a le plus à crain-
dic sa ruine de la main de ses ennemis. Car il est nécessaire
qu'elle tombe quand ou lui filera ses biens, comme il est
uEenu partout où elle est tombée ; m a i s qui pis est, sa ruine,
un i':il d'autant plus facile à faire à ceux qui la machinent,




m i Jonr .Mi îNTS


que, pour les lui ravir, ses propres enfants même se feront
exprès ses ennemis


S i g l l é L.HULLETI F. Il E .


(La dernière partie du Mémoire ne contient que l'expo-
sition des m o y e n s proposés par Pau leur pour ramener les
Protestants dans l e sein de l'Eglise, tels qu'un Concile, des
débats ihéologiques, et ses propres ouvrages.—Elle n'a nul
intérêt historique ni politique.)




i i i s x o K i g i ' K s .


VI ';<.


( IMgc 7D.I


I- Ihm Alonzo île Cardeùas au roi Philippe IV.


C i d r e s , 13 m , n s l l > 7 4 .


Si 14',


Daus m a lettre du(> de c e m o i s , j 'ai iuforrao Votre Majesté
que j'avais entamé lit négociation dont Y. M. m'avait chargé
dans s a dépêche du IS novembre de l'année passée, et que
j'avais ouverte dans une. audience secrète, chez le Protecteur,
Je l de ce m o i s ; j 'ai rendu compte de l'accueil favorable fait
à tua. proposition et combien le Protecteur s'était, montré
satbhut des arguments dont je m'é ta is servi pour l'engager à
conclure une alliance et une ligue d'intérêts a v e c Votre Ma-
j e - t é . H fut convenu qu'il m'enverrai t la réponse par le secré-
taire d'Ktat. Celui-ci vint, en etfet, me l'apporter le l ü d e ce
mois, et, dans u n e discussion qui a duré trois heures, il me
dit i j u e ce que le Protecteur cherchait avant tout, c'était de
-e nill'ennir au poste où la République l'avait placé ; que les
avantages que je lui faisais entrevoir, quoique grands, étaient
éloignés, vu surtout (pie la France lui proposait une paiv
avantageuse à l 'Angleterre: (pie. malgré cela, le Proteclem
nvant reconnu qu'il devait préférer notre amitié à celle delà
f i a n c e , et se sentant porté plutôt de notre, côté, il lui avait
donné l'ordre de me dire que, par ces considérations et par
d'autres encore, il désirait s'unir à Votre Majesté plutôt qu'au
Roi Très-Chrétien. Cependant, m e dit-il,on devait considérer
que. si l'Angleterre se décidait à une guerre ouverte avec la
l ' r a n c e , le peuple anglais serait fort mécontent d'être grevé




J3fi n o r T M l ' i N T S


de taxes et d'impôts; qu'il l'était déjà, ntèiue en eas d'une
guerre nécessaire, comme celle qui a eu lieu jusqu'ici, cl que
si l'on continuait ces charges pour une guerre entreprise v o -
lontairement, qui n e serait d'aucune utilité, mais qui. . m
contraire, serait préjudiciable à cause de l'interruption des
relations commerciales, il serait indispensable que Voire Ma-
jesté vînt à en fournir les frais en envoyant des sommes d'ar-
gent convenables. Si Y. M. y consentait, le Protecteur était
décidé à déclarer la guerre à la France et à aider puissam-
ment le prince de Coudé. 11 (le secrétaire d'Kïut) me demanda
ensuite quelles sommes, à ce que je croyais, Y. M. serait dis-
posée à mettre à la disposition du Protecteur. J'ai répondu
que m a proposition était seulement celle-ci, que V. -M. et
la République s'unissent pour faire la guerre a la France :
auquel cas les deux parties devraient, envoyer des secours au
prince de Coudé, car il était jusle et raisonnable que, les avan-
tages devant être communs, les dépenses lussent suppurlées
en commun, cl que si toutes les charges de, la guerre devaient,
tomber sur V. M., il serait impossible d'y suffire, Y. M, avant
déjà à pourvoir à. tant d'autres affaires. Toutefois, j 'ai du
qu'avant de leur donner là-dessus une réponse définitive, je
désirais qu'ils me dissent quelle somme le Protecteur s'atten-
dait à recevoir de nous, Ce secrétaire d t'.lal persista toiij 'ui-
à me dire que c'était moi qui devais déterminer pour *-#»«• »
V. .M. contribuerait.. Je n ie suis refusé à le dire, dans le but
de gaeiier du temps cl de pouvoir consulter l'archiduc ei
attendre ses ordres eu réponse à n ia demande. J 'ai fait ressoj-
lir le grand avantage qui résulterait pour la République d'An-
gleterre si Y. M. s'engageait à ne pas conclure la paix avec
la France sans le consentement et contre le gré de fa Répu-
blique, car il pourrait arriver que nous fussions l'oicés de
faire la guerre uniquement pour les intérêts de la République,
alors même que V. M. aurait déjà atteint ses ptopres buts,




H T S T O R l O i n ^ 430


il on résulterait pur conséquent des frais très-considérables,
ce. serait bien alors le cas que la République d'Angleterre


fit la guerre peur ses propres intérêts à ses propres frais.
\oi là ce que je lui ai fait observer; mais comme leur
Put est d'éviler les dépenses et de faire, leurs affaires aux
Irais d'aulrui , ils ne témoignent aucun empressement à
• ••que celle négociation ail pour résultat que le Protecteur
déclare seul la guerre à la. France et assiste le prince de,
('.onde: évidemment leur dessein est de. faire fournir par Votre
Majesté au Protecteur des sommes convenables cl proportion-
nées aux dépenses tant de cette année que des autres années
pendant toute la durée de, la guerre.


Le secrétaire d'Etal m'a dit encore que le prince de Condé
n'étant pas un prince souverain, il y aurait quelque difficulté
a l'aire avec bu un Irai lé cl. à acquérir la certitude qu'il ne
/arrangerai t pas avec son roi. J'ai répondu à cela que, dans
ces sortes de matières, il ne fallait pas prendre la chose trop
rigoureusement; le prince de Condé est un homme d'un
grand courage et d'une grande réputation, et comme un
parti en France en a grand besoin, parce qu'il est un prince
du sang i'f qu'il possède différents droits dans ce royaume, il
u'v a aucune raison pour refuser de traiter avec lui. Toute-
i o i s , pour salisfaire sur ce point le Protecteur, il suffirait de
l'aire un traité avec Y. M. et d'y comprendre le prince de
Coudé comme l'allié de V. M. Le secrétaire d'Elat parut con-
s e n t i r à cela. Si le prince parvenait à rétablir son parti dans
lui mienne ou ailleurs, avec les secours de, V . AL et de l 'An-
gleterre, et. à s'y ralfermir, il pourrait de nouveau causer hier;
des embarras ;i la Fiance et fournira V. AL l'occasion de re -
couvrer les places que l'ennemi occupe en Espagne et en
flandre. Si, pour faire cet effort, on pouvait se procurer de
l'argent, on aurait l'occasion la. plus favorable qui puisse se
nrésenter pour atteindre le but ; car Y. AL étant alliée à. l'An-




4 4 0 D O C U M E N T S


glctcrrc, nous gênons sûrs de réussir; la Hollande n'oserait
plus songer à de nouvelles entreprises ; le Portugal ne pnur-
ÏaiL se promettre de subsister sans l'appui de l'Angleterre
et de la France , et il demanderait la paix, une paix avan-
tageuse pour nous, laquelle une fois l'aile, ou pourrait en
assurer le maintien par l'obligation réciproque, de la l'aire
respecter par les armes de l'une et de l'aulre partie. .Mais si
l'argent manque, on sera exposé aux inconvénients et aux
périls qui pourront résulter d'un étal de choses opposé, car
la France fait touf.ee qu'elle peut et. l'ail des offres i m p o s s i b l e - ,
à accomplir pour nous enlever celte alliance et s'unir elle-
même à l'Angleterre.


.l'envoie ce compte rendu de toute l'affaire eu Flandre;
mais comme là-bas on n 'a pas de moyens et que je ne sache
pas qu'on y ait les pouvoirs nécessaires pour oser faire ici
îles olfres d'argent, j 'espère peu de la réponse qui nie vien-
dra de. ce côlé ; il serai! donc, nécessaire que V. M. daigne
ordonner qu'on prît une prompte décision relativement aux
différents points decetle dépêche, et qu'on m'en informât pai
tous les moyens de communication possibles, attendu que la
conjoncture est grave; aujourd'hui même, sont arrivés ici
les envoyés de Hollande chargés de presser la conclusion d'un
traité de paix, el il est certain qu'ils feront tous leurs ellôrb
pour y comprendre le Jioi Très-Chrétien. Son envové ici.
bordeaux, a tout récemment reçu des lettres de créance qo:
l'accréditent en qualité d'ambassadeur, avec ordre, de compli-
menter le Protecteur et de se joindre aux instances de> Hol-
landais pour Jaire comprendre le roi dans ce traité de p;év el
pour passer ensuite à une union plus int ime; la seule cb-.-c
qui puisse empêcher cette union, c'est le succès delà, négo-
ciation entre V. M. et la République d'Angleterre. Que Dieu
garde V. M., etc.




m s T o m o u E S -in


iî" L'archiduc Léopold au roi Philippe, IV.
Bruxel les , 21 шаг ; 1 0 5 4 ,


S. l ì . M. (Sucra lîegia Majestas),
Пип Alonso de Carileiìas vient de me rendre compte, de. la


• lOiation des и flaires en Angleterre, et il me prie de lui lixer
la somme dont Y. M. assisterait les Anglais dans le cas où ils
déclareraient la guerre à la France; comme sa lettre part
aujourd'hui, Y. M. y trouvera les détails de l'affaire qu'il
expose ; quant à moi, je lui ai fait dire ce que Y. У1. trouvera
dans la copie de la lettre ci­jointe. Les Anglais ne déclarent
pas, il est vrai, la guerre, dans l 'intérêt exclusif de Y. M.; mais
comme il en résulterait de très­grands avantages pour la
couronne de V. .M., je crois qu'il est impossible (le ne, pas les
assister dans celle occasion. Je n'ai pas pu éviler de livcrla li­
mile des secours en argent, par les motifs consignés dans la
lettre qui est adressée à Y. .M.; elle voudra bien l 'attribuer au
/eiepour son service qui est l'objet unique de mes soins.


3° Лид. Navarro à don Alonzo de Cardenas.
Bruxe l les , 21 llmr.. lfi'.l.


.l'ai rendu compte à Sou Altesse de ce que V. Uve. m'a
écrit, et l'affaire est d'une telle nature que S. A. aurait
désiré avoir reçu des ordres de S. M. pour prendre une réso­
lution, ou au moins pour que V. L v c , en faisant son rapport,
put l'accompagner, avec le développement et la clarté qui
vous sont habituels, de sona \ i s formel; mais comme S. A.
ne peut pas attendre ces ordres à cause de l'urgence des eir­
idistances et de la situation où nous nous trouvons, elle
m'ordonne de dire à Y. E.xc. qu'elle reconnaît combien il
seraitimpoJ tant d'avoir le Protecteur de notre côté, tant p our




413 D O C U M E N T S


ce qui touche aux Hollandais, dont l'orgueil serait rabattu s-
nous n o u s unissions avec l'Angleterre, que parco qui-, 'l'An-
gleterre s'eugageant à une déclaration de guerre à la France
n o u s serions sûrs d'arriver à une paix raisonnable, et l'on
éviterait par ce moyen le danger devoir passer les (lottes des
deux républiques dans les hules. Ce ne serait pas aussi 1<
moindre avantage que de faire sortir le prince de Coudé de
ces provinces où son assistance n o u s est aussi onéreuse qu'elle
est peu sûre. Toutes ces considérations, jointes à celles que
V. Fxc. fait valoir en se fondant su r la connaissance qu'elle a
du caractère intéressé de l'Angleterre, engageraient S . A. à
envoyer des secours en argent en rapport avec le but que l'on
se propose, si S . A. en avait à sa disposition \ mais le manque
d'argent qu'on éprouve ici est en vérité bien grand, et les
dépenses auxquelles il faut faire fa.ee sont nombreuses et i ru'-
vitahlcs. Néanmoins, S. A. pense qu'il ne faut pas laisseï
échapper l'occasion favorable que n o u s offrent les bonne-
dispositions du Protecteur pour traverser les négociations de.'.
Français; car, soit qu'ils soient compris dans le traité avec
les Hollandais, soit qu'ils en concluent un pour leur propre
compte avec te Protecteur, nos affaires seraient, compromise-'
dans l'un et l 'autre cas, et eux se verraient délivrés de leur;
appréhensions. On reconnaît qu'il faut absolument assiste!
le gouvernement anglais d'une somme considérable , mai-;
on doute que les engagements puissent ètie remplis avec cer-
titude, surtout quand on sait avec quelle exactitude les Vu
glais voudront, loucher les subsides et combien n o u s recevons
peu d'Espagne. Dans le cas où l'on en viendrait à offrir une
somme d'argent au Protecteur, il ne faudra rien retranche)
de celle qu'on a affectée au prince de Coudé, ou au monis i
ne faut pas le dire d'avance.


Son Altesse pense que V. Fxc. pourra, offrir au Protecteur,
pour le cas où il déclarerait la guerre à la f i a n t e , cinquante




mille écris par mois, payable? à Sainl.-Sébasiicn, à la personne
désignée à eel effet par le Protecteur: le premier à-compte
.-erait île l.rcnte à quarante mille cens ; car quoique, comme
!<• viens de dire à V. E x e , nous n'avons pas d'ordres ic'.
pour le l'aire, toutefois, comme il est à craindre que les
français ne concluent leur traité d'une manière ou d'une
m i r e , S. A. pense que, si V. Exc. va jusque-là. la négocia-
tion eu sera plus facile et. l'Anglais se montrera plus accom-
modant, préférant l'alliance avec S. M. dont il peut attendre
des subsides, à. la foi trompeuse qu'il a éprouvée de la part de
la France. Y. Exc. usera de celte latitude avec sa prudence
habituelle de laquelle S. A. espère le plus grand succès dans
la négociation. Par le même courrier, S. A. rend compte
de tout à, S. M., afin qu'Elle daigne donner les ordres néces-
saires pour le payement, de l'argent en question. Que Dieu
,'ardc V. E x c , elc.


4" Avis du Conseil d'Etat \n pleno auquel ont pris part
le marquis de Cegaues, le duc de Medina de las 'Cor-


res, les marquis de Valparaiso et de Yclada. le comte


de l'eharanda, don Melchior de liorja et le comte


d'Ouate, à Madrid, le 12 avril lo:.i au sujet du
contenu de trois lettres traitant des pourparlers qui


ont eu lieu avec Cromwell.


j l'ai n i a r e e on h l c e s m o t s é c r i t s d e la ma in du roi : i Q u ' o n


* a g i s s e c o n f o r m é m e n t à f i n i s d u roux. ' i l d ' t d a l , e t q u a n t à la q u o -


. Ol..' îles s e c o u r s qu i d o i v e n t ê l r e e n v o y é s ;'i ( I r o n i w e i l e t à l ' é p u -


. q u e de l e u r e n v o i , j ' a i o r d o n n é à d o n L o u i s d e H a r o d ' é c r i r e a


» d o n A i o n z o d e liaroei ' ias p u n i ' lui fa i re c o n n a î t r e d a n s q u e l l e n i e -


« s u r e ils p o u r r o n t 'Ore d o n n é s ; d u r e s t e , j e s e n s t o u t c e q u e le




U4 D O C U M E N T S


• Conseil me dit au sujet des avantages et île l'importance de cette
« affaire. ) »


Sire,


Le Conseil s'est réuni au complet, aujourd'hui, ainsi que
\ otre Majesté l'avait ordonné; étaient présents le marquis
de Leganes, le duc de Médina de las T o r i e s , les marquis de
Valparaiso etde.Yelada, le comte de Penaranda, don Melchiot
de Rorja et le comte d'Ouate. Le Conseil a pris connaissance
de deux lettres de don Alonzo de Cardcnas, datées du 0 et du
13 mars , ainsi que d'une lettre du seigneur Archiduc du
2J mars . Dans toutes ces lettres il est rendu compte des pour-
parlers que don Alonzo a eus avec Cromwell au sujet de l'al-
liance entre Y. M. et la République d'Angleterre, ainsi qu'a-
vec Cromwell l u i -même ; de la manière dont D . Alonzo lui
it fait celle proposition; comment Cromwefl l'a accueillie avec
empressement; comment d a été convenu qu'il emeria i l ù
don Alonzo u n e réponse par le secrétaire d'Etal, ce qu ' i l a
fait en eilét depuis, et comment il a consenti à conclure u n e
alliance avec Y. M. dans la forme proposée, par don A l o n z o .
sans vouloir lu i -même déterminer les sommes qu'il désir.ut
obtenir de Y. M. à titre de secours. Son Altesse l'archiduc,
de son côté, dans la lettre que le secrétaire. Augustin .Navaint
a écrite par son ordre à don Alonzo, a dit que, si Cronivvell
déclarait la guerre à la France, l'Eqiague lui donnerait cm-
'quanle mille écus par mois, payables à Saint-Sébastien, et
que le premier à-compte serait de trente ou quarante i n i t i e
écus. S o n Altesse fait observer dans sa lettre à Y. M. que l e s
avantages qui résulteraient de la conclusion d 'une lebe
alliance sont si grands qu'elle trouve impossible de ne pas
accorder ces secours à Cromwell.


Le Conseil a longuement discuté cette question, la regai-
dant comme la plus importante qui ait pu se présenter, en




I I I S T O T U Q C E S . 415


lotit temps el MIIÏOIU dans les cu'conslances actuelles, car
dans t.i situation des affaires do V. M. dans toute la raouar-
cliie espagnole el au milieu des dangers qui la menacent, ce
serait une planche de salut que cette alliance de V. M. avec
1er- Anglais; el une déclaration de guerre de leur pari à la
f iance , faite dans les conditions dont on conviendrait, serait
!rès-avanlageu,se aux Anglais eux-mêmes, tant à cause de
leurs intérêts opposés à ceux des Français, qu'à cause, du
séjour du roi Charles en France, lequel roi Charles cherchera
toujours à recouvrer le. trône d'Angleterre, en quoi les F ran -
çais ne manqueront pas de l'aider dès que les circonstances le
permettront. On doit également considérer q u e , quelque
chère que soit celle alliance, elle ne sera pas plus chère que
les efforts que devra, faire V. M. pour défendre ses royaumes
i'l s e s Klals. La plus grande diflieulté que le Conseil voie à
cette négociation, c'est le manque de ressources ; car il sera
absolument indispensable de remplir scrupuleusement envers
Crouixvell toutes les .stipulations dont on sera convenu ; si o n
ne le faisait pas et. si on paraissait se méfier de lui, on lui
fournirait un motif de rupture , chose, à laquelle il importe
beaucoup de ne pas donner occasion, ce qui aurait certaine-
ment lieu si on manquait à des engagements pris envers lui,
car les Anglais sont très-exacts et très-avides. Tout cela bien
considéré, le. Conseil est d'avis d'accuser aussitôt à don Alonzo
réception de ses lettres, de le remercier d'une manière
toute particulière d'avoir fait celte proposition à Croinvvell,
ainsi que du discernement et de la prudence avec lesquels
il l'a l'aile, cl de lui recommander de continuer la négocia-
tion sans la lâcher un seul instant. On répondra dans le même
sens à l'archiduc et à don Alonzo, en disant qu'on a beau-
loup réfléchi » u r celle circonstance que. Cromwell s'attend à
r e c e v o i r de< sommes considérables pour l'aire ta guerre à la
. t r . i n c c . Lorsque deux Ltats concluent une ligue et u n e




410 D O C T M T v V T S


alliance, chacun d'eux devrait y contribuer pour la part qui
le concerne, selon les intérêts qui sont en jeu dans le pays où
la "lierre devra se l'aire ; or l'Angleterre en a de très-grands en
France, tant à cause des prétentions qui datent des temps
anciens qu'à cause du séjour en Fiance du roi Charles pro-
tégé par ce pays et par le roi de France, à. qui les Anglais ne
doivent se fier ni dans ce moment ni dans aucun temps;
néanmoins Y. M. permet (àl 'archiduc, de se montrer large
et d'offrir jusqu'à ces cinquante mille éeus par mois don!
l 'archiduc a parle dans sa lettre; d'ailleurs l'affaire étant si
importante et pouvant, si elle réussissait, conduire à des r é -
sultats si heureux et. si considérables tant pour les Anglais
que pour la. monarchie espagnole, il ne faudrait pas qu'elfe
manquât pour une somme de dix mille écris par mois de plus
(aide moins; dès que les galions seront arrivés, ce qui, s i !
plait à Dieu, doit avoir lieu dans le courant de juin, on remet-
tra à Cadix, au consul, ou à la personne ou aux personnes
munies à cet effet des pouvoirs nécessaires de la part du Par-
lement et du Protecteur, deux ou trois cent mille écus en
barres d'argent. En faisant cette communication à l'archiduc,
V. M. daignera faire part à Son Altesse de l'ordre qui sera
envoyé à don Alonzo et des offres qu'il doi t faire, afin que Son
Altesse les restreigne ou les étende selon qu'Elle jugera c o n -
venable, en ajoutant qu'il faut toujours chercher à serrer le»
cordons de la bourse et à offrir le moins possible, aIi11 que. les
conditions puissent être plus facilement remplies de la part
de Y. M.


Le Conseil est également d'avis qu'il faut sur-Je-rhaïup
envoyer à don Aloir/,o trente mille écus, afin que, ayant à sa
disposition une telle somme, il puisse traiter et se rendre fa-
vorables ses amis, ainsi que les autres personnes qu'il j o u v r a
à propnsde se concilier pourmencrà bonne fin c e l l e alliance ,•!,
l'accélérer autant que possible, empluxant à. cet elfet tout soi ;




HTSTOTÎTQTES. 447


disi ornement, sa prudence cl son adresse. On lui recomman-
dera d'informer de tout l 'archiduc et d'agir conformément à
sou avis. Dans tous les cas, le. Conseil désirerait prendre con-
naissance des ordres envoyés à don Alonzo, afin de pouvoir.
-;'il y a lieu, faire ses observations.


Le duc de Medina de las Tories , en adhérant à tout ce qui
vieilI d'être décidé, est d'avis qu'il ne faut pas laisser échap-
per une occasion telle que la présente, de s'unir avec la Répu-
blique d'Angleterre et le Protecteur de la manière proposée
par don Alonzo, et que dans ce but il faut faire tous les efforts
imaginables pour remplir les engagements qu'on aura con-
tractés, quand même il faudrait tenter les choses les plus im-
possibles, car il n 'y va de rien moins, dans la conclusion de
cette' affaire, que de la sécurité des Royaumes et Etats de
V. M., ainsi que des biens que possèdent les grands vassaux
de V. M. qui tous doivent, ainsi quai est juste, l'aider, autant
qu'ils le pourront, à remplir ce devoir.


L'opinion du duc, est que, don Alonzo devraiI, pour con-
clure au plus tôt celte affaire, offrir jusqu'à cent mille éeus
par mois ; car en considérant tons les dangers qui sont à
craindre pour la monarchie, dans l'état où elle se, trouve, cetle
somme ne lui parait pas exorbitante.


Le. marquis de Velada, eu adhérant également à ce qui a été
décidé, ajoute, que la somme que l'archiduc a permis à don
Alonzo d'olfrir, cl même deux fois autant, devrai! être em-
ployée pour obtenir ce que l'on désire ; car une fois que V. M.
sera alliée à l'Angleterre, ou n 'aura plus à donner d'aussi
glands secours dans les Mandées, en Italie, en Catalogne et eu
Portugal. On devrait aussi considérer l'clat où nous serions si
on laissait échapper une telle occasion. Pour atteindre ce, but,
le marquis offre tout le capital qu'il possède, et il assure qu'il
désirerait qu'il fût plus considérable pour pouvoir le mefl/e
utv pieds de V. M., comme en effet il offre celui qu'il a .




418 n n r u M i : \ T f i


Le comte d'Ouate a dit que, quand même on ne tiendrait
pas plus tard tout ce qu'on aurait promis à Oomwel l , il n'en
continuerait pas moins, de son côté, à remplir ce dont on se-
rait convenu, tant à cause de son propre intérêt dans toute
l'affaire, qu'à cause des mesures qui auront été prises contre
les f rança i s ; car une fois la rupture entre eux consommée,
ils ne s'arrangeront pas facilement. Du reste, Y. M. ordon-
nera là-dessus ce qu'il lui plaira.




H I S T O K T Q T ' E S . 4 ) 9


VII


i e t 80,1


j° f.ouis XIV à Crom.ire.il.


IXirP, : ' î févii^r O e i l


Monsieur le Protecteur,
l'ai été informé par plusieurs lettres du s ieu r rie Bordeaux,


et plus partirulièrenieul assuré par le retour du sieurde lïaas,
des bonnes dispositions où vous xous trouvez alin que l 'un ion
qui a été au passé entre la France et l'Angleterre se continue.
,Fai été aussi aise que vous pouvez vous l'imaginer des di l i -
gences qui sont faites pour que les alïaires fussent de sorte
établies que la fortune des deux nations en fût accrue. Ft
comme j e vois que la divine providence vous a élevé à la
grandeur où vous êtes pour le bien de l'Angleterre, l'Ecosse
et l'Irlande, j ' en ai toute la joie qu'on en peut avoir. Ce sera
des mains du sieur de Bordeaux, accompagné, du sieur de
lïaas, que xous recevrez cette lettre, avec, les assurances de
ma parfaite amitié et des ordres qu'ils ont. de renouveler
avec vous, en la qualité de Protecteur de l'AngIclerre, l'Ecosse
et l 'Irlande, les anciennes alliances qui ont été entre les
mêmes pays et la France, d'y augmenter et d'y diminuer ce
qui sera reconnu utile aux nations, de faire même un nou-
veau traité, s il est jugé qu'il fût de, l'avantage commun, et
eu cela, comme e n toutes sortes de rencontres, de vous faire
connaître ce que j e défère à vos sentiments. Il ne m e reste
qu'à xous prier de prendre entière créance a u x choses qui
vous seront répétées de rua part par eux, et de, croire que
c'est du tond de mon cœur que je prie Dieu qu'il vous ait,
Monsieur le Protecteur en sa sainte cl digue garde.




•2° M. de llordeau.r à )]. de lliieime.


C i ' i i d e j - . , J. m a i . . i


Mons ieu r ,


J'ai reçu aujourd'hui lus doux lettres que M H I S m'avez fuit
l 'honneur Je «l'écrire les 21 et. 2o du m o i s passé, avec celle
di.ilîoi, dans laquelle je vois qu'il plaît a Sa. Majesté n i e cou-
fier la négociation du traité entre la France cl. l'Aim-leterre,
avec la qualité d'ambassadeur, que je reconnais au-dessus de
mon mérite, mais non pas de mon zèle et. de n i a fidélité pour
sou service; et aussi ses intentions tant sur les ouvertures qui
me peuvent être faites de la pari de M. le Protecteur, que sur
les litres dont je dois remplir mes pouvoirs. Les avis qui m'a-
vaient été donnés, par l'ordre précédent, de celle résolution,
me portèrent, pour ne point perdre un moment de lenip-1


qui maintenant semble' a s s e z favorable, à demander audience,
au secrétaire du Conseil, sous prétexte de. lui en l'aire pari,
afin de découvrir avec quels termes i l . le Protecteur dési-
rait que Sa Majesté le traitât, et aussi pour le convier de vou-
loir entrer en traité, tandis que je n i e disposerai* de prendre
la qualité d'ambassadeur. Employant toutes les raisons qui le
pouvaient persuader, sur le premier, il ne voulut point s'ex-
pliquer autrement s i n o n que Son Altesse avait i'aulorilè sou-
veraine et aussi grande que les rois, et que c'était à nous d'en
user comme nous le jugerions à propos. Néanmoins, après
l'avoir bien pressé, il me promit un éclaircissement plus par-
ticulier dans peu de jours.Sur l'autre point de mon discours,
il me dit n e pouvoir rien ajouter à ce qu'il m'avait déjà fait
savoir autrefois, et que huit jours de plus ou de moins n'étaient
pas considérables. Depuis cette conversation, u n homme qm
se mêle d'intrigue m'est venu trouver et m'a. voulu, faire eu-




H i S T O R I Q l ' F . S . . S i i !


tondre que le ternie de frère sertiii. liien agréable; eteoinine | , i
liti t e du Uni ne: me perinei, pas d'aller si avant, j 'avais résolu
de ne pas chercher la réponse dudit. sieur serré taire, crainte
qu'elle n e fût conforme à ce, discours. Mais il a. rencontré
mon interprète cette après-dinée, et l'a convié de l'aller voir
ce soir, désirant l'entretenir sur ce que je lui avais dit. A i n s i
peut-être avant, la clôture de la présente, je pourrai être, in-
tonile des prétentions de Son Altesse, et crainte qu'elles ne
s'accordassent pas à mes ordres, j ' a i doimécharge à mon se-
crétaire, s i o n lui témoigne désirer le litre de frère, qu'il ré-
ponde de soi-même que les pouvoirs m'ont déjà été envoyés,
afin d'avoir un prétexte pour me dispenser de donner celle
qualité. Quant à celle. d'Altesse cl de Seigneur, dès le com-
mencement de sa proclamation, le maître des cérémonies et
depuis le secrétaire du Conseil se sont expliqués assez préci-
sément qu'elle ne devait point être mise en question ; et m'é-
tant informé de la manière dont en a usé l'ambassadeur
d'Cspagne et les députés de Hollande, je n'ai pu en tirer a u -
cun éclaircissement, parce que l'un a parlé en latin, et l 'autre
dans ca langue dont les lermes n'ont pas la même force. Mais
.-ans doute celle question se videra, parce, qu'il sera difficile
de se dispenser de la qualité de cousin. J e tâcherai de régler
le tout à la satisfaction dudit sieur Protecteur, sans néan-
moins outre-passer les bornes qui me sont prescrites. Je veux
croire que ce n'est pas seulement pour ni 'engager d ' u s e r des
termes les plus honorables, mais plutôt par un véiitable des-
sein de bien vivre avec la France que. depuis deux jours un
des amis de M. le. Protecteur m'a dit qu'il était entièrement
disposé à, l 'accommodement; que la seule difficulté qui s'y
pourrait trouver serait sur le dédommagement, mais qu'elle
se surmonterait avec peu de choses en elfet et beaucoup en
apparence. Quelques ministres ont parlé dans le même esprit,
et présentement la voix publique ne permet pas d'en douter.




452 n ' H ' m t E N T S


Je crois i[iic les intérêts particuliers de M. le Protecteur en
seront, l 'an des principaux motifs. Us n'iront pas néanmoins,
si j e ne me trompe, jrisques à u n e liaison contre l'Espagne, l.e
dicvalier Diglty m'a fait part d ' u n e conversation qu'il a eue
depuis peu avec Al. le Protecteur, dont les sentiments lui ont
paru trùs-fa>orables pour la France. Il m'assure n'avoir ou-
blié aucune considération qui le puisse confirmer en cette,
bonne volonté, et qu'il continuera d'en use r de même quand
les occasions s'en présenteront, toute son ambition n'étant
que de se rendre agréable en F r a n c e par quelque service. Je
ne sais si cette grande disposition qui parait à l'accommode-
ment est la cause du voyage des sieurs Barrière et Cugnac. Ils
sont partis ce malin sous prétexte d'aller à u n e foire pour Flan-
dre, après avoir pris congé de Al. le Protecteur, le premier
taisant espérer son retour à ceux de sou parti devant Pâques,
et I autre faisant état de servir dans l 'armée de monsieur le
P r i n c e . Ce pourrait être aussi à cause de la maladie du sieur
de Alazerolles qui n'a pu passer Douvres. Un de sa compagnie,
nommé f.aporelle, est ici resté fort malade. A u milieu de
toutes ces belles apparences, quelques-uns ne laissent pas
que de me vouloir persuader que les desseins d'ici sont, dou-
bles, que l'on espère, toujours quelque chose de ceux de la
religion, et que le médecin écossais nommé Alaurus, qui était
ici v e n u , il v a trois ou quai ru mois, de la part de quelques-
u n s , s'en était retourné à M s t n e s et que l'on aurait de ses nou-
velles chez le s ieur de Yignolles. On m'a même marqué quel-
ques maisons où il a passé ; mais comme l'autour de cet av is
n'est pas bien certain, je remets d'en envoyer un mémoire
jusques à ce qu'il ait élé trouvé à propos d'approfondir celte
mat iè re . , . . . . . , ,




J i l S T O R T Q I l K S ,


3« Le même au même.


I , . . l , i l " . o . '. m a r s l f i - , 4 .


...... Ledit sieur secretaire, après en avoir communiqué à
Son Altesse, m'écrivit hier au soir qu'EUe entrerait en confé-
rence privée aussitôt que je lui aurais communiqué la lettre
éle créance ; à quoi j'ai satisfait cette après-dinée, lui en en-,
voyant une copie dans laquelle je me suis servi du terme do
cousin. C'est le moindre dont l'on peut se servir pour le sa-
tisfaire; encore n'est-ii pas sûr d'y réussir après ce qui m'a
été déclaré sur ce sujet. Mais comme la lettre de S. M. me
prescrit ces bornes, j'ai affecté de ne point les étendre, pour
ne la pas engager contre son intention. Je dois savoir demain
-i cette suscription n'aura point refroidi Je désir qu'il témoi-
gne avoir de traiter promplemeut.


A" Le même au même.


L i ' i î d n e , 1 f! n i a r a 1 fe .4


Monsieur,


Je me donnai l'honneur de vous écrire, par le dernier ordi-
naire, que j'avais envoyé au secrétaire du Conseil copie de
mes lettres de créance, sur ce qu'il m'assurait que M. le Pro-
tecteur, après en avoir eu communication, entrerait en con-
férence. Mais, comme la suscription n'a pas répondu à son
attente, ledit secrétaire me manda avant-hier que nous nous
verrions aujourd'hui, et qu'il s'expliquerait plus particulière-
ment sur ce sujet; par son discours, je juge que Son Altesse,
n'étant pas traitée du titre de frère, n'en voudra point d'au-




D O C U M E N T S


5° Le même au même.


LouJi-te-, 12 mars l l i j f


Monsieur,


ïlevant que de recevoir celle que vous m'avez l'ait l'honneur
de m'éerire le sept de ce mois, j 'avais réglé avec le secrétaire
du Conseil les suscriptions de la lettre du lioi. fl me proposa
d'abord d'user des termes de Seiijneiir et Altesse; je ne refusai
ni l'un ni l 'autre, et le lis condescendre à se contenter de
Monsieur, témoignant que Sa Majesté avait traité M. le Pro-
tecteur de cousin, comme plus honorable, titre qu'il donne à
tous les souverains qui ne prennent point le titre de liais,
quoiqu'ils soient revêtus d'une puissance aussi grande, l.e
sieur secrétaire du Conseil me fit ensuite une petite observa-
tion sur ce que Sa Majesté me qualifie ambassadeur, sans dé-
signer m le lieu ni la personne auprès de qui je dois servir; et.
même il me dit que ma première lettre de créance au Parle-
ment me donnant qualité d'ambassadeur en Savoie, on pour-
rail prétendre que celle-ci lui serait relative, el. ne me donne-
rait aurini ti Ire eu Angleterre. Je lâchai de lui lever tous ces


très que celui do Soigneur Protecteur des i roi s Républiques,
el il serait bien difficile de lui l'aire agréer relui de Monsieur,
après qu'il a prétendu aller de pair avec les rois, et qu'il re-
fuse celui de cousin, non par humilité, mais comme étant
au-dessous de lui. Je n'insisterai pas beaucoup sur les noms,
et si m e s raisons ne l'ont pu persuader de traiter auparavant
que j e prenne la qualité publiquement, je ne c r o i s pas qu'il
s'y faille attacher davantage, ni différer de faire la démarche
entière, puisque l'on est venu si avant, pour ôter tous les pré-
textes capables de retarder le traité.




I") l .HÏORTQOF.S , 4")',


mpule? et défiances, et après qu'il m'eut été toute espé-
ru ice ip ie Sein Altesse voulût entrer en traité devant que
j'eusse pris publiquement qualité d'ambassadeur, je demeu-
rai d'aceoid de lui envoyer le lendemain copie de mes lettres
et de demander audience : à quoi je satisfis dès h ie r ; et je
'• ions de recevoir pour réponse qu'il fallait passer par les
termes, afin que ma qualité fût publique. C'est-à-dire que
l ' o n m'enverra recevoir à Greenvich avec les barges de l'Etat,
qui me conduiront jusques à la Tour, où les carrosses de
.M. le Prolecteur se trouveront; et, comme les ambassadeurs
de Hollande doivent passer devant et être traités quelques
jours par l 'Etat, suivant les apparences, ma cérémonie ne se
pourra faire de sept ou huit jours. J'aurais été bien aise de
tn.uver quelque ajustement pour gagner du temps, et aussi
pour donner loisir à mon équipage d'arriver, reconnaissant
que fou est bien aise de voir ici un peu d'éclat


v>» Le cardinal Mazarin à M. le baron de, Huas.


P i r e , L27 mar , 165-1


Comme nous avons e u avis de divers endroits, depuis douze
heures, que les Espagnols offrent à M. le Protecteur une assis-
t mce. en argent pour le faire déclarer contre nous, si Al. l'am-
bassadeur et v o u s juge/, que, pour disposer d'autant plus
facilement S. A. à rompre a v e c les Espagnols, il lut néces-
saire de lui faire une offre de celle na ture , en ce cas le fini
trouve bon que vous lui offriez de sa part trois, voire quatre
cent mille écus par an, c'est-à-dire jusques à douze cent mille
h u e s , de notre m o n n a i e , payables eu deux termes, à Paris o u
a Celais, a u choix de Sadite Altesse et à telle personne et eu
telle manière, qu'il désirera, soit en public o u en secret. Et




4% nOTTlMENTS:


même si vous reconnaissiez qu'avec cent mille (Vus de plus
mi de moins , l'affaire se p e u t conclure, je v.ms dirai «pic Sa
Majesté t 'approuvera aussi. Ce sera à M. l'ambassadeur et à
vous d'aviser aux moyens de présenter celle proposition plus
agréable et avec plus de succès. J'espère que peut-être cela ne
sera pas nécessaire et que le lioi se pourra passer de taire
celle dépense, dans le mauvais état où sont ses finances;
mais si vous en v e n e z jusqucs-là , vous pouvez dire hardi-
ment à M. le Protecteur qu'à la vérité il y a eu des temps où
l'abondance a été plus grande dans les coffres du Roi, mais
aussi qu'elle y a été moindre, qu'elle n ' e s t a présent, Dieu
merc i , et que je lui réponds que la s o m m e qui lui sera pro-
mise lui sera payée ponctuellement dans les termes dont o n
s e r a convenu : qu'ainsi s'il prend la peine de considérer de
quelle façon les Espagnols satisfont à leurs promesses, ¡1
reconnaîtra aisément qu'ils ont en perfection le talent de
s a v o i r embarquer les gens, mais qu'ils sont a u s s i en p o s s e s -
sion de savoir fort peu se soucier de leur tenir parole, après
qu'ils les ont engagés en quelque mauvais pas , croyant
qu'alors ils n e peuvent plus leur échapper; témoin le trai-
tement qu'ils ont fait à la maison de Savoie, toutes les fois
qu'elle s'est embarrassée avec eux, celui que le duc de Lor-
raine en a reçu en dernier lieu et celui qu'ils l 'ont depuis
quelque temps au prince de Condé, à qui ils ont promis tant
de millions pour lui faire prendre tes a rmes ; et à mesure
qu'ils l'ont v u en état de. ne leur pouvoir plus être si utile,
ils lui disputent même ce qui lui est nécessaire pour s u b s i s -
ter ; et enlin tant d'autres exemples dont les histoires son!
remplies. Aussi leur méthode n'est jamais de', promettre r i e n
par année, mais seulement par mois, dont Je premier et
quelquefois le second s e payent assez bien, le troisième com-
mence à diminuer, et puis le reste se réduit à rien. El en filet.
j e -suis bien trompé si l ' o f f r e qu'ils font à Al. le Protecteur




i lTSTOuTQPES. 4"W


u'esi de celle sorte, c'est-à-dire p a r m o i s , an l ieu q u ' o n t r o u -
vera qu'avec nous il y a toujours eu sûreté (ont entière. S. A.
n'a qu'à s'informer, s'il lui plaît, si avec cela q u e les finances
ont été ci-devant épuisées, comme chacun sa i t , il est d û u n
sol des subsides que le 1 loi donnait à la c o u r o n n e d e Suède,
a la landgrave de l i e s s e , à MM. des Etals , n i de ce qu i ava i t é é promis pour l'armée auxiliaire d'Allemagne.


Il est remis auss i à la prudence de M. l 'ambassadeur et a
la vôtre de faire entendre doucement à M. le Protecteur qu' i l
n'est pas s û r q u e , venant à r o m p r e avec la France, la c o u -
ronne de Suède se joignît si volontiers à ses intérêts; m a i s
au contraire, en rompant avec l 'Espagne, o u t r e l'infaillibilité
des p r o g r è s d o n t je vous ai pa r l é p a r m o n mémoire, il est


très-certain q u e l'Angleterre, l'Ecosse e t l 'Irlande en se ron t
ravies, comme leur é t an t plus avantageux à cause du com-
merce et par une inlinilé d'autres raisons ; au lieu qu'en rom-
jiiiil. avec nous, il ne doit pas douter qu'il n'y ait beaucoup
• le gens, dans les royaumes qu i sont sous sa protection, qui
o n murmureront ; et ce sont des considérations assez e s sen -
tielles p o u r y faire rélloxion. Néanmoins il fau t bien prendre
g iiaie à ne les pas alléguer p a r f o r m e de menace, m a i s pa r
l'orme de raisonnement, c o m m e entrant , d a n s ses intérêts, pa r
une foi le passion de les voir un i s avec les nôtres, p o u r le
Iiien commun des d e u x nations.


Je crois qu'on ne. doit, pas oublier de répélcr bien souvent
à M. le Protecteur qu'une l'ois que celte couronne sera eu -
nagéo, comme elle vent l'être, à contribuer tout ce q u i dé-
pendra d'elle pour l'affermissement de sa dignité et de son
pouvoir, elle i ra sincèrement au-devant de toutes les choses
pii seront propices p o u r ce la , et i l n'y a u r a rien qui puisse


arriver qui smt capable de l'ébranler, ni de changer ses sen-
t i m e n t s à l'égard de S. A., laquelle doi t lenir pour infaillible
qu'elle ne rencontrera pas dans les Espagnols cet te manière


l e .'il




•ÌÒH noc i : M 7 " \ Ï S


d'agir, (jui est toni à fait contri- leur slvlc cl leurs maximes;
en serie que nonobstant toutes les promesses qu'ils bu au-
ront fades, s'ils voient son autorité s'affaiblir, ils tourneront
aussitôt leurs négociations du côté de ceux qui travailleront
à sa deslruction, croyant qu'alors leur amitié leur sera plus
utile que la sienne.


7° .1/. de Bordeaux ci M. de Brienne.


Londres , ts avril 1654.


(Je dois vous éclaircir) du doute que je croyais avoir
levé par quelqu'une de mes, précédentes touchant la suscrip-
tion des lettres du lloi à M. le Protecteur. 11 a refusé le litre
de cousin, et s'est contenté, dans toutes les deux dépêches,
de celui de AI. le Protecteur de la Jïépubliqno d'Angleterre,
Ecosse et Irlande. Celui de frère eût été bien plus agréable.


Ho Mémoire pour servir d'instruction an sieur de Bor-
deaux, ambassadeur du roi en Angleterre.


10 ju i l ta l i l l i l .


Pour venir aux conditions, Sa .Majesté; voulant de plus er
plus faire connaître qu'Elle, est sincèrement disposée à lu-
conclusion d'un bon accommodement avec AI. le Protec-
teur, et s'intéresser en ce qui le regarde personnellement, et
faisant fondement sur ce que ledit sieur de Bordeaux mande
que, les affaires dudit Protecteur sont en si bon état que les
cabales d'Angleterre ne servent qu'à l'affermir, et qu'il n'a
rien à craindre des royalistes d'Ecosse (car autrement ce.




fTIRTOlUQÜES. 45!»


serait une imprudence et u n malheur pour nous de prendre
ce parti-là, puisque, ledit Protecteur venant à tomber, n o u s
nous attirerions toute l'Angleterre pour nous être unis a\ec
lui. et tenons les affaires des Espagnols, que l'on considére-
rait comme ayant été ses e n n e m i s ) Sa .Majesté, dis-je, en ce
cas, non-seulement approuve l'offre que ledit sieur de Bor-
deaux a faite de loUO mille livres, par an, qui seront payées
dans les termes desquels on conviendra, et dont on commen-
cera de fournir la moitié cette année; mais elle lui donne,
encore pouvoir de promettre qu'elle donnera, pour r e n t r e -
prise de Dunkerque, outre les 4000 chevaux que le sieur de
Baasao l le r t s , 4000 hommes de pied qui pourront l'aire
une attaque à ladite place, et qu'elle en assiégera quelque
autre en même temps, pour y attirer les forces des ennemis
et faciliter par ce moyen la prise de Dunkerque; ou si M. le
Protecteur J'estime plus à propos, que Sa Majesté tiendra la
campagne avec ces deux armées, pour teñirles Espagnols e n
échec et les empêcher de faire la moindre tentative pour le
secours de Dunkerque, lequel étant pris demeurera à JE le.
Protecteur, sans que le Moi y prétende quoi que, ce soit : et. il
semble (pie cene sera pas un mauvais commencement et peu
avantageux à l'Angleterre et à J l . le Protecteur eu particulier
de lui remettre une place de cette importance • on dit lui
remet Ire, parce qu ' on ne prévoit aucune dil'tictillé à en faire
la conquête, quand même JE le Protecteur n e ferait débar-
quer pour cela que. six. mille hommes de pied, et n ' y e m -
plojerail que quinze ou vingt Iré-jales, et quelques petites
barques pour s'approcher de la terre et empêcher que. la
place (ilant u n e fois bloquée par mer, il ne pût plus y entrer
personne.


Il semblerait fort juste que, nous demandassions de l'ar-
got ¡I pour faciliter aux Anglais une semblable conquête. Et
cependant iiuii-seulciueul nous leur eu olfrons, mais encore un




4*50 D O C E M E N T S


corps de: troupe» pour les aidera la l ' a i r e , et. (l'employer ioute
noire armée, pour tenir cependant en échec celle des enne-
mi* et l'empêcher de secourir la place.


Après cela, on laisse à penser ce qu'on pourra dire de
M. le Protecteur s'il refuse de r e c e v o i r "?>(.• nulle livres cette
année et d ' a v o i r Dunkenpie , sans que cela l'empêche de
iaire en même temps tous les progrès qu'il voudra aux Indes,
et de prendre, s'il veut, les deux Hottes qui doivent a r r i v e r eu
Espagne dans le mois d 'août ; à quoi Je. lioi prendra part, -i
ledit Protecteur le désire, et pour cet effet, Sa Majesté fera
joindre une escadre de dix o u douze vaisseaux aux siens.


El quand même il faudrait aller au delà desdits loOO nulle
livres, et s i le sieur de Bordeaux voit jour à pouvoir conclure
en se relâchant jusqu'à s i x cent mille écus par an à l'avenir,
lesquels seront payés ponctuellement de quatre en quatre
mois, le lloi lui en donne le pouvoir, et même de. promettre
aussi trois cent mille écus pour celle année-ci; dont les deux
tiers seront payés comptant après la signature du Irai lé, cl
l'autre au premier j o u i ' de décembre prochain. Sa Majesté
s'assure cependant qu'il ménagera bien ce pouvoir et qu'il
ne l'épuiscra qu'en cas de nécessité et qu'il croie ne pas pou-
voir faire mieux.


On se contentera, pour le reste de celte année, en exécutant
dès à présent de notre part ce que nous promettons pour le
dessein de Dunkenpie, que les Anglais fassent, la guerre par
mer contre les Espagnols, et nous donnent quelque nombre
de frégates pour aider, soit dans la mer Méditerranée soit,
ailleurs, à l'exécution de ce que nous pourrions entreprendre
conli'c eux.


Pour les aimées futures, il faudra convenir du nombre de
frégates avec lesquelles ils seront obligés de nous assister, et
que, lorsqu'on voudra entreprendre quelque chose, conjoin-
tement par terre, en Espagne ou en Flandre, d sera exécuté




H I S T O R I Q U E S , 461


avec, des forces égales et à (Vais communs, et que les con-
quêtes seront aussi également partagées; bien entendu qu'ils
soient toujours obligés de nous assister tous les ans du
nombre de frégates dont on demeurera d'accord, sans qu'ils
puissent rien prétendre pour cela au delà de six cent mille
f e u s , qu'on donne pouvoir au sieur de Bordeaux de leur
offrir.


Au surplus, chacune des parlies jouira de son côté de ses
conquêtes, soit aux Indes, où les Anglais en pourront faire,
autant qu'ils voudront, soit en tous les autres lieux de la
domination de l'Espagne, où les forces d'un chacun pourront
agir; et. l'occupation que l'on donnera ainsi aux Espagnols,
de tous côtés, sera un grand avantage pour faciliter le bon
.-uccè-8 de ce que les uns et les autres entreprendront.


Si M. le Protecteur veut sans aucun délai conclure un bon
H commodément, et se disposer à rompre contre les Espa-
_nols, ou en sera bien aise; puisque par ecinovcn.le lioi
pourra espérer de contraindre ceux qui n'ont point d'autre,
but ijne d'entretenir le trouble dans la chrétienté, .à changer
de dessein; Sii .Majesté ne prétendant pas néanmoins de t ra i -
ler en aucune façon avec, les Espagnols que conjointement et
de concert avec M. le Protecteur, et elle donne pouvoir audit,
sieur ambassadeur de l'engager à cela, par un des articles
du traité qu'il fera.


Mais si M. le Protecteur ne juge pas à propos de se résou-
rire ii rompre contre l'Espagne, nonobstant les grands avan-
tages qu'il peut voir évidemment qu'il retirera de cette cap-
ture, le Poi se contentera que l'on fasse le traité qui avait été
projeté, par lequel toutes les hostilités cessantes cl le com-
merce entièrement rétabli entre les deux nations, elles vivent
a l'avenir dans la même intelligence qu'elles faisaient avant
les derniers sujets de plainte que chacune a cru avoir de son
côté. En ce cas, si dans l'évaluation des prises qui ont été


,'i i -




4 S I D O C U M E N ' T S


faites de part et d'autre, les commissaires trouvaient que
nous fussions redevables de quelque chose, on consent de le
payer; et si même pour conclure plus promptement ce traité,
le sieur de Bordeaux juge qu'il faille laite un présent, en
secret audit Protecteur, directement ou par son ordre à quel-
qu'un de ceux qui sont dans sa confidence, Sa Majesté lui
donne pouvoir de promettre pour cela jusqu'à i>0 à 00 nulle
pistoles, qui seront payées avec ponctualité après le traité
signé; et comme, auquel de ces deux partis que M. le Pro-
tecteur se détermine, s'il marche de bon pied et qu'il n'ait
pas intention de nous amuser et de couler le temps pour
venir cependant à bout, des autres desseins qu'il pourrait
avoir, il peut conclure avec lui en trois ou quatre jours, ce
qui est d'autant plus nécessaire que la saison d'agir à la cam-
pagne s'avance fort, l'intention du Boi est que ledit sieur d e
Bordeaux le presse de lui donner une prompte réponse, lui
faisant connaître civilement que, s'il se passe dix ou dou^e
jours sans qu'il puisse recevoir une dernière déclarai ion d»
ses volontés, Sa Majesté aura sujet de croire qu'il n'en ¡1 au-
cune de se lier avec cette couronne, et que. ce n'est que le moto
de son intérêt particulier qui l'oblige à différer encore potu
quelque temps la rupture contre nous, aux conditions dont
il est comme tombé d'accord avec les Espagnols, et qu'il
nous entrelient cependant de belles paroles et nous fait tou-
jours des propositions plausibles, pour nous empêcher d e
prendre nos mesures d'ailleurs.


Et en effet, pour ne s'amuser davantage à un traité dore
la négociation ne pourrait avoir aucun effet si elle n'était
entretenue de M. le Protecteur, comme on en sera bien-
tôt éclairci, que pour mettre avec facilité toutes les CHOSE-,
en Angleterre, en Ecosse et au dehors, au point qu'il désire,
et rompre ensuite à l'improviste contre nous, connue
tout le monde assure que c'est son dessein cl SON inclination.




His-TORig ims. m


Sadite Majesté est résolue, si elle voit par les lettres du sieur
de Bordeaux qu'il n'ai! pu rien conclure dans le temps m a r -
qué ci-dessus, de lui envoyer ordre de s'en revenir, n'étant
pas de sa dignité et rte la bienséance de continuer les avances
qu'elle a faites depuis si longtemps fort inutilement, pouf
une chose qui pouvait et devait être conclue en vingt-quatre
heures.


Fait a Sedan, ce 10 juillet 1054.




D O C U M E N T S


V I I I


( P a g e 8 4 . )


1° M. de IhrdviHtx à M. de Hrieime.


Londres, W ,er i ! 161)4.


Monsieur,


J'espérais par la présente vous faire savoir quelque progrès
de ma négociation, après que le secrétaire du Conseil m'avait
mandé que M. le Protecteur a nommé des commissaires puni
y travailler, et qu'ils me feraient savoir de leurs nouvelle-
aujourd'hui. Mais je les attends encore, et présentement je
ne prévois point d'où peuvent, procéder ces remises, si ce
n'est qu'ils se veulent, instruire de mes affaires. C'en m'assure
toujours de beaucoup d'endroits, et toutes les raisons sem-
blent vouloir que M. le Protecteur lasse la paix avec tout le
monde. Dans sa famille même, il passe, pour constant que
c'est leur intérêt particulier, leur établissement ne se pouvant
faire tant qu'il y aura des guerres au dehors. Néanmoins j |
passe pour certain que non-seulement l'inclination de M. le
Protecteur, mais aussi celle de plusieurs du Conseil, et prin-
cipalement de Lambert, est tout à fait portée à entretenir une
guerre, et que celle de la France étant la plus facile à cntic-
tenir qu'aucune autre, nous devons appréhender que lou'.es
les forces de cet Etal qui peuvent être envoyées au dehors ne
se tournent contre nous, aussitôt que les Ecossais auront été
dé t ra i ts ; que l'on nous amusera et traînera en longueur n o n e
accommodement, alin d'éviter que nous n'y puissions en-
vover quelque secours, et d'être en état, si les a f f a i r e s du
France vont bien, ou celles du présent régime de prendre un




m s T O R K - M ' E S m,


parti assuré; oui ru les raisons générales qui sont la délianec
que l'on a toujours que SaMaiesIé ne donne quelque assistance
à la famille, royale d'Anglelei re, et t|ue les esprits île France
- o n t encore disposés à un soulèvement s'ils pouvaient être
favorisés par une armée étrangère, il .semble que celte mau-
vaise volonté du sieur Lambert et quelques autres procède
il un intérêt particulier qu ils ont de se rendre considérables
p»r la "iicrre, cl empêcber l'affaiblissement de. leur autorité,
aussi bien que la succession dans le présent gouvernement,
ce epu serait assez facile à M. le Protecteur s'il se dégageait
de lentes autres affaires. Cette raison, étant plus capabld
d'obliger Son Altesse à rechercher notre amitié qu'à la refu-
ser, ne peul être regardée comme le véritable motif du pro-
cédé de cet Fiai . Mais on peul considérer pour certain, après
l'avis que j 'en ai reçu de plusieurs endroits et le rapport
qu'en a, l'ail à M. de Haas l'Irlandais nouvellement arrivé à
Londres, que ledit sieur Lambert est tout à fait porté contre
tvAre accommiidemenl; et, comme sa voiv est d'un grand
poids, il [leurrait bien être que M. le Protecteur y déférât eu
quelque façon, usant de truites ces remises pour cependant
n'être point traversé dans son établissement par celui dont
l'autorité esl assez gra ode dans l 'armée, et sans lequel difficile-
ment, fût-il parvenu à la place qu'il remplit . Ledit Irlandais
essuie qu'ayant entretenu Son Altesse de l'état de nos affaires
et de la bonne disposition qu'il a reconnue dans la cour de
France d'entretenir une correspondance avec l'Angleterre,
elle l'avait renvoyé audit sieur Lambert pour l'en informer., . .


'•!•> M. de Haas au cardinal Mazarin.


l . i l l i i lri : , , 21 in ni lflSi.


J'ai appris par mon correspuadant que Maserolles et




4(>f> DOf.'OlKN'TS


Barrière ont eu une fort longue conférence avec M. le Pro-
tecteur le Hi du mois, et que S. A. leur a donné, toutes les
paroles positives de secours qu'ils pouvaient demander, mais
qu'assurément il n'y a point de Irai lé signé.


L'ambassadeur d'Espagne eut aussi une audience secrète
le I 7 de ce mois.


Hier au soir j'eus un entretien fort long avec Pull. Il a \ u deu.v
fois M, le Protecteur qui l'a fort curieusement interrogé sur
les affaires de France, et si sa relation est (idèle, il nie semble
qu'il a répondu avec esprit et judicieusement. Cependant je
ne crois pas qu'il ait trouvé eu lui les mêmes dispositions
qui m'ont paru d'autres fois. Non pas qu'il se soit expliqué
eu rien contre nous, mais Patt remarque que .Al. le Protecteur
recevait avec quelque marque de chagrin et d'élonucme.nl
tout ce qu'il disait à l'avantage de la France et de nos affaires,
il dit que, lui proposant l'amitié de V. E. comme une chose
nécessaire à rétablissement dosa maison, et qui sans doute,
se contracterait sincèrement de sa par t , il en parut un peu
touché et qu'il lui lit avouer qu'il savait ce secret de la bouche
propre de V. E . , et lui demanda ensuite si les ministres qui
étaient ici confirmeraient cela, et s'il me connaissait et com-
ment. A quoi ayant répondu qu'il n'avançait rien dmil il ne
fit voir les effets quand S. A. S" 1 0 voudrait, d lui commanda
d'aller voir le général major Lambert , où mi lord Henri, s o n
p.1 une fils, le doit mener aujoii ni hui , et île lui dire exactement
toutes les choses qu'il lui avait rapportées, ce qu'il fera, a la
réserve de ce qui regarde l'établissement particulier de sa.
maison. Et sur ce qu'il était en peine de savoir pourquoi
M. le Protecteur l'obligeait de lui faire ce rapport, mon opi-
nion fut qu'outre, la contiance qu'il est obligé de garder très-
exactement avec lui, il voulait peut-être qu'il apprit par un
gentilhomme de sa maison, instruit des affaires de France,
combien l'entreprise de rompre avec cette couronne éuut




[TrSTOliJOIj'F.S. 467
maride cl périlleuse, cl qu'il put être diverti d'une guerre
qu'il souhaite, soit par la présomption qu'il a d'être le plus
grand capitaine de l'Europe, ou par quoique raison secrète et
qui regarde son intérêt particulier, quantité de personnes
croyant ici qu'en son âme il est mal satisfait de M. le Protec-
teur, et qu'il persuade de tout son pouvoir la rupture avec, la
Fiance, comme le seul moyen par où les affaires de S. A. S"»
peuvent être renversées, étant le seul de toute l'armée qui est
le plus en état de faire un accommodement avec le roi d'An-
gleterre,


Ce que je puis juger de toutes les diverses choses qui
viennent à ma connaissance, est que M.le Protecteur incline
assez à la paix, mais que la plus grande partie des ministres y
t c / H i g n e n l , les uns par la grande opinion qu'ils ont de leurs
forces, les antres p a r c e qu'ils sont gagnés de l'Espagne, et
(••us ensemble pour être assurément fort peu instruits du véri-
table état des affaires de France.


r t .r i r a i t d'une lettre du sieur de Pail au cardinal
Mazarin.


Londres , il avril 1654 ,


Le (ils de Cromvvell donna à dîner samedi dernier aux
ol'Ociers de l'armée que Cromwell voulut que, je visse. Nous
' niployàmes beaucoup de temps à discourir des affaires d'Es-
pagne, de France cl de Son Einincnce. Je n'ai pas manqué à
itinn devoir en cette occasion. 11 m e serait difficile de vous
écrire leurs raisonnements et leurs discours sur ces cboses-Jà.
J'e-qièro bientôt de vous les apprendre de bouche. Je trouve
(.u; moins j 'ai quelques raisons de croire) que le dessein de
U'ouivvcll que je les visse e s t afin d e leur faire voir de quelle
daneci'eioe conséquence il serait d'entreprendre une guerre




4CH :>•>•' i \ ; ! . \ ! s


étrangère, car je vois qu'ils sont cm [tories d'une passion de
la faire et d'une espérance d'en venir iaeilemenl à b o n i , lis
veulent secourir leurs frères qui sont tyrannisés en fiance,
voulant dire les Huguenots, et (noient qu'il est impossible
d'établir une paix durable avec la f ranco, à cause de l'incon-
stance des ministres, et tant qu'elle sera gouvernée par Son
Eminenee, ou un homme de sa profession, qui sont les piliers
du Pape. Ce sont les mêmes termes dont ils se sont servis, et
ces messieurs sont ceux qui ont le gouvernement d'Angleterre
entre les mains.


4° Louis XIV à MM. de Bordeaux et de Haas.


A Rlieims, 17 jn in lfi.Vo


Messieurs de Bordeaux et dcBaas, j 'avais cru que les inten-
tions de M. Je Protecteur étaient sincères, sur les déclaration-
qu'il vous a faites plusieurs fois, et en dernier lieu [dus pré -
cises, qu'il ne souhaitait pas seulement un accommodement
avec cette couronne, mais même une étroite liaison, n é a n -
mo ins , voyant que ce ne sont que des paroles qui ne se
réduisent à aucun effet, qu'il traite continuellement a\oc
l'ambassadeur d'Espagne el qu'il ne tieniqu'à celui-ci de con-
c lure ; que de plus, s'il était aussi bien disposé qu'il dit l'être
pour cet accommodement, rien ne l'empêcherait de le faire:
eu vingt-quatre heures, puisque je ne prétends rien qui ne
soit aussi avantageux à l'Angleterre qu'il peut être à ee
royaume, j ' a i sujet non-seulement de me méfier, mais d'être
presque assuré que son but est de nous amuser pour l'aire
venir les Espagnols à son point el. avoir plus de facilité de
perdre ceux qui s'élèvent contre lui en Angleterre, abattre ses
ennemis eu masse, s'autoriser de plus en plus en Irlande,
affermir la paix avec les Etals de Hollande, s'assuier en quel-




UISTOKTiïFES. lis)


«pie façon <ln côttî île Suède, eonlimier à envoyer des émis-
saires en France pour v eveiter secrèlement les Huguenots,
les assurant d'un puissant secours s'ils veulent prendre les
avances, cl par ce moyen s'établir puissamment en une su-
prême aulorité dans les trois royaumes, pour se rendre plus
que jamais redoutable à ses ennemis, et surtout avoir plus de
facilité à exécuter le dessein, qu'il y a de l'apparence qu'il a
pris de longue main, d'envahir cet Etat de concert avec les
Espagnols et le prince de Condé, ou au moins (si ses affaires
ne lui permettent pas de le faire présentement) continuer
de faire la guerre sur mer à mes sujets, sous prétexte de
représailles, et assister les Espagnols et le Prince de vais-
-eaux, pour leur aider à faire quelque descente du cêité de la
( iuienne.


Elimine la prudence ne nous permet pas de douter des in»
'entions dudit sieur Protecteur, après toutes les avances que
vous avez faites de ma part pour établir une parfaite intelli-
gence entre les deux nations, et pour lui l'aire connaître que
vous traitiez sincèrement a\celui, comme on ne le peut mettre
en doute, à cause de toutes les remises qu'il a faites depuis un
an, é* liant toujours, sous divers prétextes ou artifices, de venir
à la réalisation, je croirais aussi que ma dignité et mon ser-
v icc seraient blessés et que je ferais grand tort aux intérêts de
mes sujets, qui souffrent extraordinairement dans l ' incerli-
ude de l'événement de ce traité, si sans plus de délai le Prn-


U'cieur ne prenait une bonne résolution. C'est pourquoi j 'a i
voulu vous ordonner que si, lorsque vous aurez reçu cette lettre,
la négociation ne se trouvait .avancée en sorte que vous n'eus-
••icz plus à douter de son bon succès, vous fassiez entendre de
ma part au sieur Protecteur, en la manière que vous jugerez
le plus à propos, sans faire aucune menace, mais au con-
traire témoignant un sensible déplaisir de n'avoir pu réus-
sir dans une affaire qui, au jugement de tous, était fort à la




•l'/u n n i T M E M S
bienséance dos deux nations, et qu'après avoir facilité les
clioses au point qu'elles sent sues d'un chacun, déi lare un
ambassadeur, et s'être presque conformé, à tout ce une ledit
sieur Protecteur a fait connaître qu'il souhaitait, il serait
malséant à ma réputation et désavantageux au bien de mes
atfaircs de continuel' à. traiter inuti lement; vous lui fassiez,
dis-je, entendre que je vous ai commandé de prendre coneé
de lui et de vous ret i rer , en cas q u e , dans le terme de huit
jours après que vous vous serez expliqué, on ne conclue l'ac-
commodement qui peut être arrêté en u n , puisque je \euv
liien que cette affaire soit traitée sans prétendre aucune con-
dition qui ne soit réciproque, et en un mot avec une égalité
tout entière, soit pour la recherche et la restitution des prises
qui ont été faites de part et d 'autre, soit pour la manière dont
il conviendra de vivre à la mer à l'avenir, soit, enlin peau- tout
ce qui pourra être mis sur le tapis pour cette négociation. J-.t
il ne sera pas hors de propos que vous fassiez connaître au
Protecteur, par l'entremise de ceux qui vous parlent de sapait ,
que peut-être il ne retirera pas grand avantage de n'avoir pas
voulu profiler de mes bonnes dispositions pour un accommo-
dement et pour une étroite liaison qui auraient produit des
avantages tout extraordinaires à l'Angleterre et à sa personne;
et que, bien que je prendrai toutes les précautions imagina-
bles pour ne recevoir aucun préjudice des entreprises qui
pourraient être faites sur mon Etat par les Anglais joints aux
Espagnols, je conserverai toujours, autant que je le pourrai,
l'inclination de rétablir une bonne intelligence avec l'Angle-
terre, lorsque le Protecteur, détrompé des propositions que
les Espagnols peuvent lui avoir faites, se résoudra à vouloir
vivre en bonne union avec la France.


11 sera bon, lorsque vous viendrez à prendre cette résolu-
t ion, que vous informiez les ministres des sérénissimes Klals
Généraux des Provinces-Unies de lou t re que vous aurez fuit




f T T S T O P J Q l r R s . 471


pour faciliter col accommodement et des ordres que vous
aurez reçus de moi de \ ousrelirer après que vous muez reconnu
que l'intention du sieur Protecteur n'était autre que de vous
amuser pour faire ses affaires à mes dépens, et me mettre en
état de pouvoir moins résister aux entreprises qu'il pourrait
faire contre ce royaume. 11 est mal aisé qu'il ne soit très-sen-
sible auxdits ministres, qui ont tant d'intérêt que la France
soit en bonne intelligence a v e c l'Angleterre, que tout aille à
être rompu par votre retraite, et qu'ensuite ils n'agissent de
toute leur force pour obliger le Protecteur à nous donnci
satisfaction.


Voilà ce qui est de mon intention : mais parce que étant
sur les lieux vous pouvez voir de plus près les inconvénients
qui pourraient arriver, quelque jour plus tôt ou plus tard, de
i e que je vous ordonne, si vous en prévoyez quelqu'un, je
trouve bon que vous différiez de parler au Protecteur de la
manière que je vous l'ai déclaré ci-dessus, et que vous dépê-
chiez vers moi pour m'informer des raisons qui vous auraient
retenu de le faire. Ensuite de quoi vous attendrez le retour
de votre courrier, qui vous portera mes dernières volontés.
— Sur ce, je prie D i e u , etc.


Signé: Louis.


Projet d'articles de la pai.r et de l'amitié à rétablir


entre le trés-sérénissime seigneur Protecteur d'An-


gleterre, d'Ecosse et d'Irlande,etc., et le Roi très-


chrétien des Français, etc.
S «41 11.34.


I


La paix, l'amitié: et le traité seront stables à l'avenir
entre etc.




•17--' D O C U M E N T S


1 1


Les confédérés se soutiendront, eux et leurs amis com-
muns, contre leurs ennemis communs.


I I I


Aucun des confédérés ne gardera ni ne recevra ceux qui
se seront rendus coupables de rébellion ou de crime de lèse-
majesté envers l'autre; il les remettra dans l'espace de vingt
jours après qu'ils lui auraient été réclamés.


IV


Afin que justice soit faite quant aux navires enlevés et aux
pillages commis de part et d'autre, les sujets de l'une ou de
l'autre partie porteront leurs réclamations devant des arbitres
qui auront reçu, du susdit Roi et du susdit Protecteur, m a n -
dat et pouvoir de connaître et de stal uer sur les délits de cette
nature qui leur auront été déférés avant le 20 juillet pro-
chain : ces arbitres devront rendre sentence dans le mois qui
suivra la réclamation, et la somme d'argent adjugée à l'une
ou à l'autre partie devra être payée dans les trois mois. Pans
le cas où les susdits arbitres ne s'entendraient pas entre eux,
ils s'adjoindraient un cinquième arbitre, et la majorité fe-
rait loi.


V
Il sera mis lin à tous actes d'hostilité : les lettres de mar-


que et de représailles seront révoquées, et il n'en sera plus
accordé à l'avenir, à moins que justice n'ait été d'abord de-
mandée et retardée au delà des délais prescrits, ou refusée
ouvertement.


VI
Les commandants de navires, avant de met Ire à la voile,


donneront caution jusqu'au double de la valeur estimée de




l ] r S T M l U ( , H ' K S \ . 17H
leurs navires et Je leurs armements, abri il assurer qu'ils ue
tiyiul.ileruiit pas le commerce.


VII


Ceux qui auront fait quelque prise iront devant les juges
de l'amiraulé, et il sera dressé, selon les formules prescrites,
en procès-verbal des marchandises et biens saisis.


M i l


Si quelques commandants de navires font du tort aux
sujets de l'une ou de l'autre partie, contrairement au présent
traité, ils dédommageront, s'ils le peuvent, ceux qui auront
été, lésés : sinon, celui des confédérés dont le délinquant sera
sujet donnera satisfaction dans les trois mois à partir de la
réclamation faite.


IX


M l'une ni l'autre des parties ne recevra les pirates, ni
ne leur donnera libre passage.


X


Ni le susdit Protecteur n i le susdit Itoi ne permettront que
les navires pris par les sujets rebelles de l'un ou de l'autre
soient vendus, mais ils les feront rendre à leurs légitimes
propriétaires, et le roi de France fera même rendre à leurs
légitimes propriétaires les navires réfugiés dans ses ports qui
prélexlcraientd'un laissez-passer donné par quelque étranger, soit par Charles Sluarf, lîls aîné, de Charles Sluarl le derniei roi d'Angleterre, soit par la reine sa mère.


XI


Toute permission de représailles par terre, et, nommément,
(.Iles qui ont été octroyées par M. de Launay, deviendront




474 D O C U M E N T S


vaincs el sans forte, el i! n'en sera plus octroyé de semblables
à l'avenir.


XII


Justice égale sera donnée aux sujets de l'une et de l'autre
partie, et les sentences ou conventions déjà faites seront
tenues pour valables.


XIII


Vu que les commandants de Nantes, de 'foulon, de Calais,
de Brest et d'autres places françaises, ont coutume de ne pas
accorder, aux ordres de leur souverain, l'obéissance qu'ils
leur doivent, si les sujets anglais en reçoivent quelque dom-
mage, celui qui aura été lésé recevra immédiatement satisfac-
tion du confédéré lui-même, sans être renvoyé une seconde
fois devant les susdits commandants.


XIV
Entre ledit Iloi et ledit Protecteur, et leurs sujets, le com-


merce sera libre sur tous les points de l'Europe où sont déjà
établies des relations de commerce et d'affaires, et ils pour-
ront fous acheter el vendre, à la seule condition de payer les
redevances accoutumées et de se soumettre aux lois et règle-
ments des lieux où ils traiteront.


XV


XVI
Les péages des ports et les redevances seront écrits sur des


tableaux affichés dans les lieux publics.


XVII
Dans les villes qui se réclameront de quelque droit par lieu-




! I I S T i M i I O t l | " « . 175


lier ou privilège, les magistrats veilleront à ce que rien ne
-oit lait ou exigé au delà du droit.


XVIII


Les sujets d'Angleterre, d'Ecosse, d'Irlande, etc., pourront
traii.-|KU-ter en France tous ouvrages de laine sans payer à
j avenir un tribut plus élevé qu'en l'année 1052, ni pluscpi'il
n'est exigé pour les ouvrages de laine français.


XIX


Les ouvrages de laine importés par des Anglais ne pour-
ront nulle pari être conlisqués ni vendus à l'encan, sous pré-
texte qu'ils seraient gâtés ou mal confectionnés, ou au-dessous
du poids indiqué; si de tels faits se présentent et que cette
question soit soulevée entre un négociant anglais et un négo-
ciant français, le prix sera abaissé au-dessous du prix ordi-
naire en raison du degré d'infériorité reconnue des marchan-
dises,


XX


Les navires qui seront entrés dans les ports de l'une ou de
l'autre nation, poussés par la tempête ou par les divers dan-
gers de la mer, en ressortiront librement, et sans avoir à
payer aucun droit de péage.


XXI


La loi ou le droit d'aubaine ne sera pas revendique contre
les Anglais. De même, les Français auront pour successeurs
leurs légitimes héritiers.


XXI1
Les nationaux et les sujets de ladite République séjournant


en France y jouiront du libre exercice de leur religion dans
toutes les vilics ou auprès des villes marchandes où ils se




41(, nncr.MJ'NTN


trouveront en un certain nombre, el ils célébreront librement
les cérémonies de leur culte en assemblées publiques ; el les
sécurités., libertés et privilèges qui sont accordés aux sujets
français de la religion réformée seront aussi valables pour les
sujets de ladite République qui en auront la jouissance et eu
feront usage, dans l 'exeiciee de leur religion, scion ce qui est
dû et réglé par toute loi, statut, édit ou charte établie à ce
sujet.


XXIII
Si la guerre éclate entre les confédérés, un espace de six


mois, à dater de la déclaration de guerre, sera accordé jwiir
le transport ou la vente des marchandises ou des biens: et,
comme les dissensions présentes de la France ont interrompu
le commerce sur beaucoup de points, les sujets anglais auront
la liberté de. faire des affaires même avec ceux qui font oppo-
sition au Roi ou qui occupent ou fortifient des places conlre
lui, et le lord Protecteur pourra traiter avec eux pour régler
celte liberté de commerce, à cette seule condition que, les n é -
gociants anglais n'introduiront dans ces places aucune des
marchandises dites de contrebande qui seront ci-après
énoncées.


XXIV


Chacun des susdits confédérés sera libre de commercer avec
tous les royaumes ou Etais qui seront envers lui en état de
paix ou de neutralité, lors même qu'il y aurait hostilité el
inimitié entre l'autre des confédérés et lesdits royaumes ou
Etals, à la condition de n'y introduire aucune des marchan-
dises interdites.


XXV


Seront réputés marchandises de contrebande et inter-
dits à ce titre tous les instruments de guerre, la poudre, le
plomb, etc.




H I S T O R I Q U E S . 477


XXVI


Ne seront réputés tels ni le blé, ni le sel, ni le vin, ni les
fruits, ni tous les produits nécessaires à l'alimentation, ni le-:
autres marchandises de semblable nature.


XX Vil
Si quelques marchandises de contrebande sont trouvées sut


les navires de l'une ou de l'autre nation, elles seront seules
sujettes à être saisies par le fisc, et les autres biens trouvés
sur le même navire seront libres et. respectés.


XXVIII
Tous les biens de l'un ou de l'autre des confédérés trouvés


sur des navires ennemis, et pareillement tous les biens des
ennemis trouvés sur les navires de l'un ou de l'autre des con-
fédérés, et I, s navires eux-mêmes de l'un ou de l'autre des
confédérés, sur lesquels seraient trouvés quelqu'un de ses
ennemis, seront sujets à être saisis par Je lise,


XXIX
Les navires qui se rendraient à Bordeaux, et pareillement


les navires français, ne seront en aucun cas obligés à dépo-
ser leurs canons ni leurs armes.


XXX


Si ce traité est violé par quelques sujets de l'une ou de
l 'autre des parties, les coupables seuls en seront responsables,
sans que le traité lui-même perde pour ce motif sa force et
son autorité.




478 D O C U M E N T S


6» ¡\~ote annexée à une lettre de M. de Bordeaux à M. de
Brienne, du l.'t aoùl Hioi. et contenant les noms des
personnes donlCromwell demandait l'éloif/nement de


France.


£harles, lils du dernier roi d'Angleterre ;
l.e duc d'York;
Le duc de Gloceslei' ;
Tous ceux du privé Conseil :
Lord Gérard;
Lord de Bristol;
Lord Culpepcr ;
Daniel Oneal ;
Lord Inehiquin ;


AI. d'Ormond ;
Ch. Herbert;
Ch. Ilyde;


lit tels autres que Son Altesse nommera devant la lin du
traité, la Reine n'étant, pas du nombre.


—Par une lettre du 15 août, il fut ordonné à AI. de Bor-
deaux « qu'en cas qu'il soit insisté sur héloignemenl du roi
d'An déterre et autres de sa suite, je ne résolusse pas un article
de cette conséquence sans en avoir reçu des ordres exprès. «
(De plus, à une lettre du 21 août est jointe une note en,
demande de renvoi qur contient i\ noms.)


7° M. de Bordeaux à 31. de Brienne.


L o i i d r L V , I .lotit n . c t i .
Il m'avait bien depuis, dans une conférence, été fait


des propositions d'une ligue offensive, moyennant deux cent




H I S T O R I Q U E S -179


8° Instructions secrètes pour M. de Bordeaux.


Tar i s , la 24 joùl 1 0 3 4 ,


Il estaiséà remarquer par les dépêches de M, de Bordeaux,
que les points les plus importants de sa négociation sont, ré-
duits à. ce qui concerne la religion, le commerce, et les princes
d'Angleterre et les autres Anglais réfugiés en France.


Pour ce qui est de la religion, le Uoi ne pourrait ni en
conscience, ni avec honneur accorder rien aux Anglais, dans
les lieux conquis, en faveur de fa, protestante, qu'ils n'accor-
dent au moins la même chose en faveur de la catholique;
atitrcnienl nous fournirions nous-mêmes des armes pour
exterminer notre religion, qui serait une prétention de leur
part tout à l'ail contraire à la. raison. Tout ce qu'on pourrait
faire à lu dernière extrémité pour ne rompre pas sur cet ai licle
auquel il y a sujet de croire que les Anglais seront fort obsti-
nés, sciait de consentir que, dans les lieux conquis de part, et
d'autre, il y ail liberté de. conscience, et que pour l'exercice
publie de la religion nous accorderons, aux habitants despavs
qui l'ont profession delà protestante et aux étrangers de même
religion qui s'y viendront habituer, les mêmes libertés et


mille livres sterling, qui reviennent à près de trois millions
de France, sans que col Etal s'obligeât à nous assister d'au-
cun vaisseau; cl, sur ce que je leur reprochais q u e , dans
d'autres coulércnccs, il m'avait été offert, moyennant la
subvention de deux millions de livres, de tenir vingt vais-
seaux dans la mer Méditerranée pour y favoriser nos desseins,
ifs me dirent que c'étaient seulement des discours qui n'obli-
geaient point. O . procédé me confirma que M. le Protecteur
n'avait pas si grande envie d'une liaison si étroite et que son
principal dessein était de m'aniuser




4 8 0 i l O C T ' M E X T S


privilèges que Sa Mi jo té accorde à ses sujets dans son
royaume : mais il tant nécessairement ajouter à condition ipic
ceux à qui celte liberté sera, accordée seront obligés d'en user
avec la discrétion et retenue telles que cette nouveauté ne
.soit, point capable, d'exciter de sédition ni de trouble parmi
les habitants desdits lieux , car il est certain qu'il y a des
villes dans les Pays-Bas qui aimeraient mieux souffrir que
l'on brtilàl leurs maisons que d'y voir l'exercice public d'une
autre religion que de la leur : et de cette sorte ce qu'on pen-
serait d'un côté faire pour un bon effet en produirait de l'autre
un très-mauvais. A quoi il semble que les Anglais, s'ils ont
lionne intention, doivent faire réflexion et se contenter des
mêmes conditions dont nous étions convenus avec les Hollan-
dais, lorsque nous avons commencé la guerre contre l 'Es-
pagne. H faudrait bien se souvenir en ce cas d'obliger les
Anglais en termes exprès de ne point changer l'élut de la
religion dans les lieux qui seronl conquis par leurs armes, si
ce n'est pour y faire l'exercice public de la leur, sans toute-
fois occuper pour cet elfet aucune des églises qui ajipai tien-
nent aux catholiques et sans pouvoir chasser aucuns religieux
ni ecclésiastiques. Et j 'estime ce point si important qu'il tant
nettement déclarer l'intention du l ioiaux Anglais elles faire
expliquer en mêmes termes de la leur ; car s'ils prétendaient,
au lieu d'une guerre d'Etat contre l 'Espagne, d'en l'aire une
de religion contre les f lamands , je ne crois pas que le lloi pût
jamais s'y engager, quelque avantage qui lui en pût arriver.
D'ailleurs il faut réduire de bonne foi les conditions à celles qui
peuvent être accordées et pratiquées de pari et d'autre axec
honneur sur toutes choses. Je n'estime pas qu'il faille rien
accorder aux Anglais, par un traité ni par écrit, en faveur
des religionnaires de France 1, pour ne les lier pas ensemble,
de notre propre consentement, par un iulérè! si sensible que
i elui de la religion. 11 se faut conlenter de les assurer de




I l IS ro iUQIJCS . 4X1


bouche que le roi traitera toujours fort bien ses sujets de la
icligion ]iréloii()ue réformée, cl ne souffrira point qu'il soit
fait dans son royaume, à leur préjudice, aucune contravention
aux édits de participation.


l'ource qui est du commerce, il faut bien prendre garde que
foules les conditions qui seront accordées soient égales de
part et d'autre, non-seulement pour les paroles, mais pour
reflet.


H u a n t à l'article des princes d'Angleterre, et autres sujets
Je cette République réfugiés en F rance , comme d'un côté
ce serait une espèce J e honte à u n souverain de ne pouvoir
pas d o n n e r retraite e t sûreté à des princes malheureux qui
.«ont ses parents, et de ne pouvoir pas seulement exercer
les droits d'hospitalité eu leur endroit, il faut aussi considérer
que, cet article contenant les principaux et plus justes sujets
•le jalousie des Anglais, il ne serait pas juste que, pour u n
-impie acte d'hospitalité; nous perdissions l'occasion d'avoir
l'Angleterre avec la France contre 1 Espagne. La prudence
veut donc, s'ils se portent à cette union sincèrement, que
l'on guérisse leur appréhension et q u e l 'on mette l e u r esprit
en repos sur ce sujet.


I.c tempérament le plus honnête q u ' o n puisse prendre est
d'assurer en particulier le Protecteur, d é b o u c h e , q u e , le.
traité é t a n t résolu e t toutes les conditions accordées, l'on trou-
vera moyen de faire passer le duc d'York, par quelque voie
civile, auprès de son frère. Je crois m ê m e qu 'on pourrait eu
ce cas ménager, pour ne laisser point de prétexte de plainte
et éviter que, si les Anglais envoient ici quelque ambassade,
il n'arrivât [(oint de dillércnd entre leurs domestiques et ceux
de la maison de la reine d'Angleterre, qu'on assignât quelque
ville du royaume à ladite dame reine, par forme d'apanage,
où elle se pourrait retirer avec le duc de (ilocester, lequel daiib
son âge plus avancé, où ses desseins pourront doiuiei quelque




im n o r n . M ï ï N T S


ombrage, sera renvoyé auprès du roi son frère. Mais pour les autres sujets tic la République qui sont de moindre condi-
tion et desquels on n'a pas lieu d'avoir fa merne. appréhension, il semble que de quelque nation qu'ils soient, ou Anglais,
ou Ecossais, ou Irlandais, on ne doit pas priver Sa .Majesté
du service qu'elle en peut recevoir dans ses armées, et on st
doit contenter des termes de l'article latin qui a été projeté,
qui pourvoit suffisamment à la sûreté des uns et des autres,
empêchant que ceux à qui l'on donnera retraite dans l'un des
Etals entreprennent rien contre l'autre, et qu'en cas de plainte
au contraire bien justiliée, on soit oblige de part et d'autre de
les faire châtier, de les livrer, ou de les chasser.


Il faut ajouter à tout cela qu'il ne serait pas juste, à toute
extrémité, d'accorder aucune condition ni sur le commerce, ni
sur la religion, qui ne soit réciproque, c'est-à-dire qu'il n'eu s o i t autant accordé eu faveur du roi cl de ses sujets que de la
République d'Angleterre et de ses sujets. Encore faut-il obser-
ver soigneusement que l'égalité, qu'il faut conserver en toute
chose, doit être plutôt dans l'clfcl que dans les paroles, parce
qu'il y a des conditions qui paraissent bien égales, mais qui
ne le sont pas.


Celle de n'obliger point les vaisseaux de paît ni d'autre à
débarquer leurs convois est de cette nature, parce que les An-
glais n'ont point accoutumé de faire débarquer ceux des
nôtres, comme nous ne faisons rien à l'égard des leurs ail-
leurs qu'en la rivière de Bordeaux, oit nous ne pouvons
aucunement nous départir de ce qui a été pratiqué de tout
temps, sans nous exposer à de très-grands périls, les borde-
lais étant naturellement changeants et remuants, et leurs
ports étant quelquefois remplis d'un nombre de vaisseaux
anglais capables d'une grande entreprise, pour peu d'assis-
tance qu'ils reçussent de ceux de dedans.


(jolie de défendre les représailles sur la terre, et non pas




H I S T O R I Q U E S . 4 8 3


sur la mer, est encore Je celle nature, et n'est proposée qu'à
dessein de continuer les déprédations que font leurs vaisseaux
de guerre, sans que nous puissions en tirer raison, par la
saisie que nous pourrons faire, de leurs effets en France, qui
est une subtilité grossière, à laquelle on aurait doublement
tort de se laisser surprendre,




D O C U M E N T S


IX


( P a g e 102.)


i\L de Hordeaux à de lirienne.


Loiidr.e, Il oclu!,ru Ifibl.


Je ne doutais pas d'avoir aujourd'hui une conférence,
sans l'accident qui arriva le même vendredi à M. le Protec-
teur et. au secrétaire dans llydepark où ils s'étaient allés
promener tous deux seuls. Le picmier avait pris biplace de
cocher pour mieux reconnaître de jeunes chevaux attelés à.
son carrosse. Us n'eurent pas sitôt reconnu le changement de.
main qu'ils s 'emportèrent, et que. le mouvement du carrosse
jeta .M. le Prolecteur sur le limon, puis en terre entre les
chevaux qui le traînèrent quelques pas, son soulier ('tant accro-
ché aux harnais ; et enlin, s'en étant détaché, il demeura sous
la longueur du carrosse, sans que les roues l'offensassent.
Pendant ce désordre, un pistolet de poche qu'il porte chargé
à balle se débanda aussi, sans le blesser, et de tout cet accident
il ne lui reste que quelques meurtrissures à l'estomac, qui
l'ont obligé de se faire soigner et garder la chambre. Le secré-
taire ne courut pas tant de danger; néanmoins il en reste
plus incommodé, s'étant démis le pied en sautant hors du
carrosse, et il fallut les ramener tous deux en chaise




'Cilpu l s i j . l


.)/. de Bordeaux à M. de Hrieiine.


Londres , 'Il ânc.niu},r'i 1 Gr,4.
. . . . Il parait que les difllcullés qui semblent n o u s arièter


•je sont pas les seules causes de tant de r e m i s e s ; beaucoup
déconsidérations particulières et domestiques y peuvent c o n -
tribuer. Mais la plus vraisemblable est l'intérêt qu'a le P r o -
tecteur de donner un amusement à ses troupes, et à soi uu
prétexte d'entretenir une armée. C'est le raisonnement géné-
ra! dont ou se sert pour appuyer sa conduite présente à notre
endroit ; et quoiqu'on ne le croie pas assez établi ni puissant
pour oser entreprendre la guerre, néanmoins j e ne vois point
que, du côté du Parlement, ses desseins puissent être inter-
rompus, après que ce corps lui a remis la disposition de la
flotte et de l'entreprise qu'il projetait, sans même en demander
fa communication ; et il ne faut pas prendre fondement sur
la réduction des levées, ni sur les délibérations tendantes à la
réformation d ' u n e partie de la milice, puisque les députés du
corps lui ayant depuis peu été envoyés pour en conférer avec
lui, il leur refusa d'y consentir, et déclara que, si l'on n 'aug-
mentait les impositions, il donnerait des quartiers aux
troupes; même cette ouverture de réduction a été faite, à. c e
q u ' o n prétend, par ceux de sa faction, à dessein de brouiller
le Parlement avec l 'armée.




nr.n; I : \ I K X i s
XI


( P a g e 1N:J.I


Olirarins 1'eip. Ant/lice. Svolta' vi l!ilivnti<t>, etc.. sere-
nissimo pulentissimoque regi I'liilippi) 7 1 ' " , rrgi
Jlispuuiarum, eie., sululein.


Serenissimo potenlissimequo rex,
Qiiandnquidomnavigalionisetcomrnereii hujus Keipuhliar


populorumqueejus securitati el tutclug, classem na\ imo lielli-
canini in mare Medile rraneuin millere necessarium diiximus,
visum est nobis Majcstatem Yestram iiac de re ccrlioreni
f a c e i ' c ; nosquc id de animo minime ferisse, quo ullis e con-
federalis et amicis uostris (in quorum numero Majeslalem
Veslram habemus) quautamcumque rnolesliani exbilieamus.
Veruni e contra generali nostro Roberto Rlake. quem classi
pradecmius, tirmiler i n mandates deduuus uli cum ornili «ra-
fia et benevolenti;! erga eos sese goral. Ile reciproco vcslro in
nos favore nilnlo secius dubilantes, ita ut quotiescumque
classis nostra poi lus et stationes vestras appulerit, eoeniendi
eommeatus aliavo necessaria causa, ea bonis omnibus officiis
excipiatur. Quod Majeslalem Veslram bis noslris litteris roga.-
nms , quodquc pradécto generali nostro, quotiescumque Ma-
jcstatem N'estrani vel pncl'eclos vestros et miiiistros locoruni
quos adire nccessurn babcal, compellandi vel per nuncios aut
litteras alloquendi occasio erit, plenariaiu (idem adiiibere
velitis. Deus opt. et max. Majeslalem Veslram sospilet ef
tuealur.


Dab. ex alba aula YVestmouasterii,
Quinto die Augusti, styl. vet,


An. 1054,
Vesto' bonus amicus


U c i V A l i l I S P.




i l I S T I ) R f ( j t 'KS»


X I I


( P a g e 186. !


1" .1/. de, Bordeaux à M. de Brieime


Lumlres , 26 octobre i ï j o î .


I.c Parlement ne donne point sujet de rien écrire. 11 s'est
occupé toute la semaine passée à des affaires de peu de consé-
quence. Seulement l'article de la succession à la charge de
Protecteur a été mis sur le tapis. Les enfants de Son Altesse,
son beau-frère, son gendre, et le major général Lambert
furent proposés ; mais avant que l 'on vint a u x avis, un
membre ayant requis pour l'intérêt de la ville, qu'on déli-
bérât sur les moyens d'avoir de l'huile de baleine, il n e se
parla plus de la succession; même l'on vent que cette ques-
tion ne s'agitera pas de plusieurs jours, crainte qu'elle ne soit
décidée a u préjudice de la famille de M. le Protecteur, le
corps se remplissant tous les jours de députés peu atï'ection-
cés à ses intérêts, et d'ailleurs l'armée n'étant point toute
d'un même esprit sur ce sujet. Pour capter la bienveillance
des soldats, leur paye a été depuis peu augmentée : les offi-
ciers, des troupes nouvellement levées pour être embarquées
ont aussi reçu de l'argent, et l'on veut que le départ de cette
flotte s'approche : celle de lîlake s'est remise en mer pour
le détroit, et il est échappé, à une personne assez bien avec
ce gouvernement, qu'il nous le ferait payer et vengerait
les injures que l'Angleterre a reçues dans la mer Méditer-
ranée, de nos armateurs. Ce peuvent être des menaces, mais
néanmoins, il est bon que nos vaisseaux ne tombent pas cube
leurs mains. La voix publique a fait tous ces jours M. le




4 8 * 1 l 'U'I 'MEX'l 'S


Protecteur fort malade, quoiqu'on e l l e i il m' lui reste prést-n-


leinenl qu 'une ouverture dans le u i u s de la jambe.


Déliliéralion du Conseil d'Etal d'Espar/ne (présents :


le marquis de ljnjeut.es. le due de San Lueur et les


comtes de Peharanda et d'Ohate) sur la lettre du


comte de Mulina , dans laquelle celui-ci donne avis


de l'arrivée de la flotte anglaise à Hola.


(Écrit de la main du roi : « (Ju'il suit l'ait selon l'opinion
du Conseil. »)


MaHri . ] ,2 ' '0 !5ï . :ml i rc ie j . i .


Sire,


Le comte de, Molina, gouverneur de Cadix, écrit dans la
lettre du K> de ce mois, adressée à don Fernando de Fonseca
liuiz de Contreras, que le '.) de ce mois une flotte anglaise
composée de vingt-cinq bâtiments de guérie , sous les ordres
de Kobert Bloc (lîlake), avait jeté l'ancre en vue de lluta, que
le comte, ayant envoyé quelqu'un pour faire la visite au com-
mandant, lui a fait savoir par écrit qu'il lui permettrait d'en-
trer dans la rade; mais quoiqu'il lui ait permis d'entrer et ait
fait des offres d'un bon accueil, le commandant de la flotte
n'est pas ent ré . . . . Il a répondu que, pour remplir les ordres
du Protecteur, il était obligé de se rendre dans la Méditer-
ranée ; et, enetfet, profitant du vent, il mit à la voile, pour
aller, à ce qu'on dit, à la recherche de la Uolte française. Ce
chargé d'affaires anglais qui se trouve dans cette v die (Cadix),
ayant appris que neuf bâtiments de guerre français avaient
traversé le détroit quatre jours avant, avait envoyé une em-
barcation pour en informer le commandant.


A cette occasion, i! (le. comte de Molina) transmet la lettre
ci-mcluse pour V, M. ; elle est du Protecteur, qui prieY. M,




F U S T Ü K I Q U h S . 4«v¡


que los Anglais soient reçus avec bonté dans les ports et autres
États de Y, M.


Le conseil d'Klat ayant pris connaissance de tout cela,
comme V. .M. bavait ordonné, le marquis de Leganes, le duc
de San Lucar, le marquis de Valparaíso et les comtes de
Peñaranda et d'Ouate étant présents, est d'avis qu'il faut
remercier le comte de Molina de l'avis donné par lui de l 'arri-
vée de la flotte anglaise, mais qu'à ce sujet il n'y arien à propo-
ser à V. M.


Quant à la lettre du Protecteur à V. M. que l'on joint ici,
le Conseil s'est arrêté un instant sur la forme de courtoisiequi
se trouve au-dessus de la signature et qui est étrange ; mais
en admettant même que l'état actuel des affaires exige qu'on
dissimule ce que l'on peut pensera cet égard, la seule chose
qui paraisse convenable au Conseil est de ne pas répondre
pour le moment à celte lettre, mais plutôt d'écrire à don
Monzo de Cárdenas sous quelque autre prétexte, en l ' i n f o r -
mant en même temps qu'on a envoyé aux ports de mer des
ordres qui enjoignent de bien recevoir la flotte anglaise et que
la flotte était arrivée. V. M. ordonnera ce qu'il lui plaira.


> Documents historiques, n° XI.




IiriC l'M K X T S


X I 1 1


(p.i t-o m.)


Le cardinal jlazarin à M. de Bordeaux.


l ' i r i s , l e î j a i m e r I S 5 5 .


Monsieur,


,1'ai reçu vos dépèches du 21 et du 2 i décembre et vu tout
ce qu'elles contiennent. Premièrement je me. remets à l'ac-
coutumée à celles de M. le comte de Brienne qui vous infor-
meront plus particulièrement des intentions de S. .M. sut
les points essentiels et sur la conduite que. vous devez tenir;
et je vous dirai ensuite qu'en attendant que vous receviez des
ordres plus précis du roi touchant M i t r e r e t o u r , vous d e v e z
préparer tout ce. que vous savez de. plus capable de loucher et
de faire impression pour exagérer la patience qu'un grand
roi comme S . M. a eue de souffrir tant de mauvais traite-
ments depuis un si long temps sans se rebuter ni omettre
aucune sorte d'avance auprès du Protecteur pour établir une
lionne intelligence entre les deux royaumes, afin qu'en vous
retirant vous puissiez en informer le Parlement et le public;
et il me semble que vous ne devez pas oublier en cette o c c a -
sion la courtoisie avec laquelle, M. de Guise dans la mer Mé-
diterranée et le commandeur de ¡Neulchaizc dans l'Océan o n t
renvoyé, chacun de leur côté, les vaisseaux anglais qui leur
étaient tombés entre les mains, ainsi qu'on a fait encore en
beaucoup d'autres rencontres; tandis que les vaisseaux an-
glais continuaient leurs déprédations sur les sujets du roi, et
q u e Blake se vantait hautement qu'il allait c h e r c h e r M. de
Guise avec, ordre de le combattre partout où il le trouverait.




TfTSTOlttQT-ES. m


Je ne suis pas surplis de ce qu'un vous a voulu dernier à
entendre de la disposition des Espagnols à la paix. On sait
assez qu'ils ne manquent pas d'artdices, et il n'est pas mal aisé
de voir que cette proposiiion en est un pour nous engager à
taire quelijiie démarche de laquelle ils puissent donner ja-
lousie au Protecteur, et s'en servir comme d'aiguillon pour
le hâter d'autant plus de conclure avec eux, afin de prévenir
par ce moyen l'union des deux couronnes qu'il a toujours
considérée comme fatale à sa grandeur. Car je vous réponds
que l'ambassadeur d'Espagne n'a non plus de pouvoir que
moi, de la part du roi son maître, de se mêler de la paix, et
que les Espagnols sont plus obstinés que jamais à la conti-
nuation de la guerre; et puisqu'ils refusent de donner ce pou-
voir à l'archiduc et aut ministres qu'ils ont en Flandres, je
vous laisse à penser sais le donneront à Cardenas. C'est pour -
quoi vous vous garderez bien, s'il vous plaît, de donner dans
ce piége. Au contraire, il semble qu'il ne serait pas mal à
propos de faire confidence an Protecteur de cette ouverture,
parce que, si elle a été faite de concert avec lui, ainsi qu'il
pourrait bien être, il verra de plus en plus la bonne foi dont
nous usons ; et s'il n'y a point de part, elle ne fera pas dans
son esprit une impression trop favorable pour les Espagnols.
Néanmoins comme vous voyez de plus près les choses, étant
sur les lieux, il est remis à votre prudence d'en user ainsi que
vous aviserez pour le mieux. Mais vous voulez bien que je vous
dise que, quand ledit ambassadeur agirait à bonne lin, et non
pas seulement pour nous surprendre, comme il fait assuré-
ment, ce ne sciait pas merveille que l'on vous eût continué
les mêmes propositions depuis la nouvelle de ce qui s'est passé
au royaume deNaples; car si cette entreprise se peut appeler
élis.race, c'est seulement pour avoir eu quarante jours de
vents contraires qui nous ont empêchés d'arriver aux lieux où
jvous pouvions faire des progrès, puisqu'un reste chacun sait




que In seul b r u i t de cette entreprise est cause que de toute ia
campagne les Espagnols n'ont pu tirer un seul homme, ni
argent, ni blé (ledit royaume pour envoyer à l'accoutumée en
Catalogne, en le Milanais, en Flandres et ailleurs, ce qui n'est
pas le moindre avantage que nous nous eussions proposé.


Je vous ai déjà mandé que la caution proposée par l'officier
écossais, pour sûreté du prix de sa levée, n'était pas suffisante,
et que, s'il en pouvait donner quelque autre, vous n'auriez
qu'à conclure aussitôt. Je vous confirme la même chose, et
l'on considère bien qu'en cas de rupture de l 'Angleterre avec
nous, ces gens-là ne nous seraient peut-être pas inutiles dans
leur pays; mais en ce cas là, si le bien de son service le r e -
quérait , le roi pourrait aisément y en renvoyer d'autres plus
aguerris, et les faire soutenir par des forces bien plus consi-
dérables. Néanmoins, je ne desespère pas encore de l'accom-
modement , et ce n'est possible pas une conjecture trop bois
d'apparence que ces délais du Protecteur puissent procédai
en partie de ce qu'il abondait des nouvelles du succès du
voyage de Blake , lequel il s'est imaginé devoir faire de
grands exploits contre nos flottes, étant bien aise, avant de
conclure, de faire par là sa dernière m a i n et réserver ce mor-
ceau, comme l'on di t , pour la bonne bouche; car quelques
bonnes paroles qu'on vous ait données à Foudres sur le sujet
dudit Blake, il s'est vanté partout qu'il allait exprès pour
attaquer M. de Guise, ainsi que j'ai dit cy-dessus,




i i T s T o K i o r i r s .


X I V


(Page 198.)


Don Alon:o de Cardeùas au roi d'Espagne Philippe IV.


Londres , 28 j.inviùr 16ÎV5,


Sire,


Dans la lettre du A novembre qui est une réponse aux let-
tres adressées par moi à don Louis de Haro, Votre Majesté
oie fait dire qu'après avoir réfléchi sur toutes ces dépêches,
ainsi que sur les dépêches antérieures écrites par moi depuis
la mort du résident anglais Ascham, on y voit peu de consé-
quence., et que cela vient de coque je n'ai pas de bons rensei-
gnements; que Votre Majesté ayant été le premier à recon-
naître la liépubliqued'Angleterre et à désignerun ambassadeur
auprès d'elle au milieu de ses bouleversements, il est surpre-
nant que les Hollandais, les Suédois, les Danois et tes Portu-
LJnais aient conclu des traités de paix avec l'Angleterre , que
les Français soient sur le point de s'arranger avec elle, et qu'il
n'y ait que les intérêts de V. M. qui n'aient reçu aucune sa-
tisfaction, bien qu'ils fussent les premiers l'objet des négocia-
tions, et bien que la première négociation ne fût qu'un simple
renouvellement de la paix existante entre les Ltats de V. M,
et cette République. V. M. m e dit que s i , après que le P ro -
tecteur fut proclamé, on m'envoya des instructions à l'effet
île conclure avec lui une alliance contre la France , ce fut
d'.après mon propre avis et sur mes propres instances, que
c'était par la même raison qu'on avait fait tant de frais, plus
que nécessaires, de courtoisie et de prévenances envers le
Protecteur et envers cet le République, quoique j 'aie ensuite,




•¡•'4 J D O R R X R K N T S


dans mes dernières l e t t re - , i!t's,i|>pi'>pi\<• Imil cela comme un


]avicrdé préjudiciable cl employé fi.rt mal à propos dans les


négociations a\ec les Angla i s .


O n i i n c je crois de mon devoir de répondre à u .m ces


peints , je me vois obl igé , en premier l ieu , de l'aire observer à


Y. -M. que , si m e s lettres n'ont pas eu de conséquence , n o n


seulement cela, pouvait faci lement arriver dans un gouverne-


m e n t aussi irrégulicr et aussi agité c o m m e celui de l 'Angle-


terre , mais cela devait nécessa irement arr iver , car mes avis


changeaient selon les é v é n e m e n t s si n o m b r e u x et si varies qui


ont, eu l ieu ici. Tout ce que je m'efforçais d'atteindre, c'était


que m e s rense ignements fussent exacts an m o m e n t oit je les


transmettais; or ils ne l 'auraient pas été s'ils avaient eu quel-


que suite . Toutefois reconnaissant qu'ils ne pouvaient pas


l'être, j'ai appelé aussi l 'attention de V. M. sur celle c ircon-


stance dans les différentes dépêches adressées au sujet de ces


changements .


D'ailleurs tous les avis que je fournissais à V. M. claïcnt


regardés c o m m e certains par tout le monde ici ; le dessein -ur


les Indes a élé le seul qu'on n'ait pas pu deviner , attendu que,


le Protecteur l'avait so igneusement caché à ceux de qui je


pouvais l 'apprendre, persuadé que le secret faciliterait lVvé-


cution du projet, qu'il tiendrait en suspens Ions les pr imes ,


et inspirerait au Par lement des craintes qui l'empêchera;_'iit


de prendre des résolutions que le Protecteur pouvait i edouler,


Mais c o m m e il était nécessaire de s'appuyer sur certaines


présomptions pour deviner ce dessein, j'ai cru devoir les ex-


poser toutes à V. M. en rendant compte des opinions qui se


produisaient au sujet de cette expédit ion.


Quant à ce que V. M. dit qu'FJie a élé le premier souverain


qui ait reconnu cette Républ ique et désigné auprès d'elle nu


ambassadeur, que celte Républ ique a l'ail la paix av ce plusieurs


princes et Etals , et que les intérêts de V. M. seuls n'ont pas




U I N T O l U Q H l v S 49 ' .


r r r i i de solution, je l'airo i>! ts i ' i -\ci ' à V. .M. que, pendant
deux ans depuis la mort, du roi Charles , je ue pouvais pas
traiter avec le Parlement, une je n'avais accès auprès d'aucun
des ministres du Parlement, que je me trouvais sans lettres de
i rcance, supportant tous les désagréments qu'on me faisojl
,-iibir, que je demandais à Y. M. de me les envoyer ou de
oi'erdonner de nià'luiguer d ' ic i , attendu que je ne pourrais
pa> rester à celle cour sans reconnaître la République. C'est
ce que j'ai evposé à V. M. dans presque toutes mes déficelles
d'alors. V. M. daigna me faire parvenir mes lettres de créance
auprès du Parlement en laissant à. ma discrétion de m'en
servir, ou bien, dans le cas où je ne m'en servirais pas, de
quitter Londres, comme Y. AL m'ordonnait dans ce cas. Il me
parut nécessaire , par les raisons exposées dans ma dépêche
Au Ho janvier iOùl , de reconnaître la République, et, de celte
démarche, il est résulté des avantages dont parle la même dé-
pêche ainsi que d'autres qui s'en suivirent plus tard.


.Me trouvant nanti d'une autorisation pour négocier avec
le Parlement, j 'a i reçu de Y. 51. l'ordre d'aborder le renouvel-
lement du traité de paix ; c'est ce que j 'ai fait malgré une vive,
oppnsition des presbytériens qui, prenant pour prétexte le
meurtre du résident Ascham, voulaient empêcher la Répu-
blique de traiter avec moi avant que les prévenus de l'assassi-
nat ne fussent punis, Le Parlement se montra très-lent dans
cette négociation, désirant qu'avant de la conclure on lui
fiimàt satisfaction sur ce point; cependant la négociation était


d é j à bien avancée avec les commissaires du l'ai lementd'alors,
car ¡1 ne s'agissait plus que des points auxquels je ne pouvais
consentir et qui étaient celui du commerce des Indes, celui de
i'inquisitiun et celui du paiement inégal des droits entre les
sujets anglais et les sujets de V. i l . ; quoique sur ce troisième
point on eût pu trouver un terme d'accommodement que les A n g l a i s étaient disposés à accepter et auquel je pouvais con-




49'3 n o ( r \ u ; \ T s


sentir, si tels avaient, été les ordres <irY. M. En avril Hio'îeut
lieu la dissolution du Parlement, et le général Crouivvell crée
un nouveau Conseil d'Etal composé d'honnnos jouissant de sa
confiance, plus favoraldes aux Hollandais et jaloux de mettre
fin à une guerre qui coulait déjà fat il à l'Angleterre et qui cau-
sait tant d'emlia lias à Cromwell. Celui-ci s'élanl. élevé au gou-
vernement delà, République avec le titre de Protecteur pressa
l 'arrangement avec la Hollande, et conclut un traité de paix
qui toutefois est si embrouillé qu'il n'y a presque personne
qui y comprenne quelque chose,en sorte qu'il s'élève chaque
jour des difficultés sur la manière dont ou doit l'entendre,
et on croit que les explications qu'on donne de ses articles ne
suffiront pas pour déterminer avec précision le sens du trait.'.
Eu outre c'est un traité de paix qui a causé un si grand dés-
accord entre les sept provinces qu'on ne croit pas qu'excepte
la Hollande, les autres l'acceptent, ; car les autres provinces
prétendent qu'en le ratifiant on a commis une supercherie .
attendu qu'on ne leur avait pas fait part de l'article secret
pour l'exclusion du prince d 'Orange, article auquel elles ne
veulent pas consentir.


Ea paix avec le Daneniarck a dépendu de la Hollande, et a
été en quelque sorte un appendice de la paix avec celle-ci, les
Hollandais ayant déclaré qu'ils ne pouvaient pas, sans cela,
faire la paix avec la République d'Angleterre, car ils s'étaient
engagés à cela avec le roi de Daneniarck.


Quant à la paix avec la Suède, la République avait cherché
à la conclure promptement pour assurer le commerce de ta
mer Baltique, dans la crainte que la reine de Suède ne s'en-
tendit avec le Daneniarck et n'enlravàl le commerce, comme
effectivement ce royaume y travaillait.


La paix avec le Portugal avait été conclue à l'époque du
premier Parlement; mais comme les Portugais n'avaient pas
payé certaines sommes qui, selon l'Angleterre et les nego-




HISTORIQUES.. 1!)7


' . l eu i t s anglais, «levaient être acquittées avant la conclusion
délinitive de l'arrangement, la paix fut rompue, et Juan de
(,aimantez, ambassadeur du tyran d(! Portugal, retourna à
bisbonne. Depuis il se décida à envoyer à Londres le comte
de Penaguiona peur reprendre les négociations; et c o m m e
les domines du gouvernement actuel (d'Angleterre) tenaient
beaucoup à recouvrer les sommes dues et attachaient bea.u-
>oup de prix aux conditions avantageuses que les Portugais
leur offraient dans le commerce, la paix a été conclue, et
signée de la manière dont j'ai rendu compte, dans le temps à
V. M. La promulgation de c e traité ne doit avoir lieu que
lorsqu'il sera ratifié par le Portugal et lorsque les sommes
que l'Angleterre réclame auront été payées. Quoique les six
mois fixés dans la convention pour la ratification et le paye-
ment aient été écoulés le 22 de c e mois, on n'entend pas
parler que l'une ou l'autre aient eu lieu; au contraire, on
assure que, parmi les conditions de la convention, il s'en
trouve une qui dit que les vingt-six pour cent payés lois de
la rébellion seront réduits à vingt-trois pour cent, et que les
Portugais ne veulent pas y souscrire, mais demandent tout
à raison de vingt-six; tout cela indépendamment de l'article
de la nouvelle convention dont on se montre ici peu satisfait.
Si par les prochaines lettres on n'apprend pas la ratification
et le ]lavement, le traité sera rompu et les choses redevien-
dront ce. qu'elles étaient auparavant.


Il n'est pas (donnant que les Anglais cherchent à conclure
la paix avec la France, puisqu'ils espèrent en tirer tant d'ar-
gent ; m a i s quoiqu'il y ail déjà quelque temps qu 'on la dise,
conclue, jusqu'à présent elle ne l'est pas, et j e ne néglige
r i e n pour la faire manquera l'aide de mes «amis.


Quant, à la paix à conclure avec V. M., o n en a parlé plu-
sieurs fuis dans le Conseil. J'ai entendu dire que le Protee-
lem disait qu'il y avait uuerre avec la Hollande et avec le


•x.




40" S DOCUMENTS


Danemark; qu'avec le Portugal et avec la Fiance il n'y
avait pas de pa ix ; mais que comme il existait une paix avec
V. M., le retard (apporté au r inomel lement de cette paix)
importait peu. I.e retard provient, dit-il , de ce que je ne
veux pas consentir à ce que l'Angleterre demande ; difficulté
telle que, si (die avait existé dans les traités de paix dent il
vient d'être parlé plus haut, ils n'auraient jamais été conclus ;
comme elle existe maintenant qu'il s'agit (seuleineiil) de
renouveler la paix avec \ . M., il n'est pas surprenant que la
conclusion en soit retardée, puisque je ne peux pas souscrire
aux deux points que les Anglais demandent, savoir celui qui
touche aux Indes et celui de l 'Inquisition, Y. M, me l'ayant
détendu. Le retard est d'autant moins surprenant que h
négociation a été suspendue par suite de l'ouverture des
négociations secrètes relatives à l'alliance de V. M. avec la
Itépubhque d'Angleterre, dans le but de lui l'aire rompre ses
relations avec la France, négociations qui étaient déjà assez
avancées. Comme les moyens prompts qu'on avait offerb
(à l'Angleterre) ne se sont pas trouvés en Flandre, et que
d'un autre côté la République (d'Angleterre) n'était pas assez
disposée à remplir ses engagements, les négociations et la
conclusion du traité ont été suspendus; or, tant pour ce
traité (contre la France) que pour le renouvellement de
l'ancien traité de paix, j 'avais sans cesse prié V. M. de rne
l'aire envoyer des instructions qui pussent me servir de gou-
verne. De tout cela il résulte que ce n'est pas sur mes in-
stances que ces négociations ont été entamées, mais que V..M.
m'ayant ordonné, dans différentes dépêches, de frayer la voie
à un traité d'alliance, j ' a i dû demander des instructions, aiin
de pouvoir mieux y réussir.


En présentant à Votre Majesté un aperçu du caractère des
Anglais, je n'avais aucune intention de désapprouver ce qui
s'était fait avec eux, ou de trouver mauvais qu'on leur ait fait




Î P ' S T O l i T Q U E S , 4 9 9


<ic- cajoleries cl des avances ; c'était parce que je croyais
nécessaire que Y . .M. se tondît bien compte du caractère de
ce peuple, aliu de pouvoir y accommoder la. manière dont on
traiterait avec lui. dès que les circonstances en Espagne le
pcriiielli'aicnt. Quoique le caractère de ce peuple smt, eu
diel , toi que |c l'ai depeml. dans ladite dépêche, je ne trouve
pas [¡011 r cria qu'on ailagi mal à pruposen cherchant à l'ama-
douer, lorsque l'étal de nos uD'aires et les circonstances d ' a -
lors l'exigeaient, dette inameie d'agir est souvent la plus con-
venable, et il a r m e qu'un prince agit d'après sa convenance
dans un cas d'une manière, et d'une autre manière dans u n
autre cas. C'est ainsi q u e , dans la manière dont on a traité
avec les Anglais, on a plutôt tenu compte de nos besoins que
du caractère de ce peuple, et cependant il m'a paru nécessaire
d'il donner V. M. de tout, comme je l'ai t'ait. Si mes dépê-
i lies sont susceptibles d'être interprétées dans un sensdifté-
!• ut , le inieri a é|é celui que je viens de1 dire, et la dillérenee
provient de ce que je n'ai pas réussi à m'cxpliquer claire-
ment.


Quant, au dernier point de la dépèche de Y. M., dans lequel
V. M. trouv ; étrange que je demande u n congé pour retour-
ner en Espagne, après quatre ans (encore que Y. M. n'ait pas
daigné me l'accorder), cl après les dix-huit aimées de mon
• -hoiir dans ce. pays, ce que je puis dire à cette occasion, c 'est
que m o n intention n'était pas de quitter ce pays «vaut le
niiulemps; j 'a i pensé qu'à celle époque on connaîtrait déjà
( i s s u e de la paix à conclure avec la France , et le sort du
Parlement actuel, ainsi que la situation dans laquelle se
tri riverait le Protecteur; car alors, s'il ne voulait ou n e pou-
vait s'allier avec. V. M. pour rompre avec la France, et s'il
-'obstuiaità ne pas vouloir renouveler le traité, à moins qu 'on
ne 1m accordai, les points relatifs aux Indes et à l'Inquisition,
,<• ne vois, pas quelle utilité il y aurait à ce que j e restasse ici;




5 0 0 DOCUMENTS


au contraire, je crois qu'il y en aurait à me faire quitter ce
pays, car si la flotte qui s'est rendue aux Indes attaquait quoi-
que point des possessions de V. M., ce serait un grand dés-
honneur de solliciter la paix ou de conserver un ambassadeur
dans un État dont le chef aurait agi avec tant de perfidie, e
en manquant à tant d'obligations contractées envers Y, M.
El d'ailleurs, la tristesse et la mauvaise santé m'obligent de,
prier humblement V. M., comme je, le fais, de me décharge
des fonctions que je, remplis, par les raisons que je viens
d'exposer; je désire les plus grands succès possibles dans le
service du roi , et c'est le seul but que j 'aie en vue dans tout
ce que je propose à Votre Majesté, dont Dieu veuille garder
fa très-calliolique et royale personne.


(Ci-incluse est une lettre antérieure du même don Alonzo
à ilon (ieronimo de la Terre, datée de Londres du
28 janvier 1 055, et dans laquelle se trouve ce passage:)


. . . . On s'attend ici à des changements par suite du désac-
cord entre le Parlement et le Prolecteur; d'où beaucoup de per-
sonnes concluent que le Parlement n'achèvera pas son temps,
bien qu'il ne lui manque plus que seize jours ; on croit que le
Protecteur le dissoudra auparavant, à. cause des restrictions et
des limites dont le Parlement veut entourer son autorité, l.e
Protecteur n'a donc d'autre, ressource, que de dissoudre le
Parlement avant que celui-ci fasse passer dans un acte l e ,
résolutions qu'il a prises sur la formation du gouvernement,
et avant qu'il le promulgue. Si le Protecteur dissout le Parle-
ment, cette mesure sera mal reçue par le peupie et ne fera
qu'accroître la haine qu'un lui porte déjà généralement. Que
Dieu garde , e t c . , etc.




1 ! I S Ï U N I Q U E S . 50!
XV


(Pape m.)


!" M. de Bordeaux à .)/. de Brienne.


L u n d i s , 19 octoLrt; 1651


. . . . Il reste à décider : premièrement , si M. le l'rotecleur,
daus l'instrument qui lui demeurera, se nommera devant le
rui. l.esdils commissaires se fondent, s u r l'exemple des traités
faits avec la Suède , le Danemark et le Por tugal , et le dés-
honneur que recevrait leur nation, s'il en était usé autrement '
e t , nonobstant les r a i s o n s et. déférences d'entre le roi de
f iance et les autres princes dont j 'aie pu me servir, ils sont
demeurés fermes sur celle prétention, et je vois peu d'appa-
rence pour les f a i r e relâcher, n i d'autre expédient pour lever
cette difficulté que de ne pas signer l ' instrument qui m e sera
donné; aussi e n voudront-ils u s e r de même à l'égard du
mien. . . .


( El pins bas : )


. . . . L'article des rchclles fait la dernière difficulté. Ils ne
veulent point passer dans les termes généraux, et se réduisent
à i'éloignement du roi d'Angleterre sous le nom de fils aîné
du défunt roi, des ducs d'York, de (docester et des autres
dénommés dans le mémoire que j 'a i envoyé à la réserve néan-
moins d'Inchiquin , Preston et Montague , mais avec des
expressions désobligeantes à l'égard du roi d'Angleterre , et
qui pourraient tous les jours exciter quelques nouvelles con-
testations s u r la conduite des Anglais, Ecossais et Irlandais
qui servent Sa Majesté et la reine d'Angleterre. Après u n e




502 DOCIUiríNTS


longue contestation, je MIÍS ileiiieui é d'accord de l'cloigiieinent
des deux premiers, du troisième dans dix ans, et de concevoir
l'article en ces termes que, pour l'aire cesser tous les sujets de
soupçon d'entre la France et l'Angleterre, je promets, au nom
de Sa Majesté, qu'Elle n 'admettra point dans son royaume, et
qu'elles n'y séjourneront pas quarante jours après la ratilica-
lion du présent traité, les personnes dénommées dans le cata-
logue qui sera ajouté audit article ; et qu'il en sera usé de
même, de la part de cette République, à l'égard des Françae
dont je donnerai les noms, cl qu'encore que ledit article, qui
sera réputé secret, ne soit point inséré au Irai té laitue même
jour , il ne laissera pas d'avoir autant de force cl sera ratifié
dans le même temps et en la même manière. Quoique ce.-,
termes les dussent satisfaire, ils m'ont encore remis jusques
à ce que Son Altesse en ait eu communication, et ce qui semble
les blesser est de ne voir point que cet article fasse partie de
l'autre traité. Ils veulent aussi que je déclare présentement
les noms de ceux que Sa Majesté ne veut pas souffrir en An-
gleterre, et généralement le moindre changement de mot-
forme un grand obstacle.. . .


(Et plus bas : )


. . . . Il ne, faut pas s'attendre que, quelque révolution qm
puisse arriver dans l'Angleterre, à moins du rétablissement
du roi , apparemment très-éloigiié, l'on puisse rien obtenir
(quant aux titre et rang dans le traité) la condition qui parait
la plus rude ayant été prétendue par le vieux Parlement. . . .
même depuis que notre traité s'est réduit à une révocation des
lettres de represadle, et ne, se trouvant pas moins à, cœur aux
esprits républicains qu'au Protecteur dont l'autorité est com-
battue par eux seuls, quoi qu'en écrive et qu'en croie l'am-
bassadeur d'Espagne qui se trompe dans ses conjectures et




iriN'i''ir;i(1)ri:s. r,o:i


' Î M I I I 1rs sou lun iT i l s sur cette nul irie m'ont été rapportés assez
<•%«. lenienl. Les plus clairvoyants d a n s les affaires de eet Liât
•.enlent qu'elle ne sera pas g u e r e s moindre qu'était celle (les
roi-ypi'il aura de plus la disposition d'une armée cl d'une Huile
( u i i sé léra ldes . et <pie, sans l'aliénation de l'une et de l'autre,
ni les l'rosbytéricns, m le Parlement ne seraient pas capa-
bles de l'ébranler. Ce dernier lui a bien lié les mains pour les
levées d'argent qui n'étaient pas aussi permises au roi, et parle
le réformer l'armée. Même quelques commissaires du corps
nul entré en conférence avec M. le Protecteur. Elle n 'a pro-
duit que la réduction du nombre des régiments, dont les sol-
dats doivent êlre incorporés dans les autres, et l'on prétend
qu'il l'a désirée pour avoir prétexte de casser quelques colo-
nels qui ont paru depuis peu fort contraires à son gouverne-
ment. (Je n'est pas que je le voulusse garantir si bien élabli
que quelque changement ne puisse arriver; m a i s il y a beau-
coup plus d'apparence à sa conservation qu'à sa ruine ; cl
comme cette dcrnièie n e rétablirait pas le roi d'Angleterre, et
qu'un traité desimpie alliance, auquel nous parviendrions dans
un c h a n g e m e n t , ne nous serait guèros plus avantageux que ce-
lui qui m'est proposé, principalement s'il est ratifié par le Par-
lement, de quoi mes commissaires sont convenus, ma pensée
serait d'en presser la lin, les remises ne pouvant que confirmer
l'interruption du commerce. Ainsi, Monsieur, je ne puis encore
être touché d'aucun remords de n i a conduite passée; et, même
après avoir examiné toutes les lettres qu'il vous a plu de m'é-
crirc, je n'en trouve aucune jusqu'à huit jours devant le Parle-
ment, qui ne m'ait prescrit de presser M. le Protecteur à une
dernière résolution; et lorsque la veille de sa séance les com-
missaires du Conseil m'apportèrent son acquiescement à l'ar-
bitrage de Hambourg et nie proposèrent la signature du traité,
je l eur donnai des articles e n des termes que je croyais devoir
éloigner, a lin que je pusse cependant savoir encore plus pré-




D O C i rif K \ T S


ciséuifiit le? intentions du roi sur l'article des rebelles qui
seul pourrait recevoir difficulté, . l 'ai réussi dans ce dessein
puisque, jusques à ce j o u r , il ne m'a été donné aucune
réponse, et que, si les affaires du dedans de l'Angleterre eus-
sent changé de face, je s e r a i s en état de changer aussi de
proposition. Mais je me trouve encore persuadé que la con-
joncture n'y est pas favorable; et néanmoins je ne suis pas
attaché d'inclination à c e gouvernement et assez informé des
différents intérêts de tous c e u x qui me voient pour savoir
balancer les avis. Je pourrais même dire que l'on a de ia
peine à trouver dans l'Angleterre un homme qui souhaite
grand bien à. M. le Protecteur parce qu'il n'en fait à per-
sonne, et les résolutions du Parlement sont si publiques
que l'on ne les saurait ignorer, surtout quand elles lui sont
désavantageuses....


2" Le même au même.


Lombes , 9 no^mln-e tfit)4,


— L'un des commissaires me fît dire que M. le Pro-
tecteur n'en userait pas autrement avec la Fiance qu'avec les
autres couronnes, et que traitant au nom de la République,
quoique son titre ne fût pas si relevé que celui du roi, il ne
laissait pas d'être obligé pour maintenir l 'honneur de la
nation, de prendre le. même rang cl les mêmes prérogatives
dont elle a joui dans les précédents traités. Cette prétention,
quoique injuste, ne surprendra pas si l'on considère'qu'il
écrit et traite le Parlement d'Angleterre comme faisaient les
r o i s , et se fait reconnaître pour chef de la lîépubliipte.




i f r s T o n r o u R s ' r,05


']" Le. même au même.


T.,n;[l.o-, "25 novembre 1 0 5 4 .


. . . . Encore que l'accommodement paraisse arrêté par la
dilliciiltéde l 'article secret, j e crois néanmoins q u e l 'on n e m e
laisserai t pas aller si tout le reste était accordé, le peuple ni
le Parlement ne prenant aucun intérêt à faire sortir la famille
royale de France ; et même, si cette question se traitait par
les suffrages du pays, je crois que nous serions priés de lui
donner retraite.


A" Le même au même.


Londres:, 29 novembre Uirj-l


Je crois que tous ces discours et ce procédé ne tend
ou à gagner temps, et qu'ils ont leur principale réllexion sur
l e s délibérations qui se promu nt au Par lement , touchant
la réduction de la milice à trente mille hommes , et que
M. le Protecteur \eut se servir du prétexte de. notre mésin-
telligence pour oblenir la solde de cinquante-sept mille, à
quoi l'on faisait monter les troupes qui sont maintenant, sur
p ied . S'il agit par ce principe, je ne verrai pas encore de
quelques jours la (in de ses remises, nonobstant toutes mes
diligences et l'impression que j'ai donnée d'avoir reçu ordre
de m en retourner.


î>° Le même au même.


L o n d r e s 21,i-c, 'nil)ro 1 6 5 1 .


.Apparemment M. le Protecteur n 'aura plus sujet de




différer désormais la lin do noire aerommoùYmonl, puisque
nous levons les principales <Hl1icull.es qui semblent le retar-
der, par l'acquiescement à la clause de l'ari irle secret, la
soumission aux arbitres généraux, et (pie S. M. se dispose à
prendre quelque tempérament sur le iilre dont m les com-
missaires ni le secrétaire d'Etat ne parlent point, lorsque je
les envoie presser de quelque réponse; mais l'un d'eux ne
put, le lendemain de mon audience, s'empêcher de dire que
je ne devrais pas avoir remué cette difficulté, que je ne résou-
drai point, jusqu'à nouveaux ordres.


0° Extrait d'une iXote remise au cardinal Hfazarin
par V U H des frères White, ses agents secrets.


Lomlrcs , 5 janvier 165"..


. . . . Il faut savoir <pte les pensionnaires de l'ambassade
d'Espagne ont enfin tellement persuadé Cromvvcll de f a i r e
une ligue avec la maison d'Autriche, que (tromvvell en a
donné de grandes espérances à l'ambassadeur d'Espagne,
deux ou trois jours avant que M. iYliile fût parti d'Angle-
ter re ; et l 'ambassadeur mania l'alfaire si secrètement que
M. de Barrière n'en sut rien, et il fut résolu de n'en rien due
à lui ni personne qu'il n'en eût vu le. succès premièrement.
De plus, il faut savoir que le comte de Motitecuculli, quand
il fut dernièrement en Angleterre sous prétexte de voir Se
pays en étant si près , eut ordre de l 'Empereur de voir
Eroniwcll de sa pari et de le persuader à cette ligue, i l . te
comte de Montecucuili a autrefois enlreleuu sur cette affaiie,
en Suède, le nnlord Whitelocke, qui y fut l'ambassadeur de
ta part de Crornxvell; et sur les assurances qu'a données ledit
milord , il fut envoyé par l 'Empereur en Angleterre; miloid
Whitelocke est absolument la personne qui a le plus de pou-




H T S T O T H Q U T r S ; . S O ' i


7° M. de Bordeaux à M. de U tienne.


r.omiroâ, \ janvier lb r i5


. . . . Ayant depuis deux jours entretenu quelques députés du
Parlement, ennemis déclarés du Protecteur, touchant les
prééminences qu'il prétend avec le ro i , et beaucoup d'autres
questions qui regardent la première difllcullé, je trouve que
ce corps prétend qu'il doit traiter en son nom et du Parlement,
Mondant la séance, el, après ladissolulioii, en son nom et celui
de la République; que c'est à lui et au Conseil de recevoir et
'rai 1er avec, les ambassadeurs, el que les pou\oirs doivent être
expédiés en sou nom. Encore qu'aucun acte n'ait été fait sur
i.e sujet, néanmoins, puisque les députés qui lui sont le plus


voir auprès «le Oomwell ; il lui voir tous 1rs jours le comte
de. Montccueulli, et le comte, après l'avoir \ u , visitait inconti-
nent l'amliassadenr d'Espagne. J'ai quelque raison de croire
que la reine de Suède a la main dans cette affaire ; elle donna
devant moi une lettre et son ordre à Montecuculli pour les
envoyer par son moyen àmilord VYhitelocke. AI. de Montecu-
culli m'avait dit à Bruxelles qu'il n'attendait qu 'une lettre de
l'ambassadeur et de milord While locke, et qu'il partirait dès
aussitôt pour l'Allemagne. Je lui ai donné Un grand paquet
de lettres que l 'ambassadeur et ledit milord lui avaient
envoyées. Pour activer ce traité , le marquis de Leyde
doit bientôt être dépêché ambassadeur extraordinaire en
Angleterre, et Pimentel, capitaine général de la mer. Pour
mo i , je ne crois pas que Cromwell conclura rien encore ni
avec France ni avec Espagne, mais les amusera, jusqu'à ce
que ses propres affaires el son dessein soient établis : milord
Henry Cromxvell m'avait autant dit il n'y a pas longtemps.




m nocnMKNTs
ronlrniies et qui s'opposaient encore samedi dernier à la pro-
posi lion que quelques autres tirent île lui donner le litre de
roi , sont de ce sentiment, il rie faut pas espérer que. ledit Pro-
tecteur entre dans aucun expédient qui diminue son rang.


8" Le même au même.


L o n d r e s , 14 j invier 16j .-j.


Il serait, monsieur, superflu de faire une relation de toutes
les raisons dont je me servis pour convaincre lesdits commis-
saires du peu de fondement qu'ils avaient d'insister sur l'éga-
lité d'entre le roi et i l , le Protecteur, et de vouloir soumettre
à l'arbitrage de Hambourg la validité de nos lois, puisque,
soit dans les discours particuliers, soit dans les publics, iis
avouent que ni l'un ni l 'autre n'est juste; mais seulement pré-
tendent que le Protecteur, traitant au nom de la République,
suivant la forme présente du gouvernement, doit prendre ic
même lang que ferait le Parlement ou la République, si ces
traités se faisaient en leur nom. Et comme ce sont gens peu
versés dans la pratique, ou au moins qui l'affectent, ils ne
veulent pas concevoir autre différence entre pai 1er au nom
du Protecteur et de la République, ou de la République, et du
Protecteur, sinon que par la dernière expression ce serait
prendre une. forme nouvelle et faiie perdre au Protecteur la
prérogative que le Parlement lui a confirmée, en consentant
que le gouvernement des trois Républiques soit entre les
mains d'un seul comme chef, et des Parlements dans le temps
de leurs séances. Ainsi, cette ouverture ne pouvant être
acceptée, je leur ai proposé, de mettre, au lieu de litre, un
discours préliminaire, qui énonce que le roi , désirant réta-
blir l'intelligence et le. commerce entre la France et l'Angle-
terre , m'aurait envoyé et donné plein pouvoir de passera cet




шчтонкл , , ­« m
eifet toutes soi (os «H. Irai lés; que pCffir correspondre à celle
h-'>wic yohnh'; le Vn>ltvU'ur de in lïùpuMiipw au rail c o m m i s
d o s commissaires el que nous мании convenus des articles
M i b a n l s . dans lesquels il est t .n i i jouis parlé au nom du roi et.
d e sujets de la République d'Angleterre, sans faire mention
eu Protecteur, si ce n'est au dernier article, où il esl dit qu'il
» mimera des commissaires pour traiter avec moi d'une
alliance plus étroite; et pour les induire d'autant plus à se
ii 'iiteiili'i duilit formulaire, je leur ai assuré que, dans un
tiarlé final, Sa. Majesté conviendrait de tous les expédients
qui pourraient être proposés pour la satisfaction, soit de M. le
l 'rotecleur ou de la nation, et. même souffrirait l'égalité, si
répondant l'Espagne y donnait les mains dans quelque, traité,
encore que le roi tienne un rang beaucoup plus élevé. Cette
.ouverture donna lieu auxdits commissaires de. me continuer
que l'ambassadeur d'Espagne en était convenu, et sans l'ac­
i epior ni la rejeter, suivant la coutume, ils prirent temps
pour en conférer avec S. A.


9» Le cardinal Mazarin à M. de Jiordeaux.
l ' .uis, 1 ô j,111 vi^r 11..Ü5


.le me. remets à l'accoutumée, aux dépêches de M. de
Rricnne, par lesquelles vous serez informé des intentions du
j'.ii. J'ai seulement à vous dire quejo suis fort étonné de voir
que depuis quelque temps vous affectiez de refléter dans toutes
vos lettres que vous serez toujours d'avis de préférer l'accom­
modement à la rupture, car il semble par là que vous croyez
qu'on soit ici d'un sentiment contraire; et je ne comprendí


* gjs sur quoi vous pourriez vous fonder pour avoir cette opi­
nion puisque, si vous relisez bien vos instructions et toutes les




510 D O C U M E N T S


dépêches que vous avez reçue*-, vous Irouvero/, qu'elles ne ten-
deul à autre Lut qu'à une bonne paix ; joint que je ne vois
pas qu'il y ait personne qui puisse douter non-seulement que
nous n e le souhaitions, m a i s que nous ne le souhaitions même
avee grande passion, quand on considérera toutes les avances
que nous avons laites a u Protecteur , les honneurs que nous
lui avons rendus, et les courtoisies que nous avons laites aux
Anglais en sa considération, jusqu'à donner de mon propre
argent pour faciliter la restitution de leurs vaisseaux pris par
le prince Piobert; et d'autre côté la froideur et le mépiis dont
le Prolecteur a usé e n v o i s n o u s , les délais et remises inju-
rieuses dont ou vous amuse depuis tant de temps, les dépréda-
tions et les hostilités exercées par les Anglais contre les sujets
du r o i , le droit des gens violé en la personne du sieur de
l îaas , le passage de Blake dans la Méditerranée pour allai
combattre l'armée du r o i , ainsi qu'il a publié lui-même à
Cadix et dans tous les lieux ou il a été, et que le continue sou
v orage dans le golfe de A'aples et son retour à Le, ounie ; et ce
dans le même temps que nous lui renvoyions avee toute soi te
de civilités des vaisseaux de sa flotte qui étaient tombés entre
nos mains; et eniin l'attaque cl la prise de nos forts dans l'Amé-
rique par les ordres du Protecteur ; bref lanld'aulres cho.-cs
indignes de la majesté du roi et ruineuses à son peuple, que
nous avons soiillertes et dissimulées dans la seule espérance de
venir à bout de cet accommodement tant désiré de notre pu t.
A la vérité le roi ne croit pas qu'il lût de son service de l'ac-
cepter à des conditions qui n e serviraient qu'à donner lieu au
Protecteur de rompre avec n o u s à la première occasion, plus
avantageusement et avec un prétexte plus apparent qu'il ne
saurait faire à cette heure. Et Sa Majesté aussi ne trouve pas
juste d'exiger de ses sujets qu'ils souffrent plus longtemps, les
bras croisés, le pillage de leurs biens, la désolation de leurs
jamilles et toutes les autres ruines que les Anglais leur causent




iIT,VrOIUQlcE.S. 5 1 1


Ions les jour<; ruais il sera aisé de j uge ra qui le blâme de la
iiqilure devra être imputé , si par malheur il arr ive, nonob-
-i,11.L taules les avances et loules les souffrances ci-dessus, et
li ailes les facilités que nous avons apportées d'ailleurs à la con-
clusion du traité.


De (rois points qui restent à décider, nous sommes d'ac-
cord du piemier qui est celui des réfugiés ; et c'est parce que
le roi a bien voulu passer par-dessus loules les considérations
qui le pouvaient empêcher de consentir, car, à'parler franche-
ment, nous avons fait comparaison de français M'aiment re-
belles à des Anglais qui ne le sont pas et que la seule violence
tient éloignés de leur pays.


jXous ne demandons pas mieux que de faciliter le second en
traitant d'égal avec l'Angleterre ou bien avec le Protecteur
même, pourvu qu'il prenne le titre de roi, et alors Sa Majesté
i•'hésitera pas à lui faire tout l'honneur que les rois de France
o u i accoutumé de faire à ceux d'Angleterre, et lui enverra
aussi un ambassadeur extraordinaire pour l'en féliciter, s'il le
désire de la sorte ; mais qu'un monarque tel que le roi traite
d'égal avec un autre qui n'ait pas le même t i t re , cette seule
pensée, comme je vous le dis, scandalise tous ceux qui en en-
tendent parler et les l'ait frémir d'indignation. Et quant à l 'ar-
bitrage, quoi que vous puissiez dire de l'intérêt du Protecteur,
assurez- vous q u e , si nous l'acceptions en la forme qu'on
nous le propose, il serait le premier à solliciter le jugement
des arbitres, tant pour acquérir la bienv eiliauce des marchands
anglais «pie parce qu'il sait bien que ces messieurs d 'Ham-
bourg, par l'intérêt qu'ils ont en commun avec les autres na-
tions à renverser les lois et ordonnances de ce royaume, sur
ce l'ail de l 'amirauté, ne manqueraient pas de déclarer nulles
la plupart, de nos [irises, dont la confiscation est fondée surles-
e îles ordonnances, et nous rendraient par ce moyen redeva-
bles de si grosses sommes que, faille d'y pouvoir satisfaire , i!




512- n o r i ' M E N T S


aurait préle.xle d'en venir à uni . ' rupture i j m s e r a i I approuvée
de toute l 'Europe et trouvée jusle de tout le inuiide, puisque
le roi même se serait soumis à ee. jugement.


J'ai été bien aise île vous rafraîchir la mémoire de toute--
ces choses que vous aurez vues plus au long dans les précé-
dentes dépêches , afin que vous connaissiez que, quand vous
préférez l 'accommodement à la rupture, vous ne faites qu'oxé-
culer les ordres du roi, et pour vous confirmer aussi que Sa
Majesté, n'a pas de plus forte passion que de voir la France et
l'Angleterre dans l'union et lionne intelligence si nécessaire,
aux sujets îles deux r ev înmes , me remettant derechef aux dé-
pêches de AI. de Brienne.


10° M. de Bordeaux à M. de Brienne.


LoN.ii - r j - - , i n in. ir- i s e ;


. . . . Suivant ma pensée, le Protecteur fait difficulté de se lier
les mains, non par aucun dessein d'assister nos ennemis, mais
aliii de se laisser en état d'être toujours recherché par Sa
France et l 'Espagne, faisant voir qu'il n'est engagé ni avec les
uns, ni avec les autres, et afin aussi que tenant Sa .Majesté
en jalousie, Elle, n 'entreprenne pas sous main de traverser
son établissement Il ne veut point aussi de clause géné-
rale qui regarde les rebelles , pour n'êler pas à nos re!lé-
gionnaires l'espérance de trouver ici leur asile. I.a conduite,
que je vois tenir au Protecteur, ses grandes défiances, et l 'ai-
liclc sixième de notre traité me font entrer dans ces senti-
ments ; et s'il se peut prendre quelque fondement sur l<
grandes protestations que me l'ont mes commissaires, nous
ne devons pas appréhender que nos ennemis retirent aucune
assistance, de l'Angleterre. Néanmoins, bien Joui d'avoir cou-.




ITTSTOWrin'S. 5 ) 3


i 1" le même nu même.


t imdre ' s , 5 a»nl 1 6 5 5 .


— Quant au point de l'assistance, ils se défendirent de l'ex-
pression et insistèrent à ce qu'elle fût restreinte aux ennemis
et rebelles présentement déclarés. Je leur remarquai l'incon-
vénient que produirait cette réserve et sa nouveauté, surtout
à l'égard des rebelles ; même je demeurai d'accord de la pas-
ser s'ils en pou\ aient trouver un exemple dans d'autres traités,
et ne m'en apportant point, ni aucune r a i s o n qu'un dessein
de s e réserver la liberté de secourir les religaonnaires de
France s'ils étaient persécutés, au préjudice des édits de paci-
fication , je leur ôlai l'espérance que Sa .Majesté: acquiesçât ù
un article qui n e servirait qu'à donner cœur aux mécontents
de s o n royaume. Je leur lis voir aussi que ce serait laisser un
prétexte d'éluder l'effet du présent traité, s i l'obligation
n'était aussi telle contre ses ennemis que les rebelles; et sur
ce. qu'ils m'alléguaient, que leur traité avec la Hollande ne
permettait pas à cet Ffat de prendre aucun engagement c o n -
traire, j'offris de mettre une clause qui guérît leur scrupule;
mais ce fut s a n s succès ; et entin ils me proposèrent, pour un
dernier expédient, que l'Angleterre n'assisterait point l 'Es -
pagne, ni aucun prince, ni Etat, adhérents à ses intérêts, ou
qui pourraient à l'avenir y adhérer; sans préjudice des traités
que le. Pi électeur a faits avec d'autres nations : comme a u s s i
n u e Sa Majesté n'assisterait poml la famille des Sluurt, n i sco.


«enli que M. le Protecteur s'en réserve la liberté, j'insiste à
ce qu'elle soit expressément retranchée dans le traité, ColtllïïB
à une condition sans laquelle, je ne le puis signer, quoique je
prévoie qu'on ne l'accordera qu'avec beaucoup de peine et ù
toute extrémité.




514 D O C U M E N T S


adhérents; et que pour éviter toutes difficultés, i! ne se par-
lerai! point des rebelles, qui d'ailleurs se trouvent compris
sous le nom d'adhérents aux ennemis. Je donnai les mains à
la première paitie de cette proposition, pourvu qu'il fut ex-
pressément fait mention desdits rebelles : ils demeurèrent
fermes, remettant à. me donner une dernière résolution jus-
qu'à ce qu'ils eussent fait leur rapport à Son Altesse; et
devant que de nous séparer, j e les pressai d'une prompte
expédition ou d'une audience de congé, et n'oubliai pas
de leur faire connaître l'état des affaires de France, la gra-
titude que doit avoir M. le Protecteur de ce que, dans le
temps qu'il est menacé d'un soulèvement général, le roi lui
offre un traité si avantageux, ni aucun discours qui pût leur
faire craindre la rupture ou souhaiter l'accommodement. Je
n'ai point eu de leurs nouvelles tous ces jours, et en ayant
envoyé demander ce malm, tant aux commissaires qu'au
secrétaire, ils m'ont mandé que .M. le Protecteur n'avait
r i e n à ajouter à ce qu'ils m'ont dit dans cette dernière
conférence, qu'il m'eût, dès la semaine passée, donné une
audience de congé, s'il eût cru que j'eusse dû insister
sur la clause des rebelles, et que c'était leur mettre le
doigt sur l'œil que de vouloir ôter à l'Angleterre la liberté
d'assister nos religionnaires, pour lesquels elle a autrefois
répandu tant de sang; qu'à l'égard des autres sujets de
Sa Majesté qui se pourraient soulever, cet Etal ne prétendait
point les assister, et- eu était assez la liberté par l'article qui
m'est offert.


12" Le même au même.


f-OI.-ll,-!,. -Jll I 6 " S .


.... Nous (lui et les commissaires du Conseil) examinâmes
ensuite l'article secret; et sur ce midis ne voulaient point ad-




HTSTOTUQUES. ">15


mettre que je leur parlasse «lu roi de la Grande-Bretagne
sens ce IiIje, je leur proposai l'article d'une façon qui
m'exemptait d'en parler, dont ils demeurèrent d'accord.


(Il rend compte, dans la même lettre, des nouveaux retards
apportés à la conclusion du traité par l'arrivée d'un
ambassadeur extraordinaire d'Espagne, le marquis de
Leyde


Ils eurent audience mardi dernier. Ce ne fut qu'une action
de cérémonie et de compliments. On veut qu'ils offriront
commerce libre dans les Indes et liberté de religion aux mar-
chands anglais trafiquant en Espagne. Mais ce ne sont que
conjectures, fondées sur ce qu'autrefois M. le Protecteur a
demandé l'un et l 'autre.


(Il écrit le 3 7 mai :)


L'article secret nous donna plus de peine. L'expédient que
j'avais proposé, pour ne point parler du roi de la Grande-Bre-
tagne, n ayant pas plu au Conseil, nous convînmes à la lin
d'un autre.




nOUUMEKTS


XVI


( P a g e 203.)


Décret du roi d'Espagne Philippe IV, adressé


à don Geronimo de ta Torre.


A l'.injlle* , 1 4 iLV] [I | IKJ.'.I.


O n écrira à don Alouzo de Cardenas, nion ambassadeur en
Angleterre, que ces jours derniers il doit avoir reçu une lettre
de change de cent nulle écris, fourme par André Piquenotli à
l'ordre du même don Mnn/.o à qui don Louis de Haro l'a e n -
\ oyée pour qu'il ait à l'employer dans quelques alla ires secrètes
du prince de Coudé, coiifoi'inémenl aux avis qui lui viendront
de Flandre; et connue Muserolles qui est parti pour ce pa\s
a olfert de renici tre au prince cinquante mille écus poui qu'il
pût entrer en campagne et qu 'on n 'a pu lui envoyer sur-le-
champ une lettre de change de cette somme, j 'ordonne à don
A lonzo que, sur la lettre de change de cent mille écus qu'on lui
envoie, il remette au prince ou à ia personne désignée par lui
cinquante mille écus aliu qu'il puisse s'en servir prompte-
)uent ; les cinquante mille écus que doit recevoir Maserolles
seront remis à don Alonzo pour remplacer les cinquante mille
qu'il doit donner immédiatement au prince et compléter ainsi
les cent mille écus qu'il dort employer selon les avis qu'il re«
cevra de Flandre.




X VI i


i* Olivier Cromircll, Protecteur delà République d'An-


gleterre, un sérénissime Prince Emmanuel. Duc de


Savoie, Prince de Piémont, salut.


Wlii lehul l , 2 5 mai 1 6 5 5 .


Sérénissime P r i n c e ,
Nous avons reçu de Genève, du Dauphiné cl de plusieurs


antres lieux, limitrophes de vos Etals, des lettres qui nous
apprennent que les sujets de Votre. Altesse lioyale professant
la religion réformée nul. reçu, par nu édit émané de votre au-
l.uilé, l'ordre de quitter leur» demeures et leurs terres, d;w<
l'espace de trois pairs à dater de la promulgation de cet édit,
qui menaçait eu même temps ceux qui auraient désobéi de la
p< rie de Ions leurs biens et. de la peine capitale, à moins
qu'ils ne se lussent engagés par serment à abandonner leur
ieligmii et à embrasser la loi catholique avant que vingt jours
s e fussent écoulés ; et tandis qu'ils adressaient à Votre Altesse
liovale leurs supplications pour que cet édit lui. révoqué et
p:u.ir obtenir d'être reçus en grâce comme autrefois et de ren-
in ren possession de la hbei lé que vos séréiussimes aïeux leur
.n lient accordée, une partie de votre armée s'est jelée sur
eux, eu a très-cruellement massacré une partie, en a plongé
d'autres dans les fers, et. a chassé le reste jusque dans des
déserts et sur des montagnes cou ver les de neige ou des cen-
fables do familles en sont réduites il une telle exlrémilé que le
i...ulel la faim ilomienl à craindre, pour elles te ni es, une moi t
i ipide et misérable. Lorsque ces nouvelles nous ont été « p .




r.J» fiOrT'MENTS'


portées, nous n i ; pouvions pas n'èlre pas ému profondément
de douleur et de pilié, au récit de telles souffrances. Kl nous
qui faisons profession d'être uni à ce peuple affligé non seule-
ment par une commune origine, comme hommes, mais en-
core par une religion commune, et, à ce litre, par une affec-
tion toute fraternelle, nous avons pensé que nous nous
acquitterions mal de nos devoirs envers Dieu et de la charité
due à nos frères si, dans leur malheur et dans leur ruine, nous
nous arrêtions à la seule tristesse, sans tenter tous les efforts
qui sont en notre pouvoir pour alléger leur accablement sou-
dain. Aussi nous prions et nous supplions avec instance Votre
A. 11. de vouloir bien considérer la conduite de ses sérénis-
sirnes aïeux et les libertés de tout temps accordées et confirmées
à ses sujets du Valais; libertés qui furent établies et mainte-
nues , parce que c'était une œuvre certainement agréable à
Dieu qui a voulu rendre in\ iolables les droits de la conscience
et s'en réserver l'empire pour lui seul, et, en même temps
sans contredit , parce qu'il l'ut tenu compte , selon leurs méri-
tes, aux sujets valaisiens, de leur courage à la guerre, de leur
lidélité et de leur obéissance éprouvées dans la paix. Puisque.
Votre Sérénissime A. H. s'attache, dans tout, le reste, à
suivre , avec autant de gloire que de douceur , la trace de ses
ancêtres, nous la supplions, sans nous lasser, de ne pas aban-
donner leur exemple en cette occasion ; d'abréger cet édit et
tous les édils qui troubleraient le repos de quelques-uns de ses
sujets à cause de la religion réformée; de rendre aux mal-
heureux qui ont été persécutés leur patrie et leurs biens; de
leur assurer la. jouissance des droits acquis et de l'ancienne
liberté; de. les dédommager des pertes qu'ils ont éprouxées,
et de mettre lin aux vexations exercées contre eux. Si Votre
A. 11. agit ainsi , elle aura l'ail une action qui plaira à Pieu ;
(Ile aura relevé et. sauvé un peuple abattu; elie se sera acqms
la reconnaissance de tous ceux de ses v uisius qui appui tiennent




H I S T O R I Q U E S . 5 1 9


2- le Protecteur t'ronnvetl au roi Louis XIV.


Whitc l i i l l , 23 «au 163b .


Séréiiissime Roi ,
Les gémissements des malheureux protestants qui habitent


I.ncerne, Angrogne, et quelques autres vallées dans les Etats
du due de Savoie, sont arrivés jusqu'à nous : les massacres
sanguinaires qui les ont décimés, la spoliation et l'exil des
survivants, toutes ces tristes nouvelles nous ont poussé à
écrire cette lettre à Y. M., surtout quand on nous a dit (ce
que nous ne savons pas encore avec assez de certitude) qu'une
p.o lie des régiments de V. i l . s'était jointe aux troupes du
duo de Savoie pour accomplir celte œuvre cruelle. Toutefois
nous n'avons pas ajouté foi légèrement à ce bruit, car une
note conduite ne nous semblait ni digne des lions rois, ni en
accord avec les habitudes des prudents ancêtres de V. M. ; ils
oui toujours estimé qu'il était de leur intérêt, pour la iran-
ouiilite de leur propre rovaunic et de la. chrétienté tout


« la religion ré formée, et surtout notre propre reconnaissance;
car nous regarderons votre bonté et votre clémence envers les
Valaisiens comme une faveur à nous faite, en raison de nos
instances. Aussi nous nous regarderons comme obligé à rendre
à. notre tour de bons oflices à Votre, A. IL , et non seulement
à maintenir, niais encore à resserrer l'union entre cette Répu-
blique et \os Etats, et par là seront, jetés les fondements de la
plus solide amitié. A cet effet, nous ne comptons pas moins
sur votre justice et votre modération naturelles que sur la grâce
de Dieu, auquel nous demandons Ao tourner selon ses rues vos


pensées et vos desseins, et nous vous souhaitons de toute notre
àme, à vous et à votre peuple, la paix, la possession de la vé-
rité et le succès de toutes vos entreprises.




5 9 0 p n r r ' M E K T P


entière, de permettre à leurs sujets de la religion réformée
de vi\re à l'abri des al laques et de la violence, sous leur
autorité et leur protection; et c'est cette clémence qui a si
souvent valu aux. rois de France, soit dans la paix, soit dans
la guerre, l'utile et glorieux concours de leurs sujets protes-
tants. Un tel exemple persuada aux ducs de Savoie de traiter
avec la même bénignité les habitants îles vallées des Alpes
qui se montrèrent en retour très-soumis à leurs princes, cl
n'épargnèrent j a m a i s pour les servir ni leur vie ni leur pro-
pre fortune. Nous ne doutons pas que l'alliance de V. .VI
avec le présent duc de Savoie, et l 'autorité que vos paroles
ont auprès de lui, ne vous mettent en passe d'obtenir poui
ces malheureux, par votre intervention et par votre bonne
volonté ouvertement signifiée, la paix cl la permission de
rentrer dans leur patrie, et la reslitulion de leur ancienne
liberté. Ce sera une action digue de V. M., et conforme aux
nobles exemples de vos séréuissiines aïeux; et non seulement
ceux de vos sujets qui professent, la, même religion seront pai
là grandement affermis dans ta croyance qu'ils n'ont rien de
semblable à craindre, mais encore, les alliés et confédérés
protestants de V. .M. lui seront désormais attachés par uni
lidéhlé et une amitié bien plus fortes. Quant à ce qui nou.-
concerne, tout ce que Votre Majesté accordera en ce genre a
ses propres sujets, ou obtiendra, par son intervention, jiour
les sujets des autres puissances, prendra rang dans notre
reconnaissance à l'égal et même bien au-dessus de tous j .>
autres avantages, déjà si grands et si nombreux, que nou.
peut promettre l'amitié de V. M.


3" Le Protecteur (roinnell au cardinal Jlazarin.
vv i i i . a i . -1.:, un,! !i;.>;.,.


Lnunence,
Les malheurs accablants et les sanglant.-: m a ^ a u e s qui ont




U I S T O I U Q U K X . 521


né-olé doriiiciemont les populations de quelques vallées des
Vlpes.daus les Fiais du dm; de Savoie, m'oul fait écrire à
S. M. le nu île l'Vauee la lel.lre. ci-mclu**, et celle autre lettre
s \ litre F i i i n n nec e l le-même; cl.de nièiiie que je ne pins
douter que lant de, criiaulés exercées contre des hommes
•imoceuls el faibles ne déplaisent prul'oiidénieut à Sa. Majesté
cl ne la blessent, je me persuade aussi sans peine que j'obtien-
drai votre bienveillance et, vohe concours, suprême assurance
de succès, pour appuyer les demandes que j 'adresse à S. -VI.
eu faveur de ces malheureux, lïieu n'a l'ait autant, pour con-
cilier à. la rialinn française l'amilié de. lotis ses voisins appar-
¡eua.nl à. la religion réformée, que la liberté el les privilèges
dont les protestants jouissent dans son sein, par le bienfait
de ses édits et de ses actes publics ; et c'est là, entre bien des
causes, la cause la plus puissante qui ait. inspiré à celte fîé-
publique un désir croissant de posséder l'amitié et l'alliance
des Français, ("est pour établir cette alliance que nous som-
mes depuis longtemps déjà en conférence avec un envoyé de
S. i l . , et la négociation touche presque à son terme. Bien plus,
Votre l'àninence elle-même, dans l'administration des plus
grandes allaires, a montré envers les protestants du royaume
une douceur singulière et une modération qui me font espérer
et attendre tout , en celle occasion, de votre sagesse et de
votre magnanimité. Votre Einmonce aura ainsi jeté les fon-
dements d'une union plus intime encore entre cette Répu-
blique et le troue de France: el elle m'aura personnellement
obligé envers elle à lui faire preuve, quand mon tour viendra,
de tome la facilité et de toute l'amitié ducs, ce que je prie
Voire Emuience de crono.




D O C P M K N T S


X V ! I l


( P a g e 211 . )


Louis XIV à M. le Protecteur.


Monsieur le Protecteur ,
Dès (jue je lus averti que le due de Savoie avait, pris l'oc-


casion du passage des troupes que j'cnvovais eu Italie pom
assister le duc de Modèiie dans l'invasion que les Espagnol*
avait faite dans ses Etats, pour châtier (selon qu'il lue l'a de-
puis lait entendre) la rébellion et désobéissance d'aucuns de
s e s sujets qui font profession de la religion prétendue ré f o r -
tifie., et que ces gens m'eurent prié de. leur permettre, de se
mettre à. rouvert de la persécution qu'ils disaient leur être
faite en haine de la religion qu'ils professent, je dépêchai a
l'instant pour témoigner que je n'approuvais nullement fa.
conduite, qu'on avait tenue employant mes forces en une
chose de cette nature sans mou commandement , quoiqu'on
l'eut fait sous prétexte de les faire loger dans la vallée de Lu-
cerne; et je lis passer divers offices à l'endroit du due de Savoie
pour l'aire cesser le châtiment qu'on disait se continuer contre
aucuns d'entre eux qui étaient demeurés en ses p j s ; et
mandai au duc de Lesdiguières, gouverneur de ma province
du Pauphiné, de les y accueillir et par un bon traitement leur
faire ressentir les effets de ma protection.Et présentement que,
car votre lettre en date du 2."»" du passé, j 'ai été informé que
vous êtes touché du malheur de ces pauvres gens , je suis bien
aise d'avoir prévenu v us désirs, et je continuerai mes instances
envers ce prince pour leur soulagement, et pour qu'il con-
sente qu'ils puissent rétablir leurs demeures aux lieux de ses




H I S T O R I Q U E S 523


États «quels il leur a\ait clé concédé par les ducs de Savoie
•es prédécesseurs; m'étant mémo avancé de répoudre en ce
cas de leur' fidélité et obéissance, de façon (pie j 'ai sujet d'es-
pérer que mes prières ne seront pas mutiles. Au reste, vous
avez bien jugé dans cette affaire , ne croyant point que j 'eusse
donné aucun ordre à mes troupes de faire une. semblable exé-
cution: et à la vérité il n'y avait pas d'apparence que le soupçon
jiid tomber dans l'esprit d'aucune personne éclairée que
j'eusse voulu contribuer au cbàlinient de quelques sujets du
duc de Savoie faisant profession de la religion prétendue ré-
formée que je tolère, dans mes royaumes, pendant que je donne
tant de marques de ma bonne volonté à ceux de mes sujets
de la. même créance, et que j'ai tout sujet de me louer de leur
fidélité et zèle à mon service, ne perdant aucune occasion de
le témoigner et allant même au-devant de tout ce qu'ils peu-
vent s'imaginer me devoir plaire et contribuer au bien et à.
l'avantage de mes affaires.


C'est, tout ce que je, puis dire en réponse, de votre lettre, mais je. ne finirai pas sans vous prier d'être assuré qu'en toutes ren-
contres vous connaîtrez l'estime que je fais de votre personne,
et que c'est du meilleur de, mon cœur que je demande à la
divine majesté qu'elle vous ail, .Monsieur le Protecteur, en sa
sainte et digne garde.


Ecrit à la Fère, le 12>- jour de juin 1G5'>.


Louis.




nOClj .M l-'N'TS


X I X


( P a g e 217.)


!° 17. de Hordcanx à M. de IIrtenue.


Ils me dirent que Son Altesse et le Conseil a\aient appris
avec beaucoup de ressentiment la persécution des protestants
le Savoie; que soi vaut les a v i s de ce pays l'ambassadeur de Sa
Majesté l'avait suggérée et que ses troupes, entrées avec quel-
ques régiments irlandais, l'avaient exécutée avec un esprit de
vengeance; que nos ennemis se servaient de ce prétexte potir
refroidir les bonnes intentions de Son Altesse, lui représentant
que la bienséance ne lui permettait pas de s'unir avec Sa Ma-
jesté, dans le temps qu'elle faisaitperséculcrlcsdils rehgioimai-
res, et qu'ils a\ aient ordre, de me demander quelque satisfaction
sur re sujet. L'un desdils commissaires m'avait, dès la veille,
fait tout le même discours, etaussi rendis-je la même réponse,
que cette affaire n'avait rien de commun avec notre traité:,
qu'il se pouvait souvenir des déclarations que j'avais faites
dès le commencement de ma négociation, que comme M. le
Protecteur disposait à. sa volonté des catholiques d'Angleterre,
aussi le roi ne rendait compte à personne du gouvernement
de son royaume ; qu'il y avait encore bien moins de sujet de
lui faire des plaintes de ce qui s'était passé chez un prince
souverain, aussi indépendant de la France qttede l'Angleterre,
et que, si ce gouvernement prétendait mêler cette affaire avec
notre accommodement. Il ne fallait plus parler de la paix, pour
te moins aussi avantageuse à i l . le Protecteur qu'à Sa Majesté:




i l rsTriRror!"•>:. 5 2 f i


or pour guérir .«es scrupules et le désabuser des avis que l'on
lui donne, il n'avait, qu'il considérer Je lion traitement que
icceoiioul les roligioriuaires de France , la liaison étroite que
nous avions avec les Fl.als de la même profession de loi, et
demander au ministre Stoiipe, qui avait porté celle nouvelle,
(c'est le même dont autre l'ois M. de Saint-André M" « b r u n a
p t r l é ) , ce qu'il avait l'ait chez l'ambassadeur d'Espagne
samedi dernier, et pour quel service il en avait reçu deui;
mille francs ce même jour. Nous changeâmes ensuite de ton
et de style, et iesdits commissaires, avant fait retirer plusieurs
gens, ils me dirent que Son Altesse me priait, d'écrire au roi
qu'elle se sentirait fort obligée s'il lui plaisait de s'entremettre
eu faveur desdits religionnaires, en telle façon qu'il parût que
sa recommandation eût produit quelque avantage, se rédui-
sant à les laisser vivre comme, par le passé. (lotte demande
fui. faite eu des termes qui ne ressentaient plus le zèle de
religion, mai- plutôt un désir de s'accréditer parmi les pres-
bjtéricns d'ici, eu leur faisant voir que ce régime n'oublie
aucun uflice pour secourir leurs confrères. Je ne jugeai pas à
propos de repousser cette prière ; seulement leur donnai-je avis
que, peur ta rendre efficace, Son Altesse, après la signature
du tiailé, m e devait charger d'en écrire a u roi comme d'une
i.iveur particulière qu'elle en at tendai t ; Iesdits commissaires
parurent satisfaits de cette réponse que j 'accompagnai de
beaucoup d'autres belles paroles, afin de n'en perdre pas le
fruit. Je les pressai de prendre jour pour la signature du
traité: i ls me remirent jusqu'à ce que le Conseil eût entendu
ie rapport, avec assurance de ne plus différer. L'un desdits
• oniunssaircs a parlé ce matin à l'ambassadeur de il i l . les
Etats généraux, en mêmes termes, témoignant d'être sortis
fort content.s de la conférence d'hier, et suitoul de ce que je
leur avais dit touchant le. soulèvement des vallées de Savoie,
dontou l'ail ici une grande affaire par les menées des amhassa-




(leurs d'E<pagnc qui se son! soi \ is ijudit minisire pour publier
ces bruits au moment que l'on croyait notre traité prêta
signer., quoique la nouvelle en lut armée il y a longtemps.


2« Le même au même.


Jjonitjv^, juin 16S5.


J'ai reçu cejourd'hui les deux lettres qu'il vous a plu de
m'écrire en date, des 27 et 28 de mai. La première, qui me
confirme ce que Son Émincnce m'a fait savoir par l'une des
siennes, m'obligerait de rapporter beaucoup de particularités,
qui peuvent être échappées de mes précédentes dépêches, si
elle ne suffisait pour convaincre d'erreur l'avis qui m'im-
pute les longueurs de ma négociation et représente M. la
Protecteur si disposé à la conclusion du traité. Il est bien
vrai que ses ministres l'ont souvent publié, et même que je
refusais des conditions dans le même temps que je leur pro-
posais; mais en ayant fait quelquefois des reproches à mes
commissaires, ils ont reconnu la vérité, et m'élant plaint à.
l'un d'eux, qui affecte d'être porté à l'accommodement, de
tous ces délais, il ne fit pas scrupule de me mander que tout
le monde n'était pas de son avis et qu'il ne pouvait pas s'em-
pêcher de suivre les ordres qui lui étaient donnés. Quand ces
avis ne déclareraient pas de quel esprit ce régime agit, pour
en être entièrement éclairci, il ne faut que considérer sa
conduite présente. iNous étions d'accord, il y a près de deux
mois, de tous les articles, et lorsque j'attendais mes commis-
saires pour signer, ils formèrent difficulté sur celui du trans-
port des biens ennemis; apicès m'êlre accommodé à leur
désir, sur la parole que me porta l'ambassadeur de MAL des
Etats généraux, de leur part, d'une prompte conclusion, ils




HTsTOïUQUES. iïïï


n i é \mrcnt trouver avec des articles ioul différents do ceux
dnnl nous étions convenus par écrit, faisant revivre de vieilles
••picolions sans les appuyer lors d'aucune raison, ni s'être
depuis défendus que Icurdessoin n'eût été d'entendre l 'ambas-
sadeur d'Espagne devant que de rien résoudre avec moi. A
ce prétexte, les affaires domestiques ont succédé, et enfin il y
•a huit jours que lesdits commissaires me donnèrent parole
positive de ne plus différer. Je les ai depuis pressés sans r e -
lâche de signer, et de leur part ils ont affecté d'être dans cette
disposition, faisant mettre au net le traité, et m'ayant, j u s -
qu'à cette apvès-dînée, tenu dans l'espérance de me l'apporter.
Ne recevant point de leurs nouvelles, j ' a i envoyé ce soir chez
le secrétaire d'Etat, qui avait ce matin donné les mêmes
assurances que lesdits commissaires; mais il a changé de
langage et chargé mon homme de me rapporter que Son
Altesse, émue des cris et lamentations des pauvres protestants
do Savoie, avait résolu , auparavant que de rien s igner ,
• l'écrire au roi en leur faveur et d'envoyer la lettre par un
exprès, ajoutant beaucoup de protestations que ce n'était
porut un prétexte pour retarder l 'accommodement, mais que
les grandes cruautés qui s'exerçaient contre leurs confrères,
doin les nouvelles n'étaient venues que cejourd'hui, et la
- lande autorité qu'a le roi sur le duc de Savoie, obligeaient
M. le Protecteur de leur rendre cet office, et ne lui permet-
taient pas de signer un traité dans une telle conjoncture,
l'avouai d'être surpris de ce changement, encore que, comme
d aura paru dans ma dernière lettre, je fusse déjà entré en
quelque défiance, et que même j'eusse demandé des ordres, au
cas «pie, sous ce prétexte de religion, l'on voulût m'amuser .
Les assurances si précises qui m'étaient réitérées tous les
jours, l'avantage que ce régime trouve dans l 'amitié de la
i-ïance, les nouvelles venues des Barbades depuis peu, gué-
Mss.iient mes soupçons et m'avaient persuadé que les affaires




ii'àô Î W C U M K N T S


prendraient, fin. Jo no sais maintenant à quoi attribuer un
procède si contraire, le zele de religion n'étant pas capable
d'ébranler les desseins du Protecteur : il est bien v r a i que
l'Espagne a l'ait agir quelques ministres, que l'on a répandu
cette nouvelle avec nulle circonstances propres à exciter la
compassion, que le peuple, surtout 'les Indépendants, témoi-
gnent avoir un esprit de vengeance et de secours, et que ce
gouvernement, pour s'accréditer, pourrait l'aire quelque
démarche qui d'ailleurs s'accommoderait au peu d'incli-
nation qu'il a de conclure. Elle ne [ratait point avoir d'autre
principe que la jalousie des forces de Elance, ou quelque
complaisance pour nos ennemis.


3i> Le même au même.


1,-inilrce Ci iui'i] lir..-'.„


....L'on a d'ailleurs jeté celle nuit force libelles qui excitent
le peuple à faire sentir aux catholiques le même traitement
que le duc de Savoie a fait sentir aux Vaudois ; ce qui leur
cause une grande alarme et a obligé quelques-uns des prin-
cipaux à me demander une relation de ce soulèvement pour
la faire impr imer , et par là désabuser le peuple, persuadé que
toutes les cruautés imaginables ont été exercées contre leurs
frères, quelque.impression contraire que j 'aie voulu donner ,
-oit à nies commissaires ou à beaucoup d'autres personnes de
condition qui m'en ont parlé. 11 aurait élé assez à propos que
j'eusse (ité plus informé des particularités pour satisfaire les-
dits catholiques; rien néanmoins n'est capable de les mettre à
couvert de. la rigueur des lois pénales a n c i e n , ' , ment établies
contre eux, qu'un pardon du duc de Savo ie .




irr^TOTlIQTJES. Ù20


i" l.c m fine au même.


li semble que, pour le fomenter (l'enthousiasme), l'on a
pris tant de soins de faire une levée sous le nom d'aumône qui
suffirait pour entretenir des troupes considérables; l'on ne
saurait encore savoir à quoi elle se monte, mais à juger par les
charités de Londres, elle doit être excessive ; personne n'en a
été exempt; les soldats même ont voulu paraître charitables,
et les prédicateurs n'ont rien oublié pour exciter de l'aigreur
contre cette prétendue persécution, sans épargner, en beaucoup
Je chaires, la France, ni omettre l'exemple de la Saint-If arthé-
Icnty. .le dois voir cette nuit le ministre Stoupe, qui m'a fait
offrir par le Suisse dit tue décoin rir de grands secrets sur celte
maliere, et de servir désonnais la France.moyennant récom-
pense: pour laquelle il veut par avance trois cents livres ster-
ling; quoique son crédit ne soit pas capable de faire lapaix ou
la guerre, néanmoins, je me suis laissé persuader de les con-
signer entre les mains dudit Suisse, pour lui être délivrées
après l'avoir entretenu, si je trouve qu'il les puisse méri ter ;
jugeant plus à propos, dans l'étal présent de ma négociation,
d'hasarder celle somme, [tour laquelle Sa Majesté ordonnera,
s'il lui plaît, le remboursement, que de rebuter un homme
qui, étant enipîoyé par M. le Prolecteur dans ses desseins tou-
chant ceux de la religion pi étendue réformée, pourra donner
quelque mémoire utile. Je crois qu'il .aurait été plus avanta-
geux de faire un présent à mon principal commissaire, qui
est présentement l'un des chanceliers du grand sceau; il fut
mandé de la campagne [tour ce sujet plutôt que pour notre
Imité, cl incontinent après son établissement, il recul le ser-
inent du premier juge d'Angleterre, que M. le Prolecteur a




M i l 1 ) 0 0 0 V C R \ Ï S
établi en la place de l'ancien qui a remis sa commission pour
ne pas juger contre les lois du pays. Ce même scrupule avai
porté les trois commissaires du sceau de renoncer à leur em-
ploi , mais l'un d'eux a été persuadé de, continuer avec ledit
commissaire; ci-devant colonel du Parlement, et qui s'atten-
dait seulement d'être garde du privé sceau.


5° Le même au même.


Londrtjs, S juillet Ke'ti.


. . . .Les discours et rapports qui m'ont été faiis sur le soulè-
vement des Vallées me donnent la pensée qu'il (leProtecteur)
voudrait proposer l'échange de ce pavs et offrir ses offices, afin
que Sa .Majesté ne parfit point l'avoir recherché ; ledit ministre
m'assure qu'il lui arrivait demain une lettre sans seing qui
témoignait que l'intention desdjls Vaudois était de prendre ce
parti s'ils ne pouvaient s'ériger en république; et celle offre
d'entrer en communication des moyens de les secourir et de
prendre des mesures sur cette affaire, qui établirait, une plus
étroite amitié entre les deux nations, ne semble poinl se devoir
entendre autrement.


0° Le cardinal Mazarin à M. de Bordeaux,


S o e s i m s , 1) juillet 10.V1.


Monsieur,


J'ai reçu votre lettre du I " de ce mois. Le fini approuve
ce que vous ave/, fait avec le ministre Stonpe, et l'on a donné
ordre au remboursement des trois cents livres sterling que
vous avez promises. Je me remets du surplus à M. le comte




H I S T O R I Q U E S , 531


7» -1/. de /fardeaux à AL de firieune.


I . n u j r . s , 25 I l l i U l t t W*.


. . . . Il me semble assez à piopos de prendre eueore patience
j i M p r a ee ienips, aliu qu'au muins le Protecteur ne puisse
p es tirer avantage de ee zèle de religion qu'il affecte, pour se
conserver dans le crédit par les mêmes voies qui l'ont, élevé
au liant degré de puissance dont il est revêtu ; sa politique
s'accommoderait assez bien avec une guerre dans iesdites
Vallées} et j 'a i reconnu, par le discours de l'un de mes com-
missaires, et par quelques avis qui m'ont été donnés, que l'on
|.unirait bien engager les cantons des Suisses protestants à
recourir leurs voisins. Le voyage du colonel Mev et son pro-
cédé fort plein de réserves m'ayant d'ailleurs donné, de l'om-
leage, quoiqu'il a f f e c t â t un grand zèle pour le service de la
France, je lui découvris mes défiances sous le titre d'avis cer-
tain qui m'avait été donné de quelques propositions que ces
seigneurs avaient fait faire par lui à ce gouvernement; après
'en être défendu quelque temps, se trouvant pressé par quel-


ques particularités, il m'avoua que ses supérieurs l'avaient
t'ait passer eu Angleterre pour assurer M, le Protecteur que,
s'il voulait envoyer de l'argent auxdits soulevés, les Suisses
fournil a i e n t des hommes, dont ils se trouvent beaucoup char -
gés; qu'il avait exécuté ses ordres, même donnés par écrit,
s u r celle proposition, et qu'il a été résolu d'envoyer en Suisse
un ollieier de l 'armée, pour aviser, avec les députés des can-
tons protestants, aux moyens de rétablir, avec sûreté pour
l'avenir, les habitanis desilit.es Vallées; que cependant on leur
feiait tenir dix mille Jures sterling tous les mois, sans eu


•.!<• Rrioime, qui Mm. - ; mandera plus particulièrement les in-
lenlious «le Sa Majesté.




532 !10f t-UKNTS


(kTuiir le D o m i n e , et qu'il parlirail domain pour se trouver
en M i n pays en même temps que l'envoyé de .M. le Protec-
teur . . . .


(El p l u s l ias :)


Le Protecteur a bien la vanité de vouloir passer pour dé-
fenseur de la foi, quoiqu'il n'en prenne pas le titre. Il se
Halle aussi que nos prétendus réformés niellent en lui toute;
leur espérance ; ce n'est pas qu'il ait paru ici aucun homme
de leur part, et je ne trouve point que mes lettres aient accusé
1 arrivée de ce colonel dont il est parlé dans voire dernière:
cet avis doit, être venu d'ailleurs que de moi. et. de quelqu'un
qui a [iris le colonel Mey pour français - le ministre Sioupe
prétend être le seul négociateur, et ne se cache point d'avoir
commerce avec l 'ambassadeur d'Espagne, offrant de le discon-
tinuer si S. E. le désire, fl m'a paru [ibis à propos de le
soulfnr et de m'en remettre à sa bonne foi, sur laquelle je
ne nie repose pas beaucoup, mais il est bien difficile de se
garantir entièrement d'être trompé par telle sorte de gens. Il
m'a rapparié que lundi dernier Barrière le mena chez l'am-
bassadeur, qui lui proposa d'aller en Savoie pour distribuer
quelque, argent aux ministres des soulevés, que le marquis... .
lui remettrait en main, et qu'il a refusé celle commission, sili-
ce que n'étant point envoyé en ces quartiers par le Protec-
teur, son voyage ne pourrait qu'être suspect ; il me parle, en
mêmes termes que le colonel -Mey, des intentions de ce gou-
vernement, assurant qu'il souhaiterait plutôt la guerre que la
paix en ces quartiers, et que, si Sa Majesté ou si M. le duc de
Savoie ne presse l'accommodement devant l'arrivée de l'en-
voyé du Protecteur qui ne doil point passer par franco, cette
alfaire recevra beaucoup de traverses, tous les Etats protes-
tants et l'Espagne étant bien résolu,-;, par dilféreuls princi-
pes, de ne rien épargner pour entretenir ce feu. Son avis est




r i I S T O K T Q t ' E S , 5 3 3
aussi qu'avec dix ou douze mille francs l'on gagne quelques


ministres qui disposent des esprits de cette populace.


-S" Le même au même.


L'jiiitrcf, K aoùl ltt!ï!î,


. . . .L 'ambassadeur de MM. des filais généraux m e t é m o i -


gna, dans la visite qu'il m e rendit au commencement de cette
semaine , pour m e congratuler de la prise de Landreeies ,


qu'il était à souliailer qu'auparavant l'arrivée e n Su isse , tant


de la part d'Angleterre que de ses supérieurs , ces soulève-


inenls fussent apa i sés ; m'insinuant qu'il n'était pas i i n p o s -
-ible de faire passer des troupes contre le duc de Savoie ,


quand les Suisses ne voudraient pas assister les rebelles. Celte
menace , que je reçus avec le mépris qu'elle mér i t e , n e fait
que découvrir davantage la grande correspondance d'en Ire


-es supérieurs et cet Liai sur le point de la rel igion, quoique


les motifs des uns et des autres soient bien différents. Le
secours d'argent qui devait partir d'ici n 'es t pas encore prêt ,


et la. charité des provinces a si peu répondu à celle de Londres


que le fonds n'approchera pas de la s o m m e dont mes précé-


dentes ont parlé. Il lii l publié la semaine passée une. o r d o n -


nance pour exciter le peuple , que les premières semonces


iront point touché, à ouvrir leurs bourses, cl l'on continuait
de prendre grand soin pour assembler u n secours d'argent


considérable.


'.)•• Le cardinal Alazarm à M. de Bordeaux.


i 'Cn-ir. l u . ,.


Je vous pins dire , pour ce qui est de l ' accommode-


ment dc< Huguenot» de la vallée de Luecrne , que si ce» yeus-


• io,




m n O H ' M F N T S


là se veulent contenter rie choses raisonnables, et au delà,
.M. le Protecteur, uni témoigne de prendre tant de part en
.icur protection, aura grand sujet d'être content des offices que
Sa .Majesté a si utilement interposés en leur faveur au près de
M. le duc de Savoie; mais comme l'on a sujet de soupçonner
qu'on veut se servir de ce prétexte pour voir si l'on pourrait
émouvoir fous ceux qui professent la religion prétendue ré-
formée, si l'on voit que ces gens-là s'opiniàlrent à ne vouloii
point d'accommodement et que l'on vise à cette émotion, le
roi, après avoir donné tant de marques de sa sincérité et de son
affection, sera obligé de prendre d'autres moyens pour s'op-
poser à ce mauvais dessein. Je ne vous dis pas le détail île ce
que M. le duc de Savoie a fait à l'instance du roi, ayant donné
la carte blanche à îM. le président Servien pour ajuster cette
ntfaire, parce que je ne doute pas que M. de Lîrienne ne vous
oii ait informé


•lu» 1/, de Bordeaux à M. de Brienue.


Londres, 2fi ,ic,ùl lrVis,


....Le secrétaire d'Etat et d'autres minis t res . . . . ont témoi-
gné que leur honneur et conscience seraient blessés s'ils pas-
saient outre à la signature de notre traité devant la pacifica-
tion desVaudois de Savoie. C'est, monsieur, avec beaucoup
de raison que l'on peut croire qu'elle n'est désirée ici qu'à n
apparence. La lettre qu 'aura présentée au roi le sieur
Powning ne fera point changer de sent iment - et j 'a i eu
tout sujet d'en être persuadé tant par le procédé que par le
discours de M. le Protecteur qui , en diverses rencontres, a
parlé de Nice et de Yillefrariclie comme de places où il était
facile tle débarquer ; ce que je n 'a i pas contesté, m a i s bien
le passage dans le Piémont.




535


1 !•• M. de Bordeaux au, cardinal Mazarin.


Monseigneur,


J'ai reçu ce soir les deux lettres en date des 15>« et 22 ' -d 'août ,


dont Voire E m m e n é e m'a honoré ; e l les ne m'obligent pas de


rien ajouter à mes précédentes et à ce que j'écris aujourd'hui


à M, le comte de Rr ienne , touchant la disposit ion de ce gou-


vernement, à l'égard de la France , et ses sent iments sur le


soulèvement des vallées de Savoie ; s eu lement assurerai-je que
j e n'ai pas m a n q u é de faire, connaître les offices que Sa, Ma-


jesté avait ordonné , à M. Servien l 'ambassadeur, de passer en


faveur des Vaudras, et le peu d'apparence qu'il y avait qu'au-
cun telat les piît garantir d'une ruine entière si le roi les
abandonna i t , cl, s'ils refusaient les conditions avantageuses


que le duc de, Savoie leur veut accorder en sa. considérat ion.


M. le Proleeloin et s e s ministres sont sans doute assez infor-
més de la charité de c e pays pour avoir perdu la pensée qu'il


leur pût être euvoyé aucun secours d'ailleurs que des Suisses
protestants, qui ne sont pas en état d'entreprendre une guerre


contre leurs alliés pour une cause, si injuste et dans un temps
que leurs peuples sont disposés à un nouveau soulèvement .


Ce n'est pas que d'abord l'on n'ait ins inué qu'avec de l'ar-


gent il serait facile d'engager des particuliers d'y passer de.,


iroupes, et que m ê m e les religionnaires des devenues et du


hauphiné leur donneraient de l 'assistance; mais aujourd'hui
M. le Protecteur semble avoir, pour premier but de s e s di l i -


gences , le désir de paraître fort zélé pour la cause des r e l i -
g io imaires; cette réputation lui est assez nécessaire auprès de


e c t i v qui maint iennent son gouvernement , et Ses minis tres


Je - ; Etats étrangers qui s o n t de la m ê m e profession de loi l'en




m n o n j M K N T s


ont assez flatté j)our lut taire naître l 'ambition de passer pour
leur protecteur, et remettre la signature du traité de F r a n c e ,
sur le seul prétexte de religion, encore que ceux qui e x a m i -
neront de près sa conduite, depuis que la puissance d'Angle-
terre est t o m b é e en. ses mains, puissent facilement reconnaître
qu'il a. eu d'autres motifs que la religion ; néanmoins plu-
sieurs ne laissent pas d'en être persuadés, et il ne s'oublie eu
rien pour donner cette impression au peuple.


J2° . ) / . de Bordeaux à M. de, Brienne.


L u i i l i c , l l i s u p t u n b r i : I C . b .


Ma dernière lettre a fait savoir que le secrétaire d't'.lat
avait reçu avec quelque froideur la nouvelle que je lui avais
envoyée de l'accommodement des vallées du Piémont: il on
a depuis parlé avec peu d'approbation, el l'on peut, feuir iiour
certain que M. le Protecteur s'attendait d'y avoir meilleure
part ; de quoi se voyant privé, et n'osant avec bienséance s'en
plaindre, il s'en prend aux conditions du traité, comme si
elles étaient entièrement désavantageuses aux habitants dos-
dil.es vallées, el n'aient été reçues que par la nécessité que
leur a imposée M. Servien l 'ambassadeur. Quelques un-
uislres en parlent on ces mêmes termes, e l le dernier de se;
etivovés en Savoie, partant de la cour, a écrit que l'accom-
modement était' pire que le massacre : il se dit aussi que les
lettres du roi traitent avec un peu trop de. hauteur ; c'est
dont il ne m'a rien été témoigné; mais le bruit qui s'en r é -
pand, et le silence dudit .secrétaire, lorsque, je l'ai l'ait mettre
sur ce sujet, ne laisse pas heu de douter que ce ne suit le
sentiment de son mai Ire. Je les laisserai digérer ces petits
mécontentements, sans leur parlerd allàue- ; >eulciiicrit<:outi-
nucrai- jc , lorsque l'occasion s'en présentera, de faireconuailic




t l I S ï O K I Q l ' K S . ">37


que Sa Majesté n'a point cluuigé Je résolution à l'égard do
l'Angleterre.


1.'!" Le même au même.


Londres , 25 sq. terol . re 1655


Suivant 1rs bruils publics , il se doit l'aire ra ie petite assem-


blée de tous les envoyés des Etals p io te s tau l s , pour alfermir


par une protestation la paix que le due de Savoie a accordée


à ses sujets. Néanmoins l ' u n de mes commissa ires assure que


le dernier envoyé d'Angleterre a ordre de retourner, et même
continue de parler de l 'avantage mutue l (pie la France et
l'Angleterre retireront d'une étroite al l iance, faisant entendre


que .M. le Protecteur, avec un secours considérable d'argent,


pou irait continuer ses desseins dans les fndes . Les derniers


ordres qui m ' o n t été envoyés sur semblable* ouvertures n e
me donnent pas heu de croire que Sa Majesté voulût c o n t r i -


buer aux frais de cette guerre . Je n'ai point relevé le d i s -


cours que ledit commissaire peut avoir tenu pour m'en ire -


lenir toujours de belles parole», et. plus vraisemblablement


pour pressentir quelle est la présente disposi t ion de Sa Ma-


jesté; mais je suis demeuré dans des offres, en ternies géné-
raux, de ses forces et de sa puissance , alin de n e point ôter


l 'espérance qu'elle ne pût être portée à ce qu'autrefois j'ai


proposé de sa part.


t i° Le même au même.


Londres , 7 ocloL.u ir .55.


M. le Protecteur n'est pas satisfait du traité de S a v o i e ;
mats ce mécontentement procède de ce qu'i l ne parait point




D O C U M E N T S


y avoir ou aucune part, s'il est vrai, suivant le rapport qui
m'a été fait, que sa dernière maladie, de laquelle son esprit
n'était pas moins attaqué que le corps, fût en partie causée
par le chagrin d'avoir si mal réussi dans le dessein des Indes
•Hen Savoie.


(Et plus bas :)


Je me suis tenu dans des termes généraux, sans répondre
à la nécessité d'argent dont l'on ne me fait point de mystère;
et il semble que, pour reconnaître si j'ai pouvoir de la sou-
lager, l'on ait ouvert la dernière lettre qu'il vous a plu de
m'écrire le dO passé. Elle aura été l'espérance de secours.


(Dans une dépêche suivante, du 14 octobre :)


J'ai reconnu assez de froideur depuis que je n'ai pas pré-
cisément répondu à quelque discours d'argent qu'a tenu l'un
de mes commissaires.




H I S T O R I Q U E S . 5 3 9


XX


( P a g e m.)


i" Don Alonzo de Cardenas au roi Philippe IV,


Londres , 12 aoûl 16135.


Sire,


Dans ma dépêche du A de ce mois, j'ai rendu compte a
Y. M., par la voie, secrète de France, de l'échec que les
Anglais ont subi dans l'île de Saint-Domingue et des diffé-
rentes versions qui couraient ici à ce sujet. Le 6 de ce mois,
j'ai envoyé un duplicata de ma dépèche, désirant que Y. M.
fi'ii le plus tôt possible instruite de la déconfiture de ce projet
contre les Indes, accompagnée d'une si grande perte d'hommes
et si fatale à l'honneur de l'Angleterre. Quoique cet événe-
ment soit encore raconté de. diverses manières et confusément,
car les hommes du gouvernement cachent les détails, cepen-
dant ayant obtenu la copie d'une lettre écrite par un officier
de la flotte à un de ses amis, je la transmets à V. M. avec la
présente, le récit qu'elle contient me paraissant le plus vrai-
semblable de tous ceux qui ont été publiés.


Par cette relation, V. M. verra comment, après avoir été
repoussés de l'ile de Saint-Domingue, les Anglais passèrent à la
Jamaïque et y entrèrent sans rencontrer aucune résistance,
attendu que tous les habitants s'étaient retirés, avec tous leurs
biens, dans les bois des montagnes. Le Protecteur, qui n'at-
tache pas une grande importance à ce succès, ressent vive-
ment l'affaire de Saint-Domingue, non-seulement parce que
un plan aussi eoûteiiv a échoué, mais parce que ses mauvai-
s e s intentions oui été ainsi mises à no, sans autre résultat




"40 DOnrArKXTS


que do l ' a v o i r exposé à une lionle universelle qui rejaillit sur
lui. prier avoir commis une perfidie aussi abominait!.:1 que
d avoir attaqué les possessions de Y. M., au lieu de la r e c o n -
n a i s s a n c e qu'il devait pour Ions les honneurs et faveurs dont
\ . M. l'a tant de fois comblé, et cela sans aucun anlre motif
que celui de sa méchanceté et de son avidité. Quelques per-
sonnes de son Conseil ont assuré qu'elles étaient opposées à
cette expédition et qu'elles avaient cherché à en détourner le
Protecteur, mais qu'il les évitait précisément lorsqu'il s'occu-
pait de la mise à exécution de ce projet. Maintenant ses par-
tisans vont disant que cette expédition a été' faite parce qu'il
n 'y avait pas de paix a v e c Y. M. au delà de la Ligne, et lors-
qu'on leur répond que l'île de Saint-Domingue et les autres
îles du Vent sont de ce côté ci de la Ligne, ils répondent
qu'il ne s'agit pas de la ligne équinoviale ni d'aucune autre
dont on axait parlé auparavant, comme celle du tropique du
Cancer, mais d'une ligne fictive, imaginaire, qui sépare celles
des possessions de V. M. dans lesquelles les Anglais font leur
commerce d'avec celles où ils n'en font pas, et que dans les
premières il y a paix, tandis qu'il n'y en a pas dans les autres.
Toutefois, tous ceux qui s'en tiennent aux articles du dernier
traité de paix reconnaissent la futilité de cet argument, ainsi
que de celui qu'on allègue on disant que. c'est l'Espagne qui
a attaqué la première, lorsque don Fadrique. de Toledo prit
possession de l'île de Saint-Christophe ( San Cristobal ; e n
chassant les Anglais qui l'habitaient, et lorsque le générai
Pimieitta s'empara de file de Sainte-Catherine (Santa Cala-
lina) pendant que le Parlement était tout occupé de sa gnon e
contre le roi. Aussi cette e x c u s e n'est pas généralement
admise, ces cas étanL entièrement dtlférenls, attendu que la
conquête do ces îles n'a été qu'un recouvrement, et que V. M,
a pu le faire, c e s des ayant autrefois appartenu à \ . M.


Les négociant-! de. Londres sont dans la plus grande inquié-




i lTSTolljQliE.S. P i U


(inlc; ils n'osent plus envoyer «les marchandises dans les
Kl al s de V. M., craignant que ces commencements de rup -
lure n'aboutissent, à une guerre o n ver le. Quant à moi, consi-
dérant l'état crili(|iie île ces alla n'es ainsi que la siluation des
c l i n s e s en Espagne, «pu n'esl pas telle qu'on puisse en!re-
prendre une nouvelle guérie, considérant qu'il est dans l ' i n -
térêt du service de V. i l . que ces affaires soient arrangées à
leur début en amenant le Protecteur à renoncer à son projet,
je travaille, tout en attendant les ordres de V. if., en secret
et avec tout le /.èle qu'exige une affaire de cette importance
et l'honneur de l'autorité de Y. i l . ; et je cherche, à l'aide
d'une personne de confiance, à faire comprendre à quelques
membres du Conseil qui nous sont favorables l'injustice de
leur cause et les grands désavantages qui peuvent résulter
pour l'Angleterre de la poursuite de ee projet si peu attendu
et s i pieu nierile par IT.spaeue; je leur fais comprendre qu'il
nous serait moins préqudiciable d'avoir allaire à un ennemi
i-morl qu'a un ennemi caché, lequel ne pourrait jamais f a i r e
quelque chose de pis que d'attaquer les Indes et les flottes de
V. M. Ces personnes, me dit-on, donnent à entendre qu'elle;
.oient la chose de la même manière, et. qu'elles condamnent
la conduite du l'colecleiu . line de ces personnes (membre du
Conseil) est allée jusqu'à dire que 1 envoi de cette llolle était
une rup l l i r e préméditée.


Je ne sais quel ell'el produiront mes démarches; mais si
par hasard le Prolecteur s'obstinait à persévérer dans son
dessein sur les Indes (chose pour laquelle je ne lui vois pas
o i M i i c o u p de disposition, à cause du manque de moyens) ou
dans le projet de conclure un traité avec la France (ee que
d ins ce inoineui-ei il ne l'ait pas, bien que, à l'occasion de
l'allàire de Saint-Domingue, le bruit d'un ai rangement pro-


i b a i n ait couruj. on s'il persistait à ne pas renouveler la paix
ii m u n i s qu'on ne lui accorde les points du commerce des


i . o . : ( i




DOCL' .MKNTii


Indes et de l 'Inquisition, il sera nécessaire que V. M. su
décide, dans tous ces eas, à me l'aire dire ee que je dois faite
et à m'en informer aussitôt, aliu que je puisse me guider
dans une telle conjoncture et atteindre le succès que j'ai tou-
jours cherché pour le service de V. i l .


2» Le même au même.


Sire,
En continuant de rendre compte à V. if. chaque semaine


le tout ce qui a heu dans ee pays, je le fais aujourd'hui par
la voie secrète de France, pour dire que, relativement a l'af-
faire dontj'ai parlé dans ma dernière dépèche, il n'y a rien de
neuf. Depuis ma dernière j'ai continué à disposer IcsdiK
membres du Conseil en notre faveur, aliu qu'ils soient tout à
fait bien préparés lorsqu'il m'arrivera des ordres de Y. if. au
sujet, des dépêches que j'ai envoyées, lesquels ordres ne peu-
vent plus tarder à arriver. On aperçoit de bonnes disposition-1


chez les membres du Conseil, mais elles serviront à peu de
chose si l'on ne parvient pas à amener le. Protecteur à céder
sur les points de l'Inquisition et des Indes; loule la dil'lienllé
tomberait alors. Autant que je puis le comprendre, on n e
veut pas ici avoir la guerre avec V. M.; on désire plutôt, con-
server le dernier traité de paix, et attendre une bonne occa-
sion, une chance pour commettre une iniquité égale à celle
de cette année, ou plus grande encore; connue on commit
déjà leurs intentions, il ne sera pas dilïici'e de prendre
dans les Indes des mesures de nature à pouvoir résister à leur
invasion; et quan ta ce, qui peut se passer en Europe, il fail-
lira agir avec la prudence, le soin et la vigilance que com-
mande leur perfidie, aussi longtemps qu'il conviendra de




iii 'STORÏÛuiCS. 51)


diss imuler en al leudaut que les affaires de la monavrhie pren-


nent une meilleure tournure .


Il y a cinq jours un navire expédié par la flollc de Penn
est arrivé, i c i ; les nouvel les qu'il a apportées sont tenues si


secrètes que je ne. saurais dire à V. .M. avec eerf i ludc ne que


r'esi ; mais à en juger par le soin qu'on met à les cacher an


palais et par le chagrin et l'abattement qu'on voit au Protec-
teur, on peut conclure qu 'il y a que lque probabil ité à ce qui


commence à transpirer, savoir que. les habi tants de la Jamaï-
que sortis de leurs forêts ont. te l lement m a l m e n é les Anglais
qu'ils les ont forcés de quitter Pi le . Je ne pourrais cependant


donner à V. M. cette nouvel le pour certaine à. m o i n s que j e


n'en reçoive la confirmation. Ce qu 'il y a de certain, c'est (pie
le lendemain de l'arrivée du navire , le Protecteur se renferma
a midi cl ne voulut voir personne jusqu'à la n u i t , s'élant


.-oimiis à un jeûne r igoureux pour rendre plus favorables les


nouvel les qui doivent lui ai river de ses flottes. C'est surioul
(el le de Penn qu'on s'attend à voir ici procha inement . Pans


• e l l e de Blake, d i t - o n , la peste fait des ravages ; six frégates
quoi a détachées de sa l loile et envoyées ici sont venues char-
gées de m a l a d e s ; il est à craindre qu'elles ne communiquent
ia contagion à tout le pays et que Dieu ne veuille punir par
ce fléau les n iéchanles aidions de cet homme. On parle e n -
core, de son intention d'équiper d'autres bât iments pour les


envoyer aux Indes; mais ce ne si ru pas facile, à en juger par


les dispositions des soldats et des marins , et par suite du


manque de moyens pour les équiper .


11° Le même au même.


C u M t l K - : , 4 «« lu i re 10t.»


S , r e ,


Je ( o n t u n i e de rendre compte à V. M. chaque s emaine ,




nOCUMKNTS


par la voie secrète, de Franco , de tout ce qui se passe dans ce


pavs alin que V. M. ail connaissance de l e n t . Fa présente va


informer A . M. de ce (pie j'ai pu apprendre depuis ma der-


nière du 27 du mois passé.


Le Conseil d F ia t , après avoir entendu en présence du Pro-


lecteur le récit que lui firent les deux généraux T'enn et Vc-


naliles au sujet de l'expédition des Indes et les détails de


l'échec subi dans File d'Hispaniola (Saint-I)nmingue) , a trouvé


leur conduite mauvaise et a attribué l' insuccès de l'expédition


à cette c o n d u i t e ; il a trouvé éga lement mauvais qu'ils fussent


revenus en .Angleterre sans la permiss ion du Prolecteur , per-


miss ion nécessaire, d'après les instructions qu'ils en avaient


reçues . Le Conseil d'Ftal. a donc, pris la résolution de les em-


prisonner dans la Tour de Londres et de leur intenter un


p r o c è s ; on croit qu'ils seront, sous p e u , mis en jugement et


t rai tés avec r igueur, si l 'on en juge par la colère dont le Pro-


tecteur se montre an imé contre, eux, n o n - s e u l e m e n t pane


qu'ils n'ont rien l'ait de ce qu'il leur avait ordonné, mais en-


core parce que , par suite de leur retour en Angleterre, les


nouvel les des malheurs et des misères que- la Hotte a subis


dans les Indes oui été répandues dans le. public. Le peuple


parle à cette occasion avec, dérision et dédain des résolutions


du Protecteur et de ses plans ; or ce n'est pas ce qui le tour-


mente le m o i n s ; aussi pour faire comprendre que , s'il n'a pas


l'ait la complète 'de l'ile de S a i n t - D o m i n g u e , ce n'a pas élé


faute île préparatifs, de mesures et d'ordres de sa part, mais


que c'est u n i q u e m e n t la faute des chefs qui devaient les exé-


cuter , il les a envoyés à la Tour de Londres , alin que tout le


monde voie que ce n'est pas lui qui a élé. cause d e l insuccès,


niais que c'est la désunion des généraux et leur manque de


mérite qui ont amené la perle des troupes et de la flotte. Jus-


t i n ' à présent on n'a pris aucune résolution dans le Conseil


i l ' f . tal sur la question de savoir s i le dessein contre les Indes




I I I . S r O n l Q I T S . 54..-


S ' i c i poursuivi ou non ; et quoique l'on croie que lu nouvelle
de l'embargo que Y. Al. a l'ait mettre sur les propriétés des
Anglais précipitera l'exécution de ce dessein, non-seulement
ou n'a pas délibéré, en Conseil sur ce point, mais encore ou
n'a pas eu recours, en guise de représailles, au séquestre des
propriétés des sujets de V. M. qui résident en Angleterre, et
c'est ce qui donne lieu à beaucoup d'observations. Les négo-
ciants de Londres, qui l'ont le commerce dans les Étals de
V. M., sont allés parler au Protecteur et lui ont proposé d'en-
vojer un ambassadeur auprès de V. Aï. chargé de négocier
la levée de l 'embargo sur leurs propriétés; mais ils n'ont pas
réussi ; il leur a répondu qu'il ne pouvait pas empêcher
V. AL de lui taire la guerre si tel était le désir de, V. AL,
comme on pouvait l'inférer du séquestre mis par ordre de
V, AL, mais qu'eux, les négociants, ne pouvaient pas raison-
nablement se plaindre de lu i , Protecteur, attendu qu'il
avait fait avertir secrètement plusieurs d'entre eux qu'ils fe-
raient bien de mettre leurs capitaux à l'abri en les retirant de»
Etats de Y. AL; que, s'ilsne l'ont pas fait à temps, ce n'élait
pas sa faute, et que du reste il ne paraissait pas que la consi-
dération de leurs pertes ou prolits dût retarder les mesures
d.étires par l'intérêt de l'Etat. Il a ajouté que, si Dieu lui avait
accordé le succès dans les Indes, il croyait qu'on n'aurait pas
mis d'embargo sur leurs propriétés en Espagne. Peu de temps
après, le Prolecteur a fait venir les principaux négociants et
leur a proposé de contribuer tous par leurs ressources à équi-
per une Hotte, comme les négociants de Séville et de Cadix
avaient fait pour s'opposer aux desseins de l 'Angleterre, disant
que de, cette manière non-seulement ils pourraient s ' indem-
niser et se venger du tort que V. AI. leur a fait en mettant
le. séquestre sur leurs propriétés, mais encore qu'on pourrait
donner suite au projet de l 'occupation de l'île d 'IIispaniola.
{«•s négociants ont répondu en s'excusant ; ils ont dit qu'ils.




5 1 * i D O C I i l K . \ P S


n'en avaient pas 1rs moyens, attendu que leurs propriétés
étaient séquestrées et que leur commerce eu Espagne leur
manquait absolument ; que le cas des négociants de Séville et
de Cadix contribuant à l 'équipement il'uno Hotte était bien
diltérent du leur, car pour ceux-là il s'agissait de mettre en
sûreté une flotte des Indes dans laquelle ils avaient de grands
intérêts, taudis que les négociants de Londres, en contribuant
à la création d'une autre flotte, ne pouvaient empêcher l'em-
bargo sur leurs biens ni dégager leurs marchandises, et qu'au
contraire cela, pourrait irriter V. M. et empirer la situation.
Après avoir parlé ainsi, les négociants prirent congé du Pro-
tecteur et la conversation n'alla pas plus loin.


Quanta la flotte de l'amiral Iflake. voici ce que j'ai entendu
dire. D'après les dernières nouvelles , il se trouvait, dans le
fleuve de Lisbonne où il réparait ceux de, ses bâtiments qui
eu avaient besoin ; et il est parti d'ici des ordres portant que
six frégates, que l'amiral avait envoyées ici chargées de mala-
des, devaient retourner le rejoindre. (In croit que, si à l 'hune
qu'il est, elles n'ont pas encore quitté le port de Plymoulh où
elles se trouvaient pour cause de réparation, elles ne tarde-
ront, pas à le faire avec le premier vent. Trois autres navires
chargés de. vivres et destinés à ravitailler lilake attendent,
dil-on, depuis plusieurs jours le moment du départ, mais il v
a. beaucoup de personnes qui pensent le contraire. On a
ordonné d'appareiller en toute hâte quinze autres bâtiments,
et l'on croit qu'ils sont destinés comme renforts à la même
Hotte; toutefois beaucoup de. personnes pensent que Itlake
reviendra bientôt, attendu qu'on aurait appris dans quel mau-
vais état se trouvait sa flollc, par les récits qu'en a faits un
navire marchand anglais venant de Lisbonne. Le Protecteur
est, rétabli de son indisposition cl ne parle que de guerre, cl
comme, quoi il doit l'aire la coiiquèle de Imites les Indes lors-
qu'il aura équipé une autre grande Jlolie; m a i , ; comme le.-




in,s'l'OrU(JUES, M 7


paroles ne coulent non ot t [u i • , pour evérntov ce. que l'on dit, il
fuit beaucoup de choses, il se peut que tous ces propos ne
soient, que île la politique, c a r , dans ce moment, on ne voit
pas comment on pourrait r é u n i r quatre, millions d'écus qui
est la somme à laquelle se. monle le devis qu'on en a fait et
qui serait nécessaire pour cette, expédition que le Protecteur
annonça; vouloir préparer.


11 est venu, avec la flotte de l'amiral Penn, quelques m a t e -
lots espagnols qui avaient été pris par les Anglais, se rendant
à file de. Saint-Domingue; entre, autres un natif des Cana-
ries, qui depuis vingt-six ans a vovagé dans les différentes
parties des Indes et parait bien les connaître. Cet homme m'a
rai oufé que les Anglais qui sont restés à la Jamaïque sont au
nombre de trois à quatre mille, car on en avait fait venir un
urand nombre des colonies voisines, et que Penn en revenant
en Angleterre avait cherché à savoir si les galions ou la flotte
de la .Nouvel le-Kspagne avaient déjà passé, et qu'il avait appris
que ladiie flolle était entrée à la Havane deux jours avant sou
arrivée dans ces parages-là; mais que quant aux galions il
n'avait rien appris, et qu'ainsi il a continué sa route, pour
l'Angleterre. Ce matelot pense que les galions ne sont pas
MuJis de Carlhagcne et qu'ils ne pourront pas le faire avec
sécurité tant qu'il n'y aura pas de flotte espagnole, pour les
escorter; car indépendamment des douze frégates restées à lu
Jamaïque, on avait armé tous les bâtiments qui leur appor-
l lient des approvisionnements et d'autres encore qu'ils avaient
p r é aux Hollandais aux Barbades, et de celle manière le nom-
bre de tous les bâtiments (anglais) se montera à 27 navires
an moins. Cet homme m'a dit encore que. pendant qu'il était
prisonnier des Anglais à la Jamaïque, il avait entendu dire à
quelques officiers que, parmi les plans qu ils étaient chargés
de mettre à exécutiou, il y avait celui de la prise du poste de
Sdiiit-AusUisliu dans la. Floride, parce qu'ils le croyaient facile




51N D O C U M E N T S


à exécuter, et parce que c e peint était tort bien placé pour
leurs autres buts, attendu qu'en l'occupant ils seraient maî-
tres do tous ces pavs sur la terre l'erme, ainsi que du canal
de Baliama et [ ioni raient, à ce qu'il leur semblait, empêcher
le passage des II >ltes et des galbais. Pour prendre ce poste (de
S a i ul-A u gii si m I, on ne i lev ait pas eu I t e r par le lie uve sur lequel


il e s t situé, attendu qu'il n'y a pas là. de rade assez grande
pour le nombre de bâtiments qu'ils amènent, mais plutôt dé-
barquer des troupes sur la terre l'enne, et l'occuper' ils étaient
sûrs de pouvoir le faire facilement, \ u que la garnison de ce
fort ne dépassait pas 300 hommes, qu'elle n'était pas pourvut
de munitions, qu'elle manquait de beaucoup d'autres choses
et qu'elle ne songeait pas même à la chance d'une surprise.
Quoique ces renseignements ne viennent que d'un simple
matelot, cependant comme nous \ i \ons dans un temps où il
faut lenir compie de tous ceuv qui nous arrivent, il m'a paru
nécessaire d'en faire part à Voire. .Majesté.


4- Instructions qui (loicent être etmnjées de Madrid a
don A lonzo de Canlchas au sujet de son départ de


Londres.


<M.iWo lfitlS.


Dès que vous-aurez reçu cette dépèche, vous demanderez
une audience du Protecteur, eu priant \olrc introducteur de
vous l'obtenir pour le jour suivant et en disant que vous dé-
sirez lui donner ce témoignage, de respect avant de partir
pour les Flandres, oit v iens avez 1 ordre de vous rendre im-
médiatement. En même temps v eus enverrez votre secrétaire
auprès du secrétaire d'F.lal pour lui demander un passeqioit
pour votre voyage. Vous demanderez l'un et l'autre d'au-




TirSTOTUyUES. 549


dieuee et le passe-port) de manière à pouvoir les obtenir sans
toulelois manquer à la politesse; mais si l'on N O U S renvoyait
au lendemain, vous prendrez congé du Protecteur par écrit,
sans lui dire autre chose si ce n'est que, ayant reçu l'ordre
de vous rendre immédiatement en Flandre , vous avez
cramt de n'avoir pas le temps de prendre congé de lui. Si ce-
pendant, comme il y a lieu de croire, il vous donne audience,
vous lui direz que, m'ayant rendu compte de la réponse déci-
sive qu'il vous avait fait donner le (i juin dernier, et d'après
laquelle le libre commerce dans les Indes devait changer tout
ce qui s'était pratiqué jusqu'ici relativement aux affaires de.
conscience et aux droits de commerce avec ce royaume,
cette réponse m'est une preuve que le Protecteur ne dé -
sire pas pour le moment de conclure, un traité de paix,
chose à laquelle j 'avais tant travaillé, comme il est notoire ,
que par conséquent je vous ai ordonné île passer eu Flandre,
et que, avant de te faire, vous avez voulu lui présenter vos
respects et lui dire combien vous avez toujours à cœur de
le servir. Vous direz tout cela en peu de mots que je laisse
a votre jugement et qui seront en rapport avec le caractère
dont vous êtes revêtu.


Si le Protecteur, en vous répondant, vous dit que c'est
rompre les négociations que vous avez eues avec lui pour le
renouvellement du traité de paix, vous lui direz qu'il ne sau-
rait appartenir au renouvellement d 'un traité de paix de sou-
lever deux questions aussi considérables et aussi difficiles que
les deux points stis-mentionnés, et que, s'il voulait traiter sé-
rieusement, les moyens de le faire ne lui manqueraient pas;
qu'il saurait bien où les chercher et envoyer des hommes
habiles capables de conclure un traité: que vous deviez pen-
ser qu'il ne proposerait pas de choses que les rois héréditaires
d'Angleterre n'ont jamais cherché à oblenir, et que t o u t e s les
lois qu'il insistera sur des choses semblables, insolites dans


al




'<:,<! O O I ' . C M K N ' Ï S


le- lianes lie paix, on on conclura qu'il n'en veol. pus, cl,
q u ' a i n s i votre séjour (à Londres) serait oiseux. Knlin, en
vous exprimant dan? ces ternies généraux, vous prendrez
congé de lui.


Si le Protecteur se plaignait de ce que vous n'avez pas con-
clu le traité d'alliance, vous lui remettrez en mémoire tous
les délais par lesquels il a toujours réjioudu a vos ouvertures
et la lenteur avec laquelle il a traité toute cette affaire; vous
lui rappellerez l'empressement avec lequel vous avez toujours
repris la matière et répondu toutes les fois qu'on vous en a
parlé. : vous rappellerez que lorsque le Protecteur a propose
l'entreprise sur Calais, c'était dans un temps où, de son pro-
pre avis, il était inopportun d'en parler ni de conclure aucun
arrangement, puisque c'était au moment où la campagne de
Flandre avait commencé et où mes troupes étaient em-
ployées à d'autres entreprises.


Si le Protecteur vous demande si je me plains de ce que se s
flottes ont fait, vous lui direz que, quant à celle de Ulake (bien
que vous ayez entendu dire quelque chose qui est de nature
à nous porter ombrage), vous ne savez pas qu'il y ait eu
des hostilités à son égard, qu'au contraire vous avez entendu
dire que, dans tous les ports de mesFlafs , elle a élé bien a c -
cueillie et qu'on lui a donné toute assistance et. ravitaillement
qu'elle désirait et qu'on a. pu donner.


Si l'on a conçu en Angleterre, des craintes, ou si l'on
a. reçu des avis au sujet des représailles qui ont. été- faites
ici, et si le Protecteur vient à vous en parler, vous pouvez
répondit» que, lo r squ 'on a. su ici que la flotte de Pe.nn avait
attaqué file de Saint-Domingue oh se trouvent une juridic-
tion, une. garnison et un château fort espagnol : . , j ai ordonné
qu'on usât de représailles dans mes F l a K ,-ilieudii q u e celte
couduile do la flotte anglaise dans |,. s Indes a élé un ade con-
traire, à toute justice, et sans motif aucun, et qu'à, moins que




HISTORIQUES .R>.R>I


le Protecteur ne promu clairement que cette conduite a été
contraire à ses ordres, cl ne prenne des mesures pour réparer
les perles que mes sujets ont éprouvées, je dois venir à leur
aide au moyen des représailles usitées en pareil cas.


S'il prétendait qu'il peut attaquer soit les Indes, soit les
galions, sans enfreindre les Irai lés de paix, vous lui direz «pi'il
ne vous paraît pas que moi je puisse l'entendre ainsi, ni le
monde, et que vous ne croyez pas que le Protecteur lui-
même pense que cela soit possible.


S'il venait, à vous proposer une justification de ces actes de
ses Hottes cl à vous promettre qu'il s'expliquera là-dessus
avec moi, vous approuverez cette idée, mais vous ne vous ar-
rêterez pas pour cela plus longtemps à Londres, parce que ce,
sont, les événements mêmes qui doivent être le motif de
votre départ; toutefois s'il offrait une satisfaction et s'il se
désislait des points consignés dans sa. réponse du fi juin dont
i! a été parle: plus haut, en vous priant de. rosier pour m'in-
former de sa proposition et pour traiter et conclure prompte-
ment. le renouvellement de la paix, vous lui direz que, vous,
étant un ministre de paix (car c'est là la mission d'un ambas-
sadeur), vous voyez tant de choses de nos jours s'évanouir
que, si le Protecteur vous donnait ses dires par écrit et dans
une forme que vous pussiez me communiquer en espérant le
conclusion d'un bon traité de paix, vous prendriez sur vous
de ne pas suivre mes ordres, vous m'enverriez un courrier
porteur de la réponse que le Protecteur vous donnerait, e'
que vous me prieriez de. vous pardonner d'avoir séjourné
plus longtemps à. Londres. A moins de ces circonstances,
vous ne devez pas prolonger votre séjour quand même le
Protecteur vous en prierait, quand même ses minisires cher-
cheraient à vous y faire consenlir, ou que des personnes bien
inioulionnécs vous le conseilleraient, ou qu'on voulût vous
r e t e n i r ; excepté si ou le fait eu violation de toutes les lois,




553 r u K T M R N T S
et de \i\c; f o r c e à laquelle v»us n e sauriez, résister; c a r , à
i n o u ï s qu'il n'en soit ainsi, vous ne resterez pas plus Je
quatre jours après la réception Je cet ordre.


Si l'on vous donne un bât iment , N O U S l'accepterez, niais
vous n'en demanderez pas et vous ne vous arrêterez pas pour
l 'at tendre; d'autant plus que, comme nous sommes en рак
алее la Hollande, vous pourrez effectuer votre passage sin
n'importe quel bâtiment de cette nation.


A toutes les personnes à qui il vous ai rivera de parler, mi­
nislres ou non, et n'importe de quel rang et condition, \..us
témoignerez de la peine de votre départ, en donnant à enten­
dre que je ne me plains pas des bons et vrais Anglais et que
ceux­là trouveront toujours en moi, protection, secours et
accueil, parce que j'ai toujours voulu le bonheur de ce pays,
que c'est à cause de cela que je veux être en bons rapports
avec lui, et que j 'ai fait dans ce but tant d'actes de politesse et
de bienveillance envers sou gouvernement, parce que j 'ai tou­
jours regardé l'Angleterre comme ma plus sûre amie, pourvu
que ceux qui la gouvernent s'appliquent à la rendre prospère,


Parmi les personnes de conliance que vous avez à Londres,
vous en choisirez deux, sans que Puue sache rien de l'autre,
et vous vous entendrez avec elles pour qu'elles vous tiennent,
au courant de tout ce qui se passera, et vous instruisent des
projets de Cromvvell et de son gouvernement, et des dangers
qui peuvent le menacer. Vous vous arrangerez avec ces per­
sonnes pour qu'elles vous envoient des lettres par la Hollande,
ou par un autre pays jusqu'en Flandre, pour être adressées a
don Ëstevan de Gamarra, ou sur quelque autre point d'où elles
pourraient parvenir à Bruxelles sûrement et promptcmcnl.
A chacune de ces deux personnes vous laisserez des chiffres
différents afin qu'elles puissent s'en servir au besoin; vous
| e u r f i x e r e z les appointements qui vous paraitiont con­
venables selon ce que ces pirsouues seront, en leur pavant




' [ I I S T O l U Q T ' l v S . 55:j


six mois d'avance alin qu'on puisse prendre ici des disposi-
tions d'après Mitre mis , et que leurs gratifications soient
payées selon leurs services.


Lu arrivant en Flandre, vous m'enverrez un rapport sur
l'étal des all'aires en Angleterre ; quels sont les ennemis de.
Cromvvell eu Angleterre, en Fcosse et en I r lande; quels sont
les provinces et comtés qui lui sont hostiles ; quelles sont leur
condition, leurs forces et leurs ressources, et. ce qu'on pour-
rait attendre de ces provinces si ou leur prêtait assistance. Je
ne doute pas que vous n'ayez observé tout de manière à ce
que, renseigné là-dessus, je puisse donner des ordres néces-
saires.


5° DonAlonzo de Cardeàas au roi d'Espagne Philippe IV.


Douvres , Iti 8 i i L n t m b i T lliS :V.


•Sire,


J'ai rendu compte à V. M, de l'état où se trouvent ici les
all'aires et du peu d'espoir de les voir s'arranger. J'ai parlé
«•gaiement des démarches continuelles que je faisais pour
obtenu' un passe-port. Ce que je puis dire aujourd'hui à V. .M.,
c'est que l'avant obtenu le jour suivant, dans la forme usitée
pour les autres ambassadeurs, je suis parti de Londres samedi
le Ci, entre 7 et M heures du malin, et je suis arrivai aujourd'hui
dans celte ville (Douvres), d'où je m'embarquerai à bord
d'une frégate de guerre que le Protecteur a mise, à ma dispo-
sition pour me transporter en Flandre. C'était pfus que je
n'espérais, car j'avais déjà frété un navire pour ellèctuer
mon passage ; mais comme c'était un bâtiment marchand
qui n'ollVail aucune séem lié à cause des courses des pirates
île Calais, j ai résolu rie me servir de la frégate, conformé-
ment aux ordres de Y. .M. consignés dans la. dépêche du




:•:>! D O C t ' M K X T S


Kl septembre, dans laquelle Y.M. un disait. Je ne pas deman-
der <1(- bàlmicnl , m a i s 'le l'accepter si l'on m'en ol ïhutmi,


l,o m ê m e jour , ayant envoyé r e m e r c i e r le secrélaire d'Etat


de s a dépêche , il m e transmit l'ordre du Conseil portant que


j'eusse à. s o r t i r d e ces Etats dans l 'espace de quatre jours,
•l'ai répondu de v i v e voix que j'étais très-sens ible à ce que le
Protecteur m'aidât ainsi à rempl ir les ordres do Y. M. avec
la. promptitude que je désirais m o i - m ê m e , et que la cause


pour laquelle je ne les avais pas exécutés était qu'on ne


m'avait pas délivré les passe-ports que j'avais demandés .


On reconnaît dans cette décis ion du Protecteur les allures


de. s o n régime : après m ' a v o i r renvoyé du joui 'au lendemain


pendant quatorze jours pendant lesquels j e renouvelais mes
demandes le mat in et le soir, il m'ordonne de partir tout


a coup ; il veut que ce procédé accrédite dans le peuple l'opi-


nion qu'il a v ivement ressenti la demande, que j'avais faite


d'une audience de congé , pendant que. l u i - m ê m e délibérait


e n secret s u r l'ordre qu'il allait m e donner de partir d'ici,


piqué qu'il était de l'embargo que V. i l . a fait mettre sur les


propriétés des Anglais ; et c o m m e j e l'avais prévenu par ma


demande avant qu'il eût pris sa. réso lut ion, le ressentiment


qu'il voulait mettre au j o u r par cette résolution s'est trouvé
amort i ; d'ailleurs il l'a l'a il sans nécessité et mal à proposai


tel point que. plusieurs m e m b r e s de son Conseil, qui n'y ont eu


aucune part, ont désapprouvé cette m e s u r e ; aussi r i ' a - t - e l i e


pas été p r o m u l g u é e dans les publications qui paraissent tous


les jours, et je n ' a i entendu personne qui en parlât. 11 me fal-
lait donc partir sur - le -champ. Avant m o n départ o n m ' a


assuré que le traité de paix avec la France était entièrement


arranR'é, cl ici j'ai entendu dire qu'il a m ê m e déjà élé signé;


le Prolecteur a voulu , par ta. conclusion de ce traité, consoler


le peuple qui avait vivement ressenti mon d r p a t l ; les négo-


ciâtes de Londres e( des comlés do l'intérieur sont au déses-




H i S T O i U Q U J i S . :>•>:,


poir , parlu'uliéreuii'iil ceux dos comtés dans lesquels on
fabrique dos étoffes et des draps qui se vendent en Espagne,
ils s e proposaient d'adresser des pétitions au Protecteur pour
le prier d'ajuster ce différend avant mon départ ; mais cette
démarche l'a irrité à tel point qu'il a ordonné aux comman-
dants de la milice desdits comtés et des autres, de s'informer
si I e n faisait des pétitions de ce genre et de supprimer celles
qm s ' y fêtaient, ce qui a beaucoup augmenté le mécontente-
ment de ces gens et la haine que l'on porte généralement à
ce gouvernement. Le mal ne fera que s'accroître par suite de
l'augmentation des impôts que le Protecteur a ordonné de sa
propre annuité , procédé contraire aux lois qu'il avait juré
d'nhser\er, car selon ces lois le Parlement seul peut voter les
impôts ; .aussi beaucoup rte personnes croient qu'il aura
graud'peine. à recouvrer non-seulement les impôts nouveaux,
mais encore les anciens. E u outre, il a ordonné dit dépouiller
l ' i u s ceux qui avaient servi le roi Charles \" r d'un quart de
leurs propriétés ; mais comme ces personnes craignaient de-
puis longtemps cette mesure, elles ont disposé d'avance de
leurs biens et de leurs revenus en les transférant à des per-
sonnes tierces, au moyen de ventes faites de confiance. Tout
cela n'aboutira qu'à des procès, e l l e Protecteur recueillera
peu de prolil de cet acte arbitraire.


J'attends ici demain le bâtiment qui doit, me transporter en
Flandre, et dès que j'v serai arrivé, je rendrai à Y. M. un
compte plus détaillé de l'élal. des choses et des intelligences
que je nie suis ménagées. Que Pieu garde V. .M.


0" M. de Bordeaux o M de îli teiate.


le i i . i i reçu que ce jount hui la lettre ipi ' i l vous a plu de
' o Y c i i r o je ::i de i c Diras ; elle coulinue l 'a.is arrivé: à j , on~




550 nocmiEXT.s


drcs, (les le commencement de celte semaine, par courrier ex-
près, de la saisie générale laite, en Espagne, des effets appar'a-
tiaul aux Anglais, et même de l'arrêt de quelipios-uns de
leurs facteurs. Cette nouvelle m'obligea de changer la c o t i -
duile ([ue j 'avais tenue suivant les ordres du roi depuis quel-
que temps; et j'envoyai aussitôt chez l'un de mes commissaires
(pu m'avail l'ait témoigner que ce régime serait assez, porté
à s'unir étroitement avec la France, pour l'assurer que Sa.
Majesté était dans les mêmes sentiments, et que, si le Protec-
teur m'en faisait, les ouvertures, il trouverait une entière cor-
respondance. Ma déclaration fut. reçue avec, apparence de j o i e ,
et assurance que, dans peu de jours , j 'aurais de ses nouvelles.
Je les ai attend ues jusqu'à hier au soir, et n'en recevant point,
je l'envoyai au même : il me manda qu'ayant fait s o n rapport,
le Conseil avait, jugé que ce serait agir avec bassesse, si,
après la disgrâce arrivée aux Indes, l'on me venait, recher-
cher de la paix; que maintenant, ne restant plus d'obstacle à
notre traité, c'était à moi d'en proposer la signature, si me*
ordres n'étaient point changés, et qu'à cet effet, je n ' a v a i s
qu'à demander mes commissaires. Il continua aussi de par-
ler' d'une alliance étroite, pourvu qu'elle se pût faire à des
termes raisonnables; témoignant néanmoins qu'il était a u
pouvoir de M. Je Protecteur de s'accommoder avantageuse-
ment avec l'Espagne, dont l'ambassadeur avait fait porter
parole par Barrière, et qu'une partie du Conseil inclinait assez
à embrasser ce, parti ; mais que leur honneur semblait s'y
opposer, et que je ne devais pas, faute d'une démarche pure-
ment de cérémonie, laisser passer une occasion si favorable.
Ledit sieur commissaire reçut a u s s i , avec assez d'approbation
et rernerciment , 1 avis que je lui donnai, après l ' a v o i r reçu de
Son Emmenée, que la saisie faite en Espagne avait peur
principal fondement l'espérance d'exciter u n soulèvement en
Angleterre, J'ai cru, en suite de ces discours, ne pouvoir me




I T I s r O l i f Q r E S . .157


dispenser «le faire encore quelques avances, cl s u r l 'heure
même j'ai uumdé au secrétaire d'F.lal, auquel de temps eu
i.emps j'avais fait civilité sur la maladie de AI. le Protecteur,
que inandonauLsa santé leui permettant de songer aux affaires,
l'attendais mes commissaires pour mettre fin à notre accom-
modement; if pn.mil, à sou ordinaire, de lui en faire son
lapport, et parut, contre sa coutume, plus traitable sur quel-
ques affaires particulières dont je lui lis parler. Si sou pro-
cédé cl la chaleur que témoigna ce commissaire ne sont
point affectés, sans doute le traité ne sera pas désormais différé
que par des propositions d ' u n e amitié plus étroite ; elle parait
maintenant nécessaire à l'Angleterre, et si ce régime a tant
de fierté qu'il veuille même me rendre poursuivant, fou peut
présumer qu'il a u r a de la peine à revenir des démarches qu'il
a laites contre l 'Espagne; c'est l'opinion commune fondée s u r
ce que les ministres d'Etat ont publié. Et pour ne lui point
donner prétexte par notre froideur de prendre d 'aubes réso-
lutions, j 'entrerai dans toutes les ouvertures qui ne produiront
pninlde retardement, au traité déjà conclu. Les ordres et les in-
structions précédentes qui m'ont été envoyées m'éclaircisseut
assez sur toutes les demandes qui poun aient me Ire (ailes, et
il me reste seulement à être informé s. Su Majesté n e veuf pas
en i r ibue r aux frais de la guerre d 'Angleterre; connue j'ai
ci-dcv anl offert assistance d 'argent, il ne faut pas douter que
l ' o n ne veuille traiter s u r ces errements; et douze ou quinze
cent mjlle livres tous les ans sembleraient assez utilement
employés pour ne devoir pas être regrettés s'ils pouvaient
c n e a ^ o r ce gouvernement contre ses ennemis'; quoiqu'il pa-
la i -se déjà bien embarqué, l'intérêt cl l'inclination des peu-
ples étant contraires à celte rupture , il ne laisse pas d'être à
p r o p o s de fomenter, par toutes sortes de moyens honnêtes et.
peu préjudiciables à la France, l'emportement cl la vain lé du
P i o lecteur, dont les forces peux eut faire une diversion aussi




5;>S ! 'OCTVIOX r.s


puissante qu 'a été autrefois celle >lo IJI Siu'ile et des Provinces-
f i n e s ; cl bien que son gouvernement ne soit pas si stililequc
celui de ces deux Ftats, il ne doit pas être pour le présent
moins considéré; et devant qu'il arrive aucune révolution,
nous pourrons tirer un grand avantage de son union ; elle
donnera mémo jour à l'avenir, le IVolecleur venant à man-
quer et la div ision se mettant entre les chefs de l'armée, d'ap-
pnver les mieux, intentionnés pour la France. Si j e prends,
monsieur, la liberté de m'étendre sur ces considérations.
C'est aiiu d'effacer les impressions que quelques a v i s parti-
culiers d'ici peuvent donner tantôt de l'instabilité du régime,
tantôt de la mauvaise sauté du Protecteur; l'on peut dire que
vraisemblablement l'un dépend de l 'autre; et si mes lettres
n'ont pas confirmé ce qui s'est écrit du dernier, c e n'est, paf
manque de m'en être informé et d ' e n avoir' su l'état. J'avoue
que. dans le temps de sa chute, il nie fut dit qu'il était menacé
d'une hydropisie, et l'un de s e s médecins, qui l'a vu dans sa
maladie,, m'a. continué que. Ja constitution était mauvaise;
mais ces pronostics ne doivent donner aucune visée pour le
temps présent.


7" i l / , de Hricnne au, cardinal Mazarin.


t ' jnUjiiulj le.m, 7 ock'ljri: Isf.f,


Monseigneur,


J'ai cru qu'il me pourrait être reproché de m'oublier de
mou devoir si je n'informais Voire Fnnneiiee que, par une
lettre de M. de Bordeaux, en date du 10 du mois passé, j'ai
vu qu'il avait fait un compliment à l'un de ses commissaires,
sur l'avis qui avait été porté h Londres que, par ordre du
[foi Catholique, les biens et effets des Anglais qui s'étaient
trouvés en ses rojaumes avaient été saisis. M. de Bordeaux
séétait persuadé que* donnant des assL-uraiices de la continua-




I t l S H m i q l ' r l N ,v>9
tien île. la. benne volonté IJIIO le. roi a jusqu'à présent lait
paraître au Protecteur et au régime d'Angleterre, c'était
convier, sans en taire la demande, le Protecteur de tomman-v
der à ses commissaires do signer le traité; celui auquel
il s'était adressé lui dit que, si l'Angleterre n'était recher-
chée de le f ane , elle aurait peine de s'y disposer,
touchée de crainte qu'il p u t . être dit que le peu de for-
iiuio cpie son armée avait eue. aux Indes l'y avait obligée,
ce qui lui tournerait à hon te ; mais qu'il.ue mettait point
en doute, si, en une. audience demandée pour ce seul sujet,
il en taisait instance à M. le Protecteur, qu'il ne fût pour y
consentir; ce discours ¡1 eu tant de force sur Al. de Bru-
deaux que, bien qu'il me mande que cela lui a été défendu,
¡1 nie paraît disposé d'exécuter le conseil qui lui a été donné,
Je lui ai écrit que je doutais que Votre Emmenée en pût
demeurer satisfaite, et qu'il fallait (sans un ordre reçu de
vous. Monseigneur, depuis que vous êtes en Picardie) qu'il
eut des lumières qui n'avaient pas été assez éclatantes pour
venir jusqu'à nous; que moyennant ce compliment, le Pro-
tecteur déclarerait la guerre aux Espagnols en Europe, et
continuel ail a la leur faire aux Indes occidentales, et que je
devais l 'avenir de ne faire pas le second pas, s'il était en étal,
de .-'eu garantir, ni sans un coiiimandemc.nl. bien précis
olliu'ile l'argent, à quoi 11 me parait trcs-disjiosé. Si je nie
suis trop avancé, Votre Emmenée aura agréable de nie, le
faire savoir, et à AI. de Bordeaux ce qu'il aura à faire.


y - de iiordeaux à M. de Uriemtc.


C.NJIV,, .1 I,.„ l„e LLE.J.


Xoii'e conférence liiut par des souhaits mutuels «pie le
c iaa io pût rétablir à jamais une véritable amitié entre les deux




500 n o r r ^ i r i N T S


nations ; s'il o. perdu sa grâce pai' la longue attente, il semble
que la rupture avec l'Espagne lui doive donner de nouveaux:
agréments. Je n'eus pas sitôt l'ail savoir à mes commissaires
«pie j'étais disposé à signer, (pu'il fut envoyé à l'ambassadeur
de cette couronne passe-port aux termes qu'il te poursuivait,
et même, ordre à un vaisseau de l'Etat de le passer. Il n'a
pas laissé de me faire demander cette apres-dînée mon passe-
port, et prier de lui faire tenir celui du roi, s'il arrive devant
que son vaisseau soit sorti de la rivière. Celui qui m'a vu
de sa part assure qu'il partira demain pour Ilouvrcs, et que
s'élant trouvé avec lui, lorsque la signature du traité lui a été
mandée, il a remarqué tel changement dans sa parole et
dans son visage (pie l'on pouvait juger qu'il s'était, jusqu'à
ce moment, attendu à quelque renoueuient, et il est assez
vraisemblable que ce régime l'avait toujours tenu en espé-
rance ulin de me donner de la jalousie. Présentement toutes
les pensées semblent tourner à la guérie , et les préparatifs
d'un grand armement naval se continuent. Cette résolution
ne peut point avoir été prise sans former un dessein de s'unir
plus étroitement avec la France.


0° M. de Bricnne au cardinal Mazarin.


l'an», S n.iveiiil.iu l ' ô : , ,


Il a été rapporté à M. de Bordeaux que l'ambassadeur
d'Espagne n'avait su celer son étonnement et son chagrin de
ce que l 'accommodement d'entre la France et l'Anglelerreav ait
été résolu; mais jusqu'à ce qu'il soit suivi d'un autre et que les
deux Etals s'engagent à faire la guerre à l'Espagne, il ne sera
pas sans espérance d'en conclure un à sou tour a vee le Protec-
teur, qui en serait pressé par les marchands anglais. C'est ce
que j 'ai recueilli de la dépèche de M. de Bordeaux, datée




i ï fSTOKlQcES. 501


.tu ' cdu courant,et du discours que m'a tenu ce gentilhomme,
et qu'il sciait ilu service de Sa Majesté, sur les sommes nota-
bles qui sont ducs à M. de Bordeaux, qu'il lui fût donné, en
argent comptant, au moins dix mille écris, atin que les lettres
de change qu'il a été contraint de tirer lussent acquittées, et
•p tel que partie de la dépense dont il est demeuré en arrière ;
mais bien que la demande soit juste, il n'en saurait obtenu
l'effet si Votre Kminence n'a la bonté d'en écrire à mes-
sieurs les surintendants. J'ai été prié de vous faire celte sup-
plication, et je m'y suis volontiers accommodé par des con-
sidérations du service de Sa Majesté, qui serait blessé si l'on
protestait des lettres et. que l'ambassadeur fût réduit à enga-
ger sa vaisselle d'argent pour satisfaire à. ses créanciers.




XX I


' P a g e -m.)


1 Don Alonzo de Cardeïïm au roi d'iïspagne Philippe / 1".


I ï n i \ e l l i e , - : i murs


Sire,


J'ai rendu compte à V. AL que S. A. l'archiduc ayant ron-
senli à ce que le roi Charles d'Angleterre vînt secrètement
ici, nous l'avons vu, par ordre de S. A., le comte de l-'uensal-
dafia et moi ; j 'ai également rendu compte à Y . M. de ce qui
s'est passé entre nous jusqu'au moment où le roi Charles
s'est retiré à Louvain, après nous avoir promis de nous en-
voyer deux personnes de sa eunlîance peur arranger quelque
traité. Ce que je puis annoncer maintenant à Y. .M., c'est que
le lioi ayant envoyé ici le marquis d'Oriimnd et le comte de
lïochcsler accompagnés du résident de Vie, ceux-ci nous ont
remis une note contenant des propositions dont je joins copie
pour l'information de V. M., avec la réponse que S. A. a or-
donné de lui donner. Los commissaires l'ont aussitôt commu-
niquée ¡111 lioi ((maries), et deux jours après ils sont venu- à
mon hôtel où se trouvait aussi le comte, de FucnsaUlaùa; ils
ont exprimé, de la part de leur maître, des remerciements pour
les bonnes dispositions où était Y. M. de l'appuyer dans le
but de recouvrer sa couronne, et ont déclaré que, si Dieu la
lui rendait, il ferait, beaucoup pour le service, de V. AL On les
en a remerciés comme il convenait, et là-dessus ils ont de-
mandé qu'on rédigeât tout île suite les articles d'un traité
dans le: sens de la réponse qui venait de leur être donnée ; ils




• •ni demandé qu'une alliance offensive et défensive et une
niiltié ultime entre les deux ronronnes (d'Espagne et <PAn-
gleterre) fussent concilies : mais après avoir considéré que,
dans l'état où se trouve aujourd'hui le roi Charles, il lui se-
rtit impossible de remplir aucun engagement tel que leseir-
coiistances t'exigeraient, et qu'il ne saurait rien l'aire jusqu'à
ce qu'il soit remis en possession de ses Etats, il nous a paru
•pie. pour le moment, il suffisait d'établir des rapports d'amitié
s'\ de bonne intelligence, seulement pour le cas où il serait
rétabli sur le trône. Il convient toutefois de faire dès aujonr-
d hui , pour cette éventualité, la ligue et l 'alliance qu'ils de-
mandent, car si on remettait la conclusion jusqu'à cette épo-
que, il est à présumer qu'on ne la réglerait pas alors sans
dd'lictilté, car du temps des Kois l 'Angleterre y a toujours
oiscité des obstacles par suite des négociations de la France,


>'f aussi des efforts par lesquels des ministres dévoués à
s e r t , : puissance ont toujours cherché à entraver une pareille
ilhance.


Des que le traité sera rédigé, il sera communiqué à Y. M.
é l u t qir'File daigne le ratilier, et je rendrai à Y. Al. un compte
peilioidier de ce qui me. paraîtra à cet égard.


Les lettres d'Angleterre arrivées ici celle semaine ne con-
tiennent rien de neuf si ce n'est la nouvelle du danger que
le Protecteur a couru dernièrement, lorsque la voiture dans
laquelle il se trouvait a passé une petite rivière nommée
Ziiiiba; trois chevaux et le postillon qui les conduisait ont été
mués . On parle beaucoup là-dessus.


La flotte n'était pas encore partie, car les équipages de-
iijiidaicnt, dit-on, un autre chef plus à leur goèil, et ensuite
e i . c e qu'on manquait d'argent pour équiper les bâtiments
•.mine il faut et les faire partir. Le peuple se montrait très—
:• h-né des prises l'aile!» par la marine dcDunkerque et d'Os-
eude, o ù 1 o n venail d ' e n l 'aire plus de Irente sur les Anglais •




OOJ DOft'VrKNTS
si cela, continue, lo commmv anglais sera noisidérabloment
entravo.


J.o Protoeteur nva.it rèsolo d'envoyer un agoni à Lislioime,
alìn ( | i i e eelui­ei, conjointemeul aver le о insili anglais, |in'le
nssislanco au.\ négocianls anglais qui se trouventen Pnrlugal.


Il a été [)ro|iosé en Consoli d'oilrir à la Franco de lui en­
xoyer si.x mille Anglaìs qui seraient s u r le memo piod et re­
eevi'aient la moine paio que les Suisses au servire de la Franco;
on veut ponvoir, eette année encore, assiéger C.raveliucs. On a
decide de l'aire celle proposilion ù l'arnliassadeur de Franco
Ilurdeos (Bordeaux) que l'on altendait à Londi'es, de retour
de P a r i s . Que Dieu gardeY. i l .


-2" L'archiduc Léopold au roi Philippe IV.


B o i w l i e » , S avril 1«: ;« .


S. l i . M. (Sacrée Majesté Boyale.)
Celte semaine j 'ai reçu par la voie secrète une lettre de


V. M. du "20 janvier et je n e sais ce qui a pu occasionner ce
retard. Dans celte lettre V. M.' mr dit que quelques Anglais
qui s e trouvaient en Flandre ont dit ;\ doiiFstevaii de (àuirura
(pie, si on admettait dans ces poiis quelques navires munis do
lettres de marque du lioi d'Angleterre, il se trouverait lieau­
roup de personnes qui se déclareraient pour iui, et. que ce
•serait une grande, diversion et un acte très­désavantageux
pour Cronrwoll. J'ai déjà dit quelques mois à ce sujet à V. M.,
à l'occasion de* ordres que j'avais donnés d'armer tous les su­
jets de Votre Majesté qui désireraient le taire pour nuire aux
Anglais, aux Français et aux Portugais; mai­ maintenant je
me s u i s décidé il réunir un Conseil auquel serait communi­
quée la lettre de V. M., lequel délibérerait sur ce que dit \ . M.




H I S Ï O R l Q r i v S . Sii:5


i f prononcerait sur ci? qu'il y aurait à faire. Par le cour-
r i e r ordinaire qui parti ni il'iei dans quelques jours , il sera
répondu avec plus de précision à la lettre de Y. .M., et je puis
I assurer que, tant que je resterai ici. j e ne négligerai rien de
c e qui peut être utile à son son ice. Mais le manque de moyens
dans lequel ou a été ici a retardé les préparatifs de la campa-
j ! i o ; e l quoiqu'il soit arrivé des lettres (de crédit) de trois cents
mille éeus, les besoins ont é t é si grands et les déboursés si
nombreux qu'on a bientôt vu que la somme était très-insuffi-
sante et qu'on ne pourrait pas faire grand'chose avec cet argent.
Toutefois on cherchera à l'employer aux préparatifs de la
ïampiigne et à faire de telle sorte qu'on en tire le plus d'a-
vantages possible. S'il est vrai, comme on le dit ici, que la
liolle (des Indes) est arrivée, il y aura quelque possibilité de
n o u s assister et de nous faire sort irdes embarras où nous nous t i i livrais, peut-être même de faire en sorte qu'on puisse op-
poïer une résistance plus vigoureuse à l 'ennemi. S'il est vrai
aussi, comme le bruit en court, que le roi de Pologne a
d o n n é une bonne leçon à celui de Suède qui, dit-on, a été fort
maltraité, on croit que cela changera considérablement l'état
d e s choses, et que le Protecteur d'Angleterre rabattra beaucoup
de-son orgueil actuel, car il comptait sans doute sur les avan-
tages qu'avait remportés le r o i de Suède.


,1e m'occupe des préparatifs de mon voyage et je compte
O o i i v o i r le f a i r e après Pâques; eu attendant, le seigneur don
brin arrivera.; m a i s c o m m e m e s créanciers me pressent beau-


r o u p pour être payés intégralement de tout ce qui leur est dû,
|c crains qu'ils ne me suscitent des embarras et que, usant
d e leurs privilèges, ifs ne nie fassent quelque affront en saisis-
-eii i m o n équipage et m o n mobilier; c'est ce qui m'oblige de
prier V. \! . . aussi instamment que possible, de vouloir bien
n u - f a n e remettre u n e assignation spéciale de cent nulle é c i i s ,
t o m m e j ' e n ai déjà prié V. M. la semaine passée- dans u n e


I- ! . . y)




;,Uh i l O O c ' M l - X Ï S


leLlj'G écrite par moi-même; avec celle somme et les autres
que je pourrai réunir des dix pour ceul que V, M. axait bien
voulu ni'accoi(1er, je pourrai l'ai r i ' lace aux dépenses les plus
urgentes; ensuite on continuera de payer polit à petit tout ce
qui est du. J'ose espérer de la magnanimité de V. M. qu'elle
ne soull'i i r a pas qu'on n i e lasse ici nu allVonl, comme relui que
peuvent nie l'aire mes créanciers, et qu'elle me fera envoyer
un secours de cent mille éeus, comme je prie V, M. de le faire.
Notre Seigneur, etc. , etc.


3" Avis du Conseil d'Étal d'Espagne sur les dépêches dt
don Alonzo deCardehas relatives au.v affaires du roi
d'Angleterre Charles II.


M l d r i d , le 7 mai 1&S6.
Sire,


Don Alonzo de (lai défias informe Y. M. que le roi d'An-
gleterre, conformément à ce qui avait été convenu antérieu-
rement, a envoyé auprès de lui le marquis d'Ormoiid élit
comte de Rocbeslcr accompagnés du résident de Vie. puai
conclure un Irmlé, et que ces deux comm/ssau-os du /loi in.
ont remis une note contenant des propositions dont il envoie
la copie à V. M. avec celle' de la réponse que S. A. l'archiduc
avait décidé île leur donner ; il rapporte ensuite que les deux
commissaires, ayant communiqué cette réponse au lioi,sont
venus deux jours après à l'hôtel de don Alonzo où se trouvait
également le comte de F'uensahlaiïa, et l'ont remercié, de la
part de leur souverain, de la bonne disposition que V. M.
avait témoignée do vouloir aider le roi Charles à recouvrer sa
couronne; ils oui insisté: en mémo temps sur la nécessité de
rédiger aussitôt les articles du Irai té: et de conclure une




! I 1 S | < > H 1 Q I U S 5 0 7


i H u m i v défensive o¡ oiteiisive ainsi qu'une amit ié in t imera i ­
:>•>• les deux couronnes (d'F.qiagne cl d'Angleterre). Don
\ l n i i z i i ajenie à c i ' sujet que , le I r a i lé une l 'ois conc lu , il sera.
uvové à Y. al. alin qu'Fl le daigne le rali l ier.


Le Conseil d'Ktat, amjuel mil. pris pari les marquis de
Valparaíso et de Velada, les comtes de Peñaranda cl d'Ouate,
ie duc d'Allié et le marquis de los Balbases. ayant pris с о ц .
aaissanre de la lettre de don Alonzo , représente à V. M. que.
les ministres de Flandre ont d o n n é , aux ordres émanés d'ici
à cet égard, plus d'extension que la pensée de V. M. n'en
comportait selon la proposition faite par le Conseil d El a l ,
• RIR le Conseil n'a j a m a i s cru qu'une amitié int ime [misse être
. i n e n i e n l établie avec le r o i d'Angleterre , qui a vu que , d e ­
puis la mort de son père , V. M. a Irai té avec le gouverne­
ment anglais et avec Croniwell jusqu'à ce que celui­ci ail le
! lei i i ier rmnpu avec Y. .M. Le r o i ( Jiarles doit en être profon­
cémen l oflensé: cl d'ail leurs, aujourd'hui , il n'a pas de
¡OO \e i is siiflisuuls pour c o i n lure une, all iance, a \ec des e n g a ­
gements , de la pari de V. M., t r i s q u e ceux que les c o m u u s ­


lires les demandaient ; cl. quoique les ministres ( d e Flandre)
aient, par ordre de S. A. l 'archiduc, répondu avec des ré­
• ••v\t>. le Irailé n'en reste pas moins à l'étal, de pouvoir être
repris et eoi ir lu. P a n s ce Irai lé il y a surtout ceci d e gravea
remarquer que , si on permel la i l d'élabhr dans bis provmees
de Flamlre. des dépôts pour les partisans du l l o i , on se cn'e­
la ' i t une. nouvelle c b l ' l i e i i l b i [larcille à celle qu'on a eue а л е е
¡ o - i i o i i | i i ' s du duc de Lorraine et à celle qu'on a, encore au­
,, 11 ! i < i 11111 avec les troupes du prince de Comté. C'esl encore
e u e chose gra.\ e que d 'accuei l l ir la demande des c o n n u i s s a i r e s
.­•••riais jeiid.ml à ce qu'on d é s i g n e , dans les M a t s de V. M.,
eue résidence pour le roi d'Angleterre, a l l e n d e qu'il ne pour­
i .ul résider dans aucun endroit s ( l ns qu'il en résullàt de réels
e ic judices . beaucoup de frais, et m ê m e u n grand danger si




508 n o r r ' M r . M ' S


celte résidence était lîxée dans un port ou dans une place
loi le exposée à quelque coup de niaiu qui pourrait se tramer
à l'aide des partisans du nu Charles hu-inêuie. parmi lesquels
Cromwoll ne manquera, pas d'avoir des affalés. Quoique ce
point ne soit pas acceo'dé dans le traité cl qu'il reste soumis
au lirai plaisir de V. .M., il ne pourra qu'en résulter un vif
ressentiment contre Y. M. si cette demande est refusée,
comme elle devra l'être par toutes les r a i s o n s publiques. Et;
vérité, le Conseil d'Etat n'espère pas beaucoup de. cette négu-
cialimi, bien qu'il faille chercher tous les moyens de nuire
àCromwcIl et à l'Angleterre. Ceux qui traitent celle affaire
devraient mesurer les obligations que l'on contracterait sut
les ntovons dont disposent ceux avec qui on traite, poin
atteindre le but qu'on se propose ; or on ne voit, ni dans l:i
lettre de don Alonzo, ni dans la note, qui l'accompagne, qui
les commissaires du roi Charles aient indiqué quoique cesoil
de positif au sujet des provinces, places o u autres corps quel-
conques sur lesquels le roi Charles pourrait appuyer les effort:
qu'on ferait eu sa faveur.


Au total, le Conseil d'Etat esl d'avis qu'il serait dans l ' in-
térêt du service de V. M. de faire uiùieiueut penser à tout ccf
en Flandre sans perdre un seul instant, aJin que, si l'arrange-
ment n'est pas encore conclu, on fil ail cul nm aux points qu'or
signale ici, et surtout alin que , en olilciiaul du roi d'Angle-
terre des informai i o n s sur les moyens dont il dispose, tant ci;
Angleterre qu'au dehors, pour recouvrer sa couronne, on lui
fit observer que son séjour en Flandre n'est pas propre aux
communications entre s e s partisans et aux négociations avec
eux, vu la rupture survenue entre nous cl les Anglais; il
pourra bien mieux entretenir des rapports avec s e s partisans
et amis, étant en Hollande ou ailleurs, d'où l'on pourra le
faire venir sans difficulté ni danger, et d'où il pourra lui-
même bien plus aisément les diriger et se servir d'eux,




HISTORIQUES. r,09


4" DonAlonzo dcCardeîias au roi d'Espagne PhilippelV.


Bruxel les , le 29 ju i l le t 1 0 3 6 .


Sire,


J'ai reçu par le courrier ordinaire d'Espagne la lettre de
V. M., du juin, ainsi que la ratification du traité conclu
a v e c le roi Charles II d'Angleterre, le 12 avril, et transmis
par moi à V. M. le 15 du même mois. Après avoir pris con-
naissance des ordres que A'. M. avait bien voulu me donner
pour que je détournasse le roi Charles de son projet de conti-
n u e r s o n séjour dans c e s provinces, et que je l'engageasse à
retourner à Cologne jusqu'à ce qu'il trouve occasion de pas-
ser en Angleterre, je dois représenter à V. M. ce qui me pa -
rait à ce sujet. Lorsque du temps de l'archiduc Léopold une
r o i i o n s e dans ce s e n s fut laite au roi Charles, réponse dans
laquelle on lui conseillait de retourner à Cologne, il l'accueil-
lit fort mal, trouva mauvais qu'on lui refusât la permission
de séjourner dans ce pays, et ajouta qu'il ne pouvait retourner
à Cologne s a n s compromettre s o n honneur, sa dignité et s a n s


nuire à ses intérêts. Il a parlé dans le même sens au comte de
Fueusaldana. et ses ministres me l'ont répété depuis plu—
-unis toi-, en taisant valoir plusieurs arguments et en donnant


Dans le eas où le traité serait déjà conclu et transmis à
V. M. (ce <|ui est possible) avant que ces cdiservalions par-
viennent eu r iandre, le Conseil d 'Etat , à qui il serait encore
renvoyé, pourrait exprimer son opinion avec plus de déve-
loppements el la motiver plus complètement. Du reste, V. .M,
ordonnera ce qui lui plaira,




" и ГИ')Г] 'M f:N'!"­i


pour certaine la r u i n e du parti que le mi a en Angleterre,
en Ecosse et en Irlande, si on le vovait. aujourd'hui quitter ce
pays pour choisir un autre séjour. Car, Io seul fait que le roi
se trouve dans le voisinage des ports des Flandres donne à
ses partisans en Angleterre du courage; ils souffrent patiem­
ment toutes les rigueurs du régime de Cromwell dans l'es­
poir d'un meilleur soit, et ils restent unis. Ces ministres du
roi Charles ont également fait valoir les grands avantages du
séjour du roi dans ce pays pour le service de Y. M., en disant
que ce voisinage empêcherait le Protecteur d'envoyer sa Hotte
aux Indes, et le contraindrait de renoncer à ce projet; il
l'exécuterait au contraire si le roi s'en allait, d'ici, car alors les
partisans du roi désespéreraient de tout', s'arrangeraient de
leur mieux avec Cromwell, el le roi serait mis à jamais dans
l'impossibilité de recouvrer sa couronne. Le roi Charles
est si loin de vouloir partir d'ici que son chancelier me remit,
il y a deux jours, une note que S. A. l 'archiduc don Juan en­
verra à V. M., et dans laquelle le roi demande que le traité
soit publié et qu'on lui permette de ne plus garder Yincognilo;
il pense que cela seul suffirait à entretenir le courage de son
parti et à inquiéter Cromwell. Quant à. moi, n'espérant plus
pouvoir lui faire abandonner cette manière de voir, je. n'ai
plus voulu aborder avec lui cette question jusqu'à ce que l'ar­
chiduc don Juan prenne une résolution à. cet égard; je lui ai
rendu compte de l 'é'at des choses, comme je le fais à Y. M., en
ajoutant que ce serait perdre son temps que de vouloir persua­
der au roi Charles de retourner à Cologne, cl. que S, A. juge­
rail sans doute plus convenable de ne plus lui en parler, car
cela ne ferait que l'affliger. Donc, comme le roi reslera ici.il
sera d'autant plus nécessaire de lui liver une pension de trois
mille éeus par mois, somme que Y. M. lui avait lixée lors­
qu'il se trouvait dans le besoin, et en quoi S. A, l'archiduc
sciai t conformé à la décision de Y. M. Comme S. A, avait




I l STnHKjn -X .771
fait savoir ijnr \ . M. .nan ordonné de pajer au roi un seeoui>
chaque mois, elle m'a ordonné do faire savoir au résident du
loi que ее M ' rai l trois mille éens par mois ; et c'est ce queje
vais exécuter sur­le­champ.


Le jour de l'arrivée de la dernière dépêche de V. M. a été
le 12 juillet, joui' où expirait le délai de trois mois lixé peiu
la. ratilicatioo du traité ; aussi, pour n e pas perdre de temps,
j 'ai envové sur­de­clianip mon sécrétaire­inlerprèle à Ki­ugcs,
porteiu1 du traité ratifié par V. M., en lui ordonnant de
recevoir la ratilicalion du r o i au moment où il lui remetí rail
celle­ci, comme c'esl l'usage, et c'est ce qui a été fait; le
secrétaire me l'a apportée et j e la transmets à Y. JÍ. avec la
présente. Le serré ta ire in "a raconté qu'au moment même où
le roi apprenait l'arrivée de la ratilicalion, on recevait la
nouvelle du succès des armes de V. M. à Valenciennes, et
que. la joie que le roi et tous ceux qui sont avec lui en ont
témoignée était au delà de toute expression. Le roi pensait
que les intérêts des deux couronnes étant les mêmes en vertu
du traité, qui venait d'être conclu, il était dans sou intérêt
que les armes de Y. M. triomphassent, lors même q u ' o n
n'arriverait pas par là à lui procurer de l 'appui qui lui a c t e
promis.


D'après les nouvelles d'Angleterre, le Protecteur a résolu
de réunir le Parlement pour le 17 septembre, et. il a déjà en­
voyé des lettres de convocation dans les comtés afin qu'on
procéda! à i'éleclion de ceux qui ont droit de siéger au Par­
lement ; c'esl la meilleure preuve desembarras où il se trouve
puisqu'il expose, encore une fois ses affaires aux dangers
qu'elles ont courus Imites les fois qu'il a réuni un Parlement,
au point qu'il a, été toujours obligé de les dissoudre l'un
après l 'autre.


Ou dit aussi qu'un ontre. 1 ros­seere! a été expédié, a Hîake,
atai qu il с т о ю .six lia I mien Is de guerre à la Jamaïque




572 D O f ' l ' M E X T S


et que Blake ayant refusé de l'exécuter, le Protecteur est
très-indigné centre lui, et qu'il a l'ail prendre des mesures
pour préparer d'autres navires, au nombre de six, puiir les
envoyer dans celte de. Noire Seigneur garde, etc.


5» Note contenant quelques points relatifs au traite entre
le Roi de la Grande-Bretagne et le Roi d'Espagne,


remise de la part du Roi de la Grande-Bretagne et


jointe à la lettre de don Alonzo de Cardehas au llo>


d'Espagne.


29 juillet 161».


Le Roi de la Grande-Bretagne, qui a reçu avec la plus
grande joie la ratification du traité et qui regarde l'amitié de
Sa Majesté Très-Catholique comme un bienfait que Dieu tout
puissant lui a envoyé pour être le fondement de son bonheur
futur et le moyen le plus s û r de recouvrer sa couronne,
désire inlinhnent que ce témoignage d'affection et des lionnes
dispositions de S. M. Très-Catholique pour sa personne et
pour ses intérêts puisse être porté à la connaissance publique
le plus tôt possible par des actes qui mettent ces disposition.,
au grand jour, comme par exemple en accordant au Roi I*
permission de séjourner dans un port de mer, ou en prenant
ostensiblement connaissance du séjour de S. M. le Roi de la
Grande-Bretagne dans ce pays, en le dispensant de garder l ' i r -
cossnito, et autres manifestations semblables. Ceci donnerai;.
au lioi de la Grande-Bretagne, non-seulement du crédit et du
relief auprès des autres souverains dont plusieurs out promit
de l'appuyer par des sommes d'argent cl par d'aulres-iiioyens
dès qu'il sérail appuyé par quelque monarque puissant, m a i -
encore cela ranimerait le courage des hommes de son p'uO




H I S T O R I Q U E S . !Ï73


on Angleterre, à ce point que tous seraient beaucoup plus
empressés à exécuter ses o rd res ; alors on verrait que ce
parti est plus considérable c! plus puissant que tout autre, et.
la plupart des personnes des autres partis se joindraient à
celui du Roi et chercheraient à défendre ses intérêts dès
qu'elles verraient que S. .M. Très-Catholique appuie et pro-
tège le lloi de la Grande-Bretagne. Le lloi convient qu'il est
bon (pie les articles du traité restent secrets, car il est de l ' i n -
térêt de LL. MM. qu'ils le soient, et qu'ils rie soient commu-
niqués d'aucune façon à qui que ce soit; mais la publication
et la déclaration du fait, de la conclusion (d'autant plus que
le traité conclu par les délégués des deux souverains a été
ratilié par S. M. T. C ) , sans donner les détails et sans dire
que S. M. T. C. appuiera le Roi de la Grande-Bretagne, con-
tre leur ennemi commun, est si essentiellement nécessaire
qu'on ne saurait sans cette base ni accomplir les préparatifs
nécessaires pour le but principal , ni disposer les amis à
tenter des entreprises utiles. D'un autre coté aussi, il est im-
possible que les armements et les préparatifs que Crornwell
ferait sur la simple connaissance que quelque chose a été
convenu entre, LL. MM. (le Roi Charles et le Roi d'Espagne)
causent au Roi de la Grande-Bretagne un préjudice égal à
celui que causerait au peuple (anglais) la perle de tout espoir
nu la croyance qu'il n'existe aucun traité ni arrangement. Eu
effet, les ennemis de S. M. cherchent, par tous les moyens et
par tous les artifices, à persuader aux peuples de la Grande-
Bretagne que S. M. T. C. n'a aucune intention d'assister le
Roi d'Angleterre. Il est donc nécessaire que S. M. s'efforce
par tous les moyens île tirer ses peuples de cette erreur en
leur faisant, connaître le contraire.




0" Aeis du Conseil d'Etal d'Espagne sur le contenu de la
lettre précédente de don Alonzo de Curdeùas.


Don Alonzo do Cardeîias a transmis, avec la. lettre qu'il a
adres.-ce à Y. M. le 2',) juillet, la ratification du traité conclu
entre Y. M. et le lioi Charles 11 d 'Angleterre; à cette occa-
sion, il dit qu'il ne lui a pas paru convenable d'engager le
Roi Charles à discontinuer son séjour dans ces pavs-là.
attendu que, lorsqu'on bu avait écrit, à ce sujet du temps de
l'archiduc Léopold pour lui conseiller de retourner à Cologne,
il avait fort mal accueilli la proposition, trouvant mauvais
qu'où ne lui permit pas de rester. Don Al ouzo euv nie égale-
ment une copie de la note contenant cei tains points relatifs
au traité et remise à don Alonzo de Cardenas de la part du
lioi Charles. Le lioi demande que le traité soit porlé à la
connaissance du public dans la forme et par des considéra-
tions qu'il explique. Don Àlonzo dit avoir rendu compte de
tout à S. A. l'archiduc don .lutin, ainsi que. V. M. le verra,
eu détail par les lettres ci-incluses et les papiers qui l'accom-
pagnaient.


Le Conseil d'Etat auquel ont pris part le duc de Saii-I,ucar,
les marquis de Valparaiso et de \ e lada , les comtes de P e i ï a -
randa et d'Oùale, le duc, d'Alhe, le marquis de los Itallmx.'s
et l'atelievêqueile Sarago&se, rappelle, que, lorsque don A l o n z o
eut rendu compte à Y. M. de. l'mli iilion où élaii le lioi
Charles de fixer son séjour en f landre (i : 'é tai t à l'époque oé
il transmit le traité conclu avec lui}, le. C o n s e i l représenta
à Votre Majesté qu'à son avis il serait p l u s cunveualdeque le
lioi Charles continuât à séjourner à Cologne, attendu que
son expédition en Angleterre n'était ras encore assez pro-




H I S T O R I Q U E S . 575


P c la m a i n Un I t o i : < ( " e s t b i e n , »


chaîne pour c\ipcr sa présence dans le voisinage, et paire
que, en séjournant en Flandre, il serait sans aucun doute
entouré d'al'liilés de Cromvvell et du cardinal Mazarin, en
apparence attaches à ses intérêts, mais qui agiraient au grand
préjudice de sa cause et du service de V. M,, puisqu'il y
aurait, au coeur même des pays de Flandre, beaucoup d'es-
nioiis et d'ennemis cachés. Par ces motifs on avait ordonné
a don Alonzo de chercher à détourner le Roi (maries de son
projet en lui donnant à entendre que, lorsque le Roi aurait
pris toutes ses dispositions et serait en état de tenter une
expédition, il pourrait alors passer en Flandre et y séjourner
pisqu'au moment de son passage en Angleterre avec, les
ou ces qu'il aurait à sa disposition ; que la différence du temps
nécessaire pour s'y rendre de Cologne ou des provinces de
Flandre n'était pas de plus de deux ou trois jours de voyage,
ce qui ne pouvait en aucune manière être un obstacle à ses
intelligences et à ses négociations,


I ne copie, de la dépêche dans laquelle étaient consignées
ces observations a été envovée à l'archiduc don Juan , mais il
!i'v a pas encore répondu. Comme le Conseil d 'Flal est tou-
piurs de la même opinion , comme il croit le. séjour du
R o i Charles en Flandre, pour le moment, piépuhciable au
ei vice de \ . M., et. en supposant que la lettre de don Alonzo


ne demande pas nue réponse très-pressée, le Conseil est d'avis
qu'il faut attendre ce que l'archiduc don Juan écrira à ce


sujet; lorsqu'il l'aura fait, Y. M. voudra bien ordonner que
l ' o n reprenne en considération et la dépèche actuelle et ce que
l'archiduc aura, écrit, afin que le Conseil puisse, après plus
ample information, proposer à V. M. ce qui lui paraîtra le
plus avantageux pour le serviee.de \ . M,




7« Aria du Conseil d'Etat d'Espagne sur te contenu de
¡ihtsieurs lettres de l'archiduc don Juan, de don


Alanzo de Cárdalas et du Roi d'Angleterre.


Madrid, le 16 feeml.ro HV:


SirO,


Dans la séance du Conseil d'Etat à laquelle ont assisté le
iluc de San Lncar, les comtes de Peñaranda et d'Ouate, ie
duc d'Alhe et le marquis de los Bal hases, on a pris connais-
sance, conformérneriL aux ordres de V. M., de. trois leí tres de
l 'archiduc don Juan portant les dates du 20 août, du M sop-
Icmbrc et du S octobre (les deux premières pour Y. M. et la
troisième pour don Louis de Haro); d'une lettre de don Alonzu
de Cardonas à Y. M. en date du 8 octobre, et d 'une lettre du
roi d'Angleterre du 2(i août.


L'archiduc don Juan et don Alonzo rendent un compte
particulier des propositions qui leur ont été laites, de la part
du roi d'Angleterre, au sujet des levées d'hommes, de ses sol-
licitations pressantes pour qu'on l'aidât à une expédition en
Angleterre, et des réponses qui oui été laites à ses com-
missaires et agents. Ils rapportent .également que le duc
d'York était arrivé à Bruges cl que les Anuláis demandaient
avec instance des logements pour les Irlandais qui devaient
arriver; qu'on avait déjà donné des logements pour deux
cents hommes, et quelques subsides mensuels au lloi et
au marquis d 'Ormond. L'archiduc demande qu'on lui lasse
savoir comment d doit agir ou supposant que l'expédi-
tion projetée en Angb lene dépende des paiements qui se




niSTOKIQTTES. ?>TI


loiil d'ici (il'KspnimeJ séparément JM>III" l'expédition et pour
'o c i .


Ouant au roi Charles, il répond à la lettre que V. AI. lui a
écrite, pour remercier V. Al. et de la lettre et de la ratitlcatiou
du irai lé.


Le Conseil d'Llat, après avoir considéré tout cela avec
beaucoup d'attention, s'est l'ait représenter le traité conclu
par V. M. avec le roi de la Grande-Bretagne, pour connaître
ai juste à quoi V. Al. est tenue, et dans quels cas et de quelle
manière. Le Conseil voit que (bons l'article il, où il est ques-
tion des secours que V. AL doit donner au roi, on lit les mots
-u.v.mts : «11 est bien entendu que S. Al. le roi de la Grande-
« Bretagne devra avoir en Angleterre un port, ou place, ou
c nuire endroit qui lui soit dévoué et où il puisse débarquer
« en sûreté les troupes. » Le Conseil voit, dans ces mots du
traité, la réponse la plus raisonnable qu'on puisse faire aux
V I • : i J , 11111 < • S du n.i Charles et de ses monstres ; on suppose
qu'avant de risquer des hommes, des navires et de l'argent,
le roi aura un endroit sûr où il pourra débarquer, p.un
que le traité ail son effet ; tant que cela n'a pas heu, il n'existe
I IES . re aucune obligation réciproque qiu doive naître de ce


uiiineneenionl. Le Conseil est d'avis que cette réponse était
••-ses naturelle pour que don Alonzo de Cardefias eût pu la
donner, et c'eût été fort a propos, car, donnée par don
Vloiizo dans la conversation même qui avait lieu sur les
demandes du roi Charles, celle réponse n'aurait pu être
Inon prêtée comme un moyen de délai et c o m m e ind i -
quant u n e arrière - pen.sée dans les promesses faites par
\ . Al, 11 eût mieux valu faire alors celle réponse que
i : fournir aux Anglais nu mol il' de croire que les difli-
NILE-, viennent, d ICI, parce qu'en 1 landre on n'y aurait pas
I '.ON IL d as-e/ reliée h i, ou qu'on les aurait, pigées plus faciles ,i
UIAIIOIILEI ,




Conseil croit que celle e v i n s e (basée sur ics mots .in
Icailé) est fort léailiine eu eonsiiléranl combien il est. ¡ m p o « ~
sible de distraire un corns de six mille hommes de l'année
déjà assez peu nondireuse qui reste en blandió, o u de débour-
ser une somme suffisante pour taire des levées aussi considé-
rables.


Le Conseil ne peut s 'empêcher de l'aire ressortir les incon-
vénients qui peuvent résulter du séjour du roi Charles à
Bruges ; c'est déjà quelque chose que l'arrivée de sou frère et
la pension que l'archiduc don Juan a été obligé «le lui aug-
menter, ainsi que le subside donné au marquis d'Oriimml.
ce qui fait cinq mille ecus par mois; ce ne sont pas là les pin-
grands inconvénients ; la principale difficulté consiste en r>-
qu'on va aborder la question des cantonnements el ' l e s hoc.",
d 'hommes ; o n a déjà v u qu'ils axaient demandé des loge-
ments pour cinq cents hommes; il est facile de v o i r quo.
1'oii.w i sociali s u i v i s d'autres qui peuvent causer d e gran N
embarras el produire avec le temps des préjudices irrépai.i-
iiles. Le Conseil entend la question des logements el des
levées d'hommes de telle manière que, lorsque la né-ce--'lé-
se pi esenterà de leur donner les six mille hommes qu'on leur
a promis , il y aurait moins de mal à affaiblir les l'on es
propres de Y. -M. jusqu'à concurrence de ce clnlVro qu'à con-
sentir à ce que le roi ait une. armée ou un corps d'armée à
on, au som même des provinces de Y . M. Il est évident au-si
que le r o i d'Angleterre, en faisant de nouvelles levée.-, dimi-
nuera d'autant le nombre des troupes de \ . AL, car si l'en
ilonne aux troupes du r o i des logements, comme on a d-yi
<:ouimeneé à le faire, et que les troupes de V. Al. ax-leiii
tans les places frontières, comme on en a également p u lé,
font le monde s'en ira pour entrer dans les troupes el l>-¿
ioeeìnouts du roi d'Anglofono, On ne peut pas s'empêcher
.te s etoiniei qu'on se soit engagé dans des embarras aossi




¡ ] l'STnTiîQTrFS. i>n»


aionts, aussi palpables, puisqu'il n'y a rien dans le traité
oui oblige V. .M. à donner des logements, et il faut avouer
i'|iie. tout cela est contraire au bien du service de V. M., que
c'est une source de dépenses et d 'embarras, et une mesure
d e n t les Français pourront tirer les plus grands avantages
J e plusieurs manières, tant à cause des inconvénients signalés
plus baut qu'a cause de l'occasion qu'elle fournira, an lîoi
Très-Chrétien et à ses ministres, de s'unir de plus en plus
intimement à Cromxvell, après avoir éloigné d'eus le roi
d'Angleterre et son frère qui avaient toujours été pour le
i'roterteiir un sujet de crainte et de méfiance. D'ailleurs les
eut- prouvent combien le roi Charles a peu de partisans et
d'autorité , puisqu'on n'a pas appris que, depuis six mois
qu'il séjourne à liruges, il se soit déclaré pour lui un seul
navire, ou un seul homme.


Le Conseil est d'avis que, lorsqu'on répondra aux lettres
.-us-mentionnées de l'archiduc don Juan et de don Alonzode
Cardonas, il serait nécessaire de leur faire connaître les ob-
servations du Conseil, et qu'ils aient connaissance de ce
qu'on pense ici, afin qu'ils agissent dans ces affaires avec
modération ; car ils courraient vers un précipice manifeste
s'ils n'usaient de la plus grande circonspection.


Quant au roi d'Angleterre, le Conseil est d'avis que V. M,
bu dise ipi'Llle désire que le cas prévu par le Irai lé arrive, ce qui
sera des qu'un port ou uiicplacequclconqiie ou un parti se dé-
dareront pour le roi d'Angleterre, et qu'alors V. M. ordonnera
l'accomplir tontee qu'on a promis, quand même l'armée de
V. M. devrait se trouver par là réduile au plus petit nombre;
mais qu'une action posilive et l'exécution de promesses qui
pourraient, causer tant.de préjudice à V. M. ne sauraient avoir
heu jusqu'à ce que des faits préalables, conduisant au bon
icsiiltal que. Y. M. désire, aient eu lieu ; que Y. if. ne s'est
pas engagée à donner des logements, puisepi'Elle n'en a pas




:m D O C U M E N T S


pour ses propres troupes, comme tout le momie le sait ; de
même (pie V. M. ne peut pas permettre qu'on fasse des
levées d'hommes dans ces provinces, attendu qu'elles ne
pourraient guère se taire, si ce n'est à l'aide d'hommes qui
abandonneraient les drapeaux deV. M. pour s'enrôler sou?
ceux du roi.


V. M. ordonnera là-dessus ce qui lui plaira.




m s i m i n i m e s .


X X I I


, P a g e s -m e t -m.)


!" Mémoire pour reieroi/er M. île liortkou.e à I,omîtes,
dicté par le cardinal Mazarin.


r .ui- , 9 fivrier llit>6.


Tiavailler incessamment et faire toute diligence pour avoir
.es mémoires îles prises qui ont été. faites par les Anglais de-
puis l'année 1017, sans oublier celle des vaisseaux du roi
qui oui. élé [iris allant au secours de tfunkerque ; mettre aussi
ti'Jule qui lui pris sur les côtes de Portugal.


Il faudra ajouter tous ces mémoires à ceux que l'on a déjà
réunis sur les prises laites par les Anglais jusques à l'an-
née I li 17.


Il faut considérer que, si on ne fait cela au plus tôt, toute la
peine que nous nous sommes donnée ne servira à rien, et il arri-
vera que nous serons contraints de trouver de grandes sommes
(mur satisfaire auv demandes des Anglais, lesquels ont leurs
mémoires tout prêts des prises que nous avons faites, et bien
justiliés.


Les conseillers qui devront assister M. de Bordeaux de la
part du roi, pour faire l'évaluation des prix, seront les deux
marchands de liouen et de Saiut-Malo et le secrétaire de
M. de Bordeaux.


Il faut taire, des présents aux conseillers qui ont traité avec
M. de Bordeaux, lequel les portera avec lui pour les faire de
la part du roi.


Les conseillers sont trois, auxquels il faut donner à chacun
un présent de SOU pisloles en bagues que l'on achètera ici au
meilleur prix. Oulre cela, il faudra faire un présent secret au




r>89 ! i ( i n v i H ' X T S


garde île» sceaux Je K(K> pistole* d'une Imite de diamants, en
s t i l l e qu'il faudra f a i r e une ordonnance de comptant de
2 d , 0 0 ( l Jiv, e n tout ( j i ie S. K. f e r a lui-même payer.


line réponse civile du roi à M. ('.roinwcll.
hépèeher l'affaire d'Augier sans aucun délai, ainsi qu'or


lui a promis, et .M. de Brienne s a u r a de .M. de Bordeaux I e x -
pédient qu'il faut prendre pour sortir de cette aliane. Li e u
ce qui dépendra de .MM. les surintendants, il s e r a bon que
M. de Brienne leur fasse savoir que c'est l'intention du r e i
de le dépêcher prouiptenient, a f in qu'ils s e rendent faciles. Il
faut restreindre tout ce qu'on doit à Al. de Bordeaux pour les
trois années à od,000 écus, plus pour trois années du Conseil,
y.'t.B'iO hv. , plus 2000 écus poni' l 'ameublement; c e qui lui
devrait être payé entièrement, s'il n ' a e u quelque assignation.
Plus, il lui faut l'aire bon .1200 liv. données aux ministres, et
à d'autres 5000 livres.


Il faut faire u n mémoire de ce que nous avons perdu e n
Canada, le direi que nous avons dans la possession de ce
pays-là, et généralement lotit c e qui appai lient à celle all'aire-


2° 1/. de Bordeaux à M. de Hrienne.


Londre - , H) avo! l 'Oli


•l'arrivai à Londres le o'' de ce mois et le 8» je ve, XI. le
Protecteur. Les commencements de cet entretien se passèrent
en civilités et assurances que je lui donnai de la disposition
dans laquelle le roi était d'entretenir religieusement le Jvi-
nier traité, et d'appuyer de sa puissance les desseins que cet
Étal pourrait former contre notre ennemi commun. Je lis
aussi espérer que dans peu de jours nos commissaires ai ri-
veraient, et ailribuai la remise de leur départ au grand n o n i .




H I S T n ï U Q r E S f*l


1111 • «le inéiiinii e s fie-; prises, que les provinces maritime.-; de
Fruno; avaient soutlertes. Leduc d'York tut le. dernier point
que nous traitâmes, et sur lequel il me fut dit, sans que je le
demandasse, que le Conseil prendrait aujourd'hui une réso-
lution. .l'aurais pu me dispenser d'entrer si a>ant en matière,
dans une audience qui semblait ne devoir être que compli-
ment, étant plus de notre intérêt de ne rien presser, si je.
n 'eusse reconnu, par les avis qui m'ont été donnés dès mon
ai rivée et par le discours que le secrétaire d'Etat et quelques
autres ministres avaient tenu peu de jours auparavant, à mon
secrétaire, que le régime a besoin d'être confirmé dans l'en-
eagemeiil où il est entré contre l 'Espagne, par l'espérance de
n'être point abandonné de la France, et que tous les minis-
tres qui sont contraires à cette rupture veulent persuader
<[ue nous n'exécuterons point le traité tant que nous le ver-
ions engagé, dans une guerre ; et les mêmes ne manquent pas
d'insinuer qu'il se traite secrètementde la paix entre la France
cl l 'Espagne; et soit pour en être, plus particulièrement in-
formé et de ce, qui se passe dans notre, cour, ou pour donner
un dernier dégoût à. la famille royale d'Angleterre, et établir,
par la résidence d'un ambassadeur auprès du roi, la créance
d'une parfaite et entière liaison entre Sa .Majesté et ce gouver-
nement, on a résolu de faire, passer en France unrninis l re
au Conseil d'Ecosse, ci-devant, colonel, qui a pris alliance dans
la maison de .M. le Prolecleur. Je faisais état, s'il m'eût élé
parié', dans mon audience, de celte légation, de l'éloigner avec
toute la bienséance possible. Ne m'en ayant rien été touché,
quoique j en donnasse sujet, je ne laissai pas, pour en faire
cesser ie prétexte, déd i re au Protecteur que, sans qu'il fût
obligé d'envoyer personne en France, j 'étais en état de le
-alislaire sur tous les scrupules qu'on pouvait lui avoir don-
n e s ci sur les ouvertures qu'il eu pourrait faire. Ce discours
ne tut p o i n t relevé; seulement lit-il paraître, en tenues gêné-




5Я­1 nnCT'MFX'l 'P
rairv. do l.i disposition à ,igir désoi mais de concert, et u v e i ,
plus de relation que nous n'avions fini pai le passo. J'atten­
drai, sans le sullieilor néanmoins, l'effet do ses paroles; et si
l'on continue dans le dessein de taire partir ledit colonel, dont
l'équipage est déjà prêt, j ' en parlerai ouvertement au secré­
taire d'Etal, et tacherai de rompre le voyage. Ce ne sera, pas
sans causer du chagrin, quelques raisons dont je me puis­e.
servir pour y parvenir. Il ne m'en parait point qui nous puis­
seul dispenser d'envoyer nos commissaires le plus loi qu'il se
pourra ' mais la guerre s'échauuànt entre l'Espagne et l'An­
gleterre, l'on peut espérer quelque accommodement, pourvu
que nous produisions grand nombre de procès­vorhauv de
prises faites sur les sujets de Sa. Majesté. La. proposition s'en
pourra faire avec succès, s'il m'est parlé de quelque liaison
étroite. L'on n'affecte point encore de la souhaiter beaucoup,
et je ne remarque pas que les esprits et les affaires d'ici
soient dans un état différent de cedui auquel je les avais lais­
sés auparavant mon départ. Les sentiments y sont fort par­
tagés sur la continuation de la guerre, à laquelle le Protec­
teur n'est porté que par un principe d'ambition, et l'on n'est
point bien persuadé qu'il se puisse faire une grande, conquête
dans les Indes, où l'on n'a point encore envoyé quelque*
femmes qui y sont destinées.


3° M. de Bordeaux au cardinal Mazarin.


Imite', I n AVRIL 1 B 5 « .


La lettre que j 'écris à VI. le comte de Briomic informe
Votre Lminence des discours uénéraux que | 'ai tenus à M. le
Prolecteur, de la part du roi. Il me reste à lui rendre compte
de ce qui s'est, passé sur les civilités donlellc m'aurait chargé.
M. le Protecteur les reçut aussi, bien qu'il se pouvait attendre.




Ï I T S T O I Ï I Q U K S . 585


et témoigna, par les mouvements de son visage, les réflexions
secrètes qu'il faisait avec le secrétaire d'Etat sur les points
que je traitais, et parles réponses qu'il me rendait, y prendre
une entière créance et avoir déjà reconnu la vérité de la plu-
part ; enlre autres Je dessein d'exciter un soulèvement dans la
(lotte, dont quatre capitaines avaient rendu leurs commissions.
Il parut aussi averti des négociations qui étaient en Flandre,
et 'les menées de Se.xby ; mais il m'avoua qu'il n'avait aucune
intelligence en Espagne et n'en savait les nouvelles que par
les lettres de Paris, et que Votre Eminonce lui ferait grande
faveur si elle lui communiquait les avis qu'elle en reçoit
'eueliaut les affaires d'Angleterre; je lui (is espérer. Après
'n'avoir fort prié do remercier Votre Emmenée, il passa de
soi-même, devant que j'eusse le temps d'en parler, au due
d'York, et me dit qu'il ferait prendre aujourd'hui une réso-
lution dans le Conseil sur son sujet. Cette avance me donna
tien de lui marquer les inconvénients que sa sortie de France
produirait, les diligences que les ministres d'Espagne fai-
saient pour l'attirer en Flandre, et l'avantage que le gouver-
nement d 'Angleterre recevrait de son séjour en France, en
'.e qu'il nous conserverait des troupes considérables, mais
aussi en ce que c'était diviser la famille royale d'Angleterre et
l'affaiblir par l'attachement qu'elle prendrait à des intérêts
différents. Je ne manquai pas aussi de le convier à prendre
désormais une entière conliance en l'amitié du roi et de Votre
Emmenée, et à ne pas juger de nos inclinations par îles dé-
m a r c h e s de civ dilés, dont la bienséance ne pouvail nous dis-
penser, désignant par ces expressions générales les caresses
q u ' a reçues la princesse royale.




nOOU.M-FXTS


•4" M. île Honleau.r à M. de llrtenne.


I.miiln-, ï-, j v n l i t. 01


Le g i a n d silence de M. le Protecteur, après tant d'assu-
rances qu'il m'avait données que dans peu de jours j ' a u r a i *


de ses nouve l les , m e lait croire que le colonel l.ockliarl sera
chargé des proposit ions et des réponses que j'attendais, afin


que son voyage ait plus de prétexte, ou que sa personne suit


mieux reçue en portant des marques de la déférence du Pro-


tecteur au désir de Sa Majesté. Sur le séjour du duc d'Voik
en f r a n c o , j'avais t é m o i g n é , o n d e s termes qui ne pouvaient


c h o q u e r , qu'il était à propos de dilférer cette légation


pour1 quelque temps ; mais toutes les raisons dont j ' a i pu


appuver m a proposition n'ont pu changer le dessein pris


devant mon retour eu Angleterre. Pes minisires d Plat a u x -
quels je m'étais adressé ont eu ordre de me dire que . si iiou.-


avions des considérations pour l 'éloigner, ce régime en aveu


pour l 'avancer; ils ont m ê m e passé jusqu'à se servir d u
prétexte de la re l ig ion .


(Et plus bas : )


L'envoi dm!if. colonel à Paris a sans doute d'autres moiilV. et
quoique l'on professe publ iquement île le vouloir tenu aupiè.,


du roi pour agir en faveur des rchgionnaircs , il est plu-
vraisemblable que l'espérance d'éloigiiei de la cour, pai --a


présence, les restes de la famille royale d 'Angleterre , et la


curiosité d'être à l'avenir plus informé d e s alfaires de t r a m e


auront, fait passer par-dessus toutes les considérations que j ' a i


mises en avant, sans autre, fruit que celui d'cmpècher que


M. le Protecteur ne donnera la qualité d'ambassadeur à :«n


ministre , jusqu'à ce que la réception ait cont inué les av•«




rnSTOIUQTJES. 5S7


d'Aubier i'l île Pet i l . • j 1.11 le tout .1 [tondre avec de grandes
impatiences, pour les «lesavnuer fit ôter la. pensée de donner
un litre plus relevé audit colonel. Il est plus nécessaire que
les c i v dites, dont on a accoutumé d'user envers les ministres
des Kl.ils rit rangers soient accompagnées des embarras que
1 éprouve souvent en ce pays, où les esprits sont plus disposés
e s'enorgueillir Je l 'honneur qui leur est l'ail qu'à la recon-
naissance.


b» Le cardinal Mazarin a M. de Bordeaux.


P . in, , le ¿6 ami lë ' l i


Monsieur,


Vos dépèches des 1(1«' et 17e de ce mois m'ont été rendues;
|e suis bien aise de la bonne réception que l'on vous a l'aile
de delà, et vous remercie devais nouvelles; celles que nous
avons sont qu'il n'est arrivé que quatre vaisseaux de la Hotte,
sur lesquels mèmeinent il y a fort pieu de chose pour le roi
«l'Espagne, el que l'on croit l'amiral perdu, lequel était de-
meuré, derr ière; nous savons aussi de bonne part qu'en Es-
pagne comme en Flandre ils se nattent fort de l'espérance de,
quelque grande révolution qui doit arriver en Angleterre et y
mettre, par leurs soius el leurs intrigues, \cs affaires au point
qu'ils peuvent souhaiter ; il est certain aussi que le roi d'An-
gleterri' a l'ail et signé' snn traité avec les Espagnols, el que
V \ b y lui-même en a élé bien aise, crevant que l'union de
son parti avec celui «ludil roi le mettra en état de. faire quel-
que chose de plus considérable en Angleterre ; et c'a élé le bul
des Espagnols, alin que formant un parti de ces deux et y joi-
gnant encore les intelligences qu'ils peuvent avoir en ce
pays-là, lis puissent mettre d'autant plus d'affaires sur les
h i . i s de M. le. Protecteur, .le sais d'ailleurs qu'ils ont promis




p o ' r v : ' \ I N


auilit Uni, par le traita, de lui donner dans cette campagne
3 'HH)ehe.vauxel (¡000 hommes de pied et de quoi les paver p>w
trois m o i s , afin qu'il s'en puisse servir à quelque de.-renie en
Ecosse ou on Angleterre, espérant que parce moyen il pourra
former tout aussitôt u n e armée dans le pays de plus de
2< 1,000 hommes, fondés sur les assurances qu'ils prétendent
avoir que, ce corps étant u n e fois débarqué, il sera grossi à
l'instant par quantité de troupes de gens de leur intelligence.
O n m e ' ande aussi qu'ils croient être assurés de quelque
port pour faire ce débarquement; mais je ne doute pas que
M. fe Protecteur n'ait l 'an] ouvert et. n'ait été prévenu à t e m p s
pour rendre inutilesc.es desseins des Espagnols. En donnant
part de ces avis à M. le Protecteur, vous pourrez lui commu-
niquer aussi, et même lui remettre ès mains les dcu\ lettres
ci-jointes que nous avons interceptées.


Il verra, par celle qui n'est pas en ehilires, de quelle façon
Barrière s 'explique; elle est toute écrite de sa main ci s'a-
dresse à Oardeûas; il y a apparence que l'autre contient
quelque secret d'importance puisqu'elle est en chiffres, et il
me semble que, si Barrière est encore à Londres, rien n'em-
pêche que M. le Protecteur ne. puisse l'obliger à la déchiffrer,
mais il faut témoigner à M. le Protecteur qu'il importe ex-
trêmement, pour son avantage propre, qu'au Ire que lui ne
sache que ces lettres et ces avis viennent d ICI, et qu'au con-
traire il faut qu'il fasse, semblant, pour ce qui est des lettres,
qu'elles ont été interceptées de delà.


Je ne m'étonne pas des bnuts que vous me mandez qm
courent, au lieu où vous êtes, pour fane croire que nous avons
quelque négociation secrète pour la paix, car ce sont les Espa-
gnols qui les répandent eux-mêmes, alin de jeter, s'ils
pouvaient, de la défiance dans les esprits; mais il n'y a nul
fondement et l'on ne songe ici qu'a réduire 11",-pagne en tel
état que son inimitié ne nous [misse pas faire grand mal.




niSTORIQUKS. '•>«>
Vous Гею/, bien de détourner, si vous pouvez, M. le Pro­


tecteur de l'envoi d'un ambassadeur en cette cour ; ce n'est
pas que Sa Majesté n'en lui bien aise; mais comme il y a ici
beaucoup d'Anglais cl d'Irlandais, il s'en pourrait rencontrer,
par ini les uns ou les autres, d'assez désespérés pour entrepren­
dre quelque méchant coup; et quelque châtiment qui pût
suivre, ce serait toujours un grand malheur ; joint que, si
l'envoi de cet ambassadeur n'est que pour être informé de ce
qui se passe ici, vous pouvez répoudre à. M. le Protecteur
qu'il le sera bien plus exactement par votre moyen que par
celui­là. Néanmoins, s'il voulait envoyer ici quelque per­
sonne de eonliance pour y demeurer sans autre, t i lre, ¡1 le
peut fane librement, ne lui représentant rien là­dessus que
dans l'appréhension que ceux qui ne l 'aiment, ni lui ni nous,
ne prennent de là occasion d'entreprendre quelque chose qui
[misse exciter des défiances. Je presse tant que je puis M. le
comte de Itrienne pour l'expédition des commissaires, et l'on
travaille, aussi à ramasser le plus qu'en peut de procès­ver­
baux. Nous attendons de savoir la résolution qui aura élé
prise touchant M. le duc d'York; je vous dirai cependanl
qu'en le sollicite fort, de la part du roi sou frère et de celle
des Espagnols, de se retirer en Flandre, lui offrant emploi et
assistance proportionnée à sa condition; et puisque les Espa­
gnols le recherchent de la sorte el le pressent de sortir d'ici,
c'esl bien uni" marque infaillible qu'ils ne croient pas que ce
..oïl le bien ni l'avantage de M. le Protecteur. On a déjà donné
les ordres nécessaire­*, à tous les capitaines et officiers des na­
vires ­lu top de garder une entière correspondance avec ceux
.le la HoUo d'Angleterre, et assurément il n'y sera rien oublié
île no! re part.


Pour ce qui est d une liaison plus étroite et des entreprises
11 ! ,i 1111 mes­ dont ou vous a paile coi tenues généraux, vous
pouvi.v. écouler les propositions qui vous seront faites l,i­des­




Mo l'iOCI'MKA'TS


s u s et en donner avis ic i , d'où l'on fera savon les intention'


de Sa Majesté'; niais à vous parler franchement , ce qui i i o i r


pourrait empêcher île nous porter avec tant de chaleur à ce
qui regarde à ce point-là est que nous n'avons pas seulement


l'argent nécessaire pour l'entretien des troupes que le roi a
sur pied, et exécuter les choses qui ont été résolues pour cette


campagne . Je n'ai rien à vous répliquer sur le fait des pré-
sents ' et quant aux personnes en faveur (lesquelles vous ave/,


pu nie parler à votre d é p a r t , il sera don que vous m'en en-


voyiez un m é m o i r e , car j'ai eu tant d'autres affaires depuis ce


temps- là que je ne. m e souviens plus d'eux.


Le roi sera bien aise d'avoir deux mi l le h o m m e s , la plupart
anglais ou écossais et le reste irlandais : mais il ne peut don-


ner rien davantage que douze écus pour chacun, à condition
qu'ils seront ici dans les deux mois après l'argent reçu ; voie
pourrez donc traiter sur ce pied- là , mais je. vous prie toujours
de vous souvenir que vous devez prendre vos précautions et


\ o s sûretés , en sorte que l'argent du roi ne coure aucun


risque.


Quand vous nous aurez mandé ce (pie souhaiterait le beau-
trere de M. Lamber t , pour s'attacher au service du roi, j'en


rendrai compte à Sa Majesté et vous ferai savoir s e s inten-
tions. Quant à W h i l e , je n'en f a i s nul cas , étant toujours per-
suadé que c'est un esprit double à qui on ne saurait se lier;


néanmoins il n'y a point de mal de. l'eu tendre et de lui dire
q u e , s'il rend quelque ser\ ice cons idérable , on le récompen-


sera l a i d e m e n t ; mais auparavant que de rien donner on veut


voir des ei lets .


.l'aurai s o i n de vos intérêts , et vous témoignerai t o u j o u r s


Irès-xolonticrs en toutes les choses qui dépendront de moi ,


que je su is , e tc .




n i S T O H i Q C j ^ ;


0' M. de iïordeaux à M. de Hrieniie.


L u i n l i e - , 1 e r m i, 1115").


La Irti n i qu'il vous a plu ile m'écrire le i*2 est arrivée
assez ,'r temps pour nie laire l'aire encore une tentative contre,
le départ du colonel Loekliart. Tous les ol'tlces que. j 'avais
passés sur ce sujet par la voie de mes commissaires n'ein-
pechenl point qu'il ne se dispose à suivre, son équipage, qui
était déjà sorti de Londres ; et n'y ayant plus sujet de craindre
que son voyage pût être avancé par les diligences que je te-
nus pour l 'arrêter, j e crus eu devoir parler ouvertement au
secrétaire ; je l'aliai voir à cet elVet il y a deux jours, et après
lui avoir l'ail savoir que nos commissaires étaient s u r le
point de passer en Angleterre, je lui dis que la légation dudit
colonel Loekliart m'avait obligé de lui demander celle conté-
i cme . pour le prier de élire savoir à Son Altesse que sans
doute elle avait déjà entendu parler, des ministres de sou
Lonseil, que le roi prendrait sans doute en bonne part le des-
s e i n qu'elle avait d'envoyer eu France, et surtout du choix
diidil colonel ; que la réception du sieur Downing et de l'autre
eiivovo en Savoie, lorsqu'ils passaient par la cour, ne lais-
sait pas heu de douter qu'il n'y lût fait favorablement
accueil à tous ceux de cet Etat qui seraient revêtus d'un carac-
tère public ; qu'enfin toutes nos démarches passées et mou
l e l e i i i r devaient tout Caire al tendi e à ,M. le Protecteur de l 'es-
time du roi ; qu'aussi Sa Majesté se promettait de trouver de
la correspondance, cl. que ce, serait la confirmer dans cette
conliance si le voyage du colonel se remettait à un autre
temps : j ' en exagérerai tous les motifs, sans oublier celui de
la religion, dont on s'était servi, pour persuader qu'il n'était
pas présentement nécessaire, et qu'un agent, durant mon




№ 2 D O C U M E N T S


séjour o n ce pays, suffirait pour sotfirilcr lus intérêts parti­
culiers des Anglais, même pour donner a\is de ce qui s'y
passerait; cl s a n s entrer dans les considérations qui nous
obligeaient de désirer cette complaisance, je lâchai seulement
de prévenir la pensée que l'on pourrait avoir, que nous refu­
sassions de. reconnaître les ambassadeurs d'Angleterre, ou
qu'il y eût quelque négociation e n France dont nous appré­
hendassions que le Protecteur eût connaissance. Ledit sieur
secrétaire, après une attention fort tranquille, rue dit que
cette légation n'avait point d'autre cause qu'un désir de
confirmer à Sa Majesté les sentiments que M. le Protecteur
m'avait ici témoignés et de passer des offices en faveur des
Vaudois ; que la bienséance ne. permettait pas de changer la
résolution qui avait été prise, que comme l'on avait, eu ici de.
la joie de mon retour, ledit colonel trouverait s a n s doute la
même disposition, et qu'il ne prendrait pas présentement
qualité d'ambassadeur. Je ne laissai pas d'insister encore,
cl après avoir fait connaître les avis qui représentent les halii­
tants des vallées de Savoie on condition de n'a.voirbesoind'au­
cune recommandation auprès de, leur prince, je lis connaît! e
a u s s i que Sa, .Majesté ne prendrait point, en bonne part, que M. le
Prolecteur, sous prétexte de les assister, voulut se faire de
fête auprès de n o s rehgionnaires, et que si l'amitié avait seule
part à cet envoi, il devait se remettre, puisque ¡0 témoignai,
que. mais le Miuhailions ; j 'accompagnai cette proposition, de
•oi peu agréable, de toutes les expressions et civ ilités capable,
d'en adoucir l 'amertume, et b dit sieur alfcclaiit aussi île n'en
être point choqué, rue promit d'en faire sa relation.


(lil plus lias :)
Les civilités personnelles mirent fui a notre conférence,


depuis laquelle, le voyage dudil colonel avait été dilféié jus­
qu'à ce matin, qu'il a reçu ordre, après l'arrivée des lettres,dt.




! U M ' 0 ! U Q U ! : N 5 9 3


partir sur l'heure iXniis nous étions, visités la. semaine, p.issée
sans pailcr iFu lï'n 1J i's ; seulement m'avail-il dit. qu'il passerait
connue particulier, et que le temps de son séjour était encore
incertain. L'un de ses amis m'est \enu prier d'écrire de lui
eu lions tenues alin qu'il lut mieux reçu en France; pour
m'y coinicr davantage, il me dit que M. le Protecteur était
icsolu d'eu user désormais avec les ministres étrangers plus
en dénient que par le. passé. Il est vrai que, si les siens étaient
traités de même, les ambassadeurs ne seraient à leur entrée,
reçus, visités et présentés à l'audience, que par le maître des
cérémonies, cl, ceux de, caractère moins relevé ne le verraient,
qu'à la première audience. Les uns et les autres ne recevraient
nulle, réponse s'ils faisaient quelque proposition inditlérente,
ils éprouveraient de grandes longueurs dans toutes expéditions
e! peu de civilités personnelles; seulement jouissent-ils de
l'exemption de tout droit d'entrée et sortie pour lotis les meu-
bles qui leur appartiennent, (l'est ce dont j 'ai cru devoir infor-
mer, al iu que si la loi du talion se doit mettre en usage, celui
de ce pays soit connu,quoiqu'il soit de la générosité ordinaire
île noire nation de. vaincre les autres en civilités. Il semble
que le Protecteur, envoyant, ledit colonel, nonobstant ce que
j 'en avais témoigné, sans même me taire rendre réponse,
Sa .Majesté pourrait se régler sur cet exemple, crainte qu'un
autre traitement passe pour un désaveu de mes insistances el
agrément de l'ambassade, à laquelle sans doute les proposi-
tions d'amitié étroite se remettent.


(Kl plus bas :j


S. M. ne sera pas en peine de le garantir (le colonel Lock-
barl) contre les ennemis de ce gouvernement, sa famille,
qu'il a composée de soldats de l 'armée, étant capable de le
mettre à couvert de leurs entreprises, et sa personne en répu-
'atioii de valeur; il est Ecossais et l'on prétend qu'il a été




5 ' J 4 DciC 'C-MENTS


choisi do cotte nation pour l'aue voir la conliancc ipie M. le


Piott'cteur y prend ; il l'avait d'ai l leuis asse/. témoigné, le


recevant dans sa famille .


7" Le même au wème.


l.ilr.ilrus, S mai t l iai .


J'ai reçu les deux lettres qu'il vous a plu de m'écrire le


Sil" du passé; m a dépêche de la semaine passée servira de


réponse au pi inc ipal point dont elles parlent, et le départ du
colonel î .ockliart accusera mon peu d'adresse: ce u'csl pas


que je n'aie dit tout ce qui m e semblait capable d'arrêter son


voyage, et sans doute le Protecteur aurait usé de complaisance


en celle rencontre si quelque considération bien puissante ne
s'y opposait. Quoiqu'il a l lègue le moti f de rel igion, que,


c o m m e j 'apprends , le colonel Lockbart ait ordre d'être tort


assidu à Cliarenton, et qu'en effet, il soit de la m ê m e sorte


ipte nos prétendus ré formés , je ne laisse pas d'attribuer sa


légation à la vanité qu'a M. le. Protecteur de tenir un mi-


nistre e n France , et en présence de la famille nivale d'An-
gleterre, afin de lui causer quelque dégoût, qui l'éloigné de


la cour , et d'ôter à ceux de son parti toute espérance d'en


pouvoir jamais être a s s i s t ée ; que si le titre d'ainbassadeui


peut contribuer à l'un et à l'autre. ¡1 ne tant pas douter que


ledit colonel n'eu soit revêtu , pour peu qu'il trouve d'agré-


ment , ni aussi que , pour l ' introduire et. le rendre à l'avenir


considérable , l 'on ne lasse passer par lui toutes les ouvertures


et propositions qui seront jugées devoir être agréables; c'est


ce qu'un de ses amis m'a déclaré , et d o n t j'ai été conlirmé


par ce qui se passa dans l 'audience que je demandai , il y a


trois jours, au Protecteur pour lui faire des plaintes de ce que




IIISTOKIQÎÏES. 5PÎ>


S™ Le même au même.


Lundrer , 1S mai l'ioCe


.le n a i plus l i en à dire du colonel Lockliart , si ce n'est que
le roi ne sera point responsable des mauvaises rencontres qui


lui pourraient arriver, après les déclarations que, j'ai laites


sur son voyage, tant aux ministres d'Etat qu'à l u i - m ê m e . Sa


générosité ou la confiance qu'il prend en ses domest iques ,


et la joie de se voir dans un emploi qui le relevé plus que.


les armateurs, anglais continuaient leurs déprédations sur les
sujets de Sa M.ijeslé, el aussi jjoui' parler du due d'Yoïk .


Après avoir traité le premier point , et reçu les réponses qui


s'en peinaient attendre, je passai au dernier et demandai la


i é solution qui iu'a\ait été promise dans ma première audience .


Le secrétaire d'Etal, pour prévenir , ce semble , la réponse que.


le Protecteur m'allail rendre, l'avertit tout bas que c'était, un


des chefs de l' instruction dudit colonel Lockl iar t ; il ne laissa,
pas n é a n m o i n s , se voyant pressé , de m e dire que Sa Majesté


en pouvait user c o m m e bon lui semblerait . Je pris ce d i s -


cours pour un exprès acquiescement au séjour du duc d'York
eu France, et témoignai que le roi recevrait en fort bonne


part cette complaisance.


(Et p l u s b a s :)


Les civilités personnel les succédèrentaux nouvelles, et entre.
autres caresses, le Protecteur m e convia d'aller désormais à


11.(inptoncourt pour a v o i r m a part de ses divert issements ; je.


n'en s u i s pas tel lement touché que , pour l 'entretenir dans


cette belle h u m e u r , je voulusse conseil ler de, traiter de m ê m e


s o n ministre qui est eu France , si son séjour n'y est pas sou-


haite .




:m nocn .MENTs


H a lait. l'alliance du l'iotcrtoiir, ont prévalu sur if», crainte
que lui devrait doinicr le désespoir de tant d ' \nglais , Ecossais
et Mandais ruinés par le régime d'Anglctorre. .le les ai repré-
sentés en état de tout entreprendre, quoique te succès des
meurtres laits en Espagne et en Hollande dût étouffer la
pensée d'une seinlilalile action, quand même elle ne serait,
pas capable d'exciter une réconciliation entre le roi d'Espagne,
et le Protecteur.


r i n Le même nu mCme.


I.oniJiLe, :'J uní 1 t'ste


.le v o i s , par la lettre qu'il unis a plu de ni 'éerire le -2(t du
présent, que le colonel Lockhait a écrit et parlé uniformé-
ment, de sa réception, mais bien dillëreimnenl de son séjour,
puis qu'il lait passer en France quelques personnes dontii ni:
s'était pas voulu charger devant que d'être assuré d'une longue
résidence, et en remet d'autres à la lin de la campagne, oii il
prétend suivre, la cour. Si les autres ministres étrangers de-
meurent à Paris, cette distinction persuadera le Protecteur
que nous avons plus de déférence pour ses désirs qu'il n'en
a témoigné pour ceux de Sa .Majesté par l'envoi de son m i -
nistre. On peut souffrir qu'il se (latte d'une telle créance
pourvu qu'elle produise quelque avantage.




M t S ' i ' O K T Q t l K S .


X X I I I


( P a g e 367 . ;


J'railt'' fait avec le Protecteur et la République d'Angle-


terre pour la campagne de l(ib~. signé à Paris le
-23 mars 1<>.>7, ratifié par Louis XIV le 30 avril. eJ
pur Crotnwcll le A mai suivant.


Considérant qu'il est prouvé par des laits certains que les
Espagnols ont pour bul d'entretenir, dans le monde ch ré -
tien, des discordes perpétuelles; considérant que, de tout
temps, mais surtout durant l'année qui vient de s'écouler, ils
ont rejeté des offres de paix qui leur ont été faites aux con-
ditions les plus honorables el même les plus conformes à
leurs intérêts, par l'initiative île Louis XIV, roi Très-Chrétien
de France et de Navarre, mû d'un singulier amour pour la
tranquillité publique, et transmises par le sieur de Lyonne,
membre de son Conseil seciet, au roi Catholique et à sa
cour ; considérant que, après cet indigne relus, il ne reste
aucun espoir d'arriver jamais à la paix par une négociation
amicale, sans avoir d'abord forcé les Espagnols, par quelque
fait d'armes éclatant, à changer de sentiments et à entrer
dans des desseins plus modérés et mieux accommodés à
ia tranquillité publique; S.a Majesté Très-Chrétienne ne
voulant rien omettre de ce, qui est en son pouvoir pour
donner à un projet aussi pieux l'issue désirée, et le sieur
William Lockliarl, chevalier et conseiller pour l'Ecosse du
sciéiiissime et tres-puissanI lord Protecteur de la Répu-
blique d 'Angleterre, d'Ecosse et d ' I r l ande , commissaire
létal, procurateur et député dudit lord Protecteur, ayant




Oosi nocnMi ' .N 'T? ;


apprise S. M. Très-Chrétienne que S. A. le Inni Protecteur
est aussi dans l'intention do forcer l'ennemi commun dos
doux puissances à souIVrir que le monde chrétien puisse enlin
jouir de la paix ardemment studiai Ice, cl qu'à cette lin ledit
lord ['rotecleur a donni' audit sieur William Lockhart toute
sorte de pleins pouvoirs pour déliliérer, négocier et traiter
avec les délégués que S. M. Très-Chrétienne aurait choisis
pour s'entendre sur les moyens de combiner, dans la pro-
chaine campagne, les armées de France et d'Angleterre de
telle sorte que l'union de leurs forces et l'accord de leurs
desseins puissent, par la crainte d'un plus grand échec, l'aire
naître dans l'esprit des Espagnols le désir de la paix auquel
on n'a pu encore les amener par aucun mojen, et aussi pour
renouer les deux Etats par une amitié plus étroite, selon
l'intérêt des deux gouvernements, des peuples et des sujets;
et selon les conditions utiles à l'établissement de la paiv
publique; Sa Majesté Très-Chrétienne a choisi à celle tin et a
commis M. le comi.' de lìrieimo, commandeur de ses ordres,
membre de tous ses Conseils, premier secrétaire des comman-
dements et du Conseil privé, ainsi que M. de C vomie, mar-
quis de Fresne, seigneur de Berny. préfet et maître des
cérémonies etdesdits ordres, et membre du Conseil privé; et
S. M. leur a pareillement donné ses pleins pouvoirs p...ur
négocier et traiter suc les matières susdites. Lesdils plénipo-
tentiaires, après s'être réunis plusieurs lois, ont enfin fixé,
par l'effet de leurs pouvoirs, les o L ti clos suivants, donile*
présentes, jusqu'à la lin, sont la copie ;


1


D'abord, au printemps de cette année Ilio",, au mois
d'aviil. s'il se peut, les places fortes de d'avelines, Mardvkc
et Dunkerque seront successivement assiégées, pai' terre et




H r S T O R T Q T J E S . r,ri!)


¡.'¡1 nier, .î frais coiiiniims, et par les forées réunies, Je lu
manière Minante :


II


L'Angleterre fournira à ses frais, pour chacun des sièges
successifs ci-rlessus énumérés, de d'avelines, de Mardyke et
de f)unkcrque, une llolle de grands navires, suffisants en
nombre et en forces pour fermer les ports dos susdites places
fortes, tant que les sièges dureront ; plus le nombre d'em-
barcations et de petits vaisseaux qui semblera nécessaire, tant
pour porter toute sorte de secours à la susdite flotte, que
pour intercepter les secours que tâcheraient d'introduire,
dans les villes assiégées, soit l'ennemi lui-même, sent tout
autre se prétendant compromis par ces sièges; la France
fournira un elfectif de vingt mille hommes, tant de pied que
de cheval,


T U


he plus, l 'Angleterre fournira, pour lesdits sièges, un effec-
tif de six mille hommes de pied, en six légions ou régiments,
tiuii l chacun aura dix cohortes; chaque cohorte aura, outre
un centurion ou capitaine, un sous-centurion et un porle-
01 ipeaii, cent soldats, dont cinquante armés de mousquets
11 cinquante armés de lances, tous Anglais, sans admission
<f Keossais ou 1 (landais. Sur ces six mille hommes, trois mille
sei ouf enrôlés par commission Je Sa Majesté Très-Chrétienne,
i t seront transportés en France aux frais dudif roi , à savoir :
.m prix de 37 livies tournois et 10 sols (monnaie française',
pour l'enrôlement et le transport de chaque soldat ( mous-
i iuets , lances et baudoliers non compris, et S. M. s'engageant
à ioiiimr ces objets auxdils soldats). Les autres trois mille
bomiiics seront eniôiés, équipés et transportés en France aux
liais de l 'Angleterre: de son côté. S. M. promet d'avoir soin




«'Mi h O C U X f R X T s


que leur paye leur seul comptée et que les a l iments leur soient


lourius , lorsqu'ils auront débarqué sur les côtes Je Calais ou


de Flandre , et tant que dureront les susdits s ièges; et pendant


ce t emps , après avoir prêté serment selon l 'usage , ils com-


battront, à la charge et sous la discipline mil i taire de S. M.,


obéissant aux ordres de ses généraux ; et ils seront licenciés


d'après le mode dont lesdits plénipotentiaires seront convenus


par une stipulation spéciale ; en outre, S. M. s'engage à leur


compter d'avance, lors de leur débarquement , la moit ié d'une


année de solde, qui sera, par la sui te , déduite de la totalité.


IV


Lorsque les généraux et les officiers de guerre , désignés


pour ce soin par le lord Protecteur, auront reçu l'argent que


S. M. s'engage il paver pour l 'enrôlement et le transport des


• tOOO soldats ci-dessus m e n t i o n n é s , au taux de, .'17 livres


lit sols par h o m m e , S. A. se' chargera de prendre l'enga-


g e m e n t défa ire transporter, soit en France , soit en Flandre,


tant les 'jTlOO soldats c i - d e s s u s ment ionnés que les oliò!! au-


tres, que S. A. doit lever, équiper et transporter à ses liais :


ce qui sera l'ait en la saison di te , et m ê m e , s'il est p o s s i b l e ,


à jour lî.xe, selon les st ipulations plus spéciales qui sériait


faites. Lu outre , ledit lord Protecteur s'engagera à onvover


sa Huile, ses embarcat ions et ses petits navires en vue des


susdites places fortes et pour en fermer l'entrée par mer, au


pair qui sera l ixé , selon les plans d'attaque Convenus de part


et d'autre.


V


Dans le cas où les préparatifs faits par S. M. Très-Chrc-


tieiiiie pour l 'entretien des a n n é e s seraient insiifiisanls, ei nii.


pour ob lenir et alternili' le succi es de l'entreprise, S. M. annui


besoin de quelque s e n i o r s un'elle pourrait tirer d'Aiigleleire




î r î S T O U T Q U R S . « 0 1


|>ius facilement, mi ù meilleur compte, soit par exemple une
partie «les fourrages pour la cavalerie, de l'avoine, du blé ou
les armes, des boulets, de la poudre, des fusées incendiaires,
des grenades et autres munitions nécessaires ou utiles au
succès des sièges, ledit lord Protecteur s'engage à prendre
s e i n de les faire fournir à l'armée française en quantité
suffisante, et au prix juste, sans augmentation extraordi-
naire.


V I


Au cas où lesdits sièges réussiraient, ce qu'on est en droit
d'espérer, Dunkerque et -Mardyke appartiendront à l 'Angle-
terre, Gravclmes à la f r anco ; et dans le, cas où Dunkerque
serait contraint à se rendre, S. M. s'engage dès à présent à
j faire entrer tes troupes anglaises, non les siennes, et à
icmeifie la ville aux mains de S. A. ou de ceux que S. A.
a tuait chargés de la recevoir.


VII


Comme il semble très-difficile de commencer par le siège
de Dunkerque, de telle façon que l 'honneur des armées unies
l ie lût pas compromis ( difficile entreprise qu ' i l serait cepen-
dant fort désirable d'accomplir, vu que les communications
seraient par ce moyeu coupées entre Graxelines et les autres
places, de sorte qu'un siège unique semblerait réduire les
Jeux villes), si pourtant la prudence et les raisons de,
fart militaire niellent en évidence qu'il n'y a pas sûreté à
pénétrer aussi avant, du premier coup, dans le pays ennemi,
e n laissant dcrrièie s o i et en négligeant une place forte aussi
i u i p o i faute que tlravelines, sans parler des autres positions
q u e l e s ennemis occupent sur divers points dans ces contrées,
et d ' o i i ils pourraient facilement couper les communications
qu'il faut maintenir à tout prix entre la franco cl les armées




00g ! ir irUlUTe'N'l S
ass iégeantes : S. M. Très-f' .hrélieiii ie, désireuse •!•• montrer


audit 1 orí 1 Protecteur sa sincérité et sa c o i d i a i U T , par toriles


lr< prouvas qui ¡iujil en s o n pouvoir, s 'engage d è s à presen),


• lans le ras oii les niulifs c i -dessus e n u m e r e s eu d'autres


causes l'obligeraient à assiéger d'abord Cravehnes , cl si la


ville tombe entre ses m a i n s , à livrer audit Protecteur ladite
vi l le , avec ses citadelles et les eliàleanv forts environnants que


les e n n e m i s occupent aujourd'hui , en attendant que la prise


de Dunkerque permette de rempl ir les engagements contenus


dans l'article qui précède immédiatement c e l u i - c i , et qui
réserve Dunkerque el Alardykeà l 'Angleterre, (d'avelines à la


F r a n c e ; et cet échange de Dunkerque pour (¡raveliiies se fera


de l ionne foi et de lionne amit ié , quand tes deux villes auront


été prises, toutes sécurités ayant alors été données , selon les


usages reçus. Si donc la ville de, (¡ravelhies est d'abord assié-


gée et prise, S . Ai. y fera entrer les troupes anglaises, non


les s iennes , et les y laissera jusqu'à ce que, la prise de Dun-


kerque permette d'ell'ecluer l 'échange susdit.


Mil


Ledit lord Protecteur , pour composer la garnison de la


ville qui lui sera remise suivant la conveulion c i -dessus con-
c lue , pourra se servir, s'il lui semble bon. dos ol'liriers et


des siddats qu'il voudra chois ir , à celte l in, parmi les trois


mille Anglais qu'il doit lever et équiper à ses trais.


IX


Sa Majesté Très-Cbrédienne emploiera selon son bon plaisir


¡>t aussi longtemps qtr'Elle le jugera hou, les ( i l i o n Inmunes


oisdits , exception l'aile de ceux que S. A. le lord Protecteur


aura choisis pour garnir la ville prise, selon e.e qui a été


réglé par l'article précédent; S. M. s'engage souk ment, à


quelque m o m e n t qu'il lui plaise de ne plus employer ces




J I I S T O K I Q I ­ E S , 0 0 3


l roil |H'», à leur taire ci m i j i li.' i la moitié d'une année rie solde,
i oiimii ' indemnité d'' congé, et pour qu'ils puissent payer
leur passage et les frais de leur retour dans leur patrie.


\


S. M, après l'accomplissement desdites expéditions, pourra
Mire entrer les soldats anglais ci­dessus énuméiés dans celle
lèses années qu'il lui plaira de désigner, et user de leurs
­ervic.es, dans quoique troupe qu'Elle les ait incorporés;
р т и щ qu'il lui soit agréable, cependant, de ne jamais les
di\io.'i', mais plutôt de les maintenir toujours unis, par preuve
do bienveillance.


XI


Comme S. M., malgré le pieux motif qui la. décide, et qui
• •st. la tranquillité du monde chrétien, n'aurait jamais voulu
consentir aux propositions même les plus avantageuses pom
i ontribuer par ses armées à établir, dans une \ille de Flandre,
des troupes anglaises si elle n'était assurée, par les garanties
les plus complètes, les plus certaines et les plus saintes, que
1 Î religion catholique sera à l'abri de toute attaque, de tout
détruite ni, de toute moles la lion, et sera, conservée dans son m­
légrité, ledit, lord Protecteur promettra, par un serment, solen­
nel, et on outre par une convention particulière алее S, M., que
i oiukerque. Mardybe on. С rave li nos une fois remises entre ses
mains, il y laissera toutes choses en l'état où il les aura trou­
v e s , eu ce qui concerne la religion catholique; les ecclé­
siastiques, tant réguliers que au ires, qui n'auraient rien
ilanic" (outre, le gouvernement établi dans ces villes, y joui­
i..ut en sécurité de leurs revenus et de la possession de leurs
.­.lises, d o n t , aucune ne pourra être détournée à l'usage de la
relie' il protestante ; cnlin rien ne pourra être changé, sous
..ouii! prétexte, en ce qui concerne la religion catholique.




D O C (.'.VIENT*


XII


Ledit lord Protecteur s'engage dé.- à présent à n e prétendie
r i e n autre à l'avenir en Flandre que la possession desdites
places fortes, Hunkerque et Mardykc, et de la seule ville de
'..raveliucs, en attendant que les deux autres puissent ètie
r e m i s e s eu I r e les mains de S. A. ; S. A. s e léscrve seulement
le droit de contraindre à lui payer une contribution les pavs
e n n e m i s qui entourent lesdites places fortes. M a i s ce droit
accordé à S. A. de lever des contributions n'empêchera JRI.N
S. M. Très-Chrétienne d'entrer et de s'établir dans les sus-
dits pays, si ses intérêts l'exigeul, et même dans les villes
de Borgnes et de F u m e , o u dans les autres places que
les e n n e m i s occupent s u r le littoral ou dans le v o i M u a e e
de la mer. Dans le c a s où ces places loin lieraient au
pouvoir des Français, elles seront aussitôt libérées de» sus-
dites contributions.


XIII


Il est en outre convenu que, le présent traité, toutes les
conventions et tous les détails qui y sont contenus, seront
raidies et continués, dans le m o i s qui vient, o u plus têt s'il
est possible, par lettres patcnlcs, de part cl d'autre, scellées
du grand sceau, et rédigées selon la forme due et aulbouti-
que ; et il sera l'ait échange de ces pièces dans le délai ci-
dessus convenu.


AUTICLE SECH CI'.


Afin qu 'une voie, plus facile soit ouverte pour arriver à
établir dans le monde chrétien une paix solide cl durable;
pour prévenir toute jalousie qui pourrait s'élever de l'une ou
de faillie part, et les discordes mémo que les e n n e m i s s'effor-
ceront s a n s doute de s e m e r entre l'Angleterre cl la France,




m s ' r o n i Q t ' K s . oor»
•!i proposant à l'une on à l'attire séparément un traité parli­
ulier, dans la seule inlculioti de briser l'union qui existe dès


i présent entre ces deux puissances, et de mettre à profil le
lommage qui кап1 en surviendrait, comme ils ont déjà réussi
! le l'aire en usant des mêmes manœuvres envers la France et
i Hollande; il a été convenu ce qui suit entre les susdits
dénipotentiaires, par cet article secret, qui aura la même


rre et les mêmes effets que le traité aujourd'hui conclu
our ce qui concerne la guerre projetée, lequel article sera


nbsi mutuellement ralilié et échangé; ni l'Angleterre ni la
t e u i c e n e pourront conclure, sinon d'un commun accord,
mviuie paix ni trêve m autre pacte, avec la cour d'Espagne,
r u s tout l'espace de celle année, l'an de grâce mil six cent
oiqnante­scpt, à dater de ce jour , le 2d mars ; en out re ,
Uns tout l'espace de celte année, aucune proposition de paix
и de trêve avec les Espagnols ne pourra être entendue par
eue des deux puissances sans qu'elle y tasse participer l'au­


r e l ' O i t de suite et de bonne loi ; et si, dans le cours de ladite
и псе, la France, sur les instances du souverain Pontife et
le la république.vénitienne, consent ;i entrer eu pottrpaiieis
и m ' le rétablissement de la paix publique, sur les confins des
'viénécs, en Flandre, ou en tout autre lieu, elle exigera,


a ii11110 condition, que le lîui Catholique donne ses sauf­cou­
hiils dans la forme voulue, et avec les marques d'honnciii
ii usage, aux plénipotentiaires anglais, pour qu ils puisseifl


•"i.sli'r à ces i oiilércnces, et y être reconnus et accueillis pal
.autres envovés avec les honneurs qui leur sont dus.


Fui! à Paris, le -2o mars de l'an de grâce 10«\>7­




DOC.TÏM KNTS


XXIV


' P a g e 009 . )


! • M. de Bordeaux à M. de Hrienne.


11 est aussi certain que les levées d'Anglais coûtent beau-
coup plus qu'aucunes autres, paire que ce peuple étant assez
accommodé, il ne s'engage pas si facilement dans la guerre;
d'ailleurs notre service passe pour être un peu rude, elle
présent régime paye bien plus régulièrement et donne bien
moins de fatigues à ses troupes.


(El plus bas :)


1° Quatre mille hommes seront levés pour le service de
Erance et débarqués en lieu sûr et commode, dont il seu
convenu, au \<T de seplembre prochain, si la conduite d'of-
ficiers nommés et ayant commission de Son Altesse esl ju-
gée raisonnable.


2" Lesdits quatre mille hommes se joindront à l'armée du
roi pour l'exécution de tel dessein qui sera accordé de part
et d'autre, et obéiront aux. ordres du général do ladite ar-
mée, suivant la discipline de la guerre.


.'{o f.esdils hommes ne seront point séparés ou dispersé*,
cl ne feront qu'un corps ou brigade, si ce n'est du consente-
ment du commandant en chef de ladite brigade, qui s e i a
commis par Son Altesse.


4" Ee roi des Français payera ici eu Angleterre trois liv. st,
et douze, schellings 1 par fête à chaque soldat pour la levée et


1 m a r g e . -, l l o i m o i e d e T r a e e e . -lT l iv . 10 s o u .




IHSTOKKJI'KS. G07


transport, cl li - •/.r scbellings quatre pence par tète, pour
Cachât d'armes, tambours ci drapeaux, et aux ofliciers un
entretien ou paye raisonnable; el sera ledit argent m i s ès
mains de l'ollicier ipie S. A. nommera pour commencer la
levée et faire les provisions nécessaires pour le transport.


ô u S'il arrive que Son Altesse ail besoin, pour son propre
seivico, desiiits ipialre mille homincs, ou de partie d ' i eeux , il
en pourra, disposer en payant le prix de la levée à proportion
du nombre qu'il prendra, sur le produit susdit de trois livres
douze, scbellings par tète.


ti" l.csdits hommes, tout le temps qu'ils serviront eu France,
seront payés et. entretenus sur le plus haut pied d 'aucune des
autres troupes qui sont au son ice de France, el auront mêmes
privilèges et avantages que ceux de quelque autre nation que
ce puisse être.


7° 11 sera fait une paye d'un mois au débarqué, tant aux
officiels qu'aux soldats.


S» l.o r o i des Français venant à congédier lesdits quatre
nulle hommes , ou partie d'iceu.x, il leur sera donné par
avance, lors dudit congé, un mois de paye pour leur transport.


v i O M Î I C A T I O N .


Au heu de trois livres sterling douze scbellings par tète,
mentionnés en l'article 4, pour la levée et transport de cha-
que soldai, on se contentera, de trois livres sterling par tète,


lit il sera au choix des Français d'acheter eux-mêmes ici
des armes, si bon leur semble.


L'entretien ou paye raisonnable des ofliciers dont il est
parlé dans le même article, sera un mois de paye par avance,
sur le pied qu'on les paye en Angleterre, et d'un jour pour te
commandant en chef.


Au heu d'un mois de. pave demandé par l'article 7 , ou se
contentera d'un demi à leur débarqué.




! K « : i ' M K _ \ r s
2° Le même au même.


I. •ndrv", ïl -tl 'U'Iilu'r IfiMi.


Après avoir attendu seize jours l'audience IJUC j'avais de-
mandée à M. le Protecteur, d m e l'a donnée ce soir. Ma ré-
ception à Whitehall ne doit point changer l'opinion où j'étais
que cette remise extraordinaire procédait de quelque mécon-
tentement. L'on m'a , contre l 'ordinaire, tenu dans une salle
longtemps devant que de m'admeltre à l'audience; a u i a m mi-
nistre du Conseil ne m'a reçu ni accompagné à la sortie,
quoiqu'il en ait été usé autrement depuis mon séjour en An-
gleterre; cette différence ne m'a pas tant surpris que de voir
M. le Protecteur prendre le mailre des cérémonies pour in-
terprète, qu'on soupçonne être des pensionnaires d'Esp.mne,
et en cette qualité, éloigné' de toute confiance ; je n'ai p a s
laissé de taire les civ dites qui m'ont élé ordonnées, le remer-
< ianl de sa bonne volonté, et l'assurant qu'encore que Sa Ma-
jesté ne s'en prévale1 pas pour la présente canqiague, elle ne.
se croyait pas moins obligée de lui donner, en toutes rencon-
tres, des marques de sa reconnaissance et de son affection. Je
lui ai ensuite demandé la cuni ni nation de celte lien me diqr ca-
tion qu'il a fait paraître depuis notre disgrâce', cl I ai prié- de
MUiffrir la levée d'infanterie dont Sa Majesté aura besoin pou
la campagne prochaine, lui répétant que la puissance tir no
seule* troupes était capable de bure perdre à I Espagne !,i
pensée d'appuver les entreprises que le roi d'Ecosse pouriait


former sui ' l 'Aiiglelerri ' Ces considérations m'ont donné un
prétexte de convier à prendre des mesures pour la campagne
prochaine, et de songer auv cnlreprisos qui se pourraient lor
mer à l'avantage de la France et de l 'Angletene, lui témoi-
gnant que j'avais ordre d'en coutérer avec lui, et que f i cli,,-




H I S T O R I Q U E S . nno


[Hi>ilioii qu'il trouverait en Sa Majesté confirmerait la v e -
nte de ee qui a été ilil. an sieur I.ockhart. sur le voyage de
M. I.yomie. .M.milil sieur le. l 'roleclrur a répondu h tous ces
ponds, Mir lesquels j»f nie suis assez étendu à différentes r e -
prise-, i m i ' des expression^ générales pleines de satisfaction d e ee q u e notre année se Iruinait eu état de résister au \ en-
:» mi- -ans le secours que nous lui avions demandé. Il a aussi
i.rol'e.-.?é d'être toujours dans les mêmes sentiments, et prêt a
! ivoi'iser nos desseins, remettant à un autre temps la coul'é-
jouce que je lui avais proposée sans la presser, et a paru in-
firmé de la mauvaise loi de l 'Empereur; niais il a passé fort
légèrement s u r la négociaIion de M. I.yonne, alVccbml néan-
moins de croire ee qui a été dit à son résident. Nous avons
..près parlé des desseins du r o i d'Angleterre, de l 'ordre qu'a
I C I u le duc. d'York de passer en Flandre, et des diligences
opte faisait le marquis d'Ormond pour assembler u n corps
considérable d Anglais, Ecossais el. lrens; j ' a i pris sur ce sujet
occasion de parier du serv ico que quelques sujets desl'rov inces-
l'uies rendaient avec leurs vaisseaux à l'Espagne, s a n s l'avoir
pu engager d'approfondir cette matière, ni les affaires de
Cologne, quoique j ' en aie fait ouverture e n lui disant pour
nouvelles que les dernières lettres de Al. d'Avaugour don-
naient espérance d'un accommodement : et ne v oyant pas jour
d.e in'éclaircir sur aucun autre point, j ' a i iiui mon audience
par le député de lîourdeaux, en donnant parole qu'encore
• pie sa conduite méritât un châtiment exemplaire, néanmoins le roi lui pardonnait en sa considération. Devant que de me
remercier, il a demandé au secrétaire d'Etat si ce n'était point le protestant : j 'ai relevé celle parole pour lui dire que s a r e -
l i e r a i était encore une des raisons qui devaient apporter de la
.lillieulté à celle grâce : n o n que Sa Majesté considérai moins
-•es sujets qui la professent que les antres, o n fût moins a s -
- i i r é de leui obéissance, mais parce qu'il n e pouvait soullrir




fll'J D O r i ' M F V T S


que les Etals étrangers all'eelassent. île ies protéger. Ce dis-
cours n'a pas empêché que .M. le Protecteur, après quelques
civilités sur la complaisance dont le roi usait, n'ait loué nos
religionnaires de la fidélité qu'ils ont témoignée en tes der-
niers temps. Je suis néanmoins sorti persuadé, tant par se-
paroles que par sa contenance, (pie les affaires du dedans de
l'Angleterre occupent plus son esprit que celles du dehors, et
sa conduite depuis peu de jours confirme qu'il a grande
alarme ou grand dessein. Il manda samedi les officiers de
l 'armée, et leur dit que le roi d'Ecosse 1,lisait de grands pré-
paratifs contre l'Angleterre, que celui d'Espaguo lui donnait
un corps de dix mille hommes, et qu'encore que ces forces ne
fussent pas à craindre, ils se devaient tenir sur leurs gardes et
aviser ensemble aux moyens de se garantir, tant contre les
ennemis étrangers que domestiques. Deux jours après, te
chevalier Vane, le major général Ludlow et quelques autre.-
de même faction, qui ont refusé de se soumettre au gouver-
nement, furent envoyés prisonniers eu différents endroits; le
premier a été puissant dans le. Long Parlement, et les autres
avaient toujours servi dans l'armée ; en même temps plu-
sieurs royalistes ont été arrêtés, et tous les autres du même
paili ont eu ordre de s'éloigner de dix lieues de Londres, il a
aussi été expédié beaucoup de commissions pour de nouvelbe-
levées d 'hommes, outre les recrues des vieilles troupes, qui
font une garde-aussi exacte dans la ville que si l'ennemi éi-it
aux portes: et le gouverneur d'une des places de. la côte a
été arrêté pour n'avoir pas révélé qu'il lui avait été fait des
offres de la part du roi d'Angleterre, ('es précautions ont pour
prétexte une conspiration des royalistes el la mauvaise v o -
lonté des républicains. Mais beaucoup croient, et avec fonde-
ment , que l'on se sert du nom des premiers pour donner
quelques alarmes à l 'armée, et empêcher qu'elle ne s'inté-
resse au mauvais traitement que reçoivent les autres qui pin-




H I S T O R I Q U E S . « 1 1


!..-sent une chaleur extraordinaire pour la conservation des
privilèges du peuple, el qui ont. même contribué, entre antres
ledit chevalier Vanc, à l'élévation du Protecteur qu'il appelait
son frère; la différence des intérêts a rompu cette alliance.


•> Le cardinal Mazarin à M. de Bordeaux.


C a n s , le (1 décembre 1650 .


M. le colonel t.ockhart est parti d'ici pour s'en retourner
ou Angleterre sans qu'il y ait n'en de conclu; il sait seule-
ment ce qu'il v a à f a i re pour une liaison étroite; et comme il
en rendra compte de delà, s'il se résout quelque chose, vous
en serez averti aussi tôt. Je lui ai envové quatre. îles plus
féaux chevaux de mon écurie, deux coursiers de Naplcs el
deux barbes, pour M. le Protecteur; néanmoins il n'en finit
pas fane d'é< lat, et je l'ai prié, mèmement de les présenter
comme une bagatelle (pie j 'avais en quelque façon destinée
pour ledit sieur colonel.


Je commencerai au premier jour à vous faire remettre de
langent pour travailler aux levées, je vous prie d'y bien
appliquer. Vous pourrez aussi conférer avec ledit sieur colo-
nel Loekhart des moyens d'y mieux réussir; il y contribuera
eu tout ce qui lui sera possible.


:i1 M. de Bordeaux à M. de Brienne.


I.omlri::!, ils décembre It l 'H).


il passe pour constant dans le public, et quelques par t icu-
l i e r s m'assurent que le secrétaire de don Alonzode Cardonas
a été depuis peu à Londres, a même logé pendant trois jours
i NMiiteliall et a conféré a v ce quelqu'un du Conseil, qu'il




0 1 j n o r t ' M E N l"s


s'en est retourné le -21'' de ce nuns, p| ,pie son voyage i'i"-


sera pas sans quelque succès ; celle négociation est désavonée


par toutes les personnes de la cour ; uéaunioins la plupart des


royalistes ne laissent pus d'en avoir l 'alarme, et de eioircque


le succès ruinera ent ièrement leur parti.


3" M- de Bordeaux au cardinal Mazarin.


Ismdro. ' , -l'.'i jMISOr 1 ;i!.7.


.le ferai toute dil igence pour découvrir la vérité de ce que


Votre F in inence m'écrit du voyage qu'a l'ait le secrétaire de


Cardenas. ('eux qui m'en avaient donné l'avis veulent qu'un
moine ir landais , son confesseur, qui était revenu ici de


Flandre peu auparavant, eût ouvert cel le négociation, duiil


j 'a i douté l ong temps , et que j'ai dil léré d'écrire, jusqu ' à ce


que l'on m'ait assuré d'avoir M I ledit secrétaire. S i Wliilc a


fait quelque intrigue, ce doit être avec la participation di


Protecteur, puisqu'on ne l'a relàclié de la prison o i i il était


détenu, pour avoir reçu des lettres de Cardenas, que peu de


jours devant le prétendu vovage dudit secrétaire, et. qu'il ne


demeure en Angleterre que par la permission qui lui en e s !
renouvelée de temps en temps . Il a discontinué de me VOIR
durant sa pr i son , et depuis je ne 1 ai pu attirer chez m o i , quoi-


que je l'en aie convié , pour l 'entendre sur celle négociation,


l e sais aussi que le ministre S loupe s'est mêlé de faire les ou-


vertures d 'accommodement , sous le n o m de M, le prince do


Coudé, et que M. le Protecteur lui permet d'entretenir com-
merce avec ses gens , ( 'el le conduite et les avis dillércnts .pu
m'ont été. donnés m'avaient l'ait croire le voyage et les confé-
rences dudit secrétaire : mais il m'a aussi jiaru que l'un


el l'autre pouvaient avoir été, recherché.» pour faire perdre
iu \ royalistes d'Angleterre la cnidiancc qu'ils ont a FLspu-




i d S T l i R l Q U E S . t>i:s


l'y' M. de Ikirdeau.r au cardinal Mazarin.


I.or.rlrt:;, 7 j ' î iviur l ô S S .


. . . -l'ose, monse igneur , me promettre de la justice de


Votre F inmeuce i j i i 'Flle. n ' a u r a pas eu désagréable de voie


qu'en servant le roi, et exécutant ses ordres, m a conduite


auprès de AI. le Protecteur ait été telle qu'il lui en soit resté


une entière satisfaction, et si bonne opinion de moi qu'il


nie trouve capable de remplir l 'une des principales places


. uxquelles les personnes de ma profession doivent aspirer, et


lue m ê m e il m'en veuille' facibli r l'entrée, .le crois aussi


>i n'a prés un jugement si .avantageux, et u n e r e c o m m a n d a -


hou si puissante, je ne puis être blâme d'avoir des préten-


tions relevées. Ce n'est pas que je ue reconnaisse que Al. le


i ' p j e c i e u r , parlant pour la charge de premier président, n e
e s o i t plus considère que1 mon ambit ion , puisque j'avoue


qu'elle ne s 'étendrait pas an delà d'une charge de président


a i mortier, l'ayant Iniqours bornée aux choses qui m e p a -


i .essaient sans dil'licull.é, et que je pouvais attendre de la


nié de Voire Fiiiineiice. Aies sentiments ne sont point si fort


i hangés que , s i elle ne peut user de toute la complaisance


qu'en désire Al. le Protecteur, j e ue lui fasse connaître qu'eu


nie taisant proléi'er a l'une des charges de président au m o r -


i i e i , elle a donné à sa prière loul ce que la conjoncture des


c i t a ires de f i a n c e permet lait, et que je ne reçoive cette pré-


îerenee connue un de.-, plus grands bienfaits que je puisse


-.iiiiiailer .le ne laisserai pas a u s s i , poui lever tous o lx ta -


; : I M ' , D U m ê m e pour donner «le la jalousie à la France, et
disposer Sa Majesté à m i e u x recevoir les proposit ions q u
]>• i r l e le colonel l .ockliarl .




i t l l nOcTMKNTS


d e s , de me porter à tous les aeeoiniiiodeincnfs (pie ma For-
tuite présente permettra, s'il plaît à Votre Emineuce de. nie
faire savoir, ou à quelqu'un des miens, sa volonté; et. je la
prie très-humblement d'être persuadée, que, quand le secours
d 'aulrui , mes services, et d'autres motifs auraient part à
l'établissement que je demande, je ne m'en tiendrais pas
moins redevable à ses bontés, ni moins obligé d'être, avec
autant de zèle et de respect que je l'ai été par le passé, etc....




iflSTOniQDES.


XXV


( P a g e 371 . )


V> M. de Bordeaux à M. de Brienne.


Limdr t e , i"j août 1 t i r i l .


. . . . Il ne faut pas que M. le Protecteur ait su le dépéris-
sement des Anglais, puisqu'il ne m'en a rien témoigné. J'ai
pont tant .appris que, pour faire voir leur déplorable condi-
tion, quelques-uns d'entre eux avaient envoyé de notre pain
de munition un peu différent, de celui que l'on consomme ici
d'ordinaire. S'ils sont employés, tous ces dégoûts passeront,
et l'on ne laissera pas d'en tirer bon service. C'est ce que
souhaitent les bien allècttonnés d'ici à la Franco.


2" Le même au même.


Loml re , , 9.7 sr,|,Onil,re ¡ « 3 7 .


Je n 'accusai point, par l'ordinaire précédent, la réception
de la lettre qu'il vous a plu de m'écrire lors. L'arrivée de
M. Talon à Londres le même jour m'en ôta le temps. Il est
venu demander, tle la pari de M. de T u r e n n e , quatre mille
hommes et des muni lions de guerre pour entreprendre l'al-
I épie de Mardybe. Le général ISeynolds, qui avait passé la
mer avec lui, ayant pris le devant, et vu M. le Prolecteur S
llaioptoiicourl, il s'en retourna aussitôt ici, et, s u r le, soir,
je lui allai présenter le sieur Talon, qui remit entre ses
mains son instruction et le mémoire des choses nécessaires,
-ans en r e ' i r e r aucune réponse. File lut renvoyée au lende-




fi II) ' I V H ' P M l N T S


main mal in , el iHanl relournés à Wlnlchall pour la recevoir,
nous n'y fîmes qu'examiner la carte de la côte et les avan-
tages que ce régime recevrait de la conquête de Alardvkc,
11. le Protecteur ayant encore demandé du temps pour se
résoudre jusqu'à hier. Cependant, le sieur lleynolds avait
témoigné que la proposition était fort agréable, et que même
l'on surseoirait le détachement qui se devait, taire, pour le
service, de Suède, de deux régiments de vieilles troupes. M. le
Protecteur nous avait aussi paru, comme ses entoure, etie
assez porté à se prévaloir de l'occasion. Néanmoins, je le
trouvai hier tout changé dans l'air de son visage et dans ses
discours. Il me lit une récapitulation de tout ce qu'il m'axait
dit, depuis que l'armée du roi s'était écartée de la côte de n i e r ,
louchant l'inexécution du dernier traité, laissant assez ouver-
tement entendre qu'encore que, de sa part, il y eût satisfait,
nous n'en avions pas usé de m ê m e ; que nous avions p lutôt
songé à prendre Cambrai ; que l'entreprise ayant ni.ui.pié,
nous avions porté nos armes devant Alonlinédy et al laqué
Saint-Venant ; tous ces sièges avant mis notre armée hors
d'état de former aucun dessein considérable, sur la lin
de la saison, je lui apportais de nouvelles propositions
qui ne lui étaient d'aucun avantage, Mardyke ne se ponv m l
conserver sans grands frais; que ses autres desseins n e Ou
permettaient pas d'employer ses troupes à cotte entreprise, e!
que, Duukei que ne pouvant pas être attaqué, ."iiardyke ir'éi ni
pas capable de le dédommager des frais qu'il avait faits f ou le
celte campagne, tenant une flotte toujours en état d'agir; que
d'ailleurs le traité obligeait le roi à fournir les choses qia-
l'on lui demandait, el qu'enfin son Conseil ne jugeait pas r
propos qu'il se départit du traité. Ce discours, eu f e i n i e s
assez plaintifs, m'ohligea Oe repas-or par loules les c o n s i d é -
rations qui avaienl empêché l'urinée de Sa Majesté d e i i l i - ' -
prendre M'rs lu nier au colin leemeiil de la rampa-; n o , ue




I I I S T O N I Q I ' K R . « 1 7


me servir de l'exemple, do ce qui s'était passé devant Cani-
l.rai j>our lui faire conn.'iilrc le peu de succès que l'en
devait espérer devant Dunkerque, et de lui dire, sur le siège
ce Mnntmédy, quai n'avait été entrepris que pour y attirer
f-s i nui n ,e . et laisser à M. de Turenne plus de liberté d'ap-
| rocher de la mer ; qu'après sa prise, nous avions attaqué
NAML -Yenan t , pour avoir un passage sur la Lys, sans lequel
notre armée ne pouvait; venir, et que, depuis, les ennemis
avant empêché de passer la Colme, il avait, avec beaucoup
d'adresse et de lactique, gagné la tête des rivières et pris le
eo>le do Hoiirboutg , [lotir ensuite attaquer quelque place
i:I iritime OII IL croirait réussir. Mais toutes les forces de
Flandre étant derrière le canal de Bergues, et. Dunkerque
ayant un corps d'armée assez considérable, il n'était pas pos-
sble de s'attacher à celle-ci, non plus qu'à Gravelines, à
cause du grand corps de troupes qu'ils y ont jeté, et que
•M.IRDYKE étant un poste dont In prise est nécessaire devant
que de songer à celte, première, place, il avait cru suivre les
intentions du roi, et l'aire à Son Altesse un service agréable,
- il le. lui mettait entre les mains ; que je reconnaissais bien
i i u e , suivant les termes du traite', nous n'avions pas droit de
lui demander nouveau secours d'hommes ni de munitions,
qu'un pavant; mais que, la saison étant bien avancée, et le
I C I se trouvant, à .Metz, d'où l'on ne peut avoir des ordres ni
le;, provisions nécessai ces si proiiipteiiienl que d'Angleterre,
d'ailleurs, notre infanterie étant fort, diminuée par les mar-
ches qu'elle a laites, el ce corps, que nous avions toujours
..-inservé, sans l'exposer à aucun danger ou fatigue, alin de
S'en prévaloir du côté de la mer, étant affaibli d'un tiers, et
l'entreprise qui se propose n'étant que de trois ou quatre
jours, Il semblait que.M. LE Protecteur ne devait pas plaindre
LES choses qui lui étaient demandées, et ne. pouvait recevoir
aucun préjudice d'euxoyer des hommes pour si peu de temps ;




6 1 8 i.i M I \i | N | y


qui', s'il v Irmivail plus •riiicumôiiiiriil qui' de profit et ne
juge-lit pus que l'acquisition du -M ;ual y ko lui pût être assez
avantageuse, sans la prise de Puukerque, pour hasarder ses
hommes, M. de Turenne ne laisserait pas de l'aire ce que les
lois de la guerre lui permettrai 'n i pour l'exécution du traite
avec les forces qu'il commandait, et que ce n'était pas I i n -
tention de la cour d'y rien innover, niais plutôt d'aban-
donner les conquêtes qui nous seraient les plus utile-. p"iu v
satisfaire, q u ' a i n s i Son Altesse ne devait point pieudic <:>
m a u i a ise pai I le v ovage il u sieur Taloin m ses demandes, nier:
plutôt y voir nu elfel de noire franchise et sincérité. Mon
dira-ours ne fut point sans réparties, toutes tendantes â nous
accuser île l'ine.véciiliou du traité, cl je ne manquai p a ^ a u . a
d'appoiler toutes les raisons qui nous devaient justifier de . e
leproche. La lin de cette conversation de deux heure- lui
qu'il ne laisserait pas de continuer dans ses bons senliniei-i;
pour la France, ni de lui donner dans les occasions loin .1.
. • c c o i l i s qui serait en son p o t i v o i i , et une ollrc de quelques
canons qu'un commissaire de. l'artillerie dans l'aimée du i c i
avait vus dans l 'amirauté d'Angleterre, .le reçus ces protesta-
tions d'amitié avec des assurances d'une sincère correspon-
dance de la pari du roi ; et, sur son offre, je lui proposai de
dresser un étal de ce qu'il pouvait fournir, afin que .M. de Tu-
renne prit des mesures certaines, sans néanmoins lui doui cr
ni é.lcr l'espérance d'aucun siège. Ne voyant pas qu'il ollnt
des hommes, ledit sieur Talon, qui était préseul à l'audieni e ,
l'assura ensuite qu'il avait apporté des ordres très-exprès
l'armée de venir du côté de la mer, et que c'était l'intention
île Sa .Majesté. Ainsi, je le laissai avec un visage un peu pm-
satisfait qu'il n'avait paru d'abord ; et, le soir même, le
secrétaire cl' lé fat m'envoya demander l'explication de quel-
ques articles du mémoire que l'on lui avait mis enlie les
mains, et que je lui lisse saveur au jusle ce qui serait née




i n s T i i u i q r i x ( i io


«aire. Apres a v i l i r cntutiiuiiiqué au s i c i r r Talon celle demande,
•I qu'il n'eiil pas Ireuve à propos d'entrer dans aucune
rcilueli.il), quoique en elVel lieaucoiip d'arliclcs paraissent
e\ces­il's. |e lui ai lail s a v e i r ee matin que je ne. pouvais pas
lui donner l'éclaircissement, qu'il désirait s u r le.dernierpoint,
s a g i s s a n t du l'ait de l 'ailillerie, dont les otliciers demandent
quelquefois les choses plus amplement qu'elles ne leur sont
ncces ­ a i r c s , orauile d'en manquer ; mais qu'il devait croire
que. in'cuvoyant un état de ce que nous pouvions tirer pré­
sentement d'ici, M. de Tureune obligerait de s'en accom­
moder, s'il voyait jour a réussir dans l'autre. Il est demeuré
l o u i r i i l île relie i épouse, et l'ail dresser un mémoire que le
­ ю т Tatou perlera ou enverra, à l 'armée, Comme il ne se
parie point de laite, passer des hommes, la peine pourrait
b i e n être assez , inutile. Néanmoins j ' a i jugé le devoir laissa
bine, pour bu persuader davantage que n o u s souhaitons
1 exécution du li a lté. que ledtl s i e u r Talon n'est point envoyé
ici о dessein de donner de belles paroles, au lieu des cll'ets
que M. le l'roteclcur attendait. Jl m'a paru, dans la. dernière
audience, assez disposé à prendre cette fausse impression,
et qu'il doit avoir trouvé dans s o n Conseil des esprits ou peu
alleclmniiés à la l 'rauce, ou au moins bien enclins à prendre
eu mauvaise pari tout ce qui n'est pas selon leur souhait. Sa
froideur me surprend encore davantage lorsque je me r ep ié ­
м­iile les offres que m'a faites le secrétaire d'Etat de toutes
les forces d'Angleterre pour favoriser nos desseins sur les
places de la mer, el la réputation que lui donnerait l'acquisi­
tion d'une, place en Flandre, dont je n'ai pas oublié d'exa­
g é r e r l 'importance. Contre foules ces considérations, il n 'ap­
pui le que les grandes dépenses qu'il serait obligé de faire pour
la conserver. S'il ne revient point, le roi aura eu au moins la
sali­Iaction de dentier des preuves de sa sincérité, et la liberté
de porter s e s armes où elles pourront agir pour son compte.




*]•> l.c nuhne au m ê m e


[.«iirll-.:,, I I > : li.'.T


MoiiSlOII 1 ,


J'ai s.iti»fai| au |)i incipal contenu en la 11• Iiïi• qu'il vous a
plu d e m ( a l l i e le è» du présent, dans l ' a u i l i e u e e ijue nie
donna M. le Protecteur !e (i. I,a n o u v e l l e qu'il m'envoya, par
un gentilhomme de sa chambre, de la (irise de Mardyke. aus-
sitôt qu'il l'eut apprise par les lettres de son amiral, m e lit
désirer de le voir, afin de le congratuler d e cette acquisition,
el, en même, temps, de reconnaître ce qu'il a t t e n d a i t du veste
de la campagne, par les offres que je lui f e r a i - d'informer
M . de. Tmenne de ses seutimenls. Il reçut t o u t e s m e s civilité-,
et les assurances que je lui donnai d u d é s i r qu'avait le roi que
son armée pût, devant la lin de l'été, exécuter le derniet
traité, avec des marques d'une e u t 1ère satisfaction el cn-u-
u a n c e à la sincérité des promesses d e Sa Majesté ; cf., s a n s en-


trer plus avant dans la. matière, il se nul à railler un des mi-
nistres du Conseil, qui lui servait d'interprète, lui reprochant
que, comme pensionnaire des Etals généraux, il é l a i l |'..rl
affligé de la prise de Mardyke. N'eus parlâmes ensuite de la
situation de la place, de la facilité qu' i l y aurait à la conser-
ver, tant que l'Espagne n'aurait point d o forces navales, du
nombre d ' h o m m e s qu'il y faudrait n i e l l n - en garnison, et du
peu (le dépense qu'elle lui appurlcrail si le gouverneur savait
aussi bien faire valoir la contribution mie font ceux de Sa Ma-
jesté. Je lâchai de le satisfaire sur Ions ces points, el crus v
avoir réussi, le laissant persuadé de l'importance d e ci lit
conquête, fl ne s'ouvrit en aucune f a ç o n sur c e l l e s qui se


pourraient faire le reste de l 'année. Seulcmeul me liénnigna-
t-il allendre avec impatience des nouvelles de l'armée, dont il
n'avait rien appris depuis la lettre de son amiral, et. me jura.




H I S T O l i l Q i ' K S , 010


•i° IJ' même au même.


Il r e n d e e n i p l e d ' u n e c o n f é r e n c e qu'il a e u e a v e r le


P r n l e c l e i l l . )


.le passai aux nouvel les de la ce")le, dont je lui r e -


présentai, suivant les avis que m'en avait donnés M. de


ï u r e n n e , les affaires en tel état qu'il moins d'un îa fra ic lns -


-oment de garnison, d'une vigilance très-grande, et d'une


continuelle assistance d'Angleterre, il était difficile de c o n -


server .Mardyke lorsque noire armée sérail é lo ignée . Il me dit


que .M. Lockliart était arrivé la veil le, et que son indisposition


ne lui avait, pas permis de l 'entretenir: qu'il croyait savoir


de lui. le l endemain , ce qui était n é c e s s a i r e , et que je serais


après informé de' ses se i i l imeuls , auxquels je l'assurai que


M. do T u r e i m e se c o n f o r m e r a i t — Deux jours après , M. Lock-


liart me vint voir; et , après m'avoir fait connaître , par une


a s s e z ample déduction de ce qui s'était passé depuis son a r r i -


vée à l 'armée, qu'elle avait pu attaquer fh inkerque avec


,-uccès, les ennemis n'y ayant que deux mil le cinq cents


h o m m e s de puai, sans lourrages pour y recevoir île la cava-


lerie ries e n n e m i s , si ruinée qu'à peine leur restait-il quatre


mille cinq cents chevaux, qui n'étaient pas capables d 'empê-


cher le s iégé. Il me déclara lort ouvertement que M. le l 'ro-


lecleui ne pouvait approuver la proposition que faisait M. de


'S iircnne île démol ir Mardyke; que , n é a n m o i n s , il ue Tempe-


lui fn faire savoir, ni 'olfraul communica t ion de ce qui lui


-orait mandé . Je n'ai point encore satisfait à colle correspon-


dance, n'avanl rien entendu de M.. de. T u r e i m e depuis dix


leurs, ( / e s t une marque qu'il ne dés i ie rien d 'Angle terre . . . ,




citerait pas, et donnerait ordre aux Anglais d'en sortir, aus-
sitôt qu'il leur serait ronunnndé; mais aussi qu'il ne fallait
plus, après, songer au dernier traité ; que notre procède fon-
liraterait le publie et les ministres du Conseil dans la crovance
qu'ils ont eue, dès le eoniinencenienl. que le roi r ie l'exécute-
rait, point, et que toutes ces dernières démarches ne se fai-
saient qu'alin d'amuser M. le. Protecteur ; que ce n'était point
à lui de conserver Mardyke, n i à s 'en charger, à moins que
l'on ne lui remît en même temps Cravclincs ou Ilunkerque;
qu encore que les Anglais fussent dedans, ce n'était qu'au
nom du roi, et sous le commandement de quiconque v serait
envoyé de sa. part, pourvu qu'il eût assez, de qualité poui
commander à un colonel. Ledit sieur ambassadeur me vou-
lut aussi faire voir, par la carie du pays, que la conservation
de ce fort n'était point aussi difficile que l'on le représentait,
et me laissa entendre qu'à moins d'un ordre de la cour..
M. de Turcnue n'aurait point changé la résolution qu'il avait
prise de favoriser ie< travaux d e celle pla.ee. el laissé dans le
voisinage une partie de nos troupes en quartier d'Invei
pour la défendre en cas que les ennemis l'attaquassent. Je
n'oubliai rien pour le désabuser, attribuant ce changeureie
à la pure nécessité, el laulc d être informé des motifs parti-
culier» qu'avait M. de Tureime en proposant cette démolition.
La fin de tout cet entretien fut que M. le. Protecteur s'en tien-
drait désobligé, et ne crouait plus que nous fussions en état
ni volonté' de satisfaire au traité, si nous détruisions une
place qui lui doit appartenir; et ledit sieur ambassadeur inc.
témoigna que si, devant son départ, il ne me pouvait von.
M. le secrétaire d'Etal me vieinliail communiquer la dei niert
résolution d ' ici . . . . il y satisfit la semaine passée, m'élaul
xenu tenir les mêmes discours, de la part de M. le Protec-
teur, que j ' a v a i s déjà entendu- de son a.niba-sadcur, -tu la
conduite de notre année el le changement, de résolution dt




l ! 1 S T 0 r U ( ) T f K S . t".?r?


*>l. de T i !reuuo, II y ajimla qui: la 0.>tU' (hAiigieterie n'avan!
• •té I N I M ' .-in pied que { j 1111 r • lavonscr l'atiaquc des places
ma; il u n í ' - ,1,. I'l.iiiili'I!. aussi bien qua la levee el le I rans pm I
•if 11 "is 11 n lie Anglais qui s i ail it noire sen ice des le com men -
• ciui'iil de la camp.igiie, el de deux mille I N N O V E S depuis pon
i danivkr , sans quo néauriiouis nolro armée cal non .we-
enie, d iielni!, pas juslc. que M. le I'roleelcur supported
•.elle dispense, dont S.i Majesié seule avail prolité par la pi r e
de .Moiilmédy el de Saint-Veiiant, qu'il fallait voir comment


• ai on useiait la. campa fine peochaiue ; que ce point elevad
t lie iéj-lé devaul que de prendre des mesures pour l'a venir,
ii v . I \; 1111 pas glande apparence que nuns trouvioiis plus de
!.n liiíi-q lie cctle année a m sieges de Dunkerque ct ín av eliiie-.
ies einieims ela.ul si hien wlurm.ES du do.sseuicomniun ; el que
.M. I.oekliait avail ordre de [aire cetle ineme declaration a la
na i r . ,!e luí dis, sur le soiipciiu oil il paraissail élre que rmus
cussioiis n i míe veritable uilenlion de sali.-t'a.i re au traite, lout
..c q m me semilla devoir ellaccr cetle impression, s a n s n u -
111K' i que nous ne ci'I'Vions pa- poiivoir engager plus nssiné-
nieiii rAiigleterre contri: bEspagne, qu ' eu remellant une de
e c - leii.v places cutre les mams de M. le Protecleur, el. ipie
i ien ne. poovanl plus,nancer nos albures que I union de ses
ml eréis, a.vee ¡es nutres, d n e' L.J i I. pas a piv.-umer que nous
cessions manqué de bonne volunté, nuns qu'il l'allail alii diner
a I'n 111111 issai ice. l'mevécul mu du t ra i te ; quant a bi Conserv a-
li'.n de Mardyke. qiiVlle regardait piuló I. M. le 1'rotecieur
one Sa. .Majesié; que cetle placo élail. de son parlage ; qu'il


I 'a v a 11 miiiie reconnii, I o esqueje |ui proposal 1 allaque de cello
place ; la seule consideration des grandes dépenses qu'iJ fau-
di ait laire (unir se rnaiuleiiir I'ayaul bul bésiler sur bemol
des i boses que M. de III re une désirail poiirJormer le siéire,
one. ne.iiiiooins, le, roí ne. iaisserail pas de cotilnbuer de -a
¡üi l , ,oii.ml qu d iui serail iios-ilde, a la coiiscrvatioii de. ce




fl24 i lOrHMl'N 'TS


fort; et qu'aussi, M. le Protecteur, quand même il serait con-
stant que ce serait à la France seule de porter cette charge,
ne devrait pas refuser son assistance, sans laquelle la d i s p o -
sition du pays rendait tous nos soins et dépenses inutiles, .le
lui communiquai, pour confirmer celle, vérité, une lellrede
M. de. Tu renne qui demande que la garnison soit souvent
rafraîchie, et, qu'à cet effet, M. le Protecteur tienne quelques-
uns de ses vieux régiments sur la côte d'Angleterre avec des
vaisseaux pour les transporter en cas de besoin. Je lui lis von
aussi, par la même lettre, que l'on ne songeait plus à la dé-
molition, et que. les nouvelles fortifications étaient d é j à en
état de ne plus appréhender une surprise, ce. qui a paru dans
l'attaque que firent les ennemis la semaine passée ; et qu'en-
fin, il n'épargnerait r i e n pour satisfaire ,M. le Protecteur.
J affectai toujours d'être surpris de la proposition d ' u n rem-
boursement des dépenses qu'il a faites, bien qu'elle ne me lui
pas nouvelle, et fis voir au dit. secrétaire que le r o i avait bien plus
perdu, pour s'être attaché' à l'evéciitioii du traité, puisque son
armée s'y était ruinée, et avait laissé beaucoup d'autres entre-
prises dont le succès eût été certain et avantageux.à- la France ;
que l'acquisition de .Montmédy et de. Saint-Venant ne pou-
vait récompenser cette perte, la première de ces places n'é-
tant qu'un chàleau plus reconnu,indalile par la longueur de
s o n siège que par l'avantage que nous en retirerions, et la
seconde n 'étant qu'un passage dont se rendra facilement neu-
tre quiconque l'osera de la campagne; que, si le tiailé dei-
mer se renouvelle, comme il y a sujet de le croire. Sa Majote
étant toujours dans les mêmes .sentiments à l'égard de l ' A n -
gleterre. .M. le Protecteur sera bien dédommagé de toutes se s
avances par l'acquisition de Dimkerque ou (navelmes, liien
plus importantes pour maîtriser la n i e r que ne. l'est (.alais,
dont les rois d'Angleteire .,nl autrefois tant lait d'élal. et la
icine Marie tant regietlé la perte. Je fus obligé de néelendie




!i!NTf)niyui's, >m
un | i c u sur l'avantage de ces places, pour répondre à ee
(jue le sieur secrétaire d Fiat nie disait quo la plus grande
partie du Conseil désapprouvait celte conquête, et la regar­
dait comme une occasion d'épuiser l'Angleterre d'hommes cl
d'argent : et, après lui avoir donné toute espérance qu'elle se
ferait l'année prochaine, je. le priai de ne me point charger,
ni M. I.nrkhart, d'aucune paride de. remboursement. Il rue
protesta que c'était le désh de Al. le Protecteur, et me pro­
testa, néanmoins, qu'il était autant que jamais porté à de­
meurer ami avec la France. . . .


S" Le même au même.


L o n d r e s , v26 n o . r i n h r e itV­',7


le ne crois pas pouvoir rien ajouter à mes offices
passes en laveur de la Suède , et ses plénipotentiaires me
paraissent remplis d'espérance de recevoir on tin quelque
fruit. S'il vous plaît, monsieur, me. faire pari de ce qu'aura,
i.jitenu le sécrétai те Courlin, je. serai en état de leur faire voir
que |e me suis aussi occupé de, ce qu'ils ont désiré de moi, et
convierai par cet exemple M ­ le Protecteur à une semblable,
contribution. Il professe une grande impuissance.; et quoi­
que son revenu soit considérable, les dépenses de terre et de
mer en ayant absorbé une grande partie, cette confession
pourrait être sincère, au moins pour le, piésenl. . . Aussi,
ne désav oue­l­d pas qu'à l'avenir il ne puisse assister ses
anus, et vivre avec une magnificence royale ; la voix pu­
blique et ses plus proches veulent qu'après la séance du Par­
lement, il prendra la couronne, et que maintenant l'armée.
c s | disposée à le soiilfi rr. quelques -uns dès plus ennemis de
le. lovant­; ayant été iclonués, et d'autres envoyés dans le




M T \ i c c d o f iance et de Suéde. . . Il parait aussi à Wliitehall
u n autre esprit, les danses y ayanl été rélaidies ces derniers
leurs, et les îrinnslres prêchants du vieux temps s'en reliiaul,
pour' être trouvés trop mélancoliques Les olliciers subal-
ternes de l'armée eu grondent; m a i s leurs chefs étant gagnés,
loul se passera sans bruit C'est aussi main tenant l'opinion
de quelques-uns que la Chambre haute ne sera point convo-
quée devant que l 'autre ail rétabli entièrement la royauté,
les principaux seigneurs taisant scrupule d'y venir, à came
que, la famille royale ou les républicains rentrant au gnmei-
nement, ils seraient déclarés coupables ; au lieu que, siiiv.ui 1


un »Utlut l'ail au commencement du rogne de Henri septième
personne ne peut être recherché pour avoir obéi à celui qui ;,
ta couronne sur la tète, quand elle serait acquise injustement.
Il serait aussi a craindre qu'en assemblant cette Chambre i l»
Seigneurs, la Chambre des Communes ne se trouvât, par I.
promotion de ceux qui en auraient été relirés pour r»i'n>
scr l 'autre, remplie de membres peu allée! mimes et ennemi
île la royauté. Ce, sont les présentes réflexions qui se font ici


sur les affaires du dedans Les noces de la cadette de i l . I.
Protecteur se firent le 2d, sans éclat; et seulement, le.- t r o c
jours suivants, if y a eu, matin et soir, grand festin pour ie
parents, les ministres du Conseil, et les autres amis. I! n .
punit été fait de mention des ambassadeurs. Je ne laissent
pas de faire des compliments de congratulation, s'il me parai
que l'on t;n veuille recevoir. L'autre mariage s'achèvera dan
peu de jours , et toute la famille logera, dans Wliitehall. Li
milord Richard doit occuper la m a i s o n de Saint-James, qui
les princes avaient coutume d'habiter. Mais, apparemment
ce changement et toute autre nouveauté seront remis ja-
ques à la. séance du Pailci i icnl . . . .




I T l s T O R T Q P F


<o M\ de Hvidcau.i: au cardinal Muzariii.
le ii .-• fjii tuj'.'ii r i e n îi mes j i ié( •!'•< le 11 lu - lettres, louchant les


alla ires étrangères, et je me donne 1 honneur d'écriie à Votre
Emmenée, seulement (mur i "'informer de ce qui s'est pa.»sé
aujourd'hui. I.e Parlement ayant conlin'uéde tenir une con-
duite qui funieulail. le méconlenieineiil île quelques sectaires
ennemis du gouvernement monarchique, et quelques-uns
il entre eux ayant, depuis peu, pris la liberté de dresser une.
icquéle séditieuse, qu ils prétendaient présenter au Parle-
ment de la. République d'Angleterre, à quoi ils étaient encore,
excités par leurs ministres qui parlaient hautement et ou -
vertement contre le gouvernement de M. le Protecteur, pour
prévenu les suites de cette liberté, et, empêcher quelque
jonction de ces factieux avec les députés de la Chambre de>
Communes qui adhérent à leurs sentiments, il a pris la réso-
lution de dissoudre le Par lement ; et, sur le midi, il est sorti
de. son palais, dans son carrosse, accompagné seulement d'un
heulenunl.-colonel, sou neveu, et de six haUebardiers, et est
allé dans la Chambre haute, où il a mandé celle des Com-
munes, et, adressant la parole à tout le eoips, sous le nom de
Seigneurs et Gentilshommes, il a témoigné beaucoup de r é -
gi et de, se voir privé du fruit qu'il avait espéré de leur as-
semblée, a déclaré que quelques députés des Communes
tâchaient d'exciter un soulèvement dans la ville et dans l'ar-
mée, que ce corps lui avait donné plus de peine en quinze
jours de séance que tous les autres Parlements précédent-:
ensemble, qu il ne pouvait seulii irsa séance plus l o n g t e m p s ,
.-ans un grand préjudice a la nation, i l qu'il le dissolvait.
Apres ces deimeies pal vies., toute la compagnie s est sépaiée,




1128 DOCUMENTS
cl il o'a paru aucune altération dans la ville, ni parmi les
troupes, quoique l'on soupçonnât que l'enlreprise de t e s m:-
(aires, que l'on croit avoir donné lieu à cetti' dissolution, ne
fût fondée sur quelque correspondance avec La milice : et,
depuis 2 i heures, il s'était pris toutes sortes de précautions
pour empêcher leurs assemblées, qui se faisaient, sons le pré­
texte de prières et de prêches, et sous le titre de congrégations
d'indépendants. Leur requête, qu'ils ont semée par la ville,
tendait ,entre autres chefs,à ce que les olliciers de l'armée ne
pussent être cassés que par un conseil de guère, alin de se les
rendre plus favorables. Il s'était aussi fait hier une délihéia­
tion dans le Parlement, qui donnait sujet de mécontentement.
La Chambre hante, pour hâter celle des Communes, lui en­
voya demander son consentement à un acte qu'elle avait
résolu, pour éloigner tous les royalistes de Londres cl. de, dix
milles aux environs, comme il se pratique assez souvent, et
dans les temps de soupçons. Après quelques débals, savoir
s'il serait répondu, il passa, d'une voix seulement, que la
Chambre des Communes enverrait, par ses messagers, une
réponse à Vautre Chambre, au lien de la nommer Chambre
des Seir/neurs, ce qui décidait en quelque manière la question,
qui était, encore, sur le ri pi s, touchant sa qualification, Ces
sujets de plainte accumulés doivent avoir contraint M. le
Protecteur d'en user comme, il a fait, bien que le l'ai IonienI
lui parût nécessaire, pour en retirer do l'argent, les troupes
n'étant pas payées de leurs six derniers m o n , tout le
monile s'attend qu'il prendra, d'autres voies et que, P u i s ­
sant de l'intérêt île l 'armée, elle <o portera facilement à tout
ce qu'il en désirera. П aulnes veulent que, suivant un usage
quelquefois observé sons les ro i s , il fera une assemblée de no­
tables, sous le. nom de grand Conseil de la nation, dont il
choisira les députés, pour autoriser so>> actes et ordonnances.
Peu de jeuirs découvriront, ses desseins, On peut cependant




n i s r o u r Q i i K R . m>


rpcounaìtrc ijii'il agii avee. uno grande confianee puisque,
dans la présente cniqniicture, il réformc ses troupes. ,1'ap­
j»il'iids qu'en blande pariic de l'arinée doit ótre liceueiée,
ioni y élaul si (rauipiille (pi'elle peni ótre gardée avec peu


7" le ni' ii" au типе,
L m u r o , i» tèm-r l « S «


I lopins la dissolution du Parlement, il ne s'esl rien passé,
n i ne considérable, l / n i i a. seulement nus dans la Tour de
Londres deux néuuslres de ces seelaires qui avaient dressé la,
lequèle, donl l'un s'était fort emporté eoulre la famille de
M . le Pi'ulecleur, et lui .naît , en chaire, reproché, connue un
и rond crime, de n'avoir liaison qu'avec Votre Eininonco,
qu'il qualifia jésuite, terme ordinaire à celle sorte de gens
pour désigner les catholiques sévères, ce qui le rend moins
injurieux, f n major de l 'armée a aussi été arrêté, et i l . le
P i olei leur manda, avant­hier, les officiers de l 'armée. Apres
les avoir Iraités assez rudement, et les avoir accusés do s'être
mêlés avec des coquins, il leur mit à. tous le marché ;i la
main, offrant de reprendre leurs commissions s'ils n'étaient
pas satisfaits du son ice. Il attribua aussi à une véritable né­
cessité la dissolution du Parlement, qu'il accusa de représenter
les mauvaises humeurs de foute la nation, aussi bien que la
puissance, et que, même, il était devenu le Parlement do l las­
lei'ig. qui était, un des plus factieux, el l'un des cinq membres
que le dernier roi alla demander au Parlement. 11 se parle
encore d'eu appeler un aulre, pour subvenir aux nécessités
de l'Etat, que l'on prétend être eu dette d'un million de livres
­ 'crime. Mais, n'étant pas certain que de nouveaux députés




(m n o c r . M K N i s


lussent plus fa\oj-j»|»les que cos derniers, il semble «pie l o n U -
.liilri'.N M u e s seront tentées, C I I ' \ ; I I I 1 que d'en M - I I I I - à rclle-ei. et
(ju'il sera plutôt usé de ménage, eu réformant des tmopes
et mettant muins de vaisseaux en mer, afin que le revenu
erdinaii'e fournisse de q u o i paver les ai rerae.es dus aux s o l -
dats, ipii ne sa «ut pas accoutumés en ce pays à r ien perdre,
quelque nécessité qu'il y puisse ê t re . . . .


S" M. de Bordeaux à II. de Bricune


— M. le l ' roleclcur a, depuis peu, assemblé les n l i i c i e i
de l'urinée, et, après s'être justifié de. tant de cassations de
Parlements, il leur a représenté sa nécessité d'argent, et
exhorté à le seconder si, pour en tirer, il était ronli.iin!
d'user de voies extraordinaires. Il leur a, en même temps,
fait payer une montre, et remis à son fils aîné sou régiment
de cavalerie. 11 lut reçu à la tète du corps, la s e m a i n e passée.
Dans la cérémonie, une balle de pistolet l'approcha. L'un de
ses gentilshommes, sur le soupçon d'avoir tiré le coup, a été
arrêté. .Mais, au lieu de ce crime, il s'est trouvé' coupable d'a-
voir falsifié, la signature de AL le Protecteur, et donné <|e<
passeports à des personnes suspectes. L'un de ses derniers gen-
dres a. aussi obtenu le régiment du sieur Lambert ; et, présen-
tement, d ne se parle que de faire beaucoup de ebaiiLteniciie
d'officiers dans l 'armée. L'autre gendre, petit-fils du comte de
Warwick, mourut , la semaine passée, d'une maladie dont il
avait été attaqué peu de jours devant son mariage. M. le Pro-
tecteur même a été assez indisposé, jiisqucs à. être contraint
d'user de. remèdes soporiliques. Sa santé est maintenant réta-
bl ie; cl il commence, dès avant-hier, à se laisser voir. S a




lIl.sl'i)l!lC>L'[-:s 031


maladie n'a pas empêché ty.tr, pour prévenir tous inconvé-
nients, déférentes personnes n'aient été arrêtées


'.r> Le mente un même.


J'aurais ma l jugé des uléuhes d'Angleterre sr aucune de
mes lettres y avait l'ait appréhender de la révolution, et je ne
puis, ( p o u r répondre à Celle qu'il vous a plu de urécrire Je
!> du p i e - e n l , que continuer ce que mes précédentes ont lait
ravoir d e IVia*, du présent régime, et qu'il y parait plus de
disposition à la royauté qu'à l a ruine, de M. le Protecteur. 11
manda, sur la, lin de la semaine passée, le maire et le con-
sei l de la ville de Londres, e t tâcha de remplir leurs esprits de
dédain e d'une descente du roi d'Ecosse avec une armée de
huit mille chevaux, la ivpréseiilaul à la veille d'être einliai-
i j U i e , à l lunkerquc . dans vingt-deux vaisseaux plais qui
étaient préparés pour ce service, et assurant que le marquis
dàii inond avait été depuis peu à Londres, pour y former des
intelligences., que même quelques-uns d'entre eux l'avaient
v u ; cl, après une récapitulation assez ample de l'état du pays,
et de ce qui s'était passé depuis son administration, il convia
la ville de se tenir sur ses gardes, d'établir la milice, de la
mettre entre les mains de personnes pieuses et hien intention-
nées, et de concourir avec lui à la conservation du repos pu -
blie, sans faire aucune demande d'argent, quoique celle com-
pagnie crût être appelée pour ce sujet. I l parla aussi après
aux olliciers de l'armée eu des termes fort semblables ; d'où
beaucoup infèrent qu'il y a quelque dessein sur le tapis, près
d'éclater, et cette croyance est augmentée par l'approche des
i1 ou pes , élan! peu vraisemblable qu'il se lasse, en Flandre aucun.




filli n o n i M K N T S


embarquement contre l 'Angleterre; et cette alarme est un
înnyeri l'ori souvent praticjué pour retenir l 'armée, cl tous ceux
qui ont été engagés contre la famille royale, plus attachés au
présent gouvernement. Il passe 'l'ailleurs pour tròs-con<lai)t
que quelques régiments de l 'année d'Ecosse ont fait des dé-
clarations très-soumises, que les principaux officiers de celle
d Angleterre sont devenus favorables à la royauté, à des con-
ditions i[ui ne s'accordent pas bien à l'établissement de .M. le
Protecteur; mais, s'ils avaient l'ail une démarche contraire,
ce ne lui serait pas une grande pinne de lui faire reprendre
son ancienne forme, le peuple s'y trouvant fort incliné, pour
prévenir une seconde guerre civile. Il n'y a que la levée
d'argent sans l'approbation du Parlement qui puisse le cho-
quer; et, le revenu public étant double de celui dont les rois
d'Aiiglelerre, ont joui, il semble que. M. le Protecteur ne soit
nécessité d'encourir la haine de toute la nation pour avoir de
nouveaux fonds, sans lesquels, mettant moins de vaisseaux à
la mer, il peut entretenir la guerre contre l'Espagne. I.e bruit
s'était bien répandu que, faute d'argent, il serait contraint de
s 'accommoder; mais personne n'a cru, que traitant avec celte
couronne, il voulût se déclarer contre la f iance, et jonc vois
pas (pie son intérêt lui permette, ni qu'il lui moins exposé
aux dépenses pour l'une que pour l'autre guerre. Ainsi tai-
sant, la paix se ferait, alin que, n'ayant rien à (aiic au dehors,
il lui restât une entière liberté de travailler aux établisse-
ments du dedans. Le traité que M. Eockbarl doit maintenant
avoir renouvelé, guérit toutes ces sortes de déliances. Pour
quelque temps, et pourvu que l 'année de Sa Majesté entre-
prenne un siège sur la. còte, elle peut attendre grande assis-
tance d'Angleterre, nonobstant les soulèvements dont au
dehors l'on publie qu'elfe. ,_.,•( menacée., . .




H I M O R I Q r K S .


•lo- .il. de Hnrdcaux au cardinal .ifazarin.


L u n d i ' t IT i uiti I eis .
J'ai reçu aujourd'hui la lettre que Votre Kminence m'a


fait l 'honneur de m'érrire le -Kl. Pour satisfaire au contenu,
je n'ai pas manqué d'envoyer sur l 'heure demander audience.
Elle a été remise à demain, à cause de l'indisposition dange-
reuse de l'une des tilles de M. le Protecteur. Ce retard m'em-
pêchera de rendre compte, par la présente, des sentiments
particuliers de Son Altesse sur tout ce que Votre Kminence a
ordonné de lui faire savoir; mais je puis par avance l'assurer
que la défaite des ennemis a causé ici une joie très-particu-
lière. La nouvelle en arriva hier au matin à Londres. Aus-
sitôt le capitaine des gardes de M. le Protecteur, accompagné
d'un des genlilshommes do la chambre me l'apporta, et il fut
mandé, aux ministres qui étaient lors en chaire, de l'an-
nonce r au peuple. Le secrétaire d 'Etal , deux heures après,
m'en envoya la confirmation, avec (les démonstrations de joie
estraordinaires. Il est vrai que, la veille, l 'alarme était ici
l">»rl grande que les ennemis n'attaquassent et forçassent nos
lieues, (ietto crainte , cl l'instance que j 'avais faite pour
l 'envoi d'un renfort d'infanterie, avaient porté M. le Pro-
lecteur à commander encore 1700 hommes, dont partie fut
embarquée an pont de Londres, avant-hier, et. le secrétaire
d'Etat m'avait mandé que Son Altesse enverrait encore plus
grand nombre, mais qu'il fallait quelques jours pour les
transporter, les troupes se trouvant éloigné' s des cotes d 'An-
Joter ie qui répondent à celles de Manille. J'en donnai sur
I heure avis à M. ile Tur io, par courrier exprès, el | a p -
prend . qu'il les a conlreiuiodées, n'en ayant pas préseiile-


ni be-oio T"' j l -s ces il 11 Igei ne.; et bonnes dispositions




im O O C t , M K N T s


confirmeront à V. E. que l'alfaire était ici f a i a enair. Tene
manquerai, api es les cungaailiil.il i o n s , d'en faire des rcnier-
chnents à M. le Protecteur, et de prendre quelque autre
temps pour en faire aussi eiviliié au secrélaice d'Etal. On ne
doute point que Dunkerque ne se rende bientôt, ne restant,
plus à la garnison aucune espérance de secours; et, sans
doute, le roi se prévalant de la chaleur qui me paraît ici pour
appuyer ses desseins, il trouvera grande facilité à la con-
quête des autres places maritimes. Je ne puis pas dire
qu'une si bonne nouvelle soit reçue ici de tout le monile avec
même esprit. Il y a encore trop de factions pour attornile
cotte uniformité de sentiments; et il est vrai que, hors 1rs
personnes affectionnées au présent régime , peu d'autres
voient avec joie les prospérités communes dont M. le Pro-
tecteur tuera , outre l'acquisition d'une place estimée très-
importante, cet avantage que le piarli royaliste perdra l'es-
pérance qu'il avait conçue d'une descente d'étrangers en leur
faveur. Je ne manquerai pas d'annoncer la venue de M. le
duc do Créqui et de M. de Mancini. On ne s'attendait ici
qu'au dern ier ; et l 'honneur qu'il a d'appartenir à Voire
Eimnence tenait heu d'un titre aussi considérable que celui
de due. Jl recevra sans doute des marques de la satisfaction
qu'a remportée de Leurs Majestés et de Votre Kminence le'
milord Faulcoiibridge, arrivé à Londres avant-hier, .le ne
l'ai point encore vu ; niais il m'en a fait des excuses, accom-
pagnées de démonstrations de reconnaissance du bon accueil
qui lui a é t é fait. Il s'est absenté: le lendemain de son arrivée
pour n 'être pas plaisent à l'exécution de son oncle, dont d n'a
pu obtenir qu'un changement de supplice. Les deuv condam-
nés doivent avoir demain la tôle tranchée,—Je puis assurer
Votre Eniineiice que je ne finirais pas importunée de la
prière qu'elle a reçue si la lille même de M. le Protecteur
n e m'en cul fait instance ; et quand je m'y rende., c e fut après




m s T O T U Q r T ï s . i~Hf,


avoir l'aiL eoimailre que, M IO milord Fauleoiìbridge môme,
ciani à la c o u r , n'en avait point parlé', difficilement le roi on
votre Knniience s'engageraient à celte recommandation, vu
ie ctame doni il s'agit. La réponse que j 'ai rendue aujour-
d'hui aux parents du condamné les a satisfaits, et ils ont
. c o n i m i que difficilement cette grâce pouvait s'obtenir,
«"omino mon audience a été remise à demain, peut-être pour
éviter mes offices, je serai dispensé de les rendre, et j 'ai
d'ailleurs reconnu qu'ils seraient inutiles. La cour de justice
se rassemblera. Le témoin qui s'était sauvai ayant été requis,


i n pourra bien juger d'autres prisonniers Il ne s'est rien
passé tous ces jours qui mérite d'être écri t . . . . Les olliciers
pu lèvent les trois régiments me sont venus dire aujourd'hui
jue ie colonel Thonipsou leur avait eniin écrit que, son lils
•tant, mort, r i e n ne l'empochait de passer bientôt en Angle-
îerre. je ne leur ai pas encore déclaré que Sa Majesté se con-
tenterait des L'illO hommes ; mais ilv a lieu de croire qu'elle
u ' a u i a pas grand besoin du surplus qu'ils avaient olforl....




n o c i n i l';s


Л \ V i


( P a g i ; ;17<­.)


1° Le cardinal Mazarin à Cromiceli.
C i O i ­ , i­i ju in I в , 8 .


Monsieur,
Je suis confus des termes obl igeanls dont il a plu à Votre


Altesse Sereniss ime de se servii' dans la lettre que j 'a i reçue
de sa part en dernier h e u , et de toutes les civilités que M. le
vicomte de Eauleonbridge y a ajoutées de vive voix. II pourra
l u i ­ m ê m e informer V. A. S. de l'accueil que Leurs Majestés
et toute la cour lui ont l'ait, et de l 'application avec laquelle eue
continue ici à l'aire tous les elforls possibles pour le bon
succès du siège de ! tunkerqi ie .


Il serait à souhaiter que nous eussions plus d'infanterie,
quoique S. M. y ait emové généra lement tout ce qu'elle a
pu, sans retenir m ê m e auprès d'elle une seule compagnie di­
ses régiments des gardes ; aussi je ne doute point que N . A . s .
n'ait donné ses ordres pour n o u s envoyer le renfort qu'elle a
promis, et que nous n'apprenions d'un moment a l'autiv
son arrivée dans le c m i p . fille agréera que me reniellaul du
surplus à inondai sieur vicomte , p; Пшч­ч', e tc . , eie,


2» Le cardinal Mazarin a M. Liu-Uiurl.
OC a , 17 ju in NIAS


.Monsieur,
j 'a i reçu la lettre qu'il vous a plu de m'éerire, cl ]e suis,


très­obligé' а \ . Ex­ des n o u e l i e s assurances q u e l l e me




insri'OTUQUES o S 7


> l.nuis M V à Cromwell.
( ' . . O u . , la i n n , l i " . 1 , . -


M.m­ii 11r le Protecteur, avant beaucoup de sentiment des
ténud­nages que j'ai ICI;us de votre affection par le vicomte
do f'aulcoubi idge, votre gendre, je n'ai pu me contenter d'y
i v o i r répondu par son moyeu, cl j'ai désiré de vous donner


i nu>ic des marque­: plus expresse­­ de la in ieune , en vous
• 'iiv.H.­uil mon cnusin, le due de (.Yéqui, premier g e n t i l h o m m e
о, ma i l iauibre. auquel |*ai orilonné de vous faire parl icu­
b e i e i i i e i i l comiai l ié ipielle c r i l'estime eu laquelle je hem,
• . . a n pors,,nue. et coinliieii |e lais d'étal de volit! amit ié , Je


. ! ri i il ю de son amitié cl des termes il uni elle parle de fact ion
qui s'est passée en ilcrniei' l ieu, et de la personne de M. de
l'.astclnau lequel , île son côté , relève, c o m m e il est obl igé ,
la généreuse et intrépide conduite de \ . E x . , et la bravoure
du corps anglais qu'elle c o m m a n d e .


l'ai envoyé un g e n t i l h o m m e exprès pour m e réjouir avec
e l l e d'un si glorieux événement , si avantageux aux deux na­


i o i i s , et qui doit par plusieurs raisons satisfaire au dernier
point S. \ , S. M. le Protecteur, et confondre non moins les
malintentionnés de. Londres (pie ceux de Paris . J'ai écrit à
M. de l îo idcaux d'en féliciter S. A. de ma part, et M. le duc
le ( réqui, (pie le roi a choisi pour répondre au compl iment
pie­S. A. bu a l'ail, satisfera aussi à ce qui est de la réjouis­


s.'inee pour le gain de la batail le. Je fais état d'envoyer, avec
ledit duc , mon neveu, pour assurer S. A. plus part icul ière­
ment île шоп irès­humble service. J'ai recours à V. Ex. pour
n o n au plus tot un bon vaisseau i c i , avec ordre d'emmener
ledit M e i r r duc et y attendre son retour pour le ramener ic i .




i r i s П О Г Т ' Ш ' Х Т Я


l'.'ii aussi cliargé de vous témoigner l.i joie que j'ai ressentie
du glorieux sucrés de nos armes en flieiueuse journée du I i
de c e mois, cl comme celle victoire cl la rigueur avec laquelle
Punkcrquc continue a èlre pressée, me font espérer la réduc­
tion de la place dans peu de j ou r s ; à quoi je n e cesserai
point de m'appliquer avec les mêmes seins que j 'ai pris dès
Je commencement du siège. Et bien que j 'a ie informé niondit
cousin, le duc de Créqui, dénies intentions, comme aussi du
détail de cette action pour vous en faire le récit, je ne puis
pourtant que je ne vous dise par celte lelt re que le sieur l.uek­
bait, vofie ambassadeur v e r s r n o i , s'est signalé par sa valeur
et sa conduite en cette rencontre, et que les troupes que vous
m'avez envoyées y ont donné, à son exemple, des preuves de,
générosité et décourage extraordinaires. Du surplus, je me
promets que vous voudrez bien, ainsi que je vous en prie,
prendre u n e entière créance en ce que niondit cousin vous
dira de ma part , el surtout qu'il n'y a rien que je désire
davantage que de vous faire connaître par ellel jusqu'à quel
point vos intérêts me sont cbers.


Pourquoi me remettant à lui de ce que je pourrais ajouter
à la présente, j e ne la ferai plus longue que pour prier Dieu
qu'il vous ait, Monsieur le Protecteur, en sa sainte et digue
garde. Écrit à Calais, le II) juin Hibb'.


.Sï'/tîr : L o r i s ,


Â" M. de Urienne à M. de llnrdeau.r,
С.Л и., :Sl ! nlii 1Г :.>.


Monsieur,
j ' a i reçu ordre du roi de prévenir de c e t ! , : tel Ire l'arrivée


de M. le élue de Créqui a Londres pour v o u s donner
avis du snjcl de s o n voyage, qui os! que, *ur l'envoi uni a




inSTORIQl. 'KS. C'39


été l'ail par M. la Protecteur, de. . M . le vicomte, de F a u l c o i i -


bridge, MUÍ gendre, U T S S . M. pour Im témoigner sa joie de


seo arrivée en celle ('routière, el.de l 'avancement des desseins


auxquels les a i m e s c o m m u n e s sont, e m p l o y é e s , il a charge,


de la parlile S. M., de l'aire connaître son ressent iment à M. le


Protecteur, con une aussi de lui lana: part de la victoire que


"d. de, Tureiiite a remportée sur les e n n e m i s , aux h u n e s de


Dunkerque , eL d'assuior uioiidil sieur le Protecteur de, 1 al-


tcclion et de, l 'est ime particulière de S. M , ; à quoi j'ai eu


commandement exprès de S . M. d'ajouter que. son intention


e s t qu'aussitôt que vous saure/, l'arrivée de M. do Créqui à


l .ondies , vous l'alliez \ i s i l e r ; et que , c o m m e il a ordre de.


va i s donner la main droite a u - d e s s u s de lui dans son logis ,


S. M. désire que vous la lui donniez, parei l lement dans te


vôtre, lorsqu'il vous rendra la visite.


Il ne me reste qu'à vous suppl ier , e tc .


t'y Leaudinul Mazunn. ài'rontwdl.


}lni iC k,', ima lCe.S


. M o n s i e u r , je crois que V. A. S . n'aura pas désagréable


(pie je lui témoigne nia joie pour la prise de D u n k e r q u e ; la


conquête est si considérable, et V. A. S. y a tant d'intérêt,


qu'il serait malaisé que ceux qui l'ont profession, connue moi ,


île s'intéresser à sa gloire et à ses avantages, se puissent taire


en une semblable rencontre. Le roi dépêche le sieur Sangu in ,


pour se réjouir avec elle de ce. succès qui , par soi et par ses


circonstances, fera un grand éclat dans ce monile et sera, fort


décisif à l'égard des ennemis c o m m u n s , qui ne s'attendaient


p a s de recevoir un tel coup. i l . l 'ambassadeur Lockbart


entretiendra V. A. S. plus en détail de celle adirai et de


'.iait.es d i o s e s , et je m'assure qu'il tic manquera pas de f i n




Ш D O C l ' M K X T.s


former avec quelle alléetinii el ponctualité ou a salifiait à lout
ce qu'on a\ait promis, et au delà, sans pardonner ni à dépen­
ses, ni à diligences, ni à aucun elVorl qui ait, été ilaus m o u
pouvoir pour assurer l'acquisition de cette place qui sera,
dès aujourd'hui, mise au pouvoir de V. A. S., laquelle je
m assure avoir la honte de donner tous les ordres nécessaire»
pour l'accomplissement de lout ce qui a été promis de sa
part, alin que je puisse ainsi conlo­ndie. les malintentionnés
et mes envieux, faisant, voir à toute la France que, si j ai em­
ployé mes soins et apporté' des facilités pour la satisfaction
de V. A. S., je l 'a i l'ail dans l'assurance que ce royaume eu
retirerait aussi de solides av antages. Je supplie Y. A. ,e tc . e t c .


Ь' M. de Uordeaux au cardinal Mazarin.
J . o . i dr« , ï 7 J4m tu' .*.


Je ne doute point que M. le duc de (iréqin ne rende
compte de sa léccplion ; elle a été avec autant de cérémonie,
que celle des ambassadeurs; mais l'audience a eu quelque
dillérence, M. le Protecteur ne l'ayant pas donnée dans le lieu
ordinaire et étant demeuré découvert. Il m'envoie tous tes
jours le maître des cérémonies pour reconuailrc s'il y a lien
qui les puisse, choquer; et je crois que M. de .Mancini recon­
naît que Son Altesse ne désire pas moins de lui témoigner
le ressentiment qu'elle professe avoir des civilités que Votre
Frmncnce lui a lait (aire; elle en sera encore plus particuliè­
rement inlormée à son retour.


7" le même au même.
l.i.irloj­, i'­i ,|.;i!lei If.:,*.


|,c retour de M. le duc de Créqui el de M, de .Manciiii




H I S T O R I Q U E S . 611


i n f o r m e r » Vot re . E m m e n é e d e s particularités d e l e u r v o y a g e
c l d e s c i v i l i t é s que l ' o n a c o n t i n u é d e leur faire. J'espère
a u s s i q u ' e l l e s a u r a q u e je. n ' a i r i e n o u b l i é p o u r t é m o i g n e r à


M . de. Mancini l e r e s p e c t que j ' a i pour c e q u i l u i a p p a r t i e n t ;
i'I si les o c c a s i o n s se f u s s e n t p r é s e n t é e s d e l u i r e n d r e q u e l q u e


s e r v i c e , j e l e s a u r a i s embrassées a v e c u n e j o i e très-particu-
l i è r e . J ' a j o u t e r a i s e u l e m e n t q u e l ' o n a e u ici g r a n d désir d e
f a i r e p a r a î t r e u n e entière s a t i s f a c t i o n d e c e t e n v o i e t d u traite-
ment qu'a reçu M. de l ' a u l c o n b i i d g e .


(Archives des Affaires edrangieres de France.)




fi-! 2 noet .MK\TS


\ X V I I


( P a - e 397.)


1" M. de llordcmu; à M. de Uridine.


le n'ai pas encore eu occasion d'entretenir suc eu sujet
M. le Protecteur ni le secrétaire d'Klal. L'un et l'autre sont
toujours à la campagne, et le dernier s'est envoyé excuser In
semaine passée, deux fois, de ce qu'il ne poii'.ait pas me von .
Il ne paraîtpas néanmoins présentement île grandes al'fa.iresau
dedans, ni qu'il y ait rien sur le lapis que la eoiivocalion du
Parlement. Il se pétrie aussi de temps en temps de la royauté,
mai s avec si peu de certitude qu'il ne se peut pas dire que ce soit
une résolution bien déterminée. Ce. n'est pas qu'elle ne soit for!
souhaitée par le général de la nation, et que l'acquisition faite
eu Flandre conciliant à M. le Protecteur FalVecLion du peuple,
ce ne lui soil une démarche moins dangereuse que par le
passé. Il a fait rendre des actions de grâces pur toute l'An-
gleterre pour cette conquête; cl alin d'accommoder en quel-
que façon son ordre au rile, usité, sans nous donner sujet de
crainte, au lieu de promettre qu'elle sera, de grand avantage
à la religion protestante, il ne parle plus que de ia propa-
gation de la religion chrélienne. Ce changement a été assez
remarqué. L'on a eu même temps publié que l'une de ses
lilies, qui est très-dangereusemeiiI, malade, refusait i assis-
lance des ministres protestants, et voulait rimmirdansl'Fglise
romaine, ce qui est peu vi aiseiublable. Pou» balancer ces
brui ts , les presbytériens soul fort caresses. Le imiord lleini




i n S T O R J u r F . S 0.13


2" M. de Bordeaux au cardinal Mazariu.


J . i . i i . l r ^ , 2 « p l . , , , , 1 . n : 1 6 S S .


Depuis le retour de M. de Mnntgaillard, il ne s'est rien
passé ipu m'ait donné sujet d'écrire à \ otre Limnence. L ' in-
disposition de 11. le Protecteur a toujours continué, et ¡1
n ' e s ! pas encore |<>nt i l lait délivré de la lièvre tierce ; mais
l e s dernier» accès mit été si faibles qu'elle ne cause aucune
appréhension. L'on ne busse pas de croire que l'alarme a
été assez grande dans sa famille pour lui faire souhaiter la
uniniualioii d'un successeur, et (pie M. le Protecteur a dési-


t u : sou lils aine, que celte résolution sera publiée après
que quelques mesures auront été [irises, et qu'à cet ellèt il
îetournera dans peu à Londres. Il se. parle aussi de la royauté,
et (die ne recevra plus d'opposition si la succession n'eu
trouve point. Déjà, même quelques provinces l'ont demandée,
comme le seul moyeu d'établir une ferme tranquillité dans
la nation, et leurs requêtes ont été imprimées. Les personnes
de condition ne souhaitent pas moins cette forme de gouver-
nement qu'ils appréhendent la puissance des républicains ;
cl c'est aujourd'hui une créance fort générale que. la perte
de M. le. Protecteur aurait été souice de beaucoup de désor-


i paru le» bivoriseï dans une .1 .semblée. i | iù! a falle eu Irlande
¡e- 111 ! 111 s ! 1 < •> di' t on to les serles, peur aviser a i u moyens
I une réconciliation, ' n e autre assemblée a été tenue dans le
uvs de (¡alies à celle môme u n ; et, dans la suite du temps,
es pi e-bv léricus puiimuil pi eudre le dessus des autres redi-
rions Les catholiques sont en repos, et les prêtres prison-
niers s eIa.reissent les uns après les nulles.




611 l lOCl'M fNTS


Le même au même.


l . o m l n . o , l e -•M.Miihr .j l i i j S (


Je crois devoir donner en di l igence l'avis qui me \ i e iu


d'être envoyé , de la prochaine mort de. M. le. Protecteur. Elle


est attendue d'heure en h e u r e ; et le mieux d'hier n'était


qu 'un affaiblissement d o s e s forces. Sa lamille n'avait pas cru


jusqu'à cette heure le mal si dangereux, et n'a point usé


d'aucune précaution pour l 'avenir, personne n'osant parler


de la succession. 11 ne s'en est aussi rien dit dans l'assemblée


des officiers de l 'armée, le général F leetwood ne les avant


entretenus que de mal i ères de dévot ion . Auss i , l'on ne peut


encore dire certainement quel sera, le successeur, ni si la Répu-


blique se rétablira après la mort . Mi lord Faufconbridge, qui


m'a envoyé la confirmation de cet avis , me charge d'assurer


Voire E m m e n é e de son zèle pour les intérêts de la France,


dont il donnera des marques si la fortune veut que le gouver-


nement demeure, dans la famil le . Les républicains s'y pour-


ront opposer, bien que l'on ne voie encore aucune altération,


ce qui peut être attribué au peu de danger que l'on avait cru


jusques à présent. Si la disgrâce arrive, j'agirai suivant les


dispositions qui me paraîtront, en attendant les ordres dont


il plaira à Votre F m i n e n c e d'honorer celui qui est, avec


respect


En fermant la présente, l'on me vient de mander que M. le


Protecteur était auv abois de la mort.




u i s r o j ; i i J i ' j - : s


b 1 Le même au même.


L' . iu l ' .v , 11 i q a e i n l i o j 16i>8.


J'avais reçu hier de si bonne part l'avis du grand danger
de M. le l'roleeteur, el même de sa mort, depuis que le gen-
'.iliioiiune (pie je dépêchai lui parti, qu'il y avait heu de l à
croire certaine. Mais, présentement, celui qui m'avait envoyé
celle nouvelle me mande que, par un bonheur tout extraor—
Im.ure, lorsque l'on le croyait près d'expirer, la nature avait
l'ail un effort, el que, maintenant, il y avait à espérer. I.e
même, el. c'est le rnilord t'aulconbridge, ajoute que la famille
'.a s e prévaloir de. ce bon moment pour établir le niilord
llicbard, et donner un ordre pour l'assemblée d'un Parle-
ment, afin que, si le mal recommence, ce qui ne peut arriver
s, i n s causer la mort, tout soit disposéà conserver la puissance
Ions la famille. Cet avis m'étanl confirmé d'ailleurs, je crois
le devoir donner avec autant de diligence que celui d'hier,
crainte qu'il ne, fit prendre des mesures sur un fondement
peu cei lain. Ce n'est pas que quelques-uns n'assurent encore
la mort, et. ne veuillent qu'elle se dissimule, pour pouvoh
Mire des élablissemenls devant (pie les républicains se nie l -
lent en campagne el n'agissent dans l 'armée, dont les officiers
ne. se déclarent point. Ils se contentent de prier Dieu dans
leur assemblée pour la santé de M. le Proterleur. Il est néan-
moins dil'licile de. cailler longtemps un si grand événement,
v ayant lanl.de personnes curieuses el intéressées à le savoir.
|,:i poste de, demain pourra donner un entier éclaircissement,
r i . si elle ne passait point, ce serait une confirmation de la
mauvaise nouvelle. Je suis, avec respect. . . .


L'on me vient encore de confirmer la bonne santé de M. le
l'i électeur, jusqu'à l'assurer hors de danger, la lièvre l'ayant




6-I<> DOC II .MOTS


quit té ; cl JJ >c parle (l'une révélation (pril cul. il y a trois
j u i n s , ipic Dieu le garantirait de celle maladie.


ri" Le, lítente au IIII'IIII'.


Lorsque j'écrivis hier mes lettres, les médecins a.-snruiriil
la . s a n l é de .M. le JProlcclcurj mais, peu d'heures apees, il
toui na à la mort, et le milord baulcoubridge me iilande. qu'il
vient d'e.vpirer. Il a eu le temps de nommer son lils aîné nom-
successeur, et toule la iamilie espère qui' l 'année ne fatua
pas désagréable, après les dispositions où ils parurent avant
hier, et les précautions qui ont été plises dans les armée;
d'Ecosse et d'Irlande, dont l'on espère bien. Je n ' a i pas man-
qué défaire tous les jours , tant audit sieur nnloid qu'au
scoi'éfairc d'Etat, toutes suites d'olfrcs de la part du roi,
même des troupes, s'il en fallait pour le nouvel établissement.
Ils ont témoigné se sentir particulièrement obligés de cette
lionne volonté, et le secrétaire d'Etat me mande qu'ils me
viendront remercier et communiquer l'état de leurs affaires.
Piésentcment, les ministres du Eonscil sont assemblés, et,
comme la mort n'est pas encore sue que des particulieis
a m i s , il ne parait aucune altération , ni dans la ville ni dans
les lroupes, de l'union desquelles dépendent la tranquillité
du pays cl rétablissement de milord liit-bard. Le liée tenant
général Fleetvvood l'ait un peu de peine, et l'on n'est poui!
encore assuré qu'il ne se détachera point des inlérèls de la
famille pour établir la Itépublique , auquel cas le secours
îles alliés pouirail cire nécessaire, pour ahallre dans le com-
mencement le parti qui se pourrait former, .le donnerai
Unîtes bonnes paroles, persuadé que si, suivant les appa-




TTTS'T O K T Q T ' E S . 6 4 7


renées, le niilorit l 'iehard réussit, il en aura de lareconnais-
sance, et que, quand il succomberait, elles ne seraient d 'au-
cun préjudice. F/argent pourrait bien aussi être désiré, pour
faire d'abord un donatif aux troupes, et il n 'y aurait rien à
perdre en le prèlanl, si elles ne se séparent des intérêts de
la famille de M. le Prolecteur. Je me conduirai, dans cette
conjoncture, suivant les dispositions qui me paraîtront. Je
tiendrai Votre Excellence exactement informée de ce qui se
pèsera. Il lui plaira aussi de m'envoyer ses ordres, et de nie


croire, avec respect ,
t'avais oublié qu'il m'a été aussi mandé que l'on était fort


assuré de la flotte. Quelques heures donneront lieu d'écrire
axer plus de certitude.


0" Le même au même.


U r u l , v - , 13 M j i t a u l r r îc:.?.
.1 S l i , . | iU'< J:i mit.


Je viens présentement d'être averti qu'après la mort de
M . le Prêtée leur, le Conseil s'est assemblé, et, sur la. relation
i lo c i n q d'enlre eux, qui ont assuré, qu'hier au soir M. le Pro-
i i c l o i u , par un lestament nunciipalif, avait nommé son lifs
u n e son successeur, le Conseil l'a reconnu pour Protecteur,
cl l'a, sur l'heure, fait savoir aux officiers de l'armée qui
'daienl aussi assemblés. Ils l'ont tous unanimement agréé,
avec démonstrations de joie, et demain, il sera proclamé.
( iomme la ville est disposée à s'y soumettre, l'on peut attendre
que les malintentionnés à cette forme de gouvernement
H oseront pas se déclarer, et que l'on ne verra ici aucun eban-
o'inent. Je crois devoir donner celte nouvelle avec autant de


diligence que j'en ai usé pour faire savoir la mort, puisque
iil le-ri doit diminuer le déplaisir que l'an Ire peut avoir




R J H D O m i R N T S F T T S T O K T Q T ' I V S . .


causé. Il sera, sans doute, jute' à propos do néonvover des
lettres du roi sur ce. changement, pour les présenior au m M-
veau Protecteur. Je ne laisserai pas néanmoins de témoigner
en attendant la joie qu'elle aura de son exultation, et dont la
conduite que j 'a i tenue l'aura déjà persuadé. Je crois que
VotreEminence trouvera aussi à propos défaire par lettre les
mêmes compliments que je ferai de sa part, (le sont, les seules
démarches qui me paraissent présentement nécessaires, et
en attendant que la suite me donne lieu d'y rien ajoute!, |e
supplierai Votre Eminence d'honorer de la continuation de
ses bonnes grâces celui qui est, avec respect., . .




T A B L E L E S M A T I E R E S


DU T O M E D E U X I È M E


o- - V > j ^ x : @ x r ^ e ; •


U V R E V.


i n n W e r c n c c p u b l i q u e fi l ' e x p u l s i o n d u Long Parlement.—Manifeste
do C r o m w e l l p o u r la j u s l i l i e r . — I l ] i r cnd p o s s e s s i o n d u g o u v e r -
n e m e n t . . — C o n v o c a t i o n d u P a r l e m e n t l i a r o b n n c . — D i s c o u r s
d ' o u v e r t u r e de C r o m w e l l . — G a i a c l è r e et a c t e s d e ce P a r l e m e n t .
— L ' e s p r i l r é v o l u t i o n n a i r e m y s t i q u e y p r é v a u t . — D i s l o c a t i o n e t
a b d i c a t i o n du P a r l e m e n t l ia ivl ioi ie .—Cromwell e s t p r o c l a m é P r o -
t e c t e u r . — Complut d e s r é p i i l d i c a i n s cl d e s C a v a l i e r s . — L i l b u r n e ,
( i e r . u d et Vovte II.- - (., 'oiiveriieiiiera d e C r o m w e l l . — S a c o i n s —
S e » r e l ' o r n i e s . — L ' C c o s s e et l ' I r l a n d e son t i n c o r p o r é e s à l ' A u -
e l e l e r r e . — P o l i t i q u e c x l é r i e u re d e Cromwell .—Paix a v e c la H o l -
l a n d e . - — A m b a s s a d e d e W l u l e l n c k c e n S u è d e . — ' t r a i t é de C r o m -
wel l avec la S u è d e , l e D a n e m a r k et l e P o r t u g a l . — R e l a t i o n s d e
C r o m w e l l a v e c l ' C s p a g n e cl. la F r a n c e . — E l e c t i o n d ' u n n o u v e a u
l'a l'Ieim n i . — D i s c o u r s d ' o u v e r t l i r e d e C r o m w e l l . — l l o s l i l i t é du
P a r l e m e n t . . — S e c o n d d i s c o u r s d e Croinxvell et r e l r a i t e d ' u n cer -
ta in n o m i n i ' d e m e m b r e - - . — L ' h o s l i l i l é du P a r l e n i c n l r e c o l l e
raeuce .—Trois ième d i s c o i u s d e C r o u n v e l l . — f i ' - d i s s o i i C , l e Par-
lement. •• t l ' â g e 1


LIVRE VI. /rV^V*--'•''•
' s > ' *


l iouve r i i e i i i e i i l i n t é r i e u r d e C r o m w e l l s a p s RjrMiflfii't".—Complots
ciqii 11 il icâi il s et roya l i s l e s . — A l l it t ide di IK-reiAe de CroniWiilt C l i v e r s
lt-s d e u x j i a r l i s . — I n s u r r e c t i o n s d a n s foTiestgU . .dans l i fn.ord.—
fissais di- r é s i s t a n c e l é g a l e . — L l t i l i l l s M - i i i c n l desmajors g é n é r a u x .
— T a x e du d i x i è m e du r e v e n u s u r les r o y a l i s t e s . — T o l é r a n c e r e l i -
g i e u s e d e t iriinivvell. — S a c m i d i u l e en v ei s-lest J u it's — e n v e r s
les U n i v e r s i t é s cl le-, l e l l r é s . — C n i i v e r n e n i e n l d e JJnnk mi
C r o s s e ; - - de Heur t C r o m w e l l eu t r l a n d e . - — C o n v e r s â t i ons d e
C i o n i w c l l avec L u d l o w P a g e I 19




T A U I . E D E S M A T I E R E S .


LIVRE VII.


Cromwell prépare ta guerre contre l'Espagne.—Son pf,ai> île enm-
pagne liaiis les ilenx mondes.—Lxpédil ion de lilake dans la Médi-
terranée, devant Livmune, Tunis, Tripoli, Alger et sur les côtes
d'E<p;igiie.—L'expédition commandée par IViui et Yeiialiles pari
de Porismonlli.—Secret de sa destination.—Don Louis de llan>.
Coudé et Mazarin pressent leurs négociations avec Croniwell.—
Persécution des Vaudois en Piémont.— Inlerveniion de Croiinvcll
ni leur faveur.—L'expédition de Demi et Vcnables attaque Saint-
Domingue et échoue.—Elle s'empare de la Jamaïque.—ttuplure
entre ('romwell et l'fïspagne.—Traité entre Ciomvvcll et la t'rance.
La cour de Madrid promet des secours à Cliarles II.—Croinvvcd
envoie Locklnii't coinnie ambassadeur à Paris.— Grandeur de
CroinwcII en Europe.—11 convoque un Parlement. Page I/O


LIVRE VIII.


Pronostic d'un nouveau Parlement.—Pamphlet deVane.—Elections.
— Discours de Cromwell à l'ouverture de la session.— Exclusion
d'une centaine de membres.—Succès de la Hotte anglaise devant
Cadix.—Le Parlement adhère pleinement à Cromwcil.—Propo-
sition et travail pour l'aire Croinvvell r o i . — I h t m h t ? l'ctilion- t-l
Ai:à:—La tentative échoue.—Nouvelle constitution du f'rolec-
loral.—Clôture de la session.—.Mamciivres de Cruniwell.—Mort
de Blake.—Seconde session du Parlement formé de deux Cl>am-
lires. — ISieiiiillerie des deux Chambres.— Cromwell dissout le
Parlement.— t'erineutaliou des partis. — Complots royalistes et
républicains.—Alliance active de Croinvvell avec la Eraiice.— ''es
succès sur le continent.—Prise de Miudvke et île limite que.—
Ambassades de lord t'aulronhiadgc à Paris et du duc de Civipii a
Londres.—Cromwell médite la convocation d'un nouveau Parle-
inenl.—Alfaiblissemonl de sa santé.—Intérieur de sa la.inilli'. - -
Ses rapports avec sa mère, sa femme, ses enfants.—Mort de sa
tille, lady Claypole.—Maladie de Cromwell.—État de sniiSme,-
Sa mort.—Conclusion. Paye - î i


lHM'IÏMEYi'S niSTOIUÛlIEo.


!. M. de Bordeaux à M. de Itiienac. . . . . ÎOO
i i . 1" L e menu 1 , a u m ê m e , . . . . . . iCe


2 " Le Protecteur de la i!é|iuldii|iie il'A nubien o an roi
Louis \ I V , i l i




J A I W . K D I Í S M A n c u F S . 651


3 " L e l 'mlc i ' . i e i i r ile la KI'!|UILIL¡UUE. d ' A i m l c l e r r e ;M c a r d i -
nal Mazarin . . U ü


III. I • M. I t o n t e a n * a SI. ' l e B r i e m i e ¡ 1 7
2" Le inr i i ie au m é m e . . . . . . . . VIS
:j« I . ' 1 inc ine au u ié i i ic AI'.)
i » M. d e l í aa s a u c a r d i n a l Mazar in i 20
O" Le u i o m e au m e n i e . . i 21


IV. C e n e r a l Ciumvvel l lo c a r d i n a l M.IZANN . . . Ylí
V. 1" SI. ilc U N Í d e . i u x ¡i 11. ( L l iTieune . . . , i .'.'i


2" Lu i n e m e au u i e n i e i l u d .
•> 11. i lc l i o n l o a i i v a u c a r d i n a l M a z a r i n . . . . Í 2 Í


V I . Axis ñ M ° r . le c a r d i n a l s u r le (Ics.-cin (lu P i u l e c l e u i ' d ' A n -
p j c l e i r o d e r e u n i r en u n e I n u l e s les c n i n u n i u i o n s p i o -
l e s l a n l c s , avec le m u y e n d e l e p r e v e n i r e l d e Ten e i n -
pee l io r íeíO


VI lis. I" Den Almezo d e C á r d e n a s a u rn i Pl j i ! i | ipe I V . . h'i'i
L 'a i c l i i i l uc L é o p o l d au rni P l i i l i p p e IV . . . i i I


'•]'• A u p . Na . a r r o ;'i Oeii Alunz.0 d e C a r d i a l a s . . . i h i d .
í " Axis ilu Cense i l dT ' . l a l in plrmí i iuquct n n t p r i s p a r í le


m a r q u i s d e I . e i tanes , le d u e d e Med ina d e las Tur re - . , l e s
m a r q u i s d e V a l p a r a í s o el d e Vedada , le' e m i t e de P e n a -
r a n d a , d e n Sle lc l i ior d e ü o r j a e t le c u m i e d ' O n a l o , a
M a d r i d , l e 12 avr i l l l i o t , au su j e l d n eun lc i i u de I m i s
l e l l j e s t i ' a i l an l d e s ( l o i i . p a r l e r s qu i o n l e u l i en a\ec.


r i . l
1 " l .niiis X I V ¿i Cruinvve 11 í í'.i
'¿" M. d e l l u r d e i i u x á M. d e [ i r i e n n e LOO
ii" Ce n i én i e a u m e m o . i . ' t t
í " Le m e n t e a u í n é n i c . ih id .
O1 Le n icn ic au m e i n e
0 1 Le eai 'dinal Mazar in :i SI. le l ia ron d e l í aa s . \ d o
7» M. d e ü e r d e a i i x a M . d e ü i ' i e i i n e IOS
•S" M é n n i i r e pul i r s e r v i r ( r i n s t n i c l i d i i au s i e i i r d e l i o r d ' ea i ix ,


a i i i l i assadeui ' ilu rn i e r i A n e j o l e r r e ih id .
lo 11. d e I i o r d e a u x á M. de P e r e n n e '.Oí
2o M. d e l íaas au c a r d i n a 1 Mazar in '¡.0.0
> L x l i a i l ( P u n e l e l l r e d u s i e u r d e P a l l a u c a r d i n a í '-! •


¡ 0 7
io l . eu i s \ ! V ', MSI. (le 1 i n r d e a u x el. d e l ' aas . 10«
¡i" P io je l . d ' a r l i i d e s d e la |iaix e l de rimiilié ¡i r é l a b l i r c n l i e


le I r e s - s i T c i i L s i i n e si ' i p n e u r P i u l e c t e u i ' d ' A n e J e l e n e ,
if Kcus-e el d T r l a i i d e , e l e . , e l le m i t r e s - c h r é l i e n d e s
S ' i a i i i a i s , ele. j 7 I


(jo X u l e a n n e x é e á u n e l e l ü e d e M. d e I i o r d e a u x a SI, d e
LIICNNC, un •!.'! aei'il lO- ' i í , el e e i i l e n a i i l les i innis de: ;
p r e s e n i l e s d o u l Croinvvel l d e i n a n d a i l t 'c ' loieue,Tieiil de;
l'V.iiicc , i', y.




652 T A B L E D E S V \ I "'• It '- 'S


7» M. (If Bordeaux a M. de Unamir i78
8» liisirucliiins secretes pour M. de Bordeaux . . 47!»


IX . M. de Bordeaux a M. de liricnne
X. I.o meine au meine Ix:,


XI . (Hivarms Kcip. Angine, Scoliie ei ILbciuia:, e l c , sorenis-
siino potenlissimoque legi Philippe IV", regi lüspaiiia-
riiin, ele \sii


XII. I» M. do Bordeaux ä M. de liricnne l«7
2 ü Drlilicrahoii du Loused d 'Llal d'E-pagne (presents:


le marquis de I .eiranes, le due de San I .near et Irs cnialrs
de Peiiuianda el d'Oiialc! nur la lellre du romle de Mo-
li na , dans laipielle eolui-ei doiiue avis de l'arriveo (Ii: la
Holle anulaise a Itota isx


XIII . 1 .e cardinal Mazarin a M. de Bordeaux . . . . i!M)
XIV. Don AlonzodeCardena- au roi d i e paiinc Philippe IV i'l'i
XV. M. de Bordeaux a M. de lirieuue .'»Ol


i" Le meine au meine . OHL
3o Le meine au meine . "ai.'l
i.o Le meine au meine iliia.


'•>'< Le meine au meine iMd.
0« Extrail (rune Xote remise au eardiiial Mazarin par l'an


des f reresWhile , ses agens secrets .'Jim
7« M. de Bordeaux ii M. de Brienne 51)?
8' 1 Le meine au meine ÖIIM
9" Le cardinal Mazarin a M . d e Bordeaux . 5ü!i


I Do M. de Bordeaux ä M. de llrienne Ul i
I I u Le meine au meine 5! i
i'2° I.e meine au meine •">! i


XVI. Beeret, du roi d'Espagne Philippe IV, adrc-se ä i lmiGmi-
nimo de la Torre 5! 5


XVII. 1° Olivier Cromwell, Proteeteiir de la ISopuliliipio d'.\n-
glelerre, ad sorenissinie Prince Emmanuel, Dur de Siy.
voie, Prince de Piomonl 717


2" Le Prntccleui' Cromwell au roi Loins XIV . öl!)
3" Le Protecteur Cromwell an cardinal Mazarin . . " . ¿ 0


XVIIt. Louis XIV a M. le Protecteur .",22
XIX. 1° M. de Bordeaux a M. de Brieime .121


2» Le memo au meine 52<>
3° Le meine au meine 02s
4° Le meine au meine 52!i
ö'i Le meine au meine . 530
Ijo Le cardinal Mazarin Ii M. de Bordeaux . . , iliid.
7« M. de Bordeaux a 51. de Brieime 731
8" Le meine au meine 333
!»•> Le cardinal Mazarin a M. de lionleauv . . , iI>iei.


10" M.ilo Bordeaux a ,V1. de Brieinie 5,'H
11» M. de Bordeaux au cardinal Mazarin . , . 533




TA H LR HKS M ATI K U R S .


<*• M. ile llonleaiix it i l . di' Iti­iriine
1 3 " l.r inrnn' a l i m ò n i e . o­i i
I i" Le même au iiièmr ibid.


W . I " P i m i Alanzo dr Cardenas au roi Philipp" I V . . .'Mil
2» Lo Mirini: au inèuie . . . . . . . . . :>4¿
.'>" Le même an nn'anr ord
t ' j Instructions i|iii dement t ' I re envoyées de Madrid à


den Aleiizo de Cardenas an sujet de sen départ de
1,011(1 l'I­S ' " ' î 'S


5» Dan Mon/.» de Cardenas au roi d'Espagne Phi ­
lippe IV _ ö.yl


li» M. de lioviloaiix à M. de Brinine . . . . •')•)•>
> M. de lineimi' au cardinal Mazarin . . . . ?•.">«
S" M. de fardeaux a M. de Uridine . . . . .VHl
Я" M. de lirii'iinr au cardinal Mazarin . . . . 'i(>0


X X I . i" l'en Alon/.o dr. Cardeiuis au roi <1ТЦмцие P h i ­
lippe IV " . .'ai:1.


i" L'archiduc l.éupoM au roi Philippe !V . . . oui­
3> Avis ilu Conseil il'Ktal il'l'Npag'iir sur 1rs dépêches de


lion Alonzo di' Carilrñas relatives aux a Hai res du roi
d'Auglolei rr Charles il olili


•í" Don Aloiizn ih: Cardenas au roi d'Kspagnc Phi­
lippe IV " . élu»


'.i- "Sole contenant quelques points relatifs au traile ciili'e
le пи (le la Ciamle­lirehigiie et le mi d'Cspagnc, remise
de la paît du roi 'le la Ci anbr­Bretagne el, j .niile il la
lettre ile don Aleiizo drC.ardrnas au roi d'Lspagne .">; i


li о Avis du Conseil d'Liai d'Lspagne sur le conleni ide la
lettre précédente de don Alanzo de Cardenas. . luí


7" Avis du Conseil d'Clal il 'lispagne sur le contenu de
plusieurs lei 1res de rarcliiduc don. tuan, de don Ahuizo
de Cárdenas et du roi d'Angleterre . . . . 070


XXI1. 1" Mémoire pour vouvoyer M. de Bordeaux à Londres,
diclo par le cardinal Mazarin . 'is:|


'i" M. de lini deaii.x à M. de Urinine oil;­!
3 " iL de Bordeaux au cardinal Mazarin . . . . ON i
l» M. de llni'deaux ,a M. de. ur id ine 'isti
•'i­ Ce cardinal Mazarin à M. de llordeaux . . , 587
li" M. de Bordeaux a .M. de tirieniie öüi
7« Le môme au même oti'i
So Le mèiiir au même ö!).">
•!'< Le пиане au meine öOü


XXIII. Traité l'ait avec, le Protecteur et la République d'Angle­
terre pulir la cani pagne de Ì (iö7, sigan'' à Paris le 23 mars
I l io / , ratilié par Louis XIV le 3 0 avril, e l p a r Cromwell
le i niai suivant .'¡'(7


\.\1V. D M. de Bordeaux ;i M, de Brinine . , . , . (i'IO




T A I U . E II ES M A T I K U E S .


'1° Le même nu niènie ,
Я" Le carili nal Ma/.ariii à M. (le l'.oideau.x
i° M. de llerdeau.x à M. de lirienne .
>>» M. de liordeaux au cardinal .Mazariu .
li" I.e meine au niènie


XXV. 1" M. de bordeaux à M. de IVu­iiiic .
2 " L e n i ê u i " au m e i n e . . . . ,
ii° Le niènie au meine . . .


Li' niènie au même . . . .
é>u Le meine nu m e i n e . . . . . . .
(j° M. de lioideau.x au cardinal Mazariu .
7 » I.e même au même . . .
si" M. de liordeaux à M. de lîi'iennc
!)u Le inénie au uièiiie


10" M. de liei'deanx au cardinal Mazariu .
XXVI. 1" Le cardinal Mazariu à Ci eiuuell


•2" Le cardinal Mazarin à M. Lucidimi
3« bullís XIV ¡i Cromwell . . . .
Í" M. de Uridine ;i M de liordeaux . .
.'••> Ce cardinal Ma/arin à Cromwell
С" M. de liordeaux au cardinal M i/.arin .
?" Le nudile au lucine


XXVII. I " M. de liordeaux a M. de I C i e n u e .
2" M de bordeaux au cardinal Ma/.a; m .
3" L e même au moine . . . . .
1" Le même au même . . . .
;">« l.e moine au n i e m e . . . . .
0" Le luêiue au meine