DÉPENSE
}

DÉPENSE
LIBERTÉ DE L'EGLISE




A LA MÊME Ll В R A I R i t '


D i s c o u r » nui­ l ' a g r i c u l t u r e , p r o n o n c é par Mgr ГКм'.)цс d'Orléans,
d? l 'Académie franc aise, dans in ra lhcdralc de S l c ­ C m i x , le a nia;
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de M. Nicolas Bousquet , cheval ier de la l . é ­ ian d'honneur , oflieier
retraité, anc ien ('lève du Conservatoire , professeur d'harmonie et de
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revêtu de son approbntinn et. honoré des suffi a*­* tir S. i ' c r e l e
l 'ape , de Mgr Sibour, archevêque de Paris, et du H. p . Lacordaire .
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DÉFENSE
OK L A


P A P .


M G R D U P A N L O U P ,


K V K O r I. D ' O R I . É A X S ,


D i : I . ' A C A l ) K M 1 K F R A N Ç A I S E


T O M E P R E M I E R


LIBRAIRIE CATIIOUOL'E DE PERISSE FRÈRES
i M i ' i ' . t M E i i i s J » : N . s. i ' i : i ; K L E P A P E


PARIS


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8 6 '


D r o l l s il<: I r i u U i c l i . - : ! c l du r i p r o d u c i l i






A Y A N T - P R O P O S


Puisque la bienveil lance du publ ic cont inue à de-


mander quelques-uns des écrits que j ' a i publiés en


divers temps, et qui sont main tenant épuisés , j 'ai


dù me résoudre à en ordonner la ré impress ion .


Ces écri ts , sans y comprendre l 'ouvrage de YKdu-


mlion et celui sur la Souveraineté Pontificale, forme-


ront six volumes .


Le premier vo lume renfermera que lques discours ,


sous le litre lYŒuvres oratoire*. Le deuxième et le


troisième comprendront , sous le nom lïOEuvres


pastorales, les m a n d e m e n t s , les ins t ruc t ions , les c i r -


culaires et les règ lements adressés aux fidèles et au


clergé du diocèse d 'Orléans, depuis que la divine,


Providence m'a chargé du gouvernement de ce dio-


cèse. Le quat r ième volume se composera des instruc-


tions et des règ lements relatifs à l 'Ense ignement et


aux Eludes ecclés ias t iques; le c inquième et le




il A V A N T - P R O P O S .


s i x i è m e , cont iendront les écrits pnlrmujues que


j ' a i publiés pour la défense de l 'Eglise et de ses


l i be r t é s , soit avant la révolulion de 1818 , soit


depuis .


On me pe rme t t r a bien d'affirmer qu 'un Evcque


n'écrit pas pour écrire , mais pour être uti le, .le ne


consul terai donc que mon devoir, nul lement mon


goût , et je commencera i par offrir au public non


pas ceux de mes écrits qu 'une faveur accidentelle a


pu r ecommande r un; peu plus à ses sou\ cuirs , mais


d'abord ceux qui me semblent appelés à rendre en


ce moment des services plus opportuns : je veux par-


ler des controverses relat ives à la Liberté de l'Eglise,


à In Liberté de l'Enseignement, à la Liberté des Associa-


lions religieuses, depuis 18-li jusqu 'en 1818, et dans


ces dernières années .


Il fut un jour où ces grandes cl nécessaires


l ibertés commencèren t à p rendre enfin dans la loi,


ou au moins dans l 'opinion, la place qui leur a p -


par t ient l ég i t imement . La loi du l.'i mars 1850 fut


un traité de paix équitable qui mit fin aux luî tes


du passé . Ce n'était pas lout, ce que nous pouvions


désirer , tout ce que nous avions d e m a n d é ; c'était


tout ce que les temps permet ta ien t . Depuis celle épo-


que , aucune loi nouvel le n 'est venue apporter à


l 'Église les l ibertés qui lui restaient à obtenir : a u -


cune mesure n 'a brisé un seul des anneaux de cette




A Y A . V Ï - l ' R O l ' O S . m


chaîne d 'entraves, qui avait été forgée contre elle par


l ' injustice et par l ' ingrat i tude des h o m m e s , pendant le


cours d'un siècle qui fut le dernier de l 'ancien rég ime ,


en même temps que celui du j ansén i sme , des voilai-


r iens , de la révolut ion, du despot isme et de la cen-


tralisation. On n 'a pas cessé de mainteni r contre


l 'Eglise seule des exclusions, des pr ivi lèges et des


r igueurs que le niveau révolut ionnai re avait, disait-


on, effacés de nos inst i tut ions et de nos m œ u r s . Ce-


pendant rendons à qui de droit ce t émoignage :


comme les idées étaient en avant des lois, comme


l'opinion et le pouvoir étaient d'accord pour ne pas


marchander de trop près à l 'Eglise des droits qu'elle


ne réclame pas pour elle seule , et dont elle fait u n


usage év idemment utile el s incère , on a vu , pendan t


dix ans , à la faveur du besoin de l à paix, les r igueurs


sommeiller , les réc lamat ions s 'é teindre, la r e c o n -


naissance égaler , dépasser peu t - ê t r e les services , la


liberté enfin s'établir g radue l lement dans les faits.


Nous n 'avons point rompu celte pa ix . Ce n'est pas


notre faute s'il nous a fallu nous souvenir que les


bonnes intentions ne valent pas les bonnes insti tu-


tions. Nous nous sommes vus menacés d 'armes que


nous supposions déposées à jamais dans que lque


musée d 'antiquités légis lat ives . Mais ce sont sur tout


les jou rnaux , et les plus r épandus , qui se met ten t


de nouveau en campagne , et ressusc i tent contre nos




i! W A N T - l ' K O l ' O S .


col lèges, nos communau té s , nos écoles, nos sémi-


naires , nos réun ions , nos publ ica t ions , nos droits ,


une guer re su rannée . Si cette guer re éclate sur peu


de points encore , si elle trouve l 'opinion insensible,


je ne me rassure pas : c'est quand l 'opinion dort que


la just ice souffre. Telle est la rapidité et la mobilité


de l 'esprit français, telle est la pente de la situation


actuel le , que nous pouvons cra indre de voir nos éter-


nels ennemis développer soudain leurs plans de


c a m p a g n e , et déployer bientôt contre nous toutes


leurs forces. Il n 'est donc pas inutile d'opposer les


réponses d'hier aux objections et aux at taques de


demain . 11 n'est pas inutile de redire à la France par


quelles fermes et évidentes raisons nous avons re-


conquis les droits que l'on nous contes te , et par


quelles g randes expér iences le pays en est venu ¡1


nous accorder cette l iberté, qui n ' e s t , après tout ,


que la l iberté de lui faire du b ien .


En publiant les écrits consacrés autrefois à cette


importante po lémique , j 'obéis donc à une nécessité ;


mais en même temps, je dois l'ajouter, je fais v i o -


lence à deux incl inat ions de mon àme .


J 'a imerais à laisser la parole à ceux de mes véné -


rables col lègues dont j ' é ta is alors, de loin, l 'auxi-


l iaire, et qui ont, avant moi , p lus que moi, démontré


au pays et assuré à l 'Église les avantages de la l iberté.


Leurs beaux livres mér i ten t , et, si mes v œ u x son!.




A V A N T - P R O P O S . \


exaucés, ils obt iendront les h o n n e u r s de la ré im-


pression.


S'il était, en outre , possible de raconter un combat


sans parler des combat tants , je serais plus h e u r e u x :


j ' y trouverais le compte des sent iments vrais de mon


cœur et de ma reconnaissance . Les adversaires que


nous eûmes alors, la Providence en fil un jour nos


alliés. Ils les ont encore , et avec une fidélité rare dans


les temps où nous sommes . Je ne me consolerais


point, si cette ré impress ion pouvai t les affliger.


Je me serai t rouvé, dans ma carr ière , en présence


de deux écoles opposées au Cathol ic isme. A la fri-


volité ha ineuse , à la moquer ie fatigante, à la clarté


peu profonde du x v u r siècle, succédai t déjà dans ma


jeunesse , et a g randi sous mes v e u x , une école plus


grave , hau tement spir i tual is tc , et logic ienne , quoi -


que souvent- peut-être, qu'il me soit permis de le d i re ,


plus forte à chercher les solut ions qu ' a i e s découvr i r ,


jamais i r respec tueuse , croyant à Bien , à r a m e , à


l ' immortalité, à la morale , sachant en par ler avec


é loquence , même avec é m o t i o n , et r e p r é s e n t é e ,


lorsque j ' eus à la combat t re , par des h o m m e s qui


m'ont rendu bien facile le précepte de l 'Évangile qui


commande d 'aimer ses adversa i res .


Il est, depuis , sorti de la foule une aut re école,


matérialiste dans ses t e n d a n c e s , s inon dans ses


aveux, avec des insp i ra teurs subti ls et. des a u x i -




M A VA N ' T - P i ' . O l ' U . s .


liairos b ru taux , couvrant sa réelle ignorance d'un


masque d ' é rud i t ion , ses haines dominatr ices de


grands mots de l iber té , aussi différente tic la p re -


mière , sans pa r l e r du talent, que la présomption esl


éloignée du savoir, la colère du respect , le m e n -


songe de la lionne foi. Ces nouveaux ennemis s u c -


cèdent aux anciens et ne leur ressemblent pas .


Après bien des combats , lorsque, dans des jours


de désordre , la leçon du ma lheur nous fui donnée


par le maître qui est Dieu, nos anciens adversaires


ouvr i rent à la fois les yeux, sur les progrès que le mal


avait faits dans les profondeurs de la société, cl sur


ceux que le bon droit cl la bienfaisante influence de


l 'Eglise avaient accomplis dans la région supér ieure


des espri ts . Xous dûmes à de douloureuses expér ien-


ces une réconcil iat ion qui prouvai t la droi ture eî la


bonne foi mutue l l e s , cl un concours sans lequel , je


le dis hau temen t , nous n 'aur ions rien ob tenu .


De tels souvenirs assurent aux hommes dont je


parle ma fidèle reconna issance , ei si j a m a i s , ce qu 'à


Dieu ne plaise, j ' é ta is condamné à les combat t re en-


core, ce ne serait pas sans d ' inexprimables regre t s .


J 'en éprouve déjà la tr istesse, rien qu 'en me trou-


vant amené à reproduire ces anc iennes po lémiques .


Ma conscience ne me reproche pas d'y avoir déposé,


même alors, aucune parole qui excède la vivacité per-


mise à des hommes qui se combat tent en se r e s p e c -




A Y A N T - P R O P O S . y : .


Orléans, 31 mai 1861.


tant ; cl encore volontiers j 'en regre t te l 'expres-


sion. Ils savent. Lien que celte vivacité m ê m e est


éteinte : il ne reste de vif dans mon âme , après l'a-


mour de la justice et d e l à vér i té , que ma reconna i s -


sance envers ceux qui les ont si Lien servies .


Quant aux adversa i resquc je combats aujourd 'hui ,


je ne puis leur faire un plus grand honneur que de


leur destiner des paroles composées pour des h o m -


mes auxque ls je souhai tera is qu'ils fussent sem-


blables. C'est leur prouver q u e , si je n'ai pas le même


espoir de les conva inc re , j ' en éprouve pour tant le


même dés i r .


Je ne parlerai pas d 'autres adversa i res , que je ne


devais point m 'a l lcndre à rencont re r sur ma roule


dans h > causes que je défendais alors, ni de ces


luttes si pénibles que j 'a i du soutenir contre des


alliés nainre ls , tandis que je combat ta is l 'ennemi


commun. Sans perdre tout souvenir du passé , j ' a ime


mieux m'en taire aujourd 'hui , espérer qu'à l 'avenir


on ne verra p lus désunis les défenseurs de l 'Eglise,


et demander à Dieu pour tous la vraie lumière dans


les esprits , et la pa ix dans les c œ u r s .


f FÉLIX, Évêque d'Orléans.






PRE MIE liE LETTRE
\ M . i.K iii i : in: IUIOI.I.II-:


Rapporteur du projet de loi relatif à l 'Instruction secondaire .


M O N S I L T I ! l.K D e c ,


l ians le r a p p o r t q u e vous avez p r é s e n t é à la C h a m b r e


:îes P a i r s , au n o m de la c o m m i s s i o n spéc ia le c h a r g é e


de l ' examen du pro je t de loi relatif à l ' i ns t ruc t ion s e -


c o n d a i r e , vous vous exp r imez en ces t e r m e s , s u r l'état


de l ' ense ignemen t d a n s les pet i ts s é m i n a i r e s :


« Le succès de ces établissements précipiterait rapide-
hti'ut la décadence des éludes. Les éludes sont Irès-


• faibles dans les écoles secondaires ecclésiastique* ; et
; cela esL i n é v i t a b l e , le p rofessora t y é tan t cons tan t -


m e n t mobi le et a peu prés gratuit. C'est, en g é n é r a l ,
mi pos te de t rans i t ion en t re le g rand s é m i n a i r e et la


: fonct ions du min i s t è re sacré . Les j e u n e s p r ê t r e s qu i


•! sor ten t éles g r a n d s s émina i r e s ense ignen t d a n s les


•.: petits, en attendant qu ' i l s pu i s sen t ê t re p lacés . Ce ne
sont point, pour la j/luparl', de vrais professeurs ; ils


i. 1




« n 'en on t po in t la sc ience cl n 'en p e u v e n t a c q u é r u
« l ' expé r i ence . Pour lutter de bon marche avec un p r o -
ie fessora t a insi c o m p o s é , il faudra i t q u e , de l eu r côté .
« les é t a b l i s s e m e n t s l a ï q u e s c h e r c h a s s e n t à se p r o c u r e r
« des maîtres au rabais ; et b i e n t ô t dès l o r s , p a r la force
« m ê m e des c h o s e s , les é t udes des collèges et des ius t i -
« lu t ions 'privées tomberaient aussi bas que celles des
« petits séminaires. »


Ce l angage est b ien s é v è r e , Monsieur Je Duc ; \ o u s
n ' en avez pas s a n s d o u t e p r é v u ie tr iste r e i c n l i s s e m e n i .
,1e ne croi» ! as q u e d e p u i s l o n g t e m p s a u c u n e b o u c h e ,
m ê m e hos t i l e , n o u s ait a d r e s s é p a r o l e s p lus h u m i l i a n -
tes. Car les pe t i t s s é m i n a i r e s s o n t , c o m m e v o u s l 'avez
di t v o u s - m ê m e , les pép in i è r e s de l 'Église de F r a n c e ;
c 'es t là , c o m m e d a n s sa p r e m i è r e sou rce , qu 'e l l e se r e -
n o u v e l l e ; là est Je b e r c e a u de ses p r ê t r e s , l 'école p r e -
m i è r e de ses d o c t e u r s , le sol o r ig ina i re de ses a p ô t r e s .
Si tes faits jus t i f ia ient vos p a r o l e s , el les s e r a i e n t o n a r -
rê t t rop a c c a b l a n t p o u r le c l e igé de F r a n c e . Ma i s , o s e -
ra i - j e vous Je d i r e ? ce c lergé vous est m a l c o n n u , et le
j u g e m e n t q u e vous avez la i ssé t o m b e r s u r l u i , m e
p r o u v e à que l point l ' op in ion q u ' o n se fera é.e sa s i tua-
tion et de son inf luence inte l lectuel le peu t déc ide r de
l ' espr i t de la loi don t la d i scuss ion est a u j o u r d ' h u i p r è s
de s 'ouvr i r .


A la veille d ' u n e déc i s ion si g r a v e , a u mi l i eu de t a n t
de voix confuses et p a s s i o n n é e s qui l ' accusen t , le cierge
c h e r c h e des j uges i m p a r t i a u x : m a l g r é la sévér i t é de
vos p a r o l e s , lui p e r i n e t l r i e z - v o u s , Mons ieur le D u c , tk
s ' ad r e s se r à vous? Celui qu i p r e n d la l iber té d ' invoque t
vo i re l iante jus t ice est u n de ses m e m b r e s les plu-
h u m b l e s ; m a i s élève aut refo is du petit, s é m i n a i r e de




A M. !.!•: 1)1 c. m-; n r . O C . I . I K .


Par i s , et a u j o u r d ' h u i s u p é r i e u r de cet te m a i s o n . p l acé
d 'a i l leurs plus 'près du d é b a t , j ' a i p e u t - ê t r e ici lo droi t
et le devoi r d 'é lever le p r e m i e r la voix. Dans la g r a n d e
cause p e n d a n t e en ce m o m e n t d e v a n t les c h a m b r e s
f rança ises , p o u r t r i o m p h e r a u p r è s des a rb i t r e s i l lus t res
que la loi n o u s a d o n n é s , n o u s n ' a v o n s beso in q u e d ' ê -
t re bien c o n n u s .


Ces ques t ions do ivent ê t re t ra i t ées loin des p a s s i o n s ,
dans le ca lme de la c o n s c i e n c e , et avec des h o m m e s
qui savent c o m m e v o u s , Monsieur le D u e , u n i r la d i -
gnité du ca rac t è r e à la d igni té d e l à r a i son .


. l 'oserai d o n c vous s o u m e t t r e s i m p l e m e n t et l oya l e -
men t m a p e n s é e .


îl ? a au jo u rd ' hu i Lin g r and l'ait accompl i : la ques t ion
de la l iberté d ' ense ignemen t , depuis qu 'e l le a été l ivrée
à la d iscuss ion p u b l i q u e , s 'est posée dans ses vé r i t ab les
t e rmes : elle a p p a r a î t é v i d e m m e n t a u j o u r d ' h u i ce qu 'e l l e
a t o u j o u r s é té , u n e question profondément religieuse, et
pa r suite il est visible que la t/neMion religieuse dans
t'nitp, son étendue est d é s o r m a i s la question dominante.


De là u n i q u e m e n t l ' in té rê t c o n s i d é r a b l e qu 'y p r e n d
le c lergé , et. l ' i m p o r t a n c e q u ' o n lui r econna î t enfin d a n s
ce débat . On a essayé de d o n n e r le c h a n g e à cet é g a r d :
on n ' \ a pas réuss i . Si on l ' e ssaya i t e n c o r e , on n ' y
réuss i ra i t pas d a v a n t a g e ; quoi q u ' o n fasse, il n o u s sera
toujours facile de d é m o n t r e r qu ' i l s 'agit ici des p lus
g r a n d s , des plus sér ieux in t é rê t s de la re l ig ion. 11 est
manifes te d 'a i l leurs q u e ce n ' es t pas ici u n e que re l l e
s i m p l e m e n t pol i t ique . N o n ; a p r è s avoi r o b s e r v é , d e p u i s
qua to rze a n n é e s , un si lence si p rofond et si c o n v e n a b l e
au mil ieu des par t i s , n o u s ne s e r ions pas venus faire
éclater tout à c o u p des p a s s i o n s po l i t i ques d a n s u n e




i jueslioii p a r e m e n t h u m a i n e ; cela n ' e û t été ni de la
p r u d e n c e q u ' o n n o u s r e c o n n a î t , ni de Fhabi le té q u ' o n
n o u s i m p u t e . On a v a i n e m e n t c a l o m n i é l a s incér i té et la
m o d é r a t i o n du c le rgé . O u t r e ses p r i n c i p e s , p lus p u i s -
s an t s e n c o r e q u e ses in té rê t s , il sait à quel le é p o q u e il
a affaire ; il d o n n e depu i s de longues a n n é e s d ' i n c o n -
tes tab les e x e m p l e s d ' a b n é g a t i o n , de sagesse , de p a -
t i ence ; et l ' on c o n v i e n d r a , en dépi t de toutes les p r é -
v e n t i o n s , q u e ce n 'es t pas lui que l 'on voit p a r m i n o u s
j o u e r le t e r r ib le j eu des r é v o l u t i o n s , qui r e t o m b e n t t ou -
j o u r s su r sa lèle de tou t le po ids de leurs r u i n e s . Si
d o n c le c lergé a p r i s à c œ u r la ques t ion de la l ibe r té
d ' e n s e i g n e m e n t , c 'est qu ' i l croi t d a n s son àmo et c o n s -
c ience q u e cet te q u e s t i o n le r e g a r d e , qu 'e l l e impor t e à
la r e l ig ion , qu 'e l l e re lève de son min i s t è r e ; c 'est qu 'e l le
a p o u r bu toute la g r a n d e u r , toute l ' impor t ance d ' u n e
q u e s t i o n re l ig ieuse .


G r a n d e q u e s t i o n , en effet ! a u c u n e a u t r e ne p r é o c c u p e
p lus fo r t emen t t ou t à la fois l 'opinion pub l i que et les
h a u t s p o u v o i r s de l 'État . C'est c o m m e u n i m m e n s e pro-
b l è m e d o n t la so lu t ion est a t t e n d u e p a r l ' i nqu ié tude et
l ' i m p a t i e n c e g é n é r a l e ; et le g o u v e r n e m e n t l u i - m ê m e ,
c h a r g é de le r é s o u d r e , a c ru devoi r en sais i r d ' abord la
p lus g rave de nos a s s e m b l é e s l ég i s la t ives , la C h a m b r e
des P a i r s .


L 'op in ion p u b l i q u e le t rouve c o n v e n a b l e : le ca lme et
l ' impass ib i l i t é de la nob le c h a m b r e , les l u m i è r e s d ' u n e
dé l ibé ra t i on appro fond ie peuven t ap l an i r b ien des dif-
ficultés qui p a r a i s s e n t a u j o u r d ' h u i i n so lub l e s , conci l ie r
bien des exigences qu i s e m b l e n t i n c o n c i l i a b l e s , et r e n -
d re à la r a i son et à la jus t ice l eu r s d ro i t s u s u r p é s ou
con tes tés p a r les p a s s i o n s .




A M . i.!-: D i t ; oí-; I Ü Í O G I . I E


La Chambre des Pa i r s ne demeurera p a s a u - d e s s o u s
de Fál tenle de l ' op in ion p u b l i q u e . Déjà elle a c o m -
m e n c é ses t r a v a u x avec u n e grav i té et un r e s p e c t d ignes
d 'e l ic ; la d iscuss ion de ses b u r e a u x a é té r e m a r q u a -
b l e m e n t sé r i euse ; d a n s la c o m m i s s i o n qu 'e l l e a n o m -
mée se t rouven t les h o m m e s les p lus éc la i r é s , les p lus
consc ienc ieux , les p lus é m i n e n t s q u e l 'on p u i s s e d é s i -
r e r : enfin v o u s me p e r m e t t r e z d ' a j ou t e r , Mons ieur le
D u c , que le choix du r a p p o r t e u r et le r a p p o r t m ê m e ,
sous quelque réser re q u e n o u s s o y o n s obl igés de l ' a c -
cepler , sont un témoignage de plus de l'esprit de gravité
qui a n i m e l ' i l lus t re a s s e m b l é e .


Tel est l 'é tat de no t r e cause , tel est le p r e m i e r a p e r ç u
de l ' impor t ance qu i s ! \ r a t t a c h e .


Je ne suis pas mo ins f rappé de la force qui se révè le
en ceux qu i la d é f e n d e n t ; et v o u s avez p r o u v é v o u s -
m ê m e , Mons ieur le Duc, à quel po in t l ' op in ion p u b l i q u e
leur x i eut en a ide : vo i r e p e n s é e , si énergique m ont
e x p r i m é e sur la nécess i t é (['enseigner a la jeunesse les
fondements de la foi, un vrai cours de religion positive,
les dogmes en même temps que la morale, vos vues sur
renseignement philosopltiqne ne son t q u e la c o n f i r m a -
tion des u n á n i m e s r é c l a m a t i o n s de l ' ép i scopa t et des
ca tho l iques de f r a n c o .


Depuis que la lut lc est o u v e r t e , on a pu ê t re p l u s
d 'une fois é t o n n é de la v i g u e u r avec l aque l le elle a é té
sou tenue . C h a q u e j o u r , la ques t ion gagne du t e r r a i n ,
c h a q u e j o u r elle fait d ' i m m e n s e s p r o g r è s ; de l 'un ni de
l ' au t re c è l e , on n e p a r a i s s a i t p a s s ' a t t e n d r e d ' a b o r d à
de tels r e so l l á i s .


lit c e p e n d a n t les a d v e r s a i r e s son t b i en for ts , les p r é -
vent ions i nvé t é r ée s , les p ré jugés n o m b r e u x , et le déba t




1>1* KM î Kii K • i . lC ' l 'T l ï K


est engage con t re la r éun ion des forces in te l lec tuel les la
plus i m p o s a n t e ; car , je le r e c o n n a i s , l ' h i s t o i r e , les
sc iences , les l e t t r e s , c l , à défaut de v ra ie p h i l o s o p h i e ,
le goût de, ta sc ience p h i l o s o p h i q u e , ont d a n s r t ' u i v e r -
sité d 'hab i les et i l lus t res r e p r é s e n t a n t s .


J u s q u ' à ce j o u r , n é a n m o i n s , la lu t te n 'a p a s été t rop
inégale , et la p a r t i e ne, s emble p a s en ce m o m e n t favo-
rable à la c o r p o r a t i o n un ive r s i t a i r e .


Pour n o u s , h o m m e s du s a n c t u a i r e , que In force des
c h o s e s a c o m m e p o u s s é s malgré n o u s d a n s la l ice , on
n o u s \ a a c c e p t é s ; et m a l g r é la c h a l e u r inévi table d 'un
combat qui va c h a q u e j o u r s ' an imant d a v a n t a g e , en se
p l a ignan t de n o u s , on con t i nue à n o u s r e s p e c t e r , e t
cela cM j u s t e : d a n s la p lus g r a n d e violence du déba t
on n*a r é e l l e m e n t r ien d é c o u v e r t en n o u s qui ne l u i
r c s p c c l a b l e ; ou a p u n o u s r e p r o c h e r q u e l q u e s excès de
zè l e , r e l eve r la l'orme que lquefo i s a r d e n t e de n o t r e p o -
l é m i q u e d a n s une c a u s e qui t o u c h e à ce qu'il y a p o u r
n o u s de p lus s ac ré sur ja terre; ; mais au miiion de tout
c e l a , n o u s avons g a r d é tou te n o i r e cons idé ra t i on ; la
rel igion n'a pas s e n h e r t , et si j ' e x c e p t e quelques viva-
c i t é s , q u ' u n poè te p h i l o s o p h e a t t r i bua i t à la faiblesse
de la n a t u r e , u n i in hfn-ana pantin m vit nalura, cl dont
b o s s u e l disai t : i i , i c n u i ne doit s ' U o u n e r ipic des h o m -
m e s aient des d é f a u t s liumains, on n ' a r t i cu le c o n t r e
n o u s a u c u n grief s é r i e u x , a u c u n e accusa t ion s o u i c -
nab le .


Kl c e p e n d a n t tous les r e g a r d s étaient fixés s u r n o u s ,
toutes les ore i l les a t t en t ives à n o s p a r o l e s ; l ' i r r i ta t ion
n ' a t t e n d a i t q u e le m o m e n t d ' éc la te r dans tou te sa v io -
lence ; elle n e l 'a fait e n c o r e que p a r m i les p o s s e s s e u r s
du m o n o p o l e : l'Université seu le je t te des cris de colère .




Cela se conço i t , et e n c o r e s 'est­el le eflorece l o n g t e m p s
de se m o d é r e r . Mais , d a n s le f o n d , la faveur , l 'opinion
se t o u r n e n t s e c r è t e m e n t dm coté de la l ibe r té d ' e n s e i ­
g n e m e n t : c'est u n e c a u s e i nv inc ib l e ; la v é r i t é , le b o n
sens et la jus t i ce c o m b a t t e n t p o u r elle \


.t'en t r ouve ra i s la p r e u v e , Mons ieur le D u c , d a n s la
consc ience des plus a r d e n t s défenseurs de U n i v e r s i t é .
!i \ a déjà l ong t emps q u e M. Dubois , a u j o u r d ' h u i m e m ­
bre et v i c e ­ p r é s i d e n t du Consei l roya l de l ' ins t ruc t ion
pub l ique a écr i t : Le imbue principe de nvmtwile frappe
U:>r,-v, leer tims ¡es parus... Rien d»stttbl», rie» d­­ fjrand
ne pi<ut ce tenter; disons plus : e u x o e m o ­ u l . Car au­
cune vonvirtion libre, ne peu! vivre dans un corps comme
••elui de l'Université, sans resse г vpnsé a démentir le
'•'i!:/.­; r" :/u'i! professait lu veille. ¡I ч a !on;/le;np.­;
•pi", iccc la première fois, et l"s premiers avec salle,
'ucliiíide et fid­Hitè, nous avons réclamé contre le monopole
oK­yriiurru я ni­: t o i tí­. c h o y . \ x i ; b k t d e t o i t e гхьтвио­
ПОХ.


. lele s a i s , 3!. D u b o i s , q u a n d il écr ivai t ces l i g n e s , n e
pré t cnda i l pas t r ava i l l e r p o u r n o t r e c a u s e ; m a i s p o u r
que tout, lui ait ainsi profité, ne faut­il pas qu' i l y ait ici
bien tics choses dont on ne. s'est point, e n c o r e r e n d u
..•ompic? Car, enfin, cet te c a u s e , si b o n n e q u ' e u e fût, il
y a trois a n s , ne p a r a i s s a i t pas devo i r p r é t e n d r e à u n e


i : ji i ­1 • i ; vi; jour, !>' H\ iv ib> mut .'¡lint rt vi'nt'­raMp aiïii. M. de itavl­
_ и ai i, Mil' I'.'.', n' .v / c . ' c " rt r/iiOi'Cíí d i s J ( C i l i o s , с­! ili'ini'iin'1 sans u n e .
: ''ii'ic ivniabe. As­utvu;; ut, s'il n'a рал rii' r r f i i l é , ce n'i'.­t pas qu'il fût
iiiilkni: tic l'Oire. Au iKHaul ы' i «inlra'Uctcur», il aura (lu moins irouve
bien e.ts l o r l i M i r ' . A l'hi'iir.' r,ù j'écris, tll\­]iuil mille e\cinri!aii'cs ft.
Irais éditions siii'tes.­hcs sent écoulées.




8 1 ' Н К М Ю К ! . ! . ! i Y.


s i tua t ion si h o n o r a b l e ol si forte. 11 faut qu ' i l y ait ici
u n e force c a c h é e , q u e l i o n s ­ m ê m e s ne s o u p ç o n n i o n s
p a s , q u e r ien j u s q u ' à cette, h e u r e n ' ava i t si mani fes te ­
m e n t révé lée , et qui établit la situation et l'influence re­
ligieuse et sociale du clergé pur sa force intellectuelle et
morale.


Si les détai ls d a n s l e sque l s je vais e n t r e r , Monsieur
le Duc, le d é m o n t r e n t , ce sera u n e p r e u v e de p lus , et
u n e p r e u v e s imple et i r r é f ragab le , q u e n o u s ne s o m m e s
ni à c r a i n d r e , ni à négl iger ; que nous ne vou lons a u c u n
m a l , et q u e n o u s p o u v o n s faire q u e l q u e bien à une s o ­
ciété qui n o u s d i s p u t e n o t r e p lace au soleil de la l iber té
c o m m u n e ; q u e n o u s y a v o n s n o s dro i t s c o m m e nos
devoi rs ; et qu' i l sera i t peu sû r p o u r le salut de la chose
p u b l i q u e de i m i t e r en e n n e m i s , ou m ê m e de c o m p t e r
p o u r r i en , ceux qui a p p o r t e n t au peup le et à ses m a d r é s
le s e c o u r s , l ' exemple et la leçon d u d é v o ù m e n l , de la
consc ience et de la foi.


Si je j e t t e un coup d'eeil attentif s u r le clergé de
F r a n c e , je \ ois q u ' o n r e n d u n i v e r s e l l e m e n t h o m m a g e à
ses v e r t u s ; m a i s ce q u ' u n e obse rva t i on plus a p p r o f o n ­
die l'ait d é c o u v r i r , c'est que les l u m i è r e s chez lui ne
sont p a s in fé r ieures aux v e r t u s . On a dit le con t ra i r e ;
m a i s , en le d i san t , on p a r a i t n ' a v o i r c o n n u q u ' i m p a r ­
fa i tement le clergé et ne l 'avoir o b s e r v e q u e de loin.
M. de ï o c q u e v i l l e , qu i n o u s a fait auss i n o t r e par t d a n s
l ' e s t ime p u b l i q u e , s 'esl a b u s é à cet égard : c o m m e v o u s ,
Monsieur le Duc, il se t r o m p e d ' é p o q u e . Q u e l q u e s faits
s imples , mais incon tes tab les , suffiront pour rectifier
c è n e opinion e r r o n é e sur l ' é ta l in te l lec tuel du clergé
f rançais .


Il y a t ren te ans , en effet, n o u s offrions de t r is tes




A M . i . K n i ' c ni- : i H \ o d i . i K . »


m i n e s , q u e le t emps seu l pouva i t r e l eve r , et n o u s com-
mencions u n e r é o r g a n i s a t i o n n a i s s a n t e qui est a u j o u r -
d 'hui d a n s sa force : le t emps n ' ava i t po in t p e r m i s e n -
core de r e n o u e r la c h a î n e , v i o l e m m e n t r o m p u e , des
g lor ieuses t r ad i t i ons de l'Eglise de F r a n c e . On p o u v a i t
c ro i re a lors ce q u ' o n dit a u j o u r d ' h u i , et n o u s n e p o u -
v ions r é p o n d r e q u ' a v e c des e s p é r a n c e s toutes confiées
à l 'avenir . Ces e s p é r a n c e s se son t d e p u i s p l e i n e m e n t
réa l i sées , et c 'est f e rmer les y e u x à l ' év idence des faits
que de n e p a s r e c o n n a î t r e de nos j o u r s à l 'Église de
F rance , u n e situation non-seulement r é g u l i è r e , m a i s
ferme et p u i s s a n t e p a r le fond même des c h o s e s , c ' es t -
à -d i re p a r son o r g a n i s a t i o n i n t é r i e u r e et p a r la va l eu r
p e r s o n n e l l e de ses m e m b r e s .


Voici les faits :


Depuis t r en te a n n é e s , la m a r c h e , les p r o g r è s , les
é ludes l i t t é ra i res et ecc l é s i a s t i ques , le r e c r u t e m e n t sa -
cerdo ta l p a r les o r d i n a t i o n s , le g o u v e r n e m e n t géné ra l ,
l ' admin i s t ra t ion pa r t i cu l i è r e du clergé et de l 'Église de
F r a n c e , sont d a n s u n o r d r e r égu l i e r et à p e u p r è s i m -
p e r t u r b a b l e .


Il n ' \ a pas un d iocèse qui n ' a i t son é v ê q u e , ci je ne
sache pas que depu i s p l u s i e u r s s iècles l ' ép i scopa l f ran-
çais ait eu u n e a l t i tude p lus g r a v e , p lu s for te , p lus p a -
cifique à la fois, Il n 'y a q u ' u n e voix p o u r r e c o n n a î t r e
et p r o c l a m e r q u e tous son t des a p ô t r e s d e c h a r i t é
p a r m i les peup l e s , q u e l eu r p a t i e n c e est égale à l e u r
zèle, et j ' a f f i rme q u e leur r e s p e c t p o u r le p o u v o i r est
t ou jou r s auss i s incère q u e re l ig ieux , l e u r consc i ence
tou jou r s plus forte q u e l eu r s o p i n i o n s , et l eu r s affec-
t ions tou jours r a m e n é e s là où se t r o u v e n t les in té rê t s




IM! V. M I VAX\] I .KTTlïK


sac ré s île la re l ig ion el des Ames ; q u e l eu r d e s i n l e r e s -
-.i;iueut es! évangé l iquo , l eur p a u v r e t é n o b l e m e n t p o r -
tée, et leur géné ros i t é tou jours act ive et ingénieuse p o u r
sou lager ceux qu i souffrent et qui pleurent.


Enfin, ce q u e je dois a jou te r avec une égale vérité,
c'est q u e b e a u c o u p p a r m i eux cu l t iven t avec gloire l 'hé-
r i t age des d o c t e u r s , et q u e t o u s , s a n s excep t ion , ont un
savo i r ecc lés ias t ique d o n t les j o u r s les p lus heureux de
l 'Église de F r a n c e se se ra i en t t r o u v é s satisfaits et h o -
n o r é s .


L ' ép i scopa l d u xvni c siècle, s o u s le r a p p o r t de la
sc ience ecc lé s i a s t ique , é ta i t in fé r ieur à l 'épiscopat; de
nos j o u r s . Le w i r siècle même, on du m o i n s la s e c o n d e
moi t i é de cet ie é p o q u e , à p a r t i iossuei , Féne lon , el
q i ; i hpa-s a u t r e s g r a n d s n o m s qui i ' i l iumhien l foui e n -
tier de l eu r g lo i re , n'offre pas un corps de p ré la t s s u -
p ë r i e u r p a r la doc t r ine à celui qui g o u v e r n e a u j o u r d ' h u i
nos d iocèses : les m é m o i r e s ecc l é s i a s t iques du t e m p s le
pi*om cro ien t au beso in . 11 faut r e m o n t e r j u s q u ' a u r è g n e
de Louis \ l l [ et à la mino r i t é de Louis \ 1 \ p o u r t r o u -
ver, s u r les a n t i q u e s sièges des ('• a i l les , une. r e u n i o n
d ' é v ê q u e s p ins c o n s i d é r a b l e pa r le savoi r q u e celle don t
le t emps p résen t peu t s ' h o n o r e r : c 'est q u ' a u s s i le c a r -
d ina l de ï î ichei ieu et sa in t Vincent, de Pau le y n \ a i e n t
t ravai l lé .


Voilà n o s évoques : le r e s p e c t que je dois a ceux q u i ,
ap r è s avoir été m e s frères dans le, s a c e r d o c e , son t d e -
v e n u s m e s pè res d a n s la foi, n e m e défend pas de b é n i r
Dieu, et de r e n d r e g r âce à la re l ig ieuse sol l ic i tude du
Hoi p o u r les choix si h o n o r a b l e s et si sages qu i , d e p u i s
q u a t o r z e a n n é e s , sont, v e n u s conso le r l 'Église de France
de ses p e r t e s , et la fortilier. 11 est bien e n t e n d u q u e j e




me suis bon»:: ici à i n d i q u e r s o m m a i r e m e n t des faits in-
contes tab les .


Aux i. 'vèqucs il faut j o i n d r e le co rps des p a s t e u r s ,
qui r empl i t aujourd'hui à peu p r è s tous les v ides q u e
le m a l h e u r des t e m p s avait ('ails d a n s le s a n c t u a i r e , et
qui é ta ient si n o m b r e u x il y a I r e n t e a n n é e s .


Ou compte, p r é s e n t e m e n t env i ron c i n q u a n t e mi l le
p rê t r e s en F r a n c e ; et c o m m e chaque diocèse a son
évoque , c h a q u e paro i s se au ra b ientôt son c u r é . P a r t o u t ,
à peu prés , ia lioliginn est d o n c r e p r é s e n t é e , p r ê c h é e
par un h o m m e v e r l u e u x , c h a r i t a b l e , de m œ u r s g raves
cl p u r e s : c 'est le mo ins q u ' o n pu i s se d i re de ces o u -
vriers évaugéHques qui, d 'un bout <îe la F r a n c e a l ' a u t r e ,
se vouent avec un si noble dé s in t é r e s semen t aux: fali-
•rips du saint min i s t è r e , et font bén i r le n o m de Jesirs-
Chr is l dans u n e feule d ' h u m b l e s h a m e a u x où la rel igion
avait élu si h n g i o m p s s a n s voix, s a n s leniple, s a n s
pas t eu r . Ksl-ce là un l'ait d o n t il soit p e r m i s de ne p a s
t en i r compte , l o r sque l 'on songe à régler , p a r une lo i ,
l 'avenir intel lectuel et m o r a l d'un p e u p l e ?


Voici du reste , Mons ieur le. Duc , la stalist ique précise,
du clergé c a t h o l i q u e on F r a n c e :


i" (jmHre-v'niijlH évoque - , l eu r s g r a n d s v i ca i r e s , l eu r s
chap i t r e s , c*e»l-a-dirc, en c o m p t a n t a p p r o x i m a t i v e m e n t ,
cinq cents g r a n d s *, icaires et douze ou qu inze cen ts cha-
no ines t i tu la i res on h o n o r a i r e s , fo rmant l 'é l i te du cierge,
et les consei ls dont l ' ép i scopa t s ' e n t o u r e , p o u r g o u -
ve rne r les q ua i re-v ingls d iocèses qu i cons t i t uen t l 'Église
de F rance .


2° Les p a s t e u r s des quarante mil le p a r o i s s e s du
r o y a u m e , don t je v iens de p a r l e r .


3" Les q>nt!re grandes congrégations religieuses, dont:




il faut a p p r é c i e r pos i t ivemen t l 'espr i t , le bu t , l e s n a i v r e ?
cl J ' inil i icnce, s ans s ' a r r ê t e r aux vagues p r é v e n t i o n s (pic
l eu r n o m i n s p i r e que lque fo i s :


Les snlpicieiis : l eu r e sp r i t est c o n n u ; c'est la m o -
des t ie , la sagesse , la m o d é r a t i o n m ê m e . J,eur sc ience
esl g r a n d e . Ils é lèvent et d i r igen t , d e p u i s le c o n c o r d a i
de 1802, la moi t i é du clergé de F r a n c e , soit par e u x -
m ê m e s d a n s v ingt -c inq d iocèses c n \ i r o n , soit pa r leurs
é lèves d a n s la p l u p a r t des a u t r e s d iocèses . Leur in-
f luence, q u o i q u e pais ible et r e t i r ée , est i m m e n s e : iis
son t à Par i s Je.-> m a î t r e s de la pa r t i e la p lus d is t inguée
de la j e u n e s s e c lér icale des p r o v i n c e s : p r e s q u e tous le»
évêques on t été fo rmés p a r eux.


Les lazaristes : ils d i r igent les s é m i n a i r e s de dix ou
douze d iocèses ; ils sont les s u p é r i e u r s et les d i r e c t e u r s
de c inq mil le sou i r s de c h a r i t é , en t r e les m a i n s d e s -
quel les se t rouvent l ' éduca t ion d u n e m u l t i t u d e d é j e u n e s
filles p a u v r e s , le soin de n o m b r e u x hôp i t aux , la d i s t r i -
bu t i on d ' i n n o m b r a b l e s secours . L e s l aza r i s tes sont auss i
c h a r g é s des miss ions du Levant , don t l ' i m p o r t a n c e est
a v o u é e .


Les prêtres des M issions étrangères : co rps v é n é r a b l e ,
don t le zè le , les suffrages, l ' influence m ê m e , a u d e d a n s
et a u d e h o r s de la F r a n c e , ne p e i n e n t ê t re o u b l i é s : ils
ont cent vingl m i s s i o n n a i r e s f rança is d a n s les [ iules , la
Chine et le T o n g - k i n g .


Les frères dés Ecoles chrétiennes, d e v e n u s depu i s
q u e l q u e s a n n é e s si popu la i r e s en F r a n c e : ils n e p e u v e n t
suffire au v œ u des p o p u l a t i o n s : cen t trente, villes les
d e m a n d e n t en ce m o m e n t s a n s p o m o i r les ob ten i r . Ces
v é n é r a b l e s et p réc ieux i n s t i t u t e u r s de l 'enfance sont au-
j o u r d ' h u i a u n o m b r e de deux mille cent t r en te - s ix ,




A M. I .K !>l ('. 1)K n n o n i . i K


• 'omplcnt en F r a n c e près de quatre cents établissements,
et p rès de deux cen t mil le enfants r eço iven t d ' eux
l ' ins t ruc t ion g ra tu i t e .


Enfin, je ne dois p a s oub l i e r les piepucietis, les ma-
risles et les jésuites, qu i , ne p o u v a n t p a s tou jours t r a -
vail ler l i b r e m e n t en F r a n c e , out p e u t - ê t r e c inq ou six
cents sujets f rançais d a n s les m i s s i o n s é t r a n g è r e s .


Voilà le c lergé en F r a n c e , J 'a i dit, Mons ieur le Duc ,
que chez lui les l u m i è r e s n ' é t a i e n t pas infér ieures a u x
vertus : c l a est i ncon te s t ab l e p o u r l 'élite du clergé et
pour les congréga t ions religieuses : je le c ro is é g a l e -
m e n t v ra i pour t o u s d a n s les p r o p o r t i o n s c o n v e n a b l e s .


Je n ' a i po in t pa r l é j u squ ' i c i des écoles où se forme le
clergé de F rance , où se p r é p a r e n t ses éc r iva ins , ses
p r é d i c a t e u r s , ses théo log iens , ses m o r a l i s t e s ; où se
t rouve enfin p a r lui le dépô t des le t t res h u m a i n e s , et
celle sc ience s a c e r d o t a l e , la s e ide , a p r è s t ou t , do n t il
soit jus te de lui d e m a n d e r un c o m p t e s évè re


l i n ' \ a pas un diocèse en F r a n c e qu i n ' a i t son pet i t
s émina i re , où le c o u r s des é t u d e s classiques n e soit
complètement o rgan i s é ; où le goû t s é r i e u x , le goû t an-
tique , le b o n s e n s , le r e s p e c t , la g r a v i t é , l'application
c o n s t a n t e , ne p ré s iden t à l ' e n s e i g n e m e n t ; où l 'h is to i re
ne soit étudiée avec soin et a \ e c z è l e ; où les sc iences
phys iques et m a t h é m a t i q u e s n ' a i e n t la p a r t r a i s o n n a b l e
qui leur appa r t i en t .


Les c o u r s des pefils s é m i n a i r e s sont de h u i t a n n é e s
nu m o i n s , suivis et dir igés avec u n e r égu l a r i t é i nv io -


1 II y aurait inju.-lice à nous demander d 'e l l e des h o m m e s u n i v e r -
? i ] s : i.iii snnl, im'ine dans la magis trature et l 'administrat ion, les lmn; -
i;:i.s i inherse l s ! ' La L i a n t e en cnmpte p e u .




l i I ' i l V, M i K H I : I . ! . I l i , !
lable , avec un sé r i eux de travail d a n s les ('-lèves, avec
u n sé r i eux de d é v o û i n e n t d a n s les maîtres : , q u ' e n
chercherait v a i n e m e n t a i l l eu r s : ceci est c o n s i d e r a t i l e ,
Mons ieur le Due .


Un des h a u t s d ign i t a i res de l T n i v e r s i l é , élans un o u -
v rage r é c e n t , a c ru p o u v o i r i m p r i m e r , sous les a p p a -
r e n c e s d ' u n e responsabilité étrangère, (pie les p ro fes -
s e u r s des pet i t s s é m i n a i r e s ne seraient >>us rapables de
concourir aree les è le ces d>> seconde des collèges univer-
sitaires. Cer tes l 'aff i rmation est é t r ange .


De m o n c ô t é , j'offrirais volontiers, si m o n s e i g n e u r
l ' a r c h e v ê q u e do Pa r i s le p e r m e t t a i t , de faire c o n c o u r i r
les é lèves d e son pet i t s é m i n a i r e avec les élèves du plus
r e n o m m é collège royal de Pa r i s , c lasse c o n t r e classe. Je
ne m e t t r a i s q u e deux condii ions , c'est qui' ions é.'évc*
du collège universitaire prendraient part a lu lutte, et
concourraient T O U S dans T O U T E S les facultés.


A ces c o n d i t i o n s , je c ro is f e rmemoni q u e , s u r i r -
t r e n t e é lèves qui c o m p o s e n t à peu près c h a c u n e de n:e;
c l a s s e s , vingt s e r a i en t h o n o r a b l e m e n t p l acés d a n s h s
q u a r a n t e p r e m i e r s , et je n e r e n o n c e r a i s pas à l ' espoir
q u e p a r m i eux p l u s i e u r s d i s p u t e r a i e n t les p r e m i e r s
r a n g s .


Ce concours , q u e j 'offrirais vo lon t i e r s a u mm dr.


1 Je m e sers à desse in d e c e n:oi, à qui l'en semble avoir <V.i'' Cmle
sa ùtgai lé Jaii* la langui' univers i ta ire , en ne lis laissant plu» qu'aux
matlrci 'l'rr.i'.le, c ' t s t -à- i l^rc 1.11 le rclé-uianl au de^ié le plus immi . l e
de la hiérarchie . i-1 quel a ' .anlaee ne nie dimi]rrai.--ie j,;t* »!, j• u-nr ré -
pondre au m e m b r e du ('.<>ns!il royal qui npp.i.-e \ reb>M urs di.
c o i l c t c s à ceux (tes peti ls sémii aires, j 'oppo-ais au |.i ixmni ' l des
maî tres d'étude des c o l l i n e s , si tri»ti'iiifi>l piivo» de cen.-ddcralioii ei
d' influence murale , le personnel ( rc l é s ia srque qui e\er< e !. s munie»
f o n d i o n s avec une autorité t i sol idaire el si respectée !




A M. I . K l i t 0 D E l i K O G U E , il,


polit séminaire de P a r i s , je l'offrirais é g a l e m e n t , si j ' a -
vais autorité p o u r c e l a , a u n o m des pet i t s séminaire:-,
de p r o v i n c e , aux col lèges de U n i v e r s i t é d a n s les p r o -
v i n c e s , et je n e d o u t e p a s q u e p a r t o u t les r é s u l t a t s ne
tussent s emb lab l e s .


j e n ' a i m e po in t à r é c r i m i n e r : m a i s enfin 1*Université
n e peu t oub l i e r q u e , sur la total i té des é lèves qu ' e l l e
i n s t r u i t , c l présente c h a q u e a n n é e au b a c c a l a u r é a t , la
M O I m- n ' es t pas m ê m e a d m i s e à s u b i r les é p r e u v e s
o r a l e s , ma i s est r e j e l ée p o u r n ' a v o i r p a s su l'aire c o n -
v e n a b l e m e n t u n e vers ion de t ro i s i ème ; c 'est ce q u e
cons ta ten t les s t a t i s t iques ol'iicielles de l 'Univers i té .


Sur la totali té des é lèves (pie les pe t i t s s é m i n a i r e s
ont p r é s e n t é s cet te a n n é e afin d ' ob t en i r le d ip lôme
spécial de bache l ie r , p lus des deux t iers ont été r e ç u s .


lit c 'est là ce t te j e u n e s s e q u e l 'on f rappe en m a s s e
d ' incapac i té et d ' i g n o r a n c e : a p r è s les é lèves , on a t t a q u e
les p r o f e s s e u r s ; et ici, Monsieur le D u c . j ' a i la d o u l e u r
d ' e n t e n d r e votre voix se j o i n d r e à celle de l ' h o n o r a b l e
m e m b r e du Conseil r o v a l a u q u e l je viens de r é p o u d r e :
(7est, d i t e s -vous , un professorat mobile et gratuit.


Mobile .- p e r m e t t e z q u e , s a n s m a n q u e r a u r e s p e c t q u e
je veux g a r d e r , je vous d é n o n c e ici à v o u s - m ê m e un
fait m a t é r i e l l e m e n t e r r o n é : la pos i t ion q u e vous faites
u nos professeurs est a u j o u r d ' h u i d ' u n e i nexac t i t ude
é t r ange ; c'est un a n a c h r o n i s m e . A u n e é p o q u e de trouble
où n o u s av ions é té r enve r sés c o m m e la socié té tout
en t i è re , c o m m e elle, n o u s avons eu n o s e m o u r r . c i : m a i s ,
c o m m e elle auss i , n o u s n o u s s o m m e s r e l evés , fortifiés
e; r égu la r i sés .


Après avoi r r é d u i t le clergé à p e u p r è s au n é a n t , la
Révolu t ion , ii y a q u a r a n t e a n n é e s , le vil à regre t sor t i r




m P R K M ri; R I : I . K I I U .


des r u i n e s où elle c royai t r a v o i r enseve l i ; m a i s elle se
consolai t au m o i n s p a r l 'é ta t o b s c u r , p a u v r e , d i sc réd i t é
d a n s l eque l il a p p a r u t a lo r s . Nous d û m e s r ebâ t i r le
t emple d ' u n e m a i n et le dé fendre de l ' a u t r e : on pr i t en
pi t ié n o s efforts, et la fierté p h i l o s o p h i q u e , p o u r a b a t t r e
un r ival n a i s s a n t , p r o c l a m a h a u t e m e n t n o t r e i g n o r a n c e .
Les e m b a r r a s de n o t r e p r e m i è r e r econs t i t u t i on se rv i ren t
déabord ces v œ u x ; on insu l t a à l ' indus t r i e de nos é tu -
des , à la p a u v r e t é de n o s r e s s o u r c e s ; l 'Église, qu i avai t
beso in d ' o u v r i e r s , étai t r é d u i t e p o u r un m o m e n t à n é -
gliger les d o c t e u r s , et c 'est sur ce t te cr ise q u e s'est établi
le p ré jugé de n o t r e i g n o r a n c e . Vieux p ré jugé a u j o u r -
d ' h u i ! ca r il da te de q u a r a n t e a n s ; et , d e p u i s l o r s , la
cr ise s 'est r é so lue à n o t r e h o n n e u r . Si l 'Église c o m p t e
m a i n t e n a n t de n o m b r e u x o u v r i e r s , elle c o m p t e aussi
des d o c t e u r s ; elle a u n e n s e i g n e m e n t et des écoles à
elle ; elle t rouve ses r e s s o u r c e s d a n s ses ser \ ices et d a n s
la c h a r i t é de ses enfants ; elle a p p r e n d , sai t et ense igne
ce qui s ' en se igne , se sai t , s ' a p p r e n d p a r t o u t ; et elle
sait, de p l u s , ce q u ' i g n o r e n t a i l leurs m ê m e les p lus h a -
bi les et les p lu s s a v a n t s .


Il est a u j o u r d ' h u i t r ès -peu de pet i t s s émina i r e s d a n s
le r o y a u m e , s'il en est , où le p ro fes so ra t soit, c o m m e
vous le dites, un p a s s a g e ; a u c u n , j e l 'affirme, où il soit
un pis-a l ler . Au c o n t r a i r e , p a r t o u t nos p ro fesseurs son t
des h o m m e s de zèle, de d é v o ù m e n t , de savo i r m ê m e ,
qu i a imen t le m i n i s t è r e de r e n s e i g n e m e n t et y c o n s a -
c ren t l eur v i e , t an t qu ' i l plaît à l e u r évèquc de l e u r
confier la j e u n e s s e c lér ica le . J ' a f f i rme la vér i té de toutes
ces a s se r t ions .


Notre p r o f e s s o r a t est gratuit ? Qu ' e s t - c e à d i r e?Ls l - ce
que le d é v o ù m e n t dés in t é re s sé se ra i t p a r h a s a r d un




A M LE DUC, DE tîHOGLIL


brevet d ' incapac i t é? Es t -ce b ien vous , Mons ieur le Une,
qui penser iez q u e le ta len t se m e s u r e au s a l a i r e ? Si nos
professeurs son t m o i n s m a g n i f i q u e m e n t r é t r i b u é s q u e
ceux de l 'Univers i té , ils s 'en font g l o i r e ; ils se s o u v i e n -
nent que p e n d a n t p l u s i e u r s siècles l 'Église n ' a fait a u t r e
chose q u e d i s t r i bue r g r a t u i t e m e n t la sc ience . Vous par -
lez de bon marché, de maîtres au rabais : vo t re nob le
c œ u r sans dou te r eg re t t e r a ces pa ro le s q u e ceux qui
ne vous conna i s sen t pas p o u r r a i e n t p r e n d r e p o u r u n e
insul te à l ' abnéga t ion et au d é s i n t é r e s s e m e n t . J 'a i que l -
que hon te , je l ' a v o u e , d ' u n e d i scuss ion q u e l 'on r é d u i t
à ces t e r m e s . P o u r moi , j e n ' ava i s j a m a i s p e n s é q u ' u n e
ques t ion si h a u t e p û t d e s c e n d r e j u s q u e - l à ; j ' i g n o r e
s'il y a q u e l q u e p a r i des éducations a bon marche et des
professeurs au rabais ; n o u s avons le b o n h e u r d ' i gno re r
ces choses d a n s nos pet i t s s é m i n a i r e s .


Nos p ro fe s seu r s , d i l c s - v o u s e n c o r e , ne son t p a s de
crois professeurs ? Q u ' e s t - c e d o n c q u ' u n rrai profes-
seur, Mons ieur le Duc? que l les son t ses qua l i t é s? au
poin t de vue re l ig ieux et m o r a l , au po in t de v u e m ê m e
inte l lec tuel , q u e lui faut- i l? Su r tout cela j ' a u r a i s b ien
des choses à d i re , Mons ieur le Duc , b ien des ques t i ons
à l'aire, bien des para l lè les à é tabl i r . Je le ferai peu t - ê t r e
que lque jou r . Cer tes le vrai p r o f e s s e u r n ' e s t pas le
s imple écho d 'une l angue m o r t e ; vous l 'associez sans
doule à la mission de l ' i n s t i tu teur , q u e vous avez si bien
définie d a n s votre r a p p o r t m ê m e : / / ne suffit pas de
posséder à un certain degré la connaissance des choses
(pie l'on se propose d'enseigner ; il faut posséder les qua-
lités de l'esprit qui rendent propres a exercer sur la jeu-
nesse un salutaire ascendant il faut être soi-même un
homme bien élevé;... en matière d'éducation, la science




18 P R K . M I K U E K K T T I i i ;


ne su!fit pris; s'il fallait choisir, l'homicide derraitpas-
ser avant la science. Nous s o m m e s dans ces p r i n c i p e s .
Monsieur le D u c ; tel est le vrai p r o f e s s e u r , et vous
n o u s avez fourn i la r é p o n s e à vo t re accusa t ion .


Enfin no* études sont faibles : c'est une al légation que
je n 'ai p lu s à d i s c u t e r ; m a i s enfin qui vous l'a dit ,
Monsieur le D u c ? es t -ce l't Diversité? m a i s où Va- t -e l le
app r i s ? L 'a - t -e l le app r i s des h o m m e s h o n o r a b l e s qu 'e l le
c o m p t e p a r m i ses m e m b r e s les p lus d i s t ingués et qui
on t été élevés dans les pe t i t s s é m i n a i r e s ? )'a-!-eIlc a p -
pris de p l u s i e u r s r e c t e u r s île ses académies, do p lus i eu r s
p ro fe s seu r s de ses facul tés , de ceux qui ont ense igné
et ense ignen t e n c o r e la r h é t o r i q u e d a n s les p r e m i e r s
collèges de Pa r i s et qui sont é l è u ' s du pet i t s émina i r e
de P a r i s ?


Je sais d a n s le m o n d e un jeune h o m m e digne de son
n o m , digne de son p e r e , don t les p a u v r e s bén i s sen t
déjà les œ u v r e s et l 'active c h a r i t é ; don t les l e t t r e s et la
F r a n c e se glorif ieront p e u t - ê t r e q u e l q u e j o u r : sa j e u -
nes se fut confiée pa r le pe re le plus sage à l ' ense igne-
m e n t et aux l e çons d 'un h o m m e que j ' h o n o r e avec
s incér i t é , que fous h o n o r e n t u n a n i m e m e n t , et qui doit
à ce t émoignage é levé de la conf iance pa te rne l le l ' hon-
n e u r m é r i t é de p r é s i d e r a u j o u r d ' h u i à la plus h a u t e
éduca t ion du r o y a u m e : une j u s t e r é se rve m e défend de
n o m m e r ici le fils à son p è r e ; pour le m a î l r e , je n e
puis oub l i e r qu'i l a été avec moi élève du petit s é m i -
na i re de Par is .


Enfin, d i t e s -vous , les é t udes des collèges et des ins t i -
tu t ions p r ivées tomberaient aussi bas (pie celles des petits
séminaires. D é s o r m a i s , Monsieur Je Duc, vous m e p e r -
me t t r ez de n e p a s p a r t a g e r vos i n q u i é t u d e s à cet éga rd ;




\ vs. I . I ; c n u n n o i . U K . tu


si i n n r i s 1rs é l u d e s en f r a n c o é t a i en t c o n d a m n é e s à un
Irisîe aba i s se ni o n t , le pér i l m a n i f e s t e m e n t ne t i e n -


drait pas de nous .


. l ' achèverai cel le r é p o n s e , .Monsieur le D u c , en vous
rappelant q u e tout ce q u e v o u s avez cru pouvo i r d i re
ce n o u s , s ans n o u s c o n n a î t r e , on l'a dit de l 'Univers i té
°!!e-mêinc ; et ce n ' es t p a s de ses e n n e m i s , m a i s de ses
•nombres les p l u s d i s t ingués q u e je p o u r r a i s i n v o q u e r
ici les n o n i b r e n v témoignages .


\ u n ce q u ' u n p u b l i c i s l e , a s s u r é m e n t fort dévoué à
!'! mvers i l é et à M. le Minis i re de l ' ins l rnc t ion p u b l i -
que , écr iva i t , il y a p e u de t e m p s , à l ' occas ion des faits
que je v iens de r a p p e l e r :


s L 'Univers i té offre un faisceau de I r n v e r e s vé r ih i -
t ab 'oment éc la tan t . Nul p a y s et nu l l e é p o q u e n ' e n !
eu p lus de savoir . Le se iz ième s iècle , qui a été d ' u n e
é rud i t ion si sol ide , n e posséda i t p a s des Ph i lo logues
n 'us é m i n e n t s q u e ne le sont m a i n t e n a n t des h o m m e s


• c o m m e M. L e l r o n n e , c o m m e M. Hase , c o m m e ïf. Yic-
- «or l . e c l e r c , c o m m e M. ( i n i g n a u l l , c o n n u e VI. Bo i s -


s o n a d e , c o m m e M. Kgger, et b e a u c o u p d ' a u t r e s . C'est
s donc u n e jus t i ce à r e n d r e à l 'Universi té d'à p r é s e n t ,


qu 'e l le i.'e j a m a i s été plus i n s t r u i t e , et qu ' i l y a p e u
ce c h a n c e s ] ou r q u ' o p e le soit j a m a i s d a v a n t a g e .
C e p e n d e n t , p r e n e z le Moniteur, aux c o m p t e s r e n d u s
sur l ' ins l rue i ion ])\d)l:que , ci v o u s y ve r rez su ie , su r
le n o m b r e listai dos élèves qu i lerm'mont a n n u e i J e -


. i ront l e u r s é tudes ii P a r i s , p ins de la moi t i é ne - o n t
p a s a d m i s an « r a d e de bache l i e r , p a r c e qu ' i l s n e s a -


*. »eiil pas faire u n e ve r s ion . 11 y a d o n c là un vice , et
o' corps enseignai)l, qui u land de savoir, ne soit pas
">i ne peut pas !•• o>m;i)<in>'t["i-r...




« Xoiis d i sons qu ' i l y a là un v i ce ; cai' le b a c e a l a u -
« r e a i é tan t le c o u r o n n e m e n t de l ' i n s t ruc t ion c lass ique ,
« c'est p r e m e qu'on a reçu une instruction insuffisante.
« l o r s q u ' o n ne peu t p a s y arriver : cl , dans Ions les cas ,
« c'eut un terrible argument coni re tes éludes fuites dans
« l'Université, que plus de la moitié de ses élèves ne s/t-
« citent pas faire une version, après sept années de lu-
it Unité...


« \ o u s dis ions un vice : peu t ótre bien y en a-l-il
« deux . D'abord le s avo i r de F t. ni versile;, ton!, réel e:
a loul g r a n d qu ' i l s o i t , est un peu dépourvu de cette
« façon générale et supérieure de voir les choses, qu i
« d o n n e à la m é m o i r e u n rô le m o i n d r e qu ' à l 'espr i t ; il
« est trop peu vivifié pur l'idee qui doit ê t re le but et la
« tin de tout t rava i l . Les professeurs savent beaucoup,
« muis u la façon des tables de matières. Or, un pare i l
« savoi r est difficile à c o m m u n i q u e r , p a r c e qu ' i l n e se
« r é s u m e en r i e n , et q u ' o n n e peut, p a s en p r é s e n t e r la
« fo rmule . Aussi n ' e s t - ce pas le p ro fesseur le plus i n s -
« t rui t qu i f a i l l e s me i l l eu r s é l è v e s , c 'est celui qui me t
« le p lu s de r é s u l t a t s g é n é r a u x d a n s l'intelligence de
« ceux qui i ' écou len l . » Et j ' a j o u t e r a i , avec les droi ts
et la l u m i è r e d ' u n e e x p é r i e n c e c e r t a i n e , que dans la
g r a n d e œ i n r e de l ' é d u c a t i o n , s a v o i r b e a u c o u p n e suffit
pas ; il y a deux choses p lus i m p o r t a n t e s : il faut s u r -
t o u t savoi r e n s e i g n e r , et savoi r se d é v o u e r .


C'était peu t -ê t re auss i s o u s l ' i m p r e s s i o n de ces p e n -
sées qu 'un des p ro fes seu r s les p lus d i s t ingués de l'Uni-
versité m e d i s a i t , il y a q u e l q u e temps, à m o i - m ê m e ;
Quelles éludes voulez-vous que nous fussions faire u nos
élèves? nous ne sommes plus que des machines à bueva-
lauréat.




A M. C E 0 1 C D E Î H U H ' E I E


j ' a i pu m ' é t o n n e r , Mons ieur le Due , d ' e n t e n d r e t r a i t e r
de si h a u t et si d é d a i g n e u s e m e n t les é t udes des pe t i t s
s é m i n a i r e s , et les p r o f e s s e u r s de ces é t a b l i s s e m e n t s ;
mais je m ' e n afflige m o i n s l o r s q u e j ' e n t e n d s un m i n i s t r e
de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e , un g r a n d m a î t r e de l 'Univer -
sité, M. Cousin l u i - m ê m e , un h o m m e si éc la i ré et d ' a i l -
l eu r s si ce r ta in des fa i t s , s ' e x p r i m e r à son t o u r , d a n s
les t e r m e s su ivan t s , su r les col lèges u n i v e r s i t a i r e s , s u r
l eu r s p ro fesseur s cl s u r le m o n o p o l e de l 'Univers i té :
(le monopole, doit être détruit ; il n'existe pas en Prusse,
cl les gymnases n'uni d'autre privilège qu'une excellente
organisation et l'habileté de leurs professeurs : ce son!
la les seuls que je réclame pour nos collèges. Ainsi, que
la jeunesse française soit enlièremenl libre de suivre ou
de ne pas su'Dre les collèges, et que, non-sottement de la
maison paternelle, mais des établissements privés on
puisse se présenter au baccalauréat sans cuire certificat
d'études que les connaissances dont on fait preuve.


M. Cousin dit e n c o r e : Los collèges, reconnus cl classés
comme des collèges incomplets, forment beaucoup plus
de la moitié de nos établissemeuls publies d'instruction
secondaire. Dans quel état sont-ils y Je n'aurais pas le
courage de le dire , si, pour le savoir, il ne suffisait pas
d'ouvrir l'Almanacli de l'Université. La plupart ne sont,
a vrai dire, que de mauvaises ou médiocres pensions. Il
gf en a. qui n'ont pas plus de deux ou trois maîtres, et
Dieu sait quels maîtres! Sans insister sur d'affligeants
détails, il me suffira d'un mol pour prouver que ces éta-
blissements ne peuvent compter comme des établissements
(l'instruction secondaire... Le mal que font ces tristes
é-cotes est incalculable... Il est impossible i<d de ne pas
'•onsklérer comme In plaie de l'instruction publique ces




•i-.: i ' i ; i ; M I Î-: uk I . K ' Î n i v.
ombres de collège o.u.i euarreul b: Vrai,-.?. Pu is M. Cou-
sin les appel le de misera h'es collèges oa l'un appr,
US-<c~ de latin et de grec jcxir se débouter des profession
de la vie commune, et pas usse~ pour se préparer a i r e
professions sapantes et libérales.


11 con t inue en ces t e n u e s : il g a a peu près c-ui col-
lèges communaux dits de plein exercice, el gui sou! c«.
principe seinlslables a des collèges royaux pour la dis-
cipline e* b's études; mais r<\'iV ressemblance u'csl qu'ap-
parente, 'I je trahis un m-ref tp>i drpuls lwiy!*i:>ps c'en
es' pins an pourpersonne, en avaucunî aux les jirele,idus
collegis communaux, loul en va la ni usa peu mieux i x c s
les autres cett-;ges, sont eu.r-incn<cs extrêmement faible.*
et dans on è'.C. i<a> réclame toute l'at!cnH»u do yoever-
rixnumt. Il n'a a guère plus d'une vinijlaine du rv,Ueg>»
rommui"!n.v ({»! fasse ni exception. Kl le mal ici ».• est pas
accidtntcl, il dérive de la constitution racine, de ces col-
lèges...


(.et eial de choses, di t- i l eu t e r m i n a n t , ne peut durer
plus longtemps sans un vrai daug/'r pour la sueislc : il
n'y a qu'un moyen de tarir le mal, c'est de remonter a sa
source.


Se c royez pas . Mons ieu r le Duc, que je m ' a p p l a u d i s s e
des avan tages q u e nie d o n n e le déliai où je viens d 'en -


Irer : c'a été p o u r moi un tr iste devo i r a r emp l i r , ¡31 je


p o u r s u i s m a i n t e n a n t m a lâche en p a s s a n t à l ' exposé


des faits qui peuven t vous éc l a i r e r s u r les é l u d e s s u p é -


r i e u r e s du clergé.


11 y a d a n s c h a q u e d i o c è s e , en F r a n c e , un grand sé-
minaire où les j e u n e s a s p i r a n t s a u s a c e r d o c e font régu-
l i è r e m e n t , s ans e x c e p t i o n , u n e a n n é e d ' é tudes ph i lo so -


p h i q u e s el t rois a n n é e s d ' é ludés t héo log iques au m o i n s :




dan.; un assez g r a n d n o m b r e , il \ a m ê m e d e u x a n n é e s
de ph i lo soph ie et q u a t r e a n n é e s de théo log ie ; enf in ,
dans p lu s i eu r s , un c o u r s d ' é tudes h i s t o r i q u e s , scientifi-
q u e s , s c r i p l u r a i r e s et. pa t ro log iques de six ou sep ! a n -
nées : de sor te q u e la s o m m e de nos é t u d e s , é tudes
l i t té ra i res , p h i l o s o p h i q u e s e t i héo log iques , é t udes régu-
l i è r e m e n t o rgan i s ée s et s u i v i e s , est de douze ou q u a t o r z e
m i s ; et j ' a i dit déjà q u ' a n s o m m e t de cet ense ignemen t
brillait à Par i s l ' i l lus t re et p i euse école de Saint-Sulpice,
où ies évoques envo ien t la p o r t i o n l a p i n s d i s t inguée de
la jeunesse, c lér icale , et d 'où , p o u r la p l u p a r t , i ls sont
e u x - m ê m e s sor t i s .


Je ct\ , is p o u x o i r i'affh'mei : il j a pou de c a r r i è r e s
nlu - for tement i n s t i t uées , p e u de voca t ion ; ;p lus s a \ a n i -
ment p r é p a r é e s q u e la c a r r i è r e et la voca t ion ecc l é -
s ias t iques ; jo n ' e n excep te ni le b a r r e a u , ni la m a g i s t r a -
ture , e t , je l 'a joute , il y a peu d ' éduca t ion» p lus x igou-
ru u s e s , plus p r o p r e s au d é v e l o p p e m e n t in te l lec tue l .
L'Église a t e l l ement l ' ins t inc t n a t u r e l des for tes é t u d e s .
du savoi r et des l e t t r e s ; l ' e n s e i g n e m e n t est t e l l emen t
l ' a p a n a g e et. la miss ion de la socié té sp i r i tue l le , crue si
le g o u v e r n e m e n t pe rme t t a i t à t ro i s a r c h e v ê q u e s et à
six é \ ê q u e s de s ' a s s e m b l e r p o u r f o r m e r a Par i s u n e
école n o r m a l e ; p o u r c o m b i n e r des r è g l e m e n t s , concer-
ter des m é t h o d e s ; p o u r y e x e r c e r , en u n u î o t , s e u l e -
men t p e n d a n t d e u x a n s la p u i s s a n c e don t l 'Univers i té
lise depuis t r en te ; s i , enfin , il l eur é tai t p e r m i s , s a n s
le s e c o u r s m ê m e d ' a u c u n e s r e s s o u r c e s officielles, l ivrés
à eux s e u l s , de fonder s u r d ivers p o i n t s i m p o r t a n t s d u
r o y a u m e q u a t r e m a i s o n s de h a u t e s é t u d e s ecc l é s i a s t i -
ques , je ne c r a in s pas d ' a v a n c e r q u ' a v a n t qu inze a n s .
nous n ' a u r i o n s r i e n , p o u r n o t r e c o m p t e , à envier à




P H E J i l È K E L E T T R E


J ' an t iquc S o r b o n n e ni au siècle de Louis XIV, à p a r t ces
h o m m e s e x t r a o r d i n a i r e s q u e les siècles et les écoles
ne font p a s , ma i s q u e Dieu d o n n e a u m o n d e q u a n d il


lui plaî t .


Telles son t les écoles où est formé tout le clergé de
F r a n c e .


J ' a jou te , p o u r ce qu i c o n c e r n e les g r a n d s s émina i r e s ,
q u e ce sont , en F r a n c e , les seules écoles où se fassent
des c o u r s r égu l i e r s , des cour s s avan t s de droit ino-
ral '. Cette é t ude est n é c e s s a i r e m e n t d ' une p ro fonde
influence s u r l ' espr i t , et m ê m e sur le c a r a c t è r e , et d o n n e
u n e g r a n d e force de décis ion aux l u m i è r e s et aux con-
seils p r a t i q u e s .


Les t ra i tés théo log iques de la conscience, des lois, des
actes humains, de la justice, des contrais, du mariage,
q u e n o u s é t u d i o n s p e n d a n t t ro i s a n n é e s , n o u s révè len t
les v u e s les p lus p ro fondes et les p lus é levées des g r a n d s


' On a v a i n e m e n t e s s a v é , avec une légèreté bien coupable et p e u t -
être un calcul de perversité bien profonde, d'aveugler notre siècle sur
la nature et le but de cette partie du droit mora l qui a été n o m m é e la
casuisti'iue. On d e m a n d e au m é d e c i n , pour c o n s o m m e r ses é tudes dans
l'art de guérir , d'interroger la nature phys ique jusque dans ses plus
honteuses in f i rmi tés ; et l'on ne veut pas que le prêtre, appelé à servir
de médec in aux Ames, soit, initié aux tristes secrets des maladies m o -
rales de l 'humani té , c o m m e s'il n'était pas c o n d a m n é à les cuimaitrc
pour y appl iquer les r e m è d e s ; c o m m e s'il n'était pas dans sa miss ion
de répondre aux ques t ions qui lui peuvent élre adressées sur ces dé l i -
cates mat ières , et d'être en état d'épargner à ceux qui s 'accusent , de
pénibles détails que sa vertueuse ignorance rendrait nécessaires , l l e u -
reus i inent , et ceci est à l 'honneur de notre s ièc le , le scandale que l'on
cherchait n'a point été obtenu , et la gravité des m œ u r s publiques a
fait just ice de la spéculat ion irrél igieuse qui offrait un si misérable
appât à ce qu'il y a de p lus ignoble dans la curiosité h u m a i n e . — Ce
serait une cause bien désespérée que celle qu'on prétendrait défendre
par de tels m o y e n s .




A M . c i - : m i ; i n ; i s i î O u i . i E . •>.:,


ju r i sconsu l t es f rança is , de D o m a t , de P o t h i e r , su r ces
graves m a t i è r e s .


De m o d e r n e s et s avan t s t r a v a u x ont u n s , d ' a i l l eurs ,
ces t ra i tés en h a r m o n i e avec tou tes les d i spos i t ions du
dro i t civil a u j o u r d ' h u i en v igueu r .


Ces é tudes régu l iè res a c h e v é e s , le c lergé de F r a n c e ,
m ê m e les p lus h u m b l e s c u r é s de c a m p a g n e , n e cesse
p a s d ' é tud ie r : la m a g i s t r a t u r e excep t ée , je ne s a c h e
guè re une ca r r i è r e oi'i le t rava i l des é t u d e s sé r i euses se
con t inue avec a u l a n l de sui te : j ' e n c i te ra i u n e x e m p l e
public ,


Dans la p l u p a r t des d iocèses d e F r a n c e on t été inst i-
tuées des conférences ecclésiastiques : c h a q u e m o i s , fous
les cu rés de c h a q u e can ton se r é u n i s s e n t chez l e u r
doyen, et sous sa p r é s idence . Les ma t i è r e s à é t u d i e r
ont été ind iquées d ' a v a n c e , e l l e s q u e s t i o n s à r é s o u d r e
ont été fixées p a r l ' é v ê q u e d u d iocèse . Ces m a d è r e s
e m b r a s s e n t les po in t s les p lus i m p o r t a n t s d u d o g m e ,
de la m o r a l e , de la d isc ip l ine et de la l i turg ie c a -
tho l ique . Le p r o g r a m m e i m p r i m é des q u e s t i o n s est
envoyé d a n s t ous les c a n t o n s a u c o m m e n c e m e n t de
l ' année , afin q u e tous les ecc lés ias t iques du d iocèse
aient Je temps de s 'en occuper . Lu mois s é p a r e , d ' a i l -
l eu r s , une conférence de l ' au t re , afin que tou tes so ien t
p r épa rée s avec un soin égal . Les m a t i è r e s les p lu s g r a v e s
doivent ê t re t ra i tées p a r écr i t d ' a b o r d , et d a n s des d i s -
se r t a t ions don t la l ec tu re est faite p u b l i q u e m e n t ; pu i s
toutes les q u e s t i o n s son t l ivrées à la d i scuss ion o r a l e .
Le doyen , p r é s iden t de la confé rence , di r ige la d i s -
cuss ion .


Il y a, dans c h a q u e confé rence , un s e c r é t a i r e , l eque l
est n o m m é à la p lu ra l i t é des voix. Après q u e toutes les




ques t i ons p r o p o s é e s oui été r é s o l u e s , le soc ié t a i r e es.'
c h a r g é d 'en réd iger un r a p p o r t , un procès- \ -orhal .


En ve r tu de cel le s imple o rgan i sa t ion , toutes le» q u e s -
tions son t t ra i tées en m ê m e t emps pa r tous les ecc l é -
s ias t iques du diocèse.


P u i s , tous les r a p p o r t s son t envoyés à r e v é c u e , et
d a n s ce r t a in s d iocèses , à Pa r i s , p a r e x e m p l e , i! s a une
conférence centrale, c o m p o s é e de tous les p r é s iden t s el
de tous les secrétaire-. - de tou tes les conférences c a n -
t o n a l e s , p r é s i d é e p a r l ' a r c h e v ê q u e , a.-isislé de ses g r a n d s
v ica i res el de son consei l . Dans cel le conférence cen -
trale , t o u t e s les so lu t ions d o n n é e s par les conférences
pa r t i cu l i è r e s sont de n o u v e a u d i scu l ée s , et r e ç o h eut eu-
lin u n e solut ion défmif i ic .


V.n q u a t r e ou cinq a n n é e s , toutes les ques l i ens dog-
m a t i q u e s , m o r a l e s , h i s t o r i q u e s , d i s c i p l i n a i r e s , l i t u r -
g iques , les p lus i m p o r t a n t e s , son t a insi é tud iées de
n o u v e a u , d i scu tées et r é so lues à fond d a n s tous les dio-
cèses de F r a n c e .


Je ne, dou te pas que ces conférences n ' a i en t en ce
m o m e n t u n e g r a n d e inf luence su r la force et la s i tua t ion
in te l lec tuel le du clergé français '.


1 J'en ai fa i L tout récemment des expériences mil ne m e permettent
pas d'en douter . J'ai passé t iois s emaines dans un des, d i o c è s t s le.-
plus é lo ignés de P a r i s : j ' \ ai \ é e u dans ta plus grande intimité avec
les curés des cantons e n v i r o n n a n t s , cl je puis dire avec vér i té que j'ai
été éga lement surpris et c h a r m é de leur savoir , de la pol i tesse de leur
esprit , de leur goût pour les b o n n e s lettres : ta variété et la solidité d i s
c o n n a i s s a n c e s accompagnai t eu eux la s impl ic i té , la cordia l i t é , le zèle
et le d e v o ù m e n t pastoral .


.le ne crois pas m a n q u e r ici de discrétion en disaid que le clergé dont
j e parle se trouve, dans le diocèse de Grenoble.


J'ai l'ait la m ê m e expér ience dans plusieurs autres d iocèses .




A Vi. I.i'i !>( C ¡Sí. | : ¡ í u ( , !.; I.


Jo crois q u e leur ins t i tu t ion a auss i c o n s i d é r a b l o m . n i
influé s ¡ir d ' au t r e s faits que je va is s igna le r ici, e! qu i
p rouven t éga l emen t c o m b i e n le goût de l 'é ' .mlo est g rand
dans le c lergé do F r a n c e . Je \ e u s p a r l e r ùc faits biblh-
(irapliiqai-i (pie rien n V x p l i q u e , s inon un goAt el un i
a r d e u r de s a \ o í r v r a i m e n t e x t r a o r d i n a i r e s .


Les éd i t ions c o m p l è t e s de Bossue î , cie l î on rda louc .
de î îassi i ioi t , de Féue lon , se son t mul t ip l iées d e p u i s
vingt ans p a r m i n o u s , p lus qu 'e l les ne l 'ont é té dnn>-
é; 7 bièc'c dernier. 11 a ! : ! i ; pub l i é , depu i s quiicce a n s ,
trois histoires ecclésiastiques complètes, et l 'une d ' en t r e
elles en est à sa q u a t r i è m e édi t ion . Enfui, il a p a r u , il y
a c inq ans , deux c o u r s comple t s de théologie et d 'écri-
ture sai i i lc , écr i ts p r e s q u e tout en t iers en f i l in , C o m -
posas c h a c u n de v ingt -c inq v o l u m e s g rand h:-/i." c o m -
pac tes , r enfe rma ni tous les o u v r a g e s des p lus g r a n d s
théo log iens de tous les siècles passés el tous les p lus
s a \ a n t s c o m m e n t a t e u r s des sa in tes Ec r i t u r e s . ' ! s 'en e s !
vendu seize mille e x e m p l a i r e s , c ' e s t -à -d i re p r è s de c o i !
mille v o l u m e s in-4", c o n t e n a n t la v a l e u r de sept o u huit
cent mi l le v o l u m e s sur tou tes les m a t i è r e s lo-
pins graves e l les plus s avan te s .


f e s ecc lés ias t iques des villes el des c a m p a g n e s oui
t rouvé m o y e u , d a n s l eu r p a u v r e t é , de se p r o c u r e r ces
l iv res ; tant, le goû t de la sc ience el m ê m e de l ' é rud i t ion
s 'esl r enouve lé d a n s tous les espr i t s p a r m i n o u s .


il a p a r u encore u n e Bibliothèque ecdèsiasliqu:'. c o n -
t enan t la va l eu r de six cen ts v o l u m e s iu-V, o u v r a g e s
de toute n a t u r e , de sc ience , de littérature, de lit u rg ió ,
d 'h i s to i re profane el s a c r é e , de mathématiques, d ' é l o -
q u e n c e , t ra i tés a s c é t i q u e s , c o m m e n t a i r e s s u r l ' f . c r i lure
sainte 1 , e t c . . e tc .




s'Rk.m i ï-:iî k i . l t nu-:


Tous ces l ivres on t t rouve leur place d a n s les b ib l io -
t h è q u e s des ecclésiastiques de F r a n c e .


P lus ieurs édi t ions des g r a n d e s œ u v r e s p h i l o s o p h i -
ques et théo log iques de sa in t Thomas d 'Aquin , des
œ u v r e s i m m e n s e s de saint August in et de saint C h r y -
soslome, de sa in t B e r n a r d , de sa in t Basi le , de saint Gré-
goire de Nazianze et de la p l u p a r t des Pè re s , eu t été pu-
bliées depu i s qu inze a n n é e s , et ne salisiV.nl pas aux. be -
soins scient i f iques du clergé ; .


Une édi t ion nouve l le et i m m e n s e de, tous les Pè re s ,
d e p u i s les t emps apos to l iques j u s q u ' a u x d e r n i e r s t e m p s ,
se p r é p a r e en ce m o m e n t : c 'es t u n e entreprise g igan-
t e sque don t les Bénédic t ins a u r a i e n t été e i ï ravés : les
é d i t e u r s ne d o u t e n t pas du s u c c è s - .


Je sais b ien q u ' o n n o u s a r e p r o c h é de n e pas faire
d 'ouvrages n o u v e a u x : m a i s ce r t e s c 'est q u e l q u e chose
d ' é tud ie r les l ivres a n c i e n s , avec ce zèle, cet te a r d e u r et


' Ce l'ail a frappé marne tics observa lrurs non susper l s :
« On ré imprime, dit la Reçue des Veux Mondes, on traduit 'IVrtul-


" l ien, saint Irénée, etc . , e t c . L'imprimerie cathol ique du petit Mont-
" rouge et les frères Gauuic n o u s ont rendu, dans des col lect ions vra i -


ment g igantesques , la plupart des Pères . »
5 Les écr iva ins que n o u s cit ions tout à l 'heure ajoutent :
« La propagande cathol ique trouve des auxi l ia ires plus puissants c n -
cure dans les Soc ié tés des bons l ivres , dans l 'activité des impr imer ies


• spéciales
« Sa int -Sulp ice et S a i n t - T h o m a s d'Aquin ont aujourd'hui leurs lii-


« Miolhèqnos spécia les . . . .
« Cel le l ibrairie, qui a résisté aux crises les. plus graves , a pour pr in -


•< c i p a u N centres Paris , Lyon et 'l'ours. . . .
« 11 est à noter que les livres de prières à l 'usage du culte ne sont


•• pas compris dans ce chiffre déjà si é l evé , et qui donne par les l a r g e s
• à grand nombre une niasse d 'exempla ires beaucoup plus cunsidéi able
•. que, les autres branches de la l ibrairie, è IVxcf/irtoK toutefois de la


librairie universitaire. •>




celte u n a n i m i t é . C'est par là s e u l e m e n t que p e u v e n t se
p r é p a r e r des o u v r a g e s n o u v e a u x dignes de ceux qu i les
ont p r é c é d é s . El d 'a i l l eurs je n 'a i a u c u n e pe ine a i e
dire : oui, je l ' avoue , le clergé de F r a n c e n ' a pas l'ait
b e a u c o u p de l ivres d e p u i s t r en te a n n é e s ; m a i s pa rmi
les l ivres n o m b r e u x qu i on t é té faits en d e h o r s du c ler -
gé , j ' o s e vous d e m a n d e r , Mons ieur le Duc , s'il en est
b e a u c o u p qui so ient des t inés à servi r u t i l emen t les in-
térêts de no t re gloire c i de la vé r i t é a u p r è s des généra-
tions fu tures . M a i s o n r e v a n c h e , p e n d a n t ce t e m p s , Je
clergé fondait et p ropagea i t t o u t e s les œ u v r e s de c h a -
l i t é et r empl i s sa i t t ous les devoi rs d u m i n i s t è r e le p lus
l abo r i eux et le plus dévoué ; il fondai t tous les sémi-
na i r e s , il organisait , tous les d iocèses , il comb la i t tous
les vides ; et depu i s q u e , les b e s o i n s les p lus p r e s s a n t s
avan t été sat isfai ts , il a p u t rouve r q u e l q u e s lois i rs p o u r
l ' é lude , au mil ieu de ses o c c u p a t i o n s e n c o r e si mu l t i -
p l iées , depu i s qu inze a n n é e s il t rava i l le , il é t u d i e , il m é -
dite en s i lence , el avan t dix a n s , j 'a l ' i i r ine qu ' i l é l o n n e r a
ses d é t r a c t e u r s et fera r ev iv re q u e l q u e chose des b e a u x
j o u r s de l 'Église de F r a n c e .


Quoi qu ' i l en soit de l ' aven i r , j ' a f f i rme q u ' o n n o u s
ca lomnie en ce m o m e n t , q u a n d on a v a n c e q u e n o u s
refusons de sub i r les e x a m e n s des c a n d i d a t s aux grades ;
n o u s n e d e m a n d o n s a cet égard q u e d e u x c h o s e s : des
j u r y s i n d é p e n d a n t s , des examinateurs i m p a r t i a u x , et
les p r o g r a m m e » d ' e x a m e n les p lus s évè re s . Et c o m m e n t
p o u r r i o n s - n o u s r e p o u s s e r ces nobles concluions de la
sc ience , q u a n d c 'est à l 'Église (pie le i n o n d e en a d û la
p r e m i è r e p e n s é e , q u a n d n o u s s o m m e s les p r e m i e r s qui
ayons ins t i tué en E u r o p e ces p u i s s a n t s m o y e n s de l 'é-
mula t ion et du p r o g r è s l i t té ra i re 1




[ M ! km s K i ; y. \,v:\ m Y.


\' a parts d ' a i l l eurs des o u v r a g e s n o u v e a u x v é r i t a b l e -
m e n t c s t ! u i ah i c s : les g r a n d s t rai tés théo log iques de A!
<'.arrière-; et du 1\ Mart in , r e c h e r c h é s en Ang le t e r r e , en
! i a i i e ,en Al lemagne ; les œ u v r e s théo log iques de M. l ' é -
vè-pio du M a n s ; les h i s to i r e s ecc lés i a s t iques Oont j ' a i
pa r l é déjà ; les o u v r a g e s p h i l o s o p h i q u e s de 51. l ' abbé
Mare!, sa Ti iéodicée c h r é t i e n n e et son l ivre sur le P a n -
' d é i s m e ; les t r a v a u x de M. Glai re s u r l 'Écr i tu re s a i n t e ;
les t r avaux l i t t é ra i r e s cl h i s t o r i q u e s de \l. Go^sc 'm ,
a u x q u e l s Cousin l u i - m ê m e a r e n d u p u b l i q u e m e n t
h o m m a g e ; les t r a v a u x a r c h é o l o g i q u e s , et spéc ia lement
l a m o n o g r a p h i e de Bourges , égalent ce qu 'on a vu de
p ies Peau et de p lu s é r n d i l en ce gen re , il a p a r u auss i
de s avau l c s b iog raph ie s : les h i s to i res de s a i n f l î o r n a r d ,
de sa in t t rouée et de l 'Ecole d 'A lexandr i e , ne sont p a s
ind ignes d ' ê t re c i tées .


Ouan l a u x p r é d i c a t e u r s , ils s o n t loin pen t - è l r e de
r c u d t v à la cha i r e c h r é t i e n n e tonte la g lo i re des anc iens
j o u r s ; ma i s ce qui est p o u r eux: la v ra ie g l o i r e , les
égl ises se r emp l i s s en t à leur voix : les ence in t e s les p lus
eistes ne suffisent pas t o u j o u r s au n o m b r e u x c o n c o u r s


qu ' i l s a t t i r e n t , et il \ n en ce m o m e n t en F r a n c e au
m o i n s don;:- 1 p r é d i c a t e u r s don t les c o n q u ê t e s sp i r i tue l les
¿op.Ua conso la t ion de l 'Égl ise .


Dieu nous p r é s e r r e d 'une é m u l a t i o n v a i n c et p r o f a n e ;
mais en vh'iifc on n o u s p o u s s e à bou t , .le n e d e m a n d e
pas q u ' o n n o u s flatte ; je ne l ' o b t i e n d r a i s po in t , et p o u r
n o u s c o m m e p o u r d ' a u t r e s cela s e r a i t d a n g e r e u x . Mais,
i;ieu merc i 1 nous ne c o u r o n s p a s c e péril : depu i s que l -
q u e t emps on ne n o u s p r o d i g u e p a s la louange . On
• eag r v o m ê m e s i n g u l i è r e m e n t le d ro i t de n o u s j u g e r , d<-


s e n s app réc i e r , et de déc ider s a n s la m o i n d r e s o n n a i s -




A M. I .K I H U 1) V. I I R O G I . I E . :jl


s a n e e dos faits, et a \ c e la iégère té la p lu s l i a u l a i n e , où
en sont nos é t u d e s , nos p r o g r è s , n o t r e savoir , n o t r e
espri t m ê m e et no t r e éduca t ion . Je r é p u g n e à r a p p e l e r
les exp re s s ions et les c o m p l i m e n t s de h o u goût (pue se
p e r m e t t e n t a g r é a b l e m e n t su r no t r e c o m p t e les beaux.-
osprits de la l i t t é ra tu re du j o u r . Je me b e r n e r a i à l'aire
o b s e r v e r que l le injust ice et quel le con t r ad i c t i on il y a à
nous r e p r o c h e r d 'ê t re des h o m m e s qui ne so r t en t j a -
ma i s de kuv*surrislies, et à ne pas n o u s p e r m e t t r e d 'é-
lever la \o ix pour la défense des in t é rê t s qu i nous son t
les plus sacrés .


Mais la i ssons ces c h o s e s . Pour m o i , je l ' avouera i
s i m p l e m e n t , q u a n d je je t te les yeux çà et là , je n e vois
pas en vér i té b e a u c o u p de gens qui a ien t le dro i t de se
m o n t r e r si sévères et de m a n q u e r d ' i n d u l g e n c e ; q u a n d
je c h e r c h e les o r a t e u r s é m i n e n t s pa r la pa ro l e d a n s les
d iverses c a r r i è r e s ouve r t e s p a r m i nous à 1 é l o q u e n c e ,
je n ' en t rouve pas u n g r a n d n o m b r e ; de l ' aveu de t ous ,
les g r a n d s espr i t s , ies fortes in te l l igence^, les h o m m e s
v i e n n e n t s u p é r i e u r s , les h o m m e s de génie , son t r a r e s ;
et s ans exiger a u t a n t , q u a n d on c o n s i d è r e à que ls d i s -
cours il a é té d o n n é d ' e n t r a î n e r de g r a n d e s et i l lus t res
a s semblées , ¡1 y a de quoi p r o f o n d é m e n t réfléchir . .Vous
a v o n s , n o u s , a u t r e chose à faire (pie des d i s c o u r s , et
no t re vie est assez act ive , assez l abo r i euse , assez p le ine ,
p o u r que , s a n s r ien p e r d r e de no t re v a l e u r r ée l l e ,
n o u s puiss ions quelquefois avoi r , se lon l ' exp res s ion de
Uossuet , l'accent étranger et le terme barbare. Mais e n -
lin, p u i s q u e , par le bienfait d 'une éduca t ion à l aque l l e
le bon sens , le bon goût , la sagesse p r a t i q u e et l ' intel l i -
gence réelle n 'on t pas m a n q u é p lus q u e les h a u t e s i n s -
p i ra t ions des pensées m o r a l e s et r e l ig i euses , p u i s q u e




PIÏEM1ÉKE LKTTHE


n o u s p o u v o n s , m ô m e sous ce r a p p o r t , sou ten i r ta c o m -
p a r a i s o n , n o u s l ' a c c e p t o n s ; et s a n s d e s c e n d r e aux d é -
b a t s d ' u n e p u é r i l e é m u l a t i o n , p u i s q u e les faits sont tou-
j o u r s le m e i l l e u r a r g u m e n t , et a b r è g e n t d ' a i l l eu r s la
d i s cus s ion , q u e les faits p a r l e n t : q u ' o n c o m p a r e , si on
le veu t , les p r é d i c a t e u r s aux avoca t s du pa la i s et m ê m e
aux o r a t e u r s des c h a m b r e s , les c u r é s a u x m a i r e s , les
évêques aux p ré fe t s , les l e t t r es p a s t o r a l e s aux c i rcu-
la i res a d m i n i s t r a t i v e s , le style au s ty le , l ' é loquence à
l ' é l oquence , et l 'on s e r a forcé de conven i r q u e nulle
part il n 'y a pér i l p o u r l ' h o n n e u r de la F r a n c e .


Telle est n o t r e s i t ua t ion in te l lec tuel le . Ou a vu de
que l les c a u s e s et de que l s faits elle l ire sa f o r c e ; m a i n -
t e n a n t qu ' on a p p r é c i e et q u ' o n juge .


Q u a n t à no t r e force m o r a l e , elle n ' e s t p a s m o i n s
g r a n d e , et elle est g é n é r a l e m e n t r e c o n n u e . On l 'appel le
no t r e influence. Q u e l q u e n o m q u ' o n lui d o n n e , n o u s ne
la m é c o n n a i s s o n s pas, n i n e la r é p u d i o n s : et c o m m e l'in-
fluence du clergé n ' a p p a r t i e n t po in t a u x i n d i v i d u s , ma i s
à la force re l ig ieuse qu ' i l s r e p r é s e n t e n t , n o u s ne faisons
a u c u n e difficulté de n o u s h o n o r e r des h o m m a g e s qu 'e l le
n o u s a t t i re de la p a r t des u n s , en p la ignan t les injustes
et a b s u r d e s déf iances qu 'e l le i n s p i r e aux a u t r e s .


Les h o m m e s qu i ne se confient pas eu n o u s ont u n e
r a i s o n sec rè t e de n e le p a s f a i r e ; c 'es t qu ' i l s ne se c o n -
fient p a s en e u x - m ê m e s . Ils n ' o n t p a s en e u x - m ê m e s
assez de confiance, p o u r n o u s accep te r . Ils on t tor t ; ils
m é r i t e n t peu t -ê t r e p lus de conf iance qu ' i l s n e p e n s e n t ;
la P rov idence est peu t -ê t r e d e r r i è r e eux . Mais ils ne p a -
r a i s s en t p a s le c o m p r e n d r e : la foi re l ig ieuse de l ' aven i r
l e u r m a n q u e . Quoi qu ' i l en s o i t , qu ' i l s n e r e p o u s s e n t
p a s loin d ' eux les amis les p lu s éc la i rés de la paix et de




\ m. u ; ; i)i"<: t u : b h o g l i k


l 'ordre publ ic , les {dus utiles sou t i ens des l o i s , les plus
puissants c o m m e les p lus d o u x v e n g e u r s do la jus t i ce .
Qu'ils ne r e p o u s s e n t pas ceux à qui seuls il a p p a r t i e n t ,
au mil ieu du r e d o u t a b l e ma la i se des c lasses p o p u l a i r e s ,
de p r ê c h e r , avec dro i t et avec fruit , aux. p a u v r e s la p a -
t ience et le t r a v a i l ; aux ouv r i e r s fat igués de la c h a l e u r
du jou r , la r é s igna t ion et l ' e s p é r a n c e ; aux p e u p l e s ,
l ' obé i ssance et le r e s p e c t ; à tous en f in , qu ' i l s son t
frères et ne doivent j a m a i s se re fuser les u n s aux a u t r e s
la vér i té , la cha r i t é , ni la jus t i ce .


Tout ce qu ' on pe rd en n o u s é lo ignan t , p a r d ' in jus tes
p réven t ions , on le gagne ra i t a u d e d a n s et au d e h o r s -. a u
d e d a n s , en lion a c c o r d , en sécu r i t é , en conf i ance ; a u
d e h o r s , en dignité et en force.


Ce n'est, pas à vous, Monsieur le Duc, qu ' i l faut a p -
p r e n d r e ce qu ' on pense au d e h o r s du c lergé de F r a n c e ,
c h e z toutes les p u i s s a n c e s r iva les le clergé f rançais a
u n e r é p u t a t i o n universe l le de g rav i t é de m œ u r s , de
sc ience , de zèle, d ' é l o q u e n c e ; on sai t , au d e h o r s , q u e
nous avons l ' ép i scopa t le p lus g r ave , le plus sa in t , le
plus é l e v é ; et on d i t q u e nos p r ê t r e s , t a n t in jur iés chez
n o u s sous des n o m s et des p ré tex tes d ivers , son t les
p rê t r e s les plus d ignes de l 'Europe . On le dit en I tal ie ,
en Espagne , en Angle te r re , en Al l emagne , en P r u s s e
m ê m e et en i tuss ie ; j ' e n ai s o u v e n t recuei l l i m o i - m ê m e
les glor ieux t émoignages d a n s la p l u p a r t de ces pays .


Jci les faits suffiront e n c o r e . Mais il s e r a c u r i e u x de
les voir exposés et app réc i é s p a r u n a d v e r s a i r e ' : j ' a p -
pelle a insi un pnbl ic i s le qui écr i t c o n t r e n o u s d a n s u n
recuei l l i t té ra i re où n o u s ne s o m m e s p a s h a b i t u é s à


1 La V , i ' n i c <}'••< Penx-Vomh-s, numéros de Jan%icr et t'e fcvrUr.




t r o u v e r f a v e u r ; e l m a l g r é les c o n t r a d i c t i o n s eu son
po in t de v u e le p lace vis-à-vis de n o u s , m a l g r é l ' h é t é r o -
doxie formelle de son j u g e m e n t , el , il faut l ' a jouter ,
m a l g r é son di re é t r a n g e r d a n s les c h o s e s re l ig ieuses et
en pa r t i cu l i e r d a n s les ques t i ons c a t h o l i q u e s , n o u s
a v o n s n é a n m o i n s recue i l l i , çà et là, c o m m e de r a r e -
débr i s de jus t i ce et de vé r i t é , les a p p r é c i a t i o n s épa r ses
qu ' i l fo rme su r l ' inf luence m o r a l e du clergé. De tels t é -
m o i g n a g e s n e p e u v e n t p a r a î t r e s u s p e c t s ; ils sont l ' écho
de l ' op in ion p u b l i q u e , et à ce l i tre ils ont u n e au to r i t é
i r r é c u s a b l e . L ' a u t e u r , au r e s t e , l o u c h e s e u l e m e n t les
s o m m i t é s de la ques t ion r e l ig i euse , et les pa s se en r e -
v u e p lu tô t qu ' i l n e les t ra i te . 11 c o m m e n c e pa r le m o u -
v e m e n t c a t h o l i q u e .


« On sait , dit-il, raf f lucncc qu i se por to aux églises
« d a n s . l e s g r a n d e s so lenn i t é s ; l ' e m p r e s s e m e n t du p n -
(i b l ic à su iv re les p r é d i c a t i o n s des o r a t e u r s c h r é t i e n s .
« les succès des c o u r s de la facul té de théologie ; et s'il
<( conv ien t de faire u n e assez l a rge p a r t à la cur ios i té
« de la foule, il est j u s t e aussi de r e c o n n a î t r e q u ' a u p r è s
« des oisifs et des c u r i e u x , il y a les c h r é t i e n s s incè res .


u Du r e s t e , il est j u s t e de le d i r e , le s e n t i m e n t r e l i -
« g ieux du d i x - n e u v i è m e siècle, au mi l i eu de ses e n t r a î -
« n e m e n i s par fo is m o n d a i n s el p u r e m e n t admira lh ' s ci
« l i t t é ra i res , a eu auss i son côté p r a t i q u e Effrayée
« des m i s è r e s inév i tab les q u e la civi l isat ion t r a îne à sa
« su i te , effrayée de la d u r e t é de la c h a r i t é légale et de
« l ' i m p u i s s a n c e t r o p s o u v e n t d é m o n t r é e d e la p h i l a n -
« Lhropie, la foi c o n t e m p o r a i n e s 'est i m p o s é l ' exerc ice
« des œ u v r e s b ienfa i san tes c o m m a n d é e s p a r l 'Évangile.


« Tand i s q u e les r é f o r m a t e u r s ma té r i a l i s t e s s ' a d r e s -
« sa ien t a u peup le en lui m o n t r a n t la t e r r e p r o m i s ;




« dans l ' appl ica t ion de leur» u top ie» , la p ié té s incè re ,
c moins orguei l leuse et p lus p u i s s a n t e p o u r le bien.
« s 'adressa i t aux p a u v r e s et l eur t enda i t la ma in


« Placées sous le p a t r o n a g e des m e m b r e s du c lergé ,
« les socié tés de b ienfa i sance ont ral l ié à Pa r i s , c o m m e
« quê t euse s , p r é s iden te s , d i s t r i bu t r i c e s de s e c o u r s , des
« d a m e s du p lu s g r a n d n o m , et des j e u n e s gens du
<! m o n d e é légant , qu i p a r t a g e n t d a n s les d ivers q u a r -
« t iers de la cap i t a l e , avec Mil. les cu r é s des p a r o i s s e s
« les fatigues de la c h a r i t é .


« A côté des assoc ia t ions é tab l ies p o u r s o u l a g e r les
« misè res h u m a i n e s , il en est d ' a u t r e s qu i s ' occupen t
« avan t tout du p r o s é l y t i s m e .


« La p lus i m p o r t a n t e , celle qu i r a p p e l l e le m o y e n
a âge en le dépas san t , est s a n s cont red i t l ' œ u v r e de la
s P ropaga t ion de la foi, qui a p o u r bu t de s e c o n d e r les
« miss ions pa r des p r i è r e s et des s e c o u r s d ' a r g e n t


« Dans P a r i s , c h a q u e p a r o i s s e a p o u r a ins i d i re sa
« confrér ie : la p lus é t e n d u e , celle qui a p r i s le n o m
:•: d'Arcliiconfréric du Sacré Cœur (du Cwur imma-
« cuti de Marie), et qu i es t d i r igée p a r M. l ' abbé
(i Desgene l tes , l ' apô t r e le p lus actif, le p lus influent du
« p rosé ly t i sme pa r i s i en , a r é u n i c i n q u a n t e mil le a s s o -
« ciés dans la capi ta le ; e t elle o/I're cela de r e m a r q u a b l e
« qu 'e l le a d isc ipl iné sous la d i rec t ion d 'un p r ê t r e d o n t
<; les s y m p a t h i e s po l i t i ques son t loin d 'ê t re a c q u i s e s
• aux idées r é v o l u t i o n n a i r e s , un g r a n d n o m b r e de
« m e m b r e s du par t i r é p u b l i c a i n , et ch r i s t i an i sé en
« q u e l q u e sor te les débr i s de la Société des droits de
« l'homme cl des d é m o l i s s e u r s de l ' a r c h e v ê c h é


« L 'espri t m o n a s t i q u e de son côté gagne et se p r o -
« p a g e ; les o r d r e s de la p lus sévè re o b s e r v a n c e , les




- t r app i s tes , ont c o m p t é les fonda t ions les p lus n o m -
H b r c u s e s , et la F r a n c e , en m o i n s de v ing t -c inq a n s , a
« vu s 'é tabl i r p lus de m o n a s t è r e s q u e le d i x - h u i t i è m e
a s iècle d a n s toute sa d u r é e


« La r e n a i s s a n c e des idées c a t h o l i q u e s s 'est r e p i o -
"• dui te d a n s la l i t t é r a tu r e pa r des mani fes ta t ions d i -
te v e r s e s . 11 a é té fondé d a n s p lus ieurs vi l les , et su r le
« p l a n d e l à Société l i t t é ra i re de l ' un ivers i té c a tho l ique
« de Louva in , des a c a d é m i e s re l ig ieuses , qui se r e c r u -
a lent s u r t o u t pa rmi les j e u n e s g e n s , et qu i ont p o u r
« bu t de d isc ip l iner aux m ê m e s doc t r i ne s les h o m m e s
« qu i s ' occupen t des t r a v a u x de l 'espr i t


« Les a r t s , c o m m e la l i t t é r a t u r e , on t subi l ' influence
« du p rosé ly t i sme , La p e i n t u r e , a p r è s avoi r épu i sé l 'é-
> l é m e n t pa ï en , a d e m a n d é au c h r i s t i a n i s m e , et q u e l -


le quefois s a n s t r op le c o m p r e n d r e , des inspira l ions
« nouve l l e s


« Dans l ' a r c h i t e c t u r e la r éac t ion a é té p lus sensible
« e n c o r e , et d u m o i n s profi table à l 'ar t m ê m e . L ' i cono-
« g r a p h i e c h r é t i e n n e app l iquée à la conse rva t i on des
« m o n u m e n t s s 'es t c o n s t i t u é e de n o s j o u r s c o m m e u n e
« sc ience tou te nouve l le . Des c o u r s d ' a rchéo log ie r c l i -
« g ieuse on t é té ouve r t s d a n s les s é m i n a i r e s , et la dévo-
ie Mon s 'est éveil lée de tou tes p a r t s p o u r les re l iques de
« p i e r r e , c o m m e on di t , qui son t les seuls p o è m e s
a comple t s et a chevés q u e n o u s ait légués le m o y e n
« âge. A défaut d ' une in sp i r a t i on or ig ina le et d ' une foi
« suffisante p o u r les g r a n d e s c r é a t i o n s , on a r e p r o d u i t
« t e x t u e l l e m e n t les compos i t i ons du passé . C ' e s t un
« p rog rès n é a n m o i n s , pu i squ ' i l s 'agit du ch r i s t i an i sme :
a m i e u x vaux la copie ogivale q u e le pas t i che pa ïen .
•( On a vu m ê m e , dans la cons t ruc t ion des égl ises , les




a m. m-: l i c e ni-; n i i o c i . i i - : . y


choses se p a s s e r e x a c t e m e n t c o m m e au m o y e n âge.
Ainsi, d a n s ce m o m e n t , on bàtiL à R o u e n , suc la col-
line de Bon-Secour s , u n e chape l l e à la Vierge , et ,
c o m m e aux âges les p lus m y s t i q u e s , les o u v r i e r s
d o n n e n t des j o u r n é e s g r a t u i t e s , t a n d i s q u e M. l ' a r -
c h e v ê q u e et M. le p r e m i e r p r é s i d e n t d o n n e n t des
v i t r a u x , à la seule condi t ion de voi r l eu r s a r m o i r i e s
scu lp tées sur les fenêt res .
« .N'oublions p a s non p l u s , d a n s un a u t r e o rd re
d ' ins l i iu l ions , ma i s tou jours d a n s la s p h è r e d u bien
p r a t i q u e , la s a lu t a i r e inf luence q u ' o n t e x e r c é e les
idées c a t h o l i q u e s app l iquées à l ' o rgan i sa t ion et à la
di rect ion de la colonie agr icole de Met t ray , des péni -
leneirrs de l ! u r d e a u \ . de Marseille et de Lyon « Des terres on t é t é a l louées aux t r app i s t e s d a n s la
colonie afr icaine. L 'un des p r e m i e r s ac tes de ces r e l i -
g ieux , et c'est là c o m p r e n d r e d i g n e m e n t l ' e sp r i t d u
c h r i s t i a n i s m e , a été de. r ecue i l l i r , p o u r l eu r d o n n e r la
n o u r r i t u r e et l ' i n s t ruc t ion , p lus de t ro i s cen ts j e u n e s
Arabes cpie la g u e r r e avai t r e n d u s o r p h e l i n s el qu i
e r r a i en t s a n s asile el s ans s e c o u r s .
« P u i s s a m m e n t s econdée p a r l e s a u m ô n e s de l 'Eu rope
ca tho l ique , l ' œ u v r e des Missions é t r a n g è r e s s 'est r e -
m a r q u a b l e m e n t é t e n d u e ; on a fondé à Pa r i s m i e
associa t ion p o u r la p r o p a g a t i o n du c a t h o l i c i s m e en
Angleterre , u n e a u t r e soc ié té s 'esl formée p o u r le b a p -
tême et le r a c h a t des enfants ido lâ t res : les plus ar-
den t s courages se sont t o u r n é s vers la Chine et
l 'Océanie , et la F rance du xix p s iècle a inscr i t p lus
d'un n o m su r son m a r t y r o l o g e . Dans ces g u e r r e s l o in -
la ines con t r e les ido lâ t r e s b a r b a r e s , la F r a n c e el
l 'Angleterre , c o m m e si el les deva ien t se r e n c o n t r e r




::S HÎF.Mil­ilïE ; !.T i !",!.


•! d a n s tons les c h a m p ­ fie batai l le , se son t I roavécs face
; à face : le ca tho l ic i sme français a d ignemen t s o u t e n u


и la lu t te . »
Kt p o u r c o n t i n u e r cette p e n s é e q u e nous a d o p t o n s


volont ie rs , c 'est u n h o m m a g e un ive r se l r e n d u aux m i s ­
s ionna i r e s f rança is , q u e p a r eux la F r a n c e a c o n t r i b u é
plus q u ' a u c u n e a u t r e nat ion à la civi l isat ion do. Levant ,
des Indes , des deux A m é i i q u e s .


И y a p e u t ­ ê t r e en ce m o m e n t plus de neuf cents mis­
s i o n n a i r e s français dans les miss ions é t r angè re s . î to ine ,
qui sera sans d o u t e a d m i s e c o m m e juge c o m p é t e n t en
ce l te m a t i è r e , dit qu' i ls son t les p r e m i e r s miss ionna i r e s
d u m o n d e :Yom èles Franyiislme disait à Rome lesav ant
ca rd ina l Pe l ido r i , eoije: le bien­г спи. La France anus en­
voie de lu a ces m ission i) a ires : braves! oui с csi le iswlqnand
un parle des missionnaires français, lui etfet, nul ne les
égale par le c o u r a g e , la ténaci té , la p e r s é v é r a n c e , la
géné ros i t é d u m a r l v r e . П y a là plus (pie le solda! f r an ­
çais . C'est la foi ajoutée au sang n a t i o n a l ; c'est le c h r é ­
t ien en t é su r le s o l d a t ! De ] à vient «pie le so lda t et le
p r ê t r e f rançais sont aux yeux de l 'Eu rope l ' express ion
la plus p o p u l a i r e de n o t r e v a l e u r p e r s o n n e l l e . On y jo in t
auss i nos filles de Sain t ­Vincent de Pau l , nos s œ u r s de
Char i t é , qui sont e n c o r e u n e c r é a t i o n , une gloi re essen­
t ie l lement c a t h o l i q u e et f rançaise . Tou te s les na t ions
n o u s les env ien t et n o u s les d e m a n d e n t . La p l u p a r t des
hôp i t aux d 'Al lemagne ont été fondés p a r des re l ig ieuses
f r a n ç a i s e s : et Cons t an l inop lc et S m y r n e les reço iven t
a u j o u r d ' h u i aux a c c l a m a t i o n s d e la r e c o n n a i s s a n c e
p u b l i q u e .


Voilà ce q u e n o u s s o m m e s a u d e h o r s p o u r la
F r a n c e : c o m m e n t donc exp l ique r ce qui s o u l è v e




A M . ! .!-; o r ; . ] ' • ] • : l : ; u M ; L I K. ;:J


m u r e n o u s lan l de déf iances in ju r ieuses au d e d a n s ?
. l 'avoue, Monsieur le Due, q u e c 'est t ou jours a \ e c Ja


plus vive r é p u g n a n c e q u e je s u b i s , et m ê m e q u e j e
comba t s ce p ré jugé o d i e u x , qu i con t r ed i t l an l de faits
ce r ta ins , et qu i , q u a n d il ne nie p a s la vér i té d e n o s ser-
\ i cc s , ou t r age a u m o i n s la s incér i té de n o t r e c a r a c t è r e .


J e crois qu' i l faut d é c i d é m e n t avo i r conf iance en n o u s
ou y r e n o n c e r tout à l'ait: c a r la défiance à l ' égard d u
clergé est un sys t ème à la fois sans h o n n e u r et s a n s
babdo ié . G o m m e n t \ eu t -on q u e le clergé s ' a t t ache , qu ' i l
l ' a l i 'eci ionne, qu ' i l se dévoue , q u a n d on le t rai te i n ju -
r i e n s o m e n l en suspec t , j u s q u e d a n s sa fidélité aux lo i s ,
j u sque dans son d é v o u e m e n t aux i n t é r ê t s de la pa t r i e ,
jusque dans l ' a ccompl i s s emen t de ses d e v o i r s soc i aux ,
les [tins sér ieux ap rè s ceux d u m i n i s t è r e s a c e r d o t a l , si
toutefois d est p e r m i s de les s é p a r e r ?


On par ie souven t , les uns p a r l a c t i que , les a u t r e s p a r
crédul i té , p lus ieurs de la me i l l eu re foi d u m o n d e , de
no t r e po l i t ique , c o m m e si n o u s é t i ons , c o m m e si n o u s
pouv ions ê t r e des h o m m e s po l i t i ques . Mais enfin, p u i s -
qu 'on n o u s s o m m e de r é p o n d r e , si l 'on v e u t savoi r
n o t r e pensée à cet éga rd , la voici :


Après tant de r é v o l u t i o n s , et pa r c o n s é q u e n t , ap r è s
tant de m é c o m p t e s ; a p r è s tant de théor i e s b r i l l an t e s
démen t i e s pa r l ' expér ience ; a p r è s la l ongue fatigue de
nos essa is et de n o t r e i m p u i s s a n c e ; a p r è s t a n t d ' e s p é -
r a n c e s d é ç u e s , d ' i l lus ions a v o u é e s et de m a l h e u r s r é e l s ,
la ph i losoph ie la -plus vu lga i r e suffit a u j o u r d ' h u i à dés -
e n c h a n t e r les h o m m e s g r a v e s des op in ions et des in-
térêts po l i l iques . Mais la p h i l o s o p h i e c h r é t i e n n e et les
l u m i è r e s de la foi vont p lus loin p o u r n o u s .


Sans oubl ie r j a m a i s les lois de la r e c o n n a i s s a n c e , du




P U K M I L R E l . l I ! us :


r e spec l , de l 'affection ; é t r a n g e r s p a r b a b i l u d e , p a r g o ù l ,
p a r pos i t ion et p a r devo i r , aux m o u v e m e n t s des r é v o -
lu t ions h u m a i n e s , n o u s les s u b i s s o n s , et, s a n s les c o n -
s a c r e r , ce qui n ' a p p a r t i e n d r a i t ni à n o t r e d ign i té , ni aux
lois les p lus s imples de la p r u d e n c e , n o u s s a v o n s mieux
q u e d ' a u t r e s , dans la p r a t i q u e , n o u s s o u m e t t r e pacifi-
q u e m e n t aux faits a c c o m p l i s .


Les r évo lu t ions sont p o u r n o u s les coups d'Étal., où .
si l 'on veut , les g r a n d e s é p r e u v e s de la P rov idence :
n o u s a t t e n d o n s d a n s la p a t i e n c e et la soumis s ion que la
m a r c h e et l ' ac t ion du t emps n o u s manifes te sa v o l o n t é ;
et , q u a n d n o u s v o y o n s les é v é n e m e n t s h u m a i n s r e n t r e r
d a n s les voies de l ' o r d r e , et a c c o r d e r à la re l ig ion, nous
n e d i sons p a s l eu r s faveurs , m a i s la j u s t e l ibe r té qu 'e l le
r é c l a m e , a lo r s ils se r é g u l a r i s e n t p o u r n o u s d a n s la
p r o p o r t i o n oii ils s ' amél io ren t . Mous n ' a i m o n s p a s , n o u s
ne devoirs p a s a i m e r les r é v o l u t i o n s , ma i s n o u s les
accep tons à m e s u r e qu 'e l les se dépou i l l en t de leur c a -
r a c t è r e . Dans t ous les t emps , nos p lu s in jus tes d é t r a c -
t e u r s on t sent i cpd'au fond n o u s dev ions ê t r e p lus o p p o -
sés a u x r évo lu t i ons à ven i r q u ' a u x révo lu t ions passées .


Ce don t n o u s avons beso in p a r - d e s s u s toutes chose s ,
c 'est l ' o rd r e pub l i c , n o n p o u r n o t r e r e p o s p e r s o n n e l ,
ma i s p o u r a ccom pl i r d a n s le c a l m e , d a n s la pa ix , la
g r a n d e œ u v r e d u sa lu t des â m e s : Da mila animas,
codera toile libi, voilà n o t r e devise '. La p r e u v e de la
doc t r ine q u e j ' e x p o s e ici est facile à offrir.


P o u r n e p a r i e r q u e d ' un fait p ré sen t , n o u s v ivons ,
depu i s q u a t o r z e a n n é e s , sous l ' emp i r e d ' u n e r évo lu t ion .
Eh bien ! que l 'on consu l t e , non p a s tel m i n i s t r e q u e le
m a l h e u r de. sa posi t ion a c o n d a m n é ma lg ré lui, j ' a i m e
e n c o r e à le p e n s e r , à se faire n o t r e a d v e r s a i r e , m a i s




A M . u : ni G m-: I I U O O i . i K


celui qui n des r a p p o r t s d i rects et s p é c i a u x avec n o u s .
31. le g a r d e des sceaux ; q u ' o ù l ' i n t e r roge , lui et tous
ceux qu i , avan t lui , depu i s q u a t o r z e a n s , ont occupé le
min i s t è re de ia jus t ice et des cul tes ! Cer tes , il y a eu là
des h o m m e s , h o n o r a b l e s sans d o u t e , ma i s qu i é ta ient
a r r ivés a u x all'aires avec, de b ien g raves p r é v e n t i o n s
c o n t r e n o u s . T o u s , n é a n m o i n s , on t a v o u é q u e leurs r e -
la t ions avec, le clergé les ava ien t d é t r o m p é s ; p l u s i e u r s
m ê m e ont déclaré, q u e ces r e l a t i ons l e u r avaient la i ssé
ies pins h e u r e u x s o u v e n i r s . Quant à n o u s , je ne sais si
on p o u r r a i t ci ter un seu l m i n i s t r e de la jus t ice et des
cul tes don t n o u s ne n o u s s o y o n s m o n t r é s satisfaits.


Après de tels faits, est-i l sage , es t - i l j u s t e de nous
cons idé re r c o m m e des e n n e m i s ? N'est- i l pas év iden t ,
au c o n t r a i r e , q u e n o u s ne fa isons p a s la g u e r r e , q u e
n o u s ne vou lons pas la fa i re? P o u r q u o i d o n c n o u s t r a i -
ter a ins i , n o u s a l i é n e r , n o u s c o n t r a i n d r e en q u e l q u e
sor te de c h e r c h e r u n a u t r e c a m p ?


Que les h o m m e s po l i t iques , à qu i ceci s ' a d r e s s e , me
pcnne l lon l . de le l eu r d i re : en ag i s san t a ins i , on r e n o u -
velle à n o t r e égard ce qu i a été peu t -ê t r e ta p l u s g r a n d e
faute d 'un g o u v e r n e m e n t q u e m o u p rofond respec t p o u r
d ' augus tes in for tunes et auss i m a r e c o n n a i s s a n c e ne
me défendent p a s d é j u g e r a u j o u r d ' h u i . La Res t au ra t i on
ne s td pas se confier à des h o m m e s qu i é t a i en t d ignes
d ' e l l e ; elle les é loigna, p a r c e qu ' i l s ava i en t servi d ' a u -
t res g o u v e r n e m e n t s , l ' e m p i r e , le c o n s u l a t , la r é p u b l i q u e .


11 y avai t p o u r t a n t là des in te l l igences é levées , des
c œ u r s g é n é r e u x et d é v o u é s . Il es t v ra i qu ' i l s n e f i rent
po in t les p r e m i e r s p a s ; ils m o n t r è r e n t p e u d ' e m p r e s s e -
men t . Eh bien ! il fallait a l ler à eux . Il y ava i t d a n s ce t te
r é se rve u n e digni té qu i devai t ê t re c o m p r i s e : on ne les




;L> l ' I î E M I K l ï i i : V. I l


•nroprit p a s ; ils s 'é loignèrent . Ou s 'en dél ia , ils se déliè-
r en t à l eur tour . On les r e d o u t a , ils devinrent r e d o u t a -
bles. On sai t le r e s t e , et l 'effroyable m a l e n t e n d u qu i
s 'ensuivi t e n t r e des h o m m e s faits p o u r s ' en t end re , qu i
vou la ien t tous l ' o rd re publ ic , la paix au d e d a n s , la gloire
de la F r a n c e au d e h o r s , et le m a i n t i e n de ce qui a é té
r e n v e r s é .


Ceux qui n o u s r e p o u s s e n t p a r l e u r déf iance , n o u s t ra i -
tent c o m m e furen t l i a i t é s ces h o m m e s . C'est la m ô m e
i m p r u d e n c e , la m ê m e injust ice. Quel le que soit no i r e
v a l e u r , la f au te est g rave . Dieu é lo igne de nos l èv re s ,
' •omme de nos c œ u r s , tout ce qu i peut r e s s e m b l e r à
u n e m e n a c e ! Mais n o u s a v o n s d a n s no t r e h i s to i re , m ê m e
la p lus m o d e r n e , des faits qui p e u v e n t faire a p p r é c i e r
ht vt t 'eur de n o i r e c o n c o u r s ou de n o i r e éJo igncmenl .


r'ri 1802 , le premier consul n o u s lendit la m a i n ;
n o u s a c c e p t â m e s vo lon t i e r s son a l l i a n c e : tous y ga-
gnè ren t . Kn ISO», l ' e m p e r e u r n o u s blessa p r o f o n d é -
m e n t d a n s nos droi ts les p lus s ac r é s ; n o u s n o u s éloi-
g n â m e s : notre désaffection devin t profoe.de; et, m a l g r é
le s i l ence abso lu du temps, t o u s les peup le s la compr i -
ren t . Nous tic f îmes r ien c o n t r e lui : la P r o v i d e n c e se
e b a r g e a d e prononcer.


En 1830, n o u s n o u s s o m m e s t u s ; n o u s avons attendu,
m a i s n o u s ne n o u s s o m m e s p a s éloignés. Les funestes
événements de l'année s u i v a n t e , si d o u l o u r e u x p o u r la
rel igion, ne n o u s firent pas m ê m e sor t i r de celle r é -
s e r v e ; n o u s l a i s s â m e s faire le t e m p s e t , sous son i n -
fluence, on ne peut n i e r q u ' e n 1837 un r a p p r o c h e m e n t
no tab le ne se fût opé ré . Mais, j e ne le d i s s imule p a s ,
cet te bonne volonté qu i , p e n d a n t sept ou hu i t années,
allai t au devant de ceux qu i se p la ignen t a u j o u r d ' h u i ,




s est affaiblie, p a r la seule force de ce l te dehar .ee in-
juste et ( lulrageuae dont n o u s s o m m e s depu i s p l u s i e u r s
a n n é e s devenus l 'objet .


Il est bien vrai que dans les p lus l i an tes rég ions du Pou-
voir , là ou n 'arr ivent , guè re les influences p a s s i o n n é e s ;
il est b ien vra i q u ' a u p r è s m ê m e de p l u s i e u r s des con-
seillers de la C o u r o n n e , n o u s n ' a v o n s p a s cessé de
' r e t i r e r des d ispos i t ions d 'équi té c! <!c b ienve i l lance ;
m a i s , h o r s de l à , puirluut où pénè t r e la c l a m e u r de
' 'opinion é g a r é e , n 'es l - i l pas év iden t q u ' o n n o u s m é -
c o n n a î t , cl que , n o u s m é c o n n a i s s a n t , on tend à n o u s
poussi r d a n s u n e opposition oit nous n e s o m m e s pas '.'
Ce : e n l i m c n l , qui s 'a t t r is te q u a n d u n g o u v e r n e m e n t
f.iit des fautes , et qui se réjoui t (tes c h o s e s r ages et
h e u r e u s e s qu 'on lui voit l 'aire; ce sen t imen t qui est
déjà ce l 'affection et d u dévo i ïmeu t , on t rava i l l e à le
d i m i n u e r en n o u s , m a l g r é n o u s - m ê m e s . E n c o r e un peu
et nous no nous a t t r i s t e r o n s p l u s , n o u s ne n o u s r é jou i -
r o n s g u è r e ; n o u s s e r o n s s u r la voie de l ' indifférence.
Eh bien ! je le r é p è t e , q u o i q u e n o u s ne p u i s s i o n s , ni ne
voul ions j a m a i s agir en r i en , ni s e u l e m e n t p rofé re r u n
m o t de m e n a c e , il y a pér i l à n o u s a c c o u t u m e r à n e
r ien a t t end re du p r é s e n t , et à n o u s f a i r e , las et d é ç u s ,
p o r t e r nos r e g a r d s vers l'avcuir. 11 faut bien qu 'on n o u s
laisse le d i r e , s ans s 'en étonner : à nos yeux, l ' aveni r
le plus ca tho l ique doit ê t r e le mei l leur . C'est là n o i r e
bousso le et n o t r e é toi le , p lus s û r e s , p lus f e rmes , p lus
infaillibles que la bousso le c l l 'é toi le pol i t iques . L'Église
n 'es t pas chose mobi le c o m m e les c h o s e s h u m a i n e s :
les t empêtes p e u v e n t g r o n d e r autour d 'el le, d i s p e r s e r
les feuilles, b r i se r quelques r a m e a u x de ce grand c h ê n e ,
l ' ébranler m ê m e que lquefo i s jusqu'en ses r a c i n e s , mais




-ii l ' i iKMi i • : i s i - : Î . E J T i n - :


l ' a rb re é te rne l d e m e u r e . I n d é p e n d a m m e n t dos l u m i è r e s
de la fo i , n o u s le p e n s e r i o n s e n c o r e , c a r de fortes o \ p é -
r i ences ne n o u s p e r m e t t e n t pas d 'en dou te r . 11 a tou jours
survécu à tous les orages ; les ven t s se sont tou jours épui-
sés devan t son immob i l i t é , et les g o u v e r n e m e n l . s e ! les
peup les se sont t ou jou r s tôt ou t a r d e s t imés h e u r e u x de
r e t r o u v e r son abr i .


Ajoutera i - je q u e Je t emps me s e m b l e bien m a l h e u -
r e u s e m e n t chois i p o u r n o u s é lo igner ? Si au moins le
p r é sen t é tai t s a n s i n q u i é t u d e , si l 'horizon n ' é t a i t cha rgé
d ' a u c u n n u a g e , si les moins p r é v o y a n t s ne se sen ta ien t
po in t t r o u b l é s en j e t a n t les r e g a r d s s u r l ' avenir , et s u r
un aven i r t r è s - p r o c h a i n peu t - ê t r e '. Je ne veux t ouche r
ici q u ' u n des côtés de cel te ques t ion r e d o u t a b l e , dont la
solut ion esl aux m a i n s de Dieu : ma i s c o m m e n t les
h o m m e s po l i t iques ne s en t en t - i l s pas ce qui se r e m u e
de sé r i eux et de s o m b r e au c œ u r des c lasses populaires ' . '
P o u r m o i , je l ' avoue, q u a n d je vois la p rog re s s ion c ro i s -
s a n t e , et , chose é t r a n g e ! p r o p o r t i o n n e l l e des l umiè re s
et des c r i m e s , cela me fait t r e m b l e r . Nos t r i b u n a u x p ré -
s e n t e n t , depu i s q u e l q u e s a n n é e s , d ' é t r anges scènes .
J ' i gnore ce q u ' e n p e n s e n t les m a g i s t r a t s : q u a n t à mo i ,
il y a l ong t emps déjà q u e le c o u r a g e et la pol i tesse de
nos a s sas s ins m ' é p o u v a n t e n t . Ils p a r l e n t c o m m e des
a v o c a t s , d i s se r teu l c o m m e des j u r i s consu l t e s , cl se p o -
sent c o m m e des j uges .


Mais e s l - ce d o n c q u a n d la t e r re t r emb le sous les
p a s , q u a n d les p lus f e rmes a p p u i s se t r oub l en t el m e -
n a c e n t r u i n e , e s l - ce a lo r s qu ' i l faut r e p o u s s e r ceux
qui n ' on t j a m a i s fait que s o u t e n i r et c o n s e r v e r , ceux qui
depu i s d ix -hu i t siècles n ' o n t j a m a i s t r ah i l ' o rd re social":


Cer tes , le m o m e n t es t venu , o u j a m a i s , de r e s s e r r e r




A y,, u ; n i e m : n n o u i . i E . ¡ 5


ions les liens qui t e n d e n t à se r e l â c h e r ou à se b r i s e r ;
de h u r e al l iance a v e c tous les h o n n ê t e s gens p o u r la
P A I X c o m m u n e ; de s e c o u r i r d 'un c o m m u n accord la
société en péri l , de lui p r é p a r e r p o u r les m a u v a i s j o u r s
des dé fenseur s in te l l igents , c o u r a g e u x et d é v o u é s .


Encore u n e fo is , e s t -on d o n c si fort q u ' o n doive
c o m p t e r pour r ien ceux qui a p p o r t e n t le d é v o û m e n t ,
la consc ience et la foi ?


La voix des j o u r n a u x , o r g a n e s de la p e n s é e de q u e l -
ques h o m m e s po l i t i ques , se p la in t (pie n o u s n ' a d o p t o n s
pas les ins t i tu t ions du pays . I n s e n s i b l e s à la m a r c h e du
t emps , s o u r d s aux conse i l s de l ' e x p é r i e n c e , n o u s ne
c o m p r e n o n s p a s , d isent- i l s , les m œ u r s et les idées de
la f r a n c o nouve l le ; n o u s n ' e n t e n d o n s r ien au gouver-
n e m e n t sous leque l elle vit. Mais q u e f a i s o n s - n o u s
en ce m o m e n t , q u e r e n d r e h o m m a g e à cet o r d r e n o u -
veau qu i régit n o i r e pays en i n v o q u a n t ses bienfa i ts ,
en r é c l a m a n t la l ibe r té d ' e n s e i g n e m e n t p r o m i s e p a r l a
c h a r t e , et avec elle t ou t e s les l i be r t é s r e l ig i euses?


J ama i s r ien d é p l u s décisif p e u t - ê t r e n ' a é té fait p o u r
ces ins l i lu l ions et p o u r la s ignif icat ion p r a t i q u e et sage
de la l iber té l ég i t ime , q u e depu i s q u e n o u s en r é c l a -
m o n s no t r e par t .


tlais on ferme les yeux à un p r o g r è s si i m p o r t a n t ; on
a ime m i e u x en c ro i r e je ne sais que l s f an tômes don t
on a l 'espri t troublé, et a p r è s q u ' u n p r i n c i p e a é té p o s é
so l enne l l emen t , on r ecu l e avec effroi d e v a n t les c o n s é -
q u e n c e s . Le fruit est m û r : on n e veu t p a s le l a i s se r
cueill ir , et p o u r q u o i ? p a r c e q u e c'est la re l ig ion qui
sollicite d 'ê t re a d m i s e enl in à la j o u i s s a n c e d u d ro i t
c o m m u n . Eh b i e n ! cela est in jus te : j e vais p lus lo in , cela
est imposs ib le ; on e s saye l ' i m p r a t i c a b l e et l ' a b s u r d e .




Kl ne voil-ou pas q u e le moj eu peul-êlre le p lus puis-
sant de l'aire p a s s e r sans secousse cl sans violence la
liberté d a n s nos m œ u r s se p r é s e n t e a u j o u r d ' h u i ? EL des
hommes d'Étal, p o u r r o n t - i l s consentir à ce qu'on dise
qu ' i l s on t tord sacrif ié , la l ibe r té m ê m e et la s incér i t é
des i n s t i t u t i ons de l eu r pays , p a r c e qu'el les s e m b l e n t
p o u v o i r profi ler à i a cause de la rel igion et concou r i r à
la conservation des croyances auxquelles seules il a p -
p a r t i e n t d 'affermir les b a s e s é b r a n l é e s de l 'o rdre so-
c ia l?


Cer tes , bien des l i be r t é s ont été a c c o r d é e s ou ar ra-
chées d e p u i s cinquante a n n é e s ; les juger en ce m o -
m e n t n ' e s t p a s m o n affaire. Mais ce q u e je puis juger
et q u e j ' a f f i rme , c 'est qu ' i l n 'y a g u è r e de liberté' moins
dangereuse , q u e celle de J ' éduca l ion , c ' e s t - à -d i r e l ' au -
to r i t é l ibre des p è r e s de famille, sous la su rve i l l ance ci
avec l ' i n te rven t ion tu té la i ro de. l 'État .


Je, h a s a r d e ici u n e d e r n i è r e p e n s é e q u e je l ivre à l 'ap-
préc ia t ion la plus réf léchie et la p lus profonde de celui
à qui j ' a i l ' h o n n e u r d ' ad r e s se r cel te le t t re .


Est-i l év ident ou n o n q u e les périls de l'avenir ne
peuven t ê t r e c o n j u r é s , l ' o r d r e socia l raffermi p a n n i
n o u s , q u e p a r l ' a l l iance sincère des p r inc ipes et des
h o m m e s conservateurs avec les principes et les h o m -
mes re l ig ieux ? Est-il v ra i ou n o n q u e les l iber tés sages ,
tes l iber tés légitimes, les l i be r t é s re l ig ieuses pu issen t
seules serv i r de c o n t r e - p o i d s a u x l iber tés pol i t iques
d a n s un pays c o m m e le n ô t r e ?


.Monsieur le D u c , je dois finir : [ tour un moment , e n -
co re , p e r m e t t e z - m o i de r e m o n t e ] ' aux p r inc ipes s u p é -
r i e u r s , qu i son t sans d o u t e familiers à voire h a u t e i n -
te l l igence, qui d o m i n e n t toute ce l te q u e s t i o n . cl qui ,




A M, i . K ! > n : u v : i s i U K i i . i ! - : .
j u s q n c s à p r é s e n t , n ' o n t peu t - ê t r e p a s é té assez c o n s i -
dérés p a r tous .


Les deux g r a n d e s forces de l ' h u m a n i t é son t : l ' a r d o -
r i té , la l ibe r té .


L 'au tor i t é , force c o n s e r v a l i c e ; la l i be r t é , force c o n -
q u é r a n t e : mais tou tes deux forces d iv ines ; faites t ou t e s
deux p o u r les g r a n d e s c h o s e s , à ce po in t q u e les g r a n d e s
c h o s e s n e s ' a ccompl i s sen t q u e pa r el les .


î n espri t é m i u e n t n o u s a r e n d u , a n o u s a u t r e s c a -
thol iques , avec u n e r e m a r q u a b l e s incé r i t é , ce b e a u t é -
moignage :


« Le ca tho l i c i sme a l ' espr i t d ' a u t o r i t é . . . ii le pose en
« p r inc ipe et le m e t en p r a t i q u e , avec u n e g r a n d e fer-
« me té de doc t r ine et u n e r a r e in te l l igence de la n a t u r e
« h u m a i n e . . , »


M. Guizol ajoutai t : « P e n d a n t q u e n o s ins t i tu t ions et
« nos m m u r s fomenten t p a r m i n o u s l 'espr i t d : i n d é p e n -
» dance ind iv idue l l e . . . c 'es t un g r a n d bien p o u r l a soc ié té ,
!< pour sa mora l i t é c o m m e p o u r son r e p o s , q u e d ' a u t r e s
« o n s o i g n e m e n t s m a i n t i e n n e n t le p r inc ipe d ' au to r i t é . »


Mais, en r e t o u r de ce n o b l e t émoignage , on n o u s a
accusés de d i re ce q u e n o u s n ' e n t e n d o n s p a s , et de b é -
g a y e r les sons d 'un id iome qui n o u s est é t r a n g e r , l o r s -
q u e nous p a r l o n s de l i be r t é . . . C'est une accusa t i on
légère et in juste . Les p r e m i e r s d a n s le m o n d e , n o u s
avons pa r lé c o n v e n a b l e m e n t cet te n o b l e l angue . Aos
apô t r e s ont p r o c l a m é les p r e m i e r s , d a n s un l angage
qui n ' ava i t j a m a i s é té pa r l é a v a n t eux , les d ro i t s i n v i o -
lables et s ac rés de tou tes les l ibe r t é s lég i t imes et l'af-
f r a n c h i s s e m e n t de tou tes les s e r v i t u d e s qu i p e u v e n t
o p p r i m e r , avil ir i c i -bas le digni té de l ' âme et de la
consc ience h u m a i n e .




l ' R F M I K l ! E U i T T R K


I n d é p e n d a m m e n t de ces l i be r t é s s a in t e s , de ces l i-
be r t é s sub l imes don t sa in t Paul p r o c l a m a i t si h a u t e -
m e n t les d ro i t s m é c o n n u s , s a in t Pau l a r é c l a m é p l u -
s i eu r s fois p o u r l u i -même la l ibe r té civile et po l i t ique :
.le suis c i toyen r o m a i n , civis romanus sioti ; j ' e n appe l le
à César , s 'écria-t-i l u n j o u r , e l César d u t l ' e n t e n d r e . 11v
a des d ro i t s s ac rés p o u r t o u s .


O u i , le ca tho l i c i sme a l ' espr i t de l ibe r t é , c o m m e il a
l ' espr i t d ' a u t o r i t é .


Mais il faut s ' e n t e n d r e : la l ibe r té p o u r le b ien , la
l iber té p o u r la vér i té , la l ibe r té p o u r la ver tu : voilà
la v r a i e force de l ' h u m a n i t é , voilà sa force c o n q u é r a n t e ,
sa force c r é a t r i c e : r ien n ' e s t p lus b r i l l an t , r ien n 'est
p lus fécond.


L ' a m o u r g é n é r e u x , le zèle i n t r é p i d e , le d é v o u a i e n t à
la pa t r i e , la v a l e u r g u e r r i è r e , l ' apos to la t , le m a r t y r e
sont les fils p r e m i e r s - n é s de la l iber té du b ien .


Dieu, d a n s les des se ins les p lus h a u t s de sa p r o v i d e n c e ,
n 'a r i en p r é p a r é de p lus g r and .


Rien n ' es t p lus d igne de r e s p e c t ici-bas : je me se r s à
desse in de ce mot .


L ' au to r i t é v r a i e , la l ibe r té l ég i t ime do iven t ê t re tou-
j o u r s a l l iées , j a m a i s en g u e r r e .


Il n 'y a pas de d ro i t c o n t r e le droi t .
La l iber té h u m a i n e est faillible, il es t v r a i , et cet te


l ibe r té , faite p o u r de si g r a n d e s c h o s e s , eu fait que lque -
fois de. si m i s é r a b l e s q u e l ' h u m a n i t é en est p ro fondé-
m e n t t r o u b l é e .


On a vu m ê m e des t e m p s m a l h e u r e u x où celte sa in te
et d iv ine p u i s s a n c e d u bien s embla i t ne p lus se r évé le r
q u e p a r la pu i s s ance du ma l , et aux a p p l a u d i s s e m e n t s




A >l i>> ' in- t; ] ; 41 < , ) ; •


d'un peuple en dé l i re , elle ne se glorifiai( p lus que de ses
d é s o r d r e s eL de ses c h u t e s .


Cependan t l ' au tor i t é d iv ine elle-même respecte p r o -
f o n d é m e n t n o t r e l ibe r té : l ' express ion est des sa in t s
l ivres : cum magna reverentia diiponis nos.


Aussi , q u e fait le c h r i s t i a n i s m e et la g râce é v a n g ë -
I ique? 11 dégage l ' h o m m e de ses e n t r a v e s , des v io lences
t v r a n n i q u e s qui l ' o p p r i m e n t , qui con t r a ignen t , qu i di-
minuen t sa l iber té . Il la r e s t i tue , il la r e n d à e l l e - m ê m e
avec tou te sa force p r i m i t i v e ; il lui révèle sa dignité et
ses pr ivi lèges ; il lui insp i re les p lu s nob le s t r a v a u x : il
lui m o n t r e des pr ix i m m o r t e l s . Pu i s , q u a n d il l 'a ainsi
r e s t i t uée , ennob l i e , r e n d u e à e l l e - m ê m e , divinisée en
quelque sor te , il la respec te r e l i g i eusemen t , il lui la isse
toute sa pu i s sance , il lui dit : v a !


Kl aloi 's, la l iber té fait ses œ u v r e s , et ses œ u v r e s sont
bel les , et elles d e v i e n n e n t la c o u r o n n e et la gloire de
l ' au to r i t é qui les i n sp i r a , ou du m o i n s les c o m p r i t et les
pro tégea p a r son i n t e r v e n t i o n t u t é l a i r e .


Mais ce r tes l ' au to r i t é h u m a i n e n ' e u t j a m a i s ni le droit
ni le devoi r de c o n t r a i n d r e la l iber té du b ien , et q u a n d
elle le fait, il y a tou jours u n i m m e n s e p é r i l ; elle se
t rahi t e l l e - m ê m e , elle s ' a b d i q u e ; elle dev ien t t y r a n n i e ,
et a lors , il se pa s se t o u j o u r s des choses d é p l o r a b l e s
p a r m i les h o m m e s .


Ainsi la l iber té d ' ense igne r la vér i té ci la v e r t u à ses
semblab les , la l iber té de t endre à la perfect ion c a t h o -
lique et de s 'associer r e l i g i eusemen t c œ u r et â m e p o u r
le faire; la l ibe r té de la chas t e t é , de la p a u v r e t é , de
l ' obé i s sance ; la l iber té de s ' a s s e m b l e r c h a r i t a b l e m e n t
pour secour i r les m a l h e u r e u x et les p a u v r e s , la l ibe r té
de l ' a u m ô n e , la l iber té de l 'autel et de son sacr i l ice . la




.•.H i K K M i i . s . i . L t : i J n i .


l iber té de la p réd ica t ion évangé i ique , la liberté tic l 'édu-
cat ion chrétienne, voilà, certes, des libertés légi t imes
qui ne peuvent jamais ê t re c o n t r a i n t e s q u e par l ' oppres -
sion de la consc i ence humaine, tyrannisée en ce qu 'e l le
a d é p l u s élevé, de plus nob le , de p lus i n d é p e n d a n t de
plus l ib re , de p lus pur .


Eli b ien ! de ces l iber tés on n o u s d i spu te les unes , on
n o u s a rav i les autres; et aujourd'hui nous les r é c l a m o n s
v a i n e m e n t enco re .


Et ou s ' é tonne qu ' i l \ ait m a l a i s e , g é m i s s e m e n t .
affliction ; on a tor t .


Je t e r m i n e enfin.
Deux g r a n d e s forces se b a l a n c e n t dans le monde, »e


tor t i l lent mu lue l lome i i l , se p a r t a g e n t le g o u v e r n e m e n t
des socié tés h u m a i n e s : l ' au to r i t é , la l iber té . Elles doi-
vent s ' en l r ' a i dc r , se serv i r , s ' a c c o r d e r ; j a m a i s se c o m -
ba t t r e .


Q u a n d ces d e u x forces se combattent, l ' h u m a n i t é
souffre p r o f o n d é m e n t : il y a g r a n d m a l a i s e .


L ' au to r i t é est u n dro i t , la l iber té est un droi t : tous
deux d ro i t s dry lus , ma i s d o n t l ' abus est poss ib le aux
m a i n s de l ' h o m m e .


L ' a b u s de l ' au to r i t é , c 'est la t y rann ie . L ' abus de la
l ibe r t é , c 'est la l icence,


Q u a n d la l iber té a b u s e , q u a n d il \ a l icence, l ' au tor i t é
doi t i n t e rven i r .


Q u a n d l'autorité a b u s e et qu' i l y a t y r a n n i e , l ' e m b a r -
ras est g r and .


L ' au to r i t é doit g o u v e r n e r la l ibe r té , ma i s ne point la
c o n t r a i n d r e . G o u v e r n é e s a n s v io lence , la l iber té agit
n o b l e m e n t , fortifie et c o u r o n n e l ' au tor i té .


Je ne veux pas p r o l o n g e r d a v a n t a g e ces l o n g u e s ré -




A }}. 1 .1: i . i . c . i s u u u . u - ;


flexions, Monsieur le Duc ; je les soumets à votre, s agesse ,
j ' o s e les recommander à vo i r e i n d u l g e n c e . C'est b e a u -
coup p o u r une iniporlunilé, ma i s c 'est p e u p o u r u n e
explicat ion qui e m b r a s s e des m a t i è r e s si g r aves . J 'ose
e spé re r q u e vous me p a r d o n n e r e z l a ' c o n f i a n c e q u e j ' a i
prise de m'ouvrir à vous su r tout ceci : il me semble q u e
m a p e n s é e n ' e s t que la paix a r m é e de la vé r i t é , et j ' a i
c ru que la paix et la vér i té ne pourraient être d é p o s é e s
en des mains p lus d ignes q u e les vôt res .


J 'a i l ' h o n n e u r d 'ê t re , avec la p lus h a u t e c o n s i d é r a -
i ion.


Monsieur le Duc .


Vni.'i' trt's-iniiiïble cl t r é s - o h n s s a n l


serviteur,


L'abbé DLP.VMOUP.






SECONDE LETTRE
\ M . i.i-: nii: ni-: nuooi.n-:


Rapporteur du projet de loi relatif à l 'Instruction secondaire .


' i ' A - , M r; i.r: Duc ,
.le viens, si vous voulez bien le p e r m e t t r e , vous c n -


i re ien i r e n c o r e une fois des pel i l s s é m i n a i r e s , et v o u s
p r é s e n t e r de nouve l l e s o b s e r v a t i o n s su r q u e l q u e s po in t s
i m p o r t a n t s de v o t r e r a p p o r t , qu i t o u c h e n t de p r è s à nos
in térê ts les p lus essen t ie l s .


Encou ragé p a r l ' i ndu lgence avec laque l le on a bien
voulu accuei l l i r la p r e m i è r e le t t re q u e j ' a i eu l ' h o n n e u r
de vous a d r e s s e r ; e n c o u r a g é s u r t o u t , Monsieur le Duc,
par u n e b ienve i l l ance qu i m e p e r m e t de vous p a r l e r
non plus s e u l e m e n t de m o n respect, m a i s auss i de m a
reconnaissance, j ' o s e c ro i re e n c o r e q u e ma voix ne
vous sera p a s t rop i m p o r t u n e , et q u e votre équ i t é p e r -
sonnel le r e n d r a jus t i ce à la d r o i t u r e de m e s in t en t ions ,
et r é p o n d r a au cri de m a consc ience . L ' accen t d ' une
convict ion p ro fonde ne s au ra i t vous dép la i r e : je suis




certain d'ailleurs que m o n langage, auquel je veux u n -i-os^r vine constante modération, ne dérogera jamais aux sentiments que je m ' h o s t n r n de professer pour voir" personne, et que ma juste réserve ne nuira pas non plu.~ au lion droit que je veux défendre. La question que je viens traiter en ce -nomeni d.n.iitl vous cl avec vous, Monsieur le Duc , est des plus gra\ es : c'est une question capitale, fi ne s'agit plus s e u l e m c n ' aujourd'hui de la force ou de la fui M- sse des étude;; de nos petits sommaire:' , il s'agé .''e leur existence o.èuie : c'est f u r nécessité!, c'est leur spécialité qui es! i .;d ; r'-e-îomenl et toutefois intimement menacée . En présence de celte menace si féconde en a larmes , je n'ai pu h é s i -ter. Monsieur le Duo. à faire rentrer les p e f i s ''émi-aaires dans une (liscu.-sion qui m ' e s ! , pénible, mais qui est pour eux un droit, et pour moi un devoir de légitime défense : je n'exagère ni les c h o s e s , ni les termes. C e t t e
fois encore c'est à vous que. j 'en appelle, Monsieur Je Duc : c'est vous que j ' invoque pour arbitre et pour j u g e . J e lis à la page 77 de votre l'apport : u Ce n'est pas sons de mères repérions que i'or-
e doimauco du Ki juin )-}-2e a (dé i'emlue par le no « Charles X, sar la prop-osiîion d'un prélat don! la m é -« moire est chère à tous les gens <îe bien, M. l'i-ivèque « de Beauva i s . Elle a été préparée, par une commission o à la tête de laquelle se t rouva i t placé feu M. de Q u é -« l e a , alors a r c h e v ê q u e de Paris , et qui comptait dans « son sein u n autre p r é l a t , .M. l ' a r c h e v ê q u e d 'AIb} . . .
« Cette c o m m i s s i o n , divisée suc un seul point pari ieu-« lier, a été urutnime sur la nécessité de toutes les d i s -« positions q u e nous venons de rappeler.




A M. I K Ì M «: |»K l î R O C î l . i K .
a Colle o r d o n n a n c e (a r i o ) r e n d u e sons l ' au tor i té


« d 'un pr ince d o n t If. zèle p o u r les in té rê t s de la r o r -
K gion n ' é t a i t pas d o u t e u x , de l 'avis d 'un min i s t è r e
<: p ieux , éc la i ré , et qu i compta i t d a n s son se in u n
(i m e m b r e du corps ép i s copa l . . . . ( P a g . à â . )


« Ce nue la Res tau ra t ion n ' a p a s to léré , le G o u v e r n e -
« m e n t actuel le souIVrira-t-il? ( Pag. U5. ) »


.Te lis e n c o r e à la page 81 :
« Dans p lus ieurs d iocèses , le recrutement du s a c e r -


« dece s 'opère , en 1res g r a n d e partie, p a r m i les é l è v e s
v des collèges royaux cl c o m m u n a u x . Dans d ' a u t r e s .
<! les élèves des pet i ts s émina i r e s f r équen ten t les c o u r s
e des collèges.


a 11 y a des d iocèses d a n s lesquels les évoques ont
c j u g é inolilo d 'ouvr i r un pet i t s é m i n a i r e , t rouvant


loules les facilités dés i r ab le s d a n s les in s t i t u t ions
c pr ivées et dans les col lèges. ( P a g . 82. ) »


Je lis, page 80 :
« On ne peu t g u è r e a c h e v e r ses é tudes d a n s les


<; pet i ts s é m i n a i r e s , a t t endu q u e la p l u p a r t des pe t i t s
« s émina i r e s n'ont pas de c o u r s d ' é tudes c o m p l e t s : sur
« cent t re ize , i l en est cent deux qu i son t d a n s ce cas . . .
c il n'y en a par c o n s é q u e n t q u e onze dont les é lèves .


pour ob ten i r le d ip lôme o r d i n a i r e , soient obligés de
h r e c o m m e n c e r l eu r s dernières classes, de p e r d r e deux
(, années Double r sa r h é t o r i q u e , d o u b l e r sa p i n -
ci losophie , c 'est ce q u e font mie foule eVélèces d a n s tous
« les é t ab l i s semen t s publ ics ou pr ivés


a de t te c o n s é q u e n c e n 'a r i en , ap rès tout, de
« bien r e d o u t a b l e . »


Voilà bien tu to iement vos paroles, Mons ieur le Duc :
paroles solennel les dans leur s i m p l i c i t é ; paroles d 'une




S E ( , O N I ) K I . K T T R K
p o r t é e t r è s - g r a n d e , soit qu 'e l les e x p r i m e n t la vér i té ,
soit qu ' à vo t re insu elles a ien t e x p r i m é l ' e r r eu r : it est
d o n c d ' u n e h a u t e i m p o r t a n c e de les b ien appréc ie r .


Il r é s u l t e , p r e m i è r e m e n t , de ces p a r o l e s , q u e les p e -
tits s é m i n a i r e s n e son t p a s des écoles i n d i s p e n s a b l e s au
s a c e r d o c e ;


D e u x i è m e m e n t , q u e le zèle du ro i Char les X p o u r les
i n t é rê t s de la re l ig ion, la p ié té d ' un minis tè re éclai ré ,
l ' au to r i t é de p lus i eu r s p ré l a t s don t le n o m est d e m e u r é
che r à l 'Église, l ' u n a n i m i t é de la c o m m i s s i o n , couvren t
de l e u r grave re sponsab i l i t é les o r d o n n a n c e s de 1828 ;


T r o i s i è m e m e n t , q u e les ex igences de ces o r d o n n a n c e s
son t fort s imp les , n ' o n t rien, après tout, de bien embar-
rassant ni de très-redoutable, et q u e si n o u s les e n t e n -
dions b ien , elles n o u s offriraient peu t -ê t r e des avan tages
q u e n o u s n e d e v r i o n s p a s m é c o n n a î t r e .


J ' au r a i d o n c l ' h o n n e u r de vous en t r e t en i r , Mons ieur
le Duc , en p r e m i e r l ieu de la nécessité et de la spécialité
des petits séminaires ; en s e c o n d l ieu; du fait des ordon-
nances de 1 8 2 8 ; enfin, de quelques-unes de leurs plus
gra ves cl isposil ion s.


I . —- NÉCESSITÉ ET SPÉCIALITÉ DES PETITS SÉMINAIRES.


Si p l u s i e u r s de vos a s s e r t i o n s , dont je vais r e m e t t r e
le t ex te s o u s vos yeux u n e s e c o n d e fois, é ta ien t fon-
dées , Mons ieur le Duc , la c o n c l u s i o n qu ' i l y au ra i t à en
t i r e r i m m é d i a t e m e n t sera i t la complè te inut i l i té des p e -
tits s émina i r e s . K quo i b o n en effet ces é t ab l i s semen t s ,
si , dans plusieurs diocèses, le recrutement du sacerdoce
* opère entrès-grande partie parmi les élèves des collèges




A M. i.y: M I : I N - : B R O G I . I I : .


roi/aux et communaux, si d a n s d ' a u t r e s les élèves des pe-
tits séminaires fréquentent les cours des collèges , si enfin
// g a des diocèses dans lesquels les évèques ont jugé inutile
d'ouvrir un, petit séminaire, trouvant toutes les facilités
désirables dans les institutions privées et dans les col-
lèges ?


Ou je nie t r o m p e , ou un logicien in t r ép ide a l l an t
j u s q u ' a u b o u t de sa pensée , déc l a r e r a i t q u e les pet i t s
s émina i re s ne sont guè re d a n s l'Kglise q u ' u n e s t iper -
fhiité dont on peut to lérer , m a i s non s o u t e n i r et fortifier
l 'existence.


Vous n 'ê tes pas allé j u sque - l à , Mons ieur le D u c , et,
pe rme t t ez -moi de v o u s le d i re , v o u s n 'aviez p e u t - ê t r e
p a s assez so l idemen t établi vos p rémis se s p o u r l eur de-
m a n d e r de si r i g o u r e u s e s c o n s é q u e n c e s .


Oue devient en effet l ' au to r i t é de ces a f f i rmat ions ,
s'il est vrai qu'i l y a à pe ine en F r a n c e un seul d iocèse qu i
n ' a i t pas de pet i t s é m i n a i r e ' ; q u e d a n s un seul , les
élèves du peti t s é m i n a i r e su iven t les c o u r s du co l l ège ;
en l in , s'il est vra i q u e , flans a u c u n des qua t r e -v ing t s
d iocèses de F r a n c e , le r e c r u t e m e n t d u s a c e r d o c e ne s 'o-
pè re en Ires-grande partie p a r m i les é lèves des collèges
r o y a u x et c o m m u n a u x ?


Cinq diocèses von t ici vous répondre , p o u r tous les
au t r e s . A Par i s , su r p l u s i e u r s mi l l ie rs d 'é lèves des co l -
lèges, p e n s i o n s , m a i s o n s pa r t i cu l i è r e s , il n 'y en a p a s
trois p a r an qui a r r i v e n t du collège a u g r a n d s é m i -
na i re .


T.a p ropo r t i on est la m ê m e d a n s p r e s q u e tous les d é -


1 l'un-., au diocèse de l.n. Roche l l e , n. toujours é té et est encore un


\ei'itûl'O' pi lit séminaire .




5S S L ' O O M i ! - . L i - ' i i li i
p a r l e m e n t s . On m 'éc r i t de Mcaux : Suive collège n 'a
pas d o n n é un seul p r ê t r e , ni m é m o un son! sujet p o u r
le g r a n d s é m i n a i r e . On m ' é c r i t de Versail les : Depuis
dix a n s , et peu t -ê t re depu i s vingt , nous n ' a v o n s a u c u n
p rê t re qui ait é té élève in t e rne du collège roya l de Ver-
sai l les . M o n s e i g n e u r i ' é v è q u e de Grenob le n o u s a p p n - n d
q u e depu i s t r e n t e a n s le collège roya l de Grenoble n ' a
p a s fourni six p r ê t r e s à sou d iocèse . Monse igneur l 'évo-
q u e de C h a r t r e s «ou:; a i l e s ' o que toutes les maisons
un ive r s i t a i r e s de .-on d iocèse réun ies ne Pu ont p a s
i lonné un prê i ro en dix a n s ; e! s'il a r enoue - 5 p e n d a n t
q u e l q u e s années à avoi r un petit s é m i n a i r e proprement
dit, ce n ' e s t 'pas, c o m m e voies le pensez , Monsieur le
Duc, p a r c e qu' i l (rouvftU l<>ul»s /<».%• fnrVilès <lrsin>bks
dans ivy h)*li!i;!rm$ privées ci diins les ro'Ifaj ><s, mais
parce qu ' i l ne voulai t pas sub i r le régi nu' des o r d o n -
n a n c e s de 1828.


Les fa i t s , vous le voyez, v i e n n e n t c o n t r e d i r e e u x -
m ê m e s dos aff i rmations q u ' u n Iravaii n é e e s s a i r e m e n l
préc ip i té ne vous a pas d o n n é le t emps de vér i f ier :
m a ï s celte r é p o n s e t rop facile ne m e d i spense pas d ' a l l e r
au fond m ê m e des chose s , et d 'é tabl i r , sur des p reuves
q u e je crois i r r é c u s a b l e s , la nécess i té et la spécia l i té des
poids s é m i n a i r e s .


Les pet i ts s é m i n a i r e s sont des écoles spéc ia les , des
écoles n é c e s s a i r e s au s ace rdoce . Les lois que l 'Eglise a
po r t ées p o u r l e u r é t a b l i s s e m e n t , les r èg les qu 'e l l e a
t r acées à ce sujet , le fait m ê m e de leur ex is tence d è s les
p r e m i e r s siècles du c h r i s t i a n i s m e , p r o u v e n t inv inc ib le -
m e n t qu 'e l le les a tou jours jugés i n d i s p e n s a b l e s .


Cette nécess i té des petits s é m i n a i r e s es t d ' a i l l eurs
fondée s u r la n a t u r e des choses : il suffit d ' e x a m i n e r




A .M. i.K u n : m-: i*Fine; 1.1 .VA combien 11 importe de former de bonne heure les
j euues gens a n s habitudes ecclésiastiques ; de les p r é -server , dès le premier â g e , des dangers dn monde et du scandale des moeurs publ iques , d'étudier et de enl-ever cai eu\ ;e germe de vocation qu'ils peu-,eut avoir reçu do Dieu, de les appliquer enîin à des études spé-ciales et en rapport avec les fonctions sacrées qu'ils doivent remplir un j o u r , p o u r comprendre auss i tô t que i'bglis'' , rn éoduiscaol ces écoles , eu réglant tout ce qui co'istiir.e leur e x i s t e n c e , eu les entourant de joule ; a eo'uriPu's . n'a que céder à un impéi ionx besoin, qu'obéir au devoir qui lui est i m p o s j de former eite-mènic et de perpétuer son sacerdoce .


Mais leur existence avait précédé les lois elies-tuôme-;; b'S nés n e cent venues que pour fortifier un relevé:'des .'n.-d 'iui'o'u. dédà en v i g u e u r : il est facile-d; s'en convaincra '-a commuant les m o n u m e n t s de P h i - -
lOiiX' eccdésiasiique.


En cRVî, dès les premiers temps, des écoles cléricale-ilorissaient à Alexandrie, à H o m e , à H i p p o n e , et dans toutes les parties du m o n d e catholique : saint Léon le suppose lorsqu'il ordonne aux évoques d'Afrique que ceux-là RC 'uls soient promus au sacerdoce, qui auront passé leur \io e n t i è r e , clè» l-tirs premières xni"->'.<, dans les exercices de la discipline ecclésiastique '• Vprès les troubles des premiers siècles, dit le savant pape benoît \ ! V , et lorsque la tranquillité fut rétablie,
1 Yiiid L E S propres paroles de saint U ; m l e Gran>i, pape ' V sarl i - :
« ' S u n pruimivcDfH m u t 11 isi illi <|uorum o m n i s totas A p n e r i H b u *


<. n m i U x Î I S I J Iu' ait p r i m a u i e i c s a u n e - j,er disciplina: ceciesiast ica' Mt-
e iieuilia eucurrisset . »




un - M . ¡ M U : ¡ K M E T .


on s ' empressa d 'ér iger les s émina i r e s é p i s e o p a u x , d a n s
l e s q u e l s , s o u s les yeux de l ' é v o q u e , tes plus jeunes
itères deva ien t ê t re é levés et i n s t ru i t s j u s q u ' à ce qu ' i l s
eussen t a t t e in t l 'âge de r ecevo i r les o r d r e s s a c r é s ; et
d ' a p r è s le 55" c a n o n du conci le de "Virée, il e s ! ordonné '
a u x c h o r é v ê q u e s d 'é lever des clercs et de les d i s t r ibue r
d a n s les égl ises , et de v e i l l e r a ce qu ' i l s soient ins t ru i t s .
Vux siècles s u i v a n t s , il es t m o i n s ques t ion des sémi-


n a i r e s é p i s e o p a u x , p a r c e q u e , dit e n c o r e Jlenoît \IV",
on ér igea des collèges de clercs d a n s l ' i n t é r i eu r des m o -
n a s t è r e s .


Je sa i s , Monsieur le D u c , qu ' i l s 'es t élevé à cet égard
de r é c e n t e s con tes ta t ions : je n e viens p a s faire ici su r
ce po in t u n e d i s se r t a t ion s a v a n t e , je m e b o r n e à q u e l -
ques c i ta t ions d é c i s i v e s 1 ; ma i s si la nécess i t é et la


' J ' A I d é j à C ITÉ, S A I N T L É O N E T B E N O Î T X I V . L E S S O U V E R A I N S P O N T I F E S N E


S O N T P A S S E U L S À É L E V E R LA V O I X ; L E S C O N C I L E S P A R L E N T À L E U R T O U R .


« . N O U S O R D O N N O N S , D I L LE C O N C I L E D E T O L È D E [ : & " > ' ; , Q U E LES E N T A N T S


« D E S T I N É S À LA C L É R I C A T N R E S O I E N T I N S T R U I T S , i/ÉV 1,-urx première; nmfrs,


D A N S LA M A I S O N D E l 'égl ise, S O U S L 'O' IL D E L ' É V É Q U E , ET P A R LE C H E F '


'I Q U ' I L désignera A primis h faillite annis I N D O M O C C C L C S I A " , SUL>


" E P I S E O P A I I P R A S S E N T I A , A P U E P O S I T O SLL I I D E B O A U T E R U D I R I . ,>


I . E C O N C I L E D E V A I S O N ; V A S E U S E ' 5 2 ! ) , ALLAIT P L U S L O I N E N C O R E , ET O R -


D O N N A I T Q U E LA M A I S O N D E C H A Q U E P R É L I E D E V I N T E N Q U E L Q U E SORTE O N S É -


M I N A I R E , E T IL A T T E S T A I T Q U E C ' É T A I T L ' U S A G E U N I V E R S E L E N I T A L I E .


» L ' I A C U I T UT. nmnes P R E S B Y T E R I Q U I S U N T I N P A R O C L N I S E O N S T I T U T I , se-


• candum eomneludinem quam per lotom llaliam sot h x,itu!iritrr
•< terni eognov'mw, juniores teetorea senne in domo récipient, et
• ertnïirc eonteitdont. »


N O U S D E V I O N S A U I N O I N S R A P P E L E R C E S A N C I E N S M O N U M E N T S , P A R C E Q U E


P L U S I E U R S É C R I V A I N S ONT A V A N C É Q U E C E S O I N S P É C I A L D E L ' E N F A N C E C L É R I C A L E


É T A I T P O S T É R I E U R A U C O N C I L E D E T R E N T E . C E T I M M O R T E L C O N C I L E N 'A L'AIT, S U R


C E P O I N T , ( [ N E C O N T I N U E R I O N S L E S D É C R E T S D E S C O N C I L E S P R É C É D E N T S . V O I C I


S E S P A R O L E S :


FL N 'EST P A S P O S S I B L E <\w l a V Î M E S - E U S , S A N S U N E P R O T E C T I O N D E




spécialité des peti ts s é m i n a i r e s é t a i en t e n c o r e l'objet
d 'une contes ta t ion q u e l ' i gno rance seule p o u r r a i t excu -
ser , je m ' e n g a g e r a i s à p r o u v e r ce que j ' a v a n c e p a r t o n s
les m o n u m e n t s de l 'h is to i re ecc l é s i a s t i que .


Au res te , Monsieur le Duc , n o u s ne s o m m e s pas seuls
;i pense r a ins i s u r la néces s i t é d 'écoles spéc ia les a u s a -
c e r d o c e ; et voici c o m m e n t u n h o m m e d ' E t a t : , a u q u e l
une c o m m u n a u t é in t ime de s e n t i m e n t s et d ' idées vous
unit depuis l o n g t e m p s , d é m o n t r a i t pour' n o t r e é p o q u e
la nécessi té et la spécia l i té des écoles ecc lés i a s t iques ;


(. A d ' au t r e s é p o q u e s , q u a n d les c r o y a n c e s re l ïg ieu-
« ses é t a i en t t r è s -géné ra l e s et t r è s - p u i s s a n t e s , q u a n d
« les r a i sons m o n d a i n e s d ' e n t r e r d a n s la c a r r i è r e c e -
ci e lés ias l ique é ta ien t p u i s s a n t e s a u s s i , q u a n d cel le
« c a r r i è r e ouvra i t la voie à la f o r t u n e , au p o u v o i r , aux
« h o n n e u r s , je c o m p r e n d s pa r f a i t emen t q u e l'on n ' e û t
« aucun besoin d ' éco les ecc lés i a s t iques p r é p a r a t o i r e s ;
« je c o m p r e n d s p a r f a i t e m e n t q u e le clergé se r ec ru t a i
« n a t u r e l l e m e n t , s u f f i s a m m e n t , d a n s les écoles p u b l i -
» ques au milieu de l'éducation commune, et q u ' a l o r s
« en effet, sous de telles cond i t i ons s o c i a l e s , il va lû t
.c b e a u c o u p m i e u x cl p o u r la société et p o u r le clergé


« Dieu Irr—puissante cl lou le part icul ière , se perfectionnent H ;><'>•"-
» r r r v n f dans Ut discipline ecclésiastique, s'ils n'uni pas c lé t o n n e s a
« la pieté et à la religion d e ; leur tendre jeunesse, avant que les
« hahitudes des vices les possèdent en t i èrement ; le saint eonc i i eordonne


que toutes les égli.-cs ca thédra les , métropo l i ta ines et autres tt ipé-
rieures n celles ci , c h a c u n e se lon la m e s u r e de ses facultés et l ' é l cn-


« due de son d iocèse , seront tenue* et obligées" de nourrir cl é lever dans
« la piété cl d'instruire dans la profession et discipl ine ecc lés ias t ique ,
« un certain nombre d'entants tic leur vdle et d iocèse , ou de leur pro-
« \ in ce. »


1 i l , Uni /ot .




• S K C . O X n i. i l - i T K K


ìn'-ìiiOmc- q u e les écoles p u b l i q u e s fussent k-s écoles
ecc lés ias t iques p r é p a r a t o i r e s , et q u e Bossue!. u';t élevé
à còlè, d a g rami C o u d é .
: . ' ' cn lemls cela à merve i l le , j e lo r é p è t e , d a n s uu


é ta l de sociélé o ù les c r o y a n c e s re l ig ieuses é ta ien t
g é n é r a l e s et p u i s s a n t e s , où la c a m e r e ecc lés ias t ique
é la i l une c a r r i è r e br i l lan te qui a t t i ra i t un g rand nom-
b r e d ' a s p i r a n t s .


<•. "liais a u j o u r d ' h u i , .Messieurs , r ega rdez a u t o u r V I E
v o u s , il u'} a r i e n , a b s o l u m e n t rien de scmblab l f .
D ' u n e p a r t , l ' e m p i r e des c r o y a n c e s re l ig ieuses s 'est
p r o d i g i e u s e m e n t affaibli ; d ' au t r e p a r t , les mol l i s
m o n d a i n s , les motifs de fo r tune et de pouvo i r qui a t -
t i ra ien t autrefois t an t d ' h o m m e * d a n s Ja c a r r i è r e
e c c l é s i a s t i q u e , ces motifs n ' ex i s ten t p in s ; en sor te
q u e ni. les c o n s i d é r a t i o n s m o r a l e s , ni les c o n s i d é r a -
t ions m o n d a i n e s qu i autrefois r e c r u t a i e n t n a t u r e l l e -
m e n t et faci lement le c l e r g é , ne se r e n c o n t r e n t p lus
d a n s la soc ié té ac tue l le .
:i C e p e n d a n t , Mess ieurs , l ' e m p i r e des c r o u m c e s r e l i -
g ieuses n ' es t p a s m o i n s n é c e s s a i r e a u j o u r d ' h u i qu 'à
d ' a n t r e s é p o q u e s ; je n ' hés i t e ra i pas m ê m e à dire
qu ' i l est p lu s n é c e s s a i r e que j a m a i s : n é c e s s a i r e
p o u r r é t ab l i r , n o n - s e u l e m e n t d a n s la société , mais
d a n s les â m e s , l ' o rd re el la pais qui sont si profon-
d é m e n t a l t é r é s . . .
« îl es t d o n c p o u r ce t te société-ci d u pins g r a n d in t é -


R E I, cl d 'un in t é rê t p lus g rand que j a m a i s , s'il est
poss ib le , d ' e n t r e t e n i r avec so in , de p r o p a g e r IVmpiro
des c r o y a n c e s r e l i g i e u s e s ; et si l 'établiss* meni des
écoles s e c o n d a i r e s ecc lés i a s t iques p r é p a r a t o i r e s est
r e c o n n u n é c e s s a i r e au r e m u e m e n t d u c l e r g é , à la




• M . i.h 1)1 C i ) E l i l î O l . l . l K.


' p ropaga t ion des c r o y a n c e s cl do l 'mlUienee r e -
ligieuses , ,jo dis q u e ces éco l e s , q u a n d l)ieu m é m o


*. elles a u r a i e n t élit à d ' a u t r e s é p o q u e s u n e ins t i tu t ion
peu i i é eos sa i r e , s e r a i en t a u j o u r d ' h u i d ' u n e nécess i t é


a p r e s s a n t e ; qu ' i l y a là u n e ins t i tu t ion que m m - s e n l c -
•( n u m i il faut l a i s se r n a î t r e d ' e l l e - m ê m e , m a i s à l a -
ti quel le la soc ié té et les p o u v o i r s pub l i c s doivent p r ê t e r
s leur appu i .


". Kh bien ! je suis conva incu , p o u r m o n c o m p t e , q u e
• le r jerge a besoin a u j o u r d ' h u i d e c e m o y e n de r e c r u -
• t emoni ; que ce r e c r u t e m e n t , autrefois n a t u r e l , facile,


•i pu isqu ' i l s 'opéra i t à la faveur de l ' emp i r e des c r o y a n c e s
s re l ig ieuses , cl aussi des s é d u c t i o n s m o n d a i n e s a t t a -


chées à la c a r r i è r e e c c l é s i a s t i q u e , ne s ' opéran t p lus
> a u j o u r d ' h u i de la m ê m e m a n i è r e , avec la m ê m e faci-


l i t é , la m ê m e c e i i i t u d e , il est n é c e s s a i r e q u e des
ins t i tu t ions p a r t i c u l i è r e s , o rgan i sées d a n s ce b u t ,
v ienneul supp lée r à l ' absence des a n c i e n s m o y e n s de


i r e c r u t e m e n t du clergé.


« ,1e ma in t i ens d o n c en p r inc ipe c o m m e b o n n e , u t i le ,
•i nécessa i re à la socié té ac tue l l e , et d ' une t r è s - h e u r e u s e
•< influence , l ' exis tence des écoles s econda i r e s ece l é -
•i s ias l iques . »


îles ban ie s c o n s i d é r a t i o n s , Monsieur le Duc, si j u s t e s
j ce r ta ins é g a r d s , c l Irop sévè res aus s i s o u s d ' au t r e s
r appor t s , ne vous semblent -e l les pas la r é p o n s e la plus
pé remplo i r e à ceux qui ont p a r l é et qui p a r l e n t e n c o r e
a u j o u r d ' h u i , de p l ace r les écoles ecc lés i a s t iques s o u s
l 'empiri ; de ce qu ' i l s appe l l en t le droit commun'/ Qu'il
me soit p e r m i s , tou te fo is , d ' e x p o s e r ics r a i s o n s p r a t i -
ques et décisives p a r l esque l les il i m p o r t e de n e pas
laisser un doute sin' la i n c e s s i l e et la spécia l i té des peti ts




G j SKCOX. ] ) K i . l . ï 1 l i i .


s é m i n a i r e s , ol de m o n t r e r j u s q u ' à quel point ei dans
que l sens ils son t des écoles spéc ia les et néces sa i r e s au
s ace rdoce .


Sans cont red i t , Mons ieur le Duc , il est des p r inc ipes
s imples et ce r t a ins qu i sont le f ondemen t de toute b o n n e
éduca t i on , et q u ' o n su iv ra t o u j o u r s , t a n t q u ' o n s 'en
t i e n d r a aux l eçons de l ' expé r i ence et aux l u m i è r e s d 'une
s a ine ph i l o soph i e . Mais q u o i q u e ces p r inc ipes soient
i n v a r i a b l e s , et que tou t e m a n i è r e d 'é lever la j eunes se
qui s 'en é lo igne soit n é c e s s a i r e m e n t vic ieuse, il n ' e n est
p a s mo ins vra i qu ' i l faut é lever c h a c u n p o u r l 'é tat a u -
que l il est appe lé , et lui d o n n e r de b o n n e h e u r e des
goû t s , des i nc l ina t ions , des h a b i t u d e s qu i lui en r e n -
den t un j o u r les devo i r s faciles à r empl i r .


J e le s a i s , Monsieur le Duc, il y a u n g r a n d mot dont
on e s saye de faire un é t r a n g e a b u s con t r e n o u s ; je
l 'ai déjà p r o n o n c é : Vous n ' ê t e s p a s , n o u s di t -on, daim
le, droit commun.


J ' a u r a i s b ien des choses à d i re su r ce poin t , b ien des
ques t i ons à fa i re . Et d ' a b o r d , qu ' e s t -ce q u e le dro i t
c o m m u n d o n t on p a r l e , et a u q u e l on veut n o u s s o u -
m e t t r e ? Est-il b ien fixé, bien défini? Ne d o n n e - t - o n pas
ce n o m depu i s q u a r a n t e a n n é e s à un m o n o p o l e in to lé -
r ab l e ? Mais la i ssons ces choses .


De b o n n e foi p e u t - o n d i re q u e les pet i t s s émina i r e s
son t d a n s l ' except ion , le p r iv i l ège , et p l acés en d e h o r s
du dro i t c o m m u n , p a r c e qu ' i l s on t n é c e s s a i r e m e n t u n e
spécia l i té auss i b ien q u e les écoles de m a r i n e , que les
écoles m i l i t a i r e s , q u e les écoles indus t r i e l l es et c o m -
merc i a l e s ?


Q u a n d l 'Univers i té r é c l a m e p o u r e l l e - m ê m e n o n -
s e u l e m e n t l ' except ion et le privi lège, m a i s le m o n o p o l e ,




A M. L E D l ' C OE R R O G I . I E .


et qu 'el le Jivro en ce m o m e n t les d e r n i e r s c o m b a l s
p o u r Je conse rve r , c o m m e n t p e u t - o n de b o n n e foi n o u s
accuser de voulo i r é c h a p p e r au d ro i t c o m m u n p a r le
privi lège, n o u s qui ne r é c l a m o n s , au n o m de la n é c e s -
sité et de la spécia l i té de nos écoles , q u e le d ro i t c o m -
m u n à t ou t e s les écoles spéc ia les d e p r é p a r e r l eu r s su-
je ts aux c a r r i è r e s d iverses qui les a t t e n d e n t ?


Les peti ts s émina i r e s son t clans les a t t r i bu t i ons d u
min i s t è re de la jus t ice et des cul tes ; les écoles don t j e
viens de p a r l e r sont d a n s les a t t r i bu t i ons du m i n i s t è r e
do la g u e r r e , de la m a r i n e , de l ' ag r icu l tu re et du c o m -
merce : peu t -on d i re q u e tou tes ces écoles son t d a n s le
p r iv i l ège , et qu 'e l les d e m e u r e n t eu d e h o r s du dro i t
c o m m u n pa rce qu 'e l les ne d é p e n d e n t p a s de l 'Ln ive r -
sité ?


Il y a ici, Monsieur le Duc, u n e d é p l o r a b l e m é p r i s e ,
. ' e s t le m o i n s q u e je pu i s se d i re . E n c o r e si le m o n o p o l e
un ivers i t a i re étai t le d ro i t c o m m u n d a n s l ' o rd re et la
jus t ice , je concevra i s p e u t - ê t r e le r e p r o c h e ! Mais n ' e s t -
il pas évident d ' a i l l eu r s , p u i s q u e toutes les c a r r i è r e s
spéciales et p u b l i q u e s on t l e u r s écoles spéc ia les , q u e la
spéciali té à l aque l le on d o n n e le n o m od ieux d 'excep-
t ion et de pr ivi lège n 'es t p lus ici que la l iber té d a n s
l ' o rd re , la spécia l i té des voca t ions et des fonct ions d i -
verses dans l ' h a r m o n i e socia le?


Nous n e re fuser ions p a s le dro i t c o m m u n , si Je d ro i t
c o m m u n devena i t j amais e t devai t d e m e u r e r u n e l i-
ber té s incère , qui n o u s p e r m î t de c o n s e r v e r la spéc ia l i t é
essent iel le à nos pet i ts s é m i n a i r e s .


Mais si le dro i t c o m m u n , que l qu ' i l soit, c o m p r o m e t
la n a t u r e et le bu t des écoles e c c l é s i a s t i q u e s , v o t r e
hau te impar t i a l i t é doi t c o m p r e n d r e q u e n o u s n e p o u -


i. 'j




S E f. O N II F. L E T T R E


v o u s l ' accepter . Si ce dro i t c o m m u n d o n n e à l ' au to r i t é
l a ïque u n e ac t ion in t ime s u r le g o u v e r n e m e n t sp i r i tue l
des pe t i t s s é m i n a i r e s et s u r l ' éduca t ion ecc lés ias t ique
de l eu r s é lèves ; si n o s r è g l e m e n t s r e l i g i e u x , si nos r è -
g l e m e n t s d i sc ip l ina i res cl n o s exe rc i ces de p ié té , si nos
p r o g r a m m e s d ' e x a m e n , n o s l ivres d ' é tude et n o s a u -
teurs c l a s s iques do iven t n o u s ê t re i m p o s é s p a r des
h o m m e s é t r a n g e r s à tout ce qu i cons t i tue la vie et la
d i rec t ion i n t ime de l ' éduca t ion e c c l é s i a s t i q u e ; si des
l iv res et des a u t e u r s c o n d a m n é s p a r l 'Église p e u v e n t
ê t r e p l acés de force d a n s les m a i n s de nos é l èves ,
c o m m e ils l 'ont é té et le sont e n c o r e a i l l e u r s ; en un
m o t , Mons ieur le Duc, s'il est q u e s t i o n , c o m m e je le lis
d a n s u n r a p p o r t cé l èb re p r é s e n t é à la C h a m b r e des-dé-
p u t é s , de donner au gouvernement action sur l'éduca-
tion du clergé : si c'est l'Etat qui doit régir et gouverner
les petits séminaires, nommer les directeurs, supérieurs
et professeurs; s'il est ques t i on , c o n t r a i r e m e n t à la p e n -
sée de M. Guizot , de je te r nos é lèves dans les écoles pu-
bliques et dans l'éducation commune, et de faire faire u
la jeunesse ecclésiastique et à la jeunesse laïque H
'mêmes éludes, sous lu même loi et aux mêmes conditions :
s'il est ques t ion de donnera l'Université une action plus
ou moins directe sur l'éducation du clergé, desuumcltrc
les petits séminaires au régime de l'Université, comme
avait fait le législateur de 1801) ; si c 'est là , de p rès o n
de loin, d i r e c t e m e n t ou i n d i r e c t e m e n t , le d ro i t c o m -
m u n a u q u e l on veu t n o u s s o u m e t t r e , n o u s le r epous -
sons , p a r c e q u ' e n a n é a n t i s s a n t la spécia l i té des peti ts
s é m i n a i r e s , il por tèrent un coup mor te l à l ' éduca t ion
s a c e r d o t a l e , et p a r su i t e , r u i n e r a i t infai l l ib lement le
s a c e r d o c e en F r a n c e .




A M. I .K DUC; « R O G I . I K . tr


Je le sais , n o u s avons des é tudes c o m m u n e s avec les
écoles un ivers i t a i res . Mais q u ' o n ne s'y t r o m p e pas : si
nous é lud ions , c o m m e d ' a u t r e s , les l a n g u e s et les l i t t é -
r a t u r e s g r e c q u e et la t ine , ce n ' es t p a s s e u l e m e n t p a r c e
qu 'e l les sont les p lus bel les l a n g u e s q u e l ' h o m m e ait
j a m a i s p a r l é e s , les archives immor t e l l e s des p l u s m a -
gnifiques c r éa t i ons de l 'espr i t h u m a i n , ni p a r c e q u e
c h a c u n e d'elles a été , à sou tour , le l ien u n i v e r s e l des
peuples et le l angage de la plus h a u t e c ivi l isat ion :
nous les é lud ions surtout p a r ce qu 'e l les son t p o u r n o u s
deux langues nécessaires, d e u x l angues sa in tes . Ce
sont les l angues de l 'Église catholique, de l 'Église g r e c -
que , de l 'Église la t ine . Noire l i turg ie , n o s c a n o n s , t o u s
nos Pères, Ions nos c o n c i l e s , nos l ivres sa in t s e u x -
m ê m e s , sont écr i t s d a n s ces l angues . L ' ex i s t ence de la
sociélé l a ïque ne lient pas à l ' é tude du grec et du lat in :
la sociélé spirituelle, l 'Église, ne peut s'en passe r . La
divine p rov idence a confié à ces l angues le s ac ré dépô t
de nos t r ad i t ions : elle a fait de l ' une d 'e l les s u r t o u t
l ' o rgane p e r m a n e n t d u Ca tho l i c i sme : c 'est d a n s cet te
l a n g u e é ternel le qu'i l p r o n o n c e ses o rac le s , qu ' i l a
t o u j o u r s par lé et qu ' i l parle e n c o r e à Ions ses enfants
d i spersés su r la surface du globe.


Vous faites faire la philosophie en f rançais ; n o u s ne
vous en b l âmons pas . Le lat in, n o u s le r e c o n n a i s s o n s ,
vous est m o i n s nécessaire qu ' à n o u s , et vous p o u r r i e z le
négliger avec m o i n s de périls; mais si la ph i lo soph ie
s 'enseignail , chez nous c o m m e chez v o u s , en l a n g u e
vulga i re , ou si nos é lèves , selon vos ex igences , devaient
la l'aire dans vos m a i s o n s , voici ce qu i en adviendrait
infai l l iblement :


Ces j eunes gens p e r d r a i e n t l ' h ab i t ude de la l a n g u e c e -




(18 S E C O N D E L E T T R E
c lés ias t ique , qu i ne se ra i t b i en tô t p tus p o u r eux q u ' u n
id iome p r e s q u e é t r a n g e r La d é s u é t u d e et pa r su i t e
le dégoû t de la l angue a m è n e r a i e n t l ' é lo ignemen l de
l ' é ta l : n a t u r e l l e m e n t les j e u n e s gens se p o r t e r a i e n t
p lu tô t vers u n e c a r r i è r e don t les é t u d e s ne l e u r offri-
r a i e n t p a s de pare i l les difficultés, et ainsi se p e r d r a i e n t
les v o c a t i o n s . Il n 'y a u r a i t q u ' u n m o y e n d 'évi ter ces
g r a v e s i n c o n v é n i e n t s ; m a i s ce se ra i t pa r un i n c o n v é -
n i en t p lus g rave e n c o r e , p a r u n e vér i t ab le imposs ib i l i té .
La théologie se ra i t c o n d a m n é e à s ' ense igne r en f ran-
ça is , et à r e n o n c e r à sa l a n g u e p r o p r e , p a r la difficulté
q u ' a u r a i e n t les é lèves à la pa r l e r et m ê m e à la c o m -
p r e n d r e : et de là les sa in t s Pè res nég l igés , les conci les
i g n o r é s , les déc re t s des s o u v e r a i n s pont i fes et tou tes
les lois de l 'Église à p e u p r è s i n c o n n u s , tous les p lus
g r a n d s théo log iens , t ous les m o n u m e n t s les plus s avan t s
de la d isc ip l ine et de l ' h i s to i re ecc lés ias t iques la i ssés
d a n s l 'oubl i , la sc ience c a t h o l i q u e tout en t i è re a b a i s -
sée.


Sans d o u t e ces c o n s é q u e n c e s n ' o n t pas été p r é v u e s
ni v o u l u e s p a r c eux qu i i n v o q u e n t c o n t r e n o u s le droit
commun et a t t a q u e n t la spécia l i té de nos é c o l e s : il est
difficile, m ê m e avec la c o n s c i e n c e la p lus d ro i t e , de pa r -
ler j u s t e su r des c h o s e s a u x q u e l l e s on est nécessa i r e -
m e n t é t r a n g e r . Et j e le dis sans r e p r o c h e : il est t r ès -
p r o b a b l e q u e si je vou la i s p a r l e r des affaires de la
g u e r r e et de la m a r i n e , avec la me i l l eu re foi du m o n d e


' C 'est ee que n o u s é p r o u v o n s pour le petit nombre d'aspirants qui
arrivent dans les grands s é m i n a i r e s , après avoir fait leur ph i losophie
d a n s un é tab l i s sement rmh ersitaire : ou est t rès - souvent obligé de la
leur faire reprendre en latin : p lus ieurs reculent devant c e l l e n é -
cess i té .




A M. i.K DIT, 1 ) K HttOGUE.


et tes in ten t ions les p lus p u r e s , il m ' a r r i v e r a i t inévi ta-
b lemen t de t o m b e r d a n s des e r r e u r s et des i m p r é -
voyances , c o m m e celles q u e je v iens d ' i nd ique r . Celte
obse rva t ion , don t la nécess i t é se fera sen t i r p l u s i e u r s
fois e n c o r e dans le c o u r s de cet écr i t , m ' a s s o c i e au r e -
gret que M. le b a r o n de Frévi l le exp r ima i t d e r n i è r e m e n t
à la t r i bune de la C h a m b r e des P a i r s , lo r squ ' i l disai t :


« rVaurail-ou pas eu l ' e s p é r a n c e de p r é v e n i r , au
« mo ins en g r a n d e pa r t i e , tant de déba t s su r l e sque l s
« nous g é m i s s o n s , si , au l ieu de c o n c e n t r e r la p r é p a r a -
« l ion du pro je t de loi d a n s l ' i n t é r i e u r du m i n i s t è r e de
« l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e , on avai t suivi u n e m a r c h e q u e
« l 'on a adop tée souven t et avec s u c c è s d a n s des o c c a -
« s ions i m p o r t a n t e s , si l'on ava i t confié ce g r a n d o u -
« vrage a u n e commiss ion où le c lergé , la m a g i s t r a t u r e
« et l ' admin i s t r a t ion a ien t été r e p r é s e n t é s auss i b ien
« q u e l 'Univers i té . »


Je con t inue , Mons ieur le Duc, à vous d é m o n t r e r la
spécial i té de nos peti ts s émina i r e s . Sans d o u t e elle n ' e s t
p a s de la m ê m e n a t u r e q u e celle des écoles c o m m e r -
cia les et indus t r ie l les : elle n ' e s t pas s e u l e m e n t u n e spé -
cialité l i t té ra i re , elle est auss i , elle est s u r t o u t u n e s p é -
ciali té re l ig ieuse et m o r a l e ; et devenan t ainsi p lus i m -
p o r t a n t e et p lus h a u t e , elle n ' en est q u e p lus réel le et
p lus profonde . Ici , Mons ieur le Duc , je sens le beso in de
r e m o n t e r à des p r inc ipes s u p é r i e u r s , à des c o n s i d é r a -
t ions généra les qu ' i l est n é c e s s a i r e de n e pas p e r d r e de
vue , pa rce qu ' i ls d o m i n e n t t o u t e la ques t ion .


Que les p r e m i è r e s i m p r e s s i o n s , Mons ieu r le Duc ,
soient les p lus p ro fondes et les p lus d u r a b l e s , c 'es t u n e
véri té que p e r s o n n e n ' a j a m a i s con tes t ée , m a i s don t on
ne sait p a s tou jours t i r e r les c o n s é q u e n c e s p r a t i q u e s .




•il S E C O N D E L E T T R E
D e l à naî t u n e l o i , !rop sévère peu t - è l r e a u j o u r d ' h u i
p o u r les m œ u r s p u b l i q u e s , u n e loi de sagesse el de cir-
conspec t ion imposée à q u i c o n q u e s ' a p p r o c h e de l 'en-
fance et lui doit des l eçons et des e x e m p l e s .


Telle est , en eil'et, la m a r c h e de la n a t u r e ; veuillez le
bien c o n s i d é r e r , Mons ieur le Duc, et q u e les h o m m e s
g raves qu i vont b i en tô t p r o n o n c e r s u r des intérêts si
h a u t s et si s a c r é s , n e déda ignen t pas d'y réfléchir : dès
q u ' u n enfant c o m m e n c e à conna î t r e el à sent i r , son e s -
p r i t et son c œ u r ont beso in d 'un a l imen t qu i ies nou r -
r i s se , et cet a l imen t q u e l c o n q u e se c h a n g e en sa s u b s -
tance . Les idées , les i m a g e s , les affections qu i o c c u p e n t
ses p r e m i è r e s a n n é e s , forment en pa r t i e la t r e m p e de
son c a r a c t è r e , et, p o u r ainsi d i re , le fond de son â m e .
Tand i s que ses sens et son imag ina t ion sont p le ins de
ce qu ' i l voi t , de ce qu ' i l e n t e n d et de ce qu ' i l obse rve ,
se fo rme en s i lence p o u r lui la règle des m œ u r s et le
mob i l e des ac t ions : sa v ie , sa m o r a l i t é , Je p lus souven t
sa voca t ion , se déc iden t .


Donc, cho i s i r avec u n e sévère d iscré t ion les objets
qu i les p r e m i e r s f r appe ron t ses r e g a r d s , f ixeront son
a t t e n t i o n , et su r l e sque l s s ' exe rce ra la sensibi l i té de
son c œ u r : voilà ce q u e devra i t ê t re l ' éduca t ion de la


j e u n e s s e , et voilà, j e le dis s a n s a m e r t u m e , ce que de-
pu i s l o n g t e m p s elle n ' es t p lus p a r m i nous . Je ne v iens
ici a c c u s e r p e r s o n n e •. je ne viens poin t s u r t o u t faire le
p r o c è s à l ' L n i v e r s i t é ; m e s accusa t i ons p o r t e n t p lus
hau t , et p lu s loin qu ' e l l e , et lui se rv i ra ien t peut -ê t re
d ' excuse .


Mons ieur le Duc, je n 'ai a u c u n dro i t p o u r juger m o n
p a y s el m o n siècle, m a i s j ' a i e n t e n d u re t en t i r d a n s n o s
g r a n d e s a s s e m b l é e s des a v e r t i s s e m e n t s so l enne l s a u x -




A M. L E liVC. D E i J U O C L I E. 71


quels j ' a i d û p r ê t e r u n e oreil le attentive, c o m m e tous
l 'ont fait, et je, ne suis q u ' u n faillie écho de ce q u e
M. i ioyer-Collai 'd ne c ra igna i t pas d e p r o c l a m e r il y a
b ien peu d ' années e n c o r e : « L e m a l est g r a n d , Mes-
'( s i e u r s ; je le sa is , je le dép lo r e avec v o u s . . . ou i , Mes -
« s i eu r s , le m a l est g r a n d , il es t infini ; loin de m o i de
« t r i o m p h e r a le d é c r i r e ! Mais es t - i l d ' h i e r ? 11 y a,
« Messieurs , u n e g r a n d e école d ' i m m o r a l i t é o u v e r t e cle-
« pu i s cinq l iante a n s , don t les e n s e i g n e m e n t s r c l e n t i s -
a sent au jou rd ' hu i d a n s le i n o n d e en t i e r . . . de t t e école ,
a ce sont les é v é n e m e n t s qu i se sont a c c o m p l i s p r e s q u e
« sans re lâche sous n o s y eux . Le r e s p e c t est é t e in t , d i t -on!
si TVien ne m'afflige, ne m ' a t i r i s i e d a v a n t a g e . . . Qu 'a- l -on
« r e spec t é d e p u i s c i n q u a n t e ae.s ? Les c r o y a n c e s son t
« déir iu ' les : Mais elles se son t dé t ru i t e s , elles se son t
" bai tues eu r u i n e les u n e s les a u t r e s . Celle é p r e u v e est
<; t rop forte, p o u r l ' h u m a n i t é , elle y s u c c o m b e . »


O u i , le respect est éteint parmi nous, et r i en n ' e n
souffre peu t -ê t re p lus q u e l ' éduca t ion de la j e u n e s s e .
Après de si g raves p a r o l e s , j e crois avo i r le droit, de le
d i re , on s 'est d e p u i s t r op l o n g t e m p s exercé à t ou t m é -
p r i s e r , à tout p r o f a n e r , p o u r q u ' o n r e s p e c t e e n c o r e
l 'enfance. Trop s o u v e n t l 'enfant n e t r o u v e p lu s de sû-
re té là m ê m e où il vient r ecevo i r les l eçons de la v é r i t é
et d e l à v e r t u : la forte d isc ip l ine u n i v e r s i t a i r e à l a -
quel le je ne refuse p a s de r e n d r e h o m m a g e , ne suffit
pas à le p r o l é g e r ; un po i son m o r t e l , p é n é t r a n t l ' infor-
tuné sans qu ' i l le sen te , va t rop s o u v e n t dé t ru i r e d a n s
son c œ u r le g e r m e m ê m e de la v e r t u ! Ainsi s ' a l t è ren t
les dons de la n a t u r e ; et ce qu 'e l l e fil p r o p r e a u x
grandies choses dégénè re p a r l ' é d u c a t i o n , et ne peu t
plus s'y élever q u ' a v e c effort.




S E C O N D E L E T T R E


Dans l 'état de nos m œ u r s , i! se ra i t à s o u h a i t e r p o u r
J 'enfancc, Mons ieur le Duc, q u ' o n pû t faire avec ses fa-
cul tés na i s san t e s un pac te qui s u s p e n d i t l eu r s p r o g r è s
et les r e t în t ois ives aussi l ong t emps qu ' e l l e s ne pou r -
r a i e n t se déve loppe r s a n s danger . Des â m e s t ou t e s
n e u v e s , n o n exe rcées et v ides de tout, sont b ien m o i n s
é lo ignées de la sagesse q u e celles qu i on t recuei l l i et
qui p o r t e n t en elles des s e m e n c e s perf ides. Aussi lors-
q u e n o u s r e c e v o n s des enfants dont les p r e m i è r e s a n -
nées se son t pas sées loin des r e g a r d s et des soins de la
re l ig ion , le plus s o u v e n t n o u s s o m m e s c o n d a m n é s à d é -
p l o r e r l ' insuffisance de n o s efforts p o u r c o m b a t t r e et
d é t r u i r e les v ic ieuses i m p r e s s i o n s du d é b u t de l eu r v i e :
et n o u s s o m m e s rédu i t s à n o u s a p p l a u d i r c o m m e d 'un
succès en t ie r l o r s q u e n o u s p a r v e n o n s à g u é r i r le mal
déjà fait.


S'il é ta i t u n e na t ion don t l 'esprit, géné ra l fût p o r t é à
ce qu i est bon e t h o n n ê t e , s a n s dou te les m œ u r s p u -
b l i q u e s s e r a i e n t a lors u n e t r o p b o n n e école p o u r en
é lo igne r la j e u n e s s e : m a i s en a t t e n d a n t tles j o u r s p lus
h e u r e u x , n o u s n e c o n s e n t i r o n s jamais] à voi r l 'enfance
su r l aque l le r e p o s e l ' aven i r d u s a c e r d o c e cl tou tes les
e s p é r a n c e s de l 'Église, é c a r t é e des asiles où il y a en -
co re du respec t , où se p e r p é t u e n t e n c o r e les b o n s
e x e m p l e s et les b o n n e s m a x i m e s ; où p e u v e n t se fo rmer
e n c o r e des â m e s g r a n d e s et v e r t u e u s e s p a r goû t , p a r in-
c l ina t ion , p a r u n e sor te d ' h e u r e u s e n é c e s s i t é , p a r c e
q u e les p ré jugés c o m m u n s , a i l leurs si r e d o u t a b l e s , là
c o n s p i r e n t t o u s en faveur de la ve r tu , p a r c e q u e r i en
n'affaiblit l eu r ac t ion et n e b a l a n c e l e u r au to r i t é !


Oui , Monsieur le D u c , la re l igion r é c l a m e dès l 'âge
le p lus t e n d r e ceux qu i s e r o n t u n j o u r ses m i n i s -




,\ M . o n ; ni- : i J H O c i . u ;
1res, et c'est avec raison q u e la soc ié té les lui confie.


L 'éducat ion oui p r é p a r e à u n é ta t g r a n d et s u b l i m e ,
et qui doit former des h o m m e s p lus d é v o u é s et p a r c o n -
séquen t plus parfai ts , n ' e s l - e l i c pas sans con t r ed i t la
plus difficile de tou te s? 11 faut d o n c la c o m m e n c e r de
b o n n e h e u r e ; a u t r e m e n t l ' œ u v r e se ra i t imposs ib le .
Croyez-en n o t r e expérience : il faut q u e les premiers
regards de ces enfants , des t inés fi de si sa in tes et si
g randes choses , se r e p o s e n t a u s a n c t u a i r e avan t d ' avo i r
vu le scanda le des moeurs du siècle. 11 faut q u e la re l i -
gion épie le p r e m i e r éveil de leur r a i son naissanle p o u r
l 'éc la i rer . Il faut qu 'e l le les p r é p a r e de longue m a i n à
ses g r a n d e u r s , et auss i a u x ( 'preuves de l e u r aven i r e t
aux péri ls de l eu r s a c e r d o c e .


Un l'a dit : pour p o r t e r le c a r a c t è r e sacerdotal, c 'es t -
à -d i re p o u r se d é v o u e r tous les j o u r s de la v ie , il faut
ê t re né g rand ou le deven i r : des cœurs vu lga i r e s , des
ca rac t è r e s fa ib les , des espr i t s a b a t t u s , u n e é d u c a t i o n
c o m m u n e n'y suffiraient pas ; a u j o u r d ' h u i s u r t o u t , les
peuples d e m a n d e n t a u t r e chose à l eu r s p r ê t r e s , et avec
r a i son .


Inspirer l 'amour d'une vie s é r i euse et app l iquée , avec
laque l le s 'al l ient un j o u r la sa in te té des m œ u r s et la
fidélité aux devo i r s les plus g raves ; exc i te r le goû t des
le t t res saci 'ées , et l ' a r d e u r p o u r ces be l les et sa in tes
c o n n a i s s a n c e s qui furent tou jours u n des p lus nobles
apanages de l 'Église; cul t iver et d i r iger les p a s s i o n s
d a n s le t emps favorab le , de façon qu 'e l les se la i s sen t
ma î t r i s e r , et q u e , loin d 'ê t re j a m a i s un obs tac le a u b i e n ,
elles d e v i e n n e n t l ' i n s t r u m e n t ut i le d'un zèle s û r cl
é c l a i r é ; fo rmer à ce savoir-vivre qui cons is te à se con-
traindre s o i - m ê m e , s a n s contraindre les autres, et qui




71 SECONDE L E T T R E


éb lou i ! m o i n s p a r les bel les m a n i è r e s , qu ' i l n'édifie p a r
les \ e r l u s et la s impl ic i té : en un mo t , sous les ausp ices
d ' une disc ipl ine é g a l e m e n t d o u c e et forme, constituer
et m a i n t e n i r de fortes é l u d e s , en m ê m e t e m p s q u e des
m œ u r s p u r e s , u n e docil i té g é n é r e u s e , u n e foi éc la i rée
et u n e piété fervente : tel est le bu t , tels sont les m o y e n s ,
telle est l ' œ u v r e de l'éducation ecclésiastique, telle es t
la spécialité des pet i t s s é m i n a i r e s .


Et je ne puis m ' e m p ê c h e r , Mons ieur le Duc, de le d e -
mandée ' ici en pas san t , n ' e s t - c e pas là une belle œuvre ?
P o u r q u o i d o n c ne pourrions-nous p a s nous y d é v o u e r
librement ? N 'es t -ce p a s là r e n d r e un noble serv ice à
mi t r e p a y s ? V e s l - c o pas travailler à r é s o u d r e , pour
no t re pa r t , 1: g r a n d p r o b l è m e de l ' éduca t ion p u b l i q u e ?
Vos l -eo p a s d i g n e m e n t a c q u i t t e r n o t r e dette cm ers l 'É -
glise et e n v e r s la pa t r i e ?


Oui , ci j ' a i eu occas ion de le p r o c l a m e r , c 'es t p lu s ,
c'est m i e u x e n c o r e : g râce à l ' h e u r e u x m o u v e m e n t des
espr i t s incl inés à des r a p p r o c h e m e n t s depu i s l ong t emps
dés i r ab l e s , p a r le beso in de s'entendre cl de s ' en t r ' a ide r ,
et p e u t - ê t r e aus s i p>ar u n e force supérieure el d iv ine ,
c 'est t ravai l le r à r e n o u e r la n o b l e et an t i que a l l iance ,
i n d i g n e m e n t r o m p u e au d e r n i e r siècle, en t r e la foi et les
l e t t r e s , c id re la rel igion e l l e s sc iences , e n t r e la vertu
el les a r t s , et p a r c o n s é q u e n t en t r e la France, et son
s a c e r d o c e , e n t r e l 'Église et la patrie, !


Car , il r e s t e à faire ici u n e observation d ' u n e grave
i m p o r t a n c e d a n s la p r a t i q u e . On c o m p r e n d sans pe ine
(et l ' expér ience des g r a n d s c o m m e des petits s émina i r e s
le d é m o n t r e d 'a i l leurs ) , q u e Ions ceux qui se p r é s e n t e n t
d a n s ces p ieuses m a i s o n s p o u r y recevo i r cel le forte et
sa in te éducation, n ' a r r i v e n t p a s tous au s a c e r d o c e : les




A M. ].!•: iti'(.: !»!•; i m o G L I E . :Ò


uns m a n q u e n t le bu t pa r défaut de fidélité et de c o u -
rage ; les a u t r e s , pa rce q u e Dieu l eu r r é s e r v e d ' a u t r e s
dest inées . Kl il n 'y a r ien ici qu i doive a t t r i s t e r ni s u r -
p rend re . La p r e m i è r e é d u c a t i o n est le t emps de l ' exa-
men et de l ' é p r e u v e : c'est a lo r s q u e , sous l ' inf luence
d 'une d i rec t ion p r o f o n d é m e n t c h r é t i e n n e , le g e r m e de
la voca t ion sacerdo ta le , si Dieu l'a v é r i t a b l e m e n t déposé
d a n s le c œ u r , peu t se déve lopper .


Celle vocat ion sub l ime , c'est Dieu, et noti l ' éducat ion
qui la d o n n e : l ' éduca t ion s e u l e m e n t é t u d i e les vues de
la P rov idence , n e les p r é v i e n t j a m a i s , et n e les a ide
m ê m e q u ' a v e c d iscré t ion e t avec r e spec t . Si les v o c a -
t ions s ace rdo t a l e s se r e n c o n t r e n t plus f r équen te s d a n s
les peti ts s é m i n a i r e s , c'est d ' a b o r d , s a n s d o u t e , p a r c e
que la P r o v i d e n c e les y a m è n e ; cVsl auss i p a r c e q u e
l ' éduca t ion les y éc la i re : ma i s elle p e u t , m a i s elle doi t
y éc la i re r aus s i des voca t ions différentes.


fit s'il y a ici un é t o n n e m e n t légi t ime, c 'es t le n ô t r e ,
Monsieur le Duc, q u a n d n o u s v o y o n s q u e n o t r e r e spec t
p o u r ces j e u n e s â m e s devient un r e p r o c h e p o u r n o u s , et
l eu r ve r tueuse dé l ica tesse un pér i l p o u r l e u r aven i r s o -
c ia l ; ca r , enfin, il y a au mo ins ici un r é su l t a t c o m m u n
et nécessa i re , r é su l t a t uli ie à tous , que l s q u e soient
les desse ins de Dieu sur c h a c u n , ut i le a u p a \ s , uti le
aux familles, c 'est de fo rmer en ceux qui ne son t pas
appelés au s a c e r d o c e , des enfants s i n c è r e m e n t c h r é -
tiens.


Tous , sans dou te (cela n 'es t pas poss ib le ) , n ' a r r i v e n t
pas à Fapos lo la l du s ace rdoce , à cet apostola t qui p r ê c h e ,
qui coniba l , qui se d é v o u e , qui se sac r i f i e ; m a i s t o u s ,
si une véri table opp re s s ion n 'y vient p a s m e t t r e obs t ac l e ,
sont appelés à exe rce r p a r m i l eu r s c o n c i t o y e n s le n o b l e




7(1 S E C O N D E L E T T l i V.


apos to la t des v e r t u s c h r é t i e n n e s , et à en p e r p é t u e r d a n s
l eu r s familles la conso la t ion et l ' exemple .


Monsieur le Duc, le plus g r a n d m a l h e u r , c o m m e le
p lus g r a n d c r ime des p e u p l e s , a p r è s qu ' i l s se sont d é -
p r a v é s , c 'est de r e d o u t e r le r e m è d e qu i peu t g u é r i r l eu r s
m a u x . Élever c h r é t i e n n e m e n t la j e u n e s s e , ce n ' es t pas
m o i n s t r ava i l l e r à la p r o s p é r i t é de l 'État qu'à celle de
l 'Eglise. Une éduca t i on sérieusement chrétienne doit être
a u j o u r d ' h u i , vous le c o m p r e n e z mieux q u e p e r s o n n e ,
j ' e n suis su r , le p r e m i e r in té rê t de, q u i c o n q u e a i m e son
pays . Car , s'il es t vra i , c o m m e l'a dit Montesqu ieu , et
c o m m e n o u s l ' avons é p r o u v é n o u s - m ê m e s , q u e p lus
d 'Éta ts pé r i s s en t p a r c e q u ' o n a violé les m œ u r s que
p a r c e qu 'on a violé les lois, les lég is la teurs aux ma ins
d e s q u e l s r e p o s e n t les des t inées des p e u p l e s , pourraient-
ils repousser les in s t i t u t ions socia les et re l ig ieuses , qu i
p e u v e n t seules r é p a r e r les m œ u r s pub l iques et les ma in -
t e n i r ?


Oui, Mons ieur le Duc , et je suis h e u r e u x de le dire à
un h o m m e don t je r e spec t e les ve r tus et don t j ' h o n o r e
le c a r a c t è r e ; je su is h e u r e u x de vous le d i r e , p a r c e que
j e suis ce r t a in de t r o u v e r d a n s vo t re â m e le plus noble
écho de m e s faibles p a r o l e s : ou i , le t e m p s est venu de
p r é p a r e r p o u r l ' aveni r une g é n é r a t i o n nouve l l e , digne
des g r a n d e s choses q u e l 'avenir s e m b l e n o u s r é s e r v e r ;
u n e géné ra t ion forte et d é v o u é e , in te l l igente et capab le ,
qu i c o m p r e n n e les b e s o i n s et la marche des agi ta t ions
h u m a i n e s , et ne s'en m o n t r e pas p lus effrayée qu' i l ne
conv i en t à ceux à qu i les l u m i è r e s de la foi do ivent
d o n n e r q u e l q u e c h o s e de la sagesse et de la p a t i e n c e
de D i e u ; à ceux qu i p e u v e n t t r o u v e r d a n s l 'h is to i re de
l eu r s p è r e s et d a n s les s o u v e n i r s de la F rance le?




A M. L E 1)1" G D E B U 0 G L 1 E


secre ts do Ja P rov idence et les e s p é r a n c e s de l ' avenir .
Que les pet i ts s é m i n a i r e s et les m a i s o n s d ' é d u c a t i o n


ch ré t i enne r éponden t à la g r a n d e u r de l e u r voca t ion et
à Ja conf iance du pays , et ils n o u s d o n n e r o n t des p r ê -
t res et des ch ré t i ens c o m m e il n o u s en f au t ; de ces
h o m m e s qu i , aux j o u r s m a u v a i s , se d é v o u e n t à ta s o -
ciété en p é r i l , et qu i , d a n s les t e m p s p lus pa is ib les ,
don t la b o n t é d iv ine s emble n o u s m é n a g e r l ' h e u r e u s e
sécur i té , s e ron t les amis les plus éc la i rés de la pa ix et
de l ' o rd re publ ic , les p lus hab i l e s sou t i ens des lois p r o -
tectrices p o u r t o u s ; de ces h o m m e s enfin don t les peu -
ples insp i rés p a r le profond b e s o i n de se r é g é n é r e r a t -
t enden t et i n v o q u e n t le s e c o u r s .


Quan t aux j e u n e s lévi tes , qui son t a u j o u r d ' h u i l 'espé-
r a n c e et la conso la t ion de l 'Église de F r a n c e , ils devien-
dront un jour sa force et sa g lo i re , et lui r e n d r o n t peut -
être ses d o c t e u r s , ses évangé l i s tes et tous ces p r ê t r e s
vénérables don t la sc ience étai t si p r o f o n d e , les l èv res
si é loquentes , la v e r t u si p u r e , et q u e la m o r t ou le
m a l h e u r des t emps lui a c r u e l l e m e n t r av i s !


Monsieur le Duc , p e r m e t t e z - m o i u n e d e r n i è r e p e n -
sée : c 'était autrefois par la force d ' u n e éduca t ion m â l e
et v igoureuse q u e , dans les a n c i e n n e s r é p u b l i q u e s ,
s ' inspira i t le vif a m o u r de la p a t r i e , qu i de c h a q u e c i -
toyen faisait u n h é r o s . Auss i , q u a n d ils s ' i m m o l a i e n t
pour l eur pays , ils s e m b l a i e n t e n c o r e m o i n s obé i r aux
lumiè re s de la r a i s o n qui c o m m a n d a i t u n sacr i f ice ,
qu 'à une noble pas s ion du c œ u r qu i voulai t se s a t i s -
faire.


f h b i e n ! n o u s auss i , n o u s v o u d r i o n s q u e , p a r l a
hau te influence d ' une éduca t i on sa in t e , n o s é lèves t r o u -
v a s s e n t , à l ' ombre d u s a n c t u a i r e qu i p r o t è g e l eu r j e u -




S E C O N D E E E T Ï U E


n e s s e , lo sec re t et le g e r m e des fortes v e r t u s : et un
j o u r , lo r squ ' i l s se d é v o u e r o n t aux beso ins et au service
de tous, lo r squ ' i l s s ' i m m o l e r o n t , eux auss i , p o u r l eur
p a y s et p o u r l eu r s f rères , j ' o s e le p r o m e t t r e , ils le fe-
r o n t s a n s dou te , c o m m e des p r ê t r e s f idèles, p o u r obé i r
a u x l u m i è r e s d e l à consc i ence qui c o m m a n d e le devoi r ,
m a i s aus s i ils le feront , c o m m e des p r ê t r e s g é n é r e u x ,
p o u r obé i r , s a n s effort et s ans faste, à celte nob le et
évangé l ique p a s s i o n des g r a n d s c œ u r s , à qu i les d é -
v o û m e n t s sont un beso in et les sacrif iées une joie !


Voilà, Mons ieur le Duc , ce q u e j ' a v a i s à vous d i re s u r
la nécess i té et la spécia l i té des peti ts s é m i n a i r e s .


II. — Dos ormovx.vxors oc 1828.


il r é s u l t e r a i t de vo t re r a p p o r t , Monsieur le Duc, que
le zèle du roi Char le s \ p o u r les in té rê t s de la re l ig ion,
q u e la piété d 'un m i n i s t è r e éc la i ré , q u e l ' un ion lé de
M. l ' a r c h e v ê q u e de Pa r i s et de M. l ' é \ ê q u e de Ihumvais ,
q u e l 'unanimité , enfin de la c o m m i s s i o n couvren t tic-
l e u r g rave r e s p o n s a b i l i t é les o r d o n n a n c e s de 1828.


Il vous s e m b l e r a p e u t - ê t r e é t o n n a n t q u e je m e h a -
s a r d e à l o u c h e r un sujet auss i dél icat , lo r sque la C h a m -
b r e des Pa i r s , pa r un vote r écen t , a p a r u s a n c t i o n n e r
ces o r d o n n a n c e s en a d o p t a n t une de l eu r s p lus g r a v e s
d i spos i t ions .


Il v o u s s e m b l e r a é t o n n a n t que je v i enne , c o m m e à
pla is i r , j e te r le défi à l 'opinion p u b l i q u e . Mais il me
se r a p e r m i s de le r e d i r e , ap r è s tant d ' au t r e s : l 'opinion,
b o u s s o l e cap r i c i euse et infidèle, est sujet te à bien des
af fo lements ; elle se i r o m p e cl t r o m p e souvent, ceux qui
se l a i s sen t e n t r a î n e r p a r el le , et il y a tou jours p rès -




A M. i . E 1 H 0 I)H l î l i O G L I L ' . ?!;


cript ion con t re ses a r r ê t s a u n o m de la j u s t i c e et de la
véri té.


J ' a jou te ra i que vous avez e s sayé vous-même de p l a -
cer les o r d o n n a n c e s de 1828 sous u n e r e s p o n s a b i l i t é
p lus l iante : vous af l i rmez qu'elles son t so r t i e s l ib re -
ment de la consc ience du roi Char le s X et de celles des
cl)retiens s incè re s qu i s iégea ien t alors d a n s ses con -
seils ; vous voulez l e u r d o n n e r p a r là u n e autorité m o -
rale, q u ' o n n e puisse leur con tes t e r . C'est celle-là m ê m e
que je leur con tes t e , Mons ieur le Duc ; cl si je p r o u v e
que ni Char les \ , ni les h o m m e s h o n o r a b l e s q u i s ié -
geaient d a n s les conse i l s de sa c o u r o n n e , n ' o n t agi
s p o n t a n é m e n t d a n s la r é d a c t i o n et la s i g n a t u r e des o r -
d o n n a n c e s , je n ' a u r a i pins dès lors à c o m p t e r avec ce
que je respec te le p lus au m o n d e , avec des consc iences
d ' h o m m e s de b ien , et il m e se r a loisible d'en appe l e r
de, l 'opinion de la veille à celle du l e n d e m a i n , de l 'opi-
nion exal tée à l 'opinion c a l m e et réfléchie.


La C h a m b r e des Pa i r s a e n t e n d u M. le comte P o r t a i l s ,
avec l ' au tor i té de son c a r a c t è r e , de sa pos i t ion et de
ses s o u v e n i r s , p ro t e s t e r q u e n i lui ni ses col lègues n ' a -
vaient l'ait v io lence à la consc i ence de Cha r l e s X. Cer t e s ,
je n 'a i j a m a i s eu a u c u n d o u t e à cet égard : s'il y a en
violence , ce ne sont p a s les m i n i s t r e s qu i l 'ont l'aile;
mais je ne c r a in s p a s de m a n q u e r au r e s p e c t q u e je
professe p o u r eux en disant qu'ils l 'ont sub ie c o m m e le
m o n a r q u e ; ils ont cédé , comme, lui , à la tr iste ex igence
des t emps .


\ o u s ne r é c u s e r e z pas , Mons ieur le Duc, le t é m o i -
gnage q u e j ' i n v o q u e ici à l ' appui de cel le a s s e r t i o n . Le
nom de Ai, l ' évèque d ' i f e rmopo i i s esl un de ceux qu i
c o m m a n d e n t le r e s p e c t à fous les p a r t i s , et cette loyauté




80 S Y. G 0 N IJ S-J L Y T T I ! Y.


qui le caractérisait, celte véracité qui ne l'abandonnai!
jamais, on t reçu de II. Por ta i l s un h o m m a g e so lenne l
a u q u e l la nob le C h a m b r e s'est assoc iée tout en t i è re .
Voici les faits , tels q u e ce v é n é r a b l e p r é l a t les expose
d a n s un Mémoire tout en t i e r de sa main et r é c e m m e n t
pub l i é ' .


P e r m e t t e z - m o i d e vous le d i r e , Monsieur le Duc, ces
fai ts , d a n s l eu r s impl i c i t é , r é p o n d e n t p é r e m p t o i r e m e n t
à c h a c u n e des af f i rmat ions de vo t r e r a p p o r t .


Les o r d o n n a n c e s , d i t e s - v o u s , on t é té le fruit de
mûres réflexions. Or les p r e m i è r e s p a r o l e s de M. l 'Évêque
d ' H e r m o p o l i s a u ro i furent cel les-c i : « Sire, on ne s'est
pas donné le temps de réfléchir. r> Ces o r d o n n a n c e s ,
d ' a p r è s votre r a p p o r t , a u r a i e n t été l i b r e m e n t c o n s e n -
ties p a r t o u s , et je lis d a n s le Mémoi re : « On dira i t que
« les m i n i s t r e s étaient comme dans un état d'oppression
« quand ils ont rédigé l'ordonnance, et qu'elle a été ar-
« radiée par la violence. »


Vous s e m b l e r p r é s e n t e r ces m e s u r e s c o m m e inspi rées
p a r un zèle éc la i ré p o u r les in té rê t s de la r e l i g ion ;
M. d ' H e r m o p o l i s v o u s r é p o n d : « 11 s emble qu 'e l les
« a ien t é té c o n ç u e s d a n s un e sp r i t de défiance et de
« h a i n e c o n t r e l ' ép i scopa t et la re l ig ion ca tho l ique , tant
« d a n s c h a c u n e de ses d i spos i t i ons l ' o r d o n n a n c e est
« d u r e , h u m i l i a n t e , et p l e i n e , dans son e n s e m b l e , de
« p r é c a u t i o n s et d ' e n t r a v e s c o n t r e les évoques . »


Après ces p a r o l e s , Mons ieur le D u c , qui suffisent à
elles se ides p o u r b ien c a r a c t é r i s e r la v r a i e s i tuat ion
des h o m m e s et des c h o s e s à cet te é p o q u e , M. l ' évoque


' Le litre de ce m é m o i r e est : l\CrU eVrègé ne que j'ai tlii et fa'o
au sujet des ordonnances de J82S.




A 51. L E D U C D E D U O G U E 81
d 'Hermopol i s a jouta i t : « Si du m o i n s , S i r e , cet te n o u -
« veile concess ion devai t ê t re la d e r n i è r e , si elle devai t
« apa i se r p o u r tou jours les fu reurs d 'un p a r t i ! »


Ou je m e t r o m p e , Mons ieu r le Duc , ou ce l angage
dans la b o u c h e d ' un h o m m e auss i g r a v e et aus s i m o -
dé ré que. M. F r a y s s i n o u s , just if ie p l e i n e m e n t ce q u e
j ' a v a i s l ' h o n n e u r de v o u s d i re , q u e la v io lence des o p i -
n ions et les r é a c t i o n s i m p é r i e u s e s des pa r t i s i m p o s a i e n t
a lors une con t r a in t e m o r a l e aux c a r a c t è r e s les p lus
h o n o r a b l e s et aux espr i t s les p lu s i n d é p e n d a n t s .


Aussi le v e r t u e u x p r é l a t conc lua i t - i l t ou t n a t u r e l l e -
men t pa r cet te d e r n i è r e p a r o l e : « Sire, je l ' avoue , p o u r
« r ien au m o n d e je ne v o u d r a i s con t re - s igner u n e p a -
« refile o r d o n n a n c e . »


Sans d o u t e , et M. le comte Por ta i l s l'a é l o q u e m m e n t
p r o c l a m é , on ne p o u r r a i t p r é t e n d r e , s a n s insu l t e r à
la m é m o i r e du roi Cha r l e s X, q u e la concess ion de
1 200 000 fr. de b o u r s e s en faveur des pe t i t s s é m i n a i r e s
ait été le prix des e n t r a v e s q u ' o n leur faisait s u b i r ,
mais du m o i n s d a n s ce t te concess ion la p ié té du ro i
t rouva i t u n e sor te d ' a d o u c i s s e m e n t a u x r i g u e u r s don t
on les f rappai t .


Et il n ' en est pas m o i n s vra i q u e le ro i disai t : « Si ta
dotat ion n e passa i t p a s , J ' o r d o n n a n c e se ra i t c a d u q u e ; »
à quoi M. d ' i l e r m o p o l i s r é p o n d i t q u e « l ' o r d o n n a n c e
« p o u r r a i t b ien r e s t e r avec tou t ce qu 'e l le a de f âcheux ,
« sans p r é s e n t e r l ' e spèce de c o m p e n s a t i o n don t il
« s ' ag i t .»Vous savez, Mons ieur le Duc , si l ' é v é n e m e n t a
justifié cet te p rév i s ion .


Je n 'ai p a s tout di t s u r cet te c o n t r a i n t e m o r a l e d o n t
je vous pa r l a i s t ou t à l ' h e u r e , et don t voici u n a u t r e et
bien é t range t émoignage :


[. G




82 S E C O N D E L E T T R E


Dans la r édac t ion pr imi t ive de l ' o r d o n n a n c e , il y avai t
un ar t icle où l 'on allait j u s q u ' à exiger « q u e les é lèves
« p a r v e n u s à un cer ta in âge et a p r è s d e u x ans de s é -
» j o u r d a n s l ' école , fussent t o n s u r é s . »


Ainsi la t o n s u r e étai t i m p o s é e à ces enfants c o m m e
cond i t ion i m p é r i e u s e de l eu r sé jour d a n s le re l ig ieux
asi le qu i avai t accueill i et p ro t égé l eu r s p r e m i è r e s
a n n é e s .


Ne fallait-il pas tou t l ' a v e u g l e m e n t de l ' espr i t d é p a r t i
p o u r fe rmer les yeux su r cet te od ieuse v iolence dont
on m e n a ç a i t u n si j e u n e â g e ?


Le r id i cu le deva i t le d i s p u t e r à l ' od ieux , si M. Vévoque
d ' I I e rmopo l i s n ' é ta i t i n t e r v e n u , et l 'on allait si l o i n , la
t e r r e u r des j é su i t e s é tai t si g r a n d e , q u e , c r a i g n a n t d'en
r e n c o n t r e r p a r t o u t , on voula i t s o u m e t t r e à l ' a p p r o b a -
tion n o m i n a t i v e du ro i tous les maîtres et professeurs
des pet i t s s é m i n a i r e s que ls qu ' i l s f u s s e n t , t o u s , j u s -
q u ' a u p lus h u m b l e des su rve i l l an t s .


Il fallut q u e M. F r a y s s i n o u s fit sen t i r au roi la s ingu-
l ière exagé ra t ion de ces ex igences , p o u r qu 'e l les fussent
s u p p r i m é e s .


Et c o m m e le p r é l a t a jou ta i t q u e les a d v e r s a i r e s des
pet i t s s é m i n a i r e s et des j é su i t e s se r é jou i r a i en t d ' au t an t
p lus de ces m e s u r e s qu ' i l s p o u v a i e n t c ro i r e q u e le roi
n ' é t a i t p a s sans e s t ime et s a n s q u e l q u e affection p o u r
cet o r d r e , Charles X r e p r i t ; Je ne puis dire ni que je
les aime, ni que je ne les aime pas


Veuillez p e s e r enfin , Mons ieur le D u c , les de rn iè res
p a r o l e s la issées p o u r a ins i d i re c o m m e ad ieux au m o -
n a r q u e p a r son v é n é r a b l e i n t e r l o c u t e u r : « Je r é p o n d i s
« q u e la ques t ion d u m i n i s t è r e , de sa p o s i t i o n , de ses
« e m b a r r a s , ne m e r ega rda i t p a s ; q u e , p o u r m e t t r e




A M. I.K Uff, !)!•: KHOOI.IK. s:!


î oif lo s incer i lo dans m e s d i s c o u r s , je deva i s d i re q u e
•'. le roi étai t j uge de ce q u e pouva i t c o m m a n d e r le b ien
« de l 'Etat ; que des choses d 'a i l l eurs Irès-fâchemes et
( d'uh très-rnaurais effet p o u v a i e n t ê t re excusées p a r


la nécess i té d 'évi ter de p lus g r a n d s m a u x ; q u e c 'étai t
:I là u n e ques t i on de h a u t e pol i t ique qu ' i l n e m ' a p p a r -
« tena i t p a s de déc ider . Je me souv iens q u ' u n e fois j e


tenais déjà le b o u l o n de la p o r t e du cab ine t du roi
» p o u r me re t i r e r , l o r s q u e j e m e r e t o u r n a i p o u r d i re •.
» Sire, qu'il m e soit p e r m i s de le r é p é t e r : Celte mesure
•i me parait si factieuse que la nécessité seule peut l'ex-


it caser. »


Dois-je a jouter q u e M. d ' i t e rmopo l i s c r u t devoi r r é -
pé ter ce qu ' i l avai t déjà d i t , qu ' i l n ' eû t à a u c u n prix
apposé sa s igna tu re à ces o r d o n n a n c e s ?


Et le j o u r m ê m e où elles furent pub l i ées d a n s le Mo-
niteur, Mons ieur le Dauph in a y a n t di t à la c o u r q u e les
consc iences deva ien t ê t re t r a n q u i l l e s , et en a y a n t d o n n é
p o u r ra i son décis ive q u e M, l ' évêque d ' i t e r m o p o l i s
n ' a u r a i t p a s refusé de les c o n t r e - s i g n e r : « Pardon, Mon-
seigneur, r é p o n d i t le p r é l a t , foi d'honnête homme, je
n'aurais pas signé. »


Plus loin, j e lis d a n s vo t r e r a p p o r t que l ' o r d o n n a n c e
du 16 ju in 1828 a été r e n d u e sur la proposition clan
prélat dont la mémoire est chère a tous les gens de
hieu, M. l ' évêque de I leauvais .


Eh bien! e n c o r e ici, je suis obligé de le d i re ; les faits
se sont pas sés d 'une tout a u t r e m a n i è r e : ces m e s u r e s
ont été si p e u pr ises su r la p ropos i t i on de M. l ' évêque
de l ï eauva i s , q u e M. le comte Por ta l i s eu ava i t fait la
condit ion de son e n t r é e ou m i n i s t è r e , d e u x mo i s a v a n t
que M. Feufr icr n e lut n o m m é m i n i s t r e ; M. Por ta l i s fut




81 S E C O . N D K L E T I R E


n o m m e m i n i s t r e de In jus t ice le 5 j anv ie r , el M. F e u -
t r i e r n e r e ç u t le portefeui l le des affaires ecc lés ias t iques
q u e le 3 m a r s ; et n o n - s e u l e m e n t M. F c u t r i e r n e les a
p a s p r o p o s é e s , m a i s je c ro is p o u v o i r aff irmer avec ce r -
t i tude qu ' i l les a con t r e - s ignées ma lg ré lui .


M. l ' é v ê q u e d ' I I e rmopo l i s n o u s a t tes te fo rmel lement
q u e l ' évêque de Beauva i s offrit en plein conse i l sa d é -
m i s s i o n , p lu tô t q u e de con t r e - s igne r les o rdonnances - ,
voici son réci t :


« M. l ' évêque de Beauvais s ' exp l ique d e v a n t le r o i ,
« en ple in c o n s e i l , re fuse de con l r e - s igne r et d o n n e sa
« démiss ion . La d i scuss ion est t rès-vive. Les min i s t r e s
« son t d é c o n c e r t é s de la r é so lu t ion de. M. l ' évêque de
« B e a u v a i s , à Inquel le ils ne s ' a t t enda ien t p a s , et d é -
fi c l a r en t au ro i q u e , si l eu r col lègue se r e t i r e , ils sont
« obl igés de se r e t i r e r e u x - m ê m e s .


« u n conçoi t a i s é m e n t q u e le roi du t se t r o u v e r dans
« le plus é t r ange e m b a r r a s , p e r s u a d é q u e , d a n s les
« c i r c o n s t a n c e s , il n e pouva i t s a n s dange r c h a n g e r son
« m i n i s t è r e .


« Le 11 , Sa Majesté m ' e n v o i e u n message : je m e
« r e n d s à Sa in t -C loud . La p r e m i è r e chose qu' i l me dit
« est celle-ci : « Voyez, l ' évêque , d a n s quel le s i tua t ion
« d i abo l ique j e me t r o u v e . . . L ' évêque de Beauvais ne
« veu t p lus c o n t r e - s i g n e r , et les min i s t r e s m ' o n t offert,
« en c o n s é q u e n c e , l e u r s portefeui l les »


« Je p r i s la p a r o l e p o u r d i re : « S i re , je conçois toutes
« les r é p u g n a n c e s tic l ' évêque de Beauvais . Au r e s t e ,
« le ro i sai t b ien q u e je ne lui ai pas consei l lé la m e -
» s u r e .


«—Cela est v ra i , dit le r o i ; m a i s vous m 'avez dit q u e ,
« si je la jugea i s n é c e s s a i r e , on n ' ava i t p a s le d ro i t de




A M, L E IX C D E i i l ï O G L I E . 85
'i Ja c o n d a m n e r . — O u i , S i r e , m a i s c 'es t là u n e c h o s e


dont je n e suis pas juge . »
Je ne puis m ' e m p è c h e r d ' a d m i r e r i c i , et vous a d m i -


rerez avec m o i , Mons ieur le D u c , l ' i n d é p e n d a n c e r e s -
pec tueuse du langage de ce sa in t é v ê q u e , qu i s ' incl ine
devan t l ' au to r i t é r o y a l e , a p r è s avoi r f e r m e m e n t é n o n c é
sa p e n s é e et ses v œ u x , refuse de Caire un p a s de p lus et
déc la re qu'il n'a pas le droit d'imposer au roi ses vues
politiques comme, rèqle, de, roiisiuViicc, et- le r econna î t p o u r
juge, dans les choses de son ressort, en qualité de chef
sujirênie de l'Etat.


« f.e roi c r o y a i t , con t i nue M. d ' H e r m o p o l i s , q u e l ' é -
- vôque de l ieauvais r e s t e r a i t i n é b r a n l a b l e d a n s sa r é -
•< solut ion de se r e t i r e r .


« Mais ce lu i -c i , a joute M. d ' H e r m o p o l i s , croi t devoi r
: se sacrifier p o u r ce qu' i l r e g a r d e c o m m e le service d u
« roi , et s ' exposer a tout ce qui est arrivé et qu'il pré-
" vogail très-bien. »


C'est l 'h i s lor ien de M. F r a y s s i n o u s qu i n o u s a p p r e n d ,
d 'après les d o c u m e n t s les p lus a u t h e n t i q u e s , c o m m e n t
s 'accompli t ce sacrifice. « Char les X v o y a n t d a n s le r e -
!< fus de l ' évêque de l i eauva i s la d i sso lu t ion m ê m e de
'( son min i s tè re , et s e n t a n t v i v e m e n t l a posi t ion c r i t ique
•i des h o m m e s et des c h o s e s , qu i t ta son f a u t e u i l 1 , e t ,
'( allant ve r s M. F e u t r i c r , lui p r i t les m a i n s avec b e a u -
; coup d ' é m o t i o n , et les l a r m e s aux y e u x : Évêque de
• Beauvais, dit-il, voulez-vous donc m'abandonner ? —


« Son, Sire, r é p o n d i t le p ré la t , touché de si hautes ins-
-! tances; mais je ne puis signer un acte qui répugne à
x la conscience de, M. d'Hermopolis. »


' l"T> de .1/. l'va'jssinoitn, pai ; . C U , 6i'i.




si; S E C O N D E 1. E T i ' lì E


On finit p a r p r o p o s e r un m o y e n t e r m e qui l'ut ainsi
fo rmulé : « L e ga rde des sceaux devai t s i g n e r l ' o r d o n -
« n a n c e qui s u p p r i m a i t les h u i t é t ab l i s s emen t s dir igés
« p a r les j é s u i t e s , cl qui imposa i t a u x d i r ec t eu r s et
« p ro fesseurs des m a i s o n s d ' éduca t ion l 'obl igat ion
« d'affirmer qu'ils n ' a p p a r t e n a i e n t à a u c u n e congrega-
ci l ion re l ig ieuse n o n l é ga l e me n t établ ie en F rance ; le
« m i n i s t r e des affaires ecclésiastiques devai t s igner
« s e u l e m e n t l ' o r d o n n a n c e q u i , en l imi tan t le n o m b r e
« des élèves des petits séminaires, e t c . , créai t d a n s ces
« établissements h u i t mil le demi-bourses , à 150 f rancs
(i c h a c u n e .


« Ce m o y e n t e r m e , qui divisai t la r e sponsab i l i t é , lit
« i l lusion à M. Feu l i i o r . »


Kl t o u s , commel'évêquc d ' i l e r m o p o l i s le r a c o n t e , ne
sava ien t q u ' i n v o q u e r ce t te dernière r e s s o u r c e des posi-
tions d é se sp é rée s : Sai us papali sapremo, les, esta.


C'est d o n c a u mi l i eu des pe rp lex i t é s les p lus cruel les
et de ce q u e je n e c ra ins p lu s m a i n t e n a n t de n o m m e r
de vé r i t ab le s t o r t u r e s m o r a l e s , qu'un ro i et un é v è q n e
se c r u r e n t c o n d a m n é s à céde r d a n s cet te g r a n d e et m é -
m o r a b l e c i r c o n s t a n c e , et léguèrent aux dépos i t a i r e s
futurs du pouvo i r le t r i s te e x e m p l e de concess ions a r -
r a c h é e s à la faiblesse : concess ions funestes qui mou!
jamais sauvé et ne s a u v e r o n t j a m a i s les Etals.


Vous di tes e n c o r e , Mons ieur le D u c , q u e les o r d o n -
n a n c e s ont é té préparées p a r u n e c o m m i s s i o n à la léle
de l aque l le se t r o u v a i t p l acé M. de O u é l e n , et vous
a joutez q u e ce l le c o m m i s s i o n , divisée s u r un seul point
pa r t i cu l i e r , a été unanime su r la nécess i té de tou tes les
d i spos i t ions q u e vous venez de r a ppe l e r .


Et c e p e n d a n t le r a p p o r t de la c o m m i s s i o n , signé




A M. I.ii D U C D E B R O G U K S7


pav M. u'o Ouélen e l a d r e s s é a u roi Cha r l e s X, diffère
essen t ie l lement des o r d o n n a n c e s s u r des po in t s fonda-
m e n t a u x .


Je les i nd ique :


1" La l imi ta t ion du n o m b r e des é lèves de c h a q u e
école, fixée d a n s l ' o r d o n n a n c e , sans qu ' i l en soit q u e s -
t ion dans le r a p p o r t .


2" La l imitat ion du n o m b r e des élèves pr is d ' ensem-
ble, fixée de m ê m e dans l ' o r d o n n a n c e , s a n s qu ' i l en soit
quest ion dans le rappor t .


3° La nécess i té de l ' a p p r o b a t i o n du roi p o u r le choix
des supé r i eu r s ou d i r e c t e u r s , i m p o s é e p a r l ' o r d o n n a n c e ,
absen te du r a p p o r t .


/*" L ' é t ab l i s semen t des éco les p r i m a i r e s ecc lés ias -
t iques, d e m a n d é d a n s le r a p p o r t , refusé p a r l ' o r d o n -
nance .


5' La faculté p o u r les cu r é s d ' i n s t ru i r e d a n s les
sc iences les enfants de l eu r s p a r o i s s i e n s , d e m a n d é e
d a n s le r appo r t , refusée p a r l ' o r d o n n a n c e .


()•• Enfin, l 'affirmation p a r écr i t de n ' a p p a r t e n i r à
a u c u n e congréga t ion re l ig ieuse non l éga lemen t é tabl ie
en F r a n c e , exigée p a r l ' o r d o n n a n c e , ab sen t e du r a p -
port .


Ce sont là, jo crois , Monsieur le Duc , des différences
assez p ro fondes p o u r m ' a u t o r i s e r a d i re q u e les o r d o n -
n a n c e s de 1828 ne son t p a s l ' ouv rage d 'une c o m m i s s i o n
prés idée par u n i l lus t re et c o u r a g e u x pontife .


Je suis é tonné q u e ces différences a ien t é c h a p p é à
u n e obse rva t ion auss i a t ten t ive q u e la vô t r e .


Aussi M. de Ouélen crut- i l , ap r è s la pub l ica t ion des
o r d o n n a n c e s , devoi r r e p o u s s e r é n e r g i q u o i n e n t la r e s -
ponsabil i té q u e vous seniblez a p p e l e r s u r lui , et j e suis




ss S E C O N D E L E T T R E
h e u r e u x a u j o u r d ' h u i de dé fendre a u p r è s de vous sa
m é m o i r e .


Sans d o u t e , M. de Quélen et la major i t é de la com-
miss ion ava i en t c o m p r i s q u e la m a l h e u r des t e m p s l eu r
imposa i t c e r t a ines conces s ions , afin de c o n j u r e r l ' o r a g e ,
d e p r é v e n i r la r u i n e des é t ab l i s s emen t s m e n a c é s , et
d 'ob ten i r le j u s t e r e spec t des dro i t s les p lu s essent ie ls de
l 'Égl ise .


Mais q u a n d les o r d o n n a n c e s p a r u r e n t , q u a n d M. de
Qué len eu t r e c o n n u q u e tou t ce qu ' i l avai t e s sayé de
s a u v e r était sacrifié, on sai t que l les furen t ses r é c l a m a -
lions et ses p la in tes , et c o m m e n t elles s 'un i ren t aux
d o u l e u r s de l ' ép i scopa t p o u r d i re a u ro i :


« S i r e ,


« Le t emps ne ca lme pas la d o u l e u r q u e les évoques
« de vo t re r o y a u m e on t é p r o u v é e à l 'occas ion des
« o r d o n n a n c e s d u 1(5 j u i n ; au c o n t r a i r e , ils s en ten t
<i qu 'e l le devien t p lus vive et p lus p rofonde à m e s u r e
« qu ' i l s vo ien t s ' a p p r o c h e r le t e r m e fatal de l e u r e x é -
« cu t ion . . . »


Du r e s t e , si l ' ép iscopat se m o n t r a p r o f o n d é m e n t
a t t r i s té des o r d o n n a n c e s de 1828, p e r s o n n e n'en p a r u t
guè re satisfait .


« J a m a i s , on doi t l ' avouer , dit M. R e n d u dans un ou-
« v rage r é c e n t 1 , l ' a t t en te p u b l i q u e n ' ava i t é té p lus
« t r i s t emen t d é ç u e . . . Tou te s les op in ions se r éc r i è ren t ,
« c o m m e déda ignées ou offensées. »


1 De l'instruction secondaire, et spécialement des écoles secondaires
ecclésiastiques 118-42), pag. 134.




A }.¡. l . i : !) i ('. i ) F . I . Ï R O C I . I K 8»


Je me souviens encore d ' avoi r e n t e n d u le nob le et
loyal comte de la F e r r o n a y s , à Home , r e p o r t e r sa m é -
moire sur les choses de cet te é p o q u e . J e t a n t u n r e g a r d
en a r r i è r e sur les g r a n d e s c i r c o n s t a n c e s de sa vie po l i -
t ique , il jugea i t les é v é n e m e n t s avec la s é r én i t é d 'un
espri t élevé et i n d é p e n d a n t de t ou t e s les p r é o c c u p a t i o n s ,
et me r a c o n t a i t u n e foule d ' i n t é r e s s a n t s dé ta i l s qu i m e
p rouva ien t combien ceux qui ag i ren t a lors é t a i en t p e u
l ibres dans l eu r ac t ion . Je ne veux po in t les r e d i r e i c i ;
je ne ci terai de ces c o n v e r s a t i o n s q u ' u n seul t ra i t , qui
conf i rme les pa ro l e s de l ' h o n o r a b l e m e m b r e du consei l
royal de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e . Le j o u r de la publ ica t ion
de ces f a m e u s e s o r d o n n a n c e s du 16 j u i n , M. de la F e r -
r o n a y s r e n c o n t r a b e n j a m i n Cons t an t chez le président ,
de la C h a m b r e : «Eh bien .' è l e s - v o u s enfin c o n t e n t ? lui
dit- i l . — \ o n , r é p o n d i t Benjamin C o n s t a n t ; ce n ' e s t
point là ce q u e n o u s vou l ions : n o u s v o u l i o n s la l ibe r té
d ' ense ignement . — Vous avez c e p e n d a n t les j é su i t e s de
moins . —• l 'eu n o u s i m p o r t e , ce n ' es t p a s là ce q u e n o u s
d e m a n d i o n s . »


On voi t quelle, é ta i t à cet te é p o q u e la p e n s é e de l ' o p -
pos i t ion , de ses m e m b r e s les p lus é m i n e n t s .


El n 'es t -ce pas ce qu 'es t venu n a g u è r e si l o y a l e m e n t
a t tes te r à la t r i bune de la C h a m b r e des Pa i r s , M. le c o m t e
heugno t?


« Je ne sais si m e s souven i r s me t r o m p e n t , ma i s il
-, m e semitle qu ' en 1828 nous p o u r s u i v i o n s tou t a u t r e
<• chose q u e les j é su i t e s . . . Et si m a m é m o i r e est b o n n e ,
« je r appe l l e r a i a u x p e r s o n n e s qu i é t a i en t a lo r s d a n s
(¡ l 'opposi t ion, que si les j ésu i tes n o u s ava ien t m a n q u é ,


n o u s a u r i o n s t r ouvé d ' a u t r e s moti fs p o u r just i f ier e t
« affermir n o t r e oppos i t ion . . . »




9" S E C O N D E L E ' H U E


.Monsieur le Doc, v o u s affirmez q u e Ja c o m m i s s i o n ,
divisée s u r un seul point , a été unanime ser la nécessité
de foules les dispositions que vous venez- de rappeler. Or,
pa rmi ces d i spos i t ions , je lis à la page 76 de vo t re r a p -
por t : « Aucune école s e c o n d a i r e ecc lés ias t ique ne doit
« a d m e t t r e d ' ex t e rnes . »


P e r m e t t e z - m o i de vous d i re q u e la commiss ion a été
unanime p o u r e x p r i m e r le v œ u q u e les écoles ecclésias-
t iques é tab l ies d a n s les c o m m u n e s 0(1 il n'y au ra i t pas
de col lège de l 'Ln ivers i i é , p o u r r a i e n t r ecevo i r c o m m e
e x t e r n e s les enfants des p e r s o n n e s domic i l iées d a n s la
c o m m u n e .


Vous a joutez , Mons ieur le Duc , q u ' à l 'âge de qua torze
a n s , et a p r è s deux a n n é e s de sé jou r , les p e n s i o n n a i r e s
son t t enus de p o r t e r J 'habi l ecc lés ias t ique .


C'était là u n e de, ces concess ions q u ' o n c roya i t devoir
faire, pour oler le moindre pretejie a des accusations
m a l h e u r e u s e s .


Mais, d a n s la p e n s é e e x p r i m é e pa r la c o m m i s s i o n ,
cet te obl igat ion devai t ê t re r e s t r e in t e aux écoles des
villes où il se t rouva i t un collège. Oui, j ' e n ai la conv ic -
t ion , et mon respec t p o u r les m e m b r e s h o n o r a b l e s de
cet te c o m m i s s i o n n e me p e r m e t pas d'en d o u t e r : ils
e s p é r a i e n t q u e la t r a n s a c t i o n qu ' i l s p r o p o s a i e n t p r é p a -
rera i t la pacification po l i t ique et re l ig ieuse , en sor te que
cet te obl iga t ion dev i end ra i t chose s imple et facile d a n s
des l ieux e t des t emps p a i s i b l e s ; et ils ne pouva i en t se
déc ide r à p révo i r q u e l 'Église de F r a n c e serai t con -
d a m n é e à sub i r des é p o q u e s où cette obligat ion dev ien -
dra i t t e l l emen t i n t o l é r a b l e , qu 'e l le se ra i t forcée d'en
d i s p e n s e r ses min i s t r e s e u x - m ê m e s , à p lus forte r a i son
des enfants de qua to rze ans .




A M. L E D E C D E B R O G U E . !lt


Quoi qu'il en soil, Mons ieur le Duc, il e s ! év ident q u e
la commiss ion ne consen ta i t p a s à une p resc r ip t ion g é -
nérale et ab so lue sous ce r a p p o r t ,


\ o u s affirmez, enfin, q u e la c o m m i s s i o n a élé una-
n ime s u r les deux d i spos i t ions f o n d a m e n t a l e s don t j ' a i
déjà par lé : -1" sur la limitation du nombre des élèves de
chaque école : 2" sur le nombre total des élèves pris d'en-
semble, et qui ne doit pas excéder 20 000.


Eb bien ! .Monsieur le Duc, le r a p p o r t de la c o m m i s -
sion n 'en dil pas un mol ; et toutes ses p ropos i t i ons re-
lat ives, soil à l'autorisation des 53 écoles ecc lés ia l iqucs
non encore autorisées, soi t à la fondat ion de nouvelles
écoles primaires ecclésiastiques dans les villes métropo-
litaines, auprès des églises métropolitaines et parois-
siales, cl dans 1rs rides diocésaines, auprès des église*
cathédrales, i nd iquen t manifestement q u e la c o m m i s -
sion avait formé le v œ u que le n o m b r e des élèves ecc lé -
s ias t iques fût a u g m e n t é , bien loin d'être' d i m i n u é .


Voilà, Monsieur ie Duc, ce que j ' a v a i s à dire p o u r
d é m o n t r e r (pie le zèle du ro i Char les \ , q u e la p ié té
d 'un ministère éclair*', q u e l'autorité de plusieurs pré-
lals dont le nom est d e m e u r é c h e r à l 'Église, que l ' u n a -
n imi té , eulin, de la commiss ion , n e couv ren t pas de
leur grave r e sponsab i l i t é les o r d o n n a n c e s de 1828.


III. — Dr CERTIFICAT D'ÉTUDES ET DE LA DECLARATION.


T r o i s i è m e m e n t , Monsieur le Duc, il r é su l t e de votre
r a p p o r t que les exigences de ces o r d o n n a n c e s son t fort
s imples , n'ont rien après tout d'embarrassant et de bien,
redoutable, et (pie, bien c o m p r i s e s m ê m e , elles n o u s




02 S E C O N D E L E T T R E


offrent peu t -ê t re des a v a n t a g e s q u e n o u s dev r ions mieux
app réc i e r .


J ' a u r a i s b e a u c o u p à d i re s u r ce su j e t ; je me b o r n e -
ra i à deux po in t s : le cert if icat d ' é tudes exigé de nos
é lèves , et. la déc la ra t ion i m p o s é e à n o s p ro fes seu r s .


Vous avez p r é v u l 'object ion su r le p r e m i e r p o i n t ,
Mons ieur le D u c ; je cite vos p r o p r e s p a r o l e s (p. 79) :
Il est fâcheux, dit-on, pour ces jeunes gens, après avoir
achevé leurs études au petit séminaire, de recommencer
les deux dernières classes. Ce sont deux années de per-
dues pour leur avenir.


V quoi v o u s r é p o n d e z : La supposition est en grande
partie gratuite; on ne peut guère achever ses études
dans les petits séminaires, attendu que la plupart des
jjctils séminaires n'ont pas de cours d'études complets ;
sur cent treize, il en est cent deux qui sont dans ce cas.
Il n'y en a, par conséquent, que onze dont les élèves,
pour obtenir le diplôme ordinaire, soient obligés de re-
commencer leurs dernières classes, de perdre deux
années.


11 n'y en a q u e onze , Monsieur le Duc?
Mais les cent deux qu i d i s p a r a i s s e n t d a n s vo t re a r -


g u m e n t a t i o n , qu ' en fa i tes -vous ? q u e d e v i e n n e n t - i l s ?
C o m m e n t n ' a v e z - v o u s pas vu, p e r m e t t e z - m o i de vous


le d i re , q u e p a r t o u t où la ph i l o soph ie ne se fait p a s
au peti t s é m i n a i r e , elle se l'ait au g r a n d ; et q u e sous ce
r a p p o r t ces deux é t a b l i s s e m e n t s n ' e n l'ont q u ' u n aux
yeux de la l o i , qu i a t te in t les é lèves des g r a n d s s é m i -
na i r e s a u m ê m e titre q u e les é lèves des pe t i t s?


Je vous le d e m a n d e à v o u s - m ê m e : q u e p e n s c r i e z -
vous d 'un certificat de ph i l o soph ie d o n n é p o u r l ' exa-
m e n du b a c c a l a u r é a t p a r u n s u p é r i e u r de g r a n d sémi -




A .M. l . l i I H ' C l ) K Î S H O G L I K


naire? Qu'on penserait l'Université? Le r ecev ra i t - e l l e ?
Voilà toute la ques t i on .


P lus i eu r s de nos évoques on t eu la sage p e n s é e de
placer la p h i l o s o p h i e au g r a n d s é m i n a i r e , et de la
m e t t r e ainsi d a n s le vo is inage de la théologie , c o m m e
u n e i n t r o d u c t i o n à l ' en se ignemen t de la sc ience s a c r é e :
c 'est q u e l q u e chose de s e m b l a b l e à ce q u e v o u s d e -
m a n d e z p o u r les collèges.


S'il en est de la so r t e , q u e p e u v e n t deven i r les j e u n e s
gens dont la vocat ion ne persévère pas a p r è s qu ' i l s on t
fait l eur ph i losoph ie au g r a n d s é m i n a i r e ? Je vais ici,
Monsieur le D u c , v o u s révéler des faits ce r t a ins . J e
suis s u p é r i e u r du peti t s é m i n a i r e de Pa r i s ; su r t r e n t e
élèves que n o u s avons h a b i t u e l l e m e n t en r h é t o r i q u e ,
deux ou trois s e u l e m e n t c h a q u e a n n é e se re t i r en t avan t
la ph i losoph ie , fit p a r m i les a u t r e s , qu i vont faire deux
a imées d ' é tudes p h i l o s o p h i q u e s à S a i n t - S u l p i c e , il en
est o r d i n a i r e m e n t six ou sept qui a b a n d o n n e n t le g r a n d
sémina i re avan t d ' a b o r d e r les é t u d e s théo log iques . Ces
j e u n e s gens s e ron t - i l s c o n d a m n é s c o m m e les a u t r e s à
refaire deux a n n é e s de r h é t o r i q u e et de p h i l o s o p h i e
dans les collèges un ive r s i t a i r e s ? Quel so r t l eu r r é se rve
vo t re projet de l o i ? Qu 'en fa i tes -vous d a n s la p e n s é e
de votre r a p p o r t ?


Et ceux qui , a p r è s l eur ph i lo soph ie a c h e v é e , n ' o n t
pas e n c o r e décidé l e u r v o c a t i o n , et font u n e , d e u x ,
trois années de théologie , et a t t e n d e n t a insi j u s q u ' à
v ing t -deux , vingt- t rois , v i n g t - q u a t r e a n s p o u r p r e n d r e
u n e n g a g e m e n t i r r é v o c a b l e , qu ' en f a i t e s -vous? J ' o se
vous le d e m a n d e r de n o u v e a u .


Et veuillez ne pas oub l i e r q u e ce q u e je v iens de vous
dire du diocèse de Par i s est é g a l e m e n t v ra i de tous les




!)', S E C O N D E L E T T R E


diocèses du r o y a u m e , et que p a r conséquent, c 'est à
l 'égard de p l u s i e u r s cen ta ines de j e u n e s gens p o u r
chaque a n n é e q u e je vous p o s e e n c o r e une fois cet te
d o u l o u r e u s e in te r roga t ion : Qu 'en fa i tes -vous ?


Il m ' e s t p e r m i s de vous le d i re , Monsieur le Duc : il y
a eu e r r e u r , e r r e u r g rave d a n s vos calculs et vos r a i -
s o n n e m e n t s , et la ques t i on q u e v o u s croyez avoir t r a n -
chée d 'un seul m o t r e s t e en t i è re , n o n - s e u l e m e n t p o u r
les on se pet i ts s é m i n a i r e s dont v o u s pa r l ez , m a i s aussi
p o u r les cent deux don t vous n e par lez pa s . Elle r e s t e
en t i è re et p lu s sévère e n c o r e p o u r ceux de ces j e u n e s
gens q u i , p lus réfléchis ou p lus s c r u p u l e u x , ne r e n o n -
cent à la voca t ion ecclésiastique q u ' a p r è s un p lus long
e x a m e n .


Et ici, Mons ieur le Duc, ce q u e je sens m ' é c h a p p e
m a l g r é moi ; c 'est le seul m o m e n t où je r i s q u e r a i s peut -
ê t re de ne p a s m e s u r e r , c o m m e je le v o u d r a i s , l ' ex-
p res s ion de m o n é t o n n e m e n t et de m e s r eg re t s .


C o m m e n t , en effet, ne pas r e s s e n t i r avec un s u r c r o î t
d ' a m e r t u m e et de d o u l e u r tout ce que l ' oppress ion a de
c rue l , l o r s q u e celui qui la fait pe se r su r n o u s s emble
i g n o r e r le m a l qu ' i l n o u s fait, et au to r i s e à ses p r o p r e s
yeux , c o m m e a u x yeux du pub l i c , l ' é n o r m i l é de ses e r -
r e u r s p a r la d r o i t u r e de son â m e et l ' h o n n ê t e t é de son
l angage?


Vous a joutez , il es t v ra i : « Doub le r sa r h é t o r i q u e ,
« d o u b l e r sa p h i l o s o p h i e , c'est ce q u e font v o l o n t a i r e -
:i m e n t une foule d'élères d a n s tous les é t ab l i s sements
ci pub l i c s ou p r ivés . »


Une foule, Mons ieur le Duc ! Si le fait est vrai , il n o u s
é c r a s e ; ma i s si c'est u n fait c o m p l è t e m e n t e r r o n é , ce
n ' es t pas s u r n o u s qu'il r e t o m b e . Eh bien ! j 'a i p r i s des




A M. L E D E C D E D K O G L I E . PS


informat ions p réc i ses à cet éga rd . En ce m o m e n t , d a n s
les cinq collèges r o y a u x de P a r i s , le l'ait es t , j e pu i s le
dire, s ans exemple q u a n t à la ph i l o soph i e .


Je m e t r o m p e ; il en est u n seul où il y a un élève qui
double cet te classe. P a r t o u t a i l l eu r s , , un v é t é r a n de p h i -
losoph ie est u n ê t re de r a i s o n , et je pu i s v o u s ci ter la
r é p o n s e d 'un p ro fe s seu r q u i , c o n s u l t é il y a q u e l q u e s
j o u r s à cet éga rd , disai t en p r o p r e s t e r m e s : De mémoire
de professeur, et il g a vingt ans que je le suis, il est
inou'i qu'un eleve ail double sa philosophie.


11 au ra i t pu a jou te r : N o n - s e u l e m e n t on ne r e d o u b l e
point cet te c lasse , m a i s bon n o m b r e d 'é lèves la font
h o r s de l 'Univers i té , ou ne la font p a s du tou t .


lin r h é t o r i q u e , il y a a u j o u r d ' h u i , c o m m e il y a eu
tou jours , des élèves v é t é r a n s ; mais c o m m e n t d i re qu ' i l
y en a une '.foule / A pe ine un s u r dix, env i ron sep t ou
hu i t dans des c lasses de qua t r e -v ing t s ou cen t é lèves.
Et que ls sont- i ls? Non pas des j e u n e s gens don t on veut
fortifier les é t udes d a n s l ' in térêt de leur aven i r , m a i s le
plus souven t des l a u r é a t s eu e spo i r , des t inés à a c h a -
landée pa r l eu r s succès l ' é t ab l i s semen t où l ' éduca t ion
leur est d o n n é e . J ' a u r a i s b e a u c o u p à dire su r ce po in t ,
M o n s i e u r le Duc, mais r ien sans d o u t e à vous a p -
p r e n d r e ' .


1 Voici c o m m e n t un puhlii is le, fort dévoué d'ailleurs à IH'nivcivitc
et à M. le .Ministre île l ' instruction publ ique , jugea i t les prix du grand
concours et ces redoublements de c lasse , appréc iés aujourd'hui à leur
juste valeur : » Les prix du grand concours sont admirables et servent
» d'en-eigne à l 'hôtellerie. Auss i , dans un grand nombre d' inst i tut ions
••• et de pens ions , tout a-1-11 été sacrifié à ces l u t t e s , alin de pouvoir
•< mettre dans les j o u r n a u x , au m o i s d'août , que l'institution Trois
« étoiles a eu tant île prix, tant d'aceessits, et tant de nominations au
« C O / I C O K I S - générât. La mat ière à lauréats est fort p r i s é e ; on envo ie




9G S E C O N D E L E T T R E


P o u r just if ier vo t re s y s t è m e de r i g u e u r c o n t r e tes pe-
t i ts s é m i n a i r e s , v o u s a joutez q u e cet inconvénient du re-
doublement forcé des deux classes de rhétorique et de
philosophie, kl où il existe, est la clause onéreuse d'un
contrat dont les élèves des petits séminaires ont recueilli
les bénéfices; ils ont été élevés en partie aux frais du pu-
blie, puisqu'ils ont été dispensés de payer directement
ou indirectement plusieurs impôts auxquels les élèves
des autres établissements sont soumis.


Cette ra i son a u r a i t de la fo rce , s'il n ' é ta i t depuis
l o n g t e m p s é tabl i dans la pensée de tou t le m o n d e que
l ' é ta t de c h o s e s q u e vous n o u s opposez n e peu t plus
subs i s te r . Ce qu i est a u j o u r d ' h u i p o u r n o u s u n e faveur ,
ne le se ra p lus d e m a i n . 11 n 'y a q u ' u n e voix con t re les
i m p ô t s u n i v e r s i t a i r e s ; l 'Univers i té e l le -même les r é p u -
d ie , p a r c e qu ' e l l e sent qu ' i l s la d é s h o n o r e n t . Mais si cet
od i eux sys t ème de fiscalité devai t ê t re m a i n t e n u , je
concev ra i s q u e l 'on forçat n o s é lèves à acqu i t t e r les
droi t s d ' e x a m e n et l ' a r r i é r é des r é t r i b u t i o n s un ive r s i -
ta i res , l o r squ ' i l s n ' e m b r a s s e n t pas l 'é ta t ecc lés ias t ique
et se p r é s e n t e n t aux é p r e u v e s du b a c c a l a u r é a t ; cela se-


« d , s c o m m i s - v o y a g e u r s fouiller les collèges de province , pour i l ëcou-
o vrir les élèves forts en version, ou qui annoncent une grande apti tude
« à mettre les accents grers . Ces é lèves ne payent rien ; au contraire,
« on les pave , quand ils l 'évident. Dans les atel iers de l'induj-trie m o -
» derne , on a procédé par une divis ion ex trême du travai l . El i bien !
« c'est par le m ê m e procédé qu'on fait îles lauréats de concours général .
« Lorsqu'on a reconnu à un élève une apt i tude spéc ia le , on la dévo-
ie loppe d'une manière à peu près exc lus ive ; a ins i , le malheureux fait
« thème sur thème, ou version sur version, ou vers sur vers, suivant
« son apt i tude part icul ière , et sans a u c u n égard pour les autres a p t i -
« tui les , qu'il faudrait agrandir préc i sément en raison de ce qu'elles se
« raient m o i n d r e s , pour arriver à un équil ibre d é n o t i o n s , qui est le
« vrai savoir de la jeunesse >•




A 11. L E D U C D E B l ï O G E l E . 97 .


ra i t é t r a n g e 1 , ma is m o i n s injuste q u e de les c o n d a m n e r
ou à r e n o n c e r aux c a r r i è r e s l i bé r a l e s , ou à refaire su r
les b a n c s de l 'Univers i té les c lasses qu ' i l s on t déjà
faites, et peu t -ê t re avec un g r a n d succès .


Mais, après tout, d i t e s - v o u s , cette conséquence n'au-
rait rien de bien redoutable.


Ici e n c o r e j ' a i pe ine à con ten i r le s e n t i m e n t qu i m ' o p -
p r e s s e . Je souffre, p lus q u e vous n e saur iez le c r o i r e ,
d e cette a i sance de langage qu i t r a n c h e si l é g è r e m e n t
de si g raves in térê ts . A h ! Mons ieur le Duc, il y a que l -
quefois dans les d i scours des h o m m e s les p lu s h o n o -
rab les , lo r squ ' i l s t r a i t e n t de n o u s et de nos affaires les
plus s é r i e u s e s , u n e l égère té d 'aff irmation qui s ied m a l
à la gravi té des choses : le c o u r s de cet te g r a n d e d i s -
cuss ion en a offert p lus d 'un t r is te e x e m p l e . Mais p u i s -
que vous ne l 'avez p a s a p e r ç u , Mons ieur le Duc, je
vais vous révéler tout ce q u e ce t te c o n s é q u e n c e a de
r e d o u t a b l e p o u r ces j e u n e s g e n s , p o u r l eu r s familles,
p o u r l 'État , p o u r l 'Église.


Et d ' a b o r d , cet te nécess i té q u e v o u s p r é t e n d r i e z leur
impose r de refai re deux classes qu ' i l s on t déjà faites,
j)as un seul d ' en t re eux n e s au ra i t s'y s o u m e t t r e . Vous


1 S'il fallait c o m p t e r avec l 'Université , le clergé n'aurait-i l pas te
droit cic mettre en l igne de c o m p t e les biens si n o m b r e u x qui lui ont
été enlevés et dont elle jou i t : ' et à cette occas ion , je ne puis m ' e n i -
pOxhw de citer un passage d'un ouvrage sur la liberté de l 'enseigne-
ment , public l'année dernière par Mgr l 'Arctievèque de Paris :


« Le Clergé ne possède pas c o m m e l 'Université nn personnel s u r -
ir abonda: , t , <I innombrables r i l i / t e hit h autrifii* parties éréques


o« ptr des toMjrèyotiom rdigiemat, des rentes, des biens, des
« bibliotkèiiites ayant la même origine, sans c o m p t e r les bourses et
<. les al locations du trésor, toutes les fois qu'une construct ion e x t r a -
« ordinaire devient nécessaire . »




rr!-:co:sni-: L E T T R E
ne l 'ob t iendrez j a m a i s ni d ' eux ni de leurs p a r e n t s . Non,
ce n e sera pas un b l â m a b l e excès d 'orguei l , m a i s un lé-
gi t ime s e n t i m e n t de fierté que celui qui l eu r conse i l le ra
de r e p o u s s e r u n e condi t ion in to lé rab le qu i ass imi le le
savoi r à l ' i g n o r a n c e ; force u n e inte l l igence qu i a la
consc i ence d ' e l l e - m ê m e à s ' abd ique r p e n d a n t deux o u
t ro i s ans p o u r l ave r la t a c h e de son o r i g i n e ; c o n d a m n e
u n j e u n e h o m m e déjà m û r à aller, m a l g r é son âge et ses
succès , se refa i re écol ier s u r les b a n c s d 'un collège, à
côté d 'enfants dont il p o u r r a i t ê t re le m a î t r e , et don t ii
ne sera q u e la r isée !...


,Te m e d e m a n d e c o m m e n t des h o m m e s g raves ne
vo ien t p a s q u ' é t a b l i r u n pa re i l r é g i m e , c 'es t p r o c l a m e r
tout h a u t q u e la s c i ence n 'es t r ien p a r e l l e - m ê m e ,
main qu'il faut savoir d'oii clic rirai p o u r l ' e s t i m e r ;
en sor te q u ' u n j e u n e h o m m e , fût-il un Pasca l , p a r cela
seu l qu ' i l a été élevé d a n s un pet i t s é m i n a i r e , d e -
m e u r e , aux yeux de ses e x a m i n a t e u r s , r a d i c a l e m e n t
i n c a p a b l e ; et tout son savo i r ne vau t r i en , p a r c e qu' i l
v ien t d ' u n e o r ig ine ecc l é s i a s t i que . Au nom du bon sens
et de la j u s t i ce , e x a m i n e z - l e , soyez p o u r lui p lu s sévè re
q u e p o u r d ' a u t r e s , si vous le v o u l e z ; m a i s ne le con -
d a m n e z p a s s s u b i r u n e a b s u r d e dég rada t ion qu ' i l n ' a c -
c e p t e r a j a m a i s ; et ne vo; .ez-vous p a s que , p a r là, vous
l ' exposez à la p lus d a n g e r e u s e des t e n t a t i o n s , et q u e
vous l 'obligez r é e l l e m e n t ou à x o u s t r o m p e r , ou à r e -
n o n c e r à t o u t e c a r r i è r e l i bé ra l e , ou à se faire p i è t r e
m a l g r é lu i?


Ai-je beso in d ' a jou te r q u e ceux qu i au ra i en t eu le
m a l h e u r e u x c o u r a g e d'étouffer l e u r consc ience et de se
faire p r ê t r e s m a l g r é e u x , sont c o n d a m n e s , p a r là m ê m e ,
à ê t re de m a u v a i s p r ê t r e s , et à t r a îne r u n e vie p le ine




. 1 M. !.!•: D U C l'K B I I U G U L ' . UT)


d 'amères d o u l e u r s cl d ' i n to l é r ab l e s r eg re t s ? Celle c o n -
trainte m o r a l e n 'est-el le pas u n e vé r i t ab l e é n o r m i t é ?


Et qui P E R I L d o n n e r le 'droit à i 'Q i ive r s i l é d ' e x p o s e r
te c lergé a v o i r e n t r e r d a n s ses r a n g s des m e m b r e s q u i
ne vou la ien t p a s , qu i ne deva i en t p a s s'y t r o u v e r , et
qui ne s'y t r o u v e r o n t q u e p o u r le d é s h o n o r e r ?


P o u r p e u q u e l 'on y fasse a t t en t i on , on r e c o n n a î t r a
q u e tout ce sys tème va dro i t à la r u i n e ou au m o i n s à
l 'humil ia t ion du clergé, en l b r ç a u l tous les pè r e s h o n -
nê tes , toutes les familles h o n o r a b l e s à éca r t e r l eu r s e n -
fants des pet i ts s é m i n a i r e s . Où t r o u v e r , en eli'ei, u n
père, s ensé qu i se r e g a r d e c o m m e assez s û r de la v o c a -
t ion d 'un enfant de dix à qu inze a n s , p o u r le p l ace r
en t re la nécess i té d ' e m b r a s s e r fo rcément , à d i x - h u i t
ans , l 'é ta t ecc lés ias t ique , o u do r e c o m m e n c e r ses
é tudes ap rès qu ' i l les a b ien faites, o u enfin d 'en p e r d r e
tou t le fruit, en se v o y a n t f e rmer tou tes les c a r r i è r e s
l ibéra les? Et l ' ins t i tu t ion des pet i ts s é m i n a i r e s n ' e s t -
ellc pas dès lors f rappée au coeur, et l 'Église e l l e - m ê m e ,
c o n d a m n é e à ne se r e c r u t e r j a m a i s q u e d a n s les r a n g s
les m o i n s é levés de la soc ié té , n ' e s t -c l l c p a s m e n a c é e
d 'un a b a i s s e m e n t c o n t i n u ?


Ce n 'es! p a s tout , R i m e r s K é , sans le voulo i r , j ' e n
su is c o n v a i n c u , a joute e n v e r s n o u s in jure su r in ju re .
El c s u p p o s e le clergé f rançais i n c a p a b l e de f o r m e r des
c i toyens ut i les , pu i squ ' e l l e déc la re ceux de nos élèves
qui r e n t r e n t d a n s le m o n d e inhab i l es à tout , t a n t qu ' i l s
n ' a u r o n t p a s r e c o m m e n c é , s o u s des m a î t r e s u n i v e r s i -
ta i res , les leçons q u e l 'Eglise l e u r a d o n n é e s .


Elle le s u p p o s e i n c a p a b l e , c 'est t rop p e u d i r e : elle le
p roc lame ind igne de p r é p a r e r à la p a t r i e des c i t oyens ,
pu i sque ceux de nos élèves qu i , de no to r i é t é p u b l i q u e ,




a u r a i e n t p u sub i r avec h o n n e u r l ' examen de bache l i e r
ès le t t res , q u o i q u e r e c o n n u s capables sous le r a p p o r t
l i t t é r a i r e , d e m e u r e n t sous le r a p p o r t léga l , indignes de
r e c e v o i r le d i p l ô m e qui seul p e u t l e u r d o n n e r le droi t
de se rv i r l e u r p a y s .


Et v o u s , Mons i eu r le D u c , v o u s q u e l 'on vit t ou jou r s
u n l ég i s l a t eu r si h u m a i n et si j u s t e , c o m m e n t consen -
t i r i ez -vous à l a i s se r i n t r o d u i r e p a r m i n o u s un n o u v e a u
dél i t : celui de s 'ê t re c r u appe lé à un état r e spec t ab l e ,
d ' avo i r été l 'orme d a n s u n e p ieuse r e t r a i t e à l ' a m o u r de
la v e r t u , et d ' avo i r s o n d é assez r e l ig i eusemen t sa c o n s -
c ience p o u r r e c u l e r d e v a n t d ' i m m e n s e s ob l iga t ions?
C o m m e n t ra t i f i e r iez -vous la pe ine m o n s t r u e u s e inventée
p o u r ce s ingul ie r dé l i t , l ' é l o ignemen t du coupab le de
t ou t e s les p rofess ions h o n o r a b l e s , c o m m e si c 'était d é -
s o r m a i s u n h o m m e flétri et f rappé d ' une in terd ic t ion
in te l lec tue l le et soc ia le?


Et vous d e m a n d e r a i - j e ce q u e le p a y s p e u t g a g n e r a
u n pare i l é ta t de choses? Y a- t -on assez ré i léchi? Quand
on a u r a pun i de p a u v r e s j e u n e s gens de l e u r pa t i ence
consc i enc i euse à a t t e n d r e une voca t ion q u e Dieu n ' a
p a s d é c i d é e , q u a n d on l eu r a u r a posé le ter r ib le di-
l e m m e d ' en t r e r , m a l g r é e u x , dans le s a n c t u a i r e p o u r le
p r o f a n e r , ou de se r é s i g n e r à n ' ê t r e r i en d a n s l eu r p a -
t r i e , q u e fera la socié té de ces m e m b r e s inu t i l es , r é d u i t s
à n e se faire u n e p lace au mi l i eu d 'el le q u ' e n la t r o u -
b l a n t ?


Eh b i e n ! .Monsieur le D u c , je le d é c l a r e , c r é e r ainsi
en F r a n c e u n e c lasse d ' h o m m e s je tés in jus tement h o r s
des -voies l é g i t i m e s , p o u r s ' avance r et se p r o d u i r e , et
p l acés de la so r te d a n s u n e p e r m a n e n t e host i l i té c o n t r e
l ' o r d r e s o c i a l , v o u é s pa r c o n s é q u e n t , si Dieu ne les en




A M. L E D U C D E D R 0 G L 1 E 101


ga rde , à deveni r des p a m p h l é t a i r e s ou dos c o n s p i r a -
t e u r s , ce n ' es t pas s e u l e m e n t offenser l 'Égl ise , c 'es t
b lesser l 'É t a t ; c 'est u n e faute po l i t ique dont la g rav i t é
est i m m e n s e et s u r l aque l l e u n e m a l h e u r e u s e p r é o c c u -
pa t ion a pu seule aveug le r j u s q u ' à ce j o u r .


Je m e cro is fondé à le d i r e : les r è g l e m e n t s u n i v e r s i -
ta i res sur l ' a d m i s s i o n au b a c c a l a u r é a t ne p e u v e n t s u b -
sis ter d a n s u n e socié té régul iè re : il y a t rop de comb i -
na i son et de p r é v o y a n c e d a n s ces r è g l e m e n t s , p o u r
qu 'on les a c c u s e d 'ê t re m a l h a b i l e s ; m a i s , en vé r i t é , les
c o n s é q u e n c e s en son t si é t r a n g e s , q u ' a u po in t de v u e
inte l lectuel cl soc i a l , n o u s ne c r a i g n o n s p a s de le d i r e ,
et q u ' o n n o u s p a r d o n n e la d u r e t é de l ' e x p r e s s i o n , ils
ne peuven t être accep tés et m a i n t e n u s q u e p a r u n e so-
ciété t roublée , don t les r évo lu t i ons ne son t p a s e n c o r e
achevées .


J ' en t ends vo t re . r éponse à ces g raves r a i s o n s , Mon-
sieur le Duc, vous allez m e d i re q u e :


« On ne voit pas p o u r q u o i les é lèves des pet i ts sémi -
« n a i r e s , à l'issue de leurs humanités, avant de com-
« mencer leur rhétorique, .si leur vocation n'est pas
« parfaitement décidée, n e se m e t t r a i e n t p a s en m e s u r e
:( d 'ob ten i r le d ip lôme o r d i n a i r e p a r l e s voies o r d i n a i r e s ,
« c 'es t -à-di re en a c h e v a n t l eu r s é t u d e s d a n s un é ta-
« b l i s semcn l de p le in exerc ice pub l i c ou p r i v é , sauf,
« après l'avoir obtenu, à entrer, si leur vocation persis-
« tait, au g r a n d s é m i n a i r e


« il ne faut po in t se f igurer d ' a i l l eurs q u e le con t ac t
« des é t ab l i s semen t s l a ïques soit mor t e l aux voca t ions
K ecc lés ias t iques . »


Voilà le m o l m a g i q u e avec l eque l vous croyez faire
c rouler tou tes nos objec t ions : eh bien ! laissez moi v o u s




le d i re , ces pa ro l e s m'affligent p lus que (oui le res te , fin
effet, elles n ' i r a i en t à r i en m o i n s qu ' à obliger tous les
é lèves des pet i ts s é m i n a i r e s de F r a n c e à q u i t t e r ces
pieux" a s i l e s , p o u r faire a i l leurs l eur r h é t o r i q u e et l eu r
ph i l o soph i e . .Te dis tout, et c 'est avec l ' au to r i t é q u e m e
d o n n e u n e expé r i ence ce r t a ine , l ' expé r i ence de ma vie
en t iè re . Je dis tons, p a r c e que je n e conna i s p a s , p a r c e
q u e je n 'ai j a m a i s c o n n u un seul j e u n e h o m m e don! la
voca t ion fût pnrfnikmp.nl dètidée. à l'issue dr ses huma-
niiés ou de su seconde.


Que s'il en était a u t r e m e n t , Mons ieur le Duc , (pie si
l 'on p a r v e n a i t à déc ider pa r f a i t emen t et i r r é v o c a b l e m e n t
des v o c a t i o n s si j e u n e s , cela ne p o u r r a i t a r r i ve r q u e
p a r u n e obsess ion od ieuse de tous les i n s t a n t s , et p a r
un de ces c o u p a b l e s a b u s d ' au to r i t é ou d ' inf luence q u e
r é p r o u v e n t é g a l e m e n t et la digni té de notre c a r a c t è r e ,
et n o t r e p rofond respec t p o u r la faiblesse et la c a n d e u r
de l ' enfance , et. la l iber té de l ' h o m m e , et la sa in te té du
s ace rdoce . Si j e conna i s sa i s un j e u n e h o m m e qui xînl
m e d i r e , à sa q u i n z i è m e ou seiz ième a n n é e , «pie sa
voca t ion est p a r f a i t e m e n t déc idée , je se ra i s le p r e m i e r
à l ' a r rê te r .


Au t re est la voca t ion ecc lés ia s t ique , a u t r e celle p o u r
l 'école fores t iè re ou l 'école des a r ' s el nul-'fers. VA sue
ce po in t l ' espr i t du s iècle , dans ce qu ' i l a p e u t - ê t r e de
p l u s j u s t e et de p lu s r a i s o n n a b l e , est pa r f a i t emen t d ' a c -
c o r d avec la loi ecc lés ias t ique , q u i , p a s p lus que la loi
civile, ne p e r m e t p a s a v a n t l a v ing t -e t u n i è m e a n n é e des
e n g a g e m e n t s i r r é v o c a b l e s . Chose é t r a n g e ! Monsieur le
Duc ,vous êtes ici mo ins doux et m o i n s l ibéra l enve r s n o u s
q u e ne l 'est la loi mi l i t a i r e e l l e - m ê m e , qu i a c c o r d e au
s é m i n a r i s t e appe lé p a r le sor t sous les d r a p e a u x j u s q u ' à




A M. \.E D U C DK i S R O G L I K . îmj


la vii igl-cinqnièmc a n n é e p o u r op le r c u i r e la mi l ice clos
camps et celle du s a n c t u a i r e .


Et c o m m e n t se fait-ii qu ' en cet e n d r o i t de vo i re r a p -
port vous t r anch iez auss i a i s émen t l 'affaire de la v o c a -
tion, l o r s q u e , d e u x pages p lus b a s , v o u s adme t t ez vous-
m ê m e q u e cet te g r a n d e affaire n e se déc ide j a m a i s si tôt ,
et qu'il g aurait de la part de ces jeunes gens c o n f i a n c e
excessive dans leurs dispositions intérieures, témérité
même a se conduire différemment !


Tous donc , Monsieur le Duc, à m o i n s qu 'on n 'a i t l'ail
v iolence à leurs d i spos i t ions i n t é r i e u r e s on qu ' i l n 'y ait
eu de l eu r p a r t confiance excessive et m ê m e témérité,
tous s o n t c o n d a m n é s à faire d a n s un collège l a ï q u e l eu r
r h é t o r i q u e et leur p h i l o s o p h i e ; ci , p o u r m e serv i r de
vos express ion . ; , n o n - s e u l e m e n t on ne voit pus bien
•l>onniuui ces c lasses se fera ient e n c o r e d a n s les pe t i t s
s é m i n a i r e s , m a i s on voi t t r è s - c l a i r e m e n t qu ' e l l e s d e -
v ra ien t y ê t re s u p p r i m é e s . Celle c o n s é q u e n c e , c 'es t
m o i qu i la t i r e , Monsieur le D u c , d a n s son i m p l a c a b l e
r igueur : vo t r e log ique s'en est eil ' rayée, et vous n e l 'avez
pas t i rée v o u s - m ê m e . En es t -e l le p o u r cela m o i n s légi-
t ime? en a v o n s - n o u s m o i n s dro i t de r e p o u s s e r un s y s -
tème qui about i t à une s emblab l e c o n c l u s i o n ? Kl j e u 'en
ai s ignalé q u e les m o i n d r e s d a n g e r s ; je n ' a i r i en dit des
funestes h a s a r d s q u e c o u r r a i t d a n s les é t a b l i s s e m e n t s
l a ïques la j e u n e s s e des t inée au s a n c t u a i r e .


Vous ajoutez, il est v r a i , q i ù 7 ne faut point s e figurer
que le contact des établissements la'iques soit mortel
aux vocations ecclésiastiques. Sur ce po in t e n c o r e , p lu s
q u e s u r tous les a u t r e s , Mons ieur le Duc, il m ' e s t d é -
fendu de pa r t age r vo t re av i s . Ce contact est trop souvent
mortel : j ' a i déjà eu l ' h o n n e u r de v o u s en d o n n e r les




104 SECONDE L E T T R E


r a i s o n s au c o m m e n c e m e n t de cel te l e t t re en d é m o n t r a n t
la nécessité et la spécialité des petits séminaires ; m a i s
il est mor te l s u r t o u t à l ' é p o q u e de la j e u n e s s e où vous
c o n d a m n e z n o s enfants à le sub i r .


Il es t un âge d a n s la vie a u q u e l u n anc ien a t t r i bua i t
les p rop r i é t é s d u feu, p a r c e que , c o m m e cet é l émen t , il
n e c o n n a î t po in t de r e p o s , et qu ' i l est s ans cesse en acti-
vi té ; un âge où l 'on p e n s e s a n s règle , où l 'on réfléchit
s ans m a t u r i t é , où l ' imag ina t ion et les sens exe rcen t s u r
la r a i son e l l e - m ê m e u n r e d o u t a b l e e m p i r e et s e m b l e n t
appe le r à eux le d ro i t de régler n o s d e s t i n é e s ; un âge
où les i n c e r t i t u d e s , les i l lus ions , les c o m b a t s des pas -
s ions c o n t r a i r e s , les ag i ta t ions et les t r o u b l e s au d e d a n s
d e m a n d e n t au m o i n s qu' i l y a i l l a pa ix cl la sécur i té au
d e h o r s : et c 'est à cet âge q u e vous voudr i ez expose r
nos enfants à des pér i l s q u ' u n e jus te r é se rve me défend
de s igna le r ici, et qui son t t rop c o n n u s d ' a i l l e u r s !


Eh b i e n ! n o u s , Mons ieur le Duc , n o u s d i sons : Dans
cet te fièvre de la r a i s o n , h e u r e u x celui qu i s 'est m é n a g é ,
p a r la force des goû t s et des h a b i t u d e s d ' une éduca t i o n
p r o f o n d é m e n t c h r é t i e n n e , u n c o n t r e - p o i d s à la force
de l ' imag ina t ion et à l ' i l lusion des sens , et qu i d e m e u r e
d a n s le p o r t l o r sque la t e m p ê t e c o m m e n c e à s ' é lever !


Mais ce n ' es t p a s tou t , Monsieur le D u c ; savez -vous
ce q u e n o u s fa isons p o u r les enfants q u e l 'Eglise et la
soc ié té n o u s confient , p e n d a n t ces a n n é e s si p r é c i e u s e s ;
et p o u v e z - v o u s n o u s p r o m e t t r e qu ' i l s le t r o u v e r o n t a i l -
l e u r s ?


Cette g r a n d e t r ans fo rma t ion inte l lectuel le et m o r a l e ,
si difficile à p r é p a r e r , si dél icate à su iv re , si i m p o r t a n t e
à c o n s o m m e r , et qu i doit avoir sur l eu r vie en t iè re u n e
influence si p ro fonde : voilà no t r e g r a n d t rava i l , voilà




A M. L E i î i C D E U R O <; L I E 105


l 'œuvre de ces a n n é e s décis ives . Sans d o u l c la r h é t o -
r i que et la p h i l o s o p h i e son t des é t udes d ' u n e e x t r ê m e
util i té, m a i s elles n e sont p a s tou t : p a r elles et avec
elles, et sous les h a u t e s i n sp i r a t i ons de la foi, n o u s n o u s
a p p l i q u o n s p r i n c i p a l e m e n t a lo r s à f o rmer l ' espr i t et le
c a r a c t è r e de n o s enfan t s , à fixer l e u r vo lon té , à l e u r
i n sp i r e r l ' a m o u r rel igieux d u t r ava i l et le goû t des occu-
p a t i o n s les p lus s a i n t e s ; et s'il faut v o u s d i re les c h o s e s
p a r l eu r n o m , c'est a lors q u e la p r i è r e recue i l l i e ,
les ense ignemen t s les p lus g raves de la re l ig ion , la m é -
di ta t ion des vér i tés les p lus s é r i eu se s , des r e t r a i t e s r é -
gul ières aux é p o q u e s les p lus so lenne l les de l ' année , et
enfin la f r équen ta t ion des s a c r e m e n t s , v i e n n e n t n o u s
a ider à accompl i r u n e ou ivre qu i , s a n s ces m o y e n s , es t
a b s o l u m e n t imposs ib l e . Je t 'aff i rme, et , s u r ce po in t ,
p a r d o n n e z - m o i ce l a n g a g e , on n e p e u t con t e s t e r avec
moi . Xon, sans ces p u i s s a n t s m o y e n s , n o u s e s s a y e r i o n s
v a i n e m e n t de faire p r e n d r e à ces j c u n c s g e n s l e s p i e u s e s
h a b i t u d e s de l ' o r d r e , de la r èg le , d u respec t et de la do-
cil i té; de d o n n e r à l eu r p e n s é e u n p u r et légi t ime e s s o r ;
de déve lopper , avec sagesse , la v ivaci té de leur i m a g i -
n a t i o n ; d 'exci ter , en les m o d é r a n t , les é lans d ' une ve r -
tueuse sens ib i l i t é ; de c o m m u n i q u e r à l eur j u g e m e n t ce
degré d 'act ivi té , de p é n é t r a t i o n et de v igueur , s a n s
lequel ils ne sera ient j a m a i s q u e des h o m m e s m é d i o c r e s ;
ma i s s u r t o u t de d o n n e r à l eu r â m e tout en t i è re cet te
forte t r e m p e , cel le énerg ie c o u r a g e u s e et pa t i en t e qui
est le fond du d é v o ù m e n l sace rdo ta l .


Celte œ u v r e csl g r a n d e , m e d i r e z - v o u s ; m a i s est-el le
possible à r éa l i se r , et la fa i tes -vous v o u s - m ê m e ?


Monsieur le Duc, q u a n d on a eu le b o n h e u r d ' i n sp i r e r
à ces j eunes c œ u r s le goût p u r de la vér i té et de la ve r tu ,




quan t i u n e éduca t ion p le ine de vér i té et d ' h o n n e u r ,
c ' e s t - à - d i r e p r o f o n d é m e n t c h r é t i e n n e , ap r è s avoir
d o m p t é l e u r s pa s s ions na i s san t e s et r e d r e s s é l eu r s incli-
n a t i o n s d a n g e r e u s e s , a ouve r t l e u r â m e à l ' es t ime de
tout ce qu i est v ra i et honnè-te , à l ' a m o u r p o u r tout ce
qu i est nob le et g r a n d , à l ' admi ra t ion p o u r tout ce qui
est foi g é n é r e u s e ou c h a r i t é sub l ime , à l ' e n t h o u s i a s m e
p o u r tou t ce qui est h é r o ï q u e et divin : a lo r s , Monsieur
le Duc , celle œ u v r e est poss ib le ; et n o u s c r o y o n s que
t o u t e s les m a i s o n s d ' éduca t ion oi'i on la isse s i n c è r e m e n t
p r é s i d e r la re l ig ion, p e u v e n t faci lement l ' accompl i r .


Au mi l i eu d ' u n e g é n é r a t i o n s a n s o b é i s s a n c e et s a n s
r e spec t , j ' a i vu la re l ig ion fo rmer des j e u n e s gens g r a -
v e s , réfléchis et m o d e s t e s , r e m p l i s d ' a r d e u r , et c e p e n -
d a n t r é s e r v é s et dociles ; j ' a i vu ces j e u n e s espr i t s , af-
f r anch i s des fan ta i s ies d é p r a v é e s et des folles h u m e u r s
de l eu r âge . sen t i r avec b o n h e u r le nob le plais i r d ' écou-
ler la v o i s de l ' au to r i t é et de la r a i s o n ; je les ai vus
obé i r avec u n e docil i té h o n o r a b l e à la voix sac rée de la
consc i ence , obé i r avec v é n é r a t i o n cl avec a m o u r à la
voix p lus a u g u s t e e n c o r e et p l u s c h è r e de, la re l ig ion ;
et , a p r è s les j o u r s de l e u r é d u c a t i o n , j ' a i vu les u n s ,
c o u r a g e u s e m e n t fidèles à une, voca t ion s a i n t e , se d é -
v o u e r tout e n t i e r s à u n e c a r r i è r e de c h a r i t é et de zèle,
et a t t e n d r e avec i m p a t i e n c e le m o m e n t de se sacr i l ier
p o u r l e u r s f rè res .


J ' a i vu les a u t r e s r e t o u r n e r a u mi l i eu d u m o n d e , el
m o n œil les a suivis d a n s ce l te voie qu i étai t p o u r eux
celle de la P r o v i d e n c e , e l je les ai vus , j u s q u ' a u mil ieu
d e s h a s a r d s de la g u e r r e , c o n s e r v e r su r l eur f ront ce
je n e sais quo i d ' h e u r e u x , qu i v ien t des dons du ciel el
q u i n ' e s t p a s d a n s le c o m m u n des h o m m e s . Je les ai




T U S r é c l a m e r p o u r l eu r ve r lu u n e noble i n d é p e n d a n c e ,
env i ronne r l e u r j e u n e s s e d ' une s ingu la r i t é g lo r i euse ; et ,
en les voyan t , je les bén i s sa i s de loin ; je les bén i s e n c o r e ,
et c o m m e n t ne pas le fa i re? On sen t q u e cet te j e u n e s s e
est a n i m é e de Dieu, et on l ' a i m e ; et le i n o n d e lui-
m ê m e , c h a r m é d ' une ve r tu si nob le et. si p u r e , se dit
en les v o y a n t : Oui , u n j e u n e h o m m e qu i , p a r le b i en -
fait d 'une éduca t ion c h r é t i e n n e , a c o n s o n é j u s q u ' à
vingt ans son innocence , ,.*/, o ce! <nv>, h plus géné-
reux, le meilleur e! i" plus aimable de-, 'nuimus '.


"Voilà, Monsieur le Duc , les enfants q u e la re l ig ion
forme à son école : l a i s s e z - n o u s a c h e v e r n o t r e œ u v r e ,
n o u s vous en c o n j u r o n s , et ne n o u s d e m a n d e z p lu s de
les jn lc r avant le t emps au milieu des pér i l s que \ o u s
avez soup! onnés v o u s - m ê m e ; ca r v o t r e l a n g a g e t r ah i t
à cet é g a r d les d o u t e s d e vo t r e c o n s c i e n c e , l o r s q u e
vous ajoutez, a p r è s avo i r s o u m i s n o s élèves à cet te
ép reuve r e d o u t a b l e ; S A I T à e n t r e r p lu s t a r d , si L E U R
V O C A T I O N r iais (si A I R , au g r a n d s é m i n a i r e .


Que Dieu les p r é s e r v e d ' u n e s e m b l a b l e é p r e u v e !
Mais p o u r q u o i n e v o u l e z - v o u s p a s v o u s s o u m e t t r e


aux cond i t ions des g r a d e s ? n o u s d i t - o n .
.Te vous ai déjà r é p o n d u , Mons ieur Je Doc , d a n s la


p r e m i è r e le t t re q u e j ' a i eu l ' h o n n e u r de vous a d r e s s e r ,
qu'on nous calomnie quand un affirme que nous refu-
sons de subir les eramens des candidats aux grades.
Nous ne demandons a cet égard que deux choses : des


31 r.TS INILF.L'F.MLANTS, des KXAMINATl-XRS IMPARTIAUX et les


rROC.ltAMUKS D\EXA\n-.\ I.KS l'I.US SÉVr.iïES,
Mais, q u ' o n m e p e r m e t t e de le d i re , les e x a m i n a t e u r s


1 l ' i O U S Ç C û l l .




108 S E C O N D E E E T Ï l î E


ol les j u r y s que le p ro je t de loi n o u s p r é p a r e , à q u e l q u e
degré de la h i é r a r c h i e u n i v e r s i t a i r e qu ' i l s soient p r i s , ne
n o u s p a r a i s s e n t pas offrir ces g a r a n t i e s : et ici je ne
p r é t e n d s offenser qu i q u e ce soit . Il y a des i n c o m p a t i -
bi l i tés qu i dé r iven t de la n a t u r e des c h o s e s , et qu i n e
sont u n e in ju re p o u r p e r s o n n e .


« Le t é m o i g n a g e d ' un h o m m e , dit un i l lus t re éc r i -
« va in , n e s a u r a i t ê t re r e ç u , que l q u e soit le mé r i t e de
« celui qu i Je r end , dès q u e cet h o m m e peu t ê t re s c u -
« l e m e n t s o u p ç o n n é d ' ê t re sous l ' inf luence de q u e l q u e
« pa s s ion c a p a b l e de le t r o m p e r . Le p lus g r a n d p e r s o n -
« n a g e , le c a r a c t è r e le p l u s u n i v e r s e l l e m e n t v é n é r é ,
« n ' es t po in t i n su l t é p a r ce s o u p ç o n légal . En d i san t à
« u n h o m m e q u e l c o n q u e : Vous /'tes un homme, on
« n e lui m a n q u e po in t . » (M. D E M . Y I S T R E . )


A qui p e r s u a d e r a - t - o n , Mons ieu r le Duc , q u e des
fonc t i onna i r e s engagés de leur p e r s o n n e d a n s les lu t tes
q u o t i d i e n n e s des p a r t i s c o n t r a i r e s , p o r t é s p a r u n
a m o u r - p r o p r e n a t u r e l , p a r espr i t de c o r p s , p r e s q u e p a r
devoi r , à faire p r é d o m i n e r les écoles don t ils on t é té
les p ro fesseurs , et don t ils son t e n c o r e les p a t r o n s ,
p r é s e n t e n t les g a r a n t i e s d ' impar t i a l i t é qu ' on p o u r r a i t
t r o u v e r chez des juges inves t i s é g a l e m e n t p a r le gouver-
n e m e n t ou p a r la loi d 'un c a r a c t è r e officiel, ma i s c h o i -
sis en d e h o r s de la c o r p o r a t i o n u n i v e r s i t a i r e ? Oui
n e le sa i t d ' a i l l eu r s , n e s o n t - c e pas s u r t o u t M M . les p ro -
fesseurs des facul tés , l e u r e n s e i g n e m e n t et l eu r s o u -
v r a g e s , qu i son t en c a u s e ? M. le Ministre de l ' i n s t ruc -
t ion p u b l i q u e ne s 'offensera pas de ce q u e je vais d i re ,
l e u r i n d é p e n d a n c e de son au to r i t é est p r é c i s é m e n t ce
qui n o u s les r e n d p lus suspec t s q u e t ous les a u t r e s :
d a n s tou t ce qui t ient à l ' en se ignemen t de l ' h i s to i re et




A M. L E D E C D E B U O G L I E


de Ja p h i l o s o p h i e , n o u s ne c o n n a i s s o n s p a s d é j u g e s
p lus r é c u s a b l e s q u ' e u x .


h't v o u s - m ê m e , Mons ieu r le Duc , en avez j u g é de la
so r te : « L ' U N I V E R S I T É , d i s i e z - v o u s r é c e m m e n t à la
« C h a m b r e des p a i r s , E S T U X C O R P S : elle le dit, elle
« n'en vante, et elle [ail bien de s'en vanter. Oui, l'L'ni-
« versite est une corporation ; je, suis bien aise qu'elle
« soit une corporation Mais quand on accepte les
« avantages, il faut subir les conséquences. L'Uni cer-
« site est un corps, feu conviens; ce corps a un esprit,
« et cet esprit s'appelle de, ^ ' E S P R I T D E C O R P S . Ce n'est pas
« un mal, c'est un bien ; et ensuite, comme cela a quel-
« ques inconvénients, il faut en tenir compte On
« doit des garanties aux institutions libres ; elles les re-
« clament, la loi est destinée a les leur donner A re.<
« instituteurs qui ne sont plus membres du corps ensei-
u gnant, qui sont les émules, les rivaux du corps ensei-
« gnant, il a paru nécessaire de donner des garanties
« spéciales contre les tendances qu'on pourrait avoir a
« restreindre leur liberté Les précautions prises par
« la loi contre les tendances de la nature humaine en
« général, les lois faites en défiance des infirmités de la
« nature humaine, ne sont une offense ni une insulte
« pour personne. »


J ' a jou te ra i , Mons ieur le Duc, q u e d'ici à l o n g t e m p s
l ' é b r a n l e m e n t d o n n é à l 'opinion p a r la g r a n d e que re l l e
qui l 'agi te , n e p o u r r a se c a l m e r ; et t o u s , m e m b r e s de
l 'Universi té et m e m b r e s du c lergé , n o u s s o m m e s con -
d a m n é s , p a r l a faiblesse inévi table d e l à n a t u r e h u m a i n e ,
à être p o u r de l ongues a n n é e s e n c o r e dé l i an t s les u n s
vis-à-vis des a u t r e s


Je ferai e n c o r e o b s e r v e r que la néces s i t é de se s o u -




S E C O N D E L E T T R E


m e t t r e a u x cond i t i ons des g r a d e s yIb-hulrait éga lement
lus p rofesseurs des c o m p a g n i e s re l ig ieuses vouées à
r e n s e i g n e m e n t des g r a n d s s é m i n a i r e s , puisque, d ' a p r è s
votre r a p p o r t l u i - m ê m e , il y en a 102 où se fait la philo-
soph ie .


J e d i ra i , enfin, q u e q u a n d vous n o u s aurez étonné des
j u r y s i n d é p e n d a n t s , des e x a m i n a t e u r s i m p a r t i a u x , tels
q u e n o u s vous les d e m a n d o n s , il r e s t e r a e n c o r e e n t r e
les p ro fe s seu r s des m a i s o n s u n i v e r s i t a i r e s e l l e s profes-
s e u r s des m a i s o n s ecc lés ias t iques u n e différence p ro-
fonde. Le p ro f e s so ra t , d a n s les peti ts s é m i n a i r e s , n ' e s t
p a s u n pa-ssanc-, c o m m e j ' a i déjà eu l ' h o n n e u r de vous le
d i re , m a i s il n ' e s t pas non p lus u n e carrière c o m m e
d a n s I T n i v e r s i t é . exon, les cond i t ions ne sont pas égales
e n t r e ces Mess ieurs et n o u s .


Q u a n d ces Mess ieurs on t p rofessé c o m m e nous pen-
dant un cer ta in n o m b r e d ' a n n é e s , s'ils ont de l ' ap t i tude
et du goû t p o u r l ' a d m i n i s t r a t i o n et le g o u v e r n e m e n t , ils
d e v i e n n e n t p r i n c i p a u x de collège, c e n s e u r s , proviseurs,
i n s p e c t e u r s d 'Académie , i n s p e c t e u r s g é n é r a u x , r e c t e u r s ;
q u a n d ils m o n t r e n t un ta lent d is t ingué p o u r ies l e t t r e s ,
p o u r les sc i ences , ils deviennent p ro fesseur s de faculté,
p ro fesseur s au Collège de F r a n c e : t o u s p e u v e n t mouler
encore plus h a u t , a s p i r e r à devenir membres du consei l
r o y a l de l ' i n s t ruc t ion p u b l i q u e ; p lu s haut e n c o r e : c 'est
quelquefois t ou t e u n e fo r tune .


Aussi ces Mess ieurs dirigent-i ls t o u s l e u r s efforts, t ou tes
l eu r s é t u d e s ve r s u n b u t u n i q u e , les g r a d e s ; ils y em-
ploient tout l eu r t e m p s , ton te l eu r in te l l igence .


La pos i t ion de n o s p r o f e s s e u r s est b i e n différente;
Monse igneur l 'A rchevêque de Pa r i s l 'a exposé d a n s ses
OLser rat ions sur la liberté d'enseignement, avec une j u s -




lesso et une force qu i ne n o u s p e r m e t t e n t q u e de le r e -
p r o d u i r e :


!< Le prê t re a dû s ' occupe r p r i n c i p a l e m e n t d ' é t u d e s
« e c c l é s i a s t i q u e s , et n ' a p u d o n n e r aux a u t r e s que la
a moindre, pa r t i e de son t e m p s . On a u r a i t tor t d 'en con-
« d u r e con t r e lui u n e infér ior i té d'instruction. De for les
i< études p r é a l a b l e s , le zèle p o u r le p r o g r è s de ses
<( é lèves , son appl ica t ion exclus ive à b ien faire la c lasse
•< confiée à ses s o i n s , offrent des ga ran t i e s p ré fé rab les
« à celles du g r a d e


« Le laïque se p r é p a r e à l ' examen d ' a p r è s la m é t h o d e
suivie d a n s les collèges de l'Lniversité, qu i sera celle


'( des e x a m i n a t e u r s .
« Le prê t re a s p i r a n t aux g r a d e s a suivi u n e a u t r e


; m é t h o d e ; o r , qu i ose ra i t d i re que p o u r le c o u r s le
•: plus i m p o r t a n t , celui de la p h i l o s o p h i e , la m é t h o d e
.i des s é m i n a i r e s n 'est pas p r é f é r a b l e ? . . .


u Vyrès que les g r a d e s son t o b t e n u s , le l a ï q u e , s'il
.1 est s imple p ro fe s seu r , est c h a r g é d'une, c lasse ; ce l le
( c lasse la i te , il j ou i t de foule sa l iber té .


« Le p i è t r e p ro fe s seu r es t p r e s q u e t o u j o u r s aumô-
>t n i e r . . . . Oc même professeur est p r e s q u e écol ier , puis-
se qu' i l mi l le r é g i m e des écol ie rs » Il se lève avec
eux, il p r ie avec e u x , il t ravai l le aux m ê m e s h e u r e s
qu 'eux , il p r e n d ses r e p a s à la m ê m e lab lc q u ' e u x , il se
délasse cl se r é c r é e avec e u x ; en un m o t son inf luence
et ses soins s ' é t enden t su r ses élèves à foules les h e u r e s
de la jou rnée . Il ne d e m e u r e pas , c o m m e d a n s l T n i v e r -
silé, é t r a n g e r à tous les déta i ls si dé l ica ls de l eu r é d u -
cat ion, à toutes les sol l ic i tudes si mu l t i p l i ée s d'une dis-
cipline pa te rne l le : ca r , je nuis le d i r e , en r e n v e r s a n t
votre pen..-,é", V n n s i e u r le Duc, ce n ' es t pas s e u l e m e n t




S E C O N D E L E T T R E


un maître, ce n ' e s t pas s e u l e m e n t un magistrat, c'est an
père. C'est un p è r e , p a r c e q u e chez n o u s l ' éduca t ion ,
c 'est la famil le , et q u e t r è s - r a r e m e n t répressive, elle est
e s sen t i e l l emen t p ro t ec t r i c e et préventive.


Lorsqu ' i l s 'est l ivré p e n d a n t q u e l q u e s a i m é e s à ces
fonc t ions , s a n s d o u t e il p e u t r e n t r e r d a n s celles du m i -
n i s t è r e e c c l é s i a s t i q u e ; m a i s il c h a n g e a lo r s , c o m m e le
d i t e n c o r e M o n s e i g n e u r l ' A r c h e v ê q u e de Tar i s , il change
de c a r r i è r e ; n o n - s e u l e m e n t il ne t rouve pas les h o n n e u r s
u n i v e r s i t a i r e s , don t l ' a h s c n c c d u r e s t e ne lui laisse po in t
de r e g r e t s , m a i s il é c h a n g e d ' h u m b l e s t r avaux con t r e
d ' a u t r e s t r a v a u x quelquefois p lu s h u m b l e s e n c o r e ; u n e
pens ion de r e t r a i t e n e l ' a t t end p a s , c o m m e d a n s l 'Uni-
ve r s i t é .


Non : les cond i t i ons ne sont pas égales e n t r e ces
Mess ieurs et n o u s ; et le dro i t c o m m u n tel q u ' o n n o u s
l'offre dev ien t p o u r nos a d v e r s a i r e s un pr iv i lège c o n t r e
n o u s , n o u s d o n n e p o u r juges n o s r i v a u x et n o s a n t a -
gon i s t e s , et n o u s m e t r ée l l emen t p a r là en d e h o r s do la
l i be r t é , de la j u s t i ce et du droit commun.


Qu 'on p e r m e t t e à nos évoques de fonder et d ' o rgan i se r
un e n s e i g n e m e n t l ibre et c a t h o l i q u e , et le d ro i t c o m m u n
d e v i e n d r a a lors p o u r tous u n e l ibe r té s incère .


Ces d e r n i è r e s o b s e r v a t i o n s , q u e j ' a i été obligé de
faire s u r la compos i t ion du j u r y d ' e x a m e n , m ' e n t r a î n e -
r a i e n t à d i scu te r le pro je t de loi tout en t ie r : ce n ' e s t
p a s m o n d e s s e i n ; je n e v e u x en ce m o m e n t m ' o c c u -
pe r q u e des pet i t s s é m i n a i r e s . Q u a n t au p ro je t de loi,
je c ra ins b i e n q u ' o n ne soit c o n d a m n é à en dire ce q u e
M. le b a r o n Char les Dnpin en disai t r é c e m m e n t à la
C h a m b r e des p a i r s , à son poin t de v u e : « Ce n'est pas
une loi pour, c'est une loi contre la liberté d'enseigne-




A M. L E D E C D E B R 0 G L I E . 113


ment; « sur cotte parole du noble pair, je nie contenterai
d'ajouter ici celte réflexion d'un des membres les plus
élevés du conseil royal :


« Quand l'opinion publique réclame un changement,
« il y a pour un gouvernement quck(ue chose de pis que
a de mépriser les vœux de l'opinion publique, c'est d'y


mal obéir et de dénaturer l'idée en l'exécutant. »
( M . Saint-Marc Girardin, de l'Instruction intermédiaire
dans le midi de l'Allemagne.)


J'achève enfin, Monsieur le Duc : il est une dernière
objection à laquelle je dois répondre : Mais vos petits
séminaires seront donc fermés à l'État ? L'État ne sait
rien de ce qui s'y passe , l'État n'y ent re , n'y pénètre
jamais. L'État n'a aucun moyen de savoir si l'esprit
qu'on y inspire à la jeunesse est un bon ou un mauvais
espri t.


La réponse est facile. Les petits séminaires ne sont
pas fermés à l'État, pas plus que les autres écoles spé-
ciales ; ils sont, il est vrai, fermés à l'Université, comme
les écoles spéciales le sont également, mais ils ne sont
pas pour cela fermés à l'État.


Les petits séminaires son t , dans chaque diocèse,
sous la surveillance immédiate et la direction spéciale
de l'évêque, qui est l 'homme du choix du roi, et qui est
aux yeux du gouvernement , pour les écoles ecclésias-
tiques de son diocèse, l'autorité responsable, comme
le recteur de l'Académie pour les établissements uni-
versitaires. Le supérieur de chaque petit séminaire n'est
pas , il est vra i , nommé par le roi comme l 'évoque;
mais nommé par l 'évêque, il est agréé ou refusé par le
roi.


Tous les vicaires généraux , les chanoines , les curés
i . <s




i n S E C O N 1)1-; L E T T R E


des g r a n d e s vi l les , c 'es t -à-dire tous ceux qui, clans cha-
que diocèse , ont u n e inf luence p lus ou m o i n s p r o c h a i n e
s u r l ' éduca t ion des pet i ts s é m i n a i r e s , sont, tous agréés
ou refusés p a r le r o i , s u r le r a p p o r t d u min i s t r e des
cu l t e s , a p r è s i n fo rma t ions pr ises a u p r è s des préfe ts .


Les pet i ts s é m i n a i r e s , c o m m e les a u t r e s écoles s p é -
c ia les , c o m m e t o u s les é t a b l i s s e m e n t s et tou tes les cho-
ses e c c l é s i a s t i q u e s , son t donc d a n s fouies les formes
les p lus exac tes d ' u n e c o n v e n a b l e d é p e n d a n c e vis-à-vis
de l 'État, Q u a n t au t o n d , q u a n t a l 'affection et au d é -
voûmcnL, c 'est c h o s e q u e la défiance n ' i n sp i r e p a s .


Le but q u ' o n se p r o p o s e n e p e u t d 'a i l l eurs c i re
a t t e in t en a u c u n e m a n i è r e p a r les m o y e n s qu'on i n -
d i q u e .


C'est de l'esprit des pe t i t s s é m i n a i r e s q u ' o ù se délie ;
or cet esprit n e s'inspecte p o i u t ; cet esprit ucx'enseigiie
m ê m e p o i n t ; cet esprit ne se réglemente po in t : cet e s -
pr i t n 'es t n i d a n s l ' i n s t ruc t ion c l a s s i q u e , n i d a n s les
r è g l e m e n t s , ni d a n s les e x a m e n s ; cet esprit s'inspire:
il se ra , p a r conséquent , t o u j o u r s i n s a i s i s s a b l e , et des
in spec t ions annue l l e s ne p o u r r a i e n t r i e n , ni p o u r l ' amé-
l io re r s'il étai t m a u v a i s , ni p o u r le sa is i r cl le c o n s t a t e r ;
el les ne fera ient m ê m e q u ' a j o u t e r a u x i n q u i é t u d e s m u -
tuel les , et p r o d u i r a i e n t le m a l q u e Ton craint là où il
n ' ex i s le p a s .


J'ai déjà eu l ' h o n n e u r de v o u s l ' éc r i re d a n s m a p r e -
m i è r e l e t t r e , Mons ieur le Duc, et crois ne pouvo i r t rop
le r é p é t e r : La défiance vis-a-eis du clergé est un système
a la fois sans honneur et sans habileté. P lus je réf léchis
à l 'object ion q u i n o u s est f a i t e , p lus je t rouve qu'elle
n ' e s t p a s rée l le : c 'est u n motif, u n thème, r i e n de
p l u s .




Il y a (l 'aiJieurs une obscrvaliou forl simple à faire ici,
cl qui suff ira , j ' e s p è r e , à p r é v e n i r les p r é o c c u p a t i o n s
inquiè tes à cet éga rd .


L ' éduca t ion se fait de dix à seize ou dix-huit ans . E h
bien ! cel te é p o q u e de la v ie , et les é tudes m ê m e s qu i se
font a lo r s , sont n a t u r e l l e m e n t é t r a n g è r e s à la po l i t i que .
11 faudra i t faire v io lence à l 'âge et à la n a t u r e des e n -
fants p o u r e s saye r s u r cuv u n e inf luence de ce g e n r e .
P o u r qu i conque a é tud ié la j e u n e s s e , ce q u e je dis ici
sera cer ta in : à cet â g e , ce ne son t pas les opinions qu i
se forment , ce sont les halnludes, les mr/mr* ; les vertus
ou les vices .


Que l ' éduca t ion in sp i r e à ces enfants l ' a m o u r de l e u r
p a y s , le r e spec t p o u r l eu r s p a r e n t s , l ' a r d e u r d a n s le
travail, u n e re l ig ion s i n c è r e ; qu 'e l le c o n s e r v e l e u r i n -
nocence : elle a u r a fait p o u r la soc ié té po l i t ique tou t ce
que celle-ci peu t d e m a n d e r . Ils s e r o n t p o u r e l l e , un
j o u r , tout ce qu 'e l le a le dro i t d'attendre. La vér i té n ' e s t
que là. le r e s t e est d a n s le faux,


C'était la p e n s é e de P la ton : Conserve: la bonne édu-
cation , et elle fait d'heureux naturels </ui, gra.ee a celle
éducation, deviennent de meilleurs citoyens que ceux qui
les ou! jiiTced'V.


Eu un m o l , d a n s l ' enfanl , il es t q u e s t i o n , n o n p a s de
former le c i toyen , m a i s l 'homme, el l ' h o m m e accompl i
p r é p a r e à la société le c i toyen parfa i t .


Aussi , P la ton a jouta i t : Quel grand, bien résulte, pour
un État, de la bonne éducation de la jeunesse !... Les
jeunes gens bien élevés seront un jour des hommes excel-
lents, et étant tels, ils se comporteront bien en toutes ren-
contres...




1 1 0 S E C O N D E L E T T R E


Tout dépend de la ¡tremiere impulsion. Est-elle une
fois bonne? VÉtat va s'agrandissant sans cesse...


( P L A T . , R é p . , \ . à, t om. IX, p . 201 . )


Xon, n o n , les i n s t i t u t e u r s de la j e u n e s s e , que l s qu ' i l s
s o i e n t , n ' o n t p a s d ' a u t r e s devo i r s à r e m p l i r : et q u a n t
a u c l e rgé , il sera le sublime conservateur de l'ordre pu-
blic en préparant les générations nouvelles à la pratique
de toutes les vertus; car il ij a moins loin, qu'on ne pense
des vertus privées aux, vertus publiques, cl le parfait
chrétien devient aisément an grand citoyen. J ' a i m e à
r e d i r e ces be l l e s p a r o l e s de M. le c o m t e Molé : el les
on t r e t e n t i d a n s u n e a u t r e e n c e i n t e q u e celle où se d é -
b a t t e n t a u j o u r d ' h u i n o s in té rê t s ; ma i s c'est la p e n s é e
de P l a t o n , ennob l i e et é levée e n c o r e p a r l ' insp i ra t ion
f rança ise et c h r é t i e n n e .


Sans a u c u n d o u t e , et je su is h e u r e u x de m ' e x p l i q u e r
ici avec f r a n c h i s e , j e r e g a r d e c o m m e un devoi r sac ré
p o u r tou t i n s t i t u t eu r d ' é l eve r les enfan t s d a n s l ' a m o u r
de l eu r p a t r i e , d a n s le r e s p e c t p o u r ses ins t i tu t ions et
ses lois ; de l e u r i n s p i r e r le zèle p o u r ses i n t é r ê t s , le
d é v o ù m e n t p o u r sa gloire . Je r e g a r d e r a i s c o m m e un
c r i m e , je ne dis p a s s e u l e m e n t d 'étouffer, m a i s m ê m e
d ' a l t é re r , de p r è s ou de l o i n , ces nob les s e n t i m e n t s
d a n s le c œ u r de la j e u n e s s e .


Voilà, à n o s y e u x , d a n s que l sens l ' éduca t ion doi t
ê t re n a t i o n a l e , et n o u s c r o y o n s à cet éga rd n ' avo i r b e -
soin des l eçons de p e r s o n n e : n o u s n e r e c o n n a i s s o n s à
p e r s o n n e le d ro i t de se p r o c l a m e r , su r ce po in t , meil-
l e u r q u e n o u s ; et voilà d a n s que l le p e n s é e n o u s t r a -
vai l lons , selon n o s forces , à fo rmer p o u r la F r a n c e un
c lergé d igne d'elle.




A il. J.L' D U O D E B K O G U K . 117


Et pu isque j ' a i p r o n o n c é ce g r a n d mot d'éducation
nationale, i n v o q u é tout r é c e m m e n t con t r e n o u s , je dirai
ici m a p e n s é e tout en t iè re :


Si n o u s avons u n e convict ion p r o f o n d e q u e l ' éduca -
t ion de la j e u n e s s e doi t ê t r e u n e é d u c a t i o n n a t i o n a l e ,
n o u s s o m m e s éga l emen t c o n v a i n c u s qu 'e l l e n e doit p a s
ê t re u n e éduca t i on pol i t ique . Un h o m m e sage l'a dit :


On ne parle j/oldique au.r enfant.-; que lorsqu'on
veut les égarer. Laissons faire a cet égard la religion
chrétienne ,• elle leur donne la seule leçon de politique qui
convienne a leur âge, quand elle leur apprend a aimer,
à respecter, à obéir.


(les pa ro l e s sont d 'un p h i l o s o p h e ch ré t i en : elles son t
v r a i m e n t d ignes de la sagesse é v a n g é l i q u e ; voilà les
g r a n d s p r inc ipes , voilà les s en t imen t s , voilà les h a b i -
tudes et les m œ u r s sociales qu ' i l faut d o n n e r de b o n n e
h e u r e aux enfants , et d a n s l esque l les l ' a m o u r éc la i ré
de la pa t r i e d e m a n d e qu ' i l s so ient é levés ; c 'est ainsi
qu 'on insp i re ra à la j e u n e s s e le r e s p e c t et l ' o b é i s s a n c e
aux lois et a u x ins t i tu t ions du p a y s , s a n s la c o n v i e r a u
spec tac le d a n g e r e u x p o u r elle des ag i ta t ions de la s cène
pol i t ique .


Eh q u o i ! les pères ne s ' en t enden t p a s e n c o r e : d a n s
ce d o m a i n e d 'une a r d e n t e c o n t r o v e r s e , la sagesse , l ' ex-
pé r i ence n 'on t pu e n c o r e a m e n e r la l u m i è r e et conc i l i e r
les in té rê t s et les op in ions c o n t r a i r e s , et il y a u r a i t des
in s t i t u t eu r s assez i m p r u d e n t s p o u r j e t e r la j e u n e s s e
d a n s l ' a r ène des d i spu tes p u b l i q u e s , et exc i te r ainsi à
pla is i r d a n s ces j e u n e s â m e s un t r o u b l e profond , qu i
ne s ' apa i se ra peu t -ê t r e j a m a i s !


Non, non , ce sera i t oub l ie r tout ce q u ' o n doit à Dieu,
à la famille, à l 'enfant, à la pa t r i e e l l e - m ê m e !




S !•:<". O N P.:'. I . F . Ï T K E


Cer tes , ma conv ic t ion est p r o f o n d e su r ce point .
P o u r q u e l'éducation de la j e u n e s s e soit v r a i m e n t


na t iona l e , il faut qu 'e l le soit p l a c é e d a n s u n e région lit-
t é ra i re , m o r a l e et re l ig ieuse si l i an te , et p a r là m ê m e
si pa is ib le et si p u r e , q u e le t r i s te é c h o des q u e r e l l e s
soc ia les n'y p a r v i e n n e j a m a i s .


La p a t r i e , c 'es t la f ami l l e ; o h ! qui a j a m a i s ouï d i re
q u ' u n enfant dû t ê t re ini t ié a u x tr is tes d i ssens ions qui
d iv isent u n p è r e , u n e m è r e , des frères a înés? Ce sera i t
u n e isr. m e r c i ; lé p r o f o n d e ; ce se ra i t blesser à plais ir
cel le j e u n e â m e .


Non , non : il faut q u e les enfants de, la p a t r i e so ient
élevés d a n s u n e heureuse i g n o r a n c e de tout ce qui i r -
r i t e , aigri t e! divise. Ils u ' \ s e r o n t ini t iés q u e t rop tôt :
h e u r e u x d u m o i n s si, q u a n d l eu r t ou r viendra de p r e n d r e
l e u r p lace dans ce m o n d e et d 'y j o u e r un rô l e , ils t rou-
vent q u e les haines sont éteintes, les irritations apai-
sées et la paix à la veille de se faire ! i ls y c o n t r i b u e -
r o n t , s 'ils ont é lé é levés c o m m e ils le doivent . J a m a i s
la h a u t e é d u c a t i o n n e fut p lus néces sa i r e que d a n s u n
p a y s troublé p a r de longues r é v o l u t i o n s : c 'est l ' un ique
m o y e n de c rée r un mi l i eu p o u r en sor t i r .


L ' é d u c a t i o n v r a i m e n t n a t i o n a l e est celle qui é lèvera
la j e u n e s s e si h a u t , si au -dessus des que re l l e s , qu i en
fera des h o m m e s si d is t ingués parle caractère, si nob les
p a r i ' espr i l , si g é n é r e u x p a r le c œ u r , si i n d é p e n d a n t s
p a r le fond des p r inc ipes é levés , q u ' à l eu r appa r i t i on
d a n s le m o n d e ils se montreront justes, équ i t ab le s , in-
du lgen t s p o u r fous, s ans d is t inc t ion de pa r t i s , et ne r e -
fuseront j a m a i s à p e r s o n n e , sous q u e l q u e prétexte, que
ce soit, la vé r i t é , la cha r i t é , la ju s t i ce , la l ibe r t é .


L ' éduca t ion v r a i m e n t na t i ona l e est celle qu i fera de




A y,, I . I : iw.r, tncGLïi:. ; :<•>


la F rance la c r é m i è r e na t i on d u i n o n d e , qui é lèvera la
nat ion f rançaise a u - d e s s u s de tou tes les n a t i o n s r iva les ,
en déve loppan t ses g r a n d e s et h é r o ï q u e qua l i t é s , et en
faisant t o u r n e r à l eu r prot l ! j u s q u ' à ses défauts o a x -
m è m e s , si b r i l l an t s cl si a i m a b l e s .


Ma i s , p o u r cela , il faut sor t i r des b o r n e s r é t r éc ies
d 'une é p o q u e , il faut oub l i e r les vieilles r a n c u n e s , les
pré jugés é t ro i t s : p o u r q u e l ' éduca t ion de la j e u n e s s e
française, fas-.o revivre 'a p h y s i o n o m i e nob le e? h e u -
r e u s e le ta pa t r ie d a n s ses e m a a l s , ii faut qu 'e l le ve-
choreho , avec tou te l ' i n d é p e n d a n c e d 'une sage et g é n é -
reuse impa r t i a l i t é , à foutes les é p o q u e s , d a n s Ions les
siècles, chez [eus les n o m m e s , à tou tes les p h a s e s de
: ' :us 'oi"e o a i i e u e ' e , ce que le c o n s e n t e m e n t des s iècles ,
ee que l ' h o m m a g e des n a t i o n s r iva l e s , ce q u e le voix
d-i l 'h is to i re a p r o c l a m é v r a i m e n t f rança i s .


Voilà ce qu' i l faut i m p r i m e r a u c œ u r de n o t r e j e u n e s s e ;
voilà ce don t il faut en f l ammer son e n t h o u s i a s m e ; voi là
ce don t il faut faire son à m o et sa v i e ; voi là ce qu i
doit cons t i tue r le fond i m m u a b l e et la forme br i l l an te de
son éduca t i on inte l lectuel le , m o r a l e cl re l ig ieuse .


Voilà ce qu i , é levant les g é n é r a t i o n s p r é s e n t e s s u r les
plus nob les h a u t e u r s , les fera m a r c h e r , avec tou tes les
forces d u génie et d u c a r a c t è r e f rança is , à la c o n q u ê t e
de tout ce q u e le Dieu qui p r o t è g e la F r a n c e n o u s r é -
se rve e n c o r e , d a n s ses des se ins p rov iden t i e l s , de g r a n -
deur , de ve r tu , d ' inf luence e u r o p é e n n e et un ive r se l l e .


Monsieur le Due, le t emps m e p r e s s e : la nécess i té de
T O U S a d r e s s e r cet te le t t re au m o i n s à la veille du j o u r




120 S E C O N D E L E T T R E


où doit s ' ouvr i r la g r a n d e d iscuss ion s u r les pet i ts sémi -
n a i r e s , n e m e p e r m e t pas d 'a l ler j u s q u ' a u bou t de la
t â c h e q u e je m ' é t a i s i m p o s é e : je r e n o n c e d o n c p o u r le
m o m e n t à v o u s p a r l e r de la déclaration q u ' o n exige de
n o u s .


Le t e m p s v i end ra p o u r t o u s , et il n ' e s t p a s loin p e u t -
ê t r e , où l 'on p o u r r a e x a m i n e r avec p lus de m a t u r i t é et de
sang- f ro id cet te i m p o r t a n t e ques t ion . Je n ' e n d i ra i q u ' u n
m o t : si m e s i m p r e s s i o n s n e m ' o n t p a s t r o m p é , b e a u -
c o u p de ceux qu i ont a p p r o u v é cet te m e s u r e n 'on t pas
p a r u vou lo i r lui i m p r i m e r le c a r a c t è r e a u g u s t e et p e r -
m a n e n t de la loi : ils l 'ont a c c o r d é e p lu tô t c o m m e un
sacrif ice à la nécess i t é d u j o u r ; et m o n r e spec t p o u r
l ' i l lus t re a s semblée ne m e défend p a s de l ' a jou te r , elle
s'en est d é l i v r é e , p a r son v o t e , c o m m e d 'un f a rdeau
d o n t il fallait d é b a r r a s s e r le p r é s e n t , s ans p r é t e n d r e
e n g a g e r l ' aven i r .


Souffrez, Mons ieur le Duc , q u e j e v o u s dise du m o i n s
à cet éga rd la p e n s é e qu i me p r é o c c u p e le p lu s : cet a r -
t icle , à lu i seu l , fera i t u n e loi m a l h e u r e u s e , p a r c e qu ' i l
l a i s se ra i t c a c h é d a n s la loi un g e r m e profond de l ongues
et p e u t - ê t r e d ' i n t e r m i n a b l e s d i sco rdes .


Ces g e r m e s d o r m e n t que lquefo is au fond des l o i s ;
m a i s , q u a n d ils se révei l lent , ils font les g r a n d s t r o u -
bles des n a t i o n s , et forcent les c o n d u c t e u r s des p e u p l e s
à se r e p e n t i r de n ' a v o i r pas suivi des conse i l s p lus p r é -
v o y a n t s et p lu s sages .


Et c royez- le , Mons ieur le D u c , si n o u s p a r l o n s ainsi ,
ce n ' es t p a s la c r a i n t e qu i n o u s fait pa r l e r .


Il y a u n e g r a n d e p a r o l e de saint August in q u e vo t re
h a u t e in te l l igence a i m e r a sans d o u t e à m é d i t e r : Ex bo-
nis et malin legibus Ecclesia profieit .- l 'Église profi te




A M. I .E D E C D E D R O G U E . 121


également des b o n n e s et des m a u v a i s e s lois. L'Église a
cette f o r c e ; m a i s , qu ' i l m e soit p e r m i s de le faire obser -
ver à u n h o m m e d 'Éta l , l 'Eta t n e pa r t i c i pe p a s à ce p r i -
vilège de l 'Égl i se : les m a u v a i s e s lois lui font m a l . Et il
est d igne de vous , Mons ieur le Duc , de c o m p r e n d r e la
m o r a l i t é p rofonde de la r a i s o n q u ' e n d o n n e sa in t Au-
gust in : Legibus malis probantur boni : les m a u v a i s e s
lois sont l ' ép reuve des gens de b i e n ; elles fo rment les
g r a n d e s ve r tu s , les forts c o u r a g e s , les pa t i ences m a -
gnan imes .


Q u a n t aux. b o n n e s lo is , el les c o r r i g e n t le m a l : legibus
bonis emendantur rnali. Sera i t -ce p o u r cela q u ' u n e
b o n n e loi sur la l ibe r té d ' e n s e i g n e m e n t p a r a î t si difficile
à faire?


Consei l lers de la c o u r o n n e , l ég i s la teurs de la F r a n c e ,
n o u s vous d e m a n d o n s u n e b o n n e loi : c 'es t à vous de
n o u s la d o n n e r , et p o u r l ' ob t en i r n o u s ne r o u g i s s o n s
pas de d e s c e n d r e a u p r è s de vous j u s q u ' à la p r i è r e et de
vous i m p l o r e r ; ca r a p r è s les p a r o l e s q u e n o u s v e n o n s
de r a p p e l e r , sa in t Augus t in dit e n c o r e : Leges imperalo-
rum, exemplo Puitli, implorare possunt Chrisliani : e t ,
s'il faut r a s s u r e r tous les e s p r i t s , j ' a j o u t e r a i ce q u e
saint August in a jouta i t l u i - m ê m e : Libérales disciplina:
ni/til habenl congnitan llbertali niai qttod habent eon-
gruttm veritati. En vous d e m a n d a n t la l i be r t é , n o u s n e
vous d e m a n d o n s q u e la vé r i t é , la véri té de vos ins t i tu -
t ions , la vér i té de vos p a r o l e s , le loyal a c c o m p l i s s e m e n t
de vos p r o m e s s e s .


Ni v o u s , Monsieur le Duc , ni d ' a u t r e s non plu s ne d é s a -
v o u e r o n t , j ' e n suis sû r , u n e seu le des pa ro l e s de ce g r a n d
h o m m e . 11 y a des r ég ions où les n o b l e s c œ u r s et les
hau te s in te l l igences se r e n c o n t r e n t et se r e c o n n a i s s e n t .




l ï î S F . t O ' D B Ь Е Т Т й Е A M. L E 1 Ш 0 D E O U O G L I E .


P o u r moi , je vous l ' a v o u e , j ' a v a i s c o m m e n c é cel le
discuss ion avec un s c n l i m e n t I rès ­pén ib le . Tons m e s
voeux son t p o u r la pac i f i ca t ion re l ig ieuse : je la voyais
s 'é loigner ; je s e n t a i s m e s efforts bien faillies p o u r p r é ­
ven i r de r e d o u t a b l e s m a l e n t e n d u s . J ' a chève avec plus
d ' e s p o i r ; m o n espr i t se r a s s u r e : plus j ' é t u d i e n o t r e
c a u s e , p lus eiie m e p a r a î t b o n n e : Dieu et le t emps lui
seront favorables .


Q u a n t a v o u s , Monsieur l e Duc, je l ' e s p è r e , vous ne
r e f u s e r e z р а з v o t r e bienve i l lance à l ' h u m b l e a d v e r s a i r e
' [ni s 'est c r u obl igé de v o u s c o n t r e d i r e c l de vous c o m ­
ba t t r e u n e s e c o n d e fois. 11 t r o u v e r a s a n s don le a u p r è s
de v o u s , c o m m e il a t rouvé à ses p r o p r e s y e u x , n u e
c o n v e n a b l e excuse d a n s ce s o u v e n i r d 'un ancien : J u s -
Ut m es/ h é l i u m q i t i l i t ; - - : n e e e s s / i r i u m e l p i a a r m a


.;'ai l ' h o n n e u r d ' ê t r e , avec la p lus I nui le c o n s i d é r a ­
i i on,


Mons ieur le :>uc,


Votre tW-s-humMcet I ros ­oW -Usant senKeur,


L ' a b b é Ht PAxLOUP.


Âvanl de p u b l i e r cet écr i t , j ' a i ad re s sé à Monse igneur
l ' A r c h e v ê q u e la le t t re su ivan te :


Mf.'XSi'îC.XlU.Tt,


Chargé pa r \ч>н­ d e l à direction du pelil séminaire tic
l'avis, j ' a i cru accomplir un <U­ dc\ oirs que m'avai t h n p o ­


• T i i e ­ l . i v e , !!v. iv .




Si '- .- ; votre nieoyeii'aulo •*OÎli<-îi\ï*l*"> p O U l ' ¡111 établissement • mi v ou s est si cher, en détendant dans mi premier écrit
1r s écoles ecclésiastiques et riionnenv de leurs éludes. Vous avez bien \onlu me permettre de prendre part, iivulre suite, ;'i l'importante discussion qui occupe juslciiient tous les esprits, cl vous avez daigaié encourager mon travail, après l'avoir éclairé de vos conseils. Je viens soumollre snijourd'hui, Monseigneur, ;t vos l u -mière* e! à voire haute appréciation, quelques observations nouvehes que j'aurai l'homme.!', si vous le trouvez ! on,
. - n i ! rassort qui rou-hont èe près aux intérêts <lespetits sé-minaires, à leur existence même. Vous savez, .Monseigneur, combien , en imites choses, voire approbaliou m ' e s ! précieuse : dans une circonstance orv-i ereçe. eiie i i j . o i i i ' moi d'un ï é i i s grand prix o i î -


l ' c igëo/ agréer, /Jei.seioiieui', l'h onnnnge du pics iiiun-; s 1 (";•; plu- dévoilé ivspor : ,
Y. r\ M .o i . e, V. G, île V


IlÉPoxsr: nr: ^.i.rcsi-iTciVF.rn r/ArcucvcorE.
J 'approuve sans restriction, mon cher ami, votre lettre à M. le iluc de P.ro.'die. f )n ne pouvait mieux établir que vous ne l'avez fuit la nécessilédo amsorver aux petits séminaires h'iir desiiîialiou sjiêciale. Vous détruisez, d'une manière r.nn moins péreniptoire, l'autorité morale qu'on a essayé <te donner aux ordonnances de I S 2 S ; vous démontrez enfin combien il serait funeste d'insérer, dans t a nouvelle loi, des dispositions oppressives arrachées au roi Charles X


p a r les exigences de la politique.




Espérons ((ne Ir jour de la just ice luira laiiin pour nos
petits séminai res , et qu'on cessera de traiter comme sus -
pectes l ' instruction et l 'éducation les plus p rop res à insp i -
rer une entière confiance.


Recevez la nouvelle assurance de mon affectueux a t ta-


chement , DF.XIS . Archevêque de Par is .




U E L A PACIFICATION RELIGIEUSE.
BREF DE XOTRE SAINT-PÈRE LE PAPE


A 1 , ' A U E I K U E LA P A C I 1 I C A T 1 0 N R E L I G I E U S E .


( ' . H K C U I I I L S P P . XVI.


Dileeh- l'ili, Salutoni et Vpostolicam Meiiedietioneni. Li-
ì lentissimo sane animo luas aceep imusLi t l e ras indino erga
Mos obsequn, et venerat ionis sensu e x a r a t a s , quil ius, Di-
ii'cte Fili, dono mit tere voluisti opus gallico a Te eonscr ip-
Imn, ar Par is icns ibes lypis hoc anno editimi, cui ti tulus :
De l,i P u r i f i c a t i / » ! Hc/ifjicitse. Ftsi gravissima; alque ass i -
llila* Supremi Noslri Ponli l ieatus e n n e ha r l enus oPstitei'int
'p ionnnus lotiun opus lagere possenius , tarnen in iis, qua 1


ex ipso degustavimus satis mul ta lu;e rel igionis , piclat is ,
<lofIrina', atipie crudi t ionis a rgumen ta b a b u h n u s . Quamo-
b r e i i i tuum in calbolica' Ecclesia 1 doct r ina , ejusque l iber-
iate l u e i i d a S t u d i u m ecclesiastico viro plane d i g n i u u vehe-
menter in t ion i inocmmnendamus . i n l o r i m vero deldtas pro
munerc gral ias ag inms , ac paterna- Nostra ' in Te eari tat is
trstem Apostolicam Renedict ionem cum onmis vera; felici-




tatis voto conjunctam Tibi , Rilecto F i h , loto <-(>i-«.1 LS aféeeti œiperthiiur.
Datuni Konia- apinl S. .Yiariam j lajorein die Oa pua a ime i 3 1 j .


l 'untifttiitas Xo»tri nnno deeinioqum'.u. G I Œ G O l t i l ' S i'-P. X V j .
G R É G O I R E X V I , I ' A I ' E .


Cher f i l s , S a l u t cl nôi iécl ic t io i i a |KisfuI ï ' ( i îc . C'est avec une grandi' satisfaction que nous avons rors vos lettres, écrites dans un sentiment profond d'amour ci de vénération cuver» X o u s , par lesquelles, Irès-elter luis, vous avez voulu nous faire liouuuage d'un livre que \oe-avez composé en Intimais i l publié à Paris <vllf iiuré:.' sou» ce titre': l i e l u I H m f t m t i o n l l t i i i j i i ' u x e . fiimique les sollicitudes si graves cl si assidues de notre souverainpon-liiicat ne nous aient pas permis jusqu'ici oc iu-o eol ouv rage en entier, toutefois, dans ce que nous eti s\im» déjà lit, nous avons trouvé des preuves tissez nombreuse:-, de voio. religion, de votre piété , de votre hocirine et de votre science. C'est pourquoi nous louons grandement dans le Seigneur, votre /.Me a défendre l'enseignement et lu liberté de l'Eglise catholique, zèle vraiment suei-rpntal. ]•'.( cepen-dant, notre cher Fi ls , nous vous adressons nos justes re-mereîinenls pour l'hommage de ce livre, et en témoignage de notre amour paternel pour vous, nous vous accordons, de toute l'affection de notre eu-ru', lu Bénédiction Aposto-lique joitile ;t nos vœux pour vous de toute véritable féli-cité.
Donné k R o m e , à Saintc-îiarto-ÏIaji urc , !,"• o c juil let i s i S ,


qu inz ième année de notre punt i i tca l . G R É G U i l l E P P . X V I .




AVERTISSE ME\T
Ce l ivre est u n e invi ta t ion faite à la pa ix a u n o m de h;


ju s t i ce .
J'ai c ru les c i r c o n s t a n c e s favorab les . Les j o u r s de


trêve qui nous son t d o n n é s p e r m e t t e n t la réflexion dont
ce l ivre a beso in p o u r ê t re b i en c o m p r i s .


Il n 'y a j a m a i s d ' a i l l eu r s d ' é c h e c définitif p o u r la vé-
r i t é ; j ' e s p è r e d o n c q u e , m a l g r é u n vote r é c e n t 1 , t r o p
p révu p o u r ê t re u n m a l h e u r , la b ienve i l l ance du pub l i c
n e t rouve ra ni s a n s u t i l i té , n i s a n s i n t é r ê t p e u t - ê t r e , cm
l ivre d a n s leque l son t t ra i tées , avec nu p ro fond dés i r do
la pacif icat ion r e l ig i euse , q u e l q u e s - u n e s de ces g r a n d e s
ques t ions qui p r é o c c u p e n t a u j o u r d ' h u i , en f r a n c o ,
tous les e spr i t s g raves , et qu i t i ennen t en s u s p e n s ,
q u ' o n n e s'y t r o m p e point , le p r é s e n t e t l ' aven i r de
n o t r e pa t r i e .


1 J . e vote d o 3 mai .'Si5 à la Ciuiaibre tke dénutc-




I N I U i i D I r n o . V
Deux h o m m e s , d e u x p u i s s a n c e s , quelquefois deux


g r a n d s p e u p l e s s ' i r r i t en t l 'un c o n t r e l ' au t r e . L ' in imi t ié
m o n t e et s ' acc ro î t au mi l ieu de déba t s enven imés , l.n
m o m e n t vient , c e p e n d a n t , où l 'on sent le beso in de se
r a p p r o c h e r : on s ' exp l ique , on s ' é c o u t e ; tout se ca lme .
Une d i scuss ion loya le éc la i rc i t les ques t i ons : a p p u y é e
de pa r t e t d ' a u t r e s u r t ou t e s les convic t ions s incères ,
elle r e n d aux mo t s l e u r v a l e u r , et pa r l e la l angue d ' une
complè te et g é n é r e u s e f ranch ise . On s ' en tend enfin : on
t r a i t e , non p lus avec pass ion , avec co l è re , m a i s avec
respec t , avec conf iance. Les deux p u i s s a n c e s r e c o n n a i s -
sen t s i n c è r e m e n t l eu r s d ro i t s r e spec t i f s , et l ' o r d r e r e n a î t
avec la l iber té c o m m u n e . Deux forces a l l iées , ma i s d i s -
t inc tes , s ' exe rcen t a lo r s e t se d é v e l o p p e n t d a n s u n e
nob le et vas te s p h è r e . Les b i ens les p lu s p r é c i e u x , les
d o n s les p lus nob le s de l ' h u m a n i t é , t ou tes les forces les
p in s élevées d ' u n e g r a n d e n a t i o n , t r o u v e n t , p o u r se
p r o d u i r e , des voies l a rges et g lo r i euses , o ù nu l l e e n t r a v e
ne vient a r r ê t e r l eu r s p r o g r è s .


Est-ce q u e p a r m i n o u s l 'Église et l 'État n e p o u r r a i e n t
point s ' e n t e n d r e et s ' a c c o r d e r enf in?


Dans u n e q u e s t i o n où la Pol i t ique et la Religion sont
en p r é s e n c e , j ' a i c ru qu ' i l é ta i t p e r m i s à un p r ê t r e d ' ap -
p o r t e r q u e l q u e s éc l a i r c i s semen t s , et de t r ava i l l e r à la
paix en c o m b a t t a n t p o u r la vér i té et p o u r la jus t i ce .




DK LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E , lyj


Je ne Tiens point j e t e r de nouve l l e s causes d ' i r r i ta t ion
dans une c o n t r o v e r s e qu i peut-êLrc n 'a déjà é té q u e
t rop vive : h e u r e u x si j ' y pu is s e u l e m e n t r é p a n d r e
q u e l q u e l u m i è r e ! La pacif icat ion re l ig ieuse , voilà m o n
but , et le p lus a r d e n t de mes v œ u x ; voilà o ù je t e n d s
de tou tes m e s forces d a n s cet écr i t , qu i n ' a po in t les
p r é t e n t i o n s d ' une œ u v r e l i t t é ra i re , m a i s qu i est l ' exposé
s imple et loyal de ques t ions qu' i l suffira, je l ' e spè re , de
bien pose r p o u r les r é s o u d r e .


Il faut tout d ' abo rd le r e c o n n a î t r e : j a m a i s p lu s h a u t e s
ques t ions ne furent ag i t ées ; j a m a i s p lus m é m o r a b l e
lut te ne s 'est élevée chez un g r a n d p e u p l e .


Le brui t q u e , d è s l e u r o r ig ine , ont fait p a r m i n o u s ces
déba l s d 'une si g rave i m p o r t a n c e , a depu i s l o n g t e m p s
retent i en Angleterre , en Al l emagne , en I ta l ie , et n o u s
donne p r é s e n t e m e n t en spec tac l e à l ' E u r o p e a t ten t ive .
Et cela se conçoi t : il s 'agit , en elfe!, du p lus b e a u pr ivi -
lège de l ' h u m a n i t é , de la l iber té des â m e s ! Dès lo r s , on
c o m p r e n d a i s é m e n t l ' a r d e u r des p r é t e n t i o n s et des d i s -
p u t e s ; on c o m p r e n d q u e la p o l é m i q u e la p lus v ive ,
m ê m e la plus p a s s i o n n é e , na i sse de la p l u s n o b l e des
ambi t ions , au sujet d u p r e m i e r de t ous les dro i t s .


Les deux socié tés qui se p a r t a g e n t la t e r r e , et don t
l 'union c o m p o s e la socié té h u m a i n e , cet te société sp i -
r i tuel le et cet te socié té l a ïque , don t l ' a cco rd est n é c e s -
sa i re au b o n o r d r e des affaires h u m a i n e s , et qu i n e se
d iv isèrent j a m a i s sans les t r o u b l e r : ces deux soc ié tés ne
peuvent -e l les donc p lus s ' e n t e n d r e ? Les leçons du p a s s é
se ron t -e l l es p e r d u e s ? R e v i e n d r o n s - n o u s aux que re l l e s
de l ' empi re et du s a c e r d o c e ? L ' e x p é r i e n c e n ' a - l - e l l e p a s
jugé, depu i s de longs s ièc les , ces a n t i q u e s et pé r i l l eux
déba t s? Le t emps ne n o u s a - t - i l r ien a p p r i s ? Et au m i -


l . 9




a;; ;..v IVAC : v: v - s : I : ' Ï . i G f " L > ' : - : ,
lien ( ' e s idées, au mil ieu des ga ran t i e s de l ' o rd re po l i -
t ique , !e! qu' i l existe a u j o u r d ' h u i , que l le p e u t doue ê t re
•a r a i s o n de tou tes ces déf iances de l 'É ta t e n v e r s
l 'Église ?


Quant à n o u s , que l 'on n o u s conna i s se b i e n ; v o i e ; ee
q u e n o u s avons appris, et ce que n o u s s o m m e s :


H o m m e s d e l à société spi r i tuel le , n o u s a b a n d o n n o n s
exc lus ivemen t cl sans r eg re t s , à la société l a ïque , le
g o u v e r n e m e n t des p e u p l e s , q u e l q u e l'orme qu'il revête .
Vous ne n o u s r e n f e r m o n s pas c e p e n d a n t d a n s celte,
abnéga t ion pass ive. Nous venons en aide à la socié té
l a ïque en lui d o n n a n t ce qu' i l ne lui es t p a s poss ib le de
se d o n n e r e l l e - m ê m e , c 'es t-à-dire des â m e s p r épa rée s
e i r : v e r t u s soc ia les , dévouées au bien de l ' h u m a n i t é ,
d i fncs ee l ' h o n o r e r , enpa ides de la servir . Mous p r o -
c l amons le pouvo i r de la soc ié té l a ïque ; n o u s le r ecom-
m a n d o n s au r e spec t , à l ' obé i s sance , à l ' a m o u r des
h o m m e s ; n o u s le r e g a r d o n s c o m m e l ' express ion e x t é -
r i e u r e oe la p rov idence de Dieu. Pour n o u s , ses dro i t s
sont s ac ré s , sa gloire n o u s est c h è r e , ses m a l h e u r s son!
les nôtres ; n o u s p a r t a g e o n s toutes ses des t i nées , n o u s
obé i s sons à ses lois : et, ap r è s i-ieu, il n ' e s t r i en qui
s o l i c i t e et r e m u e p ins p r o f o n d é m e n t n o t r e c reur , n o t r e
consc ience , n o t r e d é v o ù m e n l , que le nous et la \ o ix de
la pa t r i e .


Teniporollement s o u m i s au pouvo i r t empore l , celui-ci
n o u s g o u v e r n e , n o u s emplo ie , n o u s plie à tous ses b e -
so in? , à ioiites 5es f o r m e s ; m a i s , au d e s s u s des choses
de ce m o n d e , la société sp i r i tue l le r é c l a m e les â m e s
comme son domaine spéc ia l , c o m m e sa c h a r g e p r o v i -
dent ie l le . Elle les fo rme p o n r la société l a ï q u e , m a i s
elle ne s'en d é p o s s è d e p a s ; l ' une en a l 'usage d a n s son




s>¡. i . л k v c i f i c a t i o x г , Е ы о i е e s t a i


bul t empore l , r a u l r c la r e s p o n s a b i l i t é d a n s son b u t
cierno!, îles deux soc ié tés , en u n m o t , p a r a l l è l e s plutôt­
que r iva les , sont l a i tes p o u r vivre e n s e m b l e s a n s se
confondre ; tout e m p i é t e m e n t de l ' une su r l ' au t re est u n
m a l h e u r ; le p r o b l è m e ne p e u t se r é s o u d r e q u e p a r ieur
i n d é p e n d a n c e r é c i p r o q u e , c ' e s t ­ à ­ d i r e , p a r la l iber té :
la l i be r t é , c'est la paix !


La p a i x ! Je r é p è l e à desse in ce m o t : c'est le v œ u oe
no i re c;eur. Lu pa ix ! p e r s o n n e n e la dés i re plu» q u e
nous : non , ce r t e s , q u e n o u s r e d o u t i o n s j a m a i s les
c h a n c e s de la g u e r r e : il \ a d i x ­ h u i t cents a n s q u e
nous la s o u t e n o n s avec c o u r a g e , que lquefo i s é p r o u v é s ,
j a m a i s v a i n c u s ; p e r d a n t quelquefo is des so lda t s , j a m a i s
c!oï> ba ta i l l e s ; et, à q u e l q u e prix q u e n o u s a c h e t i o n s la
vielou \ a s s u r é s qu 'e l le ne n o u s m a n q u e r a j a m a i s . Xous
préférons la р а к c e p e n d a n t : c'est p o u r elle que i 'Kg l ï se
a toujours c o m b a t t u , p a r c e q u e la pa ix , m ê m e en ce
m o u d e , e&l le b u t de i 'Kvangi le , et s u r t o u t le b ien des
h o m m e : ­ . Voilà p o u r q u o i nous n ' a v o n s pas b o u l e de
dema ,n i e r la p a i s , alors m ê m e q u e n o u s s o m m e s in jus­
t e m e n t a t t a q u é s .


Mais la paix que. n o u s v o u l o n s , c'est la paix d a n s la
l ibe l lé , 1" pa ix ;!sos ¡a j u s t i c e ; toute a u t r e pa ix .orrait
le. s a e / ' b ­ e tb s oro i i s de la vér i té : ce sora i l la b o u l e .
Xous p o u v o n s , n o u s devons ê t re h u m b l e s ; n o u s ne
pouvons , nous ne devons j a m a i s ê t r e vils. On p e u t n o u s
h a ï r ; n o u s ne vou lons p a s qu 'on p u i s s e n o u s m é p r i s e r ,
si donc l 'on nous offre u n e pa ix s e r v i i e , u n e paix qui
nous c o m m a n d o l ' a b a n d o n de ce q u e Dieu n o u s o r ­
donne 'de défendre , u n e pa ix c o m m e on p e u t l'offrir à
îles h o m m e s sans c rée r , à des v a i n c u s , n o u s n 'en v o u ­
lons pas , c e n'est plus la pa ix : c'est la se rv i tude q u e




132 ! ) E LA P A C I F I C A T I O N K L L 1 G 1 L I S L .


l 'on n o u s a p p o r t e , cel te se rv i tude des â m e s c o n t r e l a -
quel le l 'Eglise s 'est tou jours a n n é e d u dro i t de r é s i s -
t a n c e . C'est la g u e r r e don t on n o u s i m p o s e m a i g r e n o u s
l 'obl igat ion. On veu t n o u s l'aire g r âce , et n o u s d e m a n -
d o n s j u s t i c e ; n o u s la d e m a n d o n s à n o t r e m a n i è r e , la
c h a r i t é d a n s le c œ u r , la r a i s o n su r les l èv res , l 'Évangile
et la C h a r t e à la ma in ,


Qu 'on se s o u v i e n n e de ceci : l 'Église se ser t des b o n -
n e s l o i s , e t , à la l o n g u e , elle n ' a r ien à c r a i n d r e des
m a u v a i s e s . Tout lui est bon : d a n s les m a i n s de Dieu,
le m a l devien t b ien p o u r el le, diligentibus Dcum omnia
cooperantur in boman : et l 'Église a tou jours vu les é v é -
n e m e n t s c o n t r a i r e s t o u r n e r à son profit e l à sa gloire .


Ce langage p e u t p a r a î t r e e x t r a o r d i n a i r e , m a i s c 'est le
l angage des c h r é t i e n s . P o u r e u x , c 'est au mi l ieu des
g r a n d e s é p r e u v e s , des lu t tes les plus l e r r i b l c s , que se
f o rm en t les fortes v e r t u s , les c o u r a g e s m a g n a n i m e s . La
mol le s se a b a t les â m e s , el les fo r tunes t r o p p r o s p è r e s
sont le p lus r e d o u t a b l e des d a n g e r s .


Un des t i t res de g lo i re de l 'Église de F r a n c e , c'est
d ' avo i r t r ave r sé les pér i l s d ' u n e longue p rospé r i t é sans
s ' a m o l l i r ; et q u a n d un siècle imp ie est venu lui d e m a n -
der le t émo ignage du s a n g , elle, s'est m o n t r é e digne de
le lui d o n n e r . On a p u j u g e r de sa v igueu r d a n s cet te
lu t te m é m o r a b l e qu i s 'é tabl i t e n t r e le sacerdoce, e l l ' im-
p ié té p h i l o s o p h i q u e a u d e r n i e r s iècle : d 'un c ô t é , la
f u r e u r , exci tée e n c o r e p a r les a p p l a u d i s s e m e n t s des
p e u p l e s é g a r é s ; de l ' a u t r e , cel te c o n s t a n c e , ce m é p r i s
de la m o r t qui conv ien t si b i en à ceux qui c o m b a t t e n t
p o u r la j u s t i c e , et enfin la victoire !


Dans celte Grande -Bre t agne , n o t r e ému le po l i t ique ,
l ' I r l ande est la page h é r o ï q u e de l 'h i s to i re des Trois-




!)[•; LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E


I l o y a u m e s ; m a i s il n e l'anI. p a s oubl ie r q u ' u n e page p lus
héro ïque e n c o r e et p lus g lor ieuse existe chez n o u s , et
ne peu t ê t re r e t r a n c h é e de l ' h i s to i re de la r é v o l u t i o n
française. N ' avons -nous p a s le droi t , a p r è s de tels s o u -
ven i r s , de p r e n d r e à n o t r e c o m p t e le m o t de P a s c a l , et
de nous ré joui r d'être dans une barciue battue par les
jiots, et qui ne peut périr?


Quan t au temps p r é s e n t , je vois a u t o u r de n o u s , j e
vois m ê m e au mi l ieu de n o u s , q u e l q u e s t e r r e u r s ; m a i s ,
je l ' a v o u e , je les p a r t a g e peu . Selon m o i , il se fait
b e a u c o u p de b r u i t ; m a i s , a u f o n d , le m a l n e s e r a p a s
cons idé rab le . S u p p o s o n s les faits les p lu s f âcheux : p a r
e x e m p l e , u n e de ces lois q u ' o n es t c o n v e n u d ' appe l e r
des lois de colère ! Qui ne sait q u e la colère n ' es t j a m a i s
bien l o n g u e , et qu 'e l le pa s se c o m m e les p lus s o m b r e s
nuages du ciel ? Ce qui r e s t e , ce qui su rv i t à tou t , n 'es t -ce
pas la j u s t i c e , le bon s e n s , la r a i s o n ? Eh bien ! j e r e -
doute m o i n s cel te p h a s e de d i scuss ion , p a s s i o n n é e s a n s
doute , mais enfin s é r i euse , à l aque l le n o u s s o m m e s a r -
rivés ; je r e d o u t e m o i n s ce m o m e n t de cr ise don t tant
d 'espr i ts s 'eff rayent , q u e ce qu i se p a s s e depu i s six
mois J ' a ime m i e u x u n e d i scuss ion l ib re et h a u t e ; le
vote p e u t - ê t r e nous y se ra c o n t r a i r e , m a i s a u fond la
discuss ion sera p o u r n o u s . Peu i m p o r t e le p r é s e n t : il
n'a de va leur que q u a n d il r e n f e r m e les g e r m e s de l 'ave-
nir. Or, d a n s cette g r a n d e q u e s t i o n , c o m m e d a n s toutes
celles qui i n t é r e s sen t l es des t inées de l'ordre social, il
y a les h o m m e s et les c h o s e s ; n o u s avons p e u t - ê t r e e n -
core les h o m m e s con t r e n o u s , mais les choses son t


1 Ceci était é e n t avant les séances de la Chambre êtes députés îles
? cl 3 mai .




i;î­': ; • :•' í.. ' . РЛ С i P Î C A Ï I O : , ü К О: P Г. г..
1 ) 1 J ( 1 1 I I


i l 1 ! ' i 1 1 1 1 ! " oL\[ (1 ]
T ii i h d une 1 . 1 i t I и I i i í 1 (


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s o P ' s , a v e lé !emps d'aiilres re tr ouy-ron!
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ouarui rrms avons ce qui rami r o o canso lo


l"v os a ' l i s * i
s i l i f i l " и il г


l i n n et 1 0 \л г 1 i .
+ ss 1 1
I s r 1 ! s s a m t pi i и ш s i i ¡i i 1 i


p o r t e m e n t ou la faiblesse oe leurs d e i e n s e u r s : p a r eue:
m ê m e s ( î les son t i nv inc ib le s . La pa t i ence cl la m oc!'
r a t i o n , il est v r a i , t r i o m p h e n t i e n t e m e n ! : l e s p r e i s e »
succès son! souvent p o u r la forco et la vio lence : m a
p e n d a n t ce t e m p s n o u s n o u s r e t r e m p o n s , n o u s no i
fortifions d a n s l ' humi l i a t ion et la pr i è r e , A'ous connue ;




i <:•; ¡ . a í ' A í . i i i o a t í o x u í - ; l í o : l l V i , ckms p e u l - é h e à nous trop cocher a a;" I iummes : i-ui.-no ios connaissions p a s ; iiuus c o m m u a e i o u s peut Gire à j-.ercífc quelque chose de la réflexion et du s J r i e u . . qui e n o v i c o n c e l à des chrétiens en un siècle agito, ¡ioit.-aurions volontiers cru à la bonne foi et espéré la par-éternelle. Mais à la coriUcncc sans raison eut succédé l 'élonncmenî, fa tristesse et mémo le déeouragcmem chez ceux qui ne sure pas habitués aux loties de la j u . : -tics. Puis le e ç e r s g s , ia ib-a • m v m - u m - , 's- mépris de loue- ; les ne ces •••¡•.i b i e ; ; t ; l dominé c e . prreeb reo ' , vaines terreurs. Le danger nous a éclairés de sa l u -mière , et soudain notre résolution une fois prise , ums nous sommes préparés à la résistance avec celte d é e l -siee (Pi'uu-re et inéexibie qui fait de nous c o m m e une encisma ! uijours victorieuse d. s bras qui se faille. e! s ' u - e i u . a f rapper inulilemouL se;- elle. "'"ameœent celle résistance consciencieuse a été el .si ;-
s é e au ei'.ea;:; d'une epposhie; ; de ornai : ce issu ..-eh;. il fan! le d i r e , honore peu l'esprit de ceux qui l'ont imaginé. Ce n'est pas demain , ce n'est pas avant, l o n g -temps peut-être que nous verrons loas les Français , u n a n i m e s , entourer leur gouvernement de r e s p e c t ,
d 'adee'ioa et de c:e¡heace. s is 's , pour quiconque a des v e u x , ii n'v a personne en France sur que ie reproclu
d 'espril uo pa . li puisse moins tomber que sur le clergé ; personne qui soil plus dégagé que nous des liens deí affaires h u m a i n e s , qui soil pius étranger a u x intérêt; qui se débattent chaque j o u i ' ; personne qui soif plus au-dessus , plus eu dehors des querelles des p a r t i s ; c l la raison d 'ailleurs en est claire : politiquement exclus
de loutes les affaires, nous nous en trouvons bien. 'Nous nc demandons ni argent ni honneurs. L'argent que-




J06 D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


l 'Etat n o u s d o n n e n ' e s t p a s u n don g ra tu i t , il s'en faut ;
et, au b e s o i n , n o u s n o u s en p a s s e r i o n s .


Les h o n n e u r s ! La p ropos i t i on d 'un banc d'Ereqaes à
la C h a m b r e des pa i r s n o u s a fait n a g u è r e s o u r i r e p lus
q u e qu i q u e ce soit , n o n de déda in , m a i s d ' é l o n n e m e n t
et d ' indifférence. On ne se r e p r é s e n t e p a s à que l po in t
n o u s s o m m e s loin de tou te p e n s é e de ce genre ! En v é -
r i té , t ou tes ces i m p u t a t i o n s son t de gens qui n ' o b s e r v e n t
r i e n , qui ne c o m p r e n n e n t r i en . Si n o u s d e m a n d o n s
n o t r e pa r t d a n s l ' éduca t i on de la j e u n e s s e , n o u s ne d e -
m a n d o n s p a r là q u e la l ibe r té du t rava i l et du d é v o ù -
m e n t , q u ' u n e fonct ion é m i n e m m e n t sp i r i t ue l l e ; et si
n o u s n e la r e v e n d i q u i o n s p a s , n o u s se r ions d ignes du
m é p r i s de nos c o n c i t o y e n s et de l 'Eu rope . En Angleterre ,
en Al lemagne , p a r t o u t les m i n i s t r e s de la religion sont
les i n s t i t u t eu r s de la j e u n e s s e . Il n ' y a là ni ambi t ion ,
ni e m p i é t e m e n t : il y a dro i t et devoir . Q u a n d la l iber té
a u n g r a n d , uti le et noble bu t , il n 'es t pas beso in de
calcul , il suffit des p lus s imp les i n sp i r a t i ons du zèle
p o u r la r é c l a m e r , et n o u s r e g r e t t e r i o n s p o u r nos adver -
sa i r e s qu ' i l s ne c r u s s e n t p a s à ces p r i n c i p e s é l émen-
ta i res de l ' h o n n e u r m o r a l .


Au lieu de c h e r c h e r la r a i s o n de la force et de l ' in-
fluence du c lergé d a n s d ' in ju r i euses h y p o t h è s e s , p o u r -
quo i ne p a s la voir là où elle est u n i q u e m e n t ? Le c lergé
a u n e g r a n d e p u i s s a n c e , p a r c e qu ' i l a la p u i s s a n c e
d ' u n e idée f ixe, le p r o s é l y t i s m e des â m e s . Les pa r t i s
sont faibles, p a r c e qu ' i l s on t des op in ions ; Je clergé est
fort, p a r ce qu ' i l a des d o c t r i n e s . La m o n a r c h i e , la r é -
p u b l i q u e , le g o u v e r n e m e n t cons t i t u t ionne l ne sont p o u r
lui que des formes ind i f fé ren tes ; il est m o n a r c h i q u e en
F r a n c e , r é p u b l i c a i n en A m é r i q u e ; on lui d e m a n d e de se




I)K I-A P A C I F I C A T I O N ¡1E I. I G I E T S E . ¡37


conver t i r a u j o u r d ' h u i p a r m i n o u s au r é g i m e c o n s t i t u -
t ionnel , il est. tout p r ê t à le faire q u a n d ce r ég ime se r a
s incère , q u a n d il n 'y a u r a p a s d a n s la Cha r t e u n e p r é -
l endue l iber té de consc i ence , r e s t r e i n t e et a n n u l é e p a r
le m o n o p o l e .


Voilà où est la q u e s t i o n ; voilà ce qu i fait n o t r e force .
Nous s o m m e s , n o n des h o m m e s po l i t iques , ma i s des
h o m m e s sp i r i tue l s , r é c l a m a n t la l iber té des c o n s c i e n -
ces, la l iber té des â m e s : et p o u r cela invincibles . Nous
ne s o m m e s pas à c r a i n d r e , m a i s n o u s ne c r a i g n o n s p a s
non p lus , non limemus, nec terminus. Nous n e s o m m e s
p lus de g r a n d s s e i g n e u r s , n o u s n e s o m m e s p lus o p u -
len t s . Si l ' a rgen t et les offrandes des fidèles v i e n n e n t
quelquefois à n o u s , r ien n ' es t p lus l ib re , p lus s p o n t a n é :
c'est p o u r le s o u l a g e m e n t des p a u v r e s ; c 'es t q u e nos
c œ u r s sont d ignes de cet te conf iance , nos m a i n s d ignes
de ce min i s t è re . Nous s o m m e s u n clergé c a t h o l i q u e et
na t iona l , p lus na t iona l q u e b e a u c o u p de ceux qu i n o u s
accusent . On est tr iste de p e n s e r qu ' i l faut e n c o r e tant
d'efforts p o u r faire r ecevo i r des idées si s imples , p o u r
pacifier p a r elles le c œ u r de la F r a n c e , et p o u r c o m p l é -
ter ainsi p a r la j u s t i ce ces l ibe r t é s sages p o u r l e sque l l e s
ces g r a n d s déba t s m ê m e s se ra ien t u n e occas ion d'affer-
mi s semen t , si on sava i t le bien c o m p r e n d r e .


Mais n o t i e légère té s ' a m e n d e p e u en F r a n c e . Au
moyen âge, d a n s ces t e m p s de g é n é r a t i o n s a u s t è r e s ,
théologiques et gue r r i è r e s , un g rand p a p e disa i t : Les
François sont un peuple admirable; ils ont le privilège
de faire des sottises do malin au soir, et Dieu les répare
pendant la nuit. Au jou rd ' hu i e n c o r e n o u s a u r i o n s b e -
soin de ce t te m é m o p r o v i d e n c e ; ca r on d i ra i t q u e n o u s
savons tout c o m m e n c e r et r ien finir, pas m ê m e les r ë v o -




i . A P A C I F i C A T I O : il j : I. ï C i i: : intiens qui nous passionnent, i , y aurait ià une gtv .ude œu'.re à faire : les h o m m e s lui m a n q u e n t peu i - è t ro .
Eu 1789 et en 1814, p a r e x e m p l e , il eû t fallu dans les conseils de la couronne u n grand h o m m e : un h o m m e qui fût un grand g é n i e , p o u r deviner l 'avenir, et" un grand c a r a c t è r e , pour dominer le présent c l conduire fermement les événements à leur terme. A u j o u r d ' h u i ,


un g r a n d génie n'est plus nécessaire. J e ne prétends pas dire par l à qu'il ne p o u r r a i t se r e n c o n t r e r p a n m n o u s ; mais le bon sons sof ie , l'ii grain', car:; Jòi-"-n.'fï.ï. désirable s a n s d o u t e ; mais nu caractère d'une fermeté vulgaire suffirait à la dominai ion d u présent ; il faudrait seulement qu'il s'appu\ èd s u r io b o n sens, ce réparalcui infai l l ible , o' , heurei"..- ;d aussi , ce s u c h a u t m. m m ici dos mauvaises p a s o d e - s . dais cet h o m m e on n'existe p a s , o u i i n'ose se Irer parmi nous . L'Angleterre est plus heureuse ; elio ; . peut-ótre rencontré cet h o m m e dans i i y h v r l Pcel . I'.
, fc\ï *\\Z'à\\-i\-iK, vr;\vCo t's,v,s.vs!.:.viv s l'i te »u.->.ç c a d é -putes violentes et en vaines r é c r i m i n a l i c u s . L a calomnie règne ; la h a i n e crée , r é p a n d , a jcrédiè ses inventions absurdes <•[ c r u e l l e s ; elio a o . a e c du., noire atmosphère sociale co-, nuages (io p ré jugés q::i obscurcisse»l les intelligences les plus ce iahées ci trou-blent les c œ u r s les plus fermes. On s'étonnera b ientôt . on s'étonne déjà de celte invention stupide de quelques religieux jugés capables c l coupables de tous les erlmos.


Célèbre compagnie, qui ne portes pas en vain !e nom ck
Jésus, à qui Dieu a donné des docteurs, des apôtres cl
des évangelistes, pour répand; e dans (oui l'univers la
gloire de son Évangile, dit l l o s s u e l , plus digne encore de nos respects par tes longs m a l h e u r s (pue par tes i l -




l u c r e s sor\ k o s : Dans quelques a n n é e s , o u i : ; vcudrn pas croire qu'au mil ieu de ce déchaînement inouï , II ne se soil pas trouvé , d'un certain c o t é , une seule ème calme et généreuse pour arrêter rc iaporleaier . l des passions par une parole de raison, c l pour lever ic dra-peau de la paciiîcation et de la just ice . Il n'y a vraiment que noire prys où la guerre soit !a
•M" Ù a i O " de la guerre ; où l'on rugisse contre la cou-a c ' 1 jiucèro ei légitime , et où l'on repousse ainsi m ^ ' et tes p, . .grès la rivi'isrdlou de m o m r ci. r i . r. I ' q ic , autour de n o u s , toutes les nations ne son' pas entrées dans ces \oios p a c i f i q u e s . l 'Angleterre , U Prusse, la T u r q u i e m é m o ? ' a ir : rai; -il croire qu'il ; a là un m c u \ m mu. Limpruo ' p e r l e f r o m d c n r e à la destinée îles peuples ; que no:--' dessoudons du caluol'eioui'. , quand d'autres r remon tord, et qu'ils s'éièven t dans m proportion où nous ::o:m abaissons?


Espérons mieux pour le r o y a u m e très-chrétien ! J e :m crois, point d'ailleurs à ces sinistres prophéties a u x -quelles la Prom'dcm'o ne donne quelque vr;:L.o:nelrm.s. que pour nues c o m m a n d e r do prud n f s r ém xh : i :S. '; en est des chrétiens de f r a n c o connue do ce.; trorpo-fidèles, un m o m e n t distraites ou endormies : le premier cri de l'ennemi les réveille , e i , relevant leur étendard , elles reparaissent debout:, intrépides et prêtes ai; c o m -bat. Qui ne le voit d'ailleurs a u j o u r d ' h u i ? I,c m o u v e -ment religieux est inconioslabie : il gagne c h a q u e j o u r , c l , eu protestant contre l u i , nos adversaires mêm e s le constatent. Pourquoi jouer i 'étounement , et nier la l u -mière du j o u r ? C'est un l'ait éc latant , en m ê m e l e n q -




D K F. A PA C11" IC AT ï 0 N Iî K I . I G 1 E l S E
q u ' u n fait h e u r e u x , p a r c e qu ' i l d é m o n t r e t o u t e n s e m b l e
l ' in térêt et la p u i s s a n c e de la ques t ion re l ig ieuse , et q u e ,
si t ous é ta ient de b o n n e foi, et vou la ien t s i n c è r e m e n t la
paix, il en p o u r r a i t ê t re auss i la so lu t ion .


Ains i , la l iber té p o u r tous : la paix c o m m e b u t ; la
m o d é r a t i o n , le d é s i n t é r e s s e m e n t , la p e r s é v é r a n c e
c o m m e m o y e n s ; la g u e r r e , s e u l e m e n t c o m m e u n e dou-
l o u r e u s e et inév i t ab le ex t r émi t é : voilà c o m m e n t n o u s
e n t e n d o n s n o s droi t s et nos devo i r s , voilà le p lan de
pacif icat ion re l ig ieuse q u e n o u s v e n o n s p r o p o s e r ici à
nos a d v e r s a i r e s .


N'y aura-t- i l donc pas en F r a n c e un h o m m e d'État
qu i veui l le a t t a c h e r son n o m à ce n o u v e a u et g lor ieuv
c o n c o r d a i ?


On r a c o n t e q u e t rois h o m m e s po l i t iques d ' une h a u t e
i m p o r t a n c e , confé ran t il y a q u e l q u e s j o u r s au mi l ieu
des e m b a r r a s q u e d o n n e a u x dépos i t a i r e s du p o u v o i r le
g o u v e r n e m e n t de ce p a y s , u n des t rois s ' écr ia : Eh bien!
quand tout cela finira-t-il comme il faut? Un des i n t e r -
l o c u t e u r s s ' a d r e s s e n t a lors a u x d e u x a u t r e s et les r a p -
p r o c h a n t tous deux de l u i , l e u r dit : Cela finira quand
nous serons tous trois d'accord.


Eh b i e n ! moi , j ' o s e r é p l i q u e r à m o n tour : Non, tous
t rois v o u s ne suffiriez pas sans u n e q u a t r i è m e pu i s s ance
don t nu l de v o u s , ni t ous trois r é u n i s , ne pouvez v o u s
p a s s e r . Vous ê tes i n c o n t e s t a b l e m e n t t ro i s g r a n d e s for-
ces p o l i t i q u e s ; et c e p e n d a n t ces forces confondues e n -
semble ne suffiraient p a s au g o u v e r n e m e n t du m o n d e .
Non, ce n ' es t p a s a s s e z , p o u r g o u v e r n e r les h o m m e s ,
de trois h o m m e s con fondan t la divers i té de l eu r s s y m -
bo les p o l i t i q u e s ; il faut q u e l q u e c h o s e qu i l ie, r e s s e r r e ,
fortifie ces t ro i s p u i s s a n c e s ; il l eu r faut l 'Église, c'est-à-




D Ì : L A P A C I F I C A T I O N P, L U G I I : u s e . i n


diro la ' pu i s sance mora l e , S I vous ne vous en t endez
pas tous trois avec cel te q u a t r i è m e p u i s s a n c e , q u e l q u e
effort q u e v o u s lassiez p o u r é l eve r voire éd i f i ce , v o u s
s u c c o m b e r e z à la pe ine . Avec l 'Église , vo t r e force d e -
vient i m m e n s e ; et avec elle la F r a n c e r e d e v i e n t la p r e -
m i è r e nation d u m o n d e . Là est la seu le solut ion poss ib le
du p r o b l è m e , et le seul a c h e m i n e m e n t à la pacif icat ion
re l ig ieuse .


Je me ré jouis q u e ce v œ u ail é té , avan t mo i , n o b l e -
men t expr imé p a r M. de Tocquevi l le , l o r squ ' i l s 'est
écrit ' à la C h a m b r e des d é p u t é s :


:< Quan t à mo i , j ' e x p r i m e u n e convic t ion q u i , fût-elle
« indiv iduel le , n ' en sera i t pas m o i n s p ro fonde et m o i n s
<; s incère . Je suis conca inai que dans ce pays de France,
IL nous n'aurons jamais ni religion ni inorale parlant a
« rame, parlant au cœur, fulmini faire et concevoir de
« grandes choses, sans liberté. D'une autre part, je suis
« profondément convaincu que si la liberté se sépare
<i d'une manière déjinilive et complète des croyances, il
« lai manquera toujours ce que je lui ai vu avec admi-
« ration dans d'autres pays, il lui manquera toujours
« cet élément de mondile, de stabilité, de tranquillité,
« de vie, qui seul la rend grande, et feconde, r,


Il n'y ¡1 po in t e n c o r e eu d ' exp l i ca t ions c o m p l è t e s
en t re le clergé et ses a d v e r s a i r e s ; j e viens d o n c e s s a y e r
de les d o n n e r . J ' i n v o q u e la pa ix e l l a j u s t i ce : c 'est u n i -
q u e m e n t d a n s ce b u t q u e j ' e n t r e p r e n d s l ' h i s to i re et
l ' examen des q u e r e l l e s ac tue l les . J ' é t u d i e r a i les rô les
d ivers q u e les c i r c o n s t a n c e s on t faits au g o u v e r n e m e n t ,
à l 'Universi té , au c le rgé , et m ê m e aux j ésu i t e s .


Je d i ra i les p r é t e n t i o n s el la c o n d u i t e d u c lergé : on
ver ra si ces p r é t e n t i o n s furent e x a g é r é e s , i l l ég i t imes ;




i a DE LA PACIFICATION R E L I G I E U S E .


c l su r qui pèse r é e l l e m e n t la g rave r e s p o n s a b i l i t é des
difficultés p r é s e n t e s , au sujet desque l l e s le d e r n i e r mo t
de la sagesse et de la vér i té n ' a p a s été dit e n c o r e .


Enfin je m ' e x p l i q u e r a i s u r ce qu ' i l faut e n t e n d r e p a r
l ' e s p r i t national et p a r le véritable esprit de la révolution
/Von cerne.


Quelle s e r a l ' i ssue de ces t rop l o n g u e s e t dép lo rab les
l u t t e s? J 'ai beso in de l ' e spé re r et de le r e d i r e : la j u s -
tice et la paix,




Exposé clos f o i t s . — P r e m i è r e origine des querel les actuelles


-lo conjure tes ho id înes graves qui voudront bien m e
: ' : ' e , de médi'or ;..ms les ;'nds que je vais exposer, et de


' . r c a i icodrcoieoL luiilcs les vicissitudes \ér i iab 'e-
mm.L étranges que la question religieuse a subies d c -p.ïis quelques amure'i parmi n c u s . l i e n résultera pour srv , je n'en dooie pas , des éclaircissements de la plus boule importance , sans lesquels je crois absolument
imposs ib le de juger la situation actuelle . Ira" liberté d'enseignement peut avec raison être r e -gardée comme le p r e m i e r anneau do iot.ies les iiber-' . :s corsas : a n s e ;,'esl,-ojlo présentée la première dans les questions agitées. J e le constate, ici surtout, comme un fait qui m'oblige à ouvrir cotte discussion même pa r l'histoire de la lutte engagée sur ce grand ; r i ik ipe . Trois l'ois, à (rois époques diverses, ja grande ques-
t i on de la Sibérie d'enseignement a é t é soumise à la dis-ons;,ion des pouvoirs législatifs ; et par une fatalité vrai-mont é i r a o g g les projet) do loi successivement p r é s e n -




144 D E L A P A C Í Y ! C A T I O N D E L I C I É I S ;


t és sont d e v e n u s d ' au t an t inoins favorables à la l iber té
q u ' o n s 'é loignai t d a v a n t a g e de 1830, c o m m e si le t emps
pouva i t d i m i n u e r le po ids d ' un s e r m e n t j u r é à la face
de la F r a n c e , et la v e r t u d ' u n e p r o m e s s e so lennel le-
m e n t insc r i t e au pac t e f ondamen ta l d 'une g r a n d e na t ion .


1. — M. ( ¡ u i z o T . — P R O J E T DE L O I D E 1836. — D I S C U S -


S I O N DE 1 8 3 7 A I.A CHAMBRE O E S D É P U T É S . — Sll.ESCK


D E T . ' É P J S O O P A T .


Je m e b â t e de le d é c l a r e r , cl c 'est u n h o m m a g e q u e
je su is h e u r e u x de r e n d r e t o u t d ' a b o r d au pro je t de loi
de 1836 et au min i s t r e qui le p r é s e n t a : M. Guizot, eu
h o m m e d 'Éta t , en h o m m e d ' h o n n e u r , c h e r c h a s i ncè r e -
ment à r emp l i r les p r o m e s s e s de la C h a r t e , et à r é p o n d r e
en q u e l q u e c h o s e aux v i e u x de la l ibe r t é .


Et c e p e n d a n t a lors on élai t déjà loin de 1830 : les
idées d ' o r d r e ava ien t r e p r i s assez d ' e m p i r e , l ' au to r i t é
p u b l i q u e étai t assez affermie p o u r q u ' o n ne s o u p ç o n n â t
p a s le m i n i s t r e qu i offrait u n e telle loi de céder à des
p e n c h a n t s ou à des ex igences r é v o l u t i o n n a i r e s : les c o n -
d e s c e n d a n c e s de ce g e n r e , les sacrif ices a u x p a s s i o n s
d u m o m e n t n ' o n t g u è r e j a m a i s été r e p r o c h é s à M. Guizot,
et son t , il le faut d i re , assez i ncompa t ib l e s avec la h a u -
t e u r de son espr i t et la t r e m p e de son c a r a c t è r e .


La loi de M. Guizot n 'ex igea i t :
I o Ni d é c l a r a t i o n r e l ig i euse ,
2° Ni cert if icat d ' é t u d e s ,
3 ° Ni g r a d e s p o u r les p r o f e s s e u r s ,
h° Ni g r a d e s p o u r les su rve i l l an t s cl m a î t r e s d ' é ludés .
5° L 'Univers i té n ' ava i t eu a u c u n cas le d ro i t de p r o -




D E LA P A C I F I C A T I O N H E l . I G I E E S E . li-,


n o n c e r con t re un chef d ' é t ab l i s s emen t p r ivé la p e i n e de


la suspens ion .


6" L'obligation do su iv re ces c o u r s u n i v e r s i t a i r e s é ta i t
abol ie .


Cel les tout cela étai t 'important; cl il y avait là, nous
avons eu r a i son de le d i r e , un effort vé r i t ab le p o u r
affranchir l ' en se ignemen t et r éa l i se r la p r o m e s s e d e la
Cha r t e .


V Mi déclaration religieuse. ¡U. Gm'zot, qui avai t p r é -
senté la loi, .11. S a i n t - M a r c G i r a r d i n , '.1. Dubois ( d e l à
Loi re- Infér ieure) , t ous d e u x m e m b r e s d u Consei l r o y a l
de l ' ins t ruct ion p u b l i q u e , et o r g a n e s de l 'Univers i té d a n s
!a d i scuss ion de 1837, p e n s a i e n t q u ' u n e loi de l i be r t é
ne d e v a i t e r é e r ni privilège, ni incapacité.


N o u s ne considérons que les individus, disaient- i ls , nous
n ' avons p o i n t affaire aux associations ; nous ne r eche r -
clions n i les consciences, ni les op in ions : nous déc larons
u n droit .


2" Xi certificat d'études. Depu i s l o n g t e m p s on n e les
exigeait p lus : auss i , ils n e furent p a s m ê m e a d m i s à
l ' h o n n e u r d e l à d i scuss ion :


Je désirerais savoir si l'on cont inue encore au jourd 'hui
d'exiger c e l l e condi t ion? demanda l 'honorable VI. Pelos-
paul. — Cela est tombé en désué tude , répondi t M . Saint-
Marc C.irardhi.


3* Aï grades pour les professeurs. M. Amilb.au a p -
puyai t en ces t e r m e s le proje t de M. Guizot :


La Commission a p e n s é qu 'on devait rechercher d 'au-
tres garant ies , tille a trouvé, dans l ' intérêt des chefs d 'éta-
blissements, une garant ie mei l leure . Peut-i l ent rer dans


i. 10




t ir , D E l . A PA f. I F1 0 AT I 0 N R F 1 . 1 0 1 K F S V..


l 'esprit d 'aucun de nous »¡11*1111 ehof d 'établ issement
veuille p rendre pour ense igner LE latin ipieliju'un qui ne
le saura p a s ? L' intérêt du chef d 'établissement osi la mei l -
leure , la plus siiro des garant ies que vous puissiez dé-
sirer .


h" Ni grades -pour les surveillants et maîtres d'études.
Je n ' a i ici a u c u n e c i ta t ion à faire : cel le i nc royab l e
ex igence n ' é t a i t v e n u e d a n s la p e n s é e de p e r s o n n e , ni
d u m i n i s i r e , n i do la c o m m i s s i o n , ni de la C h a m b r e ; et
si q u e l q u ' u n eû t osé eu faire la p r o p o s i t i o n , je ne d o u t e
p a s qu 'e l le n ' e û t é té accuei l l ie p a r u n e r é p r o b a t i o n un i -
ve r se l l e .


Du r e s t e , Aï. Guizot en p r é s e n t a n t u n e telle loi , avait
d o n n é la clef de la q u e s t i o n :


Le principe de la l iberté appl iqué :'i IViistMîmeineiil • si
une D E S conséquences promises pa r l a Charte . .Nousvoulons
dans leur pléni tude cl leur sincéri té les conséquences rai-
sonnables de notre révolut ion.


11 a jouta i t avec u n e nob le f ranch i se :


Aux maximes d e monopole , nous subst i tuons relies d-
Ja concur rence .


Les é tabl issements privés, les inst i tut ions ri pension.-
subsistent au sein ne I T m v c r s i l é ; ils en sont 1 r s auxil iaires,
les succursa les . Désormais , ils seront les libres émules de.-
é tabl issements publ ies , collèges royaux ET eonummaux .
L'Klat accepte la nécessi té, le devoir de sonienir avec suc-
cès, A V E C éclat, une c s n r a r r o n e e uii'e.i.igah'e. La p réémi -
nence des é tudes publiques dm'l r e m p l a c e r le monopole.


En un mot, C 0 n ' E S T pU;s ou cuxir iairr . mais <ai rivale,
que l ' industrie privé-• peut donner î ' insi-iiclion secon-
da i re .




DE I.A PACIFICATION HELIGIEUS


C'était Jà un nob le l angage : la s incér i t é des intentions
égalait la h a u t e u r de l ' intel l igence.


Toutefois en p r é s e n t a n t u n e loi l i bé ra l e , s incè re , déjà
digne des p r o m e s s e s de la C h a r t e , Al. Guizol sen ta i t
d a n s sa consc i ence , q u e s'il faisait t ou t ce qu i était p o s -
sible a l o r s , il n e faisait p a s c e p e n d a n t t ou t ce qu i é ta i t
dé s i r ab l e , tout ce qu ' i l y avai t à faire. Il a jouta i t avec
a u t a n t de b o n n e foi q u e de sagesse :


ho i c n i p s nous ré\éleva s a n s doute d ' au t res ques t ions à
résoudre , d 'autres réformes à opérer : elles p rendron t
plaee à leur tour.


C'était p r o b a b l e m e n t p o u r n ' avo i r p a s accep té ces
d e r n i è r e s p a r o l e s de 31. f iuizol , et compris comme lut
que te t emps seul pouva i t d o n n e r à la l iber té d ' i n s t r u c -
tion tous ses développements légitimes et la m e t t r e en
h a r m o n i e avec toutes nos a u t r e s l ibe r t é s , q u e , m a l g r é
la l ibéral i té s incère de cet te loi , u n g r a n d n o m b r e d ' ho -
norab le s d é p u t é s s'en m o n t r è r e n t peu sat isfai ts .


Les chefs de l'opposition parlèrent avec force con t re
le proje t d u min i s t r e , et les c o n s e r v a t e u r s eux-mêmes
t i n r e n t un sévère l angage .


si. de ï r a e j , i nco r rup t ib l e dé fenseu r de la l ibe r té
d ' ense ignemen t , on le sait , déc la ra :


Q u e le su j e t n ' a v a i t p a s m é m o é t é i n d i q u é dans la loi.


Il t rouva : •
Q u e le p r o j e t é i a i ! iue.-.quiu ci p o r t a i t i ' e t n p r e i n l e d 'un


caehi ' l sp i ' e i a l ei é t r o i t . . . ÇHie l e s disposit ions r e l a t i v e s il la


l i be r t é d ' e i i s e i e j u u u e i d é t a i e u t e n g r a n d e p a r t i e destruc-


tives d e ce l l e l i b e r t é .




U S OK I. A i 'ACi r i G A T I O N P, K I . I G I V. V S K.
Que c'était tout s implement l 'état actuel, u'osl-à-dire le


monopole , qu'on proposai t de conserver .


11 a jou ta i t enfin :


Je vois avec découragement accumuler un système inouï
de précaut ions , de pénal i tés , de restr ict ions et d.e préven-
t ions .


M. .Merlin (de l 'Aveyron) , en r e n d a n t h o m m a g e a u x
d i spos i t ions géné ra l e s du pro je t de loi, déc la ra i t :


Que le nouveau plan proposé à la Chambre était bien loin
de r épondre aux progrès du siècle, do, rempl i r les pro-
messes de la Charte , de satisfaire aux vœu général de la
France .


M. de S a d e , d a n s u n d i scour s qu i fut i n t e r r o m p u p l u -
s i eu r s fois p a r les a p p l a u d i s s e m e n t s u n a n i m e s de la
C h a m b r e , p r o n o n ç a ces r e m a r q u a b l e s pa ro l e s :


La l iberté d 'ense ignement avait été heureusement st i-
pulée dans les art icles que nous ajoutâmes à la Charte , sous
l 'influence des événements de Juillet : car au train dont
vont aujourd 'hui les choses, si nous ne l 'avions pas obte-
nue a lors , nous pourrions en désespérer en ce moment.


En a c h e v a n t ce d i s c o u r s , M. de Sade déclara toutefois
qu ' i l vo te ra i t p o u r le pro je t de loi , p a r c e qu ' i l p r o m e t t a i t
au m o i n s la l ibe r té de l ' en se ignemen t .


M. de Sade ava i t c o m p r i s et a ccep t é la sagesse et la
b o n n e foi des d e r n i è r e s pa ro l e s de M. Guizot.


M. Sa lver te se m o n t r a bien p lu s sévère à l 'égard d u
pro je t :


En examinant avec attention le projet de loi, vous voyez
qu' i l tend sur tout , après avoir proclamé le pr incipe de la




D E LA P.VCI F I ('. A ï 1 0 N H F î . i G i E L'S K . 149
liberli'' d 'enseignement , ii en res t re indre s ingul iè rement
l 'application, et à .serrer ¡dita fortement /es nœud* qui lient
à ITuirersilé tous les hommes qui veulent se livrera l'en-
seignement.


Il a joutai t :


Dans le projet de loi qui vous est soumis , la l iberté de
rense ignement est. p roc lamée ; niais observez-le : tous les
articles de ce projet, ainsi pue je l'ai dit, tendent à soumet-
tre relie iiberlé à la volonté, à l 'opinion de l 'Université.


M. de L a m a r t i n e se m o n t r a m é c o n t e n t de la loi , d é -
c l a r a n t toutefois qu ' i l v o t e r a i t p o u r elle, et il exp l iqua
cet te con t rad ic t ion a p p a r e n t e d a n s un magn i f ique d i s -
c o u r s :


Il n 'y a ni système, ni organisat ion, ni ensemble , non, il
n'y a pas de loi . . . .


Kt c o m m e ces d u r e s pa ro l e s exc i ta ien t q u e l q u e s m o u -
v e m e n t s a u c e n t r e de l ' a s s e m b l é e , il a jou ta é l o q u e m -
m e n l :


Víais il y a plus qu'une loi, il y a un principe proclamé
par la législation : il y a ce grand , ce suint principe de la
liberW d'enseignement qui contient toutes les au t res : la
Iiberlé religieuse d 'abord, la Iiberlé poli t ique ensu i t e ; il y
a l a propr ié té d'elle-même rest i tuée à la famille, car la fa-
mille ne se possède réel lement elle-même que si vous lui
reconnaissez le droit "de se t ransmet t re , de se pe rpé tuer
elle-même dans ses enfants, avec ses m œ u r s , sa rel igion,
sa foi, ses opinions. (Très-bien ! très-bien ! !


Voilà ce qu'il y a dans ces a n i d e s , c'est p lus qu 'une loi !
(Adhésion.)


Quoi ! après sept ans d 'a l tente , après une révolution faite




150 ! I E I . A t 'AC.IFIC AT I 0 >" R E l . l f . l E 1 S E .
pour obtenir celle liberté ( renseignemon! , nous ir ions la
rejeter au minis t re sincère et c v i i r u p m qui nous l'offre,
et l'aire penser ainsi à Ja Franco e t ¡'1 l 'Furope quo la sphère
de la l iberté n'est pas assez large pour nous conteni r tous,
et que nous ne voulons de l iberté q u o pour nous ! Non,
Messieurs, ce n 'est pas possible ! "llalons-nous, malgré ce
serment impoli t ique, malgré ces restr ict ions 'plus ou moins
gênan te s , bâ tons -nous de voter la loi. d ' e s t un gage de
l iberté que tous les par t i s se donnen t involontairement
en t re vos ma ins , contre l ' in tolérance rel igieuse on la ty-
rann ie alliée, et q u e plus lard ou ne pourra plus nous ar ra-
cher . 'Très-bien '. Très-bien ! ;


M. Char les Dupin disa i t à son tou r :


Ce que je repousse, e'esi le pouvoir a b s o l u de l T n i v o r -
s i l é , c 'es t roi te p r é r o g a i ive d 1 :si - e pi ; ; le de réd igo r à son gré


l e s progi aunues ci d e les i m p e - e r pa r fo rce aux localités.


Je p o u r r a i s n o m m e r e n c o r e MM. D r a u t , Arago , Oui -


Ion fiai'i'oi, C h a r a m a u l e , D e l e s p a u l , D u b o i s , D u f a u r c ,


Delesser l , qu i tous c o m b a t t i r e n t plus o u m o i n s en fa-


v e u r de la l ibe r té d ' e n s e i g n e m e n t . J ' a u r a i occas ion ,


d a n s le c o u r s de cet écr i t , de c i ter l eurs pa ro l e s .


\ o i h l ce q u e les chefs du l i bé ra l i sme , ce q u e des


h o m m e s pr i s d a n s les d ivers eûtes de la C h a m b r e , m a i s


v o u l a n t tous s i n c è r e m e n t la l i be r t é , p e n s a i e n t et d i -


sa ien t d 'un projet de loi i n c o m p a r a b l e m e n t plus l ibé ra l ,


i n c o m p a r a b l e m e n t p lus fidèle à l ' espr i t de la C h a r t e


q u ' a u c u n de ceux don t n o u s avons depu i s e n t e n d u


par le r .


Qu 'on l - i l s dû d i re et p e n s e r de cet a u t r e pro je t de loi,


qu i , a p t e s sept a n n é e s , v ient exiger la déc la ra l ion r e l i -


g ieuse , le certificat d ' é tudes , les g r a d e s p o u r les p r o -


fesseurs , les g rades p o u r les surve i l l an t s : d ' u n p ro j e t




I)K A P A C ! F i C A T 1 0 . \ U E L Ì G I E F S E . 151


qui rétabl i t Ja d is t inc t ion abol ie c u i r e ics chefs d ' ins t i -


lulion et les ma î t r e s de p e n s i o n , qu i n ' a c c o r d e le l ib re


exercice q u ' à un pet i t n o m b r e d ' é t a b l i s s e m e n t s seu l s


capab les de satisfaire, aux cond i t i ons o n é r e u s e s q u ' o n


l eu r impose : d ' un proje t où le p r inc ipe de la l i be r t é


d ' e n s e i g n e m e n t n ' e s t p r o c l a m é q u ' à regre t , q u ' a v e c d é -


fiance, c o m m e un pr inc ipe d a n g e r e u x , n ' e s t app l iqué


q u ' a v e c les r e s t r i c t ions et les e n t r a v e s les p lus exo»b i -


lan tes de l 'ancien m o n o p o l e : de ce pro je t enfin, cen t


fois plus host i le a 'a l iber té q u e coiul de 1837, tel qu ' i l


fut pi esen te p a r le m i n i s t r e , c l tel m ê m e qu ' i l sor t i t


a m e n d é d o l a d i scuss ion d e l à C h a m b r e des d é p u t é s ?


Je, r e c o n n a i s b ien q u e , p e n d a n t le c o u r s de ce t te
g rave d iscuss ion , p iuuYurs cf.'orts fu ren t faits p a r l es
p a r t i s a n s du m o n o p o l e u n i v e r s i t a i r e p o u r r u i n e r de
fumi en comble les d i spos i t ions l i bé r a l e s de la loi , e t
i r o m p r r a insi la p r o m e s s e de la Cha r t e . Mais je sa is
auss i qu ' i l y eut des efforts c o n s t a n t s faits en s e n s con-
traire, et p r e s q u e tou jours v i c t o r i e u x ; la C h a m b r e s ' a s -
socia p r e s q u e tou jours p a r son vote aux g é n é r e u x d é -
fenseurs d 'une l i be r t é sage et s i n c è r e ; et p a r m i e u x ,
qu ' on le r e m a r q u e b i en , ces n o m s ont ici u n e g r a n d e
i m p o r t a n c e , ce furent tou jours si . G u i z o l , 3F. Saint-
Mare Gi ra rd in , éd. Dubois [ de la L o i r e - l n e h é e u i e ; , qu i
se s igna lè ren t par les d i s cou r s les p lu s i n d é p e n d a n t s e t
les plus forts.


M. Saint-Marc C h a r d i n , s ' a d r e s s a n l aux a d v e r s a i r e s


du pro je t de loi, bas aver t i s sa i t de p r e n d r e g a r d e :


Q u e le p r i n c i p e d e la l i b e r t é d ' e n s e i g n e m e n t passant
a ins i ;i t r a v e r s d i v e r s e s j i i c i s e s , i i ' a n i \ à l ; i ia lin de sa car -
rière singulièrement réduit et amoindr i .




JÔ2 D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


M. le Ministre de l ' i n s t ruc t ion p u b l i q u e , dé fendan t
avec force l ' espr i t l i bé ra l de la lo i , m o n t r a i t en m ê m e
t e m p s qu ' i l avai t d o n n é à l ' au to r i t é tou tes les ga ran t i e s
d é s i r a b l e s .


]1 acheva i t en d e m a n d a n t à la C h a m b r e de « se gar-
« der , p a r ses a m e n d e m e n t s , de p o r t e r a t te in te a u p r i n -
« cipe de la loi et a u b u t qu 'e l l e se p r o p o s e . »


M. Sa in t -Marc C i r a rd in disa i t :


Il est des espri ts qui s ' inquiètent quand fis voient qu'on
veut marche r sans lisières, (jiuuii ;'i nous, nous n 'avons
pas ou p e u r : nous avons voulu que la liberté (.renseigne-
m e n t eût de F avenir : aurai t -e l le de l 'avenir, si elle était
restée e m p r i s o n n é e ï Non! nous avons voulu qu'el le fàl
l i b r e .


11 y ava i t b i en u n e ce r t a ine b r u s q u e r i e de na ïve té
d a n s celle, d e r n i è r e exp res s ion : ott s 'en é t o n n a a lo rs .
Mais on la c o m p r e n d m i e u x a u j o u r d ' h u i , où mani fes -
t e m e n t on n e veut p lus q u e la liberté soit libre.


M. Saint-Marc C i r a rd in disait e n c o r e en c o m b a t t a n t
u n a m e n d e m e n t p r é s e n t é p a r M. L a u r e n c e :


Je vous exhorte , Messieurs, à ne pas adopter ce malheu-
r e u x amendement ; ma lheureux , parce qu'il détruit l'éco-
nomie de lu loi, son pr incipe , et qu'eu vérité, eu [ai! de-
liberté d'enseignement, il n'en e.riMe plus.


Enfin le m ê m e o r a t e u r s 'écr ia i t :


Vous croyez que c'est là de ta liberté d 'enseigneiueni !
En vérité, j ' a i m e beaucoup mieux l 'autorisation, .le dirai
avec tous les chefs d 'éudil issemenl , aveeloido l 'Université:
I'aimeiie:.->ious aux carrières.


Ou je m e t r o m p e , ou il étai t imposs ib le de s ' exp r imer




DE LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E , l i s


en des t e n u e s p lus préc is et p lus Torts. Q u a n d on é tud ie
a t tent ivement la d i scuss ion de 1837, on est é t o n n é de
voir le zèle u n a n i m e de l ' a s semblée p o u r d o n n e r à la
F r a n c e u n e loi s i ncè r e , et a u v œ u de la C h a r t e un loyal
a ccompl i s s emen t . Il n 'y avai t a lors q u ' u n e c r a i n t e , celle
de m a n q u e r de f r anch i se , celle de ne pas Taire assez
p o u r la l i b e r t é , et de p a r a î t r e favor iser un m o n o p o l e
q u e l ' h o n n e u r et la vér i té ne p e r m e t t a i e n t p lus de d é -
fendre . On est su r tou t f rappé des a v e r t i s s e m e n t s s é -
v è r e s , des g r a v e s r e p r o c h e s que les h o m m e s des o p i .
n ions les p lus d ive r se s , q u e ses amis m ê m e a d r e s s a i e n t
à l 'Universi té . Tous i n d i s t i n c t e m e n t s ' a t t a cha i en t à faire
r e s so r t i r les vices de son m o n o p o l e et les avan tages de
la l ibre c o n c u r r e n c e , è son - sen lemen t 1T n ive r s i t é é ta i t
i nd i r ec t emen t et p r o f o n d é m e n t a t t a q u é e p a r la s u p -
pos-don des g r a d e s et des cer t i f icats d ' é tudes , p a r la fa-
culté d o n n é e à tous de ne p lu s su iv re les c o u r s de ses
co l l èges , m a i s les a t t a q u e s les p lu s d i r e c t e s n e lui
é ta ient m ê m e p a s é p a r g n é e s .


Je n 'en c i terai q u e q u e l q u e s t r a i t s :
L u des d é p u t é s les p lus dévoués à la po l i t ique c o n -


serva t r ice du min i s t è re , .il. Merlin ( d e l 'Avcyron) n ' h é -
sitait pas à dire :


( in n e poul pas se d iss imuler que . . . . l'opinion generale
des honnnes capables d 'appréc ier un bon système d ' édu-
cation el d ' instruction supér ieure , n'a pas rv sans regret
que l'Université n'ait pas vie soumise u une loi régénéra-
trice ntntr refomuer des abus qui onl excite tant 'te plaintes
contre celle grande institution.


11 ajouta i t e n c o r e :


Que les hommes éclairés ci dés i reux d 'un bon système




I i 0F. L A P A C I F I C A T I 0 N I I E E ! GI E U S E .
d' instruct ion publ ique en Franco, on! toujours blâmé r é t a -
blissement colossal d 'une seule univers i té ; que tous ont
proclamé l ' inutilité des direct ions académiques , de Ptuulo
du concours qui a lieu de force dans la eapilnle pour les
agrégat ions univers i ta i res ; que tous ont désiré, en ma in te -
nant lit central i té régulatr ice du Gouvernement , la création
de p lus ieurs univers i tés indépendan tes les unes des autres ,
ayant chacune son chef, son adminis t ra t ion .


M. F.usèbo Sa lvcr lc s ' exp r ima i t avec p in s d e force
e n c o r e :


Je dirai tout de suite de l 'Université que c'est un ensem-
ble mauvais à mou gré, composé de part ies excellentes ;
et je n 'ai pas a c ra indre qu 'on m'accuse de tue permet t re
des personnal i tés qui s«mt bien loin do moi : <•>*/ rinslilu-
ti-m seule ' / » ( ' / " " " ' / « ' ' • " y -U ajoulait-il, dttns l 'Université,
force, puissance , lumières , moyens d'agir e[ énergie . Pour
peu qu 'une corporation possède c e s moyens , soye/.-en sûrs ,
elle ne se dépar t i ra jamais de ce qu'el le considère comme
ses droi ts . Toujours l 'Université voudra é tendre son pou-
voir et son influence, et par conséquent elle .<e ru de
en nt"inx compatible avec l'existence (Vun giniverncynent
constitutionnel.


M. de Sade en t r a i t d a n s la p e n s é e de i l , E u s è b e Sa l -
vc r l c ;


Si ce corps a été, dés son débitl, exposé h une ('(''laveur
générale , ii le doit au triste monopole dont l 'avait doté son
fondateur. Ce monopole était dest ine pa r l ' homme extraor-
d ina i re qui a créé l 'Universi té, à façonner les esprits it sa
volonté, à les courber sous son joug : ri'niverstU'' était par
lui di'sihif'e à être un ins t rument do domination et de puis -
sance .


M. Sain t -Marc G i r a r d i n , avec les m é n a g e m e n t s q u e




I)K LA PACI [•'!(, VI'! ON R E L Jfi 1 F ("SE. ¡ 5 5


lui commandait sa position, révé la i t néanmoins le fond


de sa pensée , lo rsqu ' i l disait :


L' instruction n'e*t rien sans l 'éducation : quand les p r o -
fesseurs n'ont aucuns lirais que ceux de la science avec
ieurs élèves, ils v iennent devant eux. débi ter leurs l eçons :
ils paradent aeadémiquement : il n 'y a là aucune action
puissante, ol'tieace ; il faut, à côté de la leçon de la. science,
la pensée édueatrice, le peu de la discipline morale .


Lie n'était pas s e u l e m e n t le m o n o p o l e c o n c é d é à l 'Uni-


vers i té , et las vices de sa cons t i tu t ion , et tous les d é -


fauts de l ' éduca t ion u n i v e r s i t a i r e , qu i é t a i en t a t t a q u é s ,


on faisait le p rocès m ê m e à ses é t u d e s .


M. de T r a c y d i sa i l , s a n s qu ' i l s 'é levât contre ses pa-


roles une seule r é c l a m a t i o n :


Il es! eerpm: que les études eu France sont très-î'aildes :
j 'u idéjà d i t e que j'en pensais, il y a que lques années ; la for-
mule était iM'Ul-èttv un peu sévère : j ' a i dit que l ' ins t ruc-
tion des collèges en France était celle-ci : un peu de grec,
su peu de latin et pas de français. Je ne dis pas qu'i l n'y ait
point quelques exceptions, usais je soudons qu 'eu généra l
e'est à peu près cela.


¡11. Guizot , s a n s se dépa r t i r tle la r é s e r v e hab i t ue l l e


d e son langage, faisait r e s s o r t i r le d a n g e r m o r a l et social


d e s é ludes un ive r s i t a i r e s .


Lor squ ' e l l e s impriment à un trop g rand nombre de j eunes
gens une tendance factice ve r s les professions l i t té ra i res ,
et les détournent des professions moins ambit ieuses qu ' i ls
embrasseraient nalurol lemcuî et avec fruit pour la société
et pour eux-mêmes .




156 DE LA PACIFICATION R E L 1G1 K L' S L.


J ' ép rouve q u e l q u e e m b a r r a s à r épé t e r ce q u e le g rave
o r a t e u r n ' a pas c ra in t de d i re :


De ces établissements informes cl subal te rnes qui comp-
tent ;i peine deux ou trois régents , confondent toutes les
c lasses , enseignent t rès- imparfai tement les langue» an-
ciennes et les é léments des sciences, et n i ' semblent retenir
le nom de collèges que pour t romper sur la na ture et lu va-
leur de leurs é tudes . J e n 'a i pas besoin de l'aire ressort i r
les vices d 'un parei l état de choses : les illusions qu'il en-
tret ient dans les familles, la fausse direei ioa qu'il impr ime
il l 'éducation d 'une foule d e jeunes gens, et les fâcheux
effets qui en résul tent pour noire système généra! d ' ins-
t ruc t ion secondaire , qui n 'appara î t dans un grand nombre
de ces é tabl issements , qu'incertain, vmtiW, mmaonurr,
sans caractère pratique- et sans but déterminé.


Enfin on d i spu ta i t à I T n i v e r s i l é j u s q u ' à la légit imité
et la c o n v e n a n c e de son n o m :


J'ai toujours regret té , disait 31. de Sade, que le corps en-
seignant se soit obstiné il conserver le litre d T n i v e r s i l é :
ce titre est absolument faux.


Et II. de Sade d ' a i l l eu r s ne faisait là q u ' e x p r i m e r u n e
p e n s é e déjà émise p a r 31. Cous in .


Ces t émoignages et t an t d ' a n t r e s q u e j e p o u r r a i s r a p -
pe le r , d é m o n t r e n t quel le était l 'opinion de la C h a m b r e
e n 1837, et la p e n s é e p u b l i q u e à l ' égard de l 'Univers i té .


Il faut a v o u e r q u e l ' é tude approfondie, de cet te i m -
p o r t a n t e d i scuss ion je t te u n g r a n d j o u r s u r la c o n t r o -
ve r se ac tue l l e , et su r les i r r i t a t i ons qu 'e l le a fait na î t r e .


Il est i m p o s s i b l e de l ' é tud ie r à fond sans y d é c o u v r i r
u n e l u m i è r e i n a t t e n d u e , s a n s a r r i v e r a u n e conc lus ion
é t r a n g e , ils est v ra i , m a i s ce r t a ine .




DE LA l ' A C I E [ C A T I O N il E E I G [ E U S E . 157


C e r t e s , le projet de 1836, et la d i scuss ion à l aque l l e
il donna lieu en 1837, n ' e u r e n t r i en d 'hos t i le à la l i -
b e r t é ; le p r inc ipe de la l ibe r té é tai t s i n c è r e m e n t p r o -
c l a m é , s i n c è r e m e n t a p p l i q u é en p l u s i e u r s c a s , et l'on
promettait mieux encore pour l'avenir'.


Aussi, p a r m i les r é c l a m a t i o n s q u e susc i ta con t re lui
ce p ro j e t , a u c u n e ne sor t i t des r a n g s d u c lergé : p a s
une voix ne s 'éleva par ia i n o u s ; le clergé se tu t profon-
d é m e n t : je me t r o m p e , il r e s s e n t i t , il e x p r i m a u n e
jus te r e c o n n a i s s a n c e , et c 'est à da t e r de ce t te é p o q u e
qu'il se fit e n t r e l 'Église de F r a n c e et le g o u v e r n e m e n t
un r a p p r o c h e m e n t depu i s l o n g t e m p s dé s i r é , et qu i fut
s o l e n n e l l e m e n t p r o c l a m é .


Dans les p lus l ian tes r ég ions de la s o c i é t é , d a n s les
p r emiè re s a s s e m b l é e s l i t t é ra i res de la n a t i o n , c o m m e
dans les c h a m b r e s légis lat ives , on e n t e n d i t les h o m m e s
les plus é m i n e n t s fé l ic i ter , à la face de la F r a n c e , le
clergé de sa forte et paci f ique a t t i t ude , et de son h e u -
r euse inf luence sur les m œ u r s p u b l i q u e s .


De toutes p a r t s on i n v o q u a i t son a u t o r i t é s a lu t a i r e
p o u r - l ' é d u c a t i o n de la j e u u e s s e , p o u r l ' amél io ra t ion
m o r a l e des c lasses i n f é r i e u r e s , et p o u r la g u é r i s o n de
toutes les pla ies de l ' o rd r e social .


i l . le c o m t e " o l é , d a n s une de ces h a u t e s et c a lmes
appréc ia t ions qui le c a r a c t é r i s e n t , d isa i t a v e c é l o -
q u e n c e , aux a p p l a u d i s s e m e n t s de l 'Académie et de
l 'élite de la société f rança ise :


Le cierge sera le sublime conserva teur de l 'ordre publ ic
en préparant les générat ions nouvelles à la pra t ique de
toutes les vertus : car il y a moins loin qu'on ne pense des
vertus privées aux ver tus publ iques , et le parfait chrét ien
devient aisément un grand ci toyen!




15S DE EA PAGI1-']CAT10N Ji E E i G ! E ' s E .


M. Guizot disai t à la C h a m b r e des d é p u t é s :


L'autori té publ ique veut M n c è r o m o n l ci loyalement la
da ree , la dignité, l 'extension du p o u v o i r moral e t soeiai
d e l à religion et de s e sdépos i t a i res .


Mais r i en n ' é g a l a su r ce point , je l ' avoue , la dignité
et la l u m i è r e d ' u n e d i scuss ion qu i eut l ieu a la C h a m b r e
des d é p u t é s , le l à lévr ie r 1 837. On m e s a u r a gré d 'en
r a p p e l e r ici q u e l q u e chose .


M. Bar ibo disa i t : . . . . « Je crois q u e , p u b l i q u e m e n t
« p a r l a n t , vous y pe rd r i ez p lu s q u e v o u s ;d\ gagne r i ez ;
« p a r la p e r s u a s i o n , on est a r r ivé , on peut le d i re , au
« bu t q u e v o u s vous p r o p o s e z . . . . »


Autrement : .... Vous v o u s feriez u n e g u e r r e i m p r u -
dente avec le clergé.


« . . . . Mess ieurs , soyez p r u d e n t s , et ne vous créez pas
« des affaires don t la conc lus ion vous se ra i t difficile, »


M. Sa in t -Marc ( i i r a r d i n , e n t r a n t avec u n e r a r e p e r -
sp icac i té d a n s le fond de la s i tua t ion po l i t ique et r e l i -
g ieuse du p a y s , disai t :


« Messieurs, que vous le vouliez ou non, depuis six
« uns le sentiment religieux a repris un ascendant que
« nous n'attendions pas. Et ataitueuuni, v . m u n e n t s'est
a faite cette r é s u r r e c t i o n ? Elle s'est fuite sans l'aide du
« pouvoir, elle s'est fade parla liberté. Et voila l'avenir
« que j'appelle avec plaisir, celui o u nous verrons la
« religion récon-d'ièe a la l i b e r t é , l ' e u ; r<ude- r e c o n -
« tôlier la religion a v e c le pouvoir, s o i t : ruais rixonci-
« liez—la aussi avec lu lllxri'.


« Ou par le de la séparation de i ' K g ' i s e et de l 'ci tai ;
« ma i s je p o u r r a i s à p lus ju s t e l i lu ; p a r l - r de.-; embarras
« s ingul iers qui na î t ron t si vous m é l o : t rop les affaires




I)K I.A PACIFIC ATI (IX l î K I . I G I E l ' S E . l,ï!>
« de J'Égliso et de l 'État . Voyez l ' e x p é r i e n c e des six
« de rn i è r e s a n n é e s ; écoulez les paro le s de 31. le G a r d e
« des s c e a u x , qui disai t au c o m m e n c e m e n t de la
« s é a n c e : Les ordonnances (de 1828) ne peuvent pas
u toujours être exécutées. :>


« Et pourquoi? Parce, qu'elles ne sont pas exécutables,
« parce que vous avez­ à lutter contre un pouvoir plus
« fort que vous. » (Exc lamat ions . )


« M. J.uneau : Vous ne devez pas di re cela à la i r i ­
« b u n e


« M. Saint­Marc Girard in : ; Si l 'on
« veu t , je ne p a l l e r a i p a s au n o m de la c o m m i s s i o n ,
<( mais en mon n o m .


« .V. Dubois [de la Loirc­1 nferieure) : Son, non, ta
к commission ne récuse pas vos j>arôles,


« M. Saint­Marc Girardin, c o n t i n u a n t : Je le dis avec
« r eg re t , ce n ' e s t p a s avec vos o r d o n n a n c e s cl v os r c g l e ­
« men'.s q u e v o u s pouvez l u t t e r c o n t r e l 'Église, l u t t e r
с avec l ' e s p é r a n c e de r é u s s i r t o u j o u r s et de Гею p o r t e r
« déf in i t ivement ; il y a lit un p o u v o i r t e l lement const i ­
« tué , tellement, d u r a b l e , t e l l ement sécu la i r e , q u e l o r s ­
« qu'i l se t rouve J'acc à face avec v o u s , и y a un c o n ­
fi t ras ie cu i r e l ' immutab i l i t é d e l ' F g l i s e d ' u n e p a r t , et ia
« perpé tue l l e mobil i t i ' de l ' a d m i n i s t r a t i o n de l ' a n t r e ,
« qui doit a s s u r e r la supé r io r i t é à l 'Église. ;> (Vives r é ­
c l ama t ions . Parlez ! par lez! )


31. Saint ­Marc C i r a r d i n , s o u t e n u p a r les voix n o m ­
b r e u s e s qui lui cr ien t : lou iez ! p a r i e z ! c o n t i n u e son
discours :


« Est­ce m a l 'aule, à m o i , si le p o u v o i r est si mobi le




1G0 D E LA P A C I F I C A T I O N ' P. F 1 . 1 GI E U S E.


u et si vaci l lant ? Est -ce u n fait, oui ou non ? Eh b ien !
« j ' i n v o q u e u n r e m è d e c o n t r e le m a l . Effrayé de la m o -
« hilité de l ' a d m i n i s t r a t i o n qu i veut se c h a r g e r de lu t te r
'( con t re l 'Égl ise , et qui ne le p o u r r a p a s , p a r c e q u e les
« a d m i n i s t r a t i o n s p a s s e n t et q u e l 'Église d e m e u r e , je
« m e réfugie d a n s u n p r inc ipe q u e je crois p lus fort et
u p lus p u i s s a n t , d a n s le p r i n c i p e de la l iber té et du
« dro i t c o m m u n .


« Eh ! p o u r q u o i , Mess ieurs , jeter de, galtè de cœur
K le pouvoir dans des difficultés don! cous ne le retire-
« rez que meurtri et blesse? Es t - ce moi qu i ai i n v e n t é
« les t r a c a s s e r i e s qu i on t existé e n t r e l 'Église et l 'É t a t ?
a Avec vos a n c i e n s p a r l e m e n t s , avec vo t re g o u v c r n e -
« m e n t d e s p o t i q u e , v o u s avez eu pe ine à lu t te r con t re
« l 'Église ; et m a i n t e n a n t q u e vous êtes p lus faibles
ci sous le r a p p o r t de l ' a d m i n i s t r a t i o n , v o u s voulez lu t t e r
a c o n t r e elle ! »


Q u a n t a u x o r d o n n a n c e s de 1828, M. Sa in t -Marc Ci-
r a r d i n a jouta i t : « Eh b ien ! j ' a i c o n t r e elles le lémoi-
« gnage de M. le G a r d e des s ceaux , le t émoignage de
« leur complè t e i n e x é c u t i o n .


« Elles n'ont pas pu riere; elles ont passé par
« l'épreuve de deux révolutions, de deux gouvernements.
« La Restauration les a négligées. Connivence, dira-ton :
« je le veux bien; mais la révolution de juillet n'a pas
K été de connivence ; cependant les ordonnances n'ont
ci pas plus été exécutées. »


Enfin, a c h e v a n t son d i s c o u r s , M. Saint-Marc Gi ra r -
din s ' é tonnai t qu 'à la p lace de la l iber té s i ncè re qu ' i l
voulai t p o u r l 'Égl ise , on subs t i tuâ t je ne suis quel ré-




!)K i .A P A C I F I C A T I O N R E E I G I E l ' S E . lfil


aime emprunté du gouvernement impérial, qui n'a pus
su le faire exécuter, emprunté de la Restauration, qui a
été impuissante.


M. Guizot n 'é ta i t pas d e m e u r é a u - d e s s o u s de ces
hau te s p e n s é e s et de ce noble l angage . Il avait m ê m e
p r é c é d é M. Sa in t -Marc Gi ra rd in d a n s ces p ro fondes
c o n s i d é r a t i o n s s u r l 'é tat rée l de la société m o d e r n e c i -
vile et re l ig ieuse , tout en c o m b a t t a n t M. Saint-Marc Gi-
ra rd in :


« Tout pouvo i r t empore l re l igieux a d i s p a r u ;
« mais , en m ê m e t e m p s , n o u s s o m m e s bien loin de nié-
« c o n n a î t r e , et n o u s a u r i o n s g r a n d tor t de le faire,
« et nous n o u s fer ions à n o u s - m ê m e s un m a l i m m e n s e .
« si nous m é c o n n a i s s i o n s le p o u v o i r m o r a l , social , de
« la rel igion et de ses min i s t r e s .


« èVous devons donc , d a n s tou tes n o s re la t ions avec
« l 'Eglise, avoir une par fa i te , u n e t ranqu i l l e ce r t i t ude
« de no i re i n d é p e n d a n c e , et en m ê m e t e m p s agi r avec
« u n e profonde , u n e s incè re b ienve i l l ance . Il es t i n -
a d i spensab le q u e l 'Église et ses min i s t r e s so ien t b ien
« c o n v a i n c u s , d ' une p a r t , q u e l ' au to r i t é p u b l i q u e ne
« leur es t en r ien s o u m i s e ; d ' au t r e pa r t , qu 'e l le l e u r
« est et l eur se ra c o n s t a m m e n t b ienve i l l an te .


« Tant q u e vous n ' a u r e z pas insp i ré à l 'Église et à ses
« minis t res la parfai te convic t ion , le s e n t i m e n t p ro fond ,
<! d 'une pa r t , de vo t re i n d é p e n d a n c e d a n s vos r a p p o r t s
a avec e u x , et en m ê m e t e m p s de vo t r e b ienve i l l ance ,
« de vo t re b ienve i l lance s i ncè r e , r e s p e c t u e u s e , ac t ive ,
« vous n 'ob t i endrez poin t de la re l ig ion t o u s les b i e n -
« faits soc iaux et m o r a u x q u e vous avez dro i t d 'en a t -
« t e n d r e , et vous aurez manqué « l'un de vos premiers
« devoirs comme à l'un de vos plus pressants intérêts. »


i. 11




1U2 ;>E LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


A ces pa ro l e s de M. Cuizot , M. Sa in t -Marc Girardin
r éponda i t :


« Mess ieurs , n o u s vou lons , c o m m e le min i s t r e ,
<i n o u s vou lons l ' accord intel l igent et l ibre de. l 'Église
« et de l 'Klat ; n o u s vou lons que w enfin ee divorce
« funeste, et n o u s n e c r o y o n s pas cpie les deux p o u -
« voies qu i s o u t i e n n e n t la soc ié té , le pouvo i r publ ic c l
« le p o u v o i r m o r a l , p u i s s e n t l o n g t e m p s res te r d a n s une
« espèce de lut te , s ans qu ' i l en r é su l t e un grand péril
<i p o u r la société . »


MM. P a s q u i e r , de Fumante, de Salvamlv et bien d ' a u -
t res , qui é ta ien t a lo r s les r e p r é s e n t a n t s les plus élevés
de 'op in ion p u b l i q u e , t ena ien t le m ô m e langage .


C e p e n d a n t a u milieu des osci l la t ions de la pol i t ique
minis té r ie l le , le projet rie loi de M. Guixol m l re t i ré .


Le clergé le r eg re t t e , mais se tut e n c o r e : le pro je t et
la d iscuss ion lui ava ien t d o n n é u n jus t e e spo i r , il se
confiait en la loyauté' des dépos i t a i r e s d u p o u v o i r , et
a t tendai t en si lence l ' a ccompl i s semen t rie ses vomix. et
la réa l i sa t ion des p r o m e s s e s de la Char t e .


II. — \ I , V I T . r r . M A T N , — P R O J E T DIS L O I D E lS. 'll . — P B O -
rrSTATiOX ou J.ÉTLSUOPAT. — P R O J E T DIS L O I D E WAU.


— D I S C U S S I O N A LA a n e n u m D E S P A I R S .


Q u a t r e a n n é e s s ' é c o u l è r e n t , q u a t r e a n n é e s d ' a t t en te
et de r é s e r v e : enfin p a r u t le projet de loi de 1S.V1. J e
ne c r a i n s p a s de le dure : ce fut u n g r a n d événemen t .
Et ici se r évè l en t des faits significatifs qu ' i l est de la
p lus han t e i m p o r t a n c e d ' o b s e r v e r do p r è s , et d ' a p p r é -
cier avec j u s t e s s e , p o u r m i e u x sais i r les c a u s e s vé r i t a -
bles des quere l l e s ac tuel les .




Í.A P A C I F I C A T I O N Ü F i . i G I E T S E . ¡C3


Fa loi nouvel le r e n v e r s a i t de fond en c o m b l e le pro je t
vie -1836, cl toutes les e s p é r a n c e s q u ' a v a i e n t fait c o n c e -
voir la d iscuss ion et le vo l e de 1837. Que s 'éiait-il d o n c passé dans l ' in terval le des deux p r o j e t s ? ï avait-il eu


q u e l q u e c h o s e de c h a n g é d a n s les cond i t ions de la
science, d a n s les cond i t i ons de l ' e n s e i g n e m e n t , clans les
cond i t ions de la l iber té , d a n s ce l les de l ' espr i t h u m a i n ?
Le c lergé avait-il fait e n t e n d r e d e s r é c l a m a t i o n s ? Les
livres qui oui si p r o i b n d é u i e n l i r r i t é l T u i v e r s i l é ava ient -
ils paru ? Aon.


ibsolumeo. t r i en de t o u t cela . Mais «pool d o n c ? Une
seu le c h o s e : l'i n h e r s U é avai t é té effrayée du pro je t de
1836, et de la d i scuss ion q u i l ' avai t s u i v i ; et avec r a i -
sou, nous l ' avons vu : ca r si ce projet et cel te d i scuss ion
avaioni q u e l q u e ci ¡ose do m e n a ç a n t , c 'était é v i d e m m e n t
pour elle.


l.n projet parei l p r é s e n t é p a r u n h o m m e c o m m e
.¡i. Ge.ixo!, une parei l le d i scuss ion à la C h a m b r e des
ioputés é t a i en t e x i r a o r d i n a i r e m e n l r e d o u t a b l e s p o u r


'•'>. nivorsi lé : elle sent i t q u e le m o n o p o l e a l l a i t lu i é c h a p -
per , et tpie son ex i s t ence m ê m e é ta i t p r o f o n d é m e n t
éb ran lée .


i'Aic ne c ru t pas cV.voir faire e n t e n d r e ses r é c l a m a -
tions ; les é v é n e m e n t s pol i t iques qu i r e m p l i r e n t i ' i u l e r -
aile des q u a t r e a n n é e s do 1«;>7 à 18 ' i i , et a p p e l è r e n t


l ' a t tent ion p u b l i q u e sur des i n t é r ê t s (dus p r e s s a n t s , lui
d o n n è r e n t du temps : elle eu prol i ta ; elle se recuei l l i t
•n e l l e -même , et j u g e a sa posi t ion, il n 'y avai t p lus de
g rades e x i g é s , p lus de cert if icats d ' é l u d é s , p lus d 'ob l i -
gation de su ivre ios c o u r s de ses collèges. T o u t e ce l te
h ié ra rch ie de p e n s i o n s et d ' i n s t i t u t ions s u r l e sque l l e s
s 'é tendait son p o u v o i r , é ta i t abol ie ; des é t a b l i s s e m e n t s




D E L A P A C I F I C A T I O N R E E I G 1 E l ' S Ë .


l i b re s a l la ien t s 'é lover à côté des s i e n s : cet te c o n c u r -
r e n c e lui p a r u t i n s o u t e n a b l e . Ce n ' e s t pas t o u t : on la
m e n a ç a i t d ' u n e r é f o r m e ; on allait j u s q u ' à lui p a r l e r
d'une loi régénératrice. C e l a i t son ex i s t ence m ê m e
q u ' o n me t t a i t en ques t i on : le t emps étai t v e n u de la
d é f e n d r e ; m a i s c 'étai t p r u d e m m e n t , et de longue main
qu' i l fallait p r é p a r e r la r é s i s t a n c e .


Et c e p e n d a n t l 'Univers i té sut é c h a p p e r h a b i l e m e n t
aux d ivers essa i s de r é fo rme par t ie l le qu i furent tentés
s u r elle p e n d a n t l ' in terval le de ces q u a t r e a n n é e s . Des
h o m m e s é m i n e n t s , tout dévoués aux in t é rê t s du co rps
e n s e i g n a n t , se s u c c é d è r e n t v a i n e m e n t au m i n i s t è r e de
l ' i n s t ruc t ion p u b l i q u e . Ce q u e l 'un avai t fait, l ' au t re le
défaisai t b i e n t ô t ; les c h a n g e m e n t s é ta ien t si b r u s q u e s ,
q u e l ' op in ion p u b l i q u e en p a r u t m ê m e un m o m e n t
p r é o c c u p é e ; m a i s elle fut b ien tô t d is t ra i te p a r d ' a u l r e s
g r a v e s é v é n e m e n t s .


Le t e m p s s ' écoula de la sor te .
Puis a p p a r u t le p ro je t de 1841 : ce fut le p r e m i e r et


p u i s s a n t effort de l 'Univers i té p o u r conse rve r , affermir ,
é t e n d r e m ê m e le m o n o p o l e au m é p r i s de la Char te et
de la c l a m e u r p u b l i q u e .


Ce qu 'e l l e n ' ava i t p a s o s é avec M. Gu izo t , chez qui
le m i n i s t r e de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e d o m i n a i t le g r a n d
m a î t r e de l 'Univers i té , et chez qui l ' h o m m e d 'É ta t éclai-
ra i t le m i n i s t r e de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e , elle l 'osa avec
u n a u t r e .


L ' exposé des moti fs d u n o u v e a u p ro je t de loi, malgré
l ' hab i le té du l angage et l ' indéc is ion des p e n s é e s , r é v é -
lait t o u t d ' a b o r d à l ' obse rva t ion des l ec t eu r s at tentifs
les desse ins sec re t s de l 'Univers i té , et son n o u v e a u plan
de défense et d ' a t t a q u e . Si elle e s saya i t t i m i d e m e n t en-




DE LA PACIFICATION R E L I G I E U S E . ¡«5


coro , il est vra i , l ' apologie de ces écoles de l'Etal qui re-
çurent une organisation si forte et si précieuse ci l'unité
de l'esprit national, elle n ' hés i t a i t p a s à a t t a q u e r la l i-
be r t é j u s q u e d a n s son p r inc ipe :


La liberté de l'enseignement a pu être admise en prin-
cipe par la Charte, mais elle ne lui est pas essentielle, et
le caractère même de la liberté politique s'est souvent
rnarepuè par l'influence exclusive et absolue de l'Etat
sur l'éducation de la jeunesse.


Le projet de loi r é p o n d a i t à ces p a r o l e s ; l 'Univers i té
r e d e m a n d a i t h a r d i m e n t :


! • Des g r a d e s p o u r les p ro fe s seu r s .


2 a Des g r a d e s p o u r les surve i l l an t s et m a î t r e s d ' é -
tudes .


3" La dis t inct ion abol ie e n t r e les chefs d ' ins t i tu t ion et
les ma î t r e s de pens ion était r é t ab l i e .


li" C o n t r a i r e m e n t au vole, d e l à C h a m b r e des d é p u t é s ,
le d ip lôme de l icencié ès l e t t r es é ta i t exigé p o u r les
chefs d ' ins t i tu t ion .


.V' Le j u r y d ' e x a m e n p o u r la capac i t é é tai t c o m p o s é
d a n s un sens pos i t i vemen t contraire , au vote de la
C h a m b r e de 1837. Le b r e v e t de capac i t é n 'é ta i t p lus
q u ' u n e déc la ra t ion d ' a p t i t u d e , dé l iv rée s o u s l ' au tor i t é
du min i s t r e .


rv La négl igence p e r m a n e n t e d a n s les é t udes devena i t ,
en cas de r é c i d i v e , u n délit suffisant p o u r ê t re t r adu i t
tour à t o u r d e v a n t le conse i l a c a d é m i q u e , pu is d e v a n t
le consei l r o y a l , et ê t re s u s p e n d u de l ' exerc ice de sa
profession.


7° Enfin, tous les pet i t s s é m i n a i r e s é t a i e n t s o u m i s à la
juridiction de l 'Univers i té , c o n t r a i r e m e n t e n c o r e au vote




ion !>L' LA 1»ACÍF!GATH>N U K LIO IKl 'SE.


l'oi'mcl do la C h a m b r e des d á ñ a l o s , voie s a n c t i o n n é par
l ' app roba t ion Ja p lus forte dn «••ouverneineiit, el accom-
pli à uno major i t é de GO voix. Et c e p e n d a n t le droi t
c o m m u n auque l la C h a m b r e n ' a v a i t p a s v o u l n s o u m e t t r e
les pe t i t s s émina i r e s en 1837, étai t le droi t c o m m u n
d ' u n e loi v r a i m e n l l i b é r a l c , t and i s q u e le droit commun.
s'il es t p e r m i s de l ' appe le r a ins i , du projet de -18al était
m a n i f e s t e m e n t la conséc ra t ion du m o n o p o l e un ive r s i -
taire, a u q u e l on essaya i t de s o u m e t t r e sans excep t ion
t ous les pet i t s s é m i n a i r e s .


1! y avai t là un a t t en t a t mani fes te , un doub le a t t en ta t ,
c o n t r e la l ibe r té d ' e n s e i g n e m e n t , et con t re la l iber té
re l ig ieuse .


L ' ép i scopa t , depu i s onze a n n é e s , ava i t g a r d é u n p r o -
fond s i l ence ; l ' ép iscopat , dont le ( i o n v e r n c n i c n l et les
C h a m b r e s avaient loué Ja m o d é r a t i o n , la force pac i f ique ,
et i n v o q u é le pouvo i r m o r a l en p l u s i e u r s o c c a s i o n s s o -
l e n n e l l e s ; l ' ép i scopa t , qu i ava i t é té j u s t e m e n t r econ -
n a i s s a n t du p r o j e t é e 1836 e t d e l à d i scuss ion de 1837 ;
l ' ép i scopa t se sent i t a t t a q u é au c œ u r ; l ' épiscopat tout
en t i e r r é c l a m a !


f i l e devai t faire : s'il n ' e û t p a s r é c l a m é , non-seu lement
c'en étai t fait de la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t , m a i s c'en
étai t l'ail de t o u s les pe t i t s s é m i n a i r e s , el , p a r c o n t r e -
c o u p , c 'en étai t fait à la l ongue du s a c e r d o c e en F r a n c e


Le pro je t de loi fut éga l emen t a t t a q u é pa r la commis-
sion de la C h a m b r e des d é p u t é s , c h a r g é e de l ' examiner .
M. de Sa lvandy é ta i t p r é s i d e n t de ce l te c o m m i s s i o n , el
M. Jouffroy en é ta i t r a p p o r t e u r .


Il y eu t , en t r e le pro je t un ive r s i t a i r e et le sy s t ème
de la c o m m i s s i o n , des d i s s e n t i m e n t s si p ro fonds , q u e
les h o m m e s é m i n e n l s qu i la c o m p o s a i e n t sen t ' r en t




DE LA PACIFICATION R E L I G I E U S E . ifi?


l ' impossibi l i té d ' a r r ive r p a r u n r a p p r o c h e m e n t q u e l -
conque à Line ( ransac t ion r a i s o n n a b l e .


Aussi, dès la fin d 'avr i l , l a ; c o m m i s s i o n se s é p a r a s a n s
avoir achevé ses t r a v a u x , et r é so lu t de no plus se r é u n i r
p e n d a n t tout le c o u r s de la sess ion. 'Il lui p a r u t q u ' u n
a u t r e 'projet é ta i t a b s o l u m e n t n é c e s s a i r e ; et c o m m e
p o u r i n d i q u e r au min i s t è r e su r que l les b a s e s ce pro je t
n o u v e a u l ierai t ê t re c o n ç u , a v a n t de se s é p a r e r elle
décida en pr inc ipe la suppression du certificat de capa-
cite el du jury d'examen, en se contentant, pour les chefs
d'établissements, du grade de bachelier es lettres, et de
celui de bachelier es sciences pour les établissements
scientifiques; la suppression du grade de bachelier pour
les maîtres d'études, les professeurs g restant seuls
soumis,


(Gazette de l'Instruction publifpue.)


Du r e s t e , il n 'y eut p a s de r a p p o r t , p a s de d i s cus s ion .
Dans l ' in terval le des d e u x sess ions la loi l'ut r e t i r ée :
deux a n n é e s s ' écou lè ren t . Su ivons cet te t r o i s i è m e p h a s e
de la ques t ion .


En 1S / i2 , au l ieu d 'un proje t de loi p o u r a ccompl i r la
p r o m e s s e de la Char le en faveur de la l iber té d ' ense i -
g n e m e n t , a p p a r u t un grand l ' appor t au ro i , apologie
officielle de l 'Universi té et de son monopole ; et ce fon-
dement posé , on bât i t des sus le p ro je t de loi qu i vit le
j o u r cm 18/P-i.


Le projcl de loi de 18a 1 avai t été le p r e m i e r effort de
l 'Universi té pour se m a i n t e n i r d a n s la posses s ion exc lu -
sive de l ' e n s e i g n e m e n t : celui de 18 ' i a , obligé de b a t t r e
en re t ra i te sur la ques t ion des pe t i t s s é m i n a i r e s , fut
p lus hos t i le à la l iberté s o u s t o u s les a u t r e s r a p p o r t s .




1G8 D E I.A P A C I F I C A T I O N I! F 1.1GI F. F S F


Voici que l les furent en ce s e n s les t rois différences
les p lus i m p o r t a n t e s :


1° Le pro je t de loi de 1841 s u p p r i m a i t , p o u r l ' a d m i s -
sibilité a u x é p r e u v e s du b a c c a l a u r é a t ès l e t t r e s , tou te
obl igat ion de p r é s e n t e r des cert if icats d ' é t u d e s u n i v e r -
s i ta i res o u d o m e s t i q u e s (art. 12).


L 'ar t . 10 d u n o u v e a u pro je t m a i n t i e n t la nécess i té d u
cert if icat : ceci é tai t cons idé r ab l e .


2° P a r l ' a r t . 12 du p ro je t de 1 8 a l , toute obl iga t ion
i m p o s é e aux chefs d ' ins t i tu t ion et m a î t r e s de p e n s i o n ,
d ' envoye r l e u r s élèves aux c lasses des collèges r o y a u x
ou c o m m u n a u x , é ta i t s u p p r i m é e :


L ' a r t . 9 du n o u v e a u p ro je t m a i n t i e n t cel te obl iga-
t ion , à m o i n s q u e les chefs d ' ins t i tu t ion ou m a î t r e s de
pens ion ne r e m p l i s s e n t des cond i t i ons qui se ron t le p lus
souven t imposs ib les à r e m p l i r .


3 ° L e p ro je t de 18à l ne d e m a n d a i t p a s l 'aff irmation
p a r écr i t et s ignée du d é c l a r a n t , de n ' a p p a r t e n i r a a u -
c u n e congréga t ion re l ig ieuse non l éga lemen t é tabl ie en
F r a n c e :


Le pro je t de 18.T3 exige r i g o u r e u s e m e n t cel te affir-
m a t i o n .


Cer tes , si la loi p r o p o s é e en 1836 étai t une loi en
faveur de la l i be r t é , le pro je t de 18/i'i était dir igé c o n t r e
elle : c 'étai t m a n i f e s t e m e n t u n e loi de pr ivi lège et de
co rpo ra t i on . Il n 'y é ta i t p lus en rien ques t ion de c o n s -
t i tuer la l iber té p r o m i s e : u n in té rê t c o n t r a i r e , un in t é -
r ê t p lus p u i s s a n t d o m i n a i t m a n i f e s t e m e n t l ' espr i t du
min i s t r e , m a l g r é lui p e u t - ê t r e , e l l e poussa i t à o r g a n i s e r
p lus p u i s s a m m e n t q u e j a m a i s la c o r p o r a t i o n et le m o -
n o p o l e un ive r s i t a i r e s .


S'il m 'es t p e r m i s de m ' e x p r i m e r avec u n e en t i è re




I>E I .A P A C I F I C A l i u.X U E L I G I K l ' S E . 109


f ranchise , p lus j ' é l u d i e ce m a l h e u r e u x proje t , p lus je
t rouve q u e c'est é v i d e m m e n t l ' œ u v r e d 'un h o m m e q u i
n 'étai t pas su f f i samment l ibre ni d a n s sa p e n s é e ni d a n s
ses a c t e s ; qui é tai t e n c a d r é d a n s un c o r p s , e t se t rouva i t
c o n d a m n é à en recevo i r tou tes les i m p u l s i o n s , à en
su ivre t o u s les m o u v e m e n t s .


Oui , je n ' en ai j a m a i s d o u t é : si le m i n i s t r e eû t pu
s ' ouvr i r et se f rayer l i b r e m e n t sa r o u t e , s'il n ' e û t p a s
été dominé p a r ses a n t é c é d e n t s et p a r ses e n t o u r s , il
eût l'ait m i e u x : c 'es t un h o m m a g e q u e je lui ai t ou jou r s
r endu , et q u e j e su i s h e u r e u x de p r o c l a m e r e n c o r e .


Mais, d a n s la tr iste s i tua t ion qu i lui ava i t é té faite, il
ne voya i t , il n ' e n t e n d a i t q u e l 'Univers i té . 11 n ' é ta i t
p réoccupé que de ses i n t é r ê t s , dir igé q u e p a r ses in -
fluences.


Qu'on r e g a r d e de prés cet é t r a n g e pro je t de loi et l ' ex-
posé des motifs qui le p r é c è d e ; l 'Univers i té a b s o r b e tout .


Ce n 'es t p lus s e u l e m e n t l 'Un ivers i t é a g i s s a n t d a n s
l ' intérêt de l 'É t a t ; ce n ' es t p lus l 'Univers i té , service
public de l 'É t a t ; ce n ' es t p lus m ê m e l 'Univers i té , c o r -
pora t ion pr ivi légiée de l 'É ta t ; c 'est l 'Univers i té se s u b -
s t i tuant à l 'Étal , se m e t t a n t à la p lace de l 'État et es-
sayan t de r e m p l a c e r les a u t r e s se rv ices de l 'État . L'Uni-
versi té est allée plus loin ; elle a l'ail d 'el le el de l 'Éta t
une seule et m ê m e p u i s s a n c e , u n e seu le et m ê m e c h o s e ;
enfin elle s 'est p r o c l a m é e la F r a n c e ; en so r t e q u e d e -
m a n d e r sa r é f o r m e , c 'é tai t i n su l t e r la na t ion et faire
acte de m a u v a i s c i toyen .


On sai t , à cet éga rd , le l angage t enu à la C h a m b r e
des pai rs p a r l ' h o n o r a b l e M. Cous in , et c o m m e n t M. Beu-
gnol , M. de Frévi l ie , M. Rossi l u i - m ê m e , ré fu tè ren t de
si é tonnan te s p a r o l e s .




f . » D E F.A ï'ACli iCAïiOX UKI. I G I K l ' S E
Kl ici, c o m m e c o m p e n s a t i o n d o la i r i s 'osso a t t achée


à j ' a n a l y s e de cel te nouve l l e tf-niativo du m o n o p o l e ,
j ' a i be so in de r a p p e l e r les br i l lan ts éc la i r s de jusl ico cl
de r a i s o n q u e la force de la véri té el la p u i s s a n c e nn-
Iurel lc d e l à l ibe r té f irent jai l l ir d e la d i scuss ion a la
C h a m b r e des Pa i r s .


T o u s , en effe!, sont d ' acco rd que si la loi ielle qu 'el le
sor t i t a m e n d é e do l ' i l iu-lre a s s e m b l é e n ' a pas r é p o n d u
e n t i è r e m e n t à l ' a t t en te el auv voeux des amis de la li-
b e r t é , la d i scuss ion de cotto loi a été nob ic et belle.


Tous les g r a n d s p r inc ipes d e l à ques t ion \ ont é té pro-
c l a m é s s i n c è r e m e n t , et l o y a l e m e n t app l i qués dans la
p l u p a r t dos c o n s é q u e n c e s où l ' i l lus t re a s s e m b l é e a jugé
poss ib le el p r u d e n t do io faire.


Oui, ce l'ut une belle d i scuss imi , une de ces lu î tes
é levées des in te l l igences q u ' o n est, toujours h e u r e u x de
voir , et qu i h o n o r e n t u n e n a t i o n . Depuis si l o n g t e m p s
p a r m i n o u s , m ê m e d a n s les p lus h a u t e s rég ions s o -
c ia les , on ne combat ta i t p lus q u e p o u r des in té rê t s m a -
tér ie ls c l s e c o n d a i r e s : Cette fois, du m o i n s , on en tend i t
un l angage v é r i t a b l e m e n t g rave el d igne dos législa-
t eu r s d 'un g r a n d p e u p l e ! les p r inc ipes s u p é r i e u r s d o -
mina i en t Ions les espr i t s : p a r t i s a n s el adve r sa i r e s , tous
r e n d a i e n t h o m m a g e aux droi ts s a c r é s de la famille,
aux d r o i t s de la l i be r t é , aux d ro i t s de la r e l i g ion ; les
d i s c o u r s m ê m e les p lus o p p o s é s à cel te sa in te cause
on t paru, e m p r e i n t s de r e s p e c t p o u r elle : M . Cousin a
é té j u s q u ' à dire, : 77 faudrait éteindre F Université, si
elle voulait nuire à la religion. J a m a i s la grande et sainte
Église cuiholigue, l ' ép i scopa l f rançais , l ' au tor i t é pontif i -
ca le , les cong réga t ions re l i g i euscs , Us jésui les e u x - m ê m e s
n ' o n t é té t r a i t é s avec p lus de gravi té e l de c o n v e n a n c e .




I)K LA P A C I F I C A T 1 0 N lî F 1.1 ('. i F U S S


Mli1. I&ultiiie à la gloire «le la F r a n c e , ce g rand clohn L
el hudes le..; ( [nesl ions qu ' i l a sou levées y oui exci té u n
i m m e n s e in té rê t . I>epuis q u a r a n t e ans p e u l - è i r o , r ien
de semblab le n ' ava i l été vu. Les d i scuss ions si i m p o r -
tai) tes de la C h a m b r e des d é p u t é s e l le -même p a r a i s -
sa ient oubl iées : l ' a t t en t ion p u b l i q u e étai t a i l l e u r s : les
lois de c h e m i n s de fer, la loi si i m p o r t a n t e des p r i s o n s
la t rouva ien t p r e s q u e ind i l l é ren lc . Ces g r a n d s in té rê ts
religieux, soc iaux , l i t t é ra i res , o c c u p a i e n t tous ies e sp r i t s ,
et les é levaient d a n s une région s u p é r i e u r e à celle où
se déba t t en t les q u e s t i o n s o r d i n a i r e s de la po l i t ique .


Dans le m o m e n t de la lu t t e , on aura i t pu c ro i re à
q u e l q u e i r r i ta t ion en t r e des a d v e r s a i r e s si a n i m é s ;
mais mm : chose v r a i m e n t b e l l e e l digne d ' u n e si g r a v e
a s s e m b l é e ! j u s q u e d a n s la p lus g r a n d e a r d e u r de la
d iscuss ion, on s a \ a l i s e r e s p e c t e r el r e n d r e h o m m a g e
à l ' é lévat ion, à la l o y a u t é des c a r a c t è r e s .


Cel les , 1U. le c o m t e de M o n t a i e m b e r t , le c o m t e
Beugnot, M. le m a r q n i s de B a r t h é l é m y , M. le m a r q u i s
:le Cab r i ac , M. le b a r o n de Frévi l le , M . le b a r o n de
lli ' igode, M . le duc d ' I I a r cour t , M. le m a r q u i s de Cour -
larvel et d ' au t re s dont j ' a u r a i p lus d ' u n e fois occas ion
• le citer les noms , se sont m o n t r é s les é l o q u e n t s , les in-
fatigables dé fenseurs de la L ibe r t é d ' e n s e i g n e m e n t . Qui
ne sait combien de fois ils on t t r o u v é d a n s la nob le
C h a m b r e u n e j u s t e a d m i r a t i o n p o u r l e u r t a len t et les
p lus g é n é r e u s e s s y m p a t h i e s p o u r l eu r cou rage !


lit q u a n t à n o u s , s p e c t a t e u r s in t é res sés du c o m b a t ,
si quelquefois la vivaci té des a l t a q u e s el des r é p o n s e s
a semble 1 n o u s d o n n e r au d e h o r s u n e é m o t i o n t rop
vive, m a i n t e n a n t q u e la lu t te est finie, il n 'y a p lus en
nous q u e r e spec t p o u r tou tes les op in ions qui se son t


i. i r




D L LA P A C I F I C A T I O N Il F L I G I K F S K


Joya lcmen t p r o d u i t e s . P e u t - o n s ' é t o n n e r d 'a i l leurs ,
que les d é b a t s . d e si h a u t s i n t é rê t s p r o d u i s e n t de p r o -
fondes é m o t i o n s ? Me n o u s en p l a i g n o n s ni les u n s ni
les a u t r e s ; ces g r a n d e s lu t tes in te l lectuel les et m o r a l e s
r é v è l e n t les fortes in te l l igences , les n o b l e s c œ u r s , les
g é n é r e u x c a r a c t è r e s .


J e dois l ' a v o u e r c e p e n d a n t , M. Cousin seul , p e n d a n t
le c o u r s de cet te g r a v e d i scuss ion , m ' a la issé de p r o -
fonds r e g r e t s : j ' a i gémi p lus d ' une fois en v o j a n l u n e
auss i bel le inte l l igence si mal e m p l o y e r sa force : qu' i l
m e soi t p e r m i s de d i re ici ma p e n s é e tout en t i è re .


Né au d i x - s e p t i è m e s iècle , ou c a t h o l i q u e réel au d ix-
n e u v i è m e s iècle , M. Cous in eût p e u t - ê t r e m a r q u é sa
p l ace a u x p r e m i e r s r a n g s , p a r m i les h o m m e s i l lus t res
don t la g r a n d e école de p h i l o s o p h i e c h r é t i e n n e se glo-
rifie : ch ré t i en éc la i ré et s i ncè r e , il eû t peu t - ê t r e l'ait de
g r a n d e s c h o s e s ; p h i l o s o p h e c o m m e d ' a u t r e s , l ' œ u v r e
qu ' i l a faite d u r e r a peu .


Monse igneu r l 'A rchevêque de Pa r i s v ient de le d é m o n -
t r e r i n v i n c i b l e m e n t 1 avec la c la r té et l 'élévation de cet te
bel le l a n g u e p h i l o s o p h i q u e , qu i n e se p a r l e p lu s g u è r e
d a n s les écoles m o d e r n e s : en d e h o r s du c h r i s t i a n i s m e ,
on ne p e u t q u e d é t r u i r e : c 'es t ce q u e Voltai re a c o m -
pr is et fait a u t a n t q u e la P r o v i d e n c e p e u t le souffrir
ic i -bas .


Mais édifier en d e h o r s d u c h r i s t i a n i s m e , faire u n e
école de p h i l o s o p h i e s é r i euse , a u d i x - n e u \ i è m e s iècle ,
en d e h o r s de l 'Évangi le , c 'est u n e œ u v r e imposs ib le :
p e r s o n n e n ' y peu t c r o i r e ; les h o m m e s g raves ne p e u -
ven t m ê m e s ' e m p ê c h e r d 'en r i r e .


Introduction philosophique à le tuile du Christianisme.




[>h I.A l'A CI FI G AT IO N ii F 1.1G i F F S F .


Chose r cn ian juab l i ! ! M . Cous in , m a l g r é son r a r e
espri t , malgré son i n c o n t e s t a b l e ta lent , étai t le seul
o ra t eu r qu ' à la C h a m b r e des pa i r s on s embla i t n e
pouvoi r se d é c i d e r a p r e n d r e au s é r i e u x ; on sour i a i t
devant les plus be l les c h o s e s , d e v a n t les p lus s o l e n -
nel les p a r o l e s ; on ne r e spec t a i t m ê m e p a s tou jours la
gravi té et l ' express ion de sa d o u l e u r .


C'est (pie M. Cousin a le m a l h e u r de n ' ê t r e q u ' u n p h i -
lo sophe , et il ne se lassa i t pas de le l'aire sent i r . Tout
révélai t en lui le chef d 'école : son ges te , le ton de sa
voix, toute sa m a n i è r e . Aussi , m a l g r é ses efforts, m a l g r é
ses avan tages su r M. le Ministre d e l ' i u s l r u c t i o n p u b l i q u e ,
il a é p r o u v é q u ' u n ph i lo sophe , qui n ' e s t q u e cela , et se
pose au mil ieu d'uni! a s s e m b l é e c o m m e le r e p r é s e n t a n t
de la ph i losoph ie , ne compte p lus g u è r e : en p r é s e n c e
d ' h o m m e s sé r ieux et p r a t i q u e s , l ' h o m m e d u m o n d e phi -
l o soph ique , l ' h o m m e du m o n d e idéa l n ' e s t p lu s r ien ;
ses p lus va i l lan ts efforts ne p e u v e n t g u è r e lui o b t e n i r
que la c o m p a s s i o n de ses amis .


Quoi qu ' i l en soit de M. Cous in e t des ré f lex ions
p lus ou m o i n s j u s t e s q u e p e u t suggé re r le rô l e à p a r t
qu ' i l a c ru devoir se r é s e r v e r d a n s cel le affa i re , p o u r
moi , s'il m 'es l pe rmis de dire ici mes i m p r e s s i o n s p e r -
sonnel les , a s s i s t an t p o u r la p r e m i è r e fois a u x d é l i b é r a -
t ions d ' une a s semblée po l i t ique , je, r a p p e l a i s à m o n
espr i t , s a n s le voulo i r , ces be l les p a r o l e s de M. R o y e r -
Collard :


« ha pai r ie f rança ise est l ' a s s emb lage des s u p é r i o -
« ri lés réel les de no i r e société . Quel p a y s en E u r o p e ,
« sans excep te r l 'Angle te r re et sa g lor ieuse a r i s t o c r a t i e ,
« p r é sen t e r a i t u n e élile d ' h o m m e s p lus c o n s i d é r a b l e s à
« toutes sor tes de t i t r es , la gloire des a r m e s , les se rv ices




m l ) E J. A PACI F I C AT 1 0 N R E E1 GI E E S E.
« pe l î t i quos , l 'éclat des t a l e n t s , la p r o p r i é t é on la r i -
« el iesse à ce point où elle est une force ? J ' a joute les
" i l lu s t r a t ions de n a i s s a n c e ; ca r , je veux le d i re en ce
R j o u r , u n n o m h i s t o r i que est u n e g r a n d e u r , e l l e r e spec t
'( de la gloire passée p r e n d sa s o u r c e d a n s de nob le s
". s en t imen t s . »


Te voyais u n e a s s e m b l é e d ' h o m m e s qu i savaient
é c o u t e r ; je voyais l ' a s c e n d a n t et la faveur d e l à r a i son ,
du bon sens el de Ja m o d é r a t i o n ; j ' é t a i s f rappé de la
g r a \ H é , de l 'é lévat ion el de la c o n v e n a n c e du l a n g a g e ;
j ' é p r o u v a i s un p la i s i r e x l r ê m e à e n t e n d r e pense r , p a r l e r
les p r e m i e r s mag i s i r a t s de mon p a y s , tous ces anc iens
m i n i s t r e s , tous ces a d m i n i s t r a t e u r s h a b i l e s , tous ces
h o : : : m e s qu i on! t o u r à. tour g o u v e r n é ou défendu la
F r a n c e , que l e u r sc ience des affaires h u m a i n e s , l eur
expé r i ence de la vie p u b l i q u e , l eu r s ta lents , on t r e n d u s
n é c e s s a i r e s à t an t d ' é p o q u e s d iverses . J ' ép rouva i s u n
plais i r e x t r ê m e a i e s voir t r a i t e r , approfond ie , d i s c u t e r ,
sous la h a u t e et s a v a n t e impar t ia l i t é de leur p rés iden t ,
cet te g r a n d e q u e s t i o n re l ig ieuse el sociale , celle q u e s -
tion de jus t ice et de l ibe r té , cel le ques t ion d 'un si g rand
aven i r .


Ile me disais à m o i - m ê m e : P o u r q u o i cette C h a m b r e
q u i , selon la belle exp res s ion de M. l îoyer-ColJard , est
le rempart de la monarchie héréditaire et de la constitu-
tion de l'Etat, n 'a- t -el le pas su r les affaires el s u r le
g o u v e r n e m e n t du pays u n e inf luence [dus fente, p lus
d i rec te et p lus p r é s e n t e ? ho p a y s y gagnera i t .


Et d e p u i s , r e p a s s a n t s u r m e s i m p r e s s i o n s , re l i san t
tout ce q u e j ' a v a i s e n t e n d u , m o n a d m i r a t i o n s ' a cc ro i s -
sait, enco re : un seul et p rofond r e g r e t m ' e s t res té ,
c'est q u e la d iscuss ion de la C h a m b r e des pa i r s ail dû




:>K LA PAC! FI CAT! ON l> K I . K i l E l ' S E . !75 être suivie d'un voie auquel le temps u'avnlt pas donné sa meiurild. Coourm élude do la quest ion, en effet, ce t te discussion a été très-bolie; c o m m e décis ion , il est i m -
possible de ne pas faire ses réserves ; et le partage si remarquable des v o i s , au. moment du vote définitif, justifie assez les regrets que j 'exprime. J e ne \ iens pas ici toutefois accuse)' la noble C h a m b r e : j 'ai senti ses embarras : elle a c ru devoir tenir compte des difficultés de 'a situation qu'il s'agissait de régler. !.e régime, universitaire a pris parmi nous des racines si profonde.-; les ° : p r i l s sont si habitués à la souveraineté absolue qu'il exerce depuis trente-cinq ans sur l ' ins-truction publ ique , qu'il n'a pas paru facile encore d 'en affranchir "oe,'-oe:mr!m"-o! c o m m e il doit l'êlre. J e le sa i s ,
dans nos société; iuq m^dp'-q il. huit quelquefois se contenter d'à peu près. La C h a m b r e des pairs se trou-vait d'ailieursen présence d'un projet déplorable ; il a u -rait fallu l- nmtoiv.or c m p l é ' c m e n t et eu mire un autre . La noble C h a m b r e a pu craindre (pie ce ne fui tout u n
• ' ' a n o o d d o d ' institutions ncuu' i ios ;i concevoir et à é t a -blir, et il n'en fout pa« tant pour effrayer à noire époque le zèle le plus éclairé en matière d 'organisation p u -blique. L'umogen' eue vr-xhuent s h . g o b e r qui éclata alors entre AL C o u s i n e ! m je Ministre do l ' instruction p u b l i -que pondant ton! le corn's de la d i s c i s s i o n à lu C h a m b r e
d e s pairs , contribua do plus en plus à démontrer é \ i -demment que ce dernier u'étei! pas libre dans son a c -tion , mais dominé par 'es interdis d ' une corporation puissante q u i , se sentant profondément é b r a n l é e , se voyant menacé' ' par les plus grands pouvoirs de l 'É t a t ,
d 'une réforme r e d o u t é e , tentait un effort d é s e s p é r é , et




r,(i D K L A P A C I F I C A T I O N 1! K L I G I E F S F .
al lai t m ê m e j u s q u ' à vou lo i r s ' identif ier à l 'E ta t , p o u r
p r é v e n i r toute ré forme et e m p ê c h e r la r u i n e d 'un m o -
nopole injuste .


Avant n o u s , les o r g a n e s de l 'opinion p u b l i q u e se son t
e x p r i m é s su r t o u t cela s a n s d é t o u r et sans r é se rve . Un
j o u r n a l n 'a p a s c ra in t de d i re q u e le proje t de loi n ' a -
vai t pas d ' au t r e b u t q u e de faire p a s s e r les é t ab l i s se -
m e n t s l ibres sous les [ourdies eau (Unes universitaires.


Le 12 février 18àà , le Courrier Français écr iva i t :


Le vice radical de cette loi, son péché originel cl indélé-
bile, c'est qu'el le n'est pas lheuvre de l 'Etal, mais celle de
l 'Univers i té ; c'est qu 'à chaque article l 'Université s'y p r o -
clame et dit : L'Etat, c'est moi ! C'est un acte de parti et
non pas un acte de gouvernement .


M. Villemain est bien plutôt le g rand maître de l'Univer-
sité qu'i l n'est minis i re de l ' instruction publ ique . Au lieu
de se considérer comme le grand pontife (te l 'enseigne-
ment universel ; il est resté le général du corps enseignant
laïque, le supér ieur du couvent univers i ta i re . Ainsi l'ont
fait ses antécédents , ses habi tudes d 'esprit , la situation ac-
tuelle des choses et la difficulté de s'élever à la hauteur de
son pe r sonnage . 11 s'est minut ieusement occupé de régle-
mente r par l 'obstacle les concessions que la Charte lui en-
joignait de faire. . . .


Nous avons d o n c eu r a i son de le d i re : au contraire ,
de M. G u i z o t , le min i s t r e de 18 j à s 'est la i ssé d o m i n e r
et a b s o r b e r p a r l 'Un ive r s i t é ; n o n - s e u l e m e n t l ' h o m m e
d ' É t a t , m a i s le m i n i s t r e de l ' i ns t ruc t ion pub l ique lu i -
m ê m e a d i s p a r u , et s 'est effacé c o m p l è t e m e n t devant
le g r a n d m a î t r e .




1> E LA РА О l E 1С A T1 () N II E L I G I E E S Y.. П 7


III. — OOXSl'i RATION U M \ EUSITAIRE. — PROGRES DE LA
IIIT­KRK CONTRE L'EGLISE. — COMMENT LES JÉSUITES SONT
VENUS DANS LA OUESTION.


I! est t e m p s m a i n t e n a n t de r é s u m e r t ous ces f a i t s ,
(Ген t i re r la c o n s é q u e n c e qui eu résu l t e mani f e s t emen t
et de la proc l amer . Je le r é p è t e , il n ' y a r ien qui j e t te
une plus vive l u m i è r e su r tou te cet te con t rove r se .


.le ne sais ni le lieu , ni le joui ' , ni l ' h e u r e où les p a s ­
sions un ive r s i t a i r e s se son t r e n c o n t r é e s et c o n c e r t é e s :
mais il est i m p o s s i b l e de c o m p a r e r le pro je t de 1836 et
la discuss ion qui l'a suivi , avec les deux pro je t s de 1 8 H
ct IS 'P i , sans r e c o n n a î t r e qu' i l v a eu é v i d e m m e n t ,
dans l ' i n t e rva l l e , consp i r a t ion de l 'Univers i té p o u r
conse rve r son m o n o p o l e , c ' e s t ­ à ­d i r e (qu'elle se l'avoue
ou ne se l ' avoue pas) , p o u r effacer la p r o m e s s e de la
Char te , d é c h i r e r l ' a r l . 69, et a n é a n t i r la l i be r t é d 'ense i ­
gnemen t . Oui, c o n s p i r a t i o n , je le r e d i s , et c o n s p i r a t i o n
flagrante : la c o n s p i r a t i o n d 'un corps pu i s san t qui n e
veut pas se dessa i s i r , qui se déc la re l 'É ta t , c h e r c h e à
e n t r a î n e r l 'État d a n s sa q u e r e l l e , s 'aveugle s u r les
m o y e n s , sacrifie (oui à sa c o n s e r v a t i o n , e t , c o m m e
HI. Thie r s l u i ­ m ê m e le révè le , se défend avec ténacité,
avec cohésion ; parla réalise exactement la pensée du
fondateur, e t , selon u n e exp re s s ion qu i a p p a r t i e n t e n ­
core a u célèbre r a p p o r t e u r , ne veut pas être dépouillé.


Une telle consp i ra t ion ne s ' avoue p a s au p u b l i c ; t ou t
au plus s 'avoue­t­elle à e l l e ­ m ê m e .


La pensée du fondateur, exactement réalisée, c 'est , on
l é s a i t , le monopole absolu, exclusif Un tel b u t , p o u r
être a t t e in t , n e doit pas ê t re p r o c l a m é : les p r o m e s s e s




178 U E LA P A C I F I C A T I O N R E I I G 1 E F S E


deUi Char te te c o n d a m n e n t m ê m e à se r evê t i r du no:.;
et des formes d ' u n e l iberté t r o m p e u s e ; cl l o n g ' c m p s ,
en effet, u u a r t infini tic l ac t ique a été e m p l o y é poui
d o n n e r le change a u x espr i t s é l o n n é s , p o u r m a s q u a '
l ' U n i v e r s i t é , d é t o u r n e r l ' a t t e n t i o n , et d i s t r a i r e le ho::
sens pub l i c .


Mais la p lus p r o f o n d e h a b i l e t é ne pouva i t loujour.-:
e n c h a î n e r u n tel secre t , il se r évé la d o n c an g r a n d jou r ,
d ' a b o r d p a r de vis ibles a l t e rna t ives de r u s e et do vio-
l ence , pu is pa r des faits é c l a t a n t s , s i m u l t a n é s ; cl h s
u n i v e r s i t a i r e s t r a h i r e n t enfin lotir conce r t mani fes te de
défense et d ' a t t a q u e , pa r l ' en semble et l 'échu des host i -
lités.


Alors p a r u r e n t les apologies successive.) de 1*1 hhev-
s i t é , des t inées à effacer les i n q n e s s i e u ; funestes do la
d i scuss ion de -!H.';7, et à étouffer, sous lo brui t d ' iuu.
c l a m e u r c o n c e r t é e , l ' écho des voix puissant ; ;» , des voix
n o m b r e u s e s , et que lquefo is t rop v i v e s , qui s 'é ta le . ;
é levées c o n t r e elle : apologies d a n s les rappor t : ; p r é -
sen tés a u roi s u r l ' i n s t ruc t ion s e c o n d a i r e ; up jogio.,
d a n s l ' exposé des motifs qui a c c o m p a g n a i t les p re je l s
de l o i ; apologies d u h a u t des t r i bunes lég is la t ives , ci
qu i a l l è r en t j u s q u ' à d é c l a r e r q u e J ' fn ivers i t é était a b -
so lumen t irrèpn--:h(ih!e; en f in , apologies dans le- -


cha i re s de l ' e n s e i g n e m e n t publ ic .
J e n ' i n d i q u e ici q u e les apologies d e s c e n d u e s , p:-r


les o r g a n e s u n i v e r s i t a i r e s , des h a u t e u r s officielles du
g o u v e r n e m e n t . Je n e p a r i e po in t d s j o u r n a u x , par les-
que l s I T n i v e r s i i é r e d i s a i t , d a n s uu langage pass ion ; .é ,
a u publ ic é tourd i de ses c r i s , ce qu 'e l le p r o c l a m a i t ad
l e u r s d 'un ton p lus so lenne l ci pi m. g rave devan t h'pay.
légal.




DI­: 1.Л P A C I F I C A T I O N Г! V. ! . ! ! ' , ! F F S F . I V !


Puis bientôt deux mois d'unie grave por tée furent
choisis p o u r e x e r c e r su r las espr i t s la plus é! range f a s ­
cinat ion : on mit d o n c en avan t Yinlérél des éludes lit­
téraires , et l ' in térê t e n c o r e plus élevé d 'une éducation
nationale. Vu n o m du n i v e a u des é l u d e s , don t d u e fal­
lait pas p e r m e t t r e l ' a b a i s s e m e n t , on inven ta Y accumu­
lation des grades : des grades furent d o n c e x i g é s , si
n o m b r e u x , si é l e v é s , que Ion! é i a b b s s c i o e n l d ' i n s i r u e ­
lion doit t o m b e r sous l eu r ex igence , et . f u e le profes­
so ra l univers i ta i re l u i ­ m ê m e n 'es t p lus poss ib le .


P u i s , au nom de l'éducation nationale, le clergé fui
déc la ré s u s p e c t , et les cong réga t i ons re l ig ieuses hos t i ­
les . 1 Л ш , d i s a i t ­ o n , n ' i n s p i r e r a j a m a i s p o u r nos ins t i ­
tu t ions que l ' ind i i ré rence ; les a u t r e s , q u e la ha ine .
Cette suspic ion d ' i nd ign i t é , au t emps où n o u s v i v o n s ,
p a r u t suftirc con t re eux.


Tel éla i l le plan siraiégiquo, de I T u i v e r s i l é ; p l a n ,
nous l ' avons d i t , d ' a b o r d t imide et mit igé , q u a n d elle
engagea la c a m p a g n e , m a i s qui s ' é t e n d i t , se féconda
au delà m ê m e de ses v u e s , à m e s u r e q u e s 'échauffait
son a r d e u r . Le, t emps des apologies d u r a p e u ; il em­
b a r r a s s a i t I T u i v e r s i l é . T.l'o pri t iV i ' ens ivc . 11 lui t a rda i t
de qui l ier le lorrain apo logé t ique , ой elle se sentait ma!
à l 'aise, et do se j e le r r é s o l u m e n t dans le c a m p ! miomi
p o u r t r a n s p o r t e r là les d é s a s t r e s de la g u e r r e ,


C'était une réso lu t ion d é s e s p é r é e , mais ha rd i e ; aussi
l ' i r r i ta t ion fut­elle v i v e , et les a t t a q u e s s imu l t anées sur­
toute la ligne.


Tous les j o u r n a u x un ive r s i t a i r e s éc l a t è r en t le m ê m e
j o u r : je n e di ra i pas ici leurs n o m s d i v e r s , ils son t
connus . Il y a l o n g t e m p s déjà que M. de Gormen in en a
fait la r e m a r q u e : ce son! les professeurs, les lettres, les




180 I.A P A C I F I C A T I O N H F 1. 1 0 1 F. F S E.


savants, qui-mil la rédaction dos journaux, des mani-
festes, des notes secrètes, des junnphlets


Le s ignal l'ut d o n n é en plein Collège de F r a n c e , pa r
deux p ro fes seu r s d e v e n u s c é l è b r e s , MAI. Ouinet et Ali-
c h e l e l ; un t r o i s i è m e , Ai, L i b r i , les appuya de tou te la
violence d ' une a t t a q u e d i rec te c o n t r e le, clergé.


On a t t a q u a d i r e c t e m e n t aus s i les pet i t s s é m i n a i r e s ,
afin d 'ob l iger le clergé à se r ep l i e r su r ce p o i n t , et à
b a t t r e en r e t r a i t e . Sous le p ré t ex te faux de la faiblesse
de leurs é t u d e s , on pa r l a de s o u m e t t r e les pet i ts s é m i -
n a i r e s aux g r a d e s un ive r s i t a i r e s ; on c h e r c h a a avilir
l eur p r o f e s s o r a t , et à d é c r i e r des h o m m e s aussi c a p a -
bles q u e d é v o u é s : c a l o m n i e u s e s e r r e u r s , réfutées par
les fa i t s , et don t il n ' e s t pas m ê m e res té la ca lomnie .


Des peti ts s é m i n a i r e s , on passa aux g r a n d s ; et on
peut se r a p p e l e r i c i , en n o u s é p a r g n a n t la pe ine de le
r e d i r e , quel b o u r b i e r on fit de l ' en se ignemen t théolo-
gique : l ' a m p h i t h é â t r e de la m o r a l e s o i - d i s a n t ecc lé -
s ias t ique fut ouve r t aux yeux d 'un pub l i c s tupéfa i t ;
no t re rô le y p r é s e n t a i t t ou t e s les e x t r é m i t é s do l ' infa-
m i e ; le faux cl, l ' a b s u r d e n 'y é ta ient s u r p a s s é s q u e p a r
la h ideuse é n o r m i t é du scanda le .


li faut le d i re à l ' h o n n e u r de n o t r e siècle, le scanda le
qu ' on c h e r c h a i t n ' a po in t été o b t e n u : c 'était t rop fort .
La consc ience p u b l i q u e a fait jus t i ce de cet te l â c h e t é
impie , de ce t te i n c r o y a b l e b a s s e s s e , qu i , s p é c u l a n t sur
ce qu' i l y a de p lu s ignoble d a n s la cu r ios i t é h u m a i n e ,
p r é t e n d a i t dé fendre l 'Univers i té p a r de pa re i l s m o y e n s ,


Les c h o s e s a r r i vées à ce p o i n t , on d é m a s q u a u n e
d e r n i è r e b a t t e r i e , le V o l l a i r i a n i s m e ! Ce m o r t cé lèbre
r e s susc i t a ! M. Cousin le p r e m i e r l ' i nvoque à l 'Acadé-
m i e ; AI. Th ie r s le p r o p h é t i s e ; le Journal des Débats le




UK LA l'AL.Il I C A 1 1 0 N H V. LI 0 I L V. S h . 1-1


p r o c l a m e , M. Mïclicfol le perso imi i ie . \ v e c ecl espril
fin cl sagace qui le caractérisa, M. Thiers avait dit (dans
un dos b u r e a u x de la Chambre ) ; S'il vient un nouveau
Voltaire, je souhaite qu'il ail autant de bon sens que le


premier.
Voltaire < s'écrie, le Journal des Débats, désormais


c'est notre épée, c'est notre bouclier ! VA, se prêtant à ce
doub le pe r sonnage de génie et de h é r o s , r é p o n d a n t à
la fois à M. Thie r s et au Journal des Débals, M. Miehelet
para î t su r la scène !


Mais ce n 'es t pas t o u t : q u o i q u e c o n s i d é r a b l e , tout
cela ne suffisait pas à l 'Universi té ; ¡1 fallait q u e l q u e
chose de plus décisif e n c o r e ; il fallait un signe de ral l ie-
m e n t ; il fallait un cri de g u e r r e ; il fallait un m o l qui
eût la pu i ssance m \ s l é r i e u s e de r e m p l a c e r , aux veux
des indifférents et des l i è d e s , la l iber té et la j u s t i c e ;
aux j c i x de la m u l t i t u d e , la véri té et le bon sens : ce
mot fui Irouvé. M. te comte fîeugnol n o u s a révé lé ce secre t .


l'eues vous rappelé:.-, Messieurs, lu croisade que nous
finies alors contre les jésuites ; je ne sais si rues souvenirs
me trompent, mais il nie semble qu'en i s » 8 , nous poursui-
vions tout nuire chose que les jésuites, j e rappellerai aux
personne!» qui riaient alors dans l 'opposi t ion, que si les
jésuites nous avaient manqué , nous aur ions trouvé d 'autres
motifs pour justifier et affermir notre opposition, parce
qu'elle était en effet légitime et nat ionale .


Aujourd'hui que veut-on dire pa r jésu i tes? Prétend-on
indiquer les 206 jésui tes qui , au dire, de quelques écrivains,
existent en f r anco? Non, Messieurs : par jésuites on en-
tend-la concurrence au monopole de l'I'nivcrsité-. J ' admire
l'Université : (die a choisi le mot le plus propre à échauffer




m t>K L A P A C I F I C A T I O N " li F. Lî GI E U S K.


!>-;s e sp r i t s , à l e s i r r i t e r , à l e s e n f l a m m e r p o u r s a c a u s e .
C e s ! u n I r a i ! d ' h a b i l e t é s u b l i m e . . M a i s a n i i n s o u v e n o n s -


n o u s d e c e q u ' i l y a a u f o n d d o l o u t c e l a : c ' e s t l ' I D i v e r s i t é


•qui s ' e s t f o r t i n g é n i e u s e m e n t r a p p e l é 1 8 2 8 e n ¡ 8 1 1 .


E t a v a n t q u e M. i l e u g n o t s ' e x p r i m â t a i n s i , d é j à l a


v o i x d e l a v é r i t é s ' é t a i t f a i t e n t e n d r e s u r c e p o i n t , e t l e s


o r g a n e s d e l ' o p i n i o n p u b l i q u e a v a i e n t p r o c l a m é q u e la


peur des jésuites n'avait été qu'une, comédie.
E n f i n , à l a d a t e d u k j a n v i e r 1 8 3 9 , l e Journal des Dé-


buts é c r i v a i t e n c o r e :


E s t - c e b i e n s é r i e u s e m e n t q u e l ' o n r e d o u t e a u j o u r d ' h u i l e s


e m p i é t e m e n t s r e l i g i e u x et l e r e t n i t r d e l a d o m i n a t i o n e c c l é -


s i a s t i q u e ? Omé! n o u s s o m m e s l e s d i s c i p l e s d u s i è c l e q u i


a d o n n é V o l t a i r e au i n o n d e , et nous craignons les jé-
suites !


N o u s s o m m e s l e s h é r i t i e r s d ' u n e r é v o l u t i o n q u i a b r i s é


la d o m i n a t i o n p o l i t i q u e e t c i v i l e d u c l e r g é , e t nous crai-
gnons tes jésuites !


N o u s v i v o n s d a n s n u p a y s o ù l a l i b e r t é d e l a p r e s s e m e t


l e p o u v o i r e c c l é s i a s t i q u e à 1 a. m e r c i d u p r e m i e r L u l l i e r v e n u


q u i s a i l l o t i r u n e p l u m e , e t nous craignons les jésuites !
N o u s v i v o n s d a t t s u n s i è c l e o ù r i n c r é d u l i l é e t l e s c e p t i -


c i s m e r o u l e n t it p l e i n s b o r d s , et n o u s craiijnous les jé-
suites!


N o u s s o m m e s c a t h o l i q u e s à p e i n e , c a t h o l i q u e s d e n o m ,


c a t h o l i q u e s s a n s f o i , s a n s p r a t i q u e r , e t l ' o n n o u s c r i c q u e


n o u s a l l o n s t o m b e r s o u s l e j o u g d e s c o n g r é g a t i o n s u l t r a -


t n o n t a i n e s !


E n v é r i t é , r e g a r d o n s - n o u s m i e u x n o u s - m ê m e s e t s a c h o n s


m i e u x q u i n o u s s o m m e s ; c r o y o n s à l a f o r c e , à l a v e r t u d e


c e s l i b e r t é s d o n t n o u s s o m m e s s i t i e r s . C r m u l s philosophes


';ue nous sommes, croyons ait moins ét noire philosophie.
N o n . l e d a n g e r n ' c s L p a s o ù l e s i g n a l e n t n o s imaginations




1)K LA P À C . i n C A T I O N H E L I GI E t S)]. m j.r<Vimij>''vc, Vuiis calomniez le siècle pav vos alarmes cl v;:s l'lumi'iies pusillanimes.
\ oiîa o ù l 'on en était a lors : le bon sens pub l i c voyai t


ciair sur u n é la i de soc ié té où ce r t e s tout n'est, pas fait


p o u r ré joui r un p r ê t r e c a t h o l i q u e , m a i s où élu m o i n s


iout est fait p o u r r a s s u r e r le s iècle c o n t r e les t e r r e u r s


imag ina i res d 'un p a s s é qui n ' e s t p lus . On avai t la b o n n e


fui d ' avouer que cet te p e u r étai t un p iège u s é , un j eu


m i s é r a b l e , n u e coméd ie h o n t e u s e , à l aque l l e il fallait


; eumieer d é s o r m a i s de s u r p r e n d r e la i o y a u l é f rançaise .


(t 'est assez : n o u s a c h è v e r o n s ici ce t te h i s to i re des


rés i s tances d u m o n o p o l e u n i v e r s i t a i r e ; auss i b ien il ne


s'agit pas en ce moment , do le c o m b a t t r e . Je s ignale


s e u l e m e n t les causées et l ' espr i t de la lut te d a n s ceux


qui se sont faits les a d \ e r s a i r e s de l 'Église : on le sai t ,


leur a r m e la p lus p u i s s a n t e est la s lup ide f r ayeur


qu ' insp i re le n o m de j é su i t e . — T o u t e l eu r r a i son est


lé, : c 'est le de rn i e r m o t de leur hab i l e t é : c 'est le g r a n d


effort de leur espr i t , il y a h e u r e u s e m e n t q u e l q u e c h o s e


en ce m o n d e de p lus fort à la l ongue (pie tou t cela :


c 'est le bon sens .




C Ï Ï V P f T R K I I .
Du Clergé et de l 'Université . — S u r qui pèse la responsabil ité


des querel les actuel les .


1. — (.'ÉTAIT f.E DROIT 1)1' (XF.KGÊ DE liKOl.AMiOC


On a va inemenl . e s sayé de faire p e s e r s u r le cierge"
une g rave r e sponsab i l i t é , en l ' a ccusan t d ' avo i r soulevé
i m p r u d e m m e n t des q u e s t i o n s inu t i l es , i r r i t an t e s , qui ne
p o u v a i e n t a p p o r t e r à la rel igion que des d o m m a g e s . Si
es t t emps de r é p o n d r e à ces accusa t i ons injustes et de
r é t ab l i r la vér i té des faits. On n o u s p e r m e t t r a d ' expose r
d ' a b o r d q u e l q u e s p r i n c i p e s g é n é r a u x qu i p e u v e n t servir
à dégager la ques t i on de ses n u a g e s , et à me t t r e nos
exp l ica t ions d a n s un j o u r p lus éc la tan t .


C'est à l 'occas ion de la l iber té d ' ense ignemen t q u e
t o u t e s les q u e s t i o n s re l ig ieuses qu i p r éoccupen t a u j o u r -
d ' h u i si v i v e m e n t l ' a t t en t ion p u b l i q u e ont été s o u l e -
vées .


Je n e v iens p a s t r a i t e r de Ja l iber té d ' e n s e i g n e m e n t :
ce n ' es t p lu s , ce n ' e s t p a s e n c o r e le m o m e n t . Je n e veux
faire r e m a r q u e r ici q u ' u n e c h o s e , c'est qu ' i l est d é s o r -
m a i s imposs ib l e de r é d u i r e la lu t te p r é s e n t e aux p r o p o r -




I)K I .A P A i . I I - 3<;ATI<»>- R h l . l G I E C S E . i s r ,


l ions (ilroiles d 'une so r t e de due l e n t r e l 'Universi té et
le clergé. Ce n 'es t p a s ici u n e q u e s t i o n de p e r s o n n e s ,
c'est une ques t ion de p r inc ipes au p lus h a u t degré .


C'est u n e ques t ion i m m e n s e , où la l iber té de c o n -
sc ience , la l iber té de l 'Église, la l iber té de la famille,
les l iber tés n a t u r e l l e s et civiles, les droi t s po l i t iques et
rel igieux les p lus i m p o r t a n t s sont p r o f o n d é m e n t e n -
gagés .


Dieu, la famille et sa foi, l 'enfant et la soc ié té , l 'Église
et l 'État : voilà s i m p l e m e n t ce qui est a u fond de tout
ce débat .


Sans d o u t e l ' l in ivers i lé y est p e r s o n n e l l e m e n t engagée :
q u a n t à n o u s , n o u s n ' a v o n s à y dé fendre q u e les dro i t s
de la société spi r i tue l le et ses l iber tés néces sa i r e s . C'est
u n i q u e m e n t à ce point de M i e q u e l ions nous s o m m e s
placés : ou a e s sayé de d o n n e r l à -des sus le c h a n g e à
l 'opinion p u b l i q u e ; on n'y a pas réuss i . Si on l ' essayai t
enco re , on n 'y réuss i ra i t pas d a v a n t a g e ; q u o i q u ' o n fasse,
c o m m e j ' a i eu déjà occas ion de le d é c l a r e r , il n o u s se ra
tou jours facile de d é m o n t r e r qu ' i l s 'agit ici des p lus
g r a n d s , des plus s é r i eux i n t é r ê t s de la rel igion.


11 est manifes te , d ' a i l l eurs , que ce n ' es t pas ici u n e
quere l le s imp lemen t pol i t ique . Non; ap rè s a v o i r o b s e r v é ,
depuis qua to rze a n n é e s , un s i lence si profond et si c o n -
venable a u mil ieu des pa r t i s , n o u s ne s e r ions pas v e n u s
faire éc la ter tout à c o u p des pa s s ions po l i t iques d a n s
u n e ques t ion p u r e m e n t h u m a i n e ; cela n ' e û t é té ni de
la p r u d e n c e q u ' o n n o u s r e c o n n a î t , ni de l ' hab i le té q u ' o n
nous impu te . On a v a i n e m e n t c a l o m n i é la s incé r i t é et
la m o d é r a t i o n du clergé. Out re ses p r inc ipes , p lu s p u i s -
sants encore, q u e ses i n t é r ê t s , il sa i t à quel le é p o q u e il
a affaire; il d o n n e depu i s de l o n g u e s a i m é e s d ' i u c o n -




>>!•: L A P A C I F I C A T I O N KELIGIEL'SK.


a s t a b l e s exemple s d ' a b n é g a t i o n , de s a g e s s e , d e p a -
t ience ; et l 'on c o n v i e n d r a , en dépi t de toutes les p r é -
ven t ions , q u e ce n ' es t p a s lui q u e l 'on voit pa rmi n o u s
j o u e r le t e r r ib le jeu des r é v o l u t i o n s , qu i r e t o m b e n t tou-
j o u r s s u r sa tê te de tout le po ids de l eu r s r u i n e s .


« On s'est trompe, Sire », d i sa ien t les a r c h e v ê q u e s et
évoques de la p r o v i n c e de Par is ' ; « on a mol compris les
'i érètpies, l o r s q u ' o n a représente ' l eu r s r é c l a m a t i o n s et
«. l e u r s do léances c o m m e des a t t a q u e s : les évoques
« n ' a t t aquen t po in t ; ils se dé renden t , ou plutôt , ils d é -
•i lemlenl les in té rê t s don t ils son t c h a r g é s et qu ' i l s ne
« p m v o n t m e t t r e en oubl i s a n s t r a h i r l eur consc ience .
« l)au> une l u t t e , ce n ' e s t pas d ' o r d i n a i r e le p r e m i e r
« qui se p la in t qu i est l ' a g r e s s e u r , c'est, le p r e m i e r qu i
i f rappe : q u e le roi meus p e r m e t t e de le dire : ainsi


.( en est-i l des évoques et de l 'Univers i té .


« S i r e , les évoques se s e r a i en t lus , si l ' au tor i t é des
« pè r e s de famille et la foi des j e u n e s g é n é r a t i o n s c a -
« t ho l iques ava ien t été r e spec t ée s . »


Aussi tous les hommes graves et sincères sont d'accord
que nos écéqves n'ont pas dépassé leurs droits les plus
légitimes ; et: si le t émo ignage d ' u n p r ê t r e , p é n é t r é de
vénéra 1;-.::; et d ' a m o u r p s u r les p r e m i e r s p a s t e u r s de
l'Église de F r a n c e , ne suffisait p a s i c i , j e c i tera is les
p a r o l e s des h o m m e s po l i t i ques les p lus é m i n e n t s , et
q u i , p e n d a n t la d i scuss ion de la C h a m b r e des p a i r s ,
ont r e n d u un j u s t e h o m m a g e à nos é v o q u e s .


J ' ins i s te s u r ce p o i n t , p a r c e qu ' i l est décisif d a n s la
c a u s e que je défends : je Ib-ns à le cons t a t e r d ' une m a -
n iè re i r r é c u s a b l e ; il est t emps q u e les d é c l a m a t i o n s
«missent et q u e la vér i té soi t p r o c l a m é e .


M. le comte Por ta i l s r é p o n d a n t à ceux qui vou la i en t




e o L A ! 'A i : i S t C A Ï l o ; ' P i L ' L ï G I E U S K . 187


î'éiliiiro celle g r a n d e et so lennel le d i scuss ion a n s p r o -
por t ions étroi tes c l p a s s i o n n é e s d ' u n e q u e r e l l e p e r s o n -
nelle en Ire l'I." n ivers i lé c l le c le rgé , s ' e x p r i m a i t a ins i
au nom de la c o m m i s s i o n de la C h a m b r e des p a i r s :


.Messieurs, votre commission s'est convaincue que des
inquiétudes graves s'ét,dent manifestées ; que les cons-
ciences demi certain nombre de pères de famille étaient
a larmées . . . .


Les s e i u i n e i u s des pères de famille, iion-setilemenl se
•ont î ea j i i f o . - t é s par leur p ropre voix, mais ils oui t rouvé
m i organe, mi oigauo nature l , un organe respectable , dans
bépiseopat. français.


On e"'a pus, ce nie semble, considéré à leur véri table
point de vue les réelanie 1 ions des évèques ; ou en a beau-
coup Irop parlé, comme s'il s 'agissait d 'une querel le entre,
deux corps, entre n niversilé et le clergé.


Quand il s ' agi t pour l e s pères de famille, s incèrement
attachés à ht f o i catholique, de l ' intérêt le pius sacré de.
tours enfants, de la conservation de leur foi rel igieuse, à
qui s 'adressoront- i ls ï


N'est-il pas lotit s imple que les évèques qui , pa r mission,
par .état, par vocation, sont chargés d 'enseigner la parole
sainte, interviennent en ce cas? Voilîi ce que je tenais à
établir : c'était le droit . . . .


"J. le g a r d e des sceaux a t e n u le m ê m e l angage :


Quant si l 'épiscopal, sa condui te n'a. rien eu de si ex t r ao r -
dinaire qu ' e l l e doive exciter la soll icitude, je dirai même
l ' inquiétude de la Chambre . . . .


11 n i e semble que dans un temps connue le nô t re , il ne
h u i t pas se méprend re sur la portée de ces actes qu 'on gé-
néralise beaucoup trop ; il ne faut pas at tacher une impor-
tance exagérée à la publicité, à la vivacité de quelques r é -




ISS DK L A i ' A C H T C . V l l U N H t. i. i i , ¡ L i S i •:,


olainntions. Nous vivons sous un gouvernement l ibre : les
évoques sont des ci toyens. Lorsqu'i l s'arbL non plus d 'une
question de convenance sur laquelle je me suis d é j à p r o -
noncé, mais de l 'exercice d'un droit eom.liluliouuei. il l'aut
bien reconnaî t re que nous devons subir les conséquences
de notre organisa t ion.


R é p o n d a n t auss i à cel le accusa l ion a b s u r d e que les
évoques do F r a n c o son t sous la ler r ib le influence des
j é su i t e s , s i . le ( l a rde des s ceaux disai t e n c o r e :


Je proteste contre celte assert ion. N o n . les congrégal ious
religieuses ne dominent pas les évèques ; les évoques don-
nent leur pouvoir du roi et de l 'autorité spirituelle ; ils ne-
subissent le joug de p e r s o n n e ; ils n 'obéissent qu 'aux ins-
pi ra t ions de leur conscience.


Le Ministre ne pouva i t enfin s ' empèe î i c r de p r o c l a m e r
auss i l u i - m ê m e à que l les c r i an tes injuslices nous é t ions
en but te depu i s le c o m m e n c e m e n t de cet te d i scuss ion -


Je ne saurtus m 'empècher de répéter lumlereent et fran-
chement , dussé- jeé t re encore at taqué par M. Cousin et par
quelques autres pe r sonnes , qu'il y a lit une injuslio
cr iante , et que, sous un au Ire rappor t , il y a un véri lablr
d a n g e r à vomir ainsi t raduire devant les g rands pouvoirs
de l'i'ltat des hommes qu 'en vérité on provoquerai t à deve-
nir ennemis à force d 'entendre dire qu' i ls le sont. • T r è s -
bien ! :


Vous ne vous étonnerez pas qu ' i ls aient été aff l iges , et
même indignés des imputat ions dir igées contre eux cl d e s
pensées qui leur étaient a l l r ibuécs .


M. Guizot, a l lant a u fond des chose s , avait déjà p r o -
noncé^ces r e m a r q u a b l e s pa ro l e s s u r les r a p p o r t s ac tue l s ,
s u r la s i tuat ion respec t ive de l'Église et de l 'Llat , et su r




M". LÀ l'AU.i E i C . V T l u N 1! E L1 G S F U S F . î g y


les disposi t ions do inu luc l ic b i enve i l l ance qui a n i m e n t
le g o u v e r n e m e n t et le clergé :


.te suis ( ' ( inva incu i | i i 'aujourd 'hui , connue il y a quelques
années, la majorité, la g rande majorité du cierge ne songe
qu'à accomplir sa tàolio religieuse et mora l e ; qu 'el le no
demande pas mieux que (le s'y dévouer en s'y renfermant .


l'n des honorables préopimuils s'est plaint de la déiiance
qu'on a quelquefois témoignée au c l e rgé ; il avait raison :
il n'y a pas d'all iance sans coniianee ; mais , je l 'aftirme, la
eonliance du gouveiaiemeid du roi dans les sent iments ,
dans les intentions, dans les idées de la g rande majorité du
clergé, est réelle et s incère .


Au fond, de quoi s'agit-il? 11 s'agit pour la société nou-
velle de s 'accoutumer à une chose à laquelle elle est bien
peu accoutumée, car e l l e en a été longtemps affranchie, de
s 'accoutumer s la liberté cl à r inll i ience de la rel igion, fl
faut que la société nouvelle accepte ce fait et ce spectacle ;
et il faut ci! mèiiie temps, chose nouvelle aussi , il faut que
la religion accepte les imeurs , les tendances , les l ibertés et
tes insti tutions de la société nouvelle. Très-bien 1.


L 'o ra teur , il es t vrai , ap r è s avoir r e n d u cet h o m m a g e
au clergé f rançais , a p r è s avoir p r o c l a m é le dro i t i ncon -
tes table (pie le clergé avai t rie p r e n d r e par t à cet te g r a n d e
d iscuss ion , sembla i t r e g r e t t e r la v ivaci té de nos p a r o l e s
et l ' a rdeu r do no i re zèle. Mais, m a l g r é ces r eg r e t s , il ne
craignait pas de d i re :


Il y a dans la pensée religieuse un caractère qui , même
dans ses e r reu r s , commande longtemps le respect . Nous
supportons l'i'iiuamp d'écarts île In pensée laïque sans 1rs
poursuivre ; ces! un si>eelae!e que vous aiwi- tous les jours
sous les yeux. Nous serons modérés et tolérants envers les
écarts de la pensée rel igieuse.




180 !)K LA P A C I F I C A T I O N II K I.1 G 1 K S.'? L .


M . Guizot , en p r o n o n ç a n t ces p a r o l e s , é ta i t pen l -è t r e


insp i ré p a r le souven i r d ' an t r e s p a r o l e s p r o n o n c é e s pa r


lui à la C h a m b r e des d é p u t é s , et p a r l esque l les , l o n g -


temps à l ' a v a n c e , il avai t justifié l ' impa t i ence de la


p e n s é e re l ig ieuse , l o r squ ' i l disai t :


Les généra t ions n 'a t tendent p a s : e l l e s se succèdent san*
relâche dans uns écoles, et de h'i veut, aussi sans relâche,
por ter dans le monde le bien q u ' e l l e s oui acquis, ou le mal
qu 'el les ont contracté . Tout ici est imjetit, i.-wtinu; il n'y u
pus un manient ù perdre, car eliuuue nmmeui e ,./,•.>• r d u o -
tat* imparables, salutaires ou amers.


M. Guizot p r o n o n ç a i t ces pa ro l e s c a p r é s e n t a n t à la


C h a m b r e des d é p u t é s u n e loi su r la l ibe r té <!•• l ' ense i -


g n e m e n t , en ï 8 3 ô ; hu i t a rmées se s o n t é c o u l é - s depu i s ,


s a n s q u e la p r o m e s s e de la Cha r t e ait été a c c o m p l i - .


Sans d o u t e il faut savoi r a l l e m i r e ; m a i s en c h o s e si


g rave on c o m p r e n d que la pa t i ence ait un t e rme .


Déjà, b i e n des a n n é e s a u p a r a v a n t , elle ava l ! m a n q u é


à ceux qui sont a u j o u r d ' h u i n o s a d v e r s a i r e s i r , s idus


a r d e n t s . Le Journal des Dèbah écr iva i t il y a long-
t e m p s :


Plus ieurs a m e ' r s r s o m écoulées , niai-- 1' ^ r o v r a d ; . -
dure encore, mais le mal qui s 'opère e.-i d f S o d é e


O n ni 1 perd p a s m i e m i n u t e p o u r o r g a n i s e r les c o n t r i b u -
t ions, les bu reaux , les régiments ; m a i s l 'éducation est
ajournée a p r è s les affaires sér ieuses .


Les p a r o l e s de ÀI. de Tracy à la C h a m b r e dos d é p u t e s ,


en 1837, m e r e v i e n n e n t n a t u r e l l e m e n t à l 'espr i t :


Ce n'est ])as ici le cas d e d i r e q u e ':.- :. m u s : a t'ait rien à
l 'affaire; car. s e l o n moi, il y fait b e a u c o u p , et c i n q ou six




DE E A P A C I F I C A T I O N ïï E E I G I F I S E.


ans perdus p o u r amél iorer r i n s i ru r l j on d ' e u e grande l i e -
l i o n , sonl q u e l q u e c h o s e q u i , dans l'esprit dos h o m m e s r>%-
iléchis, doit avoir u n g r a n d p o i d s .


Après de tel les r a i s o n s , c o m m e n t r e p r o c h e r à n o ?


évoques d 'avoir e x p r i m é l e u r s v œ u x p o u r h â t e r l ' exa-


m e n d ' u n e ques t i on si p r e s s a n t e ? l i a i s enfin, d i r n - l - m


peu t - ê t r e , ils a u r a i e n t m i e u x fait de ne p a s r e c o u r i r à la


publ ic i té . On le pourra.it d i re , si, a p r è s les avoi r c o n -


sul tés , on avait p rodu i t l eurs r é p o n s e s , ou si on en avait


t enu compte .


Le premier devoir de la liberté, a dit q u e l q u e pa r t
SI. Guizot, est d'accepter la pablkitè. Si c 'est son devo i r ,
c 'est auss i son droi t .


Les r é p o n s e s et les v œ u x d e s évoques avaient des


droi ts si év idents à la pub l ic i t é ; c ' é ta ien t des d o c u m e n t s


si n é c e s s a i r e s p o u r fixer l 'opinion des C h a m b r e s , q u e


d a n s la d i scuss ion de 1837, un des m e m b r e s du conseil


royal de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e , éd. Dubois , se p la igna i t


q u ' o n ne les eu t pas pub l iés :


Quelle a. été la réponse d e s évoques a u x quest ions
posées par M. le Garde des s c e a u x , urèdéecsseiir de
M. Persil , c l q u e l s S o r t l e s VOSIN . qu'i ls o;e - x: O u •


Cel te d e r n i è r e q u e s t i o n es t o è s - l m p o r t a ; i l e . Q u a n d o
s ' e s l a g i d 'o r ; ; anw; l ion o i i t i c i a i r e , ou a. s ensuite tes m a g i s -
t rats et les c o u r s c f o a p e t . e o ' e s , ci C e ' ; •: o r o d e i ! ' a -
réponses de c e s c o r p s , a i l e de P v e e l ' o p i n i o n de 'a
Chambre.


Xos évèques otd été c o n s u l t é s , il est vra i ; ma i s quel le


é l range m a n i è r e de le fa i re ! on s ' oppose à ce qu ' i l s se


consul tent e u x - m ê m e s et s ' éc la i ren t , c o n n u e si on dés i -


ra i t t r o u v e r d e s con t r ad i c t i ons d a n s l eu r s r é p o n s e s !




i)K J.A P A C ! F I C A T I O N H F Li G 1 F 1 S F,


Cc-5 r é p o n s e s m ê m e , on se g a r d e b ien de les p r o d u i r e
au g r a n d j o u r p o u r fixer l 'op in ion des C h a m b r e s .


lit c e p e n d a n t les évoques ava ien t b ien q u e l q u e dro i t
d 'ê t re é c o u l é s ; ca r enfin, nous a v o n s e n t e n d u M. l ' o r -
talis d é c l a r e r qu ' i l s é t a i en t l ' o rgane n a t u r e l , l ' o r g a n e
r e s p e c t a b l e de la rel igion a l a r m é e , et des pères de l'a-
mille inqu ie t s p o u r la foi do l eu r s enfants .


M. Guizot l u i - m ê m e a r e n d u h o m m a g e à la s incér i té
de ces i n q u i é t u d e s :


11 y a, d a n s le r l e r g é qui a pr i s part au m o u v r a i e n t dont
je par l e , d e s h o m m e s sincèrement convaincus, je n't iésite
pas à le d i r e , que rédueution Inique actuelle est ilanije-
reuse l'our lu religion catholique, el qu'il est de leur d e -
v o i r d'y r é s i s t e r . C'est là l ' oppos i t ion v r a i m e n t r e l i g i e u s e ;
n o u s v e r r o n s tout à l 'heure si e l l e a raison ; m a i s je r e c o n -
n a i s sa s i n e é r i l é .


La d é m o n s t r a t i o n la plus e x t r ê m e à laque l le on soit ailé
con t re l 'Univers i té , a é té la m e n a c e d 'un refus de con-
c o u r s . .Mais il faut d i r e d ' a b o r d q u e les deux véné rab l e s
évoques qui on t cru devo i r faire e n t e n d r e cet aver t i s se -
m e n t s é v è r e , l 'ont fait n o n en ce sens q u e les p a s t e u r s
o r d i n a i r e s d u s s e n t refuser l e u r m i n i s t è r e aux élèves de
l 'Univers i té qu i l eu r s e r a i e n t a m e n é s p a r l eu r s pa r en t s
ou p a r l eu r s m a î t r e s , d a n s l eu r s p a r o i s s e s ; m a i s en ce
s e n s s e u l e m e n t q u e des a u m ô n i e r s ne s e r a i e n t p lus au
se rv ice p e r s o n n e l de l 'Univers i té , et n ' i r a i en t plus aux
j o u r s et a u x h e u r e s fixés par l ' au to r i t é un ivers i t a i re ,
p o r t e r officiellement l e u r s i n s t r u c t i o n s et le s e c o u r s de
l e u r zèle d a n s les col lèges .


J e su is a ise de faire e n t e n d r e s u r ce poin t la voix i n -
d é p e n d a n t e de M. de L a m a r t i n e :




DE LA l'A C I L I E AT R E L I G I E U S E . i f j . j


Kl encore ici l 'Eglise, consciencieuse et convaincue, a
leiison. Car si e l le croit, elle ne peut pas jouer une comédie
sacrée en assistant l'Etat de sa présence dans une oeuvre
qu'elle dit être la perversion de la foi, ni couvrir compla i -
ssuniieiil de son manleau les fraudes de r ense ignemen t
philosophique qui lui dérobe ses âmes entre le pupi t re et
l 'autel. C'est indigne d 'e l le! c'est se jouer des hommes ,
c'est trafiquer des enfants, c'est vendre Dieu ! Ses minis-
tres le sentent, et ils protestent en a t tendant qu'i ls frappent.
La polit iquement s'en affliger, la foi ne peut que s'en a p -
plaudir , et la raison ne peut que s'en féliciter.


Ainsi les au to r i t é s les p lus d ive r ses et les p lus i m p o -
san tes son t é g a l e m e n t d ' a c c o r d q u e n o s évoques n ' on t
point d é p a s s é ici les b o r n e s de la m o d é r a t i o n , ni celles
de leurs droi ts les p lus légi t imes.


Conc luons : si le clergé a p r i s à c œ u r la ques t ion de
la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t , c 'est qu ' i l croi t d a n s son
âme et consc ience que cel le ques t ion le r e g a r d e , qu 'e l l e
impor te à la re l igion, qu 'e l l e r e l ève de son zèle et de
sa mission : c 'est qu ' e l l e a p o u r lui toute la g r a n d e u r et
toute l ' i m p o r t a n c e d ' u n e ques t ion re l ig ieuse .


II. — LE CI ERG K N''A DEMANDÉ QUE DES LIBERTÉS LÉGITIMES,


UNIVERSELLEMENT RÉCLAMÉES. — LIBERTÉ RELIGIEUSE.


LI11E1ITE SCIENTIFIQUE.


Et d ' abord la l iber té re l ig ieuse :
El ce q u e je dis ici a été dit et p r o c l a m é avan t moi


pa r les h o m m e s les p lus g r aves , et don t l ' au to r i t é ne
peut ê t re su spec t e .


Tous p r o c l a m e n t d ' a b o r d qu ' i l s 'agit là d 'un dro i t sa -
i. Mi




194 D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


c r é ; c o n s é q u e n c e essent ie l le et i m m é d i a t e de Ja l iber té
de c o n s c i e n c e .


La l iberté rel igieuse et la liberté de l 'enseignement sont
sceurs, a dit M. Por la l i s . La l iberté de r ense ignemen t est
devenue un complément nécessaire de 1 a l iberté rel igieuse,
telle «pie l'a proclamée la Charte .


T o u s on t p r o c l a m é q u e le m o n o p o l e b lesse la l iberté
re l ig ieuse tout à la l'ois d a n s la consc ience du pè r e de
famille, d a n s la consc i ence de son fils, et, je ne c ra ins
p a s de l ' a jou te r , d a n s la c o n s c i e n c e m ê m e des ins t i tu-
t e u r s de la j e u n e s s e . P e u t - o n s ' é tonne r q u e nous n o u s
en s o y o n s r e l i g i e u s e m e n t p r é o c c u p é s ?


Qui n e se s o u v i e n t ici des e x p r e s s i o n s é n e r g i q u e s de
M. de L a m a r t i n e :


C'est un sacri lège contre la religion, contre la raison,
contre le père de famille, contre l 'enfant à la fois !


Et si l ' a s s e n t i m e n t est u n a n i m e à cet é g a r d , c 'est
q u ' o n s ' a cco rde à r e c o n n a î t r e q u e l ' ense ignemen t , c'est
l ' éduca t ion , c 'est la foi, c 'est l ' â m e , c 'est la vie tout e n -
t ière ; et M. de L a m a r t i n e l 'a p r o c l a m é e n c o r e avec
énerg ie .


C'est la foi du chrét ien , c'est la foi du protestant , c'est la
foi d e l à phi losophie , c'est la foi de la famille.


N 'cs t - i l p a s év iden t , en effet, q u e si un pè r e de fa-
mil le n e p e u t cho i s i r p o u r son fils les m a î t r e s qu i p a r -
tagent sa foi et qu ' i l c ro i t d ignes de sa confiance, s'il
es t c o n d a m n é à le p l ace r sous l ' inf luence re l ig ieuse
d 'un juif, d 'un p r o t e s t a n t ou d 'un s c e p t i q u e , il n ' e s t pas
p lu s l ibre c o m m e c r o y a n t q u e c o m m e p è r e ? il souffre




[.'F' LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E . lUô


«Salomon!; violence d a n s ses d ro i t s p a t e r n e l s et dans
ses devoirs r e l ig i eux ; sa c o n s c i e n c e et sa t e n d r e s s e ,
son a réor i t é et sa liberté; sont é g a l e m e n t b lessées d a n s
ce qu 'e l les ont de p lu s invio lable et de p lu s s a c r é .


M. le duc de Brogl ie , a u s s i b ien q u e M. de L a m a r t i n e ,
a p r o c l a m é ces p r inc ipes :


Lit où la l iberté de conscience a pr is rang' au nombre, des
principes consti tut ionnels , la tilierté d 'enseignement est de
s t r i c t e justice et de sage poli t ique.


Les o r a t e u r s du G o u v e r n e m e n t , c o m m e les m e m b r e s
de l 'oppos i t ion l i b é r a l e , l 'ont p r o c l a m é en 1837 à la
C h a m b r e des D é p u t é s ; je n e c i t e ra i q u e M. de T r a c y ,
qui a dit :


Ainsi que la liberté de conscience et la l iberté de la
presse, la l iberté de l 'enseignement est un droit primitif
qui se reconnaît , qui se proc lame, et qu'on ne concède pas .
Voitîi les vra is pr inc ipes , et je ne m'en écar terai point .


Celte liberté de l ' ense ignement est l'objet de b ien vives
a t t aques ; il semble que vous avez le droi t d 'accorder ou
de ne pas accorder cette l iberté ; je soutiens que vous ne
pouvez, pas vous y re fuser : c'est une des conditions du
pacte eu vertu annuel tous les pouvoirs existent, vous et
tous les autres.


Voilà ce. q u e les h o m m e s les p lu s é m i n e n t s d é c l a r e n t ;
et on n o u s r e p r o c h e , à n o u s , de r é c l a m e r ces l i be r t é s
dont ils r e c o n n a i s s e n t si h a u t e m e n t la néces s i t é , la s a -
gesse et la stricte justice !


Les m e m b r e s m ê m e les p lus h o n o r a b l e s de l 'Univer -
sité ont b ien sent i q u e le m o n o p o l e de l ' e n s e i g n e m e n t
b lessa i t la l i be r t é re l ig ieuse j u s q u e d a n s l e u r c o n s -
cience. Et de là, q u ' o n le r e m a r q u e b i en , u n e g r a n d e




1Н; 1.Л P A C I F I C A T I O N U F I . l G I F . U S i


par i ie dos e m b a r r a s a c t u e l s , et u n e des c a u s e s les plus
ac t ives , les plus inv inc ib les , les plus i r r i t a n t e s , des q u e
rel ies dont on se plaint .


J 'ai beso in de m ' e x p l i q u c r ici :
On Га dit avec vér i t é , il n ' y a pas de s i tua t ion m o r a l e


plus tr iste que celle d 'un pro fe s seu r un ive r s i t a i r e qui a
Je m a l h e u r de n ' ê t r e p a s c a t h o l i q u e , et qui est con­
d a m n é en p r é s e n c e des cnfanls qu' i l i n s t r u i t , ou à des
pro t e s t a t i ons h y p o c r i t e s , ou à un s i lence sans dignité.
11 y a là u n e s i tua t ion te l le , j ' o s e le d i re , q u e nul le con­
s idé ra t ion au m o n d e n 'en d e v r a i t faire accep t e r l ' h u m i ­
liation à un h o m m e de consc i ence et d ' h o n n e u r .


t .es pro fes seu r s un ive r s i t a i r e s l 'ont bien sen t i , et je
n'ai pas le c o u r a g e de l eu r en faire u n r e p r o c h e . Mais
auss i de là, il le faut dire , tou tes les difficultés de la s i ­
tuat ion et tous les e m b a r r a s du corps auque l ils appa r ­
t iennent ,


C'est ici le lieu d e r a p p e l e r l 'ar t icle i m p o r t a n t d u d é ­
cret qui le cons t i tue :


Toutes les Croies de lTn ivors i t é impériale prendront
pour hases de leur ense ignement les préceptes de la reli­
gion cathol ique.


Mais, dit. M. Por t a l i s :


Sous le régime de la Charte de l » , bien qu'elle déclare
que la religion cathol ique est celle de la majorité des F r a i e
çais, l ' instruction publ ique n'est placée sous l 'invocation
des préceptes ou des dogmes d 'aucune religion d é l e r
minée .


Et les pro fe s seu r s de l 'Univers i té ont p r o c l a m é que ,
n o n ­ s e u l e m e n t c o m m e h o m m e p r i v é s , m a i s encore




bli i . A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E . 197


connue hommes p u b l i c s , ils étaient en m a t i è r e de
c royances re l ig ieuses d a n s u n e p le ine et en l i è i e i n d é -
p e n d a n c e .


Gela est mani fes te , et r é s u l t e c l a i r e m e n t tant de l e u r s
déc l a ra t ions so lennel les cl b ien c o n n u e s que de no i r e
droi t pub l i c .


Cela résu l t e e n c o r e de l eu r s l e çons , de l eu rs o u -
vrages , de l eu r condu i t e , et de tout ce qu ' i l s on t a v a n c é
s u r Dieu, s u r la c réa t ion , s u r la n a t u r e , su r l ' h o m m e ,
su r i 'àme, son immortalité, sa liberté, sa sp i r i tua l i t é ;
sur le p r o t e s t a n t i s m e , s u r l 'Égl ise , s u r l ' i nca rna t i on et
la r é d e m p t i o n , s u r Jésus -Chr i s t et s u r tous les d o g m e s
ch ré t i ens . El e n c o r e u n e fois, au po in t de v u e légal et
logique , je conçois q u ' u n h o m m e d 'Éta t ne pu isse p a s
l eu r en faire un c r ime .


'dais qu ' i ls me p e r m e t t e n t de le l e u r d i re : ils ava i en t
plus et mieux à faire e n c o r e . L ' h o n n e u r et la c o n s c i e n c e
ne son t p.as pleinement satisfaits .


ils ont secoué le j oug de l 'ar t . 38 du décre t de 1808 ;
mais le décre t de 1808 l u i - m ê m e et son m o n o p o l e a b -
solu pèsen t e n c o r e s u r les p è r e s «le famille et sur les
enfants de l 'Église c a t h o l i q u e .


Les professeurs de l 'Universi té ont élé é m a n c i p é s ,
sans que les p è r e s de famille c a t h o l i q u e s l ' a ien t été
avec eux.


Les professeurs de l 'Univers i té ont profi té seuls de la
l iberté de consc ience p r o c l a m é e p lus h a u t que j a m a i s
par la Char te de 1830.


Us ont c ru qu ' i ls pouva i en t tout ose r dans l e u r e n s e i -
gnement ; et n é a n m o i n s on a la issé t o u j o u r s pe se r sur
les pè res c a t h o l i q u e s l 'obl iga t ion de l ivrer l eu r fils à cet
ense ignement .




U)S D E E A P A C I F I C A T I O N U E E I G I E I S E ,


On est r e s t é lié à des h o m m e s qui ne l ' é ta ient p lus ;
en un m o t , il y a en l iber té p o u r e n s e i g n e r l ' e r r e u r , il
n 'y en a point eu p o u r l 'évi ter : et on veut q u e cet te si! n a -
t ion i n t o l é r a b l e n ' a i t p a s p r o f o n d é m e n t blessé ! on veu t
q u e n o u s n ' e n a y o n s p a s souf fe r t , q u a n d il n ' y a p a s
u n p ro fes seu r de l 'Univers i té v é r i t a b l e m e n t h o n n ê t e à
cpii, j e le s a i s , le m o n o p o l e u n i v e r s i t a i r e ne pèse a u -
t a n t q u ' à n o u s q u i n e le t rouve auss i od ieux «pue
n o u s , et qui c h a q u e j o u r , l o r s q u e ce m o n o p o l e vient
t r a î n e r devan t lui de ma lheu reux ' enfants don t il ne
sai t n i la foi, n i la l a n g u e , et qu ' i l do i t é lever c e p e n -
dan t , ne s ' es t ime o u le p lus m a l h e n r c x o u le p lus h u -
mil ié des h o m m e s !


Ceux qu i s u b i s s e n t la t y r a n n i e e t la s e rv i tude sont
aba i s sés sans d o u t e ; m a i s ceux qu i la foui s u b i r , s u r -
tou t à des enfan ts , le son t p lus encore .


On c o n n a î t s u r t o u t ceci les p la in tes d o u l o u r e u s e s de
M. de L a m a r t i n e :


La jeunesse recevant un double ense ignement con i rad i r -
toire , et t irail lée eu sens contra i re p a r l a phi losophie et par
la foi, finit par tomber entre deux dans le scepticisme, la
mort de l 'àme. . . .


Quand on réfléchit que cet abus est à la fois l ' o p p r e s s i o n
de lu conscience, le înensonec d e I enseignoieca! . l 'avilisse-
ment de l'État, l 'abdication de la raison, la cause, du scep-
ticisme qui saisit l 'homme au passage de l 'enfance à la jeu-
nesse, la confusion de la foi, la perle des âmes et l 'extinc-
tion de la morale pa rmi de nombreuses généra t ions ; et
quand on est convaincu en même temps que Dieu est le
fond de toute chose, et que les sociétés h u m a i n e s n 'ont
d 'aut re but sér ieux que d 'arr iver à Dieu par la lumière et
par la ver tu, ceia fait frémir sur le sort de l 'espèce bu-




D E EA PACIFICATION R E L I G I E U S E . ; 9 j


niante : mais, surtout mal pour l 'enfant. Que voulez-vous,
en effet, que devienne, l 'homme murai et intellectuel dans
un état d 'enseignement et de société oit l 'enfant esl jeté
tour îi tour, ou tout à la fus , dans l 'esprit du siècle et dans
l'esprit du sanctuaire , dans l ' incréduli té et dams la fui? i!
sort de la maison d 'un père peut-être croyant , peut-être
scept ique; il a vu sa mère affirmer et son père nier ; il entre
dans un collège divisé d'esprit et de tendance.


L'enseignement du professeur n'y concorde en rien avec
l 'enseignement du sacerdoce.


11 lui faudrait deux âmes , il n 'en a qu 'une ! on la tiraille
et on la déchire en sens cont ra i re . Les deux ense ignements
se la d isputent ; le trouble et le désordre se mettent dans
ses idées. Il en reste quelques lambeaux il la foi, quelques
lambeaux à la raison. 11 s 'étonne de cette contradict ion
(•litre ce qu 'on déd i sa i t dans sa famille, ce qu 'on lui ensei-
gnai! dans soit collège, ce qu'on lui démont re dans ses
cours. // commence à se limiter qu'un lui joue une grande
comédie, que la société ne croit pas un mot (h ' ce qu'el le
enseigne.


11 lieuse en secret qu'il faut que tout cela ne soit pas bien
important pour que la société et l 'Étal s'en jouent avec cette
légèreté et avec ce mépr i s . Sa foi s 'é teint ; sa ra ison, sans
ardeur , se refroidit; son tune se sèche, son enthousiasme
se change en indifférence et eu découragement . 11 ne lui
reste d 'une pareil le éducation (pie juste assez des deux
principes opposés dans l 'àmc, pour que cette unie soit une
guerre intestine de pensées cont ra i res , et pour qu'i l ne
puisse pas même vivre en paix avec lui-même dans une vie
qui a commencé par l ' inconséquence et qui se pro longe
dans la contradict ion.


Cer t e s , ap r è s ces be l les et fortes p a r o l e s n o u s s o m -


mes justifiés. Il es t mani fes te q u e si n o u s n o u s s o m m e s


é m u s à l 'occasion d e l à l iber té d ' e n s e i g n e m e n t , ce n 'é ta i t




SCO D E LA PA G1 F I G AT I O N H E L I G 1 E F S E.
p a s d a n s les vues é t ro i tes d ' u n in t é rê t p e r s o n n e l . D'au-
t res in té rê ts n o u s ava ien t t ouchés : il s 'agissai t ici d 'une
ques t ion re l ig ieuse et s o c i a l e , la p lus i m p o r t a n t e qui
fut j a m a i s au b o n h e u r de la f ami l l e , à la s écu r i t é de la
pa t r i e , à la foi de l 'Église. Et c 'étai t a b u s e r t rop é t r a n -
g e m e n t l 'opinion p u b l i q u e , q u e de voulo i r en faire u n e
ques t ion de p e r s o n n e s e n t r e l 'Univers i té et n o u s .


J 'a i dit auss i l iber té scient if ique :
En effet, q u a n d la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t n e se ra i t


pas u n e ques t ion é m i n e m m e n t re l ig ieuse , s o m m e s - n o u s
d o n c les p r e m i e r s , s o m m e s - n o u s les seuls qui ayons
r é c l a m é cel te l ibe r té c o m m e u n droi t de l 'espri t h u -
m a i n ?


Qu'on se r a p p e l l e l 'opinion émise à cet égard p a r
Al. Saint -Marc G i r a r d i n , r a p p o r t e u r de la c o m m i s s i o n
cha rgée d ' e x a m i n e r le pro je t de loi su r l ' ins t ruc t ion s e -
c o n d a i r e en 1837 : Nous osons dire, Messieurs, qu'avant
ta Charte elle-même, l'expérience et l'intérêt des études
avaient réclamé la liberté de l'enseignement.


Autrefois la concurrence était entre l 'Université de Par i s
et les diverses congrégat ions qui s 'étaient consacrées h
l ' instruction de la jeunesse . Emanées de principes diffé-
r en t s , animées d 'un esprit différent. l 'Université de Paris
et les congrégat ions luttaient l 'une eonlre l 'autre, cl cette
lutte toumai l au profit des études. Aussi quand, en 1 7 0 3 ,
les jésuites furent dispersés , un h o m m e qu 'on n 'accusera
pas de préjugés de dévotion, Voltaire, avec son bon sens et
sa sagacité o rd ina i re , regret tai t l 'utile concurrence qu' i ls
faisaient à l 'Universi té. «. Ils élevaient, dit-il. la jeunesse en
concurrence avec l 'Université, et l 'émulation est une b e l l e
chose. »


M . Sa in t -Marc Gi ra rd in disai t e n c o r e :




DK LA P A C I F I C A T I O N ' R E L I G I E U S E .


Ou discute beaucoup en re moment .sur les diverses mé-
thodes d 'enseignement . On dit beaucoup qu'i l faut réfor-
mer les é tudes.


Selon nous, la g rande réforme que le, projet de loi fait
dans les t ' iudes, c'est de proc lamer la l iberté d 'ense igne-
ment. Car, grâce à cette liberté, toutes les re'formes sont
possibles.


M, d e Tracy pa r t agea i t s u r ce po in t l ' op in ion de
M. Sa in t -Marc .


Il déc la ra i t :


... . Que la l iberté de l 'enseignement est aussi uti le, aussi
nécessaire pour le gouvernement que pour la société, et
que, sans la l iberté de r ense ignemen t , l ' instruction est né -
cessairement s tat iomiaire , c'est-à-dire ré t rograde .


M. le d u c de Broglie n e pa r l a i t pas a u t r e m e n t :


.... 11 est lion que les é tabl i ssements par t icul iers se fon-
dent et se mult ipl ient ; leur existence, hoir nombre , leurs
efforts, importent au progrès de l ' instruct ion généra le ; l 'é-
mulat ion qui s'élève entre mix et les é tab l i ssements p u -
blics, lorsqu'el le est vive et vraie , t ou rne à l 'avantage de la
science.


(l'est, selon nous, disait encore M. Saint-Marc, pour avoir
conçu rédiiealion à la manière ant ique, c'est pour ne pas
s'être rendu un compte assez exact de l'état de nos sociétés
modernes , que nos divers gouvernements , avant 1 8 3 0 , s'é-
taient effrayes de la l iberté ( r e n s e i g n e m e n t , et avaient
craint de l 'accorder. C'est dans cet esprit qu ' i ls avaient
tous cherché il central iser les écoles, et à faire de r ense i -
gnement en franco une g rande inst i tut ion poli t ique et ad -
ministrative.


A tous ces t émoignages se j o i n t ce lu i de M. Guizot,




•m D E !.A P A C I F I C A T I O N P, E I . I G I F 1 S F.


a lors m i n i s i r e de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e , qui disai t :


.Messieurs, avant ITS'), r i n s t r u c t i n n r i a i t confier à un
g rand nombre de congrégat ions diverses : e l l e était d h i s é e ;
elle n'était l i a s réunie dans un seul faisceau. IV là la p l u s
utile concurrence ; de là la supér ior i té d e r h r - O n i e i i o n et d e
l 'éducation avant la Révolution.


On le voit , il se r e n c o n t r e ici un aspect sé r ieux de la
q u e s t i o n , et des c o n s i d é r a t i o n s i m p o r t a n t e s dams l ' in té -
rê t de l 'espri t h u m a i n .


Les h o m m e s les p lus éc la i rés l 'ont r e c o n n u : on n 'éta-
b l i ra j a m a i s la cen t ra l i sa t ion in te l lec tuel le q u ' a u d é t r i -
m e n t des l u m i è r e s et de la nob le é m u l a t i o n des intell i-
g e n c e s .


Que lques espr i t s posit ifs , m a i s dont le r ega rd m a n q u e
et de d i s c e r n e m e n t et d ' é t e n d u e , font e r r e u r et confon-
dent . Si la cen t ra l i sa t ion po l i t ique et admin i s t r a t i ve est
b o n n e , la cen t r a l i s a t i on in te l lec tuel le n e le fui j a m a i s .
La cen t ra l i s a t ion a d m i n i s t r a t i v e vit de s impl ic i té d a n s
les m o y e n s , et d ' un i t é d a n s l ' ac t ion . L ' intel l igence vit
de vé r i t é s c o n n u e s , de lu t t e s g é n é r e u s e s , de l ibre con -
c u r r e n c e , de n o b l e s c o m b a t s en t re les espr i t s .


Le d e s p o t i s m e abso lu et le pr ivi lège exclusif de l 'édu-
cat ion n ' o n t j a m a i s exis té : à S p a r t e , p e u t - ê t r e , dans les
t emps a n c i e n s : auss i n o u s n ' a v o n s p a s un l i v r e , n o u s
n ' a v o n s p a s u n e l igne S p a r t i a t e ; à M o s c o u , d a n s les
t e m p s m o d e r n e s : a u s s i , j u s q u ' à p r é s e n t , la l i t t é ra tu re
r u s s e n ' a pas b e a u c o u p e n r i c h i le m o n d e .


Ce n ' e s t p a s d ' a u j o u r d ' h u i s e u l e m e n t q u e tout le
m o n d e es t d ' a c c o r d à cet éga rd . Les p lus g r a n d s e sp r i t s
on t tou jours p e n s é q u e la l ibe r té d ' ense ignemen t était
f avorab le à l ' émula t ion des le t t res et des s c i e n c e s , au




1>F. LA P A C I F I C A T I O N II F 1.1 GI F U S F.. 503


déve loppement des in te l l igences , a u x p r o g r è s des l u -
mières .


Il convenait, a dit le cardinal die Richelieu, que les uni-
versités ( 0 les jésui tes enseignassent à l 'euvi, alin que l 'é-
mulation aiguisât leur vertu, et que les sciences fussent
d'autant plus assurées dans l 'féat, que si les uns vcnaieni
;'i pe rdre un si saei'é dépôt , il se retrouvât (die/, les autres ,
ï e s t an i . polit, du eard. de Liich.. l r o p . , chap. v, sec-


tion 10 . :


(l 'était auss i la p e n s é e de M. de Ta l l ey ranc l , c l a i r e -
m e n l e x p r i m é e d a n s le cé l èb re r a p p o r t qu ' i l lit au n o m
du comi té de cons t i t u t i on , les 10 et 11 s e p t e m b r e 1791.


Si chacun, dit-il, a le droit de recevoir les liicnfaiis de
l ' instruction, i'!i;i(-!in a réeiproqijement le droit de concou-
rir à la r épandre . Car c'est du concours et de ta rixalité des
efforts individuels que naîtra, toujours le plus grand bien.
I.a eonliuuco (Put seule dé te rmine r le choix 'pour 'les fonc-
t ions instruct ives. Mais tous les latents sont appelés de
droit à d isputer le prix de l 'estime publ ique . Tout privilège
est par sa nature odieux. Un privilfije en matière d'ins-
truction serait plus atUeii.v et plus absente encore.


Enfin l ' h o m m e qui a été le m o i n s favorab le à tous les
g e n r e s de l i b e r l é , l ' E m p e r e u r , q u e la cons t i tu t ion de
son e m p i r e et l ' e n t r a î n e m e n t d u p o u v o i r ab so lu p o r -
t è ren t p lus t a r d à fonder le m o n o p o l e u n i v e r s i t a i r e ,
l ' E m p e r e u r , au c o m m e n c e m e n t du C o n s u l a t , r eg re t t a i t
de ne pouvo i r la isser le c h a m p l ibre à d e u x c o n g r é g a -
tions é m u l e s l ' une de l ' au t re , et t o u t e s d e u x é m u l e s de
l ' un ivers i t é : les Ora to r i ens et les J é su i t e s . Il s ' e x p r i m a
un j o u r en ce sens en plein consei l d 'Éta t : j ' e n ai r e -
cueill i le t émoignage de la b o u c h e des h o m m e s les p l u s




50 i D V. LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


g r a v e s , qu i v iven t e n c o r e et sont môles avec h o n n e u r
a u v affaires p u b l i q u e s .


Cer tes , ap r è s tant de t émo ignages , j ' a i le d ro i t rie le
r e d i r e : a c c u s e r le clergé d 'avoi r pr is p a r t e ces g r a n d e s
q u e s t i o n s , q u a n d il i r a d e m a n d é q u e la réa l i sa t ion s i n -
cère des p e n s é e s et des v œ u x des h o m m e s les p lus
é in inen l s , ce se ra i t u n e é t r ange injust ice.


Si n o u s av ions la issé des ques t i ons de cet te i m p o r -
t a n c e , la l ibe r té de consc i ence , la l iber té des familles,
le p rog rès des le t t res , l ' éduca t ion de la j e u n e s s e , et
fous les in té rê t s les p lus s ac ré s , se t ra i t e r , se déc ide r ,
s ans y p r e n d r e u n e j u s t e pa r t , nou - seu len ien t n o u s a u -
r i o n s failli à t ous nos d ro i t s , niais nous a u r i o n s t r a h i
tous n o s devo i r s : l ' h i s to i re un j o u r n o u s a u r a i t con -
d a m n é s .


fit. — I.K CT.FRGÊ N'A OEVIANDÉ XI LIBERTÉ ILLIMITÉE, XI


MONOPOLE , NT PRIVILÈGE. — IL N'A REFUSÉ AUCUNE DES


CONDITIONS LÉGITIMES DE LA LIIÎERTÉ.


Au m o i n s , n o u s d i r a - t - o n , ne dev iez -vous pas e n t r e r
d a n s cel le que re l l e avec des p r é t e n t i o n s si a m b i t i e u s e s
et v r a i m e n t i n s o u t e n a b l e s :


Vous avez v o u l u , d ' u n e pa r t , u n e l iber té i l l imitée et
sans m e s u r e , i n d é p e n d a n t e de toute su rve i l l ance , de
toute a u t o r i t é :


Vous n ' avez , d ' a u t r e p a r t , d e m a n d é la l iber té que
p o u r a r r i ve r au m o n o p o l e , et p a r là m ê m e , au r enve r -
s e m e n t de l 'Cnivers i té :


Enfin, v o u s avez r e p o u s s é toutes les cond i t ions les
p lus r a i s o n n a b l e s de g r a d e s , d ' e x a m e n s , et p a r là vous




I I K I. A l'A ( ! I F J < 1 A'I Kl _\ H VA AGI ]C l ' S E.


avez m o n l r é que vous n 'é t iez c a p a b l e s q u e de t r avn i l -
ler à l ' aba i s sement inte l lectuel de la F r a n c e :


Voilà ce qui a p r o f o n d é m e n t i r r i l é con l re vous .
Il est v ra i , ton tes ces c h o s e s ont été d i tes et r é p é t é e s


sans r e l âche p a r n o s a d v e r s a i r e s ; et ce r t e s il étai t dif-
ficile d ' in te rver t i r p lus h a b i l e m e n t les rô les : les a c c u -
sés se son t faits a c c u s a t e u r s ; les dépos i t a i r e s du m o -
nopo le , qu i s ' obs t inen t à ne pas s 'en dessa i s i r , n o u s
accusen t d'y p r é t e n d r e ; ceux, qui ne veu len t p a s , m a l -
gré les p r o m e s s e s d ' une c h a r t e , d o n n e r u n e o m b r e de
l iber té , accusen t l eu r s a d v e r s a i r e s de p r é t e n d r e à u n e
l iber té i l l imi tée ; les p o s s e s s e u r s i l légi t imes r e p o u s s e n t
avec l ' accen t du p r o p r i é t a i r e dépoui l lé ou m e n a c é , la
r evend ica t ion solennel le cl. r e d o u t a b l e des d ro i t s les p l u s
jus tes et les p lus sac rés . P o u r étouffer la l i be r t é , on
crie à la domina t i on . On élève d ' a u t a n t p lus h a u t la
voix, q u ' o n v e u t faire t a i re le cr i i m p o r t u n de la jus t i ce
ou t r agée .


La tac t ique est b o n n e , m a i s elle n ' e s t p a s n e u v e ; n o s
adve r sa i r e s le saven t b i e n , et on a d ro i t de s ' é t o n n e r
qu 'e l le pu isse l e u r servi r t o u j o u r s .


Cer tes , la réfuta t ion de ces c a l o m n i e s est facile : on
p o u r r a les r é p é t e r e n c o r e : j ' a u r a i fait du m o i n s u n e
r é p o n s e ca tégor ique et n e t t e .


1° Nous ne demandons en aucun genre une liberté illi-
mitée et s a n s cond i t i on ; n o u s s avons q u e de telles li-
be r t é s mènen t à l ' a n a r c h i e , ne son t b i e n t ô t p lus q u e des
l iber tés sauvages et le dro i t b r u t a l de la force.


En p r o c l a m a n t la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t , p r o m i s e p a r
la Cha r t e , l 'État doi t c o n s e r v e r son ac t ion , sa su rve i l -
lance tu l é l a i r e , sa p r o v i d e n c e t empore l l e s u r t ous les
é tab l i s sements d ' éduca t i on , sur la m o r a l i t é et la c a p a -




ÎOO D !•: L A PA C i F ! 0 AT ! 0 N R F L I G 1 E U S E .


cité de ceux nui l es d i r igen t , sur- la d i sc ip l ine , s u r les
soins p h y s i q u e s . C'est là son devoir . A Dieu ne p la ise
q u e l 'État Tienne j a m a i s à l ' oub l i e r !


Nous ne d i sons r ien ici q u e n 'a i t dit avan t n o u s l 'or-
gane m ê m e des op in ions les p lus a v a n c é e s c o n t r e tout
m o n o p o l e d ' e n s e i g n e m e n t :


Nous reconnaissons également à l 'Etat le double droit de
surveil lance et de vépress ion; do survei l lance ht plus abso-
lue, la plus complète, de jour et de n u i t ; la surveil lance
par ses ageids directs el responsables . La répression, nui ,
la répression sévère, redoutab le , d 'autant pins sévère que
la l iberté sera plus g r a n d e ; mais la répression par les
agents directs et ord ina i res , par les t r ibunaux , par la m a -
gis t ra ture , par les juges inamovibles , à qui la loi remet ht
garde de l ' honneur et des intérêts de tous.


Ceux m ê m e qui on t d e m a n d é la l iber té c o m m e en
Belgique, on t su f f i samment exp l iqué l e u r pensée , et s u r
ce po in t il m e suffit de ci ter les p a r o l e s de Monse igneur
l ' évêque de L a n g r e s :


fl est peut -ê t re fâcheux, sous un rappor t , que l 'on ait
par lé d 'abord de l iberté comme en Belgique. L 'orguei l de
la F rance a pu repousser l ' idée de ne devenir que la copie
d 'un petit peuple voisin. D'ai l leurs, il y a toujours contre
cette formule l 'objection assez spécieuse tirée de la diffé-
rence de const i tut ion, de législation et de m œ u r s .


Après ces p a r o l e s , Monse igneur l ' évêque de Langres
se r é s u m e en ces t e r m e s :


Nous nous contenterons de d e m a n d e r pour l 'enseigne-
ment la l iberté telle qu 'el le existe d 'ai l leurs en France :
c 'est-à-dire une l iberté vraie , une l ibel lé sincère, la l iberté
pour tous .




DE LA P A C U I C A T I O N II E L I G Í E l S E 507
Je ne puis m ' e m p ê c h e r c e p e n d a n t de le l'aire r e m a r -


que r : l o r sque Monse igneur le c a r d i n a l de Donald et Mon-
seigneur FérOqac de L a n g r e s , l e s seuls de Nosse igneur s
les évoques qu i a ien t d e m a n d é d ' a b o r d la l iber té c o m m e
en Be lg ique , on t c ru devoi r le f a i r e , ils en on t d o n n é
u n e r a i son qu i est loin de b lesse r l ' h o n n e u r n a t i o n a l .
La France, ont - i l s dit , est aussi digne de cette liberté
que les pags voisins. Je ferai o b s e r v e r d ' a i l l eurs q u e
c 'étai t d e m a n d e r la l iber té , n o n - s e u l e m e n t , c o m m e eu
Belgique, ma i s auss i c o m m e en A n g l e t e r r e 1 , c o m m e
aux Éla l s -Unis , c ' e s t - à - d i r e c o m m e elle exis te chez les
p lu s p u i s s a n t e s n a t i o n s , chez les p e u p l e s les p lus civi-
l isés : s ans vou lo i r exc lu re a s s u r é m e n t a u c u n e des
exigences légi t imes du c a r a c t è r e et de l ' espr i t f rança is ,
a u c u n e fies condi t ions d 'une l iber té s age .


Mais s'il faut q u e la l iber té soiL m o d é r é e p o u r no p a s
dégéné re r en l i cence , il faut auss i qu ' e l l e soi t s i ncè re
'pour c i re q u e l q u e chose : si elle est n é c e s s a i r e m e n t
soumise à l 'Étal d a n s des cond i t i ons r a i s o n n a b l e s , p o u r
ê t re légi t ime et se c o n s e r v e r , elle doi t ê t r e é g a l e m e n t
e x e m p t e des e n t r a v e s et des ex igences d ' u n e au to r i t é
exclus ive et j a l ouse , p o u r ê t re réel le et n e pas m o u r i r .
Ici encore les op in ions sont u n a n i m e s .


1 M. Matlcr, inspecteur général de l 'Université , a écrit : « La G r a n d e -
Bretagne n'a ni in spec teurs , ni consei l lers of l ic ie ls , ni m è n e un m i -
nistre de l ' i i i 4ruc l ivu jc ib l ique . Ses univcrsHés , ses co l l èges , ses p e n -
s ions et s; s écoles sont , ou de v ie i lRs corporat ions qui jouissent de.
r iches c ira l inus el de grands priv i lèges , ou de dotat ions nouve l l e s dues
au patriotisme et au zèle des part icul iers , des c o m m u n a u t é s , des c i tés
rcligieust s. A l'égard de Uais ces é tab l i s sements , l 'Etat, l 'Eglise, la m u -
nicipalité, les p;:ro's.-es, ou des assoc iat ions de phi lanthropie et de c l i a -
rité exercent une sorte de tute l le et de patronage qui diffère s ingu l i ère -
ment de l'action central isante de notre admini s tra t ion napo léon ienne .»




2(18 D E E A P A C I l ' l C A T I O N II E1.1 G I E LOS E.


Tous sonl d ' a cco rd q u e , ]>our ê t r e s incè re , il fan!
d o n n e r p lus q u e ce qui ex i s l c , et abo l i r t ou t m o n o p o l e .
A u t r e m e n t la C h a r t e n ' a u r a i t r ien p r o m i s en p r o m e t t a n t
la l iber té d ' ense ignemen t . Elle n ' a u r a i t fait q u e p r o c l a -
m e r une décep t ion . Un m o n o p o l e q u e l c o n q u e est e s s e n -
t ie l lement i n c o m p a t i b l e avec la l ibe r t é .


J a m a i s loi ne du t mo ins ê t re faite s o u s la funeste in-
fluence d 'un p a r t i ou au profit d 'un co rps quel qu ' i l
soit. J a m a i s loi n e du t ê t re c o n ç u e d a n s des vues pins
l a rges et des pensées p lus i n d é p e n d a n t e s des p r é o c c u -
p a t i o n s é t ro i tes e t p a s s i o n n é e s de la po l i t ique j o u r n a -
l iè re : ce n ' e s t p a s u n e loi de c i r c o n s t a n c e , b o n n e au-
j o u r d ' h u i et d e m a i n m a u v a i s e : c 'est u n e loi rel i -
g ieuse et soc ia le , u n e loi f o n d a m e n t a l e qu ' i l s'agit de
faire.


Qu 'y a- t- i l d o n c à r e p r e n d r e d a n s ces p e n s é e s ? Où
sont ici les p r é t e n t i o n s a m b i t i e u s e s ?


2" Mais, nous dit-on, vous demandez le monopole.
On le dit , on le r épô l e à sa t ié té , on v o u d r a i t à tout


p r ix le p e r s u a d e r à la E r a n c e : on sait t rop la pu i s sance
d ' une pare i l le c a l o m n i e . Mais n o u s p r o t e s t o n s con t re
elle de t o u t e l ' énerg ie de nos consc iences . L'Église a
p o u s s é son r e s p e c t p o u r la l iber té des familles si loin,
q u e , p e n d a n t les s iècles m ê m e où elle a été toute- pu i s -
san te , elle n 'a j a m a i s r é c l a m é p o u r el le, ni d o n n é a un
co rps q u e l c o n q u e le m o n o p o l e de r e n s e i g n e m e n t . Et,
d a n s le l ibre p a y s de F r a n c e , l 'Égl ise , de concert, avec
l 'État , ava i t ins t i tué v i n g t - e t - u n e un ive r s i t é s la ïques
et ecc lés ias t iques , i n d é p e n d a n t e s les u n e s des a u t r e s , et
t ou t e s i n d é p e n d a n t e s des i n n o m b r a b l e s c o r p o r a t i o n s
re l ig ieuses e n s e i g n a n t e s .


Et l 'on p r é t e n d r a i t s é r i e u s e m e n t n o u s p r ê t e r a u j o u r -




DE- I .A l ' A C l l - T C A T I ON i l E LI Gl E U S E . 509


cî'hui la folle idée de réa l i se r ce q u e l 'Église ne voulu t
en aucun temps ! ce qu i est p lus i m p r a t i c a b l e et p lus
imposs ib le que j a m a i s , sous u n g o u v e r n e m e n t cons t i tu -
t ionnel, au mil ieu d 'une socié té e s sen t i e l l emen t l a ï q u e ,
avec la l iber té de la t r i b u n e , de la p e n s é e et de la p r e s s e ,
en p r é s e n c e de r épu l s ions tou jours vives et p u i s s a n t e s
con t re l 'Église et son a c t i o n !


Non, n o n , cel te p e n s é e n ' es t p a s la n ô t r e ; c 'est la
pensée de ceux qui pos sèden t le m o n o p o l e , et veu len t à
tout prix le re ten i r .


L'abolition du monopole universitaire n'est pas,
d 'a i l l eurs , le m o i n s d u m o n d e , le renversement de l'U-
niversité.


Il est c o n v e n a b l e et uti le q u e l 'Éta l ait le pouvo i r de
c r ée r et de s o u t e n i r des é t a b l i s s e m e n t s modè les , p r i v i -
légiés, s o u t e n u s , favorisés de toutes m a n i è r e s ; c 'es t n o n -
soulomeiiL l 'exis tence, c'est aussi le privilège, le privilège
Je plus é levé, mais non le monopole, qu i d e m e u r e r a à
i 'Universi té .


Notre pensée ne sera i t p a s m ê m e q u e t o u s les é ta-
b l i s sements pa r t i cu l i e r s ces sas sen t de lui a p p a r t e n i r . II
f audra i t , s o u s ce r a p p o r t , l a i sser à c h a c u n la p lus g r a n d e
l ibe r t é ; cl, t and is q u ' a u s o m m e t de l 'échel le a p p a r a î -
t ra ien t les g r a n d e s in s t i t u t ions un ive r s i t a i r e s do tées p a r
l 'Étal , a u second r ang il p o u r r a i t y avoir des é tab l i s se -
m e n t s affiliés l i b r e m e n t à l 'Univers i té , et p a r t i c i p a n t à
tous les avan tages don t le g o u v e r n e m e n t j uge ra i t à
p r o p o s de l ' env i ronner . Il y en a u r a i t aus s i de p lus m o -
d e s t e m e n t consliLués : ce s e r a i en t ceux qu i s 'en t i e n -
d ra ien t a u bienfait et aux légi t imes cond i t ions de la l ib re
c o n c u r r e n c e .


à 0 Tous sont d ' a i l l eurs d ' a c c o r d qu'il faut certaines
i . fi




•an t)K L A P A C I F I C A T I O N I Ï L I . I C I L T S L " .
écoles spéciales i n d é p e n d a n t e s du minis tè i 'e de l ' ins t ruc-
tion p u b l i q u e , et que la spécialité des petits séminaires
n'est pas un privilège.


Voici ce q u e dit, à p r o p o s des s é m i n a i r e s et des au-
tres écoles spéc ia les , M. Matler , i n s p e c t e u r géné ra l de
l 'Univers i té , d a n s un t ravai l pub l i é au tome XIV de
l'Encyclopédie des gens da monde, s u r l ' ins t ruc t ion pu-
b l i q u e :


La p lupar t des c o d e s spéciales sont eennpléieinent étran-
gères au minis tère de l ' instruction publ ique .


L'Leole polytechnique , FFrn le mili taire de SahO-Cyr, le
collège mil i taire de la Flèche et les écoles d'Artillerie re -
lèvent du minis tère de lit guerre ;—l'école navale de Brest
relève du minis tère de la m a r i n e ; — l'école des Mines, le
Conservatoire des ar ts de Pa r i s , les (d'oies des Arts et mé-
tiers de Chàlons et d 'Angers relèvent dit minis tère des t ra-
vaux publics ; — les g rands et les p e t i t s séminai res re lè -
vent du minis tère de la justice et des cultes ; — l'école fo-
restière de Nancy relève du minis tère des t inanees.


il a u r a i t p u a jou te r l 'École d 'Alfort , où se t r ouven t 300 é lèves , et qu i re lève du min i s t è r e de l ' ag r i cu l tu re et
«'tu c o m m e r c e .


Tous r e c o n n a i s - e n t qu ' i l : serai t injuste de d i re q u e ces
écoles sont d.ins le p r i v i l é g " , et d e m e m v n t eu d e h o r s
du dro i t c o m m u n , p a r c e que , p lacées d 'a i l l eurs d a n s
u n e j u s t e d é p e n d a n c e de l ' É t a t , elles ne d é p e n d e n t pas
de l 'Univers i té .


N'est- i l pas év iden t , p u i s q u e t ou t e s les c a r r i è r e s s p é -
ciales et pub l iques , on t l e u r s écoles s p é c i a l e s , q u e la
spécia l i té à l aque l le on v o u d r a i t d o n n e r Je n o m od ieux
d ' excep t ion et de p r i v i l è g e , n ' e s t p lus ici q u e la l iber té




i ) K LA PACIFICATION R E L I G I E U S E . 211


dans l 'o rdre , la spécia l i ié des voca t ions et des fonc t ions
diverses dans l ' h a r m o n i e soc ia le?


[tien qu 'on eû t e s sayé de le con te s t e r , la d i scuss ion
et le vote de la C h a m b r e des pa i r s ont p r o c l a m é q u e les
pet i t s s é m i n a i r e s n ' é t a i en t pas p l acés en d e h o r s du droi t
c o m m u n , p a r c e qu ' i l s on t n é c e s s a i r e m e n t u n e s p é c i a -
lité auss i b i en q u e les écoles de m a r i n e , q u e les écoles
mi l i ta i res , que les écoles indus t r i e l l e s et c o m m e r c i a l e s .


Comment , en elfe! , a c c u s e r de vou lo i r é c h a p p e r a u
droit c o m m u n pa r le pr iv i lège , ceux qu i n e r é c l a m e n t ,
au nom de Ja nécess i t é et de la spécia l i té de l e u r s é c o -
l e s , tpie le dro i t c o m m u n à toutes les écoles s p é c i a l e s ,
de p r é p a r e r l e u r s sujets a u x c a r r i è r e s d iverses qu i les
a b o n d e n t ?


M. le comte Porlal is a r e n d u un j u s t e et éc la t an t t é m o i -
gnage à ces pr inc ipes :


l / é g a l i t é d e v a n t la lui n ' e s t p a s le n i v e l l e m e n t : l 'égalité
ne veut p a s que d e s é t a b l i s s e m e n t s p l a c é s dans d e s condi-
tions d i v e r s e s so i en t r é g i s p a r n u e règle u n i f o r m e , m a i s
qu ' i l s s o i e n t s o u m i s i n d i s t i n c t e m e n t à l 'autori té d o la loi.
Sous cette autorité, il est équitable que cluieuii vice selon sa
ciuisliluliiai propre; ce serait te contraire qui blesserait
i'cgetiié. tt'esi ainsi qu'il c / des privilèges uppurenls qui ne
son! line îles ,,irpi t.s à t'cguHlc proportionnelle.


Les pe t i t s s é m i n a i r e s d o i v e n t d o n c r e s t e r d e s é c o l e s d e
• P a r s s p é c i a l e m e n t p l a c é e s s o u s l ' a u t o r i t é et la surv e i l l a n e e


(les é v è q u c s .


."y- Enf in , j ' a i d é j à eu l 'occas ion de le d é c l a r e r p l u -
s e e r s fois ; j e le déc la re de n o u v e a u : on n o u s c a l o m n i e
(inand on affirme q u e nous re fusons d o sub i r les e x a -
m e n s d o s cand ida t s a u x gi a d o s . Nous n o d e m a n d o n s à
cel égard q u e d e u x c h o s e s : de* jury* indé/icndants, des




212 D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


examinateurs impartiaux, et (es programmes d examen
les plus sévères.


C o m m e n t p o u r r i o n s - n o u s r e p o u s s e r ces nob le s con-
d i t ions de la sc i ence , q u a n d c'est à l 'Église q u e le m o n d e
en a dû la p r e m i è r e p e n s é e , q u a n d n o u s s o m m e s les
p r e m i e r s qu i a y o n s ins t i t ué en E u r o p e ces concour s l i-
b r e s et p u b l i c s , m o y e n s si p u i s s a n t s de l ' émula t ion et
des p r o g r è s l i t t é r a i r e s ?


Tou t en r e c o n n a i s s a n t q u ' e n fait d ' é d u c a t i o n , u n e
g r a n d e sc ience n ' es t p a s le seul ni le p r e m i e r i n t é r ê t ,
n o u s r e c o n n a i s s o n s tous q u e les ga ran t i e s scient i f iques,
q u e les g r a d e s de b a c h e l i e r , de l i cenc ié , de doc t eu r és
l e t t r es cl es sc iences sont d ' u n e vér i table i m p o r t a n c e .


J 'ai r é p o n d u .
Est-ce assez? Ces d é c l a r a t i o n s sont -e l les p é r e m p t o i -


r e s ? Oui. Les c a l o m n i e s son t -e l l e s r é fu tées? Oui. — ii
se t r o u v e r a c e p e n d a n t e n c o r e des b o u c h e s p o u r les r é -
pé t e r , des ore i l les p o u r les e n t e n d r e , et de b o n s espr i t s
p o u r les c ro i r e .


IV. — LE CLERGÉ N'A POINT CALOMNIÉ I . ' U X I \ E l l S I T É . — IL


N'A FAIT QUE RÉPÉTER POUR SA DÉFENSE LES PLAINTES


UNIVERSELLES.


Mais ce n 'es t p a s t ou t : « Vous avez, nous d i t -on , d c -
;< versé s u r u n e g r a n d e ins t i tu t ion du sein de laquel le
« est so r t i e t o u t e la F r a n c e ac tue l l e , l ' in jure et la diil'a-
« m a t i o n . . . Il y a q u a r a n t e a n s q u e U n i v e r s i t é existe ,
« et il n 'y a q u ' u n an q u ' o n la d é n o n c e avec cel le véhé-
« m e n e c ' 1 . »


' Rapport de M. Tliiers




!>K L A PAC 11" 1 0 ATI 0 Ai R E E ! G ! E E S1 :. 21 3
Voilà sans con t red i t le to r t le p lus g r a v e q u ' o n n o u s


impu te : je vais r é p o n d r e avec s impl ic i té .
li est v r a i , n o u s ne c r o y o n s p a s l 'Univers i té sans r e -


p r o c h e .
.le ne s a c h e guè re q u e M. Cous in qu i ait e n t r e p r i s la


l âche a v e n t u r e u s e de l oue r l 'Lnivers i té s a n s r é s e r v e ,
et de la p r o c l a m e r sous t ous ies r a p p o r t s irrépro-
chable h


Mon desse in n ' es t pas de le su ivre sur ce t e r ra in : j e
ne veux poin t a t t a q u e r l ' L n i v e r s i t é , don t il s 'est c h a r g é
de cé l éb re r si s o l e n n e l l e m e n t les l o u a n g e s .


11 faut a v o u e r toutefois q u e le l a n g a g e de ces i n t r é -
p ides apologies est si p r o v o q u a n t ; les éloges d o n n é s à
l 'Universi té r e n f e r m e n t des i n s i n u a t i o n s si malve i l l an tes
contre, n o u s ; les aff i rmations von t si l o i n ; les faits son t
si é t r a n g e s , les r a i s o n s si s i n g u l i è r e s , les p r e u v e s â
l ' appui si i n a t t e n d u e s , et p a r su i te la ré fu ta t ion si
facile et si p u i s s a n t e , q u ' o n a q u e l q u e m é r i t e à s ' a b s -
tenir


Mais n o u s n e s a u r i o n s enfin n o u s ta i re e n t i è r e m e n t :
on. ne n o u s le p e r m e t p a s , et l 'on r e n d le s i lence impos-
sible i c i , m ê m e à la r é s e r v e la p lus c i r conspec t e . Il y a
ici p o u r n o u s un dro i t et u n devo i r de légi t ime défense .
Je dirai c e p e n d a n t le m o i n s poss ib le , et j e m e b o r n e r a i
à d é m o n t r e r , p a r des au to r i t é s i n c o n t e s t é e s , p a r des
aveux, sor t i s de toutes les b o u c h e s , qu ' i l n 'y a guè re que.
M. Cousin au m o n d e p o u r qu i l 'Univers i té soit s a n s r e -
p roche .


On v e r r a qu 'e l le a été a t t a q u é e p a r des a d v e r s a i r e s
pr is d a n s d ' au t r e s r a n g s q u e ceux d u c l e r g é , et avec


A la Chambre des pair?




214 1>K L A P A C I F I C A T I O N 1) F L 1 G I K L S F ,
b e a u c o u p p ins de force que n o u s ne l ' avons l'ail, que
n o u s n ' a u r i o n s j a m a i s p u !e faire : et ici , je m 'engage
encore à ne ci ter que les t émo ignages les p lus g r a v e s , les
n o m s les p lus h o n o r a b l e s , les g r a n d s m a î t r e s e u x - m ê -
m e s e l l e s p lus h a u t s d ign i ta i res de l 'Universi té .


Je la i ssera i de c e t t e les op in ions e x t r ê m e s ; je n ' i n v o -
q u e r a i q u e le t émoignage des h o m m e s sans pass ion qu i
c o m p t e n t d a n s les affaires, et don t la voix esl u n e a u -
to r i t é , p a r c e q u e l e u r m o d é r a t i o n est u n e force et lem-
p a r o l e u n e lumiè re .


J e c o m m e n c e :
JI. Dubo i s , v ice-prés ident du Consei l roya l de l ' ins-


t ruc t ion p u b l i q u e , d i r ec t eu r de l 'École Monnaie , disait
à la C h a m b r e des d é p u t é s , le 18 m a i 1836 :


Dans PKcole Nomiate , lunt paraît organisé à merveille
pour l ' instruction, fin général , c'est en i-'t-atice mitre mé-
rite" ; niais il est une autre par t ie des devoirs de r e n s e i g n e -
men t sur laquelle nos écoles </<• lotis 1rs deqvés laissent
beaucoup à dési rer . L'éducation, jadis tout à fait et exclu-
sivement rel igieuse, œuvre de la famille et du culle, semine
aujourd'hui s'effacer devani la science. Quelques tradit ions
vagues, souvent contradic toi res , demeurent à peine dans
les espri ts , et nous voyons./c ne sais quelle déplorable indif-
férence de l'avenir moral des hommes cl de leur destinée
se répandre là même où le soin et le souci profond de col
avenir doit être le p remier et le p lus saint devoir.


On sait ce q u e M. Dubois avai t écr i t déjà p r é c é d e m -
m e n t :


Le pr incipe du monopole frappe tour à tour toits l e s par-
t is . . .Rien de stable, rien de g rand ne peut se tenter, disons
plus, r ien de moral; car aucune conviction libre ne peut
vivre dans un corps comme celui de l'Université, sans cesse




D E L A l ' A G I E I C A T I O N H E L I G 1 i . i > E . ;>i ;,
exposé à dément i r Je lendemain ce q u ' e l l e professait la
veille. Il y a l o n g t e m p s pue, ])oiie le première lo i» , et h->
premiers , avec suite, méthode et lidéiiié, nous avons ré -
elamé coulée le monopole, destructeur de toute eroijunee , l
de toute instruction '.


Q u ' o n le r e m a r q u e bien : ce ne sont pas les a v o c a t s
d u c lergé qu i ont écr i t ces c h o s e s , et je ne sache p a s
q u e rien de plus g rave ait j a m a i s été dit con t re l 'Univer-
si té p a r ses p lus a r d e n t s a d v e r s a i r e s .


al.,' Dubois a joutai t , en p a r l a n t de la l iber té d ' ense i -
gnemen t :


Vo i l à le droit et l'état naturel de la question dans les
gouvernements l ib res ; v o i l à ce que la Charte a consacré le
jour où e l le a proclamé la liberté des rel igions, la liberté
d e la presse et la liberté d e i ' iusirurl ion ; v o i l à ce q u e l 'U-
niversité contrar ie et détruit , sans m ê m e ê t r e c o n s a c r é e p a r
une lo i .


Ai. Cousin , don t le d é v o û m e n t à l 'Univers i té a été
p o u s s é si lo in , s 'est vu c o n d a m n é l u i - m ê m e à des aveux
v r a i m e n t e x t r a o r d i n a i r e s d a n s sa b o u c h e : j ' e n ai r a p -
po r t é que lques -uns d a n s l e s le t t res q u e j ' a i eu l ' h o n n e u r
d ' ad r e s se r à M. le duc de l'.roglie; il disai t e n c o r e , d a n s
son r appor t s u r l 'é tat de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e en Alle-
m a g n e , en a t t a q u a n t le s y s t è m e de l 'Univers i té f ran-
çaise :


Si cotte éducation est si bonne, on devrait en voir les
fruits


' On remarquera que Je livre qui a e x e i l é ie \>',us v i v e m e n t le* l'écri-
minat ions univers i ta ires , n'a nas d'autre t itre ni d'autre sens s u r !<•-
paroles m ê m e s de M. Dubois .




m D E I.A PACIFICATION R E L I G I E U S E .


C'est M. Cousin qui n o u s a a p p r i s :


Oue les collèges reconnus et classes connue des collèges
incomplets forment plus de la moitié de nos établissements
publics d ' instruction secondaire . Dans guet état sont-ils Y
•le n'aurais pas le courage, de le dire...


Le mal que font ces tristes écoles est incalculable... 11 est
impossible ici de ne pas considérer comme la plaie de l ' ins-
truction publ ique ces ombres de collèges qui couvrent la
France... Il ndj a guère plus d'une vingtaine de collèges
communaux epti fassent exception.


Dans u n r a p p o r t officiel fait en 1838, le min i s t r e de
l ' i n s t ruc t ion p u b l i q u e se p la ignai t :


tmo les é tudes ne sont plus pour les professeurs. . . .
qu 'une profession ; qu 'el les c e s s i o n d 'exister à l'état de
science ; qu ' i ls ne Pont point de travaux philologiques,
poinl de recherches nouvel les ; are le désir de s'enrichir
par les répétitions voue leur enseignement à une froide rou-
tine.


AI. Saint -Marc G i r a r d i n est auss i m e m b r e du Consei l
r o y a l de l ' Ins t ruc t ion p u b l i q u e : eh b ien! d a n s son l ivre
s u r l ' i ns t ruc t ion i n t e r m é d i a i r e et son é ta t d a n s le midi
de l 'Al lemagne , il avoue :


Qu ' en France la science de l 'éducation n'est guère une
science; c'est un objet d'administration plulèl qu 'un objet
d 'é tude.


Aussi il s 'écrie avec u n s e n t i m e n t de p ro fonde a m e r -
t u m e qu i justifie la d o u l e u r et le l angage de nos évo-
q u e s :


Nous ne faisons pas plus des citoyens que des dévots dans
nos col lèges! Que faisons-nous donc? Nous ins t ruisons ,




DE !.A PAC ! El C A T I O N R E E l CI E E S E . 21?


-don,- u'ciccms ras; N O U S cultivons cl déveioppons l 'ospr i l ,
mais mm le c i c u r .


•le le t icuiamlc , M. Sain t -Marc ( i i r a rd in p o u v a i t - i l
con t red i re p lus fo r t emen t ce, q u e M. T h i e r s aff i rme, que
dans les collèges on s'adresse à l'esprit comme au cœur
des enfants ' ? et le v œ u e x p r i m é 2 d a n s te r a p p o r t ,
qu'il faut faire de bons chrétiens, mais aussi de bons
citoyens, pouvai t - i l ê t re p lus m a l accompl i ?


C'est après ces é t r a n g e s et a c c a b l a n t s a v e u x q u ' u n
sléputé l i b é r a l , VI, C o r n e , l i ran t u n e conc lus ion q u e
n o u s n ' a v o n s j a m a i s t i rée n o u s - m ê m e s , s 'écr ia i t :


Ua conséquence immédiate , c'est qu' i l faut, 'au p lus 'a i t ,
cenvoyer les vingt mille j eunes gens élevés dans les col-
lèges de ITi i ivers i lé ; e'esl qu'il faut fermer ces pens ion-
nats incapables de donner l 'éducation.


Certes nous n ' a v o n s j a m a i s pa r l é des é t a b l i s s e m e n t s
un ivers i t a i res avec u n e pareille, sévér i t é .


On sait l 'op in ion a r r ê t é e de M. D u c h à t c l , a u j o u r d ' h u i
min is t re de l ' i n té r i eur :


Donnez au ('.(invei'iienieiil le. monopole de r e n s e i g n e -
ment, disail-il ; vous at tr ibuerez à une partie de la société le
d ro i t de faire t r iompher s e s opinions par la force et d 'op-
primer les opinions contra i res . . . .


Ton le bonne loi sur l ' enseignement devrai ! commencer
par ce premier article : f.'enseignenieut est libre.


Affranchir r ense ignemen t , c'est le seul moyen de lui
rendre la rie. de le relever de l'abaissement où l'a jeté la
servitude.


Voilà donc le langage de l 'Univers i té e l l e - m ê m e , de




218 WE LA P A C I F I C A T I O N ii VA. ICI M V S !..


ses g r a n d s m a î t r e s , de ses conse i l l e r s les p ins in t imes ,
de ses p lus cé lèbres p r o f e s s e u r s , de ses amis les plus
d é v o u é s .


Mais a p r è s les m a î t r e s , é c o u t o n s les disciples : ils ne
t i ennen t p a s s u r elle un langage m o i n s s évè re .


Je ne c i terai pas ici l 'op in ion de M. le comte de Moti-
t a l e m b e r t , b ien ({ne la g é n é r e u s e lovante de s o n c a r a c -
t è re et la p u i s s a n c e de ses convic t ions d o n n e n t un poids
i r r é c u s a b l e p o u r t ous à ses s o u v e n i r s p e r s o n n e l s .


Mais q u ' o n lise et q u ' o n m é d i t e ces p a r o l e s d 'un pro-
les tan t , é lève auss i de l 'Ln ivers i t é , M. Agéuor de G as-
p a r i n :


Le jeune homme qui arrive ;'i Par t s pour se livrer ii de*
étudies sér ieuses , est forcement repoussé vers le scepticisme...
Dans les collèges un ive r s i t a i r e s la r e l i g i o n , et surtout la
nôtre , joue un si petit rôle 1 riu/triiclitiu IJ est païenne,
et réditctttiun nulle. L'éducation religieuse, elle n'existe
réellement pas dans les collèges. . . .


Cer tes , il y a loin de ià à cet te ins t ruc t ion re l ig ieuse
q u e M. Cousin dit ê t re si s o i g n e u s e m e n t d o n n é e d a n s
les collèges l a ï q u e s soit de l 'Éta l , soit des pa r t i cu l i e r s .


Al. de ( l a spa r in a joute :


Qui n 'éprouve le besoin de rompre entiii avec ce régime
d 'orguei l , de jalousie, de souffrances mauvaises et de jou is -
sances empoisonnées , de rivali tés sans compassion et de
iriomplies sans humil i té , qui ruinent au sein de tant de
jeunes âmes le peu de pr incipes èvangél iques que l ' ins-
truction re l ig ieuse .y a déposés. Celle éducation a élé la
m i e n n e ; je l'ai reçue dans les conditions les plus favorables.
Point de collège qui lut supér ieur pour la sagesse de sa
direct ion, de sa discipline, pour la régular i té de l ' ins l ruc-




n i : J . A : ' \ < ; i i i \ i : H E L I G Î K I ' S E . 2 1 0


tioii religieuse protes tante , ¡1 celui mi j ' a i été é l e v é . Dans
ca collège, aiaaiu élève qui ail conservé avec sa i'amilie des
relations nias suivies, plus excellentes, p lus p rop res à le
soutenir ; aucun qui ail eu plus à se louer die- professeurs ,
des madrés d ' é t u d e s ; aucun qui ait plus constamment o b -
tenu et même mérité c ' e s t une déclarat ion que je fais au-
jourd 'hu i sans le moindre orgueil , on peut m'en croire .
une réputation d e heu sujet.


Or, ./V me souviens arcr ien'eue d e ce que j ' é t a i s au sor-
tir d e ce l l e éducation nationale. Je me souviens de ce
qu'étaient tous ceux d e mes camarades avec lesquels j ' a v a i s
d e s relat ions. Klious-nous de bien excellents citoyens ? Je
l ' ignore; niais assurément nous n 'él ions pas des chré t iens :
nom n'avions pas même les plus faibles comnwnceiih'nh
de la foi et de. la vie évangél iqu".


Peu! on s ' é tonner q u e des évoques ca tho l i ques aient,
conçu et e x p r i m é des a l a r m e s , q u a n d on voit colles d 'un
p r o t e s t a n t s incère nïïoc jusqu'à la levreav, au souven i r
de l ' éduca t ion qu ' i l a r e ç u e de l 'Un ivers i t é?


L'Université e l l e -même, d a n s u n r a p p o r t qu i fut p ré -
senté au roi et au p a y s , cl. 'qui a g a r d é tou te l ' au tor i t é
d ' une apologie, officielle, fait u n aveu b ien r e m a r q u a b l e
et qu i suffirait seul à c o n v a i n c r e les p lu s i n c r é d u l e s , et
à just if ier auss i toutes les r é c l a m a t i o n s de nos é\câpres
et des p è r e s de famille.


L'Université déc la re :


Qu'il l 'égard de l 'éducation, dans les mei l leurs collèges,
les efforts même les plus éclairés et les plus soutenus n'ont
qu 'une puissance bornée : que ce n'est pas le collège, mais
la famille qui commence l 'éducation, que c'est la société
qui l 'achève.


Malgré ce qu ' i l a d ' hab i l e , ce r tes ce langage t r a h i t un




.<•.>>> D E L A P A C I F I C A T I O N H E I . I G I E l . S E .


m a l profond : car enfin q u ' e s t - c e à d i r e ? la famille
commence l'éducation, la société l'achève : ma i s cepen -
d a n t où se fait-elle et qui e s t - ce qui la fait?


P e n d a n t les dix a n n é e s o ù l 'enfant est au col lège , où
tou tes ses facul tés m o r a l e s et re l ig ieuses doivent se d é -
v e l o p p e r , où la g r a n d e œ u v r e de l ' éduca t ion doit se
faire (de 10 à 20 ans ) , là , vous l ' avouez , même dans vos
meilleurs collèges, les efforts les p lus éc la i rés et les plus
s o u t e n u s n ' o n t q u ' u n e p u i s s a n c e b o r n é e .


L'effroyable l a c u n e de ces dix a n n é e s est ici t rop m a -
n i fes tement d é c o u v e r t e : il é ta i t imposs ib le p o u r t a n t de
la m i e u x d i s s i m u l e r d a n s u n e p h r a s e m i e u x faite. On
voit en effet l'éducation qui commence, puis l'éducation
qui s'achève : on la c ro i t f a i t e , eiie ne l'a p a s été : elle
n e pouva i t p a s l ' ê t re , m ê m e dans les meilleurs collèges l
Ainsi d i spa ra î t d a n s un j e u de p a r o l e s , d a n s u n e s u b -
tilité de l a n g a g e , ce qu ' i l y a de plus i m p o r t a n t au
m o n d e , l ' é d u c a t i o n !


Et qu i s ' é t o n n e r a de tou t cela l o r s q u e les p ro fe s seu r s
de l 'Univers i té son t c o n d a m n é s à négliger le m o y e n le
p lu s p u i s s a n t de l ' éduca t ion , la Religion?


Çju'est-C" que l 'Universi té? se demande M. .Iules Simon,
professeur suppléant de i\i. Cousin ;'i la Sorbonno. (l'est
l'Elut enseignant . N'eus n 'avons jais une religion d'Etat en
France ; on peut, le regret ter , niais c'est un fait ; nous n 'a-
vons pas non plus la l iberté d 'ense ignement : Y Etal enseigne
seul. Il n 'y a pas de religion d'Elal : les professeurs ne peu-
vent donc ni enseigner, ni a l taquor aucune religion.


Je délie de répon/Iro ¡1 cela nuire chose qu 'un sophisme.


M. Ju l e s S imon a r a i son : la log ique est p o u r l u i , et
ÀI. Th ie r s auss i ; ca r n ' e s t - ce p a s ce qu ' i l a vou lu dire




DE EA P A C I F I C A T I O N I ! E E 1 G 1 E E S E . 22i


an fond l u i - m ê m e d a n s cel le p h r a s e si s ingul iè re de
son r appor t :


i)aus h s collèges r o \ a u \ . . . . les enfants sont traités
connue des hommes capables . . . . d e sentir les nobles procé-
dés. Les maî t res respectent dans l 'enfant la liberté decoiis-
c i e n c e connue dans l 'homme lu i -même.


Ainsi les h o m m e s fa i t s , les m a î t r e s , on t à cet égard
une l iber té abso lue : ils la la i ssent à l e u r s é lèves : ils la
r e spec ten t p r o f o n d é m e n t d a n s ces j e u n e s â m e s , c ' es t -à -
dire qu ' i l s d e m e u r e n t à cet éga rd d a n s u n e r e s p e c -
tueuse indifférence et d a n s u n s i lence absolu ; si la con-
s é q u e n c e est év iden te , il faut r e c o n n a î t r e q u e l ' aveu esl
é t range :


N 'e s t - ce p a s ainsi, demandai t un honorable député en
ESa?. qu'on arr ive à former des hommes engourdis élans
ce t t e apathique indifférence à l 'égard des convictions rel i -
gieuses et morales , qui est le mal de notre époque , que
rien n 'émeut p lus , si ce n 'est l ' amour du lucre ; que rien ne
révolte plus , pas même la vénali té des consciences?


Le conce r t s u r ce sujet devai t ê t re u n a n i m e : les
h o m m e s pol i t iques de toutes les op in ions , de t ou t e s les
n u a n c e s , s ' a cco rden t avec les ma î t r e s et les d isc ip les
de U n i v e r s i t é , p o u r é lever c o n t r e elle et c o n t r e son
m o n o p o l e u n e voix sévè re et des a c c u s a t i o n s si g r a v e s
que je n e m e p e r m e t t r a i s p a s d 'en f o r m u l e r de s e m -
blables .


i l . Ledru-ho l l in s ' é c r i e , à l ' e x t r ê m e g a u c h e de la


C h a m b r e :


V a-t-il une souffrance plus g rande pour l ' individu que
l 'oppression de saconsc icucc , que la déportation de ses llls




T i z i iK i . a l 'A ( ; i F i c a t i o n 111:: 1.1 (;i !•: r s k .
d a n s l e s écoles qu'il regarde comme des lieu.r de perdi-
t i o n ' , que cette eonscripibm î le l 'enfance traînée violetu-
ii ici 11 dans un camp ennemi et pour servir l 'ennemi'. '


"y. J anv i e r , p lacé a u j o u r d ' h u i d a n s les r a n g s c o n s e r -


va t eu r s , d isa i t il y a l ong t emps :


E "Université est s u r notre sol un débris sauts élai ; en tant
pue monopole , la. Charte du 7 août l'a mise en pièces.


si. P e r s i l , au m o m e n t où il venai t de pou r su iv r e en


sa qua l i t é de p r o c u r e u r géné ra l , l ' é c o l e l i b r e devan t ht
Cour des p a i r s , e x p r i m a i t en ces t e r m e s un souhai t


s e m b l a b l e :


Nous n ' avons p a s besoin île dire n u e quand n o u s invo-
q u o n s le monopole univeis i ia i re , m a i s n o u s appuyons d ' u n e
l é g i s l a t i o n expirante , d o n ! nous hâtons de tons nos v i e u x
la p rompte abrogat ion.


Al. Dupin a î n é , dé fendan t l 'Un ive r s i t é , s 'est p la in t
v i v e m e n t q u ' o n eu t osé a t t a q u e r u n e ins t i tu t ion fondée
su r les lois. S o u t e n a n t ainsi la va l eu r des ac tes p a r les-
que l s l ' E m p e r e u r a é tab l i le m o n o p o l e , M. Dupin a sans
«toute oubl ié la c o n s u l t a t i o n qu' i l d o n n a le 30 avri l 1830.
et où il p r o u v a si é n o r g i q u c m o n l l ' i llégalité et l ' inconsl i-
U.tlionnalité dos décro is de !8(i8 et de 18! 1 ?


D a n s celle c o n s u l l a t i o n , Ai. D u p i n , a p r è s avoir fait
l ' examen des d ive r s chefs d ' i l légali té de ces déc re t s ,
l o rminc p a r ces m o t s a c c a b l a n t s :


.".orte* on ne craint p a s di: se t romper , eu disant qu 'un


1 l il peu çIism t Vi. I.cilni-lîi.itin c:ai'ln;,;iil s i te met i l a saints
i e o s . ton I nau'odio à Mur i'ùosjao Oc , T te lies : dus d ia i /v* rfc p « -
l i i c n s r .




i!!-. LA P A C ! E I G A T I O N P, E 1 .1GIE E S E. 223


corps ainsi constitué le conseil royal ' , avec des pouvoirs
aussi exorbitants, c'est un iriPunal ex t raord ina i re qui eût
du tomber devani la Cha r t e , comme les t r ibunaux de
(iouane, les rours spéciales, etc.


M. Chambo i l e disai t , d a n s la s é a n c e du 15 ju in 1843 :


Il est des véri tés morales qu'il est nécessaire de r épandre
dans les collèges. Qui est-ce qui en est chargé? Je vois
bien le texte d e ta loi, mais un texte stérile. Vous connais-
sez tous ces élèves do nos collèges : vous les avez in ter ro-
gés, je l i s ai in ter rogés auss i . Eh hum 1 quand on leur
adresse certaines quest ions, ils savent à peine ee qu'on veut
leur dire.


Quand j e m e demande qui es t chargé de cet enseignement
moral et religieux dans ces collèges, je m' inquiète encore,
car je ne sai* pas qui esl chargé de donne r cet ense igne-
m e n t , excepté l'aumônier '/ni y fuil de temps en temps une
Uj>puriiion.


lit sur ce d e r n i e r r e p r o c h e , M . d e C a s p a r i n étai t d ' ac -
cord avec "d. Chambo i l e , lorsqu ' i l se p l a igna i t :


Que ta religion était re léguée t i s o n heu re , comme r i m e
et te plus souvent canne la dernière des leçons;


Lorsqu ' i l disai t :


(Jue t'Peuuijile étui! relégué a une place tellement infime,
qu'il P E U T R A R E M E N T contrebalancer {'influence de ces dé-
teslutdes (ioeiriiwx si !>icn adaptées ù nos penchants na-
iiivcls.


Cer les , on je nm t r o m p e , o u a p r è s de tels t é m o i g n a -
ges , M. Cousin devra reeci i na î t r e q u e les collèges royaux
sont loio d'èlre irrrproeltnbh-s, c l M. T h i e r s a v o u e r a q u e




m D E L A P A C I F I C A T I O N P. E E I G I E U S E .


c'est u n e c h o s e qu i n ' e s t ni d é r a i s o n n a b l e ni d é n u é e de
p r e u v e s q u e d ' a v a n c e r :


Que la moral i té n'est pas suffisamment soignée dans les
établ issements laïques, publics ou par t icul iers .


Non, cela n ' e s t ni a u s s i faux , n i auss i incontes té qu'i l
veu t b i en le d i re : et, je le r é p è t e à desse in , ce que je
viens de c i te r , ce ne son t pas les avoca t s du clergé qui
l ' on t écr i t : ce sont les avoca t s e u x - m ê m e s de l 'Univer-
sité : ce son t ses m a î t r e s , ses a m i s , ses d i sc ip les .


Et c o m m e , d a n s u n e m a t i è r e si i m p o r t a n t e , je ne
v e u x négl iger a u c u n e au to r i t é , j ' i r a i j u s q u ' à recuei l l i r
le t émoignage de deux j o u r n a u x d o n t je n ' a u r a i s p a s
r e p r o d u i t les p a r o l e s , si l 'Univers i té n ' ava i t p a s t rouvé
en eux , d e p u i s un an , ses p lu s a r d e n t s dé fenseurs .


Le National, a u mo i s de s e p t e m b r e 18à2, écr ivai t :


L 'éducation que donne l 'Université est impie, immoral-/,
incohérente.


Mous renonçons à t racer ici le sombre tableau qui est
ma lheureusemen t sous nos regards : mais que nos lecteurs
songent un instant à ce que le régime où nous vivons a l'ail,
d 'une g rande par t ie de la jeunesse française, et ils pour-
ront trop aisément suppléer à ce que nous taisons. . .


L 'éducation p remiè re , dont I T n i v c r s i i é o s t responsable ,
a fait place chez nous à une école d 'égoïsme et de co r rup -
tion p réma tu rée .


Est-ce d o n c là ce qu i est p a r m i n o u s r e n s e i g n e m e n t
s e c o n d a i r e ? faut-i l le c r o i r e , et (pie dev iendra i en t ce r -
ta ines apologies en p r é s e n c e de ces a c c u s a t i o n s ?


Le Journal des Débats, le G n o v e m b r e 18.Ï2 et les
j o u r s s u i v a n t s , n e s ' exp r ima i t pas avec m o i n s de force




!)]•: E A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E


su r la ph i losoph ie cl su r r e n s e i g n e m e n t s u p é r i e u r de


l 'Universi té :


L'école éclectique, pour l ' appeler par son nom, est a u -
jourd 'hui maî t resse et maî t resse absolue des généra t ions
actuelles. Elle occupe toutes les chai res de r ense ignemen t :
e l l e e n a te rme la carr ière à toutes les écoles r ivales, elle
s'est fait la part du lion, elle a tout pr is pour elle : ce qui
est a s s e z poli t ique, mais ce qui est un peu moins ph i loso-
phique. Le publie a donc le droit d e demande r compte à
ce t t e école du pouvoir absolu qu'elle- a pr i s , et que nous ne
lui contestons pas d 'a i l leurs : e l l e a beaucoup fait pour elle,
nous le savons ; mais qu'a-t-cllc fait pour le siècle, qu ' a -
t -eUe fait pour la société? Où sont, ses rouvres, ses m o n u -
ments , les ver tus qu ' e l l e a semées, les g r a n d s caractères
qu ' e l l e a formés, les insti tutions qu ' e l l e anime d e son
souffle? Il est malheureusement p lus facile de s 'adresser ces
questions que d 'y répondre .


Ce r t e s , on voit q u e ce j o u r n a l , c h a m p i o n si d é v o u é
de l 'f Diversité, n e m é n a g e a i t p a s a lo r s son e n s e i g n e -
m e n t p h i l o s o p h i q u e , et n e c r a igna i t p a s , dès 18a2, de
d o n n e r a la philosophie ce signe de méfiance q u e la
C h a m b r e dos pa i r s lui a d o n n é en iShlt et q u e M. T h i e r s
essaye en vain de lui é p a r g n e r a u j o u r d ' h u i .


Quan t à l ' ins t ruc t ion p r i m a i r e , d o n t l 'Univers i té est
aussi r e s p o n s a b l e , j e me b o r n e r a i à u n e seu le c i t a t i o n :


AI. Lora in , l o n g t e m p s p ro fe s seu r de l 'Un ive r s i t é , r é -
c e m m e n t p rov i seu r d 'un collège de P a r i s , a u j o u r d ' h u i
r e c t e u r de l 'Académie de Lyon , s ' e x p r i m e ainsi d a n s
son t ab leau de l ' ins t ruc t ion p r i m a i r e en F r a n c e , à la fin
de 1833, ouv rage c o m p o s é su r les r a p p o r t s des 190 i n s -
pec teurs c h a r g é s de visi ter , ce t te a n n é e - l à , les écoles
de F rance :


i . ¡5




2 2 0 I S K L A l ' A 0 i F ! C A T I O N lî F L I G I F. I ' S F


Des Pyrénées aux Ardeinies . du Calvados aux il i < >: : i ; ; L; 11.
do l 'Isère, sar.s en excepter même la b a n l i e u e de la ea.[;iiaie.
les inspecteurs n 'ont poussé qu 'un c r i de dét resse .


La misère des ins t i tu teurs égale leur ignorance , et le mé-
pris publ ic mér i té souvent par leur ignominie . C'est un
spectacle immonde ' , et le cceur se soulève à la lecture do
ce chaos de tous les mét iers , de ce réper toire de tous no
vices, de ce catalogue de lotîtes les iul i r inués humaines .
Depuis l ' inst i tuteur qui se l'ait remplacer par sa femme,
pendan t qu'il va chasser clans ni p la ine , jusqu'il l 'assassin
que r i n s p o e P u u c h o r r h o eu \ a i e dans soi; ér oie, parce qu'il
vient d 'ê t re conduit dans les pr isons v o i s i n e s , combien ii<
degrés dans le crime 1 Depuis l 'usurier condamné pa r le
conseil munic ipa l j u squ ' au forçat l ibéré, depuis l ' instituteur
paye par la commune pour sonner les cloches pendant
l 'orage, jusqu 'à l ' inst i tuteur , prê t re de l't'.glisc française,
combien de minis tères différents !


M. Lora iu r a p p o r t e e n s u i t e q u e l q u e s d ia logues e n t r e
l ' i n spec teu r et les i n s t i t u t eu r s p r i m a i r e s .


« Monsieur, dit un inspecteur, en entrant dans quelque-
écoles, où en ê t e s -v r a i s de l ' instrur'lion morale et re l i -
gieuse? —11..te n 'enseigne pas ces InVixex-la. » — Ailleurs
(département do la Manche ' , une écolo mutuel le se p ro -
mène avec l ' inst i tuteur dans la ville, tambour en tête, et
chantant la Marseillais?, qu'elle in terrompt , en passant de-
vant le presbytère , pour crier à luo-îète: «A bas les j é -
suites ! ;i bas les calolinsl » S'il en était ainsi par toute la
France , et qu'on vînt à nous demande r : Le clergé français
est-il favorable à l ' instruction p r i m a i r e ? nous n 'hési te-
rions pas à r épondre qu'i l ne faut pas compler sur son
appui . Et cependant , sans l 'appui du clergé, il faut déses-
pé re r du sort de l ' instruction pr imai re dans les cam-
pagnes .




Kl q u a n t à ce qu' i l j a d e p l u s dél icat et d e p lus e s -


sentiel dans la m o r a l i t é d e s enfan t s , p a r r e s p e c t j ' a u r a i s


voulu me taire. Mais malgré les r é p u g n a n c e s p r o f o n d e s


que j ' é p r o u v e , la confiance Inc royab le des apo log i s tes


de l 'Universi ié c l f é t r a n g e t é d o . l eu r s a s s e r t i o n s m e font


violence et m e c o n t r a i g n e n t à m e t t r e sous l e u r s y e u x


u n document , «pie j " vomira i s la isser ensevel i . P e u t - ê t r e


p o u r r a - t - i l t roub le r un funeste o p t i m i s m e et faire au


m o i n s excuse r les a l a r m e s des é v ê q u e s et des pè r e s de


famille.


Voici ce q u e M. La l l emand , p rofesseur de la faculté


de Médecine de Montpel l ier , et , à ce t i t r e , invest i de la


conf iance de l 'Universi té qui l'a n o m m é , révèle, s u r ce


point, si g rave c o m m e le résu l t a t de ses o h s o n a l l o n s


les plus a t tent ives :


Si j ' e n j u g e p a r m a p r o p r e o l i s e r s a t i o u , se.r d i x jeune.»
g e n s a d o n n é s au v i c e , d e n t la s a u t é s Y s l a l t é r é e i n n u é d i a -
leineii l . o u c o n s é c u t i v e m e n t , on p e u t e n c o m p t e r n e u f q u i
se sont p e r d u s au c o l l è g e o u d a n s u n p e n s i o n n a t . L ' e n f a n t y
t r o u v e en a r r i v a n t un foye r d e c o n t a g i o n qui s ' é t e n d b i e n t ô t
j u s q u ' i l lu i : c a r le m a l y es t é t a b l i d ' u n e n i a n n r e e n d é -
m i q u e , ci se t r a n s m e t s a n s i n t e r r u p t i o n d e s a u c i . a s a u x
n o u v e a u x v e n u s . Si q u e l q u e s i n d i v i d u s é c h a p p e r ; d ' a b o r d
à ces i n s i n u a t i o n s p e r f i d e s , l e u r l e n i p s v i e n t u n p e u p l u s
l a r d , ,1e n ' o u t r e r a i d a n s a u c u n d é l a i ! , q u o i q u e j ' a i e î v e u d e s
r é v é l a t i o n s b i e n m u l t i p l i é e s , b i e n c i r c o n s t a n c i é e s .


C o n i m e i i i p o u r r a i s - j e r e p r o d u i r e ce q u e c e s m a l a d e s
o s a i e n t à p e i n e n ie cou fier en l è l e -n - l è t e . et p r e s s é s p a r l ' in -
térê t p u i s s a n t d e l e u r c o n s e r v a t i o n Y D ' a p r è s tou t c e q u i
m'es t . r e v e n u d e s s o u r c e s les p l u s d i r e c t e s cl l es p l u s va -
r i é e s , j e n e c r a i n s p a s d ' a l u r i n e r q u e n u l l e p a r t on ne s e
p r o c u r e a u s s i i ' ac i lemeni d e m a u v a i s l i v r e s ; q u e n u l l e part
ils ne c i r c u l e n t a v e c p l u s d ' i m p u d e n c e et d e s é c u r i t é ; q u e




Э­.'8 D E L Л P A C 1 1 ­ T C A T ! 0 N К EE1 G1 E U S E .


la cause «la mai n'est pas seulement dans les élèves, mais
encore dans les domest iques et les survei l lants ; que les
abus ne se bornent pas toujours auvice que noies désignions
tout à l 'heure ; qu'i ls ne se propagent pas seu lement par
l 'exemple et la séduction, niais qu'ils s ' imposent même
quelquefois par la menace et la violence.


V. — DE LA RÉACTION RELIGIEUSE, — DES DISPOSITIONS
DU CLERGÉ.


C e p e n d a n t Д1. Thie r s a dit u n j o u r , en ple ine C h a m ­
bre , avec u n e i r o n i q u e et t r i o m p h a n t e compla i sance :


L'Université a donné la générat ion actuel le , en grande
part ie du moins ; cette générat ion est plus religieuse ou du
moins plus respectueuse que celle qui l'a précédée . : les
faits prouvent qu'il y a une améliorat ion notable , que les
devoirs rel igieux sont beaucoup plus observés (pu* sous
l 'Empire et sous la Restaura t ion .


A la m a n i è r e don t l ' a u t e u r de cet te r e m a r q u e la p r é ­
seu le , il est mani fes te qu ' i l y a t t a c h e u n e g r a n d e i m ­
p o r t a n c e : c'est u n a r g u m e n t décisif d a n s sa c a u s e : il
d o n n e à l 'Univers i té l ' h o n n e u r de ce q u e l 'on est c o n v e n u
d ' appe le r la r éac t i on r e l i g i e u s e ; et il suppose q u e ce
son t les r é c l a m a t i o n s du clergé qu i ont seules arrêté
cet h e u r e u x mouvement et d i m i n u é h sèle religieux.


Je r é t ab l i r a i s i m p l e m e n t la v é r i t é ; et je di ra i d ' abo rd ,
ce don t ne n o u s p e r m e t t e n t p a s de d o u t e r les o b s e r v a ­
t ions les p lus a t t en t ives , les plus graves et les plus n o m ­
b r e u s e s : q u e le m o u v e m e n t re l ig ieux , loin de s ' a r rê te r ,
est a u j o u r d ' h u i p lus profond , plus sé r i eux , p lus p u i s ­
san t q u e j a m a i s ; pu i s j ' é t o n n e r a i p e u t ­ ê t r e p lus i eu r s




do m e s l ec teurs en d i san t où je t r ouve la p r e m i è r e o r i -
gine d e l à réac t ion re l ig ieuse .


C'est à la r évo lu t ion de jui l let . Oui , s a n s le vou lo i r ,
la révolut ion de juil let , se lon les de s se in s d ' u n e p r o v i -
dence p ro fonde que n o u s avons t o u j o u r s r e s p e c t é e , la
révolu t ion de jui l le t n o u s a serv is , en n o u s dé l iv ran t
des p r é v e n t i o n s , des m e n s o n g e s et des ca lomnie s de la
pol i t ique : déda ignés et r e n d u s à n o u s - m ê m e s , n o u s
avons été mieux c o n n u s .


Et nous n ' a v o n s pas été d ' a i l l eurs les seuls à y g a g n e r :
ces g r a n d s r e n v e r s e m e n t s ne son t pas s a n s force p o u r
d é s e n c h a n t e r les espr i t s . En mul t i p l i an t les m é c o m p t e s ,
ils m e t t e n t p o u r t o u s , p o u r les v a i n q u e u r s c o m m e p o u r
les v a i n c u s , p lus de sérieux, d a n s la vie, p lus de g rav i té
d a n s les m œ u r s , p lus de m a t u r i t é dans les op in ions ,
{dus de jus t ice d a n s les j u g e m e n t s .


Qui n e sait que les r évo lu t ions , p a r l e s g r a n d e s l eçons
qu 'e l les d o n n e n t à tous , à ceux m ê m e qu 'e l l e s font
t r i o m p h e r , p o u s s e n t u n e foule d ' â m e s à c h e r c h e r
p o u r l ' aveni r u n a p p u i h o r s de l ' ins tabi l i té des c h o s e s
h u m a i n e s , e l l e s condu i sen t ainsi p e u à p e u à Sa l le-
l igion, c ' e s t - à -d i r e à la seu le chose qu i soit s table s u r
la t e r r e?


Certes auss i , cl avan t tout j ' e n r e p o r t e la gloire à Dieu :
à l 'ac t ion sec rè te et t ou t e -pu i s san t e de. celui qu i t ient
dans sa m a i n tous les c œ u r s et les incl ine o ù il veut ; qui
c o m m a n d e au m a l et fait le b ien q u a n d il lui p la î t ; qu i
tient en b r i d e toutes les pa s s ions des h o m m e s , et lo r s
m é m o qu ' i l s e m b l e leur p e r m e t t r e de lout déc ide r , les
m è n e , les d o m i n e , les a r r ê t e et les change .


Mais, quoi q u ' e n disent M. Tb i e r s et M. Cousin , je ne
puis en consc ience en faire h o n n e u r à l 'Universi té : je




ï:;.t » K LA " A C i n r . A Ï I O N R E L l O i E ! S E .


i - I K ' i - C N O eu \ ain les ! races do Tin ' Inonce que l'on v o u d r a i t
lui a t t r ibue r sur ces e m e m e n e o m e n !s do la r égénéra -
tion rel igieuse de la F r a n c e .


J 'en fais volont iers h o n n e u r au c a r a c t è r e f rançais et
à l 'act ion provident ie l le îles c i r cons t ances su r sa g é n é -
ros i t é na tu r e l l e et su r ses nobles ins t incts .


Soi! q u e la mobi l i té m ê m e d 'une g r a n d e et h é r o ï q u e
n a t i o n , d o n l l a j e u n e s s e est é t e rne l l e , qui a peu t - ê t r e les
défauts : e d o u t a b ' e s de cet A:-/', m a i s aussi loules ses
b r i l l an tes q u a l i t é : , ut qui p a r conséquen t n e fait j a m a i s
tout c r a i n d r e sens la i sser tout e s p é r e r , l 'ail r a m e n é e
tout à coup à la foi et aux p e n s é e s c h r é t i e n n e s ; soil , ce
qu i n o u s va si b i en , q u e les m a l h e u r s de la religion
n o u s l'ai c a l r e n d u e plus \ é n é r a h l e et p lus c h è r e ; tou -
j o u r s est-il q u e le l e n d e m a i n du j o u r où p lus ieurs
p e n s è r e n t que la re l ig ion tombai t avec la croix aba t -
tue , un j o u r 'plus favorable et plus p u r se leva il p o u r
elle.


Me p e r m e t l r a - t - o n d ' a jou te r que j ' e n fais h o n n e u r
a u s a c e r d o c e f rançais? J 'en fais h o n n e u r à sa p a c i -
fique a l t i tude , à sa p r u d e n c e , à son zèle, à son d é v o û -
m e n l .


J ' en fuis h o n n e u r à la j e u n e s s e élevée s o n s les a u s -
p ices de la re l ig ion, dans dos familles ch ré t i ennes et dans
des é t ab l i s s emen t s où la p ié té est l ' heu reux f o n d e m e n t
de l ' éduca t ion . Oui , c 'est su r tou t la j e u n e s s e , et nous fe
r ed i sons avec le t r e s sa i l l emen t d ' une j oyeuse e s p é r a n c e ,
c'est su r tou t la j e u n e s s e qui se l ivre à ce noble m o u v e -
m e n t , avec ces vives et t o r i e s in sp i ra t ions , avec ce goût
sub l ime et n o u v e a u don t elle s 'est épr ise p o u r la vérité
et la ve r tu .


«'.'est un h o m m a g e qu' i l n o u s est doux de lui r e n d r e :




tous ceux à ijiii il u ;4 d o n n é do faire o n l o o d r e l e u r voix
il la j eunesse p o u r hù p a r b r !e langage ¡ ¡ 0 ia vé r i t é ,
î rouvei . l 'nul à coup d a n s ce.-; j e u n e s c œ u r s un é c h o
profond ; ceux m ê m e qui d e s c e n d e n t a u j o u r d ' h u i à
l o u ' t o s ios bassesses du m e n s o n g e p o u r la c o r r o m p r e ,
ii'o-u'-iil [ i ! u s lui par le r d ' incrédul i t é . C ' o s l d a n s i e s r angs
de ht j n u i o s s e , que la un et l ' e s p é r a n c e c h r é t i e n n e on t
obi les plus nobles et les plus b r i l l an t e s c o n q u ê t e s ; et
loul Par is , t o u t e ia r ' r euee , savent q u e les œ u v r e s
1 r s plus l abor ieuses do la c h a n t é ont t r o u v é , d a n s le
y.CU: qui c h a p a r d e n t q u ' à cet Age, k p lus g é n é r e u x
concour s .


'dais enco re une l'ois, c o m m e n t faire h o n n e u r do tout
ceci à l'i niversi ié et à t o n éduca t i on? , . . _\on q u e je p ré -
tende qu' i l ne O O : i pas sor t i des é c o l e s de l'i n i v e r s h é un
uraml n o o d m o d ' h o m m . .-, h o n n ê t e s et un ce r t a in n o m b r e
(le ch ré t i ens s incè res .


•sieis l ' h i i b e r d i é I>s"raH-ellt ' d ire (pie ces h o m m e s
p i e u x , que ces c h r é t i e n s s incè res so ien t son o u v r a g e !
Ou'on nous m o n t r e des â m e s v r a i m e n t re l ig ieuses qui
a t t r i buen t hoir piété à l ' éduca t ion des é t a b l i s s e m e n . s
univers /mures , qui pa r l en t avec r e c o n n a i s s a n c e de l e u r
collège, c o m m e d 'un asile bén i qui a p ro tégé l e u r i n n o -
cence , et de P i n i w r s h é avec; a m o u r , c o m m e l'on pa r le
d 'une m è r e à qu i l 'on doi t sou â m e et ces v e r t u s ; en un
m o t , qu i p r o c l a m e n t lui ê tre r e d e v a b l e s du b o n h e u r de
c o n n a î t r e , d ' a i m e r el de servi r Dieu : a lors je c h a n g e r a i
de l angage . Mais depu i s v i n g t - c i n q a n s q u e je su is d é -
voué à la j e u n e s s e et q u e je vis avec elle et p o u r elle, j e
n 'ai pas t rouvé u n e seule b o u c h e de qui j ' a i e recuei l l i
ce témoignage .


El q u a n t aux h o m m e s sor t i s des collèges de l 'Uni-




2:; DE L A l-Ai i ! 11 \ i L o s 1! L L I U I Kl S E


vers i té et d e v e n u s d e p u i s des c h r é t i e n s s incè res , in -
te r rogez- les : ils T O U S d i ron t e u x - m ê m e s si ce sont,
les souven i r s p i eux de l e u r é d u c a t i o n qui les ont ra-
m e n é s .


J ' o s e r a i m ô m e l 'aff irmer : l 'Universi té n 'a pas con t r e
elle de t émoignage p lu s t e r r i b l e q u e celui de ces h o m m e s
qu i son t d e v e n u s c h r é t i e n s c o m m e ma lg ré elle, qui la
d é s a v o u e n t h a u t e m e n t , et qu i se son t faits ses a c c u s a -
t eu r s pub l i c s d e v a n t l 'Église et d e v a n t l 'État : tels sont
AL de VIonla lember l , M. de Gaspar in et b i en d ' an t r e s
q u e je p o u r r a i s citer. Je sais bien q u ' à tant de faits acca-
b lan t s , q u ' à t a n t de r a i s o n s décis ives , JI. Th ie r s oppose
d e s s t a t i s t i ques c e r t a i n e s , et officiellement d r e s s é e s , de
lu foi et de la p ié té u n i v e r s i t a i r e s . Il n e m a n q u a i t p lus
q u e cela à la gloire de l 'Univers i té . P o u r moi j ' e n suis
p e u t o u c h é : d ' a b o r d p a r c e que ces s ta t i s t iques si ce r -
ta ines , on n e n o u s les fait pas c o n n a î t r e , et peu f - è l r c
avec r a i s o n .


J ' a jou t e ra i q u e ces é ta t s officiels m e r é p u g n e n t et
q u e si j ' a v a i s a u t o r i t é p o u r ce la , je les s u p p r i m e r a i s .


Les s t a t i s t i ques de p ié té m'édi f ient u n p e u mo ins e n -
core q u e les pr ix de ve r tu .


J ' a jou te ra i , enfin, qu ' i l y a des s ta t i s t iques de la
s i tua t ion m o r a l e du p a y s , p a r f a i t e m e n t c o n n u e s , p r é -
sen tées à l 'Académie des sc iences , i n sé rées a u Moni-
teur, r é s u l t a t d ' é tudes approfond ies et de ca lcu ls i r r é -
cusab l e s , et qu i c o n t r e b a l a n c e n t t r i s t e m e n t la va leur
des é t a t s s t a t i s t i ques de la piété un ive r s i t a i r e .


Sans p r é t e n d r e a r g u m e n t e r p lus qu ' i l n e convient , de
ces r é s u l t a t s , c o n t r e l 'Univers i té et con t r e l ' ins t ruct ion
qu 'e l le d o n n e , j 'aff i rme q u e les h o m m e s g raves on t cer-
t a i n e m e n t à réfléchir s u r les faits révé lés p a r M. l ' aye t ,




!)!•: I .A ['Ai;ii'ii:\vif.»x n K I . I G I K U S K . m


savan t prof '-sseur de m a t h é m a t i q u e s au col lège de
(calmar, et pa r M. Ch. Dupin l u i - m ê m e :


.Nous sommes forcé d'avoiioi', dit ce dernier , que la com-
plète ignorance s'allie à la moindre propor t ion des cr imes
contre les personnes , et que l'instruction supérieure l 'em-
porte, sur toutes les autres par la mult ipl ici té des cr imes .


.le conçois qu ' un h o m m e qui avai t s é r i e u s e m e n t p e n s é
à tout cela avant m o i , j e conço i s q u e M. Cuizot en ait
expr imé son op in ion , en p le ine C h a m b r e , avec cet te
gravi té de langage :


De là. Messieurs, celle perturbat ion souvent déplorée qui
j e t t e un grand nombre de j eunes gens hors de leur s i tua-
tion naturelle, excite leur imagination sans nour r i r forte-
ment leur intelligence, leur inspire des goûts l i t téraires
s a n s vraie et sérieuse connaissance des let t res , encombre
les professions savantes de pré tent ions oisives et ma la -
dives, et répand ainsi dans la société une mul t i tude d 'exis-
tences déplacées , inquiètes, qui lui pèsent et la t roublent ,
sans en obtenir pour el les-mêmes la fortune ou la répu-
tation ; i laquelle elles aspirent va inement .


Et pendant que d'un système trop uniforme cl Irop ex-
clusif sortent ces agitat ions factices et douloureuses , beau -
coup de parei l ls honnêtes ei sensés eherchenl en vain
comment faire donner il leurs enfants une éducat ion qui les
préserve de telles chances, el réponde à la s i tuat ion et aux
occupations qui les at tendent .


Je n ' insiste pas sur ces faits, Messieurs, ils ont souvent
occupé votre pensée ; ils sont d i rectement attestés par de
nombreuses et déjà anciennes réclamat ions publ iques el
p r ivées ; ils se révèlent indi rec tement dans les efforts
tentés depuis vingt ans pour appor ter à notre système
d'instruction secondaire des modifications qui satisfassent




T'A :)K t. Л K U : i i ' H : A T i O . \ l ï K I . ICI E U S E .


à <', • besoin de n i l i r e r l a i social . . . . ! Is • u n 1 h m s été, je no
•lirai r a s vains, niais insuffisants.


Ai. Yircy par la i t c o m m e M. î lnizot : à coite, é p o q u e il
n 'y avait q u ' u n e voix p o u r p r o c l a m e r les i m m e n s e s
péri ls de l ' ense ignement et de l ' éduca t ion univers i ta i res ' :


Chaque année donc cont inueront île sortir de l ' i hn ­
versité ces logions d é j e u n e s 1.'lires pour envahir tous les
rangs , frappaui à iunles les per les , encombran t r n d m h u s ­
trnliun et P a i s les emplois , prêts à ivn\ erser niènie de leurs
prétent ions ambit ieuses les 1 (arrières ipie, la société ou les
posi t ions acquises leur opposent, déversant partout une
"ivre pidàniqur dans les journaux et les réun ions poli t i ­
ques . De là celle guer re sourde , ces combats il outrance
minant les entrai l les m è o s de notre corps social, qui en­
tretiennent le feu secret des méconten tements , l ' a rdeur
fébrile des révoltes, et peut­ê t re loules les iiicci'li liules de
notre avenir . Ces angoisses, Messieurs, nous les créons,
nous les fomentons nous­mêmes. . . . Не la tant d 'espr i ts in­
quiets , sans carr ière tracée, souv eut, égarés par lu présomp­
tion si naturel le au j eune âge, et, ce qui est pis que lque­
fois, sans aucune éducation civile ou religieuse capable de
lui servir de coni renoids .


Travai l lées pa r un triste scepticisme, maladie du siècle,
ers unisses, souvent dépourvues de croyances religieuses,
t rahissent leur malaise secre t ; elles ne connaissent guère
d 'autre droit que la force, d 'aut res litres que la victoire,
d'autre bien que la fortune.


M, Vijrcy a p p u y a i t la grav i t é de son d i scou r s des p a ­
ro les d'un philosophe de llonw .sec le penchant de sa
ruine, qui s'écriait :'


Nous périssons pa r le débordement de la l i t térature : Lil­
'• > c.riuti inti rnneraniia luborumus. Sénèqne.)




«".:•!• i-'• s, ce P e l a g e était , d igne d 'ê t re e n t e n d a ; il !e Hit


c o m m " i! dev ; : i ! !'.'•!r" : dos a p n ' a u • ' i . - s ; m o n t s u n a n i m e s


.•u'-"i!ni!!irci!L ;i Ja C h a m b r e des Députés les d i s c o u r s de


si. Cuizot et de AL Virey.


Qu'on te r e m a r q u e b ien , je ne su is pas venu r e n o u -


V E L E R ici contre, l 'Universi té les p l a in te s si s o u v e n t p r o -


c l amées ; je n'ai pas a t t a q u é le fond :1e î c s d o c t r i n e s ; j e
ne viens pas red i re pue s o u e n s e i g n e m e n t p h i l o s o p h i q u e


est scep t ique et P o p : , \ son E N S E I G N E M E N T h i s t o r i q u e


ani icahbol iqne. de sont des sujets s u r l e sque l s je crois


inut i le do par le r , ci sage de se ta i re .


J ' a chève e n ' I N ces n o m b r e u s e s , m a i s i m p a r t i a l e s ci-


t a t ions , on r appor t an t l ' apologie par laque l le un p n b l i -


ciste d é \ o m ; à l Y n i v . T s f t é C R O Y A I T pouvo i r défendre ,


con t re h s pial ides du c lergé , JYnso ignomrn l ph i lo so -


ph ique et r e h ; d e u \ du co rps un ive r s i t a i r e . C'est u n e


variété qui r e p o s e r a le. lec teur .


! ja 'e>t-ce .pr- ITtihei .- . i lè? I ' I I corps de libres penseurs ,
courant , cliacmi selon S I S forces, selon s e s inst incts, selon
- A S prédilect ions, l'un après la l i t té ra ture , l 'autre après
r 'nisloire. celui-ci après la phi losophie, celui-là après ht
S I l i e u s e Pans ce t t e Université, qu 'on représente unie et
c o m p a c t e , C I u. ! re ' E S p r i n c i p e s d u eur is l iaoeeue , . . . V O U S
O o a u s ' e / pa : ' l ou i la division, la l u n e , l ' individual isme.
.Non. l 'Université n ' a pas de doctr ines arrêtées contre la
religion : savez-vous pourquo i? c'est parce que l 'Univer-
sité n'a pas de doctrine e t ne saura i t en avoir.


L'Université, répétons-le, n 'a pas d e doct r ine ; (die n 'eu
a p a n a i s eu, e l l e n ' e n aura j amai s ; il faudrait , pour en
acquérir une, qu ' e l l e adoptai le pr incipe de l 'autori té ,
comme l'Ièglise : o r , l 'Université est fondée sur la l iberté
île penser, pr ise dans son sens le p lus absolu , sans recon-
N A Î T R E aucune orthodoxie, et par conséquent aucune lie-




i.ii'l 1)K LA P A C I F l r . A T t O N H H1.1 G ! F F S L.


résie. il est donc inexact du représen te r IT'niver-Ué connue
ennemie sys témat ique du chr is t ianisme. Par suite de sa
liberté d 'a l lure , ITn ive r s i t é actuelle renferme, au m m traire,
un grand n o m b r e de catholiques pari'aileiineiî soumis à
l 'Église. Seulement , l 'Université actuelle est, en notable
part ie , fille du x v u r siècle ; comme telle, elle a ses p ré ten-
dons , ses pré jugés , ses e r reurs : elle crie contre les jésuhes
et admire Voltaire, 'l'ont eada s'en ira : ce n'est pas dan>
son essence, c'est dans son âge : il faut savoir la prendre
tedle qu'el le est.


Ce d e r n i e r conse i l , tout é t r ange qu'i l pa ra î t au fond,
ne m a n q u e p a s de bon sens : c 'est , en vér i té , ce (pie
n o u s n e d e m a n d e r i o n s p a s m i e u x de faire , si l ' i n i v e r -
sité voula i t s e u l e m e n t p e r m e t t r e à la l iber té d 'exis ter
a u p r è s d 'el le , si elle c o n s e n t a i t à d o n n e r aux ins t i tu t ions
l ib res l 'exis tence p r o m i s e p a r la Cha r t e , si elle ne faisait
p a s des efforts v r a i m e n t i nou ï s p o u r e m p ê c h e r i 'Éfal
d ' a ccompl i r cel te g r a n d e p r o m e s s e , si eiie ne se m o n -
trai t pas d i sposée à t ou t sacr i f ier , m ê m e la re l ig ion, à
t o u t c o m p r o m e t t r e , m ê m e l 'Étal , p lutôt q u e de c é d e r
q u e l q u e c h o s e d ' un m o n o p o l e don t l 'État c o m m e la
rel igion , don t la C h a r t e c o m m e la consc i ence , c o m -
m a n d e n t i m p é r i e u s e m e n t le sacrifice.


Oui , m a l g r é t an t de r e p r o c h e s qu i s ' é levaient c o n t r e
elle de tou tes les b o u c h e s , n o u s a u r i o n s été h e u r e u x de
vivre en pa ix avec elle, si elle ava i t v o u l u se con ten t e r
d 'ê t re u n co rps p u i s s a n t , d o t é , e n c o u r a g é de t ou t e m a -
n i è r e , h o n o r é des p lus g r a n d s pr iv i lèges .


Nous a u r i o n s été h e u r e u x de vivre en pa ix avec elle,
si elle n e voula i t pas ê t re en m ê m e t e m p s un co rps d e s -
p o t i q u e et j a loux , dépos i t a i r e d 'un m o n o p o l e exclusif, u n
co rps r e d o u t a b l e p o u r tou t ce qui n 'est pas lui , un co rps




DE LA PACIFICATION RELIGIEUSE. 237
qui , scion les exp re s s ions «le ~SL ï l i i e r s , par sa ténacité
•:t sa cohésion même, réalise exactement la pensée de
•'•on fondateur, c ' e s l - à -d i rc la p e n s é e d 'un d e s p o t i s m e
abso lu .


Aon, n o n , ce n ' es t p a s à n o u s qu ' i l a t enu et qu ' i l
l ien! e n c o r e q u e le g r a n d œ u v r e de la pacif icat ion r e l i -
g ieuse s ' accompl i s se !


Cer tes , j ' a i m a i n t e n a n t p lus que j a m a i s le d ro i t de le
dire : si la paix a élé t roub lée , ce n 'es t pas à n o u s qu ' i l
faut le r e p r o c h e r ; ce n ' e s t p a s n o u s qui avons déc l a r é
la g u e r r e ; ce n 'es t pas n o u s qu i l ' a \ o n s c o m m e n c é e .


La loi de 1836, et la d i scuss ion de 1837, don t j ' a i
p a r l é , sont des faits qu ' i l n ' e s t a u p o u v o i r de personne ,
d ' anéan t i r au jou rd ' hu i . Oui a r e n v e r s é de fond en
comble cet te l o i , cl le pro je t d ' un min i s t r e in te l l igen t?
Oui a mépr i sé le vote de la C h a m b r e des Dépu té s ? Oui
a voulu s o u m e t t i e les peti ts s é m i n a i r e s à la j u r id i c t ion
de l 'Universi té? Oui a fait i m p r u d e m m e n t e n t e n d r e ces
i nc royab le s apologies d ' u n e ins t i tu t ion don t t ou t e s les
\o ix d e m a n d a i e n t d e p u i s l o n g t e m p s la r é f o r m e ? Qui
n o u s a mis à la m a i n les a r m e s de la vé r i t é et de la j u s -
l ice, n o n - s e u l e m e n t p o u r défendre la l iber té d ' en se igne -
m e n t et les p r o m e s s e s de la C h a r t e , m a i s la l ibe r té r e -
l igieuse, l ' ex is tence et l ' h o n n e u r de nos peti ts s é m i -
n a i r e s ? qu i , s inon l 'Univers i té?


C'est l ' i m p r u d e n c e de n o s a d v e r s a i r e s , c 'es t la p r o v o -
cat ion de l eu r s a u d a c i e u s e s apo log ies , c 'est la v io lence
de l eu r s a t t a q u e s , c 'est la force des choses qu i n o u s a
p o u s s é s m a l g r é n o u s d a n s la lice.


11 est c o m m o d e a u j o u r d ' h u i de n o u s r e p r o c h e r q u e l -
ques excès de zèle, de r e l eve r la fo rme , que lquefo i s a r -
den te , de n o t r e p o l é m i q u e , d a n s u n e c a u s e qu i t o u c h e




2 3 3 l i é l .A l ' A C I f i C r f i M N l i h l . ' . G ! l . i ' S L .


à ce qu'il y a p o u r n o u s do plus sac re s u r ia lerre ;
m a i s d a n s le fond, c o m m e je c ro is devoi r ie faire obse r -
v e r enco re , si j ' e x c e p l e e s \ ivac i l c s q u ' u n poëte p h i -
l o s o p b e a l l r ibua i l à la faiblesse de la n a t u r e , (/mis hu-
ma na parurri caeit natura, c l don t Bossue t disai t : que
nui ne doit s'étonner que des liornines nient des défauts
humains, on n ' a r t i cu l e con t r e n o u s a u c u n grief, aucune
a c c u s a t i o n sou t enab l e . On ne sai t q u e n o u s r e p r o c h e r
d ' ê t r e sous l ' inf luence des j ésu i tes !


Non, n o n , la r e sponsab i l i t é des que re l l e s ac tuel les ne
pèse p a s s u r n o u s . Sur qu i d o n c pèse cet te g r a \ e r e s -
ponsab i l i t é ? Certes , ap r è s t a n t de t émoignages , poser
ce l l e q u e s t i o n , c 'est l ' avoi r r é so lue .


Veut-on la p a i x ? F.lle est facile à faire.
Que l 'Univers i té d e m e u r e l 'Univers i té de l 'État , avec


t o u s les plus r i c h e s et les p lu s glor ieux pr iv i lèges , nous
n e n o u s en p l a i n d r o n s pas .


Mais q u e la p r o m e s s e de la C h a r t e soit enfin s i n c è r e -
m e n t exécu t ée , q u e la l i be r t é soit d o n n é e ; et, a u x con-
di t ions les p lus j u s t e s et les p lus m o d é r é e s , l ' œ u v r e si
dé s i r ab l e p o u r tous de la paci f ica t ion re l ig ieuse ne la r -
d e r a pas à s ' accompl i r .


Je m e r é s u m e :
C'était le d ro i t du clergé de r é c l a m e r .
11 n ' a r é c l a m é que des l ibe r t é s légi t imes , un ive r se l l e -


m e n t d e m a n d é e s .
11 n ' a r é c l a m é ni l ibe r té i l l imitée , n i m o n o p o l e , ni


pr ivi lège.
11 n ' a p o i n t c a l o m n i é l 'Universi té : a t t a q u é dans ses


d ro i t s les p lus s a c r é s , il les a défendus . Il a rempl i u n
g r a n d devoir . 11 n ' a vou lu , il ne veut e n c o r e , que la paix
d a n s la l iber té , d a n s ia j u s t i ce .




De l'esprit national • du véritable esprit de la r évo lu t i on


française.


Quand on cons idè re les r é c l a m a t i o n s du c ierge , si lé-
gi t imes cl si m o d é r é e s ; q u a n d on m e t en r e g a r d les e n -
t raves de toulc n a t u r e multi]) l iées a u t o u r de lui et îes
a t l a q u e s v io len tes don t il est l o u l à c o u p devenu l ' ob je t :
q u a n d on pense s n r i o u t qu' i l n e d e m a n d e q u e des l iber-
tés p r o m i s e s , ce r tes on s ' é tonne qu ' i l pu i s se y a v o i r e n i r e
le c lergé et ses a d v e r s a i r e s des d i s s e n t i m e n t s si p r o -
f o n d s , et q u e les u n s disent a c c o r d e r ou t re m e s u r e ce
q u e les a u t r e s aff i rment l e u r ê t re e n t i è r e m e n t refusé :
é v i d e m m e n t , il \ a là q u e l q u e chose qui offusque les
inte l l igences de p a r i ou d ' a u l i e . Les pa s s ions n u i s e n t
aux p r inc ipes : ceux q u e la vér i té p o u r r a i t un i r , la m é -
fiance les d iv ise .


La méf iance ! voilà le moi ; ou i , je le r é p è l e à des se in ,
voilà Je m o l ; voila le n œ u d de la ques t i on . On sen t b ien
q u e la c h a r t e et. les l iber tés qu 'e l l e p r o m e t son t p o u r
n o u s , m a i s on c r a i n t qu 'e l les n e d e v i e n n e n t e n t r e nos
ma ins une a r m e r e d o u t a b l e ; on c r a i n t que n o u s n ' i n v o -




•ni) D E LA P A C I F I C A T I O N I! F 1.1 CI E F S F .
q u i o n s la le l i re de la C h a r t e p o u r en violer l ' e sp r i t ; on
dit que n o u s ne s o m m e s ni de no t r e p a y s , mi de no t r e
t emps ; q u e la l iber té n 'es t p o u r n o u s q u ' u n m o y e n de
d e s p o t i s m e ; que n o u s s o m m e s e n n e m i s de la r é v o l u -
t i o n , é t r a n g e r s a u vé r i t ab le espr i t n a t i o n a l ; q u e n o u s
l u t t o n s s o u r d e m e n t et i n c e s s a m m e n t con t re les p r o g r è s
de la soc ié té m o d e r n e , p o u r la l'aire i n d i g n e m e n t ré t ro -
g r a d e r ; et q u ' a u fond n o u s n ' a v o n s pas d ' au t r e pensée ,
p a s d ' a u t r e b u t , q u a n d n o u s r é c l a m o n s no t re p a r t de
d é v o û m e n t d a n s l ' éduca t ion de la j e u n e s s e f rança i se .


Ces injustes m é f i a n c e s , ces accusa t ions o d i e u s e s ,
n o u s n e les s u p p o s o n s p a s : a p r è s avoir été l o n g t e m p s
m é n a g é e s ou d i s s i m u l é e s , elles ont col in été p r o d u i t e s ,
p r o c l a m é e s d a n s un r a p p o r t et d a n s des in te rpe l la t ions
c é l è b r e s , et n o u s en r e m e r c i o n s n o t r e a d v e r s a i r e : ca r
il n o u s d o n n e au m o i n s la poss ibi l i té de lui r é p o n d r e .
En effet, s'il y a u n e p e n s é e qu i d o m i n e chez M. T h i e r s ,
c 'est q u e tout clans les c o n t r o v e r s e s p r é s e n t e s doi t ê t re
r a m e n é à la nécess i t é de c o n s e r v e r l ' espr i t na t iona l
p a r m i n o u s : c 'est qu ' i l faut r e p o u s s e r loin des fonct ions
de r e n s e i g n e m e n t t o u s ceux qu i p o u r r a i e n t ne p a s i n s -
p i r e r à n o t r e j e u n e s s e l ' espr i t de la r évo lu t ion f rançaise .
Sur ce po in t M. Th i e r s se cons t i tue le défenseur de la
société et de l ' espr i t m o d e r n e s ; il r é c l a m e avec force le
m a i n t i e n des p r é c i e u s e s c o n q u ê t e s de la révo lu t ion ;
pu i s il les pe r sonn i f i e en q u e l q u e sor te d a n s l 'Univer-
sité : elle seu le lui p a r a î t offrir des g a r a n t i e s et un ab r i
t u t é l a i r e p o u r l ' espr i t de d é v o û m e n t à la pa t r i e et à la
r é v o l u t i o n ; enfin, t o u j o u r s à ce m ê m e point de vue , il
l a i sse é c h a p p e r c o n t r e le clergé les ins inua t ions les p lus
ma lve i l l an t e s ; c 'es t le mo ins q u e je pu isse d i re .


C'est d o n c ici spéc i a l emen t à M. Th ie r s q u e nous




D E L A P A C ! I-'I C A T I O N R E E l Gl E l ' S E . - i l


a v o n s a fia ire ; c'est sa thèse q u e n o u s avons à d i scu te r ,
nous le ferons avec le sé r i eux q u e m é r i t e n t ces g r a n d e s
ques t ions , avec la conf iance q u ' i n s p i r e une b o n n e
cause , et auss i avec la f ranchise qui est d u e à un f ranc
a d v e r s a i r e .


C'est là, je le r é p è t e , u n e des sou rces les plus vives
des d i s cus s ions actuelles ; c 'est là u n e de ces préven-
tions qui ont susci té con t r e n o u s les ha ine s les p lu s i n -
j u s t e s et les plus invé té rées .


On ne s ' é tonnera d o n c pas que , d a n s le c le rgé ainsi
p r o v o q u é , une voix s 'é lève p o u r offrir au p a y s , su r u n
sujet si g r a v e , des exp l ica t ions l ongues peu t -ê t r e pa r ce
qu 'e l les son t i m p o r t a n t e s , et f r anches , p a r c e qu 'e l les
son t nécessaires à la vé r i t é , à la jus t i ce et à la paix :
c o m m e n ç o n s .


I. — H A U T E I M P O R T A N C E D ' U N E É D U C A T I O N N A T I O N A L E .


Tout au tant que Yl. ' f luors , je crois à la nécess i t é d 'une
éduca t ion n a t i o n a l e qui insp i re à la j e u n e s s e les sent i-
m e n t s dévoués d 'un géné reux p a t r i o t i s m e .


Tout a u t a n t (pie lui, j ' y a t t a c h e u n e s o u v e r a i n e im-
por t ance . Rien n ' i n t é r e s s e en effet à un p lus h a u t degré
la p rospé r i t é d 'un Étal .


Oui : c 'est l ' éduca t ion q u i , p a r l ' inf luence p ro fonde
qu'elle exerce s u r l ' ind iv idu et sur la famille, é l é m e n t s
prhni i i fs de toute socié té , fait les m œ u r s p u b l i q u e s ,
forme les ve r tu s socia les et p r é p a r e des mi rac l e s i n e s -
pérés de civil isat ion i n t e l l e c tue l l e , m o r a l e et r e l i -
gieuse.


Oui : c'est l ' éduca t ion , et l ' éduca t ion seu le , qu i fait
i . 10




: i 2 OE LA P A C I F I C A T I O N il E i. Í G ¡ E E S E .


la g r a n d e u r des n a l i o n s , qu i m a i n t i e n t l e u r s p l e n d e u r ,
([ui p rév ien t l e u r d é c a d e n c e , et qu i , a u b e s o i n , les r e -
èvc de l e u r c h u t e .


Il ne faut j a m a i s d é s e s p é r e r du g e n r e I m m a i n et de
sou a v e n i r , p a r c e q u e le gen re I m m a i n passe et se r e -
nouvel le s a n s cesse , et ne vil j a m a i s p lus d'un s i èc le ;
il n e faut m ê m e p a s d é s e s p é r e r d ' une na t ion , p a r c e
qu' i l y a t o u j o u r s u n t ie rs de la na t ion qu i est à l 'état
d ' enfance , qui v ient de na î t r e et g rand i t , et qu 'on peu t
b i e n élever .


Tou te la ques t ion est t o u j o u r s là.
Il ne s 'agit q u e de déc ide r le s econd t ie rs de la n a -


t ion, qu i est en g é n é r a l c h a r g é de ce so in , à bien élever
le p r e m i e r .


Cela dev ra i t ê t re facile, ca r c'est l ' in térêt de t o u s .
ba j e u n e s s e , si elle a élé b ien élevée, a t t e n d r a plus


p a t i e m m e n t q u e l 'âge m û r ait fini son rojo, et ne v i end ra
p a s le c h a s s e r b r u s q u e m e n t de la scène .


Q u a n t aux h o m m e s don l les a n n é e s ont m û r i et con-
s o m m é la s a g e s s e , chez qui les pas s ions v io len tes et
l ' a r d e u r des in té rê t s p e r s o n n e l s sont é te in tes ; ceux-là
ont t o u j o u r s é l é favorab les à la b o n n e éduca t ion de la
j e u n e s s e : n o n - s e u l e m e n t ils y c o n s e n t e n t vo lon t ie r s ,
p a r c e qu ' i l l eu r faut des é g a r d s , m a i s ces h o m m e s g raves
on t ici des v u e s p lu s p ro fondes . Combien de fois u ' a i - j e
p a s e n t e n d u les v ie i l l a rds , élevés p a r le m a l h e u r des
t emps a ï'e'co/e cíe / 'imfífliú'euce p/uYosopfu'que, appfau-
dir avec b o n h e u r a u m o u v e m e n t re l ig ieux qu i en t r a îne
l e u r s j e u n e s f i l s ! Sans d o u t e ils v o u d r a i e n t l eur é p a r -
gner la tr iste expé r i ence de l eu r s e r r e u r s ; et voilà p o u r -
quo i ils n o u s p a r l e n t , avec u n e si g é n é r e u s e f ranchise ,
de l eu r s é g a r e m e n t s et de l e u r r e t o u r , et n o u s a v o u e n t




que leur j e u n e s s e l u i mo ins h e u r e u s e m e n t é levée que
la no i re .


il n'y a pas j u s q u ' à ces h o m m e s h o n o r a b l e s qu i o n t
vieilli b a n s nos c a m p s p o u r la défense du p a y s , et aux-
quels le t u m n l t e de haut de g u e r r e s avai t r e n d u les sa in tes
h a b i t u d e s d e l à rel igion p lus é t r a n g è r e s , q u i ne veui l len t
aujourd'hui et n e réclament p o u r l eu r s fils, comme p o u r
l e u r s filles, une éduca t ion c h r é t i e n n e , et qu i , m ê l a n t
leurs souven i r s do gloire à l eu r s l eçons do ve r tu , n e se
plaisent à r e d i r e q u e l 'Kuipercur avait de la re l ig ion et
m é p r i s a i t les impies .


Quoi qu ' i l en so11, il n e faut j a m a i s d é s e s p é r e r n i du
genre h u m a i n , ni d 'une na t ion : Dieu les a faits guéris-
sables, dit la sagesse é te rne l le .


La forte éduca t ion dos g é n é r a t i o n s n a i s s a n t e s peut
tout changer , tout r é g é n é r e r : et de là le sens profond
de la parole 1 de Leibnitz : J'ai toujours pense qu'on ré-
formerai! genre humain si on réformait l'éducation
de la jeunesse.


Oui, ce r l e s , il es t d igne de ceux aux m a i n s d e s q u e l s
r epose le g o u v e r n e m e n t des p e u p l e s , il est d igne des
pensées d'un ro i sage c l p r é v o y a n t de faire de l 'éduca-
tion de la j eu t i c - sc l 'objet de la plus h a u t e so l l ic i tude .


L 'es! pour eux un droi t , c 'est p o u r eux auss i un de-
voir : la société et la famille ne p e u v e n t se p a s s e r de
celle au to r i t é s u p r ê m e , do cel le intervention tutelaire,
p o u r v u toutefois quelle n e d e v i e n u e j a n i a i s u n e opp re s -
sion ; la société et la famille en souffriraient.


C'est a p r è s avo i r m é d i t é ces choses q u e je lis s a n s
é tonnemen t ce que les p lus g r a n d s génies de l ' an t iqu i t é
ont écrit su r les devo i r s imposés en cet te g r a \ e m a t i è r e
aux législateurs et aux chefs des n a t i o n s . Je les r ed i r a i




M í OH I.A P A C I F I C A T I O N li K 1.1GI K ( S K.


oes bel les p a r o l e s : il est ut i le à t ons de les médi te r : il
n 'est pas i n d i g n e d 'un prêtre, do les rappeler à ceux qui
sont ;'i la veille de p r e n d r e les décis ions les plus i m p o r -
tan tes aux. d e s t i n é e s de son pays . Files se rv i ron t du
m o i n s à p r o u v e r a u x g é n é r a t i o n s fu tures q u e si l 'édu-
ca t ion p é r i t en F r a n c e , e t si la F r a n c e péri t q u e l q u e
j o u r pa r défaut d ' é d u c a t i o n (Dieu qu i la protège ne le
p e r m e t t r a p a s 1) ce n ' e s t po in t p a r c e q u e nous au t r e s
c a t h o l i q u e s n o u s a u r o n s r e p o u s s é l ' au to r i t é de l 'État et
son i n t e rven t ion tu lé la i re .


Le législateur, dit P l a ton , ne donnera pas a l'éduca-
tion le dernier, ni même le second rang dans sa pensée :
il n'oubliera jamais que si IRA générations sont élevées
dans la vertu, le vaisseau de l'Etat ne chancelle pas:
mois que si je m'arrête; je ne veuer pas effrayer


ceux qui, dans un Etat naissant, craindraient de sinis-
tres présages, ( P i . v r o x , Lois.)


Le magistral qui preside a l'éducation, con t i nue le
m ê m e p h i l o s o p h e , n'aura ¡IAS moins de cinquante ans :
l'homme choisi pour cette place et ceux qui le choisiront
doivent savoir (pie parmi les grandes fonctions de l'Etat,
il n'g en a pas de plus noble et de plus sacrée.


Voilà p o u r q u o i Cicerón ne c ra in t pas d 'affirmer /pu-
le plus bel emploi de la sagesse /les rir illards, c'est l'édu-
cation de la jeunesse.


Certes , a p r è s de si g r a v e s pa ro le s , je m e crois a u t o -
r i sé à le d i re :


Le m i n i s t r e de l ' éduca t ion chez un g r a n d peup le est
r evê tu de la p l u s l ian te fonction sociale : r i en n 'égale
son i m p o r t a n c e . Mais je t r o u v e r a i s sage la na t ion qui ne
le c o n d a m n e r a i t p a s à s u b i r les ag i t a t ions de la pol i -
t ique . Je le p l ace ra i s d a n s u n e région s u p é r i e u r e aux




Î)K L A P A C l I ' l (".AT HI N Ji E L l G! L L'SL î î


orages . Je le vomi ra i s t ou jou r s , se lon la p e n s é e de Pla-
lon, dans la force, et c e p e n d a n t d a n s la p lus g r a v e m a -
turi té de l 'âge. J ' en ferais la p lus h a u t e m a g i s t r a t u r e de
m o n pays .


Un h o n o r a b l e m e m b r e de la C h a m b r e des Dépu té s
m 'ava i t p r é v e n u d a n s ces p e n s é e s , l o r squ ' i l disai t :


Je voudrais que, sons cesser d'être sous la haute sur -
v i s Paner do l ' idai, le chef de roi te adminis t ra t ion ne fui pas
ee que amis appelons un personnage pol i t ique, un die ceux
qui entrent et qui sortent , qui para issent et qui d i spa ra i s -
sent à chaque vicissitude de. cabinet . S'il y a, en effet, une
adminis t rat ion dont le chef doive para î t re supér ieur à
celle sphère flans laquelle s 'agitent ces int r igues qui nous
ont affligés si souvent cl qui encore , il y a pou de jours ,
bourdonnaient de Inities paris autour de nos oreil le- , c'est
surtout celle qui est chargée de la .haute et noble me-sion
de former l 'esprit de la jeunesse française. M. de Sade.,!


Si j ' é t a i s appe lé à d o n n e r des conse i l s à u n ro i , je lui
dira is : qu ' i l faut t o l é re r b i en des c h o s e s d a n s l 'étal
maladif de nos vieilles soc ié tés , m a i s la m a u v a i s e é d u -
cat ion de la j e u n e s s e , j a m a i s .


11 faut u n e i ndu lgence e x t r ê m e p o u r t o u t e s les opi-
nions pol i t iques , fl y a des é p o q u e s si t r ave r sées que ce
n 'es t pas s e u l e m e n t sagesse , c 'est jus t i ce .


fl faut oubl ie r le p a s s é ; il faut p a r d o n n e r b e a u c o u p ,
il faut réconci l ie r . La pa ix au d e d a n s , avec le r è g n e des
lois : la paix au d e h o r s , avec h o n n e u r , c 'es t le t r ava i l
et l ' œ u v r e d ' une sagesse s u p é r i e u r e .


La paix est me i l l eu re q u e la g lo i re ; la pa ix est p lus
douce q u e t ous les fruits de la c o n q u ê t e ; m a i s d a n s la
sécur i té que d o n n e u n g lor ieux r e p o s , les g o u v e r n e u r s




;>ir. J»E LA P A C I F I C A T I O N l \ K L ! ( i I K l ' s r .


des peup le s do ivent avan t tord vei l ler à la b o n n e é d u -
ca t ion de la j e u n e s s e qui cro î t et se mul t ip l i e s u r le
sol de Ja p a i r i e , à l ' o m b r e b ienfa isante de Ja pator ; c a r
a u t r e m e n t , ce qu i est h o r r i b l e à d i re , la g u e r r e sera i t
p ré fé rab le : la g u e r r e , qui affermit les fîmes, qui ies ar-
r a c h e à la mo l l e s se , que fo rme les c o u r a g e s , qui e n -
fante les g é n é r o n s d é v o û r n e n l s , qui fait les p 'mpios
for t s , et d o n n e au mo ins les vé r in s mfdes et gue r r i è res .


En r e p a s s a n t les leçons de l 'h i s to i re , il y a des faits
qu i f rappent s ingu l i è r emen t ci qui d é m o n t r e n t la h a u t e
inf luence , l ' inf luence i m m e n s e de l ' éduca t ion m o r a l e s u r
la des t inée des p e u p l e s .


Chez ies R o m a i n s , au t emps de la r é p u b l i q u e , l ' ins-
t r uc t i on fut fa ible , il e s ' v r a i ; on savait pou : l ' éduca -
t ion m o r a l e (hait forte ; on a p p r e n a i t à travail ler et à
souffrir : la r é p u b l i q u e m a r c h a à la c o n q u ê t e du m o n d e .


Le m o n d e c o n q u i s , sous l ' E m p i r e , l ' ins t ruct ion fut
é t e n d u e , m a i s l ' éducat ion faible et mol le ; l ' e m p i r e
t omba .


Au m o y e n âge l ' i n s t ruc t ion était r a r e et b o r n é e ; mais
d a n s les h a u t e u r s de l ' o r d r e social , il y avait une forte
é d u c a t i o n ; il y eu t de g r a n d e s choses .


P a r m i n o u s , q u ' o n m e p e r m e t t e do le d i re , au jou r -
d 'hu i , l ' i n s t ruc t ion p a r a î t for te : l ' éduca t ion est faible,
la F r a n c e souffre et se p la in t , et il \ a peu t -ê t re là le
secre t de l ' indéf in issable ma l a i s e qu i n o u s t r ava i l l e et
qui n ' e s t con t e s t é p a r p e r s o n n e .


H e u r e u s e m e n t , je le r é p è t e , il est t ou jou r s temps de
s a u v e r u n e n a t i o n , de s a u v e r le gen re h u m a i n , et il y a
u n p r o b l è m e h i s t o r i q u e q u e je m e p r o p o s e île p o s e r ,
d ' é tud ie r et , s'il p la î t à Dieu, de r é s o u d r e q u e l q u e jou r ,
savo i r : si , p a r u n e g r a n d e loi p rov iden t ie l l e et m o r a l e .




il arrive j a m a i s q u e les p e u p l e s pé r i s sen t , s inon p a r d é -
faut d ' é d u c a t i o n .


Après ces c o n s i d é r a t i o n s g é n é r a l e s , d a n s l e s q u e l l e s
j ' a i le bonheur de me r e n c o n t r e r avec M. T h i e r s ; a p r è s
avoir posé ces p r inc ipes incon te s t é s sur l ' i m p o r t a n c e
na t iona le d ' une b o n n e é d u c a t i o n , j ' o u v r e son r a p p o r t , et
je c h e r c h e c o m m e n t il définit l ' espr i t na t i ona l qu i doit
i n sp i r e r l ' éduca t ion de la j e u n e s s e f r ança i se .


11. — COMMKXT U. r U T K.\TI:.XI>r,E U X K ÊDl'CATTOX V n A I M K X T
X A Ï T O X A I . K .


« L'Etat, dit M. Thiers, a le droit de faire élever Ven-
fant d'une manière conforme a la con.-diiuliun du
pays L'Etal, dit-il e n c o r e , a le droit de vouloir ipémi
eu fasse un citoyen idein de l'esprit de la constitu-
tion » Voilà les p r e m i è r e s p a r o l e s de l ' au t eu r . Je
cherche à en p é n é t r e r le s ens . Sans d o u t e , elles d o i v e n t
s ' accorder avec celles qu ' i l a p r o n o n c é e s p lu s i eu r s fois
à la C h a m b r e , d a n s la d i scuss ion des b u r e a u x : La
jeunesse, disait-il a lo r s , devait être jetée dans un moule,
et frappée à l'effigie de l'Étal. C e p e n d a n t cet te p e n s é e
se t rouve é t r a n g e m e n t modifiée d a n s le r a p p o r t , et


l o r sque j ' y vois l ' h o n o r a b l e Ài. Th i e r s d i re en se se rvan t
d e l à m ê m e m é t a p h o r e , q u e si l'État voulait jeter la jeu-
nesse dans un même moule et la frapper comme une
monnaie a son effigie, la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t se ra i t
anéantie, je dois l ' avouer , m a p e n s é e s ' e m b a r r a s s e avec
la s i e n n e ; que veut-i l d i re?


Cette de rn i è r e déc la ra t ion p a r a î t a s s u r é m e n t fort
expresse ; m a i s elle p r é s e n t e d a n s les fe rmes u n e c o n -
t rad ic t ion si é t r ange avec la déc la ra t ion p r é c é d e n t e , q u e




2-i8 D E L A P A C I F I C A T I O N ' R E l . ICI E F S E


m o n espr i t ne suffit p a s à les conci l ier . Je n e veux pas
me d o n n e r l ' avan tage d ' o p p o s e r p lu s l ong t emps l 'habi le
r a p p o r t e u r à l u i -même : m a l g r é l ' a p p a r e n t e c o n t r a d i c -
tion des t e r m e s , m a l g r é l ' i nvo lon ta i re h o m m a g e r e n d u
au p r inc ipe de la l iber té , il es t t rop clair q u e la vér i -
table p e n s é e de M. ï h i e r s est d a n s la p r e m i è r e de ses
d e u x a s s e r t i o n s ; j ' e n ai p o u r g a r a n t ses ins t inc t s et ses
g o û t s , ses h a b i t u d e s d ' e sp r i t et ses p e n c h a n t s pol i t i -
q u e s ; et son r a p p o r t m ' e n fou rn i r a p lus d ' une p reuve-


Ainsi, t ou t en r e c o n n a i s s a n t q u e ce système est peu
conforme au génie des luttions modernes , M. ï l i i e r s
t r a h i t les s y m p a t h i e s qu ' i l lui i n s p i r e , lorsqu ' i l lui a t t r i -
b u e un caractère de force j>lus grand.


Ainsi, dit-il e n c o r e : Gardons-nous de calomnier celte
prétention de l'Etat d'imj/oser l'unité de caractère a la
nation, et de la regarder comme une inspiration de la
tyrannie.


Il va j u s q u ' à a jou te r : On pourrait presque dire, au
contraire, que cette volonté forte de l'Etat d'amener Ions
les citoyens à un type commun, s'est proportionnée au
patriotisme de cluique pays.


Et je suis a m e n é n a t u r e l l e m e n t à s igna ler ici dans son
r a p p o r t u n e l a cune s ingul iè re don t j ' a i pe ine à m e
r e n d r e c o m p t e , et don t j ' a i vu des h o m m e s pol i t iques
p lus f rappés e n c o r e q u e mo i . L ' au t eu r veut r a p p e l e r
comment nos premières assemblées nationales enten-
daient la liberté d'enseignement : on croi t n a t u r e l l e m e n t
qu ' i l va p a r l e r de l 'Assemblée c o n s t i t u a n t e , de l 'Assem-
blée l ég i s l a t ive , q u i , t ou t e s d e u x , ava ien t p r o c l a m é
ce t te l iber té . Pas du t o u t : il oubl ie c o m p l è t e m e n t 89
et 9 1 , et, n e se s o u v e n a n t q u e de 9 3 t il n e n o u s pa r l e
q u e de la Conven t ion na t iona l e : Si nous avons songé un




D E J.A PACIFICATION Ii F L I G 1 E F S E . 310


moment, dit-i l , à imposer d'une manière absolue le joug
de l'Ktatsur l'éducation, c'est sous la Convention natio-
nale, au moment D E LA P L U S G R A N D E E X A L T A T I O N
P A T R I O T I Q U E Et , l 'on m e p e r m e t t r a de l ' a jouter , au
m o m e n t des v io lences les p lus t y r a n n i q u e s de la r é -
vo lu t ion , s o u s les i n sp i r a t i ons de Danton et de Robes-
p ie r re .


Quel qu ' en soit le motif, vf. Th ie r s m e t v r a i m e n t une
compla i sance t rop s ingul iè re à expose r d a n s son r a p p o r t
les délai ls et les cond i t i ons de la L iber té d ' en se igne -
m e n t , telle q u e l 'avait d é c r é t é e la Conven t ion n a t i o -
na le . Je cite t e x t u e l l e m e n t :


Les instituteurs devaient être tous élus par le peuple,
c/ui alors était l'Etat. Les ci-devant prêtres, les ci-de-
vants nobles ( e x p r e s s i o n s des lois du t e m p s ) étaient
crei a s de l'enseignement. Il fallait, avant d'être élu, avoir
un certificat de civisme (c 'es t -à-dire de h a i n e à la r e l i -
gion et à la r o y a u t é ) . Le choix des livres était fixé par
un décret. J J I Constitution de l'an III et la Déclaration
des droits de l'homme étaient la base de l'enseignement.
Pour principale instruction inorale, on devait, chaque
décadi, raconter les hauts faits de nos armées. Enfin,
l'enseignement était gratuit, mais les parents étaient
obliges d'envoyer leurs enfants à ces écoles de la nation,
trois ans au moins, sous des peines sévères.


Je ne sais si je m ' e x a g è r e m e s i m p r e s s i o n s , ma i s il
m e semble q u e le p r e m i e r s e n t i m e n t q u ' o n é p r o u v e en
l i sant ces doc t r ines et ces s o u v e n i r s d a n s un pro je t de
loi p r é sen t é à la F r a n c e en Ì8UU, c 'es t la s u r p r i s e : on
s 'a t tend au mo ins q u e le r a p p o r t e u r n e les r a p p e l l e q u e
p o u r les flétrir s a n s r é s e r v e , c o m m e doit ê t r e flétri tout
ce qui viole les d ro i t s de la c o n s c i e n c e et de la n a t u r e ;


i Iß-




250 0F. i. A P A C I F I C A T I O N l i E L I G I F F S F .


et c e p e n d a n t c'est le con t r a i r e qui a r r i v e : M. Tluers
avoue bien qu' i l n e faut p a s , en cela , imi t e r la Conven­
t ion, mais il ajoute aussi tôt qu'il ne fai>t pas non plus
la (h'Irir.


En s o r l e q u e tout ce q u e l 'on peut d i re , et de l'exclu­
sion des ci­devant prêtres et des ci­devant nohl.es, et de
ce certificat de civisme, et de cette Constitution de l'an lll.
et de celle Déclaration des droits de l'homme, servant de
base, a l'enseignement, el de celte instruction monde ré­
duite au récit des hauts faits militaires, el (b loul ce
s y s t è m e , le plus impie cl le plus t x r a u n i q u c qui lut j a ­
m a i s , c'est qu ' i l n 'es l pas imi tab le pour le m o m e n t ,
m a i s q u ' a u fond il n 'es t pas r a d i c a l e m e n t m a u v a i s ;
qu' i l l'an! se g a r d e r de le flétrir, p a r c e q u e c'est, un
dél i re , c'e^t un dél i re de p a t r i o t i s m e , don l on p o u r r a i t
t i rer parl i d a n s l 'occas ion.


Kb b i e n ! moi , je n 'hés i t e p a s à le f l é t r i r ; el que
VI. Thic r s m e p e r m e t t e de le lui d i r e , il l 'a flétri lu i ­
m ê m e en le r a p p e l a n t .


Unis c o m m e n t iguore­t­il q u e ce délire fut ilélri p a r la.
Convent ion n a t i o n a l e e l l e ­ m ê m e , l o r s q u e les j o u r s les
[dus d é t e s t a b l e s d 'une sang l an t e domina t ion furent
p a s s é s ?


C o m m e n t M. Thie r s ne sai l ­ i l pas ({no le 27 v e n d é ­
mia i r e an IV, D a u n o u s 'écr ia i t , aux a p p l a u d i s s e m e n t s
de l 'Assemblée : Robespierre, qui vous a aussi entrete­
nus d'éducation, a trouvé jusque dans ce travail le se­
cret d'imprimer le sceau de sa tyrannie slupide, par la
disposition barbare qui arrachait l'enfant des bras de
sou père, qui faisait une dure servitude, du bienfait
de, l'éducation, et qui menaçait de la prison, de la mort,
les parents qui auraient p и et voulu remplir eux­mêmes




пк i . \ P A C I F I C A T I O N П К Ь К Л Е Г & К . 251


les plus dou.r devoirs de la nature, la plus sainte fonc­
tion de la jialcrnite.


VA voilà ce que M. Thie r s n o u s défend, à n o u s , de
flétrir ! Une tyrannie slupide et barbare !


Pour n o u s , cont inua i t D a u n o u , n o u s nous s o m m e s
dil : Liberté de­ l'éducation domestique, liberté des eta­
blisscmenls particuliers d'éducation: n o u s a v o n s ajouté :
Liberté des méthodes instructives.


O l t e triple l iber té , ainsi p r o c l a m é e en pleine Conven­
tion, est le cri de la n a t u r e , el , je dois r a j o u t e r , u n e
énerg ique leçon d o n n é e au t emps p r é s e n t , une leçon
dont il serai t é t r ange q u e nous n e suss ions pas p r o ­
filer.


M. Tliiers ajoute q u e , tout eu a c c o r d a n t une certaine
diversité dans les régimes d'éducation ( c a r à ses yeux
la l . ibr i té d ' e n s e i g n e m e n t ne doit pas ê t re au ire chose ,,
nous dévoies être jaloux de conserver l'un des grands
mérites de la nation française, c'est l'unité qui fait sou.
trait disliuelif el sa principale force.


Pour lui d o n c , sauf une. certaine diversité, la l i be r t é
de l ' éduca t ion , ce sera i t le type c o m m u n , le type le plus
conforme à l 'État , ce sera i t la j e u n e s s e je tée d a n s un
m ê m e moule , frappée c o m m e une m o n n a i e à l'effigie de
l 'État ; ce sera i t au fond l'unité a b s o l u e , s a u f u n e ce r t a ine
divers i té qu' i l veut bien a c c o r d e r , afin que les pères de
famille puissent suierc, selon ses e x p r e s s i o n s , les pen­
chants de leur civnr, les vues de leur ambition el tes
scrupules de leur conscience.


Mais de quel le uni té s 'agit­ i l? C'est s a n s d o u t e de l 'u ­
ni té m o r a l e , la seule don t il soit ici v é r i t a b l e m e n t q u e s ­
tion. Mais, chose s ingul iè re ! on n e n o u s d o n n e p o u r
exemple que l 'uni té t e r r i to r i a le et pol i t ique ; c o m m e si




•iï> 1>K I, S PAC. I F 1C AT I ON H F F 1G1 F F S F.


l 'uni té de r a c e , l ' un i té de t e r r i l o i r e t o n n a i e n t néces sa i -
r e m e n t l 'un i té de v u e s , de s en t imen t s et de pensées .
Mais a u j o u r d ' h u i en Espagne , où il n 'y a ni des Irlan-
dais comme en Angleterre, ni des Hongrois comme en
Autriche, ni des Polonais comme en Prusse, d i r a - t - o u
p o u r cela q u e les Espagnols sentent, pensent et veulent
la même chose, a insi qu ' i l est di t des F r a n ç a i s d a n s u n e
des pages du r a p p o r t ? El su r cet te d e r n i è r e asser t ion ,
j ' a u r a i s u n e o b s e r v a t i o n i m p o r t a n t e à l'aire.


Que la F r a n c e , p a r sa posi t ion t e r r i t o r i a l e , offre une
pu i s san t e un i t é ma té r i e l l e , c 'est un incon tes t ab le et pré-
c ieux bienfai t de la P r o v i d e n c e qu i de l u i - m ê m e peut
favor i se r h e u r e u s e m e n t l 'un i té mora l e . Mais c e r t e s ,
q u a n d l ' a n a r c h i e d a n s les c r o y a n c e s et l ' égo ïsme d a n s
les c œ u r s ont j e té p a r m i n o u s des divis ions si m a l h e u -
r euse s et si p ro fondes , p o u v o n s - n o u s n o u s glorifier à
cet éga rd , et d i re avec M. Th io r s q u e tous les Français
sentent, pensent et veulent la même chose? et c o m m e n t
l'a-t-il p u d i re l u i - m ê m e , l u i , m e m b r e d ' une a s s e m b l é e
po l i t ique où les d i s s e n t i m e n t s sont si e x t r ê m e s , les
pa r t i s si p r o n o n c é s , et les c o m b a t s de c h a q u e j o u r si
a r d e n t s ?


J 'a i c h e r c h é v a i n e m e n t j u squ ' i c i d a n s la pensée de
M. T h i e r s des l u m i è r e s ce r t a ines su r ce que doit ê t re
p a r m i n o u s u n e éduca t i on v r a i m e n t n a t i o n a l e , et de
quel le un i t é il veut pa r l e r .


Il se p l a in t l u i - m ê m e de la mobi l i t é de la n a t i o n , d a n s
un langage don t la sévé r i t é p e u t lui ê t re p e r m i s e , m a i s
q u e j e ne m e p e r m e t t r a i s pas ; je ferai o b s e r v e r s e u l e m e n t
a que l po in t ce qu' i l a v a n c e con t r ed i t ses p r é c é d e n t e s
a s s e r t i o n s et r e n d difficile à sa is i r sa pensée vér i t ab le :
Noos avons présenté, dit M. T h i e r s , toutes les faces de




1)K I.A P A C I l ' K . A Ï ION i ì K I . K i l ì ' . L S K


la société humaine : aprcs avoir été Athéniens avec Vol-
taire, nous avonsun moment voulu être Spartiates sous
la Convention, soldats de César sons Napoléon.


VA celle mobi l i t é nationale va j u s q u ' à a t t r i s t e r M.Thiers
l u i -même . Quoi, s ' éc r ie - t - i l , nous serions donc toujours
destinés a donner le même spectacle de contradiction et
de mobilité l En 't79,">, nous ne voulions epue la liberté
presque sa us gouvernement ; en 1300, que le gouverne-
ment sans aucune liberté; en 180(1, que la gloire; en
IS 1.1, que le repos ; en \ 8 "2 5 , nous proclamions les ser-
vices rendus a la société par Voltaire et Rousseau, et
aujourd'hui mais ne saurions plus concilier les idées
religieuses ave!' l'étude de la philosophie'. Songeons,
Messieurs, que le, monde nous regarde, et qu'il n'est pas
disposé a nous juger avec indulgence. Songeons qu'il
nous traite comme ces personnages auxquels on ne par-
donne viiir ne serail-t e que pour se venger de leur pré-
sence trop continue sur ta scène.


V.n v é r i t é , celui qui a écr i t de (elles pa ro le s peut
bien n o u s p e r m e t t r e de lui d e m a n d e r c o m m e n t , en p ré -
sence d ' une mobi l i té pare i l le et p a r m i des con t r a r i é t é s
si é t r anges , il c o m p r e n d cet te u n i t é , ce type c o m m u n
d ' édnca l ion na t iona le d o n t il n o u s pa r l e .


.Mais ce n 'es t pas tout : j e lis p lus b a s qu ' i l faut don-
ne r aux enl'anls un esprit conforme a l'esprit de leur
temps; ce l l e s j ' e n suis d ' a v i s , et j e d i ra i bientôt de
quel le m a n i è r e je l ' en t ends , m a i s je n e sais de que l le
m a n i è r e l ' en tend l ' h o n o r a b l e M. Th ie r s . L ' espr i t de
l e u r t e m p s ! mais de que l espr i t el de que l t e m p s s'a -
gil-il? Vous venez v o u s - m ê m e , dirais- jc a u r a p p o r t e u r ,
vous venez de r e c o n n a î t r e avec d o u l e u r l ' i ncons tance
et la pe rpé tue l l e mobi l i t é de l ' espr i t du t emps p a r m i




Vsi !:!•; LA i-Ai.I HCAÏTON UELlUI ia SE.


n o u s : de que l le m a n i è r e vou lez -vous q u e Ton y c o n -


fo rme i ' éduca l ion de la j e u n e s s e ?


Vous d e m a n d e z auss i q u e les enfants so ien t é levés


dans l'amour de la ecrnstitulioii ; à la l ionne h e u r e , m a i s
c o m m e n t l ' e n t e n d e n t ceux qu i g é m i s s e n t , c o m m e


ai. T h i e r s , de ce qu ' i l y a eu en F r a n c e tant de cons t i -


tu t ions d ive r ses ou m o i n s de dieux g é n é r a t i o n s ?


Vous d e m a n d e z , dirais- je e n c o r e à T h i e r s , q u e les


enfants soient de leur siècle ; et mo i auss i j e le d e m a n d e ,
et je v o u s e x p l i q u e r a i b i en tô t ce q u e j ' e n t e n d s p a r l a .


Mais je ne sais is pas b ien d a n s voire pensée les a v a n -


tages qui en r é s u l t e r a i e n t ; ca r p e r s o n n e n ' a jugé plus


s é v è r e m e n t q u e vous ce s iècle. Vous lui r e p r o c h e z d 'ê t re


ros i n e r/r a u s s i u.\ l u x M ' i .cAiitr.; vous ajoutez q u e lors-
'in il sort un instant des intacts matériels, il ne cherche.
>du>; dans les arts que des :_ouleu>s fausses et outrées, à
ce po in t qu ' i l vous fait c r a i n d r e au abaissement moral
qui n>précipiterait, si on éloignai1 l'enfance des sources
du beau antique, du beau simple.


Mais voici qui es t p lu s é t r a n g e e n c o r e ; ce siècle, tout
vulgaire qu'il est, et à l ' Image d u q u e l M, Th ie r s veu t
que la j e u n e s s e soi t f a ç o n n é e , H l ' appel le un siècle or-
gueilleux de lui-même.


Et vou lan t p r ë c a u l i o n n e r les enfants con t r e son i n -


( iuence, il d e m a n d e q u ' o n ne surereiic pas leur esprit
par la beauté souvent exagérée des lettres modernes.
Laissons, laissons, Messieurs, c o n t i n u e - l - i l , l'enfance
dans l'antiquité; le temps du monde réel arrivera tou-
jours assez toi, ne le luttons pas par l'éducation.


Et il faul ici q u e j ' i n t e r r o g e e n c o r e u n e fois M. Th ie r s ,


il faut q u ' a u mil ieu de c h o s e s , à m e s yeux du m o i n s , si


c o n t r a d i c t o i r e s , j e l ' ad jure de me di re quel le est sa




])K I.A P A C I F I C A T I O N H E L i (J ! K F s E. Ï5Ô


pensée ci. cf.' <p.'il dés i re : c a r plus j ' é t u d i e son l angage ,
p lus j ' y t rouve une t r a n s p a r e n c e superf ic iel le , et c o m m e
une clarté t r o m p e u s e qui obscurc i t la vér i té : on va au
fond, on croi t sa is i r q u e l q u e c h o s e , et on ne t rouve r ien ,
ou des l u e u r s qui a b u s e n t ; et c o m m e n t s'y r és igner ,
l o r squ 'on est en face d 'un espr i t auss i é m i n e n t , auss i
luc ide q u e M. Th ie r s ?


Enfin ce type d ' éduca t ion na t iona le (pie je ne
pu i s p a r v e n i r ni à c o m p r e n d r e ni à sa is i r , M. Th ie r s
semble jo personnif ier dans l ' t n i v e r s i t é . .Mais ici e n -
core de nouvel les con t r ad i c t i ons a u g m e n t e n t m a s e m -
b a r r a s .


Les t i tres exclusifs q u e l 'Univers i té a aux yeux de
l ' au teu r pour é lever la j e u n e s s e , je les con tes t e : et il les
contes te lu i -même sans le vou lo i r ; j ' a jou te q u e je les
trouvai souven t aussi au m ô m e degré d a n s les h o m m e s
qu'i l veut é lo igner de l ' éduca t i on .


Ainsi Je p r e m i e r de ces t i t res , c 'es t q u e l 'Universi té
est de créa t ion impér i a l e .


J ' a r rê te l ' a u t e u r à ce t te p r e m i è r e aff i rmation : Non,
l 'Univers i té do F r a n c e n 'es t p lus , sous les r a p p o r t s les
p lus essent ie ls à l ' éduca t ion , ce qu ' é t a i t l 'Universi té
impér ia le .


1" Les préceptes de la religion catholique ue sont plus
el ne peuven t plus ê t re la base de sou enseignement,
comme, l 'avai t exigé l ' E m p e r e u r .


*2" Bien q u e l ' E m p e r e u r p e n s â t , a ins i q u e l ' obse rve
M. Th ie r s , q u e ïhabil de moine n ' e s t pas i nd i spensab l e
p o u r c r ée r un espr i t de c o r p s , le cél ibat et la vie c o m -
m u n e lui ava ien t pa ru néces sa i r e s aux in s t i t u t eu r s de la
j eunesse : il les exigea.


Le cél ibat et la vie c o m m u n e ne sont p lus et ne p e u -


i . 1 7 *




ï.V; !>K I.A P A C I F I C A T I O N HEL1G1EFSK.


\ e n t p lus ê t re exigés a u j o u r d ' h u i d e s m e m b r e s de l'U-
nivei 'sité : ce t te différence est cons idé rab l e .


?>" Enfin il a é té d é m o n t r é j u s q u ' à l 'évidence q u e le
consei l roya l ac tue l ne r e s s e m b l e en r ien a u consei l tel
qu ' i l existai t sous l 'Empi re .


Et si l ' é t ab l i s s emen t un ive r s i t a i r e a conse rvé q u e l q u e
chose de son or ig ine i m p é r i a l e , c 'est p r é c i s é m e n t ce qui
faisait t r o u v e r , en 1837, à un g r a n d n o m b r e d ' h o n o r a -
b les m e m b r e s de l 'oppos i t ion l ibéra le à la C h a m b r e des
d é p u t é s , q u e r ien ne convena i t moins a u t emps ac tue l
q u e le régime d'une université qui ne dut sa création à
l'Empire que parce qu'elle était destinée à en affermir le
prnivoir, et dont les principes de la l'évolution de Juillet
et la Charte commandent impérieusement la réforme ou
la régénération...


M. Merlin, M. de S a d e , .M. de T racy , M. Salvei (e ; et
b ien d ' a u t r e s , p a r l è r e n t le m ê m e langage et avec p lu s
d e force e n c o r e .


Je sais la r é p o n s e de M. T h i e r s : il croi t se d é b a r r a s -
ser de tou tes les ob jec t ions en d isan t q u e l ' E m p e r e u r
pensa i t q u e la jeunesse devait être instruite par des
hommes en tout semblables a ta société dans laquelle la
jeunesse était appelée a vivre, par des hommes animés
de l'esprit du siècle, c'est-à-dire de la révolution.


Mais c 'est oub l i e r un fait p r o c l a m é pa r tous ceux qui
ont a p p r o c h é l ' E m p e r e u r , qu ' i l n ' a ima i t ni la révolu t ion
ni les r é v o l u t i o n n a i r e s , et qu ' i l avai t p lus de mépr i s
p e u t - ê t r e qu ' i l ne fallait en avoi r p o u r l e s p h i l o s o p h e s
et les idéo logues .


Nous p e r s u a d e r a ' - t - o n qu ' i l ca ressa i t la révo lu t ion et
les r évo lu t i onna i r e s , lo rsqu ' i l plaçait M. de F o n l a n e s à la
tête île l ' I"niversité, lo r squ ' i l faisait e n t r e r d a n s le cou-




ПК LA PACIFICATION R К F I Cl FL'SK.


seil impér ia l M. do Bausse l , d e p u i s c a r d i n a l , M. de Bo­
nald , le cé lèbre a b b é É m e r y , s u p é r i e u r g é n é r a l de
Saint ­Sulpice , M. G u é n a u d de Mussy, M. R e n d u , cl p l u ­
s ieurs a u t r e s ? lo r squ ' i l n o m m a i t M. F r a y s s i n o u s inspec­
t e u r de l 'Académie de Par i s ?


Ces h o n o r a b l e s p e r s o n n a g e s q u e je viens d e n o m m e r
sont ­ i l s de c e u x q u e M. ï h i e r s appel le des liommes
animés de l'esprit du siècle et de la révolution ; et
MM. É m e r y , de Bausse t , F r a y s s i n o u s é ta ien t ­ i l s de ces
laïques pleins de l'esprit du temps et de l'Empire, en
s u p p o s a n t q u e l 'Empi re et la r évo lu t ion l u s sen t la
m ê m e c h o s e ?


Je n e m ' é t o n n e p a s , du r e s t e , qu ' i l y ait confusion
d a n s la p e n s é e et d a n s les termes à l ' égard des laïques.
Cette confusion, je la r e t r o u v e l o r s q u e l ' a u t e u r par le
des anciennes Universités laïques que les noms de Gerson
et de Ilollin ont, dit­il , rendues à jamais respectables.
C'est oubl ie r t r op a i s é m e n t q u e Rollin et ( l e r son é ta i en t
des ecc lés ias t iques , et q u e les p r é t e n d u e s un ive r s i t é s
l a ïques n e c o m p t a i e n t g u è r e q u e des clercs p a r m i l e u r s
p r o f e s s e u r s .


C'est oubl ie r é g a l e m e n t q u e les m e m b r e s ac tue l s de
l 'Univers i té , s a n s p r é t e n d r e êt re des e c c l é s i a s t i q u e s ,
p r é t e n d e n t bien n ' ê t r e pas de s imp les l a ïques . C'est ce
q u ' u n m e m b r e t r è s ­d i s t i ngué de l 'Univers i té faisait bien
c la i r emen t e n t e n d r e à la C h a m b r e des d é p u t é s en 1837,
lo rsqu ' i l met ta i t u n e différence e n t r e l'esprit universi­
taire et l'esprit laïque ; lo r squ ' i l ajouta i t : Je demande
pardon de me servir de ce terme de laïques : je sais bien
que nous ne sommes pas ecclésiastiques. J'emploie ce
terme pour la clarté de la discussion. Vous pouvez quel­
quefois nommer des laïques, c ' e s t ­ à ­d i r e des h o m m e s




2;,S D E EA P A C I F I C A T I O N li E 1.10 ! ii E S E.
qui ne seront point un ive r s i t a i r e s . - Mais la issons ces
obse rva t ions de détai l .


O u j e m e t r o m p e , ou ce qui rend surinai l 'Universi té
si chère à l'honorable M. ï l i iers, ce qui lai fait p e r s o n -
nifier en elle l 'espri t na t iona l , c'est qu'el le est, c o m m e il
le d isa i t d a n s son b u r e a u , composée de. nos contempo-
rains, de. nos analogues, des fils de celte bourgeoisie
française qui, depuis cinquante ans, a donné tour à
tour à la France les hommes d'Etat, etc. Ce sont , disait-il
encore, des bourgeois comme nous,des bourgeois suçants.
des bourgeois honnêtes.


Je r é p o n d r a i à M. T h i e r s qu ' i l n ' e s t v r a i m e n t pas né -
cessa i r e d ' a p p a r t e n i r à l 'Universi té [mur ê t re son cou-
temporain, son analogue, et /ils de la bourgeoisie.


Je lui r é p o n d r a i q u e les g r a n d s se igneur s sont r a r e s
p a r m i n o u s , et q u e n o u s s o m m e s p o u r la p l u p a r t des
b o u r g e o i s c o m m e lu i , ni p lus ni m o i n s ; et q u e l q u e s -
u n s au mo ins des bourgeo i s assez s a v a n t s , assez h o n -
nê tes p o u r n e p a s faire déshonneur à la classe, où ils
son t né s .


Je ne puis le d i s s imu le r , à t r a v e r s tou t ce que je v iens
de citer je n 'ai pu découvrir la pensée de M. Thiers sur
l ' éduca t ion na t iona l e : je vais maintenant e s saye r de lui
d o n n e r la m i e n n e s u r ce point i m p o r l a n l .


L'éducation nationale es t é v i d e m m e n t un mot que
tout le m o n d e s ' accorde à e m p l o y e r , mais d o n t il s 'agit
de fixer le sens .


Je su is h e u r e u x de m ' e x p l i q u e r ici avec f ranchise : je
r e g a r d e c o m m e u n devoi r sac ré p o u r tout ins t i tu teur
d 'é lever les enfants d a n s l ' a m o u r de leur pa t r ie , d a n s le
r e spec t p o u r ses ins t i tu t ions et ses lo i s ; de l eu r i n sp i r e r
le zèle p o u r ses in t é rê t s , le d é v o ù m e n t p o u r sa gloire.




L A r . v . i : L Î . A T E ' A [ ; ; : : , ' : , n - : e s y . y „ >
,To cons idére ra i s s o m m e un crin:."', je ne ois par s eu le -
men t d'éiouffer, ; > - i i i , m è u i c d ' a i i é ; c r , de p r è s ou de
loin, ces nob le s s e n t i m e n t s d a n s le c œ u r de la j e u -
nesse .


Voilà d ' a b o r d , à n o s v e u x , d a n s que l sens i ' éduca i ion
doit ê t re n a t i o n a l e , el n o u s c r o y o n s à cet égard , n ' avo i r
besoin des l eçons de p e r s o n n e : n o u s ne r e c o n n a i s s o n s à
p e r s o n n e le dro i t de se p r o c l a m e r , su r c e p o i n l , me i l l eu r
que n o u s ; et voila d a n s quel le p e n s é e n o u s t r ava i l -
lons , selon nos fo rces , à f o r m e r p o u r la F r a n c e un
clergé digne d'elle.


L ' amour de la pa t r i e se ra t ou jou r s p o u r n o u s un d e -
vo i r inv io lab le et s a c r é , u n e s e c o n d e religion : les p r i n -
c ipes de fEvang i le imposen t ici de g r a v e s ob l iga t ions ,
nous ne l e s o u b l i e r o n s j a m a i s .


(le n 'es t pas s e u l e m e n t l o r s q u e n o t r e p a i r i e n o u s
t rai te avec d is t inc t ion , avec conf iance , ou du mo ins
avec u n e impar t i a l e équ i t é , q u e n o u s d e v o n s l ' h o n o r e r
et la c h é r i r ; m a i s q u e n o u s y s o y o n s o b s c u r s ou m é -
pr i sés , q u e d e m a i n n o u s y d e v e n i o n s v ic t imes de l ' in-
j u s t i c e , n o u s lui d e v r o n s tou jours la r e c o n n a i s s a n c e ,
l ' a m o u r cl le r e s p e c t ; ca r enfin, c 'est elle qu i a élevé
n o t r e enfance , s o u t e n u n o i r e vie ; elle qui fournit a nos
besoins et veille à no i r e s-ftrUé ; elle don t les f ront iè res
n o u s p ro tègen t , d o n t le sol n o u s n o u r r i t ; e t , fuss ions-
n o u s m ê m e rojel.es su r le sol é t r a n g e r , n o u s n 'y oubl ie -
r i o n s p a s noire, p a i r i e , et nous y é lèver ions e n c o r e s ! , s
enfants d a n s l ' a m o u r el le r e s p e c t p o u r elle.


Je le répète : c'est le devoi r sac ré des i n s t i t u t eu r s do
la j e u n e s s e , p a r t o u t et t ou jou r s , de l ' é lever d a n s l ' a m o u r
de la p a t r i e , de lui insp i re r le zèle p o u r sa gloire et le
dévouemen t p o u r ses in té rê t s .




D E I.A P A C I F I C A T I O N R F L I G 1 F F S F .


C'est là le p r e m i e r sens d a n s l eque l l'éducation doit
être nationale.


Mais si n o i r e conv ic t ion est f e rmemen t é tabl ie s u r ce
po in t , il y en a un au t re su r l eque l elle ne l 'est p a s
m o i n s , c 'est q u e l ' éduca t ion ne doit p a s ê t re politique,
lin éc r iva in de nos j o u r s a dit :


On ne parle politique aux enfants que lorsqu'on veut
les égarer. Laissons faire a cet égard la religion chré-
tienne : elle leur donne la seule leçon de politique qui
convienne à leur âge, quand elle leur apprend à aimer,
èi respecter, à obéir.


Ces p a r o l e s son t d 'un p h i l o s o p h e c h r é t i e n : elles son t
v r a i m e n t d ignes de la sagesse évangé l ique ; voilà les
g r a n d s p r inc ipes , voilà les s e n t i m e n l s , voilà les h a b i -
tudes et les m œ u r s soc ia les qu ' i l faut d o n n e r de b o n n e
h e u r e a u x enfan t s , et d a n s lesquel les l ' a m o u r écla i ré de
la pa t r i e d e m a n d e qu ' i l s so ien t é l e v é s ; c 'est a ins i q u ' o n
in sp i r e r a à la j e u n e s s e le r e spec t et l ' obé i s sance aux
lois et aux ins t i tu t ions du p a y s , s ans la conv ie r au spec-
tacle d a n g e r e u x p o u r elle des agi ta t ions de la scène p o -
l i t ique .


Eh quo i ! les p è r e s ne s ' e n t e n d e n t pas e n c o r e ! Dans
ce d o m a i n e d ' u n e a r d e n t e c o n t r o v e r s e , la sagesse , l'ex-
pé r i ence n 'on t p u e n c o r e a m e n e r la l umiè re et concil ier
les in té rê t s et les op in ions c o n t r a i r e s ; et il y a u r a i t des
i n s t i t u t eu r s assez i m p r u d e n t s p o u r je ter la j e u n e s s e d a n s
l ' a r ène des d i spu t e s p u b l i q u e s , et exc i te r ainsi à plaisir
d a n s ces j e u n e s â m e s u n t roub le p ro fond , qui ne s ' apa i -
se ra p e u t - ê t r e j a m a i s !


Non, n o n , ce sera i t oub l i e r tout ce qu 'on doit à Dieu,
à la famille, à l ' enfant , à la pa t r i e e l l e - m ê m e !


Il faut donc , et su r ce po in t e n c o r e m a convict ion est




D E L A P A C I F I C A T I O N il LI . IGI E U S E . i d


f e r m e m e n t n r rê iée , il faut p o u r q u e l ' éduca t ion de la
j eunesse soit v r a i m e n t na t i ona l e , qu 'e l le soit p l acée
dans u n e région l i t t é r a i r e , m o r a l e et r e l i g i euse , si h a u t e ,
et pa r là m ê m e si pais ible et si p u r e , q u e le t r is te
écho des quere l les po l i t iques n ' y p u i s s e j a m a i s p a r v e n i r .


La pa t r i e , c 'est la famille ; e h ! qu i a j a m a i s ouï dire
q u ' u n enfant dû t ê t re initié aux t r is tes d i s s e n s i o n s qu i
d iv isent u n p è r e , une, m è r e , d e s f rères et des s œ u r s
v e n u s avan t lui d a n s la v ie? Ce sera i t u n e i m m o r a l i t é ;
ce sera i t b l e s se r à plais i r cet te j e u n e â m e .


.Von, non : il faut q u e les enfants de la p a t r i e so ien t
é levés d a n s u n e h e u r e u s e i g n o r a n c e de t o u t ce qui i r r i te
et divise. Ils n ' y se ron t in i t iés q u e t rop tôt : h e u r e u x
du moins si, q u a n d leur tour v i e n d r a de p r e n d r e l eu r
place d a n s ce m o n d e et d'y j o u e r un r ô l e , ils t r o u v e n t
que les ha ine s sont é te in tes , les i r r i t a t ions apa i sées et
la paix à Ja veille de se faire ! l is y c o n t r i b u e r o n l , s'ils
ont été; é levés c o m m e ils do ivent l ' ê t re . J a m a i s la hauLe
éduca t ion n e fui p lus n é c e s s a i r e q u e d a n s u n p a y s
t r o u b l é pa r de longues r évo lu t i ons : c 'est l ' un ique m o y e n
de c réer u n mil ieu p o u r en sor t i r .


L 'éduca t ion v r a i m e n t na t iona le est celle qui p l a c e r a
la j e u n e s s e d a n s une sphè re si fort a u - d e s s u s des agi-
ta l ions pol i t iques , qui eu fera des h o m m e s si d i s t ingués
parle- c a r a c t è r e , si nob les p n i T o s p r i l , si g é n é r e u x p a r l e
c œ u r , si i n d é p e n d a n t s p a r l 'é lévat ion de l e u r s p r inc ipes ,
qu ' à l eur appa r i t i on d a n s le m o n d e ils se m o n t r e r o n t
é q u i t a b l e s , indu lgen t s p o u r t o u s , s a n s d is t inc t ion de
pa r t i s , et ne re fuse ron t j a m a i s à p e r s o n n e , s o u s q u e l -
que pré texte q u e ce soit, la vér i té , la c h a r i t é , la j u s t i c e ,
la l iberté : et ce son t là des idées d ' u n e si c la i re é v i -
dence que M. Th ie r s , a u mi l ieu de t o u t e s les c o n t r a d i c -




l ions é c h a p p é e s à sa p l u m e , n ' a pu s ' e m p ê c h e r de les
p r o c l a m e r l u i - m ê m e :


Gardons-nous, Messieurs, de ,m4ee ainsi lu science a
la politique, de troubler l'une pur "nuire, et d'exposer
la jeunesse à se ressentir des secousses qui nous atjiknt.
Ne places pas si près de ce volcan le paisible asile qui
contient tout ce que vous ace: de plus cher, c'est-à-dire
cas enfants.


Voilà de be l les p a r o l e s , c l je me sens h e u r e u x de les
ci ter : p o u r q u o i faut-il que, j ' e n r e n c o n t r e d ' a u t r e s q u e
je ne pu i s r a p p e l e r avec le m é m o b o n h e u r '.'


II y a, d ' a i l l eurs , une obse rva t i on fort s imp le à faire
ici , et qu i suffira, j ' e s p è r e , à p réven i r les p r é o c c u p a -
t ions i n q u i è t e s à cet égard .


L ' éduca t ion se fait de dix à seize ou d ix-hui t ans . Eh
bien ! cet te é p o q u e de la vie, cl les é ludes m ê m e s q u i
se font a lo r s , son t n a t u r e l l e m e n t é t r a n g è r e s à la pol i t i -
q u e . Il f audra i t faire violence à l 'âge et à la n a t u r e des
enfants p o u r e s s a y e r s u r e u x u n e inf luence de ce g e n r e .
P o u r q u i c o n q u e a é tud ié la j e u n e s s e , ce que je dis ici
s e r a ce r ta in : à cet âge , ce n e son t pas les opinions qu i
se f o r m e n t , ce son t les habitudes, les mmirs;lcs ver tus
ou les v ices .


J ' a i m e a r a p p e l e r les be l les cl g r a v e s pa ro l e s de M. de
{ ta ran te ; elles r e s p i r e n t u n noble pa r fum de vér i té et de
v e r t u :


Messieurs, ce n 'es t point a celle époque que se forment
les opinions, que l 'esprit p rend sa direct ion, que le jeune
homme choisit une voie pol i t ique ; ce qui importe pour
l 'enfant, ce sont les hab i tudes morales , les pieuses p ra t i -
ques , le respect de ce qui doit être respecté, voilà ce qui
alors doit p rendre racine dans son âme, moins par l 'en-




i; E L A l'A C I E ; e A T \'.";\ l\VA. ï GIE L' S E . ÏCT-i
seignenieui que par l'iiiilufiiiv du milieu où il est place,
il M : forme e u lui e:.eume une sorte d ' inst inct de mora l i té ,
'pii s";uiit a.\ec. les affections e! les souvenirs de famille.


Si la première éducation, dit -moere "A. de l iaranie , a été
penne, n i i . i 'a le , sa iuia i re , e l l e s e , v i r o u w lorsque l'âge, des
pas dons e i des premier» s ardeur.* d 'espri t vient à s 'apaiser .
Souvent le père de famille s e repor te vers les souvenirs
que, j eune h o m m e , il avait oubl iés .


Que l ' éduca t ion in sp i r e à ces en fan t s l ' a m o u r de l e u r
pays, le r e s p e c t p o u r l e u r s p a r e n t s , l ' a r d e u r d a n s le
t ravai l , u n e rel igion s incè re ; q u e l l e c o n s e r v e l e u r in-
nocence : elle a u r a fait p o u r la soc ié té po l i t ique tout ce
que cel le-c i p e u t d e m a n d e r . Ils s e ron t p o u r elle u n j o u r
tout ce qu 'e l le a i e dro i t d ' a t t e n d r e . La vé r i t é n ' e s t q u e
là, le j 'este est d a n s le faux.


C'était la pensée de P la ton :


Conserve/, la. bonne éducat ion, et elle l'ait d 'heureux n a -
turels , qu i ,g râce i i celle éducat ion, deviennent de mei l leurs
citoyens que ceux qui les ont p récédés .


En u n mot , d a n s l 'enfant , il es t q u e s t i o n , n o n p a s de
former Je c i toyen , ma i s l ' h o m m e , et l ' h o m m e accompl i
p r é p a r e à la société le c i toyen parfa i t .


Aussi P la ton a jouta i t :


Quel g rand bien résul te , pour un Liai, de la bonne édu-
caliou de ia jeunesse Les j eunes gens bien élevés seront
un jour éies hoiuiiics excellents, ci é tant tels, ils se com-
porteront bien en toutes rencont res . . .


Tout dépend de la première impuls ion. Est-elle une fois
bonne ? l'Etal va s 'agraudissant sans cosse.. .


L'éducation doit être nationale et é lever les enfants




2 « ]>E L A P A C I F I C A T I O N P. F L I C ! F. F S E .


d a n s l ' a m o u r de l e u r pa i r i e ; mais elle. ne doit pus être
politique, elle doi t les teni r d a n s u n e en t i è r e i g n o r a n c e ,
ou au mo ins d a n s u n h e u r e u x é lo ignement des t r is tes
dél ia is de l 'opin ion .


Ce n ' e s t pas t o u t ; nationale dans le cœur, l ' éduca t ion
doit ê t re aus s i nationale dans la forme, si je pu is m ' e x -
p r i m e r a insi .


C h a q u e na t ion a u n e p h y s i o n o m i e qu i la d is t ingue :
le s o u v e n i r et l ' image do iven t s'en r e t r o u v e r dans l 'édu-
cat ion ; et p o u r r e n d r e m a pensée avec e n c o r e p lus de
s impl ic i té et de c l a r t é , un F r a n ç a i s ne doit p a s ê t r e
é levé c o m m e u n Al l emand , ou u n Espagno l , ou un I t a -
l ien ; son é d u c a t i o n doi t ê t re t ou t e f rançaise , et faire
r e t r o u v e r en lu i la p h y s i o n o m i e nob le et h e u r e u s e de
sa pa t r i e .


Voilà le sens seul d a n s lequel p o u r r a i t ê t r e vra ie e l r a i -
s o n n a b l e cel le pa ro l e : Il faut que la jeunesse soit niou-
lée à l'effigie de la nation.


Et e n c o r e , doi t -on l ' avouer , l ' express ion n ' e s t pas h e u -
r e u s e ; elle est s a n s dignité, et s ans g r a n d e u r , et je c o n -
çois que p lu s i eu r s , n e l ' ayan t p a s e n t e n d u e en ce s ens ,
l ' a i en t accusée d ' un m a t é r i a l i s m e é t r o i t , t y r a n n i q u e
et v u l g a i r e ; p l u s i e u r s m ê m e ont t rouvé q u e voulo i r
m o u l e r la j e u n e s s e à l'effigie de la n a t i o n , c o m m e on
m o u l e la m o n n a i e à l'effigie d 'un roi , c 'est blesser tout
ce qu ' i l y a de n o b l e , d 'é levé, d ' idéal , d a n s l ' œ u v r e de
l ' é d u c a t i o n , et q u e la l angue m ê m e r é p u g n e à cette image
s a n s dé l ica tesse . P o u r mo i , r e s p e c t a n t la l iber té et la di-
gni té h u m a i n e s d a n s le p lus j e u n e des enfants p lus r e l i -
g i e u s e m e n t peu t -ê t r e q u e d a n s un h o m m e m û r , pa r cel te
r a i s o n b ien s imple q u e cet enfant ne peu t les défendre
con t re m o i , j e n e de scend ra i j a m a i s j u s q u ' à cons idé re r




D E LA l ' A C l l / i C A Ï I O N U K L I G I E U S E . 2 0 5


l 'enfance c o n n u e une m a t i è r e urne je dois j e t e r d a n s un
mou le , pour l 'en faire sor t i r a r e c l ' e m p r e i n t e q u e lui
donnera m a voient*:.


Quand j e dis q u ' u n e é d u c a t i o n n a t i o n a l e doi t i n s p i r e r
à un enfant ou c o n s e r v e r en lu i la p h y s i o n o m i e nob le et
h e u r e u s e de sa p a t r i e , je n ' e n t e n d s p a s n o n p lu s qu 'e l l e
doive lui i n sp i r e r du m é p r i s p o u r le. g e n r e h u m a i n et
les n a t i o n s é t r a n g è r e s ; je n ' e n t e n d s p a s qu'elle, soit en
tout et pour tout rmudéc se rv i l emen t à l'effigie de la
nat ion chez l aque l le ii est né . J e n ' e n t e n d s m ê m e p a s
qu'el le r e p r o d u i s e les t ra i ts d ' u n e é p o q u e , que l l e qu 'e l le
pu isse ê t re , avec la t r i s te fidélité d ' u n e copie . Je n 'y
veux r i en d'exclusif et d ' é t ro i t ; je veux qu 'e l le soit assez
l a rge , assez h a u t e et assez forte p o u r r e t r a c e r tou t ce
qu' i l y a rie vrai, de nob le et île g r a n d d a n s t ou t e s les
é p o q u e s et chez toutes les na t i ons : je veux qu 'e l le pu i s se
se p r ê t e r à toutes ies a m é l i o r a t i o n s , à tous les p r o g r è s
de l 'avenir .


Bien ne sera i t p i re q u ' u n e éduca t ion qu i , p o u r ê t re
na t i ona l e , p r é t e n d r a i t r e s s u s c i t e r le pa t r i o t i sme ét roi t
et b a r b a r e des pe t i tes r é p u b l i q u e s de l ' an t iqu i t é : de
nos j o u r s et sous la Joi du c h r i s t i a n i s m e , un h o m m e ,
s'il doit Pire de son t e m p s et de son p a y s , doi t ê t re aus s i
de tous les pays et de tous ies t e m p s .


Fénelon l ' en tendai t c o m m e t rous , et il é ta i t aus s i b o n
F r a n ç a i s q u e p e r s o n n e .


J'aime nia pairie plus que ma famille, disait-i l : et
p lus d 'un p a r m i ceux qu i p r o c l a m e n t si h a u t l ' a m o u r
de la p a t r i e , n ' en p o u r r a i t d i re a u t a n t ; et F é n e l o n ajou-
tait : J'aime le genre liumaia plus que ma patrie. P a r
là, il est v ra i , il ne p r é t e n d a i t p a s se d o n n e r le b o n h e u r
d ' a imer exc lus ivement les n è g r e s p o u r se d i s p e n s e r




•.'Hi :.л гл:.: ; : и л т ю : ; Ц Е П О Ч Н О ; ; ; .
d ' a i m e r les b l a n c s , ou ì ' i u e m e u r d 'u ime: Je.s Tar l a re»
p o u r se dispense r d ' a imer ses voisins .


Q u ' e n t e n d a i t L'énelon p a r é e s para i ; s ? C'est q u e le
genre h u m a i n est quelque, chose ; qu' i l y a que lquefo i s
des d é v o û m e u l s p lus é t e n d u s q u e ceux monte du p a ­
t r i o t i s m e ; q u e la c h a r i t é ca tho l ique e m b r a s s e dans s o n
a r d e n t e e x p a n s i o n l ' h u m a n i t é tout i n t i e r e , cl qu'elle
tend à faire de tous les peup les r é p a n d u s s u r la face de
la t e r r e une g r a n d e famille fondée su r le sub l ime et
profond pr inc ipe de la f ra te rn i t é .


Ht q u ' o ù îiC croie p a s q u e la pa i r i e puisse souffrir de
l ' é l o ignemcn t de ceux qu i se d é v o u e n t a ins i , au gré
d ' u n e g é n é r e u s e i m p u l s i o n , a u x b e s o i n s de l ' h u m a n i t é
tout e n t i è r e ; n o n , la p a i r i e n ' e n souffre pas : c'est sa
g l o i r e ; et le n o m f rança is doit sa p u i s s a n c e eu Orient ,
et ce qu ' i l a c o n s o n e e n c o r e de g r a n d e u r s d a n s les
so l i tudes de l ' A m é r i q u e , a ces h é r o ï q u e s d é v o û ­
m e n t s .


A C i i s e u i c m c n l je n e veux p a s que l'èdaeuiicm ;m/é>­
aale exc lue l ' a m o u r de, l ' h u m a n i t é , n u i s j e no veux pas
qu ' e l l e inspire le mépris /юнг les nalinm étrangères ;
cela est m i s é r a b l e . C h a q u e n a t i o n a ses qua l i t és et ses
défauts ; n ' i m i t o n s p a s les défauts des au t r e s sans d o u t e ;
m a i s p o u r q u o i r.o r e n d r i o n s ­ n o u s p a s h o m m a g e a l e u r s
qua l i t é s ? P o u r q u o i n e f e r ions ­nous p a s p é n é t r e r peu a
p e u p a r l ' éduca t ion , d a n s n o s h a b i t u d e s et d a n s n o s
m œ u r s , ce qu' i l y a de b o n , d 'u t i l e , de fort, de g r a n d ,
d a n s le c a r a c t è r e , d a n s la l i t t é r a t u r e , d a n s les m œ u r s
des n a t i o n s é t r a n g è r e s ?


L'Al lemagne n o u s d o n n e l ' e x e m p l e d 'un t ravai l p a ­
t ient , infat igable , profond :


L'Angle te r re , d 'un c a r a c t è r e s é r i e u x et inflexible :




~- ? . . r.i : n i ; , a : : G <.: e s I:. ÎGT
L'Espagne a eu 3 a . g r a n d e u r s ; l ' I talie a e n c o r e les


s iennes.
Encore une fois, g a r d o n s - r m u s d e m é p ' a s e r i o s a u t r e s ,


de déda igner ce qui n o u s est é t r a n g e r .
Ceux qui nous déda ignent ci n o u s m é p r i s e n t sont i n -


jus tes e n v e r s n o u s ; no ie. s o y o n s e n v e r s p e r s o n n e ,
m o n t r o n s - n o u s plus géné reux .


J 'a i dit q u e l'éducation nalinnale ne doit pas être (aile
a Fiiu.uye d'une époque rèiréeie.


Les d iverses é p o q u e s d 'un siècle son t faillibles et du
d o m a i n e de l ' h o m m e ; elles sont l ivrées à ses cap r i ce s ,
à s ( s mobi l i tés , à ses p a s s i o n s ; elles on t que lquefo i s
die la g r a n d e u r , que lquefo is elles son t p le ines de hon te ,


d e n ' es t g u è r e que par ie ira» ail d ' un siècle en t i e r q u e
le bon sens et la ve r tu su rv iven t in fa i l l ib lement , e t d o -
m i n e n t à la longue d a n s u n e na t ion les é g a r e m e n t s et
les faiblesses des é p o q u e s d i v e r s e s .


C'est là une g r a n d e loi d" la P r o v i d e n c e d a n s le g o u -
v e r n e m e n t du i n o n d e .


Los é p o q u e s p a s s a g è r e s son t à l ' h o m m e : i! en fait à
peu près ce qu ' i l veuf; les s iècles sont à Dieu : il l e u r
r é s e r \ e les t r i o m p h e s de la vér i té et de la j u s t i ce .


Ce n 'es t do/io p a s à l'i nage d ' u n e é p o q u e ré l réc ie q u e
l ' éduca t ion n a t i o n a l e doi t è i re faite.


Ce sera i t r e s t r e i n d r e l ' éduca t ion à des p r o p o r t i o n s
m i s é r a b l e s ; ce se ra i t a r r ê t e r tout p r o g r è s in te l lec tue l et
n i e r a i , e m p ê c h e r tout r e t o u r si ou s 'est éga ré .


Ce se ra i t pose r en p r inc ipe q u e le po in t où l 'on est
est la d e r n i è r e b o r n e de toute per fec t ion poss ib l e .


Je no voudra i s pas non p lus q u e l ' éduca t i on n a t i o n a l e
fût u n e r e p r o d u c t i o n servi le du gén ie de la na t i on en
toute chose .




2C8 DE LA PACIFICATION l i E L l G I E U S E .


Nous l ' avons dit , c h a q u e na t i on a ses qua l i t é s et ses
défauts .


L ' éduca t ion v r a i m e n t na t i ona l e doit t e n d r e à cor r iger
d a n s un enfant les défauts de sa na t ion , et à en d é v e -
l o p p e r les qua l i t é s .


Cer tes , on n e fit j a m a i s à un i n s t i t u t eu r un devoir
d ' i n sp i r e r à l 'enfant qu' i l élève les défauts de son père .


L 'espr i t f rançais est n a t u r e l l e m e n t c la i r , b r i l l a n t ,
h a r d i .


On lui a r e p r o c h é d ' ê t r e superficiel et léger . Si ce r e -
p r o c h e étai t vra i , ce q u e je n ' a c c o r d e p a s , l ' éducat ion
v r a i m e n t na t iona le d e v r a i t t end re à le r e n d r e plus p r o -
fond, p lus pa t i en t , p lus s é r i eux .


Le c a r a c t è r e f rança i s est g r a n d , n o b l e et g é n é r e u x .
On a r eg re t t é qu ' i l m a n q u â t que lquefo i s de cons t ance .


Si ce r e g r e t était fondé, l ' éduca t ion na t iona l e devra i t ten-
d re à fortifier le c a r a c t è r e , à fixer sa m o b i l e act ivi té , et à
la t o u r n e r au profit de la force c o n q u é r a n t e qu i est son
trai t le plus b r i l l an t , p a r la f e rme té , p a r la c o n s t a n c e et
l ' e spr i t de sui te .


Cer tes , en é c i i v a n t ces chose s , je ne p e n s e pas faire-
ac te de m a i n aïs F r a n ç a i s , et je crois q u e si ces consei ls
é t a ien t suivis , l ' éduca t i on de la j e u n e s s e f rançaise serait
v r a i m e n t une éduca t ion na t iona le .


L ' éduca t ion v r a i m e n t na t i ona l e est celle qu i fera de
la F r a n c e la p r e m i è r e na t ion du m o n d e , qu i r e l è v e r a
a u - d e s s u s de toute; , les n a t i o n s r iva les , en déve lop -
p a n t ses g r a n d e s et h é r o ï q u e s qua l i t é s , et en faisant
t o u r n e r à leur profit j u s q u ' à ses défauts e u x - m ê m e s , si
b r i l l an t s et si a imab le s .


Mais, p o u r ce la , il faut sor t i r Clés b o r n e s rélrécic-s
d ' u n e é p o q u e , il faut oub l i e r les viei l les r a n c u n e s , les




D R L A PAC11-1C AT11)X ï\E1.1 G 1 E C S E . 2t'J


pré jugés étroi ts don t les l ivres de n o s a d v e r s a i r e s son t


encore r empl i s : p o u r q u e l ' éduca t ion de la j e u n e s s e


française fasse r ev iv re la p h y s i o n o m i e si bel le , si nob le


de la pa t r i e dans ses enfan ts , il faut qu 'e l le r e c h e r c h e ,


avec toute l ' i n d é p e n d a n c e d 'une sage et g é n é r e u s e i m -


par t i a l i t é , à tou tes les é p o q u e s , d a n s tous les s ièc les ,


chez tous les h o m m e s , à toutes les p h a s e s de l 'h is to i re


na t iona l e , ce q u e le c o n s e n t e m e n t des s iècles , ce q u e


l ' h o m m a g e des n a t i o n s r iva les , ce q u e la voix de l ' h i s -


toire a p r o c l a m é v r a i m e n t f rança i s .


Voilà ce qu ' i l faut i m p r i m e r au c œ u r de no i r e j e u -


n e s s e ; voilà ce don t il faut en f l ammer son e n t h o u s i a s m e ;


voilà ce d o n t il faut faire son â m e et sa v i e ; voilà ce


qu i doi t cons t i t ue r le fond i m m u a b l e et la forme b r i l -


lan te de son éduca t ion in te l lec tue l le , m o r a l e et r e l i -


gieuse.


Voilà ce qu i , é levan t les g é n é r a t i o n s p r é s e n t e s s u r les


p lus nob les h a u t e u r s , les fera m a r c h e ] ' , avec tou tes les


forces du génie et du c a r a c t è r e f rança i s , à la c o n q u ê t e


de tout ce (pic le Dieu qu i p r o t è g e la F r a n c e n o u s r é -


serve e n c o r e , d a n s ses des se ins p rov iden t i e l s , de g r a n -


deu r , de v e r t u , d ' inf luence e u r o p é e n n e et un iverse l l e .


Je le r épè t e : on peut d é s e s p é r e r d 'un ind iv idu s'il est


ma l né ou mal fai t ; m a i s il ne fanl j a m a i s d é s e s p é r e r


d 'une na t ion : elle n ' e s t j a m a i s m a u d i t e , j a m a i s ma l née


en m a s s e .


Une na t ion , c'est l ' h u m a n i t é ; Dieu ne la m a u d i t p a s ,


à moins qu 'e l le ne le veui l le o b s t i n é m e n t ; m a i s cela ne


se voit g u è r e .


Que faut-il qu 'e l le fasse ? Une seule c h o s e qui suffit


ma lg ré ses m a l h e u r s , ses é g a r e m e n t s ou ses fautes : il


faut qu 'e l le se laisse ('lever.




.70 1)7. ] . \ e . U . H ' I O A Ï i O X o ! . ; G ; KT.-K. Mais il arrive trop souvent que les couples s'éloignent de ceux qui pourraient les sauver. H y a chez eux deux iosl incls contraires , l'un par toque! ;:> 'évoquent le se-cours de I d e u , l'autre j'ai" lequel, craignau! d'être trop secourus , ils le repoussent.
Les peuples ont trop souvent peur de se régénérer, et


a lo r s ils redoutent et éloignent les régénérateurs : c'est l 'expérience de Ions les âges. L u e génération of< les uns
s a v e n t p e u , e t où 1rs an 1res savent m a l , où tant de facultés son' nulles ou dépravée : 1 , où ton! do liantes i n -telligences sont tombées , où 1 - s ides beaux mbmls mi! presque toujours trompé leurs premières e s p é r m e e s : une génération pareille se décide di f fr ï lenirut , <•>! ne se décidera peui-ètre jamais à oion £L~>x.y: la gêné;-aime, qui doit lui succéder. Et cela se conçoit : on n'a pins m é m o alors i'infolii-gonce de l 'œuvre à accompl ir ; la hue me u.ème do l'édu-cation s'avilit; les notions les plus simples s'altèrent, les idées les pins certaines se liambtent. On ne veut p a s , on redoute pour soi des enfants d'un
c a r a c t è r e trop élevé, d'une conscience trop ferme, d'une religion trop sincère. D'autre pari , on seul bien q u e des enfants sans respect, sans foi, sans mornes, ne sont pas ce que demandent la société et la faim;!.": en s ? sait
c o m m e n t faire, et on va do mal cm p i s , et voilà tout ie secret de tant de difticullés et de tant d'émotions.


C'est ainsi que tous d'accord en t h é o r i e , nous no le
s o m m e s p a s - d a n s l a pratique : n o u s avons pintr ms mis des autres. H o m m e s de ce t e m p s , préoccupée iv.UUL ton! dos in-
t é rê t s po l i t i ques , vous craignez que m i u s antres c a t h o -
l i q u e s , n o u s ne fassions une riniïou s a n s grandeur et




UT. !..\ P A C î r t f . A T I O . N !i il l.U'A K ï' S II. 571


sans s a v o i r ; vos p r é v e n t i o n s s o n l u d u s t o s , ca r c'osi


n o u s qui avons élevé Je siècle i!e Lou is \ i V .


."Nous t e n d o n - , d i t e s - v o u s , à la domin r . î i on ; cola n ' es t


p a s . La d o m i n a i ion, T O U S le savez c o m m e n o u s , n e s e r a
j a m a i s , n ' e s t p lus poss ib le s o u s u n r ég ime de l ibe r t é


s i n c è r e .


è.ous c r a i g n o n s , n o u s , q u e T O U S n e fassiez u n e na t ion


sans c a r a c t è r e et tan: ; ve r tu : n o s c r a i n t e s son! p e n t -


è î re ma l fondées ; mais vos p r e u v e s ne son t p a s encore-


faites. .Vous vous r e s p e c t e r o n s vo lon t i e r s clans vos pré-


v e n t i o n s ; m a i s r e n d e z - n o u s la m ê m e jus t i ce .


\ e u s êtes dot; h o m m e s de sc ience : il ne n o u s a p p a r -


tient pas de n o u s c é l é b r e r s o u s ce r a p p o r t ; m a i s n o u s


s o m m e s c o m m e v o u s des h o m m e s d ' h o n n e u r . Les u n s


et Ses a u t r e s , nous s n . m w s les r-nfanls de la m ê m e p a -


irie. Cessons de n o u s faire la g u e r r e ; an l ieu de cela,


faisons a l l iance p a r la l ibe r té c o m m u n e p o u r l ' é d u c a -


tion de la j e u n e s s e f r a n ç a i s e ; n o u s y g a g n e r o n s o m s .


et la g r a n d e œ u v r e de la pacif icat ion re l ig ieuse s ' ac -


c o m p l i r a .


Les p è r e s de famille, la P r o v i d e n c e et la fo r tune de la


F r a n c e déc ide ron t e n t r e n o u s .


té j ' é t a i s à vo i re p lace , j ' a c c e p t e r a i s f r a n c h e m e n t l ' é -


p r e u v e : l ' h o n n e u r m ' e n forai! un devoir , Avons t r a v a i l -


les ions (le conce r t à lui domine u n e é d u c a t i o n v r a i m e n t


na t iona le . J 'ai dit la for tune de la F r a n c e ; cet les, je ne


conna i s pas u n e na t ion qui en ait u n e p l u s bel le et p lus


s û r e . C'est d'elle s u r t o u t qu ' i l ne fan! j a m a i s d é s e s -


pé re r .


- C'est u n e nnlio'.i a d m i r a b l e !


Car se-s vives et fortes i n s p i r a t i o n s , ses ins t inc t s les
p lus déc idés sont p o u r la vé r i t é et la v e r l u ; d a n s le




272 M : I .A P A C I F I C A T I O N K K I . I G - I E T S K .


fond, je l 'ai déjà dit, elle n ' e s t ime q u e la p r o b i t é e l l e
bon sens . Q u a n d on n e l ' égaré p a s , q u a n d on n e la fa-
t igue p o i n t de c a l o m n i e s et de m e n s o n g e s , elle a i m e , elle
v é n è r e ses p r ê t r e s ; elle a u n e merve i l l euse facilité à
r ecevo i r les h a u t s e n s e i g n e m e n t s de la foi, et je n ' e n
v o u d r a i s d ' a u t r e p r e u v e q u e l ' a d m i r a b l e spec tac le
des Conférences de Sa in t -Su lp ice au c o m m e n c e m e n t
de ce s iècle , et des Conférences de No t re -Dame a u j o u r -
d 'hu i .


Il n e m a n q u e en ce m o m e n t à la France, q u e de com-
p r e n d r e les g r a n d e s l eçons et d ' accep te r les g r a n d e s
lois de la P r o v i d e n c e .


L ' h i s t o i r e a révé lé , d a n s la so lennel le et t r is te s u c e s -
sion des s i è c l e s , un e n s e i g n e m e n t q u e je veux i nd i -
q u e r ici.


La sagesse est p lus p u i s s a n t e q u e le génie pour t r a -
vai l ler à l ' éduca t ion de la j e u n e s s e , et pa r elle à la
r é g é n é r a t i o n des p e u p l e s ; la p rob i t é et le b o n s e n s
va l en t m i e u x q u e la sc ience et les le t t res m ê m e p o u r
d é v e l o p p e r d a n s les g é n é r a t i o n s les dons de l ' intel l i -
gence .


11 y a eu d a n s les a n n a l e s des na t i ons trois g r a n d s
s iècles d o n t la s p l e n d e u r d o m i n e e n c o r e cl i l lustre le
g e n r e h u m a i n .


Eh bien ! à ces t rois g r a n d e s é p o q u e s , les h o m m e s
d e génie sont v e n u s a p r è s les s a g e s ; a p r è s les h o m m e s
de gén ie , les soph i s t e s .


La s a g e s s e , la s impl ic i té et la ve r tu on t p récédé le
gén ie et la gloire : pu is son t v e n u s la v a n i t é , le b e l - e s -
p r i t et le m e n s o n g e ; puis les r évo lu t ions et les ru ines .


Et ici mon c œ u r se s e r r e , j ' é p r o u v e une c o m p a s s i o n
p r o f o n d e p o u r ces t r is tes d é c a d e n c e s de l ' h u m a n i t é ; je




t)K LA P A C ! i - fC A T I O N R E L I G I E U S E . Î 7 3
gémis su r ces p ro fondes , et j u s q u ' à ce j o u e du m o i n s ,
sur ces i r r épa rab l e s i n f o r t u n e s .


Ainsi p e u r t rois fois q u e le g e n r e h u m a i n s 'est é levé
ju squ ' à la s p l e n d e u r du gén ie , j u s q u ' à la vra ie g lo i re ,
trois fois il a dû s u c c o m b e r sous le faix !


Le po ids d ' u n e si g r a n d e fo r tune l'a é c r a s é , e t a p r è s
l ' avoi r p o r t é u n m o m e n t , il a fléchi de toutes p a r t s e t
d o n n é aux âges su ivan t s le spec tac le de ses r u i n e s .


Un grand siècle se p r é s e n t e d ' a b o r d à mo i . Sept sages
ont fait son éduca t ion , Pér ic los lui d o n n e son n o m ; et
ce siècle d 'un souven i r i m m o r t e l n ' a su p r é p a r e r à la
Grèce, a p r è s lui , q u e le s o p h i s m e et le m e n s o n g e ; et le
P a r l h é n o n n ' e s t d e m e u r é d e b o u t j u s q u ' à n o s j o u r s q u e
p o u r voir u n e success ion d e faiblesses et de m i s è r e s
i n e x p r i m a b l e s .


Auguste vient p lus t a rd avec le cor tège des h o m m e s
•le génie qu i l ' e n t o u r e n t ; m a i s avan t eux on avai t vu
les sages : Lcelius, Scipion, ï é r e n c e , E n n i u s , les Caton ,
et tant d ' a u t r e s , et r eçu l e u r s l eçons de p r o b i t é et de
ve r tu .


Puis Auguste , pu i s u n T ibè re , pu i s u n Claude i m b é -
cile ; et si le p é c h e u r de la Galilée n 'é ta i t p a s v e n u
p l a n t e r sa ten te au s o m m e t d u V a t i c a n , le peup le - ro i
eût été l ivré s a n s r e t o u r a u x n a t i o n s b a r b a r e s , et la
ville é te rne l le eû t d i s p a r u de la t e r r e .


Nous avons eu auss i n o t r e g r a n d roi et n o t r e g r a n d
s i è c l e ; mais avan t l u i , R i c h e l i e u , qu i fut ro i s o u s
Louis XIII, p r o c u r a , à l 'a ide de Vincent de P a u l , d u
ca rd ina l de Uérulle, et de cet te m u l t i t u d e d ' h o m m e s
é m i n e m m e n t s a i n t s , é m i n e m m e n t sages , et enfin j e
t rahi ra is m i s é r a b l e m e n t la vér i té si j e le t a i sa i s , à l ' a ide
des j ésu i tes , qui c o m p t a i e n t a lo r s 65 000 é lèves , i n s -


i, i s




D E L A P A C I F I C A T I O N I t E L I C I E F S E


truits gratuitement d a n s Jeurs c o l l è g e s ; Richelieu p r o -
cure à ta j e u n e s s e f rançaise cet te for te et é n e r g i q u e
é d u c a t i o n , don t les déta i ls n o u s p a r a î t r a i e n t a u j o u r -
d 'hui f abu leux s'ils n ' é t a i e n t a t tes tés d a n s tous les m é -
m o i r e s du t e m p s .


Les h o m m e s de gén ie en n a q u i r e n t : ils c o u v r i r e n t
de gloire la F r a n c e e n t i è r e : l 'Eu rope en fut é t o n n é e ,
l ' un ivers les a d m i r e e n c o r e : pu i s ap r è s eux les so -
p h i s t e s : après Rossue l , Pasca l et Féne ion , . . . . Diderot ,
Voltaire, Rousseau; puis, a p r è s les s o p h i s t e s , les r é v o -
lu t ions ; et , a p r è s les r é v o l u t i o n s , la confusion do-, lan-
g u e s , Je pê le -mêle des opinions cl des p e n s é e s c o n -
traires, la s incér i té d u l angage obscu rc i e , le naufrage
de t ou t e s les a n t i q u e s v e r t u s , la r u i n e ou l ' a b a i s s e m e n t
de toutes tes nobles vér i tés .


Et à peine voi t -on surnager ça et là quelques d é b r i s
épars de vér i té ou de ve r tu , q u ' o n va s a u v e r mi à un ,
c o m m e ces r i c h e s s e s qui ont é c h a p p é au nauf rage , et
que les m e r s ba l lo t t en t d a n s leur furie ; car il y a tou-
j o u r s des h o m m e s m a g n a n i m e s , des â m e s insp i rées qui
se d é v o u e n t , q u i affrontent les dangers d e l à tcmpê' .e,
qui se j e t t en t au mi l i eu des vagues pour s auve r ce
qu'elles n'ont p a s englouti. M a i s , q u ' o n m e p e r m e t t e
de le d i re , il y a s u r t ou t e s les m e r s des codes inhospi-
talières où les efforts des p lus g é n é r e u x dévoua ien t*
fout t r o u v e r pour leur r é c o m p e n s e le pillage, et la
m o r t .


J'achève enfin.




0 E LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E t . ' S F


III. — CO.UAIF.NT IL FAUT F.NTF.XDRI. LF. VÉRITABLE ESPRIT


DU IA RÉVOLUTION FRANÇAISE.


L'esprit de la révolution française! voilà u n g r a n d
m o t qui a r e t en t i b i e n s o u v e n t d e p u i s le c o m m e n c e -
m e n t de cet te d i scuss ion , et tout r é c e m m e n t encore !
M a l h e u r e u s e m e n t , c 'est un de ces m o t s indéfinis , et
m ê m e , p a r l a divers i té des idées et des faits qu ' i l s r e -
p ré sen t en t , p r e s q u e indéf in issables , et p a r l a auss i d 'un
effet p lus infaillible ei p lus sû r a u p r è s de la m u l t i t u d e
des espr i t s p r é v e n u s o u i r réf léchis .


On a é t r a n g e m e n t a b u s é de ce m o t : M. T h i e r s le
r appe l l e sans cesse , e t je ne sais s'il y a r ien d a n s ses
d i scours qui soit p lus s o u v e n t i n v o q u é c o n t r e n o u s que
l'esprit de la révolution française.


S'il n o u s r e p o u s s e , a u t a n t qu ' i l le p e u t , loin des
fonct ions de r e n s e i g n e m e n t cl de toutes les fonc t ions
p u b l i q u e s , c 'est p o u r m a i n t e n i r en F r a n c e l'esprit de la
révolution ; s'il refuse la l iber té aux congréga t ions r e l i -
g ieuses , c 'est p o u r p r é v e n i r les pé r i l s qu 'e l les fe ra ien t
c o u r i r à l'esprit de la révolution ; s'il va m ê m e j u s q u ' à
con tes t e r la l iber té des p è r e s de famille, j u s q u ' à c o n s a -
c re r un m o n o p o l e i n j u s t e , j u s q u ' à sacr i f ier les p r o -
messe s de la C h a r t e , c 'es t q u ' a v a n t tout il faut s a u v e r
p a r m i n o u s l'esprit delà révolution.


Le. clergé de F r a n c e n ' a p a s , d i t - i l , Pesprit de la ré-
volution française, son espr i t est contre-révolution-
naire, et p a r là m ê m e ses m e m b r e s sont i n c a p a b l e s de
t ravai l ler à l ' œ u v r e de l ' éduca t i on et à t ou t e g r a n d e
œ u v r e na t iona le .


Cette suscept ibi l i lé si vive et p r e s q u e e n t h o u s i a s t e de




r,C, D E LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


,YÏ. Th ie r s p o u r l'esprit de la révohdion, s ' exp l ique p a r
la généalogie qu ' i l se d o n n e à l u i - m ê m e .


Déjà , d a n s d ' au t r e s occas ions , M. Th i e r s ava i t d i t :
Je dois tout à la révolution, elle m'a fait ce que je suis,
c'est la causa de ma vie entière.


J'appartiens, d i t - i l , au. parti delà révolution fran-
çaise. Cest la seule cause qui soit vraiment chère èi mon
cœur.


Aussi, d a n s la d i scuss ion des b u r e a u x de la C h a m b r e
des d é p u t é s , il n ' a p a s c ra in t de se p r o c l a m e r un des
vrais gardiens de la révolution française.


Il a été j u s q u ' à a v o u e r qu'il enviait, ce sont ses expres -
s ions , d'être nommé commissaire de son bureau, p a r é e
q u e , d a n s l ' in té rê t de cet te g r a n d e cause, c o m p r o m i s e ,
il voulait se mettre en avant avec le plus grand zèle


Certes , a p r è s de telles p a r o l e s , on le sent assez, r ien
n 'es t p l u s g rave e t p lus dél icat q u e cet te ques t ion : m a i s ,
je le déc l a r e , c 'est pour cela m ê m e q u e j ' é p r o u v e le
b e s o i n de l ' a b o r d e r f r a n c h e m e n t , de l ' e x a m i n e r à fond
et de la r é s o u d r e u n e b o n n e fois s'il m ' e s t poss ib le . Je
l ' a v o u e , il n 'y a p a s d e t y r a n n i e qu i me b lesse plus p r o •
f o n d e m e n t q u e la t y r a n n i e des g r a n d s mo t s : tout ce
qu'il y a en m o i de l i b r e , de s e n s é , d ' h o n n ê t e , se
r évo l t e c o n t r e cel le p u i s s a n c e l y r a n n i q u e qui peut
c o n s a c r e r a v e c des m o t s l ' opp res s ion des dro i t s les
p lus s a in t s .


M. T h i e r s se p l a in t q u e n o u s n ' a v o n s p a s l'esprit de
la révolution française. Il v o u d r a i t q u e n o u s fussions
comme, lui des r é v o l u t i o n n a i r e s ; m a i s qu 'entend- i l pa r
là? il i m p o r t e r a i t de le, déc l a r e r ne t t emen t . Nous l ' avons
déjà vu en t ra i tan t de l ' éduca t ion na t iona le : l ' exp res -
sion de sa p e n s é e à ce sujet n ' e s t ni s imp le , ni c la i re .




D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E 277


L'esprit de la révolution, e s t - ce l ' espr i t de 89 ! es t -ce
l 'esprit de 93? e s t - ce l ' espr i t p h i l o s o p h i q u e et voltai-
r ien ? est-ce l ' espr i t p lus re l ig ieux d u consu la t ? es t -ce
l 'espr i t de la r é p u b l i q u e ? e s t - ce l ' espr i t de l ' e m p i r e ?
e s t - ce l ' espr i t athénien ? est-ce l ' e spr i t Spartiate? e s t -ce
l ' espr i t r a d i c a l ? e s t - c e l ' e spr i t b o u r g e o i s ? On a dit que
depu i s la r évo lu t ion f rança ise , la loi étai t a t hée et l 'État
l a ï q u e ! est-ce là l ' espr i t don t paide M. T h i e r s ?


Cette a ccumula t i on b i za r r e de q u e s t i o n s c o n t r a d i c -
toires n 'es t po in t de m a p a r t u n e fo rme de l angage :


j ' a f f i rme t r è s - s i n c è r e m e n t n e r ien e n t e n d r e à ce qu ' on
n o m m e l'esprit de la révolution : je m e p e r d s clans ce
déda le d ' app l ica t ions si d iverses q u ' o n en a faites si
l o n g t e m p s , sans qu 'on soil e n c o r e c o n v e n u d 'un sens
préc is .


M. T h i e r s a écri t deux h i s to i r e s cé lèbres : el les ont
en ce m o m e n t m ê m e des l ec teu r s i n n o m b r a b l e s : t ous y
a d m i r e n t la flexibilité de son t a l e n t , la fécondi té et la
péné t r a t i on de sa r a r e in te l l igence ; m a i s , je le lui d e -
m a n d e , l ' espr i t de la révo lu t ion f r ança i se , est ce l'esprit
qu 'on t r o u v e d a n s la p r e m i è r e de ces h i s to i r e s? est-ce
l'esprit qu ' on t rouve d a n s la s econde ?


De g râce , que 1Í. Th ie r s s ' exp l ique : quo iqu ' i l se p ro -
c lame un r é v o l u t i o n n a i r e , il n ' a é v i d e m m e n t pas su
e n c o r e définir l'esprit de la révolution française, ni d i re
su r tou t en quo i cet esprit diffère de l'esprit de l'empire,
dont il se fait auss i le panégyr i s t e et le défenseur .


Eh bien ! n o u s , n o u s lui d i rons s i m p l e m e n t et c l a i r e -
m e n t ce q u e n o u s c r o y o n s devoi r e n t e n d r e p a r lesj>rii
de la révolution, ce q u e n o u s s o m m e s à cet égard , et
auss i ce que n o u s n e s o m m e s p a s et ce que n o u s ne s e -
r o n s j ama i s .




178 D r . L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .
Et d ' abord qu 'es t -ce q u ' u n e r é v o l u t i o n ?
J ' o u v r e les d i c t i onna i r e s , dépos i t a i r e s de la r a i s o n et


de la pensée p u b l i q u e s , et je t rouve : changements brus-
ques et violents ([là ont lieu clans le gouvernement d'une
nation.


Cette définit ion est é t roi te et injuste : n 'y aura i t - i l
d o n c j a m a i s , au sein des soc ié tés h u m a i n e s , des c h a n -
g e m e n t s r a i s o n n a b l e s , ut i les et a c c o m p l i s s a n s v io lence ,
avec la sagesse du génie ?


L ' a m o u r de l ' h u m a n i t é et de la jus t ice n 'es t - i ! donc
p a s assez p ro fond d a n s le c œ u r des h o m m e s , et assez
p u r , p o u r y suffire que lque fo i s?


Cer tes , Alfred le G r a n d , C h a r l e m a g n c , sa int Lou is ,
Louis le Gros ont o p é r é d a n s la législat ion, d a n s l ' a d m i -
n i s t r a t ion , d a n s les ins t i tu t ions et le g o u v e r n e m e n t des
p e u p l e s , des r é v o l u t i o n s a d m i r a b l e s , et ils les ont a c -
compl ies sans s ecousses v io len tes et s ans d o u l e u r s .


Cer tes e n c o r e , y eut - i l j a m a i s d a n s le m o n d e u n e r é -
volu t ion p lus é t e n d u e et p lus p ro fonde q u e la r é v o l u -
t ion é v a n g é l i q u e ! on la c o m b a t t i t pa r le g l a i v e ; elle n e
comba t t i t pas : et s ans a u t r e s v io lences q u e celles
qu 'e l l e s o u t i n t , s a n s faire v e r s e r u n e l a r m e à ceux don t
elle b o u l e v e r s a i t les idées , don t elle dé t ru i sa i t les p r i n -
c ipes , ou sai t que l fut son t r i o m p h e .


Toutefois , q u o i q u e cet te définit ion soif é t ro i te et i n -
j u s t e , c o n v e n o n s qu 'e l le a été t r o p souven t justifiée p a r
la t r i s te réa l i t é des r é v o l u t i o n s de ce m o n d e .


Quoi qu' i l en soit , il est auss i j u s t e q u e conso lan t de
le p r o c l a m e r : il p eu t y avoir des révo lu t ions pa t ien tes
et in te l l igentes , c o m m e il y a des r évo lu t ions v io lentes
et b r u t a l e s : il p e u t y avo i r des r évo lu t ions h o n n ê t e s et
g l o r i e u s e s , c o m m e il y en a de h o n t e u s e s et de c o u p a -




! J , L LA P A C i ï ' I C A T I O . V il KL i Gl E U S E . 27!)


blos. En un mot , il v a des r évo lu t i ons qu i se font à
l 'aide de la spol ia t ion, ries é c h a f a u d s , du b a n n i s s e m e n t
et de la m o r t ; il y en a d ' a u t r e s qu i se font p a r l ' a s c e n -
dant du génie et d 'une v e r t u s u p é r i e u r e .


L'É\ angile n ' o r d o n n a p a s aux esc laves de b r i s e r l e u r s
fers sur la tête de leurs m a î t r e s , et il les affranchit p lus
s û r e m e n t q u e n e l 'avait fait S p a r t a c u s .


l 'ne vraie et légi t ime r évo lu t ion est le d ro i t et le
t r i o m p h e du plus r a i s o n n a b l e , non d u p lus fort.


h t ma in t enan t al lons a u fond.
11 y a donc deux choses d a n s u n e r évo lu t i on , les idées


et les faits ; c ' e s t - à - d i r e les p r inc ipes et les é v é n e m e n t s ;
c ' e s t - à -d i r e l'esprit des révolutions et l e u r s ac tes .


Ainsi, d a n s la révo lu t ion f rança ise , il y a eu :
1" Les idées, les p r i n c i p e s , les i n s t i t u t ions l ib res q u e


la révolu t ion a p r o c l a m é s , a fondés , et qu i c o n s t i t u e n t
son esprit;


2" Le r e n v e r s e m e n t socia l , les v i o l e n c e s , les d é s o r -
d r e s , et tout ce qu i c o m p o s e , se lon l ' exp res s ion de
M. Tl i icrs l u i -même , les erreurs et les excès de la révo-
lution.


De là deux a spec t s de la r évo lu t i on et d e u x sor tes de
r évo lu t ionna i re s p a r m i n o u s :


Les uns , si je pu is m ' e x p r i m e r a ins i , son t r évo lu t ion -
na i re s en p r inc ipe . Ils p r o c l a m e n t ou ils a c c e p t e n t les
i d é e s , les p r inc ipes , l ' e spr i t de la r évo lu t i on , en r e g r e t -
tant toutefois qu' i ls a ien t élé i m p o s é s p a r la v i o l e n c e ;
et la fatalité des é v é n e m e n t s ne suffit p a s p o u r jus t i f ier
à l eu r s yeux les excès et les erreurs, les c r i m e s et les
folies des h o m m e s .


Les au t r e s son t r é v o l u t i o n n a i r e s en fa i t , p a r l e u r s
actes , b e a u c o u p p lus q u ' e n p r i n c i p e et pa r les i d é e s .




•m D E L A P A C I F I C A T I O N P. E F I G I E F S E.


Les p r inc ipes d 'égal i lé r a i s o n n a b l e et de l iber té légi-
t ime, les d ro i t s , les ins t i tu t ions l i b r e s , p r o c l a m é s , froi-
des p a r la r évo lu t i on , c ' e s t - à - d i r e l'esprit wème DE (A
révolution, l eur i m p o r t e n t peu .


Le r e n v e r s e m e n t socia l qui p e r m e t à c h a c u n de p a r -
v e n i r à la d o m i n a t i o n , à la fortune, et de s ' impose r à
son pays : voi là ce qu ' i l s p ré fè ren t .


En p r inc ipes et p a r les idées , Fénc lon et le duc do
B o u r g o g n e , viassi l lon, B o u r d a l o u c et d ' a u t r e s h o m m e s
i l l u s t r e s , Bossue t l u i - m ê m e j u s q u ' à un cer ta in po in i .
c o m m e il se ra i t facile de te d é m o n t r e r à l 'aide de sa PO-
litique sacrée, é t a i en t n o n p a s sans dou te des ré \ d o -
t i o n n a i r e s ( l e s excès d 'un s o u v e n i r ineffaçable, qui ont
à j a m a i s d é s h o n o r é ce n o m , n e p c r m e l t c u ! pas de h
l e u r donne r ) : ma i s si l'on veuf s eu l emen t c o n s i d é r e r e n
qu' i l y a de g é n é r e u x , de vraiment libéral et d ' h o u n u e .
enfin, en ces g r a n d e s t r ans fo rma t ions soc ia les , si im••
p o r t a n t e s à la des t inée des p e u p l e s , je. n e c r a in s pas di-
l e d i r e , d a n s le s e n s n o b l e et élevé qu i conv i en t n a t u -
r e l l e m e n t à ce n o m , ces g r a n d s h o m m e s é ta ien t libé-
raux en p le in d i x - s e p t i è m e siècle : c ' es l -à -d i ro part',
s a n s d e ces ut i les r é f o r m e s , de ces déve loppe inc i . t i
g r a d u é s et in te l l igents d e l à l iber té , de ces ins t i tu t ion-
q u e la voix des sages p r o c l a m e favorab les au b o n h e u r
et à la d igni té des n a t i o n s ,


Cette p a r o l e é t o n n e r a peu t -ê t r e ceux qui n ' on t q u ' u n e
idée confuse de la l ibe r té et de l 'Évangi le , c l qui en
p a r l e n t p lus qu ' i l s n e les c o m p r e n n e n t : mais il sera i t
facile de d i s s ipe r l e u r é t o n n e m e n t et d 'éc la i rer lent
i g n o r a n c e , s'il é ta i t poss ib le de ci ter ici les texlos en
t émo ignage .


Voici d u m o i n s q u e l q u e s - u n e s des leçons que Los




I) E I. A l'ACI E I C A T I O N R E E ! G ! E F S E . 1S !


s u d donna i t au fils do Louis XIV : je ne s a c h e p a s q u e


j a m a i s l angage p lus noble c! p lus l ibre a i t r e l e n l i à l ' o -


reille des rois :


Ne vous croyez pas d 'un autre métal que vos sujets .
soyez-leur tel que vous voudriez qu' i ls vous lussent : soyez
parmi eux comme l'un d 'eux. . . Dieu, ajoutait-il , 'n 'a pas
établi Uni l de distinction pour l'aire d 'un cé>ié des orguei l -
leux et de l 'autre dos esclaves.


El encore :


Le prince n'est 'pas né pour lui-même : il est fan pour les
autres .


Les rois sont soumis connue, les autres à l 'équité des
lois, mais ils ne sont pas soumis aux peines des lois.


Et enfin :


il y a des lois contre lesquelles tout ce qui se fait est nul
de droit : il y a toujours ouver ture a revenir contre . . .


l îossuel a jouta i t , il est v r a i :


H n'y a dans le fond rien de moins libre que l 'anarchie,
qui ne commit d 'autre droit que celui de la force.


Les m é m o i r e s et les p l ans pol i t iques de Fénelon son t
t rop c o n n u s p o u r q u e je les r appe l l e : j ' i n v i t e toutefois
ceux q u e je c o m b a t s à les l ire ; ils v e r r o n t q u e l s fu ren t
en F r a n c e les h o m m e s qu i les p r e m i e r s e u r e n t la p e n -
sée de ces sages r é fo rmes , de ces i n n o v a t i o n s u t i les
dont nos m o d e r n e s l i bé r aux v o u d r a i e n t s ' a t t r i bue r ex-
c lus ivement la gloire : ils v e r r o n t si ce n ' e s t p a s d a n s
l'Église que se son t r e n c o n t r é s tou jours les vé r i t ab l e s
amis de l ' h u m a n i t é , qui a ccompl i s s en t d a n s la pa ix les




m tí K L A l ' A 0 1 F I C AT 1 0 N R F L1G1 F F S F .
c h a n g e m e n t s désirables on les améliorations n é c e s -
sa i res , que les pass ions r é v o l u t i o n n a i r e s n ' o n t j a m a i s
tentés q u ' à l ' a ide de secousses v io len tes et de b o u l e v e r -
s e m e n 1 s e il r o y a b 1 e s.


Cer tes , on le sai t , le c a t h o l i c i s m e a é m i n e m m e n t l 'es-
pr i t d ' au to r i t é : m a i s il a auss i l ' espr i t de l iber té .


Les p r e m i e r s dans le m o n d e , nos apô t r e s ont p r o -
c l a m é , d a n s un l angage qui n ' ava i t j a m a i s é lé pa r lé
a v a n t eux , les dro i t s inv io lab les et s ac r é s de tou tes les
l iber tés Jég i i imes , et l ' a l i r ancb i s se inen l de Ionios les
s e r v i t u d e s qui p e u v e n t o p p r i m e r i c i -bas la dignité de
l ' â m e et de la consc i ence h u m a i n e .


I n d é p e n d a m m e n t de ces l iber tés s a i n t e s , dont s a in t
Paul p r o c l a m a i t si hautement les dro i t s méconnus ,
sa in t Pau l a r é c l a m é p lus i eu r s l'ois p o u r l u i -même la
l iber té civile et 'politique : Je su is c i toyen roma in , ci vis
rom amm su m. J ' en appel le à César , s'éeria-t-H un j o u r ,
et César dut l ' en tendre , il y a des droi t s s a c r é s p o u r
tous.


Oui, en fait de l i be r t é , c o m m e en fait de vé r i t ab le
p h i l o s o p h i e , n o u s avons le d ro i t de d i re à n o s a d v e r -
sa i r e s ce que.J . -J . R o u s s e a u disa i t à ses contemporains:
Messieurs:, tout cela était dans l'Evangile avant d'être
dans vos livves.


Les l eçons q u e l ' immor t e l a r c h e v ê q u e de C a m b r a i
ava i t d o n n é e s à son t o u r a u petit-fi ls de Louis XIV
é t a i e n t en h a r m o n i e avec les l e çons de Rossuet : elles
a u r a i e n t p r é p a r é à la F r a n c e , dans un aven i r pacif ique
et g l o r i e u x , la j o u i s s a n c e des l ibertés légit imes q u e
n o u s devions depu i s a c h e t e r si che r , et dont n o u s n e
j o u i s s o n s e n c o r e q u ' i m p a r f a i t e m e n t .


Mais u n e p r o v i d e n c e p lu s sévè re n o u s r é se rva i t d ' au-




m: LA !> W',l E I C Ç T I O N R E L I G I E U S E , 285
très leçons : nous ne (lovions pas ê t re s a u v é s p a r les
conseils de la ve r lu : n o u s devions c r u e l l e m e n t p a y e r le
b o n h e u r d 'ê t re sages ; aux v œ u x et aux e s p é r a n c e s d ' u n
régne dont Voltaire, a dit :


La F r a n c e , s o n s son règne eût é té trop heureuse ,


s u c c é d è r e n t les d é s o r d r e s de la r égence , les i gnomin ie s
de Louis XV, tout un d ix -hu i t i ème siècle de s o p h i s m e s ,
de mensonges et de m œ u r s h o n t e u s e s : on sai t le r e s t e .


\ p r è s avoi r s emé su r le sol de la pa i r i e le vent de
l ' impié té , n o u s en avons recuei l l i les t empê tes : c 'étai t
j u s t e , lit c i n q u a n t e a n n é e s d ' ag i ta t ions et de d o u l e u r s
m e p e r m e t t e n t de d i re (pic la l iber té d 'un g r a n d p e u p l e
ne fleuriI pas h e u r e u s e m e n t au souffle de l ' i r rél igion et
au mil ieu des o rages r é v o l u t i o n n a i r e s .


Le plus ou moins de l iber té à d o n n e r à u n p e u p l e ,
l iberté civile, pol i t ique on r e l ig i euse , c 'est t ou jou r s u n e
ques t ion de jus t i ce , c 'est tou jours aus s i u n e q u e s t i o n
de p r u d e n c e .


Qu 'es t -ce q u ' u n e n a t i o n , qu 'es l -ee q u ' u n p e u p l e à son
o r ig ine? . . . I n enfant : la civil isat ion l 'é lève.


La civil isation est I ' ins l i lu l r ice des p e u p l e s ; m a i s
celle g r a n d e éduca t ion ne se fait pas en un j o u r .


il \ fuit du temps. Selon q u ' u n peup le dev ien t p lus
éclai ré , p lus g rave , p lus in te l l igent ; q u ' o n m e p e r m e t t e
de le d i re , p lus re l ig ieux ; p lus d igne de la l i be r t é , p lu s
capab le d'en profi ler a \ e c h o n n e u r , ce peup l e doi t la
t r o u v e r un j o u r d a n s ses ins t i tu t ions : c 'es t l ' o rd r e de
la P rov idence .


La vraie sagesse d 'un pè re , c 'est d ' a n n o n c e r la l iber té
à son tils, à l ' heu re convenab l e .


La g rande sagesse du p o u v o i r , p è r e des p e u p l e s ,




2S'i D E LA P A L I E ! C A T I O N l ' . E E l G I E L S E .


c'est de ne p a s refuser à une société digne d'en j o u i r
les l iber tés q u e r é c l a m e n t ses l u m i è r e s , ses goûts g é n é ­
r e u x , son in te l l igence , ses beso in s r é e l s ; c'est de favo­
r i s e r les c h a n g e m e n t s qui son t la l ibre et j u s t e e x p r e s ­
sion des lég i t imes ex igences soc ia les ; car a lors ces
c h a n g e m e n t s sont prov iden t i e l s , et ces beso ins neuve:)!
ê t re s û r e m e n t r e c o n n u s et p r u d e m m e n t satisfaits.


Les r évo lu t i ons , à l eu r n a i s s a n c e , ne sont q u e l q u e ! u s
p a s a u t r e c h o s e q u e des pr inc ipes qui veulent se faire­
j o u r : o n les voit p o i n d r e à l ' hor izon des choses h a
m a i n e s ; le génie les d é c o u v r e de p lus loin. Ihuuvii.v, r­s.
p e u p l e s , q u a n d c 'est la sagesse qui en p r é p a r e et qui
en décide avec le t e m p s le pais ible t r i o m p h e ! »


Ce s o n t a lors des r é v o l u t i o n s h o n n ê t e s et glorîcus.e.s ;
l eu r s o u v e n i r n ' a t t r i s t e p a s l 'h i s to i re .


Louis le Gros p r o c l a m a n t l ' a f f ranchissement dos
c o m m u n e s , sa in t Louis c o n s t i t u a n t p o u r les peuples
les g a r a n t i e s t u t é l a i r e s et i ' o rd re régul ie r de la j u s t i ce ,
l ' ava ien t c o m p r i s , et s u r e n t c o u r a g e u s e m e n t Гас
compl i r .


Et les h o m m e s i l lus t res dont j ' a i déjà p a r l é , l ' éne ion,
le d u c de B o u r g o g n e , .Massillon, Bossue! , B o u r d a î o u e ,
s'ils ava ien t vécu au xix'' siècle, en a c c e p t a n t les con­
di t ions de la soc ié té nouve l l e , a u r a i e n t favorisé ce qu' i l
a de n o b l e et de g é n é r e u x d a n s ses i n sp i ra t ions , et,
c o m m e le font a u j o u r d ' h u i nos é v o q u e s , a u r a i e n t r é ­
c l a m é les l ibe r tés l ég i t imes , les l iber tés néces sa i r e s qui
n o u s m a n q u e n t e n c o r e .


Et le p o u v o i r qui eût rés i s té à l eu r s vomx n ' e û t pas
été s a g e ; cet te r é s i s t a n c e eût été i m p r u d e n t e : elle eût
m ê m e été c o u p a b l e ; car si c'est l ' in térê t , c'est aussi le
devo i r de ' l 'autori té , pro l ec t r i c e des n a t i o n s , de satisfaire




D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E . 285


les beso ins , et por là m ê m e de p r é v e n i r les pér i l s de
l 'o rdre social.


Autant le pouvo i r s'affaiblit en cédan t à d ' in justes ex i -
gences , a u t a n t il s ' h o n o r e et se fortifie en cédant à des
vieux legitimes. Résister à la ju s t i ce , c'est aveuglement,
et non [crínele, dit Rossuel. ; cette dureté est fatale : qui ne
veut jamais plier, casse load à coup.


Ce qu i est j u s t e , ce qui est n é c e s s a i r e , c 'est à l 'auto-
rité à le fa i re ; elle seule peu t le faire bien ; si elle ne le
fait pas , d ' au t r e s l o f e ron t , m a i s le feront mal.


il y a u r a t o u r à tour fa iblesse et v io lence , l icence et
t y r a n n i e ; la l iber té et l ' au to r i t é s e r o n t é g a l e m e n t fou-
lées aux p ieds . Malheur à ce l l e nation ! ses troubles
se ron t sans lin ; il f audra un siècle p o u r la pac i f i e r ; et
enco re les forces humaines n'y suffiront p a s , et la reli-
gion seule p o u r r a a c c o m p l i r , d a n s la jus t ice c l dans la
paix, l ' a l l iance d e la liberté g é n é r e u s e et s i ncè re avec
l ' au tor i té p ro l ec t r i ce el p u i s s a n t e .


Il y a t ou jou r s pér i l p o u r la soc ié té , il y a désordre,
l o r s q u e les g r a n d s des se ins de la P r o v i d e n c e ne s'ac-
complissent po in t à l ' a ide des h o m m e s placés haut dans
une na t ion , ou par dos pos i t i ons déjà faites, ou par l e u r
génie , p a r l e u r ve r tu , p a r l e u r d é s i n t é r e s s e m e n t et aussi
p a r c e l l e miss ion p rov iden t i e l l e qui se r e c o n n a î t à u n e
p e r s é v é r a n c e pa t i en t e et c a l m e , j a m a i s aux p réc ip i t a -
d o n s v io len tes , j a m a i s aux p e r s é c u t i o n s p h i l o s o p h i q u e s ,
j a m a i s s u r t o u t aux entreprises i r r é l ig ieuses .


l ' nc â m e h a u t e c l p u r e disait, avec un s e n t i m e n t p r o -
fond de la ju s t i ce et de la r a i son de Dieu : J e ne croirai
jamais que Bien se serve des impies et des libertins pour
sauver la. société.


Ces p r i n c i p e s p o s é s , et le l e c t eu r da igne ra m ' e n p a r -




286 DE LA PACIFICATION U E O i G I F l ' S E


d o n n e r le long et nécessa i r e développe. )»-"! : Ti 'cn -
t e n d - o n par l'esprit de la révolution française?


M. Thiers entend-il les violences cl ï"s d é s o r d r e s de
cette époque ? Non, s a n s d o u t e , c a r il les r e p o u s s e l u i -
m ê m e , q u a n d il les n o m m e , d a n s son langage modéré,
des excès et des erreurs.


Entend- i l les ins t i tu t ions l i b r e s , la l ibc i l é de c o n -
sc ience , la liberté politique, la l iber té civile, la l iber té
ind iv idue l le , la l iber té des familles, la l iber té de l ' édu-
ca t ion , la liberté des op in ions , l 'égali té devan t la loi,
Légale r épa r t i t i on des impôts et des c h a r g e s publi p i e s ?


Tou t cela , n o u s le p r e n o n s au sér ieux , n o u s l 'accep-
t o n s f r a n c h e m e n t , n o u s l ' i n v o q u o n s a u g r a n d j o u r des
d i scuss ions p u b l i q u e s .


11 est vra i et nous l ' avouons sans pe ine , ceux qui nous
on t précédés d a n s la c a r r i è r e vécuronl q u e l q u e t emps
clans la déf iance de ces ins t i tu t ions : cela se conço i t ; les
moyens violents, les excès et les erreurs enVayent tou -
jours avec r a i s o n les h o n n ê t e s g e n s ; et il le f-mt bien
a v o u e r , les c r i m e s ava ien t t rop ensang lan té les p r inc ipes .


Cer tes , qu i le peu t n ier , n'eûl-il pas mieux valu (pue
tout cela eû t é té accompli p a r un Cha r l emngno ou pa r
un Sul ly? C i n q u a n t e a n n é e s de d o u l e u r s eussent été
é p a r g n é e s à la F r a n c " , et la pa i r i e , si l ong temps voilée
de deui l , n e serait pas c o n d a m n é e a u j o u r d ' h u i e n c o r e a
gémir s u r les t r i s tes divis ions de ses enfants.


Mais enfin a u j o u r d ' h u i , c h o s e nouve l le et h e u r e u s e ,
la pa ix p e u t se fa i re ! Ces l iber tés si chè res à ceux qui
n o u s a c c u s e n t de n e p a s les a i m e r , n o u s les p r o c l a m o n s ,
n o u s les i n v o q u o n s p o u r n o u s c o m m e p o u r les a u t r e s .
For ts de nos conv ic t ions , i n é b r a n l a b l e s d a n s l ' a m o u r de
la vé r i t é c a t h o l i q u e , n o u s d é m e n t o n s d a n s le fond de




D E L A P A C I F I C A T I O N " R E L I G I E U S E . IR-


n o s a ines , i m m u a b l e s c o m m e l 'Église au mi l i eu des agî-
lal ions l iumaines : m a i s auss i , c h a r i l a b i é s el éc la i rés
c o m m e elle, n o u s ne r e p o u s s o n s p a s , eu les r é c l a m a n t
p o u r n o u s , u n e t o l é r ance s incè re des h o m m e s qui s 'éga-
ren t , u n e d i scuss ion la rge cl g é n é r e u s e des o p i n i o n s
h o u n è l e s : n o u s c o m b a t t o n s s a n s d o u t e , ma i s n o u s ten-
dons tou jours u n e m;iin i ' ralerneJlc a nos a d v e r s a i r e s ;
en un m o l , n o u s a c c e p t o n s , n o u s p r o c l a m o n s l ' espr i t
géné reux , le vér i tab le e sp r i t de la r évo lu t i on française ,
en dép lo ran t avec si. Th i e r s ses excès el ses e r r e u r s .


.Mais, chose é t r a n g e ! cet e spr i t g é n é r e u x de la r é v o -
lu t ion , tous ces p r i n c i p e s d 'égal i té n a t u r e l l e , de l ibe r té
l é g i t i m e : l ibe r té r e l ig ieuse , po l i t ique ; l iber té de c o n -
sc ience , l iber té pa t e rne l l e , i nvoqués en 1789 et c o n s a -
crés p a r les c h a r t e s de 1814, cl s u r t o u t du i rc te ; l o u l
cela, nos a d v e r s a i r e s , el 31. T h i e r s à l e u r lè le , a u j o u r -
d 'hui le d é s a v o u e n t : tous ces p r i n c i p e s son t b l e s sé s ,
refoulés d a n s tous les p r i n c i p a u x o r g a n e s du p a r t i qui se
p r é t e n d l ibéra l .


Ce pa r t i t o u r n e d a n s u n m a u v a i s t o u r b i l l o n des e r -
r e u r s et des excès r é v o l u t i o n n a i r e s , t and i s q u e n o u s ,
marchan t , à t r ave r s la pous s i è r e des r é v o l u t i o n s , n o u s
t e n d o n s a u vra i bu t , au g r a n d b u t des c sp i r . s h o n n ê t e s ,
des g r a n d s espr i t s de l 'Assemblée c o n s t i t u a n t e .


Tous les d i scour s de nos a d v e r s a i r e s , je ne c r a in s p a s de
le di re , ne son t faits (pue con t r e la l iber té ; ils ne t ra i tent
q u e des i nconvén i en t s de la l iber té , ils ne p a r l e n t q u e des
avan tages du despo t i sme : t ou t ce qu i est l ibre les b lesse .


Voyez avec quel le c o m p l a i s a n c e M. Th i e r s r a c o n t e
l ' œ u v r e abso lu t i s t e die l 'Empi re ; il n e se lasse p a s de faire
admi r e r Y habileté de Napoléon qui, obligé d'admettre des
établissements particuliers d'éducation, se promit de les




Î8S D E E A P A C I F I C A T I O N ' i l E 1.1GI E U S E.


A B S O R B E R tous un jour ; et en attendant qu'il put les A T Î -
S O R I Î K R tous, les soumit aux conditions du m o n o p o l e
exclusif et j a l o u x don t M. Th ie r s loi ici te o u v e r t e m e n t
l 'Universi té d'avoir réalise exactement la pensée.


Il y a, d a n s tou te ce t t e doc t r ine , c o m m e un p a n -
thé i sme po l i t i que , u n e idolâ t r ie de FÉtal .qui tend à t ou t
a b s o r b e r : l ' i nd iv idu , l 'enfant , le pè re , la m è r e , n e sont
r i e n ; la famille n ' e s t r i e n ; l 'Église n 'es t r i e n ; la con -
sc ience , les â m e s , r ien : l 'Éta t es t tout , a b s o r b e tout.


Xos a d v e r s a i r e s ne s a v e n t l o u e r q u e Je p a t r i o t i s m e de
ia Convent ion , le d e s p o t i s m e de l 'Empi re et Jes v e r t u s de
S p a r t e ; c ' e s t -à -d i re les a b s o r p t i o n s les p lus abso lues de
l ' ac t ion p e r s o n n e l l e , les d o m i n a t i o n s les plus exclusives
de la l ibe r té i n d i v i d u e l l e ; et c 'est tout cela qu ' i l s n o m -
m e n t l'esprit de la révolution, don t ils se cons t i tuen t les
dé fenseurs .


Mais qu ' i l s m e p e r m e t t e n t de le l e u r d i r e , et tout le
m o n d e le l eu r dira avec moi : p o u r eux, la r évo lu t ion ,
ce n ' e s t d o n c pas la l i b e r t é ?


Ce n ' es t p a s m ê m e l 'égali té na tu re l l e et c h r é t i e n n e ;
ce n ' e s t pas le t r i o m p h e des d ro i t s d e l à consc ience h u -
m a i n e :*c'est la d o m i n a t i o n et le d e s p o t i s m e : c 'est le
b o u l e v e r s e m e n t social qu i dép lace les h o m m e s et Jes
c h o s e s , qui t roub le l ' o rd r e et la h i é r a r c h i e des capac i tés ,
des ta lents et des v e r t u s ; qu i les r e m p l a c e p a r des a m -
bi t ions d é s e s p é r é e s ; qui po r to à la domina t ion ceux q u e
favor isent l eur fo r tune ou l e u r a u d a c e , leur p l u m e , l eur
pa ro le ou l eu r épée .


Es t - ce là r ée l l emen t ce qu ' i l faut e n t e n d r e pa r Y es-
prit de la révolution frane-aise? Je ne veux poin t le
c r o i r e ; car a u t r e m e n t , il f audra i t pense r de ceux qu i
n o u s c o m b a t t e n t , qu ' i l s on t dit en sec re t d a n s l eu r




D E E A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E


aine , ce que Chénier disai t à Benjamin Cons tan t : Pé-
risse la liberté, mais pas la révolution ; la révolution n'a
pas été [aile pour la liberté!


Eh bien ! n o u s , n o u s ne l ' en t endons p a s de la sor te !
Cer tes , ap r è s les exp l ica t ions q u e j ' a i d o n n é e s , on n ' a
p lus le d ro i t de n o u s d i re qu ' insens ib les à la m a r c h e du
t e m p s , s o u r d s à la voix de l ' expé r i ence , n o u s ne c o m -
p r e n o n s p a s les m œ u r s et les idées de la F r a n c e nou-
velle, que nous n ' e n t e n d o n s rien à l'esprit de la révolu-
tion ,' Car, je le déc la re de n o u v e a u : Que f a i sons -nous ,
en ce m o m e n t , que r e n d r e h o m m a g e au vér i tab le espr i t
de la r évo lu t ion f rança ise , en i n v o q u a n t ses bienfai ts ,
en r é c l a m a n t la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t p r o m i s e p a r la
Char te , et avec elle toutes les légi t imes l iber tés re l i -
gieuses !


Te le d i ra i d o n c , en finissant, à nos a d v e r s a i r e s : de
q u e l q u e façon q u e vous n o u s cons idé r iez , se lon la vé -
rité ou selon vos p ré jugés , c o m m e auxi l i a i res ou c o m m e
va incus , nous venons à v o u s , n o u s et tou t ce qui m a r c h e
avec nous- , achevez v o t r e c o n q u ê t e en n o u s a c c e p t a n t ,
et ne r epoussez p lus en aveugles de p r é t e n d u s e n n e m i s ,
qui vous offrent et qui vous d e m a n d e n t la paix d a n s
la l iber té et d a n s la j u s t i c e ; ca r a u t r e m e n t , c o n n u e le
disait lïï. l i b e r s , le jour, le jour heureux ou la France,
une, rapprochée dans les mêmes idées, dans les mêmes
sentiments, aura recouvre la force du faisceau, ce jour
sera reculé d'un epiart de siècle.


Nos adve r sa i r e s n o u s e n t e n d r o n t - i l s ? Cette a l l iance ,
que l ions p r o p o s o n s avec la p lus en t i è re b o n n e foi, se
fera-t-elle? qui r a p p r o c h e r a enfin tous ces fils de la m ê m e
nat ion , tous ces frères divisés ?


Nous al lons r é p o n d r e à ce t te d e r n i è r e ques t i on .


i . 19




CHAPITRE IV.
Conclusion. —Quand et comment tout cela finira-t-il?


Il y a trois choses don t la force est g r a n d e i c i - b a s ;
t ro is choses don t il n e faut j a m a i s se m o q u e r , pa r ce
q u ' o n n e sait b ien ni ce qu ' e l l e s son t , ni d 'où elles
T i e n n e n t , n i où elles von t : le Temps, le Hasard, l'Opi-
nion.


Eh b i e n ! le t e m p s , le h a s a r d , l 'op in ion , son t p o u r
n o u s , et n o u s a p p o r t e n t la l i be r t é d ' e n s e i g n e m e n t , et
avec elle toutes les légi t imes l iber tés re l ig ieuses don t
n o u s dev r ions j ou i r depu i s c i n q u a n t e a n n é e s , et don t
seu ls , ou à p e u p r è s , n o u s s o m m e s p r ivé s en F r a n c e ,
n o u s a u t r e s c a t h o l i q u e s .


I. — L E T E M P S .


Le T E M P S ! . . . Un h o m m e q u e p lu s i eu r s voix ont pro-
c l amé l ' o rac le de la po l i t ique et don t l ' au tor i t é est de-
m e u r é e g r a n d e en fait de p r u d e n c e h u m a i n e , a dit : En
tondes choses il faut toujours se ménager pour A L L I É le
G R A N D EX'XEMT de l'homme, le Temps.




>>K LA PAC [ F I ( . A T I O N I! F 1.1 GI F E S E. 591


Le temps a, pour tout modifier, îles secrets que le génie
lui-même ne trouve pus. Celte pa ro l e est d ' un g r a n d
sens . "W. de T a l l e j r a n d disai t e n c o r e :


N'ayons pas la maladresse de demander au présent
re que l'avenir nous apportera sans efforts. Il a joutai t :


On n'est pas assez capable de grandes choses quand
on ne sait i>us attendre.


Eh bien ! le t emps est no t r e allié na tu r e l d a n s la g r a n d e
cause de la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t et des l iber tés r e l i -
gieuses.


En force, la p u i s s a n c e m y s t é r i e u s e , le gén ie du t e m p s
c o m b a t t e n t p o u r n o u s .


.l'en ai u n e convic t ion si f e rme , q u e si d ' u n e p a r i les
défenseurs de la liberté'" re l ig ieuse saven t attendre, et si
de l 'ardre on n ' e m p l o i e p a s c o n t r e la ju s t i ce et le bon
sens invincible de cet te c a u s e des m o \ e u s r é v o l u t i o n -
nai res , si on ne fait pas v io lence a u t e m p s ; je ne dou te
pas q u ' a v a n t peu d ' a n n é e s elle ne soit t r i o m p h a n t e ; et
si ou emploie ces m o y e n s , on jettera d a n s le p a y s u n e
pe r tu rba t ion p ro fonde , sans faire a u t r e c h o s e q u e r e -
farder a u profit d 'un monopole a b s u r d e et d 'un d e s p o -
t isme odieux, le t r i o m p h e inévi table du b o n sens el de
la. jus t ice .


CVtai! la pensée q u ' e x p r i m a i t un des p r e m i e r s et des
pins honorables m a g i s t r a t s du r o y a u m e , dont le n o m
et J 'autori té n e s e m b l e r a i e n t p a s , a u p r e m i e r a b o r d ,
devoir ê t re favorab les à la l i be r t é r e l i g i e u s e , l o r squ ' i l
disait à un de. ses nobles col lègues à la C h a m b r e des
pairs : Celle cause gagne et gagnera chaque jour néces-
sairement du terrain. Ce qui suffisait il y a trois ans ne
suffira plu< aujourd'hui; et ce qui suffirait aujourd'hui
ne suffira plus dans trois ans,




295 D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


Le t e m p s , ou i , je le r é p è l e , le t emps est l 'allié n a t u -
rel de la grande cause de la liberté religieuse, et si l 'on
veu t en savoi r la r a i s o n , c 'est q u e le t e m p s est l 'allié
p rov iden t i e l du droi t , de la jus t i ce et du bon sens , et
les fait t r i o m p h e r à la l o n g u e .


C'est le bienfait d u t e m p s et sa pu i s sance m y s t é r i e u s e ,
q u e la vér i té et la r a i son p r é v a l e n t t ou jou r s avec lui et
déf in i t ivement l ' e m p o r t é e t.


C'est auss i la gloire de l ' h u m a n i t é , que le m e n s o n g e
et l ' in iqu i té ne t r i o m p h e n t j a m a i s s a n s r e t o u r a u p r è s
d 'el le .


Dieu ne le p e r m e t p a s , e l l e t emps qu i souff re , qui
volt et qui fait que lquefo i s tant d ' i n ju s t i ce s , est c o n -
d a m n é p a r la P r o v i d e n c e à les r é p a r e r ic i -bas , m ê m e
avan t le j o u r de la g r a n d e r é p a r a t i o n ; et il y a la jus t i ce
du t e m p s a v a n t la j u s t i ce de l ' é te rn i té .


Mais je me t rouve ici j e té d a n s u n e région d ' idées s u -
p é r i e u r e s auxque l l e s n e s 'é lèvent p e u t - ê t r e p a s assez
s o u v e n t les h o m m e s po l i t iques de ce siècle : les espr i t s
s é r i eux ne re fuseron t pas de m 'y su ivre .


P o u r q u o i d o n c le temps, qui esl le grand ennemi de
l'homme, qu i lui m a n q u e t o u j o u r s , qu i lui é c h a p p e ,
qu i le t r a h i t ; le t e m p s qui s emble ê t re a u service de,
l ' h o m m e , m a i s qu i ne le ser t j a m a i s qu ' en ma î t r e , en
m a î t r e a v a r e , in jus te , c a p r i c i e u x , t r o m p e u r ; le t emps
qu i le r o n g e , qu i le d i m i n u e , qu i le d é t r u i t , qu i le dé -
v o r e ;


C o m m e n t se fait-i l q u e ce grand ennemi de l'homno'
et de ses œ u v r e s soit c e p e n d a n t à son service une pu i s -
s a n c e si forte, q u e tout h o m m e , q u e toute cause , qui
p e u t d i re : J 'a i le t emps p o u r m o i , est s û r de t r i o m -
p h e r ; q u e t o u t h o m m e m ê m e qui peu t d i re : Je ne suis




DE LA PACIFICATION R E L I G I E U S E . 2 3 3


pas p r e s s é , je pu i s a t t e n d r e ; a u n e s u p é r i o r i t é c e r -
t a i n e ?


C o m m e n t se fait-il s u r t o u t q u e le t e m p s soit l 'allié
na tu re l de l ' h o m m e d a n s t ou t e s les causes j u s t e s et ra i -
s o n n a b l e s , l 'allié p rov iden t i e l d u b o n d ro i t et de la
vér i té?


Je vais en (lire les g raves r a i s o n s :
C'est d ' abo rd pa r ce q u e le t e m p s la isse et fait réflé-


ch i r , p a r ce q u e le t emps a m è n e la success ion des idées ,
des in térê ts et des l u m i è r e s ; p a r c e q u e le t e m p s éc la i re
on d o n n a n t le loisir d e p e n s e r , de c o n s i d é r e r , de voi r ,
choses q u e l ' h o m m e no fait j a m a i s assez .


Le t e m p s est à D i e u ; m a i s q u a n d Dieu d o n n e le t emps
à l ' h o m m e , l ' h o m m e , s'il sa i t en profi ter , p e u t i m m e n -
s é m e n t : et il y a u n e p ro fonde sagesse d a n s ce mot : Avec
le t emps on vient à b o u t de tout. Non, on ne c o m p r e n d
pas la vie h u m a i n e et le s ec re t de sa p u i s s a n c e , q u a n d
on i gno re la p u i s s a n c e du t e m p s .


La plus sage des conse i l l è re s , l ' e x p é r i e n c e , est fille du
t emps et de la réf lexion.


Et voilà p o u r q u o i , a u fond, le t e m p s n ' e s t l ' ennemi q u e
des causes in jus tes , des c a u s e s p r é c i p i t é e s .


Les c a u s e s d o u t e u s e s r e d o u t e n t le t e m p s , p a r c e
qu 'e l les r e d o u t e n t Ja réf lexion, la l u m i è r e , l ' expé r i ence .


II y en a u n e s e c o n d e r a i son : c 'est q u e le t e m p s
lasse et use les m a u v a i s e s p a s s i o n s .


Elles son t v iolentes . Tou t ce qu i es t v io lent n e d u r e
pas : à la l ongue , elles se fa t iguent , se d é c o u r a g e n t , ou ,
ce qui est me i l l eur e n c o r e , elles se co r r i gen t .


Les b o n n e s p a s s i o n s saven t a t t e n d r e , et a v e c le t e m p s
elles se dégagen t e l l e s - m ê m e s de ce qu ' e l l e s p e u v e n t
avoir de t r o p vif et des m o u v e m e n t s d ' u n zèle e m p o r t é .




I>E LA P A C I F I C A T I O N Il i t L ! 0 ; F U S i'


Elles s e n t e n t q u e la ver tu cesse où l ' excès c o m m e n c e .
Le t e m p s auss i apa i se les r e g r e t s , les r e s s e n t i m e n t s ,


les d o u l e u r s : 'L'emparé lenlescu/it carœ.
Le t e m p s fait viei l l i r , d é s e n c h a n t e , d i s s ipe les i l lu-


s ions , les p r é jugés , les e r r e u r s , c ' e s t - à - d i r e tout ce qu i
est favorab le aux m a u v a i s e s causes et défavorab le aux
b o n n e s : tôt ou t a r d , il d o n n e tou jours la vic toire à la
r a i s o n : Le temps, dit avec a u t a n t de force que de grâce
le p r o v e r b e i t a l i en , te temps est un galant homme : « il
« temjio è galantaomo. »


Le t e m p s r e n d auss i les h o m m e s p lus h un .blos, p lus
m o d é r é s , et pa r sui te p lus v ra i s et me i l l eu r s .


Aussi n 'y a-t-il r i en de for t , r i en de durable, p a r m i les
h o m m e s , si le t e m p s n 'y est m i s .


Les g r a n d e s c h o s e s , les g r a n d e s lois , les fortes ins t i -
t u t i o n s , les c h o s e s d ' a v e n i r qui ( lo i \eni t r a v e r s e r l e s
siècles et les d o m i n e r : ces c h o s e s dont Je poê l e a dil :
Durando sœcula vineit, son t tou tes filles d u t e m p s .


C'est le t e m p s qui fait découvr i r les g r a n d e s véri lés,
le t e m p s qu i a m è n e les g r a n d s c h a n g e m e n t s ou les con-
s a c r e . En un m o t , il n 'y a q u e les choses laites p a r le
t e m p s et avec le t e m p s qu i d e m e u r e n t L


Les lois i m m o r t e l l e s son t filles du t e m p s , c o m m e les
lois i m m u a b l e s sont filles de l ' é te rn i té .


En u n m o t , le t e m p s est Ja v a l e u r des c h o s e s : elles
va l en t ce qu ' e l l e s on t coû té de t e m p s .


Les lois d ' excep t ion , faites p o u r des in t é rê t s ou p o u r
des p a s s i o n s d ' un j o u r , d u r e n t p e u .


1 Quis autem q u e m n o n n i o v e a t c lar iss imis mumiracnl is IcsUOa
cons ignataque antiquilas


Vrto ia majestas i iuas lam el , ul sic d h c r i i n , ic l l igiu cu imneni la l .
C I C C R O S .




D E LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E . ;l)5


Je défie qu 'où m e m o n t r e u n e g r a n d e chose qui ait
été faite vite.


La des t ruc t ion seule est p réc ip i t ée : c 'est le c o u p de
foudre ; niais la c réa t ion veut tou jours d u t e m p s . Dieu
l u i - m ê m e a dé l ibé ré et emp loyé six j o u r s , q u a n d il es t
sorti de son é t e r n i t é , p o u r l'aire l ' h o m m e et le m o n d e
dans le t emps .


Le t emps m ê m e a c o m m e u n s c e a u qu i n 'es t qu ' à lui ,
p o u r l ' i m p r i m e r su r les ru ines , Celles q u e la ma in des
h o m m e s a faites sont s a n s ma jes té , et n ' on t j a m a i s l ' em-
pre in te augus t e des r u i n e s d u t e m p s


Et ici j ' e n t r e d a n s u n e r a i son plus p ro fonde e n c o r e :
le t emps est a u serv ice de l ' é te rn i té ! voilà p o u r q u o i la
jus t ice , la vér i té , tout ce qu i est é te rne l , tout ce qu i est
i m m u a b l e c o m m e D i e u , t rouve d a n s le t e m p s u n allié
na tu re l , un alJié p u i s s a n t , un allié fidèie : Dieu se cache
d a n s le t emps p o u r faire t r i o m p h e r ses consei ls à l ' h eu re
de sa p rov idence ,


Dieu ne fait sa g r a n d e jus t ice q u e d a n s l ' é te rn i té ; m a i s
ii ne la isse j a m a i s p a s s e r un t r o p long t e m p s sans la
faire auss i su r la ferre. 11 Larde s o u v e n t , ma i s enfin il
se manifes te .


Se l ier au t emps et a t t e n d r e , c 'est donc se fier à Dieu
et e spé re r 1


11 faut donc q u e les dé fenseu r s des c a u s e s sa in tes ne
se la i ssent j a m a i s e n t r a î n e r à l ' impa t i ence .


Sans d o u t e il faut savoi r c o m b a t t r e p o u r la vér i té et
la j u s t i c e ; mais il faut auss i , il faut s u r t o u t savoi r a t -
t e n d r e .


J Voyez à Rumc les m i n e s factices d'une vil la cé l èbre . Puissance
d'argent croit tout pouvoir , m ê m e imiter la pu i s sance du t e m p s : elle,
n'y a pas réuss i .




!0G D E LA P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


P o u r q u i c o n q u e veu t e n t e n d r e à fond les choses h u -
m a i n e s , et les se rv i r , il ne suffit pas de c o n s i d é r e r le
d e r n i e r | coup qu i les déc ide ; il faut les r e p r e n d r e de
p lus h a u t ; et d a n s l ' e n c h a î n e m e n t c a c h é de tou tes les
g r a n d e s choses d u i n o n d e , il y a tou jours ce qu i les p r é -
p a r e de lo in , pu is l es m o u v e m e n t s secre ts qu i les m û -
r i s s e n t en s i l ence , pu is les con jonc tu re s i m p o r t a n t e s qu i
les font éc la te r . Qui a prévu de plus loin, dit l ïossuel ,
qui s'est le plus appliqué, qui a duré le plus longtemps,
qui a le plus p a t i e m m e n t a t t e n d u , l ' empor t e à la l o n g u e .


RI la r a i son s u p r ê m e , la voici :
Dieu a fait l ' h o m m e a b r é g é et sa vie cour te , et c 'est


pa r là s u r t o u t q u e c 'est u n e vie d ' ép reuve .
La vie de l ' h o m m e n e suffit pas p o u r faire t r i o m p h e r


la vé r i t é et la j u s t i ce . Aussi ce n 'es t j a m a i s le t emps p r é -
sent seul qu i déc ide l e u r t r i o m p h e . Le t e m p s pa s sé les
p r é p a r e , le t emps p r é s e n t s 'en é tonne , l ' aveni r les ac-
cepte , et celui- là seul les fait t r i o m p h e r , qu i p rés ide à
tous les t e m p s et d o m i n e tous les consei ls .


Ceux qu i voient le t r i o m p h e de la vér i té et de la j u s -
tice ne l 'on t p a s p r é p a r é , et ne p e u v e n t s 'en glorifier.
Ceux qu i l 'ont p r é p a r é m e u r e n t avan t de le voir , et se
confient à la P r o v i d e n c e , s û r s de l eu r cause , et sa luan t
de loin son infaillible t r i o m p h e .


Et c 'est p a r là q u e , n o u s a u t r e s ch r é t i en s , n o u s n o u s
s é p a r o n s p r o f o n d é m e n t d e ceux q u ' o n n o m m e des r é v o -
lu t ionna i r e s . C o m m e ils t r ava i l l en t p o u r eux , ils ne s a -
vent p a s a t t e n d r e : ils veu len t recue i l l i r a v a n t que le
t e m p s ait fait la m a t u r i t é de la j u s t i ce ; ils font violence
a u t e m p s .


_\ons, n o u s r e s p e c t o n s la loi du t emps , et n o u s fai-
sons les c h a n g e m e n t s à la longue . P o u r e u x , ils a r m e n t




I) E E A l 'AGI 1'1 G A ï 1 0 X R E E1G J E U S E . 297


le lumps de l eu r s pas s ions , et le c h a r g e n t de t empê te s .
Kl voilà p o u r q u o i les œ u v r e s r é v o l u t i o n n a i r e s son t


toujours si r e d o u t a b l e s : c 'est p o u r q u o i auss i c eux qu i
a iment les r évo lu t ions plus q u e n o u s , et M. ' f luors lu i -
m ê m e , d é c l a r e n t qu'il en faut faire le moins possible ;
voilà p o u r q u o i il y a p a r m i n o u s t an t de r évo lu t ion -
na i r e s c o r r i g é s ; voilà p o u r q u o i tous les eil'orts des c i -
t o y e n s h o n n ê t e s t enden t à en finir avec les r évo lu t ions .


Même q u a n d les c h a n g e m e n t s son t b o n s et j u s t e s , la
sanct ion du t e m p s l e u r es t e n c o r e n é c e s s a i r e . A u t r e -
m e n t , c 'est l'aire ma l le b i en , c 'est d é s h o n o r e r la
jus t ice .


Les scé lé ra t s son t des h o m m e s qu i n e c ro ient p a s à
la pu i s s ance et à la j u s t i ce de l ' é te rn i té . Les r évo lu t i on -
na i re s sont des h o m m e s qu i ne c ro ien t p a s à la p u i s -
sauce et à la jus t i ce du t emps : et, q u ' o n me p e r m e t t e
de le d i re , des h o m m e s qui ne se d o n n e n t pas le t e m p s
d ' a t t end re p a r c e qu ' i l s ne s o n g e n t q u ' à e u x , et q u e l e u r
vie est cour te .


Nous a u t r e s c a t h o l i q u e s , n o u s avons tou jou r s le t e m p s ,
et c 'est le sec re t de n o t r e pa t i ence : n o u s ne t r ava i l lons
pas p o u r n o u s , e t no i r e vie est l ongue ; pubiens quia
(viennes; nous t ravai l lons p o u r la vér i té et la j u s t i ce
qui nous s u r v i v r o n t , et qui n o u s feront s u r v i v r e n o u s -
m ê m e s cl t r i o m p h e r avec nos bis d a n s le t e m p s et avec
elles dans l ' é te rn i té .


On n'est pas assez capable de grandes choses quand
mi ne sait / m attendre. C e r t e s , la pa t i ence ne n o u s a
pas m a n q u é : et c 'est là n o t r e force d e v a n t Dieu et d e -
vant les h o m m e s . Nous avons a t t e n d u et n o u s a t t e n d o n s
encore ; et depu i s 89, où la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t fut
p r o c l a m é e avec la l iber té r e l i g i euse ; s o u s l ' E m p i r e ,




m OE LA PACIFICATION L E L I G i L i ' s L


p e n d a n t les qu inze années de la Res t au ra t i on , et depu i s
qu inze a n n é e s enco re , n o u s avons p a t i e m m e n t a t t e n d u ,
et n o u s avons b ien l'ail !


Ceux-là sont p e u dignes de la l iber té et de la ju s t i ce
qu i en fout la c o n q u ê t e pa r la v iolence .


Il étai t d igne de n o u s de comprendre ainsi les beso ins
du t e m p s et la m a r c h e des agi ta t ions h u m a i n e s . Nous
avons b ien fait de ne p a s n o u s en m o n t r e r plus i n i i é s
qu ' i l ne convient à ceux à qu i les lumières de la loi doi-
vent d o n n e r q u e l q u e c h o s e de la sagesse , de la pa t i ence
et de la m o d é r a t i o n de Dieu.


Nous a t t e n d o n s e n c o r e , p a r c e q u e nous t rouvons dans
l 'h is toire de n o s p è r e s et d a n s les souven i r s du passé ,
la l u m i è r e d u t e m p s p r é s e n t , les secre t s de la P r o v i -
dence et l ' e s p é r a n c e de l 'avenir ,


Le t e m p s est p o u r n o u s : les con jonc tu re s où nous n o u s
t r o u v o n s son t favorab les , pa rce qu 'e l les sont g raves cl
p r e s q u e te r r ib les .


L'ne conc lus ion est nécessa i r e . On a l o n g u e m e n t at -
t e n d u : d o n c elle se ra b o n n e . Nous n ' avons pas fait vio-
l ence au t e m p s , donc le t e m p s n o u s pro tège : no t re
cause est inv inc ib le , et déjà elle t r i o m p h e .


Et q u ' o n ne, n o u s dise p a s q u e n o u s avons p a r u p e r d r e
pa t i ence : cela n 'é ta i t pas . On ne voulait pas seule inenl
n o u s écou le r , n o u s admettre à la d i scuss ion , à ia lu -
m i è r e , au g r a n d j o u r . C'étai t t rop fort. Nous avons forcé
nos a d v e r s a i r e s à p e n s e r , à réf léchir , à d i scu te r : on
nous écou le a u j o u r d ' h u i . Nous a v o n s p r e s sé la d i s c u s -
sion : nous ne p r e s s o n s p a s la déc i s ion .


Nos adve r sa i r e s v o u d r a i e n t la p réc ip i t e r , faire des lois
de c i r cons t ance , des lois d 'except ion , des lois v io len tes :
tout p o u r le p r é s e n t ; r ien p o u r l ' aveni r , rien p o u r la vé-




D E EA P A O I E I C A T I O N U E L i G Î E E S E . m


r i te et la jus t ice , r ien de g r a n d , r ien de vra i , r i en de s in -
cère . Nous ne l ' en t endons p a s de l a so r te .


Si j ' é t a i s d o n c appe lé à d o n n e r des avis a u x lég is la teurs
de m o n pays ou aux conse i l le rs d e l à c o u r o n n e , je l eu r
d i ra is : Mettez du t e m p s à vos d é l i b é r a t i o n s , m> préc ip i -
tez r ien : il y a u r a i t pér i l p o u r t ous . P renez g a r d e ! il est
ici ques t ion dos p lus g r a n d s i n t é r ê t s de l 'Église el de la
patine. Que des h o m m e s d 'Etat nu. se l iv ren t p a s à la p a s -
sion d 'un jou r . L ' E u r o p e \ ous r e g a r d e , et a t t end de v o u s
q u o i q u ' u n e de ces déc i s ions qui de m o m e n t , p a r c e q u e la
sagesse des peup le s y r e c o n u a î l e! \ p r o c l a m e les dro i te
impresc r ip t ib l e s de. ia véri té et de la j u s t i ce .


Cer tes , l 'Angleterre et ses h o m m e s d 'Éta t v i ennen t de
n o u s d o n n e r un g r a n d e x e m p l e ; sir R o b e r t Peel s'e.d
élevé à une h a u t e u r où l ' a d m i r a t i o n de la pos t é r i t é m.
lui m a n q u e r a pas .


Du l ' es té , je suis lieu roux de le déc la re r , je t rouve a u s s i
u n e v ra ie sagesse d a n s les p e n s é e s d ' un h o m m e dont j ' a i
déjà cité ies pa ro les :


Nous ne serons pas trop impatients de voie terminer
cette lutte par des moyens prompts cl décisifs. Croyez-moi,
Messieurs, il s'agit en ceci d'un état qui se prolongera
plus qu'on ne l'a imagine d'abord, et les moyens prompt.-
et décisifs, si ruas couliez les employer, aggraveraient
le mal au lieu de le guérir.


Voilà ce q u e Ai. Cuizot disai t eu 18àà ; il a joutai t :
« Avec du temps, tenez pour certain que les difficultés


de cette lutte seront surmontées.
<i Comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, quelque


grandes qu'elles paraissent, E L L E S S O X T P L U S G R A N D E S


E N C O R E q u e l l e s N E L E P A R A I S S E N T ; (IU fond, de quoi
s'agit-il'




D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G 1 E L S E


« La lutte va plus loin que la question de la liberté
d'enseignement et le projet de loi que nous discutons ; lutte
dans laquelle vous ne triompherez ([n'en tenant la con-
duite que j'ai l'honneur de vous indiquer. Pour nous,
nous sommes bien décidés ù, ne pas nous laisser entraîner
a une autre conduite; et, soit que l'impulsion nous vienne
des uns on des autres, soit qu'on nous pousse ou qu'on
nous menace, nous ne nous laisserons ni entraîner ni
pousser; nous continuerons a aimer la religion, a proté-
ger le clergé, à soutenir ses libertés comme les nôtres, et
j'ai la confiance que dams un temps qu'a Dieu seul il ap-
partient de savoir, la lutte cessera et la réconciliation
sera sincère et profonde ; mais n'espérez pas qu'elle soit
l'œuvre d'un jour, ni qu'elle puisse être dans aucun cas
le fruit de mesures violentes et précipitées. »


Et AI. Thiers lui-même n'a-l-il pas rendu hommage à
la puissance du temps, lorsqu'apres avoir proclamé
l'Église une grande, une liante, une auguste puissance,
il a achevé son rapport par ces paroles : Qu'advien-
dra-t-il, Messieurs, de cette lutte? llieu epie le triomphe
de la raison, si, vous renfermant dans les limites du lion
droit et dans votre force, vous savez A T T E N D R E et per-
sévérer.


Pour nous, nous attendrons sans nous lasser; nous
attendrons, non dans l'inaction et la mollesse, mais dans
la patience, dans le courage, dans la parole, dans la
prière, dans l 'espérance, dans la lumière qui se l'ait et
que nous répandons.


Mais ce n'est pas seulement le temps qui combat pour
nous.




DE L A PAL, I Y 1G A T 1 0 N HE I, I G! E U S L. :;!>!


I L — I.l- HASARD.
Celle force m a j e u r e qui d o m i n e le t e m p s l u i - m ê m e , et


s emble e x e r c e r s u r les p lus g r a n d e s affaires h u m a i n e s
u n e h a u t e suze ra ine t é et c o m m e un d o m a i n e abso lu ;
cel le force c a c h é e qui se j o u e d a n s l ' un ivers , qui s ' a t -
t a q u e aux g r a n d e s c o m m e a u x pet i tes c h o s e s ; cet te
force s u p é r i e u r e et d iv ine , q u e , d a n s la légère té p r é -
s o m p t u e u s e et l ' i gno rance aveugle et t r a n c h a n t e de
n o i r e l angage , n o u s n o m m o n s k hasard, cel le force
est aus s i p o u r n o u s . Qu ' e s t - ce à d i r e? Je m ' e x p l i q u e .


Le H A S A R D est p o u r n o u s , et ce n ' es t pas p e u cle chose ;
cl ici se d é c o u v r e n t à moi des faits é t r anges q u e je veux
é tud ie r , et des lois s ingul iè res qu i m è n e n t ma p e n s é e
plus hau t . Le h a s a r d ! ne sera i t -ce p a s un m o t d o n t
n o u s n o u s se rv i r ions p o u r e x p r i m e r , s a n s te bien c o m -
p r e n d r e , ce qu i est en d e h o r s et a u - d e s s u s des lois
o r d i n a i r e s d e l à P r o v i d e n c e ; ces lois m o i n s u s i t ée s , ces
lois excep t ionne l l e s , d ' au to r i t é ple ine et s u p r ê m e , ces
lois a u - d e s s u s de tou tes les p rév i s ions h u m a i n e s ?


Il y a des lois (pie Dieu n o u s a p e r m i s de c o n n a î t r e ,
d ' au t r e s don t il s 'est r é se rvé le secre t .


Les lég is la teurs de la t e r re ne p e u v e n t , ni tout p révoi r ,
ni fout d i re , et voilà p o u r q u o i l eu r s codes son t n é c e s -
s a i r e m e n t i n c o i n p 1 e t s.


Le code des lois d iv ines est i ncomple t , lut au s s i ,
ma i s u n i q u e m e n t pa r ce q u e les h o m m e s ne p e u v e n t l i re
tout ce qu ' i l r e n f e r m e , et en cela les h o m m e s de génie
ne sont pas p lu s avancés q u e le vu lga i r e , et n o u s d i -
sons t o u s : (e hasard, q u a n d n o u s ne s a v o n s p lus q u e
d i r e . . . .




m !>F. I.A P A C I F I C A T I O N ï! F FI G ! F U S V..


A u n e é p o q u e p e u éloignée de n o u s , l o r s q u e la poli-
t ique h u m a i n e semblai t dire poussée à b o u t eu E u r o p e ,
et qu ' on d e m a n d a i t à \I. de Ta l l ey rand : Comment tout
cela finira-t-il ? Par hasard, r épond i t - i l , p lus sage p e u t -
ê t re qu ' i l n e pensa i t .


Eh b ien ! moi auss i j e le d i ra i : c'est p a r h a s a r d q u e
n o u s a u r o n s la l i be r t é d ' e n s e i g n e m e n t et la l iber té re l i -
g ieuse : c 'est p a r h a s a r d q u ' o n n o u s l'a p r o m i s e , c'est
p a r h a s a r d qu 'on n o u s la d o n n e r a .


Oui , c 'est p a r h a s a r d q u e la l ibe r té d ' e n s e i g n e m e n t a
été écr i te d a n s la C h a r t e .


Vous qui l 'avez faite, v o u s ne savez, ni p o u r q u o i , ni
c o m m e n t v o u s y avez m i s cet te p r o m e s s e . Elle y a d o r m i
p o n d a n t q u a t o r z e a n n é e s , et a u j o u r d ' h u i q u e l l e se r é -
veille c o m m e en s u r s a u t , et r é c l a m e en sa faveur l 'ac-
c o m p l i s s e m e n t s incè re d 'un s e r m e n t roya l , nu l de vous
ne sait dire qui en eu t l ' i n sp i ra t ion , et quel le main en a
t r acé , s a n s le c o m p r e n d r e , le dro i t impresc r ip t ib l e , et.
la p a r o l e d é s o r m a i s ineffaçable.


Vous écriviez au h a s a r d : l ' inspira t ion venai t d'ail-
l e u r s : vous teniez la p l u m e , un p lu s fort que vous vous
dictai t Que sais- je? Il n 'ava i t p e u t - ê t r e p e r m i s ce
v io lent et i m m e n s e c h a n g e m e n t , il n ' ava i t p e u t - ê t r e
laissé t o m b e r t ro is c o u r o n n e s à la fois, il ne vous avai t
p e u t - ê t r e l a i s s é faire u n e Char t e nouve l le que p o u r q u e ce
mot y fût m i s ; il n ' ava i t p e u t - ê t r e p e r m i s q u e la p r e -
m i è r e C h a r t e fût d é c h i r é e q u e p a r c e q u e ce mol. n 'y
étai t pas .


Car ce fut là peu t - ê t r e u n e des p lus g r a n d e s fautes,
et , p o u r p a r l e r u n l angage p lu s sévère , que des b o u c h e s
g r a v e s ont c ru pouvo i r se p e r m e t t r e , ce fut p e u t - ê t r e le
g r a n d é g a r e m e n t de la R e s t a u r a t i o n , et le n u a g e d ' où est




î) K L A PA C11" I C AT 1 0 N R E L ! G 1 E Y S E . W 3


par t i le coup do foudre . F.t pu i s , q u a n d la p o u s s i è r e ,
soulevée p n r l ' o r a g e d ' une grande révolution, fut t o m b é e ,
q u a n d la c lar té d'un j o u r plus pa is ib le fut v e n u e , q u a n d
on e x a m i n a de sang-f ro id l ' ouvrage q u ' o n avai t fait en
tumul t e , on a p e r ç u t t ou t à c o u p , s a n s le bien e n t e n d r e ,
ce m o t écr i t d a n s la Charte nouve l l e .


On s 'est d e m a n d é : Qu ' e s t - ce q u e cela signifie? Mous
avons été quatorze a n s sans vous le d i r e ; n o u s vous le
disons a u j o u r d ' h u i : Non, non, ne parlons plus de ha-
sard, on parlons-en seulement comme d'un nom dont
nous couvrons notre ignorance. Ce qui est hasard dans
nos conseils incertains, dit Bossue t , est un dessein con-
certé dans un conseil plus haut.


Ce n 'es t p a s la p r e m i è r e fois, d 'a i l leurs , q u e c h o s e
parei l le ar r ive dans Je m o n d e . Ce qui es ! écri t est écr i t :
Qiiodsrri/itum est, srripioiii e s / , d isai t autrefois le p r o -
consu l r o m a i n .


Ceux qui g o u v e r n e n t le m o n d e son t assuje t t i s à u n e
force m a j e u r e ; ils font tou jours p lus ou m o i n s qu ' i l s ne
pensen t , et l eu r s conse i l s , dit Bossue t , n e m a n q u e n t
j a m a i s d 'avoi r des effets i m p r é v u s , p a r c e qu ' i l y a u n e
puissance ter r ib le <pii se joue de ces grands esprits qui
s'imaginent remuer tout le monde, et qui ne s'aperçoivent
pas qu'il g a une raison supérieur-' qui se, sert et se
moque d'eux, comme ils .se servent et se moquent des
autres ; t an t la parole de l 'Espr i t -Sa i id est vraie : q u e le
temps et le hasard sont t o u t en toutes choses : tempus
'•asnmque. in omnibus.


Encore un coup , je n e sais p a s , et vous ignorez vous -
m ê m e s quel est celui d ' en t r e vous qu i a t racé cette pa-
role ; mais en m é d i t a n t toutes ces chose s , j e m e s o u -
viens qu'i l y a tou jours un e n d r o i t i nconnu à l ' h o m m e ,




m D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


m ê m e d a n s ses p r o p r e s p e n s é e s ; c 'es t l ' end ro i t secre t
p a r où Dieu agit, et le r e s s o r t qu ' i l s 'est r é s e r v é p o u r les
desse ins de sa p r o v i d e n c e .


Cer tes , en 89, q u a n d on p roc l ama i t les Droi ts de
l ' h o m m e et du c i toyen f rança is , q u a n d on déc la ra i t la
l ibe r té des cu l tes et l ' abol i t ion des v œ u x de rel igion, on
n e c roya i t p a s t rava i l l e r p o u r la re l igion m ê m e , et af-
f r anch i r l 'Église c a t h o l i q u e , si é t r a n g e m e n t opp r imée
en F r a n c e d e p u i s deux siècles , et c 'es t ce q u ' o n a l'ail.


Q u a n d on p r o c l a m a i t les p r i n c i p e s d 'une l iber té sans
b o r n e s , et q u ' a u n o m de cet te l iber té on ouvra i t v i o -
l e m m e n t les m o n a s t è r e s , et q u ' o n p e r m e t t a i t d 'en sor t i r ,
on ne songea i t p a s q u ' o n p r o c l a m a i t p lus so lennel le -
m e n t q u e j a m a i s la l iber té de la vie re l ig ieuse , les droi t s
s ac rés de la l ibe r té évangé l ique , p u i s q u e nul le pu i s sance
n e pouva i t d é s o r m a i s e m p ê c h e r un F rança i s de se faire
domin ica in , j é su i t e ou bénéd i c t i n , d a n s u n pays où dé-
s o r m a i s il é ta i t p e r m i s de se faire juif, p ro t e s t an t ou
f r a n c - m a ç o n .


Je le pense , et je le dis s a n s hés i t e r , aux h o m m e s de
89 et aux h o m m e s de ce t e m p s , qu i voudra i en t faire
p e s e r s u r n o u s le j oug in to l é rab le d ' une a b s u r d e opp re s -
s ion , et qui i n v o q u e n t con t r e n o u s seuls les lois sans
force d ' une j u r i s p r u d e n c e a n é a n t i e ;


Je le dis sans hé s i t e r : on t r o u v e r a p e u t - ê t r e cel te
p a r o l e h a r d i e d a n s la b o u c h e d 'un p r ê t r e , et, je veux
l ' a jou te r , d 'un p r ê t r e qui n ' e s t p a s un r é v o l u t i o n n a i r e :


Vous avez fait la révolution de 89, sans nous et contre
nous, mais pour nous; Dieu le voulant ainsi malgré
vous.


Oui, p o u r n o u s , prenez-y g a r d e ; et ce r tes , si elle vous
a coû té che r , n o u s auss i n o u s l ' avons c h è r e m e n t payée :




1)E L A PACI FI C AT 1 0 N R KLIGIEUSE. 30"


n o u s soii iDies do ceux don t le le p lus cou le a lo r s ;
au c o m p t e des souff rances , n o u s n e le c é d o n s à p e r -
sonne . Mais p o u r avoi r été u n j o u r les v ic t imes , n o u s
ne devons pas l 'ê tre à j a m a i s .


D 'a i l leurs , ceux qu i n o u s ont p r é c é d é s , et qu i ont le
p lus souffert d a n s la lu t te , n 'on t p a s r é c l a m é l eu r s d ro i t s ,
et, vous c o n n a i s s a n t , ils ont b ien fait, p e u t - ê t r e . Vous
pouviez leur r é p o n d r e le m o t d u r des a n c i e n s Gaulois :
Va viclis.' Mais n o u s , vous ne pouvez n o u s le d i re ,
ca r nous n ' é t ions p a s nés : n o u s a v o n s été élevés avec
vous , au mil ieu d e s i n s t i t u t i ons q u e vous avez faites ;
n o u s s o m m e s nés d a n s le b e r c e a u cons t i tu t ionne l ; n o u s
n ' a v o n s p a s r e s p i r é en F r a n c e d ' a u t r e a i r q u e celui qu i
vient de vous .


Von, non , l ' h o m m e s 'agi te , ma i s Dieu le m è n e . Ce
qui est éc r i t , est écr i t : non p a r la fa tal i té , m a i s p a r la
P rov idence . L ' h o m m e écr i t , m a i s Dieu d i c t e ; et a lo r s
nulle pu i s s ance h u m a i n e ne peu t effacer ce qui a été
dicté : Quod scriptum est, scriptum est. La l iber té r e l i -
gieuse , la l ibe r té d ' e n s e i g n e m e n t son t écr i tes dans la
C h a r t e , d a n s les l o i s , d a n s les i n s t i t u t i o n s , d a n s les
m œ u r s , on ne p e u t n o u s les re fuser : ou b ien , les p a -
ro l e s o n t p e r d u l eu r vrai sens , les m o t s n ' e x p r i m e n t p lus
les i d é e s , la l iber té est un m e n s o n g e , et le dro i t p u -
blic des F r a n ç a i s , la loi f o n d a m e n t a l e , e s t i m e décep t ion ,
ft fout ce qu i s 'est fait depu i s c i n q u a n t e a n n é e s en
F r a n c e , un j eu b r u t a l et sang lan t , où la force a été c o m p -
tée p o u r t o u t ; le droi t , la jus t ice et la vér i té p o u r r ien.


L ' h o n n e u r du p a \ s ne p e r m e t p a s de le c r o i r e . Non,
non , on l'a dit , et il est v ra i , la révolution française a
commencé par la 'Déclaration des droits de l'homme,—
elle finira par la Déclaration des droits de Dieu. — Chose


i. 20




306 D E L A P A C F I C ATI ON R E L I G I E U S E .


étrange, s 'écrie M. de L a m a r t i n e , que depuis cinquante
ans nous ayons donné la liberté à tout le monde, excepté
a Dieu ! — 11 faut finîr p a r là. — A h ! je l 'ai déjà dit au
d é b u t de ce l ivre , n o u s savons tout c o m m e n c e r et r ien
finir! Et i c i , c e p e n d a n t , ce n ' es t p lus s e u l e m e n t le
t e m p s , n i le h a s a r d qu i son t p o u r n o u s ; l ' o m i o x n o u s
favor ise .


III. — f.'OPENION,


Oui , I ' O P I X I O N , ce l le p u i s s a n c e m y s t é r i e u s e , travail le
déjà p o u r n o u s en sec re t , e t b i e n t ô t , m a l g r é les a p p a -
r e n c e s c o n t r a i r e s , je n e c r a i n s p a s de le d i re , elle éc la -
t e r a en n o t r e faveur . L ' o p i n i o n ! ce r tes je ne conna i s
r i en de p lu s v io lent , de p lus m o b i l e , de p lus re ' o u t a b l e :
r i en de p lus difficile à é t u d i e r , à définir, à fixer.


C'est le vent , sa mobi l i t é , sa v io lence . 11 souffle des
q u a t r e ex t rémi tés du ciel. Il c h a r g e l 'hor izon de nuages ,
ou y fait b r i l l e r les p u r e s c l a r t é s d 'un b e a u j o u r . Lan:; les
a i r s , c 'est la t e m p ê t e et la foudre ; s u r la t e r r e , l ' ouragan
et la m o r t ; et pu i s quelquefois la sé rén i t é cl la vie.


C o m m e le ven t e n t r a î n e tout , les feuilles des bois
la p o u s s i è r e des g r a n d s c h e m i n s , les flol; des m e r s , !e-,
n u é e s d u ciel ; l 'opinion e n t r a î n e les mull ihubvs mobi le- ,
les espr i ts les p lu s fe rmes , les c a r a c t è r e s les plus hau t s . . .
11 faut q u e t ou t , p lus ou m o i n s , plie sous celle inexpl i -
cab le force. Tout , j u s q u ' a u x r é s o l u t i o n s les p lus g raves ,
j u s q u ' a u x vo tes les p lu s so l enne l s , devien t de conven-
t ion , et n 'es t p lu s de conv ic t ion h A pe ine q u e l q u e chose
rés i s te . Il y a des m o m e n t s te ls , qu ' i l l'eut que tout cois


* Un m e m b r e (te la Chambre des c o m m u n e s il 'Au^cU-rre C i s U




D E L A P A C I F I C A T I O N K E L I G- i E (.: S F. 20T


p lus ou mo ins e n t r a î n é , p lus ou m o i n s b a l a j c . C'est u n
é lément ter r ib le . Q u e l q u e s - u n s on i p e n s é q u e c 'é ta i t
ia colère de Dieu. C'est au m o i n s son souffle r e d o u t a b l e
qui g r o n d e et qui p a s s e , s ans q u ' o n s a c h e d 'où il vient ,
ni où il va. Spirihis nui vult spiral..... Nescis unde ve-
niat, aut quo vadat....


Et je c o m p r e n d s q u e les p e u p l e s et les sages e u x -
m ê m e s , aux a p p r o c h e s de ce p h é n o m è n e d i v i n , se
soient recuei l l is que lquefo is d a n s le son l iment d ' u n e
t e r r e u r re l ig ieuse , et, l a i s san t t o m b e r l e u r s m a i n s d ' aba t -
t e m e n t et d'effroi, se so ien t dit ; La i s sons p a s s e r la co-
lère et la j u s t i ce d u Se igneur ,


Quoi qu ' i l en soi t , les p lus h a b i l e s s e r o n t à j a m a i s
impu i s san t s à m ' o x p l i q u e r les e r r e u r s et les affole-
m e n t s , les v io lences et la mobil i té 1 de l 'opinion.


Les u n s ont dit : c'est la reine du monde; les a u t r e s :
C'est une maîtresse d'erreur; les a u t r e s : C'est une su-
perbe puissance, ennemie de la raison.


C'est p lus ou m o i n s à m e s j e u x . EL ni j e n e la sa lue
c o m m e u n e l ég i t ime s o u v e r a i n e , ni je n e m e révol te
aveug lémen t c o n t r e elle.


Je c o m p r e n d s q u e les c o n d u c t e u r s des p e u p l e s , de
ces g r a n d s et t u m u l t u e u x e n f a n t s , dont les pa s s ions
sont si fo rmidab les et les e m p o r t e m e n t s si e x i r é m e s
p o u r le b ien ou p o u r le m a l , ne h e u r t e n t pas l ' op in ion
et sa p u i s s a n c e ; m a i s l ' obse rven t , l ' é tud ien t p r o f o n d é -
men t , la ménagen t t ou jou r s , lu i cèden t m ê m e q u e l q u e -
fois ou la d i r igent avec force et d o u c e u r .


l'un îles orateurs les plus éloi | i ionls du P a r l e m e n t : Vos dmoun ont
souvent changé ma ronrktion, mais mon vote cela n'est pas tou-
jours possible.




DL LA PACIFICATION R E L I G I E U S E .


Le pilote hab i le sait t o u r n e r le v e n t ; il fuit q u e l q u e -
fois sous sa v iolence un long t e m p s ; pu i s s o u d a i n saisi t
l ' heu re f a v o r a b l e , se r e t o u r n e , lui t end sa voi le , et le
force, f r émissan t , a i e p o u s s e r l u i - m ê m e a u por t .


D ' a i l l e u r s , le p lus s o u v e n t , il suffit d ' a t t e n d r e ; cet
é l émen t si t e r r ib le s 'apaise p r e s q u e tou jou r s sans q u ' o n
s a c h e p o u r q u o i . L è v e n t de l 'op in ion t ombe tout à coup
ou c h a n g e . Un r i en , un cri , u n e i ssue nouvel le d é -
t o u r n e son c o u r s .


Non, n o n , l 'opinion n ' es t pas faite p o u r r é g n e r su r
le m o n d e : r e ine é p h é m è r e , il est réservai à un p o u v o i r
s u p é r i e u r de b r i s e r son scep t r e d 'un j o u r , et le véri-
t a b l e m a î t r e de la vie h u m a i n e , celui q u i , g râce à la
divine P r o v i d e n c e , déc ide i c i - b a s les des t inées du
i n o n d e , c 'est le bon sens .


Oui , n o u s l ' avons déjà dit , c 'est le bon sens qu i
t r i o m p h e à la l ongue et q u i d é c i d é m e n t d e m e u r e . Le
génie l u i - m ê m e , le gén ie po l i t ique c o m m e le génie p o -
pu la i r e , doit se s o u m e t t r e au b o n sens . L o r s q u e le
génie s ' égare p a r o r g u e i l , c 'es t le b o n sens qui le r a -
m è n e . Les d iverses é p o q u e s d 'un siècle p e u v e n t ê t re
le tr iste j o u e t de la v io lence des op in ions ; ma i s les
siècles e u x - m ê m e s ne d e m e u r e n t et ne se s o u t i e n n e n t
à la l ongue q u e p a r le bon s e n s .


Car il y a de ces raomeuts s u p r ê m e s p o u r toutes les
g r a n d e s ques t i ons soc ia les , où , à l ' a ide du temps, et
c o m m e p a r hasard, l'opinion dev ien t tout à coup le bon
sens , et a lo r s elle n 'es t p l u s la t e m p ê t e : c'est la sé rén i té
d u jou r . Alors a r r i v e c o m m e un m o m e n t de salut dans
la vie des peup les . Le b o n sens inspi re l 'opinion et la
d o m i n e .


L 'op in ion éga rée n ' e s t q u e le sens d é p r a v é de l ' h o m m e




I) E L A PA G I F I C AT I O N R E L I G I E U S E . m


a b a n d o n n e à l u i -même , et s ' o b s l i n a n l à faire ses affaires
sans Dieu, et que lquefo is con t re Dieu m ê m e ; pu i s t o u t
à coup , q u a n d Dieu so r t de son s i l ence , et p a r pit ié p o u r
n o u s , r e p r e n d les a f fa i res , il i n sp i r e a lo r s u n sens
n o u v e a u , qui est le bon s e n s des c h o s e s , et qu i dev ien t ,
s a n s q u ' o n s a c h e que lquefo i s p o u r q u o i n i c o m m e n t , la
sa ine opinion et le b o n sens des peup le s .


Et a lors sa p u i s s a n c e est i r rés i s t ib le . N o n - s e u l e m e n t
i; en t r a îne tout, c o m m e l ' op in ion , p a r v io lence , s a n s
p e r s u a d e r : ma i s il p é n è t r e , il p e r s u a d e i n v i n c i b l e m e n t ,
ci il n ' \ a pas j u s q u ' à ce je ne sais quoi d'inquiet qui se
remue au fond du co'ur des peuples, c o m m e pa r l e Jîos-
sue t , qui n e consp i r e p r o f o n d é m e n t au t r i o m p h e de la
vérité et du bon sens .


Eh b ien ! n o u s s o m m e s a r r ivés en F r a n c e à u n de ces
m o m e n t s s u p r ê m e s .


En 1827, '28 et 29, il y avai t u n m a l s u r h u m a i n ; Dieu
s 'était r e t i r é ; imposs ib le d'y r e m é d i e r sans lui ; le ciel
ne devait s ' éc la i rc i r , s ' é p u r e r q u e p a r un o rage . En 89,
le m a l étai t e n c o r e p lus m a n i f e s t e m e n t s u r h u m a i n . Les
consei ls des hab i l e s n e suffisaient p lus ; la c o n d e s c e n -
dance et la ve r tu du mei l l eur des ro i s é ta ien t inut i les .
Je l 'ai déjà dit : n o u s devions tous p a y e r p lus c h e r le
b o n h e u r d 'ê t re sages , et Dieu se r é s e r v a i t à l u i - m ê m e
de nous r a m e n e r tous à la sagesse p a r de s ang l an t e s
c a t a s t r o p h e s , et de n o u s i n s t r u i r e h a u t e m e n t p a r les
plus g randes et pa r les p lus t e r r ib l e s l eçons .


Eh bien I a u j o u r d ' h u i les t e m p s son t m e i l l e u r s ; et
ma lg ré u n e agi ta t ion violente qu i n ' e s t m a n i f e s t e m e n t
excitée q u ' à la s u r f a c e , au fond les p r é v e n t i o n s n e
t i ennent p a s ; les ca lomnie s ne son t c r u e s q u ' à moi t i é ;
le peup le , malgré tou t ce q u ' o n l'ait p o u r l ' émouvo i r , ne




3iï> D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .


s ' c m e u t p a s ; ic b o n sens rés i s t e avec p ins cle force q u ' o n
ne s'y a t t enda i t , m a l g r é les h a b i l e t é s et les fu reurs con-
t r a i r e s ; il p r o l e s t e i nv inc ib l emen t , et cela p a r m i les
h o m m e s les p lu s éc la i r e s , j u s q u e dans les p lus h u m b l e s
rég ions , o ù la foule, s a n s b i e n s'en r e n d r e c o m p t e , ni
sor t i r de son ind i f fé rence , sent toutefois qu ' i l y a t r o p
de s tupid i té et de m e n s o n g e d a n s tout ce qu ' on lui dit,
et q u e les e r r e u r s don t on veu t la n o u r r i r sont p o u r elle
u n e p â t u r e t r op g r o s s i è r e .


Et d a n s les h a u t e u r s de la socié té , m a l g r é les co lè res
d ' u n e imp ié t é s a n s p u d e u r , m a l g r é l ' a rdeu r des m e n a c e s
con t r e l 'Église, l e s h o m m e s v r a i m e n t po l i t iques sen ten t
bien qu'i l y a là des droi t s a u x q u e l s il n 'es t p a s sage de
toucher , qu ' i l y a là d e s p é r i l s p o u r t o u s .


Quoi qu ' i l en soit, la l i b e r t é re l ig ieuse , la l ibe l lé d 'en-
se ignement , sont d e v e n u e s , m ê m e p o u r ceux qu i les
c o m b a t t e n t , des vé r i t é s de b o n sens .


Elles n ' o n t é té le v œ u et la p r o m e s s e de la Char te q u e
p a r c e qu 'e l les é t a ien t avan t tou t le v œ u et la p r o m e s s e
d u b o n sens .


C'est le v œ u , c 'est le cri du b o n sens , q u ' u n pè re de
famille a le dro i t et le devoi r d ' é l eve r et de faire é lever
son fils se lon sa c o n s c i e n c e .


C'est le cri d u bon sens , q u e la l ibe r té d ' e n s e i g n e m e n t
es t p o u r t o u s u n e c o n s é q u e n c e néces sa i r e , essent ie l le ,
de la l ibe r té re l ig ieuse .


C'est e n c o r e le cri d u bon sens , q u e la l ibre c o n c u r -
rence et la g é n é r e u s e é m u l a t i o n des espr i ts est f avo-
r a b l e aux p r o g r è s des le t t res et d e s sc iences .


C'est le cri du b o n sens f r ança i s , q u e le d e r n i e r d e s
m o n o p o l e s à ins t i tue r en F r a n c e est le m o n o p o l e de




h E i . A Î A C i l T C Al ION R E L I G I E L ' S K . 311


l ' ense ignemcnl , le m o n o p o l e de l ' espr i t , le m o n o p o l e
îles intel l igences.


Enfin, c'est le cr i du bon s ens , m a i s c 'es t aus s i le cr i
d e l à b o n n e foi, q u e , q u a n d T O U S a c c o m p l i r e z votre
p r o m e s s e , et q u a n d vous d o n n e r e z la l ibe r té d 'ense igne-
m e n t et la l ibre c o n c u r r e n c e , le c o n c u r r e n t n e p e u t
p a s c i re j ugé pa r son r iva l , et , d a n s les t r i b u n a u x li t té-
r a i r e s c o m m e p a r t o u t , nu l ne peu t ê t r e à la fois juge et
p a r t i e .


Aussi, v o j e z les p r o g r è s q u e le b o n sens a fait faire
à cet te ques t ion d e p u i s t rois a n n é e s qu 'e l le est sou levée :
les pè res de famille sont p o u r n o u s ; tous les h o m m e s
g raves et d é s i n t é r e s s é s son t p o u r n o u s .


Nos a d v e r s a i r e s e u x - m ê m e s s o n t p o u r n o u s . E n t e n -
dez celui q u ' o n accuse d 'avoi r inv i té les j e u n e s p ro fes -
seur s de r i ' i . ivc rs i l é à assister aux funérailles d'un
grand e n Ha, et qui leur ava i t ense igné , de c o n c e r t avec
l ' infor tuné . l oubroy , (jt/e le* dogme* s'en vont : il vient
de professer h a u t e m e n t à la C h a m b r e des d é p u t é s qu'il
i\ g u point de morale sdns religion, ni de religion sans
dogmes.


Soi des h o m m e s po l i t iques les p lu s é m i n e n l s de cet te
é p o q u e déc la ra i t n a g u è r e fo rmel l ement au P. de n a v i -
guai), que la société la'iqur ne .suffit pas a l'éducation des
a i n e s , qu'il lui faut la société spirituelle.


El q u a n d on est v e n u r é c e m m e n t p r o p o s e r à la
C h a m b r e des dépu té s d ' ins t i tuer des professeurs Iniques
de morale, le bon sens pub l i c a p o u s s é un cr i , et les r i r e s
de l ' a s semblée ont fait jus t ice d ' u n e a b s u r d e p r o p o s i t i o n .


Qu 'on se rappe l le ici les i n n o m b r a b l e s c i t a t i ons d o n t
j ' a i r empl i ce l ivre : j ' o s e le d i r e , il n 'y a q u ' u n e voi.x:
noire cause est t r i o m p h a n t e d a n s la p e n s é e h u m a i n e ,




312 D E I,A P A C I F I C A T I O N H E E I C i E F S E .


les p a s s i o n s seules et les in té rê t s ma té r i e l s d 'une cor -
p o r a t i o n pu i s san t e r e t a r d e n t au d e h o r s son t r i o m p h e :
il n 'y a p a s de mal : les é p r e u v e s n o u s son t b o n n e s ; les
fortes causes s ' en r ac inen t p lus p r o f o n d é m e n t d a n s les
o rages .


Q u a n t a u x pè r e s de famil le , je sa is b ien q u e l 'Univer-
sité e s saye de n o u s con te s t e r l eu r faveur , et n o u s cite
les n o m b r e u x élèves qu i se p r e s s e n t d a n s ses collèges ;
m a i s le bon sens r é p o n d q u e les l'a ils un ivers i t a i res
p r o u v e r o n t q u e l q u e c h o s e q u a n d les pères de famille
s e r o n t l ibres de chois i r .


El j ' a j o u t e q u e l 'Universi té e l l e - m ê m e sait si bien q u e
les pè r e s de famille son t f avorab les à la l ibe r té d ' en -
s e i g n e m e n t cl m é c o n t e n t s d 'el le , qu ' on la me t au défi
d ' en c o u r i r les c h a n c e s , et. de la i sser les pères de famille
j u g e r et cho is i r en t r e elle e l n o u s . . . . Mon, non ; il \ a m:
c h a n g e m e n t profond d a n s l 'opinion s u r Ion 1 ceci . . . . 11
n 'y a p e r s o n n e a u j o u r d ' h u i qui ne dise , les u n s avec r e -
gre t , les a u t r e s avec jo ie , tous avec é l o n n e m e n t : N O U S
n e c roy ions p a s q u e celle c a u s e fût si forte.


Mais s a v e z - v o u s ce qui a c h a n g é l ' op in ion? savez -vous
ce qu i a p r é p a r é m a l g r é vous le t r i o m p h e du b o n s sens?
Deux c h o s e s .


D ' a b o r d la m a u v a i s e éduca t ion de la j e u n e s s e depu i s
q u a r a n t e a n n é e s :


P u i s , le d é s e n c h a n t e m e n t un ive r se l de t ou t e s les
théor i e s , q u i , d e p u i s b i e n t ô t u n s iècle , a p r è s avoir tout
fait p o u r é lo igner l ' espr i t h u m a i n de la re l ig ion, \ r a m è -
n e n t a u j o u r d ' h u i de g u e r r e lasse p a r l a force des choses ,
p a r la p u i s s a n c e p rov iden t i e l l e du lemps, du hasard el
de l'opinion.


La m a u v a i s e é d u c a t i o n de la j e u n e s s e !




DK L A P A C ! Kl G ATI ON R E L I G I E U S E . 313


Comptez-vous p o u r r i en le fait douloureux" qui s 'es l
révélé en F r a n c e p o u r t ou t e s les famil les? c e r t e s , les
aveux so lenne l s q u e j ' a i ci tés déjà le p r o c l a m e n t assez
h a u t . On a sent i de toutes p a r t s q u e l ' éduca t ion étai t
p r o f o n d é m e n t a b s e n t e de l ' i ns t ruc t ion p u b l i q u e . Les fa-
mi l les , qu i s aven t b ien qu 'e l les ne p e u v e n t faire elles-
m ê m e s l ' éduca t ion de l eu r s enfants p e n d a n t les dix
a n n é e s qu ' i ls p a s s e n t au col lège, et que si l ' éduca t ion
ne se l'ail pas p e n d a n t ce t e m p s , elle n e se fera j a m a i s ,
ont été cons t e rnées d ' e n t e n d r e un m i n i s t r e ven i r faire
au II o i la déc la ra t ion f a m e u s e q u e j ' a i r a p p o r t é e d é j à :
qu'a criët/anl, les efforts mêmes les plus éclaires el les
plus soutenus n'ont qu'une puissance bornée dans les
cullèges; (pie l'éducation rie s ' a (ail pas.


Aussi , qu ' a - l -on vu? de quo i gémi t -on de toutes p a r t s ?
quel le est la p la in te un ive rse l l e , d o u l o u r e u s e , i n c e s -
san te ?


On a vu des enfants sans r e s p e c t el s a n s m œ u r s .
On a vu des c u m u l s s a n s re l ig ion et s a n s foi : ni c a -


tho l iques , ni p r o t e s t a n t s , ni juifs.
On a sent i les i n c r o y a b l e s décep t ions m ê m e de r e n -


se ignemen t un ive r s i t a i r e . On a vu des enfants qu i fai-
sa ien t l eu r s c lasses el n e faisaient pas l eu r s é tudes . On
a vu des enfants qu i ne pa r l a i en t de l e u r collège q u e
c o m m e d 'une p r i son , de l eu r s m a î t r e s q u e c o m m e de
l eu r s e n n e m i s , de l e u r s a u m ô n i e r s m ê m e les plus d é -
voués , q u e c o m m e d ' é t r a n g e r s qu ' i l s c o n n a i s s a i e n t à
p e i n e , qu i son t c o n d a m n é s à ne l eu r a p p a r a î t r e qu'of-
ficiellement et à de r a r e s i n t e rva l l e s , qu i ne l eu r font
a u c u n ma l , et ne p e u v e n t p a r v e n i r à l e u r faire a u c u n
bien.


On a vu , on a senti cela : on l'a vu et on l'a senti




314 t)ù i-A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E .
d a n s fouie la F r a n c e ; on l'a s u p p o r t é l o n g t e m p s ; et,
qu . , i qu ' i l a r r ive , j ' a f f i rme q u e le m o m e n t n 'es t p a s
éloigne' où on ne le s u p p o r t e r a p lu s , p a r c e q u e cela est
i n s u p p o r t a ble.


Et c e p e n d a n t , n ' a v a i t - o n p a s l'ait des ol ïorls i m m e n s e s
p o u r s u b s t i t u e r l ' o rd re h u m a i n ma té r i e l le p lus parfai t ,
à l ' o rd r e spi r i tuel et divin (haut on ne voula i t p lus?


Que de c h e f s - d ' œ u v r e i nu t i l e s ! q u e de p i ans i n c o m p a -
r a b l e s et a b s u r d e s ! q u e de s y s t è m e s ! q u e de dépense
de g é n i e , je l ' a cco rde , p o u r !ni!cr con t re la n a t u r e im-
m u a b l e des choses !


P o u r l u t t e r c o n t r e l ' au tor i t é pa te rne l l e , au tor i t é i m -
m u a b l e et s a c i é e , invincib le el t r i o m p h a n t e a la longue;
P o u r lu t te r con t r e Dieu el c o n t r e l 'enfant qui est son
o u v r a g e , et qui ne p e u t p a s ê t re élevé sans lui ; ou i ,
vous avez lut té c o n t r e P ieu ; m a i s , jr> ne c ra ins pas do le
d i re , A ous avez l u t lé con t re u n e force [dus invincib le
e n c o r e q u e la s i e n n e : c'est la force d e cet enfant. Je
vous é t o n n e , p e n l - ê t r e ; m a i s cet enfant , s avez -vous qu i
il est ? s avez -vous ce qui l'ait sa force ! Ce n 'es t pas
s e u l e m e n t u n e a i m a b l e c r é a t u r e , don t la c a n d e u r , la
s impl ic i té na ïve , l ' i nnocence , gagnen t l 'affection. Ce


n ' e s t p a s s e u l e m e n t cet âge dont, l ' i n e x p é r i e n c e , les
fa iblesses , les pér i ls , et j u s q u ' a u x défauts , in té ressent
le c œ u r , a l a r m e n t la t e n d r e s s e et r é c l a m e n t de l'indif-
fé rence e l l e - m ê m e u n e sol l ic i tude el des soins p a -
te rne l s !


Cet enfant , c 'est l ' e spé rance de la société et de la
famille !


C'est la bénéd i c t i on de Dieu et le dépôt du ciel !
C'est le gen re h u m a i n qu i renaî t , la pa t r ie qui se pe r -


pé tue , et c o m m e le r e n o u v e l l e m e n t de l ' h u m a n i t é d a n s




FF. L A P A C I F I C A T I O N li K I.I GI F F S K. 315


sa fleur; c'est la jn ic d u p a s s e , le t r é so r du p r é s e n t et la
force de l ' aven i r . Eh b i e n ! c 'es t cet enfant qui vous a
va incus , ou plutôt Dieu p a r lui .


Dion semble vous la i sser faire : v o u s abusez , et il n e
se m o n t r e p a s : le c h â t i m e n t divin ne vient p a s i m m é -
d i a t e m e n t ; m a i s l 'enfant est i no ins pa t ien t q u e Dieu : il
ne vous la isse pas faire Vous ne pouvez pas l 'é lever
m a l i m p u n é m e n t p o u r vous : il faut qu ' i l fasse goû te r
à ses insl i luleui 's les p r e m i e r s fruits , et c 'est j u s t i ce ,
les fruits a m e r s de l ' éducat ion c o u p a b l e qu' i l a r eçue
d 'eux.


Je m e suis t r o m p é en d i san t q u e le c h â t i m e n t divin
no vient p a s i m m é d i a t e m e n t : c 'est là le c h â t i m e n t
Pcr (¡11(1' ppccat >i'tix, pcrhicc ci lorrpwliir.


Vous a v e / donc eu b e a u f a i r e : les enfants vous on t
ve inées , pj yous épnuvnn len l a u j o u r d ' h u i ; r ien ne vous
inqu iè t e p lus q u e les g é n é r a t i o n s qui s ' é l è v e n t ; vous
les avez élevés sans Dieu, et v o u s ê tes j u s t e m e n t ef-
frayés tic ce qu ' i l s dev i ennen t : g r a n d e leçon, loi s évè re
de la P rov idence ! c 'est pa r les d é s o r d r e s , p a r l 'agi ta t ion
t u r b u l e n t e des g é n é r a t i o n s n a i s s a n t e s , q u e Dieu r é -
c l a m e enfin ses droi t s m é c o n n u s su r l ' éduca t ion de la
j eunesse .


J 'a i d i t : le d é s e n c h a n t e m e n t un iverse l de toutes les
t héo r i e s .


Vous avez beau faire , vot re po l i t ique e l l e - m ê m e n e
vous satisfait pas p l e inemen t : vous ne t r i omphez pas
au fond de vos â m e s ; n o u s en s avons assez p o u r affir-
m e r que v o u s y ép rouvez d ' é t r anges l a s s i t u d e s ; et cela
se c o n ç o i t ; les h o m m e s les p lus g r a v e s , de l ' espr i t le
plus élevé e l l e plus pu i s san t , son t p r o f o n d é m e n t e m -
ba r r a s sé s .




316 D E E A P A C I F I C A T I O N i! F FI GI F F S E .


La ph i lo soph ie , ainsi q u e la po l i t ique et la sc ience ,
ne l eu r ont d o n n é q u e des m é c o m p t e s .


Des t héo r i e s tes plus b r i l l a n t e s et qui p r o m e t t a i e n t
toutes les s p l e n d e u r s et toutes les félicités de l ' aveni r ,
le bon sens p r a t i q u e des h o m m e s c a p a b l e s , h o m m e s
d 'État ou h o m m e s d 'affa i res , n ' a p r e s q u e j a m a i s r ien
p u ni su r éa l i se r j u squ ' à ce j o u r .


C'est u n g r a n d bien : la P r o v i d e n c e l'a fait, et D ieu ,
en t r i o m p h a n t de tou tes les c r a i n t e s des gens de bien
c o m m e des m é c h a n t s , et en se j o u a n t des p in s sages
p e n s é e s , n o u s fait tous p lus humi l ies m a l g r é n o u s , et
p a r c o n s é q u e n t p lu s v ra i s et me i l l eu r s , en nous m o n -
t r an t q u e nos p r é v o y a n c e s son t c o u r t e s , nos c ra in tes
t r o m p e u s e s , n o s e s p é r a n c e s va ines .


11 n o u s r a p p r o c h e peu à pan de la vér i té p a r le bon
sens et la b o n n e foi, q u e d o n n e n t la sagesse de l 'expé-
r i e n c e et le sé r i eux des m é c o m p t e s .


A ce m o m e n t , où je s emble a c c u s e r m o n pays et m o n
siècle de sub i r les p lus g raves et les p lus d o u l o u r e u s e s
d é c e p t i o n s , je sens le beso in rie n e citer ici que de
g r a n d s n o m s et des au to r i t é s i r r é c u s a b l e s , qui snftisent
à r e p r é s e n t e r ce qu ' i l y a de p lu s é l e v é , de p lus cer ta in
dans l 'op in ion p u b l i q u e . Ce r t e s , s'il y eut j a m a i s des
a p p r é c i a t i o n s p r o f o n d e s , des o b s e r v a t i o n s ph i l o soph i -
q u e s su r u n e é p o q u e , ce sont celles de AL l loyer-Col-
la rd . 11 s ' éc r ia i t :


« Le mal est g r a n d , je le s a i s , je le dép lo re avec
« vous . . . O u i , le ma l est g r a n d , il est infini; loin de
<( moi de t r i o m p h e r à le déc r i r e . Mais est-i l d ' h i e r? . . .
a E n h a r d i p a r l ' âge , je dirai ce que je p e n s é , ce que
« j ' a i vu .


« 11 y a u n e g r a n d e école d ' i m m o r a l i t é ouve r t e d e -




D E L A P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E 317


« puis c inquan te a n s , don t les e n s e i g n e m e n t s . . . r e t e n -
ii lissent a u j o u r d ' h u i d a n s le m o n d e en t i e r . Cette éco le ,
« ce s e n t i e s é v é n e m e n t s q u i se sont accompl i s p r e s q u e
:< sans r e l â c h e sous nos y e u x .


« Le re spec t es t é te int , d i t -on ' ; r ien ne m'aff l ige, ne
« m ' a t t r i s t e d a v a n t a g e ; car je n ' e s t i m e r ien p lus q u e
« le r e s p e c t ; ma i s q u ' a - t - o n r e spec té depu i s c i n q u a n t e
« a n s ? Les c r o y a n c e s son t dé t ru i t e s ' ma i s elles se sont
« d é t r u i t e s , elles se sont b a t t u e s en r u i n e les u n e s les
« au t res . Cette é p r e u v e est t r o p forte p o u r l ' h u m a n i t é ,
« elle y s u c c o m b e . Es t -ce à d i re q u e tou t soit p e r d u ?
« Mon, Mess ieurs , tou t n ' e s t pas p e r d u ; Dieu n 'a pas
:i r e t i ré sa m a i n . Le r e m è d e q u e vous c h e r c h e z est là ,
« et n ' e s t (pie là. »


Veut -on d ' au t r e s p a r o l e s ?


On s''étonne: de ï'agitation profonde, do inalaise im-
mense qui travaille les nations et les individus, les Etats
et les âmes! Pour moi, je m'étonne que le malaise ne
soit pas plus grand, l'agitation plus violente, l'explo-
sion plus soudaine.


La religion .' la religion! c'est la vie de l'humanité,
"il tous lieux, sauf quelques jours de crises terribles et
de dècadcwes honteuses. La religion, pour contenir ou
combler l'ambition humaine: la religion, pour nous
soutenir ou nous apaiser dans nos douleurs, celles de
notre condition, ou celles de notre âme ! Que la politique,
la politique la plus juste, la plus forte, ne se flatte pas
d'accomplir sans la religion une telle œuvre. Plus le
mouvement social sera vif et étendu, moins la politique
suffira a diriger l'humanité ébranlée. Il g faut une puis-
sance, jilus liante que les puissances de la terre, des per-




318 DE I.A PACIFICATION I5E I . I C ! E F S E .


.cpeciteev ptm ttfngm'x que cèdes a'- (a ah ((y (uut Dieu
et l'éternité.


Celui qui p r o n o n ç a ces pa ro les csl a u j o u r d ' h u i m i -
n i s t r e des affaires é t r a n g è r e s .


Quel d é c o u r a g e m e n t ne t r ah i s sa i en t pas ces a u t r e s
p a r o l e s : Un sentiment triste qui s'est rencontre plus
d'une fois dans ces dernières années, qui tient a bien
des causes, c'est une inexprimable lassitude de la oie
publique. Celui qu i écr iva i t ces l ignes est en ce m o m e n t
min i s t r e de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e , et je d o u t e q u e le
f a rdeau des affaires lui p a r a i s s e au jou rd ' hu i plus léger.


Qui p e u t avoi r oubl ié les g raves paro les p r o n o n c é e s
p a r vt. le comte Molé, avec toute l ' au to r i t é qui s ' a t t ache
à son n o m , à sa l ongue expé r i ence , à. ses h a u t e s l u m i è -
res : .1 force d'esprit, de débauche d'esprit, de caprice
on d'excès dans les doctrines, la société elle-même, lu
civilisation eût péri, si elle n'était impérissable...


L'esprit humain , après avoir décrit sa parabole, csi
arrivé promptement à cette extrémité des choses hu-
maines, où se terminent tous les enthousiasmes et ou la
profondeur du mécompte amène parfois une salutaire
réaction.


Il y a peu d ' a n n é e s M, S a i n t - ' J a r c Girardin s 'écriai t :
Je vois la jeunesse cherchant, au milieu des désord) c>


du siècle, oit se prendre et se. retenir, et demandant ans:
croyances de leurs pères si elles ont u n peu de vie et de.
salut a leur donner.


Oui, c'est le plus profond de mes v i e u x , et si quelque
espérance m'anime, et si au milieu de tontes les paroU-s
de désespoir que j'entends parfois releulir dans la so-
ciété, il y a quelque chose qui me soutienne encore, c'est
que je ne puis pus penser que. lu religion p o i s s e long-




D E ЕЛ P A C I F I C A T I O N R E L I G I E U S E 31»


1 Histoire de France, t. V, pag. iib.


temps manquer a la *осШ>; actuelle. Ou. vous périrez,
Messieurs, sachez­le bien! nu la religion eiendra encore
visiler notre société.


Lu h o m m e , don t je red i s le n o m s a n s a m e r t u m e ,
M. Michelet , éc r iva i t il n'y a p a s l o n g t e m p s ce q u ' o n \ e
l i re :


« F a i s o n s les fiers tant q u e n o u s v o u d r o n s , p h i l o s o ­
ч p h e s et r a i s o n n e u r s q u e n o u s s o m m e s a u j o u r d ' h u i .
« Mais , qui de n o u s , p a r m i les ag i t a t i ons du m o u v e ­
(f m e n t m o d e r n e , ou d a n s les capt ivi tés vo lon ta i r e s de
« l ' é lude , d a n s ses a p r è s et sol i ta i res p o u r s u i t e s , qui
« de n o u s e n t e n d s a n s é m o t i o n le b r u i t de ces bel les
« fêles c h r é t i e n n e s , la voix t o u c h a n t e des c l o c h e s , et
« c o m m e l eur d o u x r e p r o c h e m a t e r n e l ' ? . . . Qui n e voit ,
« s a n s les e n v i e r , ces fidèles q u i s o r t e n t à Cois de l ' é ­
a g i i se , qui r ev i ennen t de la t ab le divine r a j eun i s et
« r e n o u v e l é s ? . . . L'espr i t reste f e r m e , mais l ' àme est
<; bien t r i s te . . . Le c r o y a n t de l ' aven i r , qui n ' eu t ient
« pas m o i n s de c œ u r a u p a s s é , pose a lo r s la p l u m e et
« fe rme le l i v r e ; il no peut, s ' e m p ê c h e r de dire : Ah!
« que ne suis­je arec eux, un des leurs, et le plus sim­
« pie, le moindre de ces enfants ! »


Je p o u r r a i s ici ci ter d ' a u t r e s n o m s , d ' au t r e s p a r o l e s ;
c 'est assez, Je p r o n o n c e r a i ici toutefois e n c o r e un n o m ,
celui de M. T h i e r s . Sans d o u t e M. Thie r s ne g é m i t p a s :
le g é m i s s e m e n t n 'es t pas d a n s sa n a t u r e ; m a i s q u ' o ù
re l i se ses pages su r le C o n c o r d a t , elles suffisent à r é ­
véler le fond de ses p e n s é e s . On ne m e p e r s u a d e r a j a ­
m a i s qu ' i l les ail écr i tes au h a s a r d : il a vou lu m a r q u e r
là son aven i r pol i t ique .




320 D E LA PACIFICATION R E L I G I E U S E .


Et déjà il ava i t dit : Sij'avais dans mes mains le, bien-
fait de la foi, je les ouvrirais sur mon pags. Pour ma
part, j'aime cent fois mieux, une nation croyante qu'une
nation incrédule. Une nation croyante est mieux inspi-
rée quand il s'agit des œuvres de l'esprit, jdus héro'ique
même quand il s'agit de défendre sa grandeur.


Et .M. T h i e r s , en p r o n o n ç a n t ces pa ro l e s , ne craignai t
pas de d i re q u e , sans vouloir flatter les idées du mo-
ment, il céda i t l u i - m ê m e au m o u v e m e n t re l ig ieux , qui
e n t r a î n e tout a u j o u r d ' h u i .


Oui , quo i q u ' o n dise et q u o i q u ' o n fasse à r e n c o n t r e ,
il y a une, r évo lu t ion re l ig ieuse ; elle se fai t , elle est i n -
v inc ib le ; tous la sub i s sen t de loin ou de près ; nu l n ' é -
c h a p p e à cet te inf luence i r rés i s l ib le . Ne vous on irri tez
pas ! ce n ' es t pas la vic toire de l ' h o m m e , ce n ' es t p a s
n o u s qu i l ' e m p o r t o n s su r vous ; c 'est la victoire de Dieu,
c 'es t Je t e m p s , le h a s a r d , le bon sens qui l ' empor ten t .
On peu t , s a n s roug i r , céder à de telles p u i s s a n c e s .


Et ce r t e s , n o u s l e u r avons b i e n cédé n o u s - m ê m e s les
p r e m i e r s !


Nous a c c e p t o n s , n o u s i n v o q u o n s les p r inc ipes et les
l iber tés p r o c l a m é s en 89.


fit d a n s cel te d i scuss ion m ê m e , ne voyez -vous p a s ,
n e s en t ez -vous p a s qu ' i l se passe en t r e vous et nous
q u e l q u e c h o s e d ' e x t r a o r d i n a i r e et de p r o f o n d é m e n t d i -
gne d ' a t t en t ion ? Moi, h o m m e d u s a n c t u a i r e , je par le un
langage l ibéra l , et vous , h o m m e de la r évo lu t i on , vous
par lez un l angage re l ig ieux !


Je pa r l e vo t re l angue , et v o u s en t endez la m i e n n e ;
j ' i n v o q u e vos p r i n c i p e s , et vous r endez h o m m a g e aux
n o i r e s !


Vos a m i s , en vous é c o u t a n t , s o u r i e n t et d o u t e n t . Moi




1)K I.A PAC1F10ATI 0 X HKLIGI K U S E . 321
j ' a i m e mieux dire q u e vous êtes s incè re ; j e s o u r i s , et je
ne doute pas .


Vous voyez de p lus h a u t et de p lus loin q u ' e u x .
Et q u a n t à n o u s , p o u r q u o i ne c ro i r iez-vous pas à n o t r e


s incé r i t é? Q u a n d deux ou t rois r évo lu t ions p a s s e n t sut-
nos t ê t e s , p e n s e z - v o u s d o n c q u e devan t Dieu et les b r a s
c ro isés sur n o t r e po i t r ine , n o u s n e n o u s p ren ions pas à
réfléchir ?


Fa i sons donc tous enfin q u e l q u e chose de g r a n d , de
d i g n e , de vrai : e s s a y o n s enfin de n o u s e s t imer , de
nous c ro i re les u n s les a u t r e s !


Et le g r a n d o u v r a g e de la pacif icat ion re l ig ieuse ne
t a r d e r a p a s à s ' accompl i r .


Je veux q u ' u n e si p r éc i euse e s p é r a n c e m e t t e fin à
toutes ces réf lexions :


H e u r e u s e s les d i s c u s s i o n s , m ô m e les p lus v i v e s , qu i
peuven t a t t e n d r e p o u r a rb i t r e s et p o u r juges le bon sens
des h o m m e s et la jus t ice de Dieu !


i . 21






!»]•; l a LIBEliTÉ I V E K S E I G M M E j N T .
ÉTAT DE LA QUESTION ( 1 8 4 7 )


Dans les d i scuss ions g r a v e s il i m p o r t e avan t tout de
bien s ' en t end re et de fixer les po in t s su r l e sque l s on est
d ' accord .


C'est le seul m o y e n de p r é v e n i r la confusion des idées
et des c h o s e s , d 'év i te r les déba t s inu t i les , les pa ro l e s
a m è r e s , les conflits d a n g e r e u x , les d i s sen t imen t s s a n s
r e t c u r , et enfin d ' apa i s e r l ' i r r i fal ion des espr i t s et la
violence des d i spu tes .


.te c r a i n s q u e des p r é o c c u p a t i o n s s a n s l u m i è r e n e
p r é p a r e n t u n m a l e n t e n d u r e d o u t a b l e d a n s la g r a n d e
ques t ion de la l ibe r té d ' ense ignemen t : ce se ra i t u n m a l -
h e u r p o u r tous .


Celle ques t ion sera u n p r inc ipe i nces san t d ' ag i ta t ions
p o u r le pays , d ' e m b a r r a s p o u r le g o u v e r n e m e n t , de l é -
gi t imes a l a r m e s p o u r la consc ience des évoques et des
pères de famille, t a n t qu 'e l l e n ' a u r a p a s r e ç u u n e solut ion
sage , u n e solut ion c la i re , u n e so lu t ion rée l l e et loyale .




3 2 i D E E A E II! E U T É \ïEN\SEIG.N E ME A' ï .


Il faut une loi qui réa l i se s i n c è r e m e n t le v œ u et la
p r o m e s s e de la C h a r t e ; u n e loi q u i , en c o n s e r v a n t à
l 'Étal son au to r i t é , son ac t ion , son in t e rven t ion t u t é -
la i re s u r l ' éduca t ion , respec te les droits antérieurs, l e s
droits primitifs et inviolables des famil les , en m é m o
t e m p s qu ' e l l e m a i n t i e n d r a les droi t s s ac rés de l 'Église
s u r l ' éduca t ion re l ig ieuse et m o r a l e de ses enfants , il
faut u n e loi s a n s a m b i g u ï t é et s ans d é t o u r , une loi forte
et in te l l igente qu i concil ie tous les in té rê t s , r é p o n d e à
t ou t e s les r é c l a m a t i o n s l ég i t imes ; enfin u n e loi qui soit
faite avec la fe rmeté , avec les l u m i è r e s , et s u r t o u t avec la
s incér i t é , avec la l ian te loyau té q u e tous doivent a t t en -
d re des h o m m e s qui siègent en ce m o m e n t d a n s les con-
seils de la c o u r o n n e et d a n s les g r a n d e s a s semblées
légis la t ives du pays .


J a m a i s loi ne du t ê t re m o i n s faite sous la funeste in-
fluence d 'un m a l e n t e n d u q u e l c o n q u e , p a r u n par t i ou
au profil d 'un co rps , (¡001 qu ' i l soit.


J a m a i s loi ne d u t ê t re c o n ç u e clans des vues plus
l a rges et des p e n s é e s p lu s i n d é p e n d a n t e s des p r é o c c u -
p a t i o n s é t ro i tes cl p a s s i o n n é e s de la pol i t ique j o u r n a -
l iè re .


Ce n ' es t p a s n u e loi de c i r c o n s t a n c e , c 'es! une loi d'a-
v e n i r ; ce n ' es t pas u n e loi de po l i t ique vu lga i re , c'est
u n e loi re l ig ieuse et soc ia le qu ' i l s 'agit de faire.


Cel le g r a n d e œ u v r e est a u j o u r d ' h u i p lu s facile a
a c c o m p l i r q u ' o n n e le p e n s e p e u t - ê t r e .


Car , a u fond, n o u s s o m m e s bien p r è s d 'ê t re tous a u -
j o u r d ' h u i d ' a c c o r d su r les p r inc ipes g é n é r a u x et su r les
po in t s les p lus i m p o r t a n t s de la ques t ion :1e bon sens
publ ic et la b o n n e foi ont s ingu l i è remen t r a p p r o c h é les
espr i t s . Les choses en sont v e n u e s a u po in t qu ' i l suffit




É T A T I ) t L A Q U E S T I O N 1 S Î ; \ 325


peu t - ê t r e au jou rd ' hu i s i m p l e m e n t de s ' exp l ique r et de
s ' en t endre p o u r me t t r e de côté les po in t s s u r l e sque l s
la d i scuss ion est d é s o r m a i s inu t i le .


Je vais e s s a y e r de le faire, e t , si je ne me t r o m p e ,
après m 'avo i r lu , p l u s i e u r s s e r o n t é t o n n é s des p r o g r è s
qui se son t accompl i s p a r la m a r c h e seule du t e m p s
dans l ' intel l igence de la ques t ion , et des pas insens ib les
q u e deux années de t rêve n o u s ont tous condu i t s à faire
les u n s vers les a u t r e s .


f! va sans dire q u e je ne m ' o c c u p e r a i po in t ici des
opin ions e x t r ê m e s ; je n ' a i m e à i n v o q u e r d a n s la polé-
m i q u e q u e la p e n s é e s é r i e u s e d e s h o m m e s g raves qu i
c o m p t e n t d a n s leur pa r t i , et d o n t la voix est u n e a u t o -
r i t é , p a r c e q u e l eu r m o d é r a t i o n est u n e force et l e u r
paro le u n e l u m i è r e .


Je p o u r r a i s c i ter un g r a n d n o m b r e de po in t s sur l e s -
quels l ' accord dont j e pa r l e exis te e n t r e n o u s et n o s
c o n t r a d i c t e u r s . Je m e b o r n e r a i à t ro i s p r i n c i p a u x , su r
lesquels la loyau té de n o s a d v e r s a i r e s les plus h o n o r a b l e s
et la p u i s s a n c e d u b o n s ens , ce g r a n d m a î t r e de la vie
h u m a i n e , ce m o d é r a t e u r s u p r ê m e et infaillible des d i s -
cuss ions pub l iques , ont a m e n é une en t en t e plus c e r -
Iaine, à peu p rès un ive rse l l e , et p r e s q u e cordiale.


Tous les h o m m e s les p lus é m i n e n t s conv iennen t , en
eifet :


1" Qu'il faut en u n , en c o n s e r v a n t à l T n i v e r s i l é son
exis tence cL ses pr ivi lèges , et à l'Klat son intervention
tudelaire, d o n n e r aux pè res de famil le , p o u r l ' éduca t ion
de leurs enfan t s , u n e l ibe r té vé r i t ab l e ;


2° Que la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t n 'es t vé r i t ab le , s i n -
cère, que si elle est e n t r e les d ivers i n s t i t u t eu r s u n e
f ranche et loyale c o n c u r r e n c e ;




3° Qu'i l n 'y a pas de f r anche et loyale c o n c u r r e n c e ,
n i m ê m e de c o n c u r r e n c e en a u c u n sens p o s s i b l e , si
l 'Univers i té d e m e u r e l ' a rb i t re de ses c o n c u r r e n t s , si elle
est j uge et p a r t i e .


On le voit , je n e p r é t e n d s ici r i en p r o c l a m e r de n o u -
v e a u ; je p r é t e n d s s e u l e m e n t , c o m m e je le disais t o u t
à l ' h e u r e , cons t a t e r les p r o g r è s a m e n é s p a r la d i s c u s -
s ion , les po in t s i m p o r t a n t s don t on est d ' a c c o r d , et l'é-
tat ac tuel d e l à ques t ion .


1


Il faut, en conservant, à l'Université son existence ci
ses privilèges, et a l'État son intervention tulclaire,
donner enfin aux pères de famille, pour l'éducation de
leurs enfants, une liberté véritable.


Le b o n sens le p l u s c o m m u n et la b o n n e foi la p lus
vu lga i r e ont suffi p o u r m e t t r e fout le m o n d e d ' accord
su r ce po in t .


En effet, tous s a n s e x c e p t i o n on t été a m e n é s à d é -
c l a r e r q u e la l ibe r té de r e n s e i g n e m e n t est tout à la fois
un droit naturel, le dro i t pr imit i f et inviolable dos pères
de fami l l e ; uii droit politique, et la p r o m e s s e de la
C h a r t e ; u n droit religieux, et la conséquence , essent ie l le
et i m m é d i a t e de la l i be r t é de c o n s c i e n c e ; enfin, m ê m e ,
u n droit littéraire cl intellectuel, c o n s é q u e n c e de la l i -
b e r t é de l ' intel l igence et de la l iber té des l e t t res .


Je pu i s ci ter ici les n o m s et les p a r o l e s des o r a t e u r s
du g o u v e r n e m e n t , auss i b ien q u e les n o m s et les pa ro l e s
des m e m b r e s de l 'oppos i t ion .




É T A T DÉ L A Q U E S T I O N ; 18-17,. 827


1° M. de Tracy disai t :


Ainsi i[iic la liberté de conscience et la l iberté de la
presse, la liberté de r e n s e i g n e m e n t est un droit primitif
qui se reconnaît , qui se proclame et qu 'on ne concède pas .
Voilà les vrais pr incipes , et je ne m'en écarterai point.


M. T h i e r s l u i - m ê m e l'a r e c o n n u :


La vraie l iberté d'enseigiienient,',dit-il, repose sur le droit
du père de l'amille.


On n 'a pas oubl ié les so lenne l les pa ro l e s de M. Gui -
zot :


Il a avait excès de despotisme Anns la manière dont l 'Uni-
versité était corn/ne et inst i tuée. . . .


L'État a le droit de dis t r ibuer l ' enseignement , de le di-
r iger dans ses propres é tabl issements , de le surveil ler p a r -
tout ; il n 'a pas le droit, de l ' imposer a rb i t ra i rement et ex-
clusivement à toutes les familles sans leur consentement
et contre leur v œ u .


Les premiers droits sont tes droits des families : les en-
fants appar t iennent aux familles avant d ' appar ten i r à
l 'État.


Le régime de lTn ivc r s i l é n 'admet ta i t pas ces droits pri-
mitifs et inciidablcs des families.


2" Tous r e c o n n a i s s e n t é g a l e m e n t q u e la l iber té d ' é d u -
cat ion est un droit religieux, et la conséquence essentielle
et immédiate de la liberté de conscience.


Dans ce m ê m e d i scour s , don t j e viens de ci ter les p lus
fortes p a r o l e s , M. Guizot déc l a ra i t q u e les droits des
croyances religieuses é t a i en t à p e u p rès aus s i g r a v e m e n t
b lessés p a r le m o n o p o l e un ive r s i t a i r e q u e les droits des
familles. Gela est vrai .




323 D E LA L i D E R T E D'E N S F, IG N E M F N T.


Selon un mot r e m a r q u a b l e de AL Por ta l i s :


La l iberté rel igieuse et la l iberté d 'ense ignement sont
stt 'urs. La liberté de l 'enseignement est devenue un com-
plément nécessaire de la liberté re l igieuse, telle, que l'a
proclamée la Charte .


En effet, le bon sens suffit à d é m o n t r e r q u e tou te
c o n t r a i n t e à cet égard b lesse p r o f o n d é m e n t la l iber té
re l ig ieuse tou t à la fois d a n s la consc ience du p è r e de
famil le , d a n s la consc ience de son fils, et d a n s la con-
sc ience m ê m e des i n s t i t u t eu r s .


On se souv ien t ici des exp res s ions éne rg iques de
M. de L a m a r t i n e :


C'est un sacri lège contre la rel igion, contre la raison,
contre le père de famille, contre l'enfant à la fois.


Et si l ' a s s e n t i m e n t est u n a n i m e à cet égard , c 'est
q u ' o n s ' accorde enfin à r e c o n n a î t r e q u e r e n s e i g n e m e n t
n ' e s t p a s s e u l e m e n t du grec et du latin. L ' ense ignemen t ,
c 'est l ' é d u c a t i o n , c 'est la foi, c 'est l ' âme , c'est la xie
t ou t en t i è re , et M. de L a m a r t i n e l'a p r o c l a m é e n c o r e
a v e c énerg ie :


C'est la foi du chrét ien, c'est la foi du protestant , c'est la
foi de la phi losophie , c'est la loi de la famille.


M. le duc de Broglie , aussi bien q u e .AI. de L a m a r -
t ine , a professé ces p r inc ipes :


Là où la liberté de conscience a pr is rang au nombre des
pr incipes const i tut ionnels , la l iberté d 'enseignement est
de stricte justice et de sage pol i t ique.


Ce don t tous son t é g a l e m e n t d ' acco rd au fond, s a n s
l 'avoir auss i h a u t e m e n t e x p r i m é , c 'es t q u e le m o n o p o l e




E T A T !>!•; L A Q U E S T I O N . l S i " ) . 35y


de l ' ense ignement blesse auss i la l i be r l é re l ig ieuse d a n s
la conscience des i n s l i l u l cu r s m ê m e . J ' a i déjà eu o c c a -
sion de le faire o b s e r v e r : il n 'y a pas de s i tua t ion m o -
rale p lus triste (pie celle d 'un p ro fe s seu r u n i v e r s i t a i r e
qui a le m a l h e u r de n ' ê t r e p a s ca tho l ique , et qu i est
c o n d a m n é , en p r é s e n c e des enfants qu ' i l i n s t r u i t , ou à
des p ro t e s t a t i ons h y p o c r i t e s , ou à un s i lence s a n s d i -
gni té . Il y a la u n e s i tua t ion telle que , je l ' avoue , nu l le
cons idé ra t i on au m o n d e n e m ' e n ferait a c c e p t e r l ' hu -
miliat ion.


Parmi les p ro fesseur s de l 'Univers i té q u i n ' on t p a s
le. b o n h e u r de c ro i r e au c h r i s t i a n i s m e , il n 'y en a pas
u n , v é r i t a b l e m e n t h o m m e d ' h o n n e u r , à q u i , je le sa is ,
le m o n o p o l e u n i v e r s i t a i r e ne pèse a u t a n t qu ' à n o u s . . .
qui ne le t rouve auss i od ieux .que n o u s - m ê m e s , et qui
l o r sque ce m o n o p o l e vient t r a îne r d e v a n t lui de m a l -
h e u r e u x enfants don t il ne sait ni la foi ni la l a n g u e , et
qu ' i l doit é lever c e p e n d a n t , ne s ' es t ime , ou le p lus
m a l h e u r e u x , ou le [dus h u m i l i é des h o m m e s .


Enfin, la c o n t r a i n t e de l ' éduca t ion b lesse la l iber té
re l ig ieuse d a n s la c o n s c i e n c e de l 'enfant . On c o n n a î t à
cet égard les p la in tes d o u l o u r e u s e s de JI. de L a m a r t i n e ,
et l 'on ne sau ra i t nous r e p r o c h e r d 'en r e p r o d u i r e e n -
core ici l ' é l o q u e n t e express ion :


La jeunesse , recevant un double ense ignement con t ra -
dictoire, et tiraillée en sens contra i re par la philosophie
et par la foi, Unit par tomber entre deux dans le scepti-
cisme, la mort île l 'àmc.


Quand un réllérhit que cet abus est à la fois l 'oppression
de la conscience, le mensonge de r e n s e i g n e m e n t , l 'avil is-
sement de l 'Etat, l 'abdication de la raison, la cause du
scepticisme qui saisit l 'homme au passage de l 'enfance à




330 I) F, l.A E I MEUT E il'EVM-tlGN'i-tXI E X'I .


la jeunesse , la confusion de la loi, la p e r t e des âmes et
l 'extinction de la murale pa rmi d e nombreuses généra-
tions ; et quand on est convaincu en même temps que Dieu
est le tond de toutes choses, et (pu; les sociétés humaines
n 'ont d 'autre but (pie d 'ar r iver à Dieu par les lumières et
la ver tu . . . . cela bût frémir. . . . niais surtout mal pour l 'en-
fant. Que voulez-vous, en effet, que devienne en lui l 'homme
moral et intellectuel 1: 1 . . . .


Il lui faudrait deux âmes, et il n'en a qu 'une : on la ti-
raille et on la déchi re eu sens cont ra i re .


11 s 'étonne de cette contradict ion entre ce qu'on lui di-
sait dans sa famille, ce q u ' u n lui enseigne dans son collège,
ce qu 'on lui démont re dans les cours , l i . C O M M E S U ; A S E
D O U T E R oe'oe.' i.u J O L I - ; c.\i ; (in.vM)K C O M É M E , (pie la société
ne croit pas un mot de ce qu'elle enseigne. I! pense en
secret qu'i l faut que tout cela ne soit pa-> bien important
pour que ht société et lT.iat s'en jouent avec c e l l e ' légèreté
et ce mépr i s . Sa foi s ' é t e in t : sa raison, sans ardeur , s e
refroidi t ; son aine se sèche.


T o u s donc sont d ' a c c o r d , et do iven t l ' ê t re , q u e la con-
t r a i n t e de l ' éduca t ion b les se p r o f o n d é m e n t la l iber té
re l ig ieuse d a n s la c o n s c i e n c e du p è r e de famil le , d a n s
la consc i ence de l 'enfant , d a n s la consc ience des ins t i -
t u t e u r s e u x - m ê m e s .


3° T o u s son t é g a l e m e n t d ' a c c o r d su r ce point , q u e la
l iber té d ' e n s e i g n e m e n t est un droit politique et la pro-
messe solennelle de la Charte.


Ici le dro i t pol i t ique se c o o r d o n n e a v e c le dro i t n a t u -
re l et le dro i t re l ig ieux , et l 'on conv ien t u n a n i m e m e n t
q u e , q u a n d la l ibe r té d ' e n s e i g n e m e n t ne serai t pas une
c o n s é q u e n c e de la l ibe r té de consc ience et de toutes
n o s a u t r e s l ibe r t és , il f audra i t la d o n n e r e n c o r e , p a r c e
qu ' e l l e est u n e p r o m e s s e de la Char te ; et , c o m m e le




KTAT D E I . A Q U E S T I O N l i S - 'u , . :>,:]\


disait on 1837 31. do S e h a u c n b u r g , wur c?e ses plus belles
promesses, p r o m e s s e so lenne l le e t s a c r é e d ' u n e C h a r t e
qui a élé p r o c l a m é e la Char t e -vé r i t é , et q u i p e r d r a i t la
plus g lor ieuse moi t ié de son n o m , si la l iber té d ' ense i -
g n e m e n t n 'é ta i t p a s r é e l l e m e n t d o n n é e .


Ici e n c o r e , il y a u n a n i m i t é de p e n s é e s et de l angage .
Les p lus a r d e n t s dé fenseur s du m o n o p o l e un ive r s i t a i r e
n ' on t pas osé o u v e r t e m e n t c o n t e s t e r la p r o m e s s e de la
Cha r t e , et, s'iis l 'osa ient j a m a i s , n o u s leur r a p p e l l e r i o n s
les pa ro le s de M, de T r a c y :


Cette l iberté de r ense ignemen t est l'objet de bien vives
a t taques . Il semble que vous ayez le droit d ' accorder ou
de ne pas accorder cette liberie : je soutiens q u e vous n u
pouvez pas vous y refuser ; c'est une des conditions du
•pacte en vertu duquel tous les pouvoirs c.eisicut, vous et
tous tes autres.


C'est ce qui c o n d a m n a i t 3d. Th i e r s l u i - m ê m e à d i re :


11 n 'ent re pas dans notre intention de contester l 'é tendue
de l ' engagement imposé par la Char te . . . . C'est a s su rément
la liberté pure et s imple . . . . la l iberté complète la l iberté
pleine et ent ière . . . . la liberté sans l imites. . . , qui est a c -
cordée.


k" Lutin tout le m o n d e est d ' a c c o r d q u e la l ibe r té
d ' e n s e i g n e m e n t est même un droit littéraire et la con-
séquence de la liberie des lettres.


bans p r é t e n d r e é lever un dro i t l i t t é ra i re à la digni té
d u dro i t re l ig ieux, du droi t n a t u r e l , d u d ro i t p o l i t i q u e ,
il se r e n c o n t r e ici n é a n m o i n s un a spec t s é r i eux d e la
ques t ion et des c o n s i d é r a t i o n s i m p o r t a n t e s d a n s l ' i n té -
rê t de l 'espri t h u m a i n .




332 D E LA I I l i E R T É D'E N S E I O N E AI E .X T.


Les lie-mines les plus éc la i r é s l 'ont r e c o n n u :
On n ' é t ab l i r a j a m a i s la c en t r a l i s a t i on in te l lec tuel le


q u ' a u d é t r i m e n t des l u m i è r e s et de la nob le é m u l a t i o n
des intel l igences.


On n 'a po in t oubl ié l 'opinion émise à cet égard p a r
M. Sa in t -Marc Gi ra rd in :


Mous osons dire, Messieurs, qu 'avant la Charte elle-
même , l 'expérience et l ' intérêt même des éludes a\aienl
réclamé la liberté d 'ense ignement .


C'est, selon nous, pour ne pas s 'être rendu un compte
assez exact de l'état de nos sociétés modernes que nos di-
vers gouvernements , avant 1830, s 'étaient effrayés de la
liberté d 'ense ignement et avaient craint de r acco rde r .
C'est dans cet esprit qu ' i ls avaient tous cherché à centra-
liser les écoles et à faire de l 'enseignement en France
une grande inslilulion politique el adminis t ra t ive .


M. Sa in t -Marc Girard in disai t e n c o r e :


On discute beaucoup en ce moment sur les 'diverses mé-
thodes d ' e n s e i g n e m e n t ; ou dit beaucoup qu'il faut réfor-
mer les é tudes . Selon nous , la grande réforme que, le
projet de loi fait dans les é tudes , c'est de proclamer la
l iberté d 'ense ignement ; car, grâce à cette liberté, toute*
les réformes sont possibles.


M. de Tracy pa r t agea i t su r ce point l 'opinion de
M. Sa in t -Marc G i r a r d i n ; il déc la ra i t q u e la l iber té de
l ' e n s e i g n e m e n t est aus s i u t i le , auss i néces sa i r e p o u r le
g o u v e r n e m e n t q u e p o u r la socié té , el que, sans lu liberté
de l'enseignement, l'instruction est nécessairement sta-
tionnaire, c'est-à-dire rétrograde.


Cer tes , ap rès t an t de t émoignages , j ' a i le droi t de le
r e d i r e :




ÉTAT I>E LA QUESTION -;»m;. m


Tous sont a u j o u r d ' h u i d ' a c c o n l s u r ce p o i n t , qu ' i l
faut d o n n e r la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t , pu i squ ' e l l e est
tout à la l'ois un dro i t n a t u r e l , primitif, inv io lab le ; u n
droi t religieux et s ac ré ; un droi t pol i t ique et social ; cl
m ê m e enfin un droi t l i t t é ra i re .


Au jou rd ' hu i nos a d v e r s a i r e s les p lus déc la ré s parlent
c o m m e les amis les p lus fidèles d e l à l iber té , comme
les plus g é n é r e u x défenseurs de cel te grande cause.
On ne pouva i t c e r t a i n e m e n t pas a t t e n d r e qu' i l lui fût
r e n d u si p r o m p t e m o n t un si éc l a l an l h o m m a g e ! El si
la paro le a un sens e t u n e v a l e u r réel le p a r m i les hom-
mes , si les a s s u r a n c e s les p lus g raves ne sont p a s en
France un jeu dérisoire, nous t o u c h o n s à l ' a ccompl i s -
s e m e n t des p r o m e s s e s de la Char t e et à l ' h e u r e u s e inau-
gurat ion d 'une ère nouvel le qui va voir le g rand et i m -
morte l p r inc ipe de la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t , p r o c l a m é
déjà d a n s Ja cons t i tu t ion du p a y s , adop té enfin d a n s
la p r a t i q u e et so l enne l l emen t inscr i t au bul le t in des lois
du ro \ a u m e .


n.


La liberté (renseignement n'est une liberté véritable,
sincère, que si elle est, entre les divers instituteurs, une
franche et loyale concurrence,


C'est ce q u e M. Cuizot déc la ra i t en t e r m e s e x p r è s de-
van t la C h a m b r e des dépu té s :


Aux maximes du monopole nous subst i tuons celles de
la concurrence.


Les établissements privés, les inst i tut ions et les pensions




; « i D E LA I . Ï B E K T É D ' E N S E I G N E M E N T .


seront désormais /es libres émules des établissements
publ ies .


L'État accepte la nécessi té, le devoir de soutenir avec
succès, avec éclat, une concurrence infatigable.


Lu prééminence fies éludes publiques doit remplacer le
monopole.


En un mot, ce n 'est p lus en auxil iaire, mais en rivale,
que l ' industr ie pr ivée peut donne r l ' instruction secon-
daire .


C'est ce q u e M. de S a l v a n d y a e x p r i m é auss i d a n s ces
t e r m e s é n e r g i q u e s :


Tout le monde , la ïques et ecclésiast iques, libre d'élever
autel contre autel, d'opposer les méthodes aux méthodes,
tes écoles aux écoles; les pères de fami l le , maîtres de
choisir pour leurs enfants entre tous les systèmes, tous les
é tabl issements .


C'est ce q u e M.Yillemain a p r o c l a m é l u i - m ê m e . Après
avoi r pa r l é des écoles p u b l i q u e s de F r a n c e et de l e u r s
p r o g r è s , il a jou te :


Puisse ce mouvement toujours régul ier s ' augmenter en-
core pu)'un jirincipe nouveau d'émulation et de liberté!


M. Sa in t -Marc (b ' ra rd in , s u r ce sujet , s ' expr ime en
t e r m e s p lus expl ic i tes e n c o r e et p lus formels :


Les é ludes ont besoin d'émulation : cela est vrai pour les
élèves entre e u x ; cela est vrai aussi pour les écoles entre
elles; il faut toujours une concurrence, une rivalité qui
l'éveille le zèle et qui fasse faire effort.... 11 est bon de
placer à côté de l 'Université et de ses écoles la liberté de
l 'enseignement et les écoles privées, alin d 'ent re teni r ta
concurrence et l'émulation.




ÉTAT D E LA Q U E S T I O N ( I 8 i 7 \ 3 3 5


Qu'on ne s'effraye (loin" pas de la l iberté d ' ense ignement :
elle esl mile aux progrès des é ludes . . . . Tout le projet de la
loi repose sur ces deux idées fondamentales , la l ibel lé de
l 'enseignement et la prééminence des é tudes classiques ;
les deux idées se l'ont équi l ibre . Liberté désormais pour
toutes tes méthodes et pour toutes les inventions.


O u e l est l 'avantage efficace de votre loi? J 'en par le
comme professeur, connue homme de U n i v e r s i t é : je ne
cra ins pas la concurrence pour P e n h c r s i l é ; tout au con-
traire j e la désire : c'est un aiguillon salutaire. M . le m i -
nistre vous l'a li •('•s-bieii prouvé dans son éloquent d i s c o u r s :
// finit 'le la concurrence, de la rmilité. Saris idéalité, on
s'endort. Vienne (baie l'esprit de rivalité, nous eu avons
besoin.


M. de S c h a u e n b u r g disai t :


I." Piii da p ro je t d e loi , e ' e , ; |a s ; i bsl i l u l ion u u monopole
de la concurrence dans l ' ense ignement .


VJ. le d u c de Broglie ne pensait: p a s a u t r e m e n t : 11 est
b o n , disai t - i l , q u e les é t a b l i s s e m e n t s p a r t i c u l i e r s se fon-
dent et se m u l t i p l i e n t ; l eu r ex i s t ence , l e u r n o m b r e ,
l eu r s etl'orts i m p o r t e n t aux p r o g r è s de l ' i n s t ruc t ion gé -
n é r a l e : l ' émula t ion qui s 'élève en t r e eux et les é t ab l i s -
s emen t s pub l ics , lo r squ ' e l l e est vive et v ra ie , t o u r n e à
l ' avan tage de la sc ience .


VI. Sa in t -Marc ( l i r a r d i n allai t p lu s loin e n c o r e , il n e
craignai t pas de d i re :


A u t r e f o i s la concurrence était ent re l 'Universi té de Pa r i s
et les d i v e r s e s c o n g r é g a t i o n s q u i s 'étaient consacrées à
r ins t rur i ion d e la j e u n e s s e . Mmsneos de pr incipes diffé-
rents, animées d ' u n e>prii différent, l 'Université de Par is
et les c o n g r é g a t i o n s lut ta ient l ' une contre l 'aut re , et celle




330 1)K LA LII iEItTK D ' E N S E I G N E M E N T .


1 Code nnirenilairr, préf. , p. v u :


lutte tournai t au profit des é tudes . Aussi quand , eu ITOT.
les jésui tes furent d ispersés , un lioinme qu 'on n'accusera
pas de préjugés, de dévotion, Voltaire , avec son bon sons et
sa. sagacité, ord ina i res , regrettai t ru t i l e coneurreneo qu'ils
faisaient à l 'Université : Ils (devaient, dit-il, la jeunesse en
concurrence avec les univers i tés , et l 'émulation est une
liellc eltose.


A t ous ces t émo ignages se jo in t celui île M. Cuizol .
a lo r s m i n i s i r e de l ' ins l ruc l ion p u b l i q u e , qui disait :


Messieurs, avant 1789, l 'nislrurlioii était confiée ù un
g rand nombre de congrégat ions diverses : elle était d i -
visée ; elle n 'étai t pas réunie' en un seul faisceau. De là
la plus utile concurrence ; de là la supériori té de l ' instruc-
tion et de l 'éducation avant la révolut ion.


J e c i te ra i e n c o r e les p a r o l e s de M. R e n d u , m e m b r e du
Consei l royal de l ' ins l ruc l ion p u b l i q u e 1 :


Me cra ignons pas de le di re , la concurrence du libre en-
seignement a manqué jusqu' ici au développement complet
de l ' instruction univers i ta i re . One cette condition essen-
tielle de tout p rogrès du rab le soit enfui rempl ie , que toute
satisfaction soit donnée aux familles et à la société, que des
r ivali tés sér ieuses et d ignes viennent de toutes paris
éveiller les courages et redouble r les efforts, toute amél io-
rat ion devient possible, tout perfect ionnement est pro-
bable .


Ce n ' es t pas d ' a u j o u r d ' h u i s e u l e m e n t q u e tout le m o n d e
est d ' a cco rd à cet égard . Les p lus g r a n d s espr i l s ont
t o u j o u r s p e n s é q u e la l i be r t é d ' e n s e i g n e m e n t était fa-
v o r a b l e à l ' émula t ion des l e t t r e s et des s c i ences , au




ETAT DE LA QUESTION ( IS i , ; . 337
d é v e l o p p e m e n t des in te l l igences , a u x p r o g r è s des l u -
miè res . 11 convenait, a dit le cardinal de Richel ieu, que les uni-
versités et les jésui tes enseignassent à l 'envi, afin que
l 'émulation aiguisât leur ver tu, et que les sciences fussent
d 'autant plus assurées dans l 'État, que si les uns venaient
a perdre un si sacré dépôt, il se retrouvât chez les an t res .
' Teslam. p o l i i . tlit canl. e'e llichelieu. par t . I, chap . v,
s e r t . 1 0 . ,


C'était auss i la p e n s é e de M. de T a l l e y r a n d , c l a i r e -
m e n t e x p r i m é e d a n s le c é l è b r e r a p p o r t qu ' i l fit au n o m
du Comité de cons t i t u t i on , les 10 et 11 s e p t e m b r e 1791.


Si chacun, dil-il, a le droit de recevoir les bienfaits d.-
l ' instruction, chacun a réc iproquement le droit d o e o n c o u -
rir à la r épandre : car c'est du concours et de la rivalité
«ies efforts individuels que naî t ra toujours le plus grand
bien. La confiance doit seule dé te rminer le c inés pour les
fonctions ins t ruc t ives ; mais tous les talents sont appelés
de droit ii d isputer le pr ix de l 'estime publ ique . Tout p r i -
vilège esi par se. na ture odieux, in privilège en matière
oiuslrnclfau sérail plus odieus cl plus absurde encore.


1! v a s u r ce point une (elle u n a n i m i t é p a r m i fous les
h o m m e s éc la i rés , que M. Tlucrs. r econna î t M - m O m c
que les é t ab l i s semen t s p r ivés do iven t ê t r e en concur-
rence avec l 'Universi té : il pa r l e de rivalité de corps i:
corps :


Il fallait, dit-il , la l iberté d 'ense ignement non-seu lement
pour e l le-même, niais alla de créer des é tabl issements par-
ticuliers en dehors de ceux de l 'Etat , et de faire naî tre
ainsi une cunrurmnv qui cri le Ce'midatiim de l 'Univer-
sité, ! empêche de s'endormir dans lu routine, et la t ienne




S3S !>F. LA L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T .


tou jours on hale ine , toujours sur la voio dos perfectionne­
men t s .


Cet aveu de M. T h i e r s m e suffit, et m e d i s p e n s e de
citer u n e foule d ' au t r e s t émo ignages et de r e v e n i r s u r
ceux p a r l e s q u e l s j ' a i établi p r é c é d e m m e n t q u e la l ibe r té
d'enseignement es t u n e conséquence de la l iber té des
lettres, l aque l l e r é c l a m e a v a n t tout la libre rmajurrea.ee
et la généreuse émulation des esprits.


Je ne pu i s toutefois m e dispenser de rappeler ici les
r e m a r q u a b l e s p a r o l e s p r o n o n c é e s p a r M. le d u c de
Broglie d e v a n t la C h a m b r e des p a i r s . Elles résument
a d m i r a b l e m e n t , d a n s le p lus grave l angage , cl avec la
p lus n o b l e l o y a u t é , tous les t é m o i g n a g e s p r é c é d e n t s :


Dans on pays l ibre, il faut que ees «'tablissenienls soient
l ibres. Plus de lutelle obligée. . . . Ce son t eluises qui ont
fait leur temps. Nous ne ledis­dniulons pas en ei'i'ei : si l'on
veut que les établ issements privés r x b l e n t d 'une existence
qui leur soit propire, qu' i ls aient, de la réali té, de la vi­
gueur , île l 'avenir , qu' i ls entrent sér ieusement en cote ur­
renee avec les établ issements publies , cela ne se j o u t
qu 'au tan t qu' i ls ne relèrerout oer tt'eu e­uicincs, el qu'ils
uur»nt le choix îles тоцат, tics pmvitès hulispentabh'*
pour епцп'П'г la lutte arec quelque chance dr succès.


S'ils doivent cont inuer à se modeler exactement . s u r le­,
établ issements publ ics , à n 'en être, pour ainsi dire, que la
pâle cont re­épreuve , à n'exister qu'à titre de succursales ,
ils sont tout ti coup condamnés ît pér i r . Л mesure q u e les
établ issements publ ics deviendront plus nombreux ci plus
florissants, qu' i ls étendront !<• champ de leurs conquêtes ,
ou verra les établ issements privés , qui n 'on t pas les mêmes
ressources , et ne peuvent , dans aucun cas , enseigner à
per te , s 'éteindre et disparaî t re peu à peu. C'est .ce qui est




ETAT DE LA QUESTION (1817). 339


arr ivé (MI Prusse . lin 1 8 3 9 , dix-huit ans après la p r o m u l -
gation de la lui qui a réorganisé sur des bases larges et
puissantes l 'enseignement publ ie , // ne se rencontrai! plus
dans tout le royaume une seule institution privée qui fût
demeurée debout.


Ces so lenne l les p a r o l e s de M. le d u c de Broglie ne
s a u r a i e n t ê t r e t r o p méd i t ée s .


Ainsi d o n c , quel les q u e soient les op in ions d ive r ses
s u r la u n i u r e el l ' é t endue des g a r a n t i e s officielles q u e
l 'État peu t exiger , tous r e c o n n a i s s e n t q u ' u n e fois ces
ga ran t i e s et ces cond i t i ons a c c o m p l i e s , il doi t y avo i r
une franche el loyale concurrence dans une liberté
sincère.


L'Univers i té peu t ê t r e favorisée p a r l 'État , g a r d e r ses
écoles p o u r v u e s de p ro fesseur s a u choix d u g r a n d -
mai t ro , déf rayées p a r le t r é so r el de s t i nées à m a i n t e n i r
les t r ad i t ions c l a s s iques .


Mais à côté des écoles u n i v e r s i t a i r e s do iven t s 'é lever ,
fous le p r o c l a m e n t , d ' a u t r e s écoles p lu s va r i ée s d a n s
l eu r p l an , p lus soup l e s d a n s l eu r s m é t h o d e s , m i e u x
a c c o m m o d é e s aux c o n v e n a n c e s pa r t i cu l i è r e s des i 'ami l les
ou à ce r t a ines ex igences de la soc ié té m o d e r n e ; et en le
p r o c l a m a n t , Ions r e c o n n a i s s e n t q u ' e n t r e les u n e s et les
a u t r e s doit r égne r , sous la h a u t e su rve i l l ance et l ' inter-
vent ion lutélaire de l 'Etat , une noble rivalisé, une géné-
reuse émulation, et par conséquent une loyale et libre
concurrence.


C'était le s econd point q u e je t ena i s à é tab l i r : il n e
souffre a u c u n e con te s t a t ion .




D E LA L I B E R T É I , ' E N S E I G N E M E N T .


III


Le t r o i s i è m e en souffre m o i n s e n c o r e , à s avo i r :


Qu'il n'y a plus île libre et loyale concurrence, ni de
concurrence même en aucun sens possible, si l'UnioersUe
demeure la maîtresse et l'arbitre de ses concurrents. s:


elle est juye et partie.


Je le sa is , d a n s le pro je t de loi de àl. T l i ie rs , ton les les
m a i s o n s d ' é d u c a t i o n , t ous les m a î t r e s sans except ion jus -
q u ' a u x p lus h u m b l e s su rve i l l an t s , fous les î è g l e m e n t s in-
t é r i e u r s , tous les p r o g r a m m e s d ' é t u d e s , tous les p r o g r a m -
mes d ' e x a m e n d é p e n d a i e n t u n i q u e m e n t de l 'Universi té.


L 'Universi té d e m e u r a i t l ' a rb i t r e s u p r ê m e de tous ceux
qui se des t i nen t à l ' e n s e i g n e m e n t , l ' a rb i t re en d e r -
nier ressort, de tous les é t ab l i s s emen t s déc l a r é s l ib res
et i n d é p e n d a n t s p a r la Cha r t e .


31. T h i e r s s 'é ta i t p lu à p r o c l a m e r l 'Univers i té maî-
1 rosse abso lue du t e r r a i n , des cond i t ions de la lu t te ,
des lois du c o m b a t ; c 'est elle seule qui devai t a p p r é c i e r
les efforts de ses é m u l e s , e x a m i n e r l eu r m é r i t e et l eu r s
œ u v r e s ; elle seule qu i devait déc ide r de l eu r s torts et
les r é p r i m e r ; elle seu le qui devai t les j u g e r , les c o n -
d a m n e r , les s u s p e n d r e , les s u p p r i m e r enfin, q u a n d elle
c ro i ra i t devo i r le faire.


Voilà la liberté pure et simj)le, la liberté complète, la
liberté pleine et entière, la liberté sans limites... telle que
Ai. Tl i iers n o u s la p r é p a r a i t .


àlais le bon sens pub l i c a p r o c l a m é q u e r i en de tout
cela n ' es t possible , si on n e veu t p a s c o n s a c r e r ïe-cis




ÉTAT D E LA QUESTION (18S7). 341


M, Gnizol .


thi monopole et du despotisme universitaire1, si on ne
veut pas r e t en i r i n d i g n e m e n t d ' une m a i n ce (pie l 'on
feint de d o n n e r de l ' au t r e , si on ne veu t p a s r e n o n c e r à
j ama i s à la l iber té d ' e n s e i g n e m e n t , et anéan t i r , avec la
g é n é r e u s e é m u l a t i o n n é e d e l à l ibre c o n c u r r e n c e , la
p r o m e s s e de la (ma r t e ; le bon sens publ ic a p r o c l a m é
q u e si on veu t ê t re de b o n n e foi , il faut e s sen t i e l l ement
faire a u t r e chose .


El, en eiï'et, q u e l 'Univers i té soit j uge des m a i s o n s
un ive r s i t a i r e s , des p r o g r è s de l eu r s é l u d e s et de ce qu i
les i n t é re s se , cela est s imple ; m a i s qu 'e l l e soit l ' a rb i t r e
des m a i s o n s fo rmées h o r s de son se in , des é t ab l i s se -
m e n t s déc l a r é s l ib res et i n d é p e n d a n t s , voilà ce qui est
a b s o l u m e n t i m p o s s i b l e , ce qui i m p l i q u e con t r ad ic t ion
dans les t e rmes ; voilà ce que la b o n n e foi non p lus q u e
le bon sens ne p e u v e n t a d m e t t r e .


Il est manifes te q u e la l ibe r té p r o m i s e pa r la Cha r t e
doit d o n n e r à c h a c u n , m o y e n n a n t de j u s t e s cond i t ions ,
le dro i t de fo rmer et de m a i n t e n i r , s o u s la h a u t e s u r -
vei l lance de l 'Éta t , des é t a b l i s s e m e n t s en d e h o r s et i n -
d é p e n d a m m e n t du r é g i m e un ive r s i t a i r e . « Ou la liberté
d'enseignement n'est rien ou elle est cela. »


Car, je le d e m a n d e , q u e sera i t ce droi t , q u e sera i t ce l te
l iber té , si l 'Univers i té avai t la mi s s ion d ' e x a m i n e r , d ' ins -
pec ter , de c e n s u r e r les h o m m e s e t les c h o s e s de ces é ta -
b l i s sements déc la rés l ib res et i n d é p e n d a n t s d'elle ? Xe
sera i t -ce p a s u n e décep t ion g ross iè re , u n o d i e u x m e n -
songe? Ainsi ces é t a b l i s s e m e n t s , en p a r a i s s a n t l i b re s ,
ne le s e r a i en t p a s , et , en ne p a r a i s s a n t p a s u n i v e r s i -
ta i res , ils le s e r a i en t t ou jour s . Ce n o u v e l é ta t s e ra i t p i r e




Z \ 1 D E LA L I B E R T E D ' E N S E I G N E M E N T .


q u e le p r e m i e r , ce se ra i t u n e In to lé rab le agg rava t ion de
s e rv i t ude . Les chefs et a u t r e s m a î t r e s de ces m a i s o n s
r é p u t é e s l ib res a u r a i e n t de l 'Univers i té t ous les i n c o n v é -
n i en t s s a n s en avoi r a u c u n a v a n t a g e ; ils la t r o u v e -
r a i e n t d ' a u t a n t p lu s t y r a n n i q u e qu ' i l s se p r é s e n t e r a i e n t
à elle t o u t à la fois c o m m e des sujets qu i ont vou lu s e -
c o u e r le j o u g , et su r q u i , q u a n d on p e u t les ressa i s i r ,
on a p p e s a n t i t sa m a i n , et c o m m e des an t agon i s t e s et
des r i v a u x don t la c o n c u r r e n c e doi t ê t re é ca r t ée .


D'où son t v e n u e s d a n s les t r i b u n a u x ce q u ' o n appel le
d e s r é c u s a t i o n s p é r e m p l o i r e s ? De ce p r inc ipe inv io lab le
d ' équ i t é , q u e nul ne .saurait vire, à la fois jutjeel partie.
M a i s , d ' ap rè s ce p r i n c i p e , n 'es t - i l pas év ident que l'U-
n ivers i té peu t cl doit ê t re r é c u s é e p a r les é t ab l i s semen t s
déc l a r é s ses c o n c u r r e n t s et ses é m u l e s , si elle v e u t
e x e r c e r q u e l q u e au to r i t é s u r e u x , si elle p r é t e n d les j u -
ge r , les r é p r i m e r , les d é t r u i r e , les e m p ê c h e r d ' ê t r e ou
les c o n d a m n e r à n ' ê t r e p lu s ?


Voilà ce q u e le b o n s e n s , ce q u e la b o n n e foi, on t
p r o c l a m é de c o n c e r t avec u n e force i r rés is t ib le .


M. ï h i e r s l ' avai t b ien p r é v u : u n espr i t c o m m e le sien
n e pouva i t s'y i n é p r e n d r e . La seulement, écr ivai t - i l d a n s
son fameux R a p p o r t , réside la rraie difficulté. Aussi n 'a -
t-il j a m a i s d o n n é à son langage un c a r a c t è r e de g rav i te
p lu s h a u t e , ni de p lus p r o f o n d e hab i le té q u ' e n t r a i t a n t
cet te ques t i on . S e n t a n t q u e la c o n t r o v e r s e se r e t r o u v e
ici tout e n t i è r e , e t , se lon ses p r o p r e s p a r o l e s , (pielèi
réside la vraie difficulté, il l'ait des efforts inou ïs p o u r
la r é s o u d r e . Sen t an t m ê m e q u e la solut ion logique étai t
i m p o s s i b l e , il a v o u l u l ' e m p o r t e r v i o l e m m e n t et c o m m e
d e h a u t e lu t te , et il n ' a p a s c ra in t d 'é lever à ce p r o p o s ,
c o n t r e le c le rgé , les a c c u s a t i o n s les p lus g raves .




ÉTAT DE LA QUESTION (¡847). 3 0 !


Voici ses p a r o l e s :


Qui inspectera, qui survei l lera, qui jugera les nouveaux
établ issements?— Quant à nous , Messieurs, la réponse n 'a
j ias été douteuse . . . . c'est l 'Universi té . C'est à elle qu' i l
faut donner le soin de surveil ler , de juger , d ' inspecter les
établissements d ' instruct ion publ ique , d 'apprécier leurs
défauts et leurs mér i tes .


Celte so lu t ion d o n n é e , M. ï h i e r s a joute :


Ici, Messieurs, s'élève mie sor te de c lameur de la par!
d" clergé.


Etre surveil lé, inspecté, jugé par | l 'Univers i té , est une
tyrannie intolérable . . . . C'est, disent-ils, les faire dépendre
de r ivaux pour entre1.' dans la car r ière , pour y vivre, pour
y être main tenus ou en être exclus.


Que lques l ignes p lu s b a s , il dit e n c o r e :


Lisez tous les écrits du clergé ou de ceux, qui , avec plus
eu moins de raison, se l'ont ses représen tan t s . Vous y trou-
verez qu 'où constitue la servi tude, et non la l iberté d 'en-
seignement , lorsqu 'on veut faire dépendre le clergé du j u -
gement de l 'Universi té, soit pour la collation des grades ,
soit pour la survei l lance et la jur id ic t ion.


Et la conc lus ion est q u e :


Ces prétent ions sont inconcil iables avec la bonne police
de l'Etat : c'est le r enversement de toutes les lois et de.
tous les pr incipes ; c'est le renversement des p lus s imples
notions de la just ice et du bon sens .


Cer tes , en é t u d i a n t le R a p p o r t de M. ï h i e r s à l ' épo -
que où il p a r u t , je regre t ta i s o u v e n t d 'y r e n c o n t r e r , s o u s
la s implici té a p p a r e n t e d ' u n style ag réab l e , d e s con l r a -




;:¡ i D E EA 1. I l i E l t T E D ' E N S E I G N E M E N T .
die! ions b iza r res , des é q u i v o q u e s n o m b r e u s e s , des sens
d o u t e u x , et c o m m e u n e soup le s se pe rpé tue l l e d e p á r e l e
qu i m e c o n d a m n a i t à ne p r e s q u e j a m a i s pouvo i r bien
sais i r la vé r i t ab le p e n s é e de l ' a u t e u r p o u r l ' a d m e t h e
ou p o u r la c o m b a t t r e : elle m ' é c h a p p a i t t o u j o u r s sous
la t r a n s p a r e n c e et la r ap id i t é t r o m p e u s e de ce style si
c la ir et si facile, q u ' o n n e p a r v i e n t à se défier de lui
q u ' a p r è s en avoi r é p r o u v é p lu s i eu r s fois les s ingul iers
m é c o m p t e s :


. . . . Obliqua laboral
l.ympha fiuja.r...


Mais, il le faut a v o u e r , les p h r a s e s q u e je v iens de
r a p p e l e r n e l a i s sen t r i en à r e g r e t t e r , ni d a n s le style ni
d a n s la p e n s é e .


Tou t est net , clair , p r éc i s , décisif; tou t est dit m a n i -
fes tement avec l ' e s p é r a n c e d ' é t o n n e r p a r la h a r d i e s s e
de l 'af f i rmat ion, et d 'ô te r t ou t d ' abo rd a u x a d v e r s a i r e s
j u s q u ' à la p e n s é e d ' u n e r é s i s t ance su r un t e r r a in où
l 'on p a r a î t si sû r de son fait, si fort de son droi t .


M a l h e u r e u s e m e n t il y a q u e l q u ' u n qu i a p lus d 'espr i t
q u e M. T h i e r s , et au b e s o i n p lus de h a r d i e s s e e n c o r e :
c 'es t tout le m o n d e . Après un p r e m i e r m o m e n t de s u r -
p r i se , l 'op in ion p u b l i q u e , éc la i rée p a r lo bon sens , n 'a
p a s t a rdé à p r o c l a m e r qu ' i l n 'y eu t j a m a i s ni un droi t
p lus o d i e u x , ni u n e t hè se p lu s fausse , ni un t e r ra in p lus
m a u v a i s , ni des p r é t e n t i o n s p lus inconci l iab les avec la
j u s t i ce , ni u n r e n v e r s e m e n t p lus é t r ange des plus s i m -
ples n o u o n s de l ' équ i té la p lu s vulgaire .


M. Th i e r s a eu b e a u d i r e q u e c 'étai t la clameur du
clergé, qu ' i l ne s 'agissai t ici que des in té rê t s du clergé,
q u e cet te ques t ion étai t u n i q u e m e n t la cause d u clergé,




KTAT L A Q U E S T I O N v i 8 n ; . S I : .


cl qu ' i l suffisait de lire les écrits du clergé, d ' écou tée
les représentants du clergé, p o u r en d e m e u r e r c o n -
vaincu. On n 'a pas pu le c ro i re ; et ceux m ê m e qu i


v ont mis le p lus de b o n n e vo lon té , n ' o n t p u se p e r s u a -


der q u e ce qu i é lai t é v i d e m m e n t u n e ques t ion de bon


sens et de b o n n e foi p o u r t ou t le i n o n d e fût u n i q u e -


m e n t la ques t ion du c lergé .


Aussi les t émoignages des n o m m e s les p lu s dévoués


à l 'Universi té , l ' au to r i t é de ses amis les m o i n s s u s p e c t s ,


les pa ro les de ses p lus h a u t s d ign i t a i r e s , en un mo t , les


o r g a n e s les m o i n s favorab les a u c lergé on t p o u s s é si loin


ia d é m o n s t r a t i o n de ce q u e j ' a v a n c e , q u e j e n ' a i p lu s ,


en vé r i t é , q u ' à les la i sser d é s o r m a i s pa r l e r .


Ma p r e m i è r e au to r i t é se ra celle de M. le d u c de ! ! ro-


glie, à qui une j u s l e impa r t i a l i t é a fait p r o c l a m e r p lu -


s ieurs fois tout ce q u e je v iens de d i r e :


S'il ioi est ainsi , no doit-on pas c ra indre que l 'espri t de
corps ne r e m p o r t e souvent sur l 'esprit do ju s t i ce ; que les
membres de lTn ivo r s i t é , regre t tan t la suprémat ie qu' i ls
ont exercée, jusqu ' ic i sur les inst i tut ions et les pens ions ,
exclusivement préoccupés des é tabl issements de l 'État,
voyant dans les é tabl issements l ibres non p lus des aux i -
liaires, mais des rivaux, dans les inst i tuteurs l ibres, n o n
plus des pupil les, niais des émules , n 'en t ravent la forma-
t ion de ces établ issements pur des exigences excessives,
ou ne compromettent Pair existence pa r une survei l lance
voxaloire et Iraeassière '!


M. S a i n t - M a r c Girard in n ' a p a s hés i té n o n p lu s à


se p r o n o n c e r à cet éga rd . Ses p a r o l e s ont ici u n e a u t o -


ri té pa r t i cu l i è re p a r la pos i t ion de l ' o r a t e u r , q u i s e m b l e


se j uge r et s ' exc lu re l u i - m ê m e :




346 D E L A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T .


La Chambre sent qu'i l m 'es t j u squ ' à un certain point
diflieile de me dépouil ler de ce que j ' appel lera i mes pré-
jugés el mes habitudes universitaires. Cependant , je sa -
crifie volontiers ces habi tudes et ces préjugés univers i -
taires au pr incipe m ê m e de la loi, c'est-à-dire à la l iberté
d ' ense ignement .


Messieurs, qu 'a voulu le Gouvernement , qu 'a voulu la
Charte , lorsqu'el le a proc lamé la liberté d'enseignement ' . '
Elle a dépouille' l'Université du droit absolu et exclusif
qu'elle avait jusque-là. Voilà un premier fait qu'il faut
constater .


On a créé un ju ry de capacité. Eh bien ! qu 'urrivora-t- i l
m a i n t e n a n t ? Si le jury est n o m m é complètement par le,
minis t re , s'il est complè tement le délégué de l 'Université,
il est impossible de méconnaître que c'est encore l'bdiiversilé,
qui jugera.


Or. où sera donc la l iberté des méthodes , je vous le
demande? Lorsqu 'une méthode immei le se produit , lors-
qu'elle vient en quelque sorte devant le ju ry de capacité
pour se faire reconnaî t re , pour recevoir son investi ture, qui
est-ce qui jugera son efficacité, sa va l eu r? Ce sera encore
l 'esprit universi taire '. L 'espri t univers i ta i re '. il est excel-
lent dans vos é tabl issements publics : xr ci-: MKTTI .Z r\s
D A N S vos éTAin.issmmxTS raves, or A L O R S N I ; TA m ; S, C A S
w. L O I . Car s'il est d 'un côté cl de. l 'autre, je ne sais pas
à quoi sert la lui ijui a roule éiuidir la ttir.'simi, la aot-
cuioxnee.


Mais pour cela , a joutai t- i l avec l ' ind igna t ion c o n t e -
n u e d ' un h o n n ê t e h o m m e qui se refuse è. j o u e r un rôle
indigne de lui :


Pour cela, il faut une concurrence sérieuse : N O U S NI-:
V O I L O N S e\s J O C E R L A co.Mfam:, nous ne voulons pas qu'è"
y a i l de faux éublisscmenls publics d 'éducat ion. Nous




ÉTAT DE LA QUESTION [ m i ) . 317


voulons ([lie la concurrence soit sérieuse : nous ne voulons
pas que la rivalité soi ! ent re forts et fa ibles; N O U S S E
V O I L O N S l ' A S 0 1 K D A N S L E C O M B A T N O S A D V E R S A I R E S A I E N T


D E S É P É E S D E cois. Il faut qu'on se combatte avec des
armes sérieuses, parce que nous ne .craignons pas le ré-
sultat du combat.


M. Saint-Marc Gi ra rd in r é s u m a i t enfin la d i scuss ion
en ces t e r m e s :


Si vous composez la commiss ion un iquement d ' un i -
versi taires . . . . on me d i t : Mon. Je dis, vioi, que vous la
compose::- d'universitaires, s'ils sont tous nommés par l'Uni-
versité et par le Ministre île l'instruction publique. Evi-
demment , par Ventraiuement de vos bureaux,par la nature
même de votre caractère, vous -nommerez des personnes im-
b u e s de l'esprit universitaire.


11 faut qu'il y ait l iberté complète de méthodes , et cette
liberté n 'existera pas si c'est l 'esprit universi taire qui juge
les méthodes nouvel les ; il faut un examen de moral i té
( e'esi-it-dire un examen sur la capacité de l ' inst i tuteur pour
l 'éducation morale des entants ' , , et il ne faut pas seulement,
que ce s o i t l'esprit universitaire, niais aussi, l'esprit du,
monde, de la société, l'esprit des pères de famille, qui soit
représenté, dans le ju ry .


M. le d u c de Broglie d isa i t e n c o r e , et la C h a m b r e des
pa i r s donna i t à ses p a r o l e s u n a s s e n t i m e n t u n a n i m e :


]él'nirersUé est un corps; elle le dit, elle s'en vante , et
elle l'ail bien de s'en vanter . Oui, l 'Université est une cor-
poration : je suis bien aise qu'elle suit une corporat ion. . . .
.Mais quand on accepte les avantages , il faut subir les con-
séquences. l .Tn ivc r s i i é est un corps , j ' e n conviens ; ce
corps a un esprit , et cet espri t s 'appelle (le Yespril de
corps. Ce n'est pas un mai , c'est un bien : il faut l 'admettre




m D E L A L i t ! E l i T É D ' E N S E I G N E M E N T .


parce (¡110 c'est un bien, cl ensui te , n i r a r e c cela a que l -
ques inconvénients , il faut on tenir compte . . . . On doit
des garant ies aux insti tutions libres : elles les r éc l amen t ;
la loi est destinée à les leur donner \ ees ins t i tu teurs
qui ne sont plus m e m b r e s du corps enseignant , qui son!
tes nivaux, les émules du corps enseignant, il a pr.ru né-
cessaire de donner des garant ies spéciales contre les ten-
dances qu 'on pourra i t avoir à res t re indre leur l iberté.


Voilà le l angage du b o n sens et de la b o n n e foi : d e -
v a n t ces s imples cl c o n v a i n c a n t e s p a r o l e s , il n 'y a p a s
do subt i l i té d 'espr i t qu i pu i s se faire i l lusion.


L ' au to r i t é des h o m m e s q u e je v iens de ci ter esl i r r é -
c u s a b l e ; m a i s il y a q u e l q u e c h o s e de p lus i r r é c u s a b l e
e n c o r e q u e l e u r a u t o r i t é , c 'est la log ique qu i p a r l e
a v e c eux .


T o u s les espr i t s droi t s en on t t o u j o u r s été inv inc ib le -
m e n t f rappés .- M. de Sade , d o n t la C h a m b r e a r eg re t t é
la pe r t e il y a q u e l q u e s m o i s , d isa i t à son tour :


L'Université'cédera au penchant qui entraîne tous
les corps ; elle voudra é tendre ses a t t r ibut ions et soumet t re
ses r ivaux à sou autor i té .


Lorsque j ' a i par lé de l 'espril d 'envahissement de l 'Uni-
versi té, je n'ai pas voulu lui faire de r ep roches ; je n'ai
voulu par ler que d'un penchant inhérent à tout corps,
('.cries, c'est dans son p ropre intérêt qu'elle doit renoncer
à toute espèce de suprémat ie imposée par la loi, à toute
(espèce de privilège. C'est à ce prix, et a ce prix seulement
qu'el le fera reconnaî t re son incontestable supér ior i té .


M. Sa lver te s ' e x p r i m a i t e n c o r e a v e c b e a u c o u p p lus
de force q u e M. de Sade ; j e m e b o r n e à c i te r ces s im-
ples p a r o l e s , q u ' o n d i ra i t p r o n o n c é e s c o n t r e le p ro je t
de loi de M. T h i e r s :




F-1 AT D E E A Q U E S T I O N ( i S i î j . 3i'J


En examinant avec attention le projet d e loi, vous voyez
qu ' i l t e n d surtout, après avoir proclamé le pr incipe d e ht
l i b e r t é d e l 'enseignement , à eu res t re indre s ingul iè re-
ment l 'application, ei à serrer plus fortement les nœuds qu>
lient à t'UniversUe" tous les hommes qui veulent se l ivrer
;i l 'enseignement publ ie .


Je n ' en ai pas fini avec les c i t a t ions , et j e ne cache ra i
p a s à mes l ec t eu r s q u e je suis c o n d a m n é à les en fati-
guer . AI. Th ie r s a p r i s t e l l ement p la is i r à r é p é t e r q u e
n o u s é l ions les seu ls à r é c u s e r l 'Univers i té , il a p r o -
c lamé si h a u t q u e nos p r é t e n t i o n s à cet éga rd é t a i en t
inconciliables avec la bonne police de l'État, que c'était
le renversement de toutes les lois et de tous les principes,
le renversement des plus simples notions de la justice et
du bon sens !


Puis , p a r l a n t de ces affirma l ions v r a i m e n t e x t r a o r -
d ina i res , il a r é p a n d u c o n t r e n o u s u n e su i te d ' i n s inua -
t ions tlcmt la ma lve i l l ance est si c la i re , et , q u ' o n m e
p e r m e t t e de le d i r e , si i m m é r i t é e , q u e r i en n e p e u t
m e d i spense r d 'y r é p o n d r e , p u i s q u e j ' e n t r o u v e l ' o c -
cas ion :


Il q aurai! donc, disait-il , dans l'Etat, une classe
d'/iommrs pour lesquels il faut d'autres lois, d'autres
autorités que pour la généralité des autres citoyens?
Quoi! Messieurs, le clergé ne coudait pas pour juges de
sa science, de son aptitude, ceu.r que tout le inonde ac-
cepte? Cela serait inadmissible, disons le mot, intole-
ra'ole. En v-unlé, on ne comprend un tel désir d'être a
part des autres citoyens qu'en se reportant à des temps
qui ne sont plus, qui w sauraient plus être.


A'm-i il 11'> a q u e n o u s , m i n i s t r e s de ia re l ig ion, il n 'y




350 D E L A L 1 B E K T É D ' E N S E I G N E M E N T .


a q u e n o u s en F r a n c e qu i t r o u v o n s q u e l 'Univers i té ne
p e u t d e m e u r e r l ' a rb i t r e de ses c o n c u r r e n t s , ê t r e juge cl
p a r t i e tou t à la fo i s ! M. de B r o g h e , M. Sa in t -Marc ( l i -
r a r d i n , M. R e n d u , M. C.uizot, M. Eusèbe Sa lvc r t e , M. de
S a d e , M, de ï r a c y , et t a n t d ' a u t r e s , n ' o n t r i en dit et
p e n s é à cet é g a r d ! o u b i e n p e u t - ê t r e ces h o m m e s
h o n o r a b l e s sont- i l s les agen t s s ec r e t s , e t , c o m m e dit
M, Tb.iers, les représentants d u c l e r g é ! A i n s i , p a r c e
q u e le b o n sens n e n o u s p e r m e t pas p lu s qu ' à d ' au t r e s
de p e n s e r q u e les i n s t i t u t e u r s l i b r e s , l a ï q u e s ou n o n ,
p u i s s e n t ê t r e j ugés et g o u v e r n é s p a r l e u r s c o n c u r r e n t s ,
n o u s n e v o u i o n s ni des lo i s , ni des in s t i t u t ions , ni de la
g lo i re n a t i o n a l e , n i de la p a t r i e : n o u s s o m m e s une
classe d'hommes (¡111 voulons êlre à part des autres ci-
toyens, au p r i s du r e n v e r s e m e n t de tou tes les lois et
de t o u s les p r i n c i p e s ! Voilà ce. q u e M. ï l i i e r s fait
do nous . Est-ce de ia vér i té? est-ce de la j u s t i c e ? fvon ;
et j ' e n p r e n d s à t é m o i n t ous les h o m m e s de b o n n e
foi, les h o m m e s de, toutes les op in ions don t j ' a i déjà
cité les n o m s et les p a r o l e s , et tous ceux; q u e je dois
c i ter e n c o r e ,


A la veille d ' u n e nouve l l e d i scuss ion , M. ï h i e r s lu i -
m ê m e , s'il est a m i de la vér i té , m e r e m e r c i e r a de lui
a p p o r t e r ici les l u m i è r e s qui lui on t m a n q u é , j ' a i m e à
le c ro i re . Ce n e son t pas les m i e n n e s , je le r épè t e , ce
ne sont p a s les lumiè res d u c lergé q u e j e lu i a p p o r t e , ce
son t celles d é f a u t d ' h o m m e s c o n s i d é r a b l e s t r è s -dévoués
à l ' U n i v e r s i t é , t ou t à fait é t r a n g e r s a u c l e r g é , ma i s
équ i t ab l e s , cl. dont le bon sens c o m m e la b o n n e foi son t
d ignes de déc ide r en ces g r a v e s c o n t r o v e r s e s .


Que la g r a n d e ques t i on qui n o u s o c c u p e soit r e l a t ive
a u b a c c a l a u r é a t , ou à des j u r y s d ' e x a m e n , o u au g o u -




É T A T D E L A Q U E S T I O N ( 1 8 « }• 351


v e r n e m e n t infér ieur des é t a b l i s s e m e n t s l i b r e s , o u à
l ' inspect ion de ces é t a b l i s s e m e n l s c l à la r é p r e s s i o n des
a b u s , je r e t r o u v e p a r t o u t , chez les h o m m e s p r o b e s et
i m p a r t i a u x , la m é m o p e n s é e , la m ê m e in sp i r a t i on de
jus t ice .


1° Re l a t i vemen t à l'examen du baccalauréat, q u i n e
sait ce q u e l ' équ i t é et l ' impar t i a l i t é s u p é r i e u r e de la
C h a m b r e des pa i r s ava ien t c ru devoi r é tab l i r en faveur
des é t ab l i s s emen t s p r i v é s ?


Oui ne voit qu ' en m a i n t e n a n t le b a c c a l a u r é a t tel qu ' i l
e s t , et en c o n s e r v a n t à l 'Univers i té le m o n o p o l e des
e x a m e n s p o u r ce g r a d e , on l a i s se e n t r e ses m a i n s la
clef de tou tes les profess ions l i b é r a l e s , de la m a g i s t r a -
t u r e , d u b a r r e a u , de la m é d e c i n e , et de tou tes les a d -
min i s t r a t i ons p u b l i q u e s ; on laisse au m o n o p o l e u n i -
vers i ta i re le p lus exorb i t an t de tous ses pr ivi lèges et
la plus p u i s s a n t e de foutes ses a r m e s ; on a n é a n t i t la
condi t ion é l é m e n t a i r e de t ou t e l ibe r t é , de t o u t e c o n -
c u r r e n c e !


Si le g r a d e de bache l i e r é t a i t , c o m m e le l i t re d ' a g r é -
g é , u n titre p u r e m e n t u n i v e r s i t a i r e , exigé s e u l e m e n t
p o u r r e m p l i r c e r t a i n e s fonc t ions et p o u r jou i r de
ce r t a ines p ré roga t ives a u sein de l 'Univers i té e l le -
m ê m e , on ne s ' é tonnera i t p a s qu ' i l fût conféré p a r
les p rofesseurs a p p a r t e n a n t déjà à la c o r p o r a t i o n o ï l le
c a n d i d a t veut en t re r . Mais le d ip lôme de b a c h e l i e r ,
c h a c u n le s a i t , est u n e cond i t ion i n d i s p e n s a b l e p o u r
ob ten i r l 'accès de la p l u p a r t des c a r r i è r e s l i bé ra l e s h


T a n t que cet étal de choses s e r a c o n s e r v é , la p r e -


1 n .V<ii i i i iP i ) i on a p«saytî rte w s m e t t r e au liacealaiir&tt l.-s candidats
de l'Ecole pti l t tccîui l i iur.




,n„)2 D E LA. L l l i K U T Ê D'E N.SEI (EN E 31 EN T.


m i è r c condi t ion de p r o s p é r i t é p o u r un é t a b l i s s e m e n t
s e c o n d a i r e s e r a de r é u s s i r a u x é p r e u v e s d u b a c c a l a u -
réa t : c 'est , aux y e u x du pub l i c , le critérium do la force
des é l u d e s , c 'est la p r e m i è r e des r e c o m m a n d a t i o n s p r è s
d 'un g r a n d n o m b r e de p a r e n t s .


Mais a lo r s p e u t - o n , en b o n n e jus t i ce , c o m m e t t r e aux
seu l s p r o f e s s e u r s un ive r s i t a i r e s u n e au to r i t é si g r a n d e
et le p o u v o i r d ' a s s u r e r à l 'Univers i té une si facile victoire
s u r tous ses c o n c u r r e n t s ? es t - i l c o n v e n a b l e d ' expose r
l e u r zèle à u n e t en ta t ion si dé l i ca te?


Un m e m b r e du Consei l roya l de l ' ins t ruct ion pub l i -
q u e , M. Dubo i s , d i s a i t l e 2 févr ier 18156, d e v a n t la Cham-
b r e des d é p u t é s :


Déjà p lus ieurs péti t ions sont adressées à la Chambre par
p lus ieurs chefs d ' insti tution des g randes villes, qui, décidés
a profiter de la loi nouvelle, et se proclamant les concur-
ren ts des collèges de l 'Mat, demanden t que les p io léssenrs
de l 'Etat ne soient pas seuls juges de la capacité des élève-
formés dans des maisons et pa r des méthodes r ivales.


C'est le l angage d u bon sens , c 'est le cri de la b o n n e
foi.


Q u a n d on songea i t à faire u n e loi de bon s e n s , u n e
loi de b o n n e fo i , voilà c o m m e on par la i t .


C e r t e s , les e x a m i n a t e u r s p o u r l 'Ecole p o l \ l e c h n i q u e
ou p o u r Sa in t -Cyr j ou i s s en t d ' u n e incon tes t ab le r é p u t a -
tion d ' équ i té ; il l e u r est c e p e n d a n t d é t e n d u de fo rmer
p a r l eu r s l eçons les a s p i r a n t s au c o n c o u r s ; l 'opinion
p u b l i q u e ne p e r m e t pas le c u m u l des fonct ions de p r o -
fe s seur s et des p o u v o i r s d ' e x a m i n a t e u r s . Le ciel a-t-ii
d o n c d é p a r t i u n e ver tu s u r h u m a i n e aux m e m b r e s de
l 'Univers i té p o u r q u ' o n to lè re chez eux un d o u b l e rô le




É T A T D E LA Q U E S T I O N (1S17J. ; 5 3


2 3


qui est in to lérable chez tous les a u t r e s ? Q u a n d m ê m e
le projet <le loi q u ' o n n o u s p r é p a r e s e r a i t p o u r t ou t le
reste pa r f a i t emen t l i b é r a l , ce t te seu le d isposi t ion , si
elle s'y t rouva i t , s u b i r a i t p o u r en fa i re , non p a s u n e loi
de s incér i t é et de m o d é r a t i o n , m a i s u n e décep t ion et u n
m e n s o n g e .


Les h o m m e s in t èg res q u e l 'Univers i té c o m p t e en si
g r a n d n o m b r e d a n s ses r a n g s do ivent ê t re les p r e m i e r s
à dés i re r u n e ré forme qu i m e t t e l e u r s s en t ences à l ' ab r i
du soupçon , et les p r é m u n i s s e e u x - m ê m e s c o n t r e la
secrè te inf luence de l e u r s p r o p e n s i o n s p e r s o n n e l l e s .
L 'é ta t de c h o s e s don t je p a r l e n ' e s t pas m o i n s c o n t r a i r e
à la dignité m ê m e d u c o r p s p ro fe s so ra l q u ' a u x in t é rê t s
des jus t i c iab les .


P o u r t r a n c h e r ici tou te d i scuss ion s u r ce p o i n t , n e
suffit-il pas de r a p p e l e r les p a r o l e s de 31. le comte P o r -
ta l is?


Si j e cite ce m o r c e a u p r e s q u e d a n s son en t ie r , c 'est
qu ' i l y a u r a p la i s i r et profil p o u r t o u s à l i re des p a r o l e s
si g r aves , p r o n o n c é e s p a r u n m a g i s t r a l si éc la i ré , j u s t i -
fiées d 'a i l l eurs p a r u n e si l o n g u e e x p é r i e n c e des h o m -
m e s et des c h o s e s , et e m p r e i n t e s d ' u n e si h a u t e et
d 'une si bel le m o r a l i t é .


L'examen du baccalauréat ouvre la p lupar t des carr ières
civiles aux jeunes gens du pays . Le diplôme du bacca lau-
réat , c'est on quelque sorte la robe virile des França is , leur
cens intellectuel .


Il est donc essentiel d 'envisager l 'examen du bacca lau-
réat comme autre chose qu 'un examen p u r e m e n t l i t téraire
et scientifique. 11 faut le considérer comme pouvant exercer
une grande influence sur l 'état civil d 'un g rand nombre de
citoyens.




3ôt D E L A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T .


Mais quand les pa r fo i s auront placé leurs onfauls dans
ces é tabl issements l ibres que la loi va fonder, qui sont la
conséquence de la Charte , il faut que leur sécuri té soit en -
t iè re , il faut qu ' i l s ne puissent pas cra indre (pu: leur choix
l ibre et consciencieux ne compromette l 'avenir de leurs
enfants . Il ne faut pas , lo rsque , dans leur sollicitude p a -
te rne l le , ils au ron t confié l ' instruction de leurs enfanis
à des maî t res qu ' i ls ont crus les plus propres à assurer
leurs p remiers pas dans la vie, qu ' i ls puissent se dire un
jour avec une sorte de remords : « Mais si j ' ava is placé
mon (ils dans un établissement de l'Utat plutôt que dans un
établ issement privé, sa carr ière serait plus a s surée ; il au-
rai t p lus de succès. »


Voici ce q u e M. Por la l i s a jouta i t p o u r d é m o n t r e r q u e
les p r o f e s s e u r s m ê m e des facul tés , m a l g r é l eu r posi t ion
é l evée , n 'offraient pas de g a r a n t i e s aux pè r e s de famille
qui p r é s e n t e n t l eu r s fils à l ' examen du b a c c a l a u r é a t :


Les professeurs des facultés font part ie de ce corps en -
seignant qui dirige les é tabl issements de l'Utat, qu'on an-
pelle l 'Université. N'est-il pas possible, n'est-il pas nature l ,
enfin n'est-il pas vrai «pie les pères d e famille qui oui
placé leurs enfauts dans des é tabl issements libres, et qui
les verront a r r iver pour être examinés et pigés devant tut
corps appar tenan t à l 'Université, p u i s s e n t concevoir, con-
çoivent en effet ht crainte que la si tuation des jeuues g e n s
qui v iennent de ces é tabl issements no soit pas égale à,
celle des j eunes gens qui sortent des é tabl issements d e
l 'Étal .


La loi doit p r en d re les hommes te ls qu ' i l s sont, a \ i ••
leurs pass ions , leurs susceptibi l i tés ; e l l e doit y pourvoi r ,
y por te r r emède , et le.? mépriser ce léesi'.pus y remédier.
Ceux qui ne placent pas leurs enfants dans les établ is-
sements de l 'Université, soi t qu ' i l s a n u t d e s prévent ions




E T A T D E L A Q U E S T I O N (1SS7J. Sa,}


r.'OiUn; cenx-ci, soi! qu' i ls nient des préférences pour d 'au-
tres, auront naturel lement l ' idée que la balance ne sera
pu* tenue d 'une maniè re égale ent re les élèves sor tant
d'un établissement l ibre et les élèves sor tant d 'un établis-
sement de l 'Université, p e r d e s juges t i rés du corps même
de l 'Universi té .


Et en tout c e c i , disai t M. P o r l a l i s , il n ' y a r i en d ' i n -
j u r i e u x p o u r les p ro fe s seu r s des facul tés :


D'autres fonctionnaires non moins élevés, p lus élevés
même, sont l'objet de disposit ions législat ives dest inées
à préveni r ou à d iminuer d ' injustes soupçons, et qui pour -
raient être considérés comme faisant injure à leur carac-
tère, si une considération d'un ordre plus élevé n'avait
dé terminé le législateur. Mais la loi a pr is en considéra-
tion cette faiblesse humaine dont je par la is tout à l 'heure :
elle est allée au-devant du soupçon m ê m e injuste.


Mais , d i t - on , la pub l i c i t é des e x a m e n s p o u r le b a c c a -
l au réa t est u n e g a r a n t i e suff isante de la j u s t i c e des
e x a m i n a t e u r s : Non , r é p o n d a i t M. Por ta l i s :


Il y a la publicité dans les débuts judic ia i res comme pour
les examens du baeeala uréat . Le bon choix des juges est
assuré ; personne ne révoque en doute leur d iscernement ,
leur équité, I m r d ro i tu re , leur science même jusqu ' à un
certain point. Kit bien '. c ependan t , la loi permet de les
récuser, et dans cer tains cas clic leur o rdonne de s 'abs-
t e n i r . Et pour quelles causes? Pour des causes bien plus
L é e s u . u i e s . cl qui semblent bien peu p ropres à faire naî l ic
des p ré \en t ions ra isonnables et fondées.


Un j u g e qui s e r t i rencontré dans une maison, et qui aura
mangé avec une des part ies est. réeusahle .


Sans doute, la. si tuation des professeurs des facultés est
élevée, indépendante : il n 'existe contre leurs personnes .




3 ' G L E L A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T .
individuel lement , aucune cause de suspicion cl d 'a rcusa-
iion, mais c'est pour cela mie je demande qu'on p lare
dans la loi une disposition qui les met l r dors de toute at-
teinte, qui ne permet te même pas qu'i ls soient soupçonnés .
Messieurs, il ne faut pas seulement que les droits des ci-
toyens soient assurés , il faut qu'ils aient le sentiment,
la confiance que ces droi ts sont assurés , qu ' i l s aient pleine
sécuri té . Sans la sécurité, un peut dire /pie la sûreté même
n'existe pas.


2 ° J 'a i dit q u e la m ê m e p e n s é e , la m ê m e i n s p i r a t i o n
de jus t i ce , se r e t r o u v a i e n t d a n s t o u s les espr i t s g r a v e s
et i m p a r t i a u x , r e l a t i v e m e n t aux divers juras d'exa-
men.


En effet, que l l e équ i t é et que l l e impar t i a l i t é les i n s t i -
t u t e u r s l ib res peuven t - i l s e s p é r e r si on fait l eu r s r i v a u x
j uges abso lu s de l e u r m é r i t e , a r b i t r e s s u p r ê m e s p o u r
déc ide r s'ils son t d ignes ou non d ' ouv r i r u n e école et
d ' e n t r e r en l u t t e ? Où se ra p o u r eux la l ibe r té d ' e n s e i -
gne r , s'ils n e p e u v e n t ense igne r q u e sous le bon p la i s i r
de ceux- là m ê m e s q u i son t l eu r s c o n c u r r e n t s ? C o m m e
M. T h i e r s s 'es t la i ssé e n t r a î n e r à le d i r e , n'est-ce pas
là, sous une autre forme, le régime arbitraire de l'au-
torisation préalable? Le grand m a î t r e , le Ministre de
l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e , n ' a u t o r i s e r a p lu s d i r e c t e m e n t ,
cela est v r a i ; m a i s il i n s t i tue ra su r tous les po in t s d e l à
F r a n c e des juges universitaires p o u r s t a t u e r s u r la c a -
pac i t é des i n s t i t u t e u r s l ib res , s u r l eu r a p t i t u d e à dir iger
u n e école , c 'es t -à-di re q u ' a u l ieu d ' un j u g e u n i q u e , p lus
h a u t p lacé et p lus i n d é p e n d a n t , les i n s t i t u t eu r s l ib res
a u r o n t cen t juges n o m m é s p a r l u i , p lus é t r o i t s , p lus
p a s s i o n n e s , p lu s hos t i l e s , s o u m i s à tou tes les inf luences
l o c a l e s , i r r i tés p a r le vo i s inage de la lu t te , p r é o c c u p é s




E T A T D E L A Q U E S T I O N ( 1 8 1 7 ; . 3.V7


de l eu r s p r o p r e s in té rê t s , c o m b a t t a n t enfin p o u r la d é -
fense de l eu r s p r o p r e s foyers .


Les C h a m b r e s légis la t ives à t o u t e s les é p o q u e s i r o n t
pas jugé a u t r e m e n t q u e n o u s s u r ce po in t .


M. Delespaul d isa i t d a n s la d i scuss ion de 1837 :


L'Université aurai t la possibilité d'affaiblir ou de repous-
ser des concurrences redoutables pour clic.


Laisser au ministre la faculté de faire dépendre de l'Uni-
versité la délivrance des brevets de capacité, c'est revenir
au décret du 17 mars 1 8 0 8 ; c'est se réserver encore le mo-
no pote de l'instruction ; c'est reprendre d'une main ce que
l'on a l'air d'accorder de l'autre ; c'est donner et retenir.


M. Sa in t -Marc Gi ra rd in disai t à son tou r :


.... En effet, si vous introduise:- un jury qui sera plus ou
moins unirersituire, qui raisonnera plus ou moins d'après
les idées îles sciences anciennes, des méthodes adoptées
jusqu'ici, évidemment il sera disposé à écarter les méthodes
•nouvelles. J 'ai g rande confiance aux lumières du ju ry ,
j ' a i g r ande eontiance aux lumières des juges qui seront
appelés à p rononce r ; mais enfin ces jupes serai des hommes;
ils ont des routines, des préjuges, des habitudes d'esprit;
et ces routines, ces préjugés, ces habitudes d'esyi'it les por-
teront inévitablement à écarter quelques-unes des méthodes
nouvelles.


Il a jouta i t :


La loi, en donnant la liberté d'enseignement, n'a pas
voulu en chicaner mesquinement l'usage ; elle n'a pas voulu
lier d'une main ce qu'elle déliait de l'autre, et elle a laissé
à la liberté toute sa force; tuais elle veut aussi que, pour
lutter contre elle, les é tudes classiques a ien t toute l eur
force.




3oS D E LA L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T .


M. de Schaucnburg se plaignait d'un amendement
qui ne tendait à rien moins qu'à exclure de la compo-
sition du jury la représentation la plus directe de
l ' in té rê t des familles : je veux p a r l e r des conseils géné-
raux


Ce n 'es t pas , ajoute-t-il, que j ' a i e une grande méfiance
de l ' a rb i t ra i re des pouvoirs ; mais , entre deux arbi t ra i res ,
je préfère celui de la loi à celui du pouvoir .


Je disais donc que l ' amendement de M. Dubois ne tend
à r ien moins qu 'à faire sort ir du jury l 'élément que je tiens
le plus à y voir représenter , celui de la famille, et il ne
peut guère être représen té plus di rectement que par les
h o m m e s qui , dans un dépar tement , dans un canton, [ont
réun i le plus de confiance.


M. D r a u l l s ' exp r ima i t ainsi :


Si vous composez le ju ry en majorité des membres de
l 'Université, il peut, ar r iver , si la méthode de l ' homme
savant qui se présente à l 'examen ne convient pas au
gouvernement , à l 'Université, que ses réponses soient trou-
vées par ce seul motif peu satisfaisantes ; on ne sera pas
en peine sur les moyens de l 'écarter , il y a plus : quand
on voudra donner l ' apparence de la just ice à la déci-
sion, il n o sera pas dlflieile de p répa re r c e r t a i n e s : m a -
tières, et de venireuiiiarra- ' .ser un candida t qui , d ' a i l f i i r s ,
offrirait toutes les condit ions requises . Ce que je dis de la
mé thode , je le dis de l 'opinion.


M. Th ie r s l u i - m ê m e avai t bien senti la force de ces
r a i s o n s . Il avoua i t qu 'on, examen spécial, suhi ai pré-
sence, déjuges avertis du projet de celui qui s'offre à
eux, déjuges placés en outre sous la dépendance du mi-
nistre, est une manière de faire renaître l'autorisation




ETAT D E LA QUESTION ( 1 8 1 7 ) . 359


préalable. 11 ajoutai t que les précautions prises par la
Chambre des pairs pour parer a ce reproche ne faisaient
que donner plus de consistance à l 'object ion ; e t p o u r
é c h a p p e r à t ous ces i n c o n v é n i e n t s , l u i , ne c o n s e r v a i t
le b r eve t de capac i t é que pour ceux qui auront renoncé
a prendre de liants grattes, on qui n'auront pas voulu
s'astreindre à prouver leur vocation par un stage de
trois ans.


Mais qui ne voit q u e l ' e x a m e n de capac i t é et le g r a d e
élevé sont u n e m ê m e chose? q u e d i s p e n s e r de l 'un et
o b l i g e r a l ' au t r e , c 'es t d o n n e r le c h a n g e , en c o m p t a n t
t r o p v r a i m e n t s u r la s impl ic i té de ceux q u e l 'on a p o u r
a d v e r s a i r e s ?


Qui ne sai t que la l icence ès l e t t r es n ' e s t exigée q u e
p o u r la c a r r i è r e de l ' ense ignement , et q u e les é p r e u v e s n 'en sont j a m a i s sub ies q u e d a n s cel le p e n s é e ? Qui ne
c o m p r e n d q u e l ' examen d n l i cence ,passé eu présence de
jugc.i toujours avertis du projet de celui qui s'offre èi eux,
de juges placés en notre sous la dépendance du ministre. n ' est , c o m m e l ' examen de capac i t é , qu'une manière de
faire renaître l'autorisation préalable '.'


Je l ' avoue , je n e puis m ' a c c o u t m n c r a voir des h o m m e s
d'IPat c a c h e r sous l ' a p p a r e n t e s impl ic i té des pa ro l e s de
s: basto.-, décep t ions .


M. Pers i l , un de nos a d v e r s a i r e s les p lus d é c l a r é s ,
était plus net que M. Th i e r s lo rsqu ' i l disai t :


t i o m m e u i ! voilà un h o m m e qui veut être ins t i tu teur .
V e r s lui demande/ , non-seulement un certificat de m o r a -
lité, 'mais encore un cer t i l i ea tde capaci té . A qui s ' ad re s -


:>--t-i! d i ae pour s e o i r ua erriilieai. de capaci té ? Au recteur ,
'"••si au -e .T. 'sar is ; ¡1.» l 'Académie qu'i l dépose sa de -




D E L A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T .


m a n d e . Cet enseignement libre tient donc à l 'Université,
car c'est à elle qu' i l s 'adresse. Ce idest pas tout. Quand le
candidat a son diplôme, qui est-ce qui donne à ce brève!
la vie, l 'autorité ? C'est le Ministre de l ' instruction publ i -
que . Ainsi on remonte toujours au point de dépar t . Cl la
survei l lance, à qui est-elle confiée ? Aux inspecteurs de
l 'Universi té . Vous voyez donc que , malgré les dispositions
d e l à loi, toutes les insti tutions par t icul ières sont liées de
façon ii n 'avoir que des r ameaux ayant tous la même
souche.


M. Cous in , q u e n o u s n e p o u v o n s c o m p t e r n o n p lus
p a r m i nos a m i s , c o n v e n a i t auss i q u e le pouvo i r d i s c r é -
t i o n n a i r e n e so r t a i t des m a i n s d u m i n i s t r e q u e p o u r
p a s s e r d a n s celles d u j u r y :


Le ju ry de capacité est un pouvoir trop considérable ;
les j u rys de capacité, d 'un bout de la France à l 'autre,
succèdent au pouvoir discrét ionnaire du Ministre et du
Conseil royal . Leurs jugements sont sans appel : ils déci-
dent d 'une profession et de l'état des citoyens.


V a i n e m e n t d i r a - t - o n avec M. ï h i e r s : Mais les p r o -
fesseurs des facul tés et les i n s p e c t e u r s un ive r s i t a i r e s
ne peuvent éprouver aucun sentiment de rivalité a l'é-
gard des instituteurs libres, c a r ils ne prennent plus
•part a l'enseignement secondaire des collèges.


Cette r a i s o n n ' a p a s beso in d 'ê t re réfutée, n o n - s e u l e -
m e n t p a r c e qu 'e l le l 'a é té déjà b ien des fois. . . m a i s p a r c e
q u e sa v a l e u r es t é v i d e m m e n t nu l l e . Es t - ce q u e les
e x a m i n a t e u r s cl les i n s p e c t e u r s , p r o f e s s e u r s de facul té
et a u t r e s , n e son t p a s t o u j o u r s , c o m m e le disait .M. Por-
ta i l s , m e m b r e s de la c o r p o r a t i o n un ive r s i t a i r e , c ' e s t - à -
d i re de ce t t e c o r p o r a t i o n rivale, dont l ' examen , l ' i n s -
p e c t i o n , l ' au to r i t é ne peu t s 'éLendre jusque, s u r ses c o n -




E T A T D E E A Q U E S T I O N (m;) 3"1


currents sans blesser toutes les lois de la justice et d'une
libre et loyale concurrence ?


Non-seulement ils sont les membres, mais ils sont les
chefs de cette corporation rivale.


C'est compter trop sur notre simplicité que d'essayer
de nous persuader que des fonctionnaires qui, selon l'ex-
pression de M. Cousin, doivent tout à l'Université, ne
sont rien que par elle, qui se trouvent d'ailleurs engagés
de leur personne dans les luttes quotidiennes des partis
contraires; qui sont portés, on l'a bien vu, plus ardem-
ment que qui que ce soit, par un amour-propre naturel,
par l'esprit du corps qu'ils dirigent, par honneur, pres-
que par devoir, à faire prédominer les écoles dont ils
ont été les professeurs et dont ils sont encore les pa-
trons, présentent les garanties d'impartialité qu'on pour-
rait trouver chez des juges investis également par le
gouvernement ou par la loi d'un caractère officiel, mais
choisis en dehors de la corporation universitaire. Qui
ne le sait d'ailleurs ? Ne sont-cc pas surtout MM. les pro-
fesseurs des facultés, leur enseignement et leurs ou-
vrages qui sont en cause, qui ont excité les alarmes
des pères de famille? M. le Ministre de l'instruction pu-
blique ne s'offensera pas de ce que je vais dire : leur
indépendance de son autorité est précisément ce qui
nous les rend plus suspects que tous les autres : dans
tout ce qui lient à l'enseignement de l'histoire et de la
philosophie, nous ne connaissons pas de juges plus re-
cusables qu'eux.


En ceci il n'y a d'injure pour personne, comme l'a dit
un illustre écrivain ;


Le plus grand personnage, le caractère le plus univer-




282 DE LA L I B E R T É D 'ENSEIGNEMENT.


sellenicnt vénéré n'est point insultó pa r un soupçon légal.
Lu disant à un homme quelconque : Vint* êtes un homme,
on ne lui manque point. M. ele Maistre. ¡


Du r e s t e , M. Tl i iers fait e r r e u r lo r squ ' i l a v a n c e q u e
les p ro fe s seu r s des facultés n e p r e n n e n t p lus a u c u n e
p a r t à l ' e n s e i g n e m e n t s e c o n d a i r e des collèges : il y a ici
e r r e u r de fait et e r r e u r de d ro i t , et ce n ' e s t pas moi qu i
m e c h a r g e r a i de le lui m o n t r e r : c 'est son h o n o r a b l e
a m i , M. Cous in :


Croyez-vous que les facultés sont pures de ees fonction-
nai res ma lheureux , suspects . . . . qu 'on nomme des profes-
seurs de collèges'? Pas du tout : eu fait, plus d 'un professeur
de collège est en m ê m e temps professeur de faculté, et si
M. le r appor t eu r veut l ire un article encore du décret de
1808, il y ver ra que p lus ieurs professeurs de collèges do i -
vent faire par t ie des ¡'aceites. 1! fa ni p rendre le décret non
dans un seul art icle, mais dans son ensemble : l'esprit du
décret qui m'est familier est au contraire d'élablir un lien
entre les collèges et les facultés : ainsi j 'ai eu l 'honneur
d 'étudier ii la faculté' dos lettres de Par i s sons trois p ro -
fesseurs t i tulaires, qui tous trois étaient professeurs de
collèges.


Cer tes , ces pa ro l e s , aus s i b ien que i 'mdor i l é de celui
qui les a p r o n o n c é e s , son t déc i s ives . Toutefois, p o u r
ré fu ter M. T h i c r s , el les n e m ' é t a i e n t p a s n é c e s s a i r e s ,
ca r en é t u d i a n t de p lus p r è s son r a p p o r t , je t r o u v e qu ' i l
dit à la page 38 q u e les e x a m i n a t e u r s ne p r e n n e n t p lus
p a r l a l ' en se ignemen t des c o l l è g e s ; ma i s i! avai t déjà
r e c o n n u à la page 21 q u e le corps enseignant qui pro-
fesse dans les wltèges romiu r est le même qui [ail les
examens et les inspections.




E T A T D E L A Q U E S T I O N (18-Ì7; . 303
Ce corps enseignant ainsi constitué suffit aux trois


fonctions suivantes : il enseigne dans les collèges de
l'Etat; il surveille les collèges particuliers ; il confère
les grades universitaires.


M, Th ie r s p r é s e n t e d ' a i l l eu r s ici u n e nouve l l e ob jec-
t ion à l aque l l e il es t ut i le de r é p o n d r e en q u e l q u e s
m o t s : il la fait n a î t r e des sommes considérables, c 'est
s o n e x p r e s s i o n , q u e coû te l 'Univers i té . Si on c r é e , di t - i l ,
des c o m m i s s i o n s spéc ia les d ' e x a m e n et des i n s p e c t e u r s
géné raux p o u r les é t a b l i s s e m e n t s l i b r e s , afin do l e u r
d o n n e r u n e l iber té rée l le et s incère : il y a u r a d o n c deux
dépenses, double emploi pour un même service.


Je ferai r e m a r q u e r d ' a b o r d qu ' i l n 'y a u r a p a s un
même service, ma i s d e u x se rv ices t r è s - d i s t i n c t s ; savoi r :
le service de l 'Univers i té d ' u n e p a r t , et le se rv ice des é ta -
b l i s semen t s l ibres de l ' au t re .


Je p o u r r a i s a jou te r qu ' i l y a u r a , il es t v r a i , d eux
emplo i s et deux d é p e n s e s d i v e r s e s ; m a i s c 'est ce qu ' i l
est imposs ib le d ' appe l e r u n d o u b l e e m p l o i et u n e
d u b l e d é p e n s e , p u i s q u e les s o m m e s q u e l 'État d é p e n -
sera p o u r l ' e x a m e n et i ' iuspec i ion des é t a b l i s s e m e n t s
l ibres , il n ' a u r a pas à les d é p e n s e r p o n r l 'Universi té .


"dais la issons ces ca lcu ls : quels qu'i ls so ient , ils n e
p e u v e n t d o m i n e r la q u e s t i o n , et je me s ens p o r t é à d i re
n ?J. Th i e r s avec ?.ï. Guizol :


Ce sera une dépense sage, prudente, une de ces dépenses


p;i rapportent en ordre publie, en vraies lumières, en
••alisfai d o n des intérêts légitimes, on lion état des esprits,
odiniment plus qu'elles ne' eoiileiil en argent.


M. Th ie r s n e d it - i l pas l u i - m ê m e , ou p a r l a n t d 'uno
amél io ra t ion néces sa i r e à son po in t de v u e : Pour un




364 D E L A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T .
intérêt de ce genre, il n'y a pas de considérations de fi-
nances qui -puissent être invoquées. Du reste, la dépense
qui résulterait de cette amélioration est si peu de chose
qu'elle ne saurait même être alléguée.


AI. T h i e r s r e c o n n a î t l u i - m ê m e q u e les facul tés u n i -
ve r s i t a i r e s n e suffisent p a s a u x e x a m e n s : elles sont pen
nombreuses, dit-i l , il n'en existe que dix en France
elles sont souvent trop éloignées du domicile des can-
didats, et ces g raves i n c o n v é n i e n t s son t t e l l ement r e -
c o n n u s q u e l ' h o n o r a b l e M. Cousin n 'hés i t a i t pas a
d i re :


Si vous voulez n 'avoir p lus d ' examens (pie dans les IN-
cul tes , ou bien vous mult ipl ierez les facultés, ce qui les avi-
lira et leur ôtera toute utilité et toute autor i té , ou bien v u e -
verrez des j eunes gens obligés de t raverser quelquefois .sis
ou huit dépar tements pour aller chercher au loin une fa-
culté qui les examine, et je vous laisse à penser quof-
dommages de tous genres ce dernier par t i apporterai t a u x
familles.


C'est p o u r p r é v e n i r ces i n c o n v é n i e n t s , q u ' i n d é p e n -
d a m m e n t des dix facultés qu i ex i s ten t et e x a m i n e n t , on
a c r éé dix-sept commissions spéciales d'examen. Ce
q u ' o n d e m a n d e , ce qui effraye Al. Th i e r s , a d o n c été
déjà fait, m a i s p a r l 'Univers i té d a n s l ' in térê t de son
m o n o p o l e , et devra i t ê t re fait d a n s l ' in té rê t de la l i -
b e r t é .


Alaîtresse de l ' en t r ée de la c a r r i è r e p a r la collat ion
des gracies et le j u r y d ' e x a m e n , m a î t r e s s e de l ' issue p a r
l ' é p r e u v e finale du b a c c a l a u r é a t , l 'Universi té devra i t , ce
s e m b l e , ê t r e suf f i samment r a s s u r é e p a r cet te d o u b l e
p r é c a u t i o n c o n t r e les e n t r e p r i s e s de ses r i vaux . Cepen-




É T A T D E L A l ' E S T I O N ( 1 8 1 7 ; . 365


r iant ce n ' e s ! p a s e n c o r e assez p o u r elle : q u a n d u n


é t ab l i s semen t se s e r a formé p a r la g r âce des d i p l ô m e s ,


des cert if icats et des b r e v e t s q u e l 'Univers i té a u r a o c -


t r o y é s , elle, v o u d r a i t de p lu s q u e cet é t a b l i s s e m e n t r e s -


tât sous sa su rve i l l ance e t s o u s sa j u r i d i c t i o n , en s o r t e


qu 'e l le p û t y ven i r , q u a n d b o n lui s e m b l e r a i t , s ' a s s u r e r


n o n - s e u l e m e n t s'il n e se pa s se r i en de c o n t r a i r e à la


m o r a l i t é p u b l i q u e , m a i s e n c o r e si l ' e n s e i g n e m e n t est


con fo rme a u s i e n , si les é t u d e s son t d i r igées c o m m e


elle l ' e n t e n d , si les m é t h o d e s son t b o n n e s . Et p o u r p e u


q u e les c h o s e s ne fussent p a s à sa c o n v e n a n c e , M. T h i e r s


voula i t qu ' e l l e p u t , se lon le cas et l ' o p p o r t u n i t é , r é p r i -


m a n d e r , s u s p e n d r e , i n t e r d i r e .


Il faut en conven i r : si on s 'était i m p o s é l ' é t r ange


p r o b l è m e d ' imag ine r tou tes les e n t r a v e s qu ' i l es t p o s -


sible de m e t t r e à la p r é t e n d u e l ibe r t é d ' e n s e i g n e -


m e n t , je d o u t e q u ' o n eû t p u m i e u x r é u s s i r , b i e n n ' a


é c h a p p é à cet te h a b i l e p r é v o y a n c e ; le d e s p o t i s m e le


p lus inventif n ' ava i t r i e n à y r e g r e t t e r : l ' œ u v r e é ta i t


accompl ie . M a l h e u r e u s e m e n t la C h a m b r e des d é p u t é s


e l l e - m ê m e y a mis bon o r d r e , en r e f u s a n t de d i scu te r


le p ro je t de loi si h a b i l e m e n t é l a b o r é .


Mais.. . .


d isa i t à ce sujet un o r g a n e de l ' op in ion p u b l i q u e a u q u e l


on n e s au ra i t a s s u r é m e n t r e p r o c h e r d ' ê t re t r o p ecc l é -


s i a s t ique :


. . . . c 'est s incèrement qu'il faut affranchir l ' ins t ruct ion
privée des obligat ions qui pèsent au jourd 'hu i sur elle. Or
celte sincérité n 'existerai t pas si la loi future arr ivai t , pa r
un détour plus ou moins ingénieux, à r a m e n e r invinci -




DE LA L I B E R T É D'ENSEIGNEMENT.


blement les écoles l ibres sous le contrôle et sous la j u r id i c -
tion de !T advers i té .


Ces garant ies , il ne faut pas s'y t romper , l'enseignement
libre ne les doit qu'à l'Elut, et l 'Etat lui doit, en re tour de
l 'accomplissement des formalités imposées pour assure r
leur existence, toutes les garant ies possibles contre l 'ar-
b i t ra i re et la par t ia l i té . Si l 'État soumet l 'enseignement
pr ivé à une survei l lance active, si une juridict ion spéciale
est établie pour r ép r imer les contravent ions aux engage»
men t s contractés p a r l e s ins t i tu teurs privés, il faut que ces
ins t i tu teurs n'aient pas à cra indre de rencontrer dans les
inspecteurs qui les survei l leront , ou dans les magistrats
qui les jugeront , la malvei l lance et la part ial i té d 'agents
d 'une corporat ion rivale. Devant les inspecteurs de l'Etui,
toutes les portes s'ouvriront sans peine; elles ne s'ouvri-
ront qu'avec répugnance devant les inspecteurs de VU ni-
versité.


M . do Croglie le d isa i t n e t t e m e n t :


Il ne nous a pas p a r a jus te que des pe r sonnes qui vont
cesser d ' appar ten i r à l 'Université fassent soumises à une
jur idic t ion pu remen t adminis t ra t ive , mobile et variable h
la volonté de l ' adminis t ra t ion.


11 disai t e n c o r e :


Pour les établ issements l ibres, il est bien entendu que la.
jur idict ion universi taire n 'a pas de droit d i rec t ; que le
droit de suspension par t icu l iè rement lui es t ent ièrement
refusé. Nous sommes tous d 'accord sur ce point.


Il nous a pa ru qu 'on ne pouvait r endre l 'autorité publ i -
que juge du cas de négl igence pe rmanen te dans les études,
sans la rendre arbi t re du sys tème général de l 'enseigne-
men t , du choix des mé thodes , de la distr ibution des heures ,
sans ent raver la l iberté réelle et effective. Ici l 'abus du




ËTAT D E L A QUESTION (1847;. 307


pouvoir serait trop près de l 'usage" pour que la sagesse
des inspecteurs put être considérée comme garant ie suf-
fisante.


Enf in , 31. Cous in l u i - m ê m e , c é d a n t a la p u i s s a n c e
des r a i s o n s qu i c o m b a t t e n t ici en faveur de n o t r e t h è s e ,
disai t :


Je pense avec la Commission, moi , servi teur de l 'Univer-
sité et membre dévoué du Conseil royal , qu' i l ne convient
poinl d e l'aire in tervenir le Conseil dans une peine telle
que la suspension d 'un chef d 'é tabl issement par t icul ier ,
puisque les é tabl issements par t icul iers cessent de faire pe r -
de intégrante de l 'Université, et ne peuvent plus s 'appeler,
connue le voulait le décret de isos, écoles de l 'Université,
mais bien écoles p r ivées ; dès lors, il ne peut plus appa r -
tenir au Conseil ( l 'appliquer une peine comme celle de la
suspension, qui , ne vous le dissimulez pas , la p lupar t du
temps entra înera la ru ine d e ré tab l i s sement . Lu Chambre
voit ijuc je suis pus un universitaire trop fanatique, eî
je réclame l 'honneur d 'ê t re ent ré le p remie r avec franchise
et courage dans le système nouveau, nécessaire pour l ' ac-
complissement des promesses de la Char te .


J 'a i fini m e s c i ta t ions ; 31. T b i e r s et le l ec t eu r n ' o n t
p lus à en c r a i n d r e . Je ne s a u r a i s t r o u v e r u n appu i p lus
for! et plus dé s in t é r e s sé q u e celui de 31. Cousin ,


Mais , en vé r i t é , q u a n d j e r e p a s s e d a n s m o n espr i t
t ou t e s les p a r o l e s , t o n s les t é m o i g n a g e s q u e je v i ens
d ' a m a s s e r cl tordes les d i spos i t ions d u pro je t de loi de
31. T b i e r s , q u a n d je r a p p r o c h e , q u a n d je c o m p a r e tout
c e l a , je ne sa is p lus q u e c r o i r e ; je n e d é c o u v r e ni la
p e n s é e , ni le huit d u cé lèbre r a p p o r t e u r , ni ce qu ' i l a
f a i t , n i ce qu ' i l a p r é t e n d u faire. On dira i t q u e c'a é té
u n e vér i table g a g e u r e , et q u ' e n p r e n a n t à t âche de se




a e s DI-; L A L 1 B E H Ï Ë D ' E N S E I G N E M E N T .


m o i i l r e r p lus un ive r s i t a i r e que M. Cousin lui-même,
M. Tli iers ava i t assez c o m p t é s u r les r e s s o u r c e s infinies
et s u r la p u i s s a n t e subt i l i té rte son espr i t p o u r faire
a c c e p t e r u n tel p ro je t à l ' op in ion p u b l i q u e ; m a i s que l l e
q u e soit la l égère té oub l i euse d u c a r a c t è r e f rança is ,
il suffisait de se souven i r des p r o m e s s e s formelles de
la C h a r t e , p o u r n e p a s se la i sser d o n n e r c o m p l a i s a m -
m e n t la s e r v i t u d e a u l ieu de la l i be r t é .


Il y a e u là u n e g r a v e e r r e u r , et le vote de la C h a m b r e
é l e c t i v e , d a n s la sess ion de 18àG, et les e n g a g e m e n t s
p r i s pa r l'PJ d é p u t é s aux d e r n i è r e s é lec t ions , et les s o -
lenne l l es d é c l a r a t i o n s d ' u n g r a n d n o m b r e de cand ida t s ,
son t v e n u s s ' a jouter à tous les t émo ignages si g r a v e s ,
si n o m b r e u x , r a p p o r t é s p r é c é d e m m e n t , p o u r d é m o n t r e r
à .M. Th ie r s q u e les c a u s e s de b o n sens et de b o n n e foi
son t i n v i n c i b l e s , q u e l ' hab i l e t é et l ' e spr i t n e suffisent
pas con t r e el les, et q u ' o n se d i m i n u e à les c o m b a t t r e .


Non, r i en de tou t cela n ' é t a i t ni s e n s é , ni p r u d e n t , n i
d igne . La pacif icat ion re l ig ieuse n ' é t a i t p a s là. Çe n 'é ta i t
p a s u n e loi de p a i x ; c 'é ta i t u n e loi de g u e r r e . Ce n ' é ta i t
n i u n e p e t i t e , n i u n e g r a n d e p o l i t i q u e ; c 'étai t u n e
g r a n d e faute. Q u i c o n q u e fait les c h o s e s j u s t e s et n é -
cessa i r e s à c o n t r e - c œ u r , t r a h i t de la faiblesse dans
l ' espr i t ou d a n s le c a r a c t è r e ; m a i s q u i c o n q u e viole
u n e p r o m e s s e s a c r é e , en p a r a i s s a n t l ' a ccompl i r , q u e
fait- i l ?


Le pro je t de À I . T h i e r s n e révé la i t d o n c ni v ra ie
in te l l igence de la s i t u a t i o n , n i v r a i e g r a n d e u r d ' e s -
p r i t , ni g é n é r o s i t é , n i j u s t i c e ; ces c h o s e s lui m a n -
q u a n t , quo i q u ' o n ait fait p o u r l u i , sa foi lune n e p o u -
va i t ê t re q u e m é d i o c r e ; et q u a n d il s e ra i t d e v e n u u n e
loi , ce l l e loi n ' e û t été q u ' u n m a l a i s e de p lu s d a n s un




E T A T D E L A Q U E S T I O N * (18'».). 3C9


p a y s qui n ' en m a n q u e pas d ' a i l l e u r s , et n ' a pas beso in
qu 'on ajoute à ses i r r i t a t ions et à ses i n q u i é t u d e s .


Je r é s u m e ces pages :


Tous les h o m m e s les p lus g raves c o n v i e n n e n t :
1° Qu'il f a u t , en c o n s e r v a n t à l 'Univers i té son e x i s -


tence et ses p r i v i l è g e s , à l 'État son i n t e r v e n t i o n t u t é -
la i rc , d o n n e r enfin aux pè r e s de famil le , p o u r l ' éduca t ion
d e l eu r s enfan t s , u n e l iber té vér i tab le ;


2° Q u e la l ibe r té d ' e n s e i g n e m e n t n ' e s t v é r i t a b l e , s i n -
cère , q u e si elle e s t , e n t r e les d ivers i n s t i t u t eu r s , u n e
l ibre et loyale c o n c u r r e n c e ;


3" Qu'il n 'y a pas de l ibre et loyale c o n c u r r e n c e , n i
m ê m e de c o n c u r r e n c e en a u c u n s e n s poss ib l e , si l 'Uni-
vers i té d e m e u r e l ' a rb i t r e de ses c o n c u r r e n t s , si elle est
juge et pa r t i e .


Voilà les p r inc ipes sur l e s q u e l s les h o m m e s les p lu s
é m i n e n l s et les p lus g raves s ' e n t e n d e n t , s u r l esque ls la
bonne foi et le bon sens n e p e r m e t t e n t p lus de d i s s en -
t iment.


Voilà ce don t tout le m o n d e est à peu prés d ' accord .
Certes, je le r é p è t e , ce sont déjà bien des poin ts im-


por t an t s s u r l esque ls il n 'y a plus à d i s cu t e r , b ien des
pas de faits vers une en ten te p lus parfa i te et si d é s i r a b l e
pour tous . Que m n n q n e - l - i l e n c o r e p o u r o p é r e r cet
h e u r e u x r a p p r o c h e m e n t ? Quel les son t les q u e s t i o n s
s u r lesquel les il faut s ' a c c o r d e r ? Les voici :


1" A que l l e s c o n d i t i o n s les i n s t i t u t eu r s l i b re s se ron t -
ils admis ii e n s e i g n e r ?


2" Quels s e r o n t d é s o r m a i s les e x a m e n s , les p r o -
g r a m m e s d ' e x a m e n et les e x a m i n a t e u r s ?


i. 21




570 ¡>K I.A LîliEIl TÉ D'ENSEIGNEMENT.


3 1 A quelle survei l lance, à <¡uei!c inspection les Ins t i -
t u t e u r s l ibres se roul - i l s assujettis ?


à" A quelle juriiîietioii disciplinaire les souuieí lra-
f-on? Voilà les points qui restent à la discussion, el sur les-quels r a c c o r d est à faire. L a question est donc convenablement é e l a i r d e et complètement posée ; la dè-coseo o e s t suffisamment pré¡;arée e l l a solutitm poà.sibie.


Quelle scra-L-clio? Je l'ignore. Si je regarde i'a venir, m a confiance est profonde c l m a certitude entière. L a liberté d'enseignement est une cause i m i u c i b î e . l.e. t e m p s , la bonne f o i , le bon sens , la \é; i té , la just ice , la feront infaill iblement triompher. Gi je regarde ie présent, j 'c.spfre aussi . Les c-Lèris pci 'sévér«ii is , infatigables, des catholiques onl cufia dé-cidé les h o m m e s politiques ¡es plus émiuouls dans
1 opinion publ ique à s 'occuper sérieusement de ce lie grande controverse. J 'espère et je veux espérer q u e tous parviendront de concert à lui ménager une s o i n -flou digne d ' e u x , o igne do l 'Eglise, digne de la France , a u c solution qui prépare et accomplisse p a r m i nous i 'bmeeuso bienfait do la pacification rel igieuse. Que, si une fausse prudence , j e ne sais quelle polit i -que ombrageuse , j e ta i t la timidité dans leurs conseils , l ' incertitude, la défiance, dans leurs p e n s é e s , et ne leur permettait rien de g r a n d , rien do généreux', rien de sin-cère , je leur dirais , avec 31. Haini-èiare uirardin :


Quand /'e/dofon publique reclame . o ; dia>nj¿meul, il
¡j a ¡,u,¡r bcdmiuielraiion quelque t e r s e de pire qre de
mépriser íes ro:ux de l'opinion publique : c>>$l d'y auil
üléii' el de dxnalurer l'idee en l'exévalant.




É T A T !>K I A Q U E S T I O N ( l S S î j . 371


Que si, d ' au t r e pa r t , des pré juges aveug les , d ' é t ro i t es
r a n c u n e s , en t r ava i en t à sa n a i s s a n c e u n e p e n s é e géné -
r euse et l ' e m p ê c h a i e n t de deven i r la loi d u p a y s , je
d i r a i s , avec M. de L a m a r t i n e , à cet te m a l h e u r e u s e o p -
pos i t ion :


Aujourd'hui les libéraux de la restauration menti-
raient-Us à leur passé '! édessie-urs, ee serait discréditer
la pidillqn" ; ee serait faire dire qu'il y a. an tangage
rioar le ivmbal e! un langage après la victoire.


One ni , enf in , la c r a i n t e de j e ne sais que l f an tôme
d ' impopu la r i t é en leva i t à des h o m m e s q u e j ' h o n o r e le
c o u r a g e d 'espr i t et la fe rmeté de c a r a c t è r e sans l e sque l s
on n ' a c c o m p l i r a j a m a i s cel te g r a n d e œ u v r e , j ' o s e r a i s
l e u r d i re , avec M. de T racy :


Dans eerUiii:''-; c':re,-nsU:.:ir:\sy rares il est vrai, un
• rini,': ', :/> homme d'''':Ut, m," Cimmbre pi al ce passer


de pupula elle : irais d'une réputation ils probité, et de
'sonne foi, jamais.


L'abbé f\ Dl.PANLOUP.






HE M U \ KA1 P R O J E T DE L O I
SUR LA LIBERTÉ D'ENSEIGNEMENT


s u i - > I : N T I ' : \ L A i . H A M I S R E L I S D K I T T I : > L A I I M. U : M I X I « - T M :


ni : t . ' i . \«.Tiu:(.TM) .N r n n . n j n : , I .k 12 A V I U I .


Ï.O r l c i ^ é t'ametiK p r o i r . c qu'a a T'e-prit de
5;! UliSMOU, (]tl'll CSt sillCi'.'lO, toiltOS 'C'j f 0 i s ( 1 u ' i I
s o m o n n e p r é o c c u p é dos <|LiosT.iotis l e l a t i v e s à
r e n s e i g n e m e n t . {IStpaxé i /es motifs.)


J I ' S T I T I A 1.1' P . 1 X .


"Vous s o m m e s de n o u v e a u à la veil le de g r a n d s d é b a t s :
Le projet de loi su r Y instruction secondaire, si l o n g t e m p s
r é c l a m e , est s o u m i s enfin, en ce m o m e n t , a u x dé l ibé ra -
tions de la C h a m b r e élect ive. La loi s u r les i n s t i t u t e u r s
p r i m a i r e s faisant cor tège à celle-ci ; la C h a m b r e des
p a i r s , saisie de son côté des p lu s i m p o r t a n t e s q u e s t i o n s
re la t ives à l ' i n s t ruc t ion s u p é r i e u r e ; l ' a t t en t ion p u b l i q u e
r a n i m é e p a r t ous ces g raves p r é l i m i n a i r e s de la q u e s t i o n
géné ra l e de la Liber té d ' e n s e i g n e m e n t : t o u t p r o v o q u e
la p lus sé r i euse des c o n t r o v e r s e s , t o u t p r é s a g e u n e de
ces lut tes so lenne l les , où les d é f e n s e u r s de la L ibe r t é
re l igieuse ne feront po in t défaut à l e u r sa in te et i l lus t re




D U N O U V E A U l ' K O J E T ПК 1 .01


c a u s e : t ou t p r o m e t enfin u n e nouve l l e a c l n Hé a In c h a ­
l eu r de la p o l é m i q u e .


Soldat o b s c u r , m a i s d é v o u é , j e su i s r e ñ i r é il y a que l ­
q u e s j o u r s d a n s l ' a r è n e ; et j ' y rev iens e n c o r e , p u i s q u ' u n
c o n c o u r s i m p r é v u de c i r c o n s t a n c e s m'a depuis long­
t e m p s engagé d a n s ces dél ia i s , et q u e la force des choses
m ' y a fait, à t o r t ou à r a i s o n , ma place .


Mon goût se ra i t d e la l a i sser à de p lus habi les et à é e c
c o u r a g e s plus enf l ammés q u e le míen p a r l ' a r d e u r d 'é­
c r i re et de c o m b a t t r e . Mais des aa lo r i l é s q u e j o r é s p e d e
m ' a s s u r e n t qu' i l s'agit ici, non de mes goû t s , mai.* de
m e s d e v o i r s ; n o n de m e s in té rê t s , m a i s de ceux d a m e
c a u s e s a c r é e q u e j ' a i l o n g t e m p s é tud iée , plus ieurs fois
dé fendue , avec l ' a p p r o b a t i o n de ceux qui sont mes peres
d a n s la foi et a i e s chefs d a n s la lu t te , et où m o n e x p é ­
r i e n c e c i m a s incér i té p e u v e n t a p p o r t e r p­mt­èlre encore
q u e l q u e secou r s . Je r e p r e n d s d o n c les a r m e s do la p o ­
l é m i q u e re l igieuse.


(trftcc a Dieu! en les r e p r e n a n t , je ne sens p a s le b e ­
so in tic m ' e s p l i q u e r s u r l 'usage q u e j e ­veux, en faire, ni
s u r la m a n i è r e dont j ' e n t e n d s s o u t e n i r le. r o m b a l , ni sur
ce q u e j e cro i s les cond i t i ons essent ie l les d 'une polé­
m i q u e re l ig ieuse v r a i m e n t digne de ce n o m . Si les cir­
c o n s t a n c e s le d e m a n d e n t quoiqt r ­ j o u r de m a l , je le
ferai s a n s hés i t e r . Q u a n t à celle h e u r e , il me sufil! de
dire q u e le n o m m ê m e de cel le po lémique . i nd ique assez
ce qu 'e l l e doit ê t r e , et p r o c l a m e le r e s p e c t , la conve­
n a n c e , les égalais , en m ê m e t emps q u e la force, le cou­
r age et la fermeté qu ' i l y faut a p p o r t e r .


Les l u t t e s , les g u e r r e s de p a r o l e s , les discuss ions sont
i név i t ab le s p a r m i les h o m m e s : je ne dis poin l assez ,
elles son t utiles : elles s e r v e n t la vér i té et la jus t i ce :




S U ! I . A 1 . 1 1 ! K P . T K 1 ) ' E N ' S E I G N E M F . N T (18¡7 :. 37 •>


el les les font t r i o m p h e r . Les h o m m e s on t beso in de
s ' expl iquer p o u r s ' e n t e n d r e ; la l umiè re jailli! de la d i s -
cuss ion , cl la véri té n ' e s t j a m a i s p lus ferme, p l u s é c l a -
tante, p lus r a d i e u s e , q u e q u a n d elle sor t d u c h o c ou des
images de la c o n t r a d i c t i o n .


Mais si les d i s c u s s i o n s veu l en t éc l a i r e r , c 'es t , se lon
m o i , ;i la condi t ion de r e s t e r c a lmes s a n s faiblesse,
î - n n e s et a n i m é e s s a n s d é g é n é r e r en que re l l e s i r r i t â m e s .


Ce que n o u s vou lons tous c o m m e but , c 'est la pa ix et
l ' h o n n e u r dans Ja l i be r t é et d a n s la j u s t i ce : ce q u e je
veuv p o u r m a pa r i , c o m m e m o y e n , c 'es t « n e g u e r r e
pacif ique : Jv.-ililta cl par.


P o u r m o i , il est de m o n c a r a c t è r e c o m m e de m o n de-
voir , toutes les fois q u e j ' e n t r e d a n s u n e d i s c u s s i o n , de
me s o u v e n i r de trois choses : q u e je suis h o m m e , q u e
je suis ch ré t i en , q u e j e suis p r ê t r e .


C o m m e ' n e u n e , je r e s p e c t e m e s a d v e r s a i r e s , n o n -
s e u ' e m e n i pa rce q u e je veux qu ' i ls nie r e s p e c t e n t auss i ,
ma i s p a r c e q u e je me re spec te m o i - m ê m e . J e le ferais
e n c o r e , a loio m ê m e qu ' i l s n e mo r e s p e c t e r a i e n t po in t ;
à mes yeux , l eu r s lor is n e justlUerai<ml p a s les m i e n s ;
et s'il n 'y ava i t a u c u n m o y e n de les r e s p e c t e r , je n e
d i scu te ra i s p lus avec eux .


C o m m e c h r é t i e n , je no s é p a r e j a m a i s la chai lié de la
véri té . La t é r i l é est i m m u a b l e , inf lexible; m a i s , dise
qui ' ,oudra qu'elle CA! implacable '• : je p e n s e a u t r e m e n t .
Four mo i , la vér i té et la cha r i t é son t s œ u r s .


La cha r i t é , toutefois , n ' e s ! p a s la fa iblesse : elle n ' e m -
p ê c h e ni la force, ni au beso in la m a g n a n i m i t é ; au


1 On sait que ce fut, il y a d e u x a n s , à la Chambre des députés , le
tri;-1c mot d'un de l ies puis ardents adversaires .




1)1' N O U V E A U r i l O J E T D E L O I


c o n t r a i r e , c 'es t elle qu i les i n sp i r e . Elle n ' e m p ê c h e ni
d 'é lever h a r d i m e n t la voix , ni d ' a b a t t r e ses a d v e r s a i r e s
s o u s le po ids de la r a i s o n , ni de lu t t e r enfin avec u n
c o u r a g e i n d o m p t a b l e . Mais elle sait a t t a q u e r les c h o s e s
s a n s b lesse r les h o m m e s , et elle se g a r d e de c o n f o n d r e
le l angage de la r a i son avec celte v é h é m e n c e e m p o r t é e
qui n ' éc la i re j a m a i s , i r r i t e t ou jou r s , c l n ' i m p o s e à p e r -
s o n n e .


d o m i n e p r ê t r e s u r t o u t , j e ne pu i s o u b l i e ) ' q u e j e suis
ie min i s t r e obligé de la pa ix : si la vér i té doit éc l a i r e r
les h o m m e s , c 'est la pa ix qui doi t les r é u n i r . Je m e
souv iens q u e je suis le min i s t r e d ' u n e Église qui a s s u r é -
m e n t ne c ra in t p a s la g u e r r e , m a i s qui n ' e n a p a s b e -
soin p o u r v iv re , et qu i , t ou t en c o m b a t t a n t t ou jou r s , a
lou jours p ré fé ré la pa ix p o u r le sa lu t des â m e s . L'Église
i n v o q u e t o u j o u r s et a u m ê m e degré la vér i té et la p a i x ;
elle ne se ré joui t j a m a i s d u m a l ; elle n ' i n v o q u e j a m a i s
le ma l p o u r a r r i v e r a u bien ; elle n e v e u t j a m a i s a u c u n
m a l à ses a d v e r s a i r e s . Ceux qu i c h a n t e n t sa m o r t , elle
les la i sse c h a n t e r , s û r e de s o n immor t e l l e vie et de son
infaillible t r i o m p h e ; et c e p e n d a n t tou tes les lois , b o n n e s
ou m a u v a i s e s , t o u r n e n t , avec le t e m p s , à son profit :
m a i s elle i m p l o r e les b o n n e s lo is , p a r c e q u e celles-là
d o n n e n t la paix avec le dro i t ; et ce q u e veut avan t tout
l 'Église, ce q u e veu l en t ses p r ê t r e s avec elle, c 'est , je
le r é p è t e , la paix d a n s la l ibe r té , la pa ix d a n s la jus t ice ,
la paix avec h o n n e u r : justifia et pax!


Voilà les r a i s o n s qu i me feront , m a l g r é les difficultés
d u t e m p s , p e r s é v é r e r i n v i n c i b l e m e n t dans l ' a t t i tude q u e
m o n c a r a c t è r e et m a c o n s c i e n c e m ' o n t décidé à p r e n d r e
en cet te g r a n d e coulr 'overse .


Je n 'a i p a s oublié que le s u c c e s s e u r de P ie r r e , le v ë -




SUIS i-.V LIBKKTK IVENSKIf .NKMKNÏ ; 1817 377


n é r a b l e Grégoire XVI, lo rsqu ' i l vou lu t b ien la isser t o m -
b e r du h a u t d u siège a p o s t o l i q u e un r ega rd de b ienvei l -
lance su r mes t r a v a u x pa s sé s et l eu r d o n n e r un so l enne l
e n c o u r a g e m e n t , m ' i m p o s a c o m m e u n e loi p o u r l ' aven i r
ce qu' i l da igna a lors l oue r en m o i : un zèle qui soi t tou-
j o u r s v r a i m e n t s ace rdo t a l . Studiùm vivo ecclesiastico
plane dignuml.


Je n ' o u b l i e r a i pas d a v a n t a g e qu ' i l n 'y a p a s l ong t emps
e n c o r e j ' a i e n t e n d u so r t i r d e l à b o u c h e la p lus a u g u s t e
du m o n d e , ces g raves p a r o l e s : Il faut continuer à ré-
damer la Liberté d'enseignement avec fermeté, avec
courage : niais aussi avec charité. Nous autres, quand
nous combattons, nous devons le faire toujours avec la
confiance en Dieu dans le caair; et la confiance en Dieu
inspire toujours la charité.


C'é ta i t , il le faut a v o u e r , c 'é ta i t u n e g r a n d e et n o b l e
t â c h e , m a i s difficile p a r sa g r a n d e u r m ê m e , q u e celle
de M. le Ministre de l ' Ins t ruc t ion p u b l i q u e .


Satisfaire, c o m m e il le dit l u i - m ê m e , à tous les vieux
les plus intimes de la conscience ; a ccompl i r enfin, a p r è s
d ix - sep t années de r e t a r d , de r é c l a m a t i o n s et d ' a t t en t e ,
la p r o m e s s e d ' u n e C h a r t e et la p r o m e s s e d 'un r o i ; ré -
p a r e r les m a l h e u r s et les décep t ions du p a s s é en d o t a n t
le p r é s e n t et l ' aven i r d ' u n e loi de l iber té g é n é r e u s e ;
p r o p o s e r a insi la so lu t ion des p lus h a u t e s c o n t r o v e r s e s


! Bref du 30ju i l l e t IS j




D i : N 0 1 " Y E A U ¡ ' H O J E E D E i . O i


intellectuelles et morales, politiques et re l ig ieuses , qui
aire.it d e p u i s l o n g t e m p s p a r m i n o u s p r é o c c u p é l 'opinion
publique : conci l ie r , dans un j u s l e et c o n v e n a b l e a c -
cord , les dro i t s primitifs cl inviolables des p è r e ' d e -
famil le , les d ro i t s de l 'État , les dro i t s d o l ' É g u s e ; e t ,
q u ' o n p e r m e t t e à u n ami de la j e u n e s s e de r a j o u t e r ,
les d ro i t s s ac r é s rie ce j e u n e âge ; en môme t e m p s q u e
les d ro i t s légi t imes de l ' in te l l igence h u m a i n e , des lettres
cl des s c i ences ;


O r í e s , je le r é p è t e , c 'étail une g r a n d e e! noble i àehe .
m a i s difficile p a r sa g r a n d e u r m ê m e . J e comprend- '
q u ' o n y pu isse s u c c o m b e r ; m a i s , je crois pouvo i r le d i re
aus s i , la c a u s e de ces g r a n d s in té rê t s est u n e cause
inv inc ib le , et il y aura q u e l q u e j o u r une gloi re p u r e et
i l lus t re p o u r l ' h o m m e de c œ u r qui , s 'é levant p a r la
force de sa ; p e n s é e cl d e sa consc i ence , au delà des
va ine s c l a m e u r s et do i'inju: lice des opinions, na i ail-
l e ra à cel te (Pinre régénéra' .ricï avec ce! le co i i s lance
é n e r g i q u e , avec ce nudo centrage ¡pío do; ,ne la perspec-
t ive m é m o dos diflicullés e t l ' e s p é r a n c e de. les va incre ,
p o u r l ' h o n n e u r de sou p a j o et la saliufaciion de ht
jus t i ce .


Oui , q u e l q u e j o u r , celui- là s e r a bén i p a r m i ses con-
c i i o j e u s ; ca r ii a u r a euJln ré tab l i pa rmi eux , a i re L
l iber té des unies , qui e-1 le plus br i l l an! et In plus f é -
cond a p a n a g e de l ' h u m a n i t é , la pa ix , qu i es t le phr-
r i c h e , le p lus p réc i eux des b i ens .


Il a u r a p r é p a r é le j o u r où les d e u x g r a n d e s p u i s -
s a n c e s de la sociéié h u m a i n e , a l l iées , niais d i s t inc tes ,
s'exerceront, se d é v e l o p p e r o n t c o n v e n a b l e m e n t , p o u r
le b o n h e u r de tous , d a n s u n e noble et vaste s p h è r e , cl
t r ava i l l e ron t ainsi magn i f i quemen t à la fortune de la




S I ' H L A L I R E R T E D ' E N S E I G N E M E N T ( m ; }. Z;<)


F r a n c e : le j o u r où on ve r ra (ouïes les forces les plus
élevées d'une grande nation, rajeunies et vivifiées a u x
sources immortelles de la religion et de la j u s t i c e , t rou-
ver enfin, p o u r se p r o d u i r e victorieusement, ces voies
l a rges et g lo r i euses où nul le en t r ave n ' a r r ê t e r a l e u r s
p r o g r è s , et où la sc i ence , la l iber té et la foi les feront
m a r c h e r p lus r a p i d e m e n t m ê m e q u ' a v e c des p ieds de
fer et des ai les de f e u , à tou tes les c o n q u ê t e s de
l ' avenir .


J ' a i m e r a i s à c o n t i n u e r la m é d i t a t i o n de ces pensées :
m a i s je ne puis oub l i e r le travail q u e je me suis i m p o s é .
Et auss i bien les g r a v e s considérations auxque l l e s je
v iens de me la isser un moment entraîner, n'y sont-elles
p a s étrangères. C'est elles qui me c o m m a n d e n t en ce
m o m e n t l ' examen Je plus sé r i eux , le p lus attentif, le
plu* impar t i a l : c 'est elles qui m e font un devo i r de ne.
refuser a u c u n e jus t i ce , a u c u n h o m m a g e aux p e n s é e s ,
aux efforts, aux a v e u x , aux principes qu i en sont dignes ;
c o m m e auss i de d é c l a r e r nettement m e s r e g r e t s , si
l ' é lude approfondie de l ' i m p o r t a n t projet de loi qui n o u s
occupe a dû m 'en la isser .


J'entre maintenant en m a t i è r e , et m a l âche se b o r -
n e r a a faire voir qmd est l 'étal n o u v e a u de la ques t ion
depu i s la p r é sen t a t i on du n o u v e a u pro je t de l o i ; s u r
quelles c h o s e s il peut j avo i r a c c o r d , s u r que l l e s chose*
il y a d i ss idence c n i i e M. le Ministre de l'Instruction
pub l i que et nous . L ' o r d r e rie la discussion, d e m a n d e
q u e j ' e x a m i n e d ' abo rd le p r e m i e r poin t .


La p r e m i è r e pa r t i e de ma tâche s e r a s imple , faci le;
la s e c o n d e , l a b o r i e u s e , pén ib le m é m o . Je c o m m e n c e
enfin.




DU NOUVEAU P R O J E T DE LOI


PREMIÈRE P A R T I E .


11 serait inutile de chercher ici aulrc chose qu'un
simple exposé : Je citerai beaucoup, et je discuterai
peu : II ne s'agit point encore ici de discuter, mais de
donner des éclaircissements préliminaires, qui seront
pour notre cause comme une sorte d'exposé des motifs
et prépareront ainsi la discussion.


1° Al. de Salvandy est le premier, le seul ministre do
l'Instruction publique, qui ait jusqu'à ce jour donné à
son, projet le nom qui convient à la loi promise par la
Ubarte et si longtemps, si impatiemment attendue : il
le nomme un projet de loi sur. J .A I . I I S E H T É D ' E N S E I G N E -
M E N T en matière d'instruction secondaire.


L'examen sérieux, approfondi, impartial de ce projet,
nous révélera s'il est vraiment digne du nom qui lui est
donné : ce qu'il importe de constater en ce moment,
c'est que M. le Ministre ne recule pas devant le nom.


2° M. de Salvandy a manifestement compris l'immense
importance des intérêts religieux et politiques engagés
dans le débat; et les diverses citations que je ferai de
son exposé des motifs montreront à quel point il a su
donner à son langage la gravité et l'élévation conve-
nables à la grandeur du sujet.


« Ce sont, dit-il, les plus graves problèmes qui aient
occupé la raison et la conscience publiques.


« En les abordant, le gouvernement du roi accepte
volontiers l'occasion qui lui est donnée, d'appeler la so-
ciété éi réfléchir sur elle-même, et èi se vendre compte de
s"s besoins intellect nets cl moraux. Il a la ferme con-




S U R I . A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T ( 18i7 , . 3Si


fiance que de cet examen naîtra la conciliation, com-
mandée par la sagesse da temps, entre tons les intérêts
el tons les principes qui sont engagés dans le débat,.,


« Ce n'est pas une loi de police que cous avez a faire;
c'est une loi d'ordre, de moralité, d'instruction ; c'est
surtout une loi de haute politique


« Il y a nécessité de chercher dans l'éducation, dan-,
les forces dont elle munit la partie influente de la société,
nos principales conditions de liberté régulière, d'ordre
intérieur et de puissance


« Le gouvernement du roi serait assuré d'avoir rem-
pli un grand devoir, Q U A N D I L N E S E S E R A I T P R O P O S É
D ' A U T R E DUT Q U E D E D O N N E R S A T I S F A C T I O N A T O U S L E S VOEU A


i.r.s P L I S I K T L M K S D E L A C O N S C I E N C E , et de travailler à pa-
cifier un débat qui divisait des forces que la -méditation
attentive des difficultés et des périls de la société com-
mande de réunir. »


S" M. do Sa lvandy vend d ' a b o r d au t e m p s p a s s é , au
r ég ime anc ien de la F r a n c e , à la l i be r t é d ' é d u c a t i o n don!
on y jou issa i t , à la l ibéra l i té g é n é r e u s e qu i avai t p o u r v u
si n o b l e m e n t à tous les b e s o i n s , à tou tes les ex igences
inte l lectuel les d ' une g r a n d e na t ion : il r e n d à l ' énergie
civi l isatr ice, à la fécondi té p u i s s a n t e du p r inc ipe c h r é -
tien qui a lo r s insp i ra i t tou t , u n h o m m a g e si é levé , si
f ranc , si c o m p l e t , q u e je c ro is u t i le de le cons ta te r .


Nul, j u s q u ' à ce j o u r , p a r m i n o s p lus g é n é r e u x a d v e r -
sa i r e s , n ' ava i t t e n u u n pa re i l l angage .


Je no c ra ins pas de d i re q u e les e spr i t s v r a i m e n t a t -
tentifs p e n s e r o n t p e u t - ê t r e q u e M. de S a l v a n d y a sais i
r ée l l ement ici que l l'ut le n œ u d pol i t ique et re l ig ieux de
la quest ion de l ibe r té d a n s l ' e n s e i g n e m e n t sous l 'ancien
r ég ime . — J 'engage les h o m m e s s é r i eux à lire avec r é -




332 I) U N O U V E A U P R O J E T O E I.OI


flexion Ye.rposé des motifs à ce point de v u e ; p o u r moi ,
je ne puis tout c i t e r ; je me b o r n e à q u e l q u e s pa ro l e s :


« Dans la société moderne, 'pendant de loups sicotes, le
u principe chrétien a pourvu et a suffi a tout.


« Les fonda t ions p r i v é e s , les fondat ions c o m m u n a l e s
« ou r o y a l e s , les fonda t ions ecc lés ias t iques , sous les
« n o m s d ivers d ' un ive r s i t é s , d ' ins t i tu t s re l ig ieux, de
•< co rpo ra l ions ense ignan t e s , avaienl mul t ip l ié les foyers
ci d ' i n s t ruc t ion s a n s m e u r e en p r é s e n c e la famille et
.« l 'É ta l , l ' é ' d scopa l et l ' au tor i t é civile, p a r c e «pie, l e -
'< l iant à l 'Llal par l eu r s privi lèges ou à l ' liglise pro:
s l eu r s r èg les , m a i s i n d é p e n d a n t e s , r iva les , elles r a s -
<! suraient par leurs riva'ites mêmes la souveraineté
e. de la puissance publique et les libertés de la famille.


<i L'Klal n ' e n s e i g n a ' t pas . P o u r q u o i IVnl- i l l'ail? II
:> voyait pa r tou t dos m a d r e s el dos (bailes, snsrii<>s,"/
s entretenus par le tré<or libre des larqrsses sun-cssives


de la foi el de la charité. Ces m a î t r e s , la p lupar t du
« t e m p s , n e l ' i nqu ié ta i en t pas sur la d i rec t ion «les es-
« puits , ni ces éco les s u r la prospéri lé , des ( d u d e s ; car
< c 'é ta ien t elles qu i les a v a i e n t recue i l l ies et s a u v é e s .


n L ' i n d u s t r i e de l ' i ns t ruc t ion n 'é la i t pas née.


« Dams ce r ég ime , il n 'y avai t pas de p lace p o u r la
« spécu la t ion p r ivée .


« L ' I N S T R U C T I O N É T A I T l ' i m s u n - I M I I T O L T O Ü A T U I T E ,


:< PARCE QU'ELLE ÉTAIT RELIGIEUSE.


« f.es écoles étaient ouvertes èi tous ; la jeunesse était
« sollicitée de toutes naris à sj; presser, et su pressait eu
•i conséquence D E U X F O I S IM. I S K O J H Ï R I - X S E Q L ' M J O I n o ' u r r .


« Dans l ' anc ien r é g i m e , en 3 7CO, quand la France
e comptait 2.'i 'millions d'habitants a peine, le nombre
". des étudiants livres aux études classiques dans eu-




SL'R ЕЛ 1.1 Г. К П T Ir: D'ENSEi О Х К М Е л Т OSeX 333


ч viron 7'i(> adléges, dont les ( races n o u s son ! r e s t ées et
; qui on t q u e l q u e ana log ie «чте les noires, montaient­ à


с enriron 7 5 0 0 0 . il faut a jouter environ 1 0 0 autres c o l ­
я léges d o n t on a d é c o u v e r t l ' ex i s tence , mais d o n t les
« éta ts ne n o u s sont poin t p a r v e n u s . Il faudra i t a jou te r
u e n c o r e tous ceux d o n t Je n o m m ê m e n 'es t pas a r r i v é
•< j u s q u ' à n o u s , ei la foule d ' é tud ian t s c o n n u s et i n c o u ­
« n u s que c h a q u e c o m m u n a u t é , c h a q u e chap i t r e , c h a q u e
« curé d a n s sa pa ro i s s e , et p r e s q u e c h a q u e ecc l é s t a s ­
i i ique élev.'ut d a n s les i c t l n v la t ines . On p o u r r a i t d o n c ,


я p r e s q u e as ce ce r t i t ude , d o u b l e r les chiffres e e n s k i ­
« lés. El on a vu où n o u s en s o m m e s à cet égard . »


"Mous n ' a v o n s pas vou lu i n t e r r o m p r e ces c i ta t ions r e ­
m a r q u a b l e s .


r ia is nous но p o u v o n s la i re n o t r e r e c o n n a i s s a n t e a­.l­
odrei io : ] p o u r ce ргпи.сре c.'ir ч'/сп, q u i , pendant d •
'<;;•• gs c.iècb­s, a aoarvn et a suffi à tout !


C'est bien q u e l q u e c h o s e , à son h o n n e u r , qu ' i l ail
t o u j o u r s rassuré ta puissance publique et les libertés de
la fa m iile; qu ' i l ai l , sans le s e c o u r s de l 'E ta t , fourn i à
l ' en se ignemen t pub l i c le trésor libre des largesses de la
'•iianié; q u e , mas son régime, il n'y cul pas de spéen­
l'Pion : que i'iasinn­tiun fut partout gratuite, parce
•p>'c!'s était religieuse ; et q u e la j e u n e s s e ense ignée fui
dcu.r f u i s pins nombreuse ga'aajourd'iiui.


De tel les paro le s vengent de bien des d é c l a m a t i o n s ,
cl feront, quoi qu ' i l a r r i v e , a v a n c e r le t e m p s de la j u s ­
lice et de la l iber té .


Puis 51. d e Sa lvandy fait o b s e r v e r q u ' a u j o u r d ' h u i la
F r a n c e , avec ses trente­si.v mi liions d'àmes, c ' es t ­à ­d i re
avec, douze mil l ions de plus q u ' e n 1 7 6 0 , n ' a en tou t q u e
363 collèges, et soit d a n s ces col lèges , soit d a n s les é t a ­




D U x o u V E A U P R O J E T D E L U Î


b l i s s cmcn t s p r i v e s , un n o m b r e d 'é lèves à pe ine égal
a u x 75 000 de l ' anc ien r ég ime .


« Et encore, a joute- t - i l , le chiffre total des élèves de
l'instruction secondaire nous donne-t-il aujourd'hui des
résultats trompeurs, tandis que les chiffres de l'ancien,
régime pourraient être doubles.


« La différence de l'ancien régime « l'état présent est
donc énorme, P U L S O U E LA P O P U L A T I O N oc R O Y A U M E S ' E S T
É L E V É E D A N S LA M E M E P R O P O R T I O N O Ù LA P O P U L A T I O N L E T -


T R É E A D É C R U . »


Voilà d o n c les r é su l t a i s positifs d u m o n o p o l e c o n c é d é
p e n d a n t q u a r a n t e ans à l 'Un ive r s i t é ; et la lin g lo r i euse
de t a n t de r évo lu t i ons accompl i e s au n o m des d ro i t s de
l ' in te l l igence h u m a i n e , p o u r a s s u r e r p lus p r o m p t e m e n t
le l ibre t r i o m p h e de la p h i l o s o p h i e et des l e t t r e s , et la
diffusion universe l le des l u m i è r e s .'


0 VA NAS HOMINTM MENTES ! 0 l'Kt.TOKA i .FCA'.


Nous n e r e g r e t t o n s po in t le pouvo i r de l 'Église p o u r
e l l e -même ; m a i s il n o u s est p e r m i s de r eg re t t e r p o u r
la F r a n c e , et de r a p p e l e r avec u n d o u l o u r e u x orguei l
ses g r a n d e u r s passées d u e s aux l a b e u r s , au d é v o û m e n t
g é n é r e u x de son c lergé et à la p u i s s a n c e de ce principe-
chrétien qui inspirait tout et suffisait à tout !


Après ces é t o n n a n t s aveux , M. de Sa lvandy con t i nue
à n o u s r é v é l e r a v e c g rav i t é et avec t r i s tesse les c o n s é -
q u e n c e s de ce d é p l o r a b l e a b a i s s e m e n t in te l lec tuel et so-
cial , do n t Al. Ciuizol et Al. Yil lemain l u i - m ê m e n o u s
ava ien t déjà révélé le s ec re t :


« L ' é t a t p r é s e n t ne n o u s d o n n e p a s , su r l ' ensemble
de la socié té f r a n ç a i s e , 80 000 c i toyens mun i s d ' u n e
é d u c a t i o n r é e l l e m e n t complè t e .




S I R l . \ l.í I! Itlt l'É ft'K.NSKlGXEMENT : % № , ) . 385


« L'ancien r é g i m e , p a r son i n s l ruc t l on c l a s s ique
p r e s q u e g é n é r a l e m e n t g r a t u i t e , invi ta i t p e u t ­ ê t r e t r o p la
j eunes se à ces n o b l e s é t u d e s . C r a i g n o n s , avec n o t r e i n ­
s t ruc t ion o n é r e u s e 1 , d'en t r op d é t o u r n e r la soc ié té p r é ­
sen te , car il faut de la foule p o u r faire des h o m m e s d'é­
l i te : q u a n d n o u s n e v o u d r o n s q u e l ' exacte m e s u r e
d ' ins t ruc t ion et de savoir qui s e m b l e r a ut i l e , la p é n u r i e
ol la d é c a d e n c e se feront sen t i r . »


« On s ' é tonne quelquefois de ce flot d ' h o m m e s émi ­
« nen l s qui a p p a r a î t t ou t à c o u p d a n s l 'Assemblée c o n ­
;i s t i t uan t e , la p r e m i è r e l'ois q u e la F r a n c e r a s s e m b l e
« t ou tes ses forces d a n s u n e m ê m e ence in te . C r o y o n s ,
a Messieurs , q u e cela t ient à cet te g r a n d e m a s s e d ' e s ­
,[ pr i t s ins t ru i t s , façonnés p o u r les l e t t r es a n t i q u e s , q u e
:¡ la ¡"ranee d 'a lors posséda i t d a n s son sein ; c royez
•.. auss i q u e la m ê m e cause avai t fait les g r a n d e u r s des
a siècles qui ava ien t précédé ,


a Ces! par les travaux de la pennée que les pouvoirs,
que les peuples s'entendent et se répondent.
« Si l 'on c o n s i d è r e q u e , p a r m i nos 80 000 c i toyens


« m u n i s d 'une éduca t i on c o m p l è t e , b e a u c o u p n ' o n t p a s
« l 'âge ou la fo r tune nécessa i r e p o u r s iéger d a n s les
u collèges é l ec to r aux ; q u e la m o i t i é , a s s u r é m e n t ,
« n ' e x e r c e n t pas de dro i t de suffrage, on r e c o n n a î t r a
s q u e , le corps pol i t ique se c o m p o s a n t de 240 000 élec­
'• leurs qui disposent des destinées publiques par leurs
(c votes sur les hommes et les affaires, les q u a t r e c i n ­
••. qiuè tnes d ' en t r e eux n ' o n t p a s ces é t u d e s de l ' a n t i ­


J 11 Oíl remarquable que le vrai sens de monopole est droit de rente
e.rehixif; et que. ce mot n'a ct« appl iqué ;\ l 'Université q u e pavee qu'el le
;i été la seule et la première H rendre rinstrucUOD.


i. 2i>




386 DU NOUVEAU PROJET DE LOI


« qu i t é , de l 'h i s to i re , de la ph i losoph ie , s a n s lesquel les
a il n 'y a pas de c o n n a i s s a n c e s géné ra l e s et élevées des
<i c h o s e s h u m a i n e s . »


Je ne s a c h e r ien qu i soit cligne d ' u n e p lu s s é r i e u s e
m é d i t a t i o n q u e ces faits et ces aveux .


à" \ l . de Sa lvandy , q u o i q u e t r è s - d é v o u é à la gloire e t
a u x in t é rê t s de l 'Univers i té , c o n d a m n e c o m m e il c o u -
v i e n î s o n e ff r a y a n t m o n o p ol e ; e fi r a y a u ! p o u i d e s l'a î n i 11 e s,
don t il a b s o r b e tous les d r o i t s ; e lfrayant p o u r les con -
sc i ences , où il je t te u n e p e r t u r b a t i o n p ro fonde ; elfrayant
p o u r les é t u d e s , qu ' i l r e s t r e i n t , qu ' i l aba i sse inév i t ab le -
m e n t ; e l f rayant p o u r les m œ u r s , p o u r l 'Église, p o u r
l 'État l u i - m ê m e :


<; L'Université, par l'universalité de sa prérogative,
semblait en contradiction arec l'esprit mètre de noire
gouvernement Pleine de libertés intérieure*, elle fui
instituée a l'égard de la société, en dehors de toute notion
de liberté politique on civile.


« Elle recul l investiture d'un droit général et absolu,
sur la direction morale, sur le gouvernement intellectuel
de la jeunesse, de l'enfance...


e Les établissements particuliers n'e.tdstuieni qu'a la
condition d'être autorises par elle: incorporés a sa hié-
rarchie et a ses collèges, placés sous sa main, soumis a
ses lois et, au besoin, brises par son chef. Datts ce système,
l'Etal n'était pas seulementHindi tuteur : il l'était seul, et
se privai! ainsi volontairement de cet esprit d'émulation,
de ce génie inventif de la concurrence, qui est le prineip:
de 'tous les progrès. •


« l.N TET. 11KG1UE .\ 'A \AIT f.T'f. C S S V i É NTM.K l ' A K T . J A -
M U S O N N ' A \ . U T \ L C K T T K V I A E V U I S Ï : i::ovaasi:i.! I: or V A




S l'U L A L I B E R T É , D ' E N S E I G N E M E N T ( i S i 7 ; - 387


PUISSANCE P t ' B U O U E SUR LES GÉNÉRATIONS NOUVELLES, SUT.


LES MÉTHODES, LES EXERCICES, LES ÉTUDES. »


Certes , r ien de p lu s fort n ' a j a m a i s é té dit con t r e le
m o n o p o l e u n i v e r s i t a i r e et c o n t r e les excès de ce despo-
tisme i nou ï , '.déjà s ignalés pa r M. Cnizot , ' l eque l ne tient
compte ni des droits des croyances ni des droits-des
familles '.


Tou te la ques t ion est de s avo i r si le n o u v e a u pro je t
ne t r o m p e pas la p e n s é e .môme et l ' in ten t ion du min i s t re
qui l'a conçu , et si cet te loi ne se ra i t p a s une nouve l le
et dép lo rab l e c o n s é c r a t i o n de ce m o n o p o l e , de cet te
main-mise universelle sur toutes les générations, sur
toutes les éludes, sur tondes les familles, sur toutes les
consciences.


à" Les dro i t s de la famil le , ces d ro i t s q u e 51. Cuîzot
avaii p r o c l a m é s d é j à , des droits savrés, inviolables,
primitifs, antérieurs a tous les droits de l'Etal, M. de
Sa lvandy les p r o c l a m e de n o u v e a u avec u n e force, u n e
digni té , que je ne s a u r a i s t rop l o u e r :


« Dans l'histoire du monda, s'offre u nous le droit de
la famille sur elle-même consacré à toutes les pages des
annales et des lois du peuple quia soumis l'ancien mande
a ses codes et qui en a doté te monde moderne.


« La société chrétienne, née dans ce berceau digue
d'elle, gouvernée si longtemps par les maximes et la lé-
gislation romaines, ne vit jamais contester le droit de la
puissance puterneiie en fait d'éducation...


« Irresponsable devant les hommes et devant la loi, le
père de famille répond devant Dieu, et cela nous suffit ;


1 1 iis"i;urs Ce M. Gnizot, du n i j r u i v i i r ISi( i .




38S I ) U N O U V E A U P R O J E T O E E D I
il s'agit d'un intérêt qui lui est plus cher qu'a la société
même, si elle était tentée d'intervenir


« C ' E S T Q U ' I L Y A I C I D E U X F A I T S E T D E U X P R I N C I P E S


P L U S F O R T S Q U E T O U T L E M O N D E .


« L E D R O I T P A T E R N E L A S E S S O U R C E S P L U S H A U T Q U E D A N S


L A C H A R T E D E 1 8 3 0 ; il est écrit dans une loi que des cir-
constances ou un homme extraordinaires peuvent mé-
connaître un jour, mais qu'un gouvernement pacifique et
régulier, cru 'AUCUNE L É G I S L A T I O N L É G I T I M E E T S E N S É E NE
D É C L I N E R O N T D É S O R M A I S .


<( Co dro i t su r la d i rec t ion m o r a l e , s u r le dévc loppc-
(i m e n t in te l lec tue l de l ' enfant qu i se ra l 'hér i t ie r de n o -
« Lrc n o m , le c o n t i n u a t e u r de no t re pensée d a n s la cité
:< et d a n s l 'État , ce d ro i t est la vér i té en fait de Liber té
« d ' e n s e i g n e m e n t . Tout le r e s t e est p lus ou mo ins acc i -
« den te l , artificiel et c o n t e s t a b l e ; ma i s ici tout est réel
« e t f o n d a m e n t a l . C'est p a r la famille q u e la société a
« c o m m e n c é . La socié té n 'en est q u e le d é v e l o p p e m e n t
« et l ' image . L ' É T A T N ' A D E D R O I T S Q U E C E U X Q L ' I L E M -
« P R U N T E A C E T T E O R I C . I N E , c o m m e il n ' a de force q u e
;< celle qu ' i l d e m a n d e à tous ses conc i toyens . L ' É T A T N E
« P O U R R A I T S U B S T I T U E R S O N A C T I O N A C E L L E - L A , S E S SEN -


(( T J U E X ! S A C E I X Q U I O N T L A L E U R S I É O E E T L E U R P U I S S A N C E ,


u S A N S U S U R P E R . ))


Cer tes , il y a loin de là à l ' a b a i s s e m e n t de l ' au to r i t é
pa t e rne l l e , à cet te p ro fonde et ind igne m é c o n n a i s s a n c e
des droi t s de la famille, (pue M. T h i e r s voulai t é r iger en
p r inc ipe d a n s son f ameux r a p p o r t .


On se souv ien t qu ' i l se plaisai t à r e p r é s e n t e r l ' au tor i t é
pa t e rne l l e t o u r à t o u r c o m m e u n e vague sollicitude,
pu i s c o m m e u n e faiblesse, pu i s c o m m e u n e va ine ten-
dresse, pu i s c o m m e un goilt, u n e fantais ie , pu i s c o m m e




s u ; i . A L U I K u Ï É D * E N S E I G N E M E S Ï ; is \; ; . m


un penchant pour certains soins jihysiques et moraux,
et enfin, c o m m e un sentiment i\m p eu t ê t r e satisfait p a r
u n e certaine diversité de régime. Pu is il mêla i t à tou t
cela , en p a r l a n t des p è r e s de famil le , les vues de leur
ambition, et a u s s i , n o n les lo i s , m a i s les scrupules de
leur conscience.


On c o m p r e n d q u e l ' i nce r t i t ude des p r i n c i p e s et le dé-
faut de l u m i è r e s , en un sujet si g rave et s u r ce po in t ca-
pi ta l , qu i doit tout d o m i n e r , t o u t éc la i rc i r , t o u t é lever
d a n s cet te g r a n d e d i scus s ion , ava ien t dû l a i s se r d a n s
Je t ravai l du t rop cé lèbre r a p p o r t e u r , c o m m e d a n s ses
idées , des l a c u n e s p ro fondes , r é t r é c i r ses p e n s é e s et ses
v u e s , c l lui insp i re r con t r e la L ibe r t é d ' e n s e i g n e m e n t
u n sys t ème de r e s t r i c t i o n s et d ' e n t r a v e s inou ïes j u s q u ' à
ce j o u r , m a i s en h a r m o n i e avec le rô l e s u b a l t e r n e qu ' i l
r ése rva i t aux pères de famille d a n s l ' éduca t ion de l e u r s
enfants , et avec les idées in fé r i eu res qu ' i l s emb la i t avo i r
de l ' éduca t ion e l l e - m ê m e .


Si n o u s v o u l o n s ê t re l i b re s , s a c h o n s ê t re j u s t e s , et
r e n d o n s a u j o u r d ' h u i h o m m a g e a u x d e u x h o m m e s d 'Éta t
qui ont enfin vengé , d a n s le p lus é n e r g i q u e et le p lus
nob le l angage , des p r inc ipes s a c r é s , si l é g è r e m e n t m é -
c o n n u s et ou t r agés : h e u r e u x tous d e u x et g lo r i eux u n
j o u r , sdls p a r v e n a i e n t enfin à r éa l i s e r , d a n s u n e loi
digne de ces g r a n d s et i m m o r t e l s p r i n c i p e s , des p e n s é e s
si g é n é r e u s e m e n t e x p r i m é e s !


6° 11. de Sa lvandy r e n d un h o m m a g e plein d ' i m p a r t i a -
lité et de ju s t i ce , et il faut l 'en l o u e r p a r le t e m p s q u i
cou r t , à l 'Église de F r a n c e , à l e p i s c o p a t f r ança i s , à tout
le c le rgé , à la p a r t q u e n o u s avons t o u s p r i se et q u e
tous nous devions prendre d a n s ce l te l u t t e , où la l iber té
de consc i ence , la l iber té de l 'Église, la l iber té de la fa-




:'.00 D U N O U V E A U " P R O J E T D E L O I


mil le , les l iber tés na tu re l l e s et c ivi les , les droi t s politi-
q u e s et re l ig ieux les p lus i m p o r t a n t s sont p r o f o n d é m e n t
engagés .


Dieu, la famille et sa foi, l 'enfant et la socié té , l 'Église
et l 'État : voilà s i m p l e m e n t ce qui es t au fond de ce déba t .
Et voilà p o u r q u o i M. de S a h a n d y dit avec r a i son :


« Vous savez quelle est la sollicitude qui a le plus vi-
vement réclamé d'un bout du royaume a l'autre la Li-
berté, de ï'enseignement ; et vous le savez, non pas parce
qu'elle s'est hautement produite, M A I S P A R C E Q U ' E L L E N E
P O U V A I T P A S N E P O I N T S E P R O D U I R E . Nousuvons dû regretter
la forme : le fond était dans la nature des choses. L ' E G L I S E
D E F R A N C E A P A S S É P A R D E S É P O Q U E S B I E N D I V E R S E S ;


S A C H O N S E S P É R E R Q U ' I L N ' Y A U R A P A S U N T E M P S O U E L L E


S E M O N T R E R A I N D I F F É R E N T E E X MVriÈRE D ' É D U C A T I O N E T


D ' E N S E I G N E M E N T ; car ce serait l'elre sur la direction des
esprits, sur le dépôt de la foi, sur les destinées de la re-
ligion, sur l'état moral de la société.


« LA éducation de l'esprit est trop intimement liêcèi celle
de la conscience pour que l e s arbitres légitimes de l'une
ne soient pas des témoins inquiets et jaloux de. la direc-
tion de l'autre....


« T.r. (XRRGK F r a x Ç U S P R O U V E Q U ' I L A I. E S P R I T DE SA


MISSION , Q f ' i l . E S T SINCERE, TOUTES LES F O I S Q ; d ï . S E
MONTRE P R É O C C U P É DES Q U E S T I O N S R E L A T I V E S A L ' E N S E I -


G N E M E N T . »


Nous a d m e t t o n s , s a n s orguei l c o m m e s a n s h u m i l i t é ,
tous ces faits, non p a r c e qu ' i l s son t des éloges, ma i s
p a r é e qu ' i l s son t nnfin u n e ju s t i ce r e n d u e .


7" ?J. de Sn 'vandy p r o c l a m e les dro i t s de la liberté',
les a v a n t a g e s de la l ibre c o n c u r r e n c e , soit p o u r les é t a -
b l i s s emen t s l i b re s , soit p o u r l 'Étal , soit p o u r î T n i v e r -




SLR L A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T : lS47j . 391


site e l l e -même, soit p o u r la soc ié té t o u t e n t i è r e , avec


u n e fermeté, avec u n e ne t t e t é v r a i m e n t r e m a r q u a b l e s :


« L'effet de la concurrence sera d'inspirer à l'Uni-
v e r s i t é une plus constante application à donner sécurité
aux principes et aux sentiments dont on a voulu s'armer
contre elle, et, d'une autre part, la concurrence n'aura
pas de plus constante application que d'élever l'instruc-
tion, et de la tenir en rapport avec les idées et les habi-
tudes de la société.


«Le gouvernement de 1 8 3 0 a voulu le libre développe-
ment de toutes les méthodes, de toutes les écoles et de
toutes les pensées.


« Les deux choses marcheront de front. Dans rensei-
gnement comme, dans la politique, nous aurons une li-
berté réelle, féconde et pacifique: et en même temps nous
aurons un gouvernement de l'instruction publique tel,
qu'il doit être dans une société bien faite, éclairée par
le concours de toutes les lumières, de toutes les influences
salutaires, de tous les intérêts légitimes.


a L'enseignement perdait de son autorité et de sa puis-
sance à sa solitude. Ce n'est pas trop que la cité, la
sciprtee, la science non classée et ordonnée, la littérature
libre el illustre, l'expérience des affaires, la religion en-
fin, interviennent et aient: un avis sur la manière de
former la jeunesse, de diriger les esprits, de déployer
les forces du génie national.


« rS'ul homme, nul corps-, ne sait tout sur toutes ces
Htoses, qui sont la plus grande affaire et le plus citer
intérêt de tout le, monde. »


De ces aveux h o n o r a b l e s , de ces p r i n c i p e s i m p o r t a n t s ,


M. de Sa lvandy t i re - t - i l t ou tes les c o n s é q u e n c e s p r a -




,",92 D U N O U V E A U P R O J E T D E L O I


t i q u e s q u i en décou len t n a t u r e l l e m e n t et q u e nous
a v o n s dro i t d ' a t t end re ? Je n e t a r d e r a i p a s à d i re tous
les r eg re t s qu ' i l n o u s la i sse à cet é g a r d , m a i s l ' im-
par t ia l i t é d e m a n d e e n c o r e q u e n o u s d is ions d ' a b o r d
les j u s t e s conc lu s ions qu ' i l en a dédu i t e s , les a p p ' i c a -
t i ons é q u i t a b l e s qu ' i l en a faites sur ce r ta ins po in t s .


1 ° Il s u p p r i m e le comité et le certificat de moralité.
Les r a i s o n s qu' i l d o n n e de cet te s u p p r e s s i o n suffisent


p o u r en d é m o n t r e r l ' impé r i euse nécess i t é et p o u r e m -
p ê c h e r à l ' aven i r q u ' o n songe j a m a i s à r é t ab l i r le certi-
ficat de moralité proposé jusqu'ici.


<i II ne satisfait aucun intérêt...
v. Essayé dans l'instruction primaire, Un'y a pas réussi,


il crée une véritable servitude à l'égard des autorités,
qui peuvent arbitrairement V accorder ou le refuser, sans
que la société ou les personnes aient contre elle aucun
recours; et il ne donne pas à l'Etat une garantie réelle ;
car quelques signatures sont également faciles à obtenir
et à refuser.


« C'est, en réalité, Vautorisation, transférée du Con-
seil royal et de son chef responsable éi deux ou trois
hommes. »


Il n ' y a r i en à r é p o n d r e à de telles r a i s o n s .
2° M. de Sa lvandy s u p p r i m e le jury, l'examen et le


certificat de capacité.
« Sur quoi, dit-il, porteraient les certificats de capacité?


Ou bien sur les connaissances scientifiques et classiques
qu'on exige des instituteurs de la jeunesse : les épreuves
du baccalauréat, de la licence, du doctorat, si l'on veut
monter jusque-là, sont la garantie la plus pertinente et
la plus sure des études faites et de l'instruction acquise;




S U U I . A 1,111 Kit T É ì>' E N S E I G X I:'. M E .NT ( 1 8 1 7 ) . m


ou bien, ih ¡¡orleru'u'til sur 1rs connaissances spéciales,
sur la pedagogie, enfin, pour appeler celte science par
son nom. Or, Messieurs, il g aurait quelque chose
d'étrange à ce que l'Etat imposât aux maîtres parti-
entiers une étude que 1'Universilè ne s'impose pas à elle-
même.


« La première chaire de pédagogie Q U I A I T E X I S T É
E N F R A N C E D E P U I S I.A C U L T E D E S M É T H O D E S T K A D I I T O V


NELT.ES D E I . ' E N S E I G N E M E N T ET' D E I . ' É D Ü C A T I O N , CSt 0


¡¡riñe debout; bien du temps se passera avant que le
corps de l'Université profite des fruits qu'elle doit pro-
duire ; E L L E C O N S T A T E U N G R A N D V I D E P L U T Ô T Q U ' E L L E
NE L E « E M P L I T . Dans cet état de choses, on ne pourrait
donner avec sincéritcau certificat de. capacite cette portée,
ni presque cette direction. Aussi faut-il dire qu'il eu
aurait une autre : il continuerait aux mains des auto-
rités auxquelles on en confierait le dépôt une sorte de
pouvoir indéterminé qui partici fierait du caractère de
l'autorisation préalable, sans en offrir les garanties et
sans en avoir la franchise. »


Ces g raves r a i s o n s f r a p p e r o n t tous les e sp r i t s s i n -
cè res .


i»° M. de Sa lvandy s u p p r i m e éga l emen t le stage i m a -
giné p a r M. Tln'ers :


« Faut-il, d e m a n d e 51. de Sa lvandy , constituer le corps
des maîtres particuliers en une hiérarchie graduelle et
progressive, comme l'Université elle-même, et ne rien
laisser à la liberté dans l'organisation de l'enseigne-
ment?


« Nous refusons donc, d'une part, le certificat de ca-
pacité pour que la loi soit sincère ; d'autre part, le
stage pour que la liberté soit réelle. »




D U N O U V E A U PD.O.TET D E L O I


a° M. de Sa lvandy d i spense du certif icat d ' é t u d e s les


c a n d i d a t s qu i on t v ing t -c inq a n s .


Cette d ispos i t ion ava i t été déjà r e v ê t u e des suffrages


u n a n i m e s de la C h a m b r e des p a i r s , et s u r l 'avis formel


de M. Cousin .


« D'ailleurs, d e m a n d e M. de Sa lvandy , qui donnerait le
certificat ? Au-dessus de vingt-cinq ans, l'homme n'a plus
de tuteurs, plus de répondants. Il est chef de famille lui-
même. Lui appliquer les servitudes de l'enfant est
chose qui répugne au bon sens et a lu justice, comme a la
liberté.


5° M. de Sa lvandy r envo ie en pa r t i e aux t r i b u n a u x le


j u g e m e n t , les p o u r s u i t e s et l ' appl ica t ion des p e i n e s q u e


le pro je t de 1844 r é s e r v a i t à l 'Univers i té :


C ' e s t - à -d i r e l'amende, la susjiension, Y interdiction.


M a l h e u r e u s e m e n t le n o u v e a u pro je t r é se rve à l ' I . D i -
vers i t é l ' appl ica t ion des pe ines d i sc ip l ina i res , p a r m i


l e sque l l e s se r e n c o n t r e l'admonition A V E C ruBiacrrr.
Je n ' h é s i t e p a s à le d i r e , q u a n d il s 'agit d ' u n e m a i s o n


d ' é d u c a t i o n , Y admonition A \ E C ; ruitt.ir.iTK, faite p a r le
Conseil a c a d é m i q u e , où se r e n c o n t r e n t , i n d é p e n d a m -


m e n t du r e c t e u r et des i n s p e c t e u r s , i n d é p e n d a m m e n t


de h u i t a u t r e s m e m b r e s de l 'Univers i té , un préfet , un


m a i r e , un p r e m i e r p r é s iden t de c o u r roya l e , un p r o -


c u r e u r g é n é r a l , et un é v ê q u e ou a r c h e v ê q u e , C E T T E


A D M O N I T I O N AVEC, puiu . iciTÉ é q u i v a u t à Yomeude, à la
vusjH'nsion, à l'interdiction ; elle e n t r a î n e la r u i n e i n é -
v i tab le do r é t a b l i s s e m e n t .


Ce q u e j ' a f f i rme ici ne peu t ê t re nié p a r q u i c o n q u e


s 'est o c c u p é d ' éduca t ion et a vu de p r è s j u s q u ' o ù va • n


ce g e n r e la j u s t e suscept ib i l i té , la dé l ica tesse et la m o -


bil i té do la confiance p u b l i q u e et des familles.




S.U.R l.A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T [mi). 39;.


6° L'ar t ic le 13, je su i s h e u r e u x de le d i r e , es t un a r -


ticle p a r f a i t e m e n t l ibéra l :


Art. 13. Les chefs d 'é tabl issement , dûmen t autorisés an -
i é r io i i r emen là l a présente loi, les maî t res , les survei l lants ,
les répét i teurs , exerçant effectivement à l 'époque de sa
promulgat ion , seront considérés comme ayant satisfait à
s e s prescr ipt ions . La déclarat ion de chacun d'eux sera
adressée aux r enoues , dans les hui t jou r s de ladite p r o -
mulgation, cl l ' ac te qui leur en sera donné dans le délai de
deux m o i s leur servira de litre pour exercer l ibrement à
l 'avenir dans leur situation actuel le , ou dams toute au t re ,
pour laquelle les condit ions, lixées par la présente, loi, ne
seront pas plus élevées.


« Ces d ispos i t ions t r a n s i t o i r e s , dit Ah dm Sa lvandy ,


'• c réen t des g a r a n t i e s et d o n n e n t des facil i tés, p o u r


« l ' exécut ion île tou tes les pa r t i e s de la loi , à tou tes les


<( s i tua t ions faites. Le r é g i m e de la l iber té ne doit p a s


« avoi r p o u r effet d ' e m p ê c h e r ce q u e le r é g i m e a c t u e l -


« l e m e n t exis tant a \ a i t p e r m i s ; elle ne peu t c r ée r des


« e n t r a v e s qui n ' ex i s t a i en t pas ; elle ne consen t pas à


« t roub le r peu l -ê t r e on à b r i se r des ex i s t ences qu i sern-


« blaienl affermies d e p u i s l o n g t e m p s . Quiconque, rempli!
« aujourd'hui une fonction ullcinlc à un degré, quel-
« conque jnir un dms lilres du projet actuel, es! censé,
« aux yeux de la loi, remplir les conditions qu'elle im-
'.( rose, et pourra , en conséquence, continuer à remplir
Ï; son ministère. Les maîtres, surveillants ci répétiteurs
« jouiront sans exception de ce privilège : ils feront une
« deelaration dont acte leur sera donné, et qui les assi-
<: milera pouriu.it l'avenir « ceux qui remplissent les
« conditions voulues.




3it0 OU N O U V E A U I T . O J K T I)E LOI


(s Aucune dixjmilion plus libérale w jioucait être of-
ferte èi voire bienveillance et a voire justice. »


Tout cela est v ra i , s a n s con t r ed i t : r ien ne fut j a m a i s
p lus p a r f a i t e m e n t l ibé ra l et en m ê m e t e m p s p lus hab i l e ,


La l ibéra l i té en se ra i t peu t -ê t re p lus mér i t o i r e e n -
c o r e , si ce n ' é t a i t p a s en m ê m e t e m p s une profonde
hab i l e t é .


En m é n a g e a n t a ins i tous les in té rê t s pe r sonne l s et
m a t é r i e l s , p r é s e n t s et v ivan t s , il. de Sa lvandy é p a r g n e
à son pro je t de loi les a d v e r s a i r e s les p lus r e d o u t a b l e s
qu ' i l pouva i t r e n c o n t r e r .


7° M. de Salvandy é tab l i t (ar t . fi) : que pour prendre la
direction d'un établissement qui sera déjà existant, à l'é-
poque du changement de direction, il suffira du grade de
bachelier ès lettres, sous la condition d'an préfet des
éludes licencié es lettres.


c II nous pa ra î t j u s t e , dit-il , de faire u n e différence,
« à tou tes les é p o q u e s , e n t r e le chef d 'un é t ab l i s s emen t
a n o u v e a u et celui d 'un é t a b l i s s e m e n t p r éex i s t an t . . .


« En c r é a n t des obs tac les au choix d 'un n o u v e a u d i -
« r e c t e u r , on ne ferait q u e s ' expose r à ce (pie l ' a c c o m -
« p l i s s e m e n t des cond i t i ons de g r a d e s fût payé pa r le
« sacrifice d ' avan t ages d 'un a u t r e o r d r e , p lus p réc i eux
« et p lus i m p o r t a n t s e n c o r e . »


On ne p e u t q u ' a p p l a u d i r a la sagesse de ces p e n s é e s ,
et à la d r o i t u r e de ces i n t e n t i o n s .


8" Q u a n t aux pe t i t s s é m i n a i r e s , M. de Sa lvandy est
m o i n s l i b é r a l , m o i n s g é n é r e u x q u e M. Vi l l emain , qu i
a d m e t t a i t aux e x a m e n s d u b a c c a l a u r é a t , sans a u c u n e
cond i t ion de g r a d e , les é lèves des peti ts s é m i n a i r e s , d a m
une proportion qui n'excéderait pas la moitié de ceux




S I T , I.A I . I I S E U T E D ' K . N S K I G N E M E . N T , i R i " ]. :J97


'l'ù sortiraient chaque année de ces écoles, après y avoir
achevé leurs éludes.


V.. île Sa lvandy n ' a c c o r d e pas cela ; ma i s p lus é q u i -
table , p lus h o m m e po l i t ique q u e M. T h i e r s , il a d m e t a
.''exercice du droit constitutionnel de se présenter aux
épreuves du baccalauréat, les jeunes gens que le père de
famille a fait élever dans les écoles ecclésiastiques recon-
nues par l'Etal.


M. de Sa lvandy dit avec r a i son : L'Etat a une garantie
certaine, celle du nombre ' . Kl il ajoute a \ e c p lus de
ra ison e n c o r e : L'intérêt du recrutement du sacerdoce est
la plus efficace des garanties ; c 'es t ce q u e le b o n sens
vulgai re fait c o m p r e n d r e à tou t h o m m e de bonne, foi.


» Q u a n d l 'Étal , dit enfin M. de Sa lvandy , a p r i s tou tes
c scs p r écau t i ons p o u r q u e le n o m b r e v o u l u ne put
a ê t re e x c é d é : q u a n d , p a r c o n s é q u e n t , il y a p r é s o m p -
: bon que tous les é lèves a d m i s l 'ont été d a n s les vues
< p o u r lesquel les les écoles s e c o n d a i r e s on t é té é i a -


a b b e s , de conce r t avec l 'Étal et p a r l 'État l u i - m ê m e ,
n o u s ne c o m p r e n d r i o n s p lus c o m m e n t on d i ra i t a u


- p è r e qu i a placé là ses enfan ts , q u e , s'ils n ' o n t p a s
« t r ouvé la v o c a t i o n , ou si on ne la l eu r a pas e o n s o r -
a vée, ils s e r o n t exclus de l ' exerc ice d 'un dro i t qu i a p -
•.: pa r t i en t r é g u l i è r e m e n t à tous les F r a n ç a i s ; ce se ra i t
a pun i r le fils d u choix et des d i rec t ions du pè re ; et de
« deux choses l 'une : ou on c o n t r a i n d r a i t la vocat ion
•i pa r celle v io lence faite aux e sp r i t s , p a r cel te a n n u l a -


' .te m e permettrai de faire observer que la l imitat ion de ce, n o m b r e ,
M \ é à ï o eau en J 8 J 8 , en rgard à la populat ion de la F r a n c e , qui était
alors de 30 nui) nila d'habitants , devient aujourd'hui une injustice m a -
nifcslc , puisqu'il \ a en 1 8 $ ; , d'api es M. de Sa lvandy , en France ,
0 Ijii!) 000 d'habitants de plus.




3'JS DU . N O U V E A U I' l íHJ Í-.T D E t . 0 1


« t ion des é l u d e s a c c o m p l i e s , el cien ne se ra i t p lus
« c o n t r a i r e à la pensée des lég is la teurs f rança is ; ou ,
« ce qui est p lus v r a i s e m b l a b l e , on d é t o u r n e r a i t des
« écoles s e c o n d a i r e s , et p a r c o n s é q u e n t du s a c e r d o c e ,
« p a r l ' i nqu ié tude d 'un semblable, r é s u l t a t , un g r a n d
« n o m b r e de fami l les , et p a r là on p o r t e r a i t le coup le
« p lus sens ib le a u x i n t é r ê t s légi t imes de l 'Église. »


0° M. de Sa lvandy c rée un grand Conseil de l'inslrur-
tion publiiiae, qu i se c o m p o s e r a du Conseil roya l de
l 'Univers i té et de douze conse i l le rs l ib res n o m m é s p a r
le roi .


Les conse i l le rs l ib res seront, donc douze con t re t ren te .
il y a d a n s cet te d ispos i t ion l ' avo r t emon t mani fes te


d ' u n e penser ' g éné reuse , On a u r a vou lu d a n s le p r i n -
cipe m e u r e en face des conse i l l e r s t i tu la i res de l ' I ' n i -
vc r s i l é , un n o m b r e égal de conse i l le rs i n d é p e n d a n t s
chois i s d a n s les pos i t ions les p lus ( 'levées, et l'on a r e -
culé d e v a n t ces g a r a n t i e s t rop larges d o n n é e s à l ' en -
s e i g n e m e n t l ibre : et l 'on n e s emble conse rve r les é m i -
n e u t s p e r s o n n a g e s des t inés à ven i r s iéger d a n s le
Conseil un ive r s i t a i r e , (pie p o u r les a n n u l e r c l les n o y e r
en q u e l q u e so r t e au mi l i eu d ' une ma jo r i t é tou te fo rmée
con Ire e u x à l ' avance , et p o u r les y c o n d a m n e r au rôle
ind igne d 'eux d ' une pe rpé tue l l e et impu i s san te minor i t é .


! 0" .11. de Sa lvandy s u p p r i m e la déc la ra t ion re i ig ieuse .
Mais l ' in te rd ic t ion subs i s t e , avec la g a r a n t i e des p o u r -


sui tes faites devant le t r i buna l de p r e m i è r e i n s t ance .
J ' a v o u e q u e je ne c o m p r e n d s en a u c u n e m a n i è r e ce


q u e le t r i buna l de p r e m i è r e i n s t a n c e peu t ici avoir è
faire avec des I n m u n e s qui son t ce qu'i l leur plaît d a n s
l e u r â m e et consc ience , et a u x q u e l s on n ' a aucun droi t
d ' a d r e s s e r un i n t e r r o g a t o i r e q u e l c o n q u e s u r ce q u e




Sl'U LA L I D E K T E D ' E N S E I G N E M E N T ; i 8 i 7 0 380


p e u t ê t re le fond de l e u r p e n s é e et de leur r i e i n t ime
devan t Dieu.


C'est une ques t ion q u e je crois avoi r déjà t ra i tée suf-
f i samment d a n s un a u t r e écr i t : je n'y r ev i ens p a s en ce
m o m e n t , s inon p o u r faire o b s e r v e r q u e ce qu ' i l y avai t
d ' i m m o r a l et d ' od i eux d a n s un s e r m e n t exigé a d i s p a r u
de la loi.


tf" .VI. de Sa lvandy n 'exige p a s , c o m m e M. T h i e r s , le
doub le b a c c a l a u r é a t ès le t t res et ès sc iences p o u r les
s imples ma î t r e s de p e n s i o n , c ' e s t - à - d i r e p o u r les m a î -
t res qu i n 'é lèvent les enfants q u e j u s q u ' à la q u a t r i è m e .


li est vra i q u e l ' injustice de ce t t e ex igence allai t j u s -
q u ' a u r id icule . M. de Sa lvandy n'y pouva i t consen t i r .


12" Eniin, Àl. de Sa lvandy exige, comme, VI. T h i e r s , la
licence ès sc iences p o u r l ' e n s e i g n e m e n t des m a t h é m a -
t iques s u p é r i e u r e s ; m a i s elle n e se ra pas nécessa i r e
p o u r avoir te d ro i t do p r é p a r e r et de p r é s e n t e r les é lèves
aux ép reuves du b a c c a l a u r é a t .


S e u l e m e n t , si on veut é t u d i e r les m a t h é m a t i q u e s s u -
p é r i e u r e s , il faut c h a n g e r de m a i s o n et a c h e v e r son édu-
calion" a i l leurs .


Ic i , s ' a r rê ten t les l i bé rab l e s du n o u v e a u pro je t do
lui : c'est tout ce q u e l ' e x a m e n ht plus a l l e n l i i ' e l l a p lus
s incère impar t ia l i t é ont pu m ' e n faire d é c o u v r i r .


.le dois dire, q u e ht ra ison et la c o n s c i e n c e p u b l i q u e
t u a i e n t p re sque déc idé loul cela d e p u i s l o n g t e m p s :
M. de S a l v a n d y , en l ' i n t r o d u i s a n t d a n s sa loi, a obéi à
ces g r a n d e s pu i s sances eu m é m o t emps q u ' a u x g r a n d s
p r inc ipes p r o c l a m é s si fo r t ement pa r lui d a n s son exposé
des motifs .


Tout cela est- i l un p rog rès vé r i t ab le ?




I H N O I V K A l í> il O J E T D E i . o í
La r a i son et la consc i ence p u b l i q u e , les g r a n d s , les


vra is p r inc ipes demanda ien t - i l s d a v a n t a g e ?


C'est à quo i r é p o n d r a c l a i r emen l , j e l ' e spè re , la s e -
c o n d e pa r t i e de m o n t ravai l .


SECONDE PARTIE.


Je m e p r o p o s e d 'é tab l i r ici c inq po in t s i m p o r t a n t s q u e
j ' i n d i q u e i m m é d i a t e m e n t :


•r Le nouveau projet de loi est inrnmparnblemeul
moins libéral que le projet de M. Gui-ut, volé pur lu
('.fiambre des députés, en ! 837.


2" Le nouveau projet de toi anéantit toutes les libertes
d'enseignement dont on jouissait sous le régime du mo-
nopole.


3" Le nouveau projet de loi conserve les restrictions et
les entraves les plus exorbitantes de l'ancien monopole.


b" Le nouveau projet de loi prépare l'anéantissement
dés institutions de plein exercice actuellement aislantes,
et rend, pour l'avenir, l'existence de tous les établisse-
ments libres absolument impossible.


ó" Enfin, le nouveau projet de loi blesse au c>rur le
principe même de la Liberté d'enseignement en instituant
l'Université juge et arbitre de ses conçurrents.


Je vais r e p r e n d r e s u c c e s s i v e m e n t c h a c u n e de ees p r o -


pos i t ions : ce sont des l a i t s ; il m e suffit de les c o n s -


ta ter .




S U R LA L 1 B K K T É D ' E N S E I G N E M E N T { m i 401
I.


Le nouveau ¡troje! de loi est incomparablement moins
libéral que le. projet de M. Guizot, voté par la Chambre
des dépidés, eu 1837.


Je dois r e p r o d u i r e ici des obse rvn l ions i m p o r t a n t e s
q u e j ' a i déjà eu occas ion de faire : c 'est à quoi je se ra i
obligé quelquefois e n c o r e , d a n s la su i te de cet écr i t :
on me le p a r d o n n e r a .


La loi de M. Guizot ne d e m a n d a i t :
1" Ni l 'exclusion des a s s o c i a t i o n s re l ig ieuses ,
2° Ni le certificat, d ' é t u d e s ,
3° Ni les g r a d e s p o u r les p ro fes seu r s ,
lr Ni les g r a d e s p o u r les su rve i l l an t s et m a î t r e s


d ' é tudes ;
5" La C h a m b r e déc ida q u ' o n n ' ex igera i t p a s m ê m e


u n seul l icencié pa r é t ab l i s semen t .
6° Elle abol i t la d is t inct ion é tabl ie e n t r e les chefs d ins -


t i tu t ion et les ma î t r e s de pens ion .
Au sujet des associations religieuses, AI. Saint-Marc


Cirai din, M. Dubois (de la Lo i re - In fé r i eu re ) , p e n s a i e n t ,
c o m m e M. Guizot, q u ' u n e loi de l iber té ne devai t c r é e r
ni privilège, ni incapacité :


« Nous ne considérons que les individus, d isa ient- i ls :
nous n'avons point affaire aux associations ; nous ne
recherchons ni les consciences, ni les opinions: nous dé-
clarons un droit. »


Et ils pa r l a i en t ainsi en conformi té d 'op in ion avec
MM. île i i émusa l , De lbcoque , Vitet, Ami lhau , et a u t r e s
m e m b r e s de la Commiss ion .


i . 2C




i l s ; D i ' X O r V h ' A C !>U0 . t v, T »r. LOI


Q u a n t à l ' exigence des urtali'* peur les professeurs,
M. Ami ihau a p p u y a i t an ces t e n u e s Je p ro je t de i l . Gui-
zot :


La Commission a pensé qu 'on devait rechercher d ' an t res
garan t ies . Elle a t rouvé, dans l ' intérêt des chefs d 'é tabl is-
sements , u n e garan t ie mei l leure . Peut-il entrer dans l'es-
prit d'aucun de nous i/u'uu chef d'élaldissement veuille
prendre pour enseigner le latin gitelt/u'uu gui ne le strerà
pas'/ L ' intérêt du chef d 'é tabl issement est, la mei l leure , la
plus sûre des garant ies que vous puissiez désirer .


Q u a n t aux grades pour les surveillants et maîtres
d'étude, ce t te i n c r o y a b l e ex igence n'était venue dans la
p e n s é e de p e r s o n n e , ni du m i n i s t r e , ni de la C o m m i s -
s ion , ni de la C h a m b r e ; et si q u o i q u ' u n eû t osé en faire
la p ropos i t i on , elle eût été accueil l ie p a r u n e r é p r o b a -
tion un iverse l l e .


Du r e s t e , 31. Guizot, en p r é s e n t a n t u n e telle loi, avai t
p o s é la ques t ion d a n s ses vé r i l ab les t e rmes cl s 'é tai t
p r o p o s é sér ieusement , de la r é s o u d r e :


Le pr incipe de la. l iber té , avait-il dit, appliqué à l'en-
se ignement , est une des conséquences promises pai' la
Charte . Nous voulons, dans leur pléni tude et. l eur s incé-
rité, les conséquences ra isonnables de notre révolution.


Tous pour ra ien t - i l s en d i re a u t a n t a u j o u r d ' h u i ?
Toutefo is , en p r é s e n t a n t une loi l i b é r a l e , s incè re ,


déjà digne des p r o m e s s e s de la Girarle, M. Guizot sen-
tai t , d a n s sa consc i ence , q u e s'il faisait tout ce qui était
poss ib le a lo r s , il n e faisait, pas c e p e n d a n t tout ce qui
étai t dés i r ab le , tout ce qu ' i l y avai t à fa i re . Il ajoutait,
avec a u t a n t de l ionne foi que de sagesse :




S m LA I J R E R T É D ' E N S E I G N E M K X T , 1 8 1 7 ; . 403


Le temps nous révélera, sans dovile, d ' au t res quest ions
ii résoudre, d 'autres réformes à opérer : elles p rendron t
place ii leur tour.


C'était p r o b a b l e m e n t p o u r n ' a v o i r pas accep té ces
d e r n i è r e s pa ro le s de M. Cuizot , et compr i s c o m m e lui
que. le t e m p s d o n n e r a i t à la l iber té d ' ins t ruc t ion tous
ses d é v e l o p p e m e n t s légi t imes et la me t t r a i t en h a r m o -
nie avec toutes nos a n t r e s l ibe r t é s , q u e , ma lg ré loul ce
que celte loi r en fe rmai t de bon et de j u s t e , un g r a n d
n o m b r e d ' h o n o r a b l e s d é p u t é s s 'en m o n t r è r e n t p e u s a -
tisfaits.


Les chefs de l ' oppos i t ion p a r l è r e n t avec force c o n t r e
le projet du m i n i s t r e , et q u e l q u e s - u n s des c o n s e r v a -
teurs e u x - m ê m e s ne lui é p a r g n è r e n t p a s un s évè re lan-


.M. de ï r a e y , i n c o r r u p t i b l e dé fenseu r de la L ibe r t é
d ' ense ignemen t , on le sa i t , déc la ra :


Que le sujet n 'avait pas même été ind iqué dans la loi.


Il t rouva :


Que le projet était mesquin et portait l ' empreinte d 'un
cachet spécial et étroit . . . . que les disposit ions relatives à
la Liberté d ' ense ignement étaient on g rande part ie dest ruc-
tives de cette l iberté.


Que c'était loul s implement l 'état actuel, c 'est-à-dire le
monopole qu'on proposait de conserver .


Il a joutai t enfin :


Je vois avec découragement accumuler un système inouï
de précaut ions, de pénal i tés , de restr ict ions et de préven-
tions.


èî. Merlin ( de l 'Aveyron ) , en r e n d a n t h o m m a g e




D U N O U V E A U P R O J E T D E L O I


aux dispositions générales du projet de loi, déclarait :


Que le nouveau p lan proposé à la Chambre était bien
loin de répondre aux progrès du siècle, de remplir les
promesses de la Char te , de satisfaire au vœu général do
la F rance .


I\L de Sade, dans un discours qui fut interrompu plu-
sieurs fois par les applaudissements unanimes de la
Chambre, prononça ces remarquables paroles :


La Liberté d 'ense ignement avait été heureusement st i-
pulée dans les articles que nous ajoutâmes à la Charte,
sous l ' influence des événements de Juillet : car au train
dont vont au jourd 'hu i les choses, si nous ne l 'avions pas
obtenue alors , nous pourrions en désespérer en ce moment.


En achevant ce discours, M. de Sade déclara toute-
fois qu'il voterait pour le projet de loi, parce qu'il pro-
mettait au moins la Liberté de l'enseignement.


L'honorable orateur avait compris et accepté la sa-
gesse et la bonne foi des dernières paroles de M. Guizot.


M. Salverte se montra bien plus sévère à l'égard du
projet :


En examinant avec attention le projet de loi, vous voyez
qu'i l tend surtout, après avoir proclamé le principe de la
Liberté d'enseignement, h en restreindre singulièrement
l 'application, et à serrer plus fortement les noeuds qui
lient à l'Université tous les hommes qui veulent se livrer à
l'enseignement.


Il a joutai t :


Dans le projet de loi qui vous est soutins, la Liberté de
renseignement est p roc lamée ; mais , observez-le : tons les
articles de ce projet, ainsi que je l'ai dit, tendent à sou-




S U R L A LI [ i l - ;RTE D ' E N S E I G N E M E N T (I8S7J. m


mettre cotte liberté à la volonté, à l 'opinion de l 'Uni-
versi té.


M. Saint-Marc G i r a r d i n d isa i t :


11 est des esprits qui s ' inquiètent quand ils voient qu 'on
veut marche r sans l is ières. Quant à nous , nous n 'avons pas
eu peur : nous avons voulu que la Liberté d 'ense ignement
eût cte l ' aven i r : aurait-elle de l 'avenir si elle était restée
empr i sonnée? N'oit! nous avons voulu qu'el le fût libre.


H y avai t bien u n e sor te de b r u s q u e na ïve té dans cet te
de rn i è r e express ion : on s 'en é t o n n a a lo rs . Mais on la
c o m p r e n d m i e u x a u j o u r d ' h u i , où m a n i f e s t e m e n t t an t
de gens ne veu len t p lus q u e la liberté soit libre.


M. Sa in t -Marc Gi ra rd in disai t e n c o r e en c o m b a t í a n t
un a m e n d e m e n t p r é s e n t é p a r M. L a u r e n c e :


Je vous exhorte, Messieurs, à ne pas adop te r ce ma l -
heureux a t i iendr i i ien l ;malheureux parce qu' i l détruit l'éco-
nomie de la loi, son pr incipe , et. qu 'en vérité, en faillie
Liberté d'enseignement, il n'en existe plus.


Ou je m e t r o m p e , ou il étai t imposs ib l e de s ' exp r imer
en des ternies p lus p réc i s et p lus forts. Q u a n d on é tud i e
a t t en t ivemen t la d iscuss ion de 1887, on est t o u c h é d u
/ô lc u n a n i m e de r a s s e m b l é e p o u r d o n n e r à la F r a n c e
une loi s incè re , et a u v œ u de la Cha r t e un loyal a c c o m -
p l i s s e m e n t : oit en s o m m e s - n o u s a u j o u r d ' h u i ?


11 n'y avai t a lors q u ' u n e c ra in t e , celle de m a n q u e r de
f r anch i se , Celle de ne p a s faire assez p o u r la l ibe r té ,
et de p a r a î t r e favor iser u n m o n o p o l e q u e l ' h o n n e u r et
la vér i té ne p e r m e t t a i e n t p lus de dé fendre .


Je p o u r r a i s e n c o r e n o m m e r MM. Draul t , Arago, C h a -
r amau le , Delespaul , Dubois , Dufau re , Delesser t , Odilon




<iOfi D U N O U V E A U P R O J E T D E E O I


Bsr ro l , dOTOnn n n dos a d v e r s a i r e s les p ins déc la rés de
la l iber té r e l i g i euse , qui Ions c o m b a t t i r e n t a lors plus
on mo ins en faveur de la Liber té d ' e n s e i g n e m e n t .


Sur tous les b a n c s de la C h a m b r e , à q u e l q u e op in ion
q u e l 'on a p p a r t î n t d ' a i l l eu r s , on n ' a d r e s s a i t à la loi en
d i scuss ion q u ' u n seul r e p r o c h e , celui de ne p a s faire
p o u r la l iber té tout ce qu ' e l l e r é c l a m a i t , et celte loi fai-
sa i t p o u r elle cen t l'ois p lus q u e le proje t de 18à7.


Car ce n o u v e a u pro je t d e m a n d e :
1° L 'exc lus ion des a s soc i a t i ons re l ig ieuses ;
2" Le certificat d ' é l u d é s et p o u r d e u x a n n é e s ;
3" Les g r a d e s les p lus é l evés , les plus difficiles, Jes


p l u s n o m b r e u x ;


4" Les g r a d e s de b a c h e l i e r s p o u r t ous les su rve i l l an t s ,
m a î t r e s d ' é t u d e el m ê m e p o u r les r é p é t i t e u r s ;


5" Tro is ou q u a t r e l icenciés a u m o i n s pa r établis-
s e m e n t ;


6" 11 ré tab l i t la dis t inct ion abolie en t r e les ma î t r e s de
pens ion e l l e s chefs d ' ins t i tu t ion .


J e me b o r n e a s igna ler ces ex igences pr inc ipa les .
Je le d e m a n d e : De b o n n e foi, es t -ce là un p rogrès


v e r s la l iber té ?
S 'est- i l pas manifes te q u e ce q u e l 'un des deux projets


lui d o n n a i t , 1 .mire le lui refuse? qu ' i l y a ici cu i re les
deux proje ts des oppos i t i ons i n c r o y a b l e s ?


Q u o i ! p a s u n seul l icencié en 1837, e l a u j o u r d ' h u i
t ro i s ou q u a t r e !


P a s un b a c h e l i e r , el a u j o u r d ' h u i qu inze o u vingt p a r
é t a b l i s s e m e n t ! — Et tout le r e s t e !


Mais ce son t des c h a n g e m e n t s p r o d i g i e u x !
Qu 'en p o u v o n s - n o u s d i re , s inon ce q u e disai t déjà,


en W\'\, avec é t o n n e m e n l et t r i s tesse , u n anc ien mi -




S i lì L A LI I I E U T G D' E N S E I G N E ML"NT (m: 40


Distro do l ' instruct ion p u b l i q u e , un h o m m e s incère ,
M. Folet de la Lozère :


L'es! vraiment une chose frappante que la gradat ion des
mesures restrictives de la liberté à l 'égard des é tabl is-
sements d 'enseignement d 'une époque à l 'autre, dans le
point qui nous occupe.


Véri tablement , Messieurs, c'est trop, et y> crois que quand
on fuit une loi de liberté, il faut au moins qu'elle ait un
peu de ce caractère !


Qu'en p o u v o n s - n o u s d i re e n c o r e ? Rien, s inon ce q u e
disait déjà ÀI. de Sade en 1837:


La Liberté d 'enseignement avait été heureusement st i-
pulée dans la Charte : car au train dont vont aujourd 'hui
les c h o s e s , si nous ne l 'avions pas obtenue alors, nous
peu/•rions toi tléscspérer en ce moment.


Ainsi, trois fois, à t rois é p o q u e s d ive r ses , la g r a n d e
ques t ion de la Libel lé d ' e n s e i g n e m e n t a été s o u m i s e à la
d iscuss ion des pouvo i r s législatifs ; e t , pa r une fatalité
v r a i m e n t é t r a n g e , les projets ie loi s u c c e s s i v e m e n t p r é -
sen tés sont devenus d ' a u l a n t moins favorables à la l i -
b e l l é qu ' i ls d e \ a i e n t fonder, qu ' on s 'éloignait davan -
tage de 1830, c o m m e si le t e m p s pouva i t d i m i n u e r le
po ids d'un s e r m e n t j u r é à la face de la F r a n c e , ci Ja
ver tu d 'une p r o m e s s e s o l e n n e l l e m e n t inscr i te au pacte
f o n d a m e n t a l d ' une g r a n d e na t ion !


Dira- t -on q u e la nouvel le loi est u n e loi de l i b e r l é ?
l i a i s celle de IL Cuizol était a lors u n e loi de l icence et
d ' a n a r c h i e !


M. Cuizol , 1!. Saint-Marc C h a r d i n , IL Dubois , IL de
I i énmsa t , la Commiss ion n o m m é e par la C h a m b r e des
dépu t é s , la C h a m b r e e l l e - m ê m e n ' ava ien t donc pas la




408 D U N O U V E A U l ' U O J E T D E L O I


m o i n d r e idée , ni de ce qu ' i l s on t fait, ni do ce qu ' i l y
avait à f a i r e ; p a s l e m o i n d r e souci du n iveau des é tudes . . .
p a s la plus m é d i o c r e in te l l igence des b e s o i n s et des con-
di t ions de l ' e n s e i g n e m e n t !


Qui le d i r a ? qui le p e n s e r a ?


Dira- t -on q u ' e n 1837 le m i n i s i r e , qui offrait une telle
loi et la C h a m b r e qu i la c o n s a c r a i t p a r son vote so len-
ne l , c é d a i e n t à des p e n c h a n t s ou à des exigences r é v o -
l u t i o n n a i r e s ?


P e r s o n n e n ' o s e r a i t s é r i e u s e m e n t le sou len i r . b ien de
tout cela n ' a de s e u s 1 tout cela est in inte l l ig ible , inex-
pl icable !


Ne faut-il pas d i r e , au c o n t r a i r e , q u e cette, l iberie
d o n t on a, en 1830 et en 1837, p r o c l a m é les droi ts , ' a u -
j o u r d ' h u i on l ' o p p r i m e , on l'étouffé ; ce n'est pas assez :
de p e u r qu ' e l l e n e t r o m p e les p r é c a u t i o n s piases con t re
elle et qu 'e l l e ne p a r v i e n n e à voir le j o u r , on l ' en toure
d ' u n e telle s u r a b o n d a n c e , d 'un tel luxe de soins j a loux
et d ' e n t r a v e s , q u ' o n ne la la isse ni r e sp i r e r , ni m a r c h e r ,
ni vivre .


Cer tes , on sera i t fondé à l 'affirmer, si cette loi n 'é ta i t
p r é s e n t é e p a r un h o m m e s incè re .


Nous ne d i rons q u ' u n e c h o s e , c 'est que le projet de
VI. Cuizot est le seul proje t v r a i m e n t l i bé r a l , v r a i m e n t
p u b l i q u e , v r a i m e n t digne de la Cha r t e , \ ra iment conc i -
l ia teur de tous les d ro i t s , le seul v r a i m e n t capab le d ' ac -
compl i r pa rmi n o u s le g r a n d et dés i r ab le ouvrage de la
pacif icat ion re l ig ieuse !


P o u r q u o i n 'y est-on p a s r e v e n u ? pourquoi s e m b f -
t -on avoi r pr is en tout le cont re-p ied de c e projet dont
l ' e spr i t é ta i t si sage , don t l ' inf luence e û t été si sa lu ta i re ?


Ce n 'es t pas tout.




SUK I.A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T [mi). ¡00


11


Le nouveau projet de loi anéantit toutes les libertés d'en-
seignement dont on jouissait de fait sous le régime du
monopole.


Ces l iber tés é t a i en t r a r e s ; m a i s enfin :


I. Sous le régime du monopole, on était libre d a n s les
ins t i tu t ions de plein exe rc i ce , d a n s les s imp les in s t i t u -
t ions et p e n s i o n s , d ' avo i r des m a î t r e s , des su rve i l l an t s
et. des r épé t i t eu r s non b a c h e l i e r s .


En recevant la liberté q u e d o n n e le n o u v e a u proje t ,
on cesse d'être libre éi cet égard. En effet, d ' a p r è s les
d ispos i t ions nouve l les qu ' i l i n t r o d u i t , il faut q u e tous
les m a î t r e s , tous les s u r v e i l l a n t s , et m ê m e t o u s les r é -
p é t i t e u r s , d a n s tous les é t a b l i s s e m e n t s p a r t i c u l i e r s d ' i n s -
t ruc t ion s e c o n d a i r e , so ien t d é s o r m a i s p o u r v u s a u m o i n s
d u g r a d e de bache l i e r ès l e t t res . (Art. 10.)


Or, la différence e n t r e ces deux s i tua t ions est i m -
m e n s e .


IL Sous te régime du monopole, on était libre d a n s les
é t ab l i s semen t s de plein e x e r c i c e , m ê m e d a n s ceux où
s ' ense igna ien t les m a t h é m a t i q u e s s u p é r i e u r e s , de n ' a -
voir qu ' un ou deux l icenciés ; le p lus s o u v e n t m ê m e
ils n ' é t a i en t p a s exigés.


En recevant, la liberté q u e d o n n e le n o u v e a u proje t ,
on cesse d'être libre a cet égard.


L'article 10 exige au m o i n s d a n s ces é t a b l i s s e m e n t s
quatre licenciés es lettres ou es sciences, et, de p lu s , b a r -




•no D U N O U V E A U PUo. i : : ï Oh' 1 .01


t iclc 6 veu t q u e le chef de l ' é t ab l i s sement justifie du bac-
calauréat h sciences mathématiques ou physiques.


11 le huit avouée : de tel les e x i g e n c e s , des c n l r a v e s


nouve l l e s si exo rb i t an t e s i m p o s é e s pa r la bd m ê m e qui


se p r o c l a m e la loi de l ibe r té , son l v r a i m e n t b iza r res .


La Gazette de l'Instruction publique s embla i t douée
du don de p rophé t i e et savoi r à l 'a\ anee les d ispos i t ions


de ce pro je t l o r squ ' e l l e d isa i t , le 7 m a r s 18Vi :


Les inst i tut ions qui ont obtenu la faveur de posséder le
plein exercice, n'ont rien à a t tendre de la nouvelle toi.
qui n 'aura d'autre' effet que d 'exiger d'elles à l 'avenir, pour
leurs professeurs et survei l lants , des garanties de capacité
dont elles avaient été exemptées jusqu ' à ce jour .


Celle Gazette a joutai t :


Pour le mai t re de pension, l'effet de la nouvelle loi sera
de le soumet t re à des condit ions plus sévères que les con-
dit ions existantes, sans lui accorder beaucoup plus de la-
t i tude d 'ense ignement , puisque les études qu 'on fera chez
lui ne seront (joint valables pour le baccalauréat .


Les maîtres de pensions verront donc leur liberté se res -
t re indre au lieu de s 'é tendre . . . .


Ces p a r o l e s s e m b l e r a i e n t éc r i t es a u j o u r d ' h u i , et l 'on


se d e m a n d e en les l i sant : m a i s , de b o n n e foi . sont-ce


là les c o n s é q u e n c e s légi t imes d 'une loi de l i b e r t é ?


Et. M. Pelet (de la L o z è r e ) , ancien g r a n d m a î t r e de


l 'Univers i té , ne sera-t-i l pas t en t é de r ed i r e du n o u v e a u


pro je t de loi ce qu ' i l disai t il v a peu d ' a n n é e s :


Je demande qu 'on nè surcharge pas à tel point la légis-
lat ion nouvelle d 'entraves , qu'on fusse regretter lu situa-
tion ancienne. Ceci est, di t-on, une loi de l iber té! il faut




S l ' i i i . A I . l l î K I i T K I)' E N S E I (1 X ]•'. M E N T ( 1 8 1 7 ) . 411
que les lois répondent à l e u r t i t r e , qu'el les soient le dé -
veloppement des inst i tut ions, et n 'en soient pas la con-
tradiction dans tous leurs détai ls .


Sait-on b i e n , en effet, a-t-on r é e l l e m e n t ca lcu lé q u e


les d i r e c t e u r s d ' é t a b l i s s e m e n t s de -plein exe rc i ce , t o u s


les chefs d ' i n s t i t u t i o n s , tous les m a î t r e s de p e n s i o n s ,


t ous les p ro fesseurs et su rve i l l an t s e m p l o y é s à l ' é d u c a -


t ion de la j e u n e s s e d a n s les é t a b l i s s e m e n t s p r i v é s , d o i -


ven t former un total de 10 à 12 000 ind iv idus au m o i n s ?


La p r e s q u e totalité d ' e n t r e e u x , avan t la C h a r t e qui


l eur a p romis la L iber té d ' e n s e i g n e m e n t , é t a ien t affran-


chis de l 'obl igat ion des g r a d e s .


L 'ère de la l i b e r t é , en s ' o u v r a n t p o u r eux sous les


ausp ices de la loi nouve l le , l eu r i m p o s e cel te ob l iga t ion


el les soumet tous à la nécess i té des g r a d e s les p lus


élevés et les p lus n o m b r e u x !


« Cela est vrai , disai t autrefois AL T h i e r s , mais la
liberté n'est jamais acquise a trop haut prix. »


Je ne le con tes te p a s ; niais ce q u e je con t e s t e r a i t a n t


qu'il m e r e s t e r a une lueur de ra i son et un s e n t i m e n t de


jus t i ce , c'est que le nom ibnce en être acquis au prix de
la chose même'. c;ir a lo r s les mots n ' a u r a i e n t p lus de
s e c - , le prix d r la b i e r i é on dev i end ra i t l ' a n é a n t i s s e -


men t , ef i! s e rmie m i r e r . u t là une subt i l i té dé r i so i re qu i


n e laissc-i oit linraili'o on instant la L ibe r t é d ' e n s e i g n e -


m e n t que pour eu a m u s e r les yeux et la s u p p r i m e r e n -


sui te par un vér i table e s c a m o t a g e .


Lu consc i ence , ceci n 'es t d igne de p e r s o n n e .


« La liberté, disait e n c o r e AL T h i e r s , n'a jamais été
imaginée pour dispenser les hommes du mérite. »


Alais m o i n s encore a-l-elle é té Imaginée p o u r les d i s -




D U N O U V E A U I ' H O J I : T D U L O I


p e n s e r d 'ê t re l i b r e s , et l e u r e n l e v e r le peu de l iber té
don t ils j o u i s s a i e n t !


El je n ' a i pas tout dit e n c o r e .


Il T. Sous le régime du monopole, on était libre, d a n s
les é t a b l i s s e m e n t s p r i v é s , de se se rv i r , p o u r l ' i n s t ruc -
t ion c l a s s i q u e , des l ivres é l é m e n t a i r e s , des a u t e u r s et
des éd i t ions q u ' o n c roya i t les me i l l eu r s , les p lus a p p r o -
p r i é s à l ' espr i t des en fan t s , au p r o g r è s de l eu r t ravai l , à
la m a r c h e g é n é r a l e des é t u d e s , aux m é t h o d e s p a r t i c u -
l i è res , a u x a m é l i o r a t i o n s success ives q u e le zè l e , l ' in-
tel l igence , le d é v o û m c n t p o u r r a i e n t e s saye r d ' i n t ro -
d u i r e , en d e h o r s des h a b i t u d e s et des t r ad i t ions
u n i v e r s i t a i r e s .


En recevant, la liberté q u e d o n n e le n o u v e a u proje t ,
on cesse d'être libre à cet égard !


L'art. 1G déc la re q u e les maîtres particuliers ne peu-
vent faire usage que des livres revêtus de l'autorisation
du Minisire de F instruction publique.


Je n ' ins i s te p a s p o u r faire r e m a r q u e r à que l degré ce
n o u v e a u m o n o p o l e est i n o u ï , a b s o l u , u n i v e r s e l , ef-
f rayant !


L 'ép iscopat l u i - m ê m e n 'a j a m a i s songé à l ' exercer su r
les pet i t s s é m i n a i r e s .


L'Église, aux j o u r s de sa p lus g r a n d e pu i s sance , n 'en
a j a m a i s eu la p e n s é e .


Non, n o n , ce n 'est pas ainsi q u e j a m a i s ni l 'Eglise ca-
tho l ique , ni l ' ép i scopa t f rança is e n t e n d i r e n t la l iber té
in te l lec tuel le et les d ro i t s de l ' e n s e i g n e m e n t l i t té ra i re et
sc ient i f ique .


Et je m ' a s s u r e que M. le. Ministre de l ' ins t ruc t ion p u -
b l ique l u i -même é p r o u v e r a q u e l q u e e m b a r r a s en v o y a n t




SUR I .A L I D E R T É D'ENSEIGN EMENT ( JS47 ;.. -¡13


son au tor i sa t ion pe r sonne l l e et son n o m .apposes d é s o r -
m a i s su r Ions les l ivres d ' e n s e i g n e m e n t , d e p u i s Y alpha-
bet j u s q u ' à la Thèodicée, d e p u i s la table de Pylhagore
j u s q u ' à celle des logarithmes, j u s q u ' a u calcul infinité-
simal.


Ainsi l 'Univers i té , ou p lu tô t son g r a n d m a î t r e seu l ,
se ra i t d é s o n n a i s l é g a l e m e n t cons t i tué s o u v e r a i n a r b i t r e
de la sc ience et de la v é r i t é , de la p h i l o s o p h i e et des
l e t t r e s ; juge s u p r ê m e et u n i q u e des in te l l igences et des
p r o g r é s de l ' e spr i t !


Est-ce d o n c ainsi q u e M. de Sa lvandy croi t d o n n e r la
l iber té qu ' i l a p r o m i s e en d i san t : Désormais liberté
pour tous d'opposer les écoles aux écoles, les méthodes
aux méthodes, les l ivres aux l i v r e s , les systèmes an.r
systèmes ?


Est-ce donc là le régime qu ' i l c r o i t , c o m m e il le dit,
le plus favorable, au libre essor des esprits ?


Est-ce a ins i qu ' i l fera recue i l l i r au génie national,
c o m m e il le dit e n c o r e , tous les biens que lui promet le
principe d'émulation et de liberté dans les méthodes?


Quel est d é s o r m a i s l ' h o m m e q u i , se s en t an t u n e idée
utile ou une concep t ion p u i s s a n t e , ira c o n s u m e r à sa
réa l isa t ion dix a n n é e s de sa vie p o u r ne t r o u v e r à la fin
de son travai l que l ' humi l i a t ion d 'un e x a m e n p r i v é , et
à huis -c los , avec l ' i nce r t i tude du s u c c è s ?


Ma i squo i ! le n o u v e a u p ro je tex ige t r o i s o u q u a t r e l icen-
ciés [ « r é t a b l i s s e m e n t et le tr iple au mo ins de b a c h e l i e r s ;
à eux tous ne p o u r r o n t - i l s pas j u g e r la va leur d ' une
g r a m m a i r e ? s'ils ne le p e u v e n t p a s , que l le est d o n c la
va leu r du g r a d e ? et que l les g a r a n t i e s de p lus offriront
ceux qui s e r o n t c h a r g é s , au n o m du m i n i s t r e , de l ' exa-
men des l ivres ?




¡11 DU N O U V E A U P R O J E T D U LOI
Ce po in t est i m m e n s e d a n s la qucs l i ou ; je ne fais q u e


l ' i n d i q u e r ici.
Tou t y est engagé : la l iber té des é l udes et celle des


m é t h o d e s , t ou t r e n s e i g n e m e n t c lass ique , la ph i losoph ie ,
l 'h i s to i re , la r e l ig ion . . . . C ' es t un in lo lé rabh ' sys t ème de
c e n s u r e . El q u ' o n y p r e n n e g a r d e ! — on ne s ' a s su r e r a
p a s l ' app roba t ion des évoques en leur conférant un
dro i t s e m b l a b l e d a n s ce qui e n n e e r n e renseignement
religieux ; c o m m e si les l ivres é l énemla i ro s d'histoire '
et de p h i l o s o p h i e pouvaien t l e u r é h o é i r a n g e r s , coin me
si ces so r t e s de l iv res n ' é t a i en t ceux- la m ê m e s où on a
r e n c o n t r é p lus d ' u n e fois les doctrine!) lus plus c o n -
t r a i r e s à la doc t r i ne de l 'Église cl à son ense ignemen t .


IV. Sous le régime du mono/mle, on était libre dans
les é t a b l i s s e m e n t s p r ivés :


•1° De faire faire tels ou tels t r a v a u x d ' a g r a n d i s s e m e n t ,
d ' a m é l i o r a t i o n , d ' a s s a i n i s s e m e n t , d e v e n u s dés i r ab le s ,
s a n s en p r é v e n i r le r e c t e u r .


2" De pub l i e r , aux é p o q u e s c o n v e n a b l e s , sous les g a -
r a n t i e s de la pub l ic i t é m ê m e , les p r o s p e c t u s néces sa i -
r e s , les p r o g r a m m e s , etc .


3° De faire , en t emps o p p o r t u n , s a n s en p réven i r le
r e c t e u r , d a n s le p r o g r a m m e ou d a n s les r èg lemen t s in-
t é r i e u r s , les c h a n g e m e n t s ut i les r é c l a m é s par de n o u -
v e a u x b e s o i n s , par le n o m b r e p lu s ou m o i n s g r a n d des
é l è v e s , p a r des c lasses plus ou m o i n s n o m b r e u s e s , et
p a r nul le a u t r e s c i r c o n s t a n c e s imposs ib le s à p révo i r , et
q u e l ' expér i ence seule révè le au j o u r le j o u r .


V On é ta i t l ibre enfui de r ecevo i r ses pa ren t s ou ses
amis sous son toit, s a n s les forcer à y accep te r un emplo i
régu l ie r , et à p r e n d r e p o u r cela les g r a d e s n é c e s s a i r e s .




En recevant la lihnaé ([no donne- le n o u v e a u proje t ,
on cesse él'èire libre à l'égard de lotit cela :


!" 'Art. 19.; 11 est interdi t à tous eliel's d 'é tabl issements
de rerevoir dans leurs maisons , h domicile fixe, des pe r -
sonnes autres que les maî t res ou employés régul iers de
ré tab l i ssement .


i n .Art . 17.; Les idiefs d 'é tabl issements sont tenus d 'a-
dresser an rcclciir de l 'Académie cl au maire do la com-
mune, dans les vingt-quatre h e u r e s , leurs prospectus , an -
nonces et jatl-licaliuiis 'jiaicon'iui's.


3" Le recteur doit recevoir au moins huit jours à l 'avance
le p rog ramme des exercices publics .


4° Aid. 18.; Tout changement dans le p r o g r a m m e ou
dans le règlement in tér ieur doit être notifié au recteur dans
le illènie délai.


.">- T I M I I cliangenn'iit considérable dans le plan des lieux
doit lui être mi t i l i e dans le délai d 'un mois.


V. Sons te régime du monopole, les maîtres, surveil-
lants et véjiétiteuvs étaient parfaitement libres, clans les
établissements privés, de c h a n g e r d ' emplo i e t de r é s i -
dence , scion leur a p t i t u d e , l eu r c o n v e n a n c e , l eu r s inté-
rê t s légi t imes.


En recevant la liberté; q u e d o n n e le nouveau proje t ,
on cessera d'être également libre sur ce point; on ne
p o u r r a plus se rien p e r m e t t r e à cet é g a r d , pas m ê m e
les modes t e s fonctions de r é p é l i l c n r , q u ' a p r è s q u e la
chose a u r a été ( \ r t . 11 . ) . . . « notifiée d a n s le délai de
« qu inze j o u r s au r e c t e u r du r e s s o r t , et , s'il y a l ieu,
« aux r e c t e u r s de deux r e s s o r t s , t an t p a r lesdi ts m a î -
« t rès , su rve i l l an t s cl r épé t i t eu r s q u e p a r les chefs d 'é ta-
« b h s s e m e n t s , q u a n d il y a lieu. »'




D U N O U V E A U P I l O J E U DU, J . 0 1


VI. Sous le régime du monopole, les villes étaient li-
bres do d o n n e r des subven t i ons a u x é t a b l i s s e m e n t s
pa r t i cu l i e r s d ' i n s t ruc t ion s e c o n d a i r e qu 'e l les jugea ien t
d ignes de l eu r conf iance . Elles é ta ient l i b r e s , en a s s u -
r a n t ainsi l eu r c o n c o u r s à un h o m m e chois i pa r elles,
de m é n a g e r à l ' au tor i t é des pè res de famille u n e in-
f luence h e u r e u s e su r le choix et la d i rec t ion de tous les
m a î t r e s des t inés à t r ava i l l e r à l ' éduca t ion de l eu r s en-
fants .


En recevant la liberté q u e d o n n e le n o u v e a u proje t ,
les villes continueront-elles d'être libres à cet égard? En
d o n n a n t la l ibe r té , le n o u v e a u pro je t ne po r t e - t - i l a u -
c u n e a t t e in te rée l le à ces an t i ques et r e spec t ab l e s fran-
ch i ses de n o s villes et corps m u n i c i p a u x ? ne les met-il
p a s d a n s cet te a l t e rna t ive de n ' e n c o u r a g e r a u c u n établ is-
s e m e n t d ' é d u c a t i o n , ou de recevoi r , m o y e n n a n t les con-
di t ions les p lu s o n é r e u s e s , des col lèges royaux et des
collèges c o m m u n a u x don t ils s u p p o r t e r o n t tous les fixais,
s a n s avoi r a u c u n e pa r t à l eu r d i rec t ion m o r a l e et sc ien-
t i f i que , et don t les p r i n c i p a u x et tous les m a î t r e s , et
t o u s les r égen t s d e v r o n t être, n o m m é s par le grand
maître de l'Université, s a n s m ê m e q u e les villes et les
c o m m u n e s a ient droi t de p r é s e n t a t i o n ? Je le c r a ins .


Ce qui est manifes te , et, à mon sens , r eg re t t ab le , c'est
q u e le n o u v e a u pro je t n ' a c c o r d e rien ni aux consei ls
g é n é r a u x ni aux consei ls c o m m u n a u x .


J ' en ai dit assez s u r tout ceci .
Il est, manifeste qu ' an point de vue des g r a d e s exigés,


si n o m b r e u x , si élevés ;
Qu ' au po in t de v u e des l ivres c lass iques et du l ibre


exerc ice des m é t h o d e s ;
Qu ' au poin t de vue du g o u v e r n e m e n t in t é r i eu r des




S U R LA L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T ( 1 8 4 7 ) . i 17


é t ab l i s semen t s pr ivés , et de l ' h o n n ê t e , je dirai plus, de
l 'essent ie l le l iber té des chefs et des m a î t r e s :


Le n o u v e a u proje t anéan t i t t o u t e s les f ranch ises d o n t
on jou i ssa i t , sous le r é g i m e du m o n o p o l e , a v a n t la p r o -
m e s s e de la C h a r t e .


Il faut d o n c redire avec M. Pelet (de la Lozère) :


A quelque point de vue qiéon se place, à celui du père de
famille ou à celui de la profession d'instituteur, on ne
peut manquer de préférer mille fois le régime actuel à celui
que la loi institue.


Et avec M. Sain t -Marc C i r a r d i n :


Vous croyez que c'est là de la l iberté d 'enseignement I En
vérité, j ' a ime beaucoup mieux, l 'autorisat ion. Je dirai avec
tous les chefs d ' é tab l i s sements , avec toute l 'Université :
Ramenex-uoiis au.e carrières.


111


Le nouveau projet conserve les restrictions et les entraves
les plus exorbitantes de l'ancien monopole.


Si encore ce projet , qui n o u s en lève le peu de l iber té
dont nous jou i s s ions avant la p r o m e s s e do la Charte,
n o u s d é d o m m a g e a i t , en n o u s a f f ranch issan t de tou tes
les restrictions et de tou tes les e n t r a v e s du régime, uni-
versitaire, n o u s aurions à voir si l'échange peut être
a c c e p t é ; mais non : en m ê m e t emps q u e les faibles
droi t s que nous posséd ions nous son t cités, on n o u s
laisse toutes les gènes de no t re se rv i tude p r é s e n t e .


Après tout ce que je v iens de d i re , on ne s'en é t o n -
ne ra p a s ; auss i j ' i n s i s t e r a i s peu sur ce point , si pa ru , !


i . 27




ces r e s t r i c t i ons et ces e n t r a v e s , il no s 'en r e n c o n t r a i t
u n e (tout la nouve l l e appa r i t i on m é r i t e u n e a t ten t ion
pa r t i cu l i è r e : j e veux p a r l e r du certificat d'études.


La for tune du cer t i f icat d ' é t u d e s a c o n s t a m m e n t var ié .
11 a été quelquefois en u s a g e , il n ' a j a m a i s été en


h o n n e u r : cela se conçoi t : c 'es t u n e exigence qu i
m a n q u e de f r a n c h i s e ; elle n e d e m a n d e pas ce qu 'e l le
veu t savoi r .


De p l u s , elle est p r o f o n d é m e n t b l e s san t e p o u r la l i -
b e r t é des familles et p o u r l ' au to r i t é pa t e rne l l e .


Enfin, elle est a b s o l u m e n t c o n t r a i r e à la l iber té des
m é t h o d e s .


A t o u s ces t i t r e s , elle a t ou jou r s été r e g a r d é e c o m m e
u n e exigence o d i e u s e , c o m m e la p r e m i è r e don t la loi
s u r la L ibe r t é d ' e n s e i g n e m e n t devai t n o u s dél ivrer .


Lne o r d o n n a n c e du 5 ju i l le t 1820 exigeait que les c a n -
d ida t s p r é s e n t a s s e n t , à l ' e x a m e n p o u r le b a c c a l a u r é a t
ès l e t t r e s , des certificats d'études faites d a n s des col lèges
r o y a u x ou d a n s des é t ab l i s semen t s de plein exerc ice .
Le 27 février 1821 , ces cert i f icats d ' é t u d i s furent s u p -
p r i m é s . Le 17 oc tob re 1821, ils furent de n o u v e a u exi-
gés , m a i s pour une année seulement, p o u r l ' année de
p h i l o s o p h i e .


Le pro je t de loi l 'exige p o u r deux années, et consac re
a ins i , en l ' agg ravan t e n c o r e , cet te r i g o u r e u s e et injuste
condi t ion .


Ainsi donc , on c o n t i n u e r a i t d 'exiger ces é t r anges ce r -
tificats p o u r l ' admiss ion à l ' examen du b a c c a l a u r é a t !
On con t i nue ra i t à s ' e n q u é r i r ou et comment les c a n d i -
da t s ont fait l eu r s é t u d e s , d a n s que l les ma i sons , d a n s
quel e s p a c e de t e m p s , sous que l s m a î t r e s , p a r quel le
m é t h o d e ; en so r te qu ' en F r a n c e , q u a n d on se p r é s e n -




Si" IV L A L i l i L Ti T E D ' E N S E I G N E M E N T ( IS47 \ 4 1 9


t e r a à un e x a m e n , fùt-on ce q u ' é t a i e n t Pasca l et Bos-
sue ! à seize a n s . fût-on Pic de la Mi rándo le , on ne se ra
pas m ê m e a d m i s à r é p o n d r e , si l 'on n ' a é tud i é de te l le
façon, en tels l ieux, et s o u s tels p r o f e s s e u r s !


Mais le b o n sens cr ie qu ' à un candidat , qu i se p r é -
sen te p o u r un e x a m e n , la p r e m i è r e q u e s t i o n à faire
n 'es t p a s : D'au venez-vous/1 et Ou oces-roua étudié?
m a i s : Que sucez-vous ?


Aut remen t vous é tabl issez une censure préalable et
u n e vér i t ab le inquis i t ion de m e s a n t é c é d e n t s p e r s o n -
ne l s .


Car enfin, d i s cu tons •. Que c h e r c h e z - v o u s par l à ? Des
ga ran t i e s m o r a l e s , ou des g a r a n t i e s sc ien t i f iques?


Si ce son t des ga ran t i e s sc ien t i f iques , v o u s ' levez les
d e m a n d e r à l ' examen l u i - m ê m e !


Víais, dit on, l ' examen ne les d o n n e pas .
L 'examen ne les d o n n e pas ! ma i s a lors p o u r q u o i le


fai tes-vous ?


J'affirme q u e le certif icat d ' é t u d e s les d o n n e r a m o m s
e n c o r e .


Mais q u o i ! l ' e x a m e n , d i t e s -vous , ne vous d o n n e p a s
des g a r a n t i e s suffisantes : P o u r q u o i et à qui la fau te?
qui le l'ait cet e x a m e n ? Vesl -co p a s v o u s ?


Mais, disai t M. le duc d ' f l a r cour t , avec son e sp r i t si
fin, si j u s t e et si p é n é t r a n t :


.Víais il semble assez s ingulier qu 'un parei l a rgumen t
viróme du gouvernement ; car enfin ers examens , c'est lui
qui les a faits; c'est lui qui en a pr is la responsabi l i té . 11
serait assez naturel de lui dire : Si vos examens sont insuf-
fisants, chargez-vous de les rendre efticaees.


Quant à m o i , je suis c o n v a i n c u q u e si les r>:;imrns




420 D U N 0 1 ; V E A l" P II 0 J E T !) 10 1 .0 i
son t insuffisants, ce n 'es t po in t p a r e u x - m ê m e s . Ils p e u -
vent et doivent d o n n e r des g a r a n t i e s suff isantes.


Non, r é p o n d e n t les p a r t i s a n s du certificat, non : les
e x a m e n s son t n é c e s s a i r e m e n t trop superficiels, trop
courts, trop indulgents.


Trop superficiels ? m a i s M. le d u c d ' I Ia rcour t disai t
e n c o r e avec r a i s o n :


Il est notoire aujourd 'hui que les examens sont exces-
sifs; il y a une foule de gens qui servent ITitat de la ma-
nière la plus dis t inguée dans toutes les carr ières , et qui
ne seraient pas en état de passer ces examens .


Comment! a jouta i t un de ses h o n o r a b l e s col lègues,
parce que les matières sont très-nombreuses, très-diffi-
ciles, il s'ensuicra que l'examen sera superficiel !


Mais qu i n ' e n conna î t le p r o g r a m m e ? qui ne sait que
M. le d u c de Broglie et t ous a r e c lui l 'ont n o m m é : une
encyclopédie au petit pied ?


Mais c 'est p r é c i s é m e n t p o u r cela , di t-on e n c o r e :
l ' e x a m e n est trop court '


C o m m e n t ! t r o p c o u r t ? Mais d ' ap rè s les r èg lemen t s
u n i v e r s i t a i r e s , il peu t et doi t d u r e r Irois h e u r e s : c'est
faire é v i d e m m e n t in jure aux e x a m i n a l e u r s . Quoi ! vous
croir iez q u ' e n trois h e u r e s , avec des é p r e u v e s ora les et
des compos i t i ons éc r i t e s , on n e p e u t s ' a s su re r q u ' u n
j e u n e h o m m e a fait des é t udes s é r i eu se s , et. ne se p r é -
sen te pas au b a c c a l a u r é a t avec u n e sc ience improv i sée
de la ve i l le : Mais, je le r é p è t e , c 'est la plus é t range in-
j u r e qu 'où pu i s se faire aux p ro fesseur s cha rgés de l 'exa-
m e n . L 'un d ' eux , avec qui je causa i s , il y a q u e l q u e
t e m p s , de ce certificat, me disai t : C'est une plaisanterie !




SUli I.A I . l l i E K T É D ' E N S E I G N E M E N T ( 1 8 4 7 ) . 421


en moins de c'nq minutes je percerais le défaut de la
cuirasse du plus intrépide candidat!


Se r é d u i r a - t - o n enfin à n o u s d i re q u e l ' e x a m e n es t
trop indulgent? La chose est p o s s i b l e ; m a i s a lo r s ,
qu ' on le fasse p lu s sévè re ! C o m m e n t ! t rop i n d u l g e n t ?
Mais ici on fait in ju re à l 'Universi té e l l e - m ê m e ! q u e
son t a lors ses é t u d e s ? Q u o i ! elle n e reçoi t p a s la moi t i é
de ceux qui se p r é s e n t e n t à cet e x a m e n , et qu 'e l le a é l e -
vés e l le -même avec tou t le soin d o n t elle est c a p a b l e , e t
l ' examen est e n c o r e t r o p i n d u l g e n t 1 !


N o n , n o n , le b o n s e n s , la b o n n e fo i , n e p e r m e t t e n t
pas de d o n n e r de pa re i l l e s r a i s o n s . S'il faut des g a r a n -
ties s c i e n t i f i q u e s , l ' examen suffit à les d o n n e r , et s u r -
t o u t le cer t i f icat d ' é tudes n e les d o n n e pas : il f aud ra i t
un cert if icat d ' é tudes bien fa i tes , faites r é g u l i è r e m e n t ,
faites avec succès . Le res te est p r o f o n d é m e n t i l lusoi re .
Or, c 'est ce qu 'on n e peu t ni n e veu t d e m a n d e r : et
l 'Universi té s u c c o m b e r a i t e l l e - m ê m e sous cet te e x i -
gence : qui n e sait q u e les é t u d e s de la t r è s - g r a n d e m a -
jo r i t é de s e s élèves son t si m é d i o c r e s qu 'e l les n ' en m é -
ri tent pas le n o m ? — Ils font leurs classes, c o m m e on
d i t , mais ne font pas leurs éludes : c 'es t-à-dire qu ' i l s
t r ave r sen t les classes u n i v e r s i t a i r e s , e s su i en t la p o u s -
sière des b a n c s , et so r t en t de là tels q u e n o u s les on t
dépe in t s M. de ï r a c y et M. Gu izo t , avec u n e h o r r e u r
p r o f o n d e du grec et du la t in .


L 'exécut ion de l ' a r rê té de 1836, qu i exigeait q u ' u n
élève ne fût admis dans u n e c lasse s u p é r i e u r e q u ' a p r è s
avoir S U B I L E N I V E A U des é tudes de ce t te c lasse , est le


1 En l 'année scolaire 1 8 1 2 - 4 3 , sur 0 CSO candidats , 3 C70 ont été
rejeté*.




se ni m o y e n de p r é v e n i r la m i n e des é l u d e s d a n s les
é t a b l i s s e m e n t s un ive r s i l a i r e s . l i a i s je ne c ra ins pas d'a-
jouter q u e l ' exécu t ion sé r i euse de cet a r r ê t é serait le
r e n v e r s e m e n t de l 'Univers i té ac tue l le .


Sur les 50 000 élèves qu ' e l l e i n s t r u i t , M) 0 0 0 n u
m o i n s s e r a i e n t refoulés en c i n q u i è m e , en s ix ième et
au -dessous .


P o u r a c c o m p l i r u n e telle œ u v r e , il faut u n e pu i s sance
m o r a l e q u e l 'Univers i té n 'a p a s , et ne peut avoir . Elle
le s en t b ien : auss i eiie y a renoncé, ci l ' a r rê té de I S J O
d o r t , cl. d o r m i r a l o n g t e m p s e n c o r e d a n s les c a r i o n s du
Ministère de l'instruction publique.


Après des faits p a r e i l s , q u ' o n me p e r m e t t e de le d i r e ,
c'est u n e dér is ion q u e de p a r l e r du n iveau des é t u d e s ,
de son a b a i s s e m e n t ou de son é h h a t h m , p o u r justifier
l ' exigence d 'un cer t i f icat é v i d e m m e n i bml i ie .


A qui p e r s u a d e r a - t - o u , d ' a i l l e u r s , q u e M M. Guizol,
Sa in t -Marc C i r a rd in , Cousin et Villemaiu , qu i oui tous
successivement a b a n d o n n é le certificat, a ient voulu
a b a i s s e r le n i v e a u des é l u d e s et sacrif ier les garanties
de la sc ience et des l e t t r e s ?


3\on, non , le certificat es t une. exigence dé r i so i r e qu i
p o u s s e à la f raude sans aucun résu l ta t p i . u r l a fouxe des
é t u d e s . Je r e c o n n a i s vo lon t ie r s q u e l ' examen du b a c -
c a l a u r é a t , Ici qu'on te (ait, ne suftit pas à e .onsonor eu
F r a n c e des é tudes fortes : il y a u r a i t là-dessus bien des
c h o s e s à d i re ; le n io .unn l n'eut" point v e n a p o u r moi .
Mais il n 'y a p a s un h o m m e du méfier qui ne sa. ho que
dans la pratique le certificat, est à cet é c a r d de nui edet :
le ma i c l le r e m è d e son ' a i l leurs .


Qui a j a m a i s imaginé de d e m a n d e r un cerlificaf d ' é -
tudes à ceux qu i se p résen ten t p o u r sub i r l ' examen du




s m I . A i . i i i H ' . T i ' ; R E N S E I G N E M E N T ;i8i7). 423


baccalauréat és sc iences ? Qui a j a m a i s songé à d i re à
ceux qui se présentent à l'examen d ' admi s s ion p o u r
l'École p o l y t e c h n i q u e : On, comment, combien de temps
avez-vous é tud ié les m a t h é m a t i q u e s ?


Que fait-on ? c o m m e n t les choses se passen t -e l les ?
Les c a n d i d a t s se p r é s e n t e n t : on les e x a m i n e , on les in-
t e r r o g e s é r i e u s e m e n t , ils r é p o n d e n t b ien ou m a l , on les
a d m e t ou on les re je t te . Tout est dit , tout es t fait. C'est
du bon sens .


Les uns ont emploié u n e a n n é e à a p p r e n d r e ce q u e
les a u t r e s n ' o n t a p p r i s q u ' e n t ro i s ans : les au t r e s (j 'en
ai connu ) n 'y on t emp loyé q u e six m o i s . La pensée n e
leur es t p a s -venue q u ' o n l e u r r e p r o c h â t l ' a r d e u r et le
succès de l eu r t ravai l .


11 n 'es t d o n c pas ici ques t i on de g a r a n t i e s scientifiques;
ei si oii c h e r c h e des g a r a n t i e s m o r a l e s , ce r tes il y en a
b ien d 'au 1res à d e m a n d e r don! on ne se p r é o c c u p e p a s .


Sans dou te les g a r a n t i e s m o r a l e s son t néce s sa i r e s ,
m a i s q u ' o n les cherche a u t r e pa r t , et qu 'on, n ' en fasse
p a s d é p e n d r e un e x a m e n l i t t é ra i re .


Si le so lda t de nos a r m é e s , le t emps de son service
exp i r é , se p ré sen ta i t au b a c c a l a u r é a t , ap rès avo i r em-
ploi é les tristes lois irs de ses g a r n i s o n s à se p r é p a r e r
à cet e x a m e n , ses e x a m i n a t e u r s n ' a u r a i e n t pas le d r o i t
do lui d e m a n d e r : D'où venez-cous, et : (Je avez-cous
étudié ? ma i s s e u l e m e n t : Que sucez-cous ?


Sur ce poin t il n 'y a de v r a i , de s e n s é , do s incè re
que les graves et p iquan t e s p a r o l e s p r o n o n c é e s pa>
M. i îoyer- Collard en u n e a u t r e occas ion : a Si ce j e u n e
h o m m e v o u s r é p o n d b i e n , si sa sc ience est suf i isante ,
ne lui demandez pas d'où elle oient, ni sous quel astre
elle est née.




D U N O U V E A U P R O J E T D E L O I


Mais, di t-on, s a n s le certificat d ' é t u d e s il n 'y a u r a p lus
de d is t inc t ions en t r e les d ivers é t a b l i s s e m e n t s d ' i n s t r u c -
t ion s e c o n d a i r e .


C'est poss ib le , m a i s les Ministres de l ' ins t ruc t ion p u -
blique, e u x - m ê m e s on t jugé cel le dis t inct ion pa r fa i t e -
m e n t inut i le . La C h a m b r e des d é p u t é s , en 1887, l 'abol i t ,
et j e d i ra i vo lon t i e r s avec M. Dubo i s (de la Loi re- Infé-
r i e u r e ) , avec M. Saint -Marc Gi ra rd in :


« Nous ne p o u v o n s p a s , en vé r i t é , r e g a r d e r le l i tre de
l icencié c o m m e u n e ense igne qui sera p lacée a v a n t a -
g e u s e m e n t à la po r t e de ce r t a ines ins t i tu t ions . »


Si le n o u v e a u p ro je t ne dé t ru i sa i t d ' a i l l eurs c o m p l è -
t e m e n t la l ibe r té des m é t h o d e s , qui est u n e pa r t i e e s -
sent ie i ie de la L iber té d ' e n s e i g n e m e n t , j ' a j o u t e r a i s que
l ' ex igence du certificat y est a b s o l u m e n t con t r a i r e . C'est
ce q u e M. le comte Beugnol a i r r és i s t ib lement d é m o n t r é
à la C h a m b r e des p a i r s , et le bon sens par la i t si é lo -
q u e m m e n t p a r sa b o u c h e q u e nu l de ses a d v e r s a i r e s n ' a
e s s ayé de lui r é p o n d r e .


N o n , e n c o r e u n e fo is , il n ' e s t ques t i on ici n i de ga-
r a n t i e s scient i f iques ni de g a r a n t i e s m o r a l e s , ni de h i é -
r a r c h i e e n t r e les é t a b l i s s e m e n t s d ' i n s t ruc t ion : r ien d e
t o u t cela n 'es t réel . Que veut-on donc ? Je vais le d i r e ,
ou p l u t ô t , a p r è s s 'être b ien d é b a t t u , on a fini p a r l 'a-
v o u e r : on veu t des ga ran t i e s na t iona le s et po l i t iques .
Voilà ce q u e l 'on c h e r c h e . Mais i c i , au m o m e n t m ê m e
o ù je crois l o u c h e r à la v é r i t é , m e s e m b a r r a s r e d o u -
b l en t : on c h e r c h e des g a r a n t i e s n a t i o n a l e s ; mais c o m -
m e n t p u i s - j e les c ro i r e n é c e s s a i r e s , q u a n d en 1836,
M. Guizo t ; en 1837, la Commiss ion e t la C h a m b r e des
d é p u t é s ; en tSàO, M. C o u s i n ; en 18 ' i t , M. Villemain lu i -
m ê m e les ont j ugées foui à fait inu t i les , à ce po in t q u e




SI'H I.A I. II! Kit T E D ' E N S E I G N E M E N T ; 1S17 ). ¡25
n o n - s e u l e m e n t ils ne les ont pas ex igées , mais qu'ils les
ont formellement abolies? En 1837, le cert if icat d ' é t u d e s
n e fut pas m ê m e a d m i s à l ' h o n n e u r de la d i s c u s s i o n :
su r l ' in terpe l la t ion de M. D e l e s p a u l , M. S a i n t - M a r c
Gi ra rd in r é p o n d i t q u e le certificat était tombé en
désuétude. En vér i té , n o u s vivons d a n s un é t r ange p a y s .


Car enfin, pu i squ ' i l faut d i re le g r a n d m o t e l la ra i son
d ' É t a t , cel te h a u t e cl p u i s s a n t e r a i son qu i d o m i n e tou t
dans cel le q u e s t i o n , j u s q u ' a u bon sens et à la b o n n e foi
la p lu s vu lga i re , en ISSo, en 1837, en 18à0, en 1841 , les
j é su i t e s ex i s t a i en t , les j é su i t e s ava ien t d e u x col lèges,
l ' un à F r i b o u r g et l ' au t r e à l l rugele t le : et il y avai t a lors
d a n s ces collèges beaucoup plus d'élèves français qu ' i l
n 'y en a a u j o u r d ' h u i .


C'est donc con t re ces deux collèges q u e cet te loi es t
faite : c 'est donc u n i q u e m e n t à cause d 'eux q u e vous
p r enez u n e m e s u r e vexa lo i rc p o u r tous les p è r e s de fa-
mi l le , p o u r tous les i n s t i t u t eu r s de la j e u n e s s e , qui v o u s
d e m a n d e n t v a i n e m e n t la l iber té q u e la Cha r t e l e u r
d o n n e de faire p r é p a r e r l eu r s e n f a n t s , on de p r é p a r e r
l eu r s é lèves c o m m e ils l ' e n t e n d e n t , aux e x a m e n s d u
b a c c a l a u r é a t .


C'est en l ' h o n n e u r de ces deux collèges que l 'on d é -
c la re tous les p r o j e t s de loi p r é c é d e n t s et les m i n i s t r e s
qui les ont p r é s e n t é s , et. la C h a m b r e des d é p u t é s qu i a
voté le. proje t de 1837, p r o f o n d é m e n t aveuglés s u r les
in té rê ts n a t i o n a u x ; voilà ce qu i d é t e r m i n e à r e n c h é r i r
s u r les p r é c a u t i o n s des g o u v e r n e m e n t s les p l u s s o u p -
ç o n n e u x et les m o i n s amis de la l iber té .


M. Cousin , l u i - m ê m e , n o u s l'a a p p r i s : « En P r u s s e ,
« n o n - s c u l e m e n l de la ma i son p a t e r n e l l e , ma i s des é t a -
« b l i s sements p r ivés , on p e u t se p r é s e n t e r au b a c c a l a u -




420 D U N O U V U . U ' P R O J K T П К L U I


« r é a t sans a n t r e certif icat d ' é t u d e s q u e les e o n n a i s s a n ­
« ces d o n t on fait preuve . » (Mémoire sur l'état de
l'instruction publique en Prusse.)


Ainsi cet i m p o r t a n t cer t i f i ca t , cet te h a u t e garan t i e
n a t i o n a l e et p o l i t i q u e , on ne l 'exige ni en Prusse , ni en
A n g l e t e r r e , ni en B e l g i q u e , ni aux É t a t s ­ U n i s , ni en
Suisse , n i , j e le c r o i s , en I tal ie et en Espagne , ni d a n s
les p a y s où il y a Liber té d ' e n s e i g n e m e n t , ni dans ceux
o ù cet te l iber té n 'ex is te pas On l 'exige en Russ ie , il est
vra i : r a i son do p ' u s p o u r qu 'e l l e .«oit mal à l 'aise d a n s
u n pays de l iber té c o n s ' i ' u ' i o m n d l e , et p a r a i s s e , quo>
q u ' o n fasse, incompat ib le , a \ c c l 'éla! de société où n o u s
vivons : c'est u n e de ces m e s u r e s qui n e sont a leur place­
q u e d a n s les codes d 'un d e s p o t i s m e o m b r a g e u x ou d 'une
d é m o c r a t i e r évo lu t i onna i r e .


Et le derniei ' coin, n'ad­i i p e s éié por t é à celte injuste
et r idicule m e s u r e par enux­ la m é m o s qui en &011I d e ­
v e n u s les p lus a r d e n t s p r o m o t e u r s , lo rsqu ' i l s oui été
со ni rai nts de s'en excuse r c o m m e d ' u n e disposi t ion
o d i e u s e , except ionnel le et t r ans i t , , i r e , lo r squ ' i l s ont été
forcés de d é c l a r e r p a r l ' o rgane de àl. Cousin :


Qu'une telle lui n'était р­н é!«­.­nolK qu 'une telle dispo­
sition ne pouvait s'identifier avec ta v i e <[•• la monarchie
et de la patr ie .


( Paroles de M. Cousin à la tdiambre des pairs.,


J ' a c h è v e ce t r i s te su je t , et c e p e n d a n t j e n'ai pas tout
d i t ; je n'a; pa:> m o n l r c i ' iu j iui ico par t i cu l i è re de celle
m e s u r e app l iquée a un c e r t a i n n u n b r e de pères de fa­
mi l le q u i , r e t e n u s en pr.vs é t r a n g e r pa r Ь.­urs aiîairos
ou m ô m e par le serv ice de l ' É t a t , n 'ont pu faire faire à
l e u r s enfants la r h é t o r i q u e et la ph i lo soph ie d a n s des




S,UÎ I-A LIIiEHTÊ D ' E N S E I G N E M E N T ¡1847 ) . 427


é t ab l i s semen t s f rançais . J e n ' a i po in t dit c o m b i e n est
m i sé r ab l e et i l lusoire cel te g a r a n t i e c h e r c h é e c o n t r e
l ' espr i t que des enfants p u i s e r a i e n t d a n s des é t a b l i s s e -
m e n t s é t r a n g e r s : c o m m e si les p è r e s de famille n ' a -
va ien t p a s mil le a u t r e s m o y e n s d ' i n sp i r e r à l eu r s e n -
f a n t s , s a n s les faire so r t i r de F r a n c e , l e u r s s en t imen t s
po l i t i ques ! c o m m e si la po l i t ique du collège et de l ' en -
fance étai t celle de la vie en t iè re ! Je n 'a i pas assez i n -
sisté su r Ja triste r e s s o u r c e q u e v o u s laissez a u x p è r e s
do famille d ' é lude r les ex igences de la loi p a r d e s c e r -
tificats c o n t r a i r e s à la vé r i t é , p l a ç a n t vo i re p r e s c r i p t i o n
législat ive s o u s le po ids de la f lé t r i ssure i m p r i m é e à
t o u t e loi qu i invi te a u m e n s o n g e p o u r é c h a p p e r à la
t y r a n n i e .


Voilà donc s u r quel les p e n s é e s et d a n s que l b u t on
ne c ra in t pas de c rée r , p o u r la consc i ence des p è r e s de
famille, des f ro i ssements i n n o m b r a b l e s e t des i r r i t a t i ons
p ro fondes !


Voyez en effet que l le cond i t i on v o u s faites à ce p è r e :
il se p r é s e n t e d e v a n t vous et dit :


<! Veuillez e x a m i n e r m o n liis, fai tes-lui sub i r l ' e x a m e n
« le p lus s é v è r e , il est prê t . — : \ o n , r é p o n d e z - v o u s :
« d i les -nous d ' a b o r d , s'il vous plaî t et m ê m e s'il ne vous
« plai t pas , on ci animent vom; l 'avez fait é tud ie r . —
« Mais je l 'ai fait é tud ie r c o m m e j e l 'ai e n t e n d u , c o m m e
« j ' a i c ru devoir le faire : j e lui a i d o n n é s u c c e s s i v e -
« m e n t les m a î t r e s q u e j ' a i c rus les p lu s h a b i l e s , les
<; p lus h o n n ê t e s , don t je c o n n a i s s a i s , don t j ' e s t i m a i s la
« m o r a l i t é , la s c i e n c e , les m é t h o d e s . J ' en ai é té p a r -
ti faite m e u t satisfait . — C ' es t poss ib le : m a i s cela n e
« n o u s suffit pas ; il n o u s faut le n o m do ces m a î t r e s ,
« l eu r d e m e u r e et le t emps qu ' i ls on t m i s à i n s t ru i r e




OU N O U V E A U P R O J E T D E E O I


« vo t re fils. — Mess ieurs , vos q u e s t i o n s m ' é t o n n e n t :
« m o n fils sai t t o u t ce qu ' i l doi t s a v o i r ; s'il ne le sai t
« p a s , vous pouvez le re je te r , r ien n ' es t p lus s imple .
« In te r rogez- le : il est p rê t . — 11 n ' e n est r i en : vo t r e
« fils n e se ra p a s m ê m e a d m i s à n o t r e e x a m e n , et
a t ou t e s les c a r r i è r e s se f e r m e r o n t devan t l u i , si v o u s
« n e n o u s di tes p a s où et comment il a fait ses é t u d e s .
« A-t-il m i s e x a c t e m e n t d e u x a n n é e s en t i è r e s à é tud ie r
« ce (pie son a r d e u r p o u r le t rava i l et sa supé r io r i t é
« d ' e sp r i t lui ont fait a p p r e n d r e en u n e ? C'était n é c e s -
« saice. Dès l o r s , si vous ne consen tez à r e m e t t r e en
« d ' a u t r e s m a i n s ce j e u n e h o m m e p o u r lui faire a p -
« p r e n d r e de n o u v e a u , p e n d a n t u n e a n n é e nouve l l e , ce
« qu ' i l a déjà app r i s et ce qu ' i l s a i t , n o u s ne lui en t e -
« n o n s a u c u n c o m p t e , p a r c e qu ' i l a app r i s au t rement , et
« a u t r e p a r t q u e n o u s n e le voulons .


a En un m o t , il n e sait pas n o t r e sc ience ; et il n ' y a
« q u e la n ô t r e qu i soit b o n n e .


« Il n 'a p a s é tud ié d ' a p r è s n o s m é t h o d e s ; et on ne
« p e u t r i en savo i r c o m m e il faut sans elles ! »


Je le d e m a n d e : que l est le pays où se p a s s e n t , où se
d i sen t ces c h o s e s ? qu i è l e s -vous p o u r avoi r r eçu u n e
telle pu i s s ance c o n t r e la pu i s s ance p a t e r n e l l e ? p o u r
e x e r c e r u n e telle t y r ann ie c o n t r ô l a l ibe l lé des familles?
p o u r exiger des certificats et des déclarations ?


Ne se t rouve ra -1-il p a s enfin u n h o m m e de c œ u r qui
n o u s dél ivre tous de ces ind ign i t é s? ou s imp lemen t un
h o m m e d 'espr i t qu i c h e r c h e et qu i t rouve la solut ion
d ' u n e difficulté si p i t oyab le ?


Il n 'y a plus à d i scu te r c o n t r e u n e parei l le ex igence :
elle s u c c o m b e d ' e l l e -même p a r l 'excès du r id i cu le auss i
b i e n q u e de l ' injustice.




S U R L A L J R K R T É I )' V. N S E I G X K M E N T ( ) S i T ;. 4Î9


Je m e r é s u m e :
Au point de vue l i t t é r a i r e , le cert if icat d ' é tudes est


pa r fa i t ement nul ; c 'est mani fes te .
Au po in t de vue m o r a l , il n 'a pas de sens ; c 'est p lus


mani fes te e n c o r e !
Au po in t de v u e po l i t i que , c 'est u n e exigence i n c o n -


n u e chez t ou t e s les na t ions l i b r e s , et m ê m e chez celles
q u i n e le sont p a s .


Au po in t de v u e des famil les et de l ' au to r i t é p a t e r -
nel le , c 'est une inquis i t ion in to l é r ab l e .


M. de Sa lvandy a v o u e q u e :
Le baccalauréat ès lettres est une des plus grandes


servitudes auxquelles jamais une société se soit soumise
(p. 58).


Je suis au to r i s é à d i re ap rè s lui :
Le certif icat d ' é tudes exigé p o u r ê t re a d m i s à j o u i r


des bienfaits de cet te se rv i tude est u n e t y r a n n i e sans
n o m .


IV


Le nouveau projet prépare l'anéantissement des institu-
tions de plein exercice actuellement distantes, et rend,
pour l'avenir, l'e.ristcnce de tous les établissements
libres a peu près impossible.


Quat re r a i s o n s von t le p r o u v e r , du mo ins je ie crois :


I. On exige q u e tous les p ro fesseur s des é t a b l i s s e m e n t s
de plein e x e r c i c e , des s imples ins t i tu t ions et p e n s i o n s ,
so ient an m o i n s p o u r v u s du g r a d e de b a c h e l i e r s ès
l e t t r e s , e t , de p l u s , q u e tous les s u r v e i l l a n t s , tous les




D U N O U V E A U . PU 0 J E T îîK L O I
r é p é t i t e u r s des m a i s o n s de plein exerc ice et des i n s t i t u -
t ions et pens ions , p r o d u i s e n t !e d i p l ô m e d u m ê m e g r a d e .
(Art. 15 et 16.)


Or, le r é su l t a t i m m é d i a t d ' une pare i l l e ex igence e s t
de r e n d r e imposs ib le s tous les é t ab l i s s emen t s n o u v e a u x ,
et de p r é p a r e r la r u i n e de t o u s les é t ab l i s semen t s a n -
c i ens .


On t r o u v e r a la p r e u v e i r ré f ragab le de ce que j ' a v a n c e
d a n s des calculs fort s i m p l e s q u e j e d e m a n d e la p e r -
mi s s ion de faire p a s s e r sous les y e u x du lec teur .


Vi l lemain , d a n s son e x p o s é des motifs de la loi de
•18/il, dit : « Que la m o y e n n e des r écep t ions de b a c b e -
u l iers est , p a r a n n é e , de 3 2à8, et q u e , d ' au t r e pa r t , les
« pos i t ions soc ia les à o c c u p e r d a n s la m a g i s t r a t u r e ,
« l ' a d m i n i s t r a t i o n s u p é r i e u r e , le b a r r e a u et les d iverses
« profess ions s a v a n t e s e x c é d a n t 60 0 0 0 , ces n o m b r e s
« r a p p r o c h é s , ajoute-t-i l , i nd iquen t assez q u e , c o m p a r a -
it t ivemenl à la d u r é e p r o b a b l e de la vie, le n o m b r e des
« b a c h e l i e r s ès l e t t r es r e ç u s c h a q u e a n n é e n'est pas
« dans une proportion égale aux demandes régulières et


« successives de la société. »


En 1843, d a n s son r a p p o r t a u ro i s u r l ' ins t ruc t ion
s e c o n d a i r e , le m ê m e min i s t r e l'ait e n c o r e r e s so r t i r cette
m ê m e insuff isance. Le n o m b r e des pos i t ions d a n s l 'ordre
civil excède , d i t - i l , 60 000, ce qui s u p p o s e a n n u e l l e -
m e n t 3 000 v a c a n c e s . On le voit d o n c , c 'es t à pe ine si,
p o u r c o m b l e r ce déf ic i t , sat isfaire aux beso ins des ser-
vices p u b l i c s , et r e m p l i r les v ides successifs d a n s les
d iverses fonct ions soc ia les , le n o m b r e ac tue l des b a c h e -
l iers est suffisant. .


On a vu à cet égard , d a n s la p r e m i è r e par t ie de ce t r a -
vail, les é t o n n a n t e s r évé l a t i ons de M . d e Sa lvandy .




M. Villcmaht rccoui ia i l , d ' au t r e p a r t , d a n s ce m ê m e
r a p p o r t , qu'il y a d a n s les p e n s i o n s p l u s i e u r s mi l l ie rs
de ma î t r e s d é p o u r v u s du d ip lôme de b a c h e l i e r , et cela
se c o n ç o i t , à m o i n s q u ' o n n e se l igure l ' é ta t de m a î t r e
d ' é tude t e l l e m e n t a v a n t a g e u x q u e les b a c h e l i e r s ès
l e t t r e s , î e ç u s c h a q u e a n n é e , le p r ê t è r en t à toutes les
c a r r i è r e s don t l eur t i t re l eur o u v r e l ' en t r ée , et qu i les
r é c l a m e n t .


11 y a donc ici déjà un déiieil i m m e n s e , et c 'est a u
m o m e n t m ê m e où on cons t a t e oi ï lc ie lh-ment qu ' i l n e
peu t pas ê t re c o m b l é , q u e le pro je t de loi r e d o u b l e
d ' ex igence , et, p o u r r é p a r e r le p r e m i e r déficit qui exis te ,
il en c rée s c i e m m e n t u n second incomparablement plus
grand el iinjuissible à remplir.


Je no me suis servi jusqu ' i c i q u e des ca lculs officiels :
on me p e r m e t t r a de les complè te ] ' en les p r e n a n t p o u r
base .


D 'après les s u p p u t a t i o n s les p lus exac t e s el les p lus
approfond ies de M. Vil lemain, c 'est à pe ine si c h a q u e
a n n é e il r es te 2à8 b a c h e l i e r s p o u r déf rayer r e n s e i g n e -
m e n t .


Or, l ' I .nivei 'sité elie seu le doit en avoi r , soi t d a n s ses
collèges r o y a u x , soit d a n s ses col lèges c o m m u n a u x , a u
moins G 000.


lui effet, d a n s ses àCi collèges r o y a u x , elle doit avoi r
et elle a c c u s e 55à ma î t r e s d ' é l u d é 55û


1 21G a d m i n i s t r a t e u r s ou p ro fe s seu r s . . . . 1 210


Cela fait , 1 770
Dans ses 312 collèges c o m m u n a u x , en n e s u p -


p o s a n t q u e 12 m a î t r e s p a r co l lège , l 'un d a n s


.'1 reparler, . . . 1 770




D u N o u v ]•;A u e r, oj ET \>E I. O I
Report. . . . 1 770


l ' a u t r e , soit p r o f e s s e u r s , soit su rve i l l an t s , et
c'est le moins epe on puisse supposer pour la plus
petite maison d'éducation régulièrement consti-
tuée, elle a d o n c ou elle doit avoir 3 Ihh b a c h c -


Quc si, à ce n o m b r e on ajoute celui de tous les au t r e s
f onc t i onna i r e s de l 'Univers i té , n o u s a r r i v e r o n s au m o i n s
au n o m b r e de 6 000.


Les é t a b l i s s e m e n t s d ' i n s t ruc t ion pr ivée sont à peu
p r è s au n o m b r e de 1 100; c 'est donc 10 000 b a c h e l i e r s
au m o i n s qu ' i l s exigent , t an t p o u r l eu r s p ro fesseur s q u e
p o u r l e u r s su rve i l l an t s et r é p é t i t e u r s , et je suis excessi-
v e m e n t m o d é r é dans cel le éva lua t ion , ca r , s ans p a r l e r
des pel i ts s émina i r e s su r lesquels on a songé à faire
p e s e r cel te e x i g e n c e , c 'est 9 bache l i e r s pa r m a i s o n ,
l 'un d a n s l ' au t r e .


Ainsi d o n c , c 'est 16 00e b a c h e l i e r s au moins que r é -
c lame i m p é r i e u s e m e n t la c a r r i è r e aclmdlo de l ' ense i -
g n e m e n t , t a n t p e u r l 'Universi té q u e pour les é tab l i s se -
m e n t s pr ivés ; et je calcule comme si la libi rte promise
par le projet de loi roc dorait pas ajouter une maison
d'éducation a celles qui eoisteut!


Or, ces 1 0 000 b a c h e l i e r s , on ne les a p a s , on ne les
a j a m a i s e u s , et il y a (quarante a n n é e s q u e l't. n ivers i lé
t ravai l le à les faire !


Oui , 16 000 b a c h e l i e r s p rodu i t s en q u e l q u e s années
et néces sa i r e s d a n s les é t a b l i s s e m e n t s d ' ins t ruc t ion pu-
b l ique ou p r i v é s , sont, u n e impossibi l i té r ad ica le et


I iers 3 7àà


Tota l p o u r les col lèges royaux et.
les c o m m u n a u x 5 èr\k




S U R LA LIBERTÉ D'ENSEI GXEMEXT ( J 8 ! 7 , \ ¡33


absolue , La te r re de F r a n c e es l fert i le , m a i s elle ne les
d o n n e r a pas . La ma t i è r e p r e m i è r e m a n q u e en ce m o -
m e n t ; les espr i t s son t t o u r n é s a i l l eu r s , et il y a là une
de ces v io lences q u e nu l n ' a le pouvo i r de faire à u n
p a y s , et q u e r i en n e s a u r a i t exp l ique r , s inon le desse in
a u q u e l n o u s n e p o u v o n s c ro i re d ' a n é a n t i r tous les é t a -
b l i s s emen t s au profit d ' un in jus te m o n o p o l e , ou u n e
p r é o c c u p a t i o n d 'espr i t qui fait oub l i e r les ca lculs les
plus é l émen ta i r e s .


On a beau di re : La d e m a n d e enfante la p r o d u c t i o n .
— Oui, ma i s pas la p r o d u c t i o n à un degré imposs ib l e .


Quoi ! v o u s n o u s révélez v o u s - m ê m e s qu'il n'y a pas
en France 80 000 citoyens munis d'une éducation com-
plète; que la population générale du royaume s'est éle-
vée dans la même proportion ou la population lettrée
a décru !


Quoi ! s u r 60 000 pos i t ions officiellement cons t a t ée s
dans l ' o rd r e civil, d a n s la m a g i s t r a t u r e , d a n s l ' admin i s -
t ra t ion s u p é r i e u r e , d a n s le b a r r e a u , d a n s les d iverses
profess ions s a v a n t e s , les 3 000 b a c h e l i e r s q u e vous
faites à g ra i id 'pc ine c h a q u e a n n é e ne suffisent p a s :
vous le p r o c l a m e z v o u s - m ê m e s .


Et vous créez tout à c o u p des beso ins n o u v e a u x ,
n o m b r e u x , et non m o i n s i m p é r i e u x que ceux a u x q u e l s
vous ne pouvez suffire !


C'est donc s u r u n e imposs ib i l i t é r a d i c a l e , s u r un vide
abso lu , su r un déficit officiellement cons t a t é et i r r é m é -
d iab le , q u e vous fondez la Liber té d ' e n s e i g n e m e n t et
les ins t i tu t ions des t inées à l ' o rgan ise r .


On est donc obligé d 'en conven i r : les é t a b l i s s e m e n t s
anciens t o m b e n t tous s u c c e s s i v e m e n t devan t ce t te ex i -
gence, et les n o u v e a u x dev i ennen t i m p o s s i b l e s .


i . 2 8




43 i DU NOUVEAU PUO.IET D U LOI


Ce n 'es t pas m a i qu i le p r o c l a m e : c'est, l'éloquence
des chiffres ; c'est un des m e m b r e s de l'Université
qui. dams la Gu relie de l'Instruction publique, déc la re :
« Q u ' a v e c u n e exigence parei l le , l'Université n'aura pas
« l o n g t e m p s à lutter contre cette concurrence qu 'e l le
« p a r a î t c r a i n d r e . Elle a u r a b i en tô t r u i n é et anéant i
« tous les é t a b l i s s e m e n t s p r i v é s . »


Ce n 'es t pas tout :


If. On exige que les é t a b l i s s e m e n t s de plein exerc ice
a ien t /¿'00* ou quatre licenciés es (élire* ou eu sciences.


Or, la l icence ès l e t t r e s ou ès sc iences est, la c o n d i -
tion la plus malaisée, à rempli! ' de l ' ense ignement pu-
bl ic . Elle offre b e a u c o u p p lus de difficultés q u e l ' agré -
ga t ion ou q u e le g r a d e même de d o c t e u r , s u p é r i e u r en
a p p a r e n c e .


Les e x a m e n s n é c e s s a i r e s p o u r ob ten i r ce g rade r o u -
les:!, s u r les matières de q u a t r e ag réga t ions différentes,
s a n s p a r l e r des c o m p o s i t i o n s eu p r o s e et en vers su r
les suje ts les p lus difficiles de l 'his toire , de la psycholo-
gie , de la p h i l o s o p h i e , des l i t t é r a t u r e s g r e c q u e , la t ine et
f r ança i se , ou des sc iences p h y s i q u e s et mathématiques.


Le c a n d i d a t , eu o u t r e , doit répondre à un interro-
ga to i re qui r o u l e , d a n s u n e é t e n d u e i m m e n s e , su r tous
les obje ts q u e c o m p o r t e n t les p r o g r è s l i t t é ra i res ou les
p r o g r è s sc ient i f iques des temps modernes.


Des faits p é r e m p t o i r e s son t là d 'a i l l eurs qu i d é m o n -
t rent combien ce g r a d e est ma l a i s é à ob ten i r .


Dans le, c o u r a n t de l ' année sco la i re 18'i3-/i't, les fa-
cu l tés de Besançon ci de Montpel l ier n'ont r eçu q u ' u n
seul l icencié ; la factdlé de B o r d e a u x n 'en a poin t r e ç u ;
Dijon, t r o i s ; S t r a s b o u r g , q u a t r e ; la faculté de b a i i s




S i : I l L A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T ( 1 8 4 7 ; . 435


refuse c o n s t a m m e n t les t rois q u a r t s des c a n d i d a t s .Aussi
ce grade est si rare a r e n c o n t r e r qu'il manque de toutes
parts dans les rangs de l'Université elle-même : d a n s
ses col lèges , s u r le n o m b r e exigé, il y a déficit de 312
l icenciés ès l e t t r es et de 1 0 0 l icenciés ès sc iences , q u e
la loi r é c l a m e r a i t .


El il faut que j e red ise ici ce q u e je d isa is des b a c h e -
l iers tout à .l 'heure. L 'Univers i té t ravai l le depu i s q u a -
r a n t e ans à les fo rmer . ' elle a p o u r le faire u n e école
spéciale où elle p r é p a r e à la l i cence , d ' u n e m a n i è r e im-
m é d i a t e , ses é lèves les p lus h a b i l e s . E ce qu 'e l l e n ' a p u
faire e n c o r e a p r è s ce t ravai l de p r è s d 'un D E M I - S I È C L E ,
on v e u t ipie les é t a b l i s s e m e n t s l ibres le fassent eu que l -
q u e s a i m é e s , et d a n s u n e p r o p o r t i o n tr iple ou q u a -
d rup le !


iïïais, de g r â c e , où est ici la vé r i t é , où est la j u s t i ce ?
P e r s o n n e peut- i l c ro i re qu ' i l y ait d a n s le p ro je t de


loi une force c réa t r i ce c a p a b l e d ' en fan t e r tout c e l a ?
Il y a ici u n e imposs ib i l i t é si r ad i ca l e , u n e in iqui té si


c r i an t e qu 'e l l e a r évo i t é AI. Cousin :


Disons la vérilé : il force de vouloir élever le niveau
do r i i islruclioii dans 1rs inst i lul ious l ibres, nous finirons
par empêcher l 'élal i l isM-iueul des inst i tut ions l ibres elles-
mêmes . . . . Alènie, (huis nos é tabl issements publics , dans
nos collèges communaux , j ' e n t e n d s nos collèges c o m m u -
naux de plein exercice, n 'y a-l-il pas beaucoup de profes-
seurs de sciences qui ne sont licenciés ni ès sciences m a -
thématiques , ni ès sciences phys iques? Sur cent c inquante
collèges c o m m u n a u x de plein exercice, nous avons en tout
cinquante licenciés ès sciences. Nous ar r iverons à avoir
partout des professeurs do sciences qui soient licenciés, il
faut l 'espérer; mais ce n'est pas non qui me chargerai




D U N O U V E A U P R O J E T D E L O I


île convertir cette espérance eu un fait réel A V A N T I NO:
• i>.'.. \ . \ r i é A x x i i r s . L E S E M I M I C Y I ' i.'iïufiTÉ I / K M I ' O U T I :
Sun T O I T . Il m'est impossible d 'exiger plus des insl i tu-
Icurs privés que nous n 'exigeons ou que, du moins noies
n 'obtenons des nôtres , et voici quarante ans apue l'Univer-
sité existe !


Je n 'a i r i en à a jou te r à ces pa ro l e s .


111. On exige le double baccalauréat ès lettres et es
sciences matliématiriues ou jiligsitpics p o u r tous les chefs
de s imple ins t i tu t ion ; et t o u s les chefs d ' ins t i tu t ion de
plein exerc ice son t t enus de jus t i f ie r , en o u t r e de la
l icence ès l e t t r e s , du b a c c a l a u r é a t és sc iences .


Il i m p o r t e d ' éc l a i r e r l ' op in ion p u b l i q u e s u r cet te ex i -
gence du d ip lôme de b a c h e l i e r es sc i ences .


D e m a n d e r ce d i p l ô m e , c 'est d e m a n d e r s imp lemen t
d ' a jou te r à la l i cence ès le t t res le p r o g r a m m e de la
p r e m i è r e école sc ient i f ique du r o y a u m e , l 'École poly-
t e c h n i q u e : c 'est les s o u m e t t r e à la p lus r u d e é p r e u v e
i m p o s é e aux c a n d i d a t s p o u r les p rofess ions savan tes ;
c 'est l eu r i m p o s e r les p r é p a r a t i o n s les p lus longues et
les plus l a b o r i e u s e s , i n d é p e n d a m m e n t des au t r e s con-
n a i s s a n c e s difficiles et n o m b r e u s e s qu ' i l s ont dû pén i -
b l e m e n t a c q u é r i r d ' a i l l eu rs .


Qui ne sait q u ' o n n ' a r r i v e o r d i n a i r e m e n t à l 'École
po ly t echn ique q u ' a p r è s q u a t r e o u c inq a n n é e s d ' é tudes
spécia les ? Te l l emen t spéc ia les , t e l l emen t é t r a n g è r e s
aux l e t t r e s , q u ' o n se r a p p e l l e toutes les r é c l ama t ions
du conseil de l 'École, t ou tes les r é c l ama t ions des ins t i -
tu t ions p r é p a r a t o i r e s , l o r s q u ' o n voulu t exiger p o u r
l 'École po ly t echn ique le d ip lôme de b a c h e l i è r e s l e t t res .
Voilà ce q u e l 'on d e m a n d e à un chef d ' é t ab l i s semen t ,




S m I .A L I BEiiTl* D'F. N S !•; IG X E M E N T ; 1S k 7 :. 437
déjà p o u r v u du g rade si é m i n e n t de l icencié ès l e t t r e s ;
ce q u e l 'on d e m a n d e à un s imple chef d ' i n s t i tu t ion ! des
conna i s sances qui exigent des a n n é e s d ' é tudes n o n -
seu l emen t spéc ia les , m a i s d i v e r s e s ; n o n - s e u l e m e n t d i -
ve r ses , ma i s p r e s q u e c o n t r a i r e s , à. ce degré q u e p o u r
le p lu s g r a n d n o m b r e des e sp r i t s , elles s 'excluent , q u a n d
elles son t poussées j u s q u ' à u n po in t d o n n é .


Ceux qui n 'on t point é tud ié ces m a t i è r e s , t r o m p é s au
p r e m i e r abord p a r Je m o t inoffensif et m o d e s t e en a p -
p a r e n c e de bache l i e r , p e n s e n t peu t - ê t r e q u e le bacca-
lauréat es sciences exige s i m p l e m e n t les p r e m i e r s é lé-
m e n t s des sc iences , et ne savent p a s q u e le b a c c a l a u r é a t
ès le t t res a déjà exigé en fait de sc iences b e a u c o u p au
delà des p r e m i e r s é l émen t s ; à savoi r :


1° L'arithmétique, y c o m p r i s l ' ex t rac t ion des r ac ines
c a r r é e s et c u b i q u e s ;


2" La géométrie comjilète ;
3" L'algèbre, j u s q u ' à la r é so lu t ion des é q u a t i o n s d u


d e u x i è m e degré à u n e seule i n c o n n u e ;
h" Les théories principales de la p h y s i q u e et de la


ch imie .


Outre donc ces p r e m i è r e s c o n n a i s s a n c e s sc ient i f iques
néces sa i r e s p o u r le b a c c a l a u r é a t ès le t t res , on exige le
d ip lôme spécial de bache l i e r ès sc iences ; on n ' en d é -
c la re e x e m p t s que les élèves de l 'École p o l y t e c h n i q u e ,
non p lus m ê m e déc la ré s admis s ib l e s à l 'École a p r è s
quatre, ou cinq a n n é e s d ' é tudes spéc ia les , ma i s déc la ré s
admiss ib le s aux services publ ics , où c o n d u i s e n t les deux
a imées d ' é tudes t r a n s c e n d a n t e s de cel te école.


Eh bien ! je ne c ra ins pas cle le d i r e , c 'est u n e é n o r -
mité. Car :


i" Pa r l à , on d e m a n d e au chef d ' ins t i tu t ion ce q u ' o n




DL" N O U V E A U P R O J E T I )E TOI


n ' a j a m a i s songé à d e m a n d e r aux. p r o v i s e u r s des col-
lèges r o y a u x .


2" La p l u p a r t des collèges s e r o n t f e r m é s , si on exige
le d o u b l e d i p l ô m e .


Q u o i ! l'Université, dit M. de Salvandy, sait par son
expérience la difficulté de trouver des administrateurs
habiles et sûrs, qui soient en même temps pourvus des
distinctions que les règlements exigent ;


Et c 'est le s a c h a n t p a r u n e e x p é r i e n c e de q u a r a n t e
a n n é e s , q u e vous n ' en tenez a u c u n c o m p t e d a n s ce qui
devai t ê t r e u n e loi de l iber té ! E n c o r e u n c o u p , où est
la vé r i t é , o ù est la j u s t i c e ?


3" Il y a m a n i f e s t e m e n t e n t r e ces exigences et les ga -
r a n t i e s n é c e s s a i r e s u n e si i nc royab l e d i s p r o p o r t i o n ,
q u ' o n n e p o u r r a i t l ' exp l ique r q u e p a r le desse in formel
d ' a n é a n t i r t ous les é t a b l i s s e m e n t s l ib res d ' ins t ruc t ion
p u b l i q u e , si la l oyau t é de aï. de Sa lvandy n 'a t tes ta i t
qu ' i l y a s e u l e m e n t ici l ' exagéra t ion m a l h e u r e u s e d ' une
idée fausse qu i p o u s s e le difficile j u s q u ' à l ' imposs ib le .


IV. Enfin, la dépendance n é c e s s a i r e où l'on place les
chefs d'institutions p r ivées d e v a n t les p ro fes seu r s et les
p lu s s imples su rve i l l an t s , p a r la condi t ion r i g o u r e u s e -
m e n t i m p o s é e des g r a d e s de l i cenc iés et de b a c h e l i e r s ;
les é n o r m e s sacrif ices d 'a rgent a u x q u e l s on les a s s u -
je t t i t p o u r se p r o c u r e r et p o u r conse rve r ces aux i l i a i res
pr ivi légiés et i n d i s p e n s a b l e s ; les difficultés n a i s s a n t de
la forte pos i t ion q u e d e s h o m m e s ainsi p lacés ont pr i se
contre ceux qu i les e m p l o i e n t , tout cela ajouté aux
c h a n c e s pé r i l l euses q u e c o u r e n t ceux qui dir igent les
é t a b l i s s e m e n t s pa r t i cu l i e r s et q u e ne cou ren t j a m a i s les
é t a b l i s s e m e n t s de l 'État : tout cela forme une accablante.




s t u i . i i i f ' U T É D ' E . N S E I G : ; E Î I E X T ; ÏS i? 4.no


r é u n i o n d ' imposs ib i l i tés nous l e sque l l e s do iven t f a l a l e ­
men! s u c c o m b é e les essa i s , que l s qu' i ls s o i e n t , de r e n ­
se ignement l ibre .


Qui ne s a i t , en effet, q u e les collèges de i ' I . D i v e r s i t é
oui « priori u n e m a i s o n et un mobi l i e r d o n t l ' en t r e t i en
l eu r e s t a s s u r é , u n cer ta in n o m b r e d e b o u r s e s fondé ,
le t r a i t e m e n t de l e u r s pro fes seu r s p a y é , tout cela soit
aux dépens de l ' É t a l , soif a u x d é p e n s des vi l les? Qui
ne sait q u ' e n o u t r e ils offrent à ceux qui y son t e m ­
ployés u n e c a r r i è r e t r acée ci la ce r t i tude d ' u n e r e t r a i t e ,
t and is (pie les m a i s o n s d ' é d u c a t i o n pr ivées n ' o n t r i en
de s e m b l a b l e ? q u ' i l l eu r faut p o u r v o i r a l o u l , à l eu r
loca l , à leur mobi l i e r , à son en t r e t i en , a u x r é p a r a t i o n s ,
et a u t r a i t e m e n t de Ions l e u r s pro fes seu r s et de, tous les
su rve i l l an t s , s a n s l eur offrir ni c a r r i è r e , ni r e t r a i t e ?


P o u r moi , je le d é c l a r e , et je ne crois faire d ' in ju re à
personne; en le d é c l a r a n t ; je n e c o n n a i s p a s 0:1 Ггапес
un seul individu , l a ï q u e o u e c c l é s i a s t i q u e , que l l e q u e
soit s a fo r t une , s o n ta len t , sa ve r tu cl sa capac i t é p o u r
r e n s e i g n e m e n t , q u i , seul et. a b a n d o n n é à son ac t ion
personnelle, puisse s u b i r les exigences de la loi nouve l l e ,
e ' e sba ­d i ro Jouer à bai! ou é H i e r à ses r i s q u e s et pér i l s
une maison suffisante p o u r c o n t e n i r 250 ou 300 éîv.ves,
— n o m b r e ,': pou près n é c e s s a i r e p o u r p e u p l e r r o o v o ­
mib l emen t toutes les c lasses d 'un é!?.h!!ssvinenl de ple in
e x e r c i c e , — y r a s s e m b l e r a u t o u r de lui 20 ou 25 m a î ­
t r e s , d i r e c t e u r s pro fe s seu r s et s u r v e i l l a n t s , i ons b a ­
che l i e r s ou l i c e n c i é s , — n o m b r e n é c e s s a i r e p o u r 250
ou 300 é lèves , — les d é v o u e r à cel le g r a n d e oeuvre, les
r é t r i b u e r o m c n a b l e m ni a l eu r m é r i t e cl à jours g r a ­
des , les g o u v e r n e r , l es retenir...., ou les r e m p l a c e r i m ­
m é d i a t e m e n t sous pe ine de la s u s p e n s i o n et de l ' io le r ­




440 D U .N'OUVL'AU P R O J E T DK I .Ol
dict ion (art . 2 3 ) , c ' es t -à -d i re d 'une r u i n e iné\ diable : je


l e r epè l e , je ne c o n n a i s p a s en F r a n c e un seul individa
qu i ail la t é m é r i t é de l ' e n l r e p r e n d r e et la p u i s s a n c e d. •


l ' a c c o m p l i r .
Telle est la L ibe r t é d ' e n s e i g n e m e n t que d o n n e le n o u -


v e a u pro je t .


V


Le nouveau projet de loi blesse au coeur le principe mêu,"
de la Liberté d'enseignement en im-.lituaat l'Université
juge cl arbitre de ses concurrents.


M. de S a l v a n d y , c 'est un h o m m a g e q u e je suis h e u -
r eux de lu i r e n d r e , a lait des efldrls p o u r é c h a p p e r au
pér i l q u e je s ignale ici , mais il n 'y a pas r é u s s i ; et l ' h o n -
n ê t e t é , l ' éne rg ie m ê m e de ses efforts ne l'ont (pie c o n s -
t a t e r p lus s o l e n n e l l e m e n t la gravi té du pér i l et le m a l -
h e u r qu ' i l a eu de le cou r i r .


Dans un écr i t pub l i é r é c e m m e n t , j ' a i d é m o n t r é q u e
le b o n s e n s ava i t a m e n é les h o m m e s les p lus graves à
c o n v e n i r de t ro i s po in t s i m p o r t a n t s , savoi r :


l" Qu'il f a u t , en c o n s e r v a n t à l'i advers i té son ex is -
t e n c e et ses pr ivi lèges et à l 'État son au to r i t é , d o n n e r
enfin a u x pè r e s de famil les , p o u r l ' éduca t ion de l eu r s
enfan ts , u n e l ibe r té vé r i t ab l e ;


2° Que la L ibe r t é d ' e n s e i g n e m e n t n ' e s t vér i tab le , s in-
c è r e , q u e si elle e s t , e n t r e les d ivers i n s t i t u t e u r s , une
l i b r e et loyale c o n c u r r e n c e ;


3 ° Qu'il n 'y a pas de l ib re et loyale c o n c u r r e n c e , n i
m ê m e de c o n c u r r e n c e en a u c u n sens poss ib le , si L'Uni-




S U I S LA I .1UKUTÉ D' F. y S Y. 1 {', \ F, il Y. y T ( 1 8 i 7 ) . 1 i 1


r e r s i t c d e m e u r e l ' a rb i t re do ses c o n c u r r e n t s , si elle es t
juge el pa r t i e .


Ces trois po in t s son t i r ré fu tab les : le b o n s e n s , la
b o n n e foi les p r o c l a m e n t en m ê m e t e m p s q u e nos a d -
versa i res e u x - m ê m e s .


C'est d o n c p o u r d o n n e r sat isfact ion à cet accord à peu
p r è s u n a n i m e :


1° Que le n o u v e a u pro je t ins t i tue un g r a n d Conseil de
l ' ins t ruct ion pub l ique ;


2° Que le conseil de l 'Ln lve r s i t è ne sera p lus p r é c i s é -
m e n t seul à t ra i te r des questions générales de l'enseigne-
ment, ni des maliens communes aux établissements pu-
blias el p irliculiers, ni des matières spéciales aux éta-
blissements i'l maîtres particuliers, ni des programmes
d'études et épreuves de grades, e tc . (Art. 3 / i , ."6,;


tî" Que l ' a m e n d e , la s u s p e n s i o n , l ' in terdic t ion ne p o u r -
ron t ê t re p r o n o n c é e s con t re les i n s t i t u t eu r s l ibres que
p a r les t r i b u n a u x o r d i n a i r e s ;


U" Que le j u r y , l ' e x a m e n et le d i p l ô m e de capac i t é
sont s u p p r i m é s .


Mais , n o u s l ' avons v u :
1" L 'Univers i té d e m e u r e en i m m e n s e m a j o r i t é , 30


c o n t r e 12, d a n s le g r a n d Consei l ;
2 ' Les r e c t e u r s de l 'Lnivers i lé i n t e r v i e n n e n t p e r p é -


tue l lement en t r e les é t ab l i s s emen t s l ib res cl le m i n i s t r e ;
3" Les i n s p e c t e u r s s e r o n t e n c o r e des agen t s un ive r -


s i ta i res ;
/i° Les e x a m e n s du b a c c a l a u r é a t s e r o n t e n c o r e faits


u n i q u e m e n t p a r des p ro fes seu r s de l 'Univers i té ;
5° Enfin, le n o u v e a u pro je t supp lée au j u r y , à l ' exa -


m e n et au d ip lôme de capac i t é p a r des g r a d e s é levés ,
t r è s - n o m b r e u x , très-difficiles ù o b t e n i r ; et ces g r a d e s ,




D E .NOTVi : . \ r P R O J E T D E E D I


il s t a tue q u e l T n i v o r s i t é seu le les d o n n e r a (art. 20).
Ainsi l T n i v o r s i t é c o n t i n u e r a à rég i r , à i n spec t e r , à


e x a m i n e r , à j u g e r tous les i n s t i t u t eu r s l ibres , fous les
p ro f e s seu r s , t ous les su rve i l l an t s , tous les r é p é t i t e u r s ,
eu u n m o t , tous les é t a b l i s s e m e n t s pr ivés , tous l eu r s
m a î t r e s et t o u s l eu r s é lèves , p a r ses r e c t e u r s , p a r ses
i n s p e c t e u r s , p a r ses e x a m i n a t e u r s : T o u s , s ans u n e
seu le e x c e p t i o n , dev ron t p a s s e r p a r ses m a i n s à l ' en -
t r ée et à l ' i ssue de la c a r r i è r e .


Eb b ien ! j e l 'affirme, ce l le d ispos i t ion suffit p o u r qu ' i l
soit v ra i de d i re q u e le n o u v e a u pro je t de loi b lesse au
c œ u r la L ibe r t é d ' en se ignemen t .


Les o b s e r v a t i o n s les p lus s imp le s , su r u n seu l des
p o i n t s q u e je v iens d ' i n d i q u e r , me t t en t cel le a sse r t ion
d a n s u n j o u r év iden t :


I . Qui n e sail q u e l ' examen de capac i té et la c o m p o -
si t ion d u ju ry c h a r g é de faire cet e x a m e n , a tou jours
é té la q u e s t i o n g r a v e , la q u e s t i o n dé l i ca t e , la ques t ion
décis ive de t ou t e loi su r la L i b e r t é d ' e n s e i g n e m e n t ?


En 1 8 3 7 , c o m m e en léi 'èi, on s 'en élan, g r a v e m e n t et
j u s i e m e n l, p r é o c e n p é .


AL Th ie r s l u i - m ê m e l 'avai t bien sen t i , et r e conna i s s a i t
d a n s son r a p p o r t : qu'au examen spéei.ud, subi en pré-
sence déjuges avertis du projet de celai qui s'offre a eux,
de juges placés en outre sous lu dépendance du ministre,
est une manière de faire renaître l'a u lorisaiion préa-
lable.


En effet, quel le équ i t é et que l le impar t i a l i t é les insti-
t u t e u r s l ib res peuvent - i l s e s p é r e r , si en fait des h o m m e s
a p p a r t e n a n t à u n e c o r p o r a t i o n r ivale j uges abso lu s de
l e u r m é r i t e , a rb i t r e s s u p r ê m e s p o u r déc ide r s'ils son t




S I T , t.A L I B E R T E D'ENSEIGNEMENT 4i3


dignes ou non d 'ouvr i r u n e école el d ' e n t r e r eu lu t t e?
Où sera p o u r ou y la l ibre c o n c u r r e n c e , où sera p o u r
eux la L iber té d ' e n s e i g n e m e n t , s'ils n e p e u v e n t e n s e i -
gner ipie sous le b o n p la is i r de ceux- là m ê m e s qu i son t
l eu r s c o n c u r r e n t s ?


M. Cous in , q u e n o u s ne p o u v o n s pas c o m p t e r p lu s
q u e M. T b i e r s p a r m i nos a m i s , convena i t auss i q u e le
p o u v o i r d i s c ré t i onna i r e ne sor ta i t des m a i n s d u m i -
n i s t r e q u e p o u r p a s s e r d a n s celles du j u r y :


Le jury dr rnpari té est un pouvoir trop considérable ,
d isa i t - i l ; les ju rys do capacité, d 'un bout de la France à
l 'autre, .-.accèdent au pouvoir d iscré t ionnaire du minis t re
et du Conseil royal. Leurs j ugemen t s sont sans appel ; ils
décident d 'une profession et de l'état des ci toyens.


.Aussi, ion les les fois q u ' u n pro je t de loi su r la L iber té
d ' e n s e i g n e m e n t es t a r r i v é à la l u m i è r e et a p u ob ten i r
l ' h o n n e u r d ' une d i scuss ion p u b l i q u e , la compos i t i on d u
j u r y de capac i t é est d e v e n u e l 'objel de l ' e x a m e n le p lu s
s é r i eux , le p lus attentif : c'a tou jours été le po in t c a p i -
ta l , el , si je le p u i s d i r e , le po in t fixe de la d iscuss ion.
Lu effet, il est év iden t q u e p r e s q u e toute la loi est là.


IL Ce qu ' i l i m p o r t e é g a l e m e n t de bien r e m a r q u e r ,
c'est q u e les h o m m e s les p lus i m p a r t i a u x n ' o n t j a m a i s
hés i té à d i re q u e , d a n s ces j u r y s d ' e x a m e n , la ma jo r i t é
des m e m b r e s ne devai t pas a p p a r t e n i r à la c o r p o r a t i o n
u n i v e r s i t a i r e .


Cédai t au moins une m i n o r i t é i n d é p e n d a n t e de l 'Uni-
vers i lé q u e d e m a n d a i e n t les h o m m e s les m o i n s i m p a r -
t i aux .


M. le comte 3!oié, 3.1. P a s s y , M. le d u c de ï l rogne ,




i-U D E X O E V E . U l 'UOJ E T DK ],<<)


M. Por t a l i s , et tous les h o n o r a b l e s meinbi ' es d e l à c o m -
m i s s i o n n o m m é e p a r la C h a m b r e des p a i r s , en î8 ' i à ,
ava ien t u n a n i m e m e n t d e m a n d é la major i t é .


S'il i m esl au t rement , disait M. de Rroglie, ne doit-un pa-
cra indre que l 'esprit de corps ne l 'emporte trop souvent
sur l 'esprit de ju s t i ce ; que les meniliri"- de l 'Université,
regre t tan t la suprémat ie qu ' i ls ont exercée jusqu'ici sur les
inst i tut ions et les pens ions , exclusivement préoccupés de-
établ issements de l'Etat, voyant dans les établissements
l ibres , non plus des auxil iaires, mais d e s c h a u x ; dans
les ins t i tu teurs l i b r e s , non plus des pupil les , mais des
émules , n entravent la formation de ces établissements \:ar
des exigences excessives ?


P a r l a n t , en 1837, au n o m des m e m b r e s de la c o m -
mis s ion don t il é ta i t le r a p p o r t e u r , M. Sa in t -Mare
G i r a rd in , n ' ava i t pas hés i té non p lus à se p r o n o n c e r à
cet é g a r d ; e l , j ' a i déjà eu occas ion de le (aire r e m a r -
q u e r , ses p a r o l e s on t ici u n e au to r i t é par t i cu l iè re p a r l a
pos i t ion de l ' o r a t e u r , qui s e m b l e se juger et s ' exclure
l u i - m ê m e :


La Chambre sait qu'il m'est , jusqu 'à un certain point,
difficile de me dépouil ler de ce que j ' appel le ra i m e s p ré -
jugés et mes habi tudes universi taires ; cependant jesacr i l f
volontiers ces habi tudes et ces préjugés universitaires an
pr incipe même de la loi, c'est-à-dire à la Liberté d'ensei-
gnement .


Messieurs, qu'a voulu le gouvernement? qu'à vendu la
Charte, lorsqu'el le a proclamé la Liberté de l 'enseigne-
m e n t ? Elle a dépouillé l 'Université du droit absolu et ex-
clusif qu'el le avait jusque-là. Voici un premier t'ait qu' i l
faut constater .


Un a créé un jury de capacité. Lit bien '. q u ' a r r h e r a - t - i i




S U I ! I .A LI II Kit T É D ' E N S E I G N E M E N T ( i S17 ). 4 i 5


maintenant , si Ir j u r y est noininù complè tement par le
minis t re? S'il est complètement le délégué de l 'Universi té,
il e s t impossible d e méconnaî t re ipie c'est encore l 'Univer-
si té oui jugera .


M. Delespaul d isa i t d a n s la m ê m e . d i s c u s s i o n :


L'Université aura i t la possibilité d'affaiblir ou de repous-
s e r des concurrences redoutables pour elle.


Laisser au îninislre la faculté de faire dépendre de l 'Uni-
versité la délivrance des brevets de capacité, c'est revenir
au décret du 17 mars 1 8 0 8 , c'est se réserver encore le
monopole de l ' instruction, c'est r ep rendre d 'une main ce
que l'on a l'air d 'accorder de l 'autre, c'est donner et re tenir .


Ces c o n s i d é r a t i o n s si fortes ava ien t d é t e r m i n é la c o m -


mission de la C h a m b r e des pa i r s à p o s e r en p r inc ipe :


que toutes les fois que le ministre de l'instruction publi-
que un ses agents saunent eu rapport avec les établisse-
ments privés, le concours d'hommes étrangers à l'Uni-
versité , d'hommes indépendants par position et par ca-
ractère, d'hommes dont les lumières et la haute impartia-
lité ne puissent être révoquées en doute, é ta i t n é c e s s a i r e :


Le principe sur lequel est fondée la loi que nous discu-
tons, disuit .'/• le duc de liroijlie, et M. Y Ulema in ne le
contredisait pus, c'est, que toutes les fois que le minis tère
de l'insliaiciiou publ ique se trouve dans un rappor t que l -
compte avec, les é tabl issements pr ivés par l 'entremise du
corps enseignant , le corps ense ignant n 'agi ra pas seul ; il
agira avec le concours , et, j u squ ' à un certain point, sous
le eoulròle d 'hommes éminents , cons idérables , i ndépen-
dants et pris en dehors de, son sein : c'est là le pr incipe de
la loi.


Les h o m m e s les m o i n s i m p a r t i a u x , et les p lus abso -




i,\G D U X 0 1 Y E A U P l i 0 J E T DE L i l i


l u m e n t dévoués à l ' u n i v e r s i t é , a d m e t t a i e n t au mo ins
d a n s Je j u r y do capac i t é u n e m i n o r i t é i n d é p e n d a n t e de
la c o r p o r a t i o n u n i v e r s i t a i r e ; en un m o l , p a r m i tous
ceux qu i se sont occupés de cet te g rave q u e s t i o n , nul ,
excep té u n seul h o m m e qu ' i l est inut i le de n o m m e r ic i ,
n ' a j a m a i s p e n s é qu ' i l n e d û t y avoir d a n s l e j u ry de ca-
pac i t é , ni ma jo r i t é , ni m i n o r i t é i n d é p e n d a n t e de l 'Uni-
ve r s i t é , et q u e l 'Universi té s eu l e , s ans a u c u n con t rô l e ,
s ans a u c u n c o n c o u r s , s a n s a u c u n e g a r a n t i e , devai t ê t re
j u g e et a rb i t r e de ses c o n c u r r e n t s ; tous v o u l a i e n t ,
c o m m e le disai t M. de JJroglie , ga ran t i r d 'une m a -
n i è re ou d ' une a u t r e la parfaite indépendance et la par-
faite iinj>arlialile des craininnSeurs.


Ce second point étai t t r è s - i m p o r t a n t à cons ta te r .


III". s la i s . m e d i r a - l - o n , le n o u v e a u projet a résolu
v i c t o r i e u s e m e n t toutes ces diff icul tés; ca r il s u p p r i m e
le j u r y , l ' e x a m e n et le d i p l ô m e de capaci té .


Oui , m a i s il y s u b s t i t u e le j u r y , l ' e x a m e n et le d i -
p l ô m e des g r a d e s les p lus é l e \ é s , les p lus dil'ticiles, les
p lus n o m b r e u x .


Qui n e voit que , d a n s ce s y s t è m e , les c o m m i s s i o n s
d ' e x a m e n p o u r la col la t ion des g r a d e s son t p r o p r e m e n t
et u n i q u e m e n t des j u r y s de c a p a c i t é ?


Qui ne voit q u e l ' e x a m e n de capac i té et Je g r a d e élevé
s o n t a b s o l u m e n t u n e m ê m e c h o s e ? q u e d i spense r de
l ' un et obl iger à l ' a u t r e , et c r o i r e p a r là faire q u e l q u e
c h o s e de g r a n d et de sé r i eux p o u r u n e l ibre et lov aie
c o n c u r r e n c e , c 'es t se t r o m p e r t r i s t emen t s o i - m ê m e ?


Qui n e sai t q u e la l i cence ès le t t res n ' es t exigée q u e
p o u r la c a r r i è r e de r e n s e i g n e m e n t , et q u e les é p r e i n e s
n ' e n son t j a m a i s sub ies tpie d a n s celle p e n s é e ?




S I ' U I .A L 1 B E K T E D ' E N S E I G N E M E N T ( l S t ; .. 4t1


Qui ne c o m p r e n d q u e l ' e x a m e n de l i cence , pas sa ,
c o m m e le d isa i t M. T h i e r s , m présence de juges toujours
avertis du projet de celui qui s'offre à eux, déjuges
placés en outre sous la dépendance du ministre, n ' e» l .
auss i b leu que. l ' e x a m e n de capac i t é , q u ' u n e m a n i è r e
d é f a i r e r e n a î t r e l ' a u t o r i s a t i o n p r é a l a b l e ?


Qu 'es t -ce q u e les i n s t i t u t eu r s l ib res a u r o n t gagné à
ce n o u v e a u s y s t è m e ?


Le voici : de n ' avo i r p lus ni ma jo r i t é , ni m i n o r i t é i n -
d é p e n d a n t e p o u r les p r o t é g e r ; d ' ê t re l ivrés s a n s dé-
fense à l ' e x a m e n et au j u g e m e n t de l e u r s a d v e r s a i r e s ;
de vo i r l ' bn ive r s i l é , j u g e s u p r ê m e de t ous c e u x qu i se
des t inen t à l ' en se ignemen t , a r b i t r e en d e r n i e r r e s s o r t
de tous les é t a b l i s s e m e n t s l ib res , et m a î t r e s s e a b s o l u e
du t e r r a i n , des cond i t ions de la lut te et des lois du
comba t .'


Mais, m e d i r a - l - o n , n exagé rez -vous r i e n ? Je ne le
pense pas : t ou t est ici p a r f a i t e m e n t clair . W. - t - i l p a s
manifes te que le n o u v e a u pro je t de loi n e s ' occupe p lus
ni de ma jo r i t é , ni de m i n o r i t é i n d é p e n d a n t e de l 'Univer-
sité, d a n s les c o m m i s s i o n s d ' e x a m e n ? n e t i en t a u c u n
c o m p t e ni des ad jonc t ions d e m a n d é e s p a r M. fiuizot,
p a r M. Sa in t -Marc Girard in , pa r M. de Broglie ; ni de
l ' a ss i s tance active du consei l a c a d é m i q u e aux e x a m e n s
si i m p o r t a n t s du b a c c a l a u r é a t ?


iVest-il pas manifes te qu ' i l ins t i tue juge et a r b i t r e de
ses c o n c u r r e n t s , l 'Univers i té s eu l e , et q u e s a n s a u c u n
c o n c o u r s , sans a u c u n con t rô l e , s a n s a u c u n e g a r a n t i e ,
elle est c h a r g é e seule d ' a p p r é c i e r les elforts de ses
é m u l e s , d ' e x a m i n e r leur m é r i t e , de j u g e r l eu r c apac i t é ,
de. déc ider l e u r so r t , en un m o t de les r e p o u s s e r o u de
les a d m e t t r e d a n s la c a r r i è r e ?




D U N O U V E A U P R O J E T D E L O I


Eh b ien! je dis q u e ce s y s t è m e est p r o f o n d é m e n t con-
t r a i r e à l ' équ i té , et a b s o l u m e n t inadmiss ib l e .


Selon l ' express ion de M. T h i e r s , n ' es t -ce pas là , sous
u n e a u t r e forme, le régime arbitraire de l'autorisation
préalable? Le g r a n d m a î t r e , le Ministre de l ' i n s t r u c -
t ion p u b l i q u e , n ' a u t o r i s e r a p lu s d i r e c t e m e n t , cela est
v r a i ; m a i s il i n s t i t ue ra s u r tous les po in t s de la F r a n c e ,
des juges un ive r s i t a i r e s p o u r s t a tue r s u r la capac i t é
des i n s t i t u t e u r s l i b re s , s u r l e u r a p t i t u d e à di r iger u n e
é c o l e ; c ' e s t - à - d i r e q u ' a u l ieu d 'un juge u n i q u e , p l u s
h a u t p lacé et p lus i n d é p e n d a n t , les i n s t i t u t eu r s l ibres
a u r o n t u n e m u l t i t u d e de juges s o u m i s à t ou t e s les in-
f luences loca les , p a s s i o n n é s , h o s t i l e s , i r r i tés pa r le
vois inage de la c o n c u r r e n c e , p r é o c c u p é s de leurs p r o -
p r e s i n t é r ê t s , c o m b a t t a n t enfin p o u r la défense de leurs
pr ivi lèges e t de l e u r s p r o p i e s foyers !


J 'a i déjà cité 1 les t émo ignages des h o m m e s les plus
dévoués à l 'Univers i té , l ' au to r i t é de ses amis les m o i n s
s u s p e c t s , les p a r o l e s de ses p lu s h a u t s d ign i ta i res . Les
o r g a n e s de l 'op in ion p u b l i q u e les m o i n s favorables au
c lergé on t p o u s s é si loin la d é m o n s t r a t i o n de ce q u e
j ' a v a n c e , et pa ro les r a i s o n s si s ens ib le s , q u e je n ' a u r a i s
en vé r i t é q u ' à e m p r u n t e r l e u r s p a r o l e s : c 'es t l ' expres -
sion m ê m e de la b o n n e foi et du bon s e n s . Je m e b o r -
ne ra i à c i ter le p lus acc réd i t é de tous :


Si l 'Université cont inue de conférer les g rades , qui ré -
pondra aux ins t i tu teurs pr ives qu'elle ne leur fermera pas
l 'entrée de la c a r r i è r e? qui ga ran t i ra aux candidats sortis
d e s écoles privées, et , pa r cela même , en butte aux pré-
vent ions de, lTnivoi-sUéot é t rangers à ses méthodes ,qu 'e l le


1 Etat actuel ik la tjacath»'.




S U R LA L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T ( 1 8 1 7 ) . 459


ne les accueillera pas avec prévent ion et malvei l lance?
Qui ne comprend pas que les g rades et les diplômes de-


viendront alors des brevets de capacité, pour lesquels les
juges du projet de loi ne para i ssen t pas assez indépen-
dants? Kt no voyez-vous point que l 'Université, ga rdan t le
privilège de fixer les mat ières des examens connue elle
l 'entend, et le droit exclusif de faire des bachel iers et des
l icenciés, il y a le. ré tabl issement complet du monopole ,
il y a ht dominat ion absolue d'un corps de professeurs ,
desquels tous les autres maîtres dépendron t comme leurs
é lèves; il y a la porte la plus large ouverte à tous les abus
de jalousie, d ' amour -p ropre , de préjugés et d ' in térê ts : il y
a enfin un danger d 'au tan t plus grave pour les familles
que celte magis t ra tu re inconst i tut ionnelle t iendra la clef,
non pas seulement de la carr ière de l 'enseignement , niais
du ba r reau , de la médecine, du pa rque t et des t r ibunaux ,
des adminis t ra t ions , en un mot do toutes les professions
publ iques .


Ou je me t r o m p e o u voilà des r a i s o n s a u x q u e l l e s il
est imposs ib l e de r é p o n d r e .


M. le Ministre de l ' i n s t ruc t ion p u b l i q u e a p r o c l a m é
l u i - m ê m e q u e la L iber té d ' e n s e i g n e m e n t n ' es t vé r i l ab le
q u e si elle est en t r e les d ive r s i n s t l t u l eu r s une f r anche
Ct l o j a l e c o n c u r r e n c e ; que loul le monde, la'ique ou ec-
clésiastique, (loi! être libre d'eleeer autel contre autel,
d'opposer les méthodes aux méthodes, les écoles aux
écoles.


Ces paroles son t c la i res , é n e r g i q u e s ; m a i s j e défie de
ne p a s r e c o n n a î t r e en m ê m e t e m p s qu ' i l n 'y a p a s de
f ranche et loyale c o n c u r r e n c e , ni m ê m e de c o n c u r r e n c e
en a u c u n s e n s poss ib le , si l'Université, parla collation
exclusive des grades, soit aux maîtres, soit aux élèves
des établissements libres, demeure l'arbitre de ses con-


i. 29




D U N O U V E A U P R O J E T D E L O I


currents, à l'entrée el à Cisme de la carrière, si elle est
juge et partie.


Los p a r o l e s q u e je v iens de r a p p e l e r p r o c l a m e n l é n c r -
g i q u e m e n t aus s i la liberté des méthodes : c 'est en effet u n e
pa r t i e e s s e n t i e l l e , i n d i s p e n s a b l e de la L iber té d ' e n -
se ignemen t . Mais c o m m e n t M. de Sa lvandy n'a-t-i l p a s
vu q u e son s y s t è m e est p r o f o n d é m e n t con t ra i r e à cet te
l i b e r t é ? et qu ' i l est a b s o l u m e n t impossible, c o m m e le
d isa i t M. Sain t -Marc G i r a rd in , que cette liberté existe si
c'est l'esprit universitaire qui juge les méthodes nou-
velles ?


On re l i r a de n o u v e a u avec pla is i r ce qu 'a jou ta i t cet
i ngén ieux o r a t e u r :


Où sera donc la l iberté des m é t h o d e s , je vous le de-
m a n d e ? Lorsqu 'une méthode nouvelle se produit , lors-
qu'elle vient, en quoique sorte, devant le j u ry de capacité
pour se faire reconnaî t re , pour recevoir son invest i ture,
qui est-ce qui j uge ra son efficacité, sa va leur? Ce sera en-
core l 'esprit univers i ta i re I L'esprit universi taire ' , il est
excellent dans vos établ issements publics ; no le niellez pas
dans vos établ issement privés, ou alors ne faites pas de
loi ; car s'il est d 'un celé et de l 'autre , je ne sais pas à
quoi sert la loi qui a voulu établir la division, la concur-
rence .


Mais p o u r cela il faut une concurrence, sér ieuse. Nous
ne voulons pas jouer la comédie, nous ne voulons pas qu'i l
y ait de faux é tabl issements publics d ' éducat ion ; nous vou-
lons que la concurrence soit sér ieuse ; nous ne voulons pas
que la rivalité soit entre forts et faibles; nous no voulons
pas que , dans le combat , nos adversai res aient, des épées
de bois. H faut qu 'on se bat te avec des a rmes sér ieuses,
parce que nous ne cra ignons pas le résul ta t du combat.




SUIt I.A GIl iERTÊ D ' E N S E I G N E M E N T (1S47). 451


C'est d a n s la m ê m e p e n s é e q u e M. le d u c de Broglie


disai t :


A ces inst i tuteurs qui ne sont plus membres du corps
enseignant , qui sont les émules , les r ivaux du corps ense i -
gnant , il a pa ru nécessaire de donner des garant ies spé -
ciales contre les tendances qu 'on pourra i t avoir à r e s -
t re indre leur liberté 1 . . .


Il a joutai t avec grav i té ces so lenne l l e s p a r o l e s :


S'ils doivent cont inuer à se modeler exactement sur les
établissements publics , à n 'en être, pour ainsi d i re , que la
pâle contre-épreuve, a. n 'exister qu 'à ti tre de succursales ,
ils sont condamnés à périr.


Je p o u r r a i s ici mul t ip l i e r à l 'infini mes c i ta t ions ; m a i s
je, sou t i ens u n e chose si év iden te , q u ' e n vér i té j e c r a i n -
dra is de fa t iguer l ' e spr i t de m e s l ec teu r s : j e m e b o r n e r a i
à r appe l e r e n c o r e ces p a r o l e s de M. D r a u l t :


11 peut arr iver , si la méthode de l 'homme savant qui se
présente ;i l 'examen ne convient pas à l 'Université, que ses
réponses soient trouvées, par ce seul motif, peu satisfai-
sante^ : on ne sera pas en peine sur les moyens de l 'écarter.
Il y a plus : quand on voudra donner l 'apparence de la jus-
tien à la décision, il ne sera pas dit'licile de p répa re r ce r -
taines matières , et de venir embar ras se r un candida t qui ,
d 'ai l leurs, offrirait toutes les condit ions requises .


Et q u ' o n n e croie p a s q u e cel te ques t i on de la liberté
des méthodes soi t u n e ques t ion ind i f f é r en t e , et q u ' u n
jeune, h o m m e se p r é s e n t a n t aux e x a m e n s , a p r è s avo i r
été ins t ru i t a u t r e m e n t q u e p a r les m é t h o d e s u n i v e r s i -
ta i res , pu i s se e s p é r e r q u e cet te différence é c h a p p e r a à




ibZ D U NOUVEAU PROJET DE LOI


l ' a t t en t ion de ses e x a m i n a t e u r s , m e m b r e s de l 'Univer-
s i té . Non , car voici ce q u e M. I îossi n o u s déc la re :


Il m'est arr ivé plus d 'une fois de reconnaî t re , par un
mot , que le j eune h o m m e que j ' in ter rogeais avait é tudié
d 'après telle méthode plutôt que d 'après telle autre m é -
thode.


C'est le propre des h o m m e s qui ont passé leur vie dans
l 'enseignement , de s 'occuper des méthodes , et do recon-
naî t re au p remie r moment ht méthode qu 'a suivie un
candida t .


M. Rossi a j o u t a i t , il est v r a i , avec u n e express ion
d ' i m p a r t i a l i t é , que la diversité des méthodes était tou-
jours pour lui le motif d'une indulgence plus marquée ci
regard du candidat qu'il examinait.


On m e p e r m e t t r a de c ro i r e q u e ce t t e impar t i a l i t é ne
se r e n c o n t r e r a p a s t ou jou r s a u m ê m e degré chez tous
les j uges un ive r s i t a i r e s .


C'est , n o u s l ' avons v u , l ' op in ion formel le de M. Sa in t -
Marc G i r a r d i n :


11 faut, disait-il, qu' i l y ail l iberté complète de méthodes,
et cette l iberté n 'exis tera pas si c'est, l 'esprit universitaire
qui juge les méthodes nouvel les .


Il a jou ta i t :


. . . . En effet, si vous in t roduisez un ju ry qui sera plus
ou moins univers i ta i re , qui ra i sonnera plus ou moins d'a-
près les idées des sciences anciennes , des méthodes adop-
tées jusqu ' ic i , évidemment il sera disposé à écarter les
méthodes nouvelles. J 'ai g rande cordiance aux lumières des
juges qui seront appelés à prononcer ; mais enfin ces juges
sont des hommes, ils oui des routines, des préjugés, des habi-
tudes d'esprit; et ces routines, ces préjugés, ces habitudes




S U R L A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T ( 1 8 1 7 ) . 453


d'esprit LI.'S r o i ' . T F . R O N T I N K V I T A I M . K M E X T A É C A R T E R Q l ' E L -
Q V K . v - r . X E S DES ML'TJIOIiES NOUVELLES .


M. Cousin l u i - m ê m e n ' a po in t p e n s é q u ' o n dû t n a t u -
re l l ement a t t e n d r e de t ous les m e m b r e s de l 'Univers i té
cet e spr i t i m p a r t i a l ; il n ' a p u se déc ider à c r o i r e q u e
les ta i re juges et parties d a n s l e u r p r o p r e cause et a r -
b i t r e s de l eu r s c o n c u r r e n t s , fût la me i l l eu re et la p lu s
ce r t a ine ga ran t i e de leur impar t i a l i t é .


Car voici ce qu ' i l disai t à la C h a m b r e des p a i r s , e n 18a4:


S u r t o u t ; il t a n t exiger d e s garant ies d ' impart ia l i té des
commissions d 'examen. Déjà, en 1 8 4 0 . j ' ava is été, avec l 'as-
sistance du conseil , les proviseurs et les censeurs des col-
lèges royaux des commissions d 'examen.


Eh ! tout cela esl fort s imple ; c 'est du bon sens v u l -
ga i re ; c'est de la b o n n e foi p r a t i q u e . D'où son t v e n u s
d a n s les t r i b u n a u x ce q u ' o n appe l le des récusations pé-
rcmploircs ? De ce p r inc ipe inv io lab le d ' équ i t é q u e nu l
ne s a u r a i t ê t re à la fois juge et p a r t i e . Mais d ' a p r è s ce
pr inc ipe , n'est-il pas év iden t q u e l 'Univers i lé p e u t et doit
ê t re r é c u s é e par les in s t i t u t eu r s l ib res déc la ré s ses c o n -
c u r r e n t s et ses é m u l e s , si elle veu t q u e l q u e a u t o r i t é su r
eux , si elle p r é t end les j uge r , les e x a m i n e r , les i n s p e c -
ter eux et l eu r s é lèves , les c o n d a m n e r ou les a b s o u d r e ?


Voilà ce q u e le bon sens , ce q u e la b o n n e foi on t p r o -
c lamé de concert, avec u n e force i r rés i s t ib le .


Que l 'Universilé soit juge des m a î t r e s u n i v e r s i t a i r e s ,
de la b o n t é de leur m é t h o d e , et de ce qu i les in t é re s se ,
cela est s i m p l e ; ma i s qu 'e l le soit l ' a rb i t r e des ins t i t u -
t eu r s déc l a r é s l ib res et i n d é p e n d a n t s d ' e l l e , voilà ce
que la b o n n e foi non p lu s q u e le b o n s e n s ne p e u v e n t


a d m e t t r e .




i a i D U N O U V E A U P R O J E T D E LOI


Et c e r t a i n e m e n t , j ' e n su is b ien c o n v a i n c u , M. de Sal-
v a n d y ne l ' au ra i t pas a d m i s , si sa loyau té m ê m e ne l 'a-
vai t p a s ici t r o m p é .


M. de Sa lvandy a u r a i t i n c o n t e s t a b l e m e n t d a n s le
c œ u r , p o u r ses a d v e r s a i r e s , s'il é ta i t l eu r j uge , u n e s in-
cè re i m p a r t i a l i t é ; il se ra i t p o u r eux , je le cro is , g é n é -
r eux j u s q u ' à la dé l ica tesse : c'est l ' h o n n e u r de son ca-
r a c t è r e ; et cet h o m m a g e , tous s ' a c c o r d e r o n t à le lui
r e n d r e . Mais , qu ' i l n ie p e r m e t t e de le d i r e , c 'est aussi
le vice p ro fond do sa loi . 11 a supposé q u e tous les e s -
p r i t s , q u e tous les c a r a c t è r e s ava i en t la généros i t é du
s ien ; cela n 'es t p a s : e t , su r cet te fausse suppos i t ion , sa
l oyau t é a nu i à sa c l a i rvoyance , et a fait que le n o u v e a u
p ro je t , déjà si sévère et si d u r p o u r la l iber té , en blesse
a u c œ u r le p r inc ipe m é m o .


\ a i n e m e n t d i r a - b o n avec M. Thiers : Mai* les profes-
s eu r s des facul tés e t les i n s p e c t e u r s u n h e r s i t a i r e s ne
peuvent éprouver aucun sentiment de rivalité à l'égard
des instituteurs libres, c a r ils ne prennent plus pari à
l'enseignement secondaire des collèges.


J 'ai déjà eu occas ion de le d i re en c i tant , sur ce point
si g rave , l ' op in ion de M. P o r t a i l s ; je dois le r é p é t e r avec
u n e nouve l l e force :


Est-ce q u e les p ro fe s seu r s de faculté n e sont pas Ion-
j o u r s m e m b r e s cle la c o r p o r a t i o n un ive r s i t a i r e , c 'es t -à-
d i re de cel le c o r p o r a t i o n rivale, dont l ' e x a m e n , l ' inspec-
tion , la c o n c u r r e n c e n e peu t s ' é t end re j u s q u e s u r ses
c o n c u r r e n t s , s a n s b l e s se r tou tes les lois de la jus t ice et
d ' u n e l ib re et loyale c o n c u r r e n c e ?


N o n - s e u l e m e n t ils son t les m e m b r e s , mais ils sont les
chefs de cet te c o r p o r a t i o n r iva le .


C'est c o m p t e r t r op su r n o t r e simplici té q u e de voulo i r




SUT, L A L I B E R T É D ' E N S E I G N E M E N T ( 1617 ). 455


n o u s p e r s u a d e r q u e ries fonctionnaires q u i , selon l 'ex-
pression m é m o de M. C o u s i n , doivent tout à VVniver-
silè, ne sont rien que -par elle, qu i se t rouven t d 'a i l leurs
engagés de l eu r s p e r s o n n e s d a n s les lu t tes q u o t i d i e n n e s
des pa r t i s c o n t r a i r e s , qui s e n t p o r t é s , on l'a b ien vu ,
p ins a r d e m m e n t que qui q u e soit , p a r m i a m o u r - p r o p r e
n a t u r t l , p a r l ' espr i t du c o r p s qu ' i l s d i r i g e n t , p a r hon-
n e u r , p r e s q u e p a r devoi r , à faire p r é d o m i n e r les écoles
don t ils ont <:té les p ro fe s seu r s et don t ils son t e n c o r e
les p a t r o n s , quo ces h o m m e s p u i s s e n t offrir les g a r a n -
t ies d ' impar t i a l i t é q u e l 'on r e n c o n t r e r a i t chez des j uges
inves t i s é g a l e m e n t d 'un c a r a c t è r e officiel, m a i s chois is
en d e h o r s de la c o r p o r a t i o n u n i v e r s i t a i r e .


Cer tes , je n ' a i m e à b l e s s e r p e r s o n n e , m a i s qui ne le
sai t d 'a i l leurs ? Ne sont-ce p a s s u r t o u t V.ll. les p r o f e s -
s eu r s des facultés , l eur e n s e i g n e m e n t et l eu r s o u v r a g e s
qui sont en eau ce d e v a n t le t r i buna l de l 'op in ion p u -
b l i q u e , qu i ont: ( \ c i ' é les a l a r m e s d e s pè r e s de famil le ,
qui ont été j u s t e m e n t r e p r i s , j u s t e m e n t c e n s u r é s par les
Évoques ? M. le Ministre n e s'offensera p a s de ce q u e je
vais d i re : ce qu ' i l appel le l eu r i n d é p e n d a n c e est p r é c i -
s é m e n t ce qui nous les rend p lus su spec t s que t o u s les
au t r e s . Dan s tout ce qui t ient à l ' en se ignemen t de l 'h is -
to i re ci de la p h i l o s o p h i e , n o u s ne c o n n a i s s o n s p a s de
juges p lus r é c u s a h l e s q u ' e u x .


Je p o u r r a i s citer ici les n o m s de ces Mess ieu r s , je ne
le ferai pas : je n ' a i m e à ci ter les n o m s p r o p r e s que
q u a n d je pu i s le faire avec h o n n e u r p o u r t ous : aussi
bien sera i t -ce i n u t i l e , et il m e suffira de r e n v o y e r cha-
cun à ses s o u v e n i r s .


Mais, en v é r i t é , la p h i l o s o p h i e de l 'Univers i té ayant
soulevé con t r e elle de si j u s t e s p r é v e n t i o n s , des repro-




456 DU NOUVEAU PROJET DE LOI


c h e s si g raves et à peu p r è s u n a n i m e s , c o m m e n t n ' a -
t - o u pas senti la p ro fonde r é p u g n a n c e q u e des c a t h o l i -
ques s incè res et l e u r s é lèves é p r o u v e r a i e n t à s u b i r des
e x a m e n s p h i l o s o p h i q u e s s o u s des j uges u n i v e r s i t a i r e s ?
Ou b ien , si on l 'a sent i , c o m m e n t n ' e n a-t-on tenu a u c u n
c o m p t e ?


Car , enfin , il y a ici u n e v io lence m o r a l e , e t , je n e
c r a i n s p a s de le d i r e , u n e in jus t ice r évo l t an t e -. ne savez-
v o u s p a s q u e , p a r m i ces e x a m i n a t e u r s don t n o u s d e -
vous s u b i r l ' i n t e r r o g a t o i r e , p l u s i e u r s s o n t , n o n pas
s e u l e m e n t n o s c o n c u r r e n t s et nos r i v a u x d a n s la c a r -
r i è r e , c 'es t p e u de c h o s e ; m a i s a u s s i , p a r l ' an t ago -
n i s m e pub l i c qu i existe en t r e l eur e n s e i g n e m e n t et n o t r e
foi, n o s a d v e r s a i r e s d é c l a r é s , et philosophiquement nos
e n n e m i s ?


Le Journal des Débats, l u i - m ê m e , écr ivai t le 6 n o -
v e m b r e ISac» ;


L'écoie éclectique, pour l 'appeler par son nom, est au-
j o u r d ' h u i maî t resse , et mai t resse absolue, des générat ions
actuelles. Elle occupe toutes les chai res de rense ignement ;
elle en a fermé la carr ière a toutes les é c o l e s rivales, elle
s'est fait la part du lion, e l l e a tout pr is pour c i t e , ce qui
est assez poli t ique, mais ce qui est un peu moins philo-
sophique .


Et voilà les e x a m i n a t e u r s cl les juges qu ' on veut n o u s
d o n n e r ! Et l 'on veut n o u s faire c ro i re à l e u r l ' i m p a i i i a l i t é ,
q u a n d ils n ' y c ro ien t p a s e u x - m ê m e s ! Et on est v e n u
a g r é a b l e m e n t e n c o r e , il y a p e u de j o u r s , dire dans un
b u r e a u de la C h a m b r e , q u e c ' é l a i l l à ê t r e jugé en famille !
q u e tous ces Messieurs fo rma ien t p o u r nous un vér i tab le
tribunal de famille! En vér i t é , la dér is ion est ici t rop
for te .




SUR LA L I B E R T E D'ENSEIGNEMENT ( 1847 ). 457


Je le r épè t e : en tout ceci , il n 'y a r i en d ' i n ju r i eux p o u r
p e r s o n n e ; c o m m e l'a dit un i l lus t re écr iva in :


l.e plus g rand pe r sonnage , le caractère le plus univer-
sellement \ é n é r é n'est point insulté p a r m i soupçon légal.
En disant il un homme quelconque : Voua éles un homme,
on ne lui m a n q u e point. ( M. de Maislre.,


Du res te , M. Th ie r s fait e r r e u r lo r squ ' i l affirme, dans
son anc ien r a p p o r t , q u e les p ro fe s seu r s des facul tés n e
p r e n n e n t p lus a u c u n e par t à l ' e n s e i g n e m e n t s e c o n d a i r e
des collèges : il y a ici e r r e u r de fait et e r r e u r de droi t ,
cl ce n 'est p a s m o i qui m e cha rge ra i de le lui m o n t r e r :
c 'es t son h o n o r a b l e ami M. Cousin :


Croyez-vous que les facultés sont pu res de ces fonction-
naires malheureux , suspects . . . . qu 'on nomme des profes-
seurs de collèges '! Pa.s du tout; en l'ail, plus d 'un professeur
de collège est en mémo temps professeur de faculté, et si
M. le rappor teur veut lire un article encore du décret de
4*1.8, il y verra que p lus ieurs professeurs de collèges do i -
vent faire part ie des facultés, il faut p rendre le décret non
dans un seul ar t icle , mais dans son ensemble ; l 'esprit du
décret , qui m'es! familier, est au contraire d 'établir un lien
cuire les collèges et les facultés : ainsi j ' a i eu l ' honneur
d 'étudier à la Candie des lettres de Paris sous trois p ro -
fesseurs t i tulaires, qui tous trois étaient professeurs de
collèges.


Certes, ces p a r o l e s , aussi b ien q u e l ' au to r i t é de ce lu i
qu i les a p r o n o n c é e s , sont décis ives . Toutefo is , p o u r
ré fu ter M. T h i e r s , elles n e m ' é t a i e n t p a s n é c e s s a i r e s ;
ca r , en é t u d i a n t de p i u s p r è s son r a p p o r t , je t rouve qu ' i l
dit à la page 38 q u e les e x a m i n a t e u r s n e p r e n n e n t p lu s
pa r t à l ' en se ignemen t des collèges ; m a i s il ava i t déjà




4 5 3 D U N O U V E A U P R O J E T D E L O I


r e c o n n u à la page 21 q u e « le co rps ense ignan t qui p ro -
« fesse d a n s les collèges r o y a u x est le m ô m e qu i fait les
« e x a m e n s et les inspec t ions . »


C'est ce q u e disa i t auss i M. Por ta i l s , pour démontrer
que les professeurs mêmes des facultés, malgré leur po-
sition élevée, n'offraient pas des garanties suffisantes
d'impartialité.


Ce g r a v e m a g i s t r a t a jou ta i t avec n u e profonde r a i son :


La loi doit prend ce les hommes lois qu'i ls s e u l , avec
leurs pass ions , leurs suscept ibi l i tés ; elle doit y pourvoir , y
por ter remède , et les mépriser ce n'est pus g remédier.


Et en tout ceci, disait.M. Uorlaiis, il n'y a rien d' injurieux
p o u r les professeurs des facultés.


D'autres fonctionnaires non moins élevés, plus élevés
même , sont l'objet de disposit ions législatives destinées
à prév enir 'ou à d iminuer d' injustes soupçons, ri qui p«au-
raient être considérés connue faisant injure à leur carac-
tère , si une considérat ion d'un ordre plus élevé n'avait
dé terminé le législateur. Mais la loi a pr is en considéra-
tion celte faiblesse! humaine, dont je parlais tout;; l 'heure :
elle est allée au devant du soupçon nudité injuste.


M a i s , d i t - o n , la publ ic i té des e x a m e n s p o u r le b a c -
c a l a u r é a t est u n e g a r a n t i e suffisante de la ju s t i ce des
e x a m i n a t e u r s .


Non, r é p o n d e n c o r e "I . Po r t a i l s :


Il y a la publicité dans les débats judic ia i res comme pour
les examens du baccalauréat . Le boit choix dos juges est
a s s u r é ; personne ne révoque en doute leur discernement ,
leur équité, leur dro i ture , leur science mémo jusqu 'à un
certain point . Eh bien ! cependant la loi permet de les
récuser , et dans certains cas elle leur ordonne do s ' abs -
tenir .




SUR L A L I l î E R T É D ' E N S E I G N E M E N T [ 1847 ). 4M)


C'est le langage fin non s e n s , c 'est le c r i de la b o n n e
loi.


Ce r t e s , les e x a m i n a t e u r s p o u r l 'École p o l y t e c h n i q u e
ou p o u r Sa in t -Cyr j o u i s s e n t d ' une i ncon t e s t ab l e r e p u -
t a l i o n d ' é q u i t é ; il l e u r est c e p e n d a n t défendu d é f o r m e r
p a r l e u r s l e çons les a s p i r a n t s au c o n c o u r s ; l 'opinion
p u b l i q u e ne p e r m e t p a s le c u m u l des fonc t ions de p r o -
fesseurs et des pouvo i r s d ' e x a m i n a t e u r s .


Le ciel a-!-il donc dopar l i u n e v e r t u s u r h u m a i n e aux
m e m b r e s de l 'Univers i té p o u r qu ' on to lère chez eux
un doub le rô le qui est in to lé rab le chez tous les a u t r e s ?


Non, les h o m m e s in tègres q u e l 'Univers i té c o m p t e en
si g r a n d n o m b r e d a n s ses r a n g s doivent ê t re les p r e -
m i e r s à dés i r e r u n e r é f o r m e qui met te l eu r s s en t ences
à l 'abri du s o u p ç o n , rl. les p r é m u n i s s e e u x - m ê m e s
con t re la sec rè te influence de l eu r s p r o p e n s i o n s p e r s o n -
nel les . L'état de c h o s e s don t je pa r l e n 'est p a s m o i n s
con t r a i r e à la dignité m ê m e du co rps p rofessora l q u ' a u x
in té rê t s des ju s t i c i ab le s : l 'Univers i té l 'a b ien senti elle-
m ê m e . C'est ce q u e M. le d u c de Broglio faisait o b -
se rve r :


Quand une chaire vient :'i vaquer é;ms une faculté de
droit, e l l e o s [ dmmée ou enneeurs. Croyez-vous cependant


qu'on so conienti; d 'appeler les professeurs de la faculté
connue juges du concours? "Son, Messieurs. On leur ad-
joint invariablement ilei mimil'cres des cauri soueima ines
ci des dmeieurs mi ilrnit. Il ru est de même dans la faculté
c'a méilcciiie : la chaire r>i mise au concours. L e s juges na -
turels (iu concours sont les professeurs de la faculté; on
leur adjoint ou des membres de l'Académie royale de mé-


decine, ou des doeieurs en médecine. Vous vcajei- que rana-
logie est frappante. El permelle~-moi d'insister en disant




460 D U N O U V E A U P R O J E T D E E O I


que ce if est pas ta loi qui oblige ù prendre de (elles précau-
tion* '• c'est l'Université elle-même qui, o u ; r.x P I O N C I P E
D'ÉQUITÉ SUPREME E T DE SOI'VEUVl.XIÎ l iAISOX, COIJUUt combien
il était nécessaire qu'en pareil eus son indépendance et son
impartialité pussent attestées, c'est l'Université elle-même
qui, pur un règlement particulier, par des statuts gui lui
sont propres, a posé ce principe de l'adjonction de personnes
éminçâtes et sorties de rangs autres que les rangs uni-
versitaires.


M a i s , m e d i r a - t - o n , afin d ' é c h a p p e r a l ' au tor i t é de
toutes ces r a i s o n s : p o u r e x a m i n e r les cand ida t s qui se
p r é s e n t e n t aux é p r e u v e s du b a c c a l a u r é a t , et s u r t o u t aux
é p r e u v e s de la l i cence , ou bien p o u r s ' ad jo indre offi-
c ie l lement aux e x a m i n a t e u r s , et en ass i s t an t aux e x a -
m e n s y a p p o r t e r u n con t rô le et u n e g a r a n t i e de parfai te
impa r t i a l i t é , il faut des lettres! C'est le m o t employé .
— Je . l 'accorde, d a n s une ce r t a ine m e s u r e ind iquée p a r
le b o n sens et p a r l ' expé r i ence , — et j ' a j o u t e q u e ces
l e t t r é s , on les t r ouve ra faci lement en F r a n c e , q u a n d on
le v o u d r a . Ou les trouvera-t-on, sinon dans l'Université?
r e p r e n d - o n . Il n'y en a pas hors de son sein. —Voi l à
ce q u e je n ' a c c o r d e p a s .


Q u o i ! il n 'y a p a s en F r a n c e des le t t rés en d e h o r s de
l 'Univers i t é ! Mais si cela é tai t , ce se ra i t le plus g rave
des r e p r o c h e s qu i aient j a m a i s été faits à r e n s e i g n e m e n t
u n i v e r s i t a i r e ! cela seul suffirait à just if ier feules les
a ccusa t i ons é levées c o n t r e l 'Univers i té et c o n t r e ses
é l u d e s ! cela seul p r o u v e r a i t q u e les é lu les son t si
faibles d a n s ses co l l èges , q u ' à l ' except ion de ceux qui
se d e s ' i n e n t et qu 'e l le p r é p a r e à la ca r r i è r e u n i v e r s i -
t a i r e , la p l u p a r t des a u t r e s fout des c lasses a b s o l u m e n t
nu l l e s . Es t -ce d o n c p o u r cela q u e , s u r la totali té de ceux




S l ' R LA L I B E R T E D ' E N S E I G N E M E N T ( I B i T ) . « I


qu 'e l le p r é s e n t e à l ' e x a m e n d u b a c c a l a u r é a t , la moi t i é
c h a q u e a n n é e s u c c o m b e avan t les é p r e u v e s et n ' e s t p a s
m ê m e capab le de faire c o n v e n a b l e m e n t u n e v e r s i o n d e
t r o i s i è m e ?


Si cela é ta i t , il y a u r a i t là u n fait g rave qu i n e s a u r a i t
Cire t r o p c o n s i d é r é .


Cer tes , on n ' a u r a i t j a m a i s fait ce r e p r o c h e aux fortes
é t udes l i t t é ra i res des a n c i e n n e s un ive r s i t é s f rança i ses .
Qui ne se souvien t d 'avoi r c o n n u de ces anc iens m a g i s -
t ra t s , do ces vieux m é d e c i n s , de ces h o m m e s du m o n d e ,
g r a n d s se igneurs m ê m e , barbistes cl a u t r e s , q u i , d a n s
l eu r d e r n i e r âge, s ava ien t e n c o r e H o m è r e , D é m o s l h è n e s ,
Horace cl Virgile p a r c œ u r , c o m m e ils ava i en t su d a n s
u n âge m o i n s a v a n c é g o u v e r n e r e u x - m ê m e s la s a v a n t e
éduca t ion de l eu r s fils?


Jl n 'y a pas de le t t rés en d e h o r s de l 'Univers i té ! Non,
cela n 'es t pas . Si cela é ta i t , ce sera i t u n e hon te et un
méfait : ce sera i t l ' a b a i s s e m e n t in te l lec tuel et vo lon ta i re
du pays , au profit d 'un co rps exclusif et j a l o u x de m a n -
d a r i n s l e l t r és !


Encore une fois, cela n ' e s t p a s . C'est faire in jure à
l 'Univers i té ; elle a fo rmé des h o m m e s le t t rés en d e h o r s
d'elle.


Il s'en est formé a i l l eurs auss i .
Cel les , p r é t e n d r e que les h o m m e s capab l e s d ' e x a m i -


ne r et de j uge r les c a n d i d a t s des le t t res et des sc i ences ,
c ' e s t -à -d i re q u e les l i t t é r a t eu r s , les h i s t o r i ens , les p h i -
losophes el les s avan t s s u p é r i e u r s ne son t q u e d a n s
l 'Un ivers i t é , c'est d i re et a v a n c e r de ces choses qu i n e
se disent cl ne s ' avancen t pas d a n s un p a y s c o m m e la
F r a n c e .


Prélen i re qu ' en d e h o r s de dix ou douze faculté* uni-




402 D U N O U V E A U P R O J E T D E L O I


versitaires, c ' e s t - à - d i r e d ' une c e n t a i n e de p ro fes seu r s
d i s t i n g u é s , on ne peu t p a s t r o u v e r chez u n e na t ion
c o m m e la n ô t r e , chez le peup l e le p lus n o m b r e u x , le
p lu s poli , le p lus civilisé de l ' E u r o p e , cent au t r e s h o m -
m e s é g a l e m e n t d i s t ingués , c 'est p r o c l a m e r q u e n o n - s e u -
l e m e n t on a le m o n o p o l e de l ' en se ignemen t , ce qui est
déjà assez fort , m a i s le m o n o p o l e des le t t res et de la
sc ience , le m o n o p o l e de l ' espr i t , ce qui est i n to lé rab le :
et de p l u s , q u ' o n a a b u s é de l 'un et de l ' au t re !


Mais, d ' a i l l eurs , d a n s ces e x a m e n s , d a n s ces inspec-
t i o n s , n'est-il d o n c ques t ion cpie de grec et de la t in?


Eu vér i té , tout ceci es t t r op fort ! P o u r qui n o u s p r e n d -
o n et q u e v e u t - o n faire de n o u s ? Q u o i ! n i les pè r e s de
famil le , ni t a n t de m a g i s t r a t s éc la i rés , ni les a d m i n i s -
t r a t e u r s des in t é rê t s g é n é r a u x du p a y s , ni les m e m b r e s
si n o m b r e u x des co rps s a v a n t s et l e t t r és ' , i n d é p e n d a n t s
de l 'Lnivers i té ; ni la cité, dit M. de Sa lvandy l u i - m ê m e ,
ni la science, la science non classée et ordonnée, ni la


littérature libre et illustre, ni l'expérience des affaires,


ni la religion, n e s e r o n t pas c apab l e s d ' avo i r u n avis en
fait de sc iences et d ' é t u d e s , en fait de l a n g u e s et de l i t -
t é r a t u r e s , en fait d 'h i s to i re et de p h i l o s o p h i e , et s u r t o u t
en fait de h a u t e é d u c a t i o n in te l l ec tue l le , m o r a l e et r e -
l ig ieuse , là où l ' e x a m e n , l ' i nspec t ion , i m p o r t e n t p a r -
des sus toutes choses à l 'É ta l , à l 'Égl ise , aux familles et
à la j e u n e s s e ? Mais e n c o r e u n c o u p , c 'est t r o p fort !


Non, non , les h o m m e s c a p a b l e s , les h o m m e s l e t t r é s ,
l es h o m m e s v r a i m e n t s p é c i a u x , les h o m m e s don t je
p a r l e , n ' ex i s t en t pas s e u l e m e n t d a n s l 'Univers i té . H e u -
r e u s e m e n t p o u r la F r a n c e , il y a u n t rès -grand n o m b r e


' 11 y a uOO m e m b r e s de l 'Inst i tut .




S T J U LA LIBERTE D'ENSEIGNEMENT ( 1 S ' i 7 ) . 403


de ces h o m m e s en d e h o r s d u co rps un ive r s i t a i r e , et un
b e a u c o u p p lus g r a n d n o m b r e q u e l 'Univers i té e l l e -même
n 'en possède , et cela doit ê t re !


La F r a n c e intel lectuel le est p lu s r i c h e q u e vous ne le
pensez .


M. Arago, M. Saint-Marc G i r a r d i n , M. le d u c de B r o -
glie, M. Cousin l u i - m ê m e , n ' o n t fait de pare i l l e s in jures
ni à l 'Univers i té , ni à la F r a n c e :


Conduit par mon goût cl souvent aussi par des miss ions ,
disait Al. Arago, à parcour i r la. p lus grande par t ie de la
France , je ne me suis jamais arrêté dans une ville de 1 0 à
1 2 0 0 0 Ames, sans y rencont rer des personnes ins t ru i tes ,
capables, zélées, cl même quelquefois des h o m m e s émi -
neu ts , dos hommes degén iequ ié t a i en t to t a l emen t inconnus
à Paris . Ces bons citoyens, ces citoyens utiles vivaient dans
la retrai te , dans leur cabinet, par la raison toute simple
que ('lulm'niMralUm n'avait pas confiance en eux. parce
qu'elle ne leur avait pas donné des occupations dignes de
leur capacité et de leur patriotisme. Employez , réunissez
en faisceau les hautes intell igences au jourd 'hui délaissées,
et vous en verre/, surgi r d ' immenses , de magnif iques r é -
sul ta ts .


D 'a i l leurs , il ne faut pas se faire ici u n e g ross iè re illu-
sion : dans les i n spec t ions et les e x a m e n s , es t -ce d o n c
u n i q u e m e n t de g rec et de la t in qu ' i l e s t ques t ion ?


Cette obse rva t ion est de l ' h o n o r a b l e M. Cous in , qu i
disait p l a i s a m m e n t , avec cet e spr i t a g r é a b l e qu ' i l a i m e
quelquefois à p r e n d r e :


Qu'il ne s 'agissait pas seulement , dans les examens et
dans les inspections, de la méthode de la g rammai re lat ine
ou de la g rammai re grecque , du De vivis illustvibus ou de
YEpitorue histoviœ sacrai.




464 D U N O U V E A U P R O J E T D E L O I
Les inspec teurs et les examina teurs ont une mission plus


élevée. Ils p c u v c n t d o n n e r q u o l q u r s avis p u r e m e n t oflirieux
sur les méthodes ; niais ils 1rs doivent respecter , (l'est la
discipline, ce sont les moeurs, ce sont les doctr ines ensei -
gnées, dans leur rappor t avec la moral i té et l 'ordre publie,
qui les doivent in téresser . Us doivent rechercher et s ignaler
les défauts graves , les désordres sérieux, e'est-ii-dire les
désordres moraux .


Us doivent appl iquer leur surveil lance bien plus à la
na tu re morale de l 'enseignement qu 'à tout autre r lmsc. Us
doivent s ' inquiéter et de la phi losophie , et de l 'histoire,
et du droit publie.


Et voi là les c h o s e s p o u r l esque l les on p r é t e n d r a i t
qu ' i l n 'y a pas d ' h o m m e s spéc i aux en F r a n c e en d e h o r s
de l 'Univers i té !


Ce r t e s , je conço i s q u e la j u s t e suscept ib i l i té de M. le
d u c de i iroglie a i l été b l e s sée de p r é t e n t i o n s pare i l les :


C'est pousser le pr inc ipe de la spécialité fort au delà de
toutes l imites, disait-il : quan t à moi, je pré tends que tous
les h o m m e s éclairés qui ont étudié dans leur jeunesse ,
qui ont été reçus bachel iers es let tres, qui ont des enfants,
qui les élèvent, qui suivent leurs é tudes dans les écoles,
qui ont ensuite man ié les affaires, je p ré tends que chacun
de ces h o m m e s est en état d 'avoir un avis, non pars décisif,
mais qui méri te d'être écouté, Quant à moi, qui n'ai pas
l 'honneur d'être professeur, je p ré tends pouvoir donner
mon avis sur ces mat iè res .


Et M. Sa in t -Marc Cirard 'm, qui a, lu i , l ' h o n n e u r d ' ê t re
un des p lus sp i r i tue l s , des p lu s é m i n e n l s p rofesseurs
de l 'Univers i té , ne c r a igna i t pas de dire :


Dans un conseil généra l , composé de trente ou quarante
membres , il serait bien malheureux que la France fut tel-




S m L A L I I Î K I Ï T L D ' E X S E I G N ' E M E . N T ( ï 8 i 7 J. 4C5


lement dépouillée de citoyens propres à faire par t ie d 'un
jury d 'examen, qu'on ne trouvât deux hommes on état de
faire suh l i i ' 1rs éprouves dont il est quest ion, deux h o m m e s
qui présenteraient toutes les garant ies de science et de m o -
ralité que vous pouvez désirer .


Quoi qu' i l en soi t , de cet te longue d i scuss ion su r ce
p o i n t par t i cu l ie r , ce qui d e m e u r e , le voici : deux c h o s e s :
•1° Il est imposs ib le q u e l 'Etal e x a m i n e , i n spec t e , s u r -
veille, r é p r i m e et c o n d a m n e les ins t i tu t ions l ib res p a r
les r ega rds , p a r les m a i n s d ' une c o r p o r a t i o n r iva le , s 'en
ren ie l le à la j a l o u s i e du soin d ' ê t r e j u s t e . La cons -
c ience pub l i que n e le p e r m e t p a s : il n 'y a là ni l i be r t é ,
n i é m u l a t i o n , n i c o n c u r r e n c e ; ma i s m o n o p o l e , dépen-
d a n c e et s e rv i tude .


2° La consc i ence p u b l i q u e p r o c l a m e p lus h a u t e n c o r e ,
à l ' h o n n e u r de la F r a n c e , qu ' en d e h o r s de l 'Univers i té


• on peu t t r ouve r des h o m m e s c a p a b l e s , des h o m m e s le t -
t r é s , des h o m m e s spéc i aux , des h o m m e s d ignes de l ' e s -
t ime d u pays et de la conf iance de l 'État . — Il n e faut
que. le. vouloir .


P r é t e n d r e le c o n t r a i r e , c 'est p r e s q u e i n su l t e r a u x
pères 'de famille, aux consei ls g é n é r a u x , aux co rps m u -
n ic ipaux , aux g r a n d s corps s a v a n t s de la n a t i o n , à
tou tes les sociétés l i t t é ra i res , à tou tes les a c a d é m i e s ,
qui pu l lu len t su r tous les po in t s de la F r a n c e : c 'est i n -
sul ter à la m a g i s t r a t u r e , à l ' a d m i n i s t r a t i o n , à la F r a n c o
en t i è re , en m ê m e t emps q u e b lesse r au c œ u r la L iber té
d ' ense ignemen t , et violer la p r o m e s s e de la C h a r t e .


Ma l âche csl a c h e v é e .


Je conc lus :
1" Le n o u v e a u p ro je t de loi, a p r è s dix a n n é e s de p r o -


I . 30




D U N O U V E A U P ¡ 1 0 J E T D E L O I


m e s s e est d ' a t t en te , c l i n c o m p a r a b l e m e n t m o i n s l ibéral
q u e le pro je t de M. Guizo t , voté p a r la C h a m b r e des
d é p u t é s en 1837.


2" Le n o u v e a u pro je t de loi a n é a n t i t toutes les L i b e r -
tés d ' e n s e i g n e m e n t don t on jou i s sa i t sous le r ég ime du
m o n o p o l e ,


3° Le n o u v e a u pro je t conse rve les res t r i c t ions et les
e n t r a v e s les p lus e x o r b i t a n t e s de l ' anc ien m o n o p o l e .


à 0 Le n o u v e a u projet prépare l ' a n é a n t i s s e m e n t des
ins t i tu t ions de plein exerc ice ac tue l l emen t e x i s t a n t e s ,
et r e n d , p o u r l ' aven i r , l ' ex is tence de tous les établisse-
ments l ib res a b s o l u m e n t imposs ib l e .


5° Enfin, le n o u v e a u proje t b lesse au c œ u r le p r i n -
cipe m ê m e de la L iber té d'enseignement en ins t i t uan t
l 'Univers i té juge et a rb i t r e de ses c o n c u r r e n t s .


Ces faits sont c e r t a i n s ; ces p ropos i t i ons i r réfutables :
On ne peu t les d é m e n t i r ; on ne les dé t ru i r a point .
Je le d e m a n d e m a i n t e n a n t à t o u t h o m m e de b o n


s e n s , à foui h o m m e d e b o n n e foi, à font h o n n ê t e h o m m e :
je le d e m a n d e à M. le Ministre de l ' i ns t ruc t ion p u b l i q u e :


Est-ce là u n e loi de l i b e r t é ?
l v t - c e là satisfaire aux vœux les plus intimes de la'


conscience ?
Est -ce là accomplir la promesse d'une Charte et le


serinent d'un roi ?
Est -ce là r e s p e c t e r les droits sacrés, les droits pri-


mitifs et inviolables des familles ?
Es t -ce là conci l ier les d ro i t s de l 'Église et les droi ts


de l 'É ta t?
Non, non !


Que les défenseurs g é n é r e u x d e l à L ibe r t é d ' ense i -




S U ! h A I. Mi ER TÉ D ' E N S E I G N E M E N T ; i 8 i î ) . 467


g n e m e n t no se d é c o u r a g e n t d o n c po in t ! l e u r force est
i m m e n s e ; l eu r cause est i m p e r d a b l e ! c 'es t la force,
c'est la cause de la vér i té et de la j u s t i ce !


P o u r moi , j ' e s p è r e i n v i n c i b l e m e n t , et je m é d i t e en
paix ces p a r o l e s d o n t M. de Sa lvandy n e r é c u s e r a p a s
la v a l e u r :


« Le t e m p s v i e n d r a , et, il n'est pas loin, qui p r o n o n -
« ocra e n t r e la le t t re écr i te de la loi et la p e n s é e vé-
« r i t ab le du législateur; le t e m p s , n o n p a s p a r s u r -
« pr i se , mais pa r l'elfel d 'un s e n t i m e n t i n t i m e et p r o -
« fond, qui a p r o c l a m é le p r inc ipe de la L iber té d 'en-
« s e i g n e m e n t ; le t e m p s , ce M A I T R E S O U V E R A I N , m a l g r é
« b ien des r é s i s t ances , malgré même, ce nouveau pro-
« jet de loi, m e t t r a le p r inc ipe en p r a t i q u e par la force
« des c h o s e s , d e l à m ê m e m a n i è r e q u i l l'a p o s é ; et
« alors, aucun pouvoi r , a u c u n e r éac t i on ne s o n g e r a a
« y p o r t e r a t te in te ! »


( lésposc des motifs, pag. 62, 63.)






D E S P E T I T S S É M I N A I R E S (1847)
LA SIMPLE VÉRITÉ SUR CETTE QUESTION


P a r m i ics n o m b r e u s e s et g raves q u e s t i o n s q u e soulève
le n o u v e a u p ro je t de loi s u r l ' i n s t ruc t ion s e c o n d a i r e , il
en est une tou t e spéc ia le , qu i p a r a î t d e v o i r a u j o u r d ' h u i
évei l ler p lus v ivemen t q u e les a u t r e s l ' a t t en t ion p u b l i -
q u e : c 'est celle des pet i t s s é m i n a i r e s . Amis et e n n e m i s
sont é g a l e m e n t p é n é t r é s d u g r a n d in t é rê t qu i s 'y r a t -
t a c h e .


M. Th ie r s disai t r é c e m m e n t d a n s son b u r e a u , à la
C h a m b r e des d é p u t é s : Je vais droit à la question es-
sentielle du projet, aux concessions faites en faveur des
petits séminaires.


Celte question, avai t - i l dit déjà , est une question ac-
cessoire et spéciale en apparence, mais de la plus haute
imjtortance... Elle vient se placer la dernière...; mais
'die est peut-être la plus grave.


Et on sai t c o m m e n t , en v e r t u de cel te op in ion ,
M, Th ie r s a c ru devoi r s ' é tab l i r d a n s u n e so r t e d ' a n t a -




4 7 0 D E S P E T I T S S É M I N A I R E S ; 1847


g o n i s m e p e r s o n n e l con t re les pet i ts s é m i n a i r e s , ,1e n ' a i
p a s beso in de r a p p e l e r quel le s i tua t ion il p r é t e n d a i t l eur
fa i re , il v a t ro i s a n s , d a n s les conc lus ions de sou c é -
l è b r e r a p p o r t .


D ' a u t r e p a r t , cel te q u e s t i o n , on doit le c o m p r e n d r e ,
a t o u j o u r s auss i insp i ré et insp i re e n c o r e à l 'Épiscopat
les p lu s v ives et les p lus j u s t e s sol l ic i tudes .


En effet, n o u s a v o n s déjà eu l 'occas ion de le d i re , les
pet i t s s é m i n a i r e s sont les p é p i n i è r e s de l 'Église de
F r a n c e ; c 'est là , c o m m e d a n s sa p r e m i è r e s o u r c e ,
qu ' e l l e se r e n o u v e l l e ; là es t le b e r c e a u de ses p r ê t r e s ,
l 'école p r e m i è r e de ses d o c t e u r s , le sol or ig ina i re de
ses a p ô t r e s .


On c o n n a î t les g é n é r e u x , les i m m e n s e s sacrifices que
font c h a q u e j o u r SS. les Evoques p o u r a s s u r e r
l ' ex i s t ence et la p r o s p é r i t é de ces é t a b l i s s e m e n t s d a n s
l e u r s d iocèses . Tou t ce qu i t ouche aux peti ts s émina i r e s
t o u c h e , à ce m ê m e t i t r e , a u x p r e m i e r s in té rê t s de l 'Épis-
copa t f rança is ; et tout d e r n i è r e m e n t e n c o r e on a vu
S. E. Mgr le c a r d i n a l de Dona ld , avec cet te fermeté et
cet te é l éva t ion de l angage don t n o s Évèques n o u s ont
offert c o n s t a m m e n t u n si nob le m o d è l e , p ro t e s t e r , dans
u n e le t t re a d r e s s é e à M. le m i n i s t r e de l ' ins t ruc t ion pu-
b l i q u e , con t r e les e n t r a v e s oppres s ives des o r d o n n a n c e s
de 1828.


Le pro je t de loi qu i v ient d ' ê t re p r é s e n t é est fort ob -
scu r et r a s s u r e peu à cet é g a r d : c 'es t le m o i n s q u ' o n
pu isse d i re . On n'y d é m ê l e p a s faci lement la pensée de
l ' au t eu r . Les o r d o n n a n c e s de 1828 y sont r appe lées plu-
s i e u r s fois. Dans quel le i n t en t i on? d a n s quel b u t ?


M. Vil lemain a d m e t t a i t au b a c c a l a u r é a t , s a n s a u c u n e
cond i t i on de g r a d e , les é lèves des peti ts s é m i n a i r e s ,




L V SIMPLE V K M T E SE 11 C E T T E Q U E S T I O N . 471


dans une proportion qui n'excéderait pas la moitié de
ceux- qui sortiraient, chaque année de ces écoles, après <j
avoir achevé leurs éludes.


Le n o u v e a u m i n i s t r e , m o i n s g é n é r e u x , m o i n s l ibé ra l
q u e M. Yil leina 'm, n ' a pas a c c o r d é c e l a ; e t , au peu
qu'i l a c c o r d e , il a mis les cond i t i ons les p lus r igou-
r e u s e s .


Ce n ' es t pas tout : u n e commiss ion a été n o m m é e pa r
les b u r e a u x de la C h a m b r e des d é p u t é s p o u r l ' examen
du l ionceau projet . Que faut-il en a t t e n d r e ?


Les ca tho l i ques ont vu avec i n q u i é t u d e s iéger d a n s
cel te c o m m i s s i o n , des h o m m e s , a d v e r s a i r e s b ien d é -
c la rés de l 'Église. L ' a r t ic le 81 du pro je t de loi déc l a ra i t admis s ib l e s à
l ' examen p o u r le b a c c a l a u r é a t les é lèves des écoles se-
conda i r e s ecc lés ias t iques , qui se se ra ien t con fo rmés à
l 'ar t . I" - de la s e c o n d e o r d o n n a n c e du 16 ju in 1828. La
commiss ion pa ra î t avoir décidé q u ' i n d é p e n d a m m e n t de
l 'ar t 1" , les art . 2, 3 et à de ladi te o r d o n n a n c e dev ra i en t
être, r i g o u r e u s e m e n t exécu té s p o u r o b t e n i r le droi t de
sub i r cet e x a m e n .


Ces faits son t d'une, e x t r ê m e grav i té . Ce n ' es t p lus
s e u l e m e n t la Liber té d ' e n s e i g n e m e n t qu ' on é c r a s e sous
le po ids d ' imposs ib i l i tés a b s o l u e s , c o m m e je crois l 'a-
voir inv inc ib lement d é m o n t r é d a n s m o n d e r n i e r é c r i t :
c 'est l 'Église c a t h o l i q u e , c 'est le s a c e r d o c e f rançais
q u ' o n a t t a q u e d i r ec t emen t : ce sont les écoles ecc l é s i a s -
t iques don t on veut t roub le r l ' ex is tence et d i s p e r s e r les
é lèves.


Est-ce sé r i eux ? est-ce s i m p l e m e n t u n e m e n a c e ? est-ce
u n e leçon q u ' o n veut n o u s d o n n e r ?


Je l ' i gno re ; m a i s je ne c r a in s p a s de d i re à ceux à




472 D E S l ' E ï I T S S E M 1 X A1 1 ¡ ES ( 1877 ).
qui cela i m p o r t e à p e u p r è s a u t a n t q u ' à n o u s : P r e n e z -
y g a r d e : c 'est un m a u v a i s j e u ; et j e dou te q u e l 'Église
de F r a n c e accep te de telles l eçons ou cède à de telles
m e n a c e s .


En t o u t c a s , il i m p o r t e de faire, e n t e n d r e s u r tou t
ceci la r a i son et la jus t i ce . Que sa is - je? 11 est peut -ê t re
t e m p s e n c o r e d ' éc la i re r les aveugles et d ' a r r ê t e r les i m -
p r u d e n t s .


Je dis les imprudents, et j e le dis, p r o f o n d é m e n t c o n -
v a i n c u q u e c'est le m o t à e m p l o y e r .


Quoi qu ' i l en soit, il i m p o r t e de ne [¡as recu le r d e v a n t
ces difficultés n o u v e l l e s , et d 'en lever , au moins pa r la
force et l ' év idence de la ra i son , cet é l émen t d ' in iqui té
a u x d i scuss ions qui se p r é p a r e n t con t r e nous .


D ' a i l l e u r s , la n é c e s s i t é , l ' e x i s t e n c e , la d i r e c t i o n , les
é t u d e s de nos pel i ts s é m i n a i r e s ; les o r d o n n a n c e s de
1 8 2 8 ; la déc la ra t ion re l ig ieuse , l ' in terd ic t ion du b a c c a -
l a u r é a t et des c a r r i è r e s c iv i l e s , l 'habi t et les vocat ions
e c c l é s i a s t i q u e s , son t des ques t i ons si s p é c i a l e s , si peu
c o m p r i s e s ; les t e r m e s les p lus s i m p l e s , les déta i ls les
p lu s i m p o r t a n t s de ces ques t i ons é c h a p p e n t si souven t
p a r l e u r spéc ia l i té m ê m e à l'intelligence de nos a d v e r -
s a i r e s , qu ' i l faut au m o i n s e s s a y e r d'offrir la l u m i è r e à
ceux qu i ne la r e p o u s s e r a i e n t pas .


La loi de 18'Pi é t a n t t o m b é e , on avai t p u c ro i re q u e
les doc t r ines de ce m o m e n t é ta ien t t ombées avec elle,
et qu ' i l é ta i t d é s o r m a i s inu t i le de les c o m b a t t r e ; m a i s
n o n : d a n s les c o n t r o v e r s e s h u m a i n e s , on n ' en a j a m a i s
fini avec l ' e r r e u r et l 'on est é t o n n é de voir r e p a r a î t r e au
j o u r celles d o n t on c roya i t le r ègne à j a m a i s t e rminé .


Aujourd 'hu i donc , p u i s q u e , à l 'a ide d 'un c o n c o u r s de
c i r c o n s t a n c e s i n e x p l i c a b l e s , on r e m e t en l u m i è r e ces




L A S I M P L E V E R I T E SUR C E T T E Q U E S T I O N . ATI


é t r anges d o c t r i n e s , e x a m i n o n s - tes ; e x p l i q u o n s - n o u s
c l a i r emen t s u r tout ceci u n e b o n n e fois, et d i sons , con t r e
la major i té de la c o m m i s s i o n , la simple vérité sur les pe-
tits séminaires, et s u r t o u t e s les q u e s t i o n s qu i s 'y r a t -
t achen t .


Nous t r a i t e rons s u c c e s s i v e m e n t :


P De l ' in terdic t ion du b a c c a l a u r é a t ;


2° De la l iber té des voca t i ons ecc lés ias t iques ;
•V De l 'habit ecc lés i a s t ique ;
à" Des o r d o n n a n c e s de 1828 ;
5° Des assoc ia t ions r e l i g i e u s e s , et d e la déc l a ra t ion


exigée r e l a t i v e m e n t à el les.
Ayant déjà trai té de la nécess i té et de la spécia l i té des


peti ts s é m i n a i r e s , d a n s les Le t t res q u e n o u s avons eu
l ' h o n n e u r d ' a d r e s s e r à M. le d u c de Droglie, n o u s n 'y
r e v i e n d r o n s plus . S e u l e m e n t , a u j o u r d ' h u i on e s saye de
t o u r n e r cette spécia l i té con t r e n o u s ; ma i s b ien in jus te -
m e n t : c'est, ce q u e je n e l a r d e r a i pas à m o n t r e r .


1


I . v r a t n u n IOX OC liACCACAUIiKAT.


Nos a d v e r s a i r e s son t allés a u - d e v a n t de l 'objec t ion
q u ' o n pouva i t l e u r faire s u r l ' in terdic t ion d u b a c c a l a u -
réa t et des c a r r i è r e s civiles. Voici l e u r l angage à cet
égard :


Il peut, d i t - on , il peu! y avoir dans le nombre des
élèves des pelils séminaires des vocations douteuses, cpii
ne se prononcent qu'a la fin des éludes ; et alors, si un




474 D E S P E T I T S S É M I N A I R E S ; 1847) .


élève des petits séminaires, au moment de se prononcer,
ne se sent pas la force de supporter la condition du sa-
cerdoce, pourquoi l'y contraindre en le privant des car-
rières civiles ?


— N'importe, r é p o n d e n t n o s adve r sa i r e s , la consé-
quence naturelle de la spécialité doit être de faire
exclusivement, des prêtres.


11 faut les faire rentrer dans leur spécialité, en les
obligeant à ne faire que des prêtres : que ceux qui ne
se sentent pas la force de supporter la condition du sa-
cerdoce, ou r e n o n c e n t aux ca r r i è r e s civiles qui l e u r son!
i n t e r d i t e s , ou ai l lent , après les avoir dèjèt. faites, refaire
l e u r r h é t o r i q u e et l e u r p h i l o s o p h i e d a n s des é tab l i s se -
m e n t s d é p e n d a n t s de l 'Univers i té .


Ce sera Ici, a jou ten t n o s a d v e r s a i r e s , une faible con-
trainte : nous ne pouvons croire que. ce soit la une
souffrance réelle et qui cause, des gènes véritables.


C'est a ins i q u e l 'avai t e n t e n d u la Res t au ra t i on , et les
ordonnances de 1828, qui furent le plus bel acte du mi-
nistère Martignac.


Celle thèse plaî t é v i d e m m e n t à ceux qui nous a t t a -
quen t . Us y r e v i e n n e n t s a n s cesse. On sent qu ' i l s sont à
l 'a ise q u a n d ils p e u v e n t i n v o q u e r con t r e n o u s les o r -
d o n n a n c e s de 1828 et les s o u v e n i r s de Ja Res t au ra t i on .


Eh b i e n ! ma lg ré ces s o u v e n i r s , il faut q u e je leur r e -
dise ici ce q u e j ' a i déjà eu occas ion de d i r e ; il faut q u e
je m o n t r e e n c o r e u n e fois tout ce q u e cette contrainte a
d ' od i eux p o u r ces j e u n e s gens , p o u r l e u r s familles, p o u r
l 'Égl i se ; tout ce qu 'e l l e a de r e d o u t a b l e en m ê m e t emps
p o u r l 'État ; t ou t ce q u ' e n t r a î n e de souffrance réelle et
de gêne intolérable cel te in te rd ic t ion abso lue du b a c c a -
l a u r é a t et des c a r r i è r e s civi les .




L A S I M P L E V E R I T E S U I X C E T T E Q U E S T I O N . 4 : 5


Je dou te q u ' a p r è s avoi r réfléchi , nos a d v e r s a i r e s
pu i s sen t d i re enco re , avec ce l l e a i s ance de l angage qui
l eu r est famil ière : L'objection des vocations changées est
peu sérieuse.


Et j ' a f f i r m e , d ' a b o r d , q u e cel le nécess i té qu ' on p r é -
t e n d r a i t i m p o s e r à nos é lèves de r e c o m m e n c e r deux
c lasses qu'il* ont déjà faites, p a s un seul d ' en t re eux
n e s au ra i t s'y soum e t t r e : on ne l ' ob t i endra j a m a i s ni
d ' e u x , ni de l e u r s p a r e n l s . I ls r e p o u s s e r o n t t ou jou r s
c o m m e in to lé rab le cel le condi t ion éga l emen t a b s u r d e
et od ieuse , qu i ass imi le le savoi r à l ' i gnorance ; force
u n e inte l l igence qui a la consc i ence d ' e l i e -même à s ' a b -
d i q u e r p e n d a n t d e u x ou trois ans p o u r l aver la t a che
de son or ig ine ; c o n d a m n e un j e u n e h o m m e déjà m û r
à al ler , ma lg ré son âge et ses succès , se refa i re éco l ie r
s u r les b a n c s d ' un collège, ¿1 côté d ' enfan ts dont il p o u r -
ra i l ê t re le m a î t r e , et don t il no sera q u e la r i s é e . . . .


Ceux-là , d i ra- t -on , son t r a r e s : Les législateurs, disai t
M. C o u s i n , ne peuvent descendre à tons les détails, et
s'occuper des cas exceptionnels. C e u x - l à donc s u b i r o n t
la loi.


S o i t ! m a i s s a v e z - v o u s , q u e l q u e r a r e s qu ' i l s so ien t ,
qu ' i l y en a , et il doit y en avoi r six ou sept au m o i n s
p a r a n n é e dans c h a q u e d i o c è s e ! Ce sont d o n c six ou
sept cen ts j e u n e s gens que vous déshér i t ez des p ro fes -
s ions l i bé r a l e s , que c h a q u e a n n é e vous c o n d a m n e z au
désespoi r ! Et vous osez dire q u e c'est là une faible con-
trainte ! El vot re d igni lé ne vous p e r m e t p a s de des-
cendre à de tels détails :


Mais a d m e t t o n s que des cas si n o m b r e u x et si g r aves
n e soient q u e des excep t ions ; n e voyez-vous pas q u ' e n
forçant toutes les vocal ions à se d é c i d e r i r r é v o c a b l e -




4 7 G D E S P E T I T S S É M I N A I R E S (18 'n


nient avan t r e n t r é e en r h é t o r i q u e , c 'es t -à-di re dès l 'âge
de seize à d ix - sep t a n s , n o n - s e u l e m e n t vous files en
con t r ad ic t ion man i fes t e avec l ' espr i t d u s ièc le , d a n s ce
qu ' i l a p e u t - ê t r e de p lus sage et de p lus ju s t e , qu i est
sa r é p u g n a n c e p o u r les v œ u x p r é m a t u r é s ?


M a i s , de p l u s , v o u s vous met tez en oppos i t ion avec
la loi civile, q u i , d ' acco rd en cela avec la loi ecc lé s i a s -
t i q u e , n e p e r m e t p a s q u ' o n p r e n n e des e n g a g e m e n t s i r -
r évocab l e s de voca t ion avan t la vingt et u n i è m e année .


Vous excédez la r i g u e u r de la loi mi l i ta i re e l le-même,
qui a c c o r d e a u s é m i n a r i s t e , appe lé p a r le sor t sous les
d r a p e a u x , j u s q u ' à sa v ing t -c inqu ième a n n é e p o u r op te r
e n t r e la mil ice des c a m p s et celle du s a n c t u a i r e !


Vous e m p ê c h e z enfin fout e x a m e n de la voca t ion , en
ex igean t qu ' on la déc ide p r é c i s é m e n t à l 'âge qu i c o m -
m e n c e à pe ine à p o u v o i r l ' e x a m i n e r ; ou qu 'on y r e -
n o n c e à la légère , s a n s avoir p u d e m a n d e r à la consc ience
u n e r é p o n s e réf léchie !.. ,


Le s imple bon sens n 'oblige-l- i l pas à r e c o n n a î t r e q u e
d a n s les pet i ts s é m i n a i r e s if n 'y a g u è r e , et il n e peu t y
avo i r q u e des voca t ions e n c o r e i n c e r t a i n e s ?


IL Saint-Marc Liirardin ne disait-il p a s avec ra i son :
que ce n'est point à douze ans qu'on peut décider du sort
d'un enfant, IJ cùt-il même dans les enfants quelques
signes de vocation. Qui sait si celle vocation aboutirai
qui sait si le je une homme tiendra ce, que semblait pro-
mettre l'enfant'!


Il ne peut être question de vocation a cet âge, disait
e n c o r e M. Por la l i s : ce n'est pas a celte époque de la vie
que de jeunes âmes peuvent mesurer la grandeur du
sacrifice et la sublimité de, l'apostolat qui les attend. Et
lorsque vous refusez de reconnaître les vœux perpétuels,




I.A S I M P L E V É R I T É S U R C E T T E Q U E S T I O N . 477


formés avec connaissance de cause pur un homme en
possession de lotus ses droits, jouissant de ta plénitude
de. ses facultés, cous condamneriez la vocnl ion s ace rdo -
tale à se déc ider d a n s l ' enfance !


Non , non ! El. si n o u s , s u p é r i e u r s ou d i r e c t e u r s de
p e d l s s é m i n a i r e s , n o u s déc id ions déf in i t ivement de vo-
ca t ions e n c o r e auss i peu s û r e s d ' e l l e s - m ê m e s , cela ne
p o u r r a i t a r r i v e r q u e p a r u n e obsess ion od ieuse de t ous
les i n s t an t s , et pa r un de ces c o u p a b l e s a b u s d ' au to r i t é
ou d ' inf luence, q u e r é p r o u v e n t é g a l e m e n t et la digni té
de no t re c a r a c t è r e et n o t r e p ro fond r e spec t p o u r la fai-
b lesse de l ' en fance , p o u r la l i be r t é de l ' h o m m e et p o u r
la sa in te té du s a c e r d o c e .


P o u r m o i , si je conna i s sa i s un j e u n e h o m m e qui vînt
m e d i re , m ê m e à sa qu inz i ème ou se iz ième a n n é e , q u e
sa voca t ion est dé f in i t ivement déc idée , j e se ra i s le p r e -
m i e r à l ' a r r ê t e r et à lui d i re d ' e x a m i n e r e n c o r e . Aut re ,
en effet, es t la voca t ion e c c l é s i a s t i q u e , a u t r e celle q u e
l 'on peu t avoir p o u r l 'École fores t ière ou l 'École des a r t s
et mé t i e r s . J 'a i p lu s i eu r s fois déc idé des voca t ions p o u r
la m a r i n e à douze ou t re ize a n s ; p o u r le s a c e r d o c e , ja-
m a i s avan t la v ingt et u n i è m e a n n é e .


J 'a i déjà d o n n é ces r a i s o n s , et celles qu i vont s u i v r e :
je les d o n n e de n o u v e a u avec c o n f i a n c e , pa r ce qu ' on
n 'y a pas r é p o n d u et q u ' o n n 'y r é p o n d r a j a m a i s ; et il
faut enfin q u e ce t te ques t ion soit v idée à fond.


N'est-il pas man i f e s t e , d ' a i l l eu r s , q u ' é t a b l i r u n pa re i l
r é g i m e , c'est, céder à un p ré jugé s t up ide , c 'est p roc la -
m e r tout h a u t q u e la sc ience n ' e s t r ien p a r e l l e -même ;
en sor te q u ' u n j e u n e h o m m e , fût-il u n Pasca l , p a r cela
seul qu ' i l a é té élevé d a n s un peti t s é m i n a i r e , d e m e u r e ,
aux y e u x de ses e x a m i n a t e u r s , r a d i c a l e m e n t i ncapab l e ;




H-,8 D E S P E T I T S S E MENA IV. E S ( I 8 J 7 ) .


et tout son savo i r ne vau t r i e n , p a r c e qu ' i l v ient
d ' u n e or igine ecc lés ias t ique !


Mais le bon sens de AI. Por l a l i s s ' indignai t j u s t e m e n t
de telles a b s u r d i t é s ; et l o r s q u e j ' i n v o q u e ici de n o u v e a u
l ' au tor i t é de ce g r a v e m a g i s t r a l , je le fais à desse in . Il
fut u n des m i n i s t r e s s igna t a i r e s des o r d o n n a n c e s de
1828 ; et q u a n d il d e m a n d e si é n e r g i q u e m e n t l u i - m ê m e
qu ' e l l e s soient r a p p o r t é e s , c o m m e c o n t r a i r e s ; ! la ra i son
et à la j u s t i ce en ce qu i r e g a r d e l ' in terd ic t ion du b a c -
c a l a u r é a t et des c a r r i è r e s civiles, son n o m , ses pa ro le s
ont ici u n po ids , une v a l e u r i r r é cusab l e s :


Quoi! disai t - i l , vous condamneriez cet enfant à re-
commencer à la fin de l'adolescence, que dis-je? dans sa
jeunesse et dans (Vautres ècides, des études qu'il aurait
déjà fuites; et cela, non pas pour qu'il apprit, non pas
pour qu'il fut enseigné, niais afin qu'il put représenter
un certificat d'études en bonne forme}'


La raison, l'équité, la justice s'y opposent égale-
ment.


Au n o m du b o n s e n s et de la j u s t i c e , examinez - l e
d o n c ! soyez p o u r lui p lus sévè re q u e p o u r d ' a u t r e s , si
v o u s le vou lez ! ma i s ne \o c o n d a m n e z p a s à sub i r u n e
a b s u r d e dég rada t ion qu ' i l n ' a c c e p t e r a j a m a i s ; et ne
voyez -vous p a s q u e , p a r là, v o u s l 'exposez à la plus
d a n g e r e u s e des t e n t a t i o n s , et q u e vous le forcez i nd i -
g n e m e n t ou à vous t r o m p e r , ou à r e n o n c e r à tou te c a r -
r i è re l i bé ra l e , ou enfin à se faire p r ê t r e m a l g r é l u i ?


Ai-je beso in d ' a jou te r q u e ceux qu i a u r a i e n t eu le
m a l h e u r e u x c o u r a g e d'étouffer l e u r consc ience et de se
faire p r ê t r e s m a l g r é e u x , son t c o n d a m n é s , p a r l a m ê m e ,
à ê t r e de m a u v a i s p r ê t r e s , et à t r a îne r u n e vie p le ine
d ' a m è r e s d o u l e u r s et d ' in to lé rab les r e g r e t s ? Es t -ce là




I.A S I M P L E V K i i l T K S CI! C E T T E Q E K S T I O . V 479


ce q u e vous vou lez? Kl de que l dro i t des l ég i s l a teurs
ose ra ien t - i l s faire p e s e r s u r les â m e s et s u r la c o n -
science de pare i l les t y r a n n i e s ?


Et qui ê tes-vous p o u r e x p o s e r ainsi le c lergé f r ança i s
à voir e n t r e r d a n s ses r a n g s des m e m b r e s qui n e v o u -
la ien t p a s , qu i ne deva ien t p a s s'y t r ouve r , et qui n e
s'y t r o u v e r o n t q u e p o u r le d é s h o n o r e r ?


Est -cclà c e q u ' o n p e u t n o m m e r , en se jouan t , c /e faibles
contraintes? Aie sonl -ce pas de vé r i t ab les é n o r m i t é s ?


Quoi! d isai t e n c o r e M. Por t a l i s , la conscience elle-
même itidique a, ce jeune homme une autre voie, et la
société le refoule vers un étal pour lequel il ne se sent
pas fait, lui qu'aucun engagement ne lie : il sera peut-
être un mauvais prêtre, lui qui pouvait devenir un ci-
toyen utile. L'entrée des carrières civiles lui sera fermée,
on ne l'admettra 'menu; pas à prouve ce qu'il sait, parce
qu'il sortira d'une école spéciale ou on l'avait placé dans
un but d'utilité publique ? S o r s Q L E C L E S L O I S U V R I O N S -
x o r s n o x e ?


Non, non : je ne cesse ra i de d i re et de r e d i r e la vé r i t é
s u r tout cela ; t o u t ce sys t ème va dro i t à la r u i n e o u a u
m o i n s à l ' humi l i a t i on d u s a c e r d o c e , en forçan t tous les
pè r e s h o n n ê t e s , lot î tes les familles r e s p e c t a b l e s à éca r -
t e r l eu r s enfants des peti ts s é m i n a i r e s . E n c o r e u n e fois,
es t -ce ce q u e vous vouiez?


Où t r o u v e r , en effet, un p è r e a y a n t q u e l q u e b o n s e n s ,
qu i se r e g a r d e c o m m e assez s û r de la voca t ion d ' un
enfant de dix à qu inze a n s , p o u r le p l ace r e n t r e la n é -
cessi té d ' e m b r a s s e r fo rcément , à d i x - h u i t a n s , l ' é ta t
ecc lés ias t ique , o n d e r e c o m m e n c e r ses é tudes a p r è s
qu ' i l les a b ien fai tes, ou enfin d 'en p e r d r e tou t le fruit ,
en se voyan t f e rmer tou tes les c a r r i è r e s l i bé ra l e s?




480 D E S P E T I T S S É M I N A I R E S : ÎSIT) .
Et l ' Inst i tut ion dos peti ts s é m i n a i r e s n ' es t -e l l e p a s d è s


lo r s f rappée au c œ u r ; et l 'Église e l l e - m ê m e , r é d u i t e à
ne se r e c r u t e r j a m a i s q u e d a n s les r a n g s les m o i n s é l e -
vés de la s o c i é t é , n 'es t -e l le p a s m e n a c é e d 'un a b a i s s e -
m e n t con t i nu ?


Mais ce n ' es t pas t o u t ; l 'Univers i té n 'a joute- t -e l le pas
ici e n v e r s n o u s in ju re s u r in jure ? Ne suppose - t - e l l c pas
le c lergé f rançais i ncapab l e de formel ' des c i toyens u t i -
l es , pu i squ ' e l l e déc la re ceux de nos élèves qui r e n t r e n t
d a n s le m o n d e inhab i l e s à t ou t , tant qu ' i l s n ' a u r o n t pas
r e c o m m e n c é , s o u s des m a î t r e s un ivers i t a i res , les l eçons
q u e l 'Église l e u r a d o n n é e s ?


Elle le s u p p o s e i n c a p a b l e , c 'est t rop p e u di re : elle le
p r o c l a m e ind igue de p r é p a r e r à la p a t r i e des c i toyens ,
p u i s q u e ceux de n o s élèves q u i , de no to r i é t é p u b l i q u e ,
a u r a i e n t p u sub i r avec h o n n e u r l ' examen de bache l i e r
es l e t t r e s , q u o i q u e r e c o n n u s capables sous le r appor t
l i t t é r a i r e , d e m e u r e n t , s o u s le r a p p o r t légal , indignes de
r e c e v o i r le d ip lôme qui seu l p e u t l e u r d o n n e r le droi t
d e serv i r l e u r p a y s .


Eh b ien ! le m a g i s t r a t é m i n e n t , l ' anc ien min i s t r e dont,
j ' a i déjà cité la p a r o l e , p e n s a i t a u t r e m e n t lo rsqu ' i l d i -
sai t , avec l ' a s s i s t ance u n a n i m e de la C h a m b r e des
p a i r s : « La société n'a rien à craindre si des jeunes
« gens sortis des petits séminaires, après avoir subi l'é-
« preuve du baccalauréat, entrent dans les carrières
« civiles. Pourquoi ne dirais-je.'pas toute ma pensée?
« elle ne peut qu'y gagner. Les jeunes gens façonnés
« par d'autres mains que celles des instituteurs civils,
(( élevés dans une autre discipline, plus religieuse, plus
« grave, plus désintéressée des choses de la terre, n e so -
is ra ient - i l s p a s d a n s le i n o n d e , d a n s ce r t a ines affaires,




I. A S I M P L E V K I! I T È S VAX CEI T E Ql E S T I 0 N. -181


« finira l 'o rdre ecc lés ias t ique et l ' o rd re civil, c o m m e
« u n e sor te de classe i n t e r m é d i a i r e , c o m m e un moyen
s; de r a p p r o c h e m e n t ? \ c manquons-nous p a s , q u e l q u e -
c l'ois, d a n s les affaires, d ' h o m m e s suf f i samment i n s -
« t r a i t s des c h o s e s ecclésiastiques, et n 'a - t -o ; : pas sou-
» vent jugé ce g e n r e spécia l d ' é tudes utile p o u r l ' exe r -
« cice de certaines fond ions? Ainsi se t rouve ra complé t ée
« la représentation de toutes les crojanecs et de t ous
« les in té rê t s m o r a u x ; p a r ce moyen la société f rançaise
« ne se trouvera pr ivée d ' a u c u n des é l émen t s soc iaux .
« Le clergé cesse ra d'être isolé du res te des h o m m e s
« p a r u n e s é p a r a t i o n p ro fonde ; il a u r a ses a n a l o g u e s
« d a n s le s i èc le ; la société a p p r e n d r a à le conna î t r e
« m i e u x p a r ces h o m m e s sor t i s , p o u r a insi d i re , de son
K sein, et qui s e ron t au mi l ieu d'elle. »


Vaines c o n s i d é r a t i o n s ! l 'Universi té a d ' au t r e s s o u c i s ,
et p o u r y sat isfa i re , elle a, p a r ses r è g l e m e n t s , c réé
p a r m i nous un délit n o u v e a u , un délit i n c o n n u à la m a -
g i s t r a tu re la p lus s é v è r e : celui de s'être cru appe lé a
u n é ta t r e s p e c t a b l e , d ' avo i r été fo rmé d a n s u n e p ieuse
r e t r a i t é e l ' a m o u r de la ve r tu ; p u i s , au m o m e n t décisif,
d 'avoi r s o n d é assez, r i g o u r e u s e m e n t sa consc ience p o u r
r ecu le r devan t d ' i m m e n s e s o b l i g a t i o n s ! Et, p o u r ce
s ingul ier délit, on a inven té une pe ine i n o u ï e , u n e
peine dont je ne t rouve de t race a n a l o g u e q u e dans les
lois des p lus od ieux p e r s é c u t e u r s de l 'Égl i se , à savoi r :
Véloigneinent du coupab le de toutes les profess ions h o -
n o r a b l e s , c o m m e si d é s o r m a i s c 'é tai t un homme flétri
et f rappé d 'une in te rd ic t ion intel lectuel le et s o c i a l e !


Et voilà ce q u ' o n appel le une faible contrainte! — A
la bonne h e u r e ! — E h b i e n ! moi , c 'es t ce q u e j ' a p p e l l e
u n e é n o r m e in iqu i té !


I . . 3 1




S!ai?, laisse ns de cè le la jus t i ce c l p a r l o n s un nuire
l a n g a g e : Vous oles-vous demande à v o u s - m ê m e ce que
le p a y s pouva i t g a g n e r à u n e telle l ég i s la t ion?


Consei l lers de la c o u r o n n e , lég is la teurs d é m o n p a y s ,
a u m o m e n t où v o u s allez é tud ie r ces g randes q u e s t i o n s ,
p e r m e t t e z - m o i de v o u s le d i re : q u a n d vous aurez impi-
t o y a b l e m e n t p u n i ces p a u v r e s j e u n e s gens de l e u r pa -
t i ence c o n s c i e n c i e u s e à a t t e n d r e u n e voca t ion que Dieu
n ' a p a s d é c i d é e ; q u a n d v o u s l eu r au rez posé le terr ible
d i l e m m e d ' e n t r e r , m a l g r é eux , d a n s le s anc tua i r e p o u r
le p ro faner , ou de se r é s i g n e r à n 'é l re q u e des par ias
d a n s l eu r p a t r i e , s a n s p l ace d a n s la soc ié té , r édu i t s à
s 'en faire u n e aux. d é p e n s de la société e l le -même,
q u ' a u r e z - v o u s gagné?


Je le déc l a r e de n o u v e a u : c r ée r a insi en F r a n c e une
c lasse d ' h o m m e s flétris i n j u s t e m e n t p a r a v a n c e , je lés
v i o l e m m e n t en d e h o r s de t o u t e s les voies légi t imes , r é -
dui t s p a r l ' in iqui té des lois à d e m e u r e r en pe rpé tue l l e
hos t i l i té con t r e l ' o r d r e social , v o u é s pa r c o n s é q u e n t , si
Dieu ne les en g a r d e , à deven i r des pamphlétaires ou
des c o n s p i r a t e u r s , ce n ' es t p a s s e u l e m e n t offenser l 'É-
gl ise , c 'est b l e s s e r l 'État , c 'es t u n e faute po l i t ique et
socia le i m m e n s e , et su r l aque l le u n e i n concevab le préoc-
c u p a t i o n a p u seule aveugle r j u s q u ' à ce j o u r !


Je le dis avec u n e convict ion profonde , et je sens en
mon â m e et consc i ence q u e je fais partager nia conv ic -
t ion à d ' a u t r e s : N o n ! les r è g l e m e n t s un ive r s i t a i r e s sur
l ' admiss ion au b a c c a l a u r é a t n e p e u v e n t subs i s t e r dans
u n e société r égu l i è re ! Il y a cer tes t r op de combina i son
et rie p r é v o y a n c e . d a n s ces règlements p o u r qu'on les ac-
cuse d ' ê t re m a l h a b i l e s ; m a i s les c o n s é q u e n c e s en son t
si e x t r ê m e s , q u ' a u po in t de vue intellectuel et social, ils




LA S I M P L E V É I U T Ë S U E C E T T E Q U E S T I O N . 4S3


n e p e u v e n t ê t re accep tés et m a i n t e n u s q u e p a r u n e s o -
ciété t roublée , don! ies r évo lu t ions n e sont p a s e n c o r e
achevées !


Ut q u a n d on songe q u e ces r è g l e m e n t s son t r i g o u r e u -
s e m e n t m a i n t e n u s pa r les m ê m e s h o m m e s qu i ont l imi té
le nombre , des pet i t s s é m i n a i r e s p o u r c h a q u e d iocèse
e t p o u r toute la F r a n c e ;


Limi té le n o m b r e des élèves p o u r c h a q u e école ;
Limité le n o m b r e des élèves p r i s d ' e n s e m b l e ;


qui ont p a r c o n s é q u e n t dit à Dieu et à l 'Église : Vous
n ' au rez pas u n e vocat ion de p lus q u e cel les d o n t n o u s
avons déc idé le n o m b r e !


Q u a n d cet te l imi ta t ion , fixée à 20 000, en 1828, eu
égard à la popu la t ion de la F r a n c e , qui étai t a lo r s de
30 000 000 d ' h a b i t a n t s , dev ien t a u j o u r d ' h u i u n e m a n i -
feste in jus t ice , pu i squ ' i l y a en lS.'w, d ' a p r è s M. le Mi-
n i s t re de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e l u i - m ê m e , en F r a n c e ,
6 000 000 d ' h a b i t a n t s de p l u s ;


Q u a n d d 'a i l leurs on est obligé de r e c o n n a î t r e q u e
l ' in térê t évident de l ' F p i s c o p a t f rançais est avan t tout de
formel ' des p r ê t r e s , et de ne p a s l a i s se r e n v a h i r les pet i ts
s émina i r e s par des l a ï q u e s ;


Quand on est obligé de d i re avec M. P o r t a l i s : « Mais
l'intérêt Je l'établissement, qui est celui du sacerdoce et
de son recrutement, le but de l'institution, seraient évi-
demment compromis ! Quelque ambition que vous puis-
siez supposer au clergé, quelque désir qu'on puisse lui
prêter de s'emparer de l'éducation civile, son premier
besoin, son vœu le plus ardent sera toujours de former
des prêtres, de perpétuer le sacerdoce !


«Ce serait en vain qu'il s'emparerait de l'éducation,
s'il venait lai-même a défaillir, s'il ne pouvait suffire ni




48% DE S P E T I T S S E M I N A I R E S ( 1 8 i 7 ; .


ci ses premiers et à ses plus pressants devoirs, ni à ses
compactes ! »


Q u a n d l é s o n s c o m m u n , la r a i s o n , la ju s l i ce , l ' équi té ,
la b o n n e foi la p lu s vu lga i r e , p a r l e n t si h a u t !


Q u a n d l ' avan tage év iden t de l 'É ta t , q u a n d les b e s o i n s
les p lus i m p é r i e u x de la s o c i é t é , p r o c l a m e n t d 'une
m ê m e voix les d ro i t s s ac r é s et impre sc r i p t i b l e s de la
consc i ence , de la famil le , de la j e u n e s s e , de la l iber té
h u m a i n e et de la voca t ion s a c e r d o t a l e ;


Q u a n d tou t cela est m é c o n n u , m é p r i s é , foulé aux
p i e d s , ne faut- i l pas s ' écr ie r avec M. Por ta i l s :


SOCS QUELLES LOIS VIVONS-NOUS DONC 1


Et n'y a u r a - t - i l d o n c j a m a i s p o u r n o u s ni pa ix , ni
t r êve , ni l iber té , ni jus t ice !


Non, v o u s n ' e n au rez j a m a i s d ' a u t r e s , r é p o n d e n t nos
a d v e r s a i r e s ! El c 'est a lo r s q u e , p o u r justifier la d u r e t é
de l eu r s pa ro l e s , ils on t c ru devo i r t r a i t e r à fond une
ques t ion dont il faut que je pa r l e a u s s i , celle des Voca-
tions ecclésiastiques.


11.


DES VOCATIONS ECCLÉSIASTIQUES.


Il n 'y a pas une ques t ion p lus dél icate au m o n d e :
j ' a u r a i s voulu , par r e s p e c t , la p a s s e r sous s i l ence ; mais
elle est au fond d u d é b a t qu i n o u s occupe . Elle a é té
t r a i t ée b ien h a r d i m e n t p a r nos a d v e r s a i r e s , c'est le
m o i n s q u e je puisse d i re ; elle le sera encore . Je ne pu i s
donc en éviter l ' e x a m e n ; et p e u t - ê t r e les expl ica t ions
q u e je va is d o n n e r pour ron t -e l l e s p r é v e n i r les d i sons -




L A S I M P L E V É R I T É S U R C E T T E Q U E S T I O N . 4 8 5


s ions pén ib les p o u r tous et c o m p r o m e t t a n t e s p o u r ceux
qui les engagera ien t .


Aux ra i sons que j ' a i exposées clans le chap i t r e p r é c è -
dent , et dont m a m o d é r a t i o n ne s au ra i t affaiblir la force,
que r é p o n d - o n ? On c h e r c h e à é tabl i r d ' a b o r d « que le
« nombre des vocations qui se dé mentent est très-peu
« élevé quand on ne viole pas la loi, c ' e s t - à -d i r e quand
« on ne reçoit pas dans les petits séminaires des enfants
« qui ne sont pas D E S T I N É S A LA P R Ê T R I S E , quand on n'y
a fait (pic. ce qu'on affirme faire, c ' e s t - à -d i r e D E S M I X I S -
« I 10 s D E S T I N É S A U C U L T E . »


Puis , d e s c e n d a n t d a n s les secre ts de n o t r e vie in té -
r i e u r e , i n t e r r o g e a n t nos c o n s c i e n c e s , n e r e s p e c t a n t
guè re m ê m e celle de n o s enfants , non p lus que celle
de l eu r s p è r e s , on a joute avec u n e légère té de langage
qui va m a l à la gravi té des choses ; avec ce je n e sais
quoi d ' i n souc ian t et de dégagé qu i révè le si p e u de
m a t u r i t é d a n s l ' examen , si p e u de vér i té d a n s les r e n -
s e i g n e m e n t s , et m ê m e , je ne pu i s le ta i re , si p e u de s é -
r ieux dans la p e n s é e , on a joute : Aujourd'hui, et abusi-
vement, les petits séminaires élèvent une quantité de


jeunes gens qui se destinent à toute autre chose que le
sacerdoce.... Il y a une quantité de jeunes gens qu'on
introduit et reçoit volontairement dans les petits sémi-
naires, Hachant qu'en, réalité ils se destinent a faire des
officiers il'infanterie et de marine.


])u reste, le nombre des certificats faussement livrés
par les pères est cinq ou six fois plus nombreux que celui
des vocations mampiées...


Jl faut a v o u e r , c o m m e je le disais tou t à l ' h e u r e , qu ' i l
est difficile de d e s c e n d r e plus h a r d i m e n t d a n s les c o n -
sc iences , et de déc ide r avec p lus de témér i té les faits




m D E S P E T I T S S É M I N A I P i ES [mi).


les p lus dé l ica ts et les p lu s g r a v e s ; c 'es t p r é t e n d r e auss i
avoi r d a n s le sec re t de nos m a i s o n s des intel l igences
Lieu avancées : m a l h e u r e u s e m e n t p o u r n o s advei sa i res ,
t ou t cela est faux.


Mais ce q u e je sens le b e s o i n de d i re avan t tout , c 'est
q u e j a m a i s on n e fit d e s c e n d r e aux t e rmes d 'une d i scus -
sion si é t r a n g e , u n e voca t ion s a c r é e , u n e vocat ion es -
s e n t i e l l e m e n t n é e d ' u n e i n sp i r a t i on d i w n e !


N ' i m p o r t e , que l l e q u e soit la dé l ica tesse des choses
q u e l 'on n o u s c o n d a m n e à d i r e , p r o v o q u é s , n o u s devons
r é p o n d r e .


E n t r o n s d o n c d a n s cel te d i scuss ion nouve l l e , et ne
r e c u l o n s d e v a n t a u c u n dé ta i l , si pén ib l e qu ' i l soit.


Et d ' a b o r d , il faut q u ' o n n o u s le dise u n e b o n n e fois ,
q u ' e n t e n d - o n p a r ces en tan t s des t inés à la p rê t r i se ?
que l est ce l angage ? que signifie-l-il ? Veut-on dés igner
p a r là des v ic t imes vouées au sacii . ' ice? sera i t -ce des
â m e s l iv rées , v e n d u e s , ma lg ré elles, au s a c e r d o c e ? Que
v e u t - o n d i r e? I c i , ou j a m a i s , c 'est le l ieu de s 'ex-
p l i q u e r .


Destinés! El p a r qu i destinés, et p o u r q u o i ? Pa r leurs
p a r e n t s et p a r l e u r p a u v r e t é , s a n s d o u t e ? — Il es t vra i ,
au t re fo i s , l o r s q u e l 'Église étai t o p u l e n t e , on voyai t les
r i ches destiner aussi l e u r s enfants à l 'é tat ecc lés ias t ique :
il y avai t là do br i l l an tes e s p é r a n c e s . Au jou rd ' hu i , tout
es t c h a n g é : on a dépoui l lé l 'Église. \ o u s ne n o u s en
p l a ignons p a s : d é s o r m a i s les r i ches qu i v i ennen t à elle,
y v i ennen t avec un l ib re et géné reux d é v o û m e n l . Est-
ce là le motif des efforts qu 'on fait p o u r les e m p ê c h e r
de se d é v o u e r à l 'Église cl de ven i r à nous?


Quoi qu ' i l en soit, il y a p lus p a u v r e que l 'Eglise.
On t r o u v e à p e u p rès du pain à mangea' à son service ; il




1..V s n i i ' I . K V E l i l T K S i T. C E T T E Q U E S T I O N . 48T


est souvent d é t r e m p é de I n n n c s et de s u e u r s ; ma i s de
là cependan t naî t e n c o r e un péri l .


Certes, n o u s a i m e r i o n s ici à n o u s t a i r e ; m a i s on nous
force à pa r l e r , et la h o n t e des déta i ls d a n s l e sque l s j e
vais en t r e r r e t o m b e su r ceux qu i les p r o v o q u e n t .


il y a d o n c m a l h e u r e u s e m e n t des enfants p a u v r e s , et
les lois sous lesquel les n o u s v ivons ne pe rme t t en t pas
qu ' i l y en ait b e a u c o u p d ' a u t r e s ; il y a donc des enfants
p a u v r e s , à qui l e u r s p a r e n t s m o n t r e n t d a n s l 'Église le
pain qu ' i ls ne peuven t leur d o n n e r , et qu i , p o u s s é s p a r
eux , v iennent f rapper à la p o r t e de n o s peti ts s é m i n a i r e s !


El l 'Eglise, con t r a in t e pa r vos lois , et d ' a i l l eurs i m -
p u i s s a n t e à l i re du p r e m i e r abord au fond des c œ u r s ,
e m p ê c h é e par vous de recevo i r des enfants l i b re s , reço i t
ces codants con t r a in t s , ces enfan t s , comme vous le d i tes ,
destiné* a la prêtrise : elle essaye de les élever jusqu'à
elle, et t rop souvent n'y peut r éus s i r !


Voilà la vér i té , don t on n o u s a r r a c h e l ' a v e u : voilà ces
enfants destinés à la prêtrise, se lon l ' express ion de nos
a d v e r s a i r e s : de j e u n e s c r é a t u r e s v o u é e s a u j o u r d ' h u i
à l 'état ecc lés ias t ique p a r la m a l h e u r e u s e p a u v r e t é de
l eu r s p a r e n t s , c o m m e ils l 'é ta ient autrefois par l'am-
bitieuse opu lence de l eu rs familles ; m a i s t o u j o u r s p a r
les insp i ra t ions de la cup id i té .


Eh bien ! nous ne vou lons p a s p lus de ces î n c r c e -
naircs- là que des a u t r e s ! j ' ins i s te su r ce mot . Car ils s e -
ra i en t dans l 'Église m e r c e n a i r e s au m ê m e ti tre que, ceux
qui les ont p récédés ! Les u n s , il est vra i , é ta ien t n o b l e s ,
les a u t r e s sont r o t u r i e r s ; cl je souhaite que le jour du
péri l t r o u v e ces de rn i e r s auss i fidèles q u e l eu r s nob le s
devanc ie r s le furent d a n s les t emps o r a g e u x de n o t r e
révolut ion .




Quoi qu'i l on soit, les d i r ec t eu r s des petits s émina i re s
n ' o n t rien de plus i m p o r t a n t à l'aire q u e d 'é loigner ceux
qui se destinent ou q u e l 'on destine si r é s o l u m e n t À la
prêtrise : p o u r d i re la vé r i t é , je ne suis , mo i , j a m a i s a
l 'a ise q u ' a v e c ceux qu i ne se prédestinent pas à l 'état
ecc lés ias t ique , et qui sont prê t s à s'y dévouer , si Dieu
l e u r i n sp i r e ce d é v o û m e n t sub l ime .


El p u i s q u ' a p r è s m ' a v o i r forcé à vous révé le r sur nos
enfants de t r is tes sec re t s q u e vous aur iez dû toujours
ignore r , on n o u s force enco re , p a r les é t r a n g e s d é n o n -
c ia t ions et les a t t a q u e s don! n o u s s o m m e s l 'objet, à ré-
véler no t re condu i t e avec eux et avec leurs pa ren t s , et
j u s q u ' à nos s e n t i m e n t s les plus in t imes ; je le ferai s ans
c r a i n t e , dussé- je p a r l e r un langage a u q u e l les h o m m e s
po l i t iques de ce t e m p s sont peu a c c o u t u m é s , mais q u e
p l u s i e u r s toutefois , j e veux le p e n s e r , ne sont p a s in-
dignes d ' e n t e n d r e :


P o u r n o u s d o n c , q u a n d n o u s r e c e v o n s ces enfants ,
r i c h e s ou p a u v r e s , d a n s nos peti ts s é m i n a i r e s , n o u s
les la issons tous l i b r e s ; n o u s n 'en p r é d e s t i n o n s aucun
à l ' é ta t e c c l é s i a s t i q u e ; n o u s r e s p e c t o n s ces j e u n e s
â m e s ; n o u s les é l evons d a n s l ' a m o u r de Dieu et de
l e u r s p a r e n t s ; d a n s la piété et dans l ' i nnocence , dans
le r e spec t de l ' au tor i té , dans l 'oubli profond de toutes
les ag i ta t ions po l i t iques ; pu i s n o u s leur r évé lons de
t e m p s à au t r e les g r a n d e u r s du sace rdoce , et auss i ses
pér i ls ; n o u s l e u r d é c l a r o n s q u e , p o u r p o r t e r le ca-
r a c t è r e sacerdo ta l , c ' e s t - à - d i r e p o u r se d é v o u e r tous
les j o u r s de la vie , il faut ê t re né g r a n d ou le deve-
nir . Nous l eu r r é p é t o n s s o u v e n t q u e des c œ u r s vul-
ga i r e s , des c a r a c t è r e s faibles, des (esprits abat lus , u n e
é d u c a t i o n c o m m u n e n 'y suffiraient pas ; q u ' a u j o u r d ' h u i




L A S I M P L E - V E li I I !. S I II C E T T E Q U E S T I O N . 4S0


surtout les peuples d e m a n d e n t a u t r e c h o s e à l eu r s p rê -
t res , el avec ra i son .


Nous leur d é c l a r o n s q u e , s'il en esl p a r m i eux d o n ! le
c œ u r ne soit pas assez f e rme , ils do ivent s ' a r r ê t e r au
seuil du s a n c t u a i r e , t l est d ' a i l l eurs u n e gloire r é s e r v é e
à t o n s ; si tous ne son t p a s appe lés a u d e v o û m e n t de
l ' apos to la t qui p r ê c h e , qui comba t , qu i se sacrifie, t o u s
sont appe lés à exe rce r au mil ieu du m o n d e le nob le
apostola t des ve r tu s c h r é t i e n n e s , e t à en p e r p é t u e r d a n s
leurs familles la conso la t ion et l ' exemple .


Ces choses n 'ont point é lé c o m p r i s e s p a r les h o m m e s
que je c o m b a t s en ce m o m e n t : et'je ne m ' e n é t o n n e
p a s ; je r eg re t t e s e u l e m e n t q u e , sans les c o m p r e n d r e ,
ils se soienl c rus fondés à en p a r l e r avec u n e si é t o n n a n t e
a s s u r a n c e . Mais n o u s , à qui elles sont famil ières , n o u s
qui \ d é v o u o n s c h a q u e j o u r inn i ce que n o u s a v o n s
d ' Intel l igence et de c œ u r , n o u s concevons sans pe ine
que ceux qui se p r é s e n t e n t d a n s les pet i ts s é m i n a i r e s
p o u r y r ecevo i r cotte forte et, sa in te éduca t i on , n ' a r r i -
vent, pas tous au s a c e r d o c e ; n o u s c o n c e v o n s que les
u n s m a n q u e n t le but p a r défaut de c o u r a g e , et les a u t r e s
pa r ce q u e Dieu leur r é s e r v e d ' a u t r e s des t inées . Et il
n 'y a r ien là qui doive ni a l l r i s l e r , ni s u r p r e n d r e .


ha p remiè re éduca t i on esl le l emps de l ' examen et de
l ' épreuve : c'est a lors q u e , sous l ' inf luence d ' une d i r e c -
tion p r o f o n d é m e n t c h r é t i e n n e , le g e r m e de la voca t ion
sace rdo ta l e , si Dieu l'a v é r i t a b l e m e n t déposé d a n s le
ct t ' i ir . peni se déve lopper .


Mais cette vocat ion sub l ime , c 'es t Dieu, et n o n l 'édu-
calion qui la donne . L 'éduca l ion s e u l e m e n t doi t é tud ie r
les vues de la P rov idence , n e les p r é v e n i r j a m a i s , et ne
les a ider m ê m e q u ' a v e c d i sc ré t ion et avec respec t . Si




A on D K s r- K T r r s s i-: M I N A I ni-: S ( i s 17 ) .


les voca t ions sace rdo ta l e s se r e n c o n t r e n t p lus f ré-
q u e n t e s d a n s les pet i ts s é m i n a i r e s , c 'est d ' a b o r d parce
q u e la P rov idence les y a m è n e ; c 'est auss i p a r c e que
l ' éduca t ion les y éc la i re : m a i s elle peu t , mais elle doi t
y éc la i re r auss i des voca t ions différentes.


Qu ' ava i s - j c d o n c à faire , que faisais-jc donc moi , pa r
e x e m p l e , s u p é r i e u r du peti t séminai re , de P a r i s , p o u r
acqu i t t e r ce q u e je deva i s à la conf iance de Mgr l 'Ar-
c h e v ê q u e , à ces enfan ts , à l eu r s familles, et a u x e s p é -
r a n c e s de l 'Église ?


Que faisais-je l o r s q u e les pères de famille vena i en t
m e p r é s e n t e r l eu r s enfants ?


Si c ' é ta ien t des p a u v r e s , m a so l l ic i tude p o u r e u x é ta i t
p lus vive et p lus profon le q u e p o u r les a u t r e s : en les
r e c e v a n t au peti t s é m i n a i r e , je l eu r d i sa i s : Mes enfants ,
soyez au rga ; Dieu est g r and , i c i , nul le gène : ne
soyez p r ê t r e s que si Dieu le veut . \ os p a r e n t s ne son t
peu t -ê t r e pas r i ches . A"eu ayez point p o u r vous d ' i nqu i é -
t u d e ; n ' é tud iez q u e la vo lonté de D i e u , cl s'il ne vous
des t ine po in t à sou s a c e r d o c e , n o u s ne vous a b a n d o n -
n e r o n s pas .


Les enfants m e c o m p r e n a i e n t vite : l eur c œ u r d ' abord
en t enda i t le n ô t r e , les p a r e n t s pas si lût. lis me r é p é -
la ieu i s o u v e n t e n c o r e : Nous le destinons à l 'éiat ecclé-
s i as t ique . Je ne les b r u s q u a i s p o i n t ; je sour i a i s el je
l eur r é p o n d a i s : A O U , c 'est Dieu seul qui de s t i ne à ce
g r a n d et s u b l i m e é ta t . En ce la , c o m m e en foule au t r e
chose , il n 'y a q u e lui qui s a c h e l ' aven i r et qu i en d é -
c ide ; p o u r vous , je n e v o u s d e m a n d e q u ' u n e chose :
si Dieu le fait, n e vous y opposez pas au j o u r où il le
fera ; et d'ici là, priez p o u r vo i re enfant .


Si c ' é ta ien t des r i c h e s , Dieu me faisait auss i la grfo.e




LÀ SIMPLE Y E Kl TE S EU CETTE QUESTION. 491


de n ' oub l i e r jamais en face d ' eux la dé l i ca t e s se de mes
devoi rs : lo r squ 'un pè r e c h r é t i e n m e p r é s e n t a i t son
fils, lo rsque sa p ieuse m è r e v e n a i t en sec re t m e confier
qu'elle avait offert ce cher enfant a u S e i g n e u r , qu 'e l l e
sera i t mi l le fois h e u r e u s e si u n e v o c a t i o n sa in te c o u -
r o n n a i t u n j o u r le v œ u qu 'e l le ava i t fo rmé d a n s son
c œ u r , j e lui disais : Vous avez déjà p r i é , pr iez encore ;
Celui-là seul qui vous a i n s p i r é celle sainte espérance
peut la réa l i se r . P o u r moi , je p a r t a g e r a i avec zèle, vous
n'en pouvez d o u t e r , m a i s aus s i avec u n e p ro fonde ré-
serve, les dés i r s de vo i re cœur ; l a i s sons Dieu faire son
œ u v r e , et attendons en s i lence qu'il lui plaise de révé-
ler l u i -même à votre eofaul ses desse ins s u r lui .


Et c e p e n d a n t j ' é t u d i a i s avec t end re s se t o u s ces e n -
fants si c h e r s , si p r é c i e u x ; je les obse rva i s avec solli-
c i tude , j ' e x a m i n a i s de p r è s la t rompe tic l e u r c a r a c t è r e ,
les inc l ina t ions de l eu r c œ u r . J ' o b s e r v a i s s u r t o u t , avec
les d é v e l o p p e m e n t s successifs de l ' âge , les d ive r se s
t r a n s f o r m a t i o n s morale::, de l eu r â m e ; je la issais ainsi
les a n n é e s les p lus h e u r e u s e s de l e u r vie s ' écou le r i n -
n o c e m m e n t dans la paix de Dieu ci s o u s les d o u c e s i n -
fluences d ' une é d u c a t i o n qu ' i l i n sp i r a i t : je ne les p re s -
sais j a m a i s ; je les a t t e n d a i s .


Puis vena i t Je j o u r , où , de conce r t avec des p a r e n t s
ch ré t i ens et des enfants ve r tueux , j e déc ida i s .


Q u a n d la volonté de la P r o v i d e n c e étai t mani fes te ,
r i ches ou p a u v r e s , je l eur disais : D e m a n d e z la b é n é -
dict ion de votre p è r e cl de voire m è r e , et cu i rez a u
s a n c t u a i r e avec conf iance. La bénéd ic t i on d u Dieu qu i
vous appel le n e vous m a n q u e r a pas Quand je n e
r e c o n n a i s s a i s p a s à des s ignes c e r t a i n s la voca t ion de
Dieu, a l o r s , s ans hés i t e r , r i ches ou p a u v r e s , je. les éloi-




DES P E T I T S S É M I N A I R E S


gtiais : je r e p o u s s a i s mè iue les p lu s g r a n d s n o m s , et
s a n s p r é t e n d r e me l'aire u n e gloire du p lus é t r ange des
r e p r o c h e s , q u a n d je t rouva i s en e u x , avec la p ié té m a -
g n a n i m e des p r e u x , l ' é t incel le de la va leur , je les e n -
voya i s à l ' a r m é e d 'Afr ique, où ils se ba t ta ien t b r a v e -
m e n t p o u r l e u r p a y s .


Et s'il y eu t j a m a i s u n é t o n n e m e n t légi t ime, c 'est le
n ô t r e , q u a n d n o u s a v o n s vu q u e n o i r e respec t p o u r ces
j e u n e s â m e s devena i t u n r e p r o c h e p o u r n o u s a u p r è s de
ce r t a in s h o m m e s p o l i t i q u e s , et l eu r ve r tueuse dél ica-
tesse un péril p o u r l e u r aven i r social ; car , enfin, il y
avait au m o i n s ici u n r é su l t a t c o m m u n et n é c e s s a i r e ,
r é su l t a t ut i le à tour., que l s q u e fussent les desse ins de
Dieu su r c h a c u n , u t i le au p a y s , ut i le aux familles : c 'é -
tait de fo rmer en ceux qui no sont pas appe lés au sa-
c e r d o c e , des j e u n e s gens s i n c è r e m e n t ch ré t i ens : et
n 'est- i l p a s mani fes te q u e l ' i r réf lexion et la légèreté
i r ré l ig ieuse p e u v e n t seules ne p a s app réc i e r convena-
b l e m e n t un tel a v a n t a g e ?


Eu a c h e v a n t cet te pén ib l e r é p o n s e , il me, se ra pe rmis
de dire à ceux qu i l 'ont p r o v o q u é e , qu ' i l s m ' o n t l'ait
u n e cruel le v io l ence ; c a r e n f m , p u i s q u e n o u s e n s o m m e s
v e n u s j u s q u e - l à , je l eu r dirai tout : Ils m ' o n t forcé à
lever des voiles sac rés , à o u v r i r d e v a n t eux les p o r t e s
du s a n c t u a i r e , à l e u r r é v é l e r les sec re t s de la A e r t u
qui s'y c a c h e et les v e u x des famil les c h r é t i e n n e s qui
v iennent y ab r i t e r l e u r s enfan ts , et ils n ' en ava ien t pas
le droit. 1 —Le n o m b r e des élèves qui n o u s est fixé est-il
d é p a s s é , oui ou n o n ? Respec tez ces l i m b e s , sévères déjà
j u s q u ' à l ' injust ice, et ne faites pas sor t i r de nos b o u c h e s
l ' aven de ce qu' i l y a de p lus in t ime en t r e Dieu, nos
enfan ts , l eu r s p a r e n t s et n o u s : ne n o u s a r r a c h e z p a s




LA S I M P L E V K I U T K SL'Pi C E T T E Q U E S T I O N . i!W


des détai ls seo-lesquels c 'est p o u r n o u s un devo i r d ' ê t re
quelquefois r é se rves , m ê m e a v e c les famil les ! Respec tez
des c œ u r s s incè res : r e s p e c t e z des en fan t s p a u v r e s ,
mais d é s i n t é r e s s é s , m a i s g é n é r e u x , m a i s nob le s de
coeur, et qu i , s 'ils c o n n a i s s a i e n t les d i s cus s ions a u x -
quel les vous n o u s c o n d a m n e z , c r a i n d r a i e n t p e u t - ê t r e
d é s o r m a i s de p a r a î t r e suspec t s à nos yeux : A h ! voila
ce q u e j ' a i plus de peine à vous p a r d o n n e r .


Et q u a n t aux enfants , qu i sont r i ches , il est vra i ,
m a i s digues auss i de r e s p e c t , p u i s q u ' o n se d e s t i n a n t
au s a c e r d o c e , ils n ' o n t m a n i f e s t e m e n t a u j o u r d ' h u i
d ' a u t r e ambi t ion q u e de se rv i r avec humi l i t é et c o u r a g e
l 'Église de J é s u s - C h r i s t ; s achez auss i les r e s p e c t e r cl
ne che rchez plus , pa r d ' ind ignes s o u p ç o n s , à les é lo i -
gner de n o u s !


.Mais non , il n 'en sera p a s a ins i , et g râces à Dieu
vous n ' au rez pas cet te pu i s sance , ni s u r nos enfan t s ,
n i s u r n o u s : ces c h e r s enfants l i ront t o u j o u r s d a n s
n o t r e c œ u r , d a n s n o s r e g a r d s , n o t r e affection p o u r eux
et la confiance qu ' i ls nous do ivent : il me fallait cet e s -
po i r p o u r nie déc ide r à s u b i r la v io lence qui m ' a été
faite, et a ccep t e r le c o m b a t sur le t r is te t e r ra in où
n o s a d v e r s a i r e s l 'ont por té !


A b a n d o n n o n s donc , il est l e m p s , u n e lelle d i scuss ion .
Aussi b ien , il ne me r e s t e p lus q u e q u e l q u e s m o t s à


a jouter su r le fond des c h o s e s . Je veux les dire t ou -
tefois, afin de ne r ien la isser s a n s r é p o n s e .


Le nombre des vocations qui se démentent est très-
peu élevé quand on ne viole tins la loi, d i t - on .


Eh b ien ! ici e n c o r e on se t r o m p e e n t i è r e m e n t : le
n o m b r e des voca t ions qui se d é m e n t e n t est assez é levé ,
cela est et doit ê t r e , en tout t e m p s et en tout lieu : cela




4ui I » K S I ' K T I T . S S K M L N . V U Î K S . , ; . ч п ; .


est essen t i e l l emen t d a n s la n a t u r e ries c h o s e s . J ' a i déjà
cité des pa ro l e s de M. Saint­Marc ( i i r n n l i n ; en voici
d ' au t r e s du m ô m e o r a t e u r n o n moins c o n c l u a n t e s : Au­
jourd'hui, dans les petits séminaires, sur dix élevés
vous avez deux prêtres ; il est impossible que cela soit
autrement.


Et j e r é p è t e q u e ce s o n t vos lois e l l e s ­ m ê m e s et les
c o n t r a i n t e s qu 'e l les i m p o s e n t à n o s enfants , qui m u l ­
t ip l ient p a r m i eux le n o m b r e des . v o c a t i o n s qui se
d é m e n t e n t .


Oui, les m o y e n s qui feront m a n q u e r un grand n o m b r e
de voca t ions son t p r é c i s é m e n t ceux q u e nos adve r sa i r e s
i n v o q u e n t p o u r les r e n d r e i m m a n q u a b l e s : c'est d ' im­
p o s e r aux j e u n e s gens toutes les c o n t r a i n t e s qui sont
a c c u m u l é e s d a n s les o r d o n n a n c e s od ieuses de 1 8 2 8 ;
c'est de les c o n t r a i n d r e à p r e n d r e bon gré m a l gré
l ' hab i t ecc lés ias t ique à q u a t o r z e a n s ; c'est , en refusant
de les a d m e t t r e au b a c c a l a u r é a t , de les obl iger à r e ­
n o n c e r à t o u t e s les c a r r i è r e s s o c i a l e s ; et s u r t o u t c'est
de. les forcer , p a r j e n e sais quelle prédestination hu­
maine, à la prêtrise. Voilà, s a c h e z ­ l e bien , ce qui éloi ­
gne les voca t i ons g é n é r e u s e s , et étouffe b e a u c o u p de
voca t i ons o r d i n a i r e s .


Mais je suis é t o n n é de voi r q u ' o n soi! si i n to l é ran t
e n v e r s n o u s , l o r s q u ' o n se m o n t r e si l ibéral ef si facile
à l ' égard des collèges et de l ' a i sance re l ig ieuse qui doit
y rogne r ; à ce point q u e , p o u r ré fu te r défini t ivement nos
a d v e r s a i r e s , et clore t ou t e d i scuss ion , je n 'a i qu ' à les op­
p o s e r à e u x ­ m ê m e s , ef à m e t t r e le m o t de petit séminaire
p a r t o u t o ù on a mis collège d a n s u n cé lèbre r appor t :


« Si on en j uge p a r les lois du c œ u r h u m a i n , on peu t
« êt re a m e n é à la conc lus ion qui n o u s semble la v é r i ­




« t ab l e : si le petit séminaire a é té p o u r l 'enfant un l ieu
« où sa vacation était r e spec t ée , n ia i s p a s i m p o s é e , il
« n 'a r ien dans le c œ u r qu i r e s s e m b l e à la r évo l t e . Si
« au con t r a i r e te petit séminaire a été a u t r e , s'il a eu
a q u e l q u e c h o s e de c o n t r a i n t , il inspire la l icence a p r è s
« u n e c o n t r a i n t e t rop d u r e .


« D e s exc i ta t ions plus d i r e c t e s , p lus c o n s t a n t e s ,
« r é u s s i r a i e n t - e l l e s à faire des c œ u r s p lus fervents et
« des vocations plus -nombreuses? Nous ne le c r o y o n s
« pas . Quant à n o u s , n o u s c r o y o n s q u e le c œ u r de
« l ' h o m m e l ibre est p lus t o u r n é vers Dieu q u e le c œ u r
« de l ' h o m m e cont ra in t . »


Et ici, qu'il m e soit p e r m i s de m ' a d r e s s e r à ceux qu i
n o u s c o m b a t t e n t et de l e u r d e m a n d e r : Que r é p o n d r e z -
vous à ces p a r o l e s qui sont les v ô t r e s ? Exp l iquez -nous
c o m m e n t , si d o u x et si i ndu lgen t s , q u a n d il s'agit, des
col lèges , vous devenez tout à coup si d u r s , p r e s q u e
sans pit ié, q u a n d il est q u e s t i o n des pet i ts s é m i n a i r e s ?
La i s sez -moi vous le dire sans a m e r t u m e : c'est que t r o p
s o u v e n t vous n ' ê tes q u e des po l i t iques , et l ' h u m a n i t é
n e vous touche pas assez ; vous voulez g o u v e r n e r le
m o n d e , et a lors vous n'y r ega rdez p a s de si p rès . T o u t
vous est i n s t r u m e n t de p o u v o i r , m o y e n p a r l e m e n -
ta i r e et p â t u r e d ' a m b i t i o n ! Les â m e s de nos enfants
se sont r e n c o n t r é e s su r vo t re r o u t e : v o u s vous en
êtes saisis ! l 'occas ion étai t t rop bel le p o u r n 'en p a s
profi ter 1


Je crois b ien qu 'e l les vous é c h a p p e r o n t , ces â m e s si
c h è r e s , et q u e vous n ' ê t e s pas assez p u i s s a n t s p o u r les
r a v i r à l'Église et à l eu r s familles. Non, v o u s n 'y r é u s -
sirez pas !


Mais m o n opinion à cet égard v o u s est p r o b a b l e m e n t ,




D E S P E T I T S S E M I N A I R E S ; l S i ?


et avec ra i son , assez indifférente : je n ' ins i s te po in t .
Toutefois , p u i s q u e je m e suis h a s a r d é à d i re u n m o t
po l i t ique , j ' o s e r a i , en u n i s s a n t , vous s igna le r ce que
j ' a p p e l l e u n e faute sociale i m m e n s e , et qui est la
c o n s é q u e n c e n é c e s s a i r e do toute cette législat ion sans
l u m i è r e s u r les pet i ts s é m i n a i r e s ; et p o u r le faire
p lus s û r e m e n t , j ' i n v o q u e r a i e n c o r e le témoignage
d 'un h o m m e q u e j ' a i m e à ci ter d a n s celte g rave d i s -
cuss ion .


Voici en que l s t e r m e s M. Saint-Marc Gi ra rd in a p p r é -
ciait le péri l que vous faites c o u r i r à la société en m ê m e
t emps qu ' à l 'Église, l o r s q u e vous éloignez du sace rdoce
les c lasses a isées et n ' \ a t t i rez q u e les c lasses pauvres .
A la fin de cet te a r i d e c o n t r o v e r s e , l ' espr i t se r e p o s e r a
avec sat isfact ion su r ces l ian tes c o n s i d é r a t i o n s e x p r i -
m é e s d a n s un nob le l angage :


« . . . , Ce seraient surtout les enfants des clauses in-
« fèrieures et grossières qui entreraient dans les petits
« séminaires, et par suite dans l'Eglise: nouveau dan-
ti ger pour l'Église, qui ne doit recruter ses ministres ni
« trop liant ni trop bas. Pas trop haut, parce que les en-
ti fanls élevés dans les habitudes de la richesse s'accani-
« modent mal de la simplicite de la vie sacerdotale •
« point trop bas, parce qu'alors ils n'ont ni le ton ni les
u manieres d'hommes bien élevés, cl que, sans vouloir
« mettre la politesse au-dessus de la vertu, l'Eglise,
« pour avoir sur le monde l'influence qui lui appartient,
« a besoin que la vertu de ses ministres ne soit ni gres-
il sière ni sauvage. »


M. S a i n t - M a r c G i r a r d i n a jou t a i t : « Depuis vingt ans,
« l'Eglise s'est plutôt recrutée dans les classes inférieures
« (¡ue dans la bourgeoisie, et c'a été un mal pour la




I. A S IM P1.1: V E U I T E S C Px C E T T E Q E E S T 1 0 .X. i »7
<i bourgeoisie, pour l'Eglise, pour la société elle-
« même.'


« Les prêtres élégants et vicieux du dix-huiticme
« siècle ont perdu la religion ; la sincère piété de noire
« clergé a commencé à la relever : il lui faut de la sim-
« plicitè sans rudesse et sans intolérance. C'a été un mal
« aussi pour la bourgeoisie. Quand la bourgeoisie dé-
fi série le clergé, quand elle abandonne au.r classes in-
« fèrieures la profession ecclésiastique, elle, doit com-
« prendre qu'elle remet le dépôt de la force morale en
<î d'autres mains. Eue bourgeoisie qui, par vanité d'es-
u. prit fort, dédaignerait le sacerdoce, et qui, pur sgbari-
« Usine, fuirait le métier des armes, ne pourrait pas
« longtemps conserver le pouvoir politique. C'a été un
« mal enfin pour la civilisation : un curé instruit, tolê-
« rant, poli, civilise, peu a peu ses paroissiens ; i;s font
« effort pour se rapprocher de, lui, et ses idées, ses
« sentiments deviennent un but que chacun cherche a
u atteindre. »


M. le comlc Por ta i l s a l cnu à la C h a m b r e des pa i r s
le m ê m e langage q u e M. Sa in t -Marc Gi ra rd in à la
C h a m b r e des dépu té s :


« .4 la tendance peu favorable du siècle vers les voca-
tions ecclésiastiques, faut-il ajouter une nouvelle dé-
faveur, un nouvel obstacle é faut-il ainsi décourager les
familles aisées et pieuses qui auraient le. désir de vouer
leurs infants au sacerdoce ? convient-il de, priver l'Etat
et l'Eglise du, bien (Vavoir des prêtres doués de davan-
tage inappréciable d'une première, éducation si difficile
à suppléer parla seconde? Non, vous ne le voudrez pas;
car vous renonceriez à un bien certain et qui n'entraîne
aucun inconvénient sérieux, pour le maintien d'une règle


i- 32




« > 8 D E S P E T I T S S É M I N A I l i K S ( 1 X Í T ) .


absolue, qu'une exception fondée en raison et endroit
confirme et corrobore. »


Voilà , j(! suis h e u r e u x de i e d i r e , voilà le l angage
élevé q u e d e v r a i e n t t o u j o u r s t e ñ i r l e s h o m m e s pol i t i -
q u e s , q u a n d ils t r a i t e n t les affaires de l 'Église.


I I I


DE L ' H A B I T r.e.er.r.stAsricn E .


C'est e n c o r e ici u n e ques t ion s ingul iè re . Je m 'é lo rme
de la r c n e o n l r e r s u r m o n c h e m i n ci d 'avoi r à la t rai ter .
Mais d a n s la p e n s é e de nos a d v e r s a i r e s elle a plus de
gi'avilé e n c o r e q u e rie s ingu la r i t é : aussi l 'onl-ils t rai tée
il tond et p lus s a v a m m e n t e n c o r e q u e la ques t ion p r é -
céden te . Je c ro is devoi r le l'aire aussi , cl j ' e s p è r e en
h i e r une Donne l'ois avec elle. D ' a i l l e u r s , à l ' ins i i de
M. de Sa lvami ; ' , elle d e m e u r e cachet ; c o m m e un piège
d a n s son projet de loi. Il esl essent ie l q u e M. le Ministre
de l ' insitaiciioii p u b l i q u e , que le lég is la teur declare e x -
p r e s s é m e n t , s'il e n t e n d l'aire de l 'habit ecr lésh is i iquo la
comli i ion tle l ' admiss ion de n o s é lèves aux é p r e u v e s du
b a c c a l a u r é a t . Il ne peni r e s t e r ici ni l ' o m b r e d 'un piège,
ni l ' a p p a r e n c e d ' u n e é p i ivoquo .


Nos a d v e r s a i r e s veulen t a b s o h i m e n l q u o » impose à
tous les eleces des petits séminaires l'obligation rigou-
reuse de porter l'Imbil exlèsiasuque a quatorze ans.
Dans la grani le d i scuss ion des b u r e a u x , en I S à ' i . o n
avai t déjà l o u c h é ce suje t , et on s'était p la int q u e les
professeurs des petits sémino ires pn missent a cet égard
le respect humain a leurs eleves. Dans l 'excès de leur
zèle c o n t r e le r e spec t h u m a i n , nos adve r sa i r e s oui été
j u s q u ' à s ' é c r i e r : Osera Í on dire a l'univers catholique,




L A S I M I M . K V E R I T E S U R C E T T E Q U E S T I O N . 49U


en refusant cet habit, qu'on rougit de l'état dans lequel
on veut entrer ?


Ce qu'il y a de p lus é t r a n g e , c 'est de vo i r i n v o q u e r
ici con t re n o u s l'autorité du concile de Trente: o u i ,
on a c ru devoi r s ' a p p u y e r des déc i s ions so lenne l les de
cello g r a m l e a s s e m b l é e p o u r a jou te r au po ids dos r e -
p r o c h e s qu ' on nous a d r e s s e ; et l 'on ne s 'est p a s avisé ,
c 'est là ce qui cause s u r t o u t m o n é t o n n e m e n t , de la fa-
cile r é p o n s e qu 'on nous fourni t .


i nvoque r le conci le de T r e n t e ! Mais, av an t de le faire,
on a oublié de d e m a n d e r à M. Du pin si le conci le de
T r e n t e est r e ç u en F r a n c e q u a n t à la d isc ip l ine ! et
ce r tes , la ques t ion de l 'habi t ecc lés i a s t ique est p lus q u e
tou te a u t r e u n e ques t ion d i sc ip l ina i re .


I n v o q u e r le conci le de T r e n t e ! ma i s p o u r cela il faut
Je bien c o m p r e n d r e , et p o u r le c o m p r e n d r e il faut l ' a -
voir lu. Ces .Messieurs l 'onf-ils lu en effet ? La d e m a n d e
est é t r a n g e ; je su is s û r c e p e n d a n t q u e , si elle est ind i s -
c rè t e , elle est n é c e s s a i r e : c a r si p l u s i e u r s de, n o s a n t a -
gonis tes avaient é tud ié l 'h i s to i re des t r a v a u x de cel te
a s semblée , c o n n u e ils s aven t é t u d i e r l ' h i s to i re , j ' a f f i rme
qu' i ls ne s 'appuiera ient , pas ici de son au to r i t é .


Et d ' a b o r d , savent- i l s quel est col bahut ecc lés ias t ique
dont ils nous p a r l e n t , dont pa r l e le conci le de T r e n t e ,
cl don t ils di ent q u e Je saint, conci le fit une obligation-
nécessaire? savent- i ls q u a n d , o ù , c o m m e n t , d a n s que l les
c i r c o n s t a n c e s , dans que l les cond i t ions cet h a b i t doi t
ê t re por lé ?


Savent- i ls , c o m m e le faisait r é c e m m e n t o b s e r v e r Mgr
le card ina l d e I L m a h l , qu ' en l o u c h a n t à ce sujet , il y a
d e s ques t ions de fo rme , d e c o u l e u r , d 'âge , de ta i l le , de
t emps cl de lieu à r é s o u d r e ?




500 D E S P E T I T S S E M IN A I H E S ( 1 8 1 7 ) .


Savent- i ls quels sont ceux à qu i l 'Église i m p o s e cet
h a b i t ?


Savent- i ls enfin q u e les Évoques seuls , d ' a p r è s le con-
cile de T ren t e qu ' i l s i n v o q u e n t , on t le dro i t d 'en o r d o n -
n e r l ' ob l iga t ion , et auss i d 'en d i spense r , q u a n d ils le
j u g e n t à p r o p o s , selon les l ieux et les t e m p s ?


Enfin se r loulenl- i ls , c a r je suis c o n d a m n é encore à
d e s c e n d r e j u s q u ' à ces d é t a i l s , q u e cet hab i t peut ê t re
b l a n c ou no i r , b l eu ou rougi 1 , v iolet , b r u n ou m a r r o n ?
q u e la fo rme , d a n s les d ive r ses égl ises , en est var iable
c o m m e la c o u l e u r ? qu ' e s t - ce qui suffira? ([n'est-ce qu i
n e suffira p a s ?


El n e n o u s di tes p a s (pie t ou t cela vous est indiffè-
ren t , que ce n 'es t pas vo t r e affaire, et q u e p o u r v u que
v o u s avez u n hab i t ecc lé s i a s t ique , c 'est tout ce qu'i l
vous faut, et q u e p o u r le r e s t e vous vous en r a p p o r t e z
à n o u s . Nous n e p o u v o n s accep te r cet te c o n d i t i o n ; et
p o u r q u o i ? P a r c e q u e la conf iance n o u s m a n q u e p o u r
le f a i r e , p a r c e q u e v o u s n o u s a c c u s e r e z peu t -ê t r e en -
core , p a r c e q u e , q u a n d n o u s i n t e r p r é t o n s vos lois avec
équ i t é et b o n s ens , v o u s criez à la m a u v a i s e foi et à
l ' hypocr i s i e .


Non, n o n , c 'est à vous à faire la loi et à l ' i n te rp ré te r .
P e r m e t t e / d o n c q u e je con t i nue à vous in te r roger .


Vous dou tez -vous q u e ceux-là s e u l e m e n t , d ' ap rès les
lois ecc lés ias t iques , p e u v e n t ê t re t e n u s à le por t e r , qui
sonl d a n s les o r d r e s s ac r é s ou d a n s les o r d r e s m i n e u r s ,
m a i s p o u r v u s d 'un bénéf ice , ou b ien e n c o r e , dans des
c i r c o n s t a n c e s e x c e p t i o n n e l l e s , les c lercs t o n s u r é s , et
pas d ' au t r e s ?


Vous dou tez -vous enfin que le conci le de Tren te ,
q u a n d , au c h a p i t r e v r de ht session x i v , il t ra i te du




L A S I M P L E V É R I T É S U R C E T T E Q U E S T I O N . 501


vê lemen t des c l e r c s , se b o r n e à en c o m m a n d e r la
convenance et la gracile? Deeentiam habitas : Itoncs-
turn habituai, ordini congruenlem.


Vous d o u l e z - v o u s de tou tes ces c h o s e s ? Que fa i tes-
vous d o n c q u a n d v o u s , h o m m e s po l i t i ques , vous é l e -
vant tout à c o u p j u s q u ' à la dignité d 'un Pè re de l 'Église
et d 'un légis la teur ecc l é s i a s t i que , vous invoquez con t re
n o u s le conci le de Tren te , et p r é p a r e z s o l e n n e l l e m e n t
u n e bu p o u r déc ider q u e nos enfants p o r t e r o n t , à q u a -
torze 1 a n s , des habits convenables et modestes'!


F r a n c h e m e n t , et le pub l i c se ra de m o n avis , vous
vous mêlez de c h o s e s qui ne vous r e g a r d e n t [tas el q u e
vous n ' en t endez guè re .


Plus j ' y p e n s e , p lus je m ' é t o n n e ! Mais où en s o m m e s -
nous d o n c ? Q u o i ! nos a d v e r s a i r e s i n v o q u a n t les con -
ciles ! nos a d v e r s a i r e s o r d o n n a n t l ' hab i t e cc l é s i a s t i que !
nos a d v e r s a i r e s n o u s r e p r o c h a n t le r e s p e c t h u m a i n !
p o u r s u i v a n t nos l â c h e t é s et n o s faiblesses avec l ' indi-
gnat ion de la ve r tu ! Es t - ce sér ieux ? Je me p e r m e t s
d 'en d o u t e r .


Mais une pensée t r a v e r s e m o n espr i t : vous i nvo q u ez
le concile de T ren t e ! Mais, q u a n d on l ' Invoque , il faut
le r s p e c l c r ! ma i s il o r d o n n e l ' hab i t et les o r d r e s r e l i -
gieux q u e vous p ré t endez p ro sc r i r e !


Àlais il existe dans le vas te a r s e n a l de la j u r i s p r u d e n c e
r évo lu t i onna i r e des lois q u e vous n e songez p a s à r a p -
p o r t e r ; q u e d i s - j e ' ? des lois q u e v o u s venez d ' i n v o -
q u e r , et qu i d é f o n d e n t , sous pe ine de m o r t , à des
h o m m e s faits de p o r t e r l ' hab i t ecc lés i a s t ique , cl vous


1 l.ii loi de 02 invoquée r é c e m m e n t à la C h a m b r e des députés -




502 D E S P E T I T S S E M I N A I R E S ( 1 8 П ) .


n o u s i'oïles dos o r d o n n a n c e s p o u r exiger q u e des e n ­
fants de q u a t o r z e a n s p o r t e n t cet h a b i t !


E n c o r e une fois, où en s o m m e s ­ n o u s ? Est­ce s é r i e u x ?
"Mais l 'odieux le d i spu t e ici a u r id icule ! Nous descen­
d o n s a u x d i scuss ions du l i a s ­ E m p i r e ; croyez ­ m o i ,
l a i s sez­nous n o u s vêt i r c o m m e n o u s l ' en t endons . Pourvu
q u e n o u s ne b les s ions ni la sévé r i t é de. vos r e g a r d s , ni
la grav i té des m œ u r s p u b l i q u e s , ne vous occupez plus
de n o u s ni de nos h a b i t s I


Mais auss i bien cet te q u e s t i o n a u n cédé g r a v e , p ' u s
grave q u e ne le s o u p ç o n n e n t sans dou te ceux qui l 'ont
sou levée ; et pu i squ ' i l s m e forcenl à faire avec eux du
dro i t c a n o n i q u e , p u i s q u ' i l s p r é t e n d e n t q u e le concile rie
T r e n t e est formel s u r l 'obl igat ion imposée aux j e u n e s
clercs de p o r t e r à q u a l o r z e a n s l ' h a b i t ecc lés ias t ique ;
eh bien ! n o u s al lons e n t r e r au fond m ê m e des choses ,
et m o n t r e r que ls in térê ts d 'un o r d r e élevé sont engagés
d a n s une affaire si n o n c e en a p p a r e n c e .


On n 'a peuf ­ê l re pas été bien sé r i eux en n o u s citai;',
le conci le de T r e n t e : les h o m m e s d 'Éta t de. ce siècle ne,
son t g u è r e a c c o u t u m é s à s ' inc l iner devan t ces décro i s
v é n é r a b l e s ; m a i s n o u s , au m o i n s , h o m m e s d'Église,
d e v o n s ­ n o u s les r e spec t e r en loules c h o s e s .


Quelle est d o n c la doc t r i ne du conci le de Tren te à cet
égaial? q u ' e n t e n d ­ i l ? que, faut­il e n t e n d r e p a r l 'habi t
ecc lés i a s t ique don t on veut faire p o u r nos enfants u n e
obligation indispensable ? Le voici :


D u r a n t e peu près les c inq p r e m i e r s siècles de l'É­
g l i se , les clercs n e se d i s t ingua ien t poin t des l a ïques
q u a n t à la m a n i è r e de se vêt i r ; c'est un l'ail cer la iu ;
non p a s que , p e n d a n l ces siècles h é r o ï q u e s , nos p è re s
e u s s e n t b e a u c o u p de ce respect humain q u ' o n n o u s r e ­




L A S I M P L E V É R I T É S L R C E T T E Q U E S T I O N . 503


p r o c h e d ' inspi rer à nos é lèves , m a i s ils j u g e a i e n t d a n -
gereux de p r o v o q u e r g r a t u i t e m e n t les h a i n e s p u b l i q u e s
el Ja pe r sécu t ion . . .


Ils ne pensa ien t pas q u ' o n p û t les a c c u s e r de r o u g i r
du s a c e r d o c e , p a r c e qu ' i l s r e fusa ien t d ' e x p o s e r l 'habit
s a c e r d o t a l aux p rofana t ions et aux r i sées de la foule.


La ve r tu des m a r t y r s n 'a l la i t pas jusque- là ; les Clé-
men t , les Cyprion, el tous les confesseurs des p r e m i e r s
siècles t rouva ien t m ê m e qu' i l y avait Jà l ' inspira t ion du
profond respect p o u r les c h o s e s sa in tes , et q u e la p r u -
dence de l 'Église é ta i t d igne de sa cha r i t é , lo r squ 'e l l e
défendait à ses enfants de p r o v o q u e r des co lè res impies .


La seu le différence e n t r e les c lercs et les l a ïques c o n -
sistait donc d a n s la forme s imple el m o d e s t e des v ê t e -
m e n t s .


Plus lard s e u l e m e n t , vers le v r s iècle , à l ' époque des
c o n q u ê t e s b a r b a r e s , l o r s q u e les peup le s f a r o u c h e s i m -
p o s è r e n t l eu r s m œ u r s et l eu r s u sages aux na t ions v a i n -
cues , l 'Église défendit, à ses c le rcs de qu i t t e r le v ê t e m e n t
long, qui élail l 'ancien vêlement, r o m a i n , et d ' a d o p t e r le
v ê t e m e n t c o u r t des v a i n q u e u r s .


Dépuis ce t e m p s , tous les c o n c i l e s , celui d ' A i x - l a -
Chapel le en 81G ; au c o m m e n c e m e n t du x n r s iècle , le
conci le de Montpell ier ; puis le conci le géné ra l de L a -
f r a n , sous Innocen t II! ; pu i s le conci le de V i e n n e , a u
xiv* siècle, se b o r n è r e n t à r e c o m m a n d e r aux c le rcs des
vê t emen t s g r a v e s , s i m p l e s , c o n v e n a b l e s , nimia breiri
talc, vcl longitudine non notanda.


El a p r è s tous ces d ivers c o n c i l e s , le d e r n i e r de t o u s ,
celui de T r e n t e , règle la m ê m e m a t i è r e d a n s le c h a -
pi t re x v i i r de la sess ion XXIIh. P l u s i e u r s d o u t e n t q u e
l 'obl igat ion de l 'habi t ecc lés i a s t ique soi t i m p o s é e aux




601 D E S P E T I T S S É M I N A I R E S ( I 8 S 7 } .


j e u n e s c lercs avan t le t emps où l 'Évêque les emplo ie au
serv ice e x t é r i e u r et au m i n i s t è r e des égl ises . 11 d e m e u r e
d o u t e u x auss i qu ' i l soit là ques t ion des pe t i t s s é m i -
na i res . Le conc i l e , p a r m i les choses q u ' o n doi t e n -
se igner à ces j e u n e s c l e r c s , pa r l e de l ' admin i s t r a t ion
des s a c r e m e n t s , et en pa r t i cu l i e r de ce qu ' i l s ont beso in
de savo i r p o u r e n t e n d r e les confess ions : choses , assu-
r é m e n t , d o n t il n e peu t ê t re ques t ion d a n s u n peti t s é -
m i n a i r e .


Q u o i q u ' i l en s o i t , ce qu i est p a r f a i t e m e n t cer ta in ,
c 'es t q u e le conci le n e fait u n e obl igat ion do l 'habi t e c -
c lés ias t ique q u e p o u r ceux-là s e u l e m e n t qu i on t r eçu la
t onsu re . La t o n s u r e , qu i est l ' ini t ia t ion à l 'é tat ecc lé -
s i a s t i que , r e n d l ' hab i t n é c e s s a i r e ou au m o i n s con v e -
nab l e ; m a i s , s a n s la t o n s u r e , il n'y a p lus ni nécess i té
n i c o n v e n a n c e . J a m a i s l 'Église n ' a songe à i m p o s e r cet
hab i t à ceux qu i n ' a v a i e n t p a s m ê m e r eçu la tonsu re
c lér icale .


Le ronc i l e de T r e n t e est forme! à cet égard : lonsura
et habitu.


Si on l ' i nvoque d o n c p o u r l ' hab i t ecc lés ias t ique , on
n e peu t l o g i q u e m e n t et e c c l é s i a s t i q u e m e n l se d i spense r
de. l ' i nvoque r p o u r la t ousu re . L ' u n s u p p o s e l ' au t re . Eh
b i en , oui ! m e d i r a - t - o n , n o u s vous i m p o s e r o n s la ton-
s u r e . Au fai t , p o u r q u o i p a s ? On y avai t bien songé en
1828.


Oui : il s'en fallut de p e u q u e la t o n s u r e ne fût i m p o -
sée a lors à des écol iers de q u a t o r z e a n s , c o m m e c o n d i -
t ion i m p é r i e u s e de l e u r sé jour d a n s la m a i s o n qu i élevait
l e u r enfance . Bien q u ' à ce t t e é p o q u e on ne r ecu la i g u è r e
devan t r i e n , on r ecu la n é a n m o i n s devan t cel le od ieuse
v io lence faite à u n si j e u n e âge.




L A S I M P L E V E I U 1 Ê SU H C E T T E Q U E S T ] O N . 505


Mais la issons 1828 : ce qu ' i l importe de r e m a r q u e r
i c i , c'est q u e , p o u r la t o n s u r e , c o m m e p o u r t o u t le
r e s t e , le conci le i nvoqué déc l a r e e x p r e s s é m e n t s'en
r a p p o r t e r aux Évêques , et les Évoques on t u n a n i m e m e n t
jugé , c o m m e s a n s doute nos adversaires le j ugen t aus s i ,
q u e d a n s l 'é ta l des m œ u r s p u b l i q u e s , si la t o n s u r e , à
qua to r ze a n s , peu t ê t re que lquefo i s a c c o r d é e à d e s e n -
fants d ' u n e sagesse et d ' u n e pié té e x t r a o r d i n a i r e s , ce
n 'es t là q u ' u n e r a r e et h e u r e u s e excep t ion .


Les E v ê q u e s ont jugé m ê m e qu ' i l faut ici se défier de
la ferveur et du zèle i m p r u d e n t , et q u ' o n n e s au ra i t t r o p
p r e n d r e g a r d e de d o n n e r la t onsu re à la légère , de p e u r
d'en faire ,1111 s o u v e n i r et un po ids pén ib le d a n s la vie
p o u r ceux qui ne croiraient p a s devoi r s ' engager irrévo-
c a b l e m e n t a u service des au te l s , l o r s q u e la m a t u r i t é de
l 'âge et de la ra i son sera i t v e n u e .


C'est tou jours un inconvén ien t d ' avo i r t ravai l lé p o u r
un bu t , de s 'ê t re des t iné à u n é t a l , et pu i s d'y r e n o n c e r
p o u r se t o u r n e r a i l leurs et en e m b r a s s e r u n au Ire,


A loi l ou à r a i s o n , cela es t r ega rdé c o m m e un signe
de légère té d'esprit. Après avoi r é tud ié en m é d e c i n e , se
faire a v o c a t , s emble i nd ique r q u ' o n ne sait ni ce q u ' o n
veu t , ni ce qu 'on fait.


l.a chose est plus g rave q u a n d il est ques t ion d 'un
état p lus parfa i t e n c o r e : ce n ' e s t plus a lors s i m p l e m e n t
c h a n g e r , c'est décho i r .


D 'a i l l eurs , le sacerdoce est essentiellement l i b r e ; tout
ce qui engage avan t le t e m p s , tout ce qui ressemble , à
la v io lence m o r a l e , à p lus forte r a i son ce qui es t une
violence m a t é r i e l l e , y r é p u g n e p r o f o n d é m e n t .


Voici, d ' ap rè s ces p r i n c i p e s , la règle de c o n d u i t e q u e
n o u s a i m o n s à su ivre :




50G D E S ¡ M i ! ! - S E MI N AI I Î E S [ l S ' . T l .
L ' h a b i t e c c l é s i a s t i q u e est p o u r n o u s la s o u t a n e ; nous


ia p o r t o n s tous .
Q u a n t à nos enfants , ne ta por te pas rjni veut , et


s o u v e n t n o u s la r, fusons à l eu r s dési rs . C'est une r é -
c o m p e n s e , et la plus h a u t e qui se puisse acco rde r p a r m i
n o u s . Le s u p é r i e u r n e déc ide j a m a i s seul , et avant de
permettre à u n enfant de s'en revê t i r , il dé l ibère en
consei l . Xon- seu l emen t il faut q u e "'enfant la d e m a n d e
lui-même ; non-seulemonl . il faut q u e les p a r e n t s y con-
sentent : il faut qu ' i l n 'y ail pas un r e p r o c h e à lui fa.ire.
11 faut (pie son t ravai l , sa pié té , sa do ¡lité, sa pohlesse
m ê m e et la c o n v e n a n c e de ses m a n i è r e s , le r enden t
d igne de ce saint hab i t .


On ne l e u r ; e r m e t , d ' a i l l e u r s , de le por lor q u ' a u x
j o u r s de fêles re l ig ieuses .


Cer tes , si le cmir i le de I r o n i e mit tant de m o d é r a t i o n
et de sagesse d a n s ses o r u o m n m u s, à une é p o q u e où ,
c o m m e l'a j u s t e m e n t obse rvé M. C u i / o l , il impor ta i t
p lu s d'éloigner de l 'é ta l ecc lés ias t ique que. d'y attirer; à
u n e é p o q u e où une grav i té cl une sévér i té e x t r a o r d i -
n a i r e s dans la disc ipl ine é t a i en t dev înmes nécessa i r e s ,
aujourd'hui n'importc-l-il pas d 'use r d a n s la m ê m e m a -
tière de sagesse et de m o d é r a i m i ; au jourd 'hu i où ,
c o m m e le disai t e n c o r e AI. liuizol , ni les considérations
mondaines, ni les motifs de fortune, n'attirent plus dans
la carrière ecclésiastique ?


En t o n t e a s , depu i s le concile' de Trente, c 'est aux
Évoques seu ls à régler ces choses ; elles va r i en t e s s e n -
t i e l l ement selon les t emps et les l ieux. A Tou louse , par
e x e m p l e , ou à Aix, on voi t d a n s les rues des enfants de
dix ans qui vout bravement en s o u t a n e , bouc les aux
s o u l i e r s , petit m a n t e a u , t r i corne et petit collet. En




L A S I M P L E V E R I T E S U R C E T T E Q U E S T I O N . SOT


exigora-l-on a u t a n t ;ï P a r i s ? Cuoit-on q u e des enfan t s
pu i s sen! m a r c h e r ainsi v e l u s , sous la p ro lec l ion des
m œ u r s pub l iques? n 'y ve r ra - t -on p a s , au c o n t r a i r e , u n e
p rovoca l ion i m p r u d e n t e ?


il faut q u e celle j e u n e s s e aille de t e m p s en t e m p s
r e s p i r e r l 'a ir du d e h o r s . — Se p r o m è n e r o n t - i l s a insi
a u s C h a m p s - E l y s é e s , a u bo i s de Boulogne , d a n s les
rues de P a r i s ? Et n ' e n t e n d e z - v o u s pas de loin les gens
du peup le , dans ce l angage d ' impié t é g ro s s i è r e , q u ' a v e c
des soins si p e r s é v é r a n t s on l e u r a p p r e n d à p a r l e r , ies
t r a d e r de petits cures, d'apprentis prêtres, ou l e u r p r o -
d iguer m ê m e d ' a u t r e s , d é n o m i n a t i o n s p lu s in ju r i euses
encore ?


v ' apo reo i l -on p a s enfin les é lèves des é t a b l i s s e m e n t s
qu ' on n o u s o p p o s e , sou r i r e de déda in en v o y a n t p a s s e r
nos e n f a n l s , el leur d o n n e r des n o m s de m é p r i s q u e
ma paume se refuse à r e d i r e ? Mais qu 'a i - je beso in de
tan! de pa ro l e s ? Sans qu ' i l s s 'en r e n d e n t c o m p t e , nos
a d v e r s a i r e s ne. sonl-i ls p a s e u x - m ê m e s d ' acco rd avec
nous ? e l , s'ils nou.> r encon l r a i en l : , i,e sera ient - i l s p a s
le-- p r e m i e r s ¿1 s ' écr ie r : Quelle pitié, quelle sottise, de
faire sortir ces enfants dans cet accoutrement? cl ils
aura ien t ra ison. Car enfin il ne suffit pas d ' ê t re a r m é de
pied en cap contre; le r e spec t h u m a i n , il huit n ' ê t r e p a s
a r m é de pied eu cap con t re le, s ens c o m m u n .


Cependan t , a joule- l -on, les o r d o n n a n c e s de 1828 e x i -
geaient l 'habi t ecc lés ias t ique , el Mgr de Ouélen y ava i t
consen t i . J 'en conv iens ; ma i s qui ne sent q u e c 'é ta i t là
une do ces concess ions qui suffisent à faire j u g e r le
t emps qui 'es imposa , une de ces conces s ions a u x q u e l l e s
on fut. c o n d a m n é , pourùter, dit a l o r s Mgr de Q u é l e n , le
moindre prétexte à des accusations malheureuses.




50 S D E S P E T I T S S E M I N A I R E S { 1817 ).


Et e n c o r e faut-il d i re que , dons In pensée de la com-
miss ion don t l ' i l lustre prélat étai t l ' o rgane , cet te obli-
ga t ion deva i t ê t re r e s t r e i n t e . J 'en ai déjà e x p r i m é la
convic t ion , et m o n r e s p e c t p o u r les m e m b r e s h o n o r a -
b l e s de cet te c o m m i s s i o n ne nie p e r m e t pas d'en dou te r :
ils e s p é r a i e n t que la t r ansac t ion p r o p o s é e par eux p ré -
p a r e r a i t la pacif icat ion po l i t ique et re l ig ieuse , en sor te
q u e cet te obl igat ion dev i end ra i t chose s imple et facile
d a n s des l ieux et des t e m p s pa is ib les , ils ne p o u v a i e n t
p r é v o i r q u e l 'Église de F r a n c e sera i t c o n d a m n é e à t ra-
v e r s e r b ientô t des t e m p s où cet te obl igat ion dev iendra i t
t e l l e m e n t i n to l é rab le qu ' i l faudra i t en d i spense r les
p r ê t r e s e u x - m ê m e s , à plus forte r a i son des enfants de
q u a t o r z e a n s .


El deux a n n é e s ne s ' é ta ien t p a s écou lées d e p u i s cette
conces s ion faite p a r .Mgr d e O u é l c u , q u e l u i -même l in ait
d e v a n t l ' é m e u t e , et ses deux pet i ts s é m i n a i r e s ava ien t
été e n v a h i s et s accagés , fous les é lèves v i o l e m m e n t dis-
p e r s é s ; et l ' hab i t ecc lés i a s t ique , qu ' i l faisait p o r t e r d e -
p u i s deux a n s , lui é ta i t a m è r e m e n t r e p r o c h é p a r les
famil les de ces enfan ts , c o n n u e une exigence l y r a u n i -
q u e qu i l e u r avai t fait c o u r i r , au j o u r des d i sco rdes
p u b l i q u e s , les p lus g r a n d s d a n g e r s .


fit, depu i s qu inze a n n é e s , p e n d a n t cet te sui te d ' é -
m e u t e s qui sont v e n u e s s a n s cesse t roub le r la cap i t a l e ,
l o r s q u ' a u p r e m i e r b ru i t , les p a r e n t s a l a r m é s vena ien t
en t ou t e b â t e n o u s r e d e m a n d e r l eu r s enfan ts , de p e u r
q u e le pet i t s é m i n a i r e n e fui e n c o i e e n v a h i , si ces en -
fants e u s s e n t é té eu h a b i t ecc lés i a s t ique , pense - l -ou que
cela eû t é té fend c o m m o d e p o u r leur faire t r ave r se r les
r u e s au mil ieu du lu inul le c l quelquefois des s a n g l a n t s
d é s o r d r e s de la g u e r r e civi le?




L A S I M P L E V É R I T É S U R C E T T E Q U E S T I O N . 609


Et ces (cistes c i r c o n s t a n c e s n e se r e p r o d u i r o n t - e l l e s
p lus? Qui peu t en r é p o n d r e ? Nous vivons d a n s un t e m p s
et dans un pays où l ' hor izon es t r a r e m e n t s a n s n u a g e s .
La voix é loquen t e de M. de L a m a r t i n e , d a n s un d e ces
nob les m o u v e m e n t s d ' ind igna t ion a u q u e l les h o n n ê t e s
gens s e r o n t t o u j o u r s h e u r e u x d ' a p p l a u d i r , n 'a- t -el le p a s
d é n o n c é au m é p r i s ces aboyears à la soutane, don t les
l â ches c l a m e u r s on t r e c o m m e n c é à se faire e n t e n d r e ?


Tout r é c e m m e n t e n c o r e , l ' hab i t ecc lés i a s t ique n'a-t-i l
p a s été t r a î n é s u r la s cène , l ivré à la dér i s ion et à l ' i n -
su l t e? En r o m a n f a m e u x , publ ié d a n s les feui l le tons
d 'un j o u r n a l qu i se van te à to r t , je le v o u d r a i s pense r ,
de p o s s é d e r les profondes sympathies de ceux qu i n o u s
a t t a q u e n t , n 'a- t- i l pas exci té a u t a n t qu ' i l l 'a pu c o n t r e
n o u s la h a i n e aveugle et t ou t e s les p r é v e n t i o n s p o p u -
laires ? De b o n n e foi, es t -on bien venu en pare i l les cir-
c o n s t a n c e s à nous r e p r o c h e r le respeet humain!'


Osera-l-on dire à l'unioers catholique, osera-t-on
dire, en refusant cet habit, qu'on rougit de Vidât dans
lequel on veut entrer!'


11 peut y avoi r de l ' é loquence , m a i s il n 'y a c e r t a i n e -
m e n t a u c u n e ju s t e s se d a n s ce m o u v e m e n t o r a t o i r e .


Il est ici ques t ion d 'enfants de q u a t o r z e a n s : et des
enfants , à q u a t o r z e a n s , ne songen t pas à d i re à l ' u n i v e r s
ca tho l ique , s'ils roug issen t ou ne r o u g i s s e n t pas d ' un
b a b i l !


Q u a n t à l eu r s p r o f e s s e u r s , ce n 'es t pas eux qui en
roug i s sen t , ils le po r t en t p a r t o u t , sous les r e g a r d s de
tout le m o n d e . — Qu 'a - l -on à l e u r r e p r o c h e r ?


Mais f in issons-en , cd al lons au fond des choses . Ne
voyez -vous p a s , d i r a i - j e ici à nos a d v e r s a i r e s , ne voyez-
vous pas que c'est v o u s - m ê m e s , q u e ce son t vos en fan t s ,




510 I ) K S P E T I T S S É M I N A I R E S f l S i î ) .


vos familles, qu i roug i s sen t de cet h a b i t , et qu ' i l faut ici
c o n d a m n e r ou a b s o u d r e ?


Je vous le d e m a n d e , M e s s i e u r s : si Dieu insp i ra i ! de
b o n n e h e u r e à un de vos enfants la p e n s é e de se d é -
v o u e r au s a c e r d o c e , v o u d r i e z - v o u s qu 'à quinze ans il
vînt chez vous , à vo t re hô te l , s ' asseoi r à votre table , au
mi l i eu de ses c o u s i n s et de vos a m i s , en h a b i t ecclésias-
t ique ? — Si moi , son s u p é r i e u r , je l ' exigeais , ne m e d i -
r i e z - v o u s p a s : Mons ieu r l ' a b b é , cet enfant est d 'âge à
p r e s s e n t i r sa voca t ion , m a i s il n 'es t pas d 'âge à l'affi-
c h e r : s u r t o u t il n 'esl pas d 'âge à la défendre con t r e un
s a r c a s m e , c o n t r e un s o u r i r e m ê m e inofl 'ensif—Et vous
aur iez r a i son con t re mo i , et je n ' a u r a i s à vous objec ter
q u e les o r d o n n a n c e s de 1828, et le r a p p o r t de la c o m -
miss ion de la C h a m b r e des d é p u t é s en lSVi ; et si par
h a s a r d je p r é t e n d a i s r e l o a r n e r con t r e vous l ' au lor ï ié du
conci le de T r e n t e , vous n ' en t iendr iez pas , je pense , un
g r a n d c o m p t e , et , r e d o u b l a n t vos jus tes in te rpe l la t ions ,
v o u s me diriez : Songez-vous à toutes les jouissances lé-
gitimes, utiles 'même et Vf preuve de sa vocation dont vous
prives cet enfant ? — Dans quel le p r o m e n a d e p u b l i q u e
p o u r r a i s - j o le m e n e r , s a n s l ' exposer à e n t e n d r e a u t o u r
do lui des p r o p o s i n ju r i eux ou au m o i n s des pa ro le s r i -
d icu les et p é n i b l e s ? — Il ne p o u r r a donc j a m a i s sor l i r
a v e c sa m è r e , avec ses j e u n e s s œ u r s ? Tou tes les courses
de la j e u n e s s e , t o u s les j e u x de son enfance lui se ron t
d o n c in t e rd i t s ?


Et e n c o r e u n e fois, en me d i s a n t fout cela, on aura i t
r a i son con t r e moi ; c a r assujet t i à l ' inllexible loi de l 'ha-
bi t ecc lés ias t ique , le p a u v r e ado l e scen t sera i t c o n d a m n é
à ne j a m a i s so r t i r de son s é m i n a i r e , à ne pa ra î t r e p r e s -
q u e j a m a i s d e v a n t sa fami l le ; à moins d'élue obligé de




L A S I M P L E Y É U I T K S L R C E T T E Q U E S T I O N . 511


dire à l'univers catholique, en refusant ou en quittant
cet habit, qu'il rougit de l'état dans lequel il veut entrer.'
ce à quoi nos a d v e r s a i r e s ne s a u r a i e n t a s s u r é m e n t j a -
ma i s consen t i r .


Dans le v r a i , à peu de c h o s e p r è s , ce t enfant , q u e l
qu ' i l soit , avec des lois pare i l les , se ra i t un exi lé , un
p a r i a , un enfant flétri ; ce n 'es t pas n o u s qui le vou ions :
c 'est la loi, telle q u ' o n voudra i t la faire voter p a r les
c h a m b r e s : qu ' on y a joute s e u l e m e n t la t o n s u r e ; on
sera eouséq iuml , cl n o u s n ' a u r o n s p lus a lors q u e des
enfants h é r o ï q u e s . . . avan t l 'âge de r a i s o n . . . H e u r e u s e
F r a n c e ! dignes lég is la teurs !


O u i ! des enfants h é r o ï q u e s ! Car il f aud ra plus q u e
de I h é r o ï s m e p o u r s u b i r ce t te é p r e u v e . . . et auss i p o u r
vous la p a r d o n n e r .


Mais je. veux pous se r j u s q u ' à b o u t m o n a r g u m e n -
tat ion ; ca r j ' a c c o r d e r a i q u ' u n e c o m m i s s i o n de la
C h a m b r e des d é p u t é s soi! ce q u e son r a p p o r t e u r veu t
b ien d i re de l 'Eglise une grande, une haute, une auguste
puissance; m a i s , c o n n u e le dit e n c o r e l ' h o n o r a b l e r a p -
p o r t e u r , elle n'est pas , p lus q u e l 'Église, dispensée du
bon sens et de la justice.


Le s a c e r d o c e n 'es t pas la seu le fonction p u b l i q u e
dont les c a n d i d a t s ou bas d ign i t a i res a ien t c o n s e r v é
l'habit, long. — La m a g i s t r a t u r e f rança ise el les p rofes -
seur s île l 'Univers i té , f i d è l e s à la g rav i t é des u sages a n -
t i q u e s , ont ga rdé , c o m m e n o u s , la toge r o m a i n e .


Il es t vrai qu'Us n 'on t point pensé q u e la g rav i té des
m a-tirs pub l iques fui assez sû re d ' e l l e - m ê m e p o u r pou-
voir appa ra î t r e dans le m o n d e a v e c ces v é n é r a b l e s i n -
signes : el c'est avec des vê t emen t s [ilus légers q u ' o n
les y r encon t r e h a b i t u e l l e m e n t .




512 D E S P E T I T S S É M I N A I R E S ( 1 8 1 7 ) ,


M. Cousin l u i - m ê m e , et t ou t ce que les facul tés des
le t t res et sc iences c o m p t e n t à p e u p ré s de p ro fes seu r s ,
m a l g r é le texte formel des r è g l e m e n t s u n i v e r s i t a i r e s ,
on t r e m p l i , et remplissent e n c o r e les g raves fonctions
de l ' e n s e i g n e m e n t pub l i c , s a n s se revêt i r do la r o b e qu i
en est le signe distinctif, et je ne p e n s e pas que ce soit
un sacrifice qu ' i l s fassent au respect humain, n i qu'ils
rougissent d ' u n e profess ion qu i a fait p l u s i e u r s d ' en t re
eux m i n i s t r e s et conse i l l e r s de la c o u r o n n e .


Mais avec cet te r i g u e u r de p r i n c i p e s qui ne lient
c o m p t e de r i en , il f audra i t , si l 'on voula i t ê t re c o n s é -
q u e n t et n ' avo i r p a s deux po ids et deux m e s u r e s , il
f audra i t i m p o s e r la loge aux é lèves de dro i t et la r o b e à
ceux de l 'École n o r m a l e . Ces j e u n e s gens ose ra i en t ils
d i re à l ' E u r o p e s a v a n t e , en refusant cet laibit, qu'ils rou-
gissent rie l'état clans lequel ils veulent entrer? Sera ien t -
ils c apab l e s d 'un si i nd igne respect humain ?


P a r l o n s s é r i e u s e m e n t : en t e rminan t ce que j ' a i à d i re
s u r cet te m a t i è r e , j ' e x p r i m e r a i ma pensée s a n s r é se rve :
Ce q u e l 'on veu t p a r la, c o m m e p a r l ' in terdic t ion d u
b a c c a l a u r é a t , c o m m e par les a u t r e s c o n t r a i n t e s q u ' o n
e s saye de n o u s i m p o s e r , c 'es t d'éloigner du sace rdoce
tout ce qu i n e m a n q u e pas de pa in , tout ce qui peu t en
m a n g e r a i l leurs q u e chez n o u s ; p a r là on ne nous pré-
parc que des voca t ions m i s é r a b l e s , forcées p o u r la plu-
part et hypoc r i t e s . Eh b i e n ! n o u s n ' e n vou lons p a s :
n o u s a v o n s p o u r n o u s - m ê m e s , p o u r n o t r e s a c e r d o c e e t
p o u r n o i r e p a y s , assez de r e s p e c t d a n s le r o u i r p o u r
n 'y consen t i r j a m a i s , .le d i ra i , avec M. de S a h a n d y :
L'Eglise de France- a passé par des épreuves bien di-
verses : sachons espérer qu'il n'y aura pas un loups oh
elle se montrera indifférente h d e p a r e i l l e * i n d i g n i t é s .




L A S I M P L E V É t t I T É S U II C E T T E Q U E S T I O N . 513


J 'a joutera i : Dans l 'état ac tuel des m œ u r s p u b l i q u e s , il
n 'y a pas une pu i ssance h u m a i n e capab l e d ' i m p o s e r de
telles lois à l 'Église de F r a n c e !


Celie don t je par le n 'a j a m a i s é t é obse rvée , elle ne.
p e u t pus l 'ê t re , elle ne le se ra p a s .


SL le .Ministre de la jus t ice le déc la ra i t avec l oyau té ,
à la C h a m b r e des dépu té s , en 1837 : Les Lvèques ont
toujours réclamé... Il n'a jamais été possible de la faire
exécuter... Tous les ministres, tous les gouvernements
qui se sont succédé... n'ont pu g parvenir. Je n'ai pas
cru qu'il me fût possible dépassa' outre.


Ai. Bar lhe disai t e n c o r e : « L e s Évoques on t t ou jou r s
r éc l amé , et ils se sont n o l a m m c n l fondés s u r ce q u e
c 'étai t c o n t r a i r e à Ja s an t é des é l è v e s ; q u e les enfants
de qua to r ze ans sous la s o u t a n e ne pouva ien t p a s se
l ivrer aux exerc ices de l e u r â g e ; et tous les m i n i s t r e s ,
tous les g o u v e r n e m e n t s qui se son t s u c c é d é n ' o n t p a s
exigé d ' au t r e expl icat ion (pie celle q u e je v iens d 'avoir
l ' h o n n e u r de vous d o n n e r . Je n 'a i pas c m , l o r s q u e mes
p r é d é c e s s e u r s n 'en ava ien t p a s d e m a n d é d ' au t r e , et
qu ' i l y avait, u n e r a i son auss i p laus ib le q u e cel le- là ,
qu ' i l me lut possible de, passe r o u t r e . . . »


Et aucun min i s t re , p lus q u e M. Marthe ou M. Pers i l ,
ne cro i ra devoi r r e s s a y e r , et s'il l ' e s saye , il é c h o u e r a ,
pa r ce qu'i l y a ici u n e imposs ib i l i té m o r a l e qui é c r a se ;
p a r c e qu' i l y a des c h o s e s q u ' o n p e u t et il y en a
qu 'on ne peu t p a s : ou peut f e rmer v i o l e m m e n t les
pet i ts s émina i r e s c o m m e en 1809, on peu t d i s p e r s e r
v i o l e m m e n t l e u r s élèves et p e r s é c u t e r l 'Église : ma i s on
n e p o u r r a pas n o u s c o n t r a i n d r e à n o u s avilir n o u s -
m ê m e s aux yeux de nos enfan t s , en les r e v ê t a n t m a l g r é


i. 33




514 D E S P E T I T S S É M I N A I R E S (1847;.


eux d 'un habi t dévoué , p a r la loi m ê m e qui l ' impose de
force, au m é p r i s ef à l ' insul lc!


J 'a i a c h e v é s u r ce poiu l .


IV.


D E S O R D O K N A N C . E S O E 1828.


Les o r d o n n a n c e s d u mo i s de ju in 1828 n 'ava ien t , jus -
q u ' à ce j o u r , q u e le c a r a c t è r e p a s s a g e r qui appa r t i en t à
des ac tes admin i s i i afifs e s sen t i e l l emen t r évocab les p a r
d ' a u t r e s ac tes é m a n é s d e l à m ê m e au to r i t é . On essaye
ici bien p lu s , et l 'on veut en insc r i r e les d isposi t ions dans
la loi m ê m e .


Ce n ' e s / pas nous, disent nos adversaires, qui avons
établi ces restrictions.


Comment trouver tgrannique aujourd'hui pour l'E-
glise une législation faite par Charles X, faite L I B R E M E N T
par ce prince ?


Comment ne pas imposer aux petits séminaires les
règles que Charles X leur imposa lai-même '.'


Comment donc mais si Charles X vivait, vous
donneriez bien du remords à ce prince infortuné, d'avoir
osé faire ce que vous trouvez- exorbitant aujourd'hui
contre le clergé !


L'infortuné Charles X doit penser, s'il nous voit, que
la France est quelque chose de bien singulier....


Comment ne p:ts être étonné de voir que le gouverne-
ment qui se qualifie de gouvernement de Juillet trahisse
son origine et ses principes, au point de ne pas oser faire
subir au clergé une loi cpie L E P I E U X C H A R L E S X E T L E R E S -
P E C T A B L E A B B É F E U T R I E R lui avaient imposée ?




LA S I M P L E V E l i l T E S l lî C E T T E Q U E S T I O N .
J'ai d é m n n l r é déjà d ' u n e m a n i è r e p é r e m p t o i r e , c o u -


Ire l 'opinion su rp r i s e de M. le doc, de Broghc , q u e ni le
-aie. du roi Charles X, ni la piété d'un ministre éclairé,
ni l'autorité de plusieurs prélats dont le nom est demeuré
cher a l'Eglise, ni l'unanimité de la commission nommée
a cette époque, ne couvrent de leur responsabilité les or-
donnances de \ 828.


El pa rmi les choses q u e j ' a i e s sayé de d é m o n t r e r et
que la b ienve i l lance p u b l i q u e a accue i l l i es , je ne s a c h e
p a s qu'i l y en ail une qu i ait été d é m o n t r é e p lus inv in -
c ib lement .


J 'ai p r o u v é que ces o r d o n n a n c e s fu ren t a r r a c h é e s
au roi Char les X ; que cet i n fo r tuné m o n a r q u e céda à la
violence des t emps cl à la r é a c t i o n i m p é r i e u s e des pa r -
lis, qui imposa i en t a lors u n e con t r a in t e m o r a l e a u x c a -
rac tè res les p lus h o n o r a b l e s et aux e sp r i t s les p lus i n -
d é p e n d a n t s .


Mais q u e fais-je ? p o u r q u o i t a n t de p a r o l e s ? qu ' a i - j e
beso in de d é m o n t r e r de n o u v e a u ces c h o s e s , et de réfu-
ter ces pa ro l e s de nos a d v e r s a i r e s !


Ils se sont réfutés e u x - m ê m e s , p lus v i c t o r i e u s e m e n t
que je n e s a u r a i s j a m a i s le faire ; ici e n c o r e , c o m m e
cela m ' e s t a r r ivé s o u v e n t déjà, je pu i s l eu r l a i s se r le soin
de se r é p o n d r e à e u x - m ê m e s :


Comment donc, Messieurs, ont- i ls di t , vous n'osez pas
ce que les conseillers de Charles X ont osé lui deman-
der.... ONT LU L'ART DE LUI ARRACHER !


E t r a n g e aveu ! et qu i n o u s d o n n e le d ro i t de n o u s
api toyer à no t r e tour su r l ' in for tuné m o n a r q u e don t la
l iber té fut si peu r e s p e c t é e !


Certes, il faut a v o u e r q u e q u a n d on r e n c o n t r e des con-
t radic t ions si v io len tes d a n s les d i s c o u r s les p lus impor-




Si t. D E S P E T I T S S E M I N A I R E S (1817 .


t an ts des h o m m e s aux m a i n s desque l s son t déposées les


de s t i nées d e son p a y s , et que lquefo i s les in térê ts les


p lus élevés de l 'Égl ise , on s ' é tonne et on a pe ine à l eur


g a r d e r sa conf iance . — Mais la i ssons ces pensées et le


p lu s ou m o i n s de conf iance q u e do iven t n o u s in sp i r e r


n o s a n t a g o n i s t e s .


C'est assez de ces p a r o l e s p o u r p r o u v e r que les o r -


d o n n a n c e s de 1828 m a n q u è r e n t à l e u r or igine d ' au to r i t é


m o r a l e , en m a n q u e n t a u j o u r d ' h u i e n c o r e , et en m a n -


q u e r o n t é t e r n e l l e m e n t !


Je m e b o r n e r a i d o n c à d i re q u e faire de ces o rdon-


n a n c e s u n e loi , se ra i t u n e des fautes po l i t iques les plus


g raves qui se p u i s s e n t imag ine r .


Et j e ne s u i s p a s le seul à le p e n s e r de la so r te ; les


h o m m e s po l i t iques les p lu s i m p o r t a n t s , les m e m b r e s


m ê m e les p lu s é l e v é s de l ' t . D i v e r s i t é , ont p e n s é et pa r l é


c o m m e moi .


M. Saint-Marc G i r a rd in , e n t r a n t avec u n e r a r e pers -


p icac i té d a n s le fond de la s i tua t ion pol i t ique et re l i -


g ieuse d u p a y s , disai t :


« Messieurs., que vous le vouliez ou non, depuis .six
a ans le sentiment religieux a repris un ascendant que
« nous n'attendions pas. Et maintenant, comment s'est
v faite celle résurrection? Elle s'est faite sans l'aide du
« pouvoir, elle s'est faite par la liberté. Et voilà l'avenir
« que j'appelle avec plaisir : celui où nous verrons la
« religion réconciliée avec la liberté. Vous voulez récon-
« ciller la religion avec le pouvoir, soit; mais réconci-
« liez-la aussi avec la liberté.


« On p a r l e de la s é p a r a t i o n de l 'Egl ise et de l ' E t a l ;


« m a i s j e p o u r r a i s à p lu s j u s t e t i tre 'parler d e s e m b a r -


« r a s s ingul ie r s qu i n a î t r o n t si vous mêlez t rop les al-




I . \ S I M P L E VEU1TK S E P , C E T T E Q U E S T I O N .


« i'aircs de l 'Église et de l 'É ta t . Voyez l ' expé r i ence des
<c six de rn i è r e s a n n é e s ; écou tez l e s p a r o l e s de M. le
t. ga rde des s ceaux , qui d isa i t au c o m m e n c e m e n t de la
« séance : Les ordonnances (de 1828) ne peuvent pas
« toujours être exécutées.


« FA pourquoi? Parce qu'elles ne sont pas exéeuta-
« blés, parce que vous avez à lutter contre un pouvoir
H plus fort ipie vous. » (Exc lamat ions . )


<( M. Luncau : Vous n e devez p a s d i re cela à la t r i -
:> bu ne


« 37. Saint-Mare Girardin : Si l 'on veut , je
« ne p a r l e r a i p a s au n o m de la c o m m i s s i o n , m a i s en
» mon n o m .


« M. Dubois (de la Loire-Inférieure) : Non, n o n , la
« c o m m i s s i o n n e r é c u s e p a s vos pa ro les .


« M. Saint-Marc Girardin c o n t i n u a n t : Je le dis avec
« regre t , ce n 'es t p a s avec vos o r d o n n a n c e s et vos r è g l e -
« menés q u e v o u s pouvez lu t t e r c o n t r e l 'Église, l u t t e r
« avec l ' e spé rance de r é u s s i r t o u j o u r s , et de l ' e m p o r t e r
« déf ini t ivement ; il y a là u n p o u v o i r t e l l emen t c o n s t i -
" t u é , t e l l ement d u r a b l e , t e l l emen t s é c u l a i r e , que l o r s -
« qu ' i l se t rouve face à face avec v o u s , il y a un con-
« truste e n t r e l ' immutab i l i t é d e l 'Égl ise d ' u n e p a r t ,
« et la pe rpé tue l l e mobi l i té de l ' a d m i n i s t r a t i o n de
« l ' au t r e , qu i doit a s s u r e r la s u p é r i o r i t é de l 'Église. »
(Vives r é c l a m a t i o n s . — Par lez ! pa r lez !)


M. Saint-Marc Gi ra rd in , s o u t e n u p a r les voix n o m -
b r e u s e s qui lui c r ien t : P a r l e z ! p a r l e z ! c o n t i n u e son
d i s cou r s :


« Est-ce m a faute , à m o i , si le p o u v o i r es t si mobi le
« et si vac i l l an t? Est-ce un la i t , ou i ou n o n ? Eli b i en !
« j ' i n v o q u e un r e m è d e c o n t r e le m a l . Effrayé de la m o -




518 DES P E T I T S S É M I N A I R E S ; i 8 i ; ; .


« bilRé do l ' admin i s t r a t ion qui veu l se c h a r g e r de. lu l t e r
« seule c o n t r e i 'Kgi ise , ci qui n e Je p o u r r a p a s , pa rce
« q u e les a d m i n i s t r a t i o n s p a s s e n t et q u e l 'Eglise de-
« m e u r e , je m e réfugie d a n s un p r inc ipe q u e je crois
« plus fort et p lu s p u i s s a n t , d a n s le p r i n c i p e de la li-
« b e r t é et du dro i t c o m m u n .


« Eh ! p o u r q u o i , .Messieurs, jeter de galic de cwur te
« pouvoir du m des diffumltés doit i cous ne ie réunirez
« que meurtri et blesséEs!-ce aic-1 q u i ai invente les
« t r acas se r i e s qu i on! exis té e n t r e r É g i i c et p i i la i . ' Avec
« vos a n c i e n s p a r l e m e n t s , avec votre g ü u \ e i a : e ; n e n l
« d e s p o t i q u e , v o u s avez eu pe ine à l u t t e r con t r e l 'Église;
« et m a i n t e n a n t q u e v o u s êtes plus faible sous l e r a p -
« po r t de l ' a d m i n i s t r a t i o n , v o u s voulez lu l te r con t re
« elle. ' j:


(Suant a u x o r d o n n a n c e s rie 1828, "il. S a i n t - ï ï a r c (¡i-
r a r d i n a jouta i t : « Eh bien ! j ' a i c o n t r e elles le [émoi-
ci gnage de M. le g a r d e des s ceaux , le t émoignage de
« l eu r complè t e i n e x é c u t i o n .


« Elles n'ont pas pu vivre; elles ont passé par
« l'épreuve de deux révolutions, de deux gouvernements.
« La Restauration les a négligées. Connivence, dira-
« t-on : je le veux bien ; mais la révolution de Juillet
« n'a pas été de connivence ; cependant les ordonnances
« n'ont pas plus été exécutées. »


Enfin, a c h e v a n t son d i s c o u r s , i l . Saint -Marc Gi ra r -
din s ' é tonna i t q u ' à la p lace de la l ibe r té s incère qu ' i l
vou la i t p o u r l 'Église, on s u b s t i t u a i je ne sais quel ré-
gime emprunté du gouvernement impérial, qui n'a j>as
su le faire exécuter, emprunté de la Restauration, qui
a été impuissante.


M. Guizot n ' é t a i t p a s d e m e u r é a u - d e s s o u s de ces




I . A si M pu-: V K P . I T É S I : R C . K T T K I ; ; T S T ; V > S I S
h a u t e s pensées et sic ce nob le l angage . Il avait m ê m e
p r é c é d é M. Huiiil-.Hare Girard in d a n s v-e-, p ro fondes
cons idé ra t ions sur l 'état r ée l de ia société m o d e r n e c i -
vile et r e l i g i e u s e , tou t en c o m b a l l a n t "U. Sa in t -Marc
C h a r d i n •.


« Tou t pouvo i r t e m p o r e l religieux a d i s p a r u ;


« m a i s , on m é m o t e m p s , n o u s s o m m e s b ien loin de m é -
« e o n n a î l r o , et nous a u r i o n s g rand tor t de le f a i r e , et
« n o u s nom: ferions h n o u s - m ê m e s un mal i m m e n s e si
« nous m é c o n n a i s s i o n s le pouvo i r m o r a l , social , de la
« religion et de ses m i n i s i r e s ,


ci Tant que vous n ' a u r e z pas insp i ré à l 'Église et à ses
« m i n i s t r e s In parfai te c o n v i c t i o n , le s en t imen t p r o -
« fond , d ' une par t . . de vo t r e i n d é p e n d a n c e d a n s vos
i> r a p p o r t s avec eux , et en m ê m e temps de votre bien-
ci vf i l iance, de vo t re b ienvei l lnm e s incère , r e s p e c t u e u s e ,
- r . r l n e , vous n 'ob t i endrez poin t de la rel igion tous les
>• bienfai ts soc iaux et m o r a u x q u e v o u s avez droi t d 'en
« a t t endre . , et vous aurez manqué a l'un de vas pre-
« miers devoirs comme a l'an de vos plus jircssunts in-
' i lérêls. »


A ces paroles de M. C u i z o t , M. Sa in t -Marc G i r a rd in
r éponda i t :


e M e s s i e u r s , n o u s v o u l o n s , c o m m e le m i n i s l r c .
« nous voulons l ' accord in te l l igent et l ibre de l 'Eglise
« et. de l 'E t a t ; n o u s vou lons que cesse enfin ce divorce
« funeste , et n o u s ne c r o y o n s p a s q u e les deux p o u -
ci \ o i r s qui s o u t i e n n e n t la soc ié té , le p o u v o i r pub l ic et
« le pouvo i r m o r a l , pu i s sen t l ong temps r e s t e r d a n s
ci une espèce de lu t te , s a n s qu ' i l en r é su l t e un grand
ci péril p o u r la société . »


Certes , ap r è s d e s a u t o r i t é s si i m p o s a n t e s , j e c r o i s a v o i r




520 D E S P E T I T S SÉMINAIRES ( 1847 ) .


le droi t d 'aff irmer, sans qu ' i l y ait t émér i t é de m a p a r t ,
q u ' o n n e s au ra i t songer à conver t i r en loi ces o r d o n n a n -
ces déc l a rées i nexécu t ab l e s p a r t ous les p o u v o i r s , pa r
tous les m i n i s t r e s , p a r tous les g o u v e r n e m e n t s ; ces o r -
d o n n a n c e s , q u e la r a i son , la jus t ice , le bon s e n s , la
sécur i t é p u b l i q u e , n ' o n t j a m a i s p e r m i s d ' exécu te r ; ces
ordonnances qui n'ont pas pu vivre, qui on! passé par
l'épreuve de deux révolutions et de deux gouvernements:
ce se ra i t p e r p é t u e r le divorce funeste entre l'Église et
l'Etat; ce se ra i t m a n q u e r à l 'un des p r e m i e r s devoi rs
c o m m e à l ' un des p lus p r e s s a n t s in té rê ts du g o u v e r n e -
m e n t ; ce sera i t se faire à s o i - m ê m e un mal i m m e n s e , et
jeter de gerite de coeur le pouvoir dans des difficultés dont
on ne le retirerait que meurtri et blessé. Et s'il fallait des
exemple s p o u r a p p u y e r ces sages p a r o l e s , ils ne n o u s
m a n q u e r a i e n t pas :


Les p e r s é c u t e u r s de l 'Église on t bien sent i toujours
que l l e force lui pouva i t veni r de l ' éduca t ion clér icale
conse rvée d a n s t o u t e sa p u r e t é ; et le zélé q u e les sa in t s
conc i les m e t t a i e n t à la p e r f e c t i o n n e r , ils l 'ont mis à la
d é t r u i r e , u s a n t d i f féremment des m ê m e s m o y e n s p o u r
a r r i v e r à des r é s u l t a t s opposés . De tous ceux qu i se sont
é g a r é s d a n s l eu r s p e n s é e s i n j u s t e s , les p lus hab i les et
l es p lus d a n g e r e u x on t été ceux qu i ont chois i cette voie
p o u r a r r i v e r à l eur b u t , p a r c e qu ' i l s su iva ien t un sy s -
tème réf léchi , r a i s o n n é , et , h u m a i n e m e n t pa r l an t , i n -


faillible d a n s ses effets. El s a n s r e m o n t e r p lu s h a u t ,
q u a n d cet h o m m e p u i s s a n t qu i a t a n t fait p o u r la gloire
de la F r a n c e , et qu i crït fait d a v a n t a g e e n c o r e , s'il eû t
fait m o i n s con t r e sa l i be r t é ; q u a n d cet h o m m e qui a ima
l 'Église, t an t q u e l ' ambi t ion n e t roub la po in t sa s a g e s s e ;
q u a n d il vou lu t ê t r e seu l m a î t r e d a n s l 'Église, c o m m e il




L A S I M P L E V E R I T E S U R C E T T E Q U E S T I O N . 521


< * ! a i L seul maî t re d a n s l 'É ta t ; q u a n d il por ta s u r le s a n c -
tuaire une main v io len te , et qu' i l a r r a c h a d u sein d ' une
m è r e désolée c e n \ qu 'e l le pouvai t b ien a p p e l e r les e n -
fants de sa viei l lesse et le de rn i e r e spo i r de sa d o u l e u r ,
p o u r les t r a î n e r à ces écoles qu ' i l ava i t si b ien su r e m p l i r
d e s o n espr i t , et les faire pa r t i c ipe r à cel le éduca t ion qu ' i l
ne ine convient pas d é j u g e r ici : n o u s v îmes a l o r s , avec
le d e r n i e r a b u s de l ' au to r i t é , le d e r n i e r excès de nos
m a u x , et auss i l ' e s p é r a n c e d ' une r é p a r a t i o n p r o c h a i n e .
Cet h o m m e e x t r a o r d i n a i r e s e m b l a a p p o r t e r ici le c o u p
d'oeil s û r et p é n é t r a n t qui le faisait v a i n c r e d a n s les b a -
tailles ; et déjà il avai t f iè rement p o r t é la m a i n su r la
p i e r r e fondamen ta l e , et il e s saya i t eu va in de la m o u -
voir , l o r s q u e tout à coup il en tend i t q u e tout s ' éb ran la i t
et s ' éc rou la i t a u t o u r de l u i , et il se sent i t en leve r l u i -
m ê m e tout v ivant , du mil ieu des r u i n e s qu ' i l ava i t f a i t e s ,
c o m m e pa r u n e force s u p é r i e u r e .


Non, non , il n 'es t p a s b o n de vou lo i r tou t d o m i n e r ,
t ou t assu je t t i r , tout é c r a s e r su r la t e r r e . Jl r e s t e t o u j o u r s
les consc iences qu i gémissen t et les â m e s qu i c r ien t !
C'est se faire a soi-même un mai immense ; c'est se jeter
dans des luttesd'oii l'on uepeut sortir que meurtri etblessé.


On voit à quel point cet te h a u t e ques t ion s'est, r é t r éc i e
d a n s la pensée de nos a d v e r s a i r e s , et c o m m e n t le côté
sérieux sous lequel elle se m o n t r e a u x e sp r i t s i m p a r -
tiaux leur a e n t i è r e m e n t é c h a p p é .




52ï DES P E T I T S S É M I N . U P . E S isi7


V
Je m e r é s u m e , et conc lus eni in cel te longue d i s -


cuss ion .
J e n ' a i pas eu à t ra i t e r ici de la néces s i t é et de la spé-


ciali té des pel i ts s é m i n a i r e s : sauf q u e l q u e s ins inua t ions
i n d i r e c t e s , do n t il es ' inutile île m e s u r e r la por tée , ou
ne con tes te p lus à cet égard ; c 'est un po in t acqu i s à la
ques t ion . Les hommes d 'Éta t l o s p l u s éminenls ont pro-
c l a m é que ces maisons spéc ia les é ta ien t nécessaires
n o n - s e u l e m e n t à l'Eglise, mais à l 'État, niais à la s o -
ciété tout en t i è r e .


Déjà, d a n s deux Le t t r e s q u e j ' a i p r i s la l iber té d'éci ire
à M. le due de i i rogl ie , et qu'il a bien voulu accuei l l i r
avec u n e indu lgence don t le s o u v e n i r m e se ra toujours
p réc ieux , j ' a i eu occas ion do ci ter l 'opinion formelle et
les g raves paroles de M. le min i s t r e ac tuel des affaires
é t r a n g è r e s ; je p o u r r a i s citer e n c o r e celles des p n b l i -
cislcs les moins su spec t s et les pins au to r i s é s .


si. Saint-Marc ( l i r a r d i n , en 1 837 , d'accord avec
M. Guizot sor le bol qu'il fallait atteindre, ne différait
avec lui que sur le chemin à prendre. t.'K'.al, disai t- i l .
l'État même ne peut se passer de ces écoles, car il ne peut
pas se passer de prêtres, et il est reconnu que pour for-
mer des prêtres, il faut des écoles particulières. L'es
écoles sont donc une des nécessités de la société.


Il n 'y a donc a u c u n e difficulté à ce sujet .


Je n'ai p a s t r a i t é n o n p lus de n o t r e ense ignemen t :
on n ' a p lus g u è r e a t t a q u é , d e p u i s q u e l q u e t e m p s , ni
no t r e p ro fe s so ra t , n i n o s é l u d e s : on est allé m ê m e j u s -




I.A S i M l ' I . i : V É U I T E S f i t C E T T E - Q U E S T I O N . 523


qu ' à r e n d r e aux é ludes du petit s é m i n a i r e de Paids u n
h o m m e g o p m i i e u l i e r , qn.-vje nepu i s accep t e r , que l l e q u ' e n
soit la b ienve i l l ance .


N'esl-il pas vrai, a-t-on dit, que cette supériorité pro-
clamée des collèges royaux a déjà commencé a réveiller
leur zèle, et que le petit séminaire de Paris notamment,
jaloux de soutenir cette concurrence, a fait de grands
efforts et réalise de véritables progrès sous le rapport
des éludes:'


Ces pre oies , à l ' insn de celui qui les a d i tes , m a n q u e n t
de vér i té . Les é tudes du pet i t s é m i n a i r e de P a r i s ont
tou jours été b o n n e s ; et le zèle n ' a j a m a i s eu beso in d ' j
ê t re révei l lé pa r la supér io r i t é p r o c l a m é e des collèges
r o \ auv .


J e ne pu i s a c c o r d e r non p lus q u e tes é t ab l i s semen t s
la ïques t enus p a r des ecc lés i a s t iques so ient c e r t a i n e -
m e n t , quant aux éludes, inférieurs aux autres.


Le collège Stanis las , don t on a p a r l é d a n s ces d é b a t s ,
e! le seul qu i soit a d m i s à c o n c o u r i r avec les collèges
r o y a u x de Par i s , ob t ien t au c o n c o u r s le r a n g le p lus
h o n o r a b l e .


Qu 'on fasse c o m p o s e r la m a i s o n de S e n l i s , celle de
Pons , au diocèse, de, la R o c h e l l e , celle de Vaug i ra rd et
d ' a n t r e s , je n e dis p a s s e u l e m e n t avec des collèges
c o m m u n a u x , m a i s avec des co l lèges r o y a u x , cl je me
t r o m p e fort, ou le r é s u l t a t d u c o n c o u r s se ra favorable
à ces m a i s o n s .


Quan t a u pet i t s é m i n a i r e de P a r i s , depu i s t ren te ans
qu' i l es t fondé , les é t u d e s n ' o n t j a m a i s cessé d 'y ê t re
b o n n e s ; elles y ont m ê m e été p lus for tes qu ' e l l e s n e le
sont a u j o u r d ' h u i ; si for tes , q u e les é t u d e s u n i v e r s i -
t a i res , i n c o n t e s t a b l e m e n t afl'aiblies d e p u i s qu inze a n s .




m D K S P E T I T S S É M I N A I R E S {mr,.


sont on ce m o m e n t in fér ieures à ce que furent a u t r e -
fois les é tudes du peti t s é m i n a i r e .


Si n o u s fa isons donc a u j o u r d ' h u i de g r a n d s efforts,
c'est pour n o u s égaler n o u s - m ê m e s , c 'est p o u r r e t r o u -
ve r ce q u e n o u s fûmes ; ce n 'es t p a s p o u r a t t e indre les
col lèges r o y a u x , c 'est p o u r les s u r p a s s e r , ce q u e je ne
crois pas très-diffici le, à m o i n s qu ' i l s n e fassent e u x -
m ê m e s des efforts n o u v e a u x , et p lus n o b l e s , p lus géné-
r e u x , p lus d é s i n t é r e s s é s , p lu s un ive r se l s s u r t o u t q u e
les efforts du g r a n d concours.


J 'en appel le e n c o r e u n e fois a u souven i r des r e c t e u r s
d ' a c a d é m i e , c e n s e u r s , et p r o f e s s e u r s de r h é t o r i q u e des
col lèges r o y a u x qui on t é té é levés a u peti t s émina i r e de
P a r i s .


P a r m i les p lus d i s t ingués , on peu t n o m m e r sans
c ra in te MM. R e i g n ï e r 1 , Michelle, Ib iussa rd , Mol-Roguier,
Chanse l l e , D c m o g c o t , Chappu i sy ; Tl iu i l ier , qui n 'es t
p l u s ; C h a r l e s Méruaul t , s ec ré ta i r e de M. le Ministre de
l ' i ns t ruc t ion p u b l i q u e , qu i du t c o m m e n o u s au peti t
s é m i n a i r e de Pa r i s son éduca t ion : tous ont été mes
cond i s c ip l e s , m e s r i v a u x et m e s amis .


Noire éduca t ion f u t ' c o m m u n e , n o s des t inées a u j o u r -
d 'hu i sont b i en d ive r ses :


Nos alia ex aliis in fa ta voeaniur. . .
Nos alias hinc ad l ac rymas . . .


Mais, je l ' e spè re , n o u s n o u s r e t r o u v e r o n s tou jours
su r le t e r r a in n e u t r e et s a c r é d u re spec t et de la r econ -
n a i s s a n c e p o u r l 'Église qu i n o u s éleva et n o u r r i t no t r e
en fance .


' Aujourd'hui m e m b r e de l 'Inst i tut .




LA S I M P L E V É R I T É S U R C E T T E Q U E S T I O N . 52. .


Quoi qu'i l on soil, a u j o u r d ' h u i , on veu t nous i m p o s e r
de n o u v e a u , et avec agg rava t ion , p u i s q u ' o n l eu r d o n n e
force de loi, des o r d o n n a n c e s o d i e u s e s qu ' on a eu l'art
d'arracher à un monarque infortune, et con t re l e s -
quel les l 'Ép iscopa t tou t en t i e r n 'a j a m a i s cessé de pro-
tester.


On nous les i m p o s e , en p r e s s a n t t rois ex igences su r
lesquel les nu l min i s t è re , nu l g o u v e r n e m e n t n ' a cru
uti le, ni j u s t e , ni poss ib le d ' ins i s te r : l ' i n t e rd ic t ion du
bacca lau réa t et des c a r r i è r e s civiles ; l ' hab i t ecc lé s i a s -
tique ; la déc la ra t ion qu 'on n ' a p p a r t i e n t à a u c u n e con-
grégat ion re l ig ieuse .


lit p o u r nous exp l ique r la raison de ces ex igences , on
invoque no i r e spécia l i té m ê m e . La spécialité, n o u s
d i t -on , est la compensation forcée du privilège.


Nous avons t rès-bien c o m p r i s la p o r t é e de cet te ex-
press ion , c 'es t -à d i re q u e p a r là on v e u t n o u s r é d u i r e
à la plus h o n t e u s e c o m m e à la p lu s in to lé rab le se rv i -
tude .


Mais vous aurez en m ê m e t e m p s 1 200 000 fr. p o u r vos
peti ts s é m i n a i r e s . . . Oui , on les ava i t au t refo is accordés ;
ap rès les avoir supprimés, vous pa r lez aujourd'hui de
nous les r e n d r e . Eh bien ! je n e pu i s d i s s i m u l e r qu' i l
est des m a i n s don t les bienfaits n o u s i n sp i r en t peu de
confiance. Sans m ' exp l i que r d a v a n t a g e , et sans v o u l o i r
offenser p e r s o n n e , il n o u s est p e r m i s de r e d i r e :


Tinieo Danaos, et doua ferenles. . . .


Dans le vra i , où d o n c v e u t - o n en ven i r et q u e signi-
fie cel te largesse de 1 200 000 fr. ? Le voici :


C'est la s e rv i tude q u ' o n veut n o u s i m p o s e r : les
1 200 000 fr. en sont é v i d e m m e n t le pr ix .




•M DES P E T I T S S E M IN AIH E S ( iS i l .


Eli b ien ! voilà p o u r q u o i l 'Ép iscopa t n ' en veut point .
Mais, n o u s d i t -on , vous aurez la se rv i tude m o i n s les 1 200 000 fr. C'est p o s s i b l e : c e p e n d a n t je le ne p e n s e


p a s ; ma i s d u m o i n s n o u s a u r o n s l ' h o n n e u r ! La l iber té
est p ré fé rab le à la s e r v i t u d e sans dou te ; ma i s il y a
q u e l q u e c h o s e e n c o r e de p ré fé rab le à la l iber té : c'est
l ' h o n n e u r .


11 me r e s t e à t r a i t e r des Congréga t ions re l ig ieuses et
d e l à déc l a r a t i on exigée r e l a t i v e m e n t à elles. C'est ce
q u e je m e p r o p o s e de faire d a n s un p r o c h a i n écrit .


l'JN DU TOME CREMiriU




T A B L E D E S M A T I È R E S
i : 0 . \ T K . \ T £ S D A I S ' S C E V O L U M E .


Î'P.EMIERE LETTRE :'i M. Ir> i luc de l îrogl le , rapporteur du projet
de lui relatif à l 'Instruction secondaire 1


SECONDE L E T T R E à M. le «lue de Tlroglie, rapportera- <lu projet
de loi relatif à l 'Instruction secondaire b'2


DE LA PACIFICATION RELIGIEUSE J 2o


INTRODUCTION 1 2 8
C i iap. 1"- Exposé des faits. — Première origine des querel les


ac tue l l e s . 113


I. M. («ui/.ut. — Projet de, loi de 1830. — Discuss ion de 1837


ii la Chambre Ues députés . — S i l ence de l 'Episeopal . . 1 if


II . M. Vi l leniain. — Projet de loi de I S i l . — Protestat ion de


l 'Episeopat . — Projet de loi de 1844. — D i s c u s s i o n à la


la Chambre des pairs 1G2


III. Conspiration univers i ta ire .— Progrès de la guerre contre


l 'Eglise . — C o m m e n t les Jésuites sont v e n u s d a n s la


quest ion 177


CIIAP. 11. Du clergé el de i'L'nivcrsité. Sur qui pèse la respon-
sabil ité des querel les actuel les 184


I. C'était le droit du clergé de réc lamer id.


II. Le clergé n'a d e m a n d é que des libertés l é g i t i m e s , u n i -


verse l l ement réc lamées . — Liberté r e l i g i e u s e , l iberté


scientifique 103




¿28 T A B L E D E S M A T I È R E S .


III. Le clergé n'a d e m a n d é ni liberté i l l imitée, ni m o n o p o l e ,
ni privilège : il n'a refusé aucune des condi t ions légi t imes
de la liberté 201


IV. Le clergé n'a point c a l o m n i é l'I nivers i lé . — Il n'a fait
que répéter pour sa défense les plaintes universel les . . 212


V. De la réact ion rel igieuse : des disposit ions du clergé . 228
СПАР. Ш . De l'esprit national ; du véritable esprit de la Révo­


lut ion française 239
I. Hante importance d'une éducat ion nat ionale . . . . 2u>
IL C o m m e n t ii faut entendre u n e éducat ion véritablement


nat ionale 217
H t . C o m m e n t il faut entendre le véritable esprit de. la Révo­


lut ion française 273
СИДР. IV. Conclus ion . Quand et c o m m e n t tout cela flnira­Nlr. 2Ш1


I. Le t e m p s iil.
i l . Le hasard 301
III. L'opinion 30G


LIE LA LIISERTÉ D'ENSEIGNEMENT. — ÉTAT i>r: I.A OIKS-
•nos 0 8 1 7 ; 323


I. Il faut , en conservant à l ' L n h c r s i t é son с х Ы ш с в et
ses privi lèges , et à l'Etat son intervention tulélaire,
donner enfin a u x pères de famil les , pour l 'éducation de
leurs enfants , une l iberté véritable 32i;


II. La liberté d'ense ignement n'est une l iberté véri table ,
s incère , que si elle est , entre les divers inst i tuteurs, une
franebe et loya le c o n c u r r e n c e 333


III. Qu'il n'y a plus de l ibre e t l o v a ' e concurrence , ni de
concurrence m ê m e eu a u c u n sens possible, si ITnivcrs i t é
d e m e u r e la maîtresse et l'arbitre île ses concurrente , я
elle est juge et pai l i e 310


1)1' NOUVEAU PROJET DE LOI sur la Liberté d'ense ignement ,
présenté à la C h a m b r e «les Députés par M. le Ministre de
l ' instruction publ ique , le 12 avril 1817 375


PREMIÈRE PARTIE 380
SECONDE PARTIE. ¡00


I . Le n o u v e a u projet de loi est incomparablement m o i n s
libéral que le projet de M. Guizot, volé par la Chambre
des députés , en 1837 101




T A B L E D E S M A T I È R E S . é29


IL Le nouveau proj"t île loi anéant i t tontes les libertés d'en-


se ignement iii.nl on jouissait de fait sous le rég ime du


monopole i 09


" I . Le n o u v e a u projet conserve les restrict ions e t les e n -


traves les plus exorbitantes de l 'ancien monopo le , . . . i l l


!V. Le. n o i n e a i i projet prépare l 'anéantissement des inst i tu-


tions de plein exercice actue l lement ex is tantes , et rend


pour l'avenir l 'existence de t o u s l e s é tab l i s sements l ibres


;'i |ir-u iirè- impossible. -123


V. Le n o m tutu projet de; loi blesse au çonir te principe,


niènie de ta Liberté d ' ense ignement , err inst i tuant l 'Eni -


ver.-ué ju_" ci arbitre de s e s concurrents -iSO


DES PETITS SÉMINAIRES ;i,847'.. — Ex simple véiuté si n c o v e


o r e s - n o s -iOD


I. tn l crd id ion du baccalauréat 473


!!. iï;s'. v i .ca l ie ie -ccc l i ' s ias l t ip ics 484


11!. De. l 'habit ecclésiastique, 4S9


IV. Des ordonnances rie 1828 514


. r . F 3 l ! l t E T , ftOU'y S. C i e , ¡ 1 1 , ; (






I. \ \i h M L !. I I'. f: A i l; M


i i H c o i i i ' M M I I * r a Ä r i i ' i i I J i i r o prononcé par Mgr L**-\|n«' d'i uie;m>, d<
l 'Académie française, dans la ciitlit-dralo do Saintf-* . [(> <> nini i s m
cu hi fòle de l 'Ascension, à l'occasion du Concours roiiinrnil mrnrole
Brochure in-8". '


M A « I C » I C S d o v e r t u s offert aux jeunes personne- , on Vies di> sainte*
les plus remarquables , pour tous l"> jours de l 'année, avec approba-
tion de S. G. Mar Tévrque d'Arras. *> vol. in-r>.


C H O I X D E L E C T U R E S A S C É T I Q U E S oil'ert auv. erdos ia:4 iques . aux
personnes religieuses el â m e s d ' é l i t e q u i s ' o c c u p e n t de leur p e r f e c t i o n
p a r M. l\abhé l v ' \ a n c i e n \ i ea ire général <rK \ren\ , avec approbation
épiscopnlc. Ton* ces ouvrages sont format in IV et ne forment point
co l lect ion obligée, ils se \ e n d e n t ensemble ou séparément . P r i x \U
t'Iiacun des v o l u m e s , 1 IV.


L a c o l l e c t i o n s e c o m p o s e d e s n n \ r a p e - d o n t Ire t i t r e s - e u t


L'art d e t r a i t e r a v e c D i e u
P. Ho^acr i . i vol .


D e s a r i d i t é s d a n s l ' o r a i s o n p o u r faire
s u i t e a l'art de m i t e r ; n e c D i e u , par
le P. L A > e . i c i u s , d e ;;i C o m p a g n i e de
J é s u s . 1 vo l .


T a b l e a u d e l a t h é o l o g i e a s c é t i q u e o n
de la s c i e n c e de s S a i n t s , i vo l .


L e s s a i n t s a n g e s c o n s i d è r e s d a n s l e u r
n a t u r e , l e u r s f o n d i o n s et l e u r b i e n -
v e i l l a n c e à n o t r e é ^ a r d . 2 vo l .


V i e d e s a i n t A n g é l e d e F o l i g n o . p.'ir
le l'iL'i'f' AiniAM*, de l'ordre, de S a i n i -
f r a n c o i s , son c o n f e s s e u r , 1 \ o i .


V i e d u P . E a l t h a z a r A l v a r e z , de la
C o m p a g n i e d e Jé .Mis . 2 \ o l .


V i e d e S a i n t e C a t h e r i n e d e B o l o g n e .
par i e R . P . C I S A S S E T , de la Coni[); iynif
de Jésus . 1 vol .


e x t r a i t du ; V i e d e s a i n t e C a t h e r i n e d e G è n e s , 1 1


V i e d e s a i n t e F r a n ç o i s e r o m a i n e . 1


V i e d e la b i e n h e u r e u s e C o l o m b e <•''-
R i e t i . 1 w l .


V i e d e s a i n t J o s e p h , su iv i il:! moi> e-
s o u h o n n e u r . 1 \n I .


V i e d e la b i e n h e u r e u s e L i d w i n e , p i
le \\. ] \ l i i a e u . v i . w s . 1 wd .


V i e d e s a i n t e M a r i e - M a s d e l e i n e d*
Pai'.zy, par 1«' P . ( i.r M U , de la (jon 1


p a ^ n i e de JCSL;> . 2 \ . d .


V i e d e s a i n t P h i J i p p c d e N e r i . 1 vo l .


V i e d e s a i n t e R o s e dû L i m a , n:u !<
P. l h v ; 0 . \ . I wil .


V i e s p i r i t u e l l e d e î a b i e n h e u r e u x


B a p t i s t e V a r a n i . \ \>>\.


V i e d e s a i n t e V é r o n i q u e G i u g l i a n i , pa >
Ml .WrOP.I , [Mt ' l i " , 1 v i , l .


L E S G L O I R E S D E L A I ' R A I Y C E , p
sous la direction de M. O ' K X A L M L
vendent chacun a u p r i v de 1 fr,
s u h a n t s ;


V i e d e B a y a r d .
V i e d e G o d e f r o i d d e B o u i l l o n .
V i e d e M a d a m e d e S é v i g n é .
V i e d e s a i n t V i n c e n t d e P a u l .
V i e d e H e n r i I V .
V i e d e G r i l l o n .
V i e d e C l i s s o n .
V i e d e C h a r l e m a g n e .
V i e d e B u t t o n .
V i e d e S u g e r .


ir une réunion d 'hommes île lettres,
L E Z . 20 vol . aranti in— 1S anglais , se
• l O e . et se, c o m p o s e n t des rm\ mire-


V i c d e la R e i n e B l a n c h e .
V i e d e R a n c é .
V i e d e C o l b e r t .
V i e d e M m e d e C h a n t a i
V i e d e D u g u a y - T r o u i n .
V i e d e J e a n G e r s o n .
V i ^ d e F é n e l o n .
V i e d e D o m r/fabi l lon.
V i e d e J e a n n e d o V a l o i r .
V i e d e B e r n a r d i n d e S a i n t - P i e r r f


I M P . D E TN. R M I O T T I , O O I U ' V t.T (.', KUf




D E F U N S E


I) I- I. v


m g r D U P A N L O U P


i . I' I. a c. a n k m r K y1 r. a n I ; \ i r


i ' I \ | i; s k i ' ô \ P


LIBRAIRIE CATHOLIQUE DE PERISSE FRÈRES
I M P l U M f l U i S OH \ . S l*. 1.1, l ' A l i


PARIS LYON


RÉGIS B U F F E T e t C", s u f i RUE MERC 1ERE >Jyr


E T KL'l. C E N T R A L F ; , ^ 38, nuli s.uvr-si i.i'iri:.


i 8 li 1






DES ASSOCIATIONS RELIGIEUSES


VÉRITABLE ÉTAT DE LA QUESTION


La gravi lé de cel te ques t ion se fait d ' a b o r d sen t i r à
l ' e m b a r r a s qu 'e l l e d o n n e aux l ég i s l a teurs m ê m e les
p lus l i an l i s . J a m a i s , il est v r a i , elle n ' a é té sou levée
sans p r o d u i r e u n e émo l ion s i n g u l i è r e , et il est i m p o s -
sible de ne pas r e c o n n a î t r e q u e l 'éclat don t elle re lcn l i t
résul te m a n i l ' e s t c i w n l d 'un c h o c violent en t r e deux
pu i s sances d is t inc tes et i n d é p e n d a n t e s . 11 y a m a n i f e s t e -
m e n t ici u n conflit p ro fond e n t r e la p u i s s a n c e t e m p o -
rel le et la l iber té de consc i ence : il se t r o u v e là u n e
lut te te r r ib le en t r e des p r é t en t ions opp re s s ive s et des
droi ts o p p r i m é s .


Je ne v iens pas d i s se r t e r s a v a m m e n t ici, su r ce g r a v e
sujet ; on l'a fait assez p o u r s ' e n t e n d r e , si le b ru i t des
pass ions ne couvra i t t rop s o u v e n t la voix de la r a i s o n
et de la just ice. Éloigné déjà des p r e m i e r s et v iolents
déba l s de cet te q u e s t i o n , p r é v o v a n t les o r a g e s de la
nouve l le d i scuss ion qu i se p r é p a r e , je ne veux q u e s a i -
sir une de ces h e u r e s do c a l m e qui se r e n c o n t r e n t q u e l -
quefois e n t r e d e u x t e m p ê t e s , p o u r r a s s e m b l e r i m p a r -
t ia lement d a n s un exposé f idè le , sous u n s imple c o u p
d ' œ i l , les laces d ive r ses d 'une q u e s t i o n j u g é e p r e s q u e




DES A S S O C I A T I O N R E i . l G l E l ' S E S .


t o u j o u r s a u x p o i n t s de vue exclusifs des p r i s s ions , cl
j a m a i s c o n s i d é r é e , n i de h a u t d a n s son e n s e m b l e , ni
de p r è s d a n s le fond des c h o s e s .


Ce que le p ro je t de loi s u r la l ibe r lé ( l ' ense ignement
p r o p o s a i t à cet égard , M. Th i e r s J 'expl ique , le mo t ive ,
le jus t i f ie : son r a p p o r t est n o n - s e u l e m e n t u n e a p p r o -
b a t i o n c o m p l è t e , m a i s u n e apologie officielle; ses p a -
ro l e s p e u v e n t d o n c ê t re c o n s i d é r é e s a u j o u r d ' h u i c o m m e
le po in t de d é p a r t de la d i s cus s ion . On t r o u v e r a donc
tout s imp le q u e je c o m m e n c e cet exposé par les t e rmes
m ê m e s du r a p p o r t , et q u e je fasse p a r l e r M. Th ie r s le
p r e m i e r . Après lui , je c i t e r a i ceux qu i ont été e n t r a î n é s
à se foire les p a t r o n s de sa thèse et les a d v e r s a i r e s de
n o t r e c a u s e ; je c i t e ra i à son a p p u i , s a n s en taire u n e
seule , l e u r s r a i s o n s les p l u s fortes : pu i s n o i r e tour
v i e n d r a , et je d i ra i les n ô t r e s . Q u a n t aux conclus ions
l o g i q u e s , il y a d a n s la consc ience h u m a i n e une p u i s -
s a n c e q u ' o n ne p e u t é g a r e r ; j e l e s confie d o n c avec sé -
cur i t é à ce t te force du bon sens et de la b o n n e foi, qui
fait tô t ou t a r d t r i o m p h e r d a n s l ' e s p r i t des h o m m e s
la vér i té et la j u s t i ce . Quan t aux c o n s é q u e n c e s p r a -
t i q u e s , si i m p o r t a n t e s au b ien ou au nia i cle ce pays ,
c 'est le s ec re t de la P r o v i d e n c e et de l ' a v e n i r .


Voici les p a r o l e s de M. T h i e r s :


Reste une dern iè re condit ion, celle-là fd'néralc, appli-
cable à tons. . . "Elle consiste à d e m a n d e r aux pré tendants ,
sur leur simple parole , s ' i ls sont e u non membres de.~> c o n -
grégat ions détendues pa r les lois.


Celte déclarat ion exigée su us distinction n'esl pas une
procaution nouvel le ; elle e s t I ' O I - I anc ienne . . . C'est a s s u r é -
ment la moindre d e s exigences. . . La question, d u vo>te. e s t
uniquement dan-? la forme d e la déclarat ion e x i g é e , un n




Y É i Ü T A B L L É T A T LIE LA i j ! i . . - T I " > .


cl 11 que cette question : Etes-vous ou n'ètes-vous pas m e m -
bre d'une congrégation l'cliiiioiisn ? que cet appel à la cons-
cience avait quelque chose de blessant pour elle. Il me
semille, Messieurs, que si vous demandiez aux hommes :
Croyez-vous telle ou telle chose? avez-vous telle loi ou
telle autre'.' l e reproche pour ra i t être méri té . Víais quand
vues vous bornez il l e s in terroger sur un l'ait,... quand vous
leur demande/ , ceci : Vous ètes-vous associés à un chef
é t ranger , eonlraireineiil à la lié française? quand vous leur
d e m a n d e / : V o u s ne contraignez en rien les conscience's?
vous v o u s eojitenle/. de la parole d e celui auquel N O U S vous
adresse/ : qu'y a-t-il là d'offeiisaul


N'y a-l-il lias, au contraire , une preuve d 'est ime, de con-
lhuiee?...


Mais il y a d 'autres raisons encore , et non moins pu i s -
santes : l e s lois du pays . . .


Si je ne m e t r o m p e , toutes les r a i s o n s d ' É t a t su r l e s -
que l les on s ' appuie p o u r exc lu re les congréga t ions re l i -
g ieuses , sont là : je ne s a c h e r ien de p lus fort et de p lus
p laus ib le su r ce sujet. Il est v ra i q u e , p o u r s o u t e n i r
cet te cause , il ne fallait pas des efforts mo ins p u i s s a n t s
et moins habi les . Suffiront-i ls? Je n e le p e n s e p a s .


Ki d ' abo rd qu ' i l me soit p e r m i s , avan t d ' e n t r e r en
u r d i e r e , d e simplifier la ques t i on , et d 'en s é p a r e r tout
ce qui n'est, l 'objet d ' a u c u n e con te s t a t ion , et qui p a r
c o n s é q u e n t l ' e m b a r r a s s e ; t ou t ce q u i , en m ê l a n t le
vra i au faux, j e t te su r Je vrai u n j o u r douteux, don t l 'er-
reur se p r é v a u t p o u r faire i l lus ion aux m e i l l e u r s es-
pr i ts , et souven t m ê m e p o u r é g a r e r la b o n n e foi.


Otto Ja ques t ion soil d o n c posée n e t t e m e n t cl s imple-
ment telle qu 'e l le e s t , s u r le point en litige, ni p lus ni
mo ins .


Ainsi on conv ien t u n a n i m e m e n t qu ' i l ne s 'agit po in t




4 D E S A S S O C I A T I O N S H E M O I E l ' S K S .


(Vinterdire la vie contemplative (i personne: c 'est l ' ex-
p res s ion de M. le d u c de B r o g l i c , cl loule la C h a m b r e
des Pa i r s s'y est assoc iée . M. Th i e r s r econna î t lu i -même
que les congrégations ayant pour objet de procurer a
des âmes fatiguées du monde le repos de la retraite reli-
gieuse, peuvent être regardées connue tout a fait inhé-
rentes a la religion catholique, et p a r c o n s é q u e n t n é -
ce s sa i r e s .


*J. Po r l a l i s n e s ' expr imai t pas avec m o i n s de force ,
lo rsqu ' i l déc la ra i t s o l e n n e l l e m e n t «qu ' i l ne s ' ag i s sa i tpas
x de proscrire et de bannir du sol français ces i n s l i t u -
« l ions re l ig ieuses don t les fo rmes p e u v e n t v a r i e r avec
« les s iècles cl les r évo lu t ions des m œ u r s , mais q u e la
« rel igion c a t h o l i q u e s 'est tou jours glorifiée de p o r t e r
« en son se in , et qui s o n t i n c o n t e s t a b l e m e n t con fo rmes
« à son e s p r i t ; » lo r squ ' i l déc l a ra i t e n c o r e « qu ' i l ne
» s 'agissai t pas de r é p u d i e r le pa s sé de no t r e p a y s , de
« r e n i e r et de m a u d i r e les fonda Leurs d 'un g r a n d n o m -
ci b r e de n o s v i l l e s ; ceux qu i r a l l u m è r e n t , dans les
a c o n t r é e s désolées p a r l ' invas ion des b a r b a r e s à la
« c h u t e d u m o n d e r o m a i n , le f l ambeau de la civi l isa-
« t ion , et c o n s l i l u è r e n l la socié té nouve l l e à l 'a ide de
« la d isc ip l ine c h r é t i e n n e cl c a tho l i que . »


<! >'on , M e s s i e u r s , a jou t a i t - i l ; n o u s s o m m e s c o n -
te v a i n c u , c o m m e ceux qu i n o u s a t t a q u e n t , de l ' i m p o r -
te t ance , de l 'ut i l i té de ces in s t i t u t ions b ienfa i san tes qui
x on t fait la gloire de l 'Église ca tho l i que . »


Puis , c o n t i n u a n t , il r e n d a i t u n r e l ig i eux h o m m a g e
« aux cong réga t i ons d ' h o m m e s ou de f e m m e s , soit à
« celles q u ' o n r e n c o n t r e p a r t o u t où se t r ouve u n e dou-
". l eu r à s o u l a g e r , u n e œ u v r e de m i s é r i c o r d e à accom-
« p l i r , et qui r e m p l i s s e n t et d e s s e r v e n t nos h ô p i t a u x ,




Y É l t l T A U l . E L I A T 1)K I.A U ! i '. > T ! o ':•


« D O S p r i sons cl nos é c o l e s ; soLL aux filles de Sa in l -
« Vincent de Pau l , a s s i s t é e s , d a n s le l ibre exerc ice de
« leur sa in ic v o c a t i o n , pa r la c o n g r é g a t i o n d ' h o m m e s
« ins t i tuée p o u r les s e c o n d e r d a n s l e u r s a n g é l i q u e s
« t r a v a u x ; soit a u x confrér ies des écoles c h r é t i e n n e s ,
« d o n n a n t l ' ins t ruc t ion p r i m a i r e à un si g r a n d n o m b r e
« de j e u n e s enfan ts , et ne p o u v a n t suffire à fourn i r
« des sujets aux villes qu i en r é c l a m e n t ; soit enfin à
« d'au 1res assoc ia t ions p r ê l e s , d i t - i l , à se f o r m e r , et
« qui p r o m e l l e n t a u x in fo r tunés pr ivés de l ' exerc ice
« de l e u r r a i s o n , aux c o n d a m n é s qui s u b i s s e n t la
« pe ine d u e à l eu r s c r i m e s , des s e rv i t eu r s d é s i n l é -
« ressés et c o m p a t i s s a n t s , des g a r d i e n s p i e u x et c o n -
te so l a t eu r s . »


Enfin , b ien différent de ces gens don t la h a i n e aveu -
gle ne p r o c è d e j a m a i s q u e p a r l ' exclus ion et la v io lence ,
et ne sait i n v o q u e r c o n t r e ceux don t le n o m l ' impor-
tune que la p rosc r ip t ion et le b a n n i s s e m e n t , M. Por t a i l s
déc lara i t e n c o r e que , « p o u r ê t re é lo ignés de l ' cnse lgne-
« m e n t , ils n ' en p o u r r o n t pas m o i n s e x e r c e r l i b r e m e n t .
« su r la t e r r e de F r a n c e , t ou t e s les fonct ions les p lus
« i m p o r t a n t e s du min i s t è r e ecc lés ias t ique ; et la p r o -
« tect ion de la loi n e ces se ra p a s d ' e n t o u r e r celui qui
« a u r a déc la ré avoi r c o n t r a c t é des e n g a g e m e n t s q u e
« la loi ne r e c o n n a î t p a s , mais qu'elle ne punit pas. »


Voilà des faits c e r t a i n s , des p r inc ipes i n c o n t e s t a b l e s ,
des droi t s i nv io l ab l e s , do l 'aveu de tou t ce qu ' i l y a
d ' espr i t s éc la i rés et h o n n ê t e s . Je t ena i s à le cons t a t e r
ici e x p r e s s é m e n t .


La ques t ion é t an t ainsi r e s t r e i n t e , je n 'en affirme pas
mo ins que l ' exclus ion p r o v o q u é e c o n t r e les c o n g r é g a -
t ions rel igieuses blesse :




6 D E S A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S .


L ' h o m m e d a n s la l iber té de sa c o n s c i e n c e ;
Le c i toyen d a n s l ' exerc ice de ses d r o i t s ;
Le c h r é t i e n d a n s la digni té de sa fo i ;
Et j ' a f f i rme de p lus q u e c 'est u n e exc lus ion si Illé-


g i t ime d a n s son p r i n c i p e , si indigne d a n s ses c o n -
s é q u e n c e s , si a b s u r d e d a n s ses m o y e n s et d a n s ses r é -
su l t a t s , si é t r a n g e a u t e m p s où n o u s v ivons , q u e toutes
les op in ions l ib res en on t été plus ou m o i n s r évo l t ée s ,
e t q u e les l ég i s la teurs e u x - m ê m e s en sont c o m m e h o n -
teux et e m b a r r a s s é s .


I


Elle blesse l'homme dans la liberté de sa conscience.
P a r que l p r o c é d é légal p o u v o z - v o u s cons ta t e r l'état


religieux d ' un c i t o y e n ? Pas d ' au t r e q u e d ' i n t e r roge r sa
consc i ence . Mais q u ' e s t - c e q u e la consc ience? que l s
sont les droi t s et l ' inviolabi l i té de ce s a n c t u a i r e , a u q u e l
on est c o n v e n u de d o n n e r ce n o m r e s p e c t é ? Je ne les
d i ra i p o i n t ; M. Th i e r s ne les con tes te p a s : il p r é t end
m ê m e l eu r r e n d r e h o m m a g e . On i n t e r r o g e u n e c o n -
sc ience s incè re : Qu'y a-t-il là d'offensant, dit-il? c'est
une preuve d'estime, de confiance. C'est su r ces pa ro l e s
m ê m e s q u e d ' a b o r d j ' a r r ê t e M. Th i e r s : je va is d ro i t a u
fait et an fond de la ques t ion . Vous interrogez une con-
science sincère : ma i s de que l d ro i t ? qui ê t e s -vous p o u r
i n t e r r o g e r les consc i ences? Q u o i ? vous ne p o u v e z en-
t re r de force d a n s ma consc ience ; v o t r e i m p u i s s a n c e à
cet égard est abso lue , et vous v o u s a r rogez le droi t c e -
p e n d a n t de savoi r ce qu i s'y p a s s e , e t , p o u r le savo i r ,
de c o n t r a i n d r e m a consc i ence à se confesser d e v a n t
v o u s , et à vous faire des déc l a r a t i ons ?




\ É R I T A B I . E É T A T PL" LA Q U L S T 1 0 >T. 7


Eli bîon ! c 'est colle p ré t en t ion m ê m e q u e la l ibe r té de
conscience r e p o u s s e de toutes ses forces .


J 'affirme en p r inc ipe q u e Dieu seu l et l ' au to r i t é s p i r i -
tuel le qui le r e p r é s e n t e s u r la t e r r e , on t le d ro i t d ' i n -
te r roger m a consc ience . Je n e s a c h e p a s u n h o m m e
qui ait le dro i t d ' i n t e r r o g e r la consc i ence d ' un a u t r e
h o m m e ; le dro i t de c o m m a n d e r k la c o n s c i e n c e de son
s e m b l a b l e , le d ro i t d ' ex iger de lui u n e r é p o n s e q u e l -
c o n q u e à u n e ques t i on de consc i ence . M. Th i c r s n ' y a
pas réf léchi ; l ' au to r i t é pa te rne l l e ne va pas m ê m e j u s -
que-là ; vous ne t r o u v e r e z pas u n m o r a l i s t e éc la i ré qui
pense q u ' u n fils m a n q u e e s sen t i e l l emen t à ses devo i r s
en re fusant de d é c l a r e r à son p è r e des faifs qu i son t
u n i q u e m e n t des faits de, c o n s c i e n c e . Dans le c o u r s de
m o n min i s t è r e , il m ' e s t a r r ivé p l u s i e u r s fois de dire a
un père dont la sagesse, é ta i t c a p a b l e de me c o m p r e n d r e :
M'interrogez p a s voire enfant s u r ce po in t ; il n ' a u r a i t
peu t -ê t re p a s le cou rage de vous d i re la vér i té , et j e ne
crois pas q u e v o u s ayez le d ro i t de la savoi r .


11 y a plus : la p u i s s a n c e h u m a i n e , la p u i s s a n c e
t empore l l e , le, vou lû t -e l l e , es t ici r é d u i t e à n é a n t : elle
peu t o p p r i m e r , p e r s é c u t e r ceux qu ' e l l e s o u p ç o n n e ,
mais elle ne peut les c o n t r a i n d r e ; et c'est a lo r s la p e r -
sécu t ion la p ' n s od ieuse : c 'est l ' opp res s ion des â m e s
dans ce qu 'e l les on t de p lu s in t ime , de p lus i n d é p e n -
dan t , de p lus insa i s i s sab le , qu i est la l ibe r té d é p e n s e r ,
de c ro i re et d ' a imer .


Cette l ibe r té s ' exe rce d a n s le s a n c t u a i r e le p lus i n -
violable ; elle n ' a p a s plus b e s o i n de v o t r e p ro t ec t i on a u
d e h o r s qu 'el le ne vous doi t o b é i s s a n c e au d e d a n s . Vous
n 'avez , v i s a - v i s do cet te l ibe r té de l ' à m e , ni m o d é r a -
lion, ni r i gueu r , ni faveur , ni j u s t i ce a exe rce r . Vos lois




s D E S A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S .


ne p e u v e n t r i en d a n s tou t ceci : el les ignoren t et se
ta isent . Que i 'ai les-vous d o n c , v o u s , p o u v o i r s de la
t e r r e , v o u s , g o u v e r n e m e n t po l i t ique , q u a n d vous voulez
forcer ces b a r r i è r e s et e n t i e r d a n s m a c o n s c i e n c e ? Ce
q u e v o u s faites ! Vous v o u s met tez en con t rad ic t ion v io -
len te avec tous les p r inc ipes de l iber té que vous avez
p r o c l a m é s . Ce q u e vous fa i t e s ! v o u s , qu i p r o f e s s e / ;
v o u s , qu i écrivez d a n s vos lois q u e le domic i le du der-
n i e r des c i toyens est s a c r é ; vous violez mon domici le
le p lu s s a c r é , le plus c h e r : si b i en n o m m é le s a n c t u a i r e
de la consc i ence , p a r c e q u e c 'est la d e m e u r e de Dieu,
p a r c e q u e Dieu seul y c o m m a n d e , et e n c o r e , p renez-y
g a r d e , à u n e p u i s s a n c e l ibre de lui o b é i r ; pa rce que là
r é s i d e sous le r ega rd de Dieu une pu i s sance p r e s q u e
d i v i n e , qui ne re lève q u e de Dieu s e u l ; à savoi r , cette
l iber té h u m a i n e , cel te l ibe r té i n t ime , pe r sonne l l e , cette
l iber té qui n ' a p a s de m a î t r e en ce m o n d e , et qui n 'a de
j u g e q u e d a n s le ciel.


Ce q u e vous f a i t e s ! j ' a i h o n t e de le dire : Vous, qu i .
l ' au t r e j o u r , respec t iez d a n s vo i re loi s u r la c h a s s e ,
l ' inviolabi l i té du domic i le m a t é r i e l , à ce point de to-
l é r e r d e r r i è r e les m u r s d 'un p a r c ce q u e vous i n t e r d i -
siez au d e h o r s , vous venez p o u r s u i v r e la foi et le, dé-
v o û m e n l re l ig ieux j u s q u ' a u fond de m o n â m e ; vous
r e n v e r s e z les m u r s de ce domic i le inviolable et sacré
q u ' o n appel le la c o n s c i e n c e , p o u r en a r r a c h e r , quo i?
Une aff irmation. Eh bien ! je le déc la re avec tou te l 'éner-
gie don t j e su is c a p a b l e , v o u s n ' e n avez p a s le droi t .


Et que. fai tes-vous e n c o r e ? On v o u s l'a dit , un acte
od ieux de l ' inquis i t ion la p lus t y r a n n i q u e ! A'on-seule-
m e n t v o u s sondez m a vie p r i v é e , celle vie dont on a
c ru pouvo i r d i r e , d a n s u n a u t r e o r d r e de p e n s é e s ,




V I - l u I A l : ; . ; . L I A T D E LA Q U E S T I O N . 9


qu'e l le doit ê t re m u r é e . \ ous allez p l u s loin : vous s c r u -
tez mes sen t imen t s les p lus i n t i m e s ; il ne vous su dit
pas de savoi r pa r la no to r i é t é c o m m u n e ce q u e je su is
p e r s o n n e l l e m e n t , vous m e con t r a ignez à a f f i rmer , pa r
é c r i t , que l s son t , en r e l ig ion , m e s s e n t i m e n t s , mes
v œ u x , mes e n g a g e m e n t s vis-à-vis de Dieu, j u s q u ' o ù ils
vont , j u s q u ' o ù ils ne vont p a s ; pu i s , selon ma r é p o n s e ,
j e suis , p a r v o u s , a b s o u s ou c o n d a m n é .


Faut - i l s ' é t o n n e r (pie des voix é l o q u e n t e s se so ien t
écriées qu'une telle prétention était'aussi iiionstrveH.se
qu'insensée, qu'elle rétablissait l'esprit d'intolérance le
plus étroit qui se soit jamais eu, qu'elle choquait les
idées les jilus élémentaires de la justice; que ce sont la
des mesures qui ne sont pus de notre temps, qui rappel-
lent les temps de l'inquisition, et qui sont un anachro-
nisme arec notre epocpie; et le nob le d u c d T l a r c o u r t , en
p r o n o n ç a n t ces pa ro l e s à la t r i b u n e d e l à C h a m b r e des
Pairs , déc la ra i t qu ' i l ne deva i t pa r a î t r e su spec t à p e r -
s o n n e , pu i squ ' i l n'était ni un cagol, ni un bigot, ni un
dévot. — E n c o r e cst- i l vra i q u e l ' inquis i t ion n ' a j a m a i s
élé si loin ; qu 'e l le n e r e c h e r c h a j a m a i s q u e les m a n i -
festa lions ex té r i eu res c o n t r a i r e s à la foi, m a i s n o n les
sen t imen t s in t imes ; qu 'e l le ne d e m a n d a j a m a i s à p e r -
sonne , p o u r le p u n i r su r sa p a r o l e : Que pensez-cous?
L'Église e l l e -même ne c o n d a m n e j a m a i s la p e n s é e d 'un
a u t e u r .


Et c e p e n d a n t , s 'écr ie M. T h i e r s , c'est assurément la
moindre des exigences! Qu 'on m e p e r m e t t e de le d i re :
en chose si sé r ieuse , cet te a i sance de l angage a m a u -
vaise g r â c e . C'est la moindre des exigences! Mais si, s o u s
la Res tau ra t ion , on ava i t exigé de vous la déc l a r a t i on
que vous n ' appa r t en i ez à a u c u n e a s soc ia t ion po l i t ique




10 D E S A S S O C I A T I O N S I t E I . I G I Ë E S E S .


non a u t o r i s é e p a r les lois, a u r i e z - v o u s t r ouvé q u e c 'élait
i(t moindre des exigences ? Et c e p e n d a n t ce n ' e û t p a s été
d e s c e n d r e d a n s le s a n c t u a i r e de la consc ience r e l i -
g ieuse .


Si a u j o u r d ' h u i e n c o r e on exigeai t cet te déc l a ra t ion
de tous les r é d a c t e u r s de j o u r n a u x , a v a n t de leur a c -
c o r d e r la l iber té de la p re s se , ou de tous les é l ec t eu r s ,
avan t de les a d m e t t r e à j ou i r de l eu r s dro i t s po l i t iques ,
t r ouve ra i en t - i l s , t ronve r i ez -vous q u e c'est la moindre,
des exigences?


M. T h i e r s sen t b i en l u i - m ê m e tou t ce qu ' i l y a ici de
b l e s san t p o u r la l iber té de la consc ience h u m a i n e ; ca r
il é p u i s e v a i n e m e n t t o u t e s les hab i l e tés de l a n g a g e ,
tou tes les d é m o n s t r a t i o n s de c a n d e u r et d ' h o n n ê t e t é ,
p o u r le d i s s imule r . On i n t e r r o g e u n e consc ience s in-
cè re sur un fait, dit-il . Etes-cous ou n'èles-cous pas
membre d'une congrégation, oui, ou non ? Quoi de p lus
s imple q u e cet te q u e s t i o n ? quo i de m o i n s e m b a r r a s -
sant q u e la r é p o n s e p o u r un h o m m e c o n s c i e n c i e u x !


E h ! sans d o u t e , r i en do m o i n s e m b a r r a s s a n t q u e la
r é p o n s e p o u r u n h o m m e c o n s c i e n c i e u x ; ma i s qu i vous
a dit q u e cet te ques t ion n o u s e m b a r r a s s a i t ? . \ul do
n o u s n e l a t rouve e m b a r r a s s a n t e , m a ï s tous n o u s la t r o u -
vons t y r a n n i q u e . E n c o r e un coup , il ne s'agit p a s de
s avo i r si celui q u e vous in t e r rogez est un h o m m e con-
s c i e n c i e u x ; il s 'agit de savoi r si c 'est un h o m m e l i b r e ,
l ibre en consc ience de v o u s r é p o n d r e ou de n e vous
r é p o n d r e pas .


Sans d o u t e e n c o r e c 'est sur un fait q u e vous m ' i n t e r -
rogez ; m a i s , c o m m e j ' a i eu l ' h o n n e u r de vous le d i r e ,
c 'est su r u n fait i n t é r i e u r , s u r u n fait de consc i ence ,
s u r u n fait i naccess ib l e à tou te inquis i t ion . Voila p o u r -




V É R I T A B L E É T A T DE I .A Q U E S T I O N . 11


quoi je p r o c l a m e q u e v o u s o p p r i m e z v i o l e m m e n t p a r
là ma l ibe l lé tic c o n s c i e n c e , q u e c e n ' e s t r i e n m o i n s


q u ' u n e pe r sécu t ion ; c a r si je n e r é p o n d s p a s d a n s le
sens de votre loi , v o u s m e c o n d a m n e z ; et, si je me
ta is , vous m e c o n d a m n e z e n c o r e .


Va inemen t m e d i t - o n : Cette déclaration ne portera,
ni sur des principes , ni, sur des sentiments, ni sur des
doctrines; cette déclaration n'est pas et ne sera pas un
formulaire a signer.


b a n s d o u t e , de m a p a r t , i l n 'y a po in t la vo lonté de
professer ou d ' exc lu re des p r i n c i p e s , des s e n t i m e n t s
ou des doc t r ines ; mais soyez f ranc : d a n s la p e n s é e de
celui qui exige cet te d é c l a r a t i o n ; d a n s la p e n s é e de
celui qui a d r e s s e cel te q u e s t i o n , qu i la fait s u b i r , ce t te
déc la ra t ion po r t e s u r des p r i n c i p e s , s u r des s e n t i m e n t s
et des doc t r ines . Do m a p a r t , je n e r é p u d i e r i en ; m a i s ,
quoi qu ' on en dise, do la pa r t de celui qui me l'ail s o u s -
cr i re cel le d é c l a r a t i o n , de l a p a r i d u l é g i s l a t e u r , c 'est
un fo rmula i re à s igner , u n f o r m u l a i r e re l ig ieux i m p o s é
par la pu i s sance pol i t ique ; c 'es t u n e v io la t ion flagrante
de la l iber té re l ig ieuse , de tou t e s les l iber tés du p r ê t r e
et du ci toyen. J ' a u r a i occas ion de le d é m o n t r e r b i e n t ô t
comp lè t emen t .


Mais ce q u e je veux m e b o r n e r à d i re en ce m o m e n t ,
c 'est que , sous la s impl ic i té a p p a r e n t e de la q u e s t i o n
qu 'on n o u s a d r e s s e , i l y a p lus q u e l ' on n ' a v o u e . Ce
qui r é p u g n e i nv inc ib l emen t à n o t r e d r o i t u r e , c 'es t
q u ' a l o r s m ê m e q u e n o u s a t t e s t ons un fait v r a i , v o u s
n o u s c o n d a m n e z à n o u s assoc ie r m a l g r é n o u s à u n e
a r r i é r e - p e n s é e qui n ' e s t pas la n o i r e et q u e n o t r e c o n s -
c ience r é p r o u v e . E h b i e n ! on m e t r o u v e r a p e u t - ê t r e s é -
vère : je ne sais g u è r e le v r a i s ens de tou t ce q u e l e s




12 D E S A S S O C I A T I O N S B E L ! 0 1 E U S E S


h o m m e s d 'Éta t n o m m e n t la mora l i t é p o l i t i q u e ; ma i s
en me t e n a n t an sens vu lga i r e des m o t s , et à l ' h o n n ê -
t e t é c o m m u n e , je t r o u v e en tou t ceci u n e i m m o r a l i t é
p r o f o n d e ; il y a là je ne sais quo i qu i m a n q u e p ro fon-
d é m e n t de f r a n c h i s e : la vér i té est d a n s no t r e b o u c h e ,
m a i s la dupl ic i té est d a n s la v ô t r e ; pu i s la p r o s c r i p t i o n .
Et le m o i n s qu i se pu i s se d i r e , c 'est q u e le j o u r où vous
n o u s ad re s sez cet te ques t ion , et où n o u s y r é p o n d o n s ,
n o u s m a n q u o n s , v o u s de d r o i t u r e , cl nous peu t -ê t re de
d igni té , à la face de la F r a n c e . Ai-je besoin de dire qu ' i l
n e doi t pas y avoi r de loi de cet te n a t u r e d a n s u n pays
c o m m e le n ô t r e ?


fl y a là , je Je c r a i n s , un de ces g e r m e s r e d o u t a b l e s
qu i a m è n e n t que lquefo is de g r a n d s t roub le s d a n s u n e
na t i on ; il y a là u n f ro i s semen t p ro fond d ' u n e c o n s é -
q u e n c e i nca l cu l ab l e . On e s saye là u n e chose q u e la
fierté des t e m p s ne p e r m e t p l u s , u n e chose que nul le
p u i s s a n c e h u m a i n e n ' a u r a la force de faire. On dit q u e
p a r m i les h o m m e s po l i t iques de ce t e m p s , il y eu a qui
on t b e s o i n des pér i ls de l ' avenir . Qu' i ls soient s a t i s -
faite ! Il y a. là tous les pér i l s dé s i r ab l e s aux ambi t i ons
les p lu s agi tées .


Va inemen t essaye- t -on de n o u s d i re avec d o u c e u r
p o u r n o u s p e r s u a d e r : Mais la ques t i on est b ien s im-
ple ; il n 'y a pas là de p e r s é c u t i o n ; ou s'adresse a la
conscience: Etes-vous ou n'êles-vous jias ? Oui ou non?
On ne vous demande ni plus ni moins. Je 1*3 r e c o n n a i s ,
la q u e s t i o n est s i m p l e , et j ' a i déc l a r é q u e la r é p o n s e
étai t facile. Mais clic é ta i t s imp le auss i la ques t ion des
anc i ens p e r s é c u t e u r s : Etes-vons chrétien on ne Vètcs-
vouspas? Oui ou non? r é p o n d e z . Elle é tai t facile la
r é p o n s e des c h r é t i e n s : r i en en effet de p lus c o m m o d e




V E n l T . U H . E ÉTAT DE LA QUESTION. 13


cl d e p lus n e t q u e c e g e n r e d ' i n t e r r o g a t o i r e : m a i s a lo r s
c o m m e a u j o u r d ' h u i , q u a n d les u n s a v a i e n t i n t e r r o g é
avec s implic i té , e n m a î t r e s a b s o l u s , e t q u a n d les a u t r e s
avaient r é p o n d u e n h o n n ê t e s g e n s , avec u n e c o n s -
cience s incè re , i nnocen t s j u s q u ' a l o r s , leur nom, s e lon
l ' énergique express ion d e T e r l u l l i e n , devenait leur crime,
et les juges leur d isa ien t : P u i s q u e v o u s êtes c h r é t i e n s ,
v o u s n ' ê t e s plus c i toyens r o m a i n s ; tou t c o m m e on se
p r é p a r c à n o u s r é p o n d r e : Vous êtes r e l i g i e u x , d o n c
v o u s n ' ê t es plus c i toyens f rança is .


C 'est d e s deux p a r t s u n e f o r m u l e d ' i nqu i s i t ion i d e n -
t i q u e app l iquée à la consc i ence , à la foi, à la l ibe r té i n -
t é r i eure . La sanc t ion m ê m e d e l ' i n t e r roga to i r e n ' a
guè re c h a n g é : c ' e s t l ' exc lus ion d e s d ro i t s c o m m u n s de
la v ie civile ; s e u l e m e n t , au t re fo i s , l ' exc lus ion se faisait
v i o l e m m e n t p a r l 'exil o u p a r la m o r t : i c i , elle se fera
pa r l ' in terdic t ion et par l ' i ncapac i t é . Non, n o n , j e n ' a d -
mets n i la d o u c e u r d e la q u e s t i o n , n i la s impl ic i té de la
r éponse : la s implici té e t la d o u c e u r n e s e r a i en t q u ' u n e
indigni té , j ' a i p r e s q u e d i t u n e h y p o c r i s i e de p lus .


Oui ou non vous semble p e u d e chose ! ma i s t o u t e la
f e r m e lé de Ja v i e h u m a i n e n e l ient p a s à p l u s ; m a i s la
conscience d e l ' h o m m e n 'a j a m a i s r i en d e p lus g rave
e n s e s ques t i ons o u e n ses r é p o n s e s : et q u a n d le Fi ls de
Dieu e s t venu n o u s révé le r à n o u s a u t r e s c h r é t i e n s ce
qu'i l y avai t d e plus sé r i eux d a n s le l angage h u m a i n et
d e plus so lenne l d a n s n o t r e v ie , il ne n o u s a di t q u e
c e s mo i s , oui ou non : est, est; non, non.


Je n'ai r ien à a jou ter su r c e p r e m i e r poin t .
On a v a i n e m e n t r a p p e l é à c e t t e occas ion la bu l l e


Vniijenitus; o n a di t v a i n e m e n t q u e la d é c l a r a t i o n d e -
m a n d é e e s t telle épie l'Eglise elle-même en demande aux




li D E S A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S .


fidèles lorsqu'il s'agit de la célébration du mariage.
C e r t e s , je p o u r r a i s m ' é l o n n e r à bon droit de voir ici
c h e r c h e r l ' a p p u i de la bu l le Lnigenilus; c 'est t o m b e r
d a n s u n e confusion é t r ange : la c o m p a r a i s o n est m a l -
h e u r e u s e .


C o m m e n t n e v o y e z - v o u s p a s q u e , q u a n d n o u s vous
d é n i o n s le d ro i t d ' i n t e r r o g e r n o s c o n s c i e n c e s p o u r s a -
vo i r ce q u e n o u s s o m m e s d e v a n t Dieu , c 'est q u e vous
êtes des l ég i s l a teurs h u m a i n s , un pouvo i r t empore l , et
q u e n o t r e consc i ence n ' e s t pas et ne sera j a m a i s de vo t re
d o m a i n e ? Mais q u a n d l 'Église n o u s i n t e r r o g e , n o u s
l ' e n t e n d o n s a u t r e m e n t : l 'Église est à n o s yeux la m è r e ,
la m a î t r e s s e et l ' i n s t i t u t r i ce de n o s â m e s , le g u i d e de
nos c o n s c i e n c e s ; elle a a u t o r i t é s u r nos c œ u r s ; n o u s
s o m m e s ses suje ts , elle, n o u s i n t e r roge : n o u s lui r é p o n -
d o n s , et t o u t es t d a n s l ' o rd r e . Ainsi , l ' adhés ion à la bul le
L'nigeuilus était s a n s doute, u n e adhés ion de foi i n l é -
t é r i cu re . Mais qu i i n t e r r o g e a i t ? L 'au tor i té sp i r i tue l le .
Qui r é p o n d a i t ? La consc i ence .


El. q u a n t a u x d é c l a r a t i o n s des fidèles au m o m e n t d u
m a r i a g e , qu i n e voit q u e ce son t les m ê m e s p r inc ipes ,
et qu ' i l n 'y a là q u ' u n sujet sp i r i t ue l , obé i s san l , r é p o n -
d a i t à u n e au to r i t é spi r i tue l le ? Q u a n d l 'Église bén i t u n
m a r i a g e , elle fait u n e c h o s e sp i r i tue l le : elle allie les
vo lon té s , elle u n i t les c œ u r s , elle m a r i e les â m e s . En un
mot , c 'est un p o u v o i r sp i r i tue l qui exerce des dro i t s
sp i r i tue l s , d a n s u n e soc ié té sp i r i tue l l e . C o m m e n t se
fait-il, avec de la s incé r i t é et des l u m i è r e s , q u e l 'espr i t
et les j e u x n e so ien t pas f rappés de ces choses si
c l a i res , n e d i s t i nguen t p a s des au tor i t é s si d is t inc tes et
c o m p a r e n t des j u r i d i c t i o n s si d iverses et si t r anc l i ée s?


Et où donc Jes p r é t e n t i o n s de la loi h u m a i n e v o n t -




Y К R I T A1 i L К É T A T i» К L A Q U E S T I O N ' , i;.


elles c h e r c h e r des exemples ? Q u ' i m p o r t e e n c o r e q u ' u n
illustre orateur (le P. de Uavignan) ait fait lai­тете pu­
bliquement, sans qu'on la lui ait demandée, la déclara­
tion (pue demande la loi? A h ! ce s o u v e n i r m ' a l l r i s t e !
oui , il a fait cet te déc la ra t ion d a n s le l angage le p lus
noble , le p lus s imp le , le plus loyal qu i l'ut j a m a i s ! et
su r cet te t e r r e de F r a n c e , d a n s ce pays de la l oyau t é et
de la f ranchise , on n ' a su, j u s q u ' à ce l te h e u r e , lui r é ­
p o n d r e que pa r les s c a n d a l e s du Collège de F r a n c e et
p a r les bassesses d 'un r o m a n imp ie ! Mais l a i s sons ces
choses et r e v e n o n s à la ques t i on . Un 'illustre orateur a
fait lui­même, publiquement, sans epi'on la lui ait de­
mandée, la déclaration que demande la loi. Mais c'est
préc i sémen t pa rce qu ' i l l'a l'aile s a n s q u ' o n la lui ai t de­
m a n d é e , q u e son e x e m p l e n e p r o u v e r i en en faveur de
vo i re loi. 11 a cru pouvo i r s p o n t a n é m e n t faire cel le d é ­
c la ra t ion , ia faire avec h o n n e u r , la faire en u s a n t des
droits de sa l i b e r t é ; m a i s p e u t ­ ê t r e q u e si on la lui
avait d e m a n d é e d ' au to r i t é , s'il avai t vu la p r é l e n l i o n
d 'empié te r s u r les dro i t s de sa c o n s c i e n c e , de la c o n ­
t r a i n d r e , de l ' h u m i l i e r , p e u t ­ ê t r e l 'eût­ i l refusée . Que
p e u t ­ o n conc lu re d 'un fait qui a p p a r t i e n t p r é c i s é m e n t
à u n e l iber té dégagée des e n t r a v e s m ê m e s p a r l e sque l l e s
on voudra i t a u j o u r d ' h u i la c o n t r a i n d r e ?


Mais, di t ­on enfin, ce n'est pas la une précaution nou­
velle : elle est fort ancienne, et cel le a n c i e n n e t é , on la
l'ait r e m o n t e r bien au. delà de la révolution, jusqu'aux
jours de notre vieille monarchie. Eh b i e n ! je défie qui
que ce soit de m e d o n n e r la p r e u v e de celte a s s e r t i o n ;
je défie q u ' o n me cite la m o i n d r e t race d ' u n e ex igence
parei l le imposée à a u c u n e é p o q u e , avant la l 'évolution ; j e
délie q u ' o ù m e m o n t r e u n e loi civile q u e l c o n q u e qui ait




)6 D E S A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S .


in te r rogé la consc ience du ch ré t i en , p o u r le c o n d a m n e r
su r u n e d é c l a r a t i o n de per fec t ion c h r é t i e n n e . On a u r a
b e a u c h e r c h e r : n o n , on ne t r o u v e r a d a n s l 'h is to i re des
lois h u m a i n e s a u c u n e loi p lus pos i t ivemen t in jur ieuse
a u c h r i s t i a n i s m e , plus b l e s s a n t e p o u r un ch ré t i en sin-
c è r e , p lu s t y r a n n i q u e p o u r u n h o m m e l ibre . Sous les
e m p e r e u r s r o m a i n s m ê m e , cel te loi n 'ex is ta i t p a s : on
osa i t la p r a t i q u e r , m a i s on n ' ava i t osé l ' écr i re . C'était un
fait, u n fait : m a i s ce n ' é t a i t p a s un p r inc ipe .


V a i n e m e n t d i t -on : Cette condition est générale, appli-
cable à tous. V a i n e m e n t ajoute-t-on : Cette déclaration
est exigée sans distinction de toutes les personnes consa-
crées a l'enseignement, tant de ceux qui dépendent de
l'Université que de ceux qui n'en dépendent pas.


Je p a r l e r a i h a r d i m e n t : j ' a f f i rme q u e cela n ' e s t p a s ;
et la vér i té , à l ' insu de celui qui écr i t , m a n q u e à ses p a -
ro les . On a essayé en va in de d o n n e r à u n e telle loi ce
c a r a c t è r e d ' un ive r sa l i t é néce s sa i r e , en el l 'et, à t ou t e loi
j u s t e ; m a i s on a sent i et on sent e n c o r e qu 'e l le es t u n e
loi d ' excep t ion , u n e loi de déf iance tou te spéc i a l e , u n e
loi d ' exc lus ion , u n e vé r i t ab le loi de suspects. On a b e a u
faire , cet te loi a u r a le n o m s in i s t re q u e je v iens de lui
d o n n e r , et nu l a u t r e n o m n e lui convien t .


J e n e veux pas e n t r e r ici d a n s des c o n s i d é r a t i o n s qui
m ' e n t r a î n e r a i e n t t r op loin : jc d e m a n d e s e u l e m e n t qu ' on
m o n t r e aux C h a m b r e s l ég i s la t ives , d a n s des le t t res
écr i tes d ' a n n é e en a n n é e , depu i s les o r d o n n a n c e s de
1828, et r e v ê t u e s de s i g n a t u r e s qu i n ' a i e n t p a s é té de -
m a n d é e s d e p u i s u n an , les d é c l a r a t i o n s des professeurs
de l 'Univers i té , a t t e s t an t qu ' i l s ne font pa r t i e d ' a u c u n e
congréga t ion re l ig ieuse . Or, si on ne l'a pas fai t , il y a
eu par t ia l i té , i n jus t i ce ; c a r c 'é tai t la loi.




V E I U T A W . K É T A T D E L A Q U E S T I O N . !7


Ht je vais plus loin : q u a n d m ê m e ce t te obl igat ion
sera i t g é n é r a l e , et elle ne l 'est p a s , q u ' i m p o r t e , si elle
est mani fes tement t y r a n n i q u c et opp res s ive de la l iber té
de toutes les consc i ences? Et depu i s q u a n d l ' ex tens ion ,
l 'universa l i té m ê m e d ' une loi in ique dev iendra i t - e l l e
sa just i f icat ion?


Mais c'en est assez ; c 'en est t rop s u r ce po in t . Non-
s e u l e m e n t l 'exigence de cet te déc l a r a t i on b lesse l ' h o m m e
dans la l ibe r té de sa c o n s c i e n c e , j ' a j o u t e qu'elle blesse
le citoyen dons l'exercice de ses droits, en même temps
que le chrétien dans la dignité de sa foi.


IF


Ce droi t inquis i tor ia l , qu i t o u c h e aux deux l imi tes de
l ' o rd re spi r i tuel et t e m p o r e l , se dé t ru i t n o n - s e u l e m e n t
par ses c o n s é q u e n c e s d a n s l ' o rd re sp i r i t ue l , m a i s auss i
par ses c o n s é q u e n c e s d a n s l ' o rd re t e m p o r e l .


Je m o n t r e r a i b ien tô t q u e s'il n ' a n n u l e p a s le c h r é t i e n ,
il l 'humil ie , le t o r t u r e , le s u s p e c t e ; et je n ie b o r n e à
m o n t r e r en ce m o m e n t qu ' i l a n n u l e le c i t o y e n , qu ' i l
met au pr ix d 'un s e r m e n t re l ig ieux le dro i t de c i t é , le
droi t do p ropr i é t é , le dro i t de d o m i c i l e , et devient pa r
là une nouve l le espèce de t y r a n n i e j u squ ' i c i à p e u p rès
i nconnue d a n s l 'h i s to i re des t y r a n n i e s h u m a i n e s .


Ma i s , avan t t o u t , cet te exigence est i n c o n s t i t u t i o n -
ne l l e , ca r tous les citoyens sont égaux devant la loi:
c'est la Char te : et v o u s , v o u s é tabl issez u n e c lasse
d ' i lotes et de p roscr i t s .


Celte exigence est incons t i tu t ionne l le , ca r tous les ci-
toyens sont aptes a tous les emplois : c 'est e n c o r e la
C h a r t e ; et v o u s , vous faites dépendre , l ' exercice de ce




18 D E S A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S ,


d r o i t , qu i es t f o r m e l , d ' u n e condi t ion qu i n o n - s e u l e -
m e n t n ' e s t p a s d a n s la C h a r t e , ma i s qui est fo rmel le -
m e n t c o n t r a i r e à l ' espr i t et à la le t t re de la C h a r t e .


Cette ex igence est i n c o n s t i t u t i o n n e l l e , ca r les cul tes
son t l i b r e s , les consc iences l ib res : c 'est l ' e sp r i t , c 'est
la le t t re de la Cha r t e . Et v o u s , a p r è s avoir i n t e r rogé m a
consc i ence , v o u s e n c h a î n e z m a rel igion, vous m e c o n -
traignez à en ê t r e le d é n o n c i a t e u r ; ca r vous exigez que
je d é n o n c e à ceux qu i le c o n d a m n e n t le l'or i n t é r i eu r
d e la vie re l ig ieuse et évangé l ique .


Cette ex igence est i ncons t i tu t ionne l l e ; ca r en f in , ce
qu i n 'es t pas a u t o r i s é , ce qu i n 'es t p a s l éga l emen t r e -
c o n n u , n ' e s t p a s p o u r cela illégal el illicite. Q u o i ! n o u s
s o m m e s u n peup le l i b r e ! et un p r inc ipe é lornol , m ê m e
chez les p e u p l e s qu i n e le son t p a s , s a u v e des a t te in tes
de la loi t o u t ce q u i n ' e s t p a s d é f e n d u ! EU bien ! la
C h a r t e ne défend p a s , ne peu t p a s défendre la vie re l i -
g i e u s e ; elle ne lui d o n n e pas l ' exis tence pol i t ique et
légale des c o r p o r a t i o n s a u t o r i s é e s , m a i s elle n e lui r e -
fuse p a s la l ibe r té !


Mais , d i t -on , il y a d'autres lois que la Charte qui la
refusent.


Je le nie : je ne suis p a s le seul à le nier . M. Héber t ,
un des r e p r é s e n t a n t s les p lus é m i n e n t s de l ' au to r i t é j u -
d i c i a i r e , vient de c o n v e n i r l u i - m ê m e qu'i l y a lieu à
controverse sérieuse. Mais il n ' e s t p a s ques t ion de
sc ience : le bon sens et la b o n n e foi la p lus vu lga i re
suffisent. Qui n e sai t q u e ces lois son t d ' une é p o q u e de
s a n g ? Qui n e voit qu 'e l les on t é té ab rogées p a r in
C h a r t e ? l in i l lus t re publ ic i s tc a c ru devoir d é m o n t r e r
q u e la p lus od i euse des t y r a n n i e s est la t y rann ie des
lois in jus tes ; il a eu ic dro i t d ' éc r i re :




VÉRITABLE É T A T DE L A y C E S T ION. 19


u Dans no i re pays , il n ' y a p a s u n e seu le q u e s t i o n
« simple, et légi t ime, p a s u n s e n t i m e n t n a t u r e l qu i n ' a i t
« été l 'objet d ' une loi péna l e , p a s un devoi r don t u n e
« loi n 'a i t p roh ibé l ' a c c o m p l i s s e m e n t , p a s u n e t r a h i s o n
<; q u e la loi n ' a i t s a l a r i ée , p a s u n forfait q u ' u n e loi n ' a i t
'i o r d o n n é '. »


Voilà ce q u e M. Benjamin Cons t an t écr iva i t il y a
q u e l q u e s a n n é e s ; a v a n t l u i , Tac i te avai t dit : Corrup-
tissima respublica , plurinue leyes : cl voilà les lois q u e
vous voulez faire r e v i v r e , au m é p r i s de la Cha r t e qu i
les ab roge ! au m é p r i s de la l i be r t é de c o n s c i e n c e qui les
r e p o u s s e , a u m é p r i s tic tou tes les l i b e r t é s , d e fous les
droi ts po l i t iques et re l ig ieux du p a y s ! Gela ne s e p e u t p a s .


Mais en lin ces lois ex is ten t . Je le n ie . Les p lu s s a v a n t s ,
les p lus cé lèbres j u r i s c o n s u l t e s le n i e n t c o m m e m o i .


1° Est-ce la loi de 90 ? Celle loi ne reconnaît pins, il es t
vrai , de vouer rnonasli<[ucs ; elle supprime l ' é ta t légal des
co rpora t ions re l ig ieuses ; elle déc l a r e q u e les re l ig ieux
pourront, s ' ils le v e u l e n t , sortir de l e u r s m o n a s t è r e s :
r i en de p lus . C'était u n e loi de l i b e r t é ; elle o u v r a i t les
couven t s , et délierait les victimes cloîtrées ; du r e s t e ,
nul le p rosc r ip t ion , nu l le p roh ib i t i on , nul le péna l i t é .


2° Es t -ce la loi de 92? Elle p u n i t , comme délit contre
la sûreté ijénérale, c ' e s t - à -d i r e p a r la pe ine de m o r t , le
port du costume ecc lés ias t ique o u re l ig ieux . Ce n ' e s t
point coite loi de t e r r eu r q u ' o n veu t a p p l i q u e r .


3° Est-ce le déc re t d u 3 m e s s i d o r an x n ? Ce déc re t se
iijière aux; lois p r é c é d e n t e s : ces lois son t s a n s force ;
ce décret ne peu t en avoir d a v a n t a g e . Ce décre t est l ' ac te
d 'un h o m m e eu co lè re : il est n o t o i r e qu ' i l t o m b a en


1 31. Benjamin Constant , lii!ih:.eions S M C les consiitulinns.




DK S A S S O C I A T I O N S Ii E L I G 1 E U S E S .


d é s u é t u d e auss i tô t q u e r e n d u . Il est c o n t r a d i c t o i r e d a n s
ses t e r m e s , n e saisi t a u c u n e ju r id ic t ion : il es t i n e x é c u -
table , s a n s péna l i t é , n i s a n c t i o n . Le Code peinai l ' ab ro -
gea. La voie extraordinaire d o n t il par le est s o u v e r a i n e -
m e n t i n c o m p a t i b l e avec Ja l iber té de c o n s c i e n c e , de
cul te et d e domic i l e .


Vous les ferez r e c o n d u i r e p a r la g e n d a r m e r i e d a n s
l eu r d i o c è s e ! Et si l e u r é v o q u e leur d o n n e leur exeal?
Et si hu i t j o u r s a p r è s , ils r e v i e n n e n t h a b i t e r l eu r d o m i -
c i l e , l e u r p r o p r i é t é c o m m u n e , q u ' e n f e r ez -vous? vous
r e c o m m e n c e r e z ! Et s'ils r e c o m m e n c e n t , r e c o m m e n c e -
r e z - v o u s t o u j o u r s ? Quel le t h é o r i e et que l l e l i b e r t é !


4° Es t - ce le Code p é n a l , a r t . 210 et s u i v a n t s , et la loi
d u 10 avri l 1834 s u r les a s s o c i a t i o n s ?


Im poss ib l e d ' a p p l i q u e r ces lois a u x cong réga t i on s re-
l ig ieuses . Ces lois p u n i s s e n t les r é u n i o n s de p e r s o n n e s
qu i s ' a s s e m b l e n t de d ivers l i eux et de d ivers domic i les ,
à ce r t a in s j o u r s ; e l les e x c e p t e n t formellement les p e r -
s o n n e s domic i l iées d a n s u n e m ê m e m a i s o n : tels son t
les re l ig ieux. L e u r toit les c o u v r e , la C h a r t e les p ro tège :
la i ssez- les d o n c eu pa ix . Il n ' y a p a s de loi.


Eh b i e n ! n o u s en ferons u n e . Vous ne la ferez pas .
Vous n e p o u v e z violer la C h a r t e , violer la l i be r t é de
c o n s c i e n c e , v io l e r le dro i t de p r o p r i é t é , violer le droi t
de domic i le : et p o u r q u o i , s'il vous p la î t? f o u r r é t r o -
g r a d e r a u x p lus m a u v a i s j o u r s ; p o u r obé i r à des cris
de h a i n e , à des f r ayeu r s s t u p i d e s . Quoi q u e vous fas-
s i ez , ces h o m m e s r é u n i s son t p r o p r i é t a i r e s ; ils sont
c i toyens d o m i c i l i é s ; ils p o s s è d e n t en c o m m u n et p a r
i n d i v i s ; ils son t chez eux . Effacez les lois s u r la p r o -
p r i é t é et s u r le dro i t d 'en u s e r c o m m e il plaî t : et q u a n d
vous aur iez effacé tout ce qui vous g ê n e , q u a n d vous




V E R I T A B L E É T A T D E L A Q U E S T I O N . 21


aur iez d ressé en 1845 ces labiés de p r o s c r i p t i o n , v o u s
n ' aur iez r ien fait. 11 y a u r a t o u j o u r s q u e l q u e c h o s e de
supé r i eu r à quo i v o u s n ' a u r e z p a s t o u c h é , qui d o m i n e
l 'opinion el vo t re pouvo i r : c 'es t le dro i t i m p r e s c r i p t i b l e
de la re l igion , de la l iber té et de la v e r t u ! Ces s a in t e s
choses p e u v e n t ê t re o p p r i m é e s , j a m a i s v a i n c u e s . Déc i -
dez-vous d o n c p lu tô t à r e s p e c t e r ce qu i es t licite d a n s
la consc ience l ib re : il y a là u n p r inc ipe s a c r é , u n e
idée tu té la i rc cl invio lable ; il y a là u n i n t e r m é d i a i r e
essentiel en l re ce q u e Ja loi défend et ce qu 'e l le a u t o -
rise, à savoi r ce qui est licite, et q u e la loi ignore .


Une associa t ion re l ig ieuse se ra é t e r n e l l e m e n t un fait
de consc ience don t on n e p o u r r a j a m a i s d é n a t u r e r le
c a r a c t è r e .


Vous pouvez d i re : T o u t e a s soc ia t ion non a u t o r i s é e
ne j ou i r a , c o m m e assoc ia t ion , d ' a u c u n droi t civil ou
po l i t ique , d ' a u c u n b ienfa i t , d ' a u c u n e p ro tec t ion e x t é -
rieure : cela se conço i t ; m a i s faire de cet te au to r i s a t i on
la condi t ion m ê m e de la vie et de l ' ex i s tence sp i r i tue l le ,
la condi t ion des v œ u x , la cond i t i on des ve r tu s , la c o n -
dition n é c e s s a i r e de la per fec t ion évangé l i que , ce sera i t
une déra i son . Y a jouter u n e péna l i t é , ce se ra i t la p lus
violente des t y r a n n i e s . L ' a u t o r i s a t i o n de l 'Église e l l e -
m ê m e n 'es t p a s n é c e s s a i r e : il y a des a s s o c i a t i o n s r e -
ligieuses non a p p r o u v é e s p a r e l l e , d o n t l ' ex i s tence es t
pa r fa i t ement légi t ime , q u o i q u ' e l l e s ne so ient p a s c a n o -
n i q u e m e n t é r igées .


Aux m e m b r e s des a s soc ia t ions non a u t o r i s é e s v o u s
ne pouvez d e m a n d e r q u ' u n e c h o s e : s'il es t un seul d e -
voir d ' h o m m e et de c i toyen a u q u e l ils m a n q u e n t . Au
delà, vous ne pouvez rien.


Cer tes , le r a p p o r t e u r de la loi de 1837, d o n t j e su is




22 D E S A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S .


heureux , de r e t r o u v e r ici le l angage , avai t d ' au t r e s pen -
sées lo r squ ' i l d isa i t : « La loi n ' e s t faite n i p o u r l c s p r ê -
« t r è s , n i c o n t r e les p r ê t r e s ; n o u s n ' a v o n s voulu c r ée r
« ni p r iv i l èges , ni i ncapac i t é s . Le m o n o p o l e , l 'exclusion,
« se ra i t u n funeste a n a c h r o n i s m e . Dans le p r ê t r e n o u s
« n e v o y o n s q u e le c i toyen , et n o u s lui a c c o r d o n s les
« dro i t s q u e la loi d o n n e aux c i toyens . Jtien de p lus ,
« m a i s r i en de m o i n s . Mous n ' a v o n s poin t affaire dans
« n o t r e loi à des cong réga t i ons . »


Kl II. Dubo i s , de la Lo i r e - In fé r i eu re , a joutai t , en d é -
fendan t le pro je t de la c o m m i s s i o n et d u g o u v e r n e -
m e n t : « Nous n ' a v o n s p a s p e n s é qu ' i l convîn t d 'al ler
H c h e r c h e r les p r inc ipes de n o t r e loi d a n s les lois tern-
it p o r a i r e s , d ' excep t ion , et p o u r la p l u p a r t du loups de
« vengeance, qu i n ' a t t e s t en t q u e des jours de colère. »


« Il n e faut p a s , disait e n c o r e un h o n o r a b l e m a g i s -
« t r a t , M. de Goihé ry , q u e d a n s u n e loi nous ven ions
« é tab l i r l ' i n to l é r ance , ni c r é e r des p e r s é c u t i o n s d a n s
« un sens c o n t r a i r e à Scelles don t nous n o u s s o m m e s
« p la in t s si l o n g t e m p s ; il n e faut p a s que la loi d e s -
« c e n d e d a n s la consc ience d u c i toyen ; elle ne peut
« s ' a t t a c h e r qu ' à ses ac tes e x t é r i e u r s , elle ne peut sa i -
« sir q u e ses ac t i ons , et j a m a i s sa pensée . »


On est a insi r a m e n é à dire q u e , s o u s q u e l q u e face
q u ' o n l ' env isage , cet te d i spos i t ion n ' e s t a u t r e chose q u e
l ' é t ab l i s s emen t d ' une t y r a n n i e pol i t ique et re l igieuse.
C'est, c o m m e on l'a t r è s - j u s t e m e n t o b s e r v é , l ' od ieuse
fo rmal i t é du test recuei l l i d a n s le nauf rage de l ' in lo lé -
r a n c e angla ise . Le test ang la i s est l ' image exac t e , l 'o r i -
g ina l , le type de la déc la ra t ion qu 'on uni t exiger des
re l ig ieux p a r m i n o u s : o u i , ce s e r m e n t odieux, q u e le
b o n sens angla is l u i - m ê m e et la jus t ice du p a r l e m e n t




V É R I T A B L E É T A T UK L A Q U E S T I O N , n


b r i t a n n i q u e ou l i î é l r i et s u p p r i m é ; ce s e r m e n t , qu i in te r -
disait ies fonct ions civiles et les bénéf ices de la pa t r i e ,
à q u i c o n q u e déc l a ra i t qu ' i l avai t le m a l h e u r d ' ê t r e ca -
thol ique , est le modè l e do cel le loi qu i f rappe p a r m i
nous d ' i n t e rd ic t ion et d ' i ncapac i t é q u i c o n q u e d é c l a r e
qu'i l est religieux.


L'effet des deux déc la ra t ions est i d e n t i q u e , à l ' é t en d u e
p r è s de l ' i n te rd ic t ion ; ma i s l ' in te rd ic t ion a d a n s les deux
cas le m ê m e pr inc ipe cl des c o n s é q u e n c e s s emb lab l e s .


Jurez q u e v o u s n ' ê t e s pas c a t h o l i q u e , et la loi vous
r econna î t tous les droi ts du c i toyen ang la i s . Déclarez ,
affirmez, jurez q u e vous n ' ê t e s pas re l ig ieux , b é n é d i c -
t in , j é s u i t e , domin ica in , capuc in ou a u t r e , et la loi v o u s
r e c o n n a î t s ans res t r ic t ion tous les dro i t s du ci toyen
f rançais .


Qu 'on me m o n t r e donc une différence. P o u r m o i , je
n 'en vois q u ' u n e , c'est q u e l 'Angleterre a g l o r i e u s e m e n t
désavoué son an t ique et fatale i n t o l é r a n c e , et q u e l 'on
p ré t end la r e s t a u r e r en F r a n c e , en plein x ix c s iècle.


Mais, au m o i n s , avouez- le de b o n n e foi , ayez le c o u -
rage et la f ranchise de vos ac t e s , et ne venez pas d i ss i -
m u l e r sous des formes a d o u c i e s ies exigences les plus
t y r a n n i q u e s . Cer tes , j e n e veux pas faire ici u n e c o m -
pa ra i son o d i e u s e ; m a i s enfin, a u x j o u r s d e s a n c i e n n e s
pe r sécu t ions , v a i n e m e n t les c h r é t i e n s r éponda ien t - i l s
c o m m e a u j o u r d ' h u i : « Je su i s ch ré t i en , m a i s je r e s -
pecte César , j e r e spec te les ins t i tu t ions de m o n p a y s ,
j ' o b é i s a u x l o i s , je p a y e à m a pa i r i e le t r i bu t de m e s
services cl de m o n s a n g ; vous n ' avez pas de so lda ts
p lus dévoués q u e n o u s et les no i re s , p a s de m a g i s t r a t s
p lus in tègres ni de sujets p lu s fidèles. » Q u a n d ils
avaient ainsi r é p o n d u , Tra jan l u i - m ê m e ies chas sa i t de




•>¡ D E S A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S .


l eu r s m a i s o n s , les envoya i t à l 'exil ou à la m o r t , et J u -
lien l e u r i n t e rd i s a i t l ' en t r ée des écoles .


C'est assez , j ' a i t r o p r a i son ; o u i , l ' exigence de cette
d é c l a r a t i o n a n n u l e le c i toyen d a n s l ' exerc ice de ses
d ro i t s , en m ê m e t e m p s qu 'e l le b le s se l ' h o m m e d a n s la
l iber té de sa c o n s c i e n c e , et le chrétien dans la dignité
de sa foi, c o m m e n o u s a l lons le voir .


111


J 'a i beso in ici de r a p p e l e r les g r a n d s p r inc ipes du
ch r i s t i an i sme . De sa n a t u r e , la foi en Dieu e s t , c o m m e
Dieu l u i - m ê m e , sans l imi tes , et l 'Évangile a d o n n é u n e
j u s t e cl nob le c a r r i è r e a u c œ u r h u m a i n , q u a n d , au delà
des p r é c e p t e s i m p o s é s à t o u s , il a p lacé les consei ls de
la per fec t ion re l ig ieuse , d o n t l ' hor izon [dus é t e n d u a p -
pelle les plus g é n é r e u x et les p lus dévoués .


Or, t an t q u e cet te perfect ion re l ig ieuse est m a règle
de c o n d u i t e p e r s o n n e l l e ; t an t qu 'e l le n'affecte q u e m a
vie sp i r i tue l le et i n t i m e , laissant en moi tout entier a
lui-même et à ses devoirs l'homme et le citoyen, nu l p o u -
vo i r h u m a i n n ' a d ro i t d ' e n q u ê t e , de rév is ion , de c r i -
t ique , et, à p l u s forte r a i son , de r é p r e s s i o n et d ' in t imi -
da t ion s u r ce d ro i t n a t u r e l et d i v i n : p a r cet invincib le
motif q u e n u l n ' a le d ro i t d e se p l ace r en t re Dieu et
m o i , et qu ' i l n 'es t p a s p l u s p e r m i s ni poss ib le de d é -
poui l le r l ' h o m m e de sa l iber té i n t é r i e u r e q u e de son â m e .
La c o n t r a d i c t i o n de ces p r inc ipes sera i t la con t rad ic t ion
m ê m e d a n s les i dées , et l ' a b s u r d i t é dans les t e r m e s .


Eh bien ! voilà ce q u e vous faites q u a n d v o u s venez
in t e r roge r m a consc ience re l ig ieuse , j u g e r m a s i tua t ion




V É R I T A B L E É T A T D E L A Q U E S T I O N . 25


spir i tuel le , la cons t a t e r , la c r i t i que r , p o u r modif ier et
d iminuer m a s i tua t ion civi le .


Ou il n 'y a p a s d ' idée c la i re a u m o n d e , ou il es t c la ir
ici que la société t empore l l e envah i t la société sp i r i tue l le .


Et que l les en son t p o u r moi les c o n s é q u e n c e s , s'il
vous p la î t ? C'est q u e m a l ibe r t é e x t é r i e u r e d i m i n u e en
p r o p o r t i o n de l 'usage licite et h o n n ê t e q u e je fais de ma
l iber té i n t é r i eu re . Vous m e pun i s sez p a r u n e susp i c ion ,
p a r u n e déf iance, pa r des r e s t r i c t i o n s civiles od ieuses .
Eh bien ! je le déc la re e n c o r e avec tou te l ' énerg ie do n t
je suis c a p a b l e , c 'est là u n e i n to l é r ab l e in just ice . Je n ' a i
ni l ' h o n n e u r , ni le b o n h e u r d ' ê l r e m e m b r e d ' u n e c o n -
grégat ion r e l i g i e u s e ; m a i s c o m m e ch ré t i en , c o m m e
p rê t r e , je suis p r o f o n d é m e n t b les sé de i ' é l range h u m i -
l iat ion, et p a r sui te de la g r a v e a t t e in te q u e vous faites
subi r à m a rel igion et à ma foi.


P o u r a t t é n u e r l 'od ieux d ' u n e c o m p a r a i s o n t rop j u s t e ,
je faisais tout à l ' heu re une va ine d is t inc t ion e n t r e le
chré t ien et le re l ig ieux.


Qu'es t -ce q u ' u n re l ig ieux? Au fond et d a n s le v r a i ,
un re l ig ieux est ch ré t i en a u m ê m e t i t re q u e v o u s et
moi , ni p lus ni m o i n s . Ses v œ u x ne l'ont q u ' a j o u t e r
p o u r lui des ob l iga t ions v o l o n t a i r e s p e r s o n n e l l e s , m a i s
tou jours , r e m a r q u e z - l e b i en , d a n s les l imi tes de n o i r e
c o m m u n e c r o y a n c e : ob l iga t ions qu ' i l es t l ibre de s ' im-
p o s e r , c o m m e je suis , c o m m e v o u s êtes l ibre de v o u s
en abs ten i r .


Vous vous en tenez aux devoi rs i m p é r i e u x du c h r i s -
t i a n i s m e : l ibre à v o u s ; il y a joute des v œ u x de rel igion :
l ibre à lui . Cela ne c h a n g e r i en à la foi, ni à la loi ; ni
p o u r v o u s , ni p o u r lui . Que lui v o u l e z - v o u s d o n c ? et
p o u r q u o i le p o u r s u i v e z - v o u s ?




26 D E S ASSOCIATIONS il E E 1 G I E U S E S .


Cer tes , d a n s la r e l ig ion qui est le d é v o ù m e n i à Dieu,
l ' ho r izon est infini : il y a p lace p o u r lous ; et il doi t
ê t r e p e r m i s aux p lu s va i l lan ts de c o u r i r au l ieu de m a r -
c h e r ; et nu l n 'a d ro i t , p a s m ê m e un p o u v o i r absolu , de
ven i r étouffer d a n s les â m e s les g é n é r e u s e s et sa in tes
i n s p i r a t i o n s qui les p o r t e n t à la perfect ion du ch r i s t i a -
n i s m e .


Et je pr ie q u e l 'on fasse e n c o r e cel te r e m a r q u e : la
différence en Ire Je c h r é t i e n e t le re l ig ieux n ' e s t q u e d e -
van t Dieu ; a u d e h o r s il n 'y en a p a s ; nu l ne la sai t , et
s u r t o u t la loi h u m a i n e l ' ignore p r o f o n d é m e n t . Elle n 'es t
p a s consu l t ée ; elle n ' e s t p a s i n v o q u é e , elle ne peu t pas
l ' ê t r e ; elle ne p ro tège p a s , elle ne pun i t p a s , elle ne
c o n n a î t p a s , elle i gnore .


Q u a n d d o n c on p r o p o s e p a r u n e loi d ' exc lu re les re l i -
g ieux , en tan t que re l ig ieux, d 'un d ro i t qui l eu r a p p a r -
t i en t en tant q u e c i toyens , et q u ' o n ne l e u r refuse p a s ,
d i t - on , en t an t q u e chré-liens , q u e fa i t -on? (le q u ' o n
fait ! u n e c h o s e r id i cu le d'à b o n i , pu is od ieuse et impie :
on sc inde le c h r é t i e n en d e u x , l 'Évangi le en d e u x .


P o u r l ' un , l o r s q u e les l imi tes de sa re l ig ion sont b i en
c o n s t a t é e s , lo r squ ' i l est b ien avé ré qu ' i l ne s 'est lié par
a u c u n e n g a g e m e n t i n t i m e e n v e r s Dieu et les consei ls
ëvangé l i ques , il est a d m i s à lous les d ro i t s du c i toyen,
il p e u t l i v r e en pa ix d a n s sa m a i s o n ; sa consc i ence est
r e c o n n u e en règle d e v a n t Dieu et devan t l 'État .


P o u r le second , p o u r celui qui se sent por té à la p ra -
t ique des conse i l s ëvangé l i ques , c ' e s t - à - d i r e à qui Dieu
in sp i r e Ja p e n s é e d ' a jou te r a u x e n g a g e m e n t s c o m m u n s
à tous les c h r é t i e n s les v œ u x de perfect ion re l ig ieuse ,
p o u r ce lu i - là , la loi l ' a r r ê t e et lui dit : Déclarez-moi qu i
v o u s êtes a u fond de vo t re consc i ence . Si vous êtes p lus




V E R I T A B L E É T A T D E L A Q l ' E S T ION


q u ' u n s imple ch ré t i en , q u ' u n s imple p r ê t r e ; si v o u s êtes
u n religieux, r e t i r e z - v o u s , j e v o u s b a n n i s d e vo t r e p r o p r e
d e m e u r e . Je veux bien qu 'on soit c h r é t i e n , q u ' o n soit
p r ê l r e , m a i s j u s q u ' à u n c e r t a in degré de p e r f e c t i o n s e u -
l e m e n t : q u i c o n q u e l e d é p a s s e , c e s s e à- nies yeux d 'ê t re
un c i t oyen ; p u i s q u ' a u m é p r i s de t o u t e s l e s e b o s c s d e
la t e r r e , il ne se p r o p o s e q u ' u n e p a i r i e cé les ie , i l est
jus te qu ' i l n e j o u i s s e p a s de l a s i enne d a n s ce m o n d e ,
ou c e sera sous t o u t e s les cond i t i ons et avec t ou t e s les
l es ' r i c l ions (jue je jugera i bon de lui i m p o s e r : on


p o u r r a lui faire g r âce , m a i s de l ' a i r s e u l e m e n t qu ' i l r e s -
pire ; ii p o u r r a c o n t e m p l e r à lois i r , et e n c o r e tant q u e
la loi le t r o u v e r a à p r o p o s : en u n m o l , la pa i r i e se ra
p o u r lui ce q u ' e l l e doit ê t r e , u n p i e d - à - t e r r e , ma i s n o n
p lus l e sol n a t a l , l a famil le , le d ro i t de la ci té , le dro i t
d u domici le , le droi t de la n a t u r e ; la pa i r i e n ' es t pas


faite p o u r les c h r é t i e n s parfa i t s , ils en ont u n e a u t r e .


C'est ainsi q u e la loi se déc l a r e le n i v e a u de la p e r f e c -
t i o n évangé l ique , et devient u n e éche l le o b l i g é e -de p r o -
p o r t i o n e n t r e l e c h r é t i e n et le c i toyen. La l o i d i v i n e e t
la loi h u m a i n e sont en p r é s e n c e , et de m ê m e taille. Qui
q u e vous soyez, n ' i m p o r t e : le n i v e a u de la loi h u m a i n e
sau ra b ien vous a l l e i nd t c e t vous m e s u r e r : sous c e
niveau , q u a n d le ch ré t i en m o n i e , le c i toyen ba i s se ; il
faut chois i r en t re la foi ou la loi. Si v o u s préférez la foi


cl. ses per fec t ions , la loi ne v o u s fait p a s g r âce de ses
exclus ions . E l l e vous p a r d o n n e d ' avo i r p r i s les engage -
men t s du b a p t ê m e ; e l l e t o lè re les e n g a g e m e n t s du sa-
ce rdoce sécul ier ; mais les v œ u x d e re l ig ion, de p a u -
v r e t é , e t d ' o b é i s s a n c e devan t D i e u , elle n e vous les
p a r d o n n e p a s ; v o u s ne p o u v e z p lus h a b i t e r ni avec vos
amis , n i d a n s v o i r e m a i s o n .




28 DES A S S O C I A T I O N S R E I . 1 G ) E l ' S E S .


Mais, n o u s d i l -on :


Peut-on se poser en victime quand on est frappé d 'une
incapacité par sa p ropre volonté? Celui ([ai se l'ait, n a tu r a -
liser en pays é t ranger perd la qual i té de França is , et il est
à cet égard dans la même situation que ceux qui ont été
pr ivés de l 'exercice et de la jouissance des droi ts civils,
pour des erimes-ou des délits.


Ces p a r o l e s on t é té p r o n o n c é e s à la C h a m b r e des
P a i r s ; et m a l g r é le r e s p e c t q u e je professe p o u i i ' h o m m e
v é n é r a b l e de la b o u c h e d u q u e l elles son t sor t i es , je ne
pu i s m ' e m p ê c h e r de g é m i r en v o \ a n l sa rel igion s u r -
p r i se à ce po in t p a r la p r é o c c u p a t i o n po l i t ique . Cer tes ,
q u a n d je m e fais n a t u r a l i s e r q u e l q u e p a r t s u r la t e r r e ,
j e r e n o n c e à m a p r e m i è r e p a t r i e ; j ' e n a d o p t e u n e s e -
c o n d e ; j ' a c q u i e r s des d r o i t s ; je c o n t r a c t e des ob l iga-
t ions qui e n t r a î n e n t la r e n o n c i a t i o n essent ie l le aux
droi ts et aux obl iga t ions do la pa t r i e . Q u a n d je m e fais
n a t u r a l i s e r Anglais , I ta l ien , Russe ou P rus s i en , il est.
év iden t q u e je cesse et q u e je veux cesse r d 'ê t re F ran-
çais . Mais q u a n d je m e fais re l ig ieux c a t h o l i q u e , il n 'y a
r i en de semblable- , je n e r e n o n c e p a s à ma p a t r i e ; je
n ' a b d i q u e ni m e s d ro i t s ni mes devo i r s de c i toyen : il
n 'y a p a s u n e des obl iga t ions de la p a t r i e q u e je ne
p u i s s e , q u e je n e veui l le accompl i r .


Montrez-moi une obligation civile (quelconque, mon-
trez-moi une charge publique, montrez-moi un devoir
de citoyen qui, aux yeux de la loi, soit incompatible avec
les vœux intérieurs de religion : j e vous en défie.


Eh bien ! t a n t q u ' o n n e l ' au ra pas fait, j e suis en dro i t
de d é c l a r e r n o n - s e u l e m e n t q u ' u n e telle exc lus ion b lesse
l ' h o m m e d a n s la l ibe r té de sa consc i ence , a n n u l e , ou au
m o i n s d i m i n u e le c i toyen d a n s l ' exerc ice de ses d ro i t s ,




VËHITARt.K KTAT 1>K LA QUESTION.


niais humil ie ic chré t i en d a n s sa foi, et n ' e s t q u ' u n e
gross iè re injure faite à la perfect ion évangol ique .


Mais, n o u s d i t -on , vous vous associez-, vous obéissez
à un chef étranger, contrairement à la. loi française.


Voilà la g r a n d e objec t ion , celle don t on p r é t e n d n o u s
accab le r : eh b i e n ! je l ' accep te d a n s t ou t e sa force. Je
me félicite m ê m e q u ' o n m ' a i t d o n n é occas ion d'y r é -
p o n d r e . 11 est bon d ' a b o r d e r le fan tôme et d 'en d i s s i -
pe r ic pres t ige . — Je in associe, d i tes -vous , « un chef
étranger. Qu ' en l emlez -vous p a r l à , et q u e p ré t endez -
vous en conc lu r e ?


Quan t à moi , m e s p r é t e n t i o n s sont s imp le s , et m e s
droi t s ce r ta ins ici c o m m e m e s devo i r s . J ' obé i s à u n
chef é t r a n g e r d a n s t o u t e s les choses où je n e dois
d 'obé i s sance à nu l a u t r e ; de quo i se p la in t -on? J e m ' a s -
socie à un chef é t r a n g e r d a n s tou tes les c h o s e s où toutes
les lois divines et h u m a i n e s m e l a i s sen t le droi t de m ' a s -
socier à qui j e veux s u r la t e r r e : q u ' a - t - o n à m e di re?


Mais en vér i té , où en s o m m e s - n o u s ? Est-ce qu' i l n 'y
a pas é v i d e m m e n t d a n s l ' âme h u m a i n e , d a n s l ' in te l l i -
g e n c e , d a n s le c œ u r , d a n s la c o n s c i e n c e , u n o r d r e de
choses , de pensée s , de s e n t i m e n t s , d 'op in ions a b s o l u -
men t l ib res , d a n s l e sque l l e s je puis m ' a s s o c i e r à qu i m e
convient , s a n s q u e p e r s o n n e ait r ien à y voir : a u p a p e
ou à Mahomet , a u généra l d e s j é s u i t e s ou au p a t r i a r c h e
de M o s c o u ; à qu i m e plaît , en un m o t , s a n s q u e nu l
ail le droi t n i de s'en in fo rmer , ni de s 'en p l a i n d r e ?


Mais il y a ici q u e l q u e c h o s e de p lus g r a v e , et je vais
droi t au fait. J 'a i dit q u e l 'on por ta i t a t t e in te à la foi ;
cela n 'est- i l pas mani fes te ici? Q u a n d vous me défen-
dez, comme contraire aux lois françaises, de d e m e u r e r
associé cl d 'obé i r à un chef é t r a n g e r , n e me c o n d a m -




30 D E S A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S .


u c z - v o u s p a s au s c h i s m e ? ne m e dé fendez-vous p a s
d ' ê î r c c a t h o l i q u e ? Avez-vous d o n c o u b l i é q u e le p o n -
tife de cette sage et profonde Église romaine est un chef
é t r a n g e r , q u e j e lui suis a s soc i é , q u e je lui obéis d ' e s -
p r i t et de c œ u r ?


Avez-vous oubl ié q u e Henr i VIII n e faisait pas d ' au t r e s
r e p r o c h e s a u x c a t h o l i q u e s ang la i s , en les e n v o y a n t à
l ' é c h a u f a u d , s i n o n qu ' i l s obé i s sa i en t à un chef étran-
ger? J e le r é p è t e , il es t t e m p s d 'en finir avec les
m o t s effrayants . V a u r a - t - i l un j o u r o ù , au m é p r i s
de cette grande et belle unité catholique, à laquel le je m e
plais à r e c o n n a î t r e q u e M. T h i c r s a p l u s i e u r s fois, d a n s
son r a p p o r t , r e n d u u n éc l a t an t h o m m a g e , vous nous
d e m a n d e r e z de d é c l a r e r s i m p i e m e n l o c u ou non, si n o u s
s o m m e s assoc iés au chef étranger qu i rés ide à Home?


Qu 'on n e m e r é p o n d e p a s : Le p a p e n 'exige pas de
v o u s u n e o b é i s s a n c e abso lue . L e p a p e c o m m a n d e m ê m e
à m o n in t e l l i gence ; r ien n ' e s t p lus fort. Le généra l des
j ésu i tes n e va pas le m o i n s du m o n d e jusque- là . 11 m e
suffit de r a p p e l e r ici le g lor ieux s o u v e n i r de Féne lon , le
s o u v e n i r d o u l o u r e u x de l ' abbé de La /donnais , et la gé-
n é r e u s e o b é i s s a n c e de ses d isc ip les , pour' p r o c l a m e r
as-ez h a u t j u s q u ' o ù doi t a l ler n o t r e s o u m i s s i o n p o u r
le sa iu t - s i ége .


Mais l 'on i ra p lu s loin, et l 'on me di ra : Le pape ne
d i spose p a s de v o u s c o m m e on fait d 'un m o r t , période
ac cadaver ; il ne vous a r r a c h e p a s à vo t r e pa i r ie ; il n e
vous envo ie p a s d 'un m o t , c o m m e fait le géné ra l des
J é su i t e s , a u x C r a n d e s - I n d e s .


Les i m a g i n a t i o n s f rança i ses se sont , il le faut d i re ,
t roub lées de tout ceci plus q u e le bon sens ne le p e r -
m e t t a i t ; m a i s , i n d é p e n d a m m e n t des t e r r e u r s f an tas t i -




V É l ! I T A U E E É T A T D E I.A 0 1 E S T i O N . :}l


q n e s , il y a ou e r r e u r : tous ces c o u r a g e u x m i s s i o n n a i r e s
qui vont, au gré d ' u n e i m p u l s i o n s u b l i m e , p o r t e r les
lumiè res et la civil isat ion de l 'Évangile j u s q u ' a u x ex t r é -
mités de la t e r re , c 'est le Souvera in Pontife qu i les en -
voie. Sans dou te il les d e m a n d e a u géné ra l des Jésu i tes
c o m m e au généra l des Dominicains, c o m m e a u g é n é r a l
des Franciscains, c o m m e a u s u p é r i e u r des Missions
t'iranç/èrcs de F r a n c e ; et ce n ' e s t q u ' a p r è s avoi r c o n -
sul té l e u r voca t ion , q u e le p a p e et l eu r s s u p é r i e u r s i m -
média t s les envoient . Qu 'y a-L-il de p lus s imple au m o n d e
([ne tout ceci?


C o m m e n t ne voi t -on p a s q u e t o u t ce don t on s'effraye
tient au cho ix l ibre q u e c h a c u n p e u t faire de l 'é ta t et
des des t inées qui lui c o n v i e n n e n t ? C o m m e n t n e vo i t -on
pas q u e tout ceci l ient à la l iber té i n t ime de d i spose r
de soi à son gré en tout ce qui no nu i t p a s a u x a u t r e s ?
Chose é t range ! on peu t se m e t t r e e n t r e les m a i n s d 'un
h o m m e p o u r son service , et on n e pourrai t , p a s tout
auss i b ien s'y m e t t r e p o u r le se rv ice de Dieu ! Je qu i t t e
la F r a n c e et je p a r s p o u r les G r a n d e s I n d e s ; je va is
p a s s e r qu inze o u vingt a n n é e s a u Mexique ou au P é -
r o u ; vous ne vous informez ni des motifs qui m ' o n t d é -
c i d é , ni des o r d r e s q u e j 'ai, r e ç u s : vous faites b ien ;
vous respec tez les d ro i t s de m a l ibe r té . P o u r q u o i n e
respec ter iez-vons pas é g a l e m e n t les d ro i t s de ma l ibe r té
re l igieuse ?


Allons au fond des c h o s e s . Quels son t ici vos d ro i t s ?
quels son t les n ô t r e s ? Quels son t les d ro i t s , les lois et
les devoi rs p o u r tous? N'est- i l pas man i fes t e q u e vous
ne pouvez r ien en tout ceci? Rien , s inon des p e r s é c u -
t ions odieuses ; car , enfin, y a - l - i l des â m e s l i b r e s , o u
n'y en a-t-il p a s ? V a- t il e n c o r e des consc i ences , ou




32 DES A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S


n ' y en a- t - i l p l u s ? En un m o t , y a- t - i l q u e l q u e chose
de l ibre en m o i , en n o u s , en nos s e m b l a b l e s ? V a- t - i l ,
oui ou non, u n e soc ié té sp i r i t ue l l e? Eh b i e n ! le p lus
g r a n d m a l h e u r d e s n a t i o n s , c o m m e le p lus g rand c r i m e
des l ég i s l a t eu r s , c 'es t de la m é p r i s e r , c 'est de la p e r s é -
c u t e r , p a r c e q u e , q u a n d il n 'y a p lus r ien de l ibre
p a r m i les p e u p l e s , p a s m ê m e la consc i ence , il s'y p r é -
p a r e des exp los ions t e r r i b l e s .


Mais c 'es t assez s u r ce p o i n t ; et d i sons enfin que
ce t te ex igence si i l légi t ime d a n s son p r i nc ipe , si ind igne
d a n s ses c o n s é q u e n c e s , est en même temps si étrange
dans ses moyens, si absurde dans ses résultats, que
toutes les opinions libres en ont été révoltées, et que les
législateurs eux-mêmes en sont comme honteux et em-
barrassés.


IV


'Quand nos p ré jugés se s e r o n t évanou i s , q u a n d n o u s
a u r o n s a d o p t é t o u t e s les r a i s o n n a b l e s c o n s é q u e n c e s de
la C h a r t e , n o u s a u r o n s pe ine à c ro i re à la véri té de ce
qui se p a s s e sous nos yeux . En p le ine l iber té de c o n s -
c ience , en face du pr inc ipe qui déc l a r e t o u s les F rança i s
égaux d e v a n t la loi, et é g a l e m e n t admis s ib l e s à tons les
e m p l o i s , il n e s 'agit r i en m o i n s q u e de c rée r u n e exclu-
sion con t r e u n e ca t égor i e de F r a n ç a i s , a u x q u e l s ou n ' a
p a s d ' au t r e r e p r o c h e à fa i re , s inon q u ' o n a a r r a c h é à
l e u r consc i ence ce secret, qu'ils sont religieux catho-
liques !


Chose v r a i m e n t b i z a r r e ! p o u r tous les a u t r e s , on ne
s ' inqu iè te p a s de l eu r c r o y a n c e , de leur c u l t e , de l eu r
sec te , du p lu s ou m o i n s de perfect ion avec l aque l le ils




Y É K I Ï A I J I . K É T A T in. I.A 0 1 K S T I O N .


en suivent les p r a t i q u e s , ni de leur s i tua t ion h i é r a r -


ch ique . Voici les pa ro le s de M. T h i e r s :


Si nous demandions aux hommes : Croyez-vous telle ou
lelle chose'.' axez-vous telle foi ou telle au t re? nous bles-
serions les consciences, nous mér i ter ions les plus graves
îeproclies. Aussi voilà ce. que nous nous gardons bien de
l'aire.


Ainsi donc , je suis i s raé l i te , je suis p ro l e s t an t , je su is
templ ier , je suis l ' r a n c - m a ç o n , pn is - je profi ter de la
l iberté de consc i ence p r o c l a m é e en France"!


Sans d o u t e , si vous êtes F r a n ç a i s ; ca r tous les F r a n -
çais sont égaux d e v a n t la loi. Soyez ce qu ' i l vous p la i ra .


Mais de p l u s , s a n s v o u s r i en c a c h e r , j ' a p p a r t i e n s à
u n e secte par t i cu l iè re dans ma rel igion; je suis i s raé l i t e .
et auss i , je l ' avoue , cabnl i s te , t h a l m u d i s t e ; je su i s p r o -
tes tan t , et, p a r m i les p r o t e s t a n t s , je suis piél is lo ou
m é t h o d i s t e , a n a b a p t i s t e , q u a k e r , etc . Puis - je vivre , e n -
se igner e n F r a n c e ?


La loi n e s'y o p p o s e pas .
Je suis ibu r i é r i s t e , s a in l - s imonien , j o a n n i s t e ; j ' a p -


par t iens à la société des f r a n c s - m a ç o n s ; j e ne c ro is ni à
Jésus-Chr is t ni à son Évangi le : suis-je l ibre ?


Nous n ' a i m o n s pas les soc ié tés s ec r è t e s , m a i s n o u s
s o m m e s h e u r e u x de v o u s d i re q u e d a n s t ous ces cas la
loi ne vous exclu t p a s des bienfai ts d e l à l i be r t é .


Mais j ' a i sur l 'exis tence et la n a t u r e de Dieu, j ' a i su r
la c réa t ion et su r la l iber té h u m a i n e des op in ions à
moi : ap r è s avo i r bien e x a m i n é la ques t ion , je d o u t e de
l ' immor ta l i t é des â m e s .


Je vous p l a i n s ; m a i s la loi n ' ex igean t p o u r les "fonc-
tions de l ' en se ignemen t a u c u n e profess ion de foi r e l i -


i l . 3




O E S A S S O C I A T I O N S R E L l Gl E T S E S .


gieuse , vous n ' ê t e s p a s exclu de r e n s e i g n e m e n t , n o n
plus q u e d e s a u t r e s d ro i t s civils cl pol i t iques .


Mais je su is c a t h o l i q u e .
Ah ! ici c o m m e n c e u n e grave difficulté. Auriez-vous


p r i s d e v a n t Dieu q u e l q u e s - u n s de ces e n g a g e m e n t s s a -
crés q u e l 'Église ca tho l ique n o m m e d e s v œ u x de r e -
ligion ?


Il es t v ra i , il y a d e s e n g a g e m e n t s q u e ma foi m ' a ap-
pr i s à v é n é r e r c o m m e les p lus sa in t s et les plus p a r -
faits, et q u i m ' o b l i g e n t u un d é v o û m e n t de tout m o n
ê t re à la sanct i l ica t ion de m e s f r è r e s ; j e l é s a i p r i s : je
suis religieux catholique.


Je le r e g r e t t e ; v o u s ne pouvez p a s v ivre ainsi en
F rance . La C h a r t e d é c l a r e tous les F i a n ç a i s égaux d e -
van t la l o i ; de p l u s , elle déc la re la rel igion ca tho l ique
la re l ig ion de l ' i m m e n s e major i t é des F r a n ç a i s ; de p lus ,
les c o n s c i e n c e s son t l i b r e s , les cul tes l ib res : ma i s n o u s
a v o n s fait une excep t ion , une seu le , p a r m i tant d 'ex-
cep t ions p o s s i b l e s ; u n e excep t ion con t r e vous et con t re
les r ep r i s de jus t i ce .


Tou te l ' hab i le té de M. T b i e r s é c h o u e ici con t r e la
force m ê m e des choses . I n d é p e n d a m m e n t de toutes les
r a i s o n s invinc ib les q u e j ' a i a c c u m u l é e s , i n d é p e n d a m -
m e n t de t ou t e s les év idences qu i éc la i ren t de tous côtés
cet te q u e s t i o n , il y a là des c o n s é q u e n c e s d 'une indi-
gn i t é , d ' u n e a b s u r d i t é t e l l e , q u e toutes les op in ions
l i b re s en on t été révol tées .


E n t e n d o n s su r ce po in t un j o u r n a l p ro t e s t an t , le Se-
meur :


Sur quoi se fonde-t-ou pour refuser à ceux qui appa r -
t iennent à une congrégat ion le droit de donner r c n s H s n e -
ui'.'M, lorsqu' i ls remplissent d 'ai l leurs les autres condit ions




V É I U T A R I . K É T A T 1)10 L A Q U E S T I O N . 35


voulues par la loi? L'aflirmalion rx ï^ iV ne déte rmine pas
ее qu'il faut être, niais < e qu'il faut n'être pas. Ce n'esl plus
u n e aptitude qu'on réc lame, c'est une interdiction qu'on
Humilie...


Ia Presse dit à son t o u r : « Nous ne concevons pas cette
; exigence inquisitorialc qui impose à tous ttneobligation


ч blessante pour frapper indirectement quelques­uns. Et
« p o u r q u o i se l ) o rne ra i t ­ on là d ' a i l l e u r s ? Une fois e n ­
e t r é dans cette voie d ' inqu is i t ion légale su r les secre t s


de la Aie in t ime , p o u r q u o i se b o r n e r à cet te d é c l a r a ­
« tion ? Les congréga t ions re l ig ieuses n e sont p a s les
« seules sectes d a n g e r e u s e s , en s u p p o s a n t qu ' e l l e s le
с soient . P o u r q u o i n e d e m a n d e ­ t ­ o n p a s aux ins t i tu ­
ai l eu r s de déc la re r qu ' i l s n ' a p p a r t i e n n e n t pas à telle ou
« telle secte pol i t ique ou socia le , p r o s c r i t e auss i p a r l e s
; lois d u r o y a u m e ; qu ' i l s n e son t p a s lég i t imis tes , r é ­
« pub l î ca in s , c o m m u n i s t e s , a t h é e s s u r t o u t ? \ e voit­on
л pas jusqu'oi ' i l'on p o u r r a i t se t r o u v e r e n t r a î n é d a n s
<: ce s y s t è m e ? Et ce n ' e s t p a s t o u t : si l 'on i m p o s e cet te


déc la ra t ion aux i n s t i t u t eu r s , c o m m e n t n e l ' i m p o s e ­
••( t­on pas à ceux qui asp i r en t à t o u t e s les profess ions


dont l 'Étal survei l le l ' exerc ice ? Est­ce d o n c d a n s l 'eu­
­ se ignemen t seul q u e les m e m b r e s des assoc ia t ions ou
••: des c o n g r é g a t i o n s i l légales son t d a n g e r e u x ? »


!."n a u t r e j o u r n a l c o n s e r v a t e u r s ' expr ima i t e n c o r e
a \ e c plus de force :


<: Nous ne concevons po in t u n e te l le d i s p o s i t i o n ;
. : ' 'le est indigne de nos m œ u r s et de n o t r e t e m p s .


« C'est u n r id icu le et u n e b o n t é , d a n s un t e m p s où , à
­ force de s 'hab i l l e r l i b r e m e n t , on n e s 'habi l le p lus d é ­
'.: comment , q u e les p h i l o s o p h e s , les l ib res p e n s e u r s
:i pré t enden t i n t e rd i re la p a r o l e , et p a r c o n s é q u e n t la




30 DES A S S O C I A T I O N S I! E 1 . 1 G I E V S E S .


« pensée , à c e u x qui p o r t e n t u n e s o u t a n e au lieu de
« p o r t e r un h a b i t . C'est un r id icu le et u n e h o n t e , q u ' e n
« u n t e m p s où la F r a n c e est ouve r t e à t ous les é m e u -
« t iers , à tous les b rou i l lons , à tous les estafiers politl-
« q u e s q u e les r évo lu t ions m a n q u é e s lui envo ien t de la
« P o l o g n e , de l ' I ta l ie , de l 'Al lemagne , de l 'Espagne , elle
« n ' o s e p a s , de p e u r de b l e s se r ce qu i r e s t e de voltai-
« r i e n s , o u v r i r les p o r t e s de ses villes et les cha i r e s de
« ses c a t h é d r a l e s à de sa in t s p r ê t r e s , à de p ieux mis -
« s i o n n a i r e s , qu i v i e n d r a i e n t a p p o r t e r la pa ro l e de
« Dieu, ce t t e p r e m i è r e p i e r r e de la civi l isat ion.


« C'est u n r id icu le et u n e h o n t e q u e les ph i lo sophes
« et les l ib res p e n s e u r s ne veui l len t pas a d m e t t r e q u e
a l eu r s c o n t r a d i c t e u r s a ien t la tê te r a s é e , avec u n e
« c o u r o n n e de c h e v e u x , et , au l ieu de l eu r r é p o n d r e , ils
« c r i en t : A bas les dominicains ! Ils n e veu len t pas ad-
(i m e t t r e q u e l eu r s c o n t r a d i c t e u r s a ient u n e longue
« b a r b e , et u n e c o r d e à la c e i n t u r e , ils l eu r c r i en t : .1
« bas les capucins! Us n e veu len t p a s a d m e t t r e q u e
« l e u r s c o n t r a d i c t e u r s so ient habi l lés de d r a p no i r , et
« ils l eu r c r ien t : A bas lés jésuites ! Cependan t les p h i -
« l o s o p h e s , s'ils é t a i en t de b o n n e fo i , et s'ils voula ien t
a s ' ins t ru i re , a u l ieu de vou lo i r d o m i n e r , a d m e t t r a i e n t
« la d i s cus s ion , qu i est le f o n d e m e n t de l e u r doc t r ine ,
« que l les q u e fussent la fo rme et la c o u l e u r de l 'habi t
« de l eu r s a d v e r s a i r e s . La b a r b e ou les cheveux ne font
« r i en à l 'affaire, et la vé r i t é ne d é p e n d ni du b a r b i e r
« ni d u ta i l leur . »


Mais il y a ici u n e con t rad ic t ion et u n e absu rd i t é en-
co re p l u s r é v o l t a n t e s ; c a r enfin que l est ce s e r i n e n t qui
h o n o r e et flétrit tou t à la fois ; qu i est , selon M. Th ie r s ,
une preuve d'estime, de confiance en m ê m e t e m p s q u e




V É R I T A B L E É T A T DE L A Q U E S T I O N . 37


A'honnêletê, et c e p e n d a n t un motif d ' exc lus ion , u n e d é -
c lara t ion solennel le d ' i ncapac i t é et d ' i nd ign i t é ?


Je l'ai déjà dit à m e s l ec t eu r s : je n e su is p a s u n re l i -
gieux.


Mais de. que l dro i t m e force- t -on à r e p o u s s e r ce q u e
j ' h o n o r e ? De que l d ro i t m e fa i t -on e n t r e r dans les a r -
r i è r e -pensées de la loi ? Mais s u r t o u t de que l dro i t n e
donne- t -on d ' a u t r e effet à m a f ranch i se q u ' u n e exc lu -
sion in ju r i euse? Car, si j ' é t a i s r e l i g i e u x , m a s incé r i t é ,
m a loyauté se ra ien t m a p r o s c r i p t i o n ; j e le sa i s , et u n e
b o u c h e é loquen t e l'a p r o c l a m é : d a n s ce c a s , la pro-
scription absout. Mais de quel d ro i t p r o s c r i v e z - v o u s m a
loyau té ?


Ainsi la loi d 'un g r a n d p e u p l e l é g u e r a à l ' aven i r la
sanct ion e l l e sa lu t du m e n s o n g e , la c o n d a m n a t i o n et la
f lé t r issure d 'une loyale et r e l ig i euse f r anch i se .


Mais, d ' ap rès un p r inc ipe é t e r n e l , sua nulli sincerilas
nocere débet ; de m ê m e , nulli sua fraus patrocinari po-
test. Ce p r inc ipe , v o u s le foulez a u x p i e d s ; et r i en n e
vous coû t e p o u r p a r v e n i r à faire de la vie re l ig ieuse un
os t r ac i sme . Si on n ' es t pas re l ig ieux, on est admis ; si
on T C U I m e n t i r , on est a d m i s ; si on dit la vér i té , on est
exclu, on est ind igne .


L'usage, affirine-t-on, répond à cette objection; nous
avons toujours trouvé la vérité.


Mais l 'usage ici et la vér i té confonden t n o s a d v e r s a i -
r e s . On ne pouva i t p a s r é p o n d r e p lus s o l e n n e l l e m e n t à
toutes les ba s se s ca lomnie s d o n t n o u s s o m m e s c h a q u e
j o u r pou r su iv i s .


C'est d o n c la re l ig ion , la vér i té et la j u s t i ce q u e vo t re
loi r epousse cl déc la re ê t r e ind ignes à ses y e u x . Vous
ne pouviez m i e u x le d i re : qui donc s ' é t o n n e r a de l ' in-




D E S A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E . - - .


digna t ion soulevée p a r m i les o r g a n e s de l 'opinion pu-
b l i q u e p a r des a b s u r d i t é s si r é v o l t a n t e s ?


E n t e n d e z e n c o r e u n j o u r n a l p ro l e s t an t , CEspérann;
du 15 février 1811 : « L'affirmation qu'on demande est
« le plus singulier préservatif qu'on ait pu imaginer
« contre l'envahissement des congrégations. Eh q u o i !
« t o u t e la partie, h i s t o r i q u e de l ' exposé des motifs est
« c o n s a c r é e à r a p p e l e r c o m m e n t la socié té f rançaise
« s 'es t m i s e à l ' ab r i des ten ta t ives d ' un o r d r e f a m e u x ;
« et tout ce qu'on a su inventer pour le tenir éloigné de
« l'enseignement, c'est de faire appel ù la bonne foi de
« ses membres! On leur reproche, entre autres choses,
« de ne pas se regarder comme lies par le serment, et
« l'on n'en compte pas moins sur leur sincérité pour
« s'exclure eux-mêmes ! P o u r se déba r r a s se ) ' des j é su i t e s
« d a n s l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e , on en use e n v e r s eux à
« p e u p r è s c o m m e cet Athénien qu i n e savai t p a s éc r i r e ,
<( à l ' égard d 'Ar i s l i de , a u q u e l il d e m a n d a de c o n c o u r i r
« à son p r o p r e exil en éc r ivan t son n o m sur la coqui l le . »


La Presse d u 12 février 1811 disa i t :
« La ques t ion est de savoi r s'il est permis au îegisla-


« leur de forcer le sanctuaire de la conmem-e, ei d'im-
« poser ainsi des déclarations négatives : la ques t ion est
« de savo i r si cet te p r é c a u t i o n n e se ra i t p a s i l luso i re ,
a si cette torture morale imposée aux candidats aurait
« d'autre résultat que d'écarter les hommes loyaux et
« sincères. »


Un a u t r e j o u r n a l , t r è s - d é v o u é à la r évo lu t ion el à la
m o n a r c h i e de Ju i l l e t , s ' exp r ime su r ce sujet d a n s le
m ê m e s e n s :


« Dût l ' i n to l é rance l ibéra le en f rémir d ' é p o u v a n t e , il
« faut r e c o n n a î t r e q u e si les a s soc i a t i ons m o n a s t i q u e s




VÉB1TA1Î1 .E É T A T )iK LA Q l ' L S ï K O ?<i


« son t p r o s c r i t e s comino c o r p o r a t i o n s , l eu r s m e m b r e s
« sont l ibres et i n a t t a q u a b l e s c o m m e ind iv idus . .11 esi
« donc p robab l e qu ' i l exis te eu F r a n c e , c o m m e a u t r e -
« fois, des b é n é d i c t i n s , des o r a l o r i e n s et m ê m e des
« jésui tes . Eh bien! s u p p o s o n s qu ' i l s so ien t t e n t é s d 'en-
« t r e r d a n s l ' en se ignemen t : que l s s e r o n t c eux qu i s e -
<; ron t a r r ê t é s p a r la déc l a r a t i on? Si n o u s n o u s r a p p e -
<; Ions t o u t ce don t on a c c u s e à t o r t ou à r a i s o n les
« j é s u i t e s , la déc l a ra t ion m a n q u e r a i t s i n g u l i è r e m e n t
« son b u t , et n ' a u r a i t d ' a u t r e r é s u l t a t que d ' a s s u r e r le
c monopo le de l ' e n s e i g n e m e n t ecc lés ias t ique à ce l le - là
e; m ê m e des congréga t ions il légales qu 'e l l e a u r a i t p r i n -
<! c ipa lcment en vue d 'en éca r t e r . »


On n ' a c c u s e r a point ce j o u r n a l c o n s e r v a t e u r d ' ê t re
l ' e n n e m i de l 'Universi té . 11 la défend avec zèle c o n t r e
les r e p r o c h e s d ' i m m o r a l i t é et d ' impié té , et c e p e n d a n t
il a joute :


(i Sans dou te , il est d a n s la n a t u r e de t ou t e c o r p o r a -
n lion d 'ê t re e n v a h i s s a n t e et exclus ive ; il n e faut pas
« l à - d e s s u s faire spéc i a l emen t la g u e r r e a u x j é s u i t e s ,
(t ca r il f audra i t la faire , a u m ê m e t i t r e , à t ou t e s les
c soc i é t é s , à c o m m e n c e r p a r l a soc ié té u n i v e r s i t a i r e ,
n C e p e n d a n t , si u n e c o r p o r a t i o n est m a l p l acée p o u r
« défendre l o g i q u e m e n t ses ins t inc ts e n v a h i s s e u r s et
« exclusifs, c ' e s t l ' U n i v e r s i t é ; c a r , fondée su r la l ibe r té
« i l l imitée d é p e n s e r , elle refuse ce t t e l i b e r t é , m ê m e
(! r e s t r e in t e , a u x a u t r e s .


« Rousseau et b i en d ' au t r e s a v a i e n t p r é d i t q u e si j a -
« m a i s les p h i l o s o p h e s vena i en t à b o u t de d é t r u i r e I ' in-
(i t o l é r ance clu c l e r g é , ils la r e m p l a c e r a i e n t p a r l e u r
« in to lé rance à e u x , qui sera i t inf iniment p lus g r a n d e .


« L ' é v é n e m e n t a p r o u v é qu ' i l conna i s sa i t bien les p h i -




n D E S A S S O C I A T I O N S R E El G I E U S E S .


« l o s o p h e s ; ca r , depu i s u n demi-s ièc le , ces Messieurs
» font tou t ce qu ' i l s p e u v e n t p o u r é tou i ï e r la l iber té de
« d i scuss ion a u t o u r d ' eux . C'est d o n c à la fois, il faut
« b ien le d i r e , un r id icu le et u n e h o n t e , que l 'Universi té ,
(s fondée su r la l ibe r té de la p e n s é e , veui l le cons t i tue r
ii à son usage u n e s o r t e de t r i b u n a l d u saint-office,
« et é tab l i r à son profi t l ' inquis i t ion de la p h i l o s o p h i e ,
n a p r è s avo i r r e n v e r s é l ' inquis i t ion de la foi. »


N o n - s e u l e m e n t toutes les op in ions l ib res on t é té r é -
vol tées de cet te od i euse e x i g e n c e , niais nos l ég i s la teurs
e u x - m ê m e s en son t c o m m e h o n t e u x et e m b a r r a s s é s .


En 1836, le pro je t de loi p r é s e n t é p a r M. Guizot n 'en
par la i t p a s .


En 1837, le p ro je t de loi a m e n d é pa r la c o m m i s s i o n
de la C h a m b r e des d é p u t é s , don t é t a ien t m e m b r e s
M. Saint -Marc G i r a r d i n , M. Dubois (de la Loi re - Infé -
r i e u r e ) et M. de R é m u s a t , n ' e n par la i t pas d a v a n t a g e .


\ o n po in t q u e la ques t ion n ' e û t pas été soulevée ;
m a i s elle fut r é so lue p a r ce l te c o m m i s s i o n selon le b o n
sens et la jus t i ce .


M. Sa in t -Marc Gi ra rd in , n o m m é r a p p o r t e u r pa r cel le
c o m m i s s i o n , s ' exp r ima i t en ces t e rmes :


« Nous e n t e n d o n s p a r l e r des congréga t ions abo l ies
« p a r l 'É t a t , et q u i , si n o u s n 'y p r e n o n s g a r d e , v o n t
» e n v a h i r les écoles . Nous n ' a v o n s po in t a f fa i re , d a n s
« no t r e l o i , à des c o n g r é g a t i o n s ; n o u s avons affaire à
« des ind iv idus . Ce n e son t po in t des congréga t ions q u e
« n o u s r e c e v o n s b a c h e l i e r s ès l e t t r e s et q u e n o u s b r e v e -
« t o n s de c a p a c i t é ; ce sont des i nd iv idus . Nous ne sa -
li vous p a s , n o u s ne p o u v o n s p a s savoi r si ces ind iv idus
« font pa r t i e do congréga t ions ; c a r à quel signe les r e -
!< conna î t r e ? c o m m e n t s 'en a s s u r e r ? Q u a n d u n F r a n -




V K l U ' t ' A l i L K É T A T D E I.A Q U E S T I O N . 41


« çais , q u a n d un ci toyen âgé de vingt et un a n s se p r é -
« sente devant Je j u r y de capac i t é avec son d i p l ô m e de
« bache l i e r ès le t i res ê t e s sc iences , ou q u a n d il s e p r é -
« seule à vingt-cinq a n s d e v a n t le r e c t e u r de l 'Académie
a avec son b reve t de capac i t é et son certificat de m o -
x r a l i t é , vous pouvez vérif ier s'il a r emp l i les cond i -
« l ions imposées p a r la loi e t s'il est en r è g l e , v o u s n e
M pouvez r ien de p lus .


« P o u r in t e rd i r e auv m e m b r e s des congréga t ions re -
': ligieuses Ja profess ion de m a î t r e et d ' i n s t i t u t e u r s c -
« c o n d a i r e , s o n g e z , M e s s i e u r s , q u e de p r é c a u t i o n s il
• faudrai t p r e n d r e , q u e de fo rmal i t és i n v e n t e r ; quel
>< code traeassier et inquisitorial il faudrait faire, et ce
« code , avec tou t l ' appare i l de ses r e c h e r c h e s et de ses
« p o u r s u i t e s , songez s u r t o u t qu ' i l suffirait d 'un m e n -
» songe p o u r l ' é luder . »


Et q u a n d la ques t ion fui d é b a t t u e à la C h a m b r e ,
M. Dubois s 'écria :


« C e t t e d é c l a r a t i o n , que l le g a r a n t i e d o u n c - t - e l l e ?
(i Tou te la ques t ion est là. Elle éloigne les hommes sin-
« eères et favorise les hommes faux. C'est le mensonge
« qu'elle amène à jouir de la liberté, c'est la probité
« qu'elle éloigne. »


a Ainsi, d isa i t - i l e n c o r e , v o u s allez d e m a n d e r des
« confessions de foi, v o u s faites appe l n o n - s e u l e m e n t à
<: toutes les suscep t ib i l i t és p o l i t i q u e s , m a i s à tou tes les
« suscept ib i l i tés r e l i g i e u s e s ; vous faites comparaître
c devant vous les consciences ; et q u a n d la consc i ence
c a u r a f léchi , q u a n d on vous a u r a t r o m p é s , que l s
« m o y e n s a u r e z - v o u s de p r o u v e r q u e les d é c l a r a t i o n s
<; sont fausses? »


En 18 ' i l , le m i n i s t r e é c h a p p e à l ' e m b a r r a s d 'en p a r -




42 D E S A S S O C I A T I O N S 1! E E I (J i E S E S ,


1er, et s'il m 'es t p e r m i s de dire m a p e n s é e , je crois qu'i l
en avail, b o n n e envie : le r e spec t h u m a i n l ' a r r ê t a : le
pub l ic n ' é ta i t p a s e n c o r e p rê t .


Enfin, en 18'i3, il se déc la re : ma i s voyez son e m b a r -
r a s . M. Vil lemain dit q u e c'est un s e r m e n t ; M. Porta lis
déc la re q u e ce n ' e s t pas un se rment ; les o r d o n n a n c e s
de 1828 d isen t u n e affirmation ; le n o u v e a u p r o j e t dit
une d é c l a r a t i o n : et ce n ' es t q u ' à la major i t é s e u l e m e n t
de c inq voix con t re q u a t r e , que la c o m m i s s i o n don t
M. Th ie r s est l ' o rgane en a fait u n e condi t ion p réa lab le
de la l iber té de r e n s e i g n e m e n t : a jou le ra i - j e q u e d a n s
le r a p p o r t m ê m e , m a l g r é ton te l 'habi leté de l ' é c r i va in ,
la d é l i c a t e s s e , la g rav i t é e t les e m b a r r a s i n e x t r i c a b l e s
de cet te ques t ion se font sen t i r aux difficultés m ê m e s
de la r édac t i on et aux e m b a r r a s du langage . Et en cela
Al. T h i e r s est fort excusab l e : il y a eu déjà cinq r é d a c -
t i ons différentes du m ê m e ar t ic le a d o p t é e s et ropoussées
s u c c e s s i v e m e n t : c 'est d ' abord un s e r m e n t : puis on en
a p e u r , ce n ' en est p lus u n ; c 'est u n e s imple aff i rma-
t i o n , p u i s , u n e d é c l a r a t i o n ; ce sont d ' abo rd tou tes les
a s s o c i a t i o n s , pu i s s e u l e m e n t les c o n g r é g a t i o n s , pu i s les
o r d r e s re l ig ieux , puis les v œ u x s imples , pu i s les v œ u x
p e r p é t u e l s qu i se t r o u v e n t p r o h i b é s : on y s o u m e t d ' a -
b o r d s e u l e m e n t les chefs d ' i n s t i t u t i o n , p u i s ceux -c i ,
pu is c e u x - l à . En 1837, M. A m i l h a n , qu i r e p o u s s a i t a u
n o m de la c o m m i s s i o n cet te od ieuse exigence , d i sa i t :
M. le général Durnarçag fait une objection : il veut qu'on
comprenne les domestiques. Ce qu i a a u t o r i s é M. de
M o n t a l e m b e r t à d i re à la C h a m b r e des Pa i r s : Est-ce
qu'on ne proposera pas d'exiger Vaffirmation des domes-
tiques et des cuisiniers? Cela avail l 'a i r p l a i s a n t ; ce n e
l 'é tai t p a s . Rien n ' e s t p lu s r e d o u t a b l e q u ' u n cuis in ier




V K K I T A l i L I . KTA'I DL !.A 01" K S ï I 0 > . \-i


j é su i te . M. Cousin étai t b ien v e n u , q u a t r e j o u r s a u p a r a -
v a n t , déc la re r c o u r a g e u s e m e n t en p le ine C h a m b r e des
Pairs , les Mémoires de Sully à la m a i n , q u e les j é su i t e s
étaient des assassins cl des empoisonneurs. Je soul igne
ces m o t s , car il les a soul ignés l u i - m ê m e .


A u ! je conçois q u e les proje ts de 1836, de ¡837, do
'184!, a ient t rouvé les e m b a r r a s si g r a n d s qu ' i l s n ' e n
a ient p a s pa r l é : on en pa r l e a u j o u r d ' h u i ; m a i s ou
t ravai l le te l lement les m o i s p o u r en p a r l e r , qu ' on r é -
vèle p a r là à q u e ! p o i n t on est t rava i l lé p a r la c h o s e .


Après tout ce la , j ' a i le d ro i t de le d i r e , c o m m e le d i -
sai t M. l îoyer -Coi la rd : Votre loi, elle n'est pas franche :
celte toi, ce qu'elle ose faire, elle n'ose pas le dire ; la s im-
plicité et la f ranchise d u l angage h u m a i n lui m a n q u e n t ;
ceux qu 'e l le p r o s c r i t , elle ose à pe ine les n o m m e r .
M. l îoyer -Coi la rd a jouta i t : Je repousse n>6 inoculions
léyislalires ou la ruse respire , la ruse es t u n e école
d'immoralité. Je n 'a i p a s le dro i t de p r o n o n c e r de si
sévères pa ro le s , mais j ' a i le d ro i t de les c h e r .


M a i n t e n a n t , je r é s u m e cet te g r a v e q u e s t i o n , et j e
conc lus .


Cer tes , ap rès des avis si n o m b r e u x , si g r a v e s , si peu
suspec t s , je ne c r a i n s p a s de le d i r e , l ' exc lus ion des
congréga t ions re l ig ieuses se ra i t tout à la fois u n e fai-
blesse et u n e v io lence indigne du t emps o ù n o u s v ivons .


Par l'effet de la légis lat ion ex i s t an t e , il n ' y a p o i n t
d ' o rd res re l igieux r e c o n n u s l éga l emen t en F r a n c e ; ceux
q u e l 'on v o u d r a i t dés igne r s o u s ce n o m son t des p r ê t r e s
p lacés s o u s la ju r id ic t ion des é v o q u e s , et n ' e x e r ç a n t ,
r éun i s ou s é p a r é s , p a s d ' a u t r e s m i n i s t è r e s q u e ceux
qui l eu r son t a t t r i bués par l ' au to r i t é ép i scopa le e l le -
m ê m e d a n s c h a q u e d iocèse . La h a u t e r e s p o n s a b i l i t é




i l l ) K S A S S O C I A T I O N S H K I . H , IE l S E S .


m o r a l e et le c a r a c t è r e p e r s o n n e l des p r e m i e r s p a s t e u r s
p r é s e n t e n t les seules g a r a n t i e s poss ib les et t on t e s les
g a r a n t i e s d é s i r a b l e s .


Quel se ra i t d ' a i l l eu r s , je le d e m a n d e e n c o r e , le p r o -
c é d é légal p o u r c o n s t a t e r l 'é ta t d ' un re l ig ieux? L 'es-
sayer , ce se ra i t r é t r o g r a d e r j u s q u ' a u x m e s u r e s od ieuses
qui furent p r i s e s en Ang le te r re il y a p lus d 'un siècle et
demi , et qu i son t a u j o u r d ' h u i t o m b é e s sous la r é p r o -
ba t i on u n a n i m e de l ' op in ion .


Les o r d r e s re l ig ieux son t en F r a n c e sans ex is tence
légale , s ans dro i t s po l i t i ques , s a n s dro i t s civils, s a n s
p r é r o g a t i v e s ni pr iv i lèges d ' a u c u n g e n r e , m ê m e s a n s
n o m aux yeux de la loi : ce son t de s imples p r ê t r e s
e x e r ç a n t d ive r ses fonct ions d u m i n i s t è r e s a c r é , la p r é -
d ica t ion , la confess ion , l ' e n s e i g n e m e n t des sa in tes le t -
t r e s , l ' admin i s t r a t ion des s a c r e m e n t s ; n ' a y a n t a u c u n s
p o u v o i r s que c e u x qu' i ls r e ç o i v e n t des évèques ; n e
p o u v a n t s 'é tabl i r q u e là où les évoques les appel len t .
Les rel igieux n e qu i t t en t pas l ' a r m é e c h r é t i e n n e ; ils en
son t la g a r d e a v a n c é e ; que lque fo i s T a r r i è r c - g a r d e ,
se lon q u e l 'Église l eu r ass igne leur p lace . Mais ils ne
sont p o u r n o u s , p r ê t r e s sécu l i e r s ou s imples ch r é t i en s ,
<[ue les c o m p a g n o n s d ' a r m e s d 'un m ê m e c a m p : l e u r s
n o m s d ivers n e s e rven t q u ' à d i s t inguer les différents
co rps d ' une m ê m e a r m é e : co rps p lus fo r t emen t d i sc i -
p l inés , p lus ague r r i s p e u t - ê t r e , t ou jours p r ê t s à la d é -
fense, et p a r là m ê m e t o u j o u r s p lu s exposés a u x v io -
lences et aux fu reurs des e n n e m i s .


Voilà ce q u e sont les o r d r e s re l ig ieux p o u r l 'Église :
q u a n t aux l iens sp i r i tue l s qu i les un i s sen t à un s u p é -
r i e u r p o u r ce qu i c o n c e r n e l e u r vie r égu l i è re , l 'Église
seule a le dro i t de s'en in fo rmer . L e u r d e m a n d e r c o m p t e




V É I ! I T A I ! I. L É T A T !)!•; LA Q VEST10.V |:,


de leur conscience la p lus i n t i m e , du sec re t de leui
âme , des vœux de perfect ion é v a n g é l i q u e , ce son t des
r e che rches q u e nul pouvo i r h u m a i n n 'a le dro i t de
faire.


Mais a l lons auss i loin q u e poss ib le . Est-ce qu ' i l s e
t rouve q u e l q u e c h o s e de c o n t r a i r e a u x lois d a n s les
h a b i t u d e s c o m m u n e s , d a n s les ac tes e x t é r i e u r s de la
vie re l ig ieuse ? Est -ce p a r c e qu ' i l s h a b i t e n t p lu s i eu r s e n -
semble? quoi de p lus s imple ; d a n s une m ê m e ma i son ?
elle est à eux : c 'est l e u r p r o p r i é t é , c 'est l eur domic i l e ;
n ' es t -ce pas violer t o u t e s les lois q u e de les y p o u r -
suivre? Es t -ce p a r c e qu ' i l s se vo ien t p l u s i e u r s fois le
j o u r ? quoi de p lus s imple e n c o r e , et qu i peu t les en
e m p ê c h e r ? Est -ce p a r c e qu ' i l s m a n g e n t e n s e m b l e ? m a i s
ils p o u r r a i e n t se r é u n i r pour cela p a r t o u t . Es t -ce p a r c e
qu 'on fait la lec ture p e n d a n t l e u r r e p a s ? Mais e n c o r e
une fois , c 'est l ' inquis i t ion s u r ce qu' i l y a de p lus l ibre
au d e h o r s , c o m m e su r ce qu' i l y a de p lus i n t ime et de
p lus l ibre au d e d a n s ! Ce qui cons t i tue u n re l ig ieux , ce
sont des v œ u x de per fec t ion i n t é r i e u r e a u x q u e l s vous
ne pouvez r ien voir, s a n s r e n o u v e l e r les o p p r e s s i o n s
Jes p lus déc r i ée s ; et des ac tes e x t é r i e u r s d 'une vie com-
m u n e qui est ce qu ' i l y a de p lus l ib re au m o n d e .


D'ailleurs nul le s imi l i tude e n t r e u n e assoc ia t ion pol i -
t ique q u e l c o n q u e et cel te a s soc i a t i on . Une association
politique a un but et des moyens; u n e assoc ia t ion r e l i -
gieuse n ' a pas d ' a u t r e b u t q u e le ministère, ecclésiast i-
q u e o rd ina i r e . Les h a b i t u d e s de p ié té et les v œ u x de
perfection ecc lés ia s t ique , la vie c o m m u n e ne. sont q u e
les moyens de r e m p l i r p lus pa r f a i t emen t le m i n i s t è r e
ecc lés ias t ique .


F r a n c h e m e n t , p o u r qu i n o u s p r e n d - o n ? et à que l




t ) K - A S S O C I A T I O N S R i C I . K i l K l S E S .


t e m p s s o m m e s - n o u s r e v e n u s ? C r o i t - o n , en 18'i5, n o u s
p e r s u a d e r q u e tous les é v è q u e s sont des j é su i t e s ; q u e
t o u t c a t h o l i q u e de b o n n e foi es t un j é su i t e , q u e tout
p r ê t r e zélé est u n jésu i te ? Ira-t-on j u s q u ' à r ééd i t e r l'ef-
figie d u ro i C h a r l e s X d i san t la m e s s e en h a b i t s s a c e r -
d o t a u x ? Espè rc - t -ou p e r s u a d e r e n c o r e au peuple q u ' o n
fait l ' exe rc ice à feu sous les o r d r e s d ' un j é su i t e d a n s les
s o u t e r r a i n s de .Montrouge, et qu ' i l y a e n c o r e des j ésu i tes
p r ê t s à t i rer su r le peup l e p a r l e s fenêtres de l 'Arche-
v ê c h é ? m a i s en vér i té , n ' e s t - ce p a s t rop c o m p t e r s u r
la c rédu l i t é d ' u n e g r a n d e na t ion q u e de p r é t e n d r e se
m o q u e r d 'el le d e u x fois de la m ê m e m a n i è r e ? El, quoi-
que le nom des jésuites soit commode pour la haine, qu'il
dispense de la vérité et remplace la justice, je n e lui
crois pas e n c o r e la p u i s s a n c e de r e m p l a c e r é t e rne l l e -
m e n t le bon sens et de p e r s u a d e r tant de s tup id i tés .


La i s sons ces choses et p a r l o n s sé r ie r - sement : n o u s
se r ions d o n c la s eu l e n a t i o n du m o n d e , ou à peu p r è s ,
qu i r e p o u s s e les o r d r e s r e l i g i e u x ? L ' A n g l e t e r r e , les
E t a t s -Un i s , les r é p u b l i q u e s e s p a g n o l e s , la Hol lande , la
Belg ique , l ' I ta l ie , l 'Al lemagne l e u r donnen t la liberté
c o m m u n e , s a n s excep te r les j é su i t e s : n o u s seu ls , p lo j es
sous Je j oug de f r ayeu r s i n sensées , nous les r e p o u s s o n s .
Mais quel le idée a- t -on de n o u s ? S o m m e s - n o u s d o n c la
seule nat ion de l 'Eu rope chez qu i !a l iber lé .soi t si fa ib le ,
si m a l e n r a c i n é e , l ' o r d r e p u b l i c si factice, les ins t i tu -
t ions po l i t i ques si c h a n c e l a n t e s , q u e n o u s dev ions avo i r
peur de t o u t , m ê m e de l ' o m b r e d 'un re l ig ieux , el que
q u e l q u e s p r ê t r e s fa isant v œ u de p a u v r e t é , de c h a s t e t é
el d ' o b é i s s a n c e , vê tus d 'un s ac et d 'une co rde , et ne
n o u s d e m a n d a n t q u e l ' a i r de la pa t r i e , s ans a u t r e sa -
la i re , do ivent n o u s é p o u v a n t e r ? Je ne p e n s e p a s .




\c ;nn"A ! ; i .K r / i A ï DK i.\ y i E S T I O N . k
M. Thie r s i i i i -mèinc ne l'a pas p e n s é : n o n - s e u l e m e n t


il déclare qu'i l y a des congrégations inhérentes e t n é -
cessaires à l'Église c a tho l i que , m a i s il a jou te , q u e l q u e s


lignes plus b a s : Nous ajouterons, pour ce qui concerne
les jr.suites, que nous ne sommes pas animés a leur égard
d'un petit esprit de calomnie et de persécution. Et déjà ,
d a n s un des b u r e a u x de la C h a m b r e , il ava i t dit : Je ne
pense pas des jésuites tond le mal qu'on en dit : il y a là-
dessus beaucoup d'c.ragera/ion.


Je suis h e u r e u x d 'assoc ier au t é m o i g n a g e de M. T h i e r s
celui de M. Cuizot, t r a i t a n t des assoc ia t ions d e v a n t la
C h a m b r e des Pa i r s . Il a p a r l é des j é su i t e s avec d igni té ,


avec c o n v e n a n c e , avec ra ison : ce qu i es t r e m a r q u a b l e ,


q u a n d on par le d ' eux .


Il a r e n d u h o m m a g e au c a r a c t è r e , au gén ie cl à la


sa in te té de leur fonda teur ; h o m m a g e même, à l eu r


lu t te con t r e Je p r o t e s t a n t i s m e ; h o m m a g e , enfin, à l e u r s


glor ieux serv ices . Il a fait p lus , il a r e n d u h o m m a g e à


leurs dro i t s c o m m e c i toyens .


S e u l e m e n t , ce j o u r - l à M. Cuizot c ru t devoi r é tab l i r à


l ' occas ion des congréga t ions re l ig ieuses u n e t h é o r i e


s u r les a s s o c i a t i o n s en géné ra l qu ' i l m 'a été i m p o s s i b l e


d 'accepter .


Je n ' ava i s j a m a i s e n t e n d u p a r l e r M. le m i n i s t r e des


affaires é t r a n g è r e s , et j ' a v o u e qu ' i l m ' a d o n n é u n des


plus vifs, un des p lus é levés p la i s i r s d ' e sp r i t q u ' o n


puisse goû te r . J ' a i été c h a r m é de la nob le s se , de la m o -


déra t ion de son l a n g a g e : il y ava i t des m o m e n t s où sa


p a r o l e devena i t à m e s j e u x c o m m e u n e l u m i è r e i n a t -


tendue, et a b o n d a n t e , éc la i rant les h a u t e u r s de la q u e s -


t ion, et y a t t i r an t les r e g a r d s . J'ai é té c o n s t a m m e n t


sous le c h a r m e et !a p u i s s a n c e de cel te p a r o l e ; et c e -




Î S D K S A S S O C I A T I O N S li K i . l (, I V. L S i > .


p e n d a n t j e dois d i re q u e m a r a i son n 'a pas été , un seul
i n s t an t , ni v a i n c u e , ni s édu i t e .


J ' a d m i r a i s et je c o m b a t t a i s à la l'ois : et je sen ta is q u e
m a r é s i s t ance étai t r a i s o n n a b l e et v ic to r ieuse . Je voyais
c l a i r e m e n t q u e ce d i s c o u r s , d ' u n e si g r a n d e magnif i -
cence , é tai t p r o f o n d é m e n t v u l n é r a b l e . Je r é s u m a i s ma
p e n s é e et m o n i m p r e s s i o n en ces d e u x mo t s : IHen n ' es t
p lu s éc l a t an t , r i en n ' e s t p lus faux.


Et c 'est au c œ u r m ê m e de l ' a r g u m e n t a t i o n de
Al. Guizot i j ue se t rouva i t sa p rofonde faiblesse. T o u t
son d i s cou r s r eposa i t s u r ce p r i nc ipe , q u e les a s soc ia -
t ions sont la vieille fo rme d ' u n e soc ié té qu i n 'es t p l u s .
Dans l ' anc ien o r d r e soc ia l , il y avai t le p o u v o i r publ ic
d ' u n e p a r t , seu l a b s o l u ; de l ' a u t r e , des c o r p o r a t i o n s ,
des a s soc ia t ions d ' o r d r e s et d ' in té rê t s d ive r s , des pet i ts
p o u v o i r s qu i a t t en ta i en t s o u v e n t et au pouvo i r publ ic et
a u x l ibe r t é s ind iv idue l les : de l iber tés ind iv idue l l e s ,
p r e s q u e point . Dans le nouve l o r d r e s o c i a l , au c o n -
t r a i r e , il n 'y a q u e deux c h o s e s , le pouvo i r publ ic forte-
m e n t cons t i t ué et les l ibe r t é s ind iv idue l les , l 'É ta t et les
c i toyens : de pe t i t s p o u v o i r s , poin t .


J ' a ccep te p r e s q u e s a n s r é s e r v e toute cet te théor ie ; e t
u n seu l p r inc ipe i ncon t e s t é , i ncon te s t ab l e , la r e n v e r s e
de fond en c o m b l e , à savoi r : q u e la l iber té d ' a ssoc ia t ion
l'ail e s sen t i e l l emen t partie, des l ibe r t é s indiv iduel les . Et
en effet, q u e s e r a i en t tou tes les l ibe r t é s individuel les
s a n s la l iber té d ' a ssoc ia t ion ? Des l iber tés à l 'é ta l s a u -
vage , des l ibe r t é s s a n s force, des l iber tés sans l u -
m i è r e s , des l i be r t é s p e r d u e s !


Assoc ia t ions de tou te n a t u r e , indus t r i e l l e s , c o m m e r -
c ia les , agr ico les , l i t t é ra i r e s , r e l ig ieuses , e tc . , c 'est la
force , c 'est la mora l i t é des l iber tés individuel les .




V É HI TA ¡) I. E É T A T J)E I.A Q U E S T I O N . '•9


Que p ré t endez -vous? q u o i ! l 'État d ' u n e p a r t , p l u s
fortement cons t i tué que j a m a i s : c en t r a l i s a t i on i m m e n s e
de toutes les forces ind iv idue l les , p lus a b s o l u e , p lus i r -
responsable q u e l ' a n c i e n n e m o n a r c h i e ; pu is , en p r é -
sence de l 'Étal , les c i toyens , les ind iv idus s eu l s , i so lés ,
d i m i n u é s , dépoui l lés de tou tes les forces qu ' i l s d o n n e n t
à l 'État , et n e p o u v a n t m e t t r e en c o m m u n les forces
épuisées qui l eu r res tent .


Mais c'est la t y r ann ie la p lus é n o r m e qui ait j a m a i s
élé conçue .


Mais on veut d o n c n o u s faire u n e F r a n c e s a n s v ie ,
s ans l ibe r té , s a n s act ion, sans gloire !


N 'es t -ce p a s ce d o n t se p la ignai t avec é l o q u e n c e
M. Char les Dupin :


« Que vient-on nous dire ? q u e tout est c h a n g é depu i s
: la r évo lu t i on ; que la révo lu t ion n ' a la i ssé q u e des
••: l iber tés , q u e des droi t s ind iv idue l s . Eh ! s a n s d o u t e ,


il en étai t ainsi d a n s la p e n s é e du g r a n d génie qu i
« fonda le d e s p o t i s m e , p o u r s ' enseve l i r b i en tô t a p r è s
« sous les débr i s d ' un pouvo i r ab so lu qu i le conduis i t
c à l ' ab îme. .Mais p o u r a r r i ve r là , j e le déc la re , il fallut


fausser toutes les nob les voies de l iber tés n a t i o n a l e s
« et de vra ie civil isat ion ; ce se ra i t u n esc lavage tel q u e
il le génie de Napoléon a pu le concevoi r p o u r un g o u -
« v e r n e m e n t abso lu , mais ind igne du g o u v e r n e m e n t qu i
« est r égéné ré pa r la C h a r t e de 1830. »


Qui ne voit q u e , dans cel te s i t ua t i on , le p o u v o i r a b -
sorbe la pa i r ie , l 'État a b s o r b e les c i toyens , s a n s q u ' o n
puisse j a m a i s g a r a n t i r q u e ce pouvo i r et avec lui l 'Etat
ne se ron t p a s a b s o r b é s e u x - m ê m e s p a r q u e l q u e s
h o m m e s violents et hab i l e s à exp lo i t e r un s y s t è m e
pa re i l , aux dépens de la gloire n a t i o n a l e , et u n i -


I I . i




50 1>KS A S S O C I A T I O N S ïiF. !. i (. IV. l 'S i .S .


q u c m c n t a u profi l de l eu r d o m i n a lion p e r s o n n e l l e 1 :
Et c 'es t d a n s cotte s i tua t ion q u e vous voulez n o u s


r a v i r la l ibe r té des â m e s , avec la p lus h a u t e el la p lu s
inv io lab le des a s soc i a t i ons , c ' e s t -à -d i re l ' a ssoc ia t ion
r e l i g i e u s e , l ' a s soc ia t ion s p i r i t u e l l e , l ' associa t ion des
c o n s c i e n c e s ! Vous voulez q u e n o u s d e m e u r i o n s en p r é -
sence et à la m e r c i de loutes les forces matér ie l les d 'un
É ta l s ans re l ig ion, d 'un p o u v o i r s a n s foi ; seuls , dépou i l -
l é s , s a n s un a p p u i , s a n s un r e c o u r s m o r a l c o n t r e vous :


Mais du m ê m e c o u p , T O U S f rappez le ca tho l i c i sme , la
l iber té de consc i ence , la l ibe r té des cu l tes .


J e m e r é s u m e en t e r m i n a n t :
L 'exc lus ion des congréga t ions re l ig ieuses b lesse


l ' h o m m e d a n s la l ibe r té de sa c o n s c i e n c e ; le c i toyen
d a n s l ' exerc ice de ses d r o i t s ; le ch ré t i en d a n s la dignité
de sa foi; c 'est u n e exc lus ion i l légit ime d a n s son p r i n -
cipe , si ind igne d a n s ses c o n s é q u e n c e s , si a b s u r d e d a n s
ses m o y e n s et d a n s ses r é s u l t a i s , si é t r ange au l emps
o ù n o u s v ivons , q u e tou tes les op in ions l ib res en s e ron t
t o u j o u r s r évo l t ées , et que les l ég i s la teurs les p lus i n t r é -
p ide s no p o u r r o n t j a m a i s la p rononce ! 1 .


A tou t cela je sais ce qu ' on se p r o p o s e de r é p o n d r e :
« Nous n e v o u l o n s p a s exc lu re t o u t e s les congréga t ions
r e l i g i e u s e s ; n o u s n e d e m a n d o n s q u ' u n e excep t i on .» Et
q u i n o u s r é p o n d q u e vous n ' e n f e r e z pas u n e s e c o n d e ,
q u a n d vous en aurez a c q u i s le d ro i t pa r u n e p r e m i è r e ?
EL a p r è s u n e s e c o n d e , u n e t r o i s i è m e ? Mais de que l droi t
la p r e m i è r e ? Le conci le de T r e n t e a déc la ré q u e la con-
gréga t ion q u e v o u s voulez exc lu re est un ins t i tu t p i e u x ,
iiislitutum pium. Mais, m e d i r ez -vous , il y a le déc re t
d u 3 m e s s i d o r a n XII; j ' a i i n o u t r é q u e ce décre t étai t
s a n s force et s a n s app l ica t ion p o s s i b l e — 11 d i s sou t , di-




V Ë I U T A I 1 I . E E T A T D E L A Q U E S T I O N , 5i


t es -vons . les j é s u i t e s : cela n ' es t p a s : les P a c c a n a r i s t o s
et les Pères de la Fo i , don t il p a r l e , n ' é t a i en t pas , ne
pouva ien t pas ê t r e des j é s u i t e s ; c 'es t u n fait d 'h i s to i re
ecc lés ias t ique posi t i f ; la subt i l i té et la m a u v a i s e foi
peuven t seules le d é n a t u r e r .


Mais ici j e n e puis m ' c m p ê c h e r de le d e m a n d e r : coin -
m e n t t an t d e p a s s i o n s se sont -e l les sou levées tou t à
c o u p ? c o m m e n t t a n t de h a i n e s et de c o l è r e s ? d 'où es t
n é ce violent o rage des e s p r i t s ? qu ' e s t - ce qui a p u les
p o u s s e r a de telles e x t r é m i t é s ? Il i m p o r t e de r é p o n d r e
à ces ques t ions : les faits on t des l u m i è r e s v i c to r i euses ;
i n t e r rogeons - l e s .


V


Qu'on y p r e n n e g a r d e : je s ignale ici u n fait do n t la
gravi té n 'es t pas m é d i o c r e , q u o i q u e je ne pu i s se d i re e n -
core quel les en s e r o n t les d e r n i è r e s c o n s é q u e n c e s : il
i m p o r t e q u e l 'h i s to i re s a c h e et a t t e s t e que l s son t les
h o m m e s qu i , les p r e m i e r s , c o n t r a i r e m e n t à un s e r m e n t
so lennel , e s sayè ren t de t r o m p e r les p r o m e s s e s d ' u n e
Char t e , favor isèrent la consp i r a t i on d 'un co rps p u i s s a n t
con t re la l i b e r t é , et r e l e v a n t p a r m i n o u s un s l u p i d e
épouvan ta i ! , en j e t è r e n t l ' od ieux m e n s o n g e d a n s cel te
d iscuss ion, a u m é p r i s du bons sens, au i népr i s d ' u n e
na t ion r a i s o n n a b l e , qu i n ' a r i en fait , q u e je s a c h e , j u s -
q u ' à ce j o u r , p o u r q u ' o n se m o q u e d 'el le à ce degré .


Il fallait u n signe de r a l l i e m e n t , il fallait u n cri de
g u e r r e , il fallait un m o t qui eût la pu i s s ance m y s t é r i e u s e
de r e m p l a c e r , aux yeux des indifférents et des Modes, !a
l iber té et la j u s t i ce ; aux yeux de la m u l t i t u d e , la vér i té
et le b o n s s e n s : ce mot fut t rouvé .




M B E S A S S 0 G . I A TI 0 N S II E EI G ! E U S E S.


M. l e c o m t e B e u g n o t n o u s a révé lé ce s e c r e t :


Vous vous rappela-. Messieurs, la croisade nue nous fîmes
alors contre les jésuites; je ne sais si mes souvenirs me
trompent, mais il me semble qu'en ¡828, nous poursuivions
toute autre chose que les jouîtes. Je rappel lerai aux per-
sonnes <[ni étaient alors dans l 'opposi t ion, mie si les j é -
suites nous avaient manqué , nous aur ions trouvé d 'autres
motifs pour justifier et affermir notre opposi t ion , parce
qu'el le était en effet légit ime et nat ionale .


Aujourd 'hui /[lie veut-on dire par jésuites '.' Prétend-on
ind iquer les 206 jésuites qui , au dire de quelques écrivains,
existent en f r anco? X o n , Mess ieurs : par jésuites, on en-
tend la concurrence au monopole del'l'nivevsilé. J ' admire
l 'Université : elle a choisi le mot le plus propre à échauffer
les espr i ts , à les i r r i t e r , a i e s enflammer pour sa cause.
C'est un trai t d 'habileté subl ime. Mais enfin souvenons-
nous de ce qu'i l y a au fond de tout cela ; c'est l 'Université
qui s'est fort ingénieusement rappe lé 1828 en 1814.


VA avan t q u e M. Beugnot s ' exp r imâ t a ins i , déjà la voix
de la vér i té s 'était fait e n t e n d r e su r ce po in t , et les o r -
g a n e s de l 'opinion p u b l i q u e ava ien t p r o c l a m é q u e la
peur des jésuites n'avait été qu'une comédie.


M. de G a s p a r i n , il y a p e u de j o u r s , disai t la m ê m e
p e n s é e :


Si le mot de jésuite signifie des hommes qui ne sont pas
disposés :\ accepter dans le spir i tuel le secours du tempo-
rel, je suis jésui te .


L o r s q u ' o n 1837 q u e l q u e s m e m b r e s de la C h a m b r e des
d é p u t é s o s è r e n t r e p a r l e r des j é su i t e s , voici c o m m e n t
M. Saint-Marc Gi ra rd in l eu r r é p o n d i t :


Commen t , Mess ieurs , vous avez pour de c e t t e société!
vous en avez peur , et lorsque je consulte notre histoire, je




V É R I T A B L E É T A T D E L A Q U E S T I O N . Vi


vois qu'eu 1703 vous l'avez vaincue. Et au jourd 'hu i , vo-.e-
avez loul ce que vous ont donné nos pères , vous avez je ne
sais combien d 'édit ions de Voltaire, espèce d 'art i l lerie qui
combat sans cesse les jésui tes : vous les avez r épandues
pa r tou t ; vous avez plus que les anciens p a r l e m e n t s , vous
avez la t r ibune, tous les pouvoirs pub l i c s ; vous êtes vous-
mêmes debout , tout prêts à frapper avec les lois tous ceux
qui voudraient at tenter aux l ibertés publ iques , ou inspi rer
des doctr ines funestes. Et malgré tant de pouvoir et de
puissance qui vous v iennent de vos devanciers , de vous-
mêmes, de vos écrivains immorte ls et de vos lo i s , malgré
ioui cela, vous avez peur !


Mais que sont-ils d o n c , et que sommes-nous? Quel est
- e t aveu île peur et de défiance?


Mais je ne me mets pas si bas , je ne mets pas si bas la
civilisation de 09, qu'elle ait peur des jésui tes . Je crois
qu'elle est capable de suppor ter , de combat t re la concur-
rence. Kl quant ii •moi, je ne ferai jamais, un aveu qui nov.<
abaisserait à ce poini dans l'opinion de l'Europe, f f res -
inen ! très-bien 1:


M. Amilb.au, m e m b r e d e l à C o m m i s s i o n don t M. Saint-
Marc C i ra rd in é ta i t r a p p o r t e u r , se r ia i t a insi de ces
f rayeurs f an tas t iques d o n t on c h e r c h a i t à f r apper les
imag ina t ions faibles :


Et les j ésu i tes , dont ou a tant par lé et qu 'on représenle
;i tout moment comme des fantômes prê ts à r en t re r par
toutes les issues dans l ' instruction publ ique !


11. de L a m a r t i n e , aux a p p l a u d i s s e m e n t s de la Cham-
bre , s ' expr ima i t e n c o r e avec p l u s d ' énerg ie :


Les uns se préoccupent de ce fanlème de jésui t isme, que
l'on l'ail sans cesse appara î t re ici, et qu'il faudrait déclarer
plus puissant que j a m a i s , s'il ava.it la force de nous faire
reculer devant la l iberte. ¡Bravos au centre et a gauche.)




I > 1 : s A S S O C I A T I O N S R E L I G I E U S E S .


Et ap rè s le vote de la C h a m b r e , M. Saint -Marc Ci ra r -
din se m o q u a i t e n c o r e , avec la finesse d 'espr i t qu ' on lui
conna î t , de ces peurs et de ces suseeptibdités qui s'ag-
gravent l'une par l'autre ; car vous savez, Messieurs,
que la peur se communique facilement.


Enfin, à la fin d u 4 j anv ie r 1839, le Journal des Débats
écr ivai t e n c o r e :


Est-ce bien sér ieusement que l'on redoute aujourd 'hui les
empié tements re l ig ieux cl le re tour de la domination ecclé-
siastique ! Quoi ! nous sonnées les disciples du siècle qui a
donné Voltaire au inonde, et nous crtiitjn»»* les jésuites?


.Nous sommes les hér i t iers d 'une révolution qui a brisé
la domination poli t ique e! civile d:i c le rgé , /•( irons erni-
çnons les jésuites !


Nous vivons dans un pays où ht l iberté de la presse met
le pouvoir ecclésiastique à la merci du premier Lullier
verni qui sait tenir une p lume, et n»u.i crtt'fjnons les jésuites!


Nous vivons dans un siècle où l ' inerédnliié ci le scepti-
cisme coulent à pleins bords , ci nous craignons les jésuites!


Nous sommes cathol iques à peine, catholiques de nom,
catholiques sans foi, sans pra t iquer , et l'on nous crie que
nous allons tomber sous le joug d e s congrégat ions ul lra-
monlaii ies '•


Eu vérité, regardons-nous mieux nous -mêmes et sachons
mieux qui nous sommes ; croyons à la force, à la vertu de
ces l ibertés dont nous sommes si fiers. Grands phi losophes
que nous s o m m e s , croyons au moins à notre phi losophie.
Non, le danger n 'est pas où le s ignalent nos imaginat ions
préoccupées . Vous calomnie/, le siècle par vos a larmes et
vos c lameurs pus i l lan imes .


Voilà où l 'on en étai t a lors : le b o n sens publ ic voya i t
c la ir s u r u n é ta t de socié té , où cer tes t ou t n ' e s t pas fait
p o u r ré jou i r un p r ê t r e c a tho l i que , m a i s où du m o i n s tou t




Y f . n i ï . U : ! . ! - : K T V T 1>E I.A Q U E S T I O N . 55


est fais p o u r r a s s u r e r le siècle c o n l r e les t w i i r s i m a -
g ina i res d'un passé qui n 'es t p lu s . On avai t la b o n n e foi
d ' avoue r que r e l i e p e u r é l a i t un piège-visé, un j eu misé-
rable, une comédie h o u l e u s e , à l aque l le il fallait r e n o n -


cer d é s o r m a i s de s u r p r e n d r e la l oynuk 5 f rançaise.


Que s 'est-i l d o n c passé d e p u i s ? Rien, a b s o l u m e n t
r ien . — Mais quoi d o n c ? y a-l-il eu des faits n o u v e a u x ?
Qu 'on les cite. Mais n o n ; il n 'y a r ien do tout ce l a ; il
n 'y a q u ' u n e seule c h o s e , enco re i.m coup : l 'Univers i té
se r.ftîl a l i a q u é e ; eile ;:e sa i t c o m m e n t se dé fendre , et,
selon l ' express ion de .*!. le c o m t e l ' engno t , elle se sou-
cient ingénieusement île 1828 en 18'e'i. Mais elle sut p r é -
p a i e r de lo in le succès de cel le hab i l e !é s u b l i m e . Voici
les k i t s :


En 18':i), M. Cousin , d a n s le p r o g r a m m e officiel rie
l ' e x a m e n du b a c c a l a u r é a t ès l e t t r e s , i m p o s é à tou te la
j e u n e s s e ca lho l ique du r o y a u m e , i n t r o d u i t l e s P r o v i n -
-iales, c o n d a m n é e s p a r l 'Église ; i! ind ique les deux pre-
m i è r e s , don t Féne lon disai t : h .11 y en a p lus qu ' i l n ' en
« faut p o u r d é c o u v r i r le venin c a c h é d a n s ce l ivre qu i
(•. a été tant a p p l a u d i . »


La m ê m e a n n é e , 11. Cousin fait p r o p o s e r l 'Éloge d e
Pascal c o m m e sujet du pr ix d ' é l o q u e n c e d é c e r n é p a r
l 'Académie.


Plus t a rd , M. Vil lemain r appe l l e M. Cousin d a n s le
Conseil royal de l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e .


En -1842, l 'Académie d é c e r n e le pr ix p r o p o s é deux a n s
a u p a r a v a n t : c 'est M. D u m o u l i n , d i sc ip le , d i t -on , de
M. Cousin, qui l 'obt ient , et M. le s ec r é t a i r e pe rpé tue l
é lève la voix rentre celte société remue aie et impérieuse
que l'esprit de-gouvernement cl Vesprit de liberté repous-
sent également.




6 0 D E S A S S O C J A Ï I O N S H il L i G \ V. I S Y. S.


L'Eloge de P a s c a l est b i en tô t suivi d u d i scours su r Vol-
ta i re ; puis v iennent les b r u y a n t e s l eçons d u Collège de
F i a n c e su r l ' u l t r a m o u t a n i s m e et le j é s u i t i s m e ; puis la


loi et la d i scuss ion de ISaa , où ii n ' e s t p lus ques t ion
que des j é s u i t e s ; pu i s le Juif crranl et les fables s t u -
p ides d 'un r o m a n impie .


Pu i s le d e r n i e r l ivre de 31. Michèle! . — Nous en s o m -
m e s là en a t t e n d a n t m i e u x ; et les p r o g r è s de ces Mes-
s i eu r s n o u s l a i s sen t t ou t e s p é r e r .


P r e n e z - y g a r d e toutefois : l 'op in ion a ses capr ices ,
et m a l h e u r e u s e m e n t elle est p r e s q u e tou jours sans
r e s p e c t d a n s ses d é d a i n s c o m m e d a n s ses e n t h o u s i a s -
m e s ; et en vér i té , t ou t cela est si f o r t , qu 'e l le p o u r r a i t
bien finir pa r vous c h â t i e r s é v è r e m e n t .


Q u a n t à moi , si j ' a v a i s p lus d ' a u t o r i t é p o u r ê t re e n -
t e n d u , j e d i ra i s à t o u s ces va i l l an t s a d v e r s a i r e s des j é -
su i tes q u ' o n n e se j o u e p a s a ins i deux fois d 'une g r a n d e
n a t i o n ; je l e u r r é p é t e r a i s d u m o i n s ce que M. Sain t -
Marc Gi ra rd in ne c ra igna i t p a s de d i re à la t r i bune
en 1837 :


Messieurs, vous vous donnez trop beau jeu, lorsque, avec
te talent que vous avez , vous agissez sur les imaginations
en par lan t toujours de cette société fameuse , d o n t le fan-
tôme se montre sans cesse dams ces discussions : sous ie
rappor t d ia lec t ique , cela n'est pas l o y a l : vous avez déjà
fait la part à la frayeur peut-être légitime que vous ave/,
des jésui tes , vous leur avez déjà imposé un serinent : VV
venez pas sans cesse nous jeter ce spectre à la tête.


C'est assez : n o u s a c h è v e r o n s ici cet te h i s to i r e des
r é s i s t a n c e s d u m o n o p o l e u n i v e r s i t a i r e ; auss i b ien il ne
s 'agit p a s en ce m o m e n t de le c o m b a t t r e . Je s ignale
s e u l e m e n t les c a u s e s et l 'espri t de la lu t te d a n s ceux




Y K I i l T A I i l . E É T A T I)K i.A Q U E S T I O N . 57


qui se s o n l faits les adve r sa i r e s do l 'Église : ou le sa i t ,
leur a r m e la plus p u i s s a n t e est la s tup ide f r ayeu r q u ' i n s -
pi re le n o m de j é su i t e . Tou te l eu r r a i son est là : c 'est
le dern ier mot de l e u r hab i l e t é : c 'est le g r a n d effort de
leur espr i t . Jl y a h e u r e u s e m e n t q u e l q u e c h o s e eu ce
m o n d e de p lus fort à la longue que tout cela : c 'est le
bon sens .


Pasca l , le g r a n d a d v e r s a i r e des j é su i t e s , a dit : L'opi-
nion est la reine du monde, (i 'est un m o t vrai . L 'op in ion
vaine et frivole r è g n e t rop s o u v e n t sur le m o n d e , dicte
ses l o i s , r e n d i m p é r i e u s e m e n t ses a r r ê t s , et c o n t r a i n t
parfois les me i l l eu r s e spr i t s , les c a r a c t è r e s les p lus é l e -
vés , à p l ier sous sa m i s é r a b l e force. Maîtresse d'erreur,
ajoute Pasca l , d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas
toujours. Mais l ' empi re de cet te superbe pmissanee enne-
mie de la raison est h e u r e u s e m e n t passager . L 'op in ion
n 'est q u ' u n e r e i n e é p h é m è r e , et il y a un p o u v o i r s u p é -
r i e u r au s i e n , qu i b r i s e , q u a n d il le f au t , son s c e p t r e
d 'un j o u r , c'est le bon sens, don t Bossuet , de la h a u t e u r
de son g é n i e , d i s a i t : C'est le maître véritable de la vie
humaine. Ce m o t est plus g r a n d , et h e u r e u s e m e n t p o u r
l ' h u m a n i t é , p lus vrai q u e le m o t do Pasca l . On l 'oubl ie
que lquefo is ; on se sou lève c o n t r e le b o n s e n s ; m a i s
ap r è s les p lus b r u y a n t e s r é v o l t e s , il faut se s o u m e t t r e
enfin, et r e c o n n a î t r e son profond et mys té r i eux pouvo i r .


11 y a v a i t , p a r m i les a n c i e n s , un peup le chez qui on
a dit que le bel-espri t coura i t les r u e s , et q u ' o n che rcha i t
en vain le bon sens d a n s les a c a d é m i e s s a v a n t e s .


On dit q u e , p a r m i les peup le s m o d e r n e s , il y a u n e
na t ion br i l lan te et g é n é r e u s e , a r d e n t e et f i è r e , m a i s
quelquefois auss i va ine , sp i r i tue l le et légère , qu i es t ime
d a n s le fond et dans le vrai la p rob i t é et le b o n s e n s , et




chez qu i la r a i s o n v a i n c u e r e p r e n d l o t ou la rd son e m -
p i r e , m a i s q u i , t r o p s o u v e n t , ' préfère l ' e spr i t r i an t et
m o q u e u r , lit avec avid i té les fables qu 'e l le m é p r i s e , se
plaî t aux t e r r e u r s i m a g i n a i r e s ; c apab l e de r é s i s t e r à
t o u t , excep t é à u n n o m f r a u d u l e u s e m e n t inven té p o u r
lu i faire p e u r en l ' a m u s a n t .


Quoi qu ' i l en soi t , il faut q u ' o n y p r e n n e g a r d e : c 'est
j o u e r con t r e elle un j e u t o u j o u r s ignob le et quelquefois
p é r i l l e u x . Si elle a les défauts b r i l l an t s de la j e u n e s s e ,
f i le en a auss i les qua l i t é s ^iv'yomos : elle s e p r e n d
que lquefo i s à s ' i r r i t e r t ou t à c o u p contre, ceux qu i se
m o q u e n t d'elle ; elle ne les b r i s e p a s d a n s sa colère ,
m a i s elle a des d é d a i n s qu i suffise!;! à sa v e n g e a n c e .


Je ne c r a i n s p a s de le d i re , il n ' \ a peu l - ê l r c p a s u n e
na t ion chez qu i le b o n sens ait u n e p u i s s a n c e p lu s vive,
p lus s p o n t a n é e , et t ou t à c o u p p lus i r r é s i s t ib le .


Chez e l l e , les d ive r ses é p o q u e s d 'un siècle p e u v e n t
ê t re le j oue t de la violence, de la mobi l i té et du capr ice
des o p i n i o n s ; ma i s le génie n a t i o n a l se sou t i en t t ou -
j o u r s , et t r i o m p h e à la longue p a r le bon sens : c'est
s u r lui q u e les h o n n ê t e s g e n s , q u e les h o m m e s de
b o n n e foi do ivent c o m p t e r p o u r a c c o m p l i r le g r a n d ou-
v rage de la pacif icat ion re l ig ieuse . Qu'i ls c o m p t e n t
aus s i s u r la P r o v i d e n c e .


Le non sens est l 'allié n a t u r e l de l eu r cause .
La P rov idence est la g r a n d e all iée du b o n sens .


J ' ava i s écr i t ces l i g n e s , q u a n d u n vote, r é c e n t est
venu », ce s e m b l e , p r ê t e r un n o u v e l appu i aux a d v e r -
sa i r e s des cong réga t i ons re l ig ieuses .




Y É i u i A Ï ; I . L ; é t a t m: î \ C . E E S T J O X . 59


1! ne p.nil c i re ques t ion de r é t r a c t e r ici des r a i s o n s
a u x q u e l l e s , je le c ro i s , j u s q u ' à p résen l on n 'a r i en r é -
pondu : elles d e m e u r e n t d a n s toute i eur force.


Qu 'on ne se m é p r e n n e p a s d 'a i l l eurs su r la p o r t é e de
ce vole , s u r le sens de l ' op in ion qui l'a d i c t é , et s u r la
posi t ion difficile qu ' i l a faite a u g o u v e r n e m e n t .


On voulai t du b r u i t , d u s c a n d a l e , u n e man i fes ta t ion .
On a eu tout cela ; mais on en a été m é d i o c r e m e n t sa t is -
fait : c 'est un spectac le c u r i e u x a u j o u r d ' h u i d ' é tud ie r
l ' e m b a r r a s où cette d i scuss ion laisse ioul le m o n d e .


P e u t - o n t r o u v e r dans le vole m ê m e de la C h a m b r e
nue pensée d é t e r m i n é e ?


! e. o r d r e du j o u r mo t ive a suivi des in t e rpe l l a t ions
so lennel les : q u e l se ra le r é su l t a t ? Oui p o u r r a i t le dire?
Qu'y a-t-il de possible?


On a cité u n e longue in smr -ne ln iu rc de lois re la t ives
aux congréga t ions re l ig ieuses .


Tou te s ces lois , la d i scuss ion m ê m e en a l'ail p r e u v e ,
sont p lus ou m o i n s con t e s t ab l e s q u a n t à l eu r ex i s t ence
et ii l e u r appl ica t ion .


Mais p a r m i ces lois si d iverses , si c o n t e s t é e s , quel le
est la loi qui sera i t v é r i t a b l e m e n t en v i g u e u r , la loi
qu 'on v o u d r a i t p r é c i s é m e n t e x é c u t e r ?


Je le r é p è l e : tout p a r a î t i n c e r t a i n , i ndé f in i ; il y a
p a r t o u t an t inomie et c o n t r a d i c t i o n . P o u r r a i t - o n dire
qu ' on s'est r é e l l e m e n t e n t e n d u ?


On a pa r lé de d i spe r s ion : m a i s c o m m e n t ? p a r que l
m o y e n ? VA où s ' a r rê te ra ce l te d i spe r s ion? D e u x , t ro i s ,
c inq , p lus i eu r s ecc lés ias t iques enf in , veu len t vivre e n -
s e m b l e , h a b i t e r sous le m ê m e toit : les fo rce ra - t -on à
se s é p a r e r p a r c e qu ' i l s s e r o n t re l ig ieux î I r a - l - o n j u s -
qu 'à b r ave r le r id icu le de la l a n g u e , j u s q u ' à voulo i r




Cù D E S A S S O C I A T I O N S II E E l G I E l ' S E S.


d i s s o u d r e , d i spe r se r l ' ind iv idu l u i - m ê m e ? -— Je pa r le
s é r i e u s e m e n t : tant q u e vous n ' avez p a s expu l sé l ' indi-
v i d u , vous n 'avez p a s d i s sous l ' assoc ia t ion re l ig ieuse .


P o u r q u i c o n q u e a vu , o b s e r v é , é tud ié a t t en t ivemen t
cet te é t r ange dé l ibé ra t ion , il est manifes te q u e la Cham-
b re étai t m a l à l ' a i s e , indéc i se , é t o n n é e e l l e - m ê m e de
sa f ro ideur et de son e m b a r r a s .


Et m a i n t e n a n t on est r é d u i t à c h e r c h e r p é n i b l e m e n t
les m o y e n s de d o n n e r à ce r t a ines ex igences u n e sat is-
faction qu i s a n s dou te r é p u g n e , c o n n u e elle a répugné ' ,
p e n d a n t qu inze a n s , à tous les min i s t è re s pas sés (sans
excep te r ceux de M. ï h i e r s ) , p a r c e qu ' i l s n 'on t pu se
d i s s imule r qu 'e l le b les se ra i t p r o f o n d é m e n t la r a i son , la
jus t i ce et l 'Église.


Oui , l 'Église : qu i ne le dit a u j o u r d ' h u i ? La ques t ion
des j é su i t e s n ' es t é v i d e m m e n t q u ' u n e ques t ion d ' a p p a -
r ence , c o m m e s o n t , au r e s t e , p a r m i n o u s , la p lupa r t
des q u e s t i o n s qu i agi tent le p r é s e n t et c o m p r o m e t t e n t
l ' aveni r .


Nous v ivons clans un t e m p s v r a i m e n t s ingul ier : on
ne sai t où p lace r la réa l i té des c h o s e s , ni le b i e n , ni le
mal : on se ba l ance d a n s des osci l la t ions pe rpé tue l l e s .


Lne décis ion ferme et f ranche p o u r r a i t seule veni r eu
a ide aux beso ins du pays . Ne se t r o u v e r a - t - i l donc p a s
un h o m m e capab le d e la p r e n d r e ?


Quoi qu ' i l en soit de ces réf lexions , s'il y a u n e chose
c e r t a i n e , c 'est q u e l ' œ u v r e , si dés i r ab le p o u r t o u s , de
la paci f ica t ion re l ig ieuse ne s ' accompl i r a pas en d e h o r s
de la l ibe r té , de la té et de la jus t ice .




M A.N DE M E N T


I N S T R U C T I O N P A S T O R A L E S U R L A P R I È R E


NOS I t t L S - C l I E H S P l lËRES ,


Nous ne vou lons pas l a r d e r à vous faire c o n n a î t r e les
ie l l res apos to l i ques q u e no i re t r è s - sa in t P è r e Je P a p e
Pie IX vient d ' a d r e s s e r à tous Jcs p a t r i a r c h e s , p r i m a t s ,
a r c h e v ê q u e s et évoques du m o n d e ca tho l ique :


Yi;,NKr,.\i;i.!:s F u r u r s ,


Salut et bénédiction apostolique.
Notre ccenr s'est réjoui dans le Soigneur, Vénérables


Frères , et nous avons rendu de t i r s -humbles et t r ès -
grandes actions d e grâces au Père t rès-clément e| t rès -
miséricordieux, au Dieu de toute consolat ion, dès que vos
nombreux témoignages sont venus nous a p p r e n d r e , au
m i l i e u des incessantes et douloureuses sollicitudes dont
m a i s accable le malheur des temps , les fruits t rès-précieux
ej t r i s -abondanls d e salut, (pie, par l ' inspiration de ta
- l ' à ee divine, les peuples commis ii v o s soins avaient r e -
c u e i l l i s d e la t'aviMie du Jubilé que Nous leur avons ac-
cordé. \'<iu> Nous avez fait connaî t re , e n effet, qu 'à cette
!.<ra.sio:i les fidèles de vos diocèses s'étaient empressés à




62 SUR L A r a i L ï ï L


l 'envi d 'accourir en grand nombre u s a s les églises, avec mi
esprit humil ié et un cœur contrit , pour y en tendre !a p a i r i e
de Dieu, se purifier des souil lures de Ici?r àear dans le sa-
crement de la réconcil iat ion. ap]irnclier de la sainte Tante,
et adresser , selon Nos intent ions, au Dieu très-bon et t rès -
grand , de ferventes pr ières . II en est résulté qu'un grand
nombre , par le secours de la grâce d i v i n e , sortant d e l à
fange du vice et des ténèbres de l 'erreur oii i l s languissaient
misérablement , sont entrés dans les voies de la Main et d e
la vérité, et ont commencé à t rava i l l e ra leur saint . Nous en
avons été grandement consolé ••! réjoui, . V u s qui sommes
si gravement inquiet et préoccupé du saint de nais les
h o m m e s confiés à Nos soins par la divine Providence, el
ne dés i rons rien avec tant d 'a rdeur , ne demandons rien
autre chose dans les vomx et les pr ières qui, jour et mut .
montent de notre cœur humil ié vers Dieu, sinon que tous
les peuples , toutes les nat ions et Imites les familles mar -
chent dans les sentiers de la Foi, connaissent le Seigneur
et l 'a iment chaque jour davantage, observent lidèlemeul
sa sainte' loi et. sui\ eni avec constance le chemin de la v ie.


Mais s i , d 'une p a r t , Vénérables F r è r e s , .Nous devons
éprouver une g rande joie en apprenan t (pie les Fidèles d e
vos Diocèses ont recueilli abondamment les fruits spirituels
de la grâce du Jubilé ; d e Fail l ir , ce nVsi pas p e ; ; r w,-<-
uu médiocre sujet de douleur , de voir quel triste cl lamen-
table aspect présentent notre sainte religion, el la société
civile dans ces temps ma lheureux . Nul d 'entre vous
n ' ignore , Vénérables Frè res , les perfides artifices, ]es
mons t rueuses doctr ines , les conspira t ions de toute espèce
que les ennemis de Dieu et du genre humain mettent en
œuvre pour perver t i r tous les e sp r i t s , corrompre les
m œ u r s , faire d ispara î t re , s'il était possible, la religion de
la face de la ter re , briser tous les liens de la société civile
et la dé t ru i re jusqu ' en ses fondements . De là les lenelires
déplorables qui aveuglent tant d 'espri ts , la guer re acliar-




n é e faite à t o u t e la r e l i g i o n c a t h o l i q u e c l à c e l t e C h a i r e


a p o s t o l i q u e , la h a i n e la p l u s i m p l a c a b l e p o u r s u i v a n t la


ve r l n cl l ' h o n n ê t e t é ; la l iccnci* f t lVrinM- d e l e n t p e n s e r , d e


tou l l 'aire et d e t e n t o s e r ; l ' i m p a t i e n c e a b s o l u e d e t o u t c o n n


m a n d e m e n t , do t o u t e p u i s s a n c e , d e t o u t e a u t o r i s é ; la d é r i -


s i on et le m é p r i s d é v e r s é s s u r l e s c h o s e s l e s p l u s s a c r é e s ,


l e s p l u s s a i n t e s l o i s , s u r les p l u s e x c e l l e n t e s i n s t i t u t i o n s :


d e là s u r t o u t la d é p l o r a b l e c o r r u p t i o n d ' u n e j e u n e s s e i m -


p r é v o y a n t e , le d é b o r d e m e n t e m p o i s o n n é d o s m a u v a i s


l i v r e s , d e s l ibe l le : , , f i e s {il iciu ; Ce de.- J O U I ' I U I U X r é p a n d u s
a v i c p r o f u s i o n ci p r o p a g e a n t p a i l o a l la s c i e n c e du m a i ;


d e là le v e n i n m o r t e l d e Vin'Ufli(iruti»,iie et d e l ' i n c r é d u -


l i t é ; l es m o u v e m e n t s s é d i t i e u x , l e s c o n s p i r a t i o n s s a c r i -


l è g e s , la m o q u e r i e e t l ' o u t r a g e d e t o u t e s l e s lo i s h u m a i n e s


e t d i v i n e s . V o u s n ' i g n o r e z p a s n o n p l u s , V é n é r a b l e s F r è r e s ,


q u e l l e a n x i é t é , q u e l l e i n c e r t i t u d e , q u e l l e p é n i b l e h é s i t a t i o n ,


ip ie ] l e t e r r e u r p r é o c c u p e n t e t a g i t e n t t o n s les espri ts , p a r i 1-


o u l i è r e m e n l l es e s p r i t s d e s g e n s d e b i e n , q u i c r o i e n t a v e c


r a i s o n q u e l e s i n t é r ê t s p r i v é s et p u b l i c s o n t à c r a i n d r e t o u s


les m a u x , l o r s q u e les h o m m e s s ' é c a r t a n t m i s é r a b l e m e n t


d e s r è g l e s d e la v é r i t é , d e la j u s t i c e et d e la r e l i g i o n , p o u r


se l i v r e r a u x e u t r a m e u i e u t s d é t e s t a b l e s d e p a s s i o n s e f f ré -


n é e s , inéd i i e n 1 Ion s l e s f o r f i i l s .


Au m i l i e u d e t an ! d e d a n g e r - - , q u i n e voit q u e t o u t e s


n o s e s p é r a n c e s d o i v e n t se r e p o r t e r u n i q u e m e n t en D i e u ,


n o t r e s a l u t ; q u e v e r s lu i d o i v e n t s ' é l e v e r c o n t i n i m i l e m e n i


n o s f e r v e n t e s p r i è r e s , p o u r q u e sa b o n t é p r o p i c e r é p a n d e


s u r t o u s les p e u p l e s les r i c h e s s e s d e sa m i s é r i c o r d e , q u ' i l


é c l a i r e t o u s l e s e s p r i t s d e s l u m i è r e s c é l e s t e s d e sa g r a > a


q u ' i l l ' a m è n e d a n s la v o i e d e la j u s t i c e c e u x q u i s ' é g a r e n t ,


q u ' i l d a i g n e t o u r n e r v e r s lui l e s v o l o n t é s r e b e l l e s d e ses


e n n e m i s , i n s i n u e r d a n s t o u s les c u a i r s l ' a m o u r et la c r a i n t e


de s o n s a i n t n o m , et l e u r i n s p i r e r d e p e n s e r toujours, e t d e


fa i re tout ce q u i e s i d r o i t , t ou t ce q u i e s t v r a i , t o u t ce q u i


est p u r , tou t ce q u i est. j u s t e , tou t ce q u i es t s a i n t . E t p u i s q u e




( 3 4 S U R \ . \ P R I E R Fv


Dieu est plein de suavité, de douceur et de misér icorde,
puisqu' i l est riche envers tons ceux qui l ' invoquent, pu i s -
qu'il regarde la p r iè re des humbles et aime surirait à mani-
fester sa puissance par la (démence et le pardon , appro-
c h o n s , Vénérables f r è r e s , avec eontianre du tronc de
grâce pour obtenir misér icorde et. t rouver secours dans le
temps oppor tun .


Car celui qui demande reçoi t , celui qui; cherche
trouve, et on ouvre à celui qui f r a p p e 1 . Kendons d'abord
d ' immortel les actions de grâces au Dieu de bou lé ! éjue.
dans la joie, nos lèvres louent son saint nom, puisque en
de nombreuses contrées do l 'univers cathol ique il daigne
opérer les merveil les de sa misér icorde .


Venons donc toits unan imement , an imés par la. sincérité
de la m ê m e foi, pa r la fermeté de la même espérance, par
l ' a rdeur de la mente chari té ; ne cessons un seul moment
de pr ier et de suppl ier Dieu humblement et avec instance,
pour qu'i l a r r ache sa sainte Eglise à toutes les calamités,
(pie chaque jour il l ' agrandisse , la dilate cl l 'exalle parmi
tous les peuples , dans toutes les contrées de la terre ;
qu 'a ins i elle purifie le monde de toutes les e r reu r s , con-
duise avec une tendre bonté tous les hommes à la conna is -
sance de la vérité et dans la voie de sa lut ; atiu que Dieu,
devenu propice, détourne les fléaux de sa. colère que nos
péchés ont mér i tée , qu'il commande h la mer et aux vents,
crée la t ranqui l l i té , donne à tous celle paix tant désirée,
sauve son peuple , et. bénissant son hér i tage, le dirige et
le conduise vers la céleste pai r ie .


Et afin que Dieu, plus accessible, prèle l 'oreille à. nos
jtrières et exauce nos vœux, élevons nos regards cl nos
ma ins vers sa très-sainte mère , Marie, Vierge Immaculée ;
nous ne pourr ions trouve!' de protection plus puissante ni
plus assurée auprès do D i e u ; elle es t pour nous la plus


' M i i t t l i . , v a , S .




SUR LA IMWL'RE. 05


toiuh'O des m è r e s / notre plus [ferme confiance, et même
tout le motif de nos espérances , puisqu 'el le ne demande
rien qu 'e l le ne l 'obtienne, et que sa prière ne saurai t être
ropoiisséo. — Implorons aussi les suffrages d 'abord du
Prince des Apôtres, à qui Jésus-Christ lu i -même a donné
les clefs du royaume des d e u x , qu'i l a établi comme la
pierre fondamentale de son Eglise, sans que les portes de
l'enfer puissent j amais prévaloir contre elle. P r ions ensuite
Paul , le compagnon de son apostolat ; p r ions le pat ron de
chaque cité, de chaque pays et de tous les b ienheureux ,
pour ([ue le Seigneur t rès-misér icordieux r épande sur
nous, avec abondance et largesse , les dons de sa bonté .


Aussi, Vénérables f r è r e s , tandis que Nous o rdonnons
ici des pr ières publ iques dans Notre Ville sainte , Nous
vous invitons, par ces let tres, à vous unir à Nous dans une
communauté de v œ u x , vous et les peuples commis à vos
soins ; Nous excitons de tout not re zèle votre fervente re l i -
gion et votre piété, pour qu 'en vos diocèses vous ayez
soin de prescr i re aussi des pr ières publ iques , dest inées à
implorer la divine clémence.


Et pour que les fidèles appor tent plus d ' a rdeur et
d ' instance dans les pr ières que vous ordonnerez , Nous
avons résolu d 'ouvrir de nouveau les t résors célestes de
l 'Église, sous la forme d'un Jubi lé , comme il vous sera
clairement indiqué par d 'aut res let tres qui sont jointes à
celle-ci.


Nous concevons dans no t re cœur cette ferme espé-
rance, Vénérables F rè res , que ce sont les anges de paix
qui, tenant en main les coupes et l 'encensoir d'or, offriront
sur l 'autel d'or Nos humbles pr iè res et celles de toute
l 'Église, pour (pie le Seigneur lui-niènie, les recevant avec
un regard de bonté et exauçant Nos vœux, les vôtres et
ceux de tous les fidèles, veuille dissiper les ténèbres de
toutes les e r reurs , chasser la tempête menaçante de tant
de maux, tendre une main secourable à la société c h r é -


n . 5




6G S U R I.A P R I È R E


lionne et à la société civile, et faire que tous les hommes
aient la même foi dans leurs espri ts , la même piété dans
leurs œuvres , le même amour pour la religion, pour la
vertu, pour la vérité et pour la just ice, le même zèle pour
la paix, le même at tachement aux l iens de la charité ; et
qu 'a ins i , dans toute r e t e n d u e de l 'univers , le règne de son
Fi ls unique , noire Seigneur Jésus-Christ , soit chaque jour
de plus en plus augmenté , affermi, exalté.


Enfin, comme un gage anticipé de tous les dons célestes,
et comme témoignage de Notre a rdente chari té pour vous,
recevez la bénédict ion apostol ique, quo , du fond de Notre
creili'. Nous vous donnons avec amour , à vous, Vénérables
F rè res , à tout le clergé, et à tous les fidèles confiés à votre
vigi lance.


Donné à Rome, près Sa in t -P ier re , le 2 1 e jour de novem-
bre , l 'an 1851 , de Notre pontificat le sixième.


PIUS P P . IX.


Telles s o n t , n o s t r è s - c h e r s F r è r e s , les l e t t r e s a p o s t o -
l iques .


Qu'il est. b e a u , qu ' i l est l o u c h a n t de voir le P è r e
c o m m u n des fidèles, du h a u t de la cha i r e s u p r ê m e , i n -
vi ter ainsi la g r a n d e famille des p e u p l e s ca tho l iques à
é lever avec lui ve r s le ciel , des m a i n s s u p p l i a n t e s et des
p r i è r e s p a c i f i q u e s 1 ! Qu'el le est bel le cet te insp i ra t ion
d ' u n e cha r i t é t o u t évangé l i que , cel te ferme confiance île
l ' e s p é r a n c e c h r é t i e n n e ! Qu'il est t o u c h a n t de voir p r i e r
le Vicaire du divin P a s t e u r des â m e s , de l ' e n t e n d r e g é -
mi r p o u r n o u s s u r la m o n t a g n e sa in te ! A la vue de tant


' Manos poras et sine dfecci.talionc. (S. Paul.)




SUT, l .A P R I È R E . (¡7


de m a u x , ses ent ra i l les p a t e r n e l l e s se son t é m u e s , et il
v e u t n o u s solliciter avec a m o u r de n o u s u n i r à l u i , d e
ne faire tous e n s e m b l e q u ' u n c œ u r et q u ' u n e â m e p o u r
apa i se r le Se igneur , et ob t en i r q u e l ' espr i t de pa ix d e s -
cende su r les c œ u r s dé sun i s et fasse e n f i n r e l u i r e s u r
nous des j o u r s p lus h e u r e u x et me i l l eu r s , des j o u r s qu i
soient l ' image de ce b e a u j o u r où les d o u l e u r s , les g é -
m i s s e m e n t s et la m o r t s ' enfu i ront loin des enfants de
Dieu !


D i e u , dit q u e l q u e p a r t le g r a n d évoque d ' I I i p p o n e ,
partage les temps entre sa justice et sa miséricorde ; t an -
tôt il ép rouve les socié tés h u m a i n e s p a r des ag i t a t ions
d o u l o u r e u s e s , t a n t ô t il les conso l e p a r sa b o n t é , et les
fait m a r c h e r d a n s les sen t i e r s de la paix .


Mais la nécess i t é des m a u x , a joute sa in t A u g u s t i n ,
loin d 'en a d o u c i r la r i g u e u r , est a u c o n t r a i r e ce qu ' i l s
ont tie plus r i g o u r e u x , pu i squ ' i l n 'y a r ien d é p l u s d é -
p lo rab le d a n s les m a u x q u e d 'avoi r pu Jes m é r i t e r p a r
•es fautes , et de ne pouvo i r p lus les évi ter m ê m e p a r
les p lus g r a n d s efforts de la sagesse h u m a i n e .


l ié las ! il le faut dire avec un p r o p h è t e ; il le faut
a v o u e r avec confusion et d o u l e u r : les peuples ont pro-
fonde me al péché, profundepeccacerunl. (Osée.)


La te r re est agi tée p a r l e s pa s s ions des h o m m e s c o m m e
la m e r pa r les t empê t e s ,


Ausa i , qu i ne t o u r n e r a i t enfin ses r e g a r d s ve r s les
deux g r a n d e s p u i s s a n c e s q u i , seu les a u ciel et s u r la
ïcr iv , p e u v e n t infai l l ib lement n o u s s a u v e r -,


c i e l , la n u i s a n c e de Dieu ;
Sur la t e r r e , la pu i s s ance de la p r i è r e .
la puissance de la prière! g r a n d e q u e s t i o n , m y s t é -


î i eu se , s'il en fui j a m a i s ; c a r la p r i è r e , c 'est la g r a n d e




G8 S U R LA L l i i L R i -


p u i s s a n c e de l ' h u m a n i t é et tout à la fois le g r a n d témoi -
gnage de sa fa iblesse . Oui , il y a ic i -bas , d a n s ce faible
et p a u v r e c œ u r de l ' h o m m e , u n e pu i s s ance c a c h é e , u n e
p u i s s a n c e i n c o n n u e de la f o u l e , m a i s u n e pu i s s ance
i n s t i t u é e , u n e p u i s s a n c e lég i t ime, u n e p u i s s a n c e r e d o u -
t a b l e a u ciel m ê m e , p a r c e qu 'e l le est s u p p l i a n t e , omni-
poieidia supphx... C'est là un g r a n d m y s t è r e ; p o u r moi
la Tr in i t é m ' é t o n n e m o i n s ; la p r é s e n c e rée l le m ' é t o n n e
m o i n s , et q u a n d v o u s m ' a u r e z e n t e n d u j u s q u ' a u b o u t ,
v o u s le p e n s e r e z p e u t - ê t r e c o m m e moi . Cet i n c o n c e -
vable m y s t è r e de la fa iblesse d e l ' h u m a n i t é et de sa
p u i s s a n c e d a n s la p r i è r e , é t o n n e , a t t i re e l a b s o r b e fou-
les m e s a t t en t ions : r e g a r d o n s - y de p r è s . En e i ï e t , la
p r i è r e m e d é c o u v r e d ' a b o r d d a n s l 'homme, un m y s t è r e
de fa iblesse : il n e p e u t rien s a n s e l l e , t o u s les beso ins
de sa faible n a t u r e , t o u t e s les nécess i t é s de sa triste
e x i s t e n c e , t ous les m é c o m p t e s de la v i e , le r édu i sen t
que lquefo i s à des déso la t ions i n d i c i b l e s , s'il n e pr ie
p o i n t ; e t , c h o s e é t r a n g e ! le p lus s o u v e n t il n e p r i e pas
ou il p r i e m a l ! Mais q u a n d il se déc ide à p r i e r , q u a n d il
p r i e b i en , sa fa iblesse m ê m e devien t u n e force : p lus il
se sen t f a ib le , p lus il es t fort. Il peu t fout p a r la p r i è r e .
O u i , t o u t ; la p r i è r e égale la p u i s s a n c e de D i e u : que
d i s - j e , la p r i è r e s u r p a s s e que lquefo i s la p u i s s a n c e de
Dieu : elle t r i o m p h e de sa v o l o n t é , de sa c o l è r e , de sa
jus t i ce m ê m e .


Il y a en Dieu d e u x man i f e s t a t i ons de sa p u i s s a n c e :
il y a p r e m i è r e m e n t la p u i s s a n c e o r d i n a i r e et p rov iden-
tiel le , qu i se man i fe s t e d a n s le c o u r s b ienfa isant et r é -
gul ier du g o u v e r n e m e n t des choses h u m a i n e s . Il y a
s e c o n d e m e n t la p u i s s a n c e e x t r a o r d i n a i r e et m i r a c u l e u s e
qu i éc la te p a r des p r o d i g e s , q u a n d il le faut.




SI;R LA P R I È R E


Telle est la pu i s s ance de la p r i è r e .
Les p r o m e s s e s en son t formel les d a n s le s a in t É v a n -


gile et d a n s t ou t e s les divines É c r i t u r e s , et p r o u v e n t
man i fe s t emen t q u e Dieu n e n o u s a p a s je tés au fond de
celte vallée de l a r m e s et de m i s è r e s s a n s n o u s d o n n e r
a u p r è s de l u i , et que lquefo is c o n t r e l u i , u n r e c o u r s et
une pu i s s ance que lquefo is i r rés i s t ib le .


Dieu est tout-puissant, dit u n p r o p h è t e ; qui pourra
ha résister? Je r é p o n d s s a n s hés i te r : L A P R I È R E .


Le Se igneur l u i - m ê m e s e m b l e avo i r v o u l u , s'il es t
p e r m i s de s ' e x p r i m e r a i n s i , se, m e t t r e que lquefo i s en
garde con t r e la p u i s s a n c e de la p r i è r e ; et, q u a n d il veu t
d o n n e r u n l ibre c o u r s à ses j u s t e s v e n g e a n c e s , il d e -
m a n d e à ses s e rv i t eu r s de n e le p a s p r ie r .


Î; Le peup l e q u e je vous ai confié, disait-il à Moïse,
mon p e u p l e , m ' a g r a v e m e n t o f fense ; l a i s s e z - m o i ; di-
mi'te me,- n e m e pr iez p a s p o u r l u i , vous m ' e m p ê c h e -
riez de le p u n i r .


— Non, Se igneur , r é p o n d Moïse, je n e vous la i ssera i
pas . Je vous p r i e r a i p o u r le peup l e c o u p a b l e ; il ne s e r a
pas dit q u e vous les f rapperez s a n s q u e j ' a i e i n t e r c é d é
p o u r e u x ; n o n , je ne les a b a n d o n n e r a i po in t s a n s d é -
fense à vo i re co lè re . Je p r i e r a i p o u r e u x j u s q u ' à la fin !
Moyses autem orabat Dominant.


— Moïse, laissez-moi, laissez-moi, d i sa i t D i e u , di-
m.itte nie. Moïse rés is ta i t t ou jours et p r i a i t , et disai t :
Non, je ne vous la i ssera i p a s , S e i g n e u r ! »


Oui sera le v ic to r i eux d a n s c e t t e l u l t e é t r a n g e ? Sera-ce
le Se igneur ou Moïse? s e r a - c e le T o u t - P u i s s a n t qui
t ient en t r e ses m a i n s la foud re , ou son h u m b l e se rv i teur
a r m é con t re lui de la p r i è r e ?


Mes I r è s - cbe r s F r è r e s , n o n - s e u l e m e n t la p r i è r e a u r a




70 S L R L A P R I È R E .


la force rie r é s i s t e r à Dieu , elle a u r a la p u i s s a n c e auss i
do le va inc r e . Va inemen t Dieu dit à Vloïse de ne le pas
p r i e r ; Moïse pr ie : il sa i t q u e la p r i è r e est le d ro i t , en
m ê m e t e m p s q u e le b e s o i n et le t r i o m p h e de la fai-
b les se : et t and i s qu ' i l t r e m b l e et qu ' i l p r ie p o u r son
p e u p l e , il d é s a r m e le b r a s d u T r è s - H a u t e t , d a n s ce
g r a n d d é b a t e n t r e l ' h o m m e et son D i e u , c 'est l ' h o m m e
qu i l ' e m p o r t e !


Qui no sai t e n c o r e l 'h is to i re d ' A b r a h a m ? Dieu voulai t
e n v o y e r le feu du ciel s u r ce t te ville a b o m i n a b l e .


Dans u n e dé l ica tesse d ' ami t i é tou te d iv ine , « je ne puis
cacher cela à mon serviteur Abraham, dit D i e u ; il faut
que je lui confie les résolutions de ma. justice.


— Mais, Seigneur, dit A b r a h a m , si dans cette ville, il
y ava i t c i n q u a n t e j u s t e s , v o u s n 'y enver r i ez p a s le l'eu
d u ciel ? — N o n , di t le Se igneur .


— Mais s'il n 'y en ava i t q u e q u a r a n t e , s'il n 'y en avait
q u e t r e n t e , s'il n 'y en avai t q u e v ing t? . . . » TA c 'est a insi
q u e , d e p r i è r e en p r i è r e , il a r r a c h a i t des m a i n s du
S e i g n e u r la s e n t e n c e de m o r t . Enfin , il se rédui t à dix,
« O h ! S e i g n e u r , q u a n d il n 'y a u r a i t là que dix j u s t e s ,
n ' e s t - c e p a s , vous n 'y enver r i ez pas le feu du ciei : non ,
vous ne le feriez p o i n t ? cela n e se ra i t p a s digne de
vous . Hoc non est luum. »


Qui n ' a d m i r e r a i t ici, m e s F r è r e s , la pu i s s ance et
l ' a u d a c i e u s e famil iar i té de la p r i è r e ? — « Je ne le ferai
po in t , di t le Se igneur . »


Ainsi , s'il y avai t e u dix j u s t e s clans S o d o m e , Sodornc
eû t é té s a u v é e p a r un seu l h o m m e !


Voilà ce q u e p e u t la p r i è r e p o u r le sa lu t du m o n d e '
voilà ce q u e p e u v e n t , ce q u e doivent o se r avec Dieu les
h o m m e s de p r i è r e , p o u r s a u v e r l eu r s frères !




S U R L A l ' R I È R K "1


C'est d 'après ces exemple s m é m o r a b l e s , q u e les h i s to-
r i ens de l 'Église i r o n t pas c ra in t de d i re q u e les dé se r t s
des a n a c h o r è t e s , les c a v e r n e s des Anto ines et des I l i la -
r i o n , é t a ien t p lus a v a n t a g e u s e s , p l u s s e c o u r a b l e s à
l 'Empire , sous les Cons tan t in et les T h é o d o s e , q u e les
p e n s é e s des sages et la force des p lus va i l l an tes a r m é e s .
L à , d a n s ces p ro fondes et i naccess ib le s so l i tudes se
t r a i t a i en t d e v a n t Dieu les in té rê t s des p e u p l e s et le s a -
lu t des n a t i o n s , avec p lus de succès q u e d a n s les c o n -
seils de ceux qu i s emb la i en t a l o r s les m a î t r e s du
m o n d e .


L à , des m a i n s d é s a r m é e s , m a i s i n c e s s a m m e n t t e n -
d u e s ve r s le c i e l , o b t e n a i e n t c o m m e celles de Moïse
les p a r d o n s d e m a n d é s , la vic toire au j o u r du p é r i l , o u
insp i ra i en t ces lois j u s t e s qu i d o n n e n t enfin aux n a t i o n s
agi tées la paix qui est la tranquillité" de l ' o rd r e : l'ux
tranquUUUiH ordinis, ,'S. August in . )


Aujourd 'hu i e n c o r e , en j e t a n t les yeux d 'un b o u t de
l 'Europe à l ' a u t r e , qu i p o u r r a i t ca lcu le r j u s q u ' o ù le
Se igneur p o r t e r a i t son c o u r r o u x c o n t r e les e m p i r e s d é -
g é n é r é s , s a n s la p r i è r e des j u s t e s ?»


Le p lus g r a n d bienfait du ciel s u r u n e na t ion , sur u n e
f ami l l e , s u r un c œ u r , c 'est d 'y r é p a n d r e l 'espr i t de
p r i è r e : car a lors les r e g a r d s se dé lac l i en t de la t e r re
et se t o u r n e n t vers le ciel , les c œ u r s é m u s c h e r c h e n t
d a n s u n e région p lus élevée et p lus h e u r e u s e les b i ens
qu i l eu r m a n q u e n t , les familles r e t r o u v e n t d a n s l ' un ion
des â m e s la paix re l ig ieuse .


Et les g r a n d e s na t ions e l l e s - m ê m e s , t r oub lée s p r o -
fondémen t pa r tant d ' o rages , d e m a n d e n t à la p ro t ec t i on
de Dieu le gage le p lus a s s u r é d e la sécur i t é p u b l i q u e ;
et à l 'abr i d 'un tel r e m p a r t , elles e s p è r e n t avec r a i son




72 S U R I.A P R I E R K.


voir r e lu i re p o u r elles des j o u r s p lus s e r e in s d a n s un
aveni r mei l leur .


Je r é p a n d r a i s u r la famille de David el s u r les h a b i -
t an t s de J é r u s a l e m l 'espr i t de g râce et de p r i è r e , dit le
Se igneur , et ils t o u r n e r o n t l eu r s r e g a r d s ve r s m o i , vers
celui don t ils on t p e r c é les p ieds et les m a i n s , et qu ' i l s
on t a t t a c h é à la croix.


Et effundam super Domum David , et super habita-
tores Jérusalem spiritum grutiœ et precum; et aspncienl
ad me ejucm confcxcrunt. (Zac. 13.)


Et si c eux à qui s ' a d r e s s e n t ces p a r o i c s ont le b o n -
h e u r de c ro i re à J é s u s c ruc i f i é , l e u r s y e u x a lo r s s ' é -
l èven t n a t u r e l l e m e n t ve r s la c r o i x ; ils r e g a r d e n t avec
conf iance Celui d o n t les p i eds et les m a i n s p e r c é s furent
a t t achés à cet te c r o i x ; ils le p r i en t , ils l ' imp lo ren t dans
l ' espr i t de g r â c e ; et b ien tô t des bénéd ic t ions mys t é -
r i e u s e s , et p ro fondes c o m m e les a b î m e s de la m i s é r i -
c o r d e é t e rne l l e , d e s c e n d e n t de cet te c ro ix s u r les c œ u r s ,
su r les famil les , s u r les n a t i o n s qu i l ' i nvoquen t .


Il faut d o n c p r i e r ! m e s F r è r e s : ou i , il faut p r i e r !
Il faut p r i e r el g é m i r , d e v a n t Dieu , e n t r e le ves t ibu le


et l ' a u t e l . 11 faut faire v io lence à Dieu : il le v e u t ! ii
faut d é t o u r n e r les d e r n i e r s c o u p s de sa c o l è r e !


Il faut p r i e r p o u r ceux qui ne p r i en t p a s ; il faut g é -
mi r p o u r ceux qui n e g é m i s s e n t p a s !


Dieu, dit l 'Éc r i t u re , e x a u c e r a les p r i è r e s el fera la vo-
lonté de ceux qui le prient et le craignent : d o n c , il faut
enfin c r a i n d r e D i e u , r e d o u t e r sa jus t i ce é t e r n e l l e , et
a u s s i , pu i squ ' i l est bon , pu i squ ' i l n o u s laisse vivre et
r e s p i r e r e n c o r e , il faut n ' ê t r e po in t ingra t à ses b o n t é s .


Il faut p r i e r p o u r tous :
11 faut p r i e r p o u r ceux qu i s e m b l e n t teni r en t r e l eu r s




s en L A i -mÈiu: 73


m a i n s les des t inées des p e u p l e s ; c a r ils son t e u x - m ê m e s
en t r e les ma ins de Dieu!


Il faut p r i e r p o u r ces p a u v r e s p e u p l e s , afin q u e Dieu
les éc la i re , les r a m è n e et les s a u v e .


Il faut p r i e r p o u r ceux qu i son t c h r é t i e n s et p o u r ceux
qui n ' on t pas e n c o r e le b o n h e u r de l ' ê t r e , afin qu ' i l s le
dev iennen t . Il faut p r i e r p o u r t o u t e l 'Ég l i se , p o u r la
Sa in te Église R o m a i n e , Mère e t Maî t resse de t ou t e s les
Égl ises ; p o u r la F r a n c e , t o u j o u r s si chè r e au c œ u r de
Dieu !


Enfin, en p r i a n t p o u r t an t de b e s o i n s et l a n t d e m a u x
p o u r n o u s - m ê m e s e t p o u r t o u s nos f rè res , n ' o u b l i o n s
p a s ceux qu i ne son t p lus et qu i v i ennen t de p a r a î t r e
d e v a n t Dieu !


P r ions p o u r les m o r t s ! Hélas ! h é l a s ! q u a n d c e s s e r o n s -
n o u s d o n c ces p r i è r e s funèb re s , don t les d o u l e u r s et la
nécess i té se r e n o u v e l l e n t si s o u v e n t ?


A c e s causes , et p o u r e n t r e r d a n s les re l ig ieuses et
pa te rne l l e s i n t en t ions de Sa Sa in te té :


F 1 Une quarantaine de p r i è r e s se fera d a n s le d iocèse
d 'Orléans . Elle c o m m e n c e r a le S d é c e m b r e , fête de
j ' Immacu Iéc -Concep t i on de la t r è s - s a i n t e Vierge, et fini-
ra le 18 j a n v i e r , fête de la C h a i r e de sa in t P i e r r e , p r i n c e
des Apôtres .


2° Nous inv i tons tous les fidèles de n o t r e Diocèse à
réc i ter c h a q u e j o u r :


— Tro is fois : Notre Père qui êtes aux deux.
— Trois fois : Sainte Marie, reine conçue sans pèche,


priez pour nous.
— Trois fois : Saint Pierre et saint Paul, et tous les -


saints A}iutres, priez pour nous. * .-'




74 si",u LA i>r.11 î;i:


— Trois fois : Saint Euvertc, sain! Aiyunn, saint bé-
nis, saint Martin, saint François de Sales cl tous les
saints Pontifes, priez pour nous.


— Tro i s fois : Saint Vincent de Paul, priez pour nous.
3" Le j o u r de la fête de l ' I tmi i acu léc -Concep l ion , le


j o u r de sa in t Etienne, de sa in t J e a n l 'Évangé l i s i e , le
p r e m i e r j o u r de l ' a n n é e , le j o u r de la fête de la Chaire
d e sa in t P i e r r e , et t o u s les d i m a n c h e s , p e n d a n t la q u a -
r a n t a i n e , un sa lu t so lenne l s e r a cé lébré dans toutes les
égl ises et chape l les de no t r e D iocèse .


On y c h a n t e r a le Rorate, cœli desuper : a v a n t la b é -
néd ic t ion , t rois fois le Parce, Domine; e t , a p r è s la b é -
néd i c t i on , t ro i s fois : Cor Jesu sacralissimum, miserere
nobis,


k° T o u s les p r ê t r e s d i r o n t c h a q u e . jour à la messe ,
o u t r e les o r a i s o n s o r d i n a i r e s , les o r a i s o n s p o u r l'Église
et p o u r la F r a n c e .


5° Nous inv i tons tous les Fidèles de no t re Diocèse , et
p a r t i c u l i è r e m e n t les â m e s p i euse s et les c o m m u n a u t é s
re l ig ieuses , à faire u n e ou p l u s i e u r s c o m m u n i o n s p e n -
d a n t la q u a r a n t a i n e , aux in t en t ions du P è r e c o m m u n
des fidèles.




LETTRE AU CLERGÉ DU DIOCESE


Portant communicat ion du Mandement de Mgr l 'Archevêqus
de Fribourcj en Brisgau.


M E S S I E U R S E T t r e s - u i e u s C O O P Ê B A T E C R S ,


Dans l ' admi rab le u n i t é de la sa in te Église c a t h o l i q u e ,
q u a n d u n m e m b r e vient à souffrir , t o u s les m e m b r e s
souffrent el c o m p a t i s s e n t avec lui , d i sa i t au t refo is saint
P a u l : Compatiuntur omnia membra.


Dans la forte et invincible so l idar i té de cet ep i scopa l
don t sa in t Cypr ien disa i t : Epis-copain* anus est, cajas
pars a singulis in solidum tenetur, q u a n d u n évoque
c o m b a t pour la vér i té el p o u r l a jus t i ce , t o u s les évoques
d u m o n d e p r i e n t , c o m b a t t e n t avec l u i , et s ' a s s o c i e n t .
au mo ins de c œ u r , à ses g lo r i eux pér i l s .


A l ' h eu re où j o p a r l e , Mess ieurs : t ous , é v o q u e , p r ê -
tres et f idèles, n o u s a v o n s ce g r a n d et s a in t devoi r à
r empl i r .


Non loin de n o u s , su r les b o r d s du Rh in , un h é r o ï q u e
vie i l lard , l ' a r c h e v ê q u e d e F r i b o u r g en b r i sgau , souffre et
c o m b a t p o u r l a foi, p o u r la l iber té de l 'Église, p o u r les
d ro i t s les p lu s invio lables de la sa in te d isc ip l ine ecc lé -
s ias t ique : les p r ê t r e s fidèles de ce religieu
p r e s s e n t à l ' e m i a u t o u r de l eu r a r c h e v ê q u e ,




7G D E E A I J U E R T E D E L ' É G L I S E .


la gloire et les pé r i l s de sa confess ion , et offrent, selon
le sub l ime l angage de sa in t Pau l , d a n s ce t te bel le et i n -
violable u n a n i m i t é , u n de ces g r a n d s spec tac les qui
dev i e nn en t t o u t à c o u p l ' é t o n n e m e n t d u m o n d e , la p lus
h a u t e leçon de la ve r tu c h r é t i e n n e , le révei l de la foi
d a n s t ous les c œ u r s , l ' a d m i r a t i o n des h o m m e s et des
anges : Spectaculum facti sumus mundo et angelin et
hominibva.


Là, s ' é ta ien t r e n c o n t r é s des h o m m e s , l ivrés e n c o r e
aux p ré jugés m i s é r a b l e s et a u x r a n c u n e s é t ro i tes d 'un
pa s sé qu i n ' e s t p lu s , des h o m m e s , qu i , se lon l ' éne rg ique
e x p r e s s i o n d u g r a n d a r c h e v ê q u e de C a n t o r b ë r y . sa int
Anse lme , v o u d r a i e n t faire de l 'Église u n e s e r v a n t e , un-
cillam ! ou i , de ce t te é p o u s e i m m o r t e l l e d u Fils de Dieu,
de cel te m è r e a u g u s t e e t v é n é r é e des enfants de l 'Évan-
gile, ils v o u d r a i e n t faire u n e s e r v a n t e d a n s la ma i son
de l 'État ! Qu'el le pa r l e et se t a i se c o m m e u n e se rvan te ,
q u a n d les m a î t r e s de la m a i s o n le lui o r d o n n e n t ; qu 'e l le
agisse en tout à l eu r g ré , ou n ' ag i s se j a m a i s ; qu 'e l le
m e t t e ses p r i è r e s à l eu r s o r d r e s , son catéchisme, et ses
e n s e i g n e m e n t s à l eu r se rv ice : p u i s , q u ' o n la paye
c o m m e u n e s e r v a n t e : ou si elle s'y r e f u s e , on ne la
p a y e r a p a s !


H o m m e s i m p r u d e n t s i qui n 'on t p a s c o m p r i s q u e c 'est
la s a in t e t é , et n o n l ' a b a i s s e m e n t de l 'Église qui se r t à la
g r a n d e u r et à la s écu r i t é de l 'É t a t ! H o m m e s m a l h e u -
r e u x , qu i n ' o n t p a s sent i q u e la d igni té h u m a i n e est
i n t é r e s sée à la d igni té s a c e r d o t a l e ; q u e , q u a n d la s e r -
vilité p é n è t r e d a n s le s a n c t u a i r e et se c a c h e de r r i è r e
l ' aute l , elle est b i en tô t pa r tou t , et les peup le s do ivent
tremljr'er ; et qu ' enf in , q u a n d la l ibe r té c h r é t i e n n e , la
Jjt^}S6£d£s â m e s pér i t q u e l q u e par t , i! ne res te p lus a u x




1)K LA L I D E ¡ i T É I)K L ' E G L I S E .


h a b i l a n i s de la t e r r e u n e s eu l e des l i b e r t e s l é g i t i m e s ,
dont la société h u m a i n e a beso in p o u r r e s p i r e r ve r s le
ciel ! H o m m e s aveug l e s , qui n ' o n t p a s su d é c o u v r i r q u e
l ' h o n n e u r vaut m i e u x q u e le p a i n ; q u e la foi es t mei l -
l e u r e q u e la v i e ; et q u e , d a n s l ' e s t ime des s e r v i t e u r s de
Dieu, l'Ame est plus que la nourriture : Axruv P L U S E S T
Q U A V I E S C A , dit fo r t emen t J é s u s - C h r i s t .


Voilà ce qu ' i l s n ' o n t pas su c o m p r e n d r e î Hélas ! en
les c o m b a t t a n t , il faut l e u r p a r d o n n e r ! — De g r a n d e s
et i l lus t res n a t i o n s ne l 'ont pas tou jours c o m p r i s non
plus ! — Et, d a n s l e u r p rofonde in in te l l igence des choses
divines et h u m a i n e s , ils son t d e s c e n d u s j u s q u ' à la p e r -
sécu t ion , d e r n i è r e et m i s é r a b l e r e s s o u r c e de l ' aveugle-
m e n t et de l ' impu i s sance .


Mais, g râces i m m o r t e l l e s en so i en t r e n d u e s a u ciel ,
ils ont r e n c o n t r é s u r l e u r c h e m i n un h o m m e qu i a
c o m p r i s tout ce la ! un h o m m e , don t les c h e v e u x ont
g lo r i eusemen t b l a n c h i d a n s les lu t tes p o u r la foi ; un
h o m m e qu i , d a n s un c œ u r de q u a t r e - v i n g t s a n s , p o r t e
encore la fe rveur du feu s a c r é cl de la f l amme a p o s t o -
l i que ; u n vie i l la rd , don t la voix p r è s de s ' é t e indre sai t
e n c o r e p o u s s e r des a ccen t s qu i é m e u v e n t t ou t e s les
âmes !


En u n mot , se lon la b r è v e et forte exp re s s ion de sa in t
Bazilc, l ' i m m o r t e l d o c t e u r de Césa rée , i ls son t t o m b é s
sur un évoque : Incident nt in Episcopum!


Ils ont t r o u v é là u n e v e r t u s u r l aque l l e ils n ' a v a i e n t
pas compté . . , u n oc togéna i re pac i f ique et m o d e s t e , m a i s
i n é b r a n l a b l e , qu i l e u r m o n t r e que , d a n s les é v ê q u e s de
J é s u s - C h r i s t , la foi et le c o u r a g e n e viei l l issent p a s ; qu ' i l
y a clans la p e r s é c u t i o n , d a n s la p a u v r e t é , d a n s la n u -
dité e l l e d é p o u i l l e m e n t d u c o r p s , u n v ê t e m e n t d ' h o n -




78 D E L A L I B E R T É 1>E L ' É G L I S E


n e u r don t FÉvangi lc a cé l éb ré la g lo i re a u - d e s s u s de
toutes les s p l e n d e u r s ; et qu 'enf in il es t difficile de
vaincre, celui qu i n e rés i s t e a u x h o m m e s q u e p o u r obé i r
à Dieu !


Et on a e n t e n d u r e t e n t i r e n c o r e u n e fois d a n s le
m o n d e , avec la d o u c e u r et l ' i n t rép id i t é c o n v e n a b l e s , le
non possumun des t e m p s a p o s t o l i q u e s !


Mess ieurs , q u o i q u e les évoques de cet te t r e m p e n ' a i en t
j a m a i s m a n q u é à l 'Égl i se ; q u o i q u e , depu i s les Apôlrcs ,
la t e r r e ca tho l ique ait t ou jours vu su rg i r , au j o u r d u
pér i l , ces h o m m e s c o u r a g e u x , qu i se son t e m p r e s s é s
de recuei l l i r f idè lement p o u r le t r a n s m e l t r e à l e u r s
s u c c e s s e u r s , ce g r a n d h é r i t a g e de la m a g n a n i m i t é et de
la force ecc lés i a s t iques : r e n d o n s g r â c e s à Dieu !


Oui , b é n i s s o n s Dieu ! en v o y a n t ref leur i r p a r sa g r âce
de si be l les et de si fortes v e r t u s su r ce t te t e r re d'Alle-
m a g n e , depu i s l ong t emps déjà r avagée p a r tant d ' e r r e u r s
m a i s si l o n g t e m p s b é n i e a u s s i ! qu i , c o m m e le disai t
au t refo is F é n e l o n , « a d o n n é à l 'Église t a n t de sa in t s
« p a s t e u r s , t a n t de p i eux p r i n c e s , t a n t d ' a d m i r a b l e s
« so l i t a i r e s ! »


Oui, r e n d o n s g râces à Dieu de ce qu'i l da igne envoye r
à l 'Église g e r m a n i q u e cel le nouvelle, g lo i r e , et à n o t r e
é p o q u e d é g é n é r é e ce nouve l e x e m p l e .


Dans les siècles où , c o m m e a u n ô t r e , les g r a n d s c a -
r a c t è r e s et les fortes conv ic t ions son t r a r e s ; q u a n d l ' in-
térêt m e u t p r e s q u e tou tes l é s â m e s , et q u e t a n t d ' espr i t s
a b a i s s é s s e m b l e n t ou v a i n c u s p a r la p e u r , ou e n c h a î n é s ,
à l a f o r t une , c 'es t le desse in de la P r o v i d e n c e , p o u r
r e n s e i g n e m e n t d u g e n r e h u m a i n , de susc i te r a lors tout
à c o u p , d u sein de q u e l q u e g r a n d e lu t te , des h o m m e s
d o n t l ' hé ro ïque d é s i n t é r e s s e m e n t et l ' invincible c o u r a g e




L)i: LA L 1 1 ) E H T É D E 1 / É G L I S E .


font voir au m o n d e é t o n n é ce q u e p e u v e n t , s eu l e s , en
l ' absence de tous Jes in té rê t s h u m a i n s , les nob le s insp i -
ra t ions de la consc ience et l ' é n e r g i q u e m o b i l e d ' u n e foi
généreuse !


C e r t e s , q u a n d les n a t i o n s , v i o l e m m e n t p o u s s é e s en
sens con t r a i r e s p a r le m o u v e m e n t des r é v o l u t i o n s , p a -
r a i s s en t avoir é g a l e m e n t p e r d u l 'idée de la j u s t e o b é i s -
s a n c e , et celle de la l iber té r a i s o n n a b l e , p o u r n e p lu s
c o n n a î t r e q u e les excès , n 'est- i l p a s d igne de la sagesse
et de la bonté de Dieu de l e u r m é n a g e r a lors q u e l q u e s
g r a n d s exemples , où l ' obé i s sance et la l ibe r té s u b s i s t a n t
en semble et se m o n t r a n t c h a c u n e à sa p l a c e , l ' exac te
el v r a i e m e s u r e de ces deux g r a n d e s c h o s e s d e v i e n t
v i s ib le , et leur no t ion se r é t a b l i t ?


En u n s i èc l e , enfin , où les r é s i s t ance s n ' o n t p r e s q u e
j a m a i s é té q u e des r é v o l t e s ; l o r s q u e so ixan te a n n é e s
d'efforts ont. été i m p u i s s a n t s p o u r c o n s t i t u e r l ' équ i l ib re
des forces po l i t iques el a r r i v e r à la pac i f ica t ion socia le ,
et que , p a r t an t d ' a b u s d ' une l ibe r t é l i cenc i euse , le s a -
crifice de tous les p lus g é n é r e u x s e n t i m e n t s s e m b l e
ê t re d e v e n u , p o u r u n m o m e n t , la t r is te et n é c e s s a i r e
cond i t ion do la pa ix p u b l i q u e , l ' E u r o p e n 'avai t -e l le pas
beso in q u e l ' idée de la r é s i s t ance lég i t ime et rég lée fût
r enouve l ée , et q u e , d a n s d ' éc l a t an te s lu t t e s engagées
aux you \ de l ' un ive r s en t i e r , e n t r e la force d ' u n e p a r t
et le droi t de l ' a u t r e , on vît t ou t ce qu ' i l peu t y avoi r
d ' i n d é p e n d a n c e et de géné ros i t é d a n s les c œ u r s , s a n s
qu'il y ail des a r m e s d a n s les m a i n s ?


C'est l 'Ég l i s e , p r e s q u e t o u j o u r s , q u e Dieu cho i s i t ,
q u a n d il veut d o n n e r à la t e r r e de telles l eçons et d e tels
spec tac les . C'est ainsi qu ' à la fin du siècle d e r n i e r , u n
g rand p a p e , Pie VI , u n e g r a n d e É g l i s e , l 'Église de




80 D E L A L I D E K T E D E L ' É G L I S E .


F r a n c e , se r e n c o n t r è r e n t d a n s la c o m m u n i o n de l ' ex i l ,
des p r i sons et du m a r t y r e , et t r i o m p h è r e n t de l ' impiété
r é v o l u t i o n n a i r e et de l ' impié té s c h i s m a l i q u e p a r la su -
b l imi té de l eu r foi ! Au c o m m e n c e m e n t de ce siècle , ce
fut Pie VI I , l u t t a n t c o n t r e le p lus p u i s s a n t des C é s a r s ,
et a u j o u r d ' h u i , c 'es t l 'Église d 'Al lemagne , g l o r i e u s e m e n t
pe r sonn i f i ée d a n s l ' i m m o r t e l a r c h e v ê q u e de Cologne , et
d a n s Monse igneur l ' a r c h e v ê q u e de F r i b o u r g !


Et Dieu , en m ê m e t e m p s , accompl i t p a r là cel le g r a n d e
p r o m e s s e qu ' i l a faite à son Église de n e la j a m a i s l a i s -
se r s a n s p e r s é c u t i o n s , vos perseqwnlur, de la p r é s e r v e r
avec soin de la mo l l e s se et des pé r i l s d ' u n e t rop longue
p r o s p é r i t é , et de lui faire t r o u v e r sa force au d e d a n s
p a r m i les o r a g e s d u d e h o r s , et d a n s les h u m i l i a t i o n s
d o n t ses e n n e m i s l ' a b r e u v e n t , le r e n o u v e l l e m e n t de sa
gloire !


E n c o r e u n e fois r e n d o n s g râces à D i e u , qui d é m o n t r e
a ins i , p o u r la c e n t i è m e fois, q u e , p a r m i les choses g lo -
r i e u s e s d 'un m o n d e où il y en a si peu , la p lu s g lor ieuse
de t o u t e s , s a n s c o n t r e d i t , c 'es t la lu t te p o u r la v e r l u ;
q u e les m â l e s c o u r a g e s , les s a in t e s r é s i s t a n c e s , les d é -
v o û t n e n t s h é r o ï q u e s n e c ro i s sen t b i en el n e se m u l t i -
p l ien t g l o r i e u s e m e n t qu ' à l ' o m b r e d e l à c r o i x ; en f in ,
q u e la p a l m e des m a r t y r s , l ' in t rép id i té des a p ô t r e s , la
m a g n a n i m i t é des pontifes et des confesseur s font à l 'É-
glise la seu le c o u r o n n e d igne d 'el le et de Dieu , digne
des r e s p e c t s du ciel et des a d o r a t i o n s de la t e r r e !


Et voilà p o u r q u o i Dieu l u i - m ê m e lui a t r e s sé celte
c o u r o n n e de ses m a i n s ; e t , b i e n qu ' i l y ait des épines
en t r e l acées aux j o y a u x de ce b r i l l an t d i a d è m e , c 'est
p o u r cela m ê m e q u e i 'Ég l i seen chér i t les d o u l e u r s auss i
b i e n q u e les g loi res : elle le p o r t e avec jo ie : il r e s p l e n -




i)K I.A J . l l tKRTË ItK !.'K(iI.I$K SI


dit à son front : il est doux à son c œ u r : ce l te p a r u r e lui


va mieux que toutes les s p l e n d e u r s des p r o s p é r i t é s h u -


maines .


Rendons g râces à Dieu d ' avo i r m o n t r é e n c o r e u n e


fois au m o n d e q u ' o n peu t avoir t ou t ensemble- , se lon la


paro le de l ' É v a n g i l e , la s impl ic i té d e l à c o l o m b e , la


d o u c e u r des a g n e a u x et la force du lion d a n s le c œ u r :


q u e , selon l ' ineffaçable p a r o l e du g r a n d m a r l y r de C a r -


ili âge , q u a n d on tient l 'Evangi le d i m e m a i n et la c ro ix


de l ' au t re , on peut otre tué, jamais vaincu! Occidi po-
test : vinci non polcst; q u e p o u r ê t re u n h u m b l e c a t h o -
l ique , on p e u t n ' en ê t re pas m o i n s , au j o u r du Se igneu r ,


un fier c h r é t i e n ; qu ' on peu t cap t ive r son espr i t s o u s la


loi et l ' au to r i t é de Dieu , s a n s ê t re p r ê t à s u b i r le j o u g


de toutes les t y r a n n i e s ; que, l ' i n d é p e n d a n c e e m p o r t é e


de l ' espr i t n ' e s t p a s t o u j o u r s l ' i n d é p e n d a n c e et la n o -


blesse du c a r a c t è r e ; et qu 'enf in ce n ' e s t p a s aux c h r é -


t iens fidèles q u e s ' app l ique cet te t r i s te p a r o l e de l 'Eccle-


siaste : .Vai cherché sur la terre un homme, digne de ce
nom, et j'en ai à peine trouvé an sur mille : Virum de
mille, unum reperi.


Vous l i r e z , M e s s i e u r s , les pa ro l e s de Monse igneu r


l ' a r c h e v ê q u e de Fri b o u r g , et vous direz si j a m a i s les


d ix -hu i t p r e m i e r s s iècles de l 'Église on t fait e n t e n d r e u n


plus g r a n d langage q u e le d i x - n e u v i è m e . Non , je le dis


avec u n e joie p ro fonde : ce t te t r ad i t i on es t é v i d e m m e n t


i m m o r t e l l e ! Depuis P i e r r e e t Pau l c o m m a n d a n t tous


deux la soumis s ion a u pouvo i r , et n e r é s i s t a n t 1 tous


deux q u ' e n d o n n a n t l e u r vie s o n s u n Néron p o u r l e u r


foi, il n 'y a p a s eu d ' i n t e r r u p t i o n !


1 l ' sque ad s a n g u i n a l i restitistis. ; s . Paul a d H e b . , v u , 4.)


H . G




S 2 D i ; L A L i l i E U ï É D E L ' E G L I S E .


Vous v e r r e z , M e s s i e u r s , p a r ce l é c r i t , c o m p a r a b l e à
t o u t ce q u e la p lu s g r a n d e an t iqu i t é ecc lés ias t ique n o u s
a l égué de p lus b e a u , vous ve r rez l ' injust ice i n c o n c e -
vab le des p e r s é c u t i o n s q u e ce \ é n é r a b l e viei l lard et le
c lergé de son a r c h i d i o c è s e ont é té t r ouvés dignes de
souffrir p o u r la sa in te c a u s e de Jésus -Chr i s t , et p o u r la
défense de la l i be r t é c h r é t i e n n e !


Et v o u s y v e r r e z en m ê m e t e m p s avec que l l e m a g n a -
n i m e simplici té un évoque c a t h o l i q u e s 'élève c o m m e
n a t u r e l l e m e n t , su r le flot a m e r des t r i bu la t ions , à t ou t e
la h a u t e u r du c o u r a g e s a c e r d o t a l : vous ve r rez q u e ce
c o u r a g e ca lme , m o d e s t e , r e s p e c t u e u x e n v e r s les p u i s -
s a n c e s , a u t a n t q u e l ibre et g é n é r e u x , n ' e s t pas de ces
faux c o u r a g e s q u ' o n voit p a s s e r si vile de l ' i n so lence à
la b a s s e s s e , de la servi l i té à la r évo l t e ; m a i s q u e , g a r -
d a n t l ' o r d r e de l ' o b é i s s a n c e , il se b o r n e à m e t t r e les
c o m m a n d e m e n t s du Se igneur a u - d e s s u s de ceux des
h o m m e s , et dit s i m p l e m e n t : Xon i>o-ssumits'.


En offrant à vos m é d i t a t i o n s ces pages d ignes de tou te
la b e a u t é des a n c i e n s j o u r s , j ' a i vou lu avan t t o u t , Mes-
s i e u r s , vous d o n n e r une g r a n d e conso la t ion et vous
m o n t r e r un g r a n d e x e m p l e .


J 'a i vou lu a u s s i vous offrir l ' occas ion de t émoigne r vo-
t r e s y m p a t h i e à ce véné rab le pontife et à ses p r ê t r e s qui
son t vos frères d a n s la foi et d a n s le s a c e r d o c e .


De t o u t e s p a r t s , en F r a n c e et en Al l emagne , on sous-
cri t p o u r ce t te sa in te et n o b l e c a u s e .


Ah ! s a n s dou te , ces g é n é r e u x confesseurs ne nous
d e m a n d e n t n i n o t r e a r g e n t , ni n o t r e o r ; c o m m e les
a p ô t r e s , d ' a i l l e u r s , n o u s en avons p e u 1 : ce peu n o u s


1 A u r u m et argentum mu l i .;aoo. A d . Ai«.'St.




!)]•: 1.A M l i K I ï T K !>K I . ' K G L 1 S L


l ' avons p a r t a g é uaguôrc encore avec nos f rères s o u l -
frants de la Calice : m a i s en offrant , m a l g r é la d u r e t é
des t e m p s , à nos frères des b o r d s du Rhin , l ' obo le de
notre p a u v r e t é , q u e l q u e faible qu 'e l le pu i s se Cire, ce t te
obole a u r a ici u n e sa in te et h a u t e s ignif icat ion : elle
a t tes tera du m o i n s , M e s s i e u r s , q u e d a n s la g r a n d e s o -
l idar i té du clergé c a t h o l i q u e , v o u s sentez ce q u e v o u s
devez sen t i r , vous c o m p r e n e z ce q u e vous devez c o m -
p r e n d r e !


. \ o u s vous e x h o r t o n s d o n c à p r i e r avec ferveur p o u r
le clergé et les fidèles des églises de la p rov ince du
Hau t -Rh in , et en pa r t i cu l i e r p o u r le v é n é r a b l e m é t r o -
poli tain de F r i b o u r g , Monse igneur de Yicari . Vous p o u r -
rez , à cel te in tent ion, r éc i t e r à la sa in te m e s s e , p e n d a n t
le sa in t t e m p s de l 'Avent , la col lec te pro Ecclesiâ.


Nous v o u s engageons auss i à n o u s faire p a r v e n i r le
p lus tôt poss ib le , p a r l ' i n t e r m é d i a i r e de MM. les d o y e n s ,
les offrandes q u e vous des t iner iez a u se rv ice de cel le
sainle cause .


Si que lques p e r s o n n e s c h a r i t a b l e s de vos pa ro i s ses
vou la i en t b ien s ' assoc ie r s p o n t a n é m e n t à cet te b o n n e
œ u v r e , vous p o u r r i e z auss i n o u s faire p a r v e n i r l eurs
offrandes p a r la m ê m e voie.


Que la g râce et la force de Not re -Se igneur Jé sus -Chr i s t
et la c o m m u n i c a t i o n de son divin Espr i t -Sa in t so ien t
tou jours avec n o u s !


M A K Ï Ï E M E H T B £ Mgr L ' A R C H D T I Q T J I


D X F R I B O U R G


H e u m a x x d e V i c a i u , pa r la misér icorde de Dieu cl In


grâce du Sainl-Sicgc apostol ique, Archevêque de Fr ibourg




Si


cl luctwfioUlnin (le la in-nyinn: •vrlrmMhiun du llhin s u -
pér ieur , docteur en théologie et en droi ts canon et m i l ,
graud 'ero ix de l 'Ordre du Lion de / . (ehringen, de l 'ordre
royal d(! W u r t e m b e r g de Frédér ic , graud'eroix de l r c classe
de l 'ordre du pr ince de I lohenzol lern , prélat domest ique
de Sa Sainteté, assistant au t rône pontilieal, comte r o -
ma in , etc.


À tous les P rê t r e s et Fidèles do son Archidioeèsc salut et
bénédiction dans le Seigneur .


Au milieu des tempêtes qui assaillent le vaisseau de la
sainte Eglise, dont le gouvernai l nous est conlié parmi
vous, nous aur ions toute raison d ' imiter les Apôtres qu i ,
surpr is par une tempête sur le lac, éveil lèrent le Seigneur
en lui disant : Seigneur, sauvez-nous, nous périssons ! car
nos faibles ma ins , celles d'un vieillard de quatre-vingt-un
ans , pour ra ien t bien faiblir, pa r suite de la faiblesse hu-
maine , dans un combat si p ro longé pour les droits de Dieu
et la l iberté de son Eglise ; mais le Seigneur a dit dans le
t emps , et il dit encore : Proie:- courage et soyez fais, afin
que vous ne trembliez pas devant leur face, parce que je suis
avec vous.


Et c'est au Dieu éternel que nous élevons notre voix et
nos mains en disant : Seigneur, je souffre violence, réponde*
pour moi.


Prê t res et Fidèles de nuire Archidiocèse ! vous savez tous
quelles pr iè res nous avons présentées avec nos frères dans
l 'épiscopat devant les t rônes de nos augustes souverains
pour obtenir enfin la l iberté de notre Eglise ; vous savez
combien nous avons supplié alin d 'être exaucés dans notre
sollicitude pour le salut des âmes et de la société, si man i -
festement menacée de nos jours . Vous avez appris par les
deux mémoi res de l 'épiscopat de notre province ecclésias-
tique le sujet de nos négociat ions.


Au lieu de nous répondre par des pr incipes de droit , on
a répondu par la force; et comme, selon le devoir de notre




D E LA L I U L U T L : ) L L ' L G L ! S


oaarge , nous s o m m e s rosio s . i . ;> e rahue à u >>ro no-te
gardien du sanctuaire do Dii'u, on joint m a i n t e n a n t l 'ou-
trage à la violence, il faillirait que nous ne fussions pas
un oin; du Seigneur ni un successeur des Apôt res , si
n o u s ne nous mett ions pas en devoir de défendre de
toutes nais forées l 'Epouse sans tache du Sauveur eonlre
les at taques dont (die est l 'objet, do quelque côté qu'el les
viennent.


Nos suppliques, appuyées sur le d r o i t , n'ont pas élé
exaucées par l 'autorité qui doit ê tre la tutrice d e tout droit :
ii ne nous reste, par conséquen t . d 'après le droit publie
de l 'Allemagne, aucune voie de droit . C'est pourquoi nom
en appelons au sic'tjc apMolique, qui est le protecteur de
tous les oppr imés , à la foi et ¡'1 la conscience de toute la
chrétienté, et à. vos pr ières , hvs-chei 's diocésains.


Sous allons vous exposer comment toute cette affaire
s'e-î passée ci où elle eu est actuel lement . Outre la grâce de
la rédemption et do la sanclilication de l 'humani té , le
Christ ianisme a proc lamé le pr incipe de la distinction
entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel: « Rende*.,
it César ce qui est à César, et ù Dieu ce qui est et Dieu. »
Dès ce moment , deux g rands ordres ont dirigé la société :
l'Eglise et l'Etal. Chacun de ces pouvoirs est au tonome et
indépendant sur son terrain. Si chacun d'eux agit dans ses
l imites, le but qu' i ls doivent également p o u r s u i v r e , le
bonheur éternel et temporel des hommes , sera atteint, car
par leur union ils proeurent le bonheu r d e la société. Mais
si l'un de ces pouvoirs empiète sur l 'aulre , les consciences
e n seront troublées ci blessées, et la société sera jetée dans
la per turbat ion. L ' h i s t o i r e est là pour le dire à tout le
i n o n d e On devait croire que d ix -hu i t siècles suffiraient
pour instruire le xi.v siècle ; mais celui-ci a oublié cet en-
seignement .


Ii est notoire qu 'au commencement de ce siècle, lors d e
la Confédération du llliin. dans les jours des plus grandes




S 6 HE i.A L l f î E R T K D E E ' É G L I S E .


h u m i l i a t i o n s , l ' É g l i s e , e n A l l e m a g n e , p e r d i t , p a r l a c h u t e


d e l ' E m p i r e , la p r o t e c t i o n q u e le droit g é n é r a l l u i a s s u r a i t


p a r l ' E m p e r e u r e t p a r l ' E m p i r e . T a n d i s q u e t e r h e f s u p r ê m e


d e l ' E g l i s e é t a i t e x p o s é a u x p e i n e s e t a u x p e r s é c u t i o n s l e s


p l u s a c c a b l a n t e s , et m ê m e r é d u i t ( jour q u e l q u e t e m p s e n


c a p t i v i t é , la p l u p a r t d e s s i è g e s é p i s e o p a u x d e l ' A l l e m a g n e


d e m e u r a i e n t v a c a n t s , e t t o u t e l ' o r g a n i s a t i o n e c c l é s i a s t i q u e


é t a i t t r o u b l é e e t p o u r a i n s i d i r e a n é a n t i e . A c e t t e é p o q u e ,


l ' o r g a n i s a t i o n e c c l é s i a s t i q u e d é p e n d a i t d e t'ait e t e n t i è r e -


m e n t d e l a v o l o n t é a r b i t r a i r e d e s g o u v e r n e m e n t s p a r t i c u -


l i e r s . C 'est a l o r s , le 11 f é v r i e r 1 8 0 3 . q u e p a r u t d a n s ce p a y s


d e L iade le t r o i s i è m e éd i t d ' o r g a n i s a t i o n p a r l ' a p p o r t ;t l a


R e l i g i o n , et l e I I m a i 1 8 0 7 l ' é d i t d e Constitution eedesias-


tif/ui' ; c e s d e u x r d i t s d i s p o s a i e n t é g a l e m e n t d ' u n e m a n i è r e


s o u v e r a i n e d e l ' E g l i s e c a t h o l i q u e et d e la c o n f e s s i o n p r o -


t e s t a n t e . E n 1 8 0 9 , l ' o r g a n i s a t i o n g é n é r a l e d u p a y s a t t r i b u a


à l ' E t a t u n e si g r a n d e p a r t d a n s l e g o u v e r n e m e n t d e l ' E g l i s e ,


q u ' i l n e r e s t a p l u s à l ' E v è q u o q u ' u n e I r è s - f a i b l e p o r t i o n


d ' a u t o r i t é e c c l é s i a s t i q u e , d e s o r t e q u ' i l n ' a v a i t p l u s c e l l e


q u i l u i é ta i t n é c e s s a i r e p o u r g o u v e r n e r l ' K g l i s e s e l o n les


p r e s c r i p t i o n s c a n o n i q u e s et l e s d e v o i r s d e la c o n s c i e n c e .


L e s p l a i n t e s q u e l ' E g l i s e p o r t a a u c o n g r è s d e V i e n n e n e


f u r e n t p a s é c o u t é e s , et l ' o r d r e s p i r i t u e l en v i n t à un tel


p o i n t d e d é c a d e n c e , q u e l e s g o u v e r n e m e n t s c u v - m e m e s se


v i r e n t f o r cé s d e c h e r c h e r à p o r t e r r e m è d e à un si g r a n d


m a l . C ' e s t ce q u e li t le g o u v e r n e m e n t g r a n d - d u c a l a v e c p l u -


s i e u r s a u t r e s E t a t s d e la C o n f é d é r a t i o n . I l s c b a r g è r e n t l e u r s


p l é n i p o t e n t i a i r e s d ' é l a b o r e r , e n 181«, 1rs b a s e s d ' u n c o n -


c o r d a t qu ' i l s s o u m i r e n t e n s u i t e au S a i n t - S i è g e . Mais la d é -


c l a r a t i o n c o n t e n u e d a n s ce t a c t e é t a i t t e l l e m e n t o p p o s é e à


la foi et à la c o n s t i t u t i o n d e l ' E g l i s e c a t h o l i q u e , q u e le S a i n t -


P è r e l a r e j e t a le 1 0 a o û t 1 8 1 9 ; n é a n m o i n s , p o u r m e t t r e lin


à l ' é t a t i n t o l é r a b l e d e l ' E g l i s e , é ta t si p r é j u d i c i a b l e a u s a l u t


d e s c a t h o l i q u e s d e c e s c o n t r é e s . Sa S a i n t e t é é r i g e a , e n 1821


e t 1 8 5 7 . la p r o v i n c e e c c l é s i a s t i q u e d u t i b i n s u p é r i e u r , p a r




Hi: L A I . 1 R E R T É i i E L ' É G L I S E .


l e s d e u x b u l l e s Provida xoU'rsf/iU'i'i Ait dominicif/iv;//*cus-
todia m. O s lui I les g a r a n t i s s e n t à n o t r e Kgl i se t o n s
l e s d r o i t s q u e l ' é p i s e o p a t d e n o t r e p r o v i n c e r é c l a m e a c t u e l -
l e m e n t : car. d ' a p r è s le p a r a g r a p h e 0 d e la B u l l e d e 1827,
rAichevê'iue dans mm diocèse et sa province vvcle'xias-
U'jiie. et cliit'jHC Kvê'/ne dans son diurèse particulier, doi-
vent exercer de plein droit lo juridiction episcopale '/ni
leur est attribuée d'après les constitutions de FKalise et in
discijdiue existante.


M a l g r é toni e e l a . l e s t r è s - h a u t s g o u v e r n e m e n t s d e la p r o -
v i n c e p u b l i è r e n t , le aa j a n v i e r 18.30, u n d é c r e t e n t i è r e m e n t
c o n t r a i r e à la s u s d i t e d é f i n i t i o n conventionnel!!', e t ce d é -
c r e t r é d u i s i t l ' a u t o r i t é e p i s c o p a l e <-r l a ce i i<! i lu l io ! i d e
l ' E g l i s e c a t h o l i q u e à -un é t a t tout à l'ait i n s u t l i s a n î . C ' e s t
p o u r ce l a q u e le S i è g e a p o s t o l i q u e d é c l a r a , p a r u n b r e f d u
.30 jui l le t , 1 8 3 0 , q u e r e d é c r e t a v a i t é t é t'ait c o n t r a i r e m e n t
« à la p a r o l e p u b l i q u e m e n t d o n n é e p a r l e s g o u v e r n e m e n t s . »
et e n j o i g n i t a u x K v è q u e s d e s ' o p p o s e r à s o n e x é c u t i o n d e
m a n i è r e à le l 'aire r e t i r e r . Ce d é c r e t é t a i t a u fond i d e n t i q u e
à la « d é c l a r a t i o n » q u e le S a i n t - P è r e a v a i t r e j e t é e à d i -
v e r s e s r e p r i s e s , cl q u e les g o u v e r n e m e n t s a v a i e n t a b a n d o n -
n é e , d é c l a r a t i o n o p p o s é e à la d o c t r i n e e t a u x lo is d e
l ' E g l i s e c a t h o l i q u e .


S a n s t e n i r c o m p t e d e s r é c l a m a t i o n s d u S o u v e r a i n P o n -
tife, les - • o i i v e r n o m o n l s n i i r e n t à e x é c u t i o n l ed i t d é c r e t .
D a n s c e s d e r n i è r e s a n n é e s , l e s g r a n d s E t a t s d e l ' A l l e -
m a g n e r e n d i r e n t enf in il l ' E g l i s e la j u s t i c e q u i lu i a v a i t é t é
si l o n g t e m p s r e f u s é e . N o u s n o u s l e v â m e s à n o t r e t o u r p o u r
r e v e n d i q u e r le d r o i t d e ' n o t r e E g l i s e , m a i s l ' é p i s e o p a t d e s
a u t r e s p a y s n o u s a d e v a n c é s e n c e l a . V o u s s o u m î m e s n o t r e
m é m o i r e du "> f é v r i e r 1851 a u x l i a n t s g o u v e r n e m e n t s , q u i y
r é p o n d i r e n t p a r l e s o r d o n n a n c e s c o n n u e s du m o i s d e m a r s
iS-')3. Ces o r d o n n a n c e s é c a r t e n t l e s d e m a n d e s d e s E v è q u e s
d a n s t o u s l e s p o i n t s e s s e n t i e l s et m a i n t i e n n e n t l e s a n -
c i e n n e s c o n d i t i o n s . La p r o v i n c e e c c l é s i a s t i q u e , d u R h i n s u -




88 D E E A L I B E R T É D E L ' É G L I S E


périeur , l 'Allemagne catholique, t<>!11 le monde catholique
l'ut rempli d'étonnemenf cl de d iadeur en apprenant ces
o rdonnances . Elles mettent l 'Eglise catholique hors de tout
droit , et la lettre ministérielle du t " mars , qui les art om-
pagno, porte l i t téralement : « Nous ne voulons pas exunii-
« ncr plus at tent ivement ce que dispose le droit ex i s tan t :
« qu'il suffise de cons idérer ce que demande !•> bien de
« l'Etat el de l'Eglise ; » — el ajoute que le gouvernement
peut changer , a rb i t ra i rement et quand il veut, tout l'Etat
de droit . Tieehtszustandé


Il ne nou» restait dune plus, à nous qui .sommes établi île
Dieu utirtUrn de la c-onsiitiiUnii de l'Iù/lise, qu'à remplir
notre devoir ecclésiastique vis-à-vis du youremement qui
entrave de fait les droits de FEijIise ; — nous n 'avons plus
qu'il marche r sur les traces des saints confesseurs et mar-
lyrs. en confessant not re foi, en exerçant les droits qu 'é té 1


nous impose le devoir de main teni r , et en souffrant tout
plutôt que de les abandonne r . Nous nous sommes rappelé
l 'expression du saint mar tyr èypr ien : « Quand un Evéque
« est rempli de crainte , c'en est fait de lui. » l.e droit po-
sitif d 'agir ainsi, nous l 'avons établi en détail dans notre
mémoire du 18 juillet de cette année , mémoi re auquel le
gouvernement ne répl ique que pa r la menace de la force,
an lieu de nous opposer des pr incipes de droit . Nous étions
donc forcé de rempl i r nos devoirs sans plus larder; d 'un
côté, la mesure d 'out rage et de dommages que l'Eglise a
eu ;i suppor te r depuis un demi-siècle de la par t d 'une bu-
reaucrat ie qui n'a voulu proli ter d 'aucun enseignement ,
est plus que c o m b l e ; d 'aut re par t , le spectacle de la ma-
ladie et des souffrances, de la corruption de la foi et des
nneur s , qui ont augmenté d 'une manière effrayante durant
la longue pér iode de l 'adminis t ra t ion de l 'Eglise pa r l'Etal,
ne permet plus de différer les remèdes , quelque doulou-
reux, qu' i ls soient ; el la pleine convielion qu'il s'agil en
cette circonstance de l 'existence même de l 'Eglise dans




1IK I.A I . l l i K U M K l)K L ' É G L I S E . 80


notre pairie n o u s la il u u devoir impér ieux d 'agir comme
nous agissons.


On le sait, même sens le gouvernement de qua t re pr inces
justes, s'en les grands-ducs Charles-Frédéric , Charles , Louis
(d L é n p n l d , qui I n u s étaient an imés de droi tes intentions
pour l'Eglise catholique, l 'administrat ion de l 'Eglise par
l'Etat s'est rendue coupable d 'une telle quanti té d ' injus-
tices et de loris contre l 'Eglise de Dieu, que nulle autre
époque de riiistoiir ecclésiastique n'en présente un pareil
c.rcmple.


Celle a d m i i u s i r a t i u n s 'es l rendue coupable contre le mi -
nistère d 'enseignement de l 'Egl ise; elle a t'ait ense igner
de.< c h o s e s h o s t i l e s à la foi.


Elle s 'est mêlée de choses qui regarden t le culte et a
porte at teinte, par sa législation, aux sa in ts sacrements et
aux préceptes sacramentaux de l 'Eglise.


Elle s'esl emparée du gouvernement de l 'Eglise et l'a
conlié aux mains des fonctionnaires laïques.


Elle a privé la sainte religion dans sou action Geltung
. sur la vie publ ique du peuple .


Elle a entravé l'influence du Chris t ianisme sur l 'ensei-
gnement pub l i c , en commençant par l 'Université ca tho-
lique de Eribourg, à laquelle elle a tâché d 'enlever le ca-
ractère catholique qu ' e l l e a d 'après sa fondation ; et en
descendant jusqu ' aux écoles paroiss ia les qu'elle a privées,
sous bien des rappor ts , de la grâce d 'une éducation chré -
tienne et de la foi.


Xous ne parlons pas de l 'administrat ion des biens ecclé-
siastiques ; l 'Eglise, que la const i tut ion de l 'Etat recon-
naît propriétaire de ces b i e n s , en a été dépossédée. C'est
ainsi que l 'héritage qui nous a été t ransmis par nos pères ,
la foi et la fidélité antiques, a été pe rdu . Des passions se
sont emparées du peuple , qui a été négligé ; et à ses souf-
frances cl à sa misère, qui vont toujours croissant, v iennent
se joindre la corrupt ion et la perte éternelle des âmes .




0(1 DE EA i . i O E i n ' J ' : D E L ' E G L I S E .


Lu face d e c e s m i s è r e s m u l t i p l e s n o u s n e p o u v o n s , s o n -


g e a n t a u j u g e m e n t ;'i v e n i r , q u e s u i v r e l ' e x e m p l e d e N o t r e


S a u v e u r , q u i , c o m m e l ion p a s t e u r , s 'est i m m o l é p o u r les


s i e n s . N o u s a u s s i n o u s v o u l o n s , c o m m e p a s t e u r l i d è l e ,


c o m b a t t r e et s o u f f r i r p o u r le t r o u p e a u q u i n o u s est con f i é ,


e t e x p i e r a i n s i l e s f a u t e s n o m b r e u s e s q u i , a u se in d e c e t t e


p o r l i o n d e F i d è l e s , o n t p r o v o q u e les c h â t i m e n t s d e b i e n .


T o u t e s n o s s u p p l i q u e s a n t é r i e u r e s a y a n t é té r e p o u s s é e s ,


il n e n o u s es t r e s t é d ' a u t r e v o i e q u e d ' a g i r d o r é n a v a n t (bu i s


t o u t e s l e s f o n c t i o n s d u g o u v e r n e m e n t d e l ' E g l i s e , d ' a p r i s


l e s s a i n t e s l o i s c a n o n i q u e s q u i son t g a r a n t i e s p a r l e d r o i t


pos i t i f .


f l ans l ' A r c l i i d i o c è s e d e F r i h o u r g , le. C o n s e i l s u p é r i e u r


e c c l é s i a s t i q u e g r a n d - d u c a l é t a i t e n p r e m i è r e l i g n e l ' o r g a n e


é t a b l i p o u r l a r é a l i s a t i o n d e s i n j u s t i c e s fa i t es à l ' F g l i s e .


C o m p o s é tout entier de callioliiptcs, cciiesiastiipies e t l/iï-
'/ueii, c e c o n s e i l é t a i t o r g a n i s é d e m a n i è r e à v o i l e r s a t e n -
d a n c e et s o n a c t i o n a u x y e u x d u p e u p l e c a t h o l i q u e . F a i s a n t


p a r t i e d e l ' o r g a n i s a t i o n g é n é r a l e d u p a y s c r é é e en IW),
ce t t e a u t o r i t é , d o n t la n a t u r e p r i m i t i v e p o r t a i l dé j à a i i e i n t e


à l ' i n d é p e n d a n c e et à l ' a u t o r i t é d e l ' F g l i s e , l o in d e m i t i g e r


c e l l e t e n d a n c e h o s t i l e à l ' F g l i s e , l ' a e n c o r e a u g m e n t é e à


l ' o c c a s i o n d e t o u s l e s c h a n g e m e n t s o r g a n i q u e s p o s t é r i e u r s .


Ce C o n s e i l e c c l é s i a s t i q u e s ' é t a i t e m p a r é d e t o u t e s les a t -


t r i b u t i o n s e t d e t o u t le p o u v o i r q u i a p p a r t i e n n e n t à l ' A r -


c h e v ê q u e , s a u f u n e p e t i t e p a r t ; a u s s i le S o u v e r a i n P o n t i f e


e x i g e a - t - i l la c e s s a t i o n d e c e t t e u s u r p a t i o n d e d r o i t s e c c l é -


s i a s t i q u e s . N o u s r e c o n n a i s s o n s e n t i è r e m e n t le p o u v o i r q u ' a


le s o u v e r a i n d e l 'aire d e s o r g a n i s a t i o n s ; n o u s n e p e n s o n s


n u l l e m e n t à s u p p r i m e r u n e a u t o r i t é é t a b l i e p a r Je c h e f d e


l ' E t a l ; m a i s , ce q u e n o u s n e p o u v o n s r e c o n n a î t r e , <"csl
/'exercice des droits e'piscojutux par 'les fonction nairex ci r ils;
fout c a t h o l i q u e q u i p a r t i c i p e à d e p a r e i l l e s f o n c t i o n s se


r e n d c o u p a b l e d ' une ' g r a v e a t t e i n t e c o n t r e la c o n s t i t u t i o n


d e l ' E g l i s e , e t p a r là m ê m e d ' u n g r a n d p é c h é .




or: L A [ л и к н т к [>к i
Nous i|ui avons la charge des à mes, al au и м и de щи


eette charge s'exerce dans l 'Arcliidincèso, nous avons aussi
le droit et le devoir de dé tourner du péché les m e m b r e s
du conseil ecclésiastique supér ieur , de les exhor ler et de
les puni r s'ils le méri tent . Aussi les avons­nous requis de
présenter nu très­clément régent une supplique, afin d'ob­
tenir (pue leurs fondions soienl organisées de­manière à ce
qu'ils ne se rendent pas coupables de péché en les exerçant,
leur représentant que leur ileroir était d'user de ce droit
de supplique pour sauvegarder la liber M de leur conscience,
qui c\t ga'rantie par la Constitution.


Dans ieur défense, ils n'ont pas cherché à démont re r la
légitimité des fonctions de leur c h a r g e ; ils se sont conten­
tés, pour jusiitier les fonctions qu'i ls exercent, de s'en r a p ­
porter à des ordres supér ieurs . Ils ne se sont pas r endus
;i nos exhortat ions. Nous q u i n'en appel ions qu'à leur
conscience, nous avons réitéré plus ins tamment nos exhor­
tat ions; connue ils ne les écoutaient pas , nous les avons
menaces enlin des peines canon iques ; ils sont demeurés
opiniâtres ci nmis forcent à prononcer la p e i n e qu' i ls ont
encourue : l'excommunication.


La première invitation que nous avons faite aux membres
du conseil ecclésiastique supér ieur regardai t la collation
des cures e! d'autres bénéfices ; nous l es avons exhortés ,
en leur qualité de cathol iques, à r endre just ice au droit
canonique, qui at t r ibue al 'Kvèquo la collation des paroisses
et des hénélices, et ne reconnaît au souverain que le droit,
de présentat ion, s'il peut prouver son dire do fondation.


Voici une prouve toute par t icul ière de l 'état dans lequel
nous nous t rouvons en ce pays , et c'est une chose qui ne
se trouve nulle part ail leurs ; sur huit cents paroisses , le
gouvernement ne veut permet t re à nous. Archevêque, que
d'en conférer à peine quelques­unes c e l l e s qui devien­
draient vacantes dans deux mois désignés . Nous nous
sommes donc enf in décidé, poussé pa r noire sollicitude




pour lo salul des âmes, à n o m m e r à des paroisses , el eu
p remie r lieu à la paroisse de l 'hôpital à Constance, sur la-
quelle le t rès-gracieux souverain n'a pas cherché à p rouver
son droit de pa t ronage , quo ique nous l'en eussions requis .


Nous avons fait dépendre s implement de notre examen,
et sans la part icipat ion d 'un commissai re du gouverne-
ment , Catlmmiou des aspirants an saeeriltice dans le sémi-
naire elérieal, parce que c'est nous qui avons à leur con-
férer les saints ordres et à decider sur la digne reception
de ces ordres .


Ces trois actes : l 'action s implement personnelle et spiri-
tuelle des membres du Conseil ecclésiastique supér ieur ,
la collathm de Inditi 1 paroisse et l 'examen des séminar is tes ,
— actes pu remen t ecclésiast iques, suite nécessaire de l'au-
tonomie reconnue à l'Eglise par la Constitution de l'Etat,
et imo les Evoques de tous les au t res pays du monde exer-
cent sans opposit ion, — le minis tère d'Etat graud-ducal a
cru devoir les considérer comme des empié tements sur le
domaine suprème du souverain , et les traiter en consé-
quence, é.e minis tère a député , dans l 'avai i l -dernière se-
maine , un de ses membres auprès de nous , et nous a r e -
quis , d 'abord eu par t icul ier , ensui te dams une réunion
tenue avec nous et notre chapi t re métropoli tain, de r ap -
porter les susdits actes comme aides de désobéissance
contre « les luis de l'Ktat, >• el de nous soumet t re sans ré-
serve au droit de l'État sur l 'Église. Mais notre sainte
Eglise nous apprend que nous ne lierons obéir aux pouvoirs
légitimes que dans les choses permises. Ee < h re tien n'ose pas
obéira l'autorité civile, quand celle-ci commande une chose
iléfendue, — et cela par la simple raison que c'est Dieu qui
l'a défendu, et qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes.
C'était donc un devoir pour nous de rejeter cette propo-
sition, et le vénérable chapi t re métropoli ta in, connue on
devait l 'a t tendre de lui, s'est rangé du côte de son Evéque.
Nous avons maintenu notre ferme résolution de défendre




I>K E \ U l î K u T Ë ! î B L'ÊGEISK '3


les droits de l 'Eglise, et nous l 'avons exposée dans une
lettre particulière au minis tère d'Etat grand­duca l , le i de
ce mois.


Ce qui paraissait incroyable et ce qui est inouï dans toute
l'histoire île t'Kijtise, devait arriver,


Par une ordonnance du minis tère d'Etat publiée par la
feuille d'Etat, nous , Fvèque d'un million de Fidèles et
métropoli tain d'une vaste province ecclésiast ique, nous
avons été suspendu de fait du gouvernement ecclésiastique
de IWrrhidioeèse que Dieu nous a confié'. Ее gouvernement
de cette portion de l 'Eglise, qui nous est si chère , doit être
géré, d'après l ' o rdonnance du ministère d'Etat g r a n d ­
ducal, par un employé subal te rne de police, sans l ' appro­
bation duquel nous . l 'Archevêque, et noire ordinar ia t , nous
ne devons plus pouvoir faire parveni r aux Fidèles aucun
acte ou ordonnance de notre minis tère . Et cet employé, qui
a été baptisé dans l 'Eglise cathol ique, a accepté cette
charge contre sa mère , et il la provoque pour se faire puni r .


Oh ! ipie ne nous est­il donné do. pouvoir dire avec un
grand confesseur de nos t e m p s : «Dieu soit l o u é ; main ­
tenant on emploie la violence ! » Mais ce qu'on nous fait,
ce n'est pas la violence ouver t e , — cette violence a encore
quelque apparence de respect ; mais ici on veut, — nous
n'hésitons pas à nous servir de ce terme, —on veut frapper
d'incapacité ;Mundtodt; et FFgli.se et son premier pas teur
établi de Dieu.


Par cette ordonnance , on a cherché à séparer nos iils
spirituels de nous, qui sommes leur père spiri tuel ; on les
a flattes, mais on a aussi compromis leur honneu r , en
louant leur désobéissance présumée , et en leur promet tan t
des avantages temporels .


(in a cherché, par des moyens de police, à nous séparer ,
nous le pasteur établi de Dieu, de notre t roupeau . On a,
sans raison aucune , assimilé l 'obéissance ecclésiastique et
la profession publ ique de cette obéissance au t rouble du




9: !»E L A !. ! I! E lî T K D E J . ' E t i L Î M :


repos publie, o n a menacé des peines île i'élal de siège
mitigé tous les Fidèles qui en t reprendra ien t de défendre
les droits de l 'Eglise.


Dans un pays auquel la Constitution garanti t la liberté de
ta presse, on s'est emparé de toutes les impr imer ies , pour
qu'el les ne puissent plus rien publ ier de notre part pour
la défense des droits de l 'Eglise ; on a menacé du bras de
la police les prêtres catholiques fidèles, et promis l ' impunité
aux t r ansgresseurs de leurs devoirs .


C'est ainsi qu 'à toutes les violences antér ieures on a en-
core ajouté le plus grand out rage contre 1'Egiise.


O u i , ces dern ie rs actes du pouvoir civil montrent à cha-
cun quel plan il poursui t contre l 'Eglise de Dieu ; ils dé -
voilent le b u t qu'i l se propose et comment il veut enchaî-
ner l 'Eglise sur un terrain où elle ne pourra i t ni vivre ni
mour i r .


Maintenant enliu o n pour ra juger en connaissance de
cause la condui te de ceux qui o n t encore de la foi et de
ceux q u i a iment la just ice. Cette port ion de l 'héri tage de
Dieu a été, il est vrai, depuis longtemps un scandale aux
j u s t e s ; mais ce n ' e s t qu 'à présent qu'el le s'est montrée au
m o n d e entier telle q u ' e l l e est.


Nous, Prêtre» et Fidèles b ien-a iniés ,nous sommes donnes
actuel lement eu spectacle aux anges et aux hommes. Mon-
trons-nous tous, dans ces graves circonstances, dignes de
notre sainte mère l 'Eglise. Soyons soumis à Dieu, prêts à
tous les sacrifices, obéissants à l 'exemple de Celui qui a.
été obéissant jusqu'à la mort, et encore jusqu 'à la mort de
la croix. Que le Dieu tout-puissant nous accorde la force
de pouvoir vous servir de modèle et du nous maintenir
fidèle à celte exhortat ion divine : Travaille* de Imites les
forces de votre dnte peur.la justice, combattez pour elle jus-
qu'à la mort. Et Dieu domptera peur veus ces cuneiiiis.


.Nous avons vieilli au service de l 'Eglise; il y a juste un
demi-siècle que nous sommes entré au Conseil de l 'Evèché




D E I.A U J i E P . T Ë D E L ' É G L I S E . 0.".


('h' Constance : que Dieu da igne pa r sa grâce nous rendre
digne du mai-lyre que la violence nous t'ait subir .


Nmis soupirons après le moment où nous serons appelé
auprès de notre Seigneur et ma i l r e , auprès du Itoi éternel
de noire Eglise, pour bu . rendre raison, non de nos actions,
ipii sont d'un poids min ime dans la ba lance de la just ice,
mais de notre bonne volonté.


Chaque jour nous avons, au saint sacrifice, pr ié avec fidé-
lité, disaid : Seinueur,fni ai nie /''ornement de votre maison
et ta demeure de votre gloire. Et il nous est donné d 'adres-
ser au Seigneur ces autres paroles : .Yc perdez pas, mon
Dieu, mon orne avec les impies dons les mains desquels il y
a îles injustices.


Prêtres et Fidèles, notre cœur s 'épuise et nos m e m b r e s
sont chargés d 'années . .Nous avons un pied dans le tom-
beau. Et pourtant nous disons courageusement avec saint
Thomas : >< Par la misér icorde de Dieu, je ne ferai r ien
qui puisse être préjudiciable à l 'Eglise tant que je v ivra i ;
j 'a i choisi celte voie, je ne changera i pas de direction, j ' y
resterai sous la condui te du Sauveur , car C" . " , e \ . éo < si, sa-
lutaire pour moi , — c'est la voie royale qui conduit à la vie.
Vous aussi , vous devez marche r dans cette voie, pour sui-
vre les traces de .lésus-Christ et des Apôtres . L'Eglise ne
doit pas éjre j jouvernée par des moyens voilés, par la l'use,
mais par la just ice et la vérité, qui dél ivrera tous (.'eux qui
la suivront. Faites cela, et vous aurez sû rement Dieu pour
aide, et du reste, ne cra ignez rien de ce que les hommes
vous feront. »


Mes bien-aimés, écoutez deux pr iè res '.de votre p remie r
pasteur , qui vous quit tera bientôt : ce sont peut-être les
dern iè res .


Abandonnez avec confiance à mes vieilles épaules ce
eonibal pour la gloire de Dieu et la liberté de la sainte
Eglise. Reste:- /ideics et el/cissouls au père de la patrie que
Dieu vous a donne, mais en vous souvenant de votre foi et




9(ï D E L A L I B E R T É D E L ' É G L I S E
sans IJ laisser potier atteinte. Cn i«ar«*il combat clans un
Etat consti tut ionnel n 'est dirigé <|ue contre le ministère
responsable : la Couronne n 'en peut pas être at teinte. Te-
nez-vous dans la subordina t ion , et en considérant ta j u s -
tice de notre cause, ne perdez pas la continuée en Dieu ;
contiez-vous aussi aux sent iments d e just ice de votre t r i s -
auguste régent et aux pr iè res des pr inces chrét iens . Ne
troublez en rien l 'ordre et la paix pub l ique , pour ne
pas profaner la cause pure et sainte. Nous-mème, nous se-
r ions obligé de frapper tout écart semblable des peines de
l 'Eglise. Mais nous a t tendons de vous avec confiance que
vous obéirez sans crainte et cordia lement aux injonctions
de votre Evèque, qui n 'en t re dans ce combat que pour
suivre les préceptes de Dieu et rempl i r sou devoir. Notre
chapi t re métropoli ta in s'est rangé unan imement autour de
nous , à la joie et à la consolation de noire eoutr. Vous
auss i , prê t res véné rab l e s , vous resterez unis avec- nous
comme le cep avec la v igne , vous serez en accord avec
nous comme les cordes de la harpe , a lin que Jésus-Christ ,
notre bien-aimé Seigneur et Sauveur , soit loué et béni .


Unisse\-vous donc à nous dans la prière, dans une prière
incessante p o u r l 'Eglise qui souffre chez n o u s , dans la
pr ière au Dieu tout-puissant , au Père qui dirige les rieurs
des puissants comme des lleuves d ' eau ; dans la pr ière au
Fils éternel , qui agit victor ieusement comme chef invisiblo
de son Egl ise ; dans la pr ière au Saint-Esprit , qui est donné
comme consolateur à l 'Eglise jusqu ' à la fin des siècles;
ftmi.v ht pricrr h );.' ,<»}»}/• Vif>>•#•(• .V.'/rJf, )a fw///û WilV <2es
grâces divines, qui ne rejette aucun de ceux qui implorent
son intercession dans celte vallée de la rmes .


Implorez l ' intercession de tous les saints qui , dans cette
vie, ont combat tu , souffert et versé leur sang pour notre
sainte Eglise, atin qu ' i ls unissent leurs prières aux nôtres
devant le t rône de l 'Eternel . S; Dieu est arec cous, qui sera
contre nous?




DI-: L A L I B L I U ' É DE L ' É G L I S E . <J7


Pros terné (lt ' \ani l 'image du Sauveur crucilii's >'t après
avoir invoqué l 'Espri t -Sainl , nous o rdonnons ce qui suit :


Chaque jour, à la messe paroiss ia le , à laquelle le prê t re
ajoutera la collecte pro Eccle.tia, on exposera le très-saint
Sacrement dans l 'ostensoir, et les lidèles diront le chape -
let. Après la messe, le prêtre dira les litanies de tous les
Saints avec les versets et ora isons qui su ivent ; si les curés
jugent plus ii propos de faire ces pr ières le soir, nous le
permettons. Chaque d imanche et fête, on joindra à la prière
universelle, après le sermon, la pr ière suivante :


' Dieu lout-puissanl. ne rejetez pas votre peuple , qui
•• élève sa \ o i \ vers vous dans les peines qui le pressent ,
••• mais venez au secours dos souffrants, pour la gloire de
•< votre nom. TSoiis viens suppl ions . Seigneur , de recevoir


avec honte la pr ière de votre Eglise, afin que , délivrée de
•• toute peine et de tout joug d ' e r r eu r , elle vous serve en


pleine liberté, vous qui vive/., etc. »
l.a présente Lettre pastorale sera publiée aussitôt qu'il


sera possible en cha i re ; elle sera répandue parmi les
fidèles.


La grâce de notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ soit
avec vous. Ainsi soit-il.


Friboiirg, en la fête du saint évoque .Martin, le 11 no-
\ ombre IS.'j3.


HK R M A X X , archevêque de Vribuurij.




LETTRE CIRCULAIRE ET MANDEMENT


Sur la Liberté d e l'Église et les Prières publiques (1852;


M E S S I E U R S E T T R È S - C H E R S C o o r Ê n A T K c n s ,


Pin s i e u r s d ' e n t r e v o u s m ' o n t c o n s u l t é au sujet de là
d e m a n d e de p r i è r e s p u b l i q u e s qui l eu r a é i é a d r e s s é e
off ic ieusement pa r les au to r i t é s l o c a l e s , à l 'occasion de
la p r o c l a m a t i o n de l ' E m p i r e .


I.e. g o u v e r n e m e n t n e n o u s a po in t fa i t p a r v e n i r j u s -
qu ' ic i de d e m a n d e à cet égard . T o u l e f o i s , c o m m e il est
u r g e n t de v o u s t i r e r de l ' i n ce r t i t ude où v o u s v o u s t r ou -
vez, l aque l le p o u r r a i t p r o d u i r e de fâcheuses d ivergences
la où la condu i t e doi t être, u n e ;


C o m m e d 'a i l l eurs il y a l i en , dès m a i n l e n a n t , dans,
un é v é n e m e n t de cet te i m p o r t a n c e , d ' é lever nos espr i t s
et nos c œ u r s ve r s D i e u , et d ' imp lo re r les l u m i è r e s et
l ' a s s i s t ance d 'en h a u t s u r Celui qu i se t rouve c h a r g é de
la g r a n d e et difficile miss ion de g o u v e r n e r la F r a n c e ;


J ' a i c ru devoi r déc ide r qu' i l s e ra i t fa i t , d i m a n c h e
p r o c h a i n , d a n s t ou t e s les p a r o i s s e s d u d i o c è s e , les
p r i è r e s qu i v o u s s e r o n t i n d i q u é e s p a r le M a n d e m e n t
c i - jo in t .


S'il y ava i t des P a r o i s s e s a u x q u e l l e s la d i s l a n c e des




S U R I.A L l l i E R T É D E L ' E G L I S E .


l ieux e l l e t emps ne pe rmis sen t p a s de recevo i r ce Man-
d e m e n t avant d i m a n c h e p r o c h a i n , les p r i è r e s a u r a i e n t
l ieu, dans ces p a r o i s s e s , le d i m a n c h e su ivan t .


M A N D E M E N T


Nos T R È S - G J I K R S F E L R E S ,


L'Eglise a vu s 'ouvr i r enfin d e v a n t e l le , a p r è s c in -
q u a n t e a n n é e s d ' é p r e u v e s d i v e r s e s , une è re p lus h e u -
r e u s e , qui s e m b l e des t inée à la n ie l l r e en possess ion
de ses l i be l l é s .


Oui, ces sa in tes l iber tés du b i en , du v ra i , du d é v o û -
m c n l s a c e r d o t a l , de la c h a r i t é p o u r t o u s , de la pe r f ec -
tion évangé l iquo et du g o u v e r n e m e n t sp i r i tue l , ces p a r -
t ies essent ie l les d 'un t r é s o r qu i n 'a j a m a i s serv i q u ' a u
b o n h e u r des h o m m e s e t à celui des e m p i r e s ; voilà q u e ,
depuis q u e l q u e s a n n é e s , des p e r s p e c t i v e s i n a t t e n d u e s
eu p r o m e t t e n t à l 'Église le m a i n t i e n ou le r e tou r .


Vous le savez, Nos Ï r è s - C h e r s F r è r e s , les l iber tés de
l'Église ne sont pas de celles qui t r o u b l e n t les peup le s
et qui divisenl les espr i t s et les c œ u r s .


La l ibe l lé de J 'aulel et d u sac r i f i ce , c ' e s t - à - d i r e la
l iberté d'oll'rir à Dieu le cul te s u p r ê m e et pub l ic qu i lui
est d û ;


La l iber té du m i n i s t è r e et de la p a r o l e évangé l ique ,
c 'es t -à-di re la l iber té d ' ense igner la vér i té et la ver tu
aux h o m m e s ;


La l iber té de la sac rée h i é r a r c h i e , c ' e s t - à -d i r e la l i -
berté des conci les et des a s s e m b l é e s d ' é v ê q u e s , la l i -
ber té des re l a t ions n é c e s s a i r e s de c h a q u e évoque avec
le Chef s u p r ê m e de l 'Épiscopat ;




H il S 11 H I.A L I B E R T E D E L ' E G L I S E


La l iber té de t e n d r e à la per fec t ion du Chr i s t i an i sme
et de s ' assoc ie r p o u r le m i e u x faire , c ' e s t - à - d i r e la li-
be r t é de la c h a s t e t é , de la p a u v r e t é et de l ' obé i s sance
dans les cong réga t i ons r e l i g i e u s e s ;


La l iber té de s ' a s s e m b l e r c h a r i t a b l e m e n t p o u r secou-
r i r les m a l h e u r e u x cl les p a u v r e s , c ' e s t - à -d i r e la l iber té
de l ' a u m ô n e et des a s s o c i a t i o n s c h a r i t a b l e s ;


Enfin, la g r a n d e et féconde l iber té de l ' en se ignemen t
et de l ' éduca t ion :


Voilà , c e r t e s , des l i be r t é s légi t imes , des l iber tés
s a in t e s , qu i ne p e u v e n t j a m a i s ê t re c o n t r a i n t e s que p a r
la v io lence t y r a n n i s a n t la consc i ence c h r é t i e n n e en ce
qu 'e l l e a de p lus é levé, de p lus n o b l e , de plus l i b r e , de
p l u s p u r !


Et c e p e n d a n t n o u s p o u v o n s le d i r e , — car nous le
d i sons s a n s a m e r t u m e , — p e n d a n t c i n q u a n t e a n n é e s et
p lus , de ces l i b e r t é s , on n o u s a ravi les u n e s , on n o u s
a d i spu t é les a u t r e s ; et il y a q u a t r e a n s , n o u s les r é -
c l a m i o n s v a i n e m e n t e n c o r e .


Grâces i m m o r t e l l e s en so ien t r e n d u e s à la P rov idence
de Dieu, au zèle p e r s é v é r a n t et i n t r ép ide des dé fenseurs
de l 'Église, el à l ' in te l l igence p lus éc la i rée de ceux aux-
que l s , d a n s ces d e r n i e r s t e m p s , a été conl ié le gouve r -
n e m e n t de la F r a n c e , n o u s j o u i s s o n s a u j o u r d ' h u i de
la p l u p a r t de ces d ro i t s s ac r é s qu i cons t i tuen t la li-
b e r t é de l 'Église, la sa in te l i b e r t é c h r é t i e n n e et ecc lé -
s i as t ique .


Je ne v iens poin t i c i , Mes T r è s - C h e r s F r è r e s , e x a m i -
n e r p a r que l d é p l o r a b l e a v e u g l e m e n t cet te l iber té de
l 'Ég l i s e , si néces sa i r e à son e x i s t e n c e , si néces sa i r e au
sa lu t d e l à société t e m p o r e l l e . e l l e - m ê m e , a é té toutefois
m é c o n n u e , et si l o n g t e m p s e n c h a î n é e p a r tous les p o u -




KT I.KS l'R I ERES PL'IH.iyl'ES. - I8 .> ï . I M


voirs qu i se sont r a p i d e m e n t s u c c é d é a u mi l i eu de
n o u s , depuis la p r e m i è r e or ig ine de nos t r o u b l e s r é v o -
lu t ionna i res .


Profilant d ' une h e u r e favorab le , ce que je v iens en ce
m o m e n t vous faire c o n t e m p l e r , v o u s faire a d m i r e r ,
c'est l ' a t t i tude tou jours c a l m e et d i g n e , tou jours forte
et pacifique et quelquefois h é r o ï q u e de l 'Égl i se , p o u r
ma in t en i r et r e v e n d i q u e r celle l iber té s a c r é e , qu i fut
t o u j o u r s le p r e m i e r de ses b i e n s , c o m m e la p lus incon-
tes tab le de ses d iv ines p r é roga t i ve s .


C'est ainsi q u ' a u x t e m p s oit l ' impié té r é v o l u t i o n n a i r e
faisait r égne r s u r no t r e pa t r i e une fo rmidab le t e r r e u r ,
l 'Eglise de F r a n c e , p lu tô t q u e de sub i r le j oug de la
t y r a n n i e , sacrifia s a n s hé s i t e r son a n t i q u e p a t r i m o i n e
et tou tes les r i ches se s qu ' e l l e avai t r e ç u e s de la piété
de ses enfan ts , l a i s san t m ê m e r e n v e r s e r ses t a b e r n a c l e s
et ses a u t e l s , et i m m o l e r la fleur de la t r ibu sa in t e ,
p o u r c o n s e r v e r à tout p r ix son a n t i q u e disc ipl ine et les
droi ts ina l iénables de la l i be r t é évangé l ique : et c'est
a lors q u e , faisant r ev iv re la b e a u t é la p lus p u r e des
anc i ens j o u r s , u n e cro ix de bois , des cal ices de ve r r e
et des p rê t r e s d 'or lui suffirent e n c o r e u n e fois p o u r
sauve r le feu sac ré et défendre les â m e s !


C'est a lors a u s s i , p lu tô t q u e de se s é p a r e r j a m a i s de
la sainte Église r o m a i n e , de cet te Église Mère et Maî-
t resse infaillible de tou tes les Ég l i s e s , et de ce Siège de
P i e r r e , cen t re immob i l e de la ca thol ic i té et de t o u t e s
les p r o m e s s e s de J é s u s - C h r i s t , c 'est a lo r s q u e cet te
Eglise ga l l i cane insp i ra à ses Pont i fes et à ses P rê t r e s
le c o u r a g e qui fait affronter les é c h a l ' a u d s , d e s c e n d r e
dans les c a t a c o m b e s et sub i r toutes les d o u l e u r s de
l 'exil!




102 S U R l .A El D E R T E R E E'!•".(". E I S i-'.


Elle r é p o n d a i t ainsi p a r a v a n c e aux' in jures q u e d e -
va ien t lui ad re s se r , c i n q u a n t e a n n é e s plo.s la rd , d a n s le
c o u p a b l e e m p o r t e m e n t d'une, aveugle pass ion , que l -
q u e s - u n s de ses enfants : c o m m e s'ils n ' a v a i e n t pas
r e ç u d'elle le b a p t ê m e , les e n s e i g n e m e n t s de la foi , le
p a r d o n de l e u r s p é c h é s , et r e t r o u v é , au pr ix m ê m e de
son s a n g , cet te l ibe r té de la p a r o l e don t ils a b u s e n t si
é t r a n g e m e n t c o n t r e e l l e !


Quoi qu ' i l en soit île l ' i ngra t i tude e t des ca lomnies de
ses e n f a n t s , ce sera l 'é ternel h o n n e u r de l'ï'glWe de
France, d ' avo i r t r ave r sé les pér i l s d ' u n e l ongue p r o s p é -
r i té sans s ' amol l i r ; et q u a n d un siècle imp ie est v e n u
lui d e m a n d e r le t émoignage du s a n g , son front n 'a
po in t pftli, et elle s 'est t r o u v é e prê le à le lui d o n n e r .


O u i , ce fut u n g r a n d et b e a u spec tac le de v o i r , à la
fin d 'un x v m * s ièc le , c en t t r e n t e évêques et. c i n q u a n t e
mil le p r ê t r e s se l ever à la voix du s u c c e s s e u r d e P ier re ,
se p r e s s e r a u t o u r de lui au j o u r du péi i l , sou ten i r avec
lui l ' a r che c h a n c e l a n t e d ' une m a i n g é n é r e u s e , la for t i -
fier d 'un triple r a n g rie confesseurs et de m a r t y r s , et,
p lu tô t q u e de sacrif ier en r i en la l iber té des Ames,
m o u r i r , q u a n d il le fallut, en c o m b a t t a n t p o u r elle !


Cette a t t i t u d e si digne et si for te , l 'Église de F r a n c e
ne l'a j a m a i s p e r d u e ! Elle l 'a d ' a b o r d g a r d é e sous cet
E m p i r e qu i vou lu t la r e l eve r sans la r e n d r e l i b r e , lui
c réa des en t r aves d a n s u n e loi des t inée à l ' o rgan i se r
s a n s son a v e u et ma lg ré les p lus j u s t e s r é c l a m a t i o n s d u
Saint-Siège et de ses Évêques , et finit b i en tô t p a r l a
p e r s é c u t e r d a n s la p e r s o n n e s ac rée de Celui qu ' on n 'at-
teint j a m a i s , s a n s f r appe r en lui d u m ê m e coup l 'Église
e n t i è r e d o n t il est le Chef augus te .


A cet te g r a n d e et solennel le é p o q u e , c e r t e s , l 'Église




К : L E S 1>П!КТ«ЕЬ e'U L L l g U К S. — 18OÎ. 103


ne s 'é ta i l pas m o n t r é e i n g r a t e ; elle a v a i t bén i avec
ef 'nsion de c œ u r la m a i n p u i s s a n t e q u i l 'a i i îa à r e l eve r
ses p r e m i e r s aute ls : m a i s le bienfa i t eur é l au t d e v e n u
tout ii coup u n e n n e m i p a r l e fatal e n t r a î n e m e n t des
pass ions h u m a i n e s , les p lus cxtrC­racs r o n d p s c e o d u n e c »
du pouvo i r spi r i tuel n e r e c u e i l l i r e n t b ien tô t p lus q u e
l ' i ng ra t i t ude et l ' ou t r age . La m o d é r a t i o n ci la pa t i ence
de l 'Église et d u Vicaire de J é s u s ­ C h r i s t furent por t ées
a l eurs dern iè re s l imi tes : et n o u s v îmes a l o r s , avec le
de rn i e r a b u s de la p u i s s a n c e , le d e r n i e r i \ c c s de nos
m a u x .


Tris tes souven i r s , q u e n o u s voit i r ions p o u v o i r effacer
de n o i r e m é m o i r e ! .Mais, si l ' h i s to i re s'y refuse, l 'Egl ise
n 'oub l i e r a j a m a i s non p l u s la d é l i v r a n c e de Пони: et ce
glor ieux e t p e r s é v é r a n t serv ice r e n d u à la ch ré t i en t é
t o u t , en t i è re et au Père c o m m u n des i idèies p a r un a u t r e
Napoléon.


Q u o i qu ' i l eu soit, Dieu ava i t a lo r s s e s desse in s , ci le
m o n d e devai t voir e n c o r e u n g r a n d cl m é m o r a b l e s p e c ­
t a c l e .


Les évoques de f r a n c o , t o u j o u r s dignes de la gloire
de ha i r s p è r e s , firent e n t e n d r e de n o u v e a u le cri a p o s ­
t o l i q u e : / / enui mieux obéir о Dieu qu'aux hommes 1 !


La d o u c e u r céles te de l ' angé i ique viei l lard du Vatican
fut la pie r re c o n t r e l aque l l e vint se b r i s e r le m a r t e a u
qui a v a i t aba t tu t an t de t r ô n e s ; e t , p e u d ' a n n é e s é c o u ­
l é e s , la cité sa in te étai t d e v e n u e u n e fois e n c o r e l 'asile
des pu i s sances h u m a i n e s t o m b é e s , et le sol p r o t e c t e u r
où de g r a n d e s i n f o r t u n e s t r o u v a i e n t l e r e spec t et les
soins d ' u n e re l ig ieuse et p a t e r n e l l e h o s p i t a l i t é .


' OlnHlire nporlet Oeo magis <пшш homînibus. ;Лг.1., v, ît).}




S i n LA I . I U F . R Ï K 1>E I . ' É G U S E


Celle a t t i t u d e , l 'Église de F r a n c e l'a g a r d é e sous la
g o u v e r n e m e n t de la R e s t a u r a t i o n , don t les in ten t ions
lui é t a ien t a s s u r é m e n t f avorab le s , m a i s q u e l ' espr i t p lus
p u i s s a n t du siècle lui r e n d i t toutefois si c o n t r a i r e .


C o m m e n t est-i l a r r ivé q u e ces p r i nce s p ieux , qu i n o u s
a i m a i e n t et q u e n o u s a i m i o n s , n ' a i en t p u n o u s oll'rir le
p lu s s o u v e n t q u ' u n e p ro tec t ion c o m p r o m e t t a n t e ? C'est
q u e , g é n é r e u x d ' a i l l eu r s envers l 'Ég l i se , ils n ' o s è r e n t
pas lui d o n n e r la seule c h o s e qu i ne la c o m p r o m e t le
j a m a i s , la l ibe r t é .


P e n d a n t c o m b i e n d ' a n n é e s n ' a v o n s - n o u s pas eu à
s u p p o r t e r avec t r i s tesse les funestes c o n s é q u e n c e s d ' u n e
s i t ua t ion fausse et d ' u n e m a l h e u r e u s e faveur?


P e n d a n t c o m b i e n d ' a n n é e s n ' a v o n s - n o u s pas eu à
g é m i r du b ien q u ' o n n o u s voula i t faire p lus q u e des
m a u x les p lus c rue l s ?


El, a p r è s u n e r évo lu t ion faite c o n t r e l 'autel non m o i n s
q u e c o n t r e le t r ô n e , il a fallu la l ongue con t inu i t é des
d é v o û m e n t s e t des sacr if ices les p lu s h é r o ï q u e s p o u r
n o u s r e l e v e r du p o i d s a c c a b l a n t des ca lomnie s el des
co lè res de l ' op in ion é g a r é e !


A h ! c 'est q u e , c o m m e le d isa i t a u t r e f o i s , en plein
s ièc le de L o u i s XIV, Fénc lon : Quelque besoin que /'/•.'-
y lise semble quelquefois avoir des puissances humaines,
elle a encore plus besoin de conserver sa liberté. Quelque
appui qu'elle reçoive des meilleurs princes, elle a tou-
jours à craindre que la protection ne soit bientôt ¡dos
un secours, mais un joug déguisé1 ; t and i s q u ' a v e c sa
l iber té , elle n e cou r t j a m a i s a u c u n pér i l .


Et il y en a u n e r a i son p r o f o n d e :


' Discours pour te sacre de l 'Électeur de Cologne .




E T L E S Г* К I К H К 8 Г Ч ' l i L I Q U E s . ­ 1 8 5 * ' . 1 0 ; ,


Sa l i b e r t é , c'est sa n a t u r e , c 'csl son ac t ion p u r e et
essen t ie l l e , c'esL sa vie.


Sa l i be r t é , c'est le ministère donné a l'Epouse immé­
diatement par le seul Epoux, disai t e n c o r e f 'énolon , et
l 'Église doit l ' exe rce r avec u n e en t i è r e i n d é p e n d a n c e des
h o m m e s !


Sa l i be r t é , p o u r le di re d a n s le l angage le p lus s imple
et le plus fort, c'esl la ver tu d u Docete. omues génies.'


Sa l i b e r t é , c'est la t o u t e ­ p u i s s a n c e de Y Emîtes ergo :
Ecce ego vobiscum sum !


C'est la force invincib le de la pa ro l e qu i e n v o u i 1' 1*1—
glise à t r ave r s le m o n d e , c o m m e elle avai t autrefois
lancé les l u m i è r e s céles tes d a n s la nu i t du c h a o s : Allez,
enseignez toutes les nations.


El, en m ê m e t emps qu 'e l l e dote l 'Église de sa l i be l l é ,
la m ê m e p a r o l e d o n n e à cet te l i be r t é divine u n e g a r a n ­
tie f e r m e , qui la doit à j a m a i s p r é s e r v e r de la l i cence
pa r où d é g é n è r e n l e l p é r i s s e n t f ina lemenl p r e s q u e tou tes
les l iber tés h u m a i n e s : Et coda que je suis avec voies
jusqu'à la consommation des siècles!


Ah ! q u a n d je cons idè re cet te haute, or ig ine el cet te
souve ra ine nécess i té de la l i be r t é ecc lés i a s t ique , je
c o m p r e n d s p o u r q u o i , d a n s t ous les â g e s , c'est cel te li­
be r t é sa in te p o u r l aque l le r é c l a m a i e n t les é v o q u e s ,
écr iva ient les d o c t e u r s , m o u r a i e n t l es m a r l y r s , pr i a i en t
tous les sa in t s .


C'est cet te l iber té q u e sa in t Cypr ien défendai t con t re
les p e r s é c u t e u r s , l o r squ ' i l disait. : Un èvèque, qui tient
d'une main l'Evangile de Dieu, la croix de l'autre, peut
être tué, jamais vaincu : Oceidi potost, vinci nonpotest1.


1 E [ i . 5' . :u l C o r n e t . , p . S S , E d . I l . i l n z .




S U ! i.A Ы В К Н Т К ПК I /KGI . ISK


C'est cet te l ibe r té q u e sa in! August in défendai t m ê m e
c o n t r e Ja pro tec t ion que lquefo i s o p p r e s s i v e des pr inces ,
l o r squ ' i l allai t j u s q u ' à dire : Л Dieu ne plaise que l'E­
glise soit jamais assez abattue pour avoir besoin de vous
à un tel prix 1 /


C'est cet te l i be r t é que sa in t Ambro i se défendai t e n c o r e
en d i san t à T h é o d o s e : Vous êtes au dedans de l'Église :
mais vous n'êtes pas au­dessus d'elle ­.


C'est d a n s ces s e n t i m e n t s q u e tous les s iècles c h r é ­
t i ens ont louje­urs dit à ton!es )>:s p u i s s a n c e s h u m a i n e s ,
avec Terti i i l ien : Nous ne sommes pas à craindre ; mais
nous ne craignons pas non plus"' : seulement laissez­
nous libres el ne combattez j>as contre Dieu !


Les g r a n d s é v o q u e s de F r a n c e ne furent p a s a u ­ d e s ­
s o u s de ces m a g n a n i m e s e x e m p l e s : C'est ainsi que
Bossuel n e cra igna i t pas de p r o c l a m e r devaitl Imite la
magis t r a i uro f rança ise a s e m b l é e : Messieurs, С Eglise a
souvent a se plaindre de ses enfants qui t'oppriment ; on
ne cesse d'entreprendre sur ses droits sacrés : la puis­
sance temporelle semble vouloir la tenir ciiplivek... Pour
moi, écr ivai t ­ i l b i e n t ô t a p r è s , j'g mettrais la iêtel


A la m é m o é p o q u e , d a n s la c i r c o n s t a n c e la plus s o ­
l e n n e l l e , Fénc lon a jou ta i t à la bel le et r i che t rad i t ion
des siècles pas sé s ces g r a n d e s p a r o l e s : 0 hommes qui
n'êtes qu'hommes, quoique la flatterie vous tente d'ou­
blier l'humanité, el de vous élever au­dessus d'elle, sou­
venez­vous que Dieu peut tout sur vous, et que vous ne
pouvez rien contre lui. Troubler l'Eglise, dans ses fonc­


! Kp. e. ad Douai . , n. l , p. ac'J. — ­ l ip . 2 1 .
' Non t c m ' i u i i s , qui n é e t i m e m i i i . Ad Scap., cap . v.
* OraU.­.n fiiiH'bre ibi d i a n e e l i e r Lrlcllie.r.




lions, c'est attaquer le Très-Haut chais ce qu'il, a de plus
citer, qui est son Y.jtouse, : c'est blasphémer contre
ses promessc-s: c'est oser Timjmssibh; c'est vouloir ren-
verser le règne clernel '.


Ri que je m 'éc r i e ra i s vo lon t ie r s ' auss i avec cet i m i n o r -
<i évoque. : 0 Dieu .' continuez à (linver « voire Eglise


des Caprien , des Atubroise, des Augustin, des pasteurs
qui honorent leur ministère ci qui fassent toujours sentir
qu'ils son! les disj.atsahaïrs des mystères divins '2.


O u ï , A'. T.-C. je suis f o r é e à le d i re b â i l l e m e n t ,
cel te g r a n d e a t l i l ude de l 'Église de F r a n c e ne s 'est j a -
m a i s d é m e n t i e : et p o u r r e p r e n d r e la sui te des t e m p s
j u s q u ' a u x j o u r s où n o u s s o m m e s p a r v e n u s , qui n ' a a d -
miré les r e m o n t r a n c e s si s a g e s , si f e rmes et si b ien
c o n c e r t é e s de l ' ép iscopat f r a n ç a i s , et sa r é s i s t ance p a -
cifique au t an ! que forte à un pouvo i r , q u i , né d 'un
m o u v e m e n t p o p u l a i r e , au sein d 'une r é v o l u t i o n , et
l r a i n a n t a p r è s lui les e m b a r r a s de son o r i g i n e , n e p u t
j a m a i s , m a l g r é de p r u d e n t s conse i l s et de sa in tes i n -
fluences, t r ouve r la force d ' a c c o r d e r à l 'Église cel te
l i b é r é vitale p o u r elle et qui e ù t é l é p e u t - ê t r e s a lu t a i r e
p o u r lui !


Mais Dieu ava i t e n c o r e ici ses desse ins : les é b r a n l e -
m e n t s du m o n d e deva ien t se rv i r u n e fois de p lus à r é -
tablir la n é c e s s a i r e l ibe r té de l 'Église. Tout à c o u p la
foudre éclata d a n s ce ciel qu i sembla i t si s e r e i n ; et de
toutes pa r t s on en t end i t g r o n d e r les m e n a c e s de la p lus
no i re t empê te qui fut j a m a i s . La religion p a r a i s s a i t d e -
voir ê t re e n t r a î n é e d a n s cet é t r a n g e et i m m e n s e n a u -
f rage qu i m e n a ç a i t de tout englout i r . Les enfants d e


' Discours pour le carre de l 'Electenr de C o l o g n e . — * Ibidem.




S l l i LA L l liK HT K l)K L ' É G L I S E


l 'Eglise les plus a g u e r r i s c r a igna i en t de voir renaître
p o u r elle les t e m p s les p lus exéc rab l e s de nos révo lu -
t ions. 11 n ' en fut r i e n ; Dieu veillait s u r elle ; et e n c o r e
ici sa m a i n p u i s s a n t e gouverna i t , en les c o n t e n a n t ou en
l e u r l â c h a n t la b r i d e , les pa s s ions el les ag i ta t ions des
h o m m e s . L ' é l o n n e m e n l fut g r a n d , l o r squ ' on vit l 'Église
r e spec t ée là où l 'on n e r e spec t a i t p lus r i e n , et imp lo rée
pa r tous c o m m e la d iv ine et s e c o u r a b l e p u i s s a n c e , à
laquel le a été p r o v i d e n t i e l l e m e n t r é se rvée u n e puni
me i l l eu re d a n s nos plus m a u v a i s j o u r s , et une influence
miséricordieuse et r é p a r a t r i c e d a n s les des t inées les
p lus a d v e r s e s de l ' h u m a n i t é !


Ah! ce fut b ien e n c o r e là un g r a n d s p e c t a c l e ! au
mi l ieu de cet i m m e n s e d é s o r d r e des pensées et des
m œ u r s p u b l i q u e s , t a n d i s q u e les p lus h a u t e s e l l e s plus
te r r ib les c o n t r o v e r s e s soc ia les é ta ient v i o l e m m e n t agi-
tées , il é ta i t b e a u et conso lan t de voir lous les r ega rds
lassés des scènes douloureuses de la t e r r e , se t o u r n e r
vers l 'Église c o m m e vers u n e a u t r e p a t r i e éc la i rée d 'un
soleil p lus p u r , et q u e les h a u t e u r s s e r e ines s u r l e s -
que l les elle est ass i se t i e n n e n t a u - d e s s u s des tempêtes
du siècle.


Les â m e s é p o u v a n t é e s des r u i n e s de la vie el des m e -
n a c e s de la m o r t , i n v o q u a i e n t l 'Évangi le , cet te loi m o -
ra l e et é terne l le q u e , d e p u i s t rop l o n g t e m p s , les p o u -
voi rs po l i t iques s 'obs t ina ien t v a i n e m e n t à t en i r tnuc t le el
i m p u i s s a n t e . On la p r o c l a m a i t , on lui r e n d a i t p a r t o u t
h o m m a g e : p l u s i e u r s p e u t - ê t r e s a n s g r a n d e in te l l igence,
q u e l q u e s - u n s m ê m e en y j o i g n a n t do t é m é r a i r e s ou de
c r imine l les i n t e r p r é t a t i o n s , m a i s tous avec é l o n n e m e n l .
et p a r u n sec re t et profond inst inct des cond i t ions vi-
ta les de l ' h u m a n i t é : les p lus e n n e m i s , c o m m e f rappés




E T L E S 1 M Ï I È R E S P U B L I Q U E S , — 185'.». IOU


d 'une religion invo lon ta i re , et t é m o i g n a n t p a r là m ê m e
en faveur de ce l le force s u p é r i e u r e et i r r é s i s t ib l e , qui
les c o n d a m n a i t tous à p r o n o n c e r avec r e s p e c t des n o m s
divins qu ' i l s b l a s p h é m a i e n t n a g u è r e !


I.a p rop r i é t é , la famille, le foyer d o m e s t i q u e , le pè re ,
la f emme, l 'enfant , tout ce qu' i l y a su r la t e r r e de v é -
n é r a b l e cl de s a c r é , é ta i t m e n a c é : la croix ne le fut pas .
Au mil ieu du nauf rage de t a n t de nob les et a n t i q u e s
v e r t u s , la cha r i t é de J é s u s - C h r i s t ne, pér i t po in t , e t les
Ilots de, l ' émot ion p o p u l a i r e v i n r e n t se b r i s e r r e s p e c -
t u e u s e m e n t devan t l ' image d ' un Dieu c ruc i f ié ; pu i s ,
l o r sque se leva le j o u r des g r a n d e s d o u l e u r s de la pa t r i e ,
nous v îmes les co lè res e m p o r t é e s d e la m u l t i t u d e s ' a r rê -
ter devan t la ma jes t é i n a t t e n d u e d 'un Pontife, s ' i m m o -
l a n t a v e c u n e m a g n a n i m e s impl ic i té à la c o n c o r d e p u -
bl ique , d e m a n d a n t la paix au ciel c o m m e le pr ix de son
sang versé , cl s ' enseve l i s san t enfin dams la g lo i re d ' une
m o r t im m or t e l l e !


Ah ! s a n s d o u t e , en ces j o u r s de g r a n d e e t d o u l o u r e u s e
m é m o i r e , n o u s , enfants de l ' E g l i s e , n o u s fûmes v i o -
l e m m e n t agités d a n s la b a r q u e qui n o u s por ta i t , m a i s
nous y d e m e u r â m e s t ranqui l l es cl pleins d ' une conf iance
i n é b r a n l a b l e , tou jours sû r s d u pi lote invis ible qu i la
guide à t r ave r s les ondes .


C o m m e n o u s n ' av ions po in t i m p r u d e m m e n t c h e r c h é
les t empê te s , elles ne n o u s e l f rayèren t p a s ; et , b ien
que des n u a g e s épa i s s e m b l a s s e n t n o u s d é r o b e r la v u e
du lavage, n o u s sav ions qu ' i l n o u s a t t enda i t en dépi t
des é c u e i l s ; el, au m o m e n t m ê m e où la v io lence des
vents d é c h a î n é s n o u s m e n a ç a i t des d e r n i e r s pér i l s , n o u s
t end îmes n o i r e voile avec a s s u r a n c e , el c 'est l ' o rage
m ê m e qui n o u s p o u s s a en f rémissan t au p o r t !




S L ' H LA L i 1J F, 1! T K 1>H L ' L G I . I S K


C'est a lo r s , et au mil ieu de ces t e r r ib l e s s ecousses ,
q u e la l ibe r té de l ' en se ignemen t n o u s lui r e n d u e p o u r
le stilul des g é n é r a t i o n s p r é s e n t e s el à ven i r : c 'est a lors
q u e les évoques p u r e n t de n o u v e a u s ' e n l o n d r o , el con-
cer te r , d a n s l ' u n a n i m i l é de l eu r s s ac r é s c o n s e i l s , les
m o y e n s d ' a r r a c h e r le m o n d e a u nau f rage en le r e c u e i l -
l an t d a n s l ' a r che sa in te : c 'est a lors auss i q u e la F r a n c e
eu t e n c o r e u n e (ois cet te g lo i re , si bel le et si p u r e , de
p o r t e r au Vicaire de J é s u s - C h r i s t un fidèle s e c o u r s , e!
de p r o t é g e r sous son d r a p e a u v ic to r ieux le siège de
P i e r r e c o n t r e les b a r b a r e s de la c ivi l isa t ion, c o n n u e
elle l ' avai t autrefois défendu con t r e les b o r d e s de la
G e r m a n i e !


Tout cela fut g r a n d ; et l ' h i s to i re c o m m e l 'Église con-
s e r v e r a avec r e c o n n a i s s a n c e le souven i r du P r ince cou-
r a g e u x et des h o m m e s de c œ u r qu i , de concer t avec
lui , t r ava i l l è r en t , au mil ieu de tan t de pér i l s , à l ' accom-
p l i s s e m e n t de ces œ u v r e s immor t e l l e s !


Mais ici, X. T.-G. F . , u n e haut!-, el i m p o r t a n t e cons i -
dé ra t i on v ien t se présenter- à n o t r e espr i t .


Bien différente des p u i s s a n c e s t empore l l e s , q u e t rop
souven t les faveurs de la fo r tune en iv ren t el p e r d e n t ,
l 'Église a tou jours su, d a n s son i m m u a b l e sagesse , gou-
v e r n e r sa p r o s p é r i t é . Les leçons qu 'e l le offre là des sus
aux a u t r e s , elle se les d o n n e à e l l e - m ê m e : les faveurs
des p r i n c e s , c o m m e les a c c l a m a t i o n s des p e u p l e s , ne la
t r o u v e n t j a m a i s i n g r a t e , m a i s j a m a i s n o n plus t r o p
conf ian te .


Elle sa i t qu ' i l n 'y a p a s loin de l ' en t rée t r i o m p h a n t e
de J é r u s a l e m au C a l v a i r e , et q u e YHosnnua ftliu David
est que lquefo is p r o m p l e m e n t suivi de l'affreux Crucifi-
gatur.




E T C E S P R I È R E . S P U B L I Q U E S . 1 8 5 - 1 1 !


De ces g r a n d s souven i r s elle conclut, q u e les p r o s p é -
r i t és sont aussi p o u r elle des é p r e m e s q u e sou i m m o r t e l
Époux lui envoie , et p o u r lesquel les il lui d e m a n d e e t
lui inspire des ve r tus c o m m e p o u r le t emps île l ' a d v e r -
sité : et, j e t an t les v e u x su r ses g lo r i euses a n n a l e s , elle
voit qu ' i l n'y cul p a s m o i n s d ' h o n n e u r p o u r elle à g a r -
der sa l iber té p u r e et sa d igni té ina l t é rab le sous Con-
s tan t in qu i la protégeaiL, qu ' à se m o n t r e r h é r o ï q u e et
invincible sous Dioctét ien son p e r s é c u t e u r .


Celle Église sa in te n 'es t pas a u t r e à cet te h e u r e qu 'e l le
fut dans tous les t e m p s .


Au mil ieu du m o u v e m e n t des pa r t i s , des e s p é r a n c e s
t r o m p é e s , des m é c o m p t e s c r u e l s , et de tout ce q u e la
scène po l i t ique a offert de t u m u l t u e u x p e n d a n t ces der-
n iè res a i m é e s , on l 'a vue p o u r s u i v r e avec une n o b l e
t ranqui l l i té ses des t inées qui ne son t pas de ce m o n d e ;
se p rê t e r à tous s a n s se d o n n e r à p e r s o n n e , et n ' e m -
ployer les clefs du r o y a u m e du ciel q u ' à s a u v e r les
peup les et à raf fermir l ' o r d r e é b r a n l é d a n s les r o y a u m e s
de la t e r re .


D 'un b o u t du m o n d e c a t h o l i q u e à l ' a u t r e , elle a d o n n é
ses e n s e i g n e m e n t s à tou tes les f o r t u n e s , ses p r i è r e s à
tous les beso ins : elie n 'a refusé ses conso l a t i ons à
a u c u n e défaite, ses soins à a u c u n e b l e s s u r e , ses e n c o u -
r a g e m e n t s à aucun r e p e n t i r , et elle est r e s t ée fidèle à la
g rande miss ion de c h e r c h e r t ou jou r s et p a r t o u t le sa lu t
des â m e s .


En voyan t a u j o u r d ' h u i l ' o rd r e soc ia l se r a s s e o i r p lu s
fo r l emen t s u r une de ses p r inc ipa le s b a s e s , et Je P o u v o i r
r égne r p a r m i n o u s s a n s o b s t a c l e , le p r inc ipe de sa con-
duite n ' es t pas c h a n g é : elle n ' a l i ène pas sa l iber té ; elle
reçoit les s e c o u r s qu i lui sont offerts , p o u r t r ava i l l e r ,




S I I! LA LI H E t. T É D E L ' E G L I S E


dans le d é v o u a i e n t et la s incé r i t é de son min i s t è r e , au
r e n o u v e l l e m e n t de la foi , à la r e s t a u r a t i o n des m œ u r s ,
au r é t a b l i s s e m e n t de la p ié té c h r é t i e n n e et au sou l age -
m e n t des p a u v r e s ; et elle r é p u d i e c o m m e injus tes les
r e p r o c h e s qu i lui s e r a i en t faits de c o n d e s c e n d r e à des
vues h u m a i n e s d a n s son a d h é s i o n et ses p r i è r e s .


Quoi qu ' i l a r r i v e , l ' œ u v r e de Dieu est tou jours la
s i enne ; c 'est la seu le don t l 'Église soi t c h a r g é e su r la
t e r r e ; l 'on n e s o n g e r a j a m a i s à lui en d e m a n d e r u n e
naître : elle r é p o n d r a i t qu ' e l l e est s ans miss ion p o u r y
t ravai l ler . On lui l a i s se ra a ccompl i r d a n s la paix et la
l iber té de son céleste g o u v e r n e m e n t sa sa in te et g lo -
r ieuse l â che : nous en g a r d o n s p o u r g a r a n t s , devan t
Dieu et d e v a n t les h o m m e s , ces fortes a s s u r a n c e s si
souvent c l si s o l e n n e l l e m e n t ré i té rées p a r le Pouvoi r
n o u v e a u qu i régi t la F r a n c e .


A Dieu ne p la ise q u ' e n r e m p l i s s a n t le devoi r de la
c h a r i t é et de la p r i è r e , en obé i s san t au p r é c e p t e de
sa in t Pau l , et en i n t e r c é d a n t pro omnibus qui in subli-
initate sunt1 ; et cela afin q u e tranquiilum citnin cuju-
inus in omni pictutc cl caslitale'2 : à Dieu n e plaise q u e
l 'Église p a r a i s s e s ' assoc ie r à a u c u n e pass ion , flatter
a u c u n p a r t i , i n su l t e r a u c u n m a l h e u r !


Non : les p r i è r e s qu 'e l le fait avec s incér i t é devan t
Dieu ne p e u v e n t j a m a i s a t t r i s t e r q u e les e n n e m i s de
l ' o rd r e pub l i c .


Il i m p o r t e q u e ceci soit b i e n c o m p r i s p a r tous .
Sans d o u t e , n o u s a v o n s e n t e n d u depu i s c i n q u a n t e a n s


b ien des p r i è r e s et des v œ u x en a p p a r e n c e con t ra i res ,
Naguère e n c o r e on voyai t les c h a n t s funèbres assoc iés le


1 S. Paint, 1 T in i , , il , '2. — '- Ibidem.




P R I E R E S P U B L I Q U E S . 113


m ê m e j o u r aux Te Henni d ' a c t i ons de g r â c e s : tr iste
image des vicissi tudes h u m a i n e s , dont, l 'Espr i t -Sa in t a
dit : Extranet gaudii Inclus occupât1.'


Mais d a n s tous ces v œ u x et d a n s t o u t e s ces p r i è r e s .
J'Eglise n 'a j a m a i s d e m a n d é q u ' u n e c h o s e : la paix d a n s
l ' o rd re et la piété s incè re : tvanquillam vilain in omni
pietate et caslitate.


Dans tous les é v é n e m e n t s p e r m i s p a r la P r o v i d e n c e ,
et au mil ieu desque l s l 'Eglise p r i e , il y a, p a r le fait,
toujours à p r ie r : p a r m i tons les c h a n g e m e n t s des c h o -
ses de ce m o n d e , l'homme s'agite , m a i s Dieu le mène;
et au mil ieu du m o u v e m e n t des p a s s i o n s h u m a i n e s ,
q u a n d l 'Église et ses enfants se p r o s t e r n e n t p o u r p r i e r ,
il y a tou jours un b ien poss ib le , u n e e s p é r a n c e légi t ime,
des g râces i m p o r t a n t e s à d e m a n d e r .


Et qu i p o u r r a i ! r e p r o c h e r à l 'Église de b é n i r Dieu et
de lui r e n d r e s o l e n n e l l e m e n t g r â c e s de ce q u e la m a i n
de sa P rov idence se c a c h e , et o p è r e i n v i s i b l e m e n t d a n s
la p ro fondeur des é v é n e m e n t s h u m a i n s ? qui p o u r r a i t
lui faire u n b l â m e de ce q u e , s u p é r i e u r e à t ou t e la po l i -
t ique m o n d a i n e , elle pr ie p o u r le m o n d e sans ê t re du
m o n d e ; cl e ssaye p a r ses p r i è r e s d ' ob t en i r p o u r les h a -
b i tan ts du m o n d e cet te paix q u e le m o n d e ne p e u t n i
d o n n e r , ni ô t e r , et qui est la s u p r ê m e t ranqui l l i t é de
l 'ordre' . ' Pax tranquillilas ovdinis.


Oui p o u r r a i t t r ouve r m a u v a i s qu 'e l l e p r ie p o u r ceux
aux m a i n s desque l s est d é p o s é e la force m y s t é r i e u s e
qui vient de Dieu , el cela afin qu ' i l s so ient les dignes
i n s t r u m e n t s de sa P r o v i d e n c e ? Qui p o u r r a i t lui r e p r o -
cher de sol l ici ter p o u r eux la sagesse dans la v ic to i re ,


Prov., xiv, 13.


I I . 8




21* S U R L A L I B E R T É D E L ' É G L I S E .


la m o d é r a t i o n d a n s la p u i s s a n c e , la jus t i ce d a n s les
e n t r e p r i s e s , la p r é v o y a n c e d a n s les c o n s e i l s , et les ver-
t u s c h r é t i e n n e s s a n s l esque l les ceux q u i c o m m a n d e n t ,
c o m m a n d e n t m a l et se p r éc ip i t en t ?


Et m ê m e , q u a n d l 'Église consen t i t à d e s c e n d r e j u s -
q u ' à b é n i r les s y m b o l e s p a s s a g e r s de cet te l iber té si
o r a g e u s e , qu i n ' e s t p lus a u j o u r d ' h u i , et qu i pouvai t d e -
ven i r si fa ta le , qu i o se ra i t d i r e que ses b é n é d i c t i o n s et
ses p r i è r e s furen t v a i n e s et n ' a i e n t p a s a idé à con ju re r
les o r a g e s ?


Qui o se ra i t d i re q u e ce p e u p l e si p u i s s a n t , si formi-
dab l e a lo r s , n ' a p a s été m y s t é r i e u s e m e n t e n c h a î n é d a n s
sa co l è r e p a r cel te m i s é r i c o r d i e u s e d o u c e u r ? Non , si la
F r a n c e , u n m o m e n t , d a n s l ' oub l i p ro fond de t o u s les
d i s s e n t i m e n t s p a s s é s , clans l ' a c c o r d , h é l a s ! t r op vile
é v a n o u i de tous les h o n n ê t e s gens et de tous les pa r t i s ,
a eu l ' immor te l l e g lo i re de se s a u v e r elle m ê m e : l 'Église
de F r a n c e a pa r t i c i pé à cel te g lo i re , et a m o n t r é e n c o r e
u n e fois a u m o n d e q u e n i les r é v o l u t i o n s , ni l ' o rd re
pais ib le des t e m p s , n i les p r o s p é r i t é s , n i les m a l h e u r s ,
n ' a v a i e n t pu r o m p r e u n e a l l iance de qua to r ze siècles
e n t r e la na t ion e t l 'Église de J é s u s - C h r i s t , e n t r e le sa -
c e r d o c e f rançais et u n e pa t r i e t o u j o u r s c h è r e I




¡ 1R( ULAIRES


Demandant des Prières publiques


\ tONsi i l u L E C U R É ,
Je v iens de r ecevo i r la l e t t r e s u i v a n t e :


MONSEIGXEuK L 'KV K Q U L ,
Pour appeler les bénédic t ions du ciel sur la. France et


M I la g rande mission <|ni m'est confiée par le peuple fran-
çais, je vous prie de faire chanter dans votre église ca thé-
drale, le jeudi I e ' j anv i e r , un Te Deum solennel .et d 'act ions
de grâces.


Recevez, Monseigneur l 'Kvèque, l 'expression de mes
vceiix et rie mes sent iments par t icul iers d'affection,


Signe: LCCIS-.NAPOLÎ'ON.


L e Ministre de l'Instruction publique et des Cultes,


Signé: 11. FORTUIT,.


Fn c o n s é q u e n c e , le Te Deum s e ra c h a n t e j e u d i p r o -
cha in l r r j anv ie r , à onze h e u r e s p r é c i s e s , d a n s l 'église
c a t h é d r a l e de Sa in te -Cro ix ; et p o u r r é p o n d r e a u dés i r
e x p r i m é d 'a i l l eurs p a r M. le Ministre des c u l t e s , vous
voudrez b ien vous c o n c e r t e r avec les au to r i t é s civiles




1 J G P R I È R E S P U I S I . I Q V E s .


et mi l i t a i res de vo t re p a r o i s s e , et c h a u l e r uu ï > Deum
le d i m a n c h e 11 j a n v i e r 1852 , à l ' i ssue de la messe p a -
ro i ss ia le .


M O N S I E U R L E CUISE. ,
Je viens de r e c e v o i r de S. Exe . M . le Ministre de


l ' ins t ruc t ion p u b l i q u e et des cul tes la l e t t re su ivan te :


Paris, le i a m'.! 1 S S Ô .


« M O N S K I O M U . c ,
« Dans une pensée à laquelle toute la France s'est unie.


v l 'Empereur a voulu consacrer au soulagement de nobles
« infortunes les sommes dest inées il cé lébrer la solennité
v du 15 août. La dette de la pa t r ie ne serait pas entièrement
« acquit tée, .Monseigneur, si nous n 'expr imions au ciel
v notre reconnaissance dans la cérémonie rel igieuse que
« r a m è n e cet anniversa i re nat ional . L 'année qui vient de
v s 'écouler a eu ses labeurs , qui ont rendu encore p lussen-
« sible la protection de la divine Providence : le calme et
« la sécurité de la paix au milieu des ent repr ises de la
« gue r re ; d 'une par t un commerce tlorissanl, une activité
« industr iel le sans exemple ; de l 'autre des luttes héroïques
« qui rehaussent chaque jour le pres t ige de notre nom et
« resserrent, les n œ u d s de nos a l l iances ; dans louto la
« nation cet en thous iasme rétléehi et soutenu qui grandit
« sans cesse en révélant d ' inépuisables ressources , voilà.
« Monseigneur , de légi t imes motifs d 'actions de grâces pou r
c le passé, d 'espérance p o u r l 'avenir . C'est avec ces seul i-
« ments de gra t i tude et de confiance que tous les lidèles
« de votre diocèse voudront , je n'eu doute pas , r époudre à




P R I È R E S P E R E I Q I E S . m


l 'appel de Vut i ' e Grandeur , et d e m a n d e r a Dieu, dans la
•• solennité du !•"> août, de r épandre ses bénédict ions sur
« la France et leurs Majestés Impér ia les .


" Agrée/ , Monseigneur, l 'assurance de ma haute consi-
• déra t ion.


Le Ministre île l'Instruction publique et des Cultes,


« II. FOIU'OIÏ , . »


Vous aurez d o n c s o i n , Mons ieu r le C u r é , q u ' u n Te
heu m soit c h a n t é , le j o u r de l 'Assomption , à l ' i ssue de
la m e s s e pa ro i s s i a l e , d a n s vo t r e égl ise , c o m m e il le se ra


d a n s no t re église c a t h é d r a l e .


P o u r appe le r de n o u v e a u les b é n é d i c t i o n s de Dieu


su r nos a r m é e s et nos e s c a d r e s , il se ra c h a n t é , i m m é -


d i a t emen t ap rès le Te Detnn,le p s a u m e Drus, in nomine
liio et l 'o ra ison Deus, qui conteris bella. \ ous con t i -
nue rez , Mons ieu r le Curé , ces p r i è r e s au v m ê m e s i n t en -


t i o n s , c o m m e nous l ' avons déjà p re sc r i t d a n s nos c i r -


cu la i res en da t e des 2 avri l et 10 a o û t 185 r i .


Vous vous conce r t e rez , à cet effet, avec les au to r i t é s


civiles et mi l i t a i res de vo t re p a r o i s s e .


T E D E U M P O U R L A P R I S E D E S É B A S T O P O L


Mrs Tiu.s-CHEivs F R È R E S ,
l u e g lo r i euse vic toire v ient de c o u r o n n e r les efforts


de nos a r m e s : il faut en bén i r le S e i g n e u r !


Ces a d m i r a b l e s so lda t s son t vos a m i s , vos f rè res , vos


enfan t s ; nous r é p o n d r o n s d o n c tout à la fois a u x v œ u x




P R I È R E S P U R L I Q L E S .


de vos c œ u r s , de la F r a n c e e n t i è r e et de la re l ig ion, en
e n t o n n a n t le TcDeum, et a d r e s s a n t à Dieu nos so len-
nel les ac t i ons de g r â c e s .


N 'es t -ce p a s Dieu qui insp i re les c o u r a g e s et qui l'ait
les peup le s g u e r r i e r s ! N 'es t -ce p a s lui qui d o n n e ces ver -
tus mi l i t a i r e s , si é c l a t an t e s , si l a b o r i e u s e s , cette in t rép i -
di té s a n s p e u r , ce t te v igueu r inv inc ib le , c t p u i s , q u a n d il
le faut , cet te pa t i ence , cet te c o n s t a n c e qu i t r i o m p h e à la
l ongue des p lus t e r r i b l e s obs tac le s?


Oui : a u mi l i eu des h o m m a g e s q u e n o s all iés cl. n o s
e n n e m i s m ê m e n o u s r e n d e n t , il n o u s est p e r m i s de d i re
q u ' e n t r e t o u t e s les n a t i o n s e u r o p é e n n e s , la F r a n c e n e
p e u t cesse r j a m a i s de c h a n t e r avec r e c o n n a i s s a n c e cet
anc i en h y m n e d ' u n soldat i n s p i r é : Déni soit'.le Seigneur
mon Dieu, qui a donné la force a mon bras pour la
guerre, et formé mes moins à la victoire ' lienediclus
Dominas Deus meus, qui doect manus meus ad prœlium,
et digitos meos ad bellum 1.'


Mervei l l euse d i spos i t ion de la P r o v i d e n c e qui d o n n e
à c h a q u e p e u p l e son g é n i e , son c a r a c t è r e p a r t i c u l i e r !
Dieu a v o u l u q u e la v e r t u g u e r r i è r e br i l lâ t chez n o u s
p a r e x c e l l e n c e , et ou d i ra i t qu ' i l s 'est plu à f o rmer de
ses m a i n s ce l te n a t i o n c o u r a g e u s e , d o n t le sang n o b l e -
m e n t r é p a n d u a i l lus t ré t a n t de c h a m p s de b a t a i l l e , en
O r i e n t , en O c c i d e n t , en E u r o p e , en Af r ique , d a n s le
m o n d e en t i e r ! Que de g r a n d s c a p i t a i n e s , q u e de p r ince s
b e l l i q u e u x , q u e d ' h é r o ï q u e s so lda t s d a n s cel te r ace
f r a n q u e , d e p u i s Clovis j u s q u ' à n o s j o u r s !


T o u t e s ces g r a n d e s a c t i o n s , si d i v e r s e s , et tou jours
d ' u n e v a l e u r é t o n n a n t e , n e font -e l les p a s voi r q u e les


1 Paalm. cxnn, 1.




P l i l K K K S I't B U Q U E S . I il)
a r m é e s f rançaises sont c o m m e des co rps i m m o r t e l s
q u i , se r e n o u v e l a n t d 'âge en âge et tou jours d a n s la
m ê m e t r e m p e et d a n s le m ê m e e s p r i t , d e p u i s Tolb iac
ju squ ' à Sebas topol , r e n d e n t i m m o r t e l s a u s s i p a r m i
nous les serv ices d u c o u r a g e et de l ' h o n n e u r g u e r -
r i e r s ?


Bossue t s ignala i t aut refois c o m m e le c a r a c t è r e p r o p r e
de la va l eu r f rança ise cet te a r d e u r i n d o m p t a b l e , ces
vives et impétueuses saillies, qui ne sont arrêtées, ñi-
par montagnes ni par précipices.


illais q u e dire a u j o u r d ' h u i ? L 'Espr i t -Ha in t l u i -mô me
n ' a - t - i l pas s emblé déc r i r e à l ' a v a n c e n o s so lda is et
l eu r s va i l lan ts c h e f s , p a r ces t ra i ts et ces images b ien
a u t r e m e n t é n e r g i q u e s ? Tune amnes sirnul benedixerunt
ïlominum, et convulueruut animis : non soluni 'nomines,
sed et muros ferreos parati penetrare. Ibant igitur
prompli, leonum more, Ímpetu irraentes in hostes,
pi'ostraverunl ex eis tnillia i .


O u i , ils ava ien t tous i n v o q u é le S e i g n e u r ! et p a r m i
e u x , c o m b i e n de v ieux c a p i t a i n e s , c o m b i e n de j e u n e s
h é r o s (nous le s a v o n s pa r les p lus n o m b r e u x et les p lus
l o u c h a n t s t é m o i g n a g e s ) , ava i en t aus s i i n v o q u é la Vierge
M a r i e , m o n t r a n t a ins i q u e la r a c e des h o m m e s de foi
est i m p é r i s s a b l e p a r m i n o u s , et q u ' o n s a u r a t o u j o u r s ,
en F r a n c e , recue i l l i r avec la p ié té m a g n a n i m e des
p r e u x l ' a n t i q u e h é r i t a g e de l e u r v a l e u r ! El ils é ta ien t
p r ê t s , selon l ' exp res s ion de l ' éc r iva in s a c r é , n o n - s e u l e -
m e n t à forcer les ba t a i l l ons de ces r u d e s a d v e r s a i r e s ,
de ces h o m m e s i m m o b i l e s , q u i é t a i en t là d e v a n t e u x ,
non solum homines parati penetrare, ma i s p r ê t s à péné -


1 II Machali., n, 7, 8, t) et sei[.




120 P R I È R E S P U B L I Q U E S .


t r e r ces m u r a i l l e s de fer, muros ferreos, ces prodigieux,
r e l r a n c l i e m e n l s , ces t ou r s q u i , forcées e t a b a t t u e s uu
m o m e n t , on t su se r e l eve r si vi te , et ne se lassa ien t pas
de l a n c e r de foules p a r t s t an t d ' é p o u v a n t a b l e s feux.


P r o m p t s c o m m e des a i g l e s , forts c o m m e des l i o n s ,
aquilis cetociores, leonibus fortiores \ d i t e n c o r e l 'Espri t-
S a i n l , n o s s o l d a t s on t t r ouvé d a n s les inc royab les r e s -
sou rces de l e u r c o u r a g e u n e force i nou ïe p o u r r e c o m -
m e n c e r et f inir enfin t an t de g lor ieux a s sau t s .


Mais c 'es t a s s e z : l e u r s œ u v r e s les l o u e n t m i e u x q u e
tou tes nos pa ro l e s : laudaut eos opéra connu -. Qui ne
le sait? Tous les d i s c o u r s l angu i s sen t a u p r è s des g r a n -
des a i n e s , e t , si n o u s avons d ic té ces l igues , c 'est p o u r
c o n t e n t e r n o t r e c œ u r , qui avai t beso in de les louer .


Mais , ap r è s l e s avoi r u n m o m e n t c é l é b r é s , f léchis-
sons c o m m e eux le g e n o u s u r le c h a m p de ba t a i l l e , et
a d o r o n s l e s p r o f o n d s j u g e m e n t s de Dieu, qui p r é p a r e et
qui d i s t r i b u e la victoire p a r des o r d r e s et pa r des r e s -
sor t s c a c h é s , et r e n d o n s tous a u Dieu des a r m é e s la
gloire qu ' i i n o u s envoie : Te Deuru taudamus, te Domi-
nant conjitemur... Dominum Deum cxercituuml


Et p u i s , p r i o n s : p r i o n s n o n - s e u l e m e n t p o u r n o u s ,
p r i o n s p o u r n o s al l iés, p r i o n s p o u r n o s e n n e m i s , p r ions
p o u r q u e Dieu d o n n e à fous les l u m i è r e s et les sen t i -
m e n t s n é c e s s a i r e s , afin qu ' i l s sen tent le beso in et qu ' i l s
d é c o u v r e n t les m o y e n s de faire enfin u n e paix é q u i -
tab le .


Car , c 'est d a n s ces m o m e n t s s u p r ê m e s qu ' i l faut q u e
tous m é d i t e n t d e v a n t Dieu ces g r a n d e s pa ro le s de saint
August in : « Les p r i n c e s sages font des g u e r r e s j u s t e s ;


U Keg. , i , 23 . — * ! T G V . , w x i .




I'-UI I'I! I .S P U N L 1 Q I K S . 1-21


• m a i s , c o m m e les p lus sages sont ceux qu i se s o u -
v iennent le plus qu ' i l s son t h o m m e s , l eu r pe ine n ' e n
est (pie plus g r a n d e , de se voi r r é d u i t s à s o u t e n i r des


>< guer res n é c e s s a i r e s . . . Souffrir ou vo i r de si g r a n d s
» maux sans en ê t re affligé, ce, s e r a i t ê t re d ' a u t a n t p lus
• m a l h e u r e u x qu 'on a u r a i t p e r d u j u s q u ' a u s e n t i m e n t
• de, l ' h u m a n i t é ' !


« C e u x , dit e n c o r e cet i n c o m p a r a b l e d o c t e u r , qu i
•< font la g u e r r e avec t an t de fatigues et t a n t de g lo i re ,


mér i t en t s a n s dou le u n e louange i m m o r t e l l e ; m a i s
•• on acquier t une gloire bien plus g r a n d e e n c o r e , en
<; exterminant , la g u e r r e p a r les sages p a r o l e s de la
- p a i x , qu ' en e x t e r m i n a n t les e n n e m i s p a r la v a l e u r
« des a r m e s La condi t ion de ceux qui c o m b a t t e n t
« est quelquefois n é c e s s a i r e , m a i s la condi t ion de ceux
a qui savent c o n q u é r i r la paix d a n s la jus t ice est p lu s
v h e u r e u s e e n c o r e 2 ! »


O u i , p i l o n s p o u r la paix ; et pu i s , p r i o n s auss i p o u r
nos an t r e s beso ins : p r i o n s p o u r nos â m e s , et c o n v e r -
t issons- les a u Se igneur !


Si n o u s é t ions tous des c h r é t i e n s s i n c è r e s , Dieu r é u -


' Sapiens , iiiijiiiiiiil, justa l>eila ticstuiais c s l : quasi n o n , s i s e l i on i i -
li.'iii m c m h i i t , MIILTU magte tltik-Mt juslui'iim u r c e s s i l a l e m sibi cxl i l i sse
I •••heREin.. . Quisquis auii'iii vel pnti lur ea sine aiiirai iloliirc, vel « I G L -
la!. nailtn n!iq'ie misri ï i i s iden se pu la t b r a l u m , quia et l îumani i in
PITILIILIL s ensuni . ;S . Aug . , Or Cil'. DPI, lilt. XIX, cap . v u . )


* Majmi quidem sunt, et habcn l g lor iam s u a m , non s o l u m fortissimi,
s u ! l i i a i i i , qmid ler invis geiins est taudis , fididissinii l ie l lalores , qnoiaini
labuiii'iis n ique pe i ï cu l i s , Del prulcgi-ntl» a lque 0 | i i tu lau l i s auxi l iu , h o s -
I:.- i iai ianil i is v inci lur , ri quies îvipublieir pacal isque pro \ inc i i s c i iu i -
j ar-AuT. S u ! uiajnris i.-l gl'inir ipsa lieila VRRLM occi i lcre (juam hoinirics
''('!•: o, el a i t i i i i ' I : :C . v l olilinei'c p a a a u . . . list i laqur aliis itla n é c e s s i t a s ,
TIT'i ista f'ticifas. En. i cwix ad Oari iaa, n. ?.)




122 P R I È R E S PI l iEIQUES.


« i ra i t b ien tô t les n a t i o n s d iv isées ; il n 'y a u r a i t b ien tô t
p lus d ' o m b r a g e , p lus de j a l o u s i e , et tous les enfants
du Pè re céleste n e s e r a i e n t p lu s d a n s son sein q u ' u n
c œ u r et q u ' u n e â m e : le glaive .sérail changé en ftnil.x:',
et la lance en soc de charrue, c o m m e dit un p r o p h è t e .


Oh ! écoutez t o u s le Se igneur n o u s a d r e s s e r ces t ou -
c h a n t e s p a r o l e s : Si vous suivez ma loi, je répandrai
sur vous en leur saison des pluies fécondes. Vos champs
se revêtiront de verdure, cl vos arbres seront chargés
de fruits. Les moissons dureront jusques aux vendan-
ges, et à peine les vendanges seront finies qu'il faudra
ensemencer les champs. Je conserverai la paix autour
de vos frontières. Vous dormirez un paisible sommeil,
et personne ne vous alarmera Le glaive ne passera
plus auprès de vos familles. Je jetterai un regard sur
vous, et je vous ferai croître dans l'abondance. Vous
vous multiplierez, et je confirmerai en volve faveur mon
alliance éternelle2.


A ces c a u s e s , n o u s a v o n s o r d o n n é et o r d o n n o n s ce
qui suit :


Un Te Deum d ' a c t i ons de g r â c e s se ra c h a n t é d a n s
tou tes les égl ises de n o t r e d i o c è s e , à l ' i ssue de la
g r a n d ' m e s s e , le d i m a n c h e 16 s e p t e m b r e .


1 Et conflabimt slaclios suos in v o m e r e s , cl lamw* suas in faVes.


pis-, i-)
* Si in pra'.ccptis me i s ambulaver i t i s , et m a n d a t a rnea custodierit is ,


et feccrilis ca, dabo \ o b i s pluvias t empor ibus suis : et terra gignet ger-
m a s s u u m , et p o m i s arbores rep lebuntur . Apprebendet m e s s i u m tritura
Yindcmiam, et v indemia occupabi t s e m e n t e m . . . Daim pacem in fiuibus
vcslris ; dormie l i s , et n o n erit qui ex lerreat . . . et gladius n o n transibit
t erminus vestros... Respic iani N O S cl eresecre faciain : n iul l ip l ieabimini
et i i n n a b o pactura m e u m v o b i s a i m . 'Levit , , xxvi, !i et seq.j




P R I È R E S P l ' R I . I Q U E x 123


MM. les curés se c o u c e r t e r o u l à col é g a r a avec les
au tor i t é s civiles et mil i t a i res «le l eu r s p a r o i s s e s .


T E DEDTT P O U R Ь А N A I S S A N C E B U P R I N C E
I M P É R I A L


M O N S I E U R LE C U R É ,


Je viens de r ecevo i r de Son Excel lence M. le Minis t re
de 1'lnstruclion p u b l i q u e cl des Cul tes la c i r c u l a i r e
su ivante , a d r e s s é e à tous les Évêquos de France :


Paris, le lii mars lS.'ifi.
­ Mo.\si:ii.M­a к.


u Dieu a comblé les vieux de la Franco eu dunnanl un
«. iils ii l 'Empereur . L' Impéra t r ice ,qu i mettait son bonheur


à soulager les douleurs des mères , en par tagera dèsor­
ч mais les joies. La na lion salue de ses acclamations un
« gage nouveau de sa serai rite tuIlire et des dest inées de
« cette dynast ie , à qui elle devra sa g r a n d e u r en même
« temps que son r epos . L'Empereur me charge do vous
« annoncer la naissance du Prince impérial que vos pr iè res
« appelaient . Je ne fais que r épondre aux sent iments de
» reconnaissance dont V o t r e Crandeu r est pénét rée , eu
" l ' invitant à réunir les populat ions au pied des autels et à
« l'aire célébrer dimanche procha in , dans toules les églises
« de votre diocèse , un Te Deuin solennel d'act ions de
« grâces pour remercier la Providence des bénédict ions
« qu'elle se plaît a r épandre sur Leurs Majestés lmpériale.­
« et sur la pat r ie .


« Agrée / . Monseigneur , l 'assurance de ma haute consi­
« déra l ion .


« Le Ministre de l'instruction publique et des Culte*,
« H. FOliTOUL.




PHI i. H E S P U B L I Q U E S .


C o n f o r m é m e n t aux r e l ig i euses in t en t ions qui sont


e x p r i m é e s d a n s cette l e t t r e , vous a n n o n c e r e z d i m a n c h e


p r o c h a i n aux fidèles de vo t re p a r o i s s e q u ' u n Te Deiim
sera c h a u l é , à la fin de la g r a n d ' m e s s e de P â q u e s , et


vous y invi te rez , se lon l ' u sage , les au to r i t é s civiles et


mi l i ta i res .


En cel te grande, so lenn i té , n o u s d e m a n d e r o n s tous à


Dieu d ' e x a u c e r les p r i è r e s q u e n o u s lui a d r e s s o n s , cl


n o u s p o u r r o n s les u n i r à celles du Vicaire de J é s u s -


Chris t , qu i . v o u s le savez, r é p o n d a n t aux dés i rs de l ' E m -


p e r e u r et de l ' Impé ra t r i ce , a voulu p r é s e n t e r l u i - m ê m e


aux fonls s ac r é s du b a p t ê m e le P r ince qui v ient de


n a î t r e , et se faire a insi le g a r a n t de sa fidélité aux


g r a n d e s et sa in tes p r o m e s s e s , s u r la foi desque l les


l 'Église l ' i n t rodu i t a u j o u r d ' h u i d a n s le Chr i s t i an i sme .


Nous u n i r o n s auss i nos v œ u x au pied des au te l s , en


p r é s e n c e du Dieu qui t ient d a n s ses m a i n s l ' équi l ibre


s ec re t du m o n d e et les des t inées des e m p i r e s , p o u r lui


d e m a n d e r , avec la pa ix de l 'Eu rope , la p r o s p é r i t é de. la


F r a n c e d a n s la t r anqu i l l i t é de l ' o rd re , où, selon la belle


pa ro l e de sa in t August in , se t r ouve la seule paix vér i -


table : Par cxl tranr/uillilas ordiais.


A T T E N T A T D U 1 4 J A N V I E R


Moxsua i i I.E I . I r.i .
lin clfroyable a t t e n t a i v ient de n o u s révé le r de n o u -


veau les pér i l s que c o u r t la société p a r m i n o u s . Tr i s t e


p a y s q u e le n ô t r e ! où les h o n n ê t e s g e n s , c h a q u e soir ,




l ' I U K U K S l ' U U . I O U K S .


peuven t c r a ind re p o u r le mat in d ' é p o u v a n t a b l e s réve i l s .
Oui ! tr iste et m a l h e u r e u x pays ! si la P r o v i d e n c e n ' é t a i t
aussi cons tan te à e m p l o y e r les m i r a c l e s p o u r le p r é -
server , ([ne le génie d u m a l est op in i â t r e à i nven te r des
cr imes m o n s t r u e u x p o u r le p e r d r e !


.Nous voul ions e s p é r e r q u e le t e m p s sera i t enfin pa s sé
pour la F r a n c e et p o u r l ' E u r o p e , de ces m a c h i n a t i o n s
in fe rna les , q u i , a r m a n t d a n s l ' ombre c o n t r e les chefs
des empi r e s des b r a s p a r r i c i d e s , m e n a c e n t de p r éc ip i t e r
d 'un coup et en un j o u r , les p lus p u i s s a n t s é ta t s d a n s
les h o r r e u r s de l ' a n a r c h i e .


Mais non : nos yeux é t a i en t r é s e r v é s à r evo i r , ap r è s
soixante-dix a n n é e s de r évo lu t ions et de m a l h e u r s , le
r e t o u r de ces affreux spec tac le s ; et c 'est chez n o u s e n c o r e
q u e de dé tes tab les pa s s ions deva ien t , u n e fois de p l u s ,
s ' e ssayer à ces c o u p s a t r o c e s , don t l 'enjeu es t la vie
i.'es peup les dans la \ i e d 'un h o m m e .


Quand ces ango i s ses f in i ron t -e l l e s? F a u d r a - t - i l l o n g -
temps e n c o r e que ce peup le i l lus t re , d o n t la p lace semble
m a r q u é e i m m u a b l e m e n t , d e p u i s tant de s iècles et p a r
tant de vra ies et so l ides g lo i res , à la tête de l 'Eu rope
civilisée, soit c o n d a m n é à sen t i r i n c e s s a m m e n t son sol
t r emble r sous ses pas? Sera-l-i l d o n c vra i q u e la n a t i o n ,
qui n ' en r e d o u t e a u c u n e a u t r e su r la t e r r e , do ive t o u -
jou r s se r e d o u t e r e l l e - m ê m e ; et q u e , p o u v a n t défier
tous ses e n n e m i s , elle n e pu i s se j a m a i s s ' a s s u r e r c o n t r e
ses p r o p r e s enfants ?


.Mais Dieu a de p lus h a u t s desse ins . Les des t inées
provident ie l les de la F r a n c e ne sont pas a c h e v é e s , si
nous s a v o n s les c o m p r e n d r e et si n o u s s o m m e s d ignes
de les accompl i r : et cet te s u p r ê m e p u i s s a n c e , qu i t ient
en ses m a i n s h s c h o s e s h u m a i n e s , a jugé u n e fois e n -




Pli 1 È R E S P U B L I Q U E S .


c n r c q u ' i l filait d e l à majes té de sa condu i t e de ne poin t
p e r m e t t r e q u e le so r t d ' u n tel p e u p l e , a u q u e l les de s t i -
n é e s de t a n t d ' a u t r e s p e u p l e s s o n t a t t a c h é e s , p û t ê t re
déc idé s o u d a i n e m e n t p a r l ' homic ide e n t r e p r i s e de que l -
q u e s h o m m e s , et q u e le n œ u d des p lus g r a n d e s q u e s -
t ions soc ia les lut en un m o m e n t t r a n c h é p a r un a b o m i -
nab l e c o u p de m a i n .


R e n d o n s g râces a n ciel , qu i a p r é s e r v é les j o u r s de
l ' E m p e r e u r e l d e l ' I m p é r a t r i c e , el a s s e m b l o n s - n o u s aux
p i eds des au te l s p o u r d e m a n d e r à Dieu, d a n s un sen t i -
m e n t u n a n i m e , qu ' i l révèle à t a n t de r ega rds aveugles
ou inat tenl ifs la v r a i e l u m i è r e tics é te rne l les lois de la
m o r a l e et de l ' o rd re d ivin , et qu' i l apa ise enfin ces pas-
s i o n s f a t a l e s , qu i , depu i s p l u s d 'un demi-s ièc le , ne
c e s s e n t de déso le r n o t r e pa t r i e , et de v o m i r su r elle les
Ilots ignomin ieux de l eu r confusion el de l eu r s fu reurs :
Fluctua [cri maris, Ocspuinaatcs c<m[usionessuas. (Jun. ,


10, x iu . )


A ces c a u s e s , n o u s avons o r d o n n é et o r d o n n o n s ce
qui sui t :


1" l ne m e s s e en ac t ions de g r â c e s et un ï> Deum
s e r o n t c h a u l é s d i m a n c h e p r o c h a i n , 17 j a n v i e r , d a n s
n o i r e église c a t h é d r a l e et clans t o u t e s les églises de
n o t r e d iocèse .


A Or léans , la messe, de la c a t h é d r a l e c o m m e n c e r a à
onze h e u r e s p r é c i s e s .


2" Une m e s s e s e r a cé lébrée s a m e d i p r o c h a i n , à neuf
h e u r e s et q u a r t , d a n s n o t r e église c a t h é d r a l e , p o u r les
v ic t imes de c e t t e affreuse c a t a s t r o p h e .




L E T T R E Ai: C L E R l x E D I E I H I H KSE


Concernant les erreurs de Pierre-Michel Vintras (1851)


Vous conna i ssez c o m m e n o u s , Messieurs e l Chers
Ce-operateurs, cel te misérable secte qu i c h e r c h e à s ' in-
t r o d u i r e d a n s q u e l q u e s d i o c è s e s , d e p u i s u n e d o u z a i n e
d ' a n n é e s , sous le t i tre m e n s o n g e r (YŒuvre de la Miséri-
corde. Vous avez eu la d o u l e u r d ' a p p r e n d r e q u e p l u -
s i e u r s l a ï q u e s , e t , chose p lus d o u l o u r e u s e e n c o r e et
b i e n h u m i l i a n t e à d i re ! q u e q u e l q u e s p r è l r e s m é m o ont
eu l ' inconcevable a b e r r a t i o n d ' e spr i t de, se la i sser fasci-
n e r pa r les ex t r avagan t e s e r r e u r s de cel te s e c t e , cl:
l 'orgueil plus inconcevab le e n c o r e de r é s i s t e r j u s q u ' à
p r é s e n t aux c o n d a m n a t i o n s q u e le s o u v e r a i n pontife
Grégoi re W l , le conci le de Pa r i s et p l u s i e u r s évoques
ont p lu s i eu r s fois p r o n o n c é e s c o n t r e ces folles et d é t e s -
tables e r reurs , déjà réprouvées p a r d ' a n c i e n s conci les
oecuméniques .


11 sera i t t rop long de v o u s d i re tous les ind ignes s u b -
terfuges que l 'esprit, de m e n s o n g e leur s u g g è r e , p o u r
n o u r r i r en eux cet te obs t ina t ion s c a n d a l e u s e et i m p i e ,
cl les r e t en i r d a n s u n e manifes te et c o u p a b l e révo l te
cont re l ' au tor i t é de l 'Église. Mais ce q u e je dois m ' e m -




128 C O N D A M N A T I O N D E V I M R A S .


p r e s s e r de vous a n n o n c e r , c 'es t q u e le Vicaire d e J é s u s -
Chr is t , le s u p r ê m e d o c t e u r de l 'Église un iverse l l e .
Pie J \ , v ient de faire e n t e n d r e s a voix p o u r f r appe r une
fois e n c o r e , et de la m a n i è r e la p lus é n e r g i q u e , cel le
secte d ' e r r e u r et de perd i t ion .


Pla ise à Dieu q u e les yeux de n o s p a u v r e s frères éga-
r é s s ' o u v r e n t enfin à la vér i té ! S'il en étai t a u t r e m e n t ,
si des c h r é t i e n s , si des p r ê t r e s s u r t o u t , con t inua i en t à
s ' o b s t i n e r o p i n i â t r e m e n t d a n s u n e secte que le Vicaire
de J é s u s - C h r i s t qualifie de C A I S S E E T DE M E N S O N G È R E ,
DE P E R N I C I E U S E A L A R E L I G I O N E T AU P E U P L E C H R É T I E N ,


D ' L M P U D E N T E , D ' E X T R A V A G A N T E , D E M O N S T R U E U S E , D ' A B O -


M I N A B L E , D E S A C R I L È G E , D E D I A B O L I Q U E , CC S e r a i t pOU 'C


n o u s et p o u r v o u s , nos Chers C o o p é r a t e u r s , le sujet
d ' u n e a m è r e t r i s t e sse et d u p lus d o u l o u r e u x g é m i s s e -
m e n t ; m a i s n o u s a u r i o n s d u m o i n s la conso la t ion de
p e n s e r q u e la s éduc t i on des faibles se ra d é s o r m a i s i m -
poss ib l e , et q u ' i l n 'y a u r a p lus q u e les espr i t s s u p e r b e s
et o u v e r t e m e n t r ebe l l e s à b Église qui p o u r r o n t s ' a t t a -
c h e r à u n e sec te si c l a i r e m e n t et si bâ i l l emen t c o n -
d a m n é e .


Veui l l ez , le d i m a n c h e m ê m e qui su ivra la récept ion
de cet te Le t t re , la faire c o n n a î t r e à vos p a r o i s s i e n s , et
e n m ê m e t e m p s le bref, qu i s u i t , de Moire Sa in t -Père le
P a p e Pie IX ; et r éc i t e r e n cha i r e u n Palur et u n . l c v
p o u r la c o n v e r s i o n de ceux de n o s frères don t l ' éga re -
m e n t es t p o u r n o u s , en c e m o m e n t , le sujet d ' une si
vive d o u l e u r .




C O N D A M N A T I O N D E V1NTRAS. ¡ 2 9


A NOTRE VÉNÉRABLE F R È R E ALEXIS ' ,


ih'LuTU DE NANCY ET DE TOUL,


PIE P P . IX.


Vénérable F iv re , Salut et Bénédiction Apostolique.


Les nombreuses et t rès-graves affaires du Souverain
Pontifical, dont Nous sommes occupé et p resque accablé,
Nous ont empêché de r épondre sur-le-champ à vos Lettres
du 4 novembre dernier , ainsi que Nous l 'aurions vivement
désiré. Car Nuire cœur , Vénérable Frère , a été g r a n d e -
ment consolé par la lecture de ces Lettres, où Nous avons
reconnu de plus en p lus cl l ' a rdeur de votre zèle sace rdo-
tal pour défendre la Foi cathol ique, et la vigi lance de votre
épiscopale sollicitude pour sauvegarder le t roupeau confié
à vos soins. C'est bien avec les motifs et les ra isons les
plus légitimes que vous vous sentez péné t ré de dou leur en
voyant que, dans ces tennis t rès -mauvais , le nombre de
ces sectes perverses , à l 'aide desquel les les fabricaleurs
de 'mensonges et les fauteurs de dogmes impies font à
l'Eglise catholique une guerre acharnée , et unissent leurs


1 Y E N E R A I 1 I E I FRATRI A1.EXIO


E P I S C O P O N A N C K 1 K N S I E T T C L L E N S I


P1US PI». IX.


Yencrabili* Fratcr, S a i u l c m e t Apos to t i cam Denedtc t ionem.


Gvavissiiua; ac mult ip l ia;* s u p m n i Xostri Punt iûca lus o c c u p a t i o n e s ,


quibus conUnvnlcr dis l i i iemur, ac penr. o l iruimur, obstiterunt q u o m i -


m i s luis Eitlcris «lie \ proxiuii inensis X o v c m b r i s datis s t a l i m r e s p o n -


dereaa i s , Q U E N K I D N I N D U N I vehcinei i ter o p t a v i s s e m u s . S u m m a eni ta


aniuii N'ustri cons iù iUonu ex i i sdem Lillcris mag i s m a g i s q u e in le l lcx i -


m u s , Yenrraliiiis Fra lcr , quu sacerdetati / .do in cathoi ic i f Kidei veri tate


l i ienda, et qua episcopal i so i l i ia ludme in lai gregis i i icokimilale. p i o -


curanda p o é s i e s . N a m q n e racriio, atque vpti iuo jure vel m a x i m e do l e s ,


c u m ad tôt alias nefarias s o c i d a l c s , (¡ail .es fa l i rkatorcs m e n d a r i i ,


v. 9




1 3 0 C O N D A M N A T I O N D E V I N T l ì A S.


efforts pour la dé t ru i re , s'il se pouvait , de fond en comble,
s'est encore accru par cette secte nouvelle et perfide, in-
ventée depuis onze ans , pa r un certain Pierre-Michel
Vintras , homme laïque, habi tant le diocèse de lia yeux.
Cette détestable secte est celle-là même que notre Véné-
rab le Frère Louis -Francois , Evêque de Bayeux, a r é p r o u -
vée dès sa naissance ; c'est celle qui a été déjà condamnée
par Notre prédécesseur Grégoire XVI, dans Ses Lettres du
8 novembre 1843, adressées à l 'Evêque de Payeux . Les
h o m m e s qui forment celle abominable société, se couvrant
avec hypocris ie du masque de la ver tu, osent bien s e don-
ner la mission mensongère d 'établir une p ré t endue Œ u v r e
de la Miséricorde, et un nouvel apostolat composé d 'hom-
mes laïques ; ils ont l ' impudence et l 'audacieuse effron-
terie de dire que l 'Eglise est ma in t enan t plongée dans
les ténèbres et dans la co r rup t ion ; ils annoncent , dans
l 'Eglise du Christ, un troisième règne , qu ' i ls ne craignent
pas d 'appeler le règne du Saint-Esprit ; e t , pa r un allentai
aussi sacrilège que témérai re , s 'arrogonul une ni issimi di-
v i n e , ils ne rougissent pas de r é p a n d r e dans le public
toutes sortes d ' e r reurs mons t rueuses , d 'opinions exlrava-


Erclesirc cathol î f î f et p e r v e r s o r o m dog inatmn cultures a s p e r r i m a Wsce
t e m p o r i b u s a c e n ï i m m i lirllii in interré, o a m q u e , si fieri uuquam poi-srl,
funditus evertere conni t i intnr , accesscr i t et i t ia l i* s e d a a quodam laici;
h o m i n e Pctro-Michaele Vintras , Uajouensls Dbercs i s i n c o i a , '.[miccini
abbine anni» e s c o g i t a t a . Quarti to terr imam s e d a n i a venerabili Fretre
L u d o v i c o - F r a n c i s c o , Lìajocensiuin E p i s c o p o , statini reprobatal i ! r ee .
m e n i . Gregorius XVI P r a d c e c s s o r N o s l e r Suis ad e u m d e m AnUsUtemLu-
teri» die 8 novembres anno 1SÎ3 dat i s , ja in d a u m a v i l . S iquidem abuinina-
bilia bujus societatis l i omines , s i m u l a l a virtutis o s t e n t a r o n o , band e x -
t i m e s c u n t c o m m e n t i U u i n Misericordia; O p u s , n o v u m q a e npos lo latmu
ex luieiti oonl la l i im ì ioi i i inibus « i n t i n g e r e , et impuaenl i t^ ime asterei u
Kcclcs iatu n u n c i u ca l ig ine , et tota corruptiune cerca l i , ac lerliuui !n
E c c l e s i a Clirisli rcgr.um armtmi iarc , quod Spiri tus-Sancti r c g n u i u
appel lare n o n re lbrmidanl , et ausu prorsus temerario atque sacr i lego ,
d i \ i n a n i ì i i i ss ioncin sibi arrogante», band p a v e n t m o n s t r o s a q i u T q u c




C O N D A M N A T I O N D E V 1 N T R A S . 131


gaules qu'i ls pré tendent leur avoir été révélées d'en haut ,
et it l 'appui desquelles il a l lèguent des visions et des p r o -
diges. C'est à l 'aide de ces ruses et de ces mach ina t ions
diaboliques que, s 'a t taquaut avec fureur fi la vra ie doc -
trine de Jésus-Christ , et mépr i san t tout à l'ait la Chaire de
Pierre et son autor i té , ils tentent les de rn ie r s efforts p o u r
a r racher les Fidèles à la vérité de la Foi cathol ique, les en -
traîner avec eux dans l 'abîme de l ' e r reur et les je ter d a n s
le péril de la damnat ion éternel le . Nous sommes accablé
sous le poids de la douleur en voyant les dommages si
graves causés par cette secte à noire sainte Religion et au
peuple chrét ien ; et ce qui a mis le comble à l'affliction de
Notre cœur , c'a été d ' a p p r e n d r e , par vos Lettres, que trois
ecclésiastiques de votre Diocèse, les frères Pa i l l a rd , ou-
bliant ent ièrement leur sainte vocation, la digni té sacerdo-
tale et tous leurs devoirs , n 'ont pas rougi d ' inscr i re leurs
noms parmi les par t i sans d 'une telle secte, et d'en embras-
ser et professor les fausses et abominables opinions . Nous
nous devons de jus tes louanges , Vénérable F rè re , p o u r la
conduite que vous avez tenue dans cette c i rconstance , car
vous n 'asez pas plus lo t connu leur défection, que votre


cpinioni iui c o m i i ì c n i a , ac deliriti in v i i igus spargere , qua- s i l i d U h a i u s
mani fes ta la , v a n i s c e \ Launììa.- ae proti!.:;')! ren.'irmaia, i-i-tc l iV .eraut .
Quibus diabolieis p r o m i s ar l îbus c l moUUrtnibus contra v e r a m E c c l e -
sia'. Christ! doctrinaii i i rroentes , et l iane Pétri C a t b e d r a m ejusque a u c -
toi'ilatem piane dcsp ìe ie i i i e s , o m n i a c o n a u t u r u l liJc.Ys a calhoHcœ
lutei ver itale a v e l l a c i , c o s a n e s c e e m in errorem abripianl a t^ue in
a'ternre daninat ionis d i s c r i m e n iu ipe l lant . S u m n i o (jiiidein m œ r o r e
eoiirieiinnr, Venerabili:; Fra ler , cura t a m srav ia d a m n a sanct i s s l ina;
nostro» l ìebgioni et C h r i s t i a n » p o p u l o ab h a c soc ia inferri n o s ' a i n e s ,
ac vchen ient i s s ime dotu imus euro ex. tu is l i U c r i s a c - r p e r i m u s t r i s
ecc lcs iast icos tua; Diocesi*, viras n e i n p e germano» fratres baillai d ,
proprio 1 vocat ionis p lane i inmemorcs et paccrdolalis d ignita ' i s , al ij i .e
officii o m n i n o obl i tos , band eru'.miese cj i ismodi s o r t i r n o m e n d a r e ,
ojusque falsa et exi t iosa dograata amplcc t l et pro l i l e i i . Ac mer i l i s t e
laudibus prosequimur , YcncraMIis Fratcr, cjuod ubi cognita c o r u m d e m




132 C O N D A M N A T I O N D E Y I N T R A S .


t rè s -a t t en t ive vigilance e p i s c o p a l e vous a p o r t é à vous ar-
mer aussitôt contre eux du glaive d 'une jus te répression,
E N sorte que les ayant cités à votre t r ibunal , vous les a v e ? ,
au p réa lable , frappés de suspense , AFIN que les loups fus-
sent sans délai éloignes de votre bercail . Nous avons aussi
eu pour très-agréable le part i que vous AVE/, pris d ' a d r e s s e r
à tout le clergé de votre Diocèse une Lettre circulaire par
laquel le , en mémo temps que vous l ' informiez de ce qui se
passai t , vous l'avez exhorté et excité, atin qu'i l employât
t ousses soins, tous ses efforts, toute son application pour
main ten i r les fidèles fermes et immobi les dans la profes-
sion de la vérité et de l 'uni té cathol iques, les avertissant de
ne jamais se laisser s u r p r e n d r e e t i n d u i r e en e r r eu r pa r
les t romper ies , les ruses et les fraudes de ces hommes de
mensonge ou de tous au t res , de quelque espéce q u ' i l s (mis-
sent ê t re . Donc, Vénérable Frère , c'est de tout Notre co'iir
que Nous vous félicitons de cette pastorale sollicitude que
vous avez déployée, et qui est tout à l'ait digne d'un Fvèque
c a t h o l i q u e ; et Nous tenons p o u r certain que, redouhla.nl
de plus en plus de zèle, vous ne négl igerez jamais aucun
moyen pour défendre énorg iquement la cause de l 'Eglise


fratrum defeetione, l iaud omiser is prò egregia tua episcopal i -\igilantia
in il los serio animadvei ' tere , eosque ad TAUM v o t a r e TRIBUNAL, p r a n i a
SOSPENSIONE LATA, ut hipos a tuo ovili STATINI arcem. PERGRATUIN antera
Noliis aeeidit cons i l ium a te i n i t u m raittendi ad u n i v e r s u m tuie D i œ c e -
SIS c l e rum c n c y c l i c a m Epi s to lam, qua ipsum de ejusmodi re ecrt iorem
facis , ac s inml s u m m o p c r e h o r t a r i s e t e x c i t a s , u t onini cura et s tudio ,
s u a m operam seduto i m p e n d a t , quo f idèles in eall iotica 1 veritat is , et
uni ta l i s profess ione, s labi les et immot i pers i s tant , et n u n q u a m l imi l i o -
r u m , t imi a l iormn CUJUSQNE generis ILIUSORUMFALLACIA, insidiis et f rau-
dibus se decipi , atque in errorem induc i pat ianlur . l l a q u e , Yencnibilis
Frater, de l iac t u a pastoral i so l l i e i iud ine ea lhol ieo Aal i s l i t e piane
digna, ex an imo irratulamur, ac prò certo h a b e m u s (e alaci iori usque
c o n t e n t i o n s nihi l u n q u a m intentat imi re l ic iurum, ut catliolicie E c c l e -
S I » CAUSAM forlilcr propugnes , e j n s : u e satutarem doctrinani s trenue
tuearis, et gregem libi concrcd i lum A LUPE r u m agress ibus impav ide de-




C O N D A M N A T I O N D E V I N ' T R A S . 133


cathol ique, pour soutenir avec une inébranlable fermeté
sa salutaire doctrine, pour défendre courageusement contre
toutes les attaques des loups le t roupeau commis à votre
garde, pour le tenir éloigné des pâturages empoisonnés
et le conduire là où se t rouvent la vie et le salut. Enfin
Nous saisissons avec bonheur cette occasion de vous té­
moigner et de vous coniirmer notre part icul ière bienveil­
lance ;i votre égard , en vous en donnant pour gage la bé­
nédiction apostolique que Nous accordons avec tout l ' amour
et toute l'affection de Notre cœur , à vous, Vénérable Frè re ,
et à tout le clergé ainsi qu 'aux fidèles laïques de votre
Eglise.


Donné à R o m e , à Saint­Pierre , le ­10 février de l ' an­
née E S O L , de Notre Pont i l ica l la cinquième.


PIE P P . IX.
Certifié conforme à l 'original.


Nancy, ­11 mars 1 8 5 1 .
GÉRARD, Chun. lion. S.


A la sui te d ' u n e c o n d a m n a t i o n si formel le et d ' u n e
e x h o r t a t i o n si p r e s s a n t e du Chef s u p r ê m e de l 'Église,
n o u s c r o y o n s devoi r con ju r e r de n o u v e a u ДШ. les Curés


fendas, e u m q u e a venenat i s pascuis arceas , et ad salutaria p r o p d l a s .
Dcniqnc hanc oceas ionom l ibentissinie a m p l e c t i m u r , ut piœc ipuan i
n o s l r a m in te b e n e v o l e n l i a m d e n u o t e s t emur et conf irmemua. Cujus
quoque pignus adjungimua a p o s l o l i c a m ber icdic f ionem, q u a m loto
coul i s aflectu tibi ip s i , Venerabilis Frater, c u n c t i s q u e istius E c c k s i a ;
c lc i i c i s , laicisque fidelibus peramentor imper t imur .


Datum l ïonur , apud S. P e t r u m , d i e d e e i m o fc­bruarii anno 1S51, Por.­
l i l icatus Nostri anno qulnto.


PIL'S P P . IX.
Concordat сши 01 iyinali.


Nanceii, 11 marlii lS ' i l .
GÉRARD, Сап. h. S.




131 C O N D A M N A T I O N D E V I N T T ! A S.


et Confesseurs d ' a p p o r t e r la v ig i lance la p lus a t ten t ive
p o u r d é c o u v r i r là où elles se c a c h e n t , là où elles p o u r -
r a i e n t c h e r c h e r à s ' i n t r o d u i r e , des e r r e u r s si pe rn ic i eu -
ses a u x â m e s , en m ê m e t emps q u e le p l u s g r a n d zèle
p o u r les d é m a s q u e r , les c o m b a t t r e , et r a m e n e r enfin à
l 'Église et à Dieu ces p a u v r e s égarés q u i , p a r l e u r
obs t ina t ion et l e u r a v e u g l e m e n t vo lon ta i r e s , se r e n d e n t
i nd ignes de la g r â c e des s a c r e m e n t s et se j e t t e n t d a n s
le pé r i l dû la d a m n a t i o n é te rne l le .




LETTEE AU CLERGÉ DU DIOCÈSE


Sur la Subordination hiérarchique


M E S S I E U R S E T C I I E R S C O O P Ê R A T E U R S .


•le c ro i s devo i r v o u s d o n n e r c o m m u n i c a t i o n d ' u n e
je l t re q u e j ' a i a d r e s s é e à M. l ' a b b é ***, le 14 jui l le t
c o u r a n t , en r é p o n s e à l ' envo i qu ' i l m ' a v a i t fait d 'un
écr i t pub l i é p a r lui c o n t r e Mgr l 'A rchevêque de P a r i s .


Gel écr i t cl u n a u t r e d u m ê m e c a r a c t è r e qu i avai t
p r é c é d é , déjà t r è s - r é p a n d u s a u c e n t r e de n o t r e p r o -
v i n c e ecc l é s i a s t i que , y exc i t en t , en ce m o m e n t , u n e vive
e t d o u l o u r e u s e é m o t i o n ; e t , l o r s q u e n o u s a u r i o n s l e
p l u s beso in d ' o r d r e et d e p a i x , n o u s m e n a c e n t d ' u n e
d e c e s d é p l o r a b l e s p o l é m i q u e s qu i t r o u b l e n t et a t l r i s -
Lcnt l ' É g l i s e e t font la jo ie de ses e n n e m i s .


1! y a clans c e s é c r i t s un d e s p l u s d a n g e r e u x exemple s
cm: a i e n t é ' é d o n n é s c a c le rgé d e p u i s l o n g t e m p s . Le


:=."!••) do l ' a u t e u r a joute e n c o r e a n pé r i l ; e t j e m e suis
c r u o b l i g é d e v o u s p r é m u n i r c o n t r e u n te l s c a n d a l e .


Voici m a l e t t r e à M. l ' a b b é


« Orléans , 1« i i jui l let 1851 .


« .Mossirxit i. 'AuiiK,


i- v i e n s d e i r e : v o i r u n e x e m p l a i r e d e la l e t t r e a d r e s s é e
p a r v o u s à s 'av l ' A r c h e v ê q u e d e P a r i s , e n u n i e d u 19 j ' n i n
• l e n i i . - c , à i ' o e e a s i o n d ' u n (!•• s e s M a n d e m e n t s .


"• 'le s u p p o s e ip; • e ' ; i >! ; .a ' v o s o r d r e s q u e c e l l e l e t t r e




13« S U R L A S U B O R D I N A T I O N H I É R A R C H I Q U E .


m'a c-to envoyée de Lyon on vous l'avez l'ait publier : je
crois devoir refuser un parei l écrit et vous le renvoyer, en
vous disant combien je déplore votre condui te en cette
circonstance.


« Permettez-moi de vous le d i re . Monsieur l 'Abbé, ce que
vous faites ici me rappel le trop les tristes lettres adressées ,
il y a bientôt vingt-cinq ans , à Mgr de Quélen, par un
prê t re dont l'effroyable chute commença par le mépr i s de
l 'Episcopat .


« Le rôle que vous prenez est vér i tablement é t range. On
dirai t que l 'Eglise n 'a plus , pour comprendre ses intérêts
et les défendre, ni Pape ni Evoques, et (pie quand il vous
plaît de les t rouver impuissan t s ou t imides, c'est à vous
qu'i l appar t ien t d'élever la voix.


« C'est dans cette préoccupat ion , c'est dans la p r é somp-
tueuse pensée de sauver , au défaut du P a p e et des Evêques,
la foi menacée , et sous le s ingul ier prétexte de faire à
Mgr l 'Archevêque de Pa r i s une correction fraternelle, que
vous vous établissez son accusateur et son juge . Si vous
avez ce droit contre les Evêques , Monsieur l'Abbé, il n 'y a
pas un prê t re d a n s l 'Eglise qui ne l'ait comme v o u s ; et le.-,
i l lusions qui vous ont condui t à un tel excès menacent
l 'Episcopat tout ent ier .


« Qui ne voit tpte ce serait in t roduire dans chaque Dio-
cèse, pour tout prê t re , contre son Evêquc et contre tout
Evêque , un droit de correction publ ique de bas en hau t ,
que l 'Eglise ne connut j ama i s et dont les dangers sont lcl<
qu' i ls effrayèrent p lus d 'une fois le protes tant isme lui-
même Y


« Vous pré tendez défendre l 'Eglise ; et vous ne vous
apercevez pas «pie l e désordre de votre conduite , s'il avait
des imi ta teurs , serai t pour elle le plus grand de tous les
pér i l s , puisqu ' i l t ranspor tera i t dans l 'Eglise elle-même le
pr inc ipe de per turbat ion qui tourmente et fait pér i r , sous
nos yeux, la société temporel le .




S U R L A S U B O R D I N A T I O N H I É R A R C H I Q U E . 137


« C'est l 'oubli de toutes les règles ecclésiast iques, c'est le
renversement de lu hiérarchie sacrée : c'est la ruine de
l 'autorité dans l 'Eglise.


« C'est le d rapeau du presbytér ian isme que vous levez à
\ul re insu et au tour duquel , sans le vouloir, vous appelez
tout ce qu'il y a d 'espri ts inquiets et rebel les .


« Quant à la forme, il faut l 'avouer, le ton, le langage
que vous prenez dans votre lettre sont bien peu dignes
d 'un prê t re ". ce n'est pas à l'école de Jésus-Christ qu 'on
apprend un p a n e l langage, c'est à l'école du siècle.


« Tout ceci, prenez-y garde , pour ra i t vous mener bien
loin et vous conduire à des extrémités (pie vous ne p r é -
voyez pas sans doute .


a Vous comprenez, Monsieur l 'Abbé, que ce n'est pas ici
une polémique entre vous et moi : c'est un aver t issement ,
et une réponse à l 'envoi que vous m'avez fait.


« Il ne me reste qu 'à pr ier Dieu de vous donner les lu-
mières cl les grâces dont vous avez besoin dans la s i tua-
tion où vous vous êtes placé. Je Je ferai de tout mon cœur
el avec confiance pour un prê t re dévoué depuis lant
d 'années aux t ravaux apostol iques ; et c'est dans ces sent i -
ments que je suis, Monsieur l 'Abbé,


« Votre t rès-dévoué servi teur eu N.-S. J.-('..


« v EEE1X, Evèque d 'Orléans.


Vous c o m p r e n e z , Mess ieurs e t t r è s - c b e r s C o o p é r a -
leurs , tout ce qu' i l y a de m a l h e u r e u x e t d e subvers i f
d a n s des excès tels q u e celui d o n t j e su i s c o n d a m n é
au jou rd ' hu i à v o u s s igna le r le s c a n d a l e .


En vain, n o u s é p u i s e r i o n s - n o u s d a n s les t r a v a u x du
zèle , si n o u s la i ss ions s'affaiblir et t o m b e r , p a r m i n o u s ,
le r e spec t de cel te divine h i é r a r c h i e q u e Noi re -Se igneur
Jé sus -Chr i s t a d o n n é e p o u r sou t ien à tout le m i n i s t è r e
ecc lés ias t ique !




138 S U R L A S U B O R D I N A T I O N H I É R A R C H I Q U E .


Q u a n d t o u l s ' éb ran le , c h a n c e l l e et s ' éc rou le d a n s la
socié té t e m p o r e l l e , le m o m e n t , c e r t e s , se ra i t m a l chois i
p o u r l iv re r l 'Église a u x m ê m e s p e r t u r b a t i o n s , et p o u r
l a i s se r des m a i n s t é m é r a i r e s s e m e r i m p u n é m e n t d a n s
son se in des g e r m e s de. division et d ' a n a r c h i e .


C'est a lo r s , a u con t r a i r e , c 'est su r ce sol t r e m b l a n t et
b o u l e v e r s é , o ù r i e n de s table n ' a p p a r a î t p l u s , qu ' i l faut
n o u s efforcer de fortifier et d 'affermir ces g r a n d s p r i n -
c ipes de l ' au to r i t é et d u r e s p e c t qu i font, d e p u i s dix-
neuf s ièc les , le p rod ige de la s tabi l i té de l 'Église.


C'est a lors aus s i q u e , d a n s tous les r a n g s de la h i é -
r a r c h i e s a c r é e , n o u s devons d o n n e r à la société t r ou -
blée le g r a n d exemple de l ' un ion qui fait la force, et de
la s u b o r d i n a t i o n qu i fait la t ranqui l l i té de l ' o rd r e et la
paix !


C'est m a i n t e n a n t p lus q u e j a m a i s q u e tous les Évoques
do iven t se p r e s s e r , se s e r r e r avec v é n é r a t i o n , avec
o b é i s s a n c e ci a m o u r a u t o u r d u Souvera in Pont i fe , a u -
t o u r do celui qu i est le s u c c e s s e u r de P i e r r e e l l e Vicaire
d e J é s u s - C h r i s t s u r la f e r r e ; de ce lu i qui est le Chef
s u p r ê m e et le P r i n c e de tons les Évoques ; de celui qu i
est le P a s t e u r un ive r s e l n o n - s e u l e m e n t de tou tes les
les ' .u 'ob is , mc-ïs ar.ssi de tous les ;-a.,h-;;rs ; d é c e l a : q u e
.^ • .us -Chr is t a Lui la ,>kr,ï- ••! H m ni Mis fondement de
foule / ' / ' - > / d e ceîni enfin en oui r é s ide la p l én i tude
r t la solidité de la p u i s s a n c e apos to l ique , la p r i n c i p a u t é
p r i n c i p a l e , l ' é j u inea l d e g r é d e l à C h a i r e pont i f ica le , de
cnl ie C h a i r e u n i q u e et i m m o r t e l l e , en l aque l l e seule
tous g a r d e n t à j a m a i s l 'un i té


1 I ' I ! ( I i , > ,
: <•••:':.i e v i r r a . s e d e l p s s t o r u m ,




S i : I l L A S U B O R D I N A T I O N H I É R A R C H I Q U E . 139


T U t x r s OMNIUM rASTOR.— (S. Bern. , De consider., l ib, II . Ad E u g . , p a -
p a i n , vin - )


Es*) n u l l u m p r i m n m ni.-i Cluistuin sequenp, Deaiilmllni tua', id e s t
caUiedra: l'olri c o m m u n i o n e consoc iur . Super i l lam I'etrain œdif icatam
Ecc!e=iam sc io . ,S . l l i eron . , EpUt . ad D a m a s u m , p a p a i n , n . l i ;
alias S t . )


Uo iuanom Krcles lnm o m n i u m c » o niaxirr . im et a n l i q o i s s i m a m ad
q n a m propter polhtrcm pt'hieipatilateiii u c c e s s e est o m n e m E c e l e s i a m
r n n v c m r c . S. Irani. , Uteres , l ib . I l l , c. m . j


1 ' 1 1( 11 1 lllp \ 1 ( U i i 1 U L I | t U .


s. K':h\. 'Cl : all ? !C3.'
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S. C- pr . . l i b . Hi Mill. Uct..
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vivrr E T i c n . i n n i E V K Î I I X T . •«.«ne. Caieeinm. i
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Mais c 'est m a i n t e n a n t aus s i p lu s q u e j a m a i s , Mess i eu r s
et t r è s -che r s C o o p é r a t e u r s , q u e t o u s les b o n s p r ê t r e s
doivent se r a n g e r avec u n r e s p e c t s incère et u n e rel i -
gieuse docilité a u t o u r de l e u r s É v ê q u c s , a u t o u r de ceux
qu i sont l e u r s p a s t e u r s i m m é d i a t s s o u s l ' au to r i t é s u p é -
r i e u r e et p r i n c i p a l e du S o u v e r a i n Pont i fe , de c e u x qu i ,
se lon l ' exp re s se d é c l a r a t i o n d u sa in t Conci le de T r e n t e ,




110 S I R L A S U B O R D I N A T I O N H I É R A R C H I Q U E .


son t les successeurs des Apôtres; do ceux que le Saint­
Esprit, selon ta p a r o l e de sa in t P a u l , a établis pour
gouverner l'Église de Dieu ; de ceux enfin à qui J é s u s ­
Chris t a d i t : Allez, enseignez toutes les nations ; e t : Que
vous écoute m'écoute ; qui vous méprise me méprise


C'est m a i n t e n a n t en i in plus q u e j a m a i s , q u e t ous les
fidèles doiven t se g r o u p e r et se t en i r fo r t ement u n i s
a u t o u r de l e u r s p r ê t r e s , a u t o u r de ceux qui son t a u p r è s
d ' e u x les o r g a n e s et les coopérateurs des évèques, cha r ­
gés de l eu r r o m p r e Je p a i n de la p a r o l e sa in t e et d e
l e u r a d m i n i s t r e r les divins s a c r e m e n t s ­.


Et c'est a ins i q u e tous , évoques, p r ê t r e s et fidèles
n o u s f o r m e r o n s su r la t e r r e , s o u s n o t r e céleste Chef
J é s u s ­ C h r i s t , et s o u s P i e r r e q u i est son V i c a i r e , ce
ferme et puissant corps de l'Église, où tout est assemble
et coordonné avec une admirable proportion, et où Jé­
sus­Christ communique et fournit a tous les membres,
par une vertu secrète, ce qui E S T P R O P O R T I O N N É A C H A C U N .
et fait ainsi que le corps tout entier s'augmente et s'èdif'o­
par la charité \


' Episcopo.­ , qui in A p o s l o l o r u m l o c u m s u c c c s s e n i n t . . .
Et p o s i l o s , sicut idem Aposto lus ait, a Spir i tu­Sanrto regere K f c l c s l a œ


Dei. (Cone. Ti'id., sess . 2 3 , c a p . iv.)
E u n t e s doecte onirics g é n i e s . :S. MAT., XXVNI, l'J.,
Qui vos audit , me audit, et qui v o s spernit , m e sprrnit . (Ibid.)
Divina Eeele.sia' auctor i las o p p u g n a t u r . . . Débita Kpiscopis OBEDENT;:.­


INFRINGITUR, EOnCHQl'E J U R A C O . N C I I X A N 1 L U . iGl 'CG. X V L , ILL EllCyel. , lb
au g. 1832.)


Qui l ionorat E p i s c o p u m a Deo l i onoratur , sieut qui ignominia afficit
i l ium a Deo punie tur . (S. Ignat ius , in sua ad S i n y m i e o s Epistola.;


I n d e s c l n s i n a t a et lnrre.­es oborlir SUNT ET oriuntur, d u m Episcopns qtu
unus est et Ecelcsiie p u r e s t , superba q u o r u m t l a m pi .xs i impl ione CON­
tc i i in i tur . . . . (S . Cypriamis . ;


5 Cooperatores ord in i snos t r i . ( P o n t i f . d e ordin . Prcsby. in рпеГ.)
3 Creseamus in illo per o m n i a qui est caput Clir i s lus , ex quo t o l n m




S U R LA S U B O R 1)1 N A T I O N H IIÎR Л П С И I Ql; К. iU


N'admi rez ­vous pas , Mess ieurs , ces divines cl i n c o m ­
parab les pa ro l e s? L'espr i t de Dieu l u i ­ m ê m e p o u v a i t ­ i l
e x p r i m e r avec plus de préc i s i on , p lus d ' éne rg i e , p lus
de pro fondeur , l ' é c o n o m i e touLe­puissante de cel te m y s ­
té r ieuse et vivan te u n i t é d u co rps de l 'Église, où t ou t est
divin, p a r c e q u e tout est un ; et où l ' a s semblage et la
c o r r e s p o n d a n c e son t te l s , q u e c h a q u e p a r t i e , q u a n d elle
es t à sa p lace , t i en t de la force du t ou t ?


Malheur à ceuv qu i , p a r l e u r t émér i t é et l eu r e m p o r ­
lement , m e t t r a i e n t le t r o u b l e d a n s un si bel o r d r e !
m a l h e u r à ceux qui , p a r la vio lence et le d é s o r d r e de
l eu r ac t ion , r o m p r a i e n t l 'uni té de cet te s u b o r d i n a t i o n
divine , et div i se ra ien t ce q u e J é s u s ­ C h r i s t a fait p o u r
d e m e u r e r é t e r n e l l e m e n t u n i !


\ h ! q u e plu tô t t ous , s a i n t e m e n t et i n s é p a r a b l e m e n t
unis e n t r e n o u s , et tous e n s e m b l e à la Cha i re de Pie r r e
et a l 'Église m è r e et m a î t r e s s e de lot î tes les Églises ,
nous é lo ignions de n o u s j u s q u ' à l ' o m b r e m ê m e de la
division ! Que t ous , n o u s o u b l i a n t g é n é r e u s e m e n t n o u s ­
m ê m e s , et sacrif iant à l 'Église tou tes n o s p r é o c c u p a t i o n s
per sonne l l e s , nous t r ava i l l ions u n a n i m e m e n t à la c o n ­
servat ion de cel le pa ix et de cet te uni té o ù Dieu hab i l e !
C'est a lors , mais c 'est a lo r s s e u l e m e n t , q u e n o u s p r é ­
sen t e rons au m o n d e et à l 'enfer le spec tac le de cet te
grande armée rangée en bataille, d o n t pa r l e l ' É c r i t u r e :
invincible parce qu'elle esl rangée. Et c 'est a lors auss i
q u e , pa r l ' exemple non m o i n s q u e p a r la d o c t r i n e , n o u s
offrirons à la société en pér i l le s e c o u r s de Dieu qu ' e l l e


corpus conipactuni et oonnovuni jюг o m n e m juncturam. s u b m i n i s t r a ­
l ionis SL'ciiuilum oprra l ionem i \ j : i : ssr i t . \M C .N I I S C L ' J C S C C E л и ш и a u g ­
mci i luiu corporis facit in a diiieali: i icin sui in char i ta l e . (Kpist. ad
Kphcs. , iv, 1.1, 10.1




112 S U R L A S U B O R D I N A T I O N 11 I L R A I! C i l I Q U E .


a t t end et cet te de rn i è r e r e s s o u r c e de vie qu 'e l l e appel le
à si g r a n d s cr i s , et qu i ne lui peu t m a n q u e r sans qu 'e l le
p é r i s s e .


Pr ions donc , Messieurs el t r è s ­c i i e r s G o o p é r a l e u r s ,
p r i o n s t o u s e n s e m b l e N o t r e ­ S e i g n e u r J é s u s ­ C h r i s t , de
v e r s e r a b o n d a m m e n t su r n o u s , p a r son divin Espri t , les
d o n s de sa c h a r i t é et de sa pa ix , et de faire é p r o u v e r à
son Église, en ces t r i s t e s j o u r s o ù tout n ' e s t q u e t r o u b l e
et q u e confusion , l'effet de l ' a d m i r a b l e p r i è r e qu ' i l
a d r e s s a i t p o u r elle à son P è r e la veille de sa m o r t :


Père saint, conservez en votre nom ceux que vous
m'avez donnés, afin qu'Us soient un comme nous sommes
un,.,, (qu'ils soient tous un, comme vous, mon Pere, eu
moi et moi en vous; que de même ils soient un en nous
A F I N Q U E L E M O N D E C R O I E Q U E C'L'ST V O U S Q U I M A T E Z E N ­
V O Y É . Je suis en eux et vous en moi, afin qu'ils soient
consommés en F unité, ( 7 o c r e r M O N m: C O N N A I S S E Q U E <; 'KST
vous Q U I M ' A X E Z EN V O T É et que vous les avez aimes cornac
vous m'avez aimé moi­même 1:


' Pater s a n e t e , serva eos in nominc­ tuo q u e ; ilcclisU mihi ntsirit
la ïuni rient el n o s . . . I i munes nir.un t int rient in , S'a!; r, in m e et e­.o
in te, ut et Ipsl in nol>i» uiiuin s iui , uî c i r i i a t im»uli№ i;uls î i . n;c
mis i s l i . . . E20 in eis et t u in m e , ni t int e»:t?muiiia!i iu t iuuni, et c o ­
gnnscat muntlu:. quia tu m e misis t i , c l dilexteli e o s , s icut et m e . ! ! ­
l cx i s l i . . . % S . .to;i',!., xvi i , 23 . )




L E T T R E


A M M . L E S S U P É R I E U R S , D I R E C T E U R S E T P R O F E S S E U R S


D E S P E T I T S - S É M I N A I R E S


ET A U X A U T R E S KOCXÉSIASTIOUES CUARC.K8 , TU.VS L E D I O C È S E ,


J»E l / É l H T A T I O X JIE I.A JEUX E S S E ,


Sur l'emploi des auteurs profanes grecs et lat ins


dans l ' ense ignement c lass ique


M E S S I E U R S ,


P l u s i e u r s d 'en Ire vous se son t é m u s de la vive et a r -
den t e c o n t r o v e r s e sou levée r é c e m m e n t au sujet de l 'em-
ploi des a u t e u r s p a ï e n s d a n s r e n s e i g n e m e n t c l a s s ique .
Ils m ' o n t d e m a n d é ce qu ' i l s deva ien t p e n s e r a cet é g a r d ,
et s'ils p o u v a i e n t c o n t i n u e r s a n s i n q u i é t u d e à d o n n e r à
l eu r s é lèves un e n s e i g n e m e n t c o n t r e icquoi sont d i r igées
de si g raves a c c u s a t i o n s .


Sans e n t r e r , Mess ieurs , d a n s le fond et les dé ta i l s
d ' u n e con t rove r se q u e les s a v a n t s t r a v a u x de ?,[. l ' a b b é
L a n d r i o l , du IL P. Daniel et du P.. P. Pi Ira n e t a r d e r o n t
p a s , je le c ro is , à finir c o n v e n a b l e m e n t , j e r é p o n d r a i
s imp lemen t , c o m m e j e le dois faire , à la ques t i on q u e
v o u s m ' a v e z a d r e s s é e : et j e v o u s d i ra i q u e v o u s p o u -
vez c o n t i n u e r ce q u e v o u s fa i tes , s a n s a u c u n e i n q u i é -
t ude d 'espri t , s ans a u c u n t r o u b l e de consc ience .


L ' é tude r e s p e c t u e u s e des sa in t s Livres et l ' expl ica t ion




S U R L E S C L A S S I Q U E S .


des a u t e u r s ch ré t i ens , g recs e t l a t i n s , ont d a n s vo t re
e n s e i g n e m e n t la p l ace qu i l e u r conv i en t , celle qu 'on
l eu r a t ou jou r s r é s e r v é e d a n s la p l u p a r t des Pe t i t s -Sé-
m i n a i r e s e t des m a i s o n s d ' éduca t i on c h r é t i e n n e .


Vous faites s u r ce po in t , Mess i eu r s , ce qu ' i l est bon
de faire , et v o u s le faites d a n s la m e s u r e c o m m a n d é e
p a r Page de vos é lèves : v o u s savez , d ' a i l l eu r s , d a n s
l ' i n s t ruc t ion q u e v o u s l e u r d i s t r ibuez , u s e r c h r é t i e n n e -
m e n t des a u t e u r s p ro fanes ; et , d a n s la sol l ic i tude a t ten-
tive qu i m e p r é o c c u p e c o n s t a m m e n t p o u r tout ce qui
in t é res se l ' éduca t ion de ces c h e r s enfan ls , je ne me suis
j a m a i s a p e r ç u q u ' a u c u n de vous ait négl igé les p r é c a u -
t ions n é c e s s a i r e s à p r e n d r e , soi t p o u r le choix des éd i -
t ions et des t e x t e s , soit p o u r les exp l ica t ions c o n v e n a -
bles à d o n n e r en c h a q u e c lasse .


Ce n ' e s t là, du r e s t e , p o u r v o u s , Mess ieurs , q u ' u n
m é r i t e fort s i m p l e , et q u e v o u s pa r t agez avec tout ce
qu ' i l y a j a m a i s eu d ' i n s l i t u t eu r s v r a i m e n t re l ig ieux.


Il suffit de l i re le Traité des Études de l lol l in, et les
p l a n s d ' é tudes qu i n o u s r e s t en t du x v u c s iècle , p o u r
vo i r q u e les a u t e u r s c h r é t i e n s n ' o n t j a m a i s é té bann i s
de l ' e n s e i g n e m e n t c lass ique d a n s les m a i s o n s d ' é d u c a -
t ion où la Religion p ré s ida i t , et q u ' o n s'y est tou jours
app l iqué à ense igne r c h r é t i e n n e m e n t les a u t e u r s p r o -
fanes .


Il y a m ê m e e u de p i eux et s a v a n t s h o m m e s , tels que
le P è r e T h o m a s s i n , qu i on t fait des t ra i tés e x p r è s p o u r
a p p r e n d r e à é tud ie r d ' u n e m a n i è r e c h r é t i e n n e les h i s -
t o r i e n s et les poè t e s du p a g a n i s m e . Vous n ' ignorez pas
q u e le g r a n d sa in t Basile de Césa rée a laissé un cé lèb re
d i s cou r s s u r cet i n t é r e s s a n t sujet.


Je sais b i en q u e d e r r i è r e ces g raves au to r i t é s vous ne




S U U I.F.S C L A S S I Q U E S . H 5


serez pas à l 'abri des a c c u s a t i o n s don t le b ru i t vous
a é m u s . Mais du m o i n s vos c o n s c i e n c e s p o u r r o n t
res te r en paiv su r le fonds de ces a c c u s a t i o n s e l l e s -
m ê m e s .


Sans doute il y a q u e l q u e c h o s e de pén ib le à les e n t e n -
dre ; n ia is s i , en les e x a m i n a n t a t t e n t i v e m e n t , on t r o u v e
qu ' e l l e s son t s a n s va l eu r , il dev ien t a isé de se r a s s u r e r
su r le b ru i t qu ' e l l e s font, et vous ne t a r d e r e z pas à être
su r ce point auss i t ranqui l les q u e je le su i s m o i - m ê m e ,
l o r sque je vous a u r a i i n d i q u é q u e l q u e s - u n e s des a u t o -
r i tés et des r a i s o n s qui vous abso lven t .


Quelles sont donc ces a c c u s a t i o n s ?
En a p p a r e n c e , il faut le d i r e , el les ne s a u r a i e n t ê t re


p lus g raves : on a c c u s e l ' e n s e i g n e m e n t l i t t é ra i re , tel
qu ' i l s 'est d o n n é depu i s t ro i s s iècles d a n s les m a i s o n s
d ' éduca t ion c h r é t i e n n e , d ' avo i r rompu dans toute l'Eu-
rope, manifestement, sifrilègemenf, mallicureuse.me.nl la
chaîne de l'enseignement catholique.


On p r o c l a m e , en e m p r u n t a n t a u x d iv ines Éc r i t u r e s
l eu r s a n a t h è m e s c o n t r e les idoles p a ï e n n e s , on p r o -
c lame q u ' u n e telle cu l tu re des espr i t s est la cause, le
commencement et la fin de tous les maux d o n t souffre la
société m o d e r n e : Infandorum idolorum cullura omnis
mali causa est. et initium et fais.


On accuse les i n s t i t u t eu r s les p lus re l ig ieux , les c o n -
grégat ions ense ignan tes les p lus cé l èb re s , les Bénéd ic -
t ins , les Jésu i tes , les O r a t o r i e n s , et d'autres en grand
nombre, d'avoir coulé les générations dans le moule du
paganisme et d'avoir fait les générations païennes q u e
l ions v o y o n s .


On les n o m m e des novateurs, qui ont introduit le pa-
ganisme dans l'Education, des hommes à imagination


i i . 10




S U R L E S C L A S S I Q U E S .


qui saturent les générations de paganisme, et leur lais-
sent ignorer le christianisme.


Les m a i s o n s d ' éduca t i on , m ê m e celles qui sont t e n u e s


p a r des ecc lés ias t iques ou des re l ig ieux, et dans les-
quelles règne le paganisme classique, son t flétries c o m m e
les s o u r c e s p r e m i è r e s d u communisme et de l ' i r ré l i -
gion.


Cer tes , je le r é p è t e , il faut a v o u e r q u e les a c c u s a t i o n s


n e p o u v a i e n t ê t r e p lus v io len tes ; m a i s vo t re bon sens ,


Mess ieurs , a suffi p o u r v o u s ave r t i r q u e cette violence


m ê m e est ce qu i doi t le m o i n s v o u s t r o u b l e r . La r a i s o n


et la vé r i t é n e von t pas à de tels excès .


C'est là s a n s d o u t e auss i ce qu i fait q u e j u s q u ' à ce


j o u r , les col lèges t e n u s p a r des c o n g r é g a t i o n s r e l ig i eu -


ses et les p e t i t s - s é m i n a i r e s c o n t i n u e n t s i m p l e m e n t à


ense igne r c o m m e p a r le p a s s é , s a n s q u e les s u p é r i e u r s


de ces c o n g r é g a t i o n s , soit en F r a n c e , soit à Lîome, ni


les Évoques , ni les chefs d ' o r d r e a ien t c ru devoi r a c -


compl i r d a n s l ' en se ignemen t c l a s s ique la r.f.vor/UTiox r é -
c l a m é e . Je dis la R É V O L U T I O N , c a r c 'est u n e R É V O L U T I O N


q u ' o n r é c l a m e : je cite t e x t u e l l e m e n t ce m o t et le s o u -


l i g n e ; il a é té e m p l o y é p a r c eux qu i vous r e p r o c h e n t


d ' ê t re des n o v a t e u r s .


Je n 'a i p a s beso in de v o u s faire r e m a r q u e r , Mes-


s i eu r s , q u e vous n ' ê t e s p a s ici les seuls en cause . Vos


co -accusés son t n o m b r e u x et i l lus t res : ce sont , v o u s le


voyez, t o u s les i n s t i t u t eu r s r e l ig ieux de la j e u n e s s e d e -


puis t rois s i èc l e s ; ce son t t o u t e s les congréga t ions dé-


v o u é e s à l ' en se ignemen t s a n s excep t ion , les plus a n -


c i ennes , les p lus v é n é r a b l e s , les p lus sa in tes .


Le zèle de vos a c c u s a t e u r s va si loin , qu ' i l n e c r a i n t


p a s d ' e n v e l o p p e r d a n s la p r o s c r i p t i o n les sa in t s Pè res




S U H L E S C L A S S I Q U E S .


e u x - m ê m e s : oui , p a r m i les sa in t s P è r e s q u ' o n veut
m e t t r e en t re les m a i n s des enfants et s u b s t i t u e r aux au -
t e u r s païens p o u r l ' e n s e i g n e m e n t g r a m m a t i c a l ou l i t t é -
r a i r e , il en est dont on doi t se défier ; et on n e c ra in t p a s
de dire et d ' i m p r i m e r q u e c 'es t la plupart des Pères la-
lins ; p a r c e q u e , représentants de, la transition du paga-
nisme au christianisme, ils conservent encore dans leur
style des formes païennes, fl en est m ê m e , c o m m e l 'ad-
mi rab le saint Pau l in , c o m m e P r u d e n c e , c o m m e le g r a n d
p a p e sa in t D a m a s e , c o m m e sa in t Avil et d ' a u t r e s , q u e
l 'on exclut tout à. fait du p r o g r a m m e de l ' e n s e i g n e m e n t ,
p a r c e (pie, chrétiens par l'idée, I L S S O N T E N C O R E P A Ï E N S
PAR LA R O M I E .


On a u r a i t p e u t - ê t r e d r o i t de d e m a n d e r à c e u x q u i
écr ivent ces choses d ' où l eu r v ien t l ' au to r i t é p o u r p r o -
n o n c e r de tels j u g e m e n t s , et qu i l e u r a p e r m i s d ' é tab l i r
u n e dis t inct ion auss i é t r a n g e m e n t a r b i t r a i r e et in ju-
r i euse e n t r e des sa in ts q u e l 'Église n o u s ense igne à v é -
n é r e r sous le m ê m e n o m , s o u s le g r a n d n o m de P L U E S
et de D O C T E U R S ! Mais n ' i n s i s tons pas d a v a n t a g e et bo r -
n o n s - n o u s à cons t a t e r que , si n o u s s o m m e s p a ï e n s , n o u s
le s o m m e s en b o n n e c o m p a g n i e ; et q u e la plupart des
Pères latins son t b ien faits p o u r n o u s c o n s o l e r et n o u s
r a s s u r e r !


Voilà c e p e n d a n t j u s q u ' o ù p e u v e n t c o n d u i r e les e m -
p o r t e m e n t s du zè l e ! Mais auss i voilà c o m m e n t on m a n -
que le bu t en le d é p a s s a n t . C'est a u j o u r d ' h u i u n e assez
f réquen te m a n i è r e de le m a n q u e r : ce n ' e s t pas la meil-
l eu re . .Mais du mo ins un tel zèle peut-i l ê t re e x c u s é ? J e
l ' a ccorde ra i v o l o n t i e r s , p o u r u i q u ' o n m ' a c c o r d e auss i
qu ' i l ne peut p lu s ê t re écouté' ; ca r il ne s ' en t end p lus
l u i - m ê m e .




S U l l L E S C L A S S I Q U E S .


Je m e b o r n e d o n c , M e s s i e u r s , à vous r e d i r e ce que
j e vous d isa is t o u t à l ' h e u r e .


Vous pouvez p e r s é v é r e r s a n s i n q u i é t u d e clans la p r a -
t ique d 'un s y s t è m e d ' e n s e i g n e m e n t q u i , p e n d a n t tant
d ' a n n é e s , a été a p p r o u v é , p r a t i q u é , n o n - s e u l e m e n t p a r
t ous les p lu s g r a n d s e s p r i t s , m a i s auss i p a r les e spr i t s
les p lu s c h r é t i e n s , pa r les p lus g r a n d s s a i n t s , p a r t ous
les ins t i tu t s r e l ig ieux e n s e i g n a n t s , p a r t ou t le c lergé , de
l ' aveu m ê m e de vos a c c u s a t e u r s : p a r les É v ê q u e s , pal-
les P a p e s , c ' e s t - à - d i r e p a r l 'Église e l l e -même.


Ici , v o u s le v o y e z , Mess ieurs , l ' au to r i t é déc ide , et la
sage r a i son déc ide avec el le, c o m m e t o u j o u r s .


Je p o u r r a i s vous c i ter des t émoignages i n n o m b r a b l e s ;
je n e v o u s en c i t e ra i q u e deux : u n g r a n d gén ie qui fut
a s s u r é m e n t c h r é t i e n , et un g r a n d sa in t qu i avai t a s s u -
r é m e n t aus s i son g é n i e ; je veux p a r l e r de Bossuet et de
sa in t Calarles I l o r r o m é e : ces deux g r a n d s n o m s m e
suffisent, il est v ra i qu ' i l s en r e p r é s e n t e n t mi l le a u t r e s ,
et q u e l eu r g rave p a r o l e s ' appu ie su r celle des P è r e s ,
des S o u v e r a i n s Pont i fes et des conc i les .


Cer tes ce n ' e s t pas sa in t Cha r l e s B o r r o m é e q u e l 'on
a c c u s e r a de compl ic i té d a n s les excès de la Renais-
sance : s'il y eu t j a m a i s un sa in t a u q u e l l ' aus té r i t é de
son espr i t et la g rav i té de ses h a b i t u d e s et de son c a r a c -
tère a ien t dû i n s p i r e r p e u de goût p o u r les fables pa ïen-
n e s , ce fut sa in t C h a r l e s .


Et toutefois c 'est lui q u i , d a n s les a d m i r a b l e s règ le -
m e n t s qu' i l fit, de conce r t avec les É v ê q u e s de la p r o -
vince de Milan, p o u r l ' exécut ion des i m m o r t e l s décre t s
du conci le de T r e n t e et l ' é t ab l i s s emen t des écoles
ecc lés i a s t iques , a t r acé les p l ans d ' é tudes P A Ï E X N E S ,




S U l i L E S C L A S S I Q U E S . 1Í9


adop tées depuis dans tous les s é m i n a i r e s c a t h o l i q u e s
et dans toutes les m a i s o n s d ' éduca t ion c h r é t i e n n e .


Ces r èg l emen t s déc iden t qu' i l y a u r a d a n s les s é m i -
nai res des c lasses de g r a m m a i r e où l 'on e x p l i q u e r a , le
ma l in , les E pitres familières de Cice rón , le soir , q u e l -
ques e n d r o i t s p lus faciles d 'Ovide e t de Virgile; et q u e
tous ces a u t e u r s expliqués s e r o n t la m a t i è r e des l e -
çons appr i se s et réc i tées de m é m o i r e le l e n d e m a i n p a r
les é lèves.


Dans les humanités, on e x p l i q u e r a les Offices de Ci-
ce rón , a u x q u e l s on j o i n d r a ceux de sa in t A m h r o i s e , les
Tusculanes du m ê m e a u t e u r , son Traité sur l'Amitié,
ses Epilres a Atlicus. P a r m i les p o è t e s , on t r a d u i r a Vir-
gile et H o r a c e , expu rgés c o m m e il conv ien t : d a n s les
six de rn ie r s mois , on v e r r a la Rhétorique de saint C y -
prien el q u e l q u e s - u n s des Discours de Cicerón les p lus
faciles à en I en tire : et saint Cha r l e s I Jnr roméc i n d i q u e
le Pro Marcello et le Pro Archia poeta '.


INSITTUTION'ES


AD VXIVEItSCSI SEMl.NAWI ItCCIUEN PERTINENTES.


l'ars prima. — Cuput II.


D e S t i i f l i i s .


Ut studia Cler icornm, majore que. iieri pnss i t on l ine procédant , et
¡menique abunde suppedi tentur ea, quibus ad s t u d i o r u m mcla in per -
u i ï i r e possi l ; s t a t u i m u s ut infra scripia 1 c lasses in Seminar io s in l .


U n i q u e vero cxplicctur m a n e aliquis l iber iq.istolarum familiarium
C : c, rouis prout pra'scvibetur ; a prandio antem Ovidius de Trisabas,
w l J e l'onio, aut al iquis es, Virgil io facilior l iber ¡estivo t e m p e r e :
qii.if ouincs Icel iones sequenti d ie , tuni m a n e , t u m vespere , s tat i in ac
in g \ m n a s i u i n vener in l , n i emor i l crréc i t en t .


Singiili autem utr iusque ordinis in st> lu, et composit ion!! e legant i
everceantur , et in cruendo \ c r o sensu a u c t o r u m qui lat ine ser ipserunt
conl innentur .


Expbcc lur illis .lf. 7'. de Offaiis, quibus e t iam S. Amlirosi i Officia




150 S U R L E S C L A S S I Q U E S .


Après avoi r lu les v é h é m e n t e s a c c u s a t i o n s don t l ' exa -
m e n n o u s o c c u p e , il y a u r a i t c e r t e s , Mess ieurs , de quo i
s ' é t o n n e r ici ; ou p lu tô t n o n : tout ceci est fort s imple .


Saint Char les B o r r o m é e sava i t q u e tout n 'es t p a s m a u -
va i s et p a ï e n d a n s les l iv res des a n c i e n s : sa in t Char les
n e pensa i t p a s , c o m m e L u t h e r , que t o u t e ph i lo soph ie
e t t o u t e l i t t é r a t u r e h u m a i n e d u s s e n t ê t re r é p r o u v é e s
comme des erreurs et des péchés, et qu ' i l fallût b rû le r
P l a t o n , Ar i s to te , Cicéron et tous les l ivres des anc i ens ,
p o u r n ' é t u d i e r q u e l 'Éc r i tu re Sa in te


Saint Cha r l e s , a u c o n t r a i r e , qu i conna i s sa i t à fond le
g r a n d et sage espr i t du conci le de T r e n t e , e s t imai t
c o m m e les anc iens P è r e s et c o m m e sa in t August in , d a n s
le l ivre de la Doctrine chrétienne, q u e : « Les écr i t s
« des pa ï ens ne r e n f e r m e n t p a s s e u l e m e n t des fables,
a m a i s des règles l i t t é ra i res t r è s - p r o p r e s à l 'usage de la
« vé r i t é , et des p r écep t e s m o r a u x t rès-ut i les et m é m o
« q u e l q u e s vér i tés su r le cul te d 'un seul Dieu. » (S. Aug. .
Ibid., liv. 11, n. GO.)


Sa in t Char les B o r r o m é e disai t , c o m m e P ie r r e de Blois :
« 11 m ' a é té uti le de l i re Q u i n t e - C u r c c , Tac i te , ï i l e -
« Live , e tc . , qu i . d a n s l eu r s h i s to i r e s , r a p p o r t e n t beau-
« coup de faits utiles a l'éducation des vnrurs. » (J'ierrc
de Blois, Lettre 101.) Et en effet, les h i s to r i ens de saint


inscrnntur ; aut de A micitia, mit Tnmde.me Qurvstinnes, avit F.pUi'ilu
ad Attieum.


E \ puet isVirgi l lus c x p l a n c l u r , rcUrjuis H* partil ius in qnibus uii.p.M
est minus l ioi .estuni : Uiiratius i t em correrlu* i u l i T i l u i r i . . . Jliu inrita
S. Cypriuiii, et al iqua ex Cic.eronis Orotiimitian l'anliuribiiô cxp l i cc tur ,
q u a l i ' S smit i l lu• l'eu M. :,!•;>-,•< ttu ri l'ru Aivtu'd.


1 [.util., Episi. a-i yol-il. lien., antio là2U, c i té par Elcury . Erasme ,
cité p a r l e P . P c r r w i e , de Loch uievlot/icis, t. 11, p. 1393.




S l" I l L E S C L A S S I Q U E S . 151


Char l e s n o u s a p p r e n n e n t qu ' i l l isait souven t le Manuel
du ph i losophe pa ïen Épiclète, et qu ' i l avoua i t en avoi r
l i r e très souvent un vér i tab le profit p o u r la sanct i f ica-
t ion de sa vie.


Le f ameux Discours de sa in t Basi le , sur l'utilité que
les jeunes gens peuvent tirer de l'élude des auteurs
païens, é ta i t é v i d e m m e n t p r é s e n t à l ' espr i t de sa in t
Char le s e t de ses v é n é r a b l e s c o l l è g u e s , l o r squ ' i l s t r a -
c è r e n t l eu r s p l ans d ' é ludés : voici les a d m i r a b l e s p a -
ro les du g r a n d A r c h e v ê q u e de Césarée ; vous les l i rez ,
Mess ieurs , avec un profond in térê t : vous \ a d m i r e r e z
les b e a u t é s de la fo rme a n t i q u e en m ê m e t emps q u e la
p r o f o n d e u r et la sagesse des p e n s é e s :


« Tant que la faiblesse de l'âge ne permet pas à l'intelli-
gence de pénétrer la profondeur sublime des Ecritures, n o u s
d e v o n s e x e r c e r les y e u x d e P a i n e s u r d e s o u v r a g e s q u i


n ' e n d i f fè ren t p a s a b s o l u m e n t . Il fau t n o u s p e r s u a d e r q u e


l a p l u s g r a n d e d e s l u t t e s n o u s es t p roposé . . ' ; et p o u r n o u s


v p r é p a r e r n o u s d e v o n s s u p p o r t e r l e s p l u s p é n i b l e s t r a -


v a u x , e t étudier les poètes, les historiens, les rhéteurs et
luus les écrivains qui peuvent être de quelque utilité à notre
âme. P o u r t e i n d r e les é tof fes , l e s o u v r i e r s e m p l o i e n t d ' a -


b o r d c e r t a i n e p r é p a r a t i o n , e t a p p l i q u e ; ; ! e n s u i t e la c o u -


l e u r p o u r p r e , o;i t o u t e a u t r e , s e l o n l e u r v o l o n t é . De même


si la splendeur du beau doit demeurer irreurimée sou n itre
âme d'une manière indélébile, commençons par nous ini-
tier a la. connaissance des auteurs profanes, avant de nous
livrer èi l'élude de nos saints et ineffables mi/stères : et
a p r è s n o u s ê t r e a c c o u t u m é s à c o n s i d é r e r l e s o l e i l c o m m e


d a n s le m i r o i r d e s e a u x , n o u s p o u r r o n s e n s u i i e j e t e r les


y e u x s u r le l o y e r m ê m e d e la l u m i è r e 1


« S'il e x i s t e d e l ' h a r m o n i e en t re ' l es s c i e n c e s h u m a i n e s et


l e s d o g u e s c h r é t i e n s , c o n t i n u e s a i n ! B a s i l e , l ' é r u d i t i o n p r o -




152 S U R L E S C L A S S I Q U E S .


fane nous sera très-utile : dans le rus contra i re , établir une
comparaison et constater les différences, servira à prouver
la supériori té de la doctrine plus excel lente. .Mais où troit-
verai-je une image qui vous fasse comprendre le rapport
de ces deux é tudes? — La vertu p ropre d'un arbre est de
se charger de fruits dans la saison favorable, et cependant
il ne laisse pas de se couvrir , comme d'un ornement , de
ces feuilles qui s 'agitent au tour de ses rameaux. Ainsi, la
véri té est le fruit de notre tune ; mais on n 'été rien à. ses
charmes , en la revêtant des o rnements d 'une sagesse étran-
gère ; ce sont des feuilles qui protègent le fruit et en font
ressortir la beauté. On dit que Moïse, cet homme merveil-
leux dont le nom rappelle l ' idée de la plus haute sagesse,
exerça son intell igence aux sciences des Egyptiens avant
de s 'appliquer à la contoiuplalion do Celui qui est. A sou
exemple , dans les siècles pos tér ieurs , nous savons que
Daniel ne commença les é tudes divines qu 'après avoir a p -
profondi la science des Clnddeens ('/est, par la vertu


que nous devons arr iver à l 'autre vie, et connue tes poètes,
les historiens, et surtout les philosophes ont célèbre" lu vertu
dans leurs écrits, niais devons spécialement étudier celte
partie de leurs (ivres. 11 est très-utile de graver les p r i n -
npi-s de la vertu dans l 'âme des jeunes gens, de maniè re
à ce qu' i ls contractent avec elle une hab i tude de familiarilé :
les impress ions sont plies profondes sur ces (hues tcao'rcs,
et o rd ina i rement elles ne s'effacent jamais . Eh ! quelle
autre pensée dictait à Hésiode ces vers fameux qui sont
dans la bouche de tout le monde , si ce n'est le désir d'ex-
citer les jeunes gens à la vertu '!


« Pour moi, il nie semble qu 'en expr imant ces pensées ,
Hésiode ne se proposait autre chose (pie de nous exciter à la
vertu, de nous exhorter à devenir hommes de bien.... Si
d 'aut res écrivains célèbrent également la vertu, nous (le-
çons nous péné:rer de leurs maximes, connue couduisuut
à lu même fui.... Aimons donc les discours (pii renferment.




S U R L E S C L A S S I Q U E S . 153


de sages préceptes; et puisque les belles (fiions îles hommes
ite l'antiquité se sent conservées par la tradit ion, ou dans
les écrits dos poules et d e s h is tor iens , ne nous privons
point de Futilité que cette lecture peut nous préparer. »


Saint Basile a c c u m u l e e n s u i t e d a n s son Discours les
c i ta t ions ou les exemple s d ' H é s i o d e , d ' H o m è r e , de
Théogn i s , de P r o d i c u s , de Pér ic lès , d 'Euc l ide , de Mé-
gare , de Soc ra t c , d 'A lexandre , de Clinéas le p y t h a g o r i -
c i e n ; pu i s : il exhorte vivement la jeunesse chrétienne
à imiter ces exemples, à pratiquer ces maximes.
Comme as exemples, dit-il, et ces ma.cimes s'accor-
dent avec les principes chrétiens, je. crois qu'il est con-
venable de marcher sur les traces de si grands
hommes.


Assurémen t , Mess ieurs , ces sages , ces g raves , ces
p ro fondes pensées mê la ien t pas é l r a n g è r e s aux m é d i t a -
t ions de sa in t Char les Jîoi r o m é e , l o r s q u e furent a r r ê t é s
les r èg lemon l s des s é m i n a i r e s de l 'Egiiso de Milan, qu i ,
g râce à la g r a n d e au to r i t é du sa in t A r c h e v ê q u e , d e v i n -
r e n t ceux de tous les s é m i n a i r e s de F r a n c e , d ' I tal ie et
des au t r e s na t ions c a t h o l i q u e s .


Ce "sont les m ê m e s p e n s é e s qui d é c i d è r e n t t an t de
papes , depuis Eugène IV, Pie 11, Nicolas V, Sixte IV,
Innocen t \ III, Léon X; tant de p i eux et s avan t s c a r d i -
n a u x , tant de sa in t s p ré l a t s , à p r o d i g u e r les p lus g é n é -
reux , les p lus glor ieux e n c o u r a g e m e n t s a u x poè tes et
aux h u m a n i s t e s lat ins des \ \ c et x v r s ièc les .


Sans dou te il y eut à ce l le é p o q u e , dans le m é l a n g e
du s a c r é et du profane , des excès r id icu les et d ' é t r a n g e s
a b e r r a t i o n s . Mais c ro i l -on que tous ces g r a n d s et ver -
tueux p e r s o n n a g e s n e les a ien t ni vus , ni L i â m e s ?


Et il nie semble q u ' a u lieu d ' e n v e l o p p e r d a n s u n i n -




SUIS L E S C L A S S I Q U E S .


dis t inct et si v io lent a n a t h è m e t o u t e la p é r i o d e de la Re-
naissance, il f audra i t au m o i n s t en i r q u e l q u e c o m p t e
de tan t de n o m s sa in t s et i l l u s t r e s , de t a n t de Souvera ins
Pontifes , d e t a n t d ' É v ê q u e s , de t a n t de p r ê t r e s , de tant
de re l ig ieux v é n é r a b l e s , qu i e u r e n t u n e si i n c o n t e s t a b l e
et si décis ive in f luence s u r ce g r a n d m o u v e m e n t des
e sp r i t s ,


C o m m e n t a d m e t t r e q u ' u n sa in t Char le s B o r r o m é e ,
f o n d a t e u r des s é m i n a i r e s et de la c é l è b r e Académie r o -
m a i n e des Nuits Vaticanes, q u ' u n sa in t F r a n ç o i s de
S a l e s , f o n d a t e u r de l 'Académie F l o r i i n o n l a n e , q u ' u n
sa in t I g n a c e , u n sa in t F r a n ç o i s Xavier , un sa in t F r a n -
çois de Borg ia , u n sa in t Ph i l ippe de i \é r i , et t a n t d ' a u -
t r e s P è r e s et sa in t s i n s t i t u t e u r s de la j e u n e s s e , ont été
p a r m i n o u s les r e s t a u r a t e u r s et les P è r e s du p a g a -
n i s m e ? É t r a n g e p a g a n i s m e , que celui a u mi l i eu duque l
on voit na î t r e , a u x u " s iècle , C J A I J U A X Ï L - I Î L U X noacellcs
congrégations religieuses, et Q U A T H L - V I A O Ï - D I X au xv i r !
É t r a n g e s p a ï e n s , q u e t o u s ces h o m m e s q u i a b o u t i s s e n t
à s a in t Vincent de Pau l et à B o s s u e ! !


J 'a i p r o n o n c é le n o m de Bossne t , et j ' a i p r o m i s , Mes-
s i e u r s , de v o u s d o n n e r son t é m o i g n a g e ap rè s celui do
sa in t Cha r l e s ISorroniée.


i l est v r a i , Bossac t , c o m m e il le dit l u i -même d a n s
son a u s t è r e l angage , n 'é ta i t p a s f avorab le a u x fictions
p a ï e n n e s .


« Je n ' a i m e p a s les f a b l e s , écrivait-i l à S a n t e u i l ;
« n o u r r i depu i s b e a u c o u p d ' a n n é e s de l 'Éc r i tu re Sainte ,
« qui est le t r é so r de la vé r i t é , je t rouve un g r a n d c reux
« d a n s ces fictions de l 'espr i t h u m a i n et dans ces pro-
u d u c t i o n s de sa van i t é . .»


Vous n ' i gno rez p a s , d ' a i l l eu r s , .Messieurs, a v e c quel le




SU1J L E S C L A S S I Q U E S .


sévér i té Bossuet r e p r o c h a i t à Sairleuil d 'év i te r dans ses
•poésies les noms d'Apôlres et de Martyrs, comme tous les
autres qui ne se trouvent pas dans Virgile et dans
Horace.


L'h is to i re de ce d é m ê l é est c é l è b r e , on sai t la p a r t


q u ' y p r i r e n t F é n é l o n et l ' abbé F l e u r y , et c o m m e n t tout


finit p a r u n e a m e n d e h o n o r a b l e de Santeui l .


Mais t ou t cela , Mess i eu r s , n ' a p a s e m p ê c h é Bossue t ,


auss i b ien q u e F é n e l o n , d a n s l ' éduca t ion des fils de


Louis XIV, de faire é t u d i e r et e x p l i q u e r à ces j e u n e s


p r ince s les a u t e u r s p a ï e n s , g recs et l a t i n s ; de l eu r en


faire a p p r e n d r e p a r c œ u r et r éc i t e r t r è s - s o u v e n t , per-
sœpe recilare l , les p lu s b e a u x p a s s a g e s : et d a n s sa
cé lèb re Le t t r e a u p a p e I n n o c e n t XI, s u r l ' éduca t i on d u


D a u p h i n , Bossue t n o m m e VÉnéide, César, Térence,
Sallusle, Ciceron, Ârisiole, Quinlilien, Plalvn, et a i l leurs
Cornélius f\ epos.


VA Bossuet a joute :


« T r è s - s a i n t P è r e n o u s n ' a v o n s p a s j u g é à p r o p o s
de lui fa i re l i r e les o u v r a g e s d e ce s a u t o u r s p a r p a r c e l l e s ,
c ' e s t - a -d i r e de p r e n d r e un l i v r e d e FCaculc p a r e x e m p l e ,
ou d e César s é p a r é d e s a u t r e s . .Vous lui a v e n s l'ail l i r e
c h a q u e o u v r a g e e n t i e r d e s u i t e , ut c o m m e tou t d ' u n e ba-
l e i n e , a l iu q u ' i l s ' a c e o u t u m à t p e u à p e u , n o n il c o n s i d é r e r
c h a q u e elio-.r en p a r t i c u l i e r , m a i * à d é c o u v r i r l uu t d 'une
vue le but p r i n c i p a l d ' u n o u v r a g e et l ' e n s e i g n e m e n t d e
t o u t e s s e s p a r t i e s . »


Ce qu' i l i m p o r t e de r e m a r q u e r ici, Mess ieurs , c 'es t


q u e le p a p e I n n o c e n t M r é p o n d i t à B o s s u e t ; et nou -


s e u l c m e n l il ne fui po in t c h o q u é de r e n c o n t r e r les a u -


1 Lettre île l î u s s u e l à Innocent XI .




- l i t L E S C L A S S I Q U E S .


tours p a ï e n s d a n s le p l an des é t u d e s d u g r a n d D a u p h i n ,
m a i s il félicita Bossue t d u p lan qu ' i l ava i t a d o p t é , et
voici d a n s que l s ternies :


H Nous n e ce s sons de r e n d r e g r â c e s à la b o n t é de
« Dieu, qu'il se soit trouvé un homme tel que vous, un
« tel instituteur, si d igne d ' é lever c l d ' i n s t ru i r e u n
« p r i n c e n é p o u r de si g r a n d e s c h o s e s ; et n o u s dén ian-
te d o n s a r d e m m e n t à Dieu d a n s nos p r i è r e s qu ' a ins i
« pu i s sen t ê t re i n s t r u i t s à l ' aven i r , t ous ceux qui gou-
« v e r n e n t la t e r r e h »


Et, en éc r ivan t ces p a r o l e s , ce sa in t P a p e n 'écr iva i t
p a s un c o m p l i m e n t en l 'a i r , ni su r des t émo ignages
é t r a n g e r s : il ava i t v o u l u l i re et j u g e r l u i - m ê m e le p l an
d ' éduca t i on de Bossuet .


« La m é t h o d e q u e v o u s v o u s ê tes p r o p o s é e , di t- i l ,
« p o u r fo rmer dès ses p l u s t end re s a n n é e s aux b o n n e s
« choses le D a u p h i n de F r a n c e , et que vous con t inuez
•i d ' e m p l o j e r avec tant de succès a u p r è s de ce j e u n e
« p r i n c e , n o u s a p a r u m é r i t e r q u e n o u s d é r o b a s s i o n s
« q u e l q u e t e m p s aux i m p o r t a n t e s affaires de la ch ré -
« t ien te, p o u r lire la Le t t r e où vous avez si c o n v e n a b l e -
« m e n t et si p l e i n e m e n t décr i t ce t te m é t h o d e . La lèl i-
« ci lé p u b l i q u e se ra le fruit de la l ionne s e m e n c e q u e
« v o u s j e t t e r ez , c o m m e dans une te r re fert i le, en l ' e s -
« pr i t du p r i n c e . . , »


Du r e s t e , Mess ieurs , c 'es t d a n s sa bel le Let t re à I n n o -
cent XI q u e Bossue t expose la m a n i è r e don t un in s t i t u -
t eu r c h r é t i e n peut faire u t i l emen t é t u d i e r à la j e u n e s s e


1 Soi intérim Di:i benigni ta l i débi tas habemi i s grattas, quotl tanbe.
spri dtlok$cciit i par educatur i i ;» l i l i i l» iqne couligei il, et aeeura la l'uu-
d i m u s p i è c e s , a' enfiorr erwlimitur o a m e s qui judicant terrain.




S l l i L E S C L A S S I Q U E S . , 5 7


les a u t e u r s p a ï e n s ; et je me déc ide , en finissant, à
m e t t r e sous vos yeux ce r e m a r q u a b l e p a s s a g e , don t la
médi ta t ion vous se ra é g a l e m e n t u t i le et a g r é a b l e .


« En lisant ces au teurs , dit Bossuet, nous ne nous sommes
jamais écarté de notre pr incipal dessein, qui était de faire
servir toutes ses é tudes à lui acquér i r tout ensemble la
piété, la connaissance des m œ u r s et celle de la pol i t ique.
Nous lui faisions connaî t re , par les mystères abominables
des Gentils ci par les failles de leur théologie, les profondes
ténèbres ofi les hommes demeura ien t plongés en suivant
leurs propres lumières . 11 voyait que les nat ions les plus
polies et les plus habiles en tout ce qui regarde la vie ci-
vile, connue les E g y p t i e n s , les Grecs cl les Romains ,
étaient dans une si profonde ignorance des choses divines,
qu ' i ls adoraient les plus mons t rueuses (dioses de la na tu re ,
et qu ' i ls ne se sont retirés de cet abîme que quand Jé sus -
Christ a commencé de les conduire . D'où il lui était aisé de
conclure que la véritable religion était un don de la grâce .
Nous lui faisions aussi r e m a r q u e r que les pa ïens , bien
qu ' i ls se t rompassent dans la leur , avaient cependant un
profond respect pour les choses qu ' i l s es t imaient sacrées ;
pe rsuadés qu'i ls étaient que la religion élait le soutien des
luíais. Les exemples de moiWrutUm et de justice que nous
trouvions dons leurs histoires nous servaient à confondre
tout chrétien qui n'aurait pus le courage de pratiquer lu
vertu, après que Dieu même nous l'a apprise.


« On 11e peul dire combien il a étudié agréab lement et
uti lement Térence, et combien de vives images de la vie
humaine lui ont passé devant les yeux en le l isant. Là, le
prince remarquai t les m œ u r s et le caractère de chaque
âge et do chaque passion, expr imés par cet admirab le
peintre avec tous les traits e o m e n a b l e s à chaque pe r son -
nage, avec des sent iments na ture ls , et entin avec cette
grâce et celle bienséance que demanden t ces sortes d 'où-




1 5 8 S U R L E S C L A S S I Q U E S .


vrages . Toutefois, nous ne pa rdonn ions r ien à ce poète si
divert issant , nous repren ions sévèrement les endroi ts où
il a écrit l icencieusement ; mais en même temps nous nous
é tonnions que p lus ieurs de nos au teurs même eussent
écrit avec aussi peu de re tenue ; et nous r ép rouv ions u n e
façon d 'écrire si désl ionnète, et si pernicieuse aux bonnes
m œ u r s !


« Pour la doctr ine mora le , nous avons cru qu'elle ne de-
vait pas se tirer d 'une autre source que do l 'Ecriture et des
max imes de l 'Evangile ; et qu'il ne fallnil pas , quand on
peut puiser au mil ieu d'un Homo, al ler clicrclier des ru i s -
seaux bourbeux . Nous n 'avons pas néanmoins tinsse' que
d 'expliquer la Afórale d 'Aristote : à quoi nous avons ajouté
cette doctr ine admirable de Socra te , vraiment, subl ime
p o u r son t emps , qui peut servir à donne r de la foi aux in-
crédules et à faire rougir les plus endurc i s .Nous marqu ions
en m ê m e temps ce que la phi losophie chré t ienne y con-
damnai t , ce qu'el le y ajoutait, ce qu'el le y approuvai t :
avec quelle autori té elle en cont inuai t les dogmes vér i ta -
bles , et combien elle s'élevait, au-dessus : en sorte qu 'on
fil t. obligé d 'avouer que la ph i losophie , toute grave qu'el le
para î t , comparée à la sagesse de l 'Évangile , n 'était qu 'une
pure enfance. »


A tou t e s ces be l les p a r o l e s de B o s s u e t , si p r o p r e s à
v o u s éc la i r e r , à vous d i r iger d a n s vo t r e m é t h o d e d 'en-
s e i g n e m e n t , j ' a j o u t e r a i , M e s s i e u r s , u n e d e r n i è r e cita-
t i on , qu i v o u s m o n t r e r a à que l p o i n t de v u e ce g r a n d
É v ê q u e c o n s i d é r a i t , et v o u s devez c o n s i d é r e r v o u s -
m ê m e s , les fables et les fictions p a ï e n n e s : c 'est à S a n -
teui l q u e Bossue t écr iva i t ces l ignes :


« J e r e v e r r a i avec p la i s i r d a n s ce r a c c o u r c i et d a n s
« cet o u v r a g e a b r é g é tou te la b e a u t é de l ' a n c i e n n e
« poés ie des Virgile , des H o r a c e , e tc . , d o n t j ' a i qu i t t é




« la l ec tu re , il y a l o n g t e m p s , et ce m e se ra u n e s a t i s -
!i faction de voir que T O U S fassiez r e v i v r e ces a n c i e n s
« poètes , p o u r les obl iger , en q u e l q u e s o r t e , de, faire
(Î l 'éloge des h é r o s de n o t r e s iècle ( l ' une m a n i è r e
c mo ins é lo ignée de, la vér i té de n o t r e Rel ig ion.


« L o r s q u ' o n est c o n v e n u de se s e rv i r de la
« Fable, c o m m e d ' un l a n g a g e f iguré p o u r e x p r i m e r
« d ' u n e m a n i è r e en q u e l q u e façon p lu s v ive , ce q u e
'( l 'on veut faire e n t e n d r e , s u r t o u t aux p e r s o n n e s a c -
« cou fumées à ce l angage , on se sent forcé de faire
<: g râce au poè t e ch ré t i en , qu i n ' en u s e a ins i q u e p a r
•î u n e espèce de nécess i t é . Ne c r a i g n e z d o n c po in t , Mon-
« s ieur , q u e j e vous fasse u n p r o c è s s u r v o t r e l ivre ; j e
« n ' a i , au c o n t r a i r e , q u e des ac t i ons de g r â c e s à v o u s
« r e n d r e : et s a c h a n t q u e v o u s avez d a n s le fond a u -
« lant d ' es t ime p o u r la vér i té q u e de m é p r i s p o u r les
« fables en e l l e s -mêmes , j ' o s e d i re q u e v o u s n e r e g a r -
« dez, non p lus q u e m o i , t o u t e s ces e x p r e s s i o n s t i r ées
« de l ' anc i enne p o é s i e , q u e c o m m e le co lor i s d u t a -
« b l eau , et q u e v o u s envisagez p r i n c i p a l e m e n t le d e s -
» sein et les pensées de l ' ouv rage , qu i en son t c o m m e
« la vér i té et ce qu ' i l y a de p lu s solide. »


Voilà, Mess ieurs , le l angage de la r a i s o n , du b o n s e n s
et de l ' au to r i t é : a ins i q u e je v o u s le d isa is p lu s h a u t ,
vous voyez qu ' i c i , c o m m e t o u j o u r s , ces g r a n d e s p u i s -
sances son t d ' acco rd ; et q u ' a u m o i n s , en a t t e n d a n t la
fin de la c o n t r o v e r s e , j ' a i p u , s a n s t é m é r i t é , v o u s r a s -
s u r e r su r des a c c u s a t i o n s don t la v io lence t r a h i t la fai-
b lesse , et don t le t i t re seu l , si je pu is le d i re , révè le
l ' inani té .


11 a v r a i m e n t fallu le t e m p s où n o u s vivons et le
t rouble é t r a n g e de n o s e sp r i t s , p o u r q u ' u n e tel le c o n -




S U R L U S C L A S S I Q U E S .


trovor.se ait pu p r e n d r e un seu l i n s t an t l ' impor t ance
qu 'e l le a eue .


C o m m e n t ceux qui l 'ont sou levée n 'ont- i l pas senti
l ' inévi table i m p u i s s a n c e de l e u r t en t a t ive ?


C o m m e n t n ' on l - i l s p a s sent i q u ' u n e accusa t ion de
p a g a n i s m e di r igée c o n t r e tou tes les congréga t ions re l i -
g ieuses les p lus cé lèbres et les p lu s v é n é r a b l e s , con t re
l ' e n s e i g n e m e n t c l a s s ique d o n n é par tout le clergé ca-
t h o l i q u e , depu i s t ro i s s i è c l e s , r e t o m b a i t su r l 'Église
e l l e - m ê m e ? c o m m e n t n ' a - t -on pas c o m p r i s qu ' a l l e r
j u s q u e - l à , c 'é ta i t al ler f o r c é m e n t à l ' a b s u r d e , et que de
te l les é n o r m i t é s n ' é t a i en t p a s poss ib les?


C o m m e n t n ' a - l - o n p a s réfléchi su r ces g r a v e s pa ro l e s
de AI. L e n o r m a n t :


Que devrait-on penser pourtant d'une Eglise infail-
lible en matière de foi, et qui se serait trompée avec
persévérance pendant plusieurs siècles sur une matière
aussi intéressante pour la Religion que l'objet des
études?


C o m m e n t , s u r t o u t , q u ' o n m e p e r m e t t e de le d i r e ,
c o m m e n t les a c c u s a t i o n s n 'on t -e l les p a s hés i t é , en ce
m o m e n t , d e v a n t la sa in te et i l lus t re c o m p a g n i e de
J é s u s ? C o m m e n t a - t - o n pu l ' a c c u s e r de n ' a v o i r t r a -
vail lé avec tant de zèle q u e p o u r faire l 'Europe p a ï e n n e ?
Ses e n n e m i s les p lus a c h a r n é s lui a d r e s s è r e n t - i l s j a -
m a i s u n e [ore i l le i n j u r e ? Et voilà ce q u ' o n vient lui
d i re , a u m o m e n t où tou tes les famil les c h r é t i e n n e s la
vo ien t , avec t an t de b o n h e u r , se d é r o u e r avec un
n o u v e a u c o u r a g e p a r m i n o u s à l ' éduca t ion de Ja j e u -
nes se !


Ne serait- i l p a s t e m p s enfin de ne plus n o u s p e r m e t t r e
de s emblab l e s t é m é r i t é s d 'op in ion et de l angage eu face




S I T , L E S C L A S S I Q U E S . 1 0 !


du s i è c l e q u i n o u s r e g a r d e ? Ne se ra i t - ï ! p a s t e m p s d e


m e t t r e un ferme à ces e m p o r t e m e n t s d ' e spr i t don t
les honnê t e s g e n s s o n t t r o p s o u v e n t l e j o u e t p a r m i


n o u s , et toutes à ces d é c l a m a t i o n s v io l en te s qu i
ne sont l i onnes q u ' à p r o d u i r e le t roub le et le s c a n -
dale?


Nous p a s s o n s , il le faut a v o u e r , avec u n e é t r a n g e et
d é p l o r a b l e facilité d ' u n excès à l ' a u t r e : e t c e q u ' i l y a
de plus f u n e s t e , c 'est q u e , d a n s n o s e n t r a î n e m e n t s
con t ra i res , n o u s a l lons t o u j o u r s a u x d e r n i è r e s e x t r é -
m i t é s , e t vou lons tou jours tout y e n t r a î n e r a v e c n o u s ,
ne r e c u l a n t p r e s q u e j a m a i s , ni d e v a n t les a c c u s a t i o n s
les plus m o n s t r u e u s e s , n i d e v a n t les r é a c t i o n s l es p lus
i na t t endues !


.l'ai vu , il y a v ing t -c inq a n s , t o u t e s les écoles de
ph i losoph ie ca tho l ique a c c u s é e s d ' e n s e i g n e r le scepti-
cisme ; toutes les écoles de t h é o l o g i e a c c u s é e s d ' igno-
r e r le p r inc ipe m ê m e de l ' e n s e i g n e m e n t théo log ique !


A cette m ê m e é p o q u e , les t r a d i t i o n s p a ï e n n e s é ta ien t
r ep ré sen t ée s c o m m e q u e l q u e chose de si a u t h e n t i q u e
et de si parfait, qu 'on les eut di tes auss i c la i res q u e les
r é t e n t i o n s m é m o s des Livres sa in t s : t o u t e s les vér i tés
révélées s'y t rouvaient , I n p r ê t r e t lout Je n o m est a u -
j o u r d ' h u i e n c o r e u n e des d o u l e u r s de l 'Église, a fait
deux volumes p o u r s o u t e n i r ce sy s t ème .


Et voilà q u e m a i n t e n a n t , d a n s cel te m ê m e a n t i q u i t é ,
font est devenu t e l l ement pa ïen , t e l l e m e n t d é t e s t a b l e ,
qu 'on n 'y l r o u \ e p lus qu ' un amas de retins mots ou la
source de bais les vices!


Et la Renaissance, l ong temps si v a n t é e , n ' e s t p lu s en
ce m o m e n t q u ' u n e .source d'erreurs et de honte; c 'est le
Paganisme même.'


ri. M




( 0 2 S U R L E S C L A S S I Q U E S .


L 'éduca t i on c a t h o l i q u e , d o n t n o u s avons l'ait do si
magni f iques éloges et r é c l a m é si a r d e m m e n t la liberté',
ce t te g r a n d e éduca t ion c a t h o l i q u e du xvu et du
XVJX* s ièc les , n o u s p r o c l a m o n s a u j o u r d ' h u i q u e , pen-
d a n t t ro is cen ts a n s , elle n ' a é té b o n n e qu'à [aire des
païens !


,1e p o u r r a i s , Messieurs , p o u r s u i v r e cet e x a m e n , et
vous s igna ler bien d ' a u t r e s excès p e u t - ê t r e plus dan g e -
r e u x e n c o r e , et q u i , d e p u i s vingt-cinq a n s , ne cessent
de p r o d u i r e , au mi l ieu de n o u s , c o m m e des c o u r a n t s et
des t ou rb i l l ons d ' idées f ausses , auxque l l e s la m u l t i t u d e
des e sp r i t s faibles ou inat tenl i fs se la isse en t r a îne r , fi
se ra i t facile en m ê m e t e m p s de v o u s faire voir c o m -
m e n t t o u t e s ces e x a g é r a t i o n s et tou tes ces e r r e u r s se
r a t t a c h e n t les u n e s a u x a u t r e s , p a r cel le m a l h e u r e u s e
logique du faux, qu i dev ien t si r e d o u t a b l e et si p u i s -
s an t e en des t e m p s o ù t ous les vra is p r inc ipes ont
fléchi.


Mais je c r a i n d r a i s de t r oub l e r la paix de vos é t u d e s ,
si j ' e n t r a i s avec v o u s p lus a v a n t d a n s le détai l de ces
t r i s tes choses . Je m ' a r r ê t e , et il me suffit, p a r m i ces
a b e r r a t i o n s , de vous avo i r p r é m u n i con t re celle qui
pouvai t avoi r p o u r vous et p o u r la g r a n d e couvre dont
vous êtes c h a r g é s , u n d a n g e r p lus p r o c h a i n .


D e m e u r o n s d o n c , Mess ieurs , avec cet te fe rmeté , avec
cel le sé rén i té d 'espr i t qu i c o n v i e n n e n t si b ien à ceux qu i
c o m b a t t e n t p o u r la j u s t i ce , d e m e u r o n s d a n s la vér i té et
le b o n sens des c h o s e s : c a l m e s , réf léchis , toujours
fidèles a u x e n s e i g n e m e n t s de nos g r a n d s et vér i tables
m a î t r e s ; s'il es t p o s s i b l e , d e m e u r o n s i n é b r a n l a b l e s
p a r m i t o u s ces m o u v e m e n t s d ' idées cl de s y s t è m e s con-
t r a i r e s , qu i de p r o c h e eu p r o c h e , si l 'on n 'y p rend




S U H L E S C L A S S I Q U E S .


ga rde , n o u s p o u s s e r o n t de pins en p lus s u r les p e n t e s
de la b a r b a r i e .


Au milieu de cet te i n t e m p é r a n c e et de cet e m p o r t e -
m e n t des e sp r i t s , d e m a n d o n s à Dieu de n o u s c o n s e r v e r
ùaus celle sobriété d e l à vra ie sagesse , tant r e c o m m a n d é e
par sa in t Paul. _\e r e je tons rien de n o i r e g lo r ieux pa s sé ;
ne m e t t o n s pas en oubli les bel les et s a in t e s t r ad i t ions
de nos pè res ! Que les é t o n n a n t e s l eçons du t e m p s p r é -
sen t n o u s profi lent a u s s i ! Les l e t t r es pé r i s sen t , la p h i -
losoph ie s u c c o m b e , le b o n sens se p e r d , j u s q u e dans
l 'ét lncalion de la j e u n e s s e : p a r t o u t on aperçoit des
m e n a c e s de r u i n e . El un Ici é t a l de soc ié té , c o m p r e -
n o n s b ien q u e c'est aux instituteurs religieux, c'est
aux ch ré t i ens in te l l igents q u ' e s t réservée, la l âche de.
s auve r tout ce qui peu t l ' ê t re e n c o r e , c o m m e c 'est à
eux q u ' a p p a r t i n t aut refois la m i s s i o n , si g l o r i e u s e -
m e n t accompl ie , de tout r e c o n q u é r i r , a lors q u e tout
é ta i t p e r d u !


Fortif ions nos études : affermissons nos e sp r i t s : a t ta-
c h o n s - n o u s p lus q u e j a m a i s aux m é t h o d e s é p r o u v é e s
p a r l e t e m p s , c o n s a c r é e s pa r l ' expé r i ence , et qu i p r o -
duis i rent tous ces g r a n d s h o m m e s don t la l i t t é r a t u r e ,
Jes sc iences , la ph i lo soph ie chrétienne, la politique,
l 'Église ont pu , à si j u s t e titre, se glorifier d e p u i s t rois
Siècles.


C'est a insi , s e u l e m e n t , que n o u s r é p o n d r o n s à la
confiance si e m p r e s s é e q u e le pas s et l es familles nous
t émoignen t en ces t e m p s de pér i l . Ce sera fidèlement
c o n t i n u e r ce qu i fut t ou jou r s u n e des g loi res les p lus
p u r e s , aussi bien q u ' u n des p lus g r a n d s services soc i aux
du clergé ca tho l i que .


Oui, il se ra e n c o r e b e a u , il se ra tou jours bon que la




m S U R L E S C L A S S I Q U E S .


sa ine ph i l o soph ie et les l e t t r e s t r o u v e n t chez n o u s l 'asile
qu i ne l e u r a j a m a i s m a n q u é !


Et, s'il m ' e s t p e r m i s d e l e d i re en f inissant , ap rès tant
d ' a n n é e s de con t r ad i c t i ons et d ' é p r e u v e s , n o u s avons
p e u t - ê t r e mér i t é ce t te d e r n i è r e gloire p a r n o t r e p a -
t i ence .


Adieu, Mess ieurs ; v o u s savez tou t ce qu ' i l y a d a n s
m o n c œ u r p o u r vous de p ro fond et al l 'ectueux DEVOUR-
m e n t .




A I A X D E M I N T


A MM. I . ï ï f SrPKIUKt'nS . 1)11'. K C T t L'R S K l PROFF.SSEUU
DES PETITS-SKMIXAIHE S


Au sujet des attaques dirigées par divers journaux,
et notamment par le journal l 'Univers,


contre les Instructions re lat ives au choix des auteurs
pour l 'ense ignement c lass ique dans les séminaires


M E S S I E U R S E T T R E S - O I E R S C O O P É R A T E U R S ,


C o n s t a m m e n t occupé de ce qui peu t p r o c u r e r la
gloire de Dieu el le sa lu t des â m e s d a n s n o t r e - d i o c è s e ,
et conva incu q u e la b o n n e éduca t i on d e l à j e u n e s s e , et
s u r t o u t de la j e u n e s s e c lér icale , doit ê t re u n des p r i n -
c ipaux objets de no t r e sol l ic i tude p a s t o r a l e , n o u s v o u s
avons ad re s sé n a g u è r e des I n s t r u c t i o n s su r le cho ix des
a u t e u r s qui doivent serv i r à r e n s e i g n e m e n t c l a s s ique
dans nos peti ts s é m i n a i r e s .


Que lques j o u r s a p r è s , cl au mi l i eu des g raves p r é o c -
cupa t ions de nos visi tes p a s t o r a l e s , il es t v e n u à n o t r e
conna i s sance q u e des journa l i s tes ava i en t c ru p o u v o i r ,
à cette, occas ion , i n t e rven i r d e v a n t le p u b l i c , e n t r e vous
et n o u s , p o u r d i scu te r et juger n o s I n s t r u c t i o n s , don t
ils ont pr is à fâche de r e l e v e r e u x - m ê m e s le ca rac t è r e
officiel1, et p o u r vous d o n n e r u n e n s e i g n e m e n t entière-


1 Univers des 7, 8, 10 et 19 m a i . — Messager du Midi du i m a i .




si: K I . K S C L A S si Q D : s.
ment contraire, c'r-sl leur e x p r e s s i o n , à ce ln i que nous
a v i o n s c ru n o u s - m ê m o devoi r v o u s d o n n e r , d a n s la plé-


n i tude de nos droits et p o u r l ' a c c o m p l i s s e m e n t de nos


d e v o i r s les p l u s certa ins .


S i n o u s ne v o u s a v o n s pas immédiatement avert i s de


l a témérité d'une i n t e r v e n t i o n si é t r a n g e , en une q u e s -


t ion qui intéresse l 'éducat ion de toute la jeunesse, de


notre d iocèse , et, eu p a r t i c u l i e r , l 'éducat ion de la j e u -


nesse dest inée a u x saints a u t e l s , c'est que l ' accab le -


m e n t des t r a v a u x de nos r i s i l e s n o u s en empêcha:. ' : et


n o u s sav ions d 'a i l leurs que vo're foi , y o i r e respec i et


v o t r e b o n sens suff iraient d 'abord à v o u s défendre
contre l ' inf luence de c e ; ense ignement étranger.


Nous n i i o n s m ê m e un i n s t a n t a imé à penser que le


s i lence c o n v e n a i t i c i , e! : " f o n pou».ait encore la isser


p a s s e r ce n^: :re l •-•vf->. T - m m o oo en n !;;i- ;sé depuis
ÎOîig'on-ps déjà passer t.-;.! d ' a u t r e s ' Ion! <>;> s 'e - l ; ; s e .
ten 'é de gémir . X o u s non - ('lions i r o m p e , I.e ; !et!r.",- I-'S


p lus g r a v e s que nous avons r e ç u e s de nos vénérables


co l lègues d a n s F F p i s c n y a ! ro n o u s p e r w l f e n l plus de
Croire que !:'• s ' I^nre ••:•••:][, •;; : r'f'r;;;o ' r-? <-"!!e vv : COU tre,
Ci e;'e.-; n r é ; ."op f • o ' O ' é ' u b ' e o u " ! - a, ;
r a g e cl ' ab ; P s • P : ; ' ; !;U 'e'•, ; ;.v oy.:r la.ire "I ::a
iPiaps :>:>ur >rrrlcr '- c 1 que leuups do p a r l e ; o'd v n u .
l o r s q u e se trouver'! en r - 'ee 'Pm et pn pér i l des droits


dont on ne peut son i f r i r ta v i o l a t i o n ou l 'oubl i .


S a n s doute i c i , — et dès la pr^n . iè:"» p?';ye de ; os


I n s t r u c t i o n s nous l 'ai ions r e c o n n u : : , — i c i , e.omr;o : ;


tant d'autres :un! i . : re- , •eè.mo for! ;• ave • 'a e. r l u . ' i : ' "


peut ô î rc per::-i is?, r.ourî •.! qu'on s'y •;;alul: rnme ou's


' K c c l t \ , III, 7. — * J . d t i V a . !•< l \ r i i , p. 1 •:!.




STU l.L'S C I . A S S I Q i . ' E S .


les bornes vie Ir. sagesse e! des c o n v e n a n c e s . Eu l'ait
d 'enseignement, i l est M e n des théories, des méthodes
et des systèmes s n r lesquels les av i s p e u v e u t être d i i ï é -
re ids . X o u s avons écr it n o u s - m ê m e u n l i v r e sur YEdu-
:•{:!;::;: : o n peu i a s s u r é m e n t le d i scuter et p e n s e r tout
ordrc-iisent que nous s u r les questions que nous y a v o n s
t ra i tées ; nous devons même ajouter q u e , p a r m i b e a u -
c o u p trop d'éloges q u i ont été donnés à ce l i v r e , n o u s
avons recue i l l i avec e m p r e s s e m e n t et r e c o n n a i s s a n c e


e s c r i t iques q u i en ont été faites.


âdais u n dro i t que n o u s ne p o u v o n s r o c o n u a î ' r o à
p o r s o n v . si ce n'est à nos s u p é r i e u r s d a n s l 'ordre h i é -


r a r c h i q u e , C e s ! celu i de c o n t r ô l e r p u b ' i q u c m e î î l les


i n s t r u c t i o n s que n o u s d o n n o n s d a n s nos s é m i n a i r e s , et


do v e n i r , la-jeee dans notre lu'ocese, e n s e i g n e r , après


nous et eonlre non;; , en n o u s n o m m a n t , en n o m n l l a -


rvvtï. d i r . " i m e n t , en n o u s c a l o m n i a n t c l en t r a v e s t i s -
saui l u e : ; : ; e m e a l IcvAoc iras pensées .


C'estl:'! c fpemhHst c i ([ne des j o u r n a l i s é 1 ; , q u i s ° p o -


sent r n défenseurs de l a Religion, n'ont pas c r a i n t de
fa i re .


1


V ; ' o savez , i l ' - s s i e u r s , dar;3 ces I n s t r u c t i o n s que
nous vous avons d o n n é e s , « e u s n 'avons pas en pour
objet, v o u s n o u s s o m m e s m ô m e entièrement, abstenu


'''entrer (h-nu l" fond et les détails de la controverse qui
s 'c- i to 0:1 ' e m o m e n t a u sujet des anc iens c lass iques \


\ e o s ;>'e\i ns [-as p r é i e r d u p r o n o n c e r s u r les n u a n c e s


1 i."Ur<i an m avri l , p, i




168 s ni u:s C L A S S I Q U E S .


diverses d'opinion qui peuvent ici partager les hommes
les plus sages, tels que ceux dont on essaye de compru-
mellrc si témérairement les noms vénérables, eu a lkc-
lar.t de les opposer les uns aux autres, devant le public ;
nous avons voulu seulement défendre, contre d'in-
croyables paradoxes et surtout contre les accusati' us
les plus odieuses, notre honneur, l'honneur du clergé,
rhouucur des congrégations enseignantes et de tous le*
instituteurs les plus religieux delà jeunesse-, et, en même
temps, vous donner à vous-mêmes une règle de c o n -
duite e tde conscience dont nous vous étions redevable;;.


Dans ces limites, qui sont assurétnente Iles de uolie
droit le plus manifeste, vous vous souvenez, Messieurs,
de ce que nous vous avons dit.


.Nous vous avons dit :
Que vous pouviez conserver aux classiques profanes


grecs et latins, dans les études de nos petits séminaires,
la place que les plus saints prêtres, que les plus g r a n d s
Évoques, que saint Charles Borromée, que Bossuel, que
toutes les plus savantes congrégations vouées à l'ensei-
gnement, que tous les maîtres les plus chrétiens et les
plus sages de la jeunesse, depuis trois siècles ' , leur ont
constamment assignée.


11 \ a ici, Messieurs, un mot dont on abuse étrange-
ment , et qui est le fondement faux et calomnieux de
cette controverse, c'est le mot P A C A X J S . U E . Nous vous


1 Quand, ici et a i l leurs , nous d i sons trois s ièc les , n o u s n'entenuoiis


n u l l e m e n t exclure l e s s ièc les p r é c é d e n t s . Les grands ai l leurs de i'iuit:-


ipiilé furent toujours e m p l o y é s dans l 'ense ignement des lettres. Nous


parlons pr inc ipa lement des trois derniers s i èc les , parce que nous aum.»


ici l'aveu de nos adversaires e u x - m ê m e s , el que, e'esi l'objet m ê m e de


leurs a c c u s a t i o n s contre n o u s .




s i !, I . i . s C L A S S I {) i E S . 16!)


a v o n s fait r e m a r q u e r q u e , d a n s les a u t e u r s a n c i e n s ,
tout n'est pas jia'ii'n c l que c'est un étrange, c h u s ne
mots que { l 'appeler /Miennes les beautés l i t téra ires do
l'ordre, nature l . VaynnUme et nature ne sont point s y -
n o n y m e s ; e l l e s Gêorgiqucs, p a r e x e m p l e , celte a d m i -
rable de sc r ip t ion de l a n a t u r e v i s i b l e , si l'on s u p p r i m e
q u e l q u e s p a s s a g e s my I h o l o g i q u r s , ne sont pas p l u s une
poés ie pa ïenne qu ' u n e étude de p a y s a g e n'est une p e i n -
ture p a ï e n n e , ou que le C a l c u l différentiel de L c i b n i t z


n'est une t héo r i e protestante . On en peut, d i re autant
des autres a u l e u r s c ' a s s i q a d s e x p u r g é s c i e m p l o y é s p a r


1 (d'est la pensée que, le 11. I>. !»;ira exprimait n a g u è r e , en ce*
termes :


» En véri té , l iait n'est point païen d a n s te? a u t e u r s class'.ipiea. Depuis
les rudiments de, leur s \ n t a \ e j u s q u ' a u x règles de leurs é p o p é e s , ils ont
un.- l'ouïe de îidî i a s giaiérale? r \ p é i ini. niai---:, qui -eini tes : L a u s t s
i indl'en,'ees que les ax iomes de la g''''iuué[i'je. Y aurait- i l plu.- de danger
c l epasanhmm. i èïndii'r li>< mnt l i rmal i ip ie s dnn* I-'urlid", on l.i rniMt -
cin-' dans l i ip i ioera te , ipic ia lȣh|ui - dans Arislote-, la g r a m m a i r e dam-
l'a iscien, uu les sept avis l ibéraux dea.s Marc iaaus Capella ;• Autant v a u -
drait soutenir qu'il y a péril d 'angl icanisme à lire la Rhétorique de
Hugues ltlalr, ou la Théorie de New Ion.


« En tout c a s , on n'aura pas s a u v é le monde , on faisant monter
Cc.-ar en Ini is ième , t en cleis.-ani de la c inquième io S,:Lvt-r >'
p c f . a e ' , Idée qu'inuoci lanieal compi lé dans a a s^slèan"1. ciu'éiieu


« I! nous semhle que , peur sortir de u l i e position â u e - e et pé: d e n s e ,
¡1 M O U S Faudrait déserter le principe exagéré qui l'a proda i te , je \ o u \
uirc l 'antagonisme prétendu, quant à la forme l i i téraire, entre les a n -
ciens et les chrét iens . E e p r i e i p e r e n \ e r s e toutes les giauiniiaii'es, les
glossaires, les rhétor iques e n usage depuis s a i u t A u g u s l m , saint Is idore ,
le vénérable Ili'ale, jusqu'à la Rhétor ique du 11. Louis de Grenade. De
plus , il faudra lli-trir, c o m m e e n t a c h e s de paganisme , ics plus i l lustres
( iocicurs, li Cirén») l ' iué l ien , le Sal luste idu'éii 'Ti , saint. Uilaii'c qui imi -
tai! Qui.'Uiacn, t'rudtaiee, saint Gr'goirc de .Nazianze, etc . Il est vra ;


que la logiipic de ce sys tème est al lée jusque- là . I! n'y a plus qu'à sup-
primer le texte c lassique du conci le de 'trente et à mettre à ce nouve l
index l 'admirable lat inité du Cattckùmt romain. »




170 S U l ì L E S C L A S S Ì O L E S .


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•H'R I.KS C L A S S I Q U E S . 171


s a i n i Jean C h r y s e s l o n i e , . .«ini A i h a n a s e , s a i n ! J é r ô m e ,


suini C v p v i c n , s a i n ! P r à - o i r o de "aauui/.o, saisit B a -


s i le .


C e s ! encore à v o u s , Mess ieurs , ([ne n o u s e x p r i m i o n s ,


dans ce l le prendere L e t t r e , le v œ u ' d e v o i r i n t r o d u i r e


l 'é lude de IViéorci : d a n s nos c lasses de seconde et de r h é -


î ori q u e : n o u s a l l ions j u s q u ' à T O U S d i re que c e l l e sa inte


h r gue mirait des droits réels à devenir un des fonde-
ments de rinstrueUon piiblif/ne ; n o u s i insistions avec F é -
ne lon , p o u r q u ' e n r ï i é i o n q u e (•! en s e c o n d o , on s 'ap-


p l iquât à fa i re comprendre, aux enfants V ireoupa rable
beante de*Sainks Kerl'urcs, c l r . o u s i n d i q u i o n s les Psau-
mes, c l des m o r c e a u x b ien c h o i s i s dans les Prophé-
ties L


E l . si n o u s ne vous avons p a s n e : : andé d ' a p p l i q u e r
vos e n l ' a u i s , dès !••' p lus ' e rme èpe, ;': 'a j .roT .mde, i t m a -
gu'nqr.o é lude ,-]•-• ]'r':-'îé;nv'- "Panie cl des P è r e s , c 'os i ,


con ìme le hou sens c l l ' expér ience de li},!. C h . L c n o r -


roanl et F o i s s e t , de I L L a n t l r i o l , du II. P. B a u l e ! , d u


11. P. P I I r a , ci .de. tous l es hir.ulvttours r e l ' g i e u x de ia


jeunesse l'ont jusdcmonL fait o b s e r v e " , que les t r op


sûmes enfants r e se : : ; pas e n c o r e eu étal de pénétrer


dans ces e r o f e - n d o u r s > '.. d ' a l i e ind re à ces h a u t e u r s . À
; v h : e si dos, élèves do seconde cl de r h é t o r i q u e en sont
•••apabks eux -mèrnes : Il ' au l p o u r cela qu ' i l s d e n t r e ç u ,


• s,!..,, la i.cl'.i'U du !', j n i i i jr.".a ,ÏO/Î, :1 ;: lamini nî, r • à;>,


et '• • n e •! d ' a u . ' -r s-: ; • . a " ]<•:• , . ;!•• i \ : j ; - • ' :m i n a i r a
d i ' IV.rU, :•!, i:-:',a e s - . - H , : - , ;, la rv.p e s s e , de .-.'.ai de i . o m -
i . ; . n \ a i i d t e e i - , 1 e t:.-.sur ht r . e ' aOd v ; ; r V è , r i/ ' .. / a / è l r e c / e -
' . ' '^(ér"' , f ' ' ' s . 1 : ; ! e a - a r : a - f . a a s d d > n . . de Si l a n g u e romaine .




i ' i S l ' l î L E S C E A S S I O i E S .


d a n s lon les leurs c lasses précédentes , l 'éducat ion i n -
telleclaelle l a p i n s for le e! l ' ins t ruct ion p h i l o l o g i q u e la
p l u s s û r e ; i l faut surlout qu'ils a i c n l par fa i tement a p -
pris, grammaticalement et à fond, l a l a n g u e v u l g a i r e ,
la forme nalureUe, le sens humain des m o i s grec-; eî
l a l i n s , p o u r é l n d i e r , c o m p r e n d r e el a d m i r e r e n s u i s la


transformation s u r n a t u r e l l e de ces m ê m e s m o i s , e l l e s
beautés d'un ordre s u p é r i e u r et tout d i v i n , que l e *
sa ints L i v r e s et les sa ints Pères l e u r ont données.


N o u s vous a v o n s dit , de p l u s , en ce q u i concerne ! e -
auteurs p r o f a n e s , qu'il ne fallait négliger mienne de.
précautions nécessaires, c 'est-à-dire :


Qu ' i l fa l la i t sagement c h o i s i r ces auteurs ;
Q u ' i l fa l la i t n 'employer q u e des édit ions et des textes


e x p u r g é s ;


Qu ' i l fallait les a c c o m p a g n e r de toutes les exp l icat ions
c o n v e n a b l e s ;


E n f i n q u ' i l fal lait les ense igner chrét iennement .


Nous a v o n s m ê m e attaché tant d ' i m p o r t a n c e à ce d e r -
n i e r p o i n t , que n o u s a v o n s eu l 'attention de v o u s r e -


c o m m a n d e r les s a v a n t s T r a i t é s du P. T h o i n n s s i n s u r la


m a n i è r e d'étudier et d 'ense igner chrét iennomenl les


poètes et les h i s tor iens du p a g a n i s m e , le célèbre D i s -


cours de saint Bas i le s u r le mêuie su jet , et ces beaux
passages de Bossucl que n o u s a v o n s c r u devo i r citer
tout ent iers 1 .


Q u a n t à la Renaissance, n o u s en a v i o n s par lé p o u r
s i g n a l e r .ses excès; p o u r af f i rmer que saint C h a r l e s B o r -
r o m é e n'en ava i t pas é t é complice, et, après avo i r de
n o u v e a u c o n d a m n é les excès ridicules de celte époque,


1 Lettre du 19 avri l , pag . IS'i à ISO.




S I T , L E S C L A S S I Q U E S .


dans le mélange du sacré et du profane, et ses étranges
aberrations, nous n o u s b o r n i o n s à d e m a n d e r q u ' a u i ieu
d 'enve lopper d a n s un ind is t inc t et si violent a n a l h è m e
ia Henaissance tout en t i è r e , on voulû t bien t en i r q u e l -
que compte de tant de n o m s sa in t s et i l l u s t r e s , de tant
de Souvera ins Pont i fes , de tant d ' É v ê q u e s , de, t a n t de
p r ê t r e s , de, tant d e re l ig ieux v é n é r a b l e s , qui e u r e n t u n e
si i ncon te s t ab le et si décisive inf luence su r le g r a n d
m o u v e m e n t des espiáis , à cel le é p o q u e \


Voila, Messieurs , ce que n o u s vous a v o n s dil et ce
que n o u s nous p la i sons e n c o r e à vous r é p é t e r , en protes-
tant de ¡ l o m e a n con t re les ind ignes a c c u s a t i o n s d o n t
r e n s e i g n e m e n t des écoles c h r é t i e n n e s a é té l ' ob j e t : s u r
la ques t ion qui n o u s o c c u p e , il n 'y a pas a u t r e c h o s e
d a n s n o t r e Le t t re .


Kl m a i n t e n a n t , voici c o m m e n t de t é m é r a i r e s éc r iva ins
ont t ravest i et c a lomnié , d a n s l e u r s j o u r n a u x , n o s e n -
se ignement s et nos pensées .


L'un d 'eux c o m m e n c e a ins i :
« Hier , c 'était M . * * * , e x F I L S D E V O L T A I R E , qu i faisait


l 'apologie de la Hena issance et du p a g a n i s m e m o d e r n e .
Aujourd 'hui , c'est i x E\£<>iK C A T I I O U Q L K qui a d r e s s e
aux supé r i eu r s et p r o f e s s e u r s de ses séminaires, un
véhément p la idoyer en faveur de la même Henaissance
Cl 01 j'ACAXISML DCS ÉTUDES.


« M, le i i i . s m; V O L T A I R E ) croi t qu ' i l n 'y a pas de
différence essent ie l le e n t r e la m o r a l e de Soc ra i e et celle
de l 'Evangile. Mgr Dupanloup ne pense peut-être pas
non plus (péil a ail une grande différence entre la mo-
rale puït-nne et tu morale chrétienne. — S'il le pensa i ! , il


t.ettLe du ¡a av i i i , p a ç . 148 et 153 .




SL'lt L E S C L A S S I Q U E S .


n e v o u d r a i t p a s que do j e u n e s â m e s fussent nourries ci
saturées de la première.


» M. ***, le pa ïen , sai t d 'où il v i e n t , où il v a ; son
m a î t r e , J e a n ­ J a c q u e s Rousseau le s a v a i t é g a l e m e n t :
M. Dupanloup n'en sait rien, absolument rien. Xos
p è r e s , l e s c h r é t i e n s du m o y e n âge, sava ien t , e n v ,
d ' o ù ils v e n a i e n t , où ils a l l a i en t ; auss i repoussa ien t ­
i l s le p a g a n i s m e de l ' e n s e i g n e m e n t 1 . »


C'est donc a ins i , Mess ieurs , q u a n d nous n ' a v o n s fait
q u e défendre l ' h o n n e u r du clergé , des Évoques ca tho l i ­
q u e s , des P a p e s , et tous les c o r p s r e l i g i e u x e n s e i g n a n t s ,
accusés d ' a v o i r r o m p u manifestement, sacrilègement,
malheureusement, depuis trois siècles, la chaîne de l'en­
seignement catholique ;


C'est, q u a n d n o u s n ' a v o n s fait q u e défendre les sa in t s
P è r e s (1 n o m b r e d e s q u e l s nos
m o d e r n e s r é f o r m a t e u r s r e p r o c h e n t de conserver clans
leur style des formes païennes, et q u ' i l s b a n n i s s e n t du
p r o g r a m m e de l eu r e n s e i g n e m e n t n o u v e a u , pa rce q u e .
chrétiens par l'idée, I L S S O N T E N C O R E P A Ï E N S P A R LA
tOIÎ.VIE ;


C'est, q u a n d n o u s n ' a v o n s fait (pie vous d o n n e r nos
e n s e i g n e m e n t s con t r e de tels excès , avec foule l ' a u t o ­
r i t é d u c a r a c t è r e sac ré d o n t n o u s s o m m e s revê tu , et au
n o m des graves obl iga t ions qu' i l n o u s i m p o s e , c'est
a lo r s q u ' u n journaliste R E L I C I E U X vieuL n o u s c o m p a r e r
avec c o m p l a i s a n c e à un fils de Voltaire. 11 associe I.N
É V È O U E C A T H O L I Q U E , d ' a b o r d à celui qu ' i l n o m m e их
P A Ï E N , pu i s à J e a n ­ J a c q u e s R o u s s e a u ; il ose bien p a r ­
l e r du véhément plaidoyer l'ail p a r n o u s en faveur de la


1 SI. Danjou, Xemi-jeri!-' 3!i-h' thi i is;rJ.




Renaissance, du pu g/mis me des éludes et de la nm­ale
païentie demi n o u s vou lons , selon lui . qu'on Nouruiissi­:
tr sAii.iu; i.i s J E U S H S A M E S , pa r la r a i s o n que­, d a n s
no i re p e n s é e , il ng a peul­èlre pas une grande diffé­
rence entre la morale païenne et la morale ciireiien ne !
El, p o u r ineltre. le comble à ses o u t r a g e s , ce j o u r n a l i s t e
ajoute entin que Г Е \ Е П С Е don t il s'agit S E S A I T S I П ' О Ь
J E Al E X T , MOC II. V A ; l.îC 'lI. JiV.N SAIT' КI Г. Л, AliSOEUMKNT
шел !


Pauvres en fan t s ! p a u v r e s j e u n e s â m e s , auxquelles
nous avons c o n s a c r e n o i r e vie, et p o u r l e sque l l e s n o u s
sen tons q u e se ron t e n c o r e n o s d e r n i è r e s lu t tes su r la
t e r r e ! no t r e coeur et no i re pensée se reportent ici vers
v o u s ! Xous le disons avec un s e n t i m e n t de profonde et
indicible t r i s tesse , nous le disons avec l a r m e s . . . O u i !
q u a n d t o u s t o u s éloignerez de n o u s , de g r a n d s pér i l s
vous a t t e n d e n t d a n s u n e socié té ainsi faite, q u e des
journalistes и ш о п х х p e u v e n t i m p u n é m e n t , c h a q u e
j o u r , vous offrir con t r e les i n s l i l n l eu r s chér i s de v o t r e
j e u n e s s e , cont re vos p è r e s d a n s la foi, c o n t r e vos É V O ­
ques, de parei l les l e ç o n s ! Chers enfan t s , q u a n d v o u s
nous aurez qui t t é , q u e la boulé de Dieu vous g a r d e
au milieu . i ' tme telle société. ! v o u s en aurez grand l ie­
soin !


Mais oub l ions un m o m e n t ici nos enfan t s , M e s s i e u r s ;
la issons­ les d a n s la paix du sa in t asi le qui les protège
e n c o r e , et r e v e n o n s au t r is te sujet qui n o u s occupe .


C'est, Messieurs , l o r s q u e n o u s venions de vous d o n ­
ner des e n s e i g n e m e n t s si graves , si s imples , si m o d é r é s ,
qu 'un a u t r e j ou rna l i s t e religieux, M. Louis Yeuillol, s a n s
avoir eu la l oyau t é de pub l i e r nos e n s e i g n e m e n t s , et
après avoir s e u l e m e n t cilé, d 'un ton ra i l l eu r , q u e l q u e s ­




S I P , L E S C L A S S I Q U E S .


unes do 1 1 0 5 paro les , n'a p a s c ra in t de p r o n o n c e r c o n t r e
n o u s cet te i nc royab le a c c u s a t i o n :


« L'énergie de ces expressions témoigne que Mgr L ' E ­
P O Q U E n'OlU.ÉAXS R E G A R D E C O M M E LA" D A X G E U P O U R J.A
r o i la pensée de faire une plus large part dans l'éduca­
tion aux classiepues chrétiens1. »


Cer tes , M. Danjou pouva i t n o u s é t o n n e r tou t à l ' h e u r e ;
m a i s M. Veuillot n o u s é t o n n e e n c o r e plus ici ! Non,
Monsieur , je n e r e g a r d e pas C O M M E ex O V M I E R P O U R LA
F O I une plus l a rge p a r t faite a u x c lass iques ch ré t i ens .
Les e n s e i g n e m e n t s pub l i c s de tou te m a vie déposen t d u
c o n t r a i r e . P a s un mot , p a s u n e sv l labe , pas u n e l e t t re
de n o t r e p a r t n 'a p u v o u s a u t o r i s e r à éc r i r e con t r e n o u s
u n e pare i l le é n o r m i t é ! Au res te , si v o u s voulez savo i r
ce q u e n o u s r e g a r d o n s comme un danger pour la Foi,
n o u s n e t a r d e r o n s pas à vous le dire !


Mais ce n ' e s t pas s e u l e m e n t à n o u s q u e M. Louis
Veuillot a d r e s s e ses ra i l le r ies et ses ( ' tonnantes in ju res .
Nous avions a p p o r t é l ' au to r i t é décis ive de sa in t Char les
B o r r o n i é e ; — d é c i s h e p o u r no t re thèse , pu i sque , sans
entrer dans le fond et les détails de la controverse, n o u s
n o u s é t ions b o r n é à déc ider ({Lie les professe ius de nos
P'tiis­séotinaircs p o u v a i e n t , en conscience, c o n t i n u e r à
faire ce q u ' a v a i e n t fait, a v a n t e u x , les h o m m e s les plus
sages et les plus sa in t s , depu is t ro i s s iècles . A cette occa­
s ion , voici c o m m e n t M. Louis Veuillot croi t pouvoir
p a r l e r de saint Char l e s l ' .orromée :


« Tel étai t l ' e n t r a î n e m e n t géné ra l du t e m p s p o u r ces
(i é l u d e s , q u e le saint Archevêque, dut pactiser. 1! fallait
« d o n n e r du Cicé ron , du Virgile et de l 'Ovide, c o m m e


L'U/¡пaa'¿ , d u ; m a i ISS; '




S U P , L E S C L A S S I Q U E S . 177


« il faut m a i n t e n a n t , q u ' o n n o u s p e r m e t i e la c o m p a r a i -
« son , rlaris b e a u c o u p de c o u v e n t s , d o n n e r du c h o c o l a t
« p o u r la collat ion, qui ne peut p lus se faire avec du
(( pain sec, et p e r m o t t i c de m e n e r les pe t i tes filles a u
« spectacle , les j o u r s de sor t ie '. »


Ainsi, — p o u r ne r ien d i re de la fo rme et du ton d 'un
tel l angage , — sa in t C h a r l e s , ce g r a n d c a r a c t è r e , cel te
sa in te té inflexible, cel h o m m e si v i s i b l e m e n t susc i té de
Dieu p o u r le g r a n d œ u v r e de la ré format ion des m œ u r s ,
ap rès les s canda le s des s iècles p r é c é d e n t s , sa in t Char les
l u i - m ê m e , a cru devoi r P A C T Ï S K B avec son siècle , au
poin t d ' a d m e l t r c D A N S S E S S É M I N A I R E S un s y s t è m e d ' i n s -
truct ion qui rompait manifestement,sacrilègement, 'mal-
heureusement la chaîne de l'enseignement catholique, et
qui devai t couler toutes les générations p r é s e n t e s et à
veni r dans le moule du paganisme .'


Il est évident q u ' a p r è s un pare i l j u g e m e n t su r sa in t
Char les , n o u s n ' a v o n s plus le dro i t de n o u s p l a ind re ,
l o r s q u e M. Louis Veuillof n o u s pa r l e de n o s distractions
évidentes, de nos analyses sommaires et de nos a u t r e s
faiblesses ; lo r squ ' i l fait e n t e n d r e , et qu ' i l dit m ê m e ou-
ve r t emen t , que n o u s ins t i tuons d a n s nos s é m i n a i r e s an
système J ) ' É I ) U C A T J O X dont les auteurs païens forment la
base"; l o r squ ' on n o u s r e p r é s e n t e c o m m e p a t r o n n a n t
les pa ïens qua taies ; l o r s q u ' o n se p e r m e t t an t d ' ins iuua-
Iions c a l o m n i e u s e s , m a n i f e s t e m e n t c o n t r a i r e s au texte
formel de no t re Let t re et à nos d é c l a r a t i o n s les p lus ex-
p r e s s e s ; lo r sque AI. Yeuillot, pa r e x e m p l e , r e m a r q u e
que mus ne faisons aucune distinction bien claire entre
les méthodes suivies dans les maisons religieuses et


I I I V I T . S ' du 7 mai IS.VJ. — * IbiJ., du 10 mai .
II. 12




178 S U R L E S C L A S S I Q U E S .


les eonîumes spéciales des maisons de ÏLDiversité1 ;
Que notre Lettre ne renferme rien contre quoi les uni-


versitaires aient cru devoir protester - ;
Lorsqu'cnfin il pa r l e i r o n i q u e m e n t despréoccupations


qu'inspire au vénérable Prélat le péril des vicier classi-
ques et des vieilles méthodes * ; et b ien d'autres t ra i t s que
n o u s n o u s a b s t e n o n s de citer.


Après sa in t C h a r l e s , n o u s av ions e n c o r e n o m m é


Bossue t :


A p r o p o s de l ' au to r i t é de Bossue t , J l . Veuillot déc ide :


« Qu'il n ' e s t ni poss ib le , ni sage de t r a n s f o r m e r la


« m é t h o d e de Bossue t en m é t h o d e g é n é r a l e ; que les
(i grands hommes font ce que bon leur semble ; ma i s q u e
« la p r u d e n c e c o m m a n d e a u vu lga i re de ne pas affron-


« ter les difficultés d o n t le génie se j o u e ''. »


M. Veuil lot a joute :


« En d e h o r s des s é m i n a i r e s , es t - i l o r d i n a i r e de t r o u -


ci ve r u n e m a i s o n d ' é d u c a t i o n , M fi ME H I - X K ; I E I " S E , OÙ le


« zèle et les l u m i è r e s des p ro fes seu r s s achen t prendre
« les so ins q u e Bossuet imposa i t à son gén ie? Ils le


« v o u d r a i e n t , qu ' i l s n 'y p a r v i e n d r a i e n t pas Cl. »


L ' excep t ion i n a t t e n d u e q u e M. Veuillot veu t bien faire


ici, en faveur des s é m i n a i r e s , a u r a i t dû peu l -è l re le


r e n d r e p lus c i r conspec t d a n s les attaques d i r igées p a r
lui c o n t r e l ' en se ignemen t q u e n o u s avons c ru devo i r


d o n n e r aux n ô t r e s .


Mais n o u s aff irmons q u e ce t te excep t ion , si exclus ive ,


est in jus te . Aious af f i rmons, p o u r le savoir et p o u r l ' a v o i r


é tud ié de p r è s , qu ' i l y a, en d e h o r s des séminaires, un


1 Univers da in niai 1S52. —'" lbid.— 3 lbid., du 7 niai . — * Ibiil.
— • lbid.




S I II I , E S C L A S S I Q t E S . 17'J


g r a n d n o m b r e «!e m a i s o n s re l ig ieuses d ' é d u c a t i o n et
spéc ia lement , à l ' h eu re où n o u s p a r l o n s , louies celles
que dir igent les J é s u i t e s , où le :èle si les lumières (les
professeurs font c h a q u e j o n c ce q u e Bossue t taisait l u i -
m ê m e . Nous a l ï m n o n s de p lus , à r e n c o n t r e des é t r a n g e s
paroles de M. Yeui l lot , q u e , l o r squ ' i l est ques t i on de
cel te g r a n d e c h o s e qu 'on appe l le Y Education des â m e s ,
les (jranils hommes ne font pas ce que. bon leur semble, et
qu'il n'a a pus la de difficulté dont le génie puisse se
jouer. ¡1 pa ra i t bien q u e AL Yeuillot s'esl peu o c c u p e
<rédue.alion : le génie m ê m e le pins r a r e est peu de
chose ici ; que lquefo i s il se ra i t un obs tac le . Les sa in t s
et habi les i n s t i t u t eu r s don t n o u s pa r l ions t o u t à l ' h e u r e ,
et <pie n o u s a v o n s é t u d i é s de p r è s , d a n s leurs a d m i r a -
bles co l lèges , ont s o u v e n t m i e u x réuss i q u e Bossue t
l u i - m ê m e , en e m p l o y a n t du res te sa m é t h o d e , qu i a
toujours été celle de tous les ins t i tu t eu r s religieux a u -
j o u r d ' h u i si i n d i g n e m e n t c a l o m n i é s .


Pa rmi nos pa ro l e s , il en es t peu a u x q u e l l e s Al. V e n d -
lot p a r d o n n e . Nous av ions dit e n c o r e :


« -Attachons - n o u s plus que jamais aux m é t h o d e s
« éproueé'es par le temps, c o n s a c r é e s par l ' expé r i ence ,
« et qui produisirent tous ces grands hommes don t la
« l i t té ra ture , les sc iences , la ph i l o soph ie c h r é t i e n n e ,
« la pol i t ique , l 'Église, ont pu , à si j u s t e t i t re , se g lo r i -
« rilier depu i s t rois siècles 1 . »


Nous avions , ce r t e s , le d ro i t de c ro i r e ces p a r o l e s in-
n o c e n t e s , et p e u t - ê t r e m ê m e assez sages : il n 'en est
r ien .


A p r o p o s de ces p a r o l e s , AI. Veuiliot se p la î t à c i ter ,




180 S U R L E S C L A S S I Q U E S .


con t r e n o u s , l o n g u e m e n t , et avec u n e affectation q u i
n ' e s t q u e t rop conforme au ton h a b i t u e l de sa p o l é m i -
q u e , des pensées et des t h é o r i e s pub l i ées a v a n t n o t r e
Le t t r e , et qu ' i l sai t n o u s ê t re aussi é t r a n g è r e s q u ' à lui-
m ê m e ; e t , ap r è s avoi r pa r l é de l ' écr ivain cité p a r lui
c o m m e d 'un révolutionnaire par excellence et d 'un
i m p i e , il a jou te :


« Voilà le type a c h e v é , voilà le che f -d 'œuvre de ces
« m é t h o d e s é p r o u v é e s p a r le t e m p s , c o n s a c r é e s pur
« l ' e x p é r i e n c e , » auxque l l e s n o u s devons « tous ces
« g r a n d s h o m m e s don t la l i t t é r a t u r e , les sc iences , la
« ph i l o soph ie c h r é t i e n n e , la po l i t ique , l 'Église on t pu,
« à si j u s t e l i tre, se glorifier d e p u i s t rois siècles ' . »


Ici , e n c o r e , on le voi t , le fils de Voltaire et VErèqne
catholique se r e t r o u v e n t e n s e m b l e ! C'est u n e m a n i è r e
de v o u s d i re , Mess ieurs , q u e les m é t h o d e s r e c o m m a n -
dées p a r vo i re Évoque, a p r è s tous les p lus g r a n d s et
p lus sa in t s m a î t r e s des s iècles p a s s é s , son l l ionnes s e u -
l e m e n t à faire des é lèves imp ies et r é v o l u t i o n n a i r e s l


Telle est l ' i n t e rp ré t a t i on d o n n é e à des pa ro l e s don t
l ' u n i q u e bu t é ta i t de vous a u t o r i s e r à c o n s e r v e r un plan
d ' é tudes d a n s l eque l les a u t e u r s c h r é t i e n s ont mie p lace
c o n v e n a b l e , et don t la condi t ion p r e m i è r e est l ' expl ica-
tion c h r é t i e n n e des a u t e u r s p ro fanes !


On a sent i n é a n m o i n s q u e , s u r u n pare i l t e r r a in , ni la
g u e r r e , ni l ' a t t a q u e n ' é t a i e n t p o s s i b l e s ; a u s s i , avec
quel le hab i l e t é la seule ques t ion t r a i t ée p a r n o u s a- l -e i le
é té p e r p é t u e l l e m e n t dép lacée . M. Veuiilot se plaint de
sa maladresse ; il a to r t ; c 'est d 'un n o m con t r a i r e qu'i l
faut appe l e r u n e p o l é m i q u e qu i pa rv i en t à fa i 1*0 M 0 1 S | i i -


1 Chiccrs du 10 mai !S,V^




S U R L E S C L A S S I Q U E S .


t ic les , en dép laçan t s a n s cesse la q u e s l i o n , p o u r c a -
l o m n i e r un Évoque. Si n o u s v o y o n s ici u n e maladresse,
c'est celle qu'i l y a t o u j o u r s à sor t i r du vra i d a n s le
li'isle enlivainement de la pas s ion .


F a u t - i l , avan t d 'a l le r p l u s l o i n , s igna ler un a u t r e
exemple de la m a n i è r e don t AI. Veui l le! a r g u m e n t e c ó n -
ico n o u s ? Après la pub l i ca t i on de n o t r e p r e m i è r e r e t i r e ,
l ' a p p r o b a t i o n qu 'e l le a r e ç u e cle t an t de côtés s 'est
t r o u v é e auss i sous des ' p l u m e s et d a n s des j o u r n a u x
host i les à l 'Égl i se ; eh b i e n ! il n ' en a p a s fallu d a v a n -
tage à M. Vciullot p o u r en t i r e r c o n t r e n o u s les i n s i -
nua t i ons les p lu s ma lve i l l an t e s , c o m m e s'il n 'é ta i t p a s
p e r m i s à nos a d v e r s a i r e s de se r e n c o n t r e r avec n o u s
que lquefo is d a n s le bon sens et d a n s la v é r i t é 1 ! c o n n u e
si, q u a n d ils s'y r e n c o n t r e n t , n o u s é t ions t e n u s de n o u s
en é loigner a lors n o u s - m ê m e s ! c o m m e si enfin le p lan
des h u m a n i t é s et le s\ s t ème de l ' e n s e i g n e m e n t c l a s s ique
n ' ava ien t pas été e m p r u n t é s p a r i e s un ive r s i t é s à la t r a -
dition des écoles c h r é t i e n n e s !


lin a u t r e r é d a c t e u r de l'Univers, M. R o u x - L a v e r g n c ,
a c ru p a r e i l l e m e n t devoir a t t a q u e r n o s I n s t r u c t i o n s - .


e.fe vous adresse, écrit-il à AI. L. Vetulio!, u n e réponse
a verla i nés opinions émises par Mgr l'evèque d'Orléans
dans la Lettre de Sa Grandeur sur les classiques païens. »


Dans cette r é p o n s e , o ù les e x p r e s s i o n s m ê m e d u r e s -
pect p r e n n e n t , sous la plume, du j o u r n a l i s t e , la fo rme
île l ' i ronie , on d é n a t u r e n o s p e n s é e s , on n o u s en p r ê t e


1 On comprend que n o u s ne par lons p a s ici de l'article l o n g u e m e n t
rilé par VI. Veuil lot : une grave, erreur a pu seule voir l 'approbation de
ir ,Ue L r l i r e d a n s un article publ ié avant elle et au profit d'une thèse qui
ne fot jamais la nôtre.


5 Univers du 17 m a i .




182 S U I l L E S C L A S S I Q U E S .


q u e n o u s n ' a v o n s j a m a i s e u e s , on n o u s fait d i re ce que
n o u s n ' a v o n s j a m a i s dit.


M. U o u x - L a v e r g n e , p a r l a n t des d a n g e r s q u e p lus ieurs
c lass iques anc i ens p e u v e n t offrir p o u r les m œ u r s , n e
c ra in t p a s de n o u s c a l o m n i e r j u s q u ' à dire q u e celte
grave objection est traitée par Mgr l'Êcêtpic d'Orléans
comme une puérilité scandaleuse, une colère d'enfants
ignares et aveugles!


Nous av ions l'ait o b s e r v e r q u e les a u t e u r s p a ï e n s e m -
p loyés d a n s r e n s e i g n e m e n t deva i en t ê l re c h o i s i s , ex -
p u r g é s , exp l iqués c b r é l i o n n e n e n l . Sur cela, M. l ' o u v -
L a v e r g n e va r e m u e r Ja fange des poêles t e s plus
o b s c è n e s , et d a n s un ar t icle où il p ré tend répondre à
certaines opinions émises par Mgr l'Évêque d'Orléans, il
ose bien d i re q u e , p o u r lui , il aurait cru que cette at-
mosphère était malsaine pour des écoliers; et tpt'il de-
meure concaincu que l'haleine de ces poê le s est conta-
gieuse au suprême degré. 11 d e m a n d e quel roimiientaire
chrétien on jieut faire sur ces o b s c é n i t é s , et comme, si
n o u s , auss i b ien q u ê t o n s les i n s t i t u t e u r s re l igieux de la
j e u n e s s e , n ' av ions p a r a u t a n t d ' h o r r e u r q u e lui p o u r de
tels a u t e u r s , il s ' enqu ie r t s'il y a quelque maître pieux
qui se sente de force a baigner impunément l'unie des
écoliers dans ces eaux i m p u r e s .


Nous av ions l'ait r e m a r q u e r les fruits de la g r a n d e
é d u c a t i o n l i t té ra i re du s v u e s iècle. A cela , voici ce q u e
M. Uoux-Lavergne r é p o n d :


« Les Mémoires de M. Dufer r ie r c o m m e n c e n t p a r une
« longue c r i t ique de l ' éduca t ion , T E L L E Q U ' O N LA O O N W I T
« D E sox T E M P S , et l ' a u t e u r y pe in t a insi celle qu'il reçut
« l u i - m ê m e : « On c o m m e n ç a , di t- i l , p a r me faire é tu-
« dier sous un précepteur domestique qui n e m 'apprit




« quoi que ce soit q u e les fables clos p a ï e n s , el ne me
« parla jamais de catéchisme, n ia is b i e n de tou t e s les
« fables, o r d u r e s et c r i m e s des faux d ieux , el des a c -
« lions h é r o ï q u e s des s u p e r b e s p a ï e n s , qu'on m ' e x h o r -
« tait à imiter, s ans j a m a i s m e parler de cel les de J é s o s -
« Chris t Not ro-Soigneur . »


Ainsi, pa rce q u e M. Dufer r ie r e u t le m a l h e u r d ' ê t re
élevé pa r un p r é c e p t e u r impie el l ibe r t in , M. Roux-
Lavergue no c ra in t pas de ci ter c o n t r e n o u s un loi
exemple , et de faiie e n t e n d r e que telle était l'éducation
qu'os donnait en ce temps, alors, v o u s le savez, Mes-
sieurs, que les Jésuites et d'autres s a in tes congréga t ions
d i r igea ien t en F r a n c e p r e s q u e tous les col lèges .


Q u i c o n q u e n e c o n n a î t r a i t n o t r e Le l l re q u e pa r l 'ar-
t ic le de M. R o u x - L a \ e r g n e , c ro i r a i t q u e n o u s avons
cité Roi!m en l aveur des c l a s s i q u e s p a ï e n s . Aotts n'a-
vions au co n t r a i r e r e n v o j é au Traite des Eludes de
Rollin q u e p o u r m o n t r e r à quel point les a u t e u i s c h r é -
t iens e u r e n t tou jours u n e p l ace c o n v e n a b l e d a n s l ' en ,
s e i g n e m e n t des l e t t r e s . Et, comme toutefois Rollin ad-
met t a i t , avec les p r é c a u t i o n s c o n v e n a b l e s , l 'expl icat ion
des a u t e u r s anc iens : « Savez-vous , dit M. Roux-Laver-
« gne , ce qui r a s s u r e la consc ience du bonhomme? Le
« m ê m e casuiste qu'on i n v o q u e a u j o u r d ' h u i . » Ce bon-
homme, c 'est Rollin : ce casuiste, c 'es t le s a v a n t P. Tho-
m a s s i n , don t n o u s av ions r e c o m m a n d é les T ra i t é s sur
la manière d'enseigner et d'étudier chrétiennement les
poètes el les historiens du paganisme. Mais M. Roux-
Lave rgne p r o n o n c e que T h o m a s s i n ne p e u t p lus ê t re
aujourd'hui un garant ni un guide.


iXons av ions auss i cité h o s s u e t et son a d m i r a b l e mé-
thode d ' ense ignement , si h a u t e m e n t a p p r o u v é e p a r le




I S i S L R L E S C L A S S I Q U E S .


p a p e I n n o c e n t XI, Ah R o u x - L a v e r g n c déc ide , du m ê m e
ton, q u e l'exemple de Jîossnel allègue par nous V A CAS
LE M O L A D R E R A I ' P O R T à la question.


Enfin, n o u s av ions a p p o r t é la grave et décisive a u t o -
ri té du Sa in t -S iège , qu i , n o n - s e u l e m e n t en F r a n c e , m a i s
en E s p a g n e , en Al lemagne , en I ta l ie , d a n s le m o n d e e n -
t ier , à R o m e m ê m e , p e n d a n t t an t de s iècles et a u j o u r -
d ' h u i e n c o r e , avai t l a i ssé et l a i sse , s a n s con tes t a t ion ,
e m p l o y e r d a n s les col lèges , d a n s les s é m i n a i r e s , dans
les m a i s o n s d ' é tude de tou tes les congréga t ions reli-
g ieuses , les m ê m e s m é t h o d e s d ' ense ignemen t au jour -
d 'hui si v i o l e m m e n t a t t a q u é e s . AI. Roux-Lavergnc a
t rouvé q u e cet te t o l é r a n c e d u Sa in t -S iège avai t été for-
cée , et q u e c 'es t eu grande, pa r t i e au m a u v a i s espr i t des
Evoques de F r a n c e qu' i l faut s 'en p r e n d r e : Comment
le Saint-Siège pouvait-il obtenir l'observation .scrupu-
leuse des règles qu'il avait tracées A I X K v R Ô L E S pour la
bonne direction des études, lorsque L E S E \ Ê Q U E S levaient


contre lui l'étendard du gallicanisme, et ne fallait il
pas avoir raison des pères avant de leur parler avec
opportunité cl autorité de l'éducation de leurs enfants? -,,


Ainsi, c 'est le ga l l i can i sme qui obligea les S o u v e r a i n s
Pont i fes et tou tes les congréga t ions re l ig ieuses à pacti-
ser, comme saint Charles Borromée, avec le p a g a n i s m e ,
d a n s les collèges m ê m e et les s émina i r e s d ' I tal ie et de
I tome , et qu i les e m p ê c h e e n c o r e a u j o u r d ' h u i d ' a ccom-
pl i r L A R É F O R M E et I .A R É V O L U iTox réclamées p a r Y Uni-
vers et ses amis !


On est s tupéfa i t , c 'est le mo ins qu ' on puisse d i re , de
l ' a s s u r a n c e avec laque l le osent se p r o d u i r e de telles
aff i rmat ions . Après cela, s ' é t o n n e r a - t - o n du langage de
.AI. Koux-Eavergne , lo r squ ' i l dit à AI. F. Veuillot :




S U R L E S C L A S S I Q U E S . 1S5


« Serai t il v ra i , m o n a m i , q u e , de n o i r e eôlé , il n 'y
« ail eu que violence, véhémence, intempérance ? Quoi !
« r ien de p lus? r ien de m o i n s ? Mgr l 'Évoque d 'Or l éans
u l 'affirme. Sa Grandeur es t t e l l emen t c o n v a i n c u e de
« la faiblesse et de l'inanité de n o s gr iefs . . . m a i s ce
« ne sont pas s e u l e m e n ! les façons de dire et de s ' ex-
<; p r i m e r q u e c o n d a m n e en n o u s Sa Grandeur
« M a l h e u r e u s e m e n t , n o u s n e s o m m e s pas les seuls qui
« a y o n s n l l aché de l ' i m p o r t a n c e à u n e pensée con t r e
a l aque l le Mgr l'Erfyne d'Orléans n'a ni assez- de dé-
« dains ni assez d''anatlicmes. P e u t - ê t r e q u e Sa Gran-
e deur l 'eût qualif iée avec u n p e u p lus de m é n a g e m e n t s ,
« si elle eut daigné réfléchir que.... » Et ici v i e n n e n t ,
selon l ' hab i tude de ce j o u r n a l , des n o m s v é n é r a b l e s q u e
M. l îoux Lave rgne a cru pouvo i r j e te r ainsi à t r ave r s
u n e p o l é m i q u e di r igée contre, un É v ê q u e et s o u t e n u e
su r un tel ton.


I n t ro i s i ème r é d a c t e u r de Y Univers, M. Du lac , est
éga lemen t e n t r é en l ice a u sujet de n o t r e Le t t r e .


Dans un ar t icle publ ié p a r lui deux j o u r s a p r è s celui
de M. Puuiv-Lavergnc ' , il est dit e n c o r e , q u e du cédé
d'un j o u r n a l ([ne rUnivers ava i t qualifié de révolution-
naire par excellence ci d ' imp ie , et de n o t r e cô té , c'est.
la même thèse qu'on soutient, q u o i q u e -non en vertu des
mêmes principes, ai dans te même but.


Or, celte t hèse , dans la so l idar i t é de l aque l le on n o u s
enve loppe , c 'est celle dont les p a r t i s a n s « veulent com-
mencer par S A T U R E R les enfants d ' É T U D E S P A Ï E N N E S - ,
afin de n.vrui suit C E F O N D E M E N T T O U T L ' E D I F I C E D E L ' É D U -
C A T I O N , en se reserrant, bien entendu, de neutraliser,


1 l'nircrs du 19 m a i . — ' lbi-1.




18G S t ' R L E S C L A S S I Q U E S .


aulnnt ([iw possible, la mauvaise influence de ces
(dudes. »


C'est une thèse telle, « qu'à ceux, qui diffèrent d'opi-
nion avec lui, M. Dulac montrera les phrases de cer-
tains défenseurs de celte thèse comme les Spartiate»
montraient a leurs enfants les Ilotes ivves. Sociale et
Cicerón, Homère et Virgile ont tellement enivré ces
hommes, qu'us ont perdu le sens chrétien. Ils en sont
venus à croire que l'honnêteté, l 'honneur, la morale,
la vertu sont rhos"s indépendantes do la religion
et qu'os M I T Ê T R E V E R I T A I Ü . E M K X T R E L I C I U X SAIVS H O N -
N Ê T E T É , S A N S I T O N N K C U , S A N S J I O I T A I . E R T S A N S \KLITL?. ))


A Dieu ne plaise que, nous attribuions à M. Dulac
la pensée d'avoir voulu nous assimiler à des hommes
auxquels, à tort ou à raison , il impute de telles énor-
m i té s.


Mais, devant Dieu et devant n . g l i s , - , nous lui deman-
dons de quel droit il a cru p o i n o i r rapprocher ainsi
ces hommes et nous, en nous niellant avec eux, de-
vant le public, sur le terrain d'une même thèse!


Tristes et frappants exemples des excès où les habi-
tudes légères et fiévreuses du journalisme peuvent pré-
cipiter des hommes, même sur lesquels la conscience
conserve ses droits ! Sans le vouloir et presque sans
s'en apercevoir, ce n'est pas seulement la convenance,
la gravité, la charité, c'est le bon sens, c'est la vérité,
c'est la justice qui leur échappent. Les droits de l'au-
torité, le sentiment du respect, ne les retiennent plus ;
et, en foulant tout cela aux pieds, sans même qu'ils
s'en rendent compte, ils vont jusqu'aux dernières ex-
trémités avec un si aveugle emportement, qu'ils croient,
en cela, servir la société et l'Église.




SUR L E S C L A S S I Q U E S . 181


C'est ainsi que l'écrivain d u Messager du Midi n 'hé-
site pas à dire : « si c'est AI. Dupanloup q u i se trompe,
.s' le clergé et les corps enseignants se sont trompés arec
îlli, depuis trois Siècles, et S ' I L S P E R S I S T A N T D A N S L E C i l
AVK( Cl . r i ILNT E T l . K L R E R R E U R , alOLS la S o c i é t é Civi le CSt


perdue *. )>
M. L. Veuillot n'hésite pas davantage. Après avoir


posé la question à sa manière :
«Voilà la question , ajoute-t-il, et quand même L A


'.iTanrnn.v >.::!.i .'H v T O ! T I - : \ T I È m - : déposerait en fa-
veur de l'élude des ailleurs païens, c'est la qu'il faudrait
innover'2. »


Le même, VI. L. Veuillot, après avoir commencé cha-
c u n de ses trois articles par d e s paroles annonçant
qu'il va faire, puis qu'il continue, e t e n f i n q u ' i l termine
*"» rèjJi'.cimns sur la I,élire adressée par Mgr l'Evêque
d'Orléans au supérieurs et professeurs de ses petits
séminaires ; a p r è s nous avoir fait dire que nous regar-
dions comme un danger pour la Foi les classiques chré-
tiens ; après n o u s avoir dit q u e n o u s devions avoir
compris bientôt que, s'il a mal présenté la vérité, elle
est de son çnle néanmoins, achève enfin ce long examen
d e n o i r ; ' e n s e i g n e m e n t ; el ses r é f l e x i o n s a b o u t i s s e n t


d c j h u l i v r m o t i t à demander : -si nous sommes dans un-
siècle ou l'on pui-ise Jori'.r. A V E C L A F o i s !


Grande q u e s t i o n , assurément! mais aussi , siècle
étrange que celui où ce son! les journalistes religieux
qui, à propos de l'éducation de la jeunesse chrétienne
el cléricale, posent une telle question devant les Évê-


1 Le Hmaycr da Midi d u i mai 1852. — 2 L'Uniters du 10 m a i . —
1 Ibid,, du 10 mai .




1 8 8 S f i t I.KS C) .ASSIQri:s


ques ; et où ce sont les Évoques qui .semblent jouer arec
la Foi, et les journalistes religieux qui leur demandent
de la prendre au sérieux !


C'en est assez, Messieurs : M . Yeuillol, après ce der-
nier trait, ajoute : Il nous semble gue la question es/
résolue.


Elle l'est en effet, Messieurs, pour votre conscience
et pour votre lion sens, et. nous n'avons p lus rien à
vous dire après ces citations.


Mais, au milieu et au-dessus de tous ces emporte-
ments de pensée et de langage, il est quelque chose de
Lien plus grave : ces attaques soulèvent une question
beaucoup plus haute, et il importe que nous vous en
entretenions à cette heure.


n
Nous ne venons pas vous signaler ici un l'ait unique,


accidentel, et comme une entreprise isolée. En fùt-il
ainsi, la question n'en aurait pas moins une extrême
gravité; mais il y a plus : ceci se rattache à tout un
ensemble de faits du même genre, et c'est ce qui nous
oblige à parler.


Nous ne sommes presque rien ici ; si nous avons eu
tort, nous avons des supérieurs, il v a rrn ordre hiérar-
chique : que nos vénérables collègues nous avertissent,
que les Évêqucs de notre province nous reprennent,
que le Souverain Pontife nous corrige.


Mais , à défaut du Souverain Pontife et des Évoques,
ce sont des journalistes religieux qui viennent nous
dire de ne pas jouer avec la Foi, et nous apprendre la




S U K L E S C L A S S I Q U E S .


différence qui se trouve entre la morale païenne cl la
•morale chrétienne, entre Sacrale et l-lècangile !


!l y a là un scandale ; mais il n'est pas le seul : il ne
vieill qu'après beaucoup d'autres, il est temps que ces
scandales cessent; et, pour nous, dans les bornes de
notre juridiction légitime, nous sommes résolu à ne les
pas soulïrir davantage.


Sans doute, la question du choix des auteurs pour
renseignement classique est importante ; et si nous
n'avons pas voulu descendre dans l 'arène de la presse
quotidienne ou périodique pour la discuter, la raison
en est simple : cette presse est un champ de bataille
qui peut convenir à d'autres, mais qui ne convient pas
à un Évoque, dans les termes d'une pareille polé-
mique : et voilà pourquoi, il tant le dire en passant,
attaquer les actes épiscopuux, dans un journal, ce n'est
pas seulement manquer aux lois de la Religion, et violer
l'ordre de la sacrée hiérarchie ; c'est aussi manquer à
d'autres lois : on sait bien qu'un Évoque ne peut, dans
celle arène, combattre à armes égales ; et, quant aux
armes supérieures qui son! en ses mains, on sait aussi
qu'il ne peut, qu'il ne doit s'en servir qu'à la dernière
ex trémilé.


Mais une question plus grave que celle du choix des
auteurs pour l'enseignement classique se présente ici :


Il s'agit de savoir si désormais les plus grandes af-
faires de l'Église seront gouvernées par les journalistes
religieux ''


Il s'agit de savoir si quelques laïques, abusant de la
dangereuse puissance que leur donne un journal, pour-
ront, dans l'Église, chaque matin, parler de tout et à
tous; décider à temps et à contre-temps; prendre, dans




190 S I ' l l L E S CL A S S I O L E S.


les pins graves questions de doctrine et de conduite,
l'initiative, je ne dis pas d'une discussion sage, pai-
sible, modérée, mais du jugement, ne la décision, de la
condamnation.


Il s'agit de, savoir enfin, si lorsqu'un É\êque jugera
convenable de donner à ses prèlres des instructions,
pour les éclairer et les diriger dans l'accomplissement
de leur ministère,il sera permis au\ écrivains de l'f ui-
cers, ou de tout autre, journal rtdhjten.r, de venir su
mettre entre l'Évêque et ses prêtres, [tour contredire
renseignement episcopal et enseigner les prêtres, après
et contre leur Évoque.


Voilà la question.
Ils ont avancé que la Foi, dans celle affaire, était en


jeu et en danger !
Quoi qu'il en soit, c'est sans contredit une des [dus


grandes affaires que l'Église, en France, ail eues depuis
longtemps.


L'Église, il y a deux ans à peine, a pris sur le lorrain de
renseignement, une place que vingt années de luttes lui
ont conquise ; que des ennemis ardenls et jaloux ne ces-
sent de lui disputer; qu'eue ne saurait conserver par
violence, mais seulement par sagesse, et à force de zeie
intelligent et de dévoûment utile; que la moindre faille
enfin pourrait, en des commencemenls si délicats, lui
faire perdre : et il s'agit, pour elle, d'examiner, de dé-
cider la ligue à suivre et les moyens à prendre pour
se maintenir dans une position si importante et si péni-
blement acquise, afin d'y répondre dignement à la con-
fiance du pays, el d'y faire véritablement le bien de la
jeunesse.


Voilà la grande affaire dont il est ici question. Les




conci les s'en sont occupés : les Evoques en c o n f è r e n t ;
c 'est enco re , ;ï coite h e u r e , u n e de l e u r s p r é o c c u p a t i o n s
l e s ' p lu s hau tes . Mais p o u r r é s o u d r e une folie affaire, la
sagesse des Evoques a paru insuff isante à q u e l q u e s écri-
vains : ce sont ces éc r iva in s qui décideront, eux qui
t raceront la ligne à s u i v r e , eux qui o u v r i r o n t la m a r -
cile ; et tout devra m a r c h e r a p r è s e u x , m ê m e les Évo-
ques ; ca r s'ils ne sont q u ' u n noyau, c o m m e ils d isent
c 'est un noyau d'hommes qui coulant cire avant tout,
s 'rvilciirs île la sainte Eglise ; qu i , à ce t i t re , c ro ien t
lotit p o u v o i r ; qu i , p o u r m i e u x se rv i r l 'Eglise, e s s a i e n t
de la g o u v e r n e r , et en d e h o r s d e s q u e l s il ne se ra p lus
poss ible b i en tô t de pai 1er et d 'agir , s ans d e v e n i r , à l eu r s
yeux , suspec t de n ' ê t r e p lus c a t h o l i q u e .


Mais qu ' e s l - i l sor t i de leurs conse i l s ? Le voici :
C'est qu ' à pe ine établie su r le lor ra in de renseigne-


m e n t , l 'Eglise doit deluder pa r des i nnova t i ons p r o d i -
gieuses , p r e n d r e sa rou t e vers l ' i n connu , c h a n g e r de
f o n i ( n comble les m é t h o d e s r e ç u e s et a p p r o u v é e s p a r
elle, et faire autrement, n o u s n e d i sons p a s q u e l'Uni-
vers i t é , mais autrement que lotis nos Pè re s , a u t r e m e n t
que tous les ins t i tu teurs c h r é t i e n s de la j e u n e s s e , a u t r e -
ment que tou tes les congréga t ions s a v a n t e s qui se sont
occupées de l ' éduca t ion , d a n s dix mil le col lèges , depu i s
trois siècles : en un mot , qui dit lotit, l 'Eglise cl t ous les
i n s t i tu t eu r s re l ig ieux , do ivent , d a n s l ' en se ignemen t , a c -
cepter une itr.roiwm complè t e et s u b i r u n e R É V O L U T I O N .


Voilà ce qui est sor t i des consei ls de Y Univers et de
se? amis .


El a p r è s q u e cel le décis ion a é té p r i se p a r l e s c a l h o -


V n'a ers du S mai 18.V.'.




S f i t LUS C L A S S J Ç H ' K S .


luiiLOS de ['Univers, un E v ê q u c a ose r é s i s t e r à cel te
décis ion p o u r sou d i o c è s e ; il a osé , d a n s u n e Let t re a u \
p ro fe s seu r s de ses pet i ts s é m i n a i r e s , l eu r dire de n 'en
point t en i r c o m p t e , et de c o n t i n u e r , s a n s t r o u b l e et sans
i n q u i é t u d e de consc i ence , à faire ce, qu ' i l s fa isaient . 11 a
osé leur d i re de p ré fé re r la t radi t ion des siècles pas sés
et de t ous les p lus g r a n d s et les p lus sa in ts ins t i tu teurs
d e l à j e u n e s s e , a u x s p é c u l a t i o n s et aux théor i e s a v e n -
t u r e u s e s d ' h o m m e s qui n ' on t j a m a i s élevé p e r s o n n e .


Il ne l'a po in t fait i m p u n é m e n t .
Le l e n d e m a i n , tous les a b o n n é s de 1 Univers, s ans


q u ' o n l eu r eût fait s e u l e m e n t c o n n a î t r e la Let t re de cet
Évoque , on t app r i s : que cet Évoque p re sc r iva i t d a n s ses
s é m i n a i r e s u n e m é t h o d e d ' éduca t ion qui n ' e s t b o n n e
q u ' à faire des p a ï e n s ; don t le t \ p e et le c h e f - d ' œ u v r e
est l ' impié té r é v o l u t i o n n a i r e ; qu ' i l al lai t j u s q u ' à r e g a r -
de r c o m m e un danger pour la Foi d'introduire une plus
large part d'auteurs chrétiens dans renseignement ;
qu' i l t r a i t a i t l 'objection t i r ée du d a n g e r des a u t e u r s
pa ï ens p o u r les m œ u r s , c o m m e une puérilité scanda-
leuse et une colère d'enfants ignares et aveugles; et ou
a d e m a n d é enfin si nous sommes dans un stecle où l'on
puisse JOL'J-Il A \ r c L A f o i !


Et tous les É v o q u e s ont pu en t r evo i r p a r là c o m m e n t
sera i t t ra i té d é s e r i n a i s q u i c o n q u e , p a r m i eux , se p e r -
met t ra i t , dans les ques t i ons les plus g raves et les p lus
i m p o r t a n t e s p o u r la re l ig ion, de p e n s e r a u t r e m e n t q u e
les r é d a c t e u r s de ['Univers.


La ques t i on d o n c est de savo i r si les r é d a c t e u r s de
['Univers et de q u e l q u e s a u t r e s j o u r n a u x religieux, ses
c o r r e s p o n d a n t s , a u r o n t le dro i t de venir , à la p lace d u
Pape ou du conci le de la p r o v i n c e , c o n t r ô l e r nos l u s t r u c -




SU!', l . K i C. LASSin i" l '> . 198


l ions pas to ra les , et s 'é tabl ir , en face de n o u s , de n o s
véné rab les collègues et du Saint-Sic 'gc, c o m m e les d é -
fenseurs de la foi c o m p r o m i s e , et les c e n s e u r s de l 'É-
piscopat .


En posan t celte q u e s t i o n , n o u s n ' e n t e n d o n s nu l le -
men t la d o n n e r à r é s o u d r e à Y Univers: il n 'a pas c o m -
pé tence p o u r cela ; n o u s la r é s o l v o n s n o u s - m ê m e , en
nous s o u m e i l a n t au j u g e m e n t de ceux qui on t seuls le
droi t <le nous r e p r e n d r e et de n o u s c o r r i g e r ;


El nous d isons : {[n'en a t t a q u a n t nommément, directe-
ment, formellement, d a n s leurs feuilles, no t r e p e r s o n n e
et no i r e Eel l re aux s u p é r i e u r s et p ro fesseur s de n o s sé-
mina i r e s , ces j ou rna l i s t e s ont fait u n e e n l r e p r i s e t émé-
ra i r e , con t ra i re à l 'espr i t et aux règ les de l 'Église, a t -
t en ta to i re à l ' o rd re h i é r a r c h i q u e , e n t a c h é e de l a ïc i smc ,
et lendanl à m e t t r e la division e n t r e n o u s et n o s
p rê t res .


El c'est p r é c i s é m e n t p a r c e q u e cel le en t r ep r i s e esl
venue de leur p a r t , de. la part de j o u r n a l i s t e s qu i se,
d o n n e n t si t é m é r a i r e m e n t ia miss ion d ' e n s e i g n e r d a n s
l 'Église; pour lesquels ce n ' e s t p a s assez de s ' appe le r
ca tho l iques , mais qui s e m b l e n t dire c h a q u e j o u r : Les
ca tho l iques , c 'est n o u s ; — c'est p o u r cela , p r é c i s é m e n t ,
que nous avons vu, d a n s cel te e n t r e p r i s e , un t r è s g rand
péril , à cause de celle ra i son p r o f o n d e , p r o c l a m é e p a r
tous les siècles c h r é t i e n s : que. l'Eglise a beaucoup
moins a craindre de ceux qui l'attaquent au dehors, que
de ceux qui, sans caractère et sans mission, prétendent
la gouverner an dedans.


El ici, ni le zèle, ni le la lcnt , ni le d é v o û m e n t m ê m e
ne p e u v e n t rien a u t o r i s e r ; ca r c'est un au'.re g r a n d pr in -
cipe chré t ien : que , d a n s la défense de la vér i té et d a n s


n. 1 a




19i S U R | . K S C L A S S I Q U E S .


la direction des choses religieuses, tout ce qui se fait
contrairement à l'ordre hiérarchique établi par Jésus-
Christ, contrairement aux rapports naturels et à la
subordination légitime des diverses parties de l'Église,
tout cela, quelque apparence de bien qu'il puisse avoir,
fout toujours par aboutir à mal. Ces avantages qui sem-
bleraient, sous quelques rapports, en résulter, peuvent
faire illusion aux esprits superficiels ; mais les graves et
terribles leçons de l'histoire ecclésiastique sont là pour
prouver que les résultats, en définitive, sont fnnes'es.


Kl range, inconséquence ! Parmi l e s défenseurs du droit
exclusif des Evoques sur le g o u v e r n e m e n t et sur l 'en-
se ignement de leurs pelils séminaires, les journalistes
dont nous parlons se montrèrent toujours /('dés à re-
pousser comme attentatoires à ce droit, toute immix-
tion, toute inspection laïque dans ces établissements.
Et, ce sont ces mêmes homiin s qui viennent aujourd'hui
se poser publiquement en inspecteurs, en juges cl e n
censeurs des Evêques et des petits séminaires, uans une
question d'enseignement qui, à leurs yeux, se lie étroi-
tement avec la Foi !


Failail-il se taire sur une telle entreprise ? Eh bien!
oui, nous l'avouons, ju ins aurions peut-être encore
gardé le silence, si ce n'eût été ici, de la part de ces
écrivains, qu'un fait isolé.


Mais ce n'est pas un fait isolé : nous l'avons dit.
C'est une habitude, chez ces hommes, de trancher


précipitamment, témérairement, violemment, toutes les
questions religieuses les plus graves et les plus diffi-
ciles; e t , quand une fois ils les ont tranchées, de ne
plus tolérer une dissidence, de quelque part et de quel-
que haut qu'elle vienne.




S U R L E S C L A S S I Q U E S . 195


C'est cette h a b i t u d e qu i n o u s p a r a î t un pér i l .
Et su r ce péril , c ro i s san t c h a q u e j o u r , il ne n o u s a


pas paru possible de f e rmer plus l o n g t e m p s les yeux:.
Quoi ! c'est d a n s le m o m e n t où la socié té t empore l l e


fait les de rn i e r s efforts p o u r d i m i n u e r les i m m e n s e s
d a n g e r s q u e les excès de la p res se lui oui fait c o u r i r ;
c'est a lors q u e la socié té sp i r i tue l le la issera i t i m p u n é -
m e n t des j o u r n a u x re l ig ieux t en t e r d a n s son sein des
excès plus r e d o u t a b l e s e n c o r e ? Non, s'il n ' e s t pas b o n
que le j o u r n a l i s m e soit ma î t r e d a n s l 'État , il est e n c o r e
moins bon qu' i l e s saye d 'ê t re le m a î t r e d a n s l 'Église !
C'est u n e pu i s sance t rop l ib re , u n e p u i s s a n c e t rop i n d é -
pendante! de toute au to r i t é et de tout conse i l , une p u i s -
sance t rop i r r e s p o n s a b l e , et don t les a t t a q u e s q u o t i -
d iennes l a s se ra i en t , d ' a i l l eu r s , t ou tes les c e n s u r e s .


P o u r n o u s , en ce qui n o u s c o n c e r n e , n o u s s o m m e s
décidé à ne nous p lus rés igner aux e n t r e p r i s e s de cet te
pu i s sance .


Saint Augus t in , p a r l a n t d 'un c le rc r ebe l l e à son a u -
to r i t é ép i scopa le , s ' expr ima i t a ins i :


lnlerpellet contra me mille concilia; naciejel contra
me (¡00 colaeril; sit carte abi potuerit : adjucabit aie
Deas , ni, abi mm Episcopns , ille clericus esse, non
possit1 ?


Certes , si des conci les , si le P a p e l ' eussen t c o n d a m n é ,
sa in t August in, un 'Évoque si m a g n a n i m e , m a i s si h u m b l e
et si f idèle , n ' e û t pas hés i t é un seu l i n s t a n t à se s o u -
m e t t r e .


Si d o n c saint. Augustin s ' e x p r i m a i t a ins i , c'est q u e la
consc ience ce r t a ine de son dro i t l ' a s su ra i t q u e j a m a i s ,


1 S. Au::., ser in . 450 , De rt'f.l ci moribus dericorum.




19« S I ! I l L E S C L A S S I Q U E S .


ni ses co l l ègues , ni le Souvera in P o n t i f e , n ' i m p r o u v e -
ra ien t , en ce po in t , sa c o n d u i t e .


Nous le d i rons en toute h u m i l i t é , m a i s avec la m ê m e
énerg ie et la m ô m e consc ience de n o t r e dro i t q u e ce
g r a n d Évoque , à ces t é m é r a i r e s j o u r n a l i s t e s :


Qu' i ls fassent ce qu ' i l s v o u d r o n t : qu ' i l s r e m u e n t c o n l r e
n o u s le ciel et la t e r r e ; qu ' i l s e s sayen t enco re u n e fois
de c o m p r o m e t t r e des n o m s véné rab l e s en les opposan t
les u n s aux a u t r e s ; qu ' i l s éc r iven t d a n s leur j o u r n a l tout
ce qu ' i l l eur p la i ra d ' é c r i r e :


T a n t q u e n o u s s e rons Évoque , j a m a i s n o u s ne l eu r
p e r m e t t r o n s de se faire j uges de n o i r e a d m i n i s t r a t i o n ,
et de ven i r , a p r è s n o u s et con t r e n o u s , ense igne r d a n s
n o t r e d iocèse .


C'est là, et d a n s les a u t r e s t é m é r i t é s de ces h o m m e s
et de l eu r s j o u r n a u x , c 'est là q u e n o u s voyons u n des
g r a n d s pér i ls cln t e m p s o ù n o u s s o m m e s .


Le r é d a c t e u r en chef de l'Univers a osé dire que nous
trouvions un danger pour la Foi dans l'introduction
d'une plus large part d'auteurs chrétiens dans rensei-
gnement.


Non : ma i s vou lez -vous savo i r où n o u s t r o u v o n s un
d a n g e r p o u r la Foi ? Nous a l lons v o u s le d i re :


Nous t r o u v o n s un d a n g e r p o u r la Foi d a n s l ' i nconce-
vable t é m é r i t é qui p r o c l a m e , en face d 'une socié té
c o m m e la n ô t r e , q u e le c le rgé , q u e les congréga t ions
re l ig ieuses , q u e tous les i n s t i t u t eu r s ch ré t i ens ont , d e -
pu i s t ro i s s iècles , rompu manifestement, sacrilègernent,
malheureusement la chaîne de l'enseignement calliolitpic !


Nous t r o u v o n s un d a n g e r p o u r la Foi dans la t émé-
r i té ra i l l euse qui ose a c c u s e r un sa in tChar Jes l î o r roméo
d 'avoi r pactisé avec un e n s e i g n e m e n t dont reflet devai t




SUR. L E S C L A S S I Q U E S . v.'l


ê t re de jc lor loules les g é n é r a t i o n s p r é s e n t e s el à ven i r
dans le moule du paganisme !


Xous I rouvons un d a n g e r p o u r la Foi d a n s le j o u r -
nalisme, religieux loi q u e v o u s le p r a t i q u e / , a b o r d a n t
c h o q u e ma t in les q u e s t i o n s t héo log îques cl c a n o n i q u e s
les p lus h a u t e s , les p lus difficiles, les p lus dé l ica tes , les
p lus i r r i t a n t e s , e l les t r a n c h a n t avec l ' i m p r u d e n c e d 'une
improv i sa t i on q u o t i d i e n n e , et avec u n e h a r d i e s s e q u e
les plus h a b i l e s d o c t e u r s n ' a u r a i e n t p a s !


Voilà où n o u s t r o u v o n s un d a n g e r p o u r la Foi.
On voit assez p a r là m ê m e , s a n s qu ' i l soii besoin do


le d i re , q u ' e n r é p r o u v a n t si h a u t c m e n l les excès d 'un
cer ta in j o u r n a l i s m e rel igieux et ses e m p i é t e m e n t s t émé-
r a i r e s , n o u s n ' e n t e n d o n s p a s , à Dieu ne p l a i s e , faire
t o m b e r cel le r é p r o b a t i o n su r tant d ' h o n o r a b l e s é c r i -
va in s , la ïques ou ecc lé s i a s t iques , dignes de-tous é loges ,
et den t la voix é l o q u e n t e cl la p l u m e c o u r a g e u s e on t
r e n d u el c o n t i n u e r o n t de r e n d r e à l 'Église de Dieu de
nobles services . Ces c œ u r s si é l e v é s , ces espr i t s si
f e rmes , ces h o m m e s si d é v o u é s , au j o u r du pér i l , son t
les auxi l ia i res de l 'Épiscopa t clans les c o m b a t s d u Se i -
g n e u r ; j a m a i s ils ne p r é t e n d i r e n t se faire ses m a î t r e s
et ses guides . P o u r m o i , je n 'oub l ie ra i j a m a i s tou t ce
que j ' a i vu en eux : cet te u n a n i m i t é si fidèle ; cel te é n e r -
gie si ca lme et si forte ; ce je ne sais quoi de m a g n a n i m e
et tou t à la fois de m o d é r é , de digne, d ' e x q u i s , j u s q u e
dans la plus g r a n d e a r d e u r d e l à r é s i s t ance ou de l ' a t l a -
quo ! J e le dois a v o u e r , ce d o u x souven i r r e p o s e en ce
m o m e n t m o n c œ u r el adouc i t m e s t r i s tesses : ce m e
sera tou jours u n e des p lus c h è r e s et p lus h o n o r a b l e s
choses de m a vie q u e d 'avoi r s o u t e n u , avec de tels
h o m m e s , p o u r les l iber tés de l 'Église, ces sa in tes et g lo -




198 S U U L E S C L A S S I Q U E S .


rieuses Inlles auxquelles la bénédiction de Dieu n'a pas
manqué, où nous avons vu nos plus redoutables adver-
saires; touchés de la grandeur et de la justice de notre
cause, combattre avec intrépidité pour elle; et où la
victoire a été si loyale, qu'elle n'a pas même été at-
tristée par les malédictions des vaincus.


Je. pourrais prononcer ici les noms de ces généreux
et illustres défenseurs de notre cause ; mais que servi-
rait de les nommer? leurs noms sont dans toutes les
bouches; l 'Église, qui n'est pas ingrate, bénira leur
mémoire; et moi, s'il m'est permis de, l'ajouter ici,
quelle que soit la distance des lieux qui nous sépare,
je suis heureux de leur adresser, à travers les orages
du temps, ce témoignage d'une impérissable reconnais-
sance


Que si, pour revenir au triste sujet qui nous occupe,
que si l'acte dont nous accomplissons aujourd'hui le
devoir vient à rencontrer d'un certain côté des ap-
probations, que nous sommes loin assurément de re-
chercher, nous prolestons d'avance contre les interpré-
tations perfides qu'on pourrait leur donner. C'est une
habileté qui ne doit plus tromper personne. Nous le
dirons d'avance à ceux à qui nos reproches s'adressent :
Si nos communs adversaires se mettent, en cette occa-
sion , contre vous , du côté d'un Évoque , ce n'est pas
à nous qu'il faudra l'imputer, c'esl à vous-mêmes. 11
est temps de dégager enfin la cause del 'Épiscopatel de
la religion des animosités que la violence de vos polé-
miques soulève contre vous, mais qui, trop souvent, re-
jaillissent jusque sur nous. Il est temps de proclamer
combien il serait injuste de, rendre l'Église responsable
des injures que vous prodiguez à ceux qui ont le mal-




S U U L E S C L A S S I Q U E S . 1 9 9


heur de s'être faits ses adversaires ou ses ennemis; et
môme à ceux qui , n'ayant pas encore le bonheur de
croire aux divins enseignements de la Foi, se sentent,
néanmoins, attirés vers elle par de secrètes inspira-
tions, mais dans lesquelles, trop souvent, nous en avons
été témoin, vos ironies et vos sarcasmes vont t rou-
bler le travail de la grâce et éteindre les premières es-
pérances du retour !


Et c'est ici un autre danger pour la Foi qu'il faut
joindre à ceux que nous avons déjà signalés.


Oui, nous trouvons un danger pour la Foi dans la
manière même dont vous avez coutume de la défendre.


Pourquoi ne le dirions-nous pas? il y a dans votre
langage une légèreté moqueuse, un accent de raillerie
hautaine qui sied mal, sans aucun doute, dans une po-
lémique dirigée contre un É\êque, mais qui sied mal
aussi à des chrétiens, dans les discussions graves,
même contre les ennemis de la Religion. L'éternelle vé-
rité ne se défend point par la plaisanterie dérisoire et
par l'injure : elle en souffre plus qu'elle n'en profite ;
l'Écriture, nous le fait assez entendre, lorsqu'elle dit
que les moqueurs ne sont bons qu'à troubler la cité.


Et voilà pourquoi nous n'hésitons pas à proclamer
que la lecture d'un tel style est une corruption perpé-
tuelle des esprits faibles, et un déplorable abaissement
du caractère chrétien.


Et, lorsque c'est aux premiers Pasteurs qu'il s 'attaque,
c'est un attentat contre l'Autorité, c'est la ruine du res-
pect dans f Église! Quiconque ne sent pas cela, n'a pas
le sens chrétien.


Nous parcourions laborieusement les campagnes de
notre diocèse, pour évangéliser les pauvres et y cou-




Sr i i L E S C L A S S I Q U E S .


firmor les pet i ts enfants d a n s la Foi , t and is que vous
écriviez con t r e n o u s de ce style ! vous semiez ainsi de -
vant nos p a s vos c a l o m n i e s et vos d é d a i n s ; e t si la
sagesse d u c lergé d 'Or léans ne l 'avai t ga ran t i de votre
p e r n i c i e u s e inflence, n o u s a u r i o n s p u t rouve r , d a n s
c h a q u e p r e s b y t è r e , vos in jures qui n o u s y a u r a i e n t
p r é c é d é , et ê t re accueil l i p a r t o u t avec les s en t imen t s et
le s o u r i r e d ' u n e inqu iè te m é f i a n c e !


Nous igno rons le profit q u e v o u s t irerez de ces g rave
a v e r t i s s e m e n t s : vous c o n t i n u e r e z p e u t - ê t r e à en diver t i r
e n c o r e la ville et les p rov inces . El n o u s , n o u s cont inue-
r o n s à vous d i re q u e les Évoques sont, vos Pères d a n s la
Foi et d a n s la condu i t e : qu ' i l s son t les prophètes du
Seigneur : q u e c 'est e u x que; J é sus -Chr i s t a consac ré s
p o u r l'enseignement J , et qu'il a envoyés comme son Père
l'a envoyé lui-même '' : eux que le Saint-Esprit a établis
pour gouverner l'Église de Dieu ' !


Et. n o u s ne c e s s e r o n s de faire r e t en t i r s u r vo t re tète
cet te a u t r e pa ro le de i 'Espr i t -Sa in t ; Nolite tangere
Christos mcos, et in Prophctis rnei.s nolite malignari \


Nous vous d i rons de p lus : il y a d a n s les Écr i tu res
u n e s e n t e n c e sévère c o n t r e ceux qui sèment la division
parmi les frères 5 . Vous faites p lu s m a l e n c o r e : c'est
p a r m i les P è r e s q u e vous essayez de s e m e r la d i sco rde ,
c o m m e le p r o u v e l ' ins id ieuse compla i s ance avec laquel le
vous opposez e n t r e eux des h o m m e s v é n é r a b l e s , dont la
p a r o l e , auss i b ien q u e la vra ie p e n s é e , sont é v i d e m m e n t
ici h o r s de c a u s e , ma i s au mil ieu d e s q u e l s il vous plait.
de vous p o r t e r p o u r a rb i t r e s , vous faisant les avocat.-.




S U II L E S C L A S S I Q U E S . 201


des u n s , 1rs c e n s e u r s des a n t r e s et les juges de t o u s .
Si vous c o n t i n u i e z , non , la bénéd ic t ion de Dieu ne


sera i t pas sur vous !
0 sainte Église de J é s u s - C h r i s t , ce n ' es t d o n c p a s


ass••••/., con t re v o u s , de tan t d ' e n n e m i s au d e h o r s , on
vous t r o u b l e , on vous déchire encore a u d e d a n s ! ou
élève au mi l i eu de v o u s des chaires et un e n s e i g n e m e n t
que les siècles p r é c é d e n t s n e c o n n u r e n t p a s ! De là on
c h e r c h e à p o r t e r la division en vot re se in , à la j e t e r n o n -
seu lement en t r e les frères, ma i s en t r e les P è r e s et les en-
fants , mais en t r e les Pères e u x - m ê m e s . On v o u d r a i t al ler


p lus loin e n c o r e ! Mais J é s u s - C h r i s t veille su r son
Église, et ses saintes p r o m e s s e s d e m e u r e n t ! La prière par
l aque l le il d e m a n d a p o u r elle à son Père la consomma-
tion dans Vanité, ne défaillira j a m a i s ! El il y a, d a n s
l 'Église, une p i e r r e con t r e laque l le tou tes les pa s s ions
h u m a i n e s se b r i sen t , et un s o m m e t don t la sé rén i t é
défie et d iss ipe Ions les o rages !


A C E S C A U S E S , et a p r è s en avoir conféré avec n o s vicai-
r e s g é n é r a u x et les membres de n o t r e Conseil é p i s c o p a l ;


ATTENDE q u e le j o u r n a l l'Univers et d ' a u t r e s j o u r n a u x ,
en a t t a q u a n t nommément et directement les I n s t r u c t i o n s
données p a r n o u s aux s u p é r i e u r s , d i r e c t e u r s et p ro fe s -
seur s de nos pet i t s s é m i n a i r e s , ont c o m m i s un ac te
manifes te d ' agress ion et d ' u s u r p a t i o n c o n t r e n o t r e a u -
torité ;


ATTENDU que tolérer une pare i l le agress ion et u s u r -
pat ion, ce sera i t , en ce qui n o u s c o n c e r n e , a d m e t t r e et
r e c o n n a î t r e , d a n s l'Eglise, une sor te de g o u v e r n e m e n t
en dehors du. Sa in t -Siège et de l'Épiscopat, un gouver -
nemen t l a ïque ou p r e s b y t é r i e n , ce qui se ra i t le renver-




202 SUT, L E S C L A S S I Q U E S .


s è m e n t des p r i n c i p e s les p lus c e r t a i n s et des règles les
p lu s incon tes tées de la h i é r a r c h i e ;


A T T E N D U , en pa r t i cu l i e r , qu ' i l es t de n o t r e devoi r epis-
copal de p r é s e r v e r n o s s é m i n a i r e s d iocésa ins de l ' in-
fluence d 'un e n s e i g n e m e n t i l légitime et dangereux ;


L E S A I N T N O M D E D I E U I N V O Q U É , et a y a n t p r é s e n t e s à
l ' espr i t c e s g r a v e s et fortes p a r o l e s du p a p e saint Léleslin
a u x É v o q u e s des Gaules 1 :


« Si des espr i t s n o v a t e u r s s è m e n t la d i ssens ion dans
vos Ég l i s e s , en sou l evan t des ques t i ons i n d i s c r è t e s , et
en d o g m a t i s a n t , au m é p r i s de votre au tor i t é , s ans q u e
vous y met t iez obs tac le , c'est, à vous q u e nous d e v r o n s
en faire un j u s t e r e p r o c h e , il est écr i t q u e le disciple
n'est pas au-dessus du maître, c ' e s t - à - d i r e que p e r s o n n e
n e doi t s ' a r r o g e r le dro i t d ' ense igne r , con t r e le droi t de
ceux à qu i l ' e n s e i g n e m e n t a p p a r t i e n t . Je c ra ins q u e se
t a i r e , en pare i l cas , ce ne soil conn ive r . Jirneo ne con-
nicerc sit line lacere. »


A V O N S A R R Ê T É E T A R R Ê T O N S C E Q U I S U I T :


A R T I C L E Ier. — Nous P R O T E S T O N S , a u t a n t qu' i l est en
n o u s , contre les t émér i t é s , agressions et u s u r p a t i o n s de
cer ta ins j o u r n a u x religieux, p r i n c i p a l e m e n t du j o u r n a l
VUnivers, en ce qu i t o u c h e les c h o s e s de la religion,
les affaires de l 'Église et l ' au to r i t é des Évoques.


A R T I C L E IL — Nous D É F E N D O N S à t o u s les s u p é r i e u r s ,
d i r e c t e u r s et p r o f e s s e u r s de n o s s é m i n a i r e s d iocésa ins ,


» Celest . P a p . , 1. Epi.'t. ad Kpi*c. Concl l . Gall . , edit . Lili. Pari?, 1189,


col . 427 . Cilé dans la lettre des Arche,'. è i |ues et EvoV-jues de France au


p a y e Grégoire XVI, au sujet des erreurs de il. de Lamennais et de ses


entreprises contre l ' E p i i c p a t .




S r i t L E S C L A S S I Q U E S . 20S


de s ' a b o n n e r au j o u r n a l l'Univers, et l eu r E K J O I O X O X S de
cesser , dès ce j ou r , la c o n t i n u a t i o n des a b o n n e m e n t s
déjà faits.


Dieu sait avec que l l e t r i s t e s s e de c œ u r n o u s avons
fait ce q u e n o u s v e n o n s de faire ; et c o m b i e n il n o u s en
a coû té p o u r p r o n o n c e r avec u n e si d o u l o u r e u s e s é v é -
r i té des n o m s q u e n o u s a u r i o n s été h e u r e u x de ne r e d i r e
j a m a i s q u ' a v e c l ' accen t de la l o u a n g e et de l ' ami t i é .
Mais il n 'a pas d é p e n d u de n o u s qu ' i l en fût a u t r e m e n t !
on nous a r édu i t à la tr iste n é c e s s i t é de dé fendre des
droi t s sac rés et l ' au to r i t é m ê m e de n o t r e m i n i s t è r e
ou t ragé d a n s ce qui t ient le p lus à n o t r e c œ u r s u r la
t e r r e , l ' éduca t ion de la j e u n e s s e . Pu i s sen t d u mo ins
ceux qui n o u s ont si a t t r i s té n e pas f e rmer l 'orei l le à t a n t
et de si g raves a v e r t i s s e m e n t s !


Se igneur J é s u s ! vous qui ê tes le p r ince de la pa ix et
le chef s u p r ê m e et i m m o r t e l de vo t re Égl ise , pacifiez
les c œ u r s , r a p p r o c h e z les e s p r i t s , insp i rez- leur la m o -
d é r a t i o n , la sagesse , l 'humi l i té c h r é t i e n n e , qu i son t les
cond i t ions essent ie l les du v ra i zèle, et qui seules p e u -
venl r end re le dévoùmer i t à l 'Église utile et g lo r i eux !


Sera no i r e p r é s e n t M a n d e m e n t t r a n s m i s p a r n o i r e
Vicaire g é n é r a l , a r c h i d i a c r e d 'Or l éans , à .MM. les s u p é -
r i e u r s , d i r ec t eu r s et p ro fesseur s de nos s é m i n a i r e s , et à
MM. les r é d a c t e u r s en chef du j o u r n a l l'Univers c l du
j o u r n a l le Messager du Midi.


f F É L I X , évoque d 'Or léans .


Ce M a n d e m e n t étai t au m o m e n t de p a r a î t r e , l o r s q u e
n o u s avons lu la no te s u i v a n t e , qu i a été pub l i ée d a n s le




204 SI"Il L E S C L A S S I Q U E S .


jo i i r i ia l l'Univers et d a n s d ' a n t r e s j o u r n a u x ; nous
s o m m e s l i e u r e n x , Mess ieurs , de vous la faire conna î t re ,


Vous y r e m a r q u e r e z ta r e c o n n a i s s a n c e du grand
p r i n c i p e de s u b o r d i n a t i o n et de respec t p o u r l ' o rd re
h i é r a r c h i q u e , qu i o s t i a p e n s é e m ê m e d u M a n d e m e n t
q u e n o u s vous a d r e s s o n s .


Vous avez c o n n u avec d o u l e u r l 'affaire q u e cel te no te
r a p p e l l e ; v o u s a p p r e n d r e z avec consola t ion l ' h e u r e u s e
fin que, M. l ' abbé *** vient de lui d o n n e r , en offrant p a r
là , avec r n cou rage v r a i m e n t s a c e r d o t a l , un exemple
cligne de sa foi, de sa pié té et de son a m o u r p o u r
l 'Église.


« M. l ' abbé vient d ' é c r i r e à Mgr l 'A rchevêque de
<< Pa r i s . 11 lui e x p r i m e ses p lus vifs regre ts p o u r les
« e x p r e s s i o n s et les i n s i n u a t i o n s b lessan tes que r e n -
« f e rmen t les écr i t s qu ' i l a publ iés à l 'occasion d ' une
« Le t t r e p a s t o r a l e du v é n é r a b l e pré la t . La let t re r e n -
« fe in te auss i des e x c u s e s p o u r Mgr PKvèque d 'Or léans
« qu i avai t élé offensé d a n s cet te m a l h e u r e u s e affaire.
« M. l ' abbé *** r e c o n n a î t , en o u l r e , qu ' en a t t a q u a n t les
« actes é p i s c o p a u x p o u r l e sque l s nos véné rab le s p rè -
ti la is n e sont jus t i c iab les q u e du P a p e et de leurs co l -
li l ègues , il a o u t r e - p a s s é son droi t eL d o n n é peu t -ê t re
« l ieu de p e n s e r qu ' i l n e r e spec t a i t p a s suff isamment
« les sa in tes règles de la h i é r a r c h i e , d a n s un t emps où
« p lu s q u e j a m a i s elles d e v a i e n t ê t re obse rvées .


« Mgr l 'Archevêque a accuei l l i avec sa bon té o rd ina i re
« les r eg re t s e x p r i m é s p a r M. l ' abbé ***, et lui a r e n d u
« s u r - l e - c h a m p tous les pouvo i r s qu'i l avait d a n s le i l io-
« cèse de Pa r i s . »




S U l i L E S C L A S S I Q U E * . 205


LETTHK Al CLERGÉ DU DIOCÈSE ;1852 ;,
l 'nrlar.t coniimuiH'.ilio'i : 1" <!cs I n s u n o t i o n s à M\I . les Sup<'r iun.s et P r o f e s s e u r s


]/< lilS Stiniuoin.̂ SOI' I'LIIII l : i llt'S aull.'lU S glOCS Ct i U13 11 S (iailS IVnSt:i^ne-
in< 1)! <:!;i.->i<[;i<-; :!" <:u Xï : « I s c S. Ili.nt a u x m ê m e s S u r é l é u r S Cl Cl OtV'SS'JU r.s
;u; s ;jul (L.* ali,u|ii!'S tlii î i'es coni re c e s I i i .s lau' . t ions pal' (livci s j o u r n a u x , e t
n o l a m m e n l p u - le j ' iurnal I T / e r r c s .


MKSSIKUUS ET TRÈS-CHERS COOPÉUATEURS.


Jo crois devoir vous c o m m u n i q u e r : 1" les I n s t r u c -
t ions (jue j ' a i d o n n é e s , le 19 avri l de rn i e r , à Ai?,), les
s u p é r i e u r s cl p ro fesseurs de n o s pet i ts s é m i n a i r e s , a u
sujet des a i l l eurs c l a s s i q u e s ; 2" le Mandemen t q u e j ' a i
dû leur a d r e s s e r h ie r , à l 'occas ion des a t t a q u e s di r igées
con t re ces Inslt a i d i o n s pa r q u e l q u e s j o u r n a u x , et n o -
t a m m e n t par le j o u r n a l l'Univers.


La lecture de ces deux pièces vous en fera c o m p r e n d r e
la gravi té el les motifs qui m ' o n t d é t e r m i n é à les pub l i e r .


J 'ai d û , Messieurs , t en i r d ' a u t a n t p lus à vous d o n n e r
c o m m u n i c a l i o n de ces pièces i m p o r t a n t e s , q u e le j o u r -
nal qui a mis le p lu s d ' ins i s t ance à a t t a q u e r nos I n s -
t ruc t ions , n 'a pas jugé à p r o p o s de les m e t t r e sous les
yeux de ses lec teurs , et b s a d ' a i l l eurs e n t i è r e m e n t d é -
na tu rées . Vous aur iez pu ainsi ne les c o n n a î t r e q u e p a r
les a t t aques dir igées con t re e l les , et vous t r o u v e r in -
duits dans une g rave e r r e u r su r le vra i s ens de m e s
pensées et de mes pa ro l e s .


Vous r e m a r q u e r e z à la suite, de ces deux pièces u n e
noie relat ive à M. l ' abbé *** : elle vous conso le ra du
souven i r d o u l o u r e u x q u e l 'affaire dont je vous ava is
e n t r e t e n u s , le lit jui l let 18.VI, avai t pu vous la i sser ; el
vous m o n t r e r a combien é ta ient j u s t e s les e s p é r a n c e s
que, n o u s av ions c o n ç u e s d 'un p r ê t r e si zélé, cl dévoué
depuis tant d ' années aux t r a v a u x apos to l i ques .




L E T T R E


S U R LA P R E S S E R E L I G I E U S E ( 1 8 5 3 )


M O N S I E U R LE D O Y E N ,


Vous n ' ignorez pas les p r é o c c u p a t i o n s pénib les que
c a u s e n t en ce m o m e n t aux Evoques de F r a n c e les to r t s
si r eg re t t ab l e s de ce r t a in s j o u r n a u x rel igieux.


Déjà, il y a q u e l q u e s moi s , j ' a i eu à vous en t r e t en i r
des m e s u r e s g raves q u e j ' é t a i s a lors dans la nécess i té
de p r e n d r e à ce sujet. Cette c i r cons t ance , et p lus e n c o r e
le s o u v e n i r de la docil i té religieuse, avec laquel le vous
avez r e ç u m e s p r e m i è r e s i n s t r u c t i o n s , me, d i spensen t
de vous d i re a u j o u r d ' h u i p u b l i q u e m e n t ma pensée su r
Jes g r a v e s a v e r t i s s e m e n t s et s u r les c o n d a m n a t i o n s m é -
r i t ées doo t vous avez eu r é c e m m e n t c o n n a i s s a n c e .


Mes ac tes p r é c é d e n t s m ' a u t o r i s e r a i e n t donc à ne pas
r o m p r e en ce m o m e n t un s i lence q u e de t r o p d o u l o u -
r e u s e s ob l iga t ions n e p e r m e t t e n t p lu s à p l u s i e u r s de
m e s véné rab le s col lègues de g a r d e r , s'il n 'y avai t p o u r
moi u n e nécess i t é pa r t i cu l i è re de vous aver t i r au sujet
d e deux j o u r n a u x qui on t depu i s q u e l q u e s mois t r a n s -
féré l eu r i m p r i m e r i e à Or l éans .


On a pu c ro i re q u e l e u r s r é d a c t e u r s s 'é ta ient mi s en
r a p p o r t avec n o u s et que j ' a v a i s p e u t - ê t r e a p p r o u v é l e u r




S ! Il L A l ' K h S S E L L L i G 1 E E S E 207


établissement ici : rien de pareil n'a eu lieu ; ces jour-
naux ne m'ont pas même donné avis de leur présence,
cl ce n'est que par le bruit public que j ' a i su depuis
peu de jours qu'ils s'imprimaient dans la ville épisco-
paie.


Je me suis empressé de les faire examiner, et il est
résulté des rapports qui m'ont été présentés et de la
connaissance que j 'a i [irise moi-même de quelques nu-
méros, que l'un d'eux, la Presse Religieuse, dont la ré-
daction et les bureaux ne sont point d'ailleurs à Or-
léans, mérite à mes veux de sérieux reproches par les
allures d'une polémique qui rappelle trop celle qui a
fait déjà tant de mal à la Religion, et aussi par la ma-
nière dont il s'exprime sur de saintes corporations re-
ligieuses, mais plus encore par la témérité avec laquelle
ii n'a pas craint de compromettre l'autorité de la sainte
Église romaine, en citant en quelque sorte au tribunal
du journalisme la sainte congrégation de [Index et ses
décrets.


J'ai averti immédiatement ce journal : il n'a pas
malheureusement paru tenir compte de mon avertisse-
ment, ni de ceux qui lui ont été adressés d'ailleurs.


En ces circonstances, je crois devoir vous faire con-
naître, Monsieur le Doyen, la réponse que j 'avais déjà
faite aux ecclésiastiques qui ont attiré mon attention
sur ce journal, et vous engager à ne pas vous y abonner,
à ne le lire qu'avec circonspection, s'il tombe entre vos
mains, el surtout à ne pas y écrire, s'il arrivait qu'on
vous demandai votre coopération. Vous voudrez bien
donner communication officielle, de ces recommanda-
lions à MAI. les curés de voire doyenné, lors de la pro-
chaine conférence ecclésiastique.




208 S U R L A P I Ï E S S E H E 1 . 1 C , I E U S E .


P u i s s i o n s - n o u s , Mons ieur le Doyen , p a r n o t r e dévoù-
m e n t et n o t r e cont inue l le app l i ca t ion a u x t r a v a u x du
sa in t min i s t è r e , é c h a p p e r à la confusion qu i se l'ait de
p lus en plus a u t o u r de n o u s ; et , t and i s q u e l ' h o m m e
e n n e m i c h e r c h e à épu i se r , s'il le pouva i t , nos forces en
les d iv i san t , u n i s s o n s - l e s de p lu s en p lus d a n s la c h a -
r i té , p o u r les faire se rv i r à cet te g r a n d e et sa in te œ u v r e
qu i doit ê t r e l 'objet de tous n o s efforts : l ' i ns t ruc t ion ,
l 'édification et le sa lu t é t e rne l des â m e s confiées à n o s
so ins .


P r i ons auss i p o u r q u e le Dieu de tou te consola l ion
n o u s c o n s e r v e les deux b iens don t nous avons tou jou r s ,
m a i s p a r t i c u l i è r e m e n t en ce t e m p s , u n si g r a n d beso in :
la paix e t la sagesse d a n s la vér i t é .




L E T T R E


Sur les expériences dites DES TABLES TOURNANTES


M O N S I E U R L E C U R É ,


Vous n ' ignorez p a s c o m b i e n son t d e v e n u e s f r équen te s ,
depu i s q u e l q u e t e m p s , les e x p é r i e n c e s di tes D E S T A R É E S


T O U R N A N T E S , et à que l p o i n t les i m a g i n a t i o n s en son t
t r o u b l é e s .


Après en avoi r m û r e m e n t dé l ibé ré avec les m e m b r e s
de m o n Consei l , je crois devo i r défendre à t o u s les e c -
c lés ias t iques de m o n d iocèse de p r e n d r e p a r t , sous
q u e l q u e p ré t ex te q u e ce soit , à u n e telle p r a t i q u e .


Si c 'est un j eu , v o u s c o m p r e n e z q u ' u n j e u de cet te
n a t u r e ne s au ra i t se conci l ier avec la gravi té de vo t r e
c a r ac t è r e , et s'il y a au fond de tout cela q u e l q u e c h o s e
qu' i l faille a u t r e m e n t qual i f ier , les motifs de vous en
abs t en i r sont p lu s c o n s i d é r a b l e s e n c o r e .


Les confesseurs d é t o u r n e r o n t e x p r e s s é m e n t de ces
t é m é r a i r e s et d a n g e r e u s e s cu r io s i t é s les p e r s o n n e s q u e
la légèreté p o u r r a i t y e n t r a î n e r .


-|- F É L I X , Évoque d 'Or léans .


m i i




M Á N D E M E N T


Qui ordonne des Prières d'actions de grâces


pour l 'heureux retour de S. S. le Pape Pie IX


dans la vi l le de Rome


Nos T R K S - C H E R S F R È R E S ,


Le Chef s u p r ê m e de la Chré t i en t é , le P è r e c o m m u n
des F idè l e s , Pie IX, est enfin r e n t r é d a n s R o m e ! Le j o u r
q u i le r e n d à la Ville é te rne l le le r e n d en m ê m e t e m p s à
la jo ie de l 'Église en t i è r e et m e t u n t e r m e à la déso la t ion
de n o s c œ u r s ! Grâces i m m o r t e l l e s en soient r e n d u e s à
Celui q u i , du h a u t d u c i e l , veille s u r la b a r q u e de
P i e r r e et la gu ide i n v i s i b l e m c n t au mi l ieu des t e m p ê t e s !


Il a d o n c cessé , ce d o u l o u r e u x exi l , q u i contrastai t si
amèremenL l ' un ive r s c h r é t i e n , qu i fixait t ous les r e g a r d s
c o m m e tous les c œ u r s s u r ce g lo r i eux fugitif, à la d e s -
t i née d u q u e l se l ient si p r o f o n d é m e n t les des t inées
m ô m e s de l 'Église, et, n o u s p o u v o n s l ' a jouter , le sa lu t
d u m o n d e ! Dieu s 'est donc e n c o r e u n e fois c o m p l u à
éc r i r e , p o u r l ' i ns t ruc t ion des p e u p l e s , u n e nouve l l e et
a d m i r a b l e page d a n s l ' h i s to i re de cet te P a p a u t é don t t ous
les c o m b a t s son t des v ic to i res , et d o n t t o u t e s l e s é p r e u v e s
fu ren t t o u j o u r s les p r é l u d e s de n o u v e a u x t r i o m p h e s !


Aussi que l le conso la t ion p o u r l 'Église c a t h o l i q u e ,
n o t r e m è r e ! Après avo i r suivi de ses l a rmes l ' i l lustre
ex i lé , a p r è s l ' avoi r a c c o m p a g n é , s u r la t e r re é t r a n g è r e .




S U U L E U E T O U H D E l ' I E IX A R O M E . 211


de ses vœux et de son indéfectible amour, elle accom-
pagne en ce jour de ses acclamations le Roi-Pontife au
Vatican, et le voit s'asseoir tout resplendissant d'un
nouvel éclat sur le siège de Pierre ! On peut donc agiter,
ébranler ce trône impérissable; mais le renverser, ja-
mais !


11 y a là une triple couronne qui ne saurait manquer
au front sur lequel la main de Dieu l'a placée. Simon,
fils de Jean, peut tomber glorieusement sous les coups
delà persécution; mais le Vicaire de Jésus-Christ, mais
Pierre est immortel comme son maître !


Que de leçons à recueillir ici, N. T.-G. F. , et combien
nous regrettons que les soins d'une pénible infirmité ne
nous permettent pas de vous les développer, selon l'in-
clination de notre cœur! Mais pourquoi ces regrets? Les
leçons de la Providence ne valent-elles pas mieux que
tous les discours, et ces leçons furent-elles jamais plus
éclatantes et plus fortes ?


11 est donc vrai que l'Église catholique est bien la
véritable Église de, Jésus-Christ, puisqu'elle est en pos-
session permanente de cet héritage de persécution que
Jésus-Christ a légué à ses enfants, et dont la gloire
mystérieuse n'appartient qu'à eux : Si me perseculi
s uni, et vos perseijuenlur


Il est donc vrai que l'Église catholique est la véri-
table Église de Jésus-Christ, puisqu'elle vérifie avec
une si invariable constance, à travers les âges, l'éton-
nante prédiction par laquelle Jésus-Christ assure à son
Église une perpétuelle stabilité parmi de perpétuelles
attaques : Tu es Pelrus, et super liane pelraui œdifi-


1 t o a n n . , x v , 20.




212 S U R L U R E T O U R D E P I E IX A R O M E .


cabo Ecclesiam meam, et portée inferi non prœvalebunl
adoersus eam1.


Il est donc vrai que les peuples, aussi bien que les
rois, se liguent et s 'arment en vain contre le Seigneur
et contre son Christ : Quare [remuèrent génies2... lis
ont beau frémir dans leur rage impuissante; ils ne for-
meront que de vains complots : Meditati sunt inanial
Celui qui habiLe dans les deux se moquera d'eux, et
le Seigneur les livrera à la dérision des siècles : Qui
habitat in ccrlis irridebit cas, et Dominus subsannabit.
eos. Il prononcera contre eux des jugcmcnls de colère,
et il les dispersera dans sa fureur : Loepietur ad eos in
ira sua, et in [urore suo conturbabit eos. Et toujours il
sera vrai qu'il n'y a ni sagesse, ni conseil, ni force
contre le Seigneur! Et cette immobilité divine, donnée
par Dieu lui-même à son Église, bravera à jamais la
méchanceté des hommes, la violence des persécutions
et la mobilité des siècles : Ecce ego vobiscum sum om-
nibus cliebus usque ad consummalionem sœculi'.


Yit-on jamais, en effet, plus clairement démontrée
et plus hautement confondue l'inanité des droits que
s'arroge la force brutale et la vanité de l'orgueil hu-
main ? Et, tout à la fois, vit-on jamais plus manifeste-
ment déclarée la protection immortelle de Celui qui
commande aux vents et aux tempêtes, soutient d'une
main douce et forte le prince des Apôtres sur les flots
irrités, e l le dépose vainqueur et tranquille sur le ferme
rivage contre lequel les fureurs de l'enfer viendront
éternellement se briser ?


Ils se sont donc trompés, ces esprits téméraires qui,


k,» Matti., x v i , 18. — " Psal. 2 . — 3 Malli., x x v m , 20 .




S U R L E R E T O U R DE P I E I X A R O M E . 213


prophétisant sans que le Seigneur leur eût parlé, an-
nonçaient, comme s'ils l'eussent T U dans les décrets
divins, que la souveraineté du Saint-Siège allait dispa-
raître. Aies entendre, le dessein de Dieu sur la Papauté
était changé. Vaincs pensées ! folles conjectures! aux-
quelles la Providence, aujourd'hui, donne encore une
fois le plus éclatant démenti. Le dessein divin est donc
toujours le même : tous doivent aujourd'hui recon-
naître que la souveraineté temporelle du Saint-Siège
demeure toujours intimement liée, dans la pensée ma-
nifestée de Dieu, à la souveraineté spirituelle. Tous
doivent reconnaître que la sécurité de l'Église et l'in-
dépendance de son divin gouvernement demeurent
providentiellement unies à la liberté et à l'indépen-
dance du Vicaire de Jésus-Christ. El c'est ainsi que le
Chef suprême de l'Église universelle continuera, comme
lui-même le disait naguère, à posséder sa pleine liberté
dans l'exercice de sa puissance souveraine1, et que « te-
nant en main la balance droite au milieu de tant d'em-
pires souvent ennemis, il entretiendra l'unité dans tout
le corps, tantôt par d'inflexibles décrets, et tantôt par
de sages tempéraments 2. »


Il est donc vrai que la souveraineté providentielle
des Pontifes romains continuera sa mission bienfai-
sante, et qu'après avoir une première fois sauvé l'Eu-
rope des flots tumultueux de la barbarie, elle la sau-
vera de l'invasion plus redoutable encore de ces
nouveaux barbares qui la menacent aujourd'hui !


En ces temps si mauvais, et au milieu de la conster-


J Paroles de Pie IX, dans sa protestat ion du 27 novemEre 18-iS.
* Dossuct, Discours sur l'( nile île l'Église.




214 S- V \l l. E 1! E T 0 ! H 1) E !' I E 1X A 110 M E


n a l ion g é n é r a l e , quel esprit attendit efclnélien n'aime à
voir, dans le rétablissement merveilleux de cette sou-
veraineté pacifique, u n n o u v e a u et puissant secours
donné par Dieu à l 'ordre social, l 'aurore et Je présage
d 'un dessein réparateur, et le gage de la paix euro-
péenne? Certes cette paix ne parut jamais plus menacée
qu ' en ces jours de douloureuse mémoire où le Sainl-
Père, a b r e u v é d'outrages et p o u r s u i v i par la violence
d e s impies, fut obligé d'aller demander à l'exil la sûreté
de sa personne et l ' i n d é p e n d a n c e d e son a u t o r i t é sacrée.
C'était là, aux yeux des hommes de sens et de foi, n.i
des signes les plus certains de la colère du Seigneur
contre les peuples et la menace terrible d'un renverse-
ment imminent et universel !


Ali! que les nations chrétiennes, tristement égarées,
profitent donc enfin de celte nouvelle cl éclatante expé-
rience ! Elles savent aujourd 'hui ce q u ' e l l e s deviennent
quand elles brisent les l i e n s sacrés du respect c i ce..
l 'autorité; elles ont vu quelles calamités tombent sur m¡
peuple, quand, a u milieu des ruines et de l'effroi do ¡a
société tout entière, ébranlée jusqu'en ses fondements,
il vient à porter une main sacrilège jusque sur ce pou
voir vénérable, qui est la personnidcnlion la plus au-
guste de l'autorité et du droit parmi les hommes !


G r a n d e et instructive leçon, tout à la l'ois pour les
peuples e t pour ceux qui les gouvernent! e n s e i g n e m e n t
mémorable pour nos sociétés, si profondément travail
lées du mal de l'indiscipline et de l'orgueil, livrées à l'ou-
bli de t o u t e loi divine, au m é p r i s de loul frein religieux
et social, et par cela même eu proie à ces conuilsious
e f f r o y a b l e s qui r e s s e m b l e n t à une suprême a g o n i e !


Méditons, ¡N. T.-G. F., ces grandes et solennelles le-




S U U L E II E T OU l i D E P I E I X A R O M E . 2 i 5


ç o n s , cl bén issons mille fois le Dieu q u i , en n o u s les
d o n n a n t , les c o u r o n n e p a r des é v é n e m e n t s si m e r v e i l -
leux el si conso lan t s ! Ou i , en v o y a n t les des se ins de
Dieu se déve loppe r si m i s é r i c o r d i e u s e m e n t , l 'Eglise r a -
n i m e r son e s p é r a n c e , la s o u v e r a i n e t é pont i f icale s'af-
fermir m i r a c u l e u s e m e n t , l ' E u r o p e en a u g u r e r ins t inc t i -
v e m e n t l ' o r d r e et la pa ix , et no t r e F r a n c e , l ' an t ique
na t i on t r è s - ch ré t i enne , appe l ée de n o u v e a u a u j o u r d ' h u i
à j h o n n e u r i n c o m p a r a b l e d 'ê t re le p r e m i e r et le p lu s
p u L s a n l i n s t r u m e n t fie ces m e r v e i l l e s , e l , fidèle à sa
miss ion p rov iden t ie l l e , p r ê t e r e n c o r e une fois l ' appui
de sa force à la s a in t e et v é n é r a b l e faiblesse des P o n -
tifes r o m a i n s : à ce spec tac le , r e c o n n a i s s o n s q u e le
doigt de Dieu est là : Digilus Dei est hic, et que lui seul
a fait ce q u e n o s yeux a d m i r e n t : A Domino factura est
it>luil, et cd mirabilc oculis •nostrisi.


bén i soit d o n c celui qui r ev i en t au n o m du .Seigneur !
bén ie soit la sa in te Eglise r o m a i n e , m è r e et m a î t r e s s e
de foutes les Égl ises! Après tant de c o m b a t s , elle c h a u l e
e n c o r e u n e nouve l le victoire. I t endons -en à Dieu d ' im-
mor te l l e s ac t ions de g râces . Ces c o m b a t s p o u r r o n t se
j 'en on vêler : de nouvel les v ic to i res les c o u r o n n e r o n t
t o u j o u r s ; et, au d e r n i e r j o u r du m o n d e , l 'Eglise, en
qu i t t an t la t e r re pour s ' envoler ve r s le Ciel , l a i s s e r a ,
c o m m e d e r n i e r ad ieu aux p u i s s a n c e s e n n e m i e s , ce t te
paro le qu 'e l le n e cesse po in t de redire, d e p u i s d i x - h u i t
siècles : i ls m ' o n t l ivré de con t inue l s a s sau t s dès ma
j e u n e s s e , el j a m a i s ils n ' on t r i en p u con t r e moi : Sœjic
ejpugnucerunt me a juceniutc mea ; déniai non pallie-
ront milii :.




21« S U R UК R E T O U R D E P I E IX Л R O M E .


О Église romaine ! ô cité sainle! ô chère et commune
patrie de tous les vrais chrétiens ! Tout est fait un seul
peuple dans votre sein. Tous sont citoyens de Rome, et
tout catholique est Romain. О Église, d'où Pierre con­
firmera à jamais ses frères ! que ma main droite s'ou­
blie elle­même si je vous oublie jamais ! que ma langue
se dessèche en mon palais et qu'elle devienne immo­
bile, si vous n'êtes pas, jusqu'au dernier soupir de ma
vie, le principal objet de ma joie et de mes cantiques 1 !


A ces causes, après en avoir conféré avec nos véné­
rables frères les chanoines et chapitre de notre église ca­
thédrale, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :


A R T . 1er. Le dimanche qui suivra immédiatement la
réception du présent mandement, on chantera après la
grand'messe, dans toutes les églises et chapelles de
notre diocèse, un Te Deum solennel, avec les versets et
oraisons Pro gratiis agendis.


A R T . 2. Tous les prêtres de notre diocèse réciteront à
la sainte messe, pendant neuf jours, les oraison, se­
crète, et postcommunion Pro graliis agendis, page Е \ Ш
du Missel.


A R T . 3. Nous exhortons les religieuses et les âmes
pieuses de notre diocèse à faire une ou plusieurs com­
munions à la même intention.


A R T . h. Et sera notre présent mandement lu au prône
de la messe paroissiale, dans toutes les églises et cha­
pelles de notre diocèse, le dimanche qui suivra sa ré­
ception.


F ë n c l o n .




M A N D E M E N T


A l'occasion de l'Encyclique de N. S. P. le Pape Pie IX


concernant l 'Immaculée Conception de la Très-Sainte Vierge


Vous n ' avez p a s o u b l i é , Nos Très -Cl i e r s F r è r e s , la
Le t t re encyc l ique a d r e s s é e , le 2 février de l ' a n n é e d e r -
n iè re , à t ous les Évoques de l ' un ive r s ca tho l ique p a r
N. T . - S . P. le Pape Pie IX, au sujet de l ' I m m a c u l é e Con-
cept ion de la T r è s - S a i n t e Vierge.


C 'é ta i t , vous le s a v e z , a u mi l i eu des p l u s v io len tes
t empêtes qu i e u s s e n t d e p u i s l o n g t e m p s agi té le m o n d e :
le sol t r e m b l a i t p a r t o u t s o u s les p i eds des n a t i o n s c o n s -
te rnées ; de tou tes p a r t s les t r ô n e s t o m b a i e n t ou c h a n -
cela ient : les p e u p l e s , e m p o r t é s p a r u n espr i t de v e r -
tige, c o n s p i r a i e n t à l 'envi le r e n v e r s e m e n t de toutes les
an t i ques lois ; u n e b a r b a r i e nouve l l e , sor t ie s o u d a i n e -
men t , et ton te a r m é e , du sein de la c ivi l isat ion é p o u -
van tée , m e n a ç a i t de tout e n v a h i r , de tou t d é v a s t e r ; et
déjà on la voyai t a t t a q u e r avec u n e a u d a c e i nou ïe tou te
a u t o r i t é , tou te r e l i g ion , t ou t droi t , la p rop r i é t é , la fa-
mille e l l e - m ê m e , ces ins t i tu t ions p r imi t ives et f o n d a -
m e n t a l e s , q u e l ' h u m a n i t é , depu i s so ixan te s iècles , é ta i t
a c c o u t u m é e à r e s p e c t e r ! Enf in , le Vicaire de J é s u s -
Christ l u i -même , o u t r a g é d a n s sa tr iple ma jes té , c o m m e




218 E J i C Y C L I Q C K D E IME l.\


pon t i f e , c o m m e p è r e , c o m m e ro i , p a r des enfants , p a r
des sujets rebe l les , é tai t r é d u i t à c h e r c h e r , loin de
Home, la s û r e t é de sa p e r s o n n e s a c r é e , et à confier aux
a r m e s c a t h o l i q u e s la défense du siège de P i e r r e .


Ce fut d a n s ces c i r c o n s t a n c e s si o r a g e u s e s el si ter-
r ib les , q u e N. S. P. le P a p e Pie 1 \ n o u s lit e n t e n d r e sa
vo ix et n o u s r évé la tou tes les p e n s é e s , tous les veux de
son c œ u r , r e l a t i v e m e n t à la Concept ion I m m a c u l é e de
M a r i e , et q u e p a r u t cet acte i n c o m p a r a b l e d 'une si
t e n d r e , si douce e l si t r anqu i l l e p ié té .


Ce fut, c e r t e s , un b e a u cl louchant spec tac le p o u r la
clu'élicnlé tout en t i è re q u e celui qu 'olfr i l a lors à son
a d m i r a t i o n et à son attendrissement, ce p ieux Pontife,
seul c a lme et se re in a u mi l ieu de tous les c o n d u c t e m s
des n a t i o n s é p e r d u s et t r o u b l é s , a r r ê t a n t au plus fort
de lu t e m p ê t e u n pa is ib le r e g a r d su r Celle que l'Cgii.:-e
appe l l e I ' É T O I L E D E LA vînt, et faisant p l a n e r , p o u r ainsi
d i r e , su r le m o n d e c o m m e un signe d ' e s p é r a n c e et de
pa ix , c o m m e u n a rc - en -c i e l dates l'orage, la p u r e el
d o u c e l igure de Marie c o n ç u e s a n s p é c h é !


De toutes p a r t s ta voix des pasteurs et des peuples
r é p o n d i t à la voix d u Pontife s u p r ê m e : tous les cuuirs
s ' épanchèren t à la g lo i re de la Morge sans tache ;
tous les enfants de Marie se I e \ è r e n l à i ' e n v i , el la
p r o c l a m è r e n t b i e n h e u r e u s e d a n s son Immaculée Con-
cept ion : Surrcxerunt jilii ejus, et bcalissimam yrtv.-
dicacerunt.


L'Église d 'Or l éans , veuve alors de son P a s t e u r , el li-
v rée à tous les regrets de sa d o u l e u r , ne pu t j o ind re sa
voix à ce c o n c e r t de p ieuses a c c l a m a t i o n s , et cite ne r é -
p o n d i t q u ' e n secre t , cl c o m m e en s i lence , à l ' invitat ion
du Souvera in-Pont i fe .




S U ! L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N . 210


Mais a u j o u r d ' h u i , X. T.-G. F . , n o t r e voix à t ous doit
eniin se faire e n t e n d r e . Nous p o u v o n s enfin faire con-
na î t r e à Pie IX les v œ u x de n o i r e p ié té e n v e r s Marie , et
ad resse r à Dieu les p r i è r e s q u e ce saint P a p e d e m a n d e
à no t r e Loi. L ' a c c o m p l i s s e m e n t de ce d o u b l e devoi r fut
u n e des p r e m i è r e s p e n s é e s de no t r e espr i t , l o r s q u e la
d ivine P r o v i d e n c e n o u s appe l a , q u o i q u e i n d i g n e , a u
g o u v e r n e m e n t de l 'Église d 'Or l éans , et c 'est avec bon-
h e u r q u e n o u s n o u s e m p r e s s o n s d'y sat isfaire .


Nous devons d ' a b o r d , N. T.-G. F . , m e t t r e sous vos
} eux le texte m ê m e de i 'Fncyo l ique de Xolre S a i n t - P è r e
le P a p e :


LETTRE ENCYCLIQUE DE N. iS.-P. LE PAPE PIE IX.


I.E C\1'E T'IE IX '.


Vénérables Frères , salai et bénédict ion apostol ique.
Dès les premier?, j o u r s o ù . élevé s a n s aaeuu mérite de


Notre part, mais par un secret dessein de la divine P r o v i -
dence, sur la chai re suprême ou P r ince des Apôtres , Nous
avons p r i s o n main le gouvernail (h 1 l 'Eglise ent ière , Nous
avons été l o u c h é d 'une souveraine consolat ion, Vénérables
Frères , lorsque .Nous avons su de quelle maniè re mervei l -
leuse, sous le Ponli l ieatdc Notre Prédécesseur Grégoire XVi,


1 MUS l'P. IX.


Yenerabilcs Eratrcs, s a l n t c m et apostul icam l i e n e d i c l i o n e m .


CM p r i m u m , nul l is ce î l e Nuslris m e n t i s , secl arran» d iv imeProv ide i i -


tia' c u i i M l k i , ail s i i l i l imcm IMiic ip is Aposto lor i im cat l i edram eveet i t o -


t ius Eccleshr yi iberi iacula frnetanda s u s c e p i n m : , s i in ima q m d e m e o n -


solat ione ati'eeti l'uiraus, Yenerabi lcs Eratrcs, cura novrr i imis quoniodo


in pont i t icatn rccol . m e . (Jrejtorii XVI, p r a d e c e s s o r i s Nos lr i , ardent iss i -


niuiii in cal l io l ico orbe mir i l ice revixerit «lesiderium, ut al» Apostol ica




E N C Y C L I Q U E D E P I E I X ; i 8 4 9 î


de vénérable mémoi re , s'est réveillé dans tout l 'univers
catholique l ' a rdent désir de voir enfin décréter , par un j u -
gement solennel du Saint-Siège, que la Irès-saiute Mère de
Oieu, qui est aussi notre lendre mèi'e à tous, r j imiiaculée
Vierge Marie, a élé conçue sans la laclie originel le . Ce très-
pieux désir est c la i rement et manifestement attesté et dé -
mont ré pa r les d e m a n d e s incessantes présentées tant à
Notre Prédécesseur qu'à. Nous-même, et dans lesquelles les
plus i l lustres P r é l a t s , les plus vénérables Chapitres cano-
niaux et les Congrégat ions rel igieuses, no tamment l 'Ordre
insigne des Frè res Prêcheurs , ont sollicité à l'envi qu'il lut
permis d'ajouter et de prononcer bâi l lement (.'(.publique-
ment dans la Lilurgie sacrée, et surtout dans la préface de
la Messe de la Conception de la b ienheureuse Vierge, ce
mot : Immaculée. A ces. ins tances , Notre prédécesseur et
Nous-même avons accédé avec le plus grand empressement .
Il est a r r i vé , en o u t r e , Vénérables F r è r e s , qu 'un grand
nombre d 'entre vous n 'ont cesse' d 'adresser à Noire P r é d é -
cesseur et iiNous des lellres par lesquelles, expr imant leurs
vieux redoublés et l eu r s vives soll ici tat ions, ils Nous p re s -


Sede t a n d e m a l iquando so lcmi i i judic io decerneretur , S a n c l i s s i m a m
Dei C e n i l r i c e m , o m n i u m q u e n o s l n m i a m a n t i s s i i n a m m a t r e m lumiac.it-
l a l a m Virgincm Mariam absque labe originali fuisse c o n c c p l a m . Quod
r- ienl i sr imuui dcsiderhvm c larc aperleque. testai i tur , a iqne t lemonstrant
pos tu la l iones t u m ad e u n i d e m p r a ' d e e e s s i i r e m N o s l r u m . t i i m a d N o s ipsos
eon l inen ler p e r l a i » , q u i b u s et e lariss imi Antist i tes , et ittustria Cauonico-
r u m Collcgia, et Religiosre F a n i i l t e , inter quas i n c l U u s P w d i c a t i - r i i m
Ordo, certat im cmag i lar imt , ut in sacra l . i turgià, ac prirsertim in p n e -
l'atione Missrc de Beat i ss imœ Yirginis Concept ione vocom l l lam Immacu-
ktldin pa lam publ ierque emine iare et addere i iccret . Quibus postulal io-
nil ius ab eudemPra. 'cessore Nostro , atquc aNobis ip . - i s quant l ibeutiss i ine
fuit o b s e c u m t a t u m , Aceedit et iani , Yenerabi les Eratres, ut quamplurini !
e vcs lro o n l i n e suas l i l leras ad i p s u m Dee.essore.m Nos lruui , et ad Nos
«tare n o n dcsUtcriiit , per quas iteralis pe l i t ionibus , atque i n g e m i n a t i s s t u -
diis e i p o s t u l a r u u t , ut ve lut i Cal i io l ine Ecelesio 1 do i i i n a m delinire v c l -
l e m u s , Beal iss ima'Virginis Maria 1 concept nui innuacuiat nui oninino fuisse,




S U R L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N . 221


saiont dn vouloir définir, comme doctrine de l'Église catho-
lique, i{iic la Conception de la bienheureuse Vierge Marie
avait été entièrement Immaculée et absolument exempte de
toute souillure de la faute originelle. Et il n'a pas manqué
aussi dans notre temps d'hommes éiuinents par le génie
la vertu, la piété et la doctrine, qui, dans leurs savants et
laborieux écrits, ont jeté une lumière si éclatante sur ce
sujet et sur celte très-pieuse opinion, que beaucoup de
personnes s'éloimeni que l'Eglise et le Siège Apostolique
n'aient pas encore décerné à la. Très-Sainte Vierge cet hon-
neur que la c o m m u n e piété des lidèles désire si ardemment
lui voir attribué par un solennel jugement, el par l'autorité
de cette même Eglise et de ce même Siège. Certes, ces
vanix ont été singulièrement agréables et plions de conso-
lation pour Nous qui, dès Nos plus tendres années, n'avons
rien eu de plus cher, rien de plus précieux que d'honorer
la bienheureuse Vierge Marie d'une piété particulière,
d'une vénération spéciale et du dévoùment le plus intime
de Notre l aeur , et de l'aire tout ce qui Nous paraîtrait pou-
voir contribuer à sa plus grande gloire et louange, et à


at<|iic ali oaini prorsus origlnal is culpa- lalxs I n m m n c m . Neque vero l ine
n c i l r a t t iani :i la le de fae ic viri iugenio , v i r tu l e , pietate , doctrinu p r a s l a n -
t(v, qui doct i sac laburiwtfc c o n n u scr ip l i s I m j u s m o i l t a i g u m e n l u m , p i e n -
l i j s imai i i ' i i i cseutenl iani ila i l lust i 'arunt.ut non r a u e t m i r e i i t i u y j n o d n o n -
chim ali Kcclcfria, cl ApuMolira S e d e l i i c S a n c l t s s i m œ Virginl decerual i ir
honor , queui couruiuuis fidelium pielas Virgini ipsi ex sole inni e jusdem
Krclusia: et Scdls judicio atque auc tor i ta l c , tribut tan topere exnpla t .
E in i i cN» l injutuiodl vota pergrata , perdue j u c u n d a Mo! îs fuerc, qui
vcl a leneris anni* niliil p o l i u s , n ihi l au t iqu ius h a b u i m u s ipiam s i n -
gulari pii talc, et ol isequiu, a l q u c in l i iuo cordis affecta B e a t l s s i m a m
Virgmcin Mariam colère, et. ca peragere , qure ad majoreai Ipsins Virgi-
u is tl i ' i-iam, cl l audem p r o c u r a n d a m , e u l t u m q u e p r o m o v c n d u u i rara-
diiccrc passe v ideai i lur . I laque vel ab ipso supremi Noslri l 'onti l icatus
exord io , s imiroa quideni a lacr i la te tu tani l m o m e n l i nego l iua i , c u i t s
cogitaU'incsque Nostras scrio conv ia t iu ius , a tquc h u m i l e s fervidasque
Dco Optiinu Maxime- preces a d h ibère haucl o m i s i m u s , ut cœles t i s sua'




2 2 2 E X C Y i : М О Г E !.­K p I E ÎX ' I fi Í Я ;


l 'extension do son culti!. Aussi, dès le commoneemonl de
Notre Pontifient, avons­nous tomaie avec un extrènie em­
pressement Nos soins et Nos pensées les plus sérieuses vers
un objet d 'une si haute impor tance , et u'avons­Nous cessé
d'élever vers le Dieu très­bon et très­grand d 'humbles et
ferventes pr ières , afin qu'i l daigne éclairer Notre esprit de
la lumière de sa grâce céleste, et Nous faire connaître la
déterminat ion que Nous avons à p rend re à ce sujet. Nous
Nous contions sur tout dans cette espérance , que la bien­
h e u r e u s e Vierge qui a été élevée par la grandeur de ses
mérites au­dessus de tints les clmcurs des anges jusqu'au
traite de Dieu \ qui a brisé, sous le pied de sa vertu, la tète
de l 'ant ique serpent , et qu i , placée entre le t'.lirist et
l'Église­, toute pleine de grâces et de suavité, a toujours
arraché le peuple chrét ien aux plus grandes calamités, aux
embûches et aux at taques de tous ses ennemis et l'a sauvé
de la ru ine , daignera également , Nous prenan t en pitié avec
celti; immense tendresse qui est l'effusion habituelle de
son cœur materne l , écar ter de Nous, par son instante et
toute­puissante protection auprès de Dieu, les tristes et


grati;?, lumini! n i c n t c m Nostrani col lustrarc v e u t , quo cognosecre poss i ­
m u s quid in b a c re a Nobis sit p e r a g e n d u m . E t e n i m e a p o t i s s i m u m spe
n i l i m u r l'ore, ut Beat iss ima Virgo, qua 1 meritorum rerlicem supra
omnes Angeiorum chorosmqne ad sniium Dcilatis erexit ', nlejuc a n ­
liqui serpentis caput \ i r l u l i s pede c o n l r i \ i í , qua'que inter Clirislum et
Ecclesiam constituía/', ас tota s i iav is et plena grat iarum et ir is l iamim
p o p o l i m i a m a v i n ù s quibusque ea lami ta t ibus , omni i i inque b o s t i u m
insidi is , et Ímpetu semper eripuit , atque ab interitu v i n d i c a \ i t , t r i s t i s ­
s i m a s quoque ас l u c t u o s i s s i m a s nostras \ i c i s ï i t u d i n e s , a e e r b i s s i m a s q u e
angus t ia s , labores , nécess i tâ tes ainpl i . ­s imo, quo so let , materni sui
animi miserans aifeetu , vel i t prresent iss imo, a'que, ae potent i s s imo suo
apud D e u m patroc in io , et d h t n t c iracundia' f lagella, quibus propter
peccala Nostra affl igimur, avertere , et turbulcnt i s s imas niatonun p r o ­


5 S. G r e g . p a p . , De Hxpositione, in l i h . Ben.
­ S. B e r n a r d , Semi., in c a p . х п , Apoc.




S i l i I.'IYIM A C t ' E E K C O N C E P T I O N . 223


lamentables infortunes, les cruelles angoisses , les pe ines
et les nécessites dont Nous souffrons, dé tou rne r les fléaux
du courroux divin qui Nous affligent à cause de Nos péchés ,
apaiser et dissiper les effroyables tempêtes de m a u x dont
l'Église est; assaillie de toutes pa r t s , à l ' inniiense dou leur
de Noire àme, et changer enfin Notre deuil en joie. Car vous
savez parfai tement, Vénérables Frè res , que le fondement
de Notre confiance est en la Très-Sainte Vierge ; p u i s q u e
c'est en elle que Dieu a placé la plénitude de tout bien, de
telle sorte que, s il y a eu- Nous quelque espérance, s'il y
a quelque faveur, s'il y a quelque salut, Nous sachions
que c'est par son canal que nous le recevons... parce•• que
telle est la volonté de Celui qui a voulu que Nous eus-
sions tout par Marie.


En conséquence, Nous avons choisi que lques ecclésiasti-
ques dis t ingués par leur piété, et très-versés dans les
études théologiquos, et en même temps un certain nombre
de Nos Vénérables Frè res les Card inaux de la Sainte Église
domaine , i l lustres p a r l e u r vertu, leur religion, leur sagesse,
leur p rudence , et par la science, des choses divines, et Nous


ce i las , quihus r u m incredibil i a n i m i Nostri dolore ubique jactatur
Ecc le s ia , c o m p c s c c r e , d iss ipare , et l u e t u m Nostrum convertere i n g a u -
d i u m . O p t i m e e n i n i nost is , Venerabi les Eratres, o m n e m iìducia? Nostra;
rat ionem in Sanc l i s s ima Virgilio esse collocatami ; q u a n d o q u i d e m Deus
totius boni plenitudincm posait in Maria ; ut proinde si quid spci in
n.nbis est, si quid gratin1, si quid satutis, ab Ea noverimus redun-
dare... quia sic est roluntas Ejw, iiui totem nos habere toluit per
Mariani '.


Itine aliquos ccc les ias t icos virus piotate specta tns , ae theologic i s d i s -
c i p l i n a appr ime excu l tos , et nonnut los Venerabi les Eratres Nostro.?
Sancii!» Romana; Ecclesia1. Cardinales , v irtute , rel igione, C o n s i l i o , p r u -
denti . : ! , ac rerum div'marum scientia i l lustres s e l c g i m u s , e isque c o m n i i -
s i m u s , ut p r ò e o r u m prudenti» atque doctrina g r a v i s s i m u m a r g u m e n -
t u m o i n n i ex parte accurat i s s ime e v a m i n a n d u m c u r a i e n t , ae subinde


1 S. Bernant, in yatiidt. S. Maviœ ile Arquailnitn.




224 E N C Y C L I Q U E D E P I E I X ( 1 8 1 9 )


leur avons donné mission d'examiner avec le plus grand
soin, sous tous les rapports, ce grave sujet, selon leur pru-
dence et leur doctrine, et de Nous soumettre ensuite leur
avis avec toute la maturité possible. En cet état de choses,
Nous avons cru devoir suivre les traces illustres de Nos
Prédécesseurs, et imiter leurs exemples.


C'est pourquoi, Vénérables Frères, Nous vous adressons
ces Lettres par lesquelles Nous excitons vivement votre in-
signe piété ctvotresollicitude épiscopale, et Nous exhortons
chacun de vous, selon sa prudence et son jugement, à or-
donner et à l'aire réciter, dans son propre diocèse, des
prières publiques pour obtenir que le Père miséricordieux
des lumières daigne Nous éclairer de la clarté supérieure
cle son divin Esprit, et Nous inspirer du souffle d'en haut,
et que, dans une affaire d'une si grande importance, Nous
puissions prendre la résolution qui doit le plus contribuer
tant à la gloire de son saint Nom qu'à la louange de la bien-
heureuse Vierge et au profit do l'Église militante. Nous
souhaitons vivement que vous Nous fassiez connaître le plus
prornptenient possible, de quelle dévotion votre Clergé et


e o r u m sentent iam ad ë o s di l igent i ss ime déferrent. D u m a u t e m ita se
res h a b e n t , illustria Deeessorum N'oslrorum vestigia sec lar i , exempta
annuler i e e n s u i m u s .


Quamobrem has Vobis, Yenerabites Pra ires , s cr ib imus Eitteras, ma-
lais egreg iam vestram p i e t a t e m , atque ep i seopatem so l l i c t tudhiem
m a g n o p e r e e x c i t a u m s , Yohisquc e t iam atque t t i a m i n e u l e a m u s , ut q u i s -
que ves trum pro sue, arbitrai, atque prudentia in prupria Diœcesi p u -
b l i a s procès ind icendas , ac p e r a g e n d a s eurct, nuo c lement i s s i inus l u -
m i n u m Pater Nos superna divini sui Spiritus liice perfuudere , nuni inc
afflare d ignetur , ut in tanti m o m e n t i re i l lud consi l luni susciperc valea-
m u s , quod ad m a j o r e m tum sancti sui N o m i n i s g loriaiu, l u m licatissi-
m;e Yirginis l a u d e m , t u m mi l i tant i s Ecc les ia 'ut i l i ta tem possit. pertincre.
Optamus a u t e m vet ien ienter , ut majore , qua fleri potest. celeritalc
Nobis significare velltis qua devot ione vester Clerus, Poputosquo lidelis
erga l m m a c u l a t œ Yirginis Conceplior.eni sit an in ia tus , et quo desiderio
flagret, u l e j u s m o d i res ab Apostol ica Sede decernatur , a t q u e in priinis




S U U L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N .


lo peuple fidèle seul animés envers la Conception de la
Vierge tuuuaculée, quels vieux ils forment pour que celle
croyance soit définie par le Saint-Siège apostolique. Niais
désirons surtout savoir, Vénérables Frères, quels sont à
cet égard les sentiments et les vœux de votre éminente sa-
gesse. Fr comme Nous avons déjà accordé au Clergé romain
l'autorisation de réciter un oftico canonique particulier de
la Conception de la Très-Sainte Vierge, composé et imprimé
tout récemment, à la place de l'office qui se trouve dans le
Bréviaire ordinaire, Nous vous accordons aussi parles pré-
sentes Lettres, Vénérables Frères, la l'acuité d e permettre,
si vous le jugez convenable, h tout le clergé do votre dio-
cèse, de réciter librement et licitement le même oi'ilce de la
Conception de la Très-Sainte Vierge, doal le clergé romain
fait actuellement usage, sans (pie vous ayez, à demander
cette permission à Nous ou à Notre Sacré Congrégation
des lîils.


Nous ne doutons nullement,Vénérables Frères, que votre
.singulière piété envers la. Très-Sainte1 Vierge Marie ne vous
fasse obtempérer avec le plus grand soin et le plus vif ent-


l ioscere vcl m a x i m e c u p i m u s quid vos ips i , Vencrahi les Eratres , pro
ex imia vestra sapienl ia de rc ip?a srntiat is quidque r x o p t e l i s . Et q u o -
niain Iloniaim Clero juin concess inu i s , ut peeu l ia i e s c.anonicas hora-s
de Ccalissima' Virginis Coueept ione rceei i t tss ime conipnsi ta? , ae tyjiis
éditas, n e i l a r e \ a l e a l ).iti> c a r u m , qua1 iacuminuiii i ireviario c o m i n e n -
tur , idei ieo liisee LiUciïs l'acultatem vobis t r i b u i m u s , Venerabiles
Fratrc*, n i , si lia p l a c u c i ï t , un iversus vestra' d iœceseos Clerus e a s d e m
de Sanct iss imai Yirginis Coueept ione eanon ieas h o r a s , quil ius n u n c I i o -
inaiius ul i tur Clerus, persolverc litière et licite poss i t , quin e jusmodi
veniam a Nubis , xe l a Nostra Sacrorura Rituuin Coiuregationc implo-
ra™ (leliealis.


Plane non dul i i tamus , Venerabi les Eratres , quin pro s ingulari vestra
in S a n c t i s s i m a m Yiraine:» Mariain pi t tate h'scc Nostris dedi leri is omni
cura et studio q u a m l ik -nt i&i inc obsequi t iaudealis , atque opportuna
responsa , q n w a vobis ; \pri.-cinnis, N o b i s d a u : properotis . Intérim vero
c ir lest ium oniu ium m u u c r u n i a u s p i c e m , cl pra-cipua.- Nostra) iu vos b c -


I I . 15




2 2 G E N C Y C L I Q U E D E P I E I X f 1 S i !) )


pressentent aux désirs que Nous vous exprimons, et que
vous ne vous liâliez de Nous transinellrr en temps opportun
Tes réponses que Nous vous demandons. En attendant,
recevez comme gage de toutes les faveurs célestes, et sur-
tout comme un témoignage de Notre bienveillance envers
vous, la Bénédiction apostolique que Nous N O U S donnons
du fond de Notre cœur, à vous, Vénérables frères, ainsi
qu'à tout le clergé et tous les fidèles laïques confiés à votre
vigilance.


• Donné à Gaëto, le deuxième jour de février de l'an-
née ISD'E l'an 111" de Notre Pontificat.


P I E I X .


Vous voyez, N. T.-C. F. , quel est le doux el sa'ml
objet qui occupait dans son exil, et qui occupe encore
aujourd'hui la grande âme du \ icaire de Jésus-Chri.d.
Ce privilège glorieux, unique, incomparable, mais en
même temps si naturel el si simple dans la Mère de
Dieu; ce privilège, si. conforme aux révélations des
Saintes Écritures, transmis d'âge en âge parla tradition,
attesté par les fêtes et la liturgie catholique, établi par
l'enseignement des théologiens et des pasteurs, est de
fait, vous le savez, la pieuse el universelle (Tournée de
l'Église ; et une cro\ ance si chère à tous les cœurs, qu'on
peut dire avec vérité que, si l'Immaculée Conception de


nFvolcnt'.T l e s t em acrii i ltc Apo.-l«>licam lloncùictioiicni , ipuan ex
i m o r e n t e j in i fc f tam vo las ip - i s , V n i r n i W l w Fnrtrre, cmii i iMjua OU -
rii'is, l . n : f i $ i | i i c liiieiilius vc-ik;iui;e v e s ! o e comm'irsts, uuuutU.-cin>v ! in-
per i iumr.


B.:!imi Cajcla-, ilie :•• l'cbruarii, aune- lSt',1, SVal i lku lus N o t a i a i n u
t i r f t.


P U S PP. IX.




s u t I / I M M \ c i : L É r : C O N C E P T I O N . 227


Marie n'était pas un d o g m e de loi , les fidèles eu ava i en t
fait depuis long temps un d o g m e d ' a m o u r . ï'h b i e n !
N. T.-C. I ' . , c 'est ce g r a n d et b e a u pr iv i lège de n o t r e
Mère, qu ' i l est a u j o u r d ' h u i ques t i on de définir comme
doctrine de l'Eglise catholique : et n o t r e sa in t et b i c n -
a imé Pontife Pic IX se d e m a n d e s'il n 'es t p a s t e m p s e n -
fin de d o n n e r aux enfants de Marie la conso la t ion de
voir décerner par l'Eglise et le Saint-Siège apostolique,
a cette Vierge tres-sainle, ce litre glorieux que la piété
générale des fidèles désire si ardemment entendre attri-
buer a celle même Vierge par le. jugement solennel de l'E-
glise et du Saint-Siège.


Le Sain t -Père a d o n c vou lu q u e les E v o q u e s m i s s e n t
en p r iè res le peuple fidèle s u r tou te la surface de la
t e r r e , afin d ' a t t i r e r les l u m i è r e s d'en h a u t et de p r é p a -
r e r la décision i/ai conviendra le mieux a la gloire de
Dieu, a l'honneur de, la bienheureuse. Vierge et a l'utilité
de l'Eglise.


Sa Sain te té d e m a n d e en m ê m e t e m p s aux É v o q u e s
de lui faire c o n n a î t r e de que l l e dévotion le vierge et le
pe a pic fidèle sont animés envers la Conception de V Im-
maculée Vierge; quels voeux ils forment pour que celle
croyance soit définie par le Saint-Siège apostolique ; et
enfin ce que les Évoques p e n s e n t et d é s i r e n t e u x - m ê m e s
s u r cet i m p o r t a n t sujet .


C'est de tou t n o t r e c œ u r , N. Ï . - C . F . , c 'es t avec la
p lus douce et la plus sens ib le conso la t i on , q u e n o u s
obé i s sons aux: d é s i r s du Souve ra in -Pon t i f e , en v e n a n t
vous d e m a n d e r a tous les p r iè res qu' i l r é c l a m e de votre
p ié ' é . \ ous n o u s avez p r é v e n u , il est vrai ; vous avez
depuis l o n g t e m p s , n o u s n 'en d o u i o n s p a s , a c c o m p l i ,
au tan t qu'il était en vous , le v œ u du Sa in t -Pè re , en of-




22S E N C Y C L I Q U E D E P I E I X ( 1 8 4 0 )


frant au Se igneur vos p r i è r e s c l vos b o n n e s œ u v r e s aux
i n t en t i ons de Sa Sa in le té . Mais il ne suffit p a s q u e c h a -
cun de v o u s ai t p r i é p a r un m o u v e m e n t s p o n t a n é et
d a n s les exerc ices de sa dévo t ion p a r t i c u l i è r e ; il l'a u t ,
m a i n t e n a n t , q u e n o u s n o u s u n i s s i o n s tous e n s e m b l e
p o u r offrir à Dieu , avec cel te sa in te u n a n i m i t é qu i
t o u c h e son c œ u r , des p r i è r e s p u b l i q u e s et des supp l i ca -
t i ons so lenne l les .


Nous é l ève rons d o n c n o s m a i n s et n o s c œ u r s ve r s le
ciel , p o u r p r i e r l 'Espr i t de vé r i t é de l'aire lu i re s u r le
P è r e c o m m u n , s u r le Doc teur un ive r se l de t o u s les i i-
dè les , les r a y o n s de la l u m i è r e d iv ine , al in qu ' i l pu i s se
déc ide r avec s ages se ce qui sera le plus convenable pour
la gloire de Dieu, pour l'honneur de la bienheureuse,
Vierge, et pour l'utilité de l'Église.


Q u a n l a u x r e n s e i g n e m e n t s q u e le Sa in t -Père n o u s de -
m a n d e , N. T.-C. F . , su r la dévo t ion don t vous ê tes a n i -
m é s e n v e r s la Concep t ion de la Vierge I m m a c u l é e et
s u r le dés i r q u e v o u s aur iez de voi r le Saint-Siège a p o s -
tol ique r e n d r e u n déc re t s u r ce suje t , n o u s avons déjà
pr is et n o u s c o n t i n u e r o n s à p r e n d r e les in fo rmat ions
don t n o u s p o u r r i o n s avo i r beso in p o u r r é p o n d r e s u r ce
po in t avec u n e e n t i è r e ce r t i t ude . Mais déjà nous é p r o u -
vons le b e s o i n , et n o u s a v o n s la conso la t ion de v o u s
d i re qu ' i l n o u s s e r a i t imposs ib l e de d o u t e r , n i de la d é -
vot ion des p i e u x fidèles de ce d iocèse e n v e r s la T r è s -
Sa in te Mère de Dieu , n i de l e u r p le ine adhés ion à la
c r o y a n c e de la Concept ion I m m a c u l é e . Et c o m m e n t , en
effet, p o u r r i o n s - n o u s avo i r le m o i n d r e dou te à cet
éga rd , l o r s q u e n o u s s a v o n s q u e ce diocèse fut un des
p r e m i e r s qu i d e m a n d è r e n t et qu i ob t in ren t d u Sa in t -
Siégc la p e r m i s s i o n d ' e x p r i m e r s o l e n n e l l e m e n t l eur foi




S U R L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N . 2 ; y


à l ' I m m a c u l é e Concept ion d a n s la préface de la m e s s e
de celte fête; l o r s q u e , de p l u s , n o u s v o y o n s d a n s ce
m ê m e diocèse t a n t de p i e u s e s conf ré r ies é r igées en
l ' h o n n e u r de Marie , et s o u s le t i t re m ê m e de l ' I m m a c u -
lée Concept ion ; l o r s q u ' e n l i n les r a p p o r t s q u e n o u s r e -
cevons des d ive r se s p a r o i s s e s d u d iocèse n o u s a t t e s t e n t
q u e t ou t e s les fêtes cle la Sa in te \ i e r g e , celles m ê m e qui
ne son t p a s p u b l i q u e m e n t so l cnn i séc s , y son t s ingu l i è -
r e m e n t c h è r e s aux fidèles ; q u e la fête de l ' I m m a c u l é e
Concept ion en p a r t i c u l i e r y est cé l éb rée avec u n e d é v o -
tion tou t e spéc ia le , et q u e , ce jou r - l à , un g r a n d n o m b r e
d ' â m e s p ieuses s ' a p p r o c h e n t avec u n sa in t e m p r e s s e -
m e n t et u n p i e u x c o n c o u r s de la t ab l e e u c h a r i s t i q u e ,
c o m m e a u x p lus g r a n d e s fêtes de l ' a n n é e ?


O u i , N. ï . - C . F . , n o u s p o u r r o n s r e n d r e a u P è r e c o m -
m u n des fidèles un b o n et conso l an t t émo ignage su r la
dévot ion du d iocèse d ' O r l é a n s e n v e r s la T rès - Sa in te
Vierge ; n o u s p o u r r o n s lui a t t e s t e r le p i eux et i n é b r a n -
lable a t t a c h e m e n t de vos e sp r i t s et de vos c œ u r s p o u r
t ous les pr ivi lèges q u e le s e n t i m e n t c o m m u n de l 'Église
r e c o n n a î t à cet te i n c o m p a r a b l e Reine d u ciel ; et s p é -
c ia l ement p o u r le pr ivi lège de son I m m a c u l é e C o n c e p -
tion : p o u r cet te belle et sa in te d o c t r i n e , p o u r cet te
t ouchan t e et g lo r i euse c r o y a n c e , q u e la p ié té éc la i rée
pa r la foi a d m e t auss i fac i lement , aus s i h e u r e u s e m e n t
q u ' u n œil sa in d o n n e e n t r é e à la p u r e l u m i è r e d u
jour .


Et q u a n t à n o u s , N. T.-C. F . , c o m m e n t p o u r r i o n s -
n o u s n e pas sa is i r cet te p r é c i e u s e occas ion , p o u r c o n s i -
g n e r d a n s ces pages et p o u r fa i re e n t e n d r e du h a u t de
t ou t e s les cha i r e s de ce g r a n d d iocèse la p u b l i q u e et so-
lennel le p ro t e s t a t i on de no t r e dévo t ion e n v e r s Mar ie , et




330 E N ' C Y C E I Q T E D E 1>IB IX ( 1 8 1 9 )


la haute profession que nous avons toujours faite et que
nous aimons à renouveler ici, de croire du fond de
notre âme à toutes les grâces, à tous les dons, à toutes
les prérogatives de la sainte Mère de Dieu, et surtout
au privilège incomparable et si cher à son cœur, de sa
très-pure et très-immaculée Conception.


Nous aussi, N. T.-C. F . , s'il nous était permis d'em-
prunter les paroles de notre saint Pape, nous pourrions
dire que, de bonne heure, vous n'avons eu rien plus à
ca>w que d'honorer la bienheureuse Vierge Marie du dé-
vouaient le plus intime de notre cor-m: Celte chère dé-
votion nous fut inspirée dès l'enfance par les pieux et
fervents catéchistes auxquels nous dûmes les premières
leçons de la foi et de la vertu, et l 'incomparable bien-
fait d'une éducation chrétienne. Notre amour pour
Marie s'accrut encore plus tard dans celte sainte et ii-
luslre maison de Saint-Sulpice dont i'énelon mourant
écrivait à Louis NIA : Je ne eemnais rien de plus apos-
tolique et de plus vénérable ; et dont le même Fénelon
disait ailleurs que la solide piété pour le saint-sacrement
et pour la Sainte Vierge était son véritable héritage.


C'est là surtout, c'est dans ce pieux asile que nous
avons appris à connaître, à aimer et à servir pins par-
faitement la Très-Sainte Vierge; c'est là aussi qu'il nous
a éié donné de commencer à Ja faire connaître, aimer
et servir par la jeunesse. Ft si plus tard la miséricorde
infinie de Dieu a bien voulu se servir de notre indignité
pour lui gagner quelques âmes, nous proclamons qu'a-
près Dieu, c'est à Marie que nous en sommes redevable.
Oui, s'il nous est permis de le dire, dans la sainte et
laborieuse pêche des âmes, le nom de Marie fut tou-
jours le plus fort comme le plus doux hameçon qui




S U E 1 ' I M M A C U L E E C O N C E P T I O N .


n o u s servi t p o u r a t t i re r , p r e n d r e , r e t e n i r et r e p r e n d r e
encore au beso in les p a u v r e s p é c h e u r s .


Est-il beso in de v o u s d i re a p r è s ce la , N. T . -C. F . , q u e
nous c royons de tou te la c e r t i t ude de n o t r e espr i t , q u e
n o u s a d h é r o n s du fond de n o s en t ra i l l e s à la d o c t r i n e
de l ' I m m a c u l é e Concep t ion de la T r è s - S a i n t e Vierge ?


Oui , n o u s c r o y o n s q u e Marie a é té c o n ç u e sans la
t a c h e du p é c h é or ig ine l , et , Dieu a i d a n t n o t r e fa iblesse ,
n o u s d o n n e r i o n s avec jo ie n o t r e vie p o u r a t t e s t e r cet te
sainte vcri te,


Tels son t nos s e n t i m e n t s : telle est n o t r e c r o y a n c e ,
N. T.-C. F . , et ce sera p o u r n o u s u n e b i e n g r a n d e c o n -
sola t ion q u e d 'en d é p o s e r , en v o t r e n o m et a u n ô t r e ,
le t é m o i g n a g e a u x p i eds d u Sa in t -Pè re .


Que n o u s res le- t - i l en finissant, N. T . -C. F . , s inon de
vous i x h o r t e r à e n t r e r de p lu s e n p lus d a n s l ' espr i t et
d a n s les vues de n o t r e p i e u x Pontife en r e t r e m p a n t et
eu r e n o u v e l a n t vos â m e s d a n s ce t te d o u c e , d a n s cet te
sa in te , d a n s cel le b i e n h e u r e u s e dévo t ion e n v e r s Marie ,
don t l u i - m ê m e , a u mi l i eu de t a n t de g r a v e s et d o u l o u -
r e u s e s p r é o c c u p a t i o n s , n o u s d o n n e et d o n n e à l 'Église
en t iè re , depu i s son a v è n e m e n t a u s o u v e r a i n Pont i f icat ,
un si h a u t et si t o u c h a n t e x e m p l e . Marie est vo t r e m è r e
à t ous , N. T . - C . F . , et elle a p o u r v o u s , p o u r vous t o u s ,
un vrai c œ u r de m è r e . Nous ne v o u s d i r o n s p a s : Soyez
ses enfan ts , v o u s n e pouvez p a s n e p a s l ' ê t re : vous
l 'êtes pa r cela m ê m e q u e v o u s êtes c h r é t i e n s ; ma i s
n o u s vous d i rons d ' avoi r p o u r ce t te b o n n e et augus t e
Mère de v ra i s c œ u r s d 'enfants . Oui, c h r é t i e n s , m e m -
b re s et f rè tes de J é s u s - C h r i s t , et p a r cela m ê m e e n -
fants de Marie , r e s p e c t e z t o u s , a imez tous , se rvez t o u s
vo t re Mère qui est d a n s les d e u x : invoquez- la s o u v e n t ,




232 E N C Y C L I Q U E D E D I E I X ( 1 8 1 9 )


ayez recours à elle dans lous vos besoins ; soyez fidèles
aux pratiques de sa dévotion ; propagez son culte dans
vos familles, autour de vous et au loin, si vous le pou-
vez ; ornez ses sanctuaires et ses autels ; célébrez ses
fêles; enrôlez-vous dans ses confréries; enfin imitez
ses vertus, afin de pouvoir être reconnus pour enfants
de Marie, aux traits et à la ressemblance de votre mère,
Nous vous disons ces choses à tous, N. T.-G. F., nous
les disons aux justes, nous les disons aussi, nous les
(.lisons surfout aux pécheurs, dont Marie est le re -
fuge.


Oui, qui que vous sovez, bons et mauvais, justes et
pécheurs , vous qui avez besoin d'être conservés en
grâce, et vous qui avez besoin d'être ramenés et con-
vert is , allez tous à celle Mère de grâce et de miséri-
corde ; mettez toute votre espérance en Marte; car.
pour emprunter le tendre et admirable langage d'un
ries plus grands serviteurs de la Sainte Vierge, saisit
Bernard : « Pourquoi , N. T.-C. F . , pourquoi noire
« pauvre et fragile nature craindrait-elle de s'appro-
« cher de Marie? En elle il n'y a rien d'austère, et qui
<( puisse inspirer la crainte ; elle est toute douceur et
« suavité. Ouvrez l'Évangile, lisez attentivement toute
« la suite de l'Histoire sacrée ; si vous y trouvez un
« seul endroit où vous puissiez remarquer en Marie
a quelque chose de dur, ou une parole de sévérité et
« de reproche, ou le moindre signe d'indignation, j 'y
« consens, mettez alors en doute si elle est bonne, et
« n'osez point approcher d'elle. Mais si vous la voyez,
« au contraire, toujours pleine de tendresse et de coin-
ce passion, toujours miséricordieuse et douce , alors
« rendez grâces à Dieu, dont la bonté vous a donné




S U R L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N . 233


« u n e telle m é d i a t r i c e , en l aque l l e il n ' e s t r i en qu i
« pu isse in sp i r e r la p lus l égère déf iance.


« Marie se fait t o u t e à t ous ; sa t r è s - a b o n d a n t e c l ia -
>; r i te la r e n d é g a l e m e n t s c c o u r a b l c aux sages et a u x
« i n s e n s é s ; elle o u v r e à tous le sein de sa m a t e r n e l l e
« m i s é r i c o r d e , afin q u e t o u s p u i s s e n t y p u i s e r se lon
« l eu r s be so in s : le captif sa dé l iv rance ; le m a l a d e sa
« gué r i son ; l'affligé s a conso la t ion ; le p é c h e u r son
« p a r d o n ; le j u s t e l ' a c c r o i s s e m e n t de sa g r â c e . Que
« dis- je? l ' ange m ê m e t rouve en elle sa jo ie ; la Tr in i té
« sa g lo i re , et le Verbe son h u m a n i t é ; en so r te qu ' i l
c n 'es t r i en qu i n e r e s s e n t e la b ienfa i san te c h a l e u r de
« ce soleil .


« 0 Mère bén i e ! c o n t i n u e r o n s - n o u s avec le m ê m e
« sa in t Berna rd , qu i p o u r r a m e s u r e r la l o n g u e u r et la
c l a rgeur , la h a u t e u r cL la p r o f o n d e u r de vo t r e m i s é -
« r i c o r d c ! ca r sa l o n g u e u r s ' é tend j u s q u ' a u d e r n i e r
'( j o u r d u m o n d e ; j u sque - l à , v o u s n e cesserez po in t de
« s e c o u r i r ceux qu i v o u s i n v o q u e r o n t . Sa l a r g e u r va
<! j u s q u ' a u x confins de la t e r r e , l aque l le est p l e ine des
« mi sé r i co rdes de la Mère auss i b ien q u e de cel les du
« Fils. Sa sub l imi t é m o n t e j u s q u ' a u ciel d o n t vous avez
(i été la r e s t a u r a t r i c e ; et sa p r o f o n d e u r est d e s c e n d u e
'.. j u s q u ' a u fond de l ' ab îme de n o s t é n è b r e s , où v o u s
« avez a p p o r t é la r é d e m p t i o n à ceux qu i g é m i s s a i e n t
« d a n s les o m b r e s de la m o r t . P a r v o u s le ciel se r e m -
« plit de ceux qu i deva ien t r e m p l i r l 'enfer. Les r u i n e s
K de la cé les te J é r u s a l e m sont r é p a r é e s , et. la vie p e r -
<; d u e est r e n d u e aux m a l h e u r e u x qu i soup i r a i en t a p r è s
« elle. Voire t r è s - b é n i g n e et t r è s - p u i s s a n t e c h a r i t é
« n 'es t p a s m o i n s efficace à n o u s s ecour i r q u e t e n d r e à
« compa t i r à n o s m a u x , é g a l e m e n t r i che el a b o n d a n t e




2 3 4 K X C Y C I . I Q I ' E D E P I E I X ( 1 8 4 0 ) , E T C .


« en ses sentiments et en ses effets. Donc, que nos
« âmes épuisées de soif courent à cette vive fontaine
« qui leur est ouverte! que notre misère aille se perdre
a dans cet océan de miséricorde! Après quoi, ô très-
ci douce Vierge, ayant fait de notre part ce que nous
« devions, il ne restera plus rien à faire, sinon que
« vous manifestiez au monde à quel point vous avez
« trouvé grâce aux yeux de Dieu, en obtenant, par
« vos prières : aux coupables, la réconciliation ; aux
« malades, le remède; aux faibles, la force ; à ceux qui
« pleurent, la consolation ; à ceux qui sont en danger,
« le secours et la délivrance. »


Donné à Orléans, etc.


7 F É L I X , Évoque d'Orléans.




i IN s T i i i ; OTIOÎN


SUR L'IMMACULÉE CONCEPTION DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE


Vos THÈs-ciiEus F R È R E S ,


11 y a sous nos yeux un fait incontestable, fait public,
manifeste, éclatant, qui suppose à lui seul nécessaire-
ment et résume toute l'ancienne tradition.


Ce fait, attesté de là manière la plus solennelle par
tous les Fvêquos catholiques, témoins de la foi de leurs
peuples, et que le Vicaire de Jésus-Christ a tous con-
sultés, c'est la croyance universelle des fidèles et du
clergé, dans foules les églises du monde, au privilège de
l'imm aculée C on ce p 11 on.


Partout, en effet, où l'Évangile de Jésus-Christ est
annoncé, partout, où règne la foi à l'adorable Trinité, à
l'Incarnation du Fils de Dieu et à la divine Maternité de
la Vierge, partout aussi la pure el Immaculée Concep-
tion de la Mère du Sauveur et son exemption de toute
tache du péché originel 1 , sont enseignées par les pas-


I Le d o g m e du péché or i î ine l , bien que mystér i eux , n'a rien qui soit
contraire ;'i la raison ; i l , ici, c o m m e dans tous les dogmes chrét iens , ce
qui importe avant tout , c'est de bien connaître r e n s e i g n e m e n t de l 'E-
glise, et de ne pas s'en faire, de f.uaso's idées .


II y a dans tout p é c h é d e u x choses , r«ctr et Vétal. L'acte du p é c h é ,




S U I Ï L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N .


leurs, affirmées, défendues dans les écoles, chantées
dans les temples, crues et vénérées par tout le peuple
chrétien.


c'est l'aclion passagère par laquelle on transgresse la loi tle Dieu ; l'e'tal.
c'est la s i tuat ion, la m a n i è r e d'être de l'Ame, qui suit l'acte du péché , et
qui subs is te après que cet acte est p a s s é ; c'csl la tacbc du péché dam
l 'a ine ; c'est l'Ame soui l lée , dégradée , d e v e n u e m a u v a i s e et e n n e m i e de
Dieu par l'ell'et du péché .


Le d o g m e du péché originel ne cons is te pas à croire que nous a j o n s
posé n o u s - m ê m e s l'acte du péché'; ear , c o m m e n t l 'aurioi i s -nous pu
avanl que d'être 1' Cet acte fui le f.iil île m.? premS-rs parents. En nous .


10 p é c h é originel , c'i*t ce l t e triste et mystér ieuse rou imunica l i on , par
laquel le lVfaf d u p é c h é , d a n s lequel A d a m si; trouva far sa taule , nous
est t r a n s m i s . .Adam, devenu p é c h e u r , e n t e n d r e u n e race semblable à
lui , et n o u s n a i s s o n s tons flétri*, dégradé?, m a r n a i s c o m m e notre père,
pe'chenn c n l l n , se lon la forte express ion de sainl Pau l , et enfmiU <!?
enlève.


Mais, pour comprendre ce que c'est que celte soui l lure , ce l te dégrada-
t ion , ce mal de l 'a ine , en u n mot col c'faf de p é c h é que n o u s apparions
en naissant, il faut considérer que Dieu avait créé le premier h o m m e
dans la sa inte té , orné de la grâce sanr l i l i an le , et embel l i de l o u s l e s don.-
surnature ls qui étaient les glorieux appendices d e l à just ice or ig i iu l ie .
C'est ce que les Saintes Ecr i tures nous apprennent , quand el les nous re-
présentent Dieu s'appliquant A i m p r i m e r dans l 'àme de l ' h o m m e k -
Iraits de. sa d i \ i n e ressemblance , c 'es t -à-d ire sa conna i s sance et sou
a m o u r , ml iiiinyinem Vei crearit itlum ; l 'établissant dans cette par-
faite rect i tude uù la chair était soumise à l'i surit, cl l'esprit, soumis a
Dieu ; fic.it h'jin tenu rcctnii' ; le rcmj;lis.-anl d 'Intel l igence, et ,!,• rp .-en-
supérieur par lequel l ' H o m m e pénètre et gou le les choses d iv ines , »wi*i'
ieiplevit cor illorum... et créâtU iliis scimliam sptrilHi; lui met tant
en m a i n s , c o m m e au roi de la créat ion, l 'empire sur toute ia nature , ut
doiuiiiarctur e /v , et le faisant enl in si beau et si grand, qu ' i l était
presque l'égal des anges , minuisti eum puulo minus- ab Anuclis.


L ' h o m m e , dans cet é tat , ne connaissa i t ni l ' ignorance, contre laquelle
11 nous faut lutter par de si pénibles clVoils, pour n'en sortir j . ima i -
qu' imparfa i tement ; ni ces honteux m o u u u n e u t s d'une chair rebelle,
qui préviennent ia vo lonté et font p o u s s e r a l'espril de si douloureux
g é m i s s e m e n t s ; ni toutes ces innombrab le s misères qui affligent notre
corps et ne font qu tM p l u s de ia vie humaine qu'une perpétuelle m a l a -
d i e ; ni celte terrible lui de la mort , a laquel le nul ne peut é c h a p p a '




S E P , L'I M.VIA C l ' L E E C O N C E P T I O N .


On le peu t d i re : l ' un ivers c a t h o l i q u e tou t en t i e r
croi t de c œ u r et professe de b o u c h e q u e .Marie a été
conçue sans p é c h é .


depuis qu'elle est entrée dans le m o n d e avec le •péché . L ' h o m m e étai t
saint, il était h e u r e u x , il était i m m o r t e l , et il le fût d e m e u r é toujours ,
s'il était toujours resté i n n o c e n t .


Mais le péché survint , et, par le péché , A d a m perdi t pour lui et pour
ses enfants la grâce et la just ice originel le , principe de ce sa int et b ien-
heureux état . Dieu pouvai t oter justement à l ' h o m m e rebel le ce don su -
blinie et surnaturel ; et c o m m e , d'ai l leurs, ce d o n était gratuit , et que
Dieu ne le doit à p e r s o n n e , il en pouvait du m ê m e c o u p priver tonte la
postérité d'Adam sans nul le injustice : de m ê m e qu'un monarque bien-
faisant, outragé par la révolte d'un ingrat sujet , lui retire tous les h o n -
neurs dont il l 'avait c o m b l é , et en déshér i te ainsi par a v a n c e toute sa
race.


Tel est l'état o ù , depuis ce triste péché de notre premier p è r e , n o u s
venons tous à la vie, dégradés , appauvr i s , dépoui l l é s m i s é r a b l e m e n t de
cette grâce, de cette just ice originelle qui faisait l a sa inte té , la noblesse ,
la surnaturel le beau lé de l 'âme h u m d u e , et ré l eva i t a u - d e s s u s d'el le-
m ê m e jusqu'à Dieu. TA, avec la grâce cl la just ice originel le , nous a v o n s
perdu en m ê m e t e m p s , et par suite , tout ce qui reposait sur ce f o n d e -
ment : la rectitude et l'équilibre de nos p u i s s a n c e s , l'intégrité et l ' i m -
mortal i té de n o s corps , la félicité de la vie présente et le droit à !a b i e n -
heureuse vis ion de Dieu dans l 'éternité. Dans ce grand renversement ,
enfin, toute notre nature a été profondément b lessée , secundum e n r / m s
e.' aninimn in deletius ennui) utatttm, c o m m e s 'expr ime le saint conci le
de Trente.


TA cet état n'est pas seu lement un é lat misérable , c'est un véri table
«Hat de p è c h e ; parce qu'il est une sui te et un ell'et du p é c h é ; parce
qu'il prive notre âme de, la vie surnature l le de la grâce, pour laquel le
elle était faite, et la constitue dans u n état de mort spirituelle ; parce
qu'il n o u s rend contraires à Dieu et ses e n n e m i s , en renversant ses
desse ins sur notre nature , e t en a l l u m a n t dans nos coeurs toutes ces
malheureuses concup i scences qui conspirent sans c e s s e contre Dieu ;
et enfin parce qu'il nous fait, esc laves du d é m o n par ces m ê m e s c o n -
c u p i s c e n c e s , qui sont en n o u s quelque chose de son v e n i n , et lui
servent c o m m e d'un c h a r m e pour nous séduire et nous assujettir à son
empire .


Voilà ce que c'est que le péché originel dans nos â m e s . On le voit , ce
qui en l'ait l 'essence, et en quoi il consis te f o r m e l l e m e n t , c'est l e d é -




238 S U R L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N .


Mais l 'Église de Jésus -Chr i s t , N. Ï . - C . F . , n 'es t -ce pas
la ma i son du Dieu vivant , d a n s l aque l l e il n 'y a u r a j a -
m a i s d ' idole d e b o u t et d ' e r r e u r h o n o r é e ? n 'es t -ce pas


poui l lement de la grâce sanctifiante et de la justice originelle ' ; et


sa plus fâcheuse sui te , c'est cet te i gnomin ieuse rébellion de la chair


contre l 'esprit , et de l'esprit contre Dieu , que n o u s appelons la c o n c u -


p i s c e n c e , que saint Paul appel le du n o m de p é c h é , parce qu'elle est


une suite du p é c h é et qu'el le y porte , et qui est. la cause principale de


l 'obscurcissement de notre raison, aussi bien que de tous les désordres


de notre vie .


On sait en quels t e r m e s é loquents Rossuet déplorait ce l te profonde


corruption de notre nature , qu'il nous faut bien, bon gré, mal gré, r e -


connaî tre ;


n Mes Frères b i e n - a u n é s , écoutez le narré de m a malad ie ; vous t r o u -


verez sans doute que vous ave?, à peu [près les m ê m e s infirmités. C'est la


malad ie de la nature . Blessé dans toutes les facul tés de m o n à m e , épu i - é


de forces par de si profondes b l e s sures , je ne fais que de vains é t i o n s .


Ai - je jamais pris U N E généreuse, resolulion qui! lVITil n'ait bientôt d é -


m e n t i e ? Ai-je jamais eu une bonne [pensée qui n'ait é t é contrariée par


quelque m a u v a i s désir '.' Ai-je j a m a i s co iu inouré nue acliori vertueuse


où le pêche ne S E soit c o n n u e jele ;i la traverse.; 1 Il s'y mêle presque


toujours certaines c o m p l a i s a n c e s qui viennent de IV.muur-proprc, c l


tant d'autres péchés i n c o n n u s qui se r a d i e n t clans les replis de ma


c o n s c i e n c e , qui est u n a b h u e s a n s fond, impénétrable à m o i - m ê m e , li


est vrai, je sens à M O N avis que lque cho.-e E N n i d m ê m e qui M i i d i a i l


s'elev er à D'eu : m a i s je -en? aus.-Rôt c mine un poids d e cupidités o p -


posées qui m'eut raiir.ui e t M E cap 1 iv e r I ; et , si j " n e -aiis se,-- uru, c e l l e


pai l le i n i p u i - s a u t e , qui sembiail \ on Ion s e porter au bien, ne peut rien


faire pour ma délivrai)'-!- ; elle é c r i t rciilcmonl ma eoiulai i ination. Quand


jVntcn-ls quelquefois dicroiirir des m y M O N s du N . \ a u m e d e Dieu, j e


sens m o n à m e c o m m e érhauiVée ; il m e s e m b l e que je. ferai mervei l les ,


J E ne nie propose q u e «le grands desse ins . l-'aul-U l'aire le premier p a s


de l ' E N É C U L I O N :' I , ( 'moindre souffle du diable éli lut CELLE f lamme e r r a n t e


el vo lage , qui ne prend pas à sa m a t i è r e , mais qui court légeremen!


p a r - d e s s u s . Qrol plus ;' J e suis m a l a d e à i ' e \ ! i é u . U é , et ne s e n s point


de n al. Hcdult a;-.\ abois , je \ e u \ faire romii ie -i jV-iais ru b o n n e


santé . J E ne s,es pp.-; m ê m e déplorer N I A ml - i - r e , u' implorer le secours


1 ta-iv;:!:o oiigïnaiis jl!>lili;e. PRR qiinin VOTIMTIE. sntidi liaUir Dca, el. foll'.Cu-
in peccato originali. (S. Tlioni., 3 , II, q. S 2 , . i l . o.}




S L H I . ' l M . M A C U L É E C O N C E P T I O N . 230


la colonne et le fondement de la vérité, qui ne saurait
jamais porter le mensonge 1 ? d'où, il suit que, dès
qu'une doctrine est reçue universellement dans toute
l'Église, c'est assez pour qu'on puisse prononcer avec
certitude qu'elle est vraie, et qu'elle dérive de la révéla-
tion divine et de l'enseignement primitif 2.


Ces deux grands faits, N. T.-G. F . , celui de la croyance
universelle de l'Église, qui est sous vos yeux, et celui
de l'antique et perpétuelle tradition, que nous venons
d'étudier ensemble, sont donc lous deux dans un admi-
rable accord, et l'un n'est que la conséquence, la lu-
mière et le magnifique couronnement de l 'autre.


Kl tant s'en faut, N. T.-C. F., que ces anciennes et


Ou Libérateur; faible et all ier liait ensemble , i m p u i s s a n t el pré-
winpluri iv! « Malheureux homme, que je s u i s ! qui m e délivrera de ce
« coi p.- île morl '.' >•


« Ei s phi losophes cha i iaUms , s e ublaMes à ce» dangereux, e m p i r i q u e s ,
charment et endorment le mai pi.sir un l e m p s , et, pendant cette fausse
tranquillité, in.-pircnt un secret \ e u l n dans fa plaie. Ils m e font la vertu
si belle cl si aisée, ils ta durent de telle s.irte par leurs artificieuses i n -
vent ions , que je m' imagine souvent que. je puisse c ire ver tueux de m » i -
i n è m o ; au lieu de m e m o n d e r ma servi tude et m o n i m p u i s s a n c e ! A h !
superbe phi losophie , n'est-i e p a s assez que je sois faible, sans m e r c u d r e
c - i i c o i d e ] 1: , ; ea pins orgueil leux ! »


' Iv eh >ia !)ei -, i\ I, culiunna et i irmaineijUiui v i r i l ,d i s . ;S. Paul . ;
* Ici s e présente à faire une oliMU'vatlon capi ta le , pour le d i scerne -


ment des M a i e s et saines dorlrmo.* d a n s les mat ières de la Religion : 11
nu peut pa« arriver que l'Autorité doc tr ina le , par une décis ion s o l e n -
nel le , éia!di.-(5e. l'erreur parmi l i s l i ae i e s ; mais il ne peut pas arriver
davantage que l'erreur s'y introduise furt ivement , insens ib lement ,
conc i l e d ' e l l e - m ê m e , au peint, d'èlre jamais reçue e n fait par toute
l'Eglise. E'Autorité doctrinale, n'a été inst i tuée par le Fi l s de Dieu que
pour i i iainlenir l e s i n iants de l'E.alUe dans la \ e r i ! c , ni non f / rc i im/e -
l ' t i t r . , ' : ' t i m i t i / ( / o u . i u r l i ' i i . t e ; ! :. :) i a il ne s. rail p a s moll is contraire a u
dessein de Pieu iiue l 'Eg.ise pat tomber pru à piai dans l'erreur, que
si elle y était tout à coup précipitée p a r ses guides .




i í i l S U R L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N .


f a m e u s e s d i spu t e s s co l a s t i ques s u r l ' I m m a c u l é e Con-
ccp l ion , qu i ne c o m m e n c è r e n t q u ' a u m o y e n âge , a ien t
ici de quo i n o u s e m b a r r a s s e r : a u c o n t r a i r e , le fait
m ê m e de cet te c o n t r o v e r s e , q u a n d on l ' é tud ié de p rès
et a t t e n t i v e m e n t , p r o u v e q u e la doc t r i ne de l ' I m m a c u -
lée Concep t ion , à l ' époque où les d isputes s 'é levèrent ,
é ta i t déjà , c o m m e n o u s v e n o n s d e le vo i r d ' a i l l eurs , en
p l e ine et a n c i e n n e p o s s e s s i o n .


Cette be l l e d o c t r i n e , en effet, n e n o u s a p p a r a î t j a -
m a i s , p a r m i les d i scuss ions d u m o y e n âge, c o m m e l 'as-
se r t i on nouve l l e , h a s a r d é e , d 'un pa r t i cu l i e r , de q u e l q u e
dévo t , de q u e l q u e p a n é g y r i s t e exal té do Marie. Non :
c 'est u n e d o c t r i n e f e rme , g r ave , é tab l ie , qui o c c u p e , dès
les p r e m i e r s j o u r s d u d é b a t , les p lu s g r a n d s et les p lu s
sé r i eux e sp r i t s , et qu i es t en m ê m e t e m p s p o p u l a i r e ,
c o m m e t o u t e s les g r a n d e s d o c t r i n e s c a t h o l i q u e s ; c a r ,
ici c o m m e en t a n t d ' a u t r e s c o n t r o v e r s e s q u e ces siècles,
ferti les en d i spu te s s co l a s t i ques , v i ren t agi ter , les fi-
dè les , eux , n e d i spu ta i en t p a s , iis s ' é tonna i en t s e u l e -
m e n t q u ' o n d i spu tâ t .


Aussi f audra i t - i l n ' avo i r g u è r e le sens h i s t o r i q u e
c h r é t i e n , p o u r n e p a s r e c o n n a î t r e , d u p r e m i e r coup
d 'œi l , q u e ce n e sont p a s ici les c a r a c t è r e s d 'une d o c -
t r ine nouve l l e qui se p r o d u i t , m a i s ceux d 'une doc t r ine
a n c i e n n e qui se m a i n t i e n t et se défend. Dès l 'or ig ine do
la d i spu te , t ou t ce q u e je vois d e d o c t e u r s , d 'écoles ,
d ' o r d r e s re l ig ieux , d ' a c a d é m i e s , d ' un ive r s i t é s , p a r m i les
dé fenseu r s de l ' I m m a c u l é e C o n c e p t i o n , s u p p o s e n é c e s -
s a i r e m e n t la c r o y a n c e a n t é r i e u r e et la t r ad i t ion ; et il ne
r é su l t e enfin d e la d i scuss ion e l l e - m ê m e q u ' u n e chose ,
q u e tout le i n o n d e sai t , c 'est q u e la vér i té de l ' i m m a c u -
lée Concept ion n 'é ta i t p a s e n c o r e définie à cet te é p o q u e ;




S I R ! . ' I M M A C U L É E СО X С E l ' Г I O N .


qu'i l dtai t Jihrc d'eu d i s p u t e r : et, s'il m ' e s t p e r m i s de
l 'a jouter , l'on n'y pouvai t m a n q u e r , d a n s u n t emps où
le goût des disputes étai t si vif.


L'é tude a t ten t ive de tou te cet te c o n t r o v e r s e et de son
histoire p r o u v e c l a i r e m e n t q u e ce qui étai t v é r i t a b l e ­
m e n t n o u v e a u a l o r s , c'était l 'opinion c o n t r a i r e au pri­
vilège de Marie : on le voit p a r les vives et éc l a t an t e s
r éc l ama t ions q u e cet te opinion excita c o n t r e elle dès le
début . Quant à la doc t r ine de l ' I m m a c u l é e Concep t ion ,
elle se sout ient pa r la force na tu re l l e de sa p o s s e s s i o n ,
p a r ses r ac ines dans t ou t le p a s s é , p a r sa profonde i n ­
h é r e n c e , si je puis ainsi pa r l e r , d a n s le s e n t i m e n t c a t h o ­
l i q u e ; et elle finit p a r t r i o m p h e r , et d e m e u r e seu le
maî t r e s se du t e r r a in , s a n s m ê m e qu' i l ait été beso in de
décision : p r e u v e év iden te , p o u r q u i c o n q u e a le sens
des choses de l 'Église, q u e la n o u v e a u t é étai t dans l ' o ­
pinion opposée , et l ' anc i enne t é , la t r ad i t ion , la vé r i t é ,
dans la doc t r ine q u e cet te opin ion vena i t c o m b a t t r e .


Quan t à sa in t B e r n a r d et a u x c h a n o i n e s de Lyon, q u e
je t rouve à l 'or igine du déba t , il est év iden t qu' i l y eut ,
dans ce célèbre différend, deux m a l e n t e n d u s :


Le saint Docteur cru t d ' abord (pie la fête en l ' h o n n e u r
de la Concept ion de Marie étai t u n e n o u v e a u t é ; m a i s
c'était là, de sa pa r t , u n e e r r e u r h i s t o r i q u e mani fe s t e :
la fêle de la Concep t ion se cé lébra i t dès le c i n q u i è m e
siècle, ou au plus t a r d dès le s e p t i è m e , dans l 'Église
grecque : elle existai t en E s p a g n e p l u s i e u r s siècles avan t
saint l i e r n a r d ; et sa in t Anselme l ' avai t fait cé l éb re r de ­
puis l ong temps en JVonnandio et en Angleter re .


Quan t au fond, sa in t Homard ne comba t t i t p a s la doc­
tr ine de l ' Immacu lée Concep t ion , telle q u e l 'Église vient
de la définir, mais les excès d ' u n e dévot ion e x a g é r é e ,


u. tu




2 ¡ 2 S l ' R L ' I M M A C U L É E C O . N C E I ' T I O . X .


dont on voit les traces dans les écrits de quelques écri-
vains ecclésiastiques.


Plusieurs confondaient le premier moment de la for-
mation du corps de la Vierge avec celui de l'avénemcnt
de l'âme : saint Bernard se refuse à mettre la grâce, le
Saint-Esprit, là où peut se trouver la concupiscence.
Poussé par son zèle, il reprend sévèrement les cha-
noines de Lyon de ce qu'ils voulaient établir une iêle
nouvelle sans consulter Rome, et de ce qu'ils outra-
geaient la louange de Marie : sa lettre ne dit point autre
chose. Dans la rapidité de celte lettre, il n'expliqua pas
avec précision le malentendu, sur lequel, par là même,
on continua à disputer 1 .


1 An dir i tur antc saneta esse q u a m e s s e ; s iqu idcm non oral an to -
i | « a m ronciperctur? an forte sane l i las se ipsi conoepti iuu i m m i s ç a i t , nt
s imul sanctdicala fuerit et concepta l ' Ne hue quidam admil l i ratio. O u o -
modo en im sanc l i ta s absque Sj U ri tu saucli l ie m i e '.' Aut Sanolo Spiritui
socle-tas c u m precato fuit '.' aut cerlc p.. c e a t u m quom odo non l'ail, ut;':
liiiido n o n del'uiti' nisi forte quis db-nt de Spiritu Sane lo eam u ima
de viro conceptam fu i s se ; sed iil l iae lenus inaud i tum est . . . Res tâ t , ni
pas ! c .onccptionein in utero j a m e v i s i e n s sanrl i i icat iuneiu a c c e p i s s c cre-
da lur . E p M . S. Rern. ad l .ugdun . Canon. )


On le v o i t , ce (pue saint Ucrnard rejette avec raison, c'est que Marie
ait été conçue du Saint -Espri t ; e t , s'il dit qu'elle n'a pas été sa.ucliliée
au m o m e n t de sa c o n c e p t i o n , mais après , rV.»l que par coneep l ion , ii
entendait l ' instant d e l à première formation d u corps, an lieu que , dans
la doctrine de l ' Immaculée Conception, telle (pue l'Eglise la lient et l'a
déi inie, c'est le m o m e n t de la créat ion de l 'àme et de sou un ion avec le
c o r p s , c'est l 'avènement de la pe r s onne , si je puis ainsi parler, q u ' e n
e n v i s a g e . Voilà, encore une fois, ce que l'Eglise e n t e n d , ce que nous de-
vons entendre avec elle ; car il est manifeste que la g tàre , la sainteté , la
jus t ice or ig inel le , tous ces pr iv i lèges admirables de Innature innocen lc ,
sont des dons e s s e n t i e l l e m e n t spirituels : ce que le corps en peut r e c e -
voir ne lui vient que par l 'àme ou à c a u s e d'elle ; il faut donc, de toule
n é c e s s i t é , un sujet spirituel pour recevoir ces lions ; e t , de m ê m e q u e ,
c o m m e principe de la grâce subl ime d 'Adam, nous ass ignons l ' instant
où Dieu souffla sur le l imon dont son corps était pétri , pour y inspirer




S U R L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N . 2 4 *


Quoi qu'il en soit, ce qui prouve bien que la doctrine
de l'Immaculée Conception était la vraie, l'ancienne
doctrine, c'est que cette doctrine demeura : la fêle é t a -
blie à Lyon subsista pareillement; d'autres églises l'adop-
lèrenl, et bientôt nous la voyons partout célébrée. Et
cependantsainlBernard n'était pas, on le sait, un obscur
particulier, qu'il eût été tout simple de n'écouter pas,
s'il se fût réellement agi d'une nouveauté.


Au temps même où saint Bernard écrivait cette lettre,
devenue fameuse, le pieux Adam de Saint-Victor com-
posait, pour l'église de Paris des proses où il chantait
en ces fermes la gloire de la Vierge immaculée :


« Salut, Mère du Verbe; fleur qui sors des épines,
« sans avoir toi-même d'épines ; fleur, gloire du buisson
c —Le buisson, c'est nous ; l'épine du péché nous a
c lotis eusanglanlés ; loi, ô Marie, tu ne connais pas
a d'épines ' ! »


En ces mêmes temps, Pierre de Celles, disciple et
partisan de saint Bernard, répondait lui-même à Nicolas,
moine de Saint-Alban en Angleterre : « Vous louez la
a Vierge, et je la loue comme vous ; vous la dites sainte,


une .'une v ivante , de iin'mc aussi Je c o m m e n c e m e n t «le la grâce , plus
subl ime.encore , dont la b ienheureuse Vierge l'ut ornée , se doit m e t t r e
au m o m e n t o ù sa sainte â m e reçut l 'existence. Cette à m c , la plus noble
eue le ciel et la terre eussent jamais vue , fut créée dans un état et dans
un ordre de grâce incomparables , et, en a n i m a n t le corps préparé pour
la recevoir, elle, \ fil rejaillir, en la manière dont le corps en est capab le ,
quelque chose de la sa inteté dont el le était rempl ie .


1 F ins , spineti gloria,
Nos sp inetuin , nos peccat i
Spina s n n m s cruentat i ,
Sed tu spina 1 n e s c i a .


[In Assumpiionc II. jl. Y. apueldichtoveum.)




VU S U R I . ' I M M A C U l . K K C O N C E P T I O N .


•( et moi pareillement je la dis sainte; . . . vous soutenez
« qu'elle est exempte de T O U T P É C H É , je le soutiens de,
» même. Cherchez, recherchez en toute manière tout
« ce qui peut établir la gloire et le respect de Marie :
« je suis avec vous, je pense comme vous ; mais si, non
« content de la monnaie reçue, vous prétendez en la-
tí briquer une autre (une fête nouvelle) que le Siège de
« de Pierre n'ait point approuvée, ce Siège auquel il
<: appartient d'approuver ou d'improuver l'ordre de
« l'Eglise universelle, là seulement je m'arrête, et ne
« veux pas passer les bornes posées . »


Dans toute cette ardente controverse, encore une
fois, ce fut donc la confusion, le malentendu qui devint
l'occasion, et fit le fond principal des disputes. El c'est
ce qui explique comment, parmi les théologiens qui
semblaient contraires à l'Immaculée Conception, les
plus célèbres hésitaient si fort, et avaient si peu d'assu-
rance en leurs assertions, qu'on les peut citer, en effet,
en divers sens.


Je crois même pouvoir affirmer que la question bien
posée, et entendue comme elle devait l'être, n'a guère
jamais eu de contradicteur sérieux ou persévérant dans
l'Église.


En effet, quand on a bien compris que, dans la doc-
trine de l'Immaculée Conception telle que l'Église l'en-
seigne, il n'est pas question des parents de Marie, mais


1 Yirginem laudas , et. ego laudo . Practicas s a n e l a m , et ego . 1-Atollis
super choros A n g e l o r u m , et ego . Uicis i m m i i n c m ah onmi pceca lo , el
e g o . . . Versa et reversa in quolibet statu venerat ion i s et gloril iealiorns,
t e c u m v a d o , tecuán sent io . Si vero extra commtin is inoneta: formant vis
fabricare a l iam, q u a m n o n approbavcri l Sedes Pétri, ciijus est a p p r o -
bare vol improbare ortlim-ni universal is Ueclesia', pedem sisto et t érmi -
nos const i tu ios n o n transgredior.




S U l ì I . ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N .


de Marie e l l e - m ê m e ; qu ' on ne songe p a s à p r é l e n d r e
q u e Marie soit née d ' une m è r e v i e r g e , et ait é té c o n ç u e
du Sa in t -Espr i t d a n s u n sein virginal ; en u n m o l , qu ' i l
ne s'agii pas du l imon d 'Adam, des é l é m e n t s t e r r e s t r e s
du corps de Marie avan t q u e l ' â m e y lût u n i e , et que. la
p e r s o n n e de la Vierge e x i s t â t ; m a i s que c'est de l ' â m e ,
p r i n c i p a l e m e n t , qu ' i l est q u e s t i o n , de l ' âme en r i ch i e de
tous les dons sub l imes du Sa in t -Espr i t en sa c réa t ion ,
et p o r t a n t toutes ces r i ches se s de grâce avec elle d a n s
le m o m e n t où elle vint a n i m e r le co rps p o u r fo rmer la
p e r s o n n e de Mar i e ; q u a n d , d is - je , on a c o m p r i s la doc-
t r ine tle l ' I m m a c u l é e Concept ion e n ce sens , qui est le
seul vra i , l 'on s ' aperço i t fac i lement a lors q u e la p l u p a r t
des d i f f i c u l t é s e t des d i spu tes n ' a v a i e n t d ' a u t r e f onde -


m e n t q u ' u n faux s u p p o s é


' fcii réponse à une aulrr iibjivtfnn tirée ite ceri aines express ions (tes
Pòi es mal compri ses , nous n o u s bornerons à c i l . r le passage « u h a n i
ilo 11. P. Pei'ione :


« Pa ires interr irmi \e i ipsam Christi c a m e n i voeavere can i cm peccali
catione p r o p a g a t i o n s , quant progenitoribus peccator ibus est sort i tus '.'
E s e m p l o loeuplet i ss imo sint S. i l i iar ius P ie lav iens i s , et S. Proc lus .
S. Iliiarius quidem d u m lib. I, de Triait., n. 13, de Clnisto seripserit :
CAII.NLM P E C C A T I recepii, ut A .M» m]: liane carnis uostrir delieta donarci,
dirai rjus fit imiticeps assumptione, non. crimine. (Opp. edit. Constant,
toni. II, col . I l , q u e m in loc i im Cf. no lan i eruditi é d i t o n s , Cf. paritei
cjusdem éditons pra-fat. S 1, n. 50 et 5 1 , p a g . x v n ; ubi inter cantera in
ioni nostrani proferì s ini ì lem pl iras im ex Tertul l iano lib. I, de carne
Christi, n . 1(1, scribente : Défendimtis autem non C A R N E M P E C C A T I cra-
< untata esse in Cìiristo, sed peccatum carni*; non materiata, sed na-
t'iram; non substantiam sed culpam.) S. vero Proclus Conslant inopol i -
tanus , Orai. VI, n. 1 i , vocat corpus Christi : corpus peccati ; s ic « l i n i
Cliristmn lì . Yirginem al loquentem i n d u c i t i iVm in C E C C A T I constitutif
.•cm i oiieour: coque Ittnquam moituus in novo recliner monumento, vie.


in ISibl. Galtand. , toni. IX, pag . C¡2.) Quimnio S. Gregorius Nazianz...
O r o f . L I . n . 18, asserere non clciliitasil, a Verbo a s s u m p t a m e s s e cameni,
damnatam. (Opp. S. Gregor. Nazianz. , edit . Paris , l C 3 0 , t o m . I, p . ; ¡2 ,




•1\V, SI'11 L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N .


Aussi , pou à pou, In v r a i e doc t r i ne s 'éleva, d a n s les
écoles m ê m e s , a u - d e s s u s dos d i scuss ions , à da t e r s u r -
t o u t de l ' époque où s a i n t l î o n a v e n t u r o , cel le g r a n d e
l u m i è r e de l ' o rd r e S é r a p l i i q u e , affirma pos i t ivement
l ' I m m a c u l é e Concep t ion , q u ' i l avai t d ' abord s e m b l é
m é c o n n a î t r e ; i n d i q u a la ju s l e et nécessa i r e dis t inct ion
q u e n o u s avons tout à l ' h e u r e r a p p e l é e , et r épond i t à la
g r a n d e object ion des théo log iens o p p o s é s , en déc la ran t
q u e Marie eû t c o n t r a c t é la l âche or iginel le , i n h é r e n t e à
n o t r e n a t u r e d é c h u e , si elle n ' a v a i t é t é p r é se rvée et r a -
c h e t é e p a r u n e g r âce spéc ia le . Vo ic i les pa ro l e s de ce
sa in t d o c t e u r : « N o t r e - D a m e , di t- i l d a n s un s e r m o n su r
« la Vierge,fut p le ine de la g r â c e p r é v e n a n t e en sa s a n c -
« t i l ica t ion , g râce p r é s e r v a t i v e de la soui l lure et do la
« con lpe or ig inel le , qu ' e l l e eût con t rac tée p a r l a co r rup-
« lion de la n a t u r e , si elle n ' e n avai t été p r é s e r v é e pa r
« la g râce t ou t e spéc ia le q u i la prév in t . Car il n 'y a
« j a m a i s eu d ' e x e m p t du p é c h é originel q u e le seul Fils
« de la Vierge, et la Vierge sa m è r e e l l e -même : il faut
« c r o i r e , en e f fet , q u e , p a r un n o u v e a u g e n r e d e s a n c t i -


« fi c a t i o n , le Sa in t -Espr i t , d a n s le p r i n c i p e m ê m e de la
« concep t ion de Marie , la r a c h e t a et la p r é s e r v a , pa r
« g râce s ingul iè re , d u p é c h é o r i g i n e l , qu 'el le n ' eu t
« poin t , m a i s q u e , sans cel te g râce , elle a u r a i t eu \ »


q u e m i n l o c u m CLcommcntar. Elhr eretensis , ibid., toni . I l , co l . 1 5 9 0 .
Ncnio t a m e n , qui vecors plane n o n s i t , aflinualilt ob ejusmodi l o c u -
t ionem hosee Patres e x i s t i m a s s e , Chris tum p e c c a l u m coniraxisse ori-
g i n a l e ; sic n e m o prui lens ob casdem locut ioncs dixeril al legatos Patres
eensu i s se , B. Ylrginem xere originalcm l a b e m inrurrissc. »


1 D o m i n a nostra fuit plena gratia pnrvcn lente in sua sanctif icatione,
gratta soliect prtcserwlira contra pvdilatem originalis culixn, q u a m
contraxlsset ex c u m i p t i i m e uutu ia* , nisi spic ia l i gratia p r a x t n l r ,
p n e s e r v a t a q u e fuisse t. Soins e n i m Fil ins Virginis f u i t a b original! culpa




SL'U L'IMMACl'LÉK < : o x c i ; i > ï l O . N .


Soin I Ansolino, J fi g rand a r c h e v ê q u e do C a n t o r h e r y ,
primal, do colle île cé lèbre don t le n o m fait depu i s l o n g -
temps tressail l ir de d o u l e u r , et a u j o u r d ' h u i d ' e s p é r a n c e ,
fous les coûtes c a t h o l i q u e s , sa in t A n s e l m e , a p r è s avo i r
paru lu i -même I nisi ter su r la q u e s t i o n , l 'avai t auss i af-
f i rmat ivement déc idée , en faisant cé l éb re r la fête de la
Concept ion de la Vierge, et en posan t le g r a n d p r inc ipe
qu i d o m i n e ici et éc la i re torde fa qt tesl ion :


Dans l ' idée, en effet, qu ' on se doit fo rmer de la b i e n -
h e u r e u s e Marie , sa int Anse lme n e veuf p a s q u ' o n s ' a r rê lo
a un degré de p u r e t é m o i n d r e que celui qui est ie p lus
g rand a p r è s la p u r e t é de Dieu m ê m e : « La p u r e t é de
» Marie, di t- i l , a d û ê t re si exce l len te , q u ' a u - d e s s o u s
H de Dieu, on n e pu i s se pas en concevo i r de p lus p a r -
e faile, » El il en d o n n e cet te p ro fonde r a i s o n , b i en
digne d 'un si sage et si g r a n d espr i t : « L e s c o n v e n a n -
c e s , ! ) — r e m a r q u e z : c 'est des c o n v e n a n c e s divines qu ' i l
s 'agit, — « les c o n v e n a n c e s exigeaient la p lu s exce l len te
« p u r e t é poss ib le en u n e Wergc qu i deva i t , a u v ra i
« sens du m o l , avoir , avec le P è r e céles te , un seu l et
« m ê m e c o m m u n fils; q u e le Verbe divin ava i t chois ie
« p o u r en faire s u b s t a n t i e l l e m e n t sa m è r e ; et en la -
« quel le le Sa in t -Espr i t voula i t q u e , p a r son opé ra t i o n ,
<; lui conçu et naqu i t celui de qu i l u i - m ê m e p r o c è d e
« é t e rne l l emen t \ » Je le d e m a n d e , que l est l ' e spr i t si


immtm'p, et ip<a Mater f ins Vlrgn. Credendum est entin, quod n o v o
sanet luciitiuuis aonoro, lu ejus concept ionis primordio Spiritns S a n c i n s
eau; a psocato originali (non quod intuit , sed quûd infuisscU redemit,
aiqne singulari gratia pra'servavit .


1 Ikvel iat ut iliius Imm'iiis [ChrisU] coneept io de naître purbpinia
lieret. Nonipo deeens oral , ut ea puritale , qua major sub Ueo nequit i n -
telligi, Virgo ilia niterrt , cul Deus l'ater u n i e u m l-'ilium s u u m que ni de
corde suo aapialeni sibi gen i tum t a n q u a m se ipsuui d i i igcbal , ita daro




S I I ! L ' I . M M A e l " I . K I - : C O N C E P T I O N .


grossier qui, écoutant de si fortes paroles, et entendant
parler de la plus grande pureté possible après celle de
Dieu, sans excepter niême celle des anges, voudrai!
allier, avec une telle pureté, la souillure où tons hs
vices et toutes les passions de notre nature prennent
leur source ?


Aussi ce beau passage de saint Anselme avait-il vive-
ment frappé l'esprit de l'Ange de l'école; et on peut
dire de saint Thomas lui-même ce que nous disions
tout à l'heure de saint lîonaventure. Vous en jugerez
par les passages de ce prince de la théologie, (pie nous
allons mettre sous vos yeux, de mol à mol :


« La Vierge, dit-il en son vnr opuscule, reçut une si
« grande plénitude de grâce, qu'elle se trouva rappro-
u chée le plus possible de l'auteur de la grâce


Et ailleurs : « Le souverain ouvrier, voulant montrer
i; toute la perfection de son art, lit un miroir plus bril-
« tant que la brillante lumière, plus pur que les purs
u séraphins, tellement qu'après la pureté de Dieu, il ne
« se peut imaginer de pureté plus grande : je parle de la
« personne de la très-glorieuse Vierge2. »


El, expliquant encore plus clairement, sa pensée, au
h1' livre des Sentences : « La pureté, dit-il, se comprend


disponebal , ut n a t m a l i t c r essel i iuus idemque crunmunis Del Patris el
Yirginis filins : et quant ipse Eilius subslantkditer facere silé n ia l rcm
c l igebat ; et de ipia Spir i lus Sanc tus vo leba l , et operalurus eral , ni
conciperetur et uaseeretur 111e de que. ipse procedebat .


1 Virgo tan lam obtinuit gratue p l e i u l u d i n e m , ut esset Auctori gratin-
propinquiss ima. Opusc. Ylll.


' Eecit s t imulus art i fcx , in o s t e n s i o n e m pleniorem artis sua 1 , spécu-
l u m unirai e larissimo c lar ius , s eraphim terlius, ut purins inlelligi non
posset. nisi D i 'us esset : permiam, scitieet, glorio$tewn<r Virginia.
0|ueve. VI.




SI 1! E ' I M M A C U E E E C O N C E P T I O N . 219


» p a r l a iu : gal ion dn c o n t r a i r e (c 'es t -à-dire du poché ; .
« C'est p o u r q u o i on peu t t r o u v e r u n e c r é a t u r e si p u r e ,
« qu'i l ne puisse y avoi r r i en de p lus p u r p a r m i tou tes
« les choses c r éées , à savo i r , si a u c u n e ' c o n t a g i o n d u
i! péché ne s'y r e n c o n t r e : telle est la p u r e t é de la b ien-
ci h e u r e u s e Vierge, qu i fut e x e m p t e de tou t p é c h é o r i -
« ginel et ac tue l »


Ces passages son t d ' une telle c l a r t é , q u e , si l'on
t rouve a u t r e c h o s e dans les écr i t s du m ê m e sa in t Doc-
l e u r , il faut d i re m a n i f e s t e m e n t , ou q u e ce g r a n d
h o m m e a var ié d a n s ses s e n t i m e n t s , ce qui p r o u v e r a i t
qu' i l ne croyai t pas p o u v o i r avec a s s u r a n c e r e j e t e r u n e
d o c t r i n e si c o n s i d é r a b l e , q u o i q u e n o n définie à cel le
é p o q u e ; ou b ien , ce qu i m e p a r a î t p lus v r a i s e m b l a b l e ,
que , d i s t i nguan t en t r e la de t t e d u p é c h é or ig inel et le
p é c h é m ê m e , il a u r a i t pensé q u e la Vierge é ta i t s o u -
mise n a t u r e l l e m e n t à la det te du p é c h é , ce qui est v r a i ,
mais qu 'e l le avai t été p r é s e r v é e du p é c h é m ê m e p a r
g râce .


Encore u n e fois, p lus je l is , p lu s je méd i t e tou t ce
q u e l 'on peu t o p p o s e r de plus sé r i eux p a r m i les p ièces
de celte g r a n d e c o n t r o v e r s e , et p lus j ' y a p e r ç o i s c la i re-
m e n t tous les c a r a c t è r e s d 'un m a l e n t e n d u , et d ' une vive
ma i s s imple d i spu te s u r u n e d o c t r i n e n o n e n c o r e d é -
finie p a r l 'Eglise.


Mais, chose bien d igne d ' ê t re ici r e m a r q u é e pa r les
espr i ts p r a t i q u e s , t and is q u e c e r t a i n s t héo log iens d o u -


' Pu ri (as in lnul i l i i r P < T reces sum a contrar io , cl r.leo poiest aliquM
creal inn reperiri, quo niliil purins esse possit in rébus erea i i s , si nulla
contagionc pecrati infectum si l , et taîis fuit puritas P . . Virginis , qua 1 a
prtralo orinùmH et nc lual i inununis fuit. In l.ib I Sait, Distinct, i l ,
q. 1, art. 3 .




W S U K L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N .


tftiont, f o r m a i e n t des ob jec t ions , d i s t ingua ien t et s ' e s -
c r i m a i e n t en sub t i l es d i s p u t e s su r Je g lo r ieux privilège
de Marie , le p e u p l e ca tho l ique l e u r r é p o n d a i t s imp le -
m e n t en c é l é b r a n t la fêle de la Concep t ion , en c l ianla t i l
la Vierge I m m a c u l é e , en h o n o r a n t toujours d a v a n t a g e
la Mère de Dieu ; et q u a n d j e dis ici le peup le , j ' e n t e n d s
p a r là , avec les fidèles, les p r e m i e r s p a s t e u r s e u x -
m ê m e s , s a n s l e sque l s les fêles ne s ' ins t i tuen t ni n e se
p r o p a g e n t po in t d a n s l 'Église. C'étai t le soleil con t i -
n u a n t sa m a r c h e et m o n t a n t de p lus en plus su r l ' ho -
r izon , t and is q u e , p o u r et c o n t r e , on a rgun ic i i l a i l e! on
d i spu ta i t su r son m o u v e m e n t !


La m ê m e fêle, dès cel te é p o q u e , s 'é tabl issai t chez les
B é n é d i c t i n s , chez les C é l e s t m s , les C i s t e r c i e n s , les
C a r m e s , les T r i n i i a i r e s , et d a n s ce l te i n n o m b r a b l e et
i l lustre famille de sa in t F r a n ç o i s , q u i , dès son or ig ine ,
eut , ainsi q u e l 'Église, la gloire de c o u v r i r le m o m i e de
ses enfants : c 'est a insi q u e les o r d r e s rel igieux m a n i -
fes ta ient avec écla t l eu r c r o y a n c e .


Les a c a d é m i e s , les écoles s a v a n t e s , se déc l a r è r en t
avec non m o i n s de zèle : le pr iv i lège de Marie I m m a -
culée t r o u v a les p lus doc te s et les p lus a r d e n t s défen-
s e u r s d a n s les un ive r s i t é s de C o l o g n e , de M a y e n c e ,
d 'Alca la , de S a r a g o s s e , de C o m p o s l e l l e , de G r e n a d e ,
de To lède , a ins i q u e d a n s les a c a d é m i e s d 'Al lemagne,
d ' I ta l ie , de Belgique, d ' E s p a g n e , de Por tuga l . Mais j e
suis ici p a r t i c u l i è r e m e n t h e u r e u x de p o u v o i r n o m m e t ,
à la gloire de n o t r e p a t r i e , l ' an t ique S o r b o n n o , qu i
obligeait , c o m m e on le sa i t , t o u s ses d o c t e u r s à s o u -
tenir la c r o y a n c e de l ' I m m a c u l é e Concep t ion , el à l a -
que l le Bossue t d o n n a i t cet te l o u a n g e : « Savan te com-
« pag ine , cet te p ié té p o u r la Vierge, cet te t e n d r e d é v o -




SUIS L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N . 251


« lion que vous avez p o u r la Mère, à la cons idé ra t i on
« du Fils, ont p e u t - ê t r e l 'un des p l u s b e a u x hé r i t ages
;< que vous ayez reçus de vos p è r e s 1 ! »


L ' a s semblée de Uà l e , q u e n o u s n e c i tons p a s ici
c o m m e u n conci le , m a i s où se voit du m o i n s le s en t i -
m e n t si f e rme des F v ê q u e s et d e s d o c t e u r s qui la c o m -
posa i en t , s ' exp r ime su r l ' I m m a c u l é e Concep t ion en des
t e rmes tels qu ' i l s a p p r o c h e n t le p lus p r è s poss ib le
d ' une définition de Foi .


« "Vous, a p r è s avo i r a t t e n t i v e m e n t e x a m i n é les a u l o -
-i r i t es et les r a i s o n s p rodu i t e s de p a r i et d ' a u t r e , c l c . . . ,


déf inissons et d é c l a r o n s q u e la doc t r i ne af f i rmant que
« la g lo r i euse Vierge Mar ie , m è r e de Dieu, n ' a j a m a i s
» été soui l lée d u p é c h é or ig inel , m a i s eu a t ou jou r s é té
« e x e m p l e , aussi bien q u e de tout p é c h é ac tue l , p a r
« une grâce spécia le de Dieu, est u n e d o c t r i n e p i euse ,
•( conforme au culte ecc l é s i a s t i que , à la Foi , à la d ro i te
(; r a i son cl à l ' F c r i l n r e , et qu ' e l l e doit en c o n s é q u e n c e
« ê t re a p p r o u v é e , e m b r a s s é e et r e t e n u e p a r tous les


1 Un ivws i tertio cimjtrrgali , posl n iul ta in , e r a v e m et m a l u r a m uVli-
borationrin, in rju< pu-s innr i W t r i w r , qua- bened ic l i s s imam Dei M a -
trem, ali nriginali peeeato , i)ei s ingulai l <ti.no, fuis»e p n o s e n alain a l ' l l r -
11 : ai ; qmunquc jauipridom vernni eredidimus et cred imus , dcl'e'.isionem
et propuguat iouem .~peu iaii sacramento c o n j u r a v i m u s , ne.sque «Icvovi-
jnn* s la iuentrs : ut n o m o deinceps sacre hu ic nostro Collegio adscr i -
Uat i iT , nisi de r.jus rcliglosa' doctrince, a s ser torem, s t r e n n u m q u e prn-
pugiiatorern semper , pro viribus, futuruin, simili juramento protilcatiir.
Quod si qn'is e \ unstris, quoi! absi t , ad hos tes Virginis transfuga, con-
traria 1 a sser t ion i - ,quatn fa lsam, hnpiani c t e r r o n c a m iudiearmis, spreta,
nun nnslra l a n t n m , sed S j n o d i et Ece leshr , qua: procul dublu su iun ia
c s l , ane lor i la l e , patrociniurn quacuinque rat ione, assuniere au>us t'uc-
rlt ; hune hiinorihus uustris pr ivatum et e x a u c t o r a t u m a notes et e o n -
surtio niistri) xe lu l c t lmieuin et p u l i l i e a m n n , procul abj lc i endum i lecer-
n imus . Décret. Univers, l'itris.




•>:,2 S Cil L ' IMMACI I.KK r . O N C K I ' T I O X .


* c a t h o l i q u e s .. ; voulons qu ' i l soit à l ' aveni r inlordi l à
« q u i c o n q u e d ' e n s e i g n e r ou de p r ê c h e r Je con t r a i r e . »


P a r m i t o u t e s ces c o n t r o v e r s e s sco las l iquos don t nous
v e n o n s de faire m e n t i o n , et où l ' a r d e u r étai t si vive
q u e s o u v e n t les dé fenseur s de l ' I m m a c u l é e Concept ion ,
p r é v e n a n t la décis ion de l 'Église, ne c r a ign i r en t pas
d ' e m p l o y e r con t r e l e u r s a d v e r s a i r e s l ' a r m e des cen -
s u r e s t héo log iques , la sagesse de Home dut p lus d 'une
fois i n t e rven i r p o u r m o d é r e r la fe rveur d 'un zèle in -
d i s c r e t ; m a i s cel le in t e rven t ion m ê m e des Souvera ins
Pont i fes fut u n e nouve l l e p r o t e s t a t i o n , et la p lus i m p o -
s a n t e de tou tes , q u o i q u e la p lus c a l m e , en l ' h o n n e u r
de la Concep t ion I m m a c u l é e de Marie.


Car, t a u d i s qu ' i l s d é f e n d e n t aux pa r t i cu l i e r s de se
flétrir p a r de pén ib l e s qua l i f i ca t i ons , les P a p e s se font,
en m ê m e t e m p s , les p r o p a g a t e u r s les p lus zélés de la
doc t r i ne et de la fêle de l ' I m m a c u l é e Concept ion ; ils
en é tab l i s sen t p a r t o u t l'office et la m e s s e ; ils y a t tachent
de r i ches i n d u l g e n c e s ; ils a p p r o u v e n t les ins t i tu ts reli-
g ieux fondés sous ce t i t re ; ils c o n d a m n e n t des écr i ts
et des p r o p o s i t i o n s c o n t r a i r e s au pr ivi lège de la Vierge :
ils r é p r o u v e n t les p r é d i c a t i o n s où ce pr iv i lège est a t -
t a q u é ; ils se m o n t r e n t enfin u n i v e r s e l l e m e n t et s a n s
except ion si a t t a c h é s à la c r o y a n c e de la Concept ion
I m m a c u l é e , et si c o n t r a i r e s au s e n t i m e n t o p p o s é , q u e
le long déla i qu ' i l s on t a p p o r t é à t e r m i n e r les c o n t r o -
ve r se s su r cet te m a t i è r e p a r u n j u g e m e n t d o g m a t i q u e
est u n des p lus r e m a r q u a b l e s e x e m p l e s de p a t i e n c e et
de sage l e n t e u r q u e le Saint-Siège ait j a m a i s donnés !


Vint enfin le g r a n d conci le de T r e n t e , qui s 'appl iqua
avec t a n t d e soin , v o u s le savez , à l 'é tude de toutes les
t r a d i t i o n s ca tho l i ques . Or voici c o m m e n t s ' exp r ime , a u




Sl'lt l . ' J M M A G U L É E C O N C E P T I O N . '..V!


sujet de la Vierge, ce cé lèbre conci le , d a n s son déc re t
s u r le péché originel :


« Le s u v r CONÇUT; D É C L A R E D ' A I L L E U R S Q U E SON I N T K N -
•I ION N 'EST PAS DE COMPRENDRE D A N S CI; D É C R E T , O U II .


S ' A G I T DU P É C H É O R I G I N E L , LA B I E N H E U R E U S E ET IMMACULÉE


\ I E R G E M A R I E , MÈRE DE D I E U »


Que, signifient ces paroles, N:. T.-C. F . , et que veu-
lent d i re les Pè res de cet i m m o r t e l conc i le , q u a n d , fai-
san t un décre t si un ive r se l , et a y a n t les yeux a t t a c h é s
su r la let t re des Sa in tes É c r i t u r e s , o ù il est dit q u e t ous
ont p é c h é , onini's /icccaoerunl, ils d é c l a r e n t e x p r e s s é -
m e n t ne pas c o m p r e n d r e la b i e n h e u r e u s e Marie, d a n s
ce décre t et d a n s cet omnex ? Saints É v o q u e s , p e r m e t -
t ez -moi de vous le d e m a n d e r ici, q u e vou lez -vous d i re
et qu 'on lcndez -vous , e n c o r e u n e fois, q u a n d vous ne
comprenez pas Marie, s inon q u e vous l ' excep tez ? d ' a u -
tant que v o u s - m ê m e s la p r o c l a m e z auss i tô t IMMACULÉE,
ce qu i signifie, si je l ' e n t e n d s bien, s a n s a u c u n e t a che
de p é c h é ! Tous ont p é c h é , d i t e s - v o u s , tous s a n s e x -
cept ion son t soui l lés . Mais Marie , la Mère de Dieu, e s t
excep tée : ca r elle es t I m m a c u l é e , elle es t s a n s t a c h e ;
et à Dieu n e plaise q u e n o u s p u i s s i o n s j a m a i s la c o m -
prendre , d a n s le décre t du p é c h é !


J e m ' a r r ê t e ici, \ . T.-G. F. : vous le voyez , les t é m o i -
gnages a b o n d e n t , et la t r ad i t i on se m o n t r e de t o u t e s
p a r t s avec écla t , d a n s tou t le c o u r s des s ièc les , p o u r
a t tes te r le g lo r ieux pr ivi lège de la Vierge. I m m a c u l é e .
File br i l le , cet te t r a d i t i o n si c h è r e à l 'Église, d a n s les


' Déclarât (amen Imn: ipsa sanc la Syno i lus non e s s e sua; mient ion i s
eompreliendore. in hoc dccre lo , uki de peccato original! agitur, beatam
et immacalnlmiilVirijinm Mariant Dei G e n i t i i c e m .




SL'R L ' I M M A C U L É E C O N C E P T I O N .


éc r i t s des P è r e s , des sa in t s d o c t e u r s et des anc i ens
éc r iva in s ecc l é s i a s t iques ; elle r e s p i r e , elle vit d a n s le
cul te et d a n s les l i turgies s a c r é e s ; elle t r i o m p h e p a r m i
les d i s p u t e s et t o u t e s les c o n t r o v e r s e s des é c o l e s ; enfin
elle r è g n e d a n s la c r o y a n c e un ive r se l l e de l 'Église.


Et q u a n d le j o u r , q u e t a n t de sa in t s et doctes pe r -
s o n n a g e s ava i en t dés i r é vo i r et n ' o n t po in t vu , a lui
e n f i n ; q u a n d le Vicaire de, J é s u s - C h r i s t , a p r è s avoi r
i n t e r r o g é t ous les Évoques ; q u a n d l 'Église e l l e - m ê m e ,
p a r l ' o r g a n e du s u c c e s s e u r de P i e r r e , a so l enne l l emen t
défini la vér i té de l ' immaculée , Concept ion de la b i e n -
h e u r e u s e Vierge, l 'Église et son Chef s u p r ê m e n ' on t fait
a u t r e c h o s e , en cela, q u e r e c o n n a î t r e , certifier, p roc la -
m e r l ' e n s e i g n e m e n t t r a d i t i o n n e l et divin.




L E T T R E A U C L E R G É D U D I O C È S E


rOi'.TA.Yr COJI.UtXir.VTIOX


DE L'ALLOCUTION DE N. S. P . LE PAPE


D D 2 0 S E P T E M B R E 1 8 5 0


E T D E N O T R E P R O T E S T A T I O N


Au sujet des attentats dirigés en ce moment contre


le Souverain Pontife et le Siéçjc apostolique


M E S S I E U R S ,


Je crois devoi r vous d o n n e r i m m é d i a t e m e n t c o m m u -
nicat ion de l 'Allocution p r o n o n c é e p a r Notre S a i n t - P è r e
le P a p e d a n s le Cons is to i re tenu à H o m e , a u Vatican,
le 26 s e p t e m b r e 1859.


Je vous ad re s se en m ê m e t e m p s la p r o t e s t a t i o n que
je vena i s de publ ier , q u a n d cet te a l locut ion m ' e s t p a r -
v e n u e , au sujet îles a t t en t a t s dir igés c o n t r e le Saint-
Père et le Siège a p o s t o l i q u e , et d o n t le s canda l e c o n -
t inue à affliger tous les cœurs c h r é t i e n s .


C'était une obl igat ion p o u r m o i de v o u s faire c o n -
n a î t r e les s en t imen t s et les p e n s é e s de m o n â m e , d a n s
les graves c i r c o n s t a n c e s où la s a in t e Église r o m a i n e se
t rouve p l a c é e ; et vous p e n s e r e z auss i , j e n ' en d o u t e
p a s , q u e c 'est le m o m e n t p lus q u e j a m a i s où tous les
b o n s p r ê t r e s do iven t r e d o u b l e r de zèle, d 'affection, de
d é v o û m e n t e n v e r s le Vicaire de Jésus -Chr i s t , et offrir
sans cesse à Dieu, c o m m e autrefois , l 'Église de Jé ru-




P R O T E S T A T I O N A U S U J E T D U S A T T E N T A T S


sa lem p o u r P i e r r e J , de fe rven tes et u n a n i m e s p r i è res


en faveur de Celui qui o c c u p e a u j o u r d ' h u i la cha i r e du


P r ince des a p ô t r e s . Ce n ' es t pas des Juifs et d ' I I é rodc


q u e le s u c c e s s e u r de P i e r r e est a u j o u r d ' h u i captif;


m a i s sa s i tua t ion es t p lus d o u l o u r e u s e e n c o r e au m i -


l ieu des pér i l s et des m e n a c e s qu i l ' env i ronnen t de


toutes p a r t s , a u c e n t r e m ê m e de la ca thol ic i té .


A L L O C U T I O N D E KT. S. P . L E P A P E P I E I X


P r o n o n c é e ilans le Consistoire secret <lu 20 sepli ml re I S S I ) - .


« Véxinuimes Fkì i rms,


C'est avec la plus profonde douleur que, dans Notre
Vllocution du 28 juin de rn ie r , Nous avons exprimé devant
vous, Vénérables F rè res , Nos plaintes sur les actes accom-
plis par les ennemis de ce Siège; apostol ique, soit à (Sologne,
soit à Ravenne , soit a i l leurs , contre N o t r e autorité civile et
contre la légitime souveraineté at tachée à N o t r e Pontifical.
Par cette même Allocution, Nous avons déclaré que tous
ceux qui avaient pr is par t à ces actes avaient encouru les
censures ecclésiast iques et les peines infligées par les ca-


1 Petrus tjuhhm senabatur in carcere : ornilo auteiu lìebal'.sine
intermissione ab Ecclesia ad Vai m prò eo. ;Act. i x , ;,.)


• S S . D. N . PII divina Provident ia Papas IX Allocutio habita
in Cons i s tono secreto die 26 septembris 1859.


YENKRAHII.ES FUATRES ,


Maximo animi Nostri dolore in Al locut ione ad vos die v i e e s ì m o provimi
m e n s i s junii b a l a t a , Vi nerabiles Eratres , lamentat i s u m u s ea omnia ,
<[uœ ab hiijus apostol ica 1 Sedis hos t ibus t imi Rimonta 1 , t imi Ravenna 1 ,
tu m alibi conlra c lv i l em l e g i t i n m m q u e N o s t r u m et ejusdem Sedis
Pr inc ipatmn, put rata s u n t . Insuper eai lem Allocul iune illos o m n e s
in ccc'.esiaslicas censuras et pumas a sacrés canonibus inflictas i n -




CONTKK E E S A I N T - S I E G E (I8Ó9;. 257


n o u s , et Nous avons frappé de nullité toutes leurs m e -
sures .


.« Cependant, Nous nourr iss ions alors l 'espoir que , sous
r in f luonrede Notre parole , ces enfants rebelles ren t re ra ien
dans le devoir, d 'autant plus que personne n ' ignore avec
quelle mansué tude et quelle douceur Nous avons procédé
dès le commencement de notre Pontificat, avec, quel zèle et
quel empressement Nous avons sans cesse, au milieu des
plus graves difficultés des temps , dir igé tous Nos soins et
toutes Nos pensées vers le bien-être et le bonheur temporel
de Nos peuples . Mais cet espoir est aujourd 'hui complète-
ment évanoui. Car, par t icul ièrement soutenus connue ils le
sont par les conseils, les encouragements et toute espèce
de secours du dehors , ils n 'en sont devenus que plus auda-
cieux, et ils n 'ont rien négligé pour troubler toutes les p r o -
vinces de l 'Emilie soumises ;t l 'autori té Pontificale, et pour
les soustraire à Notre souveraineté et à celle du Saint-
Siège. Aussi le d rapeau de la rébell ion el de la défection
ayant été arboré , et le gouvernement Pontifical renversé ,
on a commencé par établir , au nom du royaume sarde , des
dictateurs qui ont pris successivement le n o m de commis -


culissc ilcclaravimus, et omnes coruui actus n u l l e s et írritos esse d e e r c -
v in ius .


Ea porrospe sustental ianiur fore, ut rebelles isti filii Noslris bisce v o -
eibns excitait ae permoli arl of l ie ium redire ve l l en t , t i i m o m n e s pnrscr
t i m n o s e a n t q u a n l a mansuetudine ac leni tate , vel ab ipso supremi Noslri
l'ontitieatiis initio s emper usi s i m u s , et quanta alaeritate s ludioque
ínter graviss imas t e m p o r u m dif l ieultates n u n q u a i n in termiser imns
curas omnes cogitationesque, ad temporar iam quoque Nos lrorum popu-
lorum uti l i tatem tranqid l l i ta temque provomendarn c o n v e l i e r e . Sed
Nnstra turc spes prorsus evanuit. E t e n i m i p s i externis po t i s s imuni c o n -
sil i is , instigati iuiibus, et o m n i b u s cujusque generis auxil i is l'reli, atqiie
ideirco audenl iores factl nlhil i n a u s u m , nitiilquc intcnbi lum re l iqne-
runt , ut o m n e s /Emilia» provinc ias Poiitincio* Xostra- diiioni subjeetas
perturbarenl , casque, a eivili Mostró, el lmjus Sanetre Seuis priucipalu
dislraherent. Ilinc in i isdem provincias, rebel l ionis ac del'ectioiiis erec lo




25? P R O T E S T A T I O N A U S U J E T D E S A T T E N T A T S


«l i res ex t raord ina i res e tde gouve rneu r sgéné raux , lesquels,
«'arrogeai)l témérairement les droi ts de Notre souveraineté,
ont desti tué des fonctions publ iques ceux que leur fidélité
manifeste envers le pr ince légitime faisait soupçonner de ne
point a d h é r e r a leurs desseins pervers . Ces mêmes hommes
n 'ont pas craint non plus d 'empiéter sur le pouvoir ecclé-
siast ique, en publ ian t de n o u v e a u x édits pour l 'administra-
tion des hôpi taux, des o rphe l ina t s et d 'autres legs, maisons
et inst i tut ions pieuses . Ils ne se sont pas fait davantage
scrupule de poursu ivre de vexat ions quelques membres du
clergé, de les exiler ou de les je ter en prison.


« Excités par une haine manifeste contre noire Siège
apostol ique, ils n 'ont point hésité à réunir à Cologne, le
6 de. ce mois, une assemblée à laquel le ils ont donné, le nom
d 'assemblée nat ionale des peuples de l 'Emilie, et d'y p ro -
mulguer un décret rempl i d 'accusa t ions et de prétextes
faux ; et s ' appuyant mensongè remen t sur une pré tendue
unanimi té popula i re , ils ont déclaré , cont ra i rement aux
droits de l 'Église romaine , qu ' i ls ne voulaient plus être
soumis au gouverncmentc iv i l de là Papauté . Le lendemain,
comme on fait main tenant , ils ont publié une nouvelle d é -


vex i l lo , et Pontificio sublato gubern io , p r i m u m Subalpini reiiiii d i c l a -
torcs const i tua fucruiit , qui poplca cuuimie&:rii exlraordinai ii il loti,
ac druide gnbernalures généra les appel lat i , qu iqu" supremi Nostri
Pri i icipali is jura s i b i teoiere arrogantes apu l i l i e i s obeiuni is munrr ihus
illus a inoverunt , q u o s oli s p e c t a l a m erga legilirninn principein l idem
cu in peu vis e o r u m consi l i is m i n i m e consen l i re suspicabai i tur. Non d u -
bilai mit a u t e m hujusmudi b o u l i n e s in oec leHast icam qnoipie iuvadere
pologtatem, eu m n o v a s de No*<ic->miis, Orphano Irophi is , aliisqr.e Piis
l egal i s , loris et ins l i tut i s loges ediderint . Neque t imuerunt uliquos
eee les ias l ieos v iros v e s a r e , eosqne vel expel lere , vei ct iam in eaiverrrn
conjieere. Apertis.-imo vero in l iane apostol ieain Sedem o d i o ]iereiti
m i n i m e reformidarunt die soxla linjn? menais rncvent i im Ilononia;
ancre ab ipsis nat ionale in /Umilhe, popo lornm a p p e l l a l m n , aique in
illo promuigare deeret inn falsls cr iminal ionibus et pra'b'Xl is r c f e i l o m ,
quo p o p u l o r u m u n a n i m i l a t e i n mendac i l er asscrenles , conlra R o m a n œ




( . C I N T R E Е Е S A I N T ­ S I È G E (18ЫУ 259


elaration d'après laquelle ils enlei idaienl s 'annexer aux
possessions du roi de Surdaigne.


« Au milieu de ces lamentables attentats , les chefs de
cette faction ne cessent d 'employer tout, leur art à co r rom­
pre les nteeursdes peuples, par t i cu l i è rement au moyen des
livres et des j ou rnaux qu'i ls publient , soit à Bologne, soit
ailleurs, et dans lesquels on encourage toute l icence, on
couvre d'injures le Vicaire de Jésus­Chris t sur la ter re , on
tourne en ridicule 1rs exercices de la religion et de la piété,
on livre à la dérision les prières dest inées a honorer l ' Im­
maculée et Irès­saintc Vierge Marie, mère de Dieu, et à im­
plorer son lotit­puissant pat ronage . Sur les théâtres , la
morale publique, la pudeur et la ver tu sont out ragées , et
les personnes consacrées à Dieu sont exposées au mépr i s et
à la moquerie de tous.


« Voilà ce que l'ont des hommes qui se disent cathol i ­
ques, et qui se déclarent pleins de respect et de vénérat ion
pour le pouvoir spirituel suprême et l 'autorité du Pontife
romain. Tout le inonde voit combien une pareil le déc la ra ­
t ion est t rompeuse, car les auteurs de ces actes conspi rent


lCrdesia; j u r a d c r k r a r i u i t , se n u l l e a m p l u i s P o n t i n o i o eivili en l i e rn io
sul iosso. Atque iusoqi iont i (lie d é c l a r a i ' m i t i t e m , ve lu t i in m o r e m i n e
e.­t, se velie S a n l i i e a ' rouis dii eaii et i i npe r io a d h a u e r e .


Uns iu lc i ­ la i i i eu la lu lcs ; I U M I S nnu ( l e s i n u n l lui us faet ieurs m m b ­ r a ­
ou'es i n a u e a i eo u и a r t e m iu e o r r u m p e i i d ' s p o r u i o r i n n m o r d a i s i i u p e u ­
ilero ¡1er l i ions p ;e ­er l ia i ;iPpio e p l i c u i e r i d c s tiiui Ucnnni. 'o, l imi ai l la
e d a a s , ip . iSns f n v i ' l a r quid l ib t a u d e n li l i cenc ia et (',hri.­ti liis in t e r r i s
V i . a i u s injuri ls t a e e r a t u r , ac r e l i ï i on i s p;olali.­([iie e v ro i lo t iones l u a i ­
b r i » l i a l i P i i l n r , precnsqae ad I m a i a c u l a t a m s a n r l i s s î u i a a i q u e i). i sv.­i­
t i ' i c en i Vira i ivm. Mariiuu c o l e u d ­ u n , ( ' jusque p i i t en t i s s imi im p a l r o r i ­
n i u m i u p t > r a n d u a i adhilii tar i r r i d e u t u r . In seeme i s vera s p e r t a c i i l i s
jniMi>:.i i i i­ i r imt U ni i 'ct iH, pui lo r v i r t i i M j u c o l l e n l i l a r , et pe r so i ae l )eo
s rr,ecoaraiioi о in i ino i ennten) | i t ion i et irr isioni e x p e n a n i u r .


Ila'c a i i t em ali i li­ a a i i n a i r , qui se eal l iu l icos esse , et s u p r e r m a n I to ­
raani Puiilitiels . ­p .n l i iu lcui pu tesUi l em a u c U e i l a t e i n pie colore , ne \ e ­
n­rai ' i ut'lli 'inant. O.iiue.s piMl 'celci \ i , l ia i t , q a a i n l'ail.14 sit l i i i j u s m o d i
dee la ra t ia : io.­i i i a a i q u e t a l l a arpa i tes c u i n i l . is o n i n l i . a s c o u ­ p l r a a t ,




2C0 P l t O T E S T A T l O X A U S U J E T D E S A T T E N T A T S


avec tous ceux (j ni font au Pontife romain et à l 'Eglise catho-
lique la guer re la plus acharnée , et qui n ' épargnent aucun
effort pour dérac iner et ext irper do tons l c seumrs , s'il était
possible, notre religion divine et sou salutaire ense ignement .


« C'est pourquoi , vous sur tout , Vénérables Frè res , qui
part icipez à Nos t ravaux et à Nos peines, vous comprenez
a isément dans q u e l l e affl iction Nous sommes plongé, et d e
q u e l l e d o u l e u r , de quelle indignation Nous sommes frappé
avec vous et tous les gens de bien.


« A u milieu d 'une si g r ande amer tume, ce qui Nou.-
console, c'est que les peuples des provinces de l 'Emilie, en
g r a n d e majori té, détestant ces coupables ent repr ises , et
s'en t e n a n t éloignés avec ho r reu r , conservent leur fidélité
envers le pr ince légit ime, et s 'at tachent avec fermeté à Noliv
autori té civile et à celle du Saint-Siège ; c'est que tout le
clergé des mêmes provinces, digne des plus grands éloges,
n 'a rien eu plus à cœur , parmi les troubles et les agitations,
que de rempl i r sc rupuleusement ses devoirs et de montrer
avec évidence sa foi s ingulière et le respect dont il est


qui tc lerr imum adversus Humauuin l'nnllfireui et catliotiea111 Erclesiuni
be l lum gérant , quique o m n i a c o n a u l u r , ut , si lleri unquaui possol , di-
vina nostra religio, e jusque salularis doc-Irma ex o m n i u m animis evel 'a-
tur e l ext irpe lur .


Q u a m o b r e m vos p n r s e r t i m , Yenerabiles F r a n c s , qui Noslrorum labo-
ruin et m o l e s t i a n i m estts participes, vel facile iulelligilis uuo in mierere
versemur , et quo una cuin voies Inni sque onini lms luctu et i n d i ï n a -
t ione afficiamur.


In tarda a u l e m acerbilate hoc solatio u t i n u i i , quod .Eniilite prov in -
e iaruui populi ex parte longe m a x i n i a do lenles bujusmodi rr.oliliones.
atquc ali iilis s u m m o p e r c abhorrentes , s u a u i e r g a legi t iuinm pr'ncipein
fidem servent , ac, civili n o s t n e , et hnjns SaneUe Sedis dominat ion!
constante!' a d l w c a u t ; et quod universus e a n u n d e m provinciarum c l e -
rus s u m m i s eerte laudilms d ignus niliil anl iquius habuit , quam in hoc
r c n i m m o t o cl perturbatione sui olllcti partes sedulo rxplere, ac Incii-
lenter os lendere qua singulari fide et observant ia nos et banc, anosto l icam
S e d e m prosequatnr ,aspei rima q u t r q u e c o n l e u m e n s a c d c s p i c i e n s p t ricuia.


.tant vero cuin Nos graviss inn olllcii Noslri rat ione, s o i e m n i q u e jura-




C O N T R E E E S A I N T - S I E G E (1859;. 201


animé envers Nous et le Siège apostolique, en bravant et en
mépr isant tous les périls.


" Maintenant, puisque Nous sommes tenu, par le plus
grave de Nos devoirs et par un serment solennel, de sou-
tenir intrépidement la cause de notre très-sainte rel igion,
de protéger avec fermeté contre toute violation les droi ts
et les possessions de" l 'Église romaine , de défendre Noire
souveraineté civile et celle de ce Siège apostol ique, et de la
t ransmett re intacte à Nos successeurs , connue le pa t r imoine
de saint Pierre , Nous ne pouvons pas Nous empêcher d 'é le-
ver Notre voix apostolique, aiin que tout l 'univers catho-
lique, et par t icul ièrement tous Nos Vénérables Frères les
Fvèques , dont Nous avons reçu, au mil ieu des peines les
plus antères, avec la plus grande joie de Notre cœur , tant
de remarquables cl i l lustres témoignages de foi, d ' amour
et d 'a t tachement pour Nous, pour ce Saint-Siège et le patr i -
moine du bienheureux P ie r re , connaissent avec quelle
énergie Nous désapprouvons tout ce que ces hommes ont
osé accomplir dans les provinces de l 'Finilie soumises à
Notre souveraineté Pontificale.


m e n t o adslrlcU debeamus sanct iss i ime nostrii: Kcligiutiis causa i» irapa-
\ Me prupugnare, et jura possrss ionesque Ilomana? Ecctesia? al> oniiii
•Oolatione forliler lueri, c iv i lemquo N o s t n n n et l iujus apostolicao Scdis
PrincipatiJiii cunstanter defiaidere, Hlumque Nostris succes sor ibus , v c -
iutibeali Pétri p a l r i m o n i u m , inlegrurn t r a n s m i l t i T c , l iaud p o s s u m u s ,
quin i tct iun apostol irain Xostram a t lo l l amus v o c e m , ut uni versus pras-
scrtiiu catluil icus urbis, atquo in p r i m i s omises Vencrabi lrs Eratres
-acrorum Antist i ies , a quibus inter m a x i m a s angusUas lot exinria et
uluïtria iinmoliitis eorum erga nos et b a n c S a n c l a m S c d e m , ae bcaU
Pc'.ii patr i iuoniuiu tidei, anioris s tudi ique t e s l in ion ia c u n i s u u m i a animi
V st:i coi i tulal ione aeeep i inus , cogriosoant quain v e h e m e u l e r a Nubi-
i n i i n i d i e n t u r qiue ejusmodi h o m i n c s in .Emii ia ' provinci is Ponti l iche
Nost ia 1 dit ioois palrare ausi sunt.


Ilaquc in l iée a m p î i s s i m o vcslro consessu tiun c immiemoratos , t iuu
abus umnes quoscuinque l'cliellium a c l n s contra ecclcs las i ioam p o t e s -
la t -m et inununi ta l em, et contra s u p r e m a i n Nos lram hujusque Sancla?
Seiiis c'.vilem dumii iat ionein , Pr iuc ipatum, potes tatem j u r i s d i c t i o n e m -




2 0 2 P R O T E S T A T I O N A U S U J E T D E S A T T E N T A T S


« C'est pourquoi Nous réprouvons ent ièrement , Non.-,
déclarons nids cl de nul effet tous les actes dont Mous
avons par lé dans cette augus te assemblée, el tous les acies
.attentatoires au pouvoir , aux. immuni tés ecclésiastiques, à
Notre souveraineté civile et de ce Saint-Siège, Pr incipauté ,
pu issance , jur id ic t ion : quel que soit le nom que l'on donne
à ces ac tes .


« Personne n ' ignore que tous ceux qui , dans les pro-
vinces ci-dessus désignées, ont donné Jour appui , leurs
conseils , leur assent iment aux actes que nous réprouvons,
ou en ont favorisé en quelque autre manière Faccoiuplisse-
nient, ont encouru l e s censures et les peines ecclésiasti-
ques que aSous avons rappe lées dans iSotre Allocution
ment ionnée plus liant.


'< Au res te , Vénérables Frères , a l lons Tunis jeter avec
confiance aux pieds du t rône de grâce, alln d'obtenir du
secours divin la consolation el la f o r e r nécessaire* an
mil ieu de si g r a n d e s adve r s i t é s : ne e r s s o n . - - p a s d 'adres-
ser au Pieu l'ielie en misér icorde de te! ventes et humilies
p r iè res , afin que , par sa vertu toute-puissante , il ramène
tous les coupables , dont quelques-uns peut-être ne savent
pas ce qu'ils» font, à de mei l leures pensées et aux sentiers
de la jusl ice, de lit rel igion et du salut. >¡


q u e , qiaiv is r o n d ne uc tu ip.-i appe l l en t u : , u , ,u . i . . c i op roi ¡ai nu.-, Il m.
p l a n e IRRITO,, et m . I l e - esse cleo m u i m i . » .


N e n i o a u l e n i I gno râ t , eus c n u i e s , qui lu pned io l i s p rov iao i i s ,-ioau
o p e r a i n , co i i s i lunn , a s i - c n s u i n i n e u i n r a l i s a c l i l a i - pi a'Mitri n u l , vel alia
q n a \ s ra t io i ie i a i s l ' avé ran t , I N C I D I S K - in < ccl, ï-iaslic, s censura:- et
pu-iins, ipats in j r i e i l i c i e N c . u a Ai 'oci t a e . c c.aia.ai n-¡a a \ nu,.-.


G e t e r n i n , Vern r a l ' des Eint i e s , ¡¡ i leanuis euui lieneia ail luuo i n i -
t i a 1 , u t d i v i n i ai ixll i i op'C, !-olatiiiiii el toi 1 a u e u i r n i io r i ,us loin au s, r.-i.-
a s . - e q u a m u r : m c - u c s i - l a m u s , d h i t e i u in nii.-ei i c í u Uui l ' cu iu a--iuu;.-
fer\ M i - q u e p n e 1.i• s l iu iu 1 !er <i11 x• ip.i o ore el e le -coi ; : i • , a i ¡ u i n i p n -
teiiti sua v i r t i i l e c o r e s alo rranl< s . qui ru in l i a s ' l a i 1 Mlqui lui.- le
decep t i nesci i lit i j u d faciun 1 , ,• a a ele m a c i .n . - i lui , idqi .e ad ,iu.-titia , i e-
l ig ion i s s a l u t i s q u e s e n u t a s n. d u c a l .




C O N T R E L E S A I N T - S I È G E {1860). 263


P R O T E S T A T I O N


A U S U J E T D E S A T T E N T A T S D I R I G É S C O N T R E L E S O U V E R A I N -


P O N T I F E E T L E S A I N T - S I È G E .


II m 'es t imposs ib l e de me ta i re et de. ne pas enfin
p r o t e s t e r , p o u r m a p a r t , con t r e les a t t en ta t s q u e Notre
S a i n t - P è r e le P a p e et le Siège a p o s t o l i q u e c o n l i n u e n l à
s u b i r s o u s nos yeux .


Je ne puis c o m p r i m e r plus l o n g t e m p s d a n s m o n Aine
les émul ions que sou lève un tel spec tac le , et q u e lous
les c œ u r s call ioNqr.es, je le sais et je le s ens , é p r o u v e n t
c o m m e moi . El. quel c œ u r a u r i o n s - n o u s , si n o u s ne
souffrions p a s à l ' h e u r e qu ' i l esl ? ou p lu tô t si n o u s
souffrions en s i lence lant d ' i nd ign i t é s !


C o m m e n t voir, c o m m e n t écou te r de sang-froid ce
q u ' o n e n t e n d c h a q u e j o u r ?


Se [)"iit-ii, l o i squ ' on a b r e u v e d ' a m e r t u m e s le Pè re
des fidèles, l o r s q u ' o n v io lente i n d i g n e m e n t le Chef
augus t e de l 'Église c a tho l i que , l o r s q u ' o n accab le d ' o u -
t r ages un doux et p ieux Pontife, l o r s q u ' o n souffle
l ' a n a r c h i e et la révol te p a r m i ses p e u p l e s , l o r s q u ' o n
p r é p a r e et c o n s o m m e enfin, a u m é p r i s des droi t s les
plus an t i ques et les plus sac rés , des spo l i a t ions od i euse s ,
se peut-il q u ' u n cri ne s ' échappe de nos po i t r ines , et
q u e n o u s ne p ro t e s t i ons a u t r e m e n t que p a r n o s d o u -
l e u r s c o m p r i m é e s et des l a r m e s s i l enc ieuses?


El (iui c ro i ra i t à la l iber té de la c o n s c i e n c e ca tho l ique
en Europe , si les o rganes légi t imes de la publ ic i té , en
t o u t pays , ne d i sa ien t pas h a u t e m e n t ce q u e la j u s t i c e ,
l ' h o n n e u r , la Religion, p r o c l a m e n t au fond des a ines?


Depuis la paix si sage et si nécessa i re de Vil lafranca,
depu i s trois mo i s , (pie voyons -nous en I ta l ie , s inon




2C4 P R O T E S T A T I O N AV S U ET DES A T T E N T A T S


l'audace des méchants, l'abattement des bons, le
triomphe de l'esprit révolutionnaire, la révolte et l'in-
surrection permanentes? — Et ce qui met le comble à
tous ces maux, c'est qu'ils ont été préparés, organisés
contre des souverains légitimes, en dépit de tout droit
public européen, et jusque dans les États du Chef de
l'Église, par les agents et les commissaires d'un prince,
chose étrange! qui est le fils d'une des plus nobles
races royales de l'Europe, chose plus étrange encore!
qui se dit catholique.


Oui osera dire que la Toscane, que Panne, que les
Élals pontificaux n'ont subi aucune pression étrangère,
cl que la révolte de ces villes, qui, il y a une année à
peine, acclamaient le Pontife, soit le mouvement spon-
tané des peuples, et non pas l'œuvre de ces artisans
éternels de révolutions, de ces ennemis irréconciliables
de l'ordre et de la paix publique, dont les armes fran-
çaises avaient, à une autre époque, délivré Rome op-
primée?


N'est-il pas évident que la révolution fait ici son
œuvre? Ne se monlre-t-elle pas au monde une fois de
plus telle qu'elle est, avec ses scandaleux excès, ses
scènes de désordre, son mépris pour tout ce qui est
respectable et sacré? Au nom de ces manifestations
révolutionnaires, qui, sous le prétexte vieux et usé
d'exprimer le sentiment public, font monter et bouil-
lonner à la surface de la société ce qui fermente de
plus redoutable et de plus vil au fond des masses popu-
laires, n'a-t-on pas assez profané d'augustes et grandes
choses, assez insulté de majestés, et jusqu'à celte ma-
jesté du peuple, qu'on abaisse et qu'on exploite dans la
violence et dans le mensonge?




C O N T R E l.E S A I N T - S 1 Ë C E [lSSir


N'a-l-on pas assez ou t r agé , s a n s a u c u n grief a v o u a b l e ,


le p lus don.Y et le p lus paci f ique des p r i n c e s , la p lus


noble des f e m m e s , u n e m è r e h é r o ï q u e , le mei l l eur e t


le plus m a g n a n i m e des Pont i fes? A lui , a ce v ie i l la rd ,


à Pie IX, n ' a - l - o n pas voulu j e t e r la r e sponsab i l i t é d u


sang q u ' o n a fait cou le r s o i - m ê m e , en p r o v o q u a n t , p a r


u n e révo l t e o b s t i n é e , u n e d o u l o u r e u s e , m a i s n é c e s s a i r e


r é p r e s s i o n ? Puis-je auss i r a p p e l e r , s a n s roug i r , les


l â ches ca lomnie s vomies , c 'est le mot , c o n t r e le Sa in t -


Père , et con t r e son d é v o u é m i n i s t r e , p a r u n e p l u m e


f rançaise? Il est vrai q u ' a v a n t d ' o u t r a g e r R o m e , elle


s 'était exe rcée déjà au m é p r i s de l 'hospi ta l i té r e ç u e , et


a g r é a b l e m e n t m o q u é e de cet te Grèce , qu i , quoi q u ' o n


puisse dire e n c o r e d 'el le et c o n t r e el le, n ' e n est p a s


moins la seule na t ion en E u r o p e qu i t i e n n e l ' é t e n d a r d


levé con t re l 'é ternel e n n e m i du n o m ch ré t i en .


Et quel droi t , quel p r inc ipe peut -on i n v o q u e r ici en


faveur de cet te po l i t ique a n a r c h i q u o et spo l ia t r i ce , de


cet oubl i de t ou t e ju s t i ce , et , p o u r le d i re enfin, de t a n t


d ' indignes m e n é e s ?


On ose bien p a r l e r d ' opp re s s ion , de v œ u x des p e u p l e s ,


de dé l iv rance .


L 'oppress ion ! m a i s en fut-il j a m a i s une c o m p a r a b l e


à celle d 'un peup le d o m i n é pa r les fact ions, qui l ' épu i -


senl , qu i l ' éc rasen t , qu i le r u i n e n t , qu i lu i f e rmen t la


b o u c h e , et, ap r è s bavoi r bâ i l l onné , d i s en t a u i n o n d e :


« il est l i b r e ; voyez c o m m e il p a r l e ! » et s ' imag inen t


avoi r t r o m p é l 'Eu rope par ces g r a n d s et so lenne l s m e n -


songes !


Les v œ u x des peup le s ! Ceci est p lus q u ' u n e belle p a -


role. : ce se ra i t u n e g r a n d e c h o s e ! .Mais est-ce bien s in-


cè rement q u e vous les i n v o q u e z ? Mais si vous êtes




2CC P R O T E S T A T 1 0 X A U S L ,1 E T D E S AT T E X TAT S


s i n c è r e s , si vous ne jouez pas sous les yeux d e l 'Europe ,
a u prol i t d e vo t re a m b i t i o n , u n e scène m a l déguisée ,
d i t e s - n o u s p o u r q u o i vous n ' écou tez p a s , p o u r q u o i vous
étouffez d a n s la c o m p r e s s i o n od ieuse de votre d ic t a -
t u r e , p a r l ' appl ica t ion la plus a rb i t r a i r e et la plus par-


t i a l e d e vos lois de p r e s s e , les v œ u x de la Savoie. Aon
p a s q u e j e les pa r t age ; non : à mon sens , la Savoie
n ' e s t pas assez p a t i e n t e ; elle oubl ie t rop vi te , en un
j o u r , hu i t s iècles de sagesse et de g lo i re ; — mais enfin,


je vous le d e m a n d e , et j ' a i le droi t de le d e m a n d e r ,


l a i s s e z - v o u s p a r l e r la Savoie , ceilo noble province , be r -
c e a u de vo t re d y n a s t i e , q u i vous d e m e u r e r a i t a t t a c h é e
e t se ra i t i tère de conse rve r son n o m , qui est le v ô t r e ,
qu i \ o u s sacr i f ierai t tout , j u s q u ' à ses in té rê t s les plus


c h e r s , si du moins vous respec t iez sa re l ig ion? Lui
l a i s s e z - v o u s mani fes te r l i b r e m e n t ses v œ u x ? P e r m e t -
t e z - v o u s l ' é l a n q u i , dans sa ivligieu->o dou leur , l ' en t r a îne
ve r s la F r a n c e ? A q u i o*ei ï i 'Z-vous le d i r e?


P o u r q u o i avez-vous a insi u n e b o u c h e et une b o u c h e ,


u n e m e s u r e el une tue.-uire, une j u s t i c e el u n e j u s t i c e ?


N o m m e s i m p r u d e n t s et t é m é r a i r e s , pol i t iques à
courte, vue, qu i setublez n ' avo i r [tris du g rand pol i t ique


i t a l i e n q u e cet te science' de l ' as tuce , contre 1 l aque l le
c 'est l ' h o n n e u r de la nob le d ip lomat ie e u r o p é e n n e


d ' avo i r t ou jou r s p ro tes té ! Si c ' e s t ainsi que , la ques t ion
doit ê t re p o s é e , s'il faut ci ter .les pu i s sances é t ab l i e s


e l l e s s o u v e r a i n e t é s légi t imes à la b a r r e des p e u p l e s ,


e s t - c e q u e vous ne sentez point t r e m b l e r sous vos pas
tou t le sol e u r o p é e n ? Et ces g r a n d e s na t ions sur l e s -


que l l e s , d a n » vo t r e faiblesse na tu re l l e , v o u s cherchez à
v o u s a p p u y e r , n ' a u r o n t - e l l e s pas a t r emble r à Jour
t o u r ?




C O N T R E L E S A I N Г ­ S I Ë G K (1859). 2G7


Les vœux des peuples ! Mais qui s'occupe des vœux
de la Pologne ? Quels efforts sérieux a­t­on faits pour
réparer la détestable injustice du siècle dernier envers
une grande nation catholique qui, en 1681!, sauvait en­
core de la barbarie musulmane l'Autriche, l'Europe et
la Chrétienté ?


Est­ce que les provinces rhénanes n'ont pas aussi
fait entendre des vœux? Et les vœux de treize millions
de chrétiens de l'Orient, songez­vous à les écouter?


Et l'Irlande catholique n'a­t­clle pas ses vœux aussi?
— t n ministre anglais disait hier que l'Angleterre ne
pernietlraii jamais que. les souverains légitimes fussent
rétablis par la force dans les duchés. Sil ' Ir lauden'avait
pas été vingt fois écrasée par la force, l'Angleterre pour­
rail­elie nous répondre que celle terre catholique ne
préférerait pas au sceptre qui l 'opprime la vaillante épéo
d'un de ses plus nobles enfants, catholique comme elle,
fils de ses anciens rois, et couronné à cette heure du
plus brillant prestige de la gloire française ?


Les vœux des peuples ! Mais quels crimes n'a­l­on
pas commis ou coin eris sous ce nom? Pauvres peuples !
Est­ce qu'on ne sait pas comment leurs vœux s'obtien ­
nenI. et s'expriment, ­ ­ par l'audace des méchants et la
terreur des bous : 111 Га.tentai du l'i janvier, eu France,
ne monliv­i­i; pas tout ce que les honnêtes gens ont à
redouter pour eux­mêmes eu Italie ?


On parle de délivrance! Si vous voulez rendre l'Italie
à elle­mènie et à ses nobles destinées, avant tout, sau­
vez­la des révolutionnaires qui ont toujours ruiné sa
fortune el rendu ses chaînes plus pesante»; avant tout,
déiivrez­la de l 'anarchie, si \otis v ,u!ez lui ménager
l'indépendance légitime, les prospérités et la gloire où




268 P R O T E S T A T I O N A U S U J E T D E S A T T E N T A T S


l ' a p p e l l e n t d e p u i s l o n g t e m p s s o n g e n i e , s e s s o u v e n i r s ,


e t l e s o u h a i t d e t o u t e s l e s n a t i o n s c a t h o l i q u e s : a v a n t


tout , r e s p e c t e z l e S i è g e a p o s t o l i q u e q u i , p e n d a n t t a n t


d e s i è c l e s , a é t é l ' a s i l e e t l e r e m p a r t d e s l i b e r t é s i t a -


l i e n n e s


J ' o s e c r o i r e e t v o u s d i r e q u e v o u s a u r i e z p l u s fait


1 L ' indépendance i tal ienne a été conquise sous le grand pape A l e x a n -
dre III, sans doute par les a r m e s , mais surtout par l'autorité sainte c l
incontes tée de la p u i s s a n c e pont i f icale . Ees villes lombardes te sont
abritées sous la chaire de saint Pierre , et la victoire de la Papauté , sui-
n e d'une paix g é n é r e u s e , a établi les rapports de l'Italie et de l 'Alle-
magne , du Saint-Siège et. de l 'Empire , sur les bases les plus équitables
et les plus honorables qui aient jamais existé.


Sans être, au mi l ieu de ce pays néces sa i rement divisé , un centre p o -
l i t ique , R o m e y est encore un centre nat ional , parce qu'elle est un
centre rel igieux.


Pourquoi les Milanais ne sont - i l s d e v e n u s ni Espagno l s , ni A l l e -
m a n d s iJ Pourquoi Venise, au t e m p s de sa grande pu i s sance , n'est-el le
d e v e n u e ni une puissance, grecque ou d a l m a t e , ni une puissance s lave ,
alors qu'elle avait p lus de possess ions au delà de l'Adriatique qu'en
deçà 2 Pourquoi le P i é m o n t , gouverné par des princes de langue fran-
ça i se , ne s'est-il pas francisé davantage i' Pourquoi Naples ne s'est-elle
natura l i sée ni a n g e v i n e , ni n o r m a n d e , ni sarrasinc, ni e spagnole , Naples
tant de fois e n v a h i e et si peu résistante à la c o n q u ê t e 2 Pourquoi la S i -
ci le , qui a pas sé par tant de m a i n s , la Corse , qui est aujourd'hui fran-
ça ise , sont -e l l es , malgré la mer , aussi i tal iennes qu'el les le sont 2 N'est-ce
pas en partie pai ce iute la religion leur d o n n e un cetilrc j m issati 1 ,i
R o m e , qu'à R o m e el les retrouvent des frères de sang et de langue , qui
ne leur permettent pas d'oublier le n o m , les traditions cl la parole i la-
h e n n e 2


L'exagération de ces idées est m ê m e entrée pour b e a u c o u p , on le
sa i t , dans tes prétent ions de l 'Italianisme moderne . Le l ' m a u f o de
l'alibi'- Gioberti l'ait du Pape et m ê m e du ca tho l i c i sme un ins trument de
la dominat ion nécessaire de l'Italie sur le reste du monde . La vérité
n'est, pas là : l'Italie et le catho l ic i sme souffriraient profondément d'une
telle a l l iance . L'Église ne s'y prêtera jamais . S a n s doute , c'est une
c h o s e glorieuse pour l' i lalie que le premier cl le plus italien de ses s o u -
verains soit en m ê m e t e m p s celui qui, par son caractère sacré , a p p a r -
tient au respect et à l 'amour de toutes les nat ions . L'Italie a, par le




СО M ' Н Е Е Е S A I N T ­ S I E G E (1860;. 209


p o u r la liberté" de l ' I tal ie , q u e vous n e ser iez p a s e n ­
gagés dans u n e voie fatale et s a n s i s sue , si a u l ieu de
la guer re déloyale q u e vous faites d e p u i s t a n t d ' a n n é e s
à l 'Eglise, c 'eût été chez elle, d a n s son Chef s u p r ê m e ,
et non d a n s des chefs de b a n d e s r é v o l u t i o n n a i r e s , q u e
vous eussiez été c h e r c h e r vos all iés . Là éta i t , là est
e n c o r e l ' aven i r de la l ibe r té en I tal ie . Puiss icz­vous
enfin le c o m p r e n d r e !


Le Souvera in ac tue l de la F r a n c e , le P r é s i d e n t élu de
la Républ ique f rança i se le c o m p r e n a i t et disai t le vra i
mol de la q u e s t i o n , q u a n d il écr iva i t , en 18/(8, au r e p r é ­
s e n t a n t du Souvera in ­Pon t i f e , en F r a n c e , ces p a r o l e s :
« La souveraineté temporelle du Chef vénérable de
« l'Eglise est intimement liée à l'éclat du Catholicisme,
« comme a la liberte et à l'indépendance de l'Italie. »


C'est ce q u e d é m o n t r e l ' h i s to i re , i n t e r p r è l e d e s g r a n d e s
lois de la Prov idence . C h a q u e fois qu ' i l y a eu un m o u ­
v e m e n t v r a i m e n t i ta l ien, les P a p e s ont été à la t ê te .
Q u a n d le m o u v e m e n t a été c o n t r e le P a p e , l ' I talie a
souffert. C h a q u e pays a ses des t inées . Et ce r t e s les
vôt res sont belles. Relisez le Primato de vo t r e Ciober l i .


Quoi qu' i l en soit, toute a u t r e pol i t ique sera i t m a l ­
h e u r e u s e , a u j o u r d ' h u i c o m m e t ou jou r s , et n ' a b o u t i r a i t
qu ' à des m i n e s à t r ave r s des s c a n d a l e s et des forfaits.


Et qui donc a a r r ê t é la g é n é r e u s e ini t ia t ive de Pie 1\?
Qui donc , en a s s a s s i n a n t ses m i n i s t r e s , en as s i égan l
son pala i s , en lui i m p o s a n t l 'exil , et d e p u i s , en m e n a ­
çan t pe rpé tue l l emen t son r è g n e , en l ' a b r e u v a n t de c a ­


Papc , la «luire île donner au m o n d e un Chef spir i tuel . Cel le gloire est
assez grande, et il ne faut pas qu'el le pousse ses prétentions a m b i ­
t ieuses au delà.




270 P R O T E S T A T I O N Л Г S U J E T D E S A T T E N T A T S


lomnies, en soulevant ses peuples, en déchirant son
cœur, en épuisant ses foi ces et sa vie, qui donc a en­
travé son action réformatrice cl l 'expansion généreuse,
trop généreuse peut­être, de son âme?


Quel souverain à sa place, et dans de pareilles condi­
tions, aurait pu agir avec la sécurité et la confiance né­
cessaires? Quoi ! c'est quand on ne lui laisse pas même
sa liberté d'action, qu'on parle de lui Imposer des ré­
formes ! Mais respectez donc en lui l 'homme, le sou­
verain, le Pontife! Cessez de le menacer, de l'outrager,
de l'allaquer ; laissez lui ses peuples, el laissez­le sin­
cèrement à eux, et bientôt vous n'aurez plus besoin de
lui tracer sa marche.


Des réformes! Mais quelle est donc, s'il vous plaît,
la nation où il n'y en a aucune à faire? Et où sont les
souverains qui goûteraient ce droit nouveau, en vertu
duquel la souveraineté, dépouillée de sa prérogative
constitutive, subirait la loi et les réformes de ses sujets
ou la leçon d'une souveraineté étrangère?


Pourquoi la souveraineté, du Pontife de Поте serait­
elle moins sacrée qu'une autre ? N'est­il d'aucune con­
séquence, à une époque de révolutions comme celle où
nous vivons, de donner, d'en haut, aux peuples,
l'exemple de l'oubli de ce respect des majestés su­
prêmes, sans lesquelles, bon gré mal gré, l'ordre social
tout entier est remis en question?


Est­ce qu'il y a une seule souveraineté en Europe
qui puisse tenir sur des principes pareils? Est­ce que
nous ne voyons pas, avec de tels principes, les plus
grandes puissances trembler sur leurs bases, malgré
des armées de quatre cent mille hommes, en pleine
paix?




G O N T P . K P i : S.VI V I ' - S I E G E TS.Vr. 271


Le tor t du Pape , ah ! q u a n t à ce to r t -c i , il es t rée l , je
le r econna i s : c 'est de ne pas d o n n e r la m a i n à ses all iés
avec les deux cent mil le h o m m e s dont le p r e m i e r Consul
par la i t a M. Cacaul t , en le n o m m a n t a m b a s s a d e u r à
Home ; mais le tort des m o n a r q u e s e u r o p é e n s , c 'est de
ne pas le t ra i te r c o m m e s'il les avai t , et de n ' avo i r pas
p o u r cet te s u b l i m e faiblesse d é s a r m é e le r e s p e c t q u e
le v a i n q u e u r de Marengo et d 'Auster l i tz eû t m i e u x
fait , p o u r lui et p o u r les s i e n s , de g a r d e r j u s q u ' a u
bout .


C'est l 'Angleterre s u r t o u t , je dois le d i re , don t l ' a l t i -
tude m 'a t t r i s t e et m e b lesse ici. Voudra i t -e l l e m a i n -
t e n i r la révolu t ion et n o s e m b a r r a s en I ta l ie , afin de
s ' é p a r g n e r la pe ine de n o u s c r a i n d r e chez elle et d e
n o u s c o m b a t t r e ?


Quoi qu' i l en soi t , ses plus fidèles amis e u x - m ê m e s
Je lui ont r e p r o c h é a v e c r a i son : elle est v ra iment t r op
d o u c e avec les forts, et t rop c o u r a g e u s e avec les faibles.
T é m o i n s les d i scour s r é c e n t s de ses h o m m e s d ' É t a t ; je
m ' é t o n n e qu ' i l n 'y ail r ien d a n s l eu r â m e p o u r sen t i r
q u e de telles p l a i san te r i e s son t peu s éan t e s à l 'heure,
qu ' i l est.


On ne voudra i t pas le l eu r d i re ; mais on y est q u e l -
quefois fo rcé : Oui ,vous avez fait d e g r a n d e s chose s , m a i s
vous n ' ê t e s pas tou jours u n e na t ion g é n é r e u s e ; et a u -
j o u r d ' h u i vous oubliez t rop Pie VII et son c o u r a g e , qu i
ne vous fut p a s inuti le , l o r s q u e , s o m m é p a r Napoléon ,
a lors t o u t - p u i s s a n t , de vous d é c l a r e r la g u e r r e , il r é -
pond i t : « Qu'étant le Père commun de tous les chrétiens,
« il ne pou mit avoir d'ennemis parmi eux, » et p lu tô t
que de céder , a ima m i e u x sub i r l 'exil, la capt iv i té et le
long m a r t y r e q u e le m o n d e sait .




212 P R O T E S T A T 1 0 N A U S E J E T D E S A T T E N T AT S


Mais sortons dos horizons étroits de la politique vul-
gaire et de la rancune des partis. Il faut, en finissant,
élever la question à sa véritable hauteur, et peser enfin,
avec toute la gravité qu'ils réclament, et en allant au
fond des choses, les grands intérêts catholiques engagés
dans ce débat.


On parle de respecter le vœu des peuples. Eh bien '
nous, catholiques, nous sommes un peuple aussi, nous
sommes plus de 2 0 0 millions répandus sur la face de
la terre, et il importe à nos intérêts les plus chers et les
plus sacrés que la Souveraineté temporelle du Pape,
intimement liée à la dignité, à l'indépendance, à la
libre action de l'Église, ne subisse aucune atteinte.


Nous ne permettrons pas, la conscience catholique
ne peut permettre, sans une énergique protestation du
moins, que Dieu entendra, — la protestation du droit
et de la faiblesse contre l'injustice et l'oppression, —
qu'on entame la Papauté, et qu'on la détrône morale-
ment par la flétrissure des contraintes.


On dit que toucher au Souverain, ce n'est pas tou-
cher au Pontife. Sans doute la puissance temporelle
n'est pas d'institution divine : qui l'ignore? mais elle
est d'institution providentielle; qui ne le sait aussi?
Sans doute, pendant trois siècles les Papes n'ont eu que
l'indépendance du martyre; mais, certes, ils avaient
droit à une autre, et la Providence, qui les soutenait
visiblement, mais qui n'agit pas toujours par la voie du
miracle, a établi sur la souveraineté la plus légitime
qu'il y ail en Europe, la liberté, l 'indépendance néces-
saire à l'Église.


L'histoire le démontre invinciblement :tous les grands
esprits l'ont pensé, et tous les vrais politiques le savent:




C O N T R E L E S A I N T - S I E G E ( 1 8 5 9 ) . 273


Ce sont les siècles quiontfail cela, et ils l'ont bien fait, di-
sait avec son bon sons supérieur l 'empereur Napoléon I™.


Oui, il tant, pour la liberté de l'Église et pour la nôtre,
que le Pape soit libre et indépendant ;


il faut que celle indépendance soit souveraine;
Il faut que le Pape soit libre et e[u'il le paraisse ;
11 faut que le Pape soit libre au dedans comme au


dehors ;
il le faut pour la dignité du gouvernement de l'Église


et pour la sécurité de nos consciences.
II le faut aussi pour lui assurer, dans les guerres que


se font trop souvent les puissances chrétiennes, la neu-
tralité qui convient au Père commun des fidèles.


Il ne suffit même pas que le Pape soit libre dans son
for intérieur : il fauL que sa liberté soit évidente ; il faut
qu'aux yeux de tous il paraisse libre, qu'on le sache,
qu'on le croie, qu'il ne s'élève à cet égard ni un doute,
ni un soupçon.


Il serait libre au fond de son âme, que s'il paraissait,
je ne dis pas opprimé, mais simplement assujetti au
joug d'un prince quelconque, de l 'empereur d'Autriche,
par exemple, ou de l'empereur de Russie, nous en se-
rions blessés, nous en souffririons tous : il ne nous
semblerait plus assez libre. Une défiance naturelle affai-
blirait pour plusieurs, à leur insu, le respect et l 'obéis-
sance qui lui sont dus. Il faut, en effet, que son action,
sa volonté, ses décrets, sa parole, sa personne sacrée,
planent toujours souverainement au-dessus de toutes
les influences, de tous les intéré's, de toutes les passions,
et que ni les intérêts mécontents, ni les passions
irritées ne puissent protester contre lui avec une appa-
rence quelconque de raison.


H . 4 8




274 P R O T E S T A T I O N A U S U J E T D E S A T T E N T A T S


El qu 'on veuil le b ien e n t r e r ici un m o m e n t avec moi
d a n s le fond m ê m e d e la q u e s t i o n , el p é n é t r e r la v ra ie
n a t u r e de cel te p u i s s a n c e s u r n a t u r e l l e , personni f iée
d a n s le Chef d e l 'Église. Cette p u i s s a n c e , é tabl ie p o u r le
b ien de t ous , n ' a j a m a i s r ien à d é c r é t e r qu i Halle les in-
t é rê t s m i s é r a b l e s ou les m a u v a i s e s pass ions des h o m -
m e s ; elle est l ' e n n e m i e n a t u r e l l e de l ' égoïsme qui les
t r o u b l e e l l e s p o u s s e en t r e eux aux divis ions el aux r é -
vol tes . Il est d o n c de son h o n n e u r , c o m m e de son de-
voir , de n ' ê t r e , de n e p a r a î t r e j a m a i s suspec t e , de s'éle-
ve r tou jours p lus h a u t q u e toutes les p r é t e n t i o n s r ivdles ,
q u e tendes les p r é v e n t i o n s j a l o u s e s . 11 faut q u e ni les
espr i t s chag r in s qu i m u r m u r e n t , ni les espr i t s orguei l -
l e u x qui s ' e m p o r t e n t , ni les e s p r i t s faibles qu i se t rou-
b len t , ni les g r a n d s e s p r i t s qui s ' égaren t et (pie le Pape
a ' . e r t i l , ni les rois qui o p p r i m e n t l eu r s peup les et que le
Pape r e p r e n d , ni les p e u p l e s qu i se révo l ten t et que le
Pape c o n d a m n e ; il faut q u e nul su r Ja terre ne p u i s s e
j a m a i s su spec t e r l ' a u t o r i t é , la s incé r i t é , la parfai te i n -
d é p e n d a n c e de ses déc re t s . Or, il se ra i t j u s t e m e n t s u s -
p e c t é , s'il é ta i t c o u r b é sous un pouvoir ' , sous u n e
domi udiou q u e l c o n q u e ; il n 'es t pas d'effort, pas de sa -
crifice qu ' i l ne dût faire p o u r a r r a c h e r son au lor i lé à
ce pér i l .


J 'a i p o u r conf i rmer celle doc t r i ne l ' exemple de
Pie IX l u i - m ê m e , l o r s q u e , fuyant Rome d e v a n t l ' o u -
t r a g e e t l a v i o l e n c e , i l p r o l e s t a s o l e n n e l l e m e n t en ces


t e r m e s : « Parmi les motifs qui Nous ont déterminé à
« celte, séparation, celui dont l'importance est la. plus
« grande, c'est d'avoir la pleine liberté dans l'exercice
« de la puissance suprême du Saint-Siège, exercice, que
«l'univers catholique pourrait, supposer a bon droit,




C O N T R E E E S A I N T - S I E G E ; 1 S 5 9


« dans les circonstances actuelles, n'être plus libre entre
« Nos tuains. »


J'ni déjà cité le p r e m i e r C o n s u l ; voici ce qu ' i l d isa i t
encore lorsqu ' i l a sp i r a i t à la g lo i re de C h a r l e m a g n e .
Hélas ! n o u s s a v o n s d e p u i s ce q u e devin t cet te g l o i r e ;
ma i s nu l n ' a con tes té qu ' i l ne lû t a lo r s d a n s la p l én i tude
de sou génie :


» L' inst i tut ion qui m a i n t i e n t l 'unité de la foi, c ' e s t - à -
<i dire lu i ' ape , ga rd ien de l ' un i té c a tho l i que , es t u n e
» i i^ i i !u! io ; : a d m i r a b l e . On r e p r o c h e à ce Chef d ' ê t r e un
« s o u v e r a i n é t r a n g e r . Ce Chef est é t r a n g e r , en effet, et
t> il faut en r e m e r c i e r le ciel. Le P a p e est h o r s de P a -
« r is , e l cela est b ien . 11 n ' e s t n i à Madrid , ni à Vienne ,
« et c 'est p o u r q u o i n o u s s u p p o r t o n s son au to r i t é sp i r i -
« ineile. À Vienne, à Madrid, on esl fondé à eu d i re a u -
•i \nvX Cruil on que s'il é ta i t à P a r i s , les Viennois , les


Espagnols c o n s e n t i r a i e n t à r e c e v o i r ses déc i s ions? On
« est donc t rop h e u r e u x qu ' i l r é s ide h o r s de chez soi,
« et q u ' e n r é s i d a n t h o r s de chez soi , il n e r é s ide p a s
« chez dos r i v a u x , qu ' i l h a b i t e d a n s cet te vieille R o m e ,
- loin de la ma in des e m p e r e u r s d 'Al lemagne, loin de
« celle des ro i s de f r a n c o ou des ro is d 'Espagne , tenant
« la ba lance en t re les s o u v e r a i n s c a t h o l i q u e s , p e n c h a n t
« tou jours un p e u ve r s le. p lus fort , et se r e l evan t b ien tô t
v. si le p lus fort dev ien t o p p r e s s e u r . Ce son t les s iècles
'.; qui ont fait cela , el ils l 'ont b ien fait. P o u r le g o u v e r -
« n e i u e n l des â m e s , c 'est la m e i l l e u r e , la p lus b ienfa i -
c ::anle ins t i tu t ion q u ' o n puisse, i m a g i n e r . Je n e s o u -
« tifits pas ces c h o s e s p a r e n t ê t e m e n t de dévot , m a i s
» pa r ra i son ' . »


' .M Tiii. Histoire du Consulat et de l'Empire.




r c P R O T E S T A T I O N AL' S U J E T D E S A T T E N T A T S


Vainemen t , p lus l a rd , éga r é p a r son e x t r ê m e p u i s -
s a n c e et gêné d a n s les r êve s de son a m b i t i o n p a r la Sou-
ve ra ine t é du Pontife , Napoléon e s saya - t - i l d ' a b r i t e r une
a u t r e doc t r ine d e r r i è r e le g r a n d n o m de B o s s u e t ; un
s imple p r ê t r e , M. É m e r y , eu t le c o u r a g e de lui r é -
p o n d r e :


« Sire , Votre Majesté h o n o r e Bossuet et se plaî t à le
« c i t e r ; voici ses p a r o l e s :


« Nous s a v o n s q u e les Pontifes r o m a i n s pos sèden t
« auss i l ég i t im em en t q u e qui q u e ce soit su r la te r re des
« b i ens , des d ro i t s et u n e s o u v e r a i n e t é (buna, jura, im-
« peria). Nous s a v o n s de p lu s q u e ces pos se s s ions , en
a tant q u e déd iées à Dieu, son t s a c r é e s , et q u ' o n ne
» p e u t , s a n s c o m m e t t r e u n sac r i l ège , les e n v a h i r . Le
« Siège a p o s t o l i q u e p o s s è d e la s o u v e r a i n e t é de la ville
« de R o m e et de ses É ta t s , afin qu ' i l pu i sse exe rce r sa
« p u i s s a n c e spi r i tue l le d a n s tou t l ' un ivers PLUS LIRRE-
« MENT, EN SÉCURITÉ ET EN PAIX (lib(')'ior CIC tlllior').


« NOUS EN FÉLICITONS NON-SEULEMENT LE SlÉGE APOSTO-


« I . 1Q0E, MAIS ENCORE TOUTE 1. 'ÉGLISE UNIVERSELLE, et IIOUS


« souhaitons de toute L'ardeur de nos vœux que ce Prin-
« cipat sacre demeure à jamais sain et sauf en toutes
« manières h »


Bossue t écr ivai t e n c o r e : « Dieu, qu i voula i t q u e cel te
« Église, la m è r e c o m m u n e de tous les r o y a u m e s , dans
u la sui te n e fût d é p e n d a n t e d ' a u c u n r o y a u m e d a n s le
« t e m p o r e l , et q u e le Siège où t o u s les fidèles deva ien t
« g a r d e r l 'uni té , à la fin fût mis a u - d e s s u s des par t ia l i -
« tés q u e les d ivers i n t é r ê t s et les j a lous ie s d 'Élal pc.ur-
« r a i e n t c a u s e r , je ta les f o n d e m e n t s de ce g rand dessein


' Rossuct , Jhfem. declar., lit). I, s ec t . 1, cap. \ i , p . 273.




C O N T R E E E S A I N T - S I È G E ( 1 8 5 ° , ; . ! "


« p a r Pépin cl p a r C h a r l e m a g n e . C'est p a r u n e h e u -
« r e u s c sui te de l e u r l ibéral i té q u e l 'Église, i n d é p e n -
u dan te dans son Chef de t ou t e s les p u i s s a n c e s t e i n p o -
« rel ies , se voit en é ta t d ' e x e r c e r p lus l i b r e m e n t , p o u r
« le bien c o m m u n , et s o u s la c o m m u n e p ro tec t ion des
<( rois c h r é t i e n s , cet te p u i s s a n c e céles te de, rég i r les
« â m e s , et q u e , t e n a n t en m a i n la b a l a n c e d ro i t e , a u
« mi l ieu de tan t d ' e m p i r e s s o u v e n t e n n e m i s , elle e n t r e -
« t ient l 'un i té d a n s tout le c o r p s , t a n t ô t p a r d ' inflexibles
« déc re t s , et tantôt p a r de sages t e m p é r a m e n t s . » (Dis-
cours sur l'Unité de l'Eglise.)


M a l h e u r e u s e m e n t , les conse i l s de M. É m e r y el l ' a u t o -
rité de Bossuet furent déda ignés . Mais oub l ions nos r e -
gre ts . La P r o v i d e n c e a ses vues , qu i n e son t pas les
n ô t r e s ; c h a q u e t e m p s a ses é p r e u v e s et ses s e c o u r s , et
c'est a u j o u r d ' h u i le neveu de Napoléon qui écri t : « La
« Souveraineté temporelle du chef de l'Église est intime-
« ment liée èi l'éclat du Catholicisme comme à la liberté
« et rt l'indépendance de l'Italie. »


Et c 'est le min i s t r e du m ê m e P r i n c e , q u i , au d é b u t
de la c a m p a g n e d ' I ta l ie , écr ivai t à l 'Ép i scopa t f rançais :
« Le Prince qui a ramené le Saint-Père au Vatican veut
« rpie le Chef de l'Église soit respecté dans tous ses droits,
« de souverain temporel. Le prince qui a sauvé la France
« de l'invasion de l'esprit démagogique ne saurait ac-
« cepter ni ses doctrines, ni sa. domination en Italie. »


Mais, r é p o n d e n t les r é v o l u t i o n n a i r e s i t a l i ens , la Sou -
ve ra ine t é du Pape , n o u s ne v o u l o n s p a s l ' abol i r ; n o u s
vou lons s e u l e m e n t la d i m i n u e r et la r e s t r e i n d r e .


Et p o u r q u o i , d i ra i - je à m o n tour , si c 'est d i m i n u e r et
a m o i n d r i r en m ê m e t emps l ' h o n n e u r du Ca tho l i c i sme ,
sa dignité et son i n d é p e n d a n c e ?




2 * 8 P R O T E S T A T I O N A U S U J E T D E S A T T E N T A T S


P o u r q u o i , si c 'est d i m i n u e r auss i et a m o i n d r i r la sou-
ve ra ine té la p lus Malienne qu' i l y ait dans la P é n i n s u l e ?


P o u r q u o i s u r t o u t , si , à l ' h e u r e qu ' i l est , et en face du
d é c h a î n e m e n t de toutes les pas s ions e n n e m i e s , cet te
s en t ence d ' incapac i t é r e n d u e pa r vous con t r e le Sa in t -
Siège est u n e s a n g l a n t e insu l te , je tée aux yeux d u m o n d e ,
à cet te ma jes t é d é s a r m é e e[ o p p r i m é e ?


P o u r q u o i , si cet o u t r a g e au Souvera in a l tè re inév i ta -
b l e m e n t chez les p e u p l e s le r e spec t dû au Pontife ; Pour-
q u o i , enfin, si ce t le in jure rejaill i t i név i t ab l emen t auss i
su r tous les c a t h o l i q u e s dignes de ce n o m ?


Vous di tes : on lui ô l e r a s e u l e m e n t la t iomagno et les
Légat ions . Mais, pe rme t t ez q u e je vous le d e m a n d e : de
(fuel d r o i t ? Et p o u r q u o i pas le r e s t e , s'il vous p l a t l î
Dans vos r êves d 'un i t é i t a l i enne , p o u r q u o i les villes que
vous lui laissez a u r a i e n t - e l l e s un a u t r e so r t que Bologne
et ( ¡0 .0 E c r r a r e ?


Sans c r a i n d r e do vous m e t t r e en cont rad ic t ion avec
v o u s - m ê m e s , vous pa r lez d ' anc i ennes c i rconscr ip t ions
t e r r i to r i a l e s . Mais s'il faut en r e v e n i r aux dé l imi ta t ions
a n c i e n n e s , à quo i se r é d u i s e n t les pos se s s ions de la
m a i s o n de Savo ie , et de tant d ' a u t r e s ?


P o u r q u o i ne vous c o n t e n t e z - v o u s pas de la i sser au
P a p e l ion ie s e u l e m e n t , avec les j a r d i n s du Vat ican? —
Vous l 'avez dit, n o u s le s avons .


Mais p o u r q u o i lui l a i sser Rome e l l e - m ê m e ?
P o u r q u o i le s u c c e s s e u r de Celui qui n ' ava i t pas u n e


p i e r r e où r e p o s e r sa t ê t e , en t r ouve ra i t - i l u n e en E u r o p e
p o u r r e p o s e r la s i enne?


P o u r q u o i Dioclél ien et les c a t a c o m b e s n e sera ien t - i l s
pas le me i l l eu r des r é g i m e s p o u r l 'Égl ise ?


Mais pu isqu ' i l est t an t ques t ion de sépa ra t ion et d ' a n -




CONTRE L E S A I N T - S I E G E ' 1 8 5 ! ) 279


ncx ion , que di ra i t l 'Europe , q u e d i r i o n s - n o u s , s i ¡ 0 Ty ro l
d 'une par i et la F ranche -Comté de l ' ou t r e , c o m m e plu-
s ieurs le voula ien t en 1830, d e m a n d a i e n t à deven i r
c a n t o n s su isses , et à ê t r e annexés à la Confédéra t ion
he lvé t i que? Et s'il p la isa i t q u e l q u e j o u r à la L o r r a i n e et
à l 'Alsace de t o u r n e r l e u r s r e g a r d s ve r s la Confédérat ion
g e r m a n i q u e , q u ' e n p e n s e r a i t - o n ?


Ces q u e s t i o n s , et b ien d ' a u t r e s , n a i s s e n t d ' e l les -
m ê m e s , et nul ne p o n t y é c h a p p e r !


Oui, p o u r q u o i , si vous êtes r é v o l u t i o n n a i r e s et ani i -
ca îho l iques , vous a r rê tez -vous t r e m b l a n t s devan t votre
p r inc ipe de spol ia t ion? Et si v o u s êtes ca tho l iques ,
p o u r q u o i le, p o s e z - v o u s ?


Où a l l ez -vous? où vous condu i t ce p r inc ipe dé t e s t a -
ble ? Dites-nous le donc c la i rement : d i tes -nous ce qu 'a l -
lait faire à Home la F r a n c e en 18'i9, et s'il n o u s faut,
en 18)9 r e n i e r cel te g lo i re? Ces ten ta t ives qu 'e l le a
c o m p r i m é e s a l o r s , n e son t - e l l e s pas a u j o u r d ' h u i celles
des r évo lu t ionna i r e s r o m a g n o l s ? ne s o n t - c e p a s t ou jou r s
les m ê m e s h o m m e s ?


Quoi donc , qu 'y a-l-il ic i? et q u e faut-il q u e n o u s
pens ions?


Kst-ce de vo t re p a r t un ca lcul h a b i l e , et n e p o u v a n t
p a s , ou n ' o s a n t pas a u j o u r d ' h u i d a v a n t a g e , a t t e n d e z -
vous le reste du t e m p s et de la violence des é v é n e m e n t s ?
Mais qui vou lez -vous qui en soi t d u p e ?


Nous ne le s o m m e s que I rop peu t -ê t re de l ' inact ion
des h o n n ê t e s gens , de la l e n t e u r des u n s , p e n d a n t la
m a r c h e r a p i d e des a u t r e s , de ceux qui veulen t p réc ip i -
t e r les é v é n e m e n t s , d a n s l ' espoi r qu ' on se ra bien forcé
un j o u r de c o m p t e r avec la logique des faits a ccompl i s .


Faut-i l que n o u s d is ions avec î ' o rgane le p l u s a c c r é u i t é




280 P R O T E S T A T I O N A U S U J E T D E S A T T E N T A T S


de la p r e s se angla ise q u e dans Va [faire actuelle, la
France est agressive et insidieuse? N o n , n o n , n o u s
n ' a d m e t t o n s pas , p o u r n o t r e p a i r i e , la p a r t q u ' o n v o u -
d ra i t lui faire : de tels calculs von t ma l à la géné ros i t é
f rança ise , et p o u r m a p a r t je p r o t e s t e , avec tou te l ' é -
ne rg i e de m o n â m e , c o n t r e les dé loya les in ten t ions qu 'on
ose n o u s p r ê t e r .


Mais, en f inissant , j ' a i à faire u n e p ro te s t a t ion e n c o r e
p lus h a u t e .


Fils dévoué de cet te sa in te Église r o m a i n e , m è r e et
m a î t r e s s e de toutes les a u t r e s , j e p ro tes te con t r e l ' im-
pié té r é v o l u t i o n n a i r e qu i m é c o n n a î t ses d ro i t s , el veu t
r a v i r son p a t r i m o i n e .


C o m m e É v ê q u c c a t h o l i q u e , je p r o t e s t e con t r e l ' h u m i -
l iat ion et l ' a b a i s s e m e n t q u ' o n v o u d r a i t faire sub i r au
p r e m i e r Évoque d u m o n d e , à celui qu i r e p r é s e n t e l 'É-
p i scopa l d a n s sa p l é n i t u d e .


Je p r o t e s t e au n o m d u C a t l i o l ï c i s m c , dont on v o u d r a i t
d i m i n u e r la s p l e n d e u r , la d igni té , l ' i n d é p e n d a n c e , eu
a t t a q u a n t le P a s t e u r u n i v e r s e l , le Vicaire de J é s u s -
Chris t .


Je p r o t e s t e c o m m e F r a n ç a i s : qui n ' e s t humi l i é ,
c o m m e F r a n ç a i s , d e v o i r , m a l g r é les consei ls con t r a i r e s
et les p ro t e s t a t i ons de l ' E m p e r e u r , cel le mi sé rab le sui te
de nos v ic to i res , ce funeste p r ix du sang de n o s so lda t s?


Je p ro t e s t e a u n o m de la r e c o n n a i s s a n c e qu i me
m o n t r e , d a n s l ' h i s to i r e , les Souvera ins -Pont i fes c o m m e
le l u m i n e u x symbo le de la civi l isat ion e u r o p é e n n e ,
c o m m e les b ienfa i t eurs de l ' I ta l ie , et , a u j o u r des p lus
g r a n d s pé r i l s , les s a u v e u r s de sa l iber té .


Je p r o t e s t e a u n o m du bon sens et de l ' h o n n e u r , q u i
s ' ind ignen t de la compl ic i té d ' une souve ra ine t é i t a l i enne




C O N T R E L E S A I N T - S I È G E { 1 8 5 0 } . 281


avec, les insur roc l ions et les r évo l t e s , et de cet te con ju -
ra t ion des basses et in in te l l igentes pa s s ions c o n t r e des
p r inc ipes r e c o n n u s et p r o c l a m é s d a n s le m o n d e c h r é -
tien pa r tous les vra i s et g r a n d s p o l i t i q u e s !


Je p ro tes t e au n o m de la p u d e u r et d u d ro i t e u r o p é e n
con t re la v io la t ion des ma jes t é s , c o n t r e les p a s s i o n s
b r u t a l e s , qu i on t si s o u v e n t i n sp i r é les p lus l â ches
a t t en ta t s .


Et, s'il faut tou t dire : je p r o l e s l c au n o m de la b o n n e
foi, contre, cel te ambi t ion mal c o n t e n u e et m a l dégui-
sée, ces r é p o n s e s é v a s i s e s , ce t te po l i t ique dé loya le ,
dont n o u s avons le spec tac le !


Je p r o t e s t e , au n o m de la j u s t i ce , c o n t r e la spol ia t ion
à ma in a r m é e ; au n o m de la vér i té c o n t r e le m e n s o n g e ;
au n o m de l ' o rd re c o n t r e l ' a n a r c h i e ; au n o m du r e s p e c t
con t re Je m é p r i s de tous les d ro i t s !


Je p ro t e s t e , d a n s m a consc i ence et d e v a n t Dieu, à la
face de mon p a y s , à la face de l 'Église et à la face du
m o n d e : q u e m a p ro tes ta t ion t r ouve ou non de l ' écho ,
je r empl i s un devoi r .


-j- F É L I X , É v ê q u e d 'Or léans .


Tels sont , Mess ieurs , m e s s e n t i m e n t s e t m e s p e n s é e s ,
et vous c o m p r e n e z s a n s pe ine p o u r q u o i j ' a i c ru devoi r
vous les confier.


En ce m o m e n t , je n ' a i p lus à vous d i re , d a n s la s i m -
plicité de n o s e n t r e t i e n s o r d i n a i r e s , q u ' u n mo t , don t la
dél icatesse de vos c œ u r s et la h a u t e j u s t e s s e de vos es-
pr i ts vous feront é g a l e m e n t c o m p r e n d r e l ' i m p o r t a n c e ;




m P R O T E S T A T I O N " A U S U J E T D E S A T T E N T A I S


cl , Ja c o m p r e n a n t b ien , v o u s évi terez nn pér i l dans
leque l j e vois , à l ' h e u r e qu ' i l es t , d o n n e r de t r è s - b o n s
espr i t s et m ê m e de nob le s c œ u r s .


Dans le c o m m e r c e du m o n d e et des ami t iés h u m a i -
nos, r ien n ' e s t p lu s facile, et pa r cela m ê m e p lus c o m -
m u n , q u e de se faire le consei l le r de ses amis m a l h e u -
r e u x . L e u r m a l h e u r insp i re u n é t r ange cou rage , et
c o m m e un b e s o i n s ingul ie r de veni r !ou! à coup leur
d o n n e r des conse i l s qu i , au fond, ne sont que des r e -
p r o c h e s , s o u v e n t t r è s - in j a - t e s et t ou jours sans dignité .
Dans la p r o s p é r i t é , on n ' ava ' t j a m a i s eu la force '.l'offrir
un consei l utile : des flatteries le p lus souven t , des ba s -
sesses a u beso in , voilà ce q u e les enfants du siècle s a -
v e n t offrir à l eu r s amis d a n s la fo r tune ; el pu i s , dans
l ' adve r s i t é , le dé l a i s semen t ou l ' injure. Les amis de Job
n o u s en offrent un exemple m é m o r a b l e .


Il se p r o d u i t a u j o u r d ' h u i q u e l q u e chose d ' ana logue .
Je ne puis r n ' e m p ê c h e r d ' ê t re v r a i m e n t su rp r i s cl a t t r i s té
en e n t e n d a n t tout ce q u e d ' h o n n ê t e s gens , et m ê m e de
bons c h r é t i e n s , se p e r m e t t e n t de. d i r e , e n t r e eux cl ' e u t
l i an t , su r le S a i n t - S i è g e , depu i s qu'i l est m a l h e u r e u x .
Je m ' é l o n n e en v o y a n t c o m b i e n il s'en r encon l ro qui
se l a i s sen t al ler à ce tr iste e n t r a î n e m e n t , et profitent de
cet te occas ion p o u r expose r a v e c u n e confiante assu-
r ance leur pensée s u r les a m é l i o r a t i o n s poss ibles dans
les Éta ts pont i f icaux , dans l ' admin i s t r a t ion civile, f inan-
c iè re , po l i t ique , d a n s les b u r e a u x des chance l l e r i e s r o -
m a i n e s , e tc . , e tc . P o u r mo i , q u a n d j ' a u r a i s eu j a m a i s
l ' insp i ra t ion d ' une p e n s é e et d 'un consei l , sur quoi que
ce soit, à confier à l 'orei l le de Celui qui me n o m m e son
F r è r e dans l 'Épiscopa t de Jésus -Chr i s t , et q u e je n o m m e
m o n P è r e d a n s la h i é r a r c h i e s a c r é e , j ' é p r o u v e r a i s u n e




C O N T R E L E S A I N T - S I È G E K i s ; , f . 2S3


r é p u g n a n c e inst inct ive et invincible à r ien lui d u o de
parei l en un Ici m o m e n t .


Messieurs, que ce soit là n o t r e l igne de condu i t e à
tons : soyons fidèles à cel le grande, loi du r e sp n c l . p o u r
le m a l h e u r , a cel le g r a n d e ' loi du. respec t p o u r la p lu s
sainte et la p lus h a u t e au to r i t é qu i soit sur la t e r re . Si
nous ne s a v o n s , si n o u s no p o u v o n s pas c o m b a t t r e
p o u r elle, s a c h o n s n o u s t a i r e et p r i e r , et qu ' i l n 'y ait.
dans n o s conve r sa t i ons , pas u n e p a r o l e q u e puisse
désavouer le son l imenl le p lus ùVlica! île la t endres se
respec tueuse el d o u l o u r e u s e que xunn d e v o n s , h 1 heu re
qu' i l est , et p lus q u e j a m a i s , an \ icaire de Jésuà-Cl i r i s l .


Et v r a i m e n t , es t - i l d o n c si difficile de t r o u v e r d a n s
son c o m r la m e s u r e de la condu i t e à teni r , d a n s ces
g raves c i r co n s t an ces , q u a n d le b o n sens l'a p rove rb i a -
l ement t r acée p o u r les p lu s vu lga i res a c c i d e n t s de la
vie ? Je c o m p r e n d s q u e , devan t un écol ier qui s*.- no ie ,
les maî l res d 'école de tout, âge el de toute cond i t i on a c -
couren t , sa i s i ssen t avec b o n h e u r l 'occasion de d o n n e r
l e u r leçon, et de m o n t r e r leur supé r io r i t é de l eu r s vues
el de leur s agesse ; ma i s q u a n d c 'est la d e m e u r e du
Chef s u p r ê m e de l 'Église c a t h o l i q u e que le t o r r e n t des
révo lu t ions h u m a i n e s m e n a c e d ' e n i r a l u e r , qu ' i l s c h o i -
sissent ce m o m e n t , et v iennen t a lors g r a v e m e n t i n d i q u e r
les p r é c a u t i o n s qu ' i l a u r a i t fallu p r e n d r e p o u r s ' éc la i re r ,
p o u r évi ter un faux p a s , les r é p a r a t i o n s q u ' i l a u r a i t fallu
faire à la m a i s o n p o u r p réven i r le dange r , les r è g l e m e n t s
m é m o s qu ' i l au ra i t fallu d o n n e r aux g e n s , e le , , etc. ; je
le dirai h a u t e m e n t , Mess ieurs , je ne c o n n a i s , p o u r m o i ,
rien de m o i n s nob le , et , si cela n ' é t a i t pas si s é r i eux , je
dirais , rien de p lus r id icu le .


Sans dou le , il y a, il d o i t y avoir t o u j o u r s d a n s F É -




281 P R O T E S T A T I O N A I ' S U J E T D E S A T T E N T A T S


glise , p in s q u e p a r t o u t a i l l eu r s , u n e sa in te et courageuse
l iber té : la vér i té doit tou jours s'y d i r e , avec le respec t
néces sa i r e . Sans d o u t e n o u s voyons sa in t Berna rd
a d r e s s e r a u s u c c e s s e u r de P i e r r e son b e a u livre de la
Considération au papa Eugène, : m a i s il se ra i t sage de
r e m a r q u e r q u e sa in t B e r n a r d étai t dès lo r s saint Ber-
n a r d : Eugène avai t é té son disciple et se n o m m a i t e n -
c o r e son lils, et la S o u v e r a i n e t é pont i f ica le , en sa p e r -
s o n n e , é tai t a lors a u c o m b l e de la p ro spé r i t é et de la
g lo i re . Je n e sais si sa in t B e r n a r d eut beso in de c o u r a g e
p o u r a d r e s s e r son l ivre à Eugène 111 ; ma i s il est év i -
dent , du m o i n s , q u e l ' abbé de Cla i rvauv ne fit pas a lo r s
une l â c h e t é .


Et ce r t e s , s'il fallait r e m o n t e r à la p r e m i è r e et m y s t é -
r i euse o r ig ine des c h o s e s c h r é t i e n n e s ; et au g r a n d
e x e m p l a i r e des d o u l e u r s i m m o r t e l l e s de l 'Église, n o u s
ne v o y o n s pas q u ' a u j a r d i n des Olives et au pied de la
croix , les disciples a ien t r ien fait de pare i l à ce que des
h o m m e s h o n n ê t e s , et cpii n e son t pas sans gravi té , se
p e r m e t t e n t si l i b r e m e n t a u j o u r d ' h u i . On le sait , p a r m i
les disciples du S a u v e u r , les u n s d o r m a i e n t , les plus
l â ches fuyaient , le plus m é c h a n t t r ah i s sa i t , le p lus vai l-
l an t t i ra i t i ' épée h o r s de p r o p o s ; m a i s je dou te qu ' i l s
e u s s e n t chois i ce m o m e n t p o u r faire à Jésus-Chris t des
o b s e r v a t i o n s , c o m m e ils l ' ava ient osé que lquefo is d u -
r a n t sa vie, su r la condu i t e qui'il a u r a i t dû t en i r : p o u r
lui r e p r é s e n t e r les i n c o n v é n i e n t s qu ' ava i t eus p e u t - ê t r e
son r e t o u r en J u d é e , son e n t r é e t r i o m p h a n t e à J é r u s a -
lem, la cha r i t é e x t r ê m e qui lui avai t fait c o n s e r v e r des
a v a r e s et des t r a î t r e s d a n s sa c o m p a g n i e ; non , ils se
ta i sa ien t d a n s l e u r t r i s t e sse : et t and i s que , du m o i n s ,
les amis fidèles, m a i s t r o p t im ides de Not re -Sc igneur le




C O N T R E L E S A I N T - S I È G E ( 1 8 5 9 ) . 5 8 5


-j- F . , É v o q u e d 'Or l éans .


su ivaient de loin, iioli a longa, il es t c o n s o l a n t de voi r
q u e les disciples p lus f e r m e s , e t s a in t J e a n le p r e m i e r ,
demeura i en t avec Marie , i m m o b i l e s , a u x p i eds de la
c r o i x ; non pas a b a t t u s , m a i s d e b o u t , et s a n s cr is i n u -
t i les , p rê t s à d o n n e r mille v ies c o m m e u n e gou t t e d ' e au
p o u r cel te vie si c h è r e et si m e n a c é e , et a t t e n d a n t d u
r e s t e avec conf iance , d a n s l e u r e x t r ê m e d o u l e u r , le
t ro i s i ème j o u r , qui ne m a n q u e j a m a i s a u x i m p é r i s s a b l e s
des t inées de la c ro ix et des crucif iés.




PREMIÈEE LETTRE A UI\r ГАТТЮТЛОГЕ


sur la brochure le Pape et le Congrès (1860)


Мол С П Е П A M I ,


Vous m e d e m a n d e z ce q u e j e pense de la b r o c h u r e
If Pape et le Congrès, qu i vient do se p r o d u i r e avec
t ou t e la so lenn i t é d 'un m y s t è r e , q u ' o n v o u d r a i t en vain
r e n d r e i r a n s p a r e n l , d a n s l ' in té rê t d 'une p lus éc la tan te
publ ic i té .


il m'est facile de v o u s r é p o n d r e ; c'est u n e œ u v r e en
effet q u ' o n p e u t j u g e r s o m m a i r e m e n t et c o m p l è t e m e n t .


Je p o u r r a i s éc r i r e un v o l u m e s u r cet te b r o c h u r e , car
elle t o u c h e à bien des c h o s e s ; suais q u e l q u e s l ignes
suf f i ront ; ia log ique et le s imple h o u sens d i spensen t
des longs d i s c o u r s .


Et du r e s t e , p o u r refuser à cet te b r o c h u r e l ' i m p o r ­
tan te or igine q u e p lus i eu r s affectent de lui d o n n e r , il
suffit de la l i re : il n ' e s t m ê m e p a s néces sa i r e de se
r a p p e l e r les h a u t e s p r o m e s s e s faites au Saint ­Siège.


Le p r o g r a m m e le plus sévère disai t : « Pas de dé ­
m e m b r e m e n t ; des r é f o r m e s ; » la b r o c h u r e dit a b s o ­
l u m e n t le c o n t r a i r e : « Pas de r é f o r m e s ; les a b u s son t
sa in ts : le d é m e m b r e m e n t . »




P R E M I È R E L E T T R E A E N C A T H O L I Q U E , E T C . 287


La b r o c h u r e se divise p o u r moi en t ro is p a r t s , q u e


VOici : LES PRINCIPES, LES .MOYENS, LE RUT.


I . — LES PRINCIPES.


Dirai- je t o u t d ' a b o r d nia p e n s é e ? — J 'ai r a r e m e n t
r e n c o n t r é d a n s m a vie des pages où tes s o p h i s m e s , les
con t r ad i c t i ons f lagrantes , et, s'il faut d i re le mo t , les
p lus palpables a b s u r d i t é s , fussent m a g i s t r a l e m e n t p o -
sées p a r ' fau teur en p r inc ipes , avec p lus de foi en so i -
même et u n e consc ience p lus sû re de son hab i l e t é , et
auss i de la s impl ic i té de ses l e c t e u r s .


C ' es t ce qu i exp l ique en pa r t i e ce q u e n o u s v o y o n s .
C ' es t à ce prix q u ' u n a u t e u r , qu i se dit c a t h o l i q u e , qui
ne par le q u e de son re spec t et de son a m o u r p o u r
l'Église, et n ' écr i t q u e ¡10111' la s auve r , a p o u r p r e m i e r
éd i teur le Tintes, et recuei l le en F r a n c e les a p p l a u d i s -
s e m e n t s u n a n i m e s et e m p r e s s e s des j o u r n a u x révolu-
t ionna i res et impies .


Je le c ro is bien : c o m m e « cullioliepie sincère, » et
r a i s o n n a n t à ce point de vue , il p r o c l a m e q u e le p o u -
voir t empore l du Pape est i nd i spensab le ; ma i s en m ê m e
somi'S i' s ' app l ique à p r o u v e r qu ' i l es t imposs ib le . 11
exalte vo lon l ie r s , et p lus h a u t q u e n o u s , le c a r a c t è r e
d i - i u du Pontife ; mais c 'est p o u r s 'en faire un a r g u m e n t
con t r e le pouvo i r d u S o u v e r a i n .


On ne peut a v o u e r p lus exp l i c i t emen t la nécess i té
i m p é r i e u s e de ce pouvo i r p o u r la l ibe r té et l ' h o n n e u r
de i 'Fglisc : on ne 'peut faire p lus d'efforts en lotit s ens
p o u r d é m o n t r e r son imposs ib i l i té , je ne dis p a s s e u -
lement pol i t ique , n ia is m o r a l e et spi i ifuelie.


« Ce pouvoir n 'est possible, di t l ' a u t e u r de la b r o c h u r e ,




288 P R E M I E R E L E T T R E A U N C A T H O L I Q U E


« que s'il est exempt de toutes les conditions ordinaires
« du pouvoir, c'est-à-dire de tout ce qui constitue son
« activité, ses développements, ses progrès. »


Mais, je le d e m a n d e r a i d ' a b o r d : qu i e s t - ce d o n c qu i
p e u t v ivre i c i -bas en d e h o r s de t ou t e s les cond i t ions
o r d i n a i r e s de l ' ex i s t ence?


Quel le est ce t te ac t iv i té , que l s son t ces développements
et ces progrès du pouvoir, q u e vous déc la rez rad ica-
l e m e n t i n c o m p a t i b l e s avec le g o u v e r n e m e n t Pontifical ?
Est-ce l 'act ivi té , e s t - c e le d é v e l o p p e m e n t , es t -ce le p r o -
g rès du bien ou du m a l ? Que v o u l e z - v o u s d i r e ?


Et d ' a b o r d , d i t e s -vous . « le pouvoir Pontifical doit
vivre sans armée. » Et p o u r q u o i ? Quel p r inc ipe lui in-
t e r d i t d ' avo i r u n e a r m é e , n o n p o u r a t t a q u e r , m a i s p o u r
se dé fendre , et p ro lége r l ' o rd r e publ ic? P o u r q u o i le
dro i t de légi t ime défense lui serai t- i l refusé?


Je sais qu' i l a vécu p l u s i e u r s siècles sans a r m é e , et
il vivait toutefo is , a l o r s , assez h o n o r a b l e m e n t en E u -
r o p e et d a n s le m o n d e ; ma i s a u j o u r d ' h u i , c 'est vra i , les
t emps sont c h a n g é s . Après q u e les r évo lu t ionna i r e s ont
mis l ' I tal ie en feu, et q u e s o i x a n t e a n n é e s de b o u l e v e r -
s e m e n t s po l i t iques et soc iaux on t perver l i tou tes les
no t i ons du dro i t et t r o u b l é tout l ' o rd re e u r o p é e n , il
faut des a r m é e s de 500 mille h o m m e s en pleine paix
p o u r g a r d e r i e s p lus forts É t a t s ; il faut q u e p a r t o u t ,
non pas s e u l e m e n t à R o m e , m a i s p a r t o u t , « la force ma-
térielle vienne suppléer à l'insuffisance de l'autorité mo-
rale. » Eh b i e n ! p o u r q u o i , d a n s u n tel t e m p s , les États
pon t i f i caux n e p o u r r a i e n t - i l s p a s avo i r auss i une force,
p o u r dé fendre chez eux l ' o rd r e et la ju s t i ce?


F é n e l o n , Rossue t vou la ien t q u e les p r inces c h r é t i e n s
fussent les p è r e s de l e u r s peup les . En t enda i en t - i l s p o u r




S E R L A B R O C H U R E E E P A P E E T L E C O N G R È S . 2SD


cela l eu r en lever le glaive ries lois et d é s a r m e r la j u s t i ce?
Non, d i t es -vous , « le pouvoir temporel du Pape n'est


possible que sans activité et sans progrès,- il doit vivre
sans magistrature... et pour ainsi dire, sans code et sans
justice. » — Et p o u r q u o i tou t cela , s'il v o u s p la î t? —
P a r c e q u e « sous ce régime, les dogmes sont les lois. »
— Cer tes la r é p o n s e es t é t r a n g e .


Mais quo i d o n c ? Est-ce q u e les d o g m e s ca tho l i ques
d i s p e n s e n t u n e na t ion q u e l c o n q u e d 'avoi r des lo is , u n
code , u n e j u s t i c e ? Ou bien es t -ce q u e , pa r h a s a r d , de
b o n n e s lois , u n e b o n n e j u s t i c e s e r a i en t i n c o m p a t i b l e s
avec les dogmes c a t h o l i q u e s ? Expl iquez-vous .


Bon gré , m a l g r é , a jou te l ' a u t e u r , « ses lois seront en-
chaînées aux dogmes ; son activité sera paralysée par
la tradition; son patriotisme sera condamné par sa foi. »
La b r o c h u r e Napoléon 111 et l'Italie avai t déjà dit :
« Le dro i t c anon es t inflexible c o m m e le dogme . »


Et d ' abo rd , p o u r q u o i cet te in ju re i n s igne? Depu i s
q u a n d , je v o u d r a i s b ien le savo i r d ' un F r a n ç a i s qui se
dit catholique sincère, d e p u i s q u a n d la foi c o n d a m n e -
t-elle le p a t r i o t i s m e ? — P o u r m o i , je m e fais fort de
p r o u v e r que , p e n d a n t dix s ièc les , il n ' y a pas e u en
Ital ie d ' I ta l iens plus pa t r i o t e s q u e les P a p e s : il y a
l ong t emps q u e l ' I talie eû t é té a l l e m a n d e s a n s eux .


Je n e sais du r e s t e , en vé r i t é , si l ' a u t e u r e n t e n d bien
lu i -même ce qu ' i l veu t d i r e , l o r squ ' i l écr i t q u e « sous ce
régime, les dogmes sont les lois. » •— Sans d o u t e , les
d o g m e s sont des lois p o u r l ' in te l l igence ; ma i s des lois
sont a u t r e c h o s e q u e des d o g m e s ; et q u a n d v o u s par lez
de l ' inflexibili té d o g m a t i q u e d u d ro i t c a n o n , vous
ignorez a b s o l u m e n t les p r e m i e r s é l é m e n t s des c h o s e s ,
et de la l a n g u e q u e v o u s pa r l ez .


n. 19




290 P R E M I E R E L E T T R E A U N C A T H O L I Q U E


« Il faudra, » d i t e s -vous e n c o r e , à c a u s e de ces
d o g m e s , « qu'il se résigne à l'immobilité. »


Vous v o u s di tes c a t h o l i q u e . L' inflexibil i té des dogmes
est d o n c d a n s vo t re s y m b o l e c o m m e d a n s le n ô t r e : vous
c r o y e z - v o u s p o u r cela c o n d a m n é à ê t re immobi le ?


En q u o i l ' inflexibili té de vos d o g m e s nuit-el le chez
v o u s a u m o u v e m e n t de t o u s les p r o g r è s m a t é r i e l s , à
l ' a g r i c u l t u r e , a u c o m m e r c e , à l ' i ndus t r i e , à l 'éc la i rage
au gaz, aux t é l ég raphes é l e c t r i q u e s , aux c h e m i n s de fer?


L 'Angle te r re a p r o g r e s s é eu tout cela avan t n o u s .
Lût-el le été b ien r e ç u e à nous d i re : C'est l ' inflexibilité
de vos d o g m e s qu i r e t a r d e chez vous l ' éc la i rage au gaz
et les c h e m i n s de fer ?


H e u r e u s e m e n t d ' a u t r e s n a t i o n s c a t h o l i q u e s d e v a n -
ça ien t ici , éga la ien t d u m o i n s l 'Angle ter re , en sor te q u e
ce bel a r g u m e n t é ta i t réfuté a v a n t de na î t r e .


Mais il y a d ' au t r e s p r o g r è s q u e les p r o g r è s maté r ie l s .
Eti quo i l ' inflexibilité du d o g m e nu i t -e l l e à l 'ar t , à la
sc i ence , à la l i t t é r a t u r e , à tous les p rog rès intel lectuels
et m o r a u x ; et c o m m e n t o sez -vous n o u s d i re : a béné-
ficier des complètes de la science, des progrès de l'esprit
humain, il ne. le pourra pas : ses lois seront enchaînées
aux dogmes. »


On croi t r êve r q u a n d on lit de telles choses .
Mais c 'est ce d o g m e , ce son t ces P a p e s e n c h a î n é s au


d o g m e , qu i v o u s ont d o n n é , c o n s e r v é tout cela , à vous,
i n g r a t e I tal ie ! à v o u s , E u r o p e i n souc i euse de vos iu t é -
rê l s les p lus s ac r é s !


E l voila p o u r t a n t les a b s u r d i t é s don t on fait re lent ] ,
le m o n d e en t ie r ! Voilà les n ia i se r i e s c a lomnieuse s qu'i l
faut q u ' u n pub l i c f rança is accep te !


Cer tes , ce n ' es t p a s p a r e n t ê t e m e n t de dévot que je.




S ["H L A I M i O C H U l i L ' L L l'A P U l ' . ï L E C O N G R E S . 291


dis ces choses : Vol la ire c l 11. de C h a t e a u b r i a n d les ont
d i tes avan t moi : « L'Europe doit au Saint-Siege sa ci-
vilisation, une paii'u' de s e s meilleures lois, et presque
toutes ses sciem-es et ses arts. » Vous l 'avez dit v o u s -
m ê m e a i l l eurs ; m a i s le ou i e t le n o n v o u s gênen t p e u .


Kst-ce l ' inflexibilité du dro i t c a n o n , e s t -ce le d o g m e
qui e n c h a î n a i t Pie IX, q u a n d il d o n n a i t aux p r inces
I ta l iens le s ignal des r é fo rmes , e t aux p e u p l e s des Éta t s -
l lomains ces l iber tés don t les r é v o l u t i o n n a i r e s se s e r -
v i rent si tôt pour le r e n v e r s e r ?


Ko J'ai! de lois, s ans dou te , le Deca logue est inflexible,
Est ce qu'il n e l 'est pas auss i p o u r vous ?


Est -ce qu ' i l y a d a n s le Déca logue des lois a u x q u e l l e s
vous osiez t o u c h e r ? Es t -ce q u e foutes celles de vos lois
qu i s e ra i en t con t ra i r e s à ce code divin ne se ra i en t pas
nul les de plein droit ?


(juoi qu'i l en soit , d i t e s -vous , «son activité sera pa-
rai ipsée pur lu tradition, »


De quel le t r ad i t ion v o u l e z - v o u s p a r i e r ? Queiio est la
t rad i t ion c a t h o l i q u e qui p a r a l y s e u n e b o n n e act ivi té
q u e l c o n q u e ?


C'est una vieille t rad i t ion , il est v r a i , d a n s le Chr is t ia-
n i s m e , que le c o m m e r c e , l ' i ndus t r i e do iven t r e spec t e r
les lois de la j u s t i ce , les éc r iva ins les lois de la vé r i t é :
Ls'i-co la p a r a h s e r le c o m m e r c e , l ' i ndus t r i e , l ' intel l i -
gence ?


El q u e p r é t e n d e z - v o u s e n c o r e avec des an t i t hè se s
c o m m e cel le-ci ;


c: Le L'on life est dé p a r d e s p r inc ipes d ' o r d r e divin
« qu'i l up. s a u r a i t abd ique r . Le p r ince es t sollicité p a r
« des exigences d ' o r d r e social q u i ! ne peu t r e p o u s s e r . »


did-ce q u e l 'ordre, socia l e t l ' o ro r e divin son t a n l i p a -




2 J Î L'RKMI Kit K R .KTTRK A U N C A T H O L I Q U E


t b i q u c s ? Qu'es t -ce d o n c q u e l ' o rd r e socia l , et c o m m e n t
l ' en tondez -vous ? Est-ce q u e la soc ié té h u m a i n e n ' es t
pas aus s i de dro i t divin ?


Quel le est cet te i ncompa t ib i l i t é n o u v e l l e , q u ' a p r è s
dix-hui t siècles de civil isat ion c h r é t i e n n e , vous venez
p r o c l a m e r e n t r e le Chr i s t i an i sme et l 'o rdre soc ia l?


Ne v o y e z - v o u s p a s q u e v o u s r enouve lez con t re nous
les p lu s o d i e u s e s a c c u s a t i o n s du vieux p a g a n i s m e ?
C o m m e le disai t aut refois Tac i t e , vous accusez l 'Église
d ' ê t re l ' e n n e m i e du g e n r e h u m a i n , odium genen's hu-
main : m a i s a lo r s ce n ' es t pas de I tome, ce n 'es t pas
de l 'Italie, ce n 'es t pas de l ' E u r o p e , c 'est du m o n d e en-
t ier qu ' i l faut c h a s s e r les c a t h o l i q u e s .


R o u s s e a u es t vot re g r a n d m a î t r e , on le sent , en fait
de théor ies soc ia les et r e l ig ieuses ; ma i s Rousseau était
p lus f ranc q u e v o u s : il déc la ra i t n e t t e m e n t , ap r è s
avo i r , il est v ra i , déc la ré le c o n t r a i r e , — m a i s q u ' i m -
p o r t e n t les c o n t r a d i c t i o n s d a n s ces t r is tes siècles, où
l 'affaissement un ive r s e l des espr i t s p e r m e t à pe ine que
les c o n t r a d i c t i o n s t r o u v e n t un c o n t r a d i c t e u r ! — Rous-
s e a u déc l a r a i t n e t t e m e n t un peup l e chré t i en incapable
de p rogrès , a u s s i à c a u s e de s o n d o g m e .


Es t - ce d o n c là ce q u e vous voulez d i re q u a n d vous
opposez l ' o rd re divin à l ' o rd r e social , q u a n d vous p r o -
c lamez q u e le d o g m e i m p o s e l ' immobi l i t é ?


Moi, j e vous dirai :
Il y a, c o m m e on l'a p r o c l a m é à l 'ancienne, t r i b u n e


f rança ise , le p r o g r è s r é v o l u t i o n n a i r e de la boule qui
rou l e t o u j o u r s en t o u t sens et n e se fixe j a m a i s ; et il y
a l ' immobi l i t é de la b o r n e qu i j a m a i s ne bouge : n o u s
ne v o u l o n s ni de l 'un ni de l ' au t re .


Mais il y a auss i la g lo r i euse immobi l i t é d u soleil , fixe




S I U i .A D K O C I I L ' R E l.K P A P E E T E E C O N Ç U E S . 2 » . ï


au c e n t r e du i nonde , qui a n i m e tout , qui éc la i re tou t ,
et a u t o u r duque l s ' accompl i s sen t t ous les m o u v e m e n t s
les plus s p l e n d i d e s , a u t o u r d u q u e l le monde marche
sans que la l u m i è r e reste jamais en arrière, quo i q u e
vous en disiez : voilà l ' image du Cathol ic isme.


Enfin que v o u l e z - v o u s d i re en p a r l a n t de cet te auto-
rité qui règne au nom de Dieu ? Est-ce u n . c r i m e , ou u n e
faiblesse de r égne r a u n o m de Dieu , per quem reges
régnant? Eaudra- t - i l effacer ces m o t s de nos Livres
sa in t s ? El q u a n d les r o i s , les e m p e r e u r s é lus , d é c l a r e n t
eu .v-mêmes r égne r par la grâce de Dieu, d i rez-vous que
ce n 'est là qu:i fo rmule et a lia ire de style ?


Aon, non , il faut é lever ses p e n s é e s p lus h a u t .
Il faut sor t i r des s o p h i s m e s p a r l e sque l s , en se t r o m -


pan t so i -même, on t r ó m p e l e s peup le s cl ceux qui les
g o u v e r n e n t : pas i m p u n é m e n t toutefois ! Les faux p r i n -
cipes ont des c o n s é q u e n c e s fatales ; la b r o c h u r e le Pape
et le Congrès m è n e son a u t e u r , p a r les m o y e n s q u e n o u s
ve r rons , à de telles e x t r é m i t é s , q u e , dès ce m o m e n t , je
pu i s lui d i re : Professer de tels p r i n c i p e s , et d o n n e r à
un g o u v e r n e m e n t de tels conse i l s , c 'es t le p o u s s e r aux
a b î m e s .


IL — LES MOYENS.


L' in iqui té des m o y e n s égale l ' a b s u r d i t é des p r i n c i p e s .
Je les expose :
Je t rouve d ' a b o r d le g r a n d m o y e n r é v o l u t i o n n a i r e ,


le fait accompli.
Cet a r g u m e n t , j e l ' ava is p r é v u , je l ' avais p r é d i t ;


j ' ava i s s ignalé d a n s u n e protestation l ' inact ion de ceux
qui la issaient faire, et l ' a r d e u r de ceux qui p réc ip i t a i en t




5 8 1 !' I! !•'. M ! V. li K Ï . F . Ï T R F . A F N C, A T I I O L I Ql" I'


les é v é n e m e n t s , afin d ' i nvoqué] ' les faits accomplis. La
b r o c h u r e les i n v o q u e a u j o u r d ' h u i .


Et c e p e n d a n t n o u s s avons c o m m e n t ils se sont a c -
c o m p l i s , ces f a i t s ; que l les m a i n s y ont t ravai l lé , que l s
agen t s ont été envoyés d a n s les Romagnes , que l s a r -
den t s é m i s s a i r e s , et p a r qu i payés : lord N o n n a n b y et
M. ScarlelL n o u s en ont appr i s q u e l q u e chose : la bro-
c h u r e n e le p e u t ignore r ; s e u l e m e n t il impor t e de le
ta i re .


Mais r a i l l e u r pa s se , en vér i té , foule pe rmi s s ion ,
q u a n d il oppose à l ' au tor i t é du Pape ce qu'i l ose bien
appe le r l'autorité du fait accompli.


« La R o m a g n e , di t - i l , es t s é p a r é e de fait, "depuis
« q u e l q u e s m o i s , de l ' au to r i t é du P a p e . Ainsi cel te s é -
« p a r a t i o n a p o u r elle l'autorité; du fait accompli. »


Nous c o n n a i s s i o n s la violence du fait accompl i ;
m a i s , j u s q u ' à ce j o u r , n o u s n 'en conna i s s ions pas
Y autorité.


L ' a u t o r i t é , cet te g r a n d e et sa in te chose qui est fondée
s u r le d ro i t , s u r t ous les dro i t s , qui est le droi t m ê m e ,
voilà d o n c ce q u e vous en fa i tes! voilà la violence et
les b a s s e s s e s d 'où vous la faites s o r t i r ; voilà ce que
vous lui donnez p o u r f o n d e m e n t et p o u r base , aux yeux
de l 'Eu rope !


J e c o m p r e n d s q u ' a p r è s ê t re d e s c e n d u là, vo t re espr i t
n e r ecu l e p a s d e v a n t la p h r a s e qui suit , et q u e vous
osiez a d r e s s e r à u n Congrès e u r o p é e n la d e m a n d e de
c o n s a c r e r de tel les é n o r m i l é s , en lui d i san t que sa tâche
se ra facile, qu ' i l « n ' a u r a qu ' à enregistrer un fait ac-
compli. »


Ainsi d é s o r m a i s en E u r o p e , que lques mois à pe ine
suffiront p o u r q u ' u n e i n su r r ec t i on s o u d o y é e soit un fait




S U Í l I.A B R O C H U R E UE P A P E E T L E C O N G R È S . 5 !.!.">


glor ieux , qui se c h a n g e en droit, et s u r l e q u e l il n 'y
a m a plus à r even i r . L ' e n r e g i s t r e m e n t suffira.


L 'omnipo tence du Congrès , voi là vo t re s e c o n d m o y e n :
son o m n i p o t e n c e d e v a n t la faiblesse d u Sa in t -Pè re !


Eh bien ! soit , « un Congrès a tout pouvoir, » ma i s
cela a-t-il j a m a i s vou lu d i re qu' i l ail t ous les d ro i t s ?
Est-ce q u ' o n n e peu! p a s ê t r e t o u t - p u i s s a n t et c o m m e t t r e
des in iqu i t é s q u e flétrira l ' h i s t o i r e ?


Vous r e c o n n a i s s e z q u e l ' i n su r rec t ion des h a b i t a n t s
de la R o m a g n e est « une révolte contre le droit. » Le fait
accompl i é tai t donc, in juste : eh b ien ! u n fait in jus te ,
q u a n d on est faible c o m m e le P a p e , on p e r i l l o s u b i r ;
q u a n d on est o m n i p o t e n t c o m m e le Congrès , on ne l en-
registre pas.


Ou on se d é s h o n o r e .
Le Congrès ne se d é s h o n o r e r a p a s ; et p o u r m o i , b i en


que la b r o c h u r e veuil le d ' avance l ' e n c h a î n e r et lui t ra-
cer sa m a r c h e , p o u r m o i , j ' a i p le ine conf iance d a n s les
nobles c a r a c t è r e s , d a n s les d i p l o m a t e s i l lus t res q u e
l 'Eu rope y envoie .


Mais, p o u r v o u s , u n e in iqu i t é , la s anc t i on de la r é -
volte, l ' i n t roduc t ion so lenne l le du p r inc ipe r é v o l u t i o n -
na i re d a n s le. d ro i t e u r o p é e n , u n e insul te à tou tes les
s o u v e r a i n e t é s , la c o n s é c r a t i o n de la force, u n l â c h e
a b a n d o n de la faiblesse : voilà l ' œ u v r e q u e v o u s p r o -
posez au Congrès .


Et il faut voi r les a r g u m e n t s q u e v o u s a p p o r t e z à
l ' appu i de cette solut ion :


Vous en d e m a n d e z à l ' h i s to i re et à la g é o g r a p h i e :
vous di tes q u e le territoire de l'Église n'est pas indivi-
sible.


Et quel est d o n c su r la t e r r e le t e r r i t o i r e ind iv is ib le




2 9 e I M Œ M I É l i E L E T T R E A UN CATHOLIQUE


con t r e la force, c o n t r e la révo l te s a n c t i o n n é e par un
Congrès?


Ind iv i s ib l e ! Mais q u e v o u l e z - v o u s d i re p a r l à?
Est- i l u n e na t iona l i t é , u n e s o u v e r a i n e t é , u n e p r o -


pr ié té q u e l c o n q u e ; est-il un c h a m p , fût-ce celui do
Nabo lh , qu i soi t ind iv i s ib le de sa n a t u r e ? Et ne sen tez -
v o u s p a s q u e vous posez là u n p r inc ipe effroyable, que
j e d e m a n d e à la P r o v i d e n c e de n e faire j a m a i s r e t o m -
b e r s u r v o u s ?


El n ' e s t - c e p a s p a r c e q u e la Po logne n 'é ta i t point in -
divisible de sa n a t u r e , qu 'e l le a été m i s é r a b l e m e n t d i -
visée en t r e la Russ ie , la P r u s s e et l 'Au t r i che ; q u e la
F r a n c e et l ' E u r o p e ont vu cela , d a n s ce xvi iu siècle si
van té , s a n s m o t d i r e , et q u e depu i s , les Congrès e u r o •
péens r é c l a m e n t v a i n e m e n t ou n e r é c l a m e n t p lus?


L ' E u r o p e , d i t e s -vous e n c o r e , qui a sacrifie l'Italie
eu 181a, a le droit de la sauver eu 1860. — Ainsi, s a u -
ver l ' I ta l ie , c 'es t la dé l iv re r de l ' au to r i t é du P a p e !


C'est l ' E u r o p e , a jou t ez -vous e n c o r e , qui, en 1815, a
donne au P a p e l e s É ta l s -Pon t i f i caux et les R o m a g n e s ;
en 1860 e(7c peut en décider autrement. — En vér i té , vos
a r g u m e n t s son t p rod ig i eux . Mais c o n n a i s s e z - v o u s un
seul des s o u v e r a i n s dépossédés avan t 1815, qu i a d -
m e t t e q u e c 'est le Congrès de Vienne qu i lui adonné
ses É ta t s , et q u e le futur Congrès peu t les lui r e p r e n -
d r e ? Le ro i de Sa rda igne , pa r e x e m p l e , don t fouies les
p rov inces é ta ien t d e v e n u e s des d é p a r t e m e n t s f rança is ,
r econna î t - i l a u futur Congrès le dro i t de les r e n d r e à la
F r a n c e ?


L ' E u r o p e , en 1815,-échappai t à u n long b o u l e v e r s e -
m e n t , à des r é v o l u t i o n s , à des g u e r r e s , à des conquê te s .
Elle en t enda i t r e s t i t u e r les d ro i t s violés.




S I u LA. B R O C H U R E I .F. I ' A P E E T L E C O N G R E S . 297


Et que, voulez-vous e n c o r e , q u a n d v o u s p r é t e n d e z dé-
fendre , au n o m de ]a juridiction europccimc, à u n e
pu i s s ance ca tho l ique , d 'a l le r au s e c o u r s du Pape?


Et qu 'a donc fait si g l o r i e u s e m e n t la F r a n c e en 1849?
Elle a r e n d u a lo r s ses Éta ls au P a p e : est-ce à d i re q u e
nous pu i s s ions les lui r e p r e n d r e à l ' heu re qu ' i l e s t ?


ïs'on, d i t e s - v o u s ; m a i s le Pape n'a pas d o n n e u s e s
sujets les l ibe l l é s n é c e s s a i r e s : voilà p o u r q u o i ils se
son t révol tés con t r e lu i .


A cela, j ' a i deux choses t r ès - s imples à vous r é p o n d r e :
S'il y a des l ibe r t é s nouve l l e s , poss ib les ou o p p o r -


t unes d a n s les Étals du S a i n t - P è r e , ce n 'es t pas p lus au
n o m des faits r é v o l u t i o n n a i r e s q u ' a u n o m des d o g m e s
q u e se do ivent d i scu te r ces g r a v e s q u e s t i o n s ; c 'est ,
c o m m e d a n s tous les autres É ta t s , a u n o m de l ' accord
si difficile à f a i r e , d a n s les t e m p s o r a g e u x où n o u s
s o m m e s , en lie la l iber té el l ' au lor l té .


fourn ie t ous les p r i nce s t e m p o r e l s , et p lus q u e les
a u t r e s , le Pape se doi t au b o n h e u r de ses sujets ; il doit
l eur d i spense r d a n s u n e ju s t e p r o p o r t i o n les b i ens d ' une
sage liberté, avec ceux d ' une r égu l i è re et pa te rne l l e
a d m i n i s t r a t i o n . Et ce r t e s , Pie IX n ' a pas failli à ce d e -
voir : q u a n d il se vit obl ige, il y a dix ans , de qu i t t e r
Rome devan t l'émeute triomphante, et aux a p p r o c h e s
des b a n d e s de ( i a r iba ld i , il pu t , eu m e t t a n t le pied s u r
la t e r re é t r a n g è r e , p r e n d r e s o l e n n e l l e m e n t à t émoin la
ville qu ' i l fuyait , el le m o n d e en t ie r avec e l l e , qu'il
av ait l'ail s p o n t a n é m e n t p o u r le b o n h e u r vér i tab le et
p o u r la l iber té de son p e u p l e p lus que n ' a v a i t fait a lors
a u c u n a u t r e souve ra in de l 'Europe . —Voi là le g é n é r e u x
Pontife que vous pou r su ivez a u j o u r d ' h u i de vos l â ches
accusa t ions .




508 P R E M I È R E L E T T R E A E N C A T H O L I Q U E


Sur lou t cela , r é p o n d r a i d e u r de la b r o c h u r e , vous
n o u s prê tez des in tern ions qui ne son t p a s les n o i r e s ;
n o u s v o u l o n s , au con t r a i r e , s a u v e r son au to r i t é sp i r i -
tuel le , en faisant la p a r t du feu aux d é p e n s de l ' au to r i t é
t e m p o r e l l e :


« Rendre la R o m a g n e au P a p e , ce sera i t po r t e r u n e
« g r a n d e a t t e in te à la p u i s s a n c e m o r a l e du ca thol ic isme ;
« u n e r e p r i s e de posses s ion se ra i t u n d é s a s t r e et non
« u n t r i o m p h e . »


Je n e sais p o u r q u o i j e m e défie de vo t re zèle : il me
r a p p e l l e t r o p la po l i t ique d ' u n e a u t r e époque : « Le pou-
voir temporel gène le Pape, disai t auss i N a p o l é o n , et
l'empêelie de s'occuper du salut des unies qui péris-
sent. » — On sai t ce qu ' i l fit p o u r y p o u r v o i r m i e u x
l u i - m ê m e .


Ce zèle d i s s imule mal le b u t rée l ve r s lequel vous mar -
chez. Ce bu t , le voici .


III. — T.K l î U T .


Il est difficile de faire p lus d'efforts p o u r le m a s q u e r ;
ma i s il se t rahi t ,


U D ' a b o r d n o u s v o u d r i o n s q u e le Congrès r e c o n n u ! ,
a c o m m e un p r i n c i p e essent ie l de l 'o rdre e u r o p é e n , la
« nécess i t é du pouvo i r t e m p o r e l d u Pape . P o u r n o u s ,
« c 'es t là le po in t essent ie l . »


Ces p a r o l e s n e n o u s é t o n n e n t p a s ; avan t de d é p o u i l -
ler le Pape et de l ' i n t e r d i r e , il faut b ien au mo ins lui
r e n d r e h o m m a g e , Jui baiser les pieds et lui lier les
mains, c o m m e disa i t Vol ta i re a u d ix -hu i t i ème siècle.
Au d i x - n e u v i è m e , on ne veu t p a r compass ion q u e lui
ô te r sa c o u r o n n e d 'ép ines .




S l ' i t L A i î R O f . H l R E L E P A I ' E E T L E C O N G R È S . 2 9 9


« Quan t à la possess ion t e r r i t o r i a l e , la ville de R o m e en
« r é s u m e sur tou t l ' i m p o r t a n c e : le r e s t e ' p a s s e u l e m e n t
« les Romagnes , ma i s le reste) n ' e s t q u e s e c o n d a i r e . »


A la bonne h e u r e , n o u s y s o m m e s enfin ! R o m e avec
les j a r d i n s d u Vatican : n o u s ' a t t e n d i o n s ce m o t : on
l ' a v a i t dit, n o u s le s av ions .


La s o u v e r a i n e t é t empore l l e du Sa in t -S iège r é d u i t e
a ins i , et b ien tô t , t e r r i t o r i a l e m e n t à la ville de R o m e et
à son .snburbimn •' C'est b ien ; ca r , dit e n c o r e a g r é a b l e -
m e n t l ' a u t e u r de la b r o c h u r e : «Qu'importe a la gran-
deur du Souverain-Pontife les lieues carrées? A-t-il.
besoin de l'espace pour être aimé et respecté ? P L U S


LE TERRITOIRE SERA P E T I T , PLUS LE SOUVERAIN SERA


G R A S » . »


Le Pape d o n c , si d i g n e m e n t p o s é , et l à , c o m m e dit
e n c o r e la b r o c h u r e , c immobile sur la pierre sacrée,» il
f audra vei l ler su r lui et le g a r d e r . — P o u r cela, il g
aura une milice italienne, prise dans l'élite de l'armée
fédérale, et qui sera chargée d'assurer la tranquillité et
V'inviolabilité du Saint-Siège. — Pu i squ ' i l n e p e u t pas
avoir d ' a r m é e , il faut b i en , afin qu ' i l soit l i b re , lui don-
n e r des ga rdes .


Kl. afin q u e tout soit p o u r le m i e u x , il faut encore
qu'une liberté municipale, aussi large que possible, dé-
gage le gouvernement Pontifical de tous les détails de
l'administration. Ainsi le P a p e r é g n e r a , la c o m m u n e
g o u v e r n e r a : ce s e r a le d é d o m m a g e m e n t offert à ceux
q u e la b r o c h u r e n o m m e les déshérités de la vie poli-
tique.


Eu Cm, et p o u r c o u r o n n e m e n t du s y s t è m e , la P a p a u t é
se ra sa la r iée p a r l 'Eu rope , c o m m e les c u r é s le sont p a r
l 'É ta t ; elle a u r a de la so r t e un revenu considérable. Le




ami P R E M I È R E L E T T R E A I N C A T H O M Q I E


P a p e se ra t r a n s f o r m é ainsi on p r e m i e r cl g r a n d fonc-
t ionna i re e u r o p é e n du cu l te , a u q u e l on p o u r r a , à tel
j o u r el en leile o c c u r r e n c e , s u p p r i m e r son I r imes l re .


Kh b i e n ! p o u r m o i , je le dis s a n s hés i t e r , j ' a i m e
m i e u x du pa in n o i r et les c a t a c o m b e s . — Nous ne vous
les d o n n e r o n s p a s , m e d i ra- l -on p e u t - ê t r e , ceia vous
r é u s s i t t rop b ien . — Dans ce cas , n o u s les p r e n d r o n s .


Mais l a i s sons là mes s e n t i m e n t s et m e s p e n s é e s .
Voilà, d o n c à quo i se r é d u i r a , en lin de c o m p t e , cel te


s o u v e r a i n e t é don t l ' a u l e u r de la b r o c h u r e a dil p o m -
p e u s e m e n t d a n s les p r e m i è r e s pages : « Au poin t de
« vue re l ig ieux , il esl essent ie l q u e le P a p e soit souve-
« r a i n ; au po in t de vue po l i t ique , il es t néces sa i r e q u e
« le Chef de deux cen t s mi l l ions de c a t h o l i q u e s n ' a p -
« p a r t i e n n e à p e r s o n n e , qu ' i l ne soit s u b o r d o n n é à au-
« c u n e p u i s s a n c e , el q u e la m a i n a u g u s t e qui g o u v e r n e
« les â m e s , n ' é t a n t liée p a r a u c u n e d é p e n d a n c e , pu i sse
« s 'é lever a u - d e s s u s de t o u t e s les p a s s i o n s h u m a i n e s .
« Si le P a p e n ' é t a i t pas s o u v e r a i n i n d é p e n d a n t , il s c -
ie r a i l F r a n ç a i s , Au t r i ch ien , Espagnol ou I ta l ien , el le
« l i tre de sa na t i ona l i t é lui en l ève ra i t le c a r a c t è r e de
« son pont i f ica t un ive r se l . Le Sa in t -S iège ne sera i t plus
« q u e l ' appui d 'un t r ô n e à Païa's, à Vienne , à Madr id . . .
« 11 i m p o r t e à l 'Angle te r re , à la Russ ie , à la P r u s s e ,
ci c o m m e à la F r a n c e , à l 'Autr iche , q u e l ' augus te r c -
« p r é s e n t a n t de l 'un i té du Ca tho l i c i sme n e soit n i c o n -
« t ra in t , n i h u m i l i é , n i s u b o r d o n n é . »


Et a p r è s avoir si b ien dit, p o u r qu ' i l ne soit pas con-
traint, v o u s lui ôtez de force u n e pa r t i e de ses Éta ts .
: P o u r qu ' i l n e soit pas Inimitié, vous l e m e l t e z dans la
pos i t ion d 'un p è r e de famille q u e ses enfants font i n t e r -
d i r e c o m m e i n c a p a b l e , sauf à lui p a y e r u n e p e n s i o n ,




S U R L A B R O C H U R E L E P A P E E T L E C O N G R È S . :iOl


sans t r i buna l qui les y obl ige tou te fo is , si l 'un d ' eux r e -
fuse de paye r sa pa r t .


Enfin, pour qu' i l ne soi t pas subordonné, dépendant,
vous le r édu i sez à n ' a v o i r a u c u n e r e s s o u r c e à lui , à
ê t re , p o u r v i v r e , à la m e r c i de . t o u t Je m o n d e ; de ses
sujets r o m a i n s , s'ils s ' i n s u r g e n t ; de la m u n i c i p a l i t é , si
le P a p e vient à lui dép la i r e ; de l ' a r m é e fédéra le qu i , si
la consc i ence obl ige un j o u r le Pape, à c o n t r a r i e r la fé-
d é r a t i o n , au p r e m i e r signe de la f édé ra t ion , le m e t t r a
au c h â t e a u Sa in t -Ange : je le d i ra i en l in , m a l g r é m o n
r e spec t p o u r les g r a n d e s p u i s s a n c e s c a t h o l i q u e s , à la
m e r c i de la F r a n c e , de l 'Aut r iche , de l ' E s p a g n e ; car
nu l n e peu t m e r é p o n d r e ni de l ' imposs ib i l i t é des r é v o -
lu t i ons , ni des m é c o n t e n t e m e n t s et des c a p r i c e s t rop
faciles à p révo i r .


Humil ia t ion et d é p e n d a n c e , av i l i s semen t et s e rv i t ude ,
voilà d o n c , en définitive, ce q u e l 'on veu t « j>our assu-
rer à l'auguste Chef de la Catholicité la sécurité cl la
grandeur. »


Et l ' au teu r de tou t cela est « pieux, mais indépen-
dant; » il es t « catholique sincère! »


En finissant, il i n d i q u e d ' a i l l eurs , avec u n e re l ig ieuse
so l l i c i tude , l e u r s n o u v e a u x devo i r s aux q u e l q u e s cent
mille â m e s de suje ts qu ' i l laisse au P a p e . Il fait de R o m e
u n e ville à p a r t , u n e espèce d e m o n a s t è r e où il r e lègue
le P a p e , c o m m e on r e l égua i t au t re fo is , d a n s q u e l q u e
couvent , les ro i s i m b é c i l e s ; et des c i t oyens r o m a i n s un
peup le m o i n e , « un p e u p l e s é q u e s t r é de t o u s les i n t é rê t s
« et de tou tes les p a s s i o n s qui agi tent les a u t r e s p e u p l e s ,
« et u n i q u e m e n t v o u é à la gloire de Dieu ; u n p e u p l e
H n ' a y a n t d ' a u t r e s r e s s o u r c e s p o u r lui q u e la c o n t e m -
« p la t iou , les a r t s , le cul te des g r a n d s s o u v e n i r s el la




•m PKKMIÈRK L E T T R E A U N C A T H O L I Q U E


« p r i è r e ; u n peup l e en r e p o s el recuei l l i d a n s une
« so r t e d 'oas is , où les p a s s i o n s et les in té rê l s de la
« po l i t ique n ' a b o r d e r o n t p a s , et qu i n ' a u r a q u e les
« d o u c e s et c a lmes p e r s p e c t i v e s du m o n d e spi r i tuel ;
« c h a c u n des h o m m e s de ce p e u p l e ayan t tou jours c e -
ci p e n d a n t l ' h o n n e u r de se d i re ci toyen r o m a i n . Cicis
« roman us. »


A merve i l l e : v o u s p la i san tez dé l i ca t emen t ; m a i s si,
m a i g r e cet te poés ie , si, m a l g r é l ' agrément de vos i r o -
nies , ce p e u p l e voula i t e n t e n d r e a u t r e m e n t son titre de
c i toyen r o m a i n ; s'il se fatiguait un j o u r d e vo t re oasis,
et de ces douces et calmes perspectives du monde spiri-
tuel; s'il no lui p la isa i t pas de, v ivre t o u j o u r s d a n s u n
m o n a s t è r e ; s'il se l a ssa i t « d 'ê t re à j a m a i s , c o m m e vous
« di tes e n c o r e , d é s h é r i t é de cet te nob le p a r t d 'act ivi té
a qu i , d a n s tous les p a y s , es t le s t imu lan t du pa t r io t i sme
c ci ' ' e x e r c i c e légi t ime des facul tés de i ' e s p r i i ou d e s
« facultés s u p é r i e u r e s du c a r a c t è r e , » s'il no v o u l a i t plus
d u P a p e enfin, q u e l 'er iez-vous? — Vous le con t r a in -
dr iez , ca r vous adme t t ez ici la con t r a in t e . Kl ça peup le ,
q u e rcra-f-il d a n s la c o n t r a i n t e de c e l t e n o u v e l l e e t
od ieuse ex i s t ence q u e v o u s inveniez p o u r lu i? . . . M a i s
q u e vous i m p o r t e ? Vous n e vivrez p a s là, v o u s ; usai ; . l e
P a p e y vivra ; il e s t bon p o u r u n e te l l e \ m . Comme, ie
Pape est u n p è r e et l 'Église une m è r e , d i t e s - v o u s , ils
s a u r o n t v ivre au mi l i eu de la h a i n e , des ou t r ages de
leurs suje ts , r édu i t s p a r l ' app l i ca t ion de vo t re r idicule
et a b o m i n a b l e sy s t ème , à ê t re des p a r i a s au sein de l'I-
talie m ê m e , les d e r n i e r s (les h o m m e s , c o m p r i m é s cl
f rémissan t s dans la c o n t e m p l a t i o n ef la p r i è r e




S U R L A R R O C H U U K L E P A P E E T E!'. C O N G R E S . 3 0 !


Voi là donc ce cjae vous voulu/, faire. Que ne l ' avcz -


vous dit d'ahord et sans phrases?


Heureusement cela ne sera po in t ! Non, un te! système


ne prévaudr a point dans le p r o c h a i n grand conseil de


l 'Europe, surtout q u a n d c'est à P a r i s que ce conseil se


doit tenir, et q u a n d c'est la F rance cathol ique e l v ic lo-


reste. hab i l ement à voir dan» la b r o c h u r e un manifes te d u gcaiverne-
menl français :


« 11 peut arriver, dit le Murniny l'ost, que l 'hosl i l i lé conire la souve -
rulacté l o i n p uvlle ne fasse que devenir p lus in tense , quand elle sera
concentrée sur un espace plus restreint. »


« Certa inement , dit le jr<W»-, lu perspect ive que !e pamphlet oii're
aux habitants de R o m e n'est pas fort agréab le . Ils vivront au mi l ieu
des urnes et des \ estimes de l 'antiquité . Quand i ls ne seront pas absorbes
par la prière et la c o n t e m p l a t i o n , ils s 'occuperont de m a r c h e r à tâtons
dans les t énébreuses fondat ions de leur c i t é , de c lasser !es ru ines .
Que puai routais faire eu o u t r e ? A h ! iis étudieront les lé . :end.s des
s c i a i s et erreront à t :avers r p r l q u i s centa ines d'églises a b a n d o n -
n é e : .


« Cependant , si Inui cela ne suilit pas a u x Romain* , il leur sera pos-
sible d'aspirer a la dignité de consei l ler i . iuaic ipai . D'ici autre coté ,
c o m m e le goi iverneiue . i t Papa l sera s o u t e n u p ir les e o n l r b u l k o i s de*
grandes {iui: .-anees c a ' h a i i q u c s , du m o i n s laat que ce l les -c i si ronl
exactes ;\ paver , les Romains auront peu d'impôt:; à payer, jouiront
d'une cour bri l lante c l seront eveuip i* de la guerre. En un mot , l eur
suri sera quelq ie chose eoa ia ie celui il a habitant.; de b c ' p h c s , d;;i;s kl
(j-èce antique. Enlin, ce bon peuple de Rame, semble doeUaé à devea lr
île b eau uup meil leur ou I e a u c o u p plus mauva i s que le reste de l ' e s -
père h u m a i n e ; coruliiion etau.: iuqecke il n'aura qu'uuc seub' c o n s o i u -
tiou de s a osoiawiae publique et de son ai l i i l l saie individuel : colis de
vivre dans un lieu o ù , tant que la m a'aria le permetl ra, il sera facile de
ç w n e r d-s l'argent et de M.' distraire par ùc bri i lauts spec tac l e s . Ers
Romains seront des \ i c t h n e s sa ia i l iées a u x autres m e m b r e s de i'e.-pècu
h u m a i n e , qui seront certainement t e n u s d.' l'aire iout leur poss ible | our
ad ; ma a ce M i r t .


« Ges plan:- spéculatifs oil'ient s a n s a u c u n doute un attrait de r a r i o -
sité et niénie de poésie , quoiqu'i ls soient, un peu s ingul iers , quand ils
mais viennent du aouv crnemcnl d'une grande nat ion et à la veil le d'an
Congrès ira o p e . ;:,




301 l'U I. M I K I. L E T T R E A E X C A T H O L I Q U E


r i e u s e qu i est appe lée à l ' h o n n e u r de le p rés ider . Non,
la F r a n c e ne le p e r m e t t r a p a s ; elle ne p e r m e t l r a pas
qu' i l soit dit q u e c 'est p o u r a b o u l i r à un pa re i l r é su l t a t
qu 'e l le a u r a i t c o u r u les « c h a n c e s d ' une g r a n d e g u e r r e ,
« gagné q u a t r e v i c to i r e s , p e r d u c inquan t e mille liom •
« m e s , d é p e n s é t ro i s cen ts mi l l ions el é b r a n l é l 'Eu-
« r o p e . »


C'est assez : vo t re b u t est dévoi lé . 11 est digne de
l ' ab su rd i t é de vos p r i n c i p e s et de l ' in iqui té de vos
m o y e n s .


<! Q u a n d on trai te a ins i un pouvo i r , dit f r a n c h e m e n t
le j o u r n a l la Presse, on le déc la re aboli . » Mais dé t ru i r e
d 'un c o u p le p o u v o i r pont i f ical , c 'eu t é té u n e b ru ta l i t é à
l aque l l e le m o n d e n ' e s t p a s e n c o r e a c c o u t u m é ; en lever
le P a p e de R o m e n e se p e u t guè re r e c o m m e n c e r ; le
p r o c l a m e r i n c a p a b l e d a n s ses p rov inces en y s u p -
p r i m a n t son p o u v o i r , et c a p a b l e à Rome en l'y d é s -
h o n o r a n t , c 'étai t u n e t rop r a r e invent ion p o u r ne, pas
se d o n n e r l ' avan tage de la d é c o u v e r t e , avec celui d ' a r -
r iver a u b u t à pe t i t b r u i t , à pet i ts p a s , m a i s infail l ible-
ment .


C'est la m ê m e pol i t ique qu ' en 1809, avec cet te diffé-
r e n c e q u ' e n 1809 on en leva i t v i o l e m m e n t le Pape de
R o m e : a u j o u r d ' h u i l a b r o c h u r e p r o p o s e s i m p l e m e n t de
l'y étouffer.


L ' e n l è v e m e n t n ' a p a s r é u s s i ; l 'é touffemcnt sera i t
m o i n s s c a n d a l e u x et r éuss i r a i t peu t - ê t r e .


fl faut a v o u e r q u e tout ceci s e r a i t c u r i e u x , s'il n ' é ta i t
ef f royable; et q u e n o u s avons d ' hab i l e s adve r sa i r e s .
Nous n o u s é v e r t u o n s à l eu r p r o u v e r q u e le Pape doit
ê t re l i b re , i n d é p e n d a n t , s o u v e r a i n , r e s p e c t é ; ils n o u s r é -
p o n d e n t q u e ou i , et qu ' i l s le d i sen t e u x - m ê m e s a u s s i




S U R LA B R O C M " R E I .E P A I ' E E T E E C O N G R E S . 305


h a u t et p lus l iant q u e n o u s : el p o u r cela que font- i ls
d u P a p e ? l ine sor te d ' idole s o u r d e el m u e t t e , e n c h a î n é e
et immob i l e au mil ieu de la vieille H o m e ; « i m m o b i l e
(i sur sa p ie r re sac rée . »


Vous a v e z , Mess i eu r s , u n e é t r a n g e m a n i è r e d ' i n -
t e r p r é t e r le Tu es Petms, cl super liane petram
Mais p r e n e z - y g a r d e : il es t dit de celle p i e r r e q u e
qui s'y h e u r t e s'y b r i s e r a : Super quem ceciderit, con-
leretur.


Nous nous é v e r t u o n s à l eu r p r o u v e r q u e h o m e , q u e
l 'Italie, (pie l 'Europe ne p e u v e n t se p a s s e r d u P a p e ; et
its n o u s r é p o n d e n t : Nous l ' e n t e n d o n s b i e n c o m m e
v o u s , el n o u s g a r d e r o n s si b ien le P a p e à R o m e , au
cen t r e de l 'I talie et de l ' E u r o p e , qu ' i l n e p o u r r a n o u s
é c h a p p e r . Nous le t i e n d r o n s là, d a n s des e m b r a s s c -
m e n t s si é t ro i t s , q u e nu l ne p o u r r a d o u t e r ni de n o t r e
t e n d r e s s e ni de sa p u i s s a n c e .


Il n 'y a q u ' u n e difficulté à cela, c 'est q u e les ca lcu ls
m ê m e ies mieux; conçus r é u s s i s s e n t m a l con t r e Dieu :
Dieu, d u h a u t des c reux , veille su r son Égl i se ; et p a r
des consei ls i m p r é v u s , p a r des c o u p s de t o n n e r r e , s'il
le faut, c o m m e dit Bossue l , il la t i r e des p lus g r a n d s
pér i l s , et se j o u e des hab i l e s de la t e r r e . Il éc la i re ,
q u a n d il lui plaî t , la sagesse h u m a i n e si c o u r t e p a r
e l l e -même ; el pu i s , q u a n d elle se d é t o u r n e de lui , « il
« l ' a b a n d o n n e à ses i g n o r a n c e s , il l ' aveugle , il la p r é -
't ci pi te , il la confond, elle s ' e m b a r r a s s e d a n s ses p ro -
<• près subt i l i tés , et ses p r é c a u t i o n s lui son t un piège. »
L 'épreuve pa s se enfin et l 'Église d e m e u r e . Gela s 'est vu
bien des fois déjà, cela se v e r r a e n c o r e .


Vous croyez le P a p e va incu , p a r c e q u e depu i s t rois
mois on a fait se r évo l t e r con t r e lui ses p rov inces . Vos


"• 20




306 i ' I Ï K » i ! • ; F I K L E T Ï T , ; - ; A t::\ C A T i i o i . i o / d L


p e n s é e s sont c o u r t e s e l . p e n n c l l c z - n m i de vous lo dire ,


vos p r é v o y a n c e s g r o s s i è r e s . Nous ne nous r e n d o n s pas
si vile. Les Papes en ont. vu bien d ' e u h e s , et l i ennent


e n c o r e . Vous croyez le Pape r u i n é , pa rce q u e les révo-


l u t i o n n a i r e s , a p r è s avoi r a jouté à Imites ses c h a r g e s ,


d é c l a r e n t ses finances e n m a u v a i s é l a t ; e n c o n s é -


q u e n c e , v o u s lu i offrez une pens ion a l imenta i re . Eh


b i e n ! non , ce n ' es t pas de vos m a i n s qu'i l la r e n o r a ;


v o u s êtes d e t r o p g r a n d s so igneurs : un j o u r peu! ê t re
vous lui r e p r o c l i o t i e z vos b i e n f a i t s , ou vous les lui fe-
riez paye r t rop che r .


Lue a n . n o u e .' Ah ! si le Père des fidèles doit en é l re


r é d u i t là, il la r ecev ra plus n o b l e m e n t de la main îles


p a u v r e s que de v o u s . G n [ cents É v o q u e s , q u i , d a n s le
m o n d e en t ie r , h ie r ont l'ait p o u r lui e n t e n d r e leurs voix,


r e c u e i l l e r a i e n t e n c o r e au beso in l ' an t ique Denier de


sa in t P i e r r e ; et Je m o n d e c a t h o l i q u e lui donne ra i t


m ê m e des so lda t s , s'il le fallait .


Croyez -vous d o n c q u e le s a n g chré t ien ai! oubli 1 de


cou le r d a n s nos ve ines , et q u e nos c œ u r s ne ba t ten t


p lus d a n s nos p o i t r i n e s ? P renez -y ga rde , vous ('mirez


p ir n o u s b lesser : je ne sais si n o u s av ions besoin d 'è l rc


réve i l lés , m a i s vous r éus s i s s ez à mervei l le à nous ou -


vrir les yeux.


Quoi qu ' i l en soit, n o u s a t t e n d o n s et nous p l i o n s ;


p le ins d ' a m e r t u m e , voyan t et; q u e les h o m m e s p r é -


parent . ; pleins de c o n f i a n c e , s a c h a n t ce que peut la


P r o v i d e n c e .


Ce ma t in , m o n a m i , sa in t j o u r de la na i s s ance du


S a u v e u r du inonde d a n s u n e é t ab l e , taudis que je m é -


ditais ces t r i s tes chose s , j ' e n t e n d a i s dos v o s imiocen ies


et p le ines de vie r e d i r e d a n s m a c a t n é d i a ' e : Gloria in




SUR LA rsUO (; Il l' I! E LE l'A P K ET LE CONGRÈS. 80'


cxcelsis l)co,o\ je me disa is avec jo ie : Cela se c h a n t e r a
t o u j o u r s su r la terre ; m a i s à ces p a r o l e s : El in terra
pa.e Iiominibns boiav inlnnlatis, je m e disa is avec dou-
leur : Les h o m m e s n ' o n t pas la paix et ne la d o n n e n t


pas , pa rce qu ' i ls n e son t p a s des h o m m e s de b o n n e


volonté : da igne le ciel l e u r d o n n e r enfin cel te b o n n e


vo lon té s incè re , el avec elle le c o u r a g e qui l e u r m a n -


q u e p o u r accompl i r l ' œ u v r e de Dieu et l eur p r o p r e


des t inée !


Que si vous d e m a n d e z maintenant, m o n ami , m a
pensée définitive sur celle t rop fameuse b r o c h u r e , je
vous dirai : Sauf les c a l o m n i e s , don t la fo rme est p lus


vile chez M. Aboui , c 'est u n e nouve l l e édi t ion de son


p a m p h l e t . Les c o n c l u s i o n s de M. Aboul et celles de la


b r o c h u r e son t a b s o l u m e n t les m ê m e s . Les voici fo rmu-


lées par \I. Ahout :


« Au pis-al ler et eu dernière analyse , le Pape conserve-
« l'ait, toujours la ville de Rome, ses palais , ses temples, ses
« cardinaux, ses prélats , ses prê t res , ses moines , ses prin-
« ces et ses laquais . L'Europe ferait passer des a l iments
c. à cette petite colonie.


« Home, enlourée du respect, de l ' un ivers , comme d 'une
« murai l le de la Chine, serait pour aiu>i dire un corps étran-
K ger au milieu de la libre el vivante Italie. »


Du l'esté :


« Les princes reliront l 'h is toire . Us verront que les gou-
« vornoments forts sont ceux qui ont tenu la religion sous
« leur ma in ; que le Sénat de Home ne laissait pas aux p rè -
« t r è s car thaginois le privilège de prêcher en I ta l ie ; que la
« reine d 'Angleterre et l 'Empereur de Russie sont les chefs
s de la religion angl icane et russe, et que la métropole sou-




308 PREMIÈRE L E T T R E A EN CATHOLIQUE, ETC.


<i vcraino des Églises de Franco devrait être logiquement
« Paris. »


C'est assez sur cette brochure ; mais en finissant, je
demanderai à l'auteur, s'il le veut bien, de se faire con-
naître tout à fait. On n'écrit pas de telles pages sans
dire son nom ; on n'essaye pas de telles entreprises sans
lever son masque. 11 faut un visage ici; il faut des yeux
dont on puisse connaître le regard : un homme enfin à
qui on puisse demander compte de ses paroles.


f F É L I X , évêque d'Orleans.




SECONDE LETTRE A UN CATHOLIQUE


Sur ie démembrement dont l e s États­Pontificaux
sont menacés (1860)


M O N C H E R A M I ,


Vous me d e m a n d e z pa r voi re d e r n i è r e l e t t r e ce q u e
j e pense de l ' a b a n d o n qui sera i t fait à la Révolu t ion des
prov inces Pontif icales i n su rgées depu i s la g u e r r e d ' f ia ­
lie ; et si l 'on p e u t a d m e t t r e la nécess i t é , p a r sui te de
cette i n s u r r e c t i o n , d 'un d é m e m b r e m e n t des États d u
Pape .


J 'hés i t e à parle! ' e n c o r e et à r e p a r a î t r e de n o u v e a u
dans l ' a r è n e ; non q u e je r e d o u t e la c o n t r a d i c t i o n , mais
К est pén ib le d 'avo i r à d i scu t e r ce q u e la consc i ence
subi t à déc ide r c l a i r e m e n t ; e l l a d i scuss ion est ici p a r ­
t i cu l i è remen t dél ica te . Mais p u i s q u e v o u s c r o j e z ut i le
que je m ' e x p l i q u e avec vous su r cet te g r a v e ques t ion ,
je le ferai avec tou tes les c o n v e n a n c e s et la r é se rve
c o m m a n d é e s .


Si je consu l t e d 'a i l l eurs la l o g i q u e , le b o n s e n s ,
l ' équ i té , m a r é p o n s e se ra s i m p l e ; je c o n t i e n d r a i m e s
t r i s tesses , et v o u s dira i f ro idement ma p e n s é e . La voici
en peu de m o t s :




3 1 0 SECî' .N' .) . - ; L E T T R E A E N C A T H O L I Q U E


1 ° Ce n'es! pas là une s o l u t i o n ; c'est un expédient
qui ne sauve r ien et c o m p r o m e t !o111 ;


Ce serait le sacr i f i ce , en pure perte, d'un droit incon-


testé et d'un p r i n c i p e c a p i t a l ;


Ce sera i t , dons las c i r c o n s t a n c e s où ce d é i n e m b r c -


tnent sera i t d e m a n d é , ou p l u t ô t i m p o s é , une déchéance
m o r a l e , et b ientôt la r u i n e complète, i n é v i t a b l e ;


C o u g r é , m a l g r é , ce serait u n gage non d'ordre et de


p a i x , m a i s de trouble et de g u e r r e ;
O n n'échapperait p a r là ans. difuVn'tés d u moment ,


que p o u r les ret rouver dans un aven i r p r o c h a i n autre -


m e n t e m b a r r a s s a n t e s .


E n effet, ce n'est pas l 'étendue des É l a t s - V o n l ' . f k a u x


q u ' o n r e p r o c h e a u P a p e , c'e.d toute autre chose : en dé-


m e m b r a n t ses É t a l s , on n \ ; d è v e pas a u x sujets qu 'on


lu i la i sse l e u r s g r ie f s , vrn:->ou faux , contre l u i ; an c o n -


tra i re , on les s a n c t i o n n e , et par ià même on les aggra\ e :


la s i tuat ion reste a u fond ce ( p r o b e était , devient mèiue


p i r e ; c'est le P a p e a v e c une p r o v i n c e de m o i n s et une


fa ib lesse de p l u s , a u m i l i e u des mê me s e n n e m i s , des


m ê m e s d a n g e r s , de p l u s g r a n d s encore.


11 ne faut donc [tas se la i sser t r o m p e r p a r des a p -
p a r e n c e s , et de f a u x semblants de conc i l ia t ion ou de


généros i té : il ne faut p o i n t , p a r impat ience ou d é -


c o u r a g e m e n t , p r e n d r e pour u n a c c o m m o d e m e n t ut i le


ce q u i ne serait q u ' u n sacr i f i ce s u p e r f l u c l d é s a s -


treux.*


2" L e P a p e , i l est v r a i , est faible pour se défendre ;
m a i s q u a n d l a fa ib lesse représente le droit , elle n'eu


est que p lus d igne de respect. Or , les droits du Pape


s u r ses É t a t s sont incontestab les . « E s t - i l , d isait h ier u n




s m L E i) É.M KM il 11 E M E N T D E L ' E T A T R O M A I N . 311


c o u r a g e u x et é l oquen t éc r iva in \ csl-il on E u r o p e u n e
souvera ine té qui r epose s u r u n e base p lu s a n c i e n n e ,
p lus i r r é p r o c h a b l e à l 'or igine q u e la P a p a u t é ; et qu i ,
s o u m i s e à plus d ' é p r e u v e s , ait élé p lus s o u v e n t a c c e p t é e
ou s o i d i a b é e pa r le v œ u p o p u l a i r e , et enfin p lu s s o l e n -
ne l l emen t g a r a n t i e pa r des liantes qu ' e l l e n 'a p a s violés,
el que p e r s o n n e , h u m a i n e m e n t p a r l a n t , n ' a le dro i t de
v io le r con t re e l l e ? »


.3" «V|;ilivoitic:il M U . Y p rov inces m ê m e insu rgées , les
j)nt-.siiii -eseurap'mnés ii'-saitmie'it méconnu'/!re. "I r e -
co i i i i ae -e i i l en effet , ' /ce les droits du Saint-Siège sur
l::s Lè-jatians sont inconte.slaldes. j e cite t ex tue l l ement .
Je puis donc le dire : il y a là, unde ces droits reconnus,
a u x q u e l s est lii't le //lus imnfcid , expect : u n e possess ion
g a r a n t i e par le d ro i t pub l ic e u r o p é e n .


Je mois au défi un pnbi ic is te q u e l c o n q u e de n o m m e r
une souveraineté , ( x i s t a n l e , qui puisse, a l léguer p o u r
elle un droit m i e u x f o n d é , j e dis m ê m e au s imple
point d e vue. h i s to r ique et. p o l i t i q u e , i n d é p e n d a m m e n t
de la foi.


' r Q u ' e s t - c e qui peut p o r t e r a t te in te à un dro i t de
souv e ra inc lé ? La g u e r r e ?


Les pu i s sances b e l i g é r a n t e s on t s o l e n n e l l e m e n t p r o -
clau é la neu t ra l i t é du Sa in t -S iège : le S a i n t - P è r e y a été
s t r i c t emen t fidèle, el la F r a n c e a déc l a r é qu 'e l le p r o t é -
ge ra i t le Saint Pèi e et sa n e u t r a l i t é con t r e tou te a t te in te .
— Ce se ra i t la p r e m i è r e fois q u ' u n e g u e r r e aura i t e n -


• Lu l'euuc, i'Kmpire el lu f'apuvit, q u . r s C i m de c r o i t publie, [ a r
M. Vill'-nmiu, membre. l 'LcI i 'u t .




312 S E C O N D E L E T T R E A E N C A T H O L I Q U E


Irainé Io dépouillement d 'une puissance que les belligé-
rants avaient déclarée neutre, et que le victorieux avait
prise sous sa garantie spéciale.


5° Le mécontentement des provinces révoltées ! J'ai


sur ce point deux choses à dire :


— L a première, je la dirai avec franchise, et sans ré-
crimination, en constatant s implement le fait: c'est, que,
si ces provinces ont passé du mécontentement à l'in -


surreclion, c'est notre entrée en Italie qu i en a été l'oc-
casion.


Tout d 'abord , le danger fut prévu, et hautement a n -


noncé pur les ca tho l iques ; et ce fut aussi pour le p ré -


venir et signifier d'avance aux passions révolutionnaires


qu'on ne travaillerait point pour elles, que le gouverne-
ment français proc lamait solennel lement q u e la F rance
n'allait jias en Italie fonie nier le désordre, et ébranler le
pouvoir du Saint-Pere ; — que ses droits demeuraient
garanti» dans toute leur intégrité. C'est celte parole
formel le que tous les Évoques de France , dans la c o n -
fiance de leur bonne foi, ont redite aux fidèles,


11 y a donc ici pour nous une par i de sol idarité, qu'i l


est impossible de déc l i ne r ; une parole solennellement
donnée, qui oblige.


E h b i e n ! je le demande, est-ce que la responsabil ité


encourue ne demeure pas tout entière , est - ce que. l a


parole donnée ne reste pas vaine, si ce qu'on redoutait


d'une part, cequ 'on désavoua i lde l 'autre , se consomme,


sous nos yeux, et de noire consentement?


Je demande s'il esl de noire honneur de laisser dé-


m e m b r e r une souveraineté que nous avions prise sous


notre sauvegarde, et qu i devait compier sur nous ?




S i R L E h K M K M U R KM t . N T l i E L ' É T A T R O M A I N . m


La Révolut ion d 'a i l leurs ne veut pas a u t r e chose . Elle
se déc la re satisfaite et r e c o n n a i s s a n t e , — ses j o u r n a u x
l 'ont dil, — n o n - s e u l e m e n t de ce q u e n o u s avons l'ait
p o u r l 'I talie, ma i s de ce q u e n o u s y l a i s se r ions faire.


Aolre abs t en t i on lui est nécessaire", et elle lui suffit.
Nous a v o n s dit q u e nous ne roulions pas accepter son


concours : p a r n o t r e adhés ion q u e f e r i o n s - n o u s ? .Vous
v i e n d r i o n s lui p r ê t e r le no i r e .


Aon : la f r a n c o , p r e m i è r e na t ion c a t h o l i q u e d u m o n d e ,
a fondé la Souve ru ine l é t empore l l e du Pape . En tout
t emps , elle l'a s o u t e n u e . 11 y a dix a n s , el le l'a r e s t a u r é e .
Depuis dix a n s , elle l'a m a i n t e n u e . Avant la g u e r r e ,
elle l'a g a r a n t i e . J a m a i s elle n ' a d e m a n d é à l 'Eu rope la
pe rmis s ion de r empl i r son rôle sécu la i r e ; a u t a n t a u r a i t
valu d e m a n d e r la p e r m i s s i o n de s ' appe le r la F r a n c e .


Des p r o m e s s e s p u b l i q u e s , des actes r é p é t é s , des se r -
vices c o u r a g e u s e m e n t r e n d u s , l ient é t r o i t e m e n t le g o u -
v e r n e m e n t f rançais à ce l te c o n d u i t e . Devant l ' I tal ie
ou devan t un C o n g r è s , il est assez p u i s s a n t p o u r la
faire p réva lo i r . L 'Europe n 'a r i en à lut c o m m a n d e r ;
l ' I talie n ' a r ien à lui refuser . Rien ne l'a e m p ê c h é de
faire sa v o l o n t é ; qu i p e u t lui dé fendre de r e m p l i r sa
miss ion ?


— Ma s e c o n d e o b s e r v a t i o n , c'est qu ' on n e p e u t avoir
d e u x poids cl deux m e s u r e s ; p e n n e l ire à u n p e u p l e ce
qu ' on refuse à un a u t r e ; p r o c l a m e r ici un p r inc ipe q u ' o n
t r e m b l e r a i t d ' app l ique r a i l l eurs .


Depuis q u a n d le m é c o n t e n t e m e n t , fomenté p a r la
cupid i té amb i t i eu se des uns et l 'espri t r évo iu l i ona i r e
des a t t i res , a l-Ji d o n n é un dro i t a l ' i n su r rec t ion et à Ja
sépa ra t ion ? El oi't c o n d u i r a i t l ' i n l t oduc l ion de ce dro i t
nouveau d a n s le code i n t e r n a t i o n a l de l 'Eu rope ?




,111 S E C O N D E L E T T R E A U N C A T H O L I Q U E


Lord P n l m e r s t o n a d m e l l r a i i - i l q u e si la Franco , p a r
exemple , étai t on g u e r r e avec l 'Ang le te r re , telle ou lelie
p a r t i e du Royaume-Un i , p lus ou m o i n s m é c o n t e n t e , a c -
q u e r r a i t pa r là u n dro i t à se sou lever et à se s é p a r e r '.'


Or, si j ' é c o u t e les p u b l k i s l e s de toute l 'Eu rope , je
suis a u t o r i s é à c ro i re q u e l ' I r l ande a ses m é c o n t e n t e -
m e n t s .


Et si, m ê m e en t emps de. pa ix , c o m m e nous voyons
a u j o u r d ' h u i l 'Angle te r re le p e r m e t t r e pour l 'I talie, on
faisait u n e s o u s c r i p t i o n en F r a n c e p o u r e m t>y cr des
fusils aux Irian'a; .- ; sou levé - , je min i s t r e de la r e i n e
d 'Angleterre, t rouvera i t - i l cela b o n ?


Et que. d i r a i e n t de ce p r o i é d é nouveau les pu i s sances
e u r o p é e n n e s , qui doivent aux traité;; évadan t s , qeo l 'on
veu t v io le r c o n t r e le P a p e , l e u r s i b . e s aux [dus impor-
tan tes posses s ions t e r r i t o r i a l e s ?


Non, n o n ; il faut vo i r les c o n s é q u e n c e s du pr inc ipe
que l 'on pose . C'est p a r c e qu'i l y a un g: and pr inc ipe
i m p l i q u é ici d a n s la violat ion d 'un g r a n d droi t , que je
défends inf lex ib lement e l l e dro i t et le p r inc ipe .


0° C'est ce q u e ne s e m b l e n t p a s c o m p r e n d r e assez
ceux qui d i s e n t : Apres lon l , il ne s'agit là q u e d ' u n e
p rov ince de plus on de m o i n s . — Ce n 'es t pas tant le
l'ait qu i est r e d o u t a b l e ici, le l'ait de l ' annex ion p lus ou
m o i n s p r o c h a i n e a n Piémont , des p r o v i n c e s i n s u r g é e s ;
c 'est le p r inc ipe a u n o m d u q u e l le fait s ' accompl i ra i t .
Eh ! s a n s d o u t e , l ' É l a t - R o m a i n a u r a i t pu , c o m m e tout
a u t r e État en E u r o p e , ê t re c o n s l i l u é a u l r e m e n l qu'i l ne
l 'est , et ces p r o v i n c e s ne pas lui a p p a r t e n i r ; ma i s elles
lui a p p a r t i e n n e n t : au n o m de quel pr inc ipe les lui e n -
levez-vous p o u r les d o n n e r au P i é m o n t ? Voilà la q u e s -




S i l i L E Ì ; É ' ' I . ' Ì Ì . Ì : : " r ] ! ! • ; I / E T A T U O . M A I N . 5 1 5


t ion. Si In Silésie p r u s s i e n n e , p a r e x e m p l e , d e m a n d a i t
à so sépa re r , qui: dirai t la P r u s s e ? Si hi L o r r a i n e p r o -
tenda! I s ' annexer à l 'Al lemagne , si la Corse p r é t e n d a i t
s'ainr'xuu' ix pf la l ie , quo d i ra i t la F r a n c e ?


Vous par lez d ' i n c a p a c i t é : s'il f au t ' d i s cu t e r p o u r c h a -
cun la c a p a c i t é et les r é f o r m e s n é c e s s a i r e s , et p r o n o n -
cer ensu i t e des d é c h é a n c e s , où p o u r r a i ! c o n d u i r e cet
e x a m e n de consc ience ? J ' e x a m i n e r a i b i en tô t , s'il
p la î t à Dieu, et avec détai l , ce r e p r o c h e t an t r é p é t é ;
p o u r le i m i m e n l , j e me b o r n e à d e m a n d e r ; Est-il un
t rône en fui repu su r b 'qmd s S ' d e : : 1 a -:-us p ' u s d'In un nies
sic génie que .wv ce. I rone- là ? Que furent d o n c Léon le
Grand , Grégo i re le G r a n d , Giégo i re VI!, Grégo i re IX,
Léon IV, Alexandre III , Innocen l H ! ; et , d a n s les t e m p s
m o d e r n e s , Nicolas V, Paul 1 1 ! , Pati! V, Ju les II m ê m e ,
Six in-Ou ini, et lanl d ' a u t r e s , q u ' a n o m o é- l 'h is toi re ?


"Vos a ' e e r n é e s c rea n!-iis dune qu ' i l y a en t re la
ver !S Ì et le génie te ciAme d ivo rce q u ' u n e b r o c h u r e r é -
cente osait p: o c l a m c r en t r e la loi c h r é t i e n n e et la c iv i -
l i s a t ion?


Non : il ne s 'agit on ce m o m e n t ni de l ' admin i s t r a t i on
ron l i i l ca le , ni m ê m e de l ' i n d é p e n d a n c e i ta l ienne ,


11 s'.ag'l de s a i i é r s'il <•.-! pa l r i n ! | qu« 'le c o u p e r en
deux sa p a t r i e p o u r sa t is fa i re son o p i n i o n ? s'il est
légit ime de s ' insurger p o u r l ivrer u n e p r o v i n c e à u n
souvera in vo i s i n? s'il est s incère d ' a p p e l e r m o u v e -
m e n t na t iona l u n e consp i r a t i on s o u t e n u e p a r l 'é-
t ranger .


Enco re un c o u p , ce n 'es t pas là une ques t ion de d ro i t
c anon , tuais une ques t ion de droit publ ie .


Cn Congrès va è l re f o r m é ; je l 'appel le de mes v œ u x .
Eh b i e n ! qu ' i l se c o m p o s e de Musses ou d 'Espagno l s ,




3 i 0 S E C O N D E I . E T T H E A C N C A T H O I . I Q U - .


de Suédois ou d ' A u t r i c h i e n s , j ' a u r a i conf iance , si les
p l én ipo ten t i a i r e s ne m é c o n n a i s s e n t p a s ce p r e m i e r
ar t ic le de la loi m o r a l e : « N'e faites p a s à a u t r u i ce
q u e vous ne voudr i ez p a s q u i vous fût fait à v o u s -
m ê m e . »


En effet, il n ' e s t poin t , je ne dis pas u n Souvera in qui
puisse ê t re a s s u r é de sa S o u v e r a i n e t é ; je dis : il n 'es t
p a s une na t i on qu i p u i s s e ê t re a s s u r é e de la paix, si
l 'on c o n s a c r e ce d ro i t d ' u n e p rov ince , d ' une ville, d 'un
village de c h a n g e r de m a î t r e q u a n d il lui plaît.


Mais le Souvera in n e veut pas a c c o r d e r de réforznes !
Es t -ce q u ' a u n o m b r e d e s r é fo rmes , on iui d e m a n d a i t
de céde r Bologne au P i é m o n t ? Aon, n o n , le P i é m o n t et
les éc r iva ins qu i p a r l e n t de r é f o r m e s , s a n s j a m a i s r ien
p réc i se r , s c i a i e n t b ien faciles q u e ces r é fo rmes fussent
fa i tes ; ils s e r a i en t désolés q u e celui qu ' i l s n e cessent
d ' a t t a q u e r dev în t i n a t t a q u a b l e , fis n e m a r c h e n t po in t à
la défense d ' une idée , ils volent à la c o n q u ê t e d ' une
p rov ince .


Q u ' u n A l l emand , p a s s a n t à S t r a s b o u r g , c r i t ique les
ins t i tu t ions de la F r a n c e , il a b u s e p e u t - ê t r e de l ' hosp i -
tali té, il est l ibre p o u r t a n t ; sa c r i t ique peu t ê t re une
b a s s e s s e sans ê t re un c r i m e . Mais qu ' i l a m e u t e les h a -
b i tan t s ou la g a r n i s o n p o u r c h a s s e r ie p ré fe t , c'est un
factieux. S'il est envoyé p o u r sou leve r l 'Alsace au profit
d 'un P r ince v o i s i n , ce Pr ince est un u s u r p a t e u r . 11 a
b e a u p a r l e r de la l ibe r té c o m m e u n cheva l ie r , il t rai te
la jus t ice c o m m e un p i ra t e . T o u t ce qu i se fait sous une
telle c o n t r a i n t e est nu l .


On p r o m e t des merve i l l e s à ceux que l 'on e n t r a î n e ;
on leur a s s u r e q u e , sous un n o u v e a u m a î t r e , ils s e ron t
p lu s h e u r e u x . Le r e p e n t i r a t tend ceux qui se l a i s s e r o n t




SUR. L E D E M E M B R E M E N T D E | L ' É T A T R O M A I N . :>n


sédu i r e . Mais q u a n d cola se ra i t v ra i , q u a n d m ê m e le
c h a n g e m e n t serai t un p r o g r è s , il n e ces se ra i t p a s d 'ê t re
u n e injustice.


C'est, di t-on, le dro i t n o u v e a u des p e u p l e s ! Oui, on
en a vu des exemple s en A m é r i q u e . .


P e u t - ê t r e q u e le Texas est p lus h e u r e u x d ' a p p a r t e n i r
aux É ta t s -Un i s q u ' a u Mexique . Et p o u r t a n t la voix d 'un
g r a n d c i t o y e n , Chann ing , r e t en t i t e n c o r e , d é n o n ç a n t
cette p r é t e n d u e guerre de l'indépendance qu i a l ivré le
Texas à sa pa t r ie c o m m e u n e in iqu i té m o n s t r u e u s e .
Cer tes , ce n 'es t pas ici un Évoque défendant les idées
ri'un autre âge, c 'est un r épub l i ca in qu i p a r l e ' .


On a osé faire a l lusion, à p r o p o s du g o u v e r n e m e n t du
Pape au g o u v e r n e m e n t du C r a n d T u r c . Accep tons u n
m o m e n t cette m i sé r ab l e a l lus ion. Est-ce q u e l 'Angleterre
et le P i é m o n t ne se sont p a s un i s à la F r a n c e p o u r e m -
pêche r les sujets c h r é t i e n s du C r a n d T u r c d 'a l ler t rou-
ver le b o n h e u r sous le s cep t r e du Czar ? On a s o u t e n u
le T u r c , non pa rce qu ' i l étai t T u r c , ma i s p a r c e qu' i l
était o p p r i m é . L 'Angleterre et le P i é m o n t v e u l e n t dé-


1 '•< Dans l 'armée de liuil cents h o m m e s qui oui remporte lu \ ictoire-,
dissipé tes force:- mex ica ines cl i'ail prisonnier leur chef, il n'\ avai l pas
plus (le c inquante choyons <ln Texas qui eussent îles sriefs à ve i i ï c r sur
un c h a m p de bataille. Dans cette guerre , les Tcx icn* no. sont qu'en n o m ,
un prétexte, à l'abri duquel les aventur iers v e n u s d'une autre contrée
ont accompl i ienr o u u e de pi l lage .


a 1! est des crimes qui, par leur énorni i té , t o u c h e n t au s o l ' l i m e ; la
prise du Texas par nos conc i toyens a des droits à cet honneur . Les
! mps modernes n'ollVenl aucun e x e m p l e de rapine, c o m m i s e car îles
• o l h i d n s sur une. aussi kug'c éche l le . Ce, n'est rien mouis que |o vol
ù'aii È l a l . Le pi iale prend un vaisseau ; les co lons et leur* a- -oc iés ne
se c o n k n l c n l pas à m o i n s d'u:i empire '. »


' Clcmr.iiif,', /.('/ ' ce à M. t'Iaij (é b ' . o o ! a ; e ) .




3 : 8 S E C . U S I E L E T T R E A E N C A T H O L I Q U E


pouil lor le P a p e , quo iqu ' i l soi t o p p r i m é , parce- qu ' i l est
le Pape .


7" Mais p o u r n o u s conso le r de la dépossess inn p r é -
sen te , et n o u s r a s s u r e r pour l ' aveni r , on n o u s p r e m e i
la g a r a n t i e du res te . L ' Eu rope , d i t -on , ga ran t i r a au
S a i n t - P è r e , p o u r piiv de ce sacrifice à l ' insur rec t ion , la
possession paisible des Étals de l'Eglise. Mais quoi ? es t -
ce q u e cet te g a r a n t i e n 'ex is te pas déjà ? es t -ce qu 'à
l ' h e u r e qu ' i l est. toutes les p u i s s a n c e s n e son! pas enga-
gées e n v e r s le Pape ? e s t -ce qu ' i l ne peut pas les invo-
quai ' , au n o m des t ra i tés et du droit, publ ic eu ropéen ?
Oui, s'il y a e n c o r e un droi t publ ic e u r o p é e n , le Pape
p e u t a u j o u r d ' h u i s o m m e r la F r a n c e , l 'Angleterre , la
Russ ie , la P r u s s e , l 'Espagne , la Suède , le Por tuga l ,
d ' e x é c u t e r les g a r a n t i e s j u r é e s .


O l i o qu ' on lui offrirait a u j o u r d ' h u i , d o n n é e dans des
c i r c o n s t a n c e s mo ins s o l e n n e l l e s , au ra i t a s s u r é m e n t
m o i n s de va l eu r : e t s i la ga ran t i e e u r o p é e n n e t p i i existe
n e suffit pas , cel te g r a n d e sécur i t é nouvel le qu 'on lui pro-
m e t se ra i t -e l le au t r e c h o s e q u e du pap ie r surf in pap ie r?


8° L E u r o p e g a r a n t i r a au Pape la possess ion paisible
du rest i ' d o s e s E t a t s ; mais ici de deux choses l 'une :


L 'Europe a, ou n 'a pas , le d ro i t et le pouvo i r de g a -
r a n l i r au Pape ses Éta t s con t re l ' i n su r r ec t i on ;


Si l 'Europe a ce droi t et ce pouvo i r , p o u r q u o i n ' e n
u s e r a i t - e l l e pas auj m r d ' h u i ? El si elle ne l'a pas , c o m -
m e n t pou r r a - t - e l l e en use r p lus tard ? — Sì elle a ce
droit à l ' égard d u ' t o u t , c o m m e il n 'es t pas doa ieuv , il
m ' e s t imposs ib le de voir c o m m e n t elle ne l ' aura i t pas à
l ' égard d ' une pai lie.




si;n L I : [)È.ME>iiiUK?.H:N"r UK I . ' É T A T no M A I N . aia
Que si, nu c o n t r a i r e , l 'Europe n ' a p a s le dro i t de g a -


r a n t i r au Pape, les p rov inces su r lesquel les l'Europe re-
connaît copondanl cjiie les droits du Pape, sont incontes-
tables, quel droi t p o u r r a i t " a v o i r l 'Eu rope de lui g a r a n t i r


le l'Oslo ?


9° Voilà ce que dit ici la b o n n e foi : le droi t est ce r ta in
p o u r la pa r t i e c o n n u e pour le tout , p o u r le p r é s e n t
c o m m e p o u r l 'avenir ; et q u a n t aux m o y e n s , j 'ajoute,
qu ' un droi t , lorsqu' i l est r e c o n n u el p r o c l a m é par l 'Eu-
rope ent iè re , a mie farce d e v a n t l aque l l e tomberont . ,
p ins a i s é m e n t qu 'on ne le p e n s e , tou tes les r é s i s t ances .


C'eM ce que disait i ' é m i n e n t p u b l i c i s l e 1 q u e n o u s avons
déjà cité :


« Ea pu i s sance i n t e r v e n a n t e et v ic to r i euse n ' a u r a i t
te nul besoin d 'agir par la force con t re a u c u n des clis-
;i Iricts i n su rgés ou ( roubles . 11 lui s u b i r a i t de ne p a s
» r e c o n n a î t r e n o m i n a l e m e n t u n e t r ans l a t i on de p o u -
« voir , q u e l 'avenir ne m a i n t i e n d r a p a s et q u e n ' a j a -
« ma i s admise l ' in térê t de la F r a n c e . »


Mais si on laisse l'aire la Révolut ion , si on n ' i n t e r v i e n t
p a s , je ne dis m ê m e point p a r la force des a r m e s , ma i s
p a r l a p roc l ama t ion ferme du d r o i t , pa r le refus net de
r e c o n n a î t r e une dépossess ion i n j u s t e , un d é m e m b r e -
men t impol i t ique et violent , qui me di t q u ' o n g a r a n t i r a
efficacement q u e l q u e chose d a n s l ' a v e n i r ?


Quoi 1 c'est, au m o m e n t où vous déclarez i m p u i s s a n t e
la ga ran t i e déjà e x i s t a n t e , q u e vous en p r o m e t t e z une
nouve l l e? C o m m e n t voulez-vous qu 'e l l e r a s s u r e ?


El voici d ; j à un o r g a n e du min i s t è r e anglais ac tue l ,


1 M . Vitlcmain.




3 5 0 S E C O N D E L E T T R E A E N C A T H O L I Q U E


\e)Iorning-Postt qui déc l a r e q u e ¥ Angleterre ne garan-
tira rien. En c i lan l ces l ignes du j o u r n a l de lord Pal-
m e r s t o n , j e n e veux pas d i re q u e l 'Église a en face d'elle
des h o m m e s don t la pas s ion du m o m e n t insp i re toute
la condu i t e : po l i t i ques de c i r cons t ance , po l i t i ques s a n s
p r i n c i p e s , s a n s r e s p e c t p o u r e u x - m ê m e s ni p o u r les
a u t r e s ; m a i s j e ne pu i s m ' e m p ê c h e r de r e m a r q u e r q u e
lord P a h n c r s t o n , en s e p t e m b r e 18'i7, écr iva i t ces p r o -
p r e s p a r o l e s : « L ' in tégr i té des É t a t s - R o m a i n s doit ê t re
<< c o n s i d é r é e c o m m e l ' é l émen t essent ie l de l ' i ndépen -
e d a n c e de la Pén insu le . » (Dépêche à lord Ponsonhy . )


Mais l a i s sons ce qu ' i l y a là de con t rad ic t ion . Je veux
c ro i re à la d r o i t u r e . Je crois s u r t o u t à la pu i s sance du
dro i t e u r o p é e n r e c o n n u , p r o c l a m é ; n ia i s à la condi t ion
q u e l 'Eu rope n ' a b d i q u e p a s ce d ro i t en p e r m e t t a n t qu 'on
le foule aux p ieds ; à la condi t ion quille ne laisse pas
ramener le droit au seul fuit de la force.


!0 ! T r o p p r é o c c u p é du p r é s e n t et pas assez de l ' ave-
nir , on dit : Mais ces p r o v i n c e s se sont soulevées . —
Soit : les R o m a g n e s se sont soulevées h i e r ; m a i s , qui ne
le c o m p r e n d ? si on c o n s a c r e cet te r é v o l t e , les au t r e s
p rov inces se sou lève ron t d e m a i n . Qui p o u r r a me di re
p o u r q u o i tou tes les p rov inces des Etats-Pont i f icaux n ' a u -
r a i e n t pas ce droi t les u n e s auss i b ien q u e les a u t r e s , et
les unes a p r è s les a u t r e s ?


Non s e u l e m e n t les d ro i t s sont les m ê m e s , ma i s le cas
est i den t ique . Il y a p lu s , le fait est imminen t . l ' incen-
die est a l l u m é et le vo i s inage est t rop p rocha in , l ' o u r l e
d i re p lus c l a i r e m e n t , l ' exemple est t rop lion à su ivre ,
l ' e n c o u r a g e m e n t du succès t rop puissant .


Quoi ! vous croyez q u e tout se ca lmera c o m m e p a r




S U R L E D É M KM DR E M К N T D E L ' É T A T R O M A I N . ;ГЛ


e n c h a n t e m e n t , parco quo l ' insnr roc t ion a u r a eu r a i s o n ,
p a r c e que la révol te a u r a t r i o m p h é ?


Dans ce d é c h a î n e m e n t de pass ions a r d e n t e s sou l evées ,
se flatter qu 'on a p a i s e r a en I tal ie et en E u r o p e le génie
des révo lu t ions en lui j e t a n t , c o m m e u n e p r o i e , u n e
par t ie des Éta ls ­Pont i f icaux , c'est se t r o m p e r t rop é t r a n ­
gemen t s o i ­ m ê m e .


•11" Sans d o u t e , l ' E m p e r e u r a o b t e n u la démiss ion
t e m p o r a i r e de G a r i b a l d i ; m a i s G a r i b a l d i , d é m i s , n 'en
cont inue pas m o i n s d ' a d r e s s e r aux r é v o l u t i o n n a i r e s ,
n o n ­ s e u l e m e n t des D u c h é s et des Romagnes , m a i s de
tous les États­Pontificaux, et de t ou t e l ' I tal ie, les p r o c l a ­
m a t i o n s 1 , les e x h o r t a t i o n s , les appe l s aux a r m e s , q u e
c h a c u n lit c h a q u e j o u r d a n s les j o u r n a u x , et d a n s l e s ­
que ls il déc la re qu' i l n e faut s ' a r r ê t e r q u e q u a n d l ' I talie
en t i è re sera s o u l e v é e ; et c'est p o l i r c e l a m ê m e qu ' i l d é ­
m a n d e aux r évo lu t i onna i r e s de toute l 'Europe un million
de fusils.


' Т о м les journaux publ ient ces jours­c i , sans un dément i que je
connaisse , la dernière proclamation de Gaiibaldi aux j eunes gens de
l'avie ; on y lit !cs phrases suivantes :


« Toul h o m m e né sur c e l l e lerre devrait mettre la m a i n au pavé dos
<• r u e s . . . . et venger sur ces misérables hypocr i tes à soutane noire les
« malheurs , les injures, tes souffrances d e vingt générat ions p a s s é e s . . . .
« Et cependant cel le race m a u d i t e . . . .


« Mais un ennemi terrible existe encore le, plus redoutable
« Redoutable parce qu'il est répandu dans les niasses ignorantes ,
« où il domine par le m e n s o n g e ! . . . . redoutab le . . . . parce qu'il est saeri lé ­
« geiucut recouvert du manteau de la re l ig ion! . . . , redoutab le . . . . parce
« qu'il u i u s s o u r i l avec son sourire de S a t a n ! . . . et qu'il est gl issant
« c o m m e le serpent . . . quand il veut mordre ! . . . Et cet ennemi si redou­
« table si redoulablo ! . . i j j e u n e s gens ! . . . c'est le prêtre ! , . . à peu
« d'exceptions près , sou* quelque forme qu'il si1 présente a v o u s ! »


m 21




3 2 2 S E C O N D E L E T T R E A U N C A T H O L I Q U E .


Et p e n d a n t q u e ces fusils se p r é p a r e n t et s ' en-
voient , tou te la p r e s s e ang l icane ne cesse d ' ins is ter
g é n é r e u s e m e n t p o u r q u e la F r a n c e re t i re ses t r o u p e s
de Rome .


Eh bien ! je le d e m a n d e , q u e fera l 'Europe p o u r g a -
r a n t i r les Éta t s du P a p e con t r e ce mill ion de fusils ?


12° Je ferai m ê m e ici une ques t ion p lus g rave , s'il est
poss ib le : q u e fera l ' E u r o p e p o u r se ga r an t i r e l l e -même
c o n t r e un million de fusils r évo lu t i onna i r e s , l o r sque son
h e u r e sera v e n u e ?


On dit qu' i l faut faire la p a r t du feu. On ne fait la par t
du feu q u e q u a n d il s'agit d 'un feu qui peu t s 'é te indre :
ce n ' e s t p a s b i n a t u r e du feu r évo lu t ionna i r e .


Nous avons su en F r a n c e , p a r u n e t r i s te expér i ence ,
q u e Jes fusils n e sont pas t ou jou r s bien placés dans les
m a i n s des m a s s e s ; et le g o u v e r n e m e n t français l'a sans
d o u t e a insi jugé , lo rsqu ' i l a d é s a r m é une par t ie du peu-
ple de Par i s .


La Révolu t ion , q u ' o n ne s'y t r o m p e p a s , n 'est pas ro-
m a g n o l e : elle esl e u r o p é e n n e . C'est ici la plus mauva i se
Révolut ion, celle que le p r e m i e r Consul avait e n c h a î n é e .
Les h o m m e s qui a c c l a m e n t Gar ibaldi et Mazzini sont


p a r t o u t ; les b r a s qui a t t enden t des fusils sont pa r tou t ;
et d é s o r m a i s ils s a u r o n t où en p r e n d r e .


Je ne veux pas e x a g é r e r : je n e veux pas dire a s s u r é -
m e n t q u e t o u s l e s Romagno l s son t des mazz in iens ; mais
il faut f e rmer les y e u x p o u r ne pas voir que la d é m a -


gogie se m o n t r e ici de tou tes pa r t s : en I ta l ie , elle
t r i o m p h e ; en F r a n c e , elle a p p l a u d i t ; en Europe , elle
e spè re .


Et quel e n c o u r a g e m e n t pa r tou t pour elle, le j o u r où ,




s i : n I . E ! i E M K M B H K M i : > T i n : L E T A T H O . M A I N . m


d a consen t emen t de l 'Europe , « en m a t i è r e de s o u v e -
:i r a i n e l é , une possess ion a n t i q u e de d r o i t , faible et
:< inoffensive de fait, conf i rmée d u r a n t des s iècles , c o n s -
« laide pai' des t ra i tés ex i s t an t s , s e ra i t mut i l ée , r édu i t e
'•' à volonté, » p a r des m é c o n t e n t e m e n t s suspec t s el e x -
ploi tés !


« Simplifier a insi le d ro i t e u r o p é e n , dit e n c o r e avec
a t a n t de ra i son et d ' au to r i t é M. Villeniain, c 'est u n e as-
« section de c o n s é q u e n c e g rave p o u r tous les t rônes éla-
•; b i is , et p lus ou m o i n s r e n o u v e l é s sur u n e b a s e p lus on
•< mo ins a n c i e n n e . »


« Que loules les s o u v e r a i n e t é s d ' E u r o p e , q u e tou tes
« les m a i s o n s r é g n a n t e s se t i ennen t b ien aver t i es a lo r s
•i qu ' i l n 'y a pas de droi t réel r é s u l t a n t de la d u r é e , de
« la t radi t ion con t i nue et de l ' ac t ion m o d é r é e du p o u -


vo i r ; que le seul droi t rée l , c 'est la force ac tue l l e , le
<•. n o m b r e des so lda ts , et, d a n s les cas n o u v e a u x ou d o u -


te l eux , l 'act ion d 'un suffrage un ive r se l , » qu i peu t ,
c o m m e n o u s le v o y o n s en I ta l ie , ê t re u n t é m o i g n a g e si
con t r a in t et si faux de la vo lon té popu l a i r e .


Oui , le j o u r où l ' annex ion de la R o m a g n e au P i é m o n t
sera c o n s a c r é e p a r l 'Eu rope , le, p r inc ipe de l ' exp ropr i a -
tion forcée des c o u r o n n e s sera écri t d a n s le d ro i t des
gens ; le plus a n t i q u e el le p lus v é n é r a b l e des s o u v e r a i n s
sera v ic t ime d 'une in jus t i ce ; la pol i t ique pa s sée e l p r é -
sente de l 'Europe se ra va incue .


13" Non, cet te solut ion n 'es t p a s une solut ion.
Elle l a i s se ra i t l 'Eu rope é t o n n é e ;
La F r a n c e m é c o n l o n l e ;
La Pén insu le pa r t agée e n t r e ;
Le P i émon t d é b o r d é p a r les r é v o l u l i o n n a i r e s ;




321 S E C O N D K I . E T T R K A I' N C AT IIO I.I Q l ' F,.


L'Aut r iche a b a t t u e ;
Aaples m e n a c é e :
Et Je P a p e , affaibl i , res te p r e s sé p a r l a Révo lu t i on ,


aba i s sé e n t r e ses vois ins .
S'il obé i t a u P i émon t , il est o p p r i m é ; s'il s 'all ie a


l 'Aut r iche , il e s t e o m p r o m i s ; p a r t o u t la d i scorde est ce r -
t a i ne , et c 'est t ou jou r s à r e c o m m e n c e r .


\h° J ' en c o n c l u s q u e les c i r c o n s t a n c e s é t a n t d o n n é e s
ce qu 'e l les son t , le sacrifice des R o m a i n e s ne sera i t pas
s e u l e m e n t inut i le : il e n t r a î n e r a i t l o g i q u e m e n t , fatale-
m e n t , q u ' o n le s a c h e ou q u ' o n n e le s a c h e p a s . la r u i n e
to ta le de la Souve ra ine t é t e m p o r e l l e du Sa in t -S iège , et
b ien d ' a u t r e s r u i n e s e n c o r e . Et cela d a n s un t e m p s très-
l imi té ; ca r à l ' é p o q u e où n o u s v ivons les révolut ions
von t vite.


Du re s t e , les r é v o l u t i o n n a i r e s ne s'y t rompen t poin l ,
e t les p lus f rancs l ' a v o u e n t sans dé tou r : « Ce n ' e s ! que
la p r e m i è r e é l ape , d isa i t a u j o u r d ' h u i m ê m e le Siècle :
la s e c o n d e m è n e r a p lus loin. » — « Ce n'est qu'un pre-
mier pas, d i sa i t h i e r u n a u t r e j o u r n a l : ma i s l \ CRANI)
PAS. » — C'est p o u r cela qu'il ne faul pas le faire pa rce
qu ' i l m è n e r a vite où on ne veut po in t , où on ne doit
point a l le r .


15" Mais, di t -on, il y a ici à c r a i n d r e le m é c o n t e n t e -
m e n t des I ta l iens . Je d i r a i d ' a b o r d : Eh quoi I se sont-ils
d o n c affranchis e u x - m ê m e s 7 Non : c'est n o u s qui les
a v o n s aff ranchis . : ce r t e s n o u s avons bien le droit de leur
d i r e d a n s que l le m e s u r e n o u s avons travaillé à l eu r af-
f r a n c h i s s e m e n t . Ils ne p e u v e n t pas exiger que n o u s l eu r
d o n n i o n s , con t re la vieille foi de la F r a n c e cl con t r e ses




SL'K I .E D E M E M B R E M E N T DE L ' É T A T R O M A I N , m


in té rê t s n a t i o n a u x les p ins d é m o n t r e s , le d ro i t d ' humi l i e r
e t d ' a m o i n d r i r la Souve ra ine t é du Pè re c o m m u n des fi-
dèles , et q u e n o u s nous fass ions , faut-i l le d i r e ? les i n s -
t r u m e n t s du p r o t e s t a n t i s m e angla is .


Le Times dit : / / noussuffit de penser qu'on verra la pvo~
lestante .Angleterre trouver dans l'Empereur de la France
' atholique un appui efficace et sincère. — Oui, cela p e u t
suffire au Times ; m a i s cela ne n o u s suffit pas à n o u s !


.le dira i de p lus aux I ta l i ens et à l eu r s amis :
Vous croyez q u e l ' aven i r s e r a le r ègne de la d é m o c r a -


tie. Admet tons vo i re préd ic t ion ; et moi je v o u s p réd i s à
m o n tour q u e de toutes les fo rmes des soc ié tés ' huma ines ,
c 'est la d é m o c r a t i e qui a u r a le p lus beso in du chr is t ia -
n i s m e . Ses p a r t i s a n s sont d o n c b iens fous de les broui l -
ler l 'un avec l ' an t r e ; ils v e r r o n t ce que, dev i end ra la dé-
m o c r a t i e , lo rsqu ' i l s a u r o n t e n c h a î n é ou r e p o u s s é la ma in
qui po r t e l 'Evangile . P o u r l 'Eglise, elle ne c ra in t pas
ces lu t t e s , elle y g r a n d i t ; ceux qu ' e l l e p l eu re , ce n e sont
pas ses dé fenseur s r e n d u s plus g é n é r e u x , plus a r d e n t s ;
ce sont ses a d v e r s a i r e s , é lo ignés et p e r d u s à j a m a i s .


!6° Voilà s u r le m é c o n t e n t e m e n t des I ta l iens ce q u e
j ' a i d ' abo rd à d i r e ; j ' a i à d e m a n d e r ensu i t e : De que l s
ftaiiens p a r l e - l - o n ?


On a fait g rand b r u i t du v œ u des p o p u l a t i o n s i t a -
l i ennes . Des a s s e m b l é e s i s sues d e l ' é m e u t e ont p r é -
t endu l ' exp r imer p a r l eu r s vo les , et les a m b a s s a d e s de
ces a s s e m b l é e s ouf po r t é ces voles à des s o u v e r a i n s .
Nous s avons déjà p a r les t émo ignages formels d 'un
h o m m e d 'Éta l ang la i s , h o n n ê t e h o m m e , lord N o r m a n b y ,
témoin o c u l a i r e , que l l e est la va leu r de ces suffrages ;
et a u j o u r d ' h u i m ê m e n o u s t r o u v o n s la conf i rmat ion du




:i2C ><>:.,\',,\: L E T T K V. A U N C A T H O L I Q U E


t émoignage de lord N o r m a n b j dons une l o i ! r é é c r i t e au
Times p a r un a u t r e Anglais , m e m b r e du Pa r l emen t , qui
a v o u l u auss i j u g e r p a r l u i - m ê m e . Voici ce q u ' a f f i r m e
M. JJovvv or :


« Le p r é t e n d u g o u v e r n e m e n t d e l à Romngne subs i s te


« m a l g r é les vœux f o r m e l s de l a popu la t ion . Lu voulez-
« vous la p r e u v e ? Il n 'es t p e r m i s à p e r s o n n e d é l i r e ,
« d ' é c r i r e , d e d i r e u n s e u l m o l c o n t r a i r e à la faction r é -


« g n a n t e et aux. socié tés s ec rè t e s . Le soi-disant purlc-
« ment de ta Romngne ne représente pas an soixantième
« de la pop nia t ion. Le n o m b r e iolal des é lec teurs est
« s e u l e m e n t de dix-huit cents (les r évo lu t i onna i r e s n'en
« ou i pas admis p lus d a n s l eu r suffrage universel ) ; et,


« sur ce nombre, pas même un tiers n'a pu être mené
« au scrutin, par la force, par l'intimidation, par la
« corruption ! »


Et ces g raves t émoignages de l o r d \ o r m a n b y et de
' ! . Uowycr sont conf i rmés officiel lement p a r le t é m o i -


g n a g e des r é v o l u t i o n n a i r e s i ta l iens e u x - m ê m e s :


Voici ce q u ' o n lit d a n s un r a p p o r t officiel ad re s sé a u
d ic ta t eu r C i p r i a n i , et r e p r o d u i t t e x t u e l l e m e n t p a r les
j o u r n a u x de la h a u t e I tal ie et de l 'Italie cen t ra l e : « Dans
« toutes les provinces unies on dressa des listes, en coa-
ti fiant ce travail a la bonne foi d'amis probes et larn-
« nêtes, auxquels il fut enjoint de le circonscrire prin-
« cipalement aux seuls centres populeux*. » Ainsi , voilà
des l istes é lec to ra les don t l a confect ion n 'a été confiée
qu 'à des f rères et a m i s , qu i ont eu o r d r e de r e s t r e i n d r e


1 l'er tutte le unité proviuc ie , si d iramarono le l i s te , racconiandandole,
;n!a fede di prohi ed onesli a in i c i , ing iunge i id" loi'e rii circusci'Ocre piin-
ripnlmciito l'a/.ione ai soli eentri popo'nsi .




S l! Il L E D É M E Mlì lì E M E N T D E L ' E T A T H U M A I N . 327


les é lec t ions à pou près aux seu l s cen t ros p o p u l e u x ,
c ' e s t - à -d i r e d 'exc lure la g r a n d e m a j o r i t é du p e u p l e .


Quelle indigne décep t ion , que l le a t t e in t e , — j e le d e -
m a n d e à tous les h o m m e s h o n n ê t e s et à la c o n s c i e n c e
p u b l i q u e , — quel le in jure l'aile à la v é r i t é des v œ u x
p o p u l a i r e s et aux p r i n c i p e s su r l e s q u e l s r epose l ' o r d r e
social en E u r o p e ! Quelle p e r t u r b a t i o n p r o f o n d e d a n s
les ga ran t i e s p u b l i q u e s , d a n s la sécur i t é des s o u v e r a i n s
et des p e u p l e s ! Car, je ne dois pas m e lasser de le r e -
di re : c 'est jusque- là qu ' i l l'aul s ' é l eve r , c'est s u r ces
h a u t e u r s , c 'est s u r ce point capi ta l qu ' i l faut p o r t e r i e
regard : toute la ques t ion se r é s u m e en u n e g r a n d e
ques t ion de d ro i t p u b l i c .


17" C'est un souve ra in qu ' i l s 'agit de d é p o s s é d e r o u
de r édu i r e à u n e a b d i c a t i o n ; et quel souve ra in ? Est-ce
un p r ince é t r a n g e r ? Non, ca r l 'Élal-Roinai n est a u t o -
n o m e , i n d é p e n d a n t ; le l ' ape est I ta l ien , p r o f o n d é m e n t
I t a l i e n 1 . Si les p r o v i n c e s q u ' o n veu t a r r a c h e r au S a i n t -
Siège, ou don t on lui impose ra i t l ' a b a n d o n , pa r t i e s in té-
g r a n t e s d 'un Éta l r e s t a u r é pa r la F r a n c e et r e c o n n u p a r
l 'Europe , peuven t se s é p a r e r de cet É la t et s ' a n n e x e r


1 Es t -ce ([ne ce n'est pas Pif ¡X qui a donné le s ignal des a m é l i o r a -
tions et des réformes à tous 1rs prin<-.(>« ile la P é n i n s u l e , qui s'est placé
do l u i - m i ' i i i e à la tète, des Italiens g é n é r e u x , h o n n ê t e s , et (|iii a inspiré
leurs voeux pour l ' indépendance l ég i l imc de leur j.atrie N 'e s t - ce pas
lui qui écrivait à l 'empereur 'l'Autriche :


« Nous avons la eonl iance que la nat ion a l l emande , si généreusement
« fière de sa propre nal ional i lé , ne mettra pas s¡,n h o n n e u r dan» de»
« tentat ives sanglantes contre la nui ion i tal ienne, mais qu'elle, se croira
« piuló! inlércs.-ce à reeonuailre noblement cel ie-c i pour soeur, toutes
« les deux nos Cilles, toutes les deux si chères à notre c œ u r , consentant
« à habiter c h a c u n e *<>n territoire n a t u r e l , où elles v ivront d'une vie
« honorable et bénie du Se igneur . »




328 S E C O N D E L E T T R E A E N C A T H O L I Q U E .


v i o l e m m e n t à un a u t r e ; si ce d ro i t est r e c o n n u et sanc-
t ionné p a r l e s s o u v e r a i n s e u x - m ê m e s ; n o u s ne étirons
p a s s e u l e m e n t : c 'es t le p r i n c i p e de l ' inviolabi l i té de
l 'É ta t -Pont i l i ca i qu i pe t i t ; n o u s d i rons e n c o r e : c'est la
Révolu t ion qu i en t r e t r i o m p h a n t e d a n s le droi t pub l ic
e u r o p é e n ; c 'est la h a s e de tous les t ra i tés qu i est é b r a n -
l é e ; c 'est le p r i n c i p e tu l é l a i r e du p o u v o i r , le fondement
de l ' o r d r e social qu i est r e n v e r s é ; c 'est la souve ra ine t é
qu i est humi l i é e et dépoui l lée p a r la s o u v e r a i n e t é ; et
cela d a n s cel te E u r o p e où le sol m i n é p a r les r évo lu -
t ions t r e m b l e e n c o r e , et où les p a s s i o n s a n a r c h i q u c s
c o m p r i m é e s son t t ou jou r s f r émi s san t e s !


Et ce qu ' i l y a u r a i t de p lus od ieux ici , de p lus m i s é -
r a b l e d a n s ce t r i o m p h e r é v o l u t i o n n a i r e , c 'est q u e la
s o u v e r a i n e t é qu i s u c c o m b e r a i t a insi n ' est pas s e u l e -
m e n t sa in te et v é n é r a b l e aux y e u x des p e u p l e s c a t h o -
l i ques ; c 'est e n c o r e la s o u v e r a i n e t é la p lus digne de
s y m p a t h i e aux y e u x de t o u t e na t ion civil isée, pa r le
p r i n c i p e de dignité m o r a l e qu ' e l l e r e p r é s e n t e ; la p lus
d igne d ' a s s i s t ance et de r e s p e c t , pa r ce qu 'e l le est faible,
i n n o c e n t e , o p p r i m é e .


Mais en vé r i t é , p lus j ' y p e n s e , m o i n s j e c o m p r e n d s
ce n o u v e a u droi t des s o u v e r a i n s qu i l eu r permettrait de
r é f o r m e r l e u r s vo i s ins , et s'ils r e fusen t , de leur prendre
l e u r s Éta ts . Que l ' apos to la t des ins t i tu t ions l ibres f ran-
ch i s se les f ront ières ; q u e l 'op in ion le s o u t i e n n e , que la
d i p l o m a t i e le s e c o n d e , s o i t ; m a i s l ' occupa t ion p a r
les baïonnettes s o u s p ré t ex te de m i e u x g o u v e r n e r , r e s -
s e m b l e t rop à la mise en s e r v i t u d e des h o m m e s l ibres
sous p ré t ex t e de les r e n d r e me i l l eu r s ; et h e u r e u s e m e n t
ce p r o c é d é n 'a [tas e n c o r e sa p lace bien m a r q u é e dans
la p r a t i q u e du d ro i t des g e n s !




S l ' l i I I. ! > E V ! K M I > I \ I . M E N T i l ! I . 'ETAT R O M A I N . 32'.)


il y a ilciix a n s , la F r a n c e , a p r è s l ' exécrable a l l en la t
d 'Ors in i , d e m a n d e à l ' \ n g l o t o r r e une b ien légère ré -
forme, la r é fo rme de la t o l é r ance c o u p a b l e qui fait du
sol de. la l iberté l 'asi le et.le refuge de l ' a ssass ina t . L 'An-
gle te r re refusa . Que fil la F r a n c e ? Est-ce qu 'e l le o c c u p a
l ' I r l ande? e s t - ce qu 'e l le p r o v o q u a le m o i n d r e t r o u b l e
en Angle te r re? Elle eut r a i son de ne pas p o u s s e r à
bou t sa r e q u ê t e ; et l 'Angle te r re peu t ê t r e e x c u s é e de.
n ' a v o i r r ien voulu c é d e r d e v a n t u n e in jonc t ion . Si la
F r a n c e eût insis té , l 'Angle te r re eu t mis à m o i n s céde r
encore ton! son point d ' h o n n e u r . Plus faible, un s o u v e -
rain a le droi t d 'ê t re p lus l ier e n c o r e .


18" Mais p u i s q u e , d a n s les t r i s tes t emps où n o u s
s o m m e s , les e spr i t s son t si i n c e r t a i n s et la v ic i ss i tude
des c h o s e s si p r o m p t e ; p u i s q u e la r e c t i t ude d e l à r a i -
son et du sens m o r a l s ' a l tè re a u j o u r i nui si fac i lement ;
pu i sque les p r inc ipes les plus c la i r s s ' obscu rc i s s en t si
vite d a n s les c o n s c i e n c e s , il es t bon d ' e n t e n d r e s u r ces
p r inc ipes élevés de droi t pub l ic des h o m m e s don t la pa-
role, à des l i tres d ivers , a b ien q u e l q u e a u t o r i t é . Voici
ce que , d a n s un cas ana logue à la dépossess ion du P a p e
par un Congres ou par une abd i ca t i on forcée , pensa i t
\t. de Tal loyrand :


si P o u r r e c o n n a î t r e celle d i spos i t ion c o m m e légi t ime,
•< écr ivai t - i l dans u n e note en da t e du 19 d é c e m b r e 181.'i,


il faudrai t teni r p o u r vra i que, les n a t i o n s de l 'Eu rope
' ne son t point un ies en l r e elles par d ' a u t r e s l iens m o -


r a u x q u e ceux qui les un i s sen t aux insu la i res de
• l 'océan Aus t r a l ; qu ' e l l e s ne v ivent en t r e elles q u e


sous les lois de la p u r e n a t u r e , et (pie ce q u ' o n
<• n o m m e le droi t publ ic de l 'Europe n ' ex i s t e p a s ; q u e ,




33<; S E C O N D E ! E l i l ' , E A l ' a li A ï ii 11 i. i Ci ( E,


« q u o i q u e loutes les soc ié tés civiles p a r toute la te r re


<; soient e n t i è r e m e n t ou en pa r t i e g o u v e r n é e s p a r des


« c o u t u m e s qu i son t p o u r elles des Im's, le* c o u t u m e s


« qui se son t é tabl ies en t r e les n a t i o n s de l 'Europe , et
« qu ' e l l e s ont u n i v e r s e l l e m e n t , c o n s t a m m e n t et réc i -


te p r o q u e m e n l c o n s e r v é e s p e n d a n t trois s iècles , ne sont
» point une loi p o u r elles ; en un m o t , que tout est lé-
e. gilime à qui est le plus fort. »


Voici m a i n t e n a n t c o m m e n t le m ê m e droi t était d é -


t endu p a r un publ ic is te , é m i n e n t auss i et é m i n e m -


m e n t h o n n ê t e h o m m e , le comte Joseph de ,\laisîre :


« Cn ro i , — écr iva i t - i l le 26 oc tob re 1 8 1 4 , — u n roi


« d é t r ô n é p a r une d é l i b é r a t i o n , pa r u n j u g e m e n t formel


« de ses col lègues ! C ' e s t une idée mille fois p l u s te r -


« r ib le q u e tout ce q u ' o n a j a m a i s débi té à la t r i b u n e


« des J a c o b i n s ; c a r i e s J a c o b i n s faisaient l eu r m é t i e r ;


« ma i s l o r s q u e les p r inc ipes les plus sac rés sont a l l a -


ïc qués p a r l eu r s dé fenseur s n a t u r e l s , il faut p r e n d r e


« le d e u i l . . . .


« Je se ra i s désolé si l ' a s s emblée la p lus a u g u s t e ,


« q u ' o n p o u r r a i t appeler u n Sénat de r o i s , v e n a i t à
« j u g e r c o m m e une loge de f rancs - m a ç o n s suédois .


« Qu 'on ne n o u s parle p lus de ro is d é t r ô n é s , de p a r -
ci t a g e s , de c o n v e n a n c e s , et pas m ê m e de grands et de
« petits souve ra ins . La s o u v e r a i n e t é n ' es t ni grande ni
« petite; elle est ce qu 'e l l e est . »


C'es t , le cas de r é p é t e r ici ce l le belle et profonde p a -


ro le d e Pie Vil à [Napoléon :


« G r a n d e s ou pe t i t e s , les souve ra ine t é s conse rven t


« tou jours e n t r e elles le m ê m e r a p p o r t d ' i ndépen -


« dance . — Autrement on met la force a la place de
<( la raison. »




S I R i.F. D É M E M Û R E M E N T DE L ' É T A T R O M A I N . 331


C'est assez sur ees g r a n d s p r inc ipes , fis sont irréfu-
tables .


19" Vous conna i s sez , mon a m i , le P a p e Pie L\ a u s s i
bien que m o i ; c o m m e Pie VII, il ferait , s a n s hés i t e r ,
tous les sacrif ices p e r s o n n e l s poss ib les ; il n 'y a p a s un
Évoque, pas un ch ré t i en , d a n s t o u t e l 'Église, qui soit
p lus disposé, que lui à la p a u v r e t é et à l 'exil. — Il ira
m ê m e plus loin, si on l'y p o u s s e .


Quoi qu' i l en soit de l ' avenir , il es t mani fes te que le
d é m e m b r e m e n t une fois c o m m e n c é , c o n t i n u e r a , bon
gré, ma l gré , et a b o u t i r a inév i t ab lemen t aux c o n c l u -
s ions de la b r o c h u r e le Pape et le Congrès, c ' e s t -à -d i re
à ne la isser a u P a p e , si on la lui la isse, q u ' u n e H o m e
isolée, humi l i ée , a n é a n t i e , un Capot ntnrhnnn, au m i -
lieu de l 'Italie en feu et de l 'Eu rope en péri l .


20" Mais j ' a i me i l l eu r e s p o i r ; ou i , que l les q u e so ien t
les t r i s tesses du m o m e n t , je veux e s p é r e r : n ' e s t - ce p a s
l ' E m p e r e u r qui disai t d a n s sa p r o c l a m a t i o n au p e u p l e
français : « Nous n ' a l l ons p a s en Italie fomen te r le dé s -
« o r d r e , ni é b r a n l e r le p o u v o i r du S a i n t - P è r e , q u e
<i n o u s avons r ep lacé su r son t r ô n e ? »


« Aucun dou te n 'es t possible à cet é g a r d , » disa i t le
p rés iden t du consei l d 'É ta t , c o m m i s s a i r e d u gouver -
nemen t , au Corps législatif : « le g o u v e r n e m e n t p r e n -
<; dra toutes les m e s u r e s n é c e s s a i r e s p o u r q u e la s é -
( eur i té du Sa in t -Père soi t a s s u r é e . »


Et le Ministre des cul tes écr ivai t le i ma i à l 'Ép i scopa l
français :


« Le p r ince qu i a r a m e n é le S a i n t - P è r e au Vat ican
<; veut que le Chef de l 'Église soit r e spec t é d a n s t o u s ses




332 S E C O N D E L E T T R E A E N C A T H O L I Q U E .


«' d ro i t s do souve ra in t empore l . Le pr ince qui a s auvé
« la F r a n c e de l ' invas ion do l ' e spr i t démagog ique ne
a s au ra i t accep te r ni ses doc t r ines ni sa domina t i on en
(i I tal ie . »


Je le r e c o n n a i s , m o n che r ami , la l âche de l 'Empe-
r e u r est a u j o u r d ' h u i b ien difficile; mais le Congrès l'\
a ide ra c o m m e il le d o i t ; cl , d ' a i l l eu r s , je me p e r m e t s
île le d i r e , la l o y a u t é , le c o u r a g e , la fe rmeté , y peuven t
suffire, avec le s e c o u r s de Dieu.


il y a u r a i t b ien d ' an t r e s cons idé ra t i ons à faire su r
tout ceci . P o u r le m o m e n t , je m e b o r n e à d i re , en me
r é s u m a n t , qu ' on no sauvera i t r i en , ni le droi t , ni l 'hon-
n e u r , en se l a i s san t al ler aux e n t r a î n e m e n t s d 'une géné-
ros i té c o n t r a i n t e et p o r t a n t à faux. Il y a u r a i t ici pour
les espr i t s faibles g r a n d pér i l d ' i l lus ion. Ce n 'es t pas
ici une ques t ion de sacr i f ice ; c 'es t une ques t ion de logi -
que , de bon sens p r a t i q u e , de droi t e u r o p é e n , de h a u t e
p r o b i t é et de b o n n e foi.


.Mon a m i , b ien q u e je veui l le e s p é r e r et que j ' e s p è r e ,
je dois l ' a v o u e r , je suis t r is te en vous éc r ivan t ces
c h o s e s .


Ma t r i s t e sse sans dou te est u n e t r is tesse rel igions >,
u n e d o u l o u r e u s e émo t ion de ma consc ience , en voyan t ,
ce qui se p r é p a r e con t r e la dignité de l'Kg lise ; mais
c 'es t auss i u n e t r i s tesse d ' h o n n e u r .


Ou i , tou t ce (pie j ' a i de plus dél icat et de plus sen -
sible d a n s l ' âme est b lessé , en v o y a n t t r i o m p h e r le fait
b r u t a l , i m m o h r le d ro i t , sacrif ier le faible.


Que l 'Angle ter re y p o u s s e et y a p p l a u d i s s e : si c'est
son rô le , à la b o n n e h e u r e ; m a i s q u e la f r a n c o y con -
seille et y a d h è r e , c 'es t a u t r e chose : elle n'y est p a s
a c c o u t u m é e .




S V U l.K I ) KM E M l> Il E.M K N T D E L ' É T A T K O M A I N .


Si c 'est là se rv i r la cause de l ' h u m a n i t é et des p r o -
grès du gén i e h u m a i n , à voire a i s e , p o u r s u i v e z . Le
Saint-Siège l'a e n t e n d u a u t r e m e n t , et vous a r e n d u p a r -
fois de me i l l eu r s se rv ices . L ' i m m o r t e l p r é d é c e s s e u r de
Pie f.\, le Pontife à qu i l 'Eu rope doit la victoire de Le-
p a n t e el le t r i o m p h e de la civi l isat ion c h r é t i e n n e s u r la
b a r b a r i e m u s u l m a n e , sa in t Pie V, se ra i t .b ien é t o n n é s'il
voyai t l 'Europe c o n s a c r e r , en un m ê m e t e m p s , et au
prix du plus g é n é r e u x s a n g versé , l ' in tégr i té de l 'Em-
pire tu rc et le d é m e m b r e m e n t de l 'Etat Pontifical.


Il faut reconnaître q u e ce d ix -neuv ième siècle si vanté
a u r a vu d ' é t r anges c o n t r a s t e s .


Tout n'y au ra pas été honneur, vérité et justice.
F É L I X . Évoque d 'Or léans .




L E T T R E A M. & R A N 1 ) ( ; U I L L 0 T


B É D A C T E U H E N C H E F DV C n N S T I T C T I O M S l î l .


Relative à Mgr Rousseau , Évéque d'Orléans (1860)


M O N S I E U R ,


Vous m'obl igez à e n t r e r en lice avec v o u s . Malgré les
t rois le t t res q u e vous aviez b ien voulu m ' a d r e s s e r p r é -
c é d e m m e n t , j ' a v a i s pu j u s q u ' i c i m 'y refuser ; mais vous
faites p a r a î t r e avec vous a u j o u r d ' h u i devan t le public
u n de m e s p r é d é c e s s e u r s ; je n e s a u r a i s me d i spense r
de vous y su iv re .


Rien ne m e conv ien t m o i n s , a s s u r é m e n t , q u e de
t r oub l e r la m é m o i r e et la paix des m o r t s ; ma i s q u a n d
on les é v o q u e c o n t r e l 'Église, le r e spec t qui leur est dû
ne peu t p lus c o m m a n d e r le s i lence , et e m p ê c h e r de dire
la vér i t é .


Les c e n d r e s de Mgr Rousseau r e p o s e n t d a n s m a ca-
t h é d r a l e avec celles de m e s a u t r e s p r é d é c e s s e u r s : je
d e m a n d e c h a q u e j o u r à ces souven i r s de la m o r t les l e -
ç o n s dont j ' a i beso in p o u r éc la i re r et gu ide r ma v i e ;
je r eg re t t e d ' avo i r à confier a u pub l i c la leçon q u e
Mgr R o u s s e a u nie d o n n e a u j o u r d ' h u i p a r vous .


Clinquante ans ont p a s s é s u r sa t o m b e : Dieu a jugé




i. I. T T II h A M. C,H A N I) G1 1 11. L 0 T


son finie et ses i n t en t ions ; mais pu i squ 'on me c o n d a m n e
à j uge r ses ac tes et ses p a r o l e s , je le ferai en t o u t e
l iberté et toute jus t i ce , a u nom de l 'Église et de la v é -
r i té ; et si ce que je vais d i re pèse un j o u r s u r sa m é -
moi re , qu ' i l me le p a r d o n n e ! on m 'y oblige ; je ie do i s ,
et je le fais avec t r i s tesse : Paee tua dixerim.


. l e v o n s d i ra i d ' a b o r d , Mons ieur , avan t d ' e n t r e r en
m a d è r e , q u e je r eg re t t e d ' avo i r r e ç u si t a r d i v e m e n t (ce
ma t in s e u l e m e n t , à la da te du h février) la le t t re d o n t
vous aviez déjà saisi l 'opinion p u b l i q u e ; c'est ce qui
vous expl ique Je peti t r e t a r d de m a r é p o n s e .


J 'ai été éga l emen t s u r p r i s , je l ' a v o u e , et d ' a u t r e s
c o m m e m o i , en o u v r a n t v o t r e j o u r n a l , de voir en tête
de ses co lonnes u n e Lettre de l'Erèque d'Orléans aux
Supérieur et Directeurs de son petit séminaire. Ce l i t re ,
qui pa ra i s sa i t me dés igne r , n e pouvai t l ong t emps é g a -
re r vos l e c t e u r s , s a n s d o u t e , ma i s p iqua i t leur c u -
r iosi té .


Du r e s t e , cet te l e t t re d 'un de mes p r é d é c e s s e u r s , vous
la donnez c o m m e une r é p o n s e à l 'écr i t q u e j e v iens de
publ ie r sur le démembrement dont les États-Pontificaux
sont menacés. Vous n ' a \ e z p a s vou lu tue r é p o n d r e v o u s -
m ê m e , pa rce q u e , d i t e s - v o u s , c 'es t u n e cause que Sa
t",candeur défend avec plus d'ardeur politique que d'a-
larme religieuse.


Vos p r é o c c u p a t i o n s p e r s o n n e l l e s , Monsieur , on t ici
é v i d e m m e n t abusé vo t re s incér i t é et vo i re cour to i s ie .
Je laisse à la b o n n e foi p u b l i q u e le soin de déc ide r si,
dans un déba t qui in t é res se à un si h a u t point la Reli-
gion, l'Ame îles É v o q u e s por te m o i n s d'alarme religieuse
q u e la vôtre d'ardeur }>oliti<pie.


Quant aux a r g u m e n t s de ma Se-onde lettre a un ca-




:j:JO ! I. I i H I. A M. I . U A M n i i i. 1. ' f 1


tholique, ils n'étaient pas n o u v e a u x , d i t e s -vous : voila
p o u r q u o i vous n ' avez pas e s savé de les réfuter . C'est
v ra i ; mes a r g u m e n t s n ' é t a i e n t p a s nouveaux: c 'é ta ient
s imp lemen t les p r i n c i p e s é te rne l s de la r a i s o n , de la
jus t i ce et de l ' h o n n e u r ; j u s q u ' à preuve, c o n t r a i r e et
réfutat ion q u e l c o n q u e , j ' a i d ro i t de les croire i r r réfu-
ta ldes . Vous m e t rouverez peu t -ê t r e bien p r é s o m p t u e u x .
M o n s i e u r ; mais j e vais [dus l o in , et j e crois q u e c'est
précisément p a r ce q u i l s son t i r réfu tables que vous ne
les avez ni publ iés ni r é ' n i é s ; ni vous , ni d ' a u t r e s ; sauf
\v Siècle, toutefois , don t la ré fu ta t ion n'a été q u ' u n e ca -
lomnie . P u i s s a n t s a d v e r s a i r e s , qui ne saven t lu t ter
con t r e l eu r s c o n t r a d i c t e u r s qu ' en étouffant leur voix
d a n s l ' opp re s s ion de la c a lomnie ou du s i l e n c e ! Mais
j ' a i t o r t , Mons ieur , de vous c o m p a r e r au Siècle, b a i s -
sons ce j o u r n a l . Vous avez tic l ' h o n n e u r : si je me t r o m p e
d o n c , faites ce q u e vous n 'avez pas fait : publiez ma
let t re et réfutez-la !


Mais n o n ; v o u s t rouvez plus c o m m o d e et p lus hab i l e
de m ' o p p o s e r un de m e s p r é d é c e s s e u r s : ce saint Evèque,
un des plus illustres prélats de l'Eglise de France, d i tes-
v o u s , qu i , en 1810, q u a n d Je P a p e étai t chassé de Rome
cl p r i s o n n i e r de .Napoléon , écrivait confidentiellement,
dites-vous encore, au Supérieur et aux directeurs de son
petit séminaire, loin de toute pression humaine et de
toute contrainte officielle, la Le t t re q u e vous c i te / .


C'est donc de Mgr R o u s s e a u que je dois m ' o c c u p e r
m a i n t e n a n t et de la p ièce q u e vous publ iez.


Voici ce q u e je vous d i ra i d ' a b o r d de ce d o c u m e n t :
Je l'accepte comme authentique su r votre parole, bien


q u e v o u s l 'ayez publ ié s a n s da te ni s igna tu re , et que je
n ' e n aie t r o u v é aucune copie ni dans mon g r a n d s é m i -




R E L A T I V E A M e u R O I S S E A l 7 , É V . D ' O R L É A N S . 337


na i re , ni dans mon sec ré ta r ia t , ni m ê m e a u c u n e t race
d a n s les souven i r s du clergé Orléanais .


Je ne crois pas toutefois q u e ce fût une lettre, m a i s
plutôt un discours a d r e s s é p a r Mgr R o u s s e a u aux di rec-
teurs , non de son pelil s é m i n a i r e , c o m m e vous le di tes , ce
qui eût été pa r f a i t emen t r id icu le , m a i s de son grand sé-
mina i re , ce qui étai t déjà assez factieux.


Ce dont je suis p lus s û r e n c o r e , et ce su r quoi je dois
i n s i s t e r , c 'est que ces p a r o l e s ne furent p a s écr i tes ou
p r o n o n c é e s loin de toute pression humaine et de toute con-
trainte officielle ; et. si je me p e r m e t s de vous c o n t r e d i r e
ici, c'est que je t i ens le dé t a i l de Mgr R o u s s e a u l u i -même :
ce fut en conséquence d ' u n e circulaire ministérielle , el
en q u e l q u e su i te sous les j e u x du min i s t r e , à qui i! l 'en-
voya, cpie ce d i s cou r s fut p r o n o n c é .


Cn effet, le 26 juillet 1.S10, Mgr R o u s s e a u écr ivai t au
minis t re des cul tes : « Ce l' 1 ' j u i l l e t , j ' a d r e s s a i à Votre
e Excellence copie du d i scours que j ' a i p r o n o n c é d a n s
<; m o n s é m i n a i r e , en conséquence de votre circulaire du
a 2ù avri l de rn ie r . »


Je dois a jouter q u e ce n ' é t a i t p a s dans toute son indé-
pendance , c o m m e vous le d i tes e n c o r e , Monsieur , q u e
Mgr Rousseau lit u n e telle œ u v r e ; m a i s au c o n t r a i r e , j e
suis c o n d a m n é à le dire , d a n s la p r é o c c u p a t i o n la p lus
vaine , la plus servi le . Ce d i s cou r s fait en conséquence
d 'une circulaire officielle, il l ' envoie au m i n i s t r e . Le m i -
nis t re ne daigne pas lui r é p o n d r e , inqu ie t , p r e s q u e d é -
s o l é , ap r è s v ingt -c inq j o u r s , du s i lence minis té r ie l
(M. Por ta l i s . a lors min i s i r e , était un h o m m e h o n o r a b l e
à qui les b a s s e s s e s ne p la i sa ien t pas ) , il écrit e n c o r e p o u r
savoir . . . s'il a bien p a r l é , s'il en a t rop d'il ou p a s assez
au gré du m i n i s t r e : « La con t inu i t é du si lence du m i -


ii. 22




L E T T R E A M. OR A N R - G l I I . I .OT


u n i s t r c s u r ro i écr i t de m a p a r i , malgré le ro'u que j'ai
« renouvelé à Votre E x c e l l e n c e de s a v o i r ce qu'el le en


« p e n s a i l , m'est in f in iment p é n i b l e . Vernis-je dire da-
« vanlage, ou en ai-je trop dit ? Je eous mtppl'w, J l o n -
« s e i g n e u r , de dissiper cette crainte. »


V o i l à , M o n s i e u r , ec m i n e n t Mgr R o u s s e a u par la i t
aux d h e c t e o r s de son pol i ! s é m i n a i r e , loin de toute


pression humaine et de toute contrainte officielle, dans
tonte son indépendance.


C e : I dans les m ê m e s sent iments (pie, p e u de temps
après le décret de Napoléon qui r é u n i s - a i l les É la l s du
Pape à l ' E m p i r e f r a n ç a i s , ; e n de j o u r s même après que
le géncual R a d e i cu l ( -Elevé v i o l e m m e n t le Pape du V a -
t ican, Mgr Rou&scau écr ivai l encore à l ' a rc l i ichancel ic r
de l ' E m p i r e , C a m h a c é r è s , le 7 août 1800 : « Je r e s te
« c o m a in en que c'est ici le moment où les chers de
c l 'Ég l i se ga l l i cane doivent se r a l l i e r , se serrer en quel -


•:i que sorte davantage a u t o u r eu h o u e . . . et se se rv i r
a de toute i ' influence de l e u r m i n i s l è r e pour e m p ê c h e r
M le fanatbu io e u la nu-uva ise foi de p a r v e n i r h jeter
« l 'a larme dans la pin t ien de.- fidèles p ins dévote q u ' é -


K c la i rée . »


» \ o h e r a n g d a n s l 'É ta l , Monse igneur , » a jonln i l
avec une respectueuse conf iance Mgr R o u s s e a u , « et
« votre influence sur ma promotion a l'Kpisi.-opat, in-
« fluence que je •n'oublierai de ma vie, just i f ient le d é -


;i tail c ù je v iens d'entrer. »
C a m h a c é r è s ne m a n q u a pas de l u i répondre : a Mon-


; s ieur l ' É v ê q u e , les s e n t i m e n t s q u e v o u s exprime;-:
« honorent le r a r a c i è i e é p i s c o p a l . » (18 août 1809.)


D u reste, Mons ieur , cet E v ê q u s faisait tout ce qu ' i l
pouvai t p o u r h o n o r e r son caractère , à sa m a n i è r e , et




¡11,1, \ I I \ I. \ М ы : !! < î ! S S ! ! Л I , К V. I) ' 0 1 ! I. К А N S. 339


a u gré du t emps où il vivait. J 'a i sous las yeux toutes
les loi Ires pa r lesquel les il sollicitait lonr à t ou r , des
consei l lers d'fiial, îles m i n i s t r e s , de ГагсЫ­e l i ance l i e r ,
les faveurs auxque l l e s il a t t acha i t , di t ­ i l , « un prix in­
fini » p o u r l ' h o n n e u r de son min i s t è r e : e n l r c a u t r e s le
l i tre de baron, pu i s le t i tre de chevalier, p a r m\c pétition
spéc ia le , afin de pouvoir ' t r a n s m e t t r e le p r e m i e r de ces
t i t res à l 'un de ses n e v e u v , et ainsi le « buroniser »
(texte de la c o r r e s p o n d a n c e d ' u n de ses anc iens g r a n d s ­
vicaires avec lui el le litre de chevalier à un a u t r e
neveu ; et il sollicitait enfin le t i tre d'Electeur et L A I ­ A ­
\ L L R d'èiec adjoint au Collège électoral du département
oi; « celui d'Orléans; afm, sans d o u t e , d ' a ide r à la s i n c é ­
rité el à l ' i n d é p e n d a n c e des é lec t ions d ' a l o r s ; et il ache ­
vai t la le t t re dans l aque l le il soll ici tai! u n e par t i e de ces
belles choses (1.1 mai 1808), p a r ces t r is tes p a r o l e s :


' M MIS i.i i ' é r r r . ­pf ' i i i ianrr de cet anc ien v i c a i r e ­ g é n é r a l , l e q u e l , je m e
tiàlc de le d i r e , n ' é t a i t p a s d ' O r l é a n s , n ia i s de L i a s s e ­ N o r m a n d i e , et se
e o m n i a u U " ' IV , jо lis à la da le du 11 a v r i l 1808 :


« V o ; w a v e / e n c o r e l 'un oi l ' e n t r e à éte> f é l i c i t é s de ma part sur le
futur l i t re de baron... KM—il v r a i i p i e la mairie d'Orléans a élé v o u s che r ­
c h e r à v . l r e pala i s ,1„м née bi­lie berline a l t e l ec de цж1гс chetaux, le
' • и с <]:[•• \ ­c ­ !;•< i' î \ . nir d. ,ouer \ l ie b . : i , é a i c l i on a u x u c q i e a c x de la


•eude cl'Iiome ur qu'.­ t'e u \ a i l fo rmée p o u r !" ; a s s a e e de : 'L ; ;u e r e u r ,
et q u ' a p e o ; votre c é r é m o n i e , on v o u s n r e c o n d u i t chez v o u s et pr ié de
r e g a r d e r comme, à mus cet о</ш'ря(/е.'' — Pare i l l e g a l a n t e r i e , oll 'erlc de
la seu le , en doui l le le pr ix . — On p r é t e n d e n c o r e q u e , p o u r fourn i r les
ci . > eus c 'en in !eui ; cei te \ u i tu iv et les c h e v a u x , les d e u x d é p a r t e ! i r
qui e o n i p o s ' n t v o i r e évécl ié , avec les 10 ООО f rancs q u ' y a l t ' u h e !<»
^ o u U ' i n e i n e n l , e n ont. por té le r e v e n u j u s q u ' à 3 0 0 0 0 ! ' . . .


••• H o m m e ii r.­l d 'u sage i[ue l ' L i u p e r e i i r d a n s ses M I U I . ­ I J ju.~qu'.i
pi é.­.'e! :.! a la ie L ... - ' (р . , . : (.q. z a c q u i t s , il s'r.rrf te , i ' : 1 .­'• m ; ,.ro­ni( en­
loerC е.. l'ieaniïtls suc one liUte Xor, v a o m t eommuni ' e r ie i i t 15 à
1S u : :.ii fricics, j ' c ­ p è i e, d r ­ j o , q u e celle lionne aubaine a u r a m i s :e




l . E Ï Ï H E A M. Gll AN DG El E E O T


« Ma vivo r e c o n n a i s s a n c e p o u r l ' E m p e r e u r me l'ail
(i un devoi r b ien doux à r e m p l i r , celui de m o n t r e r le
« prix infini que j'attache a jouir des distinctions q u e
« S. M. a da igné , clans sa sagesse , a c c o r d e r à LÉp i sco -
« pa t , distinctions si propres a ajouter a la considération
« dont notre ministère a besoin d'être environné. »


Mais l a i s sons là , M o n s i e u r , ces p r é l i m i n a i r e s , et al-
l ons au fond du d i s c o u r s de Mgr Rousseau cl des doc -
t r i n e s qu' i l con t i en t .


Mgr R o u s s e a u , d a n s sa Le l ire ou d a n s son D i scou r s ,
t ra i te p a r t i c u l i è r e m e n t de deux choses : de la Souve-
raineté temporelle du Pape, à p r o p o s du séna tus -con-
sulte du 17 lévr ier su r la r é u n i o n des É t a t s -Roma ins à
l 'Empi re , et des libertés de l'Eglise gallicane, à p r o p o s
de la c i r cu la i r e du 24 avr i l s u r r e n s e i g n e m e n t obligé
des q u a t r e a r t i c les ; pu i s il e x p r i m e les s en t imen t s que
les d i r e c t e u r s de son s é m i n a i r e do ivent insp i re r à l e u r s
é lèves.


Sur t ou t ce la , Mons ieu r , je suis c o n d a m n é à v o u s
d i re s i m p l e m e n t q u e Mgr R o u s s e a u ignorai t l ' h i s t o i r e :
qu ' i l ignora i t p lus e n c o r e les vra is p r inc ipes de l 'Eglise
g a l l i c a n e ; et , ce q u i est p i r e , qu ' i l i gnora i t l ' h o n n e u r
épiscopal .


Sur la s o u v e r a i n e t é t empore l l e , il ignorai t l 'h i s to i re :
il ignora i t le dro i t c a t h o l i q u e ; il ne t ena i t a u c u n c o m p t e
d u droi t e u r o p é e n . 11 i n v o q u a i t le g r a n d n o m de l ïossuet .
le n o m d c F l e u r y ; ils ne les avai t pas m ê m e lus .


Su r la s o u v e r a i n e t é t e m p o r e l l e , l ' h i s to i re v ra ie , l 'h is-
to i re c o n n u e de lotis ceux qui s aven t q u e l q u e chose en
h i s to i r e , la voici :


1° Avant C o n s t a n t i n , d a n s les p r e m i e r s s iècles , l 'É-
glise r o m a i n e n ' ava i t ni s o u v e r a i n e t é ni s e i g n e u r i e s




RELATIVE \ Mon H O U S S E A U , EV. D'ORLÉANS. 311


t e m p o r e l l e s , m a i s sou lomen t des b i ens I r è s - e o n s u l é r a -
b les qu 'e l le tenai t de la l i b é r a b l e des p r ince s c h r é t i e n s ,
et qui é t a ien t n é c e s s a i r e s à l ' exerc ice de sa s o u v e r a i n e t é
spir i luel le .


2" De Constantin à Grégoi re II, les Papes p o s s é d è r e n t
de n o m b r e u x p a t r i m o i n e s , don t p lu s i eu r s é ta ien t de vé-
r i tab les principautés. Ils ava ien t de p lus , su r tou t d e p u i s
le pontif icat de sa in t Grégo i re le Grand , u n e i m m e n s e
influence d a n s les affaires t empore l l e s , fondée su r le
respec t et fa conf iance dos p r inces et des peup le s ,
ma i s po in t encore, de g r a n d e souveraineté p r o p r e m e n t
di te .


3° Depuis Grégoi re II j u s q u ' à C b a r l e m a g n e , il y cul
une, vé r i t ab le souveraineté. Les s a v a n t s l 'ont n o m m é e
u n e souveraineté provisoire ; niais , q u e l q u e soit son
n o m , elle était réelle ; elle exis ta i t en fait et en dro i t :
elle avai t l'investiture du t e m p s , de l 'usage publ ic cl de
la g r a t i t ude des peup les ; nul ne la contestait, cl l 'Or ient
l u i - m ê m e lui r e n d a i t d ' i nvo lon ta i r e s et é c l a t an t s h o m -
mages . Rome et l ' I talie n ' a t t e n d a i e n t p lus que l ' heure
d e la P rov idence .


à" Enfin celte, h e u r e a r r i v a , et C b a r l e m a g n e r e ç u t la
g lo r i euse miss ion do fonder déf in i t ivement ht s o u v e -
r a i n e t é temporelle du Saint-Siège, en restituant au Saint-
Siège (restituer, c 'est te m o l don t se s e r v e n t tous les
h i s to r i ens du temps) les vil les et les p rov inces qui lui
appartenaient, en y a jou tan t les d o n a t i o n s les p lus im-
portantes.


Ce qu ' i l y a de r e m a r q u a b l e i c i , M o n s i e u r , c 'es t q u e
les v i n g t - d e u x villes de l 'Exa rcha t de Ravenne et de la
Pen l apo l e , don t le Sain t -Siège fut m i s , il y a dix s iècles ,
en possess ion s o u v e r a i n e p a r C b a r l e m a g n e , son t celles




31? L E T T R E A M. G R A N D E T I E l . 0 ' |


p r é c i s é m e n t quo le Piôusonl convoi té a u j o u r d ' h u i
c o m m e les L o m b a r d s d ' au l ro lb i s 2 , a p r è s y avoir e n -
voyé ses c o m m i s s a i r e s , qui np n o u s rappe l l en t i u l e s
t emps , ni ics missidominiateCharlomagno. — OChar l e -
m n g n e ! q u ' e s - t u devenu ' . '


Mais l a i s sons les g r a n d s s o u v e n i r s , cl r e v e n o n s à m o u
p r é d é c e s s e u r . Le d ro i l , le d ro i t s a c r é , inviolable , de la
s o u v e r a i n e t é pon t i f i ca l e , q u e l'alliance pwilire de la
religion avec la scolasiique , p o u r me se rv i r ici de sou
é l r ange l a n g a g e , n 'a p a s ense igné a Mgr R o u s s e a u ( je
dois a v o u e r q u e la sco!f",tiqne en cebo all 'aire, el s u r -
tout son alliance positive avec la religion, me par id i une


1 L'Exarchat do R a v e n n e et la Pentapo le comprena ient V m a l - d c u x
vi l les , s a v o i r : R a v e n n e , R i m i n i , P e s a r o , I -ano, Cesene, Sinigagl ia ,
.lesi, Eorl ia ipepol i , t'orli, Castroearo , î ï o u U f e l l i o , Aeerriago, M o i w l u -
cari, S c i a c a l l o , San-Marigni , Roi,io, Ei'liin, Cai . lin, Luecoli p r i s de Cau-
d iano , Eugnhin, Coniacc l i io el .Vanii.


Parmi ee.» villes on comprena i t sous le n o m de l ' i i i tapole : Hiniiui
Pesaro , F a n o , Scalgagua et A u c u n e .


* Voici cornaient Mgr l'évétpie de Perpignan raconte les événement.*
de cette époque :


« Dans le s ièc le m ê m e où la souvera ineté tempore l le a été agrandie
p a r l a piété de C h a r a m a g n e , elle a eu un ennemi ins igne, le roi des
L o m b a r d s ; il s 'appelait alors Didier. Ce roi des Lombards avail d ' i l lus-
tres e x e m p l e s de vertu dans l'histoire de sa famil le . Il avait reçu nue
éducat ion chrét ienne . Il promit plusieurs fois, par lui ou par son m i -
nistre , de rc-peeter le territoire des Etats de l'Eglise. Mais il était tour -
m e n t é du besoin d'annexer à sou rovauuie les coni rèe* voisines, dont
plusieurs étaient, placées sous l 'auguste sceptre du Sonvera in -bont i f e .
Les émissa ires habi les et hardis qu'il y entretenai t le servaient b ien . 11
arriva doue que , tout eu protestant de sa profonde vénération pour le
chef de l 'Egl ise , le roi des Lombards s'adjugea la p.i.-^es-io» de Po logne ,
Ferrare , Faenza , I m o l a , P e n n i n o , ainsi que d'autre» l ieux compri»
dans l 'Exarchat de cette dernière v i l le , part icul ièrement dans la pro-
v i n c e qui s'appelait alors l 'Emil ie , et qui est aujourd'hui la Ramagl ie .
H fallut que Char lemagne revint pour le remettre dans l'ordre et le p u -
nu- de ses usurpat ions . <•




!!i:i..VTIVK A M.; H ! ' . ( ) ! . ­S !•: A t ' , V.\. i > ' 0 1 U . K A i V S . №


des expression:! ies plus s ingu l iè res de ce d o c u m e n t ; ;
quoi qu'i l en so i t , ce droi t {intique et saerd , i îossuet ,
dont Mgr i îousseau invoque l ' a u t o r i t é , ttosimel l ' ense i ­
gne , con t re lui et con t re tous , avec une force et: une
net te té à l aque l le il n 'y a rien à r é p o n d r e ; et son a u t o ­
rité fut, citée un jour à Napoléon l u i ­ m ê m e , qu i ne su t
q u e r ép l ique r .


' foui le m o n d e conna î t a u j o u r d ' h u i la scène des Tui­
le r ies :


« Sire, répondit M. Kniery à Napoléon , Voire Majesté
a honore Hossuel et se plaît a nous le citer saucent. Voici
a ses paroles ; je les sais par cœur :


« Nous savons q u e les Pontifes r o m a i n s p o s s è d e n t
« aussi l ég i t imement que qui q u e ce soil sur la t e r re des
« biens , des droi ts et une souve ra ine t é (bona,jura, ini­
« peria). Nous savons de plus que ces posse s s ions , eu
« tan 1 que déd iées à Dieu , sont s a c r é e s , et q u ' o n ne
« p o o l , sans commettre un sacrilège, ies envah i r . Le
« Saint ­Siège apostolique possède la s o u v e r a i n e t é d e l à
« ville de h o m e et de ses Éta ts , afin qu'il puisse exe rce r
« sa pu i s sance spi r i tue l le d a n s tout l'univers pluslibre­
« ment, en sécurité et en paix (Jiberior ac tutior). Nous
« en félicitons non­seulement le Siège apostolique , mais
« encore, toute l'Eglise universelle, et nous s o u h a i t o n s
« de toute l ' a rdeu r de n o s v œ u x que ce pr inc ipa t sacré
« d e m e u r e à j a m a i s sain et sauf en tou tes m a n i è r e s . »


(ies paro les de b o s s u e ! é ta ien t t i rées de la Défense de
la déclaration du cierge de France, que cite Mgr iîous­
seau, don t il impose l'étude à son s é m i n a i r e , et q u ' é v i ­
d e m m e n t il n 'avait pas lue l u i ­ m ê m e .


Mgr Rousseau ignora i t le droit catholique de la s o u ­
vera ineté t e m p o r e l l e aussi bien q u e l ' h i s to i re : Fleury ,




I. ET T H E A M. G U A i N D G I I E E O T


qu' i l i nvoque , e l q u i , il faut le d i r e , n 'es t pas ici une au-
to r i t é suspec te , au ra i t pu lui d o n n e r la ra i son profonde
de ce dro i t :


« Depuis q u e l ' E u r o p e est divisée e n t r e p lu s i eu r s
« p r i n c e s , si le P a p e eû t é té le sujet de, l 'un d e u x , il eû t
« é té à c r a i n d r e q u e les a u t r e s n ' e u s s e n t eu peine à le
« r e c o n n a î t r e p o u r le Pè re c o m m u n , et q u e les sch i smes
<( n ' e u s s e n t é té f r équen t s . On peu t d o n c c ro i re q u e c'est
« p a r un effet pa r t i cu l i e r de la P rov idence q u e le Pape
« s 'est t r ouvé i n d é p e n d a n t et ma î t r e d 'un État assez
« p u i s s a n t p o u r n ' ê t re p a s a i s é m e n t o p p r i m é p a r les
« a u t r e s s o u v e r a i n s , afin qu'i l fui p lus l ibre dans f exer-
« cice de sa p u i s s a n c e sp i r i tue l le , et qu ' i l put con ten i r
« p lus fac i lement tous les a u t r e s Évoques d a n s leur dé-
fi voir . Celait la p e n s é e d 'un g r a n d Évoque de no t re
u t emps (de Bossue t ) . >; ( F l e u r y , Uist. Ecci, I. \ \ J ,
«lise., n° 10.)


Et Bossuet au beso in a u r a i t pu d i re à Mgr Rousseau ,
avec u n e au to r i t é plus h a u t e e n c o r e q u e celle de
F leury :


« Dieu, qu i voula i t que cet te Église, l a n i è r e c o m m u n e
« d o t o n s les r o y a u m e s , d a n s la sui te ne fût d é p e n d a n t e
« d ' a u c u n r o y a u m e p o u r le t e m p o r e l , cl q u e le Siège où
<( tous les fidèles deva ien t g a r d e r l 'un i té , à la lin fût mi s
« a u - d e s s u s des par t ia l i t és q u e les d ivers in té rê t s e l l e s
« j a lous ie s d 'Éta t p o u r r a i e n t c ause r , j e ta les fondement s
« de ce g rand desse in pa r Pépin et p a r F h a r l o m a g n e ;
« c 'est p a r u n e h e u r e u s e sui te de leur l ibéral i té q u e l ' É -
'.( gl ise, i n d é p e n d a n t e d a n s son Chef de toutes les pu i s -
« sauces t empore l l e s , se voit e n é t a t d ' e . x e r c e r p h i s h b r o -
« m e n t , p o u r Je b ien c o m m u n , et sous la c o m m u n e
'( p ro t ec t ion des rois c h r é t i e n s , celle p u i s s a n c e céleste




Il E l . ATI VK A M G R 1 U U S S K A U , KV. D ' O K L É A N S . 3-15


:< de régir les â m e s ; el que , t e n a n t en m a i n la b a l a n c e
•( d r o i t e , au mil ieu de tant d ' e m p i r e s s o u v e n t e n n e m i s ,
« elle en t re t i en t l 'uni té d a n s t o u t le c o r p s , tantôt p a r
'i d ' inflexibles d é c r e t s , et t an tô t p a r de sages l e m p é r a -
« m e n t s » (Discours sur l'unité de l'Eglise)


J ' a i dit q u e Mgr R o u s s e a u , n o n - s e u l e m e n t ignora i t le
d ro i t c a t h o l i q u e , m a i s n e t ena i t a u c u n c o m p t e du dro i t
e u r o p é e n ; j ' i r a i plus loin : q u a n d il pa r l e « des possessions
« temporelles du Saint-Siège, que le droit de la guerre
-( peut lui enlever, d i t - i l , et que L E P L I S S A N T .MOTJF D E


« I A I I 1 E LA P A I X E M P Ê C H E Ot.'OXNE L U I K E N D E ; » (] lia 11(1 C C S
paro les s ' a p p l i q u e n t à un é ta t faible, d é s a r m é , e n v a h i ,
bien q u e sa neu t r a l i t é essent ie l le eû t é té p r o c l a m é e ;
q u a n d je vois là q u e celui qu i a pris est celui qui peu t
r e n d r e ; q u a n d j ' e n t e n d s un Évoque d e m a n d e r au nom
de la paix qu ' on n ' accompl i s se p a s la ju s t i ce , je ne r c -


' liossiKT, E i e u n , ne son! pas les seuls ;'i établir les droits do la s o u -
veraineté temporel le du S a i n l - S i é g e . Les auteurs les m o i n s suspec t s
sont ici d 'accord avec e a x .


l" C'est ainsi que Gibbon écrivait : « Le d o m a i n e temporel des Papes
« se trouve fondé sur mil le ans de respect , et l eur plus beau litre à la
« <ou\era inoté , c'est le libre choix d'un peuple dé t iv i é par eux de la
» servi tude. »


2 " Le pnneair croissant de ces Pontifes, <• dit S i s m o n d i , « était
i fonde sur les titres les plus retpeetahlet des ecrtits el des bienfaits.»
'Ilht. des cep. Italiennes, lonie P 1' , e b a p . III, p . 1 2 2 . ' .


S" XL Daunou ne pouvait s ' empêcher d'écrire : « Pères et défenseurs
« du p e u p l e , média teurs entre les p r e n d s , chefs de la ie iuion, les Papes
• réunissaient les divers m o y e n s d'influence (pie donnent l i s r ichesses ,


« ¡1 s bienfaits, les vertus et le sacerdoce suprême . » Essai hi.it.,
tome I " , pa^os 2 1 ) et 3(1.',


1 Enlin Viilinirc l u i - m ê m e déclare que « le t emps a demie au Saint-
« Siéue des droits aussi réels sur ses Elats que les au l rc s souverains
< de l 'Europe en ont sur les l eurs . » (Voltaire, lissai sur les nueurs,
cluip. XIII.




l .UÏTUF. A M. G H A N b l i U l U . o ï


conna i s p lu s , d a n s co l â che ol hypoc r i t e a b a n d o n du
faible cl d a n s celte ind igne o p p r e s s i o n , un droi t des
gens q u e l c o n q u e ; je ne vois p lus là q u ' u n droi t qui n ' a
q u ' u n n o m ; c 'es t ce q u e les La t ins a u r a i e n t appelé / « -
trveinium, e t q u e , si v o u s le voulez, Monsieur , je n o m -
m e r a i s i m p l e m e n t le droi t à j a m a i s od ieux du plus fort.


Mais l a i s s o n s là le d r o i t e u r o p é e n , le dro i t c a t h o l i q u e
et l ' h i s to i re , d o n t je ne pu i s ind ique r ici q u e les faits-
p r i n c i p a u x . Du res te , Mons ieur , je l ' e s p è r e , je ne t a r -
de ra i p a s à r a c o n t e r et à e x p l i q u e r fout cela dans tout ie
détai l nécessa i re . Je p r é p a r e , ol si les é v é n e m e n t s m e le
p e r m e t t e n t , j e ferai p r o c h a i n e m e n t p a r a î t r e un l ivre su r
cet i m p o r t a n t sujet . J ' éc r i s ce vo lume su r la b r è c h e ,
et je le pub l i e r a i p e u t - ê t r e s u r des ru ines ; mais q u ' i m -
p o r t e ? ces r u i n e s se ra ien t s a c r é e s p o u r moi , et je m ' y
enseve l i ra i s vo lon t i e r s avec m o n livre et ma p a u v r e
p l u m e , s u r de ma cause et de l ' aven i r . Car, sachez- le
b i en , les r u i n e s que vous p o u v e z n o u s faire ici sont des
r u i n e s i m m o r t e l l e s ; e l l e s g a r d e r a i e n t , cette fois c o m m e
tou jou r s , u n g e r m e de r é s u r r e c t i o n ; et q u a n t à moi , si
un j o u r Dieu da igne me recevo i r d a n s u n e vie plus
h e u r e u s e et me i l l eu re , o ù je r e n c o n t r e r a i enfin la véri té,
la jus t ice et l ' é te rne l h o n n e u r , j ' a u r a i la consola t ion dé-
p e n s e r q u e mes s u c c e s s e u r s , dans c i n q u a n t e a n n é e s , eu
p r i a n t Dieu p o u r m o n â m e , ne seront point c o n d a m n é s
à se défendre e u x - m ê m e s c o n t r e m o i , et à venger l 'E-
glise de mes t r a h i s o n s ou d e m e s l â c h e t é s .


Venons m a i n t e n a n t aux libertés de l'Eglise, gallicane.
« Q u a n d elles n ' a u r a i e n t p o u r elles q u e l 'autor i té de
« Bossuet , di t Mgr R o u s s e a u , elles ne p e u v e n t ê t re ran -
ci gées au n o m b r e de ces op in ions d 'école , qu ' i l est li-
« b r e d ' e m b r a s s e r ou de r e j e t e r . »




R KL ATI Y K A M e u H O L S S K A l ' , K V. O ' O I l L É A . X . s .


La Uieologii', Mons ieur , e s t u n t e i i a i n s u r l eque l i l e s i
pér i l leux de se r i s q u e r à l ' a v e n t u r e . Vous qu i afl irmez si
in t r ép idement q u e ce mini evèquc.... — p e r m e t t e z - m o i
de vous dire- que , b ien que, v o u s soyez un catholique sin-
cère, c o m m e v o u s m e l 'affirmiez d a n s Une le t t re que j e
n 'ai pas r e ç u e , et q u e je n ' a i m ê m e c o n n u e qu ' en m ' a -
b o n n a n l a lo r s au Constitutionnel, vous « 'clos p a s e n -
core un ca tho l ique assez e x p é r i m e n t e p o u r d é c e r n e r la
sa in te té ; — vous d o n c , qu i affirmez si i n t r é p i d e m e n t
que mon p r é d é c e s s e u r res te ici fidèle aux plus antiques
doctrine* de l'F.pisctqial français, vous ne pa r a i s s ez
guère vous d o u t e r q u e Mgr R o u s s e a u e n t a s s e ici é n o r -
mités s u r é n o r m i f é s : il y en a a u m o i n s q u a t r e :


La p r e m i è r e , c ' es t que l'autorité de Bossuet suffirait
p o u r faire d ' u n e opin ion un d o g m e ,


La seconde , c 'es t q u e tous les F r a n ç a i s do ivent aux
q u a t r e ar t ic les u n e entière et active soumission ;


La t r o i s i è m e , c'est, que ces a r t ic les o u i le caractère
d'une décision de concile national;


La q u a t r i è m e , c 'est ([ne les conci les n a t i o n a u x , s a n s
le P a p e , et m ê m e con t re le P a p e , p e u v e n t faire des
dogmes de foi.


Ce ne sont 'pas là s e u l e m e n t des e r r e u r s , ce son t ,
je le r épè t e , des é n o r m i i é s é g a l e m e n t c o n t r a i r e s à ioule
théologie, à tout b o n s ens , et à l ' h i s to i re .


Q u i c o n q u e a é tudié les é l é m e n t s de cotte q u e s t i o n
sait que les q u a t r e ar t ic les ne son t p a s un d é c r e t , ayan t
la m o i n d r e force ob l iga to i r e , c o m m e le dit expres sé -
m e n t h o s s u e l l u i - m ê m e , l eur r é d a c t e u r , mais une s imple
déc la ra t ion : l eu r s a u t e u r s n 'on t pas voulu , et n 'on t [tas
pu faire au t r e chose .


Jamais les l iber tés de l 'Église gal l icane ne furent




348 L E T T R E A M. G R A N ' i H ' C l I . I .OT


mises au r a n g des d o g m e s : ce son!, tout au p lus de
p u r e s op in ions qu ' i l est pa r f a i t emen t loisible à tout
F r a n ç a i s de re je te r . Bossuct n ' ava i t p a s de doute à cet
é g a r d , ni Lou is XIV non p lus .


Lou i s XIV é t a i t , je, c ro i s , assez zélé p o u r ce ( p ro u
appe la i t de son t e m p s les l iber tés ga l l icanes , mais il
l 'é tai t b e a u c o u p m o i n s (pie .Mgr Rousseau . Il avait
vou lu , p a r un décre t , r e n d r e obl iga to i re l ' ense ignement
des q u a t r e a r t i c l e s ; m a i s il r e l i ra b ien tô t son d é c r e t ,
et déc l a r a fo rme l l emen t , d a n s ime Let t re au Pape , qu ' i l
« n 'obl igea i t personne, à les s o u t e n i r con t re sa p r o p r e
« o p i n i o n ; qu ' i l n ' é ta i t pas ju s t e d ' e m p ê c h e r ses sujets
a de d i re et de s o u t e n i r l eu r s s en t imen t s su r u n e m a -
« t i è re qu ' i l es t libre, de s o u t e n i r de par t cl d ' a u t r e . «


Ceci é ta i t du s imple b o n sens d u t emps de Louis XIV,
m ê m e avec u n e rel igion d 'Éta l . Mais p r é t e n d r e aujour-
d 'hui i m p o s e r la c r o y a n c e et r e n s e i g n e m e n t des q u a t r e
ar t ic les à t ou t F r a n ç a i s , q u a n d tout F rança i s est l ibre
m ê m e de ne p a s c ro i re en Dieu, et de dire, qu ' i l n 'y croit
p a s , ce se ra i t a s s u r é m e n t le comble du r id icule .


Du r e s t e , q u a n d Mgr Rousseau invoque encore ici,
à l ' appui de sa théologie , les n o m s de Rossuel et. de
F leu ry , je su is obligé de r ed i r e q u ' é v i d o m m e n l e n c o r e
il n ' ava i t p a s lu ces a i l l eurs .


Voici ce q u e dit F l e u r y : « Les gens du ro i , ceux-là
« m ê m e qui on t fait r é s o n n e r plus h a u t ce n o m de l i-
« b e r t é s , y ont d o n n é de r u d e s a t te in tes , en poussan t
s les d ro i t s du ro i j u s q u ' à l ' excès . . . La g r a n d e se rv i tude
a de i'F.glise ga l l i cane , s'il est p e r m i s de pa r l e r ainsi ,
« c'est l ' é t e n d u e excess ive de la ju r id ic t ion sécu l i è re . . .
a Aussi q u e l q u e m a i n a i s F i a n ç a i s réfugié h o r s du
« r o y a u m e p o u r r a i t faire un trai lé des s e rv i t udes de




I ; 1.1. \ I i \ ;: A M G R R O I S S E A t , É V . D ' O R L É A N S . ;j{9


« l 'Église ga l l icane , c o m m e on en a fait des l i be l l é s , et


H il ne m a n q u e r a i ! point de p r e u v e s . » (Nouv. opusc .


de F leury , p. I.w el sniv.)


Év idemment Mgr Rousseau n ' ava i t pas tu F l e u r y :


il ;n a i I. encore, m o i n s lu F é n e l o n .


Féne lon dit d a n s le m ê m e sens q u e F leu ry :


« Les l iber tés de l 'Église gal l icane son t de vé r i t ab les


« s e r v i t u d e s . . . . Le r o i , d a n s la p r a t i q u e , est p lu s chef


« (de l'Église) q u e le P a p e en F r a n c e . Nos l iber tés à


K l ' égard du Pape son t des se rv i tudes à l 'égard du roi. »


J . e l t r c du :> ma i 1710.)


Mgr Rousseau n 'ava i t pas bien lu , non p lu s , J îo s sue l ;


ca r l iossuet , en p a r l a n t des l iber tés de l 'Eglise ga l l i cane ,


a soin d 'aver t i r avec ins i s t ance qu ' i l faut « exp l ique r


« ces l iber tés sans aucune diminution de la véritable
« grandeur du Saint-Siège, el de la m a n i è r e q u e les
« e n t e n d e n t les Evoques , et n o n pas de la m a n i è r e q u e


a les e n t e n d e n t les gens du roi. » (Lettre a u ca rd ina l


d 'Es l rées , du 1"' d é c e m b r e 1681.)


Et , dans sa Défense de la déclaration,, il a soin de
faire r e m a r q u e r que les É v è q u e s de F r a n c e , p o u r a l ler


a u - d e v a n t des a abus introduits par les gens du roi
« contre les droits do l'Eglise, ont eu la p r é c a u t i o n
!.. d ' ave r t i r q u ' o ù ne doit r e g a r d e r c o m m e avan t force


« de loi que les s t a tu t s et c o u t u m e s établis D U C O N S E N -
» T E M E K T ne SAINr-SiftGK et des Eglises. » (Dcf. dèclar.,
c lib. VI, c, \ \ . )


Vous le voyez, Mons ieur , .Mgr Rousseau ignora i t les


vrais p r inc ipes de l 'Église gal l icane a u t a n t q u e l 'h i s to i re


et le droi t c a t h o l i q u e .


Mais ce qu i est p i r e , j ' a i été c o n d a m n é déjà à le d i r e ,


il ignorai t s u r t o u t l ' h o n n e u r ép i seopa l .




3Ô0 [ . E T T l i K A M. ( i R A N D C . l ' K . I . U Ï


H est évident , Monsieur , q u e , ma lg ré le d o c u m e n t
don t T O U S venez de m e l i r e le pu Id ie en possess ion , vous
ne conna iss iez p a s Mgr R o u s s e a u . Hi vous l 'aviez bien
c o n n u , v o u s n ' euss iez pas i n v o q u é son a u i o r i l é ; vous
n e l ' aur iez pas n o m m é un des plus illustres prélats de
l'Église de France. Vous ne devrez pas ê t re su rp r i s d 'a i l -
l e u r s q u e Mgr R o u s s e a u soit mieux c o n n u à J 'Évédté
d 'Or l éans que d a n s les b u r e a u x du Constitutionnel.
Vous m e c o n d a m n e z a u j o u r d ' h u i à vous le faire c o n -
n a î t r e . Je r e m p l i s cet te t âche avec r e g p \ ; ma i s je dois
ta r empl i r . Voici d o n c la s imple , m e h tr is te \ é r l l é .


Mgr Rousseau fut un p r é Ire respectable, ma is d a n s
le sens le p lus aba i s sé du moi : d 'un espri t méd ioc re ,
et d ' un c a r a c t è r e p lus m é d i o c r e e n c o r e . Tou t ce qu i
r e s t e ici a u l h e n l i q u e m c n l de lui le d é m o n t r e s u r a b o n -
d a m m e n t . J ' a i d e p u i s ce mal in s o u s les j e u x ses m a n -
d e m e n t s , ses o r d o n n a n c e s , mm pa r t i e de ; a c o r r e s p o n -
d a n c e : le tout , e r m m e style, c o n n u e do j i idne , est d 'une
e x t r ê m e vu lgar i t é .


Mais on peut r a c h e t e r la m é d i o c r i t é de l 'esprit par
la d igni té de l a m e , il n 'en fut p a s ainsi do l 'Évoque
dont v o u s par lez ; vous en juge rez b ientô t v o u s - m ê m e ,
c o m m e on en juge à Or léans . J ' a i la issé son por t ra i t
d a n s u n e des salles ù> m o n t\ùch/> ; cl je me Je suis
r e p r o c h é que lque fo i s , l o r s q u e j ' e n t e n d s des Or léana i s ,
q u a n d ils p a s s e n t d e v a n t cet te figure, d i re à voix basse
et en ba i s san t les yeux : a Hélas ! ce l'ut un bien p a u v r e
h o m m e . »


Vous di tes qu' i l avai t été p r é d i c a t e u r o r d i n a i r e do
Louis \ V Î . M ê m e ' a v a n t de c o n n a î t r e les pét i t ions dont
je vous ai pa r l é , n o u s sav ions qu' i l fui aussi ba ron de
l 'Empi re , et (le p in s m e m b r e de la bégioo d ' h o n n e u r :




t . i . i . ! " I A Mer. R o l S S E U ', K\. D ' O R l . K A N S . liai


car il ne m a n q u a j a m a i s de dire ces deux choses en
lète de Ions se : m a n d e m e n t s .


Il ne soi pas porter le poids de celte foi i n n é : sa lète,
son c œ u r , son c a r a c t è r e , tout y fléchit.


I.e promu r acte de s o n a d m i n i s t r a t i o n , en entrant
dans son d i o c è s e , fut de r e c o m m a n d e r la v a c c i n e à
ses d iocésa ins . S ' i l n ' ava i t fait que c e l a , ce sera it b ien ;
m a i s m a l h e u r e u s e m e n t i l fit a u t r e chose , fit s u r la
grande quantité de m a n d e m e n t s , l e t t r e s , c i r c u l a i r e s
pub l iques et p r i v é e s , qui nous restent de l u i , n o u s


t r o u v o n s bien m o i n s de m o n u m e n t s de son zèle p a s t o -


ra l que d e ses lâches c o m p l a i s a n c e s et de s.?s a d u l a -
l ions . Les le t t res q u e j ' a i dé jà citées de lui au m i n i s t r e
et, à l ' a r c h i c h a n c e l i e r de. l ' E m p i r e , ••nuiraient à le p r o u -
ver. J ' en p o u i r a i s citer cent autres d'égale force. Je ne
v o u s d i r a i pas c o m m e n t i l c o m p a r a i t l ' empereur N a -
poléon î-.mr à tour à Du il, à Su lu mon e! à Josias


17 m a i 1807); c o m m e n t il loua i t « ci e'tre privilégié,
ce morlel extraordinaire, l'instrument des impéné-
trables desseins de Dieu, epii t'associait en quelque sorte
« sa puissance sans cesse créatrice » (fi d é c e m b r e 1807).


Je. ne viens d ira i pas non p l u s c o m m e n t i! voya i t la
F r a n c e couverte de tous les rayons de splendeur et de
•c glaire (/ni, du trône de l'Empereur, c,jaillissent sur
< elle. y.


Je n 'a jouterai pas c o m m e n t la coïncidence de In fête
lie l'Empereur avec la prise de Madrid lui parait ex
SU'EURK D K \ KI.OPPKMKXT i)K i.\ Pi iov iDEXoii , et une saric-
!iou immuable du choix du souverain que Di"u, dans sa
segesse ci s" miséricorde, a donné a l'Europe pour en
être l'arbitre.


-.i J a m a i s , « j o u i e i l - j i , la ".lémence avec la g lo i re ne




I К I ! И !•. Л M . GRANOGni . I .OT


« parut se d é p l o y e r avec p lus d 'écla t q u e Madrid vient
« de l ' ép rouver . Aux t end re s so l l ic i tudes de Aapoléon ,
« l 'Espagne ne cro i ra i t ­e l l e pas avo i r à la place d 'un roi
с victor ieux le mei l l eu r des p è r e s , vei l lant à la sû re té
к de ses e n f a n t s ? » (23 d é c e m b r e 1808.)


<; Du reste, écr ivai t ­ i l à son ami le ca rd ina l Maury,
(huis mes Mandements je n'ai qu'une seule idée : Notre
Empereur épargnant toujours, autant qu'il est possible,
le sang des hommes, le sang de ses ennemis, comme celui
de sss sujets. » — Cel te p h r a s e lui pla isa i t , car j e la r e ­
t r ouve e n c o r e d a n s u n e l e t t r e à M. E m c r y .


.le ne vous dira i pas enfin c o m m e n t il voulai t (pie
le là août on p r ê c h â t t o u r à t ou r s u r les vcr lus de la
t­'ainle Vierge, et s u r l ' E m p e r e u r , qu ' i l se plaît a n o m ­
m e r s a n s cesse le Fils aîné de l'Eglise.


Le Fils atné de l'Église! Le p a u v r e É v ê q u e oubl ia i t
qu' i l y a des fils a înés qui t r a î nen t quelquefois l eu r
pè re en cap t iv i t é , et d ' a u t r e s , d a n s le b a s ­ e m p i r e , qui
firent plus mal e n c o r e . T r a n q u i l l e d 'a i l l eurs d a n s son
é v ê c h é , il en pa r l a i t à son a i se , et pensa i t p e u t ­ ê t r e de
b o n n e foi, q u ' u n P r i n c e i m p é r i a l d e v e n a n t un j o u r roi
de Hoirie, le Pape d e v e n a n t pr ince et p e n s i o n n a i r e de
l 'Emp i r e français avec deux mil l ions de r e v e n u s , cl
lu i , Évoque d ' O r l é a n s , d e m e u r a n t b a r o n de l 'Empi re ,
m e m b r e de la Légion d ' h o n n e u r , adjoint a u collège
é lec tora l du d é p a r t e m e n t , et puis b ien tô t p e u t ­ ê t r e s é ­
n a t e u r 1 , toutes les c o n v e n a n c e s de la h i é r a r c h i e civile
et sac rée se t r o u v a i e n t s a u v é e s .


Tout c e p e n d a n t n ' é t a i t p a s d o u c e u r s d a n s les m a n ­
d e m e n t s île Mgr Rousseau .


1 11 mourut avant d'avoir pu obtenir son « î t i é c au Sénat .




L E T T R E A M. G R A N D G U 1 L L 0 T . '


Les Anglais s o n t vos al l iés , Mons ieur , d a n s vo t r e p o -
1 i t ique con t r e le Pape . Je vous é p a r g n e ce q u e dit d ' e u x
Mgr Rousseau dans son m a n d e m e n t s u r la g u e r r e d ' E s -
pagne , et d a n s u n e a u t r e e n c o r e , où il pa r l e de « la-
per fuie politique de ces insulaires, de leur atroce ma-
chiavélisme, » et les appel le s i m p l e m e n t « les ennemis
du genre humain. »


Tenez , Mons ieur , s a v e z - v o u s p o u r q u o i , en t re a u t r e s
r a i sons , je n ' a ime pas le d e s p o t i s m e ? C'est qu ' i l a le
funeste pouvoir d 'avil ir les â m e s et, pa r un ju s t e r e -
tour , d ' i n sp i r e r aux despo tes p o u r les h o m m e s un m é -
pris égal à l e u r servi l i té .


Je p o u r r a i s mul t ip l i e r ces t r is tes c i ta t ions ; il faut en
f in i r ; il faut bien c e p e n d a n t r e v e n i r , en f inissant , à la
le t t re q u e vous avez pub l i ée . Je n 'a i pas l ' h o n n e u r de
vous conna î t r e p e r s o n n e l l e m e n t , M o n s i e u r ; ma i s c 'est
à voire h o n n e u r seul q u e j ' e n appel le ici.


Quoi ! c 'est a u m o m e n t où Pie VII est v i o l e m m e n t
a r r a c h é de R o m e , ex i l é , p r i s o n n i e r , et va sub i r les
violences et le long m a r t y r e q u e le i n o n d e sai t ; c ' es t
a lo r s , p e n d a n t q u e tou te l 'Église est en deui l , q u e cet
Évoque est t r a n s p o r t é d ' e n t h o u s i a s m e , et qu ' i l envoie
à l ' a r ch ichance l i e r de l 'Empi re u n m a n d e m e n t où il dit
que le champ de bataille de Wagram lui parait être de-


1 Croirait-on, nar e x e m p l e , que ce pauvre Ëvèquc était t e l l ement
enivré ,qu' i l confuiiilait la gloire de ses m a n d e m e n t s a v e c celle de nos
a r m é e s ? Le 3 niai 1809 , il écrivait au cardinal U a u r y :


« 11 est tout s imple que ma p lume , que Voire É m i n c n c e m'a ordonné'
« de relailicr, s 'empresse de vous faire I T i o i u m a g c d c sa nouve l le p r u -
.< t l i ic i ion.—Vous avez toujours accueill i avec trop de bonté mes enfants,
' ou plutôt ceux de nos triomphes, pour ne pas m e flatter que M o u s e i -


« gneur n'étende la m ê m e bienvei l lance sur c e l u i - c i , d o n t l 'enfantement
« ne m'a coûté qu'une heure . »


II. 23




354 L E T T R E A M. G R A N 0 G E 1 L L O T


venu le trône de l'Éternel. — Or, ce j o u r - l à m ô m e le
P a p e avai t été enlevé de Rome , — et il le savai t .


C'est e n c o r e a lors qu ' i l écr i t : « Les chefs de l'Église
« gallicane doivent se rallier, se serrer en quelque sorte
« davantage autour du trône. » C'est a lors q u e , d a n s
tous ses m a n d e m e n t s , c i r c u l a i r e s , le t t res aux min i s t r e s ,
il n e cesse d ' exa l t e r les s e n t i m e n t s re l ig ieux du p e r s é -
c u t e u r de Pie VII et d ' a c c u s e r « le fanatisme et la mau-
« vaise foi de la portion trop nombre use des fidèles,
« plus dévote qu'éclairée. » C'est a lors qu' i l dit (pue le
P a p e , qui c o m m e n ç a i t cet te capt iv i té de cinq a n n é e s ,
sera mille fois pins libre de r e m p l i r son augus te m i -
n i s tè re . C'est a lo r s qu ' i l écr i t a u m i n i s t r e de l ' in té r ieur ,
en le félici tant du g r a n d c o r d o n de la Légion d ' h o n n e u r
q u e ce lu i -c i v e n a i t de r e c e v o i r : « H e u r e u x le m o n a r q u e
« q u e ses m i n i s t r e s s e rven t avec a u t a n t d 'orguei l q u e
« de zèle ! — L ' a m o u r et la r e c o n n a i s s a n c e [jour sa
« p e r s o n n e sacrée, s e r o n t a j a m a i s la s econde religion
« d u clergé de l ' E m p i r e . En m ' e x p r i m a i t ! a insi , Mon-
« s e i g n e u r , j e n e fais q u e céder au besoin de r é p a n d r e
« m o n à m e d a n s la vô t re avec toute l'expansion de la
« franchise et l'abandon de la loyauté. » C'est a lors
enfin qu ' i l ose bien p r o n o n c e r d a n s le d i scour s m ê m e
q u e v o u s c i t ez , Mons i eu r , ces p a r o l e s qui r c l o m b e n l
de tou t le poids de l e u r h o n t e s u r sa bas ses se : « Du pied
« d u t rône i m p é r i a l où ils r e c o n n a i s s e n t d a n s iNapoléon
« l ' hé r i t i e r de la p u i s s a n c e de César , vous condu i rez
« vos é lèves a u pied du t r ô n e pontif ical , o ù ils t r o u -
« ven t d a n s Pie Vif le s u c c e s s e u r du Chef des apô t r e s . »•
Au pied du trône pontifical ! ! '. et Pie VII é tai t d a n s les
fers ! ! Ou je m e t r o m p e , Mons ieur , ou le publ ic f i a n -
ça is , qui c o m p r e n d l ' h o n n e u r , goû t e r a p e u votre lié-




H E I . A T i V E A M. . ;R R O U S S E A U . Ë V . D ' O R L É A N S , m.


r o s ; vous -même le flétrissez eu ce m o m e n t , j ' e n suis sû r .
Mais p o u r q u o i l ' a v e z - \ o u s choisi? Si, d a n s ce g r a n d


d é b a t , il l'allail i nvoque r con t re moi m e s p r é d é c e s s e u r s ,
on pouvai t mieux; f a i r e ; j ' e n ai eu des mei l l eurs e n c o r e
q u e Mgr Rousseau . J 'a i eu M. Hail lon, qui a d m i n i s t r a
ap rès lui le d iocèse d 'Or l éans , — m a l g r é le Pape . — Il
est vra i q u e M. Bâil lon avai t la faveur d 'une a u t r e p u i s -
sance , de celui q u e , d a n s sa foi et son p a t r i o t i s m e , il
appe la i t un n o u v e a u David : « Grâces immortelles soient
rendues a Dieu! s 'écriai t - i l dans son m a n d e m e n t s u r
la na i s sance de Sa Majesté le ro i de Borne : a David
succédera Salomon. » Puis , c é d a n t à l ' ivresse de sa
joie : « Dieu s e m b l e d i re au chef augus t e de la nouvel le
« d y n a s t i e , c o m m e autrefois au pè re des douze p a -
« I r i a rches : De toi n a î t r o n t des rois s a n s n o m b r e . »
Il est vra i auss i , je dois l ' a jouter , q u ' u n peu p lus l a rd ,
en LSL'i, M. Haillon, p a r l a n t a lors des magnanimes sou-
verains allies, et de la rentrée du. fils de saint Louis
dans sa capitale, s 'écr ia i t avec u n e n t h o u s i a s m e n o n
mo ins vif : « Que de m i r a c l e s , A. T.-G. F . , von t su iv re
« ce p r e m i e r m i r a c l e ! 11 est a u mi l i eu de n o u s , cet
« hé r i t i e r de tant de B o i s , ce m o n a r q u e l i bé ra t eu r ,
« qiïaj)pelaieat tous les voeux 0 doub le t r iomple . '
a ô doub le m i r a c l e ! Le t rône de P ie r re et le t r ô n e de
» Glovis, t rop l o n g t e m p s b a t t u s des m ê m e s o r a g e s ,
e vont, r e p r e n d r e en m ê m e t emps l e u r a n c i e n n e s p l e n -
« d e u r ; la rel igion re f leur i ra à l ' ombre de ces l y s ! »


Hélas ! hé l a s ! que conc lu re de tou t cela , et quel le
leçon faut-il r ecue i l l i r de tant de t r i s tes c h o s e s ?


P a u v r e faiblesse h u m a i n e ! le moins qu ' on pu i s se
dire , c'est (pie, q u a n d il y a parfois péril d ' é b l o u i s s e -
m e n t sur la t e r r e , c 'est a lo r s q u e les h o m m e s do iven t




L K T ' I ' K K A M . ( ; r , A X D i a : i L i . 0 T


se défier d ' e u x - m ê m e s el des a u t r e s ; c 'est a lors que
tout h o n n ê t e h o m m e doi t vei l ler à toutes ses p a r i é e s ,
su r tou t à ses l o u a n g e s , a (in de n ' ê t r e j a m a i s c o n d a m n é
à c h a n t e r un j o u r des pa l inodies qui le d é s h o n o r e n t ,
et de ne pas t o m b e r d a n s » cette, odieuse éloquence » q u e
i lé t r issai t au t refo is P i n d a r o , « qui s'élève en tou rée d 'un
:< cor tège de f la t teuses p a r o l e s , et q u i , faisant violence
« à la vér i té , je t te su r des n o m s m a l h e u r e u x une gloire


c o r r o m p u e . « (P ind . , Xéni. M U . )
(les d o u l o u r e u x r e t o u r s s u r le passé', Monsieur , me


rappe l l en t u n e a u l r e g r a n d e d o u l e u r du diocèse d'Or-
léans . J 'a i eu p o u r p r é d é c e s s e u r aussi Mgr de J a r e n t e .
l eque l fut l ' un des q u a t r e E v ê q u e s a p o s t a t s qu i t rahi -
r e n t l 'Église, el f o n d è r e n t en F r a n c e le s c h i s m e const i-
tu t ionne l . Si je r a p p e l l e , en finissant cel le le t t re , un tel
s o u v e n i r , c 'est q u e , tou t affligeant qu'i l est p o u r mon
Église, if m e r e p o r t e p a r le c o n t r a s t e à un des s o u v e -
nirs les plus i l lus t res de l'Église, de F rance , et q u ' a p r è s
avoi r a t t r i s t é mon espr i t p a r tout ce q u e vous m'avez
obl igé, Mons i eu r , de r a p p e l e r ici, j ' a i beso in p o u r r e -
pose r et r e l eve r m o n àn ic , d ' a r r ê t e r un ins tan t m e s r e -
g a r d s su r ce c o n t r a s t e consolant, et grac ieux .


Oui, s u r 135 Évoques f rança is , il n 'y en eut que q u a t r e
qu i Déchi rent devant les m e n a c e s de l ' impié té , et refu-
s è r e n t de suivre, l eu r s f rères d a n s les g é n é r e u s e s voies
de la p a u v r e t é , de l'exil et d u m a r t y r e .


Tous les a u t r e s , s ans excep t ion , ces Evêques courti-
sans , ces flatteurs du pouvo i r t e m p o r e l , c o m m e on a
bien osé les n o m m e r d a n s la p lus injuste des p réven-
t i o n s , suivis de àO 000 p r ê t r e s , accompl i ren t la forte
pa ro l e q u e Bossue t , cet a u l r e courtisan, adressa i t à
Louis \1V : Sire, j'y mettrai vai tête.'— Ils y m i r e n t




K E I . A V I V E A M u a H O I ' S S E A l , ÉV. D ' O l ì I, E A N S. 357


leur l è t e ; ils Aironi plus nobles e n c o r e s u r l 'écdiafaud
cl dans la m o r i , qu ' i ls ne l ' avaient é té d a n s la vie et
sur Je siège de leur gloire pont if icale , et il n 'y eut j a m a i s
dans l 'Église une confess ion de foi p lus g r a n d e , p lu s
h é r o ï q u e .


Q u a n d Pie VI cl le Sacré-Col lège d i spersé se r e n c o n -
t rè ren t avec les Évoques de F r a n c e , d a n s cet te sub l ime
c o m m u n i o n de l 'exil, des p r i sons e l d u m a r t y r e ; q u a n d ,
au m ê m e j o u r , d a n s les Ans , d a n s les t r i bu la t ions , dans
la m o r t et d a n s l ' invincible l iber té de la m ê m e fo i , ils
t r i omphè ren t e n s e m b l e de l ' impié té r é v o l u t i o n n a i r e et
de j ' in ip ié lé sc l i i sma l ique , la paix de J é s u s - C h r i s l t r iom-
pha d a n s leur c œ u r : Vieil pax Clirisli in cordions
corani. Les É v è q u e s de F r a n c e m o n t r è r e n t a lo r s avec
éclat c o m m e n t ils e n t e n d a i e n t les l ibe r t é s de l 'Église
gal l icane, cl 1793 t raduis i t et exp l iqua 1682.


Cer tes , ap rès ces c h o s e s , je c o m p r e n d s q u e Pie VI
s ' ad ressan l à tout l ' un ivers c a t h o l i q u e , ait pu d i re q u e :
c l'Kglise gal l icane, tout en t i è re , u n a n i m e d a n s la con-
ti fession de la v ra i e foi, ava i t s o u t e n u p a r son h é r o ï q u e
« condu i t e la fermeté des déc l a r a t i ons m é m o r a b l e s pa r
« lesquel les elle flétrissait et r e p o u s s a i t loin d 'el le à
« j a m a i s des s e r m e n t s p a r j u r e s et s a c r i l è g e s 1 ; et q u e
(i les Évèques de l 'Église ga l l i cane , i nv io lab lemen t a i t a -
li chés à l eu r s devoi rs el e n f l a m m é s de l ' a m o u r de la T é -
li. r i t e 2 , foulaient a u x p ieds tous les in té rê t s h u m a i n s . »


' l 'A ciao factum est ut, tota Ecc les ia Gall icana consent i en te , b a b e l i
ilehei'cul juramenta civica tani |uani perjuria et sacri legia . . .


i l isce cleri Gallicani declarationibus cligna laude celebrandis , facta
responderunt. [Lettre, du 13 avril 1791. ;


1 Major Episcoporum Gal l ieanorum pars sui muneris oli iciis addicta
et amore veritatis incensa . [Ibid.}




358 L E T T R E A M. G R A N D I R II . L O T


Je c o m p r e n d s que Pie \ 11, à son tour , se soit écr ié :
« Que d i r o n s - n o u s du t rès - i l lus t re clergé de l'Église


« ga l l i cane , du profond a t t a c h e m e n t qu' i l a fait éc la ler
« p o u r no i re p e r s o n n e , et de ses m é r i t e s e n v e r s n o u s ,
« qui on t é té si g r a n d s q u e n o u s s o m m e s c o m m e d a n s
« l ' i m p u i s s a n c e d ' e x p r i m e r les sen t imen t s de n o t r e
« c œ u r r e c o n n a i s s a n t ! Tou te s les plus fortes expres-
« s ions du langage ne p e u v e n t dire l ' a m o u r , le zèle, la
« v ig i lance , les soins infat igables avec lesquels ce c lergé ,
« et s u r t o u t les Évoques , gouve rnen t le t r o u p e a u qui
« l eu r esl confié, h o n o r a n t a insi la religion don t ils
« sont les min i s t r e s , et lui a l l i r an l les plus g r a n d s r e s -
'.< pec ts , m ê m e de ses e n n e m i s . C o m m e n o u s avons élé
« le t émo in de tou t e s ces c h o s e s , n o u s n o u s s o m m e s
« c ru obligé de d é c e r n e r ces l o u a n g e s au clergé de
« F r a n c e , à la face de l 'Église u n i v e r s e l l e »


Et p o u r q u e r ien n e m a n q u â t au témoignage r e n d u
pa r Pie VU à l 'Église de F r a n c e , n 'est - ce pas encore
lui qui d i sa i t : « l e clergé de l'Eglise gallicane a fourni
v au ciel )>lus de -martyrs que tout le reste de l'Europe
« ensemble. »


Du r e s t e , Mons i eu r , ce ne fut p a s s e u l e m e n t au
xvi rr siècle q u e les Évoques f rançais s u r e n t h o n o r e r , p a r
l e u r fidélité à l 'Église et l eu r d é v o ù m c n t au Saint-Siège,


1 Qnid a i i t c m de pnec lar i s s imo Ecclesia* gallieana: clero d i c e m u s ?
qui tantis in nos sludiis exarsil, cujiisquo tarda tueront in nos mér i ta ,
ut a d n o s t r o s grati anirni sensus e.rga i l lum expr imendos plane impares
s i m u s . Oimics autem dicendi vires e x c e d u n t a m o r , /.élus, vigiiantia,
lal.or, qu ibus , Episcopi prrpsertim, c o m m i s s u m sibi gregem pascunt, et
religioni, cujus min i s t er ium exercent , lionori surit, eique re\ererdiam
apud ipsos d a n s hostes appr ime concil iant. Cnjus quidem rei c u m nos
ipsi testes i'uerJmns, hinc debil is i l lum laudikus coram universa Eccle-
sia ornandum a nubis esse merito jud icav imus .




R E L A T I V E A M G R R O U S S E A U , É V . D ' O R L É A N S . 3Ô0


le c a r a c t è r e ép i scopa l . A l ' é p o q u e m ê m e don t n o u s par-
l ons , Mgr Daviau , a r c h e v ê q u e de B o r d e a u x ; Mgr F o u r -
nie r , évoque de Montpell ier ; Mgr de Boulogne , évoque
de S r o y e s ; Mgr Desse l les , Mgr de Brogl ie , l 'Évêque de
T o u r n a y , l 'Évêque de So issons , Mgr d 'Asl ros , d e p u i s
a r c h e v ê q u e de T o u l o u s e ; le c a rd ina l Fesch l u i - m ê m e ,
et d ' au t r e s e n c o r e , s u r e n t o p p o s e r u n e consc ience invin-
cible à des volontés t o u t e s - p u i s s a n t e s . Le donjon de
\ i n c e n n e s et la for te resse de Fenes l r e l l e r e ç u r e n t p l u -
s ieurs d ' en t r e e u x 1 ; et le conci le de 1811 , a s s e m b l é
pour un a u t r e b u t , s 'ouvr i t p a r cet te mo t ion de Mgr
Dessel les : « Que les Évoques ne p o u v a i e n t dé l i bé r e r
s. c o m m e m e m b r e s de l 'Ég l i se , l o r s q u e le P è r e c o m -
te m i n i , le Chef u n i v e r s e l , était, dans les f e r s , et qu ' i l s
i r é c l ama ien t de l ' i l m p ' r e u r la l ibe r té du P a p e . »


E n î h i , M o n s i e u r , je suis aussi h e u r e u x de l ' a jou te r ,
et ce se ra m a d e r n i è r e p a r o l e : Nous n o u s s o u v e n o n s à
Or léans , et c'est du mo ins u n e conso la t ion d a n s n o t r e
t r i s t e s s e , q u e Mgr Haillon se réconc i l i a avec le Sa in t -
Siège , et m o u r u t en c o m m u n i o n avec lui . Mgr de J a -
renfe l u i - m ê m e lit u n e fin c h r é t i e n n e . Et p u i s q u e j ' a i
pa r l é des q u a t r e Évoques qui c u r e n t le m a l h e u r d ' ou -
bl ier l e u r devoi r a u j o u r d u p é r i l , j e d i ra i q u e celui
d ' en t re eux qui m o u r u t le d e r n i e r , celui q u e de p lu s
dép lo rab les é g a r e m e n t s , u n e p lus p ro fonde c h u t e , u n e
p lu s cé lèbre et p lus l ongue ex i s t ence , on t s igna lé à tous
les s o u v e n i r s , fut auss i l ouché par la m a i n d e l à d iv ine
mi sé r i co rde à sa d e r n i è r e h e u r e . J 'ai recuei l l i son d e r -


1 ic n e puis refusera l 'honneur dn diorè?e d'Orléans (le nornuwr ii't


M. t'alii'é O e s s m l i n s , p ieux H généreux prêtre O r l é a n a i s , qui fui alors


transporté et enfermé à E r n e s t r e l i e . — ji fut depuis le d igue vieaire g é -


néral de Mgr de Quélen.




3fi0 I . L I T R E A .11. (111A >" 1) G L 1 I I . ( i l .


n ie r s o u p i r ; et on sai l q u ' a v a n t tle p a r a î t r e devant Dieu,


— et il n ' ava i t p a s m ê m e a t t e n d u p o u r cela le j o u r su -


p r ê m e , — il dép lora sa v i e , il a ccusa la Révo lu t ion , et


r é p r o u v a les œ u v r e s de son t r i s te Ep i scopa l .


J 'a i été e n t r a î n é , Mons i eu r , p lus loin que je n e v o u -


la is su r le t e r r a in où v o u s aur iez m i e u x l'ail, peu t -ê t re ,


de ne p a s m ' a p p e l e r . Je ne le r eg re t t e pas ; et les ca tho-


l i ques qui a u r o n t lu cel le Let t re p a r d o n n e r o n t à m e s in-


t e n t i o n s , et à l ' in té rê t s u p é r i e u r de celle g rande cause ,


les t r i s tes r é v é l a t i o n s q u e j ' a i d û faire, et ils se ron t heu-


r e u x , en f inissant , de se j o i n d r e à moi p o u r r ed i r e avec


R o s s u e t , et d é p o s e r aux p ieds du Sa in t - l ' è r e , ce l le i m -


m o r t e l l e p r o t e s t a t i o n :


« Sa in te Église r o m a i n e , Église m è r e , n o u r r i c e et


« m a î t r e s s e de tou tes les Églises, Église chois ie de Dieu


« p o u r u n i r ses enfants d a n s la m ê m e foi cl d a n s la


(i m ê m e c h a r i t é , n o u s t i end rons tou jours à ton uni té


« p a r le fond de nos e n t r a i l l e s ! Si je l 'oubl ie . Église ro -


« m a i n e , p u i s s é - j c m ' o u b l i e r m o i - m ê m e ! q u e m a l a n g u e


« se sèche et d e m e u r e i m m o b i l e d a n s m a b o u c h e , si lu


« n ' e s pas la p r e m i è r e d a n s m o n souven i r , si je ne te


« m e t s pas au c o m m e n c e m e n t de t ous m e s can t iques de


« r é jou i s sance . Aclha-rcat lingua mea [ancibus meis, . S Í
<( non ineminero lui; si non proposa ero Jérusalem in
« principio lœliliœ mea; ! »


Veuillez ag rée r , Mons ieur , l ' h o m m a g e d e t o u s l e s s e n -


t i m e n t s q u e , m ê m e d a n s ces t r i s tes d é b a t s , je conse r -


vera i t o u j o u r s p o u r m e s a d v e r s a i r e s ,


7 F É L I X , Évoque d 'Or léans .




LETTRE A M. LE BAR OIS MOI J{OG LIER


Relative à Mgr Raillon (1860;


J l O N S I E l I I I.K 1JARO.N ,


Lu j o u r n a l , p a r la pnb l i ca l ion la p lu s i n a l t e n d u c et la
moins h e u r e u s e , m ' a opposé un acte d 'un de. m e s p rédé -
ce s seu r s ; et ap rès s'en être l'ait une. a r m e con t re l 'Église,
il a p r o v o q u é ma r é p o n s e . J ' a i eu la d o u l o u r e u s e ob l i -
gat ion de dévoi ler les faiblesses qu i ava ien t inspi ré cet
acte ; et, r e n c o n t r a n t dans le m ê m e temps , d a n s le m ê m e
diocèse , s u r l ' appl ica t ion des m è m e s p r i n c i p e s , un a u t r e
exemple funeste qu ' on a u r a i t p u auss i un j o u r i n v o q u e r
con t re n o u s , j ' a i cru devoi r en d é t r u i r e à l ' avance l ' au -
tori té ; r é u n i s s a n t à desse in les t r i s tes c o n s é q u e n c e s
d 'une obé i s sance servi le au pouvo i r t e m p o r e l , et d ' u n e
désobé i s sance g rave à la p u i s s a n c e spi r i tue l le , d o u b l e
p réva r i ca t ion qu i est en tout t e m p s le pér i l de la dignité
et de la consc ience s a c e r d o t a l e .


Les ques t ions de p e r s o n n e s sont p e u de chose , il le
faut a v o u e r , au pr ix de l 'ut i l i té et de la n é c e s s i t é s o u -
vera ine de s emblab l e s e n s e i g n e m e n t s .


d é p e n d a n t , q u e des h o m m e s h o n o r a b l e s , p a r e n t s de
ceux don t on m 'ob l ige de d i scu te r la vie et les ac tes ,
s ' émeuven t , je le c o m p r e n d s , et j ' h o n o r e en eux cet te




3tV> L E T T R E A M . L E l î A R O N M O E R O G U 1 E R


l ég i t ime suscept ib i l i té : j e r e s p e c t e m ê m e les exp res s ions
les p lus vives, les p lus in jus tes de la pe ine q u e j e l c u r ai
causée ma lg ré moi .


Vous m 'avez é c r i t , .Monsieur , que , s ans le vouloir ,
j ' a v a i s c a l o m n i é M. v o i r e g r a n d - o n c l e , et vous m 'avez
d e m a n d é une r é p a r a t i o n p o u r sa m é m o i r e .


J ' a u r a i s eu l ' h o n n e u r de vous satisfaire i m m é d i a t e -
m e n t , si j ' a v a i s p u r e c o n n a î t r e que je m 'é ta i s t r ompé .


J ' a u r a i s é té t r o p h e u r e u x de vous a v o u e r s i m p l e m e n t
m o n e r r e u r , si la véri té me l 'eût p e r m i s , et d'offrir ainsi
à M. vo t re g rand -onc l e l ' h o m m a g e q u e vous s o u h a i t e z ,
en m ê m e t emps q u e la r é p a r a t i o n que je lui au ra i s duo;
cl la c o m m u n i c a t i o n d e l à p r e u v e éc r i t e que vous di tes
avoi r m'y eû t a idé p e u t - ê t r e , si vous aviez jugé conve-
nab le de la d o n n e r , soit au p u b l i c , soif à m o i - m ê m e .


M a l h e u r e u s e m e n t , p o u r vérifier de n o u v e a u , au t an t
(lue vous le pouviez dés i re r , et qu ' i l dépenda i t de moi ,
un fait d o n t j ' é t a i s a s s u r é d 'a i l leurs p a r l e s p r e u v e s les
plus c e r t a i n e s , j ' a i été c o n d a m n é à c o m p u l s e r t o u s les
ac tes de l ' a d m i n i s t r a t i o n d iocésa ine d 'Or léans , de .1810
à 1818 ; et ce t r ava i l , s u r v e n u a u mi l ieu de bien d ' au t r e s
t r avaux , m ' a été d ' a u t a n t plus pénib le qu' i l ne m 'a pas
a m e n é à p o u v o i r faire p o u r v o u s , M o n s i e u r , ce q u ' u n
s e n t i m e n t b ien na tu r e l vous a po r l é à m e d e m a n d e r , et
ce q u e ne d e m a n d a i t p a s m o i n s de moi m o n ancien a t -
t a c h e m e n t p o u r vo t r e famille, en m ê m e t e m p s que mot)
dés i r de r e n d r e jus t i ce .


Votre, le t t re a été pub l iée d a n s le Constihitiomiel et
i m m é d i a t e m e n t r e p r o d u i t e p a r d ' au t r e s j o u r n a u x , dont
p l u s i e u r s fort hos t i les au Souvera in-Pont i fe : on en a
a b u s é c o n t r e m o i , ce qu i est peu de c h o s e , mais auss i
c o n t r e l 'Ég l i se , ce qui est tout a u t r e m e n t sé r ieux . J ' é -




1! E L A T t V E A M c i t R A I L L O N .


p r o u v e donc le t r è s -g rand r eg re t d 'ê t re obligé de pub l i e r
ma r é p o n s e et d ' ins is ter s u r des c h o s e s qui on t p u ê t r e
r é p a r é e s dans la sui te , ma i s qu i n ' en furent pas m o i n s
déplorables .


ri y a. Mons ieur , n u e g r a n d e ques t ion i m p l i q u é e d a n s
Ja r é c l a m a t i o n q u e vous élevez, et je n'ai pas s e u l e m e n t
à d i scu te r ici un fait, ma i s des p r i n c i p e s . —- fi est d ' une
i m p o r t a n c e s u p r ê m e p o u r l'Église , si des c i r c o n s t a n c e s
aussi dé l ica tes q u e celles où s 'est t rouvé M. votre g r a n d -
oncJe venaient à se r e p r o d u i r e , q u e l 'on s a c h e , s a n s
qu'il soil poss ib le d ' h é s i t e r , que l le condu i t e u u p r ê t r e
qu i a toute la consc ience de ses devo i r s doi t t en i r et
que l j u g e m e n t il en r e s t e r a d a n s l 'h is to i re , c a r vous avez
tou t à fait r a i son de le d i re , Monsieur , tou t ceci a p p a r -
tient à l 'his toire et su r tou t à l ' h i s to i re de l 'Eglise ; et
voilà p o u r q u o i il y a bien a u t r e chose ici q u ' u n e po lé -
m i q u e pe r sonne l l e .


Je vais d o n c , q u e l q u e pén ib le qu ' i l soil p o u r moi de
r even i r su r ce sujet , r appe l e r b r i è v e m e n t les principes
qui impor t en t ici avan t tout , e t s a n s l e sque l s il s e ra i t
imposs ib le d ' app réc i e r , clams toute sa gravi té , le fait
que j ' a i avancé , cl que la vér i té me c o n d a m n e à m a i n -
tenir.


I


Ces p r i n c i p e s , les voici : C'est q u ' u n É v ê q u e s i m p l e -
m e n t n o m m é par la p u i s s a n c e t empore l l e ne peu t , d ' a -
p r è s les p r e sc r i p t i ons formelles du dro i t , a d m i n i s t r e r le
d iocèse p o u r lequel il est dés igné , s ans avoi r r eçu du
Souvera in -Pon t i f e l ' ins t i tu t ion c a n o n i q u e : le t i t re de




30 i L E T T R E A M. L E RA R O N Jl O L R O ( , l i EI!


v ica i re capi tu la ire n e suffit p a s p o u r lui conférer de»
p o u v o i r s .


Cette d isc ip l ine est e x p r i m é e ne t t emen t d a n s le cé lèbre
c a n o n du second conci le œ c u m é n i q u e de Lyon , avari-
ait', cwdtas (127'i) ; conf i rmée p a r les Decréta les de l io-
ni faceVJH, A lexand re V, J u l e s l l , Clément VU et Jules 1.11,
et p a r le conci le de T r e n t e .


Voici le c a n o n du conci le de Lyon :
» Une aveugle cup id i té et u n e d a m n a b l e ambi t ion


s ' e m p a r e n t de c e r t a i n e s â m e s , les poussen t à cette té -
m é r i t é de t rava i l le r à u s u r p e r , p a r artifice el p a r f r a u d e .
des droi t s qu ' i l s s aven t bien l eu r ê t re in te rd i t s par les
lo is . . . Ainsi , q u e l q u e s - u n s é t an t é lus p o u r g o u v e r n e r l e s
Égl ises , et ne p o u v a n t , à c a u s e de la défense qui l eur en
est faite p a r l e s l o i s , s ' ingére r d ' e u x - m ê m e s , avant q u e
l e u r é lect ion soit conf i rmée , d a n s l ' admin i s t r a t ion des
Eglises qu ' i l s sont appe lés à g o u v e r n e r , se font d o n n e r
cel le a d m i n i s t r a t i o n sous les t i t res de p r o c u r e u r s ou d'é-
c o n o m e s . Mais c o m m e il n e faut po in t coun ive r à la
pe rve r s i t é des h o m m e s , n o u s d é c r é t o n s , p a r cel te c o n -
s t i tu t ion g é n é r a l e , q u e p e r s o n n e d é s o r m a i s ne p r é s u m e
de p r e n d r e ou d e r e c e v o i r , s o i t a u sp i r i tue l , soit au tem-
p o r e l , p a r s o i - m ê m e ou p a r a u t r u i , à litre d ' économat
ou de p r o c u r a t i o n , « ou sous tout a u t r e litre ou toute
« a u t r e c o u l e u r q u e l c o n q u e , » l ' admin i s t r a t ion de la
d igni té à l aque l le il est élu , ou de s'y i m m i s c e r , avan t
q u e . s o n élect ion ai t été c o n f i r m é e , sous p e i n e , p o u r
t o u s ceux qu i enfreindront , la défense , de p e r d r e pa r là
m ê m e tous les droits, qui l eu r é t a ien t acqu i s p a r l 'é lec-
t ion . »


A cel te a u t o r i t é d 'un conci le œ c u m é n i q u e , il faut
a jou te r les Decré ta l e s de Boniface VIII, d 'Alexandre V,




I t K L A T J V E A M o n H A I L L O N .


.laies II, Clément VII et Ju les III, qu i on t dé fendu , sous
les peines les plus g raves , à t o u s ceux « qui é l a i en t
<• n o m m é s à q u e l q u e Église ou q u e l q u e bénéf ice , d 'en
t. p r e n d r e possess ion , avan t d ' avo i r r eçu les l e t t r e s du
« Saint -Siège qu i c o n t i e n n e n t l eur p r o m o t i o n et l eur
« conf i rmat ion . »


Ces Decré ta les on t é té reçues p a r l 'Église un ive r se l l e ,
et sont d e v e n u e s la b a s e de la discipl ine de l 'Église j u s -
qu 'à nos j o u r s .


Celle g rave discipl ine est e n c o r e r e p r o d u i t e et conf i r -
mée pa r le concile, de T r e n t e , qui p r e n d soin d ' exp l ique r
t rès en détai l q u e tou t Je p o u v o i r du c h a p i t r e à la va-
cance du siège est d 'é l i re , d a n s la h u i t a i n e , le v ica i re
géné ra l eap i lu la i r e ; q u e , l 'élection u n e fois faite, l e c h a -
pi t re a épu i sé ses p o u v o i r s ; q u e l 'Évêque n o m m é et le
v ica i re cap i tu la i re sont deux p e r s o n n e s n é c e s s a i r e m e n t
d is t inc tes , etc.


b i e n ! ce sont p r é c i s é m e n t ces lois si i m p o r t a n t e s ,
qui , à l ' époque m ê m e où M. Haillon fut n o m m é p a r
l ' e m p e r e u r Napoléon 1" à l 'Évèché d 'Or léans , en 1810,
furent r appe lées et app l iquées p a r l e pape Pie Vil, a lors
p r i sonn ie r à Savone , dans t rois brefs cé lèbres ad ressés
au ca rd ina l .Maury, à l ' abbé d 'As l ros , v ica i re géné ra l de
Par is , et. depu i s ca rd ina l , et à AI. Corbol i , v icai re g é n é -
ral cap i tu la i re de F l o r e n c e .


On conçoi t d u res te la r a i son pu i s san t e de cel le d i s -
cipline ; s ans elle, le g o u v e r n e m e n t de l 'Eglise é c h a p -
perai t a u Chef s u p r ê m e de l 'Église, et il p o u r r a i t d é p e n -
d re du pouvoi r t empore l d ' é l ude r les r é s i s t ances du P a p e
à des choix funestes , et d ' impose r de m a u v a i s p a s t e u r s
aux diocèses .


Il faut le d i re de plus : de tous Jes m o y e n s q u e les




300 L E T T R F. A M. L E I! A R 0 >" M O L R O G l ' I E R


P a p e s ava ient autrefois en l e u r p o u v o i r p o u r r a m e n e r
à l 'obéissance les r e b e l l e s , un des p r i n c i p a u x qui r e s -
tent à l e u r d i s p o s i t i o n d a n s le c o u r s o r d i n a i r e des cho-


ses, c'est le dro i t d ' inst i tut ion c a n o n i q u e . C'est en s u s -


pendant cette i n s t i t u t i o n , l o r s q u e de t rès -graves ra i sons


l 'ex igent, q u e le S iège aposto l ique peut arrêter des e n -
t repr i ses iHégUimes et sacr i lèges , et opposer une r é s i s -
tance p a c i f i q u e avec l a q u e l l e on est obl igé de compter ,


sans q u ' i l y ait m o y e n de se p a s s e r du Pape p o u r le gou-


v e r n e m e n t des É g l i s e s .


Ces g r a v e s r a i s o n s me déterminent à insérer ici q u e l -


ques p a s s a g e s des lfrefs d u pape P ie Vif .


Au vénérable Frère le cardinal Jean Naurfi, évenue de iltm-
tefiascone et de Corneto, à l'avis.


« Vénérable t'rèi '0, salut et bénédicl ion apostolique.


« 11 y a c inq j o u r s que1 nous avens reçu la lettre p a r l a -


queue vous nous apprenez votre nominat ion à l'archevêché


de P a r i s , et votre instal lation dans le gouvernement d e ce
diocèse. Cette nouvelle a mis le comble à nos alïUeiious et


nou» pénètre d'un sentiment de douleur que nous avons


peine à contenir, et qu' i l est impossible d e vous exprimer.
Vous étiez parfaitement instruit de nuire lettre au cardinal


C a p r a r a , pour lors archevêque à Mi lan, dam» laquelle nous


avons exposé les motifs puissants qui nous faisaient un


devoir , dans l'état présent des choses, de refuser l ' institu-


tion canonique aux Evoques nommés par l 'empereur.


« Vous ne rougissez pas de prendre parti contre nous


dans une lutte (nie nous ne soutenons que pour défendre


la dignité de l'Eglise." Est-ce ; i i 11 .s i que vous faites assez peu
de cas de notre autorité pour oser en quoique sorte, par


cet acte publ ic , prononcer contre nous, ;ï qui vous dévie/,


obéissance et lidélité '! Mais c e qui nous »ftH¡ic encore d:i-




Tí I C I . A T I V К A M G R I1AII .L0 .N


van tago , e'esl ib' voir tpéaprès avoir mendié près (l'un
chapi t re l 'administrat ion d'un a r r i a n e c h é , vous vous soyez,
de votre autorité, et sans nous consulter , chargé du gou­
vernement d'une autre Eglise, bien loin d' imiter le bel
exemple du cardinal Joseph Eesch. archevêque de Lyon,
lequel, ayant été nominé avant vous au mémo archevêché
de Paris , a. cru si sagement devoir absolument s ' interdire
toute l 'administrat ion spiri tuelle de cette Eglise, malgré
l ' invitation du chapi t re .


« Oit veut­on en venir? On veut in t roduire dans l 'Église
un usage aussi nouveau que dangereux , au moyen duquel
la puissance civile puisse insensiblement parveni r u n'éta­
blir, pour l 'administrat ion des sièges vacants , que les su­
jets qu'il lui plaira. Et qui ne voit évidemment que c'est
non­seulement, nui re a la l iberté de l 'Eglise, mais encore
ouvrir la porte au schisme et aux élections inval ides? . . . .


« Quittez donc sur­le­champ celte adminis t rat ion ; non­
seulenienl nous vous l ' o rdonnons , mais nous vous en
[irions, nous vous en con ju rons , pressé p a r l a charité pa­
ternelle que nous avons pour vous, alin que nous ne soyons
pas forcé do procéder , malgré nous, et avec le plus grand
regret, conformément aux saints canons .


« Donné ii Savone, le ') novembre l s lu . >•


Voici m a i n t e n a n t q u e l q u e s p a s s a g e s du Bref a d r e s ­ é
à 31. Corboli :


ч Le Vénérable l­'rère, évoque de Nancy, nommé depuis
peu it l 'archevêché de Florence. . . . peut­il être, par le cha­
pitre métropoli tain de Florence, délégué et élu comme vi­
caire eapiiulaire ou adminis t ra teur de cette Eglise, a p r è s
volre démission ? P e u t ­ i l , en vertu de cette délégation „u
cleelion, être revêtu validenieiit de quelque faculté, pou­
voir ou jur idiel iou ':


Après avoir rappelé le canon du concile de Lyon et le.­­




L E T T R E A M . L E R A R 0 . X M O L R O G l ' I E R


Dèrré taies (les Papes , le Saint-Père expose ainsi les d ispo-


sitions du eoncilo de Trente :


Ce conci le, qui a déterminé et. l ixé les devoirs des cha-


pitres eathédraux, lors de la vacance du s ié- je, Jtien loin


de déroger en r ien au canon de L y o n et à tant de décrets


des Souverains-Pontitês, au contraire les suppose év idem-


ment, quand i l déclare que les chapitres n'ont d'autre l'onc-


tion, c l par conséquent d'autre pouvoir que celui de cho i -


s i r , dans la huitaine, un ou plus ieurs économes avec un


ofl icial ou v ica i re capi lu la i re .


e D'où découlent deux conséquences évidentes : la. pre-


mière (pie les ol'lieiaux une t'ois établis, l 'exercice du g o u -


vernenienteeelésiastique ne réside plus entre les mains du


chapitre, niais entre celles des premiers ; la seconde, que


cet of l ic ial capitula irc doit nécessairement être une per-
sonne distincte de Pévèque qui sera promu.


« A ins i donc, d'après les sanctions canoniques et pont i -


f icales, d'après la d isc ip l ine qui est en v igueur dans l ' f -


gl ise et contre laquelle i l ne peut exister aucune délégation


légit ime, le Vénérable f r è r e , évèque de .Xaney, dont i l eM
quest ion, est absolument inhabi le aux fonctions de vicaire


ou officiai capitula irc de l 'Kgl ise métropolitaine de F l o -


rence, par lit mente qu' i l a été nommé archevêque de cette


Fg l i se L u ce la , on attenterait aux plus saintes lois de
1'fglise et il sa d isc ip l ine ord ina ire , et ce serait tendre é v i -
demment à obscurc ir et détruire les pr incipes d e la mission
légit ime, à mépriser et anéantir l'autorité du Siège apos-


tolique.


« Donné à S a v o n e , le 2 décembre 1810. la onzième année
de notre pontif ical .


« P. P. V U . "


Du r e s t e , .Monsieur, il ne faudra i t pas croi re q u e de
tels brefs fussent c o n s i d é r é s a lors c o m m e chose de peu




R E L A T I V E A M o u R A I L L O N .


d'importance : ni que le clergé ne fût pas an courant


do la gravité des questions soulevées par les adversaires


die l'Église et résolues par le Pape. L a publ ic ité de ces


brefs donna l ieu à de nobles protestat ions, et à un r e -


doublement de persécutions rel igieuses, dont toute, la


F rance retentit.


Le 1 •'janvier l S i l , M. l 'abbé d'Astros, v icaire géné-
ral de Paris, fut arrêté et mis à \ incennes


Plusieurs ecclésiastiques, soupçonnés d'avoir connu


o u fait connaître le Bref , furent emprisonnés ; des vi-


sites domici l ia ires furent faites. Les cardinaux(dabr ic i l i ,


di Pielro et Oppizzoni furent envoyés an donjon de V i n -
cennes, ainsi que Mgr de Grcgorio, depuis card ina l , et
le Père F o n l a n a , général des Parnabi les .


Le supérieur du grand séminaire d e d a n d fut renfermé


également a Vincenncs ; deux des professeurs furent
déportés, et les séminaristes incorporés dans des rég i -


ments.


Pie V i l l u i - m ê m e , depuis la fin de 1810 et le c o m -


mencement de 1811, fut traité avec plus de r igueur. On
foui l la les appartements, on visita et enleva ses papiers ,


on exila ou empr isonna ses serviteurs.


Dureste, cettequesl ion a é léoomplé iemcnt traitéealors


par les sa va :i ts écrits qu i furent publ iés sur la matière


Mnzarcl l i , Mgr d'Astros, etc., etc.), et c'est là un point


de droit incontestable, c o m m e l'a de nouveau déclaré,


au sujet des Églises d'Espagne, le pape Grégoire XVI ,


dans l 'Allocution aux ca id inaux du l " mars 18'il.


' Après lia i n i i ' r r i ^ a a . i r e au l 'en vou lu t ic l ' e n a T à d o n n e r sa d é m i s -
-';;>!!, mi à n o m m e r i:i iic;>«iiiie -pii lui ava i t c o m m u n i q u e !c;Bref, d e u x
eîir'ac~ auxque l l e s il se refusa é g a l e m e n t .


i l . U




•Л', il L E T T R E Л M. Е Е R A R O N MOL KOS; E t E l i


l i


E h bien ! Mons ieur , j e suis obligé de vous le dire, et
ici c o m m e n c e malgré moi la partie Irès­péniblc d e m o
tac i le ; mais vous m'y contraignez en m'aecusanl aussi
gravement que vous le faites, et me sommant de m'ex­
p l iquer avec vous devant le publ ic .


C'est contra irement à ces lois de l 'Eglise, conlraire­
ment a ces prescr ipt ions des Papes, et à l'époque même
où la volonté d u Saint­Père sur le relus de l'institution
c a n o n i q u e s'exprimait si ésiergiquement par les trois
Brefs d u 8 n o v e m b r e , des 2 ei 18 décembre 1810, c'est
alors que Mgr Rai l lon , après la mort de Mgr Rousseau,
administra illégitimement le diocèse d'Orléans, et nul­
lement en vertu des bulles qui ne lui furent, jamais don­
nées : « Le Гаре captif, vous ie di ics vous­mêmes, re­
fusa l'institution canonique. :•>


Voici les faits, dont ie détail est ici nécessaire :
Mgr Rousseau était mort le 7 octobre 1810. Le cha­


pitre cathedra! d'Orléans se réunit le 9 et n o m m e de»
vicaires généraux eapitulaires. Aux termes des lois o c
l 'Eglise, son droit élai l é p u r é ,


Le 22 octobre 1810, un décret impér ia l , daté de Fon­
tainebleau , nomme à l 'Évêché d'Orléans M. Rai l lon ,
chanoine de l 'Église de Paris .


Le 21 novembre suivant, M. Bigot de Préameueu , rai­
nislrc des cultes ', adresse a u chapitre la notification
suivante : « L'intention de Sa Majesté esl que ies m o i a ­


1 M . Portai;: était mort en t So, : M. îligol Uc l ' rcamcneu lui avait
ueràlt'­.




lì E L A T I V E A M G R R A I L L O N . 3 7 1


l i res du e l iapi l re s ' a s semblen t de su i te , r e l a t i v e m e n t
a u x pouvo i r s qui sont d a n s l e u r a t t r i bu t ion . »


Le m ê m e j o u r le m i n i s t r e a d r e s s a i ! à M. Haillon la
let t re su ivante :


« Mons ieur l 'Évêque , — Sa Majesté a p e n s é q u e , d a n s
les c i r c o n s t a n c e s p r é s e n t e s , il va la i t m i e u x , p o u r le
service de la Religion et de l 'État , q u e les Évoques n o m -
m é s n'uHi'ndisscnt pas l'institution canonique p o u r se
r e n d r e d a n s l eu r s d iocèses . En a l lan t résider, vous
exécuterez a u t a n t qu' i l es t en vous le déc re t de Sa Ma-
jes té qui u n i s n o m m e Évêque . « Si vous n ' ê t e s p a s e n -
ce core investi de l ' au to r i t é sp i r i tue l le é p i s c o p a l e , vos
a v e r t u s et vos l u m i è r e s n ' e n s e rv i ron t p a s m o i n s
« d ' exemple et de guide p o u r les p e u p l e s don t le soin
« vous esc confié. »


« 11 est d a n s les s e n t i m e n t s de ceux qu i c o m p o s e n t
les c h a p i t r e s , c o m m e d a n s l e u r i n t é rê t , d ' h o n o r e r le
p ré la t q u e la P r o v i d e n c e a des t iné p o u r ê t re à la tè te
de leur Égl ise , afin de faire l e u r b o n h e u r c o m m e celui
de tous les f idèles. . .


«Toui l lez b i e n , Monsieur l ' É v ê q u e , m ' a c c u s c r r é -
cept ion de cel te le l l re , et à vo t re a r r ivée dans vo t re
diocèse, m ' en donne: ' avis ,


« Agréi z, Monsieur l ' É v ê q u e , l ' a s s u r a n c e de m a c o n -
s idéra t ion d is t inguée ,


« Le ministre des cultes : B I G O T D E P R É A M E S E U . »


En c o n s é q u e n c e de cet te le t t re du m i n i s t r e , écr i te le
il n o v o u i b i c , le c h a p i t r e se r é u n i t le 23, et ma lg ré son
i n c o m p é t e n c e , nomme. M. Bâi l lon, Évêque dés igné , a d -
m i n i s t r a t e u r cap i lu i a i r e , le siège vacant .




Lo 10 d é c e m b r e , not i f icat ion officielle est d o n n é e au
c ierge et a u x fidèles d 'Or léans de la n o m i n a t i o n de
M. Haillon c o m m e administrateur c a p i t u l a d o .


Et dès ce mois-là m ê m e , M. Hail lon, sous le litre, de
— <( n o m m é Ë v ê q u e d 'Or l éans , a d m i n i s t r a t e u r c a p i t u -
u i a i r e , le siège v a c a n t , » — administre le diocèse d'Or-
l éans : tous les ac tes , p o u v o i r s de c u r é , d i spenses , léga-
l i sa t ions m ê m e , son t s ignés de lui seul et con t r e - s ignes
p a r le sec ré t a i r e de l 'Évêché , n o n p lus « p a r m a n d e -
m e n t de MM. les Vicaires g é n é r a u x eapilulaircs » c o m m e
a u p a r a v a n t , m a i s s i m p l e m e n t « p a r m a n d e m e n t . » Le
m a n d e m e n t , p o u r le c a r ê m e do 1812 se t rouve m é m o
c o n l r e - s l g n é : « p a r m a n d e m e n t de Monseigneur . »


T o u t cela , a s s u r é m e n t , é ta i t aus s i m a l h e u r e u x que
poss ib le , et a b s o l u m e n t contraire aux lois de l 'Église.
Mais, d i t e s - v o u s , t ou t cela é ta i t lég i t ime, c a r « l ' abbé
« Haillon se r e n d i t à F o n t a i n e b l e a u , aux p ieds du Saint-
« P è r e , et lui d e m a n d a u n e règle de condui te . Sa Sainteté
« lui d o n n a Y ordre d ' a d m i n i s t r e r le d iocèse d 'Or léans . »


Mais d ' a b o r d , s u r cet te condu i t e du Pape à l 'égard
de M. voire, g r a n d - o n c l e , qu i eût été si exceptionnelle,
j ' a i ici u n e difficulté à vous faire, et j ' a v o u e que j ' a i eu
b e a u en c h e r c h e r la so lu t ion , j e ne l'ai p a s pu t rouver .
C'est a u moi s de. d é c e m b r e 1810 q u e M. vot re g r a n d -
onc le c o m m e n c e à a d m i n i s t r e r le diocèse d 'Or léans , et
ce n 'es t q u e le 20 ju in 1812 q u e le Pape Pic M í est
a m e n é à F o n t a i n e b l e a u . C o m m e n t M. vot re g r and -onc l e
a-f-il p u recevoir à Fontainebleau un ordre du Pape
qui n 'y étai t p a s ? — Je vois b i en u n e le t t re de M. vo t re
g r a n d - o n c l e , à la da te d u 3 n o v e m b r e 1810. où il est
pa r l é d 'un rouage inattendu qu ' i l du t faire à celte, r é s i -
d e n c e impériale ; m a i s à cet te époque ce n 'es t p a s le




R E L A T I V E A M o n R A 1 E L O X .


P a p e , ma i s l ' e m p e r e u r , qu ' i l IrouvaiL au pa la i s de F o n -
t a ineb l eau , où b.uil j o u r s a u p a r a v a n t sa n o m i n a t i o n à
l 'Évêehé d 'Or léans avait été s ignée p a r l ' e m p e r e u r . —
•fe suis donc obligé de c o n c l u r e q u e , depu i s le mo i s de
d é c e m b r e 1810 j u s q u ' a u m o i s de j u in 1812, M. Pa i l lon
admin i s t r a le d iocèse d 'Or l éans , n o n pa r o r d r e d u P a p e ,
c o m m e vous le d i tes , m a i s , c o m m e j ' a i dû le d i r e , m a l -
g r é le P a p e , qu i ava i t refusé l ' ins t i tu t ion c a n o n i q u e ; et
é v i d e m m e n t ce ne fut pas aux pieds du Saint-Père qu ' i l
al la c h e r c h e r a lors la règle de sa condu i t e .


Voilà donc , déjà, d e u x a n n é e s d ' a d m i n i s t r a t i o n i l lé-
g i t ime, qui ne jus t i f ient q u e t rop l ' a s se r t ion d é m e n t i e
p a r vous ,


Mais, Mons ieur , è t e s - v o u s b i e n sû r d u m o i n s q u e le
P a p e captif à F o n t a i n e b l e a u a r ée l l emen t d o n n é p lus
tard à M. vo i re g r a n d - o n c l e l ' o rd r e don t vous m e p a r -
iez? Quel ([n'ait élé le m a l h e u r des deux a n n é e s p r é c é -
d e n t e s , dans la sui te a u m o i n s son a d m i n i s t r a t i o n n 'eû t
pas été inva l ide .


J e su is forcé de vous d i r e , Mons ieu r , q u e j ' a i v a i n e -
m e n t c h e r c h é la t r a c e de, cet o r d r e ; j e n ' e n ai t r ouvé
a u c u n e : tandis q u e j ' a i du c o n t r a i r e les p r e u v e s les
plus for tes , qui ne p e r m e t t a i e n t , n i à m o i ni à p e r s o n n e
a u t o u r de mo i , de s o u p ç o n n e r m ê m e la poss ib i l i té d ' u n e
p r e u v e opposée q u e l c o n q u e .


Car enf in , si M. ha i l l on avai t r e ç u u n tel ordre, si
i m p o r t a n t p o u r lui et p o u r tous , — c a r t o u s ava i en t b e -
soin de le c o n n a î t r e , — un o r d r e si p r o p r e à c a l m e r les
consc i ences et r égu l a r i s e r sa pos i t ion , se ra i t - i l c o n c e -
vable qu ' i l l ' eût s o i g n e u s e m e n t t e n u c a c h é à tou t le
m o n d e ? qu ' i l n ' en ail pas dit, q u e l 'on s a c h e , le m o i n -
dre mot à qu i q u e ce soit ?




8 7 4 L E T T R E A M . L E B A R O N MOLROGU1EU


Ni à l ' o m p c r e n r , si i n t é r e s sé d a n s cet te aiï;iire ;
Ni a u x a u t r e s É v ê q u e s n o m m é s , ses co l lègues , dont


la pos i t ion étai t auss i i r r égu l i è re et auss i m a l h e u r e u s e
q u e la s i enne ;


Ni au c lergé et aux fidèles d 'Or léans dans les vives
con te s t a t ions qu i s ' é levèren t p u b l i q u e m e n t sur la légi-
t imité et la va l id i t é de ses p o u v o i r s ;


Ni au c h a p i t r e , à qui il impor t a i t si for! do conna î t r e
l 'acte pont i f ical qu i eû t été u n e rat if icat ion p o u r
l ' aven i r de la dé l i bé r a t i on cap i ln l a i r e du 23 novem-
b r e 1810;


\ i aux a u t r e s v ica i res cap i tu l âmes , don t , à p a r t i r d u
13 août 1814 j u s q u ' a u 22 avri l 1816, on r e t r o u v e la s i -
g n a t u r e jo in te à la s i e n n e au b a s des m a n d e m e n t s et
des c i r c u l a i r e s ? — p r e u v e q u ' o n jugea i t la s i enne in -
suffisante.


Mais si M. ha i l lon adminis t ra»! par ordre du P a p e ,
c o m m e n t donc se fait-il q u e les p rê t r e s n o m m é s p a r lui
à des c u r e s o u à d e s succu r sa l e s (bins le d iocèse d 'Or-
l é a n s , a p r è s a v o i r r e ç u des p o u v o i r s signés de M. hai l lon,
a l la ient d e m a n d e r la s i gna tu re d 'un vicai re cap i ln la i r e ,
qu i l ' accorda i t ? C'est ce qu i est a t tes té par la notor ié té
p u b l i q u e , p a r des p r ê t r e s qui vivent e n c o r e , cl. enfin
p a r le t émoignage écri t d 'un des v ica i res capi tulâmes de
ce t emps- là .


C o m m e n t se fait-il q u ' u u e très-grande•partie des ec-
clésiastiques cï'Orléans, d a n s un écrit publié' en 1 s l q , at-
t e s t en t , s ans r e n c o n t r e r u n e c o n t r a d i c t i o n , q u e tons les
cardinaux qui ont passé par Orleans, en r evenan t de
F o n t a i n e b l e a u , « et qui do ivent ê t r e bien informés de la
« p e n s é e du Chef de r î ' .glïse, se sont accordés à décider
« que les pouvo i r s de M . Pai l lon é ta ient inval ides ? »




R E L A T I V E A S i e n R A I L E O N . 375


Je le d i ra i m ê m e : l o r s q u e , le 27 j a n v i e r 1Ml\, le P a p e
passe à Or léans el y d o n n e t ro is fois la b é n é d i c t i o n p a -
pa l e , à la por te Bourgogne , s u r la p lace du Mar l ro i , et à
l ' en t rée du pont , c o m m e n t e x p l i q u e r q u e M. Rai l lon ,
admin i s t r an t , c o m m e vous le p r é t e n d e z , p a r son o r d r e ,
l 'Église d ' O r l é a n s , n ' a i t p a s é té in formé de son p a s s a g e ,
ou , le s a c h a n t , n ' a i t pas élé lui p r é s e n t e r ses h o m m a g e s ?
C e p e n d a n t M. Raillon étai t à Or l éans , et le l e n d e m a i n
m ê m e 28 j a n v i e r , il y pub l i a i t son d e r n i e r m a n d e m e n t
pour l ' e m p e r e u r , cl d e m a n d a i t , d a n s u n s e n t i m e n t de
pa t r i o t i sme q u e je n e pu i s ici q u ' h o n o r e r , la p r o t e c -
tion de Dieu p o u r la F r a n c e c o n t r e l ' invas ion é t r a n g è r e .


Mais, si M. vo t re g r a n d - o n c l e étai t inves t i p a r le P a p e
l u i -même d ' une au to r i t é l ég i t ime , c o m m e n t vou l ez -vous
que j ' e x p l i q u e e n c o r e cet te vive et l ongue g u e r r e d ' é -
crils faite p a r le clergé d 'Or léans à cet a d m i n i s t r a t e u r
apos to l i que du d iocèse , g u e r r e q u e d ' u n seu l m o t il
pouvai t é t e i n d r e ? Mais ce m o t , si n é c e s s a i r e , M. Haillon
ne le dit pas : cet o r d r e , si pé r e sup to i r e , il ne le p rodu i t
j a m a i s .


11 p a r a î t en 1814 u n m é m o i r e in t i tu lé : a Opinion des
c h a n o i n e s d 'Or léans en r é s i d e n c e à Blois, s u r les p r é -


•i ' end ' j s pouvo i r s de M. J a c q u e s Hail lon, n o m m é à l ' E -
« véché d 'Or léans , a d m i n i s t r a t e u r c a p i t u l a i r c , le siège
"•< vacan t . »


Un p a r t i s a n de M. Hail lon, P ie r r e -É l i c Seiilî, r é p o n d à
ce m é m o i r e pa r u n e b r o c h u r e in t i tu lée : Triomphe de la
Vérité : là, il i n v o q u e b ien les p r i n c i p e s d 'un ga l l i ca -
n i sme si o u t r é qu' i l p a r u t vois in du s c h i s m e , m a i s de
\ ordre du Pape, p a s u n mot . Aussi cet o p u s c u l e fut- i l
réfuté s a n s pe ine p a r la b r o c h u r e de l ' abbé t l landin, l'Er-
reur démasquée.




37« I . K T T U E A M. I.K i î .USO.N M O I . R O G H K I t


Ce n'est pas loul : Quarante ecclésiastiques d'Orléans
font une adresse aux vicaires capl lulaires, dans la -
quelle ils conteslent la validité des pouvoirs de i l . Hail lon :


l'adresse est suivie d'un opuscule intitulé : Justipcalhn
de la conduite qu'une très-grande partie dis ecclè,si<i-<-
iiques d'Orléans vient de tenir a l'égard de il. Haillon
nommé a l'Evêch.è, d'Orléans.


É m u s de toutes ces contestations, et sentant la néces-


sité de défendre 31. Hail lon et de se justifier eux-mêmes,


les vicaires généraux capitulâmes s'assemblenl. Certes,


c'était le moment , ou jamais , de parler, ne fût-ce qu'à


mois couverts, de l'ordre du Saint-Père, ou de p r o d u i s •
la preuve écrite dont vous parlez, si elle avait eu une


va leur rée l l e ; mais de cet ordre du P a p e , de cet!-,'


preuve écrite, dans la longue dél ibération que j 'ai sou;-,


les veux, pas un mot.


Bien p l u s , M. Rai l lon l u i - m ê m e , après avoir re. a


c o m m u n i c a t i o n de cette dél ibérat ion, adresse une let i iv


au chapitre : pour appuyer son autorité, le mot si né-


cessaire et si péremplo i re , ce seul mot , le dit-i l? cet


ordre, l'iuvoque-t-il? A o n , il annonce seulement que,
pour ca lmer toute inquiétude, « à l'avenir tous les actes


u de jur id ic t ion qu i émaneraient de l 'administration dio-


« césaine seraient revêtus au moins de la signature de


« deux vicaires capitulaires ; » mais de l'ordre du Pape,
ici encore, pas un mot.


La guerre d'écrits ne cesse pas : deux brochures ayant


pour titre : Suite de la justification, Seconde suite de la
justification du clergé d'Orléans, etc., paraissent encore :
tels étaient, Monsieur, les troubles, les inquiétudes que
les funestes démêlés de l 'empereur avec le Pape avaient
jetés dans le d iocèse ; et toujours de l'ordre du Pape, de




\ Y . \ e A M C R l i A i i . I . O . V . 377


cet o r d r e qui cu l mi s fin a lonlo d i s p u t e , cl ca lmé
tou t e s les consc iences , pas un m o l .


Enfin, vous ignorez p e u l - ê i r e , Mons ieur , q u e l o r s q u e
Mgr Haillon lui nomme ' Évoque de Dijon en 1829, la con-
duite qu' i l ava i t t enue à Or léans fil une g r a n d e et l o n g u e
difficulté avec Rome : c 'étai t b ien le cas a lors de c o u p e r
c o u r t à toute difficulté en a l l éguan t l ' o rd re du P a p e ; il
n ' e n fut p a s dit un mot .


Je suis d o n c , Monsieur , t rop au to r i s é à p e n s e r , dit
m o i n s j u s q u ' à p r e u v e sé r i euse du c o n t r a i r e , q u e cet
ordre du P a p e , q u ' o n n ' a j a m a i s pu ni vou lu p r o d u i r e ,
ne r e p o s e q u e s u r une méprise. Tou te s les p i èces c o n -
n u e s , t o u s ies souven i r s a u t h e n t i q u e s , tous les d o c u -
m e n t s ce r ta ins , t o u s les raisonnements le démentent;
et il fard a v o u e r q u e . si cet o r d r e exista j a m a i s ,
l ' i gnorance dans laque l le on a tou jours la issé à cet
égard le c lergé et les fidèles d 'Or léans , est u n e des
choses les p lus extraordinaires q u i se pu i s sen t c o n c e -
voir.


Vous di tes : « Quand je n ' a u r a i s p a s cel te p r e u v e , les
faits p a r l e n t d ' e u x - m ê m e s . » A s s u r é m e n t , M o n s i e u r ,
« les faits pa r l en t d ' e u x - m ê m e s ; » il faut a v o u e r q u e .
j u s q u ' à présent, ils ont pa r l é b ien contrairement à vot re
asse r t ion .


Les faits m ê m e s q u e vous al léguez m a n q u e n t v r a i -
m e n t p a r t rop d ' exac t i tude : « La R e s t a u r a t i o n , d i t e s -
v o u s , lui la issa l ' admin i s t r a t i on de ce m ê m e diocèse
jusqu'en 1 8 1 8 ; le g o u v e r n e m e n t lui c o n t i n u a son Irai-
teme.nl <j)is<:opal j u s q u ' a u j o u r où il l ' appela l u i - m ê m e
au siège de Dijon. » Si ces déta i ls son t e x a c t s , Mon-
s ieur , vou lez -vous a lors m ' e x p l i q u e r c o m m e n t , d a n s
Y Ami de la Religion, non de l ' année 1818, m a i s d u




3 7 8 L E T T R E A M. L E 1 ! A R 0 N ' 31 0 E R O G L I E R


15 mai 1816, lome Ylff, page 9, je lis les p h r a s e s sui-
v a n t e s : « Sa Majesté vient d ' a c c o r d e r une pension à
M. l ' abbé Hail lon, anc ien c h a n o i n e do Pa r i s , el depuis
n o m m é à l 'Evèché d 'Or l éans . En m ê m e t e m p s cet ecc l é -
s i a s t ique a é té invité à qu i t t e r cel te d e r n i è r e ville où sa
p r é s e n c e é ta i t d é s o r m a i s inut i le , et où il n ' ava i t a u c u n
t i t re p o u r r é s i d e r . » — En effet, à pa r t i r de ce m o m e n t ,
la s i g n a t u r e do M. P.ailion no se t r ouve p lus nul le p a r t
a Or léans .


Tous ajoutez : << Es t - ce ma lg ré le Pape qu ' i l fut sac ré
Evoque de Dijon, ins t i tué A r c h e v ê q u e d'Aix, qu ' i l r eçu t
le pallioen, e t c . ? » P o n n " ! l ez -moi , Monsieur , de vous
dire q u e , dans m a hHlre du h lévrier , il n 'y a p a s un
seul m o t de tou t cela . — S e u l e m e n t , vous m'oblige?,
encore, ici de le-rapp>der : ce ne fut pas sans g rave o b -
jec t ion q u e , t re ize a n s a p r è s avo i r qui t té O r l é a n s ,
M. hai l lon fut élu, et r eçu t du P a p e l ' ins t i tu t ion c a n o n i -
q u e p o u r Dijon, — Mais j ' a i dit, à sa l ouange , qu ' i l se
réconci l ia avec le Sa in t -S iège ; à mon g rand é t o n n e -
m o n t , c 'est là s u r t o u t c i - qui v o u s b l e s s e '• « Ali ! Mor.-
s e i g n e u r , ceci est t rop fort, en b o n n e consc ience . En
que l l e occas ion Mgr Haillon se ré •oneil ia-l- i l avec l 'E-
gl ise? » P r o b a b l e m e n t plus t ô t , j ' a i m e à le c ro i r e , niais
c e r t a i n e m e n t , Mons ieur , au plus tard à l ' époque et à
Voccasion de sa n o m i n a t i o n à l 'Évôché de Dijon : vous
p o u r r e z t rouve r à la chance l l e r i e r o m a i n e toutes les
p i èces q u i p r o u v e n t ce q u e j e dis ici à l ' h o n n e u r de
M. vo t re g randi -onc le .


11 n e se peu t , d ' a i l l eu r s , q u e l 'on conc lue de mes
p a r o l e s , c o m m e l'a fait vo t r e log ique é m u e , q u e
M. Rail iou n 'est q u ' u n anc ien apostat réconcilié; ce
n ' e s t n u l l e m e n t d'apostasie qu ' i l e»l ques t ion d a n s m a




R E L A T I V E A M e » R A 1 L L 0 N . 379


l e t t r e , m a i s de l ' a d m i n i s t r a t i o n i l légi t ime d 'un d iocèse .
M a i n t e n a n t , Monsieur , si j ' a i eu la t r i s t e sse de p a r l e r


de M. vo t r e g r and -onc l e , et de le c o m p a r e r , non p a s à
Mgr de J a r e n t e , ce n ' a j a m a i s é té m a p e n s é e , m a i s à
Mgr Rousseau , d a n s des t e r m e s qui vous on t a t t r i s t é ,
c 'est q u e , d ' u n e p a r t , je le r é p è l e , les doc l r ines p r o f e s -
sées en 1810 p a r celui de m e s p r é d é c e s s e u r s q u ' o n
m ' o p p o s a i t d i r e c t e m e n t , et l e u r ident i té avec les p r i n -
cipes qu i furent app l iqués la m ê m e a n n é e d a n s la n o -
m i n a t i o n de son s u c c e s s e u r , n e m e p e r m e t t a i e n t p a s de
les s é p a r e r ; et que , d ' a u t r e p a r t , il faut l ' a v o u e r avec
dou leu r , ce q u e M. Haillon a eu le m a l h e u r de fa i re , la
c o m p l a i s a n c e à l a q u e l l e il n ' a pas eu le c o u r a g e de se
r e fuse r , es t p lus g rave e n c o r e aux y e u x de l 'Église q u e
ce q u e ce q u ' a dit ou fait Mgr Rousseau .


Ce q u e j ' a i dil su r Mgr R o u s s e a u suffit, je n ' a i pas à y
r even i r : je n ' a i vou lu , d a n s nia le l l re du A févr ier , éta-
blir q u ' u n e chose , c 'est que l 'Evêque don t on i n v o q u a i t
si i m p r u d e m m e n t la d o c t r i n e et le n o m c o n t r e l 'Église,
n 'es t pas u n e au to r i t é ; q u e sa d o c t r i n e est, n o n p a s con-
fo rme , m a i s c o n t r a i r e à celle de l ' anc ien É p i s c o p a l f r a n -
çais ; et q u e ses l eçons , s'il n o u s en d o n n a i t , n ' é t a i e n l p a s
ceifes d 'un m a î t r e . Ces poin ts i m p o r t a n t s , m a l g r é tou t
ce q u ' o n p o u r r a d i re de moi , d e m e u r e n t : et ce n ' es t
pas l 'Église qu i m e r e p r o c h e r a de les avoir cons t a t é s .
— Ceux-là m ' o n t forcé à le faire qu i les p r e m i e r s on t
r e m u é la c e n d r e des m o r t s . — La p lus g rave in ju re
qu ' on pu isse infliger à ceux qu i n e son t p l u s , c 'est de
les é v o q u e r con t r e l 'Église ; et la p lus é t r ange des i n ju s -
tices, c 'est d ' a c c u s e r ceux qu i , i n d i g n e m e n t p r o v o q u é s ,
n 'on t fait q u e la dé fend re .


Mais enfin, Mgr R o u s s e a u fut Évoque d 'Or l éans , il ad-




380 L E T T R E A M. LE i iAKoA V! 0 LRO G E I E R


m i n i s l r a l ég i t imemen t io d iocèse d 'Or léans . 1! n 'en f a t
p a s de m ê m e de M. vo t re g r a n d - o n c l e .


A u n e é p o q u e d o u l o u r e u s e , e t d o n t il vaudra i t mieux
é c a r t e r q u e r a p p e l e r les t r i s t es s o u v e n i r s ; q u a n d le
P a p e p r i s o n n i e r é ta i t c o n d a m n é à r e c o u r i r à ces g raves
m e s u r e s du refus d ' in s t i tu t ion , d a n s son droi t s u p r ê m e
l ' a r m e c o n t r e la v io lence et l ' in iqui té ; q u a n d les h o m -
m e s fidèles à l 'Eglise a u t o u r d e lui ; q u a n d des c a r d i n a u x ,
des é v o q u e s , ries p r ê t r e s sacr i f ia ient l e u r r e p o s à l eur
c o n s c i e n c e , et q u e , p o u r avoir publ ié ces m ô m e s Prêts
qu i c o n d a m n a i e n t c e s p r i ses de possess ion an t i - canon i -
q u e s , ils s e l a i s sa ien t e m p r i s o n n e r , si . Haillon a t rop
f e r m é les y e u x su r c e qu ' i l eu t é té de son devoir de
faire. Voilà c e qu i fut p lus t r is te q u e des l ouanges e x a -
g é r é e s et a d u l a t r i c e s . Non, Monsieur , j e ne c o n d a m n e
p a s , c o m m e on m e l'a r e p r o c h é avec peu d e jus t i ce , j e J I O
c o n d a m n e p a s , d a n s un m i n i s i r e do l 'Église, les accents
du p a t r i o t i s m e ; ma i s j e ne les confonds po in t avec ces
excès d ' h y p e r b o l e qu i , a lo r s , p e n d a n t la capt ivi té du
P a p e , c o n v e n a i e n t m o i n s q u e j a m a i s .


Vous di tes q u ' o n « doit r e n d r e à César c e qui a p p a r -
a t ient à César. » Mais q u ' e s t - c e qui a p p a r t i e n t à César .'
— La d igni té d e F à m e et les consc i ences ne sont pas
c h o s e s qu i a p p a r t i e n n e n t à César , cm à qu i q u e c e soit
su r la t e r r e . — On peu t r e n d r e à César ce qu i a p p a r -
t i en t à César et g a r d e r u n e m e s u r e , u n e digni té d a n s la
l o u a n g e ; et q u a n d on a dit d 'un e m p e r e u r d e b o u t des pa-
ro les q u e , p a r m é n a g e m e n t , j e n e veux pas r a p p e l e r i c i ,
il n e convien t po in t , q u e l q u e s mo i s a p r è s , q u a n d cet e m -
p e r e u r est t o m b é , j e n e dis p a s d e faire un m a n d e m e n t
p o u r le r e t o u r de son s u c c e s s e u r , ma i s d 'oub l i e r , en
p a r l a n t d u s o u v e r a i n d é c h u et captif, la r é se rve q u e les




Il Y. I, AT i Y K A M c i ! H A I L L O N . 3 S I


•doges d o n n é s h ie r c o m m a n d e n t aux p a r o l e s d u l e n d e -
ma in , (l'est, là, Monsieur , tout le s e n s des r a p p r o c h e -
m e n t s que j ' a i faits ; n ' i n s i s tons p a s d a v a n t a g e


En ré sumé d o n c , Mons ieu r , voici , d ' a p r è s tous les
laits c o n n u s , d ' a p r è s tous les d o c u m e n t s ayan t u n e va-
leur s é r i e u s e , la s imp le véri té : c 'est q u e M. Hail lon, qu i
é tai t u n h o m m e d ' e s p r i t , u n h o m m e é l o q u e n t , u n
h o m m e ins t ru i t , ma i s p a s assez toutefois su r l ' h i s to i re
et les lois de l 'Église, s 'est t r ouvé d a n s u n e s i tua t ion
m a l h e u r e u s e , où il a u r a i t fallu un g r a n d c a r a c t è r e ; il
«si a m a n q u é : et cet te défai l lance a fait q u e d ' une pa r t ,
n o n o b s t a n t les lois ecc l é s i a s t iques et ma lg ré le P a p e , il
a a d m i n i s t r é , s a n s pouvo i r s , u n d iocècc : n e l 'eûf-il fait
q u e deux a n n é e s , ce sera i t a s s u r é m e n t un g r a n d m a l -
h e u r , et j ' a i c ru i m p o r t a n t de d é t r u i r e l ' au to r i t é d ' un
tel e x e m p l e ; d ' a u t r e p a r i , M. Haillon a m a n q u é éga l e -
men t de m e s u r e d a n s son l a n g a g e , d a n s ses l o u a n g e s
c o m m e d a n s ses b l â m e s .


Qu'il se soit fait i l lusion , je n ' a i p a s à l ' e x a m i n e r ;
qu ' i l ait , d a n s la suilo de sa vie , réparé, ses tor ts et
la issé , à Dijon et à Aix, d ' h o n o r a b l e s s o u v e n i r s , je su is
loin de le m é c o n n a î t r e ; m a i s , dans une cause où les p lus
g rands p r inc ipes sont engagés , et s u r des é v é n e m e n t s
h i s to r iques qu'i l es t d ' une si g r a n d e i m p o r t a n c e de b ien
juger , je devais défendre et p t o c l a m e r l a vér i té . Je vous
devais mes r a i sons et tn .es p r e u v e s , M o n s i e u r : je les de-
vais nu publ ic .


En tous cas , si ma lg ré t an t de p r e u v e s q u e j ' a i d û
c ro i re décis ives , je me suis t r o m p é ; si vous avez des
p ièces nouvel les , des r e n s e i g n e m e n t s i n c o n n u s et sû r s
à me p r é s e n t e r , je serai h e u r e u x d 'en d o n n e r c o n n a i s -
sance au c lergé d ' O r l é a n s , de les cons igner d a n s n o s a r -




3 8 i L E T T R E Л M. L E B A R O N M O L R O G U 1 E R


ch ivcs , et d'effacer ains i d a n s m o n diocèse de r eg re t t ab les
s o u v e n i r s .


11 y a d u r e s t e ici u n e a l t e rna t i ve bien s imple :
Ou b ien vos p r e u v e s s c r o n t d é f r u i t e s p a r l e s m i e n n e s ,


et v o u s en c o n v i e n d r e z s a n s difficulté et auss i sans t rop
de r eg re t s , p u i s q u e M. vo t r e grand ­ oncle eût ­ il été en
faute , cel te faute ne fut p a s celle clc sa vie en t iè re .


Ou bien vos p ièce s i n f i rmeron t les m i e n n e s , et je le
d é c l a r e r a i s a n s r e m o r d s , p u i s q u e mes p r e u v e s é tab l i s ­
sent m a b o n n e f o i ; et auss i s a n s c h a g r i n , car je serai
r av i d 'avo i r à d é c h a r g e r la m é m o i r e d 'un Évèque des
t aches qui p e u v e n t le rn i r sa b o n n e r e n o m m é e .


Ainsi se ra clos u n inc iden t q u e je n e r eg re t t e p a s .
pu i squ ' i l en doit sor t i r o u la jus t i f icat ion d'un innocent ,
ou la conf i rmat ion d ' u n e i m p o r t a n t e l eçon .


Perme t t ez ­mo i , .Monsieur, en f inissanl , de r appe le r un
a u t r e s o u v e n i r don t m o n â m e a b e s o i n , et des paro les ,
il est \ ra i , t rop g r a n d e s p o u r m o i , mais qui ont été reu
d u e s n é c e s s a i r e s .


ISossuet autrefois , r e p o u s s a n t les i m p u t a t i o n s qu 'on
affectait de r é p a n d r e sur ses motifs et s u r ses procédés ,
disai t avec u n e n o b l e f i e r t é : « Quan t à ceux qui ne
p e u v e n t se p e r s u a d e r q u e le zèle de défendre la vérité
soit p u r , ni qu'elle­ soit assez belle p o u r l 'exci ter toute
seule , n e n o u s fâchons pas c o n t r e eux. \'o c r e v o n s pas
qu' i ls nous j ugen t p a r une m a u v a i s e v o l o n t é , et ap rè s
tout , c o m m e dit saint Augus t in , cessons de nous é t o n n e r
qu' i ls i m p u t e n t à des h o m m e s des défau t s h u m a i n s , и


j e n'ai pas le droi t de p a r l e r ici ap rè s b o s s u e ! ; mais
p u i s q u e , î n a l g r é ' m a fa ib lesse , j ' a i élé appelé à défendre
u n e c a u s e sac rée con t re des a t t a q u e s \ iu l in imcnf ré i té ­
r ée s , je pu i s du m o i n s le dire en e m p r u n t a n t q u e l q u e




l i i a . A T l V i ; A àlr.r. î i . U L I . O N . 383


chose du langage de ce g r a n d Évoque : « J 'a i v o u l u d é -
fendre la v é r i l é e l f h u n n e u r d e l 'Église, p a r des p a r o l e s
qu i n ' on l s emblé m i l e s peuL-êlre q u e p a r c e qu 'e l les
é t a ien t p r o p r e s , et qu i n'onL élé e m p l o y é e s q u ' à c a u s e
(pie l ' exp res s ion é ta i t n é c e s s a i r e . Si j ' a v a i s affecté des
dé l ica tesses , on ne m ' a u r a i t p a s e n t e n d u , et j ' a u r a i s
t r a h i p e u t - ê t r e la cause, (pie je deva is défendre . »


Nous p o u v o n s tout souff r i r ; mais n o u s n e p o u v o n s
souffrir q u ' o n biaise p o u r peu q u e ce soit sur les p r i n -
cipes de la Religion, fie n ' e s t q u ' à l ' ex t r émi té q u e j ' a i
dû en venir là , q u a n d l ' e r r eu r s emb la i t devoi r t r i om-
p h e r . Si j ' a i l'ail a n t r e c h o s e , q u ' o n me le m o n t r e : si
c 'est là ce que j ' a i fait, Dieu s e r a m o n p r o t e c t e u r c o n t r e
les a t t a q u e s des e n n e m i s de l 'Eg l i se , e lc . , s'il le faut
auss i , con t re les mol l e s ses du m o n d e ei ses va ines com-
plaisance.- .


Quan t aux u l s i u s s e s des v r a i s c h r é t i e n s , s u r ce po in t
et su r b e a u c o u p d 'aulrc:s , j e les c o m p r e n d s el j e les par-
tage. Ce qu i l e s consoie iT. i l , ce ne serait, p a s . l ' a b a n d o n
du Saint-biége par ses n a t u r e l s et s i n c è r e s d é n ' u s e u r s '•
c 'est le d é v o û m e n t u n a n i m e de nos tunes à la c a u s e et
aux dou leu r» du Vicaire de Jé sus -Chri s . i .


Unis c'est t isse/ , rot é t ions r niin au \ r a i ci g r a n d d é -
b a l qui émeut tous les c a t h o l i q u e s , cl qu i , m a l h e u r e u -
s e m e n t , n 'est pas t e r m i n e ; et a i d a n t qu' i l d é p e n d r a de
n o u s , n e n o u s l a i s sons plus d é i o u r n e r p a r tes d ive r -
s ions . Qu 'on cesse d é s o r m a i s d ' o p p o s e r l ' exempte des
m o r t s à la c o n d u i t e des v i v a n t s , qui e s i , g râce à Dieu,
ce qu 'e l le doi t ê t r e , c o u r a g e u s e , ae l ive , wgiianlo , l ' ex -
p re s s ion enfin d u / é lo le plus lég i t ime et d 'une pas s ion
don t n o u s n e c h e r c h e r o n s pas à noua excuse r , ca r c 'est
la g r a n d e et nob le pass ion du b i e n . l ' a m o u r p o u r i 'E-




:i8i L E T T R E A IL L E iî A KO ,\ M 0 1 . R O G I T E R , E T C .


glise et p o u r la socié té , don t les d e s t i n é e s , m e n a c é e s
p a r les m ê m e s c o u p s , son t i n s é p a r a b l e s , et dont les fon-
d e m e n t s , je l ' e spè re , d e m e u r e r o n t unis d a n s ces profon-
d e u r s o ù la m a i n de Dieu les p o r t e , p o u r la s écu r i t é des
â m e s et p o u r la pa ix d u m o n d e .


Veuillez ag rée r , Mons ieur le J ia ron , l'hommage de ma
c o n s i d é r a t i o n d i s t i n g u é e ,


-j- F E U X , Évoque d 'Or léans .




L E T T R E


R e l a t i v e à l ' Œ u v r e d u D e n i e r d e s a i n t P i e r r e


Je n e vous a p p r e n d r a i r ien q u e vous ne sachiez déjà,
N. T.-G. F . , en vous d i san t q u e les m a l h e u r s du S o u -
verain-Pont i fe ne t o u c h e n t pas à l e u r t e r m e , e t q u e les
angoisses de son c œ u r , auss i b ien q u e son d é n û m e n t
et ses d é t r e s s e s , c ro i s sen t c h a q u e jou r . Les in iqu i t é s
dont il est depuis deux a n s la v ic t ime su ivent i m p u n é -
m e n t l eu r cour s ; la spol ia t ion succède à la spo l ia t ion ,
et la dépossess ion totale et déf in i t ive , bu t c a c h é des
p r e m i è r e s u s u r p a t i o n s , a é té enfin h a u t e m e n t a n n o n c é e ,
et fixée i n s o l e m m e n t à six m o i s . Tel est le d e r n i e r délai
q u ' o n d o n n e au Sain t -Père .


Je ne dirai pas s e u l e m e n t tous les c œ u r s c a t h o l i q u e s ,
mais tou tes les âm es h o n n ê t e s , nos f rères s é p a r é s e u x -
m ê m e s , sont é m u s de tels a t t e n t a t s , où l ' hypocr i s i e le
d i spute à l ' i m p u d e n c e ; ma i s ce n ' e s t p a s assez de g é m i r
et de s ' i nd igne r s i l enc i eusemen t . Si la t r i s tesse d é s a r m a i t
la p r évoyance , s i , en face de tan t de m a u x , nos c œ u r s
défa i l la ient , si n o u s ne sav ions p lus voi r à t r ave r s nos
l a r m e s , no t r e dou l eu r ne sera i t ni s e n s é e , ni c o u r a -
geuse . S a c h o n s donc , ap r è s avoir p l e u r é et p r ié , s a c h o n s
réfléchir et agir .


n . 25




1


Le. Chef s u p r ê m e de l 'Église u n i v e r s e l l e , le Vicaire de
Nui re -Se igneur Jésus -Chr i s t sur la t e r r e , dépouillé" tout
à c o u p , et p a r l ' agress ion la p lu s od ieuse , de la p r e s q u e
tota l i té de ses Éla t s et de toutes ses r e s s o u r c e s , se voit
r é d u i t aux beso ins les plus e x t r ê m e s , d i sons le mot , —
car ce n ' es t pas u n e h o n t e , c 'est un h o n n e u r d a n s le
Chr i s t i an i sme , — à la p a u v r e t é .


Un tel élat de choses n ' impose- l - i l aucun devoi r aux
ca tho l iques ? Vont- i ls en ce m o m e n t r ien à fa i re? Telle
est ia ques t ion .


Ce n ' es t pas é v i d e m m e n t de la p a u v r e t é pe r sonne l l e
de Pie IX qu ' i l s 'agit ici. P ie IX le p r e m i e r n o u s b l â m e -
ra i t de tenir t rop de c o m p t e de ses p r o p r e s souffrances.
Pieu de plus m o d e s t e et de plus s imple , on le sa i t , que
l ' ex i s t ence pr ivée de ce pieux Pontife . Sous ce r a p p o r t ,
il n 'est p a s devenu p a u v r e : il l ' é ta i t , il le fut tou jours ,
il veuf tou jours l 'ê t re . Ce n 'es t pas lui qui se p la indra
de cel le r e s s e m b l a n c e avec Jésus-Chr i s t ; e t Piossuct, en
s ' a p p u y a n l su r nu g rand e x e m p l e de plus , p o u r r a i t r e -
faire ici , à un at t i re point de vue, son s e r m o n su r l 'é-
n u n e n l e dignité du P a u v r e d a n s l 'Eglise.


Ce q u e le g r a n d sa in t Paul disai t autrefois de lu i -
m ê m e , le Sa in t -Père est p rê t à le dire c o m m e lui : « Le
« pain de c h a q u e j o u r , et un v ê t e m e n t p o u r n o u s c o u -
« vr i r , c'en est assez p o u r n o u s : Alimenta et ([uibus le-
» yu-mur, liin cuiilenti sumus \ » \ o n : Celui qui du




D E N I E R D E S A I N T P I E R R E , 3 8 7


l i an t de la cha i r e apos to l ique enr ich i t le m o n d e en t ie r
des t résors de la foi et de la cha r i t é évnngé l ique , ( àdu i -
là es l ime peu !a r ichesse t e r r e s t r e ; l ' ind igence ne lui
dépla î t pas : sicut egentes, million antem locuplelanles ;
et s'il n 'é ta i t ques t ion q u e de sa p e r s o n n e , Pie 1 \ m a u -
rai t besoin d ' a u c u n effort p o u r pense r et r e d i r e tou jours
avec l 'Apôtre des na t ions : « Je sais p o r t e r l ' humi l i a t ion
« cl pâ l i r d a n s l a d é l r e s s e a u s s i bien q u ' ê t r e d a n s l ' a b o u -
ti r lance. Je sais souffrir la faim aussi bien q u ' ê t r e r a s -
(i sas ié . J 'a i appr i s à me t rouve r b ien d a n s i ou les les
« p lus c o n t r a i r e s for tunes . Srh Iniinitiiiri, srio et obun-


» dure et satiari, et e-mrire, et iibundare, et penu-
« riam pati : uhiqueet in omnibus insliliitus sum » Et
enco re avec le m ê m e apô t r e , il a jou te ra i t : « Je ne dés i re
u ni l 'or , ni l ' a rgen t d ' a u c u n de vous : Avgentum et
« anrum nullias eonctijiiei-. »


N o n , N. T.-G. F . , ce n ' es t pas p o u r l u i . c 'est p o u r
n o u s que le Souve ra in -Pon t i f e a beso in de r e s s o u r c e s :
ce n 'es t pas l ' h o m m e i c i , c 'est no t r e Pontife et le l îoi
de n o i r e cité sa in te qui est devenu p a u v r e d a n s Pie IX.
C'est pa r ce q u e le Pontife a été fait lîoi p a r l a P r o v i -
dence qu' i l peu t sou ten i r les c h a r g e s et la dignité d u
souve ra in Pontif ical sans r ien d e m a n d e r ni r e d e v o i r à
p e r s o n n e ; e t c ' e s ! parce, que la Souve ra ine t é Pontif icale
ser t ainsi p rov iden t i e l l emen t à tou te l 'Eglise, q u e le
droi t ca tho l ique cl e u r o p é e n l'a c o n s t i t u é e ; et c'est p o u r
cela seu lemen t aussi que le Pape Lient, à ce l le s o u v e r a i -
n e t é , qu ' i l veut j u s q u ' a u bou t en r e m p l i r les devo i r s et
en r e v e n d i q u e r les dro i l s , et qu' i l d o n n e en ce m o m e n t
à tous ce m é m o r a b l e exemple d 'un Souvera in , qu i ,


1 P l i i l l p r i . , i v , 1 1 , 1 . — 8 AcE, \ x x , 2 3 .




3 8 8 D E N I E R D E S A I N T P I E R R E .


c o m m e u n cap i t a ine de n a v i r e , p e n d a n t le nauf rage ,
n ' a b a n d o n n e p a s son b o r d , t an t qu ' i l r e s t e u n e p l a n c h e
e n t r e lui et l ' ab îme .


Aucune subt i l i té n e p e u t n o u s e m p ê c h e r de vo i r tout
ce la , et de sen t i r les obl iga t ions qui en r é su l t en t p o u r
n o u s , Ca tho l iques .


Le Roi a y a n t é té i n d i g n e m e n t dépou i l l é , le Pontife l 'a
é té d u m ê m e c o u p : ainsi c 'est le P a s t e u r s u p r ê m e de
t o u s les f idè les , le P è r e c o m m u n de la g r a n d e famille
c a t h o l i q u e , c h a r g é du g o u v e r n e m e n t généra l de l 'Église,
obl igé de p o u r v o i r , c h a q u e j o u r , aux frais i m m e n s e s de
cel le vas te a d m i n i s t r a t i o n , et d ' en t r e t en i r lanl d ' œ u v r e s
qu i y sont n é c e s s a i r e s , s ans p a r l e r ici des bas i l iques et
d e t ous les g r a n d s et s ac r é s m o n u m e n t s de la capi ta le
du m o n d e ch ré t i en : c 'est lui , c 'es t ce P è r e augus t e , q u e
des enfants ind ignes a b r e u v e n t d ' ou t r ages , d é p o s s è d e n t
s a c r i l é g e m e n t , et r é d u i s e n t à la p a u v r e t é la p lus ex -
trême. : en d ' a u t r e s t e r m e s , c 'es t l 'Eglise Roma ine , no i r e
Mère à t ous , la Mère et Maît resse de tou tes les Eglises,
c 'es t e l l e - m ê m e en ce m o m e n t qui est p a u v r e , et qui
souffre, et qu i a b e s o i n , d a n s la p e r s o n n e de no t r e
S a i n t - P è r e le P a p e IX.


11 en est qui d i r o n t p e u t - ê t r e : Mais si foules ses a n -
c iennes p r o v i n c e s lui ont été en l evées , n 'habi le- t- i l pas
tou jours Rome et le Vat ican? X'a-t-il pas encore la c a m -
p a g n e qui e n t o u r e la ville é t e r n e l l e ? - O u i , je le, sa i s ,
les m u r s de R o m e et de son p a l a i s , les b ib l io thèques et
les m u s é e s , les j a r d i n s du Vatican et la b a n l i e u e de la
c a m p a g n e r o m a i n e , t o u t ce qui coû te et r ien de ce qui
r a p p o r t e , voilà ce qui lui r es te , Et il en e s t , je le sais
a u s s i , qui t r ouven t q u e c 'est assez. — Eh bien ! n o u s ,
n o u s ne p e n s o n s pas do la sor te . Cette misé rab le d é r i -




D E N I E R D E S A I N T P I E R R E . 3S9


sion no p e u t n o u s suffire, et n o u s e n t e n d o n s r e s p e c t e r
a u t r e m e n t un Pè re v é n é r é , d a n s ses m a l h e u r s et sa d é -
t resse .


Quelle est donc ici la vér i té , s ans m o q u e r i e ni m e n -
songe ? A quo i en est r é d u i t le P a p e ? Le voici : on lui a
en levé ses p r o v i n c e s , et on le la isse s a n s a u c u n e s r e s -
s o u r c e s ; on le la isse avec t o u t e s ses c h a r g e s ; on le
la isse avec des e n g a g e m e n t s don t on n e le dél ie p a s , avec
u n e det te q u e les in té rê ts acc ro i s sen t c h a q u e j o u r ; on
le la i sse avec des fonc t ionna i r e s d e m e u r é s fidèles, et
a u x q u e l s l ' h o n n e u r et l ' h u m a n i t é ne p e r m e t t e n t p a s
qu ' i l r e t i r e sa m a i n ; on le la i sse enfin avec t o u t e s les
c h a r g e s excep t ionne l l es i m p o s é e s p a r l a r évo lu t ion , s a n s
c o m p t e r tou tes les d é p e n s e s exigées p a r ce n é c e s s a i r e
g o u v e r n e m e n t de l 'Ég l i se , don t n o u s a v o n s p a r l é p lus
hau t . Voilà sa s i tua t ion .


Eh h ien ! j e dis qu' i l suffit, de la pe r sp i cac i t é la p lus
c o m m u n e et de la b o n n e foi la p lus vu lga i re , p o u r c o m -
p r e n d r e q u e les q u a t r e m u r s de R o m e et d u Vatican le
la i ssent auss i d a n s l ' imposs ib i l i té ab so lue de faire face à
de tels beso ins .


On peu t là m o u r i r de faim ; on n e p e u t p a s a u t r e chose .


I I


El m a i n t e n a n t , je le d e m a n d e , p u i s q u e c h a q u e j o u r
enlève à ses r e s s o u r c e s et a joute à ses f a r d e a u x , p o u -
vons -nous ne poin t p r e n d r e p a r t , c o m m e ch ré t i en s , aux
souffrances q u e n o t r e Pont i fe . subi t avec u n e si d o u l o u -
r e u s e , q u o i q u e si m a g n a n i m e c o n s t a n c e ? P u i s q u e c 'est
p o u r n o u s qu ' i l r é s i s t e , p o u r n o u s qu ' i l souff re , p o u r




3 0 0 !•! ^ ! i Il I)V. SAINT IMHUU:


n o i r e c a u s e qu' i l est é p r o u v é , n ' e s l - ce pas à nous à
ven i r à son aide ?


Dans raDVeuse si tua lion que lui ont faite la violence
o l l ' h y p o c r i s i e , les plus e x t r a o r d i n a i r e s qui se soient j a -
m a i s r e n c o n t r é e s , en p r é s e n c e d 'une si sa inte et si v é -
n é r a b l e d é t r e s s e , a'i ! je ne m ' é t o n n e pas que tous les
évoques et t ous les fidèles d ignes de ce n o m a ient senti
qu ' i l y avai t ici u n e g r a n d e œ u v r e à f a i r e : œ u v r e ca -
t h o l i q u e , s'il en fut j a m a i s , qu i appela i t le c o n c o u r s de
t ous les enfants de l 'Église d a n s tout l ' un ive r s , ma i s œ u v r e
à laquelle, no t re F r a n c e , si dévouée au Sa in l -S i ég 1 , et
ce d iocèse en p a r t i c u l i e r , et cet te si b o n n e et si r e l i -
g ieuse ville d 'Or léans , d e v a i e n t t e n i r à h o n n e u r , c o m m e
t o u j o u r s , de p r e n d r e n u e g lor ieuse cl l a rge par t .


C'est ce q u e v o u s avez fait, N. T.-C. F . L ' œ u v r e dont
je veux p a r l e r , v o u s la conna i s sez , vous l 'avez de vous -
m ê m e s et s p o n t a n é m e n t a d o p t é e : c 'esl l ' œ u v r e si ch ré -
t i enne du Denier de saint Pierre.


C'esl d a n s ces s e n t i m e n t s q u e p lu s i eu r s d ' en t re vous
on t fait déjà a u Sa in t -Pè re , p a r n o s m a i n s , de g é n é -
r e u s e s o f f randes : t and i s q u e t an t d e nob les enfants de
n o s p lus re l ig ieuses familles de F r a n c e a l la ient lui d o n -
n e r leur sang , les p è r e s n 'on t p a s hés i t é à d o n n e r g é -
n é r e u s e m e n t l eur or .


Mais on a sent i de t o u t e s p a r t s q u e p o u r des beso ins
si g r a n d s q u i r e n a i s s e n t t o u j o u r s , ce qu i a été fait ne
suffit pas : on a c o m p r i s q u e c 'est s u r t o u t ici qu ' i l faut
se s o u v e n i r de. la bel le p a r o l e de sa in t Fau l aux p r e -
m i e r s fidèles, d a n s le t e m p s où il r e c o m m a n d a i t à l e u r
c h a r i t é les be so in s de l 'Église de J é r u s a l e m : Notite defi-
cere, benefaeientes. Le bien que vous faites, ne le laissez
pas tomber en défaillance : q u e ce b ien , t ou jou r s pa r i a i -




D E M El', D E S A I . N T H E U R E . 301


t e m e n l l i b r e , ind iv idue l , et tou t vo lon t a i r e , q u e ce b ien
soit c o n s l a n l ; et c 'est p o u r q u o i on a songé à l ' an t i que
Denier de uni ni Pierre,


Naguère , q u a n d le m a g n a n i m e Pie J \ p r e n a i t le c h e -
min de l 'exil , le m o n d e c a t h o l i q u e s 'en étai t déjà s o u -
v e n u ; la F r a n c e r é p u b l i c a i n e l ' avai t e l l e - m ê m e a d o p t é ;
et d a n s les in fo r tunes p r é s e n t e s , c 'est d a n s le m o n d e
en t ie r q u ' o n a i n v o q u é ce n o m p o p u l a i r e et che r aux
fidèles. C'est ainsi q u e le D e n i e r de sa in t P i e r r e a été
r é c e m m e n t établi en Belg ique , en Ang le t e r r e , en I r l a n d e ,
en Espagne , en P r u s s e , d a n s les p r o v i n c e s r h é n a n e s , en
Su isse , en Al lemagne .


Déjà, en F r a n c e , les a r c h e v ê q u e s et é v o q u e s d 'An-
gers , de C a m b r a i , de P é r i g u e u x , de Gap , de T o u l o u s e ,
de Bodez, de E u ç o n , de P a m i e r s , d u Mans , de Sa in l -
Br ieuc , d 'Autun , de B o r d e a u x , de Montpel l ier , de Sois -
sons , et b ien d ' a u t r e s e n c o r e , ont écr i t des le t t res p a s -
to ra l e s aux fidèles de l eu r s d iocèses p o u r r e c o m m a n d e r
à l eu r l ibre et re l ig ieuse c h a r i t é ce l te œ u v r e c a t h o l i q u e .
« L o r s q u ' u n pè r e est en deui l , » disai t le n o u v e l a r c h e -
v ê q u e de T o u l o u s e , Mgr Desprez , d a n s u n e c i r cu la i r e d u
29 avri l , « lo rsqu ' i l es t v ic t ime de c rue l s d é s a s t r e s , il
« suffit à des enfants b ien nés de c o n n a î t r e sa d é t r e s s e ,
« p o u r qu ' i l s mul t ip l i en t a u t o u r de lu i les t é m o i g n a g e s
« de leur a m o u r . Pa r le Den ie r de saint Pierre, n o u s n e
« r é c l a m o n s a u c u n t r i bu t ob l igé ; n o u s n o u s c o n t e n i o n s
« de d o n n e r l 'éveil à vo t r e p ié lé filiale. »


« C'est p o u r le P è r e c o m m u n q u e n o u s é l evons la
« voix, » disai t Mgr d 'Angers , d a n s u n e a l locut ion s p é -
ciale, p r o n o n c é e à sa c a t h é d r a l e ; « ce n ' e s t p a s lui qu i
« s ' ad re s se à n o u s , c 'est n o u s qu i a l lons à lui ; pu i squ ' i l
« a été dépoui l l é du m a n t e a u d ' h o n n e u r don t il é ta i t r e -




3 9 2 D E M HP. D E S A 1 X T P I E D D E


« vê tu , c 'est à n o u s à n o u s dépou i l l e r p o u r lu i , c o m m e
« ces disciples fidèles qui j e t a i en t autrefois l eu r s vê l e -
« m o n t s sous les p a s d u S a u v e u r . Mais, sachez- le tous ,
« le Denier de sa in t P i e r r e est un h o m m a g e , et non u n
« t r a i t emen t . »


« Nous s o m m e s p a u v r e s , disai t Mgr de Gap à ses p rê -
« 1 r e s , m a i s non pas au m ê m e degré q u e nos frères
« d ' I r l a n d e . Eh bien ! la c a t h o l i q u e I r l ande , m o u r a n t
« de faim, a d é p o s é un mil l ion a u x p ieds du S a i n t - P è r e :
« n o u s s a u r o n s imi t e r cet te géné ros i t é enve r s le Père
« c o m m u n des fidèles. »


A côté de ce t o u c h a n t exemple de la p a u v r e et géné -
r e u s e I r l a n d e , r appe l é avec é m o t i o n p a r un évoque
d 'un de nos p lus ind igen t s d iocèses , je. veux p lacer
s o n s vos yeux , N. T.-G. P . , l ' exemple bien édifiant auss i
de la re l ig ieuse Belgique. L à , l ibres d a n s l eu r act ion,
les c a t h o l i q u e s ont pu o r g a n i s e r largement, l ' œ u v r e
s a in t e , et d a n s le seul d iocèse de Gand , 330 5'i3 s o u s -
c r ip t ions on t été recuei l l ies , et le m o n t a n t des s o m m e s
sousc r i t e s s 'est élevé à 118,153 fr. « Toutes les classes
« de la société se sont r é u n i e s , disai t dans u n e ad re s se
« au Pape le comi té cen t r a l de Gand , p o u r offrir à Votre
« Sainte té ce t r ibut de r e c o n n a i s s a n c e et d ' a t t a c h e m e n t .
« Le Denier de saint P i e r r e est le den i e r du r i che et du
« p a u v r e ; c 'est le den ie r da l a b o u r e u r , de l 'ouvrier , de
H l ' a r t i s a n ; c 'est , en un mo t , T r è s - S a i n b P è r e , le den ie r
« de vos enfan ts . » Ln r a p p o r t q u e j ' a i là sous m e s
y e u x fait c o n n a î t r e les plus b e a u x t r a i t s de la vive foi
avec l aque l le les c a t h o l i q u e s belges a p p o r t a i e n t l eur
o f f rande ; j ' e n t rouve m ê m e u n si a d m i r a b l e et si tou-
c h a n t , N. T.-G. P . , q u e je ne pu i s rés i s te r au plais ir de
vous le faire c o n n a î t r e : « l 'n col lecteur p a r c o u r a i t un




D E N I E R D E S A I N T P I E R R E . 393


:i vi l lage; il ar r ive devan t u n e m i s é r a b l e c h a u m i è r e
« q u ' h a b i t e n t u n e veuve et ses t ro is enfants . Ces m a l ­
ce h e u r e u x n ' a v a i e n t p o u r v iv re q u e la c h a r i t é p u b l i q u e ,
a Le col lec teur avai t d é p a s s é la ebét ive c a b a n e , q u a n d
к tou t à c o u p il e n t e n d u n e voix mêlée de p leu r s qui Tap­
it pe l le . C'étai t la p a u v r e f e m m e qu i , t o u t e (Jésolée, le
« suppl ia i t d ' a c c e p t e r p o u r le Pape le den ie r de la
с veuve . — Mais, m a b o n n e , v o u s n 'avez p a s m ê m e de
« quoi vivre ! — Te vous en p r i e , Monsieur , n e m e r e ­
« fusez p a s . — Mais c'est imposs ib le ! — Si, c'est p o s ­
« sibJe, Mons ieu r ; j e vous a p p o r l c r a i le p r e m i e r l und i
и de c h a q u e m o i s . — É m u j u s q u ' a u x l a r m e s de si b e a u x
« s e n t i m e n t s , n o t r e confrère accep te la propos i t i on .
« Depuis ce t e m p s , au t e r m e c o n v e n u , la p a u v r e f emme
« vient avec ses t rois en l'an !s lui a p p o r t e r son h u m b l e
к offrande. 11 est vrai que ce j o u r ­ l à n o t r e pieux a m i
« c o m p t e à sa t ab le q u a t r e convives de plus . »


Qu'on imi te , \ . T.­C. F. , cel te foi, cet a m o u r , cel te
pié té na ïve , et bien tô t le l 'ère v é n é r é de nos â m e s a u r a
des r e s s o u r c e s p r o p o r t i o n n é e s à ses beso ins .


C'est ainsi q u e cel te œ u v r e a d m i r a b l e , sans ê t re u n e
c h a r g e p o u r p e r s o n n e , peu t deven i r fac i lement u n e vé ­
r i table r e s s o u r c e p o u r l 'Église , en a d m e t t a n t lout le
m o n d e , r i c h e ou p a u v r e , à l ' h o n n e u r et au b o n h e u r
d'olfrir au Père c o m m u n u n s e c o u r s , qui sera en m ê m e
t e m p s u n h o m m a g e , p a r c e qu' i l lui sera offert p a r tous
ses enfants , i nd iv idue l l emen t , l i b r emen t , avec a n i o u r e t
avec r e spec t , sans a u c u n e c o n t r a i n t e ; mais auss i s a n s
l ' exposer à j a m a i s rien p e r d r e du plus cher do ses dro i t s
e t d e s no i res , r ien de son i n d é p e n d a n c e et de sa digni té ,
qui sont nos biens les plus cl iers .


Cette œ u v r e , essen t ie l l ement c a t h o l i q u e , universe l l e ,




D E N I E R D E S A I N T [M E U R E


reço i t d o n c , X. T.-G. F . , l 'or d u r i c h e , m a i s sans re i ' u sc r
l 'obole du p a u v r e , cet te obo le si p r é c i e u s e aux yeux du
Se igneur , et qu i , elle a u s s i , en se mul t ip l i an t , s e c h a n g e
en or : si les r i c h e s son t h e u r e u x de d o n n e r de l eu r r i -
chesse , les p a u v r e s s e r o n t p lus h e u r e u x peut -ê t re encore
de d o n n e r de l eu r p a u v r e t é à l eu r l ' è re appauv r i ; et
Pie IX r e c e v r a l eu r offrande c o m m e Dieu la reçoi t lu i -
m ê m e , et l ' inscr i t au g r a n d l ivre d u ciel, à p lus gros in-
t é rê t s m ê m e q u e celles des opu len t s de la t e r re .


Le mol de Denier de sainl Pierre dit tout cela.
11 y a le den i e r d ' o r , le den ie r d ' a r g e n t , le den ie r de


cu ivre .
Il y a le den i e r du r i che et celui d u p a u v r e .
11 y a ce d e n i e r de la veuve , tant loué pa r l 'Évangile .
Il y a le den i e r de l ' année p r é s e n t e , et il y a u r a l ibre-


m e n t et g é n é r e u s e m e n t celui de l ' année su ivan te , et des
a u l r e s a p r è s , si les m ê m e s nécess i t é s con t inuen t ; et c'est
a ins i qu ' i l se f o r m e r a p o u r le Sa in t -Père et p o u r les be-
soins les p lus p r e s s a n t s de l ' admin i s t r a t i on de l 'Église,
u n modes t e , m a i s c a t h o l i q u e a p a n a g e de cha r i t é : a u -
m ô n e d ' a u t a n t p l u s g lo r i euse qu 'e l le s e r a p lus s p o n t a -
n é e ; qu ' e l l e s e r a , se lon le sens primit if et p ro fondé -
m e n t chré t ien de ce m o t , l ' a u m ô n e du c œ u r ; et d ' a u -
t a n t p lus a s s u r é e auss i q u e l'a cha r i t é qui l'offrira n e se
l a sse p a s .


III


Mais, X. T.-C. F . , le t e m p s p r e s s e ; nos adve r sa i r e s se
h â t e n t , l e u r i m p a t i e n c e c o m p t e les j o u r s qu ' i l s son t con-
t r a i n t s de l a i s se r e n c o r e au Pontife. — Le dé la i qu ' i l s




I)F.N !V.H 1>S: S A I N T P I E I U Î E


se v a n t e n t de lui d o n n e r révèle du reste assez tout, leur
p lan . — On e spè re q u e le t e m p s é p u i s e r a les r e s s o u r c e s
de celui dont on désespè re d ' épu i s e r le c o u r a g e . L e s
m o y e n s de des t ruc t ion sont a u j o u r d ' h u i t r è s -pe r fec t ion-
nés : on l ' en tend dire, tous les j o u r s , et il est facile de
s 'en ape rcevo i r ; m a i s on n ' a m ê m e pas beso in de faire
la g u e r r e ici. 11 y a des s i tua t ions qui tuent ; on le sait,
on les c r ée , et e u en profite : ou e m b a r r a s s e , on r u i n e ,
ou e n t o u r e d 'un cercle de f e r , on r édu i t à la d e r n i è r e
ex t r émi t é ; on n 'ass iège p a s les r e m p a r t s , on ass iège les
f inances. On n ' e m p o r t e pas d ' a s s au t ; un affame , on
étouffe. On m e t les popu l a t i ons fidèles aux abois p o u r
les p o u s s e r à la révol te . Ce siège m u e t , il d u r e r a six
m o i s , a - t - o n d i t , p e n d a n t l e sque l s on se d o n n e r a l e s
h o n n e u r s de la pa t i ence . Il faut b ien avoi r q u e l q u e
h o n n e u r . Ah ! ce se ra i t bien le cas de l eu r r ed i r e cet te
pa ro le qui convien t aux J u d a s de tous les t e m p s :
nQuod facis, faccitius: c e q u e v o u s f a i t e s , faites-le vile. »


E h b i e n ! n o u s , X. T.-C. F . , n ' a u r o n s - n o u s p a s six
mo i s de d é v o û m e n t à m e t t r e au serv ice d u Sa in t -Pè re?
Quel q u e soit le d é n o û m e n t q u e p r é p a r e la P r o v i d e n c e à
cette c r i s e , n ' a i de rons -nous p a s le. Souvera in-Ponl i fe à
la t r a v e r s e r ? Mais , enco re une fois, le t emps p r e s s e :
h â t o n s - n o u s ; b ien tô t peu t - ê t r e il se ra i t t rop l a r d !


Et s u r t o u t , g a r d o n s - n o u s des s o p h i s m e s s tup ides qu i
c i r c u l e n t ! Et e n c o r e p lus des i l lus ions de la l â che t é !
Sans d o u t e , u n pe t i t n o m b r e , les p ro fonds m e n e u r s ,
r ê v e n t de dé t ru i r e la P a p a u t é : n o m b r e , que l qu ' i l soi t ,
m é p r i s a b l e ; a c h a r n é , ma i s i n s e n s é ; r a c e hé r i t i è re de
t an t d ' au t r e s d e s t r u c t e u r s don t on ne sai t p lus m ê m e
les n o m s . Les a u t r e s p r é t e n d e n t qu ' i ls n ' a t t a q u e n t po in t
le Pontife, mais s e u l e m e n t ie ro i . Ils veu len t , d i sent - i l s ,




308 D E N I E R D E S A I N T P I E R R E


dégager , é lever , g r a n d i r la P a p a u t é . . . L e u r idéal , c'est
u n e P a p a u t é sans p o u v o i r h u m a i n , s o u t e n u e p a r l e s
t r ibu ts vo lon t a i r e s de la Chré t i en t é . Ils p r o t e s t e n t que ,
l o r s q u e le P a p e se ra a ins i , avec u n m a n t e a u de p o u r p r e
et u n r o s e a u , ils m e t t r o n t un g e n o u en t e r r e , et le véné-
r e r o n t .


E h b ien ! si c 'est là l ' idéal de, la P a p a u t é su r la t e r r e ,
n o u s t o u c h o n s à cet idéal . Le Pape n 'a p lus d ' a r m é e ,
p r e s q u e p lus de p o u v o i r , son scep t re est un r o s e a u , sa
c o u r o n n e est d ' ép ines . 11 ne r e s t e p lus qu ' à réa l i ser
p o u r lui cet te dona t ion vo lon ta i r e , imaginée p a r ceux-
là m ê m e qu i u s u r p e n t ses É ta t s , et qu i , en m ê m e t e m p s ,
p a r u n e de ces con t r ad i c t i ons ind ignes qu i ne devra ien t
p lu s n o u s é t o n n e r , von t ra i l le r , ou c a l o m n i e r , ou e m p ê -
c h e r n o s offrandes.


Cer tes , ce n ' e s t p a s n o u s qu i p e n s o n s qu 'on peu t fon-
de r l ' ex is tence ma té r i e l l e de la P a p a u t é sur une sor te
de casuel é p h é m è r e , i n c e r t a i n , p lus ou moins digne :
ce, sont n o s a d v e r s a i r e s qu i on t i nven t é ce s y s t è m e , et
qui n o u s r é d u i s e n t à cet te e x t r é m i t é . — Vous, nous
c royons q u e la P a p a u t é a beso in de la Souve ra ine t é ,
p r é c i s é m e n t afin de n ' ê t r e l 'obl igée de p e r s o n n e .


Mais p u i s q u ' o n la dépoui l le de cette souve ra ine t é , a i -
dons- la , d u m o i n s , j u s q u ' a u b o u t à se défendre . On
s 'est c h a r g é de lui p r e n d r e ses r e s s o u r c e s ; c h a r g e o n s -
n o u s de lui en c rée r . Ce ne son t pas ceux qu i ont in
ven t é ce rêve qu i p r e n d r o n t l ' ini t iat ive ; n o u s les a t t en -
d r ions l o n g t e m p s 1 Mais si l ' appe l à la piété des fidèles,
m a l g r é l e u r cha r i t é , ne suffit p a s , nos efforts, an moins ,
a u r o n t p r o u v é u n e fois de p lus q u e le n o u v e a u sys tème
es t m a u v a i s , et cet idéa l i n sensé .




D E N I E R R E S A I N T P I E R R E . 3 9 1


I V


Tris tes c o n l r a s t c s des c h o s e s h u m a i n e s ! Voilà p r è s
de d ix-neuf s iècles , N. T.-G. F . , q u e l 'Église subs i s te el vit
immor t e l l e s u r cel te t e r r e où tou t pa s se et m e u r t . Dans
cel te l ongue d u r é e de son h i s to i r e , il s 'est accompl i à
son égard des choses g r a n d e s et g lo r ieuses : Gloriosa
dicta sunt de te, Cicilas Dei ! L 'on a vu les Piois et les
E m p e r e u r s s ' h o n o r e r en lui d o n n a n t , non p a s des t r é -
so rs s e u l e m e n t et des d o m a i n e s , m a i s des p r i n c i p a u t é s
et des r o y a u m e s .


Au jourd 'hu i , l 'on voit a u t r e c h o s e : c 'est u n e ambi t i on
effrénée qui ravi t s ans p u d e u r au Saint -Siège ce q u e tant
de roya le s l ibéra l i tés lui ava ien t d o n n é . Mais , c o m m e
l e d i t a d m i r a b l e m e n t l i o s s u e t , d a n s l ' énergie de cel te
l a n g u e qui n ' a p p a r t i e n t qu ' à lui : « Malheur à ceux qu i
« dépoui l l en t l 'Église de Dieu et m e t t e n t la m a i n d e s -
« s u s ! » — «On est saisi d ' h o r r e u r et de t r e m b l e m e n t ,
« a joute ce g r a n d é v è q u e , q u a n d on voit ce q u e fait
« dans les g r a n d e s p laces l 'oubl i de Dieu, e l cel le t e r -
« r ible pensée de n ' avo i r r ien s u r sa tète ! »


11 est vrai qu 'on pa r le de l ' e n t r a î n e m e n t des é v é n e -
m e n t s , et c 'est l ' excuse , d i t -on , des S o u v e r a i n s e u r o -
p é e n s qu i la i ssent faire. B o s s u e ! r é p o n d : » Sans d o u t e ,
« les P r ince s ne p e u v e n t p a s tou jours touL ce qu ' i l s
« v e u l e n t ; mais Dieu l eu r d e m a n d e r a c o m p t e de ce
« qu ' i ls peuven t et ne veu len t pa s . »


Du m o i n s , à côté de cette t r is te page où sera écr i te la
h o n t e de Ja plus in ique spol ia t ion qui fût j a m a i s , il y
a u r a dans l 'h i s to i re de l 'Ég l i se , eu ce s iècle , u n e a u t r e




398 I ) E > ' I E U D E S A I N T ! > I E 1 î l î E


p a g e , n o n m o i n s bel le et: n o n m o i n s i l ius t rc q u e celle


o ù se l isent les d o n a t i o n s des Cons tan t in , des Pépin et
des Chat Icmagne . L'on y v e r r a q u ' e n l ' année 186(1, l 'É-


glise r o m a i n e ayan t été , selon un p r o g r a m m e a n n o n c é ,


r édu i t e à la d e r n i è r e p a u v r e t é par u n roi p i é m o n l a i s ,
l ' un ive r s catholique tout en t ie r , avec tous ses peup les
et loti les ses vil les, s 'est levé p o u r ven i r en a ide à l ' in-


d igence du Pè re c o m m u n , et q u e tous , r i ches et p a u -


v r e s , lui on t d o n n é , les u n s leur or, les au t r e s l eu r
pa in .


Eh bien ! ceci est hou p o u r l 'Ég l i se , bon p o u r les


p e u p l e s , et sera meilleur auss i que les largesses et les
(-lires cond i t ionne l les des po ten ta t s . C'est ce que, le


P a p e , en refusant ces offres, v ient .de déc la re r de n o u -
v e a u avec la nob lesse et l ' é lévat ion d a m e qui le c a r a c -


tér isent .


V


Et pour moi , q u a n d je viens à r e c h e r c h e r , d a n s la


m é d i t a t i o n de m o n c œ u r a t t r i s t é , quel peu t ê t re le p r o -


fond desse in de la P r o v i d e n c e en cet te d o u l o u r e u s e


é p r e u v e de l 'Église , je m e persuade, fac i lement que ce


s e r a , en déf in i t ive , un desse in de sa lu t et d ' h o n n e u r !


Car , tandis q u e p lu .deurs se ré jouissa ien t , c royan t fa foi


c a t h o l i q u e p r è s de s ' é t e ind re , la P rov idence semble avoir


voulu la faire t ou t à coup a p p a r a î t r e p lu s vive et p lus


p u i s s a n t e q u e j a m a i s , p a r cel le explos ion de cha r i l é et


d"héro ïsme chré t i en qui vient d 'éc la te r sous nos yeux ,


p a r cel te g r a n d e mani fes ta t ion du d é v o ù m e n l de tous


les c a tho l i ques de la t e r re au Siège auguste, qui est le
c e n t r e et le foyer de la foi. C'est que fÉgiise a u n e v i la -




r . ; . M n ; Di-: S A I N T I M E u n E


litó inépu i sab le , u n e vigueur sans cesse r e n a i s s a n t e ;
c 'est q u ' a u mil ieu de l 'Europe m o d e r n e d é m o r a l i s é e , il
est manifes te qu' i l n 'y a p l u s de force m o r a l e q u e là,
c o m m e en d'au 1res t e m p s , a u mil ieu de l 'Eu rope i g n o -
r a n t e et b a r b a r e , il n e se t r o u v a d e g r a n d e et de v ra ie
lumière q u e là auss i , d a n s le se in de l ' immor te l l e Église
ca tho l ique ; et p a r cet te s imp le r a i son q u e Dieu, qui est
la l u m i è r e et la force, d e m e u r e t o u j o u r s avec e l le : Ecce
ego robiseum s uni, omnibus diebus , usque ad consum-
nuitionem seccali !


Et c'est p o u r q u o i , X. T . - G . F. , il faut e s p é r e r con t re
toute e s p é r a n c e , in s/iem , contra spem , et faire , avec
u n e invincible p e r s é v é r a n c e , tous les sacrif ices q u e le
m a l h e u r des t emps d e m a n d e de n o u s : n o u s v e r r o n s u n
jou r le sa lut de Dieu ! Aidons le Sa in t -Père à t r a v e r s e r
cet te ter r ib le é p r e u v e ; m a i s , n ' en d o u t o n s pas , l ' ép reuve
p a s s e r a : q u a n d ? c'est le s ec re t d 'en hau t . « Les de s -
ìi se ins de Dieu, fo rmés et c o n ç u s d a n s le sein i m m e n s e
« de son i m m u a b l e é t e r n i t é , n e d é p e n d e n t pas des a n -
« nées ni des h o m m e s ; et on voit tôt ou la rd se d é v ê -
te l oppe r tout à fait les o r d r e s d ' u n e si p rofonde s a -
<; g e s s e 4 . » Xotre devoir , en a t t e n d a n t , c 'est de ne p a s
nous a b o n d o n n e r n o u s - m ê m e s , c 'est de pe r s i s t e r , c 'est
de d o n n e r j u s q u ' a u b o u t , à Dieu et à l 'Église, les t é -
moignages de no t r e i n d o m p t a b l e fidélité.


Permet lez - mo i donc de vous le d i re en f in issant ,
X. T.-fi, F . : je n o u r r i s la confiance q u e vo t re generos i lé,
en cel le occasion , s e r a g r a n d e , c o m m e elle l'a été si
souven t en des o c c a s i o n s m o i n d r e s , c o m m e elle l'a é té
r é c e m m e n t , l o r sque n o u s a v o n s envoyé avec tant d 'ar-


tt i 'S .sne!.




D E M E U DE S A I N T P I E 11 H E


de U T n o s off randes aux c h r é t i e n s de Syrie : oui , la ville
et le d iocèse d 'Or l éans offriront de n o u v e a u au m o n d e
c a t h o l i q u e un n o b l e e x e m p l e .


C h r é t i e n s , non p a s s e u l e m e n t en p a r o l e s , ma i s défai t
et d ' ac t ion , vous vous s o u v i e n d r e z , N. T.-C. F . , de ces
c h a r i t a b l e s col lec tes qu i se recue i l la ien t l i b r e m e n t , en
plein p a g a n i s m e , p a r m i les p r e m i e r s fidèles de la Grèce
e t de l 'Asie , et q u e sa in t P a u l s ' h o n o r a i t de po r t e r lu i -
m ê m e aux S a i n t s , c ' e s t - à - d i r e à l 'Évoque el aux fidèles
d e la Ville Sa in te . Ce n 'es t p lus l ' an t ique J é r u s a l e m qu ' i l
s 'agit a u j o u r d ' h u i p o u r vous de s e c o u r i r p a r vos p ieuses
l ibé ra l i t é s : c 'est la J é r u s a l e m nouvel le , c 'est h o m e , Je
cen t r e i m m u a b l e d u Catho l ic i sme , et l ' impér i s sab le
capi ta le du m o n d e c h r é t i e n , d ' où p a r t le r a y o n c é -
les te du g o u v e r n e m e n t p o u r tou tes les Églises de l 'uni-
ve r s .


F e m m e s c h r é t i e n n e s , vous aurez auss i à c œ u r d ' imi-
t e r ces sa in tes f emmes qui su iva ien t les pas du S a u v e u r ,
d a n s ses c o u r s e s évangé l i ques , et qu i fourn issa ien t à ses
b e s o i n s de l e u r s r i c h e s s e s , ministrabant ei de faculta-
tibus suis ' . C o m m e elles , c 'es t Jésus-Chr i s t q u e vous
aurez l ' i n c o m p a r a b l e h o n n e u r d ' ass i s te r , d a n s la p e r -
s o n n e de son V i c a i r e ; et s'il a p r o m i s d é t e n i r p o u r fait
à lui - m ê m e ce qu 'on fera p o u r le m o i n d r e des s iens ,
(juod minimo ex illis fecis^is, mild fecislis, q u e d i re de
ce qui sera fait p o u r le plus g r a n d de t ons les se rv i t eu r s
de Jésus -Chr i s t , p o u r Celui qu i est ici-bas son r ep ré sen -
t a n t et sa v ivan te i m a g e s u r la t e r r e ?


Mais v o u s , s u r t o u t , qu i êtes p a u v r e s des b i ens de ce
m o n d e , vous t ous , p a u v r e s a r t i s a n s , p a u v r e s f e m m e s ,


E u e , v i n .




p a u v r e s ou i rié-res, p a u v r e s s e rv i t eu r s et s e r v a n t e s , por-
t ion r e spec tab le et si c h è r e de l 'Église de J é sus - Chris t ,
vous pense rez à ces deux p ièces de pet i te m o n n a i e , duo
minuta , que Je S a u v e u r d u m o n d e r e m a r q u a avec un
r ega rd pa r t i cu l i e r de c o m p l a i s a n c e et d ' a d m i r a t i o n ,
lo r squ 'e l l es t o m b è r e n t un j o u r , d a n s Je t r o n c des a u -
m ô n e s , de la main t imide et g é n é r e u s e d 'une p a u v r e
veuve . Ce q u ' a y a n t vu , J é s u s a s s e m b l a ses disciples
c o m m e à un grand spec tac le , et l eu r dit ces pa ro les qui
d e m e u r e r o n t à j a m a i s d a n s l 'Évangile p o u r se rv i r d ' i n -
s t ruc t ion ci do consolat ion à tous les p a u v r e s d e l à t e r r e :
« En vérité . je vous le déchi re , cette p a u v r e veuve a
« d o n n é p lus , à elle seu le , q u e tous ceux qu i on t je té de
a l ' a rgent dans le t r é s o r ; ca r tous les a u t r e s on t mis de
« l e u r a b o n d a n c e , ma i s celle-ci a mi s de sa p a u v r e t é et
« de son néces sa i r e ; c 'est ton! ce qu 'e l le avait , e l t o n î e
« son ex i s tence qu 'e l le a d o n n é e h »


Élevons tous nos â m e s j u s q u ' à ces nob le s s e n t i m e n t s ,
N. T.-C. E., et offrons l a r g e m e n t au pontife dépoui l lé les
dons de no t r e foi, s a n s n o u s p r é o c c u p e r n i des o b j e c -
t ions , ni des s a r c a s m e s . Q u a n d n o u s d is ions q u e le P a p e
n e doil pas ê t re un p e n s i o n n a i r e , on n o u s c o m b n l h i t :
q u a n d , sub i s san t la nécess i té qu 'on n o u s a faite, n o u s of-
frons l i b r e m e n t les d o n s q u e r é c l a m e sa dé t r e s se , on
n o u s c o m b a t e n c o r e . Allons n o i r e t rain sans n o u s t r o u -
bler , cl faisons le b ien s a n s va ine d i scuss ion et s ans
p h r a s e s . La logique de la foi et de l ' a m o u r est s imp le et
claire . Noire l ' è r e est affligé, p la ignons- le ; il est a t t a q u é ,
défemlous- le ; il es! dépoui l lé , a s s i s t o n s - l e ; on lu i p r e n d ,
donnous- ln î ; on lui p r e n d b e a u c o u p , d o n n o n s b e a u -




102 D E N I E R D E S A I N T P I E R R E .


c o u p , on lui p r e n d r a l o n g t e m p s , donnons- lu i auss i long-
t e m p s qu ' i l le f aud ra .


« S i r e , écr iva i t Monta igne à Henr i IV, en 1590, q u e
« Votre Majesté m e fasse la g râce de c ro i r e q u e j e ne
« p l a i n d r a i j a m a i s m a b o u r s e aux occas ions où j e v o u -
« cirais ne p a s é p a r g n e r m a vie. »


C'é ta i t le cr i du p a t r i o t i s m e ! Que ce soi t celui de n o -
tre foi et de n o t r e a m o u r .


Vf.


Mais ce qu i p r é o c c u p e un g r a n d n o m b r e d ' e n t r e v o u s ,
cl je ne m ' e n é t o n n e p a s , N. T . -C. F . , c ' es t de savoi r de
que l le m a n i è r e ils p o u r r o n t faire p a r v e n i r l eu r s of-
f randes a u S a i n t - P è r e , b e a u c o u p dés i r en t d o n n e r : ainsi
q u e n o u s le d isa i t l ' un de v o u s h i e r m ê m e , c 'est c o m m e
un beso in q u e c h a c u n é p r o u v e en ce m o m e n t ; m a i s la
p l u p a r t n e s aven t c o m m e n t s'y p r e n d r e . Ft cela se con-
çoit : c h a c u n n e p e u t se m e t t r e d i r e c t e m e n t en r a p p o r t
avec le Sa in t -Pè re ; et d ' a i l l eu r s , si les offrandes indivi -
due l les ne p o u v a i e n t ê t r e envoyées q u ' i n d i v i d u e l l e m e n t
et i so l émen t , les d o n s m o d e s t e s , c ' e s t - à -d i r e les plus
n o m b r e u x , s e r a i e n t a b s o r b é s p a r les frais d 'envoi ; et
c eux qu i ne p e u v e n t offrir q u e l eu r h u m b l e denier ,
c ' e s t - à -d i r e l ' i m m e n s e major i t é des c a t h o l i q u e s , se t rou-
v e r a i e n t , p a r le fait, p r i vé s de l e u r l i b e r t é légi t ime et e m -
p ê c h é s d'offrir a u P a s t e u r un ive r se l l eur h u m b l e , ma i s
t o u c h a n t h o m m a g e .


Ce n ' es t pas là s a n s dou te ce q u ' e n t e n d a i t M. le mi-
n i s t r e des cu l tes , l o r s q u e , d a n s u n e c i rcula i re aux évo-
q u e s , en da t e du 5 m a i 1860, il pa r la i t « de la s i ncè re




D E XI K H D E S A I N T D I E II H E


pro tec t ion q u e les in té rê ts du S a i u l - P è r e t r o u v e r o n t
toujours a u p r è s du g o u v e r n e m e n t f rança i s . . . . Que les


c c i toyens d o n n e n t l i b remen t et i nd iv idue l l emen t , a jou-
<! tait-i l , c 'est l eur dro i t . . . Le g o u v e r n e m e n t de Sa Ma-


josté pourvoi t à la l ibe r té de c h a c u n , e t satisfait t o u s
r i e s h o m m e s de. b o n n e vo lon té . » — P o u r q u e les c i -
toyens soient libres de donner se lon leur droit; p o u r
qu ' i l soit pourvu à lu liberté de chacun, et q u e tous les
/tommes de bonne colonie so ien t satisfaits, il est n é c e s -
sa i r e q u e le m o y e n soit la issé à tous de faire p a r v e n i r
l e u r a u m ô n e , et qu ' i l y ait p a r c o n s é q u e n t des i n t e r m é -
dia i res ; il faut, c o m m e le d isa i t u n de n o s v é n é r é s co l -
lègues , Àlgr de l î o d e / , « q u e les off randes so ien t recuei l -
li l ies e t cen t r a l i s ées , c ' c s l - à -d i r e , il faut des dépos i t a i res .»
Il faut m ê m e qu ' i l y ai l u n e c o n s t a t a t i o n r égu l i è r e des
s o m m e s r e ç u e s ; et en ce qu i m e r e g a r d e , j e t i ens a b s o -
l u m e n t à ce q u e cet te cons t a t a t ion n e se fasse po in t p a r
31 i l . les cu rés s e u l e m e n t : il conv i en t q u e des l a ï q u e s
soient p r é s e n l s , e t p r e n n e n t u n e p a r t rée l le a u con t rô l e
d ' une telle comptab i l i t é . C'est à q u o i n o u s n ' a v o n s j a -
m a i s m a n q u é tou tes les fois q u e n o u s a v o n s ins t i tué des
oeuvres-de cel le n a t u r e . Nous avons vou lu q u e tou jours
les c o m m i s s i o n s fussent m ix t e s , c ' e s t - à - d i r e c o m p o s é e s
d 'ecc lés ias t iques et des l a ïques les p lus h o n o r a b l e s de
c h a q u e pa ro i s se . C'est ainsi que n o u s a v o n s agi r é c e m -
m e n t , l o r s q u e des q u ê t e s et. des col lectes on t été faites
d a n s tout le d iocèse p o u r les c h r é t i e n s de Syr ie , et il y
a q u a t r e ans p o u r les i n o n d é s de la Lo i r e . Le c lergé se
doi t à l u i - m ê m e de d o n n e r cel te ga ran t i e de la r écep t ion
et de la t r a n s m i s s i o n r égu l i è re des offrandes à ceux qu i
les ont faites. Tout cela est du b o n s ens , d e l à b o n n e foi,
-en m ê m e t emps q u ' u n e c o n s é q u e n c e d u dro i t r e c o n n u




D E M ¡.11 D E S A l . M P I E H U E


des c a t h o l i q u e s , u n e c o n s é q u e n c e de la l iber té procla-
m é e des offrandes ind iv idue l les et de la « pro tec t ion
s incè re » des in t é rê t s du Sa in t -S iège . Je le d i ra i avec un
de m e s v é n é r a b l e s col lègues d a n s l ' ép i scopa i , « des of-
« f r a u d e s a insi d o n n é e s , ainsi r e c u e i l l i e s , a insi t r a n s -
it m i s e s , n ' on t a u c u n c a r a c t è r e qui puisse i nqu ié t e r pé r -
it s o n n e . « Et avec lui e n c o r e , je l ' a j o u t e r a i : « Amis
« r e p o u s s o n s é n e r g i q u e m e n t , et avec tou t le mépr i s
« qu ' e l l e s m é r i t e n t , les in s inua t ions malvei l lan tes qui
« t e n d r a i e n t à faire c o n s i d é r e r nos p ieuses collectes
« c o m m e des m a n œ u v r e s pol i t iques , » De telles c a l o m -
nies sont p lus a b s u r d e s p e u t - ê t r e e n c o r e qu 'e l les ne sont
viles et m é c h a n t e s .


Je le d i ra i enfin avec un a u t r e é v è q u e , Mgr du Mans ,
p a r c e q u e c 'est la vér i té p o u r m o n d iocèse c o m m e p o u r
le sien : « Des p e r s o n n e s zé lées , des d a m e s g é n é r e u s e s
« on t p r i s l ' in i t ia t ive de ce t te b o n n e œ u v r e , et y oui
« a p p o r t é t ou t le zèle et t o u t le d é v o û m e n t de leur
« c œ u r . Rien ne c o n t r i b u e plus q u e c e c o n c o u r s à e n u i a r -
« q u e r le c a r a c t è r e c a t h o l i q u e , l ibre et c h a r i t a b l e . Rien
« n ' e m p ê c h e d o n c qu ' e l l e s n e c o n t i n u e n t à recuei l l i r
« l e s o i i ï a n d e s et les d o n s vo lon ta i r e s , et à n o u s les
« a d r e s s e r , soit d i r e c t e m e n t , soit pa r l ' i n t e r m é d i a i r e de
« MM. les Curés . »


V I I


P o u r r é s u m e r t ou t e s n o s p e n s é e s su r cet te (ouvre , et
rég le r en m ê m e t e m p s tou tes c h o s e s avec o r d r e , voici
ce q u e je v o u s d i ra i en f inissant :


•1" /Nous a v o n s été profondément louché d e s d i s p o s i t i o n s


où se t rouvent un grand nombre de nos diocésains, d e cou-




D E N I L I ! D E S A I N T P I E R P. E. 10ó


trilmcr géné reusemen t , selon leurs ressources , à l'oeuvre
il il Denier de suint 'finir. Nous n 'avons pu qu 'app laud i r ,
du l'oiul de noire eouir, à cet acte de piété liliale.


2 e Nous ne proposons pas cependant d 'organiser , dans
n o i r e d i o c è s e , des comités d e souscr ipt ions. C'est à chacun
d e v o n s , Messieurs e le l iers Coopér;itours, a v o n s entendre
avec vos confrères e t avec les personnes hien disposées,
pour la collection cl la constatation des offrandes des ti-
di 'des.


:î" 11 va sans dire que celle souscription no peut avoir
aucun caractère obl igatoi re , et qu'el le resti» tout à t'ait
libre et .spontanée. Vous ferez remarquer à vos parois-
siens que chacun ne doit faire ici que ce qu'il peut et ce
qu'il veut.


t" Le Curé pour sa p a r o i s s e , le Doyen pour son can ton ,
recevront les offrandes dites le Denier de saint Pierre, et les
Iransnioltron! régul ièrement , le premier de chaque mois,
piar- un mandat sur la poste, à défaul d 'occasions sûres , au
Secrétariat de notre Ev èché, où elles seront central isées.


3° l"ne quête sera faite, dans toutes les églises de notre
diocèse • pour le Denier ile suini Pierre, à la fête de l 'Epi-
phanie, et à la fêle de la Pentecôte. N'ous nous propo-
s a i s de l'aire nous-niènie cette quête dans notre cathé-
drale .


G" Et a lin que les offrandes soient aussi l ibres que possible ,
"t que chaque individu de bonne volonté puisse donner à
s e i i gré, selon son droit , sans cont ra in te aucune , un t ronc
sera placé dans chaque église et chapelle du d iocèse , avec
ce t t e inscript ion : Pour le Denier de saint Pierre, dans le -
quel déposeront leurs dons individuels les personnes à qui
ce mode para î t ra préférable.


7" t i i compie rendu du produi t des fonds, soit recueill is
par MM. les Curés, .soit offerts dans les q u ê t e s , soit versés
dans les troncs, et centra l isés à l 'Eveeìié, nous sera soumis ,
tous les six mois, par notre Secrétaire général , et nous l 'en-




•KG D E N I E R DE SAINT P I E R R E .


ver rons ensuite à 5DI. les Curés et Aumôniers , pour êlre 1»
pa r e u s eu chaire , le d imanche qui suivra.


S" La présente circulaire sera lue, sans commentaire, an
p r ô n e de la messe paroissiale , le d imanche qui en suivra


récept ion.


Recevez, N. Ï . -C. F., l 'assurance de notre profond et
religieux dévoûment.-


•\- F L U X , Évêqae d'Orléans,




L E I T H E À M. L E Y T E D E L A G U É R O M I È I A E


En réponse à sa brochure ( 1 8 6 1 )


M O N S I E U R L E V I C O M T E ,


Je viens de l ire vo t re nouve l é c r i t , La France, Home
el l'Italie, et je nie sens p r o f o n d é m e n t a t t r i s te d e v o i r
u n e telle cause s o u t e n u e par vous . Je m'afflige s u r t o u t
en p e n s a n t , non à vo t r e t a l e n t , n o n à votre c a r a c t è r e ,
ma i s à vos fonc t ions .


Vous êtes le D i r ec t eu r de la P r e s s e , et vous écrivez
avec la p e r m i s s i o n , p a r c o n s é q u e n t avec l ' a u t o r i s a t i o n
de M. le Minisire do l ' i n t é r i eu r .


Jusqu'ici, le voile je té s u r les brochures a n o n y m e s
qui on t p r é c é d é la vô t re n o u s r é d u i s a i t a des c o n j e c -
tu res , à de tr istes con jec tu re s , m a i s sans p r e u v e s . Nous
avons a u j o u r d ' h u i une c e r t i t ude , c'est le Gouvernement
lui-même qui vous a u t o r i s e , c'est le Gouvernement q u i
trouve bon que le Souverain Pont i fe , déjà si m a l h e u -
r e u x , soit dénoncé à l'opinion publique par un Conseiller
d 'Étal .


Il est v ra i , et je vous r e n d s cet te jus t ice , en engagean t
votre n o m dans le débat, vous n o u s garantissez par là
m ê m e q u e le Di rec teur de la P r e s s e a u r a la l oyau t é de




408 I L h i T U E A -M. I.K V liK I.A G l KUO.A M KU li


l a i sser tou tes les f ranch ises néces sa i r e s aux antagonis tes
de l 'Écr ivain .


J ' u s e r a i avec u n e l ib re conf iance de cet te la t i tude .
Aussi b ien le t emps des c i r con locu t ions est p a s s é ; et
l ' heu re est v e n u e de tout d i re , de déch i re r tous les voiles
qui c o u v r e n t et c a c h e n t e n c o r e la vér i té .


I


La s i tua t ion q u e vous faites aux Évoques est d o u b l e -
men t d o u l o u r e u s e , Monsieur .


Nous a v o n s le chagr in d ' ê t r e c o n d a m n é s à vous su ivre
d a n s u n e forme de c o n t r o v e r s e qu i n o u s insp i re u n e
p rofonde r é p u g n a n c e , la brochure, t r is te invent ion de
la plus vulgai re l i t t é r a tu r e po l i t ique , à l 'usage d 'un p u -
blic qui n ' a pas la p a t i e n c e de l i re , n i le cou rage de
d i scu te r en face, ni la vo lon té d ' app ro fond i r les q u e s -
t ions . Nous s o m m e s c o n d a m n é s à p a r l e r de no t r e P o n -
tife, de n o t r e Pè re , non p a s en Évoques , en fils, m a i s
en j o u r n a l i s t e s et p o u r les j o u r n a u x . 11 le faut c e p e n -
dan t , ca r no t r e devoi r n o u s force à ne p a s déda igner les
â m e s de ceux qui v o u s l i sent , à n e p a s dése r t e r la cause
de celui q u e vous a t t a q u e z .


Mais ce n 'es t p a s t o u t ; vous écrivez p o u r édifier le
pays, définir les responsabilités et faire d chacun sa
part. Et t ou te fo i s , s o u l e v a n t , c o m m e vous le d i t e s , le.
problème le plus considérable et le plus redoutable de
notre temps, et p o r t a n t con t re n o u s des accusa t ions si
g r a v e s , vo t r e h i s t o i r e , Mons ieur , est é t r a n g e m e n t in -
c o m p l è t e , auss i b i en , du r e s t e , q u e le d o c u m e n t s u r l e -




E X H È I M I N S L A SA l i t i O O l H II K , 1 8 0 1 . in;)


que l elle r e p o s e ; je veux p a r i e r de la eolleclion des d é -
pêches re la t ives aux alfaires d 'Hal ie , c o m m u n i q u é e s p a r
h' ( i ouve rnemen t au Sénat et au Corps législatif.


Mais s'il faut n o u s c o n t e n t e r de ce q u e vous n o u s
m o n t r e z , j ' e n ai assez p o u r p r o u v e r q u e voi re h i s to i r e
incomplè te n 'es t p a s m ê m e impar t i a l e .


Et d ' a b o r d , q u a n t à n o u s , q u ' o n se m e t t e à n o t r e
p l a c e ! E s t - i l r i en d e p lu s d o u l o u r e u x q u e d ' e n t e n d r e
:• exiler c h a q u e j o u r q u e nous a t t a q u o n s le C o u v e r n e -
: eut de no t re p a y s , que n o u s s o m m e s ses e n n e m i s , q u e


mois a p p a r t e n o n s , q u e n o u s sac r i f ions tout à un Chef
é ! ranger ?


Mais q u a n d vous n o u s ad re s sez u n e pare i l le a c c u s a -
t i o n , vous oubliez v o u s - m ê m e , Monsieur le Consei l ler
ét'l'llat, p e r m e t t e z - m o i de. vous le d i re , la loi de vo i r e
pays. Il y a en F rance u n e loi, u n e cons t i tu t ion r e s p e c -
t ab le , œ u v r e du p r e m i e r fonda teur de la dynas t i e . \a •
poléonienue . , loi m o d e r n e qui a c o n s a c r é l ' œ u v r e du
t e m p s , et q u i a déjà s u r v é c u à t an t de r é v o l u t i o n s : c 'est
le Concorda t . Or, en ver tu m ê m e du C o n c o r d a t , les
Évèqucs ont deux chefs, l ' u n , P r ince t e m p o r e l , Souve-
ra in de l eu r pays , l ' au t re , S u p é r i e u r sp i r i tue l , Doc teur
s u p r ê m e de l eu r foi.


C'est le. Conco rda i qui n o u s l'ail cho is i r e l dés igne r
par le Chef de l 'Étal au Chef de l 'Eglise, l eque l seul n o u s
inst i tue. Le C o n c o r d a t r e c o n n a î t d o n c q u ' i n d é p e n d a m -
men t du Souvera in q u e n o u s avons à P a r i s , n o u s en
avons un au t re d a n s la Ville E te rne l l e ; et il concil ie n o s
devoirs e n v e r s tous deux . J a m a i s n o u s n'y avons m a n -
qué , j a m a i s n o u s n 'y m a n q u e r o n s ; n o u s s o m m e s c i -
toyens et p r ê t r e s , d é v o u é s à l 'Eglise en m ê m e t e m p s
qu 'à la pa t r ie . Or, d a n s ce m o m e n t , le Chef s u p r ê m e de




410 I . K - T T l l I i A V,. LL V DI-: LA G l ' É I î O X N I K U K


l 'Eglise esL m a l h e u r e u x , il est v a i n c u , il est humi l ié , il
es t m e n a c é ; l 'épée de la F r a n c e ne le c o u v r e plus con t re
les e n t r e p r i s e s d ' i nd ignes alliés. C o m m e n t toute no i re
so l l i c i tude , n o s v œ u x , nos p r i è r e s , nos efforts ne s e -
r a i e n t - i l s p a s d i r igés ve r s Celui qu i est seu l faible, et
seu l en pér i l ?


Vous d i tes , Monsieur , q u e le Pape et les Evêques sont
d o m i n é s , m e n é s p a r un pa r t i , et q u e de là v ient tout le
ma l . Vous me p e r m e t t r e z ici de vous s o m m e r de pa r i e r
c l a i r e m e n t .


tl est c o m m o d e et b a n a l , q u a n d on pa r ie d 'un Souve -
r a in , d ' a t t r i b u e r tou t Je bien qu'il l'ail à sa p e r s o n n e ,
t o u t le m a l à ses a m i s ; n ' e n t e n d e z - v o u s p a s r é p é t e r cela
c h a q u e j o u r en F r a n c e ?


Eh q u o i ! d a n s ces man i f e s t a t i ons i m m e n s e s , un ive r -
se l l e s , i n s t a n t a n é e s , qu i ou i écla té en faveur du Chef
s u p r ê m e de l 'Égl ise , n o n p a s s e u l e m e n t en F r a n c e , mais
d ' u n b o u t du m o n d e à l ' a u t r e , en I r l a n d e , en Angle-
t e r r e , en E s p a g n e , en Belg ique , en Suisse , en P r u s s e ,
en Bavière , d a n s toute l 'Al lemagne, en Savoie , en Pié-
m o n t m ê m e et d a n s toute l 'I talie : non - s e u l e m e n t en
E u r o p e , m a i s en A m é r i q u e , aux Éta ts -Unis , a u Mexique,
au B r é s i l , p a r t o u t , il ne v o u s plaî t de voi r a n t r e chose
q u e les n i a n œ u u ' e s d 'un par t i !


Mais p o u v e z - v o u s faire à l 'Ep i scopa t lou t ent ier u n e
p l u s p ro fonde et p lu s r id i cu le i n j u r e ? S'il m 'es t p e r m i s
de le d e m a n d e r d a n s un langage q u e vo i re é t r ange a c -
cusa t ion r e n d n é c e s s a i r e , s o m m e s - n o u s donc tous des
n ia i s ou des h y p o c r i t e s ? Quoi ! les évoques français ont
p a r l é , tous les é v è q u c s du inonde ca tho l ique ont par lé ,
les p r ê t r e s , les fidèles ont un i l eu r voix à la n ô t r e , et vous
n e pouvez vous é leve r j u s q u ' à c o m p r e n d r e ce b a t t e m e n t




E N R É P O N S E A S A HP, OC H U R E ¡ 1 8 0 1 ) . 411


de nos c œ u r s , ce f rémissement u n a n i m e des consc iences
ca tho l iques ; et ce q u ' u n c h è q u e d ' I r l ande n o m m a i t si
b ien , le mouvement naturel cl généreux des membres, qui
se leve.nl instinctivement, quand la tête est menacée, pour
la défendre !


Mais v o u s oubliez donc ce q u e v o u s avez dit v o u s -
m ê m e : q u e cel le ques t ion alarme les croyances et remue
ce qu'il y a de plus vital et de plus profond dans l'ha-
manilé ? Kl c o m m e si n o u s é t ions é t r a n g e r s à ces
croyances alarmées, et indifférents à ce qu ' i l a de plus
vital et de plus profond dans l'humanité, vous ne voulez
voi r en n o u s q u e des d u p e s ou des i n s t r u m e n t s po l i -
t i q u e s !


N o n , t o u t ce q u e v o u s essayez de d i re à cet é g a r d ,
Mons ieur , n e p r o u v e v r a i m e n t q u ' u n e chose , c 'est q u e
cet te g r a n d e ques t ion de Rome a le pr ivi lège de l a i s se r
sans r e p o s auss i bien la c o n s c i e n c e de ses a d v e r s a i r e s
q u e cel le de ses dé fenseur s .


Est -ce q u e , en lb':S et 18'i9, vous n ' avez pas vu chez
les c a t h o l i q u e s , et m ê m e chez n o s f rères s é p a r é s , en
p le ine Assemblée n a t i o n a l e , les m ê m e s r é c l a m a t i o n s et
les m ê m e s a l a r m e s ?


E t , dans la cr ise a c t u e l l e , q u a n d n o u s voyons u n
P r ince p i é m o n t a i s , no i r e allié et n o t r e o b l i g é , faire à
l 'Eglise depu i s douze a n s une g u e r r e a c h a r n é e , se m o -
q u e r de n o u s et de n o s conse i l s , et e n v a h i r b r u t a l e m e n t
les Eta t s pont i f icaux, n o u s devions , se lon vous , f e r m e r
les yeux cl d é s e r t e r t ous n o s devo i r s !


\ o u s sen tez , on le voit, tout ce q u ' a d ' a c c a b l a n t p o u r
vous u n e telle r é p r o b a t i o n de la c o n s c i e n c e c a t h o l i q u e .
Mais p u i s q u e vous avez eu le c o u r a g e de l 'af f ronter ,
ayez d u mo ins le c o u r a g e de no p a s l ' ou t rage r . Non,




¡ 1 2 1 . E 1 T i i E A M. L E Y ; A w l E l î O N N l É U E


elle n ' es t p a s avec v o u s , elle esl con t re v o u s , cel le
consc i ence . 11 faul en p r e n d r e vo i re pa r t i ; m a i s ce serai t
v r a i m e n t t r o p vous a b u s e r , s i , q u a n d vous n o u s f rois-
siez d a n s n o s s e n t i m e n t s les p lus che r s et les [dus s a -
c r é s , vous compt iez e n c o r e su r la l â che t é et la compl i -
cité de n o t r e s i lence .


Ce p a r t i , d i t e s - v o u s , a exploité la charité elle-même,
s 'es t serv i de vastes associations, a transformé de su-
blimes textes de l'Evangile en sophismes de son ambi-
tion, a fait de la charité un piège tendu au.cames géné-
reuses (p. 15, 1 6).


Que vou lez -vous d i re ? q u e va l en t ces i n s i n u a t i o n s ?
Vous a t t a q u e z n o s Socié tés c h a r i t a b l e s ? Vous les d é -
pe ignez p a r t a g é e s e n t r e des d u p e s et des t r a h i e s , des
imbéc i l e s et des m e n e u r s . Vous e m p r u n t e z an Siècle ses
dé la t ions sans p r e u v e . Donnez des p r e u v e s , citez des
faits. S'il y a des to r t s , f r a p p e z - l e s ; ma i s s'il v a des
v e r t u s , r e s p e c t e z - les . Il n ' e s t pas d igne de vous de
la i sser p l a n e r s u r des œ u v r e s r e s p e c t a b l e s des soupçons
s a n s p r e u v e s . N'ajoutez pas a u m a l h e u r des p a u v r e s le
c h a g r i n d ' avo i r à s u s p e c t e r ceux qui les ass is tent .


Sachezde b i e n , Mons ieur , il n ' y a p a s , il n e peu t pas
y avoi r de p a r t i c a t h o l i q u e : il y a des ca tho l i ques d a n s
tous les p a r t i s ; un i s de t emps à a u t r e et m o m e n t a n é -
m e n t , q u a n d l eu r foi est en pér i l : l i b r e m e n t s épa ré s
d a n s t o u s les c a m p s e n s u i t e .


P a r m i les c a t h o l i q u e s l a ï q u e s , il y en a que lques -uns
de p l u s d é v o u é s , de p lus c o n n u s ; la r e c o n n a i s s a n c e de
l 'Eglise et le r e s p e c t de l ' op in ion un i s sen t l eu r s voix
p o u r en n o m m e r deux : M. de M o n t a l e m b e r t , VI. de
Fa l loux .


N ' a p p a r t e n a n t pas au m ê m e pa r t i , t ous deux ont eu




KX Il El» ON S E A SA K K O C l l l' U E , I 8 G J . i l : ;


l ' i i o n n c n r d ' ê t re p lacés pa r la P r o v i d e n c e de m a n i è r e à
servi: - , dans des occas ions ée l a l an los , l e u r p a y s el les
in té rê ts r e l i g i e u x ; e t I o n s d eux auss i ont é lé a m e n é s à
r e n d r e à l ' E m p e r e u r ac tue l , d a n s des c i r c o n s t a n c e s d i -
v e r s e s , des se rv ices s igna lés . Ce sont eux p r i n c i p a l e -
m e n t , c o n v e n e z - e n , q u e vous désignez p a r ces p a r o l e s :
« Jl y avai t des h o m m e s , elc . (p. 15.) »


Vous vous é t o n n e r e z peu t - ê t r e q u e je p r o n o n c e des
n o m s p r o p r e s ; el moi je m ' é t o n n e q u e v o u s n ' e n p r o -
n o n c i e z p a s , el q u e vous vous b o r n i e z à de v a g u e s i n -
s i n u a t i o n s , p o u r u p p u v e r une accusa t ion si g r a v e .


.Mais ces h o m m e s , q u e j e n o m m e ci q u e v o u s n e
n o m m e z p a s , t ous ceux qu i , avec eux , ont mi s l eu r s
n o m s s u r l e u r s éc r i t s , en r é p o n s e à vos b r o c h u r e s a n o -
n y m e s , es t - i l vrai qu ' i l s a ien t m e n é la Cour de Rome
et le Clergé f r ança i s ? Est-i l vra i qu ' i l s lui a ien t p r ê c h é
l ' e spr i t de r é s i s t a n c e à lou ie r é fo rme ?


Vous avez , Mons ieur , la m é m o i r e ou la m a i n m a l -
h e u r e u s e . S'il esl u n fait c e r t a i n , c 'est q u e ces h o m m e s ,
à qui l ' E m p e r e u r doi t la g loire de l ' expédi t ion de R o m e ,
son t p r é c i s é m e n t ceux q u i , d ' u n e p a r t , on t t o u j o u r s
r é c l a m é , à Home et à P a r i s , l ' a ccord de la re l ig ion et
de la l ibe r té , el , d ' au t r e p a r i , ceux qui ont e u , d e p u i s
dix a n s , le m o i n s d ' a s c e n d a n t , je n e dis p a s s u r le
Saint-Siège, t r è s - i n a c c e s s i b l e a u x inf luences , m a i s en
F r a n c e , su r le Clergé. Oui , je le r e d i s , — eu en r o u g i s -
san t p o u r m a p a r i , q u o i q u e j ' a i e lu t té c o n t r e ce fatal
c u t r a î n e m c n l , — ils ont été oubl iés , dé la i s sés , m é c o n -
n u s , a l l a q u é s , presque, r é p u d i é s . Eue a u t r e école s'est
fo rmée , qui a eu les faveurs de la p o p u l a r i t é p a r m i les
c a tho l i ques : son succès est là p o u r n o u s h u m i l i e r ,
Monsieur , ma i s auss i p o u r vous d é m e n t i r . Or, cel te




•il-S L E T T R E A M. L E V " D E L A ( I L ÉR ON'NT E U E


école , elle fut à v o u s , t ou t à vous . Elle v o u s c o n s a c r a i t
lous ses efforts, des l ouanges q u e le P o u v o i r i m p é r i a l
n e p e u t avoi r oub l i ées , en m ê m e t e m p s q u e l 'Ép i scopa t
ne cessai t de p r o d i g u e r à l ' E m p e r e u r les m a r q u e s
d ' u n e conf iance s i n c è r e ; et telle a é té l ' inf luence de ce
m o u v e m e n t , q u e l ' E m p e r e u r a p u t r ave r se r en t r iom-
p h e , il v o u s en souv ien t , les r a n g s de ces p ieux Bre -
t o n s , don t M. le duc de G r a m o n t p l a i s an t e si a g r é a b l e -
m e n t d a n s ses d é p ê c h e s .


Le pa r t i don t vous par lez , b ien lo in de déconsei l le r
les r é fo rmes , les a t ou jou r s r e s p e c t u e u s e m e n t sol l ici-
t ées ; b i e n loin de m e n e r le Clergé, il en a été m é -
c o n n u ; a u c o n t r a i r e , le pa r t i qui n e d e m a n d a i t p a s de
r é f o r m e s , il é ta i t à v o u s , f idè lement , c o m p l è t e m e n t à
vous .


l i


Avec la g u e r r e d ' I ta l ie c o m m e n c e u n e a u t r e s i tua t ion ,
i 'n i m m e n s e p a r t i se f o r m e a lo r s , i m m e n s e , en effet,
c a r il se c o m p o s e de tou te l 'Église de F r a n c e ; il mêle à
des s y m p a t h i e s s i ncè re s p o u r l ' I tal ie le v œ u a r d e n t q u e
le p o u v o i r d u P a p e soit r e s p e c t é . Dans ce par t i sont les
c a r d i n a u x , t ous les É v o q u e s , fous les p r ê t r e s , tous les
c a t h o l i q u e s , que l les q u e so ien t les n u a n c e s qu i les d i -
v i s e n t ; et auss i lous les h o m m e s de q u e l q u e v a l e u r ,
p a r c e qu ' i l s s a v e n t lous de que l in té rê t m a j e u r i! est de
m a i n t e n i r i n d é p e n d a n t le p r e m i e r pouvo i r sp i r i tue l de
la t e r r e , p a r c e qu ' i l s saven t q u ' ê t r e S o u v e r a i n est, p o u r
le P a p e , le seul m o y e n de n ' ê t r e pas sujet.


Tou tes ces voix, q u i s o n t un i e s à la n ô t r e , vous im-




EN l i E i ' H N S E A S A M I O C H E U E ( I 8 ( i l


por l i i ncn l , et v o u s pa r lez de coal i t ion e n t r e les fils des
Croisés et les fils de \ o i l a i r e .


Mais q u o i ? s i , c o n n u e v o u s le d i tes v o u s - m ê m e ,
!Î biut ce qui se rapporte à l'indépendance spirituelle
a du chef de l'Eglise rcrêt un caractère d'au ivcrsa-
:i /¿7(1; » s i , c o m m e vous le di les e n c o r e , « l ' i ndépen-
c d a n c e t empore l l e du P a p e est u n e garantie de l ' in-
<( d é p e n d a n c e s p i r i t u e l l e , » de b o n n e fo i , c o m m e n t
vous é tonnez -vous des s y m p a t h i e s un ive r se l l e s q u ' a
r e n c o n t r é e s la c a u s e d u P a p e , c l de ce t te exp los ion
d 'écr i ts é l oquen t s qui s 'est faite de toutes p a r i s ; et de
ces voix c o u r a g e u s e s des pnb l i c i s t e s , des p h i l o s o p h e s ,
des h o m m e s d 'Éta t , q u i , d a n s la n o b l e é léva t ion de
l e u r e sp r i t et la l ibre f e rme té de l e u r consc i ence , on t
p a r l é c o m m e les Evoques ?


Fan (Ira i f-il d o n c pense r q u e n o u s s o m m e s d a n s des
t emps où l'on n ' a p p r é c i e pas p lus l ' h o n n ê l e t é b lessée
et fa nob le fe rmeté des consc i ences l ib res , q u e les i n -
qu i é tudes filiales et les p r o t e s t a t i o n s é n e r g i q u e s de
la foi ?


Non, p o u r ê t re ici avec le P a p e et les c a t h o l i q u e s , il
n 'est p a s n é c e s s a i r e d ' ê t re ch ré t i en : ne suffit-il pas
d 'ê t re h o n n ê t e h o m m e ?


Et qui d o n c , Monsieur , fut le chef de cet i m m e n s e
par t i ? l ' E m p e r e u r l u i - m ê m e . Avant la g u e r r e d ' I t a l i e ,
S. M. a l'ait e n t e n d r e ces so l enne l l e s p a r o l e s :


« Nous n ' a l lons p a s en Italie f o m e n t e r le d é s o r d r e ,
« ni d é p o s s é d e r les s o u v e r a i n s , ni ébranler le pouvoir
e du Saint-Père. q u e nous avons r e p l a c é s u r son
« I rène . »


El e n c o r e : « le bu t de la g u e r r e est de r e n d r e l ' I talie
• i à e l le -même, et non de la faire changer de maître. »




•ilG I . K T T R K A M E E V - | )K l .A ( H ' f . l R I N . M È U I - !


E t de nouveau , après la g u e r r e , p o u r r a s s u r e r une
troisième fois Ses c o n s c i e n c e s catholiques alarmées.
l'Empereur, à l'ouverture île la sess ion l é g i s l a t i v e , r é -
pétait ce l le d é c l a r a t i o n : n L e s faits parlent hautement
« d'eux-mêmes. Depu is onze ans, je soutiens a H o m e h-
« p o u v o i r du Sa int - P è r e , et le passé doit è lre une g a -
« rant ie de l 'aven i r . »


T e l l e s furent les d é c l a r a t i o n s de l ' E m p e r e u r : vo ic i
cel les de son O o u v e r n e m o n l .


3!. Je Ministre des Cu l tes , m ê m e après les paroles de
l ' E m p e r e u r , crut devo i r a d r e s s e r une c i r c u l a i r e spécial''-
¡1 Ion! l ' E p i s c o p a l f r a n ç a i s , d a n s Je buI e. d'érfnirer le
« C lergé s u r les conséquences d 'une lutte devenue i n é v i -
« table. « Que disa i t la c i r c u l a i r e ?


« L a vo lonté de l'Empereur esl de fonder s u r des
« bases sol ides l 'ordre public el le resj>e:l des sonremi-
« nclcs dans les Elats italiens, »


M. l l o u l a n d a jouta i t :


« L e p r i n c e q u i a r a m e n é le Sa int - Père au Vatican,
« VEUT que le C h e f suprême de l 'Ég l i se so i ! respecté
« D A N S T O I 5 S E S D R O I T S on sec •, r.nAiv T E M P O R E L . »


L e s p r o m e s s e s et les engagements p r i s devant l 'Epis-
c o p a l et devant le p a y s furent c o n f i r m é s avec p lus d 'é-


nerg ie encore au sein du C o r p s légis lat i f , p a r il. Je Pré-
skient du C o n s e i l d ' É t a l .


D a n s l a séance du lî() a v r i l 1859 , u n député c a t h o l i -


q u e , M- le v i c o m t e Anatole L e m e r c i e r , dans « la crainte
« que les événements ne l i tarohassenl p lus v i le encore
(i que les ordres venus de F r a n c e , » manifeste « le
« dés i r d 'entendre d é c l a r e r que le C o u v o r n o m r n l de


« l'Empereur avait pr i s toutes les p r é c a u l i o n s néces-
e s t o r e s , afin de garantir la sécurité du S a i n t - P è r e




E N R É P O N S E A SA Fi HOC H E R E 18(11). 417


dans le p r é s e n t , Y indépendance du Sa in t -S iège d a n s
'-' l 'avenir . » « AUCUN DOCTE N'EST P O S S I B L E A C E T ÉGARD, » r é p o n d
vl. le P rés iden t d u Consei l d 'État . « Le G o u v e r n e m e n t
« p r e n d e r a toutes les mesures nécessaires p o u r q u e la
« sécur i t é et l'indépendance du S a i n t - P è r e so ien t a s s u -
!( r ées \ »


Lu an p lu s tard , d a n s la s é a n c e du 12 avri l 1860,
M. Haroche r épé ta i t t ex tue l l emen t ces p a r o l e s , et a jou -
tait avec gravi té :


« Elles n ' on t pas été l é g è r e m e n t p r o n o n c é e s 2 . »
El p o u r le p r o u v e r , M. le P r é s i d e n t d u Consei l d 'Éta t


exposa i t de n o u v e a u , d a n s les t e r m e s c a t é g o r i q u e s q u e
voici, les in t en t ions du G o u v e r n e m e n t :


« Le G o u v e r n e m e n t f rançais cons idè re le Pouvoir tent-
H j>orel c o m m e u n e condition essentielle de l ' i n d é p e n -
:i d a n c e du Saint -Siège . . .


« Le Pouvo i r t empore l NE PEUT ETRE DÉTRUIT. 11 doi t


« s ' exerce r d a n s des cond i t ions S É R I E U S E S . C'est p o u r
« r é t ab l i r ce P o u v o i r q u ' a été faite, l ' expédi t ion d e R o m e
« en -18M. C'est p o u r m a i n t e n i r ce m ê m e P o u v o i r q u e ,
« depuis onze ans , les t r o u p e s f rança i ses o c c u p e n t
« H o m e : l eu r miss ion est de .sauvegarder à la fois LE
« POUVOIR TEMPOREL , L'INDÉPENDANCE et la s écu r i t é du


« Saint -Père "'. »


Ce n'est pas tout : l ' h o n o r a b l e M. Ju les F a v r c ayan t
cru pouvo i r dire q u e , dès l o n g t e m p s et p a r t ous ses ac-
tes, l ' E m p e r e u r avai t c o n d a m n é le pouvo i r t e m p o r e l de
la P a p a u t é , S\. le P r é s i d e n t d u Consei l d 'État p ro tes t a en


' Compte rendu nl'lkk'l de la séance du 30 avril JSoO.
<j in i | i t ( ' rendu officiel de, la séance du 72 avril !8fi0. — ' ibiili'in.




• ' U S I. L T ' l l l L A i l . L E Y" i)K LA G U K K 0 N N I t K K


ces t e r m e s : « L ' E m p e r e u r n'a-L-i l p a s lui - m ê m e r e -


« p o u s s é , d ' une m a n i è r e auss i nob le que solennel le ,
« celte étrange accusation 1 ? »


P o u r éca r t e r les a p p r é h e n s i o n s e x p r i m é e s pa r un au t r e
o r a t e u r , M. le P r é s i d e n t du Conseil d 'Éta t lit u n e der-
n i è r e d é c l a r a l i o n , et a s s u r a : « que les t r o u p e s f rançaises
ne se ra ien t r e t i r ée s de Home q u e lo r sque le Sa in t -Pè re ,
suf f i samment confiant d a n s ses p r o p r e s t r o u p e s , se ju-
gera i t assez f or t p o u r se p a s s e r d e l ' a p p u i d e n o s sol-
dats ; que l e ( ¡ o u v e r n e m e . n l f r a n ç a i s n e v o u d r a i ! pas


fa i rece t t e expé r i ence du l endema in don t par la i ! .1!. Ilossi:
c e l a s e r a i t c o n t r a i r e à s e s v ieux l e s p l u s a rden t s . » —


« L A D É C L A R A T I O N nu G O U V E R N E M E N T E S T K O I V M K I . I . K ' A C E T


« ÉGAll l ) 2 . »


Devant ce conce r t u n a n i m e de tant de voix par lan t
de si h a u t , si on étai t venu m e di re : ' fout cela signifie
s i m p l e m e n t :


La F r a n c e , g a r d a n t la p e r s o n n e de Pie l \ , la issera le
P iémont faire con t r e la S o u v e r a i n e t é t empore l le du Pape
tout ce. qui lui p la i ra :


E n v a h i r ses É t a t s , é c r a s e r ses d é f e n s e u r s , c a m p e r à.
ses por t e s , d é c l a r e r qu' i i veu t p o u r capi ta le la Ville éter-
nel le , et qu ' i l y se ra d a n s six mois :


Eh b ien ! en m o n tune et. consc i ence , je le déc la re , je
n ' a u r a i s p a s cru q u ' i l fût poss ib le de faire à la b o n n e loi
e t à l ' h o n n e u r du G o u v e r n e m e n t d 'un g r a n d pays une
plus s ang l an t e in jure ;


El si , a u j o u r d ' h u i , il faut dé l in i l ivemenl e n t e n d r e dans
ce sens tou les les pa ro le s que j ' a i r appe lées , eh bien I je
le déc la re e n c o r e , ma consc ience est s tupéfai te , et je ne


1 GouipU' rendu ol'liricl de lu séance du IV avril lSCu. — - lliidcir,.




EN R É P O N S E \ S A P>R ! i ('. Il i li E l .Nol


sais plus ce qu' i l l'anl penser de la lovnulé el de la p a -
role h u m a i n e '.


.Mais on a dil que les me i l l eu re s i n l en l ious é ta ien t
modifiées par la force i r rés is t ib le des é v é n e m e n t s . Exa-
mino n s dune ces é v é n e m e n t s . Vous les r acon t ez , Mon-
s ieur , à vo t re m a n i è r e , ,1e vous su ivra i . Vous m 'obligez
à faire, en vous su ivant , p lus de pol i t ique que je n ' en a i
jamais fail; mais j'y suis fo rcé , j ' en appel le à v o u s - m ê m e ,


' En n ici ne Ic iop- ip i ' i l I e: liai t ce lini-'.'iïe, le G o u v e r n e m e n t témoignai t ,


parses a ides , sa résolution de ne pas se laisser mettre en suspic ion d e -


l.'ml ie p l u s .


Dans un communiqué à l'Ami de la Uidit/inn, du I!) juin 1K.VJ, ci


n'élai! pas seu lement lu personne , c'était Yutilocilé politique du Suinl-


l'to e, relectle pue nous il IJ « dix ««* , que le G o u v e r n e m e n t déclarait
être .vous' la garde respieOnense de nos armes.


Quelques jours après , le '•) jui i lc l , le Siècle imprimait en lete de ses


co lonnes cei autre ctinimnitiq'ié, non moins sbmilicaiif :


« I. • journal le 'iieele, en at laipianl aujourd'hui la papaulé dans suit


pou fair puliliq ne, confond la n o l l e c a i u e ce l ' indcpeu'iaiice italienne


avec celle de. la Révolut ion.


« I.e G ' u i M ' i ' i i c m c n t d(' l'Empereur' doit protester contre cet te cunfu-


•d.iu, i p i i est de nature i : xeiter les m a u v a i s e s pass ions , à troubler les


consciences et à trompée l 'opinion publique sur les principes de la po l i -


l'njui; fr.iucaise.


« i.c respcel cl la pralreiimi de la Papauté l'ont parti..'du programme


pie l 'Empereur est ailé fade p r i é a b é r eu Hal le . . .


« journaux d i i T c l i c n t « f « > w * T ce earaclorc d'une g l o -


'ieu.-e eue ire , munqiicnl à ce qu'il y a de [dus obligatoire dans le senti-


neut national.


« l,'Indépendance paît'titpic et la sou \era ine té spirituel le , unies dans


a Papauté , la rendent doublement respectable , et c o n d a m n e n t m o r a -


c n i r i i i d e ; ;itt:i<|iii-s contre lesquelles le Gouvernement aurnit pu Invo-


quer la répression l o c a l e ; mais ¡1 a preteré les l ivrera la ju.-tice a: l o -


in; n »


Eii l ln, dernier et e \p [v - - l f lé inoi iuiace , Y Union île l'Ouest, d ' A i i o r s ,


•:".'i'\ai!, le :; novembre .-rivant, un a\c i t ' i ssemcnt au sujet d'un article


lui avait paru au G n u \ e n i e m e n t ce,ter, sest>cc!cs L. >' ihWnlioM solen-




?'> ! ! ! ! il i S M. LE V" HE I.A G!' E 1¡ 0N'M È iî E


1 I I


Quelle est la s i lua l ion — Kl je le d e m a n d e d ' abord :
V q u i , à quel h o m m e do b o n n e foi p e r s u n d e r a - t - o n


qu'i l ait p u s e l'aire en Italie q u e l q u e c h o s e con t re la v o -
l có l e de la F rance ? Ces P i é m o n t a i s , qui n ' é t a i en t rien
avan t Magenta et Solfer ino, m a l g r é tout le b ru i t qu' i ls
l'ont de la na t iona l i t é i ta l ienne et de leur a r m é e ; ils ne
sont é v i d e m m e n t r ien q u e pa r le sang des f r a n ç a i s . A qui
fora- l -on c ro i re qu ' i l s a ien t é té un seul j o u r l ibres de
d é s o b é i r à la F r a n c e ! In te r rogez le bon sens des -mas -
ses , consul tez un de n o s so lda t s , en t rez d a n s la c h a u -
m i è r e d 'un p a y s a n , posez à qui vous voudrez celte sim-
ple ques t ion : Les m a l h e u r s d u Pape sera ien t - i l s
poss ib les , si la F i a n c e ne le voula i t pas ? Aucun h o m m e
r a i s o n n a b l e n e v o u d r a l ' avouer . On en est donc réduit
à se d i r e q u e si l ' épée de la F r a n c e est forte, au c o n -
t ra i re sa pol i t ique est faible, q u ' a j an t droi t à des éga rds ,
elle a souffert des d é d a i n s , et la issé a b r e u v e r d 'ou t rages
son a u g u s t e p ro tégé .


A o n , nu l ne doute, de la t o u t e - p u i s s a n c e de la
F r a n c e et du G o u v e r n e m e n t de l ' E m p e r e u r , mais c'est
à cond i t ion q u e sa pol i t ique d e m e u r e a u n iveau de son
épée .


Hé las ! le G o u v e r n e m e n t n ' a q u e t rop senti l u i - m ê m e
la force de ces a p p a r e n c e s , et c 'est p o u r les c o m b a t t r e
q u ' o n a c ru nécessa i re d ' i m a g i n e r les expl icat ions dont
vous avez, vous, Mons i eu r le Di rec teur d e l à P resse , de-
m a n d é la p e r m i s s i o n d 'ê t re l ' i n t e r p r è t e ; en voici le r é -
s u m é fidèle :




KN I t K l ' O . N S K A S A i i l t u C l i L K Ï : J S f i i


c La F r a n c e a élu a d i r é e en Italie m a l g r é el le, pa r les
c i r cons t ances . Mlle \ est en t rée ple ine de sol l ic i tude p o u r
les droi l s du Sa in t -Père . Elle a oiïert à l 'Aut r iche de
neu t ra l i se r son te r r i to i re . L 'Autr iche a eu tort de se r e -
tirer, de l ivrer les p o p u l a t i o n s à e l l e s - m ê m e s , et el les se
sont i n s u r g é e s . C'est a lo r s que l ' E m p e r e u r a suppl ié le
P a p e de l'aire des r é f o r m e s et des sacr i f ices , pu is il lui a
p r o p o s é le Vicariat du Moi de Sa rda igne d a n s les Ito-
m a g n e s ; le P a p e n ' a r ien accep té . Les P iémonta i s ont
envah i le t e r r i to i re pont if ical , le G o u v e r n e m e n t de
l ' E m p e r e u r a b l â m é cette v io lence , il a r e t i r é son Am-
b a s s a d e u r de T u r i n , a doub lé la g a r n i s o n de h o m e , ma i s
il n 'a pas pu faire q u e le P a p e , faute d ' avo i r concédé à
p r o p o s les r é fo rmes néce s sa i r e s , n ' é p r o u v â t le m ê m e
sor t q u e le Grand Duc de T o s c a n e , le Duc de Modène ,
Je Jîoi de A'aples, etc. »


Si j ' a j ou t e q u e l q u e s i n s inua t ions a m è r e s et des a m -
plifications super f lues , voi là , Mons ieur le Vicomte, tout
vot re écri t .


Ce n ' e s t pas à mo i , Mons ieur , à dé fendre les Autri-
ch iens ; ce n ' es t ni m o n rô le , ni mon goû t . Mais il m ' e s t
bien p e r m i s de r e g a r d e r la ca r t e et de faire obse rve r ,
cer ta in q u ' a u c u n mil i ta i re ne me d é m e n t i r a , q u e , lo r s -
que n o u s touch ions à Vérone , i l l eu r était fort difficile
de res te r à Bologne et à F e r r a r e . Il m ' e s t bien p e r m i s de
r a p p e l e r auss i q u e le P r ince Napo léon , c o m m a n d a n t le
.">" corps d ' a r m é e , a déc la ré , d a n s un r a p p o r t i n sé ré a u
Moniteur, q u e ses m a n œ u v r e s e t son a p p r o c h e ava ien t
forcé les Aut r i ch iens à se re t i re r .


Aussi j e m ' é t o n n e de vous e n t e n d r e a c c u s e r Pie IX
d 'avoir été a b a n d o n n é p a r tout le m o n d e , m ê m e p a r les
Aulr ichiens .




•i'J-J l . h T T H E A VI. I.J-1 V DI-: I.A U V U t O X N l K i i E


Quoi qu' i l on soil , e'e.-d de n o i r e en t r ée en Italic q u e
d a t e n t les p r e m i e r s m a l h e u r s du Pape. Est-il vrai qu ' i l
a u r a i t pu 1rs r é p a r e r , et c o n j u r e r ceux qui les on! su i -
vis, en a c c o r d a n t a lo r s des r é f o r m e s ?


Mais , de b o n n e foi, à qui M. de la G u é r o n n i è r c i e r a -
t-il c ro i r e q u e le sa in t et ve r tueux P a p e , assis en ce m o -
m e n t s u r la Cha i r e de saint P i e r r e , soit un ennemi de
tou te r é f o r m e ? 18/47 n ' e s t p a s si eloign*': de nous . Ce
q u e les h o m m e s pol i t iques l i bé r aux de toute l'Eut ope
r e p r o c h è r e n t a lors à Pie f\ (et ce que je nie ga rde de
lui r e p r o c h e r ; , ce n'eM poin t de ne pas avoir acco rdé
assez de r é ) o r m e s , c 'est , d a n s l ' i m m e n s e bon voulo i r
de son â m e s incère , d 'avoir p e u t - ê t r e dépassé la m e -
s u r e . On le jugi-a bien aux r é su l t a t s . Il avail osé fonder
d e u x C h a m b r e s parleur: n la i r e s a u p r è s du Va t i can , et
c 'est su r le seuil de l 'une d'elles que son minis t re l'ut
égorgé . Q u o i ! est-i l s u r p r e n a n t q u ' a p r è s col ho r r ib l e
r e n i e r c h n o n t , il ail réf léchi? Est-il s u r p r e n a n t qu ' i l ait
l'ait ce q u ' o n t lait tous les Souvera ins de l 'Europe , ce
q u ' a fait la F r a n c e , r ecu lan t ap rès 18'nS bien en deçà des
in s t i t u t ions qu 'e l le avai t eu Ja fantaisie de r é p u d i e r ,
r e c u l a n t et réf léchissant si l ong t emps , q u e , le 2à n o -
v e m b r e de rn ie r s e u l e m e n l , l ' E m p e r e u r a osé r e n d r e au
pays u n e faible pa r t i e de ses a n c i e n n e s ins t i tu t ions?


Tro is mo i s n e se son ! pas ( 'coulés depu i s q u e n o u s
avons r e ç u cet te l iber té si m o d e s t e , et v o u s vous ind i -
g n e z , Monsieur le v i c o m t e , que le pape n 'a i t pas un
L u x e m b o u r g et un P a l a i s - B o u r b o n , r e t en t i s san t du b ru i t
des dé l ibé ra t i ons de son p e u p l e ! Vous vous é lonnez qu'il
n 'a i t pas ajouli 1 , à tou tes les a m é l i o r a l i o n s f inancières
qu i font du budge t de ses États un des mieux con t rô lés
de l ' E u r o p e , a u x amé l io ra t ions admin i s t r a t ives et j u d i -




E N R E P O N S E A S A NV.OC Il l' I! E j S f i l ; . ¡2:}


c-iaires déjà r é a l i s é e s , de nouve l les c o n c e s s i o n s po l i -
t iques ; cl à quel le l i e u r e , d a n s que l m o m e n t ? Au
m o m e n t où 1 i n su r ro r l i on , s o u d o y é e par la pol i t ique
p i é m o n ' a i s c , venai t de lui rav i r u n e prov ince .


Je m ' a d r e s s e à la l o y a u t é de l ' E m p e r e u r : Si une in-
su r r ec t i on eû t écla té à Niantes, à Lyon ou à S t r a s b o u r g ,
eû t - i l chois i ce m o m e n t p o u r a c c o r d e r le déc re t du
2à novembre,? V o u s - m ê m e , Monsieur le v i comte , a u -
r iez-vons d e m a n d é à Monsieur le Minisire de l ' In té r i eur
la pe rmiss ion de Je lui consei l le r?


Et c e p e n d a n t , M o n s i e u r , d i tes-vous v ra i , q u a n d vous
af/ innez rpie ie Souvera in Pontife a refusé des r é fo rmes?


Voici la r é p o n s e :
A la da te du à n o v e m b r e 1839, M. le comte WalowsU


écr i t à lotis n o s agonis d i p l o m a t i q u e s , au m o m e n t du
t rai té de Zur ich ;


« Déjit le g o u v e r n e m e n t de l ' E m p e r e u r a l'assurance
(pie le Saint Père n 'a t tend q u ' u n m o m e n t o p p o r t u n p o u r
faire conna î t r e les ré formes dont il es l décidé a d o t e r
ses États. . . )) El pa rmi ces r é f o r m e s , le Ministre n o m m e
« u n e admin i s t r a t i on g é n é r a l e m e n t l a ï q u e , la gest ion
» des f inances, la ju s t i ce , et tout cela au m o y e u d ' u n e
n a s semblée élective. »


Le t rai té de. Zurich l u i - m ê m e , d a n s son ar t ic le 2 0 ,
cons ta te I r ré f ragable inent les m ê m e s faits. Gel ar t ic le
parle de l ' adop t ion , p o u r les É ta t s de l 'Église, t, d 'un
njs tènie a p p r o p r i é aux besoins des p o p u l a t i o n s , et con-
forme aicc généreuses intentions DÉJÀ .MANIFESTÉES du
Suucerain-Vonlife. »


Q u a t r e mois a v a n t , c ' e s t -à -d i re dès le c o m m e n c e m e n t
de jui l let 1859, le Sa in t -Père avai t manifesté les m ê m e s
d ispos i t ions .




Ì 2 i E E T T I » E A M. L E V"' Il K LA ( i l É H O N N l H U E


« Le l e n d e m a i n de la j o u r n é e de Villafranca, le comte
Walev\ ski dit à lord Cow ley q u e le Pape s'était spontané-
ment déclaré prêt à su iv re les avis q u e p o u r r a i t lui d o n -
n e r la F r a n c e .


« Au moi s de s e p t e m b r e , le duc de G r a m o n l a c o m -
m u n i q u é un plan c o m p l e t de r é fo rmes . 11 lui fut ré-
p o n d u « epa; S. S. était prète a les accepter, pou rvu
« qu ' i l lui fût d o n n é l ' a s s u r a n c e q u ' e n les a c c o r d a n t
« elle c o n s e r v e r a i t les É ta t s a p p a r t e n a n t à l 'Église. »


Qui n o u s d o n n e ces r e n s e i g n e m e n t s ? l ine sou rce peu
s u s p e c t e , le r ecue i l des p ièces d i p l o m a t i q u e s c o m m u -
n i q u é e s p a r le cab ine t ang la i s à la C h a m b r e des c o m -
m u n e s .


« Le S a i n t - l ' è r e , d i t e s - v o u s , m e t t a i t à la concess ion
« des r é f o r m e s u n e condi t ion i n a c c e p t a b l e . »


Le. g o u v e r n e m e n t l u i - m ê m e va vous r é p o n d r e :
» Q u ' u n g o u v e r n e m e n t , a qu i on consei l le de m o d i -


ci fier c e r t a ines i n s t i t u t i ons , se conforme à ces conse i l s ,
ce A LA CONDITION QUE SON INTÉGRITÉ L i t SERA GARANTIE,


ce CELA SE COVI ['REND. »


Voilà ce q u e déc l a ra i t M. le P r é s i d e n t d u consei l
d 'Éta t , le 12 avri l 1860.


Ainsi le P a p e n ' a p a s refusé les r é fo rmes .
Mais s i n c è r e m e n t , je vous pr ie de m e l e d i r e , c royez-


vous q u e des r é f o r m e s a u r a i e n t r ien c a l m é ?
Quel a é té le p r e m i e r s o u v e r a i n r e n v e r s é ? le g r a n d -


d u c de T o s c a n e . Or, l 'Eu rope le sai t , nul g o u v e r n e m e n t
n ' é ta i t p lu s d o u x q u e le s ien. 11 n e lui m a n q u a i t de la
l i be r t é , de la p lus en t i è r e l ibe r t é , r i en q u e les fo rmes . 11
vou lu t les d o n n e r à s o n p a y s . Il c h a r g e a M. le m a r q u i s
de Lajat ico de p r é p a r e r u n e cons t i tu t ion , et q u a n d ce
m i n i s t r e alla c h e r c h e r ses fu turs col lègues , où les t rouva-




EN U E i m V - E A SA l i i i iu !i ! !;E . I 8 i ; i ' . al",


t-il ? en ii aiu (le c o n s p i r e r chez le m i n i s t r e de Sa rda igue ,
M. B u o n c o m p a g n i . Q u e l q u e s j o u i s a p r è s , la T o s c a n e
n 'ex is ta i t p lu s .


Est-ce q u e le Roi de Xaples a é té s a u v é p a r l a cons t i -
tut ion qu ' i l a c c o r d a ? Quel u sage en.fit-on ? On a n n o n ç a
qu 'on ne s 'en se rv i r a i t q u e p o u r r é u n i r un P a r l e m e n t
c h a r g é de p r o n o n c e r sa d é c h é a n c e . 8e décida-t- i l t r op
t a r d ? Mais peut-on l'aire un c r i m e à u n s o u v e r a i n de
vingL-deux a n s , é t o u r d i p a r le p r e m i e r b ru i t qui f rappe
ses ore i l les , le b r u i t d ' une i n s u r r e c t i o n , d ' avo i r un i n s -
tan t hés i té avan t de s ' i m m o r t a l i s e r p a r u n e h é r o ï q u e
défense ?


Les réformes'.' II s 'agit b ien de r é fo rmes et de peup les
h e u r e u x ! On c h e r c h e des c o u r o n n e s e t des peup le s en
r é v o l t e , p o u r c h a n g e r ces c o u r o n n e s de tête, p o u r les
p l ace r s u r le f r o n t , de qui ? il me se ra bien p e r m i s de
d i re q u e ce n 'es t pas un génie h o r s ligne c o m m e N a p o -
léon 1", n a t u r e l l e m e n t é levé a u - d e s s u s des a u t r e s h o m -
m e s , et de so lda t d e v e n a n t Roi.


N o n , c 'est d ' un P r ince qui n 'a p o u r lui q u e sa d e s -
c e n d a n c e , sa M a i s o n , et qu i n e c r a i g n a n t pas d ' a b a t t r e
cl de dépou i l l e r ses p a r e i l s , sou n e v e u , u n e v e u v e , un
enfan t , un viei l lard, s 'es t l'ail le compla i san t des d é m a -
gogues , p o u r deven i r c o n q u é r a n t .


Des r é f o r m e s , c 'était b ien ce qu ' i l s voula ien t ! Ils v o u -
la ien t Rome et l 'Ualie en t i è re . Qui peu t en d o u t e r a u -
j o u r d ' h u i ?


P o u r le P i émon t et ses c o m p l i c e s , les r é f o r m e s n ' on t
j a m a i s élé q u ' u n p ré t ex te .


Ne les a v o n s - n o u s pas e n t e n d u s le d é c l a r e r i m p u d e m -
m e n t , d a n s le National, dès 1849 :


« Quoi q u e fasse le Pape Pie IX. on n ' a c c e p t e r a les




\ÌV, L E T T R E À M. Е Е Y" D E E Л G E É R 0 \ N1 È R E


« l iber tés qu' i l d o n n e r a Q U E P O U R ЕЕ I Î E W E U S E K . » Kl ils
ont tenu parole .


Avoz ­vous oubl ié q u ' a u Congrè s de Par is , d a n s ce l a ­
ineux pro toco le q u ' u n j o u r n a l piéu ionla i s appela i t l'é­
tincelle d'un irrésistible incendie': q u e M. de L a m a r l i n e
noni ine si bien une déclaration de guerre sous une
signature de paix : la pierre d'attente du chaos euro­
péen ; la fin du droit public en Europe, M. de Cavour
p r o c l a m a i ! l ' imposs ib i l i té r a d i c a l e des r é fo rmes dans le
O o u v o r n e m o n t pon l i l i c a l , et le dénonça i t c o n n u e un
scandale et ­un péril pour l'Europe ; albani , l u i , M. de
Cavour , j u s q u ' à a c c u s e r la l oyau té du pieux Pontife, et
a jou tan t : « S'iJ acco rde des r é f o r m e s , ce. ne sera q u ' r e
к apparence, et p o u r les r e n d r e i l lusoi res dans la p r a ­
ti t ique. »


On a b e a u c o u p dit. q u e Pie IX aura i t bien pu sacrifier
u n e p r o v i n c e , p u i s q u e Pic U l'a l'ait. Combien la s i tua­
lion n'es t ­e l le p a s différente ! Le l 'ape Pie \ I , la Ch ré ­
t ienté me p a r d o n n e r a de p r e n d r e ici le langage d'un ci­
toyen f i ança i s , le Pape Pie Л" 1 commit, la faute de déc la re r
la g u e r r e à i a F r a n c e . Ayant c o u r u les c h a n c e s de la
g u e r r e , il en sub i t tes c o n s é q u e n c e s .


Le géné ra i B o n a p a r t e lui d e m a n d a u n e prov ince , il
la céda. Mais ce n'étai t q u ' u n e province . \ Pie IX, qui
n 'a pas l'ait la g u e r r e , on a d e m a n d é u n e prov ince , a u
n o m d'un pr inc ipe qui m e n a ç a i t tout le reste de son
pouvoi r . Le Piémon t a r é c l a m é tout : bien.Pl. après , la
f a m e u s e b r o c h u r e le Pape cl le Congrès, dont M. le Di­
rec t eu r de la Libra i r i e c o n n a î t p r o b a b l e m e n t l ' au teur ,
et doni lord J o h n Bussoli a dit (2 Л d é c e m b r e 1860)


// ll­'xoryiuu-iiU), journal île M. tic С а ч ш г ,




К N l; Ù ' n N S i ! Л SA H H ( X . i n Y. i 80 i . 127


quY//V a [ail perdre au Pape plus de la moitié de ses
Fiais, la b r o c h u r e a р г щ ш - е c[iic le P o u v o i r temporel
l ï i ! réduit à мгапо ol à ou j a r d i n . D a n s la t ransact ion
offerte a u Pape suiv ies l l o i n a g u e s , il \ a \ a i ! donc u n
sot is ­ imlondu. J a m a i s le Pape n'a été placé en face de la
p r o p o s i t i o n , faite (le bonne foi , de sacr i f ie r une p r o v i n c e ,
u n e s r n l e , [mur garder le reste, f in v o u l e z ­ v o u s l a
preine' . ' Regardez aux résultats . L e Piémont n'a cessé
de d e m a n d e r H o m e , l ï o i n c , rnLondez­io b i e n , et non pas
seulement les l îo inagnes .


\U l je ne m'étonne point q u ' u n j o u r n a l , que je ne
n o m m e p a s , qui mari lu­ a u j o u r d ' h u i à la tèîe de eeile
pol i t ique, et qu'on vo i t , Monsieur , a u x prend ers rangs
de c c u \ q u i applaudissent, votre b r o c h u r e , se soit é c r i é ,
après l ' o c n i p a i i o n des l l o m a g n e s : a (le n'est là que la
p r c i , . i è i v étape; » p u i s , regardant Home : <• L a seconde
т е н т а plus bén. » К s un autre : « C'est un p r e m i e r
p a s , mais un g r a n d pas ! »


Depuis со temps, loul a m a r c h é à souha i t : toutes les
étapes u n i été l'ail; s , et il no reste plus q u ' u n pas à
f r a n c h i r .


\ o n , il u'\ a eu q u ' u n h o m m e do f ranc d a n s tout c e l a ,
c'est C a r i h a l d i . L u i , du m o i n s , a par lé c ia i r :


» li fa al ext i rper de J'I la lie le c h a n c r e d e l à P a p a u t é . . .
(i 11 faut exterminer ces robes noires l . »


<; C'est ii H o m e , c'est du liant du Quirinal qu ' i l faut
« p r o c l a m e r le roxatune i t a l i e n , etc. , etc. ; ;. »


K! ce n'est qu'à la suite de C a r i h a l d i , q u ' a u P a r l e m e n t
d e 1 ' f u r i n , on a l'ail, enf in , c o u r a g e u s e m e n t , à lit t r i b u n e ,


l .e l lrc aux eOniiains de Г1 ni\>'i­itr de l'avie.
­ l'niciiuiial h i c an |.cii[ilr do l'alei n e .




',28 E E T T I S E A Al. LU. V D E LA G l E \ { ( i N M K li E


le s e r m e n t de ne pas s'arrêter en si beau chemin '. Ce
n 'es t q u ' a p r è s avoi r ve r sé i m p u n é m e n t le sang français
à Cas te l f idardo , q u e M. d e C a v o u r a p u , enfin , s 'écr ier
à la t r i b u n e : » Nous v o u l o n s p o u r capi ta le Ja Mlle éter-
nel le , et n o u s y s e rons d a n s six mois 2 ; » Et déjà , dans
cet te f a m e u s e séance où il fit j uge le P a r l e m e n t en t re
( l a r iba ld i et lu i , a r r i v é dès lors au bu t , ou peu s'en faut,
M. de C a v o u r n ' ava i t pas h é s i t é à d i re le m o t : a C e s
« mémorables événements ont été la C O N S É Q U E N C E N É C E S -
« SAi i iE de notre politique, — n o n p a s d e p u i s six mo i s ,
« m a i s — DEPUIS DOUZE ANS 3 ! »


Et c 'es t a p r è s tout cela, Mons ieur , que vous osez bien
n o u s d i r e , en a c c u s a n t le P a p e , qu ' i l n 'y ava i t là (pi"une
ques t ion de r é f o r m e s , et qu ' i l n ' a p a s m a n q u é a u t r e
c h o s e au P a p e p o u r se g a g n e r les s y m p a t h i e s ! Et p a r m i
tous ces I ta l iens m a l a d e s de la pes te r é v o l u t i o n n a i r e ,
c 'est le P a p e qu i est le g r a n d c o u p a b l e , c 'est lui qu ' i l
faut i m m o l e r !


11 es t v r a i , le G o u v e r n e m e n t de l ' E m p e r e u r a p roposé
le s y s t è m e d u Vicariat d e V i c t o r - E m m a n u e l . Je p o u r r a i s
vous d e m a n d e r , Mons ieur , si vous consei l ler iez à l 'Em-
p e r e u r M. le P r ince de JoinviUe p o u r vicaire de l 'Algérie.
Mais à quo i bon ? Dans le Livre, jaune, don t vo t re écri t
est le c o m m e n t a i r e , je lis u n e d é p è c h e p a r l aque l le
M. de Cavour r e p o u s s e ce s y s t è m e . Le p r o p o s e r a u P a p e ,
l o r s q u e l 'Italie n ' e n voula i t p a s , n ' é ta i t q u ' u n e a m è r e
dé r i s ion .


Ici se p lace un p ro je t , qui n o u s est r évé lé p o u r la


' Séance (la i 3 avr i l 186», rapport de AI. Ee i ruco sur le décret l o u -
c h a n t l 'annexion des prov inces de l'Italie centra le .


' Séance du 11 octobre 1800.
* Les Ik'lxas, S octobre I8(id.




E N K É P O N S K A S A B R O C H E H E ; i 8 6 l > . îî!>


p r e m i è r e i b i s , le proje t d 'une ga ran t i e des p u i s s a n c e s
ca tho l iques . Ce projet j>araîl p lus r a i s o n n a b l e ; c e p e n -
d a n t la r é p o n s e du Pape , q u e v o u s appelez curieuse, m e
semble plus r a i s o n n a b l e e n c o r e . Elle se b o r n e à ceci :


« C o m m e n t p o u v e z - vous m e g a r a n t i r u n e p a r t i e ,
q u a n d vot re g a r a n t i e ne m ' a p a s e m p ê c h é de p e r d r e
l ' a u t r e ? Que va l en t ces g a r a n t i e s , en face d 'un a d v e r -
sa i re a s s u r é de l ' i m p u n i t é , s'il les v io le? Je veux bien
des r é fo rmes , ma i s des r é fo rmes l ib res . Je veux b ien
d ' u n e r e s s o u r c e , si elle peut se r a t t a c h e r à q u e l q u e o m b r e
d 'un droi t ; j e n e veux pas d ' u n e pens ion qui sera i t une
cha r i t é p réca i re . J e veux b ien u n e a r m é e , m a i s je p r é -
fère la f o rmer m o i - m ê m e ; je veux des dé f enseu r s , non
des g a r d i e n s des I ta l iens et des c a t h o l i q u e s v o l o n t a i -
r e s , non des é t r a n g e r s en g a r n i s o n . Je consens à ê t r e
p ro tégé , ma i s j e préfère e s s a y e r d ' ê t re i n d é p e n d a n t . »


Si c 'étai t là u n e il lusion, c o n v e n e z - e n , e l leé la i t noble .
I n e m p r u n t , u n e a r m é e , des r é f o r m e s l i b re s , en un mot ,
un g o u v e r n e m e n t de droi t c o m m u n , se suffisant à lu i -
m ê m e , voilà ce q u ' a s o u h a i t é le P a p e , voilà ce qu' i l a
t e n t é , a v a n t de recevo i r l ' a u m ô n e et les g a r n i s o n s des
pu i s sances .


Il a é c h o u é , d i tes - vous . Nul lement : il a r éuss i à
r é u n i r des f o n d s , à se d o n n e r un des p r e m i e r s g é n é -
r a u x de l 'Eu rope , tou t ce qu' i l fallait p o u r p e r m e t t r e à
la F r a n c e de se r e t i r e r b ien tô t , s a n s l a i s se r p lace à u n e
révolu t ion i n t é r i e u r e .


C'est là p a r t i c u l i è r e m e n t où v o u s voyez, Monsieur , le
t r i o m p h e de l 'espr i t de par t i .


Vous avez des pa ro l e s de déda in con t re nos b r e t o n s ,
pa r ce qu ' i l s son t d 'un pays où l ' a t t a chemen t à la vieille
m o n a r c h i e a d u r é avec la foi. On a fait à Rome , di tes-




W« l . K T T K K A M. L E V - 1)K LA ( .1 Eti ON M E 1 ! E


v o u s , un petit Goblenlz. Est-ce bien sérieux? ,1c vous
défie de prouver qu ' o n ail r ien lenlé conlre la F rance ;


je connais des légitimistes qui ont été blessés, au c o n -


traire , du mauva is accuei l qui leur a élé l'ait , tant le


gouvernement r o m a i n était préoccupé du soin d'éviter


tout ce qui pouvait mêler les réminiscences intempes-
tives de la pol it ique au noble élan de la religion. Mais
enfin , il y avait des légitimistes , cela est vrai , dans


l 'armée du Pape ; comment s'en étonner ? N'est - il pas
plus surprenant de les voir, c o m m e vous le dites, si-


gnalés par la vigilance éclairée (Tau duc de Cramant
(p. kh) ?


Vous dites que ce n o m ajoute à la valeur du d o c u -


m e n t ; vous avez ra ison.


Vous avez encore des paroles dures pour le général


de La Moricière, qu i « n'était pas sous nos aigles dans


nos luttes héro ïques d'Italie et de Cr imée (p. /qp. » Il


n'y élail pas , Monsieur , parce qu'il était à Bruxelles ;


exilé par q u i ? et p o u r q u o i ? Vous m'obligez à vous le


rappeler. Vous l'appelez un homme politique séparé du
Gouvernement de son pays (p. 4 7 ) ; il serait plus exact
de dire : un h o m m e die guerre séparé de son pays par le


Gouvernement . Au fond de votre consc ience , je suis


pe rsuadé , M o n s i e u r , que vous honorez le gérera i La


Moric ière d 'avoir fait ce qu'il a l'ail , et pour moi je re-
merc iera i toujours l 'Empereur de l'y avoir autorisé.


Le 'cape, en s'elforcanl d'avoir des troupes et des


ressources, a tâché de ren l rer dans ce que vous appelez


vous •même, ail leurs, le* conditions ordinaires des pou-
voirs humains, au-n/nelles il est soumis (p. 23). En ap-
pelant de préférence un général c l des volontaires de


notre pays, il nous rendait hommage . La polit ique et la




EX U E I ' O N S E A S A l U W K ' l i l KE 1 S 6 1


l iorlc na t iona le s au ra i en t eu à se ré jou i r , si Je P a p e ,
n 'étant, plus défendu p a r la f r a n c o , l'oit' été t o u j o u r s
p a r des França i s .


En r é s u m é , Monsieur le Consei l ler d 'Etat , je ne c o m -
p r e n d s pas vo t r e ins i s tance su r les r é fo rmes . À m o i n s
q u e vous ne vouliez g r o s s i è r e m e n t a t t i ser des p ré jugés
vulga i res , il est év ident que ie Pape Pie IX a i m e les r é -
fo rmes , q u ' a u c u n e ne l ' au ra i t s auvé , q u ' o n se m o q u a i t
de ces r é f o r m e s , qu 'on en voula i t à son pouvo i r , et
q u e sous ces p r é t endus a r r a n g e m e n t s p o u r le sacrifice
d 'une p rov ince , s'est tou jours c a c h é le plan a r r ê t é de
tout p r e n d r e ; q u e dès l o r s , a v a n t des r a i s o n s de ne
plus se lier à d ' a u t r e s p r o t e c t e u r s qu ' à Dieu et à l u i -
m ê m e , il a bien fait de, c h e r c h e r à se suffire, et qu' i l y
a u r a i t réussi peu t -ê t re , s ans l ' invas ion inqual i f iable des
P i émon ta i s , soi" laquel le vous passez b ien vite, Monsieur ,
ma i s don t c'est pour moi u n devoi r de par ler .


I V


« L ' invasion des p rov inces du Pape, d i ies-vous vp .5 l ) .
« était dans les vues du P i é m o n t , une a t t a q u e ouve r t e à
H la r éac t ion don t Je siège é ta i t à t h u n e . . . . a


Ici, vous vous t r o m p e z c o m p l è t e m e n t , et bien é t r a n -
g e m e n t , Monsieur . Dans sa d é p ê c h e du 18 o c t o b r e I860,
insérée, au Livre j a u n e (p. 162), Son Exc. le Ministre' des
a l f a i r c s é t r a n g è r e s , M. T h o u v e n e l , écr i t à t o u s l e s agen t s
d i p l o m a t i q u e s de la F r a n c e , q u e « Sa Majesté a duii/ne
Cautériser a dire cj-aelcuicut ce qui s'est passe à C h a m -
b é r y en i re lui et les envoyés d u lîoi V ic to r -Emmanue l ,
M. Far in i et le géné ra l Cia ld in i . . , . »




•M L E T T R E A M. L E V " D E E A C U È R O N N I È R E


< . . . .Gar iba ld i allait p o u r s u i v r e l i h r o m o . n l sa course
;< à t r ave r s les Éta t s r o m a i n s , et, cette dernière étape
i une fois franchie, il d e v i e n d r a i t t o t a l e m e n t ïmpos -
« siblc de p r é v e n i r u n e a t t a q u e con t r e la Vénétie. Le


cahinet de Tur in n e voya i t p lu s q u ' u n m o y e n de con -
• j u r e r u n e pare i l l e éven tua l i t é : c 'é tai t , auss i tô t q u e
« l ' a p p r o c h e de G a r i b a l d i au ra i t p r o v o q u é des t roubles
« d a n s les M a r c h e s et l 'Ombr i e , d'y r e n t r e r p o u r y re-
ts tabl i r l ' o r d r e , S A N S T O U C H E R A L ' A U T O R I T É DU P A P E , de
¡1 l iv re r , s'il le fa l la i t , ba ta i l le à la liécolution sur le
« territoire napolitain , puis de déférer i m m c d i a l c -
•:: men t à un Congrès le soin de fixer les des t inées de


l ' I ta l ie . . . »
Voilà, Mons ieur , la ve r s ion officielle, fort différente de


la vô t r e .
Mais, quo i ! je v o u s le d e m a n d e en toute l ionne foi,


la f r a n c o , qu i a t a n t d ' in té rê t à m a i n t e n i r à h o m e le
Chef de sa R e l i g i o n , la F r a n c e , qui a tant l'ail p o u r l'\
r e p l a c e r , et qui l'y g a r d e e n c o r e , la F r a n c e s'est laissée
p e r s u a d e r q u ' u n g é n é r a l G a r i b a l d i , le m ê m e qu 'e l le
c h a s s a de R o m e , q u ' u n chef de b a n d e s i n su rgées , allait
t o m b e r s u r R o m e , et franchir celte étape, où n o u s s o m -
mes , Monsieur , où flotte n o t r e d r a p e a u , où sont r angés
nos s o l d a t s ! Devant cel le c r a in t e , elle aba isse son épée ,
elle au to r i s e (Maldini , et il pas se la f ront ière ! Di tes- le-
m o i , Mons ieur le Vicomte, je vous en p r i e , d i tes- le -moi ,
a v e z - v o u s d o n c c ru q u e Gar iba ld i fût un géant , et qu ' i l
n ' e û t q u ' u n pas à faire et q u ' u n c o u p à f rapper p o u r
p r é to i r e Rome m a l g r é la F r a n c e , et pa s se r le Mincio
m a l g r é l 'Aut r iche ?


P a r d o n n e z - l e m o i , j e su is obligé de descendre à un
m o t qui n ' e s t ni ép i scopa l , ni po l i t ique , à un m o l l 'ami-




F. N R É P O N S E A S A ¡.¡11 OC U E R E . I S G E


lior et d u r , p a r c e qu' i l n 'y a q u e ce m o l qu i r e n d e m a
pensée : n o u s .avons été d u p é s !


Oui , dupés et t r o m p é s deux fois : t r o m p é s s u r l a force
<ie Garibaldi, trompés s u r les in ten t ions du P i é m o n t ;
voyez le r é su l t a t , voyez les faits.


Gar iba ld i ne pouva i t pas m é m o pas se r le Gar ig l iano :
si les P iémonfa is n ' a v a i e n t pas pr is à r e v e r s l ' a n n é e d u
r o i , si l ' a m b a s s a d e u r de S a r d a i g n e n 'avait pas lancé
des ba ta i l lons de be r sag l i e r i à son s e c o u r s , Gar iba ld i
é tai t p e r d u , re je té d a n s les C a l a b r e s , peu t -ê t r e b ien tô t
t ra i té c o n n u e un p i r a t e , v io l a t eu r d u droi t des gens.


Ce n ' e s t pas tout : Au lieu de l ivrer ba ta i l l e à la Re-
volu t ion su r le te r r i to i re napo l i t a in , les P i é m o n l a i s é c r a -
sa ien t les dé fenseurs du Pape su r son p r o p r e t e r r i to i r e ,
et j e t a ien t l eu r s ba ta i l lons , depu i s l ong t emps a c c u m u -
l é s , su r u n e po ignée de F r a n ç a i s , d ' I t a l i e n s , de be lges
e|. d ' I r l anda i s .


Vous parlez bien légèrement, Monsieur le Vicomte, de
cet te j o u r n é e h é r o ï q u e où le sang f rançais a roug i la
t e r r e d ' I ta l ie , versé pa r la ma in de nos all iés. Je ne re -
dira i point cette l a m e n t a b l e h i s to i r e . Savez-vous cepen -
d a n t le g rand service que n o u s a r e n d u cet te ba ta i l le ?
Xon-seulement elle a m o n t r é u n e fois de p lus ce q u e
vaut le sang f rançais ; ma i s elle a s u r t o u t r e n d u a u x en-
t repr i ses du P i é m o n t l e u r v ra i c a r a c t è r e . Oui , d e p u i s
Castelfldardo, depu i s Ancóne j u s q u ' à Gaéte , ce q u ' o n
décora i t du n o m de mouvement national a r ep r i s sou
vra i n o m ; c 'est la c o n q u ê t e , l ' invas ion ; faites le c o m p t e
îles b o m b e s et celui des suffrages : le P iémont a p lus
l ancé de b o m b e s qu ' i l n ' a recuei l l i de voix.


B o r n o n s - n o u s en ce m o m e n t à r é p é t e r q u e l ' invasion
des P i émon ta i s a consommé les m a l h e u r s du P a p e , e t ,


! ! . 2 S




S 3 i L K T T K K A M . i.F. V " 1>K ! A <; r K H O . , M f c U K


v o u s lo v o j e l l e fi oie due à une g r a n d e i l l u s i o n do
notre par t : j r .us avons c ru ipse C h d u i i i i a l lait défendre


l P a p e , el ;p.c G a r i b a l d i a l la i ! n o u s n l i a q n c r dans H u m e
ci puis t o m b e r s u r V e n i s a .


i l a i s s a v o z - v o u s PS m o n oins g r a n d Olonnenu-nl.


Mons ieur ? C'est que v o u s , ou i prenez un si généreux


p la i s i r à nous e x p o s e r la dépêche de M. de C r a m e n t , ci
à a c c u s e r le P a p e et 'es c a t h o l i q u e s , v o u s i f a \ e z p a n un
î,:ot ( l ' ind ignat ion p o u r les h o r r e u r s de l ' invas ion p i é -


i u o n l a i s e . J e dis : les h o r r e u r s ; je n'ai pas d'autre moi


o o a r expr ime! ' froidement m a p c m é o .


Kn e i ïe i , u u ' a v e n s - n o ; s v u 7
Dos s o m m a t i o n s faites a u S a i n t - P è r e pour désarmer


ses déi 'ensoms, au m o m e n t m ê m e où k-s om . ' - . i iùscurs
a p p e l a i e n t tou s hes peup les a u x an : .as ;


Ce lé- l àcue a g r e s s i o n , sans d é c h u a i ion do «in r r c .


ces nlU,;)/i:ttm présentés nprf s l ' invasion ré s <• -sriloit a s :
Coite t ransfor ioat ion d u droit le p l u s s lmuic d'un


souverain. , q u i se défend, en insu'to nu : : u i i m c n ! o a -


l i . m a l ;


Ces prétextes de. t r o u é e s ë l r a p g è i T s , q u a n d on a soi -
ï î ïè ïnc des l é g i o n s h o n g r o i s e s , ang la i ses e! p o l o m a s o -


s o r s ses d r a p e a u x ; ces r e p s e c h e s d'émeutes qu'on a


excUé.'..-*, c i . S réeres^ ioos q u ' o n a p r o v o q u é e s ;


Ces p r o c l a m a t i o n s , mêlant aux p h t s g r o s s i e r s ouiragce
des ordres d 'exterminat ion ;


Ces m o i s de misérable*, doutai res, av ides d'or et de
pilluije, jetés à des v o l o n t a i r e s f r a n ç a i s ;


LVt ro i et s o u p r e m i e r m i n i s i r e par lant dos bordes pa-
rales commandées par ce La s ï e n c ih e ;


C o l l e at taque, p a r s u r p r i s e , d'une petite a r m é e , pat


une armée, dix fois p l u s n o m b r e u s e :




K.V !! I. I > < > > •• i : A S A U i i O C H I ' K f ; I H I M ; . ï-ii,


Ces bul let ins de v ictoire où C i a i d i a i ose é c r i r e : « O u
« assass inait nias s o l d a i s à c o u p s île p o i g n a r d ; les b l e s -


c ses donnaient des c o u p s de stylet à c e u x qui les s o -


li couraient ; »


Ce vainqueur q u i se vante d'avoir l'ail fuir La Mo-
riciere :


Ces insultes a u x p r i s o n n i e r s f r a n ç a i s , traînés à travers


les vi l les i ta l iennes ;


Ces douze heures de bombardement, au m é p r i s de
toutes les lois de la g u e r r e et de l ' h o n n e u r , d 'une p lace


qui cap i tu le , et que ne protège pas io drapeau parle-
mentaire ;


Cet e n v a h i s s e m e n t en pleine, pa ix d'un r o y a u m e a l -


l i é ; ces e m b a r q u e m e n t s en plein j o u r dans les ports du
P i é m o n t , ces enrôlements p u b l i c s dans toutes ses v i l l e s ;


C e l l e comédie 1 d i p l o m a t i q u e d'un ministre' q u i , tant


que le succès est d o u t e u x , nie effrontément sa c o m p l i -


cité ;


Ce débarquement de Garibaldi protégé p a r des v a i s -
s e a u x angla is ;


Cette fusi l lade des prisonniers de Mi lazzo, p o u r d o n -
ner « un sa l t i la i re exemple ; »


Cette p r o c l a m a t i o n de la lo i a g r a i r e , ce partage des


biens c o m m u n a u x « aax combattants et aux victimes de
l'ancienne tijrannie : »


L e s 1 5 0 0 forçais de Caste i lamare m i s en l iberté , sur
leur parole d'Iionm-ur;


Ce décret , non encore rapporté , q u i p r o c l a m e sacre
la m é m o i r e de, l 'assass in A g é s i l a s M i l a n o ;


' foutes ces atrocités, enf in , c o m m e on dit m ê m e au
par lement a n g l a i s , et ce hideux spectac le d ' a n a r c h i e et


de déprédat ion :




•S*; I. E T T U E A M. L E V" D E LA OCKUO.N.N I E U E


Dans les États napo l i t a in s , ce j e u n e ro i , qui tend vai-
n e m e n t , au P i é m o n t , u n e ma in loyale ;


Qui d e m a n d e , aux rois de l 'Eu rope dont seul il sou-
t ient l ' h o n n e u r , des s e c o u r s , et n ' en reçoit que de vains
conse i l s , et p u i s j e ne sais que ls g r a n d s c o r d o n s ;


Qui p r o c l a m e l ' amnis t i e , les ins t i tu t ions les p lus géné-
r e u s e s , a r b o r e le d r a p e a u i t a l i en ; ma i s voit la t r ah i son
p i é m o n t a i s e p a r t o u t a u t o u r de lui : dans la Hutte, dans
l ' a r m é e , d a n s le m i n i s t è r e q u ' o n lui a dés igné , et jus -
que d a n s sa famille ;


En oncle qui l ' accuse d e v a n t l'Italie ;
En g é n é r a l Ninizkuite, qu i passe à l ' ennemi et solli-


cite ses so lda t s à la défection ;
f n Liborio Romano, cel te r a r e l igure de t ra î t re , qui


a c c e p t e , de F r a n ç o i s l l , le min i s t è re de l ' In tér ieur , pour
y o r g a n i s e r tou te t r a h i s o n ; qu i p r o c l a m e F r a n ç o i s il,
« son a u g u s t e m a î t r e , » cl b ien tô t ap rès , fait des
a d r e s s e s a u « t rès - inv inc ib le Gar iba ld i , r é d e m p t e u r de
l ' I t a l i e , » m é r i t e , et r eço i t de la m a i n de Garibaldi
l ' épée d ' h o n n e u r qui lui c o n v e n a i t , ce. m ê m e p o r t e -
feuille qu ' i l t ena i t de F r a n ç o i s II ;


Pu is ce s e c o u r s d o n n é p a r l ' a r t i l ler ie p i émon ta i s e à
l ' invincible Gar iba ld i , bat tu sur le Vol lurnc .


Et a u m o m e n t o ù , d é s a b u s é de sa c o n l i a n c e , et
r e n d u à son c o u r a g e , le j e u n e ro i de Naples va r é so lu -
m e n t c o m b a t t r e les t r oupes d e la r évo lu t i on : le roi
p i é m o n t a i s l u i - m ô m e , s a n s déc la ra t ion de g u e r r e , ci
tandis q u e les m i n i s t r e s respect i fs é ta ient e n c o r e accré-
di tés a u p r è s des d e u x c o u r s , v e n a n t eu aide à Gar i -
baldi ; le m e n s o n g e de la compl ic i té tacite faisant p lace
enfin à l ' audace de la conf ra te rn i té des a r m e s ; le droi t
pub l i c ne p r o t é g e a n t p lus r ien ;




KN K K l ' O N S K A S A I! I! OC H L I! H ( 1 S (i ] ). ¡:C


P u i s , cel te e n t r e v u e du r é v o l u t i o n n a i r e et du r o i .
qui lui t end la ma in et lui dit : « M e r c i ! » lui qu i , a u
j o u r du pér i l , l'a d é s a v o u é d e v a n t l ' E u r o p e ; lui , fds de
ce Cha r l e s -Albe r t , qui refusa la c o u r o n n e de Sicile
.qu'on lui offrait i n d û m e n t ;


Puis , celle e n t r é e à Xaples , côte à côte , d a n s la m é m o
vo i lu re , du h a r d i fo rban , en b louse , avec le r o i ;


Puis , tou te cet te vo ta l ion , avec les t ro is u r n e s , sous
la t e n e u r des b a ï o n n e t t e s et du stylet ;


L 'é ta t de siège d a n s les p r o v i n c e s , afin de bien c o n s -
ta ter l ' u n a n i m i t é des suffrages ;


Tout m o u v e m e n t con t r e le m o u v e m e n t p i é m o n t a i s
puni de m o r t ;


Le cri de : Vive François II.' pun i de m o r t ;
Des so lda ts de F ranço i s 11, u n i q u e m e n t p o u r avoi r


é té fidèles à l eur roi, pun i s de m o r t ;
Les co lonnes p i é m o n t a i s e s l ancées en tous sens d a n s


le pays , p o u r \ po r t e r la ( e r r eu r et la m o r t :
D'elfroyables o r d r e s du j o u r ;
Cialdini , o r d o n n a n t de fusiller sans merci les paysans,


p a r c e qu ' i l s sont fidèles à l eu r p r i n c e , au P a p e , à l e u r
re l igion, à l eur p a y s ;


Pinell i , p lus s auvage e n c o r e : « Il faut, d i t - i l , écraser
« te rampire sacerdotal... Soyez i n e x o r a b l e s c o m m e le
» d e s t i n . . . Contre de tels e n n e m i s la pi t ié est un
i¡ c r i m e . . . ; »


En c o n s é q u e n c e , d 'effroyables fusi l lades.
Des p r ê t r e s , des m a g i s t r a t s , e m p r i s o n n é s e t fusillés ;
Avec les fusi l lades, les b o m b a r d e m e n t s ;
Après le b o m b a r d e m e n t d 'Ancône , le b o m b a r d e m e n t


de C a p o u e ; a p r è s le b o m b a r d e m e n t d e C a p o u e , le
b o m b a r d e m e n t de ( iaë te , u n des p lu s effroyables do n t




«.s kvïywv. \ :>i. 1.1; V' O K I . A <a"f-:iio>Nihiu:


l 'h i s to i re 'i, E sPY.e.s fa :<P mon lion : los b o m b o s s 'at ta-
qiu¡ní spéoudcmoid aux m a i s o n s , aux églises, aux hô-
p i t aux ;


Los officiers ilo l ' a n c i e n n e marhse napo l i t a ine t ra-
dui ts devant les consei ls de g u e r r e p i émonta i s , pa rce
q u e chez eux u n d e r n i e r res te d ' h o n n e u r se refuse à
b o m b a r d e r leur roi et l eur j e u n e reine ;


La t r a h i s o n m c l l a n t fin à ces h o r r e u r s , et à une dé-
fense h é r o ï q u e , p a r l ' explosion des p o u d r i è r e s ;


Voilà, Monsieur , q u e l q u e c h o s e des a l roci lés qui ont
p a s s é son.-: nos u u x ; et je n 'ai pas tout dit , je ne puis
tout d i re .


Kl v o u s , Mons ieur , si s é v è n envers, le Pape cl ses
dé fenseu r s , vous n ' avez pas un mot su r tout c e l a !


Souffrez p o u r t a n t que je vous le d e m a n d e :
Es t -ce pa r tout cela q u e le P iémont , bien a u t r e m e n t


rebel le q u e le Pape à n o s conse i l s , a r ache t é ses mépr is
p o u r no t re p a n d e ?


Lui d e v i o n s - n o u s donc tant d ' i m p u n i t é ?


l 'n h o m m e , qui a que lque ; ; n io i l s à l ' admira t ion d e
M. d e l à ( t u é r o n n i è r e , \\. de L a m a r t i n e , s 'écr ia i t r écem-
m e n t a v e c u n e é l o q u e n c e sor t ie du fond de sa ra i son et
de sa consc ience é m u e s :


« Devions-nous donc eu ' iéinonl ie sacrifice de faut
CÎ 1 qui a cons t i tué j u s q u ' e n , pa rmi les sm-ié lés civili-
sées , ce q u ' o n appel le le droit i>uUi>; le droit des gens ,
le respec t des t ra i tés , la sa in te lé des l imi tes , la légit i-
mi té des posses s ions t r ad i t i onne l l e s , l ' inviolabil i té des
peup le s avec l e sque l s on n ' e s t pas en g u e r r e ? Lui de-
v ions -nous Je dro i t excep t ionne l d ' invasion dans toutes
les p r o v i n c e s n e u t r e s et dans toutes les capi ta les où un
cap r i ce niobi l ieux le p o r t e , au nom d 'une p r é t e n d u e




illf i 1 V i v n 111
septentr ionale •


« ï ) ( ! v i i ; i i s - ! ; ' . n ! S a u i o n i l ' invas ion inopinée, par


c c n ' nul le P i é m o n l a i s , - a n s e n ; K i a t s du Pape n\eo l e -


quel le P i é m o n t n V h i l pas en g u e r r e , et f.cmîaiii «.ne
nos propres t r i l l i - 0 - 1 , . eu' le i i r préisa n r o à P i o i i i c . s e m -
biaieni, d voir " o r e e e r an m o i n s ì ' n m o ì a b i l i i è d - - m i l
i ; ' • • / ; , i , o' - •-. : ',. di ' ; 1 n i :Va:;e-ds ! ' - ' : - L Ì j e a - a i s m'-


îroiito avec, an-- iel '- ' i . . ' , : . . ; e e , y n.: e i sa l ; es ear
des enneed; ' , m a h par d s a l i iés i n t i m e s , è oui e -us


•.••.•nions du .•ea:h' ' ' des s e r v e , > auss i é c l a t a n t - a i a : ' ; ] . ! -
•:, m i a et.Sok'mano ?


't D e i ion a-non ; an p. 'moni les d é b a r q u e m e n t s s a n -


(ioiciN d ' i r -a mseéo e 'é.aon la iso en S iche pendant que
ses a m b a i sadeurs a s s u r a i e n t ! e r o i de ?vq;!;is de son


respect pour ses Kdai-., et que 'es a m b a s s a d e u r s de N a -
ples portaient à T u r i n nue const i tut ion h a l e r n e i ' e en
gage de pa ix c l d ' a l l i a n c e ?


« !)ev ions-!K»i :s ondo a u r o i de P i é m o n t le dro i t i m -
p u n i d 'a l ler , à !a lèi-' d 'une armée r o y a l ' , nouas u h r",
a l l é g e r , b.aidiai 'der d a n s son d e r n i e r nsiio , a Gaéle ,


uu j e u u e roi à q u i sa j e u n e s s e , innocente du despot isme
lie son fière, n 'avait pas m ê m e p e r m i s de c o m u K l t r e
des taules q u i m o l i v i et r n n l m a d v e r s i o n d'un e n n e m i


ou Je. j u g e m e n t d'un p-'upie ? Ce dro i t des boulets et des


bombes sur la tête des ro is , des t'emmes, des c n iants ,


des j e u n e s princessi-» d 'une m a i s o n royale a v e c bepoeie


on n'est pas en g u e r r e , es t - i l -devenu le droit des rois




i i n I . K T Ì K Ì : A M . L I : V - I H ; L A G I ' I - Ì I Ì O N N I É I Ì I - ;


c o n t r e Ics ro is de la m ê m e fami l le? Ksl-ce là la f ra ter-
ni té des t rônes p o u r un p r i n c e qui \ eu! un iversa l i se r
la m o n a r c h i e !


« N o n , n o u s ne dev ions r ien de tout cela a u roi de
P i é m o n t , lors m ê m e q u e , p o u r légi t imer ses é n o r m i t é s
m o n a r c h i q u e s , il se se rv i ra i t du b e a u pré tex te de la
l ibe r té à p o r t e r a u x peup le s


« Et quel le d i p l o m a t i e , excep té la d ip lomat i e angla ise ,
p e u t c o n t r a i n d r e la F r a n c e à ratifier de telles a u d a c e s
c o n t r e le dro i t des peup le s ?


\


Telle es t , Mons ieur , la t r i s t e h i s to i re des d o u l e u r s du
P a p e et des é v é n e m e n t s de l ' I talie. Xous s o m m e s en t r é s
d a n s ce p a y s p o u r en c h a s s e r l 'Aut r iche , n o u s y avons
laissé l 'espr i t de r évo lu t ion p r e n d r e son e s s o r ; il a r en -
versé aussi bien les s o u v e r a i n s qui on t fait des conces-
s ions q u e ceux qu i n ' e n on t p a s fait, vou l an t non p a s
q u e les s o u v e r a i n s se r e f o r m e n t , m a i s qu ' i l s se r e t i r e n t ;
afin d 'é lever s u r l a r u i n e de l e u r s m a i s o n s , la maison de
Savo ie , qu i lui a servi d ' i n s t r u m e n t .


Vou l i ez -vous , r é p o n d e z - v o u s s a n s c e s s e , voul iez-
v o u s q u e la F r a n c e se fît l ' e n n e m i e de l 'Italie, qu 'el le
vena i t d ' a f f ranch i r? Pouva i t -on faire la g u e r r e con t re
elle, ap r è s l 'avoir faite p o u r elle 1 ?


La r é p o n s e est faci le ; et d ' a b o r d un r a p p r o c h e m e n t
m e f rappe . P o u r q u o i la F r a n c e es t -e l le en t r ée en Italie?


1 Pour le dire en passant , est -ce que le général CJalilini, à Chambér.v,
n'avait pias déclaré qu'il allait l ivrer batai l le à Garibaldi ': que l'Hall-:-
allait combattre l'Italie H était m o i n s s c r u p u l e u x .




!•:>• K É l ' O N S K A S A l i l î O C H U t E , l 8 . : r . H t


p a r c e que PAulr ic l ie , qui ne nous ava i t r ien p r o m i s ,
avai t envah i le ter r i to i re du P iémont , no t r e allié. Q u a n d
le P i é m o n t a envah i , a p r è s n o u s avo i r p r o m i s le c o n -
t ra i re , le te r r i to i re du P a p e , don t n o u s é i ions plus que
l'allié, p o u r q u o i n o u s s o m m e s - n o u s m o n t r é s mo ins s e n -
sibles ?


Mais la g u e r r e é ta i t inut i le ; n o u s p e n s o n s m i e u x de
l ' a s cendan t du g o u v e r n e m e n t q u e v o u s , Monsieur , i n o
pa ro l e ferme et ne t te aura i t sufii. Nul n ' e n d o u t e , nu l
n 'en p e u t d o u t e r


Pour lég i t imer son invas ion , le géné ra l Gialdini n ' a -
t-il pas été obligé île d i re qu ' i l é ta i t au to r i s é , et p a r
q u o i , p a r no t r e paro le . Qui d o n c a r r ê t e en ce m o m e n t
( lar ibaldi et. l ' e m p ê c h e de se j e t e r s u r Venise? Noire
pa ro l e , le g o u v e r n e m e n t de l ' E m p e r e u r a d é c l a r é qu ' i l
se b rou i l l e ra i t avec le P i émon t , s'il a t t a q u a i t l 'Aut r i che .
Le P i é m o n t se l 'est l enu p o u r dit el s 'est a r r ê t é . Es t -ce
q u e Gialdini é lai t mo ins diiliciic à re ten i r q u e l ' i m p é -
tueux Gar iba ld i ?


Celte p a r o l e , il fallait qu 'e l le fût d i le . Lnc a u t r e a é lé
p r o n o n c é e . 11 ne faut pas ê t re un profond pol i t ique ; le
bon sens d 'un h o m m e p r a t i q u e , la consc ience d 'un pas -
teur suffisent, p o u r qu ' on s ' expl ique s a n s pe ine le mo t
qui est tout le secre t de l ' audace t r anqu i l l e d u P i é m o n l .


Mous lui avons a s s u r é l ' impun i t é p a r le m o t non-in-
tervention. C'était e m p ê c h e r les h o n n ê t e s g e n s de t ou t e
l 'Eu rope de s ' oppose r aux e n t r e p r i s e s du P i é m o n t ,
c 'é ta i t lui dire à l 'oreille : Quoi q u e vous f a s s i ez , j e
v o u s b l â m e r a i peu t -ê t r e , m a i s on ne vous e m p ê c h e r a
p a s ! — Au mo ins eût-il été j u s t e , en p r o c l a m a n t au
l e n d e m a i n de Villafranca la non - in t e rven t ion , de l ' im-
pose r à tout le m o n d e .




]>2 I . e . Г Г Ц К Л .M. I.К \ u I ­ К i.A О!." К il О > _\ i К I! К


Mais nous a v o n s en , p o u r le Piémont , о . ;С c o m p l a i ­
sance part i cu l ière .


Vous a i ' . n s e z , M o n s i e u r , l a Со:» ' d e Homo d ' e n : o b ­
st inat ion i u ' . i n d b i o . Permettez , si le oardbml ЛоРчиЛН
v o u s semble un entèié, M. de C a v o u r ne l'es; pas m o i n s ,
il y a deux cnlèJes e n Pâ l ie , et non pas u n . Homo re­
fuse v o s r e n s e p s , T u r i n ne les refu.­e. pas m o i n s . \ o u s
l u i avez c n n s ' é ' é d e ne pas p r e n d r e les P m m a g n e s ,
i l les a pn.­ios; l a T o s ' ­ n n o , il Г а oc*. ,oo'' ,e ; bas ' tareb­'s
ni r O m b r è g i! les a e n v a h i e s ; le П о и к ч ш : de X'nples, i!
le possède.


P O U ! ' 1ÎOUS, j 'en С О » ' ' е е ­ ' , O O U S î i ' a v o i N i ! ' ­ S Л ­ '• ­


ids. X o u s i ! i a ; i , pro te. lé. nuis cédé ; puis \. \ ,,n.a­ l a , o o i s
cédé encore .


A i n s i , à m e s u r e ­sua p o m o i r p o n l i l i c a l d i m i n u e , ie
rô le de la F r a n c e a d i m i n u é ; on proiégeai i ion! Je droit ,
puis une nnrèe «lu : î r o 4 . nuis une m o i n d r e p a i l l e , nuis
entin seu'eme­nt !a p< ssonne du P a p e , ei de d e g r é en
degré , noi re g.u'aniif' n'es! plus q u ' u n e g a r d e , notre : ir­
m é e n ' e s i p.us q u ' u n e escorte.


A c i t a c u n de ces d­ a r e s , ie Pape a r é s i s t é . oui , mais
l ' E m p e r e u r a cédé, téta q u e c o u p porté sur les droits de
l 'un p o r t a i ! s u r les prosM­sses de l 'autre. S a v e z ­ v o u s ce
qui r o n d plus s a i i l o u cet H i i è l e i n e n l d " Hot.K­ une vous
v o u s pla i sez à faire г е у ч и ­ i i r , Afciiblonr? С'Ы ie con­
traste avec l a c m d o s e o u d a u c e de la F r a n c e . î / n n , le
p o u v o i r faible, ne cède pas . l 'autre, le pouvoir fort, cède
t o u j o u r s . A q u i ? Le d e m a n d e z ­ TOUS ? au P i é m o u l , qui
no cède j a m a i s ; a l ' A n d e t o r r o . qui ne cède j a m a i s ; à la
i î é v u i u t i o n , q u i ne cède j a m a i s .


L a c o m p l a i s a n c e d u (bouvet nome­ut pour Je Piémont
et pour l a r é v o l u t i o n i ta l ienne , son erreur sur ( tar i ­




KN' K K l ' O N S E \ S A î ï H f l t . i l IT.I-: í f 8 6 I )• i «


bahli : voi la Jes d n i x c a n s e s , ios deux causes vér i tables
de (ont ce q u i es! a r r ivé en i ¡al io, e l de tout ce qu 'a souf-


îi'i'l le Pape.


ï e i i c s so in les c;ur-- s , c i , m a i n ' o n a n l . que ls sont ies


i'ruils ?


L e chef de n o i r e r e l i g i o n h u m i l i é , d é n o n c é , a c c a b l é


d 'épreuves , c l à la vei l le de p l u s c rue l les encore ; l'an-
g o i s s e , le trouble d a m , toutes les consciences, le C l e r g é ,


v o u s le dues v o u s - m ê m e , détaché m a l g r é lu i du G o u -
v e r n e m e n t , et ne s a - é i a n l c o m m e n t a c c o r d e r les p r o -
nr- -ses avec ies art . .s , la I r i s i e s s e dans le cœur des h o n -


nête.-: g e n s , je , a o p ' a u d i s s e m e n l s venant d 'aux i l i a i res


qui ù. [ ' InVi . ' : -,.'> •' •:).[. , !•.-.-, ';•::,;;. u. • o -..lo ia
ehrél ienié en abuanes.


Kn second l ieu , si i s événements about i s sent à autre


cliu.-iC q u ' a u : ; échafaudage éplu ' iuère , les I l a i i c n s deve-


n u s n n i l a i r e s . se tournant ' e r s l ' A n g l e t e r r e , dont tous


ies conse i l s ont c lé su iv i s pendant que les nôtres étaient


.•ejotes, e¡ \ cher, haut l e u r s a idés et leurs insp i ra teurs .


Quoi ! vous comptez M U - leur r e c o n n a i s s a n c e ; niai-; i ls
sont, déjà ingrats : i l": .q un a x i o m e de ia politique et du
b a r r e a u , qu 'on n'a de provù-, q u ' a v e c ses v o i s i n s c i ses


obl igés. On exige la r e c o n n a i s s a n c e , ou rencontre la


suscept ib i l i té , ci ies quere l les s 'enf lamment, \ o i là à quoi
u n i s expose -'unité i f a ü c i m c , m è r e 1res-prochaine et


lrès-men,u;anie de l 'unité a l l e m a n d e .


A u s u r p l u s , j e m'abst iens d'ex a m i ncr les conséquences


pol i t iques ; ce n'est pas m o n rôle.


tout n'est pas oit encore. L a F r a n c e q u i a c e r t a i n e -


ment plus a i m é le P i é m o n t que le Pape, peut encore dé-
fendre ie Pape. L e veut-e l le ?


D i les -nous- l c , M o n s i e u r ; déch i rez le voile qui couvre




•Mi I . E T T R K A M. I,E V- D1-; I.A 0 1 !. ! I " > > ! i. ! ; i.


vos de rn i è r e s p a r o l e s , soulevez ce m \ s t è r e i n c o n \ e n a n t .
sor tez de ces p h r a s e s enve loppées et de cette é q u i v o q u e
peu d igne do vous .


Q u o i ? « l 'Italie et la P a p a u t é t empore l l e n ' o n t pas
e n c o r e t r ouvé leurs cond i t ions d ' équ i l ib re , » d i tes -vous .


Ou b ien ces m o t s , Mons ieur , n ' o n t pas de sens , ou
b i e n ils l a i s sen t s u p p o s e r je ne sais quel le combina i son
q u ' o n sai t imposs ib l e .


Il ne s 'agit p l u s , c o m m e le p r o p o s a i t la b r o c h u r e Le
Pape ci le Congrès, de l a i s se r au Sa in t -Pè re l î ome et un
j a r d i n . Le P i é m o n t exige R o m e p o u r son P a r l e m e n t ; et
V i c t o r - E m m a n u e l p o u r sa d e m e u r e . Il ne r e s t e r a donc
au Pape q u e son j a r d i n et sa m a i s o n . En d ' au t r e s te r -
m e s , le P o u v o i r t empore l se ra abol i , le Pape et les Car-
d i n a u x r e c e v r o n t u n t r a i t e m e n t et un hô te l . Vous ne
posez po in t , Mons ieur , cel te c o n s é q u e n c e , tout le m o n d e
la l ire p o u r v o u s eu vous l isant .


Mons ieur le \ i c o i n t e , v o u s savez l ' h i s to i r e . C h a r l e -
m a g n e n ' a pas voulu que le P a p e lut son a u m ô n i e r , le
Pape n ' a p a s vou lu ê t re l ' a u m ô n i e r du g r a n d Napoléon,
et v o u s croyez q u ' u n P a p e v o u d r a deveni r l ' a u m ô n i e r
de V i c t o r - E m m a n u e l !


Ce p o u v o i r q u e la F rance a fait , q u e la F r a n c e a r é -
tab l i , q u e les s iècles on t r e s p e c t é , Siège i n d é p e n d a n t du
Pontife du genre h u m a i n , que, Pa r i s ne voudra i t pas
céde r à Vienne , n i Vienne à Madrid , ni Madrid à
M u n i c h , v o u s p roposez d 'en l'aire u n e p r é b e n d e p i é -
m o n taise. !


Pu i s , p a r c e q u e n o u s c o n s i d é r o n s ce Pouvo i r , q u e
v o u s voulez abol i r , c o m m e essen t ie l à l ' i n d é p e n d a n c e de
n o t r e foi, v o u s n o u s accusez de mê le r le t e m p o r e l au
sp i r i tue l ! Nous s o m m e s des h o m m e s de pa r t i , la Cour




EN' R E P O N S E A S A I i n o C l I l i i E •,18(1 F .


de Home est m e n é e et obs t inée ! Vous lui consei l lez
l ' impossible , puis vous l'accusez de r e p o u s s e r vos c o n -
seils. tk>j ez, Mons ieur , s incè re et log ique . Allez j u s q u ' a u
.bout de vos r a i s o n n e m e n t s . On p e u t avoi r d e u x po l i -
t iques , on n e p e u t pas avoi r deux conc lus ions . Or, vous
en avez d e u x . Déc idez -vous .


Si vous voulez le ma in t i en de la Souve ra ine t é p o n t i -
ficale, consei l lez n e t t e m e n t au G o u v e r n e m e n t de l 'Em-
p e r e u r de dé t end re au P i émon t d'y louche r .


Si l ' abol i t ion de ce Pouvo i r a n t i q u e est vo t re conc lu -
sion ; si d a n s ces t r is les t e m p s , où la m o r a l e p u b l i q u e
reçoi t parfois chez n o u s de si c rue l les a t t e in t e s , le p lus
augus t e r e p r é s e n t a n t de la foi et de la m o r a l i t é c h r é -
t ienne doi t être sacrifie:, d i t e s - l e ; si c'est vo i re op in ion ,
soutenez-la . Mais, au m o m e n t où vo t re écr i t peu t m e t t r e
Je c o m b l e aux m a l h e u r s i m m é r i t é s du P a p e , au m o m e n t
où il peut e n c o u r a g e r la F r a n c e à a b a n d o n n e r le P o u -
voir t e m p o r e l du Saint-Siège, et déc ide r le P i é m o n t à y
por te r la m a i n , ah ! d u mo ins ne lui prê tez p a s des p a -
roles p o u r insul te r sa v ic t ime !


Agréez, etc.


•'- FÉLIX, évoque d ' O r l é a n s .


F I N 0 1 ' T O M E S E C O N D






T A B L E D E S M A T T E ' d E S


(.ONTENTES I)A.\S CK YOTXME


Di'f Aica'ci: tiics.: n ccirus: . : . . . - - V c n t a i i c ciai de la I | U I Aimi. .
j lamScssvni i:l aicti ' in |:;;sliiralc « i r la peicic


E r 1 ! ' : a:i (Iii r. i' du !!i .. c. ••• u ' c i n i i l c i i u i i i ü n i c a ü . a i du M a i r i e -


1/ : c \ ; h ' ia.lait e c! '•: u-i. n. . ul ni i , : : i i i ia:;L dc.-; [ i c c » M i b l a a i c i .


Lei;;-. C I I T - ' du üic-.-iVe c w i c c r n a u l lc- cr; ,iMi;v d H - T I ' : ' -


I I i I I -


IUI 1 !'f i l Ii 1
1 \ i i i"i -




l'A IH. E D E S M A T I È R E S .


Maiidcinenl ;ì l 'occas ion de r K n c j r l t q u e de ­N.S. P. le Pape Pie IX,
concernant l ' I m m a c u l é e Concept ion de la Très­Sainte Vierge. 217


I.citri' au Clergé d u D i o c è s e portant c o m m u n i c a t i o n de l 'Ailoeu­
tien de N. S. P. le Pape , du 2(5 septembre 183!), et de unire,
protestation au sujet des attentai* dirigés en ce m o m e n t contre
le S o u v e r a i n ­ P o n t i f e et le Siège aposto l ique î.V>


Première Lettre à un cathol ique sur la b r o c h u r e le Pape et le.
Congrès 28»


Seconde Lettre à un cathol ique sur le' d é m e m b r e m e n t dont les
Etats Poutiticaux. sont m e n a c é s 30»


Lettre à .M. Craridguillnt, rédacteur en chef du ('unsliliiiitinnei,
relative à Mgr R o u s s e a u , E x é q u c d'Orléans 3 3 i


Lel lre à M. le baron Molroguier, relative à Mgr Hail lon. . . . 3<W


Lettre relative à l'OEuvre du Denier de sa in t Pierre 385
Lettre, à M. le, v i c o m t e de la Cuérounière en réponse à sa bro­


chure ISCL i 0 7


C I N [I I. V Г Л I! L С