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PROCES
DES


. EX -MINISTRES.




lUPRlldllBJE VII GCE'fICRY, lIUB LOUII-U-GJUl'ID, N" 55.












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PROCES
DES


DERNIERS MINISTRES
DE CHARLES X ,


MM. DE POLIGJ.IlAG, DE PEYROJ.llNET, CHANTELAUZE,
. GUERJ.IlON·RANVILLE, MONTBEL, D'HA[)SSEZ


ET CAPELLE


.ORNÉ DU PORTRAIT DES PRÉVENUS;


PAR


17l'fE socliri D'BOMME5 IMPAaTIAUX, SOUI LA DIRECTION DE


TOME U.


2llPari5,
AU BUREAU DES ÉDI'l'EURS,


RlTE DES VINAIGRIERS, N' 19 BIS,
Au eoin de celle Albouy, Faubourg St-Martin.


1850




~ --,


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CODR DES PAIRS.


(COl'fTI~l1.A.TIOl'f J?E LÁ SÉüCE BU [5D5cEHBIll: 1830.. )


'""
..... 0-


Suite deLinterrogatoire de M. de Polignaa.:


M. le Président. Quand M. de Sémonvilleet
M. d'Argout se présentérent a -l'état-major, que
vous demanderent-ils ?


M. de Polignae. .Le rapport' des ordonnances et
notfe démissíon.


D. N'avez-vous pas résisté au desir que mani-
festaient ces Messieurs de se rendre a Saint-Cloud
pour éclairer le Roi sur la véritahle situation del
affaires? - R. Je n'ai opposé aucune résístance.


D. Apres .avoir entendu MM. de Sémonville et
d'Argout, ne vous retirátes-vous pas avec vos col..
legues, en votre conseil, suivant l'expressíon dont
vous.voudrez vous servir, pour en délihérer , et




( 6 )
quels.furenr les u',is.J;xprimé.s dans ectte réuuion?
-R. 11 n'y a pas en de conseil. Je suis ar-rivé le pre-
miel' a l'état-major. J'ai vu le premier M. de Sémon-
ville, Mes collegues sont venus presqu'immédiate-
ment aprés. Quand nous avons connu ce qui s'était
passé la nuit et la veille, nous nous sornmes dit sur-
Ie-champ qu'ilfallait aller aSaint-Cloud pour éclairer
le Roí. . . ¡ .


D'. Quand vous rutes arrivé a Saint-Cloud , fites-
vous connaitre au Roi tout ce qui s'~ait passé?-
R. Aussitót que j'arrivai a Saint-Cloud, je déclarai
au Roi que je ne pouvais 'rester ala tete des affaires,
et que le retrait des ordonnances devait avoir lieu im-
médiatemente., ~e Roí panJt avoir .déja,arrété dan s
sa pensée le rapport des ordonnances et notre dé-
mission , ce qui n'empécha pas, j'en suis sur, que
¡\!. de SémonviHe ne le fortifiát davantage dans cette
résotntion. .'


.D. N'avez-vous pasen aSaint-Cloud, au Trocadéro,
une entrevue avl,lc M. de Sémonville, auquel vous
auriez demandé si' onne'poUl'raif'pasdisposer de
la Chambre des Pairs? Expliquez-vous, Quels étáient
vos projets sur la Chambre 'des Pairs ? que vouliez-
vdus'enfaire et en obtenir i"- R. Je De peux pas
avoirdit cela.


D. N'y a-t-il en aucune ()ppositio~ au retrait
des ordonnances, de votre part et de celle de vos
collégues ?-R. Ilen fut délibéré dans le eabinetdu
Roi.:


D.Ne fnt-il pas distribué , les :A8 et 29, de l'argent




( 7 )
aux troupes pour les engager a soutenir la lutte?
N'est-ce pas par les ordres du Roi que cette distri-
bution a eu lieu. -R. Il n'y a pas eu distribution
d'argent le 28. Le !Ag au matin, je sais qu'il a été dis-
tribué aux troupes qui se trouvaient dansle Car-
rousel, une somme de 4OH 500 mille francs: J'ignore
qui l'a donnée, et qui l'a reeue pour la distribuer, et
si cet argent a été tiré du trésor.. " .'
, n: GepeI1dantb'estM.d~Mo:ntbelqui asigné I'or-
d~nnaIice. bOÍJiment expliquer que eette ordon-
nance relativo a des dépenses de la guerre, n'ait pas
été autorisée par' vous, qui remplissiez le ministere
de la guerrepar intérim.-c-H. Je n'ai pas donné d'ordre
a.cet égard; si cet ordre m'eút étédemandé, j'aurais
refusé.


D. N'a-t-il pasété donné ordre aux troupes des
eamps de Saint-Omer et de Lunéville de se diriger
sur Paris? Quel était votre but?--'-R. J'ai recul'ordre
de dissoudre les deux camps le jeudide midi.~ une
heure. .,' .'" .. " ".; .
:'(L'audienceest suspendue a deux heures , et re.'


prise vingt minutes apres pour proeéder al'interro-
gatoire de M, de Peyronnet.)
..M. le président. Comte de Peyronnet , vous COIl-


naissez l'aeeusation portee centre-vous et les char-
ges sur lesquelles eette, accusation s'appuye. 11 im-
porte, pour la manifestation de la vérité et la faci-
lité du débat qui va s'ouvrir , que vous présentiez
~ explications sur chacun des faits que le débat
est'liestiné aéclaircir,




( 8 )
D. Avez-vous su connaissanee, longtems avantle


t 8 mai, .que vous deviez faire partie du ministere
qU,i a été composé acette époque? - R. Non, M. le
président,


D.Avant votre entrée au ministerejavez-vous eu,
avee le président du conseil, des conférences sur la
marche que l'on se proposait de suivre dans la di-
rection des affaires? -.- R. Je n'ai en de conférences
a ce sujet que la' veille de mon -entrée au ministére,


ID. QueI était l'objet de ces conférences? -R.
Elles étaient relatives a. la modification apportée
daos la composition du ministére. •


D. Avez-vous conseillé la dissolutíon de la Cham-
hre des Députésle 16mai? -. R. Je ne faisaispas alors
partie du ministére. '


D. Saviez-vous quels étaient les motifs de la re-
traite de MM. de Chabrol et de Courvoisier ? -R.
Je les ignorais absoIument a cette époque; je ne les
aiaPJfis que ílepu:is.


D. Quelle direction vous proposait-on d~ donner
anx affaires? -' R. Il n'a j~isété question de leur
imprimer une direction nouvelle.


D. Votre entrée au'conseil, ala suite de la retraite
deMM~ de Chabrolet de Courvoisier, n'avait-eUe
pas pour but d'accomplir des mesures auxquelles
eeux-ci avaient refusé de prendre part? - R. J'ai
regretté qu'on n'ait pas fait usage de pieces jointes a
la procédure , et desquelles iI résulte qu'á l'époque
dont iI s'agit iI n'existait aueun projet anaIogue a
celui dont vous parlez, I1 existe daos la procédure




( 9 )
uurapport fait au roi , sur l'état intérieur du royau·
roe; rapport qui constate que la volonté du Roi était
de roaintenir et de développer les institutions qui
avaient été fondées en France par Louis XVIII. La
date de ce rappprt est importante; elle est do. 14
avril, par conséquent tres-rapprochée de ceUe oú le
Roi daigna ~'arpeler pour la seconde fois ~ans son
conseil. Je dois ajouter que lawolonté arrétée par le'
R.oi .de maintenir les institufions était Ia garant;ie la
p1lJ,s forte , cal' je ne connais rien de plus sacré au
monde que 1a source d'oú elle émanait.


D. Quels sont les motifs qui déterrninérent le con-
seil aproposer au Roi de s'adresser directement aux
électeurs P- R. Ces motifs ont sans doute été ana-
logues a ceux qui avaient déterminé une pareille
mesure en 18~0 ,de la part de Louis XVIII.


D. La pr~clamation du Roi fut-elle discutée en
conseil? - R. Oui.


D· Quel en fut le rédacteur? - R. Je ne dois nom-
"~ .


roer personne. ,.'
D. Pourquoi est-elle signée par le président du


conseil , et non par le ministre de l'íntérieur? - R.
II a paru plus convenable qu'elle fut contresignée
par le président du conseil,


D. Quels furent les motifs qui, déterminérent le
Roi aajourner la réunion de plusieurs colléges élec-
toraux P- R. Le desir d'introduire dans les collé-
ges électoraux un plus grand nombre d'électeurs
dont les droits avaient été contestés. Des décisions
avaient été rendues dans des sens diverso 11 était dans




( lO )


I'esprit de la constitutipn du pays de donneraux tri-
hunaux le terns nécessaire pour statuer sur les-récla-
mations, afín que ceux qui n'avaient pas de droit
fussent exclnsdes colléges électoraux , et que ceux
dont les droits étaient reconnus pussent y étre ad-
mis.
- DiDes mesures illégales n'ont-elles pas éu lieu, a
I'effet de procnrer aux candidats du goüvernement
la majorlté dans les élections? - R. le puis affirmer
qu'aucune mesure de ce genre n'a été prisesous roa
direction. Je prierai M. leprésident de rémettresous
les yeúxde la Cour la seule circulaire que j'aie adres-
sée allX préfets. .


¡JI'. Hennequin donne, avec l'autorisation de M. le
président , lecture de cette circulaire , ainsi concue



Paris, 15 juin laJa.


(( M. le préfet , le Roia ordonné de nouvelles électiOlls : VOUff
ne devez ríen négliger pour que l'ordre le plus complet se
mai~tienne sur tous les' points de votre département pendant
leur durée .


» Les elections doivent étre libres ; elles ne peuvent l'étre qu'au-
tant que les dlectcurs joui~8ent d'une entiere sécurité.· .


» Il y a violation des droits consacrés par la Charte, toutes
les fois que, palo des insultes, des menaces, des démol1strations
publiques et tumultueuses, 011 entreprend d'imposer des suf..
frages, OU de détourner les électeurs timides d'un devoir qu'ils
pcuvent croire dangereux.




J. [ )


JI L'art. 11«de la loi du 5 février 181'7 attribue ~ MM. les
yrésidens et vice-présidens la poliee des colléges électoráux.


)) L'art. 8 de I'ordonnance royalc du 11 octobre 18:w, décide
que nulleforcé armée ne peut, sans leur dernande.tétre placée
auprés du lieu des séances.


)) Enfin, par l'art. 8 de la 19i du 5 février 1817 j et parI'art.
i o de l'ordonnance da 11 octobre 1820, toute discussion et
toute délibération quelconques sont interdites dans le sein des
colléges é~ctoraux.


)).O~ ne doit ~otdoute\' .que MW. les présidens de colléges
ne remplissent avec fer~eté et avec sagesse les devoirs impor-
tans que la lf:Ji leur a confiés.


» Mais, hors des lieux dont la police leur estréservéa , elle
appartient aux magistrats ordinaires, et ceux-ci doivent I'exer-
cer avec vigilance.


D 'Prenez des mesures pour que les abords descolléges soient
libres, que la personne des éleeteurs soit iruiistinctement respec-
tde , qu'aucun ontrage ne leur soit adressé, qu'aucune clameur .
populaire ne puisse exercer d'influence sur Ieur vote, qu'aucun
tumulte extérieur ne SI) fasse entcndre dans le lieu.des séances
et ne trouble l'C;)I'dr~ des opérations électorales. . •


» Qu'al,lcun attr.,oupe~ent illégal 'ne soit toléré ; qu'aucune
iufraetion aÍ1xlói~'ne ~oit~Orlni1Íseimpui1émént;que les in-
ftli'é'feur~soieritsaisis ~ I'instant-, conforrnément a l'art. 16 dü
Code d'instnuction criminelle, et remis aux tribnnaux qui de-
vrout les juger


) Les art. 109, 1 10, r i i , H 2 et 113du Code penal pronon-
cent des peines séveres contre ceux qui vendent ou achetent des
¡l,uffralt,es, qui falsifient les votes OH. qUl troublent, par un.
moven quelconque, la liberté et la sécurité des électeurs .


.)) Faitcs publier et affiche!' de nouveau' ces articIes. Que les
électeuri snchent el sentent que la protcctiou dos lois lenr est as-




( J:¡ )


.urtÍ,> el que VOU8 'mette« au rang de vos premier¡¡. devoi1'S cIZui
fui lJeut que VOU8 gurantissiez a toue vos administrésle Zilw, el
paisihle eaereice de leurs droüe,


)1 'Vous" me rendrez compte des. mesuree que YOUS aurez
prises et de leur exécntíon,


JIl Ágréez, M. le préfet, ·l'assurance de ma eonsidération tres~
distinguée.


" Le pair de France,¡ mini#re secrotaire-
d'étal au' dilparlement de rinlérieur,


.1


M. di! Perronnet. Jedemanderai la permission
d'ajouter quelques mots qui confirmeront de plus
en .plus les sentimens dont j'étais animé"


Plusieurs présidens de colléges'furent choisis dans
le sein ,de la eharnbre.des pairs. J'ai 'en l'honneur de
voir troisd'entre'eux quí siégent dans eette cour, Ils
m'ont interrogé surIa direction qu'il était conve-
nable de donner, Jeles adjure ici, J~espere-qu'ils ne
refuseront pas de déclarer quelle a été roa réponse.
Vous pourrez par la acquérir la conviction qne je
n'ai conseillé aueun aete, aucune mesure, aucune
démarche qui tendit a faire violence aux élee-
teurs,


D. N'a-t-il pas été fait de coupables efforts pour
ébranler et violenter la conscience des fonctionnaires




( 13 )
publies électeurs? - R. Jen'ai .adressé de menaces
a qui que ce soit, ni .fait de promesse a qui que ce
soit,


D. Avez-vous su que dans certains colléges électo-
raux, on aurait exigé..que les}onctionnaires publics
dépossasent leurs bulletins de maniere qu'il fút aisé
d'en prendre eonnaissance, et n'avez-vous rien fait
pour obvier a cet incónvénient qui VQQS avait -été
signalé .paf 1M· 'Vj:ves~ rec;tamations,; qu'íl .a exci tées
dan'sla Chamhre des Députés? - R. Il est vrai que,


101'5 de la vérification des pouvoirs, on a fait con-
naitre quedes mesures de ce genre avaient été prises,
mais je n'en ai été informé qu'á cette époque. Puis-
que vous jugez a propos de me demander Si je n'ai
pas cherché a obvier a un pareil inconvénient; je
ferai remarquer que' je ne pouvais le prévenír , cal'
j'aurais eru peu convenable de prévoir des choses
plus ou moins illégales et d'adresser des parolessé-
véres aux présidensdes coUéges choisis p.armi .les.ci-
teyens Iesplns óQnsiqérV>les. l"


D.' N'avez-vous point eonnaissance que des me-
naces et des promesses aient été faitespar plusieurs
administrations P- R. J'ai la convietion qu'aucune
administration.n'en a faites de ce genre; mais je ne
puis en parler d'une maniere positive, cal' Ieurs cir-
culaires n'ont point passé sous mes yeux. ,


D. Expliquez-vous sur ce qui a eu lieu al'occasion
des troubles de Montauban? - R. Aussitot que j'en
ai été informé, j'ai dicté des instructions séveres, J'ai
envoyú des instructions semblables ti Figeac oú des




, ( 14 )
troubles avaientaussi éelaté. Le lendemain je recus
un nouveau rapport qui m'annoncait que les esprits
étaient fort animés , el que des poursuites rigou-
reuses pourraient les exciter davantage. On me de-
mandait d'autoriser une sorte de reláchement 'de ces


, , 0


poursuites, Je saisisa l'instant mérne la p.lume, et
.j'krivis en marge du tapport qu'on venait. de mettre
SatIS mes yeúx 1 l'expression duo sentiment vif et pé-
nible qne j',(frrouvais, et l'ordre positif de ne -rien
épargner ponr rétablir-la tranquillité et tali'e chátier
oeux qui la troublaient.


J'ai eu -l'honneur .de faire.' connairre ces faits a
MM'~ les commissaires de laChambre des Députés ,
lorsqu'ils m'ont interrogé : je les ai pressés de faire
faire la reoherchade ces piéces; malheureusement
les recherches ont été infructueuses au ministere de
l'intérieur. le f'egrette que le temsne m'ait pas per-
mis de les faire ehercherr aussi a lapréfecture de
Montaublln.Le.préfet du département et le secré-
taire-général ont eu conn~ssan¡ceJlu ra,ppor,t et .de
mes réponses. Quoique ces pieces n'aient pu'etre re-
trouvées, elles .n'existent pas moins , et-j'espére
qu'aueun membrede la Cour n'en doutera,


(M. le .président donne lecture d'une lettre de la
préíecturev.d'oú ilrésulte qu'on n'ya trouvé aucune
trace des pieces dont.il s'agit.)


D.A -quelle époque a été agité pour la premiére
fois , .dans leconseil, le systeme des ordonnances du
7.5 juillet?_ R. Apres que le résultat des élections
a été connu.»




15
D. L'idée qui présidait a ce .systeme ne se ratta-


chait-elle pas aun plan de conduite plus ancien. N'a-
vait-il pas été arrété j} l'époque de la dissolution?-
R. S'il a existé un plan aatérieur 1 je raí entierement
ignoré. le nie qu'il.it été déhattu antérieurement
entre les ministres du Roi. \ '


D. Quelques journaux avaientannoncé a.I'avance
q u'un coup.d'état. se préparait- .Cette annouce résul-
tan-elle ..~ la commu:{ljeatjon qui Ieur auraitété faite
d;U: s,-steme du Gouvernement? -:&. J'ai déja ré-
pondu a cette question daos mes interrogatoi..es
éorits. Ma réponse n'ayant pas été assez développée ,
je vous demande la permission de rétablir les faits.
Vou~ m'avez parlé, dans mon interrogatoire , de


journaux qui se publiaient amon eatrée au minis-
tere , et qui contiennent quelques articles relatifs
aux coups d'état. Vous m'avez demandé alors si on
ne pouvait pas en induire que déja des projets ana-
logues étaient.formés , et si ces pub1icatilmsJ;l'avaient
~ ,


pas pvur but d'y préparer le public , et méme d'y
dis~r l'esprit du Roí.Je me suis borné árépondre
que j'avais ignoré eompletement la direction don-
née aux journaux avec Iesquels le ministere pou,-
vait étre en rapport avant mon entrée, et qu'aprés
je n'avais autorisé aueune publication de ce genre.
Vousm'avez rappelé que l'opinion s'était répandue
dans le publicque je n'étais pas personnellement
étranger a quelques-uns des articles publiés par ces
journaux. Je dois vous remercier de cette ouverture ,
paree qu'elle me fournit l'occasion de rappeler une




( 16 )
circonstance qui ne peut pasétre utile. Je ne Die
pas, je n'ai jamais nié qu'il. n'y eütun journal atta-
ché.á l'opinion que j'ai professée toute ma vie, et
dans lequel quelquefois des articles qui étaient mon
ouvrage aient été accueillis ; 'zw.is si l'on en tirait la
preuve que des ce tems je favorisais de mon suffrage
le. systeme qui a été plus tard adopté dans des cir-
cqnstances impérjeuses ,. -(1)- tomheraít dans une
grave'erreur; car je crois pouvon- affirmer que le
journal dans lequel des articles de moi ont été P'?--
hliés, n'a cessé , pendant tout ce tems, de combattre
les proposítíons ..'de coups-d'état, (Rumeurs néga-
tives. ) ..


D.Par qui la proposition des ordonnances fut-elle
d'>.lhord faite dans le conseil? -, R. Il neIut pas fait
dans le conseil de proposition d' ordonnances , mais
une proposition de systeme, Aprés avoir établi cette
distinction ~ je 'demanderai la permission de ne ré-
pondré 11 aueune-questíon qui pourrait ~'adresser
au Roi. Jt


D. Ne pourriez-vous pas cependant dire.quelsfu-
rent les ministres qui s'opposerent a ce systeme P~
R. J'ai éprouvé heaucoup d'incertitude et un sen ti-
ment pénible pendant un tems fort prolongé , et' en
présence de membres j dont la déclaration nesaurait
étre suspecte, lorsqué cette question m'a été adres-
sée, pour la premiére fois, par MM. les commissaires
de la Chambre des Députés, Cette question était
complexe; elle enveloppait quelques-uns de mes
collegues et moi-méme.T'étais retenu par un devoir




( 17 )
.impérieux , celui de ne pas divulguer, au mépris de
mes sermens, le seeret des délibérations qui avaient
eu lieu dans le conseil du Roi. J'étais pressé , d'un
autre coté, par la erainte de nuire ; en dissimulailt
une vérité a un homme malheureux comme moi.
MM. les commissaires de la Chambre des Députés
ontété témoins de ma ré¡istance. Ils l'ont vaincue;
ils ont obtenu de moi la vérité sur un fait Cét:t8·iJ¡.


, • ·1


Macis si vous voules que j'aitle·plus Ioin , c'est-a-dire
que j'étende mes réponses jusqll'a moi-mémezje vous
priede trouver hon quejene le fassepas. Sí la réponse
doit me nuire, vousne pouvez pas vouloir que je la
fasse; si elle doit me servir , l'honneur me défend de
la faire , paree qu'elle -pourrait nuire a un .autre,
(Sensation; tous ~s yerix se portent sur M. de Po-
lignac. )


D. Je respecte, autant que qui que ce soit, lafoi du
serment; maisapres tant d'événemens accomplis,
lorsque le gouvernement que vous serviez n'existe
plus; lorsque vos pa1'01esJ1e;peuvent plus muire a
son aetion if ne penserez-vous pas qu'i1estde votre
intérét et de ce1ui de vos collegues d'éclairer I'opi-
nion de la Conr sur les faits qui se sont passés. -
R. Le.serment que j'ai fait était absolu; iln'était pus
conditionnel; et je ne sache pas que le malheur délie
des sermens.


D. Avez-vous été du nombre des-opposans au sys-
·teme qui a prévalu P- R. Je n'ai ríen ~ répondre.


. D. Quels furent lesrnotifs qui l'ont tait prévaloir?
-R. le ne saurais les expliquer sans révéler le secret


11. 2




( 18 )
des débats du conseil , et sans violcr mes sermens.


D. QueJs furent vos motiís particuliers pour vous
réunir a la majorité du conseil? - R. La Cour me
dispensera de répondre encore ácette question.


p. Avez-vous participé a la rédaction du rapport
an Roi? - R. Je n'ai, pas a répondre.


D. Avez-vons signé les "rdonnances? - Je les ai
signées. "


n.Que} est l'auteur de l'ordonnance sur-la presse?
-'- H. Je n'ai ríen arépondre.


Do Quel est l'auteur de l'ordonnance portant dis-
solution de la Chambre des Députés? - R. C'est
moL· .


DiS'est-il élevé une.diseussien dans le' conseil sur
la question de savoir.si laCharte donnait au Roi le
droit de dissoudre une chamhre qui n'avait pas en-
eore été-rassemblée? - R. Lesmotifs quipeuvent
avoir été donnés rentrent dans les réponses que j'ai
déja faites, . .


D. Qui a été le rédacteur de.I'ordonnance sur les
éleetions P-' R. J'en ai rédigé la plus grande partie.


D. Cette ordonnance a-t-elle été eontre-signée par
tous les miaistres P - R. Elle a été signée par moi
en coopération avec mes collégues et de leur aveu,


D. Le Roí n'a..t-il pas été éelairé par son conseil
sur l'illégalité des ordonnances? - S'il s'agit de ré"
pondre sur cequi se serait passé dans l'intérieur du
conseil.je serai. encoré obligé de m'en abstenir;
mais si vousme permettez de parler al'occasion de
cette question ,-je ferai remarquer q.u'il serait invrai-




( 19 )
semblable que des mesures de ce genre n'eussent
pas été débattnes pareellxqui y prenaient part, et
que le Roi n'eút pas été informé. Je répete que je
n'entends pas révéler les secrets d,u conseil, ,


D. L'ordonnance qui nomme le duc de Itaguse
n'est-elle pas datée du 25 juillet? - R. Je l'ignore,
complétement. Lorsqu'on m'a interrogé Ja premiere
fois sur ce poipt,j'ai cru queI'ordonnance avait.été
publiée dans ,la soirée dU15 bu IC26 au malino Je
n'ai j'amais été détrompé a'cét égard. Cette eri'eur,
ne surprendra pas ceux qui savent de quelle maniere
se traitent les affaires de la guerreo Chacuncompf-en-
dra que je n'ai dCI étre informé que trés-imparfaite-
ment «le ce' qui était relatií ~ eette ordonnanee.


D, Malgré vos réponses négatives, il parait ressor-
tir évjdemment de l'interrogatoire, que le systeme
qui á prévalu, .n'était pas le vótre , et je me crois
fondé :l vous adresser cette demande. Votre respect
pour des opinions et desvolontés , qui au;aient ~é-,
duit votre raison ausilence, n'aurait-il pasinflllé
puissamment sur la détermination ~ laquelle vous
avez céqé, ,de signer les ordonnanees? - R. Je suis
profondément touc,hé, l\'[. le président, du sentiment
qui vous porte ,a m'adresser eette question. Je rends
la Cour [uge du sentiment qui me porte amon tour
a refuser d'y répondre.


D. Veous avez dú concevoir descraintes sur I'exé-
cution ~es ordormances : vous avez dli prévoir des
diíficultés , envisager de grands périls,' puisque Ce
systeme n'était pas le vótre, Quelles mesures' avez-




( 20 )


VOUS prises, dans les attrihutions de votre departe-
ment, aun d'éviterles malheursque vous redoutiez?
.-...:... R. Des le mercredi qui a précédéTa publieation
des ordonnancesj-j'avais demandé l'autorisation d'a-
voir des communieations sérieuses avec le préfet de
poliee; elles me paraissaient nécessaires ¡ elles ne pa-
rurent pas aussi immédiatement nécessairesá d'au-
tres, et en conséquence elles fu~'ent différées jusqu'á
la soirée du 27. Ce jour-la , adix: heures duo soir , le
préíet de poliee vint chez moi, et depuis ce moment
des dispositionsd'une autre l~ature ayant été prises,
je n'ai pu ni {h'i' dcnneraucun ordre.


D, Inforrnátes-vóus alors le préfet de police de
l'existenee des ordonnanees? - R. OUl.


D. Avez-vous pris préalablement des informations
sur l'effet que la publication des ordonnances-pour-
rait produire a Paris? - R. Les rapports dont je
viens de parler avaient contribué ainspirar unedan-
gereuse et fatale sécurité.


D. Aussitót que les ordonnances ont été rendues ,
en avez-vous prévenu les auforités administratives
sous vos ordres , en Ieur donnant les instructions né-
cessaires? --'- R.· Je n'ai rien a ajouter a la réponse
que j'ai faite.


D. Vous.n'avez done pas vu le préfet de police dans
la matinée d.l~ lnndi? -: R. Je ne l'ai vu que le 2.5 a
dix heures du soir. Il est resté ayer moi ap~u pres
une demi-heure , et depuis je ne l'aipas revu , et je
n'ai recu de lui ni lettres ni rapports.


D. ~'avez-vol1s pas vu le préfet de la Seine ?-Le




( '11 )


préfet de la Seinc est ven u chez rnoile lundi et le
mardi, et , d'apres ce que je viens de dire , je n'ai eu
aucune instruction a lui adresser.


D. Avez-vous vu , dans la matinée du Iundi , le
procurenr du Hoi de Paris P-- R. 1] est en effet venu
chez moi pour me faire remarquer-que le départe-
ment de la Corse , par son organisation spéciale , exi-
geait aussi des mesures spéciales pour 'l'exécution
des ordonnances. . ,


D. Le procureur du Roi ne vous a fait aucune ob-
servaríon sur ce qui pouvait concerner la capitale P
- n. Je ne m'en souviens aucunernent.


D. Avez-vous été prévenu dans la soirée du lundi
des premiers troubles qui s'étaient manifestés au
Palais-Royal et dans les environs de l'hótel des af-
faires étrangeres. -R. J'étais sur la place Vendóme.
Je vis de mes propres yeux le démélé fort pea con-
sidérable qui s'y passait. J'entendis quelques cris
proférés par plusieurs persOImes, je reatrai chez
mol.


D. Par qui fut donné I'ordre relatif a la saisie des
presses P(M. le président fait représenter cet ordre
a l'accusé.) - R. La piece elle-méme répond a la
question. M. le président pouvait se dispenser de me
l'adresser.


D. Avez-vous eu connaissance des rassemblernens
qui se sont formés le mardi? - R. J'étais lemardi a
Saint-Cloud, Je suis rentré au ministere de l'intérieur
fort tardo
• D. Savez-vous si des instructions ont été données,




( 22 )


conformérnent aux dispositionsxle la loi du ~ r juillet
1791 ? - R. J'ai toujours été convaincu que des 01'-
dres avaient étédonnés, Ils étaient tres-implicitement
renfermés dans l'entretien que j'avais eu avec le pré-
fet de police,. quoiqu'áce moment jefusse loiri de
prévoir les violences qui ont éclaté ; mais quant a
la connaissance directeet personnelle de ces Instruc-
tions, elle' ne m'est jamais parvenue.


D. Avez-vons connu qu'il y avait eu ce jour-la une
réunion de députés? _ R. C'est plus tard que j'en
ai eu connaissance.


D. Avez-vous assité au couseil oú fut délibérée
l' ordonnancede mise enétat de siége de la ville de
Paris ?- R. Oui. . ,


D. Par qui cette mesure a-t-elle été provoquée ?-
R. Le pon!' et le centre ontété débattus.


D. Quels sont les motifs qui ont déterminé la mise
en état de siége? - R. L'état le la, ville, les souleve-
mens qui.avaient éclaté.et la prévoyance que, dans
la jonrnée du lendemain , des soulevemens plus con-
sidérahles ne portassent un plus g1'and trouble a
l'ordre public,


D. La résolution qui a été prise était-elle définitive
ou conditionnelle ?-R. 11 ya eu quelque erreur dans
les interrogatoires a ce sujeto L'ordonnance n'a été
arrétée que vers dix heuresdu soir. On conservait
I'espoir que les troubles ,avaient atteint leur terme;
on avait annoncé au conseil que tout était calme 1
que 1'01'd1'e était si bien rétabli que M. le maréchal
avait prescrit aux t1'onpes de rentrer daos leurs ro-
. .




( 23 )
sornes. Si cette cspéranee s'était réalisée , l'ordon-
nance de mise en état de siége devenait sans objeto
Cependant, comme on prévoyait un nouveau dé-
ploiement de forces dans la journée du lendemain ,
on choisit un remede qui était propre ale prévenir,
C'est ainsi que j'ai entendu cette mesure. .


D. Est-il a votre connaissance que des mesures
aient été prises pOllr donner la plus grande pub!icité
possible aI'ordonnancede la mise en état de siége?
-.. R. Tout ce qui était relatif a l'exécution de eette
ordouuunc« regardait M. le maréchal , et s'est passé
a mon inscu, J'étais éloigné alors de mes collegues ,
et je ne me suisréuni a eux qu'á une heure tres-
avancée dans la journée du mercredi.


D. Na deviez-vous pas, comme ministre de I'inté-
rieur , pourvoir a toutes les mesures préalables,
avertir les citoyens de l'état nouveau dans Iequelils
allaient se trouver? _ R. Je ne le devais ni ne le
pouvais. le qe le de vais pas acause des dispositions
qui:avaient été prisea; et je 11e le ponvais , patee que
je n'ai.appris ce quí a été eonsornmé acet égardqu'á
mon retour aux Tuileries , et fort longtems aprés ,
puisque j'ai passé plus de trois beures dans le pavil-
Ion de Flore et dans I'appartement de M. I'évéque
d'Herrnopolis, avant d'avoir pu découvrir dansquelle
partie du cháteau se réunissaient mes collégues, Tout
ce qui était relatif a l'exécution de Pordonnance de
la mise en état de siége s'était fait dans les.heures qui
avaient précédé, et je n'en ai été informé que dans la
soirée.numoment oú je me suis réuni a mes collegues,




( 24 )
D. Cornme chef de l'administration , n'avez-vous


pas pris des précautions pour étre instruit de ce -qui
se passait'dans la capitale? -R. J'ai déja en l'occa-
sion de dire que, des le 25 á dix heures du soir ,j'ai
cessé d'avoir des rapports avec le préfet de police.


D. Je.vois bien- que le préfet de police a cessé d'a-
voir des rapports avec le ministre de l'intérieur, mais
je demande si le ministre n'a rien fait pour obtenir
qu'on lui rendit compte de ce qui se passait. - R. Je
n'ai rien fait ponr cela. La ville ayant été mise en état
de siége, tous les pouvoirs administratifs se tr:ou-
vaient réunis dans la- persQnne du cornmandant en
chef, et toutes les autoritésdevaient correspondre
aveclui.


D. La ville n'a été mise en état de siége que le
mercredi, Dans I'intervalle qui s'est écoulé entre le
lundiet le mercredi, n'avez-vous pas pris des me- .
sures pour étre suffisamment informé? D'ailleurs ,
quoique la ville eüt été mise en état de.siége, .la res-
ponsahilité ministérielle qui pesaít sur vous, vous
faisait un devoirde vous informer de ce qui se pas-


e .
sait , afín de savoir quand il faudrait {aire cesser l'é-
tat de siége? - R. Votre intention est de m'interro-
gel' a la foís sur ce que je n'ai pas fait avant l'ordon-
nance de mise enétatde siége, et sur ce que je
n'ai pas fait apres cette ordonnance. Je répondrai
d'abord a la premiere partie de la question. Je n'a-
vais rien a {aire, et je n'ai eu les moyens mstériels
de rien faire postérieurement al'ordonnance de mise
en état de siége. J'ignorais, le mercredi aonze heures




( '1.5 )
du matin , que cette ordonnance eút été mise á exé-
cution , bien que je dusse le prévoir; mais je n'en
avais aucun avis officiel : je partis pour Saint-Cloud,
et j'en revins un peu tardo J'appris que mes collegues
étaient réunis, selon les apparences, au chatean des
Tuileries. Je me rendís au pavillon de Flore; je n'y
trouvaipersonne, Je supposai que je les avais dévan-
cés; je m'arrétai dans les salons assezIongtems, Il
me vint dans l'esprit qne peut-étre mes collegues s'é ..
taient rassemhlés dans unautre Iieu : je priai un
gar~on de salle de s'en enquérir. On vint me dire
qu'ils étaient réunis dans l'appartement qu'occupait
M. l' évéque d'Hermopolis :je m'y rendis. Jene trouvai
encore personne dans cetappartement. Trois heures
s'étant .écoulées ainsi , et aucun avis ne m'étant
donné, je chargeai un officier de paix, qui se pré-
senta, d'aller ala découverte, Ce fut par luíque j'ap-
pris que mes collegues étaient réunis a I'état-major
de la place. Vous voy.ez que ce n'est que forttard
que j'ai pu les rejoindre. Commentsupposer que,
dans ma position, j'eusse ea les moyens de communi-
quer avec le préfet de. police, qui, depuis le mer-
credi matin, n'était plus dans son hótel? Ainsi, quand
bien méme j'aurais cru que postérieurement a la
publication de l'ordonnance de mise en état de siége,
il était de mon devoir d'entrer en communication
avec les magistrats de l'ordre administratif, les,
moyens matériels n'étaient pas en mon pouvoir.
Quant al'époque antérieure, j'ai donné, ce me sem-
hle, des explications qui se trouvent consignées dans




( 26 )
le rapport de MM. les com~issaires de la Chambre
des Députés.


D. N'avez-vóus pas vu M. le préíet de la Seine le
mereredi matin ? - R. Oui.


D: Ne vous parla-t-il pas de .l'état de Paris , et de
la crainte oú il était de voir s'établir une municipa-
lité provisoire? - Oui.


o D. A quelle heure vous étes-vous réuni le mer-
credi avos collegues ?- R. le mesuis réuni a l' état-
major , mais je ne saurais indiquer l'heure.


D. y fut-il tenu quelque conseil sur I'état des af-
faires et sur les mesures aprendre?- R. n n'y a
pas 'en de eonseil ti l'état-major; d'ailleurs, les sept
ministres ne s~y sont pas tro.uvés un seul ins~ant tous
ensemble.


D. A qui appartenait alors la direction des affaires?
-r-r- R. Elle ne m'appartenait paso


D. Le conseil nese serait-il réservé aucun moyen
de diriger bu de surveiller les conséquences de l'état
de siége? - R. Le conseil n'a pas étéréuni eomme
tel depuis la soirée du rnardi, Jamáis la question que
vous m'adressez , n'aété l'ohjet d'une délibération.


D. Le conseil, ou les ministres collectivernent ,
ont-ils demandé a connaitre les ordres qui avaient
été donnés ponr l'emploi de la force publique? -
R. nn'est parvenu ama connaissance aucun ordre
donné dansce sens par les ministres collectivement.


D. Avez-vous connaissance de l'ordre donné au
coloncl Foucault pour l'arrestation de plusieurs per-
sonnes , et notamment des députés i' - R. Je n'en ai




( 27 )
eu connaissance que par la questíon qui m'a été
adressée a ce sujeto Si vous voulez bien vous rappe-
ler les heures , vous verrez qu'il était ímpossible que
j'eusse connaissance de cet acte.


D. C'est acause de cela qu'il eút été important de
fixer l'heure de votre arrivée a l'état-major. _ R. Je
ne pouvais la préciser.,


D. Avez-vous été averti de la démarehe faite par
des députés aupres du maréchal P- R. Oui,


D. Le président du conseil ne vous a-t-il pas con-
sulté sur' la qnestion de savoir s'il verrait les députés,
ou s'il refuserait de les voir? - R. C'est de la bou-
che rnéme du prineede Polignac que j'ai été informé


- de la démarche qui avait été faite; mais en méme
tems l'obstacle qui s'opposait. a une réponse immé-
diate m'a été communiqué , et l'obligation d'en réfé-
rer an Roi et d'attendre ses ordres a été exprimé par
M. de Polignac ou par rnoi. •


D. Savez-vous s'ila été rendu co.mpte au Roi, á
l'instant , de cette démarche, soit p-ar le maréchal,
SOl! parle président du conseil P- R. J'ai la con-
viction profonde que l'avis de cette démarche a été ,
a l'instant mérne , transrnisau Roi. Je ne vous diraí
pas d'une maniere positive si e' est par. M. le maréchal
OH par M. de Polignac.


D. Ne vous étes-vous pas eru obligé de rendre
eompte au Roí de l'état de la capitale , le mercredi
soir ? - R. Je n'étais informé de rien officiellement ,
je ne savais rien que d'une maniere tres-vague. M.le
rnaréchal , aupres duquel je m'étaís trouvé plusieurs





( ~8 )


fois dans le cours de la journée, ne rn'avait douné
que des explieations tres-géaérales. J'étais hors d'état
de rendre compte de la situation de la capitale , des
dispositions du maréchal, de ses espérances , et par
conséquent de donner mon avis sur le partí qu'on
devait prendre.


D. Ou avez-vous passé la nuit du mercredi au
jeudi? - R. Aux Tuileries.


D. A quelle heure vous eres-vous réuni , le jeudi
matin , ave e les antres ministres? - R. Je ne saurais
le dire d'une maniere positive, paree que le tems
passait longuement alors, Je rn'étais levé de tres-
grand matin ; je n'avais pas dormi. Jeme souviens
de m'étre promené longtems sur la place du Carrou-
sel avec M.le baron de Glandeves, et qu'apres l'avoir
quitté, je fus rencontré par M.le,maréchal qui, pour
Iapremiére fois, me témoi.gna le desir de me corn-
muniquer en détail la' position des ehoses que luí
seulconnaissait, ~'~tpar-laqu'il avait aequis la con--
viction que des mesures urgentes étaient indispen-
sables. La responsabilité qu'il m'offrait me patut un
pell irréguliére , et quoique les circonstances fussenr
assez impérieuses pour autoriser beaucoupd'irrégu-
larité, je lui demandai la permission d'aller , avant
de l'entendre davantage, avertir ceux auxquels cette
responsabilité appartenait. Il comprit roa pensée. Je '
le quittai et je sentis la nécessité de me rendre de
suite aSaint-Cloud. Je montai dans mon apparteinent
pour passer un habit; M. lemaréchal vintm'appeler:
il s'approcha de moi , me pressa avec beaucoup de




vivacité de l'écouter attentivement, afin que je pusse
répéter d'une maniere exacte au Roi tout ce qu'il
allait me dire, Il m'expliqua nettement sa position
mltaire; il me fit de plus en plus partager la con-
viction oú il était qu'une mesure prompte devait
étre prise. Je Iui promis d'étre I'interprete fidele de
son opinion aupres du Roi. En le quittant , jeren-
contrai des personnes fort_ graves avec lesquelles j'tti
en .occasión d'échangee quelques mots -qui étaient
de riatúre abien faire connaitre les sentimens qui
m'animaient. Je cherchai a l'instant les moyens de
me rendre á Saint-Cloud. Je demandai un cheval a
M. de Girardin et une voiture aM. qe Glandevés. Une
voiture m'ayant été pfferte , je l'acceptai, Quelques
collegues se joignirent amoi et nous allámes aSaint-
Cloud,


D. L'ordre fut donné de transférer aux Tuiler-ies
la cour royale de Paris. Savez-vous par qui a été
prise l'initiative sur cette proposition ? _ Non. J'en
ai été informé a l'état-majer.


D. N'avez-vouspasvu M. l'avocat-général Bayeux?
- R. J'étaisavec M. de Glandeves quand il vint; je
le, connaissais fort peu. L'eutretien s'engageaentre
un de mes collegues et lui. Je n'avais pas de rapports
familiers avec luí; il y avait déja fort longtems que
j'avais eu occasion de lui étre utile.


D. Expliquez-vous sur la demande du retrait des
ordonnances et du changement vde minístera L;
R. Apres avoir eu deux entretiens successifs avec
M. le maréchal , je me hátai de partir pour Saint-




( ·30 )
Cloud avec qnelques-uns de mes col'legues, dans la
voiture qui avait été mise a ma disposition, Nous
étions a peu pres ala moitié du chemin , lorsque
M:. de Polignac nous joignit a cheval. •


D. Vous venez de dire que le maréchal vous avait
parlé d'une opinion qu'il voulait transmettre au Roi:
quelle était eette opinion? - R. La révocation des
ordonnances el le changement du ministére, .


D: AssistaJes~volls a la pre,mi~re conférence qui
eut líen chez le Roi avec le président du conseil i-c-
R. Dui. En descendant a Saint-Cloud, je rencontrai
M. de Sémonville et M. d'Argout. Nous montámes
les premiers éhe!' le Roi; nous rendimes compte a
Sa.Majesté dela nécessitéde preJldre un parti prompt.
Le Roí me parut apeu prés.détermíné : il était na-
turel qu'il ne prit une réselution définitive qu'aprés
avoir entendu son' conseil, Il le rassembla ,et c'est
dans ce conseil que fut prise la détermination.


M.le président, Oemte de Chantelauze , vous con-
naissez l' aoeusation portée centre vous, et les eharges
sur lesquelles repose l'accusation; Il importe póur
la manifestation de la vérité et pour la clarté des
débats qui vont s'ouvrir, que vaus présentiez vos
explications sur ohacun des faits que les débats so.
destinés a ~clairdr. . .


Connaissiez-vous M. de Polignae au montent de la
formatioll du ministére du 8 aoút ?


JJ1. le comte de Chantelauze. Non, ]\f. le prési-
d.ent. A ce sujet, je donnerai une petite explication


, , . . . b l'en reponse a cette qnestion et a eancou p Ceautres




( 31 )
de la méme nature. Je n'ai pas desiré le renverse-
ment du ministere qui a précédé eelui du 8 aoút :
j'en atteste mes amis politiques, c'est-a-dire cent a
cent cinquante membres de la Chambre des Députés,
Je pensáis seulement que qu~lques modifications
devaient étre apportées dans ce conseil et dans son
príncipe de gouverllement. Un grand nombre de
memhres de la Chambre des Députés partageait , a
cet égard, mes voeux ; mais c'étaient des voeüx qui
pouvaient rester stériles.


D. Connaissiez-vous quelques-uns des membres
du rninistére du 8 aoút P- R. Plus d'un mois apres
la formation de ce ministére s'était écoulé que je n'a-
vais entretenu aucune relation avec ses membres.


D. Qui vous a décidé a entrer au conseil apresIa
dissolution de la Chambre ? Avez-vous conféré a l'a-
vanee sur la direction qui devait étre donnée aux .
affaires? - R. JI n~y a en auenne conférence a cet
égard: je ne suis.arrivé aParis que le 17mai. Je
voulais parler au Roi ; mais je nepus areiver j~squ1a
lui , et mon entrée au conseil fut décidée dans l~
soirée du J 8.


D. N'avez-vous pas de~andé eomme condition
que M. Peyronnet fpt appelé en méme terns quevous
au ministere? - R. J'ai en effet manifesté le desir
que M. Peyronnet entrát en méme teros qu~ moi au
conseil; j'en fis mérne une des conditions de mon
acceptation. Mais il n'y' eut jamais acet égard aucun
engagement entre nous.


D. Cette condition ne fait-elle pas présumer que




(3~ )
vous aviez avec 'lui une intelligence parfaite sur le
systéme qui devait étre suivi ? - J'avais avcc M, de
Peyronnet des rapports deconfianceet d'amitié;.
j'avais une haute estime pour son caractere et sur-
to~t pour son expérience et pour ses talens.


D. Aviez-vous su les motifs de la retraite de
MM; Chabrol et Courvoisier? - R. Je savais que ces
Messieurs avaient quitté le ministére. Je n'ai jamais
supposé qúe ces deux membres du conseil se fussent
retires dn conseil pour d'autres motifs que ceux de
rentrer dans la retraite.


D. Ignoriez-vous qu'a cette époque certains jour-
naux, sur lesquels ori prétendait que le ministere
n'avait pas étésans influencevréclan.aient des me-
sure. de violence ,eicherchaient a en démontrer la
nécessité P- R. le n'ai jamáis supposé que ces jour-


. naux fussent les organésdu ministere.
D. Alots entré aurconseil apres la dissolution ,


n'avéz-vous pasemployé ~ous vos efforts pour di-
rigerle vote des fonctionhaires publies de votre ad-
ministration? - R. J'avoue que j'ai employé des
moyeos légaux pour diriger les votes des membres
de Í'ordre judiciaire; mais je nie avoir mis quelque
prix acet actede conscieuce.


D.. N'avez-votls pas employéles promesses.Tesme-
náces, les injonctions, .et.mis les fonctionnaires dans
l'alternative de la perte de Ieurs empiois , oude I'a-
doption du candidat rninistériel , alors que cette
adoption blessait Ieur conscience? - R. Je ne me
suis jamais melé des opérations electorales dans ce




( 33 )
sens. J'ai recu peut-étre au ministere de la justice
mille demandes de destitution de membres de l'ordre
judiciaire, et je n'en ai aeeueilli qu'une seule, celle
dirigée contre un procureur du Roi, paree qu'elle
éfait Iondée sur des motifs étrangers ases opinions
politiques.


D. A quelle époque a été proposé le plan des or-
donnances? - R. C'est vers le milieu du mois de
juillet.


D. Par qui eette proposition a-t-elle été faite?-
R. Je ne puis le dire; le serment n'est pas vain pour
moi; ma fidélité est mon seul bien, la seule censo-
lation qui me reste.


D. La diseussion qui avait eu lien dans le conseil
des ministres se renonveJa-t-elle devant le Roi?-.
Je ne puis rien dire a eet égard.


D. Quel fut l'auteur du rapport au Roi? ---'- R.
C'est moi ; mais ce rapport a été tout-á-fait en dehors
des ordonnances du 25 júillet : iI était primitivement
destiné au public; par·conséquent il n'a pas détcr-
miné l'adoption des mesures. La rédaction de ce rap-
port n'a été achevée que le 25 au soir. La lecture
n'en a été faite dans le conseil que le 25 juil!et:
adopté par le conseil, ce rapport .fut revétu de la si-
gnature de tous les membres.


D. Quel íut le rédacteur de l'ordonnance relative
ala presse périodique.-R. La réclaction fut arrétée
au conseil.


D. Ne l'avez-vous pas signée? _ R. Oui.
TI. 3




( 34 )
D. N'avez-vous pas centre-signé l'ordonnance re-


lative aux élections. - R. Oui.
D. A~t·il été délibéré en conseil sur les mesures a


prendre pour l'exécution des ordonnances P- R.
On ne s'attendait pas aune résistance pareilJe.


D. Les autorités judiciaires n'avaient-elle pas recu
des instructions ace sujeto - R. Les autorités judi-
ciaires ne devaient pas en recevoir, puisque ces 01'-
donnances devaient étre exécutées par des rnoyens
administratifs.


D. Comment compreniez-vous que des moyens ad-
ministratifs .pourraient suffire pour exécuter des 01'-
donnances qui pouvaient entrainer des résistances
légales, lesquelles ne pouvaient étre vaincues que
par des jugemens. - R. Il suffit de lire les -ordon-
nances pour étre convaincu d~ la vérité de ce que
je dis; les tribunaux n'étaient pas appelés a concou-
rir a l'exécution de ces ordonnances; au reste, si
les mo.yens d'exécution.de ces ordonnances exigent
des développemens plus étendus, il~ pourront trou-
ver ·place dans la défense.


D. N'avez-vous pas prévu que jamais les tribunaux
ne concourraient a l'exécution de ces ordonnances ,
si jamáis on s'adressait a eux , et qu'il refuseraient
tout appui a ces mesures extra-Iégales? N'avez-vous
pas alors avisé aux moyens de suppléer aces tribu-
naux? - R. Je vous priede remarquer que I'ordon-
nance de la presse était entierement provisoire; la
mesure devait en étre convertie en loi dans la pro-
chaine session; que par conséquent il n'y avait pas




lieu de craindre un défaut de concours de la part des
autorités administratives et jndiciaires.


D. N'avait-il pas été question de constituer des
tribnnaux extraordinaires , dans les cas oú les cours
et tribunaux refuseraient ce concours? - R. Ja-
mais.


D. Avez- vous en connaissance de la protestation
insérée les 7 dans le National et dans d'autres jour-
naux\ - R. Je n'en ai pas eu connaissance dans
tonte la Journée dn 27. C'est á sept hellres du soir
seulement que je vis arriver , chcz le prince de Po-
lignac, le procureur dn Roí de París, qui me rendit
compte de quelques íaits qui rentraient dans mes
attributions, n me parla aussi de la protestation dont
il s'agit, et il m'annonca que, conformément aux
lois existantes, il avait dirigé des poursuites centre
les auteurs et signataires de ces protesta tions, .


D. N'avez-vous pas été informé de la gravité des
événemens, et pourquoi, dans c~ cas, navez-vous pas
communiqué.ce renseignement auxautres ministres?
-R. Je erois me souvenir que le mardi, ':).7, j'ai vu
M. Bayeux et causé avec lui sur l'exéeution des 01'-
donnances et la manifestation de l'opinion publique
aleur sujeto Ma mémoire ne me retraes pas les dé-
tails de eette conférence ; mais je ne erois pas que
M. Bayeux ait eu la moitié de eette prévoyance qu'il
s'est attribuée dans son témoignage. •


D. Quels moyens avez-vous employé pour évirer
l'effusion du sang et pour prevenir une lutte qui
ponvait s'engager entre la force armée et les ci-




( 36 )
toyens ? - R. Toutes les mesures étaient hors de
mes attributíons.


D. Av·ez-vous continué d'avoir des rapports avec
les autorités P- R. Jusqu'an 2g.au matin jcn'ai en
aucun rapport avec les autorités,


D. Avez-vous été averti des moyens d'exécution
des ordonnances et de la mise en mouvement des
eorps militaires P - R. Cescorps militaires ont été
mis en mouvement paree 'qu'il y avait e~ des ras-
semblemens dans la jpurnée de juillet, Ce n'est
qu'aprés mon arrestation que j'aí connu ces détails.


D. Avez-vous recommandé a la force militaire de
se conformeria loi du ~ 1 juillet [791, et de faire
précéder l'emploi des armes des, sommations vou-
lues ? - R. Je ne devais ni ne pouvaisélever aucun


.doute a ce sujeto Je rappel1e que les mesures apren-
dre ne me concernaient pas, en qualité de ministre
de la justice,


D. N'avez-vous eu aucun rapport avec le préfet
de police dans la 'jüurnée du 27. - R. Aucun:


D. Avez-vous vu le procureur du Roi dans la
méme journée. - R. Non.


D. Avez-vous participé a la délibération dans la-
quelle a été arrétée la mise en état de siége de Paris?
- ,R. Cette délibératión a été prise deus un conseil
a~lquel j'ai assisté.


D. Quel motif a amené cette mesure rigoureuse?
- R. La situation de Paris et la gravité des circon-
stances, D'ailleurs ces motifs seront développés dans
la défense.




( 37 )
D. Cette mesure fut-elle arrétée le mardi soir dé-


finitivement au provisoirement? _ R. Il me parait
que cette mesure a été prisesans condition,


D. A-t-il été avisé aux moyens de porter la con-
naissance de cette mesure et le plus tót possible a
vos concitoyens ? - R. Je ne puis parler que de ce
qui me.concerne en qualité de ministre de la justice.
Je saissqu'il était de mon devoir de notifier cette 01'·
donnance 11 toutes les autorités judiciaires; aussi en
ai-je adressé une ampliation au procureur-général ,
le chargeant de la transmettre au procureur du Roi
et aux autres autorités. Si le terns me l'avait permis,
j'aurais completement rcmpli cette.forrnalité en ce
qui concernc la Cour de cassation.


D. Avez-vous connaissance des mesures prises re-
latí vement ala formation d'un conseil de guerre?-
R. Non.


D. Le conseíl a-t-il cessé de tenir ses séances de-
puis la mise en état de siége, ou a-t-il donné cours
a ses déliberations? - R. Le conseil n'a pas eu de
délibérations depuis le 2.7 juillet au soir,


D. Les membres du conseil ont-ils eu connaissance
des ordres donnés par l'autbrité militaire po ur l'exé-
cution de l'état de siége? - IL Aucune,


D. Des mesures avaienr-elles été prises ponr que
le conseil íút averti des événernens , et pour les [aire
conuaitre au Roi? - n.. Aucune mesure, aucune
précaution de ce genre n'avait été prise; le pouvoir
se trouvait concentré entre les mains du maréchal,.
lui seul pouvait donner des renseignemens.




( 3H )
D. Vous avez done-pensé qIie la mise en état de


siége vous soulagerait de tous les devoirs attachés
au ministere , el enleverait la responsabilité qui·
pouvait vous atteindre; car enfin la mise en éta t de
siége était un de vos actes. Ne deviez-vous pas étre
averti des avantages et des inconvéniens de cet état
de siége pour, pouvoir en inforrner le Hoi, et Je faire
cesser du momsnt oú vous auriez reconnu qu~l était
inutile? - R. Nous n'avons jamaispensé que la mise
en état de siége ait pu nous décharger de la respon-
sabilité ; mais ayant concentré tous les pouvoirs
entre les mains du maréchal , HOUS ne devions pas
intervenir dans ses opérations militaires. J'aurais de-
siré pouvoir arréter l'effusion du sang; plus que
personhe j'ai gémi des malheurs des trois journées,
et du sort des victimes qui sont tombées. n ne m'ap-
partenait pas de provoquer aucune mesure a cet
egard. Il fallait que S,'1\1. fút informée de la situation
de Paris , elle ne pouvait l'étre par moi, puisque
j'ignorais la majeure partie des événemens,


D. Avez-vous eu connaissance de l'ordre donné
d'arréter plusieurs personnes, entre autres des dé-
putés? - R. Je n'en aientendu parler d'une ma-
niere précise que depuis mon arrestation. Je ne puis
me souvenir qu'il en ait été qnestion auparavant.


D. Savez-vous aquel moment ces ordres ont été
invoqués de vous? - R. Non.


D. Avez-vous eu connaissance de la démarche faite
par quelques Députés? - R. Oui ; quelquc teros
apres , dans les conversations souvent interrompues




( 39 )
que nous avions ensemble, OH se rendait compte
mutuellement de la marche des événemens ; e'est
dans un de ces entretiens , et seulement apres la re-
traite des députés , qne j'ai eu eonnaissance de leur
démarehe et des propositíons qu'ils avaient faites au
maréchal.


D. A-t-il été tenu , dans la soirée du mercredi, u~
conseil ? y á-t-il en une réunion des ministres, dans
laquelle on ait indiqué ce qu'ilconvenait de faire,
par suite de cette démarche des députés, et quels
moyens pouvaient étre employés pOllr déterminer
le Roí aprendre un parti qui pút arréter l'effnsion
du sang? - R. Non; il n'a pas été tenu de conseil,


D. Savez-vous ..'il a été rendu eompte au Roí,
dans la soirée du mercredl , des événemens de cette
jonrnée, et notamment de la demande des dépu-
. .


tés? - R. Je ne l'ai jamais su. J'ai toujours eru que
c'était au maréchal arendre CQlllpte au Roi de eette
démarche.


D. A quelle heure vous ches-vous réuni a vos col-
legues le jeudi matin ? - R. Je ne puis préciser
l'henre, mais c'était de tres-honneheure.


D. A-t-il été pris alors quelque résolution IlOU-
velle a l'occasion des mouvemens qui se dévelop-
paient avec plus d'énergie que la veille? - R. Le
maréchal nous réunit , n~ms rendít compte de la si-
tuation de Paris , et nous décidámes qu'il fallait nous
rendre tout de suite aSaint-Cloud ponr faire con-
naitre eette situation a S. M., ponr obtenir le rap-




-


( 40 )
port des ordonnances et l'acceptation de nos dé-
missions,


D. M. Bayeux n~ vous avait-il pas donné des ren-
seignemens précieux? - R. M. Bayeux me trouva
aux Tuileries une heure avant que le maréchal nous
réunit pour nous rendre le compte dont je viens de
parlero M. Bayeux me don na en effet quelques dé-
tails sur la situation de París. Il m'exposa que le Pa-
lais-de-Jnstice était: entierement investi , que les pri-
sonniers de la conciergerie s'ameutaient et mena-
caienr de se sauver ; il me fit sentir la nécessité que
la Cour royale pút se réunir ponr rendre des juge-
mens sur quelques affaires d'une nature urgente. Ce
fut d'apres les observations de M. Bayeux que je pen-
sai qu'il était convenable' de proposer a M. le ma-
réchal de convoquerla Cour r~yale aux Tuileries ,
puisqu'il n'y avait pas dans tout Paris d'autre local
disponible et libre. Tel était l'unique objet de la con-
vocation de la Cour royale aux Tuileries.


D.n me reste avous demander si cette résolution
de convoquer la Cour royale aux Tuileries avait été
délibérée avec vos collegues P_ R. Non.


D. Lorsque M. le marquis de SémonvilIe se rendir
aux Tuileries, les ministres délibérerent-ils entre
eux sur le partí aadopter-, et prirent-ils la déterrni-
nation de demander le rapport des ordonnances et
d'offrir leur démission? - R. On ne s'était pas con-
certé ace sujet; mais je suis convaincu que cette
pensée était celle de chacnn de nous,




( 41 )
D. Arrivé aSaint-Cloud, avez-vous assisté au con-


seil. - R. Oui.
D. Est-ce dans ee eonseil que fut prise la résolu-


tion du Roi de ehanger le ministere et de retirer les
ordonnances? - R. Oui, ce fu t dans ee conseil : e'est
moi qui ai contresigné les ordonnances de la nomi-
nation de M. de Mortemart eomme président du con-
seil et ministre des affaires étrangeres.


On passe a.l'interrogatoire de M.le comte de Guer-
non-Banville.


D. Avez-vons eu quelques I'apports avec le présí-
dent du conseil , avant d'étre appelé au ministere.c-e-
R. Non, M. le président.


D. Ne vous a-t-il pas été faitquelqueouverture re-
lativement a la conduite que le ministére se propa-
sait de suivre? - R. Aucune.


D. Ne vous erutes-vous pas obligé de-faire con-
naitre au prince de Polignac quelles étaient vos doc-
trines poli tiques ? - R. Oui , lors de la premiere ou-
verture qui me fut faite, je répondis que ma devise
était le Roi et la Charte, que la Charte était mon
évangile poli tique.


D. Quel motif vous a porté a rédiger une note qui
a été tronvée dans vos papiers , et qui avait pour
o'bjet de combattre les propositions contraires ala
morale et a la foi jurée ? eette note ne se rattachait-
elle pas ades propositions de ce genre , qui auraient
été émises dans le conseil ?-:- R. Aucune proposition
de ce gen re ne m'avait été faite. Les journaux par-
laient chaque jour de coups d'état qu'ils prétendaient




( .1 2 )
projetés dans le conseil. Je rédigeai cette note, non
pas pour la mettre sous les yeux du président du
conseil, mais ponr rédiger par écrit les opinions po-
litiques que j'avais toujours professées.


D. Avez-vous participé a la rédaction du discours
prononcó par le Roi al'ouverture des Chamhres ?-
R. Il n'y a pas de doute , puisque ce discours fut dé-
libéré en couseil.


D. Avez-vons participé a la réponse que le Roi fit
al'adresse de la Chambre des Députés? - R. Oui.


D. Cette réponse a-t-elle été l'objet d'un débat?-
R. Elle fut discutée : je puis méme dire qu'elle fut
rédigée dans le conseil, et que chacun ,y prit parto


D, Quel fut le motií de la retraite de MM. de Cha-
brol et de Courvoisier? ...:-. R. Une dissidence d'opi-
nion sur la mesure qu'il y aurait .a prendre dans le
cas oú les élections ameneraient une majorité hostile
an ministere.


D. Expliquez-vous davantage sur cette mesure?-
R. Je ne puis rien préciser de plus. M. de Courvoi-
sier pensait que le ministere devait se retirer. Cette
opinion n'a pas été adoptée par la majorité du
conseil.


D. N'avait-il pas été question, acette époque, de
déterminer quelle ligne de conduite on suivrait pOlfr
le cas oú les élections seraient contraires au mi-
nistere?- R. Non. Iln'avait pas été question de cet
objet al'époque du 2. 1 avril; plus tard, c'était une
opinion arrétée dans·le conseil de suivre constam-
ment les voies parlementaires et constitutionnelles.




( 43 )
i'J. le président m'a fait l'honneur de rappeler une
note que j'ai tracée au mois de dócembre : je rappe-
lerai a mon tour qu'un mémoire redigé, dans le
méme sens, avec plus de talent, et dans lequel les
mémes doctrines étaient professées, avait été pré-
senté au Roi par le président du conséil a l'époque
du 14 avril. Ainsi j'ai la conviction profonde qu'á
eette époque les doctrines du prince de Polignae
et de tous les membres da oonseil étaientparfaite-
ment conformes acelles que j'avais développéesdans
ma note.


D. Par qui furent proposés MM. de Peyronnet et
de Chantelauze ? - R. La modification du ministere
m'est tont-a fait étrangere.


D. Lorsqu'au mois dernier les élections, devinrent
nécessaires , des promesses et des rnenáces n'ont-
elles pas été employées pour obtenir les suffrages
des fonctionnaires publics ? - R. Je ne crois pas
qu'une pareille doctrine soit entrée °daris les inten-
tions d'aucun membre du conseil. Qnant a ce qui
m'estipersonnel , il existe deux eirculaires, l'une
ponr lVIlVl. les évéques , lautre pour les recteurs de
l'Académie. On verra que je n 'appelais , a l'aide du
gouvernement, l'influence que pouvaient exercer- les
évéques et les docteurs , chacun dans leurs attribu-
tions , que daos des termes qui neo laissent aucun
doute sur mes intentions. Je les adjurais d'employer
leur iufluence a procurer des Députés loyaux , ti-
deles au Roi et au pays. Cette noble Charnbre ne
pensel'a pasque j'aurais invoqué la vertu des évéques




( 41. )
de France al'appui d'un moyen qui pourrait étre re-
poussé par la loyauté et par la loi. Je dois m'expli-
quer sur un fait de destitution : une seule destitu-
tion a été prononcée par moi dans le département
de l'instruction publique. Elle a frappé un profes-
seur électeur ; non pas précisément paree que je sup-
posais qu'il voterait dans un sen s contraire aú gou-
vernement, mais parce que, .dans les lieux publics
et notamrnent dans les cafés, il disait hautement que
son vote était acquis au candidat de I'opposition.
J'ai dú , pour l'honneur du eorps enseignant , répri-
mer une conduite qui m'a parue contraire au devoir
d'un professeur,


D. A quelle époquc fút-il question pour la pre-
mi ere fois des ordonnances de juillet. _ R. Du 15
au 20 juillet.


D. Par qui fut faite cetre proposition? -:- R. Je ne
puis faire de réponse a ce sujeto


D. Les principes sur lesquels reposent les ordon-
nances du 2,) juillet, n'avaient-ils pas été, longtems
avant cette époque, l'objet des diseussions du con-
seil. - R. Non.


D. N'écrivltes-vous pas aM. Courvoisier POUI' con-
naiere son opinion sur cette question ? Quelle fut sa
réponse , et ·a quelle époque la recütes vous? - R.
J'écrivis en effet' a M. de Courvoisier , non pas pré-
cisément pour le consulter sur la proposition faite
au conseil , mon devoir ne m'aurait pas permis de
révéler cette proposition , mais j'entrai dans l'exa-
men d'une question générale , et j'interrogeall'ex-




( !l5 )
périence de M. de Courvoisier. C'est vers le 5 j uillet.
n n'avait pas encare été question dans le conseil du
systéme a suivre,


D. Pendant combien de séances les ardonnances
ont-elles été discutécs dans le eonseil ? - R. Je erais
que c'est pendant deux séances.


D. Par qui ont-elles été combattues Pc-> R. Cette
questian me place dans une position délicate. Je n'ai
pas a cet égard pensé comme .mes collegues. J'ai cru
qu'il convenait de faire id une distinction. Je sens
autant que personne toute l'importance d'un ser-
ment; rnais iI me semble que l'obligation du serment
ne doit s'appliquer qu'a ce qui constitue les secrets
de l'état , et qu'il est possible, sans manquer a ses
obligations, de déclarer a la justice les circonstances
accessoires et peu importantes. Ce fut d'apres ce
principe que j'ai cru pouvoir révéler mes opinions
personnelles , en respectant ce q ui était particnlier a
mes collegues. Quand j'ai eu connaissance de lenr
interrogatoi.re, j'ai vu qu'ils avaient donné plus d'ex-
tension que moi a cette observation du serment.
J'avais cm me tromper; mais l'exemple de MM. de
Chabrol et de Courvoisier m'a prouvé qu'il parta-
geaient mon opinion.


D. Cette réponse me force a vous d:'mander si
vous avez combattu la propositiori des ordonnances
dans le conseil? - R. Oui , je l'ai combattue.


D; Avez-vous fait sentir dans toute son étendue le
danger de ce systeme , en vous appllyant sur l'illéga-
lité des acles proposés P- R. Je sens combien il me




( !I6 "', I /
serait pénible d' entrer dans ces détails. Mes doctrines
politiques se trouvent consacrées dans la notevdu
mois de décembre; elles sont connues. On voit assez
quels moyens j'ai dú employer al'appui oc mes opi-
nions.


D. Avez-vous développé ces opinions devant le
Roi, comme dans le conseil des ministres? - R.


,


Oui , M. le président.
D. Quel jonr la décision fut-elle définitivement ar-


retée ? - R. Le jour du conseil qui a précédé la ré-
daction des ordonnances.


D. Votre position a-t-elle été partagée P - R. Je
erois pouvoir dire qu'un des membres du eonseill'a
partagée.


D. Quel jour la rédaction des ordonnances a-t-elle
été adoptée? - R. Elle a été adoptée la veille et
I'avant-veille de leur signature.


D. Par quels motifs ceux qui s'étaient opposés au
systeme ont-ils été amenés asigner les ordonnances?
- R. La majorité avait adopté le systeme. Cette
adoption reposait sur des faits, sur des attestations.
Les ministres qui ri'avaient pas été de l'avis du .sys-
teme durent penser que ces faits auraient été mieux
appréciés,\:>ar leurs collegues et se ranger de l'avis
de la majorité.


D. N'avez-vous pas cédé aune imissante autot-ité?
_ R. Le respect que je dois a la personne du Roi
devrait m'imposer entierement silence sur eette ques-
tion; mais je crois de mon devoir de déclarer que




( 47 )
le Roí n'a jamais exercé sur moi ancune autorité
dont ma eonseience dút avoir a se plaindre.


D. La publication des ordonnances devait étreac-
eompagnée de l'idée de la résistance, d'une tempéte,
le conseil eút il adélibérer sur les voies d'exécurion ?
- R. Dans une note du 15 déeembre, je prévoyais
eette ternpéte dont vous parlez , mais je ne pouvais
avoir en vue les événemens qui ont suivi les ordon-
nances. J'avais étédéterminé par la conviction pro-
fonde que ee systeme seul pouvait sauver le treme et
nos ínstitutions.


D. La nomination de M. le (1ue de Raguse devait
faire prévoir eette résistanec? - R. Je eroyais que
e'était une faveur du Roi, je ne la rapportais pas a
l'exéeution des ordonnanees.


D. Quel jour avez-vous eu eonnaissanee des pre-
miers troubles de París ? - R. Le mardi,


D. La résistance s'étant manifestée, le sang ayant
eoulé le mardi , le eonseil prescrivit-il l'exacte obser-
vation de la loi du 21 juillet 1791 ? - R. Le eonseil
n'eut pas a s'occuper de ces fnesures de détail qui
devaient étre prises par les autorités civiles et mili-
taires dans un ordre inférieur.


D. Le eonseil s'est-il informé des eireonstanees
dans lesquelles les premieres hostilités ont été com-
mises et si les sommations ont été faites? - R. Le
eonseil s'est assemblé le.mardi pour la derniére fois.


D. Comment avez-vous pu penser que, paree que
la ville était mise en état de siége, vous aviez ab-
diqué toute espéce de responsabilité? Le ministere




( 48 )
ne devaít-il pas surveiller le pouvoir militaire afin
de savoir quand il serait tems d'en faire cesser l'em-
ploi? - R. Aucun des dépositaires de la confiance
royale n'apensé que la mise en état de Eié§e le dé-
chargeait de la responsabilité qui pesait sur sa tete;
mais le conseil est un étre c~llectif qui ne peut,
comme chaque ministre, exercer son autorité que
dans le cercle de ses attributions. Le conseil réuni
n'a point d'action, Il ne'<s'est pas réuni depuis le
mardi jusqu'au jeudi.


D. A qui le maréchal a-t-il rendu eompte? était-ce
au président du conseil ou au ministre de l'intérieur?
- R. Je ne puis, a cet égard, émettre qu'une opi-
nion, qu'une croyance. Je pense bien que M. le ma-
réchal, chargé du pouvoir extraordinaire, aura eu
une correspondance active avec le Roi. fe pense aussi
qu'il aura pu communiquer avec le président du con-
seil ou avec d'autres membres,


D. Avez-vous été infdrmé que dans la journée du
27 juillet il eút été fait nsage des armes sans réquisi-
tion préalable? _ R" Je n'ai rien su de précis a cet
égard, mais j'ai la conviction qu'aucune atraque n'a
en rien de la part des troupes, si elle n'a été pro-
voquée par le peuple. Cette conviction est fondée
sur les ordres que j'ai entendu donner par le ma-
réchal aux officiers qu'il envoyait sur divers points.
Illeur recommandait a plusieurs reprises de n'em-
playel' la force que pour repousser l'aggression, et
de ne se servir d'armes a feu que lorsqu'on aurait
tiré sur elles.




( 49 )
D. Lorsque les circonstances .sont devenues de


plus en plus graves, n'avez-vouspas pressenti la né-
cessité d'y mettre un terme, en offrant au Roí votre
démission et en proposant le retrait des ordonnances.
_ R. Dans les deux journées que nous avons pas-
sées aux Tuileries , il n'est pasun de nous qui n'eút
voulu racheter au prix de son sang le~malheurs qtli
désolaient la capiiale.; maisen;'ce ..l1'lo~~<il.ét~it
impossible deprendre aucune determinatióH.; ce
n'était qu'a Saint-Cloud , en présence du Roi, qu'elle
pouvait etre. prise.


D. AqueIle heure étiez-vous, le mercredi , aux Tui-
leries? - R. Vers midi,


D. N'y avez-vous pas été appelé par le président
du conseil? - R. Nous avions reconnu la veille que
le présidcnt du rconseil ne pouvaitplus restertdans
son hotel, qui avait été assailli, on convint de se
rendre aux Tuileries.


D, Vous avez eu, a l'état-major, connaissance dela
démarche faite par les Dép.~tés?'-R. Je no les ai
Pas vus, mais on m'a raconté les détails de leur dé-


.'marche.
D. Vous n'avez done pas été consulté Sl1I' la ré-


ponse qui Ieur a été faite? - R. Nullemen t.
D. Avez-vous connu eette réponse? ~ It. Elle m'a


été communiquée apres leur départ.
D. A-t-elle donné lien a' une délibération entre les


mi!1istres présens? - R. Les ministres présens ne
ponvaient délibérer sur la proposition faite par les
Dépntés. La démarche était un conseil officieux, un


11. "1




( 50 )
conseil sage, mais elle ne pouvait pas donuer lieu
a une délihération du conseil des ministres, puis-
qu'ilsne formaient pas alors de conscil.


D. Avez-vous su si le Roi avait été informé de la
démarche des Députés P- R. Je n'ai pas douté que
le maréchal n'ait fait part au Roi de cette importante
démarche,


D. Avez-vous su qui a rendu compte au Roi de
l'ensemble des événemens P -R. Je nem'en suis pas
informé.


D. Les divers mouvemens exécutés daps la journée
dumercredi ont-ils été concertés entre le maréchal
et les ministres? - R. Le maréehal ne pouvait faire
aucune communication a un couseil qui n'existait
paso Quant aux communications individuelles, elles
!le pouvaient étre qu'officieuses.


D. Avez-vons su quelle somme considérable a été
distribuée aux troupes dans la nuit du mercredi au
jeu<li?-R. Je n'en ai pas eu connaissance,


D. Avez-vous en eonnaissanee de la démarche
faite par MM. de Sémon~ille et d'Argout? _ R. Oui,


D. Les ministres se sont-ils réunis pour aviser au
parti qu'ils auraient a prendre? - R. Les ministres
n'ont pas tenu de conseil aux Tuileries; ils ne pou-
vaient en tenir. 11 était plus simple de se rendre a
Saint-Cloud et de soumettre l'avis au Roi.


D. Avez-vous assisté au .conseil de Saint-Cloud?-
H. Oui,


D. Est-ce dans ce conseil que pour la premiere
fois était décidé la retrait des ordonnances ?-R. Oui.




( '~ \eH )
Je saisis cette occasion pour faire une observation


relative aune déposition, Un térnoin , M. Thouet, un
ex-procureur du Roi, a déposé sur un fait qui se se-
rait passé a l'époque oú j'avais l'honneur d'etre pro-
cureur-général a Grenoble. Il dit daos sa déposition
qu'il me consulta sur la question du mariage des
prétres , et que je lui aurais réponduque sij'étais
juge, je n'hésiterais pas a medécidereri<favéiirdll
mariagedes prétres. "le me dois de relever cette dé-
claration qui ne peut étre (pJe le résultat d'une mé-
moire infidele ou d'une faussc inrerprétation de ma
pensée, Pour moi , je snis convaincu q ue le concor-
dat de l'an 10 et la Charte constitutionnelle, qui dé-
clarait la religion catholique rcligion de l'état, avait
consacré les réglémens de la discipline sans lesquels
le eatholicisme perdrait son earactere , et par con-
séq~lent, je n'ai jamais dú p&nser que, nonobstant le
silence de la loi civile, on pút autoriser le mariage
des prétres en France.


Cet interrogatoire est termiué.
!l'1. le Président. Prince de Polígnac, vous avez parlé


dans votrc interrogatcirc d'un rapport destiné a -
étre préaenté au Roi, a-t-il été mis sous les yeux du
Roí?


!!l. de Polignac. Oui , autant qne je puis me le
rappeler.


D. Vous rappelez-vous quelle inipressi?n iI fit sur
le Roi? - R. Nullement.


D. Vous avez dit que vous aviez écrit au Roí le
mercrcdi soir , au sujet de la dbnarche des dépu tés;




, ( 5:1 )
avez-vous r~c;u.une réponse acette lettre ?- Il, Oui,
maisl'honneuret la délicatesse m'obligent ane ríen
dire duoontenu de cette lettre.


D.Avez·vous parlé au maréehal de eette lettre?· -
R;Je lui ai dit ce qu'elle cantenait.


D. N'avez-vous demandé aucun renseignement pai'-
ti,~Wi~r,~u'préfet de palice?--R. Je n'ai jamáis été


. t: ",~o..,,- íIt:-:-O' ,-: ';,.' .;", , ,,' ':.
en:rawort·avec,.ce ~agJstJ;at.


.' ]1f; le Président. Comte dé Peyronnet, il pourrait
y avair quelques doutes dans les esprits sur un fait
extraordinaire qui se trauve dans votre interroga
toire, ~~.• qui peut-étre n' est pas suffisamment éclairci
Vous vous rappelez que je vous ai demandé si vous
aviezvu le préfetde police, Vous avez répondu que,
depuis ledimanche al! soir , vous n'aviez pas revu


" cemagístrat. Je vausai fait observer qu'il était
difficilede concevoir qué vous, ministre de l'inté
l'~f:~lr,n'ayezfluaueunardre a transmettre au préfet
lclúndr, JeUlwqj »,i le mercredijpour en obtenir les
renseignemens néeessaires. n est indispensable quP
la Cour soit fixée á cet égard, qu'elle c¿nnaisse pal '
faitementpourquoi vous avez interrompu voscornmu-
nications avec 'Ie préíet de police.


, M. de Peyronnet. Ces motifs étant déjá constatés
dans la procédure .j'espere, M. le président, que vous
me dispenserez d'ajouter d'autres réflexionsa celles
que j'ai déjá présentées, et qui sont consignées clans
des actes importansde la procédure,


11'1. le Président, Il y a une différence essentielle á
faire entre la procédure écrite et les dépositions




( fJj ) •
males. La procédure écrite n'est considérée que
comme renseignement, .tandis que ce sont les dépo-
sitionsorales seules qui doivent former la conviction
de la Cour. Je vous engage dans votre intérét a ré-
pondre plus positivement.


M. de Peyronnet. Mon intérét ne me déterminera
jamais dans aueune circonstance de ma vie, et plus.
cette circonstance sera graveet dangereu~.e,FIY'sje
m'abstiendrai de céder -;1 ,~ce~~~~f~>:.,nf~:~~pi,r.
a:dress~'ce~·téponsé-,· je'feral observer que ce'que
dit M. le président serait vrai' en príncipe si eette
Cour était une Cour d'assises , et que je fusse en
présenee des jurés. Non-seulement on écoute tout
ce qu'on dit, mais encare on lit tout ce qui a été
écrit. •


M. le Président. MM. les commissaires de la Cham-
bre des Députés ont-ils quelques questions aadresser
aux accusés?


11:!. Persil. Quelques-uns des aceusés- out déclaré
faire des protestations; je les priede:V()ri:I~rJ~pli,.·
quer en quoi consistent les protestlHioñ's qll'ÚS ré-
servent;car nous ne les connaissons paso 'l(.


M. de Perronnet. Comme c'est moi qui ai fait fa
premiere réserve et la premiére protestation, la Cour
ne sera pas surprise que je me leve acette interpella-
tion, Il me sera permisde dire qu'ellea quelque droit
de me surprendre , parce qu'elle m'est adressée par
des membres d'une commission auxquels j'ai fait
connaitre avec étendue l'objet de ces protestations.
Quoi qu'il en soit, et je dois le dire , il est facile i1e




( M )
eomprendre que le premier des objets de eette pro-
testation porte sur l'irrégularité fréquernment répétée
dans les parties les plus importantes pour la d¿cou-
verte de la vérité, pour l'administration de la justice,
et dans la prerniere infcrmation qui nous a amenés
en présence de la Cour; et que lesecond objet de
cette réserve est, non pas comme on l'a supposé dans
le p~hli'F, relatif.á la. compétence 'de la Cour, qui est


,cOll~,~~t1t"í~~{ltlje~tjncontestable, mais al'exercice
actuel-de sa j 11rididiün ,én ce q9i concecne ,les accu-
sés qui ont été traduits devant elle.


A1, Persil..Jedemanderaiencore si les accusés sont
dans l'inteution de faire de ees protestations un sujet
de conclusions.


J}1. de Jrlai-tignac. Cela ~entre dans le domaine de
la défense,


,jU. de Perronnet. Je erais que M. le commissaire
a parfaitementraisonde m'interpeller, et j'espére qu'il
me pardonnera, si je suis réduit ici alui dire qu'il a
cO)nplet_e)ll~~,t tO.J;tdans )<1. nature de: son interpella-
tion. Je cOIíl¡Jrend.rai difficilement qu'il se crút au-
torisé a interroger les accusés sur la natnre, le sys~
teme et le but des conclusions que les débats, qui ne
sont pasencore ouverts, pourront leur faire sentir
la nécessité de prendre.


J'en ai dit assez , je crois , en parlant des irrégu-
larités multipliées sur lesquelles votre raison ne se
méprend paso Je le répéte, la compétenee de la Cour
est incontestable; j'éleve 'seulement des doutes sur
Iexercice actuel de sa juridiction, Je n'ai rien de plus.




( 55) ,
a Jire en ce moment; je ne crois pas qu'il soit pos-
sible qn'on m'interroge davantage sur ce point.


Quand les rlébats auront été terminés, quand les
commissaires de la chambre auront été entendus,
quand la parole nous aura été accordée, ce sera alors
que les regles écrites dans la loi, ainsi que notre
intérét , no~s avertiront que le moment est venu de
prendre nos conclnsions positives. Jnsque-la nons
avons intérét; nous avons droi\ d'eDll•.e\C1.)':'nóus


. .
clélihérons¡' ',. . .


M Persil. Le mardi 27 a-toan fait un rapport sur
les événemens de la veille. J'annonce que je m'adresse
aM. de Polignac.


J/lI. de 1Vlartignac. Je ne pense pas que MM. les
'commissaires aient le droit d'interroger les accusés .


.llf. Persil. Nous maintenons que nous avons ce
droit.


Plusieurs yO ix . Et nous ne l'avonspas, nous-autres,
ce droit,


Al. le Président. Je ne pense pas qu'il-soit de
l'intérét de personne d'élever a cet égard quelques
difficultés. Il n'y a auenn dontc que MM. les com-
missaires aient ce droit. J'engage MM. les commis-
saires a aj.ressel' directement des questions anx
accusés.


111. Persil. M. le président nons ayant donné la
parole pour adresser des questions aux. accusés , nous
usons du droit que la loi nous accorde.


Je prie done M. de Polignac de me donner une
nouvelle réponse. Je luí demande si, dans le conseil




( 56 )
du mardi 27,ona fait un.rapport sur les événemens
de la journée et sur.ceux de laveille.


lit: de Polignac. On n'a fait aucun rapport un con-
seil, par.ee qú'il n'y avait aueune autorité qui se


. trouvát en rapport avee le conseil, et qu~ chacun de
ses membres ne pouvait y apporter qn~ le résultat
de ses informations particuliéres.


. 11'1: Persil. Il y avait un ministre de l'intérieur
c4~~1e.~iU:il' tout cequise passeet qui peut in-
téresser ']a súreté publique. Ce minístrepouvaitfaire
un rapport au conseil. Puisquil n'en a pas été fait,
je demande comment et sur quels élernens on a pu
mettre en délibération , au conseil , la question de
samil' si, le lendemain , on mettrait la ville de París
en état de siége.


1J1. de Polignac. Je ferai remarquer que, bien qu'il
n'y ait pas ea de rapport officiel, chacun apportait
au conseil le tribut des informations qu'il avait re-
cueillies dans le cours de cette journée. 01', ces in-
formations-aous firentcroire qu'il était utile de met-
tre la villeen état de siége.


fU. Persil. M. de Polignae a dit dans une de ses ré-
pouses que, jusqu'au 27, iI n'avait pas connu les
événemens; c'est pour cela que j'ai eru ,q,voir adres-
ser cette question aM. de Polignae, pour connaitre
les motifs qui engagerent une délibération aussi ex-
traordinaire que celle de la mise en état .de siége.


1/1. de Polignac. ~l est vrai que j'ai .fait cette ré-
ponse a1\l. le président., mais elle dépendait de la
maniere dont M. le président avait posé la question-


..




( 57 )
J'ai dit que quelques renseignemens, quelquefois
vrais , quelquefois Ianx , m'avaient étéadressés sur ce


. qui se passait dans les divers quartiers de Paris.
111. Persil, M. de Polignac vient de dire que chaque


ministre apportait au eonseil le tribut de ses infor-
mations. Je demande eomment ( et je ne m'adresse
qu'á M. de Polignac) M~ de Polignac avait recueilli
des renseignemens. n avait p~r 'interim Jeporté-
feuille de la guerre, recevait-tlees i~:rls~Igih!mélM~e'
la polioe militaire ?


llI. de Polignac. Aucun rapport ne me parvint
par eette voie, En ma qualité de ministre des affaires
étrangeres , j'~pédiais des affaires de ce département
tout-a-fait étrangeres aux ordonnances.


M. Persil. A qui M. le maréchal devait-il faire
parvenir ses rapports?


j'J;!. de Polignac. Le maréchal devait faire parvenir
directement ses rapports auHoi : il a rempli ses de-
voirs.


]Ji: Persil. Je demanderai aM. de Polignacsi par
la mise en état de siége, il se regardait eomme déli-
vré de tonte espéce de responsabilité ministérielle?


]11. de Polignac. Da moins pour les mesures qui
étaient dan s le cercle des attribntions de M. le maré-
chal,qui concentrait tous les pouvoirs.


ffi: Persil. Vous avez declaré qne le «llle de Ra-
gnsc vous avait parlé de l'ordre d'arrsstatíon d'un
certain nombre de personnes. Qne vous en a-t-il dit?


¡¡J. de Polignoc. Il me dit qu'il avait donné I'ordre
d'arréter un ccrtain nombre de personnes; je n'avais




( 5~ )
jamais entendu parler du nom de, quelques-uues
d'elles: L'ordre de M.le duc de Ragusen'estd'ailleurs
d'aucune importance; 'cal" le maréchal m'a dit Iui-
méme qu'il avait donné contre-ordre une heure
apreso


M. Persii. U est important de fixer l'attention de
la Cour sur lepoint de savoir si c'est vous on M. le
duo-de Raguse qui avez donné cet ordre.


- M. dtJ,PQUgná.c, L'ordee a été signé par M. le ma-
réchal de Huguse.


111. Persil. Sans doute , M.le maréehal a signé
l'ordre; mais n'est-ce pas vous qui aviez donné cet
ordre? •


,1I'L de Polignac. Je'l'ai déjá dit, je n'ai pas donné
cet ordre.


lJ'L Persil. Le mercredi , des rapports vous ont-ils
été adressés sur la situation de la capitale?


1J1. de Polignac. Aucun. Comme président du con-
seil , je n'étais en relation avec aucune autorité civile;
comme ministre des affaires étrangeres, pas davan-
tage. Ce n'était que comme ministre de la guerre que
j'aurais pu conserver quelques rapports avec les au-
torités. 01', tout se trouvait a cet égard entre les
maius de M. le maréchal.


M. Persil. En sorte qu'il n'y avait pas d'intermé-
diaire entrctle Roi et le duc de Raguse.


u. de Polignac, Il n'y en avait paso
ltI. Persil. Á- on-z.e neUl.'es du sore , U\el'cl'edi, VOl\~


avez écrit au Roi. Comment est-il possible que vous
ayez fait connaitre au Roi l'état vrai de la capitale ,




( 59 )'
alors que vous n'aviez aucun renseignement sur les
événemens?


HI. de Polignac. Je n'ai ras dit a ce sujet ce qu'il
y avait dans la lettre. Il n'y avait que la réunion des
renseigncmens vrais ou faux que j'avais pu recneillir.


llI. Persil Vous avez dit, monsieur, qn'il n'y avait
pas eu couseil depuis le mardi soir, Pourqnoi tous
les ministres se sont-ils trouvés réunis le mercredi
aux Tuileries? PQurq\.l0i,Y" ~nt"1ils~Cstés '. toute la
iC?urI).ée et jusqu'au lendemain? '


M. de Polignac. Il me semble avoir expliqué a la
Cour que j'avais été forcé de quitter l'hótel des af-
faires étrangeres et de me rendre aux Tuil~ries.Deux
ou trois de mes collegues se sont réunis a rnoi , les
autres s'y sont successivement rendus,


/U. Persii. Ainsi voilá fortuitement une réunion
qui ressemhle assez a un conseil en permanenee.
( Vives réclamations au banc de ~IM.les défenseu'rs )
Je veux fixer les faits de l'accusatiou.


¡Ji. de ,7J!IaftignaCc. Je proteste eO'ntre ce qui se
passe en ce momento En supposant qtlelviM. les corn-
missaires de la Chambre des Députés aient le droit
d'adresser des questions aux accusés, ils ne peuvent
se Iivrer ades argumentations. Nous sommes ici dans
une position tout-á-fait exceptionnelle. La position
des commissaires de la Chambre n'est pas la mérne
que eeHe du ministere publie dan s les affaires crimi-
nelles ordinaires. Dans l'état actnel des chosesje ne
crois pas qu'il soit possible de laisser adresser une
série de questions aux accusés , surtout qnand it




( 60 )
convient ü M. le cornmissaire de méler aux interro-
gatoires des argumentations dont les réponses entrent
dans les limites de la défense. &,


Jlf. le président. La Cour a décidé qu'il n'y aurait
pas ele ministére publie devant elle, autre que les
commissaires de la Chambre des Députés, etque ce
seraientces commissaires qui rempliraient ces fonc-
tions, flar conséquent ~ ils doivent jouir des droits
accordés au mínistére public, qui est.souverain dans:
ce sensv Apres avoir entendu les interrogateires, fai
donné la parale a :MM. les cornmissaires ; elle Ieur
appartient incontestablement.


M.Persil. La Chambre des Députés est, non pas
l'intermédiaire entrela couronne et la justice, mais
bien un pouvoir qu'il exeree ses droits par lui-rnéme,
direetement. On ne peut pas l'assimilier au minis-
tere publico Si OIl le faisait , nous aurions droit de
dire que la Chambre des Députés est au-dessus du
ministere pubijc, qu'elle exerce nn pouvoir direet,
etque toujours , et dans, tous les pays, elle a eu le
droit d'adresser des qnestions aux accusés qu'elle
avait traduits, C'est méme , il faut le dire ,de cette
maniere que se sont toujours pratiqués !es débats de
eette nature,


Je m'adresse aM. le eomte de Peyronnet.
Jedemande pardon de revenir sui; une question.


La réponse qui ya été faite esttellement extraordi-
naire, nons avons tant d'intérét a fixer l'opinion de
la cour er de la France entiere sur l'état des choses
dans les journées deos lundi , mardi et mercredi , que




( 6 [ )
'la cour comprendra tres-bien le but de ma question,


Je demande comment il se fait que depuis le di-
manche soir, aonze heures, lorsque M. de Peyron-
net savait que les ordonnances avaient été signées,
ayant chez luí M. le préfet de policc, il ne lui ait
pas donnédcs ordres sur ce qui ponvait arriver le
lendemain, et que surtout, apres la journée delundi,
il ne lui aitp~~d~rnéln~6~~~ppOr:t~p~'~~~te).ou"~ée.
.M., .z~.mte.de Pefrónnét. La répétitiori 'de la
quéstion qui rn'est adressée est présentée d'une telle
sorte, qu'elIe m'autorise adire qu'on n'a pas entendu
et recueilli ma réponse. J'ai soigneusement distingue
la journée d, 2.5 et la journée du 2.6. J'ai dit en
termes ex~)l'l'~s que le 2.5 au soir , apre~ en avoir ob-
tenu l'autorisation , j 'avais mandé chez moi le préfet
de police. Je dis et je répete qu'il y est venu a dix
heures du soir, Je répete , et ce n'est pas la premiére;


. w
fois, que je lui ai donné pendant une derni-heure
des instructions gu~ je regrette bien ~e'nepas~voir
,écrites ,.paree qu'eÍles me'dispenseraié~t·de revenir
sur .ce point de l'.accusation. Je remplis par' consé-
quent dans cette journée, d'une maniere com-
plete et irréprochable cornrne aprés , les. devoirs
légaux qui m'étaient prescrits. Qu'on ne parle done
plus de l'étonnement qu'on éprouve, de ce que,
ayant eu des entretiens avec le préfet de police , je
n'aie pas rempli les devoirs qui m'étaient prescrita.


Postérieurement , je n'ai pas vu le préfet.de poliee.·
Je n'ai pas recu de rapports de lui. Je ne lui ai pas
adressé d'orrlrc, La question de1' motifs de cette con-




( 62 )
duite m'a été adressée par M. le président, J'y ai ré-
pondu comme je le devais. M. le président et la noble
Cour savent tres-bien que, lorsque dans une affaire
grave,j'ai exprimé unerésolution que'je crois devoir,
c'est une résolution arrétée dans mon esprit et dans
ma conscience dont je ne rn'écarte jamais.


!.\'lais lorsqu'nne question soumise par le président
est renouvelée par M. le commissaire , j'ai le droit
de lui adresser une réponse d'une autre .ture. J'ai
dit an président que je ne pourrais donner de nou-
velIes explications, par la raison que des explications
plusétendues étaient consignées dans la procédure,
J'ai le droit d'étre surpris que les co~issaires pro-
voquent des réponses qui se trouvent dans leur lan·,
gage imprimé.


M. Persil. Les comrnissaires ne connaissent pas
les réponses imprimées dont on parle; ils demande-
ront a l'accusési le lundi , il était ministre de I'inté-
rieur, s'il y a:vaitun préfet de police; ils lui deman-
deront comment le tundí soir il n'a pas pris des me-
sures pOUl' assurer l'action de ce suhordonné. Comme
les commissaires ne comprennént pas la réponse de
l'accusé] ils sont obligé d'insister.


]Jf. de Peyronnet. Je suis convaincu qu'en y l'é-
fléchissant unpen, le comrnissaire comprendra poul'-
quoi je n'ajoute rien. Je m'étonne qu'il ait répété sa
q~ti(m en votre présence. Je ne puis penser qu'il
oe co~~aissepl;\SCe quej'ai In, cal' ils l'ont écrit, et
ils l'ont sans doute pensé avant que je pnsse le Jire;


]J[ le président. J'ai encoré une question aadres-




( 63 )
ser a M. de Peyronnet : iI existe une contradiction
dans vos réponses acettAudiencc et dans celles que
vous avez faites dans l'instruction. Vous dites acette
audience que vous avez vn M: Mangin le dimanche
soir , tandis qne M. Mangin dit qu'il n'a en connais-
sanee des ordonnances que par le Moniteur.


./JI. de Peyronnet, Je répeteque des le mercredi ,
concevant l' importance de la ~sut'e,.jt-~ais de-,
mandé de m'entendre avec M. le préfet de police re-
lativement aux précautions de súreté qu'iI était né-
cessaire de prendre ; eette résolution n'eut 'pas de
suite, et le dimanche soir seulement , a la sortie du
conseil, quand les ordonnances furent signées, j'é-
erivis a M. le préfet de police de venir me trouver
dans la soirée, Je lui demandai de venir un peu tard,
parce que j'avais du monde chez moi. M. le préfet
de police vint a dix heures du soir. Je ne lui dis pas
avec détail en quoi consistaient les ordonnances ;.je
lui en fis seulement connaitre la nature , et je l~invi­
tai a. redoubler de soinspour empécher que l'ordre
public ne fut compromiso On ne doit pas étre surpris
de ce que je n'ai pas donné aM. le préfet de poliee
des instructions relatives a la eonduite qu'il devait
tenir dans la journée dn.mardi, a l'occasion des dé-
sordres que j' étais bien loin <k prévoir.


M. le président. M. le eomte de Peyronnet veut-
il bien indiquer le passage du rapport imprimé au-
quel il a fait allusion?


M. de Perronnet. Dans ce moment , je n'ai pas ce
rapport en main ; mais je suis súr qu'apres un mo-








"-1>'-


( 64 )
ment de réflexion , Mi\'l les commissaires sentiront
quelle estma réponse.Je .ande qu'on ne me force
pa~ a'aÜ~r plus loin. En fait, il est certain qu'a dater
c:lUJiuH:{ije n'ai en aucun rapport avec M. le préfet
~~poiice. Il est certain , en fait, que le lundi et le


, rHai-di, ~.' le préfet de la Seine étant venu me trou-
.~~;,~~~.iI;~l?;(¡mqi~({ue je n'avais pas d'ordres a luí
cl.~Im~r.::Ce'3.· f.és~e pe.l~ procéduee 7je n'ai .rien a
ajouter, . ~~,


M. le président: Je demande a M. le eomte de
Peyronnet de qui il a obtenu I'autoi-isation clont il a
~ri~~cl'iI}former le préfet de police de prendre des
niéS:ii"r~~.., '... . ~ "";' h' .


JU. de Pey~o'tnet. le necomprendspas.
M le président, Vous avez dit que le mercredi


précédent, vous aviez demandé l'autorisation de vous
e'nten"&~ avec, l\f. 1\:Iangin; de qui avez-vous recu
c~HeJ.ll\()ris~tion?
.,.tl{. 'dc,·Peyronnet.. A quipouvais-je demander , de


qui pO(1Váis-j~ récevoir .uÍle autorisation decette, na-
ture? ce n'était d'aucun de mes collegues, le I'ai de-
:rp.andee. a celuí-Ia seul qui avait le pouvoir de me
l'accordert aqui seul jepouvais la demander.


11f. le président. •L'intgrrogatoire esto terminé.
Huissiers , faites .appel~r les, témoins,


(M. le coro te Chahrol-de Crousol, premier témoin,
est introduit.) .


ffI. le président. M~ le comte .de Chabrol " vous
avez fait pa~.tl~ ~ ministere du 8 aoút, Dites a la
mur qnelle part vous avez prise a sa composition ;




( 65 )
sous quelle influence et suivant quels principes ~lle
a été opérée.


]Jf. le comte de Chabrol de Crousol. Je pourrais
sans doute répondre a ces questions qu'engagé par
serrnent a ne point révéler les délibérations du con-
seil , je dois me renfermer dans un silence absolu;
mais dans une circonstance aussi grave et aussi 50-
lennelle, lorsque ce silence pourrait étre interprété
en faveur 'de l'accusation et contre les accusés, ma
conscience me dit que je puis , sans manquer a mon
serrnent, révéler ce qui m'est demandé au nom de
la justice souveraine et de la vérité.


J'ai été entierement étranger ala premiere forma-
tion du ministere du 8 aoút. Sorti du ministére le 4
mars 1828, je vivais fort retiré et étranger a toute
sorte de mouvemens , et surtont d'intrigues politi-
queso Trente années passées dans les premieres admi-
nistrations de la France et de l'étranger me faisaient
desirer le repos Je n'avais re~u aueune communiea-
tion di recte ni indirecte au sujet du ministére , 101's-
que le 2 aoüt , auta'nt que je pnis me le rappeler,
]U. le prince de Polignac vint chez moi en m'annon-
cant qn'il se présentait de la part dll Roi, qui comp-
tait sur mon dévoúment ponr accepter un porte~
feuille, Le prince de Polignac me prévint en mérne
tems que Sa Majesté avait déjá fait choix de deux
ministres.


Je dus faire remarquer a M. de Polignac que la
eomposition prerniere du ministere , telle qu'il me
l'annoncait , me paraissait manquer d'une des condi-


11. 5




( 66 )
tions les plus essentielles , dans un gouvernement
représentatif, le talent de la tribune, que je ne
pouvais moi-méme , en ce qui me concernait, qu'étre
arre té par cette considération , qu'il m'était impos-
sihle de déférer aux desirs du Roi. J'entrai dan s di-
verses explications qui étaient relatives a la marche
du GouverneIhent et a la formation du cabinet dans
lequel je regardais comme impossible de ne pas con-
server en premiere ligne quelques-uns des membres
de l'ancien ministére , distingués ou par de grands
talens 011 par des connaissances spéciales, Je dois a
la justice de déclarer que je trouvai M. le prince de
Polignac disposé a. entrer dans ces vues , et qu'il me
perrnit de mettre mes observations sous les yeux du
Roi.


Je fus appelé a Saint-Cloud le lendemain de eette
conférence. J'y retournai encore deux jours de suite,
Apres avóir soumis au Roi les réflexions que me die-
tait ma conscience, je persistáis a me refuser a en-
trer dans le nouveau cabinet , lorsque des paroles
du Roi, auxquelles je ne pus résister , et auxquelles
je me reprocherais melle aujourd'hui d'avoin pu
résister , me déterminerent a ne pas hésiter plus
longtems amettre mon dévoüment ases pieds.


Je devais naturellement desirer savoir quelle serait
la marche que le Roi voudrait imprimer a son Gou-
vernement, et je puis le dire avec vérité, les assu-
rances les plus formelles me furent données sur
l'intention de rester dans les termes de la Charte et
des lois du royaume. Le Boí m'a dit , et je rapporte




( 67 )
ses propres paroles , qu'il n'avait pas voulu faire un
rninistere tout d'une piece ; que pour avoir la majo-
rité dans la chambre, il l'avait pris dans les diffé-
rentes nuances qui pouvaient composer cette majo-
rité : coté droit , centre droit et centre gauche qu'il
croyait représentés par MM. de Courvoisier et de
Rigny. Des instructions positives ont été plusieurs
fois renouvelées au ministere ide rester dans cette
ligue, et d'éviter de donner aucun prétexte fondé
aux atraques dont des le moment mérne de sa forma-
tion, il se trouvait l'objet. C'est dans cette ligne
que le ministere est invariablement resté jusqu'au
moment de l'ouverture des Chambres et de leur pro.
rogation,


M. le président . Quel fut le plan de eonduite
adopté par le ministere?


M. le comte de Chabrol. Le conseil n'avait arre té
d'autres systemes que de se renfermer strietement
dans la Charte, d'éviter de froisser I'opinion par des
destitutions qui jamais n'ont été plus rares, et de
se conformer aux .instructions precises qui avaient
été données par le Roí au ministere , des le moment
méme de sa formation.


h/. le président, Quelles sont les ca!lses qui ont
motivé la retraitede M. de Labourdonnaye?


R. Le conseil n'avait pas tardé as'apercevoir qu'il
ne pouvait y avoir d'unité et de direction dans le
conseil et d'ordre dans ses délihérations , qu'autant
qn'il y aurait nn président : i1 en fit la proposition.
M. le cornte de Labourdonnaye , qui n'adoptait pas




( 68 )
cette maniere de voir , annonc;a qu'il donnait sa dé-
mission : c'est la seule cause que je puisse assigner a
sa retraite,


M. le président, Qllelles ont été les causes de votre
retraite du ministere?


.M. te comte de Chabrol. Ce ne sont point des
projets de eoups-d'état, ni les ordonnances du '25
juillet, qui ont été les causes de ma retraite, mais
du dissentiment sur les conséquences de la dissolu-
tion de la chambre, et les ehances que pourraient
offrir de nouvelles élections.


Ces dissentimens existaient depuis quelque tems.
J'avais toujours pensé que le ministere devait étre


modifié, soit pour le mettre plus en harmonie avec
la chambre, soit pour le rendre plus propre anx dis-
cussions de trihune dans 10 cours d'une session qu'on
présageait devoir étre difficile et orageuse.


J'avais desiré , et une grande partie du ministere
partageait cette opinion, qu'on profitát de la retraite
de M. le eornte de Labourdonnaye pour arriver a ce
résultat. Plnsienrs d'entre nous offrirent méme leur
portefeuille pour rendre eette considération plus
large et plus complete.


Ce plan, qui n'était pas rnéme repoussé parM. le
prince de Polignac, ne fut point adopté; il fut repris
quelque teros avant l'ouverture de la charnbre : il
n'eut pasplus de succes.


A l'époque. de I'adresse , il fut encore reproduit;
el dans les diverses opinions qui furent alors expri-
mées , soit relativemeut ala dissolution de la charn-




( 69 )
bre, soi t relativement ala modification du ministere,
on s'arréta a la prorogation eomme a un mezzo ter-
mine qui perrnettrait d'examiner plus a loisir cette
question importante.


Cette prorogation durait encore, et aucun parti
n'avait été pris, lorsque plusieurs ministres desiré-
rent que cette question devint l'objet d'une délibé-
ration spéciale , qui eut lieu le ,21 avril,


Dans cettedélibératiou,plusieursquestions furent
posées sur la mesure de la dissolution, et les censé-
quences qu'elle pouvait amener, entre autres eelle-ci :
Que devrait-on faire ,dans le cas oú de nouvelles élec-
tions ameneraient une majorité plus. hostile centre.
le ministere ?


L'opinion du ministére était fort divisée surIe ré-
suItat de nouvelles éleetions. Les uns se fondant sur-
l'état de prospérité matérielle du pays , qui se mani-
festait par tant de symptómes, I'élévation du crédit,
le développement des snansactions eommerciales,
la progression de tous les droits de consommation,
se flattaient que les élections seraient favorables. On
produisit méme des statistiques électorales d'oú de-
vait résulter une majorité de soixante voix,


Ils se flattaient que les actes du ministere, qui
seuls pouvaient tornher sous le controle des cham-
bres , ne pouvant donner lieu aaueune censure, la,
résolution hautement annoncée de se soutenir , lui
rameneraiant tous les hommes sages, quiredoute-,
raient l'issue d'une lutte ouverte entre le tróne et le,
pays.




( 70 )
Les autres ne pouvaient partager ces illusions; ils


voyaient la méme chambra s'ouvrir plus forte et plus
animée, paree qu'elle aurait été par le fait de l'élec-
tion retrempée dans l'espritdu pays..


lis voyaient dans cet état de choses la probabilité
d'un conflit tres-grave, par suite duquel iI était na-
turel de présumer, ou que le ministere tomberait
violemment devant les Chambres, au grand préju-
dice de l'autorité royale, ou, si la Couronne persistait
a le conserver , qu'il y aurait de la part de la Cham-
bre refus du budjet, ce qui mettrait le tróne dans
l'índispensable nécessité de surtir de l'ordre légaI et
d'en venir peut-étre ades coups-d'état, au risque de
tout compromettre.


Ce sont ces motifs qui ont déterminé la retraite
de deux ministres qui durent déclarer que s'ils
étaient préts a s'engager aussi avant qu'ille faudrait
dans la canse de la monarchie, jamais ils ne consen-
tiraient aengager la monarchie daos la cause du mi-
nistere.


La question ne consistait done, jusqu'a ce mo-
ment, que dans l'appréciation d'un fait, celui des
chances probables des élections prochaines. Du reste,
aucun projet semblable aux ordonnances du 25juil-
let, aucune proposition du coup-d'état n'avait été
mise en avant.


La modification du ministere a été la suite de la
retraite des ministres. On a méme pensé, par suite
des mémes iUusions, que cette modification devait
avoir líen avant les élections eomme pouvant exer-




( 71 )
cer sur elle une utile intluence. Les événernens n'ont
que trop prouvé combien cette opinion était erro-
née.


Sorti du conseit le J 5 mars, je suis parti pour un
département éloigné oú j'allais exercer mes droits
électoraux, Je ne suis revenus que peu de jours
avant les ordonnances, auxqueUes j'étais si loin de
m'auendre, que j'avais re<;:u trois jours auparavant,
une lettre close pour la convocation des Chambres
le 3 aoñt.


¿rI. le président. Huissier, faites entrer le second
témoin, M. de Courvoisier.


M. de Courvoisier est introduit.
1}I. le président. Vous avez fait partie du minis-


tere du 8 aoút. Dites a la Cour ce que vous savez de
l'esprit, delacomposition etde l'influence qui avaient
présidé acette composition, et sur la ligne de con-
duite qui avait été arrétée dans le ministere.


M. de Courooisier. le n'ai eu aucun renseignement
quelconque sur la formation de ce ministere ; j'ai
seulement appris que M. de Polignac m'avait désigné
.u Roi pour les sceaux.


Au mois d'aoút 1829, une dépéehe télégraphique
m'ordonna de me rendre a Paris ; elle m'annoncait
que le Roi me. confiait les sceaux. J'obéis. Je vis
M. de Polignac ; [e le priai de soumettre au Roi mes
objections et mes craintes; il le fit avec beaucoup
d'exactitude et de loyauté. Le Roi voulut que je me
rendisse a Saint-cloud : il me dit qu'il connaissait
mes opinions; qu'il ne voulait lui-méme qu'aílermir




( 72 )
ala fois le treme et les libertés publiques; qrJe ses
ministres ne pouvaient ni ne devaient s 'écarter de
ce but; que de bons esprits différaient sur les moyens,
mais que tons reconnaissaient la nécessité d'accom-
plir la Charte.


Les plans dn ministere se sont en effet liés a la •
Charte ; tout était prét pour l'ouverture de la ses-
sion; les projets deloi, les discours qui en expo-
saient les motifs , devaient obtenir l'assentiment des
hommes sages, on pouvait raisonnablement, selon
l'opinion de heaucoup de personnes, espérer sur
l'une et l'autre Chambre. Il n'en fut pas ainsi, Vous
eonnaissez la marche des événemens. La Chambra
des Députés fut dissoute; des plans, des conseils ont
des-lors assailli le Roi et les ministres.


Le 21 avril , le président du conseil soumit a la
délibération la question suivante : Que fera-t-on si
les nouveaux choix présagent une opposition plus
violente, une majorité plus hostile?


J'opinai le premier; mon avis fut qu'un ministére
sans majorité devait se démettre; j'ajoutaí que si
eette opinión ne prévalait , je ne pouvais continuef'
de faire partie du conseil. M. de Chabrol opina dan s
le méme sens, Le conseil n'arréta rien ; la retraite de
M. de Chabrol et la mienne fut, des ce jour, chose
convenue; mais elle ne dut étre officiellement recon-
nue qu'apres le retour de M. le Dauphin , qui allait


\ se rendre aToulon,
Dans l'intervalle on n'agita, relativement ala poli-
. .


tique intérieure , que eette question, savoir , s'il ne




( 73 )
convenait pas que les opérations des colléges élec-
toraux fussent terrninées avant l'annonce officielIe
de notre remplacement au conseil du Roi ?


Cette question avait été ptoposée par 1\1. de Mont-
bel; il insistait sur la nécessité de l'ajournement;
telIe était aussi l'opinion de M. Guernon-Ranville.
M. de Montbel voyait la erise et le danger; il desirait
vivement des choix rnodérés., et trouvait une res-
source dans le retourde M. de Villéle , de qui lagau-
che et le centre gauche avaient montré l'intention de
se rapproeher; iI ne doutait pas que M. de Villéle ne
réussit a ramener l'opinion par la eomposition du
nouveau cahinet et la direction qu'il saurait lui don-
ner.


1\1. le Dauphin revint de Toulon; peu de jours
apres, le Moniteur annonc;a notre retraite. M. de
Montbel voulut aussi se retirer : il résista pendant
deux jours aux plus vives instances; il De eéda que
sous la condition expresse qu'il remettrait son porte~
feuille aussitót apres les opérations des colléges d'ar-
rondissement , et avant méme qu'on en eút connu le
résul tat. J'ai su des-Iors que eet excelIent homme ,
dont l'intégrité, .le désintéressement , les vertus et la
modestie sont au-dessus demes éloges, n'avait aban-
donné sa résolution que pour se lier au sort du IDQ.-
narque dont allait se briser le seeptre.


M. de Guernon-Ranville s'est montré dans toutes
les délibérations auxquelles j'ai assisté , fidele aux
príncipes de la Charte, Il m'a écrit deux fois depuis





( 74 )
mon départ de Paris. Sa premiere lettre est du 5, S:J
seconde .est du 30 juillet.


Dans la premiere , il m'informait confidentielle-
ment de tout ce que sa position avait de critique; il
voulait bien me demander conseil, il repoussait sans
indécision l'idée de suspendre la Charte, celle de
dissoudre de nouveau la chambre et de proceder sur-
le-champ parordonnanees. Quelques hommes probes,
mais aveugles, un plusgrandnombre de méprisables
intrígans poussaient aces mesures, et ne voyaient
que la des moyens de salut. M. de Ranville les trai-
tait de fous; de tels actes lui semblaient plus qu'im-
politiques; ils seraient immoraux, disait-il; le Roí
violerait ses sermens,


Il hésitait sur un principe : les lois sont faites pour
les besoins du momento Ne pourrait-on pas en sus-
pendre I'exécution si d'autres besoins plus pressans
rendaient cettesuspension nécessaire? L'article 14 n' a-
t-il pas prévu cecas et montré la ressource?


Je lui répondis que suspendre par ordonnance
l'exécution des lois, ce serait évidemment violer la
Charte.


Dans sa seconde lettre M. de Ranville me donnait
les désastreux détails des journées des 27, 28 et 29
juillet, regrettánt de n'avoir pas été Iui-méme frappé
d'tine baIle. Il me rappelait sa lettre du 5, et me
disait quemes raisonnemens l'avaient convaincu,
qu'il avait combattu de toutes ses forces les projets
d'ordonnances auconseil et devant le Roi, qu'il avait




( 75 )
insisté sur la néeessité de réunir les chamhres. n
ajoutait que dans l'intervalLe de la délihération sur
le principe, a la rédaetion définitive, il avait été dix
fois tenté de mettre sa démission aux pieds du Roi;
que dix fois il avait pris la plume pour écrire ace
sujet au président du conseil; qu'il avait été retenu
par la crainte d'affliger le Roi par une retraite qui,
dansee moment critique, aurait eu l'air de l'ahandon,
et la craintenoa moins vive de paraitre fuir devant
le danger.


En donnant ma déclaration , j'ai spéeialement fait
mention de deux membres du conseil du Roi, M. de
Ranville et M. de Montbel : j'étais requis de m'ex-
pliquer sur deux lettres que j'ai recues du premier:
le second sera jugé par coutumace ; je ne devais
pas dissimuler des faits qui peuvent éclairer les juges.


On pourrait induire de mon silence sur M. le
prinee de Polignae, que dans les délihérations aux-
quelles j'ai assisté , il a pu, notamment le 21 avril ,
manifester le plan ou l'idée des mesures prises en
juillet.


le déclare que, dans aueune délihération, M. le
prinee de Polignae n'a , inplicitement ni explicite-
ment, manifesté l'intention de porter atteinte a la
Charte. n croyait, ilvoulait la respecter dans toutes
les mesures qu'il concevait pour assurer l'ordre et
affermir le treme. Le plan des ordonnances rendues
en juillet n'a été formé qu'apres ma retraite; je ne
puis produire devant lajustiee aucun renseignement
a ce sujeto




( 76 )
M. le Président. M. de Polignac n'a-t-il point pum


céder a un empire irrésistible?
M. de Couruoisier. Revenant deSaint-Cloud aParis,


avec M. de Polignac dan s la méme voiture, je l'ai
trouvé animé des sentimens les plus sinceres pour
le maintien de la Charte, plusieurs fois il m'a expri-
mé Íesmérnes-opjrtions ; mais le lendemain-il hésitait ;
saferrne résolu tion paraissait rencontrer des obstacles
qu'íl ne pouvaitvaincre. (M.de Polignac fait un signe
négatif )


M. Cl'émieux. La déposition de M. Courvoisier me
rappelle une expression dont s'est senvi M. Gnernon
de Ranville dans ses relations avec lui, pour caracté-
riserl'opinion de Ía France.


M. Courooisier. Jemerappelle qu'ún jou», au con-
seil du Roi, il peígnit ainsi l'opinion de la France :
La France, dit-il, est centre gauche.


Me Sauzet. Je demande a M. de Chabrol , s'il n'a
pas en des relations avec M. de Chantelauze avant le
mois d'aoüt.


M.le eomtede Chabrol. 11 ya quatorze ans que je
connais M. de Chantelauze. Je I'ai connu avocat-gé-
néral aLyon pendanttrois ans, et procureur-général
a Riom. Je l'ai vu a diverses époquesvet sousdes
influences fort diverses. Je I'ai toujours trouvédans
la méme ligne de sagesse et de modération, t~ujours
convaineu que 'le Tróne et la Charte 'devaient s'ap-
puyer l'un sur·l'autre. J'ai eu constarnrnent avec lui
plusieurs conférences il y a des années , sur des ques-
tions tres-graves, et qui occupaient á cette époque




( 77 )
tous les esprits, les questions religieuses. La mesure
et la sagesse avec lesquelles il envisageait les con-
séquences qni pouvaient en résulter, me firent en
effet penser qu'il justifierait la eonfiance du Roi dan s
le ministere de l'instruction publique, pour lequel
il avait été proposé, non le 8 aoút, mais , autant que
je puis me le rappeler , le 2. du méme mois, lorsqu'il
fut question de faire passer M. de Montbel ala ma-
rine, aI'oceasion du refus de M. de Rigny.


Me Crémieux, Je ferai la me me interpellation a
l'égard de M. Guernon de Ranvillc.


M.le comte de Chabrol. Je mets d'autant plus d'in-
térét arépondre aeette question, que M. Guernon
de Ranville n'a point ignoré que, n'ayant point
l'honneur dele connaitre avant son entrée au conseil,
et partageant méme les préventions qu'on avait
données contre ses opinions, j'ai vu avec peine que
le choíx du Roi eút été appelé sur luí; mais je lui
dois la justice de dáclarer hautement que je l'ai tou-
jours vu dans les doctrines constitutiorinellés , qu'il
défendait mérne quelquefois avec cette roideur quí
appartient ason caractere ; que, notamment dans la
discussion qui a amené la retraite de deux ministres;
i] se pronon~a dans le sens de leur opinion avec une
force qui me fit penser que sa retraite était une
chose décidée.


Il est quatre heures et quart. Avant;d~ ie~er la
séance , M. le présiden t ordonne d'emmener les ac-
cusés , et recornmande au public de riep~is"quitter




( 78 )
les tribunes avant qu'ils soient sortis. Les accusés
se retirent toujours dans le méme ordre, et précédés
des mémes gardes municipaux. On remarque qu'en
passant devant la-Cour , MM. de Polignac et de
Peyronnet saluent plusieurs fois en souriant,


l11. le président. La séance est levée el renvoyée
adernain dix heures, pour la suite des dépositions
des témoins..




. SÉANCE DU 16 nÉCllMBRE.


Meme affluence qu'hier dans les tribunes pu-
bliques; méme calme, méme ordre a l'intérieur et
au dehors. Il était difficile de se montrer, dans la
disposition de la salle, plusfavorable a la publicité ;
on a soigneusemént profité de toutes les ressources
qu'elle pouvait présenter pour faire assister ace pro-
-ces national le plus grand nombre de citoyens pos-
sible, et l'étendue de la tribune réservée aux journa-
listes,atteste combien l'on avait a eoeur de leur
fournir tous les moyens de rappeler a la' France
entiere tous les détails , tous les incidens de ces
.immenses débats, Cette _tribune, qui se trouve en
face des accusés, des défenseurs et des commissaires
de l'accusation, présente vingt-deux places de front




( 79 )
SUl' le devant, et peut contenir au moins einquante
personnes. 11 y regne un silencieux mouvement ,
une activité qui attire plus d'une fois l'attention
des spectateurs.


Dans la tribuneadestinée aux cartes d'entrée du
harreau , on remarque aujourd'hui M. Dupin ainé ;
des eitoyens se pressent autour de lui, et bientót on
voit plusieurs pairs de Franee venir aupres de l'ho-
norable député et lui adresser Iaparole... :¡>ans une
autre tribune on remarque aussi MM. Etienne,
Viennet, de Sade et Mestadier.


A dix heures et un quart les quatre accusés sont
introduits dans le méme ordre qu'hier; ils sont
précédés d'un huissier, du capitaine Bailly, de deux
gardes municipaux, et suivis de deux autres gardes
municipaux. M. le capitaine Bailly et un garde mu-
nicipal se tiennent constamment au pied de l'estrade,
oú ils sont assis , et al'entrée de l'escalier par lequel
ils passent pour y montero


Quelques minutes aprés , arrivent successivement
les défenseurs, la Cour, et MM. les commissaires de
la Chambre des députés,


M. le président. M. le greffier va procéder a
l'appel nominal.


Pendant cet appel, qui constate la prés.ence de
cent soixante memhres , MM. de. Peyronnet ,de
Chantelauzeet de Guernon-Ranville lisent les jour-


- naux qui rendent compte de la séance d'hier , et
se communiquent leurs observations. M. de Polignac
s'entretient avec M' Malldaroux-Vertamy, qui était




( 80 )
assis hier acoté de lui , et qui est pIacé aujourd'hui
derriere Mo Hennequin.


M. le président: Huissiers , faites entrer' M. Joseph
J01ly.


M. Jo11y n'est pas présent. •
,M. le président. M. Mauroy a adressé une lettre au


président, dans la quelle iI annonce qu'il est malade.
Faltes entrer M.Laporte.


M. Laporte. marchand de nouveantés, rue Saint-
Honoré, n° 152. I


D. Étiez-vous chez vous dans la journée du 27
juillet, quand les hostilités commencerent ?-R. Oui,
Monsieur, et.j'y suis resté jusqu'a une heure,


D. De quel coté, selon vous, paraissait venir l'ag-
gression ?--'-R. De la troupe. A deux heures j'ai fait
fermer mon rnagasin , et je me suis mis au.balcon
pour examiner ce qui se passait. L'agitation était ex-
treme. Je vis le monde courir par handes en criant:
Vive la Charle! ahas les gendarmes! et se diriger
vers le Palais-Boyal, Versdeux heures des troupes
de la garde royale ont tiré sans aucune provocation
de la part des citoyens, et j'ai vu revenir plusieurs
personnes blessées et deux OH trois étaient tuées. Les
personnes qui portaient les cadavres criaient: Aux
armes! »engeancel Bientót le' calme serétahlit, au
m¿ins en apparence; tout reprenait un' aspect assez
calme/A.peu pres acinq heures des groupes se re-
formeretit &M·la rue Saint-Honoré; la garde royale
s'avancai t vers'cette<pa.ptie. de la rue, oú j e me trouvais,
et tirait sur nous. Á six heures je m'ahsentai et re-




( 81 )
comruandai a l'uu de mes fils de tenir les fenétres
ferrnées. Un régiment de la garde se trouvait alors
vis-a-vis l'Oratoire , et ron tirait par les Ienétres. Mon
fils, apereevant le monde qui se précipitait ponr
échapper au da'nger, cut l'imprudence , ponr mieux
examiner le mouvement, de se mettre á la croisée.
11 y était apeine qu'une halle le frappa. Il expira peu
d'instans apreso


D. L'emploi des armes par la troupe, avait-il été
P-fécédé de sommations aúx citoyens de se retirer ;
sommations qui auraient été faites par I'autorité ci-
vile ? _ R. Aucune sommation de ce genre n'a eu
lieu. .


D. Savez-vous, M. Laporte, si, lorsqu'il vous est
arrivé le plus grandmalheur pOlir un pere, quelques
coupsde fusils, partís de votre maison avaient précédé
celui quiatteignit votre enfant ?-R. Aucun coupde
fusil n'avait été tiré de ma maison, mais h.ién d'ail-
leurs. N~us avons vu passer une patrouille de. gen"
darrnerie qui était ahimée. .


.M. Pilloy,joaillier.r-D. Vous étes-vous trouvé, le
27 juillet, dans quelques-uns des lieux oú le combat
était engagé ?-R. Oui, Monsieur; le 27 juillet je me
trouvais rue Saint-Honoré : la, je causáis avecdes
rnilitaires de la ligne aqu~ on avaitdonné ordre de
protéger les boutiques des armuriers , lorsque je vis
arriver .un bataillon de la garde .royale; il venait du
coté du marché des Innocens. Arrivé a la hauteur
de l'église de l'Oratoire, il lit feu ; plusieurs per-
sonnes furent atteintes par des balles, A· peine


n. 6




( 8~ )
eurent-ils dépassé la rue Croix-des-Petits-Champs, que
je vis deux jeunes gens jeter par les croisées des pots
de fleurs sur l~s soldats. La troupe riposta alors
par des coups de fusil tírésaux fenétres. Plus loin , un
engagement eutlieu entre les lanciers et les bourgeois.


D. Mais, avant cet instant, aviez-vous vu jeter des
pierres ou tirer sur la troupe?-H. Non.


D. Avez-vous remarqué que des sommations au-
raientété faites ame citoyens parles magistrats civils,
avant l'emploi des armes parla troupe?-RNon, au-
cune sommation de ce genre n'a été faite et l'aggres-
sion est venue de la troupe.


M. Bressant , employé a la Caisse d'épargnes.-
D. Etiez-vous, le 27, dan s quelques-uns des lieux oú
il y a eu des engagemens entre la troupe et les ci-
toy.ens ?-R., Oui, lemardi, j'étais du coté de la place
du· Palais-Boyal. Au coin de la galerie deNernoürs ,
se trouvait posté un régiment de la garde, paremerís
et collet jaunes. La foule était grande. AII bout d'une
demi-heure , les rangs s'ouvr-irent. Il en sortit cinq
ou six gendarmes quí écraserent plusieurs personnes
sous les pieds de lenrs chevaux, et notamment un
vieillard qui était réfugié pres de la Cif.'ette. Cette
éharge irrita lepeuple. Les gendarmes se rangerent
sur la place. Un de leurs officiers furieux porta un
violent coup de sabre aun homme qui, rangé pres du
mur ~e&maisons , ne faisait pas partí des rassemble-
mens. Le feu eomrnenca ~ l'homrne qui succomba au
milieu de la char;ge de la gendarmerie fut transporté
sur la place de la Bourse.




( 83 )
D. Vous n'avez rien aajouter avotre déposition?


--R. Non.
D. Avez-vous su que .des sommations aient {·té


faites ?-R. Jamais je n'en ai vu faire.
M. Rasset, marchand de vin, négociant, est


appelé,
M. le président. Le témoin 'a une teUe extiuc-


tion de voix qu'il serait difficile de l'entendre, S~i¡'
vent s'approcher de moi , je répéterai a la Cou .. sa
déposition. .


D. Étiez-volls sur les lieux 011, le 27, il Yeutdes en-
gagemens entre la tronpe et les citoyens; avez-vous
remarqué de iquel coté venait l'aggression? Dites a
cet égard tout ce que vous pouvez savoir.-R. Je
sortais de la place du Palais-Royal a4 heures et de-
mie, la foule était considérable, et res gendarmes se
bornaient a reponsser la foule sans sabrer personne.
Mais cette troupe ayant renversé un citoyen, la foule
irritée devint plus tumultueuse, et onjeta (fes pierres
a la garde royale, rangée le long du Pálais-Royal :
étant spectatrice immobile sur le lieu oú la scene se
passait , et la tranqnillité allait renaitre peut-étre,
Iorsqu'un officier d'état-major parla au comman-
dant. La troupe se mit en mouvement et chargea
tont ce qui se présentait devant elle; les feux (ie pe-
lotons commencérent , et moi-méme j'eus apeine le


.tems deme réfugierdans le café dé la Hégence, Dans
la journée du 28 , j'ai vu distr-ihuer de l'argerit aux
troupesj moi-méme je leur ai changé plusienrs píéces
de 5 francs. Le 29 des distributions de vin furent


. .





( 84 )
faites aux Suisses, et cela ne servit qu'á les animer
davantage,


Un Pairo Le témoin a-t-il été blessé? - R.
Non,


M. de Laporte. J'avais oublié de dire qu'a 4heures,
le 27, sur la place du Palais-Royal, un officier de gen-
darmerie dit a la foule :J'ai ordre de vous faire reti-
re}'; retirez-vous ou jé commande de faire feu.Je dis
cela pour répondre a ce que M. le président m'a de-
mandé relativement aux sommations,


M. Roger, concierge de la maison de M. Casimir
Périer. ~ D. Dans la journée du 27, les députés
étaient-ils réunis chez ~. Casímir-Péríer?-R. Oui,
monsieur.


D. Que se passa-t-il pendant et apres cette réu-
nion ?-R. Le matin, a9 heures, des éléves des Écoles
de médecine et de droit se promenaient et s'arré-
terent tlans notre rue; Alors des patrouílles de gen-
darmerie , sortics de la cour du ministere de la justice,
firent feu sur ces jeunes gem, et en blesserent plu-
sieurs.


, D. Les citoyens sur qui eette charge fut exécutée
avaient-ils provoqué ce mouvement ?-R. En aucune
maniere.


D. Des sommations Ieur furent-elles faites avant
l'emploi des armes ?-R. Ancnne.
, Un pairo Comment le témoin sait-il qne ces jeunes


gens étaient 'des eleves en droit ou en rriédecine?-
R. Paree qu'ils meI'ont ,appris. Ils m'ont méme dit




( 85 )
qu'ils croyaient qu'on voulait arréter les députés pré-
sens a la réunion.


M. Bonifáce, ancien commissaire de police. J'ai
été informé de l'apparition des ordonnances dans la
matinée du lundi. Le soir , je recus I'ordre de' M. le
préfet de poliee, d'ernpécher le lendemain la lecture
des journaux autres que ceux dont ilme transmettait
la liste. Dans la rnéme soirée , une troupe de jeunes
gensparcdur.urE)nt le quartier en brisant les rever:
beres, Le lendemain, je recus l'ordre de {aire fer-
mer le Palais-Royal. A trois heures , je me rendís au .
poste du Cháteau-d'Eau, Les gendarmes chargeaient
le peuple al'arme blanche, le peuple ripostait par des
pierres. Une demi-heureapres, un chefd'escadronqui
comm:mdait les gendarmes, vint rn'inviter afaire des
sommations prescrites par la loi. Mais le peuple ve-
nait d'étre ehargé, 'plusieurs eitoyens avaient été
hlessés. Je erus que des-lors, la troupe' ayantagi , il
était devenu inutile de faire des sommations. '


Je me rendís ala préíecture de police pour pren-
dre les ordres de M. le préfet de police, Il me parla
de I'état de siége; sans me donner aucun détail; je
passai la nuit au poste afaire panser les blessés. Voila
pour le mardi.


Le mercredi matin , M. le préfet de poliee m'en-
voya cherchervers sept heures. M. Crosnier me re-
mit un mandat pour saisir les presses du Temps. Je
lui répondis que j'avais assez de .responsabilité dan s
le qnar tier; du Palais-Royal , sans aller aussi loin m'oe-
cuper d'autres fonctions--qui pouvaient me retenir




( 86 )
fort longtems. II se rendit a mes raisons et je re-
tournai elans mon quartier oú je passai la journée a
constater les déces des personnes tuées, soit dansla
rue, soit dans les maisons.


M. lepresident. M. le préfet de police, quand i]
.vous a vu, vous a-t-il donné l'ordre de faire des som-
matious ?


Le témoin.·Lorsque je vis M.le préfet de police, le
mardi, il se bo~na ame parler vaguement de Fétat
de siége. Le mercredi rnatin , M. le préfet de police,
que je vis dans son cabinet , me parla positivernent
de l'état de siége. Il me dit : vous n'étesplus com-
rnissaire , je ne suis. plus préfet de police. Je n'ai plus
d'ordres avous donner; vous n'en avez plus a rece-
voir de rnoi.


UJÍ pairo M .. le présielent veut-il bien demander
an témoin quel jour le préfet de police lui a annoncé
la mise en état desiégei-e-B. le mercredi a 9 henres
du matin.


D. Des coups ele fen ont-ils été tirés avant votre
arrrvée P- R. Le chef d'escadron Reish me la dit.


M. le duc de Fitz-James. Est-ce avant d'avo~rparlé
au chef d'escadron que vous avez fait soigner des
gendarmes blessés P - R. Oui : il y avaít des gen-
darmes blessés a coup de pierres.


D. Ce chef d'escadron n'a-t-il pas voulu vous for-
cer de l'accompagner? Ne vous a+·i1 paspris au collet?
- R. Non: iI m'a ,violenté , il a voulu me conduirc
aux rassemblemens , _mais je n'ai pas fai] attention
aux injurcs, aux menaces de cet homme. 11 m'a con-




..


duit devant son cheval vers le rassemblement, mais
je lui ai fait observer que, l'engagement étant com-
meneé, il devenait impossible de faire les sornma-
tions.


M.le président. Etiez-vous revétu de vos insignes?
- Oui, monsieur.


M. Tourneur, marchand de nouvcautés, s' est
tr~)Uvé sur leslieux ou il ya en des' engagemens en-
tre la troupe et les ti toyens. Des la journée du 27, a
dix heures du matÍn, .sur la place du Palais-Boyal ,
l'affluence était grande. Des détachemens de gendar-
merie parcouraient la place au milieu de jennes gens
qui faisaient retentir l'air des cris de vioe la Charle!
Tout se passa assez paisiblerncnt ju-squ'1. quatre heu-
res. Alors des gendarmes arrivent au galop sur la
foule; renversent huit 011 dix personnes, fernmes ,
enfans, vieillards. Une fcmme est blessée. Une, non-
velle charge amene encoré d'autres malheurs On n'a
pas le terns de se retirer. Le 'pellple, irrité, lance
des pierres a la troupe, Un chef de bataillon de la
garde royale ordonne de charger les arme!" et dit au
peuple : Hetirez-vous , ou j'ai ordre de faire feu ; r~­
tirez-vous , ou vous tombez sous les haionnettes ;
retirez-vous.


D. Mais aueune des sommations de ce genre !le fut
faite par des officiers civils? -lt Aucune.


M. Feret , libran-e au Palais-Boyal , galerie de Ne-
mours, - D. La position de votre magasin vous' a
mis a méme de bien connaitre toutce qui s' est passé




( 88 )
le :17. - R. Le 27, a deux heures, lepeuple était
en masse sur la place' du Palais-Royai. Une maison
alors en démolition était adossée amon magasin. Le
peup,le s'y était placé , afin de pouvoir y trouver des'
pierres pour les jeter sur les gendarmes qui étaient
de planton aux deux coins de la place; la gardc
royale arriva et parvint a l.es débusquer, L' officier de
ser-vice au Palais-Boyal sort avec une o vingtaine
d'hommes ; le peuple se replie sur la rue Montpen-
sier ; la, on commence ajeter encore de pierres aux
gendarmes placés derriere le' Théátre-Francais ; on
se'disperse, mais hientót , sur les deux heures , les
rassemblemens deviennent plus nombreux; Fofficier
de service s'avance avec ces hommes pour faire éva-
cuer la rue du Lycée , on n'obéit pasa ses in jonc-
tions ; il s' emporte, prend 11'( fusil de son sergent,
apres avoir inutilement ordonné de tirer sur les
bourgeois, et eommande le feu. Cependant, sur les
représentations qui lui sont adressées , il s'arréte ;
des pierres sont de nouveau lancées sur sa troupe;
il revient, les soldats tirent: dans la décharge, un
homme est atteint et tué; pn transporte ce malheu-
reux au poste du Palais-Boyal. Qu'avez-vous fait ca-
pitaine ! críe-t-on a cet officier : il se retire pour
prendre d'autres hommes aux poste.


D.-Vous n'avez vu dans ce moment aucun officier
civil faire les sommations voulues par la loi? - R.
Non, M. le président,


D. Combien de personnes furent victimes de eette
attaque ? - R. Une fnt tuée, trois out été hlessées.




( 89 )
C'est moi 'qui , le ~9, ai fait mettre les morts el les
hlessés sous la remise des voitures de Passy, rue de
Rohan.


D. Combien y en avait-il P- U. Quatre-vingts.
M e , le duc de Fitz-James. Un coup de fusil avait-il


été tiré par la troupe lorsqu'elle fut assaillie de pier-
res? -R. Le témoin. Non, monsieur.


D.. Le peuple avait-il jeté des pier~esavaJ1tque la
garde eút tité? ~ Oui, '


D, Dans le nombre des hlessés qui furent releves,
y avait-íl des soIdats de la garde üu de la ligne? -
R. De la garde ,quatre tu es et un blessé ; les autres
blessés furent enlevés.


M. Jauge, banquier. Il y a eu dan s mon quartier
plusieurs engagemens. Je rentrais chez moi. C'était
le mercredi on le jeudi, je ne saurais préciser, Iors-
que je vis un gr~upe au milieu dúquel j'apercus un
homme qui parlait assez haut. n disait qv'il-avait
ses poches pleines de cartouches, saisies sur un sol-
dat du 5e régiment de ligne. J~eDtre dans le gro~lpe:
je m'approché de cet homme. JI me dit : Au fait , ces
cartouches ne pouvaient faire de mal a personne,
cal' il n'y a pas de baIles dedans. On ne voulait appa-
remment que faire peur. J' entrai dans son idée , et
je dis au groupe que ce qu'il y avait de mieux il'
faire, était que chacun se retirát chez soivcar il se
pourrait, ajoutai-je , que le but de l'autorité était de
vous amener avous retirer en vous faísant peur.


Un pairo n n'y avait pas de baIles dans ces car-
tonches?-R. Non, cet homme en avait les mains




90
pleines , j'en pris une, c'était un rnorceau de papier
gris, dans lequel était eontenue de la poudre.Voiei le
morceau de papier identique, je 1'aiconservé eomme
une piece curieuse.


Un autre pairo Le témoin a-t-i] examiné plusieurs
de ces cartouches Pc-eR. Non, je n'en pris qu'une; je
profitai du hasardqui se présentait, et j'avoue q'ue
je n'eus pas assez deprésence d'esprit pour faire une
enquéte sur' les poches de cet homme.


M. le président. Faites passer cette cartouche.
M. Jauge. Je 1'aie1éjHaitvoir a'I uelques personnes;


vousne la írouverez pas tout-á-íait dans I'état oú je
l'ai recue ; mais c'estbien le me me papier et la poudre
qui s'y trouvait quand cet homme me la donna. Ce
fait fut raconté e1evant plusieurs personnes , et con-
statépar l~nepersonnetrés-connue, je crois, de quel-
ques-uns dé MM. les pairs. On m'a encore rapporté
un autre fait qui viendrait a l'á]5'pui de l'exactitude
decelui-ci : quelques soldats, dans la rue de Rivoli,
s'étant trouvés séparés de leur camarades , étaient
suivis assez vivement par le peuple. Un de ces mi-
litaires rnarchait avec peine, soit qu'il fút ivre OH
accablé de fatigue; le peuple se saisit de lui et fouilla
dans sa giberne. Celui qui m'a rapporté ce fait en-
tendit celui qui s'était emparé des cartouehcs reno
fernié!(da~$'la giber,ne, s'écrier , apres les avoir ou-
vertes: «Tiens, il n'y a pas de halles dedans. )/


Un pairo QUe\. 'est lenom de lapersonne de qúi
vous tenez ce fait?.;...;..R. M. Dossemon , beau-pere de
M. de Guichin , major des Ianciers de la garde.




( 9' )
.D. Ce soldat appartenait-il aun régiment de ligne?


-R.Oui.
D. Yavait-ilbeaucoup de cartouches dansla main


de l'homme qui pérorait les groupes? - R. Je ne l'ai
pas remarqué; il m'adit qu'il en avait les po ches
pleines et je ne les ai pas eomptées, comme vo~s pou-
vez' le croire. C'étáit un hasard pOUl" moi d'étre passé
dans ce moment. ,
U~ pairo Quelj.our el a quelle heure avez-vous


recu la eartouche ,que vous possédez encare?~ R.
J'ai déja en l'honneur de vous di re qn'il me serait
irnpossible d~ le préciser. Je erois cependant que
c'est le jeudi. . ' '.


Le sieur Pillvy, déjá entendu , demande a faireune
observation qui lui est suggé"ée par la déposition que
la cour vient d'entendre. Partís pour Rarnbouillet,
nous nous arrétámes a Versailles, et OIl nous délivra
par ordre du géneral. Pajbl , des cartouches quine
eontenaient pas de balles , et n'étaient bónnes qu'a
tirer aúblanc ' .


M. deCastel, négociant, rue aux Fers, Le mardi a
six heures du soir je vis passer devant ma demeure
un grand nombre de citoyens armés; ilsedirigeaient
vers le corps-de-garde oceupé par la gendal'lnerie a
la Halle a~lX draps.A len r arrjvee , les gendarmes sor-
tent du poste; lehrigadier parvint a faire entendre
raison acette multitude, qni se retira. Le lendemain,
dé nouveaux grou pes se présenterent devant ce mérne
corps-de-garde, s'en emparérent sansdifficulté , et
les gendarn~es hu-ent reconduits aleur caserne, Vers




( 92 )
midi , le mercredi , je vis arr-iver dan s la rue 'Saint-
Honoré, une compagnie' de la gardp- royale : sans y
étre nnllement provoquée, eette treupe fit feu sur
le peuple. n s'était passé pen de teros lorsque les
suisses arriverent dans la rue de la Féronnerie; la,
un feu roulant cut lieu de eette rue acelle desProue
vaires. Alors arr-iva 'un général qui nous dit : Rentrez
chez vous , ilDe vous sera rien íait, .


D. Des sommations he furent p~sraites 'par les
offieiers eivils?-R. Non. "


lJ'I. Terrier ; coníiseur. J'ai été témoin de bien des
faits, mais heaucoup demanderaíent un long tems


! Ir lesra.eo~ter; Je ne parlerai do~e q,ue'des circon-s ances prmclpales.· .' .
(Le témoin parle tellement vite et d' une voix si


faih]», qu'on ne peutsaisir un' seul mot.)
jJ1. leprésident. MM. les comrnissaires ont-ils quel-


ques questions afaire au témoin.
M,Bérimger. Cela serait difficile; ear nous n'avons


pu entendre, r Ó: ,
M. le président. Void le résumé de. eette déposi-


tion, Le mardi soir , un offieier supérieur de la garde
royale a fait tirer apres qu'on eut fait fen de l'hótel
de Windsor, rue Neuve-Saint-Augustin.


M. Plougoulm. Jen'ai connaissance personnelle
d'aucun fait important. Comme vient de direM. le
président, j'ai été chargé d'un travail qui m'a mis
en possession d'un grand nombre de documens. Je
ne dais done parler qu'avec une extreme reserve.
L'objet de re travail est spécial; j'ai ét~ chargé de




( 93 )
constater tous les faits glorieux et mémorables de
notre révolution, et en cela ma mission était vaste,
Je pourrais rapporter quelques détails dont la con-
naissance ne .serait pas peut-étre inutile dans eette
affaire.


M. de Martignac. Le témoin a été appelépour faire
connaitre a la Courtout ce qu'il avait pa apprendre.
La déposition du térnoin ne ,repósantpas sur desfaits
eonnus de luí personnellement, la Cour jugera ce
qu'elle peut entendre,


M. le président. Témoin, eontinuez. La Cour appré-
ciera votre déposition.
. M. Plougoulm; Il m'a paru résultendes divers do-
cumens qui me sont parvenus, qu'aux affaires étran-
geres, par exemple , quelques pierres avaient été
laneées sur les troupes ; mais que dans quelques
autres líeux, entreautres au Palais-Royal, I'attaque
a paru venir de ia part de la troupe , prineipalement
de la gendarmerie. .


Ce qui, dans tous les cas , queUe qu'aitété 1:1 eon-
duitedes troupes a l'égard du peuple, me semble
devoir étre constaté, e'est que, malgré les résultats
déplorables de l'aflaire , la troupe n) a pas porté
toute l'animosité , toute l'ápreté qu'aurait exité~ en
elle la présence de véritable ennemis, ·et qu'aux
momens les plus critiques, laplus grande partie-des
troupes, prouvait par sa conduite qu'elle n'ávait pas
oublié qu'elle avait afaire ades concitoyens.


le pourrai.citer a l'appni de ce que je dis , quel-
quesofaits 'solés. Je dirai , par exemple , qu'il est ama




( 9-4 )
connaissance presque personnelle (je tiens le f~lit d'un
ami iotir-ne), qu'un officier supérieur, sur le bou-
levard du Temple ou Saint-Martin , fut couché en joue
par un homme qui lui tira deux coups de fusil sans
le toucher ; et que cet officier, au lieu de faire tirer
sur .ce citoyen, s'approcha de lui, et luidit: Il faut
convenir que vous efes bien maladroit, mon ami;
rentrez chez vous.


Je vais citer un autre fait,. non moins remar-
qnable, ce sontdeux individus a qui le tráit est
personnel, q~IÍ sont venus me lerapporter chez moi:
ces deux cítoyens se sont braqués sur un toir , a la
place de Grev..e. La, dans cette position , il firen t
pendantlongtemsbeaucoup demal a la troupe. L'on
finit par découvrir d'oúvenait le feu , et un officier
ordonna de braquer un canon sur la chemin.ée derriér-e
laquelle .ces· deux individus allaient étre tués. Le
canonnier, avant de mettre le feu, leur fit signe de
se retirer, et leur en donna le tems. A peine avaient-
ils abandonné leur poste, que la cheminée fut
abattue.


Je pourrais citer un grand nombre d'autres traits,
ilest vrai, qui pourraient balancer ceux-lá: On m'a
dit que le mardi, au commencement de l'action, un
officierdegend~t:merieavaittué un vieillard, et l'avait
fou~ aux pieds de son cheval.


-Jeu',3i, je le répete , aucune connaissance.positive,
personneUe ~e ces faits ; ce ne sont pour moi que
des ondit; ce n'e~t aussiqu' avec nne ex treme réserve
que je les livre a'la Co~r. L'on m'a dit \ussi que,


QQ




( 95 )
dans la rue Saint-Denis, u~ citoyen inoffensif avait
été blessé par la garde royale; qu'il était allé ehez
un ami et que, plus inoffensif encore, on avait pris un
cruel plaisir ale percer de COllpS de ba'ionnette. C'est
un fait dont je ne garfUltis pas l'authenticité.


M.le président. Par qui avez-vous été chargé de 'la
rédaction de ce travail? .


M. Plougoulm. Par la commissionjnunicipale..
M.leprésident. 9.uelestle nom de l'ami intime dont


vous venez de parler?
M. Plougoulm. Il se nomme M. de Vouzet.
M. leprésident. Résulte-t-il de vos recher~~es qu~


l'attaque ait été comrnise plus spéeialement du coté
des troupes que du cóté des citoyens?


M. Plougoulm. .L'attaque n'a pas en líen p,artout
de la méme maniere, cornme je 1'ai fait observ~r an


.commeneement de ma déposition. '
M.le Rrésident. Résulte-t-il de vos recherches que
le~ sommations voulues par la loi aient été faites par
les. trcüpes avant de faire feu? .


M. Plougoulm, J'ai la' eonviction profonde qu'il
n'a été fait aucune sornmation sur aucun point.


M. Persil. Je prie M. le président de demanden au
témoin comment il sait qu'aux affaires étrangeres le
peuple a coinmencé par jeter des pierres?


M. le président. Témcin , vous avez entendu la
question : veuillez y répondre,


M. Plougoulm. Je ne peux pas dire positivement
comment je le sais; cela es! résulté pourmoi ~e nom-




( 96 )
breux documens, soit verbaux , soit écrits; que j'ai
recueillis. •


M. Petit, ancien maire du deuxieme arrondisse-
mento Le lundi , je traversai le Palais-Royal pour
rentrer chez moi, adix heures et demie du soir , je
ne remarquai ancun mouvement dans ce quartier.
Les grilles du jardin étaient fermées. J'apercus un
groupe devant le bureau du Régénérateur. Un ouvrier
dit: « On est au ministere-des fihances. » Passant par
la me Saint-Honoré , je vis un groupe de jeunes gens:
On cria vive la Charte! on cassa les reverberes. Arrivé


.au ministere des finances , je vis jeter des.pierres au
factionnaire, Le commandant fit seulement prendre
les ar~'es au poste. lé me rendis ~ la p;éfectur~de
police. M.,le préfet n'y était pas; M, Thouret vint a
moi et, me dit .qu~ le colonel de la"gendarmerie était
monté á cheval avec six gendármes. Je fus surpris de
ce p~t~t nombre. le lendemain , j'allai voir M. de Cha-
brol, préfet de la Seine, .pour luí demandar des in-
strúction. u n'en avait, pas a medonnér ; il me elit
qu'un grand nombre d'ouvriers avait été renvoyé des
ateliers.


Le mercredi , plusieurs gardes natiouaux me de-
manderent s'ils devaient s'arrner. J'étais fort en peine
acetégard.Je ne pouvais leur donneraucun ordre.
le me rendis au Tuileries auprés ide k. le prince
de Polignac :je lui fis connaltre-I'objet -qui m'ame-
nait. Il medit : allez.de suite trouver M, le maréchal.
Je le trouvai sur la place du Carrousel. je lui fitpart
du desir desgardes natiouaux dé mon arrondisse-




~ 91 )
menr. M.lemaréehal me' répondit que déja plusieurs
personnesI'avaient consulté sur ce point, mais qu'il
ne pouvait donner aucnne instruction , et il ajouta
qu'il pourrait y avoir du danger pour ces gardes
nationaux.


Jeudi, vers 9 du matin , je recus une lettre de
M. le maréchal, par laquelle iI m'engageait Ji me
rendre en costume au'I'uileries, Je m1y réndisaussitót,
U. j~ vis M; de Sémon~iUe';,l\f.'lep¡iince dePi>lig,ac
me dit: wM. 'le maire, je vais aSaint-Cloud prendre
les ordres du Roi : je vous engage ú attendce avec
l\f. le due ,de Raguse. Le maire du ro" arrondisse-
ment vin.t me rejoindre. Nous dimes aM. le maréchal
q n'il pouvait disposer de nous : M. le maréchal nous
répondit : « Je vous ai fait venirdans des intehtions
de paix. Portez-vous sur les points oú il importe de
rétablir l'ordre, Táchez de calmer les esprits. »
~ous dimes aM.le maréchal que, pour espérer de


les calmer, il f~llait pouvoirpnrter des-paroles de
paix: ({ Vous :riavez qu'á ~nnoncer, nous dit M. le
. '


maréchal, que j'ai demandé au Roi la révocation des
ordonnanees et qu'elles seront retirées. )} Nous
acceptámes cette mission. Arrivés a la place Ven-
dome, M.le eomte de Walsnous dit qu'ilavait porté
l'ordre du maréchal de faire cesser le feu, que chacun
devait conserver ses positions, que la garde ne ferait
aucun pas en avant. Nous agitámes nos mouchóirs
sur la place, Vendórne. La population .nous entendit
assez, Nous nousrendlmes .de-láála rue de l'Échellc ,
oú un combat était engagé. Nous allárhes demander


il. 7





( 98 )
aú maréchal .s'il avait donrlé l'ordre de faire cesser
loe feu sur ce point. Il répondit qu'il avait donné cet
ordre, mais que la population ne voulait pas suspen-
dre les hostilités. Il nous don~a des officiers d'ordon-
nance pour nous accompagner. Nous agitames des
mouchoirs. La garde'royale.mit aussi de~mouchoirs
aubout~s íusils. -Nous arrivámes ainsi en face du
Th'éatr6..F;.;m~is, 011 .nouti·::vime~ une population
da?sun grand état d'esaspératíon. NOU5 parvinmes
cependant afaire cesser le feu. Le calme s'était un
peu rétabli, ily avait une sorte de rapprochement. Un
soldat de la garde dit: oui vive la Charte!mais avant
tout vive le Roa


Tout a.coup, nous entendimes míe expiosion du
. . .


eóté du Louvre, Nousnoirs portámes de ce coté, et
nous vimes qu'il n'y avait plus moyen de remplir
notre mission. Trente iá quarante soldats s'étaient
emhusqués dans une maison de la rue Saint-Honbré.
Nous engageames l'';fficier qui les commandait a se
retirer. n parl1t partager uotre sentíment; mais il dit
que sans l'ordre du maréchal, -il ne pouvait quitier
son poste. NOllS nous retirámes pour nous réfugier
daos une rnaison de la rue de Rohan.


M. de Martignac. 11 importe singuliérement a la
défense de M. de Polignac de bien 6xer.1a Cour sur
ce -quia en lieu au _Chateau des Tuileries au roo...
ment. oU les ministres sontpartis pour Saint-Cloud.
k demanderar au témoin dans q.uelle disposition
d'esprit il a trouvé 1\1. de Polignac; s'il savait ce gu'il
allait faire aSaínt-Cloud ..




( 99 )
M~ Pe lit. Je ne savais pas quelles instrucñons


M. le prince de Polignac allait chercher-aSaint-Cloud,
inais comme c'était pour une mission de paix que
M. le princé de Polignac m'avait dit de m'entendre
avec M. le duc de R¡tgu·s.e; je dus croire que c'était
aussi dans une mtention de paix qu~M. dePoligpac
allait prendre les ordres du Rqi.M. le marénh~llTI"a­
vaitdi\ : All~ aRnonéet que rai.demandé~le·tap'polft
des ,~"4oimances·,. et qué· j'espere que le Roi rac-
cordera.


(La seance est suspendue pour un quart d'heure ,
á midi et demi, )


M. Barbé, propriétaire. .J'étais., le mereredi, au
marché des Innocens, occupé aéteindre le feu qu'on
avait allumé au milieu de la ~lace, lorsque je 'vis
arriver uné colonne de la garde royale.quí allase
former en pelotons rue Saint-Denisvenface de,la rue
Auhry-Ie-Boucher, Un instant apres, j'entendis Rile
-décharge assez eonsidénble. Jc'.40is. dire. "Lue l'offi-
cierqui commandait 1~ détaehement placé au coin
dela rúe auxFers s'avanca devant son pelotonet fit
la sommation dan s les termes suivans : «Alinornde
la 10í, retirez-vous! retires-vous! ·retirez-vous! ón
'Va faire feu! ') Un instant apres , les fusil s furent bais-
ses, mais l'offícier se tourna vers sa ttToupe et .dit:
(e Ne tirezp~s ! :o .


·M. Galleton; aneien commissaire de police.-
D'. Dites, en votre qualité de commissaire de police,
quelle.partrcipation vous avez prise ~l\l'exéeutiondes
ordonnances de juillet et aux événernens qui en fu-




( 100 )


rent Ies suites? -- R. Le mardi 27, je re~IlS de).1. le
préfetdepolice l'ordre de saisir aux voitures publi-
ques .les jqurnaux qui avaient paru .sans autorisa-
'tion.
': D. Cette sais,j~ eut-elle Í'ieu? - R. Non,mo~­


sieur , et je retournai rendre eompte a M. le préfet
de.policede l'impossibilité de l'exécuter, Je lui par.
.lai en méme tems destroubles sérieux qui sé mani-
festaient dans la capitale ; a l'ordre il m'enjoignit
d'aller a la Bourse ; je m'y transportai. L"effel'ves-
cence était grande, et j'appris que bientót vingt mille
hommes seraient arrnés , en vue de résister ala troupe
et de repous&er la fO'f:.ce par la force..De la ie me ren-
disau Palais-Royal. Je vis l'Qfficier de la garde qui
me manifesta des craintes et m'engagea avoir le pré-
fet pour qu'il eút :a luienvoyer des renforts, s'il
était attaqué , circonstance qu'on pouvait dés-Iors
prévoir, et s'il 'se voyait obligé d'employer la force
ponr repouss.er une agression. Je rendis sur-le-champ
eompte au pr~et de tout ce que j'avais appris; il ~n­
voya immédiatement rnon rapport au commandant
de la place et je retournai dans mon quartier ponr
dissiper les attroupehlcns qui ponrraient ~'y former,
'. 4-(} .henres le commandant du poste du Chátelet
me 6;t préyenér, que des groupes. essayaient de dé-
sarmer ses homrnes, mais qu'enfin-Il était parvenu
ales' d~J,,"{w. Je me r-ends~a.ce .PQsta·afinde pren-
dre des rne's\ll'~S si l'attronpement faisait denouvel-


. le~ tentatíves. J'y trouvai un ho~nme blessé.qui refn-
sait tout secours : un chirurgien que j'envoyai cher-




( ~o 1
cher ne voulut pas le pansér, et fut d'avis de l'en-
voyer al'Hótel-Dieu. Je lis avancer un fiacre , et mis
le blessé dedans avec un officier de paix et deux gen-
darmes. Ils arriverent aI'Hótel-Dieu , mais lepeuple
l'enleva et le pt'omena dans les raes en criant :. re~­
geance! Il mourut ; si on Iui avait donné des soins
il vivrait encore. A ce moment M. de ·Bouooville.;
armurier de la rue des Arcis, vint me wouver;il
avait la téte-coúverte désang;- il m'annonea 'qu"'l.>n'
venait d'enfoncér sáboutique, Je dis auxgendarmes
de protéger sa propriété , si on l'attaquait encore ,
et je voutus me transporter moi-rnémesur Ieslieux,
le ne tardaipas a m'apercevoir du danger, cal' en .
tournant lequaide ]a' Mégisserie, je trouvai .plu-
sieurs hommes armés; l'un me menace d'une épée ,
je ]a saisis, .et tandis que je rn'emparais de .cette
arme, un autre me concha en joue. J'ai la ,fQt'Ce de
me saisir aussi de ce fusil et d'évÍter le coup. Les
deux hommes sont arrétés el-conduits au-":. eorps-de-
garde de la place drrChñtelet ;,Cl.ln:avaitnn poignard ,
l'autre urr-pistolet 'a deux CQUPS; le les interrogeet
les envoieá la préfecture. Depuis.j'aifait snr cela-un
rapport á.M. Girod·de l'Ain et déposé les armes ala
préfecture..


A huit henres du soir , les rassemblemens devin-
rent plus nombreux. Le mercredi, avertíqu'on arra..
chait partoutles armes de France,je fv.s.sur' les
Iieux du désotdre, et-ne pus l'.arretel·i Je-demandais
des ordres au préfet, Il me ditque la ville.étaiten
état de s~ége, et que c'était-al'auterité militairecque




( J (}~ )
, tous les pouvoirs étaient remis, et concentres dans
les mains de M.le maréchalde Raguse. C'était le
mercrediá neuf .heures. Le 'iendemain, j'appris que
le poste duo Chátelet avait rendu les armes, et que le
peuple allait se porter sq.r la pzéfecture, .Je fis sortir-


, huit hommes et 1111 maréchal-des-logis pour empé-
eher de l'investir; mais quand nous débouchámes .
sqi-'le qooi,nougfúmes assaillis; -quelques- hommes
furent tués, d'autres léger~ment})le$.'lé reste prit
la fuite, Dans ce moment, nne voiture dedeuil pas-
sait; deux prétres étaient dedaris : l'un jeune et l'au-
tre "i~uJ¡:; on.cria : abas lesjészi~·te$. Le vieux pretre


. resta- .dans la voiture , le jeune chercha á sesauver :
onluí tira tleux ceups de fusils, Je le,ns transporter
ehez moi. '
,M; Madicr-Monjau. le remarque tine, grande dif-


féreneé.entre la déposition écrite dutémoin et celle
qu'il fait aujourd'hui.
'M. Galleton: Ilest possible que quelques circon-


stancesaieat fui de ma mémoire alors, ets'y repré-
sentent aujourd'hui. D'ailleurs , le' seul fait nouveau
que j'énonce est celui relatif ala voiture oú se tron-
vaíent les deux prétres, Qoond le jeune prétre put
étre transporté dans une maison, rue Planche-Mi-
bray., le peuple monta le voir, et il r~ut méme des
sotos ;decel,lx"quiavaient menacé sao vie. ,


M. 1(3 ;président. Dans vos. fl'éq\1entes.: visites a
M. le,pr.éfet, de poliee :,s.Í1tes-vous s'il adressades
rapports ame. dlfférens.minístres sur l'état de Paris?
- R. Il en adressait aucemmandant de la place.




( 103 )
.JJ. ¡J;Jasson, dooteur en droit , avocar ir la Oour


royale .deParis , cité a la requéte des aceusés:
Le mardi :17 , asix .heures et demie du soir, lacu-


riosité me porta versles Tuileries..J~ metías en face
d'une barricade íormée a l'entrée de la ruedudec
Je Berdeaux, La troupe arriva sur ce point, :r:-e p61il'-
pIe retranché derriére la harri~ade laln~a une' .gr~I~
de píerres, La tro.up~ rispota SlÍl'-Le--chatnp,pa.r:une
né~harge..Je v.is .i'mmédiátefnentmJicer d1u.n second
étage d'unemaison de la rúe du Dauphin, un payé
sur la troupe, qui riposta aussitót par.. une nouvelle
décharge. Je ne m'apereus pasqu'íl restát desrnorts
sur la place; mais des personnes m'assurérent qn'un
homme avait été tué au coin: de la rue du Dauphin ,
et qu'un autre était sorti de latue du duc de'~ú
deaux avec la,figure ensanglantée, De-lá , je meren-
dis a la place des Victoires, oú j'apereus un cadavre
de femme. Il n'y avait pas de sang, d'oú je présumai
que ce corps' avait été apporté la exprés pour exci-
ter lepeuple. \lB me dit que. c'était la femme d'un
tonnelie~.n yavait du monde rassemblé autour , et
'lui crfait oengeance! Cela ne faisait pas beaucoup
d'effet.


(Le témoinentre dans de longs détails defaÍt~
étrangers ala cause, qui excitent des murmures d'im-
patience.)


M. le président. J'invite la Cour et I'audience a
faire silence.


Un pairo Ce n'est ni la Como ni l'audience, se sont
les trihunes.





( 104 )
M. le président, S~ les accusés ont quelques ques-


tionsaadresser au témoin ,sur des faits particuliers,
je les lni transmettrsi. . .


M., dé Martignac. Nous n'avons al'interroget sur
aucun fait -particulier. Nous l'avons fait citer parce
que.nóusavions été informés qu'il savait beaoc'oup
de fitits. .


. .


. M. le pr¿sident..·J'invíte te témoin aaller au fait,
. Le témoin. Jé ne croís pas-divaguer ; je' dis ce que'
je sais.


Dans la rue des .Canettes , prés de la place Saint-
Sulpíce.je vis Une jeune femme en bonnet... (On rit.}
Si: je n'ai pas' de liberté ici , .i,e protesterai corrtre
ce qui-se fera.Caüe .femme ai'~it les .poches.deson
tablier pleiñésde ruhans tricolores. Elle étaitassistée
. . .


de deux hommes robustes pour la défendre au be-
soin. Elle marchait d'un air triomphant. Je rentrai
chez moi.


M. le maréchal Gérard. J'étais au nombre des
commissaires envoyés pa~ la réunion des dép'uté~ au-
pres de 'M. le maréchal duc de Raguse. Le but de
notre mission était de lui demander de mettre fin a
la lutte sanglante qui était engagée entre les citoyens
de París et les troupes de la garnison. M. Laffitté por'
tait la parole, J~ ne puis me rappeler les expressions
qu'il employa ; maís j e- puis dire que son langage fut
coneiliant , et ne tendaít qu'á 'faire cesser les scenes
de carnage qui ensanglantaient les rues de Paris.
M. le duc de Raguse répondit qu'il n'était pas en son
pouvoir d'accéder a notre demande; que, comme




( 105 )
nous , ~l s'affligeait de l'effusiqn du sang f~anf1aig~
mais qu'avant tout, il avaitde grands devoirs arem-
plir, et que force devait rester aIaloi, De son coté,
M. le maréchalnous invita auser de notre influence
aupres des citoyens paur les íaire rentrer dans
leurs domiciles. Nous .lui répondimesque le seul
moyen d'arriver a ce hut, était larévocation.des fa-
tales ordonnances. n n.Qu,!c:4~ que 'e~la: .ne~déeen­
dait.p.asd~J!Ú·;.qqe tont cequ'il pouvait- faire était
d'écriee auBoi , ponr luí fatre connaitre notre dé-
marche et appuyer en son nom sur les périls et la gra-
vité des circonstances.


Dans le cours de la conversation , il nous demanda
si nons n'aurions aucune. répugn~ncc a-voir -?d,. le
prince de Polignac. Nous répondimes que nous n'en
avions aucune, Aprés quelques íustansd'absence ,
M. le maréchal est rentré, nous annoncant qu'i,l était
inutile de voir le premier ministre.


Avant de POU$ séparee"M, Laffite lui,dit.,.d.aOsles
termes les plus vits et-les -plus én.ergicjues, qu'ujle.<im-
mense réspensabrlité p~sait SUrsa tete. M.le~duc de
Raguse nous avoua qu'il en sentait tout le poids , et
il ajouta a plusieurs reprises j et avec une tristesse
remarquable, que c'était l'effet deIa fatalité deson
étoile, Je dois dire, pour rendre homma-ge 'a la.vérité,
que toutes Ies paroles qui ~ortírentdesabouche,nous
faisaient voir combien iIsentait tout ce que sa situation
avait d'affreux.


En sorjant de l'appartement et avant de nous en-
gager dans l'esealier , nous vavons étéahordés par




( 106 ) .
un ofñcier que depuis j'ai suétre M.. de: Laroche-
jacquelein. Il nous demanda. pourquoi"nous n'en-
trions.pásehezMi leprince de Polignac.Nous répon-
dimesqu'on rrous avait dit qu'íl était inutile de le voir.
Cetofnoier noúa pria d'aftendre jusqu'áce qu'il eút
été Iui-mémes'assurer dela vérité du fait. Il revint
quelques instaasaprés-et nousdit qu'en effetM. de
PoI~~ae ne .desil'ai.c;~~nomo voir." .'


M. ;Persil,'tul témo.in. M.'le du.~ de- Raguse vous
dit-il qu'il était inutile de VOiF M, le prince de Poli-
gnac,' ou bien que celui-ci ne voulait pas voir les
députés?
~. Je ne puís rerrdre que le sens.de ce quej'aí en~


rendu; je neipuís me.rappeler lesexpressíons.
. M; P'ersil: .Le témeín a dit dans l'instruction que


M.le due de Raguse avait annoncéqne M. de Polignac
ne voulait pas.voir les députés,


M. de Martigno.c. le remarque dans la déposition
de l\'l~ le eomteGuaro. ,-dyux faits qu'il.importe el'é-
claircir., ,


Dans sapremiére dépositíon , le tétnoin. adéelaré
que M. le maréchal duc de Raguse aurait dit que
c'était par la soumission complete de la popnlation
qu'oh pourrait avoir quelque influence aupres du Roi,
Cette .réponse de M. le dne de Bagusé fut-elle faite
avant ou aprés son entrevue avec M. le' princede
Polignac,


R. Je crois me rappeler qU,e c'était avant,
JI'I.de Martignac. Lorsque M. le prinee de Poli-


gnac fut instruir 'tie ~arrivée au Tuileriés , des dé- .




( 107 )
•putés, il eutle desir de les entretenir, el en consé-


quevce il avertit l'officier- qui se .trouvait sur leur
passage, de les prévenir qu'il les. attendait pour les


.recevoir. M. le comte Gérard, se rappelle-t-il que cet
officier aurait dit qu'íl avait mission de les engager a.
attendre, .


R. M. de Larochejacquelein nous demandasi neus
n'allions pas entrer cli~4'. :M.. de.:P6ligwl~ ; .i:ío~s re-
pond:hpe~_ qq"Qnt\OillS a"flit~i.t qúecela étaíf jnutile ;
alors M. de Larochejacqñelein nous pría d'attendre
et nous dit qu'il allaít s'assurer du fait.


M. le prince de Polignac. le me permettrai de
rappeler ala Cource que j'ai eu l'honneur de lui dire
hiel' ace sujeto , '.


Je ne savais pas que M. le eomte Gérard fút dJI
nombre desdéputés:je n'avais entendn qu,c les n.om~
de MM.Laffite et Casimir-Périer. J'avais un v~rital>le
desir de voir ces Messieurs. Je p,riai .M.de Laroche-
jacquelein de leur dire , .Iorsqu'jls .sortir;t:ient, .q~
je ser~'§. ~icm' aise de ;l~s' .r~(;,er~r.):>ans r~tervalle
M. 1~;duc·~·Rágu~ vint JIl~:,pa;ier de l'objet de la
eonférence qu'ilavait eue avec eux c'est-á-dire le 1'6-
trait immédiat des ordonnanceS. Je ne pouvais pas


. ,


plus queMo le maréchal prendre sur moi de.promettre
le retrait des ordonnances avant d'avoir 1:1. cet égaI'd
consulté le Boi, J'éfr~-vis immédiatement a$a .Itl.~j~~~é.
M. de Laroehejacquelein n'ajant. pa~ été i~swuit, de
cet incident, remplit son message, et vint ensuite
d· trouver. C'est alors -que je luixlis de prier
MM. les députés de ue pas attendre ,queMo le-




( 1~8 )
duc de .Raguse m'avait rendu compte de leur mis-
sion. Ce n'était pas un refus de roa part de les ~ir,
mais la suite .de l'embarras daos lequel je me suis
trouvé vlorsquévj'ai 'appris la condition qu'ils im-'


. '.. .posaient.
lJ'1. Billot ancien procureur du Roi pres le tribú-


liar.(lé ill Selne. ' '.
M",'leprésident, au témoin. Avez-vous été informé


a l'avance des ordonnances du '25 juillet] - R. lene
. les ai connues que par le Moniteur. .


D. Avez-vous recu des instructions particuliéres
du ministere P-:... R. Non, Monsieur,


D. -Quels sontles ministres que vóus avez vus le
lundi et le mardi ?' _. R. M. de Chantelauze et M: de
Peyronnet,
·D~ .Quelles instructions ees ministres vous ont-ils
données7 - 1l. Auennes instructions relativos aux
événemens politíques. La conversation a été générale
avecM.de Chautelauze. Quant ama visite a M. de
Peyronnet , elleavait p6ur objet une observation re-
lative a l'exécutiondes ordonnances dan s l'ile de
Corseo


D. Savez-vous si le préfet depolíce que vous avez
vu également, avait été informé de la publication
d~s. ordonnances P - Il me dit qu'il n'en avait eu
'e6Ilná-~saI1Ce commemoique pár ~MoniÚml';


:Pi. 'S'avez~vous si -le Iundi' matin Iepréfct-dc police
a vu M:d~}~e,yronnet? - le n'ai rien appris de lui a
ce sujet; m:úS:'tfu, causant avec une personne de-la
connaissance déM. Mangin, j'ai appris qu'il avait




( 109 )
été question d'une visite ,faite par le préfet de poliee
a'M. de Peyronnet dans la journée, de- lundi, Cette
p~rsonneme rapporta qu'arrívanta la préfecture de
police au moment 00 M. Mangin y rentrait , ce der-
nier lui aurait dit : (( Je sors de chezM. le comte de
» Peyronnet. p'.


D. Quelqu'ún des ministres- que vous avez 'vus ,
vous a-t-ilentretenu deI' établissement de tribunaux
extraordiIiaiI'e~?-R: Aucunt'fÍlent;


1 • • \. '


D. A-t-il été , avotre connaissance , décerné des
mandats contre des députés ou contre quelques ci-
toyens revétus d'un caractere pubIic? -R. A -roa
connaissance aucun.


D. Quels ont été les motifs des mandataqu] ont
été décernés sur votre réquisitoire ? ':"'-R. Le').? juil-
let, deux ou trois persoimes me parlerent a roan
parquet d'un article du National , qui avait paru le
matin, comme pouvant donner lieu a des poursuites,
Les ordonnances prescrivaient l'autorisatioñpréala-
ble : les propeiétalres du Ñationitz'ne l'avaient point


.. . . . '


obtenue ; -ils ne l'avaient pas, je pense, demandée:
Le numéro du 27 juillet ne fut pas déposé a mon
parquet. J'eus quelque peinea me le procurer; cene
fut que daos )'apres-midi que je pus Tavoit. Je n'hé-
sitai plus apenserque.la publicationde cartide dont
il s'agit ne constituát l'un dea délits prévus 'par la
législation sur la presse. Je l'~gr~ttai de voir au has
quarante-quatre signatures. S'il n'avait été signé que
p~. une seule personne, mes poursuites ne seraient
pas soyties du cercle ordinaire d~ ces sortes de proces ;




( 110 )
mais , 'd',lin áutre eóté ;: je pensaí qu'au ,míl¡eu des
conjónctures OH ron se trouvait, le grandnomhre
de signatUres ne faisait qu'augmenter la gravite du
délit. De~-lors, la 101, mon serment , ma confiance,
et , pourquoí ne le dirai-je pas, mon affection pour
le ~uvernement qui fut .renversé, tout ,rn'ímposait
le deecir d'flgir, et c'eüt été une lácheté de -reculer
de\T:\nt'c~'dév~ir,q~eíqúerig6uretix qu:ilfUt'. Qha-
rante-cinq mandats furentdécernés , sur mon réqui-
sitoire , par Un des jugos d'instruction, lIs furent
remis áu préfet de police afin qu'il en assurát I'exé-
eutiou. Le préfet de police fit appeler 1\1. Crosnier,
'chef de service , qui fit observer-qu'il était trop tard
ce jour~la pour procéder a l'arrestation des qua-
rante-cinq individus, ~t' que d'ailleurs la police de-
vait :fupa'r:lvant s' enquérir de Ieurs demeures, D'un
autre coté, laeonsistance qu'avait prise la sédition
i'e~dait. sinon impossihle , du moins tres-diffieile ,
l'e*éc~f¡on 'd~s mandats. N:óus ~ous <J.uittames en
convenant que, si le'l'endelllaib.l'é"tat des Choses était
'changé, ils, seraient misa exécution; mais le lende-
mairi cela devint impossible : les mandats Eurent plus
tard retjrés de la préfecture de police, et, de concert
avecle jllge d'instruction, je les détruisis, On a ~tta...
dhé', d~ rilft.pórta:ricéA/ cette destruction r. ona insi-
nué 'que le 'gouvernemeht d'alors y était intéressé,
Il résrtlte ceptmdállt del détarls dans lesquels je suis
-entré, qu'en requérant ces mandats j'avais cédé uni-
quement al'impulsion de ma óonscience. Au snrplus,
je ponrrais ~ cet éga:hl dormer, si on le destre, des




( 1 Il )


explications qui semblent exclure toute interpreta-
tion malveillante.


D. Avez-vous eu eonnaissance de la mise en état
de siége de la ville de Paris, aussitót qu'elle a été
prononcée P- R Je ne l'ai connue que le meróredí.
Ceci me conduit naturellement aparler des motifs
qui nous déterminerent , kjuge d'instructien et moi,
aretirer les mandats -de la préfééture depoliee et.á
les dé~r.Uire. .La connaissaneeiqué nous eumes de la
mise' en état de. siége nous fit concevoir des douees
sur la question de savoír sí", au moment oú nous
avions agi, nous avionsencore les pouvoirs néees-
saires pour lancer ces mandats..


Il s'écoula plusieurs jonrs avant que nous 80n,-
ge~mes a les retirer de la préfecture de police. Je
cessai de me rendre amon parqtiet.Ma conscienee
ne me permettait plus de servir un autre gouveme-
mento Je déc1arai au tribunal que, s'il rendait la jus-
tice aunom du duc d'Or'é~ns, je dépsserais roa


r robe. C'est alors que I'idée de retirer les mandats me
revint. a. l'esprit.' Je les jetai avec mon réquisitoire
parmi les papiers de rebut.


M .: Persil. Le témoin vient de dire qu'il tenait
d'une personne que M. Mangin était aUé lundi matin
chez M. le comte de Peyronnet : je 'luí denranderai
quelle est eette personne. - R. Je ne crois pas .'pou-
voir Ianornmer.


D. Le témoin a été procureur du Roí, iL sait par'
conséquent qu'il n'est pas permis de -refuser son. té-'
moignage ala justiee; il a fait sefrnent de dire toute




( 112 )
la-vérité, Nousattachons une tres-grande importance
a connaitre cette personne? - )l.' Je l?e .erois pas
manquer ames devoirs ni ~Ú serment que j'aí prété
en taisant le nom de eette personne:Notre conver-
sation a été toute confidentielle, Si plus tard elle
m'autonise ala nommer , je la ferai connaitre.


M.o !lennequin.Il est "du plus haut intérét pour
M. le comte de Peyronnet que ce point soit éclairci.
le me réunis aM. lé commissairede la Chambre des
Députés pour prier M; Billot denommer cette per-
sonne , afio qu'elle puisse étre appelée devan t la Cour.


M. Billot.. La considération qui vient d'étre
présentée serait pour moi décisive : je demande le
tems. d'y réfléchiref de' consulter 'cette personne.
. . M. le comtede Peyronnet. La Cour me permettra
de -remercier Me Hennequirrd'étre entré tout-á-fait
dans mes sentimens. J'ai le plus grand intéret,' non
pas assurement pour la défense de la cause, mais
pour que ma véracité ne puisse étre 'soupconnée , a
ce que ce fait, comme tous les autres, soit compléte-
ment éelairci. Je ne doute pas qu'il ne soit reconnu
qu'il a été fait. une confusion, soit de tems, soit de
personnes. Jé n'ai vu le préfet de poli ca que 'le di-
manche a dix heures du soir.


;]JI. Balo/.H m'est impossible derésister plus long-
teme, lorsque l'accusé insiste de cette maniere. La
Cour apprécierá le motif qui m'empécháit de nom-
mer cette personne, et l'o~ rendra anssi justice au
motif qui me 'détermine a dire son nom : c'est
M. Rives.




( 1J3 )
M. Persil. Je prie M.le président de vouloir bien ,


en vertu de son pouvoir discrétionnaíre , faire assi-
gner M. Rives.


M. le président.Yeu ai donné l'ordre.
JIIJ. Persil, Le témoin a vu 'M. de Chantelauze le


lundi : quelle est.la nature de la conversation qu'il
eu~ avec lui P- R. J'avais en l'hormeur de dire que
la conversationavait été générale. , .


M. Persil. Jene crois pas qu'il suffl.sede aire qne
la conversation a élé générale. M. Billot était procu-
reur da 'Roí, íl avait vu les, ordonnances dans le
MOlliteur; il a du néeessairement consulter le chef


, J
de la justiee sur ee qu'il avait a faire dans eette cir-
constance et recevoir de lui des instructions. Le té-


, .


moin doit dire toute la .vérité. Te n'ai ici qu'un hut ,
e'est d'arriver ala déeouverte de la vérité, dans l'in-
térét des aeensés comme de l'accusation, ' ~


M. Billot. Je n'ai pas besoin que personne me
rappelle l'importanee duserment , je n'ai pas oublié
eelui que j'ai prété tout a l'heure ; mais je.ne puís
que répéterque , dans la conversation gue j'ai eue le
lundi avee M. de Chantelauze, je n'ai rec;u aueune
instruction particuliere relativo al'exéeution des or-
donnanees et aux événemens poli tiques. '


lU. Persil. Je demanderai ah témoin si, dans la
eonversátion qu'il eút le mardi avec M. de Chante-
lauze, celui-ci a donné l'ordre de décerner, soit des
mandats d'arrét, soit des mandats de dépót,


M. Billot. L'ohservation que fait M. le commis-
saire m'étonne. Procureur- général, il doít savoir


n. 8




( 1I4 )
qu'on ne décerne des mandats de dépót qu'apres les
interrogatoires. ~es mandats d'arrét dont j'ai parlé
n'ayant pu étre exécutés , il n'a pas été fait d'inter-
rogatoire.


M. Persil. Le procureur - général sait tres - bien
comment on décerne des mandats.. Il ,~'ignore pas
non' plus que, lorsqu'il s'agit de décerner des man-
dats centre desperwnnes dont le nom se trouve au
has d'un article , il. faut auparavant s'assurer si c'est
véritablement leur signature. Le procureur-général
ne manquel:a pas a son devoir, et il ne souffrirait
pas que le procureur manquát au sien. Jc reviens a
la quesrión que je dois adresser au témoin.


Commenta-t-il pu se décider arequérir qu'on dé-
cernát quarante-cinq mandats contre des personnes
qu'il ne connaissait pas, qu'il n'avait pas vues , et de
la signature.desquelles il n'était pas sür ? Quel est le
motif qui l'a déterminé a agir ainsi contre tous les
usagesz


. .


. R: J'avoueque fai de la peine a comprendre la
question qui m'est adressée, Il était incontestable
que les quarante - cinq personnes avaient véritable-
ment signé l'article. Dans les circonstances extraer-
dinaires oú 1l0US nous 'trouvions au moment oú l'in-
surrection était flagrante" un article qui le provo-
c¡pait, puhlié dans un joumal , était signé de qua-
rante-cinq individus ," tous journalistes. J'eus la
conviction.que les signatures avaient été véritable-
ment donaées, eette conviction, je la puísais et dans.
les circonstunces du moment et dans les antécédens.




( 115 )


J'aurais cru manquer amon devoir si javais tenu une
autre conduite, et ma conscience me le reprocherait
dans ce momento


M. Lecrosnier, chef de division ala préfecture de
police. Le mardi 27, vers neuf heures du matin , en
l'absence du chef de la premiere dívisron , 'dans les
attributions duquel rentraient plus spécialement
les affaires politiques, M. le préfet de pollee. me fit
appeler..11 m'apprit que, contrairement aux.ordon-
nances, plusieurs journaux avaient paru sans aulori-
sation préalable, et m'annonca son intention formelle
de saisir Ieurs presses. Plusieurs employés de l'admi..
nistration étaient rassemblés dans son cabinet, On y
était divisé d'opinion sur la question de savoir si
ron saisirait la totalité des presses, ou seulement la
presse qui avait servi a l'impression du dernier nu-
méro. Consulté amon tour, et voyantque la saisie
était une chose résolue, je parvins ~ fáireprévaloir
le dernier avis. Des mandats furent. décernés dans ce
sens , et renÍis a différens cornmissaires de pollee. Je
dois dire qu'ilsn'acceptérent cette mlssion pénible
qu'avec une répugnance visible.. M. le préfet me
remit aussi 'quarante-cinq mandats lances contre les
journalistes et hommes de lettres signataires de la
protestation. J~ fis observer a M. le procureur du
Roi, qui se trouvait alors dans le' cabinet de M.1e
préfet, que ces mandats étaient inexécutables.jllme
laissa la faculté de temporiser. Ces mandats ne fu"
rent pas méme enregistrés. Apres la consommation
des événemens, M. le procureur du Roi me les fit




( I16 )
redemander : ils lui furent envoyés. Je dois remar-:
quer ici qu'assez souvent des mandats de justice
sont remis .de la main a.la main a la préfecture de
police, et qu'ils sont rendus de la méme maniere,
lorsqu'il n'y a pas en de commencement d'exécution.
" M: le comte Chabroi- Foloic, ex-préfet de la


Seine.
M le président, au témoin. Avez-vous été informé


des ordonnances du 25juillet? - R. J'en ai été in-
formé a cinq heures et demie du matin par l'arrivée
du Bulletin des Lois , ce qui me snrprit beaucoup,
cal' je ne m'attendais nullement aces ordonnances.
La veille , a neuf heures du 59}r, j'avais recu ma
lettre close comme membre de 'lá Chambre des Dé-
putés qui devait étre convoquée pour le 3 aoüt.


D. Vites-vous, acette occasion, le ministre de l'in-
térieur? -' Ro Lorsque le Moníte{lr m'eút confirmé
cette nouvelle, j'aUai chez Ie ministre de l'intérieur:
je le trouvai dans son cahinet, Je lui dis que les cír-
constances dans lesquelles nous allions entrer He
convenaient pas a mon caractere ; que depuis dix-
huit ans, qu~ j'adrninistrais le département de, la
Seine , j'avais toujours cherché a donner a mon ad-
ministration un' caractere légal et méme paternel;
~e je ne pouvais m'écarter de ces habitudes. M. le
ministre me répondit que si le Gouvernement était
sorti motaentanément , en vertu de l'art. 14 de la
Charte, de ;on~aractere légal, c'était pour Y rentrer-
trés-prochainement. n ajouta qu'il ne pensait pas que
je dusse m'écarter de la marche que j'avais suiviepour




( 117 )


mon administration; qu'il ne l'avait pas entendu cri-
tiquer et qu'il m'engageait ala eontinuer.


Je retournai a l'Hotel-~e-Ville, oú se tronvaient
rassemblés seize membres du conseil-général , ponr
traiter des affaires de la ville. n ~'y 'fut fait auc1;lne
observation .sur les ordonnances, En rentránt dans
mon .intérieur , á cinq heures du soir , je pensai
bien que les ordonnances exciteraient des mo~ve­
mens. dans París, el quoique je n'eussé pasd'agens
a moi t¡ui ·pusserl): m'info~er. d~ l:état de la ville,
car tout 'ce qui regarde la su reté rentre exclusive-
ment dan s les attributions du préfet ~e poliee, je
chargeai quelques hommes intelligens de s'enquéi-ir
de ce qui se passait et d{;"venirm'en reudre compte.
On merapporta que, le lundi soir, il Y avait eu un
rassemblement au Palais-Royal, mais qu'il s'était.dis-
sipé et qu'il n'y avait pas eu d'engagemens. J'appris
le mardi mátln qu'il y avait beaucoup de fermenta.
tion , et que tout faisait présumer qu'il y auraitdes
désordres dans la journée, Je fus informé vers quatre
heures que la foule se portait du coté de la porte
Saint-lVIartin et de la porte Saint-Denis , du cóté du
Palais-Royal et de la rue Saint-Honoré. On me dit
qu'en face du Théátre-Franeais les soldats d'un régi-
ment avaient paru ne pas ohéir aux ordres qui leur
étaient donnés, La chose était grave : je móntai eh
voitnre et j'allai tronver le ministre de l'intérieu:' Il
me parut calme, d'un grand sang-froid, n'ayant rien
a redouter pourIui-méme, mais fort peiné' des' dé-
s~rdre5 que jo h¡i annoneais. Je vis qu'il n'était p~




( 118 )
bien informé de ee qui se passait. Dans l'~tat des
choses , je eroyais nécessaire d'établir une surveil-
lance sur les ponts et de tácher d'empécher les ras-
semblemens , soit, en gardant les postes le long du
canal Sainj-Martin, soit en séparañt en quelque sorte
les quartiers pour ernpécher par cette séparation les
désastres de devenir plus consídérables. :te ministre
de l'intérieur partagea cet avis, Je le quittarpour
retourner chez moi,


Le soir , il n'y eut pas de tres-grands désordres au-
tour de l'Hótel-de-Ville. Cependant 'on avait vu pas..
ser, ala chute du jour, quelques hommes assez mal
armés, qui serendaient dans lefauhourgSaint-ántoine.


........ ..


On apporta un homme blessé -tres - grievement. le
crois que l'intention de ceux qui le portaient était
d'exciter lepeuple: mais cette tentative ne réussit
pas, et cet homIIleblessé fut laissé sur la 'place et
transporté a l'Hótel-Dieu par les soins du commis-
saire de poliee, Le calme se rétabliÍ autour de l'Hó-
tel-de-Villé, et je me retirai chez 'moi aonze heures
dusoir,


Le mereredi matin, on vint me dire que l'agita-
tion était loin d'étre ealmée; qu'on voyait descendre
des gro.upes de six asept hommes du faubourg Saint-
Antoine. Je r~onrnai chez le ministrede I'ntérieur.
~6 me parut pas avoir une eonnaissance exaete de
cequi se passait; il se plaignit de .n'avoir pas rec;u
le rapport de la poliee, .et de n'avoir pas vu le préfet
de poliee. l1 fit demander si le rapport était arriv~,
et je crois qu'on luí répondit qu'il n? l'était paso




( 119 )
Je me rappelle qu'á eette oecasion je dis au mi-


nistre qu'il serait hon de déployer autonr de I'Hótel-
de-Ville un grand appareil de forces , cal' il était
probable qu'on y établirait une municipalité provi-
soire, Déjá la veille j'avais en cetteprévision. J'avais
demandé que le poste de l'HOtel-de-Ville fútrenforcé.
Il était de douze hommes, on n'y renvoya que qt~atre
hornmes. Je fis observer qu'avecu!lP toree si fa)hle
il serait fa:cheux.d'engager un~ ¡ictio~ ,e1qu'ilfaUait
a tout prix empécher l'eífusion du s~mg!


Retourné chez moi , je vis déboucher par toutes
Ies rues quí aboutissent ala place de l'Hótel-de-Ville,
des rassemblemens extrémement nombreux, a la
tete desquels se trouvaient des homrnes qui paráis-
saient fort animés. Tont annoncait des hommes dis-
posés a mantel' a l'assaut, et n'étant pas en état
d'entendre la voix de leur magistrat. Le poste de
l'Hótel-de-Ville s'était retiré, d'apres le conseil que
je lui en avais donné. Com~e lésEo~tes del'Hótel-de-
Ville .étaient fermées, le.peuphts'ar~eta assez lo~g­
terns snr laplace avant qu'elles pussent étre enfon-
cées. Je vis a~river plusíeurs gardes nationaux.vlls
n'étaient pas méme tous habillés : il y en avait q.ui
s'habillaient sur la place méme , mais ils n'étaient pas
en assez grandnombre pour garder le poste el, pro-
téger le magistrat de la ville,


Voyant qu'il n'y avait ipas moyen de tenir dans
l'hótel.je me retirai dans le logement du.sous-biblio-
thécaire , ponr me mettre a l'abri du torrent qui
grossissait d'instant en instaut. Les portes de l'Hótel-




( 120 )


de-VilIe ayant été enfoncées, le peuple se porta au
beffroi, sonna le tocsin, et arbora un drapean aux
couleurs nationales , auquel était attaché un crépe.
En cet instant, o~Aentenditune vive fusillade.: c'était
un détaehement qui débouchait par iequai LepeHe-
tier. Ce détachement n'étant pas en force, fut obligé
de' se réplier; un. second détachement ne pnt pas
non plus t~'r.~aisv.ers midi , il arriva des troupes
en assez grand nombre , suivies de.canons. 11 y eut
un engagemen~ extrémement vif. Lepeuple s'était
emparé des fenetres des m~isons, d'oú il tirait sur
les troupes qui resterent maitresses de la place. 11
n'y eut plt?'s alors qu'une guerre de tirailleurs.


Lorsque le jour vint, j:appris que les troupes
avaient évacué la place '.; apres minuit , et que l'Hó-
tel-de-Ville était abandonné paÍ' tout le monde. J'a-
vais fait effacer tout ce qui indiquait des caisses oú
étaíent renfermés les fonds de la ville. On me rassura


. .


a cet égard ':'on'vl~}itqu.'on se disposait a établir
une municipalité, le me tcouvais dans une disposi-
tion fort embarrassante; mesdevoirs ne me permet-
taient pas de me méler , en aucune facon , a ce qui
tenait a un gouvernement nouveau. Je me retirai
dans le local des magasins de réserve, et la j'écrivis
mon. second rappórt, Vers onze heures et demie
nous apprimes que lepeuple s'était emparé des Tui-
leries, e~ que les troupes étaient en pleine re traite
sur Saint-Cloud.


M. le president, au témoin Vous eútes occasion
de voir le préfet de poliee? - R. Le mardi. le me




( 1 ~ 1 )
transportai chez le préfet de police : je ne lui trou-
vai pas le calme que peut-étre il aurait dú avoir
dans ces circonstances , non pas que je le trouvasse
exaspéré.


D. Quelle heure était-il ? - R. il pouvait étre dix
heures du matin,


D. Le prélet de police vous fit-i] connaltre aquelle
époque et de quelle maniere i1 avait étéinstruit des
ordonnances ? - R. Il De m'en a pas précisément
parlé; mais il ne m'a pas paru aussi étonné que je
I'avais été moi-méme.


D. Vous a-t-il dit qu'il avait vu le ministre de I'in-
térieur la veille au soir , ou qu'il eút eu le projet, de
le voir dans la journée du lundi? - R. n se-disait
fort malheureux; il disait que c'était la journée la
plus pénible de sa vie. n me parla des ordonnances
et de ce que son devoir lui imposait.


Un pairo Je demanderai au témoin si. M. de Pey-
ronnet lui a dit d'une maniere positive que les 01'-
donnances n'étaient qu'une mesure momentanée.-
R. II me fa dit d'une maniere positive. Il a méme
ajouté que I'intention ferme du Roi étaít de rentrer
dans la ligne légale.


M. Persil, M. de Chabrol a dit dans l'instruction
écrite , que M. 'le comte de Peyronnet Iui exprima
son étonnementde n'avoir pas encore Vil le préfet
de poli ce et de n'avoir pas re<;u de rapport de Íui. Je
demande aM. le comte de Peyronnet s'il se souvient
d'avoir manifesté ce chagrin?


M. de Cliabr6l. n est certain que M. de Peyronnet




( 1:1'1 )


me dit : « Je n'ai point encore recu de rapport )), et
qu'il demanda s'il était arrivé.


M. le comte de Perronnet. Ce que le témoin a
rapporté est tout-á-fait conforme ala vérité. Il a pris
la peine de venir chez rnoi i le mardi ; il m'aannoncé
des faitsqui m'étaient entierement inconnus.ll a. dü
entendre demoi l'expression du regret et de la sur-
prise que j'éprouvais de n'avoir recu aucune sorte
de communication.T.e Iendemain , m~rcredi, M. de
Chabrol prit encore la peine de venir chez moi, et
il m'a trouvé dans le mérne dénurnent de rapports et
de communications.


M.Fersil, au témoin. Savez -vous si c'est snr- le
ton de la plainte ou du regret que M.de Peyrormet
annoncait n'ávoir point recu de rapports? - R. Je
ne puis rien dire a cet égal'd.


111. le comte de Peyiannet. :MM. les commissaires
de la Chambre peuvent apprendre de moi que ce
n' est certainement pas sur le ton de la plainte que
j'ai dú annoncer- ce fait a M. le comte de Chabrol.
Qu'ils veuillent bien íaire attention ama position of-
ficielle vis-a-vis du préfet de la Seine? J'ai dú mani-
fester de la surprise; mais des plaintes , si j'avais eu
a en forrner , il fallait les porter plus haut,


M. Baudesson de Richeooerg, commissaire de La
Boarse de París.


'Le bruit d'un coup- d'état s~étant répandu a la
Bourse, Iongtems avant l'apparition des ordonnances,
j'ai cru de mon devoir d' en prévenir M. le prince de
Polignac, qui me répondit : » Ces alarmes ne sont




( J:13 )


)) pas fondées; le ministere n'a point I'intention de
» faire un coup-d'état. Vous 'pouvez en donner l'as-
) surance a la Bourse et déclarer, si vous le jugez
» eonvenable, que c'est moi qui vous y autorise,


M. le président; au -témoin. A quelle époque?-
R. Vers la fin de íévrier. J'étais bien persuade que
ces hruits n'étaient répandus que par la malveillance
et l'agiotage. '


D. Mais dans le ~ois qui a précédé la publication
des' ordonnances , ces br~lits s'ac créditérent-ils? -
Ro On en parlait beaucoup, rnais on les regardait
eomme une manceuvre , et l'envoi des lettres closes
aux députés avait dissipé ces bruits.


D. Quels ont été vos rapports avec le ministere '!
- R. Au mois de mars j'eus .occasion d'entretenir
M. le prince de Polignac des inquiétudes qu'on ma-
nifestait a l'égard du rétahlissement de la censure.


M. le prince de Polignac me dit : « Il n'y a ríen de
»vrai dans les hruits qu'on répand.' ta liberté de
» la presse est 'une condition essentielle du gOllver-
II nement représentatif, et tant que j'aurai I'honneur
" d'étre ministre du Roi, il n'y sera porté aucune
)) atteiute. Assurément les ministres n'ont pas eu
» beaucoup as'en Iouer , mais ils comprennent leur
» devoir et sauront le remplir. Je sais qu,e quelques
» personnes ont témoigné des craintes sur l'influeace
» que peut ~xercer sur les opérations de la Bourse
)1 une trop grande liberté de la presse; mais cette
» considération ne peut nous arréter. Les ministres




( 124 )


}) gouverlIent dans I'intérét de la France et non
}) pas dans celui des agioteurs. »


D. Que vous a dit M. le comte de Montbel ? - R.
Un jour que'je lui parlais du monvement des effets
publies, je lui dis qu'on avait des inquietudes pour
la liquidation du mois , et que je eroyaís qu'il fallait
s'entendre avec Y. de Rotschild pour empécher l!n
trop grand déplacement d'effets. M. de Montbel me
répondit: « Je crois que ce ~oyen pourrait étre
utile, mais ce serait substituer l'erreur a la vérité,


• I


etcela ne peut convenir a un gouvernement hon-
néte, » J' eus occasion de reporter ce propos a lU. le
prinee de Polignae qui me dit : ( Je partage entiere-
ment l'opinion, de M. de Montbel. C'est un homme
de prohité et de eonscience, et c'est paree que nous
le eonnaissons sous ees rapports que nous tenons a
le conserver avec nous, )}


D. Avez-vous remarqué quelque jeu de bourse
peu .de jours avant la publieation des ordonnances ?
-.- R. On n'a parlé ala Bourse que des opérations
de 1\1. Oúvrard qui depuis longtems étaient a la
baisse,


D. Supposait-on que M. Ouvrard était 'plus partí-
euliérement instruit des ordonnances? -- R. Quel-
q1,les personnes prétcndaient que M. le prince de
Polignac avait des relations avec M. Ouvrard. M. de
Montbel, aqui j'en parlai Jrne dit qu'il avait la cer-
ti tude que M. le prince de Polignac n'avait pas vu
M. Ouvrard depuis de~x mois, .


.M. Madiel'-l/1onjau. le prio le témoin de préciser




( ~25 )
le jour oú M. le prince de Polignac á manifesté l'in-
tention de conserver la liberté de la presse? _ R.
Au commencement de marso Je me suis acquitté
fidelement de la mission dont j'avais été chargé et
les journaux du tems en ont rendu un compte exacto


]Jf. Musset, chef de bureau au ministere de la
guerre. Le mercredi 2.g juitlet ,vers midi , M. le vi-


. .


comte de Champagny m'envoya chercher avec le
sous-chef, "et nous demanda si nous connaissions les
formalités nécessaires pour former un conseil de
guerre dans une ville en état de síege. Nous ne les
connaissions pas; on fit prendre ces renseignemens.
Pendant Ce tems , il arriva plusieurs personnes des
Tuileries qui parlerent aM. de Champagny, et il' fut
appelé avant que les renseignemens fussent parve-
nus. Je ne sais pas ce qu'on en a fait; je n'ai pas
revu depuis l\I. de Champagny. Pendant qu'on était
a la recherche de ces renseignemens, on prit des
ahnanachs militaires .pour savoir quels oíficiers fe-
raient partie de ce conseil de guerreo On nornma
plusieurs officiers; on chercha les officiers d' état-
major, les officiers sans tronpes, cependant il n'y
eut pas de liste arrétée•
. M. le président. Fütes-vous prévenu aI'avance des


ordonnances signées le 25 juillet et publiées le ~6
dans leMo'!iteur. A quelle époque en oútes-vous
connaissance P


M.de Champagny. J'ai eu connaissance des ordon-
nances du 25 juillet par le Moniteur du 26; jc ne
prévoyais pas un événement aussi grave; rien n'avait




( u6 )
pu me le faire prévoir. Aucun ordre n'avait été donné
au ministere de la guerreo Aucnn mouvement extra-
ordinaire de troupes n'avait eu lieu. Je dirai méme
qü'au moment oú les ordonnances parurent , il Y
avait autour de París moins de troupes de la garde
que de coutume. Deux régimens , dont l'un de cava-
lerie et l'autre d'infanterie avaient été envoyés en
Normandie , pour faciliter la recherche des incen-
diaires.


Dans l'acte d'accusation de la Chambre des Dépu-
tés, on a laissé peser de forts soupr;ons sur le gon-
vernement relativement aux incendies. Il est de mon
devoir de rendre ici hommage a la vérité. J'ai été té-
moin continuellement de 'la sollicitudede M. de Po-


o


lignac pour chercher aporter remede aces ravages
épouvantahles. Je l'ai vu écrire plusieurs letrres pour
faire exéeuter les ordres qu'il eroyait propres a at-
teindre ce hut.


Je ne pense pas que si l'on eút été décidé des long-
tems afaire les ordonnances , on eút éloigné des ré-
gimens quelques mois auparavant, ou si on n'aurait
pas pris la mesure de les faire rentrer aPáJ'Ís pour
l'apparition des ordonnances.


M. le président. Quels furent les motifs de la-no-
mination du duc de Ragusc au commandement de la
l r o -division militaire PEJ;l avait-il été question avant
les ordonnances?


M. de Champagnv, M. le prince de Polignac en
avait parlé quelques jours auparavant, Les raisons
de cette nomination sont , je pense , que M. de Cou-




( J 27 )
tard étant tres-malade et obligé de sabsenter pen-
dant trois mois , l'approche de l'ollvert~lre de la ses-
sion , au milieu de l'agitation des esprits et de la
crise politique dans laquelle on se trouvait , eette
nomination était une mesure de prudence, dont on
avait eu un exemple quelques années auparavall't.


M. le président. Que fites-vous dans la joumée
du '.l7? ne recútes-vous aucun ordre relatif aux ésé-
nemens.


M: de Champagny. Je suis 'allé le mardi de tres-
bonne heure au rninistere de la guerreo Je ne me
rappel1e pas avoir re~u aucun ordre relatif aux évé-
nemens.


M. le président. N'allátes-vous pas le 28 a Saint-
Cloud ? Par quels motifs y fútes-vous amené?


M. de Champagny. Je partis pou!: Saint-Cloud a
sept heures du matin , le mardi; e'était l'heure a la-
quelle, une fois par semaine, j'avais l'honneur de tra-
vailler avee M. le dauphin.


M. le président, M. de Polignae ne vous fit-il pas
part de la mise en état de siége de Paris, et ne vous
consulta-t-il pas sur ce qu'il fallait faire dans eette
oecasion? .


ltl. de Champagny, Lorsque j'eus fini mon travail
avee M. le dauphin, je me mettais en route pour
Paris, lorsqu'on me dit que M. le prince -de Po-
lignac.demandait a me voir, Je I'attendis. Au sortir
de ehez le Roi, M. de Polignae me dit qu'une ordon-
nance mettant la ville en état de siége venait d'étre
signée. J'ignorais auparavant le ~ut du voyage de




( .I~8 )
M. de Polignac aSaint-Cloud. C'est senlement dans ce
moment que j'appris qu'il était question de mettre
París en état de siége. M. de Polignac me demanda
quelques renseignemens sur les eonseils de guerreo
Je répondis que j'étais peu au fait de eette législa-
tion , et que, pour lui donner des renseignemens
plus certains, je les Iui enverrais des mon arrivée a
Paris.


A peine de retour au ministere , je fis mander le
chef et le sous-chef du bureau de la justice mili-
taire. Des notes furent rédígées dans mon cabinet,
Je portaí ces notes aux Tuileries; je les remis aM. de
Polignae, qui , ace que je erois , attaehait peu d'im-
portanee a eette note, et qui la prit de mes mains
sans la lire, et me chargea de la remettre au dnc de
Raguse. J'ajouterai que, dans ce moment , cette de-
mande de renseignemens était telle que ceux que
réclame l'autorité supérieure avant de prendre une
décision , plutót que des renseignemens pour mettre
a exéeution une décision déja prise,


M. le président. Avez-vous joint aeette note la liste
des personnes qui devaient eomposer les conseils de
guerre? .


M. de Champagny. Oui; iI yavait quelques noms
d'officiers. Je vais dire pourquoí ces noms d'oíficiers
y furent. placés. Ce n'était pas un cadre de conseil
de gnerre; c'étaient de simples renseignemens. Je
pensai qu'il était trop tard pC'ur apporter rna note
au maréchal , sans l'aecompagner en méme tems de
quelques indications. Il eüt été en effet tres-embar-




J2.9


rass? pour former un conseil de gnerre. 11 n'en eút
pas été de mémc si M. le général Coutard , qui con-
naissait tres-bien les officiers qui se trouvaient a
Paris. surtout 'les officiers sans troupes, eút été a
Paris, Alors le ministere de la gnerre n'aurait pas en
besoin de fournir ces sortes d'indications. Je dirai
plus; je ne pouvais pas recevoir d'ordred'organiser
des conseils de gnerre; la législation actuelle déféré
leur formation au commandantde la place. Cette
note n'a en d'aille~rs aucun résnltat.


j'l'I, le président, Qu::wd a été donné l'ordre de di~­
sondre les camps de LunévilIe et de Saint-Omer ?


fr'L de Champagny: C'est dans la nuit dn mercredi
au jeudi que je rédigeai les ordres de ces mouve-
mens. Je ne ponvais signer la mise en mouvement de



troupes.


111. le président. N'avez-vous pris aucune part aux
événemens des 27, ~8 et 29 juillet?


1If. de Champagny: Non, je suisresté le jour et la
nuit au ministere de la gLlerr~ jusqu'au jeudi rnatin,
Ce jour-Ia je fis demander au prince de Polignac des
ordres pour moi personnellement. M. de Polignae
me fit díre de venir le joindre. Je me rendis en effet
aupres de lui. Les ministres partirent alors pour se
rendre aSaint.Clond. Je restai aux Tuileries jusqu'á
ce que ~ous fumes obligés de les quitte.Je me ren-
dis alors a pied aSaint-Cloud. "


M. le Président. Savez-vous quel était le projet de
:M. de Polignac en allant a Saint-Cloud P


111. de Champagny. Je l'ai toujours ignoré.
rr. ~)




( 130 )


M.dePolignac.Je prie la Cour rlc íaire remarque/'
que la forrnation du conseil de guerre n'était pas
formellement arrétée quand , demandant eette note
aM. de, Champagny, je n'avais que 1e desir unique
de m'éclairer sur cette législation que jc ne connais-
sais pas, et que d'ailleurs je fis remettre eette note
ni{ maréchal san; en prendre eonnaissance.


M. Persil. Je prie de demander au témoin si c'est
ele son propre mouvement ou m.andé une scconde
fois par M. de Polignac , qu'il apporta cette note aux
Tuileries ?


M. le Président. M. de Champagny, vous avez en-
tendu la question , veuillez y repondré.


M. de Champagny. J'avoue que je ne me rappelle
pas cette <;íreonstance.


M.' Persil. 11 resulte du premier interrogatoire du
témoin que M. de Polignae envoya ehereher eette
note.


M. de Champagny: 11 me semble me rappclcr
qu'en cffet la demande de la note me fut ac1ressée
de noúveau.
'l~f. Persil. Qui vous a fait [aire cette demande?
M. de Champagny. Tout natureIlemcnt, Monsicur,
M. de Polignac. Je ne me ~ppeIle aueunement


avoir fait demander ectte note. Ce renseignernent
m'était si .u nécessaire que je n'ai pas Iu la note
que je fis remettre au maréchal.


M. Bives est entendu.
2lJ. le Président. Avez-votls en occasion , Monsieur,


de voir 1\1. Mangi», le lundi 26 jnillet? Rendez eompte




( 131 )


ala Cour de ce qui, dans vos conversations , a pu
avoir trait au proces actnel. - R. Le lundi matin ,je
lus le Moniteur , et j'y vis les ordonnances, Ayant
besoin de voir M. lVlangin dans la matinée, je me
rendis chez lui. Je le trouvai dans un état d'exalta-
tion assez extraordinaire. Je lui en demandai la
cause. Il me répondit: Vous n'avez donc pas lu le
Moniteur? A cela, je répliquai que je venais de le
lire. Je n'ai pas été plus que vous averti de cette
mesure, me dit-il. Et ma conversation n'alla pas plus
loin.


D. lVI. Mangin ne vous dit-il pas qu'il avait vu le
ministre de l'intérieur? - H. Il me dit qu'ill'~vait
vu le lundi matin pour se plaindre de ce qu'on ne
l'avait pas prévenu de l' existence des ordonnances,


D. Ainsi , lorsque vous avez vn M. Mangin, il avait
en un entretien ayer le ministre de l'intérieur rela-
tivcmcnt anx ordonnances. Ne -vous a-t-il pas*Hit
qu'il Iui eút été donné, par M. le ministre d~ I'inté-
rieur , des ordres spéciaux pour la circonstance? -
R. Je ne suis pas entré dans plus de détails, J'ai dit
ce que je savais.


D. A quelle heure eres-vous allé chez M. Mangin?
- R. J'y suis allé dans la matinée ,entre neuf et
dix heures.


M. Persil. Je demande au comte, de Peyronnet
d'expliquer cette circonstance ; je demande que l'on
concilie ce qu'a dit M. de Pcyronnet , qu'il avait, le
dirnanche SOi1o, fait connaitre I'existence des ordon-
nances aM. Mangin.Le témoin vient de Jire que




( 132 )


celui-ci les lui avait apprises, Cependant , au dirc de
M. de Peyronnet, il n'aurait instruit le préfet de po-
lice que la veille, entre dix et onze heures du soir.


M. de Peyonnet. J'espére que je ne puisavoir ponr
ma défense aucune sorte d'intérét a dire que j'aí Vll
M. 'Mangin le dimanche soir a dix heures. Si j'ai as-
signé une époque a cette entrevue , c'est uniquement
paree que c'est la vérité, Aucun autre motif qu~ ce-
Iui-Ián'a pu me faire préférer une date a l'autre.
Le lundí , aucune sorte d'événemens n'ayant éclaté
dans la capitale, iI me serait completement indiffé-
rent, ponr les événemens ultérieurs , de dir.; que j'ai
vu M. Mangin le lundi plutót que le dirnanche a 10
heures du soir. La Cour aura remarqué que le témoin
ne rapporte aucun fait dont iI ait une connaissance
personnelle. Il ne parle que de ce que lui a cornrnu-
niqué M. Mangin, des' regrets qu'il lui a témoignés,
et"!lj.e de semhlahles, explications peuvent étre dé-
terminées pat' des motifs que l'on pourrait supposer
n'étre pas tout-á-fait conformes a la vérité, je dis de
la part de celui qui a fait des cornmunications, cal' le
~moin est incapable de rien Jire qui ne soit con-
forme a la vérité.


1\1;1i8 ce qui est certain , et ce sur quoi je pourrais
étre démenti par vingt personnes , si ce que je dis
n'est pas véritable , c'est que 1\'1. Mangin est venu
chez moi le dimanehe a dix henres du soir : je pour-
rais mérne dire de quelle rnaison il venait et de com-
bien de personne,s se composait ma société ,et qui
attestcraicnt la présence de ~l. Mangin; il y est venu,




( 133 )
mandé par moi , par un mot que je lui envoyai vers
qnatre acinq heures du soir, amon retonr de Saint-
Cloud. Je l'ai entretenn d'une maniere générale de
la mesure que le Roi venait d'ordonner , des craintes
qu'elle m'inspirait, de la nécessité que je reconnais-
sais, et qu'il était de mon devoir de lui communi-
quer, et de la possibilité que cette résolution n'ame-
nát des mesures ultérieures de sa part, je, k ren-
voyai , pour plus de détails a la lecture du Mpniteur
du lendemain. Vingt' ou trente personnes étaienf
dans mon salan. C'est un fait sur lequel il ne peut y
avoir de doute , et presqlle publico Ce qui est certain
encare, c'est que je u'ai aucun intérét a ce que la
visite ait eu lieu le dimanche plutót qne le luncli.
S'il était dans les longues habitudes de rna doulou-
reuse vie d'altérer jamais la vérité , ce ne serait pas
surtout aman profit et dans un intérét personnel
que j e le ferais.


11;[. Biliot. Sous la foi du serment que j'ai prété, je
demande a donner quelques renseignemens sur le
point actuellement en litige. On sait combien sont
íréquentes les relations du préfet de police avec le
procureur du Roi. J'aí done vu souvent M. Mangin
dans les journées du Iundi et du mardi. Je dirai non
pas qu'il se plaignait, mais qu'il manifestait des re-
grets d'avoir été informé trop tard, snivant lui , des
ordonnances du 25 juillet. Je me rappclle que dans
une ou deux des occasions OIl il a employé ce lan-
gage, il ernploya littéralement les expressions sui-
vantes : « Ils m'en out bien dit quelque chose (ti.




( I3!~ )
manche soir , mais e' était déja trop tard. » J'en con-
clus que le dimanche, sans entrer dans tous les dé-
tails que le Moniteur lui a appris le leudemain , il
eút du moins des ordonnances une connaissance gé-
néra]e.


M. Hennequin. Je supplie la Cour de se rappeler
que M. le comtc de Peyronnet a dit qu'iI avait de-
mandév.sollicité de laseule personne dont il pouvait
I'obtenir , la permission de faire une ouverture aM.
Mangin sur les ordonnances ; et que, cette permis-
sion obtenue , il avait en a TO heures du SOiI' j avec
M.Mangin, une conversation naturcilemcnt tr-es-
confidential1e sur la nature des ordonnances. Plus
tard, et les nobles Pairs peuventen aperccvoir déja
l'objet , nous auronsa réfléchir sur la position ou se
trouvait M. Mangin , sur la possibilité par lui de Tic
pas se croire libre de parler de cctte prerniere ou-
vcrture et d'indiquer dans la conversation une autre
source a la connaissance qu'il avait acquise clans ce
premier entretien.


2'J;1. Madier-JJ1onjau. Je prierai M. le président d'in-
vitcr M. Rives as'expliquer sur ce qu'il entend par
le mot d'exaltation avee laquelle il a c1épeint la si-
tuation de M. Mangin, lorsqu'il le vit le lundi matin
aprés la publi~ation des ordonnances.


M. Rives. J'ai vouludire agitation.,
M.Biflot. Dansles conversations que j'ai eues avec


M. Mangin , u me térnoignait son mécontr-ntement
du retard qu'on avait mis ii l'informer des ordou-
narices. 11 me man:ifesta l'intention de quittcr se'




( 13~ )
fonctions aussitot qu'il connaitrai t I'ordonnuncc de
la mise eu état de siége. Nous parlámes aussi de la
qualité de commandant-général de Paris , conféréo
au duc de Raguse. Je puis méme me rappeler Iitté-
ralement ses expressions a cet égarJ. IL me dit le
mardi d'assez bonne heure: « Maintenant la gcnda¡'-
merie de París n'est plus sous mes ordres ; je n'ai
plus de responsaLilité dans les mesures qui viennent
d'étre prises; la gendarmerie est réunie aux autres
troupes sous les ordres du duc de Raguse; les é';lé-
nemens ultérieurs ne me regardent plus;» ce qui ex-
pliql1crait <¡tiC des-lors il est possible qu'il n'ait plus
eu de rapp0l't avec le ministre de I'intúrieur.


L'audience est levóe a quatre heures et dcmic, el
continuée ademain dix heures,


SÉANCE DU 17 DÉCEMERE 1830.


OH remarque dans l'auditoirc MM. Cormenin,
Dupin ainé , Isambert ,Grouchy, députés; MM. Dalloz,
avocat ala Cour de cassation , et Dequevauvilliers ,
avocat, en uniforme de lieutenant-coloncl de la
garde nationale.


A dix heures un quart les accusés sont introduits..
Avant de se rendre asa place, M. {le Glli'rtlOI1-lt,lI\-





( 136
ville s'entretient pendant quelques instans avec
M. Cauchy.


La Cour entre presque aussitót en séance. MM. de
Barante et~e Broglie sont placés sur l'estrade méme
oú siége M. le président, et de chaque coté de son
fauteuil.


Apres l'appel nominal, et al'ouverture méme de
, .


la .séance , M: Hennequin demande la parole (mou~
vement d'attention).


« Messieurs , dit l'avocat , un employé du minis-
tere de l'intérieur s'est présenté hiel' .chez moi, et
m'a declaré qu'il avait tenu entre ses mains le rap-
port du préfet de Montauhan, et qu'iI y avait Iu les
injonctions fáites par le ministere de l'intérieur pour
arriver a la découverte et ala. punition des auteurs
des troubles qui ont euIieu a l'occasion des élec-
tions, Nous desirerions que cet empIoyé.....


M. le président, Je vais le faire appeler devant la
Cour. ~


Me'. Hen,!equin, J'ai maintenant une autre oh.
servation a présenter. La visite de .M. Mangin
~hez M. de Peyronnet, lp dimanche an soir, est un
fait que nous demandons a constater par les témoi-
gnages de ·MM. Lejar et Saint-Martin, quí se trou-
~ai(mt le mérne jour et a laméme heure dans le sal~n
de M. Peyronnet, et qní ont vu M. Mangin.


M. le président. Ces deux témoins seront enten-
dus , en.vertu -du pouvoir discrétionnaire.


On introduit un témoin. M. J~ Laffitte , président
du conseil des ministres.




( l37 )
M. le président. Vous faisiez partie de la députa-


tat'ionqui a été envoyée par la réunion des députés,
le mercredi al'état-major de la place. La Cour desire
que vous lui rendíez ,compte de ee qui s'est passé.


M. Lajitte. Le mercredi matin , je me suis rendu
aune réuuion de députés qui avait lieu ehez M. Au-
dry de Puyraveau. La, il fut décidé qu'on rlomrne-
rait une eommission de einq membres ,.qui.ir.ait
trouver M. le maréchal duo de Raguse, afin de voir ,
iil n'y aurai1:pas quelque moyen d\lmher I'effusion
du sango Cette eommission était eomposée de MM.
Casimir Périer, génél'al Gérard , eomte de Lobau ,
Mauguin et moi. Comme président de la commission,
je fus ehargé de porter la parole, Arrivés a l'état-
major , nous fumes introduits avee beaueoup d'em-
pressement et traites avec les .plus grands égards;-
Nous entr~mes dansI'appartement de M. le duo- .íe
Raguse; il était seul.


Jepeígnis en termes énergiques I'état affreux de
la capitale , les dangers qui en résultaient pour la
tranquillité "du pays. etméme pour la süretédu
tróne. M. le due de Raguse m'écoutaavec un sentí-
ment bien prononeé de bienveillanee, et aussi avec
un sentiment non moins prononcé de ee qu'il l'egal'-
dait eomme son devoir d'obéir aux ordres qu'il
avait recus. Il s'établit entre lui .et moi l:;lne discus-
sion a ee sujet. M. leduc, de Raguse nous dit, que
les ordres qu'il avait recus étaient positifs , que
l'honneur .l'obligeait a les exécuter. TI crut que le
seul moyen de s'entendre et d'arréter l'effusion du




( 138 )
sang, était d'obtenir d'abord de la population de
Paris obéissance a l'autorité. Je lui dis que lorsque
tous les droits du pays avaient été violés , il ne fal-
lait pas s'attendre a cette obéissance; que nous ne
pouvions exercer quelque influence sur les masses,
qu'en annoncant ,'pour prerniere condition , le chan-
gemerit du ministere 'et le retrait des ordonnancés.


M. le duc de Raguse montra des sentirneus fort
honorables, en nous parlant de la dífficulté de sa
position , de ce qu'il regardait comme une fatalité de
sa vie ; il nous dit qu'il partageait nos sentimens ,
mais qu'iI était enchainé par le devoir. Je luí de-
mandai s'il n'avait pas un moyen certain et prompt
de faire connaitre au .Roi I'état des choses et la dé-
marche que nous avions faite. M. l~ duc de Raguse
{l0us répondit qu'il- s'en chargeait avec empresse-
ment, et qu'il en desirait le succes de tou~ son coeur.
Maís lCne nous dissimula pas qu'il n'espérait rien de
la démarche qu'il al/ait faire ; il ajouta qu'il adresse-
rait la réponse chez moi aussitót qu'ill'aurait re<,;ue,


Je dois dire que les cinq membres de la commis-,
sion ne se seraient pas rappelé également cette cir-
constance. Je dédare que deux de nos collegues et
moi , nous I'avons entendue de cette maniere.


Pendant cette co~versation, un officíer est entré
dans l'appartement ; il remit un billet a M. le duc


. de Ragusé, et -luí parla a. l'oreille, C'est .alors qu'il
nous- dentanda si nous aurions de la répugnance a
voir M. dePolignac, Nousrépondimes que non. :M. le
duc de Raguse,nous quitta pour passel' rlans un ap-




( 139 )
partement voisin ; il revint quelques minutes apres,
et nous dit qu'il avait fait part a M. le prince de
Polignac des moyens que nous avions propósés ,
qu'il lui avait rapporté fidelement notre.conversa-
tion , et que M. de Polignac lui avait dit qu'il était
inutile de le voir. En conséquence , nous nous reti-
rámes. Nous traversámes les appartemens i .oú se
trouvait une foule d'officiers, Je dois diré-que .Iors
de notre entrée, .leurs figures paraissaient pleines
d'espérances, et qu'a notre départ , elles exprimaient
un vif sentirnent d'inquiétude. M. de Larochejac-
qnelein nons dit que M. de .Polignao desirait nous
voir. Je répondis qu'il y avait probablement quel-
que méprise , puisque M. de Polignac venait de dé-
clarer qu'il ne voyait pas de nécessité a nous rece-
voir. L'officicr insista, en disant : je suis StW que
]\f. de Polignac a le plus grand desir ide vousvoir.
Je vais le prévenir. Il revint bientót apres , et nous
dit que M. de Poliguac ,:instruit par M~ I~ duo fi~
Raguse de I'objet de notre mission , ne voyait pas
de nécessité a nous recevoir.


Voila bien exactement les faits. J'omets une in-
finité dedétails qui me paraissept saus importance.


M. de Mal'tígnac : le crois nécessaire de -fixer I'at-
tention de la Cour sur une eirconstance importante.


Ne fut-il pas évident pour M. Laffitte, dana.Ia
conversatíon iqu'il, eút avec M. le duc d~ Raguse,
avant l'entretien de' celui-ci avec M. de Polignac ,
qu'il y avait peu d'espoir de succes dela démarche
qne le maréchal allait faire aupres du Roi ?




( J 40 )
M. Laffitte. Lorsque M. le duc de Raguse nous


dit 'qu'il n'espérait rien de la démarche qu'on le
priait ocle faire a Saiñt-Cloud , il est évident que cela
ne pouvait avoir aucune application aM. de Poli-
goac, d~IÍt íl n'avait pas encore été question. Cette
inquiétude de M. le duc de Raguse sur le non suc-
ces de 'la démarche , s'appliquait a d'autres qu'á
M. de Póligriac. .J'ajoute que lorsque M. le duc de
Raguse est sorti de I'appartement de M. de Polignac ,
je ne me suis pas aperc;u qu'il y eút dans l'expres-
sion de sa figure, ni dans son langage , aucun chan-
gement qui nous perrnit de supposer qu'il aurait
éprouvé quelque obstacle de la part de M. de
Pol~gnac.· . .


, M. Casimir Périer. En sortant de chez M. Audry
dePuyraveau , nous nous rendimes chez M. Laf-
fitté , afin d'aviser au mpyen que nous prendrions
pour nous faire introduire. Nous voulúmes d'abord
~crire; mais cornme le tems pressait, nous déci-
dámes de nous rendre a l'instant méme aux Tui-
leries.


En descendant de voiture sur la place du Carrou-
sel ~ nous apercúraes M. le baron de Glandevés.
Nous lui fimes connaitre l'objet de notre mission :
il nous introduisit aupres du maréchal. M. Laffi tte
portaít la parole., M. -le maréchal nous parla de la
position .f!cheusedan~laquelle il.se trouvait. Il nous
dit que e'était une position d"honneur, mais qu'il
desirait , autant que nous , voir arre ter l'effusion du
sango Nous lui demandámes de donner l'ordrc de




( l!p
{aire cesscr le feu. n nous répondit qu'il fallait au-
paravant que la population rentrát dans l'ordre..


(Le témoin reproduit ensuite des faits qui sont
rapportés dans la déposition de M. Laffitte, )


La Cour sait , monsieur , quels devoirs vous avez
á remplir (M. Casimir Périer est président de la
Olambre des Députés) si vous desirez vous retirer,
personne, je pense , ne s'y opposera., .-


(M. Casimir Périer va prendre place sur les' siéges
réservés aux témoins. )


M. de Guise, chef de bataillon, aide-de-camp de
.M. le duc de Raguse. .


M. le rnaréchal était de service a Saint-Cloud, en
qualité de major-général. le l'y ai vule mardi 27. Il
me dit que le matin , le Roi lui avait donné l'ordre
de se rendrc aParís , d'y prendre le commandement
des t~upes, ajoutant que si la tranquillité était ré-
tablie le soir , il pourraitreprendre son service a
Saint-Cloud, (mouvement.)


M. le président. Savez-vous sí M.le duc de Raguse
avait lieu de croire précédemment qu'il recevrait ce
cornmandement.


¡l!. de Guise. Je suis convaincu du contraire. J'en
ai fourni la preuve a MM. les commissaires , en leur
remettant la Iettre d'avis de la nomination. Cette
lettre d'avis est datée du 2-7 juillet.


D. Savez-vous si M. le rnaréchal a vu M. de Poli-
gnac aussitót son arrivée aParis? "':-R. Oui. Je l'ai
su par un 'de mes camarades qui était de service.


D. Vous devez avoir eu connaissanee des ordres




142 )


donnés aux troupcs par M. le maréchal. - R. Le
mardi '27, j'ai entendu M. le marécha1 répéter aux
chefs des colonnes, de ne pas faire feu avant qu'ils
eussent recu une fusillade ; et par fusillade , il enten-
dait cinquante conps de fusil.


D. ~L le maréchal avait-il recommandé aux offi-
ciers ~'employerla voie de la persuasion pour dis-
siper les attroupemens ? -. R. M. le maréchal avait
recommandé de la réserve , et de ne faire usage de la
force qu'a la derniere extrémité.


D. Savez -. vous si M. le rnaréchal rendit compte
mardi soir an Roi , de la situation de la journée ? -
R; A midi il écrivit au Roi pOUI' annoncer que les
rassernblemens s'étaient dispersés , et que la tran-
quillité était rétablie dans Paris. ( On rito ) J'ai écrit
moi-méme cettelettre sous sa dictée.


D. s.quelle heure, le mercredi , M')e ml-échal
a-t-il été informé dé la mise en état de siége de la
ville de Paris ? - R. Je ne puis pas bien me rappe-
Ier l'heure ; mais c'est dans la matinée. Un jeune
homme vint , de la part du préfet de police, de-


o mander au maréchal s'il était vrai que la ville de
Paris était mise en état de siége. Déjáce bruít avait
circulé. M. le maréchal m'envoya chez M. le prince
de Polignac pour lui faíre cettequestion, et me char-
gea en méme teros de'Iui dire que', ponr mettre une
ville en état de siége, il Y avait des óonditions de lé-
galité aremplir. M. le prince de, Polignac me répon-
dit qu'il venait 4'envoyer chercher le maréchal ponr
lui remettre l'ordonnance de mise en état de siége.




( 143 )
D.· Lorsque le maréchal rendit compte au Roi de


la situation de Paris , lui fit-il connaitre la gmvité des
événemens ? - R. Des huit heures du matin, le mer-
credi , 1\1. le maréchal avait écrit une lettreau Roi ,
j'en ai zemis la copie a MM. les commissaires. n di-


.. . ..". .. , .


sait au ROl que ce n était pas une emeut~, rqatsune
révolution , et qu'il était urgent de prendre. des
moyens de pacification.; que l'honneur de la .cou-
ronne pouvaitencore étre sauvé , mai§ queje len-
demain il ne serait peut-étre plus tems,


D. Expliquez-vous sur la circonstance relative a
une distrihution d'argent anx troupes.- R. Le mer-
credi ,.a onze heures du soir, M. le maréchal lit ap-
peler le chef de l'état-major poul' lui dire qu'il cut a.
rédiger un ordre du joul', pour annoncer aux troupes
que le Roi leur. avait accordé la gratilication d'un
mois de solde.


D. Vous avez connaissance des rapports que M. le
maréchal eút avec les mairesde Paris? _ R. Jendi
de tres-bonne heureM.'le-"'maréchal convoqua a
l' état-major MM. les maires de Paris. Quatre s'ysont
rendus :ils fu~ent chargés'de s'avancer vers le peuple
et d'anÍlOncer que l'ordre avait été donné aux troupes
de ne plus tirer, M. Huttot ~'Orignys'avall<:adans
la rue de Rohan pour f.áíre.cette .déclaration. En un
instant toutes leseroisées ele la rue furent couron-
nées de monde qui criait vive le Roi,! uive la Ch~"'¡e!
M. le maréch~l avait rédigé. ~tié"~p't~cramation.
Comme.on était ·emb~rrassé I)(;nlr"la cómmuniquer
au penple, 011 .mit en liberté .pfusieurs personnes




( 144 )
qui .avaient été arrétées , et on les chargea de portero
cette proclamation.


D. Savez-vous si les ministres réunis a l'état-major
tenaient conseil ; s'ils avaient de fréquentes commu-
nications avec M. le maréchal ; s'il se faisait rendre
compt~ des événemens P- R. Je ne saurais dire si


.les ministres, tenaient conseil ; mais j'ai vu fort sou-
vent M. le rnaréchal avee eux. (SensatÍon.)


JYI. Persil. Le témoin sait-il SI M. le prince dePo-
lignac, en remettant aM. le due de Raguse, l'or-
donnance de mise en état de siége, lui a donné des
ordres?-'-R. Je n'en puis rien' savoir.


D.:Le tép:lOin sait-il si; depuis ce moment , l\'L le
maréchal .devait eommuniquer directement avec le
Roi, sans l'intermédiaire du président du eonseil?---':'"
R. Je l'ignore entierement. ",


D. M. le dile de Ragnse rendait-il compte aM. de
Polignác "et au('-autres ministres de ce qui se passait ?
-R. Je ne pourrais avoira cet égard qu'une opinion
personnelle qui n'est rien, Je n'étais pas dans la piece
oú se tenaient les ministres. Une fois on m'a fait en-
trer dans cette piece. 011 me remit une proclaination
pour la faire irnprimer a l'Jmprimerie royale. Je fis
observer qu'il n'y avait plus moyen de communíquer
avec ce quartier.


M. Persil. Le témoin a dit qu'il ne pouvait avoir
qu'uné opinion personnelle sur le fait que je viens
d'indiquer. Ba~, la position oú se trouvait le té-
moin , cette. opinión est elle - méme un véritable




(145 )
fait. C'est dans ce sens que Je demande .une expli-
catión.


m: Hennequin. Cette questiorr laisserait -intro-
duire dans le débat un systéme erroné.iIl est évi-
dent que les dépositions ne peuvent porte!' que sur
desfaits dont les témJtns ont pu se eonvaincrepar
eux-mérnes. Les opinionsdes témoift,p()uI'f'aientjeté~
les Illwstrats dans des erreurs involontaíres, et viCie\'
le aé!mt dans son principe~ Je sournets cette observa-'
tion aM~ le commissaire , dont je reconnais la h;aute
science.


'M. Persil. Je m'en rapporterai sur ce point a la
sagesse de la COUl'. Je erois la question que j'ai posée
licite et propre aéclaircir un fait.


M. le président. La question a été posee; M. le
commissaire avait le droit de la poser. La Cour ~p­
préciera, dans sa sagesse, la 'différence qui peux: exi-s- ,
ter entré un témoignage q~i repose sur linJait ,"et.
un t~moi§Dage qüi reposé'suru~eopinion. ~


JI.,. de G:uis.e. le dais strpposer-que M:le maréchal ,
se jreuvant avec les ministres, a dú naturellement
Ieur parler de ce qui se passait. LMouvement).


M. Perstl. Le témoin a-t-il eu connaissance de
I'ordrerl'arrestation délivré pUl' le maréchal?-R. Je
n'en ai eu aucune connaissance pendant les jhurné~'
de juillet. ,


D. A·t-il dépuis acquís cette connQis~an:ceJ.~--)i~Je
rai co~neeomme tout le~oride7p~r'~r~''ep'o5itious
des, témoi.ns..· . .'.' '.


JI1: de M('t,rtignrtc. Si M. le rnaréchal s'était trouvé
11.




10




.....


(&46 )
dans une situation ordinaíre , e'est au ministre de la
guerre qu'il aurait'dü-reridre compte et demander des
ordres.' .
~e ~et-3 en faitque c'est au Roi que M. le duc de
Ragll~.e.rtmdait ses cf)mptes. Le témoin nous a dit
q~ijJa~¡lit~.critsous la dic!é~dll maréchal une lettre
~~ Raf,,~qns'¡a~uelle il rendait eompte directement
des événemens, Je luL·deroanderai s'il a écrit quel-
ques Iettres aussi au .ministre de la· gu~rre? .......B.' Au-
cune. Du reste, je ne sais 'pas pourquoi J\.1. le ma-
réclial lui aurait écrit pnisqu'il était a deux pas de
Iui,


l1I. le pitf,sident. M. le prince de Polrguac pour-
rait donner sur' ce point de.pluS! amples expli-
cations.

, lJI. le ¡»:ince de, Poligttuc. Je donnerai a la Cour .


tous les renseignemens.qu'elle peut desirer. Nous
avions avec M. le maréchal des communications que
pour raient avoir des.personnes avides Ue.connaitre
.les événernens, comme celui qui ,est ala tete de.tout.
Mais lesministres ne recueillaient que des informa-
tions sur ce qui se passait. Du reste, il n'y a pas en
de correspondance officielle. S'il yen avait eu ~ il en
resterait . des traces. Je n'aieu aucnn. rappoet de
M. le maréchal a transmettre aH Roi: M. le maré-
chal rn'a dit avoir écrit au R0- direetement, et lui
avoir re¡>.\l!J.' COll(pt~ de. '9~ qui .se passait, 'De roon
coté, j'ai ~rá deux fois auRoi : une fois ·apres la
visite des d~~útés á Tétat-major ; une áutre fois
pour informerle Roi de ce que j'avais appris: c'était




( 147 )
sous la forme de renseignemens. (Rumeurs dans
l'assemblée),


M. le président, Le témoin sait-il par CJ.uel moyen
M. le duc de Raguse s'est procuré l'argent qui a été
distribné aux troupes ?-R. On l'a envoyé chercher
au Trésor. Il y avait une eentaine d'hommes portant
cqaeun un sac de mille francs (vive sensation) et qui
n'ont eu que le teros de laisser la I'argent pour re-
prendre leurs íusils..


D. M. le maréchal s'était-il adressé au Roi une se-
conde {ois pour avoir l'ordre du Trésor ?~R. Je n'en
ai eu ancune connaissance. Les distributions ont été
faites le jeudi matin en tres-faihles part~s.,


M. Louis de Komierouski, ancien aide-de-camp
de M. le maréchal due de Raguse, demeurant rue
Saint-Florentin , n" 5.


Les traits saillans et les vifs regards de ee témoin
annoncent une grande activité d'esprit et un carac-
tere plein de fermeté; a son accent il est facile de
reconnáltre en lui un étranger. Au moment oú M. le
président lui adresse la preraiere question , il prie I,a
Cour d'avoir quelque indulgence ponr la diffieulté
qu'il éprouve á s' exprimer en francais, (Marques una-
nimes de bienveillance.)


M. le président. Vous étiez aupres du maréehal
due de Baguse pendant les événemens dejuilletj dites
ala Cour ce que vous pouvez savoir relativement a
ce qui fait I'objet ~e l'accusation?


Le témoin. J..J~ lundi, :16 juilletv-j'étais de ser-vice
aSaint-Cloud, avec M. le rnaréchal , au moment-du




~..


( 148 )
déjeuner, un Iieutenant des gardes m'ayant appris
la puhlication desordonnances dans le Moniteur,j'al-
lai a l'inst~nt mémeen prevenir M.le maréchal, dont
le premier mot fut de medire que cela n'était pas
possible, et qni me parut fort préoccupé de cette nou-
velle, Iorsque je le revis aprés le déjeuner, Vers onze
heureset demie , le maréchal partit pour Paris, etje
ne le revis que -le soi r a l'ordre, qui eut lieu assez
tard, le Roi ayant été a Bambouillet (mouvement).
Le mardi matin, M. le maréchal eommandait sa voi-
ture pour alIer a la campagne, lorsque je lui fis ob-
server que déja, le lundi soir, il y avait eu quelque
mouvemen.a Paris, et qu'au moins, il serait néces-
saire qu'il m'indiquát oú l'on pourrait le trouver ,
s'il arrivait quelqne chose. Oette observation déter-
mina le maréchal a rester a Saint-Cloudvet peu de
tems apres, il recut l'ordre de venir chez le Roi ,
a'pres la messe; en'en sortant , vers onze heures et
demie, il demanda sa voiture , et nous partimes aI'in-
stant pour Paris; nous descendirnes chez M: de Poli-
gnac, oú le maréchal resta quelques instans , aprés
qtioi nous nous rendimes a l'état-rnajor, oú le maré-
chal s'occupa de donner de~ ordres. Bientót apres ar- .
riva une personne qui annonca qu'un rassemblement
de huit eents hommes se portait sur Bagatellc, pour
efile~ le duo de Bordeaux ; le maréchal m'envoya
sur-Ie~ch-.npal'-Écolemilitaire poul' y chercher cent
cinquante lanci~rs,et me porter sur Bagatelle , avec
ordre, si nous~~ntrionslerasseJ;nblement. de n'a-
girqu'a COUp!l de pla'hle-sabre et avec le báton de la




( 149 )
lance, Arrivé aBagatelle, je ne trouvai plus riel);
le duc de Bordeaux était parti ponr Saint-Cloud , 00.
je me rendís, et d'oú je revins aParis.


Le mercredi matin, je fus envoyé chez M. le préfet
de police, pour l'eng3~J;.,de la pat't du maréchal , a
faire des proclamations ~u peuple; il me répondit
que cela serait fait incessamment ; j'allai dans la ma-
tinée avec le maréelW, chez M.. de Polignac , 00.
se trouvaiént plusieurs des ministres : en revenant de
chez le ministre, M. le maréchal m'annonca que la
ville était en état de siége. Les ministres ne tarderent
pas a venir au Tuileries , oú je les vis ensuite , et
oú ils étaient souvent dans la 'rnéme piece ~?e le
maréehal.


Le mercredi vers quatre heures, [e fus envoyé par
M. le maréchal á Saint-Cloud , avee une dépéche pour
le Roi; j'avaís ordre de fairelaplus grande diligeoce,
ce que je fis en effet, comme on a pu le reconnaitre
par la fatigue qui m'accablaít amon arrivée. M. le
maréchal m'avait de plus recommandé <W dire rnoi-
méme au Roi ce que j'avais vu de l'état de Paris j je
rapportai au Roí que la population de París tqut
entíere s'était soulevée, et que j'avais pu en jngerpar


•moi-rnéme en passant a Chaillot , oú des coups de
fusil avaient été tirés contre moi, non par la popu-
lace, rnais par des gens d'une classe plus élevée.
Le Roi me répondit qu'il lirait la dépéche '. el je me
retirai POUl' attendre ses ordres ; voyant qu'ils n'arri-
vaient pas, je priai M. le duc de Duras d:aller chez le
Roi pour lui parler de la gravité des événemens;




( 150 )


mais il me répondit que, d'apres l'étiquette, il était
impossible d'entrerdans le cabinet du Roi (Rires
ironiques. )


Au bout de vingt minutes, je fus enfinappelé dans
•Ie cabinet du Roi qui ne me remit aueune dépéche


éer:ite, mais me chargea seulement de dire au maré-
chal de tenir bien; dé reunir ses [orces sur le Car-
rousel et a la place Louis )lIT, et d'agir .avec des
masses, (Rumeurs prolongées.) JI répéta méme deux
fois ce dernier moto (Nouvelles rumeurs.') Jerevins
apporter cette réponse au maréchal; mais je ne vis
point alors M, de Pclignac , et jen'ai pas su s'il avait
envoyé quelque dépéche au Roi; ce que je sais, e'est
qu'il ne m'en avait donné aucuae, Je n'ai point eu
connaissance d'un ordre donné le mercredi ou le
jeudi pour arréter diverses personnes; mais j'ai été
chargé par le maréchal , le mercredi de trés-honne
heure, d'aller díre aM. Foucault que l'ordre donné
pour les arrestations était annulé. le m'acquittai de
eette mission , mais sans avoir su par qui avait été
donné l'ordre, ni quelles personnes il pouvait con-


. .


cerner. Dans ma déposition écrite , j'ai dit que ce
dernier fait s'était passé le rnercredi , je m'étais
trompé, et cela ne doit pas surprendre, je fus tou-'
jours a cheval pendant les trois jours ; on coneevra
qu'íl m'était alors difficile de me rappeler toutes les
ciroonstances.


M. le président, Quels sont les arrestations que
vous venez d'indiquer? étaient-elles en grand nombre.
-R. Je ne sais riena cet égard; je n'ai que reeu




( 151.)
l'ordre de dire au colonel Foucauld l'ordre de sus-
pendre les a.rres~tions.-D. A~z"vous connaissance
d'nn ordre de distribuer de l'argent aux, troupes ?
Savez-vous par qui eetordre a été donné?'----R; Vers
rninuit, mercredi, il arriva a l'état-major nne dépéche
du Roi, cont~nant l'ordre de distribuerde I'argenr
aux troupes,


M. le président. M. de Polignac, vous e~'dez cé
que aéclare le témoin: vous n'aviez J'as c1"argénl'~
l~tat-ma.j&;'ce n'est qu'auTrésor que .1ion. apü se
procurer lessommes nécessaires ala distribution or-
donnée; sur qnel ordre furent-elles délivrées?


lit. de Polignac. Je neo pellx donner aucnn éclair-
cissementa cet égaFdt tont ee qu~ je peux direc'est
que ni ordre ni argent n'ont passé par mes ~ainS ;
ce n'est q\le le jeudi, vers sept heures du matin, que
je sus qu'il y avait eu de l'argent distribué; j'ai ton..
jours eru que ees somme~ne s'élevaient pas ah-
dela de 7 a 8,000 franes. Je ne .sais 'Ili de .quelle
caisse a été- tiré cet argent.mi Sur quel Oi'dre i+;~u~té
délivré. •


M. leprésident, Quelqu'un dés aceusés peut-il
donner a cet égard quelque renseignement á: la
Cour. (Geste négatifau bane des accusés. )


M.le président. Aínsi doncaucun ministré n'a eu
connaissance «es détails de ee Iait.'
. 1Ji. dePeyronnet. Il: parait résulterdes débat&,ce


que j'ig~orajs, que l'ordre de distribu~en.. ,d'árgent
aux troupes ne parvint al'état-major que la nuit. Je
n'étais pas alors dansce lieu. Le j.etfdi matin, je me .




( 15:¿ )


promenais avec M. de Olandeves sur la place du Car-
rousel. C'est la que ,facqui s lá seu~ notíon que j'ai
euede la distribution d'argent aux troupes, le vis un
escadron de lanciers a la tete duquel on lisait un
osdre du jour. Dans les circonstancesau milieu des-
quelles nous nous trouvions placés, je fus curieux de
connaitre l'ordre du jour adressé au~ troupes. Le
Roi Ieur témoign::lit sa satisfaction de leurconduite.
(Vifs mutWutes.) Il annoncait qu'illeur serait dis-
trihué de l'arge'tltet qu'il.leur accorderait des sécem-'
penses.... (Nouveaux murmures.)


M. le président, ti M. de Potígnac. M. de Monthel
se trouvait dans le méme lieu que vous; est-ce par
son 'ordre QI,l par un simple ordre da, maréchal duc
de .Raguse que l'argent a été livré?~ R L'ordre
n'arriva qu'a minuit , comme vient de le díre le
témoin; ~ous étions a .l'étal-major, mais nous.n'é-
tions pas reunii' dans la méme piece : nous étions
done en' quelque SOI'te isolés, et nous ne nous
sommes trouvés ensemble qu'au moment oú les
deux Pairs de France sont arrivés a l'état-major, II
n'y a pas eu d'ordre de moi; on n'en a trouvé au..
cune trace, ce qui 'eüt été facile, s'il eút existé un
ordre, on n'a pu ríen déconvrir ace sujet au minis-
tere des finances. J'ai appris avecbeaucoup d'éton-
nement que les sommes di~tribuées aux -troupes s'é-
lev.al'. troisou quatre cent míllefrancs.


M. Ségu¡:~~ 1'1'018 cent mille franca. •
M. de PO~!'4C' Je le répéte , j'éprouve un véri...


table: étonnf\meflt; cat je n'ai d'abord cru qu'a une




( 153 )
distribution de .ept 00 huit.mille francs ; je ne sais
pas autre chose, el je comprenda difficilement une
distribution aussi c~nsidérable que celle dont on
parle, et que ron porte' a troie cent dix ou qúatre
cent mille francs, le tems matériel de cette distri-
bution me parait excéder celui de la·demi·lÍeure qui
s'est écoulée entre la lecture de I'ondre du jouret la
mise en mouvernent des .troupes.


M. de MaTttigndc. La dépositiGn 'que vous ~hez
d'ent~mdre 'ébntient des choses extrémement imp.Qf-
tantes. Le. témoin a dit qu'il avait été chargé pa.. le
maréchal d'aIler chez le préfet de police pour faire
faire des proclamations au peuple. Ainsi le maréchal
correspondait directement avec le préfet depolíce.
D'un autre coté, vous avez vu qu~ les rápports du
Roi avec le maréchal étaienttout-á-fait directs , et
que c'était au maréchal directement que les or<lté5
du .Boi étaientenvoyés.


M. le vicomte de Foucault , aneien eolonel d~ -la
gendarmeríe Re Paris. '


M.1e président, Qnet' joursutes-vous que M. le.
duc de Raguse était investí du commandernent de
toutes les troupe_s de la divísion?- R. Je l'ai appris
mardide la bouche de M. de Polignac. .


D. '1\1.' de Polignac veus avait-il mandé chez ¡ni
pour vous faire part de ses dispositioás? - R. M.le
comte de Wall me cómmuniqua un biHet qu'il '-av~it
rec;u de M.' le prince de Polignae', qui portait 'que le
soir il devait y avoir chez luí un eonseil des minis-
tres , et qu'il priait de. prendre des me~UI'CS pour as-




( 154 )
surer la tranq.uillité auto~lr de l'hótel, Ce billet pOI'·
tait aussí : « Faites-en part au colonel Foucault.» le
me rendís d'aprés cela chez M. le prince de Polignac,
qui me répéta ce qw.e .contenait le billet. Il me dit
enoutre que M. le duc de Raguse était chargé du
commandement de la division. Je n'ai pM eu d'autre
conversation avec M. dePolignac.


D. Le préfet de police ne vous a-t-il pas parlé des
mesures que' devaient nécessiter l~s ordonnances ?
-- ~. Je me nendis le lundichez le préfet de policle
pour lui parler de ces ordonnances, prévoyant bien
qu'elles nous donneraient heaucoup de besogne.
(Rire général et prolongé;M. de Polignac lui-méme
pa,tage l'hilarité de l'assemblée. }


M.le président. Je rappelle a l'anditoire qu'il ne
doit se permettre aucun signe pendant la déposition
des témoins, .


M. de Foucault. J'aurais dÍ! dire de la tablature,
de l'embarras, (Ri~e étouffé dans toutes les parties
de la salle.") Habitué a voir dans Paris des mouve-
mens pour des affaires heaucoup moins importan-
tes, je devais penser qu'il yen aurait au moins au-
tant dansces circonstances. Je ne trouvai pas d'abord
le préfet de políee chez lui, lundi matin; j'y retournai
aune heure et derriie. Je trouvai M, le préfet .beau-
coup plus tranquille que je. ne l'imaginais. Je lui
disque j'avais ce jour-la une irrvitation adiner dans
le fond ~'u' faubourg -Saint-Honoré , et que je ne
croyais pas devoir m'absenter dans ces circonstances.
M. le préfet me répondit qu'il ne voyait pas de mo-




f


( 155 )
tifs pour rn'empécher d'aller ace dinero Il ne fut pas
question de mesures a prendre. M. le préfet ne me
donna aueune instruction.


D. EsHe par vos ordres .' le.mardi, les dé taehe-
mens de ge~darmérie, quiWtrou~~r;:.rue Neuve-
du-Luxembourg et sur la place du P:ililS''m:>y.a~, ont
employé la force contre les citoyens? ,_o R. Les-gen-
darmes, au nombre de cent qui formaient ces déta-
chemens , avaient été envoyés a la réquisition de
M. le comte de Wall, commandant de la place.
'foutefois les officiers de gendarmerie ne sont pas.
telIement ala disposition des commandans militaires,
qu'ils soient dispenses de rernplir les obligations qui
leur sont prescrites par la loi. Les ordres qu'ils peu-
vent recevoir des chefs militaires ne mettent pas
leur conduite a I'abri de toute responsabilité. Ils
sont justiciables des trihunaux civils, J'ai toujours
prescrit aux officiers de,.gendarmeries,ous mes 01'-
dres , de ne s'écarter,dans aucune eirconstance , des
conditions que leur impose la 10i, avant d'employer
la force publique. Les rapports qui m'ont été arlressés
m'ont fait connaitre que les rassemblemens,qui
s'étaient formés dans la rueNeuve-du-Luxembourg,
avaient été dissipés par la gendarmerie, sans qu'elle
fUt dans l'obligation de faire des sommations , n'ayant
pas éprouvé de résistance.


D. Il parait cependant que les hostilités ontcom-
lllencé par la gendarmerie, d'ahord dans la rue
Neuve-du-Luxembourg ,ensuite sur la place du
Palais - Royal. - R: Le détachement de gendar-




",


( 156 )
merre qui occupait 'la place du Palais- Royal n'y-
a pas été envoyé par mes ordres. Il était com-
mandé par un officier supérieur. Le mardi , vers
six heures du .soir, faii1t roa tournée avec douze
gendarmes, l~ sabre Wns ,le fourreau (cal', dans
toutes ces afffiires, mon sabre n'est jamais sorti da
fourreau), je ne me suis point apen,;u qu'il y
eút eu dansla rue Ncuve-du-Luxembourg, quel-
que acte d'hostilité commis par la gendarmerie. Je
vis plus d'agitation sur la place du Palais-Royal. Un


.. gendarme me dit : « mais, Commandant, l'officier a
» fait mettre le sabre a la main, Cela a causó un pen
» d'irritation.)} re continuai a parcourir le Palais-
Royal. J'invitai les gronpes tres-nombreux qui se
formaient a se retirer. Je n'ai éprouvé aucune in-
sulte. Beaucoup se retiraient] mais je voyais qu'ils
revenaient aussitót que j'étais éloigné. Je leur dis:
f{ Vous résistez aux injonctions qui vous sont faites
JI par la gelldarmer~e, vous pourrez plus tard vous
» en repentir. » Je remontai acheval, el je me portai
du coté de la rue Croix-des-Petits-Champs , oú il y
avait du tumulte. Des pierres furent lancées contre
les gendarmes; j'en re<;;us une a la tete, et je n'au-
rais .pu maltriser mon cheval si j'avais tenu le sabre
a la main. J'entrai dans le passage Montesquieu : je
vis une femme qu'on avait laissée pour morte. Je
demandar ce que c'était aun gendarme. II me dit :
« Mon colonel, elle a sans ~ute reeu une pierse
lancée a un gendaeme.. J'avaisbeaucoup de peine a
reteuir mes gendarmes qui étaient assaillis par une




157
gl'eIe de pierres, Un gendarme pcrdant patience ,
malgré les ordres que j'avais donnés, mit son cheval
au grand galopo


D. 1\1. le duo de Raguse neo vous a-t-il pas remis,
daus la jo~née dn mercredi, un ordre d'arresta-
tion ?- R. 11 m'a remis un ordre d'arrestation con<;u
en deux ligues. Je croyais d'abord 9u'il ne contenait
que six noms , mais il yen ávait huit. Cet ordre était
sigllé par le maréchal duc de Raguse. S'il m'avait été
remis le mardi , j'aurais fait observer a M. le ma-
réchal, que ces arrestations devaient se faire par un
rnagistrat, Mais, en ce moment , connaissant toute
l'étendue de l'autorité du maréchal , je ne me per-·
mis aucune observation.


D. A quelle heure recútes-vous cet ordre? - R.
Versmidi , avant l'arrivée de MM. les Députés,


D. Vous rappelez-vous les noms? - R. Je ne me
suis d'ahord rappelé que les noms de MM. Salverte,
Laffitte et Lafayette, et ensuite celui deM. Audry
de Puyraveau,


D. M. le duc de Raguse, en vous remettant cet
ordre, vous donna-t-il aentendre qu'il avait été con-
certé avec les ministres qui étaient a l'état-major de
la place? - R. M. le maréchal était revétu d'une si
grande autorité que j'aurais cru manquer a.mes de-
voirs de lui faire la moindre observation.


D. Faites connaitre comment cet ordre fut retiré
de v-os mains. _ R. Beaucoup de difficultéa se pré-
sentaient a mon esprit, et je prévoyais_une gr'ande
responsabilité, Je demandai les adresses des per-




( 158 )
sonnes qu'il fallait arréter : un secrétaire les prit
dans unalmanach des 2.5,000 adresses. Je me rendís
a la chancellerie , accompagné de trois officiers qui
étaient avec moi. Je les priai de faire autant d'ex-
traits que d'individus a arréter. Lorsqu'ils furent
íaits , je mis le tout danS ma poche et je revins vers
M. le duc de Raguse. le rencontrai, dans la rue de
Rivoli , un de ses aides-de-carnp , qúi m'annonca que
le maréchal-Iui avait donné l'ordre de suspendre
l'exécution de l'ordre d'arrestation, Cet ofíicier me
souJagea d'un tres-granel poids. (On rit.) L'officier
a dú s'en apercevoir. Je me rendís chez M. le duc de


.Baguse : il me dit qu'il avait révoqué son ordre, paree
qu'il était pea loyal d'arI;eter des personnes qui
avaient fait des démarches pacifiques. le lui remis
I'ordre el déchirai les extraits.


D. Savez-vous bien positivement si le poste de gen-
darmerie de la place du Palais-Royal a fait des som-
mations ? Précisez vos í-éponses sur ce point. - R. Je
n'ai rec;;n aucun rapport de l'officier qui cornman-
dait ce poste; il n'était pasplacé sous mes ordres, le
ne puis pas répondre de ce qui a été fait.


jJ1. Persil. Je demanderai au témoin si, quand il
s'est présenté, le mercredi, chezM.le due de Haguse,
l'ordre d'arrestation était préparé, ou s'il ti été écrit
devant lui? - R. Il n'a pas été écrit devant moi; il
m'a été remis a I'instant méme. •


D. L'accusation attache la plus grande importance
aconnaitre felui qui a pris I'initiative de l' ordre d'ar-
restation, ir savoir si c'est M. de Polignac, 011 quelque




(-159 )
autre ministre, ou M. le duc de Raguse. - R. Je
l'ignore.
. M. de Komierocoski. L'empressement que M. le


maréchal a mis ~ donner contre-ordre fait assez pré-
surner que l'ordre n'érnanait pas de lui. Il me clit:
« Si-vous ne trouvez pas le colonel Foucault, envoyez
deux ou trois ofticiers pour le chercher. partont et
lui donner contre-ordre.


M. aeGuise.J'étais depuis long-tems auprés de M.
le maréchal, je ne lui ai jamais entendu parler de
M. Eusebe Salverte et de M. Audry de Puyraveau,
compás parmi les pe1'sonnes qui devaient étre ar-
'retés. C'est une raison de croire que l'ordre ne ve-
nait pas de 1ui. .


Un Pairo L'ordre était-il écrit ele la main de M. le
duc de Raguse?


M. de Foucault. L'ordre m'a paru écrit de la méme
main que le nom du duc de Raguse, placé au baso


Le méme Pairo Quelle était la-personne qui écri-
vait sous la dictée du maréchal?


M. de Guise.' C'est moi seul, et je n'ai jam"aisécrit
un ordre sernblable.


M. Persil. Je demanderaí aMo de Foucault quelle
était l'étendue de l'ordre d'arrestation P-- R. Une
ligne et demie d' écriture indépendamment des n,oms.
Je ne me rappelle pas bien les termes, mais il était
coneu apen pres ainsi : « Le maréchal de France, duc
» de Raguse, commandant général de toutes les
» troupes aParis , ordonne de faire les arrestations
» suivantes. »




( 160 )


11'1. de Komierowski. le demanderai a M. de Fou-
cault de dire par qui il a fait déchiffrer I'écriture de
cet ordre t cal' s'il avait été écrit par M. le maréchal,
je défie M. de Foucault d'avoirpu le lire,


Jrr.· de Foucault. L'écriture était eneffet fort mau-
vaise : eUé ressemblait ala signature : d'ailleurs , 1\1.
le rnaréchal en me remettant l'ordre , me traduisit
verbalement ce qu'il contenaít.


lw' le président, aua: aides-de-camp du maréchal.
Vous rappelez-vous qu'il fút venu, soit de Saint-
Cloud , soit dequelque ministére , une dépéche ,
dans laquelle on pút supposer que cot ordre était
renfermé ? .


ir.I: de Guise. Non, M. l~ président.
M. de Komierocoski. Je n'en ·saisrien du tout.
M. .drago, membre de l'Académie des sciences :
Lorsque j'eus l'honneur de comparaitre devant la


commission de la Chambra des Pairs , je crus qu'il
était convenable qu~ je fisse connaitre l'originedes
relations amicales que j'avais eues avec M. le duc de
Raguse: Je voyais M. le maréchal presqu8 toutes les
semaines, quelquefois chez luí et le plus souvent a
l'ohservatoire. Les nouvelles du jour , les menaces
qu'on faisait contre la France étaient le texte .habi-
tnel de nos entretiens. Je doís diré que les coups


,


d'état lui paraissaient peu 'probables: cette carriere
lui semblait hérissée de diffie~ltés. Cependant la con-
fiance qu'il avait montrée a cet égard Jut affaihlie
dans deux circonstances 'lue je rapporterai.


M. le maréchal me raconta qu'un jour , aprésle




( 161 )


jeu du Roi, Charles X parla aux personnes qui l'en-
touraient des événemens de son regne (Texpédition
d'Alger n'avait pas encore eu lieu). Ces événemens
luí paraissaient devoir occuper peu de place dans
I'histou'e. Il cita deux circonstances de sa vie comme
pouvant étre remarquées par la postérité : l'une était
la résistance qu'il opposa, en 1789, aux prétentions
du tiers-état ; l'autre était la création .du: ministére
du 8 aoút.


M. le maréchal me rapporta en mitre que le jour
oú les journaux s'étaient occupés avec beaueoup de
détails des moyens de résister: aux eoups d'état , et
que des journaux d'une autre eouleur avaient signalé
ce danger, un personnage important lui demanda
quel serait a son avis la eonduite que tiendrait l'ar-
mée, si l'on employait la force eontre ceux qui re-
fuseraient l'impót, M. le maréchal répondit ace per~
sonnage, qu'il ne désigna pas, que dans l'origine les
soldats obéiraient; mais qu~ bientós, apres s'étre as-
sis au- foyer du 'paysan, ils s'apercevraient qu'ils
ont le méme intérét., et que l'arrnée serait démora-
Iisée ..


Des ce moment les craintes du maréchal me pa-
.rurent extrémement vives, Le lundi, il vintme voir


11 l'Institut: sa vue produisit sur moi une douloureuse
impression; il me dit: ce Eh bien! vous le voyez ,les
choses vont comme je l'avais prévu. Les inseasés ont
poussé tout a I'extréme, Vous n'avez a vous affli~er,
vous, que comme citoyen, comme hon Francais ;
mais combien n'ai-je pas lieu, de me plaíndre , moi,


rr. 11




( 162 )


qui , en ma qualité de mihtaire , semi ubligé (te me
faire tuer pULIr des actes que j'abhorre et pour des
persQllneS qui, depuis longtems, semblent s'érudier
a m'ahreuver de dégoúts ! »


Je parcourus différens quartiers de Paris. Je me
mélai aux groupes du peuple, Je vis des personnes
qui disaient que le duc de Raguse saisissait cette oc-
casion pour chercher ase réhabiliter. Le sens qu'on
attachait ace tenue n'était pas le méme dans tous les
;~roupes. Il me parut que ce mot me laissait quelq ue
chose a {aire dans de pareilles circonstances. J'alIai ;1
I'état-major pOOl' dohner au maréchal des conseils
dans son intérét et celui da pays. Je eraignis d'entrer
au~ Tuileries et d'étre signalé, en sortant, eomme un
espion , et massacré par le peuple, sans pouvoir don-
ner aucune explication. Je reltus nne lettre d'iine
personne qui s'intéressait beaucoup au maréchal.
l.es rensei.gnemens que cette lettre me donnai t me
d(~terminerent a' aller trouver le maréchal aux Tui-
leries. En entrant, sur les deux heures, dans le pre-
miel' salan, j'éprouvai quelques regrets quand jc
vis que I'cntourage du maréchal n'était pas tout mi-
litaire. J'apercus des employés dll ministere des af-
(aires étrangcres , et méme des rédacteurs de jour-


. naux. J'entrai dans l'appartement du marécbal, 011
se trouvait un grand nombre d'officiers, la plupart
en hahíts hourgeois. La majorité de ces officiers éta·it
fo~ cxaltée ret, dans mon opinion, fort peu raison-
nable. Mais il y" en-avait d'autres qui paraissaient
cornprendre la gravít~des circonstances, et qui don-
naient d'excellens conseils.




( 163 )
M. le général Tromelin me parut animé des méiV


leurs sentimens. Je pris le maréchal a l'écart , et je
lui dis qu'il n'y avait pour lui qu'un seul parti a
prendre; que c'était de se rendre aussitót a Saint-
Cloud, de déclarer au Roí qu'il ne pouvait plus con-
server le commandement, s'il ne retirait les orden-
nances et ne renvoyait le ministére ; M.le maréchal
était dans un état de malarse difficile aex primer. Ses
idées sur les ordonnances du 2.5 juillet, n'avaient pas
changé; il trouvait ces actes, le mercredi , tout aussi
criminels que le Iundi ; mais il était retenu par des
sentimcns presque indéfinissables , il ne croyait pas
pouvoir ahandonner la partie pendant le combar,
Je crois qu'il éprouvait aussi quelque regret ,je
dirai rnérne quelque honte de voir que les meilleures
troupes de l'Europe étaient 'battues dans pre.squ~
tous les quartiers de. Paris par un peuple .pris a
l'improviste. .


J'allais peut-étre l'amener a une détermination ,
lorsqu'uue circonstance 'fit revivrejdans toute sa
force, le point d'honneur militaire. Un aide-de-camp
d u général Quinsonas apporta la nouvelle q uele gé-
néral ne pouvait plus tenir dans le quartier des In-
nocens. Je cherchai a montrer au maréchal que le
peuple était dans un étatlégitimede défense, qu'on
ne pouvaitpas l'appeler un peuple de révoltés, pnis-
qu'il combattait ponr des institutions qU'OÍl avait
juré solennellement, au pieddes autels, de maintenir.
J'en étais la lorsqu'on annonca l'arrivé des députés;
je passai. dans un salon voisin. J'appris alors, pour la




(G~ )
premiere foís que les ministres étaient al'état-majoi
J'artendis quelqne tems pOllr savoir que! résultat al'
rait la démarche des dépntés. M. Mauguin me dit el
sortant ,qu'on n'avait rien ohtenu. Je dois ajoutei
qué M, Mauguin se louait heaucoup des manieres el
des sentimens du Maréchal. Les dépntés étaient cléj:
descendus un certain nombre de marches lorsqu'on
les rappela , de la part de M. le prince de Polignac.
Ce retour des Députés fit l'impression la plus favo-
rabIe sur toutes les rersonnes qui étaient dans la salle
de billard-, Bientót aprés on avertit les députés qu'il»
pouvaient se retirer, que ~'I. le prince de Polignac ne
les recevrait pas. le restai encore quelque tems. Je
liai conversation avec un des aides-de-camp du maré-
chal, M. Delarue, chef d'escadron. J~ le priai de dire
au maréchal qtie je le verrais le lendemain, si c'était
possible, e'est-á-diré si les ,troupes n'avaient ras pass!"
tout-á-fait du coté du peuple. Ces paroles firent 1IIH'
tres-vive impression sur M. Delarue; i] me dit qu'il
n'avait recu auoun renseignement qni lui apprit rien
de semblable. Je répondis qu'en parcourant différens
quartiers j'avais VIl ,les' tronpes fratcrniser avec le
peuple. « Mais cette nouvelle, ajouta-t-il, est tres-im-
portante: veuillez la communiquer aM. le prince de
Polignac. l) Je refusai de m'expliquer directement
avéo le ministre, voulant me réserver le droit en ren-
trant dans les flots du peuple, d'affirmer que j'igno-
rais que les ministres fussent aux Tuileries et que ie
ne lenr avais pas parlé. M. Delarue tenait tellement
a communiquer cette circonstance a M. le Prince de




( 165 )
Pohgnac, qu'il me demanda la permission d'aller en
faire part au maréchal , afin qu'illa transmit aM. de
Polignac. Il revint un moment apres , la figure toutc
décomposée.iat s'écria en m'abordant: «Nous son~mes
perdus ! notre premie!' ministre n'entend méme pas


.Je fran<,;ais !Lorsqu'on lui a ditque les troupes fra-
ternisaient avec le peuple; il a répondu : Eh bien, il
faut aussi tirer sur les troupes.


Je ¡riens .Qe rápporter leschoses comme elles se
sont passées, Peut-étre trouvera-t-on , en. comparant
ce que je viens de dire avec ma déposition écrite ,
une légere difrerence. M. Delarue m'a fait savoir que
c'était lui qui avait directement adressé la parole a
M. le prince de Polignac.


M. le président: Si :!)tI. Delarue n'était pas hors de
France , je l'aurais fait assigner comme témoin.


M. Persil. M. Arago a dit qu'il avait ápercu aux
Tuileries des employés du ministere des affaires
étrangeres , pourrait - il les nornmer? - R. Je ne
pourraisnommer que M. de ,Flavigny, que j'ai
reconnu.


M. Persil. Je dernanclerai aM.le prince de Polignac
une explication a ce sujeto


M. le prince de Polignac. Cette explicationest tres-
simple. II est vrai que M. de FJavigny est venu I!1c
demander quels étaient les ordres que j'avais á
donner relativement aux papiers que j'avais laissés
au ministere des affaires étrangeres. J'avais dit aM.de
Flavigny, qui était resté seul au ministere, de venir
prendre mes derniers ordres aux Tuileries. Que le




( 166 )
témoin veuille bien dire cambien de tems M. de Fla-
vigny est resté aux Tuileries , et s'il a vu d'autres per-
sonnes des affaires étrangeres«,


M: .drago. Je suis resté deux heures aux Tuileries;
et M. de Flavigny y est restéaussi tout ce tems-Ia. J'ai
vu une autre personne qui m'a dit étre votre secré- •
taire , d'une taille peu élevée,


M le prince de.Polignac. Je ne sais pas ce qu'il
aurait fait la deux heures , cal' il était.venu seulqment


.


pour prendre mes ordres.
Je dais revenir sur la déposition du témoin,
Le témoi~, en rappelant des expressíons dont se


serait servi M. le maréchal a dit : (( Des gens qui m'ont
toujours abreuvé de dégoUts. ») Je ne .prétends pas sao
voir qui il pouvait avoir en vue acette épaque, mais
certainement ce n'était pas moi. J'ai toujours été
dans les meilleurs rapports avec M. le duc de Ragirse.
J'ai toujours taché de Iui étre utile. Depuis longtems
il desirait avoir des lettres de service pour le gouver-
nement de la premiere division militaire dont il était
gouverneUl'. J'en ai parlé plusieurs fois au Roi. S M.
m'a laissé entrevoir que la chose se ferait. J'ai saisi
la circonstance de I'absence de M. le comte Coutard
p~)llr renouveler mes sollicitations , et j'ai en fin obte-
nu cette faveur du Roi.


11'1. .drago. Je déelare que M. le duc de Raguse m'a
toujours parlé des relations qu'il avait eues avec M.
le prince de Polignac dans les tenues les plus favo-
rables.


111. de l1'Iartignac. Rien de plus douloureux et de




( 167 .:
plus funeste dans l'accusation dirigée coutre NI. le
prince de Polignac, que le propos qu'on lui attribue
dans la déposition du dernier témoin. lVI. d~ Polignac
gémit SOllS le poids de l'aceusation la plus grave. Les
débats sont suivis avec une activité qui clonne aux
juges le hesoin impérieux d'arriver ala connaissance
de la vérité. é~hacun des témoins, pressé par sa con-
science , dépose des fáits d~t il a une connaissance
personnelle, Le bonheur , ou la vérité, qni est un
granel bonhenr, a vonlu qu'aucun témoin jusqg'ici
ne déposát tl'un fait parvenn a sa connaissance per-
sonnelIe qui se rattachát a la participation directe,
immédiate de )tI. le prince de Polignac aux malheurs
sanglans qu'il déplore plus que personne; et voilá
que, porlr la prerniere fois, CUl Iui attrihne une de ces
paroles criminelles, prononcée sans aucune nécessité,
et la fatalité ne Iui permet ·pas d'éclaircir ce fait ..Le


..


témoin est trop honnéte .homme, trop loyal pou!'
di re qu'il a entendu lui mérne ce propos; il Ie tient
d'un autre , et le malheur veut que cette personne
se trouve en pays étranger., Jé recommande cette
ohservation ala couscience de l'ho'mme.


( L'audience est suspendue aune heure, et reprise
au bout de vingt minu tes. )


M. le marquis de Sémonville est appelé, (Vi] mou-
vement de curiosité, )


Ce témoin, dont une attaque de gOlltte rerid les
pas mal assurés, s'avance appuyé sur une canne; il
est revétu d'un habit noir, et porte sous cet habit
le gl'and cordon de la Légion-d'Hormeur : d'une voix




( 168 )
ferme, son ore , et qui pénetre dans toutes tes párties
de la salle, ils'exprime ainsi au milieu d'un profond
silence :


M. le président, Avez-vous, le 29 juillet ~ accom-
pagné de M. le comte d'Argout, faitdeux démarches
d'une grande importanee; l'une a l'état-major des
Tuileries, aupres de M. le due.de Raguse, et I'autre
aSaint-Cloud auprés du Roi Iui-méme ? Veuillez d'a-
bord rendre compte a la cour de votre démarche a
I'étst-major.


M. le marquis de Sémonville. La cour sait , par ma
déposition écrite et encoré plus par mes rapports
avec elle, que je n'ai oonnu les ordonnances que par
le Moniteur, le mardi et le mercredi. Elle ~ait que,
des quej'eusconnaissance que lesévénemens partiels
prenaient un caractere sérieux , je m'empressai de
réunir le petit nombre de mes collégues qui étaient
a Paris pour aviser a la conduite que nous devions
suivre au milieu des déplorables circonstances dans
lesquelles nous nous"trouvions. 11s étaient au nombre
de quinze.a dix-huit , en comprenant cenx qui étaient
de service.


Dans la soirée du mercredi, soirée pendantlaquelle
les communications étaient devenues si difficiles, je
déplorais mon impuissance avec M. d'Argont, mon
collegue, dans le jardín du Luxembourg. Le calme
de Paris n'était que moinentané : on se préparait a
I'attaque comme a la défense , et nous prévoyions
d'autres et peut -étre de plus grands malheurs pour
le lendemain. Nous résolñmes de DÚUS réunir le len-




( 169 )
demain au point du jour, de nous jeter an milieu des
événcmens et de suppléer , par notre zele , a notre
faiblesse.


M. d'Argout fut exact au rendez-vous. C'était nn.
rendez - vous d'honneur. Avant cinq heures il était
dans le jardinavec moi.


Je venais d'apprendre que leí'>. ministres étaient
réunis a l'état-major. Cettecertitude mit fin anotre
hésitation denoua rendre aupres d"eux ou a Saint-
Cloud. .


Je confiai l'établissement, quí est remis ames soins,
aux troís personnes qui étaient autour de moi , et
nous partimes. Je dois saisir l'occasion de dire que
pendant les dix-sept heures de mon absence, l'étahlis-
sement a été envahi , ét que, grf\ce aux personnes a
qui je l'avais laissé , comme aux bons sentimensde la
population de París, pas méme l'apparence dn dé-
sordre n'a eu lieu. C'est unhommage que je dois
rendre a la population.


La routeétait difficile ; elle n'était pas longue, mais
elle fut sémée dé beaucoup d'obstacles. Parvenus a
l'état-major , nous avons trouvé le maréchal dont la •
désespoir était visible, et qul nous a re~us comme des
libérateurs, espérant de nous quelque heureux résul-
tato Mon premiar soin fut de lui demanden oú étaient
les ministres; ce dans la piéce voisine , nous dit-il l>; et
je pnis affirmer qu'il nous a dit aussi : (1 assemblés ici
acoté. » Je le priai d'aller chercher M. de Polignac,
etde l'amener. L'amener lui-méme fut l'affaire d'un
.


momento M. ele Pulignac entra daos le salun oú nous




( 170
étions, avec calme, et m'aborda avec la politesse que
vous lui connaissez tous. Je lui répondis avec une
violence qui approchait presque de l'outrage, vio-
lence queje me reprocherais séverement aujonrd'hui
q u'il est malheureux , si elle s'adressait ad'autres qu'a
sa puissance ; mais je croyais que celle qu'il exercait
lui permettaitd'arréter immédiatementl'effusiondu
sang, de révoquef les .ordonnances, ou au moins d..
h~iser le ministere dont il était le ~hef. C'est ce, que
je lui demandai al'instant mérne. L'élévation de ma
voix et de celle deM, d'Argout amena aussi dans le
salon oú nous étions , d'une part, les officiers géllé-
raux et les officiers de l'état-rnajor qui étaient dans
la premiere piece , et de l'autre tous les ministres. De
ce"mo,ment, l'entretien, la discussion , je ne pourrais
pas dire la dispute, devint.général. OIl pria les géllé-
raux de se retirer, et nous restárnes avec les mi
nistres , M. de Glandevés , qui entrait et sortait a
chaque instant, el M. de Girardin.


n me serait impossible , malgré mon serment el
rnon respect pourla vérité , de rendre compte des


• discours qui ont eté tenus. Nous étions tres-pressans ,
et comme tous les homm.es pénétrés, dans ,tine discus.
sion surtout aussi importante que celle-lá , nous ne
poursuivions qu'une seule idée, nous n'attendions
pas les réponses, elles ne parvenaienl pas a notre


•intelligence; il serait impossible a ma mémoire de
les retracer,


M. de Pohgnac se retraqchait derriére l'autorité
du Roi, toujours avec le méme calme el la méme"po-




( J7 1 )
litesse, C'est la seule impression qui HOUS est restéc
et le seul souvenir que je puis exprimer.


Les autres ministres avaient beaucoup de .réserve
dans leur langage, mais lenr attitude n'était pas équi-
vüque. Lorsque nous avons été plus tard sur le che-
min de Saint-Cloud, nous nous sommes persnadés que
plusieurs étaient' de notre opinion; ils craignaient
de la manifester, c'est -ce qui nous a paru; et ils
avaient l'air d'étre sous une intluence, sous un pon-
voir supérieur aleur volonté.


J\I. de Polignac, en butte anos attaques, a demandé
de se retirer pour,en délibérer, s'appnyant toujours
de l'autorité du Roi et de la nécessité de lui en réfé-
rer. Nous avi~ns consentí a ce que nous ne pouvions
ernpécher,


M. d' Argout, au moment méme , a pris le maréchal
et l'a amené dans 1'embrasure d'une fenétre qui était
ouverte; et la, tous les trois , nous avons profité de
son émotion ponr le défermirrer afinir par lui-méme
une.catastrophe qlle la délibération du conseil pro-
longeait encere ,de quelques momens.


Le maréchal s'était retranché pendant quelques
instans sur la sévérité et la rigueur des ordres qu'il
déplorait, Des ordres se succédaient de minute en
minute. Deux foís, pendant que nous étions acette
fenétre , on est venn lui clemander celui de tirer a
mitraille pour repousser une attaque dangereuse. Le
mouvement convulsifqui p récéda sa réponse et son re-
fus-prouvent 1'horrenr qu'il en éprouvait. Nous avons
profité de ce ruouvement rapide ponr luí: faite une




( 1 T~ )
nou velle proposition , celle d'arréter les ministres, et
de les retehir'dans ce conseil, trop long ponr notre
impatience, quoiqu'a peinedix minutes se fussent
écoulées. Nous lui dernandámes, nous le suppliámes
d'arréter les ministres. Un de vos collegues, Messienrs,
a eu la modestie de ne pas dire qu'il. avait consacré
son épée á ce noble usage.


( Le nom de M. de Glandeves circule dan s les
tribunes, )


1\1. d'Argout prenait le partí le plus périlleux de
cette mesure. la mission de porter des paroles de paix ,
et d'annoncer la nouveIle de I'armistice et des réso-
lutions du maréchal ala popnlation de París. Le raa-
réchal partaít pour Saint-Cloud , il. portait sa téte
en gage de ses intentions, et me permettait de l'ac-
cornpagner. .


Lorsque le rnaréchal, prét a consentir, avait fait
méme un mouvement aMo d';\.rgontl pour donner les
ordres et les signer sur une petite table voisine , la
porte du conseil s'est ouverte, M. de Peyronnet est
venu derriere moi et m'a dit: Quoi! VOlLS n'hes pas
parti? A l'instant notro projet est échoué, il fallait y
renoncer ; j'y perdis beaucoup pour ma part, rnais
il n'y avait pas a hésiter , il fallait partir ponr Saint-
Cloud. Le rnaréchal se précipita sur une table, oú il
écrivit, en présence de M. d'Argont et moi, quelques
lignes au Roi, lignes trés-pressantes, dépouillées de
toute 'forme de respect; m'en souvenir m'est irnpos-
sible. pans l'agitation de notre situation , la Cour
comprendra facilernent que beaucoup de choses sont




( 173 )
échappées ama mérnoire, M. Giraruin s'offrit pOllr
porter sa lettre an Roí, de maniere ace qu'elle pré-
cédát notre arrivée aSaint-Cloud. Nous profitámes
alors du soin que M. de Glandeves avait pris de nous
faire préparer une voitnre, que nous luí avions de-
mandée des notre entrée .aux Tuileries.. Une cháise
de poste était préte , nous nous jetam.es dedans.


Id, ainsi que je l'ai dit dans ma déposition écrite,
se présente- une circonstance dont je n'ai pas plus pn
me rendre compteque M. d' Argout, n'ayant pas eu
de. rapparts avec les ministres. Nous passions avec la
rapidité de l'éclair sur le sable des Tuileries. Nous
rencontrons dans la grande allée un homme que le
cheval du pastillon pouvait blesser , tant il était pres
de nous. Il se retourne , fait place .au cabriolet, ef-
frayé méme par la rapidité de sa course, et nous dit :
A llez vite, en rnon trant d'uñe main Saint-Cloud , et
de l'autre des voitures qui nO\1S suivaient. Cette re-
marque nous occupabeaucoup péndant notre course
aSaint-Cloud , et nous trouvámes que nous ne nous
étions pas trompés su r la supposition que nous avions
faite que notre opinion trouverait des défenseurs
dans le conseil. .


Arrivés aSaint - Cloud avec les voitures -entrées
simultanément dans la cour de derriere, par le perron,
nous trouvámes une foule de curieux, de gardes et
officiers de toutes armes, et de nombreux servitenrs
011 empIoyés dri chatean. Ilnons fut done facile de
barrer le chemin aM. (le Polignac et de l'attendre a
sa descente de voiture.




i, 174 )
J'étais affligé, eomme je devais l'étre alors , ainsi
ql1l~ M. d'Argout ,de jO,uer un role dont nous desi-
rions l'utilité , mais non l'éclat.


Pour ne pas gener les démarches du ministere ,
j'arrétai M. de Polignac asa descente de voiture, et
lui' dis -que nous n'aviohs pas prétendua l'honneur
de fail'c révoquer par nos instanees les ordonnances,
ef que cet honneur lui appartenaitencore ainsi qU'~1
ses collegues ; ql~e nous voulions bien le lui laisser.
Nous le priámes de considérer que les momens étaient
bien pressans, et lui dimes que nous allions attendre
la délihération du conseil chez M. de Luxembourg,
mais que nous ne l'attendrions pas longtems, et que
si nosvooux: et nos pesoins étaient satisfaits ,nous
reviendrions aParis, apied , comme les derniers eles
particuliers , sans mot di re el sans paraitre avoir
rien exigé aSaint-Clouñ.


M. de Polignae, avecsa politesse ordinaire dont
nous ne saurions trop nous louer , nous quitta. Nous
entrames alors chez M. de Luxembourg, ou nous
filmes recus par ses ordres, Instantanément apres
presque tontes les personnes du cháteau y accou-
r-urént par curiosité, et par l'in térét du moment :
MM: leprinee de Saillte-Croix, le cincd'Avray , le due
de Luxembourg, le due de Duras, et,plusieurs autres
personnes dont je craindrais de ne pas citer exacte-
ment lesnoms. Ces messieurs étaient .impatiens de
savoir les détails que nous Ieurdonñions , lorsqu'un
huissier du cabinet est venu me demander. Je n'a-
vais pas encore l'incommodité passagere pour laquelle




( 1'75 )
vous avez youlu avoir quelque indulgence el m'avez
íait asseoir. Je montai les escaliers rapidement; je
trouvai a la porte extérienre du cabinet M. de Poli·
gnac. Je lui ai témoigné masurpríse d'un appel aussi
prompt auquel je ne ili'attendais pas , le conseiL
n'ayant eu ni le tems de délibérer , ni mérne apeine
celui de s'assembler, M.de Polignac m'a répondu avec
calme et digni té, ces pr0l'res .mots, que j'ai retenus,
et qui sont gravés daos ma mémoire: (( Vous savez ,
» Monsieur , quel devoir vous croyez rernplir en ve-
}) nant ici dans les circonstances presentes. Vous
»m'accusez; j'ai dit au Roi que vousétiez la, c'est a
1) vous aparler le premier. p M. de Polígnac a ouvert
la porte et l'a fermée sur moi. Je me suis fait un de-
voir de dire cette eireonstanee et de la signaler le
rnéme soir adix heures a la commune,au milieu de
l'irritation existante encore etdes évérremens de la
journée,


M. de Polignac pouvait avoir une conduite in-
verse, si les circonstances eussent eu un autre ré-
sultat. Des mesures de sévérité centre HOUS auraient
en dans I'intérieur du cháteau des appuis et des ap-
probateurs.


J'ai, dans ma déposition éerite, dit que je croyais
avoir rempli mes devoirs de témoin, en affir~ant de-
vant la justice , cornme j'affirme sur l'honneur, que
le nomod'un ministre n'a pas été prononeé IH~'e seule
f01S ni par Charles X, ni par moi , dans ce douloureux
cntretien. Lesr6ens étaient trop précieux, Le pré-
sent pouvait u.nir dan s une heure, et est de-




( 176 )
ven uen effet en peu d'heures, un passé irrémédiahle.
Je ne voudrais pas m'attacher ades récriminations ,
mais j'ai dÍI déclarer qu'il n'avait été question dans
eet entretien , ni du nom, ni de l'intervention d'un
ministre. '


. lJl. le Président, nme semble que, dans eette dé-
position eomme dans,celle que le marquis avait faite
devant rnoi , il n'a ,pas cru devoir rendre eompte de
l'entretien particulier duRoi, entretien aussi impor-
tant que décisif.La Cour comprend sans doute les
motifs de délicatesse qui lui font garder le silence.
Cependan t je ferai observar a M. de Sémonville que
eette délicatesse ne sallra.it tenir completement de-
vant le ,serment qu'il apreté tout-a-l'heure , qui lui
commande,' non-seulement de dire la vérité, mais
toute' la verité, Il est bien rliffieile qu'une conversa-
tion d'une telle nature, dans une telle circonstance ,
ne soit pas restée gravée dans sa mérnoire, si ce n'est
pour les termes du moins pour les principes. Je ne
crois 'pas qu'il fút digne de lui de taire a la Cour ce
qui peut contribuer él l'éclairer sur la situation vraie
des. choses et des personnes, dans cette importante
affaire. Je lui demande done de dire si dans eette
oonversationavec le Roi, il a. eu oeeasion de péné-
trer que quelque erreur funeste avait ét;é. récemment
déposée dans.l'esprit du Roi, s'il a en un voile épais
a soulever pOUI' faire arriver jusqu'a lui la vé:ité; s'il
a eru reconnaitre des dispositions personnelles; si,
sans avoir prononeé le nom d'UIl~istre, il ne luí
a pas paru que le Roi était sous"'mpil'e d'une sé-




( 177 )
duction-quelconque.uous une influence quelconque]
et si cette influence , quise faisait sentir dans ces


-. . ..


décisions, n'avait pas principalement sa source dans
le ministere.


ltI. de Sémonoille. Si .j'ai bien entendu la question
que le président vient d~me faire, je vais avoir l'hon-
neur d'y répondre de maniere asatísfaire.je I'espere,
ala juste sollicitude de la chambre , sans .manquer
aux convenances auxquelles elle serait la p,llCmiere a
me rappeler si je m'en écartais.


Je crois: j'ai toujours cru que les résoilltions du
Iloi, que je voulais combattre en entrant dans son
cabinet , étaient personnelles, anciennes , profondes,
méditées , le résultat d'un systeme tout a-la-Iois po-
li tique et religicux. Si j'aNais eu un doutc acet égard;
il aurait été entierement dissipé par ee douloureux
entretien. Toutes les fois que j'ai approché du sys-
teme du Roi, j'ai été repoussé par son inébranlable
fermeté; il détournait lesyeux des desastres de Paris ,
<iu'il croyait exagérés dans ma bouche , illcs détou r-
nait de l' orage qui menacait sa tete et sa dynastie. Je
ne suis parvenu a sa résolution qu'apres avoir passé
par son coeur, Iorsqu'apres avoir tout épuísé.ij'ai osé
le rendre responsable envers lui-méme, du sort qu'il
pouvait réserver aMadame la Dauphine , peut-étre
éloignée a dessein dans ce moment; lorsque je le


• •forcai d'entendre gu'une hCUJ'e, une minute d'hési-
tation pouvait tout.compromettre , si les désastres
de Paris parvenaientsur son passage dans une com-
mune ou dans une cité ,- et qne les autorités ne;


n. J2




( 178 )
pússent pas la protéger, Je le fereai d'entendre que
Iui-méme la condamnait au seul malheur qu'elle


. n'eút pasencore c~nnu, ce1ui des outrages d'une po-
pulation irritée, dans une vie coulée au milieu des
larrnes. Des pleurs ont alors mouillé les yenx dn
Roi; au rnéme instant sa sévérité a dispara, ses
résolutions ont changé ; sa tete s'est baissée sur sa
poitririe; il m'a dit, d'une voix basse , mais tres-
émue : Je vais dire aroon fils d'écrire et d'assembler
le conseil.


itI. le président, N'avez-vous rien remarqué dans
cette conversation de personnel aux aeensés?


1II. de Sémonoille. J'ai commeneé par dire et j'ai
méme exp.liqué les motifs pour lesqnels j'avais mis
un soin tout particulier a x.epoint prononeer leurs
noms, Il est inutile de dire que je ne me suis oc-
cupé que. du présent assezgrave pour roérite'r
toute notre attention ,et d'un avenir qui était assez
proehain.


M. Persil. Je prie M. le président de. demander
a -1\1:. de Sémonville de s'expliquer sur la der-
niére partie de sa déposition écrite, dans laquelle
il dit que M. de Polignac lui avait demandé ce que·
ferait la Chambre des Pairs si jamais, on lui pré-
sentait un budjet sans l'avoir soumis ala Chambre des
Députés.


M. le marquis Je Sémonoille, Toutes les fois que
j'ai vu M. de Polignac ,notre conversation a été di-
visée en deux parties distinctes. Dans l'une , M. de
Polignac me parlait de ce qu'il se proposait de faire




( 179 )
pOlIr la Chambre des Pairs, des projets 'd':.?ggrandis-


, sement de sa situation politique, de son intervention
plus grande dans le Gouvernement, d'une considé-
ration plus lar.ge et plus élevée retentissant dans les
provinces;


Ces projets sont resté&"vaguesdans ses expressions,
bien plus vagues encere dáns ce que j'en ai pu re-
tenir. J'étais dansune '¡lXtreme défiance d~ lá pensée
qui avait présrdéau. ministére du 8 aout. En censé-
quence, je n'ai den recueiUi de ces conversations, ~i
ce ne sont des projets queMo de Polignac pouvait
avoir apporrés d' Angleterre , et qui ne me paraissent
pas süsceptíbles d'étre mis en harmonie avec notre
état social. re n'ai rien vu de r~digé sur ces systemes
qui ont été toujours la matiere de conversations fu-
gitives. J'ajoute que jamais , dans ces projets , il n'a
existé l'idée , du moins commüniqués a moi , de se
passer du concours de l'autrechambre; il ne s'est
agi simplement que de l'élargissement des foncti~ns
de la Chambredes Pairs el de ses dignités.
, IYun autre coté, 1\1.' de Polignac ne manquait ja-
rnais, ou bien rarement, de me demander ce que je
pensais qu~ ferait la Chambre des Pairs a la session
suivante. J'ai toujours tenu le méme langage aM. de
Polignac. Je lui ai dit que la Chambre des Pairs, fidele
ason mandat, suivraitla ligne constitutionnellequ'elle
&était tracée; que rien ne pourrait l'en faire dévier ,
et que les nominations successives qu'on avait faites
dans son sein rlevaient 1ni prouver par ·leur effet,
quelle serait sa résistance et I'opinion compacte de




( 180 )


ses memhres. Je lui' ai dit vlusieul's fois que le uorn
d'un ministre irnpopulaire n'empécherait jamais UlW
loi de passer ala Chalubrc des Pairs, si la Chambre
des Pairs était convaincue de son opportunité et de
sa honte, de méme que le nom du ministre le plus po-


. pulaire dans son sein ne, tróuverait pas la majorité
sans conviction,


M. d~ Polignac ne rn'a jamais- parlé directernent
ou indirectement de coups-d'état. 11 ~'effor\ait ton-
jciurs, au contraire, de me rassurer acet égard, et
plnsieurs fois il a dú s'apercevoir de ma défiance,
autant que les formes de la société permettent d'ex-
p9~er ce sentiment en dehors. •


Vers le mois de .juin , je me proposais de partir
pour les eaux, oú ma santéjn'appelait et oú j'ai
l'hahitude d'aller a cette époque. Je vis M. de Po-
lignac; les mémes entretiens eurent lieu, cal' nous
n'en changions guere. M. de Polignac fut pressé par
moi de préciser davantage ses questions. Je lui de-
mandai : Qu'entendez-vous done par l'esprit de la
Chambre des Pairst expliquez-vous sur le secours ,
sur l'appui que vous desirez avoir pour la couronne,
M, de Polignác me dit alors : Mais dans la supposi-
tion -d'un budget; y a-t-il une circonstance oú la
Chambre des' Pairs se déterminát a le rejeter si le
salut de la couronne y était attaché? A quoi je ré-
pondis ~ M. de Polignac ce que je luí ai rappelé dans
un moment de vivacité sur le Trocadero : Je n'en
doute pas, et méme déja deux opiqions bien antici-
pécs sur les événemens out été manifestées a cet




( 181 )


~gal'd dans la Chambre des J;lairs. Par exemple 6 si
par impossible une 10i était évidemment introduite
furtivement dans une Ioi de finances , je-ne dome
pas que la Chambre des Pairs ne se determinát are-
fuser ltl budget. Mais si, eomme je puis le croire,
ou du moins ,le soupconner , vous me faites deux
questions en une, apres avoir"repondu :a la pre-
miere ,je vais répondre a la, seconde, Si.par hasard
vous entendiez par laque la Chamhre des Pairs'~ous
donnát jamais un homme ou un eentime, vous po u-
vez nommer 150 Pairs, et votre nornination sera
vaine; la Chamhre des Pairs ne se suicidera 'pas. Ja-
mais ell~ ne sortira du cercle de ses pouvoirs pour
entrer daos nn cercle oú elle n'en a pas, oú nul ne
peut lui en conférer, oú chacun aurait droit de lui
désobéir,


. .


Cette conversation fut rappelée par moi sur le Tro-
cadéro,je vais en dire les motifs. M. dePolignac était
alors so~ti du ministere "el nous.attendions J-~ tal:-
dive détermination d'un conseil, interrompu , je
crois ,deux ou, trois fois par. les ahsences de M: le.
Dauphin. M. de Polignac n'avait plus le bandeau du
rninistere sur les yeux; nous n'avions plus de dis-
sentiment, ce n'était pas le moment de.Iui faire des
reproches. .


.M. de Polignae voyait I'ahime , il maparaissait
tronblé. Daos un élan oe sa douleur v U me, dit:
), Vous étes cause de ces malheurs, ». Ces paroles iru-
prudentes Iurent repoussées par moi avec vivacité.
V¡¡US n'avez ras voulu , ajouta-t-il , tourner laChnm-




( 182 )


bre des Pairs, Il regret1:ait sans doute den'ávoir pas
pu faire réussir son systeme dontil espérait beau-
coup.


raí rendu compre de cette circonstance paree que
nousétions fort attentivement observés sur-le Tro-
cadéro; que j'avais été prévenu que des bruits s'é-
taienr répandus sur ma súreté , apropos de ce qui
s'était pásséa l'égard du maréchal de Ragusc. Plu-
sieurs personneS rn'accompagnaient. 11 faut le dire,
des officiers dévoués, sans m'en prévenir, me sui-
vaient partont avec I'intention de veiller a ma su-
reté; d'autres pouvaient avoir des intentions diffé-
rentes et desirer qu'il y fút porté atteinte. La cha-
leur excessive et l'activité de notre impatience sur
ce malheureux conseil, nous portait souvent achan-
gel' d'appartement et a aller prendre l'air un mo-


l J ' , .ment sur a terrasse. e m apel'l;;us qu on nous ecou-
tait beauceup, J'élevai la voix d'abord malgré moi, et
ensuite ponr étre mieux entendu:


,J'ai rapporté cette conversation textuellement ,
quoique presque étrangere au procés , ponr qu'elle
fút bien eomprise par la Conr , cal' elle a été morce-
Iée par des rapports inexacts, Je flnís en décIarant
de nouveau que, malgré ma défiance, M. de Po-
lignae, dans aueune circonstanee , ne m'a.jamais dit
un mot qui pút m'autoriser a eroire de sa part aux
eoups d'état , et que j'ai été trompé par les événe-
mens jusqu'aux derniers momens.


1I'f. de Peyronnet. Il y a dans la déposition du té-
moin deux. circonstances sur lesquelles il m'ímposte




( IS3 )
de soumettre a la Cour et alui-méme une courte ex-
plieation. La premiere est relative aux paroles qu'il .
a rapportéea. et que je lui ai adressées en effet dans
le jardin des Tuileries, et aU"K gestes et a l'interpré-
tation qu'il en a donnée.• le n'ai aueun souvenir"uü
geste que le témoin a eru se rapporter ala partie du
hátiment que je laissais derriére moi. le puis affir-
rner que si j'ai fait ce geste , if n'a pas été aussi
exactement interpreté qu'on a pu le croire. VoiCi la
seule pensée dont je pouvais étre animé en lui mon-
trant, non pas ce bátiment , mais le théátre de tant
de malheurs que je déploraís. Elle pent étre ainsi in-
terprétée : le tems presse , ne négligez rien ponr ar-
porter un terrne ade 'si grands malheurs. Quslques
personnes savent fort bien quelle impression produi-
sirent sur moi ces déplorables événemenst Il n'est
pa:¡ possihle que mes gestes pussent a':oir d'aut~e
interprétation que celíe que je viens de donñer,


La seconde est relativea l'-arrivée du prince de
Polignac au cháteau de Saint-Cloud, '.


le erois qu'il y a quelque importance daos ce que·
vient de rapporter le témoin. Un tems assez court il
est vrai s'est écoulé entre le moment de notre arri-
vée etcelui oú M. de Sémonville a été introduit au•
•pres du ¡toi. Mais je puis garantir que 1\'[ le prince
de Polignae et moi l'avons précédé aupres du Roi;
que les explications que nous devions soumettre au
R~i lui ont été adressées par le prince de Polignac
et moi. Tout ce que M. le duc de Raguse voulait que'
le Hoiapprit, le Roi l'a entendu de notre bouche.




( 184 )
Enfin, nous luiavons déclaré la nécessité qüe nous
avions reconnue de cesser immédiatement nos fonc-
tions,


M. de, M"artignac, L'explication donnée par M. de
Peyronnet est d'une tres-grande importance. Me.do
Sémonville , trompé par une fausse interprétation
qu'il avait donnée él un geste, avait mal expliqué
celui de M. de Peyronnet, Il dit 'que celui-ci avait
montré d'une main le .cháteau de Saint-Cloud , etde
l'autre lés voitures qui suivaient celle de M. de Sé-
monville. l\f. de Sémonville avait cru que M. de Pey-
ronnet se défiait de la présence de M. de PoJign:;w a
Saint-Cloud, et qu'il le pressait de l'y devaneen. Ce
n'est pas la l'explication qu'il ICl;ut donner ace geste.
Il indiquait d'un coté oU'était le malaffreux auquel
il voulait po.er remede, et de l'autre cóté eelui oú
le remede -qevait se .trouver. .


M de Polignac. Il m'est impossible de ne pas don-
ner quelques explications sur la langue déposition
que vous venez d'entendre. Je prie la cour d'appré-
cier la position dans laquelle je me suis trouvé pen-
dant eiIKI ou six mois; mais ce qui me rassure ponr
la découverte de la vérité, c'est que' je sais que si
d'une main vous tenez le glaive qui doit venger la
société, de' I'autre vous tenez le bonclier. qui doi]
couvrir l'inqocence, (Rumenrs dans les tribunes.)


M. de Sémonville et un nutre pair qll(" je ne norn-
merai pas puisqu'il .est juge dans ce procés , sont
venus aux Tuileries, M: de Sémonville a eu la honté
~e VOl~S exr1iquer les motifs qui, dans le premier




( 185 )
moment, luiont fait donner une interprétation aun
geste. Je dirai d'abord que sur cette-grave questiori..
les malheursqui désolaient la capitale, .il n'y a ja-
mais en dissentiment entre mes collégues et moi ,
lJOUS les avons tousdéplorés bien sincerement. (M. de
Peyronnet fait un geste affirmatif.)


M. de Sémonville vousabntretenusdé faits qui ont
échappé ama mémoire; cal' je croyais qué c'était PU"
'rement et simplement sur les ordonnances elles-
mémes que eette dépositionglevait porter, et Iadis-
cussion sur les ordonnances appartientames moyens
ne ~léfense. '


Il est eertain qu'aussitót qne j'eus une conversa-
tion avee M. de .Sémonville, et surtout avec l'autre
pair, qui, s'il s'en souvient , s'est promené de long
en large dans le eabinet du maréchal, je reeonnus
alors toutce qui s'était passé et j'appris tout ce qui
se projetait. Je vis afors qu'il était utile au pays que
je me retirasse imrnédiatement des affaires. Déjá
quinze ou seize jours avant la. sigllalure des ordon-
nances j'avais offert au Roi ma démission. "Vn sen ti-
ment de respect dont je ne m'écarterai jamais m'em-
pechera de dire les motifs qui purent m'y retenir. Je
dois rappeler que dans le moment dont a parlé M. de
Sémonville il.n'y avait pas de conseil , mais.que nous
étions réunis ensemble. C'est alors que nous nons
communiquámes nos sentimens, et que nous recon-
.númes qu'il était tems de faire tous les eftorts pour
táeher de faire retirer les ordonqances. Quant a la
démission , offerte depuis Iongtems, notre coenr la




( 186 )
desirait, Nous partirnes; vous aves entendu hier un


. térnoin, l'un des maires de Paris, qui vous a rapporté
les paroles que je Ini avais adressées et l'impression
que ces paroles.avaient laissée dansson esprit. J'allaí
dans ce mome~ltprendre les ordre du Roi pour fair.e
rapporter les ordonnances. C'est dans ce but que j!l
suis parti. Nous arrivárñes tous les' ministres en-
semble..a Saint-Cloud. J'entrai chez le Roi. Id la mé-
moire du témoin que vous venez d'entendre n'a pas
été tout-á-fait fidéle ; Vsemhlait Iaisser croire qu'il
n'ya en que cinq a six minutes entre le moment au-
quel j'entrai chez le Roi et celui auquel je 1'), lis
appeler.:


J'entrai chez le Roi immédiatement apres mon ar-
rivée, accompagné de M. le cemte de Peyronnet. Je
fis au Roí le récit de tout ce que j'avais entendu. Je
lui indiquai les. p~rsonnes qui étaient la, et j'ajoutai
qu'il était important , nécessñíre , indispensable,
non-seulement de rapporter les ordonnances, mais
de changer le ministere. Rien au monde, dis-je ,
ne pousrait me faire .rester plus longtems au mi-
nistere.


La conversation que le Roi eut avee M. de Sé-
villene pouvaitque fortifier Sa Majesté dans la réso-
iutian que je venais de lui faire prendre de rapporter
les ordonnan~es, et de changer enméme temsson
ministere•.


Je demande a la Cour encare .un instant d'atten-
tion. (Parlez, parl~7..) M. le cornmissaire de la Cham-
bre des Députés V(Hl~ a dit hiel' qu'il rccherchait la




( 187 )
vérité, et rien que la vérité , qu'il la recherchait dans


. I'intérét de la défense aussi bien que dans celui de
l'accusation, Ce Iangage était convenable a cause de
son caractere personnel, convenable a cause du
caractére qu'il a en ce moment , oú il SB trouve en


. .


quclqne sorte représenter la Ch~bre des Députés ,
qui arrive eemmeplaignante ; el qui poursuitsans
animosi té comme sans eramte au nom du pays. (Mou·
vement.)


le puisdonc examiné' quelle est la vérité qui res-
sort de tous les débats qui ont eu lieu en ce momento
In terragez vos cansci ences ; et voyez si effectivement
OIJ peut dire que jeme suis refusé aarréter l'effusion
du sang; elles vous répondront sans doute qu'il m'a
été impossihle d'agir autrement , qu'une force rna-
jeme m'emportait malgré moi, et si jamais le danger
ne m'a fait recule,', jedois reculer devani l'apparence
de la déloyauté. Je ne pouvais faire autrement que
d'en référer au Roi des que j'ai connu tonte la w'a-
vi té des événemens. .¡fe me suis alors háté d'aller
chez le Roiet de lui déclarer que je ne pouvais rester
aux affaires, el:" que ron devait rapporter les 01'-
donnances,


Nobles pairs, devant qui je dois rendre compte de
toutes mes actions, si la Charte ne vous eút pas indi-
qués comme étant le tribunal devant lequel je devais
paraitre, je n'eusse pas craint de me montrer devant
cettapopulation parisienne, pendant troisjours toute
de .soldats; mi milieu méme des passions et de l'exal-
tation qui surgissent a la suite des évéñemens poli-




( 188 )
i¡qnes, la vérité aurait toujonrs triomphé, le crois
connaitre assezhien mon pays pourétré certain que
tout Francais cornrne jtige ne se laisserait jamáis do-
miner par les 'passions du citoyen, et comme sol-
dat il ne connait d;ennemi que sur le ch~mps de
hataille. .• ..
) Des marqqes universelles d'attendrissement écla- .
tent aussitót dans l'assemblée , et trois OH quatre ap-
plaudissemens partent des tribunes publiques, sur les-
quellesM. de Polignac prornenait ses regards en pro-
nonraut d'une voie émue ces dernieres paroles. M. de
Peyronnetessuie quelques larmes, M. de Martignac se
tourne ~'iv~ment vers M, de Polignac, etlui serre la
main asee force:


Au milieu de cette scene imprévue, on introduit
M. Mlluguin, dernier témoin, et qui a été cité au-
jourd'hui iraéme ala requéte des commissaires de
I'accusation.


M. de Martignac. M. Mauguin, appelé comme té·
moin , est prét ase faire entendre, le suis convaincu
d'avance qu'il aurait pressenti l'observation que je
vais lui soumettre, comme j'ai 'la certitude qu'il ne
déposera que ce qui est vrai ; je serais le prerníer aré-
clarner son témoignage s'ilpouvait étre réguliérement
entendu.


M. Mauguin a été nommé par la Chambre de Dé-
putés membre de la commission d'accusation. Il a
procédé en eette qualité aIa procédure faite par la
Chambre dés Députés, La nobleCour se sOl1vi~nt de
ce qui s'est ~assé dans cette Chambrc. La commission




( i8g )
d'accusation ne se trouvait pas munie de pouvoirs
suflisans. Elle crut devoir déférer desa position a la
Chamhre des Députés elle-mérne et de lui demander
de Iui accorder les pouvoirs qui appartíennent, d'a-
pres nos loiscriminelles, aux juges d'instruction et a·
la Chambre de mise en prévention. La Chambre des
Députés a cru dans son drol\,d'accorder a la com-
mission d'accusation ce qui était demandé' par elle.


. ' .


C'est daos cette situation , dont nous ne connaissons
ni la légalité ni la régularité, que nous devons re-
nouveler devant vous les reserves faites par la dé-
fense. 11 resulte de la position méme dans laquelle
s'est placée la chambre, que M. Mauguin ne peut pas
paraitre devant vous comme témoin, Le juge d'in-
structionne peut, d'apres nos lois criminelles, dép?ser
dans les áffaires qu'il a poursuivies.


M. leprésident. Je fais observer que la cour n'avait
cité que trois membres de la commission des Dé-
putés envoyés au duc de Raguse, MM. Laffite, Ca-
simir Périer et ~érard. C'est sur la demande de


, .


MM: les commissaires que la Cour a fait comparaitre
lesdeuxautres. C'est ainsi que Mi le comte de Lobau
a déjá été entendu. M. Mauguin est juge de sa si-
tuation.


M. Bérenger. La Cour appréciera l'ohservation
des défenseurs. .•


M: le président. Les défenseurs s'opposent-ils a
l'audition de M. Mauguin ?


M. de Martignac. Pas le moins du monde, c'est
une simple ohservation que j'ai soumise,




( 19° )
M. de Polignac. Nous desirons au eontraire que


M. Mauguin soit entendu. Ce n'est pas pou; nous,
mais pour la régularité de la procédure et pour l'a-
y~nir, que cette observation a été faite.


M. Mauguin. J'ai déjá été appelé devant la Com-
mission de la Cour des Pairs comme témoin. Je lui '
al déclaré aussitót qu't' je devais étre récusé dans
eette affaire, paree que -j'avais fait partie moi-méme
de la Commission d'instruction de la Chambre des
Députés, qu'en outre 'j'avais porté la parole dans
l'affaire de l'accusation , que sous aucun rapport je
ne pouvais étre entendll dans l'affaire eornme té-
moin , a moins que les accusés eux-mémes ne le
demandassent.


M.' de Martignac. Les accusés ne le demandent
pas.


M. Mauguin. J~ dois étre lié ,par les regles judi-
ciaires, J'ai été juge-instructeur dan s eette affaire,
et jamais juge-instructeur ne peut étre appelé cornme
témoin. Si la cour veut m'ordonner de déposer, et
si les accusés le desirent , je le ferai, mais je déclare
que je n'ai pas de renseignemens nouveaux a lui
donner.


M. le président. Le témoin n'avait été appelé que
par surérogation.; le témoin reconnait l'espece d'im-
cornpatihilité entre ses fonetions précedentes et le
role qu'il remplirait en ce moment, je crois étre au-
torisé ane pas l'cntendre.


M, Arago est cntehdn.




( ]91 )
M.leprésidenl. Est-ce avous qu'a été arlressée la


leUre de M. Delarne?
l1L Arago. C'est aM. de Guize,
!JI. le président. M. de Guize; étes-vous en pos-


session de la lettre de M. Delarue ?
M. de, Guize. Je nepourrais pas l'affirmer ; je la


chercherai.
¡}J.. le président. V(')~s pourriez sortir et allér la


chéreher sur-le-champ, .
Un pairo M. Arago croit-ilque d'autres personnes


que hJi. aient entendu le propos?
11I. Arago. Je ne puis pas le dire ; peut-étre mon


fils, mais je ne suis pas bien certain.
M. de Glandeves , Pair de France, est appelé,
M. le président. Votre qualité de gouverneur du


cháteau des Tuileries a dli vous mettre dans le cas de
connaitre particulierement toutes les choses qui se
sont. passées au cháteau des Tuileries· depuis l'in-
stant oú le dne de, Raguse s'y est établi et eelui oú
les ministres sont venus y prendre domicile , jusqu'á
l'instant oú le chatean a été complétement évacué,
La Cour vous demande de lui faire connaitre tous
les détails que vous pouvez savoir.


M. de Glandeoés. Le duc de Raguse, prenant le
commandement de toutes les troupes qui faisaient la
garde du chatean depuis le mardi , je n'ai plus eu
aueune autorité, Je ne puis rendre compte que des
événemens sur lesquels vous voudrez me faire des
questions.


J1'. le président. A quelle heme le duc de RagusC'




( 192 )
est-il venu s'établir aux Tuileries le mardi ? -r-t-' li,


.


Vers midi.
D. Avez-vous su si ce joúr-la il a vu le ministre de


l'intérieur. ~ R. re l'ignore; Ies ministres ne sont
pas venus le mardi IlUX Tuileries,


D. Avez-vous été informé le mardi par le maréchal
que la, ville all~it étre mise en état de siége? - 'R;
Du-tout,



D. 'Avez-vous été averti le Iendemain? - B. "Le


maréchal m'a dit seulcment que les ministres vien-
draient aux Tuileries.


D. A quelle heure les ministres sont-ils arrivés
aux Tuileries? - R. Je ne puis préciser l'heure. Je
crois qu'ils sont arrivés vers midi,


D. tes ministres sont-iIs arrivés successivement?
, '


- R. Jecrois qu~ tous les ministres sont arrivés en-
semble, saufMM. de Peyronnet et Capelle.


D. Quels sont les ministres qui se trouvaient aux
Tuileries a l'époque de la visite des ·députés?.L- R.
Tous, je crois, excepté les deux que j'ai désignés.


D. Est-ce vous qui avez introduit les députés P-
R. J'étais dans la cour des Tuileries. Je leur ai de-
mandé les motifs de leur venue. Je m'empressai de
les accompagner chez M. le maréchal , craignant les
obstacles que les forictionnaires pourraient mettre a
Ieur passage.


1). Savez-vous ce qui s'est passé entre eux et le
maréchal? - R. Non.


D. Avez-vous su que M, le maréchal avait propasé'
a 1\1. de Polignac de les voir ?,¡- R. Non.




( 193 )
D. Savez-vous si, aleur départ, les dépntés furent


arretés par un aide-de-camp ? - R. Je erois me le
rappeler.


D. Vous avez entendu parler, depuis , de ce refus,
Savez-vous si ce refus avait été concerté entre M. de
Polignac et les autres ministres présens ? - R. Non,
du tout,


D. Savez-vous si les ministres se réunissaient sou-
vent , s'ils tenaierit habitueUement des conseils? -
R. le n'ai vu aucun préparatif de conseil. Les mi-
mistres se tenaient dans une piece qui suivait le ca-
binet du major-général de service.


D. Avez-vous remarqué que le major-général ait
eu des communications fréquentes avee eux, et
qu'il leur rendit un compte exaet de ce qui se pas-
sait? - R. Le logement du major-général touchait
celui qu'occupaient les ministres. le ne saispas s'il
yavait de fréquentes communications.


D. Avez-vous remarqué si MM. res ministres, et
M. de Polignac spéeialement, avaient des comrnuni-
cations fréquentes avee Saint-Cloud? - R. Je l'ai
ignoré absolument,


D. N'avez-vous pas été ehargé de faire parvenir
des lettres a Saínt-Cloud? _ R. Non, paree que les
écrits au Roi n'étaient pas sous mes ordres.


D. Avez-vous eu connaissance des lettres de com-
munication que le maréchal pouvait envoyer aSaint-
Cloud, on des émissaires qu'il pouvait avoir établis P
- R. Le maréchal m'a dit une fois avoir écrit au
Roi, .le crois, apres l'arrrvée des députés.


11. 1:3
..f




( 194 )
D. Aucun ministre nest-il allé aSaint-Cloud dans


la soirée de mercredi, et dans la nuit de mercredi
au jeudi? - R. Je ne l'ai pas su.


D. Savez-vous si les dangers de la situation de
Paris étaient bien connus an cháteauP ---.: R. Je ne
le sais pas, mais les rapports arrivaient tres-diífici-
lement,


D. Des eflorts furent-ils faits pour arréter l'effu-
sion du sang? - R. Le due de Raguse desirait heau-
f'OUp la pacification. Il adressa des lettres aux maires
et a'ux adjoints , espérant qu'il pourrait par la at-
teindre ce résultat.


D. Avez-vous eu connaissance des ordres d'arres-
tations confiés aM. de Foucault? - R. Non.


D. Vous ne savez pas par conséqnent combien de
personnes étaient portées sur la liste remise aM. de
Foucault? -R. Non.


D. Avez-vous entendu dire que ces arrestations
furent oontremandées? - R. J'en ai entendu parler
apres les événemens.


D. Étíez-vous présent lorsque MM. de Sémonville
et d'Argout se rendirent aux Tuileries; n'avez-vous
pas su avec quelIe énergie M. de Sémonville parla a
M. de Polignac ?- R. J'ai trouvé ces deux Messieurs ;
j'ai été surpris de Ieur arrivóe aux Tuileries au milieu
des dangers. M. de Sémonville m'a demandé une voi-
ture pour aller aSaint-Cloud. Je luidis que je n'a-
vais aucun ordre adonner aux écnries; que cepen-


I


dant j'allais en demander une. J'ai entendu interpeller
vivement M. de Polignac. Les ministres, qui n'átaient '




( 195 )
pas alors avec M. de Polignac, y accoururent en ce
moment, en eutendant M. de Sémonville. Un cercle
se forma. M. de Polignac répondait avec sang-froid.
Je ne pouvrai pas préeiser eette réponse; rnais je
erois avoir seulement entendu ces mots: que voulez-
vous? M. de SémonviHe demandait le retrait des 01'·


J •


donnances ; je ne penx dire s'il démandait aussi le
ehangement du ministere.


D. A~res cette demande de M. de Sémonville, les
ministres entrerent-ils dans une piece voisine pour
prendre un partí quelconque sur eette demande?
Vous rappelez-vqus ce qui se passa alors entre M. de!
Sémonville et le maréchal ? - R. Je sais que les mi-
nistres sont rentrés dans le cabinet oú ils se tenaient.
J'ai engagé le marécha. y entrer pour les faire par-
tir le plus tót possible. M. de Peyronnetme demanda
aussitót une voiture pour aliar aSaint-Cloud,


D: Ne vous rappelez-vous pas qúe les ministres
résolurent qu'ilsne partiraient pas potlr Saint-Cloud?
Voyant que l'ordre de choses existant allait s'écrou-
ler, n'engageátes-vous pas le maréchal aprendre le
partí de considérer les ministres eomme prisonniers ,
'5'iI5 ne voulaient pas concourir a arréter l'effusion
du sang? - R. Je n'avais pas de troupes a mes 01'-


. .


dres , je ne pouvais prendre l'initiative d'aucune me-
sure. Si eette mesure avait paru néeessaire au maré-
chal, certainement .i'aurais obtempéré de grand- coeur
a ce qu'il rn'aurait demandé. (D'une voix plus forte
et se tournant vers les accusés ). J'aurais crn agir en




.( 196 )
Iion Francais et en fidele serviteur du Roi. (Mom'e-
ment). .


D. Que fites-vous apres l'évacuatioji des Tuileries ?
Ne vous rendites-vous pas a Saint-Cloud? N'avez-
vous pas appris dans ce Iieu quelque chose qui
puisse jeter quelque jour sur les événemens qui ve-
naient de s'accomplir P- R. Apres la prise des Tui-
leries , j'ai resté trois heures daos le cháteau. Je ne
suis allé a Saint-Cloud que le lendemain; j'y ~uís resté
fort peu de tenis. Je n'ai connaissanoe d'aueun fait
ultérieur.


M, le marquis d'Aramon. Je VO~lS prie, M.le pré-
sident , de demander au témoin , s'il est allé aSaine-
Cloud , s'il a rendu compte au RQi de l'état de París,
s'i] a pu jnger par la répo~e de Charles X quels
étaient sessentimens personnels, ou ceux qui lui
étaient inspirés par-les ministres.


fY!. le président. Le témoin vient d'entendre la de-
mande. - H. La qnestion me parait étrangere a la
cause; on me permettra de ne pas y répondre. Je
n'ai eu qu'une conversation avec le Roi.


frl. le président. Vous étes allé aSaint-Cloud jeudi
ou vendredi matin : vous avez eu une conversation,
qni vous mit dans le cas de connaitre si effective-
ment le Roi , dans ·eette occasion, ét~it uniquement
maitre par ses opinions personnelles, OH s'il était
entralné par le conseil de ses ministres? - R. Posi-
tivement je ne suis pas allé a Saint-Cloud le jeudi.
Le vendredi , j'ai vu le Roi un petit instant; je ne
lui ai 1'1' ff:'t l par e (, aucune a aire.




( T97 ')
(M. de Guise entre al'audience ).
11f. le président. Avez-vous pu retrouver la lettre


de M. Delarue?
M. de Guise. Oui , M.le président, je vais donner


lecture du passagequi a trait 11 l'affaire. Le teste de
la lettre que j'ai détaché a rapport ades affaires par-
ticulieres,


« M. Arago n'a pas dit les choses eomme elles se:
sontpassées. C'est aM.le prince de Polignac quej'ai
dit directement que les troupes passaient du coté
du peuple; c'est Iui qui rri'a répondu qu'on tirait
sur les trollpes. J'ai été déterminé a cette démarche
parce que je regardais qu'il était important que le
prince connút la situation des choses. Si j'étais appelé ,
je ne déposerais pas autrement. ))


D. Est-elle sigüée?-B.. n ya un simple paraphc;
elle est amon adresse. .


D. Y a-t il un timbre? -~-R. Non, Monsieur; elle
m'est venue dans un paquet.


M.le président. M. Komierowski, connaissez-vous
l'éeriture de M. Delamc ?·-R. Olli, M. le président,
(Apr~s ü voir examiné la lettre.) Elle est parfaitement
de son écriture.


M. de Martignac. Cette lettre ne pent servir de té-
moignage. Ct; n'est pas un témoin, ce 11'est pas méme
une letrre que l'on produit, c'ést un fragment sans
signature; ce n' est pas ainsi que· la vérité peut se \na-
nifester. La loi veut qne le témoin soit -entendu : on
sent que dans une circonstance aussi grave, nous ne
pouvons renoneer al'avantage de voir le témoin face




( Ig8 )
a face, de !'interroger, d'explorer sa déposition , de
lui rappeler son serment. II arrive tous les jours que,
malgré une déposition écrite , les débats amenent un
témoin a reconnaitre qu'il s'est trompé. Nous prions
la Cour de ne pas perdre de vue les observations que
nous avons l'honneur de luí soumettre.


M. le président. La Cour appréciera cette circón-
stance.


M. le comte de Lobau , I'un des commissaires de
MM. les députés, envoyés aupres de M. le due de
Ragllse, confirme les dépositions de MM. Laffitte,
Casimir Périer et GérarJ.


M. Ar(lgo jils, p. Vous étiez ave e monsieur votre
pere le mercredi 28, quand il s'est rendu a l'état-
major?-R.Oui,monsieur.


p. Vo.us~Quvenez-vous, étant a coté de lui , que
M. Delarue lui a répété un propos qui aurait eté tenu
par M. de Polignae? -R. Oui, monsieur.


D. M. Delarue; rapportant ces paroles , les a-t-il
réellement attrihuées a M. de Polignac? .,- R. Oui ,
monsieur.


M. de Martigrtac. La Cour me permettra de revenir·
sur ce fait qui pese sur le cceur de I'accusé, Ce
ne sont pas deux témoins qui viennent de déposer de
ce íait, 9~ sont deux echos d'un seul témoin qui est
absent,


1l:t, de. Polignac, J'aftirme ne me rappeler en aucune
maniere ce propos. le demande a la Cour si, au mi-
lieu d'événemens aussi graves, des paroles rapportées
peuvent fonder une accusation ?En conscience, je dé~




( 199 )
ciare que si c'était de cette maniere qu'on pút haser
un acte d'accusation , il n'y a pas un individu contre
lequel je ne puisse moi-méme, quelque innocens que
soient les propos qu'il ait tenus , y trouver matiere a
l'accusation la plus grave. le dirai plus, je lui donne-
rais le choix du délit dont il voudrait étre accusé
devant vous.


M. le president. Les comrnissáires de la Chambre,
les accusés et les défenseurs ont-ils quelques nouvelles
observations a faire aux témoins réunis , avant de
cIore les débats? (Non.)


Alors la Cour entendra dcmain M.le commissaire
de la Chambres des Députés et les défenseurs.


M. de Martignac. Si MM. les commissaires de la
Chambre des Députés doivent étre entendus demain,
je crois de mon dcvoir de déclarer a ia noble Cour
qu'il me ser.a impossible de prendre la parole immé-
diaternent apreso Le systeme de l'accusation ne HOllS
est encere connuque par llacte porté par la Chambre
des Députés, et par la résolution de cette Chambre,
que la noble Cour connait comme nous, Depuis eette
époquc, une proeédure tres-longue a été faite. Des
débats importans ont eu lieu; cepeudantrien ne nous
a fait co~na¡tre les moyeus de l'accusation. Il ne me
serait pas possible de prendre l'engagement de parler
immédiatement apres. le demande que la défense soit
~emise au lendernain.


M. le président . La Cour, apres avoir entendu




( 200 )


l'accusation, décidera si elle doit entendre les dé-
fenseurs.


(La séance est levée a quatre heures et dernie.)




SÉANCE DU J 8 UÉCEl\IBRE.


On remarque dansl'auditoire uu plus grand nombre
de députés que les jonrs précédens. MM. le général
Lamarque, Dupin ainé, Kératry, Caumartin, Mercier ,
Jars, Saint-Cricq, Cunin-Cridaine et quelques autres,
sont dans la trihune placée derriere le bureau de
M. le président. On distingue aussi dans l'auditoire
M. Renouard , secrétaire-général du ministere de la
justice. On apercoit dans ~a tribune desjournalistes,
en 'uniforme d'officier de la garde nationale, M. Fa-
bien, cet homme de couleur , qui, par sa courageuse
persévérance a défendre les droits de ses compa-
triotes, merita l'estime générale, et dont la présence
rappelle a tous les esprits le souvenir d'un si cruel
attentat.


A dix heures un quart les accusés sont introduits,
Un air de sérénité s'est répandu sur !OUS leurs traits ;
MM. de Polignac et de Peyronnet surtout ont le
sourire sur les levres,


La Cour entre aussitót, et , immédiatement arres




( 201 )


elle, sont introduits MM. les commissaires de la
Chambre des Députés. M~ Persil s'arréte un instant
devant le bureau de M. le président et s'entretient
avec lui.


Apres l'appel nominal, M. le président donne
la parole a M. le commissaire de la Chambre des
Députés.


Un mouvement universel se manifeste alors'dans
l'assemblée et parmi les accusés. M. de Polignac, un
crayon a la main et un cahier sur le genou, se tourne
vers M. le commissaire, et semble attendre ses pre-
mieres parples. M. de Peyronnetse tourne au con-
traire de l'autre coté, et roule un petit papier dans
ses doigts. M. de Guernon-Hauville fait face a l'ora-
teur , et préte une oreille attentive. M. de Chan-
telauze a les bras croisés et la tete penchée sur sa
poitrine.


M. Persil a quitté son bureau , et s'est placé sur
ledevant de l'estrade. Le plus profond silence
s'établit, et M. le commissaire prend la par~le en
ces termes:


Messieurs, la responsabilité des ministres est .la
vie des gouvernemens. Invoquée par les princes dans
les gouvernemens absolus, elle peut n'amener que
des actes de justice ordinaire ou servir quelquefois
11. sad~faire des ressentimens : provoquée par les
peuples des États libres, elle a qnelque chose de
plus élevé , de plus imposant , de plus- vrai; elle
annonce les malheurs de la patrie, paree que, si




( 202. )


les rois peuvent se plaindre de gricfs personnels ,
les peuples ne se levent que pour punir des calamites
publiques.


C'est, Messieurs, ce qui vient d'arriver en France.
Le peuple, ponrsuivi jusque dans son indépendance,
s' est battu, pour ses lois, Sl~S institutions, sa Charte,
qu'on avait láchement renversées, Apres la victoire,
il dépose les armes et vient avec calme, avec sang-
froid dernander aux magistrats justice des crimes
commis envers la patrie.


Spectacle imposant qui proclame la sagesse de notre
belle révolution! Avertissement al'El1ropt;,au monde
entier qui nous observe, des progres qu'a faits chez
nous la civilisationl


Autrefois, le peuplevictorieux se.serait al'instant
vengé des ministres qui I'auraient opprimé. Aujour-
d'hui, il repousse lejong, s'affranchit de l'oppression,
rétablit la loi que les ministres voulaient renverser ,
et, au nom de son autorité, il demande j ustice aux
magistrat"s qu'elle avait institués.


Ce calme noble et majestueux du peuple francais
et de ses représentans ne sera pas perdu pour nous,
qui avons été élevés a l'éminent honueur de parler
en leur nomo


Nous dirous les crimes des ministres envers la
patrie; nous vous exposerons les preuves que IlÜUS
avons recueillies, et, avec autant d'indépendanee que
de respect pmu:r le malheur mérité, avec plus de mo-
dération que la mémoire de nos freres égorgés ne
semhlerait devoir nous eu laisser , nnus dernanderons




( ~.w3 )
l'exécution des lois qui nous obligent tous, accusa-
teurs , juges et aceusés,
~es événemens de 1814, qu'il est perrnis aujour-
d'hui de regarder comme funestes, avaient eonduit
en France une famille de rois que r€S génération&
nouvelles n'avaient pas connue, Ramenée par une
invasion humiliante, elle ne fut accueillie que 'sous
la protection du nom de Henri IV, dont elle invoquait
elle-méme lepopulaire souvenir. Cependantlesénat,
sentant la nécessité d'engagemens réciproques, pro-
posait une espéce de contrat avec le nouveau souve-
rain; i1présentait ason acceptation quelques articles
d'une constitution peu exigeante... Louis XVIII
refusa d'y souscrire , en se fondant sur des droit innés
de sa famille a la couronne de Franco.


Il fallut se résigner, et, tant a cause des halon-
nettes étrangeres qui commandaient a notre liberté,
que dans l'intérét de la paix publique aprés laqueUe
la Franee soupirait depuis long,tems, la Char\e fut
acceptée comme la loi constitutioaeelle du J'oyalJme.


Gest ici le lieu de faire la profession de foi de la
France eutiére, puisque dans ces derniers tems on
n'a pas craint d'attaquer sa loyauté.


Elle s'attacha de honne foi a la aouvelle dynastie
comme aux institutions quecette famille orgueilleuse
avait daigné luí octroyer. Oublieuse tout-a-Ia-fois. et
de l'origine de ce qu'on avait appelé la Restauration,
et du prineipe faux du droit divin sur lequel reposait
la Charte, elle aurait tout sacrifié pour la défense de
son Roi et de la nouvelle constitution.




\ ~w4 )
Nous ne dirons pas que cette affeetion pour la


dynastie íút déterrninée par des considérations per-
sonnelles et qu'on l'aimát pour elle-meme. Non, e.
n'avait rien fait pour mériter l'amour des peuples.
Le desir sinet!re de la conserver ne tenait qu'a
l'intérét de la France qui, fatiguée -de révolutions ,
craignaJt qu'un changement n'amenát de nouvelles
tempétes.


Mais, si la France était loyalement dévouée ason
Roi et a la Charte, en était-il bien de méme du
Roi et de sa famille a l'égard de la Charte et de la
France?


Pour Louis XVIII, nous n'hésitons pas a le croire,
en donnant une Charte ,il avait moins cédé au desir
de reconnaitre et de consacrer les libertés publiques,
qu'a la nécessité des tems et aux progres des lumieres.
11 y tenait, comme nous aux Bourbons , par intérét,
par esprit de conservation. Il n'ignorait pas que le
jour 9u ron y porterait la main , sa restauration de
deux jours s'écroulerait,


Mais il n'en était pas de méme de ses successeurs.
Avant de monter sur le tróne , Charles X fut le chef
reconnu du partí absolutiste. Son }wopre frére le si-
gnala comrne tel en différentes oceasions; etla rumeur
publique présageait des cette époque que nos-insti-
tutions seraient en danger, des que la garde lui en
serait commise.


Cependant, a son avenement au tróne , la France
osa eoneevoir quelque espéranee. L'abolition de la
censure; le cri : plus de hallebardes, firent naitre en




( 205 )


elle une coufiance alaquelle elle n'eüt pas osé croire
quelques jours auparavant, ~ais elle fut de courte
durée. Le eomte d'Artois , semontra sous le manteau
royal de Charles X. .Ceux qui avaient conspiré avec
Iui la perte de nos institutions étaient sur les marches
du tróne, La garde de la Charte était confiée ases plus
violens ennemis.


Le ministere Villele pesa sur la France pendant
six années. ).


Nous ~e dirons pas quels furent ses actes; ils sont
présens a la mémoire de tout le monde. Nous rap-
pellerons seulement qu'ils reposaient sur un esprit
rétrograde; qu'ils favorisaientl'aristocratie , plus celle
de I'émigration que toute autre, paree qu'on la disait
plus pure; qu'ils tendaient insensiblement ala contre-
révolution que l'habileté du ministere savait impos-
sible aopérer ouvertement et tout d'un coup.


Néanmoins eette marche tortueuse et de mauvaise
foi n'échappa ni a la nation ni a ses députés. Ceux-ci
passerent insensiblementdans une opposition qui
amena la dissolution de la Chambre.


Une chambre nationale , élue malgré la plus auda-
cieuse des fraudes, fit ajoumer le projet de contre-
révolution. Le ministére Villele se retira et fut
remplacé par une administration a laquelle, suivant
la juste observation de votre rapporteur, on doit
l'affranchissement de la presse et la vérité dans les?
élections.


Sous eette administration, la violation de la Charte
n'était pas possible. On ponvait reprocher aux mi-




( ~o6 )
nistres de l'indécision; l'absence de tont caractere
vis-a-vis dn Roi, qu'ils genaient évidemment ; auss i
furent-ils remplaces le 8 aoút. (M. de Martignac prend
une note.)
. Nons ne parlerons pasdeladestination du nouveau


ministere; le nom du chef du cabinet, si impopnlaire
en France, ne le révélait que tl'OP. NOU5 ne dirons
pas davantage avec quelle stupeur et quelle doulon-
reuse impression il fut accneilli dansle pays: les faits
ont dépassé toute prévoyance; la réalité a laissé loin
derriére elle tout ce que l'imagination avait pu
enfanter,


Convaincu de l'opposition qu'il rencontrerait dmrs
les Chambres mais destiné ase faire toujours illusion,
le ministere du 8 aoút ne les convoqua pas moins
pour le 3mars 1830. Sa prétention, nous avans
presque dit sa doctrine, était de les intimiden : d'une
part, les journaux lui attrihuaient le pouvoir absolu,
sa politique devait étre eelle des coups d'état , el de
l'autre, il montrait lui - mérne ( ce qu'il appelait du
caractere ) la ferme volonté de ne reculer devant
aueun obstacle.


L'occasion de le prouver ne tarda pas ase rencon-
trer. A l'ouverture de la session , le ministere faisait
dire au Roi qu'il était décidé asurrnonter seul , et au
besoiu.par la force, les obstacles opposés asa volonté.
La Chambre des Députés répondit par l'exposé des
justes appréhensions que lui donnaient les conseillers
de la Couronne ; elle fut prorogée et bientót aprés
dissoufe,




( 207 )
C'était s'en remettre au jugement da pays, et l'ap-


peler aprononcer entre la Chambre et le ministere.
Cette résolution était tonte constitutionnelle.


Mais des cette époque il fallait avoir des idées
arrétées sur l'alternative dans laquelle l'Administra-
tion allait se trouver placee.


Si le pays renvoyait de nouveaux députés d'opinion
conforme acelle de l'administration, elle restait aux
affaires paree que ses príncipes anraient été jUgés
conformes aceux de la France.


Mais si les élections, ratifiant la eonduite des deux
cent pingt-ull, envers Iesquels on ne se montre pent-



étre pas aujourd'hui assez reconnaissant, quel partí
le ministere était-il décidé a prendre , de la retraite
en de la persévérance?


Tout annonce que cette question fut décidée, sinon
en conseil, au moins par le Roi et son premier mi-
nistre, confident habituel de ses pensées, et peut-
étre le seul qui connüt l'esprit du ministere du 8
aoút , et le but réel pour lequel il avait été formé,


Il était arrété entre eux qu'on essaierait des élec-
tions, qu'on mettrait tout en usage, mérne la fraude,
pour se. les rendre favorables, et que si on ne réns·
sissait pas aobtenir des députés dociles aux exigeances
du pouvoir, on aurai.t recours au bon plaisir , aux •
coups- d'état auxquels les conviait depuis longtems
la faction contre-révolutionnaire.


Deux des ministres, MM. de Courvoisier et Cha-
brol, qui pensaient avoir été appelés pour arréter
l'élan de l'esprit démocratique, mais non pour le re-




( 208 )


fouler bruralement par des coups-d'état , comprirent
les projets de la faction et se retirerent.


Vous savez comment et par qui ils furent remplacés.
M. de Chantelauzefit taire ou n'écouta plus ses tristes
pressentimens. MM: de Peyronnet et Capelle consen-
tirent aapporter, l'un son' caractere ferme et son
inébranlable résolution, l'autre ses talens électoraux.


Les débats ont laisséignorer si le Roi et le prési-
dent du conseil avaient instruit le ministere , ainsi
recomposé, de ce qu'ils attendaient de sa coopération
dans le cas oú les élections ne.leur-seraient pas fa-
vorables.


•La vérité nous .fait mérne un devoir de déclarer
q"lle tout prouve qu'il n'y eút aeette époque aucune
explication, La retraite de MM. Courvoisier et de
Chabral, les indiscrétions et les vceux des farniliers
et des eourtisans , les révélations des jonrnanx au-
raient dn ouvrir les yeux, tant des anciens ministres
que des trois nouveaux: mais les enchantemens un
pouvoir ne lenr Iaisserent pas le tems de réfléchir.
Ils mirent leur espérance dans le succes des élections,
afin de n'avoir pas amesurer tonte l'étendue des sa-
crifices qu'intérieurement ils pouvaient craindre
qu'on attendit d'eux. Cette conjecture est justifiée
par Ieur conduite,


En effet, les élections, devinrent des cette époque
l'affaire nnique du ministere. Chaqué ministre fit sa
circulaire , chaque directeur-général la répéta a ses
subordonnés, et chaque agent secondaire aux ern-
ployés inférieurs. Les príncipes en étaient odieux. Ils




( :w9 )
mettaient les agens du gouvernement entre leur
conscience et leur place: la morale publique était
aux prises avec la fausseté des élections.


Il n'est pas jusqu'a l'autorité et a la dignité du
souverain que le ministere ne fút prét a sacrifier au
succés. On se rappelle eette proclamation oú le,Roi
lui-méme , s'adressant aux électeurs, ne craint pas,
sous le contre-seing de M. de Polignac,. de se aéclarer
offensé de ce qu'une Chambré fidele a o~é lui dIre la
vérité.


De teIs actes ne firent qu'enflammer le courage
des électeurs et fortifier leur résolution de ne choisir
que des députés constitutionnels. Malgré la fraude
et la terreur, le succes répondit aIeur attente ; une
immense majorité vint attester le' bon esprit de la
France,


Dans cettc position, la conduite du minister~étai
tracée par les simples lumieres ·de la raison. n devait,


. ou se résigner a gouvernerfranch~ment d'apres les
regles de la Charte , ce qui était incompatIble avec
l'esprit qui l'avait formé, ou prendre le parti de se
retirer des affaires.


Il ne fit ni l'un ni l'autrc. Une voix que l'on s'ohs-
tine ane pas vouloir nons faire connaitre , mais que
la réserve mérne que ron y met désigne sufíisamment,
proposa au conseil, du 10 au 15 juillet, de prendre
le partí de gouverner par ordonnance.


Ce jour-la cette proposition n'eut pas d'autre suite,
mais elle fut bientót apres reprise dans Un conseil
présidé par le Roí.


1I.




( 2J o )
M. de Cuernou- Ranville exprima vivement son


opposition. n fnt appuyé par M. de Peyroriuet. L'un
et l'autre pensaient qu'il fallait se présenter aux
Chambres et professer franchement le respect pour
la Charto , fondement de tons les droits des Francais.


On ignore ce qui se passadans l'intervalle de ce
conseil au dimanche , '25 juillet, et quels furent les
ressorts qu'on fit jouer. Ce qu'il ya de certain, c'est
que ce jour-lá MM. de Guernon-Hanville el Peyron...
net se rendirent a l'opinion de la majorité, et que
tous les ministres présens a Paris adoptérent ces
fatales ordonnances qui devaient en si pen de tems
changer la face de la France et la situation de l'Europe,


Vous sav,ez, Messieurs , de quelles dispositions se
compose. ce systéme anti-constitutionnel. Je réserve
ponr un autre moment l'analyse que j'ai hesoin de


. w:>us en présenter.
o Ces dispositions parurent si extraorclinaires au


ministere lui-méme, qu'il se erut obligé de les expli-
quer dans un rapport dont M. de Chantelauze s'est
déclaré l'auteur, mais qui est signé par tous les mi ...
nistres présens aParís. Il est terminé par ces paroles
remarquables. .


ce D'impérieuses nécessités ne permettent plus de
» différer·l'exercice de ce pouvoir supréme (celui
» qu'on supposait résulter de l'art. 14 de la Charte);
» le moment est venu de recourir a des mesures qui
¡) rentrent dans l'esprit de la Charte , mats qui sont
), en-dehorsde l'ordre légal dont toutesles ressources
lJ ont été inntilement épuisées, ))




( 21I )


L'adoption de ces ordonnances annoncait de la
part du ministere la résolution de tenir tete a l'orage.
On n'aurait pas pu supposer qu'e. les signant il n'en
comprit pas bien la portée, et qu'il n'eñt pas d'a-
vanee tout préparé pour vaincre les résistances qne
leur exécution devait rencontrer.


C'est cependant ce qui arriva ; tout préoccupé
avant le 25 juillet de la responsabilité terrible qu'on
lui demandait d'assumer sur lui, le ministere-ri'eut
de pensées que pour la délibération, et des qne son
parti fut pris , des que les fatales ordonnances furent
sorties de ses maíns, iI resta comme anéanti SatIS l'é-
normité des dangers qu'Il avait créés ponr la France
et pour lui-méme.


Cependant Paris , frappé d'abord de stupeur par
la témérité de ces mesures, ne tardapas amanifester
son indignation. Pour suivre pas a pas ce qne tit le
peuple, pour signaler les nouveaux crimes de l'ad-
ministration ~ nous parlerons successivemerrt de
chaque journée , d'apres 'les renseignemens fonrnis
par I'instruction.


C'était dans le Moniteur du lundi 26 qu'on avuit
In les ordonnances, Aussitót une inquiétude légitime
s'était emparée des esprits; les mannfacturiers , les
fabricans avaient fermé leurs ateliers; les ouvriers ,
surtont les ouvriers imprimeurs , qu'atteignaít l'une .
des ordonnances, avaient parcouru -Ies rues et
fait entendre lenrs protestations. On avait jeté des
pierres sur la Trésorerie, sur l'hótcl des affaires étran-
geres, et jnsque dans la voiture du président da




( 21'), )


conseil. Les députós présens aParís s'étaient réunis
chez l'un d'entre eux pour protester centre la viola-
tion de la Charte. lIs s'étaient mis en communication
avec une réunion tres-nombrense d'électeurs , et avec
les journalistes, qui, malgré la censure, étaient dis-
posés apublier leurs journaux. Tout cela annoncait
une résistance qu'aucnne crainte ne pouvait décou-
rager.


Que faisait , pendant cette journée d'inquiétude
et d'agitation, le ministere et ses agens? Ils étaient
paisiblement renfermés dans leurs bureaux; ils igno-
raient tout ce qui se passait; on aurait dit qu'apres
avoir fait le ehaos ils se reposaient. (Mouvement
dans l'assemblée.) París n'avait pas méme de com-
mandant rnilitaire; cal" s 'il est vrai qn' une ordon-
nance du 25 donnait au due de Raguse le comman-
dement de la premiere division militaire, il n' en fut
averti et ne le prit que le mardi , 27 juillet,


Ce jour-la , mardi 27, les choses devaient prendre
un caractere plus alarl~ant. L'inquiétude et la fer-
mentation allaient toujours croissant. Les jouma-
listes avaient tenu leur parole; les journaux , malgré
le texte des ordonnances , publiaient une protesta-
tian qui faisait honneur au patriotisme et au cou-
rage civil de ceux qui l'avaient sjgnée.


Les attroupemens étaient plus considérables que
la veille. Ils s'étaient portés vers le Palais-Royalet la
rue Neuve-du-Luxembourg ou I'on savait que les
rléputés se réunissaient.


Dans cctte rue , des eharges ~le gcadarmerie, sans




( ::.t I3 )
observation d'aucune form alité , saus avcrtissernent
du magistrat civil, ainsi que.le voulait la loi, avaient
blessé grievement plusieurs personnes.


Au Palais-Boyal , l'ordre de le faire évacuer était.
exécuté acoups de haionnettes.


Desdétachemens de gendarmerie a cheval enva-
hissaient la place et dispersaient a caups de sabre
ceux qui s'y trouvaient réunis, La garde royale, sans
provocation, tirait les premiers coups de fusil; ou
vit un chef d'escadron de gendarmerie commander
a un jeune officier d'un régiment de ligne de tirer
sur la peuple, et, sur son refus, lui montrer un pa-
piel' oú était écrit cet ordre fatal! Honneur ace jeune
Francais ! comme Montmorin et le vieomte d'ürthe,
il comprit les bornes de l'obéissance passive: n sut
servir l'humanitéet son pays en refusant un acte ,de
froide cruauté que son coeur désavouait. (Vive ap·
probation dans les tribunes, )


Pendant eette journée, le sang coula El plusieurs
reprises, Le fer et le feu porterent l~ désolation dans
le quartier du Palais-Royal et de la Bourse, et le ser-
ment que faisaient les habitans de París sur les cada-
vres de leurs freres morts pour la liberté, pouvait
annoncer la vengeance qu'ils s'apprétaient aen tirer.


Jusque-lá les citoyens n'étaient pas arrnés. Aux
eharges de eavalerie qui eurent Iieu jusqu'a six heures
du soir , aux fusillades qui les atteignaient jusque
dans les étages les plus élevés de leurs demeures ,
ils n'avaient répondn que par quelques pierres et
par les cris significatifs de 'vive la Charte! Mais leur




( 214 )


nombre, mnis les attroupemens augmcntaient d'heure
en heure dans les rues. Le peuple demandait des
armes; il en cherchait partout, et des qu'il songea



aux magasins des armuriers, il n'hésita pas aen Ior-
cer les portes, pour se disposer a repousser la force
par la force.


Des ce moment, c'était dans la soirée du mardi 27,
chacun put eomprendre la gravité des circonstances,
une guerre d'exterrnination commencait entre les
eitoyens et l'autorité; il fallait OH en faire cesser a
l'instant la cause, en retirant les fatales ordonnances,
ou dominer par la force eette résistance que la vio-
lation des droits les plus sacrés rendait légitime.


Cette derniére nécessité fut comprise par le como
mandant mílitaire. Des la soirée de ce jour, il mon-
tra. toutes sesforces. La garde royale avait parcouru
les houlevards, et prouvé dans la rue Saint-Honoré
ses dispositions et son ohéissance passive; la gendar-:
merie, qne les souvenirs des encouragemens et des
recompenses de la rue Saint-Denis n'avaient fait
qu'exciter centre les citoyens; la ligne, qui se rap-
pelait davantage d'oú elle sortait , s'était aussi déve-
loppée; mais, loin d'intimider le peuple, cet appareil
de la force armée n'avait fait que l'exalter; il com-
prit que la nuit devait étre employée a préparer ses
moyens de défense.


Cependant, que faisait le ministere pendant eette
jonrnée de deuil et de désolation , durant cette nuit
si menacante ?


Le jour, chaque ministre était resté tranquillo




( ~H5 )
diluí> son cabinet. Au milieu de la capitale , iI en avait
ignoré les sanglans événemens. Saos commnnica-
tions avec ses subordonnés, avec la population qui
l'entourait, il savait apeine l'effervescence qui trou-
blaít la paix publique; aucun rapport ne luíait' été
fait par le préfet de pollee, aqui il rr'avait ríen de-
mandé; aucun ordre n'était donné ni au préfet de
police ni a ses commissaires, et, sans la: présence du
commandant militaire , dont les officiers ou les aides-
de-camp pa;eouraient les rues , on eüt pu se croire
prive de touteespece d'autorité.


Le soír, la conduite du ministere est encore plus
extraordinaire : réuni en conseil a l'hótel des affaires
étrangéres , sur le théátre méme des événemens ;
réuni , non acause de la gravité des circonstances ,
qui ne semblaient pas le toucher , mais ponr s'oc-
cuper des affaires ordinaires du royaume, c'est a
peine s'il donna quelque attention aux événemens
qui ensanglantaierÍt la capitule et promettaient une
révolution.


Parmi ces hommes qui voulaient la Charte, dont
deux avaient combattu jusqu'au dernier moment les
ordonnances qni la renversaient , el qui ne s'étaient
rendus que par faiblesse ou respect mal entendu d'un
faux point d'honneur , pas un seul ne se leve pour
demanden la révocationdu coup d'état. C'était aleurs
yeux chose finie, résolntion irrevocable. Périsse la
France, tombe la monarchie plutót que de revenir sur
ses pas!


1.;3, délibération du conscil nous fournit la prcuyc




( :n6 )
de la disposition des esprits. On y parle des müyens
d' ernpécher les attroupemens: on propose de mettre
Paris en état de siége, et eette mesure fu t adoptée, nous
dit 1\1. de Chantelauze, sans qu'il s'élevát la moindre
objeetion, et d'apres M. de Guernon Ranville, sans
autre eonsentement de sa p'art qne celui q ui résultait
de SQn silente.


Ainsi, la premiere ville 'de Franee, la capitule' du
premier des ernpires était mise hors la loi. Un mil-
lion de eitoyens de tous les sexes, de ious les ages,
de tous les rangs, ne devaient plus tirouver de pro-
tection que dans l'autorité militaire, Les ma'gis-
trats de la cité étaient dépouillés de Ieur in-
fluenee et de Ieur autorité, La vie, la fortune, I'hon-
neur des citoyens étaient confiés a des eommis-
sions extraordinaires ou a des conseils de gnel're,
et pourquoi? ponl' s'étre révolté eontre le parjnre;
ponl' ~voil' rempli le plus sacré des devoirs en em-
péchant le renversement des lois fondamentales du
royaume l


Ce fut par la signature de cet acte d'un bien
mauvais présage , que cornmenca la jourrrée du mer-
credi 28: journée de deuil et de gloire á-la-fois! oú
la France vit moissonner ses rneilleurs citoyens par
des mains parricides! M. de Polignac avait porté cette
ordonnanee, de bonne heure a Saint-Cloud; aprés
un entretien avee le Roi, il était retcurné aParis dans
son hotel ou le maréchal due de Raguse vint le
trouvcr.


L'état ·de siége favorisait toutes les dispositions du





( 21 7 )
rninistere pOUl' l'arbitraire ,et son penchant pour les·
mesures inconstitutionnelles.


Des la veille, il avait obtenu d'un juge d'instruc-
tion quarante-cinq mandats de dépót contre des ci-
toyens de diverses classes : ce jour-la le maréchal,
investí des pleins pouveirs que lui conférait l'état
de siége, signa, sans doute encore sur la provoca-
tion des ministres, un ordre d'arrestation poúr les
personnes les plus considérables de la cité, parmi
lesquelles se trouvaient plusieurs députés: si plus
tard cet ordre fut révoqué ,on le dut uniquement
au maréchal, a qui i] répugnait de faire arréter-
des hommes qui, pour empécher l'effusion du sang,
n'avaient pás hesité a se présenter e~x-memes a
une autorité dont ils savaientles mauvaises intentions
pour eux.


Les ministres , en investissant le maréchal des po u-
voirs -d'un commandant militaire dans une ville en
état de siége, n'avaientpas entendu sans doute Iui en
laisser la direction; pour étre plus aportée de se con-
certer avec lui, ils étaient allés dans la matinée du
mercredi se fixer aux Tuileries, oú ils pouvaienttout
voir, tout entendre, tont diriger.


I1s ont dit dans l'instruction, que c'était pour
leur sureté personnelle qu'ils avaient choisi cette
résidence, et non pou)' rester a la tete des affaires,
qu'ils ne devaient plus diriger depuis l'état de
siége.


Vous comprendrez , Messieurs, que cette excuse
n'est pas admissible. L'état de siége peut bien dé-




11


( :118 )
pouiller les magistrats civils de leur autorité :
mais non transporter la puissance ministérielle et
la responsahilité des ministres au général. Celui-
ci ~ comme avant l' état de siége , doit recevoir I'im-
pulsion des ministres responsables, il n'est qu'un
agent d'exécution , il obéit quand le ministere
parle.


D'apres cela; jugez la conduite de ce déplorable
ministere.


Des dix heures du matin, la population et la troupe
se rencontrent dans presque tous les quartiers de la
capitale. Le sang coule partout, et comme si ce n'élait
pas assez du fusil dont les troupes étaient armées,
l'ordre parte des Tuileries d'employer le canon. Mal-
heureuse cité! naguere si brillante par les chefs-
d'oeuvre de 1'art et de l'industrie, si animée par l'ac,
tivité de Son comrrimerce avec le. monde entier !
tu ne montrais , dans ce mome?t, que des-murs
dégradés par les .boulets , des monumens slllon..,.
nés par les balles , des barricades derriere les-
quelles comhattaient courageusement les citoyens
mutiles.


Durant cette effrayante· journée que faisait le
ministére, que résolvaient les ministres réunis aux
Tuileries?


'115 ne pouvaient , dit M. de Polignac dans son in-
terrogatoire , q!le déplorer les tristes événemens quí
se passaient sOUS' leurs yeux.


Sanglante ironie! ils avaient eu le pouvoir de faire
commencer le feu 011 envoyant des troupes centre




( 21 9 )
la population désarmée ; ils avaient encere cel ui de
le nourrir en y Iaisant venir.d'autres soldats et du
canon, et ils n'avaient pas la puissance .d,e le faire
cesser.


Ils avaient , en violant leurs sermens, donné Iieu a
la conflagration générale; c'était la signature des 01'-
donnances qui avait mis les armes ala main , et qui
faisait couler le sang-de cette population auparavant
si paisible , et ils ne se demandaient pas s'il ne se se-
raient pai trompés! ils ne remettaient pas la matiere
en délihération; ils n'allaient pas trouver leur maitre
pOllr savoir si le canon de Paris ne retentíssait pas
jusqu'á Saint-Cloud ! .


Les députés en avaient fourni l'occasion.Une com-
mission, príse parmi ce~lx qu'on présumait pouvoir
exercer le plus d'influence , s'était présentée-aux
Tuileries, pour demander la cessation des hostilités;
ils n'y mettaíent d'autresconditionsque la.révocation
des ordonnances et le renvoi du ministére qui faisait
encore couler le .sang des Parisiens.


Cetteproposition ne trouvait que de la sympathie
aux 'I'uileries: ceux qui recurent les députés , ceux
qui les introduisirent, tous ceux qui leur adresserent
la parole n'avaient qu'un seul desir, Le maréchal lui-
rnéme, croyant ne pouvoir rien prendre sur lui, fai-
sait des vceux pour le succes de cette négociation;
il offrait a ces députés courageux de les introduire
aupres de M. Polignac, d'écrire au Roí pour lui faire
part de leurs propositions.


Lt'5 momcns étaient précieux et l'occasion décir




( 2.20 )


sive. M. de Polignac pouvait encere sauver une cou-
ronne et éviter une révolution ason pays. Il pouvait
surtout conserver la vie de plusieurs milliers de
braves a qui le plus pUl' patriotisme avait mis les
armes a la main,


Il refusa deux fois de recevoir les députés , et
ceux-ci, consternés, quitterent les Tuileries n'em-
portant que l'espoir bien faible de la lettre que le
maréchal avait prornis d'écrire aSaint-Clond.


Ce fut l'aide-de-camp Komierouski qui en fut por-
té!;!r. Sa déposition llOUS appl'eml ee qu'introduit dans
'» le cahinet du Roi, il Iui rendir compte verbale-
» ment de l'état des choses en lui tlisantqu'il exi-
» geait une prompte détermination.... Le Roí répon-
1) di! qu'illirait la 'dépéche et qu'il se retirát pour at-
D tendre ses ordres. Voyant qu'ils n'arrivaient pas,
» M. Komierouski pria M. le duc de Duras d'aller
» chez le Roi pOUt· les demander , mais on lui ré-
» pondit que, d'aprés l'etiquette , il lui était impos-
)) sible d'y entrer qu'au bout de vingt minutes. »


, Quelle réponse, grand Dieu l et comme elle peint
bien la situation de l'áme ! Lorsque le sang coulait
depuisvingt-quatre heures, lorsquechaque coup de
canon, ohaque feu de peloton se répétait aSaint-
Cloud, tenir encore aux lois de l'étiquette, n'adrnet-
tre qu'a certains momens, aprés un intervalle mar-
qué, ceux qu'on aurait dú attendre avec anxiété et
recevoir avec reconnaissance , ce n'était ni humain
ni digne d'un descendant de Henri IV.




( 221 )


Mais" ce qni suit de la déposition de M. Komie-
rouski est plus étonnant encere :


(( Je fús enfin rappelé, dit-il, dans le cabinet du
)) Roi, qui ne me rernit ancune dépéche écrite , mais
)) me chargea seulement de dire au maréchal de "te-
)) nir bien, de reunir ses forces sur le Carrousel , et
» á la place Louts"Xl", et d'agir avec des masses. 11
J) répéta méme deux fois ce dernier mot,»


M. de Polignac a dit avoir aussi écrit au Roi a la
méme heure et al'occasion de la méme proposition
des députés; il en reeut san s doute la méme ré-
panse, et se crut autorisé a continuer la lutte.


.Elle fut afíreuse , épouvantable ce jour-lá : le soir,
les hópitaux étaient encombrés de blessés; les quais,
la Créve , la place des Innocens, la rue Saint-Honoré,
le passage des Petits-Peres étaient jonchés de morts
etde mourans ; cette garde royale décimée , digne
sans doute de faire un meilleur usage de son cou-
rage, s'était retirée accablée de fatigue.


Et eependantl'état des choses n'était pas changé,
ses adversaires augmentaient de moment en moment,
un de tué , vingt prenaient sa place. Quel lendemain !
Que de nouveaux malheurs ponr l~ jeudi !


La nuit restait, elle aurait dú parter conseil. Elle
était mornc et silencieuse ; elle présageait les mal-
heurs du Iendemain. On entendait de loin en loin
quelques coups de fusil; des cIoches, au son lugu-
bre ,portaient la terreur dans .l'áme, Délibérer était
un besoin autant qu'un devoir : l'intérét du ministerc,
celni de la monarchie , l'humanité , ne permettaiellt




( :122. )


pa! de croire qu'íl pul en étre autrement. Dans ces
conjonctures , le ministére devait étre en: perIlla-
lle~ce; son devoi r l'appelait aSaint-Cloud pOUI' ar-
racher au monarque la révocation des fatales orden-
nances, ou ponr lui faire agréer une démission que
quelques heures plus tard il pouvait lui-méme juger
indispensable.


I1 n'en fut pas ainsi : les ministres resterent paí-
siblement aux Tuileries ; ils y passerent tous la nuit
sans rien tenter , sans rien arréter : ehac~m retiré
dans l'appartement que le gouverneur lui avait fait
préparer , attendait dans les douceurs du sommeiJ,
ce que le lendernain devait apporter de nouveaux
malheurs a sa patrie.


n ne fallut rien moins que la vivacité toujours
jeune d'un de vos vénérables collegues , ponr retirer
les ministres de eette apathie, CM. de Sémonville.)


A travers mille obstacles' qu'on rencontrait aeette
époque dans les mes de Paris, M. de Sémonville , ac-
c'ompagné de M. d'Argont, arrrve aux Tuileries, le
jeudi a 7 heures et demie du matin; il aborde M. de
Polignae par eette apostrophe que le patriotisme le
plus pUl' pouvait seul ínspirer :


« Une séparation profonde se prononee entre eelui
» qui: vient demander, au nom de son eorps,.le salut
» public, la cessation des hostilités , la révoeation
» des ordonnances , la retraite des ministres; et celui
» qui essaie eneore de prendre la défense des cir-
» constances deplorables dont il est le térnoin ou
» l'auteur. »




( 223 )


Apres une discussion. que je n'essaverai pascle
vous retracer en présence du récit animé que vous
en a fait M.- de Sémonville, mais dans laquelle vous
avez remarqué la menace d'aller aSaint-Cloud faire
entendre ses patriotiques et courageuses doléances,
les desirs exprimés par M. de Polignac centre ce
voyage, et l' excitatiou deux fois répétée de la part
de M. de Peyronnet de la faire au plus vite, MM. de
Sémonville et d' Argout partirent pour Saint-Clnud.


Nous ígnorons ce qui se passa dans le cabinet du
Roi : M¡ de Sémonville a cru devoir le convrir d'un
voile respectueux que les círconstances lui auraient
peut-étre permis de soulever. Tout ce qu'il a ajouté
c'est que luí et M.. d'Argout ne revinrent a Paris
qu'apres la révocation des ordonnances et la retraite
des ministres.


Mais il était trop tard: la guerre avait prononcé;
les hostilités recommencées des le jeudi matin , la
prise meurtriere du Louvre et des Tuileries , "pen-
dant ql.le les Pairs portaient leurs vives instances a
Saint-Cloud, avaient rernis la souveraineté aux mains
du peuple. Charles X avait cessé de régner sur la
France., une autre ere, une er~ de liberté et de léga-
lité allait commencer,


Mais, avec la liberté devait venir aussi la justice
qui en est inséparable. Ce peuple, qui s'était montré
si courageux, qu'une générosilé si ardente avait
animé dans le 'combat, qu'aucun acte de vengeance
n'avait dégradé; ce peuple qui , sans autre récom-
rense que la satisfaetion d'avoir sanvé la patrie, avait




( ~24 )
ensuite repris ses habitudes ; ce peuple avait soif de
justice. Il la demandait contre les auteurs de ses
maux, contre ceux qui avaient violé ses Ibis, troublé
la paixpublique et eusanglanté la capitale.


Ses vceux furent entendus, un honorable député
fit la proposition d'accuser les ministres, et, apres
une instruction préparatoire la Chamhre adopta la
résolution suivante :


ce La Chambre des Députés accuse de trahison
» MM:. de Polignac, de Peyronnet , d~ Chantelauze,
» de Guernon-Ranville, d'Haussez , Capelle et de
» Montbel , ex-ministres signataires des ordonnanccs
» du 2.5 juillet ; .


)) Pour avoir abusé de leur pouvoir afin de fausser
» les élections et de priver les citoyens du libre exer-
» cice de leurs droits civiques;


» Pour avoir changé arbitrairement et violem-
n ment les institutions du royaume ;


» Pour s'étre rendus coupables d'un complot at-
» tentoire a la súretó intérieure de l'état;


» Pour avoir excité a la guerre civile en armant
» ou portant les citoycns a s'arrner les uns eontre
» les autres , et porté. la dévastation et le 'massacre
» dans la capitale et dans plusieurs autres com-
» munes;


» Crimes prévus par l'article 56 de la Charte de
) 18I1~ et par les articles qr , Iog, 110,123 et 125
» dn Cocle pénal;


» En conséquence , la Chambre des Dépu tés Ira-
» dnitMM., de Polignac, de Peyronnet, de Chante-




( :1:15 )
iI lauze, de Guernon-Ranville , d'Haussez , Capelle el
» de Montbel, devant la Chambre.des Pairs.


» Trois commissaires, prisdans le sein de la Cham-
» bre des Députés , seront nommés par elle, au scru-
» tin secret et a la majorité absolue des suffrages,
» pour, en son nom, faire toutes les réquisitions né-
» cessaires , suivre ~ soutenir ~tmettre .~ fin l'~ccuia­
» tion devant la Chamb~e des Pairs, aqifi la présente
» résolution et toutes les pieces dela proeédure se-
JJ ront immédiatement adressées. »


DEUXJEMEPARTIE.


Objectione ou lju8stio1ZS prOjuilieielles.


Le moment est arrivdlie discuter le mérite de l'ac-
cusation dont nous venons de vousraconter tous les
élémens. Nous devons des preuves, a vous qui étes
chargés du jugement; al'Europe , qui pourrait nous
accuser de passion et d'esprit de parti; a nous-
mémes ,a qui il répugnerait de soutenir une accu-
sation qu'en notre ame et conscience nous ne croi..
rions pas juste.


La Charte de J 814, sous l'empire de laquelleont
eu lieu les faits imputés aux derniers ministres de
Charles X, dispose ainsi qu'il suit dans les articles
55 .et 56 : .


,:« Art. 55. La Chambre des Députés a le droit
» tl'accuser les ministres et de lestraduire. devant
» la Chambre des Pairs, qui .seule a le droit de, les
» Juger.


JI.




( 226 )


» Art. 56. Les nnmstres ne peuv.ent étre accusés
» que pour fait de trahison ou de concussion. Des
» lois particulieres spéeifieront cette nature de dé-
» lits, et en déterrnineront la poursuite. »


C'est en ver-tu de ces articles de I'ancienne Charte,
que laChambre des Députés a adopté la résolution
qu'elle vous a transmise.. Elle a eu so in de qualífier
le crime imputé aux aneieas ministres; elle a dit po-
sitivement qu'elle les accusait. de 'trahison; elle est
allée plus loin, elle a nommément cité les Iaits qui,
a sesyeux, devaient constituer ce crime,


Mais des nos premiers pas s'éleve une djfficulté
qui n'a paséchappé avotre noble rapporteur. On dit
que des lois postérieures n'ayant jamais spécifié les
faits qui pouvaient constitll.la trahison, il n'existe
aucun moyen de la reconnaitre , de la dénoncer ni
de la punir.


Etrange aberration , qui he tend qu'á proclamer
l'impunité.des crimes les plus odieux! Pendant les
quinze ans de restauration, des ministres auraient
trahi l'état, en livrant son territoire, sa politique et
ses lois , ou travaillé a sa ruine en disposant arhi-
trairement de ses finances , et il :n'y aurait ni tribu...
naux, ni lois pour les punir! On ne pourrait pas les
t raduire devant la justice ordinaire sans qu'ils fussent
en droit de revendiquer la juridiction exceptionnelle
de la Cour desPairs, et devant cette Cour ils hrave-
raient sa censure en opposant l'absence des lois qui
devaient definir la trahison et la concussion !


Votre rapportellr , Messieurs , a répondu a cette




( !j~7 )
objection qu'én matiere de erimes politiques etde
responsabilité ministérielle , .lorsqu'il s'agissait de
l'indépendance ou de la süreté de l'état, du maintien
des institutions ou des-lois devant le tribunal que la
constitution avait placé au sein des deux Chambres
législatives , il était impossible qu'il n;y erit, pas ac-
cusation quand il y avait eu péril pour la 'patrie; el
qu'il n'y eút pas jugemenf ~uáI1d il y avait eu 3Co'


. .
cusanon.


ee 14 justiee politique, a-t-il ajouté,n'est pas seule-
» ment du droit public; elle est du droit des gens i
») elle est inhérente au, droit naturel , qui appartient
» 11 chaque peuple, de veiller asa conservation; elle
» ne doit, elle he peut done jamáis manquer ni de
» trihunaux , ni de lois, D


Votre rapporteur, Messieurs, va plus loin. Il sou-
tient qu'en cet état, c'est ala Chamhre des Députés
qui aecuse ,et a laChambre des Pairs qui juge, a


1 '
suppléer a l'absence d'une définition légale appli-
quée au crime de trahison, Les actes d'un tel procés
ne sont pas seulement judieiaires, ils participent né-
cessairement du caractére législatif La puissance qui
regle la procédure qualifie les íaits , determine la
peine, crée la loi et en use a l'instant méme pOUl'
prononeer le jugement.


Comme représentaut dans cette enceinte la Cham-
bre des Députés , i1 ne nous serait pas perrnis de
donner les mains a cette doctrine, qui , heureuse-
ment, n'a pas passé dans votre arrét de compétenee,
et qui n'aurait pn s'y trouver sans ajouter aux attri..




( ~128 )
hutions de la Cour des'Pairs, et sans reconnaltre a la
Chambra élective une puissance que ne luí donne
pas sa constitution.


Permettez-nous de nous expliquer.
La Ch~mbre des Pairs , considérée comme partie


du pouvoirIégislatif , ne peut ras seule faire des
loisrelle ne le pourrait pas davantage réunie a la
Chambre des Députés. Il faudrait a l'une et al'autre,
réputée d'accord, le concours du ponvoir royal.


La Chambre des Pairs, constituée en courde jus-
tice, n'a plus aucune attrihution législative; avec ou
sans la Chambre des Députés elle ne peut {aire des
lois : elle n'est chargée que de l'exécutionde celles
qui existent. '


L'opinion contraíre aurait de funestes inconvé-
niens. Au premier rango seplacerait la retroactivité,
quiest le plus monstrueux des vices qu'une 10i puisse
présenter , surtout une 101 pénale. Les .accusés di-
raient que le fait qui leur est ,reproché n'était dé-
fendu par aucune loi, que s'il était défendu, il n'était
pas puni ,et qu'on n'avait pas le droit , apr~s coup,
de créer des défenses et d'inventer des peines.


La couronne , a son tour, pourrait se plaindre de
ce que l'autorité législative aurait été exercée sans
sa participation. Elle ne connaitrait jamais comme
10i l'aete auquel elle n'aurait pas é~é appelée a don-
ner S3 sanction.


Enfin, aucasprésent, le jugement arendrepar la
Cour des Pairs , d'apres les doctrines du rapport, ne
pourrait pas emprunter lecaractere législatif de l'as-




( ~29 )
sentirnent de la Chamhre des Députés , puisqu'au
lieu de reconnaitre la nécessité de faire une loi dont
les accusés suhiraient al'instant méme l'application,
la Chambre élective , par sa résolution , cite les Ibis
existaqtes, les invoque, et en demande positivement
1, el' .app ication, ' "


Sí la doctrine du rapportétait suivie il.y aurait op-
position entre la Cour des 'Pairset la <;hmnbJ:e.d~s
Députés. L'une dirair.qú'il n'y avait pas de loi.qui
qualifiát et punit les faits de trahison, el qu'ii fallait
la faire. L'autre qu'il en existait une dont elle deman-
dait l'application.De ceconflit ne pourrait pas naltre
une disposition IégisIative, aréme en admettant que
la Chambre des Pairs eút emporté tous ses, pouvoirs
législatifs dans la Cour dejustice qu'elle compose en
ce momento


Chez nos voisins d' outre-mer, malgré la pleinepuis-
sanee delaCour ':lesLords.iellen'a jamais pensé que,
comme Courde.justice., elle piJ,t .seule aU méme.in-
stant, faire la loi et l'appliquervDans sonsein siégent
des juges chargés de qualifier le délit d'apres la loi
~istante; la Charnbre décide ensuite, Et si une fois,
une seule fois, il lui est .arrivé de vouIoir punir des
faits répréhensibles quin'étaient ni q~és ni punis
par\lne loi expresse, elle n'a pas rendu dejugement,
elle a provoqué un bill, un .acte des trois pouvQirs :
.une véritable 10i, dans laquelle, comme effr~yé6 de
son propre ouvrage, elle déclara par une clause ad-
Cilitionnelleque ce bill ne pourrait jarnaisétre cité
comme exemple , et qu'a l'avenir les sujers anglais


...




( 230 )


aeousés de trahison seraientjugés suivant les lois 01'",
dinaires comme si le biU n'avait jamais été rendu,
(Lally, page 474.) -


Ainsi, Messiaurs, la réponse du rapport al'objec-
tion tirée de ce que depuis la Charte de 1814, les faits
de trahison n'ont pas été spécífiés, n'est pas den:ture
asatisfaire _vos consciences, Voici celles qui out dé-
cidé la Chambre des Députésclorsqu'elle a adopté sa
résolution ; Iorsqne , en oonnnaissance de cause et
aprés une discussion approfondie; elle nc;>us a spécia..
lement chargés deprovoquer l'application des articles
qu'elle cite du Code pénaI.


Avantla Charle de 1814, les ministres étaient res..
ponsables : tontes les eonstitutions qui s'étaient suc-
cédées I'lvaient décidé en principe, et celle de l'an 8,
en son article _7~, portait notamment « que les mi-
»nistreaétaienc l'osponsables de tout acte signé par
)) eux. et .eléclaré inconstitutionnel; de I'inexécution
)) des lois et des réglemens d' adrninistration publique;
» et des ordres particuliers qu'ils avaient donnés., si
" ces ordres étaient contraires a la constitution, aux
») Iois et aux réglernens, » ..


Cette loi qui définissait bien, et qui caractérisait
,exat:tement~'¡'¡ faits imputés a crime anx ministres,
était en pleine vigueur au moment de la promlrlga-
tiO'R'. aeIá Charle. La répétition que celle-ci contient
du principe de la responsabilité; la promesse d'une
définition nouveíle desfaitsqui devaient la constituer,
ne peuvent pas, en.attendant, rendre innocent ce qui
était coupable. Aut'rement la responsabilité eútété
.~.




( ~31 )
ala discrétion des ministres. Il aurait dépendu d'eux
de présenter ou. de ne pas présenter 'deloi , et a me-
surequ'ils se seraient rendus plus. coupablcs en
n'usant pas de l'initiative que seuls ils avaient pour
présenter la Ior de ,respollsabiTil:é, ils anraient été
placés c\ l'abri de toutes poursuites. Avec cette doc-
trine on n'eút jamais trouvéde ministres assez dé-
sintéressés po.ur présenter l)n<,~lle.k>i" et, a rpoins
d'une zévolution colfllme cene que.nous venons d'é-
pronver, la responsahilité ser~t restée placée au
rang de ces vieilles doctrines dont on parle beau-
coup, mais qu'on est hors d'état de jamáis ap-
plíquer.


Non ,Messieul's, il n'en doit pas étre ainsi, la res-
ponsabilité est écrite dans la Charte comme elle l'était
dan s les constitutions qui l'ont précédée, Aux termes
de l'article 5tJ,les ministres peuvenr étre. aceusés pOUI'
fait de trahison., etjusqu'ace qu'une nouvelle Ioi ait
spécifié les faits qui constituent ceerime, i] faut s'en
rapporter auxaI'l~ieilIles,.1R-constit1:ltionde l'an 8,
au CQd.é pénaL,qui regardent commefaits de trahison
laviolation des lois constitutionnelles, el tont. ce qui
tend a troubler l'État par la guelre civile et l'iHégal
emploi de la force armée. Ces lois a'ont jamaisété
ahrogées;:la Restauration 1'a souveat proclamé enen
demandant elle-méme I'application , en provoquant
surtout l'exécution de l'article 75 de la Constitl~tion
de l'an 8. .Ces lois régissent les ministres comme les
particuliers, et plutót que de se Iivrer al'arbitraire ,
par l'adoption de certaines regles créées ªPl'CS l'évé-




( 232 )


nement, et que le mot magique de politique ne peut
excuser, ~1est leur dispositionqu'il faut appliquer,
ainsi que le demande la résolutionde la Chambre des
Députés,


Cette difficulté ;ésolue, on nous' en présente une
autre toujours relative an droit d'accnsation.


On -dit : les ministres sont responsables, c'est un
prin,eipe vrai';.ínáis leur responsabilité n'est mo-
tivée qu.e sur l'inviolabité de la personne du Roi.
Quand done vous n'avez pas respecté le prince ;
quand vous avez reporté sur Iui , sur sa famille , sur ,
sa raee entiere , le poids de votre vengeance OH de
votre justice , que pourrcz - vous demander aux
.ministres? vous vous eles emparés de cehri pour le-
quel seul ils: étaient responsables; votre droit est
épuisé..'


Nops peh$)nS que' cette objection n'est fondée
ni en morale, ni en politique , ni en raison, ni en
droit,


La morale la plus commune exige que tons eeux
qui ont commis la faute en supportent les consé-
quences. La fante est tonte entiere dans la signa-


- .
ture des ordonnances j dans le changement arbí-
traire et violent des institutions du royaume; dans
les ordres sanguinaires qui ont été ' 'donnés a
la troupe';,dans l'état de siége de la ville de Paris;
dans I'excitation enfin.a la guerre civile, qui , pen-
dant trois jonrs, a ensanglanré la premiere ville
de France, et l~i&sé aprés elle des traces si la-
mentables.




( 233 )
Qui.a fait tout cela, sinon les ministres de


Charles X? Sans eux, sans leur intervention in-
dispensable, sans letir signature, I'impuissance du
monarque eút fait taire sa volonté et sauvé ,
malgré Iui , . la' France de' eesepouvantables ca-
larnités.
. Qu'importe aprés cela le sort' réservéau R,oi.et a
sa dynastie? Les ministres en seront-ils 'personnelle-
ment moins coupables pour avoir vu périr,'pan leur


• • ~ <


faute, une monarchie de huit ..siecles qu'ils avaient
pris l'engagement de. diriger et de conduire, et qui
avec la France, avec I'Europe entiére , ponrra éter-
nellement leur reprocher ses malheurs publics et les
troubles qu'en partant elle aura peut-étre légués au
monde.


La poli tique et le droit sont ici d'accord avec la
morale la plus vulgaire. L'un et l'autre ne perIílettéllt
pas de confondre ee qui est distinct, ni d'absoudre
des eoupables ou des complices, paree que 'l'auteur
principaVdUfait imput~aerime auradéjá subi la peine
due.a sa témérité, . '


Les Bonrbons, en rentran ten France , n' on t pas,
~omme l'avait fait 'Bonaparte dans les eonstitutions
de l'Empire , inscrit leurs droits en tete de la loi fon-
damentale; c'eút été les mettre en question et leur
orgueil s'en fút révolté; ils n'ont parlé du 'Rol', dans
la Charte, que dansun sens absolu, sansapplication
a Ieur famille, dontle nomn'est nulle .part.Quand
ils voulurent articuler quelques garanties, ce ne fut
pas de leul' puissance qu'ilsparlerent , mais de la.




( :.d4 )
personne un Roi qu'a cause des souvenirs qu :11 jan-
vier iIs déclarerent seulement inviol~ble. ~


Aussi, an ~6 juillet , ce ne fut pas a la pffl'~nne
du Monarque que la population s'~dressa. A cette
époque, deux légitimités se trouvaient en présence :
celle de la dynastie et celIe du peuple, qu'on n'avait
[amais mises améme de se ccncilier. La légitimité du
.peuple-, la seule vraie ~ obtint la victoire ; l'autre dis-
parrit, prouvant au monde qu'on ne peut pas gou-
verner longtems centre le voeu et les Intéréts-du
peuple.


1\1ajs aprés la victoire , apres le triomphe de la l.é-
gitimité sur de prétendus droits de naissance , ni la
raison , ni le droit , n}. la politique , .ne défendent de
demander justiee de ceux qui, mirent les armes a la
main , et créerent la nécessité devaincre, Les Bour-
bons avaient été adoptés dans l'espérance qu'ils fe-
raient lebonheuj de la Franee. Ils ont manqué a
leur destinatíon , el leur regne a cessé. Des ministres
étaient institués ponr assurer I'exécution, d~ lois ,
protéger les citoyens et coasolider la paix publique.
Ils ont violé les'unes," atraqué les autres, et porté la
désolation au sein de la cité; justice doit étre faite.
De cette maniere ehacun répond de ses actíons.. La
défaitedes Bourhons n'empéche pas la eespoasabi-
lité des 'ministres. Ceux-ci seront punis ~ paree qu'ils
auront (?ri~inelleIPentadministré'; ceux-Iá auront
cessé 4e'régn~r, paree qu'ilsn'étaient ala hauteur ni
des hesoins ni des lumiéres de lsur siécle,




( ~35 )


TROISIEME PARTIE.


Preu., ~e Laecusation,


Maintenant nous arrivons aux preuves de l'accu-
sation, Il a fallu , avant de vous les soumettre , se dé.
barrasser de toutes ces questions préjudicielles qui
ne .pourraient. qu'affaihlirT'intérét de ce grane:i:'et
imposant, proceso Plus, libres' désormais, nous ne
nOl~s laisser¿ns p~s détourner pe notre but ~.qUI est
la vérificatíon des' faits constituant le crime de tra-
hison.


Suivant la 'résolution de la Chambra des Députés ,
ces faits sont au nombre de trois :


Premierernent, abus de pouvoir afin dt; fausser
les élections , et de priver les citoyens du libre exer- .
cice de leurs droits civiques..


Deuxiernement, changement arhitraire et violent
des institutions du royaume par I'adoptiondes fatales
'ordonnances, . ..'


Troisiemement , attentat ala süreté de l'état; exoi-
tation ala guerre civiJe. '.


A ces inculpations, d',}.ilIeurs si graves, un~ sorte
de rumeur publique avait voulu rattacher ces incen-
dies qui ont désolé pendant longtems toute une pro-
vince. Elle en accusait le minístere, qu'elle soupeon-
nait de ne chercher que des prétextes afinde soulever
les populations, les commettre avec les troupes, et
s'en faire un point d'appui ponr étahlirdes conseils
de guerre et des cours prévótales, .




( ~36 )
Nous avons vérifié tout ce que l'instruction a pro-


duit, et nous devons a la véritédedéclarer, ainsi
que I'a fait votre rapporteur, equ'il n'existe sur ce
point aueune eharge contre le ministere en masse ,
nieontre aucun des ministres en particulier ; qu'on
a meme 'reeueilli des prellves contrairesen faveur
de MM. de Chantelauze et Peyronnet.


Ceperrdant les incendies étaient le résultat d'un
vaste plan qui e~hrassait l~ Basse- Normandie; ils
n'étaient dús , ni au défaut de soins , ni a l'esprit de
vengeánce. La plus grande activité, la plus assidue
surveillance ne ponvaient les ernpécher ; une main
invisible s~tnbJait promener le feu dans 'ces malheu-
reuses contrées , et faire sortin de terre ou tomber
des cieux 'ces, torohesincendiaires , qui ne laissaient ,
ni avant ni aprés cet effroyable fléau, d'autres 'traces
que le mal qu'il avait produit..


Des conjectures sans nombre ont été faites sur
ceux qui.avaient pu mettre au jour cetinfernal sys-
teme, un seul nous a paru vraisemblable, levoici:
les incendies appartiennent aceux qni ont poussé a
l'adoption des fatales ordonnances. Au-dessus du
ministere , au-dessus du Roi lui-méme , trap faible
pour ne pas céder qnand on luiparlait au nom 'du
Ciet, s'était formée une puissance que la religion du
serment cachait a tous les yeux. On l'a appelée gou-
vernement occiJ,lte,. camarilla ,congr.égation , jésui-
tisme, Le nom éstindifférent, elle existait a la cour,
elle avait des ramifications en province et faisait tout
plier devant elle. Pour arriver a son but, elle ne




( ::137 )
craignait pas d'attaquer en méme tems la fortune et
la liberté des citoyens; elle a perdu le treme qui
avait consentí a l'appuyer. Cette puissance , Mes-
sieurs , ravage encere nos campagnes sans que nous
puissions l'atteindrej.elle est comme un de ces orages
qui viennent par fois effrayer la terre , et qui, long-
tems encore avant de s'apaiser, nous montrent des
éclairs; elledisparaitra définitiv~mentquand lamo-
dération, l'espnt.Tordre, i3.légálité auront óté toute
espérance al'arbitraire et á I'anarchie. .


•Maís revenons a l'examen des trois faits qui , sui-
vant la résolution de la Chambre des Députés , con-
stituent le crime de trahison imputé aux derniers
ministres de Charles X. Nous ne nous en sommes
écartés "qne pour les absoudre des reproches d'ín-
cendies qu'injustement , suivant nons, on leur avait
adressés,


Les élections étaient la premiere base de ce 'vaste
systeme dirigé contre nos libertés. On n'eut d'abord
qu'une seule pensée ~ celled'obtenirune Chambre
docile qui , au gré du pouvoir, aurait sacrifié la li-
berté de la presse et cliangé le' systeme électoral,
Apres ce premier succes le retour au Gauvernement
arhitraire , au bon plaisir, était assuré,
P~ur réussir , rien ne fut négligé. Le rninistére du


8 aoút, tel qu'il fut composé la seconde fois., n'avait
ni l'expérience qui assurait le succés, ni peut-étre la
volanté de tout y sacrifier. On se proposa de le mo-
difier en y appelant deux hommes qui déja avaient
fait leurs preuves, MM. Capelle et Peyronnet. Toute




( ~138 )
la France connaissait la doctrine du premier , qm
déclarait ennemi du pouvoir ceux qui ne votaient
pas pour ses candidats, et tonte la dextérité dn se-
cond qu'avait si déplorahlemeut employée le minis-
tére de déplorahle mérnoire.
.. M. de Peyronnet a nié gu'il eút été appelé dans ce
btit au ministerej mais l'époqne de son entrée au
conseil, les actes qu'il s'empressa de faire comme
ministre , ne permettent pas le plus léger doute,


M. cie Montbel était le premier entré dans cette
carriere de corruption. JI disait dans sa circulaire
aux agens des finances :


« Si, 'en rctour de la coníiance que le Gouvemement du Roí
]1' Iui témoigne¡' un fonctionüairc public refusait tl1unir !Jes' ef-
]1 fortsauxsiéns, et semettaiten oppositlon avec lui, il brise-
»'roit lui;"m~m6"les Úeñsqui rattachent ti rAdministralion, et
11 ne ·devrait plus attendre qu' une SÉVERE nrSTlCE. lO


M. de Peyronnet ajoutait aces paroles menacantes
un systeme organisé de délations,


«( Vous me donnerez sur leur conduite , disait-il ases pré-
JI fets, des renseignemens confidentiels ; je ne les ferai connaitre
)1 qu'á Ieurs ministres respeotifs, qui prendront 11 leur égardles
» mesures que leur dietera leur prudencc. ))


Et, en effet, la veille des élections, le Moniteur
apprenait que cette menace n'était pas vaine, et que
lad~laÍi~navait porté ses fruits; un ministre d'état,
un maitre des requétes , des lieutenans-généraux
étaient destituésou mis ala retraite.


Tous les moyens étaient Iégitimes aux yeux de ce
ministere pour conquérir des suffrages.


« Il a de l'amour-p;'opre, 'écrit-il ailleurs ñu ministre des




)) finances , en parlapt d'un directeur des domaines , électcur j
» et cet amour-propre pourrait elre stimulé par l'e.~poirde de-
l) venir chevalicr de la Légion-d'Honneur. II


Une autrefois , M. de Peyronnet signale a son col-
legue des finances un sous-inspecteurdes domaines
comme électeur douteux ; M. de Montbellui répond
aussitót :


« J'écris ason conservateurponr qu'illui communique l'in-
)) tention de l' Administration, c'est-á-diee qu'il ait apoierpour
)¡ les candidabs roya listes ou adonner sa dé:nission. ))


C'est ainsi que, par un systeme largement orga-
nisé de fJattel'ies, de promesses trompeuses , de ter-
reur, on essayait d'égarer l'opinion et de faire des élec-
tions menteuses etcorrompues. L'église elle-méme ,
qui devrait res ter étrangere aux passions de ce
monde, s'y était dévouée en faisant du vote électoral
en faveur du ministere un devoir de conscience tres-
posltif'; et il n'est pas jusqu'a la personne du souve-
rain qu'on n'ait fait descendre aces basses intrigues,
dans une proclamation qui ne pouvait que lui aliéner
l'amour et le respect des peuples.


Le second chef d'accusation a pris sa source dans
les trop fameuses ordonnances qu'on destinait aas-
servir la France.


Furent-elles le fruit d'un complot médité de longue
main et maladroitement mis a exécution, ou le ré-
sultat fortuit des circonstances et d'un entétement
qui portait a tout braver, méme la mort, méme la
chute du tróne , plutótque de céder P C'est ce qui
est difficile adéméler :nons pouvons dire seulemenr,




( 240 )
sans étre en état de le prouver, qu'apres avoir médité
toutes les piéces , toutes les parties de l'instruction,
ilnous est resté .cette conviction qu'un pouvoir reli-
gieux, auquel le Roi, le Dauphin, peut-étre M. de
Polignac -Iui-méme , ohéissaient en aveugles , avait
tout concerté, tout préparé avec eux. En ce sens, on
a purlire qu'il y avait en complot pOllr changer
arhitrairement et violemment les institutions du
royaume.


Mais rien ne prouve jusqu'ici, au moins d'une ma-
niere certaine, qu'avant le 10 juillet le ministere eüt
été mis dans la confidence , 11 n'y a de complot avéré
pour lui qu'á partir de cette époque; mais la date est
i~différentesi les ordonnances renversent la consti-
tution du royaume. La délibération , l'adoption, la
signature, sont aelles seules tout le crime.


La violation dé la Charte, l'abrogation des lois
existantes sont évidentes; nous n'avons pas méme
a craindre qu'on les nie , ce serait un effort sur"
naturel.


On s'en défendra seulement en invoquant l'art.. 14,
que la contre-révolution torture en tous les sens
depuis quinze ans , pOOl' en faire sortir le pouvoir
absolu.


Cet article , dira-t-on, accorde au Roí le droit de
faire des réglemens et des ordonnances pour la sü-
reté de l'Etat ; il l'investit d'une sorte de dictature
qui le met au-dessus des lois : seul juge de la
nécessité , . il pent tout ce que les circonstances
exigeronr.




( 241 )
S'il en est ainsi , Messieurs, la France s'est toujours


trompéc; elle croyait avoir recu une constitution ,
et Louis XVIII ne lui avait tendu qu'un piége,
Obligatoire pour le pcuple , la Charte n'aurait été
que facultative pOOl' leRoi :)e serment qu'il .aurait
prété de l'observer, aurait été subordonné a sa
volonté , qn'il eút sllffi de colorer du prétexte de
la . nécessité, Doctrine désespérante , qui fait un
jeu de la religion du serment et qui ouvre l~ carriére
des arriere-pensées et des restrictions mentales.


Lorsque les ministres signerent les orc1onnances
du 25 juillct, ils ne prétérent pas ce sens a l'art. 14:
ils reconnurent, au contraire , dans le rapport destiné
a expliquer ces extraor-diuaires dispositions « que le
» moment était venu de recourir a des mesures
J) qui rentrent dans l'esprit de la Charle, mais qui
¡¡ sont en dehors de l'ordre légal. »


En effet, l'art. 14 ne les autorisaitpas : il permet
bien au Roi de faire des ordonnances pour la su reté
de l'État, mais c'est nécessairement en se conformant
aux lois ou tout au plus en suppléant aleur silence.
Le ltoi , consideré séparément des Chambres, n'a
q!le le poovoir exécutif, et I'art. 14 entend si peu
l'investir du pouvoir législatif, méme sous prétexte
de la súreté de l'État, qu'immédiatement l'article qui
le suit dispose d'une maniere absolue que le pouvoir
législatif s'exerce collectivement par le Roi et les
Chambres.


Ce n'est pas que nous voulions aller jusqu'a pré-
tendre que s'il se présentait quelque grand danger.Je


Ir. 16




( 242 )


Roí n'eút pas ledroit de s'emparer momentanément
de tous les pouvoírs de l'Etat, mais nous disons que
ee ne seraitpas en vertu de l'art. )4, qui suppose
l'usage des moyens léganx; mais en vertu de la
nécessité, eette loi suprérne, qui ne reconnait nitems
ni Iieux, ni conditions; en vertu du droit qu'ont les
Chambres,les autres pouvoirs consritués et méme les
simples particuliers, de chércher , sous leur respon-
.. .


sabilité personnelle, a sauver I'Etat,
C'est ce qu'ont fait quelques dépntés isolés, qui se


sont réunis dans les journées de jnillet, et ceux de
MM. les pairs, qui, aprés la chute du pouvoir royal,
ont travaillé avec eux adonner un régent au royaume.
Leurs droits n'étaient pas écrits dansl'art. 14 de la
Charte, ni dans aueune autre 10i; il est né de la
nécessité, et a recu sa sanction de la ratification
de la Frunce.


On dit que les Chambres, en supprimant dans la
nouvelle Charte, .les mots , pour la stlreté de rÉtat,
avaient reeonnu l'autorité que le Roi pouvait puiser
dans l'art. 14.


C'est abuser d'un fait indifférent en soi , ou plutót
contraire ala défense des anciens ministres.


Lorsque, dans les premiers jours du mois d'aoüt
dernier, l' article 14 fut mis en discussion, on se
rappela la prétention des absolutistes d'y puiser le


.. droit de faire des coups-d'état. C'en fut assez pour
décider a retrancher ces mots, pour la süreté de
l' É.tat, enfin d'enlever tout prétexte a la mauvaise




( ~43 )
foi. nn'y a rien la qui puisse favoriser l'interpréta-
tion qu'on s'est plu a donner a cet article?


Il ne reste, Messieurs, auxanciens ministres qu'a
se rejeter sur les circonstanoes, et ainvoquer soit


•les périls du treme de Charles' x, soit' les dangers de
la monarchie.


Mais est-ce bien sérieusement qu'ils ~llegueron.t
de tels prétextes.,


Rappelons-nous la clóture de la session de 1829:
y avait-il a cette époque un pays plus calme que la
France, un go.uvernernent que l'on fUt plus disposé
asoutenir, un peuple plus avicie d'ordre ?Quelque
inquiétude était bien attachée a plnsieursvoyages
que M. de Polignac avait faits d' Angleterre en France:
ses anciens refus de préter serment a la Charte, ses
{;royances presque superstuienses, son état d'aífec-
tueuse dépendance, tout anrait fait redouter son
entréeaux affaires; mais on n'y croyait pas : sa
destinée ne semblait le réserver qu'ala soeiété intime
dn nionarque et de sa famille,


Cependant le 111oniteul' du 8 aoút vint apprendre
~e qui aurait passé pour incroyable. M. de Polignac
était chef d'un rninistere que son norn seul fesait
juger. La France s'en alarmaj ellevit l'avenir secharger
de nuages qu'elle espéra dissiper palo sa résignation,
sa contenance calme, et sa confiance dans les lois.
~Ue attendit la session de 1830.


Acette époque, des dépntés fidéles firent entendre
de respectueuses remontrances; d'un cóté.elles artes-
taient le respcct de la nation pont' le Roi , et dr l'antre




( 24(1 )
la crainte que le rninistere n'inspirát pas assez de
confiance.


On leur réponditd'abord par une prorogation, puis
par la dissolution qe la Chambre


La France de plus en plus afflígée, d'autant plus
inqu iete pour l'avenir , qne les journaux du ministere
ne cessaicnt de la menacer de coups-d'état , la France
yola aux élections, et fit entendre ses voeux par le
renouvellement des pouvoirs qu'elle avait confiés a


'ses anciens députés.
Voilá tout ce qu'elle a fait et, ce quj lui a valu les


fatales ordonnances de juillet. Oú trouve-t-on qu'il
y eút péril pOtir le tróne et pour la monarchie? De
quels dangers l'un et l'autre étaient-ils menacés :>Cite-
t-on quelque conspiration, quelque complot? y avait-
ji des attroupemens, des provocatíons? Indique-t-on
de ces écrits incendiaires qui ponrraient menacer le
ropos et la súreté de l'I~tat?


Non, rien de tout cela n'avait pn porter l'inqu ie-
tude et l'agitation dans la tete de nos hommes d'état.
A aucune autre époque nous n'avions été aussi pcn
disposés a faire usage de la violcnce; il n'y avait pas
eu de conspiration vraie ni simulée depuis longues
années. Auclln preces politique remarqnable n'était
venu trouhler le calme de la justice. On n'entendait
partont qu'un cri dicté par la bonne foi. La loi, l'exé-
rution cntiere de la Charle, ce qni voulait dire les-
Bourbons , le Roi Charles X avec la constitntion qu'i]
nous avait donnéc, Eh bien! cette disposition des
esprits , cette passion pOUl' ce qui était , le ministere




les presente cornme une conspiration centre le tróne;
il confond a dessein les inquiétudes que son avene-
ment avait données avee les répugnances qu'il réve
contre la dynastie. Il associe , il assimile son existence
a eeHe du monarquc; ce qu'on pense, ce qu'on dit ,
ce qu'on fait contre Iui , il le suppose dirigé centre
le Roi; sa propre impopularité est une attaque
centre la prérogative de la couronne. L'erreur ou la
mauvaise foi est ici évidente. Ce n' est qu'un prétexte
pom' consommer le sacrifice de nos libertésvdepuis
longtems promis.


Disons-Ie done, ni les dispositions de l'art. 14 de
la Charte, ni les circonstances dans lesquelles on se
trouvait .placé et qui n'¡Vaiellt d'extraordinaire que
la persévérance du ministere contre la volonté de
la nation , ne l'autorisaient aabroger les dispositions
de la Charte, ni celles de plusieurs lois , -et a nous
enlever ensemble toutes: nos libertés avec la p,'esse "
et les élections. C'était changer arbitrairement les
institutions du royaume, c'était commettre le crime
défini par les articles 123 et 125 du Cocle pénal, et
signalé par le 2" article de la résolutiou de la Charnbre,
des Députés.


Le troisiernc fait qui , d'apres la résolution de la
Chambre, constitue le crime de trahison imputé aux
anciens ministres, est celui d'excitation a la guerre
civile.


•Ce chef d'accusation n'est malheureusement que,
trop prouvé, ilrésulte de toutes les circonstances que
les déhats vous ont révélées, et si llOUS pouvions les




( 246 )
oublier , i1 suffirait de faire une excursion daus les
ruesde París pour les retracer a mitre souvenir, Les
marques encere présentes sur les murs des édifices
publics et des maisons particulieres , les blessés', les
hommes mutiles, qu'á chaquepason rencontreencore,


. .


les tombeaux que la piété autant que le patriotisme
deseitoyens ont élevés sous HOS yeux, rediraient les
rnalheurs de la patrie et res erimes de ceux qui en
avaient conspiré la perte. .


Partout la lácheté est le caractere dominant de cet
horrible attentat; e'est contre des 'Citoyens désarmés ;
des femmes, des enfans , qu'on envoie des' troupes
résolues qui répondent au cri de vive la Charle par
le fer el le {en, et, eomme si fon avaít craint que la
pitié pour des fréres massaerés De vint arnollir l'áme
du soldar frao'c;ais, on fe faitappuyer par I'étranger
mercenaire que la perte de la .líberté a renda insen-


• sible atout mouvement généreux. 1l ne fallait rien
moins, Messieurs, qu'un courage extraordinaire pour
vainere ces barbares. L'amour de la patrie et de l'in-
dépendance, le sentiment de la justice de sa cause
peuvent seuls enfanter un tel prodige.


Les anciens ministres de Charles X se défendent
de oecrime et en rejettent la: provocation sur le
peuple ; il disent n'avoirpascornmandé le feu et étre
restés étrangers a tout ce qui s'est passé dans Paris.


Laprovocgtion , Messieurs, est dans les criminelles
ordonttattces que les .aneiens ministres de Charles X
ont consentí' arevétir de leurs signatures. Auraient-
ils oublié que I'auteur méme de la Charte en avait




( 247 )
confié la défeuse a· la fidélité et au cOUl'~ge des
eitoyens? Toute auaqu:e contre le pacte constitu-


. tionnel était une provocation directe centre le peuple.
C'était HU appel aux armes et ~ la force. Non-seule-
ment l'insurrection était légitime, mais elle était Ul~
devoir d~ civisme et de conscienee; c'était, l~ seule
maniere de préserver Iepeys et la ty~apn~~ d'u,q
pouvoir ahsolu. ,


Ainsi , il serait vrai que le peuple aurait le preJIlie~
pris les.armes etattaqué la troupeqhivoulaitétouffer
ses cris et ses justes protestations, que les ministres
n'en auraient pas moins été les provocateurs de la
guerre civile, lis l'auraient excitée par les ordon-
nañces ; ils l'auraient. provoquée en en c~mfi;w.t
l'exécution alaforcearmée; ils l'auraient commencée
le jour oú ces ordonnances auraientété publíées; .


Maisles ministres ne penvent pas mémese ra~tac~~r
acette qxcuse, Des qu'ils ont ~11 pris leur résolution
de gonverner saos la Cliarte et centre ses qisp'olii.tiops,
ils n'ont pas bataneé a l'appuyer par la force des
armes; on ne croyait pas, sans doute , que la résis-
tance irait aussiloiu; I'esprit encare plein de~ meur-
triers avantages que l'autorité avait obtenus quelques
années auparavant dans la. rue Saint-Deais, ils pen_
saient qu'il leur aurait suffi de montrer le canon,
cettederniereraz'son desrois, etdefaire tirerquelques

coups de.fusil pour réduire cette population mutinée.


En conséquence ils ont envoyé des cauons et des
troupes dans les rues de la capitale; ils ont donné
l'ordre de tirer sur la pop ulation , de la tuer , de la




( 248 )
massacrer. Le peuple s'est d'abord défendu , il n'a
en d'armes .dans les rpremiers momens flue celles
qu'il a fJrises ala troupc. L'offensive de sa part
n'a été que le <résultat, la conséquence de ces pre-
miers avarrtages.


C'est l'impression que vous aura, comme a nous ,
Iaissée-le débat.Deux faits principaux ensont résultés.
L'attaque de la part de la troupe: I'ordre écrit de tirer
sur le peuple.


L'attaque s'est manifestée par des charges de cava-
lerie et par le feu des troupes,


Les anciens ministres n'ont jamais compris que
les armes confiées aux troupes dans 1'intérienr
étaient destinées aproteger les citoy..enset non aOles
assássiner. QU'e des provocations mémesne les auto-
risaierit pas a des représailles, paree que l'explosion
pouvant· atteindre des milliers d'innocens que la
curiosité plus que tonte antre chose aurair réunis,
il yaurait inhumanité a les sacrifier a l'imprudencc,
a la témérité , et si ron veut au crime d'un seul.


Aussi, la loi a-t-elle déterminé dans quels cas et de
quelle maniere l'autorité pourrait mettre en mou-
'vement la force armée.


Écoutez la 10i du 2.é: Germinal an 6 :
. «nans le cas d'émeute populaire, la résistance ne pourra


, ,) ~tre vaincue par la force des armes, qu>en. »ertu. d>un arréte
» d'une admmistration centrale ou municipale , et qu'avee I'a:-
» sistance d'un des. administrateurs qui ·sera tenu de remplir
» les formalités suivantes :


n ,L'administrateur présent prononcera, a haute voix', C('5
)l mols :




Il Übeissanee a la loi: 011 ve; faireusil-fJlI de la jU1'1:1! , lJlll! les
)l bons citoye1lS se retirent ..•.


JI Apres eette sommation trois foís réitérée , si la résistance
)~ continue, et si les 'personnes attroupées ne se ret.irent pas
II paisiblement, la force des armes sera 11 l'instant déployée con-
JI tre les séditieux sans aucune reeponsahilite des évén~lIlens. J)


Les ministres de Charles X, parmi lesquels se trou-
vaient pourtant d'anciens jurisconsnlt~s,.semble~H
avoir 'completement ignoré ces dispositions de n,os
lois. Au premier rassemhlement qui leur est dénoncé,
ils envoient des troupes. Ils leur donnent ou leur font
donner les ordres les plus sévéres et prennent sur .
eux toute la responsabilité de ce qui snivra.


Aucun avis n'est donné aI'autorité civile. Le préfet
de police ne reeoit pas d'ordre, le préfet de la Seine
n'est pas prévenu, l'autorité municipale ne prcnd au-
cune décision.


Avant le commandement barbare qui doit porter
I'épouvante 'et la mort au sein de la. capitale, nul
officier civil ne parait. kucunavertissenient n'est
donné, ancune sommationde se retirer n'est faite, et
la foudre apporte le plomb homicide avant qu'on se
doute du danger: réeÍ auquel on· est exposé.


En l'ahsence de ces formalités, tous les malheurs
doivent étre imputés aux ministres. On peut léur
demander éompte du sang versé dans ces lugubres
journées, et de la mort de ces victimes désarmées
et inoffensives que le plomb est venu chereher
jusque dans leurs appartémens, et de cesmalhenreug
tombés honorablement en se défendant, mais que le
respect pour la loi eút peut-étre fait retire!'. Arres




250 ')


les trois sommatious faites par le magistrat civil,
I'ernploi <le la force-armée eút été régulier; aupara-
vant ce n'était que l'abus 'de l'autorité , un véritable
assassinat.


Cependant, que faisaient les ministres, tandis que
leurs agens exécutaient si cruellement leurs ordres
sanguinaires : eux quine veulent pas avoir provoqué
a laguerre civile , quoique l'emploi des armes sans
l'observation des formalités ne soit autre chose
qu'une provocation de ce genre, s'empresserent-ils
au moins d'y mettre un terrne P '


,Non! le mardi soir, au moment oú il était encere
tems de tout pacifier , ils n'hésítaient pas aaggraver
la situation des choses, Le, fer et le feu n~ l~l;1l' don-
naient pas.a~ez de victimes, .ils el,! demandent de
nouvelles a .l'administration de la cité. Ils déclarent
París en iétat de siége.et par la suspension des
autorités ordinaires, par l'établissementrles tribunaux
militaires, qui accompagnent nécessairement l'état
de siége, ils se disposent a décimer ce qne le fer et
le feu avaient épargné.


Ce n'est pas une conjecture que nous vousprésen-
tons, Messiéurs; deux dépositions vous ont appris
que l'ordre avait été donné d'arréter plusieurs per-
sonnes notables, parmi lesquelles se trouvaient des
députés, et si la rumeur publique, si les révélations
qui nous sont parvenues de Saint-Cloud sont exactes,
sans la victoire du mercredi, ils eusssent été fusillés
. .


le joúr méme ou le lendemain.
Voila ,comme ces hommes d'.état entendent la




( 25( )
liberté individuelle et I'inviolabilité de la vie humaine.


Mais au moins si les ministres avaient provoqué
la' guerre civile etmis les armes a la main des
citoyens , s'empresseront-ils de faire cesser cet
horrible speetacle.


Pas davantage. Des le mercredi matin ils sont tous
reunís aux Tuileries , avee le·duC' de Raguse; qu'ils
ont investi du commandemeat-supériéue de la plac-e;
ils voient sur le Carrouse! tous les préparatifs d'une
bataille : infanterie , .eavalerie , artillerie ,' caissons ,
tout est la réuni; ils voient partir cette armée parricide
pour réduire ces Parisiens qui ont la témérité de de-
mander leurs lois, leur constitution, la fidélité aux
sermens. Pendant une journée entiere , Hs entendent
les armes meurtrieres qui arnoncelent les victimes el
portent la consternation dans toutes les ames. Les
ministres seuls restent impassibles et comme sourds
a too! sentiment ~'bumanité:.un mol, un' seul mot
de leur part arréterait l'effnsion du sang; il ferait
cessee le combata outrance que se Iivrent les enfans
d'unememepatrie.n~neleprononeentpas:que dis-je?
ils soutiennent l'action par l'envoi de nouvelles trou-
pes, ils excitent les 'combattans par la distribution
d'argent et de liqueurs spiritueuses; et lorsque de
gén"éreux citoyens, au péril de leur vie, viennent de-
mander la suspensión des hostilités , ils refusent de
les recevoir et de les entendre. •


Les ministres se défendent de eette froide cruauté,
en disant qu'ils n'avaient plus d'autoriré , et que, s'il
existait des ministres, il n'y avait plus de ministere.




( ~52 )
Oú est done l'ordonnance qui avait dissout ce


eahinet anti-eonstitutionnel et paralysé son action il
Oú sontles successeurs qui avaientpris la conduite
des affaires et assumé sur eux la responsabilité des
événemens?


La mise en .état de siége de la ville de Paris avait
bien mis hors la loi commune ses habitans et donné
au gnuvernement sur .eux une autorité despotique;
mais le ministere était resté ce qu'il étaitauparavant;
pour le malheur de la France, il présidait encore a
ses destinées: lui seul pouvait continuer cette mesure
désastreuse , inouíe dans les {astes de la capitale d'un
royaume en .pleine paix; lui seul _avait le droit de
diriger le commandement militaire , de regler ·son ac-
tion ou de la faire cesser. .


C'esr ponr cela, c'est pour imprimer plus de
rapiditéa leurs résolutions qlle les ministres, immé-
diatement aprés la mise en état de siége, étaient
venus se placer-a coté du commandantmilitaire. Leur
cabinet touchait le. cabinet du duc de Raguse. Le
conseil en permanence suivait les événemens ,
donnait les ordres, gouvernait enfin. Voila pourquoi
vous le voyez, le mercredi, signifier au procureur-
générall'ordre qui met Paris en état de siége , et le
jeudi ,convoquer la Cour royale aux Tuileries, avec
défense de s'assembler ailleurs. En vertu de quelle
autorité les ministres auraient-ils contre-signé ces
actes, si l'ordonnancede mise en état de siége les
avait dépouillés de tout pouvoir?


Non, Messieurs, I'excuse n'est pas fondée. Par la




( 253 )
mise en état de siége, le due de Raguse n'était p'a!F
devenu une sorte de dictateur qui réunit tons les
ponvoirs; il n'était qn'un agent qui sacrifiait les
inspirations de son ame 3. un point d'honneur mal
entendu. Le gouvernement restait ce qu'il était an-
paravant; les ministres disposaient encere de notre
501'01, et, en refusant de.t:Rcevoir les députés qui de-
mandaient la cessation des hostili:tés, en s'obstinant
.3. conserver un pouvoir qui avait mis-les armes anx
mains des citoyens, ils continuaient de provoquer a
la guerre civile et refnsaient sciemment de la faire
cesser,


Le jeudi, mérne inseusibilité, méme obstination
criminelle ;quand, entre sept et huit heures du matin,
M. de Sémonville exigeait lacessation des hostilités,
la retraite des ministres, que répondaient-ils? Ils
pouvaient encore éviter les -malheurs de"la journée.
Le maréchal , dans sa cruelle anxiété , que tous les
témoins s'accordent si bien a dépeindre , volait an
devant de cette résolution. Eux seuls restent étrangers
a tout sentiment de pitié; ils laissent .massacrer les
soldats et les citoyens, et ne se décident a aller a
Saint-Cloud que lorsqu'ils voient la résolatíon de
M. de Sémonville de les faire retenir prisonniers aux
Tuileries, pendant qu'il irait lui-mérne porter sa tete
aSaint-Cloud comme gage de son dévouement etde
son patriotisme. (IciMM. de Polignacet de Peyronnet
se retournent l'un vers l'autre en souriant ironique-
mento


Messieurs, il serait difficile de réunir plus de




( ~54 )
prenves de la provócation a la guerre .cívíle; de la
dévastation et du massaere qne les ministres ont
consenti a.porter dans la capitale de la France.


Par la signaturedes ordonnances violatrices de la
Charle, que son auteur avait placée sous la garantie
du courage des citoyens, les ministres n'ont pas pu
ignorer qu'ils les appelaient .aux armes.


En les faisant 'charger par la gendarmerie, fnsiller
par la garde.royale, mitrailler par l'artillerie, sans
intervention de l'autorité civile, et en l'absence de
toute sommation d'un magistrat, ils n'ont pas pu
croire que les Parisiens ne se défendissent paso De la
la gnerre civile, Iadévastation, le massacre , dont ils
ont pris. sur eux toute la responsabilité,


Ils auraient pu en atténuer -les conséquences en
.recevant les .députés , OJ,l en cédant aux. pressantes
sollicitations de.M. de Sémonville; mais ils furent
inébranlables dans leur refus, Sans pitié pour les
autres , eomment pourraient-ils en exiger ponr eux?
Le sang versé. demande justiee, vous ne voudrez pas,
Messieurs, la refuser.


Cependant , nous en manquerions nous-mémes ,
si ; apre" avoir. montré la cnlpabilité générale des
accusés , nous ne faisions remarquer leureituátion
partieuliere. 11 se peut que dans laconduite de cha-
cun ilse trouve des explications qui aggravent 011
excusent les actes,


Tout ce que. nous avons déja dit sur les élections,
sur les ordonnances, sur la gnerre civile et le mas-
sacre, s'applique, sans restriction eomme sans ex-




( 'A55 )
cuse, aM. de Polignac; mais quelques circonstances
semblent le rendre plus criminel encoré,


Nous ne parlerons plus du motif qui l'a fait entrer
au ministere, de ses antécédens ultra-monarchiques,
de la mystérieuse part qu'il prenait ala composition
ou a la réorganisation du ministére , chaque fois
qu'il souffrait quelque modification : tout cela parait
étahlir que, partie et agent de ce pouvoir oceulte que
nous a'vons déja signalé, M. de Polignac avait des
longtems formé le complot de renverser notre con-
stitution.


La preuve en est écrite dans la derniere partie de
la déposition de M. de Sémonville dans laquelle ce
dernier rappelle la question que lui avait faite long-
tems avant les ordonnances ~ M. de Polignac, sur le
parti que prendrait la Chambre des Pair~ dans le cas
oú la couronne lui demanderait un budget ou une
loi de recrutement qu'elle n'aurait pas soumis aune
Chambre élective.


Cette question supposait le renversement de la
constitution; elle prouvait dans le ministre quí la
faisait le dessein d'y travailler.


Mais, dan s ce moment , c'est dans la conduitede
M. de Polignac durant les tristes journées de juillet,
que nous trouvons une aggravation de crime,


Le lundi et le mardi , M. de Polignac avait pu juger
Plr lui-méme I'exaspération produite par les ordon-
nances. An lieu de les rapporter, il soumet au con-
seil , .tenu chez lui le mardi soir,et le conseil adopte,
avec une incroyable légereté , l'ordonnance qui met




( 256 )
París en état de siége. Le mercredi matin, M. de Po-
lignac va aSaint-Cloud , Iait signer l'ordonnance, et
en revient sans doute avec cet ordre que le Roi don-
nait encore le jeudi, de eharger aoec des masses, cal'
vous vous souvenez que le méme jour, faisant ré-
pondre a ce qu'avait dit ]\f. Arrago, que la troupe
passait.du.cóté du peuple , il s'écriait : Eh bien! il
faut aussi tirer sur la troupe.


Exclamation d'un homme en délire! Ordre insensé
qui prouveavec qnel1e facilité il faisait tirer.sur le
peuple; on aurait dit que chaque coup devait Irap-
per un étranger. C'est sans doute ce que voulait ex-
primerl\J. Delarue , aide -de-camp du duc de Raguse,
lorsque rapportant ces mots: Eh bienl ilfaut aussi
tirer sur-la troupe , il s'écriait : Notre premier mi-
nistre n' enúnd pas méme. le fran1fiis.


Oh! non certes, il ne l'entendait pas; son cceur ne
battait plus aux aceens de la patrie en pleurs : il ne
comprenait ni la douleur decelui a qui il donnait
I'ordre de tirer , ni les gémissemens de- celui qui
tombair sons ses 'coups. Politique freid ct endurci ,
il aurait souscrit a tourner le canon centre le peuple
et la troupe en méme tems, pourvu qu'en définitive
les ordonnances fussent respectées et son pouvoir
reconnu, (J\'L de Polignae, immobile , tient ses yenx
fixés SUl' l'orateur. )


Nous convenons, avec l'honorable défenseur, de la
. . .


gravité de l'inculpation; comme Iui elle nous pese,
HOUS regrettonsde trouver une aussi froide cruauté,
mais la vérité nous peserait encere davantage ; si




( ~~7 )
na~ avions le malheur de la dissimuler : le fait est
prouvé , notre devoir est d' (m tirer toutes les consé-
quences vis-a-vis de l'accusé. .


Sa eonduite ultérieure ne dénie pas cette cruanté :
les commissaires des députés sont introduits aux
Tuileries ; porteni des paroles de paix; ils s'engagent,
au péril de leur vie ,a faire cesser les ·ho~tilités.
1\1. de Polignac: he veut pas les recevoir; il craint
sans doute qu'un tablean ~rop 'dééhirant des'massa- .
eres de la d.pitale ne vienne émouvoir son inébran-
lahle résolution,


Le soir de ce mérne jonr, mercredi, sa haine pour
les pauvres Parisiens ne connait plus de bornes. I~es
troupes ont été battues, ce n'était pas possible au-
trement: le nombre et la disposition deslieux étaient
contre elles; les régimens de la garde s'étáient ren-
fermés au Louvre, dans la cour et dans le jardin des
Tuileries ; le lendemain ' ilsdevaienr étre infaillible-
ment attaqués et sans doute ~lÍcorebattns. Que faire?
un homme prndent, un ho~me avaredu sañg de
son pays aurait cédé : M. de Polignac ne songe qu'á
proIonger la lutte. Dans la nuit du mercredi, il donne
ordre aux troupes stationnées autour de Paris et a
celles faisant partie du camp de Saint-Omer , de se
diriger rapidement vers la capitale. .


Ainsi , tant qu'il aurait eu un homme a sa dispo-
sitian, tant qu'un canon lni serait resté ~ M. de Poli-
gnac aurait persiste ;dut la premiere vil1e du monde
étre rasée et ses habitans anéantis jusqu'an dernier ,
plntót qne de renoncer an gou"vernement arbirraire


rr. 17




\


( :158 )
que, par ses désastreuses ordónnances , M. de Poli-
gnac s'était préparé.


Vous l'avez vu , l~ jeudi matin , ne pa.s reculer en-
core rlevant un combat évidemment inégal. Le sang
qai vacoulér ne l'érnent paso Il résiste-aux sup plica-
tions,:aqx ~en.aces de eeux quil'éntourent ; réussir
est encoré son espérance ; quelque affreux que soient
les hJojen!i aempl~yer pour atteindre ~ux succes.


Messienrs , si l'nnmense oulpabilité d'un .ministre
se juge par le caractere de ses actes et -l'atroci té. de
ses' ordres, vous reconnaitrez celle deM. dePolignac
et vous le condamnerez. Par une.décision éclatante
. ., .


de justice vous montrerez au monde qui vous observe
ce qu'il .encoútepour conspirer contre les in~titu­
t\ons deson pays, les renverser , el: pOll;r avoir atta-
qné la:yPe des citoyen&qu'b~.s'était chargé de pro-
tégeret de d~fendce~


,M.'de J?eyrQunet a contribuéá tous les actes que
nous venons de reprochen a M. de Polignac; comme
lui , ;la abusé de son pouvoir pour fausserles élec-
tions; comme lui , il a adopté et signé les ordonnan-
ces; comme lui , il a fait porter la guerre civile .an
milieu d'une population paisihle; comme lui , enfin,
il n'a rien íait pour arréter.l'effusion du sang qu'avait
amené l'emploi dela force armée et l'état de siége.


Cependant quelques faits atténuans ayant été ré-
vélés par l'instruction, iI est de' notre devoir de les
faire connaitre et de les discuter.


On a dit, ou au moins on a laissé entendre , que
l'avis de M. de Peyronnet n'était pas en faveur des




( 259 )
ordonnances, et qu'illes avait combattues jusqu'au
dernier momento


Nous n'avons pas pu nous persuader , Messieurs ,
que ce fút la une excuse ; a nos yetii, c'est un~ cir-
constance ággra·vante. t•


.Qu'un homme, par une erreur de~9n esprit on
de son jugemerit,ait cru, debonne foi, que ron pou- '
vait suspendre la liberté de la pre,sse et clrangerla
loi des élections sans 'toucher ala Ch~rte et auxlois
organiques; on le plaindra , 'on le blámera d' étre en-
tré dans un 'ministere qu'il ne comprenait pas, rrn..ris
en fin on sera sinon disposé a I'excuser , au moins a
atténuer sa faute.


Au-contraire , celui qui aura sainement jugé la
portée de la suspension de la presse, et du change-
ment proposé ala loi des électionsjqüi 1'auta' com-
battu , et <lui,sachant qu'ilse pretait ,a laviolation de
la Charte 'et al' abrogation , parordonnance , de lois
que le pouvoir législatif pouvaitseul rapporter ,se



sera néanmoins rendu; celui-Iá est cO,upable. JIviole
la Charte, 11 renverse sciemment les lois et les insti-
tutions de son pays.


Inutile de dir-e que ron aura cédé par défér-ence ,
par senti~ent d'~10nneur, ou qu'on se sera rendu a
la majorité. . '.


Il n'y a jamais ,il ne .peut pas y avoir de défé-
rente pour 'le crime. On est aussi coupable a s'y
laisser en trainer qu'a le commettrede'son propre mou-
vement.


Il n~y a pas non plus de sentiment honorable




( 2. 60 )
qm pUlsse por ter a se rendre a des mesures
qu'on jnge condamnables : le véritable honneur
d'un ministre, ,son vrai eourage consiste a résister
au souverain Iui-méme , lorsqu'il propose de violer
son sermen; et de renverser les institutionsqu'il a
juré' de maintenir.


En fin , la" majorité du conseil peut fai;e la loi
lorsqu'il s'agit . de mesures indifférentes et .de dé-
tail ; maiselle ne lie pas en matiere de conscience
etde probité méme poli tique. Placé entre ses de-
voirs et son portefeuillc, l'homme d'honneur, le
vertueux citoyen ne balance paso Il sort du ca.
binet plutót que de· souserire a une résolution
qu'il sait devoir eompromettre le Roi, la monarchie
et. le. pays.
~ Enagissant autrement , M. de Peyronnet a su le


mal qu'il allait [aire; il en a connu, il en a pesé
toutes les funestes conséquences. Qu'illes supporte
done aujourd'hui, pnisqu'il "les avait infailliblcment
prévues. . .


Nons .avons reproché a J\L de Peyronnetd'avoir
participé comme les autres a la mise en !,tat de siége
et a la gucrre civile, qui, pendaut trois longues Jour.
nées, ont désolé la capitale; et si l'instruction apprend
qu'il n'a donné aucnn ordre, que le jeudi matin il
hátaitdetons ses efforts le départ de 1\'[. de Sémonville
pour Saint-Cloud , a l'effet d'obtenir la révocatiou
des orrlonnances, tout cela n~ Texcuse paso


Ce vceu était louable sans doute , mais il venait trop
I~rd" Le sang avajt coulé durant dcux jtmrr;ées eu-




( 261 )


tieres, pendant lesquelles M. de Peyronnet n'avait
\ .


ríen fait pour l'arréter.
11 était ministre de .l'intérieur. La police da.'


la capitale lui appartenait; elle lui donnait les
moyens, elle lui imposait ie divoir:. de tout préve-
nir , de tout empécher..Comment se f~it~il.qu'ílait
tout négligé ? . "


Ha vu',d,it7il, le préfetde police, 'le.dimanchesoir,
adix heures, et luia donné ses ordres, ' '
. M~is 'le lundi, il estresté tranquille dans son cahi-
net , sans rien faire pour prévenir les malhcurs du
lendemain.


,Le mardi, jour oú la guerrecivile a commencé.,
jourde désastreuse mémoire, oú des soldats parricides
ont cornmencé atirer sur unepopulation.désarmée
qu'íls allaient réduire au désespoir, il n'apas.mandé
lcpréfet de policé ; sans ,1-appof't.officiel, ~ans r'ien
savoir .de ,positif s~r les éyénemens, il a souscrit a1.á.
mise en état ue' siége dela c~pitale...· ..


La .!fie~cre~i, méme incurie , mémeabsence de
tonte autorité préventive, de cette poliee qu'il e6t
été si essentiel d' entendre , -, puisqu'elle seule pou-
vait donner 'une juste 'idé~ de l'état de la ville, Ce-
pendant , de cet état, au dire·des ac~usés,de cet état
seul devait dépendre la réalisation de la mise en état
de siége.. '.'
'Jam~is on ne vit un pareil abandon de ses dev~ir~:


on aurait cru la ville livréeaelle-méme; ou si quelque
ehose~évélaitl'existence d'un ministre, c'était le mal
qu';il Iui faisait. .




( 262 )


l\J. de Peyronnet a cherché a expliquer son inac-
tion par une mystérieuse réticence que nous n'avons
pas compeise. Il 'donn'erait -áentendre.au moins nous
le supposOnS, qu'á compter du dimanche'soi~,iT n'a-
vaitplus d'órdres adonner, et quela police de laville
était passée en d' au tres .mains,


Váine excuse: qui n'explique rien, qui n'ahsout
d'aucune fa~t.e!,' .


Le lundi, le mardi, le mercredi , le jeudi , M. de
Peyronnet était ministre de"l'intérieur. La preuve,


. c'est que le mardi iI délihérait sur J~mise en état de
siége, et le jeudi sur la révocatíon des ordonnances el
la re traite du ministere,


De 'quelque.:.coté qu'on envisage la c;lldu'ite 'de
, , ,


M. de Peyronnet, elle est toujours coupable; s'il a
d'abord tetQsé de ~~ne,r les ordonnances, ir s'est en-
stl;ite ~e:ó.d~ iÍ il cédé"a:'laprovocatlo'n' du crime, rll'a
¿ommis sCiemmen~~e~ avec la co~victiol}qu'il l'ecóm-
mettait.


.Depuís , il a cédé a'toutes ses conséquences : il a
laissé répandre le-simg .des citoyens; il a deux fois
trahi la patrie en ne prévenant pas les prerríiers mal-
heurs desjournées' dejuiliet et en ne les faisant pas
cesser lorsqu'il en avait les mayens. .


M: de Chantelauze n'a pour excuse des crimes qui
luí sont communs avec les autres ministres que sa
répúgnance aentre; 'anministere: ' .


Malhcureusement i] ne céda pas a ses pressenti-
mCIlS: son refus e~t;peut-etresauvé la vie a beal1cQ1111
d'hornmés.




( ~63 )
Mais cette répugnance ne peut rien- sur la mori-


lité des actions du .ministre ; elle aurait da le rendré
plus circonspect , l'éclairer s~U'{a nécessité dercster
dan s la Charte. Mais quelavertissernent pouvaitpro-
fiter a celuiqui avait demandé un' cin6j sep/embre
monarchique ?


•M. de Chantelauze a' 5ign.é les ordonnances ;
elles étaient conformes a son avis.:Il Iesva ap-
prouvées' dans le I éonseil ,peui-e~re les a-t-il ~~Íi1'an­
dées' eomrne la réalité 'de ce cinq septeinbre mo-


I 4'
narchique. ' ;


C'est ceque ron pourrait condure de la mission
qu'íl recut 'de rédiger le rapport destiné á expliquer
ces étranges mesures. A'la maniere dont ilparle de
la liberté deja presse, il n'estpas difficile de recen-
naitre unennemi de nos institutions... L'li~rhe qu'i a
pu écrire ((:qti'íl étaitdansIa natitre de~preS's'e de
»n'étre -qu'i~n instrurnent.de 'd~saFdreet,4:e:~éaiti'oi!;»
ne pouvait pas respec~er Parti'de~de '~:r Charte qui
proclarnaitcette liBerté. .' . "
Au~si M-. de Cha·h\elaúze.était,' s'il est possible ,


plus coupable que les autres, Plus qu'eux il a con-
tribué au renversement. de' nos institutions : sa. C9n-
damnation ne sera que la réparatión équitabted'un
grand crime, (M. de Chantelau'ze reste impassible
MM. de Peyronnet et de Polignac se regardent:cn
souriant.) .


Quant aMo de Guernon-Ranville nous ne con-
uaissons id'autre excuse en sa faveur que son 'ar-






( ~64 )
deut amour pqúr laC,harte,'qu'il appelait s?n évangile
politique. . ~. . .


Malheureusement il.ne lui a pas.été toujours fideie.
Atí ,pr$lmüw choc il"l'a abandonnée. l\'!?ins de hui't
mois de ministere, ont suffi POUI"user la conviction
qu'il s'était plu: a développer dans son mémoire a
M..de Polignac. .' .


. On a dit, ou da moins on a dqnné a'enteudre, qu'il
n'avait fait que céder a pes exigences roya~e.s,;


Ce n'estpas eldans un gouvernement representa-
tif ce ne peut jamaisétre une excuse. La responsa-
bilité ministérielle a été introduite pour 'empecher
ces actes de complaisance et de respect mal entendu.
L~ ministre est ú;mjours piacé entre son devoiriet
son porteféuiHe;.s'il' .Re sacrifie, Ea:> le porteíeuille au
d~y~r; s'illr,éfere}~(fp.y~rsdu prill.c~ aux libertés
I?ubliqp.e~"il ~t ,~a!x:e:,~.pr.opre ~nyictio~ pou!'
se "50:~mettre a une.hasse obéissance indigne d'un
citoyen qui {ait partie du conseil, il assume sur Iui
tOlites'les rigueurs de la 10i; il est responsable de tous
les malheurs que son aveugle <¡,qmplai~ance aura oc-


o • • ~


casionés,
Autrement la responsabilité cninistérielle ne se-


rait qq'.un vain mot: toujours.on se cacherair.der-
riere le souverain , ~tdes que-celui-ci anrait declaré
qu~ c'était par ses ordres , par son. exigence qu'un
acte aurait étéfait, la nation ne pourrait plus atteindre
les co~pables.. .'


Non, Messieurs cil n'eu Sel? jamáis ainsi. Des que




, ( 265 )
IV1. de Guernon-Ranville esto convaincu comme les
autres ministres d'avoir attenté.a la Charte; de l'avoir
sciemment violée par l'adoetiop des ordonnances de
juillet, il íaut qu'il soit puni) il faut qu'avec les
antres ministres . il réponde de eette désastreuse
violation.


l.teros que l'on apprennequ'il ya autre chose
qu faveursdans les ministeres. A cotésoni.~ussi
desdevoirs dont.Tinobservation est tIn'erime.{l\'l. de
Peyronnet, avec un sourire ironique , fait un signe
dé tete affirmatif)." .


Ces devoirs ont été mé~onnus par les derniers
ministres de Charles X. .


Nous vous demandons , Messieurs , leur condam-
nation, parce qu'ils ont trahi les intéréts de la France,
paree qu'ils ont Iivré toutes ses lihertés , paree qu'ils


. . , -


ont déchiré son sein en y portant liguer~ecivile.
On vous-dirá que lamagnammité de notre révolu-


tion: "commande un· génét;eu;x pardon, qu'il faut
irniter les v.a~rttp~eurs·de jl;lill~t~t tendr'e comrne eux
la main aux hommes abattus, _.


Gardez-vous, Messieurs, de préter l'oreille ad'aussi .
perfides insinuations. Vousconfondl'iez la vengeance
avec la justice. Les combattans ont pu se montrer.
généreux et renoncer a se venger apres' la victoire;
ils n'ont fait que leur devoir : voué au contraire, en
refusant .de condamner ceux que tanto ~ crimes
publics signalent, vous refuseriez justice , - vous
imprimeriezá notre révolution une tache ineffacable,


. l'impunité. .




( :l66 )
Qlle direz-vousá ceux qui.encouragéspar l'exemplc,


attentcraient de' nouveau a nos libertés ou' recorn-
" \


menceraient 'la gneri'e civile ?Pourriez-vons leur
infligér la péine dne a leur forfaits? 11s ne seraient
ni plus ni moins coupables que les derniers ministres
de Charles X; vous seriez Iiés par ce funeste
précédent. ,.


Vous ne le cpnsacrerez pas ,. Messieurs ; vous ré-
pondrezá la demande de 'la France en deuil , a la
plainte des citoyens, á.l'accusation de Ieurs députés
par urie condamnation éclatante, égale a l'énormité
duo forfait. Par la vous rendrez justice a tous : vous
préviendrez le .rerour de pareils crirnes et vous
appréndrez á l'étranger qui vous adm'ire qu'a la


,


vaillance 1 a la genérosité 1 a l'amour de l'ordre 1 la
France a ~# j¿iiú:l~e la iusÍice. ..,.


. ,.. ,t .,
Pendant ce réquisitoire , les regards de l'assemblée se por-


taient a~haque instant sur les accusés, et leur contenance était
curieuscmcnt observée. M, de Polignac avait les yeux attachés
sur' I'orateur , et souvent Ycommuniq.ua~t ses ohservations a
MM. de Martignac et Mandaroux. M.dé .Peyronnet , par des
gestes fréquens , 'par le mouvement continuel de sa physiono-
míe, Iaissait percer au dehors le\ diversos expressíons de son
ame;:il parlait avec vivacité t~ntótaM. de Polignac , tantót a
son, d~fen6eur et aMe Mandaroux.-Vertamy; tantót adeux per-
sonnes de ~~ connaissance, placées nO,n loin de lui dans la tri-
h411C publique; M: de Chantelauze, toujours impassible, et les
Jeux baissés , liair,e de tems en tems un' flacon , qu'il ne peut
ouvrir, co qui Fohligeá avoir rccours ala mainplus vigoureusc
de son jeune co-accusé, M. de Guernon-Ran,ville-; ce dernier, la
téte haute, écoute tres-atfentivcmcnt, .mais sans preudrepart




aux f['equenles manifestations de M~L de 'Poligllac .et de Pev-
ro nnet ,


M. dePerronnet. Ie ne sauraís différel' d'avertir la
Chambre et MM. les cornmissaires de la Cha~bre des, .
Députés ?'Ilne erreur de fait assez grave qui leur est
échappée. On m'avait reproché plusieurs c~rculaires
sur les élections : dans mes interrogatoires.j 'avais


. • v. ~


averti que je n'en avaís filit< qii'une-seule. Cependant
M. le commissaire, que vous venez d'entendre, a
répété que j'avais fait plusieurs circulaires.' Il est
allé plus loin , iI"en cité une, et il y a trouvé des
expressions qu'il a regardées comrne fort condamna-
bles. Jele conjure de vouloir hienreprésenter immé-
dratement aIaCour cette circulaire. Je crois pouvoir
annoncer qu'il me sera tres-faoile de donner des
cxplications satisfaisantes, lorsque M.le commissaire
aura rempli ce qu'il considere sans doute comme un
devoir. " . "',. .


111". Persil. M. dePeyronnet a raison , 'en, disant qu'il
n'a fait qu'une circulaire. Aussi n'en avons-nous cité
qu'une seule, tes passages sont extraits-d'une' cor-
respondance ministérielle. La pie ce est signée par
M. le camte de Peyronnet. Elle sera lue.


. r .


M. de Peyronnet. Jedemande la permissionde
faire ce .que MJe commissairecroitglevoir se.dispenser
de faire -Iui-méme.


M. Persil. J'a1 annoncé qu'elle serait lue.
'M. de Peyrdnnet. J'en demande pardon á' M. le
córimlissrti¡'~, 1~1~.is vous provoqiiez de gra,~ds chári-




(268 )
mens. Je crois que la vérité est un droit pour moi et
pour vous un devoir. .


La voici , Messieurs, eette eirc1!laire de laquelle on
a extraitdes paroles qui ne se trouvent p'as dans une
correspondance ministérielle, mais dans une circu-
laire vér!table, qui est du 13avril, etje ne suis entré
au miriistére : que le 8 mai; la seule circulaire
émanée de moi .est du 15 JUin. (Mouvement dans
l'assernblée).


(I/audienée est .suspendue aune heure et demie
et repríse a deux henres).


M. le président. M.le commissaire de la Chambre
des Députés demande la parole.


M. Persil. Des trois chefs id'accusation que nous
avons été chargésde soútenir devant la Cour, un
seul a excité. ies ré~IamatioÍls de M. de Peyronnet ~
C'est celui qui est relatif auxélections, qui , a cause
de la gravité des autres, navait que fort peu attiré
notre attention. Nous avions extrait du rapport fait
a la. Chambre-des Députés, qui est la base fonda-
men tale de l'accusation , trois citations. M. de Pey-
ronnetafait rernarquer que la premiereétait inexacte,
qu'elle était prise dans une circulaire qui ne lui
appartenait pas. n a raison, mais l'erreur provient
d'unecorífusion de noms dans le rappo!'t imprimé.
On a aUribué aM.rfe Peyronnetce qui appartenait a
M. de Montbel. Nous serións heureux ql,le M. de Pey-
ronnet pút signaler d'autres erreurs : il nous trouvera
toujours préts ales. reconnaitre. Ainsi que nous
l'avons déjá remarqué, ce n' est pas une, accusation




( 269 )
que nous voulons par tous les moyens: nous cher-
ehons la vérité, ~t .nous serons .heureux §i notre
accusation peut disparaltre entierement. (Mouvement
d'approbation).. . .


Nous avions annoncé que M. de Peyronnet avait
voulu exereer une infiuencécoupahle surlesélections.
Je viens de ~relire des pieces que nOlÍ5.~,n'~yions;pas
cru devoir 'citer , ....paree que notre. intention n'était


I • •


pas d'insis ter sur ce point. Nous allons toutefois Iire
quelques-unes de ce~ pieees.· •


(M.le commissaire lit trois lettres écrites par M. de
Peyronnet au ministre de l'instrucbon publique, au
ministre des finances et au préfet de la Creuse, Ces


·trois lettres que Ieur Iongueur ne nous permet pas
.rl'insérer, confirment ce qu'a dit M. Persil. )


M. de Peyronnet. Jeme suis' tu sur beaucoup de
faits irréguliers que j'avais remarqués ; mais 'je me
devais a moi-méme d'avertir la Cour d'un fait maté-
~ . ~ \ . - ,


riellement faux. MM. les commissaines déla Chambre
des Députés reconnaissent maintenantleur erreur :
je les re~ercie de eette déclaration rnalheureuse-
ment bien tardive, puisque- depuis longtems ces
faits me sont attribués:


(La parole est a M, de M~rtignac, défenseur de
. M. le prince de Polignac.·)


PAIRS DU ROYAUME (I),


Unede ces grandes crises que la Providence per-


(1) Nons copions ce plaidoyer sur une brochure dont M. de Mar_
lignac a relu llli-meme les épreuues , el que nOU8 devons a la bienveil-
lance d'un de nos suuscripteurs.




( 27°
met sans doute pour l'instruction des peuples et
des rois, a renversé une dynastie , élevé un tróne ,
et fondé sur des bases nouvelles ~lIle autre menar-
chie héréditaire. Ce sceptre en éclats, cette cou-
ronne tombée, ces poiivoirs élevés sur les déhris
des pouvoirs détruits , cette réaction tempérée, mais
immense , qui emhrasse toutes les parties de notre
corps politique , offrent ala méditation -le plus vaste
exernple des vicissitudes auxquelles sont soumises
la' vie des hommes et celle des états. '


• Les montagnes d'Écosse cachent au monde le rno-
narque puissant dont les armes ont renversé naguere
ce boulevard de la barbarie qui avait hravé jusqu'á
luí ]a civilisation et ]~~hrétienté. Que~e¡ues jours a.
peine ont marqué .l'intervalle entre une glorieuse
victoire et la plus épóuyantable des chutes, et le Jes~
pote ,v,!lincu .n'avait pas encore touché le sol qui
lui promettait un asile, que le roi vainqueur cher-
chait une terre hospitaliere qui voulút s'ouvrir a
son' exil. '


Autour de nous tou! estchangé , les choses et les
hommes, Un autre drapean a remplacé celui qui .
flottait sur nos édifices : un autre serment a pris


. Dieu atémoin d'un el1gagement nouveau, L'origine
du pouvoir' royal et ses límites, la constitution des
premiers corps de I'État et les g.rand~s clauses du
pacte fondamental qui nous lie, tout s'est modifié,
tout a subi.I'influence de eette .secousse profonde
qui a saisi jusque dans ses bases notre édifice social.


Au rnilieu de tant d'élérnens passagers et mobiles,
.




( 2.7 1 )
de tant de choses qui naissent de l'action , et que la
réaction dérruir, une seule, reste jmmuabJe? 'éter-
nelle,' inaccessible aux. passions,indépe~dantedu
tems et des événemens ; c'est la justice,


Quelfe que soit la ~anniere qui flotte sur I son
temple, .q~el que soit le pouvoir supréme au norn
duquel elle rend ses arréts , pour elle rien ne s'al-
. ' .


tere, rien ne s'émeut, rien ne Ghauge', ses devoirs
sontinvariables, e.ar elleatoujours pour regle uni-


.que la vérité et la loi.. .
Les \ peuples le savent , Mes·sieurs; aussi y a-t-il


jusque dans son nom quelque chose qui impose et
qui cornmande le respect, et s'il est arriyé quelque-
fois que les passions l'ont ouhlié, l'erreur ne fut
jamais de longue durée, et la noble' fermeté du ma-
gistrat retrouva hientót dan s .l'estime universelle
le prix qu'elle avait mér,ité.


. C'est eRe, c'est cette jnstice .de tous les tems et
.' ,


de tous les lieux queviennent invoquer a..ujourd'·hui
ces hornmes qui ,parlerent devant vous au nom de
la puissance seuveraine •. et quiy comparaissent
aujourd'hui poursuivis et accusés;ces hornmes
autour desquels l'appareil de la puissance et de la
dignité s'est eonverti en appareil de surveillance et
de protection. \


. C'est eette justice qui peut braver l'histoire, paree
qu'elle veut d'avance étre impartiale comrne I'his-


\ ; .


toire, devant laquelle se présente un ministre du roi
tombé, un ministre dont le souvenir seméle a des


.malheurs , a des desastres, a du sang versé, dont le


-'"




( '.1.7 2 )
nom a été souvent prononeé au milieu de-l'irritation
et dé la colerecet que kl prévention elle-mérne doit
enfin sentir.Ie hesoin d'écouter.


" ,. ....--


Au milieu de tant d'hornmes habile! dont la voix
éloquente appartient au malheur, c'est rnoi que sa
confiance est ven ue chereher pour. parler en son
nom, pour éclairer la conscience de ses juges et J'o-
pinion 'de son pays.


Enlevé depuis douzeans, par les affaires publiques,
a eette noble profession du barreau, dont ilne m'est



resté que des souvenirs et des regrets, j'ai tremblé
que eette táche imprévue ne fút au-dessus de mes
forces; et; J:biltefois, je n'ai point balancé a l'accep-
ter, paree qu'il.ya dans la voix d'un homme menacé
qui voq~ippelle,' quelquechose d'impérieux qui
subjugue et qlli'comm:mde. . ' '


Cemandat du malheur dont je comprends toute
la gravité, je viens aujourd'hui essayer de le remplir.
Puissé-je le faire aveccette ferrneté qui convient a
I'accomplissement d'un devoir, avec cette mesure
qui n'irrite jamais ceux qu'on doit toucher , et cette
puissance de raison qui frappe les esprits et qui sai-
srt les consciences.


Tel est mon vceu le ,plus ardent et le plus sincere,
et vC?tre loyanté le comprendraaisément. La défense
peut ici étre grande et protectrice; la vérité et la rai-
son ont mis en mes mains taus les élémens réunis
dn succes 0-0 j'aspire. Man insuffisanceseule paur-
rait les frapper 'de st6rilité', et je sens 'que le sonvenir
d'une tentative impuissante et d'une canfiance qni




( 2f~ )
aurait été trompée, peserait sur mon eoeur comme
un éternel remor&;'.' " ,


J'ai besoin , Messieuee,' de. toute 'votre bienveil-
lance; mais ilifrielsembte que irpuis l'espérer, cal' je
n'ai rien perd~.de la. nrémoire du passé•


.¡ ",., • .
, .


----.....~ ~..,.,~ ';"
~t' . . . lit,


Les événemens qui nous' aménent devaút vous ne
peuvent étre-détacbéa:de la ~allse qui tés a prf?'duit.s;
je dois, avant de ~ous eIi,~~irete'nir, ¡ramenér votre
attention vers le passé, traverser fl'Yec vous ees teÍns
orageux et difficiles qui out f?,'écédé et preparé la
catastrophedont nous venons d'étre les, témoins , et
vous di re cornment mes yenx effrayés ont vu se for-
mer au-dessus du tróne la foudre dont ila été frappé.


La révoliition de 1789; qui futhonorée par tant
de courage et souillée par.,tant de B3ng et de cruau-
tés, avait fait périr d'innombrables) victimes'; sa
faulx terrible avaitmoissonné largemenrdans la
famille de 'llOS' rois, . .•


'.. .. I .


Vingtpns s'étaient écoulés depuis ct(s sanglantes
catastrophes , pendant lesquelles les princes de cette
famille pro~crite avaient gardé chez I'étrangerIedou-
loureux souvenir des- malhenrs qui les' avaient
frappés. '


Les événemens de 18 I 41eur ronvrirent les portes
de leur patrie; ils y revinrent an milieudes désor... ·
dres d'nne invasion.étrangere, ,


Louis XVIII avait nourri depuis longtems la
penséeque lepremier' hesoind'un bon roi était de


rr. 18




( ~74 )
donner a la FI'~m~e.1.}.es institutions généreusei; ii
saisit, poúr réaliser cette pensée, dans laquelle l'étude
qu'il avait.faíte de ¡'esprit de.son temset de ~on pays
Pavait, confirmé , I'l:e;ureuse occasion ¡Iue lui offrait
s~ réintégration sur lé tróne de ses .aieux, La Charte
.fut préparée pour ·rrj?indre le pa;sé auprésent;
,rriais ce pacte, destinéáda perpétuité , 'fut rédigé
avecprécipitation , et se' ressentit peut-étre dn peu
de réflexion.iet de m:lt~lrité ~qui avaitprésidé asa
confection. C-.


Cette institution nouvelle fut octroyée par le roi ,
en vertu d'un droit préexistant, d'un d~oit indépen-
dant d'elle , €tqtl€ son fopdateur tenait de sa naís-
sanee. Elle dnt étre -délibéréeet écrite dáns cet es-
prit, etelle le-futen effet. ;.~~ t ...


l.aCbarte, ~ivemé~tadoptéé par 'la··popu-Iation
ina~striéuse etactiee; trouva d'abordpeu d'appro-
bat.e!nrsdabs ceux chez lesquelsle retourde la dy-
nastieexilée avait réveillé des souvenirsd'ambition
ou d'f)rgneil.


Les premiers y virent mi germe fécond.d'ihstitu-
tións populaires ; les autres, une canse inevitable da
troubles nouveaux.
"'Ee tems seulet l'expérience pouvaient rappro- ,
cher les eitprit¿ et faire de ce pacte fidélement exé-
outéde par\ ei d'autre, un gage d'union et un centre
d'intérétscommuns. Les événernens vinrent ranimer
lesdivisions et réveiller les haines,


La France et la famille qui Iui était rendue n'a-
vaient ras en le tems de se reconnaitre et ele s'en-




( 275 )
tendre , lorsque lemonarque glJ.erriel'(lont la gloire
occupait encore tous les souvenirs , revint de son
exil et marcha au travers du peuple surpris etde
I'armée entrainée jusqu'au 'tróne d'oú..il était naguére
descendu. .


Obligés d'abandonner encore le palais. ds-Ieurs
ancétres ~t de chercher de nouveau un asile__.et un
appui sur les terres étrangeres , Louis xvm .et sa fa-
mille ne purent pis subii:, ponr la seeond~ fois c~tte\
triste nécessité , sans .reporter:.leur pensées sur leur
premier exil et sur les maux qui l'avaient aceom-
pagné.


La guerre éclata de nouveau; les Bourbons ren-:
trérent, et eette fois leur destinée parut dégagée de
la fMalité qui les avait poursuivis.


Il faut le dire toutefois, paree que c'est une ~é.
rité , une vérité qui appartient al'histoiee et qui doit:


. - . .


étre répétée pour l'ínstruction des monarques et des
peuples, une. de ces réactions violentes que. la odou-
ceur des nos moeurs et surtout.Ie souvenir de tant
dé vicissitudes devr¡ü't rendre impossibles ~hez nous,
aliéna des coeurs etféconda les semences renouve-
lées de vengeariee el de haine. ' .


On a déjáeu sauvent occasion de le reconnaitre;
il Y a cela de difficile 9uns les restaurations , que
les eompagnons d'exil et d'infortune, les anciens
partisans de la dynastie relevée , eeux qui luí -sont '
restés atta:Chés ou qui peuvent feindre 'de l'avoir
été , apportent dans "la oommunauté aouvelle des
prétentions incompatibles avee. les -existences éta-




e ~76 )
bli~s: avee les dignités acquises , avec les mceurs Ior-
mées~ous le.gol\vernement tomhé. L~s u~g. ~eulent
tout ressaisir , les autres se résignent difficilement a
perdre'; el deux intéréts ~ non~seuleníentdiffér~n$,
mais conjraires , se partagent le 'sol comrnun.
, Il fa~t bíen-du teros, de la prudence , de la honne


Coi et pU:Donhenr, pour fondre enseIijbl~es deux
élémens de discorde ... et, jusqu'á ce que cet heu-
reux accord soit rétahli , une lutte intestine , une
guerre sourde et dangereuse ~ agite et tourmente le
pays.


Cette triste guerre n'épargna pas le nótre. Pen-
dant plusieurs années "des conspírations successives
-Vinrent jeter des germes de défiance et.d'alall'pies
dans le coeur des hommes quí emeuraient le tróne ,
el t;:ettedé6ance.r.emonta jusqu'au tróne lui-méme.
Siaes nemschscuesétaient sortis seuls de l'épreuve


) .


des enquétes, on n'aurait vu dans leur apparition
que des mécontentemens isolés , que des haines in-
dividuelles ; mais il p'en était pas ainsi , et derriere
'. j


ces noms ,pbscurs , on ape,'eevatt souvent I d'autres
noms populaires et fameux qui donnaient a ces
mouvemens comprimes et renaissans un caractere
de généralité sérieux ét alarmant, La mort du duc
de Berri, frappé par le fer d:un assassin, vint ~ncor6
ijou1ltlr un .sentiment de terreurvague mais pro-
fonde. au~ souvenirs du passé et aux inquiétudes du
présent.," . . .


Les cQnspiratio;ns .s'amétérent lorsque I'affran-
ehissement de la presse périodique laissa une entiére




( 'f!77 )
liberté .a la manifestati~n de Ia pensée; mais cette
libertéelle-mérne fit cODuaitre' toute la gi'avité du
mal',et rrientra jusqu'á qu~l point l'esprit .d'opposi-
tion avait pénétré daos les masses, '


Je crpis que le mal, quoique réel, n',était pas·sans
remede; je cl'oi¡s.que la dynastieet 1~ Francepou-


...• '\ . ,. " .. " ..


vaient st~Íltendre encore r etque ~i le'be~n d'u~ie-
plus gran~e som~e del'~bel,té, le d~~r d!aécr~~~re le
poúvoirdémocratique au préjudice do pouvoirroyal,
étaie.ntdevenus impérieúx et pre¿sans, cette ',en-
dance des esprits, qu'il fallait combattre avecmesure
et satisfaire avec díscernemenr ,n'allait encoré que
daos un nombre :restreint jusqu'au renversernent
du tróne et de la dynastie.


Louis XVIII était mort sansavoir pu apporter de
remede acesrnaux qu'il avait pourtarit bien eompris,


Le regnede~oft. successeur '¿~io~en~,sOus(i'e
favorables auspices. Les premieres pa:tql~ duaou-
veau Roi furent affectueuses ~tcon~~;ltes; sonpre-
mier acte fut la délivraacede la pre3!l'e, arrétée dans
les derniers jours de la vie de son' frers,


Une ere nouvelle sembla s'ouvrir; mais ces heu-
reux débuts_ne se vsoutinrent paso Constamment
préoccupés de deux idées contraires, le' prince et la
partie active de la population s'éloignérent dé noú-
veau l'un de l'autre. .


Ainsi, le prince effrayé des empietemens dela
démocratie cherchait les moyens d'arréter cedébor-
dement; le morcellement infini des, propriétés Iui
paraíssaít une des causes du mal; il crut trol~ver un





..


( 278 )
remede dans les lois quitendaienf aagg.lomérer les
héritages, et ces Iois, repoussées par nos habitudes,
pár nos intéréts tels quele tems les avait faits et que
l'opinion lesávait adoptés, furent considérées comme
des indiees 'certains d'une teñdance rétrograde,
eomme les premiers pas d'nn retour desiré ad'an-
ciens priviléges. . .
~i.IiSi les écarts de la p.resse paraissaient au prince


un danger imrninent contre Iequelilfallait atout prix
arxper son gouvernement, et tous les efforts dirigés
eontre la presse furent regardés par le pays comme
des actes hostiles contre ses lihertés, comme des
tentatives faites PÚUI' empécher la vérité desefaire
jour et les intérets·popu)airesde·sedéfendre..
.. Ainsi l'opiniOll puplique, celle de h magistrature,
eelle.d'un. des .g'ran'ds'corps de I'Etat , signalaient
co'~ine une causé'de troubles et de justes alarmes
l'i~fluence'~oufou:r:s'croissante dn clergé, et surtout
l'étahlissement et l'intervention progressive dans
l'éducation publiqued'un corps sévérement jugé
.p~r I'histoire et' soupconné de pr~cher des doctrines
eontraires anotre droit public; et la cour et le Prince,
effrayés de la tendance des esprits , des dispositions
dela.jeunesse , de' la puissance toujours croissante
des idées libérales sous le rapport religieux et poli-
tique, ne voyait dans ce qui hlessait la magistrature,
les pairs.et le pays, que des obstacles aun déborde-
ment qui san;' enx était inévitable.


C'est ainsi qu,c., au lieu de marcher ensemble dans
un but commun, le gouvernenient et la majorité de




( 279 )
la nation s'éloignaient l'un de l'autre, s'aecoutumant


\," . ,


ase regarder comme' des a~'{ersai¡'es, et qu'uneIutte
constante minait el d~truisáitlentement l'ordre social
étahli parmi.néus. ..


Cependant Ies 'ílécC'~ité~ du gouv~rhe!Ue~trepré-
sentatif produisirent a,e~rave'rn~difica~ip'ndans le
systemedn G9u~ernement.·~I..e,s:-élec~ons.~te~t~es· 'a
la fin de ['827 amenej'eijt -dans la ehambre -éleétive
les éléro~~\ d'~nem.ajorité animée d'un antr.e',e~it
que lesmajorités précédenres, Charles X n'eutÍlOint
alors 'la pensée f de chércher hors 'de Ia Charte' des'
moyens de salut, il forma un autre ministére.etannon-
~a solenrrellement l'intentiori de conformer l'esprirde
la' législation acelui de la- Charte, . ,


Vous n'attendez pas de moi , Messieurs , que jeloue
ou que je bláme les actes de ee ministere ; je raconte.
seuleméntvet j~.l'fa~s',avec de júWS ménagemens
que tout id me comeíande, mais toiitefois avecfran-
chise et impartialité. le' nepá:rle.l~S'eºcorecoinme"
défenseur , maiscdtnmehist6rien-;' j'exposeIes évé-


, ' . ...... ., '. .


nemens qm nous ont amenes ounotrs sommes , et
je les expose, sinon comme ils 'pparaissent ad'autres,
au moins comme je les ai '""us,


Le ministere nouvellement appelé cru t voír-dans
la défiance réciproque oú se trouvaient ladynastie
et cette immens~ portien de la populatíon quis'était
vivement attachée ala Charte, le dange..·auquelil
importait de pourvoir avant toutes choses; il COO1-
prit que 'pour la dissiper, il fallait , 'antant qu'on
le pouv:iit san s péril pour la Couronne , accorder au





(~~o )
pays. toutce qui était, p~opfe 'A le rassurer sur les
projets qu'il r~doutait. '., . . ',.. . .Ó, •


Les, mesures .qu'il prif~pour' :1vriver..,a cerésultat
furentvivement combattuespar les défe~seurs exaltés
du.pouvoir r~al, et constamment signalées au prince
par toutce qui l'entourait, ~~mme des concessions


. ,':."" • '.t.


funestes qdi .ébranlaient le tróne , ,et qui livraient la
royauté désarmée a ses ~f;lnetnis... '


Attaqué de ce cote dans l'~sp~it du mo~arqu~, le
mínistére n'était pas plus ménagé dans' l'esprit du
peul)le" et tous les organes de la presse livraient ala
plus amere censure, a la plusviolente agression ses
actes,ses paroles, ,et jusqu'á ses intentions.


Dans la chambre élective , deux 6ppositions .s'éle-
verent. centre Iui. {{ne 10i vivement sdllicitée par
toutesles' epinions Iut proposée..Le principe sur le-
quel:elle'~;epósai{é;tait démocratjqtíe et populaire,
C~Úx.a qni ce 'iQéipe' devaít.:plaire ne virent que


.les limites dans lesquelles. il était rerifermé. La dis-
•• J_. • )


cussion du projet rleIoi fut rendue impossible des
sespremiers momcns par la réunion des deux partís
contraires, .et la Couxtnne" quifais,\it ce premier
pas dan s une carriere nouvelle ponr elle et oú elle
n'entrait qú'avec une vive inquiétude, s'empressa de


. rétrogtader. '. .
Je ne,:is point, je l'avoue, dans cet.accident, un


systerne a~~e.té d'o{?positioubo$tile; je pensai que la
lutte n'était sérieusement engagée qu'entre la démo-
cratie agissant vivement dans un systerne d'enpiete-
ment , et le pouvoirroyal obligé dé défendre avec




( :l81 )


sagesse et fermeté ses pIiro,gátives menacées, Je ne
crus pas le tróne ,l9-i-ro~me attaqué ni 'la dynastie


. " ,


sérieusemeñt menacée. .
Mais ce queje n'ai pas oru.d'autrespm-entle croire.


, . . .


L' échec pad6ÍDcn taire , supportépar le rministere ,
donna a ceux dont !;Óh systéme contrariait ~e$ vues,
les moyens. de soutenir qu'il ne re~pli~ait pas.les
conditions du gonvernementr:eprésehtatif'" .et qu'il
n'avait pas une majorité acquise.: ,',\
.. frun autre coté, on peignit lapre~s~ in~na«;llnte,


travaillant incessamment adétruire l'éditice social; on
montrait I'action toujours croissante cxercée sur
Iesélectícns par des associations avouées; on répétait
que cette action était de nature a.faife passer avant
p~u le pouvoir réservé a la chambre réleotive dans
desmains ennemies; on demandait 1,lllrcÍIlpaftcont~,


. .cette invasion imminente., et ,l'ol}.prédisai..,,~n.eas
de persistance datiwie~y'~te~e ~}livi alors, les pl~s
grands et les plus inevitables .malheurs, On évoqua
de tris tes souvenirs ;: OB. pll,rlades maux que la faí-
blesse avait causés, da sang qu'elle avait fait .ré-
pandre, des devoirs qu'imposait á la royauté le soin
de sa conservation.


Ces paroles trouverent de la sympathie dans les
,esprits déja occupés des mémes souvenirs., déja
frappés des mémes craintes, saisis des mémes pres-
sentirnens. Le renversementdu mini.ster:é .füt résolu.
, -H existait un homme connu par, sa.longue fidé-..
lité, par son dévouement absolu ala .dynastie ré-
gnante, par son attachement .sansbornes pour la




( ~~2 )
personne duo Rei .CharlésX, un homme éprouvé
par degrands -dangers et de longs malheurs , qui
avait raremeut habité la Fcanee , et qui en connais-
sait peu I'esprit et les dispositions'; milis qui, ayant
faít dans 'un pays voisi~ une étrrde 'constante du
gouver~e~ent représentatif , . avait réfléchi sur ses
élémens divérs, su~ son' équilibre nécessaire , sur le
contré-poidsrégulier que devait offrir al'action po-
pulaire ~ une aristocrátiehienorganisée.


Cethomme, 'doué d'une piété vive et sincere, dorít
les moeurs étaient pures, les manieres affables et po-
lies, étáit toutefois capable de résoJution et de tena-
cité. Les difficultés les plus sérieuses ne l'atretai~nt
pas, non qu'il'eut en lui, ni--m~in~ qu'ilse -sentlt la
force suffisante .pour les vaincre; 'mais quand une


. \ .


~étermiñation' considérée comme un' devoir avait
étépii5~par'l~i, i1 était p'teill d~ confi~nce dans le.
sentiment ou lá pensée qui la luí avait suggérée; il
éroyait aisément cequ'il sentait, et iI marchait avec
assurance vers son but , fermanr Ies yeux sur les
obstacles.


Cet hornme n'avait pas I'habitude de nos débats
parlementaires ;-Ü avait peu vu la chambre élective
et ne pouvait espérer 'de lutter a la tribune s'¡i y
était appelé centre une opposition vive, habile et
expérimentéé ; mais cette, tache, sieUe devait lui
étre imposée ; ne I'auraitpas effrayé; non qu'il euí
dans un talent inné une foi vaniteuse; mais paree
qu'il n'aurait pas prévu la difficulté 'd'énoncer clai-
rement une pensée qu'il aurait jugée utiIe ; c'était




( #183 )
l'homme auquel on pouvair penseráu jour du 'dan-
gel', non peut-étre pour le' conjurer, .mais pourlut-
ter contre Iuí avecune complete, abnégation de soi-


... '


mérne.. Cet homrne ,q!1e vous avez d'éjá nommé ,
que j'aurai .occasion' de vous 'faire mieux cónnaitre
dans le.cours de ces trites débats ; est celui qui a
placé sa, tete el sa-mémoire isous la faible sauve-
garde dema.parole ; c'est celui quiestIá ames cotes,
qui a Iongtems siégé anx vótres , celui que vous
appel$faÚ'j$urd'ñui l'accusé, etqui a'voulu queje
l'appiftasse mon client,
Déj~ plusiellrs fois Cl{arles X avait en la pensée


de l'int~ulre d~hS ses conseils ; Charles X sentait
le besol~ d'avoir pouf¡.-intermédiaire, pour organe
entre ses ministres ~t lui un homme súret éprouvé ,
avec lequel il püt s'ouvrir librerúént , et sans réserve ,
daos le cceur duqueltl piLt'épáncher seacrairites e't
ses desirs, ses mécont~ntemens el' ses joies rares et
courtes. Il avait voulu lu} cOI)6.~r .les affaires de l'ex-
térieur des les commencemens de l'année 1 8zg ;
mais la résistance qu'íl éprouva dans 'le conseil,et
que les circonstances expliquaient suffisamment ,
avait fait abandonner ce projet. Le 8 aout,~. Jules
de Polignac fut appelé le premier au ministére des
affaires étrangeres. .


Vous savez , Messieurs, queIs hommesTuifurent
donnés pour ¡colIegues "et quel cri de surprise ac-
cüeiUit ces noms ináttendns. Beaueóup de personnes
prétendirent que cette entreprise était le premier
acte d'un systeme arrété-pour Ierenversement de




( !184 )
la Charte , et ql'le ce .systérae serait consommé dti
le lendemain avant qu'aucune précautioa défens:i.ve
eút été prise ~1u'a,llcúne résistance ~út été organi-
sée, Toutefois les norns de M. Chabrol, connu des
longtemspar la .modération de ses opinions , de
M. de Courvoisier , qui avait laissé á la chambre
le souveair ,de ses doctrinesoonstitutlonnelles , de
M.de Rigqy , dont les príncipes d'attachement a la
Charteétaient presqne aussi notoires que son C01l1-
rage et son habileté , ces noms , indiquéadans 1'01'-
dormanes de formation , étaient inconciliabl~',avec
l'idée d'un plan formé pour la desúuct'ibn3e nos
institutions , et ne- permettaíent pai d~ croire,
Trois mois s'écoulerent ,enl9>~ffé1: , et ríen n indiqua
que cette réselution eüt été prle. ,


A cette époque une rnodificaticn s'opéra daos le
éonseil; on .en vit s:-é~oigtlet.celui de ses membres
dont le caractere'était le plus íerme et le plus pro-
naneé, dont les principes semblaient les plus absolus,
et dont lenom a~ait . été"présenté par la presse
comme le signe le plus éclatant d'une volonté hos-
tile a la Charte. M. de Polignac futélevé a la pré-
sidence du conseil , et vous savez s'il y {lit appelé
par 'une ambition personnelle ou par des oonsidé-
rations qui lui étaient étrangeres.·


Je ne,'Vü:u~ rappellerai pas , Messieurs, l'ouver-
ture. de .la session de J 830, le discours du treme,
cette adresse de la Chambre des Dépútés -qui fit con-
naitre au Roi .Iepeu de sympathie qui existait entre
elle et les conseillers de 'la Couronne , et l'ajourne-




( j,85 )
meut de cette chambre et la dissolution qui le suirit,
tous ces faits sont trop présens a votre mémoire
pour qu'il soit besoin de les retracer.


Les colléges furent convoqués; mais, avant leur
réunion , une révolution nouvelle s'opéra dans le
cabinet,


A la place de MM. de Chabrol, et de Courvoisier,
on appela, avec MM. de Chantelauze et Capelle ,
M. de Peyronnet, sur la tete duquel un ministere de


"
six années avait dú amasser bien des préventions et
des animosités.


Messieurs, je ne puis prononcer le norn de M. de
Peyronnet sans une émotion que vous comprendrez
aisément,


Né dans la méme ville, dans la mérne année , nous
avons vu ensemble s'écouler , au milieu des plaisirs
et des peines, notre enfance , notre jeunesse , et
bientót notre age mur. Au collége, au blr-reau, daos
la magistratu~e, dans les chamhres, partout nGUS
nous sommes retrouvés ; et aujourd'hui, apres avoir
passé tous les .deux ElU travers desgraudeurs hu-
maines , nous nous retrouvons encare, rnoi , cornme
autrefois, prétant a un accusé le secours de ma
parole; et lui , captif, poursuivi , obligé de défendre
sa vie et samémoire menacées.


Cette longuc confraternité , que tant d'événemens
avaient r espectée , les tristes effets des -díssentímens
politiques l'interrompircnt un moment. Cette en-
ceinte OD. nous sommes, a vu nos, déhats quelquefois
empreints d'amertume; mais de tous ces souvenirs ,




( 286 )
celui de l'ancienne amitié s'est retrouvé seul au don-
jon de Vincennes:'~


Une voix éloquente et amie vous expliqt~era,
Messieurs, comment étaient injustes les préventions
qui accueillirent sa rentrée , comrnent ses intentions
étaient g~néreuses et loyales, Cette tache ne m'ap-
partient pas ; et d'ailleurs jusqu'a présent je raconte
encore.


Les élections furent faites , et , malgré l'interven-
tion personnelle du Roi dans eette facheuse lutte,
elles produisirent ce qu'avaient prévu tous ceux qui
connaissaient bien l'esprit dont le pays étaieJ.lt animé.
La chamhre ajournéeet dissoute, fut reconstituée ,
et les électeurs répondirent a l'appel qui leur était
fait, en renvoyant a la Couronne ceux que la Cou-
ronne avait repoussés.


Il n'était pas possible de tenter un nouvelessai.
Deux partis.'offraient entre lesquels il fallait ehoisir
et choisir sans délai : I'un pris dans les conditions
du Gouvernement représentatif et qui consistait a
mettre le minístere en harmonie avec les exigences
parlementaires; I'autre pris en dehors de ces condi-
tions , et qui substituait la dangereuse épreuve des
coups d'état a l'action réguliere , mais devenue bien
difficile, de la Charte constitutionnelle.


On dut hésiter sans doute, mais les jours de la
restauration étaient eomptés. Des motifs que nous
apprécierons plus ~ard,. firent pencher la balance
vers le dernier des deux partis.


La Chambre rles Députés dissoute ; les lois élec-




( 287 )
torales abrogées pal' ordonnances; les coHéges élec-
toraux cornposés d'élémens nouveaux ; un systeme
restrictif de la liberté de la presse provisoirement
établi : j'abrége le tablean de eette eeuvre d'un jonr
qui doit laisser de si longs sou venirs et de si pro-
fondes traces.


Le 26 juillet l 830, Paris apprit eette brusqne in-
vasion faite dans nos loispar le pouvoir royal; et ,
an long murmure quí s'éleva de toutes parts.; al'agi-
tation vive et croissante qui se manifesta rapide-
ment, a eette physionoJ?1ie inquiete et menacante
que prirent les quartiers populeux, il fnt faeile de
prévoir qu'une Iutte terrible se préparait, et que
les fondemens de la monarehie étaient déja ébranlés.


Ici, Messieurs, les événemens se pressent, se heur-
tent et se confondsnt. L'imagination a peine a les
suivre; l'esprit ne peut les classer avec ordre. Le
tems seul , cal' dans les grand~s crises la vérité ne
peut s'obtenir que du tems, le tems seul permettra
de connaitre et de juger avec impartialité les innom-
brables scenes 'de ce drame terrible dont Paris fut ,
pendant trois jours, le théátre, Je n~ 'rappeIle au-
jourd'hni que les faits généraux, que ceux qui do-
minent et qu'on peut apercevoir et signaler .au-
dessus de cette masse confusé et de cet irnmense
mouvernent.


Pendant la journée du ~6, la nonvelIe d€s ordon-
nances que le 1Jloniteur seul avait publiées , s'était
répandue dans la capitale, Qnelques attroupemens
peu nombreux eurent lieu dans la soirée : l'Irótel




( ~88 )
des Affaires Étrangeres fut fréquemment entouré;
quelques dégradations y furent commises ; quelques
postes furentInsuftés.


Le 27, les mouvemens prirent un .caractere plus
sérieux; un nombre assez considérahle d'ouvriers se
porta dans différens quartiers, et la résistance parot
ouverte et déclarée, Toutefois, jusque-la , la masse
de la population n'avait pas pris une part active aux
événemens, et l'action populaire rencontrait plus de
sympathie que de coopération,


Le maréchal due de R~guse, déja depuis long-
tems titulaire du gOllvernement de Paris, avait recu
des lettres de service, et se trouvait investi du com-
mandement de tontes les troupes de la premiere di-
visiono Il erut devoir déployer des 'forces pour les
opposer apx attroupemens. Quelques hataillons de
la garde etde la ligne circulerent dans les quartiers
agités et le sang des citoyens commen<;:a a con1'erj
mélé.et confondu avec celni des soldats.


Le 28 au matin , l'émeute avait disparu, et a sa
place apparaissaitunc révolution tout entiere. Les
insignes de la royauté détruits, les couleurs de 1789
arborées, le concours d'un peuple immense se 1i...
vrant au mouvement donné , ceHe succession non


•interrompue de combattans, ce mépris de la mort
qni annonce une résolu tion inéhranlable , ce respect
ponr la propriété privée qui décele un but plus
élevé , cet ~rdredans l'attaque et cette tactique coro-
mune dans la défense qui indiquent des chefs hahiles
st \;n plan arrété, tous ces élémens de destruction




( :189
proclarnaient un pacte hrisé , une guerre ~l mort au
Roi et a la dynastie.


J'ignore s'il était possible d'élever en ce moment
des digues qui pussent contenir un pareil torrent, et
j'ai quelque peine ale croire; rnais ce qui est certain,
c'est que les mesures al'aide desquelles on aurait pll
letenter avec quelques chances de succes, n'avaient
point été prises. /Ni le roi ni ses ministres n'avaient
soupconné cet effet irnmédiat de leurs actes; et ce
monvement électriqne et cette résistance agressive
les trouverent hors d'état de se défendre.


Quelques soldats de la ligne qui auraient résisté
bravement aux attaques de l'ennerni, et qui ne résis-
terent pas al'appel de leurs compatriotes; quelques
hataillons, quelques cavaliers, quelques compagnies
d'artillerie de la gat'de, qui, jetés au rnilieu de París
en armes, poussés daos la plus difficile et la plus
douloureuse position oudes homrnes d'honneur
puissent se trouver conduits , remplissaient avec un
triste eourage et une ohéissance inquiete ce devoir
de soldat dont leur coeur de Francais gémissait; tels
furent les obstacles opposés a cette révolution dé-
vorante , obstacles impuissans , ohstacles inertes,
qui ne pouvaient un, moment en -suspendre le
cours.


Menacés dans Ieurs maisons , agités des plus sinis-
tres pressentimens , les ministres se réunirent au
chatean des Tuileries , qui paraissait défendu par
une force suffisante. Ils apprirent par diversas voies
qne la confusion étaita son comble , el qne les pou-


ll. 19




( ~9° )
VOIrs coustitués selon les lois a'avaient plus ni ac-
tion ni existence.


París, dépourvu de ses magistrats, privé de toute
action légale, allait tomber dans un état d'anarchie
dont il était difficile de calculer les suites, On avait
cru devoir concentrer l'autorité la ou était la force.
París fut déelaré en état de siége.


Vaine précaution! triste et inutile formalíté! Le
mouvement n'attendait pas; il marchait entrainant
tout apres lui , etla menace impuissante expiraitsans
avoir été entendue.


La nuit fut terrible. Le bruit lugubre de la cIoche
d'alarmes, le feu de la mousqueterie et celui du
can,on annoncaient incessamment que le sang Iran-
c;ais coulait toujours sous des mains francaises.


Le 29 au matin , le drapeau populaire flottait sur
le vieux Louvre , sur l'Hótel-de-Ville , sur l' Arsenal,
partout; on le vit bientót s'élever menacant et vain-
queur sur la demeure de nos rois , et la foule péné-
tra tumultueuse , irritée et maitresse , dans ces lieux
oú un roi puissant .recevait naguere les hommages
de la Franco et de l'Europe,


Des essais furent alors tentés ponr ressaisir ce
qn'on avait perdu ; des propositions furent faites ;
de nouveaux ministres nommés; les ordonnances
révoquées: il n'était plus tems; tout était consommé,
et la tardive abdication du roi et de son fils ne sauva
pas la dynastie.


Ponr la troisieme fois, la famille royale s'éloigna
proscrite de ce sol de la patrie qn'il doit étre si don-




( 291 )
loureux de quitter, pour aller por ter sur la terre
étrangére des souvenirs qui doivlnt étre amers , et
le malheur qni depuis qu::¡.rante ans s'est attaché a
sa poursnite.


Cette grande catastrophe s'était opérée avec une
merveilleuse discipline: jamais tant d'ordre n'avait
brillé dans l'anarchie, jamais tant d'humanité dans
le massacre.. Étonnés de leur sécurité,' de la liberté
dont ils jouissaient , de la paisible possession de
leurs propriétés, les hormnes dont ces événemens
froissaient les affections, hlessaient les sentimens et
les intéréts, furent contraints de rendre au peuple
qui avait vaincu , eette rare et éclatante justice.


Vous savez , Messieurs, tout ce qui a suivi: le.
tróne déclaré vacant , la Charte renouvelée et mo-
difiée; les pairs nommés par Charles X dépouillés
de leur digni.té; l'institution de la pairie soumise a
une révision , et l'avénement au tróne du duc d'Or-
léans et de sa dynastie : tous ces actes solennels, qui
ont consommé la révolution de juillet , sont aujour-
d'hui connus de l'Enrope entiere.


Cependant les ministr~s signataires des ordon-
nances, essayaient de trouver loin de Paris un asile
contre des ressentimens dont ils ne se díssimulaient
pas la violence. Aucun acte de l'autorité légale n'avait
ordonné ou autorisé leur arrestation : toutefois,
quatre d'entre eux furent arre tés au milieu des
dangers de l'effervescence populaire, et jetés dans
les prisons,


Beconnu , dénoncé et saisi au mornent oú il al..




( 29 2 )
lait quitter la Fra;lce, M. de Polignac vit plus d'une
fois ses jours menacés , et fut enfin ramené captif
dans ce donjon de Vinccnnes oú il avait déja perdu
les plus belles années de son orageuse vie.


Pend:mt que ces événemens se passaient, une ac-
cusation proposée par un honorable membre de la
Chamhre des Dépntés s'instruisait con tre les anciens
ministres.


Une Commission avait été nommée; elle com-
menea une instruetion, rnais I'absence complete de
toute loi ne tarda pas a l'arréter clans sa marche.
Convaincue de l'insuffisance rl'une antorité non ré-
glée qui devait rester impuissante devant la pre-
miere résistance, elle revint devant la Chambre qui
lui avait délégué un mandat incornplet , et lui de-
manda les pouvoirs qne le Code d'instruction cri-
mineHe aecorde aux juges d'instruction et aux cham-
bres du conseil.


C'était , Messieurs , une grave et importante ques-
tion que celle de savoir si de pareils pouvoirs de-
vaicnt appartenir a la Chambre des Députés; et en
présenee de l'article de la.Charte qui ne lui donne
que le droit d'accuser et de traduire en jugement,
on .pouvait étre disposé alui contester celui d'inter-
roger les prévenus, d'entendre les témoins, de faire
en un mot ces actes de l'instruction que la loi défere
non au ministere puhlic qui aecusc, mais au juge,
qui pese et qui prononce.


Dans tous les cas, le silence de la Charte semblait
rendre indispensable le concours des trois branches




( 293 )
du pouvoir Jégislatif. Les juges d'instruction et les
chambres du conseil tiennent leur pouvoir de la
loi. C'est de la loi seule que la Chambre des Dépu-
tés OH ses délégués semblaient devoir recevoir des
pouvoirs de la méme nature , et toutefois c'est par
une déeision émanée, de la Chambre seule que la
Cornmission les recut.


Une enquéte fu! faite, et les prévenus Jurent in-
terrogés. Ils n' opposerent a ees actes aucune résis-
tance ; et se bornant ~ des' reserves générales, ils
déférerent aux sommations qui leur furent adres-
sées , saus rnettre en question le pouvoi¡' de ceux de
quielles émanaient.


Ce qu'ils n'ont pas fait alors , je n'ai pas mission
expresse de le faire aujourd'hui ; mais j'ai dú racon-
ter avec exactitude les faits et les actes qni se rat-
tachent a l'aeeusation, et montrer les premiers em-
barras qu'a dú lfencontrer une procédure instruite
dans l'absence de toute législation , et les irrégula-
rités étranges qu'ils out produites. Ces embarras
prendront plus tard un tel degré de gravité, qu'il
sera de mon devoir de vous les signaler comme des
obstacles réels que votre sagessc hósitera peut-étre
a franchir.


Apres avoir achevé I'instruction qu'elle jugea con-
venable de faire , la Commission fit son rapport ala
Chambre ; ce rapport était l'ouvrage d'un hornme
consciencieux et habile, d'un magistrat éc1airé, d'un
citoyen loyal et générellx; toutefois , il se ressentit
de cette prévention iuvolontaire dOIJt les esprirs les




( 294 )
plus justes Re sont pas exempts, et dont il est si dif-
ficile de se défendre lorsqu'il faut juger les faits et
les hommes SOtiS I'influence d'une erise immense et
de I'exaltation qu'elle a produite.


La Commission exposa que les ordonnances du
25 juillet n'étaient point un fait isolé, né des circon-
stances du moment; qu'elles étaient le résultat d'un
plan médité depuis plusieurs années par Charles X;
que les actes divers (lui avaient marqué les prernieres
années du regne de ce monarque étaient tous ern-
preints de l'esprit contre-révolutionnaire dont il était
animé; que ~i ses projets paruren t ajournés en 1 8~B,
ils furent repris avec plus d'ardeur et de volonté en
1 829~ et que le rriinistere du 8 aoüt fut formé dans
le but de les accomplir. .


A la tete des conseillers secrets qui engagérent le
roi i se mettre en gue~re avec son peuple, la Com-
mission placa le prince de Polignac , qu'elle désigna
comme le représentant de la faction contre-révolu-
tionnaire, comme celui sur lequel se fondaient des
longtems les espérances des ennemis de Eordre el
des lois; elle raeonta les mouvemens divers opérés
successivement dans le cabinet, et la convocation et
l'ajournement des Chambres.


Passant aux actes criminels qui devaient justifier
l'accusation , la Commission signala ces déplorables
incendies quiavaient désolé quelques-unes de nos
provinces, et dont la France était épouvantée; elle
n'en accusa pas formellement les ministres, mais elle
déclara qm;les soup\ons s'étaien t élevés jusqu'a eux ~




( 295 )
ct qu'elle avait trouvé tant d'obscurité dans Ieur cor-
respondance, qu'illui était difficile d'asseoir ti cet
égard un jugement de quelque poids.


Elle raconta les menaces violentes et les intrigues
coupables exercées a l'ocoasion des élections, et la
Chambre dissoute avantd'avoir été assemblée , et
les lettres closes adressées aux députés au moment
méme oú ón Ieur enlevait leur mandat, dans l'in-
tention présumée de se saisir d'eux a leur arrivée
a Paris , et la législation sur la presse abrogée par
une ordonnance , et le systéme électoral détruit par
un acte de la méme nature, au mépris des disposi-
tions de la Charte.


Elle montra ensuite I'exécution odieuse et ~an­
glante donnée a ces mesures criminelles , I'ordre
adressé aux chefs de corps, des le 20 juillet, sur la
conduite a tenir en cas d'alerte , le commandement
de la ¡ro division confié, le ~5, au duc de Raguse,
auteur de l'ordre donné cinq jours auparavant; la
force armée faisant usage de ses armes contre une
populatíon inoffensive, sans provocations et sans
sommations; les ordres donnés de tirer saos ména-
gement sur le)peuple, l' argent distribué aux soldats
pour les exciter au massacre, Paris trai té en ville
ennemie , et mis en état de siége; les conseils de
guerre préparés, la liberté des citoyens menacée ,
et au milieu de cet effroyable tablean, M. de Poli-
gnac présidant a tous ces désastres , insensible a
tous ces malheurs, prescrivan t le meurtre, cachant
al! Roi la terrible vérité qui doit bientót se fairo




( '196 )
jour, repoussant, sans les voir , de généreux el--
tayens, d'honorables députés qni s'offrent pour
médiateurs , quine demandent au norn de la paix
publique que le renvoi de ces ministres dont la
présencefaitcouler le sang, et appelant enfin des
troupesnouvelles pour recommencer le combato


Apres ce funebre récit, dont nous apprécierons
l'exactitude , la Comrnission raconta I'issue de cette
lutte morteHe; elle rappela la tardive résolution
de .Charles X, et les ordonnances retirées , et les
ministres repoussés ; mais elle s'écria avec la Como
mission municipale: iI n'y avait plus de ministres,
plus de monarque : la guerre avait prononcé,


Tel.fut le rapport que la Commission d'accusation
soumit ala Chambre des Députés, etsur laquelle elle
appuya sa proposition.


Cette proposition tendait a ce que les anciens
ministres fussent accusés de trahison.


« Pour avoir 'abusé de leur pouvoir, afin de faus-
ser les élections et de priver les eitoyens du libre
exercice de leurs droits civiques;


» Pour avoir changéarbitrairement et violemment
les institutions du royaume;


'» Pour s'étre rendus coupahles d'un complot at-
terrtatoire ala sureté intérieure de I'État;


» Pouravoir excité la guerre civile, en arrnant OH
portant les citoyens a s'armer les UW\ centre les
autres, et porté la dévastation et lemassacre dans
la capitale et dans plüsieurs autres comrnunes. ))


Et comme le crime de trahison., le seul qui pút




( 297 )
fonder l'accusation , Be se trouve ni déteruuné ni
pnni par aucune loi, la Commissi~n indiquait a la
Chamhre, comme dis~tionspénales quipourJaient
étre appliquées aux accusés, les articles du Cede
qui prévoient les crimes qu'eJle venait de rappeler
et qui devaient eonstituer la trahison.


La Commission proposait enfin de traduire les ae-
cusés devant la Chambre des Pairs , et de nommer
trois commissaires- pour suivre devant cette haute
cour l'aceusation intentée.


Aprés une discussion qui fut sévere et grave eornme
la rnaticre le demandait, mais qui ne fut ni violente
ni passiunnée , la Chamhre des Députés adopta la
résolution proposée. La minorité qui la reponssait
était pell nombreuse , mais cent membres man-
quaient a leursbanes, et vous -savez pour qu' elle
cause; eníin, la Chaáibre choisit ses commissaires ,
et dans toutes ces opérations, il fut facile de voir
qu'elle n'était animée¡ d'aucun esprit de vengeance
aveugle ou d'animosité personnelle. Et q u'il me soit
permis, a cette occasion , de rendre a la Chambre
des Députés ce rare témoignage, qu'aucune passion
n'a présidé á ces premiers débats, et de eiter ma
présenee ici eomme une preuve éclatante de sa mo-
dération et de sa loyauté.


Membre de la Chambre des Dépntés, je viens :
défendre devant vous l'un de ceux qu'elle accuse,
Choisi par lui , "je n'ai pu engager que ma propre
volonté; mais cettc volonté était subordonnée au


'-


consentement du eorps politique dont j'ai l'honneur




( 298 )
de Iaire partie , et son refus eüt été un obstade que
la voix méme de l'humanit~'aurait pu surrnonter.
Ce refus n'aurait eu rien ('-ange ni mérne de ri-


, goureux : la Chambre des Députés, en laissant a la
défense des accusés toute la latitude que récIame la
justice, pouvait interdire aun de ses membres la
faculté d·aller" combattre devant une autre chambre ~.
et contre ses délégués , une accusation qu'elle
croyait devoir intenter et soutenir.


Ce droit incontestable, elle n'a pas voulu I'exer-
cer ; parmi les voix sévéres qui s'éleverent pour pro-
,poser et ponr appuyer l'accusation , aucune ne s'est
trouvée pour s'opposer a eette intervention d'un
rnembre de la Chambre dans la défense de ceux
qu'elle poursuit. Je dirai plus: lorsqu'avant l'ouver-
ture des débats, j'ai annoncé publiqnement a la
tribuno et le ehoix dupremier ~ccnsé et la promesse
que j'avais faite en tant qu'elle dépendait demoi , un
murmure d'adhésion s'est élevé de tous les banes, et
la Chambre a paru éprouver une sorte de satisfac-
tion grande, généreuse, digna d'elle , en consacrant
la pleine liberté de la défense , avant méme de dis-
cuter l'accusation. Je voudrais , pour l'honneur des
communes d'Angleterre, qu'on trouvát un pareil
exemple dans leur histoire.


Cependant, de pareils déhats , placés si pres des
événemens qui les avaient produits, avaient da réveil-
ler les passions apeine assoupies, •et ranimer une
exaltation que le tems seul pent éteindre. Des amis
du désordre et des fauteurs de trouble , profitérent




( ~99 )
de cette disposition des esprits pour 'pousser le
peuple dans ces voies funestes qui conduisent a l'a-
narchie et au crime, Vous n'avezpas oublié, et ces
affiches cruelles qui vouaient ala mort ceux qui
n'appartiennent qu'a la justice, et ces rassemble-
mens tulnultueux qui demandaient du sang et des
supplices, et cette nuit terrible oú la sédition en
armes alla sommer la loyauté de livrer des prison-
niers confiés a sa garde.


J ustement alarmées de cette effervescence mena-
t;¡ante, les familIes des accusés voulaient qu'on se
prévalút des Iois qui, ponr assurer la liberté de la
défense et l'indépendance du juge, permettent de
demander le renvoi d'un tribunal a un autre : elles
savaient bien qu'ici il s'agissait d'un tribunal unique,
qu'aucun autre ne pouvait remplacer, mais elles
voulaient que la cour fút sollicitée de transférer
son siége dans un lieu qui fút placé loin d'une atmos-
phere embrásée oú. le juge ne peut rester impassible
et froid, dans un lieu oú un arrét de mort ne reg-
semblerait pas aun sanglant sacrifice fait a la vio-
lence, oú un arrét moins affreux ne serait pas sou-
mis a la funesto révision d'une multitude égarée.


C'est a Paris, disaient-elles, que s'est consommé
le .grand événement qui a tout renversé; c'est ici
que- le sang a coulé; partout nos yeux rencontrent
les traces de cette courte mais terrible lutte : la est
la fosse oú dorment les victimes; la sont les peres,
les veuves , les enfans de ceux qui ont péri; autour
de nous , les sentimens violens, les passions exal-




( 300 )


tées éclateut en désordre, Entendez-vous ces crrs
de U101't? Voyez-vous ces anathémes écri.ts en traits
de sallg ?Partol1t la haine; partont la vcngeanee; ce
n'est pas le jugement qu'on demande; c'est la des-
truction , c'est la mort. En estoce assez ponl' recon-
naitre ce que les froides lois appellent la suspicion
légitime, et ponr ouvri r aux aceusés le recours pro-
tecteur qu'elles leur laissent ?


Ainsi parlaient ,Messiellrs, des épouses , des en-
fans, et cesont la des paroles qu'il faut avoir en-
tendu sortir ele leurbollehe pour en eomprendre
toute l'énergie. Toutefois les accusés n'ont point
cédé aleur influence; ils ont calmé de douloureuses
alarmes" de sinistres préssentimens , et u'ont pas,
au milieu des terreurs dont ils éjaient environnés,
décliné le prétoire oúla justice les attendait.


Il y adans la conscience d'un homme d'honneur
etde courage qui remplit un devoir, quelque chose
qui parle plus haut que les fureurs populaires; a,!l
moment du jugement, cette voix sera la seule en-
tendue : les accusés le savaient bien. Le lieu oú de-
vait siéger la cour n'avait done rien qui pút les ef-
frayer sur I'indépendance de leurs juges : devaient-
ils craindre davantage les violenees extérieures ?


Certes, Messieurs ,ils n'ignorent pas tout ce que
peut 'produire de malheurs l'exaltation populaire,
et ils trahiraient la vérité s'ils disaient qu'ils ont en-
tendu sans émotion les menaces sanguinaires dont
leur nom fut souvent aecompagné : mais eette émo-
tion n'a jamais été quepassagére, et la l'éflexion l'a




( 301 )


<létl'Uite. Il y a bien lo in en Franco d'une clameur
violente él un crime affreux : un hornme désarrné,
hors d'état de se défendre, traduit devantles juges
que la loi lui donne, OH déja jugé ,par e'ux , a quel-
que chose en soi de sacré et d'inviolable qui arréfe-
rait les fureurs méme des partís. '


Les annales de ces tems d'anarchíe dont la France
repousse le retour avec h?rreur, n'offrent ~ucun
souvenir d'un attentaf pareil , et ce n'est pa,s une
portien de eette population parisienne, dont il
n'est permis a personne de contes ter le courage
héroíque, et la générosité plus héroique encore, qui,
~oin du dal1ger et au milieu de la paix publique,
donnerait le prernier. exemple de cet outrage san-
glant fait aux lois et a la justice.


Ainsi l'ont pensé les accusé~ : la dignité de la
couronne, l'honneur de la 'pairie , ces sentimens gé-
néreux qui n'abandonnent jamais les habitans de
eette grande cité au sein méme de l' effervescence ;


(


enfin , la présence de cette hrave rnilice , modele de
fermeté et de prudence qu'on retrouve partout oú
le faible a besoin de secours , oú l'ordre réclame un
appuí , oú les lois invoquent la force; tous ces élé-
rnens de sécurité Ieur ont pam des garanties suffi-,
santes. Ils ne se sont pas prévalus de la loi .etarrivés
devant vous, an rnilieu de ce concours qui se presse
autourde l'enceinte oú nous sommes, ils remercient
encere le ciel de leur avoir inspiré cette juste et Ié-
gitirne confiance. .


Enfin , ces grands'débats se sont ouverts: VOIJ5




( 302 )


avez écouté les témoins , et recherché la vérité avee
cette ardeur que donne le besoin d'étre éclairé pour
étre juste: les aecusateurs ont fait entendre leur
voix grave et austere : ils ont parlé non comme
autrefois , Pym poursuivant Straffort ave e la fureur
etl'acharnement d'un ennerni personnel, mais com~e
des rnagistrats bien vivement préoccupés de la sévé-
rité de leur mission , et fideles jusqu'aux plus rigou-
reuses límites aux mandats rigoureux qu'ils ont re<;lls'
du pouvoir aecusateur dont ils sont les organes.


A leur tour, les aécusés p~uventmaintenant par-
Ier aleurs juges, et ponr la prerniére fois. depuis
longtems quelques voix arnies vont se méler enfin a
tant de voix accusatrices.


Appelé adéfendre celui que l'accusation a signalé
le premier ala vengeancepublíque, c'est a moiqu'il
appartient d'aborder le premier les grandes et norn-
breuses questions que ce memorable procés fait
naitre,


Malgré I'mquiétante comparaison que je puis faire
déjá entre le poids qui m'est imposé el: le sentiment
de mes forees, j'entreprendrai ma tache avee con-
fiance en voyant aupres de moi les coeurs ginéreux
et les talens justement honorés aveequi je la partage.
-, Je sais bien que puisqu'ils rnarchent apres moi
dans la carriere oú je vais entrer , auenne erreur
ne restera sans réparation, aucune 'faiblesse sans
appui " aucune pensée utile et noble sans organe :
c'est sur leur secours que roa sécurité se fondeo


Mais, Messieurs, c'est surtout le vótre. Quand




( 303 )
nous invcquerons les prineipes, vótre haute raison
ira au-devant de la nótre , et quand nous parlerons
au nom de la justice et de l'humanité, votre cons-
cience et votre cceur vous en diront bien plus. que
nos paroles.


DISCUSSION.


Pour traiter utilement les questions qui s'offrent
a nous ,il est indispensable. de les classer avec clarté
dans un ordre que l'esprit puisse suivre sans fatigue
et sans confusioll. Je erois done nécessaíre d'établir
la division de eette défense , et ce doit étre la mon
premie".soin.


Vous comprene~ aisément jMessienrs , que jene
m'arréteraipoint a peser les raisons sur lesquelles
on s'e~t appuyé pour établir que Charles X ava~t
médité depuis longtems la destruction de la Charte,
ouvrage deson frere.


Je n'ai ni mission ni mandat pour remplir une
semblable tache, et cet examen, grave et difficile ,
ne peut m'appartenir aaucun titre. Daos rna bouche
la justification serait suspeete, et l'accusation odieuse,
Ce n'est point le proces de Charles X qui s'instruit
devant V.OliS.


Quant el sa puissance, elle a succornhé dans la
lutte fatale oú ell~ est entrée : quant a sa vie ,le
peuple vainqueur a eompris que deux tetes de Roi
peseraienttrop sur la terrede France, n aplacé
l'intervalle des mers entre lesvaineus et S3 colere ;
quant asa conduite , elle est justiciable de l'histoíre,




( 304 )
et il ne me convient pas .d'interveni¡' entre ce juge
et lui.


Je me borne" done ace qui tonche le premier ac-
cusé; toutefois, vous reconnaitrez que dans la plu-
part des q uestions que le proces Iait naitre , la dé-
fense est nécessairement commune , et qu'elle ne se
divise que ponr quelques actes et quelques faits
partieuliers.


J'établirai d'abord que l'accusation portee contre
les anciens ministres et inadmissible :


1° Paree que la chute de la dyp~stie a détruit les
conditions du proces et l'a laissé sans cause légale ,
saos objet et sansjntérét ;


2° Paree que les 'accusés ne trouvent plus dans
I'état actuel de nos· institutions les ga-ranties 1'01'-
. ','


melles que la Charte leur avait promises en sou-
,mclt«'irt 'leur responsahilité aun jugement , et qu'au-
cune condamnation ne peut étre prónoncée contre
enx atitre j udiciaire ;. ' . '


5° Paree qu'il n'existe aucune loí écrite, antérieure
aux faits dénoncés , qui puisse leur étre applí-
quée,


Apres avoi r justifié cette prernier-e proposition
par le développement des trois moyeos différens sur
lesquels elle repose, je ne croirai pas mononvrage
achevé : et prévoyant le cas oU· desconstrlérations
politiquea supérieures aux argumens légallx vous
{"létermineraient a apprécier en elles-mérnes les
charges de l'accusation , je prollvel'ai qu'elle est mal
fondée , et ponr céla je parcourrai les quatre gl'iefs




( 305 )
différens sur lesquels elle s'appuiepour en [aire ré-
sulter la trahison.


Ainsi , (0 je vérifierai s'iI est prouvé que M. de
Polignac ait abusé de son pouvoir ponr fausser les
élections et priver Ies citoyensde leurs droits d-


o •


vlqnes; o •
2° J'aborderai avec franchise la ~rande, la vraie,


la senle question du procés eonsídéré en lui-méme ,
-la violation arbitraire des institutions da royaume ;
sans essayer de puiser des moyens de défense dans
de vaines dénéga_tions, dans de frivoles subtilités
indignes de nous. J''examinerai s'il y a eu dans ces
actes un crime que la loi punit ;


3° Je chercherai avec vous les traces du complot
attentoire a la súreté de l'état;


4° Parvenu au reproche aífreux d'avoir excité a
la guerre civile, et po;té en divers líeux la dévasta-
tion et le massacre , je mettrai sons vos yeu.x lavie
de l'homme sur lequel on a appelé tant de haine, et
je parcourrai rapidement la série des faits sous le
poids desquels on l'accable , pOOl' voir s'il n'y a pas
la de grands malheurs, de grands Iautes , peut-étre,
ou s'il y eut en effet quelques-unes de ces actions
que les lois et la conscience des hommesflétrissent
du nom de crimes.


Enfin, Messieurs , j'établirai que c'est par une er-
reur évidente que la Chambre. des Députés a invo-
qné comme applicable aux accusés les articles du
Code , qui punissent les crimes qu'elle a énumérés ,
que ces crirnes ne peuvent faire par eux-mémes la


rr. 20




( 30G )
matiére du jugement, rnais seulement servir d'élé-
menspour arriv~r·~ la preuve de la trahison, et
qu'aucune loi ne punissarit la trahison , la Cour des
Pairs ne pourrait prononcer une peine qu'en vertu
d'unpouvoir extraordinaire dont je ne reconnais pas
la source, raais dont elle n'abusera jamais.


Tel est le plan de ma défense , Messieurs, vous
p~uvez la saisir d'llll coup-d'oeil. En le développant,
j'abuserai le moins possible du tems que vous m'ac-
cordez ; rsais je ne crains ras que vous refusiez de
m'écouter avec indulgence , cal' vous préféreriez de
nomhreuses superfluités qui fatigueraient votre at-
tention a pn seul oubli qni inquiéterait votre con-
seience.


PREMIERE PROPOSITION.


L'lCTIOJ1 INTENTÉE CONTRE LES ANcmN5 MINIS1"RES
EST INAD.M fSSIBLE.


Cette proposition ,tepose .SUr trois moyens diffé-
rens, Examinons le prernier. .' . .


§ Ier. La chute de la dynastie a détruit les conditions
du proces , el ne luí Iaisse ni cause légale , ni objet,
ni intérét,


La question principale qui se présente ici a été
en'visagée par divers orateurs et divers écrivains sous
quelques-unes de ses faces: elle a été livrée ala cri-




( 3':7 )
tique , et sans doute elle a déja fait l'objet de vos
méditations, Toutefois elle est d'une nature si gr~ve,
elle est tellement inhérente a ce proces , 'elle s'y
trouve melée a un tel point, qu'il n'est pas possible
de l'écarter de cette discussion ': et que j'encourrais
de justes reproches si je riéglige,ais de vous la pré-
senter , non plus comme un s~jet d~ controverse vo-
lontaire livré al'opinion du publiciste , mais eomme
un point de droit rig{)ureux soumisa la déciSlo}l des
• I


]uges. ,
Les actes sur lesquels repose l'accusation .dirigée


eontre M. de Poliguac et ses collegues , se sont ac-
eumplis sous le rt'gne de Charles X, et sons l'empire


. de la Charte fondéeparLouis XVIII. .
e'est une regle immuable eomme la justice qne


les actes doivent étre jugés conformément aux 'lois
existantes a l'époqueoú ils ont été consommés,


La Ch3l'ú~ de Louis XVIII étaitune Chárte oc-
troyée en vertu d'unpouvoir .préexistant~-Elfe ne
fondait pas le tróne : elle érnanait du tróne , et 11e
pouvait' contenir aucnne disposition qui laissát ex-
posée ades vicissitudes quelconques la. royauté H


. la dynastie. . .."1
L'arL 13 déclara done que "la personne du'ltoi


était inviolable et saerée, et que ses ministres étaient
responsables. Ce principe de 'Ja responsabílité se
trouve reproduit et développé dans quelques ar-
tieles suivans ; mais c'est dans l'art. 13',;bu phltoe
c'est dans la nature du gouverneÍI~eüifondé par la
Charte , qu'il prenait sa so urce. -




( 308 )
J'étais loin de, m'attendre , je l'avoue , a ce


qu'on, cherche a induire de ces mots : La per-
sonne du Roi, la plus qu'étrange conséquence que
l'inviolabilité dont parle laCharte ne, s'applique
qu'á la vie de l'homme et non 11 la puissa~g~ du mo-
narque, et que eette stipulation du pacte fondé par
le Roi, émané de lui , octroyé par Iui , ait en pour
obj~t, .nón d~ 'garantir la couronne de toute at-
teinte', mais de mettre a couvert la tete qui devait
la portero


Qui ne connait la regle du gouvernement repré-
sentatif? qui ne sait qne l'inviolabilité de la cou-
ronne en cst le príncipe , le fondement, la vie i ,ét
qui jamais a pu penser que Ce principe, eo~serva­
teur <fes états et des trónes serait ravalé ala eondi-
tion 4~11'auJ.eonduitpromis ala fuite d'un monarque.


Reverions a<la vérité. Le Roi est iuviolable et sa-
eré. Ú' ne peut mal faire : son nom doit restcr en-
dehors et au-dessus de tous les débats auxquels don-
neront lieu la.législation oú l'administration dupays;
il n'est pas permis de l'y faire descendre. Les minis-
tres sont responsables: c'est a eux , et a eux seuls
arépondre'des actes qu'ils auront conscillés et aux-
quels ils auront , par, Ieur contre-seing ~ donné la
force exécutoire. C'est ainsi que notre~goll~ernement
représentatif fut fondé; c'est ainsiqueJ'\ Charte le
régla; c'est ainsi qu'il a été constan1ment compris et
interprété pendant quinze années par les écr-ivains
de tous les partis, par les ora~ellrs de toutes lés
opinions.




( 309 )
Les deux príncipes posés par l'art. I3 se lient et


s'enchainent ; il ne peuvent pas étre séparésl'un de
l'autre, La personne du Roí demeure inviolable et
sacrée, parce que celle des .Jministres,est livrée a la .
responsabilité réelle , qui est une des nécessités pre-
mieres de la forme du gouvernement éjabli; les mi-
nistres sont responsables paree que celui aqui .ap-
partient le pouvoir, 'dont ils ne sont que les instru-
mens , doit rester placé au-dessus de to"ut reproche
et de touteattaque, Admetiez un roi ahsolu ou 'UIl
roí responsable, et la responsabilité ministérielle
sera une chimere , puisque, dans le premier cas , la
volonté royale aura été la loi; puisque , dans le se-
cond, la plainte, l'accusation, le jugement, toutes les
conséquences de la responsabilité devront peser sur
celui qui possede e! qui exerce l'autorité souveraine,


Si nous étions restes dans les termes du gouvE:rne-
ment fondépar laCharte de Louis XVIII, si CharlesX
était encore assis sur le tróne de ses aíeux , les actes
de songouvernement qui ont marqué la fin du mois
de juillet anraient pu, sans doute , devenir contre
les ministres la matiére d'une accusatíon , et ils n'au-
raient pu se défeudre qu'en examinant si ces actes
constituaient l'un des crímes pour lesquels ils
peuvent elre poursuivis devant VOUS.; mais , ~es­
sieurs, vous le savez , un événement immense a tout
changé; une lutte terrible s'est engagée, et dan s
trois jours , le Roi , son fils , sa dynastie tout entiere,
ont disparu : le tróne a été l'eJ.1versé" la pai rié mor-
celée , la Charte méme détruite et renouvelée.




( 310 )


Comment l'article J 3 survivrait-il el tant de des-
truction, comment J retrouverait-on écrit encere
le principe de la résp<;msabilité, sur lequell'accusa-
tion sé fonde, Iorsque celui de l'inviolabilité, dont il
n'était que la conséquence , ne laisse plus d;autre
trace que lé souvenir ?


Louis-Phifippe , ehef d'une dynastie nouvelle,
r~gne .sur Ja France ; vous étes les pairs de ee
royaume nouveau, Iiés par un serment aLouis-Phi-
lippe, et les ministres de Charles X détróné , pros-
crit , fugitif, sont traduits devant vous pour y étre
jugés. Une loi disait : Le Roi est sacré; ses ministres
sont responsables. La premiere moitié de eet~~ loi
est déchirée , et c'est un lambeau a la' main qu'on


. l... , -


réclame l'exécution rigoureuse, l'exécution sanglante
de la seconde !


Je fttvoue; Messieurs, il ya la quelque chose qui
confond ma raison et que je ne puis m'explíquer.
. 00 ponrsuit devant vous les ministres de Charles X!


Et quel serait done le crime pour lequel ils devraient
étre aujourd'hui punis?


Dirá-t-on qu'ils ont, par des mesures imprudentes,
par <les tentatives coupables, eompromis le tróne et
précipité la dynastie ?Mais si e'est la un fait de tra-
hison , un. fait punissable selon les lois, une crimi-
nelle félonie , e'est envers le roi Charles X, e'est en-
vers la race des Bourbons que le crime aurait été
commis, et ce n'est qu'en leur nom, pour leur in-.
térét , ponr Íeur cause , qu'ils pourraient étre.pour-
SUlVIS.




( 31 I )
lis ont porté sur la Charte une main téméraire et


sacrilége; ils ont ehangé arbitrairement et violern- .
ment les institutions du I'oyaume. Ah! sans doute,
de sa nature, un semblable atténtat est bien grave;
ríen ne doit étre ni plus sacré.ni plusimmuableque
les institutions d'un pays. Gage de' paix et de sécu-
rité , garantie salutaire de stabilité et d'ordre, les
lois fondamentales d'un état sont les bases sur les-
quelles la société tout entiére repose. Détacher une
pierre de ce point d'appui , e'est tout ébranler , c'est
s'exposer a tout détruire.


Je comprends done qn'un pebple qui, aprés un
long orage, s'est attaché asa constitution politique
cornme ason ancre de salut, qu'nn peuple gui fait
de -ses institutions un objet de culte et de respeet,
accuse, poursuive, punisse , au nom de ces institu-
tions sauvées , .les irnprndens ou les conpables qui
auraient voulu les mutiler ; mais si ,depuis eette
agression, ce peuple, usant de sa force conqüise, a.
lui-méme déclaré sa Charte insuffisarrte , vicieuse, in-
digne de lui , s'il l'a détruite et rernplacée , comment
serait-il nécessairc. OH possible de punir d'un cháti-
ment terrible l'atteinte qu'on aurait essayé de porter
a ce pacte .brisé ?


L'Angleterre a vu périr sur l'échafaud l'archevéque
de Cantorbéry, convaincu d'avoir traitreusement
cherché arenverser la constitution anglaise; d'avoir,
dans ce but, méchamment et traitreusement per-
suaJ~au Boi qu'il pouvait , a son plaisir et sa volonté
lever des impóts sans le concours du parlernent. Mais




( 312 )


Charles le, régnait encore , et la grande Charte an-
glaise, au nom de laquelle on le poursuivait , était
toujours 13, déhout, intaete et respectée.


Continaons , le sang francais a coulé et demande
vengeance ] A Dieu ne plaise que eetle voh terdb'le
s'éléve ave~ justice centre eux, et que se produise ja-
mais l'accablante preuve qu'ils ont sciemment et vo-
lontairement trempé les mains dans le sang des ci-
toyens; mais j'adrnets pour un instant cette supposi-
tion qui me fait frémir. Oui, le sang a coulé, et puisse-
t-il Cltre le dernier ~ang que feront répandre nos Ion-
gues discordes civiles! Mais eomment a- t-il été ré-
pandu ?N'est-ee pas dans une lutte imrnense élevée
entre ce pouvoir royal engagé dans des voies fu-
nestes , el le pouvoir populaire, pouvoir terrible,
pouvoir contre lequella force des rois ne peut rien?


Cette lntte a dure trois jours , et puis... Iaguerre
a pron01lcé.,Ventendez-vous , Messieurs? la guerf'(J a
prononcél Ainsi s'est exprime la eommission muni-
cipale formée au moment du danger, celle qui a
dirigé I'attaque décisive , celle qui a consommé le
triomphe : ainsi se sont exprimées , aprés ene, Ia
commission de la Chambre des Députés et eette Charo-
breelle-méme, et ces parolescaractéristiques et mé-
morables ont, aux yertx des nations civilisées , jugé
le proces qui vous, est soumis. Ainsi, l'état violent
oú nous avons été, e'était la guerre ; ainsi les hommes
quis~nt devant vous , ce sonties vaincus , ce son,t les
prisonniers que la gilerre a faits. •


S'ils avai~nt*péri dans, cette sanglante melée; si le




, ( 313 )
fer ou 'le feu dirigés par les mains populaires , les
avaíent frappés au creur au milieu de ce désordre
ennobli par tant de .l;:ourage et de générosité, la loi
resterait muette .sansdoute ponr venger leur mort.
e'était la guerre, guerre terrible, guer.re -affreuse ,
mais qui a ses -franchises et son impunité tant "que
dure le feu qui l'entretient el,qui I'anime.


Mais cette guerre:, elle est 'dés longtems finie, La
victoire est complete, le triomphe est entier. Frap-
perez-vous froidement anjourd'hui ces prisonniers
qui vous sont restés ou plutót que vous avez saisis
dans leur fuite? Ferez-vous tomber la hache sur ces
quatre tetes, seuls déhris qui demeurent aprés cet
immense naufraga ? " '


Et pourquoi! Quel hesoin pent avoir de leur sang
ce royaume nouveau qui s'éleve au milieu des doutes
de l'intérieur el des préoccupations é1J'~eres, et
qui ne peu~ viv're' que par I'union et la sécurité P
Avec vous il ne peut yavoir de victimes sacriíiées a
la vengeance et a la colere l Et pourquoi 'encare de
la colere! Si ce sont eux qui ont amené ces grands
é;vénemens par lesquels la France s'est vue régénérée,
serait-ce a vous de les punir, et se montre-t-on si
inexorablepour ceuxdont les fautes nous ont si bien
servis? '


Strafford fut poursuivi par les communes pour
avoir cherché arenverser les Iois. fondamentales de
l'état, pour avoir voulu introduire a leur place un
gouv€mernent arhitraire , en disant q"'! le p(!~itdoigt
du roi était plus fort que les reins de la loi ; pouu·




( 314 )
avoir donné asoñ souverain le conseil de forcer pat'
les armes ses sujets a I'obéissance envers ce gouver-
nement. Strafford fut condamné malgré l'affirrna-
tion-du-roi , 'qu~ jamais ce conseil funeste ne lui
avait été donné par son ministre. Strafford fut exé-
cuté, malgré la déc1ara tion solennelle du roi qu'il
ne souscrirait jamais du coeur ni de la main aune
condamnation injuste et eruelle; mais Charles I" ,
dont la tete était promise a l'échafaud apres celle
que sa faiblesse lui abandonnait , Charles le. régnait
encere. Les communes avaient a redouter 'des pro-
jets pareils aceux contr-e Iesquels elles conservaierit
un si inexorable ressentiment.


La je concois la colere, ,et moins sévere que ne l'a
été l'histoire ,par qui les juges de Strafford Iurent
condámnés a leur t'o~r, je peux admettre l'intérét ,
la polítiqueet la .nécessité. .


Mais qu'auraient dit l'Angleterre et le monde en-
tier si, apres la chute de Jacques II et l'avénernent
de Guillaume, les ministres du roi déchu avaient
été poursuivís par les communes et jugés par les
pairs , comme coupables d'avoir , par des conseils
pernicieux on des actes illégaux, préparé la ruine
des Stuarts et le triomphe de leurs successeurs ?


Cet étrange spectac1e ne fut pas donné au 'monde;
Jeffries , le barbare Jeffries, mourut de frayeur et de
remords peut-étre sans avoir été poursuivi , et Sun-
derland lui-méme , cet agent de tant d'intrigues, ce
conseiller dé tant de fautes , cet auteur de tant d'actes
illégaux el arbitraires qdí avaient révolté les' coeurs




( 315 )
anglais, Sunderland, arreté unmoment par un zele
indiscret; fut remis en liberté par les ordres de Guil-
laume.


Comparez les actes des deux regnes, lesactes des
deux ministeres, etjugez si e'est pour les accusés qui
sont la que les rigueurs et les vengeances devaient
étre réservées!


Je le répete , Messieurs , il y a dans 'Un pareil
proces quelque chose d'inexplicable , d'impossible ,
quelque 'chose que la raison condamne, que la po-
litique réprouve, que l'histoire ne pourrait ni com-
prendre ni ménager. Pairs du Royaume, pensez-y
bien. Ilien ne flétrit la victoireeomme l'abusqu'on
en fait. Le sang des ministres de Charles' X proscrit,
porterait malheur acet. état nouveau qui s'estélevé
généreux et modéré du milieu des horreurs de .la
guerre civile, Croyez-moi, il n'y a pas la de preces cri-
minela juger,'U y a un triomphe a consolider parla
justice et par lagénérosité.


J'ai dit qu'il n'y avait pas de proces criminel a
juger. Lesévénemens accomplis ont, en effet.emporté
l'action judiciáire; et si les considérations que je
viens de développer laissaient sur ce point quelques
doutes dans vos esprits, si vous croyez le preces pús-
sible, avancons : en esseyant de marcher dansla yoie
oú l'on nC?us a conduits, non en détruisantIes obsta-
eles, maisen les franchissant, nousnous convaincrons
qu'elle est fermée; etici se présente le second moyen
a l'aide duquel j'ai promis d'établir que les aneiens




( 3¡{) )
ministres doivent ~tf6renvoy~sde{íl<;~Jls:;ltion,paro~
qu'elle est ill~droi~ible.


§ H. LtM acousés ne retrouvent plu« dans I'état ac-
tuel t;le nos institutions les garantiesque la Charte
leuraoait promises en soumettant leur responsabi-
lité ti un jugement, et aucune condamnation fu-
diciaire ne peut étre prononcée contreeux,


Messieurs, si je ne connaissais votre amour ardent
pour la justiee et pour la vérité , si je ne savais qu;~
vos yeux I'accomplissement d'un devoir est une de
ces'nécessités devant lesquelles toute autre considé-
rations'efface, je n' entreprendrais pas" sans q~~ql,le
inquiétude; le dév.t;loppement decette partie de ma
déf~se. J'


'L'arg.vmept que j~ dois insoquerdevant vous offre
une difficulté réelle , car il prend son príncipe daos
mi étatde choses qui vous touche, et il m'oblige aussi


I


a examiner au nom de Iaccusé la situation politique
du tribunal qui doií:le juger. Toutefois , je ne recu-
Ierai pas devant cette difficul té, con vaincu que vous
trouveres daas la franchis,e mesurée avec laquelle
jff-4'aborderai, le térnoignage le plus éclatant de ma
t'esp~tl.lW.se confiance dans vos hautes l';wieres et
.dans votre impartialiré.


De toutes parts , en Francé el hors de France, les
hommes que i'agitation au milieu de laqueile nous
vivons ne prive pas deja faculté de réfléehir , qui .




( 31 J )
apprécient les événemens , qui pesent les droits et
devancent, ainsi le jugernent de l'avenir, disent aux
ministres de Charles X; traduits aujourd'hui devant
vous :, « Vous n'étes pas devant 10$ juges qui vous
ont été promis.


>1 La Charte de Louis XVIII. disent-ils, celle qui ré-
gissait la France lorsque le treme est torabé , .vous
donnait pour juge la Chambre des Pairs telle .qu·elI~
était constituée , et c'était la Un tribunalsolennel
auqueJrien ne pouvait vous soustraire; mais cette
Chambre était indépendante, placée au-dessus de
de toutes les influences, n'ayant riená craindre ni a
espérer de personne. Vous la retrouvez menacée
dans son essence , incertaine sur lesort qni l'attend,
Sa constitutionn'est aujourd'hui qu'une question
jetée au milieu des passions et des partís, et -cette
question d'existence et d'arenir tout ~Ütlr, elle est
soumíse Ji ceux qui VOUi a~cusent,qui volls ont tra-
duits devant elle , centre qui .vous serez obligé~ de.
vousdéfendre,


»Cene sOBtpas la les juges 'qui vous étaient réser-
vés. Certes, vous retrouverez dans l'enceinte oú vous
comparaltrez, de nobles coeurs , de grands et gé.,
néreux courages, des consciences fermes et pUÍ$!-
santes; mais ce nesont pas les homrnes d'élit~ aqui
la charte a conféré le droit de vous ahsoudre OU de
vous c~ndamuer; ce .sont les pairs du roy~ume;c'est-
á-diré un corps entier avec ses prérogativ'es, son in-


. I


dépendance , sa constitution jixe et immuable, Si
ces co~ditions sont détruites ou suspendues, vous




( ~ l8 )
n'étes pas devant les juges que la Charte vous avait
donnés.


»Ce n'est pa~ tout.rcontinue-t-on : nous avons con-
sidéré lahaute-cour sous le rapport de sa constitution
pblitique; maintenant, comptez-en les membres, et
voyez'sivous reconnaltrez celle á laquelle appartenait
le droít d.~vous juger.
;' Au 30 juillet dernier , trois cent trente-cinq Pairs,
tous constitués au méme titre et par un pouvoir é~al,
tous revétus d'un méme droit , composaient la Cham-
bre appelée' a juger les ministres accusés. Huit jours
aprés, ce nombre a été réduit accnt quatre-vingt-
-douze.par suite de ces événemens immenses qui, en
quelques heuresont brisé unvieux ;sceptre er rondé
untrone\n()ll,Veliu; .quatte-vingt-treize ont été déchus
déleuí-dighité,\ et'ceui·la étaient les hornmes présu-
mesa~¡.r.a~ei 'vOus 1~ ;pltis; de syrn.pathie politique
et parmi Iesquels, dans un procesqui touche ala po-
litique, vous pouviez espérer trouver le plus d'appui;
et cette mesure' qui vous ravit le ticrs de vos juges,
elle a été prise lorsque votre accusation était deja
proposée.


,


,Poursuivons: un serrnent nouveau a efe exigé;
par des motifs dont nousn'avons pas aapprécier la
gra"it~, éinquante pairs ont refusé de s'y soumettre,
et leurs 'noms aussi ont dispar-u de ce tablean, sur
lequelvoüs aviez dú d'avance Iire et compter vos
J~ges.


Ainsi , dans uneCour oú les trois huitiemes des




( 319 )
voix suftisent pour ahsoudre, plus des trois huitiemes
de vos juges vous sont enlevés.


Une immense récusation a done été exercée a
votre préjudice. Béclamerez-vous et obtiendrez-vous
a votre tour le droit d'en exercer une semblahle?
Dans ce cas, vous n'avez plus pour juges que quel-
ques hommes isolés,et non le grand corps politique a


\


a qui cette haute mission fut confiée. Subirez-vous
la récusation sans vous plaindre, sans revendiquer
au norn de lájuetice I'exercice d'un droit semhlable,
et V~lJSprésenterez-vous devant les juges qu'on vous
a laissés? Vous le pOl/yez, sans doute; mais le devez-
vous? 11 s'agit pOllr vous de plus que de votre vie; il
s'agit de votrc mémoire. Les débats qui s'agiteront,
Tarrét qui en sera la suite, sont de ces grands évé-
nemens qui appartiennent a l'histoire de votre p~ys.
L'indiíférence ou l'abandon ne vo_uss()~tpas permis :
vos droits sont ici des devoirs ; on.n'appellerait pas
cour.age, on appelleraitfaihlesse lesentirnentqui vous
porterait a y renoncer.»


Tels sont les avis qui, de toutes parts, ont ététrans-
mis al'accusé que je défends, .


Pairs du Royame, s'illes avaient suivisv'si, au nom
de la justice ~t des Iois, au nom de cet honn~llrqui
parle si haut a des creurs comme les vótres, ilavait
déclaré vous récusercomme tribunal j~diciaire,j'en
ai la conviction intime, et cette conviction vientde
mon respect pour vous, vous auriez reculé devant
la táche, qui vous est imposée. En jetant les ~yeux
sur votre. institution , atitrefois irnmuable et aujour-




( 3'10 )


d'hui litigieuse, en faisant dans votre mémoire l'ap-
peldes juges au jour de !'acte dénoncé , au jour
méme de I'aécusation proposée, et en comptant les
silenoieax íntervalles qui marqueraient aujourd'hui
cet-sppel; vous vous diriez: Cet homme a raison;
ce tté'st plus ici le tribunal que la loi lui avait ga-
ranti.
, Vainement vous parlerait-on des jurídictions ordi-


naires oúle personnel des juges peot étre modifié ,
sans que l'accusé puisse trouver dans ce changetnent
un sujet de plainte, Ce rapprochement n'aurait ríen
de spécieux.


Dans lajuridiction ordinaíre, Ia Ioine promet ríen
que le nombre et la capacité des juges; et celá es! si
vrai , qUé la Cour de eassatíon peuttransférer le ju-
gement d'un.siége aun autre.


Ici, .au eontraire: iI s'agft d'un ttibunal unique ,
d'un eorps permanent, constitué juge perpétuel el
nécessaire d'une sorte d'accusés et d'uáe sorte de dé-
lits, et dont la composition forme préeisément l'équi-
libre que la Charte a voulu établir,


Ici, le personneI des juges est une <les garanties
premieres. de l'aeeusé comme de la couronne et de
l'arístoeratíe; et remarquez, d'ailleurs, quelle dif-
férence étrange ce- systeme établirait entre le sort
des accnsés ordinaires et celuí des ministres ac-
cnsés.


Pour les premiers, le sort ehoisirait les jurés qui
doivent étre leurs juges, et la récusation péremp-
toire leur serait encoré ouverte; et ponr les seconds,




( 3~ 1 )
le tableau de leurs juges aurait été ala discrétion de
leurs accusateurs , déja nantis de l'accusation,


AiI}si ne I'a pas voulu la Charte ; ainsi ne le veut
pas la justiee. Aueun exemple identique ne saurait
en étre rapporté; et s'il' en était un seul qui eút quel-
que analogie, il faudrait éviter qu'onen pút citer up
second.


Hest dOQC vrai que les accusés n'ont Pils au-
jourd'hui pour juges ceux que la Charte Ieur avait
promis , et que l'incompétence aurait pu étre
proposée,


Et quelI~ serait, Messieurs, daignez y songer., car
dans ces vastes questions qui touchent a l'existence
des états et aux grands principes de l' ordre .social ,
tout s'enchaine .et tout se lie, quelle serait la consé-
qqenee de cette déclaration que notre prote~tªtipp
aurait provoquée? Serait-ce de .Qonnér a l'aceusé
d'autres j.uge~ .q.ue vous ? il n'en.a pas; iln'en peut
p~s avoir: tout rep,voi ~ un autre tribunal serait,une
violation de la loi fondamentaíe , une destruction de
toutes les garantíes .constitutionnelles.


La responsabilité des ministres :st une consé-
quence de l'inviolahilité du Roi; elle est une néces-
sitédu g91-J.vernement que la Charte a créé; mais. si
vous Iivrez a l'élément .démocratiqueseul l'arrne
tesrible que la responsabilité recele, tout l'équilibre
est détruit, et vous n'avez plus qu'un gouvernCAlent
populaire. ,


On ne pouvaitdonc , sous peine de désordre et de
dissolution , conférer a la Chamhre des Députés le


IJ. 21




(.3u )
droit de juger les ministres. Oelui d'accuser est le seul
qui convienne a son origine, ason esprit, a son es-
sence, mais c'est aun tribunal d'un autre ordrs que
le jugement devait étre réservé..


Ce-teibunal ne pouvait appartenir ala juridiction
ordinaire; remettre le jugement au jury, c'était en- .
eore le confiera la démoeratie; c'était d'ailleurs don.
ner au preces un juge dont l'autorité ne pouvait s'é-
lever.jusqu'á lui; ce juge ne pouvait étre qu'un gr.and
eorps politique, un eorps indépendant, apparte-
nant a l'élémen t aristocratique , eonstituant cet élé-
ment, égal en puissanee an eorps aeeusatenr, placé
en dehors de toute autre autorité, capable par sa na-
ture , par sa constitution , par sa force intrinseque ,
de maintenir ud juste équilibre entre les préten-
tiens de la Chambre' électíveet les résistances de
la Couronne; c'était a la Chambre des Pairs , et ce
n'était qu'a elle, dans un systerne de gouvernement
bien combiné, que eette grande mission devait étre
réservée.


Ainsi l'ont faitIes constitutions anglaises, ainsi le
regle notre Charte , et les termes dans lesquels sa
disposition est concue méritent d'étre rernarqués.
« La Chambre des Députés a le droit d'accuser les
» ministres et de les traduire devant la Chambre des
» Pairs, qui SEULE a le droit de les juger.» V(1Us
l'entendez, Messieurs, et vous le saviez déjá : a la
Chambre des Pairs seule appartient le droit de juger
les ministres; ilS ne peuvent appartenir a aucune
autre juridietion; ils .ne penvent étre traduits de-




vant aucun autre tribunal, et s'ils faisaient un appel
avos consciences en récusant votre jugement, et
siIa force des choses vous amenait a reconnaitre
que leur refus de vous accepter pour juges serait •
juste et légitime, la conséquence nécessaire de
votre décision serait, non le renvoi ad'autres juges, .
mais ja déclaration solenne11e qu'il n'y a point en
France de juges pour l.!UX, et que leur procés est im-
possible.


Quelques esprits s'étonnent de cette conclusion;
ils ne sauraient l'admettre; paree qu'ils ne concoivent
pas un crirne san s juges, une soeiété sans arme, une
loi sans puissance. Leur étonnement serait naturel
et leur inerédulité légitime dan~ un tems ordinaire ,
pour des circonstances réguliéres, pour un ordre légal;
mais oublient-ils done que tont id est en dehorsdes
regles tracées et de l'ordre prévu? Pours'étonner ainsi,
i] faudrait ignorer tout ce qni depuis cinq mois a
bouleversé le royaume..


Quoi! une révolution immense a tont détruit et
tont ienouvelé; le tróne est tombé, la dynastie est
remplaeée; la Charr'1bre des Députés est deven~lC,en
ver-tu de ees droits qui naissent du mornent et de la
nécessité, un eo1'ps constituant; ee corps constituant
a modifié la Ch~1'te,' a proclamé un roi, a rayé- du
livre d'or de la paírie un tiers des membres qui s'y
trouvaient inserits; a voulu tIlle la constitntion des
Paips' fút révisée; a fixé l'époque oú i'ls s'oeeuperaient
de eette révision ; et en présence de ces événemens
gigantesques qui ont frappé le monde de stupenr,




( 324 )
on s'étonnerait de voir qu'un principe posé dans les
terns antérieurs , se rattachant aun état de ehoses
régulier, destiné ase développer par une marche mé-


• thodiqne et combinée avec l'ensemble de nos insti-
tutionsvrencontrát aujourd'hui dans son application


• des 'obstacles insurmontables! Qui done s'étonna
jamais , apres une de ces grandes crises.phy~iques
qui ébranlent la terre , de ne pas retrouver le sol
uni , les monumens debont , et les voies libres et dé-
gagées!


Les actes des ministres appartiennent, commetout
le reste, au mouvement qui a tout entrainé. Ce n'est
point par un jugement régnlier, intervenu a la suite
d'une accusation et- d'une proeédure, que la cou-
ronne a passé de la téte de Charles X sur la tete de
Louis-Philippe , et .que les autres pouvoirs de l'État
ont été modifiés; e'est un pouvoir imprévu, sans ori-
gine , irrégulier, mais nécessaire, qui a détruit
l'ordre ancien et eréé l'ordre ñouveau, Le~ ministres,
serviteurs et agens de la dynastie déehue, ont dú
subir eomme elle l'action irrésistible de ce pou-
voir, ils ont dú tomber avec elle, s'exiler avec elle.
Pour les juger, il faudrait rentrer a leur égarcl .clans
.I'état légal iPour le pouvoir, il faudrait recen-
struire ee qui est renversé , recréer ee qui n'existe
plus, leur rendre leurs gaqnties, leurs juges, leur
appui, Et c'est paree que tout cela n'est en la puis-
sanee de personne, que le jugement est impossible
et que l'accusation reste frappée d'impuissanceet de
stérilité.




l 3:l5 )
J'ignorc si la mission que je remplis, si ce desir


involontaire qu'on éprouve de rencontrer un argu-
ment décisif , lorsqu'une vie -qu'on défend peut dé-
pendre d'un argument, exercent sur ma raisou une
influence qui la trouble ; mais, je le déclare , c'est
avec une conviction toujours croissante que je re-
viens a cette conséquence protectrice.


Ne vous y méprenez point , Messieursj traduit a
votre barre, l'accusé au nom duquel je vous 'parle
ne VOllS récuse pas; il ne refuse pas de se défendre
devant vous, de vous rendre compw de ses actes,
d'invoquer en votre présence les lois qui le protegent;
sa défense est d'une autre nature; ses protestations
ont un autre objet; il prend a témoins ses contem-
porains et l'histoire, qu'il se débat dans un prooés
dont l'issue 11e saurait étre légalement une condam-
nation [udiciaire.


Cette grande question, nous vous la soumettons,
et nous nous trouvons heureux en voyant a qirels
hommes les événernens l'ont déférée. J'ignore sous
quelle forme votre décision devra apparaitre ,
par quelle voie votre prudente et poli tique au-
torité arrivera au résultat 'qu'attend la justice ,
non telle que les passions la font, . et que vous
ne la connaissez pas, mais telle que le tems la con-
sacre, et que la conscience publique ·la compread :
mais je sais bien que ce que j'ai semé dansvos eon-
sciences n'y serapas étouffé, et que si votre examen
s'avance jusqu'au momentou 1'0n prononce ces pa-
roles terribles qni font tomber des tetes, tous les




( 326 )
principes d'ordre el de vie que je viens d'invoquer
vous apparaitront alors dans toute leur puissance et
dans toute leur vérité.:


Ainsi, Messieurs , les jl1ges manquent a l'accusa-
tion ; il ne me reste plus qu'a pI'Ouver, al'appui de
ma premiére proposition, que la loi lui manque
aussi , et qu'aucune disposition Jégalc ne peut étre
invoquée a son appui.


§, IIJ. JI n'existe aucune loi écrite antérieure aux
jaits dénoncés , quipuisse leur étre appliquée.


Le droit qu'a exereé la Chambre des Députés en
traduisant devant vous les anciens ministres a été
Ruisé par elle dans les articles 55 et56 de l'ancienne
Charte, Ces articles sont ainsi concus :


\ ' :lo,


Art. 55. «La Chambre des Députés a le droit d'accuser les ministres
» et de les traduire devant la Chambre des Pairs , qui seule a celui de
• les jnger. »


Art. 56.• lis ne peuvent étre accnsés que pOUl' fait de trahison ou
• de concussion. Des loís particulieres spécilieroat cette nature de dé-
" Iits , et en dctermineront la peursuite .•


Les lois particulieres n'ont point été faites. Les
délits n'ont point été spécifiés; les peines n'ont
pointété fixées; la ponrsuite ri'a pas été déterminée.
Il y á bien plus, le Code pénal ne contient aucune
disposition qui s'applique a un fait défini et qualifié
trahison. En matiere criminelle, oú tout doit étre
formel et littéral, .oú chacnn doitavoir connu d'a-
vanee la peine réservée a I'action qu'il commet, oú
ríen ne peut étre livré a l'arbitraire , oú aucune con-




( 327 )
damnation ne peut .etre prononcée sans que le texte
précis de la loi soit appliqué par le juge a un .fait
positif qualifié crime ou délit, cette absence de toute
loi devrait snítire aux accusés pourrepoussen l'accu-
sation,


Leur défense pourrait done étre circonscrite dans
la lecture de l'art. 4 du Code pénal : ({ Nulle.contra-
» vention , nnl délit, nul crime, nevpourront étre
» punis de peines qui n'étaient.pas prononcées 'par
» la loi avant qu'ils fussent comrnis. » Cette disposi-
tion g.énérale et absolue les mettrait a l'abri de toutc
condamnation,


Ainsi I'ont reconnu souvent les publicistes et les
jurisconsultes , et je pourrais invoquer a l'appui de
cette doctrine de gl'aves et d'irrécusables autorités.
Je sais qu'on I'cpousse cette conséquence rigoureúse
de l'état de notre.légjslation par desrept(Íches~dres­
sés au ministres de la Restanration., .. quin'on t pas
proposé aux Chambres des lois .nécessaires et ufl~~n·
tes; maís je sais aussi qu'on peutrépondre a- ces re-
proches : l° qu'une tentative.a-été-faiteen 1819, el
que les difficultés de la matiere. I'ont rendueinfruc-
tueuse; 2" que les Chamhres avaient, aux termes de
la Charte, le droit de supplier le Roi de pr0'AAser
une loi sur la responsahilité ministérielle , ét dfindi-
quer ce qui leur paraitrait conv.enable quecette loi
contint , et qu'elles n'ont point usé de ce droit; 3° en·
fin, que ce reproche, fút-il fondé, ne détruírait pas
l'obstacle invincible qui resulte dans un proces cri-


/




( 3~8 )
minel du silence de la loi; et qu'ici il ne peut étre
question que du procés eriminel.


Il est done certain que la défense des .accusés
pourrait se borner' a cette simple mais irrésistiblé
argumentation.


.Am( termes de l'article 56 de l'ancienne Charte ,
les ministres ne pouvaient étre accusés que pour
fait de trahison et de concussion. Grace au cíel, le
mot de concussion ne se méle pas a ces tristes dé..
bats l


Le crime de trahison n'est pas défini par ~os lois
pénales, et par conséquent aucune peine nest pro..
noncée contre lui. Les Jois particulíéres qui devaient
le spécifier n'ont pas été faites, 11 est de regleaDso-
luequ'aucun erime ne péut étre puní depelnes qui


.n'étaientpas prononcées par la 10i avant qu'il füt
commiss.Donc .les ancíens ministres ne pouvaient
étre régulierement accusés , et ne peuvent étre léga-
lemenr et judiciairement condamnés,


Que répond a cela l'accusation? Elle étahlit une
série de faits qualifiés crimes par le Codepénal; elle
fonde sur eux la poursuite; elle rappelle les dispo-
sitions pénales qui s'y rapportent, et en demande
l'application aux accusés. Mais de ces íaits divers,
aucun n'est qualifié·trahison; IItS dispositions de la loi
pénale quiles spécifie existaient lorsque la Charte fut
rédigée et proIllulguée, et loin . de s'y référer, la
Charte déclara que des lois particulieres aintervenir
feraient cette spécifioation qui manque encore. Les.




( 329 )
articles qu'on invoque sont done étrangers au erime
de trahison , et c'ést POlll' ee crime, et non POUl' d'au-
tres, que la poursuite et l'accnsation des ministres
sont autorisées pliÍ' la Charte.


Cette conséquence est tellernenb évidente qu'elle
a frappé tous les ésprits. Pour suppléer ala loi ab-
sente, ponl' rattacher l'accusation de trahison , qui
n'a pas de base légale et qui est eependant la seule
admissible , a des dispositions pénales qni s'ap-
pliquent a d'autres crirnes , on a été ohligé de con-
struire le faít de trahison a l'aide d'au tres faits , et de
dire : Les ministres sont accusés de trahison pour
aooir faussé les élections , paur avoir changé arbitrai-
rement les institutions du l'Oyaume ,paur avoir excité
la guerre civile;e'est-a-di¡'e qu'on a supposé faite en
ce sens la loi particuliere annoncée par la Charle, ou
qu'on a fait un projet dé 10i en méme téms qu'une
accusation.


Mais, d'une part , les lois ponr étre appliquées
par le juge, doivetrt étre antérieures au fait qualifié
crirne qui luí est dénoncé ; et d'autre part, les Ibis
se font avec le concours des trois pouvoirs , agissant
législativement. et non par deux d'entre eux , dont
l'un agit comme eorps judiciaire. Il ne peut done
etre question ici d'une loi , mais d'une accusation 1n-
tervenue el' d'un jugement 11. intervenir.


En Angleterre, ou il faut bien revenir po'Ur trou-
ver des -exernples que notre páys n'Offre pas ,on a
souvent essayé de présenter , a-l'appui d'une accusa-
tion, des trahisons qu'on appelait constructiues,




( 330 )
c'est-a-dire formées par l'ensemble de divers faits,
dont aueun , pris isolément , ne constituait le fait de
trahison, Ces tentatives sont depuis longteras repré-
sentées et reeonnues comme abusivas.


Permettez-moj d'exposer en tres-peu de mots la
législation et la jurisprudenee anglaises sur eette
grave matiene.


Jusqu'au regne d'Édouard IlI, le crime de haute
trahison n'avait jamais été défini par la législation.
La définition était livrée a l'arbitraire de la jurispru-
dence, et rien n'était plus faciJe aux passions d'un
partí vaiuqueur , que <l'e donner °aux actes de ceux
qu'il voulait perdre l'odieuse couleur de ce crirne ca-
pitaL L'histoire de ces tems de. trouble et de barba-
rie renferme d'innombrables exemples de ce mons-
trueux abuso Le statut d'Édouard III y mit un terme,
en spécifiant d'une maniere positive et absolue les
faits qui devaient étre considérés comme erimes de
haute trahison. Cette mesure, des longtems desirée,
fut accueillie par un assentiment général , et le par-
lement de qui elle émana obtint le titrede Parle-
ment béni.


Cependant orr ne tarda pas a remarque/' que la no-
menclature des faits contenus dans le statut était
incompleta, qu'on s'y était presque uniquement at-
taché a la süreté du roi , et qu'on avait négJigé les
droits du peuple et le maintien de la constitution du
royaume. On ajouta alors au statut un article sup-
plémentaire c~nnu sous le norn de salvo, et portant
qlle , si des crirnes non énoncés al! statut ot suppo-




( 331 J
sés crimes de trahison étaient déférés aux tribu-
naux , ces tribunaux attendraient, pour prononcer
Ieur jugement, que le roi et son parlement eus-
sent prononcé et déclaré si ces fa(ts devaient étre
qualifiés crimes de trahison ou seulement de jé-
lonie.


Cette disposition qui faisait de la rétroactivité
une regle, en établissant que les lois par lesquelles
ces actes seraient jugés, pourraient étre faites aprés
ces actes , et méme apres l'accusation , était cepen-
dant elle-méme un hommage a ce príncipe , que les
jugemens ne peuvent étre rendus qu'en vertu de
lois positivos, Le juge devait surseoir , et les trois
branches du pouvoir Iégislatif devaient procéder a
la confection de la loi en vertt~ de laquelle le j uge-
ment serait pronoueé.


L'abus inévitable et odieux qui fut fait de eette
voie ouverte al'arbitraire et aux passions, et dont
chaque parti usait a son tour , ne tarda pas a révol-
ter la raison publique. Le salvo ne devait pas durer,
paree qu'il n'y a au monde de solide et de durable
que ce qui repose sur la justice et sur la vérité. Son
abolition fut prononcée sous le régne d'Henri IV,
et il fut déclaré que nul ne serait puni comme cou-
pable de- trahison , que conformément au statut
d'Édouard.


Apres la mort de Charles ¡cr, et lorsque la royanté
eut été abolie, un acte du parlement, desti~é a
remplacer le statut , déclara quels falts seraient ré-
putés crimes de haute trahison, et proclama ainsi




( 332 )
de nouveau la nécessité d'une loi positive et anté-
rieure,


Tel est demeuré l'état de la législation en Angle-
. terre ; et si les partis ont souvent tenté de repro-


duire ce mode arbitraire de trahison constructivo,
ils ne sont parvenus a le faire admettre qu'en pro-
cédant par des bilis de proscription, et en faisant
ainsi intervenir les pouvoirs législatifs la oú les pon-
voirs judiciaires étaient évidemment impuissans.


L'histoire a dit quelles fnrent trop souvent les
conséquences dé ces actes arbitraires et de la funeste
facilité avec laqueUe les Pairs d'Angleterre y pliérent
leur autorité,


En 164r, les Communes arracherent aux Pairs la
coudamnation illégale de Strafford.·


En 1644, elles exigerent et obtinrent celle de
Lawd.


En r648, elles demanderent la tete de Charles I".
Les Pairs reculerent alors , rnais-Ieur tardive résis-
tance ne pouvait plus rien contenir. Le roi fut con-
damné, la royan té abolie, et le torrent passa sur la
Chambre des Pairs , qui n'avait pas su maintenir et
consolider ses dignes.


. Cinq 'ans apres , Cromwell avait fermé les portes
de la Cliambre des Communes,


Voila oú eonduisent la faiblesse et le mépris des
lois, Voilá comme l'abandon des droits mene a l'a-
narchie , et C?mffie l'anarchie mene au despotisme.


En France , oú la législation criminelle est plus
réguliere encore , 01'1 les príncipes protecteurs de la




( 333 )
vie et de l'honneur des hommes sont plus rigoureux
qu'en aucun autre pays du monde, oú "tout vient et
doít venir de la loi , il est impossihle de suppléer á
son silcnce, et d'arriver a unecondamnation par
des analogies et des raisonnemens. Il faut un texte
précis qui puisse étre appliqué par le juge a un fait
caractérisé. Ce texte n'existe point ici , et aucune
condamnation judiciaire. ne saurait étreprononcée.


La Charte nouvelle a pourvu a cet inebuvénient,
Aux termes de son article 47 , le droit d'aceuser les
ministres est ahsolu. II ne s'agit plus d'une faculté
circonscrite dan s des eas j)révlIs, dan s des spécialités
déterminées, Ce n'est plus seulernent pour crime de
concussion et de trahison que les ministres peuvent
étre traduits devant la Chambre des Pairs par celle
des Députés, c'est pour tous les crimes dont ils p~ur­
ront étre prévenus , cal' la ,géuér.alité,des termes n'ad-
met aucune exception ,et cette juridictioa supréme
rentrera désorrnais dans le droit commun.


A l' avenir, les principes ,que j'invoque seront done
sans applieation ; mais aujourd'hui , et dans un ,pro-
ces qui doit étre jugé sous l'empire de l'ancienne
Charte , ils ne peuvent étre ni J!léeonnus ni iltlé-
prisés,


J'ai done justifié dans ses trois divers rapports la
premiere proposition que j'avais annoncée, et j'ai
prouvé que, méme sans examiner le fond, les an-
ciens ministres devaient étre renvoyés de' l'accusa-
tion intentée contrc eux.


Devant une cour qui serait .purement judiciaire ,




( 334 )
et qui n'anrait d'autres devoirs a remplir que ceux
de juges, cctte défense serait péremptoire , et dis-
penserait de toute autre ; mais , Messieurs , on vous
l'a dit, el je le reconnais : vous n'étes pas unique-
ment une haute-cour judiciaire ; vous étes en méme
temsun grand corps politiqueo Ce ne sont pas
seulement les intéréts de la justice qui vous sont
remis ; c'est la súreté de l'état dont le dépót vous
est confié:'


Les droits et les devoirs que cette double qualité
peut vous conférer ne sont définis nulle part. Dans
la haute sphere oú vous étes placés, vous ne devez
compte qu'a vous-mémes de I'usage que vous jugez
utile et juste d'en faire .. Nous ponrrions apprendre
a la fois votre pouvoir proclamé et son exercice
aocompli. Je dpis donc , sans rien contester a cet
égard, mais aussi sans rien reconnaitre, remplir
ma tache tout entiere , aborder les faits sur lesquels
repos~ l'accusation , démentir les erreurs , réduire
les exagérations , et préparer ainsi , a vous, Mes-
sieurs, les moyens de rendre, dans tous les cas , un
arrét impartial, et a la postérité ceux de jugeréqui-
tablement votre arrét.


--------~~-._---~


DEUXrEME PROPOSITION.


, . ,
L ACCUSATION EST MAL FONDEE.


Vous connaissez les charges morales ou Jun-




( 335 )
diques qui ont pesé sur les accusés, et particuliére-
ment sur M. de Polignac.


Au nombre de ces charges, l'une de celles qui ont
le plus éveillé d'animosité et de haine centre eux,
celle peut-étre qui a' excité le.mouvement le plus vif
d'indignation, et qui, par sa nature méme , a dú pé-
nétrer le plus avant dans l'irritation des masses,
c'est le soup~on d'avoir prété aux incendies qui ont
dévasté l'ancienne Normandie, l'áffreux secours de
l'impunité, d'en avoir été les complices, les fauteurs,
les instigateurs secrets.


C'était la un de ces crimes froidement atroces dont
le soup~on seul devait détruire jusqu'á la pitié pour
ceux sur qui il s'appesantissait..On peut eomprendre
et pardonner les excés oú entraine l'emportement,
un funeste point d'honneur , une passion violente;
on est disposé a I'indulgence partont oú ron retrouve
ce qui est propre aproduire une vive agítation dans
les sens, a étouffer la voix de la raison , arepousser
la réflexion. Si ce désordre de l'esprit ne justifie pas
les fa~tes qu'il faít cornmettre, il les explique, sinon
aux yeux de la justice, au moins aceux de l'huma-


•nité.
Mais cette odieuse et infernale combinaison, qui


aurait tendu sans doute afaire commettre des crimes
pOlJr produire l'anarchie, afin de paryenir par l'anar-
chie au pouvoir absolu ; mais ces ministres d'un roí
de Franee, se réunissant en conseil pour calculer au
travers de combien de maisons hrúlées on pourrait
arriver aux cours prévótales , et sur quel fonds du




( 336 )
budget on préléverait la prime mensuelle des incen-
diaires, voila ce qui passerait les bornes eonnues de
la perversité humaine, et voilá cependant ce qui a
été dit et répété pendant plusieurs mois, et eette
imputation cruelle s'est. élevée des rumeurs popu-
Iaires jusqu'a la tribune de la Charnhre des Députés,
Je me hate de le dire, le rapport de sa Commission
n'a pas donné ace soupcon le oaractere d'une charge
juridique, mais il Ie reproduit, iI est loin de le dé-
truire OH mérne de l'atténuer , et il y a de la menace
dans eette attente annoneée d'une révélation pos-
térieure.


Et cependant, Messieurs , qu'est-il résulté de tous
les. efforts faits par VOI)S pour trouver la vérité?
qu'ont pr,odl,Ait ces 'recheJ:ches menacantes ? Un
homme 4e:l,:¡~·~ condamaé púur vol, prévenu de
plnsif"ul'~ ~~re~ c.rimes, imagine de rattacher ace
soupt;on porté sHr les ministres uneespérance d'éva-
sion ou un moyen d'impunité; jl promet ala justice
des renseignemeas précieux ; il possede des papiers
oú le complot estdévoilé; il a vu M, de Poligriac, il
en a ret;u un sauf-oonduít, Qu'on l'appelle , qu'on
l'écoute, et toutes les obscurités s'évanouiront. On .
l'appelle , on I'écoute, ou snit toutes les traces qu'il
indiqUe, on frappea toutes les portesqu'il désigne ,
et onreconnait ique son récit n'est qu'une fable,
qu'iln'a jamais YU M.de Poiignac, qu'il na de Iui
ni lettre ni sauf-conduit, et ,que sa révélation fout
enÜtwe est une pt»Jller~ el: un jeu. cruel de son ima-


.


ginatioIl.




( 337 )
On étudie la correspondance, on.enteud les magis-


trats , on appelle toas lestémoins quipeuventaidcr
la justice dans sa marche,' et on arrive a .laprleflve
qne chacnn des accusés a fait',.Qaqs ses attributions
respectives, tont ce qu'on devait attendre d~lui PABI'
trouver I 'origine de ces manoeuvres criminelles, ponr


.., ~ \
en saisir , pour en faire punir l~s ant~t~rs. <;1n reC011"
nait, par exemple , que, le 15mai, l\-Ib'rt'éI'P(')ligriac,


• .1 ~. -. '. .•
faisant les fonctions de lriinistred~la'gtlei're, a adressé,
par le télégraphe, an commandañ.t de Saint-Lo, l'ordre
de diriger, sur le départernent de la Manche' un ba-
taillon du 2ge , et au gélléral Donnadieu , qui. com-
mandait a Tours , l'ordre, de faire marcher sur Mor-
tain deux escadrons du 16e de cgasseur.s;que le
méme j,<.mr, il a enjoint au génél'al Iiivaud de détaeher
dn Hávre sur Caen un bntaiilon du ...~; . que ,.. plu~
tard, ua envoyé dans cett6·iler..ui~i>It";tJ\e ~ln~ffi~ie.¡'"
géfl~ral et .deux régil\lens. de l':).gaMe; enñn., un té...
moin non suspect , qui cotlu}llludait fllo~'s lagendar-


-rnerie a Caen et qui vient d:eLre PT<!mu au grade de
maréchal ele c.unp, .déclar) qUé(,¡,i correspondance
» directe de M: de, Po'igpa;c, comme mlnistredé' la
» guel're, a toujours été d:nne complete 'franchise; el
» diri~e dans la vuc <l'~~teujr,pa,. tous les morens,
» la découverte de la vérité.:~


Tout est donc éclairci sur ce point; l'aecusation l~
'recounait avec loyaaté. L'borrible mot d'inee.ndit! ne
se retrou vera plusdans ces débats ; et je fais elesvcenx
pour que la prévention Funesto qu'il avait excitée se
dissipe aussi facilement. '


1r. ~2




( 328 )
minel du silence de la loi ; et qu'ici il ne peut étre
question que du preces criminel.


Il est done certain que la défense des .accusés
pOUIT~ít se borner a cette simple mais irrésistiblé
argumentation.


Aux: termes de I'article 56 de' l'ancienne Charte ,
les ministres De pouvaient étre accusés que pour
fait de trahison et de eoncussion. Gráce au ciel, le
mot de concussion ne Sé méle pas a ces tristes dé-
hats l


Le crime de trahison n'est pas défini par nos lois
pénales, et par eonséquent aucune peine n 'est pro-
noncée contre lui, Les Iois particuliéres qui devaient
le spécifier n'ont pas été faites. Il est de regleabso-
lue qu'aucuá crime ne péut étre puni de peines qui


.n'étaientpas prononcées par la loi avant qu'il fut
commisv.Donc les anciens ministres ne póuvaient
étre régulierement accusés , et ne peuvent étre léga-
lement et judiciairement condarnnés.


Que répond a cela l'accusation P Elle établit une
série de íairs qualifiés erimes par le Code pénal; elle
fonde sur eux la poursuite; elle rappelle les dispo-
sitionapénales qui s'y rapportent, et en demande
l'a:pplication aux accusés. Mais de ces faits divers,
aucun n'estqualifié-trahison; 1815 dispositions de la loi
pénale quiles spécifie existaient lorsque la Charte fut
rédigée et promulguée, et loin- de s'y référer , la
Charte.déclara que des lois particulieres aintervenir
feraient cette spécification qui manque encore. Les




( 329 )
articles qu'on invoque sont done étrangers au crime
de trahison; et c'est ponl' ce crime, el non pour d'au-
tres, qll€ la poursuite et l'accnsation des ministres
sont autorisées pg¡. la Charte.


Cette conséquence est tellements évidente qu'elle
a frappé tous les ésprits. Pour snppléer ala loi ab-
sente , ponr rattacher l'accusation de trahison , qui
n'a pas de base légale et qui est cependant Ia seule
admissible , á des dispositions pénales qni is'ap-
pliquent a. d'autres crimes , on a été obligé de con-
struire le fait de trahison a l'aide d'autres faits , et de
dire : Les ministres sont accusés de trahison pour
avoir faussé les élections, pour aooir changé arbitral-
remeut les institutions du royaume, ]Jaur avoir excité
la guerre civile;c'est-a-dire qu'on a supposé faite en
ce sens la loi particuliere annoncée par la Charte, ón
qu'on a fait un projet dé Ioi eh méme téms qu'une
aecusation.


Mais, d'une part, les lois ponr étre áppliquées
par le juge, doiverrt étre antérienres au fait qualifié
crirne qui lui est dénóncé ; et d'autre pal't, les lois
se font avec le concours des trois pouvoirs, agissarit
législativement, et non par deux d'entre eux , dont
l'un agit comme corps judiciaire. n ne peut done
étre question ici d'une loi, mais d'une accusation in-
tervenue etd'un jugement a intervenir.


En Angleterre, oú il faut bien revenir pour trou-
ver desexemples que notre pays.n'offre pas ,on a
souvent essayé de présenter , ir -l'appui d'une accusa-
tion , des trahisons qu'on appelait constructiues,




( 330 )
c'est-á-dire formées par l'ensemble de divers faits,
dont aucun , pris isolément , ne eonstitnait le f~üt de
trahison. Ces tentatives sont depuis longteras repré-
sentées et reconnues eomme abusives,


Permettez-moi d'exposer en tres-peu de mots la
législation et la jurisprudenee anglaises sur cette
grave matiene,


Jusqu'au regne d'Edouard IlI, le crime de haute
trahison n.'avait jamais été défini par la législation.
La définition était livrée al'arbitraire de la jurispru-
dence, et rien n'était plus facile aux passions d'un
parti vaiuqueur , que d'e donner °aux actes de ceux
qu'il voulait perdre l'odieuse couleur de ce crime ca-
pital. L'histoire de ces tems de trouble et de barba-
rie renferme d'innombrables exemples de ce mons-
trueux abuso Le statut d'Édouard Iny mit un terme,
en spécifiant d'une maniere positive et absolue les
faits qui devaient étre considérés comme crimes de
haute trahison. Cette mesure, des longtems desirée,
fut accueillie par un assentiment gélléral , et le par-
lement de qui elle émana .. obtint le titre de Parle-
ment béni.


Cependant on ne tarda pas a remarquer que la no-
menclature des faits contenus dans le statut était
incomplete, qu'on s'y était presque uniquement at-
taché a la süreté du roi , et qu'on avait négligé les
droits du peuple et le maintien de la constitution du
royanme. On ajouta alors au statut un article sup-
plt'-mentaire connu sous le nom de salvo, et portant
que, si des crimes non énoncés au statut et suppo-




( 331 l
sés crimes de trahison étaient déférés aux tribu-
nau.x, ces tribunaux attendraient , pour prononcer
leur jugement, que le roi et son parlement eus-
sent prononeé et declaré si ces fa4.ts devaient étre
qualifiés crimes de trahison ou seulement de jé-
lonie.


Cette disposition qui faisait de la rétroactivité
une regle, en établissant que les lois par lesquelles
ces actes seraient jugés, pourraient étre faltes apres
ces actes , et méme aprés l'accusation, était cepen-
dant elle-méme un hommage ace principe , que les
jugemens ne peuvent étre rendus qu'en vertu de
Ioís positivcs. Le juge devait surseoir , et les trois
branches du pouvoir législatif devaient procéder a
la confectíon de la Ioi en verh~ de laquelle le j uge-
ment serait prononeé.


L'ahus inévitable et odieux qui fut fait de cette
voie ouverte a l'arbitraire et aux passions , et dont
chaque parti usait a son tour, ne tarda pas a révol-
ter la raison publique. Le salvo ne devait pas durer,
paree qu'il n'y a au monde de solide et de durable
que ce qui repose sur la justiee et sur la vérité. Son
abolitíon fut prononcée sous le regne d'Hem-i IV ,
et il fut déclaré que nul ne serait puni commecou-
pable de- trahison, que conformément au statut
d'Édouard.


Apres la mort de Charles le' , et lorsque la royauté
eut été abolie, un acte du parlement , desti~é a
remplacer le statut , declara quels faíts seraient ré-
putés er!mes de haute trahison, et proclama ainsi




( 332 )
de nouveau la nécessité d'une loi positive et anté-
rieure.


Tel est demeuré l'état de la législation en Angle-
. terre; et si les partis ont souvent tenté de re pro-


duire ce mode arhitraíre de trahison constructive,
ils ne sont parvenus a le faire admettre qu'en pro-
cédant par des bilIs de proscription, et en faisant
ainsi intervenir les pouvoirs législatifs la oú les pon-
voirs judiciaires étaient évidemment impuissans.


L'histoire a dit quelles furent trop souvent les
conséquences dé ces actesarbitraires et de la funeste
facilité avec laqnelle les Pairs d'Angleterre y plierent
leur autorité.


En 1641 , les Communes arracherent aux Pairs la
coudamnation illégale de Strafford.


En 1644, elles exigerent et obtinrent celle de
Lawd.


En 1648, elles demanderent la tete de Charles I".
Les Pairs reculerent alors 1 rnais leur tardive résis-
tance ne pouvait plus rien contenir. Le roí fut con-
damné , la royauté abolie, et le torrent passa sur la
Chamhre des Pairs , qui n'avait pas su maintenir et
consolider ses digues.


. Cinqans apres , Cromwell avait fermé les portes
de la Chambre des Communes.


Voila oú conduisent la faiblesse et le mépris des
Iois.Yoila comme l'abandon des droits mene a l'a-
narchie , et C(;Hnme I'anarchie mene au despotisme.


En France , oú la législation criminelle est plus
réguliere encare, 011 les príncipes protecteurs de la




( 333 )
vie et de l'honneur des hommes sont plus rigonreux
qu'en aucun autre pays du monde, oú"tout vient et
doit venir de la loi , il cst impossible de suppléer a
son silenee, et d'arriver a unecondamnation par
des analogíes et des raisonnemens. Il faut un texte
précis qui puisse étre appliqué par le juge a un fait
caractérisé. Ce texte n'existe point ici , et aueune
condamnation judiciaire. ne saurait étre prononeée.
. La Charte nouvelle a pourvu a cet inebnvénient.
Aux termes de son article 47 , le droit d'accuser les
ministres est absolu. II ne s'agit plus d'une faculté
circonscrite dans des cas jJrév!ls, dans des spécialités
déterminées. Ce n'est plus seulement pour crime de
concussion et de trahison que les ministres peuvent
étre traduits devant la Chambre des Pairs par ceHe
des Députés , c'est POUI' tous les crimes dont ils pC!ur-
ront étre prévenus , cal' la ,génér.alitédes termes n'ad-
met aueune exception , et eette juridictionsupr~e
rentrera désormais dans le droit cornmun.


A l'avenir, les príncipes ,que j'invoqueserónt done
sans applieation; mais aujourd'hui , et dans un pro-
ces qui doit étre jugé sous l'empire de I'ancienne
Charte , ils ne peuvent étre ni méconnus ni mé-
prisés.


J'ai done justifié dans ses trois divers rapports la
premiere proposition que j'avais annoncée, et j'ai
prouvé que, méme sans examiner le fond, les an-
ciens ministres devaient étre renvoyés de l'accusa-
tion intentée contre eux.


Devant une cour qui serait purement judiciaire ,




( 334 )
et qui n'anrait d'aurres devoirs a remplir que ceux
de juges ,eette défense serait péremptoire , et dis-
penserait de toute autre ; mais , Messieurs , on vous
l'a dit, el je le reconnais : vous n'étes pas unique-
went une haute-cour judiciaire ; vous etes en méme
temsun grand corps politiqueo Ce ne sont pas
seulement les intéréts de la justiee qui vous sont
remis ; c'est la sureté de l'état dont le dépót vous
est confié:'


Les droits et les devoirs que eette donble qnalité
peut vous conférer ne sont définis nulle parto Dans
la haute sphere oú vous étes placés , vous ne devez
compte qu'á vous-mémes de l'usage que vous jugez
utile et juste d'en faire. Nous pourrions apprendre
a la fois votre pouvoir proclamé et son exercice
aocompli. Je dois done , sans rien contester a cet
égard, rnais aussi sans rien reconnaitre, remplir
ma tache tout. entiére , aborder les faits sur lesquels
repose l'accusation, dérnentir les erreurs , réduire
les exagérations, et préparer ainsi, avous, Mes-
sieurs , les moyens de rendre, dans tous les cas, un
arrét impartial , et a la postérité ceux 'de jugeréqui-
tablement votre arrét.


---_..------.


DEUXIEME PROPOSITION.


, . ,
L ACCUSATlON EST MAL FONDEE.


Vous connaissez les charges morales ou Jun-




( 335 )
diques qui ont pesé sur les accusés, et particuliére-
ment sur M. de Polignac.


Au nombre de ces charges, l'unede celles qui ont
le plus éveillé d'animosité et de haine centre eux,
celle peut-étre qui a excité le.mouvement le plus vif
d'indignation, et qui, par sa nature méme , a da pé-
nétrer le plus avant dans l'irritation des masses,
c'est le soup~on d'avo'ir prété aux incendies qui ont
dévasté l'ancienne Normandie, l'áffreux secours de
l'impunité, d' en avoir été les complices, les fauteurs,
les instigateurs secrets.


C'était la un de ces crimes froidement atroces dont
le soup<,;on seul devait détruire jusqu'á la pitié poul'
ceux sur qui il s'appesantissait..On peut cornprendre
etpardonner les exces oú entraine l'emportement,
un funeste point d'honneur , une passion violente;
on est disposéal'indulgence partout oú ron retrouve
ce qui est propre aproduire une vive agitation dans
les sens, aétouffer la voix de la raison , arepousser
la réflexion. Si ce désordre de l'esprit ne justifie pas
les fa~tesqu'il fait commettre, illes explique, sinon
aux yeux de la justice, au moins aceux de l'huma-


. nité.
Mais cette odieuse et infernale combinaison, qui


aurait tendu sans doute afaire commettre des crimes
ponr produire l'anarchie, afin de parvenir par I'anar-
chic au pouvoir absolu; mais ces ministres d'un roi
de France, se réunissant en conseil poul' calculer au
travers de combien de maisons brúlées on pourrait
arriver aux cours prévótales , et sur quel fonds du




( 336 )
hudget on préleverait la prime rnensuelle des incen-
diaires, voila ce qui passerait les bornes connues de
la perversité humaine, et voilá cependant ce qui a
été dit et répété pendant plusieurs mois.; et cette
imputation cruelle s'cst. élevée des rumeurs popu-
laires jusqu'a la tribune de la Chambre des Députés,
Je 'me háte de le dire, le rapport de sa Commissio~
n'a pas donné ace soupcon le oaractere d'une charge
juridique, mais il le reproduit, il est loin de le dé-
truire ou méme de l'atténuer , et il ya de la menace
dans cette attente annoncée d'une révélation pos-
térieure.


Et cependant, Messieurs , qu'est-il résulté de tous
leseflOrts faits -par vous pour trouver la vérité ?
qU'QP.t pmQ.J¡lit ces ·recheJ."ches menacantes P Un
homme 4~1l: fuis condamné pour vol, prévenu de
plnsit"ur~ ~~re~ crimes , imagine de rattacher a ce
soupconporté sur' les ministres une esperance d'éva-
sion .0\1 unJI){)yen d'impunité; ,íl promet ala justice
des renseignemens préeieux ; il possede des papiers
oú le complot estdévoilé; il a vu l\I, de Polignac , iI
en a reeu un sauf-oonduit. Qu'on l'appelle , qu'on
l'écoute, et toutes les obscurités s'évanouiront, On .
l'appelle ~ on l'éeoute, on suit toutes les traces qn'il
indiqhe, on frappe aroutes les portes.qu'Il désigne ,
et on .reconnalt .que son récit n'est qu'une fable,
qu'ilu'a jamaill Yll M. de Polignac , qu'il 11'a de luí
ni lettreni sauf-conduit, .et ,q~esa révélationtout
entiere est Ame ~Pler~ etun jeu cruel de son ima-
ginatioIl .




( 337 )
On étudie la correspondance, on.enteud les magis-


trats , on appelle tous les témoins qui peuvent aider
la justice dans sa marche,' et on arrive h la preuve
que chacun des accusés a fait; dans ses attributions
respectives, tout ce qu'on devait attendre dl!'lui p~ur
trouver 1'origine de ces manoeuvres cniminelles, pour


, \
en saisir , ponY' en faire punir les auteurs, 9n recon-
nait, par exemple , que, le lS,mai, l\'li:üéPo~ignac,
faisant les fonctions de rriinistred~la'gtlerre, a adressé,
par le télégraphe, au commandant de Saint-Lo, l' ordre
de diriger, .sur le départemcnt de la Manche; un ba-
taillon du 2ge , et a11 gélléral Donnadieu , qui com-
mandait a Tours , I'ordre, de faire marcher sur Mor-
tain deux escadrons du [6" de chasseurs ; que le
méme jour, il a enjoint au géné¡'al Hivaud de détacher
dn Hávre sur Caen un hataiilon du l,~; _que, plus
tard , il a cnvoyé dans cette dernier6~He un officier-


i ,......J"
gén~ral et deux régill)ens- de la gaMe; enfln , un té-
moin non suspect , qui commandait ¡tloJ's la gendal'-
merie a Caen et qui vient d'étre promn au grade de
maréchal de c;unp, déolare que «'¡11 correspondance
» directe de M. de Po)ignac, comme ministrede la
» gu,erl'c, a toujours été d!une complete 'franchise, et
» Jiri~e dans la vue d'obtenir, par tous les morens,
l> la découverte de la vérité.l1


Tout cst done éclairci sur ce point; l'aecusation le
reconnait avec 10y'anté.L'horrible mot d'incendie ne
se retrou vera plus dans ces débats ; et je fais des voeux
130m que la prévention fnneste qu'il avait excitée se
dissipe aussi facilement.


Ir. :2?




( 338 )
Je pas~e aux chefs d'accusation juridique que jo


vais examiner successívemenr, non comme des crimes
distincts, ce q.ue je ne saurais consentir afaire, mais
en Jes,considérant comme les élémens d'un crime de
trah,isolf'constructíre.


§ t r • Y. de Polignac est-il coupable de trahisonpour
auoir abusé de son pouvoir ajin de fa usser les élec-
tions et de prioer les citoyens du libre exercicé de
leurs droits cioiques ;J


.


Si j'avais a examiner, Messieurs , d'une maniere
génér~leet dans l'intérét de tous les accusés, la ques-
tion que je viens d'índiquer , je demanderais s'íi est
facile de pose(~~c quelque certitude , la ligrie jus-
qu'á laquelle l'influence du gouvernement sur les
~éctions re~f un droü, et au delá de laquelle elle
devient un abus-et ua crime; passant ensuite de la
théorie ala pratique , de la regb tracée a l'applica-
tion faite, je démontrerais aisément que, dans toutes
les occasions, sous le regne de tous les partis, la'
ligue posée en príncipe a été constamment, franchie
en' Iait, et cette démonstration , je la puiserais dans
les souvenirs- de tous les tems, sans m'arréter mérne
aceux de la Restan~·ation. . •


Les menaces, les promesses, les destitutions, tous
ces moyens de succes qui sont bien vieux sans étre
usés, ont été employés par d'autres que les ministres
accusés, et les partís qui s'en sont plaints lorsqu'ils
leur ont éte contraires , n'ont pas reculé devant eux
lorsqu'ils ont pu s'en servir a leur tour.




( 339 )
Je laisse aux défenseurs de ceux des accusés que


ce grief touche plus particulierement, le soin de le
traiter avec les développemens qu'il comporte.


le ne m'en. occupe qu'en ce qui concerne M, de
Polignac. J'ai tant am'occuper de Iui; tant de coups
I'ont frappé ; tant dé soins ont été pris poar réunir
sur sa tete le poids énorme sous lequelJl gémit en-
eore, qu'il a le droit de réclamer tou~mes efforts,
et d'exigerque toutes mes forces lui soient réser-
vées. le les lui dois en effet , et puissent-elles ne pas
trahir le zéle avec lequel je me con sacre a·la missiori
que je 'tiens de lui !


Aueun des acres qu'on invoque, pour prouver
que les élé ctions ont été fáussées , n'appartiént a.
:M. de Polignac. Cornme ministre des Affaires étran-
geres; il n'a point eu de circulaires'~ écríre ; comrne
ministre de la guerre par intérim I; il eh a fait une
qui n'a donné lien a aucune critique. Le meilleur
moyen de la justifier , c'est de la Iire '(le défenseur
lit cette circulaire centre laquelle , dans le tems,


•l'opinion publique ne s'est pas récriée ),
Voilá , continue le défenseur, ce que M. de Poli-


goac a écrit comme ministre a ses subor'donnésj. il
me -semhle difficile de trouver la la matiére d'une
accusation. Comme particulier , il a écrit dans son
département ponr demander , en faveur d'un candi-
dat qui l'intéressait, le suffrage de ses amis; il n'a
fait en cela qu'user d'une faculté qui appartient á
chacun de nous; et il lui 'suffirait peut-étre , pour
se défendre d'une 'maniere péremptoire, de como'




( 3/11 ) )
pal'er SQS lettres avec celles qu'ont recues plus 'tard
d'flutre; électeurs.


A I'appui de ce chef d'accusation , invoquerait-on
la proclamation dans laquelle 011 a fait intervenir le
110m ~t la personne dn Roi? Je répondrais frauclie-
ment , car je n'ai pas promis d'approuver ce que
je bláme , que eette invervention est , a mon avis,
une hanteinconvenance; que, dans notre forme
ele gou':.~rnement, il ne fallait pas laisser faire au
Roi une démarche personnelle; qu'avec les justes
craintes que devait avoir le ministere de voir les
collégcs électoraux reproduire la majorité repous-
sée , il était impolitique et dangereux de compro-
mettre la pe.\fionne du Hoi dans une tentative au
moins douteuse. Je discela paree que je le crois vrai ;
mais j'ajoute, p:;ll"CC que cela est égalemen t vrai , que
cet essai a été tenté plus d'une fois;que s'i] aétéun
sujet de critique, on n'a jamais pensé a y voir un
motif d'accusation , et qu'il est impossible de trouver
la un abus de.pouvoir qui ait privé' les citoyens du
libre exercice de leurs droits cioiques , ni, par con sé-
quel;t, aucun élément du crime de trahison envcrs
le Uoi OH envers le pays.


L€ premier chef d'accusation est done tont-a-fait
dépourvu de fondernent, par ticulieremen t en ce qui
eoncerne M. de Polignac.


Passons au seeond; e'est la que les diffienltés nous
attendent ,diffieultés sérieuses et graves, que j'a-
borde avec inquiétude , parce que ma conscience et
run raison me disent que je toüche a la cause d'un




( 341 )
gl'alld désastre , et que la je rencontre une responsa~
bilité réelle , des actes positifs et des conséquences
terribles.


§ 11. Lesaceusés, el particulierement M. de Polignac 1
sont-ils coupables du crime de trahison pour avoir
changé arbitrairement et violemment les institu-
tions du royuume? •


le ne veux, Messieurs , rien dissimuler de la gra-
vité de ce chefd'accusation, Si je dois mon appui an
malheur qui le réclame, je dois la vérité aux jllges
quí m'écontent: et ce devoir, je ne le trahirai pas
plus ~Ie l'autre.


Les onlonnances du 25 juillet contiennent des
dispositions de diverses natures.


La premiere prononce la dissolution dela ChaII,J,-
bre des Députés. Cette Chambre venait d'étre élue
et n'avait point encoré été réunie. 'Un a vu dans cette
circonstance un abus de pouvoir et une prerniére vio-
Iation de la Charte. Dissoudre une Chambre avant
qu'elle ait agi, avant qu'elle ait pu faire conneitre I'es-
prit dala elle était animée, 'avant qu'elle ait été con-
stituée , c'est dans la réalité , a-t-on dit , annuler les
opérations electorales, et aucune disposition de la
Charte ne conférait un pareil droit a la Couronne.
• Je ne puis nier , Messieurs, qu'il y ait quelque
chose de vrai dans cette distinction , et je fíe pel}se
pas, toutefois, que vous puissiez vous y,art·eter. ¡~
n'exarnine point sí l'envoi des lettres closes apu.faire




( 3./1 2 )
considérer la Chambre comme existante , comme re-
connue, et si ce fait est de nature arepousser l'argil-


. mento C'est l'argument lui-méme qne je n'admets p:il.S
et qui ne me semble pas, en effet , admissible.
L~ droit de dissoudre la Chambre des Députés


appartenait au Roi pal' l'article 50 de la Charte. On
n'y voyait écrit nulle part l'oblígation d'attendre
qu'elle eút été convoquée; le droit était absolu; au-
cune restriction n'y était apportée, et la seule con-
dition imposée était la convocation d'une Chambre
nouvelle dans le délai de trois mois.


-,Les ministres connaissaient d'avance l'esprit dont
était animée la majorité des députés nouvellement
élus, puisque eette majorité se reproduisait iden-
tique avec celle qui existait.a l'époqne de la dissolu-
tion précédente.. Ils ontpu penser que la Couronne
était en~droit (le prononcer des Iors úne dissolution
nouvelle. On chercherait vainement dans les termes
de la Charte un téxte que cette mesure eút violé; et,
dans une aussi grave rnatiére , c'est sur mi. texte for-
mel et non sur des inductions ou des raisonnemens ,
que l'aecusation pellt s'appuyer,


Si done ce reproche était le seul qui pút etre arti-
culé contre les ordonnances du 2.5 juillet , le crime
de violation de laCharte serait une chimere qui
n'arréterait pas un moment votre justice, et la mis-
sion que je remplis serait simple et facile.


Malheureusement , ji en est de plus graves, de
plus réel~, et la nature des dispositions qui suivent
pe permet [las uuc (~éfense pareille.




( 343 )
Notre systeme électoral était Iondé sur des lois


régulieres. Par une ordonnance , on abrogea .ces
lois , et on remplace ce systeme par un autre.


Le régime de la presse était réglé par Ul~e légis-
lation íormelle. Cette législation fut détruite par
une ordonnanee, et un régime restrictif et arbitraire
Iui fut provisoirement suhstitué.


Tels sont les actes qui vous sont dénoncés ; ils
contiennent incontestablement une violation des
Iois du royaume; ils contiennent encore , car je ne
puis admettre de subtilité, une infraction formelle
a deux ar-ticles de la Charte; mais pOQr savoir s'ils
constituent le crime dénoncé, ce ne sont pas deux
articles de la Charte qu'il faudra examiner , c'est
l'ensemble de nos institutions.


L'article 8 accordait aux Franeais le droit de pu-
blier leurs opinions., en se conformant flUX lois qui
doivent réprimer les abus de cette l~berté. •


C'est enfreindre cet article que de régler par une
ordonnance, me me provisoire , la répression qui ne
peut étre réglée que par des lois.


o 'L'article 35 disait que les députés seraientélus
par les colléges électoraux dont l'organisation se-
rait déterminée par des lois;> c'est enfreindre cette
disposition, que de déterminer par une ordonnance
l'orgarrisation des colléges électoraux. _ .•


Vous voyez que je ne dissimule rien de la gravité
que prend iei l'accusation.


Si done les accusés ne pouvaient invoquer en leur
favsur, dans la Charte elle-méme, 'des dispositions




d'une autr.~ nature, et OU ils ont puisé le droit en
vertu duquel ils ont agi, ou repousser dans tous
les cas la supposition d:une intention criminelle,
sans laquelle nos lois ne reconnaissent pas de crime,
i.l faudrait recounaitre que cette partie de l'accusa-
tion aquelque fondement , et il n'y aurait qu'á exa-
miner si elle peut constituer le crime de trahison,
c~mme l'a compris la Charte; mais est-il vrai qu'au-
cune défense légitime, on au moins insuffisante, ne
soit ouvertc aux accusés ?


J1:.coutez-les, Messieurs , et prononcez.
« Le prcmier devoir d'un gouvernemenl, quel qu'il soit , disent-ils,


c'est de veiller a'sa propre conservation el a ceJle de la socíété qu'íl est
ehargé de prolégfr et de défendre, Tous les publicistes reconnaissent
que, dans l'intérét des états, quelle que soit leur organisation intérieure,
jJ doit erisl~r en réserve des remedes extraordinaires pour les crises vio-
lentes par qui cette existenceest menacée ; tous. conviennent ou pro-
fessent que le ressert d'un po~voir transcendant doit se cacher quclque
.... .


part pour y dormir dans une inaetion profoude, tant que la société est
dans son ttat naturel, prét a se réveillcr pour la sauver, s'il vient un de
ces momeas ~ares el t~tribles OU elle ne peut étre sauvée que par luí.


» Ce pouvoir, les uns , cornme Loeke, l'ont placé dans les mnins du
peuple, en vertu de la souveraineté populaire. Les autres , corume
Blackston, dans les mains des rois, en verlu du pouvoir suprérne. Dans
le silence rnéme des droits, il a élé saisi nécessairement par cclui qui
s'est cru le plus Iort : les-révolutions de tous les pays en offrcnt d'in-.
nombrahles exemples , et l'accusation reconnait elle-me me I'existence
pe ce droit écrit dans la nécessité ,


" Ce pouvoir, centinucnt-ils , 1l0US l'avons retrouvé dans I'article 14
de la Charle. lA termes généranx el absolus daus lesquels cei article est
eoncu, réservent jusqu'it la dictalure pOUl' les cas OU la süreté de l'État
pourr'ait l'exiger: et si quelque doute peut rester sur le sens de ses ter-
mes malgré cette géneralité sans limite, ce douto serait levé par I'ori-
gine de la Charle, par r~sl?r'¡t qui a présidé a sa rédactiou, par .l'inter-
rrétation qui I':ur a éte dunnéc, el parTusage qui en a été fait.




( 3!-l5 )
» Voyez d'abord, disent-ils , le teste de l'article:
• Le Roi est le chef supréme de I'État, commande les Iorces, de torre


• et de mcr , déclare la guerre, fait les traités de páix, d'allianee et de
» cornrnerce, nomme a tous les ernplois d'adnsínistration publique , et
» fait les réglernens et ordonnances nécessaires pour lrexécution des lois
» et la súrrlé de CÉtat. »


» Cette derniere partie de l'article contient mallifestement deux dis-
positions diverses qui supposent deux pouvoirs différe~s.


» Dans l'état ordinaire, dans l'état tégal, pour lequel Ia Charte '~est
faite, le Roi fait les ordonnances nécessaires ponr l'exécution des Iois.:
C'est la sa mission constitutionnelle. Le Roi fondateu,r ~ient d'appc1er,
deux grands corps, l'un héréditaire et a sa uomination.I l'autre tempo-
raire et 11 la nomination populaire , a partager avee Iui le"po~voir ,de
créer la loi; il a réservé ponr lui senl, sans restrietion et sans parl age ,
le pouvoir de la {aire exécuter ; il fera, en conséquence , les ordonuan-
ces néeessaires pour celte exécution. Tont est prévu et réglé par cctte
disposition pour l'ordrr- habituel et régulier.


• Mais l'article ajoute : ,t pou~ la súreté de l' Élat. C'est ici un eas nou-
veau, une prérision U'UD autre ordre, une regle exeeptionnelle sur le
sens de laquelle U ue parait pas possible de .se méprendre. e ~


• Ces ordonnauces, qui out ponr cause et op(lUr objet le".premicr de
tousIes besoins, la sureté de l'itat',;sont.elles subordonnées aux lois oú
penvent-elles étre faltes en dehors ,¡:les lois? ,O'est la toute fa qttestfon ,
et cette question estirésolue par le 8imple.rapproeh~ment des termes .


• La Charte-vient de dire q\le le Roi Cait les ordonnanccs nécessaires
ponr I'exécution des lois. C'est apl'es~c~tte regle absolue qu'elle dit en-
e'ore: el PO/l1' la sl1r~lé de I'État. Ce pouvoir, qu'elle- ajoute au premier,
est évidemment d'uue autre nature: si, dans cc cas , comme dans I~
précédent , l' autorité royale était renfermée dans la limite d~ lois, il
n'y avait rien a dire de plus que ce qui avait été dit, cal' tont aurait été
cornpris dans ces mots : Pour l' cxécution des lois. Le pouvoir d'aglr pour
la sürete de CÉtat, ajouté a celui d'agir pOClr i'exécution des lois , com-
prenddonc la faculté de sortir des lois ; il e~prend la diet<Í,ture.


• Si des termes de l'article, disent les accusés, vous passez, pour en
pénétrer le sens;a toutce qui en a précédé, aceoIrlpagné el suivi la ré-
daction , toute incertltude , s'il 1'1,1 reste~nco¡'c, se dissipera daus \OS
esprils,




( 346 )
» La Charle de 1814 ne fut pas le resultat d'un pacte formé entre la


Franceet la dynastie rappelée; ce ne fut point une condition imposée a
!a resta~ration parJa Franco ; ce fut un acte volontaire émané de la
puis~ance royale, « 4. ~,es causes, disait Louis XVI II apres avoir rap-
pelé , d'une par! , les prérogatives de sa couronne , et , de l' autre , les
vceux et les besoins de ses peuples; • a ces causes, nous avons volon-
• tairement, et par le, libre exercice de notre autorité royale, accordé el
• accordons , fait coneession et octroi a nos sujets •••• " de la Charte
» constitntionnslln. »


• .e'est ainsi que la Charte fut donnée ; c'est ainsi qu'elle fut reeue au
nom de la Franca p~r les grands pouvoirs de rf:tat. Nul ne songea a
contester le droit préexistant en vertu duquel la coneession était faite,
et , huit ans apres, en 1822, au milieu de l'ordre et de la paix, une loi
posltire que vous avez modifiée naguero , prononr;a des peines graves
contre1'atteiute portée aux droits que IeIloi tenait de sa naissance et ¡,
ceux.en vertu desquels il avait donné la Charle,


" »Celte origine de notro constitution, poursuivent les accusés , la dé-
claration qui la precede et ou on lit qüe le premier devoir du souverain
envers les peupl~s ~t de eonserver, pour leur propre intérét, les préro-
gatives derla couronne , aunoneeut d'avance l'article 14 et enexpliquent
cl!reme~1# sens,


", • Avons-IWus bcsoin maintenant dit,. rechereher comment d'antres
que nous l'ont entendu, et d'appuyersur de graves et imposantes auto-
rités Fineerprétation Iargo et absoluc que nous lui avons donnée ? Cette
tache seraitla plus faeile de tcutes. Et, en efTet, ils invoquent les noms
les plus respectahles, ceux des hómmes les plus connus pour leur haute
capacité et pour la Iranchise de leurs opiuions constitutionnelles . ils
rappellent les paroles que ces hommes out prononcées , les príncipes
qu'i1s ont développés sur cette matierc, et rctrouvent partout l'interpré-


:Z) •
tation qu'cux-mémcs ont dounée ala disposition dont nous cherchons a
reconnattre le véritable sens.


• Enfín, ajoutent-ils apres ces citátious nombreuses, que vous m'ap-
prouverez & ne pas reJ'roduire ici , a moins que leur réalité et leur
puissance ne soient contestées : enfin, la plus formelle, la plus péremp-
toirc des interprétations est sans doute celle qui a été donnée par les
rédacteurs de la C}{arte nouvelle. Rien n'a été changé aux attributions
de l'autorité royale telles qu1Jles avaient étó déílnies par l'article I/¡ de




( 347 )
l'ancienne Charle; et si, comme le veulent aujourd'hui nos accusa-
teurs , les termes de cet article avaient du étrc entendus en ce sens que
le pouvoir royal agissant pour la sureté de t'État ne pouvail arréter ni
suspendre W.xéclltion des lois , la rérlaction devait étre exactement main-
tenue. C'est ce qui n'a point été fait; les mots et pour la sureté de CEtat
ont été supprimés, et on a ajouté au pousoir de faire les ordonnances
nécessaires pour I'exécution del lois, ees rnots formels et positifs : san!
pouvoir jamais ni suspendre les lois élles-mémes, ni dispenser de 'eur exé-
cution.


» Que ron compare les deux rédactions, et qu'on dise si. elles alIrent
naturellemsnt a I'esprit le méme senlll: que ron considere l'origin~ des
deux articles , le pouvoir de qui ils émanent, les circopstances oü ils
ont été préparés, l:!tqu'on diso si le me me esprit a pu lcs dicter, s'ils ont
été faits dans les mémes vucs ; que ron considere la nécessité qu'on a
reconnue de substituer la sccondo rédaclion ala premiere, et ep'on dise
s'il nen résulte pas aussi, la rcconnaissauce que la premiere devait au
pouvait au moins étre différemmcnt entcnduc.


» Est-ce to~? disent encorc ceux que nous défenduns, et il fantIeur
pardonner de dire tout ce qui les j IIstitie; un a dit si souvent, si 'haut,
si bien, tout ce qui les accuse! Est-ce tout~Non.; voyez encore l'úsage
qu'on a fait du pouvuir reservé par l'artícle 14;.c'est une regla du droit


-' ciñl, de ce droit qui repose g'énéralemcntsur l~raisoncommnne, que,
puur rechercher le véritable sens des stipulations douteuses, il faut voir
comment les parties ellcs-mémes les -ont entendu.es dans l'exécution.
Suivous ecuo regle, et voyons ce qui s'est passé depuis la concession de
la Charte de 181t¡.


» Huit mois sc sont écoulés. Le tróne, apeine relevé, ~t meuacé d'une
chute nouvelle. Napoléon banni 11 résolu de rcssaisir cette couronne que
l'Europe cn armes vient de lui arracher : il a posé le pied sur le sol de .
la Franee, et le sol de la Fruuce a tremblé, La süreté de I'État est me-
nacée. Louis XVIII, fondateur de la Charte, conuatt l'étendne des pon-
voirs qui lui appartienneut; iI invoque I'article 14; le droit que cet
article lui donne de pourvoir a la süreté d.el'État ; il publie des ordon-
nances qui créent des juridictions, ordonnent des poursuijes, pranan-
cent on appliquent des peines; qui re~oivent, en un mot, des circón-
stances et du pouvoir extraordinaire qu'elles out suscité, toute la force
ct .toutc l'autorité de la lui, Les graads eorps de l'Etat sont présens , el,




( 343 )
loin de se plaindre de l'usurputiou de leur autorité , ils approuvent el
félicitent. Le"chancelíer dit a la Chamhre des Pairs, que le Roi est in-
vestí, par Iaconstitutíon, du droit et du devoir de pourvoir, au besoin,
seul el par lui-méme , a tout ce que peut exigcr la laroté '. royaume;
que la circonstance oú l'on se trouve pent exiger l'ernploi de moyens
extraordjnáires, toujours'Iégaimcs quand c'est le salutde l'Btat qui les
commande; et.la Ghambre des Pairs approuveet sanctionne ce Iangage. -


• C'cst ainsi qu'on exécutait alors l'article 14; c'est ainsi qu'on I'e xé-
cuta encere, lorsqu'apres une courte, mais sanglante guerrc, le tróne
des Bourbcns fut relevé pour la se~onde fois .


• Nous ne rappellerons pas ces I;rdonnartces, moaumens de ces tristes
réactions qui , pcur punir d'anciennes hostilités , jeltent les semences
de haines no.yelles, ct n'ont ras ainsi , aupres de l'humanité, méme
l'excuse d'e l'iutérét el de la politiqueo Mais pcrsonne de vous n'a oublié
celles ~ 1815 et 1816, qui, non-seulement substituerent tout un sys-
teme éiectoral a celai de la Ioi , mais qui chailgcrent méme les condi-
tio"s de l'éli\9.hilité en conlradiclion. uvec les dispositions textuelles de
la Charte.


.


• Voila , disent les aceusés , oh ncus avompuisé sur l' article 14 les
lumieres qui nOU1; nnté\...és. Nous avons cru , et si notre intérét ne
nous 'aveugle pas, nóus .avons pu el du.croire que cet, &rtic1e réservait
a la couroune, pour les circonstances eltr~ordinairespar lesquellea .la
sureté de l"Ét~i ~erait menacée, un pouvoir extraordinaire, supérieur 11
tout autre, et qui luí. permettait d'agir en dehors des lois, Est-ce la un
crime..... Sí votre conscienee de juge répond oui, . " Frappes.•


Tel est leur langage, IUessieurs; j'ai d ú le repro-
, .


duire, cal' c'est a eux a dir:e les motifs qui les ont
déterminés , le mobile qui les a fait agir, I'impulsion
morale alaquelle ils ont c~dé.


Je sais tout ce qu'on peut répondre a len!' al'gu-
mentation ; je ne me dissimule point ce qu'il y a de
gr,ave e\ de serieux chns Ies objectiolls qn'on Ieur
oppose; j'ignol'e ce que je dirais si j'étais appelé a
énoncer une opinión désintéressée entre les deux




( 349 )
systémes contraires ; mais je n'ai point d'opinion it
érnettre , ni de systeme a soutenir.


Il ne s'agit point iei ,de peser, en con~illers de la
couronne, les droits et les intéréts du prince; il ~le
s'agit point d'examiner en législateurs jusqu'oú s'é-
tend la -limite de l'autorité souveraine eU~u .corn-
menee I'usurpation des pouvoirs de la législation :
les hornmes au nom desquels je VQUS parle, cesont
des accusés , je suis leur défenseur et vous' étes leurs
Juges.


Notre juste et loyale légishtion veut qu'en ma-
• riere de cr-ime et de jugemcnt, tout soit positif et
manifestc ; que la conscience et la raison du j uge
soient saisies a la fois par l'évidence du fait et par la
volonté de la loi. Doute et accusation peuven t se
compreudre ; doule. et condamnation sont dans
notre langue une-associatioü monstrueúse-,Si>le fai t
est doutenx , le juge absout; si la 10i pcut' étre en-
íendne dans le sens qui condarnne et .dáns le sens
'qui acquitte , il n'y a pas da crime; il ne peut y avoir
qu'erreur, et la oú res esprits graves sont partagés ,
a'peine ose-t-on déclarer de quel cóté elle se trouve.


Messicurs , l'article .l4 est-il tellement clair lqu'on
n'ait pu se mépnendre sur son interprétation , et
qu'on soit criminel de haute trahison póor l'avoir
entendu autrement que l'accusation ? Voila la ques-
tion sur laquelle votre conscience sera interrogéc,.
et vous 1)ennettrez a'mpn respect pour vous de ne
rien redoutcr de votre répense. •


Mais on m'arréte el l'on me dit :




( 350 )
• En admeltant que le pouvoirextraordinairc dont un a prétendu


user se trouvát écrit, en effet, dans l'article 14, ou dans la nécessité , ce
pouvoir n'eris4jt quc 1'0111' 1';; circonstances extraordinaires i il ne
pouvait etre invoqué que pour sauver l'Ét~t menacé, C'étaít un remede
héroíquc réservé pour une crise mortclle, Ces circonstances, dont la:
voi~ impérieuse peut faire taire les lois et créer an milieu d'un pays
libre une djdature armée, oü donc étaient-elles ? Qui donc ébranlait le
trdne? Ou !!taient les enn~mis puissans et dangerenr centre lesquels,
sous peine de périr, il fallait le défendre par I'arhitruire PLesvéritables
ennemisdn tróne, c'était ceux qui se proclamaient ses amis , c'étaient
ceux dont l'imprudence l'a privé de ses appuis, et dont les faibles main~
I'ont Ialssé s'écrouler dans l'abtme qu'elles-mémes avaient déj:l crensé. •


Messieurs, vous avez entendu l'accusation ; écou-
tez encore la défense; e'est le premier aceusé qui va'
parler; c'est celui sur lequell'accusation pese avec
le plus de force- et de persé;éranee; je ne vous de-
mande pour lui ni prévention ni faveur, mais eette
supréme vertu du juge, I'impartialité.


. , .


• Une révolntion, desenue terrible en passlllllt des théories aux acte s,
des classes éclairées al.\K masses ;ve~gles, avait, dit-il, au ÍD.ilie~ d'une
longue tempate, construit un .échafaud avec les débris du tróne, La
France , revenue a elle-mémc , eut bientót horreur de tant de sang
versé , elle brisa ason. tour ces haches immobilisées qui eonsacraient
a la mort nos places publiques; mais les principes de ceUe liberté ab-
solne, qui n'admettait pas 1,1' frein d'uae aulorité souveraine, et surtout
de cette .autorité qui., sous le nom de légitimité, prend sa source en 1'111'-
méme, ces príncipes n'avaient fÍas disparo. avec les supplices , ils avaient
germé dans.le coeur d'Ull grand nombre d'hommee, et ils y demeuraient
inflexibles e~menacans.


"


• Subjugués par la gloire des armes et comprimés par la puissance
de la force, ils restereut, sous l'Empire, sans action et pre¡¡que sans 01'-
'gane; ils commencerent a se maaifester .avec mesure sous la premiere
Itestauration , 1iQ;lis le retour du conquérant banni leur ~endit toute
leur énergie et toute'eur évidence. L'habile gue;rier qui venait ressai-
sir sa couronne tombée, comprit bien qu'il n'avait d'appui possihle que




( 351 )
Jans les ennemis de la famille repoussée; que ces ennemis étaient en
rnéme tems les partisans des doctrines popnlaires, les adversaires de
tout ce qui se pJ1\sentait sous l'apparence d'un J;l0uvoir exclusif; il
sentit que le seeptre de fer brísé it Fontainebleau ne pouvait plus se
retremper, et qu'il fallait demander la puissance ala liberté. Il mar-
cha done dans cette voienouveUe, et ranima toutes les idées et les doc-
trines longtems condamnées ausilence,


• Un pacte nonveau, concu dan s un sysUm~populaire, fut offert 11
l'adhésiou de la France, et un des articles 'de ce pacte dé~ la fa·
mille des Bourbons 11 ja~ais repoussée du tr&lie. 4.-


o L'Kurope en armes et la France divisée ne laiss~ent11o<:ette ten-
tative qu'une durée de quelques jour~, mais ses. traces furent ~ro­
fondes,


• Les armées. alliées étaient aUK portes de Paris; Water!oo avait vu
tomber l'aigle impéríale dans des flots de sang; tout espcir de résis.;
tance était perdu, et cependant les plus énergiques protestations, les
plus solennellesmcnaces se faisaient entendre encore 11 latribune méme
de la Chambrc des l\.eprMelltans ; • Si la force, disait un de ses raem-
obres, parvenait 11 nous imposcr les Bourbons, une guerra" ci~ile éter-
• nelle serait la suite decette violation de notre indépendance.. , ... Les
» partisans de eette dynastie Ol~t voulu la ramenen par des Vendées
• royales, nous ferons, llOUS, des Véndées patrioliques.• - • Vous·dé-
• clarerez aUK puissances étrangeres , disait un autre ; que I'cxc1usion
• perpétuelle des Bourbons est la condítion sine 'qua non de toute négo-
» ciation, et que les Franeais périront tous plut&t que 'de supporter le
» joug humiliant qu'on voudrait Ieur Imposer.•


» e'es' 3U milieu de ces cris de haiue, couverts, mais non étouffés par
des acclamations contraires, que Louis XVIII el 53 famille rentre-


o ~_
rent dans leur royale demeure, ,...


» ¡'ignore s'il exislait, apres tant de combata, des mo)'ens de ramener
la concorde et l'union dans ce pays si souvent troublé par des rnouve-
mens opposés; si souvent livré a I'action violente des partis contraires,
Je ne sais si des fautes furent commises, Qui oserait se Ilatter d'avoír pu
parcourir, sans s'égarer, une route si difficUe el si peb connue P Ce
qui est certain, c'est que la haine ne fut pas diarmée, c'e~t que les
menaces ne furent pas abandonnées.
• » lile savait bien, ce grave et puissant orateur qul fut, sept foís. le
méme jour, proclamé député de la France (M. Rllyer-Collard); il le




. savait bien lorsqu'il disait , en 1819, avec cette profondeur JI' pellsee
et cette force irnprévue d'expression.qui n'appartient qu'i, lui :


• Le gouveq:tement Íégitime a des ennemis ; ces .memis s'agitent:
• ils s'agitcront, 'i'rsr¡¡.tigneront la nation aussi longtems qu'ils nourriront
• la folle espéi~nee de la ramener sous le joug. Pour etrc assuré qu'ih
» se connaissent , qu'ils s'uuisseut , qu'ils eoncertent lcur actions , je
• u'ai pas besoin de documens : quoique.je ne le sache pas, je l' affirme
• avee non moins d'autorité que si j'en avais la preuve certaine. Je


, .
• l'affirJ¡c ,fUI' la foi de l'histoire, de l'expéricnce universelle, des lois
• immuables de I'espri t humain.•


• Il parlait ainsi, et les faits vcnaient ehaque jour appol'tcrecs [lren·
ves dont sa haute raisou n'avait pas bcsoin.


» Pendaut huit ans, des-conspirations sans cesse renaissantes vjnr~llt
signaler l'existencc d'un danger réel, d'une haine irreconciliable, Yingl·


,un.; procédures crimiuelles ont snccr-ssivernenl attristé la Frunce. Le
sang des conspiratcurs a quelqnefois coulé ; mais, dans les crirncs poli.
tiques, ce ll'eslpas la torrcur, c'cst la hainc, c'est le. desir de la ven'
genee que. pr'bduit et féconde le ,sang, des victimes.


• Les coñspirations partielles s'arréterent , mais 1" senriment qui les
avIít fait n~it~ Il;~s"ap:ftsa pasoUn systernc d'opposition absolue s'orga-
nisa a l'iaide de l¡¡:.presse, etfomla un obstacle porpétuel " la marche
dn,pouv~rneme~troyal i des associntions se Iormerent et '~onstituerent
UD poueoir populaire, toujours en préscnce du pouvoir de la couronne.
Un député proclame ~ la tribunc la répugllance qni avait accucilli les
Bourbons, el le pavois atlcudil ce deputé repoussé de la tribuue. Toutcs
les agrcssiollS trouverent des appnis, toutes les condamnations pécu-
niaires -des souseriptenrs, toutos lcs révolutions étrangeres des protee-
teurs el des soutiens..


•- u La couroll~~'s'était maintcnue contre tan! d'attaques dans un sys-
teme legal. mais favorable a ses l'rero;plives, '1 l'aide d'~ne m~orít.,
dans la' Chambre deetivc: en 182;, celte majo;'¡té parnt préle aI'abau-
~nncr. -Elle recourut aux voics que luí ouvrait la coustitution . la
Chambre élective fut dissoute : mais la nouvelle Chambre, formée sous
I'iuílucnce de'Topposition, se présenta cornme ;ncol1lp,.liblc avec le mi-
nistere Iaissé par Louif XVIII it son Irerc.
, • Charles X, determiné a rester dans le ccrc1e ele nos institutious, se


sépura de 59n ministere, et en choisit un autrc dans cetll' portion des




( 353 )
deux Chamhres connue pal" sa modération et son éloignement de toute
mesure contraire :lUX Iois, n espera que ce changement operé dans un
esprit de rapprochement, 'que ceUe reconnaissance explicite des con-
séquences du gouvernementreprésentatíf , désarmerait I'hcstillté de
cette opposilion persévérante centre laquclletous ses elf~rls venaieut
se briser. Il proclama sa volonté d'achever l'ouvrage de so~ frere , cn
mettant la Iégislatlon du royaame en, harmonie avec la Charte.
~ Le ministere nouveau I~avan~a dans cette voJe; il marcha avec


franchise dans la ligne constltutionnelle ¡ jl dégágea la presse de Il!ll der.
nieres eutraves . il affranehit les électlons de l'influence directa' de l'ad:
ministration ¡ l'íntroductlon dans l'instruction:puhlique d'un ordrere-.
ligieux soupeouné de professer des maximes coutraires a nos libertés
civiles el religieuses, étail sígnalée par vous-mémes comme un sujet
d'alarmes et de troubles ;.Líl paix publique semblait attachée a leur ex-
c1usion, cctte exclusion fuI prononcée, el des mesures donl la sévérité
excédait peut-étre les bornes de la justicc, furent prises a leur égard,
On se plaignail que les choix de la Couronne fussent renfermés da!ls
un cadre trop étroit : ·des témoignages de confiancc, des fouctions im-
portantes, Iurent accordés 11 des honnues appartenant a d'autres opi-
nions poli tiques, .
~ Tant d'elIorta tentés poor ramener la conliance el I'uníon,' tant de


couceseious faites 11 l'accord uécessaire des trois pouvoirs, ne prodol-
saient aneun des résultats qu'ou en espérait. La pressc libte contiuuait
¡, étre agressive el violente; lesélections affranchie« ne cessaieut pas
d'étre menacantes r les exigences de la Chambra élective s'élevaient en
proportioa des satisfactions qui lui étaient accordées, et s' aunoncaien t
pour l'avenir plus impérieuses el plus alarmautes; en6n, dans la ses-
sion de 1829, la plus imposante minorité qui se Iut encore montrée
mena",a par ses votes jusqu'a la loi des finances.


• Le Boi fut frappé de l'inutilité de ses teutatives , il crutvoir que le
sysleme adopté par ses ministres, saus affaiblir l'opposition,: enlevait it
sa couronne une partie de ses moyens de résistance ; il 4ugeaeolfven<J-
ble de s' arréter, de se retrancher derriere ses prérogatíves constitution-
nelles, Ilt de se défendre centre les attaques vives et ou,verISS, el centre
les empiétemons , q'¡i sont aussi des attaqnes plus. leIj-tes. mais 1'.1115


.. , .


. .


» La laeue qu'imposait ce plan uouveau ¡, CC\lJ( qui -sornicnt ehargés
11. :.23




('35[1 )
de son ex"nlliwlo ...ifrnit des ,liffieullés graTca, \,elll,Hrc me,a" J,',
dange1'5 ; il failait du désouemeut , .du zele , qnclquc ('omagO'. L., Po oi ,
pour mon malheur, jeta les yeux sur moi. Vous connnissoz ma fa'n:il\e,
ce que nom deviene a nos princes, ce qu'out d'empire sur un cceur qui
ne manqlle pM de quelquc. générosité, le devoir el la reconuaissancc .
TOUS1S3Ve7.. done fIue je ne pouvais pas halancer.


" Je llelQPmai"pas le ministere.du 8 aoüt, mais j'y entrai, Les plus
violentes clameurs ,aeeueillirent notre arrivée. On nous suprosa lé
dessein de délruir~ la Charte ; ehaque [our, cet attentat étail pro mis
pour le lendemaln, el, dans cette supposition, tons les moyens de re,
eistunces'organisaient, préts a devenir des moyens dOatt:Hlue.


" Ce projet n'etait point enlré dans nos esprits, et tous nos vceux
comme tous nos eíforts tendaient a conserver , a consolider 'ee 'IU'OIl
nous soupeonnait de vouloir rcnverser : six rnois s'écoulcrent sans qu'au-
cun acte pul justifier ce soupron, et la convocation des ChamlJrcs pour
le;) mars-donnaáceasuppositions hasardées le plus éclatant démenti.


• o Je me souvenals qu'en 18114, dans un projetde loi sur la respon-
sabilité, onavait~rop()s~:dri'nvestir les Chambres xlu droit de déclarer
les minislrcl i'uJigne9 de U¡.eoefiancc publique i fIU(' ectte proposirion
a.vait. été vivement comballue; que M. Benjamin Constal\t, dunt il me
sera permis dinvoquer I'opinion , avait notammentsouteml • qu'une
" semblahlc déclaration seraít une atteinle directo 1, la prérogativc
o royalc . f¡u'elle disputeraitnu prinee la liberté da elioix : qu'tm accu-
• sant Ic(miuistres, on n'attaqunit qu'eux, rnnis qu'en Ies déclarant in-
o dignes de la confiance publique, c'est le priuce qu'on inculpait dans
• ses intentions ou daos ses lumiercs , ce qui ne deuait jamai" tlI'rive¡'
• dan» 1/71 gouve¡'nemellt constitutionnei.


•..Ilassuré par cctte doctrine, qui me semblait jllsle el conforme aux
regles de notre gouverncment, j'cspérais que la Chambre des.Députés
nous é coutesait avant de nOU5 juger, qu'elle voudrait eonuattre nos
projets, vorr nos .actes, avant de déclarer entre le pays et uous une in,
vincibleanfipathi«, •


" Si ene avait'e)'i'I~lret'con5cntia nous entendre, j'ai la confia nce q.uc
la prévention furiestil 'qrii ¡lOUS avait accueillls se serait dissipée, cal',
dans tout-ce que'nolls avions ~ luí proposer, nous n'avions été animés
que par le désir d'aecroitre la prospérlté de notre papo
, ~ Moa espoir Iut olé\,u ; vous '''''~('z dans que/s termes \'adrrS'~ d(~ la




( 355 )
Chambrc fut coucue. Le ~oi crut son autorité compromiso, sa pr('roga-
tive la plus lm\cicu~ atlaquée; ifvoulut fai[e UIl appel a la Frailee; la
Chambro fut dissoute; mais les associations el la pressc arreten'nt en
¡>ri>lcipe qu'il fallait renvoyer a la couronné les députés par Iesquels 1:1
cooronne avait crn ses droits violés, et les colléges élcctoraux se soumi-
rent ,. cr-lte décisiou el l'exócuterent.


» La Chambrc nouvelle s'avan~ait victorieuse el irrilée; les orgaUC$
de l'opinion qui avait triomphé, menacaient de briscr les ressorts du
gouvel'llcllIcnt, en usant du pouvoir, si ce n'est du droit de refuserJcs
Impóts. 1I fallait céder, sacrifier les ministres, I:ecevoir ceux qui seraient
imposés par la majorité, par la presse on par le parti hostile qui Iafai-
sait mouvoir ; iI faUait souffrir Ies réactions, subir les exigences, se lais-
ser aller a un lorrent qui pouvait lout entraiuer, abandonner une vo-
lcníé 'pI'on avait lmprudemment peut-!tre proclarnée immuable, Iivrer
au rnép ris une aotorité désormais avilic, ou se résigllcr l. ehereher dans
l'"rtíc!e lit l'armo dangcrcuse qui y était déposée.


n Le Ro¡ jeta les yeux en arriere , il se souvint des ministres de Louís
XVI, si facileuieut alianclonnés et repris. íl se souvint du prix sanglaut
dont cette facilité avait été payée; c'étail depüís trente-sepl années une
peusée constarnment reproduite. aulour de lui , que la faiblessn de 50a
frere avait seule produit [es malheurs de la révolution , et qlle les mémes
causes produiraicnl les mémes effets. Et m'Oi aussi , s'écrie l'accusé , et
moi aussi, j'elllcodais sans cesse cette pr~dielion Iuueste , etj'en frémissais,


» Un des arnis Íes plus éclairés des Iibcrtéepubliques, un <fe ceux qll j
dr-vaient les comprendre le mioux, l'orateur natíonal dont j'ai rapporté
tout 11 l'hcure les trophées électoraux , avait JÚ:


" Le jour ou le gOl\vernemelll n'existera que par la majoriLé ,des
• Charnhrcs, le jour oú il ~era établi en fait que la Chambra pent re-
" pousser les ministres do :n.oi et lui en imposer d'autres qlli seront ses
• propres ministres , ce jour la, c'en est fait , non seulement de la
" Charle, mais de la rOy'auté, "


» .Te relisais ces paroles solennelles qu'aucun "soupeon d: cO)npLt:.
sauce ou d'intérét ne pouvait affúblir, et roa tenj,ble responsabilíté m' a¡J-
paraissait alors dans tonte son immensité.


» COllvaiocu,que la Chartc mettait dans líos mains le pouy¿ir'de san-
ver la monarchie, il ~e semblait qne j'eu devais nser, sous peine d'drc
I:n" de Ja~heté ou de lrahison, On m'as9UraiL (file la Francc bénirait




( 35G )
laete 0:1" Iermeté (IMi la saurernit, que. le p~ti centre lequel il fallalt
défendre le tr6ne était déearoué par eUe, qu'un acte de fcrmeté suflirait
pour rendr~ala eouronhc Yautorité dont elle avait besoin pour le bon-
heur méme de la Franee;. que c'était le seul rríoycn de conserver la
Charte elle-meme, attaquée comme la royauté•


• Tel était le langage qui résonnait autour de moi , telles élaient les
conclusions des mémoires qui m'étaient adrcssés, et la violente hostilité
des avis eontraires De faisait qu'accrottre a mes yeul. l'imminonee du
mal et l'urgenee du remede.


: Alarmé, non pour moi, d'une tache au-dessus de mes Iorces , je
voulus laisser en des mains plus habiles le dépót accablant dont je crai-
gnais de ne pouvoir supporter le poids. Je voulus m'éloígner , des or-
dres auxquels je n'avais pas appris a désobéir, m'enjoignirent de rester
au poste oú j'étais placé. Je restai , ear il était périlleux, et il fallut agir.


» Si je disais quels eouseils !he fureul donnés , si je nommais eenx
qui les donnaient, et qui depuis out sans doute joint leur voix 11 tanl
d'autres voix aecusatrices; si je pouvais montrer en faiseeau a eeux qui
me jugeut avee tant de sévérité, toutes les craiutes, toutea les illusions,
toutes les iuf1uenecs, toujes ces violences morales qui ont maltrisé 11 la
fois roa conscienceet m~ raison, peut-étre, en comprenant rna situa-
tion, serait-oB moins íuesorabla poar mes actea, Ces actes, je ne puis
les nicr; je raisse a ceux qui ont partagé mes alarmes, et qui partagent
aujourd'hui mes dangers, le soin de les examiner, et de meltre anu de-
vant vous ~e mal particulier auquel chacun d'entre eux dcvait apporter
un remede. Je m'en remets 11 eux de ce soin, et je ne décline ríen de
ma responsabllité ; j'ai signé le premier les ordounances du 25 [uillet ,
le premier, je dais en répondre , je le sais , [e l'avoue , et ce n'est pas
aujourd'huique celte obligalion m'apparait le-plus effrayante.


• J'ai vu, dans mon pays, dans la ville OÜ' je suis né, couler le saug
fran«,:a~6 répandu par des mains íraneaises : j'ai vu s'écrouler en débris
ce tróne que ¡'avais mission de défendre et de co~solider ; j'ai vu)e mo-
qarql1e dont jo voulais conserver l'autorité intacte et pure, courber sa
tete blanehie, déposer lui-müme sa couroune, déshériter son íils , et
ehercher vainement 11 racheter par le sacrifice amer de deux génératíou s
de rois, la fortune perduc de la troisieme. J'ai vu passer sous mes yeu"
cette révolution dévorante, et j'ai pu me dire aI'aspect de ce mouvc-
menl irnmense t~t <lesllucteur qu,' ma main ,'cnait (!'imprimer '" fln'elle




(-I.il irnpuissante it contenir : C'est moí quí doie ala France el au monde
le compte terrible de tant de manx, Croyez moi : c'est la qu'était l'accu-
sation avee toute sa puissanQll; il n'est pas au pouvoír des juges d'inlli-
ger aun homme de coeur un supplice pareil lA celui-lá.• ~


Messieurs, contimíe le défenseur , voilá ce' que
répond 'I'ancien serviteur de la famille bannie a ce
reproche si grave d'avoir violemment changé les
institutions du royaume. Je ne sais , mais il me
semble qu'il y a dans ce récit , qui, il fant bien le
dire, ne manque pas de vérité , dans cette pelnture
de tant de sentimens opposés, de tant d'impulsions
contraires , queIque chose qui avertit l'áme du juge,
q.ne le crime ne se trouve pas ici; iI a era qu'un partí
puissant marchait avee persévérance an renverse-
ment de la dynastie ; il a cru le tróne attaqué , la
monarehiemise en péril ; il a saisi pour les défendrr-
les armes qui lui paraissaient les plus sures. Sans
doute on pourra lui répondre qu'il a choisi les plus
dangereuses, qu'il a précipité la chute au lieu de la
ralentir; qu'en portant une main imprudente sur
hotre Charte , qu'en donnant a l'injuste agression
qu'il redoutait, toute la force et tonte la faveur d'une
résistance légale, il a enlevé' a la couronne sa véri-
table puissance et son plus solide appui.


Maisqui oserait lui dire aujourd'hui, que le danger
qu'il redoutait était une chimére; que le treme repo-
sant sur la Charte méme navait a craindre aucun
ébranlement ; que \out était , dans le pays, calme,
régulier et soumis; qu'au point oú I'onétait parvenu,
on pouvait y marcher bardiment dans la voie con,
stitutionnelle ?




( 358 )
Sur ce point , ~ess_iellrs, je dois le rlir-e , cal' cette


vérité appartient ala défense et il ne m'est pas permis
de la lui enlever, sur ce pointj le doute n'est plus


.. . ..


possible. Depuis quatre mois , trop de 'voix , trop
d'écrits ont pris soin de le dissiper., Je ne rappellerai
point ici tons les aveux mi plutót tous les appels :1
la reconnaissance publique que la presse nous a
transmis; il n'cst aucun de vous qui les ignore.


La, nous lisons que les conspira teurs de la Hochelle
aoalent des amis et des affiliés par toute la France ;
ici , que sous le gOllvernementdes Bourbons l'oppo-
sitien s'est ser-vio pendant quinze ans de tous les
griefs partiouliers puur rendre plus inoincio]« l'eioi-
gnemcnt qui, dans toutes les classes , se manifestait
contre le pouvoir,


AiUeur's, des écrivains déclarentquo la Frunce a
pris lesarmes conrre leprincipeodieuo: de la légitimio;
de droit divin ; ils invoquent le témoign~ge des d~~
purés courageux qui ont conspire auec eua: contrc
les Bourbons ; ils ajoutent que, dans les grande~
journées, ils n'ont pas VOUlLl seulement punir un roi
par]ure , mais encore saisir 1112 heureux pretexte pour
écliapper eL un réginu: odicux el rentrer dans les
voies de 8g,


Ailleurs encare, nous voyons quq, dans une asso-
ciationfame~se, qui eompte deja plusieurs uuué es
d'existencev'on raconte la révpluúon attendue depuis
longtems, les efforfs fait~ par la société ¡¡oUJ' rcnver-
ser Charles X, ses liaisons avec les patriotes des
provi!~ccs, son influence sur les (~leetioIl~! SOll afE-
Iiation avcc les conspirateurs.




( 359 )
Je m'arréte , Messieurs , et vous savez si c'est p:u'


impuissance ; .je laisse aeeux qui 'partagent avec mo i
la noble ~t difticíle tache qne je remplis , le saín cl'a-
chever ce tableandont je ne vous offre que l' esquisse.


Il faut dcnc.Pavouer-, et e'est.la seule conelusion
que je préténde.tirer de ce que j'ai dit : le danger de
la dynastie n'était point une .illúsion. Les circon-
stances oú se tsouvait la France ala fin de juillet
étaient de nature a inquiéter le dévouement el a,
alarrrier la responsabilité de ceux q ui , en lcseva'nt
de.leur souverain le dépót de 8011 autorité, avaient
juré de le conserve!' intact et de le garder fidclement.


Si votrc conscience le reconnait, Messieurs , ma
tache est remplic. Je ne me suis point chargéde jus-
tifier le mjnisterc du 25 juillet , accusé .au;{ yeux de
la postérité d'une funeste erreur dont le souvenir ne
peutplus périr. J'ai prornis de défendre l~{ll,i,uistre
accusé devant vous du crirne de trahison j e~t"je le
répete avec cetaccent de vérité qui n'appartient qu'a
la convictton, il n'y a point ici decrime ; votre sévé-
rité l'y rechercherait vaine~ent. Connaissance trorn-
peuse de I'état du pays, préoccupation occasionée
pal' un dangel' réel mais mal oombatru , corifusion
toujours daugereuse entre le courage etla témérité,
entre l'affection et l'obéissance , sacrificed'ún devoir
certain a c~ qu'on a pn croire un devoir pluepres-
sant encore , voila ce que vous y verrez peut-étre ,
voila ce que la raison, la politique , la 'conscience
livrée a 'elle-méme pcuvent 'y voir avec VOUS; mais
pour cette intention réfléchic , pour cettc prérriódita-




( 360 )
tion sinistre , pour eette volonté calculée de corn-
mettre une action qu'on sait 'étre criminélle , elles


.


n'y seraientpas retrouvées par ses ennemis; eomment
le seratent-elles. par ses juges ? ,ir'


Les accusés, et notamment M.dé,Polígnac, ne
penvtVlt done étredéclarés coupables de trahison,
pouravoir changé iarbitrairement et violemment
le~ institutions du pays; cal', en droit , ils -ont pu,
sans crime , croire la conronne autorisée a agir en
dehors des lois pour la süreté de l'État; en fait , ils
ont pu, sanscrime , croire la sureté de l'État mena..
eée, et l'emploi du pouvoir extraordinaire devenu
nécessai re.


:re puis done passer au troisiéme chef d'accusation,


§ nI. M. de Polignac est-il eoupable de trahisonpour
avó'z!tlonhé un complotattentateireá 14,surcté de
I'État ?


J'avone, Messieurs , que j'ai quelque peine a dis..
cuter cette partie de l'ae~usation , a cause "de la dif-
ficulté que j'éprouve pour la comprendre,


Quel est leecomplot attentatoire a la súreté de
l'État qiri aurait été formé, et auquel M. de Polignac
aurait pris part? C'est , sans doute , celui qui aurait
en pour objet la violation de la Charte et l'atteinte
portée 'a nos institutions. Dans ee cas , ce grief est
évidernment identiqueavec le précédent; il se con",
fond avec lui et ne pent former une actusation
séparée , cal' le fait de la signature apposée aux or..




· ( 361 )
'donnances da 25 juillet, et celui de la préparation
de ces actes , ne sauraient faire deux crirnes dis-
tincts et différens.


Le seul objet réel que 'puisse avoir l'accusation en
vue, doit étred'établir que la signature des ordon-
.nances n'est pas un 'faít spontané, .l'effet d'une r.é-
solution née de l'embarras d'une situation impré-
vue , mai~ le résultat -d'qne longue combinaison ,
I'exécutionrilun plan des longtems .arrété , etpour
lequelle ministere. dn 8 aoút a été formé. Dans ce
cas méme, cette circonstance poiñ-rait constituer
une aggravation du fait principal, mais non un fait
d'une autre nature.


Toutefois, examinons l'imputation en elle-méme
et indépendamment desconséquences qu'on en vent
déduire.


Est-il prouvé que M. de Polignac eüt formé de-
puis .longtems le projet de violer la Cliarte , de
détruire nos institutions ; qu'il fut entré au minis-
tere dans cette vue, qu'il ait marché pendant une
année vers ce but ;. ou il n'est pa,s évident, au con-
traire, q~'il a été amené par les circonstances au
parti fatal qui a été prjs ?


Messieurs, éclaircissons ce point : je crois, gráce
au ciel, la tache facile.


Des Ie.commenoement de l'année I8~9, a l'épo-
que oú M. le comte de La Ferronnais fut atteint
d'une maladie grave, et qni paraissait mortelle , il
est notoire et certain que Charles X euf le projet
d'appeler M. de Polignac au ministere des Affaires




( :-J.G2 )
Étl'angeres. Ce desir, qui fut manifesté plusieurs fois 1
éprouva de la résistance de la pal't des hommes qui
formaient alors le conseil de la couronner sans.cet
obstacle, M.'de Polignac serait entré des ce-moment
dansIe cabinet tel.qu'ilétait compase; et, certes, il
n~ luivenait pas en pensée qu'aucun de ceux dont ,
il serait devenu le collegue ,eút consenti -a le .suivre
dans la voie oú il est entré aepuis.~>


Il est done tout-a-fait inexact d'induircde l'ar-
rivée de M. de Pelignac au conseil , que.le projet
d'attenter a laCharte était déjá.combiné avec lui.


Le ministere du 8 aoút fut formé. Parmi les hom-
mes qui y furent appelés , on rcmarqua, j'ai déjú eu
occasion de le dire,M. le comte de Chabrol , dont
la prudenceet la mesure étaient connues,M. de
Courvoisier , que tous ses antécédens politiques
liaient tltáprineipescóllStitaliollnels, et M. de Ri-
gny, que ríen ~e ponvait faire sOllp~onner --,d'une
complaisanee contraire a ses opinions et a ses de-
voirs. Ce ne sont pas de tels collaborateurs qu'au-
rait choisis un homme qui aurait éu déjá con~u le
hardi dessein qu'on suppose.


- .
Si ce dessein eút été formé en effet , s'il eút été. ,


la pensée dominante et créatrice du ministere du '~
aoút , il aurait dú étre et il aurait été évidemment
exécuté sur-le-champ, La hrusque invasiqpde ces
mesures violentes était la seule chance de succes
qu'elles pussent.avoir. Rien n'était prévu; rien n'é-
taitencorépréparé pour la résistance; alors un suc-
ces motnentané était possiblc; mais avec un sern-




( 36~-j )
blable projet, attendre qHe la menace fút counue ,


. avertir le pays de I'imminence du'danger, laisser se
former les associations pClUr le refus de I'impót, at- .
tendre que la magistratnre eút condamné les écrí-
vains pour avoir supposé au góllvernement la pen-
sée de créer des impóts sans lois , ou de faire créer
des lois par des eorps constitués autrement que la
Charle ne l'autorisait , l;¡isser la presse établir la
doctrine des droits du peuple, et enseigner "la
théorie de- la résistance lég;l1e, c'était ojeter soi-
rnéme les fondemens d'un obstacle indestructible,
c'était prendre plaisir a organíser sa p~opre impuis-


.


sanee.


Ce n'est pas ainsi queoprocedent eeux qui visent
au despotisme; et j usque-la , la raison repousse
l'idée d'un pareil oubli detoute prudenee.


Continuons. :-:- Peu de teI!l~ s\~c.oule: ~e divi-
sion éclate dans le conseil ; un de, ses membnes se
retire: que!" est ce mernbre ?c'est eelui dont le norri
avait été invoqué le plus souvcnt cornme un índice
de la pensée contre-révolutionnaire. On conserve
ceux dont la présence est incompatible avec ,cette
pensée, et on appelle M. Guernon de Ranville que
l'accusation est elle-rnéme disposée a reconnaitre
avoir été , jusqu'au dernier momeni, en opposition
ouverte avee la tentative malheureuse' faite au mois
de juillet dernier ; celui qui avait hautement déclaré
que la Chru-te était son Éoangile politique , celui qui
reconnaissait en principe que dans un gouvernement
rcprésentatif il fallait marcher avec le pays, et qu'en




( 3G4 )
France la couleur poli tique du pays était celle do
centre gallche. •


Au mois de mai 1830, apres l'adresse de la Cham-
bre, .son ajournement , sa dis~olution et la convo-
catión des colléges électoraux, un nouveau mouve-
ment s'opere dans le cahinet , et eelni-Ia paralt au.
premier coup-d'oeil combiné dans le .sens quesup-
pose l'accusation ; aussi p¡end-elle soin de le rap-
peler. M. de Chabrol et M. de Courvoisier se retire-
rent, dit-dn: nous reviendrons tout a l'heure sur
cette retrait¡, lont la sagesse de la Cour a voulu.
éclairci.r les causes, et nous verrons si ces éclaircis-
semens n'ont pas détruit en mérne tems la chimé-


'rique accusatíon de complot : oceupons-nous d'a-
bord, de ceux qui sont entrés, Le premier est M. de
Chantelauzevcelui , a-t-on dit, qui avait fait au
roí' desio faux calcul: sur la majorité de la Cham-
bre; celui' qui avait développé, des 1829, le plan
qui a été exécuté en 1830; celui qui depuis avait
engagé le gouvernement a faire un cinq 'septembre
monarchique.


Certes, en admettant la réalité de ces suppositions,
il est facile d'arriver a des conséquences favorables
a l'accusation ; mais la premiére nécessité d'une
conséquence \ c'est le principe; la premiere condi-
tion d'une présómption , c'est un fait eonnu qui
mene ala eonnaissance de celui 'qu'on eherche.


Id, c'est le principe de l'argument, c'est le fait
connu de la présomption qui manque. Rien dans la
procédure n'appuie les rurncurs sur lesquelles l'ac-




( 365 )
eusation avait raisonné. M. de Chantelauze a dé-


.menti ces al1égatíons; il a expliqué depuis 10ng-
tems ces paroles; et ceux qui l'ont connu savent
bien que le péril qui nait d'une vérité est préfé-
rable poul' lui a la sécurité que peut donner un
mensonge.


L'entrée de M. de Chantelauze au ministere n'est
donc pas un índice de complot; et M.. de Chabrol ,
qui le connait depuis longtems, y aurait vu plutót
un indice contraire,


M. Cap elle est admis au conseil, et l'on crée
méme poul' luí un ministere. M. Capelle était
l'homme des élections, et nullernent 1'bomme des
coups d'état : c'est son expérience et son habileté
pour les élections dont on -avait besoin : donc , 00
s'occupait sérieusement des élections; 00 attachait
un grandpl'ix a ce qu'elles eussent un résultat favo-
rable. au ministere, Ce n'est donc pas des coups
d'État qu'on préparait; c'était une lutteconstitution-
nelle dans laquelle 00 chercháit a. derneurer le plus
fort.


- M. de Peyronnet recoit le portefeuille de l'in..
térieur, et M. de Peyronnet est un homme qui a de
l'habileté , de la résolution , qui est capable de sou-
tenir et de pousser a bont une gran?e entreprise.
- C'est ce qt,le personne ne conteste; mais qu'est-
ce que cela prouve?


Le caractere connu de M.• de Peyronnet a pal'u
favorahleeaux élections vers lesquelles toutes les
'idées étaient tournées. Le ministere manquait d'horn-




( 366 )
mes exercés aux clénats parlementaires: 1\1. de Pey-
ronnet était l'un de ceux qui pouvaient le mieux
remplir cette condition de notre forme de gOUYCI'-
nement.


En voilá plus qn'il n'en faut p'0nr expliqner la
mesuré qui lui a confié le portefeuille de l'intérienr.
Mais il y a plus, et cette observation vous aura d{'jit
frappés san s doute, JI en est de M. de Peyronnet
comme de M. de Guernon de Banville. 'La procédure
indique clairement , et l'on s'accorde a 'reconnaltre
qu'il a été vivement opposé an parti qui a ohtenu
au mois de juillet un triomphe , si fnneste au tróne;
que sa voix a lutté longteins an conseiJ pOllr com-
battre la mesure extreme que les circonstances fai-
saient jl1ger nécessaire , et qui avait de puissnns
appuis. ,


Milis si-ce fai.t est vrai , comme tout le prouvc, il
est done vrai aussi que le complot dont nous recher-
chons l'existenee, ne peut pas avoir été réellemcnt
formé av:mt l'époque oti les actes onten licu.


L'entrée de :M. de Peyronnet al! conseil, dans le
rnois de mai , parait done inc~nciliahle avec l'idée
que le plan exécuté en j uillet eút été formé avant eette
époqrie.


jusqu'ici el~core rien ne prol1ve le complot, et tout
le demento En chercherait-on la preuye dans la dé-
position d'un Pair du l'Oyanme qui a vivement frappé
l'attention publique PJe ne puis le craindre. Je sais
tdllte1a confiance qui est dúe ala hau te dignhé commc
au caractere personnel dll nohlc térnoin, mais j'é-ia'is




( 367 )
convaincu, méme avant de l'avoir entendu hierv que
ce serait donner ;'.¡ son lángage une interprétation
beaucoup 'plus étendue qu'il ne Ya voulu lui-méme ,
que d'y trouver la pl'euve d'un complot positif tramé
depuis longtems.


M. le marquis de Sémonville a rencontré l\f. de
Polignac a Saínt-Cloud , le.29 juillet, sur le pont du
Trocadéro; jl a remarqué. en lui les signes d'une
agitation tres-visible.' M-o de Polignae lui a dit: (( Ces
» malheurs sont votrefaute. Ne vous ai~e pas tourné
» depuis six mois sur ce qu'on pouváit faire de la
" Chambre des Pairs?» Voila toutes les paroles pro-
férées alors par M. de Polignac et rappelées par
M. de Sémonville; et de ces paroles ·vagues et
pell intelligibles a la prcllve d'un complot atten-
tatoire a la súreté de l'État , l'intervalle me' parait
irnmense,


A la suite vient la réponse faite par M. de Sémon-
ville, réponse énergique et mesurée , propre 1f faire
bien connaitre la ligne constitutionneIle et légal~
de laqnelle .rien n'aurait fait dévier la Chambre des
Pairs, et qu'on ne s'étonne pas de voir reproduite
avec tant d'exactitude, malgré fagitation du moment,
du lieu et des interlocuteurs, paree qu'elle ne eontient
que l'expressionhabituelle dessentimens de celui qui
l'a faite. •


« Vous m'avez demandé une fois, répondit M. de
~ Sémonville a M. de Polignac, si la Charnljre des
"Pairs se déterrninerait jamais aamender un bud-
.ll s«. et je VDUS ai répondu : Oui , daos une cir-




( 368 )
}) constance tres-grave.... , la Chamhre se déterrnine-
» rait aamender ou a refuserun budget.,.. ; mais si
» vous entendez, comme]e suis sür que telle estvotre
» pensée, que la Chambre vous donne une centime ,
» un homme ou une loi sans la Chambre des Dé-
» putés , .. vous pouvez nommer cent cinquante
»Pairs, et votre nomination sera vaine. La Cham-
» bre ne se suicidera pas :. son acte serait nul en droit
» et en fait, puisqne la loi a la main on refuserait de
» lui obéir. )}


Rien n'est plus juste ni plus constitutionnel que
la doctrine soutenue par M. de Sémonville, et tous
ceux qui connaissent ses príncipes le reconnaitront
ace la~gage; mais tout ce qne nos juges peuvent y
chercher, ce n'est ni l'opinion du témoin ni sa pe!J·
500; e'est le .sens des paroles rqu'aurait prononcées
l'accusé dans cette oireonstance que le témoin rap-
pelle: « Il avait demandé si la Chambre des Pairs se
» déterminerait a amender un budget.}} Voila la
question tout entiére : et M. de Sérnonville , avec la
loyauté qu'on devait attendre de lui, a formelle-
ment reconnu que la conc1nsion qu'il avait tirée de
ces paroles n'était qu'une supposition, et qu'aucune
commnnication faite en ancun tems par M. de Po-
lignac n'avait pu la confirmer. Il n'y a done la ríen
d'illieite , rien qui fasse supposer un projet de
violer la Charte, rien qui jnstifie, par cousé-
quent,)'imputation d'un complot contre la súreté de
l'Étal.'


Que! autre índice peut-on invoquer ?




( 36g )
Le langage des. journaux supposés les organes du


ministere ? Si la .loi ajoutait a la responsahilité de
leurs actes, qui pese déja .ur les ministres, la res-
ponsabilité des écrits périodiques dont on leur at-
tribue la direction, le poids -serait accablant, et la
loi serait injuste; M. de Polignac a souvent désavoué
les journaux qui lui paraissaient dévoués, dans leur
langage sur les choses; j'aime a dire qu'illes a hau-
tement désavoués dans leur langage sur les pero
sonnes,


On avait parlé de démarches tentées pour arriver
al'établissement des Cours prévótales, mais ce soup-
-;on s'est completernent évanouí , et la procédure ni
l'accusation ne laissent plus, sur ce point, rien afaire
a la défenss, .


Jusqu'icije n'ai faitque combattre dessupposltíons
et me prévaloir d'une absence-ccmpléte de preuves.
Pour un aecusé, cette défenseest suffisante sans donte,
rnais je puis invoquer moi-mérne les preuves dont je
suis dispensé.


Amis de la vérité, paree que vous retes de la jus-
tice, vous avez voulu savoin quels motifs avaient
dé terminé , au mois demaiI 829.laretraite des
deux ministres qui furent alors remplaces. Vous
avez bien sen ti que, si le complot, avait en ef-
fet existé , la preuve devait s'en trouver la; et
vous avez en conséquence interrogé la mémoire et
la co~science de ceux qui pouvaient le mieux vous
éclairer, ,


M. de Chabrol et M. de Courvoisier se sont trou-
rr. 24




( 37° )
vés -placés, il faut le dire; entre deux devoirs impé-
rieuxet pourtant coritraires: d'une part le secret
juré, de I'autre , la vérité promise; d'une part, le
souvenir d'anciens engagemens, de l'autre, le be-
soin de satisfaire la justice : ils ont jugé que, dans
cette circonstance solennelle , OL! il s'agissait non de
leur intérét personnel, mais de la súreté d'autrui ,
Ieur plus simple obligation était la dcrniere , et il est
id plus d'une conscience qni sanctionnera le cri de
la leur.


Vous les avez done entendus , et tbus les deutos
se sont évanouís.


Deux opinions divisaient le conseil; les uns pen-
saient que la dignité de la Couronne et ses intéréts
bien entendus lui faisaient un devoir le persister
dans Iea.résotutions qu'elle avait annoricées , et de
maintenir son ministére , dont aucun acte n'avait pu
justifier encare l'hostilité de la Chambre; ils espé-
raient que la fermeté du Roi raménerait a sa cause
l'opinion des électeurs qui ne voudraient pas com-
promettre par une lutte fácheuse la prospérité maté-
rielle du pays, et ils se flattaient d'obtenir une majo-
rité favorable: ils penchaient vers la dissolution.
I~es autres, ne partageant pas ces illusions et pre-


nant en considération l'état des esprits, voulaient
qu'on cédát aux nécessités du gouvernement repré-
sentatif, et qu'on n'essayát pas de lutter centre une
majorité qui reviendrait , apres les élections, plus
pnissante et plus irritée. ,


Tel fut le sujet de la division; .tel fut l'honorable




( 371 )
motií de la retraite des deux minstres dont- la pré-
voyance éclairée avait bien jugé l'avenir,


I1 n'y avait la, et tous les deux le déclarent, ni
complot, ni combinaison contre la Charte, et l'idée
des coups d'état ou des mesures extra-légales ne fut
énoncée par personne.


C'est qu'en effet, elle n'était arrétée dans l'esprit
de persontle; il sera démontré pour tons ceux-qui
examineront sans- préoccupation la marche des évé-
nemens pendant cette demiere année, pour tous
ceux qui remarqueront eette inaction prolongée,
ces mutations fréquentes dans le conseil, cette ab-
sence complete de précautions prises et de mesures
arrétées au rnoment de la erise , qu'aucun plan con-
traire anos institutions n'avait été formé d'avance.


M. de Polignac a marché d'espérances en. espé-
ranees , d'illusions en illusioasj il a cru pouvoir
vaincre, avec le tems, l'esprit de résistance qui avait
marqué son arrivée ; il a cru, au mois de mars , oh-
tenir la majorité dans la Chambre des Députés; il
est demeuré convaincu, apres le vote de l'adresse,
qu'une mesure énergique ramenerait les coeurs déjá
ébranlés; iI a pensé que ses efforts l'emporteraient
dans des élections nouvelles sur ceux d'une opposi-
tion dont il se dissimulait encore la puissance; il a si


. bien cru que ces élections pourraient étre heureuses ,
qu'il n'a pas eraint d'y faire intervenir la personne
du Roi.


Avec des élections heureuses, il avait une majorité
favorable; avec cette majorité , il obtenait par les




( 37~ )
voies constitutionnelLes des lois sur la pres$o et
des lois electorales qui pouvaient garantir le tróne
menacá.


Tbutés ces chimeres s'évanouirent successive-
ment , tomberent l'une aprés l'autre, et le moment
décisif arriva sans avoir été sérieusernent médité ni
prévu..


C'est quand les élections ont été achevées, quand
la terrible réalité s'est offerte , quand on s'est trouvé
en présence d'un fait accompli, quand la facile res-
source du tems et des ajournemens a été épuisée ,
qu'il a fallu prendre un parti ; et quel partí pouvait
étre pris au point oú on étaít arrivé? Tenter de
marcher dans la voie réguliere et légale, c'était foUe;
car une majorité compacte et résolue était la comme
uíie barriere insurmontable. Se retirer et ahandonner
r~\~onequand le tron~ persistait atonipter sur l'ap-
pui de ses conseillers , cela semhlait lácheté , carlé
danger était visible, et on aurait patu fuir devant
lui. Voila cornme on s'est trouvé poussé a la péril-
leuse ressource des coups d'état.


Ainsi, Messieurs , il n'y a point en de plan arrété,
point de projet múri et formé pour le renversernent
des institutions ; les ordonnances du 25' juillet né
sont pas le résultat d'une combinaison réfléchie ,
d'nne attaque méditée, et l'accusation ne peut comp-
ter un pareil complot au nombre des charges qui
pesent sur ceux que sa rigueur poursuit.


J'arrive ainsi , Messieurs , par une route lente; pé-
nible et douloureuse, au dernier chef daccusation ,




( 373 )
c'est-á - dire au dernier élément de l'accusation de
trahison,


§ IV. M. de Polignac est-il coupable de irahison pour
aooir excité la guerre civile en armant les cito'y~n¡
les uns contre lesautres ; d'aeoir porté la, dés.Qla.tion
et le massacre dans la capitaleet dans plp,sü¡urs
autres communes] . .


C'est ainsi que le quatriéme chef d'acensation est
concu , et e'est particulíérement contreM. de Poli-
gnac qu'il est dirigé.


Jamais assurément imputation plus cruelle, plus
flétrissante, ne fut portée centre un ministre; jamáis
homme ne fut plus ouvertement livré ala 4~inepll'
blique et signalé a l'indignationuniverselle.. Excitar
le guerre oivile, armer Iescitoyens.les. unacontre
les autres , porter (m divers lieux la dévastatíon .et le
massacre , c~ ne sont pa!, la de cesacjes hardis que
le succés abseut, que la politique eomprend et. ex-
cuse, De telles actions commises avec la volontéde
les commettre, sont des crimes qui resteraient crimes
aprés la victoire, et pO~lr lesquels la conscienced'un
hommede bien répugnerait achercher deaatténua-
tions et des excuses. . .


. " ." ~


. Mais plus l'aocusation est gr:lve et te.rribl~ó)pl:us
•_nécessité de la pr~llve est ri,goureus~.D;l~Jlt~II}P¡C);?#~
-Seeiens-nous assez malheureuspour .~'Pe~¡f,:t;He:pqF­
gation.rnt reJnPli~? Nos accusat.tmrs,a~1!aien~jl~_ 9.P-
tenu 'sitr nOU5 ee triomphe douloureux d~~ntl~\l"




cceur aurait agémir? Non ,Messieurs; ils ont prouvé
de grands malheurs, sans do lite , de grandes fautes
peut-étre , mais ils n'ont pas pronvé de crimes; ils
auraient essayé vainement de faire de celui qu'ils
accusent, un homme féroce qui voit de sang-froid
couler le sang et tomber les victimes, qui repou5se
la paix, qui excite au meurtre, qui ordonne le mas-
sacre et prepare les supplices.


Ah! si telle était l'impression que leurs paroles
auraient laissée dan s vos esprits, au nom du ciel , ne
souffrez ras qu'elle y pénetre. Elle égareraít votre
justice, elle entrainerait votre conscience hors des /
voies qu'eIle doit snivre. Non, le zele le plus aveugle,
le fanatisme le plus insensé ne dénaturerait pasa ce
point le coeur et le caractere. On ne devient pas un
hom~eiangtiinaire,nncitoyen barbare, parce qu'on
est animé d'un dévouement profond etexalté.


Apres qnarante-cinq ans d'une vie passée daris
l'exercice d~s vertus douces, dans l'habitude des -,
sentimens généreux et bienveillans, un jour ne no115
fait pas inexorable et -sanguinaire. Non, Messieurs,
l'accusation se trompe; suspendez votre jugement;
écoutez-moi , et voyez qui d'elle ou de nous iI est
plus donx, plus juste el plus naturel de croire..


Ici, les faits sont nombreux. On a peine asuivre
la série des actes dénoncés a la colere publique, A
l'occasi~n "de'ces actes, l'aceusation retrouve partout
le nom de M. de'1?o1ignac, et elle le retrouve elle
reproduit sans indulgence. Pour tous lesautres
accusés, on remarque souvent la hienveillance A




( 37:1 )
coté de la mémoire, une supposition attéuuaute a
coté d'un fait fácheux. On n'a réservé qnepour lni
eette rigueur sans mélange qui n'explique rien, qui
n'adoucit rien, qui ne fait jamais ala situation, aux
eireonstanees, a la préoccupation du désespoir , la
part que I'équité semble réclamer pour elles.


M. de Polignac est loin de se plaindre de la j ustice
qU'OIl est dísposé a rendre aux sentimens et aux
intentíons de ceux qui partagent ses dangers;il sait
mieuxque personneeombíen elle leur est due; mais,
malgré le degré de malheur auquel il est parvenu, il
ne peut se résigner a cette pensée, que la mémoire
qui accuse soit la seule qu'on ait conservée pour lui.


Son nom, ses antécédens, tels que les ont faits les
rumeurs populaires , seraient-ils pour quelque chose
dans eette pré~ention désespérante? Peu d'hommes
ont été , sous ce rapport, traités plus cruellement
que lui.


Fanatique ultramontain, proteeteur de eette
soeiété dangereuse mortelle ennemie de nos .bertés,
intoléranten matiere religieuse, intolérant en matiere
politique, adversaire constant de nos institutions,
implacable, pour ceux qui ont suivi d'autres dra-
paux, étranger a tout sentiment de patriotisme et
d'honneur national: tels sont les traits sous lesquels
on I'a signalé; tel est l'homme qu'ont poursuivi jus-
que sous votre égidc les cris de mort et les accens
de la haine. Et comment cette erreur funeste se
serait-elle dissipée ou affaiblie, lorsqu'on a entendu
J'accusation , l'accusation dont le langage es! sournis


,




• ( 376 )
a tant demesure , déclarer que, dans l'opinion de la
France, ureprésenteá luiseul toute la faction contre-
révolutionnaire, et que c'est toujours lui qui a été of-
fert aux esperances des ennemis de l'ordre et des lois.
Me~sieurs, une imputation semhlable impose a la


défense des devoirs qu'elle ne saurait halaneer a
remplir, Avant de pareourir les fai ts particuliers sur
lesquels l'aeeusation repose, elle doit reponsser hau-
tement ees suppositions cruelles au travers desquelles
la vérité , qui justifie, ne saurai t se faire jour. Vous
avez besoin de connaitre l'homme pour comprendre
l'accusé.


Permettez-moi done de placer sous vos yeux res-
quisse rapide, mais fidele , d'une vie si étrangement
défigurée.


Jules de Polígnac, dont la famille était depuis long-
tems attachée a la maison royale, fut "élevé aVer-
sailles avec les enfans qui portaient alors le heau nom
d' enfans de France ; iI su~a avec le lait le respect et
l'amou~ponr Lonis XVI et pour ses íreres , et le
dévoúment á son roi se développa ehez lui en méme
tems que la tendresse filiale.


Il avait neuf ans lorsque la révolution éclata, et sa
mémoire resta frappée de ces eris d'amour , de ees
hénédictions populaires qui accompagnerent quel-
quesjours lenom da ministre que Geneve avaitdonné
a la France , et de ces clameurs injurieuses qui le
poursuivirent bientót apreso


Sorti de France avec sa famille lorsque le sang
commenca acouler, il parcourut d'abord l'Italie et




( 377 )
l'Allemagne; il prit du service en Russie, et vint en
1800 s'établir en Angleterre, auprés de Monsieur,
qui l'attacha asa personne. 11 était agé de vingt ans.


Personne n'a oublié les grands événemens dont la
France était alors le théátre, La transition se pré-
parait pour elle d'un état complet d'anarchie et de
licence a un gouvernement régulier qui devait lui
donner , ala place de liberté, l' ordre intérieur et la
gloire militaire.


Cette transition ne pouvait s'opérer sans effort
et sans secousse, et des dangers nombreux entoure-
rent les premiers pas de I'homme extraordinaire qui
relevait, avec d'habiles précautions ; les débris d'un
tróne sur lequel il avait résolü de s'asseoir.


Parmi les tentatives audacieuses faites contre lui ,
il en est une qui fut marquée du scean de la férocité,
et qui est connue sous le nom de complot de la
machine infernale; complot infame oú la barbarie le
dispute ala lácheté, et dont, apres vingt-neuf ans ,
le sonvenir éveille encore une justeet légitime
indignation, Un soup<;;on affreux s'était élevé autre-
fois contre M. de Polignac; on l'a nommé parmi les
complices de cet horrible attentat : ce soup¡;on s'est
renouvelé , ou plutót eette ealomnie s'est reproduite
dans un de ces momens .oú toutes les calomiliesre-
paraissent ardentes et empoisonnées, lorsque, pour-
snivi et menacé, tous les malheurs ont .dú l'accable r
a la.fois; et c'est, parmi les injustices par lesquellea
Olla cherché a flétrir son nom, celle qqllt le poi~
lui a paru le plus douloureux asupporter.




( 378 )
Réduit a repousser l'allégation d'un fait, a se dé-


battre contre l'impuissance d'une preuve négative,
jI eút en pour se défendre contre ces. accusations
vagues qni ne reposent que sur une rumeur popu-
laire, son démenti solennel et son défi de produire
aucun índice a l'appui du soup<¿on. Mais que peu-
vent, sur des préventions obstinées, les démentis et
les défis d'un accusé dont toutes les paroles sont
accueillies par la défiance, et chez qui le cri de l'hon-
neur blessé sernble toujours arraché par le besoin
de défendre sa vie?


La providence, par qui au moins les malheureux ne
sont pas ahandoonés , a suscité en sa lavenr !lll té-
moin súr , un témoin non suspect , dont le langage
frane et positif devra détruire tous les doutes.


Tout le,mon.de connait en France M.le comteRéal,
et les importantes fonctions qu'il a remplies avec
une haute distinction sous rEmpire. Je savais qu~
par sa position il pouvait mieux que personne avoir
connu les faits qu'il s'agissait d'éclaircir; je savais
que son caractere personnel et ses sentimens .poli-
tiques donneraient a sa dédaration tout le poids
d'une preuve. Jeme suis adressé alui pour connaitre
toute la vérité. Permettez-moi de vous lire sa ré-
ponse (J)..


"


(1) M. de Martignae lit cette lettre, par laqucllc l\!I. le comte Réal dé-
c1areentr¿ autres chos~sq~'apres avoir consulté de nombreúses notes lit
relu les déb~ts du proces , il peut attester que, dans tOllte cette terrible
affaire, le 110m de M. CÚJ Polignac n'a pas meme JU prononcé,




( 379 )
Ainsi s'explique, poursuit le défenseur, l'homme


d'honneur a qni la vérité est connue, et dont l'im-
partialité ne peut étre suspecte.


Gráce.au ciel , si le nom de M. de Polignac est en-
core melé au souvenir de la machine infernale , ce
ne pourraétre que par la hainej et ce nesera plus
par l'erreur.


Trois ans entiers s'écoulerent, pendant lesquels
celui dont je vous raconte la vie, continua a habiter
l' Angleterre. Il profita de ce séjour po ur étudier avec
soin les institutions anglaises, et je dirais, s'il n'y
avait pas entre cette assertion et les événemens qui
I'ont conduit devant vous quelque chose qui parait
contradictoire , qu'il les observa avec un vif intérét ,
et qu'il fit des voeux ponr que son pays pút s'enri-
chir un jour d'institntions pareilles acelles dont il
admirait les effets.


En 1803, un mouvement se prépara en France
en faveur de la dynastie exilée. Des officiers géné-
ranx d'une grande renommée dirigeaient cette pé-
rilleuse opération et paraissaient compter sur l'ap-
pui d'une portion considérable de l'armée et de la
population. Pichegru , l'un des chef de l'entreprise,
proposa a Jules de Polignac de l'accompagner ,a
Paris et de partager des dangers dont il ne lui dis-
simula pas la gravité. Celui-ci n'hésita pointalors
ale suivre, et il n'hésite pas, aujourd'hui ;aJ'avouer.
Fatigu~e par le. désordre, dégoütée par lafai-


blesse etpar. YimpériÜe.,.-I¡1France appelait.qe ses
vreux .un gouvernement protecteur et durable qUl




( 380 )
luí rendit le repés, Celui qui devait la satisfaíre n'a-
vait point encere jeté les fondemens de cette puis-
sanee souveraine qui a brillé depuis de tant d'éclat,
11 s'agissait, ñon de renverser un gouvernement
établi et de livrer son pays aux chances d'une révo-
Iution , 'mais de placer l'ancienne famille au lieu
d'une famille nouvelle sur le tróne qui se relevait.


Jules de Polignac arriva a Paris avee le général
Pichegru et le rrrarquis de Biviére. Son frere ainé
l'avait devaneé, Je ne vous raconterai pas les événe-
mens qui suivirent son arrivée et les résultats de
leur téméraire expédition. ÍIs ont fait la matiere
d'nn procés célebre et ne peuvent avoir été ouhliés.
Je ne m'arréterai que sur une seule circonstance
qu'il ne m'est pas poss!hle de passer sous silence ,
carrelle fait connaitre cet homme qu'on signale
comme insensible aux maux d'autrui , comme in-
différent sur le sang répandu; que dis-je P comrne
empressé de le faire répandre; et roan premier be-
soin est de briser cette arme cruelle dans les mains
de ceux qui peuvent s'en servir encere.


Son frere et lni avaient été arrétés et traduits de-
vant la Cour spéciale, avec Georges, avec Moreau ,
avec tous les acteurs de ce drame lugnbre. 1Je dé-
nouement approchait; le président demande aux
accusés s'rls n'ont rien adire de plus ponr leur dé-
fense. « Je n'ai qu'un voeu a exprimer , répondit
1'ainé des deux fréres : si l'un de nous. deuxdoit
périr, sauvez mon frere, cal' il est bien jeune en-
care! et que le gJ.aive tombe sur moi. - Ne l'écoutez




( 381 )
pas, s'écrie le jeune hommedans un état d'exalta-
tion et de douleur impossible adécrire , ne l'écoutez
pas; c'est lui qu'il faut sauver , c'est lui qu'il faut
rendre aux larmes d'une épouse : j'ai trop peu gouté
la vie pour la regretter, et je n'ai, moi , ni femme
ni enfans dont l'image puisse me poursuivre au mo-
ment de mourir, »


Ces paroles , qu'alors ilpouvait prononcer, ému-
rent l'~uditoire et les juges eux-mémes, mais ne
préserverent pas l'alné des deux freres de la terrible
condamnation dont il était menacé. L'arrét de mort
fut prononeé. Toutefois, Napoléon se montra gé-
néreux, et la peine fut commuée en une prison
perpétueBe. Le second ne fut condamné qu'a deux
uns de prison; mais la police ajouta ses rigueurs a
celles de la justice , et la détention dura huit ans
encore apres l'expiratioh de la peine.. Ces dix années
s'écoulerent au Temple et aVincennes, au milieu
des plus pénibles et des plus douloureuses priva-
tions, C'est la que, vivant dans le malheur et dans la
solitude, sans appui et sans avenir, il s'accoutuma
a chercher une consolation ailleurs qne dans ce
monde, qu'il acquit cette conviction religieuse q ni
aide a supporter les maux de la vie, et contracta ces"
habitudes de piété qui depuis ont servi de prétexte
atant d'injnstes préventions.


Les événemens de 1814 lui rendirent la liberté;
et ceux dont il avait eu peut-étre ase plaindre pen-
dant sa langue captivité , peuvent dire s'ils ont ja-
mais reconnu qu'il en eút conservé le souvenir.




( 38:1 )
M. ele Polignac vil avec nne joie qu'on ne lui par"


donnerait pas de dissimuler aujourd'hui , le retour
d'une famille a laquelle il avait voué son existenee
tout entiere ; il servit Louis XVIII avee zele jusqu'au
20 mars 1815; il quitta la Franee aeette époque; il
Y rentra avee la famille royale , et fut promn a la di-
g'hité de Pairo


Une restriction qu'il crut devoir faire a son ser-
ment d'ohéissance a la Charte, et qui fit aiourner
son admission , a été souvent rappelée; on y a vu la
preuve d'une vieille haine eontre nos .institutions
nouvelles, et le premier acte d'un long complot
tramé centre elles.


Peu de mots suffiront pour éclaircir ce que eette
circonstance peut avoir d'équivoque et d'obscur.


Lors de la seeonde restaunation, des modifications
a la Charte furent annoncées. A u nombre des ar-
tieles qui paraissaient devoir étre modifiés , ss trou-
vait celui qui déclarc la religion catholique religion
de l'État. Quelques Pairs.ne voulurent préter le ser-
ment cxigé qu'avec une reserve formelle relative
aux modifications qui ponrraient étre faites. l\I. de


• Polignac fut de ce nombre.
La Chambre des Pairs ne crut pas devoir admet-


tre un serment concu en d'autres termes que eeux
qui avaient été prescrits; l'admission de M. de Poli-
gnac fut done ajournée, et il ne siéga point en 1815 ;
mais, e~ 1816, le roi ayant formellement déclaré
qu'il ne serait fait a la Charte aucune modification ,




( 383 )
le motif de la restriction n'exista plus, et le serment
{l,lt prété.


Peut-étre , Messieurs , serait-il permis de tirer de ce
. '


fait ainsi expliqué une conséquence diamétralement
contraire a celle qu'on a voulu en induire. Dans
tous les cas, il n'est pas possihle d'y voir un indice
de haine centre la Charte ni le premier acte d'un
complot tramé contre, elle, et on n'y verra pas non
plus une légereté dédaigneuse poul' le respect qui
est dü au serment.


Je ne chercherai pas, Messieurs , les discours et
les actes qui out marqué parmi vous sa vie politi-
que; vos souvenirs me dispensent de cette recher-
che; mais je ne puis me dispenser de vous rappeler
quelques-unes des paroles qu'il pronon~a peu de
tems apres son admission.


On discutait au mois de janvier 1817 la loi élec-
torale: il la'cornbattait en faisant notamment remar-
quer que les contribuables de 500 fr., seuls appelés
au droit d'élire , ne représentaient que le tiers des
contributions directes ; que les deux tiers de La pro-
priété se trouvaient prives de tout droit d'électíon ,
et qu'ainsi les intéréts de la masse des propriétés ne
se trouvaient que fort imparfaitement représentés
dans la Chambra élective.


Répondant ensuite a eeux qui ue voyaient dans
le projet de loi qu'un essai qui pouvait étre tenté
sans inconvéniens, il s' expriII~e dans ces termes que
je recommande avotre cceur encore plus qu'á votre
raisou,




( 384 )
• Ce u'eet pas non plus, .Messieuri, dans les mamens critiques dan.
~ Iesquels nous nous trouvons , qu'il est temsde, penser a faire de pa-
» reils essais, ni de changer uu mode d'élections momentanément adopté.
» La France a-t-elle done entierement cessf d'étre agitée? L'inquié-
JI tude a-t-elle completement fait place au repos, la crainte 11. la con-
JI fiance, et la haine aramour?


• Ah! songeons, songeons d'abord 11 reunir tant d'intéréts divisés, a
• calmer tant de passions irrirées, Que cette Charle qui, dans sa pru-
• dente sagesse, indique des lois complémentaíres afaire sans détermí-
• ner l'époque de leur création, ait d'abord, par ses effets salutaires,
» confondu tous nos sentimens, comme elle rallie toutes nos esperan-
» ces...••. Oui , Messieurs, oubíions d'ahord nos querelles passées j
» croyons que si le Iloi et la patrie ont pll étre un instant séparés I'un
" de l'autre dans notre pensée, ils se sont toujours trouvés réunis dans
» notre coeur. Coucédons-uous mutuellement , coucédons-nous beau-
JI coup; I'effet d'un amour genereu:!. n'est jama¡s perdu ; otrrons enfin
~ a la France, aI'Europe entiere, le speetacle touchant d'un peoplede
• Ireres, forts et heureux de lcur union, Et c'est alors, Messieurs, qu'on
• peurra nous parler d'essais de lois a{aire. C'est alors, dis-je, qu'un
• semblable essai ne sera plus, j'ose l'assurer, qu'un avis demandé aux
• membres d'une famille unie, • •


Voila, Messieurs, comment le pair d'alors, l'ae-
cuséd'aujollrrl'hui, préparait déja la guerre civile,


Je continue : En 1823, M. de Polignac fut nommé
par Louis XVIII al'ambassade de Londres, et il sut
se faire, dans un pays oú les étrangers sont quel-
quefois écoutés avec défiance et jugés avec sévérité ,
une réputation de loyauté dont je me bornerai a
rapporter une preuve.


Une discussion assez vive s'étant élevée ala Cham-
bre des Communes a l'oceasion de l'occupation de
l'Espagne par Yarmée Irancaise , M. Canning donna
sur les intentions deO la Franee quelques \ explica-
tions propres asatisfaire la Chambre. Plusieurs voix




( ·~U~ )\ ,)ot>


s'éleverent alors pour demander si ces explications
étaient fondées sur quelque note diplomatique. « Je
n'ai re~'n acet égal'd, répondit M..Canning, aucune
cornrnunication officielle, mais j'ai la parole de I'am-
bassadeur. » Et cette réponse satisfit la Chambre, et
aucune interpellation nouvelle ne fut adressée au
ministre,


.M. de Polignac conserva 'son ambassade pendant
six ans, Enfin, au mois d'aoút 1829) le Roí l'appela
au ministere des affaires étrangéres,


Tel est l'homme sur lequel pese la terrible accu-
sation dont vous étes les juges. Il a marché jusqu'a
vous au milieu de ces préventions vagues et géné-
rales qui rendent la conscience soupconneuse , et
sous lesquelles l'accusé perd jusqu'a cet intérét in-
volontaire qui s'attache au. malheur.


Cespréventions fnnestes , abordez-Ies avec moi ,
Messieurs : c'est votre devoir comme c'est le míen ;
car, pour bien juger l'accusation, il faut que vous
la voyiez seule et dégagée.Regardez cet odieux COI'·
tége s'effacer et disparaitre a mesure qu'on l'ap-
proche.


M. de Polignac est , dit-on , un fanatique ultra-
montain , ami et protecteur d'une société dange-
reuse; intolérant en matiere de religion.


Cest ici une de ces matieres sur lesquelles on ne
transige pas avec sao conviction. Le fanatique brave
l'échafaud et court au devant du raartyre ; l'homme
animé d'une.piété vive et d'nne foi sincere ne renie


lf.




( 366 )
pas ses principes , et ne racheterait pas sa vre au
prix d'un désaveu mensonger.


On peut donc croire a la vérité des paroles que
je prononce ici ponr lui,


M. de Polignac est inébranlablement attaché a la
foi de ses péres. nappartient asa religion par amour
et par conviction; et il ne ferait a aucun intérét , a
aucun danger, le sacrifice des devoirs qu'elle [ui
impose, Mais cette piété, filIe du malheurv n'a rien
de l'aveuglement et des fureurs du fanatisme; sujet
fidele de son Roi et citoyen de son pays , il n'a jamáis
reconnu de puissance contraire a l'autorité de I'un
et aux droits de l'autre.


Ce n'est pas au moment oú 'ils sont proscrits,
qu'il désavouerait ses rapports avec les mernbres
d'une société dont on l'accuse d'avoir été I'ami ; mais
il peut dire , paree que la véeité peut étre dile dans
tous les tems, qu'aucun rapport n'a existé entre
eux et lui. Il ajoute que son nom ne s'est jamais
trouvé melé aaucune qnestion religiense, et que
jamáis aueune relation n'a existe a ce sujet entre
lui et aucune puissance étrangere.


Parlerai-je de son intolérance?
Il a depuis quatorze anhées ason service des per-


sonnes d'une autre religion que la sienne, et ces
personnes diraient au besoin si sa coníiance leur a
manqué, si leur culte a été ponr elles un sujet d'ín-
quiétude OH de .gene, si la liberté la plus entiere ne
Ieur a pas été accerdée ace sujet , et si jamais maitre




( 387 )
plus humain et plus généreux trouva des serviteurs
plus fideles. •


1\.u nombre d"es jeunes diplomates qui ont été at-
taches a son ambassade, il s'en est trouvé un que je
cite, M. le baron Billing, qui professait la religion
protestante. Qu'on l'interroge sur ce point.


On parled'intolérance politique! Et quel fait
pourrait-on rappeler, quel nom pourrait-on citer a
l'appui d'une supposition pareille?


M. de Polignac n'a jamais conservé le souvenir
fkheux d'une controverse politique, queIque vive
qu'elle eút été; personne ne: pourraitdire l'avoir
entendu exprimer du ressentirnent on de la col ere
ponr ses adversaires. J'invoque ici des souvenirs :
je les invoque au dehors dans un moment oú .les
passions sont animees , oú les appels ala publicité
sont dangereux, etcependant i'oserai -aire q!le je ne
serai pas démenti,


On lui suppose une haine constante et invétérée
contre nos institutions , el dans ce trait de son ca-
ractere on trouve un grief ponr l'accusation. Mais
en Angleterre , il avait contraeré le goút, l'habitude,
le besoin des monarchies constitutionnelles l Mais,
en 1826, un émigré francais ayant publié aLondres
un libelle oú Louis XVIII était outragé pour avoir
donné la Charte a la France, .1\1. de Polignac de-
manda sur-Ie-champ , et daus les termes les plus
énergiques, I'autorisation de poursuivre le libelliste
devant les tribunaug anglais; mais, enfin, des ~c­
quérenrs des hiens de sa.famÚle, confisques en 1793,.




( 388 )
1m dyant offert a son retour de les lui rendre ou
d'acheter, sa ratificatíon, il leur répondit qu'aux
termes de la Charte les propriétés ~ationales étaient
inviolables comme les autres, et qu'ainsi ils n'a-
vaient rien a{aire pOllr consolider la leur. Peut-étre
ce témoignage de respect pour notre loi fondamen-
tale pouvait-il dispenser d'en recherchcr d'autres.


On le croit inflexible pqur les fautes d'autrui , im-
placable ponr ceux qui ont marché SOllS d'autres
drapeaux. Daignf'z écouter, Messieurs , ces trois let-
tres écrites a M. Vertamy par des hommes condam-
ués tous les trois a la-peine de mort pour des crirnes
politiqnes, et jugez s'il y a quelque justice dans ce,
reproche (1).


Tel est, poursuit le défenseur, Messieurs, l'homme
intolérant et implacable, I'homme dont l'esprit de
parti aurait fermé le coeur a tout sentiment d'hu-
manité.


Eufin, on l'a representé souvent dévoué a d'au-
tres intéréts qu'a ceux de la France , étranger a tout
sentiment de patriotismo et d'honneur national.


n y a dans le vague d'une pareille injure , qui
blesse un homme dans ce qu'il a de plus précieux,
quelque chose de plus pénible et de plus douloureux
que dans ces accusations positives qui menacent la
vie, mais contre lesquelles on peut se défendre.


(1) Le défenseur lit trois lettres , la premiere de M. le capitaine De-
lamotte, la seconde de 1\1. MOltier, la derniere de M. le général de Van-
cloncourt, qui s'accordent, tous trois, 11 rentlre publique leur reconnais-


... unce pour dos serviccs aeux rendusepar M. de Polignac.




( 389' )
Je voudrais pouvoir dérouler ici le tableau de tous


les actes qui ont marqué la carriere diplomatique de
celui qu'on signale ainsi ; ce serait la ma meilieure
réponse. J'y jette, en courant , un coup d'ceil rapide.


Depuis la restauration , les Anglais envahissaient
nos pécheries sur les cotes de l'ancienne Norman-
die: illes a fait abandonner.


Notre pavillon avait été insulté sur les cotes d' A-
frique sous divers prétextes : des réparations ont
été obtenues, et l'ordre a été donné derespecter le
pavillon francais.


Depuis dix ans on refusait a un grand nombre de
Francaís le paiement de sommes qui lenr étaient
dues.: la liquidation en a été ohtenue.


On opposait a de justes rédamations formées par
les colons de Saint-Domingue une déchéanee arbi-
traire : l'obstacle a été levé;


Plusieurs produits de nos manufactures étaient
ecar-tés des marches anglais : ils y sont admis.


Un traité de navigation, qui contint des stipula-
tions équitables et avantageuses pour la Franco, était
depuis Iongtems desiré : ce traité a été souscrit.


Une expédition' a été faite, réclamée par la reli-
gion et l'humanité , que pressaicnt les voeux de tous
les peuples civilisés : le armes francaises ont arrété
les flots de sang qui inondaient une terre si riche
en héroíques souvenirs ; elles ont arraché a l'escla-
vage des peuples faits pOOl' la liberté; mais la poli-
tique seule pouvait couronner ce noble ouvrage,
et le devoir d'un mandataire de la France était a-la,




( 39° )
{oís de consolider -la délivrance , et d'en étendre le
plus loin possible les grands et salutaires effets. Ce
devoir, tous les documens déjá publiés ne permet-
tent pas d'en douter, M. de Polignac l'a rempli avec
nn úle infatigable, avec une prudente mais éner-
gique constance, et la trace de ses efforts se retrouve
dans la concession de chaque forteresse et de cha-
que portion de territoire qui ont été obtenus au
dela de la Morée. ft.


J€ m'arréterai la, Messieurs , et je ne dirai rien des
actes de son ministere ; je ne rappellerais méme pas
eelui qui a ajouté a tOIlS les trophées de la France un
nouveau trophée digne d'elle , si la préventíon, dont
le eontaet noircit tout, n'avait pas trouvé le moyen
d'en Iaire un sujet de bláme et presque un grief d'ac-
eusation.


AIger étaiten guerre avec la France r et le blocus
prolongé qui fatiguait ses cotes imposait au trésor
des sacrifices saos résultat. Des tentatives de conci-
liation avaient été faites, et la derniere avait été
suivie d'une injure que l'honneur francais ne pou-
vait souffrir.


Le Gouvernement, justement ménager du sang
et du trésor de la France, chercha encore a ob-
tenir , par l'intervention de la Porte, la répara-
tion qu'il avait droit d'exiger. Cet essai ne réussit
paso


C'est apres avoir épuisé tous lesmoyens pacifiques,
q.u'il se décida aemployer la force des armes, et, en
adoptant ce parti , il ehercha a rendre les sacrifices




( 3DI )
qu'iI allait demande,' a notre pays, a la fois glorieux
et profitahles. Punir le despote d' Alger, rétahlir avec
Trípoli nos relations interrompues, détruire la pi-
raterie, abolir le honteux esclavage des Chrétiens ,
et délivrer les nations européennes des tributs
ignominieux que la civilisation payait depuis si
longtems a la barbarie, tel fut le plan concu ; et
il faut le dire, il était digne de la France, Ce plan
fut exécuté avec une merveilleuse bravoure par
l'armée francaise , ~t aDieu ne plaise que eeux qui
1'avaient préparé veuillent rien enlever a la gloire
qui lui appartient; mais leur serait-il done interdit
de dirc qu'ils avaient bien compris tout cequ'on
pouvait entreprendre avec des soldats franeais , et
que leur entreprise n'a pas été sans honneur et sans
utilité ?


Les trésors , fruit de fa eonquéte, en paient les
frais; et graee au Ciel, les bravos qui les ont con-
quis sont derneurés purs de l'odieuse cal!omnie qui,
partie de leur pays, avait été les frapper sur la terre
ennemie.


Les vaisseaux qui répandaient la terreurdans notre
commeree font aujourd'hui partie des escadres qui
le protégent,


Les innombrableseanons quidéfendaient lerepaire
contre nos att~ques, gardent notre conquése , ou en-
richissent nos arsenaux.


Tunis et Tripoli ont abandonné les trihuts, aboli
l'esclavage, renoncé a la piraterie , et délivré leurs
propres sujets d'un systeme d'exactions et de mono-




( 3g'.i
poles, funeste a leurs-intéréts comme a ceux du corn-
merce de l'Enrope. Voila le résultat de l'expédition
d'Afrique.


'Messieurs , un ministre accusé de trahison envers
son pays.avait peut-étre le droit de rappeler cet usage
qu'il a fait d'une autorité passagere.


Je n'en dirai pas davantage; et toutefois ceux qui
ont eu le devoir et la possibilité d'examincr ses autres
actes, ne me démentiraient pas si je disais que, dans
tous nos rapports avec l'extérieur, l'honneur et les
intéréts de la Franee out été noblement défendus.
Je n'ajoute qu'un mot, et celui-la, je serais coupahle
si je l'omettais, c'est que jamais aueune puissance n'a
été informée ni iuterrogée sur les projets de I'admi-
nistration intérieure, ni sur les rapports du Hoi avec
la nation, Un ministre francais savaitbien qu'aucune
pensée étrangere nepouvait se placer entre elle et
lui.


Telle est la vie, tels sont les actes de l'homme
que vous jugez; je ne vois dans tout cela, je
l'avoue, rien qui luí méritát la honte d'étre of-
fevt aua: esperances des ennemis de I'ordre el des
lois.


Certes ,je suis loin de rechercher des éloges;. hélas!
je ne fais point une apologie l Je sais bien , et je ne
puis oublier que je défends un accusé devant ses
juges. Tout ce que je demande, c'est que cet accusé
paraisse devant eux tel qu'il est, et non tel que les
passions ou I'erreur l'ont signalé. Ce que je veux
c'est que les juges de ce grand preces, c'est que la




( 393 )
France sachent si la haine, la haine seule , doit ac-
compagner iei cet homme que les événemens y ont
jeté, se débattant au milieu de ses Pairs , contre
une accusation capitale; si eet homme est un étran-
gel', un ennemi que son pays doit désavouer et
proscrire.


Je puis maintenant pareourir avee plus de sé-
. eurité les. tristes détails qui nous resten t ; je ne
retrouverai plus l'incrédulité armée' par les sou-·
venirs,


On peut ainsi classer les charges accumulées a
l'appui de I'accusation d'avoir provoqué a la guerre
civile, et porté le rnassacre dans le capitale: •


« M. de Polignac a fait revétir M. le duc de Raguse du commande-
ment des troupes qui se írouvaient dans la premiare division militain- ;


• La force arrnée a re~u I'ordre de faire feu sur le peuple sans soro-
mation et avant toute provocation. M. de Polignac seul , instruir des
faits et dirigeant les mouvemens, a maintenu pendant trois JOUTS cet
ordre barbare qui a été exéculé ;


• II a Fait mettre Paris en état de siége, el s'est oceupé d'organiser les
conseils de guerre devant lesquels les citoycnsjdevaíent étre traduits et
jnilitairemcnt jugés;


• Des ordres d'arrestation arhitraire ont été donués ;
» Le 28, d'honornbles députés se sont rcndus aupres du maréchal


commandant la premiare division , pour Iui faire des propositions de
transaction. M. de Poligna~. qui avait d'abord annoncé l'intention de
les recevoir, a refusé de les entendre, et a repoussé tout espoir de con-
ciliation, Rien ne prouve méme qu'il ait informé le Roi de cette dé-
marche pacifique;


» Le 29. de l'argent a été distribué aux troupes ;
» Enfin, le méme jour, M. de Sémonville et M..d'Argout sont venus


aux Tuileries ¡>üur réclamer la fin de cette horrible tragédie:ils"y dnt
vu les ministres et le maréchal ; tous paraissaient consternés, mais do-




mines par un pouvoir supérieur au leur. M. de Poliguac soutenait seur
la lntte el paraissait s'opposer 11 ce que les denx pairs allassent éclairer
le Iloi.•


Voila bien l'accusation tout entiere ; je n' omets
rienjje n'affaiblis r-ien, Pourquoi chercherais-je á me
tromper moi-mérne? Votre oubli ne suivrait pas le
míen.


Quelle eharge peut-on trouver dans la remise
faite a M:. ie due de Raguse du cornmandement des
troupes réimies a Paris? Le duc de Raguse était
depuis un grand nombre d'années gouverneur titu-
laire de la r" división. Le général Coutard , qui
avait le .commandement effeetif, était absent depuis
plusieurs semaines et ne devait pas revenir encore;
il avait été convenu qu'on donnerait au maréehal
des lettres de ser-vice qu'íl demandait depuis long-
teros; M. le vicomte de Champagny a expressément
déclaré qu'il avait eu connaissance de ce projet. Les
lettres de services furent signées le 25, l'avis en fut
donné le '.16. Quand i] serait vrai que les mesures
extraordinaires qui venaient d'étre prises eussent
été pour quelque ehose dans la date de cette nomi-
nation, qu'en faudrait-il conclure P Que le conseil
avait prévu une résistance populaire, un souleve-
ment général; qu'il s'était disposé a une guerre ci-
vile,


Eh! Messieurs, jetez les yeux sur tout ce qui s'est
passé , et voyez s'il est possible de le croire. Jamais
París n'avait été plus dépourvu de troupes, jamáis
moins de précautions n'avaient été prises , jamai~




( 395 )
mesure n'avait été moins combinée avec ses moyeus
de succesj jamais eatastrophe De fut plus évidernment
impróvue, •


On avait cru d'abord trouver un commencement
d'exécution dans un ordre du jour donné a'lá garde
par le major-général de service, le 20 juillet, et ré-
glant la marche et la disposition des troupes, en cas
d'olerte ; et comme cet ordre émanait du duc de
Raguse qu'on retrouvait cinq jours apres appelé au
commandement de París, on en avait eonelu que
déjá et d'avance tout avait été réglé et preparé ponr
l'action; mais eette eonclnsion est tombée hientót
avec le faít dont 00 l'avaít induite ; il a été re-
connu que l'ordre du 20 juillet n'avait rien de spécial,
rien d'extraordinaire, qu'il était de forme et d'usage,
et ne se rattaehait en rien aux événemens qui on t
suivi,


Dégagée de cette circonstanoe , la nomination du
duc de Raguse n'offre évidemment ni preuve, ni
índice d'une préparation, et encoremoins d'une exci-
tation a la guerre civile.


ce Mais·eette guerre, elle a eu lien; la force armée
a reeu l'ordre de faire fen sur le peuple, sans soro-o
mation , san s provocation, et M. de Polignac a main-
tenu pendant trois jours cet ordre barbare qui aété
exécuté, »


Hélas l Messieurs , il n'est que trop vrai : Paris a
vu pendant trois jOl.1rs ses ru~s ensanglantées, ses
habitans frappés de mort. Le son lugubre de ses
cloches d'alarmes , le hruit de ce tonnerre destruc-




( 396 )
teur qui traversaitle silence des nuits, le spectacle
affreux de ce déchirement au sein de la famille, out
laissé dans tons les esprits une impression profonde
qui ne s'effacera jamais. Mais que peut-il nous res-
ter de ce souvenir terrible qui porte dans votre
ame la conviction du crime dont on poursuit la pu-
nition?


Est - il certain, certain comme l'exige la con-
science d'un juge, que la force armée ait tiré sur le
peuple saos provocation et autrement 'que pour sa
défense?


Ce point fút-il constaté .d'une maniere positive ,
est-il certain qu'un ordre pareil mlt été donné , et
enfin oú trouve-t-on la preuve qn'ill'ait été parM..de
Po1ignac?


Il faut CfS trois certitudespour justifier l'accusa-
tion.


Vous n'exigez pas, Messieurs , que je me traine
péniblement sur ces sanglans détails des trois jour-
nées; que j'excite de douloureux souvenirs ; que je
rouvre des plaies encore saignantes; que j'aille in-
terroger les tombeaux ou soIliciter la rumeur pu-
blique pour savoir si les prerniers Francais qui sont
tombés étaient revétus de l'habit du soldat ou de
celui du citoyen. Qni ne comprend tout ce qu'il y
aura, dans des dispositions de eette nature , de va-
gue, d'insuffisant , de contradietoire, sans étre in-
conciliable? Comment chereher une vérité absolue
au milieu de tant d~ faits dífférens, et par consé-
quent de tant de réeits divers ?




( ::>97
D'une part, on a entendu.M. Joly , M. ele Mauroy,


lVI. Delaporte , M. Pillo)', M. Marchal,. M. de Boste,
M. Greppo ~ NI. Bayeux, M. Letourneur , racqnter
qu'en leur présence la force armée s'est portée sans
provocation a de coupables violences contre le peu-
pIe, et je ne"conteste ni I'exactitude ,ni la sineérité
de leurs dépositions,


Mais , d'une autre part, M. dePuybusque, M. Du-
plan, M. le eomte. de Virieu, M. de Saint-Cermain ,
M. Delaunay , M. le général de Saint-Chamans , af-
firment que, partout oú iIs se sont trouvés , les pre-
mieres violences ont été commises par le peuple, et
que la troupe ne s'est déterminée a [aire usage de
ses armes, que par la nécessité absolue ou elle a été
mise de se défendre,


Dirait-on que ces témoins appartenaient eux-
mémes a l'armée, et que Ieur langage peut n'étre
pas entierement désintéressé? Quoiqu'en matiere de
dépositions faites en présence de la justice et sous
la foi du serrnent , une pareille objection fUt peu ad-
missible et peu eonvenable, je pourrais lui donner
quelque importance sans que rna défense en {út af-
faiblie, cal' je trouve !eurs déclarations confirmées
et corroborées par celles d'un grand nombre de ci-
toyens.


Je citerai d'abord les anciens commissaires de po-
lice Demazuge, Lange, Allard et Galleton , et enfin
MM. Plougoulm, avocat; Feret, libraire; Ducastel,
marchand, et Masson, avocat. De to~tes ces déposi-
tions , il résulteque dans les lieux indiqués pat' les




( 3~)8)
témoins , aux heures diverses qu'ils rappellent , les
tl'oupes n'ont fait usage de leurs armes qu'apres
avoir été elles-mémes assaillies et maltraitées .


• •11 ya plus, et vous aurez remarqué que parmi
ceux mérnes qui ont signalé les actes de violence
commis par les soldats, plusieurs ont'reconnu que
ces actes avaient été précédés de provoeations réité-
rées et d'attaques plus ou moins dangereuses.


Ainsi , M. Pilloy a parlé de pots de fleurs et de
caisses jetées du haut des croisées; ainsi M. de la
Porte, que la pel·te de son fils, fráppé dans sa mai-
son, n'a rendu ni injuste ni vindicatif , a déc1aré
qu'avant les décharges qu'iI a remarquées , une pa-
trouille avait été (ce sont ses expressions ) Mbtmée
de pierres.


Ainsi, M. Boniface, 16 méme qni a refusé avec
tant de résolution <le faire les sommations requises
par un officier , et qui se plaint de la violence exer-
cée sur lui mérne ~ cette occasion , a reconnu qu'a-
vant les charges faites par la gendarmerie, plusieurs
gendarmes avaient été blessés.


Je ne conclus pas, Messieurs , de ce que je rap-
pelle, que partout et toujours le pecple ait pris I'ini-
tiative de la violence; mais 'il me semble démontré
que les premiers eoups ont le plus souvent été por-
tés par lui , et je suis confirmé dans cette opinion
par la déclaration de M. Plougoulm et eelle de
1\1. Courteille , qni parlent de violences commises
des le lundi 26, au ministere des affaires étrangéres,
avant qu'aucune force n'eút été déployée; et par




,(399)
celle de M. Petit , ancien maire ,qui dépose de lH'o-
vocations faites le .méme jour au poste du Palais-
Royal.


Au surplus , Messieurs , je le répete : je .crois sur
ce point une enquéte entierement mfructueuse. La
différence des jours , des lieux , des heures , rend a
peu pres impossihle .la concordance des. déposi-
tions , sans laquelle UIl'y a pas de conviction ni de
preuve.


le me borne a cet égard a une simple observation,
puisée non dans la procédure, mais daos les con-
séquences naturelIes a déduire des faits connus.


Que s'esr-il passé le 26, et cornment le tumulte
a-t-il été produit?


Les ordonnances signées la veille ont paru le ma-
tino Ces ordonnances ont , pendant la journée, ex-
cité les plus vifs mécontentemens : des ateliers nom-
breux ont été fermés; des ouvriers déponrvus d'ou-
vrage et de ressources, se sont réunis et ont par·
couru la ville. Peu apeu, la population a pris part
a ce germe de fermentation et a manifesté la volonté
de résister a des actes arbitraires , et de repousser
ceux qui les avaient souscrits,


Pour elle, la défense était évidemment l'attaque.
Ce n'était ni par le calme, ni par I'inertíe que son
but, le seul qu'elle dút avoir , pouvait étre atteint.
Les premiers attronpemens ont dú étre agressifs;
el quand la simple sédition est devenue une réeo-
lution, quand le drapean aux trois conleurs a été
arboré en face dudrapeau blanc, la nécessité de l'at-




l 400 )
laque était devenue plus impérieuse encore, cal' la
súreté n'était 'plus que dans la victoire.


Telle a été constamrneut la position du peuple.'
Pour le gouvernement, au contraire , tous ses


voeux devaient étre ponr le maintien de l'ordre, cal'
il n'avait rien a gagner dans une violente émeute,
et l' ex périeI~ce a prouvé qu'il ypouvait tont perdre.


Pour les soldats enfin, quel intérét pouvaient-ils
avoir dans une lutte civile ? Verser du sang , et le
sang de leurs freres qui combattaient pour les droits
de tous, était-ce la une tache au devant de laquelle
ils dussent étre si empressés de courir?


n me semble que la puissance des choses a da
faire arriver l'agression matérielle de la part du
peuple. Il faudrait dire autrement que le peuple se
serait sournis aux ordonnances du '.&5 juillet, et qu'il
ne s'est soulevé qu'a cause des violences auxquelles
il a été exposé. Je ne crois pa.s que les auteurs de la
révolution veuillent reconnaitre qu'il en soit ainsi,


On se plaint que dans plusieurs lieux, les somrna-
tions prescrites n'ont pas été faites. 11 parait, en
effet, qu'au milieu du désordre affreux auquel Paris
a été livré , cette forrnalité n'a pas été partont exac-
ternent remplie; toutefois, de nombreux témoins
attestent que les officiers eux-mémes out souvent
adressé aux citoyens des invitations réitérées .de se
retirer; il faut ajouter que les sommations régulieres,
inaispensables et possibles lorsqu'il s'agit dedissiper
des attroupemens tumultneux, mais non agr'essifs,
deviennent souvent irnpraticables lorsque les troupes




/


( 401 )
sont elles-mérnes attaquées et obligées de repousser
la force.


Au surplus ( et cette observation aurait suffi a la
défense ) pour que l'accusation ?fut fondée , ce n'eút
pas été' assez de prouver 'que la force armée avait
commis des violences sans sommations e,t sans pro-
vocations , il faudrait encoré établir qu'elle en avait
re¡;u l'ordre , et que cet ordre émanait dcM. de Po-
Iignac, 01', é' est la ce qui, lo in d'étre étahli par la
procédure, est , au contraire, forrnellement démenti
par elle.


Deux témoins, le comte de Virieu et M. le com-
mandant de Blair, ont déposé sur les ordres recus,
Le~troupes devaient repousser l~ force par la force,
et cela est déja contraire a toute idée de violence
agressive. Deux autres , M. de Guise et M. de Kornió-
rouéki , tous. ie5 deux aides - (fe- camp du maréchal,
out expliqué plus chürem'ent les ordres. D'apres le
premier, les tronpe.s devaient employer la balon-
nette si on Ieur résistait , et ne íaire feu que dans le
cas oú on ferait feu sur elles. D'apres le s~cond. les
ehefs de colonnes avaient ordre de ne tirer sur le
peuple qu'aprés avoir re¡,;u eux-rnémes [usqu'á cin-
guante coups de fusil.


Voila tout ce que la procédure offre d'élérnens de
conviction sur ce point. Les ordres étaient donnés
par le maréchal , et par le maréchal seul. M, de' po-
lignac y était et de..:ait y demeurer étranger. On s'est
plu ale représenter cornrne le directeur de tous les
mouvemens, coro me le centre oú aboutissaient toutes


11. 26





(402)
les commnnications:' Et de toút celaquelle prenve
rapporte-t-on? Deux notes de police , du 27 juillet,
trouvées chez lui , qu'il affirme n'avoir jamaisvues.
,:n importe de se fixer' sur ce point essentiel qui
a paru plusieurs fois occuper l'attention délaCour,
Les ordonnances un 25 juillet n'ont den changé a
la. forme de gouvernemént ni ,aux attributions des
ministres, lVI. de Polignac n'a nullernent prescrit a
M. Mangin de luí -adresser xlorénavant les rapports
qu'ildevait ádresser a M. le ministre de l'intérieur ;
et si 1\'1. de Peyronnet n'en a pas re<;ll, ce fait, qui
parait certain , est naturellernent expliqué par la
déclaration de M. GaIleton, aneien, commíssaire de
police , qui 'expose-que.,le ,mardi, ,"fu:',Mangin .adres-
sait ses rapports a-1'4, le maréchal ; et que, des le
merefedi .máJ:in ,ila;yait cessé ses.fonctions,
" Tout ce que M;'de"ólighac snt:posit~v-€Jn.ent<d.ans
la journée du mardi , c'est que' des rassemblemens
s'étaient forméssur 'plusieiu-s points, et que le com-
rnandant' de'la division avait envoyé desforces pOUl'


'les eurveiller et Ies dissiper,
Dans la soirée, les inquiétndesparaissaifnt plus


graves: on annoncait desmouvemens considérables,
des attaques multipliécs et ncmbreuses.. pour le
lendemain, o'


C' est alors q u' on eút 1'ijée de recourir a la mesure
extraordínaire de l'état de siege. Cette mesure fut
diséutée le mardi , ::J.7,tI;.u soir ; élle parut de r;ature
a produire I'effet qu'on en attendait ,célQ,i.d'effray:er
et de eontenir. M. de Polignac n'avait fait aueune




.( 403 )
~.lde de la l,égislation surcette matiere ; il s'inforrna
d'abord si la mesure était légale , et sur la' réponse
affirmative qui lúi fut faite, il consentit a la prendre
sous sa responsabilité. Des doutesse sont: élevés sur
le point de savoir si la-délibérationavait été, condi-
tionnelle ou définitive. M. de Polignac ét M. diChan-
telauze croient que la mesure fut,positivelllent
arrétée, M. de Peyronnet pense qu'elle demeura
sorgnise a une sorte de coirdition résolutoire po"ur le
casoú I'óedre aurait été rétabli le lendemain, M. de -
Guernon-Ranville ne pettt rien affírmer a cer égard.
; Vous attachez sñrement peu d'importance a cette


légere -dissidenee. Quand iI serait vllÍli que le projet
d'ordonnance dút étre abandonné dans le cas oú
I'ordre aurait été rétabli lé lendemain , les événemens
qui comméncerent la joarnée du mercredi expliquen t
asseique".lecas prMu n¿'~ t'e:tHs~pl1s; 'et' 1\r.- de
PPli~~c s-é~'¡:ehdit ~l Saint ~ Cloud pO,ur y soumeÚre
l'ordonnance co.nvenue:.a la signature du Roi. _


Je sais , Mes6ieurs ,tO't1,t ce-qu'a dú produire de
méeontentement el' .d'exaspération -dans les esprits
cétte mesure extraordinaire ; je comprends toút ce
qu'il ya de déplorabledans la situation d'un gouver·
nement oPligé de recourir ade pareils moyens , au_
sein de la. capitale , et je ne .puis m'étonner de l'irrita-
tion qU'ils ont laissée dahs lesesprits.


Touteíois , il faut reconnaitre que; la 'fuesure en
elle-méme n'a rien d'iUégal. L'art. 53 du décretim-
péríal .du 24 décembre- 18 JI' prévoit 'etregk le eas
oú l'état de sieg~ peut étre ordormé parun décret
de l'Empereur. Ces cas sont : l'investissement , une




( 40 4 )
atraque de vive force OH par surprise, une .sédiLtkJn
intérieul'e.. .
Ce,detniercass~ présentait maniíestement et a un


degré· shffisant _pOUl' justifier Iégalement la mesure.
Cette mesure n'avait ríen .d'i.ncq,nstitlttioimel, et


le décret. du 24 décembre 1811 n'avait pa,s été abrogé
pal' la Charte, car il a été récemment encore mis en
usage pour une ville et méme pour un département
dn mini; d'autre part, il est jnste d'envisager.les
circonstances OU elle .~ été prise, de voir tour-ce
qu'elles avaient de gl'ave, d'impérieux , de pressant;


{ ~e se rendre cornpte de ce qui devait se passer dans
I'árne de. ceux sur. qui pesait jme responsabilité af-
freuse; etavec ces souv~nirs et- ees I:éfte:u<ms, QIl
sent que l' erreur aétépossible et que la rigueur dans
le jugepepJ toucherait évide¡nm,~Il~a.l'injusticé,
. ~P, :i·V1íaa,n~i9)!do"nce.de'1U~~:tn,~i.ª,é siége
une' combinaison odieuse formée par M: áe 'Pol\g.}.ae
pour enlever les. citoyens a leurs juges 'naturels, et
pour les livrer-a la juridiction militaire, Eh! Mes-
sienrs,' il' résulte de la procédure que M. ·de Polignac
ignorait lui-mérne les conséquences de l'~cte qui
avaitété résolu. La déclaration qu'il a faite a ce su-
jet 'dails son in terrogatoire est confirmée: par la dé-
position de M. deCha,mpagny. lI. 1)1. dePolfg~ac, .dit-
~) il , m'annonca que la mise en état de siége venait
» el' étre siin~~; il me demanda de lni donner des
» renseignemens sur ce que la législation a fi~é1't!la­
» tivemeiü ti l'état'de siépe, ~t spécialement ~~r l~s
» conseils dé gnerreqll'il pensaitdevoir.etre créés d'a-


pres la loi , aussitót qne l'état de siége est déclaré. »




( 405 )
M. de Champagny rédigeaune note qu'il presenta


plus tard aM. de Polignac, er.que celui-ci le chargea
de re~ettre au duc de Raguse. Cette note Ifeui au-
cun résultat, et il n'y eut póintde conseil de' güerre
furmé. '.


A la vue de pareils renseigne,mens, qui peurrait
trouverIa la préuve d'une combinaison odieuse-etle
texte d'une accusation detrallisorÍ9 ' ''';'


Onditque l'ordonnance ne fut pas publiée ; mais
il-est 'certairl qu'elle le fut en quelques lieux ,et
qu'ellé fut adressée aux trihunaux ; que M: Mang1n
annonce avoir transrnis a M. le président les me-
moires.des irnprimeurs et afficheurs , qui constatent
l'impression et l'apposition des placards le ~8 juiUet;
mais , d'un autre coté, M. de Polignac aváit' fait tour
ce qu'il devajt íaire en laTeín~lant aceux qui étaient
chargé& de l'exé~ution ;, mais encoré les événemerrs
marchaient plus vite que les mesures; mais enfin on
ne peut pens~r qu'il y eút intérét a la cacher, car
c'est de la pu1licité et dela crainte qu'elle pourrait
causer qu'on espéráit queli:¡ue' résultat ; et M. de Po-
lignac voulait si peu qu'elle füi igoorée que, dans
son billet au duc (le Baguse, quí a étérnentionné
dans le rappOI:t fait a la Chambre des Députés , on lit
la recommandation de faire crier partout qUé le Roi
donnera de l'argent aux ouvriers s'ils quittent les Te-
voltés; et qne, d'un autre coté, lescoupables seront
jugés par un conseil de guerreo .


C'en est assez sur ce point ; parcotirons r<~pide­
ment les derniers faits, Pardonnez-moi , Messieurs l




( 4(6) ,
de vous, fatiguer si longtems; l'accusation peut bien
réduire le' nomhre des charges, mais la défensene
peut ~n.oD;le~~hre aucune, et il faut-bien plus de tems
pour cicatriser une blessure ~ue.pour la faire..


« Des -ordres d'arrestations .arbitraires ont été


» donnés.'. .
'Ici"peu. de mots snífisent ': on avait parlé d'un


complot odieux, d'un infame guet-a-pens qui' aurait
consisté aappeler a Paris les Députés au moyen de
leurs Iettres-closesj- afin de se saisirplus faci1ement
deIeurs personnes. Ce complot s'est évanoui avec
les Cours prévotales , avec les incendies, avec [es or-
dres 4u jóur, ~l n'en reste aucune trace sérieuse,


MElis·untérnQiu)..un ancien colonel de gendarnierie,
~4épos~ "voir,re<¡u du mal'éc~ l'ordre d'arréter
p!usi~~ dé-P1.l,t~~.~\.qu~lque~Q§:~~meont été
désignés par leur nom; il a ajouté que cet ordrJt fut
révoqué quelques momens apreso


C'est encore la pour l'accusatiop Ia matiere d'une
gl~ave imputation.


L'ordre d'arréter a été donné par Ie maréchal ; il
était signé de lui, N'importe ; il a dú venir de M. de
PoIignac; il est impossible qu'urt chef militaire eñt
peis sur luila responsahilité d'un pareil acte, L'ordre
a été retiré. La" le chef militaire a agi seul, ,et le mi-
nistre n'y ~s~ p'lu~ poq.r ríen,


Ce n'est p;.ts ainsi, Messieurs , que raisonne la jus-
tice; Si I'ordre 'Qarre~tation n'a pu. étre donné que
par un-ministre, [I n'a pu étre retiré que par lui. Ríen
dans la procédure n'indique que M. de Polignac soit




(4°7 )
intervenu dans la premiere mesure; maissi , á raisou
de la natu re de l'acte , on suppose qu'il.a dú la pres-
crire, il faut reconnaitre que la seconde a été aussi
son ouvrage. .


Que resterait-il alors P, une pensée venue au t[a-
vers de beaucoup d'autres , au milieu de. la plus vive
et de la plus juste préoccupation , ahandonnée apres
un pen de réílexion et qui n'a été suivie, d'aucune
manifestation extérieure, Ce n'est la ni un crime ni
un sujet d'accusation. '


Maintenant, nous retrouvons un fait. plus grave.
C'ést la tentativo conciliatrice noblement entreprise
par de généreux citoyens, et repoussée ave!~ dédain
par M. de Polignac. .


Daignez rn'écouter encore, Messieurs , et fose as-
surer que cette prévention funeste ne tard..era pas a
se dissiper. .


Le 2.8 juíllét , vers deux heures, }\IM. Lafitte, Gé-
rard, Casimir Perrier, lVlauguin et de Lohau , se pré-
senterent aux Tuileries, et demanderent aparler au
maréchal. M.de Polignac , informé de.Ieur arrivée.,
témoigna un vif desir de les voir et des'entretenir
avec eux. n chargea, en conséquence , un officier de
l'avertiriorsqu'ils sortiraient, etde les engager de sa
part ane pas se retirer sans l'avoirvu.
. Les cinq- députés , apres avoirexprimé au ruaré-
chal leurs plaintes sur les événemens dont Paris


• était le théátre , annoncerent l'iutention d'arriver á
une conciliation; le maréchal manifesta un sen timen t
pareil , mais il fut irnpossible de s'entendre sur la




( 408 )
premiere condition du traíté. Les députés voulaíent,
avant tout , le renvoi des ministres et le retrait des
ordonnanees. Ce n'est qu'á ce prix qu'ils promettaient
leur médiation auprés du peuple, Le chef militaire ,
de son coté, dernandait d'abordla cessation de toute
hostilité et lasoumission des habitans. Ce-n'est qu'á
celte condition qu'il pouvait faire espérer les con ces-
sions desirées,


Aprés quelques débats renfermés dans ce cercle ,
le maréchal proposa au'x médiateurs de voir M, de
Polignac lui-méme ; et, sur leur adhésion, il entra
ch~z le ministre, el lui e,xposa le sujet de leur visite
et les. conditiens rigoureuses qu'ils mettaient a leur
intervention.


M.de'Polignac n'avait pas le droitde prendre sur
luí d'accqpterles propositions qui.étaient faites et


'. \
qui pouvaieut étre rejetéesaiileurs ; ilne devaitpas
faire entendre eú pouvait étre l'obstaele, et d'oú


, ,


naissait la crainte d'un refus. Un -entretíenavec les
députés dont les resolutions lui étai'ent connues , ne
devait done arriver it aucun résultat possible, e,t il
pouvaít avoir , dans un intérét plus élevé , les incon-
véniensles plus fácheux; il fit répondre que l'entre-
tien était inutile, et les députés se retirérent,
L~ m.'d~écb.'d\kr),'1\'t 'd\.\ 'Ro), C~ q\1\'1e;D.'i\~\ de se pas~


ser, .et M. de Polignac lui en renditde son coté le
compte le plus fidele et le plus propre a l'éclairer sur-


" .


la gra.vité des événemens.
Voila aquoi se réduit ce fait signalé si souventa


l'animadversion publique.,




( 40 9 )
. Le refus de recevoir -les députés el le rejet de


leurs offres conciliatriees ont donné a la eonduite
du ministreaccusé, un caractére d'obstination csuelle;
c'est peut-étre une des ~iorcoílstancesqui ont excité
contre Iui la plus- vive animo'sité. Et ponrtant, quand
on connait sa p~sition et qu'on l'appréeie a~ec quel- •
que impartialité, il est impossible denepas recen-
naitre qu'il y avait laautre chose, qu'ull, entétement
déplor~bleet qu'un orgueil insensé. .


1\1. Laffite ne s'y méprit poínt; il .vit dans la ré-
ponse.qui Iut faite « non pas un refus absolu .devoir-
» les médiateurs el une obstination ane pas les éco~­
» ter, mais un sentiment de politesse qui portaít le
» ministre a leur éviter une perte de tems inutile,
» et une couférence que les deux conditions imposées
« par eúx ~ura~~nt rendue assez délrcate. 1) ,


'. . .


Ces deux conditions formalent en efkt:l'o'bstacle;
et qui peut se méprendre á cet égard,quand Ies faits
sont bien connus ?


Ecoutéz le eomte Gérard raconter I'entrevue avec
le maréchal, et voyez si tout n'est 'pas claírement


, .


expliqué. ce Nous lui exposámesIebut de notre 'dé-
» marche; il nous répondit qu'il comprenait nos raí-
» sons, maís -qu'il fallait , avant. tout, que 'force res-
» tát al'autorité, et que si la soumission.de la popu-'
1J lation était complete, c'était seulement.alors' qu'on


'» pourrait espérer d'avoir quelque influence au-
n pres. du Hoi, Il lui promit de lui en faire part et
» d'insister autant que possible, mais sans croire que





( 410 )
» ron pút ríen obtenir avant le rétablissement de
» l'ordre. »


.r- Jil eSlimiuiifesteqne l'obstacle était- la. Charles X
~blw.E!rieore!aoi i il pouvait juger 'l'honneur 'de sa
eoUf'l:UJ,ne -intéressé a ne pas traiter. avec "la po-


. pO:I~fión .en .3;rmes. C'est la ce '1uepressentait
Iemaréehal-, ce que devaitsavoir le ministre, et ce
qu'il n'appartenait ni al'un 'ni 'h l'autre de préjuger.


je m'arréte la, Messieurs; je ne eherche 'rien .de
plus daos eette proeédurequi est le domaine de l'ac-
cusation ét de la défense, Je touehe a la Iimite rra-
~e parl'honneur. Je sais que si l'on.peut faire aun
sénliment de.prohité noble et de haute convenance
.Lesal'.rifice'de sa propre súreté , OH n'est pas. mal-
treo deluí, 6acrítierce-l1e d'as autre quand on a recu
de sa fiuniUelarDission 'dele aMenijre ~t dé le sau-
ver ;:j!h:~it(u~idone peflt;etre entre de\~J( ~vf;)i.rsson­
trairesysiun danger réel seIiait ama réticence; mais
ma conscience me dit que la votre est assez éclai-
rée sur ce pointimportantpour que je n'ai.rien aen
craindre.


. Jep,uis dorlc p~~er aux chargesqui nous restent
·cncore. •


« 4,.'29, de l'argent a été .distri}mé aux
» troupes, «' .


Eh !'o~i"ilparait en effet quequelques, distrihu-
tions d':ngent f~t faítes aux.soldats.


, M.de Poligaac I'a OUI dire ~ il l'á su; i] lui serait
diHicilccte dire cornment, par: quels ordres, sur quels




( 41I) -
fonda cette distributionfutfaite.Tl S8souvíentqu'au-
cune provisjon de~vtes u"á~it été faite; que les
soldats manquaieñs' de, touf; ql1~ab. rñiliti~ d'un éha-.
leur dévorante et.-d'une villeen feu, i18 SO#ráient
de la soif et dé. la faim, On leun donna de I'argent
pour se procúrer eux-rhémes ce qu'on ne,'i)Ou.:vait
pas leur douner.. Ce ne SQn\ p~s les h.aMtans de'
París qui s'étonneront de.oesecours a.coordéa~,
soldats souffrans ; il est plus d'un citoyenquie apres
les avoir eombattus aveé' courage, a 'Pllrtagé 80n
pain avec eux.' . ,. .


Au surplus,' vou~ le saves , I'ordreest ~rrive dans
la nuit, adressé aM. le maréchal-lui-méme ; elacette
occasion , qu'il me soit perrais de r~veJlir 8yr un
point important que les débats ont éclairci, e'est qu'e
le maréchal rendait' compte directemént auRoi, .el
re(l,e'{Mt-de.lui.lés of~r.es.difeGt5.'-'; I ~ . .-


¡. , .


A Dieü ne plaisequ'abusant id de l'absence- d'un
guerrier malheureuz , je cherche a faire' retomber
sur luí le poids accablant s~us lequel urrautregémit 1
le n'ai p.as entendúj.sans une vjveémotion , Ie.récit
des combats douloureux qui ont déchiré son _ame,
el ce pénible s.ouvenir de la fatalité qui lepoursuit.
Je crois qu'il a pleuré sur les maux de son pays, sur
le devoir fatal qui a attaché S01'1 nom a ·cette(saDglante
époque; qu'il d. fait tOU5 les efforts qu'on dévi.it·a~
tendre d'un homme de coeur pour c{)~iliel.':Cé;devoir
avec les sentimens d'un. citoyen.: mai6.jenepuisme
dispensar de dire ce qui est vrai , cal' je-suis sur qu'il
le dirait lui-mérne.




. ( 4'u )
,M. le maréchalagíssaít dírectement, et rendait


compte .directement a'rÚtoi : u ªgis~ait directement,
car ildon~f¡tés ordres de toute n!lturc(1 et prescri-
vajt ;tti~e .dés proclamations au pré'et de police;


. il,'rend,ait éompte dírectement , car ila été établi que
dans ,~. journée du rnercredí , il avait écrit deux
fcisau Roi,etavait recu du Roi un ordre verbal
par .un de ses ardes de .camp qu'il avait enveyé el
Saint-Cloud.


. ,


On a demandé si .M. de Polignac entendait con-
dure de la, qu'il se trouvait décharg~ de toute res-
ponsabilité' : hélas, Messieurs , la .réponse est facile ; ,
c'est cebe res(>onsahilité qui l'a conduít ici ,.:et il ne
prétead pas qu'en droit , il ait cesséd'étre respon-


. ... ~
sable; maís ici ir,s'agit d'UD reproche qui repose
sur .de&faitso- 11, ¡'é~oud J q~: c~, faits.(<J,~'on ,lui im-
pute Iuisont étrangers , el que I'accusatioa nepeut
s'en prévaleir , pour donner a la responsabilité lé-
gale qu'il rie méconnait pas, un caractere odieux
qu'ilrepousse, . . . ','


el Máis!cette lurte pdieuse soutenue avee M. de Sé-
monville , en prése~ce de, ses collegues consternés,
ce départ précipité pour Saint-Cloud , ce desir d'y
~ . ,."¡


arriver avant le pair quiva éclairer le monarque, et
eette seéne aniarée et presque violente qui, se passe


. dans 'le cabinet du Roi , et qui excite les alarmes des
officíers qui le.gardent ! » ,


Qu'y a-t-il done encere Ht qui ressemhle ,a une té-
nacité meurtriére , a' \in' intéret personnel ? Est"ce
done sur son portefeuille',sur son titre , sur ses




( 414 )
duit dans lecabinet do R'tii. C'esthors de sa présence
qu'eút.Iieu cette douloureuse sceneoú son norn ne
futpJl$..Ín~~ ptononcé. 'Déja sa uémission .formelle
était-d9Ílnée;Jdéja ilcherchait M. de Mortemart , et


- ¡ f ... . ,


,$;etlqt~it de vainere ~a légitime résistance, Au con-
,s.eHqtü eut, lieu apres le départ de M. deSémonville,
if\ fp.rw~ioiul'un ministel'e nouveau fut arrétée , et
c¿ n'est plus sur le ministere retiré que pe1Jt tomber
la responsabilité d'unirréparable retardo
,C'est,ains¡~ ressi~rirs., que. l~s, faits le~ plus


griwes" considérés avec impartialité , s'expliquent
s'íls De se justifientpleinement, et perdent au moins
ce -caractére odieux , ce caractére de barbarie dont
le,s. J,létri&sent d'inévitablss préventions-.' ii .
:r.~e faudra-il. reverur.(illCd're sur ce mot cruel et
ins(ubé.qú~.uh ,tém6ih ~a. reproduit comme l'ayant
a~p;t&·(l!un:la~ré;ttÍm'oU\:abs~:(j~ troupe de
~ ligne fraternise avec le peuple1"':":" Ehbien l qu'on
» tireaussi sur la troupel » - J'avais dit : La' oú
un térnoin áffirme et oú l'accusé nie, il ne .reste
rienpour le juge.. 'Dn me répond dédaign-eusement


. quec'est la un axiórne d'une víeille jurisprudence.
~ Cet,axiome est une máxime de Montes,guieu, dont


1. ',_ ," . '. '>- " ..
le nom est pell accoutúrñé au dédain. . ':.


Si done M:. Delarue oomparaissait devant vous et
afflrmaitctu'il'a entendu ces paroles , M. de Poligriac
p<?urrait -lui. di.re.: Vous avez mal eñtendu; au 'milieu
du désordre ~et de la 'préoccupatión , V()US' avez mal
entendd.jer ilnerestemit rien pour le jug'e. AilIíeu
de ce témoiñ parlantseus la foi 'du serrnent, on nous




( ,4 [5 )
oppose un fragmeqt de Iettre oú les paroles ne sont
pas memé reproduites , et ron vous 'pit : La loi ne
vous demande aucun coinpte 'de YOS motifs; non,
sans dome: mais laconscience vous le demande ,et
vous verrez combien pésera dans la balance devotre
justice le cruel lamheau sur lequel.on veut Jjr;e.'un
arrét de mor t. '•• ,


En rapprochant maintenantles faits de l'accusa-
tion, peut-on croire qu'ils lui fournissent .. nn .appui
solide? ) --:.


M. de Polignac es! accusé a;ávoir excité él la
guerre civile!
~ .


Excité. a la guerre civile ! Mais pour exciter, a
uneviolence , a uncrime , il fa¡lt av?ir un intérét
quelconque a ce que eette violence , 'a ·ceque ce
crime soient consornmés; il faut avoir unavantage
a en r~ti.en l.}n.;profit. ay faire, PQul"e1~itér;·'.•, la
guerre9vile~il faut ,etre déterminé 'par le projet de
renversen ce qui existe , par le désir du désordre et
dupillage. C'est centre l'ordre établi 'que ce.crime
est commis , et c'est 'fln faveur d~ J'ordreétabli.et
du gouvernement qui le maintient qu'a été (aire ;11l
disposition pénale qu'on invoque. C'est la dénaturer
complétetnent et la tourr~~s contre .son hut , que de
l'appliquer au gouvernement.


Les événernens de París n'ont point eu póur cause
t'~citation a la guerre civile de la part ClÍl "gó¡jv~t­
nement, crirne i~ossibl.e et qu'on .;'e sa~rait con-
cevoir; ils ont et!1Jour ~ause prenlier~' OH a~' inoíns
pOllr callSe déterminante les. ordonnánces ,clri: 25
iuillet,




( ,415 )
oppose u~ fragment de Iettre oú les paroles ne sont
pas mérne reproduites, ~~ ron 'Vous'pit : La loi ne
vous demande aucun .coinpté' 'de vos motifs; non,
sans doute : mais ~acolls'ciencevous le demande ,et .
vous verrez combien pésera d:insla balaace de.votre
justice le, cruel lambeau sur le'luet~n veut~I;e.~~l
arrét demot-t.. .' .. '." " '.,.


En rapprochant maintenantles fa~ts de .l'accusa-
tion , p~ut-on croire qu'ils luí .feumissent. qll ;appui
solide? ,.1'"


M. de, Polignac est iaccusé _d;ivoir excité'~ la
g'uelTe civile! .
~ . .


Excité .á .la guerre civile ! Mais pour exeiter; a
une violence , auncrime, il fa¡It. av.oir un intérét
quelconque a ce que cette violence , .:\ ce que ce
erime soient consommés; il f<lR! ayoir unavan1age
a en nn~l ;qn'lPro~ll:yflir~ '~~U:l':"e~~ite~.;A~1á
guerre<jvile~ il faut ,~tr~ déterminé·p.ar le. projet de
renverser- ce 'qu~ existe , parJe désir du désordre e,t
dupillage, C'est contre l'ordre établique ce crime
est commis , et c'est".tn faveur d~ I'ordreétahli-et
du gouvernement qui le maintient qu'a étéf¡ñi'é !ifl
disp~si'Íion pénale qu'on invoque. C'est la dénaturer
complétement et la tourrf;: contre .son but , que de.
I'appliquer au gouvernelflent. .


Les événemens deParis n'ont point eu póur cause
i'~citafiona la guérre civile de fa -part~rrl"l'dtiv~f­
nement ,criID;e' i1jpossibl,e et qtí'o"~~e'sa';r:lit con-
ce~oii~ ;·~ls o~i et!"'f<:mr ¿áuse preIhi~rJ'ou au' fIloins
ponr 'cause déterminante les; ordoimái'lcés ,dI!; 25
juillet.


..




( 4t6 )
.Ces ordonnances ont provoqué le mécontente-


ment et l'ircitgtion. Du mécontentement et de l'irri-
tatíonrsont nées d'abord I'émeute et progressive-
ment .Ia. révolution. Le go~vernement a été amené
par la force des. ehoses a se défendre, a opposer ses
soldats a.ses citoyens , et eette lutte ajamais déplo-
rable a produit ces,désastres sanglans dont nos án-
nales conserveront le triste souvenir avee moins de
fidélité que le coeur de ceux aqui on les reproche.


C'est done tOlljOurS aux aetes du 25 juilletque
I'accusation doit revenir' pour trouven un appui.
C'est vqinernent qu'elle cherche un crime nouveau
dans leur origine et dans leurs résultats. Si le erime
existe, il est la',i! a'estque la, mais vous savez si le
crime existe:
.<~'pp-rcOur'o:, Mes~~út's., les quatre. chefs d'l,l.CCU-


satión adoptes par la' résolutiorrde la Ch:tmbre des
Députés , 'ét j'espére, al'aide de la véritéet de la raí-
son, les, avoir utilement combattus. n ne me reste
plusqu'á fi~er vatre justice sur un point ímportant
qui l'a déja frappée, et qui touche au coeur méme de
la délibératíon.


TRO¡SIEMEPRQPOSITION.
LA. COUR hE~ PAIR.S NE PEUT APPLIQUER A AUCUlV' DES


. , .


'QUAT~E CHEFS ~ A~CUSATION,LES ARTICLES DU cons
P~NAL RAPl'ELÉS PAR LA RÉSOLuf:v; im LA CHAlIIBRE.
Il suffit d'indiquer cette proposition ponr en (aire


eomprendre l'exactitude.




I.e crime qu'on pour-
27


( 41 7 )
Les anciens ministres ne sont. et ne peuvent étre


áccusés que de trahison.t. e'estun point déja reconnu,
Le crime de trahison n'étant pas défini, la Chambre
des Députés a eru ponvoir le .construire a.l'aide de
quatre faits déja qualifiés par le Cocle pénal.J'~i déja
démontré l'iUégalité de ce mode, m:ais j.e raisonne
dans la supposition de la légalité..,


Chaeun des faits indiquésforme , nou UI) -crime
séparé , pour 1equelles anciens ministres pourraient
-étre accusés et 'puBis en . vertu da. texte de la loi ,
mais un élément distinct du' crirne de trahison le
seul sur lequel I'arrét puisse .statuer,


Ainsila Cour des Pairs ne peut avoir á prononcer
sur chacun des faitset a lui appliqner, s'il:y a li~u,
la peine portée par le Code; ce serait dénatureeI'ae-
cusation et violer la Charte,


Elle a a dédal7eI1R' 16~ ~i6tr.eS¡'61griáta~;des
ordoanancesdu ~5 juillet, sont 0.0 non coupables de
trahison, La justice de chacun des juges appréerera,
ponr arriverá la: solution de cette questionunique ,
l'influence qne peut avoir sue.cette solntion chacnn
des faits articulés,


C'est done uníquement sur le crime de trahíson
'que vous aurez apt'ononcer.- J"ignore quel sera, sur
cette haute question , le cri de votre conscience. S'il
était contraire.á la défense; si, ma),gré tant de motifs
qui repoussent-toute idée de crime, votrevoix sé-
vere proclamait la culpabilité ,V0US auriez encere a
déterminer la peine.


Aucune loi ne la pronoi~ce.
n.




( 418 )
suít n'est ni déñni , niatteint par une disposítíon
légale. Son nomnese trouve écrit dans aucun de
nos codeso


Ce.serait done avotre puissance, qui participe a
la .fols:de la législature et de la justice, de l'autorité
quifáit les lois et de celle qui Iesapplique, que se..
rait réservé le droit immense, le droit terrible de
faire, pour un homme, la }oi dont vous le frappe-
riez?


Ce droit, je l'avouej.j'en cherche vainement I'ori-
gine dans nos institutioris , dan s nos lois, dans la na-
ture méme des 'choses : Je ne puis comprendre com-
ment, dans un preces críminel, vous pourriez [aire
co~me pairs .ce que vous ne pourriez pas comme
Juges.


La Chambre des Pairs,cour judicíaire, n'a pas
d'autre,niissioJl 'que d'appliquer'la loi : la Chambre
des Pairs, corps politique, n'apparait a nos·yeux
que comme un des trois pouvoirs appelés a la con-
fection de.la loi , et-je ne saurais me rendre compte
de la nature du pouvoiren vertu duquel elle ferait
seule la loi qu'elle devrait appliquer.


Je sais .que· sa jurisprudence, noble et généreuse
cornme elle, a consacré son droit de modifier les
peines; mais ce droit, elle ne l'a admis et. exercé
qu'au profit des accusés; elle n'en a point usé pour
créer la loi absente, mais p~ur. atténuer la rigueur
des lois existantes , pour en bannir l'infamie , et ce
pouvoir est de ceux sur l'origine desquels la con-
scíence doit se montrer facile,




( 419 )
Ici , eette jurisprudenee est sans applieation ei


sans .utorité, cal' id c'est le crime qui n'est pa's dé-
fini , c' est la peine, qui' n' est pas indiquée, c'est la loi
enfin qui se tait , qui manque et qu'il íaút faire.


Il n'est qu'une seule mesure pour laquelle je com-
prendrais l'intervention du pouvoir politique melé
au pouvoir judiciaire; cette mesure s'appliquerait
aux choses plus qu'aux hommes ;: elle naitrait de la
nécessité d'assurer la paix publique dan s lepays, et
s'accomplirait par l'éloignement du territoire de
ceux dont la présenee pourrait letroubler.


La, il n'y a ni un jugement ni une loi: il' y a un
acte de haute administration politique pour lequel
un des deux grands eorps de l'État, averti du dan gel'
par l'autre, semble avoir une autorité suffisante et
protectrice.


Hors de la, je le répete ~ je craindrais de trouver
Tarbitraíre, et I'arbitraire sans justification,


A Dieu ne plaise, au surplus, que, dans le silence
de la loi, et dans la supposition de l'action de votre
autorité mise asa place, je laisse une vaine terreur
s'emparer de mon ame.


Plus le pouvoir exercé par vous serait exorhitant ,
et moins j'en redouterais l'abus. Ce n'est pas par la
mort ,par un acte irreparable qui ne laisse ala con-
science ni repos, 'ni refuge, que s'essayerait un
pouvoir douteux placé dans des mains pureset gé-
néreuses. Eh 1 comment aujourd'hui pourrais - je
concevoir ces sombres alarmes? N'est-ce pas eontre
une aecusation politique que nous nous débattons?




( 420 )
N'est-ce pas la Chambre des Députés qui accuse, qui
poursuit , quidemande satisfaction? Cette Chsmbre
n'a-t-elle pas :reconnu que ({ nulle part les échafauds
)). dressés au nom de la liberté n'ont affermi la liberté;
» que 'la liberté n'est durable qu'autant qu'elle est
»-pure; que les révolutions ne parviennent ál'affer-
}) mil' que par la modération dans la victoire, par la
» générosité envers les vaincus, par la justice al'égard
)) de tous. })


N'a-t-elle pas compris que le sang versé par les
hourréaux ne laisse « aux amis des victimes que des
)1 Iarrnes et le hesoin de la vengeauce , aux oppres-
)} seurs que des remords , et a la société que des
)) regrets? »)


Sitels sont les sentimens qui animent DOS accusa-
teurs , que pourrions-nous craindre de nos juges?
~ . .Est..ce au nomdu salut du peuple, est-ce dans


l'intérét de son honneur qu~ la hache serait pré-
parée?


Écoutez ces paroles prononcées autrefois par un
des amis de ce peuple , de ses défenseurs ies plus
ardens , de ses conseillers les plus hahiles , par celui
dontila naguere pleuré la perte et honoré les cendres:
ti La mort, disait M. Benjamín Constant, la mort
» ni méme la captivité d'un homme n'ont jamáis été
)) nécessaires an salut du peuple, cal' le salut du


JJ peuple doit étre en lui-méme. Une nation qui
J) craindrait la vie ou la liberté d'un ministre dé-
» pouillé de sa puissance , serait une nation misé-
» rable. Elle ressemblerait aces esclaves qui tuaient





( 42 I )
;) leurs maitres , de pepr. qu'ils ne reparussent le
)1 Eouet ala main. »


Voilá , en ce qui touche le salut du peuple et son
véritable honneur, le preces d'aujourd'hui eompris
et jugé par un homme dont il he désavouera.ni les
sentimens, ni les pensées. .


Je repousse done corome indigne de vous,comme
indigne de la France , tout sinistre pressentiment,
toute terreur mensongere ; el, a l'aspect des accu-
sateurs et des juges, j'oserais garantir a mon pays
qu'il n'y pas de sang ici pour nos discordes civiles.


Je m'arréte , l\1essieurs, au bout decette longue
et pénible carriere , et en jetant les yeux sur la route
que je viens de parcourir, ,je crois avoir accompli
les engagemensque j'avais contractés,


Ainsi j'ai prouvé que l'accusation était inadmis-
sible:


1° Paree que le torrent qui vient de passer a ern-
porté avec le tróne et la dynastie toutes les condi-
tions et tous les élémens du proceso


2° Paree que, dans l'état OU la révolution recente
a placé nos institutions , on ne peut offrir aux aeeu-
sés les garanties que leur promettait la Charte, sous
l'empire de laquelle les actes dénoncésont été
commis.


3° Enfin , paree que, aux termes de ]a Charte, les
ministres ne peuvent étre aecusés et jugés que sur
le crime de trahison, et que, dans l'état aetuel de




( 422 )
notre législation , il n'existe aucune loi qui définisse


,le erime et qui lui appHque une peine.
Prévoyant ensuite le cas oú la Cour voudrait ap-


précier -en elles-mérnes les eharges de l'accusation ,
j'ai pareouru suecessivement les quatre chefs sur
lesquels elle s'appuíe , et j'ai établi que, sur aucun,
la procédure n'offrait la preuve d'un acte que nos
loi~ criminelles permissent de considérer comme
criminel et punissable.


J'ai démoutré qu'aueun de ees quatre chefs ne pou-
vait former la matiere d'une décision de la Cour,
paree que le fait de trahison était le seul qui pút étre
soumis a sa délibération , et sur lequel elle eút un
jugement a rendre,


, Enfin , j'ai remarqué, pour le cas oú le fait de tra-
hison serait reconnu, que oe lait n'étant , par la lé·
gislatión, puni d'aucune peine, la Cour aurait a
examiner si la nature de son institution etsa double
qualité lui conféraient le pouvoir d'en créer une
pour l'appliquer; et, en admettant ce pouvoir dont
je n'ai pu comprendre l'origine, j'ai déclaré d'avance
ma profonde conviction qu'elle n'en useraitque dans
l'intérét du pays et de l'humanité,


J'ai done rempli , Messieurs, ma tache tout en-
tiere : de mémequ'on veille a la conservation d'un
dépót avee autant de zele qu'á sa propre fortune, le
eiel m'est témoin que je n'aurais pas apporté plus
~:r~ntéret et de chaleur ama défcnse personnelle. le




( 4~3 )
puis done me présenter sanso crainte devant une fa-
mille éplorée, devant des amis alarmés ,et leur dire
que je n'ai pas trahi leur confiance, -et que macon-
science est libre d'une promf'.sse accomplie.


Toutefois , Messieurs, il me semble quesje n'ai
pas tout dit , et qu'il est encore pour moi une sorte
de devoir différent, :\ I'empire duquel je ne saurais
résister.


Me permettrez-vous 00 dépouiUer un moment le
caractere passager de défenseur, et de m'adresser,
comme citoyen, comme ami de mon pays, á des
hommes puissans dont les aotesdoivent exercer sur
son avenir une décisive influenceP n fut un tems
oú j'eus l'honneur de vous parlero souveot au. nom
d'un grand pouvoir qui a dísparu, et vous .me par-
donnerez de dire que je ne retrouve, dans las sou-
venirs de cette époque , rienqui soit de nature á
vous armer de défiance contre 'mes paroles d'au-
jourd'hui. .


Ces grandes catastrophes qai bouleversent les
empires, et qui apparaissent de .loin en loindans
leur histoire sous le nom de RÉVOLUTIONS, ont été
presque toujours marquées et flétries par des réac-
tions violentes, par des confiscations odienses, par
des assassinats populaires, et , ce qui est plus affreux
encore , par des échafauds juridiques.


Aussi y a-t-il dans ce mot, que tant de souvenirs
rendent menacant, quelque chose qui effraie sou-
vent les populations amíes de l'ordre et de la paix
publique, qui éveille les défiances et les alarmes, et





qui comprime dans les cceurs cette sympathie que
ferait naitre I'ínstinct naturel qui porte les hornmes
vers la liberté.


La révolution qui vient de s'aeeomplirparmi nous
s'est aI\Doncée, il faut le direvsous des auspices,
nouveaux. Elle s'est montrée modérée au milieu de
l'action , humaine apres le combat et méme pendant
le combat; son torrerit, eontenu et dirigé pour la
premiere fois peut-étre , a respecté en passant la vie
des hornmes paisibles et la propriété de tous : et les
mots ordre public , brillant au milieu de la destruc-
tion , ont paru sur la banniere presque aussitót que
le mot.liberté..


Ceux. qui lui sont.demeurés étrangers, qui n'at-
tendentrien, d'~lle}.qlti.l'ont vue a regret naltre ~
graclirl .et..~¡$'~8M<lh' :victori~use sur les débris un
tróne ,.éeux que le devoir ou la reconnaissance atta-
chaient á ce qu'eUe á détruit , n'ont pu lui refuser
le tribut de la plus honorable surprise,


L'Europe s'est étonnée cornrne eux de ce triom-
phe de la modération et de l'humanité sur les pas-
sions en efferveseenee, et l'histoire de notre pays ,
qui promet ala postérité le récit de tant de mal-
heurs et detant de gloire, lui réserve sans doute une
page toutenouvelle.


Mais ce n' est pas .assez , Messieurs , de cette vic-
toire remportée sur elle-méme pendant la violence
<le la lutte. C'est apres le succes , lorsque les obsta-
eles entrainés ont emporté avec eux l'exaltation qui
les a détruits , et n'ont laissé que la libre et facile




( 425 )
jouissance de la puissance conquise, e'est lorsque
le tems de l'usage ou de l'abus est arrivé, que les
actions sont décisives pour marquer la-place que
doit occuper .dans l'avenir le grand événement qui
8' est accompli.


I....acte que vous allez faire, Pairs duroyaume , est
. .


celui auquel il est réservé de déterminer le caractere
de la révolution de 1830 et d'en fixer le SO)"t. L'arrét
que la Franee attend de vous doit done avoir pou!'
elle tout l'intérét d'une prédiction, toute la puissance
d'une destinée,


Serait-ee par la mort des adversaires qu'elle a
désarmés que la révolution de 1830 voudrait ainsi
achever sa tache? s'égarerait-elle a ce point dans la
carriere qu'elle a noblement ouverte , et arriverait-
elle ainsi , par un chemin si différent , al'ablme OU
s'est perdue la premiere? Je ne puis le craindre ,
Messieurs, puisqne e'est de vous qu'elle va recevoir
la direction et l'exemple.


Nos moeurs s'adoucissent : chaqué jour la philan-
tropie s'avance vers des conquétes nouvelles. Une
législation se prépare qui conciliera , al.~tant_ que
notre siecle le permet, les intéréts de la súreté com-
rnune avee le voeu de I'humanitéDéja, depuis quel-
ques mois, nos places publiques n'ont pasété con-
tristées par le spectade des écháfauds.


Que serait l'intérét pressant, le besoin réel , l'a-
vantage possihlepour notre pays, qui, dans un pro-
ces politique survenu apres tant de vicissitudes tra-




( 426 )
versées en si peu d'années, pourrait vous déterminer-
a rendre le mouvement acette hache arrétée?


Tout n'est-il pas consommé? La dynastie n'est-elle
pas tombée avecle tróne? Les' vastes mers et les
événemens plus vastes encore que les mers ne les
séparent-ils pas de 'Vous? Quel besoin peut avoir la
France de la mort d'un ho~rne qui s'offre a elle
comme I'instrument brisé d'une puissance qui n'est
plus?


Serait-ce pour prouver sa force? Qui la conteste,
qui peut la révoquer en doute , et quelle preuve se-
rait-ce en donner que de frapper une victime que.
'ríen ne défend qu'une faihle voix ?


. Serait-ce pour satisfaire sa vengeance? Eh! Mes-
sicurs, ce.tróne détruit, ces trois couronnes hrísées
en troisjours; ce drapeau de huit sieeles 1 déchiré en
une heure, n'est-ce pas la la vengeance d'un peuple
vainqueur? Celle-lá fut conquise au milieu du dan-
ger, expliquée par le but, et ennoblie par le cou-
rage; -celle-ci ne serait que barbare, car elle n'est
plus ni disputée , ni nécessaire,


Serait-ce pour assurer le triomphe du pays vain-
queur et pour consolider 30n ouvrage, que le sup-
plice d'un homme pourrait étre réc1amé? Ah! ce
que la force a conquis ou repris , ce n'est pas la
cruauté ni la violen ce qui le conservent , c'est l'u-
sage ferme mais modéré du pouvoir changé de
mains, e'est la sécurité que cette modération fait
naitre, c'est la prospérité qu'elle encourage , c'est la
proteetion que promet l'ordre nouveau aceux qui




( 42 7 )
s'y soumettent ou s'y attachent. Voilá les véritables
élémens de sa conservation; les autres ne sont que
des illusions funestes qui perdent ceux qui les em-
brassent.


Vous jetez les fondemens d'un treme nouveau.
Ne lui donnez pas ponr appui une terre détrempée
avec du san,g et des larmes, " .


L@ sang que vous verseriez aujourd'hui au nom
de la súreté publique, pensez-vous qu'il serait le
dernier ? En politique eomme en religion, le mar-
tyre produit le fanatisme , et le fanatisme produit
a son tour le martyre. Sans doute, ces efforts se-
raient vains, et des tentatives insensées viendraient
se brisercontre une force et une volonté invinoibles;
mais n'est-ce rien que d'avoir a punir sans cesse, a
soutenir les rigueurs par des rigueurs nou"9'elles?
N'est-ce rien que d'accoutumer les yeux aFappareil
des supplices , et le coeur aux tourmens des victirnes
et aux gémissemens des familles ?


Tels seraient les inévitahles résultats d'tm arrét
de mort, Le coup que vous frapperiez ouvrirait un
ablme , et ces qU:ltre tetes ne le comhleraient paso


Non, j'en ai l'heureuse conviction, 'la France ne
demande ni n'attend des dépositaires de ses desti-
nées , cet acte éclatant d'une rigueur froide et inu-
tile ; elle eomprend que son avenir n'appartient pas
~ la violence. .


Je ne vous parlcrai pas de l'Europe attentive,
poul" vous avertir du besoin de la rassurer. Je crois
C(u'occupés de leurs intéréts les plus intimes, les sou-




( 428 )
verains étrangers ne peuvent porter ailleurs l'in-
quiétnde qui les domine. Je sais de plus que pOllr
les actes de sa justice , comme pour.les convenances
de son administration , la France n'attend ni I'avis
ni l'assentiment de personne.


Aussi, , n'est-ce pas pour la súreté de mon pays,
mais ponr son honneur, que je m'occppe de I'En-
rope.


An bruit de la révolution qui vient de s'accom-
plír, le souvenir des révolutions passées a réveillé
al} dehors toutes les idées de désordre , de rnalheurs
et de cruautés. Arres le premier tribut arraché ala
surprise ~ on cherche él fIétrir ce qu'on a loué. Les
loia sans force, I'autorité sans action , les pouvoirs
de l'état sans liberté, tel est le tablean que, hors de
nos.frentieres , on ~eplait a tracer de nous•.


Pairs du royaumq, I'arrét équitable et humain que
vous allez rendre , et le respeot avec lequel il sera
entendu, anront lbientot détrompé eeux qui s'ahu-
sent ainsi , en .Ieur apprenant que de tout ce qui a
signalé les révolutions passées, la France n' a voulu
conserver que l'amour de la liberté et le conrage
qni sait la défendre.


(Ce discours , commencé adeux heures moins un
quart, et terminé a six heures et demie , a été ac-
cornpagné et suivi.demarques nombreuses d'appro-
hation. )




SÉA.NCJ1 DU 19 DÉCEMBRlé.


On remarque dans l'auditoire MM. Casimir Périer,
Dupin .ainé , Dupin jeune, de Bondy1 de Schonen ,
Barthe, Mathieu Dumas, Lemercier,' Laísné de Vil-
levesque, députés , et MM.' Villemaih,Cauchois-
Lemaire, et Mignet.


M. le président, M., de Peyronnet a demandé a
prendre la parole avant son avocat. Je dois rappeler
a la Charnbre et au public que tonte marque d'ap-
probation ou d'improbation est séverement inter-
dite,


M. le eomte de,Peyronnet. J\1~ssieurs, ce n'est point une dé-
Iensc que' je me propose de soumettre avos sEignetlries. Ce
soin conviendra mieux ad'autres que' moi, J'es'pere que p~r­
sonne ne se méprendra , nj JnaiD~eDant, ni,.dans i~venír, sur
les mbt\fs qui me déterminent ayrenoncer . .k l'ai remis aun
homme 'luí s'attachepar le malheur , eomme d'autres par la
fortune, en qui les sentimens généreux I'emporteraiant sur son
talent mému, si quelque chose pouvait l'emporter sur son·ta-
lento Ce sera lui 'luí vous parlera de mes droits et de mes ac-
tions politiques. 11 vous dira rnon proces ; mes sentimens sont
la seule pal't que je me suis réservée : témoign~ge diffieile a
rendre par, sni-méme , et que nul cependant ne peut 'rendre
aussi bien que soi.


Je me flatte, Messieurs, que vous ne serez pas olfen,sés que
je vous parle de moi, C'est le triste privilége d~s accusés et des
malheúreux. La justiee, qui frappe I'homme tout entier, a be-
soin aussi de ie connaitre tout entier, pour en porter un bon
jugement. ,


Je me flatte encere que vous m'excuserez, si j'exprime avsc




( 430 )
quelque franchise le peu que j'ai avous dire, Deux hommes (a~
meux dans l'antiquité furent accusés d'avoir transgressé les
lois de leur pays. Le fait était véritable, L'un deux se défendit
avec timidité, et il s'en fallut de peu qu'il ne succombñt ; 1'autre
se défendit sans déguisement et sans faiblesse : il fut absous
avec de grandes aeclamations. Je ne me compare pas a de tels
hommes, il n'est pas besoin de le dire; mais [e vous compare,


.vous, MessieU:rs, ale~rs juges, et je ne doute pas qu'une cer-
taine liberté de langage ne plaise a votre générosité, comme
elle plut ala leur.


On a dit de nous que nous n'avions plus de juges sur la
terre de France. Je crois ce mot plein de véeité, et je me sens
engagé d'honneur ale dire, quoique, dan s l'habitude commune
de la vie, il n'y ait personne que je n'acceptasse pour juge de
mes actions, el vous, Messieurs, bien plus assurément que qui
quece fút. C'eet en obéissant ace penchant, qui m'est naturel,
que, sans m'occuper davantage de vos droíts, quejene puis avoir,
cOlDme vous le comprenez aisément, l'ínterition d'étendre ;
san s m'inquiéter non plus des miens, qui seront si bien établis,
et que j~ ne puis avoir la' volonté de restreindre, je saisirai ,
telle qu'elle est, í'occasion qui m'estofferte d' expliquer quelques
circonstances de ma vie, certain que dans un tribunal tel que
le vótre, iln'est pas a craindre qu'on induise d'une confiance
si juste et si nécessaire des conséquences contraires 11 des véritéil
de doctrines qu'il m'importe de cpnfirmer et de maintenir.


J'étais bien jeune encore quand l'ancienne révolution éclata,
Le premier spectade auquel j'assistai dans le monde fut celui
de l'anarehie et des proscriptions, Le premier hienfait que je
reli"s de la puissance publique, fut l'exil et l'indigence pour
moi, Ía captivité et l'échafaud pour mon pere. Le tróne hrisé ,
les gens de bien condamnés, les possesseurs dépouillés, les
peuples trompes et mis sous le joug, vcilá ce qu'il me.fallut
voií- et pleurer. L'impression en a ~te profonde et durable. Mes
réflexions et mes sentimens furent d'accord pomom'éloigner du




( 431 )
partí pópulaire dont la domination avait été si dure pour mon
pays et pour moi,


Quand la Franco ohtint UD peu de relñche , j'étais déj1:t sorti
de l'enfance, j'étais de ces jeunes hommes dont M. Necker a fait
un si juste éloge, et.dont J'indignation généreuse fut peut-étre
le plus fort ohstacl.e au retour d'une ignoble et sanguínaire op-
pression. Il y avaitpourtant encore des proscrits. Mon eoeur
ouvert a des sentimens qu'on peut, je crois,avoue~J se soule-
vait aI'idée du sort qui les menacait, Plusieurs durent leur sa-
lut a del entreprises hardies, dont il .doit m'étre permis au~
jourd'hui de revendiquer ma parto C'est ainsi que commencait
ma jeunesse. Je consolais mes malheui's irréparables, en ré.pa-
rant ou détournant ceux d'autrui. .


Les sequestres et les désordres du tems avaicnt détruit la
meiJleure part de mon patrimoine. .I'allai, avingt ans, aemall-
del' asile a ceUe professíon généreuse oü florissaicnt aloca tant
d'hommes supéricurs, parmi Iesquels vous nommerez VOUS""
mémes, sans que je'les nomme, celui qui siége avec tant d'éclat
et d'autocité au milieu de vous et, celui dont l'éloquencebl'il,,:,
lante excitait;hiet' eneore , une si juste -admiration ; vieux ami,
vieux compagnon de toute ma vie , que je perdis un instant
dans le tumulte des affaires publiques, et que mes malheurs
m'ont rendu , comme pour témpérer eux-mémes leur 'propre
amertume. La, Messieurs, se donnaient chaque jour de pré-
cieuses lecons d'honneur, de désintéressement et de loyauté. Je
les recueillis avec soin et les suivis de mon mieux, Peut-étra se
trouvera-t-il quelqu'un pres de vous, qui aimera a dire que
mes efforts ne furent pas tout-á-fait perdus, et que.bien jeune
encoré, I'estime publique.en devint le prixv.Mou premier essai
(ces souvenirs nous sont toujours chers ) avait été heureux et
de bon augure: treize rayalistes, traduits devant.un conseil de
guerre et menacés de mort, étaient resté s sans autre appui que
mon zele. Ce faible appui leur suffit pourtant, et j'eus la CQn-
soiatíon de les voir absoudre,




( q~~ )
Cependant le directoire succombait, le consulat cédait lui-


méme aI'empil·e. L'avenir ne seral pas moins ébloui que nous
de I'éclat prodigieux de cette fortune qui remplit le monde.
J'en connais la gloire et non la puissance. Les {armes et le
príncipe de cette puissance choquaient mes doctrines et mes
affections. Dans ce tems néanmoins , tul emploi me fut accordé.
Je pouvais hésiter- et méme accepter;. car il y avait aloss du
prestige, etcette grandeur inouíe avait de quoi frapper et sé-
duire. Ceperidant, je restai fidele amoi-méme , et me dérobai ,
sans ostentation, aux eugagemcns qu'il m'eút fallucontractor.


Mais le tems changea la face des choses. L'Europe , tant de
fois vaincue , s'unit et se souleva. Cette immense fortune, qui
flattait l'orgueil de la Franco, cut de terribles retours. Le sceptre
revintá la race de DOS anciens rois, Mon coeur e'érnut, et mes
plus chers sentimens furent patisfaits. Je crus voir le terme de
no,s longues,guel"res, et d'une oppression pesante et .funeste ,
ma~ré le voile de gloire qui 1a recouvrait, Je me réjouir.sais
done et m'applaudisseis, ',M,aiscontentde mon sort et du bonheur
que i'espérais pou,r la li'rlll.1c~, Q~ ne .JIUI l\l,\1 ~mt rechercher
le prix de mon adhésieu, La cartiere des t>;mplois 'Pu.l»K:&se
serait peut-étre facilement ouverte pour moi. La foule y
courait : je ne me mis point a sa suite ; je ne demandai et Be
ret;us rren,


Un an npres , tout changeait encere : c'était les Cent-Jours.
Je vivais alors dans la retraite , partagé entre m!35 reg¡'ets et mes
espérances. Néanmoins la gendarmerie fut envoyée deux fois et
en grand nombre pour entourer ma, maison et m'en arracher.
Un ordre me fut notifié , malgré mes trente-six ans et mes quatra
onfans , potir alter rejoindre, comme soldat , je ne sais plus
laquelle de nos armées. Il est difficile de dire quels actes au-
raient succédé a ceux-ci ; mais survint la seconde restaura-
tion.


On vit alors dans món pays, Messieurs, ce qui s'est vu
ailleurs , quoique avec d'autres résultats. Le jour m&m~ qu'on




epprenait l'entrée du Roi aParis, 'le peuple, dont j'avais inutile-
ment éssayé de conteuir l)impatie~ce, voulant devancer un
événcment désormais certain et inévitable, résolut d'arborer le
drapeau blanc, et fit retentir les place s publiques du cri de vive
le roi! Les soldats furent envoyés, et ils firent feu et des vic-
times tornberent. Deux personnes (j'était l'une des dcux) en-
treprirent d'ar-réter les suites de ces violences. Ellesállerent vers
c~lui qui avait tout pouvoir dans la ville. La réponse fut un
ordre d'arrestation pour la personne que j'accompagnais. '


Quatre jours plus tard, l'autorité royale était reconnue, Les
murs de la ville furent au méme instánt oeuverts d'une procla-
mation , ou j'exhortais le pcuple á s'abstenir de toute vengeance.
Moi-meme, montant á cheval, jemeprécipitai vers la eitadelle,
pour calrner et disperser les rassemblemens qui se préparaient
aassaillir la E1iblcgarnison qu'on v avait Iaissée. Ma voix, popu-
iaire alors, cal' elle I'a été aussi, ne fut pas méconnue. On
ri'exerca point de représaillee , et les victimes de Ia veiUe ne re-
cur-ent , pour expiation , que des'regrei:s (1). .


Et lorsque peu d'années ap~es (pourquoi ne le dirais-je
point?) l' officier-général, qui avait eu le cammandement, crut
avoir besoin de roan intervention -et la réclama, eHe ne lui fut
paint inutile.


(2) Deux Ireres, conuus par Ieur singuliere rcssemblance et par leurs
malheurs, perdirent la vie quelques mois apres,' Mais leur preces, quoi-
que jugé 11 Bordeaur, n'avait pa3 sa source dans Ies événemens de cette
ville. .l'étais alors 11 París, chargé d'une mission par le collége électo-
ral de la Gironde. Si j'avais été daus mon pap, j'aurais certainement
défendn les deux accusés, Comme je I'ai dit et publié dans ce tems ,
j'ai le droit de le publier de nouveau et de le rediré. Ce n'eut pas été
d'ailleurs la premiere fois . il n'y avait pas bien longteros que, bravant
pour eux les ressentimens et les violences de leurs nombreus ennefnis ,
j'étais alié dans leur propre ville, exposer roa sñreté el peut-etre mérae
ma réputation, pour préserver, sinon lenr vie, au moins leur fortuns,
pres de tomber top.t entiere au pouvoir de ceuxqui les ponrsuivaienL


( Note ti" manuscrit,
JI. 20




( 434 )
C'est l'époque ou j'entrai pou!' la premiére fois dans I~~
fonetio~s publiques. Le collége de l'arrondissement de llor-
deaux venait de me nommer, moi aLsentet ne prétendant á rien,
candidat pour la députation de la Gironde. Le collége du dé-
partement avait accueilli cette candidature avec une grande
faveur, et I'un des plus considérables citoyens de Iaprovince
ne .l'avait emporté que de quelques voix dans un ballottage. La
pnésidence du tribunal civil de Bordeaux me fut dounée peu de
jours apreso Ce ne',seraient pas des voix amies , Messieurs , que
~ voudi-ais choisir pOUl' attestei le soin que je mis aremplir
dignement eet ernploi difficile : ce serait celles de mes ennemis,
Ce serait p.ar eux que je voudrais faire dire si , dans ces tems de
partís, I'esprit de partí dietait les jugemens que jI.' prouoncais ,
et s'il y avait d'autrc faveur a attendre de moi, que eelle qui
est due al'honnéteté et au han droit,


Pendant que j'exer~ais encore ces fonctions , il survint une
affaire dont ma position actuelle rn'autorise, [ecrois, arappeler
quelques eircoilstances. Un complot politique fut ourdi et dé-
couvert aBordeaux, Le c~fde ce complot portait, autant qu'i l
m'en souvient, le nom de Randon. Parmi ses complices, figu-
rait lln pauvre artisan qui avait servi dan s la garde natíonale
avec moi, quaud f:r commaudaís une cohorte. La femme de ce
malheureux vint me demander dejoindre ma signature aquatre
ou cinq autres qu'elle avait déja obtenues. sur un de ces certifi-
cats inSignifians dont les juges font en général assez peu de caso
Je m'y refusai. Olli, MesS'ieurs, je ,m'y refusai; mais voici de
q~lelle maniere: Faites-moi citer , dis-je acette femme, et que
ma qualité de magistrat ne vous arréte point; ma présence et ma
voix feront plus ponr vous (lue ma signature. Elle sui~it ce
conseil, Messieurs, et ,moi j e tins ma promeslje. Ce que rancien
avocat ne pouvaitplus faire , le témoin le fit. Mes sentimens
bien connus donnerent quelquecrédit amon langage: les autres
accusés succomberent , celui-Iá fut ahsous.


Deux ans étaient apeine écoulés, que 166 fonctions Je procu-




( iI3~) )
reur-général me furent confiées, J'ose apeine vous dire, Mes-
sieurs , sur le témoignage de qui, cal' le ministre aqui je devais
cette récompense siége maintenant au premier rang da mes
juges. (Le nom de M. Pasquier circule dans les tribunes). Si
ces nouveaux devoirs fment bien remplis , Messieurs, les fait.
vous l'apprenclront plus convenablemeut que moi. L'un de mes
premíersactes fut de favorisec le retour d'un homme qui a été
porté récemment aune gl'ande place de magistrature, et que les
malhcurs des précédentes années tenaient éloigné de son pays.
Bientót , des élections étant survenues, les suffrages, oíferts et
non sollicités , d'un département oü les étrangers inspirens
difficilement la confiance , m'ouvrirent tout-á-coup une autre
carriere , oü je devais rencontrer tant de, vicissitudes et de tra-
vaux. Au mérne moment, de nouvelles graces du Roi, bien flat-
teuses et bien imprévues, venaient confirmer I'approbatíon que
les électeurs de mon ressort m'avaient accordée. Un ressortplus
populeux et plus important m'était assigné, et pour qua rien
ne manquát aux encouragemens queje recevais, la dieection de
votre propre parquet était remise en mes mains.


L'épreuve était périlleuse , Messieurs , et les ineereitudes de .
ce tems nc centribuaient guere am'en aplanir les'difficultés. Je
n'ignore point quc des préventions se sont forrnées contre moi
depuis le proces qUlJ re fus chargé alors de soutenir devant vous.
II est vrai que dans les discussions publiques, comme l'exigeait
malheureusement l'état des affaires, j'aifectais, sans m'écarter
jamáis ni de la vérité ni de la loi, une grande apparencll de ri-
gidité. Mais la conduite et le ~angage intérieurs ne répondaient
pas toujours aces appal'ences. Je n'en citerai qu'un oxempla ,
quoique je pusse aisément en citer plusieurs , Il s'était établi
dans le parquet de la capitale un ét¡'ange usage: quand un
arr~t avait prescrit l'accusation , quel que fút le résultat du dé-
hat oral, les officiers du pa"quet se croyaient obligés de la 5OU-
tenir et d')' persister. On appelait cela exécuter l'arret d'accu-
sation. Dans le proces dont je parle, le nroaient ele prendre les




( 436 )
dernieres conclusions. étant venu, 1'011 oe manqua poi nt de
m'objecter cette jurisprudeoce. Qui la repousRa, Messieurs?
qui refusa d'en reeoo~aitrel'autorité '1 qui en fit voir les périls
et I'inconséquence ? qui s'ohstina ,presque seul, dans un sys-
téme contraire et nouveau '1 qui prit sur lui la responsahilité de
ce changement ? qui retraneha enfin de sa propre main tout une
rooitiédes conclusions rigoui-euses qu'ileüt fallu prendre pour
se conformer a l'arret d'accusation ? Hélas l Messíeurs, celuí
aqui des préjugés profonds et insurmontables attribuent peut-
¡'jtre encoré aujourd'hui une sévérité qu'il a combattue, et qui
n'était ni dans son cceur ni dans sa raison.


Ce proces , Messíeurs, se líe al'époque ou je rus adrnis dan s
lesconseils du Roi. Cettefaveur, fort inattendue , n'avait ja-
mais été, tant s'en faut, l'objet de mon ambition. IJe miuistéro
de M. le due de Hichclieu cornptait daos son sein des hommes
qui m'honoraient de leur arnitié , et que [e secondais de tout
mon pouvoir. Tout récernment encore, une proposition so/en-
neHe avait été faite dans J'autre ehambre pour demander au
Roi le renvoi 'de ce, mí~istere, et ie fis' un discoues , qui a été
imprimé, pour eombattre la proposition. C'eút été, on en con-
viendra sans doute, une étrange voie pour parvenir ir le sup-
planter, et jedoute qu'il arrive souvent a ceux quí convoítent
lesportefeuílles, de prétendre qu'on doive les laisser a ceux
qu.i-les ont.


J'entrais trop jeune aux affaires pour avoir une influence
réelle sur leur dírection , et je puis répéter aprés Sunderland,
mais a meilleur droit que lui: « .I'ai occupé un poste d'un
g¡'a'nd éclat., sans poavcir et sans avantages pendant que j'y
étais , et pon}' ma ruine a présent que j'en suis dehors (1). »
Tous mes efforts et toute mon autoi-ité se .concenfraient dans
l'adminisü'ation du départernent que je diri¡;eaís. C'est de cela
surtoutque je dois répondre.


(1) Apologie de Sunderland. Mars 1689. ( Notc drt mallltScrit, )




Le but que je me proposai fut de déraciner les abus, de .ra-
mettre en.honneur l'amour du devoir et de I'ordrc , de former
eles magistrats fideles et éc1air,és. Mes 'ad,versaires l'entendent
d'une autre maniere que moi; mais il s'agit de savoir si je ne
l'entenclais pas comme mon devoir était de l'entendre. Tout le
monde sait maintenant quel était l'état des partís. Dieu me
gal'de de vouloir pénétrer dans les mysteres de lenr organisa-
tion intérieure et de Ieurs projets. Bien moins encore vou-
drais-je attribuer indistinctement et universeIJement a tous
ceux qui les composaient les combinaisons et les espérances qui
n'appartenaient peut-étre qu'á un faible nombre. Je ne vou-
drais pas davantage, cal' ce n'est-ni le lieu ni le tems , coutestéc
ou méme examiner le prinoipc q~lÍ servait de base Ji ces combi-
naisons. :Majs enfin, quelque chose que l 'on en pense, il ne se
pent ras t¡ ti 'on refnsc de reconnaítre que j en'étais pas appelé a
la défense de ce principe, qu'il était au eoutraire opposé a.celui
que j'étais char{ié de défendre ; que celui-ci était consacré par
la constitution de l'état; que l'autre était condamné par elle, et
que je remplissais un devoir d'honneus; qui était d'ailleurs
poue-moi \U1 devoir de sentiment et de conviction, en pretant
appui au premier, et repoussant celui que le droit. public de
mon pays repoussait.


Si donc, comrne on ne cesse de le répéter, j'étais parvenu
régulierement et sans violence aplacer par degrés dans les- tri..
bunaux un grand nombre de magistrats attachés audogme pa-
litique dont j'étais l'argane, il sera naturel sansdeute que mes
adversaircs politiques s'en plaignent et le regrettent ; mais fose
croire impossihle que mes juges , quels que soient leurssenti-
mens politiques, refusent , je ne dis pas de m'en excusen, mais
de m'en louer.


Toutefois , des lois difficiles furent successivement proposées
pendant le eaurs 'de ce ministere , et, chose bizarre, I'anieiad-
v.ersion qu'elles excitarent s'es t attachée a moi seul , qui n'y
avais peut-étre fIne la moindre parto La loi du sacrilége en est




( 438 )
le premier et le plus remarquable exemple. Comment fus-je
eonduit alui donner- la dernisre forme qu'elle a recue ? Quels
efforts ne tentai-je pas (vous en avez été les témoins), pour
etre dispensé d'y ajouter les dispositions qui ont été la source
de tant de reproches? La majorité l'exigeait; il fallut céder.
G'est qu'il n'est pas équitable de jugar de l'opininion et des
préjugés d'une époque, par l'opinion et les préjugés d'une
autre. Aujourd'hui, cette loi est condamnée avec sévérité, et
peut-étre méme avec justice (1). Mais quand elle fut portée ,
e'était tont le contraire; et je ne puis oublier que beaucoup de
gens m'accusaient bien haut de manquer de religion et méme
de politique, paree que je m'efforcais de persuader que la pre-
miére loi suffisait, La contagion avait fait tant de progres
qu'elIe avait pénétré jusque dans les rangs de ceux que je ne
tropva,is pas babituellement parmi mes amis politiques. Je me
8Ouy.illns méme a ce sujet , qu'un vieux publiciste fort connu
et fort spirituel, qui jouiasait des-loes d'une ce¡taine célébrité ,
et qui 1'a acerue depuis par desécrits empreints d'une convic-
tiOD bien oppolée, m'adftllliD.une 10D8u8letíre que je conserve
avéc soin, pour me reprocher, comme une omission tres-ré':
préhen&ible, de n'avoir pas ajouté a la loi quelques articles
contre le blasphéme. Tant était forte alors la tendance et la
préoccupation des esprits! ( Chuchottemens dans l'assemblée;
on entend prononcer le nom de M. de Montlosier ).


L'entralnernent n'était pourtant pas si universel que la Ioi
n'essuyat des-lora beancoup de critiques. J'aurais mauvaise
grfi.ee de l'oublier en présence de cette Chambre, ou tant de
voix puissantes s'unirent pour la repollsser. Mais dans cette
Chambre elle-méme , les plus véhémens ennemis de la loi me
rendaient des ce tems une justice que je serais hcureux d'y
retrouver aujourd'hui, et je puis montrer un écrit, que la


(1) Deorum ¡niuria., diis c"rlJ). Qui eroirait que ce mot cst dl~ Ti-
hel'C ~ (Nat'e da mlll~uscrit•.)




mort iJ marqué du sceau de sa funesto auí lienticité , ou I'ora-
{CUI' qui me l'adrcssait , pénétrant les intentions l)l'évoyantc,s
qui avaient présidé a la rédaction du projet ; . « combien 011
" vous devra, disait-il, d'avoir exigé, du moins pour la COII-
» vi..tion , ce qu i rendra le crime méme impossible! » .


La loi des süccessions m'a attiréaussi heaucoup de reproches.
Ce fut assurément un étrange caprice du sort, cal' ce projet ap-
partenait bien plus aux Chambres qu'á mol. Je cédais , selon la
regle des gouvernemens .parlementaires, au voen qu'elles
avaient exprimé. Quatrc propositions , tendant au méme but ,
y avaient été succcssivemcnt adoptées. Mais je fus blámé de ma
rléférencc, comme, en d'autres tems, je I'ai été de Ola résistance,
Les deux systemes m'ont été égalernent fácheux. '


Le plus gl'aud tort de cctte loi était pout-ótrc que le moment
en était passé .Car d'accord('J' qu'elle ne fút pas conforme ala
nature de nutre eonstitution, c'est aquoi mon esprit ne púut se
r-ésoudre. C'était une loi aristocratique, je I'avoue, mais I'al'is-
tocratie était un élémcntconstitutif du gOllvernement que Louis
XVIII avait fondé. L'ariétoeratie est I'un d~~Ii:reosprinci-
paux de ce gouvernement qtle Cicéron pl'opose eOll-lIDe le ij}us
parfait, et dans lequella démocl'atie, dit-il , ne doit entrer q'ue
modérément, confusa motliee, Devais-je craindr« de .m'égarer
avee de tela gu\des? Etais -je coupahle do faire des Iois Se/OIl
l'espvit de la Charte? N'en fallait-Il fitire que pour une Charte
future qui u'existait pas?


La loi de la lJt'ess~ vint a'son tour, JI' ne me plains tri ne
ru'étonne deshuincs quelle m'a suscitécs, cal' enfin lesjotl'ró'a'-'
listes et lcurs actionuaíres n'étaieut.pas ohligés de ten'ir compté
des projets primitifs et des d2bat~ intérieurs. Le public .et eux
se sont arretés aUK apparellces, et cela était naturel.Maislceon-
se.ild'état en a connu davantage ; et, en ne choisissant' páI'mi ses
membres que ceux dont le témoignage serait le moins,suspect
ames ennemis, je pourrais provoquer des révé!ations quí exci-
teraicnt peut-étre quelque surprise. Que dirait-un, par·exem-




( 440 )
ple, sans que je parle des autres dét.ails, ni méme des dispositions
fiscales, que dirait-on, si ron apprenait que le projet proposé
par moi , bien que pourvu de précautions el de garanties, avait
poll,r hase I'émancipation des journaux et la suppression du
monopole de la preBSe périodique (Mouvementdans la tri~une
des journalistes) '? Ce ne serait pourtant, Messieurs, que la vé-
rité. C'est la vérité que mon projet, adopté et approuvé par les
meilleursesprits du eonseil d'état, rencontra ailleurs des esprits
moins faeiles et plus exigeans, qui l~ü firent subir tour-á-tour
trois métamorphoses. C'est la vérité que, les eh oses venues ace
point, je proposai avee chaleur, avee trop.de chaleur peut-étre,
de laisser ad'autres le soin de le présenter.


Quand je parle ainsi , Messieurs, ne 5upposez pas que je dés-
avoue les opinions que j'ai exprimées dans ceUe diseussiou mé-
morahle, Le besoin quej'ai de me concilier vos suffrages ne me
porterajamais aune aetion dont je rougirais. Mes discours sont
bien amoi, etje les maintiens j mais ce n'est-pas pour eux, c'est
pour la loi qu'on m'accuse, et cette loi que 1'0n m'attr-ibue n'é-
tait pas ainsi quand elle scetit de mes mains.


J'"ai obtenu de bonne heure le triste honneur d'avoir d-es en-
nemis, effet inévitable d'une vie trop extérieure, d'une humeur
trop franche et d'un caractere trop indépendant. Ils m'ont pris
des mon adoleseence, dans ces jours dernalheurs et de ruine,
oü ma voix vive et hardie redemandait ala politique du tems le
sang de mon pere qu'elle avait versé. Ils m'ont suivi dans les
faibles essais de ma jeunesse, quand mon e;prit, ami de I'étude,
réparait par des travaux opiniátres mon bonheurdétruit et mon
patrimoine envahi. I1s m'ont suivi dans les devoirs imposés a
mon age mur, lorsqu'appliq ué arétablir I'ordre , que j'aime, je
I'avoue, avec passion, il était devenu si facile de soulever contre
moi tous les abus que je poursuivais, et de donner a des exi-
gences nécessaires I'apparence d'une dure inflexibilité, Mal ob-
servéet plus mal connu, conrlamné rudemcut ct obstinémcut
par l'esprit de parti , qui n'écoute rien, PCI'SOIlIH: ua pll apprcIl-




( 441 )
dre mieux que inoi cominent .un homme encliu aIasillcél'ité d
ala loyauté, jaloux de faire le bien, et qui en a beaucoup fait ,
mérne ades adversaires et ades ennemis, .aimé [usqu'au dévoú-
ment le plus généreux et le plus rare par les hommes de bien
qui out vécu dans sa familiarité, pent eependant étre jngé,par
ceux qui jugent de loin, comme un homme effrénéet impitoya-
ble (En pronoueant ces derniers mots, la voix et le geste de
M. de Peyronnet s'animent d'une maniere visible).


Je révélerai, puisqu'on ni'y a réduit, quelques exernples de
cette dureté de Caluro Une ordonnance, il vous en souvient ,
avait banni de France quelques proscrita. Ce n'étaient pas appa-
remment des hommes d'une opiuio,n pareille ala mienne, Ar-
dent et passionné comme on me représcnte, j'allrais élé san s
doute inflexible et inexorable pour eux ; qu'on le demande a
ceux qui ont réclamé mon appui. Qu'on sache d"eux si J'ai hé-
sité alour tendre une maín secourable et affectucuse ! n y c~
avait 'Im parmi eux que j'avais connu dans ma jeunesse, et dont
une absenee de vingt-six années, et la diversité des sentimens
politiquell m'avaieut entierement separé. Revenu en France ,
de nouveaux chagrins l'attendaient. Des réclamations , que je
secondais de tout mon pouvoir, échouerent. Dcs créanciers irn-
patiens le priverent de sa liberté. Ceci n'était plus dans les at-
tributions du ministre; mais c'ét~it encere au pouvoir de
l'homme. L'hommc fit ce qu'il pouvait et devait. Le prisonnicr,
ason tour, lutta de générIYsitéet de constance. Mais celui qu'on
vous dit acharné a la perte de ses ennemis, les consolait et les
raehetait.


Les noms de Colmar, de Poitiers , de la MartiJ]L!l~ie, out été
prononcés. M. Henncquin vous parlera de la il'Iartinique :lil
du moins, il n'y aura pas de sang, et je puis attendi·e. Mais Poi-
tiers, mais Colmar? 0[1 est le général Pailhes pour vous dire a
qui il est redevable de la liberté '! OU est Olanie~ ponr vous dire
aqui il est rcdevahle de la vie? Ou est 'Fradin, ou cst sa femme




si reconnaissante et si malheureuse, 'pollr vous dire pal' (lui el:'
de quel extreme péril ila été préservé?


De premieres tentatives d'emLauchage avaient précédé, dit-
on, la fatale entreprise de Colmar. Je proteste a la face du ciel
que je l'ai ignoré. Le premier avis qui m'ait été douné de cette
affaire, m'aététransmis au conseilquand l'arrestation était faite,
lorsque tout était consommé. Q.uels que soient les faits anté-
rieurs, le Lláme, s'il y en a, ne peut etl'e jeté sur moi san s in-
justice ct sans calomnie. Quand j'ai quitté la chancellerie , il Y
.avait une lettre du procureur-général qni se plaignait amoi de
n'avoir pas été prévenu, et une réponse de moi au procureur-
général, alije me plaignais ,3. mon tour de n'avoir pas été pré-
venu.


On n'a pas craint de prétendre que j'avais précipitammcllt
donné, par le télégl'apheJ des ordrcs POUl' le jugcmeut et POUl'
I'exécuti?n:' Cela est faux et méme impossihle : cal' tout dépen-
dait d'une juridiction qui n'était ,pas elle-méme sous ma dépen-
dance. '


On a ajouté que favais refuaé d'entendre ceux qui intercé-
daient pour les condamnés. Oh ! n'y a-t-il doncplusde loyauté
ni de bonne foi? UIl premie!' jour, deux pcrsol1llcs vinrent.
Elles ne s'étaient point annoncées; mais elles dirent l'objet de
leur démarchc, el les portes de mon cabinet s'ouvr-irent aI'in-
stant. Malheureusement, ce qu'eiles demandaient était impos-
sible, et eút été inutile : elles proposaient au ministre de la jus-
tice d'uscr du droit qu'il avait de se pourvoir, dans I'intérét de
la loi, contre les actes judiciaires, abusifs ou irl'éguliel's, Mais
le jugcmen.t, qui n'était méme pas connu ce JOUl'-la, était régu-
Iier ; je le erais et dais le croire , cal' il fut peu apres reconnu
pour tel par un arret de la COUl' de cassation,


Le sm-lendemain, une lettre me fut écrite, et fyrépondis. On
me demalldaitunenouvell.eaudiencepourlejourmeme.et
pour une heurc qu'on déterminait. C'était [ustement.l'heure et
le [onr (l';IIlC distrihution publique de prix, a laqucllc j'étais




( 443 )
tenu d'assister, au nom du ministre de I'intérieue que je rern-
placais, et qui était absent et malade. Je m'excusai done; mais
vous eroJcz bien certainement, sur la foi de ceux qui out tant
parlé de ma lettre, que mon excuse ne futqu'un refus. Eh bien,
non; ce fut le contráire, J'annont;aí qu'en mon absence, M. de
Vatímesoil, secrétaire-général du ministerc..dont personne ne
conteste, je crois, la capacité, serait chargé d'attendre et de re-
cevoir les intercesseurs. De quoi done était-il possible de se
plaindre? On s'est plaint cependant, et méme beaucoup; mais
iI est vrai qu'oo citait toujours la premiere phrase de roa lettre,
et la seconde, jamais.


Quand le pourvoi formé contre I'arrét de Poitiers eüt été re-
jeté par la Cour de eassation,je voulus prendre, sur une affaire
si grave, l'avis du conseil et les ordres du Roi. Plusieurs com-
mutations furentd'abord aecordées. Deuxcondamnés seulement
en furent excluso Quelques voix cependant s'étaient élevées en
faveur de Fradin. Le lendemain était lejour du renvoi des pie~
ces. Le Roi me prescrivit donc de lui apporter, le soir lneme,
les ordonnancesde cemmutation, ~omme je sortais du conseil,
je fUi informé que madama la duchesse de Berry, émue d'une
généreuse compassiou ponr les matheurs de madame Fradin ,
avait promisd'implorer pou!' elle la c1émence duRoi. Prévoyant
que cette demarche ne serait point faite sans suecos, et ne vou-
lant ni la contraríer ni la retarder, je préparai de ma main un
projet particulier d'ordonnance, pour lejoindre acelui qui avait
été déJibéré au conseil. JJe soir,et l'heure verme, je prenais ma
robe pour me rendre au oháteau, lorsque les cris d'une femme,
aqui l'huissier refusait I'entrée demon cabinet, attirerent dans
J'antichambre le marquis Dalon, qui était chez moi. Au nom
qu'e1le prononeait, celui-ci courut m'avertir, et moi, j'acccurus
aussi, ma robe apeine attachée, llOur donner, s'il était possi-
bIe, quelque consolation acette pauvre mere. J'avais quelque
espérance alors, et ne me doutais gnere du nouvel obstacle que
je devais rcncontrer. J'encOlll'ageai done madame Fradin, et in-




( ~44 )
quiet de I'état ou Ie ~é8espoir I'avait mise, je lui proposai d'at-
tendre cliez rnoi mon retour, el la confiai aux soins du marquis
Da/cm. Qu'on imagine done mon étonnement et ma peine, lora-
qu'au premier mot que je lui adressai , Louis XVIII, jetant sur
moi un.regard sérieux dont il n'avait pas d'habitude, « Etiez-
)1 vous aussi du complot, me demanda-t-il ? Ma niece vient de
)) me parler 'de eette 'affaire, et elle a heaucoup insisté. Mais il
JI Y a une. décision du conseil , el je ne dois pas la renverser
)1 pour des sollieitations. 1) Ce premier refus 11 une te1le per-
sonne, et pour de si graves motifs, ne me Iaissait plus aucune
espérance. Je n'y renoncai pas cependant, et comme apres une
Jongue attente et de pressantes prieres, je r-estais immobile de-
vaut le ROÍ, refusant de me retirer qu'il n'eút signé I'ordon-
nance, sa bonté naturelle l'emporta enfin sur la politique, et le
malheureux, déja si Ioin de la vie, )' [ut rappeIé.


Mais puisqu'on voulait parler de fant de choses, (lue ne par-
Jait-on aussi de l'Espagne? que ne rcchcrchait-on par qui out
été provoquées et obtenues les deux amnisties? que ne s'enqué-
rait-on aqui doivent leur.salut tant demalheureux qui avaient
combattu eependant conf re l'armée duBoi? <¡ue ne le deman-
dait-on, par exemple, aM. Mangin, dont ils étaicnt les clieus ?
(Iue ne le demandez-vous adcux des commissaires de la secondc
chambre, en présence dcsqucls il rr'a point ¡"efusé de le I'e~OIl­
naitr-e ? que ne cherchez-vous quel est le ministre qui a subi ,
acette occasion mérne, le reproche public d'avoir bit ahus du
droit de gl'ace? Oui, MessieuI's, cet accusé qui cst devant vous,
cet homme sans commisér-ation et sans imlulgence, il y a plus
de trois cents condamné~ politiques qui Iui sont redevables de
la liberté ou de la vie. Prisonnier dan s un événement militairc,
s'il me faut une ran~on,.Messieurs, elle est payée d'avance : j'ai
rendu al'ennemi troiscents tetes des sien s POUI' la mienne (Motl.-
vement général et prolongé dan s l'assemblée).


La calomnie, aqui toute páture est bonne, ne s'est pas con-
teatée de mon caractere public; elle m'a poursuivi follement et




llveuglément parlaut ou elle a cru trouver du mal ame faire et
des esprits crédules a persuader (1). Je n' en ai pas été étonné;
c'est le sort commun des hommes publica, J'ai longtrlins dé-
daigné d'y répondre, 'autrement que par une vie de plus en
plus cir-conspecte et retirée. Je m'y arréte aujourd'hui, paree
que c'est pour moi le tems de di re, et quela derniere fois que
l'on parle on n'a rien amettre en réserve pour un avenir qu'on
n'a paso Tout s'ennoblit d'ailleurs en votre présence,


Ceux qui ont pris prétexte de ma fortune ont été cruelle-
ment abusés, Par le tablea u officiel et comparatif qui ru'a été
t1élivré, des hiens que je possédais en 1821, a mon entrée aux
affaires, ou qui me sont échus l'année suivante pal' héritage, et
des biens que [e possédais en 1828, 'quand je suis sorti des af-
faires, la différence était de 158 fr. 87 C. sur I'impót , et de
475 fl'. 94 c. sur le revcrru. Je rr'avais rien de plus au monde,
en ce tems, si ce n'est des dettcs (2). A la vérité , j'avais marié
mes cnfans,bonheur illusoire que la mort a bientót détruit.
Mais Ieur établissoment n'est pas mon ouvrage. Ce fut un. hien-
fait du Roi , de ce Roi que la mort a aussi frappé, et dont mon


(1) Je raeonterai, acctte occasion, un fait quimérite d'étre recueilli.
On n'a certainement pas oublié cette piece de tapisserie qni represen-
tait le jugement de Salomon, et qui a fait, en son tems, quelque bruit.
Elle avait éré, disait-on, détournée daus les derniers mois de mon mi-
nislere7 et sa valeur était tantót de 24,000 Irancs, tantót de 40,000.


Eh bien! cette tapisserie, détournée en 1822, était encare en 1829,
an ponvoir de l'administratiou. Elle a été mise en vente par l'adminia-
tralion des dornaines, sous le miuistere de M. Bourdeau. La mise a
prix était de trois cents [rones, et il ne s'est pas trcuvé d'enchérlsseur,
Persoune n'en a vouln ace prix. (Note da manascrit.)


(2) Mes dett(4S s'élevaient, selon les actes a 112,9:'>6 fr. 58 c.; outre
deux rentes viageres, l'une de 2000 f., et l'autre de 500 f.; créées en
1825 et 1826, et une troisieme rente de 1200 f., créée antérieurement.
Mes impóts sont de 1765 f. Mes biens consistent en vignobles, qui ne
produisent, depuis cinq ans, ancun revenu. ( Note du manuscrit.) "




.( 446 .)
coeur reconualssant chérira etvénérera toujours la mémoire. Un
écrivain du plus rare talent a dit, je erais, que 1'homme publie
devait toujours étre prét a rendre eompte de sa fortuue. J'ai
suivi son avis, Messieurs, et ne puis guere manquer, a ee qn'il
me semble, de m'en trouver bien.


J'ajouterai un mot : Augusteayant adressé d'injustcs re-
proches aun chevalier romain, celui-ci, aprés en avoir prouvé
la fausseté, (1 César, lui dit-il, quand tu voudras désorruais
t'enquérir de la vie des hormétes geus, n'écoute que d'honnétes
gens. ))Po~l ha:c, Caear, quum de honestis hominibue inquiris,
honestis mundato:


Cependant I'heure était venue oü l'administration de 18~H
devait se dissoudre, D'autres tems suivirent , durant Iesquels
de nouveaux chagi-ins et dc nouvelles injustices vinrent m'as-
saillir , D'autrcs événemens encare succédéreu t , pl'écurseurs
malheureux de ces grands coups de fortune que nous venons
de voir éclater-,


En.ce tems, je vivais éloigné d u monde. On ne DIe rencon-
trait point dane le palais du Boi, ni dana leB cercles , ni dans
les fetes. Je m'étais óté du ehemin de la fortune. 'EHe esí venue
amoi, si c'était elle, quand je I'évitais.
, POUl'qU'Ji ne I'ai-]e pas repoussée ? Quiconque, ami pa~­


sionnéde I'houneur-, a été longtems persécuté et a re¡¡u toutá-
coup une haute marque d'estime , éclatante réparation, d'une
longue injure, réponde pour moi ! Quieonque'~ airné son Roi,
en a re~u des hicnfaits, et a été appelé par luí en des jours dif-
ficiles, réponde POUI' moi !


On veut savoir quels étaient alors mes desseins. Oll m'a de-
mandé quelle était ma pensée SUl' les eoups d'état, et s'il n'est pas
vrai que j'en méditais des ce tems, et en préparais. Jo ne répu-
f;ne point a le dire, Messieul's, d'autant moins que cette pensée
que 1'0n recherche n'est pas restée secrete, qu'elle s'est pro-
duite au dehors, qu'elle a été écrite et méme imprimée, qu'elle
I'a été précisémcllt a l'époque ou l'on souhaite de pénétree daas




mes scutimens el dans mon esprit, et quelle a par conséquent
tout ce qu'il faut pour satisfaire et persuader CClIX qui m'iu-
tcrrogent. Voici done, Meseieure, ce que j'écrivis sur ce sujet
il la fin d'avril ; ce qu'on publiait en province,et meme aParis,
i la fin de mai, plusieurs jours apres mon admission daos le
ministere. '


( M. de Peyronnet lit un article de journal dans lequel .1 dé-
duit lea motifs qui , selon Iui , peuvent légitimer un coup
d'état. )


Vojlil , Messieurs, poursuit-il, ce que je pensais et ce que
je disais; voila quel était alors et quel est encors aujourd'hui
mon sentiment sur cette importante question ; et s'ii eüt été
vrai , comme on l'a exprimé dans .l'un de mes interrogatoires,
que je cherchasse quelquefois a influer, par ces sortes de pu-
blications, sur des espr-its élevés au-rlessus de moi , on pom'-
rait juger maintenant dans quelles pensées j'aurais voulu les
affermir par cette influence.


Et cependant la résolution 1'. étéprise ,et les ordonnances
ont été faites , et elles ont été signées , et mon nom s'y trouve.
Pourquoi l~s ai -je signées ? Le secret en est daos mon ceeur-, et
ne doit pas en sortir. (Mouvement.) Il y est accompagné d'a-
mertume et de souvenirs douloureux. Que résoudre d'ailleurs ,
ct quefaire? La crise: était immioente; les esprits les moins
clairvoyans n'en doutent plus. Quelque partí que l'on prit,
soit pour attendre, soit pour prévenir , elle ne pouvait man-
quer d'éclater. Était-ce bienle moment pour un vieux servi-
teur du Roi, qui ne pouvait plus rien ernpécher, qui avait déja
tant souffert et qui avait aussi r;9u tant de gl'acea, était-ce bien
le moment de se racheter du péril , et d'aggraver par une re-
traite inopportune et intéressée, les embarras d'une position
oü il y en avait déjil de si dangereux?


J'ai suivi tristement et résolument le mouvcment imprimé;
et malgré les ehagrins dont le poids m'accable, eertain comrne
je le suis , de n'avoir par mon adhésion rien ajouté aux événe-




( 4413 )
melis qui se -préparaicnt , bien que je ne puisse me consoler
des malheurs sans nombre.auxquels j'ai pris part, j'ose apeine
chercher en moi-méme si je me repens de mes propres mal-
heurs. Encore aujourd'hui, Messieurs, et en votre présence,
j'éprouve une sorte de joie triste et amere, de n'avoir pas sé-
paré mon sort de celui de mes bienfaiteurs, et d'avoir confondu
par ce dernier témoignage d'abnégation et de gratitude, ceux
en petit nombre, j'espsre , qui n'avaient pas craint d'é-
tendre jusqu'it moi I'injure de Íeur-s mécqntenternens et leurs
doutes.


Quelques personnes se sont étonnées que je me sois séparédu
Roi. Je rends grace de cette surprisc it ceux qui I'ont éprouvée.
Elle m'a fait voir qu'ils me jugeaient bien, et qu'ils attendaient
de raoi précisément ce que j'aí fait. Non, je n'ai pas imité
l'exemple du cornte de Melroru (1); non, je n'ai pas déshonoré
mon malheur par des láchetés. Je pouvais fuir le 29 et le 30; il
en était encere tems. Une retraite m'a été offerte , et je ne l'ai
pas acceptée. Je n'étais plus ministre cependant , et n'en avais
plus les devoirs. Mais a défaut de ceux-lá , il me restait ceux
de I'honneur. Je ne me suis éloigné que sur l'ordre du Roi, sur
son ordre formel et réitéré; quand il n'y avait plus d'espé-
rance , pas mérne de motu-ir it coté de lui ; quand la fui te , de-


venue presque impossible, n'était pour moi qu'un danger de
plus (2).


(1) Le comte de Melford n'attendit pas l'effet de ses conseils. JI se
retira immédiatemen t en France, emportant avee lui un acte de par-
don, muui du grand sceau, Hlstoire de la Révolutionde 1688, tome III,
page 222. (Note du munusorit, }


(2) Celui qui m'a recounu et fait relenir, est un ancien fonction-
naire public qui avait été privé de son emploi en 1820. Son seul desir
était d'obtenir une pensiou de retraite; mais il n'avait pali le tems de
service nécessaire. Quand je f~s devenu ministre, il vint demander
mon appni. Sa conduite publique et sa disgrüee recente rendaient la




I


( M9 )
Le sang a eoulé , yoila le souvenir qui pese aman eoeur ,


Paix aceux qui ont succombé; paix et consolation a ceux qui
ont survécu. Quelque dur qu'ait été mon sort , quelque
grandes qu'aient été les injustices qui m'ont été faites, aucun
sentiment ne peu] surmonter en moi celui de la sympathie et
de la pitié. Rien ne peut m'empécher de verser des larmes sur
le sang qui a été yersé. J'en devrais davantage, si j'avais été
cause de ees malheurs; j'en -dois encore beaucoup , quoique je
ne me les reproche point. Que les amis et les ennemis acceptent
égale¡nent ce triste et légitime tribut que je Icur paie atous, et
que je leur paierais encere quand mérne ils le repousseraierrt.
Un malheureux, frappé comme moi, n'a guere plus que des
larmes , et l'on doit peut-ét-e lui ten ir eompte de celles qu'il ne
garde pas pour Iui-ménic. (Marques d'attendrissement.)


La parale est dannée aMe Hennequin, défenseur
de M. Peyrannet.


Me Ilennequin, Si Ja nécessité, cette loi supréme, si des dís-
positions écrites dans la constitution donnée par Louis XVIII
ala Franee, autorisaient le pouvoir a ehereher au jour du
danger le salut de l'État dans la suspens!on et méme dans la
modification des lois, la question que les ordonnance du 25
juillet ont fait naitre, devient celle-ci : les ministres signataires
ne se sont-ils arrétés aux mesures du gouvel'nement dont on
leur demande compte, que dans les vues de salut publie? Ne
les ontils imaginées que dans la pensée de suhstituer le régime


ehose assez diffieile. Néanmoins je surmontai les ohstacles. Il cut un
nouvel emploi, et quand ses serviees eurenL atteint la durée légale, je
luidonnai sa pensiono Pcut-étre dois-je attribuer aux nombreuses vi-
sites qu'il me Iaisait alors, le souvenir qu'il a gardé de mes traits, Mais
je De regreLte point le bien que je Id ai fait , et je lui pardoune du fond
Ju cwurle mal qu'une préoccupatioa maI.heureuse I'a porté 11 me faire.


(No'- d« manuscrit, \
11.




( 450 )
'¿¡U hon plaisir au régime protecteur du gouremement repré-
sentatif?


Posel' ainsi la question, nobles pairs, c'est prcndrc l'enga-
gement de reproduire cette lutte engagée depuis J 8 J 4, et qui
vient de se terminer par la vietoire de J 83~. C'est seulement
lorsquc la position politique de la Franco, au moment oh les
ordonnances ont paru, sera eonstatée, qu'il sera possib!e de
comprendre cornment, dans une grave délibération, des ap-
préhensions, le besoin de conjurer des orages, ont fini par sub-
juguer toutes les opinions, Question grave qui prend un nou-
vel et puissant intérét de ses relations nécessaires avec le sort
de cet homme si rnéconnu que l'adversité vient de révéler ason
pays.


Au moment oü, ponr la seconde fois, M. de Peyronnet est
entré dan s le conseil du Roi, le miuistérc don! il consentait a
faire partie ne s'était anuoncé que par des aetes ernpreints de
l'amour du pays, et qui ne révélaient pas d'intentions hostiles a
.DOS institutions constitutionnelles.


Un mérnoire prés~nté au Roi, le ll~ avril, un mois avant
I'ai-r-ivéc de M. de Peyronuet aux affaires, démontre que les
pensées secretes se trouvaient parfaitement d'accord avec les
actes extéricurs. Les inteutions les plus constitutionnellos et
les plus généreuses se retrouvent aduque ligne de cet écrit ,
qui doit inspirer d'autant plus de confiance qu'il offre tous les
caracteres d'un acte confidentieI.


Le 3 mars, une parole deseendue du tróne n'avait que trap
signalé l'agitation des esprits; I'adresse, la prorogation, la die-
solution de la Chambre récemment prononcée , tous ces symp-
tomes précurseurs d'une crise procliaine nc laissaient ccpcudant
pas le conseil sans espérance, Plus le danger dcvenait immiucnt,
,plus on crovait pouvoir se confier dans la résolution que pren-
dr-aicnt les électeurs. Le pouvoii- se plaisai t avoirÍe paJs, non
pas tel quil était , mais tel qll'il deairait (lU'il Iút , On parlait,
on exagérait beaucoup les regrets qu'avaient manifestés, disait-




{ 451 )
en, plusieurs mcmhres de la majoritéqui avaient voté l'adresse;
et quand on lit la lettre de M. Cauchois-Lemaire aMo Thiers,
on comprcnd des illusions que le résultat final des éleetians de-
vait hicntót dissiper ,


Le premier acte du nouveau ministre de l'intérieur, c'est
une circulaire toute empr-einte de l'amour de l'ordre et de la
légalité. Quel ministre, quel homme d'etat ne s'honorerait pas
de professer les príncipes qu'il y exprimait , et qui furent la
regle invariable, la regle inflexible de tous les actes qu'il im-


1/ , rporte ( en umerer.
C'est SLU" le rapport de M. de Peyronnet qu'intervint 1'01'-


donnance qui, satisfaisant aun vceu dcpuis langtems formé par
les amis de l'humanité, veut que des individua eondamnés cor-
rectionnellement a plus d'une année de prison, soient seuls
envoyées dans des rnaisons centrales de détcntion pour y subir
la peine qui leur aura été inflígée. •


Ces spécialités ne détournent pas les regards du ministere
du but vers lequel tendent tous ses voeux. L'étendue de l'admi-


. nistration qui lui -était confiée répondait a l'activité de san
ame.


Développemen t de natre agriculture et de notre industrie,
suppressíon des entraves apportées par la législation au mou-
vement du sycteme municipal, proteetion al'índigence, au mal-
heur, voilá les idées dont il poursuivit I'accomplissement. C'est
ce que témoigne une circulaire en date du 31 mai, monument
fturable de son attachem~nt ases devoirs et ason pays.


Ainsi la France va trouver l'application de toutes ses forces,
ainsi vont se développer, avec une aetion nouvelle, tous les
germes de prospérité que son sein renferme.


.) Cependant un épouvantable fléau désole depuis plusieurs
'J mois une de nos plus riches provinces; la flamme ravage la Nor-


mandie, et les auteurs de ces scenes de désolation échappent a
toutes les recherches.


Le ministre de l'intél'illur attaque eGUe effrIJ:yant8 8ombinlli-,




( 45:.1 )
son par le seul moyen qui puisse en livrer le secret ala [ustice .
•c Il autorise les préfets du Calvados et de la Mancho a l)Ublier
» la promesse cl'une réeompense pÉcnniaire en íavcur de qui-
1) comIue proeurcrait I'arr-cstat iou de tout individu qui aurait
J) fait des propositions, donné de l'argent ou ftlllrni des roa-
» ti eres inftammables pour provoquer ou faciliter la eonsom-
») matiou de ces erimes. J)


Un important truvail sur le commeree de la librairio , OÚ se
retrouve achaque ligne le sentimcnt el le I'(~spect de la légalité;
unbeau rapport sur les conseils -généraux d u commerce et des
manufactures, et par suite I'ordonunnce qui déclare que ces
deux gen res de couscil n'en formcnt plus qu'un scul , et qu i
aecorde aux chamhrcs do comrncrcc dn royaume l'élection cli-
recte de leurs mcmlu-cs, sont les senls t.ravaux qu i nons séparent
des élections, qui doivent désormais fixer et absorber toute
l'alteution.


Une défcnse sans courage ct sans loyanté scrait indigne de
mon dient, de mes juges, de mon pays. Je redirai done de
graves disscntimeus, source de tant d'agitations ct ele malhcurs.
La Charte, telle qne Louis XVIII l'avait dormée en 181.í, suf-
fisait-ellc aux exigcuces du pavs? était-ellc ou non mcnacóe ?
Voila les q ucst ious dont jc vais chcrcher la sol utiun dans l'his-
toire contcmporaine.


La France était euvahie; un mili ion d'étrangers pesaient SUI."
son territoire; et si l'on en excepte les garnisons euferrnées dans
les places fortes da nord , la résistancé n'était plus' nulle par"
Le gouvernement avait disparu , et la représentation nationale
résic1ait tout entiere dans quelques hommes courageux qui
siégeaiellt au sénat conser-vateur.


Les alliés, reconnuissant I'espece de supr-ématic qu'il est dif-
ficile de coutcster a la capitale , l'enceueageuient a prcndce "
l'initiative, et signalaient comme un événcmcnt qui serait agn\a-
ble a l'Em-opc le rétahlisscment de la maison de Bourhon.
«( Parisiens , disait dans sa proclamation le p rince de Schwart-




( 453 )
zenberg, vous connaissez la situation de votre patrie, la conduite
de 'Bordeaux ( des le 12 mars , leduc d' Angouleme avait fait son
entrée daus cette ville) , I'occupation amicale ele Lyon, les
maux attirés ala Frauce , et les dispositions véritables de vos


. I
concitoyens : vous trouverez dans ces exemples le terme de la
guerre étrangóre et de la discorde eivile, "Vous ne saurez plus le
chercher ailleurs. »


Ce langage fut entendu. 00 se rappela que c'était par la voie
de I'élcction que Bonaparto était parvenu au pouvoir suprérne.
On déclara que le contrat avait élé violé; que la France était
libre.


Il faut, en effet, se rappeler que I'acte du sénat qui prononce
la déchéance de Bonapartc cst antérieur a l'abdication. Une
comrnission forméo dans le sein du sduat s'occupade Ia rédaction
d'un pl'Ojet de constitution , que le sénat en corps devait arréter-,
et dont I'acceptation aurait élé la condition sine quá non du re-
tOL1l' de Stanislas-Xavier ,


C'est ici quil convieiltde réfléchir sur le spectacle que, sous
le rapport moral et politique, préstmtait alors la France. On
sait que cette pensée d'affranchissement et de liberté dont
I'Europe nc fut jamais plus agitée que dans le tems ou nous
ViVOllS, s'cst surtout prononcée au moment de la réforme qui
introduisit l'examen et la discussÍon dans des choses jusqu'a-
lors acceptées avec une soumission religieuse. Oc sait que la
découverte de I'imprimerie favorisa ce mouvement des espr-its
qu'il est possible de datl'l' du siccle tic Francois 1".


Le regne de Louis XIV fit fitire une haltc a la marche des
classes moyennes vers l'égaJité civile et politique, qui , sous
Louis XV, sut se cacher SOUG la for-me de I'opposition parlemen-
taire, ct<¡,.ui se relrouve, sans dissimulation et sans nua'ge,dans
la constitution de 1791. L'cmpirc compr-ima cet élan. Les hauts
emplois, les foncí ions pu hl iq ues furent alor-s la conquéte du
courage, des talens administratifs, et souveut aussi de I'intl'i-
gue. Bonaparte venait de tomber; les communes allaient se re-





( 454 )
mettre en marche; et il faut dire que la pensée secrete des séna-
teurs de 1814, presquetous devenus fameux par leur adhésioo
aux idées de 178!), se trouvait singulierement favorisée par les
puissanees alliées, intéressées ane plus voir la France entre les
mains du pouvoir absolu.


00 se rappelle la constitutioo rédigée pal" le sénat ; OH sait
aussi quelle fut sa destinée. On sait que Louis XVIII n'accepta
pas la monarchie eontractueHe que le sénat lui proposait ; et
plus tard il répondit au mouvement qui se prononcait vers les
idées constitutionnelles de l'Angletene, pal" c~tte Charte dans
laquelle il declara que I'antorité tout entierc résidait dans la
pel"sonne du Roi, et qu'il data de la dix-neuvieme ~nnée de
son regne.


Le préambulo de la Charte constitutionneJle ne Iaíssait pas
d'illusionaux partisans de la souveraineté populaire. Louis XVIII
y parle de sa longue ahsence.Dans ce nouvel ordre de politique,
tout ce qui n'a pas été eoncédé pal" la couronne est resté dans
'.?_n domaine, Les Chambees exercent la puiseance législative
avec le Roi. Aux Chambres appartient done le dl"oit d'émettre
un vote, mais apparemment un vote conscieucieux sur chacune
des lois propoeées , et notamment sur la loi des financcs. !\'Iais
repoussel" des lois bonnes en elles-mémes , c'est s'cmparee d'un
droit de contróle sur la marche de l'adminisu-ation , qui setrou-
verait en dehors des concessions faites par la Charte constitu-
tionnelle,


Je dis que la constitut iou de Louis XVIII était menacée,
qu'unepartie de la nation, celle-Iá mérne dont les idéesdominent
aujourd'hui, s'était proposée au moyen de son intervention
nécessaire dan s le vote des suhsides , de domine!' le choix des
ministres, de s'emparcr aussi de la prérogative, et par cette
importante et décisive conquéte , d'arriver atoutes les lois , ala
modification des p'rérogatives essentielles de la couronne..Je
dis que l'on a vu s'établir en France la lutte qui date, surtout
In Ang\eterI'il, du l'egue de Jacques Ior , qui se perpétua sous




( 455 )
Charles lt': , et qui se termina en 1688 par l'établissement de la
royauté constitutiormelle , qui fonde le droit de la maison de
Ilanovre . J e le dis , el véritublerncnt [e ne cornprendrais pas
qu'il fallút hcaucoup d'efforts p,)ur le pt'ouv(~r,


Le minister-e de 1828 avait-il done arreté la mar-che des
é... éncmcns ? n'est-cc pas sous ce ministere que la Chambre
élective , en proposant la recooetton d'une loi alaquelle se ratta-
chait tout un systeme administratif, a tenté de s'emparer direc-
tement de l'initiative? C'est pap les organes les plus accrédités de
l'opinion populaire que ces projets sont révélés. Et que ron ne
dise pas avec dédain que les journaux ne sont pas l'opinion
publique. Non, les [oumaux ne sont pas l'opinion publique,
mais ils sont l'expression d'uue penséo alaquelle se rallie un
nombre plus ou moins grand de suífragcs. Cette pensée qui va
se rcpl'Odl.lire comme ello s,'exprimail SOllS Icministcrcd~ aoút,
la victoire l'a proc!amée la volonté nationale ,


On a dit que quclleque fútla marchc du gouvernement, quels
que fussent ses acles, quellc que fút mérne la honté intriuseque
de ses lois, il fallait les rejeter, et placer ainsi la monarehie dans


. . " .la néeessité impéricuse , dominatrice de ehanger son ministere,
L'association hretonne fut formée, et , ohosc remar-quable , des
diputes penserent que le titre dont ils étaient reoétus , que leur
position politique ne s'ofillosait pas a ce qu'il« se rangeassent
parmi les confeddrc«. Un député, en donnant son adhésion ,
énonca méme eette pensée , que s'il venait a y avoir violation
manifeste de la Charte, le pays pOllr~it refnser l'impót des a
présent , quoique le lmdget fút voté pour 1830,


Si done une Chambra hostile au pouvoir apparaissait ; s'íl
devenait certain qu'un appel aux électeurs n'amenerait qu'une
Chambre plus hostile eneore, le gouvernement était réduit a.la
néeessité des coups d'ét at ; le recouvrement de l'impót rencou-
trerait SUl' tous les points de la Franco une résistance encou-
ragée, soutenue pu les ressources de vastes associations qui
venaient de donner it l'opposition u~e sorte d'orgallisatioll fi-




( 456 )
uanciere. Et que l'on y prenne garde : cette marche était d'au-
tant plus habile que lespoursuites du ministere public , s'il en
intentait , pouvaient amener-, soit au barreau , soit encore dans
les arréts de condamnations , des manifestations de peiucipes
les plus favorables' an projet de I'association.


Ainsi les associés applaudirent avec raison acet aerét de la
Cour royale de París, qui ne les condamnait qu'en s'éJevant
avec éner'gie centre la pensée des coups d'élat. La défaite était
évidemment une victoire. Premiar moyen de s'cmparer de la
prérogative; refus ahsolu , refus systématique, refus intégral de
l'impót.


Et quellcs sont done les intentions ultérieures de ceux qui
menacaient ainsi la couronne de la placer dans une sorte d'in-
terdit? Doit-on s'arréter a un changement de ministere ?
Qu'importent les personnes ! e'est de I'opíníon qu'il s'agit.


Le Globe s'en explique avee franehise dans un article qui re-
produit avec une force nouvelle l'ordredu refus, et qui explique
ensuite l'usage de la puissance que donne cette sorte de veto.


Le roi doit régner et non pas gouverner. 'Vaila le mot de
l'opposition, et ce mot c'était la destruction de la Charle de
Louis XVIII.


Telle était la situation palitique et marale de la France au
moment 011 les colléges électoraux se réuuissaient. Voyons
quelle sera dans cette position difficile la marche du ministre
de l'intérieur.


n n'entre pas dans la pensée du ministre de répudier des
actes qui, ponr n'avoir pas été son ouvrage, ne lui sont pas
restés étrangers. Le Roi, dans des circonstances dont il n'était
donné a personne de mécon naitre l'extréme gravité, voulait
comme dans· des ciroonstances semblables l'avait fait
Louis XVIn, s'adresser a la nation. Que ron lise cette pro-
clamation , et l'on n'y trouvera pas des indications aussi '01'-
melles, aussi positives que dans ~cs instructions de 1 E16 >




rev~tues de l'approbatíon du Roí, ou dans la proclamation
de 1820.


Une circulaire du ministre ai1IJOn~a sa ferme intention d'as-
surer a tous les électeurs eeUe sécurité profoade , condition
nécessaire de la liberté des élections , ({ que les électeurs, dit le
» ministre, sentent que la protection des lois leur est assurée ,
) et que vous mettez au rang de vos premiers devoirs celuí qui
» veut que vous garantissiez a tous vos admínistrés le líhre et
n paisihle exercice di! leurs droits. »


Les électeurs avaient prononcé : la majorité constatée par
I'adresse se trouvaít fortifiée dans une grande proportion.
Dans quelsysteme placer le salut de la Charte constitutionnelle?
comment prévenir ceUe invasion dans I'exercice des droits ex-
clusivement attrihués a la couronne , par cctte constitution
que le prince , que ses ministres avaicnt juré dc défcndre? La
se trouve le sujet des plus graves délibérations.


Que, daus un tel état de choses, des mesures soient devenues
nécessaires , personne ne voudrait le nier. C'est seulement sur
la nature, sur l'opportunité des mesures aprendre, que la
discussion pouvait portero


Touto sécurité serait bannie des conseils des rois, si la fidé-
lité aux serrnens n'était pas la loi, I'inllexible loi de l'avenir.
Aussi lorsqu'une question qui pouvait, qui devait étrc posée
fut adressée par le chef de ces débats, il i[l'est personne qui
n'eút compris comment cet homme d'état l'aurait résolue pour
Iui-méme,


Le malheur ne dllít pas des sermens , a dit M. de Peyronnet,
je lui laisserai l'honneur de cettc noble résolution ; mais il ne
peut pas m'étre interdít de réfléchir sur les deux voíes qui s'ou-
vraient devant le ministere. 11 ne peut m'étre interdit de con-
sulter les vraisernblanccs , et surtout de Jire la procédure.


La vie parlcmentaire, les combats el les chances de la tribune
se présenterent d'abord al'attention du conseil. Pourquoi ne
pas porter aux Chambres la nouvelle d~ triomphe d'Alger.




( 458 )
Les députés des départemens voudraient-ils done, étouffant le
eri de ieur conscience, repousscr, sans examen, des lois bonnes
et populaires? et s'ils paralysaicnt les intentions paternelles du
Roi par des refus déraisonna bies; n' était-ce pas alors 'lue le
monarque pourrait avee confiance en appelcr ala nation 'l


Ce systeme séduisant , par ce qu'il renferrnait de confiant et
de gé~éreux, pouvait étre balance par des faits incontestables.
On pouvait répondre : ne vous faites point illusion sur les
dispositions de la majorité des éleeteurs ; e'est une reforme p.1r-
lementaire qui depuis quelques années est le but avoué de tous
leurs efforts. Tant que le prineipe de l'éleetion n'aura pas pé-
nétré dans toutes les parties de l'administration municipale ,
et n'aura pas re¡;u toutes les applications dont il est susceptible;
tant que par la conquéte de l'initiative les Chambres ne se seront
pas associécs 11. la plus importante préI'ogative ele la couronue ;
tant que le systéme représcntatif ne sera pas en F rance ce qu'il
est en Angleterre, la mission véritable que les électeurs ont
donné aleurs mandataires ne sera pas aceomplie : le Roi doit
régner et non pas gouverller. TeUe:elt la Oocbine que I'on
vient substituer 11. celle qui veut que sous les modiflcatioas
d'uno intervention limitée dans son objet, l'autorité soit con-
sacrée tonte entiére dans la persanne du Roi. Les députés
seront inflexibles, les intéréts , les projets an-étés 11. l'avance,
ne se laisseront pas persuader, Les élccteurs , ces possesseurs
du sol, ces chefs de I'industcie seronl fideles a la pensée qui
les a dirigés au momcnt de leur choix, et la nation tout en-
tiere refusera des impóts qu'une Chamhre élective n'aura pas
votés. Si done vous n'étes pas résolus au sacrifico de la. préro-
gative, a la destruction , car , en eette matiene , modifier c'est
détruire; si vous voulez vous montrer fideles dépositaires de
la constitution confiée avotre foi , empressez-volls de chercher
<lans de nouvelles cornbinaisons politiquea le salut de la mo-
narehie; que le systeme représentatif demeure , mais que la
paute propriété soit investie d'uue influeuce justifiée par les




( 459 )
lumieres plus ~tendues, par le plus grand intérét qui s'en
trouvent inséparables. Bétablissez cette élection adeux degrés,
qui se lie tres-bien avec les dispositions de la Charle constitu-
tionnelle, ce systeme calculé sur l'oppositioo scciale ; ce systeme
dont une longue expérience a prouvé la sagesse, qui depuis la
restauration a présidé deux fois ala..formation de la Chambre ,
et qui notamment a donné 11 la France cette Chambre de 1816,
qui ne fut jamais accusée de s'étre mise en opposition avec les
intéréts populaires ponr le recouvr-ement de I'impót sous un
budget voté daos les formes constitutionnelles. Ne provoquez
pas des refus' écrits a l'avance dans l'association bretonne, ce
qui ne ferait qu'ajouter aux embarras de votre situation.


La tribune, une modification dans le systeme éleetora1 ,
e'est l'idée qu'il ost perrnis de se faire des deux systemes, A
quelle pensée devait done s'attachcr de préférence un homme
qui, depuis l8l!!, avait développé des talen s parlementaires
dont eette eneeinte méme a peut-étre conservé le souvenir. Il
n'est p<;lS une des personnes qui m'entendent qui ne me com-
prennent el ne me répoudent : il est impossible de laisser dans
la région du doute et des conjectures ce qui se trouve dans le
domaine du fait établi et de la vérité démontrée.


Il faut distinguer, dit Al. de Ranville, entre le systéme en
Iui-méme et les ordonnances qui n'en étaient que la mise aexé-
cution. Je combattis ce systeme ..... Mes opinions n'ayant pas
prévalu , j'attachai peu d'importance au texte des ordonnances,
qui n'était que la eonséquence inévitable du plan adopté, et
qui d'ailleurs Dedonnérent lieu dans le conseil qu'á des di8CUS~
sions sur des objets de détails et les formes grammaticales; et
lorsque la commission demande aM. de Ranville quel est celui
de ces cellegues qui l'a appuyé dans son opposition, M. de
Ranville répond : « Cette circonstance pouvant sauver l'un de
)J mes collegues sans nuire aux autres , j e n 'ai pas de raison de
)l refuser de déclarer que mon opposition fut partagée dans le
» premíer conseil par M. de Peyronnet. 11




( 460 )
Loin de moi cependant la pensée d'établir de fatales diffé-


rences entre des hommes unimés de scntirncns également hono-
rables. Aueun doute ne s'élevait dans l'espr-it d'aucun des
ministres du conseil sur le pouvoir que donnait la Charte con-
stitutionnelle. On hésitait sur le choix des moyens, mais il y
avait unanimité dans la pureté des intentions, Tout le monde
voulait sauver le trúne et la patrie.


Et pourquoí done, s'écr-ia-t-on peut-étre , les ministres ne
se retiraient-ils pas ? Pourquoi ne pas céder a la majorité
connue en 1827? Les circonstances n'étaient plus les mémes ;
il ne s'acissait plus d'un ehangement dans les pl'rsonnes, mais
d'une grave modification dans les choses , Les embarras restaient
les mémes , si les nouvcaux conseillcrs de la couronne n'étaient
pas choisis dans les rangs de l'opposition. JI fallait reprendre


.le mouvement ou l'avait Iaissé le relrait ele la loi munieipale,
sejeter dans ces concessions larges et profondes que réclamaient
avee tant d'instance et d'autorité les organes d'une opinion qui
venait de dominer dans les colléges électoraux. Il ne s'agissait
plus des intentions doutcuses et des majorités incertaines de
1828. L'abandon du ministere , c'était l'abandon de la préro-
gative, et par cela le changement de la const itut ion méme,


Le svsterne ql\C MM. de Ranvil\e et de Peyronnet ont com-
battu réunit cependant la majorité ,¡les ordonnances en étaient
la mise en oeuvre. Pourquoi eles lors les dissidens ne se sont-ils
pas rctirés? Pour-quni n'ont-ils pas imité I'exemple de MM. de
Chabrol et de Courvoisier? Ni I'un ni I'autre de ces hornmes
honorables ne s'est retiré apres une des ordonnances dont alors
on n'avait pas la pensée. 11 a été expliqué par M. de Chabrol
qu'á l'époque de sa retraite aucune mesure de ce gen re n'a vait
été adoptée. Je répondrai, au surplus , avec franchise, n existe
bien des sortes de courage. Le courage de rampre avec le con-
seil , par cela seul qu'on n'avait pas pu le dominer; de ne point
adhérer ades mesures que la Charte autorisait dan s les circon-
stances graves; et cela lorsque les circonstances étaient talles




( 461 )
qu'il était impossible de s'on dissimuler la gravité; de con-
damner ainsi par une éclatante séparation les efforts que 1'011
allait tcntcr dcus l'intérét du tróne et de l'état. Payer d'une
pareille ingratitude les bontés de deux rois , ce courage, M. de
Pevron net le connait paso 11n'hésite pas ale déclarer, il préfere
son malheur aux pensées douloureuses , aux remords déchi-
rans dout une résolution d'égo'ísme eút été póur lui I'intaris -
sable source.


Les ordonnances datent du 25'[uillct , et parurent dans le
Moniteur du lundi 26. 11 importe aM. de Peyronnet, comme
membrc de I'ancien ministere, de constater I'opinion qui rdgnait
dans le conseil sur les conséquences probables que les ordon-
nances devaíent amener. .


11 était impossible qu'un homme engagé depuis plusieurs
années dans la lutte politique dont l'origine remonte ala res-
tauration , ne [lit point dalls la couviction que l'apparition des
ordonnances produirait dans Paris une sensation profonde ;
mais il était permis d'espér'er, et il ya preuve irrécusable que
ce fut la l'opinion du ministere , que l'agitation se renfermerait
dans le cercle oh la lutte polit.ique se concent.rait.


e'est une idée énoncéc dans le rapport du 14 avril, que l'agi-
tation qui se faisait remarquer depuis plusieurs années n'avait
pas pénétré dans les masses ; que le Francais , heureux du
bien-etre qui se manifestait dans toutes les branches du com-
merce et de I'induetcie ne mettrait point au hasard le bonheur
réel dont il jouissait. Au moment de la révolution , disait-on ,
il s'agissait de conquérir; il faut aujourcl'hui conservero Les
raisons qui causerent les trouhlas de J 789 assur-ent la tranquilo
lité de 1830.


Quoi qll'il en soit des motifs qui causerent la sécurité du
ministére , quelque jugement que 1'0n en doive porter, du
moins est-il certain que ,eeHe sécurité fut profonde , et que
surlou~ [amáis ne s'oflrit ala pensée des anciens ministres l'idée
de cette guerre crueIle, qui [oint a tous les malheurs de la




( 462 )
guerre étrangére des, douleurs et des regrets que la guerr..
étranger« ne connait paso Il est constant que la pensée des or-
donnances n 'amena aucun genre de précaution. C'est la un
point de vue général qui intéresse tous les minis1res accusés. Je
passe ace qui tient á la conduite personnelle de M. de Peyronnet
pendant les trois jours de juillet.


Tout était profondément calme dans Paris, quand le mi-
nistre de l'intéríeur recut la premiere visite de M. de Chabrol
de Volvíc, préfet du département de la Seine. C'est vers deux
heures que la [ournée du mardi a pris le caractere le plus affli-
geant, et aquatre hcurcs les ministres se sont réunis al'hótel
du ministere des relations extérieures, qu'ils ont quitté vers
huit heures. Ici M. de Peyronnet, avec une loyauté qui res-
pire dans foutes ses paroles , a dit : « J'ai vu sur la route des
)Il mouvemens , des attroupemens. » Ainsi ce sont ses yeux qui
I'ont instruit de I'agitation qui régnait dans Paris; car, du
reste, dans la journée du mardi aUCUIl rapport ne lui est par-
venu. Il est resté dans l'isolement le plus complet, et ainsi vieot
se vérifier de plus en plus ceUe idée que M.de Peyronnet n'a-
vait pas la direction de l'affaire. ,


Que M. de Peyronnet ait combattu le syiteme que les ordon-
nances ont mis en ceuvre, qu'importe? Le mamen t des dangers
est arrivé. M. de Peyronnet ne se renfermera pas dans son
hotel. Il se rend aux Tuileries, et, apres avoir attendu long-
tems dans le cabinet du Roi, il passe dans I'appartement de
M. d'Hermopolis, oü les heures se consument encare inutile-
mento


Les députés étaient partís lorsqu'enfin M. de Peyronnet a
rejoint les autres ministres, réunís depuis quelque tems al'état-
májor , 00 a fait aM. de Peyronnet un crime de son impuis-
sanee. Enchainé par sa signature, dépossédé par la puissance
méme des choses, de toute iníluence , méme administrative, par
quelle nature d'iuterveution llourra.-t-ilarreter.les événemens
dane leur marche?




( 463 )
C'est le [eudi seulemeut qu'une lueur d'espérance brille enfin


ases yeux. Un pair n-iomphant des glaccs de l'age, et conduit
par son noble ami,MM. de Sémonville et d'Argout , sont arrivés
al'état-major. Une occanion favorable se préseñte cnfin; avec
quel emp1'essement M. de Peyronnct ne va-t-il pas s'en empa-
rer !..... (( Rendez-vous prés du Roi ..... Et quoi! VQUe, n'étes
pas encere parti. » Et, dans le jardin des Tuileries, rappeÍez-
vous ces gestes expressifs; celte main étendue vers Saint-Cloud,
et l'autre vers la ville, théátre de tant de malheurs. Et cepcn-
dant il existe quelque chosc de plus honorable encore que cet
empressement inspiré par l'humariité, ce sont les explications
données dans I'intérét d'un eompagnon d'infortune. Saint-Cloud
a vu le dernier conseil des ministres de Charles X, et désormais
fort de la connaissance intime eles faits, nous ne reculerons pas
devant l'examen de l'accusation.


Apres un rapide examen des questions préjudí-
cielles, le défenseur, abordant le fond de la question,
combat successivement les divers chefs d'accusation,
et hientót il arrive au- chef principal, celui du ren-
versement des institutions constitutionnelles.


Le caractcrc de la préméditation, dit l'avocat, n'existe ici !)our
personne. Comment surtout en rapprocher l'idée de la conduite
tenue par M. le comte de Peyronnet! Préludait-il done au ren-
versement des institutions du pays , celui qui revendiquait dans
le sein du conseil les chancee de la vil¡ parlementaire? Le mi-
nistre qui conjura de tout son zele et de tout son courage ces
erises redoutables pour les peuples et pour les rois , qui veut
rester dans l'ordre habituel des Iois , alors méme qu'il n'aurait
pas triomphé, a-t-il done mérité des chátimens ou des cour-
ronnes? (Mm'mures nombreux).


11faut ici se fixer sur la disposition préciso de I'art. 14 de la
Charte constitutionnelle, qui donne au Roi le droit de faire des
ordonnances pour l'exécution des lois et la süreté de l'État.




( 464 )
Pourquoi parler de la süreté de l'État, si cet intérét immense
ne doit ríen ajouter au pouvoir de la ccuronne ? C'est l'inler-
prétation que cet article a trouvée dans les paroles des hornmes
les plus graves et dans les ordonnances que, depuis la restau-
ration , le malheur des tems el l'exigcnce des circonstances ont
successivement amenées, Il nefaut pas d'ailleurs perdre de vue
la question de droit criminel. Si les ministres ont pu raisonna-
blement croire au sens qu'ils donnent aujourd'hui al'art 14,
s'ils ont pu croire aux dangers des précogatives de la couronne,
qui pourrait les condamncr'! Comment comprcndre un crime
sans volonté des coupahles, lorsqu'il n'exista dans la pensée de
ceux que I'on accuse que la volonté de rester fideles au mandat
qu'ils avaient recu? Il ne serait pas loyal de soutcnir que les
ordonnances ne renfermcnt point de g,'aves infractions aux lois
des élcctions el de la l)l'cssc; et cependanL il faut remarquer que
le sIsteme électoral constitué par I'ordonnance , cst pl'écisément
celui qui se trouvait en vigueur quantlla Charte constitution-
nelle futpubliée, et qui, deux fois depuis, a présidé aux opéra-
tions électorales. La Charte a bien imposé deux conditions,
300 fr. et trente ans , mais n'a pas proserit le systeme des deux
degres~ Ce n'est done pas la Charte qui se trouve enfreintc par
I'ordonnance électoralc.


Un autre défenseur vous parlera de l'ordonnance sur la
presse. Il y a mieux, des dispositions constitutionnelles abolies
par des lois organiques, sont remises en vígueur. Sous le


I
rapport du nombre des députés , de l'ordre asuivre dans le
reneuvellement de la Chambre élective , la Charte est remise
en vigueur. Ce n'est done pas une atteinte a la foi fondamen-
tale que cette mesure ínspírée par le sentiment des dangers
d'll tróne. La loi du 5 février , celle de 18~.w sont enfreíutes ,
et c'est par une combinaison d'ídées que l'on remonte de
ces lois a la Charte. Ce que ron veut conclure de ~es ré-
flexiona, c'est qu'une ordonnance dont l'existenec était par-
faitement eompatibleavec la Charteconstitutionnelle, ne peut




( 465 )
pas étre considérée comme un retour au régime du bon
plaísír.


Le plus gl'ave des chefs d'accusaríon, l'excitation ala guerre
cívíle , arréte peu le défenseur, L'art 91 du Code penal, in-
voqué par les commissairés , parle de l'attentat ou du complot
dont le but sera, soít d'excíter a la guerre eivile, en armant
ou en portant les citoyens ou háhítans as'armer les uns contre
les nutres, etc. L'ímprévoyance, l'absénce de toute précaution,
répondent suffisamment a cette cruelle supposítíon. Il est
constant que les ministres ne s'attendaíent qu'á la résistance
passíve , qu'á celle dont toute la puissance est dans la force
d'inertie. lis étaient convaincas que l'agitation n'aoait pas
pénétr« dans les masses ; et tout conspíraít a maintenir, a for-
tifier leur erreur. L'association bretonne n'étaítconcue, disait-
on, que dans des vues pacifiques. Les ministre se sont abuses;
mais du moins n'ont-ils pas eu pour but de provoquer une
guerre a laquelle ils ne croyaient pas.


Messieurs', dit!\le Hennequin, en terminant, j'ai été se-
conde par votre blenveillancé attentive, Je sens que j'ai
porté la conviction dans vos esprits lorsque j'ai dit que la
faction politique n'existant plus, nous étions sous l'empirede
la loi commune. Je sens que j'ai été d~ns la véríté historique,
lorsqu'apres avoir démontré que l'on pouvait de bonne foi
comprendre I'art, 14 comme I'ont eompris des hommes d'une
si haute autoríté, j'ai dit que ron avait vu en France , de-
puís 1815 ,ce mouvement polítíque , qui date en Angleterre
du regne de Jacques ler, et quí s'est terminé en 1688, par
I'avenement de la maísón de Hanovre. Je sens que je mesuís
trouvé dans la véríté polítíque , lorsque j'ai dít que les innova-
tions annoncées , préparées, devenues certaines d'apres la
composition de laChambre, explíquaíent les mesures adoptées
par le gouvernement. Qui pourrait díre avec conviction que
telles n'étaíent pas les choses en juillet 1830! Je sens que je
n 'ai pas couru le dan gel' d'une réfutation possible, que les


H. 30




( 46G )
Ierus les plus calmes cu appal'cnce lHlllYCllt recéler des tem-
petC3, et que les horames quí médítent des révolutions poli-
tiques, n'en su,óissent pas moins le [oug des loís [usqu'au
momen~ oill'orage doit éclater. l\1¡¡.is [e sens qu'emporté par
mon zéle , j'ai llU quelquefois oublier qu'une défense ne devait
pas étrc une apologic, J'ai parlé de couronnes des
couronnes l ... l\Ialheureux ! quand la patrie est en deuil...
Ah! des couronnes l c'est aux tombes qui se sont ouvertcs
qu'il faut les offrir, et non pas a l'homme malheureux ,
si proíondément malheureux de les avoir vues s'ouvrír.
(l\louvement universel d'adhésion. 1\1. de Peyronnct fait plu-
sieurs gestes approbatifs).


Pairs du I'oyaume, je ne diraiplus qu'un mot , il existe sur
cette terre de France des hornmes aqui 1'aneien ordre de choses
a laissé de profonds I'cgrcts; vou Iczv vous 'Iu'ils s'éJoigncnt au
bruit d'un redoutahle arrét ? Serait-ee doné le moyen d'opérer
parmi nous une réeoneiliation si nécessaire ? Serait vce done
donner a l'Europe l'exemple qu'elle attend de nous ? Ah! sans
dente de granda malheurs ont frll.ppé ~. t;énénluscs familles.
Nous en gémisliol1s; nous pleurons avec elles. Mais ne nous est-
il pas permis de leur dire : le connaisscz-vous eet bomme dont
vous demandes la perte? Ie.counaissez.-vous ? Éeoulez : Au mi-
Íieu des troubles el'Angera, un officier municipal se précipite
entre le peuple et les soldats, Au péril de su vie, il cmpñchc le
sang de couler ; cct homme n'étuit pas ami du pouvoir, mais
alanouvclle.d'un si noble dévoú mcnt le millist¡,c de I'int éricm-,
c&tant au sentiment d'une sorte de sympathie , s'est íait 1.111 de-
voir- d'informer le Roi, el. hientót la eroix de I'honneur a brillé
sur la poitrine de ce digne citoyen, qui ne partageait pas les
opinions du ministre, mais qui, comme lui , portait un coeur-
francais.


Le défenseur de M. de Chantelauze .a la parole.
M' Sq.uzet. Dójá, :Messieurs, se sont déroulées devant vous


des sceues-de ce brand (Ir-ame judiciaire ; d?jil dcux voix cou-




rageusca vienucnt de conjurer l'orage qui gl'ondaít sur d'illus-
tres tetes. Tout ce ql{un nom brillant peut donner de pres-
tiges a d'illustres infortuncs et ade hautes ~destinées; tout
l'éclat dont une longue répututionparlcmentaire peut faire rc-
[uire une vic politique, voilá ce qni vicnt de vous apparaitre,
protégé par les notaLilités de la trihune et'du harreau , par un
talent digne de tons les éloges, et par une éloquence dont all-
cun éloge n'est digne. Ces antécédcns et ces appuis manquent
tout ensemble au troisiamc accusé. Consacrant dans la retraite
sa vil' paisible 11 l'étude (~es lois, éloigné des tempétes politiquea,
[amais, dan s ses réves d'avenir , i] n'avait entrevu de tellcs
splendeurs ni de tels désastres. Jeté, par la fatalité, nu
faite des honneurs, et presque en méme tems dans l'a-
Lime, il vit la méme époque eontcmporaine de sa grandeul' et
elesa chute. Il nc put éviter ni I'une ni l'autre. Singulier jeu de
la fortune, qui fait du moins savourer a d'autres, pcndant
quelques instans , les bor-ds emmiellés de sa coup'e; lui , n'cn
a connu que I'aruertume ! A peine a-t-Í! passé par le pouvoir
pOllr tomber dans les fers, et aujóurd'hui, Messieti'rs, i] ne'lui
reste plus, de sa courte existence ministér-iella, que le sanglant
souvenir d'affreux malheurs accornplis en si peu de tcms. La
fortune lui a compté nioins d'heures dan s les palais ministá-
rielo, que le terns ne lui en a mesuré depuis dans le donjon de
V ineennes. ( Mouvement. )


Mais, Messieurs , pendant ces langues heures de captivité ,
ou Favenir de la défense est le seul espoir du cocur ; cet homme,
natnralisé apeine au ministere, Ioulant de ses pieds une terre
étrangere, a reporté ses regards sur la vi lIe qui fut le théáhe
de ses jeunes travaux; il á vu, en souvenir, au barreau, celui
dont il fut langtems l'appui, C'est dans son scin qu'il a voulu
chercher des consolations bien plus que des sccours. Son choix
cst venu se fixer sur un jeune homme dont il avait protégé IC5
premiers pas dans la earrlere du barrean, et auquel il impose
maintenant un immense fardeau comme dette de reconnaissance.




( l.tiS )
Le dirai-]e, Messieurs, au moment ou je re<¡us la nouvelle de
eette haute mission qui me vouait á lui, mes yeux n'oserent se
lever sur ce brillant éclair qui venait de percer l'obscurité de ma
vie, je craignais, non pour moi; dans une telle cause, que
sont les misérables sollicitudesde 1'amour-propre qui viennent
s'absorber dans l'idée de l'avenir? mais je redoutais pour IIlOO
noble client lcs suites d'une téméraire confiance. Mon cceur
me rassura. Je vins affronter les regar<ls de cette capitale que,
dan s des tems plus heureux, sa main montrait anos [eunes ef-
forts comme prix de leur triomphe, el oü la néeessité devait
seule un jour accomplir sa prophétie : je n'avais que du zele ;
mes amis me donnerent du courage. Allez, me dit un barrean
qui fut témoin de ma vie tout entiere , allez, par votre pré-
senee, porter le secours de toutes les opinions politiques dans
un proces dont l'ancienne monarchie cut gémi et que la révo-
lution de 1830 désavoue. ( Rumeurs négativea.) Je l'ai eru,
Messieurs, je ne me suis pas trompé. Déjadans les douces effu-
sions d'une commune défense , rai gouté les prémices d'une
amitié qui suffirait pour honoree ma vie l et me llrésage une
bienveillance plus auguste, que je récIame comme un droit et
que la défense attend comme un hienfait dont son passé et son
avenir out également besoin. Pardonnez aune émotion que je
surmonte apeine, quand je pense que je trahis peut-étre par
mafaililesse, celui qui fut mon protecteur et mon patron au bar-
reau, qui marqua, de ses encouragemens, mon entrée dans la
vie publique. Ce ne serait pas une erreur, ce serait une impiété
parrieide dont gémirait ma vie tout entiére.


Ma. tache est' al1égée, Messieura, déja le tableau de ces vas-
tes débats vous a été esquissé agrands traits. Cen'est plus qu'un
portrait qui me reste a tracer. Vous n'attendez pas de moi des
couleurs brillantes; ce portrait sera simple et modeste comme
celui vont il offre l'image. Mais iI est nécessaire, afin que' vous
sachiez si cet homme; qui ne peut étre calomnié que loin des
Iieux oü il fut connu, était un de ceux (~ue la postérité pút flé-




( 4tig )
trir de l'indigne épithete de traüres, et sur lesquels les députés
du pays peuvent appeler les vengeances nationalcs. '


II M. de Chantelauze se voua au barreau des ses plus jeuncs
années; ses goUts, ses études méditatives l'appelaient a l'étude
des lois. Des succes précoces lui ouvrirent le parquQt. Les Cent-
jours vinrent; sa conscience n'a [amaia balancé; iI n'hésita pas
entre son devoir et le saceifice de sa place et ae SOH avenir. Dans
d'autres tems, une place d'avocat-général récompensa d'anciens
services, et cette fois du moins une promotion politique ren-
contra le talento Appelé a Lyon, c'est la que nous l'avons ad-
~iré : c'est la que nQUS avons reconnu cette impartialité haute
et sévere, ces vues gra vesqui, dédaignantles subtilités, percaient
les voiles de la jurisprudencc et s'asseyaient au eonseil du légis-
lateur. J'ai entendu des voix plus éloquentes, mais ce souveníc,
ces impressions de ma jeunesse , ne s'effaceront jamáis de ma
mémoire. Jamais, quand j'entendis eette parole solennelle, dans
ce tems oü le préjugé du monopole pesait encore sur les par-
qnets, venir se constituer l'avoeat de la société et non celui de
I'accusation, prendre la défeuee des accusés, et ceuvrir ainsi de
son é(;ide l'innocence traduite devant les tribunaux; ~t¡'e ainsi
tout ensemble et le vengeur de la société et le consolateur de la
défense, jamáis, je I'avouerai, je ne me suis fait une idée plus
parfaite el plus noble du ministere publico


Je'm'arrete, Messieurs. Est-ce le moment d'un panégy.rique!
Si pUl' que soit l'encens, il a toujours quelque chose d'indiscret
el de téméraíre qui aigrit , par U1l douloureux contraste, les
chagrins méme qu'on voudrait calmer; toutefois une qualité
doit étre retraeée, parte qu'elle altend de vous nn prix que I'ava-
nir doit lui payer, Je, veux paelsr de cette modération politique
qui, dans les tems d'orage, ne Iaissa jamais de pouvoir al'in-
fluence d'aueun parti. Les opinions eontraires l'ont vénéré tou-
jonrs; le parti vaineu l'eut et le desira pour juge, et le trouva
souvcnt ponr défenseur.


Cette vertu fut mise aune rudo éprcuve. Elle a eu ses mau-




vais jours. Notr,e cité vit aussi de grands événemcns; cJJ~ a 1I11ssi
oompté des preces, des condamnations et des supplices; et la
France entend encore avec effroi retentir le roulement fúnebre
de ce fatal tombereau qui parcourait.nos campagnes désclées. A
Dieu ne plaise que je trouble la conscience des magistrats, en
rouvrant des touibes pleines d'enseignemens politiquea! Mais
celui qui est devant vous, appelé par ses fonctions ade rigou-
reux devoicsys'efforca cl'en adoucir la sévérité par ses sollicita-
tions aupres du trúne. L'opinion lui en sut gré; et celui qui
devait etre, plus tard, signalé comme ayant voulu appuylj!r sur
des ordonnances le bras de la justice prévótale, ctétourna le eoup
de ceux mémes que cctte justice avait attcints. Une si haute
conduite valut a"M. de Chanlelauze l'estime de tcus les partis;
su renommée s'étendit dans toute la eontréc, et lui attira des
hommagcs,qui honor-cut également celui gilí les [,1it ct ccluí qui
les recoit, et qui laissent au moins pour les mauvais jours, cette
consolante pensée du souvenir des bonnes actions,


Il fut nommé, plus tard, proeureur-génér?-l a Hiom. ,H II 'a-
vait pas llotlicité cette place. Les caetons ministéeiels, qui n'ont
pas de se~rets aprós les révolutions, pourraient I'attester-. Uap-
porta dans ses nouvelles fonctions ce mema carcatere politique
auquel M. Augustin de Leyval, dans son óloqucncc chcvalcrbs-
que, renditun éclatant hornmage ala tribune de la Chambrc des
Députés, le jour ou dút étre prononcée sa mise en accnsation,
centre laquelle protesterent cependant 75 voix , C'est it Riom
quc l'aurore, des grandeurs politiques a commcncé Ú !ll¡¡'e pomo
M. ~de Chantelauze. La Chambre de 1824 vcnait détrc dissoutc,
Le coUége du clépal'tement de la Loire , sa patrie, l'appela ala
députationJ et I'opposition tout entióre se réunit a la majorité
pour appu)'er un candidat que ses antécédcns ct ses opiuions
connues appelaient égalemcnt a la défense de nos institutions.


M. de Chantelauze débuta ala Chambre de 1824 par un rapo
port devenu célebre, sur la proposition de réélire les députés
promus ades emplois puhlics. Cette proposition avait été long-




" ';..,'
Cette craiute, qu'ilhe désavouera' FM,au:je.urd',brliJ, IllDqtia;


sa place ala Chambre, et ce.fut au fondde sa provincé c¡:nevínt
lesurprendre la nouvelle duministere du-B aoút.Tl aété dihur
ce ministere a peu pres tout ce que vous pourriez att-eódre;de'la
défcnse. Cependant je parle da eurprise a .dessein.;Je; l!l'ignore
palO que, dans des terna voisins de ooue, une prévention ü~uste
l'a accusé d'avoir voulu renvcrser l'administration ancienne.et
prépnl'cr la composition du ministere du 8 aoút.N'.att!?OOi'~fl~.
moi ni élog~s, ni reproches; je connuis la dignita de M, ~eCha.n~
telauze; vous ue m'entendrez hlámer ni lousr un ministere dont,
plus tardil fit partie. Coq ui est vra i , c'est que M, de.Chante-.
lauze, qui siégeait au centre droit de la Chambre, qui a' lHl'de",
sirer que l'administrat.ion se fürtifiát, vit avec regret excbure du
coneeil une capacité íinanciere que r icn n.a surpassé, un talent.
pai-lemcntnirc qui avait C'U.eilli hion.dcs palrnes, et auquel man-.


tems controvcrsée ; son adoption fut un progros dans les insti-
tutions constitutionnelles. On en avait craint une dégradation
du pouvoir: l'expérienee aprouvé que les alarmes étaient vai-
nes, et que cette garantie, constitutionnelle aurait peu d'abus.
Quoiqu'il en soit, M. de Chantelauze appuya deses conclusions
cette proposition. On y reeonnut son caractére ; son ame fii~re
et pure n'eüt jamais regardé la corruption comme un moven de
gouvernement, et ce n'est pas par la qu'il eüt voulu fortifier le
pouvoir.


Cependant.je l'avoue avec une franchise que cettecause, plus
que toute autre, impose, M. de Chantelauze erut ala nécessité
d'affcrrnir l'autorité royale. 11aimait la Charte.jl avait confiance
dans les intentions droites de I'adminietration , mais il lui appa-
raissait que derriére elle, et mémederriere l'opposition par-le-
mentaír-e, se trouvait une agitatian secrete dans les classes infé-
rieures, qui tendait adésarmer la royauté paur le jour du péeil,
et aeonfisquer, au profit de la démocratie, toutes les institu-
tions constitutionnclles.




( 47 2 )
quait encere sa plus helle couronne. (M. de Chantelausefair UJI
signe d'assentiment},


Ce regret suivit partout M. de Chantelauze, et je ne puiscorn-
prendre ;par quelle bizarrerie on l'a voulu accuser d'une com-
position ministérielle dont il refusa de faire partie. Vingt jours
apres le mínistere du 8 aoút , le ministére de l'instruction pu-
blique lui fut offert; ille refusa; vous avez cntendu sur ce point
M. deChabrol,


Voila l'ambition de cet hornme cherchant a tourmenter les
institutions de son pays, pour en faire sortir une révolution
q;ui sarvlt de piédestal 11 son élévation. M. de Chantelauze avait
I'efqsé le ministere, il accepta la présielence ele Grcnoble. Son
goút pour la retraite détermina son choix en faveur d'une ma-
movibilité qui ne fixe le présent qu'en sacriflant l'avenir. JI
semblait que I'haure de la retraite eút sonné pour Iui , maissa
fatálité.l'en retira.


La session de 1830 venait de s'ouvrir sous de fácheux aus.pi-
ces. YOJi'8 connaissez I'adresse dont le drapean tricolore est le
résuhat:. M.de Chantelauze la combattitaveeea conviction 1
vraie ou fausse, mais sincere, par attachement 11 la prérogative
royale, Ce fut alors que, dans une improvisátion chaleureuse,
il Jaissa tomber ces mots : cinfJ septembre monarchique, dont on
lui a fait depuis un sujet d'accusation, bien qu'á l'instant méme
il eut. déclaré que ce cinq septembre monarchique n'était a ses
yeux que I'exercice du droit incontestable de dissolution qui
appartient a la prérogative royale. Et devait-il s'attendre que
des rangi d'tme opposition, OL. I'ordonnance du 5 sep,tembre fut
accueillie par des eris de ti-iornphe, 011 vint eonsidérer eomme
une menaée de eoupsd'état, une seconde ordonnanoc du 5 sep-
tembre?


Quoi qu'il en soit , il faut cruellement déplorer qu'un tel
souvenir soit ven u se méler a la mémoire d'un député philan-
trepe, au moment OÜ la Chambre des Députés hésitait á mettre




( 47~ )
en accusation le collegue rlont elle avait pu apprécier les opi-
nions modérées.


Je le répete encare, Messieurs, ce n'est pas le catire entici-
que j'ai aremplir, mais seulement une place dans le cadrc. La
réponse du Roi, la prorogation de la Chambre déclaraient la
guerre entre la Couroune et la Chambre des Députés, La Cham-
hre fut dissoute, et les colléges électoraux furent appclés apro-
noneer entre la royauté et la majorité de cette Chambre, .


Ce fut alors que la pensée du Roi vint ?e nouveau se reporter
sur M. de Chantelanze. Une lettre de M.le prince de Polignae,
également honorable pour tous deux, datée du 30 avril, lui au-
non<:a non pas l'offre d'un ministere, mais sa nomination , C'é-
tait chose faite. M. de Chantelauze n'hésita pas sur le partí
qu'il avait aprendre.


Ce n'est pas, Mcssieurs, au point on la discussion est par.e-
nue, au moment ou toutes les ímpatiences pressent la fin tic ce
débat, dernier débris d'un ordre de choses qui n'est plus, de la.
haine qui excite les passions populaíres , que' nons nous jette-
rons daos d'inutiles détaila.


M, de Chantelauze déclaráit, da'ns ~alettre, 'qu'a ses yeux il
fallait, pour siéger dan a le conseil du pr-inee, un nom illustre
on d'immenses ser-vices rendus , ou une réputation parlemen-
taire. « Je n'ai disait-il , ni I'une ni J'autre qualités, et mon
élévation au ministere ne pourrait se [ustifier, Ce n'est pas une
feinte modestia que j'étale; dans l'intérét du pouvoir et de la
monarchie, dont je suis le fidsle servitcur-, au .moment d'élec-
tions nouvelles , on mécontente , par d'injustes faveurs, I'opi-
nion publi~ne si irritable, si susceptible, si facile a alarmer
( surtout dans un instant oü tout s'agitait. ) »


Telle fut la réponsede M. de Chantelauze. Nous n'en saurions
pas l1avantage,· sa discrétion eút couvect d'un voile éternel
toutes les relations qu'il cut avec celui qui porta la couronne ,
si la procédure ne nous eút révélé aquel point les instanccs
royales firent, sur un eoeur dévoué, une néceesité de l'accepta-




tiou dll miuisterc. Jc De lirai pas ce (lu'a tracé pOlil' lui UIlIr
main auguste: je doute qne M. de Chantclauze eút jamuis su
que le Roí, auquel son cceur fut rlévoué , anquel il l'est encere
pour l'entourer dans l'exil de ses hommages et de ses "('grets,
qui 11e sont ni des esperances ni des desirs ( sensation ), [e
doute qu'il eút su que le Roi avait écrit : « Je connais le vra i
» motif de 1\1. de Chantelauze : il p"éfcre une place inamovible
)J ades fonctions rnalheureusement trap amovibles. )) II na me
I'eüt jamais dit. J'ignOl'e, Messieurs , s'il fa su. Non, il n'a pas
voulu se fait-e contre la royauté une arme de son hienfait , il
n'a pas voulu s'asseoir au jour du p€ril dans sa chaise cuvule , et
Iaisser ad'aut ..es le soin de conjur-er les orages. U ya dans cette
pensée quelque chose de profondément ehcvaleresquc : c'cst le
ccenr qui hat égulenH'nt SOllS la toge el sous l'uniforme. (1\1011-
vement i l


M. de Chantelauze, -quand iI arr-iva aParis, ne put pas méme
voir le. Roi; auqueljl voulait présenter -scs excuses d'humilité
qu'il.ilous a offertes dans sa 1ettre; il n'apu le voir que revétu
de cette simarre qui a failli etre pour-Iui un lincenL Vous con-
ñaissez dans quels termes son amitié fratcrnclle s'est épakhée ".
« .I'ai cédé, dit-il, aprés avoir 'longtems résisté ; jI' r('garr!e
» cet événement comme le plus malheur-eux de ma vie, je me
) résigne au róle de victiruc. » Victime en eífet , presscntirnent
funeste des [ournées de juillet , plus encer-e que celle qni Init
en ce moment pour nous, puisque ce n'est pas d'etre accusú et
d'avoir mérité l'accusation, mais d'avoir attnché so n nom aces
désastrueuses mesu res q ui ont ensallglanlé la capitulo et I'évo-
Iutionné la France, qu'il conservera un regret éternel. ( M. de
Chantelauze fait un signe marque d'assentiment. )


Voiei une autre lettre, je ne puis résister ala lire. C'est dans
les épanchemens de l'amitié que se peint rume tout entiere ; ce
débat importe plus qu'on ne pense au preces : vous jugez une
tluestion de 1110001tlité. Il ¡¡'agira, lors de vos délibérations, de Sil.-
voir si le ministre, qui signa les ordonnances, crut obéir aun




zele avcugle pomo les' intéréts de la monarchie , ou si, craur-
ponué au pouvoir, il voulut immoler la France el la Couronnc
it son amhit.ion , ct ne recula ni devant la 'révolution , ni devaut
le sang versé. Et mérne apres les événemens les plus 11Iguu¡'es
les contemporains gardent une plainte et l'histoire un regret iI
?elui ~ui ne fut que malhe.lIreuse victime de son zele et de su
conscience.


( Le défenscur donne ici lccture de cette lcUre.... '
M. de Chantelauze, entré uu ministere avec ces p"sseutimens


sinistres, n'y démeutit pas cette réputation d'iutégrité et de mo-
dération politiques qui l'avait préeé~lé, et qui , il fant bien le
Jire, excita, dans les conírées qui l'ont connu, un profond sen-
timent de surprise , lorsque les préventions d'une opposition
aveugle voulurent attribuer des projets de coups d'état a l'élé-
vation cl'un homme cnvcr-s qui le passé a été bien injuste, qui
est brand dans I'adveraité, et aqui l'histoire réserve encare une
page qui ne sera pas satis quelque intérét ,


Voilá M. de Chantelauze. Telle estIa destinée des temspoli-
tiques; dans des momens de cahné:M-, deGhautelaute, par son
impartialité, par- ses Iumieres , ses profondes études, .n'eút pas
été indigne de porter la robe de garde-des-seeaux de Frahee;
et peut-étre, sans qu'ici j'oseréclamee pour lui aucune ambi-
t ion qui contraste avec les malheurs dont il fut la cause in\7o-
loutaire , et la triste situation ou vous le voyez réduit aujouc-
d'hui, pcut-étrc scra -t-Il-justa de clire que :M:. de Chantelauze
n'eut pas (1lit rougir' ses nobles prédécessEurs.


Dai'¡;lIcz vous rappeler daos quelles circonstances critiques
M. de Chantelauze fut appelé au ministere. Je ne reprenda pas
la France ala restauration, mais au J 9 mai 1830. Ce n'était plus
la composition primitivo du ministere du 8 aoút ; il n'était
plus tems de se présenter devant les Chambres, et d'éviter a
force d'habileté une adrcsse qui malhcurcusemcnt no put étrc
évitée ; il u'était plus tems d'accepter cette adressc , et d'cssnvcr
de gouvcrner avec eclte Cliambrc , au sciu de laqucllo trente




voix chancelantes et loyales, eomme toutes celles qui IKtrlaient
de la Chambr-a, promenaient la majorité. Cette Chambre rr'éta it
plus que dans l'histoire: elle était dissoute, les colléges élcc-
toraux étaient appelés a prononeer; la Couronne avait pris
ponr elle l'adresse de la Chambre desDéputés : c'était la posi-
tion du miriistere au 19 mai. .


Les élections eurent lieu, vous en savcz le résultat : la ma-
jorité était catre le ministere, Quelques voix , les souvenirs de
sympathie q!rse liaient aune partie de l'assemblée , tandis que
Iéurs doctrines les attachaient al'autre, ne fixaient plus les des-
tinées de la Chambra démocratique. Une majorité franchement
li'hérale se; trouvait, pour la premiére fois, au soin de la Cham-
breélective, en faee de la Couronne. C'était la sa position, il
fallut l'envisager. Trois partis se présentercnt : conquérir la
majorité, se retirer,ou reeourir ades moyens extraordinaires.


Conquérir la majorité! on l'a dit tout a l'heure avec l'aséen-
dant d'un talent que je révere et d'un caractere que je révere
encoreplus , qui sut , daos deemomens d'expausions douces et
entralnantett,réparer ce qujil appeíle des rautc!" et jeter sur
les blessures un baume qui les fait cicatriser ; conquérir la
majorité, c'était un réve : jamais au sein de la Chambre de 1830
le ministére du 8 aoút n'eút ohtenu la majorité ; jamais, non


. . .


jamáis.
Rappelez-vous que le ministere précédent avait eu peine ala


conserver, j'allais dire l'avait perdue, au sein d'une Chambre
dont les élémens différaient. Rappelcs-vous que, sur Ies 221 ,
!lOO étaient rentrés dans la Chambre, que les voix manquantes
appartenaient, pour la plupart , 11 l'opinion qu'on n'eút pu
vaincre, et soixante-dix voix' d'opposition venaient rcnforcer
une majorité décisive. Quoi! vous voulez que la Chambre de
1830 eút mentí ason mandat! Vous voulez qu'envoyée par
les électeurs pour combattrc le ministere , renvoyée exprés ala
Couronne qui l'avait dissoute, la Chambre des Députés , fiero
de sa victoire , puissante de ses succes , eút eourbé une tete




( 477 )
humiJiée devant le ministere du 8 aoút , et qu'ellc n 'cút pas
proclamé de nouveau cette incompatibilité fatale qui aunoncait
de sa part le· refus du concours \ Non, Messieurs, non, la
Chambra de 1830 n'eút jamais concouru avee le ministere du
8 aoút, et je l'entends d'iei regarder ceite supposition comrne
une insulte; non sans doute que c'en soit une a mes yeux j
mais je fais la part des opinions politiques ,je comprends la si-
tuation des états; et lorsqu'aprés une menaee manquée 'a Cou-
~ ronne, avec I'odieux de la colsre , avait encere le rídicule de


1'impuissance, n'en doutez pas, la Chamhre eüt persisté eontre
le ministere,


Il fallalt done se retirer. Vous n'en doutez pas, c'eút été le
desir de M. de Chantelauze. Ce n'est pas lui qui, porté au pou-
voi!" malgré Iui, forcé par la volonté royale, eút voulu s'y main-
ten ir centre la volonté du pays. Ce u'était la penséc d'aucun
ministre. Le président du conseil a annoncé qu'il avait mis sa
démisslen aux pieds du Roi, apres le résultat connu des élec-
tions, quinse jours avant les fatales ordonnances. Les ministres
voulaient se retirer; mais ici, s'il n'est pas permis, pour les 01'.
doonancea elles-mémes, d'inroquer le nom et 1'autorité d'uRoi,
c'est ce nom seul que j'ai le droit d'invoquer Iorsqu'il s'agit du
rcfus de la démission des ministresvC'eat presque le se~1 aete
d'exercice de la volonté personnelle du roi. 11 use, dans ce cas,
de la puissance royale Rour la déléguer ases ministres. Eh bien!
Messieurs, vous savez pourquoi le Roi considéra sa prérogativ<J
comme engagée : son ministere n'avait encore ríen fait; la
Chambre Iui déclarait la guerre, et e'était seulement au prix de
sa retraite qu'elle mettait sa paix avec la royauté. Que ces alar-
mes fussentjustes, fussent patriotiques, c'est ce que mon devoir,
d'un coté, et ma conscience, de l'autre, me défendent de déci-
del', puisque je pourrais me trouver partagé entre deux obliga-
tions égales. Quoi qu'il en soit , le Roi se regardait comme
personnellement insulté; il croyait que le gouvernement repré-
sentatif était compromis; il voyait la démocratie éclatant de
ton tes parts, et envahissant le tróne de ses ancétrcs.




( !~78 )
Qu'y a-t-ilvdans cette peiuturc, d'alarmant pour la majesté


Llécoul'orinée? Qu'y a-t-il détonnant que ce prince, nourri
¡¡reS du triiue, n'1J"v8nt Vil qu'ovec eilroi les premicre symptómes
de notre rél1g1ution, qui, seIon un nobIetémoin, qui nous a faít,
pOllr ainsí di re , assister a. ecUe conférence royale, véritable
testament politique de la royauté, était effraJé <le la sanglantc
eatastrophe de son frere ; qu'y a-t-il d'étonnant qu'un tel
prince, aigri par les souvenirs dela révolution et leschagrins de
I'exil, eút cru le bonheur de son peuple intéressé au maintien
de sa prérogative? Ce fut une erreur : eette e;xpression douce
doit m'étre pardonnée. Je sais que l'exil a aussi son inviolabi-
Jité qui survit méme a la chute de toutes les autres; et cct éloge
de la dynastie tombéc peut m'étre permis, cal' c'est le premier
qui sort de ma bouche. ( Mouvement dans l'assemblée. )


11 fallait done punir un Roi : íI fa!Jait done lui dirc : ( VOUil
» ne voulez pas rendre votre épéc; eh bien! vous eombattrez
)l seul. Dans des jours plus heureux, vousnous comblátes de
» bi~lls, vous croyez conserver l'avenir du pays par des me-
» surés motnel)ta~ll,qui laii!8eut,dans ce\. avenir un espoir,
» hélas! chimérique. Eh bien! nous ne viendrons pas avotre
) aide: nous vous déserterons au jour de vos disgráces, et
» nous ne nous rallierons pasautourdecetétendard,quiestpour
) nous le symbole de la fui politiqueo » Nonl, a l'instant ou
une sorte de divorce se proclame entre la Charte et la royauté ,
les n uances politiques s'effacent, et ceux qui étaient attachés a
I'ancicnne monarchie s'écriérent : Píve le Roí!


Voila queBe était la position du ministere. Je le dis avec
franchise, et cette franchise sera, je I'espére , favorablement ac-
cueillie , toutes les ressources légitimes étaient épuisées : il J
avait impossibilité de recoui-ie ades élections dont un nouvel
essai eút été ridicule, impossibilité plus évidente encere de sc
présenter devant une majorité hostile-qui , par une adressesé-
vcre , aurait frappé de paralysie une administratior. tout en-
t iere ; voila ce que voyaient les conseillers de la couronnc. Lenr




( 479 )
couscience balancait : leur espclt ne voyait d'autre ¡'cmede que
Ieur dérnission , el leur cceur croyait désohéir ~ une vqlonté
auguste en se retirant devant elle. .Qu'on traite tunt qu'on
vnudra ces idees de chimercs. Qu'on dise avelft. le langage
sincere du gouvernement représentatifquo le devoir du mi-
uistére était de seretirer. Maie ce n'est pas dans les théories ,
c'est dans les cceurs que vous étes appelés adescendre, et ce
n'est pas en France que les erreurs et le fanatisme de la fidélité
ue trouveront pas d'excuse. (Vive sensation. :..- Le défenseur
s'asseoit un iastant , et aussitót M. de Polignac se penchant
vers Me Sauzet , lui touche affectueusement la main.)


Les ordonnanees survinrent; leur résultat est connu de
la France. Le peuple s'insurgea, il vainquit; il pardonna au
moment de la victuire a tout, ex cepté ala dynastie. Les der-
niers Iiens qui attachaient ceUe .ancjcnne famillo- a la terre de
France, déja depuis longterns altérés, se rompirent , et la ré-
volution francaise., deux fois interrompue , reprit enfin sa
marche.


La révolution dispersa lea 'ConseiUllr~ ~ la couronne, Nous
les ssívrons [uaqu'aupres de oelui qu'ils vénéFerent et dont
ils vénerent encore les infortunes augustcs. Ces trois races de
rois, qni dans une heure aIlaient régner tous e-nsemble et mou-
rir, voilá ce qui attaeha Ieur fidélité, cequi commanda 1~Ul' re-
conuaissance, La faite cut été facile alors : ils n'out pas quitté
le tróne ; jc n'accuserai pas le tróne de les avoir quittés. A Dieu
ne plaise que par une injure impie j'offense la dignité de' ma
défense! Mais. quoi, l\I~s¡,;eurs, quelle prévision heureuse ,t
done manqué en ces momens funestes ! Pensé-t-on que dans
l'ivresse de la victoire le peuple eút désigné ses victimes? Et
lorsqu'a Bambouillet une force imposante, fidele comme ses
aneétres , courageux comme leur épée, environnait encere le
Roi et jurait d'appuyer sa vil' et sa liberté, pehsez-vous que le
sal ut des conseillers de la couronne cut étlÍ trouvé trop cher al!
prix de -deux ahdications et d'une rctraite voloutaire ? (Mm-




( 480 )
mures ~gatifs. ) Le malheur voulut que cette idée ne vlnt pa5
aceux qui en touraient le Roi ¡ cal' iI n'eüt pas manqué de pl'o"
tégel' ceux qui tombaient sous te tróne et avec le tróne , et que
le tróne poavait encoré pouvril' de ses débris. (Nouveaux mur-
mures.)


En ce moment les derniers devoirs furent remplis. 11 res-
tait encoré un autre espoir a la royauté : un enfant se montra
seul au milieu de ces flots populaires , hésitant encore , (1'11-
meurs négatives), et on ne croyait pas la révolutíon fixée ; sa
destinée fragile eüt été trop chargée de ces quatre infortunes :
lenr eonscience le eomprit.


L'arrestation des ministres, leur mise en jugement, les
débats , tout est maintenant de l'histoire. Nous arrivons devant
vous; nous vous présentons eelui qui tient le troisieme rang
parmi les accusés, et que, je ne sais par queIle prédilection,
M. le commissaire de la Chambre des Députés appelle quelque-
fois le plus coupable. Cette logique a 'lieu de me surprendre.
Si M. le commissaire peree l'intérieur du conseil , s'illui appa-
rattqae quelques h1iniBÍres ontreSiste:, eettinéaistance a..ggrave
leur crime ; on peut pardonner aune conscience qui siégare,
mais on ne pardonne[amais aune faiblesse qui ne saurait trou-
ver d'excuse dans les sentimens Jes plus nobles. Et quand plus
tard il est appelé a peser dans la balance le sort d'un accusé,
qui a mis dans ses aveux une franchise égale 11 celle de ses col-
legues, alors les erreurs de la conscience ne sont plus rien, 00
lui fait un crime de son adhésion, et e'est Iuí qui dcvient le
plus coupable de tous. (Signes de satisfaction de M. de Poli-


. gnae). Cette logique est celle des passíons ; et comment faut-il
que dansdes tempátss politiqucs elle se soit -trouvée, dans la
bo~che d'un député-magistrat, consciencieux , sous la toge
comme sous le costume-de député , et entouré d'honorables
souvenirs qui sont le gage de nos espérances. (Tous les yeux
se portent sur M. Bérenger. )


Quoi qu'il en soit , M. de Chantelauze a signé les orden-




( 481 )
nances, il enaecepte la responsabilité, pour autant que cette
responsabité peut ~tre invoquée ~ncore contre tes conseillers
d'une dynastie qui n'est plus. Deux idées tour aMur vous ont
été préscntées sur le secre!; des délibé~tionlr du conseil : l'une
les déclare invio1aPles, l'autre, pour I'inté~tde la défense,
pour de hautes considérations politiquea, 'pou~ le besoin de la
vérité, permet une exception a ce prindpe, qui n'est pas
plus inflexible que tout autre. Je ne prononcerai pall. Cha-
cune de ces ;dée~ peut 'avoir de nobles partieans. L'une, sejue-
tifietres-bien par la raison; I'autre n'a pasbesoín d'~tre'jústi.
fiée. Je auis devant une assemblée dont la perist!e 'sympatbíse
avec l"une, et dont le coeur ne peut manquer d'etre entrainé
par l'autre. Quant amoi , je prendrai le role qui m'est facile ,
je ne débattrai rien sur la signature des ordonnances. M. de
Chantelauze y a adhéré ni plus ni moins que les autres.
N'alle:& pas en faire un. provocateur, ce serait contraire a la
vérité; n'allez pasen faire un opposant, vous vous tromperiez
encare.


. l .
M. de Cb~nt~., cleodaccept.~'dlWam V?uit la' téspórisa-


hiliti ·,des ordennances de [uillet , et .vo~la tout; cal', que
reste-t-il dans le procés, sinon de misérables échos, des pré-
ventions monstrueuses dont le tems a. purgé I'aceusation avec
cette puissance victorieuse qui peut-étre devrait, dans le
passé, faire voir le ·tableau de I'avenir, et apprendre aux pas-
SiODS qui murmurent encore , qu"un jour, auxyeux de la
loi , on trouvera le proces des ordonnances aussi monstrueux
qu'on a trouvé I'accusation des incendies désolante et ab...:
surde. ..


Des incendies I ['aurais honte d'y revenir. Eh quoH il a
fallu qu'un garde-des-sceaux de France, qui n'a que de helles
pagesdans sa mémoire, fút acausé d'avoír porté tout· á-la-fois la
simarr-e de Daguesseau et la torche de Catilina? Reñdons [us-
tice aMM. les commissaires, ils se sont empressés d'abaudon.
Del' eette partía odieuse de l'a'ceusetion; ils ontrfait plus;


rr, 3r




..


ils ont déclaré que -non-seulement le garde-des-,~aux n'avait
pas allumé de sa main l'incendie qui désola une des plus belles
pnévinces dllFrance, mais que méme les dépositions et les
pieces s'éJeyent en'lsa faveur-, Je ne les Iirai pas, la commission
les eennait comme mm , mais il importe de dire en ce moment
suptéme que legarde-des-sceaux mitdans la poursuite de ce
crime atroce une vigilance de tous les instans; que sa corres-
pondance était ~de tous les [ours , .ql1e ses léttres sont écrites
de sa main , et qu'au milieu des orages politiques , ses nuits si-
Iencieuses étaient consacrées a procurer des remedes a des
désastres qu'il ne pouvait arréten, ét la main de ses successeurs
na pas été plus habileque la sienne. Ainsi, il Y aura dans le
fond de ces 'provinces des bénédictions qui monteront jusque
daos ootte enceinte.


On avait parlé de Cours prévótales : el/es ont disparu..
C'était la le plus sinistre de tous les índices sous lesqnels Une
accusation mensongére aurait dú écraser l'innocence. Que
parlé-je d'indices l Eh quoi! la procédure tout entiere ne s'é-


, leve~t-ellepa$ .PQ\U" dQm~tiJ.'.cette impÜ\a~?11lUQl.1n.epiece
)r!Jlativeaux Cours prévótalesn'a été trouvée a la chanceffei'ié;


pas une leUre n'a été écrite a un scul parquet de Franca. Oui,
malgré certains documens imprudeñs, on ne trouve dans l'ac-
cusation aucun vestige a cet égard. Ainsi les Cours prévo~
tales devaicnt éclore subitement , sans que les employés de
la chancellerie , sans qucIes parquets, sans que la justice tout
entiere en fussent avcrtis. Elles devaient sortir , cornme la
discorde , tout armées et prétes a frapper les victimes 'déja
désignées.


Reste la trahison, .le pourrais en parler quant au droit, Je
m'arrcte: fai besoin de ru'occupcr du.Iait.v


M. de Chantelause a torturé, les élections, a violenté les
corísciences ! ét celui quí ne voulait pas qu'nn fonctionnaire
public gardat la j>lace de député sans avoir été rééln, a voulu
[eter une influence illégale dans le sein des colléges électoraux!




( !l83 )
II n'y a pas míe seule pieee ; je me tr.omp6, fea connais une:
D~s troubles éc1atent il Montauban.Un honorable député voit
presque le meme [our son triomphe électoeal'au sein des 1(0-
mices el la torehe 'funebre qui devait éclairer sao _cercueil.
M. de Pressac , assailliiau rnoment de sa victojre qsernhle dé-
voué aux poig~ards. L'autorité ad~inistrativesubalterne avait
hésité un instanl dans la --cl'ainte que lapoursuite ~e pareils
délits ne semblát une accusation contra .une population tout
entiére. Le garde-des-sccatlx a éceit alors une Iettre 'qi,lC.
vous connaissez. On y remarque eette expression : La 'P0-
litique nest ríen aupre8 de la jU8tice. Ce mot est beau : Mes~
sieurs, vous vous en. souviendrez. au moment ?e votre délibé-
ration.


C'est clone sur les ordonnances de juillet que se concentre le
proces , faut-Jl rentrer dans la carniere déja parcourue? Pour-
rais-je trouver encore quelques lumieres apres. ces }¡¡ommes
éc1airés et :brillans ! ;te n'ose rn'enflatter~ et pourtanttelle est
l'iniportance de l'aceusationccapitakJ; t.ellJ~;"-6..tl~ 4ans'
l'histoille' ~ -'in'il.fa,h; '~~e chaéun 'aÍipo~te.son moi:l~sté;.t!:,ibút
aux - pieds de la justice. Jc dirai aussi ce que je pense j-et
-si, dan s ces réílexions filad estes , profér,fes -par; une bouchs
sans nom, dépourvuc d'aulorité, il pel\~.se glis,scr, une idée
qui aurait échappéau milieu de ce vaste 'ensemble, qui présente
un despl~s beaux mori~inens'qu:ela.n~bless'educaracteret
la puissance du talent puisse élever a la;postéeité ,; c'eti sera as::'
sez , les heurcs perdues anous entendre Il~ seraient líás"~grét:'" .
tées par vous au moment de la déiib~ratiou. é, _ "


.Entrant dansIa discussiorrcle défenseur fait 'lé
parallele de la 'souveraineté du -penple -qu'ildéfintr,
avec le gouvernement constitutionnel, c'est-a-dire ,
modéré : il revient sur l'interprétation qne les mi..
nistres ont donnée au sensvde l'artiéIe 14 de la
Charte; et présente, dans de ldng'sdé~elappemens 1




( 48l~ )
la nécessité d'un droit préexistant , antér ienr a tout
autre, par lequel la Couronne, pourrait dans son
intérét, recourir ades moyens extremes, c'est-a-dire,
aux coups d'état. Cette question ayant déjá été
traitée parM:M. de Martignae et Hennequin , llOUS
avons dú supprimerde nouveaux développemens.


( La suite de. eette plaidoirie est remise ademain.
- La séance est levée. ) -


e: •
,,·EANC.R HU a o vllcmmlDF. 1830.


Les tribunas publiques sont entierement gal'nies,
. .oo. . )
G.JJ,':y.$pf}f~mt;.l'lM.; de G-Fammont J Augustin -Per-
riel', Dupin ainé , Barthe , Thil, Berryer; Sal~andy,
Brigode, députés , et MM. Bavoux , Cauchoix-Le-
maire; Victor Rugo et .Archarnbault , ancien báton-
nier de l'ordre des avocats.


A dix heures un qual't commence l'appel nominal.
MM. Séguier, Pontécoulant et Bastard, commissaires


.de l'instruction de la Chambre des Pairs, siégent
derriere M. le président , et sur la méme estrado.
Ils occupeat les places que MM. de Broglie et de
Barante eccupaíent aux derniéres séances.


La parole est a M. Sauzet pour la suite de la plai-
doirie,


M, Sauset. Híer , <\U moment ou [e fis entendre mes der-
niéres paroles , je vous avais p:¡ontré dans l'antíque couronne




( 485 )
de France celta arme terrible du pouvoir créateur, graee il
Iaquelle les trónes et les peuples fOllt paHíJls des révolutions
salutaíres. Cette arme qui réussit a Gustave nI pour triorn-
pher en Suede de I'anarchic en rétablissant I'autorité royale
au profit de son pays, eette arme dont la Iíbertépolo n aise vient
de commencer un glorieux essaí.


Aujourd'hui, d'autres pensées doiveIit nous préoecuper. Le
droit est établí , il étaít dans I'ancienne Charle, mais ce dtoit
était subordonné a un faít , a la nécessíté. C'est la nécesstté
seule qui peut donner aux coups-d'état la couleur de la léga-
lité. Ce n'est que cette nécessité qui leur sert sinon de tustifi-
cation , au moíns d'exemple, C'es! eette nécesslté queje suís
appelé aétablir aujourd'hui; et garde¡¡:-vous de croire que, par
d'imprudentes paroles, je víenne aCCU5cr devant vous la ré-
vnlution de J830. Non, 1Hessieurs, je u'accuseraí ni la dy-
nastie, ni le pays. Je n'aí pas le droít d'attaquer I'une , et ia-
mais je n'eusse accepté le devoir d'attaquerl'autre.


Non, Messieurs, ce n'est ni la dynastie ni le pays que
j'attaqueraí. Mais si les néeeesltés de l'nne divorceréntáVéc
les nécessités de' I'autre, si par un fatal enchatnement des
tems , que vos consciences apereevront sans peine, laCou-
ronne fut excusable de reeourir aux nécessités de sa conser-
vation , ríen ne pouvait ímposer au paYi derester plus long-
tems uni avec une couronne a laquello son salut imposait de
telles nécessítés.


Voíla, ;Uessicurs, la cause telle qu'elle doit étre envisagée ;
la voila telle que l'histoire la fera , non pas dans des discus-
sions mesquínes , mais dans l'histoíre de quinze années, Ainsi,
si les ministres de Charles X ne peuvent étre aceusés pou
avoír recouru a une arme qu'íls erurent nécessaire , le peuple
n'est pas plus aceusable pou!' avoír resiste avec l'autoríté
d'un ·droit qui ne ponvait se plier a des nécessítés qui fi'é-
taíent pas les siennes ; mais c'est la question crímínelle seule
que vous étes appelés a résoudre, Les ministres de Gharlcs X




( 486 )
devaient périr s'il l'eüt faUu pom le maintien de SOl! tróne ,
et ce ne seraíent J?as leurs ennemis ceux qui leur en feraient
un crime; s'ji était vrai qu'un fatal divorce íüt sur le point
d'éelater,


Et si ce qui a suivi ne permet pas auiourd'huí de conce-
voir le moindre doute , penserez-vous alors que le ministere
de Charles X, qui 11. dú ehoisir des moyens fuuestes , mal
calculés surtout , qui s'est laissé égarer par l'imprévoyanee,
sera condamnable pour s'étre engagé dans une gnerre qui
devait éclater tót ou yrrd, et dans laquelle il se -constitua
ímprudemment l'agresseur. Eh bien! e'est eette nécessité
qui a fait agir le minístere , que je vais étahlir devant
vous.


Dans I'audience d'hier on vous a pelnt le torrent eles
ídées démocratiques débordant la socíété et rnena cant le
tróne. Cette peinture est vraíe sans doute. La philosophie
les médítera , I'hístoíre s'en souvieudra,


Toutefoís , il faut le dire avec courago , ces aUaques seuIes
n'eussent [amaís produit la révolution de 1830, ni les nécessí-
tés d'un coup d'état.


La démocratie dans les classes élevées vivant de doctrines,
s'appuyant sur des systemes , visant 'a quelques conquétes
sur le pouvoir, n'eüt jamais ébranlé les sympatliios des
masses populaires , et ceux qui ne verront la cause de la ré-
volution de 1830 que dans des querelles d'inítiatíve , dans des
príncipes originels, dans des questions de ceus électoral ,
ceux-lá ne se souviendront que des déhats parlcmentaires, ils
ne verront la Franco que dans les chambres , dans les salons
brtllans ou se réuníssent ce qu'il y a d'éclatant et d'illustre ;
mais ils ne ,la verront qu'aux tribunes , ils s'arréteront a la
surface de la société , ils n'en auront pas pénétré toutes
les profondeurs, C'est la qn'était le danger qu'il est inutile
de ni el' aujourd'hui , apres les aveux les plus éclatans de la
vlctoire,




Oui, Messieur~, la dynastie royale était en péril , non p38
par l'effet d'une eonspiration ourdíe , dont [e n'aeeuserai ja-
mais laloyauté de la nation francaíse. Non, ce n'est point moi
qui viendrai dire acette barre qn'elle trompa la famille de nos
rois par une eomédie. l\lais d'autres élémens de discorde ne se
révélcrent-ils pas dans la socíété ?Et ~i nous nous rappelons les
aveux des commissaíres de la Chambre des Députés , pour-
riez-vous en douter un ínstant ! Eh quoi! YOUS doutez des
dangers de la Couronne, et vous en doutez en présence d'un
tróne nouveau, quand flotte de toutes parts le drapean d'une
autre maisonet d'une autre époque ! Certes , ou je me
trompe, ou l'on peut justifier l'inerédulité de celui qui ,fou-
lant un sol tranquille , ignore la lave brillante enfermée dans
les flan~smystérieux du volean; mais il Iaut venir s'asseoir sur
les ruines pour juger les ¡'avag-cs.


La révolution de juillet est la rneilleure preuve de la né-
eessíté , aux yeux des ministres de Charles X, je ne dis pas
de ce qu'íls on t fait , mais d'une mesure extraordinaire quel-
conque, a laquelle la dynastie ,: ponr sa conservatlon , se
voyait obligée de- recourir. Eh quoi! Messieurs , pensera-t-on
par hasard aprésenter ee tablean imaginaire d'une révolution
éclatée tout-á-coup sans avoir été préparée , non pas par des
complots , mais par l'anciennc direction des esprits. Quoi !
vous eroyez qu'on pourra dire et faire eroire a la France que
le 2ft [uillot le Roi et le pays s'étaicnt endorrnis avec sécurité,
qu'aucune barriere ne les séparait l'un de l'autre, que la
eonfiance du tróne égalait I'amour du pays, que trois jours ont
tout fait, et que la natíon , au lieu de s'en p...endre aUI: con_
seíllers de la Ceuroune , est verme hriser le tróne lui"méme,
et expulser , non-seulement le prince régnant, mais encore
toute la dynastie l Yoyez le danger pour le caractere méme
de la révoluí.ion. de 1830.


Certes, s'íl eüt encore exísté dans le ceeur franeais eet an-
tique amour qui unissait la France a ses Ilois , pensee-vous




( 488 )
fjue les fautes des conseillers de la Couronne, une violation
éphémere de laconstitution du pays, pensez-vous que les
attentats des subordonnés eüssent arraché cet amour de tous
les cceurs? Et non ,lUessieurs, vous eussiez vu la Franee se
soulever d'indignation , sacrifier les ministres au píéd da
tróne , et s'écrier en finissant la querelle, que l'expulsion d'un
étranger rétablit la paix entre le pero et ses enfans.


Voilil ce-que vous eússíez vu si les ordonnances eussent été
la seule cause de la révolution de juiUet; mais on eonfond
sans cesse la cause et l'occasíon. Trois jours sans doute ont
exprime la révolution, mais quinze ans I'avaient faite, et, ou je
me trompe fort, ou en enfermant la révolution dans des pro-
portíons si mesquines , on ne lui assure pas un long avenir, et
une révolution qui ne serait due qu'au hasard , et qui n'au-
rait brísé que par un accident fortuit le tróue de nos ancíens
roís , une révolution qui n'aurait pas en de veille , serait as-
surée de n'avoir pas de lendemain.


On a compris et le commissaire de la Chambre des Dépn-
tés est venu dire a cette barre que la Feanee avaít re(}u avec
résígnation, ce sont ses expressions, l'ancíenne dynastie.ll va
trop loín cette foís , et je erois que la Hestauration de 18J 4 ne
fut accfptée presque partout que comme une oeuvre de bon
sens et un gage de paix entre la royauté et la nation; et je le
dís avec franchise , la paix étaít alors un gránd besoin pour la
Franco.


Voilil, lHessieurs, le tableau de 1814. lUais JH. le eommis-
saire de la Chambre des Députés a dit plus : il a dit que la
France s'était résignéc , et qu'elle s'étaít résignée par la crainte
de l'étranger et par la nécessíté de la paix intérieure. Elle
s'est résígnée , je le veux , mais la résígnatíon des peuples est
une menace p~lUr les rois. La résígnation c'est I'attente , et les
peuples n'attendent pas tonjours ; et quand ils se sont Iassés ,
les jours de révolution éclatent. Dire aussi que les motifs de
eette résignation prétendue sont la crainte de I'étranger , ce




( 429 )
mot seul dit tout a la nation franeaise ; e'est ce mol quí ,
malgré d'importantes concessions , malgré I'éclat dont ont
brillé quelques années de la Restauration, cal' la Restauration
a eu aussí son éclat : c'est eette idée du contact avee les
armes étrangcres qui a flni par la précipiter, et qui formait
pour elle en France non pas un crime , mais une irreparable
calamité.


Je dís, l\Iessieurs, que la premíere Restauration avait été
accueillie avec esperance, je ne le jugerai pas, je ne faís pas
ici un tablea u politiqueo Des fautes peuvent avoir été com-
mises, qui n'en ferait pas. dana une Restauratíon apres
vingt-cínq ans, la plus difficile des entreprises! Suívant un
brillant orateur de I'autre Chambre qui a failli paraitre
comme témoín , et qui s'est recusé devant ses scrupules ,
( lU. lllauguin), «Les cxígenccs du parti vainqueur sont les
• embarras de la victoíre , eomme le mécontentement du
» vaincu en sont toujours les dangers. » Ce n'est pas a des
théoríes , c'est ades résultáts qu'il faut s'arréter, Pensez-vous
qu'a la veille du 1er mara 1815 , il y eüt quclqu'un en Franee
qui soupconnát les dangers du tróne P Personne. Cependant
le conquérant de l'Europe reparaít ; vingt jours suffisent a sa
marche triomphale , et dans trois mois la France étaít S~lU­
mise, et l'armée aux frontíeres de Prusse,


Sans doute eette révolution fut en partie militaire ; mais Oll
se tromperait si on refusait d'y voir l'adhésion de la plus
gTande partíe importante de la populatíon, Rappclez-vous ces
íédérations nomhreusos qui enlacaient les départemens dans
leurs hameaux. Onze cent mille votes qui se prononcérent
pour l'exclusionde la famille royale. Rappelez-vous ce que
1815 a VU aVII.Ilt, peudant et apres la victoire, de malheurs ,
de réactíons et d'espérances trompees.


Les armées etra!lg(~res triomphcrent , et ponr son malheur
la dynastie royale reparut au mílieu de nous avec des intcn-
tions que je doís croirc bienfaisantes; maís avec un cortége




( 49° )
que, malheureusement, une portie de la France n'a jamais vu
sans índignatíon.


Yoílá , l\fessieurs , ce que fut la SeCOlJ de in vasion de 1815.
Souvenez-vous , cal' je m'arréte a cette époque pour fran-


eh ir tout lereste, et vous comprencz que je veux vous faire
toucher au doigt ces deux. actes successífs de la révolutíon
franeaíse,


Le premier dura quatre ans. Il fallut vingt jours en 1815
pour consommer le second , et quinze ans plus tard trois jours
ont suíli,


Il nous peignait les discours véhémens des députés de la
Chambra des cent jours , dont plusienrs ont siégl~ dans les
autres chambres législatives et eucore dans la Chambre de
1830. Ce ne sont pas les discours isolés , maís c'esr I'adresse
méme de la Chambre dont il faut gardcr un éternel son-
venir.


Le 8 jnillet 18,15, París allait étre pour la seconde fois oc-·
cupé par les puissances étraugeres et recevoir au milieu des
partís dívisés, son Roi, avec des acclamations d'amour, d'une
part, et de I'autre part , avec le sllence de la crainte. Que '{it
la Chambre des cent jours? Elle déclara que si pal' la force
des armes et contre la volouté du pays, les armes étrangeres
imposaient un gouvernement ala France , la Frunce ne I'ac-
cepteraít jamáis ; elle en appcllerait aI'énergie des générations
futures. Cct appel a-t-il été entendu, et pouvait-il ne pas
l'étre ? Souvenez-vous tout ce que cette année a créé pour la
France de malheurs que je ne reproche a personllc, encoré
une fois, je n'accuse pas, ie racoutc ; maís jc suis ohligé de
dire la vérité , toute la vérité , et c'est cette vérité qui révelera
tout.


Eh bien! pensez-vous que tant d'hommes eompromis, tant
de fonctionnaires destítués , tant de votans contre la dynastie
royale ; pensez-volls que les anciens amis de l'Empire, que
tous ceux. qui avaient succombé dans ceue sanglantc luUe He




( LÍ~) 1
couservaicnt pas un douloureux souveuír? Et le parti vain-
que m', a son tour, ne rejeta-t-il pas sur ceux mémes qui
avaient ameué les cent jours la honre et les charges de I'inva-
sion? L'histoire de quinze ans est la. En déchirerez-vous les
pages? i\e voyez-vous pas sans cesse ces deux partís en pré-


.sencc , s'attaquant, s'irritant; 1'un accusant le parti vaincu
de íéloníe , de oonspíratiou , d'lufídélíté ; I'autre reprochant
au partí vainqueur sa eonnivenee ave e l'étranger, sa pre-
miere origine, et eherchant ainsi a faire resplendir dans
toutes les ames les desastres de Waterloo? Ce fut la la pein-
ture des premíeres années qui suívírent lS15. Alors un autre
partí se forma.


Une ieunesse qui n'avalt aueun regret adonner an passé ,
quel qu'íl fut, se Iancait dans l'avenir; de brillantes idées,
d'lleuremes théoríes , une liberté quí devait assurer le hon-
heur de tuus , saísircut 8011 espéranee. Ce fut Iá le prélude
de l'oppositiou. Ces deux opposítíons réunics rendircnt la
marche du gouvernement impossihlc. Séparées l'une de l'au-
tre , elles eussent été battues. L'opposítion de doctrine cut son
siége dans les salons , dans les F acuites, dans les Acad6nies,
dans les Chambrcs, el surtout au sein de la eapitale. Cette
opposition u'eút jamnis IILé (IUe pal'lementaire; mais l'auLre
opposítion , cctte opposition sympathique, ceUe opposition
qui puisaitdans d' autres souvenirs toute la 'puissance de ses
ressources, cette oppositíon seule , désarmée, n'cüt donné que
le spectacle de masses éparses , sans chef, a Iaquelle il eüt été
ímpossíble de mareher a la couqxrére du gOl1vernemeut. l\Iais
la réunion volontaire ou involontaire des deux opposítions avec
un drapean pour ralliement, présentait une masse effrayante,
des souvenirs de Fempire et des esperances de la [eunesse ,
auxquels vínrent hientót se joindre des mécontentemenn iné-
vitahles , e. eontre lesquels le tróne devaít un jour venir se
hriser. Yoílá qucl fut ce parti d'opposítion qni s'organisa dans
les premieres années qui suivirent 1815.




Il faut étre juste ; n'atteudez pas. Messieurs, que j'exagere
en ríen les couleurs du tablean. Les haines ne sont pas éter-
nelles en Franee; pas de nation plus oublieuse el plus magna-
nime.' Bíentót les hommes placés dans.Ies situations élevées
firent concevoir, par des rapprochemens matériels , qu'il pou-
vait exister une mutuelle estime. Ceux-lá formercnt bientOt
un faisceau pour arréter les progres dévastateurs d'une op-
posítíou dangereuse. Les uns étaíent venus au Roi par la
Charte, et les autres a la Charle par le Boí. TOllS desiraient
réaliser le probléme de la réuníon de la dynastíe et des Iíber-
tés publiques. lIonneur leur soit rendu , aínsí qu'á leurs eou-
rageux efforts. N'est-ce pas a leur ascendant que la France a
dü de voir tous les partis se réunir? et eette fietion promet- ,
taít pour l'avenir I'aurore de meilleurs jours, ¡'lais, il faut le
dire aussi ave e une conviction profonde , ces efforts étaíent
ímpuíssans. Les nécessités de situations , le5 oppositions d'ín-
téréts ,: les froíssemens d'amour-propre , plus mortels encore
en France que les oppositions d'intérét , triomphereut bien-
tot de cet accord paesager, et laisserent bie'6ttlt a.p~ éclater
la haine avec plus de violence. Aussi, pendan! ce long ínter.
valle d'années , sans accuser l'opposition parlementaire , quel
speetacle a presenté la France P Laplupart des chefs de l'op-
position parlementaire, de ceux méme dont le ereur n'étaít
pas ida dynastie, lui vouerent leur fidélíté, et s'íls ne purentim-
poser l'affection a leurs sentimens , ils imposerent du moins
l'obéissance a leur conscíence. IHais, malgré la fldélíté du ser-
ment et I'amour des souvenirs qui se rctracent toujours, di-
sons-Ie avec courage, pour louer une restauration qui n'est
plus, dans ce qu'elle eut d'honorahle pour le pays, elle a
beaucoup fait pour se con~ili;r la France, Oui , elle a beau-
t;oup fait pour la France ; mais sans cesse ses institutions elles-
mémes n'arrivaient pas aleur résultat , et quelquefois aussi;le
spectacle de la défiance du pays appelait la déflance dans le
sein du conseíl. Aussí , quand la Couronne accordait quelques




( 493 )
tibcrtés, on se plaignait de les voir érnan.'es d'une Charte oc-
troy¡\e et revocable, comme le princip'e de la Charte elle-
méme, Ainsi, quand la l1ynastie adoptaít nos gloires, on lui
reprochait deles avoir déplorées, Quand elle s'attendrissait sur
nos désastres , on lui montrait, au champ de 'Vatedoo, le
lion britannique, qui lui avait ouvert le chemin de la France,


Voilá quelle fut la plus grande plaie du pays, je le dis avec
une conflance que vous partagez : il semble qu'en France
l'amour de I'indépondance froissé soit plus susceptible encare
que l'amour de la liberté. Allez dans les plus humbles chau-
mieres , parlez au modeste cultívateur des droits de la liberté,
il vous comprendra a peine, íl desirera le regne des lois et
le respect du pouvoir; le reste, il l'abandonnera, il ne se
jettera pas dans des questions de théorie ; mais allcz seule-
ment luí díre aderni-rnot , qu'un orgueílleux étranger, aune
tribuna .parlementaire, ose humílíor la Frunce et Iui dire
qu'elle ohéit au sceptre britannique, qu'elle n'a ses rois que
paree que les étrangers l'ont vO"ulu, que paree <Jl!'ils les trou-
vent bOQS pouxeux.; aHez lui dire que le chef du royaume de
Franca est regnrdé par l'Angleterre comme son vassal ; allez
luí díre que les frontieres sont rétrécíes , son pavíllon déchíré,
son ascendant perdu ; il n'est que cultivateur, maís vous ver-
rez ses yeux s'enflammer, se .porter sur l'arme que peut-étre
il rapperta des champs de bataille, et ces sympathies toutes
francaises éclater dans tous ses mouvemens,


Je n'ai pas de pensées criminatoires ; a Díeu ne plaisc,
mais qualld, pour justífier, je suís obligé de montrer ce tor-
rent débordé qui menacaít la couronne de France, je man
querais a mon devoír, si je sacrífiais la -vérité a des convc-
nances, a des ménagemens, Dans une cause capítale , étouf-
fer la véríté ou la voiler, serait un attentat contre l'accusé et
un outrage pour le juge. Au surplus, e'est une véríté d'histoirc.
Rappelez-vous ce que fut toujours en France l'assocíatíon des
armes étrangeres. Croyez-vous que Henri V d'Angloterre n'ait




( 494 )
pas dú son exclusion du tróne de Franee cent foís plus a ses
armoiries anglaises qu'an príncipe contesté de la loi salique r


•Ricn ne fut plus populaire que la ligue; elle étaít toutes les
idees du siecle. !Uais le jour .0Ú ron introduisit derriere' elle
I'appui de Philippe II et la meuace de l'Espagne, la Franee
résísta , paree qu'elle ne voulut pas appeler allíée la nation
qu'elle avait toujours , jusque-Iá , appelée ennemie. Croyez-
vous que cette résignation fut sincere? Il est vrai que des
idées violentes n'étaient pas sans cesse reproduites; il est vrai
que ehacun s'imposa toujours des efforts pour les taire. Mais
interrogez les conscíences de tous , et dernandez-vous si cette
résignation conscicncieuse tenait aisément centre l'irrilation.
Rappclez-vous cette sympathie qui éclata pour les victímes
de tant de conspYrations; rappelez-vous ce qui fut dit a la tri-
bnne mémc : rappelcz-vous les honncurs fuuéhrcs rcndus a
l'orateur quiavait parlé de répugnauce , et qni bíentót a été
suivi dans la carríere par d'autres voíx amies de la dynastle
qui n 'es,t plus , et partícutíerement llar une voix peu suspecte,
qui déelara avecfranchíse que le Roi avait beaueoup d'en-
nemis en Franco , et qui fut rappelé AI'onlre par une mesure
qui l'empécha d'étre entendu, mais non pas d'étre vraí.


Quelques hommes honorables, sans doute , mais poursui-
vis par une prévention fatale , que la llestauratíon employa,
la díscréditcrent. Ainsi, ~lessieurs, le clergé , le clergé qu'on
a accusé d'avoir en partie compromis la Itestuuration , a été
plus compromis par elle, Ilien ne fut plus vénéré que le clergé
francais sous I'Empíro. Le souveuir dc ses persécutious ré-
centes, de ses admírablcs vertus , avait triomphé de quelques
préventions funestes , et lui avaít concilié tous les cceurs, Les
eommenccmens du 19' síecle s'ouvraíent de nouveau aux
idées religicuses. Maís , a la se conde Hestauratíon , le clergé
ne prit pas seulement un parti de conscience , mais un partí
d'affection et de zele. Il tonna dans les chaires eontre les en-
nemis de la dynastie qni venait d¡~ renaitre , el au lieu de




( '~95 )
précher l'obéissance au nouveau pouvoír, il frappa de ses
anathemes le pouvoir que tant d'hommes regrettaient. Son
sort alors fut compromiso Des départemens, qui jusque-lá


.passaient pour les plus religieux: de la France, se déclarerent
en hostilíté contre le clcrgé. Tandis qu'au 1 S" siecle on avait
attaqué le trÓne pour arrivcr a I'autel , on ne frappa l'autel en
18 J 5 que pour arríver jusqu'au tróne.


L'émigration, sous I'Empíre parlait a tous les coeurs par des
souvenírs touchans. Ons'attendrissalt sur de grandes ínfor-
lunes si peu mérltées, On ne concevait pas ces malheurs
inouis de Franeais que la faux de la révolution avait forcés
de sortir du pays. Eh bien! ce fut la destinée de la Restauration
dc jeter sur cette classe honorable des préventions fatales dans
le pays, et ceux que jusque-lá , par un mouvement spontané,
on avatt eonsirlt'~I'l:S avee tant d'intél'et, se virent attaquer de
toutes parts, des qu'on crut qu'ils, reparaissaíent avec la
Ig e année d'un regne et avcc une Charte octroyée , non pas
comme demandant a l'opinion publique qui la leur aurait
accordée' une prééminence qui souvent léurétaít due , maís
comme la réclamant par un droit de conquéte que le pays
n 'admeuait paso


Dírai-jc , JUcssicurs, eomment des lois sages, gr..lees aux
préventions élevées coutre la seconde Hestauratlon , furent
ínjustement démenties par I'opinion? Rapelleraí-ie , oui , j'en
aurai le courage; je n'appartíens a aueun partí , je n'obéís
qu'á la vél'itl~: Le rapelleral-je , cette loi d'indemnité? cette
loi tant calomníée fut une belle et grande loi. Cette loi, vue
dans des proportions mesquínes, ne tendait qu'á consaerer le
triomphe d'un partí sur un autre; maís considérée dans des
vues plus hautes, telle que l'ádministration l'avait présentée,
confondant dans une méme opération les royalistes et les ré-
pnblicains , les vietimes et les meurtriers , et présentant ainsi
une réparation égale a toutes les classes de la révolutíon , la
Ioí de l'indcmnité formait le plusbeau eorollaire de l'abolition




( 4gb )
de la conflscatícn. 00 avait compris que le sol ne se rassíed
jamaís quaud il a été ébranlé par des révolutíons terribles.
On avait comprís que la vue et le contact eontinuel des pos-
sesseurs nouveaux et des possesseurs anciens , réveilleraient
des haínes. On voulut les éteindre. Eh bien! qu'étaít eette loi?
Cette loi proclamait l'abolition de la confiscatiou , plus qUé
toutes les eonstitutions. La Constítuante l'avait abolie; la
Convention la rétablie; la Charte l'avait aholie ; on proposa
a la seconde Restauratíon de la rétablir. Maísla luí d'indem-
níté a rendu la confiscatíon impossible. Ce n'est pas en écrí-
vant dans la loi: tu ne conflsqueras pas, maís en réparant les
confiseations, qn'on éerit dans les ~nnales de la justice et de
I'histoírc ; tu ne conflsqueras paso


Eh bien ! cette loi, quí eüt fait la gloire de I'Empirc , qu'on
cut regardé comme une gt"nérosiLé de la nation , qui voulait
réunír tous les enfans sous le méme drapeau, gráces aux
círconstances du tems et a d' imprudentes discussíons , fut
rega.r4ée comme, un triomphe d~ parti, et, en resserrant les
Intéréts , on llU1'Ililia-lesamours-propres. Jecrains de fatiguer
l'aLtention de la Chambre ; maís enfin puis-je ne pas citer
d'autre loís également popnlaires quí se trouverent attaquées.
La loi du renouvellement intégral ne consacrait-elle pas le
principe démoeratique? Quil'attaqua? L'opposition, en haine
du GOllvernement ,et paree qu'elle était un don du ministere ,
Un autre exemple vous prouveraít míeux encere queIle était
la véritable direction de la Chamhre de 1815, 'Si mal jugée
par ses contemporains ; et qui fut toul a la foís éloquente et
violente, quí se Iivra , je l'avoue, a d'ínexcusables passions,
que les orages du moment pourront peut-étre justifier aux
yeux de la postérité. Cette Chambre a posé sur les véritables
bases le systeme dn gouvernement représentatíf, Jamais loi
d'électíon plus démocratíque ne fut adoptée. Jamaís majorité
ne s'est montrée si flere , si orgueilleuse, ne parla ave e plus
de hauteur des droits du peuple , de la soumlssion des mi-




( 497 )
nístres, et eette Chambra qui faillit metlre en aecusation pour
l'évasion d'un détenu , allait íierement présenter au tróne une
adresse dans laqnelle elle attaqua si vivement l'administration
qu'elle condamnaítv.Qu'arríva-t-il P Il arriva, Messieurs, que
la majorité de la Chambre , dont les discoúrs faisaient eroire
ou préjuger qu'on réve en comparantle no~n des.orateurs avec
les préventions populaíres qui les out suivies, cette majorité,
qui parla tant de liberté, quihumiliait presque la Couronne ,
futsouveraínement ímpopulaíre, etl'opposition de la Chambre
de Jlh5, paree qu'elle combattait des réactions tout en sou-
tenant la doctrine du pouvoir, cut toutes les sympathíes de
la nation, et I'ordonnaace du 5 septembre 1816 fut une féte
nationale. Savez-vous si c'est a des ídées démocratíques , ou
si c'est ala dynastie méme que la démocratie s'attaquait ?


Voyez cette précaution du pays aux collégcsélcctoraux pour
tout ce qui avait appartenu aux Ccnt-Jours. Voyez ces hommes
professant lcurs aucieunes idées ; voyez-Ies arríver en nombre
consídérable dans la Chambre de 1830, et vous ne doutez pas
que c'étaient la desdesírs qu'enne -s'avouaít pas peut-~tre
encore a soí-meme, et quí onttrouvé cette explosion fatale
qui devait arrivcr tut ou tardo J'~tteste que ces haínes étaient
assoupíes , mais n'étaient pas éteíntes.


Au surplus , la Restauration n'a-t-elle pás essayé de tous les
systemes , et eeux quiviennent DOUS aceuser d'avoir enfin
recouru a une mesure désespérée , oublient-ils ce qu'on a fait
et les résultats de toutes les tentatives P Tantót elle se donnaít
a des minister~s forts, tantót elle se donnait a des minístéres
populaires,


Un ministere fort a gouverné plus de six ans la Franee. Il
ne m'appartient pas de le juger. Son panégyrique ou sa cri-
tique seraient méséans en présence d'un illustre accusé au-
quelle role qu'il a [oué dans cetto cause assure des droits a
quelque intéret. Cette administration fut nulle avec une
Chambre dont la majoríté seeondait ses íntéréts , cal" elle a


n. 3:1




( 4~!8 )
dísparu de la scene politique; tant il est vrai que l'opinion
dudehors poussait l'opposition parlementaire,'que les ímpo-
pularítés qui se déclaraiént dans les classes inférieures avaient,
gráces a la presse , menacé le gouvernement ministérlel. Le
gouvernement a-t-ilété plus heureux sousd'autres mlnísteres;
que n'a-t-il pas fait? Louis XVI~I eut pour capitaines de ses
gardes les plus illustres généraux de l'Empire? Bappelez-vous
qui siégea dáns les conseíls duRoi dans la seconde Ilestaura-
tion, et voyez s'il est un sacrifico que la Restauration n'ait
essayé. Eh bien! qu'arríva-t -it"? Un mínistere a existe
pendant quatrc ans. Ce ministére compta , daos son sein ,
cutre tant de capacité} une de ces loyautés díplematiques qui
était une garantie pour la France , un orateur qui, en 1815,
sut le premier, par de brillans éclairs , ré veiller les foudres
éteínts de l'éloquence. On y vit siéger aussi, pour achever
de plaire au pays, avec son habilité mervcílleuse , UI! homme
d'état qui employa sa popularité au servíce du tróne, Que ne
lit pas ce minístere Pque n'accorda-t-il pas !JI dota la France
d'une loi d'électíonidont chaqueannée I'anniversaire étaít
célébré comme une féte ;il vota une loi de reerutement qui
introduisit l'égalíté , divinité protectrice de la France; il
atTranchit le terrítoire et termina tant de bienfaits par la
concession d'une Charte de la presse plus Iihérale, qui accor-
dait le jury a la presse et qui permettaít d'attaquer les fonc-
tionnaíres publics.


Vous rappelez-vous le ministre brillant quí n'est plus au
pouvoír, qui défendlt alors, avec toute l'autorité de son talent,
le projet de la Couronne? Le voyez-vous conquérir une popu-
laritéqui lui gagna jusqu'á l'opposition et qui fit que le pa-
triarché de cette opposition laissa échapper avec surprise de
sa maín tribunitienne sa premíere boule hlanche. Voilá quel
fut ce minístere : oii est-íl Pqu'est-il devenu ?


Une mesure fut proposée : ellene se liait pas avec les inté-
réts de la liberté; maís elle attaquait des souvenirs poli tiques ;




( (199 )
c'était le rappcl des hannis. La, etpar une preuve d'lntérét
manifeste, íl semblaít que la Chambre eüt mécontenté le sen-
timent ~ersonnel du znonarque, Le minlstreparut á la' tri':'
bune; un mot fut dít, la popularité n'étaít plus. On ne fut1jll-
mais plus hostile a la dynastie. Un;départemenl¡~hoisit'pour
déput.é uncandidat, je me garde de Ie- nommer.. quLn1aurait
pu réussir aux dernieres élections. 00 flt ce choi:x:,bienmoins
peut-étrepar amour de la liberté qu~en.hainedé la tyrapnie.
C'étaient ceux quí s'étaient prononcés-contre elle, quj.,. quoí-
que depuis revenus ades Idées que leal' conscienceímpesait a
leur affection, se vírent l'obje~ de la prédílection natíonale,
Et ce ministere tan! próné, tant chért , le plus populaire de
tous les miuisteres, serait forcé. de briser .les lois qu'ilavait
faltes, de reculer dcvant des majorités menacantes l Il n'em-
porta son projct qu'á la majorité de cinq voíx, et fut obligé de
faire voir dans la oapítale les canons qui devaient y gronder
plus tardo Yoilá quel fut le sort de ce mínistere, plein de hon-
nes intentions et de hautes cap.é!c\t~~'.T~lÍ.tes,lestentatjves de'


I . . _) •• ,;. I " '. " ..- ....~ ;
la Restauratiun ont échoué. . . .'


Un autre ministere vint apres síx ans d'attcnte. Ce minis-
ti~re se crut appelé a réconcilíer des défiances. Jamais , j'ose
le dire, la Restauration n'cüt pu trouver une rélinion d'hom-
mes plus consciencíeux, .plus remplis de talens, plus disposés
a íníluer sur les esprits. Jamáis elle n'eüt trouvé un ministere
qui remplacát par beaucoup de moyens l'éloqu euce vigoureuse
du ministere de 1820; süt , par des insinuations hrillantes,
gagner tous les 'espríts, de telle sorte qu'entre les deux minis-
tres; l'histoire dira q~e l'un foreaít les convictíons'et que I'au-
tre les amenait a'slofrrir d'elles-mézaes.


\Toila quel fu4le ministére pour les personnes : qu'a-t-Il
été po~r .les actes?;Ce n'est pas la critique~ la Restalll'átil,jn
que je Iaís ici. • '.~ ;")


Pour les actes.ton se plaígnaít de l'état de la:presse, elle fut
affranchie. Ongrondaít contra la censure facultative : elle fut




( 500 )
supprímée. La loi de teudancedéplaisait : elle fut abolle. On
supposait des intrigues électorales : une 10i fut votée, qui dés-
héríta I'administratíon et la constitua presque en étlt d'hos-
tiijté."
;V.oiIa·qu~ls furent les prineipauxaetes de cette administra·


tíoncélebre. Elle partagea avec la premíere, la popularité la
plus.libérale qui fút jamais, c'est-á-díre la haine de l'oppo-
sítion royaliste. La premiere de ces oppositions aceusait le mi-
nistere de 1819 de perdre le pays, elle eriait a la fidélíté, aux
dangers de la monarchíe! elle le disait de bonne foi. Á Dieu
ne plaise que j'attaque la loyauté de ces chevalíers dont le
serment est plussur que les afl'ections inébranlables. Eh bien!
ce minístere vit tout se déehainer eontre luí,


De toutes parts, des voix généreuses s'élevaíentjusqu'au pied
du tróne pou,\ demander I'affranchissement de la Grece. Elle
fut promise. Le-pavíllon francaís réalisa tous les souvenirs de
l'antiquité et dumoyen áge, semontra Iibérateur sur les mers
d'Orient. La Grece fui 'affrabchié l . , ;


Eh bien! cette administration est tombée ; etquand elle est
tombée, un de ses membres s'effrayait de voir les tentatives
d'anarchíe en méme tems que la Couronne hésítaít dans ses
eoucessíons.


Telle était d,OJ;lC la situation du pays, que la natíon deman-
dan plus et que le tróne voulait moins ; et que, tót ou tard,
apres ces treves passageres, la guerre devait éclater.


Si DOUS voulons De pas douter un instant de cet esprit per-
manent de l'opposition, rappeles-vous la conquéte d'Alger.
Oh! je l'avoue, le jour .oiotla plus belliqueuse de toutes les na-
tjons ne vit presquc qu'avee indifférence un de,¡¡ plus beaux faits
d'aJ'IIUlll de l'histój-re; le jour oü le cceur fraueaís, applaudís-
sant en secret a tant de bravoure, 'ne retournait eependant
qu'avee inquiétude du coté du pays ; le [our. oh d'un reil il
suívait nos triomphes, et de l'autre paraíssaít en craindre le




( SOl)
résultat ; ce iour, la cause de la Ilestauration ful iuévitable-
ment perdue!


Qu'est-ce done qu'on attaquait? étaíent-ce les prinoipes P
mais les príncipes n'étaient jamais les mémes daos tous les
mínisteres. A-t-on vu, comme en Angleterre, les banes de
l'opposition s'unir? A-t-on vu La presse saluer re mínístere le
lendemain de son arrivée au pouvoir? A-t-on vu cette espece
de Iutte entre une aristoeratie républícaine et une aristocratje
monarchique? Non: l'opposition a toujours été l~ méme, ton-
jours attaquant tous les ministeres, toutes les adminístrations,
ne leur laissant jamais un instant de repos, les pcursuívant
avec une opposition systématique.


Mais voulez-vous savoir ce qu'elle avait le projet d<:; ren-
verser? Ce n'était pas le minístere. Quí restait permanent P ,
Le Gouveruemeut seuJ. Qui déplaisait aux sympatbies de l'op-
positíon PC'étaitsa légitimité originelle et sa Charte octroyée,
c'étaít le déplorahle souvcnir des deux invasions, c'était le
concours d'amisqu'on regardait comme ennemis de la nation,
c'étaient des scrupules de consoíence qui avaíent consolé la .
monarchíe dans son exil, e'était une garde étrangere, dont la
fldélité héréditaire ne permettait guére ala royauté de se sé-
parer, qu'on voulait lui arracher et qu'eUe n'eüt pas l<¡,issé
partir sans voir d'avance un 21 janvíer écrit, sans les prélimi-
naires du 10 aoüt,


Yoílá ce que l'on persécutait, maís ces ehoses c'étail la dy-
nastíe cllc-méme , e'était ce qui en est ínséparable , e'était
l'origine de son pouvoir, c!étaient ses affections, ses amitiés,
son culte, sa conscience.Le comprenez-vous enfin, et faudra-
t-il encore de nouvelles preuves? Vous les allez entendre:
elles seront eourfes et décísíves.


Je vous ai promís des preuves. Elles sont dans la révolu-
tíon elle-méme, Vous avez vu la révolution de la capítaleau
milieu de Aes scenes de désastres et d'épouvante ; vous l'avez
vue avec son tocsin, avec sa confusíon qui ne permettaít au,




( 5ü~ )
pouvoír ni au peuple de s'attaquer régulierement , ni pl'e~que
de s'entendre, Vous I'avez vue , et vous pouvezcroire que les
ordonnances du 25 juíllet out été non-seulement l'occasíou ,
ce que je ne nie pas, mais la cause primitive de la révólutíon
de j'billet! Vouspouvez croire, quand cette population irritée
s'élevait pour briser le tróne, qu'elle n'obéissait qu'á un sen-
timent intérieur ! Et que n'avez-vous vu la révolutiou dans les
c\épartemens de la frontiere orientale de Franee , dans ces
départemens foulés par deux ínvasions, dans ces départemens
quí, par une bizarrerie que recueillera l'histoirc, étaient a-Ia-
fois les plus monarohiques et les plus opposés aux Bourbons.
C'est' dans ces départemens de la frontiere orientale que la
révolution s'étaít montrée effrayante pOUl' la dynastíe. C'est
la qu;a la nouvelle d'efforts tentés aílleurs , les masses se sont
levées. C'est la que, du haut des montagnes environnantes,
seraít descendue une multitude de soldats quí , ressaisissant
avec transport le drapeau tricolore , aurait couru venger les
désastres.de la patrie én 1'814.
H~ quoí'l lIi c'eüt été une révolutlon , elle n'eut pas été ar-


rétée au Boi, a l'béritior de sa couronne, a son petit-fils! Quí
empéchaít les royalistes répandus dans les départemens de
I'ouest, de se lever avec un drapean et de se joindre a celui
qui resta seize jours sur le. sol de la France , entouré seule-
merit d'une garde fi~ele? qui les empéchait de venir pro-
tester contre un forfait ministériel et de soutcnir la cause de
la dynastie PNon, tous les fils étaient rompus, c'est par la
qu'on peut juger le véritable caractere de la révolutíon.


N'avez-vons pas vu cette Chambre présentée comme animée
d une démocratíe fougueuse, ces colléges électoraux voués a
une oppositon systématíque , changer a demi de langage?
N'avez-vous pas vu cette Chambre réclamer l'ordre, craindre
l'invasion du pouvoir démocratique, s'arréter avec prudence,
peut-étre avee tímidité P Ne I'avez-vous pas vue attaqu~e par
une partie de la presse et de l'opinion, et souteuue par les




( 503 )
colléges électoraux cí-devant dévoués a I'oppositíon , el qui
prírent fait et cause pour le partí du pouvoir? Vuilá ce qui
s'explique difficilement quand 00 ne va pas jusqu'au foud
des choses. I'lIais quaod on réfléchít qu'outre ces ídées bril-
lantes de liberté qui animait les jeunes ereurs, il se trouvait
aussi des pensées de déflance , quandon voit une Chambre si
ennemie du pouvoír avant, si 'dévouée ale ,sontenit· plus tard,
on se demande a quoí tíent cette révolution pródigieuse. A
(luoi tíent-elle P regardez le Tróne , regarde¡¡:; le peuple! vona
la révolution de 1830 dans elle-méme et dans ses consé-
quences.


00 OOllS a dit , il est vraí , qu'oo ne conspirait pas, qu'au-
eun complot n'avaít dé concerté, el que la néeessité d'agir
n'était pas démontrée.


Je touchc id un ter-rain gIissaut, ne eraignez de ma part ni
ménagement ni hyperboles. Je pourrais diro que ladénéga-
tion ne peut étre aussi absolue qu'on le suppose. En présence
d'aveux de participation solennelle , dévant des recompenses
demandées, devant des condamnés qlili reconnaissent leur
eulpabilité préteodue, devant des hommes absous qui pl'O-
clament l'errcur de lenrs juges et revendiquent l'honneur de
la culpabilité, devant des hommes quí, dans un journal, ont
avoué l'existenee de Soeiétés secretesorganísées depuis plu-
sieurs années, quelle íncrédulité pourrait tenír P Toutefuis ce
n'étaíent la, a mon sens, que -des actes, et la plupart des chefs
de cette brillante opposition parlementaire n"avaient pas ¡Iris,
je le erois franehcment, de part á. ~n complot.


Mais quelles sont ces ídées décrépites qu'on nous ramene
sur la súreté des trónes P En sommes-uous au tems des con-
spirations? Est - de aujourd'hui par un complot du hasard


, :


que, dans les ténebres d'une nuit, au. travers d'une intrigue
clandestine, on surprend une nation ou un pouvoir au dé-
pourvu, pour y porter la torcho comme a Ilome ou a Vcnise?
Non, ces idees ne sont plus de notre époque, II n'y a plus au-




( 504 )
jonrd'hui de conspirations du poignard, fixant le jour, orga-
nisant les rangs, déterminant les plans d'attaques. Non, dans
les socíétés nouvelles, ce ne sont pas quelques hommes qui
se mélent du mouvement , mais la société tout elltierepar
son action insensible et írrésístíble, On a des révolutions
paree qu'elles s'improvisent, paree qu'elles se préparent sans
plans concertés, méme a. I'ínsu' de ceux qui plus tard y pren-
nent part; paree qu'elles sont le résultat nécessaire de la force
des choses, Elles doivent éclater quand cel't~ines nécessítés
existent. C'est la de la haute philosophíe politique, et ces
prophétíes ne manquent jamais.


Eh bien! ces mouvemens des espríts , ces comraunicatíons
rapides, tous ces indices avant-coureurs de la destruction de
la monarchíe, ne parurent-ils pas aux yeux de l'adminislra-
tion ave e une extreme violence au mois de jumet de -1830.
Rappelez-vous nutre position : rappclez-vous l'action menar-
ohique sans pouvoir, I'autorité avílíe -dans la personne de ses
délégués, pas une- favéur qni n'excitát un concert de mur-
mures et bientot unesnuée d'outrages, pas une disgr!ce qui
n 'éveíllát des sympathíes , pas une loi qui pút étre exécutée
sans proces , pas un preces sans scandales , pas de scandales
sans acclamations et souvent sans ovation. On croyait assister,
je le dís sans regret comme saos plaisir, aux derníeres con-
vulsions de la monarchie , ou POUl' míeux díro elle n'avait
plus méme la force des convulsíons.


Vaila. quel était le spectaclequ'elle offrait alors al'Europe,
et l'étranger qui fút venu dans notre pays, voyant le Gouver-
nement d'une part et la natíon de l'autre, eút eru recon-
naitre deux partís condamnés a se disputar le territoire et se
hall' toujours, Yoilá quel était l'état de la France en 1830.


Je <lis plus, le mouvement des esprits se déclarait surtout
par la presse, Id, je touche a des questíons plus délicates
encore. On n'attendra pas sans doute que moi, dont la vio
[udíciairc vouée pt"esque entiere ala défense de la presse pé-




( 505 )
riodíque, j'aille l'accuser, a mon debut a cettabarre quí est
presqu'une tribune. Mais soyons justes envers tous , et meme
envers la presse péríodique.


La presse périodiquefut regardée par le ministere comme
un instrument de désordre, 'et lé ministre que je défends , ré-
digea, 'H I'avoue, un rapport dont on peut ne pas approuver
les príncipes, mais dont H est impossible de méconnaitre les
vues profondes. En le lisant, on peut ne pas partager la con-
viction de l'auteur ; mais ilest impossible de ne pas voir qu'il
s'exprime avec cette chaleur de conviction et d'entralnement
qui démontrent que, dans l'amertume de son coeur, il croyait
aux dangers. Eh bien! le devos- de le défendre m'est ímposé
et [e le remplís.


Dísons d'abord que ríen dans sa víe passée n'appcIait ses
préventíons contrc la pressc; lui, dont elle n'a jamais ridi-
culisé la jcunessc; lui, qui, par la gravite de ses moeurs , pal'
la simplicité de ses gouts, avait échappé ases attaques; et en
se déclarant contre la liberté de la presse , qu'il défendít long-
tems , íl n'a obéi qu'á ce qu'il croyait la force de la nécessité.
Punissez-Ie , si vous voulez ; mais vous ne punirez que la
conscience d'un homme de bien.


IH. de Chantelauzea cru aux dangers de la presseen général
et a son íncompatíbilité avee le ,gouvernement des Bourhons.
Sur le premíer point, la question est grave, et je l'avouc avec
cette indépendance qui doit me distinguer, je ne puis partagel'
les avis de ceux qui Paceusent. Toutefois reconnaíssons-Ie ,
regrettons-Ie souvent, la liberté de la presse estle plus grand
probléme des socíétés modernes. Il partage les meilleurs esprits
et a moins d'étre enthousiaste ou aveugle, on ne peut nier
ses hienfaits ni méconnaitre ses dangers. Et parmi les hommes
d'état qu'elle divise, les uns ne la repoussent pas sans regret,
les autres ne l'adoptent pas sans crainte. C'est la la posítion
de la presse,


8entinelle vigilante, elle avertit le pays. Mais ne tíre-t-elle




( 506 )
[amaís le canon d'alarme au sein d'nne société tranqullle j
Elle reprime le pouvoir , il est vrai; mais n 'use-t-elle pas les
noms etne désenchante-t-elle pas les renommées PElle éclaíre
l'administration; mais ne I'entrave-t-elle jamais? Les gon-
vernemens faibles, elle les avertit ; mais peut-ollc les avcrtir,
sans les discréditer? Les gouvernemens hons , elle les éclairc,
elle les soufient; mais n'est-ee pas quelquefois avee la sur-
veillance dangereuse d'une ombrageuse censure!


Voila la presse telle que je la comprenda, Eh bien? ce fut
la diviníté populaíre, et aujourd'hui il semble qu'elle ait perdu
de ses adorateurs en augmentant le nombre de ses autels. Il
n'importe pas qu'elle ait quelquefois laissé souíller ses autels,
et je la défendrai jusqu'au mornent oh elle les aura elle-méme
hrisés ; mais si les opinions peuvent étre dívísées sur eettc
haute théoríe , je dis avee la rnérne énergie de conviction :
la liberté de la presse périodique , telle qu'elle existait en
juillet 1850, était absolument incompatible avec le gouverne-
ment des Bourbons.


Oui; absolument incompatible! et pensez-vous qn'iI me soit
diffieile de le prouver? La presse périodique elle-méme
l'avoue; elle déclare , et je ne lui en fais ni un críme ni un
sujet d'éloges, qu'elle avait eon~u la pensée que le gouverno-
ment des Bourbons était nécessairement fatal au pays. Elle
convient qu'elle I'attaquaít , que c'était lui qu'elle voulait
renverser , vous I'entendez l Il importe que eette vérité reste.
Ceux qui ont triomphé ~e la méconrmissent pas. Profanerez
vous les fleurs qu'ils attachent a leurs couronnes? '


Qu'a done fait la liberté de la presse centre le gouveme-
ment des Bourhons ? Il était fondé sur la légitimité originelle :
elle a bafoué ce principe, en le reléguant dans les chimeres.
Les princes avaient emigré : elle a présenté l'émigration
comme un complot permanent eontre la France, Le Roi
Charles X avait été opposé d'opinions a son Irere ~ elle a parlé
de la sagesse de Louis XVIII. Il Y avait eu jadis des entre-




( 5°7 )
prises a Coblentz : elle a parlé sans cesse dcCoblentz , et ou
savaít qui elle désignait en parlantde Coblentz.


Tout c'e qui soutenait cette dynastie , ses appuis, toutes ses
sympathies, tous les príncipes de la Saínte-Alhance qui
l'avaient ramenée étaíent flétris par lapresse périodique. Les
souvenirs de Waterloo, d'invasion, de Iégitimité ; tout ce qu'il
y avait d'irritant dans cette presse montraient sans cesse les
partís en présence. Croyez-vous que cela fút compatible avec
le gouvemement des Bourbons? Disons plus, peut-étre le
sceptre de nos roís, apres de si longs orages, eüt pu s'affermir
en oubliant les haínes , en laissant de cóté de víeilles préten-
tions; mais enfin pense-t-on que sans cesse reproduits ces
germes d'irritations ne dussent pas amener le désordre , et
pouvait-il res ter douteux pour quelqu'un, que la presse pérío-
dique ne voulút renverser le tróne P Toutefoís , il faut le dire,
elle s'honore par une ~aute ímpartialité vis-a-vis des accusés ;
il faut lui rendre un publie hommage pour la dignité avee
laquelle elle a.défendu les droits du malheur.


Je vois , dans un de ces organes de la presse périodique :
11 Jamais la Restauration n'a été adoptée avee amour par la
France. C'était un régime odíeux qu'i! fallait avant tout renver-
ser; et , pO\lr cela tous les pretextes étaient bons , méme celui
d'un retour au systeme -antéríeur de 1,89, D


Un autre avoue hautement qu'il a toujours vu avee répu-
gnance une raee ímposée par 500 mille haionnettes.


Un troisíemo , qui parle au plus grand nombre, ditqu'on
se tromperait en eroyant que les ordonnanees ont amené
l'expulsion des Bourhons , elles n'ont faít que combler Iame-
sure. Elles ont faitéclater des sentimens qui eouvaient dans
tous les cceurs depuis quinze ans .


.Un autre enfln , s'exprimait ainsi : u Toute la politique
consista a combattre le gouvernement dans tous ses mou-
.vemens, avouloir ce qu'il ne voulait pas , ~ ne pas vouloir' ce
qu'il voulaít, arepousser tO\1S ses bienfaits, a rendre tout gou-




( 508 )
vernement impossible, afin que le gonVel'nenlent rombát.»
Et c'est ainsi qu'il est fombé.


Vous l'entendez , ces preuves sont-elles assez elaires ; et ,
apres avoir été vaincu par les journaux, faudra-t-íl que nous
soyons réduits a ce qu'ils ne veulentpas avouer leur victoíreP
maís íls I'ont avouée , proclamée ; ils ne peseraient pas contre
nous, sans doute , au jour du jugement.


Vous I'entendez , MessíeursjIe gouvernement était dcvenu
ímpossíble , les sacrifices de tous genres étaient devenus
inutiles; le ministre n'étaít pas prophete en dísant que le
gouvernement n'était plus possible : il ne faisait que eonstater
un fait. La presse l'avouaít ce fait : elle dísaít qu'il fallait rendre
le gouvernementimpossible, afin que le gouvernement tombát.
Elle dísait qu'elle repoussaít les bienfaits au gouvernement,
précísément paree l/ue ses bicnfaits venaient du gouverne-
mento Eh quoi! lUessicurs, vous déclai'eriez trattre a son Roi
( cal' sans la royauté il n'y a pas ce gouvernement en France)
ce ministre qui s'esttrompé sans doute , mais qui erra dans la
vertu de sa conseience I


Oublíe-t-on donc qu'un ministre du Iloía dit que j amais les
Bourbons n'avaicnt été reconnus par la France , mais imposés
par les baíonnettes étrangeres P


J'avais promis d'établír les dangers de la Couronne, Qnel-
qu'un pourrait-il ne pas partager mes idees? Est-il dans cet
auditoire, dans la France, dans I'Europe qui lira ces débats,
une seule conscience qui puisse assurer qu'il n'y avait rien au
moins de vraísemblable dans de tels péríls , et que c'est au
milieu d'une sécuríté profonde, et sans y étre provoqué par
aucune crainte , quele minístere s'est décidé a rompre avec le ,
paya et a rendre les fatales ordonnances P.


Icí s'arréte la justification. Je n'aípoínt entreprís deprouver
que ces ordonnances étaient opportunes , que lenr exécution
était facile, qu'on n'eñt pu les remplacer par d'autres , el qu'il
cut fallu organiser un autre systemc de prévoyance. Ce n'est




t 509 )
pas la la tache que j'ai a remplir. Le mírrístere fut impré-
voyant, mais s'il eüt été prévoyant, oü en seríons nous jl Eút-
il réussí? Non. Mais la guerre civile se serait étendue partout ;
des flots de sang eussent coulé , non-seulement a Paris , maís
daos les provínces. Avolls~oous ici un mandar de "la dynastie
qui n'est plus pour poursuivre une fldélité malhewuse; et
Iui aurait-on réservé ce dernier outrage pour luí enlever un
illustre accusé et cette derniere consolatioo jl


Les ministres, daos le hesoin de défendre le pouvoir auquel
Ils avaíent juré fldélité , eroyaient n'avoir conseíllé que des
mesures provisoires. Il faut le dire , il n'eussent pu revenir sur
leurs :ras: ils auraient été emportés par le torrent. Mais, je le
demande en «ore , les ministres ont-íls trahi quand ils out vu
la presse avouer que la guerra était déclarée au gouverne-
ment, quand ils ont vu un complot formé par les antipathies
dans un tems qui, au Iíeu d'une révolution ministéríelle , ti
fait une révolution d'état !


Ni le pays ni le trüne ne sont trahis, La guerre était immi-
nente; ehacuo s'est ieté dans les ran:gs oü il voyait ses amis,
Iln'a pas trahi celui qui , séduít par des prestiges de fidélíté ,
a resigné sa volonté au píed du trüae , /l'est tralné en victime
aux banes du mínístére pour passer bíentót de la aux bancs
des accusés. .


Vous étes jugcs criminels , e'est dans les cceurs des aceusés
que vous devez deseendre, '


Que je dise ici toute ma pensée. Si It!'ministere du 8ao11t
a cm qu'il était le seul obstacle entre le tróne et le pays, s'il
a pensé que sa retraite püt sauver la monarchie, si dans le
naufrage qui le menacait il a refusé dé se jeter a la mer pour
sauver le vaisseau de I'État , condamnez-Ie, Si vous pensez
que, n'écoutant que son ambítion , il a mis dans I'un des
bassins de fa balance son portefeuille, le repos du pays et la
couronne de France dans l'autre ; si la ,couronne de Franco
s'esttrouvée légere anx yeux de son ambition , oondamnez-le:




( 510 )
Ne le frappez pas par des lois qui ne sont plus, mais frappes-
le avee le souvenír des malheurs des trois journées , du pa,
triotisme del' héros de juillet, du ressentimerrt de la Feance.
Flétrissez-le d'une marque ineffaeahle , jc le eoneoís , le le
veux, j'y consens , je le demande, et je suís prét a -signer le
premier4F fléteissant arrct.Mais si vous pensez qu'il s'est
dévoué a défendre le ponvoir monarchique auquel il avait
juré fidélité, si vous pensez qu'il n'a écouté que la voix et les
conseíls d'une fidélité erronée quí n'a aueune des couleurs de
la lácheté , ne le condamnee pas,


Il nous est done permis , lUessieurs, de croire que M. de
Chantelauze sera rendu a ses sympathies qui sont venues
l'accompagner dans ces tristes débats , au desir de tout un
barrean qui a donné tant de gages au gouvernement consti-
tutionnel. Tous ceux qui I'ont connu se sont empressés de
rendre hommage a ses vertus, a sa sagessc éc1atante, a. sa
bonne foi , et. a lui, donner un haut eertificat de moralité
constitutionnelle..Cesprotestations,ces témoignages d'estime,
serontdumoíes ,' pourJ*H, une eonBolation: Cebarreau n'a
vu dans la' révolution de 1850, qu'uue hataille, il vous a·de..
man,dé en pesant bien ses termes, de juger M, de Chantelauze
en prisonnier de guerreo .


La bonne foi n 'est rien en matiere de 'responsabilité minís-
térielle P Qu'importent les excuses frivoles que peut alléguer
un ministre! Il faut que l'ínviolabilité royale ne soit pas une
prime d'ímpuníté P Ir faut une peine a la loi; et comme elle
ne peut pas frapper, il faut quelle frappe les ministres; il
faut que la justice, quand elle marche, soit armée de son
glaive: si elle ne peut s'élancer jusqu'au trñnecaché par un
voile épaís derríere son sanetuaire, elle doit s'arréter alors SUl'
les marches, et y frapper les conseillers de la couronne. Il
faut enfin que justieesoitfaite. Qu'importealors les mesquines
excuses d'une faible condescendance l ¡\on , la royauté méme
n'est pas crue; et si elle intervient dans les déhats ponrsallver




( 51 I )
I'accnsé, on tlrorce d'étre criminelle par son iuviolahilité
méme ; et c'est a genoux devant son tróne , qu'on vient faire
rejaillir sur elle sa pensée, Voila la responsabilíté , fiction
ingénieuse et terrible entre l'inviolabilité royale etle pays.
Elle est une garantie de paix, On ne peut frapper le tróne ,
et leministre eoupable doit étre poursuivi, jusqu'aux pieds de
la royauté qu'il ernbrasse vainement. Tout cela, e'est de la
théorie eonstitutionneUe. Mais ou en sommes-nous aujour-
d'hui? Cette ínvíolabilité" royale existe-t-elle encore? Deman-
dez au maire de Cherbourg et aux montagnes d' Écosse!


Ilappelez-vous alors quels sont les principes de l'inviolabi-
lité royale? Ce n'est pas parce que le Roi n'agit pas que la loi
ne frappe point. Ses ministres signeraient vaínement une
ordonnance qui ne serait pas revétue de son sceau, C'est lui
qui regne, qui ordonne, qui administre; et sans la fietion
eonstitutionnclIe, ce serait luí qui seraít responsable, et ses
ministres, commc subordonnés , seraient garantis•. Ainsi,
c'est une fausse ídée de croire qu'en frappant les ministres,
et surtout ceux que laloi veut frapper, c'est la,roYllu1j,qu'elle
frappe dansla personne des ministres. La peine qui atteint
les ministres impose le seul chátiment ; le supplíce du cceur,
le désespoír, au princequi se voit ainsi, par I'élévatíon méme
de son rang, arracher ces hommes, ses amis, qu'eUe ne peut
défendre, Je comprenda alors qu'un penple puisse ainsi donner
une Ieeon au Roi. l.\bis quand le tróne n 'y est plus, comment
pourrait-on indiquer la responsabilíté minístérielle ? pour qui,
et pourquoi seraít-elle alors une garantie? Mais., quand e'est
la royauté elle-méme qui a été puníe , le ministre ne peutplus
étre responsable. Hors de la, íl n'y a plus de logique
possíble, ,


Qu'avez-vous fait? vous avez un instant oublié la Charte ;
vous avezfait, momentanément, de Charles-X un Roi absolu,
pour pouvoirle détróner ; vous avezsupposéqu'ilavaitvoulu,
'l.u'il avait ordonné , car si vous eussíez cru sa relígíon sur-




( 512 ),
prise , il régneraít ene~re aujourd'hui sur ~ranee, Mais
e'est lui que vous avez frappé , que vous avez envoyé sur la
terre d'exiI avec deux générations derois ; et vous venez parler
eneore de responsabilíté !


Songez-y bien. A-t-on. bien compris la responsabilité? Il
me semble qu'on u'en a vu qu'une face , et cependant elle en
a deux. '


La responsabílíté mínistérielle n'est pas une avant-garde
pour le tróne, Elle est une sauve ga~de pour le pouvoír. Su-
bordonné, véritable holocauste, dépositaire du gouvernement
constitutionnel, elle protége également et ce qui est au-dessus
et ce qui est au-dessous : telles sont les 'deux faces de la res-
ponsabilité:


Vous m'avez san s doute compris. Pourquoi les préfetsne
sont-ils pas responsables? Pourquoi l'article 115 du Code pé-
nal Ies exempte-t-il de la responsahilíté P e'es! paree qu'ils
ont agi aux ordres des ministres, et que le ministre est res-
ponsable; remontez un échelon, et le Boi sera pour les mi-
nistres'(4)·quele ministre était pour les préfets.


Voyez les conséquences, etdites-moi ce que devient, avce
un tel systeme, la responsabilíté des ministres.


Si vous supposez une puissanee supréme , vous devez sup-
poser alots que Ies ministres lui ont obéi ou qu'ils I'ont
égarée ; pas de milieu. S'ils I'ont égarée, votre révolution est
un mensonge; et s'ils ont obéi, il II 'y a pas pour eux de res-
ponsabilité.


On a parlé ensuite de complicíté. La oomplícíté de quoi?
La eomplícíté de qui? lUais oü. vous arréterez-vous si, dé-
daignant la responsabilíté , vous vous attachezá la compli-
cité? Ce ne sont pas les ministres senls que vous devez frap-
per, vous devez en atteindre beaucoup d'autres. On croit
demander quelques gouttes de iang; on ne s'arrete pas; on
est forcé d'enverser des torrens, Les ministres frappés , vous
deseendriez aux agens subalternes, et les préfets ne seront




( 5i3 )
pas plus excusables d'avoir fait exécuter les ordonnarices que
les ministres d~es av?ir sígnées, 1Hais, Messieurs, il n'y a de
différence que dans la responsabilité. La responsabílíté n'étant
pas le corollaíre de I'inviolahilité royale, sivous faites un roi res-
ponsable, si vous le puníssez.vousne pouvezfrapper les autres.


Déjá des tables dé proscription out été dressées ; j'en aí vu;
on a été plus logique. On a dit : Vous parlez des ministres;
00 les punit P9ur avoir été compliees de Charles X;pour~
quoi ne parle-t-on pas aussi de ceux qui ont conseilié l~s
ordonnanees, de ceux qui les ont approuvées , de ceux
qui out concquru a leur esécution , et de ceux qui les out
entourées de leurs veeur. oe ' ne s'arréte pas., et vous
frémiriez si ['étalaís devant vous ces listes fatales. •


Les ministres répoudent des actions du Bói; maís des que
le Iloi en a répondn Iuí-méme , les ministres n'ont plus qu'á
justifier les leurs. Ces ídées ont été saísíes par tout le monde.
\fais on s'est demandé si un attentat contre les instítutions
du pays ponvait jamaisétre ímpuni,


\ . ... - .
. (Jo a parlé du rttpect conservé pour l'inviolabilité ~6Yále;


Quoi! paree que la personne de Charles X a été épargnée,
l'invíolabilíté royale a é~ respectée! Elle consiste, dites-vous,
dans la vie sauve ; comme s'il s'agissait du dernier des misé-
rabies. Voila ce que vous appelez l'inviolabilité. Et qu'est
donc aux yeux de la. constitutíon la pe~sol1ne physique du
Roi? Ríen. C'estIa royauté qu'il faut rnaintenír. C'est la ce
qu'on a voulu garantir ·de. toute attaque , par respect pOM
ses devoirs, et par íntérét pour les droits populaíres, Vous


•avez violé la personne royale et la royauté méme ; et si Char-
les X n'a pas été frappé, la royauté a été Irappée au coeur. On
á brisé sa couronne , L'ancienne royauté n'est plus; elle a
porté sa peine. Demandez-vous si jamais un spectacle pareil
á. été donné au monde. N'est-ce done rien pour vous que le
Roi de Franco conduísant, apetites j?ti;Í\ées, 'le deuil de la
royauté, traversant des villes pavoísées un drapean contraire,


JI. 33




..--.f"i


" -..


( 5J1. )
ebligé de subir le silence , la pítíé , et presque Je dédain P
Étrange destínée de cette royale famille l Chassée en ,1 791 ;
elle fuit en 1815; elle subit enfin I'humiliati~ d'étre recen-
duite au dernier port de France; et cette .derniere fois ce sont
ses prestiges mémes qui ont causé sa ruine. S'est elle arrétée
aux frontieres P Non, Messieurs. Voyez, du haut du vaisseau
de Cherbourg, ce signal de détresse donné á tous les trónes.
Voyez la population de la Belgique en présence-des combata;
l\mion de la Suisse et la terrible nuit de la Pólogne! Que fait
la royauté P elle s'humilíe. Le roi d'Espagne renie son frere,
celui qui l'a remis sur le tróne. L'Angleterre, Horre éter~elle
rivale, HOUS couvre de son admiration, et abdique ses vieilles
haines nationales. Ainsi, Messleura, la peine a été subie : elle
ne peut plus étre appliquée ad'autres,


Quoi! c'est moi quí suís réduít a défendre la révolutíon de
1830, attaquée récemment a votrc barre par un noble
vieillard -dont ou estime la fermcté, un de ces hommes que
les partís voudraient conquérír, dont ilsrecherchaient les suf-
frages lJt les sermens comme une de lep.. plus belles préro-
gatives, un de ces hommes qui reviendront tot ou tard, e~
qui a dit récemment avotre harre que la Chambre, par l'acte
du 7 aoút , était intcressée a condam~er les ~illistres. (lU. de
Kergorlay. ) Je n'írai.pas plus Ioín : je croís , au contraíre ,
quc vous étes forcés a ne pas les condamner! Vous avez
voulu frapper la royauté ; vous l'avez ñ-appée par l'aete du
'} aoüt. Ce ne sont ni la nécessité , ni les flots populaíres qui
l'~nt détruite : cc sont vos résolutions. C'est sur les résolu-
tions des deux Chambres saussi que la nouvelle Couronnc a
été basée. Vous avez reconnu par cet acte ímportant que
c'est la royauté qui devait étre frappée ; vous l'avez punie et
vous reculez devant les conséquences !


Non, vous n'éhranlerez pas les bases de la constitution de
1830, et ce ne sera pas la défenso qui sera forcée de la sou-
tenir, Prenez-y garde, l'effet moral de ce preces est immense,




( 5(5 )
et chtque parole,de bláme que vous faite" tomber sur les mi-
nistres est une justification pour Charles X; autant vous
frappez les ,détenus de Yincenríes , auvant vous, inspirerez de
l'intérét pour les exílés d'Éco!>Se. " "


Je m'arréte: ces mots sont terribles! personne plus que
moi ne s'estsdévoué de cUJUr a la nouv~lte Couronne , m ais
jamáis je n'aí pensé que le principe de la révolutionpüt étne
ébranlé par l'arrét de ce proceso


Punir les ministres ! no? : de tels actes ont deaconséquen-
ces trop graves; il fa?t que les révolutions soient logiques. Il
faut, lorsqu'on se souvient deA faits, d'une Charle octroyée ,
qu'on en accepte les résultats. C'est I'íntéret mérne de la ré-
volution de 1850 que je défends. e'~st le défenseur qui parle,
cc ne sont pas les accusés : eux n'ont ni bénédíctíons nima-
Iédictions a lui donner, Vou\a l'oubli, réduits a passer daus
la retraite le reste de la víe , n ayant plus de. communieation
qu'avec les pensées de l'cxil, qu'avec de hautes infortunes, en-
vers lesquelles ilsont eontracté une dette d'association, n'at-
tendez d'eux ni matédíctíons pi reproche; J:!lais n'en attendez .
pas non plus de:syIrtpathie pour la révolution de 1 8~oo Ils se
taisent : leur défenseur parle avec l'índépendance de la vé-
rité, et avec toute franchise.


Mais on n'invoque pas seulement la responsabjlíté, 0)1 vous
a parlé de dangers plus 'graves, de questions plus élevées, de
nécessités politiques , d'inquiétudes oo' o. o • Il est des talens
apres lesquels on essaie. ; .. o; maisenfin , ne vous rappelez-
vous pas cequi a été dit sur l'impossibilité de juger.• sur l'ab-
sence de toute ,criminalité; enfin, de toutes cesimpossibílités
que je ne citerai pas, paree qu'elles tiennent auneeaus~,uni,­
que, et retenez-Ie bien, dans toute sa puissance et dans tour
son sens ; quelle est-elle PC'est qu'une nouvelle société polití-
que s'estformée et qu'une nouvelle soeiété politiqueest\sans
armes pour punir ;un erime ,politique cemmis avant elle. Il
n'en es! pas des sociétés politiques comme des sociétés eivi~




(51G )
les; les gouvernemens sont faits ponr elle; apres del! r'voíu-
tions, ,poursuivez également les assassins el les íncendiaíres.
lHais telle n'estpas la destínées des crimes polítiques ; ils
n'ont d'importance que pour les gouvernemens sous lesquels
ils sont commis, et n'intéressent qu'eux. Ce n'est qu'á regret


, . ..
que les ópíníons s'arment de rigueur; mais vouloír faire subir
la punition du críme au gouvernement sous lequel il a eu Iieu,
ce serait commettre une monstruosité inconnue dans les an-
nales des nations.


Pourriez-vous supporter l'idée que César, succédant au
peuple romain, eüt puni des crimes commis contre la répu-
blique? Eussiez-vous compris la Convention traduisaut sé-
rieusement a sa barre ~es accusés de conspiration centre
Louis XVIII! . . . . . . •


Prenez-y gal'de, vous allez arriver ;\ ces deruieres consé-
quences. La royauté et la Charte de 1814 ont (;galement dís-
paru ; elles ne sont plus; un nouveau contrat politique est la
base de notre con!ltitution; de nouvelles Chambres out rem-
plaéé les anciennes. Eh biell! aujourd'hui, "f0\18 youklz punir
des complotscontre la Charte de ,1814.Etsi, par hasard, avant
les ordonnances du :.15 [uíllet, il y. avait en des complots centre
la royauté, que feriez-vous P Croyez-vous que I'ordre nouveau
füt appel~ lt-Ia venger P Ne frémíssez-vous pas a cette idee qui
irait flétrir. des manes inanimes? Cependant, l\Iessieurs, la
royauté étaít la base de netre ancienne constitution, Si vous
étes IQS eontinuateurs de la rcstauratíou, allez jusqu'au bout;
ne reculez devant aucune conséquences. Réservez dcs iufamies
aceux a qui les ministres du Roí décernent les honneurs du
Panthéon, Sid'une part vous poursuivez les ennemís de la
Charte et qne vous laissiez ceux qui auraient pu attaquer la
royauté, ce ne.sera plus une réaction ordínaire, ce seront les
deux opinions tout ensemble qui se trouveront írappées. On
aura détruit le Gonvernement, paree ql,le le dívorcc aura été
reeonnu nécessaire ; et- tous ecux qui avaient crn '.f!'divorce




íuutile seront tgalemen! punís. Ain~i, vous le voyez , ni
les UIlS ni les autres ne peuvent étre poursuivis, daus un
ordre nóuveau , pour des actes qui se rapportent aI'ordre-
ancíen..


lUais 011 a parlé, ;\Iessi~rs, de la néóessité d'une coudam-
natiou poli tique ! Quels mots, l\lessieurs, la justice et la p8li-,
tique! Si la derniere varíe, comme les circonstances, i'1mlra
est immuable eomme Díeu, qui est son essence, L'une met sa
gloire a allumer qúelquefoís- les p'!-ssion,s ~ l'autre cherche a
les combattre. L'une s'attaque aux mouvemens qu'elle cher-
che a amener a' ses fins, 1'1mlre les domine tous, Non; je n!,
connais pas de condamnations poli tiques ; je ne coíuprends
ríen a ces dévoúmens civíques qui reconnaíssent une néces-
sité dans un holocauste au pays, méme pour son bien; aucun
n'a le dmit de donner-ú sa patrie U;l autre sang que le sien ~
pas plus de condaznuatíons polítiqucs que de condamnations
erimiuelles. •


Ou est-elle done cette nécessité politiquc? Dans eette nuit
séditieuse quifut pr,Qll~e ~n5o j"Qiñ, ~lans oettenuít 0\.1 les
torche~ de la sédition furent portees [usqu'au pied,du palais
du nouveau roi de Franco, IlO;¡ coeurs étaíent saus inquiétude.
C'est alors qúe nous serions vclol6ls nous présenteravous avee
plus de courage, non-sealernent, comme aujourd'hui, eomp-
tant sur votre [ustice , mais encere fur vctre magnanímíj,'.
l\1ais ces jours d'orage sont passés ; ce~x de la justíce sout ve-
nus. Enfin, I\lelisieurs, la politiquc! Oserai-je vous en entre-
tenír pendant quclqucs instans , ai)ri~s I'éloqucnte voixque
vous entendltes 'hiel'. Eh bien, soít, Mui aussí , je dépouilIerai
la toge duo défenseur ; vous eutendrez un jeuuc .homme , un
enfant de la jcune Frnnce, qui viendra, avee frauchise, vous
exprímer toute sa pensé« sur ces cOllsidéralions ,politiques.
Cetto jeune Francc lant calonmiée, si peu connuc, elle u'a
pas d'injuros avenger; e,llen'a pas dc-souvcuirs qu'íl lu¡ Iail!c
expíer. N'allez pas la couíundre avec ceux quc I'amhition a




( 518 )
dtI<¡us, pas plus.que la population égarée dn 18 octobre afell
les héroíques vainqueurs des trois [ournées, E'h hic~! que
vient-ellevous dire? Amie ardentc de la liberté, elle vole, au
devant de I'avenir ; elle craint de se souvenir du "passé, qUe
peut seul arréter lc progres des lmqieres, touiours croissant,
et 1\irf arréter le chal' de la civilisation en présence des abus
de la presse. C'est cette cause qui aurait faít, avec une révo-
lntitm qui n'est plus, un glorieux désaccord; et lejour oh nous
serons totalement dégagés' de ces erreurs, nous n'aurons plns
de peine anous estimer.
'. On a.parlé d'anarchie, de contre-révohitíon, deTétrangee..


L'anarchíe : vous lafrapperez au coeur, et le pouvoir se sera
donné son baptemd~ jour oü les dernieres fillres des;passions
populaires auront été rOll,lpues.


La contre-révolution : ce nom funeste s'appIique ad'hono-
rables fidéIités 'que, récernment encare, vous avez entendues
avee ~ne noble admíratíon, .revenir a nous pour marchér, s'n
en étaít besoín, a la.défense du pays.· .
. .MaintenªDt 00 parle a.~ "íeilles institutioos 'de la France.


Eh bien! 'ílue l'ennemí se présente avec son étendard, Nóus
nous leveríons tous, en arborarít centre lui ce vieux drapeau
de 1830. Celuí-lá scra vrairnclft le drapean sacre; puisqu'il est
pu;r du sang verse. • •


L'étranger! s'il conspiraít centre nous, il n'espéreraít que
dans nos dívisíons ; il voudraít qu'on [etát dans son camp qua-
tre tetes, pour Ies relevervet les montrer a des populations hé-
siiantes. Rien n'est plus salutaire POUI' les,populations dont
vous vonlez développer le honheur, q!le la générosité. Elle seule
est' avantageuse. C'est par ces spectacles de troubles et de vio-
lences que vous effrayez .. les sociétés ebranlécs; ct tnus ceux
q,ui s'élancaíeut avec candeur et avec vívacité, se rangent alors
du coté des hommes faíhles.


Yoilá, M"essienrs, cé que nous oserons .dire a' celuí de
MM. les ~o~missail'es de la Chamhre des Députés qui a d@-




ciaré qu'il ne fallait pas ímpnnité ,mais justice. Eh bien!
ouí, justice. Le peuplc veut avoir ,sa clémence : sa clé1l1encc


er;hi lui; mais la [ustice est a vous. Eh bien' vous direz
qu'au jour de la víctoíre , íl á pu choisir entre deux grandes
satísfaetions. Il pouvait demandcr vcngeancc des ministres,
ou I'éxercer sur le tróne : il a préféré renverser le tróue, 'ious,
lui direz <we par-la il a renoncé a demander vengeance, a·l~
justice, et la Ioí nc vous permet pas d'aller au-delá. Dites-Iuí
qu'urspas de plus, il compromettraít la révolution qu'il a faite .
Dítes-lui que ce n'est pas par les chátímens, p~r les supplíces ,
qu'il justifierait une condamnation mínístérielle ; et H trouve-
rait alors sa vengeance achetée bien cher,


Eh bien! justíce pour ' celuí qui m'a confié sa défense ,
pour VOllS, pomo la Chamhro des Députés , justice pour notro
jeune Couronne quí ne peut encore jouü- de .tous les pres-
tiges de I'anciennc ; qui va se préscnter ~ pure du sang el
aohever 'sa pacifique conquéte, Justíce , c'est plus que clé-
mence ; la clémence est la plus-noble des émotions du cceur ;
mais la [ustlce, qui neo connaít que' la loí, qui marche d'un
pas ferme au milieu des orages, qui présente un voile d'es-
pérance a I'innocenee poursuívíe. o.. o, la [ustíce est ce qu'il y a
de plus beau, e'est le plus magnifique speetacle que vous
puiSficz voír sur la terreo Votre arrét, l\IessietU's, ira plus Ioín
encore , il sera le sigual de la confusíon de tous les Jlartis; il
signalera peut-étre l'union dé la France et la paix de l'Eu-
rope. Votre arrét sera respecté, je le sais... o Mais si quelques
murmures secrets se faisaicnt encore cntcndre, si des' pertes
douloureuses, si des hlessures non encore fermées appelaient
des irrltatinns ; Eh bien I Me~sieurs, votre role de juges seraít
fiui ; mais vous auriez pom' vous la satisfaction d'un devoir
religieusemeut rcmpli.


11 me rosterait encere a aohever ma táche, Eh' bien! moi
aussi ¡'ira; chercher quelques eompalriotes de cette grande,


, famill(, de Frauce. el. tous revétus de cet uniforme de soldat







( 5:10 )
cítoyen, qui commande partout la méme fidélité et les méme..
espérances , nous deseendrions sur les placea publiques;
nous y chercherions I'héroique population des troís jours :
tendez-nous une main confiante, lui díríons-nous ; ce sont
vos freres 'des dé¡artcmens. La justice 'a parlé; appuyez ses
arréts , il faut aussi déposer une couronne sur cestombes.
C'ett la 1;plus beau, le plus brillant hommage que vous puís-


, . .
siez accorder aux manes des victimes. Nous aussi , ala pre-
míere nouvelle de vos premíers efforts, nous.nous so¡nmes
armés , mais nous n'avous pas combattu , nous n'avons pas.
partagé vos périls , mais les saerifices ; avous seuls la gloire .
Nous en conserverons le souvenír, nous reconnaitrons la capí-
tale faite pour dominer la France par sa grandeur , comme
elle la domine par ~on courage, Iléunis a vous, n?us ren-
drons hommage a ces tombes qui seront longtems honorées,
pa~ce qu'elles se¡oout les deruieres, et que nos divisious po-
litiques n'appelleront pas de nouveaux regrets.


Que sais-jeP peut-étre un [our dans ces grandes ,fetes na-
tituales, verroas-nouá se glisser timidement Ve1'8 ces tombes
quatre nouvelles familles francaíses qui viendront aussl pré~.
sentir leurs hommages et -Ieure fleurs aux manes de DOS
freres d'armes. Vous ne vous détournerez pas; les larmes ne
vous importuneront pas; vous n'en aurez poin\. fai\. c01.11er,
ct dé,; enrans , qui ne seront p~f>; orphelins, víendront 'eter
des fleurs sur ces tombes. C'est alors que vous comprendrez
votre grandeUl'; que la natíon sera réuníe ; qu'elle signera la
paíx au pied méme des tombeaux, et qu'clIe offrira le plus
beau spectacle quisoit au monde, cclui d'une grande natiou
bien unie, sous la protectíon de Dieu et des loís,


Pairs de France , vous présiderez a cette haute féte , car
elle seca due avotre courage.


A peine l'orateur a-t-il cessé de parler, que, dans
k~ trihunes publiques, retentissent des applaudisse-




( 521 )


mens, auxquels-M. le président n'essaie pas rnéme
d'opposer la formule d'usage, Lesavocats et les ac-
cusés lui adressent lespremieres félicitations ; MM. de
Martigl1acet de Peyronnet surtout lui serrent la main
avec force, et M. de Chantelause lui exprim~ toute
sa satisfaction.


Laparole est donnée a Me Crémieux, défenseur
de M. de Guernon-Ranville. .


Me Crémieux porte sa toque asa tete, la replace
immédiaternent sur la barre, et commence en ces
termes:


Messieurs, j'écoute encore, et il faut que je parle. Mon ame
encore tout émue de ces impressions que vous avez tous par~
tagées, doit chercher a[aire naítre en vous de nouvelles impres-
sions et appeler votre justice sur d'autres infortunes; vous
concevrez ma position , mes .hésitalions. Je pe sais, mais il me
semble que t!ut a été dit, tout présenté, tout dévcloppé, etavoo
cette force de talent , cet éclat de conviction qui ne laissent plus
de place ni au 'flisonnement ni au doute, Etc'est lit quejedois
commencer; que ferais-je si j'avais a défendre un homme qui
fút coupable, si je n'avais entre mes mains le sort d'un ministre
aqui on ne peut reprocher , non-aeulement unJ faute, mais un
de ces instans fugitils que la pensée peut saisir apeine, et qui
cependant suflirait a I'accusation pour constitue~ le crime le
plus grave.


Je me rassure done sur mon client " et mon c!ient me rassure.
ponr moi; j'en avais besoin ,et ce besoin est completernent satis-
fait ; je sens que je puis sans crainte aborder I'accusation. Si
vous avez déjajugé les autres accusés ; si vous les avezjugés.,
comme je le pense, qu'ai-je a redouter .pour celui qui ma
confié sa défense? .


Mais comment cette destinéc m'a-t-elle été confiée Comment,




( b~ )
Messieurs , moi , suis-je chargé de la défense , moi que tout
devait séparcr de .lui '. mm qui professais cette opinión absolue,
entiere, qui rr'airne pas la dynastie renvcrsée? Je le défends,
non-seulement avee le zele de l'avocat , qui est immense, -mais
avee le zele du cocur qui est immense aussi, Vous concevez le
choix de.ceux qui m'ontpréeédé : le choix du premier- est une
inspiration que la providence donne au malheur; le second
possede un nom brillant que nous sornmes accoutumés avoir
figUl'el' dans toutes les discussions politiques. QuaI~t au tl'oi-
sierne , M. de Chantc!auze I'avait entendu, parler , qui vculez.-
VOl~S qu'il cherchát? Je vicns , n'ayant d'autrc appui que votre
indulgencc.


Oui , Messiciu-s , cette n,uit méme , les trophées de Miltiade
m'ont empóché de dormir, mais mon insomnio a été douce. Je
me disais : cette défcnsc brillanh~que rai entenduc est favorable
ama cause; cal' si M. de Chantclauzc est déclaré innocent , il
est impossible que mon client ne le soit pas également. AI)reS
avoir entendu les. défenses victorieu.scs qui vOUj ont été pré-
sentées" les éharges"ont disparu , .ma t'li:cheen eet nstée 'plus
facile , je n'ai plus am'oceuper que de spécialités.


L'accusation portée contre M. de Guernon-Ranville est de
la plus haute gravité. Trahison envers la patrie , c'est i'accusa-
tion la plus horrible de toutes , et le traitre , acquitté par ses
juges, porterait au fond du COOIll' un ver rongeul' qui le dé-
ehirerait incessarnment, Mais que eette accusation est diffieile a
défiuir. Pcuplc! disait Mallet, trainé au suppliee, je sorais sur
un char de triomphe si j'avais réussi. L'éehafand s'est tlressé
pour notre Bories , ,et le Panthéon va s'ouvrir pou!'. rccevoir sa
dépoUilIe! Comment dope ne ras fl'émir devant la néeessité de
juger Jlue aceusation de trahison politique!


J'ai besoin de le dire, avant d'arriver a la fin de ma cause,
eette accusation ne serait rien s'il n'y avait cu du sang répandu;
mais il y a eu des victimes; Elles ont sueeombé dans la lutte :
mais la Franco leur doit la liberté et le bouheur. On a HCI·it SIlI'




Icurs tombeaux : l( Morts poucla patrie' et pour la liberté, )
Leur mémoire sera imm~rtelle, Cal' en Franee la patriene meurt
Fas et la l'iberté aussi sera irnmortclle. Une pareille destinée he
peut laisser deplaée a des idées de haine et de vengeance,


I
M. de Guernon Ranville commenea sa carriere par-s'engager


dans les vélites de la garde impériale ; mais sa santé trop faihle
ne lui permit pas de suivre la voie des armes ..Rentré dans sa
famillé, nse livra au barrea¡;, A l'époque de la Restauration, il
accepta.la Charte, de Louis XVIII, qu'il¡considérait comme un
symbole de tranquillité, L'homme qui pendant quinze ans nous
avait 'conduits ~ la victoire, reparut. La Restauration s'écroula
pour revenir lrientót ; alors s'éveillerent ces antipathies qu'o~
vous a si éloquemment expliquées, entre la Nation et la Restau-
raution, II faut le dire: une Iígne' de démarcation ineffacablc
était tracée entre elles; nous ne la vonlions pas, et elle he veu-
lait pas de nous, paree qu'elle ne nous voulait. pas cornme nous
étions; nous ne la voulions pas comme elleprétendait étre, avcc
ses vieilles"erreurs et ses antiques habitudes de domination,


M. Guernon de R:\nville, déja célebre comme avocat, se,·ii..,re
pn¿or'¡j au~ travaux du jurisconsulte. Déja M. de Bérenger avait
dans un savant ouvrage, posé les príncipes Iibéraux de la légis-
lation criminelle. M. Guernon de Ranville; dans un ouvl'age
sur la méme matiere, va encoré plus loin que son prédéeesseur
dans les garanties q~'ilréclamepour I'accusé : il étend Son droit
de récusation dans le choix: des jurés : il demande une majori4e
pleine et entiére, une majorité de di» vota: pour prononcer une
condamnation ,


Jusqu'en d-l2o, M. Guernon de Hanville, hómmecl'étude et
de cahinet, mene uno vie sans éclat. A cette époque, la pl'~m'iere
faveur-, ou plutót une justice du pouvoir, vint I'élever ala p;e'-
sidence du tribunal (le Bayeux : ce n'était pa!! une concession


•du pouvoir, c'était une abnégation de la partOde M. Guernon
de Ranville, qui renoncait a une position élevéedans kbarrca~
pom' aceepter les modestes appointemens d'un président de tri-




( 5~[l )
hunal de premiare instance. Toutefoie cettenosainatiou heno-


, norable, il Ia devait a son talent, asoñ activité, 11 SO" loyal ca-
ractere. •


C'est le 20 [anvier J821 que M. Cuernon de Hanvilleprit
possession de son siége : acette époque deux mille causesétaient
arriérées : a la fin dc 1822, grace ason infatigable zele , toutes
ces causes étaient jugées.


Cette aetivité lui valut d'étre porté bientót avocat-général a
Colmar; puis delá, procureur-généeal á Limoges. La, Messieurs,
en montant au parquet, M. Guernon de Ranville expose les
principes comme magistrat , et dans une él~qticntc apostrophe
ad'Aguesseau, dontle portrait étaitsous ses yeúx, il prend I'en-
gagement de faire tous ses efforts pour se régler sur cet admi-
rable modele ; il ne s'en tient pas aparler de la regle de conduite
qu'il se trace pou!' I'exeneice de ses fonctions; il fait sa profes-
sion de foi politique; il dit tout haut sa haíne ponr l'anarcliie et
le désordre, et son ardent amour pOQr la dynasti~; mais il dit
non moins hautement q~il confond dans sa vénération et dans
son hmour laCharte et.son auguste auteur.


En 1~28,M.-Guernoo de Bauville est nommé président d'un
collége; c'est pour lui une nouvelle occasion de déclarer ses
principcs politiquea, devant la manifestation desquels il ne re-
cule jamais, convaincu comme il est de leur droiture et de leur
iustice. La, aj)l'es avoir parlé de son inviolable attachement a
Hilrdrd~gal, il proclame le principe de la liberté dansles élec-
'tions: cette liberté, dit-il, est non-seulement un droit, mais un
devoir; et il recorm~andeaux électeurs de ne puiser leurs votes
que dans leur conscience,


M. Guernon de Ranville est enfin nommé procureur-général
aLyon. Il tient le méme langage, et voilá l'homme qu'on veut
peinc1re comrne un ennemi déclaré de nos institutions !


Cependant'lL Guernorí de Ranville ost appelé au ministere,
Je vous I~ demande 1 Messieurs, de comhien de calomnies , de
combicn de dégoúts ne fut-il pas abreuvé? Cortes, plus que tout




( 525 )
autre je demande et défends la liberté de la p¡'esse, la Iiberté il-
Iimitée, méme avec ses abus; cal' quel hienfiJit u'a pas les siens?
:Mais, 11 faut le dire, M. Guernon de Ranvillefut accablé sous
ses coups ; il essuya tOU8 les dégoúts et tOU5 les outrages; il fut
calomnié comme magistrat, comme ministre, commo homme
public, comme homme privé ; tOlit fut épuisé contre [ui , eon-
tre sa famiUe, centre ses opiuious , eontre les idées <¡u'on lui
supposait. . •


Et d'ou venaient tant d'attaques? De ce qu'un journal avait
dit que lU. Guernon de Ranville était l'homme de la contrc-
révolution ! et cela était-il fonclé? M. Guernon de Ranville,
I'homme de 1; eontre-révolutiou ! lui qui , dan s un discours a
la cour de Lyon, se disait l'homme du parti de la royauté, il est
vrai , mais l'hornrne du partí qui VII'l'ordre légal l lui qui
déclarait de nouvcau son attacheme institutions! h{i qui
proclamait la Charte conslitutionnel palladium des fran-
chiscs nationales , el le plus solide appui du 'I'róne ! Non,
l'homme du l?arti de l'ordre légal n'était pas, ne pouvait pas
etre l'homme ele la eontre-révolution; cal' pour luí la contre-
r~v(jlution, c'était une révolution.


Je vous ai montré ,j\lessicurs, M. Guernon de Ranville tel
qu'il fut jusqu'au 8 aoút:


Cependant le ministere du 8 aoüt pesait sur la Franee, mais
modrlié dans ses élémens qui avaiént paru les plus hostiles.
Celui qui était pour la Francé I'imagc vivan te de la eontre-révo-
Iution ncn faisaitplus partie ( M. de la Bourdonnaie ) ; M. Guer-
non de Ranville y entra au mois de novcrnbrc. V OU5 vous rap-
pelez, Messicurs, la lettre qu'il écrivit , le 14 novembre , a
l'homme qui avait été chargé de hii fail'e connaitre la volouté
du Roi. (lci l'avocat donue lecture de la lettre de M. Guernon
de Hanville, OÚ ce dernier termine par déclarer que la Üliarte
es! son Evan!Jile politiqu~).


Cette lettre , i\lessieur~, VOIl~ fait connaitre l'homme tour




entíer, te! et toujours le méme que vous 1'ont montré ses pro-
Iessions de foi antérieures.


Que s'est-il done passé dans les conseils du Roi, le jour ou
la main de }1. Guernon de Ranville signa les fatales ... j'allais
dire les heureuses ordonnances, si le sang n 'avaít pas ete re-
pandu? Ici la défense est fo1-cément restreinte : elle se lie a
des incidens qui se cachent sous un voile que je ne saurais
souleve;. 11 est des t-lngagemens d'honneur qu'au peril méme
de la vie , il n'est pas permis tIe rompre.


Cependant, ce mínistere , si hostile dans les noms , "ne
l'était que forrpeu dans les choses, Nous regardámes son
inaetion comme un piége. C'est que denx pastís siégeaient
dans le conseil , et étaient livrés a de longs et graves
déhats.


L'un voulait la ~: I'aun-e , appuyé par Charles X,·
voulait s'élever au-~ d'clle. UIIe disCllSSÍOIl s'cIlgagea.
1\11\1. Courvoisier, Chabrol et Gucrnon de Hanville soutenaient
que le mínistere devait gouve7er par la majorité :" qu'il était
permis de tenter. une dissolution, .mais que si les colléges
renvoyaient cette méme majorité, le ministere devait se reti-
rer devant cette manifestation de la volonté nationale.


Les aut.r-es soutenaient la prérogative de la couronne , et
pcnsaient que c'était en i-avaler la majcsté que de la faire eé-
del' aune majorité hostile ~t qu'ils regardaient comme factieuse .
./i la suíte de ce débat, M.:\L C~urvoisier et Chahrol so rc-
íirerent ;::\1. Guemon persista a proteste/' eomme eu x centre
le systeme propasé avcc une tclle éncI'gic (jU'OIl crut alors asa
r etraite.


Il n'en fut pas ainsi. Qu'avait dit pourtant M. Guernon de
Ranville pundaut le SéjoUl' de MM. Chabrol et Cour-voisiee
an miuisterc? il disait que la Franco était le centre gauehe,
et qu'il fallait gouverncr dans ce sens. Gétail la son opiniou.
01', Messieur-s , a cette époquc , eeux qui siégeaient au centre
ganchc étaient regal'dés commo des arnis de la Charte.




)27
Quelque tenis s'écoula. Le 10 juillet vit mettre au jour rlans


le conseil la fatale pensée eles ordonnances. Une nouvelle lutte
s'établit dans le conseil , M, Guernon de Ranville se tient tou-
jours dans sa prúclente et loyale opposition. Mais la volonté du
Roi était arrétée ;clJé était inébranlable; et celui qui " méme en
présence du Roi, avec toute 1'énetgie ele la raison , avait com-
battu le svstéme des or-dorma nces , cclui qui les avait appelées
fatales,.' celui-Ia ne se retira point, et lorsque vint le moment
de les signer, il désapprouvait , il prctestaif , il combattait en-
core, et sa main signa.


En d'autres termes, toute ;Osa vie asair été dévouée a la
Charte ; comme avocat , comme juriscoasulte , il avait dé-
fendu , aimé nos institutions , et un instant cettepensée I'a-
bandonna , un instant une autre pcnsée prévalut, il apposa
sa signature , et tout-á-coup il fut coupablc de haute-tra-
hison ,


La veille encore cependant, il écrivait aM. de Courvoisier
pour qu'il l'éclairát sur- ses eloutes et ses incertitudes. Ses
doutes, Messieurs l ail \ lorsque la raison concoit des doutes ,
quand le cceur sent des incertit~des, il n'y a pas de trahison ~
Dans sa consciencc éc!airée il prévoyait peut-étre les malheurs
qui menacaicn t lo tróne et la France, il prévoyait les trois
journées et la ruine de la monarchie, et il restait par dé-
voñrnent.


Et dans les trois journées, qu'a-t-il fait? il proposait des
proclamations, il réunissait les maires , il cmployait toutes les
voies pour arrétei- le mal; et lorsque dans le conscil il a été
question pour la pr-cmiere fois de déposer les portefenilIes, i]
s'cst écrié ; Déposons nos portofeuilles,


Voila , Messieurs , la vic de celui que je défends ; est -ce ccllo
d'un homme ennemi de nos institutions ?


(lci l'avocat aborde un no uveau point de la défense. II n'y a
pas de juges, il nv a pas de 10i applicable aux accusés; mais ,
supposan~ que ces points ne fussent que douteux , c'est dans




l'arrét d'accusation qu'il faut chercher la définition do. crime de
trahison , )


Eh bien! dit-il , cet arrét porte que ce crime consiste aavoir
conseillé et signé les ordonuances. M. Guern¿n de Ranville les
a signées en effet; mais il ne les a point conseillées. 'Que voulez-
vous de lui? JI n'est pas coupable du crime que vous avez dé-
fini, qui consiste dans deux faits : le conseil et la signatllre. n.
n'a fait qu'une de ces deux choses, done il échappe a votre al'-
rét. Si une loi positivo disait que le crime de trahison consiste
aconseiller et signer des ordonnances uuti-constitutionnolles ,
est-il un juge au monde qui , en présence des faits de la cause,
osát prononcer une peine centre M. Gllernon de Hanvillc ? Eh
bien! ce que la loi ne dit pas, votre arrét le dit: il est la;
il nous est acquis. Nou-seulement je nui point conseillé,
mais je me suis constamment opposé : je ne suis pas cou-
pable, el je suis fondé a vous dil'e : Patere legerll qllam t1l1istí.


Dois-je aborder la doctrine professée devant vous par M. le
commissaire de la Chambre des Députéa, qui ne voit dans mon
0(tl>0sion qu'une éirconstance aggravante? .La Chambre m'ac-
corde que je n'ai pas donné l:'conseil; eh bien! me renvoie-
t-elle de cctte enceinte, me fait-elle descendre du hanc des accu-
sés? Non, elle me déclare plus coupahlc. Vous avez voulu deux
choses pour constituer le crime, [e n'cn ai fait qu'uue sculo ,
et on me déclare plus coupable, paree que je n'ai été coupable
qu'une fois. Si la Conr devait se rcndre a une si étrange 10-
gique, que faisons-l,I0us dans cette enceinte ? Avons -nous des
juges' et devons-nous parler encare a leur raison et a lenr
conscicnce ? Pourquoi nous retirer des donjons de Vincennes;
il fallait nous J envoyer des excuteurs et nous condamner sans
nous entendrc. Si pour étre coupable il faut avoir fait deux
choses, et qu'on soit plus coupalile pour n'en avoir fait qu'uue
scule , alors il taliait écrire sur les murs de ce palais : Lasciatc
ogni speranza coi che enlraie che enlru te , il n'y a plus d'cspé-
rance dans cette cnceintc.




unanrrnc.


Le déf~lIseUI' revient. de nouveau sur les circonstances qui
ont pl'écédé et accompagné les ordonnances, et sur la constante
opposition de son ,dient. Si ses conscils avaiont éte écoutés ,
lui seul aurait détourné de gl'ands malheurs ; mais son avis n'a
pas prévalu. Quand M. GuerIlún de Ranvif/ese voyait seul de
son par-ti dnns le eonseil, il a pu eroire que I'erreur était de
son coté, et que ,ses collégues , qui tous étaient d'un avis con-
traire , comprenaicnt mieux que lui la nécessité de la poáition.
Son adhésion au dcrnier moment fut le résultat d'une majorité



Qu'on se.rappelle , d'un cóté , I'oppositioninébranlable et sys-,


tématique d'un député , lorsqu'un des membres les plus éloquens
de la Chambre était disposé a rejeter de la part du ministere les
mesures les plus urgentes etles plus liberales, en s'écriant:
'I'imeo Dnnoos , el dona ferentes, Rappelez-vous l'inébranlable
volonté du Roi, quí voyait son tróne menacé ; représentez-
vous l'unanimité du conseil luttant centre M.' Guernon de
Ranville,' et jugez s'il n'a pas pu croire que seul il se trompait.
Des-Iors ila cédé , il 'a.,dollné sa lI~nature.· ','


Toute la vie de M. Guernon de Ranville dépose que cette fa-
tale signature ne fut :q'l'un mpment d'erreur de son esprit ou
une concession de son eceur.
• Que reste-t-ul maintenant 7 Les suites funestes des or-
don nances ! C'est la que I'accusation triomphe. Elle fait cricr
centre llOUS le sang versé, et toute la capitale mise en état
de siége. _


Mais iei la coriduite de M. Guern.de Ranville porte sa
justification : .jI propose des, proclamations; il réunit les
maires; iI veut faire révoquer les ordonnances qu'il a tant com-
battues, et quand tout est fini: plút 'au cid ,ecrit-il a
M., Courvoisier, :que rnoi 'aussi j'eusseété frappé d'une baIle!
Ainsi °ileút préfé. mourir que d'avoir assisté átant de scenee
de douleur . • '


.I'ai demandé en comrnencant l'indulgence de la e,our; et en
rr. 34




<'lld, tout Olvail été examiné avant moi , tout approfondi par
les itlustrcs défenseurs qui out parlé avant moi; jc rr'avais
qu'un seul point a fair-e valoir , je vons I'ai soumis, Vous avez
entendu I'accusat ion et la défense; le ruoment est bientót ven u
de délibérer si l'a~cusatio~ est fondée, ou si la défe~se I'a
anéantie. C'est la: ce que vous peserez dans votre haute équité.
Quelle sera la décision? Je n'ose pénétrer dans'le san~tuairede
vos conscicnces : -mais s'il m'est permis de pressentir votre di s-
position , fai lieu d'espérer que vous ne penserez pas que mon
client ait enfermé dalls'son cceur des projets de trahison. Un
instarrt de faiblesse, sinonjustifiée , au moins excuséepar ~es
circonstances qui l'ont accompagnée , mér-ite , non pas votre
indulgence, mais une justice entiere, M. Gucrnon de Ran-
ville n'est pas dans la position ou l'accusation a voulu le
placer.


Un autre devoir m'est imposé : c'est de pOI'ler votre attention
sur les conséquences de votre arrét,


Nous voiei loin, bienIoin dansla posté r-ité. (Ici, la voix de
l'orateur commence a' s'affaiblir.") Un étranger ~9.rcoul't les
lieux ou furent Pari~, 'porté par cette curiosíté studieuse qui
nous fait visiter encere les ruines-d'Athenes , de Sparte et de
Rome. Cal' Paris révele des souvcnirs de gloire, de beaux-
ar-ts , de grandeurs ,. comme ces ,trois villes célebres. II n'est
plus; ce n'est point une invasion étrangere qui l'a frappé, cal'
la population quí combat pom la liberté du sol se leve tout en-
tiere et demeure invincible; c'est une de ces SL.ousses du globe,
un de ces cataclysme,*«ut apparaissent a de rarea intervalles
dans les siecles , et qui engloutissent tous les thonumens hu-
mains. L'étranger, donduit par UD guide, parcourt ses ruines
gloricuses; une colonne frappe ses ~egards : Tu vais, lui dit
son guide, la gloire d'une grande nation. Vais plus loin , lá-
has, celle de la liberté. Il le conduit au Pan.éon, lui montre
les noms de Manuel, de Foy,' de Benjamin-Constant , ces
grandes illustratious de notro époque. L'étranger admire,




'/


( 531 )
mais son guide lui dit avec tristesse .Cette liberté a coúté bien


.. .
des plem's. •


(Ici la voix de l'oratcur séteint, ses genotix·faihlis-
sent, il tombe sur son hanc : on s'empresse autour
de lui, mais Ü s'évanouit et il est transporté hors de
la salle. La séaneereste un moment suspendue, )


.Me Sauzet s'approche aussitót de MM. les com-
missaíres , puis de M. le président , avec lequel iI
s'entretient quelques .instans. M. de Ml'lrtignac', qui
avait áccompagné Me Crémieux hors de la salle,
rentre bientót , et recueille les papiers de son con-
frere, restés sur la harre de l'estrade. Il est suivi de
Me Hennequin, qui demande et ohtient la parole.
(Profond silenee. ).


lJ-l· Hennequin, Aumoment OU M. Crémieux s'est
évanoui, préoeeupé .dir grandintéret qll'}\' avait a
dMenSlre, il a eu cependant assezde force pour me
prier de dire ala Conr qu'il avait fini. Je remplis ses
intentions en prévenant la Cour.


M. le président. M. Guernon de Iianville a-t-il
quelque chose aajouter pour sa défense?


M. Guernon de' Ram/me. Non, Monsieur.
M. le président. Laparole est a MM. les commis-


saires dela Ghambre desDéputés.
. M. Bérenger se leve et prononce avec gravité le


discours suivant:


Pairs de Franee ,


Dana-le partage des' devoirs que les eommissaires deJa
qlarnbrc des Députés sout appelés it remphr auprcs de vous,




( 53'A )
i1 m'est reservé' celui de discuter les questioris générales ; poli-


. tiques et préjudicielles cru' ont été souievéés dans le commtm
intérét de, la défense des ex:ministres. Le soin de restituer
toutel~ur force aux preuves [udiciaíres ~i abondantes , si vi-
vantes dana eeUe ca~se mémorable appartiens a'un autre de
m'és€oJlegues :, ce soiu aceomplira notl'e't'ache, .


Devant ,un tribunal moins éclairé , devanrdes juges qui se-'
raientplus susceptibles des'abandonner aleurs preinieres'¡m-
pr~ssio)ls, nous poun-ionso-edouter que le ~odigieux éclat
répandu sur ~ défense par le talent de' ses orateurs ,' n'eüt


• dislrait vos esprits du véritabl~ caractere de cette accu-
satíon.· .


-Mais en présenco d'événemens sur lesquels iI est impossible
que vcspensées ne se rcportent pas douloureusement et tou-
jours , u',autres ~~éoccupation.. pourraient-elles faireper,dre de
vúe ce qu'il y a de reel dans les attentats auxquels ces débats
áj~utent ti\u! 4e'grav.jt éJ , ... .' '
, 4~t;~,¡r;W~~v~..d'~e, Ili?~plreu~e étoquenee;
ina)gré ,tant Il:.effortl\ pour 1dténuer des actes 'c.\'un~ Cri,mina-
liti si 'éviden'te, I'accusation dem~ur~ ce qu'elle étatt; rien
u'esf changé dans lá'situatióh des ancicns ministres envers le
pays,


Si vous te p0'~éttez, Messieurs, un, coup-d'oeil' rapide sur
les considérations élevees dont la défense '!l'est appuy~e~ DOU$
facilitara 11:1 moyende les apprécim; aleur valeur. '


, " Leaévénemens dont la Franca a.été ,le théátre depuis 1814 ,
o~t été présentés comme ayaJ¡lt amené entre le p~u}¡lle et le
monarque une division qui devait produire Tes pius tristes


, ',<f
fruit.: in'fUiétude de part et d'autre ; ·défianee respective; op-
pesition d'intér~s'; exigeoees populaires qui am.enent les eón-
'cessions donnéesáf-egret ,; vif desir de reprendre ces conces-
sions; telle a été, (lIt-on , la ~sition respective du tróne et de
la nation, telles sont aussi Ies causes qui ont produit leminis-
litre du 8 am'H.·




( 533 )
Ce ministere , a-t-on aiouté, n),vait pas eu dahord le projet


de conseillcr a la couronue des eoups d'état; il ya été conduit
,pal'les événemens successifs .: i~s ordcunaéccs du 25 juillet ont
été l'accompÍissement' nécessair~ 'de·conditions '\I~xqtlelks ce
ministere ne s'étaitni volontairement l)i·sciemment soumis en
entrant auxaffaires, maisqui luiétaient imposées par Ianáturc
méme des choses. ' '



, Les ordonnances préscntées sous eet aspect et comme 'le pro-
duit d'une sorte de fatalité , 1<). défens~ politique des anciens
ministres s'est circonscrite dans deux moyens priocipauxv Elle
s'est attachéeá établir quel'accusation était iuadmlssible 'et pon
fondée.


Tnadmissiblc, paree que la chute de' la dynastie ayaut détruit
les eonditions dü PFoces""cel,ui-ci n'avait plus ni canse légale)
niobjet, ni intérét ; paree que l'invioJabilité du Roi nayant pas


tt été respectée, les ministres nc pouvaient étre soumis a aucune
responsabilité : pal'ce qne la cour des puirs ayant subi une sorte
de récusation en mils~e aupr~jllllice des accusés, pal' la s,uppres-
sien de ceux de ses Jl\e~h!,~& nommés flendan.tJIl 'r~n~.c;le ~har­
les 'X, et la constitútion iI~Tmiáble de cctt~ conr étant en ques-
tion devant les accusateurs. cux-jnémes ; on peut dire que la
canse n'a pas dejuges, cal' la Chambre des Pail's ayatrt seule [u-
ridictíon, on ne pourrait l'cllvoyer aun a lit re tribunal.


Ainsi , Meesieurs,' la défe~s'e' prétendrait détruirc jusqu'aux
bases mémes de I'accusation. Absenee deresponsa hilité et con-
séquemment de criminalité de lapart des ministres; absenee
d'intérét de la part de la Franee a les poursuivre,' absenee de
juges. Un arrétd'absolution, ou tout au moins d'incompétence,
serait la conséquencc de Ce premier moyen.


La défense a aoutenu que I'accusatiou était mal fondée ; car,
a-t-on dit, lea ministres onhpu croireque l'art: 14 de la Chartc
autorisait la Couronne, dans les circonstances graves, la suepen-
dre les lois et l'empire de' la Charte clle-méme ; 'si c'était une
err-eur, elle ét~it partagée par de nombreuses et ímposnntee au-




( 534 )
torités, Or, jamáis circonstances commacderent-ellee plus im-
pér-ieusementIe re?ours ades llloyens extraOl'dinaires? L'oppo-
sition était violenteet.syetémqtique ; le ministere du 8 aoüt ne
put ,syrÓp$thiser avec la Cha:nbre des Députés; elle rcfusa de
I'entendrex les élections nouvelles renvoyércnt la meme Cham-
bre;'i1'y avait non-seulement. impossibilité de marcher,il y
avait .danger de céder; le pouvoir était avili ; les journa~x con-
stitutionnels proclanrent eux-mémes qu'une conspiration était
flagrante contre lui.


En admettant done I'crreur du ministere sur le' véritable sens
de I'article 1"4 de la Charte, tout leur commandait d'agir comme
ils l'ont fait; mais l'erreur n'est pas un crime, et ils ne ]?rmvent
en étre punís:


Ici , Mcssieurs, onne conteste plus qu'il y a eu crime; .mais
00 le représente comrne le fruit de I'crrcur-, comme le produit
des circonstances les plusimpéricuses, et conséquemment comrues
excusahle. »,
'. L'ordre rolit~quede la défense t.r~e natureliement celui de
larépiiqu'e':Nou~no~ls yat:tache~on8 en é~n~J:lt toute digres~iol;l
qui serait étrangére et conséquemment inutile.


Serait-il done vrai que cette aecusation nationale n'eút plus
de cause? Serait-il vrai qu'urie grande nation qui se plaiut n'eu
cut pas de motifs, et que le ministere im~sant que nous rem-
plissons fút sansobjet ?


Eh quoi! paree qu'un attentat aurait profité a une cause, ,1
dc'vr~it t1tre impuni !


Mais la niorale puhlique peut-elle admettre cette distinction?
Mais un tnibunal SlÍvere el cependant juste peut-il l'accueillir
sans manquer a la-société de qui il tient ses pouvoirs? Non,
Messieurs, e'est a~ nom-de eette morale publique que la patrie •
réclame, c'est en son nom que vous peserez avec équite la cul-
pahilité des actes que nous: vous déférqns. Nous vous oIJCns8'-
nions si nous vous prétíons Ie desscin de rcchercher jusqu'á quul




( 535 )
point ces actes ont fn.orise un orare·aeenoses d1i'térent de ce\.\\\
qui existait lorsqu'ils out été commis,'


L'autre considération qui se liea éelle-la Dep.eut pastrO~lYer
plus de faveur aupres de vous; et, en effet, vous ave.z da etr4J
frappés du d¡;¡ng~ qu'H y aurait pour la stabilité des,institu-
tions, si la doctrine qui /# été plaidée re1ativement ala ,respon-


sabilité des ministres, pouvait etre accueillie. Selo« Cettfl dq.c-
trine, la nesponsñbilité ne se mesurerait pas sur la grandeur du
mal qu'on aurait fait, elle s'affaiblirait au contraíre, en proPQf'-
tion du péril dans Iequel on aurait mis.leyays et 'la monarehie?
Aiusi, plus l~ crime des ministres serait grand, moinaeux-
mémes seraient coupables , plus ils auraíent de torts, ~oius ih
mériteraienl- de.punitioñ? Ce n'a 'PII etre. sérjeusementque ,dl;
sem81able~ assertions.ont été produites.. •. .


La théorie ,d(l la responsahilité ministériclle est simple: la
monarquc ne pcut faillir; secandc providence, souree de tout
ce qui est bien, dispensateur des graees et des r-écompensesjs'Il
doit étrc aecessiblf aux récl'1:I11atip1W. et aux plaintes des ci-
toycns, leurs ~eproches.~epeú~ent~IOOjS l:¡ltt~ind~e; J!'! ll!!11
no Iui estpoint imputé;' les ministres 'seuls répoudent de ce
qu'iJ y a.de répréhensible dansIes acles de son gouvernemcDt,
el Ieur responsahilité est une condition comme nne g"rantie de
stahilité.


Veut-on atténucr les effets de cette responsabllité ?AU6sitot
les plaintes, 'les reproches changent d'objet; le rnonarquedevjent
coupable ; c'est a!ui qu'on va demander compte, c'est lui qui
des hauteurs rHI iJ se trouvait placé, va desqendre au role te
plus humble.:obligé de se justiíier, il est. douteux qu'il y réus-
sisse. Dans tous les cas, il se dépouills de sa dignité, et voit se
dissiper dans l'esprit despeuplea les salutaires illllsiollsa travers
Iesquolles soupouvoir apparaissait : ce re,speet qui l'env:iroo-:-
nait, ce culte presquc religiel1x qu'on ~vait pour lui s'éyunoui-
ront, ou si l'on respecte encore J'homme, on ne respe~~era pI\!$,.
III monarque; , '.




( 536 )
Oui, Ia défensc a curaison dedire que le principe de la res-


ponsahili té des ministres se lie ~ celui de l'in~lité.du sou-
verain ; I'unest effectivement la conséquence de l'autre : seulc-
mcnt la d,éfeme argl~lJIente centre la loi qui consacre ce principe,
loraqu'elle prétend y.trollver une exception Hans la circonstance
de la chute du tróne. Une exccpt ion f Et pourquoi? Paree que
les plus funestos consoils ont produit la catastrophe la plus im-
prévue? Si Charles X: eút cédé aterns, si la cOl!I'onne ne fút {las
tambée de sa tete, quelle serait sa situation envers ses minis-
tres? Ne leur dernanderait-il pas compte lui-mémq du péril dan s
lequel ils l'allraient mis? Dans tous les cas, pourrait-jl empé-
cher la nation de leur demander ce cornpte ? Pourrait-illes sau-
ver?¡Lemoll~ql1.e déchu ne se plaint pas, dit-on ' Mais d'abord
le pcut-il? Peut-on supposer d'ailleurs que du fond de sa re-
traite, méditant avec amertume SUl' les événemcns, il en ahsolve
ceux <lui en sont les auteurs.


Mais', aprés toút ,eeUe iuviolahilité du prinee a-t-elle été
méconnue? Oh e(meevraitle'syst~m~dela défénse, si Charles X,
re!Bpla~aiíi:'ses:~orlseHtf'r9 .h. eetteba:¡'ie; a~it .arépon,dre 11 une
accusafion personnellement dirigéc eontre lui : ah! sans doute,
des I'instarit oü on lui dirait : C'est vous qui étes coupablo ,
c'est'sur VOIlS (jue la vengeance des lois va tomher , Hui nutre
ne pourrait avec justiee partager la punition qui lui serait
réservée.


Mais I'inviolabilité du prince n'a pas cessé d'étre respeetée;
en quittant leroyau/ue, en traversaut des populations [ustcment
i~ritées, Charles X n'a re~ll d'elles que des égards; il a été
traité en Roi déehu , dont la dynastie ne peut pluarien pour le
bonheur de la France , mais non en criminel; le hon sens (le la
nation a résel'vé toute sa colere pourdes conseillers coupables,
elle a cornpr-is qu'eux seuls devaicnt rép.mdre du mal qui avait
été fait: c'cst leur responsahitité qui a protégé le départ de
Charles X, c'est elle <¡ui l'a sauvé; sans elle iI eút été retenu,
on ne l'eút pas laissé quitter la France , sa personne n'eút pa&




(,531 \
été respectée , sa vie pcut-étre e~lt couru des dangers. Et c'est
lorsque la rcligieuse observation de eette condition du GOtiver-
nement représentatif a été 'si ~avor,!ble au dernier Roi, c'est
lorsqu'elle l'a garanti dans sa vie, dans sa liherté , je voudrais •


': di dan h l"·' '1pOUVOlr n-e s son onueur , que es munstr-es accuses e ier-
cheraient a en -répudicr les elfets! Ah! Messieues , .attachés a
lenr ancien monarque, qu'ils béuissent au contraire une doc-
trine qui l'i'samé! '.


Maisl'Jourraient-ils avec plus de. succes , máintenant que sa
personJle est en súreté , rejeter sur lui tous les maux qui ont
accablé Par-ís el la France , s'excuser de la part qu'ils )' ont
prise sur leur dévoúrneut aveugle , sur leurobéissaoce ases vo-
lontés? '


L'accusation s'JM'pressera d'entrec d~h~ cettc nouv~lIe voie
ouverto á la défcnse, qu'oique, pal' un sentiment qu'elle.aime a
rcconnaín-c houoruble , les auciens ministres aient évité de
eompromettre le nom de Charles X, et' aient plutót laissé de-
viner qu'ils n'ont avoué la .éyérit~ de ses ordres, l'opiniátreté
qu'il msttait ace qu'Ils ,tus~ent ~écl1lés,.et enfin l'ir~ésistíhle
iníluence qu'il exercait 8U\' eux.


Oui, Mcssicurs , il est affligeant de l.e dire , mais il faut que
la France le sache ,tout seml:,¡fe coneourir a prouvel' que les
ordounances de juillct , et surtout les événemens qai en fUl'ent
la suite , étaient dans le vceu du der-uicr RoL Mais en admet-
tant , mais en reconnaissant toute la pal't qu 'a a personnelle-
ment prise aux événeinens; en admettant l'oppresion morale
qu'il a exercée sur ses ministres, ceux-ci seraient-ils moins
coupables '}


Exécuteurs de,ses ordres , instrumens de se~ volontés, ponr-
raient-ils éviter le reproche de complicité et la peine qui y est
attachée? Est-ce sous un 'gouvernement constitutionnel qu'on
prétendrait faire substituer au principe de la responsabilité ce-
Iui de l'obéissancc passive ?


Le Roi l'a voulu , dira-t-on, il l'a exigé, il n'était pas per-




( 538. )
mis de I'abandonuer daDs ces fatales oceu\'\'enCei, nlOUIICUI'
de 9elS ministres y était engagé. Mais pense-t-on ,Messieurs,
que si ceux qui lui montraient Unsi aveugle dévoüment , aprés
lui voir reprisenté qu'il violait ses sermens, et lui avoir fait
conuattre tous les maux qu'il allait attirer sur le pays, lui eus-
sent rendu leurs portefeuilles, pense-t-on, dis-je, que cette dé-
marche ne I'eút pas éc!airé? Et si un seul d'entre eux, si celui
mérne qui jusqu'au dernier instant parait avoir combattu les
ordonnances de juillet, eút eu le courage d'accornplir ~ntiere­
ment ses devoirs en se' retirant, croit-on que la dislocation du
consed ,.occasionnée par sa retraite, n '~út pas détourné le coup
funesto qu'on méclitait contre nos institutions ? (M. de Pey-
ronnet reste immobil~:) .,


Si nous remontons a cette époque déja éloignée de notre his-
toire, no LIS voyons un granel ministre répondre dan s une oc-
currence semblable: le Reprenez VOS sccaux , je les ai acceptés
» av~c 1'intention d'en faire usage ~our le bien de Votre Ma-
,. [esté el le bonheur dj! 'VOs suj~s, je De puis les ~arder s'il
» ,faut les employer ;réb05es'~on-faisable's. » .'


QueIle gloire se fussent acquise les ministres de Charles X
s'ils eussent tenu ce noble ~an'gage et imité cctte belle action !
Quelle preuve éclataute de fidélité ils auraient donnée a Ieur
roi ! au lieü de cela, voyez ce sceptrc brisé de leurs mains; ces
victimes nombreuses dont les manes gémissalls ont paru les
poursuivre jusqu'au milieu de ce sanctuaire ; ce vieux monaI'-
que qui leur avait confié avec son autorité, le bonheur el la paix
de son regne, obligé de fuir el d'allcr montrer son frout hu-
milié acelui des peuples de l'Europe qui pardonne le moins
facilement ases rois la violation de ses sermens , el chezlequel
conséquemment il a dú trouver le jugement le plus sévere; en-
fin ce malaise qui nous tourmente, ces terr.eurs qui s'emparent
de tous, que nul ne peut définir et qui néanmoins se rapportent
toutes aeux; comme s'il ne leur suffisait pas de tous les maux
(Iue leurs funeetes conseils ont attiré sur le pays et qu 'il leur




• ( 539 )
fallót y ajouter encOI'epar leur présence au milieu de nOIIS, '(,t
par la néeessité qu'ils nous imposent de leue en demande¡'
eompte.


Si e'est la Ieur ouvrage, ah ! on vous I'a dit , c'ell¡1; aussi leur
suppliee. Mais ce supplice affreuxpour des h2mmes de cceur,
peut-il satisfaire le pays?, .


Messieurs, le devoir de I'obéissance ne saurait letjustifie¡' a
vos yeux; sous un gouvernement eonstitutionnel cette obéis-


sanee a des bornes qu'un ministre ne peut franchir san s culpa-
bilité; il est utile, il est salutaire qu'une grande lecon soit do~-, '
née, qu'un exemple sévere soit fait , ¡our que désormais nul
ne soít tenté d'obéir lorsque ce qu'on exige de lui est contraire
aux lois. S'il pouvait y avoir impuniité ponr de si coupables
~ondescendances, iI n'y aUl'.lit plus de Gouverncment eonsti-
tutionnel possibJe i iJ faudrait se résígner ou a vivre sous le
despotisme le plus absolu ou avoir ehaque [our surgir de nou-
velles révolutions, _


Les Rois feront toujours le bien lorsqu'ils seront dansJ'im-
possibilité de trouver des instrumens disposés a'les seconder
dans le mal; e'est done avous, e'est avotre j ustiee qu'il appar-
tient de fonder par votre arrét le principe de la responsahilité
si sagement introduite dans nos lois.


Mais, Messieurs, 'etes-vous- bien jugea compétens? Vous
l'avez entendu , on a táché d'effraycr vos eonseiences sur la
nature de vos pouvoirs; on a meme voulu que vous doutassiez
de votre índépendance.


Heureusement que la défense n'a jeté ces doutes dans vos
esprits que pour arriver a vos coeurs. Elle s'estbien gardéed'en
faire un chef de couclusions , cal' elle s'affliger. de rencontrer
Q'autres juges, et cela nous dispense de discuter sérieusement
une question a laquelle les anciens ministres n'ont pas'attaché
une importance réelle,


Apres cette révolution inattendue qui fut leur ouvrage, la
ChallYJre des Pairs , íl cst vrai , n'a ras été al'abri de l'ébrari-




( 540 ) ,
lemcn t généI'al ; ií est vrai encare (¡U'elle sera appelée ellc-méme
adiscuter plus tard l~s bases de son existence constitutive;
mais dites-nous si vous étioz libr, ~ du choix de vos juges, dans
quel autr, tribunal vous espéreriez trouver plus de di.gnité,


.plus d'indépendgnce , plus de cette sympathie pour le malheur
•qui n'exclut pas Ia justice?


Ah! laissous ces considérations , qui ne peuveut avoir d'autre
avantage que celui bien dangereux de tout remettre en questiou
et que la cour , dans sa haute sagesse, a déja su apprécier.


C'est dans le méme objet qu'on a jeté quelques critiques SlU'
les pouvoirs que la Chambre des Députés s'est attribués dans
1,· . d ,. bl' .msteuction e ce memora e proceso


Commissaires de cett~hamb~e, honorés de la mission qne
nous tenons d'elle, elle nous blam"erait si nous croyions devo1l-
justifier ses résolutions : lorsqu'un des graríds pouvoirs de
I'État agit dans les limites de sa constitutions, il a la conscience
de ses aetes, iJ.n'en doit compte qu'au pays, il ne reconnal.t pas
d'atItre jug~. '. •


Apres céla , "fE! doute que jamais accusés aieut trouvé,ph,ts de
garanties; je doute que de grandes infortunes aient jamais eté
l'objet de plusrr'égar-de : nous en appel1erions a ux auciens
ministres eux-rnómcs pour rendre cctte justice a I'accusation ,
Elle a procédé avee lenteur ¡ elle a procédé sans colere ; elle
savait entin qu'elle agissait au nom d'une nation 'qui veut , qui
demande la justice, qui a droit de I'obtenir éclatante, mais qui
u'assouvit pas des vengeances.


Ainsí, Messieurs, s'évanouit cette partie politique et en quel-
que sorte préjuelicielle de la défense, quiavait pour objet ele
faire considér' I'accusation comme inadmissible.


La seconde partie repose, nous l'avons dit , sur un autre
orelre d'idées ;' les anciens ministres se supposent maintenant
responsable de leurs aetes; sans r-enoncer ji la situaticn de
vaincus, dignes d'intérét et de pitié, ils aceeptent le role
d'accusés , et ils elisent : « La monarchie était en péril; lert, 14




( 541 )
de la Chaete 1l0US offrait les moyensde la sauver ; si nona avons
douné acet articleun llena trap étendu, c'est une erreur (Iui
était parlagée.par d'imposantes autorités; mais l'erreur ne peut
pas elre punie eornmc le serait un crime,


Iei, Messieurs , toutes les prétentions de la Restauration
se raniment ; mais , raSSUl'Ol1S-JlOUS, c'est pour la derniere
fois.


Oui, nous avouons que, depuis q,uelques années surtout , .
un petit nombre d'hommes qui s'efforcaieut de pousser le gou-
vernement ades moyens extremes, prétendaient que les coups
d'état étaient autorisés par cet arto 14 : les'imprudens u'aperce-
vaient pas tout ce qu'il y avait de funeste dans I'usage qu'ils
prétendaient en faire!


Mais, disons-Ie aussi , le gouvernement n'eut jamais la
conscience du pouvoir excessif qu'on voulait que cet article I~li
concéd:1t i OU du moins 11'osa-t-il jamais en faire l'aveu officiel
et publie: alors méme que depuis l'événement du ministere
du 8 aoút les journaux, organes de I'absolutisme, le conviaient
aux .cuups 4'état, et. lepl'ovoqtiaient. a se saieir de la puiesance
constitufivo , le gouvernement faisait.démentirpar ses propres
jour-naux les,projets qu'on lui prétait : il faisait publier qu'il
entendait la Charte tout autrement, qu'il Yserait íidele , et il ne
négligeait aucunes protestations pOllr rassurer la nation a cct
égard. .


Serait-il donc vrai que Louis XVIII, auteur (le la Charte,
eút entendu donner a l'article 14 taute J'étendue qu'on luí
suppose?


On a rappelé J'origine de cette Charte : ce ne fut pas un pacte,
a-t-on dit; elle prit sa source dans un droit antérieur et divin;
'elle fut octroyée .... HéJas! Messieurs, sans s'en .douter, peut-
etre, la défense, enpeu de mots ,vous a expliqué le vice fon-
damental , la cause premiere qui, seize ans plus taed , devait
renverser cettemonarchie fondée sur une baseaussi faiblJ que
douteuse.




( 5['2 )
Oui , ce fut une des erreurs constantes de la plupart des


hornmes quí entouraient le tróne , que la Charte de LouisXVIII
n'était pas un contrat, et conséquemment que la méme main
qui l'avait donnée pouvait la retirer , la modifier ou la suspell-
dre, Ce fut cette erreur qui rendit la nation méfiante envers son
gouvernement, et qui Iui fit craindre sans cesse de perdre les
garanties qui lui.avaient été données,


Maís ne seraít-ce pas· faire inj ure ala mérnoire du Roi-légis-
lateur cJue de lui supposer la pensée qu'il ne regardait pas la
Charte comme un pacte véritable entre lui et la nation? Ne
serait-ce pas I'outrager , lorsquon lit dans le préambure ces
paroles memorables: ce Súrs de nos intentions, forts de notre
» conscience , nous nous engageons, elevant l'assernblée qui
II nous écoute, áétre fideles a cettc Charte constítutionnelle,
1I ~ous réservant d'en jurel' le maintien, avec une nouvelle
» solennité , devant les autels ele ce!ui qui pese dans la méme
)l balance les rois et les nations, »


Et quelle était cette assemblée devant laquelle Louis XVIII
contractatt un t.el·engagement? C'~it celle qui représ&nt~itla
nation, qui acceptait pOU1" elle, qui jurait en son ndmobéis-
sance el fidélité , acette Charte que le monarque considérait luí-
mérne comme le vmu de ses sujete el l'eepression il' un besoin
reel:


Effectivement et aussitót , les adresses dé la Chambre des
Députés et d~ la Chambre eles Pairs ajoutent ala puissance du
contrat par une acceptation solennclle, Aussitot un serment
commuu-unit el líe le mOllarque envers le paJS et la nation


..
envers IUI,


Dix. mois apeine s'écoulent, le tróne est menaeé et la France
envahie, moins :par la force que par la puissance d'un grand
nora et de ses glorieux souvenirs ; Louis XVIII se háte d'expli-
quer a la nation armée quel est le caraetere et la valeur de ce
contrat, dont alors , comme aujourd'hui , on conlestait l'ori-
!)ine et la source.




( 543 )
su J ¡lit que la Charte est son oUHage llbre et personnal, le


résultat de 80n expérience; il a soin d'djouter qu'elle « est le
» Iien commun qu'il a voulu donner aux intéréts et aux opi-
) nions qui ont si longtems divisé la France: » 01', eemment
"lit-clIe pu étre un üen entre les intéréts et les opinions , si elle
n'eút pas été un contrat pOUI: tous?


Cbaque fois qu'il en a eu l'occasion , Louis XVIII a repoussé
les étranges doctrines qu'on lui prétait , et Charles X, lorsqu'il
monta. sur le tróne , jura 'sur lesautels et sans restríction d'ob-
SITVel" le pactejfondamental ~qui:renfermait ses devoirs envers
le paya.


On concevrait qU'UDC Charte püt attrjbuer aux divers pou-
voirs de l'état réunis", la faculté de suspendre pOUl' un tems
l'empire de la constitution , de créer unt dictature, de revisar
les articles que l'expérience pourrait faire juge~angereux ou
incomplets; Ies meilleures constitutions sont celles qui ren-
Ierrnent a cet égarcl des dispositions salutaires, mais "elles


. '
exigent pour cela le concours des divers pouvoirs , elles
soumettent meme. c~pouvo¡¡'s a'~I'ohservatioIÍ' de- fOr.Jnes--Té...
gulieres qui garantíssent au pup que la sagesse sera con..
sultée , et que les institutions ne seront pas ébranlées par
l'inexpérience, les passions ou le caprice du pouvoir et des
parti~.


Mais admettre que I'un des treis pouvoirs recoive d'un article
obscur une fal;&lté~ aussi extraordinaire ; admettre qu'il sera
scul jugé de l'opportunité, de la nécessité, ele l'usage qu'il en
fera ; admettre encore que ce sera précisément celui des treis
pouvoirs chargé de l'autorité exécutive, celui conséquemment
le plus intéressé 11 l'étendre, qui sera investí seul et exclusive-
ment du 'droit d'apprécier eette opportunité, et de se saisir lui-
rnéme de la dietature! Ce serait, Messieurs, admettre l'absurde :
toute constitution qui l'enfer!llera.it une disposition semblable
serait un monument de déception , il porterait en lui-méme le,
principe de sa destruction.




"


( 5{~4 )
L'événcrnent l'a pronvé ; il est la comme UHe grande lecon ;


les ministres de Charles X se sont chargés dcla donner a tous
les peuples.


Mais lorsque l ..ouis XVUI cut rédigé la Charte , Iorsqu'elle
cut été aeeeptée par les chambres , el (lu'elJe cut l'éulJi le ser-
ment de tous , si la nati9n sefút dontée qu'elle renfcemait une
c1ause par laquelle le monarque se fút réservé le droit de rentrer
selou sa volonté , dans la plénitude el l'absolutisme de son pon-
voir, croit-on qu'elle ne se fút pas soulevéa contre une pareille
réserve? croit-on qu'elle eút aceepté sans opposition une Charte
aussi imparfaite que dangerense?


Vous le savez tous , la défense ellc-mérne vous l'a dit: la
France dcpuis la révolution avait chaFlgé de face ; génération,
moeurs , rntérets, tout 's'était renouvelé. La partie la plus vi-
rile, la plus .mbl'euse de la nation , nc connaissait que par
I'histoire la Iarnille de ses ancicns rois : les souvenirs qui se
rattachaient a elle, étaient déja bien anciens ; tant d'év:nemen's,
tant de gloire avaient enrichi nos anuales nouvélles , qu'il nous
restaitpeu de sympatlaiel.l0ul" h.:mt ce llui eénioutaitau-delá.
Qu'étaient done les Bourbons ponr nous ? Que disaient-ils a
nos cceurs ? Qu'étaient-ils surtout dans les circonstances peu
favorables ou ils se présentaient. C'était l'étranger, vous voyez
que j'abonde dans le systerne de la défcnse , c'était l'élI'<l;ngeI'
qui nous les amenait; ils marehaient asa suite , et les uations
ne pardonnent gnere aux souverains qui leúr; f¡'I'ivent avec un
pareil appui ; le cOl'tége qui les aceompagnait était (failleurs
peurassurant; co mment espérer quelque sagesse de la part de
tant d'hommes irr ités qui rentraient avec eux 1


Louis XVIII n'avait done et no pouvait avoir qu'un seul
titreaux yeux des Francais. Ce titre allait dissiper lespréven-
1ions , ealmer les inquiétudes , il promit , il donna la Charte, et,
confiante daos les garanties que lui ofi'rait un tel pacte, la nation
~e háta d'y adhérer.


Mais au milieu de telles circonstances , si la nation se f(1t




( 545 )
aperc;:uc oe l'intentiou que depuisou a supposée a Louis XVIII,
croit-on , je l'ai déja dit, qu'il y eút en de sa part sonmission et


• ohéissance? Cette France, que l'étranger, malgré ses no m-
breuses armées , respectait, redoutait jusque dans sa dé-
faite, aurait-elle souffert patiemment qu'on I'eút trompée ace
point?


Messieurs , pour l'honneur de Louis XVIII, repoussons
l'imputation la plus triste qui puisse affliger sa mémoire.


Mais , dira-L-on , quel sen s donnez-vous done a l'article 14
de la Charte? la réponse est facile; ce sens est clair, il se pré-
sente naturcllement al'esprit, ti n'exige aucun, commentaire.


L'articlo 14, en accórdant au nionarque le droit de faire les
réglemens et les ordonnances néeessai;es pour l'exécution des
lois et la súreté de l'état, se borne á tracer par la I'une desformes
du qouoernement du Roi, cc q ui d'ailJeurs est assez nettement
indiqué par l'intitulé du titre sous lequel cet article est rangé.
01', l'essence de cette forme de gOl1vel'nement est de confier au
monarque le pouvoir de fairedes régl~mensct des ordonnances,
et tou't ala fa.is de lui imposer le devoir.de veiller 11 la súreté de
I;État.


L'obligation de ·ce devoir cút été impossible , si ponr qu'il
•pút le remplir- on n'y eútjoint le droít-de faire des ordonnances


et des réglemens. 01', qui ne sait qu'une. ordonnance et un
réglement n 'ont de valeur qu'autant qu'ils sont conformes aux
lois du royaume ? Qui ne sait que de semhlables dispositions
n'obligeraient pas si elles leur étaíent contraircs ? Quí De con-
nait les nom breux arréts qui, a. cet égard, ont confirmé les
principes de notre constitution ?


Oui , le Roi était chargó-dc vciller ala súreté de 1.'Éial. , mais
en se confoi-mant aux lois du rOJ<1ume; oui, le Roi pouvait
faire des réglcmens ct des ordonnanccs , mais en íant quellcs ne
seraient pas contraires 11 ces lois.· Et enfin , si des cas par-
ticuliers cornmandaicnt des mesur-es oxt raor-dinaircs , il faliait
que ces cas fnssent ~raves ; quils oxposassent l'I~tat aHl1 péril


I J. 35




( 5!¡6 )
inrminent , el qu'on Iüt menacé de périr, si on hésitait ayavoir


'reeours.


Deux -fois Louis X VIII a fait usage de ces moyena héroíques :
voyons ce qu'il fit el dan s quelle occurence il se trouvait.


, Napoléon était débarqué sur les cótes de Provence'; les villes
luí ouvraient Ieurs portes; l'armée se rangeait sous ses dra-
peaux.; nulle part on ne résistait; si jamáis péril fut gra.nd pour
la Couronne, sans dome ce fut dan s ce moment ; aussi prompt
'1ue sa renornmée ; Napoléon volait ver s la capital0.,


Que fait le Roi ? Prononce-t-il la dissolution des Charnbres?
Loín de la ; elles étaient séparé~s, illes convoqne et se háte de


• . les réunir-,
Suspend-il les 10í9? Non, il use des 'pouvoirs qu'elles lui


. donnent , et s'il invoque I'article 14 de la Charte c'est pomo agir
dans le ccrcle qui ]~i est tracé. A la vérité , au lie~ de considé-
rer Bonapárte comme un souverain étranger quí luí apporte la
guerre, il Ie déclare traitre et rebelle ; il o¡donne de l'arréter,
de le traduire dfWll1tut;'~ll~l~.guerre. et-de-provoquer
centre IUI l'application des peines prononcéés''Pa¡'ialai ;;il. 01'':
donne également de ponrsuivrc ; traduire et punir ceux q~li
l'accompagnent dans son invásion , aiusi que les fauteurs et ,
complices de rebellion 'et d'attentat, tendant a' changer la
forme du Gouvern,ementet aprovoquer la guerre civile, H veut
en fin que ceux q,ui , par discours ou écrits provoquent ala ré-
volte soient égalcment punis, mais comrnent? Con.formément
aux dispositious de l'article 102 du Code pénal.


V oilá puur la l'épression de I'invasion et de la révolte, V oici
les moyens d'action emploJés pour I'arréter : tousles militaires
en semestre et en congé limité SOl1t rappelés et ont ordre de
partir sous trois jours; des escadrons , des hataillons sont for--
més; Un appel est fait aux gardes nationales ; la garde des placea
fortes, des éta'blissemens civils et militaires leur est confiée. Les
cons~ls~bénéraux sont assemblés pour demeurer en pe¡;ma-
nence. 011 prcserit de poursuivre les cmbauchours', et c'est


"




.'
( 547 )


encore une loi de ¡'État, cel~.de nivose an 4, dont on ordonna
l'exécution. Enfin, au lieu de susperidre la t:harte, écoutez ces
dispositions d'ordre et d'unian de l'ardonnance du 9 mars
(article 9) : « Nous voulons que la Charte 'c,pnstitutionnellc


» soit le point de dlliement et le sigue- d'allience de tous
) les Francais. JSous 'rllgarderons cornme nous étant seuls
» Yérítablement affectionnée , ceux qui déféreront..a' cette in-
» jonction, » --


Voila ~ MessielÍrs, commerit Leuis_XVIII entendait 1'art. 14
de la Charte. Nous le demand~ns , ya-t-il rien la qui ..essemble
aux circonstances et aux mesures de juillet?


Ce fut ason retouc'de Gand que, pour la secondc fois, le
monarque se crut obligé de recourir a des mesures que la situa-
tion des choses pouvait autorisor. . •


JI rentrait au milicu des plus vives ir-ritatious ; il rentrait ,
ramené encare par l'étranger; son gouvern'ement avait fait des
fautés., il I'avoua noblement; plais ilcrut qu'il avait deux de-
voirs a remplir; celui de calmer les espritsen ajoutant ¡¡ni Ii-
bertés de la France , et celui de punir la rébellion.


Il aecomplit le premier de ces devoirs par sop-erdonnancs
du 13 juillet 1815; de nuuveaux colléges furent réunis, des


•électeurs J furent ajoutés, m~is ce lie fut point par une dispo-
sitien nouvelle, ce ne fut point en vertu del'article 14 de la
Charle,'qui n'est pas méme une seu le .fois cité dans l'ordon-,
nance , ce fut conformément aux regles de l'Empir c ; ca/si la
Charte consacrait le principe du svsteme élccíoral , elleno le'
réglait pas; le monarque ne trouvait d~ncrien de mieux que
d'exécuter les lois exis,tantes. C'est, Messieul's, cé qui démontre
sur <¡uel fondement repose cette brillante ct ingéniense discus-
sion al'aide de laquelle on a taché de vouspersuader que c'était
par I'article 14 de)a tharte que le principe démocratique s'é-
tait introduit dans nos' institutions; nous ne lui devons pas
une telle reconnaiesance. Cette erreur, qui a pu vous séduire
un instant , est trop évidente pour qu'elle ait besoin eleréfuta-




, J


( 548 )
tion , Enfin, Messieurs, par cetee ordonnancc de juil1et, le


, .


monarque est si éloigné de vouloir saisir le pouvoir constituant,
qu'il se háte d'annoncer que les modifications dont sont sus-
ceptibles divcrS' articles de la Charte, seront soumises ala rllÍ-
visión du pouvoir législatif dans la. prochaine session 'des
Chlnnbres.


, ' .


Louis XVIII, en rentrant en France, punit ce qu'il appelait
la rébcllion par son ordonnance du 24 j uillet" Deux catégories
sont faites , I'une embrasse les· illustrcs génér;ux qui se sont at-


" .tachés ala fortune de Bonaparte ; eeux-lá sont traduits devant
des conseils de guerre, ct y ,Beron! punis conformément aux
Iois : l'autre atteint des hommes dont le Gouvernement redoute
la haute iuílucnce ; mais ceux-Iá seront-ils frappés en vertu de
I'art1eIe 14? Non, Me'Ssienrs! ce sont les Chambres qui statue-
ront sur, leur sort. •


Ainsi, avant l'iuvasion de Bonaparte , cornrne apres ;' avant
son ?ep~rt~ou~Gf1d,cóíD1Jle doepUili¡-()n re!our,L?uis XVIII,
dans la plus grande crise qui pút menacer sa .couronrie ; soit
q'u'il veuille prévenir la sédition et I'cmpécher de s'étendre ,
soit"q1J.\1 éprouve le hesoin de la punir-, et d'apaiser- la nation
en preltant I'initiatjve pour augm~nterses libertés, Louis XVIII
reud hommnge au principe" qui oonferuá la puissance législa-
tive seule , le pouvoir de fairc des actes législatifs : chaque fois
il doone al'articlc 14 de la Charte le véritahle caractérc qui lui
appartient ,


Peüt-étre , Messieurs, rctrouverons-nous encare le carac-
terc de cet article dans les actes des premieres années de la
Restauration; années préeieuses a consulter, cal' le pouvoirni
ses partisans ne s'étaient point encare aveuglés; ils avaipnt la
conscience de leurs promesses et de lell"r~ ser-mens.


En 1814, un pl'ojet de loi sur la responsabilité des ministres
prend naissance dans la, Chambrc élcctive , et est adopté par
elle, (( Un ministre se rcnd coupablc de trahison lorsqne ... ,
~l par des actcs contrcsignés par [ui , il tente de renverser le




:r-:, .
.¡,-------


( 549 )-
» pouooir oonstitutionnel de rune des trois branches de la :guis-


A • • • ..L


» sanee législative. , ,', et lorsqu'il porte atteinte aux droits pu-
» blics des Francais , consacrés et définis par la Charte consti-
») tutionnelle, }) (1) •


Or, Me;sieUfS, qU~1 est le ministre qui aúrait pu faire de
I'article 141'usage qu'on veut qu'ilautorise, saos attenter au
pouvoir constitutionnel de l'une des trois branches de la puis-
sanee législative et aux droits publics des Francais ?


En'1816, un projet de Ioi sur le méme sujet est -proposé a la
. .


Chambre des Pairs par l'unde sesmembres les plus illustres,
par I'un i:Ie ceux que ses doctrines rendaient le plus cher ¡da
monarchie ;l'artiltle adopté deux ans auparavant pa'r laChambre
élective y est textuellement reproduit, (Séance du 10 déce~bre
1816. )


Eníin , ,Messieurs, en ] 8 J 7, la Couronne présentant elle-
méme un .projet si desiré , s'appropril! l'article qui avait déja
pris naissance dans les deux Chambres ; elle ~l'hésité point
comme.on l'avait dé¡.fait; aqualifier coupable de trahison le
ministre qui attente au pouvoir constitutionnel de l'une des
trois branches de la puissance législative. (Séance du :3 février
1817. ) . • .


Voila, Messieurs, comment les Chambres, voilá eomment
Louis XVIII interprétaient I'article 14 de la Charte. Cet ar-
ticIe, qu'00 a soigneusemant retranché de la Charte nouvelle.,
précisément 11 cause de l'abus qu'on en avaitfait.


, .


e'en est assez , Messieurs, sur ce point; et sans doute vous
repormaitrez qu'il fallait la situation extraordinairs dans la.
quelle se trouveht les ministres accusés , pour autoriser, dans
les débats publics, la manifestation d'uue opinion contraire :
opinion coostamment repoussée par toute la France , timide-


. ment avouée par les partisans du pouvoir absolu, .'lui, ehaquc


(¡) Ilésolulion du ¡6 déccmbrc ¡til/¡.


:-:)




l'


'( 5,50 )
fois qu'elle fut énoncée, souleva le p~ys, et que la Couronne
fut toujours oblli;¿e de démentir lorsqu'elle eút besoin de'
calme!' les esprits.
, Siquelques honuhes' parlementaires ont fait entrer- cet, ar-


ticle 14 dans leurs considérations politiques , qu'on pénétre
leur pensée, qu'on examine le point de vue sous lequel ils en-
visageaient Ja question, et ron se convajncra , sans doute,
qu'ils étaient lo in d'admettre qu'une constitution püt renfer-
mer en elle~~eme le príncipe de sa destruction; cal' ir n'y a
pas de constitution la ou un seul des trois pouvoirs e~t autorisé
a la détruire,


Mais., dit-on , il est des tems ou la dictature devient une né-
cessité; et s'il est refusé au monarque de pouvoir s'en saisir,
rÉtat pcut courir les plus gl'abds dangers. . ~


Oui., Messieurs, il ~t malheureuscment des fems OU la ma-
jesté des Iois' a beso in d'étre violée ; temsde deuil', que tout
~OIDm~U~rec,léplp~~,,~<q,~t~~j~~.ie~.~~uresviolentes , ñéces-
saires souvent au sa1ui des états. ',,' .


Maiff cette dictature , qui peut etre juge de son opportunité ?
Est-ce le premier qui s'cn empare? Non, ée serait une usurpa-


. ..
tion , ARome' c'était le sénat qui la conférait : dans nos tems
modernes le concours des trois pouvoírs est nécessaire : chez
~os voiains c'est le parlement qui ,suspend l'habeas coi"pus et
qui confére au Gouvernementun pouvoir illimité; mais dans
ce cas, la liberté de la presse est entiere ; il faut qu'elle éclaire,
qu'elle a~e;tisse, qu'clle tempere ce que le pouvoir conféré aux
ministres a d'ahsolu et d'effrayant pour la liberté des citoyens.
La Cha;te anglaise n'a pas d'article 1+; je ne rechercherai pas
pourquoi. Je ne m'engagerai ras dans eette distiuction entre
une Charte qui doit son origine aune influcnce démocratique,
et une Chal-te que le pouvoir monarchique a seul rédigée; dis-
tinction plus subtile que vrai~, cal' toute Charte est le résultat
d'l;n besoi;l; de quelque part-qu'cllc vienne il faut qu'elle ré-
ponde ace besoin SOllS peine de périr: le pi-incipc sur lequel




55r )
elle repose doit étre l~ durée , la conservation ; si ce principe ,


/ n'importe de qu'elle maniere il cst énoncé ou consacré, manqne,
ji n'y a p.as de Charte, e'est-e-dire ,·pas de regle immuable-,
mala ji ya source triste et feconde de révolutions.


Voila ce qu'eüt été, voilá ce qu'a été eéellement la Charte
francaise avec l'art. J 4, tel que VOUi I'avez compris et interpreté.


Mais Louis XVHI le comprit mieux que vous; il eut aussi ,
al?res les Cent-Jours , d'autres jours dif~ciles ; l'étrangl!r vous
abreuvait de ses tristes hienfaits ; la France voyait s'épuiser ses
richesscs puhliques ; elle voyait nos places fortcs abandonnéee
ou occupées; nos magasins , nos arsenaux spoliés ; nos ~úsécs,
(lue les traites avaient enrichis , déshonorés par un p¡)lage ré-
gulier; a ces causes qui blcssaient vivement I'orgueil national,
se joignait le malaisede tous, produit par les-plus énorm~s con.
ti-ibutions de guerre : le mécontentement, l'irritation étaient
done dans tous les coeurs , et vOlís ;avez, Messieurs , jusqu'al!'
ils s'adr-cssaicnt. Eh bien! dans ces momens périlleu•.'C,
Louis XVl\1 ucmanda-t-il encorc , a l'articie 14 de Ia Charte,
une puissance ·dict-ato.riale? •


Non, Messi.eurs, 11. I'excmple des ministres anglais , son Gou-
vernement s'adr-essa aux. Chablbres, et il robtint d'elles. Des'
Iois sur les cris et les écrits séditieux , de~ mesures de survcil-
lance, la suspension enfin de la liberté individuelle , voila 'les'
moyens qui lui fur entaccordés ; voila aussi la source de la die-
tature dont il fut inl't!sli~ et encore ce pouvoii- ne lui fut-il
pas confié sans contróle , il le fut a la charge d'en rendre
com pte aux Chambl'es,."" Préeaution qui pOL! vait "paraitl'e
vaine ala vérité , mais qui annoncait "clairement [usqu'a que!'
point les trois pouvoirs avaient respectivement la consciencc :
de leurs dron.s. -


Apl'es cela, Messieurse comrnent serait-j] possible de j ust i~
fiel' celui que les ministres de Charles,X ont usurpé?


lis out parlé de la nécessité ,
Ah! qu'il cst doulourcux d'avoÍl' ales suivne dans cette ll1S-




cussion nouvelle. La nécessité! Mais qu~ la comprendra ceUe
nécessité, apres l'~loquent tableau que la défense a fait elle-


(';, méme , des moyens que foppos.ition se proposait d'employer-
pour résister aux coups d'état?


Est-ce le fer ala mairr , est-ce par la révolte-qu'elle aunen-
cait vouloir défendre ses libertés ? Non, c'est par les lois : vous
nous imposerez des tr-ibutsarbitraires , nous recourrons .a,ux
magisttats pour en etre dispensés ; vous établirez par orden-
nánce un mode incon;titutionnel d'élections , nous n'irons pas
aux cornrnices ; vous nous priverez illégalement de la liberté de
publier ilos pensées, no~s réclamerons des tribunaux l'usage
de cette liberté.


Et quel est done le peuple de qui on eút attendu plus de
soumission aux lois ? V ous vous préparez a les violer toutes ,
et vous le trouvez criminel en ce qu'il annonce sa ferme résolu-
tion de les observer? Etrangeconspiration que celle qui a polIr
obj,et la eonservation, la stabilité, le maintien dc tout ce qui
existe!


fMais, ajoute-t-on , des 1"829 la Cbambee dea Députés ~'était
montrée hoetile , en donnant contra le voeu du¡Gouvernement
la priorité ala discussion du projet de loi' sur,un autre proj et,
cet acte d'hostilité fit-perdre au ministere sa majorité ct contri-
bua a sa chute ; plus tard la meme Chambr.e vota 'une adresse
que le tróne düt considérer cpmme dirigée contre lui; et enfin,
les mémes députés qui avaient voté cette adresse ayant été
réélus , les conseillcrs de la Couronne durent :supposer qu'une
lutte dans laquelle il leur -serait impossihle de vaincre allait
s'établir .


.Ainsi, Messieurs , les ministres faisaient d'une question de
majorité parlementaire, une question d'existence & péril pour
la monarchie; fatale erreur que je ne lile permettrai pas d'attri-
buer al'amour-propre, mais qui prcnait sa source dans 'une
confusion d'idées qu'on ne peut trap déplorcr!


N.,p) l\'lessieurs) lorsqu'en 1 S29 la Chambrc des Députés




( 553 )
donna la priorité, pOUI' détermintr l;ordre de la discussion , a
la loi qui devait organiser les coaseils-généraux de départe-
m~ns, elle pe fit point un acte d'hostilité.; elle proclamait ,'l.eu-
lement , la priorité d'un be~ill sur un autre.


Nos départemlJ!ls IÍtllient administrés dans des íntéréts eon-
traires aeeux que les institutions avaient consaerés; les préfets
perpétuaiept la division entre les Francais ; le pays souífrait, il
était urgent de le doter d'un systeme d'administration qui ré-
pondit aax vceux des citoyens et aux besoins des grandes 10-
calités.


Voilá ce qui dirigea h Chambre dans cette question de prio-
rité. Le ministere aurait dú la comprendre, il ne le fit pas : il
arréta la discuesion spr l'un des premiers articles , sur celui-lá
méme qui était le plus favorable a l'autorité de la couronne,
et il retira la loi. 'Ce fut une faute: la natiun s'en affiigea;
elle devait a ce ministere 1'affranchissemellt de la presse
et des' !leetiolls; eHe eút aimé a lui dcvoir celui des dépar-
temens,


Mais ce mini6tb'e.~ba, un autre lui ailCcéda, qui n'avait
'pas la confiauce publique; qui done' pouvait contestar a la
Chambre le droit de le dire a.u monar-que P


Cette Chambre est dissoute, un appel est fait au pays, qui
renvoie les -mémes maudataires et prononoe aiusi entre elle et


, I'administeation.
Comme je le disais, tout ce qui réduisait done aune- ques-


tion de majorité parlementaire, fque deux ministres de eette
époque , doot vous avez entendu le témoignage, avaient mieux
compris! et quí, le serait bien mieux e~eore chez' nos voisins
d'outre-mer, ,


Si la nouvelle Chambre eút paru en présence'des ministres du
, Roi, quels qu.ils fussent , j'isnore. quelle eüt été la con-


duite de ceux-ci; mais 'ce que, j'affirme, c'est que chaqué
député appréciait la gravitá des circonstances ; c'est -que de
toutes parts Ics colléges avaient r-ecommandé la modération a




( 554 )
leurs mandataires ,.et les avaient autorisés afaire toutes les con-
cessions , atenter tous les moycns de conl.'iliation qui pouvaient
s'allier avec l'honneur du pays, plutét que de l'exposer ades
déchiremens. • •


Voila, l\LlssiellrS, quel était le vérita15l(\,ét~t du pays. Apres
cela je ne, répondrai pas a cette inculpation de conspiration
fla;rante adressée a l'a nation en nrasse : les anciens conseil-
lers de le Couronne ~avent bien que depuis huit a ~euf ans, .
c'est-á-dire depuis les. vingt-deux conspirations , ou vt-aies , ou
simulées , ou provoquées dont il vous ont entretenu, aucune
tentativo de ce gen re n'avait été adéplorer. Et s'ils ont cru voir
une conspiration universellc dans les craintes qu'ils avaient
généralement inspirées, eux seuls en sont oonpables; c'est
a eux , c'est au Gouvernement que reproche doit en ctre-
adressé. •


Oui, la victoirc s'avcucra , mais la victoirc ,seulemeit: en!'
serait-ellé aussi glorieuse, aussi pure si elle eút été préparée;
si d'avance elle eút apprété ses armes. réuni ses phalanges? 01:::
étaient do~é seScheflÍ' au momentdu ~~hat1 Quels étaient ses
mota d'o~dre et deralliem.ent? Ses chefs ! Chaque citoyen pre-'
nait-il conscil, 4'autre que de lui-méme ?Ses mots de ralliement !
En avait-il d'autre que le nom du bien que vous vouliez lui ra-
vir? La Charte! VOlla le mot qui par un mouvement' sporrtané
enflamma tous les courages, vola dans toutes les houches et as-
aura le suc~es ~ voila lavictoire que nous avouonQ!' Renon-


-cez atoute pensée de préméditation , elle déshonorerait votro
cause,


Mais s'il ya victoire, nous dit-on , i] ya eu guerre; il Y a
done des vaincus? Pom-ricz- YOUS nous traiter autrement que
comme des prisonniers faits dans le combat? Dites-1l011S , a
votre tour, si la forlune eút changé , si vous fússiez sortis vic-
torieux de cette lutte terrible., quel sort nous auriez-vous ré-
servé? Avez-vous oublié ces conseils de guerre qui allaient's'or-
ganiscr, -ces quarante-cinq mandaís lancés pal' vos pal''{uets,




( 555 )
ces ordres d'arrestations déja donnés coritre des hommes ho-
norables et élevés dans l'tlstime de leurs concitoyens? C'est a
regret que l'accusation se voit obligéc de faire un parcil rap-


"prochement , mais c'est vous qui le provoquez. "
Apres cela', Messi~urs, je l'avoue , 'je nai pH comprcndre


comment la défense avait pu se résoudre a discute}." devant
vous ces fatales ordonnances et avous les présenter comme in-
Jiocentes, e'est ~-dire comme ne violant pas nos lois constitu-
tives : je n'ai ras le courage de les suivre dans cet exam'e~l ; elles
ont déja eu pour juges de leur in'constitutionnalité la révolu-
tion 'tout entier~: mon ministere s'ouhlierair s'il s'attachait a
prouver leur criminalité. Ce soin d'ailleurs ne fait point partie
de ma táche-;' elle finit la "011 la démonstration des preuves·
c ommence.


Ce grand d~bat touche asa fin. C'est vous, Mess,Íeu;s, quÍ
allez le terminer souverainemcnt , irrévocablement , avec indé-


.pendance, avec dignité : ce ne sont opas' seulement les hommes
que vousavez'3. juger, ~e sont les actes, ce sont 1E'il doctrin-es ...
C'est le parjure que vous allez frapper de réprobation; car
votre j ugement atteindra plus haut encoré que "1es ministres
coupables; il servirá de lecon aux rois ... .; il effraiera tous les
hommes aquelque rang que la fortune les place, qui seraient
tentés de violer les droits des peueles, ou de manquee-á leurs
serrnens ; il consacrera 11 jamáis le p;incipe.de la responsahilité ,
principe sans Iequcl , hélas! nous le voyons f il n'yt; que
trouble, d~sordre et anarchie. Vous assurerez done, par


. .


un exemple sévere , le repos des nations, et cet exemple ,
croyez-le, ne sera pas sans fruit pour l'affermissemcnt des


¡ •
trónes,


La réplique de M. Bérenger terminée, M.le prési-
dent demande él M. Madier de Montjau stil est dans
l'intention de répliquer aussi aujourd'hui, M. le com-
missaire se leve et se dispose aprendre la parole.




( 556 )
Plusieurs pairs. A demain, il.est plus de quatrc


heures, (.La~éance est levée. ) .


On remarque que Ies tribunes publiques sont
beaucoup moins garnies que les jours 'précédens. On
y apercoit MM. Casimir' Perrier, Bernard , Charles
Dupin, Sainj-Cricq , de Schoenen, députés, et Jouy
de l'Académie francaise.


A dix heures et demie les accusés sont introduits,
.leur démarche et Ieur attitude ont queIgue chosc de'
plus grave, et une certaineinquiétude se peint sur
l~ur Visag~1 r' ....1". .


ltI. lB, Pr'.8iilsnt. 1\1. )hdier de Mont}au', conimÍ8l1lÚ.l'~ a la
, parole.


M. Madier de Montjau, qui a été saisi d'un rhu-
matisme au genou, avance avec peine, appuyé sur
une canne.


M. le Prdsident, Vous etes souffrant, Monsieur j la Conr
" .


vous yerra avec plaísir vous asseoir.
PluMeurs "pairs. Ássey¡¡¡o:-vous! Asseyez-vous!
'M. le comrhissaire salue la Cour en signe de remer-


ciment , et se tient debout , en s'appuyant toutefois
sur son fauteuil, Un profond silence s'établit, et 1'0-
rateur commence sa réplique.


Pairs de'Franee, la nation J contrainte pOOl' sa défense a
une révolution , a renversé un tróne , elle a bahni un Roí, elle
en a traduit les ministres' devant vous. Elle s'est cm le droit




( 557 J
de Ieur demander comptc du saüg qu'e luia coüté sa vietoire, des
longs malheurs auxquels une défaite l'aurait livrée, etdu ren-
versernent ~~bit d'eses institutions.


.Eux, de leur coil, n'ont pas craint de lui reprocher son
triomphe, les adhésions qui de toutes parts sont venues le
sanctionner, le chátimeht qu'elle a infligé, et jusqu'aux réformes
qu'elle vient d'opérer dans ses lois. .


. .


Ils ~ous ont représenté la' rapidité d'un Bucees obtenu en
tous lieux comme la preuve d'une immense coaspiration ; la
déehéance prononcée contre la dynastie bannie , comme la
preuvc d'une haine implacable; .eJ;lfin, les changemens intro-
duits dans le ~actc fondamenral comme la prcuve d'nne soif
ardente d'inn~vations.


Ainsi, hravant á-Ia-fois la fartune qui a trahi leurs effort~
et une áccusation de laquelle ils ne redoutent rien , du lD~ns
paur leur renommée , ils ne .manifestent en réalité d'autre re-
pentir q$ece1~i,d;'áv.oir eJ:e vaineus, ••


A eette attitude; Me¡Sieurs, avez-vous élé forcés 'de recou-
naítre la con viction [¡ere et profonde qui , en patitique ainsi
qu'en religion, enfante quelque fois les martyrs? Q..ant anous,
Messieurs, nous l'avouons, un tel langage nous a surpris ;
naus avíons eru qu'au souvepir de tant dé faits , dant un peuple'
entier fut le témoin, leur bouche intimidée se refuserait a ceS
reproches-, auxquels a manqué la erédulité d'une part et la SiD_
cérilé de l'autre. .


Je me trompe, Messieurs, passionnés pour l'~umanité bien
plus encore que pour la gloire, le: défenseurs ont cru toujours
etre fidéles ala vérité, paree qu'ils ont rencontré daas la vie
de leurs cliens quelques venus Dl~lées a une' criminelle politi-
que. Pour nous , de telles ilIusions ne nOUS sont pas permises,
et nous devons au eóntraire avertir, eeux que leur admirable
tálent n'a pu préserver de tant d'erreurs , que ·si I'infortune a
rIrs droits sacrés , l'honneur d'une grande nation' e'I: d'une ré-




( 558 )
volntion magnanime a aussi des droits qui ne devaient par ~tre
méprisés,


Condamnés par les difficult.és -de leur ,caU6e aux' assertions
les plus contradictoires , si Ieur langage d.ait étre ferme ; il ne
devait jamais devenir accusaieur.


De toutes les assertions d'une imprudente amitié, une seule
a été rétractée, et si I'on a senti qn'au milieu de tant de son-
venirs lugubres, les couronnes ne doivent etre tressées qué
pour de glorieux tombeaux ¡ on n'a toutefois rien retranehé du
panégyrigue adressé achacun de ceux qui ont attiré tant de ca-
lamités ~ur leur patrie. On a fait plus; on ~ exigé' que notre
grande révolutinn se confessát coupable d'une Iongue h'ypo~
crisie.


En mérne toms q u'un hommage était péniblement accordé a
la générosité de notre victoire , le nouveau Gouvernement était
trahé de reaction Úntemais universelle. En méme terns que l'en-
thousiaqme électrique qui en avait accueilli l'axenement , était
représentli comme la preuve d'un complot"t!bP,t01'lgitem" mé-
dité, on prétendait qu'il n'avait pris la placé de l'ancienne di-
nastie qu'au':milieu des tloutes de l' intdrieur, Peu satisfait d'avoir
justifié pleinement un accusé de l'atrocité du 3 nívose , on Iui
faisait aussitút avouer et vant.er en quelque sorte sa participation
au complot formé en 1803, eontre \lD héros qui, acette'époque
du moins , u'avait encol'~ detróné qlle .l'anarchie , et tenait en
ses maine toutes les éspérances de la patrie.


Vous avez ensuitc entendu le long tablean fait avec complai-
sanee de toutes les ordonnances par lesquelles le miuistere du
8 aoüt , en repoussant le rep~oche de n'avoir pas agi, a prouvé,
ce que Í1'Ous ne savions que trop, qu'il .avait voul u, des-lora,
accoutumcr le peuple ane recevoir que des seu les ordonnances
royales des bienfaitsqui u'out de véritablc garant,ie qucdans
des Iois.


Apres cette doctrine sur les ordonuanccs , est venue celle ou
I'on a pon," la premiere fois avoué tous les piéges, tous les




: ( 559 )


J


La mémorable répanse au discours du Tróne , ce monument
de sagcsse et .de fermeté, de fidélité et de -rranchise, adopté
palO la nation (¡amUle l;expression de ses sentirnens, a été traitée
de declaration. de guerre. Elle renfermait , tlit-on , le d*peau
tricolore,


dangers quc la Charle recelait , dit-on, dans ses flancs , et qui
( s'il faut en .croire la défense ) formaient le droit public d~ la
France, tel que nous l'avions accept~ de la Restaueation. .


On s'est trompé', Messieurs , en ¡lretant a la Restauralion
tant de hardiesse et a la France tant d'aveuglement et d'iguomi-
nie. Non, ie despotismo n'avait pas été attribué au prince léga-
lement par l'article 14, et polontairement par notre adhésion.
Alors mérne qu.e Ieur colere aurait manqué de sincérité, il~
avaient raison ces nombreux organes du ministere public, qui
reprochaient aux alarmes de quelques citoyens des interpréta-
tions semblables acelles que les ministres offrent aujourd'hui
comme unejustificatíon. Enfin, Messieurs , le Roi fondateur de
la Charte n'en présenta éétte interprétation, ni dans ses dan-
g~l's du 20 mars, ni apres 'sa -victoire de Waterloo.


La loi fondamcntale de chaque peuple ne réclame pas un \11'-
ticle 14, pertide et dictatorial. Cette sanction anticipée de toutes .
Ies entreprises du despotismo ne forme pas la base nécessaire et
inévitable du droitpublic dé' tolÍtes'les ilations. C'est vaine-
ment que vous 'Jes.' rnenacez d'avoir seulement déplacé ie des-
poti.e, et' que vous les proclamez impuissantes pour 1'a-
néantir.
, Ces prodigieux efforts de tant °de "tale~~ rétinis auxquels il
n'a manqué qu'une cause-plus juste, loin de [ustifier Ics accñsés,
vous auront prouvé, Messieurs, qu'ils ue peuvent ~tre absous
que par le triomphe d'une doctrine aussi propre a décoarager
l'avenir qu'a f1étril' le passé,


Non, Me~sieurs,ce drapean n'est sort~ que des ordonnances.
Elle nous out rappclé a ce talismán de la li berté-, le jour OÜ




( 560 )
nous eúmes perdu l'espérance de désarmer l'inimitié d'une in-
cÓrrigible tyranoie.


'n .n'est pas vrai non plus que les 221 et la nouvelle Chambre
aient Iiecru la mission d"enlever a Charles X son épée, et de


,placer les conseillers de ~e prince dans la nécessité de ne pas
ahandonner s<t vieillesse a. la ré-Voite de la Chambre et de la na-
tion. Il n'est pas vrai qu'une tellemission ait été donnée ni ac-


.ceptée. Nousla repoussons comme ",ne injure . •Et ee n'est pas la
désavouer notro víctoire , c'est en maintenir la pureté. Saos
doute nos mandataires avaient senti comme nous tous les dan-
gers que préparait a. la patrie -cette immuable obstination qui,
dans une longue carriere , De voulait léguer a l'histoire que
Cohlentz el le 8 aoút; sans doute on nous avait ordonné, et
nous avions promis de ne pas abandonner la patrie et de poür-


.voir a toutes les néeessités, dans les terribles eonjonctures qui
sé préparaleat. Mais en méme tems, et avec un soiu non moins
religieux , 00 nous avait ordonné , et DOUS avions premis , de
ne ríen n~Iig~pºyr;~~~,*~~¡d~ maux d'une ré-
volutjon, d'accepter toutes les traosaetioñll 'qt.e\"honneur
pourrait avou~r, en un mot, d'attendre de la sage~svt du
tems tout ce qui aurait pu etre compromis par des combats.


Oui, sansdoute, nouanous f.élicitons d'avoir été déliés de
no~ sermens par le parjure du 25 jujllet et par les sanglantes
journées qui le suivirent; mais nOU5 protestons iei que Char-
les X,n'a été trahi que par lui-méme et par les ministres que
vous alles juger. '.


Le premiar [our , la défense relísait des ordonnances admi-
nistratives , dont.les hypoerites bienfaits excusaient au moins
I'apologie. Aujourd'hui, ón a fait plus: vous avez entendu ré-
habiliter l'indemnité, _qn'oH a appelée "une gra'nde et belle loi;
vou~ll'avezpas oublié ce qui a été dit de la Chambre de 1815,
de I'administration , flétrie du nom de deplorable. La Franee a
été accusée d'ingratitude envers le ministere de 181g. (M. Sau-
zet fait un signe négatif. ) Elle a enfinété accusée de se préci-




( 561 )
piter vers un second 21 janvier, sana permeHre a sa parricide
impatience les préliminaíres d'un 10 aoút. (Nouveau signo ué-
gatif de .M. Sa uzet, )


Ah! du moins, sur ce point, il fut plus juste, le premier dé-
fenseur, qui rernercia la Franco d'avoir redoute le poids de deu»
tétes royales J et d'auoir mis l' ir;tervalle des mers entre su ven-
geanee et un exiMo


L'ai-je bien entendu ? La France était frappée d'avcuglement
quand elle s'effrayait de cette Chambre de 1815, qui déshonora
la loi darunisrie par des barbaries, qui créa les COUl'S prévo-
tales, quí pOllssa des cris de désespoir a l'évasion de Lavalette ,
et qui traita de calomniatenr le député courageux qui la sup-
pliait d'arréter les poigna!'ds du midi. Vainement a-t-on pris
soin de dire qu'elle fut á-la-fois furibonde et libérale; nous
l'avons trop appris, son [ibéralisuie étaitun pioge , ses ressen-
tiruens seuls étaient une réalité.


L'Administration déplorable a recu pareillement un tribut
d'éloges. ( Troisieme sigl1E:'Q,~\l}~fdel\';l.,~au.zet.) Cette Admi-
nistration déplorable! ...•. Ah! je dois ici m'arréter,


Parmi les accusés, se trouve un des ministres de ces síx Ion-
gues années ; et tant d'imprudcnce ne me fera pas oublier qu'il ne
doit vous rcndre compte que du 25 juillet!


Quant al'ordonnance de 1819, loin de luí refuser notre con-
eours , nous avions .avec confiance secondé toutes ses vues.
Avons-nous done été ingrata envers l'auteur de la loi du I'e-
crutement ? I .. ui et ses collegues ont-Ils été fi-appés de l'ana-
théme dont fut atteint l'homme qui désavouait avec une colerc
éclat:nte et dédaigneuso la p!'omesse, que je ne viens pas
juge!', mais pou!' laquelle il s'était, la veille, solennelIement en-
gagé. Oui , sans doute, il fut séverement traité cet homme d'é-
tat que son ame appe\ait cornrne son ta\ent aune plus noble des-
tinee, mais pourquoi ? POlI!' avoir manqué a sa promessc,
pour avoir demandé avée une lamentable as.su!'ance si on eroyait
eerieueement al'impunité que sa brúlante éloquence avait dé-


H. 36




(56~ )
plorée; pour avoir nié avec une assurance non moins coupable
I'existence de ce gouvernement occulte dont j'ai perdu le droit
deparler.


Vous avez entendu réhabilíter la grande et belle loi de fin-
demnitt!.


leí plus d'une convenance enchaine ma parole; mais un dc-
voir irnpérieur m'oblige arépondre un seul mot acette maxime:
L'indemnité était le seul renseignementqui pút inculper l'hor-
reur de la confiscation. Eh bien! Messieurs, cette maxime
comme cette imprudente loi renferme trois errcnrs; elle con-
sacre un privilége dans l'inforttme; elle, dissipe les scrupules
du confiscateur; elle dissipe aussi le remords de ceux qui eu-
rent le malheur de combattre la patrie.


11 a fallu encore subir les reproches [aits a nos prévoyantes
a1arnies. Ah! s'écrie-t-on, que n'a pas tenté, que n'a pas fait
la Resta,uration pour se concilier la France ; mais votre impla-
cable défiance a désespéré tous ses efforts. -


Messieurs:, le talent EIt lela~~t de grandes préroga-
tives et nous les avons respcctées; mais il est aenótrede.oir de
protester contre de tels éloges. A ceUe défense toujours éío-
quente et si souvent imprudente, femprunte sans restriction
une indulgente pensée. Accordons a l'exil l'inviolabilité; mais
que jamais ce ne soit l'inviolabilité de'lacalomllie et de l'injure.
'Qu'on cesse enfin d'attribuer des sentimens patriotiques a un
prince dont le coeur ne fut attendri ni par les acclamations de
son avénement, ni par les acclamations de I'Alsace, (Sen-
sation), ,


Eh hien, Messieurs, gr~ces soient rendues aces erreu~s du
zele et du talent. A la 'Chambre des Députés, elles ont prouvé la
inagnanimc tolérance de la majorité; ici elles prouvent la liberté
<le la défense.


Nous irons plus loin , et, aprés avoir vu transforme; les
accusés en accusateurs , nous consentirons ajustifier la France
alaquella ils reprochent une permanente conspiration.




/


( 563 )
'Il tUt un tems oü l'on vit des citoyens chercher des reesourees


pour la patrie dans leur désespoir. A!ors il y eut desconspira-,
tions dans les départemens de I'Isere et du 'Rhone > aParis, a
Saumur, aBelfort. Mais sans rappeler la part qui appartient dans
ces entreprises al'action provocatrice du gOl~vCl'nement,n'ou-
blions pas que -Ies supplices avaient étouffé les complots; et
certes, avee l'activité de la police, avec la multitude des récom-
penses prodiguées á ceux aqui on en devait l'organisatíon ou la
découverte , avec le zele des procureurs du Roi, les conspira-
teurs auraient été atteints , s'ils n'avaient pas renoncé aleurs
desseins,


Toutefois , ne craignons pas de le di re en passant, ces COD-
spirations proprement dites, si crudlement exagérées , n'ont
pas été indignes de I'intérét publico Il a manqué aleurs auteurs
eomme aleurs victimes, uneétendue de vues assez grande pour
bien eomprendre le paJs et les lois; ils ont retardé, sans le
vouloir , le triomphe de la cause alaquellc ils se dévouaient;
mais gardons-nous de refuser notre pitié a ceux qui ont pay"é de
leur san!rl~urtl'~hñvictions,et qui au moins ne se trompaient
pas en supposant ala dynastie déchue une implacable inimitié
eontre la liberté.


Quant a ce comité directeur, dont on a tant fait de bruit
nous consentirons anous servil' de ce norn inventé par un parti
pOUl' di)signer une association publiquem ent organisée el publi-
quement agissante, sous l'égide des lois qn'elle avait pour but'
defaire exécuter, Sans examinar l'étendue plus ou moins grande
des ser vices qu'elle a rendus ala cause nationale, il nous suffit
de "dire qu'on u'a pas eu le droit de combattre aufrement que par
des moyens légaux une opposition qui elle-rnéme n'est jamaill
sortie de la légalité dans solí organisation , dans son but el dans
ses moyens. Stimuler le zele des électeurs , les instruire de


"leurs droits, leur en faciliter I'exercice et la défense, leur re-
présenter les suites funestes et irréparahles qu'aurait leur né ,
a;}ig~nee on leur táib1esse, tels (:t3i~nt les rnóf.jf. avonés et Ih




(564 )
motifs uniques de ces correspondances dont on ne faisait pas
plus mystere a ceux qui s'en affligeaient qu'a ceux dont elles
soutenaient le zele, -La tout était légal, tout était avoué. V ous
savez ~~puis longtems , si les actes du Gouvernement avaient
ce caractere dans les élections,


Lorsque les nombreux partisuns d'une opposition, qui- n'est
devenuc irrésistibJe que paree qu'elJe était légale, furent bien
convaincus :qu'il n'existait d'autre eonspiration que ses eiforts
persévérans poiu- enseigner notre législation électorale etlafair~
pratiquer, chacun laissa éclater les mécontentemens , les alar-
mes inspérées par le Gouvernement , et (lui navaient été si long-
tems comprirnées que par la crainte d' excitcr des entreprises aox-
quelles manquaicnt l'intelligence et la loi,


Quand la France entiere entra dans cette conspiration de la
raison contre la h)]je, de la légalité contre I'arbitraii-e , on 'lit
disparaitre ces appels du désespoir- á la force , parce que tout
le monde avait enfin compris le pouvoir des institutions ,et y
;:t,:lljtpj~~~,l?Ht'!, !lAf9,~9i\Jf~"'¡;i.~~.; - " \,
_Uneopposition partout existante, partout légltim:et,~tdont


le hut était le maintien de la Charte, environnait les ministres.
Mais ce sentimeut , ces efforts , qui faisaient la vil' et l'honneur
de notre patrie, n'étaient (les ministres le savaient bien) justicia-
bles que des coups d' état.


Oui, Messieurs, je nc crains pas de l'affirmer, depuis long-
tems il n'y avait plus en France d'autresconjurés que lcs calom-
niateurs a'un peuple soumis aux lois , sage et laborieux. Ces
conspiratenrs sont devant vous. (Mouvement).


Mais, ajouta-t-on , n'étair-ce donc pas un complot vaste et
dangereux que cet ensemble dans fes élections. lci, nons re-
trouvons cette folie orgneillellse qui traite de rébellion l'usage
le plus légal des droits les moins contestés. Ah! sans doute , a
l:aspeet de si g rands cTangel's, nous nous somrnes t'OU8 excites a
no! rien épargllel' pour conservor tous les biens de la France ;
nous avons porté, dan s eette lutte , l'ardeur et l'auaiété que




( 565 )
tant de menaces avaíent fait-naitre ; nous avons sentí la néces-
sité de ncus sauver par les élections ; et lorsque parurent les
ordonnances , odieux manifeste de la tyrannie contre le pacte
social, nous ne devinmes ni conspirateurs ni rebelles ; paree
qu'il n'v a point de rebellion la OÚ le Gouvernement a lui-
mérne déchiré les lois.


A ces circulaires, par lesquelles le Gouvernement préte?dait
asservir toutes les consciences , peut-étre poucrait-on opposer
ou des instances ou des rnenaces ar-raehées , en quelques iieux ;
par d'anciens ressentimens ou par la crainted'une défaite; mais
les souvenirs de la Franco sont la pour répondre que la victoire
des élections a éLé rernportée pou\' les lois et par les lois, La
conscience publique témoigne qu'un noble but a été atteint par
de nobles moyens-.


Mais, ajoutent les accusés, si la société n 'était pas encere
menacée par un appel immédiat ala rébellion , tous les pr-incipes
de l'ordre étaient pervertis daos Ieur source par les envahisse-
mens d'une démocratie dont on a defini les redoutables prag'res
en avouanf iitr~llliébúláUapteins botd8~ OuÍ, gl,ace,;. au Ciel ,' la
démocratie est puissantc et ne consentira jarnais a s'abJiquer.
Oui, elle coule apleins bords, puisque vous voulez répéter ces
expression s flHe vous n'avez pas su mieux cornprendrc quetant
d'autr-es aveetissemens. Elle coule éomme un fleuve régti!ier
dont vous avez sculs troublé le cours. Elle est puissante , mais
éc!airée; eUe veille sur ses droits , sans mécoonaltre des droits
non moins consacrés, non moi ns salutaires que les siena. í.lle
proclame que I'alliance de tous les droitsfait la force commune.
Elle ne réclame rien rleplus ; mais elle ne veut i-ien de moins que
cette influence laborieuscmont conquise et qui n'est pas moins
avouée par la jllstice que par la raison.


On vous a' dit, Mcssieurs, que l'accusation était impossible
paree qu'elle manquait 11 la fois de Iois ct de juges. Votre COIl-
scicnce, bien plus encer-e que la' nécessité, vous déterminel'a a
prouver paJ' votre arrét qu'une nation ne'pe~lt jamais manqujlI'
de justice eontrede tels attentats,




( 566 )
Le crime du liS juillet, ce fait principal, et qu'on pourrait


appeler unique du' proces , repose, Messieurs , sur une preuve
matérjelle: Elles sont la, ces fatales ordonnances; elles y sont
avec les signatures des accusés, sciemment et volontairement
accordées. Que faut-il davantage? Si nous n'avions voulu éclair-
cir par la Iumiere d'une solennelle enquéte les mysteres qui s'y
eattachent, nous n'aurions eu besoin ni de témoins, ni de re-
cherchee. Nous aurions pu nous contenter de venir invPiquer
votre justice, le corps du délit a la main, En effet, quand un
complot a éclaté au grand jour, est-il indispensable de recher-
cher les premiares époques OU il a été médité , les ténébreuses
réuniens oü il a élé,con~u, proposé, résolu? qu'est.-ce done que
tout ce qui a précédé et tout ce qui a suivi la signature des 01'-
donnanées? En peut-il résulter que le crimen'ait pas étécom-
mis, ou qu'il De soit pas pnnissable? Ces faits formeront-ils ,
quels .qu'ils soient , des circonstances atténuantes? Non, rien
qui doive arréter, rien qui doive désarmer votre justice; cal' le
fuítprincipal ~xplique_tout.,11~i1traiDe avec lui la preuve de
'l'ibtenti9D ,préméditée, comme la rellpontahiÜ\á\~.\Qu,lki,actes
d'exécutioD. CE' n'est pas un acte d'inattention, d'irréflexion, de
colere ; il a été impossible de ne pas le méditer assez de terns
pour conserver la liberté de s'y soustraire, il a été également
impossible de l'exécuter sans tyrannie et sans violen ce. C'est le
dénouementd'un complot; c'est le premier pas d'une carriere
de fureur et de sango


Il nous semble done, Messieurs, qu'il n'importe gu~reavotre
justice que l'idée des ordonnances n'ait été coneue, ainsi que le
prétendent les aecusés, qu'aprés la connaissance du résultat des
élections, quinze jours avant le 25 juillet, ou hien que le 25
juillet soit, comme nous le eroJons, l'accomplissement de la


. pensée du 8 aoüt ; non pas peut-étre que tous les ministres aient
des le preínier jour compris l'étendue du plan ou adhéré ason
exécution (l'honorable retraite de MM. de Chabrol et Cour-
voisier a prouvé que la' penséc contre-révolutionnaire avait,
des ses premieres tentatives, trouvé des conscience- rebeUes),




mai. parce qu'il fallait de toute nécessité, ou que l'oeuvre du S
aoút fut étouffée avant d'éclore, ou que le 25juilfe~ fut enfanté.


Et le ministere du 8 aoút, qu'était-il lui-rnéme? Messieurs,
rappeles-vous que la pensée qui l'avait con~u, l'associait a la
premisre résistance que le vieux partí des priviléges opposa en
1789 aux conquétes de la liberté. C'étaient deux actesidentiques,
partant du méme principe et tendant au méme but ; il n'y,avait
de cbangé.que les circonstances. En 1 '789, il fallait souh;n~r ré-
difice que les progres de la raison sapaient de toutes parts; en
1830, il fallait (avec encore plus de folie et de témécité) rassem-
bler les débris épars de cet édifice, et les reconstituer a force
de violences et d'attentats sur les_ruines de oelui que les.glorieux
efforts de nos peres ont fondé, et qui est a[amais consolidé.par
une possession de quarante années. Oui , Messieurs, la pensée
qui ne voyait dans une longue carriere que deux aetes dignes
d'ctre recueillis par I'histoire, qui les donnait ponr ainsi <:ijre
comme le type d'elle-méme, ne laisse pas de doute sur l'inten-
tion d'oü découla le 8 aoüt. '


Que cétteinte~tlonn'ait pas eu de complices des le 8 aoút, ~e
cherchons pas al'éclaircir. Ce qui est certain, c'est qu'elle en a
trouvé plus tardo Alors ímporte-r-il heaucoup que M. de Poli-
gnac et ses collegues aient ou non manifesté le desir de se retirer
avant les ordonnances ? Que dans ·les conseils ou- elles étaient
prop~sées, elles aient été combattues par M. de Peyronnet et
M. Ranville. Si c'était prudence, patriotisme, il raHait y per-
sister. Si déja c'était un remords, pourquoí l'avoir si prompte-
ment étouflé ?


Ouhliant toutes les circonstances que les événemens et les dé-
hats ont éclaircies, oubliant qu'aprés quarante ans de révolu-
tion etde Gouvernernent représentatif, la puissance royale n'est
plus un prestige qui subj ugue la rtiAton et la volonté, les défen~
seurs vous ont parlé de l'ascendant du trÓne. Le Roi a voulu ,
disent-ils, et ils ont obéi. Ils ont obéi ? Et, par l'obéissance, ils




( 568 )
l'ont aidé ase précipiterde son tróne, Ils ont obéi !Et ils se sont
rendus les complices d'un crirne que le Roi n'aurait pu exécuter
san s leur concours. Quoi! les derniers des citoyens ont dú re-
fuseerle reconnaitre des ordres contraires atous les droits : nous
lea louons d'avoir-, au péi-il de leur vie, résisté a une provoca-
tionodieuse, nous nous glorifions du régime de liberté qui est
sorti de cette généreuse résistance, et eux, ministres, qui étaieut
dépositaires d'un pouvoir limité par. la plus sainte des lois , ils
seraient excusables d'avoir fait de ,Ieur autorité l'instrument
d'une guerre au pays, ases lois, a ses gal'antics d'ordre el de
liberté? Non, Messieurs, votre arrét ne consacrera pas une doc-
trine dont limpunité menacerait notre avenir!


Mais, ,discnt-i1s, la guerre aJlait éehltel' entre le tróne et le
pays, et dans eeUe luttainégale en prenant parti pour la royauté,
nous voulions I'empécher d'étre envahie. A1L! maintenant que
la,¡¡ueJ;T6 a drlcidé, truitez-en les p risonniers saisis au ntiiieú de
leurfuite aeeo la générosite digne ¿'une grande »ictoire,


'La justice et la vérilé repousseut .u~ tel Iangage ; sans doute
jl.y a éudes hosti,lites;et de terribles, maiscom~eQC~'paryous
en pleine paix et avec les armes qui vous avaient été eonfiées
pour nous défendre.


Pour aider un prince il usurper le pouvoir absolu, des ambi-
tieux, sans patriotisme et sans grandeur, n'ont souvent hesoin
que de I'espérance rl'exercer le pouvoir, el les accusés ont
donné le droit de ne pas Ieur supposel' une politique plus gé-
néreuse.


Ainsi, l!lessieurs, satisfaire les amours-propres irrités , ac-
quérir facilement la r-éputation dhommcs d'état hardis , f1atter
les passions d'un maitre , el exercer en son nom une autorité
sana bornes, voilá , il est permis de le croir-e , les motifs qui
ont dieté les ordonnances !


Avant de s'y résoudre ils ont sans doute longtems hésité,
mais pourquoi? MM. de Courvoisier et de Chabrol ont prís
soin de nous I'apprendre. lis espéraient obtenir une Chamhre




( 569 )
docile aleurs voeux , et pour cela ils étaient déterminés 11 em-
ployer sur les colléges tous les moyeñs que de funestes
exemples leur avaient cnseignés.


Mes réponses seront c1aires et courtes sur les reproches
adressés sur ce point 11 rnon honorable collégue, Oui , une er--
reur puisée dans le rappor!, avait été reproduite dans le dis-
cours ; mais quant ala correspondance de M. de Peyronnet et
des autres ministres , oü nous aurions pu puiserbien .plus de
preuves encare que dans les circulaircs sur les manoeuvres
électorales , les plaintes proférées avec tant d'amerturnc ont
droit de nous étonner. Sans doute , on s'est borné 11 en donner
ciepuis un mois la communication aux défenseurs, qui les. out
lues et copiées , ainsi qu'ils en ont fait I'aveu ; 'et si nousn'asons
pas ~mmuniqué cette immense série de pieccs daus des ínter-
rogatoires spéciaux , c'était uniquement pour ne pas tl'Omper le
vceu des aecusés , qui se montraicnt irnpat iens d'étre j~lgés, '
Mais enfin , puisquils se plaignent de notre coodescendance,
et ne tiennent pas les p\.eces pour suffisamment communi-
q uées J nous renon~oDsa'en faire usage ; et quantaux élections ,
nous nous bornerons a dire que les mises a la r-etraite et les
destitutions qui retentirent dans le Mfmiteur au moment de
J'onverture des colléges , la proclamation royale aux électeurs,
l'ajournement de quatre-vingts colléges convoqués, protestent
assez haut contre les explieations péniblement préparées pal'
les accusés , afin d'excuser tant d'insultes aux bienséanees et a
la morale publique, dont les dernieres élections ont offert des
exemples aussi nombreux qu'affligeans. Que ces violations de
la liberté des suffrages aient -été moins audacieuses ou plus
«oupables qu'a d'autres époques ,nous n'avons point ale ¡Jéci-
der. Mais les élections que la Chambre actuelle s'est vue obli-
gée de casser, pour violation du seeret des .votos , démontrent
quclles avaient été les instructions données par .le-Gouver-
nement, et a défaut mérne de ces preuvés ém~nées des dé-
cisions de la Chambre, il suffirait de nos souvenirs pOlll' prG-




, . noncer qu'avant d'attaquer a force ouverte nos institutions, les
accusés n'avaient r-ien oublié pour les dénaturer et les avilh-,


Leur défaite dans les élections, les placait dans la terrible
nécessité que leur avait prophétisée deux ministres a qui le
public avait rendu son estime avant mérne que d'avoirconnu
toutes les circonstances de leur retraite. La honte d'abamlon-
ner sans dédommagement le pouvoir que MM. de Courvoisier
et de Chabrol avaieut du moius quitté avec hormeur les pous-
sait aleur perte; les lauriers d' Alger exaltaient Ieurs espérances,
et cette -pensée fix'e des [ournées de la rue Saint-Denis , ou ils
avaient si mal jugé le peuplc de Paris , leur faisait mépriser
tous les conseils de la sagesse.


Pendant dixjours au moins , de leur aveu, ils purent exa-
miner aloisir toutes les eonséquences du coup qu'ils allaient
frapper. Mais l'beure de la convocation des Charnbres allait
sonner; il ne leur restait plus qu'un instant pOllr s'incliner de-
vant la Charte ou pour l'anéantir.


Le 25 juiUetvitfinir 1~irréaolutiQn8;déjadans leur pensée
la·Charte n'était plus. '-0"'_- ",,,<:;


Il est permis de croire que pendant les lugubres conseils OU
s'agiterent les mOJens de la détruire, ces gl'andes questions se
présentercnt sous cette forme a leur esprit. Il ne nous reste
plus qu'un iustant ... mais combien il est propice ! C'est celui
oü une brillante expédition vient de flatter l'orgueil national
et d'accroitre le dévoúment de l'armée; famoUI' du repos qui
est aujourd'hui Ic premier besoin du peuple, ferait place un
jouraI'inquiétude, ala résistance, si 'les Iumiáras des électeurs
avaient le tems de se répandre dans la nation, Il faut dissoudre
la Chambre et les colléges trop éclairés, trop intirnement unis,
trap vigilans aujonrd'hui pour qu'une convocation nouvelle
put amener un autre résultat, Des formes insignifiantes de gou-
vernement représentatif'pourront subsister encoré. Le tems ap.:.
prendra ce qu'il faut conserver de ces formes dans le seul
intérét du pouvoir et sans dan gel' potir luí.




( 57J )
Le pimple, que . les fusillades de la rue Sainl-Denis dissi-


perent , n'opposera pas plus de résistance aujourd'ui. Des cris !
des inj ures! des attroupemeus ! quelques píerres! peut-étre
m,cmequelquBs C¡;>ups depistoletal Eh bien! il n'est peut-étre pas
sans avaotage que les choses en viennent a ce point, 11 faut
commettre le peuple et l'armée , et que la séparation entre les
soldats et les citoyens soit complete! i] faut, s'ils doivent com-
hattre , qu'ils en viennent aux mains des les premiers momeas
de stupeur : le succés sera moins sanglant, la résistance moins
longue, l'eifet plus súr dans les départemens; ils apprendront
qu'en un seul jour la capitale a été domptée.


Par conséquent, ~ux fonctionnaires aucun avertissement ;
aux citoyens, aucunes sommations ; et des les premien
rassemblemens, charges de cavalerie, et bientót apres , la
mitraille!


Ministres accusés , vous désavouez avec horreue ce langage!
vous repoussez ces affreux desseins , et eependant, si vous
aviez tenu de tels discours , si 'iOUS aviez en.effet arrété ces
projets inawnaiD8 , je vous le demande, quelles mesures
auriez-vous prises autres que celles dont tout Paris a été le
témoin?


Le jugement que vous portiez de vos desseins est assez indi-
qué par le mystere absolu que vous avez su garder.


Ou le Roi l'avait prescrit, ou vous le lui aviez demandé vous-
mémes, Daos I'un, comme daos l'autre cas, ce mystere n'était
point eommandé par la nécessité de prendre de grandes mesures j
vous avez cru pouvoie vous en passer. 11 ne pouvait etI'e im-
posé que par la crainte de voir les plus anciens amis de
'Charles X se précipiter ases pieds pour le sauver de sa folie et
de la vótre, Vous n'ignoricz pas que les deux Chambres , l'ar-
mée, la c~ur étaient remplies d'hommes qui , éciairés par une
expérience de quinze ans , savaient tout ce que l'ordre consti-
tutionnel assurait de puissance a leur maitre, et tout ce que
le parjure lui préparait de ealamités. Vous redcutiez les efforts




( 57::t )
que leur désespoir aurait pu tenter, Vainement dieies-vous
que ce mystére vous a étéimposé. Tout dément cetteassertion ;
lorsqu'on saitque pas,un seul de vos amis, de vos agens, de vos
familiers , u'a pénétré ce fatal secret; lorsque vous l'avez gardé
jusqu'au der-nier mornent , sans qu'une seule de vosperoles ,
un de vos actes, un nuage sur votrc front ait pu fait;e SOU~OIi­
uer qt:e vous alliez lancer la foudre. Un secret ainsi observé
est un secret dont 00 a prís l'ellgagement saos peine, et il
prouve autaut la liberté de yotre participation , que la noirceur
de la trame alaquellc il servit, de voile.


Apres avoir ga1'dé ce secret avec tranquillité , on vous a vus
tranquilles eucorc quand sa .découver-te gla(¡a tout le monde
d'efi\'oi. Rien ne parle oí de vos hésiíations , ni de la contrainte
faite il vos voloutés, ni de vos l"egrets, ni de vos efforts pour
assurcr au moins le ehoix des vict imes.


Apres la promulgation des ordonnances , vingt-qnatre heures
s'écoulent saos 'Iue lo peuple soit soulevé, A -quoi les employes-
vous? f.st-c~ il ob.tenirsl.ll'",le-champde tOU8 les a~ens de I'au-
torité eivile la promesse-de s'interposer, pO\lY;"~~"\e'.f~'ne


• f~appát que la résistance, si la torce était employéc" Nullement.
Vous vous etes enfermés honteusement, évitant les regards et
les reproches de vos subordonnés irrités de se trouver dans un
ahime , san s en avoir été avertis plus qua nous. Au premier
trouble , vous délibérez SUl' la mise en état de siege et vous la
signez 1 a dit M. de Chantelauze .dans son intsrrogatoire ,
sans qu'il se soit eleve' la moindrc objection , attendu qu'elle
etait fondee S>fl,r une lo! positioe , el ju81i.fiie par le« círcon-
"lances ..


Vous arrétiez en coneeil la mise en état de siege! Vous étiez
done ministres encore? Ah ! vous ne l'étiez que troI1féellement
ponl' le malheur de la viHe de Paris !


Quelques-une d'entre vous ont refnsé de satisfaire 11 nos de-
mandes sur la .natur-e et I'étenduc de l'autorité que vous aviez
conservée. Sans cit.er nos expressions , vous avez préteridn que




no.us-memes nous avions pris soin de Vous juslifier' 5111' ce
point dans notrerapport , et f'aumilieude vos refus , vos in si.-
nllations ont rnontré assez c!airement que vous faisiez al/usion
a cette phrase du rapport, ou il est dit , .« MM. Guernon-
" Ranville " Peyronnet et (,hantelanze declarent que, I/il Y
» aoait encare des ministres , il n'y aoait plus de niiuis-:
» tére , .que M. de Poliqnac correspondau seul aoen la Üour, »


Cette phrase n 'aflirme -rien; elle ne prouve ríen. Elle rap-
porte seulement une opinion de plllsieurs des accusés Mais
allons plus loin : quand elle cxprimerait une opinion, une as-
sertion particuliera de la commission, iI en résulterait seu le-
ment qu'il fandrait la ranger par mi quelques inexaditudes,
résu!tat inévitable xl'un premier travail , et que nous savions
bien devoir ctre rectifiées p~r une enquéte plus étendue, ainsi
que par les débats. Prétendre qu'un de vous aurait absorbé
tout le pouvoir, c'est al/égncr, sans pI'euves ,ee que toutes les
circonstanccs vicnnent démentir ,


En effet, c'est en conseil qu'on a délibéré la niise en état de
siége; c'est en conseil qu'on s'estmis en permanence aux Tuilc-
ries , e'est en con seil r¡ ue I'on se trans porte aSaint- Cloud. A la
vérité, un seul d'entre vous a ordonné le mouvement des camps
de Saint-Omer et de LunévilJe, tout cornme un seul d'entre
vous, le ministre de la [ustice, a demandé au maréchal Marmont
de se constituer le gardien aux Tuileries de la Cour royale de
Paris. Vous étiez tous ministres; ou, pour mieux dire, vous
exerciez en commun et chacun en particulier la dictature.


Déja cet esprit dictatorial s'était emparé méme de vos agens.
Un proeureur du Roi, sans autre preuve que des signatures irn-
primées dans un journal, demande I'arrestation de quarante-
cinq citoyens, san s les avoir ni vus ni cntcndus pour constater
le délit, Les circonstances l'autorisaient, '¡\ ce qu'il prétend, a
se décider sur la lecture de signatures qu'il n'avait vu qu'impri-
mées, et aujourd'hui encore, il prétend que sa conscience lui
reprocherait de n'avoir pas agi avec eette promptitude!




Ces mémes circonstances, par lui invoquées, ont fournl U&l
exemple qui répond suffisamment'á cette maniere d'appliquer la
Ioi. M. de Choiseul avait été désigné par tous les journaux ,
comme faisant partie d'un gouvernement provisoirc, auquel il
n'avait pas un instant appartenu, et dont 011 ne lui avait pas
memerproposé de faire partie. Qne faudrait-i1 penser si M. de
Choiseul avait été privé de sa liberté sans avoir été entendu sur
le fait, et désigné par la a une des commissions militaircs qu'on
allaitorganiser? Le magistrat n'aurait-il mérité aucun reproche,
pour avoir, a cause des circonstances, ajouté foi a',un journal,
sans entendre le citoyen inculpé. Et remarquez ici que je veux
bien admeUre et excusercetteconviction, si rapide et si terrible
dans sa promptitude, d'un magistrat qui traitait de rébellion la
résistance a decriminelles ordonnances. Memeavec cette funeste
conviction, il lui restait le devoir de constater Iaparticipation
au crime de chacun des quarante-cinq accusés,


L'étendue quej'ai donnée malgré moi a cette observation, n'a
¡>as poul' but rancien procureul' dll roi de París, que ie ren-
centre aregret sur mes pas; fai voulu uniqueme'nt~pT6ÍJ.;'er'Par
cette circonstance le ravage qu'avaient l\éja produit, et qu'au-
raient apporté, dans le corps social, les ordonnances qui avaient
renversé toutes les lois.


Je l'ai dit etje nesaurais trop leredire; oui, vous étiez encore
ministres. Vous exerciez encore le pouvoir et un pouvoir dont
vousaviez rompll toutes les entraves. Vi Charles X,;ni son pre-
miel' ministre n'avaient pu son gel' a se priver de complices de-
venus si nécessaires. Pense-t-on que vous auriez accepté'une si
prompte et si complete nécessité pour prix de l'exécration d'un
peuple? Pensé-t-on que vous auriez laissé au Roi et a M. de


l
Polignac votre nom' seul, en un mot que vous auriez pris ponr
YOUS les périls, et que vous auriezrenoncé ala direction des
mesures qui pouvaient en triompher ..


Toutefois, Messieurs, il est équitable d'observer- que "dans
cette conjecture, M. de Polignac doit étre soumis a un eomptt




( 575 )
plus aévére, soit comme chef du conseil, soit par I'apport au re-
fus de recevoir les députés, soit pour le terrible mot adressé a
M. Delarue, soit pour ce calme qu'il opposait au généreux em-
portement de M. de Sémonville.


Sans doute M, de Polignac ne pouvait pas alui seul retirer
les ordonnances, mais il devait promeUre. ses efforts, il devait,
en un mot, imiter le maréchal qui, sans avoir l'appui d'aucune
popularité, sut persuader si facilement de ses regrets tous ceux
qui I'approchaient.


Nous aur-ions souhaité voir affaiblir l'importance du propos
attesté par M. Delarue; elle continue asubsister dans toute sa
force, puisqu'elle n'est attaquée q~lC par l'argument produit
aux débats. Nous ne dédaignons pas I'immortel Montesquieu,
parce qu'il °a partagé une erreur de son tems ; mais nous nous
étonnous de voir un défenscur d'un si rare talent préscnter a
la plus haute magistrature, une maxirnc formellement condam-
née, non-seulement par le texte précis de la loi, mais aussi par les
progres de la jurisprudence et de la raison . r


J'ai padé., M.-.ieurs, de la noble impatience de M. de iSé-
monville. Ce qui prouvc invinciblemcnt que tout le monde at-
tribuait ces h~rribles calamités et leur prolongation aux minis-
tres, c'est la proposition faite par M. de Sémonville de les arréter
et qui fut si pres d'étre adoptée par le duc de Raguse el M. de
Glandeves.


En voyant qu'une si extraordinaire mesure était jllgée néces-
saire, tout homme de bonne Coi demeure convaincu que le ma-
réchal n'a pas cessé d'obéir aux auteurs des ordonnances.


En vous montrant, Messieurs, que la pensée qui a con<;u le
crime n'a pas cessé un seul instant de veiller a son exécution,
sans pitié pOlir les populations mitraillées, sans égard ponr
d'imposans négocia1eurs, dominant jusqu'aux remords et a la
lassitude dessoldats , il est de notre devoir de convenir que
eeUe volonté, si froidement persévérante, a mérité tous les
reproches, sans en excepter ceux dont il avait d'ahord semblé




( 576. )
naturel de charger ses asenso L'accusation n'bes.itera done pa5
a rectifier par ma houche quelques inexactitudes dú rapport de
lacomm'ission des députés relatives au mar~éhalMarmont.
Eclairéspar les lumieres de l'instruction plus récente faite par
votrecommission, uous avons reconnu que le maréchal n'avait
pas re<;u la con6dence des maux qu'on préparait ala patrie, et
que loin de ehercher ales aggraver, il s'est montré impatient
d'y mettre un terme. II a été démontré que l'ordre de service
auqucl ont obéi les troupes pendant les trois journées, n'était,
a part quelques changemens opérés le 20 juillet , que la conti-
nuation de eelui qui était arrété et suivi depuis bien des
années.


Beaucoup de dépnsitions respectables ont établi que l'opinion
du maréchal SUl' les ordonnances était celle de la France, et
qu'il ne cessa de déplorcr ameremcnt la fatalité qui le condam-
nait, disait-il , a les fair-e exécuter.


Malheureusement pour le duc de Raguse, dans un moment
ou l'abolition de laCharte interrompait toutes les obéissances ,
~ .'. , . . . . . '. f '. -",...... _" ..: .


ils'est fait fidée la plus fatale, el' st\\vant'ti6U&';\~lJ\ú'tausse
de ses devoirs, mais du moins il De cessa de les maudire.


Pourquoi n'avons-nous pas aussi a relever des erreurs dans
les accusations qui pesent sur les ministres? Que ne nous est-
il permis de reprocher aI'opinion d'avoirété envere eux injuste
et précipitée? Pourquoi ne pouvons--nolls pas les proclamer
moins coupables que malheureux? Ah! le triomphe de la liberté
dispose trop a l'indulgence, pour que nous n'ayons par re-
cherché avec empressement taut ce qui aurait pu vous épargner
la douleur de troubler les [oies de la patrie par le spectacle.d'un
grand chátiment.


Tel n'a pas été le résultat de nos communes investigations;
et les tristes devoirs que la vérité impose aleurs accusateurs et
a Ieurs jnges n'ont rien perdu de leurs rigeurs.


Excepté les troubles de, Montauhan et d' Angers, excepté les
incendies que rien ne nous autorise aleur attribuer, tout est




( 577 )
prouvé contre eux dans ces crimes ou nous avons le malheur
de trouver partout la préméditation et la persévérance, sans
jamais y rencontrer le repentir.


Et cependant atoutes les époques aucun avertissement ne
leur a manqué: ni l'e1froidu pays aleur avénemen'tau pouvoir,
ni les prédictions de la presse, ni celles que plusieurs de leurs
ccllégues leur Iaíeserent pour adieux , ni la réponse mémorable,
au diseours du tróne , ni l'avertissement non moius solennel de
l'urne électoralc, ni la tristesse universelle répandueautou..
d'eux jusque sur les marches du tróne,


Enfin, dans les conseils 00.séuls et, se défiant des consciences
les plus barwes, ila ont, dans un myst~eprofond, froidem~nt
arrété le [our et le mament 011 leur patrie eesserait d'étre libre.
Les représentatioua , les terreurs , de ceux d'entre eux qui veu-
lent aujourd'hui qu'on ne les accuse que d'avoir trahi la France
par faiblesse, tout les avertissait qu'un abímeétait sous leurs
pas, et qu'ils aHaient s'y précipiter par UD erime.


Apres l'avoir commis, JQrMLlol~;l~rMt.~i\;~Jl~ore.Ia res-
source,de.~urlltirla colere au: peuple sur leur tete, de
sauver celIe de leur Roi , d'arréter la guerre cívile, Pendant
trois [ours ils résistaientace complice infortuné , qui repoussalt
avec horreur et. désespoír I'occasíon de se veltger de son ímpo-
pularité.


Ila résistaieataux avis des Jl~gociateurs les plus respectables, ,
parce que la ~hufil..deleur pouvoir: é~it. la condition du ~
traité. i


Aux Tuileries , ils résistaient a~.x.géuéreux~'9iJs,des
deux pairs de France dont.le courage les coPt~<lig~,i.,t ~a~9-,sqr..
tiro . . ,(;:, ... '-


A Saint-Cloud, quoi qu'ílsen p'v,iSl!e~t diee-, ilsr~w:~i~nt!
encore aux aiertissemens rnéme de la néce••~)ité"i ppis.qu~ils na
savaíent pas mettre un terme a. ce .conaeil, de six h.~ures;, )~~il,
lesquelles peut-étre la Franeen'aurait en. d'autre arret a:pr~:'"
noncer que le leur. . .~ ,


JI. 37




En présence de tant depreuves aecablantes , si j'anis apro-
noncer sur le sbrt :Qell accusés , je l'avoue, pressé par une pro-'-
fonde et invincible conviction, jc me croirais obligé de faire
taire lapirié qui s'attaehe a l'infortune , pom ne songer qu'aux
maux-seufferts par la patrie, el a ceux qui peuvent l'atteiudre
eneore.


• Si;au milieu des joies du triomphe , des ceeurs généreuxse
sont ouverts a la clémence et ont solennellement provoqué
eelle du peuple , [amais des justifications n'ont entrepris de
prouver l'innocence des accu,sés; c'est, au contraire, en avouant
I'énormité de leur íaute , qu'un adoucissement de leur punition
était' représenté comme une pr-euve évidcnte-et gloriewse de la,


, prééminence morale du peuple offensé sur tous les auíres peu-
pies de la terreo .


Un homme d'un ereur et d'un esprit élevé (M. Guizot) a fait
-ret'Eintir la tribuna de paroles miséricordieuses, et sans dissi-
muler que les accusés sont conpables du plus grand erime (telle
fu"ifut8éiJ;ex~fleStiD~)~~~l,'e.ni~mdé6 hommes in-
';~8tii ti,,;; pomJoiY,'H e~tiütint~ué'l'b6ftrnfutTm8tO)$~h~*btl'e
re,,¡)ltition était intéressé a les préserver des rigueurs ácc'ou-"
ttlm~s~
-Ces nobles accenaétaient-dls deja la voix de l'hístoire 00
d'honorables illusions? Notre révolutión , en tout surprenantc
et adfnirahle ,a-t--elle apportéau monde une polñique et une
j iístieé nouvelles , dbf la supérior-ité 'Boit' déjat~llélÍ1eritsefjl:ie:,'
que vous deviez réaliser des ti prisent le vceu que l'un des pou-
voil's:l:éfifrrme po~r l'ávenir ?
'C'esfa:v¿tí-éal'ret ,Messieürs. qu'il apparlient de décider.


Quant ámoi qui ai vainement comhattu, vainement rcpoussé
Ia&istEiconvic(io~qulifaÍetéooligé demanifesterrrpres avoir
hittlí;dbiloufe la p~i~!Í'áTrce tIe'bion!ime contre cet arr~f de IDIl
i:8ri§cienceef dé'm~rá¡¡¡6hne-saisque celüi des pairs deFrancc
serit"puiséa- des sources aHssi' pi'treset hien p\\isIédaWées.'
Cette certitude ponvait scule rassurer ma faiblcssc ' ptndmlt'




Í'accomplissement du terrible devoir dont je vais déposer le
fardeau.


Ce n'est pas seulement par votre position que vous étes éle-
vés au-dessus de toutes les magistratures, e'est encare pIus par
cette sagesse et eette expérienee poli tique a laquelle 'rien ne
peut suppléer dans une telle cause et au milieu de si, vjves pas-
sions.


, AU:ssi, Messieurs, quel que soit votre arrét , jI subjuguera
notro conviction. Nous nous plaisons a vous offrir l'hommagc
solennel de cette respectueuse eonfianee qui est le plus beau
de vos droits, et que nous avons regardé eomme le premier de
nos devoirs.


La parole est aux défenseurs des accusés.
M. de1dartigmie se leve a l'instant pour répliquer.


. I
JI!. de Martignac. Je voudrais qu'il me fút permis , je vou-


drais qu'il me fút possible de ne.-pas profiter du triste et pOl1r-
tant du préeieux privilége que les Iois accordent aux accusés ,
de fra'Pp.... du'dernier accent l'oreille de leurs juges, au moment
oü va se clore cette con troverse, ou il s'agit pour eux de vie ,
d'honneur et de liberté. Pourquoi l'aeeusation ne m'en a-t-elle
pas laissé le ehoix? pourquoi, usant de toute la rjgue!ll' de
son droit, m'oblige-t-elle a remplir aussi toute la; Iatitude du
mien? La gravité de ses aecens ne permet pas maintenant le si-
lenee; je dais done user do e~ droit que la loi me laisse; rnais
rassurez-vous , Messieurs, eet usage ne sera pas long.


J e sens que ces débats doivent approcher de ,leur terme; jo
sens que la vérjté doit étre maintenant éclata;Dte e1 dans tout
son ¡our, que vos eonsciences doivent avoir déja eompris le de-
voir qui leur est imposé. Je ne prolongerai paspar des efforts
qui seraient désormais inutiles, le tems qui s'est écoulé. Je
-comprends qu'il faut qu'un arrét termine enfin l'état d'an-
goisse dans lequel se trouventxlepuis longtems les aceusés :
qu'iJ est tems aussi qu'un arr~t rende le calmset ,le 'repoa a




( 580 )
notre pays, qu'ébranle , qu'a~ite le mouvement de ce triste
procés , funeste héritage d'un ordre de choses qui n'est plus.


Mais avant d'examiner en elles-mémes les charges de ce pro-
ces, quí víennent de reeevoir une nouvelle force du langage


que I'aecusation a tenu devant vous, je sens que fai un pre-
miel' devoirá remplir; e'est de défendre ceux-Iá mñmea qui
la défense du malheur a été confiée.


On nous aceuse d'avoir bravé Iajustioe et I'opinioo, d'avoir,
au nom des accusés , exprimé un repentir qui n'était autre
que celui de n'avoir pas été vainqueur. Eh quoi 1 le triste et
sinistre pressentiment qui avait d'abord saisi mon coeur-et
frappé mon esprit, se serait-il réalisé? J'avais eu l'honneur de


. vous di re : la défense est iei grande et protectrice; la vérité et
la raison en ont placé les élémens daos mes mains; el si je ne
réussissais pas, si la confiance qu'on m'a accordée était dé¡;ue, le
sentiment demon insuffisance, auguel seul iI faudrait attríbuer
ce funeste revers , peserait sur mon cceur , comme un remords
éternel. _ __
Aur~is-ie -eIÍ effet a'ubliile premiar de~bW'qMmitaitim-


posé? aurais-je, moi, bravé cette opinion publique, que j'avais
tant d'intérét aealmer? aurais-je oublié jusqu'á ce point les re-
commandations qui m'avaient été faites, que [e n'aurais expri-
mé, au n,om d'un accusé, d'autre regret que celui de la victoire
perdue? Ah! s'il en est ainsi, que l'aecusé me désavoue; [ai
trahi son mandat, je n'étais pas digne desa confiance; il a eu
tort de me l'accordee, Il ne me reste plus qu'á faire amende-
honorablej.caej'avais re<;u de cclui que j'appelIe mon client,
I'ordre exprés de direqueson eoeur avait saigné, comme celui
de tous les péres de famille, qu'il avait plus que personne dé-
ploré des malheurs auxquels se trouve attaché son nomo Si je
ne l'ai pas fait , j'ai trahi mon devoir.


Mais est-il vrai que j'aie tenu un pareil langage, qu'il y ait
riep.6Ie semblable dans les paroles échappées de ma bouchc?


J'ai donné des éloges il la vie de celui qui m'avait confié le




( 581 )





soin de le défendre. .l'ai reconté sa vie, ses actes. Parmi. ces-
actes, il en était d'honornbles , de louables que je vous ai pré-
sentés , comme dignes vos éLoges. J'ai dit la scene qui se ratta-
che au complot de 1803. Dans ce mot complot, il y a, je.le sens,
quelque chose d'incompatible avecle mot d'éloge; mais enfin
je voulais vous rappeler la générosité qui lui faisait demander
la mort pour rendre son frere ala vie, et vous prouver par la
que vous n'aviez pas devant vous un homme insensible et bar-
hare.


VoiJa tout ce que je me reproche, et cependant, je l'avoue ,
ma conscience m'avertit qu'il n'y a rien. la qui puisse m'avoir
mérité Ic hláme,


Si l'infortune a des dr~its, dit-oa, le pays en aaussi. Aurais-je
done abjuré moi-sméme mes propres sentimens? Aurais-je
contesté la dignité de ma patrie! N'cit-ce pas au nom de cette
dignité que j'ai invoqué votre justice, votre modération dans
la victoire? N'est-ce pas bien comprendre ~ette dignité, parler
une langue qui devrait etre enteadus par tous ceux qui portent
un cceur fran~ais? Voila comment raí cru qu'apres la victoi~
compléte remportée par la nation,illui suffirait de dire , qu'elle
était forte et puissante, qu'elle n'avait pas hesoin de prouver sa
force et sa puissance par un sang inutilement versé. Etait-ce la
un outrage fait ala dignité de mon paya l' '


On a parcouru les autres systeme.s de défense; on s'est ar~té
a celui développé hiel' par un jeune orateur, que la premiére
ville de Franco envie et dispute a la seconde, par Un jeune
orateur dont la brillante et la profonde science p¡am.ettent plus
qu'un éloquent orateur au barrean, mais un puissant 'appui
aux intéréts du paya, 001'amalcompris. Il a Iui-méme repoussé
l'idée d'une conspiration continueBe et flagrante, autant qu'il
m'cn souvient (il n'a pas besoin assurément d'étre défendu par
moi; mais l'occasion s'offre,et je la eaisis pour réfuter cette
partie de l'accusation ). 11 a déclaré, a~u contraire , que.loin de
rcchercher la preuve d'une oonspiration flagraílte, il n'avait vu


v.




( 58~ )




•qu'une dispoeition des esprits, une antipathie qn'il a cru existen
entre la dynastie aujourd'hui exilée et le pays; antipathie qui
devait son origine au éortége qui l'a vait accompagné. Mai!1 il a
déelaré 'lu'il n'avait vu aucune trace de conspiration , et que
c'était la disposition des esprits qui avait préparé la 1'évolu-
tion ,


Qu'on ne s'adresse done plus-ame. défenseurs pour chercher
dans leurs paroles des agressions centre l'opinion publique. lls
déclarent tous, par mon organe, qu'ils désavouent formel1ement
toutes paroles qui n'exprimeraient pas del sentimens francais ,
qui seraient de natureaexciter l'opinion publique qu'ils veulent,
que nous voulons tous calmer; que rien de semblable n' est plus
opposé aIeurs intentions. Si quelqae chose de pareil échappait
anotre langage, que ce soit sur notre téte que la r,esponsabilité
retombe.
, ~


Je rentre dan s le proceso
L'orateur, apres' avoir résumé en peu de mots et ,
~ragraphe'par 'Pamgr'B}1b.'e,: á"P'e~i~re p}aidoirie,
reprend l'un aprés l'autre les griefs articulési le
crime de trahison , les élections faussées, les institu-
tions violées, et l' excitation a la guerre civile. Il
parcourt rapidement ces quatre chefs qu.'il cherche
aatténuer.


Cette improvisation vive ~t chaleureuse, il est vrai,
maisqui ne roulé que sur des raisonnemens déduits
avec une logique plus serrée dans le premier dis-
cours du défenscur, ne nous semble pas devoir étre
eonsignée dans ce recueil, duquel doivent étre soi-
gneusement élaguées les redites.


L'orateur termine ainsi :
Nobles pairs , les forces manquent amon ze,le, mais la con-


flanco ni I'espérance ne manquent a mon cceur. J'ai reurpli




tout mon mandato Pairs de France , magistl'ats, hommes de
bien, hommes de coeur , le moment est venu OU vous allez
aussí remplir le votrc. V otre tache est grande et noble; elle
esttout-á-fait digne de vous. Rien de ce qui sepasse autour de
vous ne peut avoir d'influenee sur vos sconeciencea. Qu'ils
viennent ceux qui pourraient croire qu'il y a autrechose a es-
pérer de vous que de la justiee! Qu'ils viennent, le proees de
Strafford aIamain , qu'ils comptent le nombre de páirs d'An-
gleterre qui oserent assister au procés ,de Stafford, et qu'ils li-
sent votre appel nominal de ce matin ; je ne veux pas d'autre
avantage.


M" Hennequin, J'al , comme le déíeneeur que vous venez
d'entendre , le desir de' ne pas prolonger inutilement ee débat :
je scraiplus heureux que lui , jc sens que je puis y céder,
apres l'avoir entendu. Si je reprenda la par-ole devant vous,
c'est dans l'unique intention de eompléter, de réparer une
omission qui resterait peut-étre ínapercue , maie qui n'est pas
sans quelque intérét ; c'est aussi d'accomplir, dans I'intérét
mefu,e d~a~,ª~';~il' qUlm'est imP9fe comme citoyen.
Cette commission, la v~ici : '" .~'., ..


Lorsque les ministres ont quitté)es Tuileries , pour se reu-
dre a Saint-Cloud , ils partaíent dans un sentiment qui ne les
a Hasun moment abandonnés, Il ne faut pas supposer, 'dans le
caleul du terns , que le conseil ait duré six henres. Le conseil ,
au eontraire, ne s'est pour ainsi di re assemblé que pour adop-
ter a1'instant ce que le Roi avait résolu et pourse dissoudre ;
mais il s'est écoulé un peu plus de tems, a compter de l'arrivée
aux Tuileries. Ce tema se trouve rempli par Ieeallocutions , par
.l'entrevue ai pathétiquement retracée par' M ..de Sémonville.


Messieurs, il Yapour les D1ltionsdes [ours de colere . ces
jours-la ne sont pas encore ceux de Ia justicejmais lorsque ses
momens , lJui ne sont pas sana héroísme et sans .une haute no-
blesse , se sont écouMs,.lorsque surtout 'la 'vérité.estapparue ,
il est un courage que la. nation fran~llifjQfera connaltre. commc




( 584 )
tous les autres, c'est de s'attacher ace quiest vrai , c'est d'abdi-
quer des préveutíons qui ne se justífieraient plus dans l'ordre
de lajústice n(dans I'intérét public. C\~8t la l'espérance dont
mon cceur est pénétré. Le tems nous a été donné ; nous l'avons
obten u par les courageux et hérorques efforts de cette garde ci-
toyenne, dans les rangs de laquelle je suis si heureux de comp.
ter. C'en est assez; la vérité historique, tes considérations
d'ordre élevé qui se sont présEmtées devant vous se répandront,
et le tems, comme la Ioyauté, comrne la haute raison francaise,
feront le reste: j'en suis SUI'.


M. Sause», Une impuissance , résultat de' pénibles efforts
dont la Cour a été témoin , ne me permet pas de prendre la pa-
role; cttoutefois ceque vous venez d'entendre me ferait re-
gretter cette impuissance. J'ai été mal compris; ren appelle 11
la mémoire de Cour; mais commeje erais inutile de parler pour
l.'accusé queje défends , je n'éleverai pas la voix dans mon pro-
pre intér~t : je Deretarderai pas,de ~uelques heures la décision
de c~t i~~?,rtan~ pro~es.,;. ,.. .'0' ~.'T~"-- '.. . , •


M. C"¡~~';'.'ne-gmndes deStinéesvónt -s~aeto1:np\il'. Vouo
allez entrer dans le sanctuaire de vos délihérations ; vos reli-
gieux souvenirs vous y suivront ; rien de ce qui se passe au-
dehors n'arrivera jusqu'á vous; VDIlS vous parlerez a vous-
mémes , vous prononcerez, la France entend~a votre arrét ,
elle le respectera, elle saura qu'il a été rendu par la [ustice, et
la [ustice obtiendra toujours le respect de la France entiere.


M. le président. Les accusés ont-ils quelque chose
a ajouter a leur défense? (Les accusés s'inclinent
sans répondre. ) ~i:M.les corhmissaires de la Chambre
des Députés ont-ils quelque chose a ajouter ?


M. Bérenger, (se levant) rPairs de France , notre
mission est finie; la vótre va commencer. La résolu-


. tion de la Chambre des Députés est devant vous, le




( 585 )
livre des lois est sous vos, yeux : le fays attend, il
espere, il obtiendra bonne et sévere j ustice, (Pro-
fonde sensation. )


M. le président: Les débats sont fermés. La Conr
ordonne qu'il en sera délibéré, Élle va se retirer dans


f la chambre du conseil, pourrégler le mode et le mo-I~,'•.:.;..', ment de la délibération. J'engage la Couret l'audienee, a ne pas quitter leurs places avant la sortie des ac-, cusés. '1>
l,'.,.. Les acensé. se .retirent et sont reconduits dan. la
t prison. M. de Polignacyen sortant, salue adroiteet


agauche. Les autres accusés s'inclinent. Tous les re-
gards les suivent pour la derniére fois jusqu'á la
porte de eette eneeinte oú ils ne doivent plus rentrer.


Quelques instans se passent au milieud'un sileuce
qui a"q.ll~!~~'de'aol~~nekA,pre&leteros né-
cessaire pour'la retraite des accusés, M.le président
dit : a: La séance est levée. »


Il 6St deux heures, La Cour et i'auditoire s'écou-
, lent lentement et sans hruit,


A díx heures precIses, (du soir.) l'audienee est
r rendue publique.


M. le président et MM. les pairs occupent leurs
places ordinaires. Les commissaires de la Chambre
des Députés siégent aleur bureau.


Les accusés sont absens, mais leurs défenseurs
sont 11 la barre. Un trés-petit nombre de citoyens
sont dans les tribuues.




ARRET.


( 586 )
M.le président , d'une voix émue , prononce l'arrét
. .


suivant : '


« La Cour des Pairs , vidant son délibéré ;
» Vu la résolution de la Chambre des Députés ;
')) OU! les commissaires de la Chambre des Députés


» en leurs dires et réquisitoires, et les accusés en
» leur défense ;


» Considérant que, par les ordonnances du ~5 juil-
» let, la Charte constitutionnelle de 1814, les lois
) électorales et celles qui assuraient la liberté de la
» presse 011t été manifestement violées, et que le
» pouvoir royal a usurpé la puissance législative; .


»Considérant que, si la volonté personnel1e du Roi
» Charles X,a pu entrainer la détermination des ac-
»cusés,:c~t&'~tcOtl~tiüt~~~_~.••anchir
» de la responsabilité légale; . .


) Considérant qu'il résulte des débats, qu'Auguste..
"Jules-Armand-Marie prince de Polignac, en sa qua-
» lité de ministre secrétaire-d'état des affaires étran-
» geres, de ministre de la guerre par interim , et de
» président du conseil des ministres; Pierre-Denis
)1 comte de Peyronnet, en sa qualité de ministre se-
) crétaire-d'état de l'intérieur j Jean-Claude-Balthazar-
»Victor Chantelauze , en sa qualité de garde-des-
» sceaux, ministre secrétaíre-d'état de la justice , et
~) Martial-Come-Annibal.Perpétue-Magloire, comte de
)1 Guernon-Ranville, en sa qualité de ministre se-
» crétaire-d'état des affaires ecelésiastiques et de l'in-
)1 struction publique, responsables, aux termes de




( 587 ).
l> l'article I3 de la Charte de 1814, ont contresigné
II les ordonnances du 25 juillet dont ils reconnais-
1) sent eux-mémes l'illégalité, qu'ils se sont efforcés
D d'en procurer l'exécution , et qu'ils ont conseillé
11 au Roi de déclarer la ville de París en état de
») siége, pour triompher, par l'emploi des armes, de
);l la résistance légitime des citoyens ;


)1 Considérant que ces actes constituent le crime
» de trahison , prévu par l'article 56 de la Charte de
)11814 ;


»Déclare Auguste-Jules-Armand-Marie prince de
D Polignac,


J) Pierre-Denis comte de Peyronnet,
J) Jean-Claude-Balthazar-Yíctor Chantelauze,
» Et .Martial- Cóme- Annibal- Perpétue - Magloi re


)t comtedeG.ernon-RanviUe, . ,
» Coupables du crime de trahison;
nConsidérantqu'aucune loi n'a déterminéla peine


» de la trahison, et qu'ainsi la Cour est dans la né-
» cessité d'y suppléer; .


» Vu l'article 7 du Code pénal, qui met la dépor-
u tation au nombre des peines afflictives et infa-
l) rnantes ;


» Vu l'article 17 du méme Code, qui porte que
» la déportation est perpétuelle;


); Vu l'article 18, qui déclare qu'elle emporte la
»mortcivile~ vn l'article 25 du Codecivil, qui regle
)l les effets de la mort civile;


» Considérant qu'il n'existe hors du territoire con-
}l tinental de la Frunce aueun lieu oú les condamnés




( 588 )
) él la peine de la déportation puissent étre trans-
» portés el détenus;


1) Condamne le prince de Polignac a la prison
» perpétuelle surle territoire continentaldn royaume;
)1 le déclare déchu de ses ti tres , grades et ordres; le
11 déclare mort civilement ~ tOIlS les autres effets de
» la déportation subsistant, ainsi qu'ils sont réglés
» par les article~ précités ;


» Ayant égard anx faits de la cause, tels qu'ils sont
» résultés des débats ;


» Condamne le comte de Peyronnet, Victor Chan-
» telauze, et le comte de Guernon-Banville él. la
" prison perpétuelle; ordonne qn'ils .demeureront
~. en état d'interdiction légale, conformément aux
» articles 28 et 29 du Code pénal; les déclare pareil-
» Iementdéchuéde leurs tittes, gmde&et.ol'dl'es;


» CondamneJe prince de Polignac, le comte c\e
J) Peyronnet, Victor Chantelauze et le comte de
» Guernon-Ranville, personnellement et solidaire-
» ment, auxfrais du preces. •


»Ordonne qu'expédition du présent arrét sera
» transmise ala Chambre des Députés par un mes-
Jt sage;


JI Ordonne qu'il sera imprimé et affiché aParis,
» et dans toutes autres communes du royaume, et
»transmis au. garde-d~s-sceaux, ministre secrétaire-
» d'état au département de la justiee pour en assurer
)) l'exécution, )J




z


( 589 )


nÉCIT DE LA TRANSLATlON DES EX-1\I1NI5TRES DE LA
CODR DES PURS A VINCENN:lS ET DE VINCENNES A


LA FORTERE5SE DE HAM.



L'arrét mémorable qui raye de la vie civile les derniers conseillers


d'un roi parjure, n'était point encere prononeé que déjá les condamnés
brülaient le payé de la route de Vincennes. .S'ils échapperent ala fureur
du peuple amassé autour du Luxembourg , et demandant énergique-
ment qu'en signe d'expiation leur sang arrosát les ordonnauces Iiherti-
cides, ils le durent a la haute protection du héros des deux mondes, a
la sollicitude de 1\1. le colonel Feisthamel et.aux précautions prises par
MM. Ladvocat et Fabvier. .


Quelques jours apres leur réintégration au donjon, on déoida au mi-
nistere de l'Intérieur, leur lranslatio~ de Vineenncs au fort de Ham.
Elle cut Iieu de la maniere suivante r Quatre voitures eomposaient le
cortege : elles étaient escortéespar dsux escadrous de hussards d'Or-
léans qui furent relevés. entre la ViU~ elJe~~et par deux esca-
drons du 8- de Chalseurs. Dans la premiere voíture se trouvaient Me.-
sieurs Polignac et Chantelauze avec M. Despece, gouverneur du chá-
teau de Ham etLadvocal; dans la seconde MM. Peyronnet el Guernon-
Ranville aveo MM..Guibout aíde-de camp du ministre de Ia.guerre et
Franconin, un des IiIraves de rile d'Elbe ; la troisieme con~itle com-
missaire de políce , M. Frot, concierge du Petit-Luxembourg et un
homme qui préci\demment avait gardé l~s ex-ministres dans leur der-
niere prison et aVincennes; la quatríeme voiture, qui avait été prisa en
cas d'aceident, portait les-bagages avee le domestique de M. Ladvocat et
un homme de confiance du commissaire de pollee. D'apres I'ordre du
comznandant de l'escorte , un I~us-officier marchait le sabre nn a la
portieré de chaeune des voitures.


Partout , sur leur passage, les condamnés furent accueillís par· des
cris de mort d Poligna«! A Compiegne une foule assez considérable se
trouvait réunie sur le pont et les cris de mort aua: ministres! d l'eau
Polignac! retentissaient arec beaucoup de force.


Ce fut alors que M. ehantelauze dit sur un ton de plaisanterie: Je
vois, mon prince, que ~Oas étes le plu« popa/aire d'entrenoas. Toutefois,




( 59° )
l'escorte tint cette multitude ¡,/récart des voitures , et l'on put St re-
metlre en route sans encornbre.


A Hugon, oü l'on changea de chevaux, la population était sur pied,
Si cette populatíon exaspérée ne mitrp:¡S en pieces les ex· ministres, a
qui le durent-ils P


Nous ne donnerons pas iei les eonversationsprétenduesanthentique
qui eurent lieu ente lee eondamnés et les personnages qui les aeeompa-
gnaient dorant ce voyage, ou plutét ce trajet rapide de trente licues
faites en poste. Les journaux en out entretenu leurs leeteurs , et on sait
que M. Polignac, par I'iutcrmédiaire JI' M. Vertnmy , protesta eontre
les paroles qu'on Iui prétait, NI' devant dire que le vrai , on nous saura
gté de notre silenee. .


Il était une héure et demie apres midi, Iorsque les voitures arriverent
devant le vieux Cort de Ham qni eat en tres-mauvais état, Un officier du
génie et un aide-de-cnmp du ministre dela guerrey avaient été envoyés
quelques jonrs a l'avance pour di~poser les Iogemcns des. prisonniers.
Ces logemens qui se ccmposent de deux píeces carrelées et briqnetées
sout tres-propres, Mais il n'y a qu'une entrée eommune, et les con-
damnés sont logés deux adenx, M., Polignac est avec M. Chantelanze et
ir. ~yro.nl!ta~'llJiit~l,~!l~o,,~~ c,<J~traria
beauconp et parut les affeCter douloureusement. Depuís, ón'pi~terid
qn'on a Cait droit 11 leur demande, et qu'au inoment oü nous écrivons
( 5 mars 1851 ) ils sont logés dans des appartemens séparés , et qne la
surveillance sans cesser d'étre active est moins sévere,


Cinq cents hommes gardent le Cortde Ham.
Les familles des ex-ministres se sont toutes réunies dans la ville oü


elles ont définitivement fixé leur domicile. L'entrée de la forteresse ne'
lenr est pas inter~ite. On a concilié les devoirs de la prudence avec les
droits de rhumanité.


Que les ministres de'toutes les nations aient les yenx fixés sur Ham :
voiJa le' sort réservé anx trattres ! ! !...


Notd, Le preces des contumaces s'lnstruisaut asee lenteur, vu les
formalités aobserver, nous avons dñ clore notrc onvrage axant l'arrét
qui intcrrlendra 11 leur égard.




( 59t )


prECES 'JUSTIFICATIVES.
-o ...


RAPPORT AU ROl.


SIRG,


Vosministre$ serai~ntpeu dignes de la confiance 110ntVotre Maje~t~
les honore', s'iist~rdait;nt plus Iongtems a placer sous vos yeux un
aperen de notre situatian intérieure, et 11 signaler a votre haute sagesse
les dangers de la presse périodique.


A aucune époque , depuis quinze années, cette situatioa ne s'était
présentée sous,un a~p.ect pl~ w.:.li.vti et.'Plu.a!IDgeant,~a1gré une pros-
~--~"""'~-_'_ ,,', r '. ",'" t ;' ,.


périté miltétteffiPdotit nos annelesu'aveient jamais offert -d'exemple ,
des signes de désorganisation et des sjmptómes d'anarchie se mani-
Iestentsur presqne tous les points du royatime.


Les causes succeasives quí ' ont conconrru 11 af'faiblir les 'ressoris du
gouvernement monarehique, tendent auj ourd;hqi II en altérer et a en
changer la nature : déchue desa force morale , l'autorité, soit dans la
capitale , ' solt 'dans les provinces, ne Iutteplus qü'avcc désavantage
eontre les factions: des doctrines pernicieuses et snbversives , haute-
ment professécs , se répandent et se propagent dan s toutes les c1a~ses


I '
de la popnlation : des inquiétudes trap' généralement accréditécs agi-
tent les esprit! etttlur~entent Iasociété. De toutes parteón demande
au présent des gages de sécurité ponr l'avenir.


Une malveillance active, ardente, infatigable travaille !l ruiner tens
l~s fondeméns'de l'ordre et 11 ravir 11 la Fraríc~:'le bonheur dont elle
jouitSdU&'le ¡¡'eeptrede ses rois, Habile a exploiter tous les méconten-
temen. et /¡ sOblevet:toutes-Ies haines, elle:fomenté, pamri les penples
un esprit de dlífianceetd'hostilité envers Ieponmir, etchcrchc a se-
mer partoutdes germesde troubles et de guerre civile,




( ~~ )
Et déja, gire, des érénemens récens ont prouré que les passions po-


litiques contenues jusqu'ici dans les somrnités de la soclété , commen-
cent a en pénetrer les profondeurs et a émouvoir les massespopulaires,
lis ont prouvé aussi que ces masses ne s'ébranleraient pas tonjours sana
danger pour ceux-Iá mémes qul s'efforcent de les arraeher au repos.


Une mulütude de faits, recueíllis dans le cours des opératious élec-
torales. confirment ces données, et nous olJriraient le présage trop
certain de nouvelles commotions, s'il n'était au pouvoir de Vatre Ma-
jesté d'en détourner le malheur.


Partout aussi , sfl'on observe avee attention, existe un besoin
d'ordre, de force et de permanenee, et les agitations qui y semblent
le plus contraires n'en sont en réalité que I'expression et le témoi-
guage.


11 faut bien le reconnaitre: ces agltations , qui ne peuvent s'ac-
croitre sans de grande périls , sont presque exclUSÍ'Vement produltcs
et excitées par la liberté de la presse. Une loi sur .les élections non
moins (écondes en désordes , 'a sans doute concouru a Ies entreteuir ~
mais ce serait nier l'évidence que de ne pas vok dans les journauJ: le
principa~ ~o:fE.•ll.'1f..~e. c~g,~~~~~~t les ;l1ro~es. sont chaque jour
plus seiiaiiblés. trt 1a ~lere. sóuree ~b~""ql,lle


, ' _'. ',.C,' .,,-'


royaume. .
L'expérienee, Sire , parle plus hautement que les théories. Des


hommcs éclairés sans doute , el dont la bonne foi d'ailleurs n'est pas
suspecte, entraínés par I'exemple mal compris d'un peuple voisin, ont
pu croire que les avantages de la presse périodique en balanceraienties
ínconvéniens , et que ses exces se neutraliseraient par des exces con-
traires. Il n'en a pas été ainsi , l'épreuve est décisive , et la question
est maintenant jugée dans la eonscience publique.


A toutes les époques , en effet , la presse périodique n'a été , et u
est dans sa nature de n'étre qu'nn instrument de désordre et de sé-
dltion.


Que de preuves nombrcuses et Irrécusablee a apporter- a l'appui de
cette vérité l C'est par I'action violente et non lnterrompue de la
presse que s'expliquent les variations trop subitcs , trop fréquentes
de notre politique intérieure. Elle n'a pas permia qu'il s'établtt en
Franco un systeme régulíer et stable du gouverncinent, ni qu'on s'oc-
cupát avec quelque BUitC d'íntrodulre daue toutes les branches de l'aJ·




ministration publique les améliorations dont elles sont susceptibles;
Tous les ministeres depuis 181,4, quoique forméS sous des infl uences
diverses et soumis 11 des directions opposées , ont été en butte aux
mémes traits, aux mémes allaques, et au méme déehalnement de
passions. Les saerifiees de tout genre" les eoneessions de pouvoir,
les allianees de parti , rien n'a pu les soustraire 11 eette commune
destinée.


Ce rapp~oehement seul , si fcrtile en réflexions , suflirait pour as~
signer' 11 la presse son véritable, son invariable caractere. Elle s'ap-
plique , par des efforts soutenus , persévérans , répétés chaque [our ,
areláchcr tous les Iiens d'ohéissance et de subordination, a user les
ressorts de l'autorité publique. 11 la rabaisser , 11 l'avilir dans 1'0-
pinion des peuples et ¡, lui eréer parloul des embarras et des ré-
sistances.


a'a respecté, en cílet
38'H.


Son art consiste , non pas 11 substituer a une trop Iacile soumission
d'esprit une sage liberté d'examen , mais a réduíre en prohleme les vé-
rités les plus positives ; non pas ¡, provoquer sur les questions politiquea
une controverse franehe et utile , mais 11 les présenter sous un faut
jour el 11 les résoudre par des sophismes.


La ,il~ll~ ;,'!"~'~'.,.i>le dé69rdre dane :le$intelligcQ.ees les plus
droües , cbranlé les convictions les plus ferrrres , ct produit, au milieu
de la société , une confusion de priucipcs qui se préte aux tentatives
les plus Iunestes, C'est p~r 1'anarehic dans les doctrines qu'elle prélude
a l'anarchie dans l'Étal.


II es'" digne de remar~ue,. Bire. que, la presse périodique n'apas
rnéme remplí sa plus essentiellecondition, celle de la publicité. Ce
qui est élrange • .maisce qui est srai adire , e'est qu 'i! n'y a pasde FU-
blicitécn France ,.en· prenant ce motdans s~ juste et rigoureuse ac-
ception. Dans l'état des choses .l~faits, quand ils nc sont, pas entie-
tementJ~potiés,ne parviennentala connaissancc de plusieurs millions
de leeteursque trouqués, défigurés. mutilés (le la mani,erc la, plus
odieuse.Un épais .lluage. élevé par les j,ournaux,. dérobe. la véritéet
~ .


intereepte en quelque sorte la Iumiere entre le Gouvernement ,el les
peuples. Les rois, vos prédéecsseurs, Sire, out toujours aimé á se com-
tnuniquer 11 Ieurs sujets; c'est une satisfaetion dont la presse n'a paa
voulu que Votre Majesté pul jouir.


Une Iiecnce qui a Iranchi toutes les bornes




( 594 )
Il!.fme dans les occasions.Ies plus solennelles , .~i les volontéa expreue
da Roi, ni les paroles descendues du haut dn tróne, LeS unes ont ét,
méconnues et dénaturécs ¡ les autres ont été l'objet de perfides com
mentaires on d'ameres dérisions, C'est ainsi que té" dernier aete de l:
puíssance royale, la proclamation a été discrédité dans le publico avan
méme d'étre connu des électeurs,


Ce n'est pas tonto La presse ne tend pas molns qu'a subjuguer la sou
veraineté et a envahir les pouvoirs de l'ttat. Organe prétendu de l'opi
nion publique, elle aspire 11 diriger les débats des deux Chambres, et i
est incontestable qu'elle y apporte le poids d'une int1uence non moin
fiicheuse que décisive, Cette domination a pris, surtont depnisdeu:
ou trois ans , dans la Chambre des Députés , un caractere manifesf
d'oppression et ele tyrannie. On a vu, dans cet intervalle de tems, le
journaux poursuivre de leurs insultes et de leurs outragcs les membre
dont le vote Ieur paraissait incertain ou sllspect. Trop sonvent, Sire
la liberté des délibérations daus eette Chambre a succombé sous le:
eoups redoublés de la presse,


On ne peut qualifier en termes moins sévéres la eonduite des jour-
naux de l'opposition dans des- clrconstances plus récentes. Apres
avoir eux-mémes pr~ué u'ne ..cb-éss'e ait~.pegativel
du tróne • il n'ont pas craint d'ériger en:prineipe la rééleetion des ~ll í.
députés dont elle est I'ouvrage. Et eepend:nt Votre Majesté avait re-
ponssé eette adresse comme offensante; elle avait p'orté un blame pu·
blíc S,Ur le reíus de coneours qui y était exprimé ; elle avait annoncé S1


,


résolntion immnable de défendre les droits de sa couronne , si ouver-
tement compromiso Les fcuilles périodiques n'en ont pas tenu compte
elles ont pris, au contraire , It tache de renouveler, de perpétuei
et d'aggraver I'offense. Votre Majesté décidera si cette attaque témé-
raire doit rester plus longtems impunie.


Mais de tous les exces de la presse. le plus grave peut-étre nour
reste a sigualer. Des les premien tems de cette espédition , dont Ia
gloire jette UB éelat si pUl' et si durable sur la noble couronne
el 1 .. '1" '1e France , 11 presse en a critiqué avec une VIO euce mouie escauses,
les moyens, les préparatifs , les chancea de succes, Inseusibe a l'hon-
neur national , il n'a pas dépendu d'elle que notre pavillcn ne-'féstal
flétri des insultes d'un barbare; indifférente aux grands intéréís de
l'humaníté , il n'a pas dépendu d'clle que l'Europe ne restát asservie ~
\lB esclaTagu cruel el ~ des tribuís honteux.




( 595 )
Ce n'était point asses : par une trahison que (.lOS lois auraient pu


atteindre, la presse s'est atlacbée a publler tons les secrets de l'arme-
ment, 11. portero a la eonnaissance de l'élranger I'état de nos forces ,
le dénombrement de nos troupes , celui de nos, vaisseaux , l'indication
des poiats de station , les moyens 11 empJoyer pour dompter I'In-
constance des venís, et ponr aborder la cote.. Tout, jusqu'au Iieu de
débarquemcnt, a été divulgué comme PQur ménager a l'ennemi une
défense plus assurée, Et , chose sans exemple cbez un penple civilisé,
la presse , par de fausses alarmes sur les périls 11 courir, n'a pas craint
de jeter le déconragement dans l'armée, et, sígnalant 11 la haine le chef
méme de l'entrepríse , elle a, pour ainsi dire, excité les soldats 11. Iever
contre lui l'étendard de la révolte ou 11 déserter leur drapeaux! Voil1l
ce qn'ont osé faire les organes d'un parti qui se prétend national I


Ce qu'il ose faire chaque jour, dans l'intérieur du royaume, ne
va pas moins qu'h disperser les élémens de la paix publique, a dis-
soudre les Iiens de la société , et qu'on ne s'y méprenne p oint , a
faire trembler le sol sous nos paso Ne craiguous pas de révéler ici
toute l'étendne de nos manx ponr pouvoir mieux appréeier toute
l'étendue de nos ressources, Une dl1famation syslématique, orga-
nisée en grsnd , el' ilirígée avec .une pcrsévérance sans égale, va
atteindre , ou de pres ou de loin , jusqu'au plus humble des agens du
pouvoir. Nul de vos snjets , Sire, n'sst 11 l'abri d'un outrage, s'Il re-
~oit de son souverain la moindre marque de confiance ou de satis-
faction. Un vaste réseau , étendu sur la France, enveloppe tous les
fonetionnaires publice , constitués en état permanent de préven-


. tion, ils semblent eu qnelque sorte retranehés de la société chile;
on u'épargne que ceux dont la Iidélité chanceIle; on ne .lone que '
eeux dont la fidélité succombe; les autres sont notés par la faction
ponr étre plus tard, salU douie , immolés aux vengeances popu-
laires.


La presse périodiquen'a pas mis moins d'ardeur apoursuivre de ses
traits envenimés la religion el le prétre. Elle veut, elle vi:l1Il(ha ton-
jo~ déraciner , dans le creur des peuples , jusqu1aux derniers germes
des seutímensreligieux, Sire, ne d~utez ,p;s .qu'elle . n'y parvienne ,
en attaquant les fondemens de la foi,· en áItérant les Murces de la
morale publique. et en prodiguant a plaines mains la dérision et le
mépris kUX ministres des autels.





NuUe force, il fauLr~Touer, n'est capahlu de résister /¡ un dis-
solvant aussi énerglque que la pn:sse. A toutes 1~8 époques ou
elle s'elltdég"aglle 'de ses entraves , elle a fait irruption , Invasion
dans rétáli. On nepeut-qu'étre singulierement frappé de la simili-
tade de se/!etfets depuis quinze ans, malgré la diversité des circón-
'sbl1eAiJ; et malgré le ehangemeut des hommcs qui ont occupé la scenc
,politiqueo Sa destinée est , en un mot , de recommenccr la révolution ,
<k>nt elle proclame hautement les príncipes. Placee el replacée a plu-
ltieurs mtervalles sous le jong de Ia censure, elle n'a au'tant de fois res-
saisi la liberté tlue pOlU' reprendre son ouvrage iuterrornpu, Afin de le
,continuer avec plus de succes , elle a trouvé un actif auxiliairc daos la
p1'esscdépartcmcntale qui , mettaut aux prlses les jalousics elles haines
Iocales; semant I'effroi dans I'áme des hommes timides , lrarcelant l'au-
torité p8r d'interminablcs tracasseries , a exercé une influence presqtlc
décisive sur les éleetions.' ,


Ces derniers cffets , 5ire, sont passagers; mais les effets plus du-
-r~ble~se!ont remarquer dans les mreurs et dans le carnctere de la na-
tion, Une polémiquc ardente -' mensongcrn et passíounée , école de
.~can~ale et de licence , y prodait des, chaugemens graves et des alté-
Ú:ti?~'rfh(~.n4e& ;;~,i,~~~neu~e fa~sse '~l,\ .~V~;}1-!1p.~its! les
,renilllit' .de _préventions, et de. préiugés, lc~ détoume des' éhi'des ~é­
~·i~uses, nuit ainsi au progres des arls et 'des scicnces , excite parmi
-1l()U~ une fermentation toujours croissante, entreticnt , jusque dans le
-~~ill des familles , de funestos dissentions , et pourrait par dégrés nous
ramener 11 la barbarie.
. -Conlre tant de !llaux enfaniés par la presse périodique , la loi el la
l~sÚc.~ s~:mt égalem~llt ré~.uitcs.~ confesser leur impuissance.


11 scrait superflu de rechercher les causesqui ont <llléJlué la répres-
;'¡Oll ~tep. out fait ¡nsel1Sibí~menl une .arme inutile dans la main du
po~voir.llnolls suffit d'intcrrogcr l'expérie~ee. et de soustater l'état
presen! des choses, " '. .. '. ....,. ,_ , ..".
'Lesni?,~rsJuiliciaires s~pret~nt .difficiIÍlm~~(a ,'u~erl!pression effi~
~~c~."é'¿tte'vé;+te .. J;óbserratión':'-vatt depuis loÍIgteIDs {rappé. de bons
e~priti':;~il~~'aequis'~d~ve\rem~ritun caraetere pÓh¡s marqué d'evrd~~~e.
p~~~'~~ti;'fáireau.xbésbi~<jlli'¡"ontfait instituer, Ia répression aurait
da ,elre, prompte et {orle; ~ileést. restéc lente, faible , et" peu pres
nulle. Lorsqu'elle intervient, 'le dommage est corumis : loin de le ré-
parer, la punition y ajonte le seandale du deba!.




La poursuite juridique H Iasse ,la prcsse sédltieuse ne le lasse ja-
mais. L'une s'arréte parcequ'il y trop a sévir , I'autre multiplie ses
rarees en multipliant ses déllts.


Dans des circonstances dlverses, la poursuite a eu ses périodes d'ac-
tivité ou de relñchement. Mais zele ou tiédeur de la part du minlstere
public , qu'importe 11 la presse ? Elle cherche dous le rcdoubleisent de
ses exces la garantie de lenr impunité.


L'insuflisancc , ou plutót I'inutilité des précautions établies dans les •
lois en vigueur, cst démontrée l'ar les Iaits. Ce qui est égalementdémon.
tré par les faits, c'est que la súreté publique est comprornise parla Iiccnce.
de la presse. n est tems , il est plus que tems d'en arréter les ravages..


Entendez , Sire • ce cri prolollgé d'indignation et d'effroiqui part de
toas les points de votre royaume. Les houunes paisibles , les gens de
bien. les arnis de rordre élevent vers Votre l\Iaj esté des mains sup-
pliantes. Tous lui demaudent de les préserver du retour des cala mités
dont leurs peros nu"eux-memes eurent tant' 11 gémir. Ces alarmes sont
trop re enes pour n'étre pas écoutées, ces vceux sont trop légitimes pour
n'étre pas accueillis.


Il n'estqu'un, ~,eul m.oyen d'y satisfaire, e'est de rentrer dans la
Charle. Si les termes de I'article 8 sont ambigus , son esprit esl mani-
feste. Il est cerlain que la Charte n'a pas concédé la liberté des jouI'-
naux et des écrits périodiques. Ledroit de publier ses opinions per-
sonneHes n'implique sñrement pas le droit de publier par voie d'en-
t['eprise les opinions d'autrui. L'un est l'usage d'une faculté que la loi a
pu laisser libre ou soumettre a des restrictions , I'autre est une spécu-
lation d'industrie qui, comme les autres , et plus que les autres , sup-
pose la surveiIlan~e de l'autoritó publique.


Les inteutious de la Charle, it ce sujet , sont exactement e~rljCJ'l.¡I"e~
daus la loi du 21 octobre 1814. qui en est en quelque sorte l'appen-
dice; on peut -d'autant moins cn douler, que cette loi fut présentéo


" aux Chambrcs le 5 [uillet , c'est-á-dire , un 'mois apres la promulga-
tion de la Charte, En 1819. a l' époque méme ou un systeme contrairo
prévalut dans les Chambres , il Y fut hautement proclamé que la
presse périodique n'était point régie par la disposition de l'article 8.
Cette vérité est d'ailleurs atlcstée par les lois mémcs qui ont imposé aux
journaux la condition d'un cnutionnemeat.


:-'laintenant Sire , il ne reste plus qu'lI se dernander comment doit




s'opérer ce retour a la Charte et a la loi du 21 oetobre 1814. La gra-
vité des conjonetures présentes a résolu cette question.


Il ne faut pas s'abuser. Nons ne sommes plus dans les cOlldition&
ordiaairesdu Gouvernement représentatif. Les príncipes sur lesquels
il a été établi, n'ont fU demeurer intacts, au milieu des vicissitudes
politiques. Une démoeratie turbulente, qui a pénétré jusque dans nos
lois, tend a se substituer au pouvoir légitime. Elle dispose de la ma-
jorité des élections par le moyen de journauJ: et le concours d'afíilia-


• tions nombreuses. Elle a paralysé, autant "qu'il dépendait delle ,
I'exercice régulier de la plus essentielle prérogative de la Couronne,
celle de dissoudre la Chambre élective. Par cela méme , la constitu-
tion de l'état est ébranlée : V. M. seule conserve la force de la rasseoir
et de la raf1'ermir sur ses bases.


Le droit, comme le desoir, d'en assnrer le maintien, est fattribut
inséparablc de la souveraineté. Nul Gouvernement sur la terre ne res-
terait debout, s'il n'avait le droit de pourvoir 11 sa,sureté. Ce pouvoir
est préexistant aUJ: Iois , paree qu'iI est dans la nature des choscs. Ce
sont la : Sire, des maximes qui ont pour .elles et la sanction· du tems
~ l:ave~ deit.?~~1~gt*lici~8d~J'Eur~P,e..'.
;Mais ces maij.mes ont une autre sanetion plus pM\\iTe enCOtAl.celle


de la Charte elle-memo. L'article 14 a investí V. M. d'un ponvoir suf-
fisant, non sans doute pour changer nos institutions, mais pour les
consolider et les rendre plus immuables.


D'impérleuses nécessités ne permettent plus de différer I'exercícc de
ce pouvoir supréme, Le moment est venu de recourir a des mesures
qui rentrent dans l'esprit de la Charte , mais qui sont en dehors de
l' ordrc légal, dont tontes les ressources ont été inutilement épuisées.


Ces mesures, Sire, vos ministres, qui doivent im assurer le suecas ,
n'hésitent pas avous les propaser, convaincus qu'ils sont que force res-
tera a justice.


Nous sommes avec le plus profond respect, etc.


Prince DE POLIGNAC, CHANTELAllZE, baron D'HAUSSEZ, comte DE
PEYRONNET, MONTBEL", comts DE GllERl'ION-RANV1LLI, baron
CAPBLLE,




',,-


Oll.DONNA.NCES DU nor,


Charles: etc,
A tous ceux qui ces présentes verront , salut.
Sur le rapport de notre conseil des ministres,


. N01ls avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. le" La liberté de la presse périodique esbsuspendue.
~. Les dispositions des articles le, , 2 et 9 du litre 1e' de la loi du


21 oetobre 1814 sont remises en vigueur.
En conséquence, nul ¡ournal et écrit périodique ou sémi-périodí-


que, étahlí ou 11 établir, sans dístinction des matíeres qui y seront
traitées , ne pourra paraitre, soit a Paris , soit dans les départemens ,
qu'en vertu de I'autorisation qu'en auronr obtenue de nous separé-
ment les auteurs et l'imprimeur.


Cette autorisation devra étre renouvelée tous les trois mois,
Elle pourra étre révoquée,
5. L'autorisation pourra étre provisoirement accordée et provisoire-


ment retirée par les préfets aux journaux et ouvrages périodiques ou
semi-périodiques, publiés ou 11 publier daos les départernens.


4. Les journaux et écrits, pu bliés en contravention a l'article s ,
seront immédiatement salsis,


Les presses et caracteres qui auront serví aleur impression , seront
placés dans un dépút puWic et sous scellés , ou mis hors de service,


5. Nul écrit au-dessous de vingt feuilles d'impression , ne ponrra pa-
raitre qu'avec l'autorisation de notre ministre secrétaire-d'état deI'iu-
térienr, aParis, et des préfets daus Ics départemens,


Tout écrit de plus de vingt feuilles d'impression qui ne constituera
pas un méme corps d'ouvrage, sera également sournis 11 la néceseité de


-I'autorisation.
Les écrits publiés sans autorisation seront immédiatement saisis.
Les presses et caracteres qui auront serví a leur impression seront


placés dans un dépót public et sous scellés ou mis hors de service,
6. Les Mémoires sur proces et les Mémoires de socíétés savantes ou


littéraires sont soumis a l'autorisation préalatle, s'ils traitent en tout
on en partie de matieres politiquee> cas auquel les mesure. prescrites
par l'article 5 leur seront applicables•


. 7. Toute disposition contraireaur présentes restera saus effct.




( 600 )
8. L'exécntion de la présente Qr~onnance aura líen en conformitlll


de l'articIe 4 de l'ordonnance du 28 ncvembre 1816 et de ce qui est
prcscrit parcelle du 18 janvier ISI7'


9. Nos ministres secrétaiees-d'état sont chargés deI'etécutien des
présentes,


Donné en notre cháteau de Saint-Cloud , le 25 de juiUet de l'an de
grace 1830. et de notre regne le sixieme. \


CHARLES.
Par le Boi.


Prince DE POLIGNAC. DE CUANTBLAUZE. baron D·HAUSSBZ. comte DB
PBYRONNET. l\10NTSEL. comte DII GVBI\NON - RANVUB 1 barón
CAPELLB.


Charlea, etc,
A tous ceux quí ces présentent verront , salut,
Vu l'article 50 de la Chalie constitutionnclle ,
Etant informé des manreuvres qui ont été pratlquées sur plusíeurs


points de notre royaume. pour tromper et égarer Ies électeurs peno
dant les demieres opérations del! colléges électoraus •


Nolre eonseíl entenau • .
Nous avons ordonné ct ordounons :
Art. lO'. La Chambre des Députés des départemens est dissoute,
2. Notre ministre secrétaire-d'état de l'intérieur est chargé de l'eré-


eution de la présente ordonnance,
Donné a Saint-Cloud , le 256 [our du mois de juillet de l'an de grilc6


1830 • et de notre regne le sixiéme, . .
CHARLES.


Par le Iloi ¡
Comte DI! PEYIl,ONNEl',


Charles, etc.
A tous eeux qui ces presentes verront • salut,
Ayant résolu de prévenir le retour des manceuvres qui ont exercé


une inlluence pcruiciegse sur les dernieres opérations des colléges
électoraux ;


Voulant en conséquence réforrner, selon les príncipes de la Charle
constitutionnelle , les regles d'élection dont l'expérience a fait sentir
lea iacouvénieus ;




t !


( 601 )
Nous avons reconnu la nécessité d'user du droit qui nous appar.


tient , de pourvoir, par des aetes émanés de nous, 11 la sñreté de l'État
et 11 la réprcssioa de tonte entreprise attentatoire ala dignité de notre
Couronne,


A ces causes, .
Notre conseil entendu,
Nous avons ordonné et ordonnons :
Art. ler. Conformément aux articlcs 15, 56 et 50 de la Charte con.


stitutionnello , la Chambre des Députés ne se composera que de dé-
putés de département,


2, Le cens électoral et le cens d'éligibilité se composeront exclasí-
vement des sommes pour lesquelles l'électeur et l'éligible seront inscrits
personnellement, en .qualité de propriétaire ou d'usufruitier, au role
de l'ímposition Íünciere et de I'imposition personnelle et mobiliere,


3. Chaque département aura le nombre de députés qui Iui est at-
tribué par l'article 56 de la Charte constitutionnello.


4. Les députés seront élus et la Chamhre sera renouvelée dan s la
forme et pour le tems fixés par l'article 57 de la Charte constitution-
nelle,


5. Les colléges électoranx se div.iseronten colléges d' arrondissement
et colléges de département,


Sont toutefois exceptés les coIléges électoraux des départemens aux-
quels il n'est attribué qu'un seul député, .


6. Les colléges électoraux d'arroudíssement 1i6 composeront de tous
les électeurs dont le domieile politique sera établi dans I'arrondisse-
mento


Les coIléges électoraux de département se ccmposeront du quart le
plus imposé des électeurs de département.


7, La clrconscription actuelle des colléges électoraux d'arrondissc-
ment est maintenue,


8. Chaque eollége électoral d'arrondissement élira un nombre de
candidats égal au nombre des députés du département.


9. Lé collége d'arrondissement se divisera en autant de sections
qu'il dcvra nómmer de candidats,


eeUe división s'opérera proportionnellement au nombre des sec-
tions et au nombre total des élccteurs du collége , en ayant égard ,


- ; ,¡




)


autant qu'il lera possíble , aux convenances des localhés el du roi-
sinage.


10. Les sections du collége électoral d'arrondissement pourront étre
assemblées dans del lieux différens,


i r, Chaque section du collége électoral d'arrondissemeut éliraun
candidat, et procédera séparément. .


12, Les présldens des sections du collége electoral d' arrondissement
seront nommés par les préfets parmi les électeurs de l'arrondissement.


15, Le collége de département élira les députés,
La moitié des députés du département devra étre choisie dans la


liste générale des candidats proposés par les colléges d'arrondissement.
Néanmoins si le nombre des députés du départemeut est impair,


le partage sera sans réduction du droit réservé au collége du dépar-
tement.


14. Dans le eas oh, par l'effet d'ommissions, de nominations nulles
ou de doubles nominations, la liste de candidata proposés par les col-
Iéges d'arrondissement serait incompleto, si cette liste est réduite au-
dessous de la mbitié dn nombre exigé, le coJlége de département
pouua élire un député de plus hors de.la liste: si la liste est réduite
au-dessous du quart: le collége de départemeut povra éIir~Qrs de
la Iiste la totalité des députés du département.


15. Les préfets , les sous-préfets et les officlers-généraux comman-
dant les divisions militaires et les départemens ne pourront étre élus
dans les départemens oh ils exercent leurs fonctions.


16. La liste des électenrs sera arrétée par le préfet en conseil de
préfecture. Elle sera affichée cinq [ours avant la réunion des colléges.


17' Les réclamations sur la faculté de valer auxquelles il n'aura pas
eté fait droit par les préfets seront jugées par la Chambre des Députés
en méme tems qu'elle statuera sur la validité des opérations des col-
léges.


18. Dans les colléges électoraux de département, les deux électeurs
les plus ages et les deux électeurs les plus imposés rempliront les fonc-
tions de scrutateurs.


La méme disposition sera observée dans les sections de collége d'ar-
rondissement , ccmposées de plus de ciuquanteélecteurs.


Dans les autres sections de collégc, les fonctions de scrutateur seront
remplies par le plus agé et par le plus hnposé des électeurs,




---~----~~""""-'",,---.~~~---- . .


----'-.-~~~--~-'~~~'. T


( 603 )
Le secrétaire sera nommé dans le collége des sectious de colléges


par le président et les scrutateurs,
19. Nul ne sera admis dans le collége ou section de collége, s'il


n'est inscrit sur la liste des électeurs qui en doivent faire partie. Celte
liste sera re mise au président , et reslera affichée dans le Iieu des séances
du collége pendant la durée de ses opérations,


Toute discussion et loute délibération quelconques seront interdiles
dans le sein des eolléges électoraux.


21. La police du eollége appartient au président, Aueune force
armée ne pourra, sans sa demande, étre placée aupres da lieu des
séances. Les eommandans militaires seront tenus d'obtempérer 11. ses
réqnisitions.


u. Les nominalions seront faites dans les collégee et sections de
collége , 11. la majorité absolue des votes 'exprimés.


Néanmoins, si les nominations ne sonl pas terminées apres deux
tours de serutin , le bureau arrétera la liste des personncs qui auront
obtenu le plus de sllffrages au deuxieme tour. Elle contiendra un
nombre de noms double de celui des nominations qui resteront afaíre,
Au troisieme, tOU!. l....ulIragll8 ne pourront ~tre donnés qu.'aux pel'-
sonnes inscrlles sur cette liste, et la nomination sera faite a la .majorité
relative.


25. Les électeurs voteront par bulletins de liste. Chaque bulletin
contiendra autant de noms qu'il y aura de nominations 11 faíre.


Les électeurs écriront leur "Vote sur le bureau, ou ry feront écrire
par l'un des scrutaleurs.


25. Le nom , la qualification et le domicile de chaque électeur , qui
déposera son bulletin, seront inscrits par le secrétaire sur une liste
destinée aconstater le nombre des votans.


26. Chaque scrutin restera ouvert pendant six heures , et sera
depouillé séance tenante.


27. Il sera dressé Unpreces-verbal pour chaque séance. Ce preces-
.verbal sera signé par tous les membres du bureau,


28•. Conformément 11. l'art. 46 de la Charte coustitutionuelle, aucun
amendement ne pourra étre fait a une Ioi , dans la Chambre, s'il a'a
été proposé 011 consentí par nou~, el s'il u'a été renvoyé et discuté
daos les bureaur.




CHARLES.


(, 604 )
JlII. Toutes diepositions contraires 11 la presente ordonnauce reste-


ront sans efIet.
30. Nos ministres secrétaires-d'état sont chargés de I'exécution de


la presente ordonuanee.
Donné a Saint-Cloud , le 25 da mois de juillel de l'an de grace 1830.


et de notre regne le sixieme.
CHARLJ;:S.


Par le Roi :


Prince DE POLIGNAC, CnANTELAUZIl , Barca D·HAUSSEZ. DIl
PIlYRONNET, MONTBEL. Comle DIl GUElINON-I\ANVlLLIl, CAPKLLIl.


CHARLES, clc.
A tous ceux qui ces presentes verront , salut :
Yu l'ordonnance royale cn date de ce [our , relative a l'organisation


des collégcs électoraux :
Sur le rapporl de notro ministre secrétaire-d'état au déparlement de


I'intérieur •
Nous avons ordonné el ordonnons ce qui su it :
Art..)". Les colléges électoraux se réuniront , savoir ,les colléges


électoraux aiÍlr¡'¡)ri.lli~~éin~n'í. le 6 septenif)Fé'-pi':O-e'b.lIiIl.;~\e..oll~geli
électoraux de département, lo¡ 18 du méme mois.


2. La Chambra des. Pairs et la Chambre des Dépntés des departo-
mcns sont corrroquées ponl' le 28 du mois de septembre prochain.


3. Notre ministre secrétaire-d'état de I'intérienr cst chargé de l'exé-
cution <le la présente ordonnance.


Donné au cháteau de Saint-Cloud, le ~5 juillet de 1'an de graee1830,
et de notre regne le sixieme.


Par le Roi :
Comle DIl PEl-RONNIlT.




( 605 )


TABLE ANAI-JYTIQTJE
DES MATU:RES


'CONTENUES DANS f.E DEUXIEIUE VOLUl\I:K


COUR DES PAIR8.


SÉANCE nu 15 nÉcEMJHIE 1830.


Pag•.


Suite de l'interrogatoire de M. de Polignac. Fí
Interrogatoire de 'M. de Peyronnet. 7


";. ·:·H~·:- ~


Intcrrogatoire de iII. de Chantelauze. 30
Interrogatoire de M. Guernon de Ranville. 4'
Débat entre MM.. de Polígn ac , Peyronnet et


1\'l. Persíl. 53


AUDITION DES TÉMOINS.
1\1. le comte de Chabrol {ex-ministre. )
M. de Courvoisier (ex-ministre.)


SÉANCE DUl6 DÉCEMBRE 1830.


64
7 1


M. Laporte, marchand de nouveautés. 80
M. Pilloy, joaillier. 1"
M. Bressaut , employé a la caisse d'épargnes. 8~
M. Basset , marchand de vino 8~




606 )


lU. Roger, concierge.
lU. Boniface, ancien commissaire de police.
lH. Tourneur, marchand de uouveautés.
1\1. Feret , libraire,


1'1. Jauge, banquier.
M. de Castel.
M. Terrier, confiseur.
1\1. Plougoulm, avocat.
M. Petit, ancien maíre.
M. Barbé, propríétaíre.


lH. Galleton, ex-commissaire de police,
1\1. IUasson, docteur en droit.
M. le maréchal Gérard.
rtL Billot, ancien procureur du RoL


.. "'",,~ ,o - "',e, '
M. Lecrosníer , chef de division a'la'pr'é(eO\~'de


pollee.
M. le comte Chabrol de Volvic,. ex-préfet de la


Seíne.


1\1. Baudesson de Richebourg, commissaire de la
Bourse.


M. Musset, chefde bureau a la guerreo
1\1. de Champagny, ex-sous-secrétaíre-d'état.


M. Rives.


'a!"-


84
85


87


8g


91


92
92


96


99
99


103


104
108


115


116


M. Billot , ancien procureur du Roi (2· audition.) 135


SÉANCE DU 17 DÉCEJlIBRE 1830.


IU. Jacques Laffitte, présídenr du conseil des


ministres.




Page.


M.Casimir Périer , président de la Chambre des
Députés, 1 qo


M. de Guise, ex-aíde-de-camp de M. le duc de
Raguse. 141


M. Louís de Komierouski , idem. 147


M. le vicomte de Foucault , ancien colonel de l'ex-
gendarmerie de París. 155


M. Arago, membre de l'Institut. 160


M. le marquis de Sémonville, Pair de France. 16,
M. I\fauguin, député. Igo
M. de Glandeves , Pair de France, Igl
M. le comte de Lobau , général. Ig8
IU Arago, fils. 198


SÉANCE DU 18 DÉCEMDRE 1830.


PLAIDOIR1E8.


Diseours de M. Persil , commissaire de la Chambre
des Députés. 201


Discours de M. de Martignac, défenseur de M. de
Polignac. ~6g


SÉANCE DES 19 ET 20 DÉCEMBRE 1830.


Díscours de M. de Peyronnet. 42g


Díscours de Me Hennequin, défenseur de M. de
Peyronnet, 44g


Discours de Mt Sauzet, défenseur de M. de Chan-
telauze. 466




r·~·
I


:'.


..


P.,•.
Discour§ de M· Crémie~,défenseur dé M. Guernon
., Ranville. 52J


Repli\ue de M. Bérenger , commissaire de la
Chambre des Députés, 531


SÉANCE DU 21 DÉCUInRE 1830.


Ueplique de 1\1. Madier de ~loDtjau, commissaire
de la Chambre des D'épuh~s. 556


Replique de l\I. de l\Iartignac. ~7tl
Arrét qui condamne les.ex-ministres comme coupa-


bies de trahison. 586 -


TRANSLATION.
-/


Récit 'de la translation des eondamnés, de la Cour
des Paírs a Vincennes, et de Yineellnes, a la for-
teresse de Ham.


PIECE8 JU8TIFICATIVES.


589


Rapport al'ex-Roi Charles X, formant la 'pícee prln-
cípale de l'accusation portée contre les ex-minis-
tres. 59 1


Premíere ordonnance , qui suspend la liberté de la
presscpériodique. 59tl


Deuxieme ordonnance quí dissout la Chambre des
Députés. 600


Troisieme ordonnance qui annule la loi électorale , 600
Quatrieme ordonnance quíflxe le jour de la eonvo-


catión de la nouvelle Chambre des Députés. 604


FIN DU DF.UXI~;Mg ET DF.lINIER VOJ,UlIH!,