OBSERVATIONS
}

OBSERVATIONS
RECUEILLIES


EN ANGLETERRE.




A NANTES,
DE L'IMPRIMERIE DE МЕ1ХШЕТ.




OBSERVATIONS


RECUEILLIES


EN ANGLETERRE,


PAR M. C.-G. SIMON,


E E D A C T E U R E S C H E F E T G E B A N T DU B B B T O W .


A P A R I S ,
CHEZ ISID. PESRON,


1 3 , RUE P A V É E - S A I B T - A W D E É - B E S - A R C S .


A NANTES,
CHEZ MELLIKET , ÉDITEUB. ^ Q


1836.






|ECI n'est point un livre complet sur
S l'Angleterre, c'est un des plus courts
I chapitres de l'immense ouvrage que


Sil^gf réclamerait la peinture complète d'un
pays digne d'être étudié et présenté sous toutes
ses faces à l'observation de la France. Qu'on ne




Jl AVAJST-PBOPOS.


me reproche donc pas de n'avoir point parlé de
tel|e chose, de telle autre, puis de telle autre
encore. Chez nos voisins, où il y a tant à voir,
je n'ai pas eu la prétention de tout examiner,
de tout approfondir en quelques jours. Au con-
traire , j'ai vu fort peu de choses, car je n'avais
que des instants bien courts à consacrer à un
voyage ardemment et depuis long-temps désiré.
Ne pouvant tout examiner, tout observer, j'a-
vais circonscrit d'avance le but de mes obser-
vations; je les avais limitées à un petit nombre
de faits d'économie politique, d'industrie et de
travail, sans m'interdire néanmoins l'examen des
objets d'un autre ordre que, sans les rechercher,
le hasard pourrait me présenter. Ce n'est donc
pas la Grande-Bretagne entière que j'examine et
que je juge dans son administration, dans son
gouvernement , dans son commerce, dans son
industrie, dans sa religion , dans ses moeurs ; je
ne juge rien, je raconte. Je raconte de bonne
foi le peu que j'ai vu , en narrateur sincère, plus
curieux de détails, plus désireux d'être utile que
de charmer par le romanesque des aventures et
l'élégance du langage.


Peut-être m'accusera-t-on d'avoir répété ce
que d'autres ont vu avant moi et dit mieux que




AVAfiT-PHOPOS. III


je ne pourrais le faire? je ne m'en défends pas;
mais qu'on écoule mon excuse : chacun a son
point de vue. — Les plus grands voient d'en
haut ; les plus petits voient d'en bas ; les vues
courtes regardent de près et saisissent les dé-
tails ; les vues longues se placent plus loin et
comprennent mieux l'ensemble. Peu d'yeux ont
le do.ubie privilège de bien voir de près et de
loin, de saisir un ensemble et d'analyser les dé-
tails. Chacun voit donc selon sa taille et selon la
portée de ses yeux ; chacun rend ce qu'il a vu
selon son individualité propre, et si plusieurs
ont décrit les mêmes objets, observé les mêmes
faits, les mêmes mœurs, chacun a revêtu ses
observations de l'empreinte particulière qui est
celle de son cachet propre et non point l'em-
preinte d'un autre. Et il faut que cela soit ainsi,
parce que les esprits divers ne sont saisis que
par des images différentes. Maintenant, il ne
m'appartient pas de dire si j'ai observé d'en haut
ou d'en bas, de près ou de loin, si j'ai bien ou
mal vu : le lecteur jugera. Mes yeux sont faibles
et sans doute sujets à erreur ; ce que je puis
affirmer, c'est que je parle avec sincérité. Si je
me suis trompé, je me suis trompé de bonne
foi ; si la vérité n'est pas dans mes paroles, elle




IV AVANT-PROPOS.


est toujours dans ma conscience et dans mon
cœur ; car j'ai écrit sans prétentions person-
nelles.




OBSERVATIONS
RECUEILLIES


EN ANGLETERRE.


LA DOUANE.


" En exécutant les lois relatives au bagage des
» voyageurs, les employés de la douane doivent
» considérer la bonne foi des passagers , et ne
» pas être d'une rigueur excessive dans l'exer-
» cice de leurs fonctions. »


(Circulaire ministérielle.')


S £ S 8 ^ e o u s êtes appelé en pays étranger, vous quit-
tez la France pour y rentrer ensuite ; alors,
Sc'est pour vous, grâce aux barrières élevées


1




'2 LA DOUÀKE.


par le monopole et l'ignorance routinière , une
cérémonie deux fois indispensable qu'une visite
douanière ; c'est le commencement et la fin obli-
gés de tout voyage par-delà les frontières : que
ce soit donc là aussi le début de cet ouvrage.


Il est des préparations pharmaceutiques dont
l'application commandée par des jours de mala-
die et de crise, ne pourrait être brusquement
supprimée sans ébranler toute l'économie ani-
malef de même il est dans l'ordre social certaines
plaies honteuses , invétérées, fruit des révolu-
tions ou de Fimpéritie ^qu'il faut savoir souffrir
sans trop murmurer, et ne fermer que par gra-
dation , si l'on veut éviter des secousses dange-
reuses : telles sont les douanes. Tous les hommes
éclairés déplorent cette condition fâcheuse d'a-
voir r entre deux peuples amis, unis par des be-
soins mutuels, des institutions analogues et des
sympathies communes, portés l'un vers l'autre
par des intérêts et des goûts réciproques, ces
barrières de commis qui, des deux côtés de la
frontière, se couchent en travers sur le seuil de
la porte, et vous crient: On ne passe pas!
Mais, si des intérêts divers qu'il faut respecter,
quoiqu'ils se soient formés à l'abri d'une ancienne




1.V nOUAîfE. 3


et vicieuse organisation, nous obligent à conser-
ver, pour un peu de temps encore, un ordre
de choses aussi abusif, que du moins les rigueurs
en soient atténuées par la bienveillance des per-
sonnes préposées à son maintien ; qu'une sage
tolérance prête appui à la bonne foi, qu'elle
adoucisse par la forme la sévérité inquisitoriàle
écrite dans la loi. Au reste, je l'exprime à re -
gret ; c'est plutôt à mon pays qu'à l'Angleterre
qtie ^'adressent mes paroles : le simple récit des
faits permettra d'en juger.


Par un beau soir de mai, de nombreux passa-
gers avaient quitté le Havre : le joli paquebot à
vapeur Y Apollon, après une heureuse et courte
traversée, les mettait à terre, à quatre heures
du matin, sur la jetée de Southampton. Les effets
débarqués avec soin sont immédiatement trans-
portés à la douane pour y attendre et le jour et
l'arrivée de l'inspecteur. A six heures très-pré-
cises, ce fonctionnaire doit être à son poste: avis
en est donné. Qui exigerait une ouverture plus
matinale des .bureaux ? — Personne assurément.
Sans murmurer donc, et sans avoir subi l'affront
d'une visite de sa personne , chaque voyageur
fut libre , en attendant l'heure assignée , de vaquer
à ses affaires, de se reposer à l'hôtel ou de'muser




4 LA DOtAHE.


par la ville, selon son bon plaisir. Il ne fallait que
ces deux heures à un nouveau débarqué comme
moi, pour faire acte de naturalisation anglaise,
en dissipant, par de larges libations de thé au
lait, l'air humide de la mer ; pour visiter la pre-
mière cité britannique qui me donnait une hos-
pitalité de quelques instants ; rire sur l'esplanade
de ces deux formidables pièces de quatre, sé-
curité _ du port , et m'étonner enfin de ces quar-
tiers bizarres où les champs cultivés, les .vertes
prairies disputent l'espace aux maisons.


Mais six heures sont sonnées : fidèles au rendez-
vous , les passagers encombrent les bureaux de la
douane. Les employés sont vifs et prévenants; dé-
cente et rapide , la visite des bagages à sept heures
est terminée. Sans formalités retardatrices, sans
barbouillage de papier, chacun avait reconnu et
payé le droit établi sur divers articles d'impor-
tation tarifés; et, à huit heures tous roulaient
sur les grands chemins d'Angleterre, sans temps
perdu, sans argent dépensé pour des retards
inutiles.


Les formes sont-elles en France aussi bien-
veillantes, aussi expéditives ? — Nous allons
voir.




LA DOUAKB. U


Deux mois plus tard, à une heure après
midi, notre paquebot mouillait en pleine rade
de Saint-Malo. La patache de la douane nous a
signalés ; elle nous accoste, jette à notre bord
son armée d'employés et les inévitables gen-
darmes. Un à un nous quittons le navire, mais
fouillés avant tout, fouillés et refouillés. La
douane française est peu vive , mais pudibonde ;
elle procède lentement, mais respecte les moeurs.
Ainsi les dames sont fouillées par une femme ,
les hommes par deux douaniers ; fouillés dans
les poches, fouillés dans les vêtements , fouillés


1 dans les doublures, fouillés partout : inspection
générale. Le secret du portefeuille n'est pas
même respecté; les passe-ports examinés avec
soin sont remis aux gendarmes pour ne revenir
aux mains des porteurs qu'après avoir traversé
les cartons de la sous-préfecture , les bureaux de
la mairie et subi les sceaux de la police ; les
lettres cachetées sont saisies, et le malencon-
treux voyageur qui les porte se voit menacé
d'une amende, s'il a malheureusement oublié ou
négligé d'en faire la déclaration!... M'étant mis
dans ce dernier cas, je peux parler d'expérience ;
pourtant, mon récit sera fidèle , exempt de pas-
sion , de rancune et de mauvais vouloir : je n'ai




f) LA DOUAiNË.


ni fiel, ni ressentiment ; je n'ai qu'un seul désir,
faire connaître la vérité, et, s'il est possible,
provoquer une réforme.


Lorsque je me présentai à la visite , le doua-
nier qui allait me fouiller m'adressa, comme à
tous, la question sacramentelle : « Vous n'avez
rien ? » — « Rien, » répondis-je , l'esprit préoc-
cupé de marchandises prohibées. « Et dans votre
portefeuille ? » ajouta l'employé en voyant mon
carnet à moitié sorti de la poche de mon habit.
— « J'ai dans mon portefeuille plusieurs lettres
» cachetées, que des amis m'ont remises au mo-
» ment du départ, avec prière de les jeter à la
» poste en débarquant en France ; et , si vous le
» désirez, chargez-vous vous-même de ce soin. »
—• « Halte-là! reprit mon douanier, lorsque je
» vous ai demandé si vous n'aviez rien, vous
» avez répondu : Rien. Vous êtes pris en fraude
» et passible d'une amende : vous ne pouvez
» débarquer. »


Une amende, je l'avoue, ne me paraissait pas
chose fort agréable pour avoir innocemment dé-
siré obliger quelques amis. Je repris donc à mon
tour : « Lorsque vous m'avez demandé si j'avais
» quelque chose, je vous ai répondu : rien,
» pensant qu'il s'agissait uniquement de mar-




L à D O U A S J i . 7


» chandises prohibées ; dès que vous avez ajouté :
» et dans votre portefeuille, je n'ai pas hésité à
» déclarer qu'il renfermait quelques lettres ca-
» chetëes. » — « Vous devez savoir que les
» lettres cachetées sont de la fraude. » —
« C'est possible , mais je n'y ai pas songé, et je
» ne pense pas.que je doive être puni pour un
» léger oubli qui, en définitive, roule sur un
» simple jeu de mots. »


J'eus beau dire , beau me débattre, insensible
à mon éloquence, inflexible comme un roc ,
mon sévère douanier s'opposa à mon débarque-
ment , m/envoyant sur le gaillard d'arrière réflé-
chir à l'aise sur les agréments de la complaisance,
la mansuétude des lois et les bons procédés de
la douane, jusqu'à ce qu'il plût à l'employé su-
périeur de décider de mon sort. Je n'attendis pas
long-temps ; et, je dois le dire à la louange de
cet employé, sans m'avoir parlé , sans avoir en-
tendu mes raisons, mais par simple bon-sens ,
il donna l'ordre de me laisser débarquer et me
fit dire en même temps que mes lettres seraient
mises à la poste, ce qui fut ponctuellement exé-
cuté. Pour être juste jusqu'au bout, il me faut
ajouter que je ne profitai pas de la permission de
débarquement sans avoir entendu les murmures




# LA DOCAJNE.


que se permit à son occasion mon douanier ;
obstiné dans les principes jusqu'au bout, il ne
lui fallut pas moins de deux injonctions pour me
rendre à la liberté.


Débarrassés de la visite des poches, nous at-
tendîmes à terre le débarquement de nos effets
pour aller au bureau de la douane assister à la
fouille des malles. A trois heures , cette forma-
nte commença. Nous avions, par malheur, affaire
à un vérificateur scrupuleux et timoré, moins
éclairé que consciencieux dans l'exercice de ses
fonctions. Je dois cet hommage à la vérité , le
désir d'obliger n'était combattu chez lui que par
la crainte de ne pas accomplir son devoir selon
la lettre stricte de la loi : les employés qui opé-
rèrent sous ses yeux opérèrent bien ; ils ne
firent pas grâce de l'examen à une seule malle,
à une seule petite boite, à un seul fond de sac
de nuit, à un seul carton à chapeau (à huit
cent francs par an, le temps des douaniers n'est
pas cher ) ; aussi cette longue, cérémonie com-
mencée dans le milieu du jour, ne pouvant se
terminer le soir même, force fut bien de la re -
mettre au lendemain, au grand regret des passa-
gers plus pressés que les douaniers, et venus,
pour la plupart, dans l'intention de poursuivre
immédiatement leur voyage.




H DOUABE. '9


Si ce n'était une honte dont je rougis pour
mon pays, je rirais encore de l'anxiété de cet
innocent vérificateur, discutant gravement sur le
pantalon d'un voyageur, et se demandant si la
culotte était entièrement neuve, ou si elle avait
servi ; si les poches en avaient été salies par l'u-
sage ou par la main négligente du tailleur. J'en-
tends encore ce digne employé me dire le len-
demain , d'un ton de regret dolent, mais dépouillé
de toute malveillance : S ai laissé hier au soir
introduire un habit; je crains bien que ce
vêtement ne soit jamais porté par celui qui
lavait dans sa malle ; et, vous le savez ,
Monsieur, nous ne devons laisser passer
que les effets à lusage des voyageurs!.. Un
auteur comique, un écrivain de feuilletons, paie-
rait des traits semblables : quant à moi je me
borne aux faits, je les dis simplement, sans alté-
ration ni retranchement.


Je ne veux pas m'arrêt&r ici à discuter la né-
cessité ou les inconvénients de notre système de
douanes; mais il est de mon devoir de français
de demander s'il n'y aurait pas quelques moyens
de concilier l'exécution des lois et ordonnances
avec les égards dûs aux voyageurs, et les encou-
ragements auxquels ont droit les étrangers qui
viennent visiter la France.




10 LA. DeUAJVK.


Les employés des douanes, il est vrai, ne
sont pas toujours d'une sévérité rigoureuse ; la
plupart d'entre eux, ^surtout les chefs dont les
pouvoirs rsont plus étendus, écoutent rarement
sans déférence une juste réclamation ; mais quel-
que disposés qu'ils soient à l'indulgence, beau-
coup ne sont-ils pas, par une fausse délicatesse
de conscience , ou par un zèle excessif, arrêtés
dans leurs dispositions bienveillantes? Les ins-
tructions ministérielles ne leur laissent-elles pas
trop peu de latitude dans l'application des règle-
ments ? C'est donc l'adoucissement de ces règle-
ments qu'il s'agit de réclamer avec instance, afin
qu'aucune entrave inutile ne mette obstacle aux
relations de deux nations amies. Efforçons-nous
de resserrer les liens qui unissent la France aux
contrées voisines. Prenons exemple sur celles
qui, par la facilité de leurs lois, les convenances
de leurs procédés, nous aplanissent l'entrée de
leur territoire ; étudions surtout l'Angleterre, et
imitons-la lorsque, par la modération de ses
douanes, la rapidité des services publics, la
prévenance des fonctionnaires, elle élargit toutes
les voies qui amènent les étrangers dans sou sein,
évitant toujours de les harceler par d'insuppor-
tables et vaines formalités.




I,A nOUAHE. Il


Or, je le répète, je rougissais|pour mon pays
des vexations auxquelles les Anglais étaient as-
treints à leur arrivée sur le sol français, moi qui
avais été témoin des facilités qu'ils nous accordent
sur le leur. Je le demande à tous , ne serait-ce
pas un opprobre pour la France de supposer
que la sûreté de son commerce, les intérêts de
son industrie , les recettes du fisc seraient sérieu-
sement compromis par l'introduction d'une lettre
dans un portefeuille, de quelques objets prohi-
bés dans une malle, lorsque le propriétaire de
cette malle et de ce portefeuille vient compenser
chez nous, par la consommation directe de nos
produits, les fraudes toujours peu importantes
qu'il a pu se permettre à l'arrivée •* Au nom de
la justice et de la raison, au nom delà dignité
nationale blessée par d'odieuses rigueurs, ne
persistons pas dans des formalités plus vexatoires
qu'utiles , et sachons exercer noblement l'hospi-
talité que l'étranger vient-demander à la France.






MAIUÈHE DE VOÏAGER. 13


MANIÈRE DE VOYAGER.


SáS8S*eiLlGET«CES. — Sil'AmértcainÏTanklina dit:
i W) ^¡,^e"affez ?e temPs ? c'est l'étoffe dont
¿kseshla vie est faite. Les Anglais ont, «navrais
calculateurs, modifié le proverbe, ^t disent à leur
tour : la célérité est du temps, et te temps est
un capital ; puis, fidèles à cet adage devenu loi
pour «ux, chaque jour ils modifient les formules
du langage commercial, pour les abréger et sauver
du temps, chaque jour ils perfectionnent leurs
routes pour les rendre plus courtes, et ajoutent
de nouvelles inventions aux anciennes, pour accé-
lérer les moyens de transport. C'est à ce besoin
de faire et d'aller vite qu'il faut attribuer ces
belles routes macadamisées sur lesquelles on ne
fait jamais moins de trois lieues à l'heure, et
surtout ces admirables chemins de fer sur les-
quels marchandises et voyageurs volent avec la
rapidité de l'éclair.




i 4 MAfllÈBK DK VOYAGES.


En toute saison l'Anglais voyage dans son
pays avec le même bagage. Un sac de nuit ren-
ferme un pantalon de rechange, quelques paires
de chaussures et une demi-douzaine de chemises.
Il sera peu de jours dans une ville étrangère,
ses affaires seront promptement terminées ; et,
grâce à la rapidité des diligences, quelque loin
qu'il soit allé, il sera bientôt de retour au logis:
quelle nécessité, alors de s'encombrer d'effets.
Sur lui, il porte invariablement un habit propre
soustiine épaisse houpelande. Ce dernier vête-
ment le préserve du froid en hiver ou de la
poussière en été, et, en cas de pluie , le water-
proof .cloak (1) est toujours sous la main. (2)
Jamais d'inquiétude sur l'heure du départ, chaque
ville, petite ou grande possède toujours deux ou


(1) Manteau léger, imperméable., en étoffe de caout-
chouc.


• (2) Les diligences anglaises sont simples et élégantes.
Par suite de l'habitude des Anglais de ne -voyager pour
ainsi dire jamais qu'à l'extérieur , elles se composent
généralement d'une caisse intérieure, contenant quatre
personnes, et de deux ou trois banquettes supérieures
et découvertes, de trois a quatre places chacune ; et , de
plus, d'une place sur le siège à côté du cocher. (F"jir au
chapitre des voitures.)




ÎIASIK8B DE VOYAGER. IT)


(1) Le prix moyen des places est généralement de un
shilling par trois milles à l'intérieur, et de un shilling
par cinq milles sur les banquettes, non compris les frais
de cocher.


Le shilling vaut 25 sous de notre monnaie. Il faut 2
milles 1/2 pour faire une lieue de poste.


trois voitures publiquesepour quelque destination
que ce soit. Etes-vous décidé àj 'partir, là chose
est facile. Vous arrivez au bureau de la dili-
gence , et là, le laconique colloque qui suit, s'en-
gage éKtre vous et le commis {"« avez-vous des
voitures pour tel e n d r o i t ? — l e matin à telle
heure, le soir à telle autre. — Combien ?'&*• Tant
dehors, tant dedans (So much outside, so
much inside). (1) — Voulez-vous m'msèire?
— Quel nom ? - ^ ^ | 1 . — Dehors ou dedans ? —
Dehors. — Tant. » Et vous payez immédiatement
le prix complet de votre place, si vous|ne voulez
avoir la peine de solder au moment du départ,
car le prix intégral de la place se paie toujours
avant de monter en voiture.


Soyez exact à l'heure du départ / les dili-
gences anglaises n'attendent pas. Cependant si
vous demeurez sur le passage de la voiture, elle
s'arrêtera pour vous prendre à votre porte vous




16 MANIÈRE DE VOIAGBK.


et vos effets ; mais soyez^sur le seuil, autrement
vous resteriez chez vous,


Jamais voiture publique, tant qu'elle a de la
place ne fait difficulté de prendre un voyageur
qui se présente sur sou chemin avec son Bagage.
A peine s'arrête-t-on pour cela, tant les choses
se fonjtçfapidement en Angleterre. Rarement le
conducteur, qui est aussi le cocher, descend de
son siège, tous les voyageurs se prêtent à la cir-
constance: l'un soulève votujjApaquet, un autre
s'empare de votre parapluiecelui-ci de votre
manteau, cet autre vous tend la main, tous se
rangent pour yous faire place. Votre bagage est jeté
dans un coffre ou attaché, vaille que vaille, sur
l'impériale, l'administration ne répond que des
effets enregistrés et dont le port est payé à part :
c'est à chaque passager à veiller sur son bien.
Et, chose extraordinaire,au milieu de ce désordre
apparent, il est rare que le moindre objet soit
perdu ou même égaré , tant chacun se prête
merveilleusement et de longue habitude à la sur-
veillance commune du chargement. Point d'ap-
pel des voyageurs comme chez nous, et jamais
de dispute pour les places ; les dames et les pre-
miers venus choisissent , les derniers arrivants
s'asseyent où ils peuvent, cf personne ne se
plaint.




MARISRB DB VOÏAGER. 17


Enfin- tout esti prêt,.,leiI facteur, a :, crié ? ail
right ! équivalent de notre en route ! u4i léger
coup de fouet OH .plud souvent le comédon :du
cocher a donné le signal, les chevaux partent au
grand'trot, et vo*is roulez .ainsi jusqu'à dBstina-
tion sur les plus belles routes du . monde, et à
raison de 1) milles à l'heure au moins. -


•Si j?écrivais un livre de science , je pourrais
établir ici une belle comparaison entre la len-
teur des voyages anciens et la rapidité des trans-
ports modernes; en fait d'érudition, je; pourrais
mettre en i parallèle cette affiche sur laquelle, il
y a trente ans, on annonçait .comme un grand
perfectionnement une ' voiture- faisant-; trois fois
par semaine ! le i trajet de Ignores àYiorck en
qutrtre jours r%uv«e kt g1tace,\d& Jiiçu,. et
l'affiche d'aujourd'hui promettant d'accomplir la
même distance en moins de 24 heures,.mais sans
stortiri.de mon sujet, je veux me : borner ,à. ,;une
mœarqne;, qui inalheureusemçttt se renouvellera
peut-être plus d'une fois dans cet écrit > c'est ^ue
tout, perfectiojjhemqnt t,gon, utilité lut-elle dé-
montrée juwqit'à l'évidence choque toujours
certains, esprits rétrograde», pu certains indi-
vidus intéressés i à. la routine, et subit les attaques
les plus discourtoises et souvent les plus ridicules.,


2




18 MAÏIEÏE DB VOYAGÏB.


I/ëtabhssentfent des diligences, nous ей offife un
exempte. •, , .


, ! ;£и- ;1Ш&у uni derlaw M. Job» Creeset. pwhlia
i№ pamphlet'pour réclamer la suppression des
néft<%Mbsvoitor»Sye*, enjr autres r&isoûs^ilt va­
loir la suivante:


« Les diligences fournissent «ex citoyens-des
» 'ftlCinfiés peur Tenir à Londres, pour le plus
» léger mtàif ; et ее voyage y qu'ils ne feraient
» autrement que dans des cas d'wgenoe, est,
» 1 dteôns-le, souvent entrepris par leurs femmes
» iftémfcy lesquelles resteraient certainement
» fehëz elles plulèt qtïe- d'entreprendre à cheval
* une paréMte1 tournée; Puie^ quand)>œe daines
» sont'dans la capitale, il leur fa*t ^tedier les.
à meiàêéï acheter des ajustements neufs, aller
* aux; spectacles, sur les; promenades j efcJjШ
» Mert qu'à la fin elles deviennent peré*seuses et
» disivëSv àro6M«&J polir Ле 'plaisir «t stfnffreat
й ' ensuite y Ito r sqtfit leur1 faut rëp*ei*dre leur team
»'êev'îe ordîwairè. » ; •


tes bateaux a Vapeur j : tles : èh*mine de fer,
ôrit en des détracteurs de même force;. Bi'a-t-on
pès prétendu que le bruif des Wàggttnç effraierait
lés Vaches h leur pas^ageît Mais le siècle et les
diligences, \ел lumières et les machines locomo-




MA5IEBE DE VOYAGER. 19


tives marchent et continueront de marcher en
dépit des imbéciles , des égoïstes et des méchants.


Malgré l'allure soutenue des chevaux , on ne
s'aperçoit pas qu'ils soient jamais brutalement
traités par leur conducteur. Celui - ci se .sert
rarement de ces mots grossièrement énergiques
qui déparent si souvent la bouche de nos pos-
tillons françà%. Il est rare même qu'on entende
prononcer le god damn sacramentel que nous
prêtons si gratuitement aux Anglais , dont la
conduite en paroles et en actions est, au contraire
et en général, plus réservée que la nôtre!


Les diligences anglaises n'ont ni conducteur,
ni postillon que l'on puisse comparer aux con-
ducteurs et postillons des voitures françaises. Un
homme, le plus souvent d'âge mûr, de figure et
de costume respectable, s'assied sur le siège et
représente seul son administration. Ilmène pendant
environ 40 ou 50 milles. Si la route est de beau-
coup plus longue, la direction se partage entre
deux ou trois cochers, selon les distances. L'u-
sage veut que chaque voyageur donne un shilling
(1 fr. 25 c.) à chacun de ces cochers.


A chaque relais, le fouet, toujours élégant, est
jeté entre les mains du groom , qui détèle ,
atèle les animaux, et leur donne les soin9 de l'é-




20 MA5IEBE S B VOYAGES.


eorle. - Pour activer le changement, le cocher
met lui - même pied à terre. Le nouveau
relai en place, il reçoit un autre fouet de la
main du même groom, et remonte sur son siège.
Les «chevaux étant toujours prêts et en attente
sur le bord de la route, l'attelage est renouvelé
en quelques minutes. Si bien que le voyageur
engagé dans ses réflexions ou dans^uelque con-
versation intéressante, s'aperçoit à peine de la
halte. Aux endroits déterminés pour les repas des
voyageurs, la voiture prolonge sa station de 45
à 20 minutes pour repartir ensuite plus rapide.


Pour qui désire le menu des détails, j'ajouterai
que chaque relai fournit généralement une course
de trois à quatre lieues. Les voitures étant fort
légères et les routes unies ou presque sans côtes
rapides, les attelages peuvent soutenir une allure
allongée et régulière de trois lieues 1/2 à quatre
lieues à l'heure, sans trop de. fatigue. Les chevaux
des diligences françaises, il faut eu convenir,
trottent la plupart du temps sur route unie, aussi
vite que les chevaux anglais; mais la grande
pesanteur de nos voitures publiques force à les
mettre au pas chaque fois qu'une hauteur ou la
moindre inégalité de terrain se présente à fran-
chir. Et , soyons justes, ces inégalités se présen-




MAKIÈKE DE V0YA6BB. 21


tent beaucoup trop souvent sur nos routes, surtout
sur les anciennes, même les mieux entretenues.


Je n'ai pu savoir si les personnes patentées
pour tenir des chevaux de poste (la charge de
maître de poste n'est point un privilège en An-
gleterre) les employaient comme en France au
travail de la terre pour les reposer de l'allure trop
vive des grandes routes, mais la loi qui les y auto-
rise sans supplément de patenté , porterait à
croire que, si cet Usage n'est pas général, du
moins a-t-il lieu quelquefois. Dans les villes ma-
ritimes , les personnes qui ne redoutent pas de se
livrer aux caprices de la mer, trouvent des paque-
bots à vapeur pour tous les autres ports du
royaume uni, ou pour l'étranger. Ces paquebots
sont agréables, et par la société qu'on y rencontre,
et par les arrangements commodes du bord, où
l'on jouit de tout le comfortable de la vie ordi-
naire. Cette manière de voyager est prompte et
économique, parliculièrement pour les individus
peu aisés et pour les ouvriers, qui obtiennent sur
le gaillard d'avant des places souvent peu com-
modes, il est vrai, mais toujours à bas prix. (1)


(1) Des bateau^ ¡1 vapeur effectuent contaminent çt




22 H AS 1ERE DE VOÏAGBR.


AUBERGES. — Des diligences et des paquebots ,
descendons à l'hôtellerie.


Les hôtels anglais sont en général propres et
bien tenus, même dans les plus petites localités,
et presque toujours sur un même pied. En dé-
crire un, c'est les décrire tous.


Les bureaux de diligence ne spéculent point
sur leurs facteurs, aussi ces derniers sont-ils en
très-petit nombre et se chargent rarement du
port des effets des voyageurs. Si ceux-ci con-
naissent d'avance l'endroit où ils veulent des-
cendre , on ne fait point difficulté de les mettre
à terre, eux et leur bagage, dans le quartier d'une
ville traversée par la diligence, le plus rapproché
de leur domicile. Dans certains cas même , le co-
cher est assez complaisant pour vous conduire
directement chez vous, moyennant une légère


à des prix raisonnables le transport des voyageurs de
la plupart des ports français sur la Manche avec les
ports les plus voisins d'Angleterre.


Les administrations des messageries de France ont des
correspondances directes avec l'Angleterre , et aujour-
d'hui l'on peut retenir directement sa place de Paris à
Londres , ou réciproquement, par Calais et Douvres, pour
la simple somme de 35 sh. ou 43 fr. 75 c.




MANIÈRE DE VOYAGER. 23


rétribution. Dans les autres cas, le garçon, de
l'hôtel où vous descendez, ou le premier porte-
faix venu se charge de vos effets, à moins qu'il
ne vous soit plus commode de vous servir d'un
fiacre qui transporte à la fois votre personne et
votre bagage, si la distance est un peu longue à
franchir. A Londres il est rare qu'on n'use pas
de ce moyen commode et économique. Souvent
les omnibus servent au même office, surtout
au départ et à l'arrivée des bateaux à vapeur et
des diligences sur les chemins de fer. Dans ces
deux cas les points de départ étant toujours éloi-
gnés du centre des villes, de nombreux omnibus
vous évitent, pour une somme qui rarement
excède un demi-shilling, une longue course en-
travée encore par l'embarras des bagages. C'est
une justice à rendre à l'Angleterre: il n'existe
pas de pays au monde où les moyens de voyage
et de transport, soient plus faciles , plus simples,
plus expéditifs.


Enfin la route est achevée , vous avez mis pied
à terre à la porte de l'hôtel ; vous y êtes accueilli
avec empressement et une politesse respectueuse
de la part des domestiques, car il est rare ici
qu'un voyageur ait occasion de voir son hôte en
personne ou de lui parler. Votre manteau et votre




V\ MAISIKBE DK VOÏAGEH.


houpelande sont suspendus dans une chambre
commune, dite commercial room; votre malle
ou votre sac de nuit est porté daus une chambre
à coucher propre et garnie d'un bon lit. Les
autres meubles consistent en deux chaises, une
table de sapin recouverte d'une serviette , et por-
tant une petite glace à bascule, dite toilette de
campagne, une toilette lavabo, et un petit che-
valet pour étendre les serviettes. Quant à un mo-
bilier-plus complet, tel que commodes, armoires,
table de nuit, secrétaires, n'y comptez pas, vous
ne le trouverez nulle part en Angleterre comme
vous le trouvez en France. Votre malle doit
suffire pour vos effets; et votre correspondance,
si vous en avez, vous la ferez dans la salle à
manger, chambre commune où se tiennent ha-
bituellement les voyageurs , et où vous avez cons-
tamment, papier, plumes, encre et tout le né-
cessaire pour écrire.


Le voyageur arrive le soir dans une ville: il
est trop tard pour commencer ses courses le jour
même, il demande le thé ou le verre de grog
à l'eau chaude , appelle la servante pour se dé-
barrasser de ses bottes; celle-ci apporte le tire-
bottes et une paire de pantoufles, puis le voya-
geur, couché à son aise sur un bon sopha, ap-




MAMÈKE DE VOÏAGEB. 25


prête selon son goût, ou le grog ou le thé, puis
en dégustant à petits coups le breuvage confor-
table , feuillette le directory de la ville, qui
fournit l'adresse des personnes et des établisse-
ments que l'on veut voir le lendemain.


Dans la plupart des villes d'Angleterre on fait
trois repas, l e déjeunera neuf heures du matin,
consiste en plusieurs lasses de thé ou d'un café
très léger, blanchi par unjpeu de crème ; un œuf
à la mouillette, ou quelques tranches de viande
froide, l e thé se prend avec des tranches de
pain grillées et beurrées, ou avec des mu/fins,
sorte de pain de fantaisie très-peu cuit, mais d'un
goût agréable. Aucune boisson n'est servie à ce
repas ; le thé , le café arrosent alternativement
le roast-beef ou la grillade de pain.


l e dînera lieu à table d hôte, ou à part, et indi-
viduellement. Si l'on veut voyager avec économie,
qu'on ne désigne jamais son dîner d'avance, on
sera toujours sûr d'avoir au moins de la viande
succulente et fraiche. Un ordinaire à la Française
ou plutôt approximativement à la française
serait difficilement servi et toujours à des prix
fort élevés. A la demande de ce qu'on désire au
dîner, qu'on réponde sans hésiter: Ce que vous
aurez, n'importe quoi. (Any thing.) De la sorte,




26 MAKIÈRE DE VOYAGE».


le repas ne sera généralement compté qu'à 2
shellings, mais sans boisson autre que celle four-
nie par les pures fontaines de la ville. Le vin , le
porter, ou la bière sont toujours comptés à part,
et élèvent la carie de 2 à 3 , k ou 5 shellings. A
table d'hôte, les convives anglais font presque
toujours à l'étranger l'honneur de prendre son avis
sur le vin qu'il préfère ; et si l'on consent à suivre
la chance commune , alors tout le vin bu au repas
est pbrlé par porlion égale au compte de chaque
convive. Beaucoup d'entre eux vivent sobrement et
ne boivent que de l'eau. Dans quelques Boarding-
houses on sert quelque fois de l'eau panée.
Quant au reste de l'ordinaire, il consiste eu pois-
son, en viande rôtie, principalement boeuf,
veau, agneau ou mouton, en beefsteaks au na-
turel , en pommes de terre et autres légumes
cuits à l'eau et servis sans sauce autre que du
beurre fondu, auquel on est libre de donner du
haut goût, avec du poivre , du piment, du mau-
vais et plat vinaigre chargé d'aromates , ou quel-
qu'autre préparation barbare d'invention britan-
nique. Sauf des canards, on sert peu de volailles
en Angleterre , l'humidité du climat nuisant beau-
coup à l'élève des poulets. Le second service
consiste en puddings et en tartes aux fruits secs ;




MANIÈRE DE VOYAGER. 27


(1) L'exigence des affaires fait qu'à Londres, les
heures des reps? sont autrement distribuées. On y dé-


ou, eu été, aux fruits de saison fournis par le
pays, tels que cerises ou groseilles vertes. Le frô -
mage du comté est le dernier mets servi ; il clôt
toujours le repas.


Si , dans les maisons particulières , on sert par
fois un mauvais et insipide potage dont le jambon
et le jaret de veau font la base, on n'en voit
jamais apparaître sur les tables d'hôtes; car, à un
petit nombre d'exceptions près, la vie domes-
tique diffère peu de la vie d'auberge.


Chaque voyageur prend le soir son grog, ou
son thé individuellement, et sans heure fixe, y
ajoutant quelquefois une légère tranche de roast
beef.


Le prix de ces trois repas est ordinairement
établi comme il suit: déjeûner, 1 shilling 8 pence
(2 fr. 05 c ) ; le dîner, sans vin ni bière , 2 shillings
(2 fr. 50 c.) ; le porter à part est de 1 shilling
(1 fr. 25 c.) ; la bouteille , la pinte ou demi-bou-
teille de vin de Xerrès ou de Porto , 3 shellings
(3 fr. 75 c.) ; le thé seul ou le grog, 1 shilling;
le prix de la chambre est de 1 shilling 6 pence
à 2 shillings par jour (2 fr. à 2 fr. 50. c. (1)




28 HAHIÈRE DE VOYAGER»


Aces dépenses principales, je dois ajouter les
accessoires, c'est-à-dire les gratifications aux do-
mestiques , port d'effets et autres commissions.
Dans les hôtels d'Angleterre, quatre espèces de
gens à gage ont invariablement droit à un sa-
laire àpar t , ce sont : waiter, chamber-maid,
boots et ostler, qui se partagent le service de
l'hôtel , avec des attributions tout à fait dis-
tinctes.


TVaiter le garçon, ou la servante, qui, sert
à table et veille aux besoins des voyageurs dans
toutes les parties du service de la bouche ou
du gobelet.


Chamber-maid est la femme de chambre ,
tenant les chambres en ordre et faisant les lits.


JBoots est le garçon d'auberge , prenant soin
des habits, nettoyant la chaussure et lui emprun-
tant son nom (1) , portant les effets et faisant
les différentes commissions des voyageurs.


Ostler n'est autre que le palefrenier. l e s
voyageurs à cheval ou avec leur propre voiture ,
ont seuls affaire à ce serviteur.


jeíme à 9 au 10 heures, et l'on dîne à six. Les femmes
et les enfants ajoutent ordinairement sur les 2 heures,
à ces deux repas, une collation ou luncheon. On prend
le thé de 8 à 10 heures du soir.


(1^ Boots signifie bottes en anglais




M ASIE HE DE VOYAGEA. 29


La gratification accordée à ces différents do-
mestiques, laissée à la générosité des voyageurs,
est généralement réglée par jour. Six pence à
waiter, six pence à ch.amber-7n.aid', et trois
pence à boots. Les commissions et ports de ba-
gages se paient à part, selon l'importance et la
nature du service. Ostler est également payé
selon l'importance des soins que l'on requiert
de lui.


Dans certaines localités, mais à Londres surtout,
des pensions bourgeoises, dites JBoarding-hoases,
offrent un séjour moins dispendieux et moins
bruyant que celui des hôtels. Ces sortes de lo-
gements doivent être particulièrement recherchés
par les personnes qui visitent l'Angleterre pour
leur instruction et leur agrément. Ces boarding-
houses sont habituellement fréquentés par des
personnes tranquilles et de bonne société. La
maîtresse de la maison fait d'ordinaire elle-
même les honneurs de la table.


Le laisser - aller des voyageurs anglais est si
remarquable, qu'à peine mettent-ils leurs effets
sous la clé ; la porte de leur chambre reste cons-
tamment ouverte à tout venant. Cependant l'hôte
lui-même ne connaît rien de la moralité des pas-
sagers qu'il reçoit, et il n'a le droit d'en refuser




30 „ MANIÈRE DE VOYAGER.


aucun; il ne sait ni leur nom, ni d'où ils vien-
nent , ni où ils se rendent, et pourtant il est rare
qu'on se plaigne d'aucun détournement d'effets.
Je crois qu'un usage semblable et un abandon
si complet, sont en faveur du peuple où ils se
rencontrent. Néanmoins, j'ajouterai que la légis-
lation du pays, fort sévère envers les auber-
gistes, qu'elle rend responsables des vols com-
mis dans leur maison, est une forte garantie contre
l'infidélité des gens à leur service.


CAFÉS. RESTAURANTS. — Il n'y a de cafés ni
à Londres, ni dans aucune ville d'Angleterre. Les
restaurants sont en général mal tenus, on ne s'y
fait servir qttà grands frais, surtout si l'on y
demande ces plats fins et ces petites friandises,
si communes en France.


Le tbé, le café, ou les liqueurs, se prennent
chez les restaurateurs. C'est aux confiseurs qu'il
faut s'adresser pour les glaces.


LOGEMENTS MILITAIRES. — D'après la législa-
tion anglaise, aucun citoyen ne peut être contraint
de recevoir chez lui des militaires à loger comme
en France. Lorsqu'un corps de troupe est en
marche, les officiers et soldats qui composent le
détachement, sont logés à l'auberge aux frais du
gouvernement. Les simples débitants de vin et




MAEJÈIIB DU VOïAGEÏ. 3 1


restaurateurs sout dans la même position que les
aubergistes.


Les soldats ainsi logés, ont le droit de re-
quérir, par jour, de leur hôte , un repas consis-
tant en une livre un quart de viande, une livre
de pain, une livre de légumes, deux pintes (en-
viron un litre) de petite bière; vinaigre et sel
pour l'assaisonnement. Le prix de ce repas est
fixé à 10 pence (1 franc). La même somme est
accordée pour la paille et le foin par tête de
cheval et par jour.


Aucun aubergiste ne peut, sous peine d'une
amende de deux à cinq livres sterlings, offrir de
l'argent au lieu des denrées stipulées par la lo i ,
anw militaires en marche. (1)


VOITURES ET CHARRETTES. — Après avoir parlé
des usages relatifs aux voitures publiques et aux
auberges, il est peut-être convenable de com-
pléter ce chapitre par quelques courtes ob&er-


(1) Le paragraphe qu'on vient de lire, ne se lie pas
très-logiquement avec le sujet de ce chapitre. Mais ne
prévoyant pas où je pourrais le placer plus convenable-
ment ailleurs , j'ai cru devoir joindre à la question des
auberges, ce fait curieux du logement des troupes, qui
se,rattache du atoins aux obligations des aubergistes.




32 MANIERE D« VOTAGER.


valions sur les voitures en général, sur les char-
rettes d'exploitation agricole et de roulage.


On sait depuis long-temps que, dans leurs voi-
tures , les anglais déploient tout leur luxe et
mettent tout leur orgueil; aussi , rien de plus
élégant et de mieux conçu que leurs équipages,
rien de plus brillant, rien de plus net et de mieux
tenu que leurs harnais. Depuis la restauration, nous
avons été fréquemment à même en France de voir
et d'examiner de ces équipages, il n'est donc pas
nécessaire de m'y arrêter long-temps. La pro-
preté , la beauté du vernis , l'élégance de la f
coupe, la légèreté des ressorts, distinguent par-
ticulièrement les carrosses anglais, aussi variés
dans leurs formes que dans les différentes déno-
minations qui les distinguent , et qui ont été
adoptées sur le continent.


F l A C R E S . — Les fiacres font, cependant, il faut
le dire , exception à la règle commune ; ils sont
en général malpropres.


OMNIBUS. — La tenue intérieure des omnibus
ne répond pas toujours à l'éclat des dorures de
l'extérieur ; mais le service en est rapide et régulier.
A Londres, ces voitures ont un rendez-vous, ou
centre commun près de la Banque d'Angleterre ,
d'où elles se répandent dans tous les sens et sur




M À H 1 È X E DE VOÏAGEB. 33


toutes les directions vers la circonférence de la
ville.


CABRIOLETS.. — Les cabriolets de louage ont
une capote de forme carrée, et ne peuvent con-
tenir que deux personnes en plus du conducteur,
qui est assis sur un petit siège découvert et étroit,
placé à côté du siège couvert du maître.


Malgré leur incontestable utilité, les fiacres ne
se sont pas acclimatés ici sans grandes difficultés.
L'esprit de routine et Tégoïsme du petit nombre
sont encore venus là s'opposser au bien com-
mun. C'est en 1 6 2 5 , qu'un ancien officier de
marine, du nom de Bailey, commença avec
quatre voitures le service des fiacres à Londres.
Dix ans plus tard, en 1 6 3 5 , le nombre s'en était
tellement accru, que quelques personnes se mi-
rent à crier contre cette invention comme on
crie d'ordinaire contre *tout ce qui est bon et
utile , mais nouveau ; et , enfin, à force de cla-
baudage, finirent par obtenir du roi, assisté de son
conseil, en la chambre eloi/e'e (star chamber),
un édil qui déclarait les nouvelles voitures un
inconvénient public (a nuisance), attendu
quelles entravaient la voie publique et ren-
daient toute circulation dangereuse ; et, de
plus, qu'elles élevaient considérablement le


3




34 MAMEftE I)E VOÏAGER.


prix du foin et de la paille. Peu à peu de
nouvelles ordonnances plus rationnelles, déro­
gèrent aux dispositions précédentes et autori­
sèrent successivement l'établissement de nouveaux
fiacres, dont le nombre d'abord limité à 50 en
1637 , s'était élevé à 400 en 1661] , à 700 en
1 6 9 4 , à »00 en 1 7 1 5 , à 1000 en 1 7 6 8 , à
environ 1 1 0 0 en 1 8 0 2 , jusqu'à ce qu'en 1 8 3 1 ,
enfin , un acte du parlement a permis établir
en nombre illimité.


Le prix des courses de fiacre en Angleterre,
se paie au mille ou à Fheure , non point, comme
en France, au gré du locataire, mais au choix
du cocher, qui est libre de fixer le prix de sa
peine, selon le mode qu'il croit lui être plus
avantageux. Le prix de la course djun fiacre , est
de 1 shilling (1 fr. 25 c.) par mille ; si c'est au
temps qu'on l'emploie, & première demi-heure
se paie 1 shilling (1 fr. 25 c.), et 6 p. (62 c. \)
pour chaque quart-d'heure en plus. Le prix des
cabriolets est réglé à un tiers au-dessous de celui
des voitures à deux chevaux. La course en om­
nibus, lorsqu'elle ne dépasse pas deux à trois
milles se paie 6 pence (62 c. j . )


BARQUES SUR ЬА TAMISE. — Les fiacres ont
peur auxiliaires dans Londres, un grand nombre




MAHIERB DE VOYAGER. 35


de petites barques légères, conduites à la rame
par un seul homme, sur la Tamise. Le prix en
est réglé comme celui des fiacres, à l'heure ou
à la distance. Mais qu'il s'agisse de traverser le
fleuve, ou de se porter d'un point à un autre, il
sera bon, pour n'être point dupe de ces mari-
nièrSyfte convenir d'avance du prix.


RlLltiEJNCES. — £ÉÉ diligences anglaises sont
jtrême propreté, tant à l'extérieur qu'à
r. La caisse contient seulement quatre


voyageurs, le plus grand nombre des places,
par soifè êè l'usage constant des Anglais de
voy^get*^ ciel découvert, se trouve sur quatre ban-
quettes (nombre le plus'tfrdîriaire) élevées au ni-
veau de Tim^Ériale. Le cocher, ayant un voyageur
à sa gauche , esï^placé sur la banquette la plus
en âWnl! Les bagages se chargent en partie sur
l'impériale %t d'ans de grands coffres ménagés
sous les banquettes., ou sur une espèce de grille
en fer, ^OfjÉfent tableite, qui se relève4§b s'abat,
au besoin. derrière la voiture. Les Ifârnais sont
toujours en beau cuir^ propres af'SïIft,Titrés ; les
coHtersdes chfvaux sont élégaiflâ^^t^et garnis
d'ornements de cuivre d'un admirable poli ; enfin,
ils ne diffèrent en rien des harnais dit plus riches
équipages.




36 MAHIÈRE DE VOïAGER.


VOITURES DE FERME. — La plupart des fer-
miers, ayant généralement de la fortune ou au
moins de l'aisance, ont un phaé'ton ou gig à
leur service, pour*leurs courses autour de leur
ferme , ou dans les villes. Les moins aisés se ser-
vent de petits chariots élégants à deux roues ,
dans le genre d'un char-à-bancs, mais plus larges
et plus courts, qui leur servent alternativement
comme voiture de transport ou comme cabriolet.
Toujours les attelages en sont propres et sotgWés.
Les chariots, plus petits, pour le transport des
denrées , ont également deux roues ^ét *ttne
forme analogue. Les ridelles de ces chariots sont
garnies de barres de fer ou de %ois qui leur
donnent par en haut une forme évasée.


CHARRETTES DE ROULAGE. — Les Anglais con-
servent cette même forme, mais sur une échelle
beaucoup plus grande, à leurs voitures de rou-
lage , qui sont toutes portées sur quatre roues, et
tramées plîr 2, 4, 6 ou 8 chevaux altérés deux par
deux. Les deux chevaux de brancard sont attachés
chacun # ^ în%icard séparé et non point à un
timon ordinaire comme il serait facile de le sup-
poser. Ces chevaux sont généralement beaux ,
vigoureux et d'une haute taille. Le cuir des har-




MASIÈRK DE VOYAGER. 37


nais est bien entretenu et propre -les^olliërs ne
sont point garnis de ces énormes aîles de bois qui
chargent le cou de nos chevaux de roulage; ils sont
grands et forts, il est vrai, mais dans le genre de
ceux de nos voitures de maîtres ; sur le garrot du
cheval seulement, et contre le collier est cousue
une large pièce de cuir carrée: cette pièce, qui
semble avoir été fixée là pour rester abattue sur
l'encolure et la préserver de la pluie comme les
peaux de moutons usitées en France, est toujours
droite et relevées, sans que rien en motive l'emploi
ou en indique le but.


Les chariots de roulage , toujours fort pesants,
ont des roues à larges jantes garnies de deux a
trois bandes de fer. Au premier aspect, ces voi-
tures , d'une largeur beaucoup plus grande que
les nôtres, semblent devoir tracer une voie dé-
mesurément grande ; mais on peut reconnaître ,
en les examinant avec plus d'attention , que celle
voie est considérablement diminuée par la posi-
tion des roues, qui, loin d'être perpendiculaire
à la roule, sont fortement inclinées par rapport
à leur essieu, étant beaucoup pins écartées l'une
de l'autre par le haut que par le bas. Cette
disposition des roues , facilite l'évasement des




38 HABITUE DE VOÏAGER.


ridelles, mais^ês empêcherait sans doute de por-
ter carrément à terre, si la forme légèrement
conique donnée à leur circonférence n'obviait
complètement à cet inconvénient«isDes roues à
doubles rayons, et en fer fondu, ont.été essayées
sur quelques waggons; mais ces roues, qu'un choc
un peu rude peut briser, ne paraissent pas des-
tinées à un usage général. Les ridelles de ces cha-
riots ne sont pas ordinairement très-élevées, et la
partie inférieure non évasée est souvent pleine.


Les voitures de transport et les tombereaux ont
des proportions beaucoup plus courtes que larges.
Ce genre de voiture offrant apparemment plus
aux Anglais davantage pour circuler et tourner
au milieu des nombreux équipages de toute na-
ture qui encombrent leurs rues si populeuses.
Mais ces voitures, si courtes, offrant quelquefois
un espace trop étroit au chargement, on remédie
à cet inconvénient au moyen d'une partie saillante
qui avance de deux à trois pieds en avant, au-
dessus de la croupe du cheval de limon ; et, afin
que, par ce surcroît de charge l'équilibre de la
voiture ne soit pas dérangé, une espèce de grille
mobile en bois , soutenue par deux chaînes, s'a-
bat au besoin derrière, pour être chargée comme
le reste. Les charrettes à deux roues des jardi-




MANIÈRE DE VOÏAGER. 39


niers des environs de Londres sont surtout cons-
truites sur ce système.


Bien que les efforts des propriétaires de routes
tendent presque tous à les mettre de plus en
plus de niveau, il arrive néanmoins, dans certains
comtés montagneux , que de fortes côtes restent
encore à gravir; comme dans pareilles circons-
tances les charrettes entraînées en arrière ne lais-
sent pas aux chevaux une seule minute pour
reprendre haleine , les Anglais industrieux ont
cherché un remède à cet inconvénient. Aujour-
d'hui, ils laissent traîner derrière une des roues
de leurs voilures de roulage un petit cylindre en
bois un peu plus long que la largeur des jantes
et d'environ trois pouces de diamètre. Ce cylindre,
accroché par deux chaînes à l'essieu, se trouve
constamment sous la roue ; et , en cas de halle, y
remplit immédiatement les fondions de pierre
d'achoppement. Ce moyen simple et ingénieux
de parer à jux recul, quelquefois dangereux ,
me pacait susceptible d'être adopté par les voi-
turiers de France.


VOITURES A VAPEUR SUR ROUTES ORDINAIRES.


— Ce chapitre ne serait pas complet, si je n'y
ajoutais quelques lignes sur l'emploi des voitures
à vapeur sur routes ordinaires, L'esprit actif et




40 MANIÈRE DE VOYAGER.


entreprenant des ingénieurs anglais tente chaque
jour de nouveaux efforts dans cette voie. Aux
Church, aux Gurney succèdent les Ogle, les Han-
cock; à ceux-ci les Maceroni, aux Maceroni ,
les Gordon , les Machneil, etc. Je ne m'arrê-
terai point à examiner les difficultés si souvent
débattues qui se sont opposées jusqu'ici au succès
de ces voitures. La plus sérieuse, sans contredit,
est celle de l'ébranlement causé par sa propre
marche à la machine , de manière à la détraquer.
Long-temps on a cru cet obstacle invincible ;
mais comme rien n'est, impossible à une indus-
trie persévérante, des roules mieux faites et plus
unies, des ressorts de suspension plus souples ,
tin fini plus parfait dans toutes les parties des
machines, font espérer que cette difficulté dispa-
raîtra. Néanmoins, il en existe d'autres plus gra-
ves encore, et qui s'opposent d'une manière d'au-
tant plus insurmontable aux efforts des méca-
niciens , qu'elles sont indépendantes de leur génie
et de leur volonté , qu'elles tiennent soit aux
lois , .soit à la routine, soit aux préjugés; irois
choses qui , dans tous les siècles, ont fait le dé-
sespoir des novateurs, quelque fût d'ailleurs le
but de leurs travaux et l'utilité de leurs inven-
tions.




MAMIÈRE DB VOYAGER. 41


L'invention des chemins de fer, ou mieux des
tramroads date de loin en Angleterre ; l'usage
en fut d'abord restreint au service intérieur des
usines, cet usage s'étêtldit ensuite au transport
des charbons extraits des mines à une rivière ou
ii un canal voisin. Ce svsfème de<route s'étant
perfectionné, les lignes s'allongèrent , et les be-
soins de jour en jour plus exigeants d'une in-
dustrie exhubérènte , prodfjîiirënt le gigantesque
projet du'ifftlmin de fer de I.iverpool à Man-
chester. Le succès de cette entreprise colossale ,
son utilité inconleslable , la rapidité qu'elle pe :r-
mettail d'imprimer au transport des marchandises
et dés voyageurs, ont séduit tous les esprits,
frappé tous les yeux. A l'imitation de ce grand
travail, une foule de roules du même^genréî>b«t
été proposées par des esprits entreprenants et
accueillies par les masses éblouies ; des capita-
listes en grand nombre, en ont couvert les dé-
penses. Les propriétaires terriens eux-mêmes,
séduits par les avantages qu'ils devaient oblenir
de nouvelles communications, si propres à ac-
croître la valeur de leurs terres, ont pris un chaud
intérêt à leur exécution. Les possesseurs de" mi-
nes, les maîtres de forges, les ouvriers de tous
états, y voyant un débouché immense de pro-




A'l MANIÈRE DE VOÏAGEB.


doits et de main d'œavre, les ont aussi q u x re-
çugs avec transport. On peut dire, fjjuc, par
suite des projets de chemin de fer ^aujourd'hui
à l'élude ou en voie d exécution, un quart de. la
nation angU&fe se trouve directement,,ou indi-
rectement ini*rcssé au succès de ces roules. Do
nécessité donc, la mode est aux chemin&jhï^fer.
Préoccupés de celte idée , .^beaucoup d'Anglais
^'apportent qii'u^^^rji indiffèren|, sinon hos-
tile aux travaux dés ingénieurs q^e^ssaie^t de
i t f Bjsb* apf, anciennes routes , par l'emploi de
malaises locomotives sur chemins ordinaires ,
le sceptre que les chemins de 1er leur ont ravi.


Si , d'*m autre côté , on ajoute à ces euuemis
naturels des voitures à vapeur sur roujes ordi-
n^a^s les éleveurs de chevaux et tous ceux qui,
par un gout inné pour ces animaux, ne voient
qu'à regret qu'on veuille en réduire l'emploi ,
on comprendra facilement le nombre des obs-
tadgg^çjue-- itmconlreut, soin chacun de leurs
pas les hommes ingénieux qui tentent de frayer
une nouvelle voie incontestablement utile, mais
condamnée d'avance par ia mode , la routine ,
l'intérêt privé, et l'on peut même ajouter par la
peur, car toutes les machines de ces voilures étant
à très-haute pression, la crainte de voir la chan-




MABIÈRE DE VOTAGER. 43


dière sauter en çclats, est pour cerlains esprits
timides un épouvantai! perpétuel, justifié du reste
par quelques exemples i|)glheureux.


Après cette énuméralion des préjugés en oppo-
sition à la réussite des voitures il vapeur sur routes
ordinaires, voyons comment la législation est ou
fut également un obstacle à leur succès. Les pre-
miers inventeurs des machines locomotives furent
arrêtés dès le début par l'énormité des frais, dont
un des plus onéreux était 1B paiement des droits
de péage aux nombreuses barrières qui couvrent
toutes les routes d'Angleterre. Les esprits justes et
raisonneurs de ce pays virent promplement qu'il
fallait favoriser les nouveaux essais, mais qu'ils
seraient malgré tout suspendus, si le fisc s'unis-
sait à une foule d'autres difficultés pour en ar-
rêter l'essor. Le parlement fut donc investi de
cette affaire; il s'en occupa avec chaleur et nomma
un comité qui dut slatuer sur la quotité du droit
à percevoir aux barrières sur les nouvelles voi-
tures. Ce comité travailla avec zèle et constance,
il convoqua les intéressés , entendit leurs raisons,
et prit pour hase de son rapport ce principe , que
l'indemnité aux' propriétaires de routes devait
être réglée en raison du dommage causé à ces
routes par une voiture. Celte base admise } des




44 MASIÈRR DE VOYAGER.


expériences curent lieu pour constater d'une ma-
nière précise quel lort faisaient aux roules, soit
ensemble, soit séparément, les roiies d'une voi-
lure d'une dimension donnée,. et les pieds des
chevaux, soit au pas, soit au trot, soit à toule
autre allure.


Le résultat évident de ces expériences fut
qu'en représentant par 1 0 0 la somme totale de
détérioration occasionnée par une diligence mar-
chant à raison de 1 0 milles (4 lieues de poste) à
l'heure, cette somme pouvait être ainsi divisée :


Cause de détérioration :


Changements atmosphériques. . . . . 2 0
Boues 2 0
Pieds des chevaux 6 0


TOTAL 1 0 0


Ainsi, les réparations nécessitées par le pië-.
tinement des chevaux sont trois fois plus con-


sidérables que ceihs occasionnées par le frote-
ment des roues de la voiture quiis entraînent.
Mais, en mème-temps, on dut considérer que
les roues des diligences à vapeur ayant des jantes




M A N I E R E D E V O Y A G E R . 45


fort larges, agissaient comme de paissants rou-
leaux qui nivelaient les routes loin de les dété-
riorer; tout était donc en faveur de la nouvelle
invention, et cette partie du procès fut gagnée
pour elle.


Malheureusement, ce n'était pas tout pour le
succès: si cette partie de la législation relative
aux péages recevait une réforme salutaire en
faveur d'une invention nouvelle, les lois qui
garantissent la propriété des inventions à leurs
inventeurs mettent encore un obstacle bien au-
trement insurmontable à la réussite des voitures
h vapeur.


Supposons, par exemple, que, pour composer
U M machine locomotive parfaite, il faille em-
prunter, à Gurney sa chaudière tubullaire, à
Hancock sa chaîne sans fin , au comte Dundonald
sa machine rotative, à celui-ci son système de
roue, à cet autre son double cylindre oscillant,
ete> y une pareille voiture ne peut être construite
en Angleterre. Aucun dé ces emprunts ne serait
permis au mécanicien plagiaire, et si un homme
était assez osé pour concevoir une pareille en^
treprise, il succomberait bientôt sous le poids
des mauvaises chicanes* et des procès. Hancock
lui reprendrait sa chaîne, Gurney sa chaudière,




46 M A K 1 E B K DE VOTAGEB.


et ainsi deéTWitres : la partie*he serait pas tenable.
Et qu'on nef^uppojge pas que nous inventions des
obstacles h plaisir ; des, rêcriMfaïifë№$de cette
nature, poussées duneittämerel^Ä vive et*'t«Wï-
vent hors de toutes les bornes, ont déjà ^feaïi-
dalisé l'Angleterre. Ainsi ddiw^titte benne ma­
chine locomotive sdtéf diffieÄNEiöif ' établie au­
jourd'hui en Angleterre \ et si j¥ î№ voyais à
une - sélÉblablë "entreprise *d#i fattâsvéâtàrti diùn
autre genre dans mon pa^s, j'engagerais nos
mécaniciens français à résoudre le problême,
libres qu'ils sont des lois de l'Angleterre, et
toute importation de ce pays leur étant per­
mise en ce genre.


Si quelques-uns cependant trop curieux #s
tenter l'entreprise, voulaient se livrer à quel­
ques essais, je leur conseillerais de réfléchir
d'avance sur l'inégalité de nos routes, si éloi­
gnées d'offrir la surface unie et presque de
niveau des routes d'Angleterre , sur le prix
de nos :'dRèva~ù^V '̂̂ ti*, "' 4tâ¥&'"ipë "r:cétai"" des
chevaux anglais^ sufs li^b%ri niartshé dé n é
fèfâiïtàgés'l et enfin>'&'0F*lîr haut prix dé nos
charbons de terrei; ,Ér, en ̂ Angleterre, quelques
bons esprits, dontnjte né ? p«ïagë pas l'opinion
du reste, croient pouvoir affirmer qu'on en




M A 5 I E R E DE VOYAGER. 47


reviendra aux chevaux pour la Iraclion des
convois même sur chemin de fer , à plus forte
raison les difficultés qui forceraient à revenir à
ce système primitif seraient-elles plus grandes
pour la France.






VOIES BE COMMUNICATION. 49


VOIES DE COMMUNICATION.


HEMINS DE REB. , ROUTES , C A N A U X , R U E S .


5^ jjjje n'ai pas la prétention de donner ici une
&§8§^sdescription complète des routes, chemins
de fer et canaux d'Angleterre. Tout ce que je pour-
rais dire à cet égard serait de beaucoup infé-
rieur à ce qui a déjà été publié , ex professo,
en France, sur ces matières, par M. Charles
Dupin, M. Iïuerne de Pommeuse, MM. La-
mé, Flachat et Clapeyron. Quelques considéra-
tions générales suffiront au but que je me suis
proposé (1).


C'est vraiment dans la construction de leurs
voies de communication que l'esprit utilitaire des


('.) Pour les formes législatives à remplir, afin d'ob-
tenir la concession d'une route ou d'un canal, voir
appendice A , à la fin de l'ouvrage.


4




50 VOIES DE COMMtBICATIOir.


Anglais se déploie de la manière la plus remar-
quable. C'est pour avoir calculé , en cela comme
en tout, le nécessaire; c'est en faisant toujours le
bien , sans ̂ prétention à faire le mieux, qu'ils sont
parvenus à sillonner en peu de temps tout le
sol de leur pays de routes et de canaux , qui y
rendent les communications plus faciles et plus
promptes qu'en aucun lieu du monde. Les besoins
d'une industrie colossale et d'un commerce im-
mense devenant de jour en jour plus pressants,
l'insuffisance des moyens ordinaires de transport
par navires caboteurs, par canaux, rivières et
grandes rootes, se fait sentir, il faut de nou-
velles voies p'us rapides ; des chemins de fer
sont donc entrepris sur tous les points du
royaume ; de telle sorte, qu'on peut sans exa-
gération , affirmer qu'au moyen de ces routes , sur
lesquelles on ne lait pas moins de 9 lieues à l'heure,
l'Angleterre ne sera bientôt plus qu'une ville
immense, dont Londres sera le centre, et dont
les autres villes seront les faubourgs ou les dif-
férents quartiers, dans lesquels on pourra, à 30
et 40 lieues de distance, se faire visite et se
voir en omnibus , à toute heure du jour, comme
on le fait maintenant pour les faubourgs opposés
d'une même cité. Et cet avenir n'est pas éloigné,




VOIES DE COMMUKICATIOÎÏ. 51


car, s'il n'existe guère aujourd'hui que les che-
mins de fer de Liverpool à Manchester et de
Leeds à Selby, sur lesquels les voyageurs soient
admis , et qui ne servent pas à la seule exploita-
tion de quelques établissements particuliers de
houille ou de fer, on se convaincra, en suivant
sur la carte, le tracé des chemins de fer aujour-
d hui conçus ou en voie de construction , qu'a-
vant peu un vaste réseau de railways envelop-
pera toutes les grandes villes de l'Angleterre.


On peut voyager par chemin de fer, je viens
de le dire, de Liverpool à Manchester et de
Leeds à Selby. Ce dernier railway sera sans
doute,d'un côté, prolongé jusqu'à Manchester, et
de l'autre, jusqu'à York et Newcastle , de manière
à relier l'Ouest à l'Èst, de même que le Sud se
rattachera au Nord par la ligne qui commencera
à Brighton pour ne finir que très-avant dans
l'Ecosse.


En ce moment même plusieurs compagnies
écossaises sont en instances auprès du parlement,
pour faire adopter de nouveaux projets de chemin
de fer. Nous ne sommes pas à même d'indiquer
les lignes que ces chemins doivent suivre , mais
voici, pour" l'Angleterre proprement dite , la liste
des compagnies de railways autorisées par actes




52 VOIES DE COMKUMCATlOlf.


parlementaires, ou sur le point d'obtenir l'auto-
risai ton législative :
Coïuça^me de Gvomford et High-Peak,


dito Canterbury.
d." Cheltenham.
d.° Croydon.
d." Surrey.
d.° Severn et W ye.
d." Forest of Dean.
d." Stockton et Darlington.
d.° Monmouth.
d." Clarance.


JÎ.° Leicester et Swarmiugton.
d." Newcastle-upon-Tyne et carhsle.
d." Londres et Black wall.
d." Grand junction.
d. a Londres et Greenwich.
d." Londres et Birmingham.
d." Bolton et Bury.
d." Blaydon et Hebburn.
d." Londres et Southampton.
d." Grand Railway du Nord.
d.° Grand Railway dunord au N.-E.
d.° Londres et Brighton.
d." Londres et Windsor.
d." Greenwich et Gravesend.




VOIES DE C0MMB5ICAT105. 53


Et plusieurs autres compagnies, qui se sont
incorporées depuis que ce livre est sous presse.


L'on ne doit pas perdre de vue, encore, que
la plupart de ces compagnies dont les capitaux
ne s'élèvent pas à moins de 712 millions, sont
autorisées à ajouter à la ligne directe de leurs
chemins de fer, un grand nombre d'embranche-
ments qui doivent rattacher une foule de points
secondaires à la ligne principale.


En réfléchissant à Apimensité de pareilles
entreprises, toutes conçues par l'intérêt privé,
ne serait-on pas tenté de jeter sur la France un
regard douloureux et de se dire : tout ce qu'on
veut s'exécute en Angleterre; en France rien ne
se fait! Il est certain que nous avons beaucoup à
prendre chez nos voisins , ne fusse que cet
esprit d'association qui leur permet de mener à
bien les projets les plus gigantesques ; mais n'ou-
blions pas qu'en France des entreprises de cette
nature iraient, dans beaucoup de cas , au-devant
des intérêts réels du pays et seraient destinées à
ne satisfaire que des besoins futurs: donc, malgré
l'impulsion qu'en pourraient recevoir notre com-
merce et notre industrie, nous n'avons pas pour
les mettre à exécution le vif stimulant de l'An-
gleterre , qui n'agit presque jamais que pour




54 V O I E S D E C 0 M M U 3 I C A T 1 0 K .


répondre à des besoins urgents, auxquels les res-
sources anciennes^ deviennent de plus en plus
insuffisantes. Nos voisins travaillent pour conli-
nuer de marcher; nous, nous devons travailler
pour les suivre. Le présent les pousse avec toutes
les exigences du moment; c'est l'avenir^eul qui
nous appelle. Il faut se bien pénétrer de celte
différence de position, si ion veut se rendre un
compte exact et réel des faits qui nous envi-
ronnent. ^


Avant 1 7 5 0 , les routes d'Angleterre étaient
affreuses , et presquimpraticables une grande par-
tie de l'année. On en jugera par l'ordre que
donnait, en 1746 , le duc dcSommersctà ses vas-
saux de Petworlh (Susses), de venir au-devant de
lui sur la route de Londres avec des lanternes et
des perches pour l'éclairer et l'aider à sortir des
fondrières. Cet état des chemins devenant ds plus
en plus intolérable , et le peuple s opposant à
force ouverte h l'établissement des barrières de
péage pour l'amélioration et l'entretien des routes,
il fallut, en 1 7 5 4 , qu'un acte du parlement dé-
clarât félonie et punit comme telle, toute atteinte
aux bureaux de péage. Depuis cette époque le
perfectionnement successif des grands chemins
d'Angleterre ne s'est pas ralenti. L'ne compagnie




VOIES DE COMMUNICATION; ' 55


pouvant toujours venir élever une route nouvelle
plus belle et plus directe à côté des vieilles routes,
l'intérêt des anciennes compagnies est- d'avoir
toujours des routes assez belles et assez directes
pour décourager toute concurrence; aussi les
voit-on sans cesse occupées à niveler de plus en
plus leurs chemins, à en redresser les détours :
de telle sorte, que ces routes se rapprochent
chaque jour davantage de la ligne droite et du
niveau.


IVous nous faisons difficilement en France une
idée de ce que sont les routes anglaises et du
soin assidu qu'en prennent les propriétaires. Elles
n'ont pas généralement, et sauf aux abords des
grandes villes, plus de largeur quil n'en faut
pour permettre à trois voitures de passer de front.
Mais ce l le dimension est bien suffisante, et vaut
mieux sans doute qu'une roule fort large dont
les côtés, vrais cloaques impraticables , sont des
terrains perdus , non-seulement pour la circulation
des convois et des voyageurs, mais aussi pour
l'agriculture, à laquelle iis ont été arrachés à
grands frais. Un trottoir étroit est toujours élevé
sur un des côtés du chemin. Dans quelques loca-
lités , ce trottoir est sablé avec soin, ou recouvert
de larges pierres plates. Des bornes miitiaires




56 VOIES DE COMMUHICATIOIf.


en fonte sont placées de raille en mille, et portent
quelquefois sur plusieurs faces la distance par-
courue ou a parcourir d'une ville à une autre :
c'est un usage fort agréable pour le voyageur et
que nous voudrions bien voir aussi régulièrement
et aussi convenablement établi en France.


Aux approches de Londres, à 1 5 ou 20 milles au
moins de celte capitale, on remarque , de distance
en distance sur le bord des routes, d'élégantes
colonnes de fonte : ce sont des pompes a brina-
balle, qui servent à l'arrosage des chaussées pour
abattre la poussière dans les temps secs. Dans
les temps humides, des hommes armés de ra-
cloirs en bois (espèce de râteaux sans dents) net-
toient ia voie publique, et attirent dans les rigoles
toute la boue liquide, qui est bientôt entraînée
par les eaux du ciel.


En général, le même esprit d'ordre et de con-
servation apparaît de toutes parts en Angleterre.
Le voyageur qui parcourt ce pays est incessam-
ment frappé de l'aspect propre et régulier des
fermes et des villages, il remarque avec plaisir
la netteté des cours et des sentiers. Les murs
de clôtures sont presque toujours en belles bri-
ques; les divisions des champs sont marquées, soit
par d'épaisses baies vives proprement taillées , soit




VOIES SE COMMtKlCATIOK. 57


par des clôtures en claies ou en planches fendues
à la hache. De toutes parts s'élèvent des poteaux
portant des enseignes , pour donner avis au pas-
sant qu'il ne peut, sous peine d'être poursuivi
selon toute la rigueur des lois, ni commettre
aucuns dégâts, ni franchir une clôture, ni pé-
nétrer dans une enceinte , ni pêcher dans un
étang , ni coler une affiche contre un mur, ni y
déposer aucune ordure , etc., etc..


Outre ses routes ordinaires , ou turn-pike-
voads, chaque ville d'Angleterre un peu impor-
tante par son commerce, commencé à posséder son
chemin de fer, ou son canal, ou sa rivière navi-
gable; quelques-unes même jouissent de ces quatre
avantages à la fois, ce qui rend les lourds trans-
ports par terre, si pernicieux aux routes , de plus
en plus rares, et permet en même temps d'ex-
pédier ;k très-peu de frais, même aux plus
grands^ distances, les matières premières les plus
pesantSifSjMles que le fer et le charbon de terre ,
et fournissent ainsi un aliment facile h toutes les
industries.


En général, les canaux d'Angleterre , créés par
l'intérêt privé cl pour le service de quelques
usines particulières, son! fort étroits. On a voulu
atteindre le but au meilleur marché possible; on




58 VOIES DE C0MMUJSICATI05.


a donc tenu plus à la profondeur des canaux
qu'à leur largeur. Pour qu'aucun terrain ne fût
perdu , les bords ont été taillés perpendiculaire-
ment et non en berges inclinées. Les bateaux
longs et étroits ont permis la construction d'écluses
de 8 à 10 pieds de large seulement, celles-ci
sont en pierres rudement taillées , maçonnées à
peu de frais ; les portes sont en bois de chêne
grossièrement charpenté; tout enfin a élé donné
à l'économie. Mais ces canaux étroits, peu dis-
pendieux , dans lesquels l'évaporation est peu
sensible, ne sont-ils pas cent fois préférables à
nos canaux de grande section, que l'on peut tra-
verser à pied sec dans les mois les plus chauds,
et qui ne peuvent supporter que des bateaux à
moitié chargés pendant» un tiers de l'année ? — Il
ne faudrait pas croire , cependant, que les An-
glais ne savent pas faire des canaux sur .une plus
grande échelle: partout où les besoins.de l'in-
dustrie sont pressants, les canaux sont*i£rges et
magnifiques, de beaux ponts en fer ou en briques
lès traversent, des bassins vastes ut commodes
leur servent de points de départ, des réservoirs
immenses leur fournissent des prises d'eau suf-
fisantes : mais, en tout cl partout, on ne fait que
ce qui convient, réduisant ainsi au taux le plus




VOIES DE COMMUK1CAT10H. .R)(J


bas les frais d'entrelien et de navigation, au grand
avantage de la communauté.


Toutes les fois que les travaux, pour rendre
une rivière navigable , sont reconnus moins dis-
pendieux que la canalisation dé cette rivière , on
a recours à ces travaux ; mais o n ne les adopte
cependant qu'autant qu'il est démontré que la ca-
nalisation est complètement inutile; car on sait bien
que l'entretien d'une rivière à l'état de naviga-
bilité, est'èQjHvent sujet à une foule d'objections ,
et offre à&8È mainte circonstance, par le régime
irrégulier des eaux,ou par l'abondance des sables
et des vases qu'elles entraînent , des obstacles
trop difficiles à vaincre pour qu'un canal ne soit
pas préféré.


Sur plusieurs points de la France , on s'oc-
cupe aujourd'hui de rendre à la navigation dif-
férentes rivières dont le cours est entravé par
des encombrements devenus de jour en j o i i r plus
considérables. Pour remédier à de semblables
inconvénients, o n a plusieurs fois proposé pour
exemple les travaux exécutés àGlascow, dans la
Clyde ; toutefois, en citant un pareil fait, o n n'a
point assez tenu compte des circonstances qui
l'accompagnent. Habitant d'une ville située sur
un des plus beaux fleuves de France, mais dont




60 VOIES DE COMMUIflCATIOIÎ.


la navigation est trop souvent interrompue par
les basses eaux et une trop grande abondance
de sable, j'ai dû apporter aux travaux de la
Clyde une attention particulière , j'insisterai donc
sur ces travaux.


Coulant entre des coteaux à base granitique ,
les eaux de la Clyde entraînent une grande quan-
tité d'un sable Bourbeux , dont Hamas successif
a, depuis des siècles, encombré le hjt, au point'
de le rendre impraticable à toute grande naviga-
tion. Tel était encore l'état des choses il y a un
petit nombre d'années, lorsque plusieurs négo-
ciants de Glasgow , ville de plus de 300,000
âmes, possédaut un nombre immense de fabri-
ques et de maisons de commerce , seulirent que
leur industrie éprouvait un préjudice notable de
ces circonstances fluviales, lesquelles entravaient
les armements, augmentaient les frais de transport
des produits qu'ils expédiaient et des matières
premières qu'ils recevaient du dehors pour ali-
menter leurs fabriques, en forçant leurs navires
à s'arrêtera Port-Glasgow , à 18 milles (environ
7 lieues) de leurs quais. Il fut donc décidé qu'il
V avait chance de profils immenses à remédier à
ces graves inconvénients. En Ecosse , comme en
Angleterre, l'esprit d'entreprise et d'association




V O I E S D E r . 0 M M l ! 5 I C i T I 0 K , 61


esl tel qu'un bon projet, une idée heureuse, y
est presqu'aussitôt exécutée que conçue. 11 en fut
ainsi des pljrns d'amélioration du cours de la Clyde.
Des ingénieurs habiles se mirent aussitôt à l'oeuvre.
Des travaux d'art furent exécutés sur les bords
de la rivière. Son h t , rétréci de plus d'un tiers,
fut réduit, dans beaucoup d'endroits, à moins de
160 pieds de largeur; d'ingénieuses machines à
draguer mises immédiatement à l'œuvre, conti-
nuent encore en ce moment plus activement que
jamais à en augmenter la profondeur; si bien


^gu'à l'heure actuelle, les navires d'un moyen
tonnage entrent à Glasgow avec le flot, que les
quais de cette ville naguères si déserts, sont en-
combrés des mille vaisseaux arrivés de tous les
points du monde, et d'un nombre immense de
superbes bateaux à vapeur, qui se croisent à
tout instant du jour sur le fleuve, étonné aujour-
d'hui de ce mouvement inusité sur ses eaux.


Voilà les merveilles opérées en peu d'années ;
voilà les miracles produits par la nécessité et
une volonté ferme, qui, répétés par les mille
bouches delà renommée, ont étonné, séduit les
négociants français, et éveillé chez eux l'esprit
d'imitation. Telle mesure a produit tel résultat
sur la Clyde, se sbnt-ils dit, pourquoi la même




62 V O I E S D E C O S U i r a i C A T l O I Ï .


mesuré appliquée à nos fleuves, ne produirail-
elle pas le même effel ? — Mais y avait-il ici pos-
sibilité d'opérer sur un fond semblable. ? — La
réponse négative n'est pas douteuse. En effet ,
la navigation de ces fleuves est principalement
entravée par la longueur, l'irrégularité et la
rapidité de leurs cours, par Vabondance des
sablés qu'ils entraînent, par le peu d'escarpement
de leurs bords, et enfin pour ce qui concerne
leur communication avec la mer, par ces amon-
cellements de sables qui, poussés par les vents
violents et les grandes marées, forment à leur
embouchure ce que l'on appelle des barres,
barres mobiles et capricieuses qui arrêtent les
vaisseaux, aujourd'hui sur un point, demain sur
un autre.


Bien que l'une des plus considérables rivières
d'Ecosse, comparée à nos fleuves de France, la
rivière de Clyde n'a qu'un cours extrêmement
borné : d'Elw in-foot-Bridge , au-dessus duquel
elle prend immédiatement sa source , jusqu'àDum-
barlon, où elle se jette dans la mer, la distance
est tout au plus de 50 à 55 milles, ou 22 lieues.
Son lit, assez étroit, est presque partout comprimé
entré deux rangs de coteaux, et ne se divise nulle
part en plusieurs branches, ses eaux alimentées




VOIES DE C O M U I U E I f i A T I O N . 63


par les pluies fréquentes d'un climat humide,
n'ont que peu à souffrir des longues sécheresses
qui tarissent nos fleuves ; son cours est naturel-
lement paisible , et les sables qu'il entraîne, bien
qu'abondants proportionnellement à la masse des
eaux , ne sont rien , comparés à ceux de l'Allier
et de quelques autres rivières du continent ; de
telle sorte que ce qui ne pouvait être entrepris
pour nos fleuves de France, c'est-à-dire , l'enlè-
vement des sables au fur et à mesure de leur ar-
rivée , a pu être facilement exécuté sur la Clyde ,
où d'ailleurs on n'opère que dans un espace limité.


Si l'embouchure de nos fleuves de France est
exposée aux ouragans qui y forment les barres
de sable , la Clydè est à l'abri de cet inconvé-
nient. Cette rivière , qui présente son entrée di-
rectement à l'Ou%t, garantie de la violence des
vents de mer par les montagnes du comté d'Ar-
gyle qui lui font face, tourne brusquement au
Sud au-dessous de Greenock , et se prolongeant
pendant plus de 40 milles (16 lieues) dans la
mer, forme un large canal maritime, compris entre
les côtes des comtés de Renfrew et d'Ayr, les fa-
laises de l'île d'Aran et la pointe avancée du Rintire,
puis arrive dans le canal Saint-Georges, sans rieu
craindre pour son cours, ni des vents, ni des sa-




64 VOIES DE C0MM0MCAT10K.


bles. Cetle réunion de circonstances qui protège
l'embouchure de la Clyde est unique dans le
monde , et ne doit pas être négligée par quiconque
s'occupe de la navigation fluviale.


La différence est donc sensible entre le régime
de la Clyde et celui de nos fleuves ; cependant
quels travaux ont été nécessaires pour rendre
cette rivière accessible aux navires d'un fort ton-
nage ? A quelles parties de son cours ces travaux
ont-ils dû s'étendre ? — Autrefois les vaisseaux
n'arrivaient que jusqu'à Port-Glasgow ; et cette lo-
calité étant éloignée de Glasgow de 18 milles,
les travaux pour amener les navires jusque-là ,
auraient dû comprendre tout cet espace, si la ri-
vière , suffisamment profonde pendant plusieurs
milles encore, ne les avait réduits à environ 12
milles. C'est donc à l'amélioratiol^du cours de
la Clyde pendant 5 lieues seulement, qu'ont dû. se
borner les efforts des négociants de Glasgow ; car
la rivière a si peu de profondeur au-dessus du pre-
mier pont de cette ville , que des canaux ont natu-
rellement été préférés à toute navigation fluviale, à
partir de ce point. Décision sage, et que nous de-
vrions songer à imiter en France , plutôt que de
nous obstiner à faire l'impossible, comme nous y
sommes malheureusement entraînés par le désir




V O I E S D E C O M M C B I C A T I O I f . 65


(1) Voir appendix B.
5


de profiter de nos cours d'eau, an lieu de les
remplacer par des canaux, dispendieux sans
doute, mais d'un usage assuré, tandis que tous
les autres travaux hydrauliques n'offrent, la plu-
part du temps, qu'un résultat incertain, momen-
tané , sinon tout à fait illusoire.


Afin que la Clyde offrît^un libre accès à la
navigation , des travaux d'art ont servi à en ré-
trécir le cours, tandis que des dragages bien
entendus en ont profondément creusé le lit. Sans
décrire ces travaux, j'insisterai pour qu'on ne
perde pas de vue qu'ils ne comprennent qu'un "es-
pace de 5 lieues, et que la continuité incessante
des dragages occasionne chaque jour des frais
considérables, couverts par la plus active navi-
gation ( 1 ) .


RUES. — Je terminerai ce chapitre des voies de
communication en Angleterre , par les rues, qui
ont dans ce pays des dimensions dont on ne se
fait pas idée sur le continent. Si les Anglais éco-
nomisent le terrain pour leurs routes et leurs
canaux , parce que là la largeur est plus nuisible
qu'utile, il n'en est pas de même pour les rues




66 VOnrs DE COMMUNICATIOir.


des villes , où l'en sent bien que , plus la voie pu-
blique sera large, moins il arrivera d'accidents, et
plus il sera facile de veiller à la propreté et à la
salubrité générale. Si quelques anciens quartiers
de Londres et quelques autres vieilles villes d'An-
gleterre ont encore des ruelles étroites, on s'ef-
force du moins tous les jours et successivement,
de les faire arriver aux dimensions désormais re-
connues indispensables.


En Angleterre , quelqu'étroite que soit une
rue, elle a ses trottoirs pour les piétons, et sa
chaussée pour les voitures ; c'est la loi absolue.
Si un ancien passage est tellement exigu qu'il
ne soit pas possible de se conformer à la loi,
alors la rue est dallée dans toute sa largeur,
barrée aux extrémités pour en interdire la cir-
culation aux chevaux et aux voitures, et prend
alors le nom ftalley ou de row. En Ecosse,
les rues de Glasgow et d'Edimbourg ont géné-
ralement de 60 à 9 0 , et même 100 pieds de
largeur, c'est d'une magnificence et d'une ma-
jesté dont on se ferait difficilement idée en
France, où, sous ce rapport, la plupart de
nos municipalités sont d'une lésinerie choquante t
mesurant l'espace par mètres, centimètres et
millimètres, marchandant leurs terrains pied à




VOIES DE COMMUNICATION. 67


pied, et en calculant le rapport probable pat*
livres, sous et deniers. Vrai, il en est quel-
ques-unes qui autoriseraient, je crois, l'élévation
de maisons sur le milieu des places, si ce n'était
l'opposition des habitants. Combien on est pé-
niblement affecté de celte différence entre les
deux peuples, lorsque l'on met en parallèle nos
rues étroites et sales, à moitié privées d'air par
la hauteur des maisons, avec, ces rues majes-
tueuses de, la Grande-Bretagne aboutissant à des
places ou squares plus majestueuses encore,
et par leur vaste étendue el par ;les plantations
verdoyantes, les frais gazons et les allées .sa-
blées qui en décorent la partie centrale ( 1 ) .


Si les Anglais donnent, de si belles dimen-
sions, à leurs rues, dont la largeur s'accroît
encore du peu d'élévation des maisons, ils ne
veillent pas moins à leur entretien et à la bonne
confection du pavage, cette partie délicate de


(1) Un jeune homme de 14 ans , me faisant Voir la
fameuse Cannongate à Edimbourg*, me disait, en me
montrant cette ancienne rue , dans un endroit où elle
peut avoir dix mètres de largeur : «..Voyez donc comme
nos ancêtres faisaient les rues étroites ! » — Nous de-
vrions bien éviter qu'on en dît autant de nous , un
venant.




68 VOIES DE COMMliaiCATIO».


la voirie, si mal entendue et si peu éomprise
eh France.


La nation britannique, calculatrice par excel-
lence, s'est rendu un compte exact de la valeur
de chaque nature de pavage. On a établi, sur
une moyenne de 1 5 à 20 années, le prix d'en-
tretien par an, y compris le capital primitif
de chaque mode de pavage ou de macadamisage
( puisque ce dernier système a été admis dans
les rues), et l'on a reconnu qu'un pavage pri-
mitivement mal fait, en mauvais matériaux ou
en pierres d'une forme peu convenable, avait,
après un laps de temps déterminé, coûté beau-
coup plus fcher de confection première et d'en-
tretien qu'un pavage régulièrement et conscien-
cieusement fait, établi selon les meilleures règles
de l'art, sans même tenir compte des inconvé-
nients d'une surface irrégulière pour la propreté
et pour la circulation des voitures. On a reconnu
encore qu'un pavage exécuté comme il «onvient,
revenait également, aussi pour un temps donné,
à infiniment meilleur marché que le macadami-
sage le mieux confectionné, lorsqu'il s'agissait
d'un endroit très passant, et fréquenté surtout
par des voitures pesantes (1).


( i ) Le pavé du pont de Westminster à Londres n'a




VOIES DE COMMBHICATION. 69


jamais coûté d'entretien, pendant 22 ans, plus de 159
livres st. par année; aujourd'hui, que ce pont est ma-
cadamisé, l'entretien s'élève annuellement à plus de
470 liv. st. — Le ponl de Biackfriars est dans le mDme
cas, si môme la .différence n'est pas plus grande encore;
aussi est-on sur le point d'en revenir au pavage.


La première charrette un peu lourde, qui tra-
verse une chaussée mal construite, ébranle ou
enfonce les pavés niai assis ; les pierres, ainsi
dëjointes, éprouvent un frottement continuel qui
en use les bords peu à peu; la surface égale
du pavage est en peu de jours altérée ; les
chevaux n'y marchent plus avec assurance, leur
fatigue s'augmente de toutes les inégalités des
rues, leurs efforts s'accroissent; les chocs de-
viennent de jour en jour plus rudes et plus
violents, et bientôt tout le pavage est à refaire.
A ces inconvénients de dépense s'en joignent
d'autres non moins graves : les pavés déjoints
donnent un libre accès à l'eau dont la terre
inférieure est promptement imbue , et, à chaque
pression du pavé, une boue épaisse est poussée
à la surface, salissant tout pendant la saison hu-
mide, et couvrant tout d'une épaisse poussière
dans les temps de sécheresse. Un pavage primi-




70 VOIES- -DE COKHimiCA.TlMr.


tivemeat bien exécuté nest plus sujet à* ïuic'un
de ce» inconvénients y et par la solidité ' qu'on
donne d'abord au-fond, et par la régularité de
la^ierw' -de pavage tout-'échantillonnée "qu'on
emploie y et'enfin, 'par les' soins les plus minu-
tieux donnés à chaque opération du paviage.
C'est ce dont il self ait bien important de se con-
vaincre : mais nous né sommes ni assez patients,
ni assez-posés pour tenter des expériences de
longue -durée. Eh1 bien ! puisque «oUs ne vou-
lons pas expérimenter par nous-mêmes pour
rious convaincre de la vérité, recueillons donc
au moins l'enseignement que nous fournit un
peuple plus patient, et voyons comment il
opère.


Les besoins de l'industrie, la circulation tous
les jours plus activé des voitures dans une ville
populeuse et commerçante, ont démontré aux
Anglais tous lès inconvénients de rues trop
étroites; aussi leur largeur moyenne paraît elle
aujourd'hui fixée à environ 54 pieds anglais
( 1 6 m. 5 0 ) ; sur ces 54 pieds l 30 sont consa-
crés à la chaussée, et les 24 autres aux trottoirs.
Ces trottoirs sont solidement établis en dalles
d'une pierre de taille de la plus belle qualité.
Quant à la chaussée , les soins les plus minutieux




VOIES DE COMMUNICATION- 71


sont pris pour en assurer la bonne confection
et la durée.


Tout d'abord le fond est soigneusement et
également piqué, pour bien niveler la surface.
Une couche d'environ quatre pouces de pierres
brisées selon le système de Mac-Adam, y est
ensuite uniformément étendue , puis la rue est
livrée en cet état à la circulation pendant plu-
sieurs mois. On en redresse ensuite la surface
par une nouvelle couche de caillous brisés ou
de gravier, et ainsi de suite pendant trois fois
consécutives. Le fond ainsi consolidé et préparé
selon la courbe que doit offrir plus tard le pavage ,
on procède à cette dernière opération. Le premier
soin de l'ingénieur chargé de surveiller cette
partie du travail est de tenir la main à ce que
l'entrepreneur ne fournisse que des pavés égaux,
en bon granit, ou autre pierre suffisamment dure.
Chaque pavé doit former un parallèlipipède
régulier d'environ sept à huit pouces cubes
comme le pavé employé à Paris ; ou ayant, comme
ceux de Londres , environ 10 pouces de long sur
6 ou 7 de large et 8 d'épaisseur. Ces dimensions
peuvent, du reste , être augmentées ou affaiblies
selon que les rues sont plus ou moins passantes.
Vient alors la mise en place des pavés, et rien




72 VOIES DE COMMUNICATION.


ne doit être négligé pour opérer avec le plus de
soin possible. Un sable fin (de rivière s'il se peut)
et bien purgé de terre, est étendu sur le fond
macadamisé, il y forme une couche d'environ un
pouce et demi à deux pouces d'épaisseur pour
recevoir les pavés.


Ceci fait, le paveur choisit pour chaque rangée
des pierres d'un échantillon uniforme, afin que
les joints soient plus parfaits. Puis, il présenle
chaque pierre à la place qu'elle doit occuper, la
bat en dessus et de côté avec une demoiselle
plus légère que ne le sont généralement celles
de France , l'enlève ensuite, la garnit de mortier
sur les faces joignant les pierres voisines , la
remet ên place, bat de nouveau, et passe à la
pierre suivante , et ainsi de suite. Un pavage ainsi
exécuté, n'a plus besoin d'être battu à la demoi-
selle après qu'il est fini, il est d'une solidité a
toute épreuve, et dure fort long-temps sans né-
cessiter la moindre réparation.


Quelques ingénieurs emploient une seconde
méthode plus expeditivo, qui consiste simple-
ment à mettre avec soin chaque pavé en place
dans le lit de sable. Cela fait, on amène sur le
pavé une vaste auge en bois , remplie d un
mortier liquide à la chaux. Celle auge est portée




V O I E S D E C O M M U S I C A T I O t f . 73


sur roulettes ( 1 ) et légèrement inclinée, au bout
inférieur est pratiquée une trappe qui , étant sou-
levée, laisse le mortier couler sur le pavé; des
hommes armés de râteaux sans dents l'y étendent
aussi également qtfë^lbssible et le font pénétrer
dans tous les joints qu'il remplit et consolide.
Tout récemment un ingénieur de Londres,
3ï. John Henry Cassell, a pris un brevet pour
un nouveau mode de pavage qui constate à im-
biber de bitume bouillant le lit de sable sur
lequel s'établit le pavé. Une fois les pavés mis en
place, on coule dans tous les joints de nou-
veau bitume qui les lie enlr'eux et remplace
le mortier employé dans les autres systèmes.
31. Cassell prétend qu'un pavé ainsi confec-
tionné offre de grands avantages sur les anciens,
en ce qu'il est plus liant, plus élastique et ne
permet pas à la pluie de pénétrer entre les
pierres. INous ne savons jusqu'à quel point l'in-
venteur a raison, c'est à l'expérience seule à
confirmer ou à détruire sa théorie.


Les autres détails du pavage sont également


( l ) C'est dune auge semblable que se servent habi-
tuellement les maçons qui ont à travailler à des répara-
lions en ville.




74 VOIES DE COMMUNICATION.


soignés chez nos voisins, qui apportent surtout
aux ruisseaux l'attention la plus minutieuse. On
réserve les plus belles et les plus larges pierres
pour cette partie imporlànteid'une rue ; souvent
ces pierres sont taillées et creusées pour offrir le
moins d'obstacles possible à l'écoulement des
eaux.- Souvent aussi on les remplace par des
rigoles enjonle. De belles pierres larges et allon-
gées , entamées par de légères rainures pour
servir de point d'appui au pied des chevaux,
servent à garnir cette partie du pavé qui, dans
les carrefours, traverse d'un trottoir à l'autre ,
afin que les piétons soient toujours favorisés. En
temps de pluie, des hommes, armés de balais, en-
tretiennent toujours propres ces étroits passages ,
et reçoivent en dédommagement de leur peine
quelque menue monnaie de la part des prome-
neurs les plus généreux. Grâce à tous ces soins , les
villes les plus actives et les plus populeuses d'An-
gleterre, sous un climat humide et froid, offrent à
ceux qui les parcourent à pied, moins de désa-
gréments que la place la plus propre de France,
("est que là on commence à comprendre que
l'intérêt et le bien-être du plus grand nombre
doivent êtru considérés pour quelque chose.


PSKUMATIC R A i L v A ï . — Avant de finir ce long




VOIES DE COMMUSICATIOH. 75


chapitre dès voies de communication en Angle-
terre, il me reste à parler d'un nouveau système
de chemin dont Londres était assez vivement
préoccupé au moment de mon séjour dans cette
ville des inventions et de l'industrie ; non pas que
je croie ce nouveau système parfait, ou même
susceptible d'une prompte application ; mais il
est curieux, et a réclamé une grande ressource
d'imagination de la part de son ingénieux auteur,
qui avait mille difficultés a vaincre.


Sans le secours des figures, il est difficile de
donner une idée complète du chemin de fer
pneumatique inventé par M. Pinckus : j'essaierai
cependant. Réduit a sa plus simple expression
\e Pheùmatic ràilway consiste en uii long cy-
lindre dans lequel le vide produit par ure pompe
à'vapeur fait marcher un diaphragme auquel un
train de voiture communique en dehors. Voyons
maintenant la disposition de tout l'appareil. Ou
établit de 5 milles (2 lieues) en 5 milles , une
machiné à vapeur destinée , au moyen d'une forte
pompe à air a produire le vide dans un cylindre
de 5 milles de long. Ce "sont des tubes cylin-
driques en fonte de fer, qui s'ajustent boula bout
les uns aux autres, de manière à former le cy-
lindre complet. Chacun de ces tubes cylindriques




76 V O I E S D E C O M M U J M C A T I O I f .


a environ 9 pieds de longueur sur 3 pieds de
diamètre. Deux languettes de fer saillantes et
parallèles à Taxe du cylindre, régnent dans tonte
sa longueur, et de chaque côté à hauteur d'un
demi-diamètre.


Les voitures, dont les roues portent sur ces
languettes , sont placées à cheval sur le cylindre,
et attachées les unes aux autres, comme sur un
chemin de fer ordinaire ; seulement , au lieu de
recevoir leur impulsion dune machine locomotive
à Vapeur, elles sont remorquées par un chariot
qui communique de l'extérieur du cylindre avec
le diaphragme de l'intérieur. La grande difficulté
à vaincre dans l'établissement de ce nouveau sys-
tème de chemin, consistait à établir cette com-
munication du dehors-au-dedans du cylindre,
sans en détruire Xherméticité. Cette difficulté
a été surmontée par le procédé le plus ingénieux.


Une rainure formant une gorge saillante règne
dans toute la longueur du cylindre à sa partie
supérieure. Par cette rainure, le chariot extérieur
communique au moyen d'une forte pièce de fer à
un petit chariot intérieur fixé au dos du dia-
phragme. Ce chariot intérieur et le diaphragme
sont maintenus dans une position verticale inva-
riable, par une languette opposée à la rainure




VOIES DE COMMUMCATIOÎV. 77


supérieure. Celle-ci est bouchée dans toule sa
longueur par une lanière en cuir, garnie de pièces
de fonte ou de bois. Ces pièces s'adaptent suc-
cessivement dans la rainure sans ôter la souplesse
à la lanière que soulève le chariot supérieur au
fur et à mesure de sa marche, et un peu en arrière
du diaphragme, de manière à ce que la partie
du cylindre qui se trouve en avant soit tou-
jours hermétiquement fermée. Deslpoulies placées
à ¥ avant et à l'arrière maintiennent constamment
la lainière dans la rainure ; une seule poulie pla-
cée au. milieu du chariot, la soulève au-dessus de
Ini et permet à l'air d'arriver derrière le dia-
phragme aussitôt que le vide h lieu par-devant,
et imprime à tout l'équipage une course rapide.


Le célèbre chimiste Faraday et le savant doc-
teur Lardner ont donné tous les deux leur ap-
probation à ce nouveau système de chemin de
fer , auquel ils accordent quelques avantages sur
l'ancien. Ces avantages consistent notamment dans
le bon marché de la locomotion et dans la sû-
reté des voitures , qui lie seraient pas facilement
jetées en dehors de leur voie comme sur les rail-
ways ordinaires. Reste à savoir si les dérange-
ments possibles de la lanière et le frottement
du diaphragme^ ne seront pas des obstacles in-




'/"8 VOIES DE COMMUKICATIOÎÎ.


surmorilables à ce .nouveau Système de route ,
dont aucun essai en grand n'a encore été tenté.
On ne peut même dire que les quelques pieds de
ce genre de chemin exécutés comme modèle sur
une échelle très-petite fVigmore street, à Lon-
dres , servent à autre chose qu'à bien faire com-
prendre le nouveau système, sans être une garantie
de succès pour le même chemin construit dans
ses véritables proportions.*


On estime à environ 250,00Qfr. la dépense par
mille d'un pareil railway , à une seule voie ,
ou 625,000 francs par lieue. Si ce prix n'est
pas plus élevé, s'il est même moindre que celui
des routes en fer ordinaires , c'est que les frais de
travaux d'art et de terrasement, dit l'inventeur ,
sont presque nuls pour ce nouveau genre de
chemin , qui se soutient seul, pour ainsi dire , et
ne demande que de faibles points d'appui.




KAVIGATIOH IJTÉRIEURE PAR CAHAUX. 79


N A V I G A T I O N I N T É R I E U R E


P A R C A N A U X .


5£33§&PE transport des marchandises se fait, sur
|| lîft ||beaucoup de canaux d'Angleterre dans des
<J%§8S8%bateaux haléspar un seulcheval, solidement
construits, dont le chargement est de 25 à 30 ton-
neaux, et dont les dimensions sont d'environ 3 pieds
l]2de haut, 5à 6 de large, et 60 à70 de long. Les
côtés, depuis l'avant jusqu'à l'arrière, s'appuient
perpendiculairement sur un fond tout plat. Ainsi
ces bateaux , au lieu de s'avancer en plan incliné
sur l'eau, y entrent carrément, et la coupent par
une entrée très-fine, pareille aux deux extrémités
qui sont taillées en coin, et forment la. navette.


A l'arrière, à une petite distance du gouver-
nail, est une cabine pour abriter le batelier et
quelquefois sa famille. Un seul homme au gou-




80 N A V I G A T I O N I N T É R I E U R E P A R C A N A U X .


vernail, surfil à la direction du bateau , un enfant
conduit au pas le cheval de halage.


Je ne m'arrêterai pas plus long-temps à la na-
vigation des canaux pour le transport des mar-
chandises: qu'il me suffise de dire que certains
canaux sont assez profonds pour porter des chasse-
marées et des barges d'un assez fort tonnage. Je
me hâte d'arriver à la navigation de certains ca-
naux d'Ecosse , pour le transport des voyageurs.
C'est une chose importante et curieuse , à laquelle
j'ai donné une sérieuse attention. Grâce à la bien-
veillance de quelques administrateurs du canal de
Forlh et Clyde, et de l'Union-Canal, entre Glas-
cow et Edimbourg, j'ai pu parcourir ces canaux
avec une lettre de recommandation pour tous les
employés qui, de la sorte, ont répondu avec un
empressement dont je ne saurais trop me louer,
à mes nombreuses questions.


Pour arriver au mode de construction le plus
convenable des bateaux destinés à effectuer le
transport le plus prompt des vovageurs, aux
moindres frais possibles, l'administration des prin-
cipaux canaux d'Ecosse confia, «î la fin de 1835,
à un jeune et habile professeur de physique
d'Edimbourg , M.-J.-S. Russell, la direction d'une
série fort curieuse d'expériences tendant à dé-




NAVIGATION IKTÉB1ETJEB PAR CANAUX. 81


velopper la théorie des corps'flottants et à s'as-
surgr de la coupe la plus convenable à donner
aux bateaux de transport. Les faits principaux
qui découlèrent de ces expériences, furent : 1."
Que la résistance de l'eau est d'au|a.ufe plus aisé­
ment surmontée que le canal a JJWJJÏS; d]$ p r o f o n ­
deur; 2.° Qu'un bateau a un tk-au^d eau doutant
plus faible qu'il est igu avec plus derapidité; 3.°que,
poï№ éprouver le moin£ de .résistance possible,
lehateaUjdoit se* présenter à l'eau le plus finement
et le plus obliquement possible ; 4.° que la marche
la glus avantageuse au transport sur canaux.,-c'est-
à-̂ fpfe celle qui soulage le plus le pouvoir mo­
teur en diminuant la résistance qu'il doit vaincre,
est "toujours la plus vive; c'est-à-dire qu'elle ne
doit*être limitée que par la force naturelle des
chenaux , si les bateaux sont traînés au. halage ;
que s i a u contraire, on a recours à la vapeur ,
il, faut se -procurer les ^machines les plus.'puis­
santes sous le moindre volume et le moindre
poids donnés^ 5." que le halage le plus avan­
tageux , lorsque c.».. moyen de translation est em­
ployé çur .canaux, doit s'opérer au moyen d'une
longue corde , légère autant que possible et main-
tenue dans la ligne la moins oblique possible,
par rapport à l'axe de motion du bat$ao<;-6.a. que


6




82 WAVieATIOa INTÉRIEURE PAR САНАШГ.


pour faire 1 0 milles ( 4 lieues) à l'heure sur ca­
naux , l'effort de traction des bateaux ordinaires
employés sur tes canaux d'Ecosse, est d'environ
d'un T*ngt-qnalrième dn poids tojal du bateau
et de sa <&arg«.


D'apré* ces données, les bateaux qui servent
actuellement au transport des voyageurs «ur l'U-
nittn-Canal, sfont construits (|insi qu'il smt :
Longueur totale ©9 pieufc (mesure de -Frartce).
Largeor 5 pieds 4 pouces. *


J.e plue grande largeur est à 30 pieds ^e la
poupe. Vides, ils plongent davantage de l'avant
qee detarrière, une motion' rapide les ramenâwrau
niveau et abaissant la ligne de flottaison. Chargés, ils
tèren* environ 8 à 9 poncés d'eau, et pèsent Яe 4
tonneaux 1 ¡2 à 5 tonneaux ; ф sont construits en
tôle de 3\й de ligne d'épaisseur», et n'ont pt*hrt0de
qniHe ; la eonpe de l'avant, qui forme coin et entre
trèsMmement a l'eau, servant seule à les maintenir
en équifibre. On se fera une idée de la finesse de
leur éperon, lorsque l'on saura «qu'il eêt formé
d'une lame d'acier assez traactiante pour couper
les cordes des bateaux de lourds transports qui
ne seraient pas assea prompts à»se ranger à leur
approche.


Ces bateaux ne sont point pontés ; les voya-




NAVIGATION INTÉRIEURE PAR CANAUX. 8 3


geu ĵÉ|t»çt à l'abri sous une couverture légère,
q№*p|t$fiente l'aspect d'urtlt* longue caisse d'om­
nibus, et ils sont assi$|§bmme dans ces voitures,
lesnnsvis-à-visdes auÀtfes, les jambes entre-croisées.
Le bateau est divisé en l . r e et 2. c chambre; la
poupe e| la proue sont découvertes. L'espace est
calcoléfjâiur le- t ransporté 1 62 voyageurs, qui
paient, pour les 45 milles ou 1 8 lieues^d'E$m-
bourg à Glascow, 6 shillings (7 fr. 50. t.)
dans-la première chambre ; 4 shnngs (5 fr.) dans
la seconde. En hiver, ces chambres sont chauffées
par la vapeur qui passe d'une petite chaadieft
placée à l'avant, par des tuyaux circulatoires ,
tout autour de la paroi intérieure du bateau.


La tracttiop de ces bateaux le fait p*Ér 2 chevaux,
à raiso# de 10 milles (4 lieues de 4 kilomètres)
à l'heure , qui se trouvent réduits àf^piiilles, par
suite du temps perdu aux relais et au passage des
écluses.


!0» a souvent établi la force comparative entre
un cheval et une machine à vapeur, et c'est ^lu-
jours par un nombre déterminé de chevaux que
PonestimeJa force d'une1 machine : c'est un faitbien
connu ; mais ce ^ e l'on .ignore généralement,
c'est que l'on prend pour base le travail e*écut<5
par un'cheval travaillant pendant 1 0 heures dans sa




84? NAVIGATION INTÉRIEURE PAR C A H i Ç ^


journée, et au pas ; si, au contraire y^Jt^0kJ^-
vailler un cheval pendant un temps très-court,
mais à une allure très-viis et pour remuer une
forte masse , il arrive que ,.dans ce court espace
de temps, le cheval a développé une force mus-
culaire à peu près é^ale à celle qu'il dévelop-
perait par un travail pjlns lent, prolongé-pendant
plflieuBg heures. Si donc on exige d'un cheval
un travail vif mais violent, il faudra lui accorder
un repos d'autsut plus long que le travail aura été
plus rude et plus rapide. Ceci posé, on ne^era pas
sferpris d'apprendre que l'expérience a démontré
quechaque cheval employésurles canaux d'Ecosse,
déploie. pendant le temps de son court travail,
une force q%i ne pourrait être remplacée à bord
du bateau que par une machine à vapeur de 8
chevaux «^•puissance expansive sous le piston.
En conséquence, on a limité à deux courses de
4 milles à 4 milles 1]2 chacune (à raison de 10
milles à l'heure) le travail journalier Ëe chaque
cheval ; et pourtant, lorsque les chevaux ont
fourni cette course limitée de 4 milles , ils ar-
rivent halletants et baignés de sueur.„Dès qu'ils
sont dételés, l'enfant qui les a^eonduits, les prend
par la bride, et, avant., de les rentrer à l'écurie ,
les fait promener au pas pendant environ un




NAVIGATieSS lJNTÉniEDRE ГАЯ CASTACX. 85 -


quart-d'he'ure, pour leur donner le temps de se
rasseoir.


L'attelage consiste en un collier ordinaire , un
palonnier suspendu près des cuisses par deux
courroies qui partent du haut de la croupière.
Les traits sont en cordes garnies de petits rou­
leaux de bois arrondis des bouts, afin d'adoucir
le frottement produit sur le corps du cheval, par
ré%Jïnouvements brusques et les saccades de la
corde de hallage.


Le changement de chevaux s'opère en un clin
d*oeil. Au moment de l'arrivée au lieu du relai,
les chevaux frais sont prêts et attendent sur le
rivage. Un homme placé à l'avant du bateau dé­
tache la corde des chevaux qui viennent de
fournir leur course. Vhe nouvelle cordft lui est
jetée et fixée en un instant au bateau au moyen
d'un mécanisme très-simple, qui permet aube-
soin, el en cas de danger, de larguer cette corde
'plus promptement encore qu'elle n'est a n n ^ e .


Le chemin de halage se prolongeant par des­
sous les ponts mêmes , leur passage n'occasionne
aucune perte de temps. QuIÉnt aux écluses, les
bateaux s'y arrêtent purement et simplement ,
les voyageurs mettent pied à terre et se rembar­
quent dans un autre bateau qui les attend dfj




86 NAVIGATION INTÉRIEURE PAR CANAUX.


l'autre côté de l'écluse , sans qu'on soit obligé de
perdre le temps nécessairement indispensable à
l'ouverture de leurs portes et à l'écoulement des
eaux.


Je me suis étendu sur ce système de naviga-
tion des canaux d'Ecosse, pour prouver que les
transports rapides peuvent s'opérer sur canaux
comme par toute autre voie. S'ils sont aujour-
d'hui de quatre lieues à- l'heure et opéréjjipar
des chevaux , on ne doute pas qu'ils ne puissent
s'effectuer d'une manière beaucoup plus prompte
encore lorsqu'on se servira de la vapeur. Un der-
nier perfectionnement auquel on travaille avec ar-
deur , restera encore à obtenir , c'est le moyen
de faire franchir promptement les écluses aux
bateaux, par quelque n|écanisme qui dispense
de l'ouverture des portes. Ce mécanisme sera ,
sans doute, difficile à découvrir, néanmoins on
est sur la voie, et l'on ne désespère pas de réussir.




LOIfBBES. 87


L O N D R E S .


^Süßäex intitulant ce tikMpitre : Londres , je Il lEî j j j j n ' a ' P o u 1 * l g rétention de donner de cette
c8S5Sî^vilIe une description ou une statistique
complète. Une pareille œuvre nécessiterait seule
la publication de plusieurs^ volumes. Je veux
seulerflent présenter au lecteur un aperçu ra-
pide de cette vaste cité, et dire l'impression pre-
mière que reçoit un étranger à son arrivée au
milieu de ceti» l'oule bigarrée, de cet amas de
maisons basses et enfumées, de ce labyrinthe de
rues larges et étroites , de ce chaos tumultueux
qu'en appelle Londres.


Peur qui a déjà parcouru quelques grandes
villes, Loridftes n'a point (parlant du public qui
cirttdjjÉ'.dans les rues) u* aspect trop singulier.
]N<3^**ommes habitués en France à considérer
les Anglais comme des hommes à part dans leur




88 LOSDBBS.


mise , leur tournure, leurs manières, nous les
supposons tous , ce que nous appelons des ori-
ginaux.


Il est certain que la majeure partie des An-
glais voyageurs (pris dans la masse des gens
oisifs, c'est à-dire des personnes qui, n'ont rien
à faire ) , contractent, pour tuer le temps qui les
obsède , quelque manie singulière qui les lait
sortir de la foule et les rend originaux. Mais,
vus au sein-de leur p*yw* au imlfeu de leur ca-
pitale , leur originalité disparaît pour faire place
à une uniformité plus complète qu'en pays étran-
ger, et qui efface les disparates. En admettant ce-
pendant un nombre d'originaux plus grand à lon-
dres que partout ailleurs, ils se perdraient encore
dans lfrfoule et n'offriraient , comparés aux ori-
ginaux qui parcourent les villes du continent ,
qu'une différence de plus au moins *a laquelle on
s'accoutume prompteinent. ne doute pas qu'en
1 8 1 5 , au moment de la chute de l'empire, Lon-
dres ne dût offrir au voyageur«français nouvelle-
ment débarqué dans cette.capitale, un coup-d'çeil
bien plus frappant pour lui qu'aujbnrd'huifClA
cetU époque, la Franc» et l'Angleterre qt^fjjfe'
puis un quart de siècle, se-faisaient une guerre
acharnée , étaient restées complètement étrangères




LOHIDHES. 89


l'une à l'autre. >Be ce défaut da communication
entre les deux nations était résultée une disparate
tranchée entre la manière d'être et de se "vêtir
des habitants des deux pays. Mais , la jpaix donnée
à l'Europe, des relations îmdjipiiées se sont
établies entre Anglais et Français; au fur « t a
mesure ([ue nous adoptions un BSage d'Angleterre,
nos voisins importaient che»-ettX «ne de nos
inodes. Le Petit Courrier des Dames est
peu à peu dev*nu l'oracle des dames de Londres;
et les modistes anglaises ont tifiéj'leurs échantillons
de Paris. rVéanmoinsi/en lait de modes, Loïïdres
peut être comparé à une de nos villes de pro^
vince les plus éloignées du centre, et suivant i l
mode du joui1...y. à un an près.


En général, lus homme#sorrj-p^îus propremeift
et plus élégamment vêtus qu'en France. L humi-r
dite du climat s'unissfht à l'odieuse fumée du
charbon de terre pour user et salir peu de
temps les vêtj|jjpenls, leur renouvellemenH plus
fréquent et le changement de kuge plusieurs fdfe
par jour, sont devenus des nécrasités qui ont fait
de chaque Anglais une espèce de petit maître,
qMe lo ciel pur de la France ne verra jamais.


Les femmes se mettent avec luxe et avec une
propreté au moins é*flle à celles des hommes,




90 I 0 5 D H E S .


mais leurs toilettes ne sont pas toujours justifiées
parle bon goût. En général, les couturières d'An-
gleterre travaillent mal: on croirait volontiers, à
voir ces chapeaux d une coupe peu élégante, ces
rojaes sans tour nu r.e et sans grâce, que les dames
anglaises se coiffent et s'habillent elles-mêmes, si,
derrière les vitraaac des modistes on n'apercevait
des toilettes et des chapea«x qui prouvent que ces
demoiselles n'ont ni k bon goût, ni l'adresse de
nos modistes françaises, si coquette* , si agaçantes
et <gu£; savent donner à tout ce qui sort de leurs
lujgta^jmt de grâce et d'élégance.


*.^ÎA côté de ce monde distingué et fashionable,
pullule dans Londres un autre monde hideux et
sale, couvert des plus dégoûtant g haillons de
•Ftunivers: car toujours vous trouverez le grand
dénuement à côté de la grande riches|e. Nulle
part les fortunes ne soiM aussi considérables
qu'à Longées, donc nulle part la misère n'est
aussi grande. Nulle part aussi Jjĝ l" misère ne
s'offre sous un aspect plus repoussant : ici, les
haillons sont plitë* haillons que partout ailleurs.
On ne voit en France qu'un seul individu qui
puisse donner l'idée d'un mendiant anglais, c'est
l'homme à la longue barbe du palais royal, le
déguenillé par orgueil, le .célèbre Chodruc-Du-




LONDRES. 91


clos, chez qui, comme on .sait, le cynisme^ du
costume est calcul et coquetterie. En France
on remarque cet homme, en Angleterre userait
perdu dans la foule. Cet aspect d'extrême, j?#$f№$
est surtout hideux chez les femmes par le con­
traste choquant de leur mise avec la malpropreté
de leurs vêtements. On les voit en effet couvrir
les lambeaux d'un jupon, d'un lambeau de shall
à palmes usé , ou d'un manteau du même genre,
souillé de fange , le tout surmonté de quelque
vieux chapeau de damejpajU et fumé. A peu de
chose près le costume 4j|j|;̂ ||^ms est l'habit—
veste fou une ¿espejee ̂ ^edittgole- ccprle en gros
coutil écru. Ton tesólos femmes du pjeçgie ,,:Sans
exception, portea;J^ïii^hje .<findienne,''le' shall
et le chapeau. J'ai vfr%ur la tête d'une grande fille
salement vêtue un chapeau de soie rose assez
frais, mais ridicule^,et par son contraste avec le
reste du costume et par si*pelilesse sur ce grand
corps de fille. Et d'ordinaire^^ cependant , les
chapeaux de la femme du pw&plê et des cam­
pagnes sont évasés cl larges de bords.


Immédiatement après le public des rues , ce
qui frappe lu plus un étranger, c'est cette quan­
tité de voitures, de chariots, d'équipages da toute
espèce qui s¿ croisent et se heurtent partout sur




92 LOHDBES.


le pavé de Londres. J'ai dit ailleurs quelles
étaient ces vottÉÉî'doht le nombre incalculable
<^VriraiÉtout4e4>oueoù de poussière, site n'ëlail
f&*oin particulier que les Anglais apportent à la
propreté de leurs rues. Dès huit heures du matin
les rues sont balayées. A celte heure, des tom-
bereaux parcourent la ville et enlèvent les immon-
dices. Une clochette avertit lés servantes de chaque
maison, pour qu'elles -profitent du passage du
tombereau de leur quartier , afin d'y vider leur
panier de ba^^ùreS.


Dans les*t»nî ®*sec1sf des voitures d'arrose-
*«^/#|^rc%#ëW*tfe^^ les sens et
piusieSÉ^fâiïpar jortr.Ces v*o^ftres, d'une forme
toule'parliculière ,*se ëoniposé^R d'un coffr© carré
et plat, porté sur d ^ x roues basses et traîné
soit à bras, soit par un seul cheval. L'eau s'échappe
par un conduit percé de trotts, fixé horizontale-
ment derrière le coffré*, comme aux tonneaux d'ar-
rosement usités éftrfrance. Cfe coffre est beaucoup
moins élevé q^%n*tonncau , et je pense que cette
forme qui permet de le remplir avec aisance , est
lejn'incipal motif qui l'ait fait préférer a la barri-
que. L'eau est fournie à ces voilures par des
bornes-fontaines , ou par des conduits souterrains
dont les arroseurs ont la clef. Ou ne voit, du reste ,




LONDRES. 93


(1) L'abonnement pour l'eau se plie suivant l'impor-
tance des inénages , depuis 17 sh. jusqu'à 60. On se
rappelle que le shilling vaut un poft plus de 25 sous.


aucune autre voiture de porteur d'eau encombrer
les rues de Londres ou de toute autrfe viUe d'An-
gleterre : chacun â chez soi un robinet qui lui
donne à tous les,étages l'eau nécessaire à sa con-
sommation, moyennant une rétribution annuelle
assez modique, ( 1 )


Il s'est trouvé, jdans toutes les villes d'Angle-
terre , des citoyens assez zélé* et assez désintéressés


Pur établir dans toutes les localités des distri-
butions deau ,^ïneme sans grande?-«Bance de
bénéfice. Les principaux travaux exécutée pour
approvisionner .Londres de l'eau nécessaire à sa
consommation ont été exécutés au commence-
ment du XVII. e siècle avec un désintéressement
et une ardeur dignes des plus grands éloges par
le célèbre Hugues Myddelton, qui y sacrifia sa


i*Huit compagnies se chargent aujourd'hui de
fournir à Londres toute l'eau nécessaire à une
consommaj^on ordinaire. Les trois compagnies
du J\ord fournissent 27 millions de gàllonst*(en-
viron 122,673,36ê litres) d'eau à 150,000 mé-




94 LOMDRES.


nages. Cette eau est élevée jusqu'à 45 mètres
au-dess**s d% son niveau par des'pompes à feu
réu^èaftt «ne force de 1200 chevaux. Trois
autres compagnie!** du Sud-fournissant environ
trois millions de gallons (13,63fl,3#$ tft«É)#«an
par jour à 36,000 maisons. Les irtlëhines de ces
trois compagnies représentent, la force d'environ
250 chevatDf. En oi^re, un grand nombre de
pompes àfeiMA^iiAfent dans tougg|§s quartiers, de
manière # s % ^ l è e r au besoin^les distributions
générâtes de ce liquide indispensable. Beaucoup
d'usinesne consomment aussi que l'eau que leggps
machines^élèvent de puits qui leur sont privatifs,
les sources surgissant en abondance sur tout le
sol de Londres. (1)


On voit ,• sur un grand nombre de maisons un
écritea# portant ces deux lettres F. P. suives
d'un nombre eu chiffre. Le ndmbre indique à
quelle distance perpendiculaire du pied de la
maison on trouvera un peu au-dèssou* "du niveau
du pavé un Vire Plug, :ou robinet communi-


; _ -
(1) Les personnes qui désireraient de plus amples


détails sur cette n&lière, consulteront avep^fruit l'ou-
vrage intitulé Mydraulia, de M. Wilïianv Matthews ,
publié à Londres, chez MM. Simpkin, Marshal, and Cfi




I.OSDRES. 95


quant par une tubulure aux conduites d'eau. En
cas d'incendie , ces robinets assez rapprochés les
uns des autres, fournissent immédiatement, sans
peine et sans embarras, l'eaji nécessaire à l'extinc­
tion du feu. Aucun cprps spécial n'est chargé en
Angleterre comme eifl№rance de cette importante
et utile foncftOTfc^a plupart de»-maisons étant
assurées y lé*;Compagnies d'assurance ô£t;4dés
pona|f̂ ^1%'|t#6s hommes constamment «p^êtt^
porter les secours les plus prompts partout oti
il est nécessaire. Seulement, dans les casextrâbr-
dinaires d'incendies excessivement violents , la


est appelée à leur prêtfer son concours,
ne donc habituellement à 1 extinclion


du, feu que des hommes personnellement inté-
wiièés à ce que les progrès de «d'incendie soient
arrétésleplus tôt possible, et, grâce à desmesures
aussi^jiii|cieiisement prises, il est «rare qu'on ji'en
devieMijÉlgfès maître en fort pDÉsde temps.


Celte facilité -d'avoir chez soi de l'eau en aussi
grande abondance qn*on peut le désirer, fait que
le lavage du linge en Angleterre s'opère tout à
l'intérieur des maisons. On me voit riulle part de
ces lavoirs sur bateaux ou au bord des rivières
comme en Fratiée.* Je «rois «piie, dans toute la
Grande-BreWijjne, il n'existe d'établissement'ana-




96 LOKDRJiS.


logue qu'à Glascow. La distfièbulion de ce lavoir
public, ou washing-hoùsff% et la manière • sin-
gulière avec laquelle les lavandières écossaises
rincent leur lessive , ^doivent m'arrêter quelques
instants. ' . .^ •


Le washing- hoiise doBKBlascow, vaste éta-
blissement d'environ 180 piedi|b)^iong sur 100
de- Jar^e, est divisé ainsi qu'il 20 pieds
sont <$«S|>crés, à l'une des extrérilii||P|^|QGE*-
mentlSe la personne qui dirige l'établissement;
une cour* de 20 pieds de largeur règne derrière
dans toute la longueur , et sert à recevoir les
provisions de charbon de terre pour "W^rVice
de la maison; entre celte cour et largement
du directeur , qui se réunissent à angle droit et
forment J'équerue, existent deux cours dê̂ ÉN)
pieds carrés chacune. Autour de ces deux c^Urs
régnent des appentis d'environ 20 'a JB^pieds
de largeur supposés par de légères c^loBttes en
fonte. Dans chacune de ces cours, des chaudières
pour l'eau de lessive sont adossées contre le mur
de la petite cour de derrière où se trouvent l'ou-
verture des fourneaux qui chauffent la lessive. A
défaut de cendre de bois, cette lessive se com-
pose exclusivement d'eau et SD^> carbonate de
soude ; elle est vendue par l'établissement «ux




LONDRES. 97


(1) Loyer. . . . .... . . . . . . . 140 1.
Eau de lessive. 40
Charbon de terre à raison de 8 sh. le tombe-


reau de 1 tonneau 1[4, 100 tombereaux. . . 40


TOTAL 220 1.


7


lavandières; celles-ci se procurent l'eau pure qui
leur est nécessaire pour rincer leur lessive à une
pompe à brimballe, placée dans chacune des cours
principales. L'établissement leur fournit encore
un chevalet à trois pieds portant un baquet de
la grandeur d'une demi-barrique, et c'est dans
ce baquet qu'elles savonnent leur linge , non point
au battoir comme en France, mais en le foulant
avec les pieds nus. Chaque lavandière paie par
séance une somme de. 6 pence ( douze sous
et demi), pour laquelle elle est mise en posses-
sion du baquet et du chevalefr nécessaires à son
blanchissage. L'établissement peut contenir 200
laveuses à la fois, et ses frais généraux annuels
s'élèvent à environ 220 1., ou 5,500 fr. (t)


L'usage universellement répandu aujourd'hui
du charbon de terre, tant dans les maisons par-
ticulières que dans les usines de tous genres ,




98 LONDRES.


les compagnies d'éclairage au gaz , etc., couvre
en tout temps Londres d'un nuage épais, que
l'humidité habituelle du climat abat sur la ville
et fixe d'une manière indélébile sur toutes les
maisons, sur tous les monuments. Certes, si
l'Angleterre doit son industrie et sa grande ri-̂
chesse à l'abondance de ses mines de houilles,
les incommodités qui accompagnent l'usage de
ce fossile ont été long-temps un obstacle à son
emploi. On se douterait à peine, de nos jours,
où toute la prospérité du pays est fondée sur
l'extraction et la consommation de ce combus-
tible dont le produit brut dépasse celui des mines
du Nouveau-Mon de, on se douterait à peine,
dis-je, des difficultés sans nombre qui en ont re-
tardé l'emploi. Il est curieux et instructif en même
temps de faire par instant une excursion rétros-
pective dans le passé , et de voir combien les
usages les plus avantageux à l'humanité ont eu
à lutter pour s'établir, combien de combats
contre le privilège et l'intérêt privé , la vérité
a eus à soutenir avant d'être reconnue et pro-
clamée ! Cette remarque, que nous avons déjà
eu occasion de noter, à propos des grandes
routes et des voitures publiques , se représente
ici avec plus de force... Oui, ce précieux com-




LOHIUES. 99


(I) S low, parlant de cette époque, écrivait ce qui
suit en 1598 : « A aucun prix les belles dames de
» Londres n'auraient voulu entrer dans une maison où
H l'on eût brûlé de la houille, ni toucher à aucun mets
» préparé avec cet odieux combustible. »


huslible^ qui fournit un aliment peu dispendieux
à la cheminée du pauvre, qui égaie le foyer du
riche, qui soulève les mille marteaux de l'indus-
trie , file le coton , la laine et la soie, les con-
vertit en tissus précieux , sillonne les mers et les
canaux d'innombrables paquebots , rivalise et
supplée la lumière du jour, anéantit l'espace,
augmente nos jouissances et nos produits, ce
combustible a eu ses ennemis, ses détracteurs ,
ses lois répressives !


Bien que la houille fût connue de temps im-
mémorial en Angleterre, elle n'a guères com-
mencé à devenir d'un usage commun que vers
le XIII. 6 siècle. A cette époque, l'exploitation
des mines de Newcaslle s'étendit considérable-
ment : Londres commençait à consommer une
notable quantité de charbon de terre ; mais cette
consommation, blessant par son odeur et sa fu-
mée épaisse, la délicatesse aristocratique du beau
monde ( 1 ) , une proclamation d'Edouard T." en




100 J.OBDRES.


proscrivit l'usage comme une incommodité pu-
blique.


La rareté et le prix élevé de tout autre com-
bustible fit braver l'édit royal : les industriels
de Londres s'entendirent avec les propriétaires
houilliers deNewcastle , et travaillèrent en dépit
des lois à la prospérité de leur pays, si bien
que, dans le palais du roi lui-même, on ne
brûla bientôt plus que du charbon de terre. La
victoire n'était pas encore complète cependant :
sous le régne d'Elisabeth on défendit de brûler
de la houille pendant les sessions du parlement,
de peur que la santé de nos chevaliers des
comtés nen fût altérée. Ce ne fut qu'au XVIII/
siècle que , définitivement, l'intérêt général l'em-
porta , et qu'il fut permis en tout temps et à
tout le monde de brûler du charbon de terre.
Aujourd'hui,la consommation s'en élève annuel-
lement, à Londres, à environ 2,139,078 ton-
neaux , au prix moyen de 28 sh. le tonneau. Le
charbon de terre n'arrive que de troisième main
au consommateur. Les propriétaires de Newcastle
ont à Londres un petit nombre de correspon-
dants consignataires, qui revendent à des mar-
chands en gros les cargaisons complètes du char-
bon qu'ils reçoivent ; d'autres marchands en dé-




IOBDKES. 101


tail le prennent à ceux-ci par parlies moins
considérables, et le livrent ensuite par sac ou
par tombereau aux petits industriels et aux par-
ticuliers qui le consomment.


Celte combustion considérable d'une matière
aussi fuligineuse couvre Londres, et en général
toutes les villes de la Grande -Bretagne, d'un
sombre et épais nuage de fumée, lequel, à dis-
tance , détruit toute espèce de point de vue, en-
veloppant tout d'un voile impénétrable. Celle
fumée pénétrante , jointe à l'humidité du climat,
s'attache à toutes les maisons, à tous les monu-
ments publics. Si Londres n'avait pas ses squares
nombreux, ses parcs immenses qui en égaient
et en relèvent l'aspect, il ne serait, pour ceux
qui s'arrêtent à la surface des choses, qu'un vaste
amas de petits édifices de briques, noirs et carrés
qui, sans corniche, sans toiture apparente, ne
peuvent être mieux comparées qu'à une maison
de dominos vue du côté de l'ébcne. Les monu-
ments publics, couverts par placards inégaux de
cet enduit de suie et d'eau , perdent tout leur as-
pect artistique. Les parties noircies échappent
à l'œil, les parlies blafardes forment saillies;
ainsi toute l'harmonie , tout l'ensemble des formes
sont perdus ; les plus beaux édifices n'apparaissent




102 LOBDHES.


que par fragments rompus, par tronçons de co-
lonne. C'est une plaie inévitable dont les beaux
arts gémissent tout bas, mais dont ils n'osent
se plaindre trop amèrement par égard pour leur
sœur l'industrie.


Les magasins de détail, comme on le pense
bien, se ressentent également de celte fumée
bitumineuse. Ainsi, le luxe des étalages est-il ren-
fermé dans un double châssis vitré sur la rue.
Dans l'intérieur des boutiques, tout reste empa-
queté et ficelé sous enveloppe. Du reste , les mar-
chands de Londres sont loin de donner à leurs
montres l'élégance que l'on trouve dans les ma-
gasins de Paris. On voit là fort peu de ces de-
vantures de cuivre et de glace, si communes dans
la capitale de la France. Par suite de l'usage
anglais qui veut qu'une maison entière soit occu-
pée par un seul ménage, les constructions parti-
culières sont étroites et basses, et les boutiques,
se ressentant de cet étal de choses, sont basses et
étroites à leur tour. Malgré les progrès de l'in-
dustrie , on ne fabrique point encore en Angle-
terre de verre à vitre soufflé, on en est toujours
au verre en disque avec l'œil de boeuf au milieu.
Ce procédé suranné ne permettant pas de fabri-
quer des carreaux de grande dimension , les châs-




IOKBHES. 103


(1) Nous profitons rarement des leçons du passé :
l'éclairage au gaz en est une preuve. Si nous trouvons
surprenant que nos aïeux peu éclairés aient long-temps
prohibé l'emploi du charbon de terre, avons-nous le
droit de les blâmer? — Quels que soient les avantages
de l'éclairage au gaz et la beauté de celte lumière , il
ne s'est point établi sans difficulté. Lord Brougham lui-
même l'a combattu en 1809. Un des premiers essais faits
à Londres, fut l'éclairage du Old Palace yard. Une
foule empressée allait tous les soirs admirer celte bril-
lante illumination. Mais cela ne suffit pas pour décider
les administrateurs municipaux: ils ne voulurent point
adopter ce nouveau système d'éclairage , et quand la
compagnie du gaz cessa de vouloir éclairer gratis Old
Palace yard, on en revint aux réverbères ordinaires.
Ce n'est qu'en 1814 que le gaz remplaça limile défi-
nitivement. -


sis des magasins en reçoivent le contre coup: si la
boiserie en est amincie et bien coupée, pour la
dissimuler à l'œil, les vitres qui les garnissent
sont toujours assez étroites. A l'approche de la
nuit, toutes ces boutiques sont, en un moment ,
brillamment éclairées par le gaz, qui, soit à l'in-
térieur des magasins, soit dans les rues, le dis-
pute à l'éclat du jour. ( 1 ) Mais cet éclat des bou-
tiques ne dure pas fong-femps, de bonne heure




104 LONDRES.


elles se ferment, les pratiques se* retirent, et les
trottoirs des rues sont alors abandonnés aux filles
perdues. De huit à neuf heures, elles quittent,
véritables oiseaux de nuit, leur retraite contre la
lumière du jour, se répandent dans la ville of-
frant à tout venant leurs perfides et vénales fa-
veurs. Pourvu que tout se passe sans bruit, sans
désordre apparent, la police anglaise semble
laisser ces malheureuses exercer en liberté leur
hideux commerce.


POLICE. — En cela , comme en tout, la police
anglaise veille avec zèle et activité, sans se faire
sentir et sans avoir l'air de se mêler de rien. L'ordre
observé sur la voie publique est toujours parfait.
Les atteintes aux personnes ou à la propriété
sont rares dans Londres, comparativement à l'im-
mensité de sa population. Quoi qu'on en ait pu
dire, les querelles, les parlies de boxeurs sont
rares aussi dans les rues, car la patience paraît
être le fond du caractère anglais. Vifs au travail,
nos voisins d'outre-mer font surtout remarquer
leur vivacité dans leurs courses rapides, soit
à pied, soit achevai, soit en voiture ; mais sur-
vienne un de ces obstacles imprévus, subits, si
fréquents dans les villes populeuses et qui ar-
rêtent en un moment une longue file de cava-




LONDRES. 105


liers et de voilures (il ne s'agit pas des piétons,
pour eux ici le trottoir est toujours libre) , vous
voyez à l'instant ces hommes si empressés, si
ardenls à la course il n'y a qu'un moment, s'ar-
rêter tranquillement, ne donner aucune marque
d'impatience , attendre en paix sans crier ni pro-
férer aucun de ces mots brutalement énergiques
qu'emploient si fréquemment nos voiluriers fran-
çais. Il faut dire aussi que si l'anglais attend avec
une palience si calme le dégagement de l'obstacle
qui l'arrête , c'est qu'il est convaincu que cet obs-
tacle ne dépend de la volonté de personne, et que
celui qui le cause s'exerce de son mieux pour le
faire disparaître. Si une voilure abandonnée en-
trave un passage, le coiMucteur de la voiture qui
survient la première, avertit par un cri particu-
lier le voiturier négligent, celui-ci accourt aussi-
tôt , range sa voiture, et l'obstacle à la libre cir-
culation est levé. Un encombrement subit arrêle-
t-il plusieurs voitures qui se suivent, le cocher de
la première imprime à son fouet un tournoiement
particulier, qui est aperçu par le cocher suivant,
celui-ci le répète à son tour, et, dans un clin-
d'œil, le signe télégraphique arrive à la queue
des voilures qui s'arrêtent ensemble et d'un temps,
sans augmenter l'embarras par une marche pré-
cipitée.




106 LOHDEES.


Un homme de la police, placé à l'extrémité
d'une rue qu'un obstacle passager ou des travaux
de réparation encombrent momentanément, aver-
tit les voituriers de l'existence de l'obstacle et
les empêche ainsi de se fourvoyer dans une rue
sans issue. C'est par suite de ce concours géné-
ral que l'ordre règne partout dans Londres.


Après avoir lu ces lignes, si l'on était lente de
faire quelques rapprochements entre la police
d'Angleterre et celle de France, on ne verrait
pas, sans amertume, combien la nôtre est petite,
tracassière et malheureusement négligente, tandis
que la police anglaise veille partout avec attention
et sollicitude sans perjtcéfter personne, et sans
avoir l'air de se mêler *$*en. Tout cela est vrai,
niais si l'on veut en rechercher la cause, ne la
trouverait-on pas dans la différence de caractère
des deux nations.


I/Anglais, je le répèle, est patient et loin
d'avoir celte impétuosité irréfléchie du peuple
français. Il respecte l'autorité et l'agent qui la re-
présente , à quelque degré qu'il soil placé, depuis
le lord-maire jusqu'au dernier polie eman ; et,
j'ai hâte de le dire , il est rare qu'un fonction-
naire public, sorte jamais de la limite légale de
ses attributions : respecté dans l'exercice de ses




IOSDRES. " 107


fonctions : jamais la colère inspirée par une at-
laque ou une résistance injuste, ne le porte à
les exercer avec violence. En France, au con-
traire , il suffit qu'un homme soit dépendant du
pouvoir, qu'il soit revêtu de quelqu'autorité, in-
vesti' d'une fonction publique, quelque mince
qu'elle soit, pour être, par cela seul, et fût-il
le pluà honnêle homme du monde, insulté par
les journaux et méprisé par le peuple. Qu'à
Londres un agent de police fasse une obser-
vation , on s'y soumet sans murmure ; qu'un
sergent de ville de Paris réclame l'exécution
d'une mesure de police , quelque fondée que soit
sa réclamation, on s'en moque, on le honnit :
s'il insiste, on l'injurie; s'il a le malheur de se
formaliser de l'injure , on l'injurie plus fort ;
s'il se fâche, car il est homme et par conséquent
irritable, on crie : à l'eau! et des cris, parfois
on passe aux voies de lait. Que résulle-l-il de ce
triste état de choses?— Que nous roulons cons-
tamment dans un cercle vicieux. Le peuple'se
plaint et souvent avec raison (car si l'on com-
prend l'irritation de la police , on ne peut l'ap-
prouver) , que la police est brutalement admi-
nistrée ; mais, se mettant dans son tort à son tour
il la repousse brutalement, même lorsque son in-




108 LOBDRES.


tervention est nécessaire. Les hommes de la police
après cela se plaignent et s'irritent des sévices
dont ils sont, trop souvent sans raison , les vic-
times; les fonctions qu'ils exercent tombent dans
le mépris , les honnêtes gens s'en éloignent; pri-
vée du concours d hommes i*ecommandables, la
police de Paris livre ses emplois secondaires à des
hommes de rien, souvent le rebut de la société,
lécume des prisons ; et de la sorte , des fonctions
qui ne devraient, comme toute celle de la nation,
être confiées qu'à des mains pures, le sont à des
individus sans respect humain , sans honneur ,
sans probité, qui les exercent avec rudesse et
sont toujours prêts à s'emporter, à repousser
la violence par une violence plus grande, à ren-
voyer injure pour injure, à rendre coup pour
coup. Jusqu'à ce que notre caractère national se
reforme par l'éducation, il est fort à craindre
que cette difficulté ne trouve jamais d'issue. L'au-
torité supérieure de France doit, néanmoins ,
toujours viser à ce but en multipliant les sources
de l'instruction. Puis, si elle cherche constam-
ment à moraliser ses agents , ce sera un achemi-
nement à la moralisation du peuple. Les moyens
de surveillance qu'elle exerce sur les sergents
de ville, par exemple, pourraient facilement être




LONDRES. 109


rendus plus efficaces et plus sûrs. Rien n'empêche
qu'elle se melle en position de recevoir facile-
ment les plaintes des citoyens honnêtes qui au-
raient été victimes ou simples témoins de violences
et d'abus d'autorité ; il suffirait d'adopter une me-
sure bien simple , employée par la police an-
glaise, et consistant a faire porter à sespolicemen
un numéro d'ordre, brodé des deux côtés sur le
collet de l'habit. Un citoyen maltraité peut ainsi
faire connaître directement à l'administration su-
périeure l'agent contre lequel il veut porter une
plainte ; de son côté , le poHceman . qui sait
toujours qu'il peut être reconnu et signalé à ses
chefs pour une faute même légère, s'observe
davantage , et ne se livre pas journellement à ces
petites tyrannies subalternes, d'autant plus irri-
tantes , que l'arbitraire part de plus bas. Nous
avons écrit ces réflexions avec impartialité et
conviction, nous serons heureux d'apprendre
qu'elles ont été entendues.


J'ai hâte d'être quitte de ces petits détails sur
Londres pour arriver à ses importantes institu-
tions; ce ne sera pas, toutefois , sans dire quel-
ques mots de ses promenades publiques, de ses
marchés et de quelques grands établissements com-
merciaux que renferme cette riche capitale, et qui




1 1 0 LONDRES.


donnent un aspect particulier à sa physionomie.
Les squares de Londres, que l'on retrouve


aussi,dans la plupart des autres villes du royaume ,
sont de larges et vastes places, hors de propor-
tion avec la plupart des places publiques de nos
villes de France, même les plus grandes. Ces
squares se composent d'une partie pavée et libre
pour la circulation, garnie de trottoirs comme
une rue ordinaire ; au centre , une grille en fer
défend une promenade du genre connu, chez
nous, sous le nom de Jardins Anglais. Ce sont des
allées sablées, des bosq&ets de lilas et autres ar-
bustes ; des bouquets de tilleuls ou d'ormeaux,
maintenus dans de moyennes proportions; des
bancs de gazon et des tapis verts. L'entretien de
ces jardins a lieu aux frais des habitants du square,
qui ont seuls le droit de s'y promener, et qui, a
cet effet, possèdent une clef des grilles. Il est rare
cependant qu'on use de cette faculté : ainsi le
jardin du square existe plutôt pour le plaisir des
yeux que pour celui de la promenade.


Il n'en est pas ainsi de ces vastes promenades pu-
bliques dites Parks : Londres en possède plu-
sieurs dune beauté réellement remarquable et
d'une immense étendue. Ces parcs ne ressemblent
en rien à nos promenades de France , froides et




IOJSDBES. 1 1 1


régulières; ce sont des campagnes véritables, de
vertes prairies, des gazons fleuris , des lacs, des
ruisseaux , des bosquets touffus, des bois de haute
futaie, entrecoupés de mai&ons, de palais, dévastes
allées sablées, abandonnées aux promeneurs, soit
à pied, soit à cheval, soit en carrosse même. Aussi
Regenl's-Park et Hyde-Park sont-ils le rendez-
vous du beau monde, des riches équipages et d'une
grande partie des habitants de Londres, qui s'y
réunissent le dimanche, et viennent y respirer l'air
pur des champs, si précieux au milieu de l'at-
mosphère de brouillards et de suie qui les enve-
loppe pendant six longs jours de la semaine.


Des troupeaux de vaches laitières, de nom-
breuses bergeries , animent encore ces prome-
nades et leur donnent un aspect de vie qu'on
ne rencontre sur aucune autre promenade du
monde. Les gazons y conservés verts et frais par
l'humidité habituelle du climat, ne sont point
encadrés d'une barrière infranchissable , ils sont,
au contraire, librement accessibles au prome-
neur, qui peut s'y étendre à son aise et se
reposer à l'ombre des ormeaux, sur des bancs
larges et bien entendus, où il est commodément
assis, le dos bien appuyé et les pieds à l'abri de
toute humidité du sol. Comme il peut arriver




H 2 10RDHES.


cependant que , dans des mois de sécheresse , des
gazons soient grillés et détruits, des barrières
mobiles en fer viennent momentanément en
ceindre les parties flétries ; puis, des soins assi-
dus , une protection efficace et d'abondantes
irrigations les rappellent en peu de jours à leur
verdure primitive.


Peu de villes sont aussi complètement et aussi
abondamment approvisionnées que Londres en
denrées de toute espèce , malgré son immense
population: le gouvernement n'intervient jamais
dans la direction de cette matière ; il laisse tout
faire à la libre concurrencé*, et la libre con-
currence fait tout ; elle n'est entravée ici ni par
des règlements précautionnels comme cevix im-
posés , par exemple, aux boulangers français,
ni par aucun droit de barrière ou d'octroi, et ,
libre dans son allure, elle n'a jamais donné lieu
qu'à se louer de ces extrêmes franchises. Du
reste, il én est de Londres comme de toutes
les villes populeuses, les marchés y sont d'au-
tant mieux pourvus de toutes choses, que les
pourvoyeurs sont plus assurés de la défaite de
leurs marchandises. Le riche paie cher les mor-
ceaux délicats et rares, la classe moyenne se
contente de mets plus communs, et les pauvres




LONDRES. 1 1 3


trouvenj. ejticore une nourriture saine et abondante
dans le refus ou la desserte des classes aisées.
De la sorte, tout le monde y trouve son compte ;
et , malgré le haut prix qui pèse généralement
sur toutes choses à Londres, cljacun est nourri
comfortablement et selon ses moyens. Londres
consomme par an plus de cent soixante millions
de livres (1) de viande de boucherie, sans
compter les issues. La consommation du lard,
du poisson, de la volaille et du gibier (2) est
à peu près égale ensemble à celle de la viande.
Celle du beurre est de 50 millions de livres, et
celle du fromage et des oeufs ensemble de 50
millions pesant aussi. On suppose que la dé-
pense du lait s'élève seule à 1 ,458,000 liv. st.
(31,450,000 fr.) Le pain entre dans la consom-
mation annuelle de Londres pour 340 millions
pesant, et les légumes pour 400 millions, ce
qui, en y ajoutant les grains autres que le fro-


(1) La livre anglaise équivaut à peu près à 0 kilog:
453 grammes.


(2) On prétend qu'un étalagiste du marché de Leaden-
Hall vend, soit par lui, soit par 150 à 200 individus
qui les colportent par la v i l le , environ 1400 lapins par
semaine.


8




114 L05DBES.


ment et les denrées coloniales, donne un poids
de 2 liv. 4 onces ( 0 kilog. 9629 , prè* d'un kilo-
gramme) de nourriture par individu et par jour.
Cette énorme, quantité de denrées est détaillée au
public dans plusieurs marchés et dans un grand
nombre, de boutiques répandues dans tous les
quartiers de la ville.


Le marché de Smithfield, consacré aux bœufs,
vaches, moutons, veaux , etc., le lundi et le ven-
dredi matin, et aux chevaux le vendredi soir,
est une place assez étroite et d'une forme irrégu-
lière . située au ]\ord de la cité, dans un des
plus vieux et des plus laids quartiers de Londres,
tout composé de vieilles et vilaines petites mai-
sons de bois, dont les étages supérieurs sur-
plombent encore sur les boutiques comme au
moyen-âge. Cette place, ou champ de foire, comme
on voudra, est divisée par de fortes barrières
en une quantité infinie d'étroits compartiments
où les bestiaux sont renfermé» pour éviter la
confusion ; et, afin de prévenir les accidents qui
pourraient résulter d'un aussi grand nombre d'a-
nimaux arrivant tous ensemble en traversant les
rues d'une grande ville, il est de règle de ne les
amener que de nuit au marché. Un espace libre,
mais assez restreint, est réservé pour l'essai des




10KDBES. i i 5


chevaux. Le nombre de ces derniers animaux,
vendus annuellement sur le marclié de Smith-
field , s'élève de 12,000 à 13,50%. On amène aussi
par an sur ce même marché 149,885 têtes de
bêtes à cornes, 24,609 veaux, 1,507,096 mou-
tons , et 20,000 cochons. La consommation de la
viande à Londres ne se borne point à cette seule
quantité cependant ; car, de toutes parts, on y ap-
porte des animaux entiers abattus dans les cam-
pagnes environnantes.(â£'est principalement dans
les rues de Leaden-Hall et de Newgate que la
chair de ces animaux est mise en vente ; ce sont,
pour ainsi dire , des rues de bouchers. *


Comme constructions, les marchés de Londres
les plus curieux sont, sans contredit, celui de
Covenl-Garden et de Hungerford* Le premier
de ces marchés est sur une vaste place à arcades,
donjL.il ocqupe le centre. Il forme trois côtés d'un
qi^jp^atèça* décoré d'une colonnade d'ordre do-
Mqnfé»,Les ailes sont garnies de boutiques ou-
vei%fcgj06 unes sur la place, les autres sur le
marché. Au-dessus de la colonnade existent deux
charmants pavillons toujours remplis des plantes
et des fleurs les plus brillantes ; et les plus rares.
On y arrive par deux volées d'escalier à chaque
bout des ailes. Il ne paraît que des fleurs, des




1 16 LOKDHKS.


fruits et des légumes sur le marché de Covent-
Garden ; celui de Hungerford, situé entre la
Tamise et le WHst-End , est divisé en deux par-
ties , l'une basse et au bord de l'eau pour le
poisson, l'autre élevée erAp%BS rapprochée de la
rue pour le débifrdes fruits et des légumes. C'est $
ensemble, un fort beau monument : les deux
parties qui le composent sont liées par un bel
escalier en pierres de taille.


Malgré l'élégance du marché de Covent-Gar-
den , malgré la magnificence de celui d'Hunger-
ford, il n'en existe aucun à Londres, j'imagine,
qui puisse- supporter la comparaison avec celui de
Birmingham. Bien que ce soit sortir de mon su-
jet , je ne puis résister au désir de donner ici la
description de ce monument.


Le marché de Birmingham est un bâtiment isolé
de 1 1 2 mètres environ de longueur strt 32m|tres
de largeur ; quelques degrés y donnent a^jk^mr
deux superbes portiques placés aux extrémités et
décorés chacun de deux immenses coloiihefccwine-
léesde l'ordre de Pœstum. A l'intérieur, 34 colon-
nes en fonte de fer élégantes, élancées, d'environ
25 à 30 pieds d'élévation, placées sur deux rangs,
supportent une triple toiture dont celle du cen-
tre domine les deux autres de quelques pieds ;




LONDRES. 1 1 7


( 1 ) Voir appendiaô D. le règlement du marché St-
John, à Liverpool,


des fenêtres d'une grande dimension percées dans
les quatre murailles, et des ouvertures vitrées
pratiquées dansles toits, permettent au jour d'inon-
der ce marché de lumière. Quatre pompes à brim-
balle,placéesaux quatre angles, fournissent en abon-
dance l'eau nécessaire aux marchandes de fleurs,
de légumes et de fruits dont les paniers sont élé-
gamment rangés sur de jolis échafaudages eu fer.
Derrière l'étalage de ces fruitières, les bouchers ont
leurs étàttx { et dans les autres parties de ce vaste
monument, des marchands de poteries, de paniers,
et autres objets variés trouvent encore une large
place pour l'exposition de leurs marchandises. A la
chute du jour tout est éclaha&par le gaz.


Les marchés d'Angleterre appartiennent aux
paroisses , à des corporations ou à de simples
particuliers; les étalagistes paient d'ordinaire
un prix fixe pour le loyer de leur place ou de
leur échoppe, et quelquefois en sus un droit
éventuel, prélevé , non pas sur les marchandises
apportées par eux, mais seulement sur celles qui
ont été vendues. Le taux de ces droits est géné-
ralement réglé par acte du parlement, ou par
une patente royale (1).




118 L O N D R E S .


Les docks ou bassins, pour le chargement et le
déchargement des vaisseaux" sont encore de ces
monuments qui attirent et méritent l'attention des
voyageurs dans la capitale* du royaume uni. Les
superbes magasins, si vastes, si bien distribués,
qui les entourent, sont des modèles de convenance
et d'utilité ; mais, ne voulant pas répéter ici ce
qui a été dit ailleurs à leur sujet, je renvoie à
l'ouvrage de MM. Lamé, Clapeyron et ïlachat
frères, sur les travaux publics de FrancéFôn trou-
vera là les détails les plus circonstanciés , non-seu-
lement sur les docks comme bassins maritimes et
entrepôts, mais encore sur le système général des
warrants « pour le transfert, sans déplacement,
d'un négociant à un autre des marchandises entre-
posées dans les magasins des docks.


VVllAREHOTJSES. — Une chose à Londres, qui
n'est pas moins merveilleuse que les docks, et qu'on
ne peut trouver que dans cette capitale, centre im-
mense, actif et puissant du commerce du monde,
ce sont ces wharehouses, ces bazars, ces usi-
nes, ces ateliers, qui étonnent l'imagination et se
font admirer autant par leurs proportions colos-
sales que par l'entente admirable qui règne dans
les moindres détails et qui préside à leur admi-
nistration.




LONDRES. 1 19


Les deux maisons de vente ou wharehouses,
que l'on visite avec le plus d'intérêt à Londres , ce
sont les magasins de MM. Leaf and Coles, situés
Old-Change, dans la cité, et ceux de M. Moris-
son, Fore street. Ces deux maisons, qui font
chacune pour 1 ,500,000 à 2,000,000 de livres
sterling d'affaires par an , renferment pour des
sommes immenses de marchandises de toute es-
pèce qui alimentant le commerce de détail de
Londres et de ses-environs, ou livrent en quelques
heures à l'armateur, des pacotilles complètes, prê-
tes à être expédiées dans toutes les parties du
globe connues. Le fonds principal de ces deux
wharehouses, consiste en soieries de tous genres,
rujjans et étoffes de Lyon, rubanerie anglaise,
soieries et foulards de la Chine et des Indes, étof-
fes de laine et de coton, mercerie , cordonnerie ,
bimbeloterie , cannes et parapluies, nécessaires,
gants de tous les pays, tricots de toute nature, etc.
Toutes ces marchandises ont, chacune selon son
espèce, leur magasin à part, où elles sont entas-
sées par masses,%iais dans un ordre admirable ;
chaque magasin est séparé des autres, de manière
h éviter la confusion, mais sans qu'il soit écarté
de l'ensemble, que l'on peut saisir d'un coup
d'oeil et parcourir dans quelques minutes. Les ma-




120 . LONDRES.


gasins sont à 3 et 4 étages, tous distribués autour
d'un large espace vide qui leur apporte la lumière
du sommet de l'édifice jusqu'en bas par une vaste
toiture en glaces. Les magasins, pour les emballa-
ges et les déballages , sont au niveau des caves et
communiquent, soit avec les cours et la rue, soit
avec les magasins de vente par de longs plans
inclinés qui permettent d'introduire ou de faire
sortir les marchandises avec une grande aisance
sur de petits traîneaux ou dans des paniers à rou-
lettes. Ces magasins inférieurs sont à toute heure
du jour éclairés au gaz. L'établissement entier est
échauffé l'hiver par de l'eau bouillante , qui circule
sans cesse dans de longs tuyaux établis dans cha-
que magasin particulier, et qui viennent tous abou-
tir à une chaudière commune. 130 à 180 commis
sont employés au service de chacune de ces mai-
sons. Us y sont tous logés et nourris, et, afin que le
service des comptoirs ne soit point entravé par les
repas, tout ce nombreux personnel est divisé par
escouades qui vont successivement déjeûner et dî-
ner à des heures différentes, m*ais réglées. Le tra-
vail commence régulièrement à huit heures du ma-
tin , pour se prolonger jusqu'à minuit, e t , en cas
de presse , jusqu'à deux heures après minuit.


IMPRIMERIE CLOWES. — Après ces magasins,




LONDRES. l'2l


j'engage à visiter les ateliers de M. Clovves l'im-
primeur, ateliers situés dans une rue retirée du
quartier de Blackfriars,et occupant 300 ouvriers,
80 apprentis, et j'ignore combien de plieuses.


A cette imprimerie, sont annexées une fonderie
de caractères et une stéréotypie. Dans celte der-
nière est coulée, en matrices solides, toute la com-
position du Penny Magazine, dont les nom-
breuses planches sonl ainsi conservées dans une
pièce particulière où, rangées avec soin sur des
tablettes numérotées, elles formeut ce qu'on peut
appeler une bibliothèque de plomb. En mai 1835,
cette bibliothèque pouvait contenir 2,'200 ton-
neaux pesant de formes stéréotypées , et ce poids
énorme est augmenté chaque semaine de formes
nouvelles. *


Malgré l'immensité des publications qui sortent
de cette imprimerie, elle ne possède que 16
presses ordinaires à bras (15 à la Slanhope et
une Colombienne) ; mais , hâtons-nous d'ajouter
que ces 16 presses sont puissamment aidées par
19 presses mécaniques à* retiration, c'est-à-dire
imprimant d'un seul coup, au moyen de deux
formes et de plusieurs cylindres, deux feuilles
de papier d'un seul côté à la fois, et successive-
ment sur le recto et le verso du feuillet. Ces




j 22 10ÏIDRBS.


presses, d'un modèle uniforme, sont conformes
à la presse connue en France sous le nom de
presse Tonnelier. Quelques-unes peuvent im-
primer des feuilles d'un format colossali Elles
sont mises en mouvement par deux Imachines à
vapeur de la force de 6 chevaux chacune.


-Une presse plus ingénieuse qu'utile par ses ré-
sultats , a été introduite depuis un petit nombre
d'années dans cette maison , c'est une presse cir-
culaire de l'invention d'un nommé Applegarlh.
Elle ne peut servir qu'à des éditions stéréotypes.
Les formes en plomb sont fixées et courbées sur
un cylindre en fonte conformément à sa surface ;
le papier file constamment à plat sur un tympan
inférieur, tandis que la forme tourne d'un mou-
vement rapide emportée par le cylindre, et à
chaque révolution se charge d'encre à cinq rou-
leaux encreurs placés au sommet de la presse.
Cette machine, qui ne se distingue pas par la
netteté des épreuves , peut aisément imprimer
deux mille feuilles à l'heure , mais d'un seul
côté.


Cinq presses hydrauliques, d'une très-grande
puissance, donnent enfin la dernièx'e préparation
ou le lissage aux impressions qui sortent de la
maison Clowes.




J . O S D R E S . 123


BRASSERIES. — Après cette belle imprimerie,
se présentent les brasseries de MM. Whitbread
et Compagnie, de MM. Barclay et Perkins: c'est
par elles encore qu'on peut se faire une idée de
la puissance industrielle et produèlive des Anglais.
11 est impossible de contempler, sans une espèce
de stupeur, ces énormes établissements qui abreu-
vent de bière, d'ale et de porter, des milliers
de gosiers anglais et é t r a n g e r s . Da'nVces maisons,
vous voyez des chambres de plomb assez vastes
pour donner* bal ; un grand nombre de cuves,
dans chacune desquelles peuvent fermenter à la
fois des centaines de barriques de liquide, etc.
O * ^<f8(lÉ4qtië p a r j o u r de 9 0 0 à 1 2 0 0 barils de
bieir^f^^f?%!fe'Tëflrrayante quantité de boisson
est coritinuellemertt distribuée dafls Londres par
de nombreux et vigoureux chevàûx^fon t l'ample
coffré est une image vivftïte• > de l'éhOrmité des
maisons qu'ils desservent. Londres renferme dans
son enceinte environ 5 5 0 0 tavernes , caftarets ou
beer-houses, pour livrer en détail aux consom-
mateurs altérés l'océan fermenté qui sort de ces
brasseries. Quelques J unes de ces maisons sont
connues pour vendre de la bière exclusivement
sortie de telle fabrique plus estimée que telle
autre. Il n'est donc pas rare de lire en gros ca-




124 LONDKES.


raclères sur une. enseigne de cabaret les mots
suivants : IVhitbread and C's entire, ou
JBarklay, Ferkins and C"'s entire. Ce qui
veut dire en paraphrasant : Ici on vend du porter
de la fabrique dé MM. VVhilbread et C", ou de
MM. Karklay, Perkins et C.ie Ce mot entire,
qui, en bon anglais, veut dire tpitier, complet,
est une source d'embarras pour l'étranger qui
cherche & ea^cviner le vrai s«ns,;;Si vou^inier-
regez quelqu'un,,à cet égard, quelque cockîtey
ou badaud de Londres , par exemple , il vous
répondra sérieusement : cela veut dire on ne vend
ici que de la bière , ou entièrement de la
bière de chez MM. tels ou tels. Ne croje» point
cela , c'est l'aire un l>arl)aiisiii» anglais gra-
tuit. Entire. «Si le nom primitif donné au porter,
et ce nonK primitif, s'il a été rayé du Diction-
naire , eslfldemeuré; fidèlement sur l'enseigne des
cabaretiers. Selon l'auteur de Uomestic life in
England, le porter est une boisson toute mo-
derne , il n'y a pas plus d'un siècle qu'on en fa-
brique , et voici son origine :


« Avant l'année 1730, les liqueurs extraites de la
» Drèche, étaient laie , la bière et le twopenny-;
» quelques consommateurs se faisaient souvent
» servir ce qu'ils appelaient demie et demie




L O A D l i E S . 125


» (halfandhalf), c'est-à-dire une pinle com-
» posée moitié bière et moitié aie , ou moitié
» bière et moitié twopenny. D'autres pratiques
» encore demandaient du fil en trois, c'est-à-
» dire un mélange par tiers d'ale , de bière et
» de twopenny; si bien que le cabaretier était
» obligé, pour composer une pinte de Ce breu-
» vâge , de tourner le robinet de trois tonneaux.
» Pour éviter cette peine aux maîtres àë~ bu-
» vettes , un brasseur nolÉBrîté Harwood, inventa
» une liqueur qui réunissait à elle seule Uf triple
» saveur du mélange demandé de twopenny, de
» bière et d'ale, et lui donna le nom de entire
» 'butt (quartaut entier ou complet) ou simple-
» nient et par abréviation entire. Mais, ce breu-
» vage étant plus fort que la bière ordinaire ,
» ne fut d'abord consommé que par les ouvriers
» et les portefaix (en anglais porter), d'où lui
« vient son nom actuel, » lequel a détrôné (sauf
sur l'enseigmî des cabarets), le nom entire
qui lui fut primitivement imposé. Depuis, lors ,
le porter étant devenu une liqueur fashionable
et de bonne société, il a fallu, pour les gosiers
moins délicats des classes laborieuses , inventer
une nouvelle bière encore plus forte que le
porter; et, dans les cabarets d'aujourd'hui, cette




120 lONJJKES.


boisson a cédé la place au sloul et k Yextrà-
stout, ce qui veut dire en bon français, du
vigoureux et de Y cxtrà-vigoureux.


BASQUES. — Grâce à la vivacité que les An-
glais apportent à tout ce qu'ils font, grâce à
la concision de leur langage, à la brièveté de
leurs discours, grâce aussi aux modes abréviatifs
qu'ils put introduits dans leurs négociations finan-
cières^ il n'est pas de pays où il se lasse plus de
grandes affaires et en jpoins de temps qu'à Lon-
dres. Les comptoirs des commerçants en gros ou-
vrent de dix à onze heures, et sont fermés à quatre
ou, cinq ; et, dans ce court espace de temps, les af-
faires de la moitié du globe sont terminées. Mais,
il faut le dire , les négociants qui habitent les
maisons les plus éloignées du centre de Londres,
ont tous leurs cabinets réunis dans le quartier
resserré de la cité , de telle sorte qu'un négociant
étranger peut voir une foule de correspondants
dans une matinée, avantage dont jouissent égale-
ment les» négociants de la ville. Au moyen des
warrants, ou simples reconnaissances des Docks,
négociables et transmissibles à volonté , s'opère le
transfert des marchandises d'un négociant à un
autre. Nul négociant n'a de caisse chez lui; tous
ses fonds, ainsi que ceux des riches particuliers,




I.OSBBES. 127


sont déposés chez le banquier. Si un négociant
a un paiement à faire, il l'opère en un bon sur
son banquier, lequel fait aussi ses encaissements.
Des commis de tous les banquiers se réunissent
dans l'après-midi, dans un établissement parti-
culier nommé Clearing house, et là échangent
les effets dont leurs patrons sont porteurs les
uns sur les autres, de manière à n'avoir plus
qu'une faible balance à solder.


Toutes ces affaires de banque, tout ce mou-
vement de fonds , tous ces paiements , tous ces
encaissements par les banquiers et pour le compte
de tiers, sembleraient se faire gratuitement et sans
frais de commission ; il n'en est point ainsi. Par
une convention tacite , mais reçue , chacun laisse
constamment entre les mains de son banquier,
selon l'importance de ses affaires, une somme
plus ou moins considérable, sous le nom de ba-
lance ; cette balance ne porte jamais intérêt au
profit de son propriétaire, et si un jour par
hasard il n'apas^hez son banquier un capital
plus fort que sa balance, quelque besoin qui le
presse , il ne tirera pas. Non pas que le banquier
refusât de payer, mais ce serait remarqué , et
l'on craint pour son crédit. Les banquiers ont donc
pour leur bénéfice l'intérêt assez fort, non seu-




128 LONDRES.


lement de ees balances qui sont, pour ainsi dire
immuables, mais encore de tout le surplus des
fonds qu'ils encaissent journellement et qui ser-
vent à les couvrir des bons tirés sur eux. De
plus , il est d'usage qu'à la lin de l'année chaque
client abandonne plusieurs guiñees pour grati-
fication aux commis du banquier. Celui-ci se trouve
donc ainsi payé de ses soins par l'intérêt des ba-
lances, et ses commis reçoivent encore leurs ap-
pointements en gratifications qui ne sortent point
de sa poche.


Cet arrangement qui, au premier aperçu, pa-
raît avantageux, ne laisse pas cependant que
d'être assez onéreux à beaucoup de négociants;
à ceux surtout qui, n'ayant qu'un faible capital,
sôHt obligés d'en immobiliser entre les mains du
banquier, une partie. de laquelle, dans un mo-
ment de presse, il leurrerait important de pou-
voir disposer ; ce motif tout puissant ne tardera
pas à amener une révolution dans- la banque de
Londres, révolution qu'on peut déjà déclarer
commencée. Depuis peu de temps une compagnie
formée sous le nom de Banque de Londres et
TVestminster. offre de faire les encaissements
et les paiements de fonds aux conditions suivantes :


« La banque recevra des fonds en compte




L O H I t R E S . 129


courant, aux mômes conditions que les outres
banquiers de la capitale.


» Les personnes qui désirent avoir des comptes
courants avec la banque sans être obligés d'y
laisser une balance , peuvent, en remplacement
de celte formalité , payer un prix annuel convenu
à forfait.


» La banque recevra des dépôts permanents de
10 L à 10001 . , à 2 pour cent d'intérêt -par an. En
échange de ces dépôts, la banque délivrera des
reçus, dits reçus de dépôt. Si le dépôt est re -
tiré avant trois mois révolus, il ne sera tenu
compte d'aucun intérêt. Tout dépôt de plus de
1000 1. sera l'objet de conventions spéciales. »


Ce n'est pas sans avoir excité les murmures
des autres hommes de finances de Londres, que
celle banque s'est établie, venant briser l'ancienne
routine qui faisait leur profit; mais elle a été ac-
cueillie avec trop d'empresement par un grand
nombre de petits négociants et de marchands de
la cité, pour que son succès ne soit pas assuré.


Toutes les affaires commerciales de Londres ,
comme je l'ai déjà dit se font rapidement, en peu de
mots, par formules abrégées et concises , dans le
cabinet du négociant comble dans la boutique du
marchand en détail. Entrez-vous chez l'un d'enx,


9




1 3 0 10KDRES.


c'est toujours le chapeau sur la tête (on perd un
temps précieux à saluer et à échanger le bonjour
de politesse), vous allez droit au but sans embages,
ni phrases, ni circonlocutions: Est-ce à un mar-
chand de soieries, par exemple, que vous avez
affaire ; voulez-vous des foulards ? Le colloque
suivant s'établit entre vous et le marchand : « Dix
» pièces foulards assortis ?—Anglais ou des Indes?
» — Des Indes. — Voilà ! — Combien ? — Tant.
» — C'est trop cher : tant. — Je ne peux pas ! »
Si le prix est réellement plus élevé que vous ne
voulez donner, vous tournez le dos comme vous
êtes venu, sans saluer et sans ajouter un mot de
plus. S i , au contraire, vous tombez d'accord, ce
qui n'est jamais long, on vous remet facture,
vous payez, ou vous donnez un bon sur votre
banquier, et vous courez en hâte conclure ailleurs
line nouvelle affaire aussi peu cérémonieusement
entamée et aussi lestement terminée que la pre-
mière. — Voilà Londres ! Voilà les Anglais !




BEAUX-ARTS. 131


B E A U X - A R T S .


THÉÂTRE, LITTÉRATURE , JOURNAUX , PEIN-


TURE , GRAVURE, SCULPTURE.


Sa?S8§8£HÉATRE. — C'est une erreur assez eéné-
g ? L « « rip-d» ~ France, que U 5
&iS?gs«£théâtres anglais l'emportent sur les théâ-
tres de France, sinon par la borite des pièces
qu'on y représente, du moins par la vérité de la
mise en scène, la richesse des costumes, l'illusion
des décors. J'ai long-temps partagé cette erreur,
et la partagerais sans doute encore si l'occasion
de me détromper par mes propres yenx ne
m'avait été donnée. Grand a été mon désapoin-
tement, je l'avoue, lorsque, pour la première fois,




132 BBAUX-AMTS.


je me suis assis dans un théâtre anglais , pour la
première fois j'ai assisté à une représentation tout
anglaise. Une des principales causes de la médio-
crité de la scène hrilannique, matériellement par-
lant , est sans doute l'absence de tout théâtre
subventionné, qui, par la richesse des décorations,
l'éclat de la mise en scène, serve comme notre
Académie royale de musique, de modèle aux
directeurs des théâtres secondaires, et leur donne
le ton. Tous les théâtres d'Angleterre sont des
entreprises particulières pour lesquelles il faut
obtenir une autorisation spéciale de l'autorité.


Dans la Cité et dans la circonscription muni-
cipale soumise aux magistrats communaux de
cette partie de Londres, l'autorisation d'exploiter
un théâtre ou tout autre établissement destiné
aux plaisirs du public, s'obtient de ces mêmes
magistrats. Dans les autres villes du royaume,
c'est également aux magistrats de la commune
qu'on réclame la permission d'ouvrir une salle
de spectacle, de danse ou de musique. Mais, à
Londres, dans le quartier de Westminster, où se
trouve le palais de Saint-James, habité par le
souverain, et dans tous les lieux où il plaît au
roi de faire résidence, ce n'est qu'en vertu d'une
patente royale ou d'une licence accordée par le




BEAUX-ARTS. 133


lord grand chambellan , que l'on a Je droit d'amu-
ser le public. Les directeurs des théâtres ne jouis-
sent donc d'aucun privilège , d'aucune subvention
comme en France, c'est à leurs risques et périls qu'ils
élèvent un théâtre , louent une salle et composent
une troupe de comédiens, Aucune ville ne fournit
de salle gratuite , toutes sont des propriétés par-
ticulières pour le loyer desquelles les directeurs
s'engagent à payer des prix excessifs, qui, fort
souvent, les conduisent à la banqueroute. Une
salle de spectacle est donc, par cela même, une
propriété fort précaire, à laquelle les possesseurs
donnent peu de soin ; une salle sera donc bien
noire, bien enfumée avant qu'on se décide à y
appeler de nouveau le peinlre-décorateur. Aussi
n'est-il pas rare, à Londres môme, de voir les
cristaux d'un lustre transformés, pour l'aspect,
en fragments de ce charbon de terre qui pro-
duit le gaz qui l'éclairé. La plupart du temps ces
lustres sont petits et mesquins; dans un grand
nombre de théâtre, surtout dans les comtés, le
lustre central est supprimé tout à fait: de petits
lustres à 3 ou 6 becs espacés autour de la salle
tout contre les loges, en tiennent lieu. Cette
manière d'éclairer une salle de spectacle est triste,
plutôt à cause du peu de multiplicité des lustres




134 BEAUX-ARTS.


et de leurs becs, sans doute, que par suite de
leur disposition. Plus nombreux, ils seraient d'un
bon effet et n'auraient pas les inconvénients
d'un lustre central unique, concentrant trop la
lumière, et gênant la vue des spectateurs placés
derrière dans les galleries élevées.


L'avant-scène est toujours très-saillante en avant
du rideau , que des pans cintrés et rentrants,
garnis de porte et fenêtre, unissent aux loges.
C'est par la porte de ces pans semblables à une
portion de façade de maison, que paraît l'acteur
redemandé, que le directeur du théâtre ou son
représentant vient faire aux spectateurs les com-
munications nécessaires, annoncer le spectacle
suivant, ou l'indisposition subite de l'actrice à la
mode. Souvent ce pan cintré se lie à la décoration
d'une pièce et la complète. La place occupée par
l'orchestre est généralement fort restreinte. Quinze
à vingt musiciens le remplissent et y font, malgré
leur petit nombre, un bruit assourdissant que ne
couvre pas toujours le talon métronome du chef
d'orchestre. Immédiatement derrière se trouve
le parterre garni de bancs, la plupart du temps
sans dossiers et fort mal rembourrés; il est pour-
tant d'usage d'y admettre les dames, et un peu
plus d'égarc]s pour le beau sexe ne gâterait rien,




BEAUX-ARTS. 135


Souvent les loges sont spacieuses, et, dans quelques
théâtres, séparées les unes des autres par des divi-
sions à hauteur d'appui, de manière à laisser
voir du fond aussi bien que sur le devant. Dans
aucune salle de spectacle en Angleterre, il n'y a
de foyer, de vestibule, S!atrium communs. Dans
une rue est l'entrée des premières loges, dans une
antre celle des secondes, ou des troisièmes, l'entrée
du parterre et des galleriesest ailleurs ; car ici l'aris-
tocratie ne veut jamais se mêler au peuple, même-
sous le péristyle d'un théâtre. Les différentes
parties d'une salle, conséquemment, n'ont aucune
communication entre elles, et les rangs des specta-
teurs ne peuvent être confondus. Les corridors,
les escaliers, sont généralement sombres, étroits
et n'offrent rien de ces habitudes de propreté et
decomforlable que l'on retrouve partout ailleurs.


Les sévères mesures de police qui interdisent
de salir les murailles et d'y appliquer des pan-
cartes, réduisent à un bien petit nombre, tels que
murs en démolition, ou entourages en planches
d'une maison en construction, les endroits licites
où placarder des affiches, ce ircst donc que dans
les papiers publics, derrière les vitraux de quel-
ques magasins qu'il faut chercher l'annonce delà
représentation du jour. On peut l'acheter encore
pour deux pence (4 sous) à la porte des salles de




136 I5EAUX-AHTS.


( l ) L'Opéra '(alien.


spectacle , où nous allons maintenant nous asseoir
et voir ce qui se passe.


Il est d'usage de ne se présenter, dans les
théâtres de Londres, dans les principaux, du
moins, qu'en grande toilette de bal et en robes
décolletées : c'est alors un coup-d'œil vraiment
enchanteur qne la vue de ces qnatre ou cinq
rangs de loges du Ring 1 s théâtre ( 1 ) , par
exemple, tous garnis de jeunes et belles Ladys.
Venez surtout, venez , si vous êtes un véritable
amateur, à une de ces représentations que le Roi
ou la Reine d'Angleterre honorent de leur pré-
sence ; vous pourrez alors admirer des femmes
qui seraient les plus séduisantes beautés de l'uni-
vers , si une expression plus vive et plus piquante
animait ces traits charmants, ces physionomies
angéliques, dont tin air modeste et doux tem-
père la sévère régularité. La pâleur habituelle
des dames anglaises, relevée dans ces circons-
tances solennelles par l'éclat des pierreries , s'en-
cadre harmonieusement dans un nuage de gaze ,
aux lames d'or et d'argent, et cette toilette bril-
lante , toute prévention à part, ne laisserait rien




BEAUX-AUTS. 137


à reprendre au goût le plus sévère, si, par suite
des inexorables lois de cette vieille et radoteuse
étiquette qui tient encore l'aristocratie anglaise
sous son sceptre de plomb, les Dames n'étaient
tenues, en présence de LL. MM., de se charger
le front d'un faisceau de plumes trop pressées
pour ne pas exclure la grâce. Quelques fleurs
fraiches et jolies mêlées aux cheveux , une plume
légère adroitement penchée sur la tête, seraient
mille fois plus élégantes et plus gracieuses. Mais
l'étiquette le défend: si barbare qu'elle soit, on
ne peut s'y soustraire !.... Pour amener une ré-
forme, il faudrait que la Reine elle-même la
voulût et donnât l'exemple : or , où trouver, par
le temps qui court, une Reine réformiste? même
en toilette, c'est la chose impossible. Une réforme,
quelque futile qu'elle soit en apparence, n'en-
traîne-l - elle pas toutes les autres après soi?
Voyez plutôt le citoyen Rolland : ses souliers
plats et sans boucles à la cour de Versailles
préparèrent la révolution française.


Mais, chut ! Jl est huit heures, le chef d'or-
chestre a donné le signal, l'ouverture commence.
Ne. perdons pas de vue que nous sommes au
théâtre italien, le mieux monté et le plus consi-
dérable de Londres. €e que je disais tout-à l'heure




138^ BEAOX-AETS.


des bruyants orcheslres anglais ne s'applique
donc point à celui du JKing's théâtre; celui-ci
possède un grand nombre d'artistes d'un mérite
reconnu et d'une réputation européenne. La toile
se lève, la scène est occupée par Ruhini, Tem-
burini, Lablachc, Julia Grisi : c'est dire assez
que l'exécution des chefs-d'œuvre de Rosiini,
Bellini, Meyer-Beer, et autres maè'stri, ne laisse
rien à désirer. Quant aux chœurs, ils offrent
assez de masse, mais pèchent trop souvent par
l'ensemble. Le corps de ballet est laible et peu
nombreux. Cette branche des jeux scéniques,
toujours négligée en Angleterre, ne brille ici
d'un éclat passager, que lorsque nos sylphides
de la rue Lepelletier ont déserté, d'un vol incons-
tant , les rives de la Seine pour celles de la Ta-
mise. Elles arrivent : confiants alors, les directeurs
anglais n'omettent rien pour reproduire avec assez
de pompe nos ballets à la mode : elles repartent,
et la salle attristée a perdu sa splendeur. La
mise habituelle des comparses est généralement
d'un négligé qui fait peine : j'ai vu les dames
figurantes de la cour du doge , dans Marino
Faliero, couvertes de sales oripeaux, de pail-
lons jadis dorés, que porteraient tout au plus nos
acrobates de la foire.




BEAUX-ARTS. 139


Ce négligé se retrouve sur tous les théâtres
anglais. Les premiers sujets mêmes, sur les petits
théâtres des villes de fabrique, sont d'une mal-
propreté vraiment inconcevable dans un pays
comme l'Angleterre, où la sévérité sur l'article toi-
lette est portée si loin. J'ai vu à Birmingham un
premier amoureux sans col de chemise, couvert
d'habits gras et usés. Les actrice»*presque toutes
fort jolies se mettent, sans doute. avec plus de
soin et de coquetterie que les hommes, mais leurs
toilettes d'apparat, dans les rôles à caractères,
sont bien frippées encore ; les princesses ont des
femmes bien peu soigneuses attachées à leur
garde-robe ; les plis courent trop pressés sur la
robe de satin blanc de la gpmde coquette ou de
1 ingénuité ; la couleur équivoque des boites et
des gants jaunes des preux chevaliers, ferait
croire que ces braves gens, princes et rois sur
la scène, font probablement le service de quel-
que chaudièrj, à vapeur dans le jour , sans avoir
double costume pour leur double emploi.


Ces troupes d'acteurs, réunis seulement pour
une saison , n'offrent jamais l'ensemble que nous
trouvons sur nos théâtres de Paris , où les mêmes
acteurs, en société permanente, contractent peu
à peu cet accord, celle unité de jeu , qui donnent




140 BEAUX-ARTS.


du relief au talent même de second ordre. Les
meilleures troupes de Londres ont ainsi peu
d'avantage sur nos bonnes troupes de provinces.
Quelques-unes se distinguent cependant par un
heureux choix d'acteurs.


Il y a peu de noms célèbres aujourd'hui dans
la comédie anglaise. L'opéra est plus heureux
et compte div^l^Étistes de talent: MM. W i l s o n
et Temploton ,«É$nors ; M. Phillips , basse, et
Miss E. llomer, prima dona, sont des vir-
tuoses que Ton entend avec plaisir. Quelques
sujets ont de la verve et du naturel. Leur talent
se montre particulièrement dans les pièces bouf-
fonnes, dont le sel un peu grossier ne laisse pas
que d'être fort agréafefeeaux oreilles britanniques.
Les spectateurs anglais sont, du reste, peu dif-
ficiles , ils se contentent à bon marché, applau-
dissent toujours du meilleur de leur cœur, et ne
se laissent aller au sifflet que dans de grandes et
rares occasions , où Ton a blessé plutôt leurs sen-
timents que leur bon goût.


l a mise en scène laisse toujours beaucoup à
désirer, et les décorations anglaises, si vantées,
répondent mal à leur réputation : elles sont
froides et fausses, peintes sans goût, sans déli-
catesse, sans relief, sans entente des effets pers-




BEAUX-ARTS. 141


peclifs et de clair-obscur, puis elles sont éclai-
rées sans illusion, sans vérité. La partie du ma-
chiniste seule est convenablement soignée. L'esprit
du pays se^Uflrouve là tout entier. Les change-
ments de décoration à vue, fort multipliés dans
les pièces féeriques si goûtées du public bri-
tannique , sont toujours exécutés avec adresse et
promptitude , au premier coup de sifflet du


Que dirai-je maintenant des pièces ? elles
annoncent une décadence complète de l'art dra-
matique. En Angleterre, plus qu'en France en-
core , le théâtre touche à sa ruine. Je ne sais ,
en vérité, où en seraient les directeurs de spec-
tacle, s'ils n'avaient, pour alimenter leurs réper-
toires , nos vaudevilles, nos drames et nos opéras
français, qui paraissent chaque jour en grosses
lettres sur leurs affiches, accompagnés de notices
dictées par le charlatanisme le plus ampoulé.
C'est!'admirable et incomparable drame An-
gelo ou le Tyran de Padoue, de M. Victor
Hugo ; c'est l'opéra si populaire et si célèbre
de M. Auber, la Muette de Portici, ou Gus-
tave III; ou les opéras italiens arrangés pour
la scène anglaise à la manière de Gastil-Blaze ;
car, à peine une pièce, soit drame, soit corné-




142 BEAUX-ARTS.


die, soit farce, soit opéra , est-elle imprimée en
France ou en Italie, qu'elle est immédiatement
appropriée par trois ou' quatre versions diffé-
rentes'pour autant de théâtres différents d'An-
gleterre. Le fameux Robert Macaire de Y Au-
berge des Adrets fait aujourd'hui la fortune de
tous les directeurs- de spectacle de la Grande-
Bretagne, dans toutes les villes des trois royaumes
unis. Quant aux productions du crû, elles sent
plus pauvres que tout ce qu'on peut concevoir.
Les opéras anglais n'offrenffla plupart du temps,
que de plates rapsodies, de mauvais pastiches
composés de morceaux empruntés, sans discer-
nement , à tous les opéras français ou italiens,
arrangés sans méthode et sans goût, sans que
jamais le maladroit arrangeur confesse encore
un seul de ses plagiats. On ne retrouve plus nulle
part rien qui retrace l'énergique vérité, la verve
et le naturel parfait des pièces de Shakspeare ;
les dramaturges modernes ont remplacé le na-
turel par l'enflure, et la bonne plaisanterie par
la charge. Les plus habiles d'enlr'eux s'amusent
à indiquer les scènes de ces pantomimes bur-
lesques qui font encore les délices du public
anglais à l'époque des fêtes de Noè'l.


Ces pantomimes sont un non-sens perpétuel,




BEAUX-AHTS. 143


un salmigondis amphigourique auquel on ne com-
prend rien , de grosses farces de paillasse, etc..
C'est arlequin et Colombine se jouant de Pan-
talon et de son valet Clown, qui les persécu-
tent et traversent leurs amours. Des pas de deux
entre les deux amants , des tours de magie noire
ou blanche, joués au moyen de la batte mira-
culeuse , par le héros de Bergame à ses persécu-
teurs ; des scènes sans commencement ni fin ,
sans cause ni effet ; des tours de force et d'agi-
lités ; la souplesse des reins ; la figure enfarinée
de Clown ; les changements de décorations à
vue^ de diable et ses suppôts ; le tout pendant
une fceure , deux heures, sans interruption ; un
pêle-mêle général dont on pourrait prendre le
commencement pour en faire la fin, ou le dé-
nouement pour en faire le début, sans nuire en
rien à la conduite d'une intrigue qui n'existe pas ;
et enfin, pour la clôture, le mariage d'Arlequin
et de Colombine, l'union des deux fidèles amants
par l'intervention d'une fée bienveillante, le dé-
sapointement de Pantalon et de son digne valet
Voilà la pantomime anglaise! . . . . Et pendant
ces deux heures de farces, un bon public, bien
disposé, bien débonnaire, qui pouffe de rire
jusqu'aux convulsions, sans craindre de perdre




144 BEAUX-ABTS.


le fil du dis$fj|trs, puisque , malgré quelque gros
lazzis semés çà et là, il est convenu que toute
la pièce est gesliculée.


LITTÉRATURE. — Après ce triste tableau de
l'art, dramatique en Angleterre, on me deman-
dera sans, doute où sont réfugiés les écrivains an-
glais; car aujourd'hui il n'est pas plus possible à une
nation comme la nation britannique de cesser d'é-
crire qu'à la terre de tourner ; je répondraique
depuis la mort delordByron et de Walter-Scott ,
la poésie n'a conservé qu'un bien petit nombre
d'interprètes, dont Wordsvrorth et Tennisson
sont les principaux ; E.-L. Bulwer, 3Ioriei*., God-
win , Banim , le capitaine Marryat,, ]\Jiss Edgc-
worth et quelques autres écrivent des roflaans de
mœurs ej, d'imagination d'un mérite incontestable,
COIRU&S oeuvres de style et d'observation ; mais
on ne peut se dissimuler que le goût universel-
lement répandu de ces sortes d'ouvrages rgl de
toute lecture superficielle en général, n'ait trop
puissamment contribué à la décadence de (abonne
et saine littérature. Oelle-là demande des écri-
vains posés, patients, consciencieux, elle coûte
beaucoup de travail et de recherches, et rap-
porte peu ; car, accessible à un petit nombre
d'intelligences développées par l'étude , elle a peu




BEAUX-AIITS. 1-45


de lecteurs , par conséquent peu d'acheteurs. L'es-
prit de spéculation, qui est l'esprit du siècle ,
parce qu'il s'est infiltré partout, a détourné les
hommes de talent et de génie^ de leur vocation
naturelle ; elle a fait d'eux et des écrivains à la
suite, de véritables barbouilleurs de papier , qui,
en quelques heures, conçoivent un sujet , en bâ-
tissent la charpente en quelques jours, et l'ont
complètement écrit en 2 ou 3 mois. En Angle-
terre , qu'un pareil écrit soit signé de l'un des
noms en faveur, il trouve de suite un libraire-
éditeur pour en payer le manuscrit de 4 à 500 1.
(10,000 à 12,500 fr.) Les ouvrages de moins longue
haleine obtiennent un accès facile dans les Revues.
La véritable littérature tombe donc en Angleterre,
tandis que les magazines, les journaux vont se
multipliant et recrutent chaque jour de nouveaux
écrivains de plus en plus superficiels. Il faut re-
connaître néanmoins que des hommes vraiment
recommandables et d'un talent qu'on ne saurait
mettre en doute , des hommes politiques de là
plus haute portée, tels que les Brougham et les
Robert Peel, ne craignent pas de rédiger d#s ar-
ticles écrits souvent avec une vigueur de style et
de raisonnement remarquable, soit pour la Revue
dEdimbourg, soit pour le Quarterly Review


10




146 BEAUX-ABTS.


et autres. Mais il est fort difficile de connaître
les rédacteurs des feuilles anglaises, l'habitude
de ces écrivains n'étant pas de signer leurs ar-
ticles: et c'est dommage, parce que leur nom
mettant enjeu leur honneur et leur amour-propre,
serait contre eux et pour le public une garantie
de probité et d'application. Je sais mieux que
personne la difficulté d'obtenir toujours la signa-
ture d'un écrivain pour un simple article poli-
tique dans un journal quotidien, mais la chose
est si loin de présenter les mêmes obstacles pour
les revues purement scientifiques, littéraires ou
de haute politique , qu'en France les articles des
publications mensuelles sont presque tous revêtus
du nom de l'auteur.


JOURNAUX. — La presse périodique est une
institution d'une trop haute importance dans un
état libre, pour n'y pas donner quelque attention ;
et puisque j'ai commencé quelques lignes sur ce
sujet, je l'épuiserai de suite avant de passer
outre.


Le haut prix du timbre sur les journaux en
Angleterre , a concentré leur publication dans un
petit nombre de mains, en constituant une es-
pèce de monopole de la pensée. On jugera jus-
qu'à quel point ce mal s'étend et fait honte à




BEAUX-ABTS. 1 '<7


l'humanité, lorsqu'on saura que plusieurs feuilles
d'opinions différentes ont appartenu à un même
propriétaire, fournissant ainsi à ses abonnés, de
la marchandise, non point selon sa conscience et
ses convictions personnelles, mais selon leur goût;
trafiquant de son âme , de ce que l'homme a de
plus pur et de plus divin , de sa pensée: et c'est
ainsi que l'on profane l'usage de la parole, que
l'on avilit le sacerdoce de la presse ! . . . . Auri
sacra famés !


Les journaux des comtés, comme la presse
périodique départementale de la France, sont ré-
digés avec plus de conscience. Ces feuilles, ra-
rement quotidiennes, appartiennent généralement
à un imprimeur qui rédige lui-même, ou fait
rédiger des articles par des hommes de la loca-
lité , connus du public, et par conséquent sous
son contrôle immédiat, contrôle auquel échap-
pent les écrivains anonymes des feuilles de la ca-
pitale.


Les rédacteurs des journaux se paient de deux
manières : les uns reçoivent un traitement fixe
et annuel qui s'élève pour quelques-uns jusqu'à
25 et 30,000 fr. par an ; mais, plus ordinairement,
ils sont payés à tant par article , selon leur mérite
personnel, ou mieux selon la faveur dont ils




I'l8 1IEACX-AHTS.


jouissent parmi les abonnés: laveur qui, si elle
n'est pas toujours la mesure réelle de leur laleut.
est du moins celle de leur habileté à parler aux
passions diverses des lecteurs. Les Revues prin-
cipales, et les plus estimées, qui ne reçoivent
d'articles que des meilleures plumes. les paient
en général de 15 à 16 guiñees (environ 400 fr.)
la feuille ou les 16 pages d impression grand
in-8." Tel est le cas, par exemple de la Revue
dEdimbourg , du Quarterly Review, etc..
D'autres recueils d'une moindre importance ne
paient la feuille que 10 à 12 guiñees, et quel-
quefois moins.


Voici la liste des journaux politiques publiés
à Londres.


Journaux quotidiens paraissant le matin: Ti-
mes , Guardian and publie Ledger, Morning
advertiser , Morning Chronic/e , Morning
Herald', Morning Post.


Journaux quotidiens du soir : Albion and
Star, Courier, Globe and Traveller, Sun,
True-Sun, Standard.


Feuilles ne paraissant qu'une fois par semaine :
Atlas, Age, BelVs Messenger, BelCs New


eekly Messenger, Selfs life in London,
Dispatch, New - Dispatch , JEnglishman ,




I i E A l i X - A R T ¿ . 1Í9


(I) Ce journal csl , en effet , remarquable pour la sou-
plesse de ces opinions. Tantôt vvhig, tantôt tory. Le
Times était nagnéres journal semi-ministériel, on dit
qu'il reçoit maintenant ses inspirations de sir Robert
Puel et du parti conservateur.


Examiner, John Bull, News, Observer,
Salirist,Speclator,Sunclay Times. TVeekly
True-Sun.


J'emprunterai à un petit ouvrage anglais pu-
blie sur Londres, les lignes suivantes, dans les-
quelles l'auteur signale brièvement, mais d'une
manière assez piquante, l'opinion représentée
par les principales feuilles politiques ou litté-
raires de cette capitale.


« Bien que chacun ait son goiit, dans ce bas
» monde , il ne sera peut-être pas déplacé , pen-
» daul que nous en sommes sur le compte des
» journaux, de recommander aux personnes cu-
» rieuses de savoir les projets officiels du gou-
» vernement , le Courier : aux tons gros et
» menus, Y Albion et le Standard ; à ceux qui
» désirent connaître las nouvelles de la cour et
» du beau monde , le JSIorning Post : aux
» chercheurs de cancans bons ou mauvais, le
» Morning Herald; aux amateurs de pirouel-
» tes et dévolutions, le Times (1): aux avocats




150 BEAUX-ABTS.


» d'une réforme radicale, le True-Sun; aux
» admirateurs du pur whiggisme, le Morning
» Chronicle; à ceux qui ont besoin de nou-
» velles de mer, le Public Ledger ; aux habi-
» tués des courses de chevaux et des combats de
» coqs, le Selfs life in London ; aux amis
» de la littérature , la Litterary Gazelle et
» f\Athenoeum ; aux amateurs de scandale ,
» X Age et le Satirist; aux personnes qui seraient
» curieuses de nouvelles connues depuis 1 5 jours
» Y jt lias: axis, dames en f in , nous recommandons
» le Court Journal et le 3Iiror of Fashion. »


L'éditeur, désireux de publier un nouveau jour-
nal, commence par remettre au bureau du timbre
(Stamp-office) une déclaration portant les noms
et demeures de l'imprimeur, du directeur et du
propriétaire de la nouvelle feuille , le montant des
actions de l'entreprise, le titre du journal el la
description de la maison où il sera imprimé.


Selon Timportance de la feuille, un cautionne-
ment de 300 à 400 liv. sterl. (7500 à 10.000 fr.)
est fourni comme garantie des dommages el intérêts
qui pourraient être adjugés par un jugement
contre l'éditeur, pour délit de calomnie ou autre.


Ces formantes remplies, le journal paraît, sous
la condition de remettre à la direction du timbre




BEAUX-ABTS. I 5 I


(I) Le penny vaut 0 fr. 10 c. Pence est le pluriel
de psnny. Ainsi on dira un prnny'et deux pence, cl non
pas deux peniujs.


un exemplaire de chaque numéro dans les six
jours qui suivent la publication.


Le prix du timbre, par chaque numéro d'un
journal publié sans supplément, est de 4 pence
(8 sous 1 Hard) (1) 6 pence avec supplément,
l a feuille de papier coûte un demi-penny, reste
à l'imprimeur qui vend ses journaux 6 pence la
pièce, en gros, un penny et demi pour couvrir
les frais d'impression et de rédaction. Il est cer-
tain que celle somme ne serait pas suffisante,
s'il n'avait, comme dédommagement, le bénéfice
des annonces, qui remplissent tous les jours la
moitié ou les trois quarts de sa feuille. Mais ces
annonces mêmes sont sujettes au fisc : elles
paient chacune au bureau du timbre un droit de
1 sh. 6 pence (1 fr. 82 c. 1/2).


Le prix en gros de chaque numéro d'un jour-
nal , s'élève, ai-je dit, à 6 pence: pour le
public, ce prix est porté à«7 pence (près de
quinze sous): Ainsi chaque journal quotidien pu-
bliant environ 300 numéros par an (aucune feuille




152 BEAUX-AfiTS.


n'est imprimée le dimanche ni les jours de fête
en Angleterre) le prix de l'abonnement annuel
serait de 8 liv. 15 sh. (218 f. 75 c ) ; ce prix énorme
ne permettant pas à la plupart des lecteurs de
journaux d'y prendre un abonnement régulier ,
la distribution des feuilles publiques se fait chez
nos voisins d'une autre manière qu'eu Trance.
Jamais le public n'a de rapport pour les abon-
nements avec la direction d'un journal, celle-ci
ne traite directement qu'avec des libraires ou
marchands de nouvelles qui demandent à la direc-
tion, au prix de G pence la pièce , un nombre
d'exemplaires variable selon leur vente de chaque
jour. Des colporteurs de nouvelles viennent à
leur tour prendre chez les marchands quelques
exemplaires de plusieurs journaux qu ils vont
vendre par la ville , sur les promenades , aux
bureaux de diligences, etc., au prix de 8 ou Í)
pence. Ceci n'est que le casuel du métier, les
abonnés réguliers reçoivent leurs feuilles direc-
tement des marchands de nouvelles au prix de 7
pence la feuille. Mais, le nombre de ces abon-
nés est très-restreint, et ne suffirait pas à payer
les frais immenses qu'entraîne la publication d'un
journal ; il faut donc suivre une autre marche.
Chaque marchand de nouvelles ou newsmun ,




TEXXX ARTS. J">3


selon l'expression anglaise, entretient, un certain
nombre de petits garçons dont l'emploi consiste
à porter aux habitués le journal auquel ils sont
abonnés, à un prix inférieur au prix de vente
ordinaire ; au bout de quelques heures, le même
petit garçon retourne pour réclamer la feuille et
la reporter à une autre pratique, et ainsi de
suite jusqu'à l'heure de la poste. Le journal est
alors conlié au courrier pour un abonné de pro-
vinec, ou pour un second neix'sman de comté
qui, à son tour, le fait distribuer a ses abonnés
particuliers, puis l'expédie à ses clients des colo-
nies ou de la campagne; de telle sorte qu'un seul
numéro de journal a quelquefois passé par vingt
mains avant de s'immobiliser, ou d'être mis par
l'usure tout à fait hors de service. Chaque journal
perdu, déchiré ou taché est remboursé au prix
coûtant de 7 pence, sans aucune difficulté. Les
iVmwwé'w jouissent d'un créditplus oumoinslimité
auprès des administrations des journaux , ce qui
rend encore plus considérable le capital néces-
saire à ces sortes d'entreprises , et en assure d'au-
tant plus le monopole en un petit nombre de
mains.


Il n'est pas inutile de remarquer ici que la poste
anglaise opère gratuitement le transport des jour-




154 BEAUX-ARTS.


(I) D'après un nouvel arrangement conclu depuis peu
entre la France et l'Angleterre, l'administration des pos-
tes françaises tient compte elle-même de 4 pence à l'admi-
nistration anglaise , pour chaque exemplaire des journaux
de France transportés en Angleterre. Ainsi le destinataire
anglais n'est plus obligé d'acquitter cette somme à la ré-
ception de chaque numéro de son journal. Quant à l'ad-
ministration des postes de France, elle se fait trop ample-
ment dédommager de ses déboursés vis-à-vis les postes
d Angleterre par le droit de 50 c. qu'elle se fait payer à
l'affranchissement des feuilles destinées ;'i ce dernier pays.
11 serailbien désirable que ces transports de journaux d'un
pays à un autre s'opérassent sur des bases moins fiscales.


naux dans toute l'étendue du Royaume-Uni, et de
ses colonies.Les journaux étrangers sont également
transportés sans frais en Angleterre, pourvu qu'il
y ait réciprocité de franchise pour les feuilles an-
glaises, l e s feuilles des pays où celte réciprocité
n'existe pas paient un droit de poste de 2 pence
exigibles de la personne qui les reçoit (I).


Les frais exorbitants imposés a la presse pério-
dique d'Angleterre n'enipechent pas, grâce an mo-
nopole , les directeurs de journaux de prélever des
bénéfices considérables, pour peu que la vogue
les favorise.


Le capital du Times est représenté par 24 ac-




BEACX-ARTS. 155


lions, vendues, il y a quelques années, pour la
somme de 100 livres sterling (2500fr.) chacune.
Aujourd'hui, grâce à la faveur accordée par le
public à cette feuille, el grâce aussi aux soins de son
directeur, chaque action s'est élevée graduellement
à la somme énorme de 12y000 liv. sterl. (300,000
fr.) Ce succès merveilleux, mais tout exception-
nel , ne pourrait être pris sans erreur comme type
absolu des succès des autres feuilles ; néanmoins ,
c'est la preuve de tout ce qu'on peut obtenir en
flattant les goûts, les intérêts et les passions d'un
peuple. On a calculé que les avertissements seuls
versaient dans les caisses du fisc et des journaux
une somme annuelle de 300,000 livres sterling
(7,500,000 fr.), tandis qu'en prix d'abonnements
les Anglais simposaienl chaque année pour la
lecture des journaux une laxe supplémentaire de
près d'un million sterling , c'est à dire d'environ
25 millions de francs, tant es| grande l'activité
morale d'un peuple libre, et tant il a besoin de
trouver chaque jour un aliment nouveau à celte
insatiable et infatigable activité.


On a souvent parlé de l'extrême indépendance
des journaux anglais, de la licence même à la-
q u e l l e livraient quelques-uns de leurs écrivains;
mais on n'a pas dit dans quelles limités celte l i -
cence peut être contenue.




156 BEAIJX-AKTS.


LÉGISLATION DE LA PRESSE. _ Voici le ré-
sumé succinct de la législation restrictive de la li-
berté de la presse en Angleterre.


A proprement parler, sauf les conditions du
cautionnement, de la déclaration de noms et de
domiciles, du dépôt d'un exemplaire de chaque
numéro publié, la législation anglaise n'offre rien
de particulièrement spécial aux journaux : les lois
ont été dirigées contre tout libelle , tout pamphlet
en général ; mais , dans le cas de poursuites judi-
ciaires, un article coupable est toujours considéré
comme libelle.


La première garantie demandée à un typogra-
phe , c'est l'inscription de son nom et de son
adresse sur toutes les feuilles , sur tous les ouvrages
qui sortent de son imprimerie. De plus, il doit
conserver de tout écrit sorti de ses presses un
exemplaire portant, en lettres imprimées ou ma-
nuscrites, le nom de l'auteur ou de la personne
qui en a fait la commande. Avant l'expiration des
six premiers mois qui suivent sa publication , tout
juge-de-paix est en droit de se faire représenter
cet exemplaire.


D'après la loi anglaise , le libelle est défini,
une diffamation malveillante exprimé^con-
tre quelqu'un, soiip.tr écrit, imprime, des-




RB.VI;\-VB.TS. 157


nui,peinture ou toute autre représentation:
relativement aux individus, cA considéré comme
libelle tout ce qui est de nature à porter atteinte
à leurs sentiments, à leur caractère ou à leur ré-
putation : relativement à Xautorité, est considéré
comme libelle tout ce qui tend à exciter à la
haine, au mépris ou à une simple mésestime du
gouvernement.


Dans certains cas, où une personne diffamée ré-
clame des dommages et intérêts contre son diffama-
teur, celui-ci, malgré le scandale causé par son li-
belle, est admis à prouver la vérité des faits; car
alors, s'il est condamné comme ayant porté atteinte
à la tranquillité publique , il est dispensé du moins
de payer aucune indemnité au pleignant.


Une simple allusion tendant à rendre un ciloven
odieux ou ridiciiii'. peut être poursuivie comme
libelle. De même aussi une personne désignée seu-
lement par des initiales , niais suffisamment recon-
naissablespar les indications qui les acompagnent,
a le droit de poursuivre sou calomniateur.


Pour ce qui concerne le gouvernement, il s'agit
seulement de prouver si l'on a dirigé contre lui
de fausses imputations, on si ces imputations sont
rédigées en termes indécents , blessant les conve-
nances et descendant, jusqu'au cynisme, JVest pas




158 BKAIIX-AM'S.


considérée comme libelle l'imputaliond'une sim-
ple erreur de jugement ou de réflexion dirigée
même contre la personne du roi, si cette im-
putation est présentée avec convenance et modé-
ration. Ainsi, s'il est permis à tout anglais de
discuter les actes du gouvernement, il ne lui est
pas loisible de prêter à ces actes un motif honteux;
il peut critiquer les ministres ou leurs agents,
mais non les accuser de vénalité , ni les supposer
disposés à empiéter sur les libertés reconnues de
la nation.


Quelquefois des réflexions publiées sur le
compte d'une personne décédée, sont considé-
rées comme libelle, s'il est reconnu que ces
réflexions ont pour but de porter atteinte à
l'honneur de la famille du défunt.


On a toute liberté de critiquer l'oeuvre littéraire
ou artistique d'un individu , pourvu que la cri-
tique ne s'attache qu'à l'oeuvre et non à la per-
sonne ou aux habitudes privées de l'auteur. L'im-
primeur et l'éditeur d'un libelle sont toujours
responsables, fût-il prouvé qu'ils n'ont point eu
connaissance de son contenu.


Pour qu'un libelle soit considéré avoir reçu la
publicité qui en fait la culpabilité, il suffit qu'il
ait été communiqué à un seul individu ; ainsi ,




BEAUX-ARTS. 139


une simple lettre adressée à un liera est un acte
de publicité, aussi condamnable pour son con-
tenu , que si ce contenu avait été livré à l'impres-
sion et distribué publiquement.


Les peines portées contre la publication d'un
libelle , sont aujourd'hui , l'emprisonnement et
l'amende. Autrefois on condamnait à la déporta-
tion l'écrivain libelliste qui avait, en état de réci-
dive , publié un pamphlet déclaré blasphématoire
ou séditieux. L'application et l'appréciation de
la peine sont laissées aux magistrats, qui la fixent
en quelque sorte arbitrairement , selon le rang
et la fortune de l'offenseur et selon la portée de
l'offense. La conduite antérieure de l'accusé est
quelquefois prise en considération, et sert à éta-
blir aux yeux du jury des circonstances atté-
nuantes ou aggravantes.


En ce qui concerne les droits de succession
au trône exprimés dans l'acte d'établissement
de la dynastie régnante (act ofsettlement) ,peut
être considéré comme coupable de trahison et
puni comme tel, celui qui, par écrit ou imprimé,
déclare ne pas reconnaître les droits au trône
de l'héritier présomptif désigné par droit de pri-
mogeniture et par \act of settlement ; est traître
aussi, celui qui dénie au souverain du Royaume-




100 JSEAl'X-ABTS.


Uni conjointement aux deux chambres du parle-
ment , le droit de faire des lois el des sJaluts qui
lient la couronne cl celui qui en hérite. Les divers


> châtiments de la tiahison sont la peine capitale ,
la confiscation des biens, la mort civile et les
conséquences qui en découlent.


#La publication de nouvelles fausses concernant
quelque personnage émiuent du royaume , ou ca-
pables de semer la discorde entre le roi et la
noblesse , est passible d'une amende et de la
prison. La publication de prétendues prophéties,
dans le but de troubler la paix publique, est
punie , pour une première fois, d'une amende
de 10 liv. sterl. (250 fr.) et d'un an de prison.
La récidive entraine la prison perpétuelle et la
confiscation des biens.


On s'est souvent plaint qu'en France la loi fût
athée. On pourrait adresser un reproche contraire
à l'Angleterre. La loi a pris là la religion domi-
nante sous sa protection trop immédiate , pour
qu'on ne l'accuse pas d'intolérance. Ainsi Y Apos-
tasie , l'hérésie , le mépris des canons de
Téglise anglicane , le blasphème , 1 éloigne-
ment systématique des églises, la simonie ,
la profanation du dimanche, les impostures
7'eligieuses, la négation de la foi chrétienne




WUVX-ARTS. 161


et de la divinité de Jésus-Christ, Vathéisme,
etc., sont punissables de châtiments plus ou
moins sévères. Il est certain que celte législation a
été révoquée en partie pour ce qui concerne l'exer-
cice des cultes dissidents, mais le fonds est resté le
même, et est toujours applicable. Ainsi, toute chan-
son , toute comédie, ou simplement toute parole
susceptible de blesser la morale publique, ou re-
ligieuse, #st sévèrement réprimée. L'ivresse, con-
sidérée comme atteinte à la morale , l'est égale-
ment. On conçoit qu'il serait facile aux journaux de
violer souvent quelques-unes de ces dispositions ,
si l'esprit public éminemment religieux des An-
glais ne se joignait à la loi pour forcer les écri-
vains à se renfermer strictement dans les bornes
quelle leur a tracées, bornes difficiles à franchir
sans s'exposer S êlre mis sur le champ au ban
sévère de l'opinion publique et de la société.


Malgré cette législation exhorbitante contre la
presse . les journaux anglais prétendent jouir
d'une liberté plus illimitée que les feuilles fran-
çaises. Ils n'ont pas absolument tort, leurs rédac-
teurs pèchent c o n t r e ces lois beaucoup plus sou-
vent qu'elles ne leur sont appliquées. Car, en
Angleterre , comme ailleurs, l'âpreté du code
est tempérée par les moeurs , qui ne cessent de


11




162 BJJAUX-ARTS.


(1) Malgré ce que je dis ici du respect des conve-
nances, il existe à Londres une ou deux feuilles mé-
prisées de tous, conspuées, honnies, lues presqu'ex-
clusivemenl dans les offices et dans les antichambres de
la haute aristocratie, et qui ne vivent que de scandales.
Les rédacteurs de ces feuilles , croupiers de tripots , à
l'abri du honteux anonyme qui les^ftouvre, répandent
autour d'eux la fange de ce que l'on appelle la chro-
nique scandaleuse. Il n'est pas d'infamie, de procès en
adultère , d'histoire de rapt, d'attentat à la pudeur, de
contes de subornation et de séduction , qui ne trouvent


progresser plus rapidement que les institutions.
Mais ces lois n'en existent pas moins, et s'il plai-
sait à un journaliste de les violer trop fréquem-
ment, ou d'une manière trop ouverte en matières
sérieuses, il serait certainement poursuivi, dé-
claré coupable par le jury , et condamné dans
toute la rigueur de la loi. Mais, il faut le dire ,
lie fusse que pour l'exemple, les écrivains an-
glais, sans pour cela être plus modérés dans leurs
opinions , savent les déguiser avec esprit et en
restreindre la manifestation dans les limites que
leur imposent le respect humain tout puissant en
Angleterre et le sentiment de certaines conve-
nances qu'on blesse là moins impunément que
partout ailleurs (1).




BEAUX-ARTS. 163


là immédiatement un écho effronté. Voici en quels termes
énergiques un membre du parlement, M. E. Lytton
Bulwer, trace le portrait d'un écrivain de cet étage,
qu'il llétrit tout d'abord du nom supposé de Sneak
(reptile) :


« Sneak rédige un Journal du Dimanche, égoût de
» toutes les ordures de la semaine ; il lient un cabinet
» daisances ouvert à quiconque est pressé d'évacuer un
» mensonge. Aucun trafiquant de l'espèce ne peut être
» plus obligeant ou moins difficile en goûte son âme'
» pue son métier; vous crachez, si son nom est pro-
» nonce en votre présence. Sneak a parcouru tous les
» degrés de l'effronterie; il n'est rien de si bas, de si
» honteux, de si méprisable que Sneak ~ri'ait commis.
» Y a-t-il un mensonge à répandre sur le compte d'un
» individu ? Sneak le répandra. V a-t-il une grande dame
» à calomnier ? Sneak la calomniera. Y a-t-il une escro-
» querie à commettre? Sneak vous écrira : Monsieur,
» j'ai reçu plusieurs anecdotes ijui vous concernent ;
» je ne les publierai pour rien' au monde, si vous avez
» la bonté" de me donner dix quintes pour elles. Pour
» six pence et demi Sneak appellera sa mère guënipe,
a et son père valet de bourreau. Sneak, qui se croit


PEINTURE. — SCULPTURE. — Ce chapitre est
intitulé Seaux-Arts, et le théâtre^ la littérature,
les journaux, y ont seuls été traités, il reste donc,
pour le parfaire, la peinture, la sculpture , le dessin




1B4 BEAUX-AHTS.


» quelque chose à la mode se faufile derrière le rideau ,
» et jase avec le moucheur de chandelles : s'il s'enivre,
» il s'oublie et adresse la parole à un galant homme ; le
» galant homme le soufflette. Personne n'a reçu au-
n tant de .soufflets que Sneak , personne n'a reçu tant de
» coups de fouet ; tout son corps est noirci des hon-
» leux stygmates de la flagellation : il est encore ce-
» pendant un autre châtiment qui l'attend à l'occasion.
» C'est une pitié d'assommer qui a été si souvent as-
» sommé, de briser les osa qui les a eus si souvent
» brisés ; mais qui se refuserait un plaisir si peu coû-
» teux? Il y aurait quelqu'honneur à le battre plus plat
» qu'il ne l'a été jusqu'ici! Sneak est jusqu'au cœur le
» plus grand misérable; il est empoisonné par la puan-
» leur seule de son infamie, etc.... Voilà les beaux ré-
» sultats de la presse anonyme ; je les ai décrits pour
» que la postérité sache jusqu'à quel degré de corrup-
» lion peut tomber un infâme. »


et les arts qui, en découlent. Lorsque j'ai visité
Londres, les portes de l'exposition annuelle des
travaux des peintres et sculpteurs anglais étaient
ouvertes; et, après y avoir fait plusieurs séances,
voici dans quels termes je m'exprimais sur leur
compte avec quelques amis, dans une correspon-
dance écrite sous l'inspiration toute fraîche d'une
première impression.




E E A l i X - A B T S . IG5


Londres , ( . " j u i n iSti".


« Jl vous sérail impossible, mes chers amis,
de vous faire une idée de l'effet que produit sur
un amateur étranger, familiarisé avec les admi-
rables chefs-d'œuvre qui décorent. nos musées
de peintures, la première vue du salon d'exposition
de Sommerset-House ; c'est un désapoinlement
complet , un mouvement de dépit difficile à con-
tenir, et dont un examen plus attentif ne peut
malheureusement vous faire plus lard complète-
ment revenir. Au ton blafard qui règne sur toutes
ces toiles, on serait tenté de croire que les ar-
listes britanniques se plaisent à faire "contraster
l'aspect de leurs tableaux avec la teinte enfumée
et inégalement jaunâtre des monuments de leur
capitale. Un peu de rose sur du blanc, voilà le
coloris ordinaire de leurs figures ; une lumière at-
mosphérique et froide répandue sur des monu-
ments de pierres d'un gris pâle , une végétation
fausse et plate , sans qu'aucun de ces défauts de
couleur soit rachelé par l'habileté du faire , voilà
l'aspect général que présentent les œuvres des pa\-
sagistes anglais. Il est certains de leurs tableaux
qu'on prendrait volontiers pour de mauvaises mo-
saïques inachevées , ou dont une main brutale au-




166 BEAUX-ABTS.


rait maladroitement enlevé quelques pierres, poul-
ies remplacer par un enduit de plâtre. Soyez
surpris, après cela, que les compositions si som-
bres , mais si grandioses, bien que d'un«ffet quel-
quefois forcé, de John Marlins,l'auteur renommé
dû Déluge, de la destruction de IXinive el de tant
d'autres admirables productions, soient si peu
goûtées ici que Messieurs de l'Académie Royale
aient cru devoir le repousser de leur sein.


» Si l'on juge du goût national par la col-
lection aujourd'hui réunie à Sommerset-House ,
le portrait est ce qu'il y a de plus demandé chez
nos voisins d'outre-mer. Ce genre de peinture
forme ici la bonne moitié des ouvrages exposés,
sans qu'on en puisse citer beaucoup qui vaillent
les honneurs de la magnifique bordure dorée et
ciselée qui les encadre. Au milieu de ces artistes
vulgaires qu'aucune qualité tranchée n'élève au-
dessus de la médiocrité, il est cependant quelques
honorables exceptions dont j'aurai le plaisir de
vous entretenir tout à l'heure; mais, permellez-
moi d'abord d'en finir avec le portrait.


» C'est donc eu pied, en buste, en statue, à
l'huile, à l'aquarelle, au pastel, en miniature ,
dans toutes les dimensions et sous toutes les
formes en un mot, que les Anglais aiment à cou-




BKAVX-ARTS. 167


lempler leur image. Les robes de soie , de ve-
lours ou de moire, les babils unis ou brodés ,
les uniformes rouges et chamarrés, les épauleltes
dorées, ont envahi ici près des trois quarts du local.
Le duc de Wellington à lui seul, commande dans
toutes les salles, comme naguères dans tous les
ministères (1); vous le voyez partout ici, intrà
vel extra muros, à l'huile, en miniature, en
lithographie , en caricature , en plâtre , en marbre,
el même , grâce à ses services passés , en enseigne
de cabaret, elc On dirait , que comme les
barreaux de fer des croisées de son hôtel, ŝon
image s'est multipliée en raison directe de la di-
minution de sa popularité.


» Mais, permettez-moi mes bons amis, de
laisser en paix sa seigneurie, que l'esprit rélor-


( l ) On n'a pas oublié qu'an mois de décembre 183.4 la
fantaisie ayant pris au roi d'Angleterre de changer tout
à coup'son ministère et le système de son gouverne-
ment , et d'appeler des tories à remplacer res ministres
whigs , lord Wellington, en l'absence de plusieurs de
ses collègues, ri'notamment du chef du nouveau ca-
binet sir Robert Pee l , qui voyageait alors en Italie sans
plus songer au caprice de S. M. B., tenait en main les
portefeuilles de cinq ou six départements.




i 68 BUACX-AHTS.


miste du siècle tourmente assez, sans que je me
mette de la partie, et laissez-moi revenir à l'ex-
position de Sommersel-IIouse. Je vous l'ai dit ,
plusieurs honorables exceptions relèvent la pau-
vreté de l'art en Angleterre. Si la grande majo-
rité des peintres à l'huile est mauvaise, la minia-
ture compte quelques dignes représentants: quant
à l'aquarelle , c'est une branche de l'art, cultivée
ici d'une manière remarquable et réellement pro-
gressive. Les artistes qui ont adopté ce genre,
sont en très-grand nombre, et produisent assez
d'oeuvres capitales pour mériter une exposition
particulière dans un local à part. Celte exposi-
tion qui a lieu à Pall-MaU , dans le beau quartier
du W est-End, attire tous les jours la foule et
mérite de fixer son attention. Quittant donc un
moment Sommerset-House pour Pall-MaU, je suis
contraint de payer ici un juste tribut d'éloges
aux tableaux île genre si originaux de VV. Hunl,
aux compositions gracieuses et soignées de mis-
triss Seyffarth, aux marines de Copley Fielding ,
aux paysages et aux vues diverses de 11. Gasti-
rieau , de S. Prout ; enfin , je dois aussi une men-
tion honorable à MM. J.-E Lewis, Jh. INash ,
G. Chambea., Riehter, Bentley, G. Cattermole,
E, Machenzie , J . -D. Harding et de\Yint ,puis




BEAUX-ARTS. 169


je reviens aux peintres à l'huile de Sommerset-
House. — Landseer est un peintre d'auiniaux
dont les ouvrages ne manquent ni de mérite ni
de vérité. Son tableau du IXépart des conduc-
teurs de bestiaux, offre j "outre un coloris assez
Terme quoique un peu pâle, des détails bien étu-
diés. Sur le plan à droite se l'ont les adieux et
les préparatifs du départ; sur la gauche, ainsi que
dans le lointain, des bestiaux nombreux sont
déjà en marche. Cette oeuvre offre plus d'unité
d'action et d'intention que la plupart des com-
positions des artistes anglais, qui ne parais-
sent guère se douter de la conception d'un ta-
bleau. Toujours il y a du décousu dans leurs
oeuvres, on 4i*t*rt qu'ils attendent pour chatpie
détail l'inspifeation^de chaque jour.


» À la tête des peintres anglais, je n'hésite pas
à placer D. W i l t i e . Cet artiste possède une ma-
nière à lui, que je n'engagerais pas à imiter; mais
sa couleur a de la force et de la vérité, et si
ses lignes ont quelque chose de vague , son in-
tention est toujours sentie. Comme tableau d'his-
loire, son Christophe-Colomb développant ses
projets de voyage et de découvertes dans le cou-
vent de la Hafeitfĉ V est une œuvre remarquable.
L'expression du. célèbre voyageur annonce ta con-




170 B E A U X - A R T ; S .


viction du génie ; la curiosité et l'étonneinent ani-
ment les figures de ses auditeurs: à sa gauche,
son jeune fils, par son air d'indifférence et de can-
deur, forme un contraste heureux avec l'appa-
rence fortement préoccupée des autres person-
nages. Comme tableaux de chevalet, XEnfance
de Sfincho-Vança et la Première boucle d'o-
reille, du même auteur, sont deux jolies coin-
positions que la gravure ne manquera pas de re-
produire.


» J"ai écrit le mot yt&wnre: tout le génie
des artistes anglais paraît s'être rejeté sur cotte
dernière branche de l'art, qu'ils cultivent avec
bonheur. Si quelques-uns en ont» fait un travail
presque mécanique, d'autres le'relèvent p i r u n
talent incontestable. Quant à la lithographie, aban-
donnée ici au crayon incorrect et négligé du ca-
ricaturiste , elle est nulle et incomprise. Les An-
glais en sont encore à se demander comment
s'en fait une bonne épreuve.


» Pour finir nia revue de l'exposition britan-
nique , il me reste l'architecture et la sculpture.
La première est représentée au salon par une mul-
titude de plans et de projets dg châteaux réels
ou fictifs. Les vues *perspectiv«8«l»Sefes châteaux
sont d'une bonne exécution et d'un joli effet.




])EAt :X-AHTS. 171


Parmi les projets purement spéculatifs existe celui
d'un nouveau palais pour le parlement. C'est un
amas assez confus, quoique symétrique, de colonnes
et de chapiteaux grecs, qui n'annonce dans son
auteur ni beaucoup de goût , ni une appréciation
bien vraie du climat anti-artistique de la Grande-
Bretagne. JNéaumoins, j'ai cru devoir vous citer
ce dessin, parce qu'il est de nature à séduire
quelques personnes par le clinquant de son exé-
cution.


» Le plan d'un hôtel dans le goût oriental,
mitigé parles besoins d'un climat froid et bru-
meux, est, à mon avis, une conception originale
de M. ll.-E. Rendait. On peut dire que cet hôtel,
actuellement en construction dans le duché de
Kent, sera un des plus jolis monuments de la
nouvelle ville de Roscherville. Le plan du château
de Shedley, comme exécution , honorera son au-
teur M. S.4îeazley ; mais, certainement, on n'at-
tribuera qu'à la fantaisie bizarre d'un propriétaire
peu éclairé cette idée de tours crénelées, de po-
ternes pour rire, dans un siècle aussi éminem-
ment pacifique que le nôtre, surtout en Angle-
terre, où, pins que partout ailleurs, le bruit des
mille marteaux de l'industrie a remplacé les 1er-




172 BEAUX-AHTS.


(1) Au moment où j'écrivais ces lignes, je n'avais
point encore parcouru l'Angleterre. J'ai pu me convaincre
plus tard que ce que je prenais pour une fantaisie particu-
l ière, y est un goût assez général. La plupart des châ-
teaux modernjs offrent tous, plus ou moins , des rémi-
niscences du genre oriental ou des tourelles découpées
de créneaux du moyen-âge. Ce dernier genre est même
adopté pour des édifices qui n'ont aucun rapport avec
les châteaux. A la rigueur, on peut encore donner à
ceux-ci une apparence de forteresse pour singer les
donjons des hauts barons et des suzerains d'autrefois;
mais des clochers d'église, des façades et des intérieurs
de collège, des hospices et des écoles primaires, hé-
rissés d'inoffensifs créneaux , c'est ce que je m^conrprends
pas, et pourtant je l'ai vu. Les architectes anglais sont
loin de savoir approprier toujours les décorations archi-
tecturales aux édifices qu ils construisent. Parmi les plus
beaux monuments modernes que l'on admire dans la
Grande-Bretagne, est sans contredit le beau collège
d'Edimbourg. Eh bien! les décorations de la frise qui
ne devraient offrir que des objets analogues aux études
scientifiques de ce collège, ne pont autres que ces têtes


reurs et le tumulte de la guerre. (1) C'est sans
doute la suite de ces vieilles réminiscences de
féodalité»qui se rallument ici par instants pour
s'éteindre bientôt à jamais. Je laisse donc là cette
conception d'un autre âge , et j'aborde la sculpture.




BEAUX-ARTS. 173


de victimes ornées de bandelettes et de festons qui dé-
coraient les portiques des temples anciens. C'est ce que
j'appelle un barbarisme en architecture. La plupart des
monuments modernes en Angleterre sont, malgré leur
aspect assez grandiose sur le papier, petits et mesquins
à l'œil, parce qu'on s'attend toujours à les voir élevés
sur une échelle plus grande qu'ils ne le sont en effet.
Comme on veut prodiguer pat tout et à tout propos les
riches colonnades, les frontons et les entablements somp-
tueux, il faut bien se résoudre à en réduire les pro-
portions.


Je dirai ailleurs le système d'architecture adopté pour
les constructions religieuses.


» Ici, comme en peinture, c'est le portrait
qui domine. Les bustes sont ressemblants et
d'une exécution satisfaisante , mais peu d'oeuvres
remarquables, si ce n'est une jeune fille attachant
un billet sous l'aile d'une colombe, par M. L.
Macdonaid.


» Une statue de la Dévotion, par R. W e s -
macolt, est empreinte d'un sentiment religieux,
qui peint mieux peut-être la Vierge catholique
vouée aux contemplations du cloitre, qui a placé
toute son affection en Dieu , et qui met une sorte
de volupté dans son. amour du Christ, que la
piété rigide et un peu puritaine* des dévotes pro-
testantes.




174 HEAUX-AHTS.


» David , rendant des actions de grâce au ciel,
après son triomphe sur Goliath, est une jolie
statuette due au ciseau de T. Sharp.


» L'oeuvré capitale de la salle de sculpture,
et peut-être de toute l'exposition est, sans con-
tredit , un groupe de marbre représentant une
femme endormie , et son enfant qui se presse sur
son sein. Celte production -, tout-à-lait à part de
M . - I L Baily, est d'une conception heureuse et
d'une exécution pure, quoique hardie. On aime
à suivre les contours gracieux de ce beau corps ;
h contempler ces traits où régnent la candeur et
la paix ; seulement, on regrette que cette femme
si jeune et si belle soit condamnée à dormir éter-
nellement sur un lit aussi dur. L'auteur inconnu
de X Hermaphrodite a su, lui, amollir le marbre;
son secret aurait-il, comme son nom, été perdu
pour 31. Baily ?


» Il y a bien peu de chose ici qui rappelle les
admirables compositions de Flaxmann , le roi des
sculpteurs anglais et même de tous nos sculpteurs
modernes , sans que j'en excepte Canova ; on
trouve encore cependant, mais ailleurs qu'à Som-
meuset-llouse , quelques slatues et quelques bas-
reliefs d'un grand mérite. Sous les voûtes de
\ Vesmihster abbey, par exemple, j'ai vu avec




BEAUX-ARTS. 175


admirai ion quelques oeuvres grandioses de Chan-
tre y et \ V esmacolt, dignes, sous Ions les rap-
ports , de ce magnifique panthéon anglais.


» Maintenant, mes chers amis, une dernière
observation sur Sommerset-House , et celle-ci ne
portera pas sur les objets qui y sont exposés.
Pourquoi les Anglais condamnent-ils les curieux
à leur payer un prix d'entrée à celte exposition,
comme à tous leurs établissements publics ? Est-ce
pour l'entretien de la chose ? Est-ce par esprit
aristocratique ? Je n'oserais me prononcer d'une
manière absolue; mais je crois pourtant qu'il se
glisse un peu des deux dans l'affaire. Eh ! Messieurs
les Anglais, vous qui vous montrez si sages et si
prudents dans mille autres circonstances, soyez-
le donc un peu dans celle-ci. Si vous faites payer
au beau monde sa curiosité et sa vanité dans la
semaine, laissez au bon peuple les moyens de
s'instruire et de se former le goût les dimanches,
vous verrez que tout le monde s'en trouvera bien.
Votre*rigidité religieuse , qui vous fait fermer
toute exposition publique , tout spectacle de quel-
que nature qu'il soit, le jour du Seigneur, n'au-
toriserait-elle , par hasard, dans ce ce saint jour,
que l'ouverture des tavernes ? — En vérité, j'en
ai grand peur ? »






HABITATIONS ANGLAISES. 177


H A B I T A T I O N S A N G L A I S E S .


MAISONS DE VILLE , COTTAGES , CHATEAUX ,


PARCS.


Homes of England, the best homes vpon earth.
. . (Proverbe anglais.);


^ g ® * ? A l s o N S DE VILLE. — « Maisons et' An-
Il, ŷj- 'âffieterre, les meilleures maisons sur
ïksi^ma.- terre! » Ce proverbe est - il absolu-
ment vrai ou non ? On en jugera par les quel-
ques lignes que je consacreentièrement à ces ha-
bitations que la renommée fait si coinmodémerit
et si judicieusement distribuéessi délicieusement
comfortables.


12




178 H A B I T A T I O N S A S f . J . U S E . S .


Tout d'abord, ce qu'un Anglais paraît avoir le
plus en horreur, c'est l'espionage journalier d'un
portier, le commérage des locataires, l'inquisi-
tion des voisins de l'escalier,- avec un grand fond
d'esprit d'association pour ce qui tient au com-
merce , à l'industrie, à la politique, à toute la
\ie extérieure en un mot, il ne peut souffrir,
dans la vie privée, que ce qui lui appartient ex-
clusivement en propre. Il ne dira donc sérieuse-
ment : ma maison, que lorsque sa maison sera
occupée du haut en bas par lui et les siens ; il
ne dira mon ménage, que lorsque son ménage
sera libre de tout contact avec le ménage du
voisin. Die celte passion pour l'individualisme de
famille chez les Anglais, a dû résulter un système
d'architecture tout particulier à la Grande-Bre-
tagne. Les maisons anglaises , au lieu d'être vastes,
('devées comme celles de France, seront donc
basses, étroites, ramassées, rétrécies dans leurs
proportions; mais, intérieurement, elles seront
soignées, rangées , d'une propreté exquise: le
vestibule, Iescalier, tout aussi bien que le salon
et la chambre à coucher, seront clos et garnis
de tapi* de pied. Chez un Anglais ai*é, ils seront
décorés dé tableaux, de bustes, de statues, dont
il est impossible de garnir les dégagements d'un
hôtel accessible à vingt locataires.




HABITATIONS ANGLAISES. 179


A Londres, où la pierre est fort rare, la plu-
part des maisons §ont construites en briques; les
hôtels les plus,*plendides mômes sont rarement
en pierres de taille, on se contente de les revêtir
d'un ciment composé de sable et de chaux hy-
draulique , qui leur en doune l'apparence. Mais
ce travail est dispendieux et ne s'applique guères
qu'aux monuments publics et à un très-petit
nombre d'édifices particuliers.


La brique, qui est d'excellente qualifëy tuais de
couleur sombre, est ordinairement taÉsÉSe à nu,
et communique un aspect triste et rembruni aux
édiiices de Londres ? que leurs murs uais, leur
toiture applatie et dépourvue de corniche, leurs
petites fenêtres carrées,, sans balcons et sans or-
nements d'aucune espèce, ont fait comparer à
la table d'un jeu d'échecs. C'est hors%e la ca-
pitale des trois royaumes qu'il faut aller chercher
des habitatiqns,.donl l'extérieur révèle d'un eoup^
d «cille talent de l'architecte ; néanmoins, on peut
considérer une extrême simplicité comme le type
extérieur des maisons anglaises.


La poussière, de charbon de terre, la suie et
la fumée épaisse dont l'atmosphère est conti-
nuellement imprégnée , ire permettant pas de
tenir .les fenelres ouvertes , à moins qu'on ne




180 HABITATIONS A5SI.AISES.


veuille sacrifier tout un mobilier en peu de jours,
ont fait adopter, dans un grand nombre de loca-
lités , un système de cage saillanté^u balcon vitré,
formant avant-corps sur la façade1 de la maison, et
permettant aux dames de voir de derrière leur
rideau tout ce qui se passe autour d'elles dans la
rue. Ces cages forment le plus souvent un large
pan cintré ou section de cylindre ; quelquefois
aussi elles sont carrées, ou abattues obliquement
sur les ih¥g-ïeiﻫLorsque le rez-de-chausséè n'est
point oiÉStpé par des magasins, la porte d'en-
trée , presque toujours porte bâtarde , est décorée
d'un petit fronton supporté par deux colonnes.


Une des dispositions des maisons anglaises qui
surprend le plus un étranger, c'est celte partie
qu'ils désignent sous le nom de ground floor,
c'est un étage souterrain au niveau des caves. Les
pièces de cet étage Sont la cuisine, l'évier, le
charbonnier, etc. Elles reçoivent le jo i i r par des
fenêtres ordinaires, percées sur des espèces de
fossés creusés autour du bâtiment, soit du côté
de la rue, soit du côté de la cour, et souvent
des deux côtés à la fois. Dans les plus belles rues
de Londres, ces fossés larges et profonds sont
séparés de la voie publique par une grille en fer,
ayant sa porte et son escalier de dédagement des-




HABITATIONS ANGLAISES. 181


tiués au service des cuisines et de. l'office, qui se
trouvent ainsi tout à fait indépendants du reste
de 1 hôtel. On arrive à celui-ci au moyen d'un
vaste perron jeté comme un pont d'une seule
arche sur le fossé qui l'environne. Dans d'autres
quartiers, une simple grille horizontale, faisant
partie du trottoir, ne permet qu'à une lumière
douteuse d'arriver au ground floor.


Sur un grand nombre de trottoirs à Londres,
on aperçoit, de distance en distance, de petites
trappes en fonte de fer, rondes ou carrées, d'en-
viron un pied de diamètre , encastrées dans la
pierre du trottoir. Ces trappes servent à déchar-
ger le charbon de terre qui tombe directement,
par là, du sac du marchand dans un charbonnier
pratiqué sous le trottoir même , sans porter sa
poussière noitT et salissante dans les autres pièces
de la maison-.


La principale entrée d'une maison particulière ,
je l'ai dit déjà , est une porte bâtarde : cette porte,
proprement peinte , offre sur une plaque de cuivre
le nom du locataire; plus haut est le numéro de la
place on de la rue, et entre les deux le heurtoir.
Souvent, à main droite, est enclavé,dans le pied
droit de la porte, un bouton de sonnette pour sup-
pléer le marteau, lorsque ce dernier n'est pas




182 HABITATIONS ANGLAISE?.


entendu du ground-floor. Les cheminées qui
couronnent l'édifice, sont quelquefois massives,
quelquefois aussi elles sont élégamment décou-
pées et divisées par tuyaux. Voilà pour l'exté-
rieur; mais, avant de pénétrer à l'intérieur, regar-
dons un moment les maçons qui bâtissent. Ils sont
eu général vifs et adroits, et en peu d'instants cons-
truisent un haut mur de briques. Mais convenons
aussi que cette espèce de matériaux est ^ par sa
lorme régulière , d'un usage commode et d'un fa-
cile emploi. Les maçons anglais font plus souvent
usage du mortier ordinaire, (chaux et sable) que
de plâtre. Ce mortier est toujours éteint et gâché
dan* l'auge roulante que j'ai décrite au chapitre des
voies de communication et du pavage. 1J oiseau
anglais, pour le transport des briques et du mor-
tier, est une espèce de caisse en équerre , formée
de trois planches et ouverte d'un bout ; il est sup-
porté par un pied d'environ un mètre de haut et
se charge sur l'épaule , le pied restant dans la main
du maçon et servant à maintenir l'oiseau en équi-
libre. Les échafaudages ne diffèrent pas généra-
lement de ceux usités en France. Néanmoins, j'en
ai vu un, à Birmingham , d'une espèce toute nou-
velle et qui mérite , sans doute, un examen parti-
culier. Il s'a«;issait de construire la façade d'un




H A B I T A T I O N S ANGLAISES- 183


édifice publ ic ; de chaque côté du m u r s'élevaient


para l lè lement d e u x échafaudages droi ts et l é g e r s ,


sur le sommet desquels était p lacé . . . . un chemin


de fer ! o u i , un chemin de f e r , un vrai chemin de


fer^ sur lequel marchai t , p o r t é par un char io t à dou-


ble m o u v e m e n t , un t reui l qui pouva i t p r e n d r e à


te r re toute espèce de fa rdeaux , sou leve r une p i e r r e


que lque é n o r m e qu'elle fût , l 'é lever à hauteur con-


venable , et la p l a c e r avec aisance et rapidi té au


lien même o à elle devait être assise.


On se fait peu l'idée du part i que l'on a su t i r e r


en Angleterre des chemins de fe r p o u r le t r a n s -
p o r t dlfeterres^e^lgMrtériaux de d é c o m b r e s , p o u r


les rtttïblais des r o u t e s , t e r r a i n s , e tc . A-t-on des


ter res à en leve r sur un po in t p o u r les p o r t e r su r


un autre ? s'il n'est pas t r è s - é t e n d u , l ' interval le


qui sépare les deux points est b ien tô t n ive lé , de


courtes solives le croisent à distances r a p p r o c h é e s ,


des rails y sont en un instant f i x é s , et dans que l -
ques minutes est improv i sé un b o u t de chemin de


1er où rot i lent , poussés à bras , de légers w a g g o n s


ou t o m b e r e a u x d'un mèt re cube env i ron de ca-


pacité . Un seul h o m m e peut met t r e en m o u v e -


ment ces t o m b e r e a u x , rpii r emplacent a v a n t a g e u -


sement la b r o u e t t e et la h o t t e , économisent une


main-d 'œuvre préc ieuse , rendent de rudes et lortgs




18» IUBITATIOSS ANGLAISES.


travaux plus faciles et plus expédilifs, et contri-
buent puissamment à diminuer le chômage des
capitaux.


Mais entrons : nous l'avons vu , la cuisiné et
les caves, l'office et le sellier sont sur le même ni-
veau au-dessous du rez-de-chaussée, et forment, au
moyen d'une porte particulière de dégagement,
une partie distincte et séparée du reste du logis.


Introduits au vestibule, nous apercevons les
pièces auxquelles il donne accès. D'un côté s offre
une petite chambre d'encombrement, espèce de
salle d'attente où l'on vous lait asseoir jusqu'à ce
qu'ayant été annoncé , le maître de la maison vous
admette au salon, et où vous trouvez quelquefois
une fontaine à laver les mains, une table, un porte-
manteaux , au besoin même une brosse pour vo-
tre habit, des chaises en bois de chêne ou de nover,
plus ou moins richement découpées, dont le siège
lui-même est en bois, et légèrement creusé. Vis-à-
vis est la salle à manger : des stores s'abattent sur
les croisées et forment un auxiliaire au*rideaux ;
le rang de vitres inférieur est masqué pa» de pe-
tits châssis portant des tringles verticales, légères
et mobiles sur pivots; un tour de bouton les éloi-
gne ou les rapproche comme les lames d'une ja-
lousie , pour admettre ou intercepter la lumière.




HABITATIONS AKG£*t0£3. 183
Dans beaucoup de maisons une toile métallique à
mailles serrées a remplacé les tringles sur ces châs-
sis , d'un usage général et indispensable pour mas-
quer aux promeneurs de la«rue ce qui se passe au
rez-de-chaussée, dans le for intérieur.


Devant la cheminée,'aux barreaux de fer polis,
les assiettes se tiennent chaudes dans un meuble
de tôle vernie, espèce de cuisinière de forme peu
élevée, pour ne pas masquer aux convives la vue
pétillante du feu de charbon-de-terre qui brille
au lover. Au milieu de la salis est la table à cou-
lisse, beau meuble d'acajou massif aux angles ar-
rondis, aux pieds ciselés;," à la surface luisante et
vernissée, l'orgueil d'une maîtresse de maison ;
un tapis moelleux aux carreaux écossais, qui ne
disparait qu'avec la nappe au seul instant du des-
sert , la protège contre la chaleur des plats, et le
frottement des assiettes.


Au fond de la salle s'élève le riche side• board',
pièce de mobilier métis, moitié table, moitié buf-
fet, dont les portes massives mettent d'ordinaire
les carafes de vin de Xérès, de Porto, ou de
Claret hors de l'atteinte des laquais. A l'heure
du diner le side-board se couvre d une riche
vaisselle platte ou en plaqué , de piles d'as-
siettes, de vases à rafraîchir les vins, de ver-




i 80 H A W t Í T I O Í i S A B 6 1 A I S E S .


rieres, ele.... B m í qttelqáes aattès à manger plus
somplueiisemeiit garnies le side-boctrd ápour
auxiliaire des tables-servantes, également en ata
jou, et des meubles d'encoignure garnis de rayons.


I a tabletl e étroite de la cheminée ne porte guère
que quelques lasses favorites; les glaces, peu com-
munes en Angleterre,sont souvent suppléées ici par
un miroir rond et convexe, qui relíete eu petit
les objets environnants. Ce miroir, de 18 pouces de
diamètre, est entouré d'un cadre doré, chargé de
ciselures baroques avec bouquets et nœuds de ru-
ban. .Les chaises sont embourrées, et couvertes
d'une étoffe de crin noiiN| et unie : au milieu d'el-
les s'aperçoivent deux fauteuils destinés au.père
de famille et au (ils aîné de la maison , qui s'as-
seyent aux deux bouts de la table pour en faire
les honneurs. Un papier de tenture uni décore
les murailles, où sont appendus quelques tableaux.


Les chambres à coucher de garçon s'établissent
aussi quelquefois au rez-de-chausée.. Le premier
étage rassemble le parlour, le dratving-room
et ht chambre à coucher principale.


La chambre à coucher d'un Anglais, mais
surtout celle dune Anglaise, est le .cinclum
sartetorum, l'absides inviolable dont l'accès est
interdit au vulgaire profane. \os Françaises re-




HABITATIONS ANGLAISES. 187


çoivent sans scrupule les visites du inonde dans
leur chambre à coucher; mais une maîtresse de
maison en Angleterre, sous aucun prétexte, à
aucune condition , ne permettra qu'on jette un
regard , quelque furtif qu'il soit, dans cette même
chambre : mais que peut-on tenir secret par le
temps qui court? Je dirai donc quelques mots
du sunctum sunctorum de l'Angleterre. Le lit,
ce ineulde; indispensable. $râceia la porte invio-
lable qui KraMgtiW&foigi les feux, n'a, pour ainsi
dire,'éprouvé aucune riindificalion dans ses formes
depuis plusieurs siècles jusqu'à nos^otirs. C'est
toujours l'énorme et gothique couchette à que-
nouilles de ma mère-grand', aux draperies droites
et froncées , en perse raide , passée à la caiéndre,
aux six rideaux et à la tenture de fond pareil.
Entre le lit de Charles I J , conservé au château
d'IIoly-Rood.', et un lit tout neuf pris chez le
premier tapissier de Londres, la différence est
peu de chose. On le place au milieu de br cham-
bre , la tète appuyée au mur. Une draperie des-
cend des pans jusqu'à terre, et cache le dessous
du lit qui lient lieu de table -de-nuit. Un pe^t
marche-pied , dont les trois degrés sont «oijwr.ts
en moquette , est placé près du lit, car-la-courte
est assez élevée , et , sans le marche-pied, ohmo
pourrait y atteindre sans efforts.




188 HABITATIONS ANGLAISES.


Le reste de l'ameublement *sl simple et à
l'avenant. Il se compose de chaises emboérrées,
de deux fauteuils à long dossier, d'une commode
élevée sans marbre, et dune espèce -d'armoire-
commode à trois corps, nommée wartl-robe,
ou garde-robe, pour pendre robes et habits, et
renfermer le linge à l'usage du corps.


Une table de toilette, surmontée de sa glace
à bascule, complète ce mobilier^gre*'une toi-
lette-lavabo, si la chambre ; k <*buc*her est aussi
cabinet de toilette. A côté du lavabo, un petit
chevalet léger, porté comme un écran sur ses
pieds à patins, sert à étendre les serviettes, fa
cheminée est nnie et propre; sa tablette, étroite
et chargée de colifichets, est surmontée d'une
glace en travers, à la moulure dorée. Les croi-
sée* sont garnies de stores blancs et de rideaux
pareils , le plus souvent sans draperies.


l a chambre à coucher des enfants de la maison
présente peu de changements. La même simpli-
cité préside à ses dispositions ; seulement , si l'oc-
cupant est un jeune petit - maître , amateur de
nouveautés, nous apercevrons là un lit et une
table de nuit à la française, produits de l'indus-
trie parisienne , empiétement rare et curieux sur
l'ail tique habitude que l'esprit réformiste du




HAMTATIOMS ANGLAISES. 189


siècle commence à batlre en brèche dans le foyer
domestique aussi bien qu'au forum.


La pièce où Ton se lient, et où l'on reçoit le
plus habituellement et dans l'intimité de la ma-
tinée , c'est le par lotir, ou petit salon dans
lequel les dames se livrent au travail et à la bonne
causerie. J.à se trouvent pêle-mêle et sous la
main, de' larges tables à ouvrage, de longues
chaises a bras, chaudes et mollement embourrées,
des tabourets moelleux , un échiquier, des-trico-
teuses , des écrans , des cassettes a livres*, des
rayons suspendus à quatre cordons verts , chan-
gés du recueil de poésies à la mode, du roman
nouveau et du livre de prières ; sur les tables
court un pupitre en bois de senteur, contenant
plumes, crayons, encre, et papier satina; des
portefeuilles, des albums sont répandus ça et 13
avec toutes ces inventions du luxe, utiles au tra-*-
vail, à l'étude ou aux délassements d'esprit ; mille
riens divers, produits d'une oisive industrie s'y
trouvent encore, et aident, dans ce délicieux
sanctuaire, à faire couler des heures rapides,
sans fatigue comme sans ennui, dans le sein d'une
douce intimité que la présence d'un étranger ne
profane jamais; car l'initié seul est admis dans
cette pièce. m




190 HABITATIONS ANGLAISES.


( l ) Instrument de fer nécessaire à briser la houille,
et-à en activer la combustion, en en rapprochant les par-
ties , et en fttisant tomber les cendres.


Les visites d'étiquettes et les réunions del'après-
dîner ont lieu dans le drawing-room, ou salon
de compagnie. Avec plus d'ordre, plus de luxe
et moins de profusion, vous retrouvez là une
partie du mobilier du parleur. Le meuble prin-
cipal est une large table de salon ronde ou
carrée, en acajou ou en bois de palissandre sans
dessus de marbre, autour de laquelle le thé d«
soir réunit la famille : dans le jftur, l'éeritoire et
le papier y remplacent la bouilloire. Le reste du
mobilier consiste en consoles chargées de vases
en porcelaine ou en biscuit, en corbeilles de
fleurs et autres petits objets de curiosité. Dans
les maisons bourgeoises, la bibliothèque, n'occu-
pant pas. une pièce à pari, présente là de beaux
volumes sur des rayons d'acajou, le piano à
qjipeue de Broadwood est à coté; autour de la
pièce soûl des chaises, des fauteuils, des lits de
repos d'une forme lourde , mais commode, cou-
verts d'étoffes précieuses. La cheminée , en fonte,
est chargée d'ornements en bronze uni ; la pelle,
les pincettes, le poker ( 1 ) , sont en acier de




HABITATIONS ANGLAISES. 191


Birmingham,, et reflètent la lumière par leurs
mille facettes polies comme le diamant. Le garde-
cendre est large, élevé, fantastiquement découpé
à jour connue une line dentelle de Malines ou
d'Alencon» Une glace basse est sur la cheminée ,
que décore quelquefois une pendule de médiocre
valeur, demandée à l'industrie française. Autre-
fois on n'en voyait aucune en Angleterre : c'est
un luxe naissant que les habitants d'Albion n'ont
commencé à nous emprunter <jue depuis quel-
ques années. On voit des tableaux, des portraits,
des gravures précieuses appcndues aux murailles ;
les rkleaux des croisées sont riches, mais tes
draperies attachées à une lourde corniche dorée
sauf dépouilles de •grâce et d'élégance.


L'étiqueUf^tgpgkrise , si sévère et si empesée
dans ses statuts, ne permet pas d'admettre les
enfants au salon. La naïve familiarité de leur âge ,
leur abandon, leurs libres allures ne seraient
pas démises au milieu dVue société au maintien
grave et réservé; ils soufttonc rélegu^gr^feiîétage
supérieur dans la pièce appelée !VMr*0fp^éh»m-
brc de la nourrice, de la bonne denfaat)^: au
milieu des berceaux, des lits à barreaux, est dressé
le lit de la gauvernaiu#. Là toutes les chaises
sont basses, les meubles simples et à coins ar-




192 . HABITATIONS ANGLAISES.


rondis. Les «hambres des autres domestiques ,
les pièces de décharge, sont encore sur le pallier
de la Nursery, Je fais grclce du haut de la
maison où sont uniquement les greniers, et je
descends à la cave, lin quartaut de bière y est
toujours entamé ; les vins en bouteille ainsi que
le porter sont rangés avec soin dans des casés
briquées; le sol est le plus souvent dallé, et de
forts madriers sowfc rangés à distance du mur pour
supporter les futailles^ La cuisine n'est pas éloi-
gnée : voyons la.


LIaspect propre et rangé d'une cuisine an-
glaise est toujours agréable et satisfaisant à l'œil
de l'àmaleur; si lesppoduits de ses fourneaux ne
sont pas tons flatteurs à une bouche-française ,
si un palais délicat rejette lettré équipes insipides ,
leurs pâtés indigestes, du moinV l'étranger sait-
il rendre justice à la chair tendre et molle de
leurs beefsteaks, à la succulence de leurs roàst-
beefs, à h* délicatesse âe leur agneau et de leur
veau$$iifél estime fortTeurs lamb-chops, et sait
apprttà«||Ci'ee <pa'il v a de généreux dans leurs
pudding,» aurhum.


Autour d'une pièce de 18 pieds sur 15 environ,
sont rangées des tables surmontées de tablettes,
des dressoirs , bien garnis de vaiselle et d'as-




HABITATIONS ANGLAISES. . 193


siettes, au milieu est une large table, au dessus
épais en cœur de chêne , les casseroles, les bouil-
loires , les poissonnières, les lèche-frites, les bro-
ches et brochettes, le tourne-broche verticale,
tout est luisant, poli, brillant et propre. Comme
toutes les cheminées d'Angleterre, la cheminée
de la cuisine est en fonte de fer ; elle a quelque-
fois une plate-forme mobile pour porter chau-
drons et bouilloires ; des étuves sont ménagées
autour et servent de four de campagne ; un
réservoir où l'eau s'échauffe, un four pour rôtir
la viande, et une foule d'autres petits arrangements
commodes en sont aussi les dépendances indis-
pensables.


Le fourneau n'offre pas moins de commodité;
quelquefois il n'est percé d'aucun trou , mais une
plaque de fonte qui le recouvre étant fortement
échauffée par un feu de charbon de terre allumé
à l'intérieur, les ragoûts se préparent à la seule
chaleur de la plaque. Ces fourneaux sont eu fonte
et proviennent, ainsi que les cheminées, des fa-
briques de Birmingham.


Parmi les ustensiles commodes que renferme
toute cuisine anglaise, on ne doit pas omettre
une balance à bascule et un knife-cleaner
pour nettoyer les couteaux. Je ne m'arrêterai pas


13




194 HABiTATIONS ANGLAISES.


h décrire le tamis métallique, qui sert h tamiser
les cendres de charbon de terre, ni le sceau de
tôle ou de cuivre pour le transport de ce com-
bustible dans les appartements : ce sont choses
particulières au pays, qui ne pourraient être im-
portées chez nous qu'avec cette foule d'usages
qui leur a donné naissance.


A côté de la cuisine est le charbonnier, divisé
en plusieurs cases pour recevoir les différentes
sortes de charbon ; d'un antre côté, contigu à la
cuisine, est l'évier. Cette pièce est abondamment
fournie d'eau par les conduits ordinaires des dis-
tributions publiques d'eau à domicile, quelque-
fois un robinet y fournil l'eau chaude prise à
fétuve de la cuisine. Tous ces robinets donnent
au-dessus de différentes dalles , où se lavent alter-
nativement le poisson, les légumes ou la vaiselle.
Un garde-manger bien aéré et dont les fenêtres
sont garnies de toiles métalliques, fait aussi partie
des dépendances indispensables d'une cuisine an-
glaise; car on a toujours à y conserver le bœuf,
les jambons, le porc frais ou salé dont chaque
famille ne néglige pas d'avoir en tout temps abon-
dante provision.


Si le maître de la maison est homme d'affaire ,
il y a quelquefois son cabinet, toujours fort




HABITATIONS ANGLAISES. 195


simple. Une grande table à pnpîtres est au milieu;
quatre ou six petites colonnettes en bronze poli
supportent deux tringles de même métal : ces
tringles forment tablettes, et n'ont pas l'incon-
vénient comme une tablette en bois de porter
ombre au bureau. Les petits ustensiles à l'usage
d'un homme de cabinet sont ici peu nombreux.
L'écritoire est vaste, mais simple, souvent en
élain et dépourvue de tout ornement ; à côté
est placée, en permanence, une petite balance
en bronze, d'une forme particulière : c'est un
petit poids invariable dans sa pesanteur, faisant
équilibre à un double crochet dans lequel on
place une lettre pour s'assurer que le poids de
la missive ne dépasse pas le taux légal admis
sans surcharge à la poste. Une seule règle suffit
pour rayer le papier dans toutes les proportions,
cette règle n'étant ni plate ni carrée, comme
nos règles de France , mais forte et cylindrique ;
elle se tient facilement de la main gauche dont
les doigts lui impriment une progression uni-
forme pendant que la main droite, armée du
crayon , trace les lignes sur le papier à des dis-
tances plus ou moins rapprochées, que l'oeil seul
indique et proportionne. Des plumes, des crayons,
des canifs, une sèbille h sable, des tabourets,




i 06 HABITATIONS ANGLAISES.


quelques chaises et un fauteuil rembourré com-
plètent cet ameublement très borné d'un cabinet,
dans lequel néanmoins les affaires les plus im-
portantes se discutent tous les jours sans am-
barras, ni raines formalités.


Habitués à une température moyenne, aussi
éloignée des ardeurs des contrées méridionales
que des froids rigoureux du nord , nous attachons
généralement trop peu d'importance, nous au-
tres Français, aux agréments d'une habitation
bien close, ne permettant à aucun vent coulis et
froid, à aucun courant d'air glacial de s'introduire
subrepticement par ces ouvertures perfides d'une
fenêtre mal fermée, d'une porte déjoinle, qui ne
rencontre hermétiquement ni son pied-droit ni
son seuil. On a souvent célébré les douceur de ce
délicieux farniente qu'on éprouve un soir d'hiver,
enfoncé dans une profonde et moelleuse bergère ,
devant un bon feu, les pieds sur les deux che-
nets , tenant en main un de ces livres rares
et précieux , qui, sans fatiguer l'esprit, donnent
à rêver à l'âme ; mais il est bien rare qu'en France
les charmes de cette position molle, rêveuse , in-
décise puissent être complètement sentis. Derrière
nos ouvertures mal jointes , devant nos vastes
cheminées., construites sans prévoyance et sans




HABITATIONS A3GJ.AISBS. 197


art , dont le large manteau et le tuyau trop
ouvert, ne permettent d'utiliser au plus que la
deux centième partie du calorique développé par
le combustible, ne brùle-l-on pas le plus souvent
par devant pendant que l'on est gelé par derrière ?
Dans la salle à manger, c'est pis encore, avec
chaque plat nouveau, le valet qui sert à table
manque-l-il d'introduire une provision nouvelle
d'air froid , qui arrive et tombe d'aplomb sur les
épaules des convives, leur pénètre les reins, les
prend au cou , les saisit, aux jambes, paralyse en
eux les facultés de l'estomac, condense leurs sucs
gastriques, provoque les indigestions et transforme
une j ouissance attendue en un cruel supplice? Plu-
sieurs fois des vovageurs venus du nord, et à qui
je ne manquais guère de vanter la mansuétude
de notre climat, m'ont répondu qu'ils n'avaient
jamais eu froid qu'en Franco. Aujourd'hui , je
comprends cette réponse, qui d'abord m'avait
paru singulière. Chez eux , ils ont tout lait pour
combattre un mal permanent; nous, nous souffrons
sans prévoyance un mal passager.


La distribution d'une maison anglaise, habitée
par une seul;; famille, permet de tenir les es-
caliers parfaitement clos, et d'allumer au r/rou/tf/-
fliior, des calorifères pour distribuer dans tous


\




198\ HABITATI05S ANGLAISES.


les corridors et vestibules une chaleur uniforme et
douce qui ne souffre pas que l'air froid pénètre
dans une chambre, même lorsque sa porte est
ouverte. Et, si toutes les pièces d'un appartement
sont pourvues d'un épais tapis de laine, les de-
grés de l'escalier, les carrés et tous les dégage-
ments sont garnis de tapis cirés, que des soins
assidus entretiennent toujours dans un état de
propreté admirable. Cet usage général des tapis
ne force point à laisser au-dessous des portes un
jour pernicieux ; des gonds d'une invention in-
génieuse, taillés obliquement, soulèvent graduel-
lement chaque battant de porte, quand il s'ouvre,
pour le laisser ensuite tomber au rez du sol sitôt
qu'il est fermé.


Sous un climat comme celui de l'Angleterre,
froid, pluvieux , humide, une partie de l'année
chargé de brouillard, en tout temps imprégné de
de suie et d'une noire fumée , il faut des croisées à
l'épreuve de l'air et de l'eau: aussi les fenêtres an-
glaises diffèrent-elles complètement de nos fenêtres
françaises dont les deux battants , toujours entre-
baillés, malgré un grand renfort de lisières, ne
seraient pas supportables de l'autre côté du détroit.
Là , les croisées n'ont point de balcons ; elles sont
étroites, presque carrées, et garnies de deux




lUMTATlOHS ASGLÀISEf. 199


châssis vitrés qui se meuvent avec aisance, au
moyen de contre-poids, entre deux coulisses ver-
ticales, joignant hermétiquement de toutes parts
et ne permettant ni à l'air froid du dehors, ni à
l'eau d'une averse de pénétrer à l'intérieur.


Parés d'abord et avant tout contre leur climat
hostile, les Anglais songent ensuite à décorer l'inté-
rieur de leur demeure. Si le luxe de leur décoration
est souvent lourd et de mauvais goût, du moins est-
il toujours comfortable : chaux tapis sous les pieds
bons fauteuils pour s'asseoir, somnolentes chaises
longues pour s'étendre à l'aise. Si le lit est an-
tique et démodé, il est en même temps large et
moelleux. Si les rideaux des croisées sont mes-
quins et les draperies pesantes, les châssis qui
ferment à coulisse et à plat, sans ouvrir en dedans
des chambres, permettent de garnir aisément
chaque fenêtre d'un store qui a le double avan-
tage d'adoucir l'éclat du jour lorsque le soleil luit,
et d'intercepter le peu d'air qui pourrait pénétrer
par les interstices fort étroits des vitraux.


Une petite manivelle élégante et polie , sortant
d'une rosace de bronze appliquée contre la boi-
serie , est tout ce qu'on voit des sonnettes dont
les cordons, rarement apparents comme les
nôtres, sont, aiusi que les mouvements et les




200 HABITATIONS ANGLAISES.


fils tle communications , dissimulés par la boi-
serie ou cachés derrière le papier dans l'épais-
seur des murs.


Les ferrures des port es fourniespar les fabricants
quincailliers de Birmingham, sont fortes et soignées.
A1 inverse des Français, la nalion anglaise vise
moins à l'économie qu'à la solidité. Ainsi les
serrures, les verroux sont de bonnes qualités,
peut-être s'incrustent-ils moins élégamment que
les nôtres dans le bois des portes; mais ils ne
réclament que peu ou point de réparation. Les
targettes sont de cuivre jaune et rondes, ellles mar-
chent dans des picolets également en cuivre fon-
dus d'une seule pièce sur une plaque de même
métal. Le montant des portes est garni sôus la
main d'une plaque en laiton estampé, les bou-
tons doubles des serrures d'intérieur sont en
bronze poli, et toutes ces cuivreries paraissent,
grâce à des soins assidus, toujours brillantes de
propreté.


Une chaîne de sûreté est attachée à beaucoup
de portes extérieures et permet de les ouvrir à
moitié pour recevoir, la nuil^jin message étran-
ger sans s'exposer à une surpnse malveillante.


Comme je l'ai dit plus haut, les cheminées ,
ou plutôt l'âtre , le foyer des cheminées d'An-




n A B i T A T I O N S A N G L A I S E S . 201


gleterre esl en fonte. garni de luisants barreaux
de fer pour retenir la houille qu'on y brûle. La
garniture extérieure , c'est-à-dire la tablette et
le chambranle, ont un aspect fort simple ; la
tablette surtout est presque toujours trop étroite
pour recevoir ce que nous appelons en France
une garniture de cheminée : pendules, vases
dorés, flambeaux ou lampes. Le foyer seul est4!»
lui-même son principal ornement : élégant et
chargé de. bas-reliefs dans le salon de compa-
gnie , modeste et uni dans les chambres de
moindre apparat. Toujours un haut garde-cendre
uni à une plaque de tôle qui s'avance sous la
grille de l'âtre et forme cendrier, garantit le ta-
pis et le parquet de la chute des charbons em-
brasés. Cet arrangement existe en toutes saisons,
sans qu'un devant de cheminée vienne le modi-
fier en été. Le tuyau de la cheminée étant
toujours nécessaire au renouvellement de l'air
intérieur, qu'on se permet rarement d'obtenir par
une croisée ouverte. Seulement alors la pelle ,
les pincettes et le poker, parfaitement polis, sont
attachés en sautoir devant la grille , à moins que
celle-ci ne soit masquée par une espèce de gar-
niture en papier dem couleur découpé, ou en
étroits rubans de menuisier attachés en festons.




202 HABITATIONS ANGLAISES.


La bourgeois ie anglaise se contente d'avoir ses


boiser ies peintes d'une c o u l e u r un i fo rme imitant le


bois de chêne na ture l . Celte te inte invar iab le se
iBiproduit sur les p o r t e s in tér ieures , sur les lam-


br i s des c h a m b r e s , aussi b ien que sur la r a m p e et


les ba lus l res en bois de l'escalier. Un p lus grand


l u x e ne se r e m a r q u e que dans les maisons fort ri-


ejfefes.
REMISES, ÉCURIES. —Dans l 'enceinte des \il-


l e s , les remises et écur ies sont r a r e m e n t a t te -


nantes aux maisons m ê m e s ; on p ré fè re les r e l é -


guer dans de peti tes rues désertes adjacentes aux


bel les rues sans les faire e n t r e r dans la d is t r ibut ion


d'un hôte l .


Le c h e v a l , animal d'une haute v a l e u r , e n t r e -


tenu p o u r no t re usage et nos plaisirs dans un état


c o m p l è t e m e n t ar t i f ic ie l , ex ige des soins p a r t i c u -


l iers , j u d i c i e u x et constants ; son écur ie doit ê t re


construi te sous certaines condit ions raisonnées


auxquel les un anglais opu len t t ient avec r igueur .


Ainsi, l 'écurie i r r é p r o c h a b l e a toutes ses por tes et


fenêtres tournées ve r s le sud-est ; les ouver tures


sont , autant que p o s s i b l e , r a p p r o c h é e s de la c o u -


v e r t u r e et d'un m ê m e côté p o u r éviter aux c h e -


vaux le contact de tout courant d'air t r o p vif ,


sans nui re à la venti lat ion. Celle-ci s'établit au




HABITATIONS ANGLAISES. '203


moyen de tuyaux carrés en planches d'environ
un pied de largeur. Ces tuyaux filent le long du
toit, entre les chevrons, depuis le haut intérieur
du mur, jusqu'au sommet du faîtage. Un petit toit
recouvre celte extrémité extérieure du tuyau,pour
l'abriter de la pluie, sans empêcher la circulation de
l'air échauffé qui s'en échappe. L'orifice inférieur
est garni d'un petit volet, qui permet de régler la
force du courant d'air, de manière à entretenir une
température uniforme. CjÉfcfcqui convient le mieux
aux chevaux est, en hivcrfrle 8 degrés Réaumur,
et de 12 ou 15 en été.


Pendant les chaleurs, la ventilation se dirige
facilement au moyen de petites persiennes., dont
les lames mobiles s'écartent ou se rapprochent à
volonté. QjK&s'élait imaginé autrefois que l'obs-
curité étaiffaVorable aux chevaux; on^est mainte-
nant revenu de cette erreur, et aujourd'hui la
plupart des fenêtres décurie sont garnies de châs-
sis vitrés.


Le sol doit être parfaitement sec : sur un ter-
rain humide, il faut qu'un double pavé remédie à
cet inconvénient. La place de l'animal exige un
niveau parfait, car on a remarqué qu'un plan in-
cliné de la tête à la croupe, gonfle de sang les
veines de derrière et communique alors une fa-
tigue au lieu d'un repos.




'20Ï HABITATIONS AUGJ.AISKS.


L'écoulement fies urines s'opère par une rigole
recouverte d'une grille en fer fondu, on simple-
ment en fortes planches de chêne, percées de trous.
Cette grille, posée de niveau avec le sol de l'écurie,
s'enlève facilement pour le nettoiement de la ri-
gole. Celle-ci va se perdre dans un réservoir qu'on
s'attache à tenir parfaitement couvert, afin d'évi-
ter le courant d'air, pernicieux aux animaux , qui
s'établirait par la rigole, du réservoir à l'écurie.
Une cuvette à la I)|||jpcieux produit le même
effet.


L'écoulement des urines par une rigole, outre
l'avantage de l'excellent engrais liquide qu'il four-
nit, contribue à l'assainissement de l'air, qui n'est
plus vicié par leur évaporalion. Quelle que soit, du
reste, la disposition d'une écurie , il qst indispen-
sable d'éviter les émanations ammoniacales, par
l'enlèvement régulier et fréquent, dans la journée ,
de toutes les matières stercorales. D'ailleurs, leur
séjour dans l'écurie, on le sait depuis long-temps,
outre le dégagement de miasmes méphitiques,
est souvent cause, par l'humidité qui en prolient.
de maladies graves des jambes, et surtout du
sabot.


Les Anglais sont opposés à la construction de
greniers au-dessus des écuries, à moins que le plan-




HABITATIONS ASCI. VISES. 205


cher, parfaitement joint, ne soit d'un côté imper-
méable à la poussière, et de l'autre aux effluves
miasmatiques. Un râtelier presque vertical leur
semble préférable à un râtelier incliné : attendu
que, par celle dernière disposition, la poussière du
foin tombe trop facilement dans les yeux des che-
vaux lorsqu'ils attirent le foin à eux. Le billot
du licou glisse dans une coulisse pratiquée en
avant ou eu arrière de la mangeoire, afin que le
cheval ne puisse, dansaucun cas, se prendre les jam-
bes dans la longe. L'emplacement de chaque che-
val est de 1 mètre 60 centimètres sur 2 mètres 55
centimètres au mois.


Afin d'éviter aux chevaux une foule de mala-
dies , on a reconnu qu'il était indispensable qu'ils
se reposassent couchés chaque jour pendant quel-
ques heures, et que, pour atteindre ce but, il
était bon qu'ils fussent attachés dans des cases
particulières, séparées par des cloisons qui ne
leur permettent pas de se voir les uns les autres.
Celle pratique, particulièrement en usage dans
le JXord du comté d'York, est adoptée dans un
grand nombre d'établissements où l'on entrelient
des chevaux de chasse et de selle ; elle est surtout
reconnue d'une incontestable utilité pour les
juments poulinières.




206 HABITATIONS ANGLAISES.


Derrière les slalles est ménagé un passage large
et commode enlre celles-ci et le mur dans lequel
les ouverlures sont percées. Si le coffre à avoine
ne se place pas à l'extrémité de l'écurie, il est
souvent enfoncé dans la baie de la croisée. L'em-
brasure des autres fenêtres contient des tablettes
pour déposer les instruments de pansage, sa-
voir : une paire de ciseaux courbés et un peigne
pour faire le poil des jambes, une autre petite
paire de ciseaux pour le poil des oreilles , une
étrille légère ; une brosse en filaments d'un bois
particulier des Indes , ou en menus brins de
baleine, pour remplacer l'étrille au besoin, et
abattre la grosse poussière ; une brosse à longs
poils pour laver les chevaux ; une grande brosse
ovale courtes soies de Russie , pour enlever la
dernière poussière ; enfin , un morceau d'étoffe
pour unir le poil.


Si un animal est exposé à servir à tous mo-
ments du jour, sa bride et sa selle sont accro-
chées derrière lui au mur même de l'écurie; les
autres harnais se conservent à la sellerie. Cette
dernière pièce n'offre aucune disposition parti-
culière. Les seules conditions qu'on exige, c'est
qu'on puisse la tenir sèche, aérée, et, de temps
en temps, pendant la saison humide , réchauffer
par un petit poêle.




HABITATIONS ANGLAISES. '207


Dans quelques écuries de cavalerie, les places
des chevaux sont séparées par de simples barres
suspendues d'un bout à la mangeoire, et de l'autre
à un poteau de 5 à 6 pieds de hauteur, garni
d'un cordon de paille, jusqu'à 2 pieds Ij2 de
terre.


La porte est généralemeut d'environ 4 pieds
de large sur fl 1|2 de haut. On évite de laisser
aux ballants toutes parties saillantes, tels que
loquets, clés on verroux , auxquels les chevaux
peuvent se heurter ou accrocher leur harnais.


Depuis long-temps, des avantages reconnus
ont fait substituer des râteliers cl des mangeoires
en fer à ceux en bois usités pendant des siècles.


Je ne terminerai pas cette note sur les écuries
anglaises, sans consacrer quelques lignes aux
remises et aux écuries extraordinaires de M. \ew-
man , à Londres.


M. iNevvinan est un maître de poste, loueur
de chevaux et de voitures, qui a fixé son éta-
blissement dans une des plus belles rues de
Londres ( Regent-Street) , où le terrain est
précieux, où , par conséquent, il faut savoir
tirer tout le parti possible de l'espace.


Les remises et les écuries de M. Newman
offrent un choix satisfaisant à sa nombreuse




208 HABITATIONS AS(H.AISES.


clienlelle : soixante-dix voilures de toute espèce,
berlines, cabriolets, landaws , tilburys , gigs,
calèches, etc., bien abrités, 90 à 100 chevaux
bien pansés, le tout compris dans un espace
fort restreint , dans un espace où un aulre eût
tout au' plus logé ses seuls équipages ,• car, je
le répète, le terrain est cher dans Regent-Slreel.
Certes, ce n'a pas été sans génie que M. New -
man est parvenu à faire entrer un grand contenu
dans un petit contenant, problème insoluble,
dit-on !... Ne pouvant s'étendre ni en long ni en
large, M. Newman a pris ses coudées franches
en hauteur.


Au rez-de-chaussée sont rangées les voilures,
dans un ordre méthodique et parfait, de manière
à n'exiger que le plus petit espace possible. A
côté se trouve l'écurie des chevaux malades,
l'infirmerie de la maison. Au premier et au se-
cond étages sont les écuries divisées par cham-
6re.<( à coucher, pour deux ou un plus grand
nombre de chevaux. Une grille en fer ferme
chaque écurie où un fort robinet fournit à vo-
lonté toute l'eau nécessaire au pansage et à la
propreté du local. Des égoûts, ménagés avec soin,
ne permettent jamais à l'urine d'y séjourner, et
des palfreniers diligents sont incessamment occu-
pés à enlever les fumiers.




HABITATIONS A5GIAISES. 209


14


La pierre, le fer et la brique, sont les seuls
matériaux employés à la construction de cet éta-
blissement unique. Toutes les mangeoires sont
en fer fondu, et , comme les chevaux ne sont
nourris la. qu'avec un mélange de foin et de paille
hachés, d'avoine et de féverolles, les râteliers y
ont été partout supprimés comme meubles inu-
tiles.


Les escaliers voûtés, sont des plans inclinés sans
degrés, toujours recouverts de paille, autant
pour protéger la brique .dont ils sont construits ,
que pour empêcher le pied des chevaux de
glisser. Les greniers à fourrage sont au 3. c étage.
Leur charpente est en fer et en briques, unies
par le côté , de manière à former une voûte
légère et néanmoins solide. Le tout est couvert
en ardoises.


Ces singulières écuries se présentent comme
nn type de l'industrie anglaise, et prouvent que ,
dans les plus petites comme dans les plus grandes
choses, nos voisins d'outre-mer apportent un
esprit d'arrangement et de calcul qui défie les
difficultés, se joue des obstacles, et marche droit
au but dans les chemins les plus ardus, où des
hommes moins opiniâtres ou moins bien avisés
seraient arrêtés dès les premiers pas.




210 HABITATIONS ANGLAISES.


MAISONS DE CAMPAGNES, CHÂTEAUX, PARCS.


— Les habitations anglaises à la campagne-, com-
portent trois grandes divisions : cottages, vidas
et châteaux. Le cottage sera la demeure du
bourgeois retiré aux champs . pour y vivre éco-
nomiquement d'une médiocre fortune laborieu-
sement acquise ; ce sera l'asile de la veuve peu
aisée, de l'artisan chargé de famille, du garde-
chasse , de sa femme et de ses enfants. Le cot-
tage variera donc dans ses dimensions , mais
sera toujours simple, uni ; le chaume formera
sa toiture , et, s il est paré de quelques ornements,
la vigne vierge, le chèvre-feuille et la clématyte
en feront les frais principaux.


La villa comprend depuis la maison de cam-
pagne cossue d'un riche gentleman , jusqu'à
ces habitations de luxe , recherchées et splendides
de la haute et opulente aristocratie anglaise, en
s'arrôtant à la tourelle antique ou moderne. Celle-
ci commence le château , la résidence crénelée
et princière du nobleman , du lord, propriétaire
orgueilleux d'un nom illustre et de domaines
dont il connaît à peine l'immense étendue.


Je m'arrêterai peu ici à la demeure de l'arti-
san. A mes yeux, elle a une importance assez
grande pour être traitée comme spécialité.




HABITATIONS ANGLAISES. 211


Destiné à l'ouvrier, à une famille retirée du
monde ou au garde-chasse , le cottage sera situé
au milieu d'un village, dans le faubourg d'une
grande ville, sur un petit tertre perdu au milieu
des terres, ou sur la lisière d'un bois ; quelque
fois aussi sur le bord d'une grande route , s'il est
destiné à recevoir le collecteur du péage auprès
du toll-bar. Quelques pieds de lilas et de laurier
en décorent les abords, une petite cour sablée
s'étend de quelques pas devant la porte, e t ,
derrière, s'alignent entre trois murs de briques,
bien réguliers, bien propres, les allées étroites
et les carrés d'un petit jardin. Quelquefois un
hangar et une petite écurie y seront attenants ;
car il faut qu'un Anglais soit bien dépourvu,
pour ne pas avoir un cheval et un gig, ou au
moins un petit chariot suspendu , remplissant ad
turnum les doubles fonctions du cabriolet dé-
couvert, ou du fourgon de transport. Par exemple,
ce qui ne manquera jamais au cottage , c'est le
refuge à porcs, et la petite étable pour une couple
de vaches bonnes laitières. La porte sera om-
bragée d'une espèce de petit porche en treillage
peint en vert f dont les légers barreaux serviront
d'appui aux attaches Vrillées des plantes grim-
pantes. A côté brilleront les petites vitres lui-




212 HABITATIONS ANGLAISES.


santés des châssis des croisées. Les murs réflélront
des teintes rouges ou jaunâtres-, selon la cou-
leur des briques de la construction, et le petit
édifice sera couronné d'une toiture de paille,
épaisse, nettement coupée au bord, proprement
peignée partout, et dominée sur le faîte par un
ou deux tuyaux de cheminée fantastiquement
découpés. A l'intérieur, on trouvera cette pro-
preté et ce bien-être convenables à un homme
de condition moyenne, et que ne dédaignerait
pas cependant le gentleman lui-même. Si, dans
toutes les classes en Angleterre, on préfère avant
tout la vie de famille , on lient aussi à se faire
cette vie douce et comfortable ; car, avec de l'or-
dre , de l'entente et de l'économie, les choses
de première nécessité, et même quelques super-
fluités agréables peuvent être réunies dans un
étroit espace et obtenues sans frais considérables.
L'homme riche qui aura plusieurs chambres à sa
disposition, n'en habitera pourtant qu'une à la
fois ; pourquoi le pauvre qui n'a que celle chambre
unique, ne l'aurait-il pas chaude, sèche, bien
éclairée, bien aérée , toutes choses qui dépendent
moins de la qualité des matériaux employés, que
du mode de leur emploi. Souvent les vices con-
traires dans une maison tiennent plus au manque




HABITATIONS ANGLAISES. 213


d'expérience qu'à l'insuffisance des moyens ma-
tériels d'y remédier. Ainsi toute maisonnette peut
être bâtie sur un plateau, ou au moins sur une
plate-forme un peu élevée et à l'abri de l'hu-
midité, pour être sans autres frais, plus chaude
et plus saine, et aussi mieux placée pour l'aspect
pittoresque et pour dominer le paysage. Secon-
dement, rien n'empêche d'attafcher les cheminées
plutôt aux murs d'intérieur qu'aux murs de façade.
Cette disposition est plus convenable à la con-
servation du calorique , et les tuyaux s'échauffant
avec plus de facilité jouissent d'un plus fort tiraut
d'air ; et , par suite , sont moins sujets à fumer.
L'expérience et la réflexion indiquent ainsi une
foule de petites modifications, qui, sans augmenter
les frais d'une construction , y ajoutent d'inappré-
ciables avantages. *


Les murs' d'un collage sont indifféremment
en pierre , en pisé ou en briques, si leur prix
n'est pas élevé dans la localité.


Le jardin, de médiocre étendue , esldëfendu par
une haie vive, ou par un mur mince cl peu élevé:
il est divisé en divers comoarlimeuts. dans les-
quels le propriétaire de la case cultive (bps lé-
gumes, des fleurs; il les encadjge d'une Ijorduro
de fraisiers ; des arbres nains . des groseillers , en




*21i HABITATIONS ANGLAISES;"


marquent les encoignures. Un carré même est
souvent en entier consacré à la culture du gro-
seiller des deux espèces , en grappes et à maque-
reau ; les Anglais faisant dans leurs ragoûts un
grand emploi de ces deux fruits. Près de la
maison est un petit lapis vert. Des plates-bandes
sont quelquefois ménagées autour du jardin pour
la culture de la salifie , de l'oseille, des épinards,
de la rhubarbe , dont les feuilles s'apprêtent
comme ces derniers, sans oublier quelques plans
de houblon , dont les jeunes pousses remplacent
les asperges sur la table, tandis que les fleurs s'en
vont à la brasserie.


On voit en Angleterre un grand nombre de
villas dans le genre italien, aux murs carrés et
réguliers, à la toiture en terrasse, aux colonnes
cannelées, aux nombreuses statues; mais ces cons-
tructions, que l'on rencontre partout ailleurs et
souvent exécutées avec une pureté de goût et une
correction de dessin qu'on chercherait long-
temps en vain chez les Anglais, ne donneraient
aucune idée du génie particulier qui les carac-
térise. J'aime mieux passer aux châteaux ces
édifices tout anglais, quelque bizarres qu'ils soient,
dont j'ai dit un mot déjà à propos des Beaux-
Arts. Ces constructions portent au moins le ca-




HABITATIONS ANGLAISES. 21")


thfil d'une originalité nationale, elles sont em-
preintes de trois caractères spéciaux cl tranchés
qu'on peut diviser ainsi : genre Tudor ov? vieux
style anglais, aux formes simples et carrées,
mais donl les ouvertures encadrées dans des filets
délicatement découpés, les toitures élevées et les
cheminées élégantes sont d'assez bon goût et de
l'effet le plus agréable. Vient ensuite le genre
crénelé [casteHated style) flanqué de bastillons,
couronné de créneaux et de donjons. Ce genre
présente dérisoircment, dans un siècle de paix ,
les apparences formidables de la guerre ; mais ses
pouts-levis, ses meurtrières innocemment mena-
çantes, rappellent h des châtelains modernes les
souvenirs stériles d'une puissance féodale qu'ils
regrettent, qu'ils s'efforcent de retenir, rrntis qui
chaque jour s'évanouit.


Pour l'harmonie de l'ensemble, un château de
ce style est plus convenablement placé sur l'angle
d'un rocher noirci que partout ailleurs; alors, on
peut croire, sans trop d'invraisemblance , qu'il
soutint là quelque siège fameux aux époques
agitées du moyen-âge. Il n'est pourtant pas abso-
lument nécessaire qu'un pareil château soit flan-
qué de demi-lunes, défendu par des forts dé-
tachés et pourvu de tout l'appareil de guerre




216 HABITATIONS ANGLAISES.


indispensable dans un pays exposé aux incur-
sions de l'ennemi. 11 réunira à l'intérieur, au
lieu de mangonneaux et de pierriers , tout le
luxe et tout le comforlable qui peuvent aider à
couler des jours agréables, loin d'une grande
ville, dans une contrée agreste et solitaire.


A une époque qui s'émeut plus du bruit des
ateliers de 1 industrie que du tumulte des armes,
tous ces créneaux doivent tomber $ tous ces épou-
vanlails d'enfants disparaître : ces tours carrées
et menaçantes vont s'arrondir, perdre la rudesse de
leurs formes ; noussommesauXIX/ siècle, le style
anglais moderne remplace le style crénelé. Ce
genre d'architecture moitié oriental, moitié go-
thique , est appelé par les architectes anglais
style pointu (pointed style) , à cause de ses
nombreuses tourelles, surmontées d'élégantes cou-
poles qni s'effilent en pointe , et auxquelles il ne
manque que la gallerie de l'Iman pour ressembler
tout-à-fait aux minarets dune mosquée musul-
mane. Les ailes des châteaux construits sur ce
système se terminent quelquefois par un mur
carré dont le pignon, gracieusement déconpé sur
ces bords, surmonte de larges croisées formant
en saillie une cage cintrée ou à pans coupés. Ce
style anglais moderne est noble et distingué ,




HABITATIONS ANGLAISES. 2 1 7


sans èlre dépourvu d'une certaine grâce ; il a
quelque chose d'original qui le rapproche du
vieux style des Tudors , et lui donne , par con-
séquent un air national pour lequel je le pré -
fère incontestablement au style crénelé, genre
tout-à-fait suranné, que repousseut nos moeurs
actuelles et qui n'est beau qu'en ruines à la
tein|(^jaunie par le temps, aux murailles cre-
vassas et tapissées par la verdure éternelle d'un
vieux lierre presque aussi antique qu'elles, comme
notre vieux château des Clissons.


L'ameublement intérieur de ces somptueuses
habitations, se présente quelquefois tout moderne
et demandé à l'industrie parisienne ; mais il sort
plus habituellement de la boutique du brocan-
te ur 5 et rappelle les formes contournées du moyen-
âge. Ce sont lits et fauteuils gothiques, tables
sculptées aux pieds tors , chaises au dossier élevé ,
à la garniture de tapisserie bordée de larges
clous dorés.


On trouve encore dans les vastes salons; de ces
châteaux, des tabourets, des lits de repos de
toutes les formes et de toutes les dates, des tables
marquetées, des armoires en laque de Chine ou
du Japon , des consoles chargées de coffrets et
de bahus gothiques, de petites armoires plaquées




'MS HABITATIONS ANGLAISES.


d'ébène ou d'écaillé, avec incrustations capri-
cieusement découpées, poignées de bronze doré ,
encoignures ciselée** mascarons grimaçants, rin-
ceàux,et tout ce qui constituait auxXVI.' ctXVIL*
siècles les arts réunis de l'ébéniste et du bronzier.
DîS vieux portraits de famille à la bordure ba-
roque, des tableaux bons et mauvais de tous
les maîtres^ achetés a gfands frais dans lesj^ys-
Bas et l'Italie, des statues, des candélabres*, des
bustes de grands hommes, des bas-reliefs de
Florence, des armures des anciens preux , sus-
pendues en faisceaux aux murailles, des arcs , des
flèches d'Amérique,font de tous ces châteaux des
espèces de musées de peintures et d'antiques,
à l'arrangement desquels la vanité et la profu-
sion ont plus souvent présidé qu'un goût sévère ,
éclairé par un sentiment exquis des beaux-arts.


Des parcs d'une immense étendue environnent
toujours ces demeures, et en forment le plus in-
contestable agrément. Dans le dessin d'un parc ,
on tie^moins à faire paraître l'art qu'à le dé-
guiser. Le terrain qu'il couvre semblera complè-
tement planté par la nature ; la main de l'homme
n'y sera intervenue que pour défricher, élaguer:
laissant ici un massif d'arbres séculaires, là un
vieux hêtre isolé au milieu d'un pâturage , pré-




HABITATIONS ANGLAISES. 2 19


tant l'abri de ses immenses rameaux aux trou-
peaux de jeunes poulains, de brebis ou de-gros
bétail, qui paissent autour de lui. Renfermés dans
une enceinte de haies vives, de clayonnage dû de
planches de sapin grossièrement refendues à la
hache, ces animaux vivent en paix, libres de tout
gardien et de tous travaux. Le bœuf, lui-mê|»é,
laborieux ailleurs, mais trop lent dans son 'al-
lure pour l'Anglais qui préfère la célérité à l'é-
conomie , suppléé 4ci par le cheval, sans souci
du [bug et de l'aiguillon , n'a d'autre destinée que
celle delà boucherie ; destinée indifférente , im-
prévue pour lui, et à laquelle il appâte tran-
quille des années d'oisiveté, chargées d'un suc-
culent embonpoint.


Le château, roi* du parc, placé sur un petit
tertre en terrasse, abrité des vents de nord-ouest
par un coteau élevé, couvert de bois, domine
tout devant lui. Des avenues, ou plutôt des per-
cées, ménagées par-dessus les<nllées, les j«rdins
et les champs permettent de découvrir les aspects
les plus variés : d'ici le ruisseau et le. lac ; <fi$F%
le village et le clocher gothique de son église*1;
à droite la forêt : à gaifche la ferme et ses nom-
breuses ménageries ; en face , la grande route pré-
sente à la longue vue la mobilité fugitive des




220 HABITATIONS ANGLAISES.


voyageurs et des équipages. Le cottage du garde-
chasse semble perdu dans quelque coin dont il
adoucit l'aspect sauvage. Souvent uu étroit sentier
ondoie au travers du parc , et, ouvert par un pro-
priétaire bénévole, abrège aux piétons le chemin
du village, en s'animant le dimanche des nom-
breux fidèles que la cloche appelle au temple.
^Les eaux, toujours abondantes dans la Grande-


Bretagne , ne sont pas le moindre ornement d'un
parc: dirigées par cent caneaux, autant pour le
plaisir des yeux que pour les besoins de l'agri-
culture, elles serpentent tantôt dans les bois,
tantôt au jniUcu des prairies: quelquefois, retenues
par une chaussée, elles forment Mil petit lac , ré-
servoir d'un moulin ; quelquefois, après mille dé-
tours sous des bosquets d aubépines, de cou-
driers et de lilas, elles vont se perdre au loin en
bruyantes cascades au milieu des rochers.


L'entrée principale d'un parc n'est pas, comme
en France, éternellement placée en face du châ-
teau, ̂ l'extrémité d'une avenue alignée au cordeau.
Elle est généralement somptueuse et monumen-
tale: c'est une espèce de portique, d'arcade à trois
portes, d'un genre darehitecture conforme à
ce}le du château qu'elle fait pressentir. L'allée
qu'elle précède ne se déploie pas en ligne droite:




HABITATIONS ANGLAISES. 221


bientôt, au contraire, elle tourne brusquement et
ne laisse apercevoir du dehors que des champs
couverts de moissons, ou des bois touffus. Ces
parcs anglais ne sont donc pas des promenades
parées et guindées, mais des campagnes éten-
dues, agrestes, où l'art a embelli la nature sans
la farder avec fadeur, et disposé du terrain, autant
pour la culture et un usage utile, que pour les
agréments de la vie et toutes les distractions de
la campagne. Eu les visitant donc, l'étranger con-
çoit aisément que leurs opulents propriétaires
soient pressés d'y venir pendant la belle saison
se reposer des travaux et des intrigues parle-
mentaires de l'hiver, et neutraliser par l'air pur
des champs les affections maladives, contractées
sous l'influence morbide de l'atmosphère enfumée
de la capitale.






P R I S O N S , H O S P T f . E S , D I S P E N S A I R E S . 223


P R I S O N S , H O S P I C E S ,


D I S P E N S A I R E S .


.s-^RlSOJVS. — Si j'avais entrepris un Guide
':-> ]D "Me l'étranger à Londres et en Angleterre,
i:SïS<>fije_ serais dans l'obligation de donner un
détail minutieux des prisons et des hospices de ce
royaume; mais n'ayant visité la Grande-Bretagne
que dans des vues inorales et industrielles, c'est la
partie morale et administrative de ces établisse-
ments qui doit se trouver dans ce livre, plu^t
qu'une description matérielle. ^


JNe cherchez pas à Londres des prisons j^jen
ordonnées et bien tenues. La plupart des geôles
de cette capitale, resserrées dans les quartiers po-
puleux d'origine très-ancienne , n'appellent d'au-
tre attention que celle du philantrope qui dési-
rerait y apporter d'utiles réformes, Quelques-unes




224 PBISOKS, HOSPICES, DISPENSÂMES.


sont si mal distribuées, qu'il est impossible , mal-
gré les règlements contraires , de maintenir à
part les prisonniers des deux sexes ; c'est dans les
comtés, dans les villes d'Ecosse surtout qu'il faut
aller pour trouver des prisons bien réglées. A Edim-
bourg , par exemple , on peut , sous beaucoup
de rapports, citer les prisons comme modèles.


Cependant à Londres la maison pénitentiaire
de Milbauk mériterait quelque attention , si elle
n'était à peu près abandonnée par suite des ma-
ladies tiphoïdes que sa situation, au milieu d'un
quartier humide et marécageux , y fit éclater en
1823 . Cet établissement, bâti sous l'inspiration
du célèbre Jérémie Benlham, est destiné à la
répression et à l'amendement des auteurs de
moyens délits , autrefois punis de la déportation.
Les condamnés sont détenus dans un bâtiment
circulaire , dont chaque chambre , ouverte d'un
Ojâté, permet au directeur de l'établissement de
tout surveiller à ^a fois d'un appartement cen-
lral;La muraille extérieure ne renferme pas moins
de seize acres (6 hectares 47 centiares) de terrain.
Cette prison possède une chapelle, une infir-
merie , une salle de bains et plusieurs autres dis-
positions commodes. On estime à près de 50,000
liv. sterl. (un million deux cent cinquante mille




PRISONS , HOSPICES , DISPENSAIRES. 225


francs) les frais de construction qu'elle a coûté.
C'est en 1780 que, sous le régne de Georges III ,


un acte du parlement institua le régime péniten-
tiaire , qui devait, par la solitude , le travail et
l'enseignement religieux, réformer les habitudes
vicieuses des condamnés. Mais ce n'est qu'en
1816 que l'on construisit rétablissement national
de Milbank , destiné d'abord à 800 détenus des
deux sexes, et capable cependant d'en ren-
fermer à peu près mille. Les criminels condamnés
à des peines graves et même à la mort, mais qui,
par suite de circonstances atténuantes en leur fa-
veur, ont obtenu des commutations de peines,
sont souvent enfermés dans lès maisons péniten-
tiaires.


Voici la règle suivie pour les commutations:
Les détenus qui ont encouru la peine capitale ,
si souvent applicable en Angleterre pour de fai-
bles délits, subissent un emprisonnement de dix
années ; les condamnés à la déportation pour 14
ans, n'ont que 7 années de détention à subir ;
enfin, les déportés pour 7 ans font 5 ans de pri-
son. Voici, d'après M. Albert de Montémont, les
principaux usages de la maison pénitentiaire :


« Fendant les cinq jours qui suivent son entrée
» dans la maison , le condamné est enfermé seul


15




226 VBISOSS , HOSPICES , DISPENSAIRES.


» dans une cellule, sans occupation ni distrac-
» tion, sans communication avec qui que ce
» soit, excepté avec le gouverneur, l'aumônier
» et le guichetier. Encore lui parle-t-on le moins
» possible, afin que la solitude le dispose au
* recueillement, et ramène ses pensées sur les
» causes de sa condamnation. Puis , il est placé.
» pour un temps égal à la moitié de la durée
» de sa peine, dans la première classe des dé-
» tenus. En se conduisant d'une manière exem-
» plaire, il peut obtenir de passer dans la seconde
» classe avant que ce temps soit expiré. Tant
» qu'il reste dans la première , il travaille et
» couche seul dans sa cellule. Toutefois, il est
» visité par le gardien et par le chef-ouvrier ;
» placé au grillage de sa porte, il entend lire
» les Saintes-Ecritures ; il est admis au préau et
» à l'école, et il peut être employé avec d'autres
» prisonniers au moulin ou à la pompe. Arrivé
» à la seconde classe, il travaille avec deux ou
» trois personnes ; mais l'entretien ne peut avoir
» lieu qu'à voix basse, et tous les amusements sont
» interdits. Tout est calculé pour rappeler au
» détenu qui a mérité un châtiment, qa'il doit
» endurer des privations sans que, pour cela,
• on étouffe en lui l'espérance de se relever de




PRISONS , HOSPICES , DISPENSAIRES. 227


» sa dégradation. Les bons sujets obtiennent des
» emplois dans l'établissement, et, si leur con-
» duite continue d'être satisfaisante, le comité
» demande leur grâce. Un huitième du travail
» forme la masse du détenu, qui reçoit, en outre ,
» au moment de sa sortie, une gratification en
» argent ou en outils, de la valeur de trois liv.
» ster. (75 fr. 60 c.) au plus, e t , si une année
» après sa libération, il produit de bons témoi-
» gnages, l'administration lui accorde un nouveau
» secours de pareille somme. »


C'est ainsi que, par la sobriété, la propreté,
par une série de travaux réguliers, par la soli-
tude, l'instruction intellectuelle et religieuse, on
guérit les maladies de l'âme, qu'on fait peu à peu
contracter aux prisonniers des habitudes d'ordre
et de travail, qu'en les privant de toute commu-
nication avec leurs semblables, on les force à
réfléchir sur eux-mêmes , et qu'on les garantit de
toute mauvaise compagnie ; enfin, c'est par toutes
ces épreuves moralisantes qu'on arrive à la ré-
forme complète d'individus que la société avait
d'abord rejetés de son sein, et qui semblaient ne
devoir vivre au milieu d'elle que pour en violer
toutes les lois. En France, où nous avons la préten-
tion d'être le peuple le plus disposé à accueillir les




228 P l i l SOSS , HOSPICES, DISPENSAMES.


principes d'une salutaire réforme, il serait temps
de songer à changer les écoles de vice et d'in-
famie appelés prisons et bagnes , en maisons de
santé morale , où le vice ne serait puni que par
esprit de correction, d'amendement, de guérison
morale, et non par cet esprit purement répressif
conçu d'après cette vieille idée, qne la société
doit être vengée. La société doit être préservée
des atteintes des méchants : mais toute idée de
vengeance doit être proscrite de la pénalité, et
parce que cette idée est inhumaine , et parce
qu'elle rejette au milieu de la société des hommes
autrefois pervers, devenus plus pervers encore
par le châtiment même qui leur a été infligé.
Effrayer le vice par la perspective d'une peine
moins sévère qu'inévitable, rendre cette peine
un instrument de moralisât ion et d'amendement
pour le criminel, voilà le seul but où doit tendre
aujourd'hui un législateur éclairé.


Dans la majeure partie des prisons anglaises,
ou trouve le treadmill ou moulin à pied. C'est
une roue à peu près semblable à celle d'une
cage d'écureil, dans laquelle les criminels sont
obligés de marcher sans cesse ; cette roue est
quelquefois infligée comme punition par le ma-
gistrat ; souvent aussi elle sert à puqir les désor-




PUISONS , HOSPICES , DISPENSAIBES. 2*29


dres commis à l'intérieur de la prison. Cette
occupation , aussi fatigante qu'ennuyeuse par
sa monotonie, est fort redoutée des détenus.
Autrefois la force développée par les détenus
attachés au treadmill', était produite en pure
perte et sans autre but que celui de punir des
délinquants. Depuis quelque temps on cherche
à utiliser cette force , et, dans plusieurs localités,
des essais sont tentés pour l'employer comme
pouvoir moteur de métiers de différentes espèces.


La législation anglaise reconnaît deux sortes
de prisons, la geôle et la maison de correction.
La qeole est l'asile des détenus pour dettes, des
prévenus de crimes ou de délits avant condam-
nation, et des condamnés à la déportation avant
la mise à exécution de l'arrêt qui ordonne leur
transport à Bolany-Bay dans la Nouvelle-Galle
du sud. Les maisons de corrections sont des
espèces de pénitentiaires comme celui décrit
plus haut, ou du moins qui tendent au même but.
Par acte du parlement, voici le règlement imposé
aux prisons anglaises: « Art. 1." le concierge
de toute prison y aura son domicile personnel.
Ce concierge et ses employés ne pourront avoir
la moindre part aux bénéfices provenus de la
vente de différents objets aux détenus, ni devenir




230 PEISONS , HOSPICES , DISPEKSAIHES.


adjudicataires de fournitures et provisions diver-
ses de la maison.


2. Une femme matrone sera spécialement atta-
chée aux prisons, où des femmes peuvent être
détenues.


3. Autant que la chose sera possible, le con-
cierge ne devra pas laisser écouler plus de 24
heures sans visiter chaque prisonnier. Dans sa
visite de la partie occupée par les femmes, il
sera toujours occompagrré de la matrone attachée
à la prison.


4. Le concierge tiendra un registre exact des
peines infligées par lui ; ce registre sera soumis
à l'inspection des juges des assises des quarter
sessions.


5. Les hommes et les femmes seront détenus
dans des chambres séparées, de manière à ne
pouvoir établir de conversation les uns avec les
autres : les prisonniers seront divisés par classes,
selon la nature des délits commis par eux.


6. Les prisonnières seront toujours servies par
des employés du sexe féminin.


7. Tout prisonnier condamné à la peine des
travaux publics sera, sauf les cas de maladie,
obligé de travailler pendant un temps qui ne
pourra excéder dix heures par jour, les heures




PRISONS, HOSPICES, DISPENSAIRES. 231


des repas à part. Ne seront pas considérés comme
jours de travail, les dimanches, le jour de Noël,
le Vendredi-Saint, et tous les jours désignés par
l'autorité comme jours de jeûne ou d'actions de
grâce publics.


8. Chaque prison sera pourvue des moyens de
montrer à lire et à écrire aux prisonniers.


9. Aucun prisonnier ne sera mis aux l'ers, à
moins d'une nécessité absolue. Dans tous les cas,
il en sera donné connaissance aux juges inspec-
teurs.


10. Tout prisonnier qui ne recevra aucun se-
cours du comté, qu'il soit renfermé pour dettes
ou comme prévenu avant jugement, aura droit
aux repas à heures convenables, au coucher,
vêtement et autres objets de nécessité, sauf exa-
men et restriction , pour prohiber tout ce qui
pourrait être considéré comme luxe ou extra-
vagance sous les verroux d'une prison.


11 . Après condamnation , un prisonnier n'aura
droit qu'il la ration ordinaire de geôle.


12. Nul prisonnier ne pourra être mis hors de
prison au moment où il sera atteint d'une ma-
ladie grave et dangereuse.


13. L'air et l'exercice seront accordés à chaque
détenu, de manière a le maintenir eu bonne
sauté.




232 PRISONS, HOSPICES, DISPENSAIRES.


(t) En octobre 1835 , le ministre de l'intérieur lord
Russell a adressé aux scheriffs de l'Angleterre une
instruction concernant le règlement des prisons. Voici les
passages les plus intéressants de cette pièce.


« Messieurs , je viens appeler votre attention sur un
acte passé dans la dernière session, intitulé: Acte ayant
pour but d'opérer une plus grande uniformité de pro-
cédés dans le gouvernement des prisons de l'Angleterre,
et delà province de Galles, et de nommer des inspec-
teurs de prisons dans-la Grande-Bretagne.


14. Aucune buvette ne pourra être tenue à
l'intérieur d'une prison ; l'introduction du vin,
de l'eau-de-vie, de la bière ou de toute autre
liqueur fermentée , y sera sévèrement interdite ,
sauf par ordonnance signée du médecin. Celte
ordonnance indiquera la quantité de liqueur et
le nom du prisonnier auquel elle sera destinée.


15 . Toute espèce de jeu est proscrite ; le
concierge est autorisé à saisir et à détruire cartes,
dés et tous autres instruments de jeu de hasard.


16. Sous quelque prétexte que ce soit on ne
pourra exiger d'un détenu le paiement d'une bien-
venue.


17 . En cas de décès d'un prisonnier, avis en
sera immédiatement donné à l'un des juges ins-
pecteurs et au Coroner du district. » (1)




PRISONS, HOSPICES, DISPENSAIRES. 233


La seconde section de cet acte arrête que tons les rè-
glements à faire après cet acte, pour le gouvernement
d'une prison quelconque en Angleterre et dans la pro-
vince de Galles, et pour les devoirs à remplir par les
officiers de ces prisons, devront être soumis à l'un des
principaux secrétaires d'état de S. M. Ce secrétaire aura
le droit do faire subir à ces règlements les modifications
et additions qu'il jugera convenables, et ces modifica-
tions et additions auront force de loi par la seule signa-
turc do ce secrétaire d'état, sans qu'il y ait besoin de la
sanction royale.


Art. 1 ." Il y aura, dans toutes les prisons et maisons
de correction du royaume, un système uniforme de dis-
cipline.


2.° Afin d'assurer cette uniformité de discipline, les
règlements qui régissent les prisons seront désormais
soumis à lapprobation du sçcjjptaire d'état, au lieu des
juges des assises comme jusqu'à présent.


3.° Il sera nommé des inspecteurs pour visiter les
prisons de temps en temps et faire leur rapport au se-
crétaire d'état.


4.° Pour empêcher la contagion du vice, et pour bien
assurer rétablissement d'un système uniforme de disci-


Outre ce règlement spécial , voici quelques
autres usages relatifs aux détenus : lorsqu'un
prévenu est mis en liberté par suite d'acquitte-
ment , le tribunal peut lui allouer, outre an




23 i PRISONS, HOSPICES, DISPEKSAIRKS.


pliue, il y aura entière séparation des personnes, excepté
aux heures de travail et d'exercice religieux et d'ins-
truction.


5.° Toute communication entre les prisonniers sera
interdite avant et après le jugement.


G." Les personnes dont le jugement aura été reculé,
ou celles qui, ayant été jugées, auront été acquittées
pour-cause d'aliénation mentale, ne resteront pas con-
finées dans une prison ou une maison de correction.


7." Il sera interdit aux fonctionnaires, dans les prisons,
de recevoir une part quelconque des gains des pri-
sonniers.


8.° Le gain des prisonniers condamnés sera joint au
fonds pour l'entretien de la prison.


9." Le régime alimentaire de toute prison sera soumis
à l'approbation du secrétaire-d'état, comme faisant partie
du règlement des prison^. Le prisonnier condamné ne
devra recevoir que la portion établie ; s i , cependant ,
pour cause urgente, le médecin ordonnait une augmen-
tation à un prisonnier qui n'est pas à l'infirmerie, il mo-
tiverait cet ordre dans son journal.


10." La coutume établie dans quelques prisons, de
donner de l'argent aux prisonniers, au lieu de les pour-


vêlement complet, une indemnité de 5 «à 20
shillings. INul prévenu ne peut avant jugement
être employé à quelque travail que ce soit contre
son gré, et, dans aucun cas, il ne peut, même de




P H I S O N ' S j H O S P I C E S , D I S I ' E K S A I B E S . 235


voir d'aliments et combustibles nécessaires sera déclaré
illégale.


1 1 . 0 L'usage du tabac, sous quelque forme que ce
soit, sera interdit aux prisonniers.


12." Les condamnés ne pourront recevoir ni lettres ni
visites de leurs amis durant les six premiers mois de
leur emprisonnement, à moins de circonstances urgentes.


13." Il sera interdit à toute personne attachée au
service de la prison, et au prisonnier, de rien vendre , et
de môme il sera défendu de rien donner à loyer aux pri-
sonniers.


1 i.° Il y aura, pour chaque prison où les détenus excé-
deront le nombre de cinquante , un maître d'école.


15." Toute prison sera pour\ue de cellules solitaires
pour la détention des prisonniers réfractaires.


16." En cas de correction corporelle, on statuera à
quel point on la portera , et de quel instrument on devra
se servir.


17." Aux réunions des juges de pais, à la St.-Michel,
on spécifiera 12 jours pour la visite et l'inspection des
prisons, »


Lord Russell, après avoir rappelé ces articles , ajoute
qu'il est loin d'y avoir un système parfait de discipline,


son consentement, être appliqué au treadmill.
Depuis quelques années , l'ancienne prison


d'Edimbourg, à laquelle W at ter-Scott a fait une
célébrité européenne , a été démolie. Elle est




' ¿ 3 6 PRISONS , HOSPICES j DISPENSAIRES.


mais qu'il adendra , pour proposer liii-mc'me un plan
définitif, les rapports des inspecteurs. Ce n'est qu'alors
qu'il usera do la faculté que lui donne la loi, de faire les
changements et additions nécessaires.


maintenant remplacée par une geôle et une
maison de correction, qui peuvent, comme je
l'ai déjà dit , être considérées comme prisons
modèles.


La geôle est partagée en plusieurs petites cham-
bres très-proprement tenues, dans lesquelles les
prisonniers couchent à part sur un petit ht de
fer, garni d'un matelas, d'une paire de draps et
d'une ou deux couvertures de laines suivant la
saison. Chaque chambre est fermée par une
double porte , l'une en bois , très-forte cf. très-
épaisse, l'autre en fonte de fer et formant grille.
La fenêtre de chaque chambre est haute d'environ
trois pieds, et large de 11 à 12 pouces. Elle est garnie
d'une grille extérieure et ferme intérieurement par
un châssis vitré, en fonte de fer. Ce châssis , au lieu
d'ouvrir d'un seul côté et sur gonds ordinaires ,
pivote sur une double crapaudinc en haut et en
bas, de manière à former comme un barreau au
milieu de la croisée, quand celle-ci est ouverte.
De lourdes grilles en fonte de fer s'ouvrant' et




PRISONS , HOSPICES, DISPENSAIRES. 237


pivotant de la même façon que les fenêtres par-
tagent les corridors de la prison de distance en
distance , de manière « les lenir parfaitement
fermés tout en laissant une libre circulation à
l'air.


Il Y a , en outre, dans celte geôle , une cha-
pelle , où les détenus, divisés par classes , assistent
tous les dimanches à l'office divin dans des tri-
bunes séparées. Ils prennent de l'exercice pen-
dant le jour dans des cours et préaux vastes et
bien aérés. Tous le^ huit jours, ils sont baignés
et lavés , soit dans un bain ordinaire , soit par
des douches. (Shower haths.)


La maison de correction, qui porte le nom de
Bridewell, est construite sur le même système
que la maison pénitentiaire de Londres. Dix-huit
grandes chambres de travail, distribuées en demi-
cercles , forment trois étages sur une cour cou-
verte de vitraux, de manière à ce que ces cham-
bres, qui sont entièrement grillées à jour sur cette
cour, ne soient pas accessibles au vent. En face de
ces chambres se trouve la maison du directeur?
qui peut à chaque instant du jour , et sans être
vu , inspecter toute la maison d'un seul coup
d'oeil par de petites fenêtres longues et étroites
taillées comme des meurtrières dans la muraille.




238 PHISOSS, HOSPICES, DISPENSÂMES.


Au pied de celle maison, et en face des dix-huit
chambres, sont élevés un autel et une chaire pour
le service divin qui a lieu fêtes et dimanches , en
sorte que les prisonniers y assistent des chambres
mêmes où ils sont enfermés les autres jours pour
le travail.


Les prisonniers sonl divisés par classe et par
sexe dans ces chambres ; Tune d'elles est occupée
par de jeunes enfants détenus pour vagabondage
ou autres petits délits. Le ministre de la prison
vient tous les jours leur faire la classe et leur
donner une instruction plus saine et plus reli-
gieuse que celle qu'ils recevaient chez leurs pa-
rents. La nuit, chaque prisonnier est renfermé dans
une chambre séparée. Comme dans la geôle , les
détenus de Uridewell prennent un bain par se-
maine. Les baignoires, qui sont hautes et carrées,
peuvent recevoir 4 ou 5 prisonniers à la fois.


Il est expressément défendu aux employés de
ces deux établissements de recevoir la moindre
rétribution des curieux , qui ne sont admis à les
visiter que sur une permission écrite d'un des
magistrats municipaux de la cité.


L'Ecosse n'étant pas en tout soumise aux mêmes
lois que l'Angleterre , le règlement de ses prisons
n'est pas le même que ceux que nous avons donnés




PRISONS, nospir.es, DISPENSAIRES. 239


plus haut. Celui de la geôle d'Edimbourg fut ré-
digé en 1810 par les magistrats et le conseil de
la ville, présidé par le lord prévôt. En voici les
principales dispositions :


« Art. 3. Le concierge de la geôle'n'admettra
qu'à ses risques et périls tout visiteur suspect
d'intentions criminelles ; il aura toujours le droit
de fouiller toute personne qui demandera à voir
quelque détenu ; sauf le cas où le visiteur serait
un gentleman reconnu.


k. Après l'heure de fermeture, toutes les clefs
de la geôle seront remises au concierge et ne
pourront , sous aucun prétexte, être laissées entre
les mains d'aucuns de ses employés. Pendant les
heures d'admission, le concierge devra toujours
être à portée de surveiller ses subordonnés.


5. Les prisonniers pour dettes ou pour toute
autre condamnation civile, devront jouir des
meilleures chambres, et ne seront jamais confon-
dus avec les criminels.


6. Le concierge admettra toujours de droit, aux
heures convenables , les parents ou amis des
prisonniers pour dettes , qui leur apporteraient
leur repas : les liqueurs seules sont prohibées.


9. En tout temps , les hommes seront séparés
des femmes détenues à la geôle.




240 PUISONS, HOS1ICES, DISPENSAIRES.


10 . S i , pendant la nuit, des délinquants
sont arrêtés et amenés à la geôle sur l'ordre
verbal d'un magistrat, le concierge devra, dans
la matinée même, en donner avis au magistrat
en exercice ; cet avis contiendra les noms de la
personne arrêtée, la nature de son délit, et le
nom du magistrat sur l'ordre duquel l'incarcé-
ration a eu Ueu. Si, quatre heures après cet avis
transmis au magistrat, le concierge -n'a'reçu au-
cun mandat d'écrou, il remettra sur le champ
le prisonnier en liberté.


4 1 . Les murailles de la prison seront entière-
ment passées au lait de chaux deux fois l'année.
Les escaliers seront balayés et grattés deux fois
par semaine ^, ils seront lavés une fois dans le
même espacerde temps. Les mêmes mesures de
propreté seront prises pour toutes les chambres.
Les fenêtres en seront ouvertes tous les matins
afin de renouveler l'air. Avant dix heures du
matin, toutes les ordures, cendres ou autres
immondices, seront enlevées de chaque chambre ;
à cette même heure, la provision d'eau y sera
renouvelée. Le concierge est autorisé à confier
ces différents soins à qui bon lui semblera : mais
il demeure seul responsable de l'exactitude avec
laquelle ils doivent être remplies.




PUISONS, HOSPICES, DISPENSAIRES. 241


, 12.. Tous les matins :et tous les soirs, le con-
cierge, en personne, visitera les chambres de tous
les détenus. Il examinera avec soin si tout est en
ordre, si aucune tentative n'a été faite pour scier
les grilles de fer, percer les murs, les plafonds,
couper les solives ou les planchers de la prison ;
il fera surtout attention à ce qu'aucun instrument
propre à faciliter l'évasion des détenus ne soit
en leur possession.


13 . Si le concierge s'aperçoit de quelque
altération dans la santé d'un prévenu, il est tenu
d'en donner avis au médecin de la geôle.


14. Le concierge fera en sorte que les pri-
sonniers ne puissent se nuire les uns aux autres,
ni se disputer eiitre.eux. A. cet effet, il aura
le droit de mettre les délinquants, aux fers ou
au cachot jusqu'au lendemain, époque à laquelle
il devra faire son rapport aux magistrats : dans
aucun cas le concierge ne peut se dispenser de
ce^rapport. .


16 . Le concierge ne laissera fournir aux pri-
sonniers aucune autre liqueur que de la bière, de
l'aie ou du porter, et devra , sous sa responsa-
bilité, prévenir fivresse et le jeu parmi les détenus.


17 . Sous aucun prétexte le concierge ne souf-
frira que des détenus extorquent l'argent des au-




242 FRISONS, HOSPICES, DISPEKJAIRBS.


très, qu'il» soient incarcérés appuis long-temps ou
depuis peu. Il aura même le droit, en pareille cir-
constance , de mettre les délinquants aux fers ou
au cachot, sous la condition, néanmoins , d'en
faire son rapport à qui de droit.


4©V Comme il arrive fréquemment que les
prisonniers amenés à la geôle sont dans un état
dégoûtant de crasse et de mal-propreté, sans avoir
le moyen de changer de hardes, le geôlier est
autorisé à avoir en tout temps une douzaine de
chemises de grosse toile pour l'usage des pri-
sonniers infectés de mal-propreté. Ces chemises
lui seront remises au moment de l'élargissement
des détenus qui s'en seront servis. Le concierge
est, en outre. autorisé à prendre toutes lès dis-
positions convenables pour que chaque prisonnier
soit tenu dans mi état convenable de propreté.


21» L'office divin sera célébré tous les diman-
ches à k geôle.


24. Si un détenu croit avoir quelque phugte
à élever sur fe motif de sa détention ou sur sa
durée, il l'adressera au secrétaire de la geôle,
qui la soumettra, à son tour, sans aucuns frais
pour le plaignant, au comité de surveillance de
k prison. »


Comme on aura pu s'en convaincre à fa lec-




PRISONS, HOSPICES, DISPENSAMES. 243


turé de ce règlement, à la stricte observation
duquel un comité de surveillance tient la main,
tontes les précautions sont prises pour entretenir
dans les prisons, l'ordre et la propreté, garantir
chaque prisonnier d'une détention illégale et de
tout mauvais traitement, soit de la part des em-
ployés de la maison , soit de celle de ses co-
détenus. Car on sent bien, chez nos voisins, que
si force doit rester à la loi , si une condamna-
tion doit être subie par un criminel, sa peiné,
du moins, ne doit être aggravée ni par la bru-
talité de ses geôliers, ni par la mauvaise tenue
de la prison. Un châtiment, quel qu'il soit, ne
peut avoir d'autre but que d'effrayer les hommes
pervers, ou de les amender après leur condam-
nation; s'il va au-delà ou à côté de ce but, il
est inhumain, injuste ou inutile, et réclame une
réforme qui ne saurait être trop prompte. Toute
prison est, pour les maladies morales des criminelles
un hospice où les vices de l'âme doivent être
traités, et se guérir conïmé lès maladies et les vices
du corps se soignerft dans les hôpitaux ordinaires.


HOSPICES. •— Cette dernière réflexion m'amène
naturellement à parler des hospices d'Angleterre. Il
en existe rin très-grand nombre , soit à Londres,
soit dans les autres villes du royaume, sans parler




24.4 PRISONS , HOSPICES , DISPENSAIRES.


des hôtels d'invalides. si magnifiques et si bien
tenus de Cheisea , pour les soldats; deGreenwich,
pour les vieux marins: je dirai peu de chose
des hôpitaux anglais , dus presque tous à la mu-
nificence de quelques riches particuliers, ou aux
souscriptions de corporations nombreuses. Lon-
dres possède un très-grand nombre de ces
derniers, destinés soit aux malades et aux in-
firmes de différents corps d'état, soit à leurs
enfants orphelins. La plupart sont de beaux
monuments richement dotés et parfaitement
tenus. Outre ces établissements qui appartien-
nent à des corporations particulières, telles que
celles des tailleurs, des quincailliers, des mer-
ciers , etc., et qui ne sont ouverts qu'aux mem-
bres de chaque corporation, il existe dans toutes
les villes d'Angleterre des hospices de paroisses,
destinés aux habitants de la paroisse pour la vieil-
lesse et les maladies incurables, mais dans les-
quels les étrangers indigents, blessés ou atteints
d'un mal subit, sont admis immédiatement et
gardés jusqu'à complète guérison. Mais, quelque
bien tenus que soient ces hospices , ils peuvent
encore prendre pour modèle, je le dis avec un
amour-propre national, notre magnifique hos-
pice général de Nantes, que M. Esquirol a pro-




PRISONS , HOSPICES , DISPENSAIRES. 245


clamé le premier établissement de l'Europe en
ce genre ; admirable établissement qui gardera
éternellement le nom du digne citoyen qui l'a
conçu, de l'habile architecte qui l'a exécuté, et
du savant et modeste médecin qui chaque jour
y acquiert de nouveaux droits à l'estime publique.
Si on lit aujourd'hui en lettres d'or, sur les portes
de Saint-Jacques , les noms célèbres de Pinel
et d'Ësquirol, le jour viendra où la postérité,
exempte des petites passions contemporaines, y
joindra des noms qui ne seront pas moins hono-
rables.


L'esprit public et la législation concourent en
Angleterre à former des associations de toute es-
pèce, soit pour l'instruction, soit pour le soula-
gement des pauvres. Qu'une institution de ce genre
soit créée dans une ville , aussitôt les souscriptions
arrivent en abondance, tout citoyen se fait hon-
near d'être porté sur la liste des personnes bien-
faisantes qui concourent à une œuvre de charité ou
d'éduealion. Les legs abondent, et, peu à peu , une
institution d'abord faible et précaire s'établit sur
une base ferme, large et perpétuelle. J'aimerais
à mettre une de ces listes de souscription sous
les veux de mes concitoyens: combien d'entre
eux rougiraient de leur égoïste apathie, de leur




246 PRISOHS , HOSPICES , DISPEHSAIRES.


étroite avarice, en voyant nos voisins agir avec
tant de largesse et de générosité dans des circons-
tances où chez nous on trouverait à peine un
souscripteur. Il serait bientôt temps, cependant,
que le riche comprît en France que le pardon
de l'opulence ne s'accorde qu'à la charité, à la
bienveillance et à la commisération pour le pau-
vre. Pour jouir en paix de sa fort un 2 , il faut
plus que janiais savoir se faire respecter de l'in-
digent , et s'attirer ce respect çn acquérant sa re-
connaissance et son affection.


DISPEINSAIR.ES. — Parmi le grand nombre
d'institutions philantropiques que possède l'An-
gleterre, il faut comprendre les dispensaires.


Un dispensaire est une espèce de pharmacie,
où les pauvres d'une ville , recommandés par un
des membres-souscripteurs, reçoivent gratuite-
ment les remèdes et les secours médicaux qui
lui sont nécessaires. A plusieurs de ces établis-
sements est attaché un médecin spécial qui con-
sulte les malades et leur distribue les remèdes;
ce même service, dans d'autres dispensaires,
est confié à tour de rôle à plusieurs médecins
qui ont un préparateur pharmacien sous leurs
ordres. Un des dispensaires les plus importants
et les mieux tenus de la Grande-Bretagne , est




FRISONS , HOSPICES , DISPENSAMES. 247


sans contredit celui de Birmingham, ville dont
la population ouvrière est très-nombreuse et peu
aisée.


Voici les principales dispositions du règle-
ment qui régit ce dispensaire ; je lés publie
parce que, si nous voulons rivaliser en com-
merce et en industrie avec la Grande-Bretagne,
il faut que nous sachions aussi rivaliser avec elle
en institutions philanlropiques; car, ne nous le
dissimulons pas, si l'industrie est une source de
richesses, telle qu'elle est constituée aujourd'hui,
elle est aussi, par l'effet d'une concurrence ron-
geuse , une source de grande misère pour la
majeure partie de Ja classe ouvrière, si on ne
sait à temps secourir cette classe et lui inspirer
de bonne heure , par une éducation convenable ,
des idées de religion, de moralité et de pré-
voyance.


Extrait du règlement général du Dispen-


saire de Birmingham.


Art. 1."' Chaque personne qui souscrit pour
une guinéa (26 fr. 45 e.) par an, a le droit de
recommander au dispensaire quatre personnes
malades et une femme en couche».




248 P B I S 0 5 S , HOSPICES, DISPENSAIRES.


3. Le souscripteur, pour une guinée par an, est
gouverneur; chaque gouverneur a droit de
présence à la réunion du comité , qui se tient le
premier mercredi de chaque mois au dispen-
saire , mais il n'y a pas voix délibérative.


i. Un don de 20 guinées, une fois fait,confère
le titre de Gouverneur à vie , et tous les autres
droits acquis aux souscripteurs annuels d'une
guinée.


5. La personne chargée de verser au dispen-
saire une souscription anonyme a le droit, par
substitution au véritable souscripteur, de re-
commander des malades.


7. Les souscripteurs qui demeurent à la cam-
pagne , peuvent recommander les malades de
leur voisinage qui sont à même de se présenter
en personne au dispensaire.


9. Toute souscription est exigible d'avance.
10 . Aucun billet de recommandation n'est re-


mis au souscripteur dont le paiement est arriéré
d'une année.


35. Les femmes enceintes sont priées d'en-
voyer leur billet de recommandation une quin-
zaine de jours avant leurs couehes.


36. Les malades qui ne gardent pas la cham-
bre se présentent eux-mêmes au dispensaire à
l'heure indiquée,




PRISONS, HOSPICES, DISPENSAIRES. 249


37. Tout malade qui a négligé pendant huit
jours de se conformer à l'article précédent, sans
avoir prévenu de son impossibilité de s'y sou-
mettre , n'a plus droit h aucun secours.


40. Pour éviter la dépense excessive que cau-
serait à l'établissement une maladie incurable ,
ou de trop longue durée, aucun malade n'a
droit aux secours du dispensaire pendant plus
de six semaines, à moins d'une seconde recom-
mandation. »


La fondation dit dispensaire de Birmingham
remonte à l'année 1794. Celte même année, des
secours furent donnés à 280 malades, dont 40
femmes en couche. Peu à peu le nombre des
souscripteurs s'étant accru, des secours purent
être administrés à un plus grand nombre de
malades. En 1 8 3 4 , 2672 malades et 791 fem-
mes en couche furent secourus, et 1735 en-
fants vaccinés.


Les recettes du dispensaire, pendant cette
même année, se sont élevées à 1931 liv. sterl.
1 8 sh. 5 p. (48 ,298 fr. ) , et les dépenses à
1759 liv. sterl. 1 5 sh. 3 p. (43,994 fr. 05 c.)


Le nombre des souscripteurs annuels en com-
prend aujourd'hui 6 4 6 , dont quelques-uns don-
nent 2 , 3 , 4 et même 5 guinées par an. Depuis




250 PRISOSS , HOSPICES , DISPENSAIRES.


l'époque de sa fondation, le dispensaire a reçu
un grand nombre de dons et de legs qui pro-
duisent actuellement un intérêt annuel de 1 1 4
liv. sterl. 3 sh. 4 p. (2859 fr. 15 c ) .


Parmi les noms des personnes bienveillcintes
qui ont laissé par testament des legs au dispen-
saire de Birmingham, se trouvent ceux des cé-
lèbres W a l l et Boulton. Un M. David ûwen
figure sur la même liste pour une somme de
450 liv. sterl. (11,250 fr.) , et une demoiselle
Sheldon , pour celle de 1000 livres sterling»
(25,000 fr.)


l e s mille et une tracasseries qu'il faut subir
en France, les vaines terreurs du pouvoir, les
formalités sans nombre exigées par le conseil-
d'état pour obtenir de lui l'autorisation supé-
rieure qui permette à une société bienfaisante
et utile de posséder des biens en propres, (Nantes
en offre l'exemple dans sa Société Industrielle,
destinée à former des ouvriers probes et habiles
et.à les secourir dans leurs maladies), et, par-
dessus tout, legoïsme avare de beaucoup de gens
riches, rendent chez nous l'établissement d'ins-
titutions de ce genre fort difficile, pour ne pas
dire impossible. Le législateur, dans sa frayeur
méticuleuse, a toujours confondu les coalition»




PRISONS, HOSPICES, DISPENSAIRES. 251


avec ce qui n'était que de véritables associations;
et frappant de réprobation tout ce qui s'affublait
à bon droit ou à tort de ce dernier titre , il a tout
comprimé par une loi unique et aveugle. Il serait
temps, désormais que le calme paraît être rendu
à la France, que le gouvernement, tout en frappant
d'une répression sévère les coalitions contre la
tranquillité intérieure du pays, encourageât, par
tovis les moyens en son pouvoir, les associations
philanlropiques qui chercheraient h surgir. Ce
serait en même temps une dette sacrée payée au
peuple, et un pas vers cet avenir de paix et de
conciliation auquel tous les honnêtes gens aspirent
avec ardeur.






JMUIGIOX. 2"»3


R E L I G I O N . F


V ^ - m ^ S P R I T RELIGIEUX. — Quel que soit le but


|| IE1 jjjp' c o n a < u ' s e u n ^ ' r a n g e r dans la Grande-
SJ^Bretagne, cet étranger sera inévitable-


ment frappé de l'assiduité avec laquelle les An-
glais se livrent le dimanche à leurs pratiques
religieuses, et forcément, ou par ennui, il s'y
associera , ne fusse que par curiosité. Le di-
manche est en effet un jour à part dans les îles
britanniques : ce jour-là toute transaction est
suspendue; une trêve générale est donnée aux
affaires du monde pour se consacrer exclusive-
ment , au moins en apparence , aux devoirs de la
prière et du culte. Les employés de toutes les
administrations, même ceux de la poste, ont
plein congé; aucun lieu de divertissement public
n'est accessible, point de théâtres , point de
lettres, point de journaux. Dans ce dénuement




254 ÎIELIGIO»'.


complet de tout objet de travail ou d'agréable
distraction , l'étranger, livré à lui-même , suit le
torrent par obligation , et, pour remplir la longue
journée, va s'endormir aux accents monotones
d'un prédicateur anglican ou presbytérien. II y
a quelque chose de plus , il est même difficile
de voyager un dimanche en Angleterre : les
quatre cinquièmes des voitures publiques restent
ce jour-là sous la remise, et les voyageurs an-
glais, retenus autant par nécessité que par sen-
timent religieux à l'auberge, s'en vont à l'église
la plus voisine mêler leurs chants pieux aux
hymnes de leurs co-réligionnaires. Ainsi donc je
suivais mes camarades de chambrée à l'église,
puis nous rentrions avec recueillement à l'hôtel
où la conversation s'ouvrait sur des matières re -
ligieuses. Souvent j'étais interpellé sur le peu de
respect que nous professons assez généralement
én France pour les fêtes de l'Eglise. Nos spec-
tacles plus remplis le dimanche que tout autre
jour de' la semaine , nos guinguettes retentissant
du bruit des instruments et des voix avinées de
nombreux artisans, nos bruyantes parties de
campagne, tous ces éclats de fête et de plaisir
en un jour qu'ils consacrent entièrement à la
prière et au recueillement, étaient pour eux un




1 1 E L I G I 0 Î Î . 255


sujet perpétuel d'élonnement et de scandale. Pour
nia part, si je ne pouvais excuser tous les dé-
sordres que le dimanche voit commettre chez
nous, je trouvais cependant quelques paroles de
blâme contre le rigorisme anglais, plus souvent
inspiré par l'habitude que par une véritable dé-
votion , et qui ne laisse à l'oisiveté d'autres
ressources que celles de plaisirs d'autant plus
coupables qu'ils sont obligés d'être plus cachés.
iYéanmoins, ces habitudes religieuses contractées
dès l'enfance et imposées autant par l'usage que
par la foi, impriment à toutes les classes, en
Angleterre, pour les choses de religion et dé pu-
dieité r un caractère de décence et dè respect
qn'ttrt étranger observe avec plaisir.


Bulwer attribue principalement l'esprit reli-
gieux des Anglais à l'ennui d'une vie monotone.
« Une des raisons, dit cet auteur, souvent plus
» ingénieux que profond, qui fait que parmi
» foutes les nations nous nous attachons plus for*
» tement aux consolations de la religion $ c'est
» que nous avons cultivé avec une réserve plus
» parcimonieuse les fascinations do monde. »


Mais je lis dans une vieille chronique d'An-
gleterre que « la légèreté était au XIV/ siècle
» un des grands défauts dés jeunes filles qui se




256 RELIGION.


» conduisaient fort peu décemment,à l'église où
» se commettaient les irrévérences les plus ré-
» voliantes. Le temple semblait transformé en
» un lieu de commérage et de distraction. Les
» hommes y venaient accompagnés de leurs chiens
» de chasse et le faucon sur le poing, pour y parler
» de leurs affaires, s'assigner des rendez-vous, ou
» faire étalage de leurs beaux habits. » A la même
époque, on aurait trouvé plus de décence et une
foi plus réservée en France : Comment se fait-
il donc que le contraire ait lieu de nos jours ?


La raison n'en provient-elle pas du caractère
différent de la réforme dans les deux pays ? Sé-
vère et fanatique eu Angleterre, où le purita-
nisme dominait, elle a toujours revêtu en France
un caractère plus moqueur que sérieux, une
forme plus philosophique que religieuse, à com-
mencer par le moine sécularisé Erasme, et à
finir par l'épigramme incarnée dans Voltaire et
toute la secte des esprits forts de la fin du XyiLT.'
siècle , qui, par leurs sarcasmes et leur rire scep-
tique , ont peu à peu détruit toute espèce de foi.


Les mille sectes qui ont divisé et qui divisent
encore l'Angleterre, y ont, par la nature même
de l'esprit de prosélytisme , entretenu la ferveur
en se contrôlant les unes les autres r tandis qu'en




MuiGiON. 257


France, à"u contraire , nos prédicateurs de re-
forme , loin d'exciter au rigorisme prêchaient en
même temps le matérialisme et l'incrédulité.
Joignez a cela l'esprit même de notre clergé
français, et vous aurez tout le mot de l'énigme.
En Angleterre, il vous est permis d'être de quel-
que religion que ce soit ; mais il faut que vous
ayez une religion , sans laquelle on vous rejet-
terait de la société. En France, au contraire, les prê-
tres catholiques nous préfèrent sans religion plutôt
que d'une religion différente de la leur. Sans reli-
gion, ils espèrent que nous rentrerons dans le giron
de l'église. Si., au contraire, nous adoptions avec fer-
veur urte croyance religieuse opposée, ils désespére-
raient davantage , et avec raison j e crois, dé nous
ramener à eux. Il s'est donc trouvé uUe époque
en France où le bon ton permettait, autorisait
même à parler légèrement des choses sacrées.
Il était presque honteux, alors, de soutenir les in-
térêts âe la religion battue en brèche, Dans la
Grande-Bretagne , au contraire, plus on est allé,
et plus On a montré de haine et d'intolérance
pour la philosophie sceptique des Bayle, et des
Locke. Si ce Hernier même revenait de nos jours
dans son pays, je doute qujl lui fût possible
d'y publier ses oeuvres complètes, sans s'exposer


17




258 Kïii . iGios.


au sort «le lord Byron. le poêle inprédule el
exi lé .


Avec celle liaine de loule philosophie raison-
neuse , on ne voit pas cependant que les Anglais
soient fortement attachés à la religion dans la-
quelle ils ont été nourris.


Discuteur de sa nature, le protestantisme
n'exige pas, comme le catholicisme, l'unité dans
la foi ; aussi , ne saurait-on se laire une idée du
nombre infini de secles et de confessions diffé-
rentes qui se partagent l'Angleterre, et surloul
de la facilité avec laquelle une croyance nouvelle
se prêche el s'établit.


Qu'un nouveau mode d'interpréter la Bible el
lÉvangile passe par le cerveau d'un inspiré, aus-
sitôt il écrit, il parle, il prêche : à défaut de la
presse ou d'une église, la première borne lui
suffit ; bientôt des auditeurs l'entourent, l'écoutent;
son argumentation les élonne , sa foi vive et nou-
velle les séduit. Au bout de. quelques jburs, il
compte quelques adeptes; les nouveaux prosélytes
en font d'autres à leur tour : peu à peu le trou-
peau se grossit , on bâtit une église; à côté
de l'église (c'est toujours l'usage), fine école s'é-
lève, des enfants y accourent, ?,y reçoivent l'ins-
truction religieuse*, selon la nouvelle lithurgie,




RELIGION. 259


et voilà en peu de jours une secte inventée, prê-
chée etimpatronisée au milieu de foiftÉ&les autres,
qui la souffrent tranquillement et lui donnent droit
de bourgeoisie , en lui accordant tolérance et
repos.


Celle tolérance universelle de toutes ces sectes
ne s'est, du reste, introduite qu'à la suitë'des temps
et après de longues luttes, de violentes réactions.
L'Ecosse surtout n'a point perdu la mémoire du
fougueux réformateur John Rnox, le briseur d'i-
mages , non plus que le souvenir de ses fanatiques
adhérents, qui tentèrent d'incendier le château
d'Holy-Rood, pour anéantir d'un seul toup un édi-
fice imprégné pour eux do trop de souvenirs jé-
suitiques ou mondains ! Peu à peu, ces moeur^
violentes se sont adoucies, le- droit de libre dis-
cussion que chacun s'arrogeait, a forcé progres*-
siveme/it à respecter ce droit dans les autres;
ainsi s'est établie cette tolérance religieuse, uni-
verselle, qui frappe un étranger. Un pas immense,
toutefois, reste encore à faire, cette tolérance
qui s'est infiltrée graduellement dans les moeurs,
n'a point entièrement pénétré dans les lois.
La Liberté des cultes ,e autorisée par l'usage,
nest point encore écrite dans la constitution.
On n'a pas oublié de quelle énergie il a fallu




2 6 0 RELIGION.


que les catholiques appuyassent naguères la
plus juste jdes réclamations pour obtenir d'être


> émancipés ; le bill d'émancipation des Juifs a été
rejeté en 1 8 3 5 , et dans toutes ces discussions de
réforme , soit politique, soit religieuse, on voit
toujours le clergé anglican se déchaîner en dé-
clamations les plus rétrogrades et les plus furi-
bondes. C'est snrtout dans la défense de ces dîmes
immenses qui engraissent le clergé anglican des
sueurs du peuple, que prêtres et nobles se mon-
trent obstinés. Ecoulez-les : toucher aux dîmes,
c'est toucher à l'autel; réduire les dîmes, c'est atta-
quer la religion ; changer la destination des dîmes,
c'est livrer l'Angleterre au papisme. Sur sept mil-
lions d'habitants, l'Irlande compte six millions de
catholiques ; eh bien! il faut que ces six millions
de catholiques, la plupart pauvres et dénués de
tout, s'exténuent pour enrichir les ministres pro-
testants et fournir à ceux-mêmes qui ne rési-
dent pas au milieu d'eux , les sommes qui doivent
entretenir leur faste au sein des délices de Londres.
C'est quand on a pénétré dans les profondeurs
de ces iniquités qu'on n'est plus étonné de l'in-
fluence immense que possède dans son île natale
l'agitateur O'Connel, dont l'éloquence sauvage et
la mâle énergie se retrempent chaque jour à la




BELTGIOS. 26 t


vue des malheurs et de l'injuste oppression qui
pèsent sur ses frères.


A part cet esprit d'envahissement qui, à toutes
les époques, dans tous les temps, a distingué les
ministres de toutes les religions, il faut se bien
convaincre que des motifs plus puissants encore
influent en Angleterre sur les membres* de la
noblesse et du clergé, pour en faire les ennemis
de la réforme. Le premier efrle plus fort de tous
ces motifs, c'est le droit d'aînesse conservé in-
tact , malgré les progrès de la civilisation, dans
la constitution anglaise : débri ancien, mais vivace
de ces institutions féodales, dont le code bri-
tannique «¡H eMcôre toîlt encombré.


En vertu de ce droit d'aînesse, inviolable et
forcé, qui pèse comme un plomb sur tout citoyen
des trois royaumes, et dans lequel l'aristocratie
puise sa force principale en concentrant les for-
lunes, un -«seul enfant dans une famille emporte
l'héritage de sesg pères et laisse ses frères dans
le dénuement, ou plutôt les laisserait, si les
places de l'armée et du clergé n'étaient exclusi-
vement abandonnées aux cadets de famille. En
effet, un père n'a d'autre ressource, s'il veut
assurer un sort indépendant à ceux de ses en-
fants que la loi déshérite, que de leur acheter




262 BE1IG105 .


un grade dans l'armée, de leur obtenir par ses
protections un rang dans la marine royale, ou
enfin, de leur faire prendre part- au gâteau'du
clergé en les envoyant de bonne heure suivre
les cours de théologie aux Universités' d'Oxford
ou de Cambridge. Biais: avec 1» paix et surtout
avec l'esprit anti-militaire des Anglais, les grades
dans l'armée et même dans la marine deviennent
de plus en plus cbers et rares', il ne restera
bientôt que les bénéfices ecclésiastiques : on voit
donc bien l'impossibilité de réduire les dîmes!
car c'est ainsi que de tout temps qnacouverrd'un
manteau sacré des intérêts mondainsvOn !ne peut
se faire d'idée combien l'av^ce^ièt'lSltpidité èl l'am-
bition, percent à travers la pauvreté déguenillée
des arguments emplovés à défendre les dîmes et
h repousser toute réforme. Les réformesj d'ailleurs,
ne se tiennent-elles pas toutes* par la-main ? Les
dîmes abolies ou. réduites, les grades^lans l'ar-
mée devenus plus rares et cotés à un prix plus
élevé , que deviendra cette nuée dévorante et
affamée des cadets ? Tranquille ou supportant
du moins en patience sa déshérance, lant qu'elle
a pu voir son pain quotidien assuré, ne se ré-
voltera-t elle pas contre l'iniquité du droit d'aî-
uesse^sice droit exhorbilanl n'a TJIUS ipouv contre-




RELIGION. -Go


poids les bénéfices de l'église et les pensions de
l'état? (Test alors que les cadets, loris de leur
bon droit, de la justice de leur cause, exigeront
peu h peu que les grades ne soient plus vendus
au plus offrant, niais donnés aux plus anciens et
aux plus dignes: qu'ils demanderont le partage
avec leurs aînés; et. quand ils voudront toutes
ces choses fortement, ils les obtiendront .parce
que, n'ayant pas compté sur une fortttne tonte
venue , ils sont les plus habiles; parce que.
comme il n'y a qu'un aîné contre plusieurs cadets,
ils sont les plus nombreux. Ainsi l'aristocratie ,
qui sent ses intérêts compromis, qui voit dans la
question des dîmes une question de vie ou de
mort pour elle, n'accordera que par force et après
une lutte longue et violente, la réduction de ces
dîmes, qui entraîne avec elle l'abolition et d»
droit d'aînesse et de la vénalité des grades dans
l'armée. Mais enfin. quelque obstacle que f a-
vai'ice, l'ambition , f orgueil et l'entêtement de
la noblesse opposent à ces réformes , elles auront
lieu, parce que le peuple, qui paie les dîmes do
ses sueurs, ne veut plus les payer: il est las du
lardeau, et ne consentira plus à le supporter pour
un clergé qui. lai est inconnu , pour un clergé
aristocrate et fier, qui ne desrend plus jusqu'à




264 BELIGIOH.


lui, qui ne viâte plus sa cabane, qui ne soulage
plus ses misères, qui n'adoucit plus ses douleurs,
qui enfin, en déposant les deniers à distribuer
aux pauvres entre les mains de V' Overseer', a
fait abandon de la portion la plus belle de ses
antiques prérogatives et a matériahsé la charité.
Le peuple anglais ne connaît plus ses prêtres,
et , s'il respecte sa religion, il en ignore les mi-
nistres : pourquoi donc s'intéresserait-il à eux ?


Mais, assez de considérations générales : exa-
minons maintenant le matériel de la religion en
Angleterre ; laissons à part le fond, et étudions
la forme. Nous avons vu déjà que l'Anglais, vif,
ardent, actif, patient, se prêtant à tout, se pliant
à toutes les exigeances de son état ou de ses fonc-
tions dans la vie extérieure ou publique, rentré
sous le toit de la famille, veut y trouver et ses
aise.» et le repos : eh bien ! ce goût du confor-
table au logis le suit à l'église, sa seconde demeure.
Là , comme chez lui, il lui faudra un lieu clos,
un siège commode et chaud, des fenêtres et des
portes imperméables à la froide atmosphère d'un
climat brumeux; là , comme chez lui, il lui faudra
l'étiquette de la forme et la distinction des rangs
sociaux. Ne vous attendez donc pas, vous étran-
ger voyageur, à rencontrer dans la chapelle pro-




RELIGION'. 265


testante d'un Anglais l'égalité réelle , le pêle-
mêle des chaises que vous trouvez en France
dans toutes nos églises Catholiques. Là, point de
chaises comme chez nous , mais des bancs en-
caissés , à dossiers carrés, à marche pied et prie-
Dieu garnis de coussins : point de nef spacieuse
et libre : un vaste salon divisé en cases séparées
par la boiserie des bancs; trois passages étroits
et souvent garnis de tapis en sparterie pour
donner à ces bancs un libre accès; des rideaux
de taffetas portés sur de luisantes tringles en
cuivre pour garantir du vent les bancs rappro-
chés de la porte ; enfin , des bouches de chaleur
ouvertes dans le pavé du temple. donnant pen-
dant fhiver accès à un arr*cllaudement tempéré ,
qui permette aux âmes dévotes de s'abandonner
sans aucune des gênes de ce bas monde aux dou-
ceurs de l'extase et de la contemplation.


T J E M P L E S . — A examiner de près le peuple
anglais, il est impossible de ne pas reconnaître
en lui le peuple le plus complètement religieux
de notre époque. Pendant que l'on sécularise les
moines en Espagne, que l'on y brûle leurs cou-
vents ou au moins qu'on les en chasse , les
temples se multiplient sur tous les points de la
Grande-Bretagne. Là, pas de ville sans de nom-




20l> RELIGION.


foreuses églises, pas de rue sans chapelle. Londres
renferme une corporation (lotit le fout unique est
d'accroître les anciens' édifices religieux et d'en
bâtir de nouveaux ; et , certes, à voir ce qui se
passe . on se persuade aisément que cette société
ne reste pas oisive.


Le genre d'architecture le plus généralement
adopté pour les églises modernes en Angleterre,
paraît être le gothique des XVI.' et XVII." siècles,
mais dépourvu en grande partie de ces fines dé-
coupures , qui encadraient si délicatement d'une
broderie en dentelle les fenêtres, les portiques
et les clochetons. Les formes actuelles sont plus
unies et phjs' carrées. A l'intérieur, les temples
sont simples; ils n'offrent qu'un seul hâfimè'nl
carré, où tout est ménagé pour tenir le plus de-
monde possible dans un plus petit espace. Ainsi.
le pavé inférieur sera garni de bancs, tandis que
des tribunes larges et spacieuses ou supportées
par de légères colonnes* de fontes y régneront
autour de trois côtés de l'église, et contiendront
d'autres bancs en gradin. Au fond de l'église est
un abside plus étroit et peu profond , où est dressé
un autel dépourvu d'ornements. C'est là que
siègent les membres du clergé. Pour pénétrer
dans une chapelle . les fidèles franchissent la




RIÎI.1GI0-N. 267


porle extérieure qui donne d'abord accès à un
vaste vestibule ou parvis. De ce parvis on pénètre
à l'intérieur pae une ou deux portes étroites, qui
ferment hermétiquement, tandis quà droite- et
à gauche deux escaliers conduisent aux tribunes.
Directement au-dessus du vestibule, sont installés
l'orgue et les bancs des choristes, coutigus aux
tribunes.


En avant de l'abside, à droite et à gauche,
sont dressées-deux chaires désignées chacune sous
un nom différent : celle de droite s'appelle the
pulpit, c'est la chaire à prêcher; celle de -gauche,
nommée the eles/i , est pendant tout l'office oc-
cupée par un ecclésiastique chargé d'interrompre,
à des instants donnés, le chant des hymnes par
la lecture de quelques versets de la Bible,-qui'
repose devant lui, sur un somptueux coussin de
velours cramoisi. Au pied dudesA , la voix sourde
et lente du clerc de la paroisse murmure les
répons.


Si les réformateurs puritains d'Ecosse ont,
dans leur zèle fanatique, détruit et brisé partout
les images, ils n'ont pas, heureusement pour les
beaux arts, trouvé dimitateurs dans les proles-
tants Anglais; ceux-ci ont, au contraire, sainte-
ment respecté les vitraux coloriés de leurs églises.




'268 R E L I G I O N .


Les étudiants d'Oxford montrent encore avec or-
gueil les belles images des saints dont sont or-
nées les croisées des chapelles de plusieurs de
leurs collèges, et un grand nombre d'églises
modernes s'empressent de se conformer à cet
antique usage. Je puis «signaler, entr'autres, la
croisée principale d'une église de Shrewsburv,
dans le Salopshirc, sur les vitraux de laquelle est
peinte une Assomption, qni offre à la contem-
plation des dévois une sainte et belle figure de
Vierge. Sous les rapports architecturaux; je trouve
donc que le clergé anglais s'entend beaucoup
mieux aux décorations et aux restaurations d'é-
glise que nos prêtres français, généralement si
dénués de ce bon goût et de ce sentiment ar-
tistiques qui présidait il y a plusieurs siècles à
la construction et à l'ornement des temples ca-
tholiques. Combien de fois n'ai-je pas vu avec
douleur de beaux et antiques édifices religieux ,
dont à force de dépenses, de peines et de soins ,
on était parvenu à faire d'affreuses églises cou-
vertes d'un jaune et dégoûtant badigeon. Et c'est
en se laissant ainsi déborder de toutes parts , par
les sciences, l'industrie et les arts, que le clergé
catholique a perdu cette influence directrice qui
fit sa gloire et sa force aux premiers siècles du




KEtieiON. 269


christianisme. Si une nouvelle gloire l'attend, si
une nouvelle puissance lui est destinée, il ne
pourra certainement reconquérir cette gloire el
cette puissance qu'au prix d'une éducation toute
nouvelle, variée, profonde, et dans les beaux-
arls, et dans la science, et dans l'industrie.


CÉRÉMONIES BU CULTE. — J'ai déjà cité quel
ques lignes de Bulwer dans ce chapitre* J'em-
prunterai encore à cet auteur les réflexions sui-
vantes, qui peignent parfaitement l'effet produit
sur moi par les prédicateurs anglicans, auxquels
la décence et le décorum ne permettent jamais
de s'abandonner aux inspirations irrégulières
d'une éloquence improvisée.


« Un respect des convenances, et des con-
» venaoces seules, dit le critique anglais, une
» conviction que tout est mal dans ce qui s'en
» éloigne, que tout est hypocrisie dans ce qui
» les dépasse, refroidit le zèle de nos ministres :
» l'éloquence est de mauvais ton ; le monde
» aristocratique ne peut pas souffrir que les
» prêtres et les femmes fassent trop de bruit.
» Le prédicateur le plus en vogue, qui, dans
» la chaire, se laisserait emporter par son zèle
» pour le salut des âmes, improviserait une
» figure de rhétorique trop brillante, ou s'aban-




270 B E L 1 G 1 0 N .


» donnerait à une gesticulation trop fougueuse,
» passerait inévitablement pour manquer à la
» dignité de son caractère. — Bossuet se fût
«déconsidéré parmi nous, et Saint-Paul eût
» passé pour un charlatan ridicule.


» Entrez dans ce temple encombré de fidèles.
* —. c'est une église à la mode : vous votez
» avec quelle propreté elle est tenue, avec quels
» soins minutieux elle est peinte; vous admirez
» 1 éclat des clous dorés qui lixent un lin drap
» écarlatc au dossier des bancs du beau monde :
» quel air respectable resplendit sur le visage
» du clerc ! le jeune v icaire prévient par ses
» manières élégantes. — Le recteur s'avance
» vers la chaire,-il va prêcher: ce recteur est
» un homme de mérite; il ne'peut manquer
» d'être bientôt fait évoque, se répète-t-on
» avec confiance , car il a publié un drame
» grec, cl servi de précepteur à lord Glitter.
» — Eh bien ! observez-le. — Quelle monotonie
» dans sa voix ! — Quelle froideur dans son
» geste! — Quel calme composé dans tous ses
» traits!.... — Mais, écoulons ce qu'il dit : —
» Redoutez le courroux du Seigneur sus-
» pendu sur vos têtes! — Souvenez-vous
» de votre âme immortelle. Rappelez-vous,




IlKLIGIOX. -71


» oh ! rappelez-vous bien la responsabilité
» qui pèse sur vous ! Tous aurez à rendre
» un compte sév ère et terrible de vos actions!
» Ce compte, il peut vous être à Vins tant
» même demandé ! Etes-vous prêts? —
» Voila les» paroles passionnées qui découlent de
» ses lèvres; cependant il les débite de ce ton
« nonchalant et faible, a\ec lequel ira homme
» ennuyé demanderait à son valet de chambre :
» John, est-il bientôt l'heure de dîner ? »


Je ne connais donc rien de plus triste , de plus
lugubre, de plus lorpéfiaul que ces sermons
manuscrits, que ces paroles comateuses, qui tom-
bent , ou mieux qui descendent en notes sopo-
rifiques du de s fi et du pulpit anglican. IInc chose,
cependant, remplie de charme m'attirait dans les
temples britanniques et me faisait braver l'odieuse
monotonie du rituel et des sermons . c'étaieni
les chants des hymnes. Les Anglais protestants
ont parfaitement compris l'influence du chant sur
le coeur , aussi ont-ils toujours donné à cette
partie essentielle du culte une attention particu-
lière. Leurs maîtres de chapelle, reçus à Oxford où
à Cambridge , subissent des épreuves universi-
taires, et reçoivent en échange un titre de doc-
teur en musique. Au moment de l'office divin ,




272 RELIGION.


l'orgue, tenu pat* quelqu'artiste de mérite, ac-
compagne toujours la voix ; et les hymnes , en lan-
gue vulgaire, chantées par des chœurs d'hommes,
de femmes et d'enfants, exercent sur l'audi-
toire une influence d'une douceur indéfinissable.
Ravi par celte harmonie inaccoutumée qui ne
formait, pour moi étranger, que des sons pres-
que inintelligibles mais suaves , j'oubliais mon
isolement sur une terre lointaine ; mon esprit,
entraîné dans une douce rêverie revenait au mi-
lieu de la France, au sein de ma famille , de
mes amis ; je priais pour eux, je me croyais avec
eux , et cette espèce d'affaissement moral causé
par le délaissement que ressent tout voyageur
solitaire, quel que soit d'ailleurs l'intérêt que lui
offrent les contrées qu'il parcourt, se trouvait
un moment dissipée.


Le catholicisme anglais, nécessairement in-
fluencé par son voisinage avec des sectes dissi-
dentes , s'est modifié par ce contact. S i , pendant
la grand'messe, l'officiant psalmodie encore sur
les notes grégoriennes la Préface, le Pater ;
le chœur et íes fidèles, accompagnés de l'orgue,
chantent sur une musique plus savante et plus
moderne les autres parties du service divin ,
telles que le Kyrie, le Credo, le Sanctus ,




R E L I G I O N . 273


etc. Il existe même à Londres , TYarwich-
Street, une délicieuse petite chapelle catholique ,
aussi soignée, aussi fashionnable qu'aucun temple
des épiscopaux , dans laquelle l'office divin se cé-
lèbre tous les dimanches en présence d'une réu-
nion choisie , avec une pompe et une solen-
nité particulière. L'orgue , touché par un musi-
cien distingué, prête son concours à un choeur
composé des premiers sujets, tant hommes que
femmes , du Théâtre Italien ; ce sont les Lablache,
les Bubini, les Grisi, les Malrbran , qui font re-
tentir de ravissants accords cette chapelle favorite.
Nos prêtres de France qui proscrivent une pa-
reille composition de choeurs , ignorent donc
quelle puissance religieuse et moralisante existe
dans ces sublimes concerts ? Vingt fois, surtout
à nos messes des morts, j'ai maudit la voix mo-
notone , les chants vulgaires et surannés de nos
choristes ignorants lesquels me faisaient prendre en
antiphatie et le culte et ses ministres qui, pour
le salut des morts, suppliciaient les vivants. Vingt
fois, au contraire, je suis sorti meilleur, plus re-
ligieux, plus humain de l'Opéra , oui de l'Opéra
après les célestes accents du Mosé de Rossini ,
ou du "Robert de Meyer Beer.


Si les moines et les prêtres du XL* siècle in-
1 8




274 RELIGION.


ventaient l'harmonie et l'échelle musicale mo-
derne , ils faisaient une belle révolution dans l'art
et marchaient à la tête du mouvement artistique ;
mais vouloir conserver les mêmes notes, les mêmes
chants , les mêmes modulations après que sept
cents ans d'études et de travaux ont perfectionné la
science musicale , c'est se montrer maladroitement
rétrograde, et repousser auXLX. e siècle les moyens
mêmes de moralisation et de prosélytisme si heu-
reusement féconds au XJ.C C'est un fait géné-
ralement admis, rien ne vieillit plus vite que la
musique, quel charme veut-on donc nous faire
trouver à des modulations usées depuis des siècles.
Je ne comprends la religion qu'au milieu des
choeurs des x\nges ; tout le reste, sauf une élo-
quence jeune, vive, enthousiaste , n'est rien dans
un temple et refroidit l'auditeur. Oh ! qu'il a bien
compris cette pensée , celui qui écrivait naguère :
« Oui, la musique, c'est la prière, c'est la foi,
» c'est l'amitié, c'est l'association par excellence.
» Là, où vous serez seulement trois réunis en
» mon nom, disait le Christ aux Apôtres en les
» quittant, vous pouvez compter que j'y serai
» avec vous. Les Apôtres condamnés à voyager,
» à travailler et à souffrir, furent bientôt dis-
» perses. Mais, lorsqu'entre la prison et le mar-




BBUGios. 275


» tyre, entre les fers de Caïphe et les pierres de
» la synagogue, ils venaient à se rencontrer, ils
» s'agenouillaient ensemble sur le bord du che-
» min, dans quelques bois d'oliviers, ou vers
» le faubourg de quelque ville, dans une chambre
» haute, et ils s'entretenaient en commun du
» maître et de l'ami Jésus, du frère et du Dieu
» au culte duquel ils avaient voué leur vie; puis,
» quand chacun a son tour avait parlé, le besoin
» d'invoquer tous à la fois les mânes du bien-
» aimé leur inspirait sans doute la pensée de
» chanter, et sans doute aussi le Saint-Esprit
» qui descendit sur eux en langues de feu, et
» qui leur révélait les choses inconnues, leur
» avait fait don de la langue sacrée qui n'appar-
» lient qu'aux organisations élues. Oh! soyez-en
» sûrs, s'il exista des êtres assez grands devant
» Dieu pour mériter d'acquérir subitement des
» facultés nouvelles, si leur intelligence s'ouvrit,
» si leur langue se délia, des chants divins du-
» cent découler de leurs lèvres, et le premier
» ^concert d'harmonie dut frapper les oreilles
» ravies des hommes. »


Aujourd'hui., tout le monde apprend la mu-
sique ; un mouvement de réaction religieuse, après
un siècle d'athéisme, semble, par un besoin irrésis-




276 BEUG10TI.


tible de l'Ame, rappeler la foule dans nos temples
déserts; pourquoi nos prêtres catholiques ne tire-
raient-ils pas parti de celte éducation nouvelle et de
ce mouvement religieux ? Rien ne serait plusfàcile
que d'obtenir de nos jeunes demoiselles d'unir
chaque dimanche leur voix en choeur dans nos
églises, une tribune contiguë' à l'orgue les iso-
lerait de la foule et les rapprocherait de l'instru-
ment accompagnateur; déjeunes enfants de choeur,
formés par la méthode Choron , joindraient leurs
acords à ceux des femmes, et nous aurions ainsi
des cantiques délicieux, ravissants. Rien dans la
liturgie romaine ne s'oppose à ce progrès : que
le catholicisme l'emprunte donc à la réforme.


CONSTITUTION RELIGIEUSE. — Eglise angli-
cane. — Le clergé, en y comprenant toutes les
personnes engagées dans les ordres et revêtues
de quelques fonctions ecclésiastiques, jouissent
de certains privilèges, ou sont soumis à certaines
restrictions qui leur sont particulières: ainsi, ils
ne peuvent être contraints ni au service militaire,
ni aux fonctions de juré, ni être appelés devait
la court-leet (espèce de tribunal secondaire),
pour y prêter le serment de fidélité au souverain
et aux lois du royaume, connu sous le nom de
franh pledge : on ne peut encore arrêter un




BEiíGiOH. 277


ecclésiastique pour une cause civile, durant l'of-
fice religieux ni même pendant qu'il se rend de
chez lui à l'église, ou quand qu'il en revient.
Par-contre les prêtres de l'église anglicane ne
peuvent être élus h aucune charge civile, telle que
celles de Shériff, de Bailly ou de Constable, e t c .
Il ne leur est pas permis non plus de siéger à la
chambre des communes. Sans le consentement
de son évêque, un membre du clergé anglican
est privé du droit de prendre à bail une ferme
de plus de 80 acres (32 hectares 35 cent.) sous
peine de payer une amende de deux livres ster-
ling (50 fr. 40 c.) par chaque acre excédant le
nombre légal. Il est également défendu aux ecclé-
siastiques de faire aucun commerce ou de vendre
ou d'acheter quoi que ce soit dans une intention
de lucre, sous peine de perdre la valeur entière
de l'objet acheté ou vendu ; toute convention
commerciale contractée par eux est nulle de
droit ; cependant, il leur est permis de vendre
le produit de leurs fermes, ou d'acheter ce qui
peut être nécessaire à leur exploitation, pourvu
toutefois qu'ils s'abstiennent de paraître en per-
sonne sur les foires et sur les marchés.


Malgré cette défense et malgré la nullité de
leurs conventions commerciales, ces titres sont




278 B E i i c i o i f .


valables vis à vis des tiers, et un prêtre peut être
condamné comme failli.


Les prêtres anglicans supportent, comme les
autres citoyens, les taxes imposées par le parle-
ment, à moins de clauses contraires. Ils con-
courent , en raison des dîmes qu'ils reçoivent, au
paiement de la taxe des pauvres.


Voici les litres et degrés de la hiérarchie
anglicane: archevêque, évêque , doyen, chanoine
et prébendier , archidiacre , recteur , vicaire ,
curé et clerc, si ce dernier est dans les ordres.


L'archevêque est le supérieur ecclésiastique
d'une province. Il surveille les évêques et tout
le clergé de cette province, et peut lancer contre
eux des mandements d'interdictions pour motifs
reconnus.


L'archevêque de Cantorbery est évêque mé-
tropolitain et primat de tout le royaume. C'est à
lui qu'appartient le privilège exclusif de couronner
les rois et les reines d'Angleterre. Il distribue les
dispenses ecclésiastiques pour tous les cas que ce
soit. Il peut déléguer le droit de conférer tous
les degrés universitaires, sauf ceux d'où déri-
vent certains privilèges, qu'il n'appartient qu'aux
universités de Cambridge et d'Oxford de conférer.


Les fonctions et l'autorité des évêques, s'éten-




RELIGION. 279


denl à la surveillance des mœurs des prêtres et
des citoyens de leur diocèse ; ils peuvent les
frapper d'une censure ecclésiastique; et , à cet
effet, ils ont une cour tenue par leur chancelier.
Us ordonnent les prêtres et les pourvoient de
bénéfices, distribuent les dispenses de mariage,
consacrent les églises, donnent la confirmation ,
et prononcent les interdictions et les excommu-
nications. Les évèques et archevêques reçoivent
leur institution canonique directement de la cou-
ronne , bien qu'ils soient censés élus par le doyen
et le chapitre, qui composent le conseil des évè-
ques. Les chanoines et les prébendiers dont le
chapitre est composé, sont nommés tantôt par
le roi, tantôt par les évêques ; quelquefois ils
sont élus par le chapitre lui-même.


L'archidiacre exerce en sous-ordre de son
évêque une juridiction ecclésiastique sur tout ou
partie d'un diocèse.


Les emplois ecclésiastiques les plus nombreux ,
sont ceux du parson et du vicaire. Leurs fonc-
tions répondent à celles du curé en France, l a
différence entre \b parson et le vicaire , est celle-
ci: le parson exerce directement, en son propre
et privé nom, et perçoit lotis les revenus de sa
cure .; le vicaire n'est que le délégué d'un bénéficier




280 RELIGION.


titulaire dont il remplit les fondions, moyennant
une part déterminée dans les revenus de la pa-
roisse. Pour exercer les fonctions de parson ou
de vicaire, il faut avoir été ordonné prêtre, c'est-
à-dire avoir obtenu le titre de clerc dans les
ordres. Ce titre ne peut s'obtenir avant 24 ans
révolus. Il suffit d'avoir atteint sa vingt-troisième


. année pour être ordonné diacre. Le diaconat n'im-
prime pas, du reste, comme celui de prêtre, un ca-
ractère ineffaçable; le diacre qui n'a pas encore reçu
les ordres sacrés comme prêtre, peut toujours re-
noncer à l'état ecclésiastique , redevenir laïque et
embrasser toute autre profession. Au prêtre seul
est confiée l'administration des sacrements. Un
diacre ne peut prêcher qu'après avoir été entendu
et autorisé par son évêque.


Avant d'être admis à un bénéfice quelconque,
un membre du clergé anglican doit toujours
faire sa déclaration de conformité à la liturgie
anglicane , et, dans les deux mois qui suivent son
institution, il doit lire publiquement en chaire
les 39 articles de religion , rédigés comme
symbole en 1562 , par le synode de Londres ,
ainsi que son adhésion à ces articles.


Un évêque est en droit de refuser à un clerc
l'institution ecclésiastique, pour cause d'hérésie,
d'immoralité ou d'ignorance.




RELIGION. 281


Il n'esl permis à aucun ecclésiastique d'avoir
deux domiciles séparés, sauf dispense ; et, même
dans ce cas, les»deux domiciles ne doivent pas
être à plus de trente milles (environ .12 lieues)
l'un de l'autre. Enfin, pareille dispense ne peut
être accordée qu'à un ecclésiastique reçu Maître
ès-arts dans l'une des universés de Cambridge ou
d'Oxford. La non-résidence ne peut également
être autorisée que dans de certaines limites et à
de certaines conditions.


Le degré le plus inférieur de la hiérarchie an-
glicane est celui de curé. Le curé est en général
chargé des mêmes fonctions que le vicaire ; mais
la plupart du temps il ne les exerce que comme
intérimaire. L'ecclésiastique préposé à une pa-
roisse , doit, sous peine d'amende , tenir un registre
des baptêmes, des naissances et des décès, ce qui
n'empêche pas que ces registres ne soient en gé-
néral fort mal tenus : aussi les Anglais un peu
initiés à notre administration française , nous en-
vient-ils avec raison, nos registres de l'état—civil,
si précieux pour le maintien de l'état et de la
lorlune de tous les citoyens, et la constatation de
l'identité de leur personne.


CATHOLIQUES ROMAINS. — Autrefois une lé-
gislation exclusive et barbare pesait sur les catho-




282 RELIGION.


liqu.es anglais; arrêtés à chaque pas par le ser-
ment du Testact, ils ne pouvaient remplir pres-
qu'aucune fonction publique, firâce aux dispo-
sitions plus avancées , inspirées par le progrès
des lumières, et introduites depuis quelques an-
nées dans la constitution anglaise , les catholiques
ne sont plus inhabiles qu'à un très-petit nombre
d'emplois , et encore la plupart de ces emplois
rentrent-ils dans Tordre ecclésiastique, et seraient-
ils refusés par les catholiques eux-mêmes , si, par
impossible , ils se trouvaient promus à des fonc-
tions opposées à leurs croyances religieuses.


Avant d'entrer en fonctions, un officier public
était, dans la plupart des cas, en vertu du Test
art, astreint à communier selon le rite anglican.
Il devait ensuite prêter un serment par lequel il
déclarait ne pas croire à la transubslantiation de
l'hostie dans le sacrement de l'Eucharistie. On
conçoit que de pareilles formalités excluaient né-
cessairement les catholiques de tout emploi public.
Depuis le bill d'émancipation des catholiques , le
serinent exigé par le Test act a été remplacé
par le serment suivant, que tout sujet anglais ca-
tholique doit prêter et signer avant d'entrer en
fonctions :


« Moi, N , promets et jure en sincérité,




BELIGIOH. 283


que je serai fidèle et loyal à sa majesté le Roi
Guillaume I V ; je le défendrai de toutes mes
forces contre quelque conspiration ou attentat
que ce soit, dirigé contre sa personne, les
droits de sa couronne ou sa dignité^ je m'ef-
forcerai également de révéler et de faire con-
naître à sa majesté, à ses héritiers et succes-
seurs* toutes les trahisons, tous les ^complots
qui pourraient être tramés contre elle ou
contre eux; je promets fidèlement encore de
maintenir, de soutenir cl de défendre de tout
mon pouvoir la succession légitime au trône,
laquelle succession a été limitée par un acte
qui détermine les droits de la couronne,
les droits et franchises des sujets, à la
princesse Sophie, électrice de Hanovre et à
sa descendance protestante ; promettant encore
d'abjurer tout gage de fidélité et d'obéissance
à toute autre personne qui élèverait ou pré-
tenderait élever des droits à la couronne de ce
royaume. Je déclare encore que je ne considère
point comme un article de foi pour moi, cette
opinion que j abjure et rejette , que les princes
excommuniés ou analhématisés par le pape ou
par toute autre autorité émanant du siège de
Rome, peuvent être déposés et immolés par leurs




284 RELIGION.


» sujets ou par qui que ce soil ; je déclare encore
» que je ne crois pas que le pape de Rome , ou
» qu'aucun prince, ou prélat, ou personnage,
» ou état, ou potentat étranger, puisse ou doive
» avoir aucune juridiction, pouvoir, suprématie,
» prééminence temporels et civils, directement
» ou indirectement sur ce royaume. Je jure que
» je défendrai de tout mon pouvoir la consli-
» tulion de la propriété, telle qu'elle est établie
» dans le royaume par les lois: je désavoue ici
» et abjure solennellement toute intention de
» renverser l'église actuelle, établie par les lois
» du royaume ; je jure encore solennellement
* .que je n'userai jamais d'aucun des privilèges
» auxquels j'ai ou jepuis avoir droit par la suite ,
» pour troubler ou affaiblir la religion protes-
» tante et le gouvernement protestant dans les
» trois royaumes unis; en présence de Dieu, je
» professe, affirme et déclare que je fais la pré-
» sente déclaration et tout ce qu'elle contient,
» dans toute l'étendue et le sens naturel des
» mots compris dans ce serment, sans aucuns
» échappatoires, équivoques ou restrictions men-
» laies quelconques. Ainsi , Dieu me soit en
» aide. »


De même que les pi-êtres anglicans,aucun prêtre




RELIGION. 285


catholique ne peut être élu membre du parle-
ment.


Depuis le bill d'émancipation , il est encore
quelques fonctions, outre celles de l'ordre reli-
gieux,qui ne peuvent être exercées par des catholi-
ques; ce sont, principalement celles de régent du
royaume , de lord chancellier, de garde du grand
sceau , de lord lieutenant, député ou gouverneur
d'Irlande, et de haut commissaire du Roi près
l'assemblée générale de l'église d'Ecosse.


Il est expressément défendu aux prêtres ca-
tholiques de conserver, hors des édifices con-
sacrés au culte , le costume particulier à leurs
fonctions. Hors de ces clauses , les catholiques an-
glais jouissent maintenant de tous les avantages
et privilèges des sujets protestants de la Grande-
Rretagne. Reste encore l'émancipation des Juifs
à écrire dans la loi pour compléter l'œuvre de
civilisation du XIX/ siècle ; mais tout fait espé-
rer qu'en dépit de'la haute aristocratie et de l'esprit
rétrograde du clergé anglican , celle œuvre de
haute justice ne tardera pas à s'accomplir.






INSTRUCTION. PUBLIQUE. 287


•— —— —


I N S T R U C T I O N P U B L I Q U E .


SALLES D'ASILE, ÉCOLES PRIMAIRES, COL-
LÈGES, UNIVERSITÉS, LEURS OFFICIERS,


TITRES ET DEGRÉS UNIVERSITAIRES,
INSTITUTIONS SCIENTIFIQUES


ET LITTÉRAIRES.


%JS3S$tfEPUIS le temps d'Alfred-le-Grand, le plus
H IË) ip°Pu^au*e des rois d'Angleterre et sans
(j^gSgJ&doule le plus digne de l'amour de ses su-
jets , nous voyons à son exemple la plupart des
souverains d'Angleterre, et à l'exemple des sou-
verains , grand nombre de seigneurs et de riches
particuliers faire à l'envi des fondations perpé-
tuelles pour l'instruction de la jeunesse des deux




288 IHSTWCTIOH PtJBLIQCE.


sexes. C'est grâce àcette salutaire impulsion donnée
dès la fin duIX. c siècle par un monarque éclairé ,
que l'instruction publique s'est de tout temps mon-
trée florissante dans la Grande-Bretagne. Un édit
du roi Henri YIII défendant aux laboureurs,
artisants , manouvriers et domestiques de
lire la Bible en leur particulier, prouve que dès
le commencement du XVI. e siècle, les classes infé-
rieures même possédaient généralement déjà les
éléments de fa lecture ; car il est difficile de sup
poser qu'on eût fait défense de lire à des gens
qui n'auraient pas été dans le cas de le faire.


Aux jours où nous sommes, l'Angleterre pos-
sède , sans compter ses universités et ses écoles
pour l'instruction supérieure, 50,000 écoles de
toutes natures : Asiles pour l'enfance ; écoles pri-
maires du dimanche, écoles de la semaine, elc.
Sur ce nombre, 20,000 sont des institutions
particulières et indépendantes. 30,000 existent
en vertu de fondations bienfaisantes à perpétuité
ou de souscriptions annuelles et volontaires. D'a-
près un relevé statistique de 1 8 2 8 , 2,000,000
d'enfants recevaient dans ces établissements l'ins-
truction élémentaire. Le nombre de ceux qui
participent à la même instruction en Ecosse est
de 106,000 , ce qui établit entre les enfants ins-




INSTRUCTION PUBLIQUE. 289


traits aux écoles el le reste de la population , la
proportion suivante :


En Angleterre pro-
prement dite , 1 enfant sur 17 habitants.


Pays de Galles, 1 dito sur 20 dilo.
Ecosse, 1 dilo sur 9 dito.
Dans plusieurs autres pays de lEurope , la


statistique de l'instruction publique donne les ré-
sultats comparatifs que voici :


Prusse , 1 enfant sur 8 habitants.
Hollande , 1 dito sur 10 dilo.
France, 1 dito sur 28 dilo.
La comparaison. comme on le voit , n'est pas


en notre faveur.
S A L L E S D'ASILE. — Les salles d'asile pour


l'enfance qui se sont multipliées depuis quel-
ques années en France, me dispensent de m'éten-
dre sur la description de ces établissements. La
première fut fondée en 1 8 1 6 à JN evv-Lanarck .
par le célèbre Robert Owen. Celles qui existent
maintenant en Angleterre se soutiennent par des.
dons volontaires, et, dans quelques localités, outre
ces subventions charitables , par une rétribution
de 2 pence (20 centimes) exigée par semaine de
chaque enfant; si plusieurs enfants sont frères et.
sœurs , alors , quelque soit leur nombre , .ils ne


19




290 INSTRUCTION PUBLIQUE.


paient que 3 pence ( 30 centimes ) par famille.
Selon que les parents sont réputés aisés ou in-


digents , leurs enfants sont admis aux écoles
moyennant une légère rétribution ou gratuitement.
Les écoles du dimanche (sunday schools), consa-
crées h l'instruction des enfants les plus pauvres
employés pendant la semaine dans les ateliers des
manufactures sont presque toutes gratuites. Dans
Londres seul 40 ou 50,000 de ces petits êtres
apprennent à lire el à écrire dans ces établisse-
ments hebdomadaires.


ECOLES PRIMAIRES. — Anciennement, il était
rare qu'une, école ne fût pas attachée à chaque
couvent catholique. La réforme ayant entraîné la
chute de tous ces établissements religieux, on se-
rait porté à croire que la ruine du catholicisme
dût être en même temps la ruine de l'instruction
publique en Angleterre. Il n'en fut point ainsi :
le zèle des premiers réformateurs et leur crainte
du papisme y pourvurent. Il fut ordonné par
les parlements qu'une école surveillée et dirigée
par le ministre serait annexée à la plupart des
temples protestants. Les réformateurs écossais
surtout firent de cette disposition un article de
loi sévère. Et, aujourd'hui eucore, on peut dire
que , dans les deux royaumes unis , un tiers au




INSTRUCTION PUBLIQUE. 291


moins de leur jeune population est élevé et ins-
truit par le clergé réformé. Chaque religion nou-
velle se croit obligée d'ailleurs de fonder une
école à côté de son église. C'est pour elle le plus
sûr moyen de prosélytisme, et il n'est point né-


Depuis un très-petit nombre d'années, par
exemple, une église de la Nouvelle-Jérusa-
lem , cette branche du Swédemborgisme a été
fondée à Manchester. Eh bien ! cette secte toute
récente compte déjà dans cette seule ville 800
enfants élevés dans trois écoles , dont deux pour
les garçons et une pour les jeunes filles.


Il existe donc trois espèces d'écoles primaires :
écoles particulières, ouvertes à leurs risques et
périls par des instituteurs indépendants ou par
diverses sectes religieuses; écoles de charité en
vertu de fondations anciennes ou modernes ;
écoles de paroisses, entretenues aux frais de la
communauté. ( 1 ) On suit dans ces divers éta-


( l ) Outre l'entretien de ces écoles, les paroisses, qui
répondent à nos municipalités françaises, et qui ne s'en-
tendent pas seulement d'une église et de ses annexes,
mais d'une ville entière quelquefois, pourvoient encore
à celui de la police, du pavage, de l'éclairage , des




292 INSTItlIGSTION PUBLIQUE.


roonumenls publics, des pauvres, etc. . Ces frais divers
ne sont point couverts comme en France par des droits
d'octroi. Les administrateurs de chaque paroisse s'as-
semblent et imposent, selon les besoins, les personnes
domiciliées de la paroisse en proportion de leurs pro-
priétés ou de leur loyer. Ces taxes cumulées s'élèvent
annuellement à la valeur d'environ la moitié du prix du
loyer. Quelques villes possèdent des immeubles, ou
jouissent de privilèges particuliers qui diminuent celte
taxe. A Liverpool, par exemple, un droit (town duly)
est prélevé sur chaque colis des marchandises débar-
quées dans le port.


J'aurais désiré donner, dans un chapitre à part, quel-
ques notes sur les institutions municipales de l'Angle-
terre; mais ces institutions varient tellement selon les
localités, que je n'ai pu me procurer de renseignements
précis sur cette branche de l'administration publique : il
faudrait les aller recueillir de ville eh ville , et ils se
compliquent tellement, qu'ils nécessiteraient des volumes
entiers pour les bien développer. Une foule d'abus s'étant
glissés , par suite des temps, dans les attributions muni-
cipales que ne réglaient aucune législation spéciale , sir


hlissemenls le système d'§nseignement mutuel
ou simultané: quelquefois les. deux ensemble.
Les livres dépellalion sont composés avec soin,
ïl existe pour l'instruction du degré immédiate-
ment supérieur des résumés d'histoire ou de géo-




INSTRUCTION PUBLIQUE. 293


John llussel , aujourd'hui minisire de l'Intérieur, a cru
devoir présenter dans la dernière session du parlement,
un hill sur la réforme municipale. Ce bill , qui, dans
plusieurs de ses dispositions, se rapprochait de la legis-
lation française, après avoir été voté à l'unanimité par la
chanfbre des communes, a subi de telles mutilations dans
celle des lords, que, tout porte a i e croire, dans une
prochaine session ce b|ll reviendra sur le tapis et recevra
de nouvelles et utiles modifications. On ne peut donc
regarder encore comme définitive cette partie importante
de la constitution anglaise.


graphie plus ou moins bien fails. Mais, de tous
ces ouvrages élémentaires, celui qui'm'a paru le
plus convenable, celui que je voudrais-voir tra-
duit ou plutôt imité ponr la France, c'est The
Lilterary and scientificelass book, ou le livre
de classe, littéraire et scientifique, divisé
pour l'année en trois cent soixante cinq lectures
ou leçons, sur une feule de^sujets divers qu'il
convient a tout le monde de connaître et qu'on
ne saurait inculquer de trop bonne heure aux
enfants. Ces leçons , destinées à l'instruction du
premier degré, seraient tout-à-fait bien placées
entre les mains des maîtres et desplus jeunes élèves.
Aux premiers ,̂* elles serviraient de programmes;
aux seconds, de point de repère. Chacune d'elles




294 INSTRUCTION PUBLIQUE.


est terminée par une ou plusieurs questions qui
ont trait au chapitre, et qui peuvent être adressées
aux enfants, soit immédiatement, soit plus tard,
soit h des examens publics. Les titres de quel-
ques-unes de ces lectures aideront à en faire
comprendre la valeur:


« Invention de l'écriture ; — art de l'impri-
merie ; — des avantages de la science ; — des
avantages d'étudier l'histoire ; — de la poésie ; —
du levier ; — du plan incliné ; — de l'aimant ; —
du télégraphe; —de l'électricité; — du mycros-
cope ; — des découvertes mycroscopiques ; — de
la pluralité des mondes;—de la religiou chré-
tienne; — de la constitution anglaise ; — de la
chambre des lords ; — de la chambre des com-
munes ; — des éclipses ; — de Dieu ; — des Dieux
du paganisme ; — du corps humain ; — des mé-
taux , etc.. »


Lorsqu'un sujet n'a pu être épuisé dans une
seule leçon, il forme la matière d'une ou plu-
sieurs des leçons suivantes, et des gravures sur
bois très-nettement dessinées ont servi à intro-
duire des figures dans ce volume, toutes les fois
qu'elles ont été jugées nécessaires à l'intelligence
du texte. Je le répète, uu pareil ouvrage serait un
rudiment précieux pour nos écoles primaires, et




INSTRUCTION PUBLIQUE. 295


M. Guizot, ministre de l'instruction publique,
qui sent si bien le prix des bons ouvrages élé-
mentaires , devrait encourager la publication
en France d'un livre analogue au Litterary and
scientific class book des écoles anglaises.


Dans ces écoles primaires les jours de congé
ne sont pas comme en France , le jeudi et le
dimanche, mais le samedi et le dimanche. Ces
deux jours consécutifs laissés à l'oisiveté nuisent,
je crois, beaucoup à l'assiduité et par suite aux
progrès des élèves. On a si bien senti le mauvais
effet de cette disposition, qu'elle a été changée
dans quelques établissements. Pour ceux-ci il y
a congé le dimanche, demi-congé le mercredi
soir, et demi-congé le samedi. Nulle part on ne
saurait se résoudre à faire travailler personne dans
l'après-midi du samedi. Cette moitié du dernier
jour de la semaine doit être consacrée à se pré-
parer , dans le recueillement, à bien célébrer le
saint jour du dimanche. Les vacances ont lieu en
juin et juillet. ^


En somuîe, l'instruction primaire est satisfai-
sante en Angleterre et tend chaque jour à de
nouvelles améliorations. L'instruction supérieure
laisse^ elle aussi peu à désirer ? On va le voir.


ECOLES SECONDAIRES. — Comme ailleurs, il




296 IAMIBÜCTION PUBLIQUK.


existe ici une foule d'établissements particuliers
destinés à «renseignement classique des langues
anciennes et modernes. Je les passe sous silence ,
parce que l'organisation en est à peu près la
même qu'en France, et j'arrive à ces écoles pu-
bliques dans lesquelles un grand nombre d'en-
fants de toutes les classes sont élevés gratuite-
ment en vertu de fondations bienfaisantes, re-
montant pour la plupart à plusieurs sîècles en
arrière, et dont les statuts, quelques snrâlhués
qu'ils paraissent de nos jours , ont à peiné subi
néanmoins les plus légères altérations depuis Jeur
origine. C'est toujours le grec et le latin, quel-
quefois un peu de français et les éléments des
sciences exactes qui en font la base. En tête se
place le collège d'Eton (Èton collège) fondé
pour l'éducation de soixante-dix jeunes enfants
de bonne famille , par le roi Henri VI, en 1440 ,
dans le voisinage du château royal de Windsor .
Aujourd'hui le nombre des élèves gratuits et
pavants admis ace collège s'élève à 500. Plusieurs
coutumes dignes des temps de barbarie y sont
encore en vigueur. C'est d'abord le faggi&mc, en
vertu duquel un élève tient un de ses plus jeunes
camarades dans un état de dépendance voifin de
l'esclavage. Ainsi le firg, dont miss Edgeworlh




1KSTRI CflON PUBLIQUE. 297


(I) Voir XEducation familière de M. m c Sw. Bel ioe ,
excellente imitation de miss Edgoworlh.


fait dériver le nom du mot \a\m' 'futigare (fati­
guer, harasser) , est--l'humble- serviteur d'un
petit tyran, qui, sous prétexte d'aider son fag
dans ses études, et de4<S^éfeffdreContre d'autres
camarades, l'accable de misère et d'ennui, le
force à lui porter ses livres, à lui relever au jeu
sa balle ou sa toupie , à lui brosser ses habits , etc.
On a vu des fags obliges de se coaebfcï*-.qûelques
minutes chaque soir dans les draps glacée de
leur despote pour les échauffer et tenir> lien de
bassinoire. (1 ) **•'


Ecs élèves de ce même collège d'Etonné ren­
dent, tous les trois ans, dans la «emaàiwde la
4NM$*0tè^ sur- «ne petite émj«fe*ee -uotip№»«e
0ktt* vHill (colline salée*){ •de^naaii»«^ij||'|fe
J&ÈA&S â Oxford. t e ^ u t ^ » « e t t é réu^u^»-»^
de dévaliser les passants aft^rolit *d« «trèPtfftr
sujet de la maison. Au jour dit, fbnt l|p«eîe»Bégp
se trouve i a u lie»'du rendez-vous f ayaÂ*3S~ sa
tête le héros de l'expédition^ *|ui pi&nd^fjta»?*''»
titre Afpcapttame, et récité à' haWeV4J*>ix u n
passage'de quelqu auteur ancien ->$ cel'a- fait-, ses
camarades, tous travestis- d'une < manière fan-




298 I H S T R l ' C T I O f l P U B L I Q U E .


tasque, se répandent sur la route et dans les
environs, «nettant à contribution la bourse de
toutes les personnes qu'ils rencontrent, et n'é­
pargnant même pas celle du roi et de sa suite,
si S. M. vient à passer; si bien que la somme
ainsi extorquée aux passants, s'élève quelquefois
à plusieurs centaines de livres sterling , et fournit
au capitaine le moyen de poursuivre ses éludes,
et de prendre ses degrés à l'une des universités
du royaume.


Le collège d'Eton n'élanl point assez considé­
rable pour v loger les écoliers non boursiers,
ceux-ci vivent dans des maisons bourgeoises du
voisinage , connues sous le nom de Moar^t§;
№ôti$es, dont les hôtes respectables tiennent
lieu de famille aux jeunes élèves confiés a leurs
soins» Au reste, cefr usage n'est point particulier
au seul ' collège d'Eton, il se reproduit dans
toute la Grande-Bretagne, auprès des établisse­
ments ̂ u même genre, et mérite d'êlre signalé.


La plupart des autres collèges du royaume,
existant* en vertu de fondations bienfaisantes,,
sont devinés à l'éducation d'enfants indigents ;
et, bi%n qu'il fut mieux sans doule de donner à
ces jeunes élèves une éducation plus pratique ,
c'est toujours le grec et le latin qu'ils appren-




INSTRUCTION PUBLIQUE. 299


nent; car, malgré un grand esprit de liberté,
nulle part on ne professe un plus profond res-
pect aux vieilles coutumes qu'en Angleterre.
C'est peut-être le seul pays du monde où se
trouvent réunis au même degré l'amour de la
réforme et l'esprit de conservation. Cette parti-
cularité du caractère anglais frappe à chaque pas
l'observateur étranger par des contrastes bi-
zarres , où la forme et le fond semblent se con-
tredire de tons points. C'est ainsi que la Chambre
des Communes, qui domine réellement aujour-
d'hui celle des lords, ne se présente auprès de
celte dernière qu'avec les marques de la défé-
rence la plus complète ; que le cérémonial de la
cour est cehii des gouvernements les plus abso-
lus , tandis qjie le roi a les mains liées et ne peut
rien faire sans le conlre-seing de ses ministres,
ou contre la volonté du Parlement. C'est ainsi,
s'il m'est permis de descendre à une plus humble
comparaison, que le magistrat sur son siège et
l'avocat au barreau chargent encore leur tête à
la Titus, de mesquines et ridicules perruques en
crin gris, dont les aîles grotesques ne cachent
pas entièrement les boucles de cheveux naturels
qu'elles recouvrent. Je ne m'arrêterai donc point
à décrire ces établissements fondés pour l'édu-




3 0 0 INSTRUCTION PUBLIQUE.


cation d'enfants pauvres: il me suffit d'en faire'
mention. J'arrive aux universités, non pas ce-
pendant sans faire la remarque, d'après le doc-
teur Babbage, que le nombre des personnes qui
s'adonnent à l'étude des hautes sciences, décroît
chaque jour en Angleterre. Chacun dirigé ses
idées vers un but purement mercantile, et ne
songe qu'à un profit ttppréèiâble en espèces
sonnantes. A en croire le céièfere professeur,
les jeunes gens qui étudient les mathématiques,
celte clé dé toutes les connaissances exactes,
ont diminué depuis un siècle dans la proportion
de mille ci dix. J'ajouterai qu'on m'a affirmé,
qu'il'y a pe"it "-d'années, il se -trouvait dans le
Royaume-Uni deux personnes seulement en état
de comprendre le Système dti Monde, de
J aplace , *et ces personnes étaient deux
femmes !


1 \n K K S I 1 K S . — Lès Iles Britanniques pos-
sèdent sept universités reconnues par des chartes*
remontant à des époques plus ou moins recu-
lées: ces corporations seules ont le privilège
exclusif, avec l'archevêque do Canlôrbory , de
conférer des degrés ; elles ont leur siège à
Oxford et à Cambridge , pour l'Angleterre : à
Edimbourg, Glascow, St.-Andrews cl Abcr-




INSTRUCTION PDTSMQIIE. 301


deen, pour l'Ecosse; à Dublin, pour l'Irlande.
On se fait difficilement idée de l'esprit routinier
et rétrograde qui domine dans les universités
de Cambridge et d'Oxford, dans celle dernière
surtout, dans cet illustre et respectable corps,
qui a , disait naguère la Bévue d'Edimbourg,
acquis de bonne heure et toujours conservé
avec sollicitude la gloire d'é'tre dun siècle
en arrière sur toutes les autres classes de
la société britannique. Un candidat doit pro-
fesser l'orlodoxie la plus complète pour être
admis à ces deux universités. Les Anglais qui
professent le catholicisme ou toute autre secle
étrangère à la foi anglicane pure, et qui désirent
obtenir des degrés scientifiques, vont suivre les
cours des universités d'Ecosse ou d'Irlande, dans
lesquelles la religion dominante se montre moins
absolue.


Les universités de Cambridge et d'Oxford
offrent des moeurs à part, moitié mondaines >
moilié monastiques. La vie intérieure des col-
lèges et le rituel observé pour la réception des
candidats au baccalauréat, à la maîtrise, ou au
doctorat, réclament un Molière anglais, et rap-
pellent , par leurs formes surannées, les céré-
monies burlesques autrefois usitées dans les uni-




302 IKSTBUCTION PUBLIQUE.


(1) The chancellor, masters and scholars of the Uni-
versity of Oxford. Le mot écolier ne désigne pas ici
le jeune homme suivant les cours de rtfuiversilé, mais
tout individu gradué qui a pris ses degrés à l'Uni-
versité.


versités de France, mais qui n'ont pu résister
aux parodies si plaisantes de notre poè'te co-
mique.


La solennité bouffonne qui termine la pièce
du Malade Imaginaire, lorsque ce bon Mon-
sieur Argànt se fait recevoir médecin , et le cé-
rémonial qui préside à l'admission d'un nouveau doc-
leur à l'université d'Oxford , sont deux spectacles
identiques et non moins grotesques l'un que l'antre.
Je me réserve de faire connaître , dans le chapitre
suivant, une partie de ces usages universitaires,
si complètement oubliés chez nous aujourd'hui.


UNIVERSITÉ D'OXFORD. — L'université d'Ox-
ford, dont l'origine remonte à l'année 1 1 3 3 , et
selon quelques-uns jusqu'au régne d'Alfred-le-
Grand en 8 9 0 , prend le titre de : Le chan-
celier, les maîtres et les écoliers de f Uni-
versité d'Oxford ( 1 ) , litre confirmé par acte
du parlement sous le règne de la reine Elisa-
beth. Cette corporation jouit d'un grand nombre




INSTRUCTION PUBLIQUE. 303


de privilèges : ses docteurs et ses maîtres ès-arts,
réunis en collège électoral, envoient deux mem-
bres ii la chambre des communes, et l'on est
bien sûr que les députés qui reçoivent le mandat
de l'antique compagnie, sont des lorys renfor-
cés , professant des opinions au moins aussi an-
tiques que cette compagnie elle-même. Lors de
l'émancipation des catholiques , sir Robert Peel,
député de l'Université d'Oxford et membre du
cabinet, ayant cru devoir soutenir cette mesure
de justice que l'opinion publique arrachait à
Well ington, alors premier ministre , l'honora-
ble baronnet fut moralement contraint par ses
mandataires de donner sa démission, et ne fut
pas réélu.


L'Université s'est toujours dirigée d'après des
statuts rédigés par elle-même et dont quelques-
uns remontent au-delà du régne d'Elisabeth, et
n'ont, pour ainsi dire, éprouvé aucune altération
jusqu'à nos jours. Je crois que la principale ad-
dition que ces statuts aient reçu depuis long-
temps , c'est un article réglementaire défendant
aux jeunes étudiants d'Oxford de se promener en
phaé'loii dans les rues de cette ville ; tout le reste a
une teinte de vétusté décrépite qui présage une
prochaine destruction et appelle une complète




304 IKSTUUf.TIOJS p u b l i q u e .


réforme. Les grands dignitaires de l'Université
d'Oxford, sont le Chancelier, le Vice-Chancelier,
le Sénéchal (High steward), les quatre \ iee-
Chanceliers adjoints , les deux Procureurs (Proc-
tors) et leurs quatre délégués»


Toutes les affaires du corps se traitent dans
deux assemblées distinctes, appelées la Chambre
de Congrégation et lit Chambre de Convo-
cation (House- of Congrégation, House-of
Convocation).^ Chancelier, ou le Vice-Chance-
lier, ou en leurs absence , les deux procureurs
ou leurs délégués , onj la présidence de ces cham-
bres. Sans la présenpe de l'un de ces- officiers,
toute délibération est entachée de nullité. '•'


La Chambre de Congrégation est composée
des Régents. La Régence est, ou obligatoire
ou volontaire. La Régence obligatoire est une
espèce de stage d'une année, exigé de tout nou-
veau docteur ou maître-ès-arts. Sont compris
sous la dénomination de Régents volontaires,
tous les docteurs et maîtres-ès-arls qui, ayant ac-
compli le temps de leur régence obligatoire ,
ont continué de résider dans la ville universitaire.
Est aussi Régent volontaire , chaque Principal,
Doyen et Censeur de collèges, chaque profes-
seur ou suppléant de l'Université. Neuf membres
présents sont nécessaires pour délibérer.




INSTRUCTION PUBLIQUE. 305


20


La Chambre de Congrégation confère les
degrés universitaires, accorde ou refuse les fa-
veurs et les dispenses réclamées d'elle.


La Chambre de Convocation , ou comme
on l'appelle quelquefois la Grande Congréga-
tion , est composée des Régents et des non-
Régents , membres de l'Université. Les personnes
qui ont droit de voter dans cette assemblée,
sont: 1.° Le Chancelier, le Vice-Chancelier , les
Vice-Chanceliers adjoints, les procureurs et leurs
délégués ;


2.° Les Docteurs en théologie, en médecine,
en droit civil, les Maîtres-ès-arts, pendant leur
Régence obligatoire ;


3.° Les Principaux de collège et leurs délé-
gués, les Membres d'une fondation de l'un des
collèges de l'Université après leur Régence ;


4." Les Docteurs en théologie , en médecine
et en droit, domiciliés dans toute l'étendue de
la juridiction universitaire , les professeurs qui
ont été régents ;


5.° Enfin, les Convicleurs (Convictores). On
désigne sous ce nom tous les anciens Régents
qui, sans avoir appartenu à aucune fondation,
ont toujours conservé leurs noms sur les regis-
tres d'un collège.




3 0 6 INSTRUCTION PUBLIQUE.


La Chambre de Convocation s'occupe in-
distinctement, et généralement de toutes les af-
faires qui concernent l'Université. C'est dans le
sein de cette assemblée que se font les élec-
tions de toute nature. La nomination d'un dé-
puté au parlement est seule faite à haute voix,
toutes les autres ont lieu au scrutin secret.


Du CHANCELIER. — La dignité de Chancelier
d'Oxford est tantôt annuelle, tantôt triennale ;
John Russe!, évêque de Londres en 1 4 8 4 , est
le seul qui ait jamais été élu Chancelier à vie.
Avant celte époque, le Chancelier était généra-
lement choisi parmi les membres-résidants de
l'université ; mais depuis, cette dignité est de-
venue tout a fait honorifique, sans que les droits
qui y sont attachés aient cependant été modifiés.
La plupart du temps on la confère à quelque
évoque ; cependant les laïques n'en sont point
exclus, témoin lord Wellington , nommé Chan-
celier pour 1835 .


Cette élévation h une dignité toute scienti-
fique, d'un général qui ne s'est jamais inquiété
de degrés universitaires, paraîtra sans doute bien
bizarre ; mais ce fait, qui nous rappelle l'offre assez
singulière du fauteuil académique au maréchal de
Saxe parlant à peine français, n'est point un fait




INSTRUCTION PIJRL1QUE. 3 0 7


isolé en Angleterre; des titres de Docteur en une
faculté quelconque, sont souvent accordés à des
anglais absolument étrangers aux hautes études
classiques , par des Universités désireuses de
faire un honneur particulier h des hommes qui
se sont illustrés par de grands talents ou des
services éminents rendus à leur pays. Sans cette
explication, on comprendrait difficilement, par
exemple , comment l'Université de Glasgow a
pu décerner le titre de Docteur en droit au
célèbre mécanicien James W a l t , qui ne s'était
jamais occupé de législation.


Du SÉNÉCHAL. — Le Sénéchal (high Steward)
est désigné par le Chancelier, et sa nomination
approuvée en Chambre de Convocation. Cette
dignité est conférée à vie, le membre qui en
est revêtu assiste le Chancelier, le Vice-Chan-
celier , les Procureurs (Proctors) dans l'exercice
de leurs fonctions; il défend les droits, les cou-
tumes, les libertés de l'Université, et préside,
par délégation du Chancelier ou du Vice-Chan-
celier, le Tribunal chargé de juger les étudiants
on tout autre personne privilégiée de la cor-
poration.


Du VICE-CHANCELIER. — Le Vice-Chancelier
est désigné chaque année par le Chancelier, parmi




308 INSTRUCTION TUBIIQUE.


les Principaux des collèges. Sa nomination
comme celle du high Steward doit être ap-
prouvée par la Chambre de convocation. [Cet
Officier choisit entre les autres Principaux,
ses confrères, quatre Yice-Chanceliers adjoints
pour le suppléer en cas d'empêchement ou de
maladie. Depuis long-temps on est dans l'usage
de confirmer dans sa charge le même Vice-
Chancelier pendant quatre années consécutives.


DES PROCUREURS. — Les Procureurs (Proc-
tors), sont deux Maîtres-ès-Arts, d'au moins quatre
années d'exercice, élus par les Docteurs et Maîtres-
ès-Arts des collèges. Il a déjà été dit que les Pro-
cureurs remplaçaient, dans certaines fonctions,
le Chancelier et le Vice-Chancelier. Immédiate-
ment après leur élection ils se désignent eux-
mêmes deux délégués chacun pour les suppléer
au besoin.


Tels sont les dignitaires chargés de l'adminis-
tration directe de l'Université ; après eux viennent
les Professeurs, au nombre de vingt-sept, pour
l'enseignement de la théologie , — du droit civil
et du droit public, — de la médecine, — de la
clinique, — de la médecine pratique , — de Tana-
tomie, — de la physique , — de la chimie , — de
la minéralogie , — de la géologie , — de la bota-




INSTRUCTION PUBLIQUE. 3U9


nique , — de la géométrie , — de l'astronomie ,
— de la philosophie morale, — de l'économie
politique , — de l'histoire ancienne , — de l'his-
toire et des langues modernes , — des langues hé-
braïque , grecque , arabe , sanscrite et anglo-
saxonne , — de la poésie , — et de la musique.


Après les Professeurs , se présente immédiate-
ment Y Orateur public. Ce dernier fonction-
naire doit être au moins Bachelier en droit, ou
Maître-ès-Arts. Ses fonctions sont de rédiger les
lettres et adresses d'apparat, de présenter les
personnes qui ont reçu le titre de Maître-ès-
Arts honoraire , et de prononcer alternativement
avec le Professeur de poésie le discours annuel
désigné sous le nom de discours créwéien
( creweian oration ) , sans doute du nom de
celui qui le premier institua cette cérémonie.
La charge d'Orateur public fut créée en 1 5 6 4 ,
lors d'une visite que la reine Elisabeth vint faire
à son Université favorite.


L'Université d'Oxford n'a point de vacances
proprement dites , les cours ont lieu par termes,
il v a quatre termes dans l'année : le premier,
dit de la Saint-Michel, commence le 10 octobre
et finit le 17 décembre ; le second, dit de la
Saint-Hilaire, commence le 14 janvier, et finit




3 1 0 IKSTBUCTIOH PUBLIQUE.


la veille du dimanche des Rameaux ; le troisième ,
dit de Pâques, commence, le mercredi après le
dimanche de la Quasimodo, et finit la veille de
la Pentecôte; le quatrième, dit de la Trinité,
commence le mercredi qui suit le dimanche de
la Pentecôte, pour finir le premier mardi de
juillet. Dans l'intervalle de ces termes, les étu-
diants sont libres de leur temps , c'est-à-dire qu'ils
ne sont astreints à aucun travail régulier : ce
qui n'implique pas qu'ils s'occupent davantage à
l'époque des cours.


Les jeunes gens qui étudient à l'Université
d'Oxford, au nombre de quatre à cinq mille,
sont logés dans vingt-quatre collèges , bâtiments
élevés avec beaucoup de luxe , et qui ont valu à
celle ville le surnom de ville de Palais. Quelques-
uns de ces collèges possèdent des bibliothèques
précieuses, devastes et magnifiques jardins et des
chapelles ornées de très-beaux vitraux coloriés.
Christ Church est le plus important de tous.
Cent un étudiants, sur la fondation seulement,
sans parler des gentlemen commoners, y vi-
vent année commune.


Plusieurs des expressons dont je viens de me
servir, demandent explication : j'ai déjà dit qu'un
grand nombre d'élablissemenls destinés àl'inslruc-




ISSTBUCTI0N PUBLIQUE. 311


tion publique avaient élé fondés par divers souve-
rains ou autres personnages opulents : ces fonda-
tions ne consistaient pas seulement dans l'érec-
tion d'un édifice , mais encore en dotations pour
l'entretien et des professeurs et d'un certain
nombre d'étudiants. Quelques-unes de ces bour-
ses^ s'élèvent jusqu'à 75 et 80 livres sterlings (de
1800 à 2000 fr.) par an et par élève. Ces émolu-
ments sont toujours comptés en espèces aux titu-
laires désignés sous le nom ù" étudiants sur la
fondation. Les jeunes gens qui suivent les cours
à leurs frais, prennent, à Oxford, le titre de
gentlemen eommoners (gentilshommes des com-
munes) , à Cambridge celui de fellows eommo-
ners (camarades des communes). Dans les Uni-
versités d'Ecosse, le collège est consacré seule-
ment aux cours publics et au logement des
professeurs et des officiers de la corporation.
Celui d'Edimbourg est un monument de toute
beauté, possédant de plus que les autres un riche
cabinet d'histoire naturelle.


UNIVERSITÉ DE CAMBRIDGE. — L'Université
de Cambridge, fondée, dit-on, 270 ans avant
J . - C . , par un Espagnol du nom de Cantaber,
puis détruite , puis restaurée , en 630 , par le roi
Sebert, long-temps négligée sous les rois de
race saxonne, pour se relever avec honneur




312 INSTRUCTION PUBLIQUE.


après la conquête. est composée d'un chancelier,
un sénéchal (high steward) , un vice-chancelier,
un commissaire, un orateur public , un biblio-
thécaire , trois écuyers-bédeaux , vingt-quatre
professeurs, trois prédicateurs, trois conserva-
teurs du jardin botanique et du musée Filzwil-
liam. Elle possède dix-sept collèges et enviispri
cinq mille étudiants.


Les cours de celte Université'n'ont lieu que
pendant trois termes , qui commencent et finis-
sent aux mêmes époques que les termes corres-
pondants d'Oxford : ce sont ceux de la Saint-
Michel , de la Saint-Hilaire et de Pâques.


La Chambre de Convocation prend à Cam-
bridge le nom de Sénat. Le Sénat envoie deux
députés au parlement.


Dans la nomenclature que j'ai donnée plus haut
des cours professés à Oxford, on n'aura très-
probablement pas remarqué sans étonnement que
l'enseignement des sciences mathématiques n'y
figurait pas. C'est qu'en effet, à Oxford comme
à Cambridge, le système d'éducation suivi n'a
reçu que de bien légers perfectionnements depuis
le moyen-âge. Une réforme devient donc de plus
en plus nécessaire ; mais cette réforme quand
aura-t-elle lieu ? — Du jour où le King's Collège




INSTRUCTION PUBLIQUE. 313


à Londres , et l'Université de cette métropole
tout récemment fondée par un grand nombre
de souscripteurs éclairés, auront reçu, par acte
du parlement ou par charte royale, le droit
qui leur est encore refusé de conférer les degrés
universitaires. Alors, l'Université de Londres,
établie sur une large échelle, régie par des
statuts libéraux , dotée de savants professeurs ,
placée au centre de la capitale, entraînera iné-
vitablement dans la sphère de son mouvement
ses gothiques soeurs de Cambridge et d'Oxford.


UNIVERSITÉ DE DUBLIN. — L'Université de
Dublin est administrée par un prévôt, sept an-
ciens et dix-huit jeunes Fellows : son unique
collège possède des dotations pour soixante-dix
étudiants. La bibliothèque de celte Université,
composée de 8 0 , 0 0 0 volumes , est contenue dans
une salle unique de 2 0 0 pieds de longueur.


UNIVERSITÉS D'ECOSSE. — L'Ecosse possède
quatre Universités renommées : celles de Glas-
gow , Edimbourg, Saint-Andrew's et Aberdeen.
Environ 3 0 0 0 jeunes gens suivent chaque année
les cours de celle d'Edimbourg seule, où, depuis
plus d'un demi-siècle, les études sont fortes et
élevées, sous les meilleurs professeurs de la
Grande-Bretagne.




314 la ixaucno» PUBLIQUE.


Dans les Universités Calédoniennes, les cours
commencent en octobre et finissent en avril, de
telle sorte que, pendant six mois de l'année, les
étudiants sont livrés à eux-mêmes. Cette dispo-
sition nuirait sans doute aux éludes, si les exa-
mens, par leur sévérité, ne compensaient cet
inconvénient , en lorçaut les jeunes gens au
travail.


PRIX. — Des prix d'une valeur assez consi-
dérable ont été fondés dans la plupart des Uni-
versités britanniques, pour être décernés tous les
ans aux auteurs des meilleures compositions en
langue latine ou anglaise, en vers ou en prose,
sur des sujets désignés d'avance par les officiers
de ces compagnies.


DEGRÉS UNIVERSITAIRES. — Les litres de ba-
chelier et de mahres-ès-arts , ceux de bachelier et
de docteur en théologie, en médecine ou en
droil civil, s'obtiennent après avoir suivi des
cours spéciaux pendant un nombre déterminé
de termes (équivalant des inscriptions près de
nos académies de France), subi des examens et
lu plusieurs dissertations publiques sur des sujets
relatifs à la faculté dans laquelle on milite. Ce
n'est guère qu'après huit à dix années d'études
que l'on arrive aux derniers degrés des titres




INSTRUCTION PUBLIQUE. 315


universitaires ; mais, pour être reçu prêtre ou
avocat, celui de bachelier est suffisant. Cepen­
dant , pour qu'un bachelier en droit plaide
devant les tribunaux d'Angleterre, et prenne
le titre de Lawyer (avocat), il doit subir L'exa­
men de certains jurisconsultes désignés sous le
nom de Benchers, qui, du reste, n'exigent
guère des candidats que d'avoir grassement vécu
à Londres, pendant trois années de stage, dans
des hôtels ou inns particuliers aux jeunes lé­
gistes, lieux de réunion habituelle des Anglais
qui se consacrent à la carrière du barreau. En
Ecosse, pour plaider, consulter et obtenir le titre
d'avocat (wriler , selon l'usage de ce royaume),
il n'est pas indispensable d'avoir étudié, dans une
Université: il suffit d'avoir, pendant un certain
temps, suivi les débals des tribunaux , et snbi
ensuite l'examen d'anciens wrilers, débignés
pour cette formalité, et chargés de délivrer les
diplôm es.


Il n'y a pas à Oxford d'école de méde^Hj№,
proprement dite; mais, dans celte Université comme
dans toutes les autres, les candidats au baccalau­
réat ou au doctorat, doivent avoir pris d'abord
leurs degrés dans les Arts : après cela le J|pmps
des éludes qu'ils ont suivies aux écoles de Mé-




316 INSTRUCTION PUBLIQUE.


decine et dans les hospices principaux , soit de
Londres,soit des autres grandes villes du Royaume-
Uni, leur eèi compté comme termes passés dans
une Université.


Les études médicales sont plus sérieuses à Cam-
bridge qu'à Oxford. Pendant lss trois premières
années de leur séjour dans celte Université, les
élèves en médecine confondus avec les étudiants
des autres facultés, sont obligés de suivre les
cours professés dans les différents collèges sur
la philosophie, la physique, les mathématiques,
les langues anciennes el l'histoire, et de subir
chaque année un ou deux examens sur toutes
ces matières. Dix-huit mois après leur première
inscription ils sont soumis à un examen public sur
les preuves du christianisme, le nouveau testa-
ment en grec, et les auteurs classiques.


jpet examen public passé, ils suivent le cours
complet d'un des professeurs de médecine , et ne
peuvent, sans motif valable, s'absenter d'une
seule leçon. Ce cours terminé , deux cours d'a-
nàlomie loursont encore nécessaires, soit à Cam-
bridge, soit aux écoles de Médecine el hospices
reconnus de Londres ou des comtés. Après cinq
ans c¥études et de travaux de celle nature, ils
peuvent prétendre au grade de bachelier en me-




INSTRUCTION PUBLIQUE. 317


decine et demander un examinateur. On leur
donne alors à traduire plusieurs aphorismes dTIip-
pocrate en grec, et un passage de Celse, ou de
quelqu'aulre auteur latin. Ensuite diverses ques-
tions auxquelles ils répondent par écrit et en
anglais, leur sont posées sur l'analomie , la phi-
siologie, la pharmacie, la thérapeutique et autres
branches de l'art de guérir. Ces divers examens
durent deux jours, et s'ils ont été passés d'une
manière satisfaisante , les candidats arrivent à une
discussion publique en latin sur deux questions
médicales ; l'une de leur choix, et l'autre dési-
gnée par l'examinateur. La première est lue par
eux sous forme de thèse , puis débattue par le
professeur ou l'un des candidats. Ceux qui sor-
tent avec honneur de toutes ces épreuves, sont
admis au baccalauréat dans la plus prochaine Con-
grégation des officiers de l'Université. Cepen-
dant ils ne peuvent encore exercer la médecine ;
c'est un droit qui ne s'accorde qu'après deux
années de nouvelles études. Ces deux années écou-
lées on réclame la Licence ad practicandum.
Licence qui exige un nouvel examen analogue
an premier, mais auqueKon ajoute la traduction
de quelque passage d'Arétée. Ces épreuves ter-
minées , vous pouvez exercer la profession de




318 i T i s m o c T i o s PUBLIQUE.


médecin ; et , .après trois années de pratique ,
vous avez droit au titre de docteur, lequel au
bout de dix ans de travaux et d'études, vous
est enfin accordé sur simple thèse et sans examen
préalable. D'après les règlements, deux thèses
sont exigibles; mais il est rare que l'on n'ob-
tienne pas" dispense de l'une d'elles.


Le droit d'exercer la pharmacie s'obtient du
conseil de la société des Apothicaires de Londres.
Pour être admis à passer son examen , tout can-
didat doit avoir exercé pendant cinq ans dans
une pharmacie en qualité d'élève ; être âgé de
vingt-un ans accomplis; avoir suivi deux cours
complets de chimie , deux cours de matière mé-
dicale et de thérapeutique, deux cours de phy-
siologie et d'anatomie , deux cours de médecine
pratique, un cours de botanique, deux cours
d'accouchement, deux cours sur les maladies des
femmes et des enfants , un cours de médecine
légale.


Ces travaux préliminaires accomplis et cons-
tatés par certificats, l'élève passe un examen dans
lequel on lui fait traduire divers passages de Celse
et du Conspectus Medicinœ theoreticce de
Gregory, contenant la pharmacopée de Londres,
et les formules d'ordonnance des médecins ; puis




INSTRUCTION PUBLIQUE. 319


on l'interroge sur la chimie, la matière médicale,
la thérapeutique , la botanique, l'anatomie , la phi-
siologie, la médecine pratique.


On remarquera dans les études exigées d'un
candidat en pharmacie, une foule de matières qui
d'abord paraissent étrangères à cette partie; c'est
qu'en Angleterre les pharmaciens exercent pres-
que tous la médecine , ils consultent, prescrivent
les remèdes , les vendent et les administrent tout
à la fois : la plupart d'entre eux même Se mu-
nissent d'un diplôme de chirurgien, afin de pou-
voir écrire sur leur enseigne, UN TEL, chirur-
gien-chimiste. On croirait peut-être après cela
qu'une pharmacies! mieux tenue en Angleterre
qu'eft France ? Il n'en est rien pourtant : ces
apothicaires si savants en médecine et en chi-
rurgie , possèdent en général fort peu des con-
naissances théoriques et pratiques , indispensables
à un bon pharmacien préparateur ; et vous pren-
driez leur officine ou le savon pour la barbe,
l'eau de Cologne et autres cosmétiques sont étalés
au premier rang, plutôt pour la boutique d'un
parfumeur que pour une pharmacie.


Celui qui désire le diplôme de chirurgien, n'a
pas besoin pour cela de s'être enseveli comme
pour la médecine dans la poussière d'un collège




320 IHSTRl 'CTIOTf P U B L I Q U E .


universitaire. Pour passer son examen et recevoir
son diplôme , il suffit de prouver :


1.° Qu'il est Agé de vingt-deux ans;
2.° Que pendant six années il s'est livré, à la


suite d'un médecin ou d'un chirurgien , à l'étude
pratique de son art ;


3." Qu'il a suivi deux cours d'analomie et de
physiologie, et que pendant ces deux cours il a
assisté à des démonstrations anatomiques et de
dissection ;


k.a Qu'il a écouté pendant deux ans des le­
çons de chirurgie;


5." Qu'il a été auditeur fidèle de lectures sur
la pharmacie, la chimie, l'art des accouchements,
pendant six mois ; de matière médicale et c№ bo­
tanique pendant trois;


6." Enfin, qu'il s'est livré aux études pratiques
pendant un an. dans un des hospices reconnus
de Londres, de Dublin, d'Edimbourg, de Glas­
gow ou d'Aberdeen ; ou pendant six mois seu­
lement dans les hôpitaux susdits, mais un an en
sus dans quelque autre hospice des comtés. On
se doute bien que la connaissance classique du
grec et du latin, est encore exigée. C'est ici le
sine qua non de tout diplôme scientifique.


VÉTÉRINAIRES. — Le titre de médecin-vété-




INSTRUCTION PUBLIQUE. 321


rinaire s'obtient, après plusieurs années de tra-
vaux, du collège d'hyppialrique de Londres, ville
où les sujets ne manquent pas aux études.


ÉTUDE DE LA MUSIQUE. — Quoi qu'on ait pu
dire de leurs dispositions anli - harmoniques et
de leur peu de goût pour l'art des Mozart et
des Boieldieu, les Anglais ont traité la musique
avec un respect plus cérémonieux que partout
ailleurs, en lui conférant les honneurs du doc-
torat. Comme dans les autres facultés, ce grade
ne s'accorde qu'après de longues années d'études
et des épreuves rigoureuses.


Donc, pour être reçu Docteur en musique, il
faudra subir le laminoir universitaire., qui vous
dresse et vous polit. •


Statutum est, quod, qui musical dal
operam, antequàm gradum Baccalaurei
in illâ factdtate consequatur 1, septem annos
in studio i&tpraxi musices ponat, et id ip-
sum sub chirographis hominum fide digno-
n/m tes fatum afferat.


Statutum est, quod Baccalaureus musicœ,
priusquàm ad JDoctoràtum promoveatur,
quinque annos , post susceptum gradum,
in studio vel praxi musicœ ponat ; et id
ipsum sub chirographis hominum bond fide
dignorum testatum afferat. 21




322 1SSTEUCTI0H PUBLIQUE.


Ce qui veut dire en français, plus concis que
ce latin barbare, que , pour obtenir le diplôme
de Bachelier , il faut prouver par certificats bons
et authentiques qu'on a étudié et pratiqué la
musique pendant sept;ans. et qu'une fois Bache-
lier on a , pour prétendre au Doctorat, prolongé
ces études et cette pratique de cinq autres an-
nées. Mats ce n'est pas tout, par deux aulres
dispositions latines d'une aussi élégante tournure
que celles que je viens de citer , et dont je
ferai grâce au lecteur, il faut avoir composé un
cantique à cinq parties pour le Baccalauréat, à
six ou huit pour le grade de Docteur, et, de
plus', avoir fait exécuter avec voix et instruments
les susdits cantiques dans une solennité publique
annoncée par affiches , trois jours à l'avance
placardées sur les deux battants de la grande
porte des collèges.


Toutes ces épreuves subies, vou#devenez un
Docteur en musique, si tel est votre bon plai-
sir , et un Handel si vous pouvez !


INSTITUTIONS SCIENTIFIQUES. — L'Angleterre
est loin d'avoir un Institut aussi remarquable que
l Institut de France ; elle possède peu d'Académies
patronisées par. l'état. Mais, en revanche, elle
compte dans son sein un grand nombre de So-




INSTRUCTION PUBLIQUE. 323


ciétês libres et tout - à - fait indépendantes de
l'action gouvernementale. Ce sont des réunions
de savants, d'amateurs et de personnes studieuses
qui s'associent pour foncier, à frais communs ,
des bibliothèques, des cabinets de physique ,
des musées d'antiquités, et enfin des cours scien-
tifiques et littéraires sur différentes matières, sui-
vant, la nature et le but de l'institution. Le pu-
blic n'est admis à ces cours ou lectures, selon
l'expression anglaise, que sur billets délivrés par
les sociétaires. La description d'une seule de ces
institutions suffira, je présume , pour faire com-
prendre la direction quelles suivent. Je me bor-
nerai , pour les autres, à une nomenclature ac-
compagnée de très-courts développements.


En tête de, toutes, se place la Société Royale
de Londres, assez semblable à YInstitut de
France. Ce corps savant, reconnu par charte
royale émanée de Charles I I , fut installé à Som-
merset House, par Georges III. Elle publie,
tous les ans, les Annales de ses travaux sous le
titre de Transactions Philosophiques.


\J Académie Royale vient ensuite : son ori-
gine remonte à l'année 1759. Les membres de
ce t̂e Société, consacrée aux arts du dessin , de
la peinture , de la gravure et de l'architecture ?
sont divisés en trois classes: les Âco,dém.itile.-a.s ,




324 INSTRUCTION PUBLIQUE.


les Associés et les Associés graveurs. Les
Académiciens , au nombre de quarante , se
renouvellent parmi les Associés, au nombre de
vingt ; il n'y a que six Associés graveurs. Les
nouveaux membres sont reçus par voie d'élection,
mais chaque nomination est soumise à l'approba-
tion du roi. Celle Académie distribue aux jeunes
artistes des médailles d'or et d'argent, comme
prix d'encouragement. Ceux qui obtiennent la
médaille d'or, reçoivent pendant trois ans, sur
la cassette royale, une pension annuelle de 1001.
(2500fr.) pour aller étudier sur le continent, et
de plus, une somme de 60 1. (1500 fr.) pour
leurs frais de voyage.


HAcadémie Royale entretient quatre Pro-
fesseurs qui, pendant l'hiver, font chacun un
cours de six leçons sur l'anatomie, la peinture,
la sculpture et l'architecture. Au mois de mai,
a lieu dans ses salons l'exposition publique, sur
laquelle je nie suis étendu dans un chapitre
précédent à l'occasion des beaux-arts.


L 1Académie de Musique, fondée en 1822 ,
répond à notre Conservatoire. Les élèves n'y
sont point entretenus aux seuls frais de l'éta-
blissement , ils paient un droit d'entrée de 15
guinées (390 fr.) et une rétribution annuelle de




I K S T B C C T 1 0 S P I B L I O I E . 323


10 1. (260 fr.) On admet, sur examen, des en-
fatils des deux sexes, depuis 10 ans jusqu'à 15 .


La Société Royale de Littérature a pour
but: 1." de diriger la littérature dans une voix
morale qui puisse la faire servir de plus en plus
au bonheur de l'humanité,- 2." de publier des
fragments inédits de littérature ancienne; 3." enfui,
de veiller à la pureté du langage.


L'Institution Royale fut organisée en 1 8 0 0 ,
pour la propagation des connaissances utiles, au
moyen de lectures et d'expériences publiques.
Celle Société s'honore de posséder dans son sein
les savants les plus distingués de la Grande-
Bretagne.


L'Institution de Londres a été établie eu
1806 , dans un but analogue à celui de l'Ins-
titution Royale. Elle possède une très - belle
bibliothèque, cl des salles particulières pour la
lecture des journaux el écrits périodiques, tant
de l'Angleterre que des pays étrangers.


L'Institution de F Ouest, littéraire et scien-
tifique , — F.institution littéraire de Lon-
dres, — l'Institution littéraire de Surrey,
sont des établissements secondaires, dont les bases
sont identiques à celles des institutions précé-
dentes,




326 INSTRUCTION r-EBUQUE.


Le tilre seul des sociétés suivantes énonce le
but qu'elles se proposent :


Institution des Lois (Law institution). —
Institution Linnéenne. — Société Royale
Asiatique. — Société d'Horticulture. — So-
ciété des Arts. — Société d'Entomologie. ---
Société Médico-Botanique. — Société de
Géologie. — Société de Phrénologie. — So-
ciété de Mathématiques. — Société de Mé-
decine. — Société de Médecine et de Chirur-
gie. — Société des Ingénieurs civils. —
Société de Géologie , etc.


Comme moyens d'études , Londres possède
encore deux jardins zoologiques, dans lesquels
sont entretenus, aux frais de nombreux souscrip-
teurs , des ménageries étendues, riches en sujets
précieux et rares. On ne saurait trop louer l'es-
prit d'ordre et de judicieux arrangement qui a
présidé aux dispositions de ces deux établisse-
ments, fondés en imitation de la ménagerie du
Jardin des Plantes de Paris. Personne n'est ad-
mis à visiter ces jardins sans un billet de la part
d'un souscripteur, billet qui ne dispense pas du
paiement d'un shelling à la porte ; car, j'en ai
déjà fait la remarque, il y a bien peu de plai-
sirs gratuits en Angleterre.




IÏSTSUCTIOR PTJBIIQtE. 327


Ce chapitre sur l'instruction publique et les
établissements qui s'y rapportent ne serait pas
complet, si j'omettais de parler & Adélaïde s
Gallery, exposition permanente d'une foule
d'obus d'art et d'industrie. On y voit des ta-
bleauS* de différents maîtres, des modèles de
machines à vapeur et autres, de waggons, de
bateaux a vapeur, tous en fonction, le fusil Per-
kins lançant plusieurs centaines de balles par
minutes , le myeroscope à gaz grossissant trois
millions de fois un objet , etc> Je n'au-
rais du reste pas parlé de cet établissement, plus
que je ne compte faire des musées et des bi-
bliothèques publiques , s'il ne se distinguait de
tous les autres par les leçons publiques qu'on
V fait deux fois par jour sur des matières cu-
rieuses de physique, de mécanique ou de chimie.
Ainsi, j'ai assisté avec plaisir à deux de ces le-
çons sur la vapeur et l'électro-magnétisme, ac-
compagnées des démonstrations expérimentales
les plus propres h faire bien saisir les paroles
du professeur.


Certainement , ces démonstrations dont le pu-
blic , composé le plus souvent de femmes el dén-
iants , varie tous les jours , ne peuvent avoir ni




328 INSTRUCTION PUBLIQUE.


beaucoup de suite, ni un résultat bien positif,
mais du moins intéressent-elles vivement pendant
quelques heures, vulgarisent-elles la science , en
font-elles naître le goût dans toutes les classes,
donnent-elles à un petit nombre de per^nnes
étrangères aux études scientifiques des idées jus-
tes sur des matières importantes, qui sans cela
leur seraient toujours demeurées inconnues, et
aident-elles enfin à faire comprendre les mer-
veilles de mécanique et d'industrie qui éclatent
ici à chaque pas.


Le prix d'entrée à Adélaïde s Gallery est
d'un shelling.


Par l'élévation de la cotisation annuelle exigée
des souscripteurs , la plupart des institutions ou
sociétés scientifiques dont j'ai parlé, ne sont ac-
cessibles qu'aux classes les plus riches. Il me
reste à entretenir le lecteur d'un établissement du
même genre, moins aristocratique dans sa forme,
mais beaucoup plus utile dans ses résultats et
surtout plus a la portée des classes laborieuses
qui viennent y puiser l'instruction théorique
propre à les guider dans les travaux pratiques de
l'atelier. Il s'agit de Y Institution Industrielle
de Londres (London IMechanics' Institu-
tion). Je m'y arrêterai quelques instants d'au-




JNSTKCCTION rVJIÎLIOl'E. 329


tant plus volontiers , qu'ayant promis plus haut
de décrire en détail une de ces sociétés, je m'ac-
quitterai ainsi de ma promesse , et qu'ensuite je
présenterai à mon pays le modèle d'une insti-
tution dont l'adoption pourrait, je crois, lui être
utile dans la nouvelle ère de progrès pacifique
qu'il semble vouloir parcourir.


Le but principal de Y Institution Industrielle
est de répandre parmi les membre qui la com-
posent l'instruction la plus avantageuse à l'état
qu'ils exercent et de mettre à leur portée les par-
ties les plus pratiques de la science. A cet effet,
l'établissement offre à ses souscripteurs: 1." Lue
nombreuse bibliothèque dont plus de 6000 vo-
lumes peuvent être emportés à domicile. — 2."
Lu cabinet de physique, d'industrie , de méca-
nique et d'histoire naturelle. — 3.° Des cours de
physique, de mécanique usuelle , de littérature ,
d'art, d'astronomie , de chimie et d'architecture,
comprenant des notions sur la nature des maté-
riaux à bâtir et des bois de charpente, sur la
construction des chaussées, routes, canaux,
etc. — i.° Des classes élémentaires pour l'ensei-
gnement de la grammaire anglaise et de l'écri-
ture , du dessin linéaire , du dessin de la figure ,
du paysage et de l'ornement , de la sculpture, de




330 INSTRUCTION PUBLIQUE.


la sténographie, de la phrénologie, des langues
latine et française , de 1 arithmétique, de l'al-
gèbre , de la géométrie , de la trigonométrie et
de leurs diverses applications à la perspective ,
à l'architecture, à l'arpentage, au cubage, à la
mécanique et autres connaissances praliques. —
5." Enfin un laboratoire de chimie et une salle
d'expérience.


Il existe parmi les souscripteurs du London
Méchantes Institution , des individus de tout
âge et de toute condition, des savants et des ou-
vriers , des A'ieillards cl de jeunes apprentis. l a
rétribution annuelle esl de 24 shellings (30 fr.)
et se paie par quart tous les trimestres.


Un souscripteur en payant 3 shellings (3 fr.
75 cent.) par quartier , peut faire suivre les classes
élémentaires, ou les cours supérieurs, ad libi-
tum , à son fils ou à son apprenti : mais il ne
peut les faire profiter de ces deux branches
d'instruction à la fois sans paver intégralement
la rétribution annuelle de 24 shellings.


Les étrangers qui désirent-assister à une séance
de l'institution peuvent, en .«'adressant au secré-
taire , obtenir des billets dont le prix est fixé à
1 shelling par séance.


De neuf heures du matin à dix heures du soir




INSTRUCTION PUBLIQUE. 331


une salle est disposée pour la lecture des livrés
et journaux.


Les.cours supérieurs sont fixés aux mercredi
et vendredi à 8 heures el demi du soir. Les classes
élémentaires ont lieu les autres jours de la s e ­
maine et le soir également, pour la commodité
des jeûnas ouvriers et apprentis qui peuvent ainsi
y assister sans être dérangés des travaux de la
journée


Le* eOn|cil d'administration se compose d'un
président, quatre vice-présidents, un trésorier et
trente commissaires , élus périodiquement au
scrutin par tous les membres de l'institution. Je
ne par le ni Дев>prq|esseiirs , ni du secrétaire,
les premieçs recevant au traitement annuel et le
secrétaire élanNtmkMtnple commis à gage, ils ne
pourraient, qu'à titre de souscripteurs et non en
vertu de leurs fonctions faire partie de l'admi­
nistration.


Celte société a été fondée en 1823 par le doc-
leur Birbeck de Glasgow, qui en avait établi
une du même genre dans sa ville natale en 1800 .
M. Birbeck ayant quille Glasgow en 1804 ,
AI. Lrc , auteur d'un récent ouvrage fort remar­
quable sur la philosophie des manufactures, lui
succéda à la présidence. L'institution prospéra




332 INSTRUCTION PUBLIQUE.


(I) L'ardeur des Ecossais jmnr l'élude: esl tellement
marquée, qu'il existe dans !e%'districts méridionaux de
ce royaume une institution unique.,-.-qui vaut la peine
d'être signalée et offerte à l'imitation de la France : ce
sont des bibliothèques ambulantes fondées par M. Sa-
muel Brown, lesquelles s'administrent de la manière
suivante: chaque bibliothèque, qui coûte avec sa caisse
à compartiments 12 L. st. (300 fr.) environ, se compose
de 50 à 60 volumes. Lorsque ceux-ci ont été épuisés
dans un village, ils sont emballés et échangés avec les
livres du village voisin. Un nombre déterminé de biblio-
thèques a son chef-lieu , où tous les volumes reviennent
tous les deux ans pour y être inspectés, réparés, recousus
et remis à neuf, pour rentrer ensuite dans la circulation.


tellement sous cet administrateur «iclairé, qu'en
1824 elle comptait parmi les ouvriers de Glasgow
près de mille souscripteurs. En 1821 une société
desarts fut fondée à Edimbourg dans un but analc-
gue. (1) Enfin, frappée des avantages immenses qui
découlaient de semblables institutions pour l'ins-
truction pratique de toutes les classes et pour sa
prospérité matérielle, la Grande-Bretagne les a
vues depuis quelques années se multipliera 1 infini
dans son sein ; il en existait déjà pins de soixante
en 1820 dans ses districts manufacturiers* Celles
de ÎNcwcaslle, Kendal. Carlisle , Dumfries, ï lar-




INSTRUCTION PUBLIQUE. 333


dington, Havvick, Manchester se font remarquer
par la sagesse île leurs statuts et l'Importance de
l'enseignement qu'on y donne.


La prospérité anglaise étant entièrement fondée
sur une position exceptionnelle et fausse que
menacent de plus en plus l'activité et l'industrie
étrangère, l'Angleterre sent bien qu'elle ne peut
soutenir cette prospérité que par une excitalion
industrielle toujours plus active, toujours plus
intelligente. Toutes ses idées se tournent donc
vers ce but, toutes ses institutions y tendent.
C'est à nous de comprendre les voies que suivent
nos voisins, à nous y engager à leur suite. Ob-
servons-les donc avec soin, imitons avec empres-
sement ce qu'ils inventent de bon et d'utile ,
profitons des erreurs qu'ils commettent pour les
éviter dans nos essais, et rappelons-nous surtout
que le sceptre n'appartiendra désormais qu'aux
plus instruits, aux plus laborieux, aux plus ha-
biles. La lutte et la domination des armes ont
cessé, le régne de l'intelligence et du travail
commence.






O E VISITE A OXFORD. 335


U N E V I S I T E A O X F O R D .


^«CHERCHEZ - VOUS des contrastes ? Alors
jjjjquittez Londres, la métropole commer-


i&S8S»:&ciale du monde, si pleine d'activité, de
vie et de mouvement, la ville d'intrigués, d'in-
dustrie et d'affaires ; la cité aux rues encombrées
de voitures qui se croisent et s'entrechoquent,
de chevaux qui hennissent et s'impatientent sous
le frein, d'hommes affairés qui courent et se
coudoient; quittez Londres, ruche infatigable
aux bourdonnantes abeilles ; puis , arrivez le
même jour à Oxford, pour vous croire, comme
par magie, transporté d'un bout à l'autre du
monde. Ici, plus de bruit, plus de mouvement;
a la foule empressée de Fleet Street et du
Strand succèdent les pas mesurés des étu-
diants , la démarche grave et posée des officiers
universitaires. Le changement est complet. Le




336 TSE VISITE A OXFORD.


(1) Cette robe est plus ou moins ample et longue,
plus ou moins chargée de gances et de brandebourgs,
selon le titre de l'officier qui en est revêtu. Celle des
simples étudiants est courte et tout unie.


bruit des marteaux de l'industrie ici ne se fait
plus entendre ; les collèges remplacent les usines ;
les hauts clochers de leurs chapelles seuls s'é-
lèvent dans les airs et ne craignent pas d'être
dépassés par les noirs cheminées des chaudières
à vapeur ou des fourneaux.


Muni de lettres de recommandation pour plu
sieurs étudiants, j'avais, après un séjour de quel-
ques semaines, abandonné Londres pour Oxford.
On se fera difficilement idée de la sensation que
j'éprouvai en entrant dans cette ville monotone,aux
édifices antiques et somptueux,mais aux rues tristes
et solitaires. A leur aspect, mon coeur se serrait ;
volontiers j'aurais quitté cette espèce de Nécro-
polis de" la science malgré tout l'attrait de la
nouveauté, malgré mon désir d'étudier les moeurs
étranges de cette gente noire et bizarre que je
voyais errer silencieuse, affublée d'une espèce
de demi-manteau ou robe d'étamine flottante
par-dessus l'habit ( 1 ) , coiffée d'une sorte de
casquette sans visière, au long gland de soie,




VUE VISITE A OXFOBB. 337


au large sommet plat et quadrangulaire : car.
tel est le costume obligé que portent ici étu-
diants et professeurs. La curiosité triomphant
enfin de cette impression pénible, j'arrêtai une
chambre à l'hôtel, je me hâtai d'ouvrir ma malle
pour y prendre mes lettres d'introduction , puis
je courus par la ville, pour demander Magda-
len Collège. — « Magdalen Collège est à
l'entrée d'Oxford , à la descente du pont sur la
Tamise, que vous avez traversé en arrivant de
la capitale. Vous le trouverez aisément. » En
effet, je le découvris sans peine, et m'enfonçai
sous ses longs cloîtres alors déserts. Depuis un
quart d'heure environ, j'errais dans de vastes
cours, sous des arceaux silencieux, sans aper-
cevoir âme qui vive pour m'indiquer le jeune
bachelier à qui j'étais adressé; un aide de cui-
sine s'offrit enfin à moi, et m'apprit que tout
le collège était à l'office du samedi au soir. Tous
les collèges n'ont peut-être pas leur office à la
même heure ? Voyons ailleurs. — Me voici main-
tenant au collège de l'église du Christ (Christ
church collège ) , dans la loge du concierge.—
« M. r E. R.... ? » — « Deuxième cour, à gauche,
n." 27. » — M. r E. K...., c'est le second étu-
diant auquel je suis recommandé, il est élève


22




338 l!XB VISITE A. 0XI0HD.


en théologie, et se destine au service des
autels. .Le n.° 27 m'indique son logement ; je
Trappe et j'entre. C'est une chambre grande et
propre ; à gauche, une vaste méridienne, recou-
verte de sa housse en perse luisante, forme lit
de repos ; deux étudiants y sont nonchalamment
étendus et pressent ses oreillers ; à droite, au-
dessus d'un bureau à laTronchiu, deux fleurets
sont fixés en sautoir avec les masques de fil de
fer ; en face, se croisent des baguettes à la garde
d'osier pour l'escrime à l'espadon. Sur une con-
sole, sur plusieurs petites tables dont la chambre
est encombrée, sur des rayons de bibliothèque
se voient des oiseaux empaillés, des cases d'in-
sectes et de papillons, des échantillons de miné-
raux, et quelques livres de science le moins
possible feuilletés. Aux murs sont appendues
planches gravées et caricatures. Dans la chemi-
née, brille un feu vif de charbon de terre, sur
lequel la bouilloire obligée frémit ; la bouilloire
à thé ( the kettle ), ustensile indispensable du
monarque et du citoyen, laquelle réjouit ici de
son gai murmure le J}ravidng~room du prince
et l'échoppe du savetier, qu'on retrouve chez
le simple étudiant et chez le chancelier de l'Uni-
versité: le premier objet qu'on achète en me-




UiNE V I S I T E A 0 X 1 - 0 R P . 3 3 9


nage, le dernier dont on consente à se séparer :
elle chauffait en cet instant chez M.r E. Iv....,
pour huit jeunes élèves de l'Université. Après
avoir parcouru ma lettre d'introduction, leur
hôte empressé m'invite à prendre part avec eux
à l'élégante collation qui couvre la table : des
pâtisseries, des confitures -, du fromage de Ches-
ter, du Parmesan, quelques flacons de cristal
remplis de Xérès et de Porto composent le ser-
vice; deux verres, pour éviter les mélanges,
figurent devant chaque assiette. Les convives,
sérieux et posés en dépit de leur âge, la plupart
enfoncés jusqu'aux oreilles dans les coussins de
larges fauteuils, discutaient gravement quelque
sujet frivole, tout en sablant les vins chauds de
la Péninsule, et savourant, dans un calme par-
fait, le cigare parfumé de la Havane. Telle est
la force des moeurs universitaires, elles ne don-
nent point ici, plus qu'ailleurs, la raison à la
jeunesse, seulement elles impriment à tous la
réserve du décorum.


A cet aspect imprévu, si différent de celui
qu'offrirait chez nous une pareille réunion d'étu-
diants français, je me crus d'abord introduit
chez des Gâtons de dix-huit ans ; mais cette pre-
mière impression dut bientôt s'effacer pour faire
place à un sentiment plus vrai.




3'lO USE VISITE A OXFOIÎD.


A peine eus-je été initié à la conversation, que
je m'aperçus qu'ici tout est factice et imposé par
l'usage. Ces jeunes gens si graves parlent chasse
et chevaux ; retenus clans un état mbitié in-
dépendant, moitié claustral, ils s'occupent de
formalités ridicules et négligent les études sé-
rieuses de la science et de l'humanité, pour
s'isoler dans des habitudes d'oisiveté nonchalante
ou de divertissements plus actifs, mais dépourvus
de celte joie franche qu'on retrouve partout
ailleurs. A Oxford, le temps se passe à courir
à cheval ou à pêcher, à voguer en canot sur
la Tamise, à suivre les offices de la chapelle ,
à tirer de l'arc dans le jardin du collège, ou à
boire des vins choisis et du punch au lait en
petit comité d'amis ; le reste du temps, s'il s'en
trouve, est consacré à l'étude, mais c'est le
dernier souci de l'étudiant. L'uniforme dont il
est revêtu lui impose bien une sorte de réserve
extérieure, mais ne le force pas au travail, et
si le Chancelier ou ses Procureurs marchent tou-
jours précédés de leurs bedeaux porte -masse ,
plus jaloux de leurs prérogatives universitaires
que des progrès des élèves, pourvu que les ap-
parences soient sauvées, ils s'inquiètent peu de
ce qui arrive. Je sais bien que ce que j'avance




UINE VISITE A OXFORD. 341


est sujet à exception; quelques-uns des jeunes
étudiants s'occupent avez zèle et doivent faire
un jour honneur à leur pays ; à Dieu ne plaise
que je leur refuse la justice qui leur est due !
Mais ce que j'ai dit est vrai pour le plus grand
nombre, el c'est ce que l'observateur doit avant
tout considérer.


Heureux de me trouver de prime-abord au
milieu de ces jeunes gens, je les accablai de
questions sur leurs travaux , leurs délassements,
sur les statuts de l'Université el sur mille autres
sujets. En général, ils me répondirent avec empres-
sement, mais sans paraître comprendre la portée
de mes paroles. Ils étaient étonnés que je ne susse
pas tout ce qui se faisait à Oxford, et bien plus
étonnés encore que le reste de l'univers ne se
réglât pas sur les usages Britanniques. Deux fois
je leur demandai où me procurer les règlements
universitaires, deux fois ils me répondirent d'un
air d'étonnement indéfinissable : « Mais , Mon-
sieur, ces règlements sont écrits en latin! ! » —
« Je ne suis pas un grand érudit , répondis-je,
en souriant, mais encore j'espère l'être assez
pour comprendre un peu votre latin du régne


d'Elisabeth On enseigne la langue de Virgile
ailleurs qu'à Oxford. »




342 USE VISITE A OXFORD.


La conversation durait depuis plusieurs heures,
j'interrogeais toujours, et nies jeunes gens répon-
daient. Je devais être importun, je voulus changer
de rôle. «Messieurs, leur dis-je, depuis long-
temps je vous accable de questions et sans doute
je vous fatigue , je n'abuserai pas plus long-temps
de mon privilège d'étranger. Interrogez à votre
tour , et dites ce que vous désirez savoir sur la
France et nos étudiants Français : c'est moi qui
suis maintenant à votre disposition. »


Entre huit qu'ils étaient, mes jeunes inter-
locuteurs trouvèrent à m'adresser les deux uni-
ques questions suivantes : « Mn France, court-
on le renard? — Les Français sont-ils tou-
jours grands mangeurs de grenouilles »
{Are the French always great frog-eaters?)
Certes, mon étonnement fut extrême à deux
questions de cette nature , mais pourtant moins
grand que le leur, lorsqu'ils surent que nous
ne courions pas le renard, à quelques rares ex-
ceptions près. Vivre sans courre le renard, est
pour eux un problême insoluble. Quant à ce
vieux préjugé britannique , que les Français sont
friands de grenouille, je dus m'attacher a le
combattre. Je vois encore mes jeunes gens m'é-
couter ébahis, pendant que je leur développe




l ' B E V I S I T E A O X K O R D . 3Î3


mon érudition culinaire. « La plupart des Fran-
çais, Messieurs, leur dis-je, non-seulement n'ont
jamais mangé de grenouilles, mais notre cuisine
est dans toutes ses parties beaucoup plus variée et
plus délicate que la vôtre. J'en citerai peu d'exem-
ples : vous ne mangez , en général, les œufs que
de trois sortes différentes, à la mouillette, en
omelette et en pudding. Nos cuisiniers Fran-
çais varient chaque jour leur manière d'accom-
moder cet aliment si simple en apparence : comme
vous, nous avons l'oeuf à la mouillette., l'ome-
lette et le pudding (oeufs au lait), mais l'ome-
lette n'est pas toujours l'omelette au naturel :
nous avons l'omelette aux fines herbes, l'ome-
lette au sucre ou aux confitures, l'omelette, au
lard ou aux rognons , l'omelette soufflée et l'ome-
lette au potiron ; nous avons les œufs à la neige, à
la trippe, à la chemise blanche , les œufs brouillés
et pochés, les œufs frits, les œ'ufs au gratin, les œufs
au fromage , à la crème , etc.. ; vous mangez vos
beefsteaks dans leur jus ; ils sont fort bons : c'est
un emprunt que nous devions vous faire : mais v
apportant des raffinements nouveaux , nous avons
renchéri sur vous. Nous avons donc votre beefs-
leak au naturel; mais, de plus, nous avons le




344 Uj\E VISITE A OXFORD.


beefsteak au truffes ou aux pommes de terre;
le beefsteak aux fines herbes , au cresson, aux
champignons, au beurre d'Anchois, etc Je
ne finirais pas, Messieurs , si je voulais vous
énumérer la variété infinie des mets français ;
ceci vous suffira, je pense , pour vous convaincre
que nous avons fe goût plus distingué que vos
vieux préjugés ne vous le font croire... » Mon
éloquence avait porté son fruit, je voyais que
nous regagnions dans ieur esprit tout ce que
notre peu de goût pour la chasse au renard nous
y avait fait perdre.


La collation terminée , nous quittâmes la table,
et l'on me fit parcourir le collège, bel et vaste
établissement , édifice somptueux dont la cha-
pelle est le temple métropolitain de l'Université'
Il me fallut monter au clocher et admirer une clo-
che fort ordinaire , mais dont les pensionnaires de
Qhrist-Church sont tout fiers, car elle sonne
le couvre-feu pour toute la ville, et frappe
chaque soir autant de coups qu'il y a dans le
collège d'étudiants sur la fondation.


J'ai dit dans le chapitre précédent ce que c'était
qu'une fondation, je n'y reviendrai pas. J'ajouterai
seulement que ces espèces de bourses ne s'accordent
qu'à certaines conditions; par exemple, il faut
être né dans tel comté, plutôt que dans tel autre,




CjNE V I S I T E A O X F O R D . 3 Ï5


avoir été élu dans tel établissement d'instruction
secondaire, ou avoir mérité la faveur des offi-
ciers de l'Université, soit par sa haute naissance ,
soit par ses protections. Dans Christ-Chureh
les pensionnaires sur la fondation jouissent du
privilège d'avoir une sonnette: pour se faire servir
il leur suffit de tirer le cordon. Les gentlemen
commoners, privés de ce droit, doivent se dé-
ranger pour appeler eux-mêmes les garçons de
service.


Avant d'avoir visité Oxford, j imaginais que
les collèges des Universités d'Angleterre avaient
comme les collèges de France leurs portes closes
sur les élèves. Il n'en est point ainsi. Les étu-
diants d'Oxford étant tous âgés d'au moins 15 à
16 ans, sont à peu près aussi libres dans leurs
allures que s'ils logeaient dans des maisons par-
ticulières. A Cambridge même et dans les Uni-
versités d'Irlande ou d'Ecosse ils peuvent vivre
dans des pensions bourgeoises. Oxford seul fait
exception à cet usage et ne reconnaît d'autres
étudiants que ceux établis dans ses collèges. La
règle voudrait que tous les élèves fussent rentrés,
et les portes fermées à 9 heures. Cet article régle-
mentaire est depuis long-temps complètement
tombé en dessuétude : à 10 et 11 heures du soir




3'íG V3E VISITE A OXFORD.


on peul encore voir nombre d'étudiants errer
dans les rues ou se réunir chez leur marchand
de tabac privilégié, et les portes du collège ne
se referment sur eux qu'à minuit. D'ordinaire
ils se font servir à manger dans leur chambre par
le Steward (maître d'hôtel) de leur collège res-
pectif; l usage n'exige leur présence au réfectoire
que quatre fois par semaine. Il suffit qu'ils assistent
le double de fois aux exercices multipliés de la
chapelle. Dans le temple, comme dans la salle à
manger, une place d'honneur est réservée aux fils
de lords ou aux pensionnaires de la fondation ; ils
ont toujours le pas sur les gentlemen commo-
ners. Le privilège accompagne partout ici la
naissance, et un jeune córale , un jeune marquis
est, grâce à son litre nobiliaire , dispensé d'une ou
de deux années d'étude exigées en sus de ses ca-
marades roturiers, eussent-ils sur lui l'avantage de
dix fois plus de mérite et de talent. Mais , comme
l'observe judicieusement un critique anglais, un
législateur héréditaire a-t-il besoin d'instruction ?
Eu toutes circonstances, en un mol, la déférence
de l'inférieur envers son supérieur, du plus jeune
vis-à-vis de son ancien est exigée. C'est-à-dire,
que l'un doit toujours céder le pas à l'autre , le




l\5E VISITE A OXI'ORD. 347


saluer le premier et à distance raisonnable (J).
Les jeux de hasard , la promenade en tilbury ,


le port d'armes telles qu'épëes, pistolets ou poi-
gnards , la flânerie par les rues de la ville, la
fréquentation des tavernes et des mauvais lieux,
les courses nocturnes , les libelles injurieux , les
disputes de mots, les voies de fait ou tout autre
acte réprëhensible , sont sévèrement défendus ;
la seule négligence à porter le costume ordonné
est punie d'un pensum. ( 2 )


Tour chacun de ces délits et pour toute vio-
lation de statuts, les jeunes étudiants et aussi les
marchands, imprimeurs, libraires, elc, privi-


(1) Stalulum est, quod juniores semoribus, id est,
nondum Graduati Baccalaureis, Baccalaurei Arliuin
Magistris, Magistri itidem Doctoribus, debitam et con-
gruam reverentiani , tum in privato tum in publico,
exhibeant: scilicet , ubi convenerint, locum p'otiorem
cedendo; ubi obvii venerint, de via de cedendo; et ad
justum intervallum caput aperiendo: atque etiam reve-
renler salutando et compellando. Insuper , quilibet Bac-
calaureus in Jure (qui non etiam ineeperit in Artibus)
cuilibet Magistro in Artibus ejusdem anni cedere debet
intra Universitäten!, locum que dare.


("2) Si quis in liAo parte deliquerit penso aliquo lilte-
rario punialur.




348 USE VISITE A 0XF01ID.


légiés de l'Université, sont justiciables du tribu-
nal universitaire dont les moyens de répression
sont la prison et l'amende, la privation du pri-
vilège, ou l'expulsion de l'Université ; et, dans la
plupart des cas , la perte de quelques inscriptions
(termes) pour les étudiants. Les officiers de la
corporation et les professeurs eux-mêmes, s ils
négligent leurs devoirs, peuvent être traduits de-
vant le même tribunal, et sont passibles d'une
amende pour chaque manquement aux obligations
de leur emploi.


Pour faire connaître au complet les coutumes
universitaires , il me reste à décrire les cérémo-
nies surannées en usage encore aujourd'hui pour
la réception solennelle d'un gradué. Elles sont
les mêmes pour tous les degrés, les formules
seules de présentation, d'injonction ou de ser-
ments varient selon le grade du récipiendaire. Je
supposerai donc dans ce qui va suivre , qu'il s'agit
d'un docteur en médecine.


RÉCEPTION D'UN DOCTEUR EN MÉDECINE. — Le


récipiendaire, qui ne porte encore que le titre de
bachelier, après avoir obtenu du Yice-Chance-
lier, la convocation de la Chambre de Con-
grégation qui doit lui remettre le bonnet de
docteur, fait la veille avant le coucher du so-
•> -




l'ÎSE V I S I T E A O X 1 0 I I H . 3-49


(1) Voir au chapitre précédent en quoi consiste cette
Régence.


leil, une visile d'étiquette au Vice-Chancelier,
ainsi qu'au plus ancien et au plus jeune des Pro-
cureurs (Proctors). Pendant ces trois visites,
il porte le costume de bachelier. Lin autre doc-
teur, son présentateur, également en costume ,
marche devant lui, et tous deux &ont précédés
des bedeaux de l'Université.


Arrivés chez le Vice-Chancelier, le présen-
tateur s'exprime en ces termes:


« Nous supplions voire « Supplicamus domina-
Seigneurie, autant qu'il lui tioni veslrne quatenus prœ-
plairait de présider demain esse digneturCrastinaeCon-
la Chambre de Congréga- gregalioni, ut Baccalau-
lion, d'autoriser la pré- reusmeus adgradumsuum
sentation de notre Bâche- prsesentetur. »
lier au grade de Docteur. »


Cela dit, le Candidat verse entre les mains du
Vice-Chancelier une somme de deux livres ster-
ling (50 f. 40 c.) pour garantie de son exactitude
à remplir de suite les devoirs nouveaux qui vont
lui être imposés, et à se soumettre immédiate-
ment à la Régence obligatoire ( 1 ) , faute de
quoi le cautionnement demeure acquis à l'Uni-




350 li 5 E VISITE A OXFORD.


versile. S i , au contraire, le nouveau docteur a
rempli ses devoirs avec zèle, à l'expiration de
l'année de sa Régence obligatoire* son caution-
nement lui est intégralement remboursé, à moins
qu'il ne se soit exposé à quelque amende , dont
le montant en est alors déduit.


l a visite du Vice-Chancelier terminée, on se
rend avec la même cérémonie chez les deux
procureurs, auxquels le présentateur adresse l'al-
locution suivante :


v Supplicamus rcvercn- « Nous supplions vos
tiis vestris , ut craslinre Révérences de vouloir bien
Congregationi interesse di- assister demain à la Cham-
gnemini, ut Baccalaureus bre de Congrégation, pour
meusadgradum suurn prœ- que notre Bachelier soit
sentetur. » présenté pour le grade de


Docteur. «


Le lendemain , jour de la présentation, an
premier sondela grosse cloche de Chrisl-Church,
le Présentateur, le principal et les élèves du col-
lège du candidat, en compagnie de tous les étu-
diants , Bacheliers ou Docteurs en médecine,
présents à Oxford, tous vêtus du costume obligé,
précédés du massier de l'Université et du be-
deau de la Faculté, vonl prendre le futur doc-
teur, et le conduisent processionnellement au
vestiaire de la Chambre de Congrégation.




UUE VISITE A 0XF0KD. 351


Là . on lui l i l . ou on lui fait lire à haute voix,
et on lui présente à signer les 39 arlieles de la
Foi anglicane tels qu'ils ont été arrêtés par le
Synode de Londres en 1 5 6 2 , elles 3 articles
du trente-sixième canon du livre des constitutions
et canons ecclésiastiques rédigé par le Synode
de 1603.


La signal ure donnée , le Vice-Chancelier, les
Procureurs et Régents assis sur leurs sièges , le
Présentateur , le Récipiendaire et tous ceux qui
l'ont accompagné, toujours précédés des bedeaux,
sont admis dans la Chambre de Congrégation.
Puis, conduit par son présentateur qui le tient
par la main, le candidat s'avance d'nn pas so-
lennel vers le Vice-Chancelier, vers les Procu-
reurs et successivement vis-à-vis chacun des mem-
bres de la Chambre leur faisant à tous une ré-
vérence profonde pendant que son parrain pro-
nonce les paroles suivantes :


« Très - illustre V i c e - «Insignissime vice-Can-
Chancelier s et vous dignes cellarie , vosque egregii
Procureurs, je vous pré- Procuratores, prsesentovo-
sentc ce Bachelier en méde- bis hune meum Baccalau-
cine,pourque vonsdaigniez reum in medicina, ut ad-
l'admettre à exercer dans mittatur ad incipiendùm in
cette faculté. J'affirme que eadem facultate ; testor que
devant moi il a lu (ou enten- illumin praeseDtia mea le-




352 IÍ5E TIS1TE A O X f O H D


du lire) les articles de notre
Foi et de notre Religion ,et
spécialement aussi les trois
articles du 36.'' canon a u x -
quels il a apposé sa signa-
ture en présence des Pro-
cureurs; j'en donne ma foi
à l'Uni versile. »


Cette formalité remplie , le Récipiendaire s'a-
genouille aux pieds du plus jeune Procureur, qui
lui fait prêter le serment suivant :


« Domine doctor, tu da-
bis Fidem ad obscrvandum
statuta, privilegia, consue-
tudines, et libertates islius
Universitatis. » Jtespond.
o Do. a


« Jurabis el iam, quod
pacem istius Universitatis
per te non perturba!)is, nec
per alium vel per alios qua-
litercunque perturban pro-
curabas; nec pcrturbatorem
vel perturbatores , aliqucm
vel aliquos,in perturbatione
pacis , ope vel concilio ju -
vabis ; nec impedies per te
vel per alium vel alios, quo
minus de pacis perturba-


« Monsieur le Docteur ,
vous engagez votre Foi que
vous observerez les statnts ,
privilèges , coutumes et li-
bertés de cette Université.»
—Rep. —« Je l'engage. »


« Vous jurez aussi de ne
point Iroubler par vons-
raême la paix de l'Univer-
sité, ni de fournir à un au-
tre ou à d'autres personnes
quelconques les moyens de
la troubler; de n'aider ni
de votre appui , ni de vos
avis, le perturbateur ouïes
perturbateurs, l'un ou les
antres dans la perturbation
de la paix ; de n'empêcher


gisse (vel lectos audivissé)
artículos Fidei e t Religio-
nis, quibus modo suscrip-
sit coram Procuraloribus ,
ac speciatim tres articulos
in c a D o n e 36.° comprehen-
sos; Fide mea dala huic
Universitati. »




UNE VISCIE A OXFOKO. 353


« Tu etiam promittcs ,
sanctaeque coram Deo Op-
timo Maximo recipies, quod,
quolies in publicara Acade-


23


tore vel perturbatoribus fíat
justicia.» — ñ- — « Juro.»


» ítem specialiter lu ju-
rabis , quod inter nullas
communitates vel personas
istius Universitatis , impe-
dies pacem, concordiam et
amorem. Et si aliqua dis-
sentio inter aliquas commu-
nitates vel personas exorta
fuerit , illam nullo modo
fovebis, vel accendes: nec
conventiculis interes.se de-
bes , nec eis tacile vel ex-
presse consentiré, sed ea
potius, modis guibus po-
teris, impediré. » — R.—
« Juro. »


ni par vous-même, ni par
un autre, ni par d'autres
qu'on fasse justice d'un per-
turbateur ou des pertur-
bateurs de la pais. . » —
R. — « Je le jure. »


«De plus, vous jurez par-
ticulièrement de ne jamais
interrompre la pa ix , la
concorde et l'amour qui
régnent entre les diverses
communautés et entre les
personnes de l'Université.
Et, si quelque dissention
s'élevait entre quelques
communautés ou quelques
personnes , vous jurez de
ne point l'exciter d'avan-
tage ; vous.ne devez pas non
plus assistera des concilia-
bules prohibés , ni y ac-
quiescer ouvertement ou ta-
citement ; vous devez plu-
tôt faire tous vos efforts pour
y mettre obstacle, JO — S.
— a Je le jure. »


« Vous promettez aussi,
et prenez, en présence du
Dieu très-bon , très puis-
sant , l'engagement sacré




3 5 4 tWB VISITE


« Itejn, qnod nequetuin
persona ini aliquem vel
aliquos libros surripies ,
pennutabis , rades, defor-
roabis, lacerabis, scindes,
annotabis , interscribes ,
sponte corrumpcs , oblite-
rabis, contamin*bis , aut
alio quocunque modo de-
truncabis.abuteris, deteres,
aut imminues ; nec aliicui-
quam auctor eris horUm
quidvis perpetrandi ; sed ,
quantum in te est, delin-
quentem, vel delinquentes
impedies, ipsoruxnque ma-
lescia Yice-Concellario ,
ejusve deputato, intra tri-
duum postquam libi inno-


\ OXFORD.


que, toutes les fois que vous
entrerez dans la Bibliothè-
que publique del'Académie,
vous vous préparerez à
l'étude par le silenco et le
recueillement, et que vous
userez soit des l i v res , soit
des autres objets y déposés,
de manière à les faire tinter
le plus long-temps possi-
ble. »


« Vous promettez encore
de ne soustraire, ni chan-
ger, ni rûturer, ni déformer,
ai lacérer, ni déchirer, ni
annoter, ni interligner , ni
gâter de propos délibéré,
ni effacer, ni maculer, ai
tronquer d'aucune manière
quelconque, ni rogner, ai
froisser , ni altérer , s i
réduire le l ivre an les livres
qui vous seront confiés :
non-seulement vous ne vous
rendrez , de votre per-
sonne , coupable d aucun
de ces délits, mais vous pro-
mettez encore d'empêcher
celui ou ceux qui s'y laisse-
raient aller ; et dénoncerez,


mi;e. Bibliothecam venire te
contigerit, animimi ad stu-
dia per modestiam et silen-
tium accomodahis ; libros ,
eseterum que cullum sic
tractabis,utsuperessequam
diutissime possint. »




l'UE VISITE A OXFORD. 3 5 5
dans les trois jours , au tuerint , denunciabis : Ita


teDeUsadjuvet tactis sacro-
Sanctis Christi Evangeliis. »


Vice-Chancelier ou à son
délégué les méfaits de ce
genre qui viendraient à
votre connaissance : Ainsi
Dieu vous soit en aide après
que vous aurez touché le9
Saints Evangiles de Jésus-
Cbrist. »


La lecture de ces formules achevée, le Pro-
cureur y ajoute un nouveau degré de solennité
par les paroles suivantes :


et Votre promettez de te-
nir fidèlement tous ces. en-
gagements ; ata&iDieu vous
soit on aide, au nom de
Jésus-Christ que nous an-
nonce ces Saints Evan-


o Haec omnia praedicta
te fideliter observaturtim
promrttea, sicut Deus te ad-
ju vet, per Je sum Christum
hoc sacro sancto Evangelio
annunciatum. »


giles. a


II* présente ensuite la Bible à baiser au can-
didat, puis ajoute encore:


«Vous avez cinq jours « Item tu teneris quod sis
pour vous pourvoir du cos-
tume de votre dignité; et
vous le port iez ,ou tout au-
tre semblable, tant que vous
résiderez dans la ville uni-
versitaire , non-seulement
pour y exercer vos fonc-


habiturus intra quindeuam,
liabitumde proprio, gradui
competentem; et ipsura vel
similem servabis, quamdlii
in Universitate contigeritte
morari ; ad eflectum, ut non
solum in eo actus Scholas-




356 uns VISITE A oxrofiD.


ticos possis cxerccre ; ve-
runi etiam Universilatem
Matrem nostrani, in pro-
cessionibus, et aliis Univcr-
sitatis negotiis (cum voca-
lus et prœmonitus fueris)
cum eodcm valeas hono-
rare ; idque sub poenis in
stalntis universitatis limi-
tatis. »


tions , mais encore pom- y
honorer de votre présence
les processions et les autres
réunions de l'Université, no-
tre mère, toutes les fois que
veus y aurez été convoqué
et invité ; et cela sous les
peines voulues par les sta-
tuts de la corporation. »


Tout n'est pas dit, restent encore le serment
d'allégiance et celui de fidélité à l'Université. Pour
cela, le récipiendaire s'avance vers le plus an-
cien des Procureurs et prononce, non plus en
latin, mais en bon anglais, la formule suivante :
« Moi, un tel, je promets et jure solennelle-
» ment fidélité et obéissance sincère à Sa Ma-
» jesté le roi Guillaume IV ; ainsi Dieu me soit
» en aide. » Puis il baise de nouveau l'Evangile.


Il retourne ensuite s'agenouiller aux pieds
du Vice-Chancelier, qui lui dit :


« Domine Doctor tu da- « Monsieur le Docteur,
bis fidem ad observandtim
statuta privilegia, consue-
tudines, et libcrtates hujus
Universitatis. »—R. « Do. »


vous vous engagez à ob-
server fidèlement les sta-
tuts , privilèges, coutumes
et libertés de cette Univer-
sité ? » — R. — Je m'y en-
gage. »




O E V I S I T E A O X F O R D . 357


« Ad honorem Domini
nostri Jesu-Christi , et ad
profeclum sacro sanclae ma-
tris Ecclesia; et sludii, ego
aulorilate mea cl tóíius Uni-
versilalis do tibi licentiam
ineipiendi in Facúltate Me-
dicina' , legendi , dispu-
tandi, et e;etera omnia fa-
ciendi, qua; ad statimi Doc-
toiis in eadem Facúltate
pertinent, cum ea complc-
veris qu;e ad lalem perti-
nent solemnitatem; in no-
mine Domini, Patiis , Fi-
lii, et Spiritus Sancii. »


Répond - i l , les mains étendues sur le Saint
Livre, que le Vice-Chancelier, pour le procla-
mer Docteur, lui pose ensuile sur la tête, en
disant :


« Pour la gloire de notre
Seigneur Jésus-Christ, l'a-
vantage de notre sainte
Mère l'Eglise et le profil de
la science, moi, Vice-Chan-
celier , vous donne de mou
autorité et au nom de l'Uni-
versité entière., l'autorisa-
tion d'exercer dans la fa-
culté de Médecine, d'ensei-
gner, de disputer eldcprati
(juer tout ce qui appartient,
au degré de Docteur en la-
dite Faculté, après que vous
aurez rempli toutes les for-
malités de cette assemblée
solennelle ; au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit. »


Pendant ces six derniers mots, le Chancelier
a soin de se découvrir; et enfin tout est dit. l e
nouveau Docteur se relève, lait la révérence au
Vice-Chancelier, aux Procureurs, aux Régents
de la chambre, et se retire précédé de son pré-
sentateur, accompagné de tous ceux qui /Vont




358 USE TJS1TE A OXFORD.


allés le prendre avant la cérémonie et qui le re-
conduisent après à son domicile, dans le même
ordre , le massier ouvrant toujours la marche.


Pour que ce tableau fût complet, il faudrait
que j'eusse pu le faire précéder de la scène dune
thèse ou d'une argumentation soutenue en latin
barbare par le candidat ; cela ne m'a pas été
possible : quoi qu'il en soit,, qu'on relise Molière,
qu'on relise le discours du Président de la Faculté :


« Savantissimi Doctores
Medicinœ professores ,
Qui liic assemblali eslis , etc »


Qu'on relise encore l'examen et les réponses
du Bachelier enrobe de chambre, et qu'on dise
ensuite si la réception du docteur Argant diffère
beaucoup de celle que je viens de décrire : à
l'élégance du latin près (celui de Molière,est le
mieux tourné sans contredit), je ne sais tr.op
laquelle des deux cérémonies est la moins gro-




TABLE DES CHAPITRES. 359


T A B L E D E S C H A P I T R E S .


LA DOUANE 1.


MANIÈRE DE VOÏ&GER. — Diligences, Auberges,
Cafés, Restaurants, Logements militaires, Foitures et
Charrettes, Fiacres, Omnibus , Cabriolets, Barques
sur la Tamise, failures à l'apeur sur roules ordi-
naires 1 3 ,


VOIES DE COMMUNICATION'. — Chemins de Fer,
Routes , Canaux, Rues Ï 9 .


NAVIGATION INTÉRIEURE PAR CANAUX 7 9 .
LONDRES 8 7 .


BEAUX-ARTS. — Théâtres, Littératures, Journaux,
Peinture, Sculpture, Gravure '. . 1 3 1 .


HABITATIONS ANGLAISES. —- Maisons de ville, Cot-
tages, Châteaux, Parcs 1 7 7 .


PRISONS, HOSPICES, DISPENSAIRES 2 2 3 .


RELIGION. — Esprit religieux, Temples, Cérémonies
du Culte, Constitution Religieuse 2 5 3 .


INSTRICTION PUBLIQUE. — Salles d'Asile, Écoles




360 TABLE DES CHAPITRES.


Primaires , Collèges , Universités , leurs Officiers ,
titres et degrés universitaires. Institutions scientifiques
et littéraires 287.


UNE VISITE A OAFOHD. — Réception d'un Docteur-
Médecin 3 3 5 .




TABLE ALPHABÉTIQUE. 3 6 1


T A B L E A L P H A B É T I Q U E .


Academies. (Voyez Institutions scientifiques.)
Administration des paroisses (uu communale), 291 .
Affaires commerciales , 129.
Ameublement, 185 , 217 .
Anglais (les) , 87.
Architecture, 1 7 0 . — ( V o y e z châteaux , maisons, cot-


tages , écuries.)
Assurances (compagnies d ) , 95.
Auberges, 22 à 30. (Voyez hotels, hôtelleries.)
Banques , 126.
Bateaux à vapeur, 1 8 , 2 t .
Barques sur la Tamise , 34.
Beaux-Arts , 13 t.
Bienfaisance (établissements de) , 245 . — Dispensaires ,


246. — Règlement du dispensaire de Birmingham ,
247. — Comparaison entre la facilité d'établir les
sociétés de bienfaisance en Angleterre , et la diffi-
culté qu'offre leur fondation en France , 250.


Brasseries, 123.
Cabriolets (de place), 33 ; — prix des courses, 34.
Cafés , 30,




362 TABLE ALPHABÉTIQUE.


Canaux, 5 7 , 79. — Equipages des bateaux haies par
des chevaux, 7 9 , 83. — Navigation des canaux
d'Ecosse, 80. — Coupe la plus convenable à donner
aux bateaux de transport et leur dimension, 81.


Charrettes, .31 ; — charrettes de roulage , 3 6 ; — tom-
bereaux , 3 8 : — moyens d'empêcher les accidents aux
montées, 39.


Châteaux, 215 . — Style anglais moderne ; style pointu,
2 16 . — Ameublement intérieur, 217 . —-Parcs, 218 .


Chemins de fer, 13, 18 , -i I , 50 : — de Livcrpool à Man-
chester et de Leeds à Selby , 51 .; -—- listes des compa-
gnies de chemins de fer, autor isées ,— 5 2 ; chemin
de fer a pneumatique , 7 i ; — ou chemin de fer par nue
construction , 183.


Chevaux, 19. — Attelés aux diligences, 1 9 , 2 < > , 2 1 ,
52, —aux bateaux des canaux , 79 , 83. —Nombre
de chevaux vendu annuellement sur le marché de
Smithlield, 115.-— Ecuries , 2 0 2 , — Etablissement de
M. Newmann , 207.


Chirurgie (exercice de la), 319.
Collèges , 296.
Confiseurs, 30.
Consommation de Londres , 112.
Cottages 177.
Cuisine anglaise, 192. — Ustensiles divers , 193.
Départ du Havre, 3.
Diligences , 13 à 21 . — Prix des places, 15. — Des


bagages, 1 6 , 22. — Les diligences en 1(172.— At-
telage, conducteurs, cochers, relais, I , 2 2 . — Les
bureaux, les facteurs, 22. — Construction des dili-




TABLE ALPHABÉTIQUE. 363


Distribution d'can à domicile, 93.
Docks ou bassins, 1 18 .
Douane (la), page 1. -— Visite douanière- à Southampton,


3 ; à Sainl-Malo , 5, - r - Comparaison entre les visites
douanières eu Fiance et en Angleterre, 3 à 11.


Eau (distribution d'), 9.L
Eclairage au gaz, 103.
Ecoles Primaires, 290. — Ecoles secondaires. 295.
Ecuries , 2 0 2 , 207.
Etiquette anglaise , visites, 190.
Exposition permanente d'objets d'art et d'industrie, 327.
Fermes. 56.
Fiacres, 2 3 , 3 2 , 33 ; — l e u r nombre , 3 i ; — p r i x des


courses, 3 i.
Force comparative entre un chova! et une machine à


vapeur, 83.
Gig (voiture) des fermes , 36.
Gravure, 170.
Habitations anglaises , 1 7 7 .
Hospices, 243.
Hotels , hôtellerie, 22 à 3 ! ) . — Arrivée à l'hôtel, 23.


— Logement, 2Í . — Repas, 25. — Leur service et
leur prix, 26 , 27. —- Gratification aux domestiqués,
2 8 . — Domestiques de 1 hôtel et leurs attributions , 2 8 .
— Laisser-aller des .voyageurs anglais, 2 9 . - — Lé-
gislation envers les aubergistes, 30 . -


Imprimeries, 1 2 0 . — Ateliers de M. Glovves, 121.
Incendies (moyens à employer contre les), 95.
instruction publique , 287. ( Voyez Salles d'Asiles,


Ecoles Primaires, Collèges, Université.) —Statistique




364 TABLE ALPHABÉTIQUE.


comparée de l'instruction publique , 2 8 9 . — Ouvrages
élémentaires, 293. — Instruction industrielle, 329.
Institutions scientifiques, 323.


Journaux, 1 4 7 . — Leur publication, 147. —Journaux
des comtés , 1 4 7 . — Paiement des rédacteurs , 147.
— Liste des journaux publiés à Londres, 1 4 8 . —
Opinion des principales feuilles de Londres, 149.
— Préliminaire de la publication d'un journal, 150.
— Cautionnement et timbre, 150. — Prix des jour-
naux, 151 . — Moyens déplacement et de distribution
des journaux , 152. — Réception des journaux étran-
gers, 154. — Frais exorbitants imposés à la près su
périodique en Angleterre, 154. — Législation de la
presse, 1 5 6 . — Liberté des journaux, 161.


Lavoir, ou >\ashing-house, de Glasçow, 90.
Législation de la presse, 156 .
Littérature, i ï i . — Ecrivains actuels, 141. — Prix des


manuscrits., 145. — Ilevues , mayazines, 145 , 148.
— Ouvrages élémentaires, 293 .


Lithographie, 170.
Logements militaires, 30.
Londres, 87. — Aperçu de cette vaste cité, 87. — Phy-


sionomie des habitants, 88. — Modes , 89. — Popu-
lace, 90. —Equipages , 9 1 . — Entretien des rues ,
92.—Fourniture de l'eau, 93. — Moyens en cas d'in-
cendie, 95. —Lavage du linge, 96. — Usage du char-
bon de terre. 97. — Magasin de détails, étalages, 102.
— Eclairage au gaz. — Filles perdues, 10 i. — Police ,
104. — Places, ou squares, 110 . — Ses Parkx,
110. — Approvisionnements, consommation, 1 1 2 ,




TABLE ALPHABÉTIQUE. 365


113 . — Marché de Smithfield, 1 14 . — Ses docks ou
bassins, 118 . — Ses Warehouses , 1 18 . — Ses impri-
meries, 1 2 1 . — Ses brasseries, 123. — Banques, 126 .
— expédition des affaires commerciales, 129. — Ses
Ihéâtres, 132 .


Machines à vapeur, 83.
Maçons anglais, 182. — Leur mode de travail, 182 .


" Maisons de vi l le , 1 7 7 . — Leur disposition, leur déco-
ration , 178. — Remises et écnries , 202. — Mai-
sons de campagne, châteaux, parcs , 2 1 1 . — Got-
lages, 210 . — Villa, 214 . — Châteaux, 215 .


M A H L C B E D E V O Y A G E R , 13.


Marcliés, champs de foire , 1 1 4 . — Marchés de Covent-
Garden et Hungcrford., 1 1 5 ; — de Birmingham, 1.16.
— Prix des places sur les marchés, 1 1 7 .


Médecine (étude de la ) , 315. — Examens pour professer
la médecine, 317.—Réception d'un docteur-médecin
à Oxford, 349. — Comparaison entre les formules de
cette réception et celle du Malade Imaginaire, 358.


Messageries de France correspondant avec l'Angleterre,
22.


Militaires (logements), 30.
Modes anglaises, 8 9 , 136.
Musées, 165.
Musique religieuse, 2 7 3 . — Musique (étude d e l à ) , 321 .
Navigation intérieure par canaux, 79.
Omnibus 2 3 , 3 2 ; — prix des courses, 34.
Oxford (Une visite à ) , 335. — Mœurs des étudiants,


336. — Réception d'un docteur-médecin, 349.
Originalité des anglais, 87.
Paquebots à vapeur, 21 .




366 TABLE ALPHABÉTIQUE.


Parks , 1 10 .
Pavage, 6 7 , 71 ; — détails à cet égard, 71 à 74. .
Peintures, sculpture, 165 . — Musées, 1 6 5 . — E x p o s i -


tion de Sommerset-House, 165. — Peintres anglais,
168. — Sculpture, 173.


Pensions bourgeoises à Londres, 29.
Phaëton des fermes , 3 6 .
Pharmacie (exercice de la), 318.
Places publiques (ou squares), 6 7 , 1 10 .
Pneumatic railway (chemins de fer pneumatique), 74.
Police à Londres, 104. — Comparée à celle de Paris,


106 .
Portefaix, 23.
Porter, etymologic de ce mot, 125.
Poste, 153 .
Prisons , 223 . — Maison pénitentiaire de Milbanck, 224.


— Régime des détenus, 225. — La geôle , 229. —
Les maisons de correction, 229. — Règlement des
prisons anglaises, 229. — Maison de correction à
Edimbourg, 237. — Règlement de la geôle d'Edim-
bourg , 239.


Railways. (Voyez chemins de fer).
RELIGION , 2 5 3 . — Habitudes religieuse», 253 , 255. —»


Le dimanche en Angleterre , 253. — Des Sectes et
de leurs Eglises , 258. — De la Tolérance religieuse
dans les habitudes et de l'intolérance dans la loi, 259.
— Du Clergé, 261 . — La réforme, 2 6 1 . — Cha-


pelles , temples, 264. — Leur description, 236. -—
Cérémonies du culte, 269. — Constitution religieuse,




TABLE ALPHABÉTIQUE. 367


276. — Eglise anglicane, 270. — Catholiques ro-
mains , 281 .
Repas (heures des) à Londres, 28.
Restaurants , 30.
Rivières: leur amélioration et leur canalisation , 59 ; —


la Clyde , 59.
Routes, 1 3 . — Maeadémisées, 1 3 ; en fer (Voyez che-


mins de fer.) — Dommages causées aux routes
par les voitures et attelages, 44. — Historique des
routes, 54. — Etat actuel, 56.


Rues, 65. — Leur immense largeur, leurs trottoirs , leurs
chaussées, 6 6 , 70. — Leur pavage,67 , 7 1 .


Salles d'Asile, 289.
Sculpture , 1 6 3 , 173 .
Sociétés Scientifiques. (Voyez Instruction publique.)
Southaraplon, 3.
Théâtre , 1 3 1 .
Transports (moyens de) 1 3 , 18 , 2 4 , 2 3 , 3 3 , 3 6 , 3 8 ,


3 9 , 4 1 , 50 , 5 1 , 5 2 , 7 4 , 7 9 , 8 0 , 8 1 , 8 3 , 183 .
Universités , 300. — Université d'Oxford, 302. — Ses


privilèges, 303. — Ses statuts, 303. — Ses digni-
taires, 3 0 6 . — Ses étudiants, 3 1 0 . — Université de
Cambridge, 3 1 1 . — Université de Dublin, 3 1 3 . —
Universifêsd'Ecosse , 3 1 3 . — P r i x , 3 1 4 . — Degrés
universitaires^, 3 1 4 ,


Vétér^âirer£-32Î, .
Villages* f


VidesVfe cômmtlniçâ'tion, 49.
V o i r i e ^ ^ r ' tjufeg', places, villes > pavage).




368 TABLE ALPHABÉTIQUE.


DU PREMIER VOLUME.


Voitures, 31 ; •— De ferme , 36; — De luxe , 91 ;
D arrosement, 92. — Remises, 202. — Etablissement
de M. Newmann, 207.


Voitures à vapeur sur roules ordinaires, 39;—législation
à leur sujet, 43.


Voyage (les Anglais en) , 14.
Warebouses ou bazars , 118.




OBSERVATIONS


RECUEILLIES


EN ANGLETERRE.




A N A N T E S ,
L'IMPRIMERIE DE МЕ1ЛШЕТ.




fr»v


OBSERVATIONS


RECUEILLIES


EN ANGLETERRE,


PAR M. C.-G. SIMON,


REDÀCTEUB EN CHEF ET GERAST DU BBETOS.


A PARIS ,
CHEZ ISID. P E S R O N ,


1 3 , R U E P A V É E - S A H T T - A K D B É - D E S - A B . C S .


A N A N T E S ,


CHEZ MELLINET, ÉDITEUR.


1 8 3 6 .






OBSERVATIONS
RECUEILLIES


EN ANGLETERRE.


INDUSTRIE ANGLAISE.
INVENTIONS DU SIÈCLE DERNIER. — UNE


MANUFACTURE A MANCHESTER. — JUSTI­
FICATION DE MACHINES.


« There is a targe field of knowledge, proper for the use and advan­
tage of men in this world; viz. to find out пел/ inventions of dispatch,
to shorten or ease our labour; OF, applying sagucwtsiy together se­
veral agents and itttunrials , to procure new and beneficial productions
fit for our use , whereby our" stock of riches (i. e. things useful far
the conveniences of our life), mag be increased, or better preserved. »


(Lord KIWG'S life of Locke.)
к II est'un vaste champ ouvert\\ nos études pour notre bien­être en


ce monde ; c'est celui de cos inventions précieuses q à accolèrent 1«
travail et en diminuent les fatigues; qui, combinant ensemble It's
divers matériaux fournis par la nature, nous procure at dis nouveaux:
produits par lesquels nos richesses (c'est­à­rfiro les choses utiles à
Г homme) sont augmentées on mieux, conservées. »


{Vie de Locke, par lord K I N G y


NVENTIONS D U SIÈCLE DERNIER. — L'avè­
nement d'un p e u p l e à' la vie industr ie l le
Itelle qu'on la conço i t de n o s j o u r s , n'est


A




2 IKDUSTRIE A S G I A I S E .


ni for tu i t , ni volontaire ; il dépend de certaines


condi t ions r igoureuses , en l 'absence desquel les tout


effort h u m a i n s 'exercerait sans succès . Ces c o n -


dit ions sont de d e u x sortes : matérielles , e l l e s


t iennent à la pos i t ion géographique du p a y s , à


son c l i m a t , à la nature de son s o l , à cel le de


ses produits ; morales , e l les d é p e n d e n t des ins-


t i tut ions po l i t iques de l ' E t a t , d u caractère de la


nat ion.


L e s unes c o m p r e n n e n t l 'abondance des m a -


tières p r e m i è r e s , les m o y e n s naturels et faciles


de c o m m u n i c a t i o n , des frontières b i e n marquées


e t assez for tement p r o t é g é e s p o u r laisser p e u à


r e d o u t e r e n t e m p s de guerre des incursions de


l 'ennemi : la f o r c e , la jus t ice et la régularité du


g o u v e r n e m e n t , l'activité , l'esprit d 'économie et


d'entreprise d e s c i t o y e n s , la sécurité des capitaux


p lacés dans les entreprises d'industrie o u de c o m -


m e r c e , voi là les pr inc ipaux é léments des autres.


A c e c o m p t e , que l p e u p l e s'est trouvé situé p lus


avantageusement q u e les Anglais p o u r devenir


industrie l ? — La Grande-Bre tagne est r iche par


la fertilité d'une grande partie de son s o l , r iche


surtout par l 'abondance inépuisable de ses m i n e s :


el le trouve dans son sein et presque sans pe in e


les m é t a u x et le c o m b u s t i b l e ; l ' O c é a n , ce vaste




I N D U S T R I E A N G L A I S E . 3


grand chemin des n a t i o n s , est ouvert à ses va i s -


seaux : ils lui apportent e n abondance les m a -


tières premières , les produi ts bruts des autres


cl imats. Pro tégée par les m e r s qui l ' e n t o u r e n t ,


son indépendance ne craint r ien de la conquête


é t r a n g è r e ; une r é v o l u t i o n , de b o n n e heure a c -


compl ie , assure depuis l ongues années l iberté et


sécurité intérieures à ses enfants. Pour accroître


leur b i e n - être et l eurs r i c h e s s e s , l e s Anglais


sauront-ils profiter de ces heureuses c irconstances ?


Le génie du p e u p l e répondra-t - i l aux largesses


de la n a t u r e , a u x avantages d'une const i tut ion


libérale ? — E x a m i n o n s .


I l est indubitable que les p r e m i e r s succès o b -


tenus par les Anglais dans la fabrication des étoffes


de l a i n e , dans l e travail des m é t a u x , sont dus


principalement à la beauté et au grand n o m b r e


de leurs t r o u p e a u x , à la f écondi té de leurs m i n e s


de f e r , de cuivre , de p l o m b et d 'é ta in; mais la


perfect ion de tous ces a r t s , l 'emploi e n grand de


la fonte de fer et d u fer f o r g é , l ' invent ion de


ces mervei l leuses mach ines qui ont mult ip l ié ,


modif ié , é tendu l'usage des matières text i l es ;


tout ce la est l'oeuvre d u gén ie b r e t o n . A quo i


eût serv i , e n e f f e t , c e minerai de fer , si l ' épuise -


m e n t des f o r ê t s , la rareté et l e p r i x é levé des




4 ' I N D U S T R I E A N G L A I S E .


bo i s en paralysaient l 'exploitat ion ? A quoi ser-


vaient m ê m e ces houi l l ières p r o f o n d e s , si les


expér i ences de lord D u d l e y n'avaient d é m o n t r é


la possibi l i té de traiter la fonte au charbon de


terre ? Sans l ' invention des filatures e t des cardes


sans fin, le mét ier du t i sserand, entre tenu par


les seuls fuseaux des v i l l ageo i ses , cessait de battre


faute d 'a l iment ; le c o t o n , la la ine , le U n , r e s -


taient sans e m p l o i ; sans l ' invention d u mét ier


m é c a n i q u e , les filatures dépassaient les ouvriers


t isseurs et chômaient à l eur tour .


Poursu ivons : Les filatures sont ins ta l l ée s , les


mét iers sont m u s par l ' e a u , et ne s e m b l e n t p lus


réc lamer que l'oeil d'un surveil lant : q u e leur faut-


il de p lus ? — L e s chutes d'eau sont bornées dans


l eur n o m b r e , aussi c a p r i c i e u s e s , aussi i r r é g u -


l ières dans leur service q u e dans leur cours ;


souvent é lo ignées des v i l l e s , perdues dans les


m o n t a g n e s , l ' emploi des chevaux ne les sup-


p lée pas : cet te dernière force est t r o p cher


d'ai l leurs , et ne suffît p lus à l ' impulsion d o n n é e


par tant de nouve l l e s découvertes . D è s les p r e -


miers pas l ' industrie s'arrêtera-t-elle ? N o n ; la


la machine à vapeur sortira presque de toutes


p i è c e s d u cerveau d'un mécanic ien de G l a s g o w .


D è s - l o r s , p l u s d'obstacles à vaincre , la vapeur




I N D U S T R I E A N G L A I S E . 5


suffira à t o u l , se prêtera à tout ; p e n d a n t qu'el le


fouillera les entrailles de la terre et épuisera les


eaux qui , sans e l l e , vont envahir les hou i l l i è re s ,


pendant qu'elle se fournira ainsi à e l l e -même son


propre a l i m e n t , el le lissera le chanvre et le lin ,


cardera le c o l o n et la l a i n e , ondera la moire ,


tressera les tul les et les d e n t e l l e s , soulèvera les


lourds marteaux des forges , mel lra en m o u -


vement et navires et chariots , se placera en


tous l i e u x , agira au gré du m a i l r e , incessam-


m e n t , sans h u m e u r ni caprice ; se fera tour à


tour puissante o u faible , délicate ou vio lente ,


selon qu'on ex igera d'elle force o u p r é c i s i o n .


Cer te s , ce serait p o u r une main habile un beau


tableau à tracer dans l'histoire de l'esprit h u m a i n ,


que celle de ces invent ions toutes so l ida ires , qui


vinrent à point n o m m é et c o m m e par e n c h a n t e -


ment é c l o r e , en m ô m e - t e m p s , sur un seul po int


du g lobe .


En 1 7 3 3 , dans un petit vil lage près de L i t c h -


f i e l d , u n ouvrier o b s c u r , n o m m é J o h n W y a l t ,


obt ient , par des m o y e n s mécaniques , le p r e m i e r


écheveau de fil de co ton qui ne soit pas d u aux


doigts d'une fileuse. E n 1 7 3 8 , le m ê m e W y a l t ,


pauvre el inconnu s'associe à L e w i s P a u l , p o u r


l'exploitation de son invent ion, E n 4 7 4 8 , P a u l , À




G IÏÏDUSTEIE A N G L A I S E .


son tour, crée u n e é b a u c h e de carde cyl indrique.


Puis cette d o u b l e découver te languit et demeure


o u b l i é e , jusqu'au m o m e n t o ù un s imple p e r r u -


q u i e r , mais h o m m e d'un caractère a r d e n t , i n -


dustr ieux et persévérant , Richard A r k w r i g h t , de


P r e s i ó n , s'en empare , la modif ie , la perfec-


t ionne et do te enfin son pays d u banc à b r o -


ches , de la carde sans fin, invent ions qu'il c o m -


plétai t p lus tard par ce l le d u drawing-frame


et d u roving-frame p o u r l'étirage et le lordage


d u c o t o n en ruban.


Ceci se passait de 1 7 6 8 à 1 7 7 5 . A peu près à


la m ê m e é p o q u e , e n 1 7 6 7 , un pauvre ouvrier tis-


serand , e m p l o y é dans une fabrique de co ton près


B lackbur n dans le Lancashire , James Hargreaves ,


faisait faire à la mécan ique u n pas n o n m o i n s


audacieux en inventant sa Spinning Jenny ,


l i t téralement Jeanne la fileu.se.


Et qu'on ne dise pas que l 'une de ses m a -


ch ines suffisait à l'industrie ! D e nos jours encore


les Jennys n'ont po in t supplanté les bancs à


b r o c h e s ; inventées s i m u l t a n é m e n t , elles ont c o n -


t inué de travailler en concurrence , s'aidant et


se complé tant tour-à- lour. Malgré ses avantages


incontestables ^ la fileuse d'Hargreaves était loin


d'être parfaite, C e p e n d a n t , pas p lus que le banc




IÏÏDUSTKIE A N G L A I S E . 7


à broches ( spînning-frame), e l le ne pouvai t


produire de fil fin ; alors survient u n autre o u -


vrier t i s serand, S a m u e l C r o m p t o n , de Hall-in-


t h e - w o o d p r è s B o l t o n . C e l u i - c i combinant avec


adresse les deux sys tèmes d 'Arkwr ight e t d'IIar-


greaves , produit u n e mach ine mét is p lus par -


faite que les d e u x a u t r e s , et dont le travail d é -


licat mettra au défit les p lus adroites fileuses de


l ' Indoustan; sa doub le origine lui vaut le n o m


de mule, o u mule-jenny.


La navette volante , en 1 7 3 8 trouvée par


J o h n K a y , avait depuis que lque t e m p s donné le


pas aux tisserands sur les filandières au fuseau ;


à leur t o u r , les voici débordés par les filcusos


mécaniques . Faute de bras p o u r les t isser , l e s


produits incessants de celles-ci res teront - i l s sans


emploi ? point d ' inquié tude , le génie des i n v e n -


tions ne fera faute à ce beso in nouveau . U n


docteur en théo log ie , le révérend E d m o n d Cart-


vvright , pendant une partie de sa vie étranger


a u x é ludes mécaniques , voilà l 'homme qui r é -


soudra le p r o b l è m e , s'il lui est p o s é . «• J'étais


allé passer l'été de 1 7 8 4 à Mat lock , écrit le doc-


teur lu i -même à un de ses a m i s , le hasard m e fit


trouver eu réunion avec que lques habitants de


Manchester , lorsque la conversat ion vint à totrç-»




8 I N D U S T R I E A N G L A I S E .


b e r sur la machine à filer d'Arkwright . U n des


interlocuteurs observa qu'a l 'expiration d u . B r e -


vet o b t e n u par cet i n v e n t e u r , i l s'établirait pro-


b a b l e m e n t « n si grand n o m b r e de filatures, qu'il


deviendrait imposs ib le de trouver suffisamment


de bras p o u r tisser tant de c o t o n filé. J e r é p o n -


dis à cela : Arkwright doit s ' ingénier maintenant
p o u r inventer u n m é t i e r mécan ique . Et la c o n -


versation cont inuant sur l e m ê m e s u j e t , tous ces


mess ieurs d e Manchester déclarèrent la chose


i m p o s s i b l e , à l 'unanimi té , étayaut l eur opin ion


d'une quantité de raisons qu'il m'était aussi i m -


poss ible de réfuter que de c o m p r e n d r e ; n'ayant


pas m ê m e v u à ce l te é p o q u e l e p lus s imple m é -


tier de t isserand. J e crus néanmoins devoir s o u -


met tre une objec t ion sur ce que j'avais v u r é -


c e m m e n t à L o n d r e s un automate j o u e u r d'échecs.


Vous conviendrez, Messieurs, l eur dis-je ,


qu'il ne doit pas être plus difficile de cons-


truire un métier à tisser qu'une machine


capable et exécuter les mouvements com-


pliqués cTune partie déchecs.


» Cette conversat ion m e revenant à l'esprit


que lque t e m p s a p r è s , à p r o p o s d'une c ircons-


tance assez indifférente en e l l e - m ê m e , j e m e pé-r


net rai, autant q u e mes not ions en tissage pouyaienf




I N D U S T R I E ANGLAISE. 9


le permettre , de cet te idée qu'il suffisait p o u r


cette opérat ion d« trois m o u v e m e n t s successifs


réguliers* J e m e persuadai aussi que ces trois


m o u v e m e n t s pourraient être faci lement produi ts


par des m o y e n s mécaniques . P le in de m o n sujet ,


j e mis immédiatement à l'oeuvre u n charpent ier


et un serrurier. La machine t erminée , j'appelai


u n tisserand p o u r ourdir m a chaîne ; e t , à ma


très-grande satisfaction , j ' obt ins t e l l e m e n l - q u e l l e -


m e n t une p ièce de toi le grossière. E n apprenant


q u e , pas plus en pratique qu'en t h é o r i e , j e ne


m'étais jusqu'alors o c c u p é d'agents mécaniques ,


vous concevrez quel le espèce de masse in forme


dût être m o n premier essai ! Sur m o n mét ier la


chaîne était p e r p e n d i c u l a i r e , le m battait à


l'aide d'un contre -po ids d'au m o i n s un demi


quintal pesant , et la force des ressorts moteurs


de la navette eût suffi au jet d'une fusée à la


congrève. F i n a l e m e n t , d e u x h o m m e s suaient à la


pe ine pour mettre en m o u v e m e n t ma machine .


Persuadé cependant , dans ma confiante ingénuité ,


que j'avais inventé une mervei l le , je m e h â t a i ,


le 4 avril 1 7 8 5 , de m'en assurer la propriété


par u n brevet d'invention. Cela fait , j e consent i s


à voir enfin c o m m e n t s'y prenait le c o m m u n des


h o m m e s p o u r t i s s e r , et vous c o m p r e n d r e z mon




10 IKDUSTHIE ANCIAISE.


é tonnement à la vue des m o u v e m e n t s si s i m -


p les et si faciles des autres m é t i e r s , comparat i -


vement au m i e n . Profitant alors de ce que j'avais


vu , j e construisis un second métier sur le p r i n -


c ipe aujourd'hui en usage. Mais ce n'est qu'en


1 7 8 7 q u e m o n invent ion fut c o m p l é t é e , et que


j e pris un nouveau brevet au moi s d'août d»;


cette m ê m e année. »


Ajouterai-je que c'est e n 1 7 6 9 que W a t t c o m -


mençai t à fabriquer en grand sa machine à


v a p e u r ; qu'en 1 7 8 6 , ce m ê m e h o m m e , non


m o i n s b o n chimiste qu'habile m é c a n i c i e n , i n t r o -


duisait en Angleterre le b lanchiment au ch lore


dont il tenait la recette du français Berthol le t ;


qu'en 1 7 8 5 , un Ecossais du n o m de Be l l ajoutait


à l'art de lisser les étoffes celui de les impr imer


au cyl indre sans fin ; ajouterai-je encore les mil le


changements , les essais successifs qui vinrent


t o u r - à - t o u r r et dans l 'espace d'un d e m i - s i è c l e ,


modif ier , per fec t ionner , c o m p l é t e r les invent ions


primit ives . N o n , cela m'entraînerait en-dehors de


m o n sujet ; j e ferai seu lement remarquer que


cet te impuls ion si g r a n d e , d o n n é e dans toutes


ses branches à l ' industrie , est presque u n i q u e -


ment due aux nouve l l e s découvertes dans l'art de


.fabriquer j e c o l o n : c'est par elle que la méta l -




I N D U S T R I E ANGLAISE. 1 l


lurg ie , la m é c a n i q u e , la t e i n t u r e , la filature de


la laine et du l i n , le tissage des draps , furent


stimulés et ne purent rester en arrière. C'est


alors que l 'on v i t , c o m m e n o u s l 'apprend


M. E d w a r d Baines dans son exce l l en te histoire


des manufactures anglaise de coton ; c'est a l o r s ,


dis-je , que l'on vit des h o m m e s de tous é t a t s ,


forgerons , menuis iers , charrons , chapel iers ,


et jusqu'à des cordonniers , poussé s d'une a r -


deur inconnue , r e n o n c e r à leur première voca-


t i o n , s'associer et devenir filateurs en c o m m u n .


Si la machine à fuseaux présentait que lque partie


dé fec tueuse , chaque o u v r i e r , mémorat i f de son


ancien é ta t , venait offrir u n r e m è d e e m p r u n t é


à sa première profession ; le cordonnier apportait


une bande de cuir, le serrurier une vis e n fer, le


menuis ier une p ièce de b o i s , e t , par ces efforts


u n a n i m e s , l'art marchait à sa perfect ion.


U n e manufacture de c o t o n reçoit ainsi les


tributs de toutes les diverses indus tr i e s , c'est


d'elles qu'elle emprunte ses agents ; e t , dans


aucune autre, la mécanique ne s'est aussi c o m p l è -


tement substituée au travail intel l igent . Dans les


autres fabr iques , les machines sont les auxil iaires


de l 'homme ; dans une manufacture de c o t o n ,


l 'homme devient un auxiliaire de j o u r en j o u r




1 2 I 5 D U S T B 1 E A N G L A I S E .


moins utile aux m a c h i n e s ; à p r o p r e m e n t p a r l e r , il


n'en est p lus que le paisible surveillant : des


j e u n e s f i l l e s , de faibles enfants suffisent à ce


facile travail. Vo i là p o u r q u o i , entre toutes , j e


choisis une manufacture de coton p o u r la décrire


à m e s lecteurs .


U N E MANUPACTURE A MANCHESTER. — Eh ar-


rivant à Manchester , ce colosse de l'industrie et du


c o m m e r c e , un é tranger est frappé de s tupeur , à


la vue de tant de m o u v e m e n t et d'activité. 11 se


demande avec étonneraient quel génie d'entreprise


et d a u d a c e fut si puissant que de réunir sur un


point étroit du m o n d e tant de cap i t au x , tant de


manufactures d iverse s , dont tous les autres points


d u g l o b e sont les fidèles tributaires. Nul le part


ail leurs il n'a vu ces i m m e n s e s b â t i m e n t s , sombres


de t e i n t e s , hauts et carrés de f o r m e s , cr iblés


d'ouvertures c o m m e la c ible d'un tir. Malgré leur


sept é t a g e s , la cheminée des machines à vapeur


les d o m i n e encore , et les signale au loin par une


trace l ongue et o n d ú l e n s e de fumée . Entrons


avec l u i , nous voyons d'abord les bureaux : dans


une salle basse de n o m b r e u x c o m m i s inscrivent


les entrées , l e s sorties des marchandises ; les


compto ir s sont e n c o m b r é s de p a q u e t s , de paniers


remplis de b o b i n e s chargées de cotons filés, d'é-




I N D U S T R I E A N G L A I S E . 13


(1) Cette première opération ^du battage, naguères
opérée sur des claies grossières par des hommes armés
de longues baguettes, était Tune des plus pénibles; et
aussi à cause des particules déliées du coton soulevées
dans l'air, l'une des plus malsaines de la fabrication. Les
deux machines que je viens de nommer, ont paré à ce
double inconvénient; la partie mécanique de l'opération
est exécutée par des machines, et le duvet qu'elles agi-
tent, entraîné par un rapide courant d'air, s'échappe le
long d'un tuyau en bois, semblable à celui d'une che-
minée , sans pouvoir nuire aux femmes qui surveillent
ce travail. De plus, et ceci soit dit une fois pour toutes,
pas un de ces vastes ateliers qui ne soit soumis à un
système régulier de ventilation, dû à la forme particulière
des croisées.


chanlil lons de co tons en laine. C'est là q u e t r a -


vaille la partie inte l lec tue l le de la maison ; c'est


le cerveau de cet être c o m p l e x e qu'on n o m m e


ici une factorerie. Si je comparais ces é tabl i s se -


ments à u n e ruche d'abei l les , je dirais c'est là la


cel lule de la re ine . Parcourons maintenant les


cel lules des s imples ouvrières : le c o l o n sorti des


balles qu'expédia le nouveau m o n d e , est l ivré


d'abord au batleur-éplucheur, au batteur-


étaleur ; saisi par les rouages rapides de ces d e u x


ins truments , la matière est d é c h i r é e , é p l u c h é e ,


nettoyée (1) ; b a t t u , ép luché , le c o t o n encore brut




14 I N D U S T R I E A N G L A I S E .


est p o r t é à la carde ; c e l l e - c i s'en e m p a r e


à son tour . D e ses mi l l ions de dents acérées et


c r o c h u e s , e l le le m o r d et l'élire ; puis le laisse


échapper sans fin en u n souple et l éger ruban.


Ce r u b a n , d o u b l é é t i r é par le drawing-frame ;


puis r e d o u b l é , étiré e n c o r e , est f o r m é par le


rota-frotteur, o u le banc à lanternes e n une


m è c h e grossière que le banc à broches o u la


mule-jenny transformeront bientôt e n u n fil d é l i -


cat. A son tour s'en empare le dévidoir, p o u r le c é -


der ensuite à ïourdissettr; le métier-mécanique


le reçoi t enfin ; il le croise , le bat et le transforme


e n l'un de c e s n o m b r e u x tissus dont les n o m s varient


au caprice de la m o d e . T e l l e s s o n t , e n que lques


l i g n e s , les opérat ions successives q u i , d u c o t o n


e n duvet font les c a l i c o t s , l e s m a d a p o l a m s , l es


m o u s s e l i n e s , e tc . E l l e s sont s imples p o u r qui les


voit", mais qui donnera une idée c o m p l è t e de l ' e s -


prit d'ordre et d 'entrepr i se , du génie d ' invent ion


qui a réuni et mis e n m o u v e m e n t tant de m a -


chines diverses dans ces immenses et bruyants


a te l i er s , o ù s'agitent par centaines une popu la t ion


active d 'ouvriers , de f e m m e s et d'enfants? I c i , l e s


uns rattachent des fils r o m p u s ; l à , d'autres p o r -


tent des flocons d'une ne ige éblouissante ; ailleurs


gii ident u n e navette . E t tout c e m o n d e , tous ces




INDUSTRIE A N G L A I S E . 15


( l ) Les machines de ces usines sont ordinairement
de la force do 80 à 120 chevaux. Chaque manufacture
en a deux; pour éviter les chômages. Le personnel s'élève
de i.,000 à l/iOO individus , femmes et enfants
compris.


métiers , tous ces bras de chair, de bo i s o u de


méta l , soumis à 1 impuls ion régulatrice d'une


machine à vapeur, rivale d'une troupe n o m b r e u s e


de chevaux ( 1 ) , m a r c h e n t , fonct ionnent d'un


accord harmonique , m e m b r e s doci les du c o l o s s e ,


dont la machine est le coeur, et a , c o m m e l u i ,


ses b a t t e m e n t s , ses pulsat ions.


Dirai-je que l degré de régularité le génie de la


mécanique est parvenu à i m p r i m e r à ces é t o n -


nantes m a c h i n e s ; si puissantes , que l'esprit en est


stupéfié ; si uni forme dans leur m a r c h e , que le


chronomètre le p lus juste ne s e m b l e pas p o u v o i r


être m i e u x réglé . Et quand j e parle de chrono-


mètre , j e suis p lus près de la vérité q u ' o n ne l e


pense . J'ai vu dans certaines usines l 'horloge régle-


mentaire n'avoir d'autre force motr i ce que la


vapeur, d'autre poids que le p is ton de la m a c h i n e ,


d'autre p e n d u l e que son balancier c o n i q u e . D e -


puis l ' invention de ce dernier m é c a n i s m e , o n ne


croyait pas qu'il fût poss ib l e de r ien faire de p lus




16 I N D U S T B I E ANGLAISE.


parfait p o u r assurer la marche régulière des m a -


chines , et p o u r t a n t , depuis p e u d'années , u n


nouveau pas a e n c o r e été fait.


Par l 'emploi des mach ines à v a p e u r , l'iVngle-


terre s'est trouvée tout à c o u p , et l i t téra lement ,


e n v e l o p p é e d'un épais nuage de f u m é e . Les p e r -


sonnes qui employèrent ces mach ines s 'aper-


çurent b ientôt que ce t te fumée sortait p lus noire


et plus intense au m o m e n t que l e charbon je té dans


la fourna i se , causait un abaissement de t e m p é r a -


ture dans la chaleur d u f o u r n e a u , incapable alors


de produire u n e complè te c o m b u s t i o n . Prévenir


la f u m é e par une température uni forme , établir


cet te t empérature en ne distribuant l e charbon


qu'à pet i te dose et s o u v e n t , te l fut l e but que


les mécanic iens se proposèrent . Cette régularité


de service n e pouvait être obtenue m ê m e par


les soins assidus d u mei l l eur chauffeur. L 'homme


le p lus exact se d é r a n g e , son attention se fati-


gue , ses forces s'épuisent ; c'est d o n c aux sc iences


m é c a n i q u e s , source de tant de p r o d i g e s , qu'il


fallut e n d e m a n d e r u n nouveau. D'abord o n e s -


saya d'une trémie q u i , laissant échapper le char-


b o n p e u à p e u et par pet i ts f ragments , devait ,


s u p p o s a i t - o n , r e m é d i e r au mal . Mais le charbon


ainsi distribué n e tombai t que sur u n point étroit




I N D U S T R I E ANGLAISE. 17


du fourneau; si l ' invention de la trémie était


b o n n e , el le était i n c o m p l è t e . Les essais furent


poursuivis , et d e u x vo lants , mis en j e u par la ma-


chine m ê m e , furent ajoutés à , la trémie . D e u x


rouleaux à surface r u g u e u s e , réduisirent le char-


b o n e n fragments é g a u x : ces fragments t o m b è -


rent sur les aîles hor izonta les des volants et furent


lancés d'un m o u v e m e n t régul ier dans le f o y e r ,


mais r é p a n d u s , éparpi l lés sur la g r i l l e , m i e u x


que ne l'aurait p u faire la pe l l e dn plus adroit


chauffeur. Les choses en cet é ta t , on put cro ire


à la perfect ion du nouveau mécan i sme ; c e p e n -


d a n t , o u les r o u l e a u x tournant t r o p v i t e , four-


nissaient t r o p de charbon ; o u tournant t r o p l e n -


t e m e n t , laissaient c h ô m e r la chaudière . Dans le


premier cas e x c è s de c h a l e u r , dans le s e c o n d


déficit : point de t e r m e - m o y e n à e s p é r e r , car


la qualité des houi l les est variable : c e l l e s - c i


flambent, ce l les- là brûlent s o u r d e m e n t , d'autres


sont argileuses, d'autres chargées de b i t u m e . Q u e l


mécanisme serait jamais assez s e n s i b l e , assez uir-


tql l igent , si l'on peut s 'exprimer ainsi, p o u r saisir ,


apprécier toutes ces n u a n c e s , y c o n f o r m e r sa


m a r c h e , y régler ses m o u v e m e n t s . Vouloir, cest


pouvoir, dit le p r o v e r b e : o n voulait trouver la


solution du p r o b l ê m e , o n l'a t rouvée . La t r é m i e ,


B




18 I N D U S T R I E ANGLAISE.


les cy l indres b r o y e u r s et les d e u x volants sont


conservés ; r ien de changé dans le mécan i sme ,


seulement o n le rend solidaire de la chaleur d é -


v e l o p p é e . A ins i , i l marche avec u n léger e x c è s


de vitesse qui ne p e r m e t pas le chômage ;


mais s i , p o u r u n ins tant , trop de chaleur force


dans la chaudière la tens ion de la v a p e u r , a u s -


sitôt cy l indres et volants suspendent l eur action :


le charbon n'arrive p lus au foyer ; faute de com-


bust ib le , la chaleur diminue et avec elle la force


expansive de la v a p e u r , jusqu'à c e que la machine


revenant à son état n o r m a l , reprend d'el le-même


sa marche régul ière et fonct ionne de nouveau.-


O r , voic i l 'expl icat ion du m y s t è r e : A u moy r en


d'un s i p h o n , c o m m u n i q u e avec la chaudière u n e


c o l o n n e de m e r c u r e , laquel le montant et descen-


dant dans u n tube de fer se lon la press ion de la


v a p e u r , ne p e u t dépasser une certaine l imite


sans heurter un flotteur et sans in terrompre à


l'instant la communica t ion é tab l i e entre la m a -


chine et l e distributeur de houille ; les f o n c -


t ions de ce lu i -c i d e m e u r e n t donc s u s p e n d u e s , et


i l n'agit de nouveau qu'au m o m e n t nécessaire . Ce


mécan i sme i n g é n i e u x p o r t e , e n anglais le n o m de


fire'feeder (nourrisseur du feu) . A ins i , de p r o -


gress ion e n p r o g r e s s i o n , d'essais en essais , la ma-




I N D U S T R I E A N G L A I S E . 19


chine de W a t t , animant seule avec la préc i s ion


du pendule une usine i m m e n s e , e n est v e n u e à


ce point merve i l l eux de perfec t ion qu'elle se suffit


à e l l e - m ê m e , gouverne et c h a t g e ses f o u r n e a u x ,


absorbe et produit tour à tour la v a p e u r , dir ige


et modère ses m o u v e m e n t s avec u n tact p lus


exquis , une exact i tude p lus r igoureuse q u e


l 'homme d é l i c a t , attentif à sa s a n t é , n e saurait


veil ler aux soins de son c o r p s , à la conservat ion


de sa p e r s o n n e .


Plus cur ieux d'exact i tude que d ' images , j'ai dé-


crit froidement un de ces vastes établ issements qu i


m'ont frappé de surprise et d'admiration ; j e la isse


à plus habi le que m o i à faire passer dans l'âme


du lecteur ces émot ions qu' inspire à l ' h o m m e


tout ce qui est r égu l i er , tout c e qui est grand ;


car l 'ordre et la grandeur ont toujours l eur poés i e ,


leur b e a u t é , qu'el les soient l'oeuvre de l ' h o m m e o u


l 'œuvre de D i e u . J e sais pourtant q u e ces c o l o s -


sales manufac tures , admirables par l eur é t e n d u e ,


admirables par l'ordre qui y r è g n e , par la r é g u -


larité de l eur m a r c h e , le n o m b r e des bras qu'el les


e m p l o i e n t , cachent au f o n d quelques misères ;


m o i n s grandes cependant que certains esprits b ien-


veillants , mais p e u é c l a i r é s , n'en ont p r o p a g é la


croyance .




20 IMMJSTKIE A îi GLAISE.


Evitons toute p r é v e n t i o n , ét convenons d'abord


que le p r e m i e r et peut -ê tre actuel lement le seul


grave inconvénient de c e s grandes fabr iques , est


sans contredi t la régularité des m o u v e m e n t s , la


m o n o t o n i e d u travai l , et l ' ennui qu'e l les p r o d u i -


s e n t ; e n c o r e cet inconvénient e s t - i l c o m p e n s é


par la division du j o u r e n quatre port ions p a r -


tagées par les heures des repas .


Autre fo i s , dans certaines fabriqué d'un n o m b r e


assez b o r n é t o u t e f o i s , o n exigeait indist inctement


des o u v r i e r s , u n travail excess i f , que lque fussent


leur âge et leur sexe ; aujourd'hui l e légis lateur


anglais a p o u r v u à ce ma l e n défendant de faire


travailler la nuit les personnes âgés de m o i n s de


1 8 a n s ; en limitant à 1 2 heures le travail jour -


nalier d e s ouvriers et ouvrières de 1 4 ans à 1 8 ;


à 9 heures celui des enfants de 9 à 1 à, et en i n -


terdisant tout à fa i t , sauf p o u r le moul inage de


la soie qui n'offre aucun danger, l 'entrée des fabri-


ques a u x enfants âgés de m o i n s de 9 années . Ajou-


tez à cet acte législatif l es amél iorat ions que les


fabricants anglais s'efforcent chaque j o u r d 'ap-


por ter e u x - m ê m e s aux disposit ions intér ieures de


leurs us ines , et T o n sera couva incu que les causes


délétères qu i décimaient autrefois les popula t ions


ouvrières des villes de fabr iques , sont s ingulière-




INDUSTRIE A N G L A I S E . 21


ment diminuées . Ainsi les grandes manufactures


s o n t , en été , vent i lées par des courants d'air ,


judic ieusement m é n a g é s ; en h i v e r , échauffées


par des tuyaux en fonte qui font c irculer dans


tous les ate l iers , avec un courant d'eau bou i l l an te ,


une chaleur douce et uni forme.


Plusieurs fabricants, animés envers leurs e m -


ployés des sent iments d'une vive s y m p a t h i e , ont


établi dans l i n t é r i e u r de leur usine des éco l e s


p o u r l e s enfants , des distributions gratuites d'eau


chaude pour le t h é , ou m ê m e de thé tout fa i t ,


à des pr ix très -modiques ; moyennant une l égère


re tenue , ils assurent encore aux malades et les


soins du médec in et les médicaments . La sol l i -


citude de l'un de ces manufacturiers phi lan lro-


p e s , s'est mani fes tée , jusque dans l 'établisse-


ment d'une salle de danse , attenante à sa


fabrique.


Pour garantir, autant que poss ib le , le respect


dû aux bonnes moeurs , au moins à l ' intérieur


des ate l iers , la surveil lance y est active et sûre.


A cette fin, le gén ie inventi f des Ang la i s , a p r é -


venu la paresse , évité la fatigue. S i le c h e f de


la manufacture o u ses contre-maîtres veu lent


parcourir rapidement l'usine et ses sept é t a g e s ,


un c o u p frappé à une porte suffit. Aussitôt la




22 I N D U S T R I E A N G L A I S E .


porte s 'ouvre, u n e cage carrée balancée par des


c o n t r e - p o i d s , en l evée par la machine à vapeur ,


se p r é s e n t e ; vous y entrez et vous êtes aussitôt


por té , à travers u n e coul isse ouverte jusqu'aux


c o m b l e s , à l'étage qu'il vous plait de visiter. U n


h o m m e est c o n s t a m m e n t d e service dans cette


cage et e n dirige les m o u v e m e n t s . El le sert e n -


core à transporter les ouvriers mécan ic i ens ,


l eurs o u t i l s , et m ê m e les parties entières de


m a c h i n e s , qu'ils ont mises en é t a t , o u qu'ils


vont r é p a r e r , dans l e s divers a te l i ers , et cela


sur l e c h a m p , sans aide et sans efforts. Ainsi


c e que l ' imagination des romanciers avait p lacé


dans les châteaux de leurs effrayantes h i s to ires ,


se trouve ici réalisé par l'industrie d u X I X . C


s i è c l e , laquel le , n o n m o i n s f éconde que le c e r -


veau des p o è t e s , produit à son tour ses mervei l les .


T o u t e déc lamat ion doit donc t o m b e r devant


les fa i t s , et si certains états offrent encore q u e l -


ques manipulat ions ma l sa ines , avouons que les


mach ines contre lesquel les o n a tant crié , di-


m i n u e n t tous les jours ces inconvénients en


ôtant à l ' h o m m e la part la p lus fatigante et la


p lus insalubre de son travail , sans p o u r cela


l'avoir dépoui l lé , c o m m e o n le pré tend à tort,


d u n e port ion de son salaire. S'il r e ç o i t , en effet




I N D U S T R I E ANGLAISE. 23


(1) « E n 1833 , affirme M. Cavell, un ouvrier fileur
pouvait produire dans deux des principales filatures
de Manchester, 16 livres de coton filé de 200 écheveaux
à la livre , avec dus mules-jennys de 300 à 324 broches,
et travaillant 69 heures par semaine. D'après le tarif,
le fileur qui produit 16 livres de filé, n." 200, sur des
mules-jennys de 300 à 324 broches, recevait 3 sh 6 p.
(4 fr. 35 c.) par livre, ce qui lui fesait une recette
brute de 54 sh. (67 fr. 50 c.) par semaine, sur quoi
il lui fallait payer 13 sh. (16 fr. 25 c.) à ses aides ; soit
pour son gain hebdomadaire net et quitte 41 sh. (51 fr.
25 c ) . Mais , depuis 1833 la puissance des mules-
jennys a été doublée , c'est-à-dire qu'elles portent au-
jourd'hui 648 broches au lieu de 324 , et le même
ouvrier fileur peut actuellement produire 32 livres de
filé du n.° 200 , aussi en 69 heures. Pour ce travail, il
est payé à raison de 2 sh. 5 p. (3 fr.)par livre, au lieu
de 3 sh. 6 p. Sa recelte brute est donc portée à 77 sh.
4 p. (96 fr. 65 c ) , sur quoi il lui faut payer il est vrai
environ 25 sh., à cinq aides, à raison de 5 sh. par
aide, en sorte que sa recette nette est réduite à 52 sh.


à la p i è c e , ua m o i n d r e p r i x sur chaque objet


fabriqué , les mach ines lui fournissant les m o y e n s


d'en fabriquer une b e a u c o u p p lus grande q u a n -


tité dans un t e m p s d o n n é , il s'est trouvé dans


la plupart des cas que l'avantage était tout d u


côté de l 'ouvrier. (1) Ainsi ont été just if iées les ma-




24 I N D U S T R I E ANGLAISE.


4 p. , ou pour éviter toute discussion, à 50 sh, 4 p.
(62 fr. 90 c ) . C'est donc encore 9 sh. 4 p. (11 fr. 65 c.)
do pins qu'à l'époque où'il ne produisait que 16 livres
de filé au prix de 3 sh. 6 p. la livre. » (Rapport sup-
plémentaire an parlement, sur les manufactures.)


(1) « Les principales fabriques d'Angleterre sont si-
tuées dans le comté de Lancastre. En 1700, la popu-
lation de cette province s'élevait à 166,200 âmes seu-
lement (à peu près la population actuelle d'un seul de
ses ports de mer, et moindre que celle de sa métropole
industrielle, Manchester); en 1750, la population du
même pays était de 297,400 habitants; en 1801 , elle
s'élevait à 672 ,565 , et en 1831, à 1,336,854; accrois-
sement plus qu'octuplc en 130 ans, et presque quintuplo


chines du reproche qu'on leur avait fait d'ôter


le pain au pauvre artisan; a ins i , par leur e m -


p l o i , l 'ouvrier s'est procuré à la fois a u g m e n -


tation de gages et d iminut ion de fatigue , sans


qu'on soit fondé à dire que l ' introduct ion de


ces n o u v e a u x agents dans l'industrie ait réduit


le n o m b r e des bras e m p l o y é s par el le . Aujour-


d'hui qu'il est b i e n reconnu que la baisse dans


le p r i x des produits en a p lus que centup lé la


c o n s o m m a t i o n , la propos i t i on contraire reste


avérée et devient presque triviale à force d'être


évidente et vraie. (1)




I N D U S T R I E A N G L A I S E . 25


pour les 30 dernières années. La population des comtés
de Lanark et de Rcnfrew , principaux centres de l'in-
dustrie écossaise, s'est accrue à très-peu près dans la
même proportion.


» La seule paroisse de Manchester a vu s'élever sa
population de 41,032 habitants en 1774, à 270,061 en
1831, époque du dernier recensement; Liverpool , de
34,050 en 1770 , à 165,175; Glasgow, de 28,300 en
1763, à 202,426; Paisley, de 17.700 en 1782; à
57,466; Preston, de 6,000 en 1780, à 27,091 ; Bolton,
de 5,339 en 1773 , à 43,396; Blackburn , de 5,000 en
1770, à 27,091; Wigan, de 10,989 en 1801, à 20,774;
Asthon, de 5.097 en 1775 , à 33,597; la paroisse
d'01dham,de 13,916 en 1789, à 50,513.


» Tels sont les étonnants résultats des machines. Au
commencement du régne de Georges III, en 1760,
toutes les manufactures de coton réunies de la Grande-
Bretagne n'occupaient pas plus de ,quarante mille per-
sonnes : Les machines sont inventées, elles donnent à
un seul homme le moyen de produire autant de coton
filé que deux cent cinquante ou trois cents en eussent
produit antérieurement, dans un temps donné ; elles
permettent à un seul homme, aidé d'un enfant, dimpri-


Outre q u e la f e m m e et les enfants d'un o u -


vrier trouvent avec l u i une occupat ion et u n


salaire assurés dans les grandes manufactures ,


ce qui augmente l'aisance d u m é n a g e , l u i - m ê m e




2 6 I N D U S T R I E A N G L A I S E .


mer autant d'aunes de calicot, qu'autrefois cent hom-
mes et cent enfants auraient pu le faire : et le premier
résultat des nouvelles fabriques, est de procurer de
l'occupation à quinze cent mille âmes, c'est-à-dire à
trente-sept fois plus de monde qu'avant leur création !
Il existe pourtant des hommes assez ignorants, ou assez
aveuglés par leurs préjugés , même dans la classe
des écrivains et siir les bancs parlementaires, pour
publier de solennelles déclamations sur lVxlension des
machines ! L'histoire seule des manufactures de coton
aurait dû pourtant mettre un terme à ces plaintes et
les borner au petit nombre d'ouvriers qui, au premier
abord ont eu à souffrir des changements apportés aux
anciens procédés de fabrication. » E D . BAINES'S. Uistory
of the cotton manufacture in Great Britain, page 360.)


y a rencontré de signalés avantages. « Grâce h


ses mét iers qu i marchent s e u l s , grâce à ces


mules-Jennys qui fonct ionnent aujourd'hui


d ' e l l e s -mêmes {self-acting mules), j'ai c o n n u


u n o u v r i e r , rapporte M. T u f n e l , commissaire


du par lement p o u r l ' inspect ion des fabriques ,


q u i , tout en veillant ses f u s e a u x , consacrait une


partie d u j o u r à la lecture . » Corrigeant ainsi


par l ' é t u d e , ce qu'un travail uni forme pouvait


avoir d 'ennuyeux o u d'abrutissant.


Ces deux faits étant d é m o n t r é s , 1.° que les




I N D U S T R I E A N G L A I S E . 2 7


ateliers des manufactures ont cessé d'être i n s a -


lubres ; 2.° q u e , loin de d i m i n u e r , les salaires ont


augmenté par l ' invention des mach ines ; c o m -


ment les fera- t -on a c c o r d e r avec les déclarations


des auteurs de s tat is t ique, qui pré tendent q u e


la mortal ité est b e a u c o u p plus cons idérable dans


les districts manufacturiers de la G r a n d e - B r e -


tagne , que dans les districts agricoles ? I c i sem-


blerait s'élever une insurmontable difficulté.


V o y o n s si nous n'en trouverons pas l 'expl icat ion


dans ce qui suit ?


C o m m e tous les h o m m e s du N o r d , les Anglais


sont passionnés p o u r les bo issons f ermentées ,


pour les l iqueurs fortes : et si ce l t e pass ion se


fait remarquer m ê m e dans les classes éc la irées


que l 'éducation d i r i g e , que l s ne seront point ses


effets sur la classe ouvrière qu'aucune c o n s i d é -


ration s o c i a l e , aucun l ien mora l ne ret ient sur


la pente de l 'abymc ? Aussi n ' e s t - o n p lus é tonné


qu'après son arrivée e n E s p a g n e , la l ég ion a u x i -


liaire anglaise d u c o l o n e l E v a n s , ait été réduite


en p e u de m o i s , par l 'abus de l ' eau-de-v ie et d e s


vins ardents de la P é n i n s u l e , de 1 0 , 0 0 0 h o m m e s


à 3 , 0 0 0 , sans avoir perdu p lus de 1 4 0 0 soldats


par le fer de l 'ennemi !


Abuser du p r i x de son travail p o u r s'abrutir




28 I N D U S T R I E A N G L A I S E .


(1) « Huit samedis de suite, dit M. Braidley, Boroug-
lireeve (bailli) de Manchester, j'observai pendant cinq
minutes seulement à chaque fois , de sept à dix heures du
soir, combien de personnes entraient dans un seul cabaret.
Le résultat de mes observations fut que, pendant les
quarante minutes qu'elles avaient duré, 112 hommes et
163 femmes, en tout 275 personnes étaient entrées au
cabaret. Résultat équivalent à 412 personnes par heure. »


« L'émoulage à la meule n'est-il pas insalubre? —
Oui; surtout pour ceux qui émoulent à sec; mais le
plus grand ennemi des émouleurs, c'est leur intempé-
rance. » [Interrogatoire de M, Jackson, fabricant de
scies à Shpffietd.)


par la boisson ; préférer les plaisirs brutaux du


cabaret aux douc e urs de la vie intér ieure; l 'exci-


tation m o m e n t a n é e d'un breuvage dé l é tère , à une


nourriture abondante et saine ; dans le présent


user son avenir ; détruire sa santé ; se faire une


vieil lesse ant ic ipée; sacrifier au tavernier le bien-


être et l'aisance du m é n a g e , voilà la vie d'option


que se font quantité d'ouvriers anglais ( 1 ) . T a n -


dis qu'un gain h o n n ê t e , des institutions l ibéra les ,


des associations phi lantropiques les mettraient


dans le cas de vivre dans une étal a i sé , si l 'homme


n'avait préféré de tout t e m p s céder à l 'entraîne-


ment facile des p a s s i o n s , à soutenir une lutte g l o -




I N D U S T R I E A N G L A I S E . 29


rieuse , mais p é n i b l e , contre el les . L ' i n c o n d u i l e ,


le dérèg l ement , l ' i vrogner ie , te l les s o n t , il n'en


faut plus d o u t e r , les véritables causes de l 'excès


de mortalité signalé par la Stat i s t ique; n'en reje-


tons d o n c pas le tort sur les m a c h i n e s , sur les


manufactures , source certaine de r i c h e s s e s , d'ai-


sance et de bienfaits p o u r les pays qui les p o s -


sèdent .






OUVRIERS A N G L A I S . 31


OUVRIERS ANGLAIS.


LEURS SALAIRES, LEURS HABITATIONS. LEUR
CARACTÈRE, LEURS MOEURS, UN JOUR DE
PAIE A GLASCOW. APPRENTIS ANGLAIS,
LÉGISLATION CONCERNANT CES DERNIERS,
MODE D'APPRENTISSAGE EN FRANCE ET
EN ANGLETERRE.


« In sudore vu/tus tui vesceris pane. »
( B Ï S E S I S , cap. m , vers. 19.)


« Tn mangeras ton pain à la sueur de ton
front. » (Gssiisx , chap. m , verset 19.)


^SSSSa^N parcourant les ateliers d'une fabrique de


| ¡11 | M a n c h e s t e r r d i t M . Frédér ic V o n R a u m e r ,


o^SSS^savant écrivain et voyageur a l l e m a n d , —


le chef de l 'établissement m'affirmait q u e tous l e s




3 2 OUVRIERS ANGLAIS .


enfants e m p l o y é s dans son usine , étaient contents


de leur sort : u n j e u n e garçon branla la tête ; peu de


t e m p s après , tout le m o n d e sortant pour le d î n e r ,


j 'abordai dans la rue le j e u n e ouvrier et lui d e -


mandai la raison de son s igne de tête . * J'ai


» branlé la tète p o u r m o i , et non p o u r les a u -


» t r è s , m e r é p o n d i t - i l ; c a r , ajoula-t- i l en r é -


» p o n s e à u n e nouvel le q u e s t i o n , je suis né à


» la c a m p a g n e et j'ai é té ob l i gé dès l'âge de d i x


» ans de garder les c o c h o n s ; mais ayant e n t e n d u


» vanter les douceurs de la v i l l e , j ' y accourus


» et obt ins b ientôt de l 'emploi dans la fabrique.


» J e fus d'abord rempl i de j o i e , d 'é tonnement


» et d'admiration ; m a i s , m o n b o n M o n s i e u r ,


» c o m b i e n je regrette m e s p o u r c e a u x . Je p o u -


» vais le l o n g du c h e m i n causer avec e u x , et


» c h a c u n m e répondait à sa manière . J'étais l ibre


» de p a r l e r , de c r i e r , de siffler, de faire c laquer


» m o n fouet soit à d r o i t e , soit à g a u c h e , de


» m e n e r m e s bêtes aux c h a m p s o ù à l ' é tab le ,


» de marcher au pas o u de courir . — Quel le


» diversité ! i c i , au contra ire , d'un bout à l'autre


» de la j o u r n é e , toujours m ê m e b e s o g n e , crier


» o u siffler n'y fait r i e n : donner u n e calotte à


» ce lui qui vous i m p a t i e n t e , c'est défendu ; causer


» avec ses c a m a r a d e s , imposs ib le au m i l i e u du




OUVRIERS A N G L A I S . 3 3


» bruit des mét iers . J e ne nie pas que le grogne-


» ment de m e s c o c h o n s ne m e vexât parfois;


) que ne donnerais- je pas pourtant aujourd'hui


» pour que n o s mach ines fissent entendre des


» cris aussi variés de ton et d 'express ion! J ' e n -


» tendais encore chanter les o i seaux; je voyais


» le soleil se lever et se coucher ; je regardais


» courir les nuages ; j e m e rejouissais de voir


» autour de m o i tout pousser et fleurir ; j 'espérais


» quitter les c o c h o n s p o u r les chevaux et les


» vaches ; j 'aurais p u un j o u r conduire la char-


» r u e , s e m e r , m o i s s o n n e r , et que sais-je encore?


» Ic i i l faut é terne l lement rattacher des fils o u


» p r o m e n e r d u c o t o n . Croyez -moi ' , m o n b o n


» M o n s i e u r , j e suis maintenant p lus stupide q u e


» mes p o u r c e a u x , peut -ê tre m ê m e aujourd'hui


» serais-je m o i n s capable de l e s garder qu 'au-


» trefois. »


Q u e M* V o n E a u m e r ait d o n n é o u n o n son


esprit à c e j eune o u v r i e r , toujours e s t - i l que


nous p o u v o n s t irer plus ieurs induct ions de ses


plaintes. E v i d e m m e n t , si l 'horizon é t r o i t , l'air


pesant de l'atelier ne convient pas à tous les


h o m m e s , i l convient b i en m o i n s encore à l ' e n -


f a n c e , pour laquelle l'air p u r des c i e u x , le chant


des o i seaux , l ' immensité de l ' espace , la verdure


C




34 O U V B I E B S ANGLAIS.


et les fleurs, les l ibres m o u v e m e n t s d u c o r p s ,


sont autant d 'agents , nécessaires à sa frêle nature,


indispensables au déve loppement de ses organes .


D e p l u s , o n doit bénir le législateur qui , en inter-


disant avant l'âge de neuf ans l'entrée des f a -


briques a u x en fant s , a mis u n obstacle légit ime


à l eur p r é c o c e exploi tat ion. T r o i s i è m e m e n t enf in ,


nous t irerons de notre citation cette c o n s é q u e n c e ,


qu' i l est certaines natures q u i , ne pouvant jamais


se prêter à une occupat ion r é g u l i è r e , p r é f è r e n t ,


aux travaux assez avantageux , mais aussi assez


tristes des manufactures , la vie errante et vaga-


b o n t e des c h a m p s , la ressource d u pauvre j o u r -


nalier , souvent incertaine , et toujours insuffisante,


si e l le n'était c o m p l é t é e par la caisse de la


p a r o i s s e , qu'al imente la taxe des pauvres .


D e ce t te m o n o t o n i e des ateliers ^ puis ensuite


de cette facilité d'obtenir les secours de la p a -


roisse , est résulté u n grand mal p o u r l 'Angleterre :


les h o m m e s doués d'une organisation pu i s sante ,


mais impatients de tout frein soc ia l , ces h o m m e s


a u caractère vagabond et f a r o u c h e , p o u r l e s -


qae l s la fable d u Chien et du Loup sera d'une


é terne l le et t r o p juste app l i ca t ion , ont fini par


cons idérer ces secotirs régul iers et p é r i o d i q u e s ,


c o m m e un droit acquis à l eurs dérèg lements . Créées




OUVRIERS A N G L A I S . 35


(1) Voir appendice E.


d'abord p o u r des beso ins r é e l s , ce s i m p r u d e n t e s


a u m ô n e ^ de paroisse ont b ientôt été usurpées


par le vice ; issues d u p lus p u r sent iment de la


charité c h r é t i e n n e , e l les n'ont pas tardé , par une


déplorable ex tens ion de p r i n c i p e s , à dégénérer


en un pesant i m p ô t , pr ime honteuse d ' encoura-


gement à l ' inconduite , à la fainéantise (1 ) .


D e n o m b r e u x ouvrages et tout-à-fait spéc iaux


ont été écrits sur cette grave mat ière , sans qu'au-


c u n e solut ion ait encore été trouvée ; o n sent b i e n


que le mal réc lame un p r o m p t et sûr r e m è d e ;


quel s e r a - t - i l ? — L à , gît la difficulté. Q u e l q u e s


esprits a u d a c i e u x , sortant de l 'ancienne ornière ,


ont cru découvrir un m o n d e nouveau d'activité,


d'industrie et de moral i té dans le pr inc ipe f écond


de l'association. Cette merve i l l euse découver te


est - el le réel le ? Ic i n'est pas le l ieu de m'en o c -


c u p e r : la matière est grave ; sans ajouter un pet i t


n o m b r e de l ignes sans por tées a u x écrits é l o -


quents de ces h o m m e s g é n é r e u x , j e citerai s eu le -


m e n t à l 'appui de leurs doctr ines , dans u n


chapitre spéc ia l , que lques faits dont l ' importance


sera r e c o n n u e . E n ce m o m e n t , laissant de c ô t é




30 OUVRIERS ANGLAIS.


(1) Voici les salaires ordinaires d'un grand nombre
d'états en Angleterre: Les charpentiers, tailleurs de
pierres, maçons, serruriers , plâtriers, vitriers-peintres
et autres ouvriers employés à la construction des édifi-
ces publics ou privés, gagnent dans Londres et les
principales villes du royaume, de 20 à 40 shillings ( 25
à 50 fr.) par semaine; les manœuvres et goujats de 10
à 18 shillings ( 12 fr. 50 c. à 22 fr. 50 c. ), les couvreurs,
de 20 à 30 shillings ( 25 fr. à 37 fr. 5 0 ) ; les charpen-
tiers et maçons employés dans les usines , forges et hauts
fourneaux, hors des villes , de 16 à 18 shillings ( 20 fr. à


ces ouvriers abrutis par l ' inconduite et l ' in tempé-


rance , je v a i s m ' o c c u p e r , sans autre d igre j j ion , de


ces artisans l a b o r i e u x , l e s q u e l s , satisfaits d'un


gain honorab le , p é n i b l e m e n t , mais h o n n ê t e m e n t


a c q u i s , mér i tent u n é loge spécial et réclament


part icul ièrement l'attention de l 'observateur.


A l 'ouvrier l a b o r i e u x , q u i , bornant ses désirs


à u n e vie s imple et f r u g a l e , règle sagement sa


c o n d u i t e , m e t son h o n n e u r et son plaisir à é lever


h o n n ê t e m e n t sa f a m i l l e , et préfère les douceurs


d'un h u m b l e foyer aux exci tat ions de l ' intempé-


r a n c e , à celui-là suffit généralement le salaire


ordinaire de la s e m a i n e , joint à ce que la f e m m e ,


et l e s enfants sortis d u p r e m i e r â g e , p e u v e n t


gagner de leur cô té ( 1 ) . N o t e z , qu'aidés dans les




OUVKIEBS A N G L A I S . 37


22 fr. 50 c. ) ; les fondeurs en cuivre et serruriers méca-
niciens, de 20 à 30 shillings ( 25 fr. à 37 fr. 50 c. ) ; les
ouvriers des fabriques de scies, à Sheffield de 4 à 5 1. s.
( 100 à 125 fr. ), aussi par semaine; les ouvriers coute-
liers des fabriques, forgeurs et monteurs, selon les
temps , de 11 à 30 shillings ( 13 fr. 75 c. à 37 fr. 50 c ) ;
les émoulcurs,de 25 à 40 shillings ( 31 fr. 25 c. à 50 fr.);
les ouvriers mineurs et employés dans les hauts four-
neaux de 11 à 20 shillings ( 13 fr. 50 c. à 25 fr. ) ; les
tailleurs, 18 à 30 shillings ( 22 fr. 50 c à 37 fr. 50 c. ) ;
les emballeurs, 20 shillings (25 fr . ) ; les cordonniers,
15 à 18 shillings ( 18 fr. 75 c. à 22 fr. 50 c ) ; les char-
pentiers de navires, environ 24 shillings ( 30 fr. ) ; les
imprimeurs, de 25 à 35 shillings (31 fr. 25 c. à 43 fr.
7 5 c ) ; les ouvriers employés dans les fabriques du
coton et au mou!inage de la soie, hommes, de 15 à 22
shillings ( 18 fr. 75 c. à 27 fr. 50 c. ) ; femmes, de 6 à 9
shillings (7 fr. 50 c. à 11 fr. 25 c. ) , enfants des deux
sexes, selon 1 ;1ge et la force , de 2 shillings 4 pence à 4
shillings ( 2 fr. 93 c. à 5 fr. ) ; les tisserands ordinaires à
la main, selon leur Age et leur sexe, de 9 à 13 shillings
( 11 fr. 25 c. à 16 fr. 25 c. ). On pense bien que les sa-
laires dans les états qui no se trouvent pas compris dans
cette nomenclature, se nivèlent sur ceux que je viens
d indiquer.


temps difficiles et dans leurs maladies par des


associations de b ienfa i sance , i ls profitent encore


des éco les gratuites et des salles d'asile p o u r




38 OUVRIERS À B G 1 A I S .


d o n n e r u n e première éducat ion à leurs enfants


et l es retirer de dessus la r u e , o ù , hors de la


survei l lance m a t e r n e l l e , ils contracteraient de


t rop b o n n e heure des habitudes d'oisiveté et de


vagabondage difficiles à déraciner par la suite.


LOGEMENTS DES OUVRIERS. — L e s honnêtes


artisans dont se c o m p o s e cette classe paisible et


l a b o r i e u s e , évitent généra lement de se loger dans


l' intérieur des vi l les . I l s laissent a u x ouvriers


paresseux et imprévoyants les sales habitations


entassées dans des rues étroites et malsaines : à


ces maisons dégradées , séjour du v i ce , de la misère


et de la m a l p r o p r e t é , ils préfèrent u n e pet i te


m a i s o n , o u cottage, p r o p r e et s a l u b r e , p lacée


hors des faubourgs sur le bord du grand che-


m i n et devant un jardinet p r o p r e m e n t tenu.


L e s j o u r n é e s , en A n g l e t e r r e , ne dépassant


guère douze à quatorze heures de travail y c o m -


pris d e u x heures au m o i n s p o u r les r e p a s , qu'il


en faut d é d u i r e , i l reste encore à l'ouvrier actif


que lques m o m e n t s à consacrer à la culture de son


petit jardin. R i e n de plaisant et d'agréable à la vue


c o m m e ces maisonnettes bordant les routes à


l 'entrée de toutes les villes d' industrie , ou


dans le vois inage des grandes usines élevées


au mil ieu des champs . Le loyer étant assez élevé




OUVRIERS A N G L A I S . 39


par ménage ( 1 5 0 à 2 0 0 f r . ) , u n grand n o m b r e


de propriétaires de terrains f o n t , par spéculat ion ,


construire de ces cottages, et en tirent u n


revenu assez avantageux. On attache b e a u c o u p


d'importance à la construct ion de ces c o t t a g e s ,


car on a remarqué qu'ils avaient une haute in-


fluence sur la moral i té des ouvriers . Ceux-c i y


respirent u n air salubre d'autant p lus utile à l eur


s a n t é , qu'ils ont été plus l o n g - t e m p s en fermés


dans les ateliers ; puis ils y prennent des habitu-


des d'ordre et de p r o p r e t é , qu'il l eur serait diffi-


cile de contracter dans les habitations des v i l l e s ,


en général fort mal en tre tenues , et qu i par cela


m ê m e ne peuvent ilatter leur a m o u r - p r o p r e .


Dans plusieurs villes d'Angleterre et d ' E c o s s e ,


des primes ont été offertes aux architectes p o u r


les engager à fournir des p lans de cot tages avan-


tageux , et pour la c o m m o d i t é des distributions


et pour le b o n marché de la cons truct ion .


Il est rare que ces cabanes soient é levées a u -


dessus du rez -de -chaussée ,• que lquefo i s , c e p e n -


dant , une chambre est prise dans les c o m b l e s ,


lorsqu'il est nécessaire , p o u r le l o g e m e n t d'une


famille un p e u n o m b r e u s e , d'accroître le local


sans grande augmentat ion de loyer . E n voici la


distribution ord ina ire ; une c u i s i n e , une ç h a m b f e




40 OUVRIERS ANGLAIS.


parallèle à la cuisine , e t , quelquefois , une autre


chambre prise dans les c o m b l e s , lesquel les sont


très -ë levés dans c e dernier cas. Derr ière la


maison , et sous s imple toit e n appent i s , sont d i s -


p o s é s un pet i t c e l l i e r , des l a t r i n e s , un petit b û -


cher et u n év i er , c e dernier c o m m u n i q u a n t avec


la cuis ine. L' idée de ces cottages a prés idé évidem-


ment en France à la construct ion des l o g e m e n t s


des ouvriers e m p l o y é s par le gouvernement à


l 'établissement national d ' Indre t , dans le d é p a r -


tement de la Loire-Inférieure. Il serait b ien à


désirer qu'autour de nos grandes v i l l e s , de s e m -


blables maisonnettes fussent é l e v é e s , p o u r retirer


des rues étroites et sales o ù elle s 'entasse , une


populat ion misérable et ét iolée . J e ne m e dissi-


mule pas que cette populat ion en général pauvre ,


g r o s s i è r e , ignorante , arriverait difficilement à


appréc ier les avantages de la p r o p r e t é , laquel le


suppose toujours un certain degré d'aisance.


N é a n m o i n s , l e b ien-être croissantavecl ' instruct ion


et le travai l , d e u x choses aujourd'hui en voie


d'amélioration , i l est permis de supposer que la


réforme s'établirait peu à p e u , surtout avec les


encouragements du gouvernement et des h o m m e s


les p lus éclairés du pays. J'appelle d o n c sérieuse-


ment 'l'attention de m e s conc i toyens sur cette




OUVBIERS A N G L A I S . 41


madère . Sans m e jo indre à la foule de ces d é c l a -


mateurs , prétendus p h i l a n l r o p e s , qui ont c o n s -


tamment le n o m du p e u p l e à la b o u c h e , p o u r le


flatter et irriter ses p a s s i o n s , j e dirai que , par sa


m i s è r e , ses souffrances et ses durs travaux , il


mérite que l'on s'intéresse cons tamment à son s o r t .


qu'on fasse tout p o u r son améliorat ion mora le et


matériel le .


CARACTÈRE ET MOEURS DES OUVRIERS AN-


GLAIS. — L'étranger remarque quelquefo is avec


surpr i se , des r u b a n s , des ch i f fons , des ch ap eaux


de femmes suspendus derrière les vitres luisantes


de la petite croisée d'un cottage dont la por te


est surmontée d u n e ense igne portant ces mots :


mistress N. N.. Tailleuse ; o u mistress N...


modiste. C'est que souvent en effet la f e m m e


d'un o u v r i e r , au l ieu de travailler dans les f a -


briques avec son m a r i , reste à la maison et tire


parti de son adresse aux travaux d aiguil le p o u r


habiller ou coiffer les autres f e m m e s de sa classe,


lesquelles sa t iennent en général assez p r o p r e -


ment et portent toutes des c h a p e a u x , le b o n n e t


étant absolument i n c o n n u en A n g l e t e r r e , ainsi


que j'ai déjà eu l i eu d'en faire l 'observat ion. Le


voyageur français dans la Grande-Bretagne n'est


pas moins é t o n n é , lorsqu'il visite les ateliers des




42 OUVRIERS ANGLAIS .


manufac tures , de l 'honnêtelé des ouvriers a u x -


quels il adresse la paro le ; de l eur ton empressé et


po l i sans bassesse , de leur déférence p o u r leurs


chefs et tous c e u x qui leur paraissent d'une classe


au-dessus de la leur. Ils respectent év idemment


les hiérarchies soc ia l e s , c'est-à-dire qu'ils r e c o n -


naissent le pr incipe d'autorité. Les Anglais savent


en général c o m m a n d e r et o b é i r ; m a i s , dans c e


dernier cas, leur obéissance est raisonnée ; ils c è -


dent à l 'autori té , avec cette condi t ion toutefois


que l'autorité sera j u s t e ; ils accorderont v o l o n -


tiers que vous êtes vin gentleman, et vous par -


leront respectueusement en c o n s é q u e n c e ; mais


que vos manières soient d'accord avec votre titre ,


autrement ils les apprécieront avec un tac exquis ,


et sauront fort b i en vous faire sentir que si vous


p o r t e z l'habit d'un gentleman , vous n'en avez


ni le ton ni le langage. La manière dont s 'expr i -


ment les ouvriers anglais m'a toujours surpris


par sa correc t ion et sa convenance . D a n s les fa-


br iques chaque ouvrier parle sans e m b a r r a s , dé -


montre avec complaisance les opérat ions de son


travail et toujours il a le m o t propre à la b o u c h e ,


sans se servir de ces locut ions triviales qui déparent


si généra lement en France le langage des classes


inférieures. On a souvent accusé d'avidité les on-




OUVRIERS ANGLAIS. 43


vriers anglais : à ce c o m p t e il serait difficile de


visiter une fabrique sans avoir ses p o c h e s p le ines


de guinées . C'est une ca lomnie : non-seulement


u n ouvrier anglais ne m'a jamais adressé ces d e -


mandes si c o m m u n e s c h e z nous d'un pour-boire,


mais au contraire j'ai toujours eu b e a u c o u p de


pe ine à faire accepter une couronne o u une


demi-couronne à des h o m m e s qui m'avaient pro -


m e n é des heures entières à travers leurs ateliers ;


plus d'une fois m ê m e j'y ai é c h o u é tout à-fait.


Je ne crois pas que l'ouvrier anglais possède


au m ê m e degré que l'artisan français cet esprit


vif et p r o m p t qui fait si rapidement saisir à ce


dernier le sens de toute chose ; mais en revanche


le premier possède une graude pat ience et u n e


aptitude mervei l leuse à se prê ter à une opérat ion


long- temps répétée sans éprouver autant que le


Français le be so in de varier ses m o u v e m e n t s .
Q


De là vient la grande supériori té de n o s vo i s ins


sur nous pour tous les produi t s dont la fabr ica-


tion a été systématisée et divisée par séries ; e n


r e v a n c h e , les França i s comprennent m i e u x tout


ce qui est du ressort de l'art et du goût .


J'ai déjà eu l 'occas ion de r e p r o c h e r aux An-


glais l'esprit de fiscalité qui prés ide à tous leurs


établissements publ ics et en ferme l 'entrée au




44 OUVRIERS ANGLAIS.


peuple . Celui-c i n'a pas la main toujours p le ine


de shillings superflus pour en laisser un à la p o r t e


de chaque expos i t ion : o ù v e u t - o n alors qu'il


s'inspire et se forme le goût ? N o s salons de t a -


b l e a u x , nos m u s é e s , nos b i b l i o t h è q u e s , sont en


France ouverts à t o u s , access ibles à t o u s ; aussi


le p e u p l e en prof i t e - t - i l , et chez lui se d é v e l o p p e


i n s e n s i b l e m e n t , peu à p e u , le sent iment d e s


beaux-arts qui respire ensuite dans ses oeuvres.


La stricte observance du d imanche ne contr ibue


pas p e u encore en Angleterre à donner un c a -


ractère pesant à la classe ouvr ière . Ce jour-là


tout divertissement extér ieur étant interdi t , les


h o m m e s vont seuls se vautrer bruta lement et si-


l enc ieusement dans les cabarets , s'y abreuver aux


dépens de l<ïur bourse et de leur santé, aux dépens


de l'aisance d u m é n a g e , de bière forte , de m a u -


vaise eau-de-vie de grain , ou An gin p lus mauvais


encore . Pendant c e t emps , la mère , abandonnée


avec ses en fant s , passe une triste journée à la


m a i s o n , n'ayant en perspect ive que la mauvaise


h u m e u r de son m a r i , lorsqu'il rentrera le soir de


sa grossière débauche , ivre et fatigué. Je sais


bien que tel le n'est pas la conduite de tous les


artisans anglais : je me suis déjà p l u à le r e c o n -


naître;mais ce l le privation c o m p l è t e , le d i m a n c h e .




Olj'vi t lEBS ANGLAIS. 4T>


Je loul divertissement innocent et un p e u animé ,


n'y inène- t -e l le pas tout droit. L'arc doit ê lre


détendu quelquefo is ; l 'homme a beso in d ' inter-


rompre ses jours de travail et de sueurs par des


jours de plaisir et de repos . Au m o r n e s i lence


des dimanches de ce pays pur i ta in , c o m b i e n de


fois je préfère nos d imanches de France si j o y e u x .


Chez n o u s , les délassements de c e j o u r sont p a r -


tagés par la famille ent ière . V o y e z les guinguet tes


autour de Paris et des grandes vil les : quel le ga i té ,


quel mouvement . L e s j eunes filles accortes et


fraîches se mêlent aux j e u n e s garçons , et par leur


présence préviennent b ien des excès . La d a n s e ,


la m u s i q u e , animent tous les g r o u p e s , o n oubl ie


les fatigues de la ve i l l e , o n puise un nouveau c o u -


rage p o u r les fatigues du l endemain . E n présence


de sa f e m m e et de ses enfants , l ' h o m m e m a r i é ,


pour conserver le respect de sa famil le , est forcé de


se respecter lui-même ; en m ê m e temps qu'il e x e r c e


sur elle une utile survei l lance ; ainsi s 'opèrent une


action et une réaction mutue l l e qui tournent à l'a-


vantage de tous . J e ne m e dissimule certa inement


pas les inconvénients qui v iennent quelquefois


porter ombre à ce tableau passablement flatté d e s


divertissements popula ires en F r a n c e ; mais ces


inconvénients sont m o i n s graves qu'en Angle terre ,




46 OUVRIERS A N G L A I S .


et l'instruction qui c o m m e n c e à se répandre chez


nous viendra les atténuer encore .


J e n'ai vu chez nos vo i s ins , u n m o u v e m e n t


r é e j , autre que celui d u t rava i l , une apparence


de fête u n p e u marquée , que le samedi au soir. Ce


j o u r - l à , les douze heures de travail sont réduites


à n e u f p o u r tout le m o n d e . Chacun reçoit son


salaire de la semaine et s 'empresse de déserter


l 'atel ier. C'est un spectacle intéressant à s u i v r e ,


et dont j e m e suis p l u à retracer sur les l i e u x


m ê m e s les impress ions diverses . V o i c i c e que


j'écrivais sur m o n a lbum le d imanche 1 4 ju in


1 8 3 5 à G l a s g o w :


A P A ï DAY. — I l est six heures d u soir : entre


le maître et l 'ouvrier tous les c o m p t e s sont e n


règle ; chacun a pris son thé et se sent comfor-


table; a l o r s , si le t e m p s est favorab le , on aper-


çoi t dans chaque q u a r t i e r , dans chaque r u e , u n


m o u v e m e n t , u n e a c t i v i t é , une c irculat ion n o u -


v e l l e , insolite. A pe ine si vous p o u v e z , sans ê tre


é touf fé , p e r c e r cet te foule remuante , affairée,


mais jamais turbulente . L e s bout iques se r e m -


plissent de chalands. L e s uns font leurs empiè te s


d u d i m a n c h e , l es autres soldent de viei l les dettes


o u e n contractent de nouve l l e s . L e cabare t i er ,


surtout , reçoi t de n o m b r e u x vis i teurs. L e s f e m m e s ,




0 U V B 1 E R S A K G 1 A I S . 4 7


(1) Voir la note de la page 28.


les f e m m e s m ê m e s , franchissent le seuil de la


taverne. El les ont partagé les travaux de l'usine ,


elles se sont i m p r é g n é e s des miasmes de l'atelier,


elles réc lament maintenant leur part aux l i b a -


t ions C'est just ice (1) !


C'est à Sheffield , à Birmingham^ à Manchester;


à G l a s g o w , à G l a s g o w s u r t o u t , qu'il faut suivre


l'agitation d'un de ces pay days (jours de p a i e ) ,


se pro longeant fort avant dans la soirée. E n


France , j'aurais dit : dans l a i « « / V , mais e n


E c o s s e , il n'y a pas de n u i t , à p r o p r e m e n t parler ,


pendant la saison d'été. M ê m e p o u r le voyageur


prévenu d'avance , c'est un spectacle vraiment


curieux et surprenant , que ce p h é n o m è n e de


lumière . A neuf heures et demie du s o i r , lorsque


chez nous tout est t é n è b r e , les derniers rayons


d u solei l couchant dorent e n c o r e l 'horizon é c o s -


sais ; l'air est frais e t p u r ; les nuages flottent


rares et légers ; les ardents fourneaux des m a -


nufactures q u i , dans le j o u r , enve loppaient la


ville d'un noir et épais b r o u i l l a r d , ont cessé de


vomir la flamme et la fumée . A cette h e u r e , vous


jouissez ent ièrement de la nature et de la vie .




48 O C V M E Î f S AKGLAIS .


Les enfants , l ibres de la corvée industriel le , e n -


tourent la marchande de mer lue s è c h e , puis se


préc ip i tent j e n grignotant leur p o i s s o n , sur les


gazons de Calton Green, o ù mil le j e u x les ap-


pe l lent . La c o u r s e , le saut , la balançoire , le


carrouse l au cheval de bo i s sont à leur d i spo-


sition et les invitent tour à tour . C o m m e un


h o m m e , l'enfant a travaillé et sué sa s e m a i n e , i l


a d o n c aussi lui son. salaire du samedi p o u r payer


son pain et ses plaisirs : panem et cireenses. Là


est encore le spectacle en p le in v e n t , la baraque


de sapin et son jack-pudding (pail lasse) , la b a -


gatel le tle la porte et les mil le merve i l les de l'in-


tér ieur B i e n ne manque au tableau !


E n A n g l e t e r r e , les f e m m e s ont généra lement


des traits fins et .doux , une c o m p l e x i o n dé l i cate ,


u n abord bienvei l lant et grac ieux . Ce caractère


se retrouve m ê m e dans les a te l iers , o ù , se lon


l'usage universe l d u p a y s , toutes travail lent le


c o u p n u , l e s épaules découvertes . C'est parmi


ces j eunes ouvrières--, la plupart d u temps fort


j o l i e s q u e t rop souvent se recrutent la honteuse


cohorte des courtisannes , sans qu'el les p e r -


dent dans ce l te infâme condit ion cette appa-


rence de d o u c e u r à laquel le l 'homme et l 'édu-


cation les ont de b o n n e heure assouplies . À Glas -


gow, l 'aspect change : la générat ion féminine est




OUVRIERS AKC1ATS. 4 9


grande et forte ; elle a, sans effronterie , les traits
hardis et f iers , mais aussi sans grâce et sans dé­
licatesse. L e s c h e v e u x r o n g e s , s'ils ne dominent
pas en n o m b r e , sont c o m m u n s plus que partout
ail leurs. Со qui frappe tout d'abord l'oeil le m o i n s
observateur , ce sont ces j eunes f i l l e s , populat ion
indépendante des ate l iers , se p r o m e n a n t dans les
r u e s , seules à seules o u par g r o u p e s , c o m m e
les h o m m e s : les ouvriers e n ont seuls le priv i lège
ailleurs. T o u t e s sont pe ignées avec soin ; leurs
cheveux relevés avec assez de grâce sur la tête ,
sont également lissés d e s d e u x côtés du front ;
de longues pende loques bri l lent à leurs ore i l l e s ;
la tenue de que lques ­ unes se m o n t r e p r o p r e ,
m ê m e élégante p o u r des f e m m e s d u p e u p l e ,
lorsqu'elles ont quitté le cos tume de travail ,
c o m p o s é le plus souvent d'un jupon court et
d'une espèce de casaquin o u manteau de lit e n
coton r a y é , à manches retroussées . Ce qu'il y à
de plus bizarre , avec cette apparence d'aisance
et de p r o p r e t é , c'est de voir ces dignes d e s c e n ­
dantes de la farouche H é l è n e de Roô Шоу m a r ­
c h e r , sans e x c e p t i o n , n u ­ p i e d s , nu­ jambes dans
les r u e s , d'un pas f erme et r a p i d e , les bras b a l ­
lants , non point avec mollesse , mais avec ce t air
mâle qui donne de l 'aplomb et de la cadence à la


D




5 0 OUVBIEBS A K C t A l S .


marche . E n les v o y a n t , j e m e disais e n m o i -


m ê m e : « Ces j e u n e s filles ont c o m m e d'autres ,


» sans d o u t e , u n c œ u r et des pass ions ; c o m m e


» d 'autres , el les p e u v e n t se livrer à un a m a n t ,


> mais à c o u p sûr el les ne se vendent jamais :


» p o u r e l l e s , il n'y a pas prost i tut ion ». D e s r e n -


se ignements recueil l is p lus t a r d , m'ont appris


qu 'en effet cette suppos i t ion était fondée . Ces


f e m m e s sont d o n c m ê l é e s aux p r o m e n e u r s du


samedi au so ir ; e l les eu sont u n e variété.


Entre o n z e heures et m i n u i t , le tumul te cesse ,


la foule s 'écoule p e u à p e u , chacun rentre au


l o g i s , se c o u c h e et s'endort , j'ai presque dit


jusqu'au lundi su ivant , tant u n d imanche e n A n -


gleterre , mais e n E c o s s e s u r t o u t , est c a l m e et


s i l e n c i e u x . L e j o u r d u S e i g n e u r a l u i , la Grande-


Bre tagne ent ière devient muet te et recuei l l ie ;


chaque fidèle se rend à l'église ; alors tout bruit


a cessé ; vous n 'entendez p lus qu'à l o n g s i n t e r -


valles le son des c loches et l e s chants d'un petit


g r o u p e de méthodis tes , répétant e n choeur l 'hymne


e n t o n n é par q u e l q u e prédicateur en p le in vent ;


l e q u e l , d u co in d'un, square, a fait s o n t e m p l e ,


et d'une b o r n e sa chaire à prêcher . La foule dé-


vote ou, curieuse l 'entoure ; les uns écoutent avec


r e c u e i l l e m e n t , chantent avec onc t ion ; les autres




OUVRIERS ANGLAIS . 51


regardent et se taisent ; mais p e r s o n n e ne s'avise


de troubler o u de cri t iquer c e service i m p r o v i s é ,


que termine une courte exhortat ion à l 'amour de


Dieu et du p r o c h a i n , et aussi une co l l ec te p o u r


les pauvres co-ré l ig ionnaires .


APPRENTIS. — Après les ouvriers anglais il est


juste de consacrer que lques pages à leurs a p -


prentis , pép in ière féconde o ù leurs rangs se


renouvel lent .


D'après u n statut de la reine E l i s a b e t h , défense


était faite à qui que ce fût d'exercer un é ta t , une


industrie que l conque avant de s'être soumis à u n


apprentissage d'une durée r igoureusement fixée


à sept ans. Ce statut a été révoqué depui s q u e l -


ques a n n é e s , et chacun p e u t discuter l ibrement


aujourd'hui les condi t ions d e son noviciat ; n é a n -


moins , nul j e u n e h o m m e n'a le droit de s igner


son contrat d'apprentissage avant sa quatorz ième


année révo lue . Malgré la révocat ion d u statut


d'El isabeth, l'usage d e s sept années d 'appren-


tissage prévaut généra lement e n c o r e dans la p l u -


part des états ; dans q u e l q u e s c a s , c e p e n d a n t , l e s


sept années sont réduites à c i n q ; mais par u n e


except ion p e u fréquente et qui d é p e n d ent i ère -


ment d u maître.


L'apprenti , l o g é , nourri et vêtu par son m a î t r e ,


pourra lui payer u n e pens ion ; dans le cas c o n -




52 OUVRIERS A N G L A I S .


traire., c 'est-à-dire lorsqu'il d e m e u r e en dehors


de son a t e l i e r , il reçoit un salaire dès le s e c o n d


moi s de son entrée en apprentissage. Assez faible


d'abord (4 o u 5 shil l ings par s e m a i n e ) , ce salaire


s a c c r o i t progress ivement à différentes époques


s t ipulées d'avance.


D a n s l ' imprimerie de M. C l o w e s , c i tée dans


m o n premier v o l u m e , les condi t ions d'apprentis-


sage sont sept années de t emps . La première an-


née , l 'apprenti ne reçoit r i e n , la s econde année


son gain hebdomadaire est f ixé à 1 2 ou 1 4 sche l -


l i n g s , et s'accroît graduel lement se lon son adresse


et son aptitude au travail. Dans d'antres i m p r i -


mer ie s de L o n d r e s , les apprentis reçoivent u n sa-


laire dès le tro is ième moi s .


Les droi ts d u maître sur l 'apprenti sont assez


é t e n d u s ; ainsi il peut lui infliger des châtiments


corpore l s , pourvu, toutefois, que ce soit avec


modération.. Par une disposi t ion assez bizarre ,


ce droit de chât iment accordé au maître , est r e -


fusé à la maîtresse de l 'apprenti . Sans d o u t e , le


légis lateur a senti q u e , dest inée à régner par la


douceur et l ' a m o u r , la f e m m e n e pouvait e m -


piéter sur le triste priv i lège de l ' h o m m e , de ré-


gner par la force et la crainte. S i un apprent i


quitte son maî t re , i l est ramené à l'atelier par la


force p u b l i q u e , et ob l i gé de récompenser l e




OLVEIEKS A N G L A I S . 53


temps qu'il a perdu . E n cas de mut iner ie o u de


refus obst iné de travail , il est traduit devant le


magistrat et peut être condamné à u n e m p r i s o n -


nement de trois mo i s au p l u s , dans une maison


de correct ion .


Si un enfant , destiné à une profess ion manue l l e ,


appartient à des parents un p o u a isés , il est e n -


voyé de b o n n e heure aux éco les . L e s ouvriers


anglais sentent toute la valeur de 1''instruction ;


auss i , lorsque leurs m o y e n s le l eur p e r m e t t e n t ,


ils ne négligent rien pour faire étudier leurs e n -


fants. Les écoles des villes industriel les de la


Grande-Bretagne sont merve i l l eusement installées


pour donner aux jeunes gens les connaissances


premières les plus appropr iées à l eurs futures


professions. La l e r t n r e , l ' or thographe , le dessin


l inéaire , le ca l cu l , la g é o m é t r i e , l 'h is to ire , la


g é o g r a p h i e , les langues anglaise et f r a n ç a i s e ,


enfin des notions succinctes de la forme d u gou-


vernement de leur p a y s , des droits de la c o u -


ronne et de ceux des c i t o y e n s , voilà les matières


de l 'enseignement primaire qu'ils reçoivent en at-


tendant que ce l te instruct ion soit perfec t ionnée


plus tard par les cours pins é levés des mécha-


ntes institutions ( 1 ) .


(I) Voir p a g e 328 cl su ivan tes du l . c r volume.




54 OUVRIERS A N G L A I S .


Si la condi t ion m é d i o c r e des parents ne leur


p e r m e t pas c e s sacr i f i ce s , leurs enfants sont alors


reçus dans les salles d'asile (infants schooh),


jusqu'à ce qu'ayant atteint leur n e u v i è m e a n n é e ,


ils peuvent être admis dans les manufactures ;


m a i s là encore ils ne sont po int pr ivés de tout


e n s e i g n e m e n t ; les éco les des d imanches l eur res-


t ent o u v e r t e s , sans dire que c h e z certains fabri-


cants un professeur est attaché à leur usine , p o u r


l ' instruction spéciale des j e u n e s enfants qu'ils oc -


cupent .


C o m p r e n d - o n b ien maintenant les avantages


que cette manière de procéder donne à l 'Angle-


terre sur la France ? P o u r m o i , j'y vois la cause


pr inc ipale de la supériorité i n c o n t e s t a b l e , dans


la plupart des c a s , des ouvriers anglais sur les


nôtres . Pour n o u s en conva incre , comparons les


usages des d e u x pays . On vient de voir c e u x de


l 'Angle terre; m a i n t e n a n t , que se p a s s e - l - i l en


France ? La plupart du t e m p s les enfants de l'ou-


vrier , abandonnés à e u x - m ê m e s sur le pavé des


r u e s , y contractent dès l'âge le p lus t e n d r e , des


hab i tudes d'oisiveté et de vagabondage , difficiles à


ré former par la suite . Si l 'enlant , c'est le cas le


plus r a r e , a p u être admis dans que lque école


p r i m a i r e , et qu'il sache lire à 8 o u 9 a n s , les




OUVRIERS ANGLAIS . 55


parents en tirent parti en le plaçant c o m m e c o m -


missionnaire dans que lque maison honnê te o ù il


gagne de 6 à 1 5 francs par moi s . À 1 2 o u 1 3 ans o n


songe à lui donner un é t a t , q u e le peu d'aisance o u


le caprice des parents ne lui permet pas toujours


de choisir. Alors c o m m e n c e l 'éducat ion de l 'a te-


lier. O r , c h e z nous aucun apprentissage ne dure


p lus de quatre années ; la plupart d u t e m p s m ê m e


il est fixé à t r o i s , sans aucune condi t ion de s a -


laire. D e là il advient qu'à 1 7 o u 1 8 a n s , 1 9 au


plus t a r d , un jeune h o m m e quitte son maître et


reste ainsi l ivré à l u i - m ê m e sans e x p é r i e n c e , sans


raison f o r m é e , e t , la plupart d u t e m p s sans sa -


voir grand chose de son é t a l , c o n s é q u e m m e n t


sans être toujours capable de gagner sa vie . C e -


pendant ce j eune h o m m e se croit capable , i l est


tout fier de son tilre d'ouvrier r é c e m m e n t acqui s ,


il le porte avec o r g u e i l , est rétif sous le frein ;


reconnaît difficilement d'aulre supérior i té q u e


cel le qu'il croit avo ir ; m é p r i s e , du r e s t e , toute


autori té , et se c o n d a m n e lu i -même à végéter dans


une médiocr i té perpétue l l e ; h e u r e u x quand la dé-


bauche ne vient pas ajouter à toutes ces causes


de misère. Q u e l q u e s ouvriers cependant , o u m i e u x


é l e v é s , o u doués d'un caractère m e i l l e u r , d'un


esprit plus d r o i t , s a v e n t , par une noble émula-»




56 OUVRIERS A N G L A I S .


t i o n , complé ter par e u x - m ê m e s et d ' e u x - m ê m e s


l'insuffisance de leur première éducation , mais


ceux - là , qui sout iennent l'industrie française, sont


e n pet i t n o m b r e : j'ai vécu long- t emps au mi l i eu


de la classe ouvrière , j e crois savoir à quoi m'en


tenir.


Le contre-maître d'une manufacture de B i r -


m i n g h a m , de qui je t iens une partie de ces


détails sur les apprentis angla i s , apprenant la


brièveté de l'apprentissage en F r a n c e , et surtout


l'âge auquel il f in i t , ne put s 'empêcher de s'é-


crier dans son é tonnement : « Mais , vous voulez


» d o n c que vos enfants deviennent h o m m e avant


» d'être h o m m e s ! » C'est la juste c o n t r e p a r t i e des


vieux généraux de vingt ans de M. Casimir


de Lavigne ? Mot imprudent qui a fait b ien du


mal .


B e m a r q u o n s maintenant combien l'ouvrier an-


glais est favorisé par les usages et les lois de son


pays . S'il appartient à une famille aisée , i l a puisé


de b o n n e heure dans les éco l e s une instruction


théor ique qui a d é v e l o p p é son inte l l igence , agrandi


ses idées . À 1 4 ans il e n t r e , déjà formé , en a p -


prent issage; un salaire raisonnable et presque suf-


fisant à ses b e s o i n s , l 'encourage au travail ; la


certitude de voir ce salaire a u g m e n t e r , l 'exci te




O U V M E R S ANGLAIS. 57


tous les jours à mieux faire; un contrat sévère


le retient pendant sept ans chez son m a î t r e , le-


quel doit dans son p r o p r e intérêt et p o u r le profit


qu'il en peut t i r e r , déve lopper de b o n n e heure


le talent de son élève et toujours tendre à le per-


fect ionner; jusqu'à ce que c e l u i - c i ayant accompl i


son e n g a g e m e n t , atteint sa vingt et u n i è m e a n n é e ,


sort d'apprentissage h o m m e fait et ouvrier a c -


compl i .


Dans un autre cas , c'est-à-dire lorsque des pa-


rents pauvres n'ont pu lui donner une première


instruction ou le maintenir dans les éco les j u s -


qu'à sa quatorz ième année , l'enfant , p o u r un s a -


laire de 2 à 4 schil l ings par s e m a i n e , entre à 9


ans dans une manufac ture ; il y devient piecer


ou scavenger, c 'est-à-dire qu'il rattache les fils


r o m p u s , porte les rubans de coton cardé du dra-


iving-framc à la rrude-jenny, o u b i e n huile les


rouages des machines et net to ie les mét iers . D a n s


l'un et l'autre c a s , il vit et croit au mil ieu m ê m e


des machines qu'il sera peut-être appelé à fabri-


quer un jour . D e l à , sans contred i t , ce l le c o n -


naissance pratique de la mécanique chez les o u -


vriers anglais, de là cette mult i tude d'améliora-


t i o n s , de perfect ionnements incessants dans tous


les arts. N e se souvient -on pas que c'est un de




58 OUVRIERS ANGLAIS .


ces enfants e m p l o y é s près des m a c h i n e s , qui in-


venta le m o u v e m e n t spontané du tiroir de la


machine à vapeur.


Peut-être il connaît m i e u x q u e l'ouvrier qui la


l i t , les avantages o u les inconvénients d'une c o m -


binaison mécanique ; son e s p r i t , sa m é m o i r e , son


j u g e m e n t , se familiarisent de b o n n e heure avec


les différents m é c a n i s m e s , avec les r o u a g e s , les


ressorts divers et mult ipl iés qui les c o m p o s e n t :


ces ressorts , ces rouages deviennent p o u r lui ce


que les lettres de l 'a lphabet , les m o t s de la lan-


gue sont pour un écrivain habi le; il sait leur usage,


leur emplo i u t i l e ; il a deviné le secret de telle


combinaison , il en a vu les avantages , sent i tous


les v i c e s ; e t , lorsqu'eniin il a atteint sa qua-


torz ième a n n é e , s'il lui plait de quitter les en-


nuyeuses fonct ions d u p i e c e r o u du scavenger


pour devenir apprenti mécanic ien , i l sait déjà


tout ce qu'il lui faudra éviter ou rechercher dans


la construct ion d'une machine ; enfin , s'il accom-


plit ses sept années d'apprent issage, s e r a - 1 - o n


surpris qu'il sorte de ce long noviciat ouvrier ha-


bi le , e x p é r i m e n t é ?


Auprès de cette éducat ion profess ionne l le , lon-


gue et c o m p l è t e , c o m b i e n est inférieure ce l le de nos


ouvriers! Sans doute le législateur devrait s'efforcer,




OUVRIERS A N G L A I S . 59


en France , d'apporter que lque r e m è d e aux incon-


vénients de notre m o d e d'apprent issage; m a l h e u -


reusement on ne peut se dissimuler que la crainte


d'attenter à la l iberté individuel le ou de soulever


des résistances i n v i n c i b l e s , s 'opposera toujours à


ce que laréforriieindustrielle s'introduise c h e z nous


par cette voie. I l ne reste ouverte que ce l le de l'ins-


truction scolaire ; c'est d o n c de ce côté que doit


se tourner l'attention sérieuse du p o u v o i r , il ne


doit reculer devant aucun sacrifice p o u r créer de


nouvel les écoles , donner une mei l leure direction


aux a n c i e n n e s , et enfin perfect ionner les m é -


thodes arriérées d 'ense ignement . D'un autre c ô t é ,


le devoir des c i toyens éclairés est de s e c o n d e r ,


d'accélérer ce m o u v e m e n t ; car c e n'est qu'à


ce prix qu'il nous sera donné de disputer à l 'An-


gleterre la p a l m e de la richesse et de la p u i s -


sance.






ASSOCIATION. 61


ASSOCIATION.


SYSTÈMES DE S A I N T - S I M O N , DE CHARLES
FOURIER , DE ROBERT OWEN ; SOCIÉTÉS
COOPÉRATIVES; COALITIONS DOUVRIERS.


« Man upon man depends, and, break\the chain,
He soon returns to savage life again ;
As of fair virgins dancing in round,
Each binds another, and herself is bound ;
On either hand a social tribe he sees,
By those assisted, and assisting these ;
While to the general welfare all belong.
The high in power, the love in number strong. »


( C B A I B I . )


« L'homme dépend de l'homme : brisez cette chaîne, de
suite il retombe à l'état sauvage. Voyez ces jeunes
filles emportées par la ronde joyeuse , chacune d'elles
est enchaînée, chacune d'elles enchaîne à son tour :
c'est l'image d'un peuple entier ; chaque main figure
une classe de citoyens, aidant celle-ci, par celle-là
aidée , et toutes appartiennent ensemble au bien géné-
ral ; les unes puissantes par leur influence morale, les
antres par leur nombre. » (CHABEE.)


Sx3§8§&fSSOCIATIOîî. — D e p u i s que l'homme souf-
Ê «fl | |^ r e ' c ' e s i -à -d ire depuis l'origine du
(Ssssstmonde , il s'est trouvé à diverses époques,




62 ASSOCIATION.


mais surtout aux m o m e n t s de grande crise s o -


ciale , des ph i losophes q u i , frappés du spectac le


affligeant des m a u x de l 'humanité , ont cherehé à


s'expliquer ces choquantes anomalies du fort op-


pr imant le faible , d u r iche se riant des misères


d u pauvre , de la ruse abusant la s imple i n n o -


c e n c e , et enfin du contraste n o n m o i n s f r a p -


pant de l 'homme marchant du berceau à la t o m b e


au mi l i eu d'un c o r t è g e obl igé de m i s è r e s , sans


cesser p o u r ce la d'aspirer au b o n h e u r . A la vue


de ces douleurs sans fin que l 'homme augmente


l u i - m ê m e en alliant dans sa nature , par un m y s -


tère impénétrab le , l'esprit d'antagonisme à l'es-


prit de sociabi l i té , les uns plus impatients se


sont a igris; i ls ont douté , puis nié o u maudit


la prov idence : les au tre s , d o u é s d'une foi p lus


p u r e , tout en reconnaissant le m a l , ont tâché de


r e m o n t e r vers sa source et ont cherché avec ar-


deur les m o y e n s d'adoucir le sort de leurs s e m -


blables ; i ls se sont demandé entre autres c h o s e s ,


s i , en déve loppant dans l 'homme l'esprit de s o -


ciabil i té et de d é v o u e m e n t o n n'arriverait pas à


neutraliser les funestes effets de l'esprit de lutte


o u d'antagonisme , e t , si e n f i n , o n ne parv ien-


drait pas à détruire u s e partie d u mal en dir i -


geant contre lui l es efforts c o m b i n é s du genre


humain .




ASSOCIATION. 63


( l ) Je ne parle pas des lois agraires des Romains,
justes en principe , et qui ne concernaient que le par-
tage de terres conquises. Je ne prétends ici faire al-
lusion qu'à des rêves plus modernes.


Mus par un noble désir d 'équi té , mais donnant


une funeste extens ion au pr inc ipe d'une égalité


abstraite de droits c h e z les h o m m e s , quelques-


uns croyant p lus au pr inc ipe de lut te qu'au


principe d'union , ont p r o p o s é les lois agrai-


res (1 ) . Sans prendre en considérat ion l ' iuéga-


li lé des forces et des appétits , c e s légis lateurs


imprudents partageaient entre les individus le


m o n d e par port ions égales c o m m e la table d'un


é c h i q u i e r , abandonnant ensuite chacun à s o i -


m ê m e . C o m m e si, en face de toutes l es inégalités


physiques et inte l lectuel les u n pareil état se p o u -


vait maintenir seu lement une heure ; c o m m e si


le faible eût p u , en vertu de leurs décrets , ré-


sister au fort o u se passer de son appui ; l ' h o m m e


borné d ' inte l l igence , être à jamais affranchi d e s


consei ls de l 'homme éc la iré , garanti des p i è g e s


de la r u s e , des surprises de l 'audace ; c o m m e


si l'imprévoyau.ee et la prodigal i té n'eussent pas


d û , ainsi que par le p a s s é , i m p l o r e r l e s s e -


cours de l 'ordre et de l ' économie ; c o m m e si




64 ASSOCIATION,


chaque service r e n d u , e n f i n , eût d û l'être dé-


sormais à titre gratuit. U n pareil système que ,


dans des m o m e n t s de d é l i r e , sans doute , cer -


tains h o m m e s ont r ê v é , t o m b e au moindre exa-


m e n et n'a pas beso in d'être discuté.


Mei l leurs l o g i c i e n s , et b ien m i e u x inspirés,


d'autres se sont dit : unissons te l lement les h o m m e s


entre e u x , qu'ils se prêtent un m u t u e l appui et


contre leurs misères et contre leurs ennemis . Loin


d'angmenter leurs div is ions , établissons leur so-


l idari té? C'était e n g e r m e l'idée d'AssociATION.


C'est el le désormais qui inspirera tour à tour la Ré-


publique de P l a t o n , Y Utopie de T h o m a s M o -


rus , le Gouvernement modèle de Salente,


rêve du b o n archevêque de Cambra y.


Passant ensuite des é ludes spéculatives à l ' ap-


pl icat ion , l'esprit d'association produira plus


lard les sociétés de frères moraves dans la H o l -


lande , la Haute -Lusace et l 'Amérique , ce l les des


Quakers -Trembleurs dans l 'Amérique d u N o r d .


Mais o n ne trouvera c h e z ses rel igionnaires, s imples


de coeur et d ' inte l l igence , ni not ion des b e a u x -


arts , ni é lévat ion de sent iments . Par la seule force


de leur principe } ces sociétés prospéreront sans


pouvo ir se propager et s'étendre. S'appuyant sur


les préceptes d'une vie triste et austère , rég ies




ASSOCIATION. 65


par des usages d'une fatigante un i formi té , lo in


d'offrir au c o m m u n des h o m m e s u n aspect a t -


trayant , e l les les repousseront par la perspec -


tive de l'atonie morale et de l 'ennui. Les Quakers


d'ailleurs prescrivant le c é l iba t , tout en a d m e t -


tant le concours des d e u x s e x e s , se p laceront


dans une condit ion tout except ionne l l e et n 'en-


visageront p lus l 'humanité sous toutes ses faces.


T o u t e s , c e p e n d a n t , sont les é l éments du p r o -


b l è m e , toutes nécessaires à sa so lut ion.


E n dehors des Quakers et des F r è r e s H e r -


n u t e s , nous verrons de n o s jours déeou ler de


ce l te f éconde idée d'Associat ion, et agiter l es e s -


prits , trois sy s t èmes contempora ins : c e u x de


Henr i S a i n t - S i m o n , d e Charles Four ier en France ,


et de Rober t O w e n en Angleterre .


S A I N T - S I M O N I S S I B . — A p r o p r e m e n t par ler ,


Sa int -S imon s'est m o i n s inquiété de résoudre des


quest ions que de les poser . P o u r trouver dans


son système que lques résul tats , c'est p lutô t à ses


disciples , à ses continuateurs qu'à l u i - m ê m e qu'il


faut avoir recours . Presque tous enfants de la r é -


v o l u t i o n , l es S a i n t - S i m o n i e n s avaient traversé


uñe époque de Crise sociale de douleurs vives


et de grands déch irements ; p le ins de c œ u r et de


f o i , é m u s jusqu'aux entrail les des souffrances


E




66 ASSOCIATION.


aiguës des m a s s e s , ils s 'empressèrent d'arborer


leur drapeau et d'inscrire sur sa doub le face les


devises su ivantes : — Association universelle.


— Tous les privilèges de la naissance se-


ront abolis. — A chacun selon sa capacité;


à chaque capacité selon ses œuvres.


Ces formules avaient l'avantage d'être s imples


et préc ises ; déve loppées avec talent et c o n v i c -


t ion , e l les firent en p e u de t emps à leurs auteurs


de n o m b r e u x prosé ly te s .


Le p r e m i e r pr inc ipe p o s é par les S a i n t - S i m o -


niens était ce lu i de l'égalité de l 'homme et de la


f e m m e . I l s divisaient ensuite la société e n trois


classes dist inctes : les artistes , les industriels et


les savants. Le prêtre était pris dans la première


c a t é g o r i e , et la f e m m e c o m m e l ' h o m m e était ad-


missible aux triples fonct ions de l ' au te l , de l'état


et d u ménage . L e c h e f de l'état prenait le t i tre


de Père suprême, cons idéré c o m m e loi vi-


vante, sa parole devait être o b é i e . Chaque p r o -


fession devenait une fonct ion s o c i a l e , le Père


nommai t chaque m e m b r e de la société à u n e


fonct ion selon sa capacité, et chaque f o n c -


t ionnaire devait ê t r e , selon ses oeuvres, ré-


tr ibué sur les bénéf ices soc iaux tous acquis à la


c o m m u n a u t é . Dès lors p lus de propr ié tés par t i -




ASSOCIATION. 67


cu l i ères , plus d'héritage , mais u n seu l fonds


commun.


Voyant b e a u c o u p a ré former dans la soc iété ,


les n o u v e a u x apôtres voulurent tout ré former


à la fois : i ls louchèrent malheureusement et i m -


prudemment à tout . F r a p p é s de l'esprit d' in-


subordination qui soufflait en 1 8 3 0 sur tous les


peuples et semblai t m e n a c e r la société d'une


dissolution prochaine , i ls pré tendirent restaurer


le pr inc ipe de l'autorité et n ' é l evèrent , e n e f f e t ,


qu'une statue au despot i sme . I l s a larmèrent ensuite


l'esprit de propr ié té en détruisant l'héritage ; effa-


rouchèrent les sent iments de famille et l es c o n -


victions re l ig ieuses en prêchant l 'abolit ion d u


mariage et la construct ion d'un t e m p l e nouveau .


C'était trop entreprendre , ils faill irent à la pe ine .


L'esprit de l iberté et de p r o p r i é t é , l 'esprit de


famille , l'esprit re l ig ieux , s'unirent contre e u x :


ils furent vaincus.


C H A R L E S F O U R I E R . — Sans descendre dans


les dé ta i l s , les Saint - S i m o n i e n s avaient tout


généralisé : il appartenait à Charles Four ier de


régler la soc iété sur des bases c o m p l è t e m e n t


nouvel les et de prévoir tous les cas. I l r è g l e avec


un so in m i n u t i e u x , t ous les actes d e la v i e . D e


m ê m e que N e w t o n avait découvert la lo i de la




68 ASSOCIATION'.


gravitation dans le m o n d e matér ie l , de m ê m e


Four ier assure avoir trouvé la loi de l'attraction


dans le m o n d e moral . S'écartant de tous les


sentiers b a t t u s , lo in de prêcher la lutte contre


les pass ions , il pré tend que D i e u n'a p u donner


de passions à l 'homme que p o u r son propre avan-


t a g e , il suffît de les diriger dans une b o n n e voie .


Les passions d'ailleurs sont les seuls véritables


mobi l e s de n o s actions ; voulo ir les étouffer, c e s t


e n g e n d r e r l'atonie. II convient m i e u x de les sal is -


fa i re , mais en ne leur offrant qu'un but nob le et


utile p o u r al iment . Fourier s'efforce surtout de


p r o u v e r que toutes les jouissances que l 'homme


recherche , et qu'il ne peut se procurer dans l'état


actuel d e la s o c i é t é , sans se met tre contre elle


en état d'hostilité o u v e r t e , il l e s obtiendrait f a c i -


l e m e n t et pac i f iquement par l'association uni-


verselle.


C. Four ier admet aussi lu i l'égalité de l ' h o m m e


et de la f e m m e , pu i s i l divise le m o n d e par pha-


langes de 3 à 4 0 0 familles c h a c u n e , faisant autant


de centres d e c o m m u n a u t é et de travail. T o u t e s


ces phalanges se rattachent les unes a u x autres


par u n l ien général d'association.


' Les fonct ions de l'association universe l le sont


é l e c t i v e s , mais o n n'est é lecteur que dans la


sphère de ses différentes spécial ités .




ASSOCIATION. 69


(I) On se rappi'llc que, dans un précédent chapitre, j'ai
dit que l'institution des Salles d'Asile était due à Robert
Qwen. Cela seul assurerait sa gloire,


La répartition des produits , arrêtée d'un c o m -


mun a c c o r d , se règle sur les trois bases suivantes:


CapitalTravail', Talent. C'est par ces bases


surtout q u e le sys tème de M. Fourier se d i s t in -


gue des autres s y s t è m e s : c e u x - c i attaquent la


propriété et la déclarent c o m m u n e ; M. F o u r i e r ,


au contraire , veut qu'elle subsiste toujours c o m m e


un des p lus énerg iques st imulants de la p r o d u c -


tion.


R O B E R T O W . E ' S . — Manufacturier l u i - m ê m e ,


et vivant dans un pays de manufac tures , R o b e r t


O w e n (i) dut bientôt s'apercevoir que la majeure


partie des maux d o s e s conc i toyens provenaient de


la grande inégalité des f o r t u n e s , et pr inc ipa lement


de la concurrence entre les producteurs . Chacun


surfaisait ses adversa ires , . l e s bénéf ices se r é d u i -


saient à r i e n , et la ruine c o m p l è t e des c o n c u r -


rents, de leurs ouvriers , suivait inévi tablement ces


luttes acharnées. S i , au contraire , un des c o m p é -


t i teurs , armé de plus d'adresse o u de p lus de


c a p i t a u x , survivait à la défaite des au tre s , il s'é-


levait sur leurs débris et insultait à leur m i s è r e ,




70 ASSOCIATION.


tous les pet i ts fabricants étaient va incus , ru inés , et


à leurs d é p e n s s'érigeaient les grandes manufac -


t u r e s , e t se fondait la féodalité industrie l le .


R o b e r t O w e n voulut détruire la concurrence e n


établissant la coopération, c ' e s t - à - d i r e le


travail associépar oppos i t ion au travail com-


pétiteur. I l v o u l a i t , d'ai l leurs , qu'en formant de


leurs forces réunies un faisceau b ien c o m p a c t ,


les pet i t s fabricants fussent en état de lutter c o n -


tre les r iches .


D a n s l e sys tème général isé de R o b e r t O w e n , la


f e m m e est l'égale de l 'homme , les travaux doivent


être c o m m u n s , s e lon la v o c a t i o n , le talent et la


force des individus. Mais , quel le que soit l'inégalité


des f o r c e s , ou de l ' in te l l igence , que l que soit le


degré de b o n n e vo lonté des travailleurs , du m o -


m e n t qu'ils sont égaux à l 'heure de la na issance ,


ils do ivent rester égaux toute la vie et partager


u n i f o r m é m e n t tous les b iens , l e s q u e l s , dès l o r s ,


sont c o m m u n s .


J e ne m'arrêterai point à faire sentir combien


ce sys tème est inférieur en équité à celui de


F o u r i e r , l eque l admet c o m m e élément d é p a r t a g e ,


le capital, le travail, et le talent, à celui


aussi des S a i n t - S i m o n i e n s q u i , sans reconnaître


l es droits de la p r o p r i é t é , font au m o i n s entrer




ASSOCIATION. 71


en ligne de c o m p t e l'inégalité des oeuvres et des


capacités. M. O w e n ne veut reconnaître aucune


supériorité dans la répartit ion des p r o d u i t s , et


l u i - m ê m e , malgré sa haute i n t e l l i g e n c e , malgré


les importants services qu'il a rendus à la sc ience


et à l 'humanité , ne pré tend pas à une part p lus


large que le dernier des stupides habitants de la


T e r r e - d e - F e u . Jo inte à l 'absente de toute règ le


morale et r e l i g i e u s e , cet te uni formité injuste des


partages est u n g e r m e de mort p o u r le système


d ' O w e n .


On a vu c o m m e n t avaient s u c c o m b é les Sa int -


S imoniens . B ien qu'i l fut facile et m ê m e utile de


mettre à l'épreuve , par la format ion d'une seule


p h a l a n g e , le système de Charles F o u r i e r , l es


préoccupations du siècle , et des convic t ions d'un


autre ordre n'ont point encore permis cet essai ,


O w e n seul a p u , sur une assez grande é c h e l l e ,


mettre une partie de ses projets à e x é c u t i o n en


fondant des manufactures coopérat ives d'abord à


N e w - L a n a r c k , en E c o s s e , puis à N e w - H a r m o n y ,


aux E t a t s - U n i s d 'Amér ique , , sans m e n e r à b i e n


aucune de ses tentatives. Martyr de ses c o n v i c -


t ions , Robert O w e n y a sacrifié sa fortune . A u -


jourd 'hu i , retiré à L o n d r e s , il n'en cont inue


pas moins de travailler avec u n e infatigable éner?




7 2 ASSOCIATION.


(1) Le tilre de celte société est : Institution pour
C Association de toutes tes classes chez toutes les na~
tims,


gie à la propagat ion de la réforme industriel le .


E n c o m m u n a u t é avec que lques partisans de ses


d o c t r i n e s , il a fondé Charlotte Street, une s o -


ciété (1) o ù des ense ignements ont l ieu chaque


semaine ; i l fait paraître en m ê m e t e m p s une


feuil le hebdomadaire , intitulée : The New Mo-


ral World {Le Nouveau Monde Moral),


dans laquelle .les ense ignements oraux de Char-


lotte Street reço ivent de n o u v e a u x d é v e l o p p e -


m e n t s , et une p lus grande publ ic i té .


D e s essais i n c o m p l e t s d'assdcialion dont j'ai


parlé tout à l ' h e u r e , trois po ints capitaux c e p e n -


dant sont demeurés a v é r é s , et restent acquis à la


sc ience : c'est q u e , par le seul fait de l'associa


t i ô n , et toutes choses égales d'ai l leurs, il y avait :


1.° augmentat ion et per fec t ionnement des p r o -


d u i t s , préc i s ion dans l ' e x é c u t i o n ; 2." économie


de main - d'oeuvre et de dépenses ; 3.° accro i s se -


m e n t de bien-être p o u r les producteurs .


D'après ces faits , si l 'on ne pouvait démontrer


la b o n t é intégrale du sys tème d ' O w e n , o n n e


pouvait du inoins nier certains bons effets de




A S S O C I A T I O N . 73


l 'association: ils étaient é v i d e n t s , et dans u n pays


c o m m e l 'Angle terre , o ù la plupart du t e m p s on


aime m i e u x demander des preuves à la pratique


qu'au ra i sonnement , l 'esprit d'association s'est


é t e n d u , s'est perfec t ionné . Par lui o n a p u entre -


prendre des travaux tels r\ue le c h e m i n de fer


de L i v e r p o o l , le passage sous la T a m i s e , e t c . ;


il faut attribuer encore à cet esprit l 'usage de


plusieurs grandes u s i n e s , de disposer un local


l ibre o ù e l les l o u e n t , et le surplus de la force de


leurs m a c h i n e s , et la p lace nécessaire à l'installa-


tion de tours ou de métiers . Là ne s'offre pas


cependant la véritable association. O n voit b ien ,


dans la plupart dés c a s , des fonds mis en c o m m u n


pour une oeuvre c o m m u n e ; mais cet te assoc ia-


t ion ne s'applique qu'à un fait particul ier. V o y o n s


si nous trouverons des e x e m p l e s d'association


qui nous rapprochent d a v a n t a g e d e la . ré forme


industriel le et de la vie sociétaire, c o m m e n o u s


en concevons les bases .


S O C I É T É S C O O P É R A T I V E S . — Le mot de coopé-


ration , créé par O w e n , était à lui seul u n grand


b ien : il l ixait l'attention des producteurs . L'on


vil donc , dès- lors , p o u r être affranchis du salaire ,


un grand n o m b r e d'ouvriers devenir les coopé-


rateurs de leurs anciens chefs. Les bénéf ices se




74 ASSOCIATION.


( t ) Voir appendice F.


partagèrent entre t o u s , en raison des marchan-


dises produi tes et de leur p r i x de vente ; et


tous se sont b i en trouvés de ce système de tra-


vail , par l eque l chacun était encouragé à b i en


faire. Dans l 'exploitat ion des m i n e s , ce m o d e


d'opérer fut surtout admis p lus généralement .


Aujourd'hui , p o u r pr ix de leurs l a b e u r s , les


ouvriers mineurs ne travaillent plus guère à la


tâche ; ils e n t r e n t , avec le propriétaire de la m i n e ,


e n partage de la valeur du minerai extrait par


e u x . On a vu de cette manière de s imples ouvriers


réaliser de très-beaux bénéf ices , lorsque par b o n -


heur ils avaient rencontré quelques riches veines


métal l i fères , qu'ils s'exercent à reconnaître m a i n -


tenant avec un soin particul ier ; si b ien que les


travaux étant m i e u x d i r i g é s , e x é c u t é s avec plus


d'ardeur et de sol l ic i tude , le propriétaire de la


mine lu i -même a trouvé un avantage rée l à ces


sortes de traités en participation ( 1 ) . I c i , c o m m e


o n v o i t , g e r m e l'association. Entre les maîtres et


les ouvriers , l 'exploitation cesse , la solidarité


c o m m e n c e . L e s Anglais s'en t iendront- i ls là ?


V o y o n s encore .




ASSOCIATION. „ 75


La remarque faile par O w e n , que la c o n c u r -


rence i l l imitée et les grandes fabriques tuaient l es


petits fabr icants , a dû être b i en p lus év idente


pour les v ict imes e l l e s - m ê m e s . E n présence de


ces i m m e n s e s usines du Lancash irc , véritables


châteaux forts des hauts barons de l'industrie , u n


grand nombre de petits industriels , se voyant


menacés dans leur f o r t u n e , dans leur i n d é p e n -


dance , rédui ts , p o u r ainsi d i r e , à op ter entre


leur ruine complè te o u la g l è b e des mét iers ,


se sont concertés , se sont entendus : « T r o p


faibles i so l é s , se sont-i ls d i t , associons n o s efforts


contre l 'ennemi c o m m u n . » A ins i , de ce l te ter-


reur générale résultait u n grand b ien , l'intérêt


et la nécessité poussaient ces h o m m e s réduits au


désespoir dans la seule et véritable voie du p r o -


grès soc ia l , dans la voie de Y association univer-


se/ie.t.t, qu'on y fasse b ien a t t en t ion , agissant


au hasard , sans c a l c u l , sans g u i d e , sans théor ie


scientifique , i ls s 'écarteront d u système d'Ovven ,


prêché au mil ieu d ' e u x , pour se rapprocher des


idées b ien p lus saines de Fourier , à qui son admira-


b le instinct a fait dev iner d'avance en as soc ia t ion ,


p lus que l 'expérience et la pratique ne leur a en-


c o r e révélé .


Les fabricants dont je p a r l e , se sont donc en*




76 ASSOCIATION.


t e n d u s ; e t , groupés par pet i ts v i l lages , répandus


dans les districts manufactur iers , ils ont fait bâtir à


frais c o m m u n s , au mi l ieu de chaque g r o u p e ,


une vaste m a n u f a c t u r e , pouvant soutenir toute


c o n c u r r e n c e ; et l à , en raison de sa mise ou au


pr ix d'un l o y e r c o n v e n u , c h a c u n . a p u prendre


tant de force à la machine motr ice , emprunter


tant de local à l 'us ine , y installer lant de mét iers .


El ces métiers ont été dirigés par l u i , par sa


f e m m e , par ses enfants. C'était de la grande i n -


dustrie , et pourtant tout ensemble de l'industrie


en f a m i l l e ; e t , c e l l e industrie n o u v e l l e , a b a t t u


à son tour l'industrie n o n sociétaire , sous le c h o c


de laquel le ils s'étaient vus sur le po int de suc-


c o m b e r .


« M o n s i e u r , m e disait u n riche n é g o c i a n t ,


fabricant de draps à L e e d s , ces ouvriers ainsi


a s s o c i é s , qui ne paient que ce qu'ils e m p l o i e n t


de force o u d ' e s p a c e , qui ne travaillent qu'en


fami l l e , sont pour nous aujourd'hui les p lus re-


doutables concurrents . Notre halle est e n c o m -


brée de leurs produits tous les jours de marché .


Et c o m m e ils n'ont point d'ouvriers à payer. , i ls


vendent souvent à des p r i x fort inférieurs aux


n ô t r e s , et réalisent de beaux bénéf ices où il


n'y aurait que de Ja perte p o u r nous , »




ASSOCIATION. 7 7


Mais ce n'est pas seu lement p o u r travailler en


c o m m u n que ces h o m m e s industr ieux ont fondé


leur associat ion, i ls l'ont fait descendre jusque


dans les choses les p lus usuel les de la v ie . A s -


sociés p o u r fabr iquer , i ls se sont associés encore


p o u r acheter et p o u r vendre. M a i s , la issons- les


parler e u x - m ê m e s ; voici u n e lettre écrite au


n o m d'un village soc i é ta i re , p o u r réc lamer l'ap-


pui des consei l s de M. O w e n . Grâce à la c o m -


plaisance de ce zé lé r é f o r m a t e u r , qui a b i e n


voulu m'en laisser prendre c o p i e , j e puis la


faire connaître t ex tue l l ement à m e s lecteurs :


« Mansfield, 8 Juin 1835.


» A Robert O'wen, écuyer.


» M o n s i e u r ,


» Lecteurs assidus du Nouveau Monde mo-


ral ( est imable journal dont n o u s partageons les


excel lentes v u e s , et que nous s u p p o s o n s pub l i é


sous vos inspirations ) , n o u s avons appris q u e


votre intent ion était de visiter p r o c h a i n e m e n t


les différentes soc iétés coopérat ives établies dans


les comtés du nord. N o u s profi tons avec e m -


pressement de cette heureuse c i r c o n s t a n c e , p o u r


vous p r i e r , au cas q u e vous passiez par N o t t i n -




78 ASSOCIATION.


g h a m , d'être assez b o n p o u r venir visiter l e vil-


lage (ville serait p lus c o n v e n a b l e ) de S u l t o n -


i n - À s h l i e l d , contenant u n e populat ion de 6 à


7 0 0 0 hab i tant s , la plupart ouvriers .


» D a n s ce village vous trouverez toute formée


une soc iété coopérat ive d'environ d e u x cents


i n d i v i d u s , laquel le réalise., par s e m a i n e , des b é -


néfices de 5 0 à 7 0 livres sterl ings ( 1 2 5 0 à


1 7 5 0 f r . ) , s eu lement par la vente en détail des


objets l es p lus usue l s et les p lus c o m m u n s de


la vie .


» I l n'y a pas p lus d'un an que ce l te soc iété


est établie , et ses efforts ont été si b i en c o m -


binés , q u e les autres marchands en d é t a i l , au


n o m b r e de c i n q u a n t e , ont été ob l igés de renon-


cer au déplorable système de la l ibre concur-


r e n c e , p o u r s'entendre avec nous .


» N o u s avons affermé de vastes magasins à la


partie centrale d u vil lage. 9 8 L. ( 2 4 5 0 fr. ) ont


été dépensées à leur installation. D a n s p e u , nous


y aurons joint une b ib l io thèque c o m m u n e et


une salle de l ec ture .


» N o s assoc iés sont presque tous fabricants de


bonneter ie , de bas de soie o u de c o t o n , e t c . ,


presque tous aussi propriéta ires de mét iers ; e n


c o n s é q u e n c e , i ls voudraient é tendre à leurs p r o -




ASSOCIATION. 7 9


duils le cerc le de Fassoc ia l ion , et rég ler un


m o d e d'équitable répartit ion ; mais ils a t t e n d e n t ,


pour agir , les conse i l s de la sc i ence et des


h o m m e s e x p é r i m e n t é s .


» D'après ces considérat ions , unies au désir


de propager de p lus en p lus les pr inc ipes d'une


bienvei l lance un iverse l l e , b u t constant de vos


travaux , nous réc lamons avec instance la faveur


de votre visite à Sut ton . A i n s i , s e r o n s - n o u s à


m ê m e d'entendre de votre b o u c h e le d é v e l o p -


p e m e n t de vos opin ions g é n é r e u s e s , et d'en re-


tirer de grands avantages.


» Notre v i l lage , situé dans le N o l l i n g h a m s h i r e ,


est à 1 4 mi l les ( p r è s de 6 l i e u e s ) de N o l t i n -


g h a m , 3 mi l les de Mansf ie ld , 2 0 mi l les (8 l ieues)


de D e r b y . Mansfield possède une association sem-


blable à la nôtre ; aussi e l le e n voie de prospér i té .


» N o u s avons l ' h o n n e u r , e tc .


» Au n o m d e la s o c i é t é ,


» % » * ' J B R O M L E Y . »


A ins i , o n le voit : ic i association de ventes et


d 'achats , là association de travaux et de p r o -


duits ; e t , p a r t o u t , amélioration de cond i t i on


pour les associés ; e n f i n , tendance à réunir c e s


d e u x pr inc ipaux é l é m e n t s de l'association inté-




80 ASSOCIATION".


grale. Q u e restera-t- i l à faire p o u r atteindre ce


dernier but ? T r è s - p e u de chose en comparaison


de ce q u i a été fait. I l ne faut aux n o u v e a u x a s -


sociés , c o m m e ils e n font e u x - m ê m e s l ' a v e u ,


qu'un p e u plus d 'expér ience et les consei l s de la


sc ience .


Q u e les m e m b r e s de ces s o c i é t é s , au l ieu de


leurs m a i s o n s , de leurs cottages é p a r s , group-


p e n t autour de leur usine c o m m u n e , prise p o u r


centre , de vastes c o r p s - d e - l o g i s , dont les appar-


t ements séparés c o m m u n i q u e n t entre e u x par des


galeries couvertes ; que les fabricants d'objets


usuels et de machines s'adjoignent aux associés


manufacturiers ; que la machine motr i ce centrale


de la fabrique fournisse à tous les divers ateliers


le p o u v o i r m o t e u r ; q u e par des tuyaux circula-


toirs la vapeur de la chaudière distribue la c h a -


leur et l'eau chaude dans chaque ménage ; qu'une


cuis ine c o m m u n e , apprêtant c o m m e c h e z u n


restaurateur des m e t s appropr ié s au goût et à la


b o u r s e de c h a c u n , remplace le p o t au l e u indi -


v i d u e l , et é c o n o m i s e ainsi le t e m p s des m é n a -


gères ; que les f e m m e s et les enfants soient tous


o c c u p é s , se lon leurs f o r c e s , à des fonct ions p r o -


duct ives ; que l 'on réunisse enfin l e s travaux


des c h a m p s et d u jardinage à c e u x d e l ' a t e l i e r ,




ASSOCIATION. 81


p o u r détruire la m o n o t o n i e des uns et des autres ,


et l'on arrivera, sans grands efforts , a la réa l i -


sation presque c o m p l è t e de la phalange de C h .


Fourier .


J e c r a i n s , m a l h e u r e u s e m e n t , que la présence


d 'Owen ne soit un obstacle à la p r o m p t e réa l i -


sation de ces plans. O w e n ne veut pas c o m p r e n d r e


la nécessité d'établir la répartit ion des bénéf ices


sur la tr iple base d u cap i ta l , d u travail e t d u


talent ; i l s'efforcera d o n c d'insinuer a u x assoc ia-


l ions naissantes son pr inc ipe faux de l'égalité


des partages , et si le pr inc ipe naturel de la j u s -


t ice ne l ' emporte partout sur le s i e n , j e redoute


qu'un ferment de dissolut ion i.e g e r m e dans le


sein de ces soc ié tés qui hés i tent e n c o r e , et d o i -


vent p lus au h a s a r d , à l ' inst inct , à la force des


choses qu'aux théor ies mûries par l 'étude et la


sc ience .


COALITIONS D ' O U V R I E R S . — Après avoir fait


comprendre à m e s lecteurs les avantages de la


véritable associat ion, qu'il m e soit permis d'a-


jouter que lques l ignes sur les dangers de c e s


fausses associations , qui ne s o n t , en réalité , q u e


la coalition des travailleurs entre e u x p o u r créer


l e m o n o p o l e da t rava i l , e n fausser les condi t ions


o u combattre des c irconstances indépendantes


de la vo lonté et du p o u v o i r de tous . F




8*2 ASSOCIATION.


Il en est des bras de l 'homme c o m m e de


toute autre chose : le prix de leur travai l ,


dans le sys tème de la l ibre concurrence ," s'éta-


blit en raison des b e s o i n s , en raison des d e -


m a n d e s et des o f f re s , en raison des d é b o u c h é s .


Si une marchandise est en faveur, l e s bras qui


la produisent seront chèrement salariés ; si , au


contraire , ce t te marchandise est e n baisse faute


d 'écoulement o u par suite de mévente et d'en-


c o m b r e m e n t , de t o u l e nécess i té les fabricants


qui exp lo i t ent une parei l le branche d'industrie


chercheront à abaisser le p r i x de la main d'oeuvre.


D 'une autre manière : S i des ouvriers se p r é -


sentent sur une p lace en p lus grand n o m b r e


qu'il n'est nécessaire dans u n m o m e n t d o n n é ,


de d e u x c h o s e s l 'une , o u ils offriront l eur tra-


vail à mei l l eur c o m p t e , o u ils consent iront à


travailler u n moindre n o m b r e d'heures par }©ur;


O r . dans l'un et l'autre c a s , le résultat sera


le m ê m e p o u r le gain de chacun ; si, au contraire,


l es ouvriers sont rares et la main-d'œuvre r e -


c h e r c h é e , les salaires croîtront progress ivement ,


jusqu'à c e que l 'équi l ibre soit rétabli en tre tes


d e m a n d e s et le p r i x d e s marchandises .


Mais si le prix: de la main-d'eeuvre est t o u -


jours aiasi dé terminé p a r l 'abondance o u la lan-




ASSOCIATION. 83


gueur des demandes , par la c o n c u r r e n c e o u la


disette des bras , i l est évident qu'il y a fol ie


à l'ouvrier de se coaliser p o u r fausser u n te l


état de choses , indépendant de toutes l e s v o -


lontés humaines . Qu'arrive- l - i f , au contra ire , dans


la plupart des cas de coa l i t i on? C'est que le


manufactur ier , pr ivé de ses o u v r i e r s , s'ingénie


p o u r se passer de leur c o n c o u r s , s'adresse à


d'autres , invente des machines qu i l es s u p p l é e n t ,


o u change de profess ion : dans chacun de c e s


c a s , i l y a perte p o u r les ouvriers coalisés. L e s


machines , une fois inventées , l e s ouvriers se t r o u -


vent trop h e u r e u x , poussé s à la fin par l e b e ^


s o i n , de reprendre d u travail à un p r i x i n f é -


rieur à ce lu i qu'ils receva ient antér ieurement à


l eur révolte . C'est b i e n p i s e n c o r e , si leurs an-


ciens chefs ont r e n o n c é à l eur première p r o -


fession , o u trouvé d'autres b r a s , car alors tout


est dit p o u r e u x . C'est ainsi qu'on a v u à B i r -


mingham la coalit ion des forgeurs de canons de


f u s i l , dans u n m o m e n t de presse , faire substi-


tuer p o u r toujours le travail du laminoir à ce lu i


de leurs marteaux ; la self-avting mule (mule -


jeiuay fonct ionnant d ' e l l e - m ê m e ) a supplanté


les fileurs coal isés d e Manches t er ; les p e i g n e u r s


de laines de L e e d s , de B r a d f o r d , de D o l p h i n -




84 ASSOCIATION.


h o l m e , ont e n c o u r u la m ê m e d é c h é a n c e , et


p o u r les m ê m e s mot i f s ; enfin à No l t ingham les


ouvriers hor logers ont pris la place des fabri -


cants de mét iers à faire le tul le , au m o m e n t


o ù les pr ix é levés e x i g é s par ces derniers allaient


entraver une industrie naissante et en voie d'ac-


cro i s sement . Sur tous les points de l 'Angleterre,


les m ê m e s causes ont toujours amené les m ê m e s


résultats.


Changeons de point de vue m a i n t e n a n t , et


admettons une réduct ion de gages m o m e n t a n é e .


Cette baisse subite dans la main-d 'œuvre peut ,


dans b ien des c i rcons tances , en réduisant tou t -


à - c o u p le p r i x d'une m a r c h a n d i s e , provoquer


une vente p lus rapide; et , par s u i t e , hausse dans


les p r i x , amél iorat ion de la condi t ion des tra-


vail leurs. U n e hausse fac t i ce , au contra ire , et


qui n'est po int a m e n é e par des beso ins r é e l s ,


rebutte presque toujours le c o n s o m m a t e u r , d i -


rige ses goûts vers d'autres o b j e t s , et les d e -


m a n d e s cessent lout-à-fait; si b ien que les ouvriers ,


v ic t imes de leurs fausses manoeuvres , finissent


par en recevo ir l e c o n t r e - c o u p .


On p e u t , jusqu'à u n certain point cependant ,


justifier l 'abandon d e s ateliers par l e s ouvriers ,


lorsque cet abandon est spontané et le résultat




A S S O C I A T I O N . 85


des volontés individuel les ; souvent m ê m e , c'est


le seul m o y e n de redresser leurs griefs dont ils


disposent contre le mauvais vouloir o u l ' injus-


tice des maîtres. Créer des caisses de secours


p o u r se soutenir mutue l l ement dans leur c o a l i -


tion , accepter de l 'ouvrage o u le r e f u s e r , tra-


vailler ou ne rien f a i r e , on p e u t jusqu'à un


certain point ne pas contester a u x ouvriers c e


d r o i t , dont le p lus grand inconvénient r e t o m b e


toujours sur e u x - m ê m e s ; mais c o m m e n t qual i -


fier les coal i t ions qui n'cnt d'autre but que


d'exiger un salaire déra i sonnable , hors de p r o -


port ion avec les beso ins du m o m e n t , o u les fa-


cultés des manufacturiers ? C o m m e n t qualifier


cel les qui emplo ient la v io lence et la m e n a c e ,


pour contraindre les propriétaires d'usine à subir


leurs lois ; forcer à déserter les ateliers c e u x


de leurs camarades q u i , p lus paisibles , o u m i e u x


éc la irés , refusent de prendre part à leurs cou-


pables m e n é e s ? C'est une insuporlable , une


odieuse tyrannie , qu'aucun gouvernement sage


ne peut se dispenser de répr imer avec énerg ie ,


car elle cause souvent la ruine d'un grand


nombre de familles , anéantit des industries e n -


tières, et répand dans les masses des habi tudes


d'oisiveté , d e S sent iments d ' insubordinat ion ,




86 ASSOCIATION.


(1) J'ai sous les yeux la copie textuelle d'un de ces
serments immoraux , il est ainsi conçu : « Moi un tel,
je jure volontairement, en présence du Dieu tout puis-
sant et redoutable , et aussi en présence de ces témoins,
que j'exécuterai avec zèle et empressement, autant qu'il
dépendra de moi, tous les ordres qu'il conviendra à
la majorité de mes frères de m'en joindre pour le bien
commun de la Société; soit, par exemple, de châtier
un ouvrier réfraclaire, d'assassiner les maîtres tyran-
niques et oppresseurs, ou de démolir une manufacture
déclarée incorrigible. Je jure aussi de souscrire avec
joie et de tous mes moyens, pour l'entretien de ceux
de mes frères qui auraient perdu leur ouvrage par
suite de leurs actes contre la tyrannie , ou qui au-
raient quitté leurs ateliers pour repousser une réduc-
tion de salaire. Je jure enfin de ne jamais divulguer
le secret de mon serment, à moins d'y avoir été au-
torisé pour la réception d'un nouveau frère, soit qu'il
ait demandé à faire partie de notre union fraternelle,
spH qu'il ait été contraint de s'y faire admettre. »


lesquels amènent tôt o u tard l e s p lus dep lorables


résultats. Le g o u v e r n e m e n t anglais l'a b i e n senti ;


auss i , ma lgré sa répugnance à intervenir dans


les transactions ordinaires entre c i t o y e n s , s'est-


il empressé de décréter des lois sévères contre


les trades unions et toutes ces soc iétés secrètes


de travailleurs dont les m e m b r e s s'engageaient


par serment a u x actes l es p lus coupab le s . (1 )




ASSOCIATION. 87


Il ne faut pas s'imaginer que ce serment soit resté
lettre-morte, plusieurs assassinats en ont élé la con-
séquence , et d'autres ne sont reslés à l'état de simples
tentatives, que par suite de circonstances tout-à-fait
indépendantes de la volonté des meurtriers,


Grâce à ces p r o m p t e s mesures , grâce surtout à


une plus juste appréciat ion de leurs intérêts , ce s


sociétés ont aujourd'hui presque ent i èrement d é -


serté le sol b r i t a n n i q u e , et c o m m e n c e n t à faire


p lace aux sociétés coopérat ives , l e sque l l e s , en


se multipliant de p lus en p lus et eu perfect ion-


nant leurs condit ions d'association , f e r m e r o n t


peu à p e u bien des p la ies depuis l o n g - t e m p s


saignantes.






F E R ET A C I E R . 89


FER ET ACIER.


HAUTS F O U R N E A U X , FABRIQUES DE MA-
CHINES, COUTELLERIE, LIMES, SCIES, TRE-
FILERIE, ARMES A FEU.


Tum ferri rigor, atgue argutœ lamina serrœ ;
(Nam primi cuneis scindebant fissile lignutn):
Tum varice venere arles.


x (YlBGILIPS. Gfiorg. lib. 1.)


Bientôt le fer rougit dans la fournaise ardente ;
J'entends crier la dent de la lime mordante ;
L'acier coupe le bois que déchiraient les coins.


{Traduction deDÈiiiLE.)


avoir consacré que lques pages à des


jjjconsidéralions générales sur l'industrie


ó l ^ S ^ S a n g l a i s e , j 'aborderai directement q u e l q u e s




90 F E U ET ACIER.


(1) C'est dans le Slaffordshire et dans les comtés mé .


industries s p é c i a l e s ; j'essaierai de m o n l r e r en


quoi ses i n d u s t r i e s , exp lo i t ée s de l'autre côté de


la M a n c h e , sont supérieures o u inférieures aux


m ê m e s industries exercées sur le sol français ;


j e lâcherai de découvrir les causes de ces i n é -


g a l i t é s , et chercherai en m ê m e t e m p s s'il est


que lques m o y e n s de les faire disparaître l o r s -


qu'el les ne seront pas e n notre faveur.


F O N D E U R S , I N G É N I E U R S - M É C A N I C I E I N S . — S i ,


avec raison , l'on a dit que la nation la p lus p u i s -


sante était ce l le qui avait le p lus de fer, et s i , à


ce l te c o n d i t i o n , la pa lme apparl ient à la nation


anglaise , la quest ion du fer est , sans c o n t r e d i t , la


première à trailer. R iche en minéraux de toute


e s p è c e , r iche en c o m b u s t i b l e fossile , patient


et i n d u s t r i e u x , l'Anglais s'est trouvé placé dans


l e s condit ions les p lus favorables p o u r porter au


plus haut degré de perfect ion les industries méta l -


lurg iques ; e t , sous c e rapport , tous les p e u p l e s lui


doivent de la reconnaissance. Ayant le fer à b o n


marché , ayant des fontes passablement mal léables ,


d o u c e s au bur in , d'une fusion fac i l e , et surtout


présentant p e u de retraite au m o u l a g e , i l a tiré


de ces deux é l éments un parti incroyable ( 1 ) . Dans




FER ET ACIER. 91


ridionaux de la principauté de Galles, que se trouvent
les plus importantes exploitations de hauts fourneaux de
la Grande-Bretagne. Les feux immenses et nombreux
allumés souvent sur un seul point pour l'extraction de
la houille, la réduction du minerai, ou la préparation
du coke, se signalent le jour par d'épaisses colonnes
de fumées qui obscurcissent l'atmosphère, et la couvre
d'un nuage si noir et si dense , qu'il fait tache sur
l'azur du ciel. Dans une .nuit obscure, la scène est
complètement changée, la flamme des brasiers effacée
tout à l'heure par l'éclat du jour, règne alors sans ri-
vale au milieu des ténèbres , projetant au loin sa lueur
rougeAlre ; les nuages qui en sont éclairés , s'aper-
çoivent de plusieurs lieues , et la teinte qu'ils reçoivent,
rappelle assez les effets du soleil couchant. « Si l'in-
vention des machines à vapeur, me disais-je, la pre-
mière fois que je contemplai ce singulier spectacle ,
n'était pas toute moderne, si elle se perdait comme
tant d'autres dans la nuit des siècles, ne pourrait-on
supposer que ce guide mystérieux qui dirigeait les pas
des Israélites dans le désert, flamme éclatante la nuit,
colonne de fumée le jour, n'était autre chose qu'une
niachine locomotive, marchant seule et sans moteur


maints t ravaux , le fer et la fonte se sont subs-


titués à la p ierre o u au bois . C'est ainsi q u e l'on


a p u donner p lus de légèreté et d 'é légance à c e r -


taines c h a r p e n t e s , tout en échappant a u x craintes




92 FER E T ACIER.


de l' incendie ; des ponts ent iers ont é l é suspendus


sur de m i n c e s fils de f e r , d'autres ont vu leurs


arceaux se former ent ièrement de barres forgées


o u de fer fondu ; le fer laminé a remplacé les


bordages en bois d'un grand n o m b r e de bateaux ;


des balcons , des rampes d 'esca l iers , des escaliers


en t i er s , des tables de b i l l ard , des gr i l l e s , des


balustrades , des c h e m i n é e s , des m e u b l e s m ê m e


ont été cou lés en fonte massive , des tuyaux


en fer cou lé o n t , p o u r la conduite des eaux ,


supplanté le p l o m b , de t e m p s immémoria l en


posess ion de servir à cet usage ; à L o n d r e s , qui


p lus e s t , l e s m o r t s ont v o u l u , sans doute par


reconnaissance pour ce métal p r é c i e u x } avoir des


cercuei ls de tôle p o u r leur dernier vê tement ( 1 ) .


sensible, à la lêle du peuple Dieu, a Plus tard, qui sait
si quelque savant archéologue partant de cette donnée,
que je ne hasarde que sous forme de plaisanterie, ne préten-
dra pas que Moïse, avec tant d'autres sciences, avait ap-
pris des prêtres égyptiens l'aride construire des machines
à vapeur. Ce serait ainsi une connaissance fort ancienne ,
puis perdue , puis retrouvée enfin par les Salomon de
C H U S , les Tapin, les James Walt , les Sle;ihenson , etc.


(I) Celte dernière fantaisie de quelques Anglais, sug-
gérée par un certain M. Bridgman., en 1 8 1 9 , a été
malheureusement pour le respect que l'on doit au* vp-




l'iîll ET A C I E R . 93


loiilés d'un mourant, contre-carrée par les intérêts de la
métropole. Les officiers des paroisses ont prétendu que
ces cercueils d'une nouvelle espèce seraient plus long-
temps que ceux de bois à tomber en dissolution, et fini-
raient par encombrer les cimetières, presque tous situés,
comme on sait, dans l'enceinte des villes. M. Bridgman
ne se tint pas pour battu, et voulant à tout prix enterrer
ses morts bardés de fer, il présenta au cimetière de
Saint-Andrew's, Holborn, le corps d'une femme dans
son enveloppe laminée. Mais les cérémonicis de l'en-
terrement furent suspendues par les autorités de la pa-
roisse et le cercueil déposé dans l'ossuaire. Procès est
intenté aux marguilliers ichurchwardens), et le nou-
veau cas débattu avec grande solennité devant un
consistoire.


L'avocat du cercueil métallique prétendit qu'un pareil
mode d'enterrement serait un invincible et pieux obs-
tacle à la cupidité des résurrectionistes (déterreurs de
corps pour le compte des chirurgiens); il allégua l'an-
tique usage des bières de plomb, de pierre, etc. L'usage
encore répandu de nos jours des tombes garnies d'une
maçonnerie en-briques; il conclut enfin, en prétendant
que la loi étant muette relativement à la matière des


Peu à peu ces emplo i s nouveaux de la fonle et


du fer se sont répandus en France et sur tout le


continent ; néanmoins l'on n'est point encore p a r -


venu chez nous à cou ler avec succès les p ièces




94 FEB ET A C 1 E B .


châsses , ce n'était plus qu'une simple question de droit
naturel. — L'avocat des marguilliers prétendit à son
tour qu'une fois le cimetière envahi par les bières de
tôle, les derniers paroissiens venus n'auraient p l u s ,
injustice criante, leurs coudées franches dans leur
dernière demeure.


Le j u g e , sir William Scott , dans un lumineux ré -
sumé , observa avec une profonde sagacité qu'autrefois,
chez les nations civilisées comme au sein des peuplades
sauvages , on avait long-temps enterré les morts dans
leur peau, et que les statuts de la paroisse , d'ailleurs,
au chapitre des enterrements, ne faisaient nulle men-
tion des cercueils.


Dans sa réplique, le défenseur du mort avança que
les châsses de fe r , grâce à la rouil le , ne dureraient
pas plus que celles de bois. Mais le très-savant pré-
sident du consistoire fit remarquer judicieusement que
cette prétention était fausse et choquait tous les prin-
cipes reçus en chimie, lesquels veulent bien que la
rouille ronge le fer, mais seulement lorsqu'il est exposé
à l'air e t non enfoncé <fe cinq pied» sovv* tene", que
dans ce dernier cas , si une légère couche d'oxide
attaque sa surface, le cœur du métal s 'en est que mieux


de fonte d'une très-grande d i m e n s i o n , et nos in -


génieurs sont e n e o r e , p o u r ces p i è c e s . tr ibutaires


de la G r a n d e - B r e t a g n e . Pour l e coulage des forts


o b j e t s , o n trouve dans les propriétés de la fonte




FER E T A C I E R . 95


conservé ; que le bois , au contraire , avait contre lui
deux causes de destruction, l'humidité à l'extérieur, et
intérieurement la pourriture sèche; en conséquence, le
cercueil de fer fut frappé d'interdit, et le mort obligé
de se faire habiller par son ébéniste. — Maintenant les
bières de tOhs sont admises après paiement d'un droit
déterminé.


de grands obstacles à vaincre : e l le n'entre en


fusion qu'à une très-haute température et se fige


facilement. L e t e m p s , la pat ience des essais mul -


t i p l i é s , que lques éco l e s et u n e longue e x p é r i e n c e ,


ont appris aux Anglais c o m m e n t vaincre ces obs-


tacles. D e s c irconstances analogues pourront


seules nous conduire aux m ê m e s résultats ; c'est-


à-dire qu'il nous f a u t , p o u r notre apprent i s sage ,


le b o n marché des matières premières e t d e s


c a p i t a u x , un grand m o u v e m e n t industriel q u i


mult ipl ie les d e m a n d e s , le t e m p s et de n o m -


breuses e x p é r i e n c e s ; c o n v e n o n s c e p e n d a n t que


notre éducat ion c o m m e n c e à se faire depui s


quelques a n n é e s , et q u e n o u s marchons à grands


pas dans la vo i e des amél iorat ions . Malgré c e s


p r o g r è s , n é a n m o i n s , n o u s s o m m e s l o i n encore


d'avoir atteint n o s r ivaux. P o u r la direct ion et


l 'adœkiittnation d 'une u s i n e , i l y a c h e z e u x




96 FEU ET ACIEH.


une entente des affaires , u n esprit d'ordre ,


d 'arrangement , d 'économie , qu'on chercherait


va inement c h e z nous . J'ai visité en France b o n


n o m b r e d'établ issements ; presque tous l a i s -


saient à désirer : ici c'est l'abus d u terrain ; les


atel iers sont d i s séminés sans o r d r e , leur m a u -


vaise distribution nuit à la surveil lance : là


c'est le défaut d'unité qui se fait remarquer :


dans d'autres é tab l i s sements , les m o d è l e s sont


laissés à l ' abandon: avez vous beso in de fondre


une s e c o n d e fois la m ê m e p i è c e , c'est u n modè le


à refaire , le p r e m i e r est perdu. En A n g l e t e r r e ,


au contraire , vous v o y e z de l 'unité , d u c lassement


partout ; il y a une p lace déterminée p o u r chaque


c h o s e , et chaque chose est à sa p lace dans u n


ordre parfait. D o n c jamais de t e m p s p e r d u à


chercher un objet é g a r é , jamais à le remplacer


par u n autre. J'ai v u à Manchester les atel iers


de M. t Fairba irn , ingén ieur -mécan ic i en ; séparés


par une rue , ils n'en sont pas m o i n s solidaires


d'une seule machine à v a p e u r , transmettant son


p o u v o i r m o t e u r d'un côté de la rue à l'autre par


u n arbre souterrain. Mécanic iens français , vous


qui aspirez à enrichir votre pays de v o s travaux


et de vos d é c o u v e r t e s , faites avant tout le voyage


d 'Angleterre , parcourez les fabriques de machines




f E B E T ACIEK. 97


de MM. Sharp et R o b e r t à 3 I a n c h e s t e r , Faucett


à Liverpool , W a t t et l i o u l t o n à S o h o , Bramah ,


Donkin à L o n d r e s , vous p u i s e r e z 4 à d'utiles l eçons


de pratique et d'administration. V o y e z surtout la


magnif ique fonderie de M. Mauds lay , Manchester


r o a d , c'est la perfect ion d u g e n r e , le type des


u s i n e s , la fabriqua m o d è l e . Les 3 0 0 o u 4 0 0 o u -


vriers occupés dans chacune de c e s m a i s o n s ,


arrivent et sortent à h e u r e fixe : à l 'heure d e s


repas o u de la re tra i t e , une c l o c h e se fait e n -


tendre , c'est le signal du d é p a r t , tous cessent


leur travail en m ê m e t e m p s , se rangent e n s i lence


et défilent d e u x par d e u x . Fendant les t r a v a u x ,


nul ne peut entrer o u sort ir , e t , p o u r éviter tout


d é r a n g e m e n t , u n débitant de b ière attitré fait


parcourir les ateliers par u n e h o m m e chargé de


pintes et de demi-p intes d'étain rempl i s j u s -


qu'au b o r d qu'il distribue aux plus altérés. Car o n


permet les rafraîchissements , mais toute bo i s son


alcool ique est interdite .


Un grave reproche que je dois faire encore à


nos f o n d e u r s - m é c a n i c i e n s , e t à l'abri duquel l es


mécanic iens anglais sont p l a c é s , c'est de met tre


u n ridicule a m o u r - p r o p r e à fabriquer e u x - m ê m e s


tous les instruments de leurs usines . « N o u s avons


tout fa i t , disent-ils avec orguei l . » O n p e r d par


G




98 KER ET AC1EB.


ce l te m é t b o d e b e a u c o u p de t e m p s à s'installer,


et b e a u c o u p d'argent à fabriquer des m o d è l e s qui


ne serviront qu'une seule fois . Les Anglais e n -


tendent m i e u x ces sortes d'affaires ; veulent-i ls


m o n t e r o n établ issement n o u v e a u ? Ce sera l'af-


faire de que lques j o u r s ; i ls demanderont à l'un


la mach ine à v a p e u r , à l'autre les t o u r s , à u n


tro is ième la machine à forer o u ce l le à a léser ;


leur ambit ion ne sera pas d e faire tout ; mais de faire


vite et b i e n ; i ls aspireront m o i n s à l 'universal i té ,


mais p lus à l ' économie . E s t - i l surprenant après


cela q u e leurs produits soient d'un pr ix inférieur


aux nô tres?


S i la division d e s industries en pet i ts ateliers


est généra lement u n b i e n p o u r l ' indépendance d e


l 'ouvrier , e l le est que lquefo i s u n mal lorsqu'il


s'agit de fabriquer des objets <jui réc lament de


puissants m o y e n s et un grand dép lo i ement d'ap-


parei l . C e t t e division nuit toujours , m ê m e lor s -


qu'elle ne s 'oppose pas ent ièrement a l 'établisse-


ment de certaines p i è c e s cons idérables . Liverpool


n'a guère q u e la fonder ie de M M . Faucet t p o u r


les mach ines à vapeur; presque tout Manchester


est tributaire de MM. S h a r p et S o b e r t p o u r les


mét iers d e s e s f i latures. Dans c e s maisons j'ai


v a des p ièces de fonte de 2 0 p ieds de l o n g passer


sous l'acier tranchant d'une machine , qui leur




FER ET ACIER. 99


(1) C'est en général au défaut de capitaux et de con-
fiance qu'il faut attribuer ce morcellement des ateliers.


enlevait de longs c o p e a u x de fer et les dressait


en peu d'instants c o m m e u n e p lanche au rabot .


Ailleurs un ouvrier se fut épuisé des m o i s ent iers


à dresser au burin parei l les masses. V o i l à p o u r -


tant à quoi nous s o m m e s réduits dans la p lupart


de nos petits ateliers de F r a n c e . D a n s la ville de


N a n t e s , existent s ix o u sept fabricants de ma-


chines à vapeur ; sur c e n o m b r e , d e u x au p l u s


peuvent en fabriquer e u x - m ê m e s toutes les parties ,


encore ne pourraient- i l s en venir à b o u t , s'il s'a-


gissait de machines t rop puissantes ; il faudrait


s'adresser alors à Paris o u Arras. Les Nantais


gagneraient à n'avoir qu'un atelier b i e n installé ;


i l en doit être de m ê m e ailleurs ( i ) .


Unité, ordre, économie, voi là la devise


précieuse qu'un directeur d'usine n e doi t jamais


perdre de vue .


C O U T E L L E R I E . — A p r è s l' industrie des mach ines ,


s'en présente une n o n m o i n s i m p o r t a n t e s , et à


laquelle j e m'arrêterai p lus l o n g - t e m p s , ce l l e de


la coutel lerie : c'est à L o n d r e s et à Sheff ie ld ,


mais dans cette dernière ville pr inc ipa lement


qu'elle a ces p r i n c i p a u x centres d'activité , l a n -




1 0 0 l'ER E ï A t l E R .


dis que fo l l ement nous frappons d'un i m p ô t é levé


l ' introduction des fers é trangers , que nous in ter -


disons par un droit de 1 fr. 3 0 c. à 1 fr. 5 4 c. par


k i logramme l'entrée de notre territoire aux aciers


fondus d 'Ang le terre , ce t é l ément primordial de


toute b o n n e coute l ler ie ; les coute l l iers anglais


trouvent c h e z e u x dans des matières premières


e x c e l l e n t e s , dans un tarif f ac i l e , la source d'une


prospér i té assurée . Ains i , c'est à Shefl ie ld m ê m e


que se fabriquent les mei l l eurs aciers fondus ; et


les fers de Suède' , de premières marques néces-


saires à cet te fabricat ion, y sont reçus presque en


franchise par l e s Angla i s , qui s'en s o n t , à nos


d é p e n s , assurés par de longs marchés , le m o n o p o l e


exclusif . E t p o u r t a n t , j e c r o i s , malgré ces avan-


tages donnés à n o s r ivaux , que l e bas pr ix de notre


main-d'œuvre n o u s permettrai t encore de s o u -


tenir contre e u x la lutte sans faillir.


La fabrique de coute l ler ie ne suit pas les


m ê m e s errements e n F r a n c e et en Angleterre .


On sait b i e n ici q u e la coute l l er ie française est


généra lement fabriquée à Sa in t -Et i enne , à T h i e r s ,


à Ghatel lerault , à N o g e n t , et e n N o r m a n d i e dans


les env irons de Caen ; m a i s , ce que p e u de per-


sonnes c o n n a i s s e n t , c'est q u e , m ê m e dans ces


v i l l e s , il n'y a pas ce qu'on puisse n o m m e r




1 E R E T ACIER. 101


une manufacture. T o u s les fabricants travaillent


individuel lement, sans qu'il y ait eu de classif i -


cation dans la division d u travail; les uns feront


b ien des couteaux de tab le , les autres des c o u -


teaux de p o c h e ou des c a n i f s , d'autres encore


établiront b ien des c i seaux o u des raso i r s , mais


chaque ouvrier finira l u i - m ê m e la p i è c e qu'il aura


c o m m e n c é e . E n Angle terre , au c o n t r a i r e , cet te


industrie a été h iérarch i sée , si j e puis m'expri -


m e r de la s o r t e , et la division du travail y ex is te


p o u r la coutel lerie c o m m e p o u r toute autre pro-


duit de grande fabrication. A i n s i , prenant un


couteau de p o c h e p o u r e x e m p l e , nous verrons


un ouvrier forger la l a m e , un autre le r e s s o r t ,


un troisième découpera les p la t ines , un quatrième


finira les manches et montera tout le couteau ,


un c inquième enfin sera chargé de l ' émoulage .


Celte manière d'opérer aide à la p r o d u c t i o n , il


est vrai , mais el le a, d i s o n s - l e , le grand i n c o n -


vénient de ne faire b i en connaître à u n o u -


vrier qu'une partie de son é ta t , et de le rendre


exc lus ivement dépendant des grandes fabriques


qu'il ne peut quitter sans se priver de son g a g n e -


pain. E n France , au contraire , l 'ouvrier a p p r e n d


à tout faire par ses m a i n s , s'il p e r d en apt i tude


il gagne e n inte l l igence et en i n d é p e n d a n c e : mé^




1 0 2 F E R ET A C I E R .


content d'un maître o u d'une v i l l e , il les quitte


et va chercher fortune a i l l eurs , sûr de trouver


de l 'emploi e n tous l i e u x ; il n'est pas c o m m e


l'ouvrier anglais attaché à la corvée d'un seul se i -


g n e u r et maître. I l y a d o n c à c e m o d e de travail


avantage p o u r l 'ouvrier français , mais il faut en


convenir auss i , la fabrication y p e r d de sa pré-


c i s ion . Les qualités de la coutel lerie anglaise sont


d o n c en général fixes, un i formes; la coutel ler ie


française , au c o n t r a i r e , subit l'influence p e r s o n -


ne l l e des c o u t e l i e r s , et varie dans ses qualités en


raison directe du morce l l ement indéterminé des


fabriques.


L e s coutel iers de Shefï ield divisent l eur art


en plus ieurs branches: la fabrique des couteaux


d e table et des f o u r c h e t t e s , la fabrique des c i -


seaux , ce l le des couteaux à ressorts et des canifs,


ce l le des raso irs , enfin ce l le des l imes .


La plupart du t e m p s ces différentes branches


sont exp lo i t ée s par divers fabricants ; néanmoins ,


i l n'est pas rare d'en voir quelquefois d e u x o u


trois réunies dans la m ê m e manufacture. La d i -


vision ia p lus commune est celle-ci : les f a b r i -


cants de c o u t e a u x de table établissent aussi les


c i s e a u x , tandis que les couteaux à «ressorts, les


rasoirs et les canifs se réunissent dans une autre




FER ET A C I E R . 103


maison. Bien que comprise dans le c o m m e r c e de


la coute l l er i e , les l imes forment une branche tout


à fait distincte et ne s'associent à aucune autre .


Avant d'essayer de décrire success ivement c h a -


cune de ces diverses e x p l o i t a t i o n s , c o m m e il est


des procédés c o m m u n s à toutes , consacrons- leur


d'abord quelques l ignes .


Une fabrique de coute l ler ie b ien m o n t r é e ,


consiste en une l o n g u e cour entourée de b â t i -


ments à un ou d e u x é t a g e s , autour d e l à c o u r ,


au rez-de- c h a u s é e , sont installées les forges ,


toutes séparées les unes des autres. L'ouvrier seul


ou avec son a i d e , travaille sur son e n c l u m e p o -


sée sur l'établi le p lus près poss ib le du j o u r : sa


forge est à sa gauche et éga lement bien éclairée.


Les outils sont rangés sous sa main et tous a p -


propriés à l'objet dont il est chargé : son e n -


c lume est é levée de manière à ce qu'il ne soit


point obl igé d'avoir l es reins c o u r b é s ; el le a la


forme d'un carré l o n g et n'a de b i g o r n e q u ' a u -


tant que les p ièces le requièrent ; sur son b o r d sont


disposées des tranches de différentes formes et


des arrêts qui servent à m a r q u e r , à échancrer et


à rogner les p ièces dans la forme et les d imen-


sions voulues. S o u v e n t les marteaux n'ont q u e la


tète et point de p a n n e , et c e l l e tête m ê m e es t




104 J'ER ET A C I E R .


disposée de la manière qui doit se m i e u x prêter à


la forme des p i è c e s ; si b i en qu'au m o y e n de toutes


ces p r é c a u t i o n s , u n ouvrier arrive avec u n p e u


de pratique à forger rapidement et presque sans


attention d e s p ièces toujours régu l i ères , toujours


é g a l e s , uni formes .


A u premier étage sont les ateliers des m o n -


teurs et des l imeurs ; l 'émoulage est séparé de la


fabrique . D e u x o u trois usines d i s t inctes , possé-


dant des machines à vapeur o u des chutes d'eau


suffisent à m o u v o i r des m e u l e s p o u r tous les fa-


bricants de Sheff ie ld ensemble . Ces maisons d'é-


m o u l a g e sont divisées par c h a m b r e s , contenant


chacune u n j e u de meules .


La m e u l e principale , en grès r o u g e , de


W i c k e r s l e y , dans le Yorkshire , t rempe dans


l'eau d'une auge ; e l le a environ quatre p ieds de


diamètre dans le n e u f , et huit p o u c e s d'épaisseur.


Rédui te à dix-huit p o u c e s par l 'usure , après


avoir servi d e u x moi s et demi au plus à l'aigui-


sage des c o u t e a u x de table , ce t te meu le est p a r -


tagée dans le sens de son épaisseur, et forme


alors d e u x m e u l e s de moindres d i m e n s i o n s , pro-


pres à aiguiser les lames de c iseaux et de canifs.


La lame d'un couteau de table étant un p e u


c p n y e x e , la m e u l e qui sert à l ' émoudre peut être




1 E R ET ACIER. 105


d'un diamètre indéterminé : il n'en est pas ainsi


pour les lames l égèrement concaves des canifs et


des c iseaux. Par la m ê m e ra i son , les l a m e s de


rasoirs ne sont pas aiguisées sur des m e u l e s de


plus de quatre p o u c e s de diamètre .


Après la meule humide , v iennent deux m e u l e s


sèches , p lus petites que la première : e l les sont


en grès blanc. L'une sert à blanchir o u d é g r o s -


sir les lames et faire disparaître les défectuos i tés


les p lus saillantes ; l'autre est dest inée à former


et dresser la mitre, ou embase des couteaux de


table et des fourchettes .


Les pol issoires qui complè tent le j eu de m e u l e s ,


sont de trois sor tes ; toutes trois sont f o r m é e s de


chanteaux de bois assemblés en rayons et s o l i d e -


ment c o l l é s , i ls f igurent u n e table ronde d 'envi -


ron quatre pieds de diamètre sur d e u x p o u c e s


d'épaisseur. Leur différence gît dans leur garni-


ture. La première est garnie d'une bande de cuir


é p a i s , revêtu d'un enduit à l ' é m e r i , et sert au


polissage de la coute l ler ie ordinaire. P o u r la c o u -


tel lerie c o m m u n e , o n suppr ime souvent la bande


de peau , se contentant d'appliquer l 'émeri i m m é


diatement sur le bois . Cette pol issoire est appe lée


Glazer par lés coutel iers anglais. La s e c o n d e p o -


lissoire n o m m é e cap, et qui ne sert qu'aux c i seaux,




106 FER ET A C I E R .


aux cani fs , e l à toutes les p ièces fines, est garnie


à sa périphérie d'une z o n e métal l ique d'un p o u c e


d'épaisseur, c o m p o s é e d'un mélange de p l o m b et


d'étain. A u t o u r de cette zone sont prat iquées de


pet i tes entai l les , p o u r y retenir l'huile et l 'émeri.


La trois ième pol issoire , dest inée à donner Je der-


nier p o l i , porte le n o m de ôuff (buffle) , à cause


de la bande de peau de buffle s o u p l e , d o u c e ,


et endui te de safran de Mars dont elle est e n -


toure .


Le chevalet sur lequel s'étend r é m o u l e u r ,


embrasse au m o i n s le quart de la m e u l e ou de la


p o l i s s o i r e ; i l est f o r m é de fortes p ièces d e . b o i s ,


so l idement assemblées , afin de p r o l é g e r , autant


que p o s s i b l e , l 'ouvrier de l'atteinte des fragments


de m e u l e s , lesquel les se fendent souvent par suite


de la véloci té de leurs r é v o l u t i o n s , el lancent, au


lo in d'énormes m o r c e a u x de pierres , d'où r é -


sultent encore de trop fréquents malheurs . Outre


c e danger , les enrouleurs o n t un e n n e m i b i e n


p lus redoutable à c o m b a t t r e , c'est la maladie


particulière à leur profess ion , connue sous le n o m


de ¥ asthme des couteliers, et que produit la


respiration cont inue l le d'un air i m p r é g n é de


part icules subti les de grès et d 'ac ier , lesquel les


se détachent sans cesse des meules pendant l 'é-




FER E T A C I E R . 1 0 7


moulage , surfout pendant l ' émoulage à sec . I l


est donc rare que les é m o u l e u r s anglais attei-


gnent un âge avancé ; mais il faut dire aussi que ,


recevant de forts salaires , ils s 'abandonnent à


des e x c è s de tous g e n r e s , encore p lus fatals à


leur santé p e u t - ê t r e , que les dangers inhérents à


leur profess ion; si b i e n , qu'on ne saurait dire


la plupart d u t e m p s si leurs maladies sont le


produit de leur état o u de leur in tempérance .


A part ces fruits de l i n c o n d u i t e , n 'omettons


pas de faire la remarque que , par suite du sys-


tème de travail admis en F r a n c e , les différentes


opérations de la coutel ler ie étant e x é c u t é e s par


les m ê m e s mains , u n ouvrier se' délasse des


unes par les a u t r e s , et est m o i n s e x p o s é aux


affections morbides de sa profess ion que les


émouleurs anglais. D'après cette c o n s i d é r a t i o n ,


et d'après cel les q u e j'ai déjà fait valoir p o u r o u


contre chacun des m o d e s de travail usités dans


les deux p a y s , l'écrivain moraliste qui n'admet


pas la p lus grande abondance des produits et la


product ion au mei l l eur marché poss ib l e , c o m m e le


principe absolu de toute b o n n e é c o n o m i e pol i t ique ;


celui qui tient aussi à faire entrer en l igne de


c o m p t e la santé et la moral i té des p r o d u c t e u r s ,


réfléchira long- temps avant de se p r o n o n c e r sur




108 FER E T ACIER.


l'un ou sur l'autre ; e t , si c h e z lui les sent iments


égoïstes ne sont pas les plus d é v e l o p p é s , il f inira, il


n'en faut pas douter , par se p r o n o n c e r en faveur


d u m o d e français.


L'usage veut en Angleterre qu'on ne mange


jamais de d e u x plats de suite avec le m ê m e c o u -


teau et la m ê m e fourchette . A chaque mets dif-


férent , un domest ique vous apporte avec une


assiette b lanche une nouvel le fourchette et un


nouveau c o u t e a u ; si b i e n , qu'une maison e x p o -


sée à recevo ir un p e u de m o n d e , ne peut se


d ispenser d'avoir plus ieurs douzaines des uns et


des autres. Or, en Ang le terre , toutes les f our -


chet tes sont d'acier, par conséquent du domaine


de la coute l ler ie ; elles s'assortissent par douzaine ,


avec les c o u t e a u x , et ne se vendent jamais sans


e u x . Cette habitude de la vie privée e s t , c o m m e


o n le pense bien , tout-à-fait favorable à une


grande c o n s o m m a t i o n ; auss i , c e t t e b r a n c h e de


la coute l ler ie es t -e l le une d e s p l u s i m p o r t a n t e s ,


et suffit seule p o u r o c c u p e r un grand n o m b r e de


manufactures . Les Anglais s'en t i e n n e n t , p o u r


leurs c o u t e a u x de table et leurs f o u r c h e t t e s , à


une seule f o r m e presque e x c l u s i v e m e n t . La lame


du couteau est grande , mince et arrondie du


b o u t , ('embase porte d irec tement sur le manche




V15R ET A.C1EB. 109


qui n'a point de virole . L e s fourchet tes sont


p e t i t e s , e l les ont trois dents q u e l q u e f o i s , mais


plus généralement d e u x . L e u r s m a n c h e s sont


pareils à c e u x des c o u t e a u x , et presque toujours


en ivoire .


Celte branche de la. coutel ler ie angla i se , par


suite de la cherté de la main-d 'oeuvre , se m a i n -


tient à des prix assez é l e v é s , elle n'est pas t o u -


jours parfaitement so ignée , c ependant ; et c o m m e


on n'y e m p l o i e que de l'acier de m é d i o c r e qualité ,


je ne fais a u c u n doute qu'il ne n o u s fût f a c i l e ,


malgré un droit protec teur de 2 0 p o u r cent , ad


valorem , d'introduire des c o u t e a u x de table , et


des fourchet tes assorties e n Angleterre m ê m e ,


mais surtout aux Etats -Unis d 'Amér ique , o ù Shef-


field écoule u n quart de ses p r o d u i t s ; i l n e fau*


cirait, p o u r c e l a , qu'adopter les formes anglaises


et oser quelques essais d'exportat ion.


Ce que je viens de dire des couteaux de table et


des fourche t t e s , j e le dirai avec b i en p lus d e


convict ion encore p o u r les c i seaux. La fabrica-


tion de ce l te branche importante va toujours e n


décroissant à She f f î e ld , tandis au c o n t r a i r e ,


qu'elle se per fec t ionne et s'étend en France de


p lus en plus .


Dans les environs de T h i e r s et de N o g e n t , une




110 F E R ET AC1E11.


foule de pet i ts fabricants vivent retirés à la c a m -


pagne , et font marcher s imultanément la culture


d'un étroit co in de terre et le travail de la c o u -


te l l er ie . F e m m e s et enfants s'y e m p l o i e n t , et p r o -


duisent à u n pr ix te l lement m o d é r é , que certains


c iseaux , après avoir passé par plusieurs m a i n s ,


subi des frais d'emballage et de t r a n s p o r t , sont


vendus trois sous e t d e m i au détail par des m a r -


chands q u i y trouvent e n c o r e leur bénéf i ce . D e


très-jol is c iseaux de dames qu'on paierait de d e u x


à trois shil l ings ( 2 fr. 5 0 c. à 3 fr. 7 5 c. ) la pièce ,


e n A n g l e t e r r e , ne valent pas en France p lus de


1 0 h 1 2 fr. la douza ine . Les fabricants de S h e f -


field e u x - m ê m e s reconnaissent notre supériorité


sur cet ar t i c l e , et ne nous refusent que la finesse


d u t r a n c h a n t , finesse qu'il nous sera toujours


b i e n facile d'obtenir , si n o u s vou lons e m p l o y e r


l'acier fondu anglais .


On a parlé souvent de coute l l er ie de fonte .


C e s t surtout dans la fabricat ion des c i s e a u x , que


ce l t e fraude s'est introdui te . La quantité des c i -


seaux e n fer c o u l é sortis des usines de Sheffield


est i n c a l c u l a b l e , et a procuré des bénéf ices assez


é l e v é s , mais aussi b ien i l l ic ites aux fabricants de


ce l te vi l le . Aujourd'hui , ces fabricants portent la


pe ine de leur mauvaise foi . I l s ont dépréc ié leurs




*'KR ET A C I E l l . l i t


produits ; leurs produits ne trouvent p lus d 'écoule -


ment. L e ç o n f r a p p a n t e , et qui prouve que la


p r o b i t é , la l o y a u t é , la b o n n e foi dans le c o m -


merce , sont presque toujours les p lus sûres garan-


ties d'un succès p r o l o n g é et constant .


N o u s avons donc un avantage marqué sur les


Anglais pour la fabrication des c i s e a u x , mais


je n'en pui s dire autant p o u r cel le des canifs et


des couteaux à ressorts . Si n o s couteaux c o m -


m u n s , n o s Eus tache-Duboi s sont d'un p r i x e x t r ê -


m e m e n t m i n i m e , sans être p lus c h e r que les


n ô t r e s , les couteaux de p o c h e et de fantais ie ,


angla is , sont b ien p lus j o l i s , b i e n m i e u x t o u r n é s ;


ils ont une finesse de t ranchant , une é légance


de forme que n'ont pas les couteaux français. I l


en est de m ê m e des canifs. Si pourtant on s t i m u -


lait par la concurrence n o s coutel iers français ,


et qu'ils voulussent faire que lques e f for t s , j e suis


convaincu qu'ils atteindraient b i e n t ô t leurs rivaux ;


mais i l faudrait encore p o u r ce la qu'en admettant


en France un p e u de coutel ler ie anglaise , le g o u -


vernement diminuât en m ê m e t e m p s les droits


d^ntrée sur les aciers fondus . Dans le genre


d'industrie qui n o u s o c c u p e , c o m m e dans tous les


au tre s , o n ne saurait accepter l e dériva sans r e c e -
voir l 'é lément. So i t dit une fois p o u r t o u t e s , l'un


ne peut jamais aller sans l'autre.




1 1 2 JFlïK ET ACIEt t .


Où notre infériorité est encore p lus m a r q u é e ,


il en faut b i e n c o n v e n i r , c'est dans la fabrication


des rasoirs. D a n s les qualités m o y e n n e s , c 'est -à-


dire , dans les rasoirs qu i ne dépassent pas s ix


francs la paire , s'ils voulaient n 'employer que de


l'acier s u p e r l i n , j e ne doute pas que nos c o u t e -


liers ne fissent aussi b ien que les coutel iers


anglais; mai s ,dans les rasoirs d'un p r i x plus é l e v é ,


dans c e u x qui arrivent à 1 0 o u 1 2 fr. la paire , l e s


fabricants anglais ont l'avantage. Ils ont habitué


que lques ouvriers à travailler en perfec t ion d e u x


e spèces d'acier d'une qualité supérieure à toute


a u t r e , mais aussi d'un e m p l o i e x t r ê m e m e n t


difficile, et réc lamant la p lus grande habileté : ce


sont Y acier-indien, et l'acier c o n n u e n A n g l e -


terre sous l e n o m de silver-steel(acier d 'argent ) ,


L ' a c i e r - i n d i e n ( india- steel ) , est expor té de


B o m b a y e n pains ronds à p e u près s emblab le s


p o u r la forme à u n biscuit de m e r . O n n e sait pas


encore au juste quel le est la compos i t ion de cet


ac ier , c o n n u dans le c o m m e r c e sous le n o m de


wootz ; il présente à la fracture u n grain fort


i n é g a l , et est e x t r ê m e m e n t revêche à forger . L e s


difficultés q u ' o n éprouve à en tirer p a r t i e , sont


presque i n s u r m o n t a b l e s , aussi s u i s - j e porté à


croire que les rasoirs anglais qui portent sur leur




F E E E T ACIER. 113


lame ces mots é c r i t s : India-steel', sont s imple -


ment en acier d'argent. Quant au silver-steel', ce


n'est point par charlatanisme qu'il est ainsi


n o m m é . D e p u i s long- temps des e x p é r i e n c e s de


notre célèbre chimiste G u y l o n M o r v e a u , avaient


démontré la possibi l i té d'un alliage de fer et


d'argent. Plus t a r d , MM. Stodart et F a r a d a y ,


poursuivant en Angleterre les e x p é r i e n c e s c o m -


m e n c é e s par le savant F r a n ç a i s , ont r e c o n n u q u e ,


n o n - s e u l e m e n t l 'argent , mais le p l a t i n e , mais l e


r h o d i u m , mais l ' or , le n i c k e l , le c u i v r e , et l'étain


m ê m e , avaient assez d'affinité avec l'acier p o u r


se c o m b i n e r avec lui dans des proport ions d é t e r -


minées .


L'alhage le p lus convenable est ce lu i formé


par une partie d'argent sur 5 0 0 parties d'acier.


Si l'on force la propor t ion d'argent , la c o m b i -


naison chimique n'a p lus h e u dans l e c r e u s e t ,


l'argent est absorbé par l'acier c o m m e l'eau par


une é p o n g e ; o n aperçoit dans la cassure d u l in -


got de petites fibres d'argent , tandis que de


petits g lobu les d u m ê m e métal en couvrent la


surface. Les instruments forgés dans des b a r -


reaux de ce mé lange imparfait s'altèrent p r o m p -


t e m e n t à l'air h u m i d e , car il se manifeste alors


u n courant galvanique qui accélère Fox idat ion


H




114 rm E T A C I E E .


des mo lécu l e s d'acier , c irconstance f â c h e u s e , et


qui n'a pas l ien lorsque la combinaison des d e u x


m é t a u x est in t ime et complè te . D a n s ce dernier


c a s . l 'on a o b t e n u u n métal c o m p o s é , difficile-


m e n t m a l é a b l e , mais dont l es produits sont s u -


pér ieurs à tout ce qu'on p e u t obten ir du mei l l eur


acier f o n d u .


L I M E S . —<• E n F r a n c e , nous ne c o n f o n d o n s


pas les l imes avec l e c o m m e r c e de la coute l ler ie ;


e n A n g l e t e r r e , i l e n est autrement . J e vais d o n c ,


avant de m e r é s u m e r , dire d e u x m o t s de cet a r -


t ic le . Le seul avantage que les Anglais aient sur


nous dans la fabrication d e s l i m e s , c'est le b o n


m a r c h é de la matière première , et la facil ité de la


faire étirer a u x cyl indres dans les f o r m e s et dans


les d imens ions qu i c o n v i e n n e n t l e m i e u x à chaque


genre de l ime . Ainsi , i l s ont des barres d'acier ron«


d e s , p la tes , carrées , d e m i - r o n d e s en équerre , e tc . ;


par c e m o y e n , i ls évitent des frais de forge c o n -


s i d é r a b l e s , et p e u v e n t fournir leurs produits à


mei l l eur marché que nous . Quant à la qua l i t é ,


c'est d i f férent , et cela demande dist inct ion. N o u s


faisons b i e n les l imes c o m m u n e s dites limes en


paille; l 'acier français que nous y e m p l o y o n s a


d u n e r f , se forge a isément et p r e n d b ien la


t rempe . T o u l o u s e et A m b o i s e n o u s fournissent




FEK ET A C I E R . 115


avantageusement cet ar t i c l e , et ne craignent pas


la rivalité anglaise. D e p u i s l o n g - t e m p s R a o u l


nous fournit à Paris des l imes fines d'une qualité


supérieure à tout ce que n o u s p o u v o n s tirer de


l 'étranger; m a i s , il faut le d i r e , ces l imes sont


fort c h e r , et les l imes de G e n è v e , p o u r h o r -


l o g e r s , leur sont souvent p r é f é r é e s , à cause de


leurs bas pr ix . Quant aux l imes dites limes demi-


douces , voi là cel les que les Anglais peuvent v e n -


dre m ê m e en France , et ma lgré u n droit de 2 fr.


par ki logramme , en concurrence avec les nô tres ;


n o n pas qu'elles soient m i e u x ta i l l ée s , au c o n -


contraire ; e t , sous ce rapport , n o u s ne le c é d o n s


à aucune fabrique é t r a n g è r e , mais parce qu'el les


sont p lus dures et d'un p lus l o n g usage .


Autre fo i s , la coutel ler ie n'était e x p l o i t é e , à


S h e i ï i e l d , que par un pet i t n o m b r e de r iches


manufactures ; aujourd'hui , cet ordre de c h o s e s


est u n p e u c h a n g é , et les anciens fabricants ont


à soutenir la concurrence de leurs anciens contre-


maîtres , q u i , ayant été congéd ié s par e u x dans


les années d e crise de 1 8 1 6 , 1 8 1 8 , 1 8 2 2 et sui-


vantes , o n t , avec l'aide de leurs a m i s , réuni


quelques c a p i t a u x , et f o n d é , p o u r leur c o m p t e ,


de petites fabriques à cô té des grandes . Par suite


de cet te r iva l i t é , l e s p r i x antérieurs de la c o u -




1 16 FER ET ACIER.


tellerie de Shcffield ont un p e u fléchi: n é a n -


m o i n s , cet article est toujours c h e r , par suite


du haut p r i x de la m a i n - d ' œ u v r e , et sans l 'élé-


vation exagérée des tarifs qui d o u b l e n t , p o u r la


France . la valeur vénale des aciers fondus an-


glais au profit d'une o u d e u x fabriques fran-


ça i ses , je ne doute pas que nos c o u t e l i e r s ,


après avoir étudié et imité les formes anglaises ,


ne parv inssent , sans grands e f forts , à surpasser


les fabriques de She f f i e ld , au m o i n s p o u r les


c i s e a u x , les fourchettes c l les couteaux de table.


J e ne d e m a n d e qu'un spéculateur un p e u a u d a -


c i e u x p o u r voir ces d e u x articles vendues par la


France sur les marchés ang la i s , au grand é tonne -


inent des d e u x n a t i o n s , qui attribuent notre e n -


g o u e m e n t p o u r la coute l l er ie anglaise à autre


chose qu'à un p r é j u g é , aussi faux que tous l e s


préjugés du m o n d e .


Les Anglais prétendent e n c o r e l 'emporter sur


nous p o u r la fabrication des ins truments de c h i -


rurgie : je ne suis pas assez b o n j u g e en cette


matière p o u r oser prononcer . J e doute c e p e n -


dant qu'ils aient b e a u c o u p d'ouvriers capables de


surpasser n o s Sir H e n r i , nos Charrière de Par i s ,


n o s B o u r d e a u x de M o n t p e l l i e r , n o m s c é l è b r e s ,


et à côté desque l s j e pourrais p lacer encore les




l'ER ET At lEI l . t l"


noms plus modes tes de quelques habi les c o u t e -


liers disséminés dans n o s villes de prov ince .


SCIES. — C'est aussi à Shefï ield que sont


situées les fabriques de scies anglaises . Les o u -


vriers qui travaillent dans ce l l e p a r l i e , ont for-


m é depuis l o n g - t e m p s une association par l a -


quelle ils se sont imposé l 'obligation de ne jamais


travailler qu ' à un pr ix d é t e r m i n é , et de ne for -


m e r qu'un pet i t n o m b r e d ' a p p r e n t i s , t ous pris


dans leurs familles. Grâce à ce l te coal i t ion dont


les règ lements sont r igoureusement observés ,


les ouvriers en s c i e s , se sont assuré le m o n o -


pole de leur élat qu'i ls exp lo i t en t à l eur p lus


grand avantage ; i l n'est pas un d'eux qui , avec


u n p e u de b o n n e v o l o n t é , ne puisse gagner


ses 1 5 o u 2 0 shel l ings ( 1 8 fr. 7 5 c. à 2 5 fr.)


par jour . N o s ouvriers français sont b e a u c o u p


plus modes tes dans leurs p r é t e n t i o n s , aussi ce


que le fabricant français paie de main-d'oeuvre


pour la douzaine de lames de s c i e , est payé pour


la p i èce par le fabricant de Sheff ield. S u r les


marchés de Be lg ique et des Etats-Unis nos scies ,


grâce à leur b o n marché , pr iment fac i lement


les scies angla ises , sauf cependant les scies c i r -


culaires de grande dimension et les scies à


maiq ? dites égoïnes , qui l 'emportent par la qua~




118 F E R E T ACIER.


l i lé de la t r e m p e et de la mat ière . Mais les


travaux persévérants de nos fabricants de Möls -


h e i m et d ' H é r i m o n c o u r t , dans le Haut -Rhin et


dans le D o u b s finiront sans doute par atte indre


le degré de perfec t ion qui m a n q u e à leurs p r o -


duits , l e sque ls , je l ' e s p è r e , ne craindront p lus


alors de concurrence dans aucun genre que ce


soit .


T R É F I L E R I B . — Avant de terminer ces l ignes


sur les différentes fabrications dont l'acier est


l 'é lément f o n d a m e n t a l , j e dois m'arrêter un


instant à la tréfileric. C'est encore un article


sur l eque l les Anglais conservent un avantage


m a r q u é , grâce à l 'exce l lence des matières p r e -


mières qu'ils ont à leur disposi t ion. J'insiste


toujours sur c e po int : La source des bons


produi ts est dans la bonté des matériaux


dont o n d i s p o s e , et la sagesse des g o u v e r n e -


m e n t s , si el le ne peut procéder qu'avec len


teur à la ré forme d'anciens tar i f s , ne doit jamais


hés i ter à faire jouir les fabriques indigènes des


matières premières au plus bas pr ix possible ;


car il n'y a po in t de ta l ent , de persévérance o u


d'habileté qui puisse suppléer au défaut de


b o n n e s mat ières premières . D a n s la partie qui


m'occupe e n c e m o m e n t , les p r o c é d é s de fa-




FER E T A C I E R . 1 19


brieation sont s imples , faciles et c o n n u s de tous;


l'outil indispensable et presque unique d'un t r é -


fileur, c'est nne b o n n e filière ; o r , c o m m e n t


ne parviendrions-nous pas à égaler les Anglais


dans leur p r o d u i t , si le cuivre et l'acier n o u s


étaient donnés c o m m e à e u x , lorsqu'ils se r e -


connaissent e u x - m ê m e s tributaires de la F r a n c e


p o u r leurs filières. La plupart de m e s l ec teurs e n


seront surpris sans d o u t e , pourtant il est cons-


tant que les fabriques de Laig le ont le pr iv i lège


presque exclus i f de fournir de fil ières les tréfile-


ries étrangères. Pendant les guerres de l 'empire ,


une b o n n e filière de L a i g l e , se payait en Angle -


terre son poids en argent .


N o s fils de fer français trouvent u n facile


écoulement en Espagne , e n I t a l i e , en Portugal


et dans tout le L e v a n t ; mais cet avantage , n o u s


le perdons sur les fils de cuivre et d'acier et sur


les produits qui en dérivent : ainsi les ép ing les , l es


aigui l les , les a l ê n e s , les cordes fines de p i a n o s ,


les h a m e ç o n s , les toi les métal l iques de c u i v r e ,


e t c . , de l'autre côté d u d é t r o i t , sont préférables


aux nôtres .


Pour tous les outi ls auxquels la finesse d u


tranchant n'est pas indispensable , p o u r tous les


objets dont la confect ion admet le f er , le cujvre,




120 F E B ET ACIEK.


le b o i s , soit e n s e m b l e . soit s é p a r é m e n t , l'avan-


tage est acquis à la France . Ainsi notre tail lan-


d e r i e , vaut la tail landerie ang la i se ; nos fabr i -


ques d'outils de P a r i s , de M o l s h e i m , de B e a u -


c o u r t , d 'Angers , de C h à l o n s , ne craignent p o u r


la b o n n e qualité des produi ts et la be l l e appa-


rence aucune fabrique de la Grande-Bre tagne ,


et cette supériorité est reconnue par n o s rivaux


e u x - m ê m e s ; les vis à bois , les b o u t o n s , les char-


nières , et autres pet i ts articles fabriqués par


M M . J a p y , s o n t , malgré les frais de transports ,


d 'embal lage , et les droits d ' e n t r é e , préférés dans


b e a u c o u p de c irconstances par les ouvriers an-


glais a u x produi ts similaires indigènes . Ce


qu'on m e disait des vis J a p y , j e le dirais mo i


d e s a r m e s à f eu .


A R M E S A FEU. — La fameuse affaire des


fusils Gisquet , laquel le avait eu en France u n


si l ong et si scandaleux r e t e n t i s s e m e n t , dut m e


faire apporter une at tent ion spéciale aux armes


ang la i se s , j e n'ai d o n c r ien nég l igé pour m'éclai-


rer à ce t égard. E h bien ! j e l e dis avec c o n v i c -


t ion , i l est p e u de produits anglais qui m'aient


paru de tous points p lus inférieurs aux nôtres .


J'ai visité les dépôt s de la T o u r de L o n d r e s ;


j'ai inspecté l'arme sur le bras de la sentinelle ,




F E R ET A C I E R . 121


(1) Voir appeodix H,


j'ai parcouru les manufactures de B i r m i n g h a m ,


et partout je me suis conva incu de l' infériorité


anglaise , partout j'ai re trouvé le fusil G i s q u e t ,


jugé en France si l o u r d , si i n f o r m e , si mal


c o n f e c t i o n n é , que des soupçons de concuss ion


ont plané à leur occas ion sur le ministre signa-


taire du marché et sur l'agent qui en fut l ' in -


termédiaire. Quant aux armes de l u x e , e l les sont


probablement d'aussi b o n n e qualité que les


n ô t r e s , mais el les sont lo in d'être aussi déga -


g é e s , aussi é l égantes ; il y a en e f fe t , c h e z n o s


ouvriers français, outre une habileté et une a d r e s -


se de main p e u ord ina ire s , un goût artistique


et un sent iment exqu i s de la forme qu'où c h e r -


cherait en vain o u t r e - M a n c h e . Si donc le c o m -


merce des armes est moins é t endue e n France


qu'en Angleterre , ce n'est point à nos armuriers


qu'il en faut faire le r eproche , mais b i e n aux


entraves de toute nature que leur i m p o s e u n e


législation res tr ic t ive , aussi injuste que p e u ré -


fléchie. (1)






C U I T K E . 123


CUIVflE.


1 LAQUÉ , LAITON ESTAMPÉ.


% $ § £ S 8 £ I K E S DE CUIVRE. — Après le f e r , i l est


Il ^01 j j j p e u ^ 6 m ^ * a u x ^ ' u n u s a g e p lus é t endu


2«§8§?-eque le c u i v r e , et d'un emplo i p lus avan-


tageux , soit à l'état de p u r e t é , soit c o m b i n é avec


un autre m é t a l ; moins dur q u e le fer et l 'ac ier ,


il a sur eux l'avantage d'être p e u oxidable ; seul


il se forge a i sément , allié à une faible proport ion


de z ing o u d'étain , il fournit le b r o n z e ou le


laiton ; coulé , laminé o u b a t t u , il revêt toutes les


formes , double les navires pour conserver leurs


b o r d a g e s ; entre dans la compos i t ion de la p l u -


part d e s machines ; se m o u l e en c l o c h e s ; en ç a .




124 C I I V B E .


rions, en statues; transformé en casseroles , il garnit


nos cuis ines ; bronze d o r é , estampé o u plaqué ,


il d é c o r e nos salons. C'est donc à tous ces titres


un métal b ien p r é c i e u x .


Les recherches des antiquaires ont prouvé que


l'usage du cuivre avai t , dans b e a u c o u p de p a v s ,


précédé celui du fer.


A tant d'autres avantages , l 'Angleterre joint


ce lu i de posséder d'abondantes mines de cuivre.


L e s p lus importantes sont situées d a n s . l e comté


de Cornouai l les ; niais , soit ignorance . soit


faute de m o y e n s mécaniques suffisants à leur


e x p l o i t a t i o n , on n'a c o m m e n c é à t irer quelque


parti de leurs produits que vers la fin d u X V I I . e


siècle . S o u s le règne de Jacques I . e r , u n M. Nor-


den , intendant du pr ince de Gal les , écrivit au


R o i p o u r lui sigualer les manoeuvres de quelques


individus qui usaient de tous leurs m o y e n s p o u r


diss imuler la valeur des m i n e s de la Cornouail les


et en entraver l 'exploitat ion. Mais les troubles


sans fin qui éclatèrent b ientôt sous le régne de


Charles I . c r , empêchèrent de rien faire d' impor-


tant alors p o u r en tirer quelque profit. Leur exploi -


tation régul ière ne c o m m e n ç a qu'après la r é v o -


lution de 1 6 8 8 , lorsqu'une compagn ie de s p é -


culateurs vint de Bris to l offrir aux propriétaires un




CUIVKE. 125


(1) D. r Lavdaer.


prix de 21 . st. 1 0 sh . , h i 1. st. par t o n n e a u de mine-


rai. Cette affaire s'étant trouvée fort avantageuse


pour les a c h e t e u r s , le secret en transpira , et


une nouvel le c o m p a g n i e fît sous -main des offres


plus é levées . Cette nouvel le démarche et le m y s -


tère qui l 'enveloppait , donnèrent l'éveil aux p r o -


priétaires de m i n e s , s t imulèrent l eur ambit ion :


leurs vues s 'étendirent , et la fortune leur apparut


en perspect ive . E l p o u r t a n t , chose é t r a n g e , les


connaissances minéralog iques étaient si p e u avan-


cées à cette é p o q u e , que le minerai j a u n e , un


des p lus riches e n p r o d u i t , était alors cons idéré


c o m m e de fort p e u d' importance et mis au re-


but (1) .


Sous le règne de G e o r g e s I . c r , M. J o h n Costar


lit faire un pas i m m e n s e à l 'exploitat ion des m i n e s


de cuivre ; b o n m é ta l lurg i s t e , habi le phys ic i en


et m é c a n i c i e n , il entreprit avec succès d'épuiser


l'eau q u i , par la nég l igence des premiers e x p l o i -


tants , avait fini par envahir les galeries. I l p e r -


fectionna la m é t h o d e d'essayer et de réduire le


minera i , répara les viei l les m a c h i n e s , les p e r -


fectionna et en inventa de p lus parfaites. E n u n




126 O J I V B E .


ÉPOQUES.
MINERAI


de
CCIVRE VESDV 1 .


PRIX MOYENS. TOTAUX.


De 1725 à 1735.
Q e 1735 à 1745.
De 1745 à 1755.
De 1755 à 1765.
De 17C5 à 1775.


64,800 ton.
75,540 ton.
98,790 ton.


169,699 ton.
264,273 ton.


7 I. st. 15 sh. 10 p.
7 1. st. 8 sh. 6 p.
71. st. 8sh.
7 1. st. 6 sh. 6 p.
6 1. st. 14 sh. 6 p.


473,5001. st.
560,1061. st.
731,4571. st.


1,243,0451. st.
1,778,337 1. st.


D e p u i s 1 7 7 5 , on p r é t e n d q u e l 'exploitation


d u minerai n'a fait qu'accroître ces produ i t s ; mais


en 1 8 0 8 , diverses causes e n ralentirent le m o u -


v e m e n t ; aujourd'hui l 'Angleterre p e u t produire


annue l l ement , environ 1 2 , 0 0 0 t o n n e a u x de cuivre ,


dont 1 0 , 0 0 0 p r o v i e n n e n t exc lus ivement des m i -


nes de Cornouai l les . S u r ces 1 2 , 0 0 0 t o n n e a u x


4 , 0 2 4 restent à la consommat ion in tér i eure , l e


surplus forme u n e branche importante d u c o m -


m e r c e d 'exportat ion . Ce n'est pas sur les l i eux


m ê m e s de l 'extract ion q u e l e minerai est rédu i t ,


m o t , il donna une face nouve l l e à l 'exploitat ion


des raines de cuivre de la Cornouail les e t p e u t


être cons idéré c o m m e l 'auteur de leur p r o s p é -


rité actuel le . M. P r y c e d o n n e , dans son Traité


de Minéralogie , le tableau suivant de la quantité


de minera i extrait des m i n e s de Cornouail les à


différentes é p o q u e s , depuis 1 7 2 5 :




C D I V B E . 127


il est presque tota lement conduit à Svvansea près


des mines de h o u i l l e s , c e u x qui l 'exploi tent pré-


férant le conduire o ù se trouve le c o m b u s t i b l e ,


que d'amener le combust ib l e au minerai .


BRONZE DORÉ. — I l est i n c o n c e v a b l e qu'avec


cette richesse de cuivre i n d i g è n e , avec des m i n e s


d'étain non m o i n s i m p o r t a n t e s , avec d u z i n c ,


les Anglais n'aient jamais , c o m m e la France , acquis


la moindre célébrité dans l'art du bronz i er o r n e -


maniste . C'est que là les connaissances méta l lur-


giques et la pratique des m é t a u x ne donnent pas


le génie poét ique qui enfante l e s be l l es formes .


Tandis que les Anglais n 'exploi ta ient 1 airain q u e


pour en faire des c l o c h e s , des c a n o n s , o u les


coussinets de leurs machines ; l'art de travailler l e


bronze , de le dorer , de le m o u l e r en s t a t u e s , e n


candé labres , en p e n d u l e s , e n m e u b l e s , en r i n -


ceaux se concentrai t à P a r i s , et d e v e n a i t , grâce à


n o s R a v r i o , à n o s D é n i è r e s , à n o s T h o m i r e , à


nos L e r o l l e , u n e bril lante i n d u s t r i e , dont l es ro i s


et les pr inces sont les r iches tr ibutaires; e n m ê m e


temps que les L e m a i r e , les C o r m i e r , l es Gas-


t a m b i d e , les V i t o z en faisaient descendre les


produits p lus m o d e s t e s dans les classes m o i n s


é levées . S i j'écrivais p o u r l ' A n g l e t e r r e , j e po tu>


rais dire fout c e q u e n o u s faisons e n c e g e n r e ;




128 C U I V R E .


écrivant p o u r la F r a n c e , je dois m e borner a


remarquer que les produi ts de l 'Angleterre sont


nuls à cet égard : à pe ine si l'on coule dans ce


pays que lques p ieds de lampes de mauvais goût


e t u n pet i t n o m b r e d'ornements p o u r l'éclairage


an g a z , le plus souvent pi l lés sur des modè les


français.


Sans parler de la chaudronnerie qui s'exercerait


e n France aussi avantageusement qu'en Angle -


t e r r e , si n o u s a v i o n s , c o m m e ce dernier pays ,


la matière première à profusion , j e dois dire q u e ,


p o u r tirer parti d'un é lément aussi abondant c h e z


e u s , les Anglais ont inventé d e u x arts i m p o r -


tants , qu'ils ont l o n g - t e m p s exp lo i t é s seuls et


avec une rare p e r f e c t i o n : il s'agit d u cuivre pla-


qué d 'argent , et d u laiton es tampé .


P L A Q U É . — Pendant qu'en France nous nous


content ions e n c o r e de couler de grossiers objets


en b r o n z e , que nous récouvr ions de quelques


légères feuil les d 'argent , l es Anglais créaient une


nouvel le industrie b e a u c o u p p lus parfaite ; ce l le


du plaqué . U n écrivain anglais en décrit l'ori-


g ine dans les t e rmes suivants :


« L ' a n n é e 1 7 4 2 est mémorab le dans l 'his-


toire de iSheffield. C'est cette m ê m e année que


fut faite une importante découver te , grâce à




c n v B E . 129


laquelle la ville de Sheffield a p u s'élever au


rang des premières vi l les de c o m m e r c e et d'in-


dustrie du r o y a u m e . M . T h o m a s Bo l sovcr , h a -


bile ouvrier., avait été chargé de réparer u n


manche de canif composé do cuivre et d'argcnl :


la vue de ce canif lui donna l ieu de supposer


qu'il serait poss ible , par l 'union de ces d e u x


métaux , d'obtenir une substance p e u d i s p e n -


dieuse . présentant une surface d'argent pur , et


dont l 'emploi pourrait s o u v e n t , et avec avantage ,


suppléer ce dernier métal, tl éleva donc une


manufacture de plaqué, mais ne fabriqua dans


l'origine que des b o u l o n s , des tabatières et


autres articles de p e u d' importance. C o m m e la


plupart des inventeurs , i l no compr i t p a s , sans


d o u t e , toute la portée de sa nouvel le découverte .


Il était réservé h un m e m b r e de la corporat ion


des coutel iers de S h e f f i e l d , M. J o s e p h H a n -


cock , de montrer à c o m b i e n d'autres usages


pouvait c ire e m p l o y é le plaqué, c l avec quel


succès on pouvait s'en servir p o u r imiter la p lus


belle vaisselle plate . M. H a u c o c k se mit d o n c à


fabriquer des flambeaux, des thé i ère s , des p l a -


teaux ^ et toutes les autres p ièces qui const i tuent


la garniture complè te d'un buffet. D è s - l o r s , o n


compri t p l e inement l ' importance de l ' invent ion


I




1 3 0 CUIVRE.


de Bo l sover ; des fabriques furent fondées , des o u -


vriers se f o r m è r e n t , et les chutes d'eau du voisinage


mirent en m o u v e m e n t les laminoirs . B i r m i n g h a m


vint b ientôt partager les bénéf ices de cette fertile


industrie ; mais l 'honneur de sa découverte ap-


partient en entier à la ville de Shef f ie ld , qui con-


serve toujours sur sa rivale la réputat ion de four-


nir des produi ts p lus sol ides et de mei l l eur goût.»


Q u o i qu'en ait p u dire M. H u n t e r , bien que


Sheffield possède encore quelques b o n n e s fabr i -


ques de p l a q u é , ce l te industrie teud depuis quel-


ques années à se concentrer à B irmingham ;


c'est l à , du m o i n s , qu'il faut en aller chercher a u -


jourd'hui l e s p lus n o m b r e u s e s manufactures .


V o i c i les p r o c é d é s usités e n Angleterre , p o u r


la fabrication d u doublé : On p r e n d d'abord


une p laque de cuivre r o u g e , d'environ 11 p o u c e s


de l o n g , 3 p o u c e s de large et 1 5 l ignes d'é-


paisseur. L'ouvrier p laqueur nettoie s o i g n e u s e -


ment avec un grattoir d'acier la surface du métal


sur laquel le doit s'appliquer la p laque d'argent ;


ce l l e -c i , que l'on nettoie avec le m ê m e s o i n ,


est u n p e u plus courte et p lus étroite que la


plaque de cuivre , et n'a dépaisseur que le di-


x i è m e , le q u i n z i è m e , le v ingt ième , e t c . , de cette


dernière. C'est de là que vient au plaqué son titre




CUIVRE. 131


de plaqué au d i x i è m e . au vingt ième , e tc . L e s


deux plaques ainsi p r é p a r é e s , sont appl iquées


l'une sur l'autre ; ce l le d'argent étant garantie


contre l'action du f e u , par une feuil le de t ô l e ,


enduite d'une c o u c h e de blanc d 'Espagne , p o u r


éviter l 'adhérence. Le tout b ien relié par des


replis de fil de fer, o n amorce la soudure en


recouvrant la partie saillante d u cuivre près la


plaque d'argent , de b o r a x b r o y é dans u n p e u


d'eau ( 1 ) , puis l 'on chauffe au rouge dans u n


pet i t fourneau à réverbère . S i toutes les parties


de l'opération ont été b i en d i r i g é e s , les d e u x


p l a q u e s , après avoir été ret irées du fourneau et


re fro id ies , adhèrent for tement l'une à l ' a u t r e ,


et ne forment p lus qu'une seule masse c o m p a c t e ,


s o l i d e , indiv is ib le , que le laminoir d r e s s e , assou-


plit et réduit en feuil les p lus o ù moins épaisses ,


selon la valeur o u la destination des p i è c e s qui


y seront découpées .


Ces p r o c é d é s prél iminaires sont , à p e u de


(1) En France, on amorce avec du nitrate d'argent, et
la plaque d'argent, plus large que celle de cuivre , est
rabattue sur les bords de celte dernière. Celte dernière
opération dispense de lier les deux plaques avec du fil
de fer.




C U I V R E .


chose p r è s , les m ê m e s e n France et e n Angle-


terre ; mais la plupart des opérat ions s u b s é -


quentes diffèrent essent ie l lement de l'un et de


l'autre côté d u détroit.


E n France la majeure partie des objets en


plaqué, sont emboutis sur le t o u r , c'est-à-dire


qu'avec une espèce de brunissoir en acier , l'ou-


vrier français rabat v ivement un disque de dou-


blé sur u n mandrin en bo i s , dont les formes va-


rient à l'infinie , c l peuvent être modif iées ,


changées , amél iorées chaque j o u r et à p e u de


frais. L e s ornements destinés à être appl iqués


sur un fond u n i , les anses de b o u i l l o i r s , les


b e c s de théières et autres pet i ts objets de détail


seuls sont es tampés au m o u t o n o u formés par la


mol l e t t e c i se lée d'un petit laminoir à bras. L 'as -


semblage des différentes parties qui c o m p o s e n t


une p ièce de plaqué s'opère ensuite par le s o u -


dage à la l ampe (1) .


En Angle terre , cette m é t h o d e est changée . Le


( l ) En Fiance, la lampe du plaqucur est une lampe
à l'huile ordinaire ; en Angleterre, le bec de la lampe
ligure la pomme d'un arrosoir , par chaque trou de la-
quelle sort un jet de gaz hydrogène. Ce procédé, intro-
duit par l'usage général de l'éclairage au gaz, est bien
supérieur au nôtre.




CUIVRE. 1 3 3


( I ) J'ai parcouru avec attention les nombreux et bepu*


travail au m o u t o n devient la règ le et celui du


tour l ' except ion . T o u t e s les p i èces dél icates o u


de formes c o n t o u r n é e s sont re levées à l 'estampe:


les p ièces plus grossières sont restreintes entre


la b igorne et le marteau. O r , o n c o m p r e n d tout


l'avantage du p r o c é d é français : r ien de plus


rapidement fait qu'un ouvrage de tour , rien


de plus long que le travail de l 'es tampe o u du


marteau. R i e n de plus s imple et de m o i n s d i s -


pendieux qu 'un mandrin n o u v e a u , rien de cher


et de long c o m m e la ciselure d'une m a t r i c e en


acier. Le procédé anglais éternise en que lque


sorte les formes de ses produits , le sys tème


français permet au dernier fabricant de varier


les s iennes à 1 infini et de devancer les désirs les


plus capricieux de la m o d e . L e capital dormant


d'un fabricant de plaqué anglais s 'é lève , en m a -


trices s e u l e s , à des s o m m e s é n o r m e s et s'accroît


tous les jours ; les fonds placés dans ses m a n -


drins par le fabricant français sont presque nuls :


il ne faut d o n c pas s 'étonner que ce lu i -c i ne r e -


doute pas la concurrence anglaise. « Q u e les


Anglais acceptent nos plaqués francs du droit ,


disait M. Parquin (1) habile p laqueur français ,


et nous pourrons en échange accepter les leurs;




134 Ct ' IVEE.


malgré le bas pr ix auquel i ls se procurent des


cuivres , je les vaincrai par la simplicité des p r o -


cédés de fabrication ( 1 ) . » E n ef fe t , si les p l a -


qués anglais étaient introduits en France , , no»


fabricants auraient b ientôt contrefait les modè le s


de leurs r ivaux p o u r répondre à l ' engouement


passager d u p u b l i c , tandis que les fabricants


anglais ne pourraient sans frais considérables con-


trefaire nos formes , o u les donner aux m ê m e s pr ix .


D'après ce qui vient d'être dit sur la fabrica-


tion du plaqué, nos lecteurs comprendront ai-


sément qu'aucune garantie de son vrai titre n 'é -


tant d o n n é e , et le titre , c'est-à-dire le rapport


du enivre à l 'argent , fût - i l exac tement c o n n u , la


facilité d 'employer des feuil les p lus o u m o i n s


épaisses sans changer c e titre o u c e rapport


des deux m é t a u x , laisse une large voie ouverte


à la fraude. Le c o m m e r c e d u plaqué ne peut


aleliers de M. Parquin , rue Popincourt, à Paris ; j'ai
visité également les principales fabriques du même genre
de Birmingham et de Shcfïield, et j'ose dire que, pour l'ha-
bileté des ouvriers, la simplicité des procédés , le nom-
bre et la commodité des outils , les plaqucurs français
l'emportent de tous points sur leurs concurrents étran-
gers.


(1) Voir l'interrogatoire subi par M. Parquin,lors do
l'enquête corarnerctale ouverte en 1834 , appendix G,




C U I V R E . 135


donc être qu'un c o m m e r c e de c o n f i a n c e , que


garantit le seul n o m d'un fabricant h o n o r a b l e .


Malgré cet inconvénient , j e p e n c h e à croire que


l 'admission e n France des p laqués é t r a n g e r s ,


avec u n droit suffisant p o u r équivaloir à celui


qui pèse sur les matières brutes , serait un st i -


mulant puissant p o u r nos fabriques françaises ,


lesquelles peuvent s'endormir à l'abri d'une pro-


hibition absolue. Mais , en demandant l 'admission


du plaqué angla is , je croirais devoir engager en


m ê m e t e m p s nos plaqueurs français à passer le


détroit p o u r étudier à L o n d r e s m ê m e et les


goûts et les m o d e s de la G r a n d e - B r e t a g n e afin


d'y conformer leurs produi ts . Car , si l 'on peut


quelquefois faire accepter de n o u v e a u x usages à


un peup le étranger , o n e n trouve d'anciens


chez l u i , qu'il n'est pas poss ible de changer o u


de déraciner tout d'un c o u p .


CUIVRE ESTAMPÉ. — V o i c i une autre indus-


trie , que nous devons encore a u x A n g l a i s , ce l le


des cuivres estampés et vernissés. L o n g - t e m p s cet


art a langui en F r a n c e , et jus tement à cause de


notre supériorité dans le travail du b r o n z e les


ouvriers es tampeurs sont restés en r e t a r d , ne


fournissant que de lo in en lo in des produi ts


inférieurs et d'une faible importance . Mais au»




136 C C I V B E .


j o u r d ' h u i , si nous s o m m e s encore e n arrière des


Anglais p o u r la beauté du f ini , le brillant d u dé-


capé , et la solidité d u vernis , nous les avons de-


vancés p o u r la r ichesse et Sa variété des formes .


C'est à la seule annonce de l 'enquête et aux bruits


d'une prochaine l iberté commerc ia l e que nous


devons les rapides progrès de cette industrie en


quelques mois . E n e f fe t , n o s fabricants de cuivre


es tampé travaillaient tranquil lement et cont i -


nuaient dans une insouciante apathie de suivre


les procédés imparfaits e m p l o y é s par leurs devan-


ciers. T o u t à c o u p , la seule crainte d'une p r o -


chaine c o n c u r r e n c e vint révei l ler en e u x l'esprit


d'invention et de per fec t ionnement , et un pas im-


m e n s e fut fait. Aux m o d è l e s sans rel ief et sans


g r â c e s , aux ornements rares et de mauvais goûts ,


aux vernis ternes , succédèrent en p e u d'instants


des m o d è l e s n o m b r e u x , var i é s , élégants. Les


fabricants réf léchirent , travai l lèrent , firent mi l le


essais , s'adressèrent à nos mei l leurs dessinateurs ,


c iselèrent des matrices nouve l l e s , combinèrent


de n o u v e a u x é léments chimiques pour décaper


leur cuivre avec plus de perfect ion et le c o u -


vrir de plus b e a u x et de plus sol ides vernis . D e s


échanti l lons lires d'Angleterre servirent de points


de comparaison, et tout d'un coup l'art de l 'es-




C t I V R E . 137


(1) Le droit d'entrée du cuivre en planche est de 88
centimes par kilogramme,


tampage prit u n essor i n c o n n u . Dans l 'origine, on


se contentait de produire que lques entrées de


serrures , que lques p o i g n é e s de c o m m o d e ; de-


puis 1 8 3 4 , les es tampeurs ont tout t e n t é : ils


avaient 3 0 ans d'inertie à racheter , i ls le firent


avec ardeur. En que lques m o i s i ls frappèrent des


plaques de p o r t e s , des garnitures de lampes ,


des corniches et des rosaces de plafond , des


bordures de t a b l e a u x , des embrasses de d r a p e -


ries , des palers , e tc . B i e n ne leur fut p lus


étranger , et le temps perdu fut réparé .


C'est eu 1 8 0 4 qu'un M. B u g n o t introduisi t en


France l'industrie d u cuivre es tampé ; mais el le se


traîna terre à terre presque jusque en 1 8 3 4 , é p o q u e


à laquelle M. B u g n o t , fils du p r é c é d e n t , st imulé


par la crainte de la concurrence é t r a n g è r e , nat io-


nalisa , par un effort i m m e n s e , l ' industrie de


l 'estampage. Q u e manque- t - i l maintenant à cet te


industrie pour égaler sa rivale d 'outre-Manche ?


— La diminut ion des droits sur le cuivre e n


p l a n c h e , son premier é lément (1 ) , et l'appui de


la m o d e , qui, en augmentant l 'écoulement de ses




138 C I Î I V B E .


produits , en facilite le renouve l l ement et la pro-


duct ion.


E n Angleterre , o n emplo ie le cuivre es tampé


à tous les usages et sous toutes les formes : en


chande l i er s , en palers , en p laques de por te , en


ornements de cheminée , en garde -cendres , etc .


I l n'est pas une maison qui n'en ait ses c h a m -


bres garn ie s , aussi est -ce par mill iers de douzai -


nes que ces objets sortent des fabriques de Bir-


m i n g h a m lorsqu'à pe ine o n c o m m e n c e à les voir


po indre en F r a n c e .


U n mot maintenant sur l'art de l 'es tampage en


lu i -même , tel qu'on l 'exerce e n Angleterre .


Autrefois la plupart des objets en cuivre ou


en laiton laminé étaient du ressort de la c h a u -


d r o n n e r i e , et se fabriquaient l e n t e m e n t au mar-


teau. Alors que lques ouvriers chaudronniers' , à


force de travail et de pat ience, finissaient par acqué-


rir assez d'habileté dans leur a r t , p o u r produire


quelques r iches o r n e m e n t s , imitant des bas-reliefs


compl iqués , et jusqu'à des statues. Mais ces orne -


ments , frui ts d'une l o n g u e application, ne pouvaient


se vendre qu'à des pr ix fort é l e v é s , lesquels en


restreignaient l ' écoulement . Aujourd'hui , la m é -


thode est p lus expédi t ive : à la lente fabrication du


marteau a succédé l 'estampage, B i e n que , par ce




C O T E E . 139


nouveau m o d e , la ciselure des matr ices entraîne des


frais cons idérab le s , tel le est la rapidité du travail


et l 'abondance des p r o d u i t s , que ceux-c i p e u v e n t


être livrés au pub l i c à des pr ix d'autant m o i n s


é l evés que les demandes en sont p lus mult ip l iées .


L'outil principal de l 'estampeur est le m o u t o n


dont j'ai déjà parlé à l 'occasion du plaqué . Cet


instrument, connu assez généra lement , se c o m p o s e


d'un solide et large b i l lo t surmonté de d e u x


barres de fer ver t i ca le s , de six à sept p ieds de


haut. Ces barres servent de guides à un po ids en


fonte , p lus ou moins l o u r d , qu'un ouvrier enlève


au haut des b a r r e s , au m o y e n d'une poul ie et


d'une corde à é tr i er , pour le laisser r e t o m b e r


ensuite tout d'un c o u p sur la p ièce à es tamper .


Cel le-ci , d é c o u p é e dans une feuille de cuivre jaune


ou la i ton , est p lacée sur une matrice d'acier o u


de fonte c ise lée en c r e u x , et transmet p e u à p e u


au cuivre son e m p r e i n t e , par le c h o c répété du


m o u t o n , dont le poids est garni d'une masse de


p l o m b présentant en rel ief à sa partie inférieure


la gravure en creux de la matr ice .


Lorsqu'el le doit offrir beaucoup de re l ie f , o n


n'arrive pas d'une seule fois à la perfect ion d'une


p ièce ; il faut au contraire la chauffer par intervalle


jusqu'au r o u g e , lui donner du recuit un u n m o t , et




1iO CLIVHE.


e m p ê c h e r ainsi le méta l de se couvrir de gerçures .


La p ièce enfin e s tampée , il reste à la décaper pour


en net toyer avec soin la surface et lui donner l'éclat


du mat. Ceci demande plusieurs opérat ions s u c -


cess ives , qu'on ne saurait vei l ler avec trop d'atten-


t ion ; car de leur concours r igoureux dépend la


perfect ion des produits . D'abord le laiton doit


t remper que lque t e m p s dans u n ba in et eau-


seconde (acide sulfurique" é tendu) ; puis o n retire


du bain , o n lave à l'eau claire , et l'on nettoie à la


pouss ière de motte de t a n n e u r , en frottant avec


la gratte-bosse ( e spèce de p inceau en m e n u fil


d 'archal) ,pour b i en découvrir le métal estampé e t


faire ressortir une be l l e cou leur jaune , si l'alliage


en est b o n ; a u t r e m e n t , il conserve un reflet plus


o u m o i n s rougeâtre . Ce dérochage préparatoire


t e r m i n é , la p i èce b i en s é c h é e , on la soumet à


l'aide de tenailles de cu ivre , à l 'action d'un ba in


d'eau forte contenue dans une terrine de p o r c e -


laine o u de grès . Si l'acide est de b o n n e qualité ,


une rapide immers ion suffit et donne au laiton


cette be l l e et r iche apparence dorée q u e l 'on


remarque part icul ièrement dans les produits des


fabriques de B ir m i n g h a m et qui a fait jusqu'ici le


désespoir des fabricants français. Q u e c e u x - c i ne


perdent pas de vue ce t te dél icate o p é r a t i o n , elle




C U I V R E , l'il


( l ) La présence d'une Irès-faible quantité de chlore
ou d'acide nitreus , suffit pour altérer l'éclat du cuivre.


réclame l'attention soutenue d'un adroit ouvrier .


L'expérience seule p e u t faire connaître le m e i l -


leur m o d e d ' immers ion , l e t e m p s convenab le de


sa durée se lon la qualité du cuivre , o u le degré de


force et de pureté de l'acide (1) : en g é n é r a l , si


l 'on opère trop r a p i d e m e n t , le décapage n'est


pas complet ; trop l e n t e m e n t , le métal devient


rouge ou n o i r , et tout est à r e c o m m e n c e r .


Celte dernière opérat ion se pratique d'ordi-


naire sous un s imple appent is où l'air c ircule


l ibrement p o u r neutraliser les émanations su f fo -


cantes et les vapeurs acides que p r o v o q u e l i m -


mers ion dans l'eau forte. Sor l i e de l'acide nitr ique,


la p ièce est lavée avec s o i n , et p l o n g é e dans de


l'eau contenant e n dissolution une pet i te quantité


de cré'me de tartre (bitartrate de potasse) ; ce


qui l 'empêche de se ternir; enfin , e l le est ret irée


de l'eau , e s s u y é e , séchée dans de la sc iure de


bois c h a u d e , et so igneusement brossée . Reste


ensuite à pol ir sous le brunissoir les parties que


I o n ne veut pas conserver m a t e s , puis enfin h


vernir. Si l'on tient à ce que le vernis s'attache b i en




142 cri V U E .


au cu ivre , ii faut que ce lui -c i soit parfai tement


n e t , et surtout qu'il n'offre pas la p lus légère


trace de graisse. Après s'être b i en assuré de la


propre té de la^pièce à v e r n i r , l 'opérateur la tient


dans le four d'un p o c l e o u sur une plaque de fer


presque r o u g e , jusqu'à ce qu'e l le ait atteint un


degré d e chaleur assez é levé p o u r qu'on ne la


puisse p lus t o u c h e r de la main ; le vernis est


alors é t endu avec so in sur toute sa surface ,


soit à l'aide d'une brosse en poi l de chameau ,


soit par i m m e r s i o n : o n por te ensuite à l'éluve ;


et , dans p e u d'instants, le vernis est c o m p l è t e m e n t


sec . S i les Anglais sont sincères dans l'aveu de


leurs r e c e t t e s , voici ce l le qu'ils suivent p o u r la


préparation de ce vernis :


A lcoo l rectifié 1 l i tre.


Curcuma e n poudre 1 0 0 grammes .


R o u c o u 2 5 d."


Safran. 2 5 d."


Laisser infuser le tout e n s e m b l e pendant une


dizaine de jours dans un appartement un p e u


c h a u d , avec le soin d'agiter de t emps à autres ;


passer à l ' é tamine , puis ajouter 3 0 0 grammes de


be l le g o m m e lacque e n p o u d r e : laisser dissoudre


à froid et agiter souvent jusqu'à complè te d i s s o -


l u t i o n , enfin laisser reposer et décanter avec


précaut ion.




CM V U E . 143


B e a u c o u p de p i è c e s , au l ieu d'être couvertes


de ce vernis jaune et transparent , sont passées


au vert (vulgairement bronzées.) Le Glasgow


IMechanics' Magazine d o n n e c o m m e infail l ible


la compos i t ion de bronze su ivante:


1 l i tre.


6 0 grammes .


Terre d'ombre , n o n brû lée . . 6 0 d."


6Q d."


6 0 d."


2 4 0 d."


6 0 d."


Graiu d 'avoine , demi mûr . . 3 6 0 d."


(Cet te dernière substance n'est pas i n d i s p e n -


sable ) .


Dissoudre séparément les sels et la g o m m e


dans de pet i tes quantités de vinaigre ; mê ler


ensuite les différentes dissolutions dans une terrine


de g r è s , puis ajouter p e u à p e u la graine d 'Avi -


gnon et l 'avoine sur un b o n feu , et pousser j u s -


qu'à l 'ébuj l i l ion , en brassant toujours : laisser


refroidir (A filtrer à r é l a m i n e .


Lorsque l'on veut faire usage de ce l le c o m p o -


s i t ion , il faut , avec une brosse douce , en h u m e c -


ter cont inuel lement les p i èces à b r o n z e r , afin


qu'en séchant e l les ne poussent pas au vert.




li'l CUIVRE.


(I) Voir Appendix I.


D è s qoe la nuance de b r o n z e désirée esl atteinte ,


ce qui a généra lement l i eu au b o u t de 2 0 à 3 0


m i n u t e s , o n lave h l'eau froide ^ o n sèche ensuite


dans la sciure de bois c h a u d e , puis on termine


par une c o u c h e de vernis transparent , c o m m e il a


été dit c i -dessus .


P e u t - ê t r e , que lques l ec teurs m e reprocheront


d'avoir m ê l é à des observat ions , jusqu'ici p u r e -


ment morales ou é c o n o m i q u e s , ces détails de


s imple t echno log ie : qu'ils veuil lent b ien ne pas


p e r d r e de vue la nécess i té d'éclairer un art nais-


sant en France , et de faire connaître aux fabri-


cants qui l 'exercent des manipulat ions que l'un


d'eux m ê m e m'avait engagé à survei l ler c h e z nos


voisins. E n f i n , dussé - je n'être ut i le à personne .


m o n e x c u s e serait encore dans m e s intent ions ( i ) .




ÉTAIK. 145


ÊTAIN.


BRLT^^f A-MÉTAL, FER-BLASC, PAPIER
MÂCHÉ. PLOMB.


) U S venons d e passer s u c c e s s i v e m e n t e n


prévue les d iverses industries anglaises q u i


gS^s 'ex-ercent sur l e f e r , l 'ac ier , le cuivre ;


m a l g r é 1 Antiquité dé plus ieurs d'entre e l l e s , t o u -
te» net f on t que de awître , p o u r a i u t à d i r e , dans la


Grande - B r e t a g n e , c o m p a r é e < h - l 'exploitat ion d e


1'élaku q u e nous allons e x a m i n e r dans c e c h a p i -


tra* L'apparence b l a n c h e , m é t a l l i q u e , bril lante d u '


minerai d'étain, sou g i sement à la surface de la


terre dans b e a u c o u p de localités , sa grande abon-


dance , sa facile r é d u c t i o n , ses emplo i s mul t ip l i é s ,


J




146 ÉTAIS.


(1.) Du grec Kassiteros, étain.
( 2 ; habitants dé la Cornouaïlle.


tout insp ira , d e b o n n e h e u r e , aux habitants de la


viei l le A l b i o n , l ' idée d'en explo i ter les m i n e s , et


de faire de c e p r é c i e u x métal une des branches le


p lus importantes de leur c o m m e r c e .


S e l o n l e doc teur Lardner , les principales m i -


nes d'étain de la G r a n d e - B r e t a g n e , sont situées


dans les c o m t é s de Gornotiailles et de D e v o n . A


quel le é p o q u e ce méta l devint p o u r ses c o m p a -


triotes l 'objet d'échanges avec les peup le s é t r a n -


g e r s , c'est c e qU'il ne lui est pas poss ib le de


déterminer avec préc i s ion ; « mais certainement


cette é p o q u e est aussi r e c u l é e , dit-il , qu'il serait


intéressant p o u r n o u s de la conna î t re ; car e l le


r e m o n t e , suivant toute apparence , jusqu'à la p é -


r iode la p l u s obscure de notre histoire . » I l est


d* fai* qu' i f técodoie , q a ¿ «brait 4 5 0 ans avant


Jésus-Christ 4 dés igné l es î le» Britanniques sous


le n o m s y m b o l i q u e de Ca&siterides
O n croit g é n é r a l e m e n t q u e las Phétacífeñs ont


été d e s p r e m i e r * , s inon l e s p r e m i e r s coàmner-


çants é l r à n g e r s , q u i soient venus trafiquer avec


les Vornubians (2 ) j attirés par 1 importance de


l eurs produi t s métalliques. L e s P h o c é e n s d j s M a r -




ÉTA1H. 147'


seil le furent les s econds à visiter la C o r n o u a i l l e , et


les pet i tes î les v o i s i n e s , p o u r y acheter de Fétain ;


enf in , l es Romains l'y v iennent prendre à l e u r t o u r ,


après e n atvoir l o n g - t e m p s ignoré le l i eu d e p r o -


duct ion^ que l e s Marseillais et l e s Phénic iens se


gardaient b ien de faire conna î t re , a f i n de s e réser-


ver 1© m o n o p o l e d ' u n e substance aussi r e c h e r -


chée. <•••'•<•'>


Camden prétend^qu'Après la c o n q u ê t e d« F A » -


glaterre par ta» N o r m a n d s j k s c o m t e s d e € o r -


noodi lk i - t i rèrent de leurs • m i n e s u n i m m e n s e


r e v e m i ^ part icul ièrement R i c h a r d , l 'un d e s frères-


du roi Henr i I I I . A ce l te é p o q u e , l 'Europe ne rece -


vant pas encore d'itain de l ' I n d e , employa i t e x c l u -


s ivement ce lu i de Cotuiouai ik . L ' E s p a g n e , i l est


v r a i y « » p o s s é d a i t b ien que lques ï » iné9 , « ia i s ses


guerres perpétue l l e s a v e c l e s Maures en arrêtaient


l 'explo i tat ion, et l e s r i c h e s filons de là B o h ê m e ,


e l ide i la Misnié y <• ne oommencèirent à è t r e i e k p l o i - •


tés qu'eà 1 M £ : JEncorej raconte u n écrivain


dé cet te é p o q u e y fàlb^^ih qu'un 1 êJqrmtôiea


exilé dv son pays , en viqti faire • bec décè&-<


autfrdmi'dommagerelucomte Miàhard..


I l uejttoe dans m o n p ian n i de faire connaî tre


la nature des m i n e s d'étain d'Angleterre ;i n i le m o d e


d e l eur e x p U i t a t i o n j, n i les n o m b r e u x usages MUE*»




148 ETAHf.


quels convient ce méta l . J e ne m'occupera i q u e


île d e u x industr ies qui en l'ont u n e m p l o i s p é c i a l ,


ce l les èn JRritannia-metal, e t d u fer-blanc.
BairAiSMiA-iMETAi,. — J a d i s , o n faisait en


Angleterre u n usage universe l de vases d'étain;


aujourd'hui , c e m é t a t a « é d é la p lace à un alliage


qui offre des: qual i tés p lus so l ides p o u r la durée


et la b e a u t é , q u e l'étain seul qui e n est la base .


Cet a l l i age , c'est l e \Britannia-metal que;.Jes


fabricants m o d e r n e s sou i parvenus a travailler


avec u n art remarquable , laissant b i e n l o i » ; d e r -


rière e u x leurs anc iens confrères les pot iers


d'étain. •


Cette, c o m p o s i t i o n se •. p r ê t e , n o n - s e u l e m e n t à


recevoir toutes les f o r m e s de l 'argenterie f m a i s ,


dans le n e u f , e l le e n offre encore et la te inte et


l'éclat^ d e manière à «tromper m ê m e u n : oeil


e x e r c é . Malhe u r e u s e m e n t , hâtons -nous d e l e d ire ,


c e ! >-,éclat factice t o m b e après q u e l q u e s jours de


service. 1 Cependant>•? comme» il s e sout ient encore


assez l o n g - t e m p s entre d e s mains s o i g n e u s e s , là


m u l t i p l i c i t é , e t l 'élégance des f o r m e s , auquel se


p r ê t e l'alliage n o u v e a u , et surtout, sons%«xbeênie


b o n m a r c h é , en: ont fait adopter l'usage dans


teinte» les classes m o y e n n e s ; si .b ien qu'il est p e u


de m a i s o n s , aujourd'hui , o ù l 'on ne v o i e les flam-


b e a u x et la thé ière de Britannia-metal,




É T A I S . 149


C'est encore à B i r m i n g h a m et a S h e f l ï e l d i q u i l


faut aller é tudier cette, nouve l l e industrie . D è s


1 7 7 0 elle fut introduite sur U n e assez grande


échel le dans la dernière de ces vil les , par


MAL J e s s o p et Hancock . E l le y fournit * de nos


j o n r s , d u travail à 5 0 0 ouvriers e n v i r o n ; m a i s ,


avant de nous étendre sur ses p r o d u i t s , d isons


d'abord c o m m e n t s'en c o m p o s e la matière é l é -


mentaire.


I l entre dans la compos i t ion d u Britanllia-


metal :


Elain fin . . . . . . 1 7 5 k. — » g . "


Ant imoine . . . . . . 1 2 — 5 0


Cuivre rosette . . . . 3 — 6 0


Bronze . . . . . . . 3 — 6 0


L'opération se poursuit ainsi. L'étain e s t , mis


à fondre dans un fort creuset de fonte de f e r ,


et l'on p o r l e i a chaleur jusqu'au rouge : o n ajoute


ensuite l 'ant imoine , pu i s le enivre et le b r o n z e ,


tenus d'avance e n fusion chacun dans son creuset


particulier. L'ouvrier fondeur a soin dé brasser


pendant tout le t e m p s , afin de faciliter la c o m -


binaison des trois m é t a u x . Après avoir s o u t e n u le


feit pendant que lques instants encore , à l'aide


d'une cuil ler de f e r , o n c o u l e en p laques d'en-


viron 3 7 cent imètres de l o n g , sur 1 5 de large


et 2 et demi d épaisseur.




1 5 0 ÉTAIS.


Quelquefo i s aussi, o n . cou le une partie de l'al-


l iage e n p lus pet i t s l ingots pour la confect ion


de p i èces dél icates qui ne sont pas 'pr i ses dans les


l ames . L e s grandes plaques s«nt 'dressées et ré«-


duites e n feuil les c o m m e le cuivre laminé ordi-


naire et l e plaqué., S e u l e m e n t , c o m m e i l est i m -


poss ib le de l eur d o n n e r du recuit, les feuil les


dé Mritannia-metaJ. «ont toujours un p e u ger-


c é e s sur les b o r d s , c e qui e m p ê c h e d e les


é t irer e n largeur . .


B i e n que la plupart des p ièces d'orfèvrerie aient


été imi tées en Ëritannia-metal, l'usagé en paraît


aujourd'hui restreint à la c o n f e c t i o n d e théières ,


de f l a m b e a u x , de po t s à c r è m e e t autres petits


réc ipients , I l se travaille a t rès -peu pi;ès c o m m e


l e p l a q u é , au t o u r , au marteau , à l 'estampe ;


s e u l e m e n t , dans ce dernier c a s , p o u r éviter les


dépenses é n o r m e s de matrices d'acier ,«t é c o -


nomiser les frais d ' invent ion , les, fabricants: pren-


nent ^empre inte e n plâtre d e s p lus jo l ies p ièces


d'orfèvrerie et les m o u l e n t ensuite en fonte de fer


qu'on pol i t à l 'émeri et dont o n re louche le c r e u x


au bur in .


La soudure qui sert à réunir les diverses pièces


d'un o b j e t , est c o m p o s é e de 1 0 0 parties d'étain


et 3 0 de p l o m b . E l l e est l a m i n é e , d é c o u p é e en




É T A I S . 151


petits filets, p o u r qu'el le s'applique e x a c t e m e n t


sur les j o i n t s , pu i s saupoudrée d'un p e u de ré -


sine et mise en fus ion a n souffle d u cha lumeau.


Cette opérat ion est e x t r ê m e m e n t dél icate et r é -


c lame une attention s o u t e n u e , à cause de la f u -


sibilité de l'alliage. C e l t e fusibil ité est te l l e e n


e f fe t , qu'elle égale à p e u près ce l le de la soudure


e l l e -même. Cette e x t r ê m e facilité d u Jïritannici'


metal à entrer e n f u s i o n , d o n n e quelquefo is slieu


dans l e s campagnes à d e s accidents* m o i n s ^graves


, que plaisants : des chaudronniers ambulant s , dé-


nués d ' e x p é r i e n c e , et chargés de réparer des


p ièces de vaisselle c o m p o s é e de cet a l l i a g e , ! en


approchent souvent sans précaut ion leur fer à


. souder , e t voulant r e m é d i e r à .un t rou i m p e r c e p -


t i b l e , e n font u n à passer l e doigt .


Outre les objets ainsi d é c o u p é s dans des feui l les


de Britannia-metal, o n fait encore de ce t te


compos i t ion des mesures de l i q u i d e s , des c u i l -


lers à b o u c h e , des gobe l e t s tie taverne , fondus


d irectement et cou lé s dans d e s m o u l e s , pu i s


pol is sur le tour o u à la main.


Avant d'être finies, tontes les p ièces de Bri-


tannia-metal sont ne t toyées à l'eau c h a u d e et


au savon n o i r , puis e l les subissent p o u r le po l i


d e u x opérat ions success ives . Par la première e l les




1 52 É T A I S .


sont soumises à l ! »ct ion d'une pol issoire en forme


de m e u l e , garnie d'une peau de buffle endui te


de sable fin et d'huile¿ Lorsque des parties ren-


f o n c é e s n e peuvent être atteintes par la pol issoire ,


c e l l e - c i est remplacée par une brosse circulaire


à longs p o i l s , laquel le agit c o m m e elle e n tour -


nant sur u n arbre. On dégraisse ensuite par une


lessive de perlasse; e n f i n , le dernier po l i est


d o n n é a v í e de l'huile et du rouge d'Angleterre


appl iqués à la main ; e t , c e qu'il faut remarquer ,


c'est qu 'on n'a r ien p u substituer jusqu'ici à la


m a i n , et à une main d o u c e encore p o u r celte


opérat ion dél icate. E l le reste d o n c exc lus ivement


conf iée à des f e m m e s ; et si u n e ouvrière veut


être admise dans un atelier d e ce t te e s p è c e , e l le


a b i e n soin de faire valoir au fabricant la d o u -


c e u r de sa main.


Ces dé ta i l s , que j'ai empruntés aux p u b l i c a -


t ions du docteur L a r d n e r , né s e r o n t pas inut i l e s ,


j e c r o i s , à nos fabricants d'un pré tendu métal


d Alger ; l eque l n'est autre chose qu'un mauvais


alliage d 'é ta in , de p l o m b et d'un p e u d'antimoine


o u de b i smuth : le publ i c français avait d'abord


paru voulo ir faire u n usage assez é tendu de ce


m é t a l , mais dégoûté b ientôt par sa mauvaise


qua l i t é , il a p r o m p t e m e n t r e n o n c é à son emploi ,




É T A I S . 153


Q u e de nouveaux fabricants veui l lent cependant


. a p p o r t e r a sa c o m p o s i t i o n et à sa mise en oeuvre


tout l e soin nécessaire , et j e ne doute po in t qu'ils


ne finissent par en faire u n produit r echerché et


avantageux. .-.••>


FERr-BlASC — U n e chose d i g n e de remarque ,


c'est que les Angla i s , maitres des p lus be l les m i n e s


d é t a i n du m o n d e , de t e m p s i m m é m o r i a l en p o s -


session d u c o m m e r c e exc lus i f de c e m é t a l , établis


sur u n so l f é c o n d en minerai 1 d e * f e r , oiit é t é ,


comparativement. , très-tardifs dans la fabrication


des fers-blancs. Ce n'est qu'en 1 6 7 0 qu'une c o m -


pagnie envoya e n S a x e , à ses f r a i s , un habi le


ouvrier n o m m é A n d r e w Y a r r e n t o n , chargé d'é-


tudier l e s procédés iusités dans ce p a y s p ô t i r


l 'étamage..du fer en feui l les . Sa miss ion a c c o m -


p l i e , Yarrenton revint en A n g l e t e r r e , amenant


avec lui p lus ieurs ouvriers A l l emands , qui lui ai-


dèrent à fabriquer les premiers fers-blancs- a n -


glais. Celte nouve l le fabrication resta q u e l q u e


t e m p s s tat ionnairè , p u i s , en 1 7 2 0 $ fut fondée


dans le Monmouthsh ire , sur une t r è s - g r a n d e


é c h e l l e , la manufacture de P o n t y p o o l , qui fa-


briqua avec succès des quantités notables de


fers-blancs . E n f i n , vers la fin du siècle dernier ,


l ' invention des tôles étirées au l a m i n o i r , ayant




154 ÉTAIK.


d o n n é une vive i m p u l s i o n à ce l te ut i le i n d u s t r i e ,


près d e chaque us ine à fer u n p e u i m p o r t a n t e ,


s'éleva , p o u r ainsi dire • u n e manufacture de


fer-blanc.


L e s Français ont attendu b ien plus l o n g - t e m p s


e n c o r e q u e l e s A n g l a i s , à. s 'approprier la fabri -


cat ion des fors-blancs. Malgré les efforts de CeIbert.


q u i , p o u r e n doter s o n p a y s , fit (venir des ou-


, vriers d 'A l l emagne , l e s fabriques de Chenesey e n


Franche -Comté et de B e a u m o n t - l a - F e r r i è r e e n


N i v e r n a i s , fondées sous l e s auspices de c e grand


m i n i s t r e , s u c c o m b è r e n t bientôt faute de connai s -


sances spéciales de la part des directeurs . U n e


autre f erb lanter i e , é l evée vers17SfcO à S t r a s b o u r g ,


n'obtint pas u n , s u c c è s p lus bril lant. P lus tard , à


Mansvaux e u A l s a c e , vers 1 7 2 6 , et que lques a n -


n é e s après à Bains e n Lorraine , ( 1 ) furent élevées


d e u x nouve l l e s manufactures de fer-blanc q u i eu-


rent u n e chance p lus heureuse q u e l eurs aînées;


néanmoins , , malgré d'autres essais encore , tentés


à M o r a m b e r e n l ' r a n c h e - C o m t é et aux portes


m ê m e s de N e v e r s , la France n'a pendant l o n g u e s


(1) Celte fabrique, aujourd'hui sous la direction de
Ml Joseph Falatieu, fournit d'assez beaux fers-blancs
brillants.




IÏTAIN. 1 5 5


années fabriqué que des f e r s - b l a n c s ternes . D e p u i s


vingt ans e n v i r o n , seu lement MM.Mert ian frères ,


de Montataire ( département de l'Oise ) , ont


fourni des produi ts d'une qualité vraiment b o n n e ;


enfin,, c e n'est que depuis b i en m o i n s de t e m p s


« n c o r e que la Soc ié té A n o n y m e des cuivres et


fers laminés d ' Impby ( N i è v r e ) , a p u l ivrer au


c o m m e r c e des fers -b lancs p o l i s , laissant p e u à


désirer. 11 faut donc, regarder désormais cet te . in-


dustrie: c o m m e déf init ivement acquise à ta France ,


et la marche progress ive qu'e l le suit dénote qu'elle


mérite de conserver que lque t e m p s encore la p r o -


tect ion dont e l l e joui t par u n droit de 7 7 fr.


d'entrée sur les fers -b lancs étrangers . R e m a r -


q u o n s C e p e n d a n t q u e ce droit équivalant à e n -


viron 5 0 p o u r cent d e la vaieivr d e s fers -b lancs


d e première q u a l i t é , e t à près d e 1 0 0 p o u r cent


s u r l e s qualités in fér i eures , devra baisser gradue l -


l e m e n t ^ car i l nuit cons idérablement à l ' e x p o r -


tation e t a l a consommat ion intér ieure des p r o -


duits d e la ferblanterie p o u r Lesquels n o u s n'a-


vons point d'égaux. N u l l e part dans l e m o n d e o n


n'a su approprier l e fer-blanc à autant d'usages


q u ' e n France : c e s l a m p e s , ces cafet ières , ce s pla-


t e a u x , , ces vases d e toutes f o r m e s , d e tous m o -


d è l e s , qui occupent tant d'ouvriers p l a n e u r s , e s -




t56 ÉTAIS.


tarapeurs , d é c o r a t e u r s , e t c . , n e se fabriquent


qu'à Paris. ' ' ;


Les Anglais n'emploient guère le fer-b lanc qu'à


l'état n a t u r e l , et - l'on né voit pomi; dans leurs


m é n a g e s ces mi l l e pet i t s objets de fer-blanc ver-


nissés qui remplissent nos maisons et se prêtent


à tous les usages . S i nos ferblant iers - lampis tes ,


surtout , pouva ien t se faire oc troyer le fer-blanc


à mei l l eur m a r c h é , j e ne d o u t é pas qu'i l-ne leur


devint facile de faire admettre leurs produi ts e n


Angleterre en y introduisant en m ê m e temps la


m o d e des lampes astrales , s i n o m b r e s , e t c . , qui


n'y sont guère c o n n u e s qu 'except ionne l l ement :


car dans la plupart des m a i s o n s , m ê m e des mai-


sons' r iches ^ o n ne voit brûler dans les salons que


de la chandel le ordinaire.


PAPIER MÂCHÉ. — Quant a u x plateaux de ser-


v ie s , porte-caraf fe , por te -mouchet teSjécr i fó irés ,


g u é r i d o n s , etc . , l e s Anglais les font en' ce t te e s -


p è c e de carton v e r n i s s é , c o n n u sons le n o m de


papier m â c h é et qu'on n'emploie p lus guère e n


France que sous forme de tabatière. J e r e -


grette qu'il e n soit ainsi : il est p e u de matière


qui se prête avec autant de doci l i té à la confec-


t ion d'une foule d'objets c o m m o d e s , légers et so-


lides à la fois .




ÉTAI3Í. 157


(1) Voir appendice J.


11 existe à B irmingham une fabrique de papier


mâché qui o c c u p e u n grand n o m b r e d'ouvriers.


Je l'ai visitée avec u n vif intérêt et n'ai p u m'em-


pêcher d'admirer ses magnif iques produi ts c o u -


verts d'un vern i s - laque-de-Chine fort b e a u , i n -


crustés de nacre et décorés avec p lus de goût que


je ne m'y serais attendu de la part de pe intres


anglais. C o m m e il ne faut r ien o m e t t r e , c e p e n -


dant , j e dirai que si ces objets ne laissent a b s o -


lument r ien à désirer p o u r la b o n n e c o n f e c t i o n ,


ils sont d'un prix é l e v é , et dès lors peu accessibles


aux fortunes m o y e n n e s .


PLOMB. — J^e p l o m b ne nous offre que lque i n -


térêt que sous le rapport de son extract ion hors


de la m i n e , et de sa nature c o m m e matière p r e -


mière . J e ne m'arrêterai po int à décrire les p r o -


duits qui en dér ivent ; n o s p l o m b i e r s français


étant les p lus habiles du m o n d e , ce que j 'en pour-


rais dire serait dénué de tout intérêt. Quant a u x


détails statistiques qui concernent c e métal dans


la G r a n d e - B r e t a g n e , o n voudra b i e n les c h e r -


cher à l 'appendice ( 1 ) .






FIXlTl'ItES ET TISSUS. 159


EIXATURES ET TISSUS.


PREuUÈRf i SIVI8Í0N — GOTOPf.


« Ici l'habit fait valoir l'homme. »


PPRÈS к i w u r r i t u r e , le b e s o i n l e plus i m ­
| | p é r i e u x p o u r l 'homme e s t , sana йопШ-
V&äA; l'abri e t le v ê t e m e n t f a u t e desque l s


i l n e pourrait e n d u r e r , sans périr 1 , l é* r igueurs
de» saisons e t des c l imats divers . Ий ! terre», «réëe<
p o u r lui y #'est réeneiftent habitable sous toutes
l e * ц е ж ж , à toutes l è s t e m p é r a t u r e s , q u a ik
c o n d i t a » iptu s e r a ^ р е * e» p r é W y ^ n é è y g á r t » t t :
d s l'ex t r a m e fröid о о т ю е dë ^ e x t r e m e cha leur .




160 FI1ATJJHES E T TISSUS.


En. refusant à l ' h o m m e .une peau f o u r r é e , p r o -


tec t ion naturel le de la bête , la prov idence lui


donna la raison , e t , par e l l e , la faculté de p o u r -


voir à tous s e s . b e s o i n s ^ à f a i d e ? d e la, Réf lexion


et d u travail ; a u s s i , de m ê m e que l'art de la


c h a s s e , de la p ê c h e , de la culture des t e r r e s ,


se perdra dans la nuit d e s s iècles l'art de c o n -


fec t ionner d e s t i s s u s , des vê tements ; et sitôt


q u e la tradit ion écrite nous permettra de lire


dans l e passé, n o u s verrons p$iadr*Va*^*ft toutes


l es autres i n d u s t r i e s , ce l le de filer la l a i n e , le


l i n , de les former e n t i ssus , ainsi que toute subs-


tance f i b r e u s a p R o d u k e par la nature sous une


forme t e n u e , souple et dé l iée . C'est surtout à


la f e m m e , que n o u s - v e r r o n s d'abord et presque


exc lus ivement c e s fonct ions abandonnées . P e n -


dant que l ' h o m m e , p lus ardent et p lus f o r t , se


l i v r e r a , auidehors,;, a u x rudes travaux de la p ê -


che. , de la. chasse «M^d^la -^*erre,j-,l»'...femme,
47f!ft»»i&t9r#b'ipejll Jtmwtow» dej inçeurs p lus
do.uce£ , ;plute ca^njères,* rest^i-a, au l o g i * i pré-j :


parera ,ày-l'homme ses ;alimeflfë, e t lui tissera ses


habite. Çh^z tQus, ile$ p e u p l e s primitifs jénfu»,


ht[ lance sera l ' emblème dà sesxe. ; fort , l a q u e -


UftftUle; ce lu i de la faiblesse e t de lia f e m m e ; '


1 4 sauvage le p l u s barbare 4e couvre i d é la




FU.VirRES ET TISSUS. 161


peau des animaux qu'il a tués dans les f o r ê t s ;


qu'il fasse u n pas vers un état m o i n s voisin de


la n a t u r e , e t , de s u i t e , il ajoute à ces fourrures


des étoffes l issues de ses mains ( 1 ) . Le fait est


c o n s t a n t , p lus les p e u p l e s sont avancés en civi-


l i sat ion, p lus ils attachent d' importance à leurs


v ê t e m e n t s , et plus ils apportent de so ins à leur


confect ion. L e s premiers p e u p l e s c o m m e r ç a n t s


d u monde' , par conséquent les premiers p o l i c é s ,


les P h é n i c i e n s , furent cé lèbres p o u r leurs fa-


br iques de t i s sus , et la pourpre de T v r , trois


fois t e i n t e , eut l o n g - t e m p s le pr iv i lège de vêtir


les chefs des nat ions . C a r , ce n'est p lus un ique-


ment à être couvert que l 'homme civilisé a sp ire ,


il veut aussi des vê tements f ins , m o e l l e u x , r i ches ,


é l égant s , qui ne couvrent pas le c o r p s s e u l e m e n t ,


mais qui ajoutent à la g r â c e , à la noblesse des


formes . Pour la f e m m e , la parure dev ien t , dans


toutes les condi t ions , u n b e s o i n i m p é r i e u x .


Plaire est son lot : par un habi le art i f ice , e l le


(1) En débarquant dans tes Antilles et sur le conti-
nent américain, Christophe-Colomb remarqua que les
indigènes portaient des vêtements de coton, et se ser-
vaient de celte même substance pour en lisser leurs
filets de pêche.




162 F U A T U B E S E T T I S S U S .


Jaura doue faire valoir ses attraits , diss imuler


ses i m p e r f e c t i o n s , et réparer avec adresse les


outrages des années .


Ce n'est pas tout encore ; le cos tume marquera


les rangs et les castes ; il s e r a , e n que lque sorte ,


la cocarde d'une n a t i o n , et la fera trancher sur


les autres ; les dist inct ions sociales seront f ixées


par l u i ; t o u t - à - l ' h e u r e , i l a serv i la c o q u e t t e r i e ,


maintenant c'est h la vanité qu'il vient e n aide ; i l


sera à la fo is la mesure de l 'autorité , l e s igne de


la d igni té et de la p u i s s a n c e , l 'enseigne des fonc-


t ions , et b i e n qu'à tort dans la plupart des c a s ,


la preuve s u p p o s é e d u mér i te .


Etre couvert est un beso in ; p l a i r e , inspirer


le r e s p e c t , i m p o s e r à ses s e m b l a b l e s , paraître


p lus qu'on est r é e l l e m e n t , une p a s s i o n : ne soyons


d o n c pas surpris que l 'homme ait si souvent


sacrifié à l 'hab i t , puisque ce lu i -c i satisfaisait


à la fois u n e pass ion et u n b e s o i n . Dos de ve-


lours et ventre de son, v i e u x proverbe et


v ie i l le vér i t é , qui nous p r o u v e toujours que beau-


c o u p de gens font taire leurs nécess i tés vérita-


b l e s , p o u r céder a u x faux beso ins d'une sotte


vanité. H e u r e u x e n c o r e si ce t te apparence dorée


n'est po in t i m p o s é e au pauvre hère par c e tyran


mul t ip le des t e m p s m o d e r n e s , qu'on appel le éti-


quette, convenances sociales.




FILATUBES E T T I S S U S . i 63


Au résumé d o n c , avoir tin habit est u n b e -


soin p o u r l ' h o m m e , avoir tin bel habit son


ambit ion de tous les instants ; à c e doub le t i t r e ,


l'esprit i n g é n i e u x et invent i f q u i , p o u r n o u s vê-


tir , aura perfec t ionné l'art de confec t ionner des


étoffes s imples o u r i c h e s , chaudes o u l égères ,


précieuses et c o m m o d e s , unies et à b o n m a r -


ché , p o u r tous l e s r a n g s , tous les g o û t s , toutes


l es sa i sons , toutes l e s f o r t u n e s , cet esprit - là


aura acquis des droits incontestables à notre r e -


connaissance. Or d o n c , et par u n e c o n s é q u e n c e


r igoureuse , h o m m a g e aux Anglais .' E n élevant


au p lus haut degré de perfec t ion toutes l es i n -


dustries t e x t i l e s , ils ont m é n a g é notre s a n t é ,


augmenté notre b i e n - ê t r e , mult ip l ié n o s j o u i s -


sances ; qu'ils e n soient glorif iés .


Dans u n précédent c h a p i t r e , j'ai décrit u n e


de ces manufactures anglaises o ù l'on file, où.


l'on tisse le duvet d u c o t o n et la l a ine ; j e ne


reviendrai pas sur cette partie de m o n travai l :


je v e u x maintenant n e m'occuper que des p r o -


duits de ces vastes u s i n e s , et l e s c o m p a r e r aux


produits s imilaires de la France .


O n a l o n g - t e m p s disputé sur le pr inc ipe de la


l iberté i l l imitée d u c o m m e r c é , sur ce lui de la


protec t ion des industries nationales par d e s t a -




164 FILATURES ET T I S S U S .


rifs restrictifs de douane . Sans m e p r o n o n c e r


d'une manière absolue p o u r l'un o u l'autre de


ces s y s t è m e s , j e dirai que tous les d e u x ont l eur


b o n et l eur mauvais cô té . U n e pro tec t ion outrée


et déraisonnable ô te tout st imulant aux industries


pro tégées , e l le laisse l es fabricants s'accroupir


dans une honteuse apath ie , e l le crée p o u r e u x le


m o n o p o l e , et s o u v e n t , sans les e n r i c h i r , appau-


vrit un pays . La l iberté d u c o m m e r c e , à son t o u r ,


lorsqu'el le ex is te sans l imite et sans f r e i n , amène


la c o n c u r r e n c e a n a r c h i q u e , la ruine des i n d u s -


tr ie l s , et la misère des ouvriers . C'est à ne donner


la l iberté commerc ia le qu'à juste d o s e , c'est à


n'établir qu'une protec t ion é q u i t a b l e , s a g e , ra-


t ionnel le , qu'un b o n g o u v e r n e m e n t doit mettre


tous ses soins . Protéger u n e industrie naissante et


qu i p r o m e t , dans l 'avenir , de fructueux d é v e -


l o p p e m e n t s , voilà la sagesse ; d iminuer graduel-


l ement cette p r o t e c t i o n , la rég ler sur une juste


appréciat ion des contrées et des c i rcons tances ,


abandonner à e l l e s -mêmes les industries vivaces


o u ce l l e s que le sol repousse et m a u d i t , voilà


la sagesse e n c o r e . Mais la pro tec t ion la p lus effi-


cace , ce l le qui n'excite po int de j a l o u s i e , qui


favorise éga lement toutes l es indus tr i e s , n'en ré-


pr ime aucune a u x d é p e n s d'une autre , c'est ce l le




FILATURES E T T I S S U S . 165


qui ouvre des vo ies faciles et n o m b r e u s e s de


c o m m u n i c a t i o n , ce l le qui ne f e r m e ses por te s à


aucune des matières p r e m i è r e s , sources p u i s -


santes de toute product ion , cel le surtout qui


accepte de toutes mains le fer et la h o u i l l e , c e


double poids m o t e u r de tout le mécan i sme i n -


dustriel n o u v e a u , créé par la vapeur.


Revenant maintenant à la pro tec t ion restric-


tive par la voie des tar i f s , j e ferai observer qu'au


m o m e n t o ù le système pro lec teur favorisai t , en


A n g l e t e r r e , la fabrication des fers et des d r a p s ,


la fabrication du c o t o n , grâce aux invent ions des


Hargreaves , des W a l t , des (Jartwright et des


(Jrompton se développait en dépit de la p r o t e c -


tion accordée aux étoffes de laine qui la repous-


saient , e l l e , et lui faisaient v io lence ; b i e n m i e u x ,


dans sa marche p r o g r e s s i v e , elle entraînait avec


soi sa rivale j a l o u s e , e f frayée , la faisait généreu-


sement participer à chacun de ses succès . T a n t


il vrai qu'en industrie c o m m e e n pol i t ique ,


c o m m e dans toutes les sc iences incertaines de


l ' h o m m e , il n'est point de principe absolu : adop-


tez-en u n , tenez-y l og iquement et r igoureuse -


m e n t , il vous m è n e à l 'absurde. E n industrie


s u r t o u t , évitons les mesures e x t r ê m e s , craignons


les changements b r u s q u e s , par lesquels l es crises




166 FILATURES ET T I S S U S .


sont enfantées ; m a r c h o n s à pas c o m p t é s , l 'œi l ou-


v e r t , l'oreille au g u e t , c o m m e une reconnaissance


sur un terrain ennemi; ainsi l'on fait p e u de fautes ,


ainsi l 'on n'est pas surpris.


I l paraît démontré que c'est dans l 'Inde qu'ont


ex i s té l es premières fabriques d'étoffes de coton ,


et que , malgré la grossièreté de leurs i n s t r u -


m e n t s , grâce à u n e rare perfect ion d 'organe , à


u n e pat ience à toute épreuve dans tous les genres


de travaux qui n 'exigent pas le dép lo iement d'une


grande activité p h y s i q u e , les H i n d o u s portèrent


fort lo in l'art de filer et de tisser le c o t o n . Ce


n'est m ê m e que très - tard , en E u r o p e , qu'après


des essais m u l t i p l i é s , à force de génie et à l'aide


des p lus merve i l l euses m a c h i n e s , l es Anglais sont


arrivés pas à pas à égaler l 'Inde dans la fabr i -


cat ion des j a k o n a s , des g u i n g h a m s , des g u i n é e s ,


des m o u s s e l i n e s , et de toutes ces étoffes p r é -


cieuses qu i conservent encore parmi nous le n o m


qu'elles reçurent au l i eu de l eur or ig ine .


Ce f u t , c r o i t - o n , de 9 1 2 à 9 6 0 que la fabri-


cat ion d u c o t o n fut introdui te , p o u r la première


f o i s , e n E u r o p e , par l e s Maures d 'Espagne , sous


l e règne d'Abdérame I I I , s u r n o m m é le Grand.


Ces p e u p l e s industr ieux cult ivèrent à la fois dans


les ferti les plaines de V a l e n c e , le c o t o n , la canne




FILATURES E T T I S S U S . 167


a sucre et le r i z , e n m ê m e t e m p s qu'ils y é l e -


vaient le ver-à-soie , et qu'ils fondaient à C o r d o u e ,


à Sévi l le , à G r e n a d e , de puissantes manufactures .


Mais tant de richesses disparurent avec les M a u -


res , sous leurs conquérants dégénérés .


' L e s arts importés d'Arabie en Espagne ne se


répandirent point dans le reste de l ' E u r o p e , et


les savantes recherches de M. E d w a r d Ba ines


n'ont p u lui faire découvrir de traces dé la f a -


brication d u c o t o n dans d'autres parties de l ' E u -


r o p e , antér ieurement au X I V . ' s iècle. C'était e n


I ta l i e , dans la Souabe et dans la S a x e , que se


fabriquaient une grande quantité de futaines e x -


portées ensuite dans les autres états européens .


P lus l a r d , ces fabriques s'étendirent en Flandres ,


en H o l l a n d e , et à Bruges et à G a n d , dans les


P a y s - B a s , pu i s e n f i n , e n T u r q u i e . Ce n'est d o n c


qu'après avoir ain.-i f a i t , à p r o p r e m e n t p a r l e r ,


le tour de l ' E u r o p e , q u e , fort t a r d , l es fabriques


de c o t o n ont pris p i e d en A n g l e t e r r e , mais p o u r


y surpasser b i e n t ô t , par une suite n o n i n t e r r o m -


pue de mervei l leuses inventions , tout ce qui


s'était fait autre part .


La bal le de laine sur laquel le s i ège depui s


l 'origine du par lement le Chancel ier d'Angleterre ,


présidant la chambre des L o r d s , p r o u v e qu 'à u n e




168 FILATURES ET TISSUS.


(1) En faut-il d'autre preuve que la pièce suivante:


PÉTITION DES HABITANTS DU BENGALE , HKLATIVEKENT AUX


DROITS SUR LE COTON ET LA SOIE.


Calcutta, l . c ' septembre 1831.


« Aux justes et honorables Lords, membres du con-
seil privé de SA MAJESTÉ , pour le commerce, etc


» L'humble pétition tjps manufacturiers et coromer-


é p o q u e fort recu lée les Anglais faisaient reposer


l eur prospér i té commerc ia l e sur leurs fabriques


d'étoffes de laine et de draps. C'était une opin ion


si b i e n e n r a c i n é e , qu'à la f in d u X V I I I . ' s ièc le


tous les écrivains pol i t iques de la G r a n d e - B r e -


tagne élevaient la vo ix contre les i m m e n s e s i m -


portat ions des tissus d e ( l ' I n d e , et demandaient à


grands cris la prohib i t ion de ces marchandi se s ,


o u d u m o i n s un droit d'entrée fort é l evé , si l'on


voulait sauver d'une ruine imminente les m a n u -


factures de draps.


L'Angleterre tremblait alors devant les p r o -


duits envahisseurs de l ' Indouslan: aujourd'hui les


rô les sont c h a n g é s , l e s manufactures anglaises


met t en t annuel lement en oeuvre 1 2 0 miUions de


k i logrammes de c o t o n , et l 'Inde t remble à son


tour ( 1 ) .




FILATUBES E T T1SSCS. 169


Par suite de ces étourdissantes c l a m e u r s , des


lois plus o u m o i n s prohibi t ives des tissus de c o t o n s


étrangers , furent success ivement oc troyés a u x


personnes intéressées à la fabrication des draps et


çants en colon et cet soie du Bengale soussignés, dé-
montre :


a Que depuis quelques années les pétitionnaires ont
vu leurs affaires pour ainsi dire suspendues par l'intro-
duction au Bengale des étoffes fabriquées en Angleterre,
desquelles l'importation va croissant chaque année ;


» Que les marchandises de fabriques anglaises sont
consommées au Bengale , franches de tout droit qui pro-
tège les fabriques indigènes ;


» Que les marchandises du Bengale, au contraire,
supportent en Angleterre les droits suivants:


Sur les cotons ouvrés, 10 pour cent.
Sur les soies ouvrées , 24 pour cent.


» Les pétitionnaires supplient vos seigneuries de
prendre ces faits en considération ; et ils pensent qu'au-
cune disposition n'existe pour fermer les portes de la
Grande-Bretagne aux produits de ce vaste empire.


» Us espèrent donc être admis aux privilèges de tous
les sujets de l'empire britannique , et prient instam-
ment vos seigneuries d'admettre en Angleterre les mar-
chandises du Bengale, libres de tout droit, ou du moins
au même droit que les marchandises anglaise» sont ad-
mises dans l'Inde,




1 7 0 FIIATUHSS ET TISSUS.


» Vos seigneuries n'ignorent pas les immenses avan-
tages que possèdent les fabricants anglais dans leur gé-
nie à construire et à inventer des machines qui les met-
tent à môme de vaincre les ignorants fabricants du
Bengale sur leurs propres marchés: et bien, que les
pétitionnaires n'espèrent pas tirer grand profit de l'octroi
de leur demande , leurs cœurs seront reconnaissants de
la bienveillante manifestation de vos seigneuries en leur
faveur; et un pareil acte de justice envers les habilants
de 1 Inde ne peut manquer de les attacher plus forte-
ment au gouvernement de Sa Majesté Britannique.


» Les pétitionnaires espèrent donc avec confiance que
la juste sollicitude de vos seigneuries s'étendra jusqu'à
eux comme sujets anglais, sans exception de secte ,
de pays ou de couleur.


» Et les pétitionnaires , fidèles et loyaux, prieront
toujours. »


(Suivent 117 signatures de notables habitants du
Bengale.)


Cette juste requCte, qui n'a point obtenu satisfac-
tion, nous montre ici comment les Anglais enten-
dent la liberté du commerce lorsqu'elle contrarie leurs
intérêts, Le tableau suivant nous aidera à voir cepen-


à la product ion d e s laines. C'est d'abord à l'abri


de ces tarifs protec teurs de la d r a p e r i e , que se


formèrent et q u e s'élevèrent p e u à p e u les pre-


mières fabriques de co tonnades angla ises , étoffes




F I L A T U B E S E T T I S S U S . 171


liant jusqu'à quel point les fabricants de l'Inde avaient
réellement le droit d'exprimer leur crainle sur l'insufli­
sance de la réduction ou même de la suppression totale
des droits pour rétablir l'équilibre entre les produits du
Bengale et ceux de l'Angleterre.


ET AT comparatif des prix de revient des cotons files,
Anglais et Indiens, en 1830.


FILÉS ANGLAIS. n i es Indiens.


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On remarquera dans ce tableau que le prix de la ma­
tière première est tout en faveur du Bengale. Les fi­
leuses de ce pays ne gagnent qu'environ 2 pence (20 c.)
par jour; les ouvriers anglais aidé de machines, ga­


grossières dont la chaîne était e n fil de chanvre
o u de l i n , et qui avaient à lutter contre les a n ­
ciennes et florissantes fabriques de d r a p s , de l inge
et de soierie .




172 FILATURES ET T I S S U S .


gnent, ternie moyen , 1 sh. 8 pence (1 f. 65 c.) , et pour-
tant le bon marché est du côté de l'Angleterre: Que faut-
il de plus pour démontrer les avantages de l'industrie
perfectionnée ?


Jusqu'à l ' invention des mach ines à filer, la


nouvel le industrie se traîna terre à t e r r e , se c o n -


tentant de p r o d u i r e que lques futa ines , s iamoises


et autres étoffes c o m m u n e s p o u r d o u b l u r e , aussi


hors d'état de disputer à l'Fiide la palme sur les


mousse l ines et les cal icots l i n s , que les brasse -


ries de L o n d r e s de lutter de produi ts avec les


v ignobles de la France ou du Portugal .


Les admirables découvertes d'Arkwright , d'Har-


greaves et de C r o m p t o n , changèrent eu p e u de


t e m p s la face des choses . A r k w r i g h t et ses asso-


ciés c o m m e n c è r e n t e n 1 7 7 3 à fabriquer de gros


c a l i c o t s ; p e u après cette fabrication s'étendit et


se centralisa quelques années à Blackburn ( comté


de Lancas tre ) , et dans les environs de Burnley


et de Colne ( c o m t é d 'York) . E n 1 7 8 0 quelques


essais in fructueux de fabriquer des mousse l ine s ,


furent tentés à G l a s g o w et dans le Lancashire .


L e s machines d'Arkwright et d'Hargreaves ne


fournissaient po int e n c o r e de chaînes assez par-


fa i te s ; mais en 1 7 8 5 , lorsque Samuel C r o m p -




FILATURES ET T I S S U S . 173


(1) Le service rendu par Cromplon à {industrie
européenne est trop remarquable pour qu'on ne me sacbe
pas gré de donner ici une courte notice sur la vie de
cet homme intéressant, trop peu connu en France.


Selon M. Kennedy , auteur d'un curieux mémoire sur
la vie de Crompton, celui-ci naquit en 1753. Il vivait
à Hall-in-lhc-Wood, près Bolton , et y exerçait en 1774 ,
l'état de tisserand , lorsqu'il commença à travailler à son
invention, laquelle lui coûta cinq années d'essais et de
travaux. « A la fin de 1780,dit Crompton lui-même,
»; un an après avoir terminé ma machine, je me trou-
» vais dans la nécessité de la détruire ou de la rendre
» publique, ne pouvant plus la garder ni la faire fonc-
» tionner en secret ; la détruire était au-dessus de mes
» forces, après avoir pendant quatre ans ut demi consacré
» à ce seul but tout ce que mes travaux ordinaires . me
» laissaient de temps, d'économies et de puissance in-
» tellectuelle; ainsi donc, détruire ma machine, je ne
» le pouvais. » N'ayant aucunes vues ambitieuses, il
ne prit point de brevet pour s'assurer les profits de son
invention; il ne regrettait qu'une chose, c'était que la
curiosité publique ne lui permit pas, comme il le dit
encore , de jouir de sa petite invention dans son gre-


ton (1) eut inventé sa m u l e - j e n n y , les manufac-


tures anglaises ne s'arrêtèrent p ins dans l eur


marche progress ive . 5 0 0 mil le p ièces de m o u s -


seline furent fabriquées dans la seule année de




1 7 4 FILATURES E T T I S S U S .


1 7 8 7 , à B o l t o n , à G l a s g o w , à Pais ley. Chaque


local ité adopta le genre de fabrication l e p lus en


rapport avec ses produi t s antér ieurs , et maintint


de la sorte sa supériorité dans des produi ts


nier, et de retirer paisiblement, par le travail de ses
mains , le fruit de sa persévérance et de son génie.
Ainsi la mule-jcnny tomba immédiatement dans le do-
maine publ ic , et fit la fortune d'un grand nombre de
manufacturiers , pendant que l'inventeur lui-même restait
dans son humble condition.


Vers 1802, MM. G.-A. Lee et Kennedy ouvrirent en
sa faveur une souscription qui lui procura un ca-
pital de 500 1. s. (12,500 f . ) , à l'aide duquel il put ac-
croître son petit atelier de filature et de tissage. Sa femme
mourut fort jeune et le laissa veuf chargé d'enfants en
bas âge. Son unique fille, l'atnée de la famille, tint
alors le ménage et prit soin du petit cot tage, King-
Street, à Bolton, où elle vit encore retirée et où elle
eut la douleur de fermer, plus t a r d , les yeux de son
père.


Crompton, en sa qualité de t isserand, fit construire
à différentes époques, plusieurs métiers fort curieux
pour la fabrication des étoffes de fantaisie, c l , grâce à
ses habitudes d'ordre et d'économie, il vécut quelque
temps dans une assez douce aisance.


En 1 8 1 2 , malgré l'exiguité de ses ressources , il
visita tous les districts manufacturiers des trois royau-




F1LATUBES ET T I S S U S . 175


mes unis , et fit le relevé des broches en activité d'après
son système. Le nombre s'en élevait dès lors à 4 ou 5
millions : aujourd'hui il dépasse 8 millions. Arrivé de
sa tournée , Crompton exposa le résultat de ses obser-
vations à MM. Kennedy et Lee , leur exprimant le désir
que le parlement fît quelque chose pour lui. Muni de
ces renseignements , M. L e e , en partisan zélé du génie
malheureux , s'aboucha avec un M. George Duckworth,
de Manchester, qui prit aussi lui Un vif intérêt à l'in-
venteur de la mule-jenny, et s'offrit de rédiger en sa fa-
veur un mémoire au Parlement. Les fabricants anglais
qui devaient tant à la découverte du pauvre tisserand
de Bol ton, s'empressèrent de signer ce mémoire. Cromp-
ton l'emporta à Londres , où il obtint une entrevue avec
l'un des représentants du comté de Lancastre. Peu
de temps ap rès , le parlement lui vota un don national
de 5,000 1. s. (125,000 fr).


En possession de celte nouvelle fortune, Samuel
Crompton songea d'abord à fonder , pour ses fils, un
établissement de blanchiment; mais l'instabilité des af-
faires à cette époque, l'inexpérience et la mauvaise ad-
ministration des jeunes g e n s , un mal-entendu et le pro -
cès qui en fut la suite avec le propriétaire du fonds,


spéc iaux . L'heure de la d é c h é a n c e de l 'Inde était


sonnée , l'ère de l'industrie m o d e r n e c o m m e n ç a i t .


Mais la fabrique de c o l o n avait d e n o u -


vel les entraves à briser . E n 1 7 2 1 , u n e lo i




i 7 6 FIJ.ATCBES ET T I S S t ' S .


firent bientôt tomber l'entreprise. Ses fils se dispersèrent
alors et le laissèrent seul avec leur sœur , réduit à un état
voisin de la misère.


Toujours dévoué à ses intérêts, en 1824, M. Ken-
nedy , de concert avec quelques fabricants de Boltori et
de Manchester, ouvrit, en faveur de Crompton, une nou-
velle souscription dont le capital servit à lui assurer une
rente viagère de 63 1. s. (1,575 f.) Plusieurs filateurs
français et suisses, pénétrés du mérite de Crompton et
touchés de ses malheurs , concoururent à remplir cette
souscription dont il ne put jouir long-temps , étant mort
deux ans après, le 26 janvier 1827, laissant dans la
pauvreté, sa fille bien aimée, sa chère et fidèle com-
pagne.


vint défendre l'usage des toiles de co ton i m -


pr imées . L e s établ issements p o u r l ' impression


des c a l i c o t s , qui c o m m e n ç a i e n t à se f o r m e r ,


furent réduits à impr imer sur toi le de fil ; car la


m o d e voulait à tout pr ix de cet article nouveau.


H e r c u l e e n f a n t , étouffait de ses mains nais -


santes les serpents envoyés par la haine p o u r


l'étouffer l u i - m ê m e : il y avait dans l'industrie


cotonnière une puissance de vie qui défiait tous


les obstacles ; s e u l e m e n t , loin de détruire les


industries qui lui suscitaient ces o b s t a c l e s , el le


devait les entraîner avec el le dans le progrès et




F I L A T U R E S E T T I S S U S . 177


(2) Voir appendice K.


L


les enrichir- de sa fortune . P e u à p e u e l le avait


pris par toute la Grande-Bretagne un d é v e l o p p e -


ment si énerg ique pendant les vingt années de


paix qui se succédèrent de 1 7 2 0 à 1 7 4 0 , qu' i l


n'était p lus poss ible d'en arrêter l 'essor; e l le s'an-


nonçait déjà l'industrie souveraine qui devait se


subordonner toutes les autres , lorsque arriverait


l'ère des invent ions d ' A r k w r i g h t , de C r o m p l o n ,


de W a t t , de C a r t w r i g h t , e tc . (1 ) C e p e n d a n t , tel


est le fruit 'de la civilisation ; une d é c o u v e r t e ,


o ù qu'el le soit f a i t e , est b ientôt c o n n u e de tous .


T o u t en restant à la tête du m o u v e m e n t indus-


triel d û au génie de ses enfants , l 'Angleterre


devait entrer e n partage avec les autres nations.


Une fois la pa ix r e n d u e au m o n d e par la chute


de N a p o l é o n , sur presque tout le cont inent e u -


r o p é e n et daus l 'Amérique du N o r d , l'activité


bel l iqueuse des esprits se transforma : les g u e r -


riers, vieillis par tant de c o m b a t s , désertèrent


le c h a m p de batail le p o u r l'atelier ; l eur main


endurcie déposa le m o u s q u e t et saisit la navette.


D e toutes parts s'élevèrent de n o m b r e u s e s ma-


nufactures. Les fabriques de c o t o n , demandant




178 FILATURES ET T I S S U S .


(1) Pendant long-temps, les cotons ont été protégés
en Angleterre par un droit d'importation de 75 pour cent,
ad valorem , sur les produits similaires étrangers.
Maintenant, les Anglais ont-ils bonne grâce de se plain-
dre des lois restrictives chez les autres nations.


•de vastes é t a b l i s s e m e n t s , fournissant des p r o -


duits qui s'adressent à toutes les fortunes et r é -


p o n d e n t À d ' impér ieux b e s o i n s , p r i r e n t , c o m m e


e n Angle terre , le pas sur presque toutes les au -


t r e s ; si b i e n , qu'à la faveur des tarifs qui p r o -


tégèrent leurs premiers e f for t s , le m o n o p o l e


anglais , sans perdre sa supériorité matér ie l l e ,


fut r o m p u (1 ) .


I l m e serait difficile de dire au juste à quel le


é p o q u e o n c o m m e n ç a en France à filer le c o l o n


à la quenoui l l e et à en former d e s tissus. T o u -


jours e s t - i l q u e , pendant l o n g u e s a n n é e s , on se


c o n t e n t a , dans u n petit n o m b r e de loca l i t é s , de


fabriquer de grossières étoffes avec chaine de fil.


E n 1 8 0 0 , sous le ministère de M. le comte


Chapta l , ce t i l lustre h o m m e d 'Etat , à qui l'in-


dustrie française doit tant de reconnaissance ,


M. L ievcn B o w a n s , de L i è g e , fit connaître le


pr inc ipe sur lequel étaient établ ies les f i latures


anglaises. D è s - l o r s , des établ issements d u m ê m e


genre s'élevèrent en France dans les environs de




FILATURES ET T I S S U S . 179


Paris , à R o u e n , à Li l le , à W e s s e r l i n g , à


Mulhouse. C o m m e il est facile de le c o n c e v o i r ,


le tissage marcha de pair avec la filature ; n é a n -


m o i n s , ce ne fut b i e n rée l lement qu'en 1 8 1 6 ,


après le rétabl i ssement de la paix et de n o s r e -


lations avec l 'Angleterre que l'industrie c o t o n -


nière prit chez -nous un d é v e l o p p e m e n t s é r i e u x ,


et se répandit dans u n grand n o m b r e de dépar-t


tements . Le ministère favorisa l u i - m ê m e ce m o u t


v e m e n t , e n faisant pub l i er , a u x frais de l 'Etat ,


les dessins des machines de la superbe filature


d'Ourscamp , près C o m p i è g n e , établie d'après les


meil leurs systèmes anglais.


Lorsqu'on voit avec quel le facilité l es i n d u s -


triels étrangers se procurent l es plans des ma-)


chines inventées e n A n g l e t e r r e , n'a-t-on pas l i eu


de s'étonner de l 'obstination aveugle que met tent


encore les fabricants de ce pays au maint ien des


lois qui , au grand détr iment des ingénieurs


mécanic iens , prohibent l 'exportat ion de toutes


machines dest inées aux manufactures de coton,


de laine , de chanvre ou de lin , et de


soie. Ce n'est pas assez d'une amende de 2 0 0 1. s .


( 5 0 0 0 fr.) et de d o u z e moi s d 'empr i sonnement


contre tout exportateur et ses ço .mpl ices , p o u r


tenir en repos les fabricants angla is ; i ls ont


e n c o r e , p o u r m i e u x assurer l 'exécut ion de la l o i ,




180 FILATURES E T TISSUS.


institué à frais c o m m u n s une contre - l igne de


d o u a n e , dont l es agents n'ont d'autre office que de


surveil ler les e x p é d i t i o n s frauduleuses de m a -


chines qui pourraient être faites en dépi t de la


l o i , et de les d é n o n c e r aux magistrats. O n aurait


peinera croire à l 'existence de pareils faits à côté


des énerg iques réclamations des m ê m e s industriels


en faveur de la l iberté d u c o m m e r c e , si l'on


n'avait vu de tout t e m p s les h o m m e s avancer des


pr inc ipes d u ton le p lus a b s o l u , p o u r les dément ir


u n instant a p r è s , s'ils sont e n oppos i t ion avec


leurs intérêts . J e suis loin de trouver mauvais que


des h o m m e s défendent leurs intérêts ; v o y o n s


pourtant s i , en nuisant aux cons truc teurs de m a -


chines , l e s fixateurs sont b i e n garantis par les lois


prohibi t ives contre la concurrence étrangère.


N o u s avons tout à l 'heure fait remarquer q u e ,


lorsqu'ils l'avaient v o u l u , les fabricants français


s'étaient p r o c u r é les plans des machines a n -


glaises ; et n o s ingénieurs mécanic iens , d'abord


i n e x p é r i m e n t é s , se sont formés p e u à p e u , ont


e m b a u c h é des ouvriers d'outre-Manche, et ont fini


par égaler leurs confrères de la G r a n d e - B r e -


tagne , sans c r a i n d r e , à la naissance de leurs


é tab l i s s ements , la c o n c u r r e n c e anglaise dont l es


manufacturiers de Manches ter , B o l t o n , G l a s g o w ,




FILATURES ET T I S S U S . 181


L e e d s , etc. , prenaient soin e u x - m ê m e s de les


garantir. J e ne vois d o n c de résultat b i e n clair


à l'interdit qui pèse sur les mach ines anglaises ,


que d'avoir forcé n o s fabricants à devenir habi les .


I l est arrivé bien plus e n c o r e , des mécanic iens


angla i s , ne pouvant se résoudre à faire p e r p é -


tue l lement du patriotisme à leurs dépens et au p lus


grand profit des fabricants d 'étof fes , ont m i e u x


fait que de nous céder leurs plans par dessous


main , ils ont établi e n France des succursales


de leurs usines d'Angleterre. Ainsi ont fait


MM. Coll ier, à Par i s ; MM. J . - C . D y e r , à Blangis


(Seine-Inférieure) . Si b ien que pas une d é c o u -


verte nouvel le n'est faite à Manchester , qu'e l le ne


soit aussitôt nationalisée de l'autre côté du détroit .


Ainsi sont c o m p e n s é s p o u r nous les désavantages


de la prohib i t ion a n g l a i s e s a n s que nos r ivaux


de la Grande-Bretagne , qui profitent sans e n -


traves des découvertes faites e n France', aient


auprès de nous le mérite de la réc iproc i té . Il se -


rait b ien t emps cependant qu'ils abdicassent ce


r igorisme injuste et qu'ils rendissent à leurs


mécanic iens la l ibre explo i tat ion de leur i n -


dustrie , sans les forcer à dédoubler ainsi leurs


maisons et leurs capitaux ; car c'est un grand mal


en saine économie de rompre l'unité de survei l -




182 FILATURES ET T I S S U S .


(1) Je ne puis m'empécber de remarquer à ce propos,
que MM. Dyer se plaignaient à moi, à Manchester, des
charges dont ils étaient grevés en France par le haut
prix des houilles et des fers, et la qualité inférieure de
aciers,


lance et de fabr ica t ion , et de diviser les forces


productr ices ( 1 ) .


L o n g - t e m p s avant l 'établissement des filatures


et d u l issage des calicots sur le cont inent de


Ï E u r o p e , la pet i te vi l le de Mulhouse se distin-


guait par ses impress ions sur to i le . C'est en 1 7 4 6


que cet te industrie y fut introduite par trois


h o m m e s dont o n aime à retrouver encore les


n o m s parmi les industriels les p lus dist ingués de


notre é p o q u e ; c'étaient MM. S a m u e l R œ c h l i n ,


Jean-Jacques S c h m a l t z e r et J e a n - H e n r i Dol l fus .


T r e i z e ans plus tard , un pauvre j e u n e h o m m e ,


l a b o r i e u x , instruit et m o d e s t e , Chris tophe-Phi-


l ippe Oberkampf , avec u n capital d 'à -pe ine 4 0 0


f r . , j e t a i t , dans u n petit v i l lage près Paris , les


bases de la be l l e manufacture d'indiennes de


J o u y , l 'origine et le m o d è l e de toutes cel les qui


ont success ivement fait tant d'honneur à la


F r a n c e . Grâce à notre b e a u s o l e i l , grâce surtout


au génie persévérant de nos ch imi s t e s , je ne




I l I . ATHEES ET TISSLS. 183


crains pas de dire q u e , p o u r l ' impression des


é tof fes , la France ne connaît po int de rivale. Si


nous devons aux Anglais l ' impression au rou-


leau , à leur tour ils doivent à n o s Hartmann , à


nos Danie l K c e c h l i n , le b r o n z é de M u n s t e r ,


l'application sur coton d u beau rouge d'Andri-


n o p l e , et une foule d'antres cou leurs q u i , par


l'éclat et la diversité de leurs n u a n c e s , d o n n e n t


tant de pr ix aux étoffes les p lus s imples .


J'ai v i s i té , dans le p lus grand d é t a i l , à M a n -


c h e s t e r , la superbe*fabrique de c o t o n s impr imés


de M. Coates ; je ne puis dire en quoi e l le dif-


fère des établ issements s e m b l a b l e s de nos fabri-


cants a l sac iens , mais j'affirme que les magnif iques


manufactures de MM. Barbet et G i r a r d , dans le


voisinage de R o u e n , n'ont rien à lui envier . L e s


procédés de préparat ion et d' impression sont les


m ê m e s ; les dessinateurs et les chimistes fran-


çais l 'emportent pour le b o n goût et la s c i e n c e ;


notre climat est plus favorable aux couleurs dé-


licates et vives que la température brumeuse de


la Grande-Bretagne . N o u s faut - i l que lque chose


de plus p o u r nous conserver la supériorité q u e


nous avons acquise dans cette branche . On a


d i t , et je le maintiens pour vrai , q u e , p o u r réu-


nir le double avantage du b o n marché et de la




184 FILATURES ET TISSUS.


bel le qualité d e s é t o f f e s , il faudrait qu'el les f u s -


sent l issues e n Angle terre et impr imées en France .


J e dois m ê m e cons igner ici l 'aveu qui m'a été


fait à l 'établ issement de M. Girard : cet habile


fabr icant , m e disa i t -on , ne craindrait , en France ,


la concurrence angla i se , q u e sous u n seul rap-


por t : l es indiennes anglaises étant d'une laize p lus


étroite que les n ô t r e s , les acheteurs français se


laisseraient séduire par l'appas du b o u marché


sans cons idérer la largeur des étoffes. J'avoue


que ce fa i t , p e u en faveur d # notre sagacité na-


t ionale , ne m'en s e m b l e pas m o i n s f o n d é , tant


nous nous f ions aux apparences sans vouloir


prendre la pe ine de pénétrer au fond des choses .


E n f i n , d u t - o n contes ter à M. Girard la supé-


riorité qu'i l p r é t e n d avoir , toujours est- i l q u e ,


p lus nous i r o n s , p lus nous devrons croire à l'im-


portance des ressources de nos manufacturiers ,


et n o u s défier de la sincérité de leurs alarmes à


l 'approche de la l iberté c o m m e r c i a l e . Je l'ai d i t ,


et je le r é p è t e , j e n'ai pas foi à l 'avènement ab-


solu de cette l i b e r t é , j e crois seu lement à l'ex-


tension progress ive d u principe . S i nous s o m m e s


inférieurs a u x Anglais p o u r le filage et le t issage


d u c o l o n } n o u s p r e n o n s sur e u x le dessus lors-


qu'i l s'agit d'étoffes i m p r i m é e s ; j e ne puis croire




F l L A T L B E S E l T I S S U S . 185


d'ailleurs à notre infériorité perpétue l l e dans les


d e u x premières branches de l'industrie c o l o n -


nière. J'ai déjà p r o u v é qu'une invent ion nou-


velle ne pouvait être faite c h e z nos vo i s ins , sans


être p r o m p t e m e n t impor tée c h e z nous . N o s m é -


c a n i c i e n s , de leurs c ô t é s , ne restent point o is i f s ;


le templel mécanique de 31. Emile Dol l fus ,
le métier à broder de M. J o s u é H e i l m a n n , la


machine à auner de M. André K œ c h l i n , e t c . ,


prouvent jusqu'où peut s'élancer leur génie créa-


teur . C'est en vain que nos fabricants avancent


que l'ouvrier anglais est p lus assidu que le n ô t r e ,


plus régul ier dans son travai l , p lus attentif à


veil ler son ouvrage. Cel le supériori té que je ne


puis m'empêcher de r e c o n n a î t r e , s'atténue à


chaque pas nouveau dans les arts -mécaniques .


Plus nous allons et m o i n s nous laissons à faire à


la main de l 'homme ; dans l' industrie qui n o u s


o c c u p e , p lus que dans toute autre , le travail des


machines tend chaque jour davantage à se s u b s -


tituer au travail h u m a i n , et se j o u e de ses inap-


titudes. N e dites d o n c pas maintenant : un fîleur


anglais peut survei l ler tant de b r o c h e s de plus
qu'un fîleur français , o u j e répoudrai : q u e par-


lez-vous d'ouvriers fi leurs ? avec la self-acting-
mule (mule-jenny fonct ionnant d'el le-même) de




186 FILATURES ET TISSUS.


R o b e r l s ? 1\ a v e z - v o u s pas le m o v e n de vous


passer de leur c o n c o u r s ?


Il n'est pas beso in de longues et profondes


réf lexions p o u r s'apercevoir que , dans .l'état ac-


tuel de la civil isation , et avec les m o y e n s infinis de


c o m m u n i q u e r entre el les que possèdent aujour-


d'hui les i n t e l l i g e n c e s , il ne sera plus donné à


u n p e u p l e de profiter seul l ong - t emps de ses


propres découvertes ; p lus nous irons , p lus les


invent ions nouve l l e s t o m b e r o n t p r o m p t e m e n t


dans le domaine c o m m u n . Soit en dessin , soit


en n a t u r e , les machines les plus compl iquées


passeront c o m m e -l'éclair, d'une nation à l'autre,


et empêcheront chacune d'elle d'élever en sa


propre faveur un m o n o p o l e contre les autres.


Avec l 'ordre intérieur et la p a i x , chaque


p e u p l e deviendra manufacturier : il fabriquera


tout ce qui pourra être confié au travail des m a -


chines , grande cause du n ive l lement de la p u i s -


sance productr ice . Les difficultés de talents et


de main-d 'œuvre disparaissant p e u à peu , tout


le secret du succès résidera dans l 'économie


d'une b o n n e administration ; et les seules di f fé-


rences entre les producteurs seront cel les qu'é-


tabliront les avantages inégaux des l ieux de fa-


brique , le bon marché o u le haut prix des c a -




FILATURES E T T I S S U S . 187


p i t a n x , l 'abondance ou la rare lé du c o m b u s -


tible , la convenance des voies de transports .


Toute s les chances diverses qui tendent chaque


jour à prendre u n niveau plus u n i f o r m e , seront


c o m p e n s é e s , d'un pays à un autre , par le bal-


lancement des tarifs , lesquels subsis teront tou-


jours pour les beso ins du f i s c , mais n'auront


plus alors p o u r b u t principal la pro tec t ion des


industries. I l en faut b i e n conven ir , lorsqu'il


n'est pas e x a g é r é , Lorsqu'il ne porte pas sur les


matières p r e m i è r e s , é l éments indispensables de


tout travail , l ' impôt des douanes est le p lus


convenable de tous e n ce qu'i l favor i se , jusqu'à


un certain p o i n t , la p r o d u c t i o n i n d i g è n e , et


devient dès-lors le m o i n s o n é r e u x p o u r le p e u p l e


qu'il protège contre les dangers d'une concur-


rence i l l imitée.


P e u important en s o i , lorsqu'il n'atteint pas


des objets de première n é c e s s i t é , et t rop faible


pour permettre l ' engourdissement d u fabricant


ind igène , st imulé d'ailleurs par la c o n c u r r e n c e


in tér ieure , u n droit de i 0 à 2 0 p o u r c e n t , ad


valorem, se lon la nature des marchandises


t a x é e s , sans arrêter à la frontière les objets


demandés par les fantaisies et les goûts capr i -


c i eux du r i c h e , protège a m p l e m e n t ces i n d u s -




188 FILATURES ET T I S S U S .


Iries majeures qui réc lament le c o n c o u r s d'un


grand n o m b r e de bras p o u r la création de p r o -


duits d'une valeur p e u é l e v é e , mais nécessaires


à t o u s , c o n s o m m é s par tous .


S i d o n c il faut voir dans l 'avenir la fabrication


d e s objets d'une utilité g é n é r a l e , de ceux qui


sont du ressort de la grande industrie manufac-


t u r i è r e , c 'es t -à-d ire les p lus i m p o r t a n t s , les plus


favorables à une product ion îaci le et abondante ,


se naturaliser dans chaque pays et s'y maintenir


à l'aide des machines et des tarifs; i l faudra que


chacun r e n o n c e à la prétent ion d'approvisionner


tous les marchés é t rangers , et se contente des


marchés neutres et nat ionaux. D è s - l o r s , découle


pour un b o n g o u v e r n e m e n t la nécessité d'aider,


par tous les m o y e n s poss ib les^ à la rapidité et


au b o n marché des transports , à l'abaissement du


taux de l ' intérêt , de s t imuler énerg iquement par


des encouragements é c l a i r é s , le c o m m e r c e et


l'industrie intérieurs , sources à la fois d'une


abondante p r o d u c t i o n et d'une égale c o n s o m -


mat ion. P o u r c e l a , i l devra vei l ler avec soin à


l 'équitable répart i t ion des charges , ses tai i fs de


douanes tendront à s'améliorer sans brusquerie


et sans s o u p ç o n s de capr ices ; car ta stabilité dans


les condit ions d u travail , est u n des premiers




FILATURES ET T I S S U S . 183


beso ins de l'industrie : il sera e n c o r e de son


devoir de faciliter l ' importation au me i l l eur


compte poss ib le de toutes les matières brutes ,


étrangères à son so l o u à une partie de son s o l ,


lorque l'insuffisance des produits nat ionaux o u


des m o y e n s de les transporter au l ieu de c o n -


sommation sera r e c o n n u e . II ne devra charger


que d'un faible droit d'entrée les produi ts m a n u -


facturés c o m m u n s , et d'une p r o d u c t i o n facile , que


l'impéritie seule des fabricants nationaux e m p ê c h e -


rait de confec t ionner à bon c o m p t e sur le sol de la


patrie ; car , si l'on doit les e n c o u r a g e m e n t s , de


la protec t ion à une industrie naissante et d'un


avenir cer ta in , à des efforts s o u t e n u s , o n ne doit


rien à l'apathique incurie d'un fabricant ignorant


et maladroit. On répétera sans d o u t e , d'après


cela , ce qui a déjà été dit avec une sorte de


ra i son , que Xindustrie tuerait le commerce ;


cela est vrai au p r e m i e r aperçu ; m a i s , lorsque


l'industrie et l'activité auront d o n n é l'aisance à


un p a y s , avec el le surgiront des beso ins n o u -


veaux que le c o m m e r c e aura seul la poss ibi l i té


de satisfaire; et a l o r s , loin de l'écraser, c'est


l'industrie qui ravivera le c o m m e r c e .






FILATURES E T T I S S l ' S . 191


FILATURES ET TISSUS.


DEUXIÈME DIVISION. — LAINE,


« .... Eam circum Nilesia veliera nymphœ
Carpebant, hyali saturo fucata colore, »


(ViRGiLii's. Georg, hb. IV.)


« Près d'elle , en ce moment, les nymphes de sa cour
Filaient d'un doigt léger des laines verdoyantes. •<


{Traduction de D E L I I L Ï . )


?.<^8Sî';OICl une industrie qui s'est trouvée e x -


| | ^ | | p o s é e à p lus d'arrêtés restrictifs o u pro -


1 Ç t e c l e u r s , à p lus de disposit ions r é g l e -


mentaires et de vicissitudes légis lat ives , qu'aucun


autre au m o n d e . A son occasion , j e m e per-




192 F I L A T t J t E S ET T I S S l ' S .


mettrai p e u de réf lexions , s eu l ement , j e tâ-


cherai de présenter les faits avec assez d ' impar-


t ial i té , p o u r que chacun soit mis à m ê m e d'en


tirer tel les c o n s é q u e n c e s qui lui sembleront le plus


naturel les .


Pendant l ongues années , les Pays-Bas , la


F l a n d r e , la P i c a r d i e , eurent le privi lège presque


exc lus i f de transformer en d r a p s , e n t a p i s , en


étoffes de toutes n a t u r e s , les laines qu'ils r e c e -


vaient de tous pays . D a n s c e l l e c o n s o m m a -


l i o n , les laines d'Angleterre figuraient p o u r une


por t ion notable ; et , sous le règne d ' E -


douard I I I , les droits d 'exportal ion perçus sur


cette matière , c o m b l è r e n t p lus d'une fois le


déficit causé au trésor roval par des guerres


acharnées .


O n considérait d o n c alors le c o m m e r c e des


laines c o m m e le p lus important de la G r a n d e -


Bretagne ; e t , afin d'en accroître la valeur, de


grands encouragements furent accordés par ce


pr ince à des manufacturiers f lamands , p o u r les


engager à fonder des fabriques de draps dans


son r o y a u m e . C'était v donner pied à une in -


dustrie tyrannique et jalouse.


E n 1 3 3 1 , la p r e m i è r e p ièce de drap indigène


sortait d'un établ issement B r e t o n . Ê n 1 3 3 7 ,




FILATURES E T T I S S U S . 193


Edouard I I I , portant une loi qui prohibait dans


toute l 'étendue de ses États l'usage des draps


é trangers , faisait un premier pas dans les vo i e s


restrictives.


L e s e c o n d pas fut la défense d 'exporter les


laines du r o y a u m e . Ce l l e dernière m e s u r e ne fut


pas au reste s tr ic tement observée dans les p r e -


miers temps ; la jalousie m ê m e de que lques m e m -


bres du Parlement fit, par une loi u n i q u e , interdire


la sortie des laines manufacturées et permet tre


cel le des laines e n to i son . C e p e n d a n t , à la faveur


des lois protec tr ices , et quoi qu'on puisse dire de


leurs e f fe t s , la fabrique des draps avait pris des


forces , et grandi e n inf luence ; sous son insp ira -


tion sans d o u t e , les économis te s d u X V I I / s i è c l e ,


ne songeant point aux ressources infinies q u e sait


toujours se créer une nécessité a b s o l u e , s'ima-


ginèrent qu'ils porteraient en faveur des m a n u -


facturiers de leur p a y s , u n c o u p m o r t e l aux


fabriques é t rangères , s'ils privaient ces dernières


des laines anglaises dont el les faisaient un grand


e m p l o i . E n c o n s é q u e n c e , sans nul le considérat ion


p o u r les droits et les beso ins de l 'agr icul ture , ils


firent décréter , e n 1 6 6 0 , défense absolue d'expor-


ter du royaume les laines i n d i g è n e s , corroborant


ces mesures prohibit ives par des lois péna le s dans


M




19 i FILATURES ET T i S S I S .


lesquel les la conf i scat ion , la p r i s o n , les a m e n d e s ,


étaient s emées a profus ion. Ces pr inc ipes é c o -


n o m i q u e s , et la convic t ion erronée que des


laines ne pouvaient être produi tes ail leurs qu'en


Ang le terre , s'enracinèrent si b ien dans les esprits ,


que c'est e n 1 8 2 5 seu lement que cette prohib i t ion


si fatale aux producteurs de l a i n e s , a p u être


l e v é e , quand il a é té b i en démontré q u e , par suite


d e s per fec t ionnements apportés à la construct ion


des m a c h i n e s , il était poss ib le dans la plupart


des cas de tirer des laines courtes le m ê m e parti


q u e des l o n g u e s .


Par suite de ce l t e protec t ion si exc lus ive ac -


cordée aitx manufactures de d r a p s , les m ê m e s


disposit ions législatives qui interdisaient la sortie


des laines i n d i g è n e s , permetta ient par contre


l ' importation des laines étrangères en franchise d e


tout droit . E l voilà peut -ê tre la cause la phvs


constante des succès de la draperie angla i se ; c a r ,


se procurant à b o n c o m p t e tontes les matières


p r e m i è r e s , e l le a p u , par d 'heureux mélanges des


divers l a i n a g e s , a m é l i o r e r , varier ses p r o d u i t s ,


et répondre sans pe ine aux caprices des acheteurs .


Ce n'est qu'en 1 8 0 3 , que l ' importation des laines


a été f rappée d'un droit en A n g l e t e r r e , p o u r y
pro téger l 'agriculture à son tour. O r , il paraît




F I L A T U R E S E T T ISSUS. 195


q u e , sur ce p o i n t , les opin ions d u législateur


étaient b ien p e u arrêtées: car o n n'a jamais vu


droit sujet h p lus de variations. A partir du 5


juillet 1 8 0 3 jusqu'au l . c r ju in 1 8 0 4 , les laines


ont supporté u n e taxe de 5 shil l ings 3 p e n c e :


(6 fr. 5 5 c.) par quintal avoir-dtt-poids ( 5 0 k.°


7 8 g . ) ; du 1 . " ju in 1 8 0 4 au 5 avril 1 8 0 5 , u n e


taxe de 5 sh. 1 0 p . (7 fr. 2 5 c ) ; — d u 5 avril


1 8 0 5 au 1 0 mai 1 8 0 6 , une taxe de 5 shi. 11 p-.-£-(7 f.


5 0 c.) ; — d u 1 0 mai 1 8 0 6 au 5 jui l let 1 8 0 9 , une


taxe de 6 sh. 4 p . ~ (8 fr. ) ; — du 5 jui l let 1 8 0 9


au 1 5 avril 1 8 1 3 , une taxe de 6 sh. 8 p . (8 fr.


8 0 c ) ; — d u 1 5 avril 1 8 1 3 au 5 jui l let 1 8 1 9 ,


une taxe de 7 sh. 11 p . (9 fr. 9 5 c.) ; — d u 5


juillet 1 8 1 9 au 1 0 oc tobre 1 8 1 9 , une taxe de 1


penny par l i v r e , o u 9 sh, 4 p . ( 1 1 fr. 6 5 c.) par


quintal. Mais ce n'était pas assez p o u r satisfaire


les propriétaires de berger i e ; du 1 0 o c t o b r e 1 8 1 9


au 1 0 septembre 1 8 2 4 , le tarif fait un s a u t , et


de 1 p e n n y par l i v r e , i l arrive a fi pence o u 2 1 . s.


16 sh. ( 7 0 fr.) par quintal.


C'était grever à son tour 1 industrie drapière


au profit de l 'agriculture, et amener des do léances


opposées . Les fabricants de draps firent entendre


leurs plaintes ; le c o n s o m m a t e u r ne voulait p lus


des draps fabriqués avec les seules laines i n d i -




196 F ILATURES ET T I S S U S .


(1) M. Culley répond, dans une enquête commerciale :
« Les brebis du Herefordshire qui produisent la laine la
plus fine, sont toujours maintenues dans un état de mai-
greur. Sitôt qu'on leur permet de s'engraisser, elles pro-
duisent une plus grande quantité de laine, mais d'une
qualité fort inférieure. » — M. Fison, dans Un autre in-
terrogatoire, affirme que depuis la culture des plantes
sarclées et l'introduction de moutons d'une plus forte
espèce dans le JNorfolkshire , les toisons qui autre-
fois pesaient 2 liv. 1/2 , pèsent maintenant de 3 liv. à
3 liv. 1/2; et que les mêmes laines qui, en 1790, four-
nissaient 200 liv. de laine première qualité par sac de
220 liv., n'en produisent plus que 14 liv. aujourd'hui sur
la même quantité. » — Je livre ces faits à la méditation
de nos éleveurs.


g è n e s , cel les-c i d'ailleurs s'étaient d é t é r i o r é e s , et ,


chose s ingu l i ère , par les m o y e n s m ê m e s e m p l o y é s


par les é leveurs p o u r l 'amélioration de leurs


t roupeaux . Accroître le po ids des b r e b i s , l'abon-


dance de leur l a i n e , paraît incompat ib le avec la


finesse des to i sons . P o u r que ce l l es -c i so ient bel les ,


l e s animaux doivent être m a i g r e s , et maigrement


nourris . E n g r a i s s e z - l e s , la laine aussitôt p e r d de


sa qualité . ( 1 ) A ces réc lamat ions , le Parlement fit


droit . D u 1 0 s e p t e m b r e 1 8 2 4 au 1 0 d é c e m b r e


de la m ê m e année la taxe fut réduite de moit ié ;




F U A T U K E S ET T I S S U S . 197


(1) Pour les renseignements statistiques sur les laines
en Angleterre. voir appendice L.


e n f i n , depuis cette dernière é p o q u e jusqu'à a u -


jourd'hui les laines étrangères n e sont p lus g r e -


vées en Angleterre que du droit m o d i q u e d'un


demi p e n n y (5 c.) par l i vre , lorsqu'elles valent


m o i n s d'un sh i l l ing , et d'un p e n n y ( 1 0 c.) lors-


qu'el les dépassent ce pr ix .


Les laines anglaises sont e m p l o y é e s surtout à


la fabrication des couvertures et t a p i s , et à la


confect ion des objets qui ex igent des laines lon-


gues et pe ignées ; quant aux draps, i ls sont c o n -


fect ionnés presque exc lus ivement avec des laines


de Saxe o u des mélanges de laines indigènes et


de laines d'Auslralasie. Ces d e r n i è r e s , e n c o r e p e u


connues sur le cont inent , c o m m e n c e n t cependant


à compter d'une manière no lable dans la consom-


mation. El les se créent rapidement une be l le


posi t ion sur les marchés o ù el les r e m p l a c e n t p e u


à peu les laines d 'Al l emagne , et présagent un


changement prochain dans le c o m m e r c e de cet te


importante marchandise ( 1 ) .


E n 1 8 2 1 , l 'Angleterre ne tirait de la Notivelle-


Galte du Sud et de la Terre de Van Diemen




198 FILATURES ET T I S S U S .


que 4 9 7 sacs de laine d'environ 1 0 0 k. c h a c u n ;


dix ans p lus l a r d , e l le e n tirait déjà 1 1 , 8 5 6 ; e t ,


depuis 1 8 3 1 , ce c o m m e r c e n'a pas cessé de suivre


la m ê m e marche a s c e n d a n t e ; chose remarquable


e n c o r e , c'est que ce progrès des laines austra-


l iennes ne se fait pas moins sentir sur la qualité


que sur la quantité .


Dans l 'origine, ces laines produites par de mau-


vais m o u t o n s d u B e n g a l e , importés p o u r le ser-


v ice de l 'administrat ion, étaient plus semblables à


de la b o u r r e , qu'à toute autre m a t i è r e , et c o u -


vraient à p e i n e le prix du fret. M a i s , depuis 1 8 2 4 ,


on n'a cessé d' importer à la Nouvel le -Gal le et à la


terre de V a n - D i e m e n , des brebis mérinos de


différents p a y s , et principalement d u cap de


B o n n e - E s p é r a n c e et d'Allemagne ; si b ien que les


laines aus tra l i ennes , q u i , il y a cinq o u six a n s ,


se vendaient au pr ix m o y e n de 1 sh. 3 p . à 1 sh. 8 p .


la l i v r e , atteignent aisément a u j o u r d h u i les p r i x


de 1 sh. 1 0 p . à 2 sh . 1 0 p . , et a u - d e l à . Lo in de


rester invendues sur p l a c e , les demandes d é p a s -


sent toujours les of fres; car il est r e c o n n u q u e ,


par la l o n g u e u r et la souplesse de leur s o i e , ce s


l a i n e s , faciles à p e i g n e r , sont aussi plus propres


qu'aucune autre à la filature ; si b ien qu'avant 2 0


ans , el les pr imeront probablement sur la plupart




FILATURES ET TISSUS. 199


des marches d'Europe les mei l leurs produits d'Es-


pagne o u de S a x e . T e l est du m o i n s l'avis des


fabricanls anglais,


Pendant que les laines et le c o m m e r c e d e s


laines subissent tant de vicissitudes , les fabriques


de draps fondées en 1 3 3 1 . sous le règne d'E-


douard H I , r e ç o i v e n t , en 1 5 7 0 , u n e nouvel le


impuls ion : les cruel les persécut ions d u duc


d 'Albe , ayant fait émigrer des P a y s - B a s une


mult i tude de Flamands , ils apportèrent à l'Angle-


terre leurs bras et leur industr ie . E n 1 5 8 2 , la


G r a n d e - B r e t a g n e e x p o r t e 2 0 0 , 0 0 0 p i è c e s de


drap ; p u i s , des res tr ic t ions , des m o n o p o l e s é t a -


blis par la reine E l i s a b e t h , v iennent met tre un


obstacle m o m e n t a n é au d é v e l o p p e m e n t de cette


be l le industrie . S o u s le règne de Jacques I . c r e l le


formait à e l le seule les neuf d i x i è m e s du c o m -


merce anglais. C e p e n d a n t , p o u s s é par l'avidité de


quelques marchands de L o n d r e s qui voulaient


s'assurer le bénéf ice de la te inture et de l 'apprêt


des draps , réservé jusque - l à a u x négociants de


Hol lande et des villes Hanséal iques , ce monarque


prohibe la sortie des draps écrus . La Hol lande et


l 'Al lemagne , irritées de cette m e s u r e , interdisent


à leur tour, et par voie de représa i l l e s , l 'entrée


de leur territoire aux draps anglais a p p r ê t é s ; si




200 FILATURES E T T I S S U S .


b i e n que le c o m m e r c e des laines perd tout d'un


c o u p les trois quarts de son i m p o r t a n c e , par


suite m ê m e de la mesure dest inée à le raviver :


d e u x i è m e e x p é r i e n c e des tristes et funestes effets


des restrictions irréfléchies.


L e s m o n o p o l e s furent abolis sous la R é p u -


b l i q u e , et le c o m m e r c e s'étendit à l 'ombre de la


l i b e r t é ; m a i s , au retour des Stuart les p r o -


h i b i t i o n s , les p r o t e c t i o n s , les privi lèges repren-


nent avec p lus de fureur que j a m a i s , e t , avec


e u x aussi les persécut ions re l ig ieuses et les


émigrat ions de fabricants. Privé de s écur i t é , le


c o m m e r c e éprouve un nouve l é c h e c , et languit


de nouveau . Le Parlement fait tout cependant


p o u r soutenir la draperie indigène . I l se sent


a n i m é , c o u p sur c o u p , d'une vive sol l ic i tude


p o u r e l le . V o u l a n t faire marcher les manufactu-


res arr iérées , il f ixe , par ses s tatuts , la l ongueur


et la largeur des draps , les p r o c é d é s de te inture ,


les m o d e s d'apprêt ; c e p e n d a n t , la m ê m e loi qui


disait aux u n s : vous viendrez- là , ne disait -e l le pas


a u x a u t r e s , vous n'irez pas plus l o i n ? C'était


étouffer une industrie en l'embrassant ; l ' immobi-


liser sous p r é t e x t e de ne la pas laisser en arrière.


P e u im por te au P a r l e m e n t , il veut montrer son


zèle et ne s'arrête pas èn si beau chemin . Ordon-


nance est faite aux vivants de ne s'habiller qu'en




FILATURES E T TISSUS. "201


drap anglais ; ordonnance aux m o r l s de ne s'en-


sevelir en autre étoffe qu'en flanelle d'Angleterre.


D e m ê m e q u e ces enfants gâtés et blasés qu'une


aveugle tendresse a condui t s au dégoût ; de m ê m e


par e x c è s de so l l i c i tude , la fabrique de draps


s'abandonne et t o m b e dans la langueur. L e s p r o -


ducteurs de laine auxquels on a fermé les marchés


étrangers , ex igent et obt iennent pro tec t ion sur


les marchés in tér ieurs ; m a i s , dépourvus de toute


émulat ion , ils n'apportent aucun soin à l 'amélio-


ration des troupeaux . A l 'ombre d'un m o n o p o l e


i l l imi té , enchaînés d'ailleurs dans les l iens d'une


absurde lég is lat ion , les fabricants de d r a p s , q u e


nulle concurrence ne st imule , s ' inquiètent p e u d u


progrès de l eur industr ie ; e l le p e n c h e vers son


décl in . Par b o n h e u r , la marche ascendante de


l'industrie cotonnière vient la t irer de cette d é p l o -


rable apathie. Tout -à-coup elle se dégage de ses


l anges , secoue toute entrave par lementa ire ; e x -


citée par l ' e x e m p l e , el le a d o p t e , à son t o u r , les


per fec t ionnements que la mécanique vient lui


offrir. Aujourd'hui d o n c , les fabricants anglais


aussi ja loux de leurs p r i v i l è g e s , que c u r i e u x des


inventions é trangères , adoptent avec e m p r e s s e -


ment toutes les découvertes faites sur le c o n t i -


n e n t , et cont inuent de faire peser l'interdit sur




202 FILATURES ET T I S S U S .


l 'exportation de leurs machines . Le gouvernement


français connaît ce t te c i r c o n s t a n c e , il doit donc


en abaissant ses tarifs en faveur du c o m m e r c e an-


glais , e x i g e r de lui une réciprocité p lus l ibérale. J'ai


vu à L e e d s des fabricants de draps qui ont adopté


avec e m p r e s s e m e n t plus ieurs de nos inventions


françaises , e t , entre autres , notre tondeuse cir-


culaire} laquel le remplace avec tant d'avantage


les anc iennes forces, mais ces messieurs ne s'en


montrent pas pour cela plus disposés à entrer


avec nous en échange de b o n s procédés . J'en


connais u n , entre a u t r e s , qui a été l o n g - t e m p s à


m ê m e d'apprécier la généros i té française : il a


vécu à Par i s , e t , profitant là , sans réserve , de la


haute instruct ion si largement épanchée dans des


cours publ ics par nos Clément D e s o r m e s , nos


Gay-Lussac , n o s Arago , ses connaissances se sont


accrues au sein de nos écoles ; mais ses idées ré-


tréc ies par l'intérêt sont encore l o in de le porter


à partager avec nous le fruit des invent ions an-


glaises . ] \ e soyons p lus dupes d'un l ibéral isme


sans réc iproc i té : s i , désormais , nous offrons d'une


m a i n , arrangeons-nous toujours pour recevoir de


l'autre.


Retardés par lant d'années de troubles , de


guerres et de r é v o l u t i o n s , nous avons c lé d e -




FILATURES ET T I S S U S . 203


vancés , c'est incontestable , par les fabriques


anglaises. Aujourd'hui que la paix s e m b l e assurée


pour l o n g - t e m p s à la F r a n c e , e f f o r ç o n s - n o u s


de met tre ce repos à profit . T â c h o n s surtout de


devenir appl iqués et persévérants . Les c o m m u -


nicat ions , je le r é p è t e , sont trop faciles aujour-


d'hui de peup le à peup le , p o u r qu 'une i n v e n -


tion découverte c h e z l'un reste l o n g - t e m p s


étrangère à l'autre. S i n o u s avons d o n n é a u x


Anglais notre tondeuse , nous leur avons pris


l eur apprêt indestructible. N o s fabricants


savent bien que lorqu'iis le voudront for tement ,


aucun procédé ne leur sera l o n g - t e m p s étranger ;


mais il ne faut craindre pour l 'obtenir ni ses


frais, ni sa p e i n e , ni son t e m p s ; il ne faut p a s ,


s u r t o u t , cesser d'être un instant sur le quivive,


il faut être à la piste de tout et ne se po in t e f -


frayer , au b e s o i n , d'un voyage outre - Manche .


L'observateur attentif revient rarement de l ' é -


tranger sans que lque idée n o u v e l l e , u t i l e , dont il


lait son profit ; et ce qu'il rapporte a ins i , je n'ai


pas besoin de le d i r e , ne craint à la frontière les


perquisit ions d'aucun inspecteur . N o s industriels


français se t i e n n e n t , en g é n é r a l , trop sédentaires .


L'Industrie et la F o r t u n e , qu'ils s'en souv iennent


bien , sont les filles du m o u v e m e n t : tontes d e u x




204 H L A T C Ï I S ET TISSUS


elles ne cro i s s en t , ne s'élèvent et ne prospèrent


qu'à force de travai l , de r e c h e r c h e s , de d é -


marches , de persévérance et d'activité.


I l y a que lques a n n é e s , nos draps l 'emportaient


sur tous les draps anglais p o u r la force et la


beauté ; aujourd hui nos voisins font aussi b o n


que nous et p lus fin : d'un autre c ô t é , nous ne


connaiss ions qu ' imparfa i tement , autrefo is , la f a -


bricat ion des casimirs ; maintenant cette fabr i -


cat ion laisse p e u à désirer. Les flanelles anglaises


s o n t , dans les bel les qualités , mais dans celles-là


s e u l e m e n t , inférieures aux flanelles de Rhc ims ;


quand cette ville v o u d r a , cependant , o u plutôt lors-


que l'usage de ce tissu sera plus répandu dans les


classes ouvrières , e l le p o u r r a , j e c r o i s , faire aussi


b i en que l'Angleterre dans les basses qualités.


C'est encore à la fabrique rhémoise qu'il faut


décerner la palme p o u r les mérinos ; étoffe d'in-


vent ion toute française , mais que nos rivaux


c o m m e n c e n t à i m i t e r , tant est réel le la t e n -


dance de chaque p e u p l e à devenir son propre


ouvrier p o u r tout produit qui est du ressort de


la grande industrie .


Si j e n'ai pas été t r o m p é , nous avons à Rhe ims


et à R o u e n des fabricants d'étoffes ouvragées , de


salins de la ine , de sloffs , l issés sur métiers à la Jac-.




FILATURES ET T I S S U S . 205


quart , qui ne craignent aucune c o n c u r r e n c e . Les


étrangers sont lo in d'avoir su c o m m e nous , l irer tout


le parti possible de l ' invention du mécanic ien lyon-


nais. Pendant que nous faisons chaque j o u r de


remarquables progrès dans le montage de dessins


nouveaux et dans la mise en carte, les Anglais


avancent p e u dans cet te d o u b l e partie. D ' u n autre


côté , nous ne connaissons guère l 'emploi de l ' indigo


fin d u Bengale que Calcutta e x p é d i e à l 'Angle -


terre. Grâce à cette matière t inctoriale qui n o u s


m a n q u e , les lastings et les camelo t s b leus de


n o s voisins , l 'emportent sur les nôtres : mais


p o u r les autres nuances , nos grands atel iers


de teintures sont au - dessus de leurs r ivaux.


Ainsi se trouvent partagés les divers avantages ,


et dans cette lutte de travail et de génie n o s


fabricants doivent rencontrer une exci tat ion cons-


tante à m i e u x faire.


Ce que j'ai dit p o u r les satins de l a i n e , n e le


dirai-je pas à p lus forte raison p o u r les c h â l e s ?


Pendant que P a r i s , INîmes e t L y o n fabriquent


chaque j o u r cet article avec u n succès n o u v e a u ,


pendant que M. T e r n a u x , ce g é n é r e u x cito y e n ,


dont la perte est p o u r nous à jamais d é p l o r a b l e ,


demande ses chèvres à C a c h e m i r e , l 'Angleterre


d e m e u r e stationnaire. Tand i s que n o s fabricants




206 FRAICHES ET TISSUS.


(1) Invention de Robert Kay, laquelle permet à l'ou-
vrier tisseur de se servir alternativement, à volonté el
sans suspendre son travail , de plusieurs navettes vo-
lantes, chargées de fils de couleurs différentes.


Français surpassent p o u r le fini d u travai l , j u s -


qu'aux plus habi les ouvriers du ï h i b e t , et a p -


pe l l ent à leur aide toutes les ressources du dess in,


de la te inture et de la m é c a n i q u e , les manu-


facturiers B r e t o n s , je l'ai vu à E d i m b o u r g , tissent


e n c o r e leurs châles sur de s imples mét iers à:lire,


n'ayant d'autre per fec t ionnement que celui du


drop-box ( 1 ) . Je maint iens d o n c toujours que


nous p o u v o n s partager avec qui que ce soit le


vaste domaine de l'industrie. Le succès dépend


de n o u s , mais luttons pour l 'obtenir.


T o u t e f o i s , à coté des p r o c é d é s de fabrication


p e r f e c t i o n n é s , ne cesse pas d'exister c e l l e autre


cause n o n m o i n s importante du s u c c è s : l 'abon-


dance des matières premières . L e gouvernemen t


anglais ne refuse jamais les é léments du travail


h ses industr ie l s , que favorisent encore la richesse


du sol el l'activité d'une marine n o m b r e u s e . E n


est-il ainsi du gouverment Français , qui a toujours


surchargé son tarif d'une absurde fiscalité ? Les


métaux , le fer . le cuivre , le combust ib le , les rna-




FH. ITERES ET TISSL'S. 207


l ièrcs l inctoriales , la laine , tout est chez nous ma-


tière imposable . A n c i e n n e m e n t , la France , par ses


manufactures de Beauvais et d'Arras, possédait le


m o n o p o l e des tapis de pied et des t entures ; grâce


à la libre entrée des laines eu Angleterre , ce pays ,


jadis notre tr ibutaire , nous a laissé loin derrière


lui dans celte branche d'industrie. I l est v r a i .


c e p e n d a n t , que nous lui vendons encore que lques


lapis p r é c i e u x p o u r l'éclat des couleurs et la ri-


chesse des dess ins; mais les tapis p lus c o m m u n s ,


d u n e fabrication c o u r a n t e , et par cela m ê m e


d'un usage g é n é r a l , nous ne p o u v o n s les é tabl ir ,


empêchés que nous s o m m e s par la chère l é des


matières. N'est-ce pas à ce l l e m ê m e cause encore


que l'on doit attribuer le b o n marché des c o u -


vertures en Angleterre , l eur haut p r i x c h e z n o u s ?


et p o u r t a n t , quoi de p lus u t i l e , de p lus indis-


pensable au p a u v r e , à l 'art isan, qu'une épaisse


et chaude c o u v e r t u r e , dans sa froide d e m e u r e


ouverte à tout vent? N o s tarifs la lui refusent p o u r


protéger que lques riches propriétaires de b e r g e -


ries. Oui d o n c a fait ce l te loi ? — Prenez la liste


de nos é leveurs de m o u l o n s .






FILjKTURES E T T I S S U S . 209


FILATURES ET TISSUS.


3.« DIVISION. — SOIE.


%3S8S&MÀCrjN sait que le travail et le c o m m e r c e


1 Cl fre ^ a S ° ' e S O n t ° " l ? n a * r e s ^e ^ Chine .


ó«SSS^Pendant des s i è c l e s , les habitants de la


Sogdiane et des bords de l 'Oxus e n A s i e , furent


entre les Chinois et les p e u p l e s d 'Europe , les


intermédiaires obl igés des échanges , dont B u -


care et Samarcande étaient l es d e u x p lus r iches


entrepôts . Mais lorsqu'en 5 5 1 , sous le règne de


Justinien L " , les vers-à-soie eurent é té introduits


en G r è c e et avec e u x l'art de travailler l e u r pré-


c i e u x p r o d u i t , le c o m m e r c e d e transit à t ra -


vers le cont inent asiatique, affaibli e n c o r e par les




210 FUATUHES ET TISSUS.


relations qui tendaient a s'établir par la mer des


I n d e s , disparut p e u à p e u , à m e s u r e que les


fabriques de soier ies s'étendirent en E u r o p e .


Malgré la faveur que l eur é c l a t , leur ^richesse,


leur t o u c h é m o e l l e u x ont valu de tous temps a u x


tissus de so i e , l ' éduca t ion des vers b o m b y x en O c -


c ident resta cependant près de 6 0 0 a n n é e s , e x -


c lus ivement exp lo i t ée par les G r e c s . Ce ne fut


qu'en 1 1 4 7 , que R o g e r I I , premier roi de Sicile ,


après avoir saccagé les cô tes de l'Afrique et d u


P é l o p o n è s e enleva à ce dernier pays un grand


n o m b r e de cult ivateurs et d'ouvriers grecs qui i n -


troduis irent à Pa lerme la culture d u mûr ier et l'art


de préparer la soie . D e la S i c i l e , l'industrie n o u -


vel le se répandit success ivement e n Italie , en


E s p a g n e , et dans le mid i de la F r a n c e .


J a c q u e s 1 . " , ro i d'Angleterre , s'efforça à son


t o u r , mais sans s u c c è s , de propager dans son


r o y a u m e la culture d u mûr ier et l 'éducation des


vers à soie . Quant au travail de la soie é c r u e , de


p r o v e n a n c e é t r a n g è r e , i l s'était établi dans la


G r a n d e - B r e t a g n e , dès l e mi l i eu d u X V . ' s iècle .


Mais il resta l o n g - t e m p s stalionnaire et ne c o m -


m e n ç a à faire des progrès re l ies que sous la re ine


El isabeth. E n 1 5 9 2 , l e s fabricants de soieries de


la ville de L o n d r e s s'étaient formés en une c o r p o -




F1LATUBES ET T I S S U S . 211


ration qui fut r e c o n n u e et autorisée par Charte


royale seu lement en 1 6 2 9 . E n 1 6 6 6 , ils occupaient


déjà près de quatre-vingt mille bras à leur indus-


trie. E n 1 6 8 5 , la révocat ion de l'édit de Nantes ,


m e s u r e aussi cruel le qu' impol i t ique , ayant fait


sortir de France près de cent mil le familles la-


bor ieuses ; grand n o m b r e d'entre e l les por tèrent


en Angleterre Je tribut de l eur industrie . J'ai


déjà dit c o m m e n t la fabrique des draps avait r e ç u


de ces émigrat ions d' importantes amél iorat ions ;


la fabrication des étoffes de so ie ne leur fut pas


m o i n s redevable. Les ex i lés surent bien , d u r e s t e ,


se faire payer de leur patrie adopt ive ; ils o b -


tinrent d'elle une foule de m o n o p o l e s et de lois


prohibit ives q u i , success ivement , interdirent l ' en-


trée d u territoire anglais aux soieries de la F r a n c e


et des autres fabriques e u r o p é e n n e s , en 1 6 9 7 , de


l T n d e e t d e la C h i n e , en 1 7 0 1 .


E n 1 7 1 9 , sir T h o m a s L o m b e et son frère, après


avoir ob tenu la révélat ion des p r o c é d é s usités


e n Italie p o u r la fabrication des so ies , mou l inées


connues sous le n o m S Organzins , obt inrent


u n breve t d' importat ion de ces procédés , et cons-


truisirent à D e r b y u n établ issement cons idérable ,


dont il fallut e n c o r e protéger les efforts par de


nouve l l e s prohibi t ions . Mais ces mesures favora-




212 FILATURES ET T I S S U S .


bles sans dou le à des essais naissants ne pouvaient


être p r o l o n g é e s indéf iniment et e x é c u t é e s avec


r igueur , sans que l ' insouciance et l'apathie s'empa-


rassent des fabricants protégés . T e l l e est la marche


ordinaire de l'esprit humain : s t imulé par le dé-


sir de créer une industrie nouve l l e par l 'honneur


qui en revient à son a u t e u r , l 'homme au génie


inventif n'a b e s o i n , p o u r m a r c h e r , d'aucune e x c i -


tation étrangère : pro téger ses premiers pas est


d o n c un devoir ; mais les hérit iers d'une industrie


anc ienne qui n'ont p lus p o u r exc i t er leur ardeur


l e nob le aigui l lon d'une création nouvel le dont


l 'honneur leur doive reven ir , a iment à e n retirer


les avantages sans s' inquiéter d'aucun perfect ion-


n e m e n t poss ib le . I l s t rouvent u n e invent ion qui


ne l eur a c o û t é ni efforts d' intel l igence ni travail ;


qui leur produi t , à l 'ombre d'un tarif p r o t e c t e u r ,


de b e a u x et b o n s r e v e n u s , sans soucis n i tracas ,


ils ne demandent qu'à conserver u n e pos i t ion si


facile et si d o u c e ; cependant étayés , appuyés de


toutes parts , i ls s'atrophient et tombent dans la


langueur . Si à l'esprit c o m m e au c o r p s , il faut


l es l is ières du p r e m i e r â g e , l'un et l'autre ne se


déve loppent p lus tard et ne conservent leur res-


sort que par des m o u v e m e n t s s p o n t a n é s , con-


tinus , sous l ' impulsion puissante de la nécessité.


Les machines o r t h o p é d i q u e s remédieront quel-




FILATURES ET T I S S U S . 2 l 3


quefois aux faibles déviations de la n a t u r e , c o n -


tractées sous l'influence de vicieuses habi tudes ;


mais el les ne guériront jamais le mal dans sa r a -


cine et surtout ne remplaceront pas les e x e r c i c e s


p lus violents , mais p lus sains d'une gymnast ique


b i en dir igée . Les fabriques anglaises de soieries


restèrent d o n c l o n g u e s années dans u n état d'in-


fériorité r é e l l e , à l'égard des autres fabriques eu-


r o p é e n n e s ; leurs a n n a l e s , de 1 6 9 7 à 1 8 2 4 , n'of-


frent qu'une suite cont inue de plaintes de la


part des fabricants sur l ' importation clandestine


des soieries ; d'efforts infructueux du par lement


pour mettre obstacle à la fraude ; de coal i t ions


et de révoltes parmi les ouvriers en soie p o u r o b -


tenir l 'augmentation de l eurs salaires ; de mesures


incessantes inspirées par les pr inc ipes les p lus


faux et ne produisant que de déplorables c o n -


s é q u e n c e s ; avec cela l 'aveuglement fatal des m a -


nufacturiers e u x - m ê m e s qu i , jusqu'à la paix de


1 8 1 5 , privés de tout objet de c o m p a r a i s o n , se


sont crus les premiers fabricants de soie de l 'Eu-


rope , lorsqu'i ls étaient eu arrière de tons .


B i e n t ô t , sous une administration p lus éclairée ,


tout ce système de m o n o p o l e s et de prohib i t ions


disparut. Convaincus par 1 3 0 années d 'expér ience


que tant de mesures restrictives n'avaient fait




214 FILATURES E T T I S S U S .
m


qu'entraver le déve loppement de leur indus tr i e ,


les pr inc ipaux fabricants de Londres et des e n -


virons , adressèrent en 1 8 2 4 , une pét i t ion au


p a r l e m e n t , dans laquel le i ls établissaient que Tin-


duslrie de la soie, malgré les importantes


améliorations dont elle avait été Tobjet de-


puis quelques années, était encore maintenue


au-dessous de son niveau naturel par des


lois restrictives, dont Faction funeste l'em-


pêchait d'acquérir le degré de prospérité


auquel elle aurait droit dans de plus favo-


rables circonstances. A l'occasion de cette pé*


t i l ion , M. Huskisson f i t , le 8 mars 1 8 2 4 , la m o -


t ion qu'au 5 jui l let 1 8 2 6 la prohib i t ion des soie-


ries étrangères fût levée et remplacée par un


droit de 3 0 p o u r cent ad valorem.


L e s intérêts créés à l 'ombre d'un m o n o p o l e


invétéré étaient cependant assez respectables p o u r


qu'on ne levât pas sans compensat ion toutes les


barrières qui les avaient pro tégées jusque- là . I l


fut d o n c d é c i d é , qu'en faveur du tissage de la so ie ,


les soies grèges et moul inées seraient admises im-


m é d i a t e m e n t , ainsi que la plupart des matières


t inctoriales , à des droits moindres que les droits


anciens.
L' immense quantité des étoffes de c o t o n fabri-




1 I L A T U B E S ET T I S S U S . 215


quées depuis 1 7 9 0 jusqu'au c o m m e n c e m e n t de ce


s i èc le , contribua b e a u c o u p a u s s i , i l faut le d i r e ,


en créant des m o d e s n o u v e l l e s , à faire languir


instantanément en Angleterre la vente de soier ies


mal fabriquées alors et d'un pr ix fort é levé. P lus


t a r d , les soies grèges ayant été impor tée s des


Indes en plus grande quantité , et les p r o c é d é s de


fabrication s'étant p e u à p e u p e r f e c t i o n n é s , les


étoffes de soies reprirent faveur. A u j o u r d ' h u i ,


cette industrie est des plus i m p o r t a n t e s , e l le o c -


c u p e la populat ion de plus ieurs districts , et e m -


plo ie d' immenses capitaux.


Les premiers établ issements de soieries anglaises


furent fondés à SpitaHields , dans Londres m ê m e :


c'est encore là que se fabriquent la p lupart des


sa l ins , des étot ïes croisées et de fantais ie; mais


ce l l e fabrication m ê m e lui échappe p e u à p e u ; le


prix des vivres et des lovers est t rop é levé


dans une grande ville p o u r des ouvriers aussi p e u


payés que les t i sseurs: a ins i , cette fabrication


aura bientôt tota lement déserté la capitale. Ce


fa i t , on a d û le prévoir p e u de temps après l ' in-


vent ion du mét ier mécanique de Cartvvrighl. C'est


en J 8 1 3 , que cette découverte ayant atteint un


degré avancé de p e r f e c t i o n n e m e n t , il y eut une


révolut ion c o m p l è t e dans l 'arl , et dans les p r o ç é -




216 F I L A T U B E S ET T I S S U S .


dés d u tissage. L e s ouvriers tisserands se révo l tè -


rent d ' a b o r d , brisèrent u n grand n o m b r e des


n o u v e a u x m é t i e r s , puis enfin se soumirent à l e u r


s o r t , consent irent à la réduct ion de leurs salaires.


T é m o i n s de la détresse de cet te classe si nom-


breuse dans leur vo i s inage , les habitants de M a n -


chester songèrent à soulager tant de misère ;


entreprenants et i n d u s t r i e u x , ils surent b ientôt


enrichir leur district de la fabrication des étoffes


de soies u n i e , qu i n 'exige pas un l o n g a p p r e n -


tissage. Le moul inage devait suivre nécessa ire -


m e n t la fortune du tissage ; auss i , c o m m e les


tisserands de Spital f ie lds , les moul ins de D e r b y


eurent bientôt des rivaux à Manchester . Mais ce


n'est pas seu lement a u x autres fabricants anglais


que les fabricants du Lancashire ont fait une m o r -


tel le c o n c u r r e n c e , grâce au génie de la mécanique


qui règne là en souvera in , c'est la France e l l e -


m ê m e qu'ils menacent . Manchester est u n colosse


devant l eque l toute industrie étrangère doit trem-


b ler . A p e i n e p o u v o n s - n o u s lutter contre l u i , en


lui opposant L y o n , R o u e n , Tarare et Mulhouse .


J e ne m'effraie po int encore outre mesure c e p e n -


dant p o u r n o s fabriques de soieries . Jusqu' i c i ,


tous les efforts ont é c h o u é , quand o n a voulu


appliquer un m o t e u r mécan ique au tissage de la




F I I A T U H E S ET T I S S U S . 217


soie. Cette opération délicate e x i g e l ' intervention


d'une main intel l igente et e x e r c é e , qu'aucun bras


d'acier o u d'airain ne saurait remplacer . L e b o n


marché de la vie matérie l le en France c o m p a r a t i -


vement à l 'Angle terre , notre climat p lus d o u x ,


nous donnent des avantages incontestables . S a -


c h o n s en prof i ter , mais en travaillant sans c e s s e ,


sans nous y fier en aveugles . A côté de l 'Ang le -


terre nous avons aussi et la Prusse , et la Suisse , et


l'Italie p o u r nous disputer le pr ix . Ces pays sont


favorisés c o m m e nous sous le rapport du cl imat


et de la vie ; peut -ê tre encore ont - i l s la m a i n -


d'œuvre à mei l leur c o m p t e . IXotre avantage le


plus incontestable est dans l 'application constante


que nous avons d o n n é e aux arts d u dessin. La


plupart de nos fabriques possèdent des artistes


dist ingués qui connaissent à la fois et le m a n i e -


ment du crayon et les détails de la fabr i ca t ion ,


inconnus aux dessinateurs étrangers ; n o s modis tes


de Paris imposent les élégants caprices de leur


goût à la moit ié du m o n d e civilisé , et sont , d è s -


lors , de puissants auxiliaires aux fabricants f ran-


çais dont el les font valoir les produits près de


leurs n o m b r e u x tributaires ; mais ces avantages ,


tout incontestables qu'i ls s o i e n t , ils nous seront


d i sputés , n'en doutons pas : l'art d u dessin se pro-




218 FILATURES ET TISSUS.


p a g e r a ; h notre é c o l e , le b o n goût doit s'étendre;


marchons d o n c toujours en t ê t e , il le f a u t , nous


le p o u v o n s ; mais par un jour de halte nous s e -


rions dépassés .


S i n o u s avons été é g a l é s , j'ai honte de le dire ,


d é p a s s é s , dans la fabrication des soies unies , n o -


tre supériori té dans les étoffes o u v r a g é e s , dans


les gazes , les rubans, les fantais ies , n'a point encore


é t é , grâce à D i e u , contes tée . J e n'en voudrais


d'autre preuve que ce l te pét i t ion des rubaniers de


C o v e n t r y , l e s q u e l s , malgré lr> principe de la l i -


berté commerc ia l e prêché si exc lus ivement par


les économis te s angla i s , demandaient à la c h a m -


bre des c o m m u n e s , au mois de ju in 1 8 3 5 , une


p lus r igoureuse appl icat ion des tarifs de la douane


à la rubannerie française qui tuait l eur industrie.


Il est certain que les rubans anglais sont d é s a -


vanlageusement placés près des n ô t r e s et pour


l'éclat et pour le b o n goût .


C'est une remarque que j'ai faite b i e n des fo i s ,


m ê m e derrière les châssis vitrés des marchands ,


les soieries anglaises m e semblaient ternes et flé-


tries. Les robes de soie des dames ne tardent pas


à paraître fr ippées et sans soutenue . A quoi cela


tient-il ? Est-ce au climat ? Est-ce à la qualité


des matières e m p l o y é e s !' Je ne s a i s , au vrai ,




F I I A T U K E S ET T I S S U S . 219


que r é p o n d r e , toujours est-i l que des fabricants


de Manchester m'ont dit que nos soies françaises


étaient p lus succept ib les que toutes autres d 'ac-


quérir du lustre et de l ' éc lat : qu'il serait de leur


intérêt de s'en p r o c u r e r , mais qu'il était fort


difficile d'en obtenir des producteurs français ,


les fabricants de L y o n s'en réservant le m o n o p o l e


exclus i f et ne cédant à l 'exportat ion q u e des soies


d'Italie o u de F iémont t enues en entrepôt . Étran-


ger à l'industrie des s o i e s , il ne m'appartient pas


de m e p r o n o n c e r sur ce l te quest ion ; j e m e


permettrai néanmoins une courte observat ion :


s'il est vrai que nos matières premières so ient si


précieuses à l ' é tranger , s'il est vrai qu'el les seules


soient vraiment convenables à la fabrication des


étoffes brillantes et l u s t r é e s , pourquo i n'en pas


favoriser, n'en pas st imuler la p r o d u c t i o n , et nous


faire regagner sur les soies grèges ce q u e n o u s


avons perdu sur que lques étoffes fabriquées ? I l


suffirait j ce me s e m b l e , d'ouvrir sur les marchés


étrangers une large voie d 'écoulement à ce p r o -


duit , par la suppress ion totale du droit de 3 fr.


par li.il., qui en entrave la sortie. Ce d r o i t , j e


le s a i s , a remplacé depuis moins de deux ans une


prohibit ion absolue d'exportation. Peut-être a- l -on


j u g é cette taxe transition nécessaire d'un rég ime




220 FILATURES HT T I S S U S .


à un autre : ne perdons pas de vue cependant que


c'est sur la réc lamation des Lyonnais e u x - m ê m e s ,


que la prohib i t ion fut l evée . Exc i tée par des


ventes ac t ives , la culture du mûrier blanc se


propagerai t rap idement en France ; peut-être


m ê m e serait-ce un b o n h e u r qu'el le se substituât


p e u à p e u à cel le de l ' o l i v i er , si incertaine sous


notre cl imat , si sensible aux longs froids de


l 'hiver , aux ge lées tardives du p r i n t e m p s , tandis


que les champs de F l o r e n c e et d 'Alger , où cet


arbre croît presque spontanément seraient a p -


pe lés à nous fournir , à mei l leur marché que nos


départements du m i d i , leurs h u i l e s , en échange


des n o m b r e u x produi ts de n o s manufactures .


T o u t cela doit être é t u d i é , m é d i t é , pesé m û r e -


m e n t . Pressés que nous s o m m e s d'une c o n c u r -


rence active , entourés de peuples r ivaux c o m m e


n o u s entrés dans les voies m o d e r n e s do la grande


i n d u s t r i e , m o i n s que jamais la product ion peut


être abandonnée a u x chances aveugles du hasard.


U n e é c o n o m i e pol i t ique n o u v e l l e , uniquement


basée sur les fa i ts , doit remplacer l'ancienne rou-


tine et se tenir également é lo ignée et du prin-


c ipe aujourd'hui usé d'une entière protec t ion et


du système plus r é c e n t , mais non moins redou-


table de la l iberté a b s o l u e , dont o n n'a pas usé




FILATURES ET T I S S U S . 221


(1) Voir appendice !M.


complè tement il est vrai , mais dont les résultats


bien désastreux peut -ê tre , seraient sans r e m è d e


après avoir été r e c o n n u s . I l est de ces cas a l é a -


toires auxquels les p e u p l e s , pas p lus que les ind i -


v i d u s , ne sauraient s 'exposer sans d é m e n c e . (1 )






FILATURES E T TISSUS. 223


FILATURES ET TISSUS.


4.« D I V I S I O N . — T O I L E E T F I L A T U R E D U L I N .


»§S^*?ALGB.É le p r i x d'un mi l l i on offert par


jj ĴJ ^ l ' empereur N a p o l é o n à ce lui qui d é c o u -
vrirait e n France l'art d e filer mécan i -


quement le chanvre et l e l i n , c'est à l 'Angleterre


qu'i l faut reporter l 'honneur de la d é c o u v e r t e , et


c'est à cette découverte enfin qu'il faut attribuer


l'état de marasme o ù languit aujourd'hui c h e z


nous l'industrie de la toi le et d u l inge . Autrefois


nous fournissions l e s pays é trangers et c o l o n i a u x ,


aujourd'hui l 'Angleterre nous vend ses fils, et si l 'E-


cosse et l 'Irlande ne nous envoient pas leurs t o i l e s ,


que n o s tisserands e n rendent grâce à l 'é lévation


des tarifs.




224 FILATURES ET T I S S U S .


E n 1 6 9 8 , à la soll icitation des fabricants de


draps d'Angleterre , le Par lement adressa à sa


majesté Gui l laume I I I des représentations sur


ce que les manufactures irlandaises causaient un


tort notable à ces fabricants , et qu'il serait b o n


que des manufactures de toi les fussent substi tuées


e n Ir lande aux manufactures de draps : les deux


pays, disaient les auteurs de l 'adresse , se par-


tageant ainsi des produits divers et en fai-


sant l'objet de leurs échanges, il y aurait


pour eux avantage réciproque.


C'était de la haute é c o n o m i e pol i t ique c o m m e


o n e n faisait dans ce t e m p s - l à , et c o m m e on en


fait encore malheureusement de nos jours ; aussi


sa majesté Gui l laume se h â l a - t - e l le de r é p o n -


dre à ces observat ions dans les t ermes g r a -


c i e u x que voic i : « J e ferai tout ce qui dépendra


de m o i pour décourager en Irlande les ma-


nufactures de laine, y encourager ce l les de


l in et aviver l e c o m m e r c e d'Angleterre. »


Q u e la manière dont le Parlement et le B o i


manifestaient leur sol l ic i tude p o u r les fabricants


Hibernais en leur promettant de s'appliquer à


détruire c h e z e u x u n e industrie f lor issante , fût


de leur goût o u n o n , ces vues étroites et fausses


n'en furent pas m o i n s s e c o n d é e s par la l ég i s la -




FILATURES ET T I S S U S . 225


Uvre ir landaise , laquel le s 'empressa de défendre


l 'exportation des draps du pays ail leurs qu'en


Angleterre , malgré les droits exorbi tants qui les


arrêtaient à la frontière de ce r o y a u m e .


P o u r être justes jusqu'au b o u t , disons c e p e n -


dant que le gouvernement anglais tint ses p r o -


messes d 'encouragement p o u r les fabr iques de


toiles d'Irlande. E l l e s furent entourées de m e -


sures régu la tr i ce s , d'arrêtés protec teurs . R e s t e


à savoir si cet te protec t ion a été p lus utile à


l'industrie irlandaise dont o n faussait la d irect ion ,


qu'un abandon c o m p l e t à sa pente nature l l e : c'est


ce que la plupart des autorités c o m p é t e n t e s se


permet tent avec raison, j e c r o i s , de révoquer en


doute .


Jusqu'en 1 8 3 0 des immuni tés intér ieures et


des primes d'exportat ion n'ont cessé d'être accor-


dées à l'industrie des fils et tissus de l in ; à tel


point q u e , malgré d' importantes r é d u c t i o n s , l es


pr imes à la sortie payées en 1 8 2 9 sur les p r o -


duits de cette nature , se sont é l evées à la s o m m e


énorme de 3 0 0 , 0 0 0 1. st. ( 7 , 5 0 0 , 0 0 0 fr.) ; o u un


sept ième des valeurs déclarées ! de là résultait


double, a b u s , o n autorisait l'inertie des p r o d u c -


teurs et l 'on habillait l 'étranger à ses d é p e n s ; i l


n'était pas poss ib le d'obtenir u n effet p lus a b -


O




2'ltì FILATURES ET TISSUS.


sur-de. Tant que ces lois et l'ancien m o d e de


product ion ont été en vigueur , l ' industrie des


toi les a fait peu de progrès ; el le n'est enfin sortie


de l'ornière qu'en appelant de nos jours à son


aidfe lesi invent ions mécaniques . et e n o b t e n a n t ,


e n compensat ion des pr imes qu'on lui retirait,


la d iminut ion des droits d'entrée sur les lins et


les chanvres . Car ici nous s o m m e s e n c o r e forcés


de le reconna î tre , la mei l l eure protec t ion de l'in-


dustrie est ce l le qui lui procure à bas pr ix les


ins truments et l es é l éments de son travail.


Pendant que l 'Angleterre et l 'Irlande s'effor-


çaient de soutenir dans ce dernier pays la fabri-


cation de la t o i l e , l 'Ecosse de son côté ne restait


pas en arrière. E n 1 7 2 7 une commiss ion fut


chargée de vei l ler aux progrès de ce l te industrie .


Malgré tous les e f for t s , tous les droits protecteurs


et les p r i m e s d'exportat ion , c e n'est e n c o r e


que l o n g - t e m p s après l 'avènement des forces


mécaniques que les lois protec tr ices disparurent


tout-à- fa i t e n 1 8 2 2 , à la d e m a n d e des intéressés


e u x - m ê m e s , et que le progrès fut sensible .


Aujourd'hui l 'Ecosse fabrique annue l l ement


p o u r p lus de 4 0 mi l l ions de t o i l e , de couti l et


de finge. L e grand centre de cette industrie est


à D u n d e e , et la marche ascendante qu'elle a suivie




FILATURES E T L I S S U S . 227


(1) Le yard équivaut à 914 millimètres 1/3.


depuis quelques années est tel le qu'on aurait pe ine


à croire aux rense ignements suivants , s'ils


n'étaient conf irmés par une autorité aussi i m -


posante que celle de Mae-Cul loch.


« La fabrication des toi les a été introduite à


D u n d e e vers le c o m m e n c e m e n t du siècle dern ier ;


mais el le est restée long- temps stationnaire. E n


1 7 4 5 , l ' importation du l i n , qui croît difficilement


en E c o s s e , ne s'élevait guère à p lus de 7 4 ton-


naux par an , sans aucune importat ion de chanvre .


Cette m ê m e année 1 7 4 5 , les chargements de toi le


s'élevèrent à environ u n mi l l ion de yards ( 1 )


( 9 1 4 , 3 8 3 m. 4 8 c.) non compr i s l a l o i l e à voi le


et à sacs. E n 1 7 9 1 , les importat ions de l in s'éle-


vaient déjà à 2 , 4 4 4 t o n n e a u x , et ce l les de chanvre


à 2 9 9 t o n n e a u x ; les exportat ions de l'année c o n -


sistèrent en 7 , 8 4 2 , 0 0 0 yards de toile fine ; 2 8 0 , 0 0 0


yards de toi le à voi le et 6 5 , 0 0 0 de toile à sacs.


Dès - lors la fabrique c o m m e n ç a à faire que lques


progrès p e u marqués . Avant la paix de 1 8 1 5 , i l


existait un b ien petit n o m b r e de filatures m é c a -


niques pour le chanvre et le l in ; mais à cet te


époque de grands per fec t ionnements s'élànt i n -




228 F I I A T U B E S E T T I S S U S .


troduits dans les m a c h i n e s à filer, des d é b o u c h é s


nouveaux s'étant ouverts , et les arrivages des m a -


tières premières e x p é d i é e s du N o r d de l 'Europe


se faisant surtout avec p lus de régularité que


pendant la g u e r r e , l ' industrie toilière s'étendit


rap idement et dans une proport ion mervei l leuse .


L e s importat ions de filasse montèrent de 3 0 0 0


t o n n e a u x en 1 8 1 4 à 1 5 , 0 0 0 en 1 8 3 0 , tandis que


les exporta t ions suivaient la m ê m e progress ion


ascendante . D u 3 1 mai 1 8 3 0 au 3 1 mai 1 8 3 1 ,


c ' e s t -à -d ire , dans l 'espace d'une année , il fut


introduit à D u n d e e 1 5 , 0 1 0 tonneaux de l in et


3 . 0 8 2 tonneaux de chanvre ; e t , par c o n t r e , il


sortit de ce l te ville 3 6 6 , 8 1 7 p ièces de toi le fine


équivalantà 5 0 , 0 0 0 , 0 0 0 de yards ; 8 5 , 5 2 2 p i è c e s ,


env iron 3 , 5 0 0 , 0 0 0 yards de toi le à voile ; et enfin


4 , 0 0 0 , 0 0 0 de yards de toi le à sacs ; en tout


5 7 , 5 0 0 , 0 0 0 yards ( 5 2 , 5 7 7 , 0 5 0 ra. 10') de toi les
de toute e spèce . Dans l'aqnée finissant au 3 1 mai


1 8 3 3 , c'est-à-dire d e u x ans p lus t a r d , les impor-


tations de l in s'élevaient à 1 8 , 7 7 7 t o n n e a u x , cel les


de chanvre à 3 , 3 8 0 t o n n e a u x , et les exportat ions


accrues dans la m ê m e proport ion représentaient


u n capital de 1 , 6 0 0 , 0 0 0 1. s t . , o u 4 0 mil l ions de


francs. »


11 est c o n s t a n t , d'après c e qu'on vient de l i r e ,




F I I A T U B E S ET T I S S U S . 229


que les exportat ions du seul port de D u n d e e ont


éga lé , pour ainsi d i r e , cel les de toute l ' Ir lande, et


pendant que la fabrique des toi les n e faisait q u e


de faibles progrès dans ce dernier p a y s , en E c o s s e


elle marchait à pas de géant , D u n d e e croissant dans


une proport ion plus grande peut -ê tre p o u r la


t o i l e , que Manchester p o u r les co tons . I l est dif-


ficile de se rendre u n c o m p t e satisfaisant de c e s


accroissements rapides. Mac C u l l o c h , croit p o u -


voir en attribuer une partie cependant a la p o s i -


t ion de D u n d e e au mi l ieu de v i l lages , q u i , depuis


l ongues a n n é e s , s'occupaient de ce genre d ' indus-


trie , et à la c o m m o d i t é de son port p o u r les arri-


vages. N é a n m o i n s , c e l a n e suffit p a s , et il faudrait


y ajouter une foule de c irconstances favorables


dont le c o n c o u r s , nécessaire à une prospér i té pa -


re i l l e , échappe à l'analyse. D e que lque source au


reste qu'une si heureuse activité p r o v i e n n e , n o u s


ne p o u v o n s que t rembler p o u r l'industrie fran-


çaise devant ses effrayants résultats: i l s s e m b l e n t ,


dans leur progress ion miraculeuse , braver toute


concurrence à venir. N o u s s o m m e s d'ailleurs


b ien en arrière de nos rivaux p o u r la filature du


chanvre et du l iu ; lorsque N a p o l é o n offrait un


mill ion de r é c o m p e n s e à qui introduirait eu


France cette industr ie , il y avait dix années rçu'on




230 FILATURES E T T I S S U S .


(1) Je suis privé de renseignements sur les filatures
d'Alsace et de Lille, celle de la Loire-Inférieure, fon-
dée en 1828, à quelques lieues de Nantes, près le
bourg du Pallet, sur la Sèvre, file jusqu'au n.° 20 mé-
trique , (20,000 mèlres par demi kilog.) correspondant
à un numéro anglais beaucoup plus élevé. Les pro-
duits de celte manufacture pouvant s'élever aujourd'hui
à 50,000 kilog. par an commencent à trouver un facile
écoulement. Ce n'est donc pas sans surprise que j'ai vu
à la chambre des députés , lois de la discussion des lois de
douane , un honorable représentant avancer (séance du 3
mai 1836) qu'aucune fabrique de ce genre •''existait
encore en France ; et personne ne s'est trouvé là pour
démentir cette assertion.


l 'exerçait en A n g l e t e r r e , et lorsqu'en 1 8 3 5 nous


avons à pe ine c inq o u s ix établissements de cette


nature dans les départements du N o r d , du Haut et


B a s - R h i n , et de la Loire - inférieure (1 ) , i l y a


déjà l o n g - t e m p s que les filateurs d u Yorkshire


ont renouve lé p o u r la s e c o n d e fois leurs mé-


tiers et établi des correspondances avec la


France p o u r la vente de leurs produi t s . Les


e n c o u r a g e m e n t s seuls d u gouvernement f r a n -


çais p o u r r o n t rétablir u n e balance qui penchait


naguère en notre f a v e u r , mais dont les m a -


chines anglaises ont changé l 'équil ibre. Au re s t e ,


les encouragements que je demande ne sont




FILATURES ET T I S S U S . 231


pas du genre prohibit i f , ce sera i t , se lon l'idée


de N a p o l é o n , une pr ime qui devrait être a c c o r -


dée au premier qui établirait chez nous une fila-


ture de lin c o m p l è t e , et capable d'entrer e n c o n -


currence avec ce l les de Leeds ou de I l o l b e c k :


une diminution sur la taxe d'entrée des filasses


é t r a n g è r e s , serait également indispensable au


succès de cette industrie . Les Anglais ne paient


sur les l ins et les c h a n v r e s , bruts o u p e i g n é s , que


2 0 cent , de droitpar 1 0 0 kil. : tandis que l'on ex ige


de nous 5 f r . , 8 fr. et 1 5 f r . , plus] le déc ime


de g u e r r e , sans c o m p t e r la différence toujours à


notre dé tr iment , dans le prix des m a c h i n e s , des


métaux et du combust ib le .






F A I E K C E , P O R C E L A I N E , V E R R E , ETC. 233


FAIENCE, PORCELAINE, VERRE,


G L A C E S , C R I S T A U X .


piSSMi-S P R È S avoir examiné avec é tendue l'esprit


J :f\^ Il de l'industrie anglaise , et les d e u x g r a n -


des divisions de ce l te industrie qui e n


comprennent les branches les p lus i m p o r t a n t e s ,


métaux et tissus, j e vais consacrer que lques


l ignes à un e x a m e n plus rapide de diverses fabri -


cations assez majeures p o u r trouver place dans cet


o u v r a g e , mais que la rapidité d'un seul voyage n e


m'a pas permis d'observer d'aussi près .


La f a ï e n c e , la porce la ine , se présentent en pre-


mière l igne sur ce second plan de m o n travail.


A u x arts céramiques en e f f e t , nous d e v o n s , et


ces vases p r é c i e u x , l 'ornement de nos s a l o n s , et


ce l l e mult i tude d'usteusiles ind i spensab les , cora-




234 Ï A I E K C E , P O R C E L A I N E , V E R R E , ETC.


(1) Les vases murrin s étaient, croit-on , une espèce de
porcelaine.


m o d e s , peu d ispendieux qui couvrent la fable et


du riche et du pauvre ; c a r , dans sa souplesse


inf inie , l'argile plastique du p o t i e r , depuis la


tasse la plus h u m b l e de nos cuisines s'élève en se


modifiant par degrés insensibles jusqu'à servir de


décorat ion aux plus s o m p t u e u x pala i s , offrant


à chaque classe des objets d'utilité o u d'agrément


tou jours 'propor t ionnés aux facultés et à la c o n d i -


tion de l 'acheteur.


U n e industrie répondant à des besoins aussi


universe l s , aussi d ivers , est de tous les t emps et


de tous les l i eux . Pendant que les voyageurs en


pays i n c o n n u s nous apprennent que les sauva-


ges les plus arriérés en civilisation ont l eurs


ustensi les de terre , l'histoire et les découvertes de


l 'archéologie nous prouvent que , dans la plus


haute ant iqu i té , les p e u p l e s anciens ont su pétrir,


et travailler l'argile. Si IXéron a payé plus d'un


mi l l ion de notre monnaie un vase murrin (i), o n


doit croire à la beauté des p r o d u i t s , et n'être pas


surpris que de nos jours on ail cons idéré c o m m e


un progrès l'imitation parfaite par MM. de Saint-




F A I E K C E j P O R C E L A I N E , V E R R E , E T C . 235


Cricq-Cazeaux et P i c h e n o t , des anciens vases


étrusques.


F a ï u N C E . — La grande perfect ion des faïences


anglaises , incontestablement supérieures à toutes


cel les de F r a n c e , est due pr inc ipalement aux


travaux de M. Josiah V V e d g w o o d . Cet h o m m e ,


d'un esprit persévérant et i n d u s t r i e u x , s'était


consacré de b o n n e heure , vers le mi l i eu d u s iècle


dern ier , à l ' industrie qui nous o c c u p e ; i l s ' e n -


toura c o n s t a m m e n t des consei l s de la s c i e n c e ,


appela auprès de lui les h o m m e s les p lus d i s -


t ingués dans les a r t s , e t . grâce à ce c o n c o u r s ,


soutenu d'une énergique v o l o n t é , fit faire aux


arts céramiques de rapides progrès . L e cé lèbre


F laxman l u i - m ê m e ne dédaigna pas de d o n n e r


les dessins d'une foule d'urnes el de vases qu'il


orna de bas-rel iefs en b i scu i t , et j'ai vu à L o n -


dres , chez un ancien ami de ce grand scu lpteur ,


tout un j e u d'échec en grès b l e u â t r e , m o d e l é


par lui avec une originalité p le ine de verve et


d'esprit , depuis le dernier des />/o«.y jusqu'au roi.


L e s principales manufactures de porce la ine et


de faïence d'Angleterre, sont dans le Slaffordshire,


district des P O T E R I E S , l equel contient un grand


n o m b r e de villages et de h a m e a u x p e u p l é s d ' e n -


v iron 6 0 , 0 0 0 habi tants , la plupart adonnés aux




236 F A I E S C E , PORCELAINE , V E R R E , ETC.


travaux de la faïencerie. L e p lus considérable de


ces villages porte le n o m emblémat ique à'Etru-


rie, et fut fondé vers 1 7 6 0 par Y Y 7 e d g w o o d


l u i - m ê m e .


Ce p a y s , r iche en combust ib le fossile el en


terres arg i l euses , est avantageusement c o u p é par


de n o m b r e u s e s routes et des canaux m u l t i p l i é s ,


qui p e r m e t t e n t d'exporter faci lement les p r o -


duits et de recevoir à p e u de frais les argiles


« lumineux des comtés de D o r s e t et de D e v o n ,


et le s i lex du Rent sh ire .


On est ime à environ 3 7 , 5 0 0 , 0 0 0 fr. les faïences


annue l l ement fabriquées dans le seul district des


P o t e r i e s , et à 5 6 , 2 5 0 , 0 0 0 fr. les m ê m e s p r o -


duits p o u r touta l 'Angleterre. D e p u i s 1 8 1 4 , la


p r o d u c t i o n des faïences et des porce la ines a t o u -


jours été croissant dans la G r a n d e - B r e t a g n e ,


grâce aux améliorations apportées chaque j o u r à


la fabr icat ion , lesquel les ont permis d'opérer une


réduct ion de 2 0 pour cent dans les p r i x , sans


réduire le salaire des ouvriers auxquels des d é -


couvertes récentes permet tent de fabriquer, dans


un t emps d o n n é , quatre fois p lus de produits


qu'autrefois. Ces p r o c é d é s nouveaux , j'aurais


p e u t - ê t r e essayé de les d é c r i r e , n'ayant été té-


moin en France que des p r o c é d é s surannés et




FAIEÎÎCE , P 0 R C E L A I 5 E , V E R R E , ETC. 237


imparfaits , usités dans nos fabriques de faïence


c o m m u n e ; mais le d irecteur de l'une de nos p lus


importantes manufactures de f a ï e n c e , dans le


L y o n n a i s , avec qui j e m e trouvais e n A n g l e t e r r e ,


rn'ayant assuré que la plupart des procédés a n -


glais étaient en usage dans son é tab l i s s ement , j e


supprimerai une descript ion qui ne pourrait être


que fort imparfaite ; j e dirai s eu l ement ici que l l e


était l 'opinion de m o n c o m p a g n o n de voyage . A


son a v i s , les faïences fines anglaises c o n n u e s


de l'autre côté du détroit sous le n o m à'Iron-


stone-china, et en F r a n c e sous celui de por-


celaine opaque, sont d u n e pâte b e a u c o u p p lus


fine et plus liante que les nôtres , ce qui p e r m e t


de donner plus de l égère té aux objets f a b r i q u é s ,


d'en pousser la cuisson à un degré p lus é l e v é , et


de les rendre par là m o i n s suscept ibles de se briser


au plus léger c h o c . Leurs vernis sont de la p lus


bel le qualité et fort supérieurs à tout ce q u e n o u s


avons fait jusqu'ici n o u s - m ê m e s , b ien que n o u s


soyons en voie de grandes amél iorat ions . D e p u i s


quelque t emps la m o d e a abandonné c e genre


de faïence à reflets gris o u d o r é s , que sa c o u -


verte métall ique a l o n g - t e m p s fait rechercher sur


le continent . A u j o u r d ' h u i , la majeure partie des


faïences anglaises est ornée de dessins e n f o r m e




238 F A I E 5 C E , PORCELATRE , VERRE , E T C .


de semis de fleurettes et de petites rosaces b l eues


o u v e r t e s , d'un assez b o n goût . Les formes sont


en général l o u r d e s , dépourvues de g r â c e , mais


grandes et c o m m o d e s . Quant a u x p r i x , les f a -


briques françaises qui auront le bon esprit de ne


s'établir que dans des pays favorablement situés


p o u r obtenir le charbon de terre et les terres


argi leuses à b o n m a r c h é , ne craindront pas la


c o n c u r r e n c e anglaise. Sur ce p ied , la fabrique


d'Arboras ( R h ô n e ) ne redoute aucune rivalité ; si


e l le pouvait suffire à la c o n s o m m a t i o n , el le ferait


aux autres fabriques de F r a n c e , m o i n s avanta-


g e u s e m e n t s i t u é e s , la concurrence la p lus dan-


gereuse . E n f i n , si les fabriques françaises n'ont


pas cet te argile r ichement a lumineuse qui fait


l e principal méri te des pâtes ang la i ses , el les ont


p o u r el les l 'é légance des f o r m e s , el les savent


imiter les m o d è l e s c o m m o d e s des A n g l a i s , tout


en y apportant les modi f icat ions e x i g é e s par le


b o n g o û t , et c o m p e n s e n t ainsi d'autres désa-


vantages .


C e l t e op in ion , q u e , dans la l imite de m e s c o n -


na i s sances , j e 'par tage e n t i è r e m e n t , était é m i s e ,


il ne faut pas le perdre de vue , par u n e p e r -


sonne tout à fait c o m p é t e n t e dans la matière :


el le dirige une des p lus importantes faïenceries de




F A I E X C E , P O R C E L A I N E , VEBRE , E T C . 239


France ; elle venait de faire sur les l i eux une


élude spéciale des produits anglais : e l le avait


obtenu une l i cence p o u r introduire en France ,


c o m m e m o d è l e s , p lus ieurs services c o m p l e t s ; et


enf in , el le venait de se p r o c u r e r , sans grandes


diff icultés , des échanti l lons de l ou le s les t e r r e s ,


de toutes les p â t e s , de tous les é m a u x usités chez


n o s voisins. J e ne doute d o n c pas qu'a l'heure


qu'il e s t , elle n'pit su apporter de nouveaux p e r -


fec t ionnements à une industrie en état d e m a r -


cher aujourd'hui s e u l e , sans s o u t i e n s , et qui ne


demande p l u s , p o u r faire les derniers p r o g r è s ,


que le stimulant d'un p e u de concurrence étran-


g è r e , sous la protec t ion d'un faible droit .


PORCELAliNE. — On est loin de faire en Angle -


terre un aussi fréquent usage de la porce la ine


qu'en France. Le b o n m a r c h é de cet article


c h e z - n o u s , et son incontestable supériori té sur


nos plus be l les f a ï e n c e s , lui a valu ce l te faveur.


E n Angleterre , il n'en est pas ainsi ; la porce la ine


s'y est toujours maintenue à des p r i x assez


é l e v é s , e l le a à lutter contre des fa ïences s u -


périeures ; la différence dans les qualités ne s'est


d o n c pas , c o m m e e n France , trouvée assez


sensible pour balancer ce l le des pr ix .


J e n'ai visité qu'une seule manufacture de por-




240 F A Ï E N C E , P O R C E L A I N E , V E R R E , E T C .


celai ne anglaise, cel le de M. R o s e , à Coalporf, sur la


S e v e r n , dans le Shropshire . J'ai v u là que la


cuisson s'opérait au charbon de t e r r e , ce qu'on


n'a po int encore essayé en France avec succès ,


malgré l ' économie de combust ib l e qui en doit né-


cessairement résulter. C o m m e dans la fa ïencer ie ,


les pâtes sont préparées et séchées sur une plate-


f o r m e d'environ 4 0 p i eds de l o n g sur 5 de


l a r g e , garnie d'un b o r d , et chauffée par un four


n e a u dont el le forme la partie supérieure . T o u s


les autres p r o c é d é s du m o u l a g e et du tournas -


sage , sont à p e u près c o n f o r m e s à ce que j'ai


vu en France . Les produits de M. R o s e , assez


b e a u x e n qua l i t é s , sont lo in cependant d'égaler


les produi ts f rança i s , surtout p o u r la forme et


l es décors . L e s formes sont baroques plutôt


qu'originales ; les c o u l e u r s , fausses et faibles de


teintes ; les pe intures accusent le mauvais goût


du directeur. J e dis du directeur, car ayant vu


d e s ornements d'un goût t r è s - p u r , exécutés sur


les papiers mâchés de B i r m i n g h a m , j'ai d û


croire q u e , malgré l'infériorité réel le des d é c o -


rateurs anglais sur les n ô t r e s , i l se trouvait encore


parmi e u x que lques h o m m e s de talent qu'il ne


tenait qu'aux fabricants de savoir diriger o u


découvrir .




FAÏENCE, PORCELAINE, VERRE, ETC.. 241


C'est donc une convic t ion p o u r m o i , au fur


et à mesure que les manufacturiers anglais p e r -


fect ionneront leur propre g o û t , ce lui de leurs


ouvriers suivra la m ê m e progress ion . Déjà


les premiers c o m m e n c e n t à sentir ce qui l eur


manque de ce c ô t é , et leurs efforts actuels t e n -


dent à propager , par l ' e n s e i g n e m e n t , l e talent


de la pe inture et d u d e s s i n , appl iqué a u x arts


industriels . D e la sorte , i ls n o u s enlèveraient


p e u à p e u l'avantage le p lus incontes table q u e


nous ayons sur e u x , si n o u s n'y pren ions


g a r d e , et si nous ne n o u s efforcions , à l eur


e x e m p l e , de rétablir la balance , en donnant à


nos o u v r i e r s , par la fondation d'écoles spéc ia l e s ,


une instruct ion théorique p lus c o m p l è t e , qui l eur


permet te enfin de déve lopper l eur inte l l igence et


de ré former par un p e u de savoir toutes les m a u -


vaises rout ines de l'atelier.


V E R R E , G L A C E S , C R I S T A U X . — Pour la fabri-
cation des cr i s taux , d u verre à vitre et des g laces ,


la France a b i e n p e u de chose à redouter de


l 'Angleterre. Entravés par un droit d'excise


é n q r m e , les verriers de ce pays ont p e u fait


depuis un grand n o m b r e d'années p o u r l ' amé l io -


ration de leurs produi t s . J'ai dit ail leurs c o m m e n t


ils en étaient encore p o u r la fabrication des verres




242 FAÏENCE, PORCELAIHE, VERRE, ETC.


à vitre à d'anciens p r o c é d é s infiniment p lus d i s -


p e n d i e u x que les nôtres ; c'est de l 'Allemagne , de


la B e l g i q u e que n o u s v iendra i t , dans cette partie ,


la c o n c u r r e n c e la p lus r e d o u t a b l e , concurrence


contre laquel le nous p o u v o n s encore être en m e -


sure de lutter. La quest ion d u cristal serait p lus sus-


cept ib le de controverse , car c'est aux Anglais qu'on


e n doit l ' invention ; et p o u r la b o n n e q u a l i t é , la


beauté des p r o d u i t s , ils ont toujours conservé


le premier rang.


On ne fabriquait autrefois en E u r o p e que du


verre c o m m u n , d'une teinte p lus o u m o i n s


b lanche . L e s verriers Anglais ayant essayé d ' o p é -


rer à la houi l le la fusion des m a t i è r e s , antérieu-


rement o b t e n u e au bo i s , s 'aperçurent que la


f u m é e de ce c o m b u s t i b l e , t rop chargée de parties


c h a r b o n n e u s e s , altérait sens iblement la teinte du


verre . Pour remédier à cet i n c o n v é n i e n t , i ls ne


virent r i en de m i e u x que d'opérer à creuset c o u -


vert ; mais a l o r s , l ' intensité de chaleur se trouvant


d i m i n u é e , l 'opération ne marchait p a s . I l f a l lu t ,


p o u r vaincre c e nouve l o b s t a c l e , songer à m o -


difier la c o m b i n a i s o n des mat ières et y i n t r o -


duire p lus de fondant. C'est e n tâtonnant ainsi


p e u à p e u qu'ils arrivèrent à un produit n o n - s e u -


l ement p lus f u s i b l e , mais b i en supérieur encore




FAÏENCE, PORCELAINE, TERRE , ETC. 243


p o u r la valeur et l'éclat h tout ce qui s'était fait


précédemment . Ce nouveau p r o d u i t , c'était le


cristal m o d e r n e qui a ent ièrement supplanté en


Angleterre l'usage du verre c o m m u n , car les


droits d'excise pesant d'un p o i d s égal et sur les


verres blancs et sur le cr is ta l , la différence de v a -


leur entre ces produits surchargés de la taxe et des


frais de fabrication ne fut p lus suffisante p o u r


faire préférer le p r e m i e r au d e u x i è m e . Cette taxe^


qui est de 3 p e n c e ( 3 0 c.) par livre de matière


dans le c r e u s e t , équivaut à u n droit de 7 5 c. par


livre de matière en oeuvre , avant la taille ; et la


ta i l l e , enlevant encore une grande partie de l eur


poids aux cr i s taux , le p r i x en serait é levé d'une


manière exhorbitante , si les Anglais n'avaient


pris le parti de ne fabriquer, à p e u p r è s , que


des p ièces p e u épaisses. C'était d o n c u n obstacle


au déve loppement de l'art et a u x e x i g e n c e s ca-


pric ieuses de la m o d e , c 'était , e n m ê m e t e m p s ,


une entrave à la vente q u e s t imulent toujours des


m o d è l e s nouveaux : or , ces entraves qui agissaient


snr les d é b o u c h é s in tér i eurs , agissaient presque


autant sur les ventes à l 'étranger. On r e m b o u r s e ,


i l est vrai, les droits d'excise à l ' expédi teur; mais


ces r e m b o u r s e m e n t s ne sont jamais si équi table -


ment réglés que ce lui -c i n'y soit presque toujours




244 F A I B K C E , PORCELAIÎfE , V E R R E , E T C .


( I ) Un bill du 9 sepiembre 1835 a réformé cette lé-
gislation oppressive ainsi qu'il suit :


Les anciens droits et les anciens drawbacks sont rap-
pelés.


Le droit nouveau sur le cristal sera de 6 shellings
8 p . (8 fr. 30 c.) par quiutal de matière vitrifiable dans
le creuset.


Le drawback sera de 18 sh. 9 p. (23 fr. 40 p.) par
quintal de cristal manufacturé, déclaré à la douane pour
l'exportation.


Le drawback ne sera accordé qu'aux cristaux
msulés ou taillés , valant au moins 5 p. ( 50 c. ) la
livre.


perdant ; de p lus , il est g ê n é par le n o m b r e des for-


malités à rempl ir , par les condit ions de l 'embal-


lage dont l e m o d e lui est minut i eusement prescr i t ,


et contre l eque l il n e peut contrevenir sans s ' e x -


poser a p a y e r de fortes amendes . Fal la i t - i l p lus


q u e cela p o u r arrêter l 'essor d'une industrie (1 ) ?


A u s s i , depuis quarante a n s , malgré l 'accroisse-


ment de la popu la t ion eu A n g l e t e r r e , le n o m b r e


des cristalleries a p lutôt subi des réduct ions que


des augmenta t ions ; et pourtant que l pays est plus


avantageusement situé que l 'Angleterre , p o u r


fabriquer d u verre à b o n marché ; e l le a sur son


sol le s i lex et la houi l le à chaque p a s , le p l o m b




F A Ï E N C E , P O B C E I A Ï H E , V E R B E , E T C . 245


s'y trouve avec une profusion presque égale ,


tandis que ses vaisseaux lui apportent e n a b o n -


dance la soude et la potasse qu'elle ne produi t pas .


Ce fait est remarquable et montre à que l po int


une législation vicieuse peut e x e r c e r sur l ' indus-


trie une funeste influence.


L e s m ê m e s droits qui por tent sur le cr i s ta l .


pèsent également sur les verres à v i t r e , et sur les


g laces . La fabrication de c e dernier objet fut i n -


troduite e n angleterre en 1 6 7 3 s e u l e m e n t , par


des ouvriers vénit iens , qui travaillaient à L a m b e t h ,


sous la protect ion d u duc de B u c k i n g h a m . La


Compagnie britannique des g laces ( The JBri-


tish plate Company ) , fut autorisée cent ans


plus t a r d , e n 1 7 7 3 . El le fit construire une Ma-


nufacture considérable à Bavenshead dans le


comté de Lancas tre , o ù elle n 'occupa d'abord que


des ouvriers français. Maintenant , c e l t e m a n u f a c -


ture , avec ce l l e s de L o n d r e s et de L i v e r p o o l ,


fabrique d'assez b e a u x p r o d u i t s , m a i s dans de


petites proport ions ; car le droit d e Péxcise sur-


charge trop la valeur de leurs gitfc«s p o u r que


cel les de d imens ions un p e u grandes se répandent


dans les classes m o y e n n e s . Celte fabrication est


donc restée stalionnaire chez nos voisins pendant


qu'elle faisait c h e z nous de rapides progrès ,




2 4 6 FAIEjXCE., P O R C E L A I E E , V E R R E , E T C .


T a n t en verre qu'en g laces et e n cr i s taux , la


F r a n c e , malgré des droits excess i f s , e x p o r t e a n -


nuel lement p o u r 2 5 à 3 0 , 0 0 0 fr. de produits e n


Angleterre , e t si n o u s n'avions à craindre les verres


blancs de la B o h ê m e , j e m e demanderais avec


é t o n n e m e n t c o m m e n t il se fait que les cristaux


étrangers soient proh ibés e n France ? Le c o n s o m -


mateur f rança i s , exp lo i t é cependant par la coali-


t ion de n o s quatre uniques cristal leries , aurait


grand beso in d'être protégé à sou tour contre le


m o n o p o l e intérieur par un p e u de concurrence


étrangère.




RÉSUMÉ. 247


RÉSI) ME.


%-MïSl% ON trava i l a r r i v e à sa fin : j ' a i d é c r i t suc-


$ Wf f| c e s s i v e m e n t l e s b r a n c h e s l e s p l u s i m p o r -


tantes de la grande industrie manufactu-


r i ère , de ce l te industrie qui a é levé les Anglais


au-dessus de tous les peup le s , et fait d'une î le de


médiocre é tendue le centre des affaires du m o n d e .


Il ne m e reste p lus maintenant qu'à ré sumer en


p e u de mots c e que j'ai dit avec dé ta i l , et à tirer


des fails e x p o s é s les c o n s é q u e n c e s qui en d é -


coulent .


L o r s q u e , p o u r la première f o i s , j e vis arriver


en France les dé l égués d u c o m m e r c e Ang la i s ,


MM. G e o r g e s Vi l l i ers et le docteur J o h n B o w -


r i n g , je ne considérai qu'avec une grande d é -


fiance la mission de ces d e u x étrangers, M a i n l e -




248 EËSUMÉ.


nant que j'ai vu les faits de p lus p r è s , et que j'ai


consacré à leur appréciat ion un e x a m e n plus a p -


profondi , j e c o m m e n c e à croire que leurs discours


n'étaient pas dépourvus de b o n n e f o i , lorsqu'ils


nous proposa ient d'établir gradue l lement la l i -


berté c o m m e r c i a l e entre la France et l 'Angle-


terre . Qu'on les retourne c o m m e o n v o u d r a , il y


aura toujours b e a u c o u p de vrai dans des paroles


c o m m e cel les qui su ivent , et leur application com-


binée avec une sage appréciat ion de toutes les


c irconstances ne pourra que produire un grand


b i e n : « La F r a n c e , répétait souvent le doc teur


» B o w r i n g , produit une foule de choses qui nous


» m a n q u e n t , o u que nous ne p o u v o n s produire à


» un p r i x aussi bas ; à son t o u r , l 'Angleterre f a -


» br ique à mei l l eur c o m p t e que la France un


» grand n o m b r e de marchandises qu'elle pourrait


» lui fournir en échange des objets dont el le


» manque e l l e - m ê m e , o u dont la fabrication lui


» est p lus d ispendieuse . I l y aurait de la s o r t e ,


» entre les d e u x na t ions , échange de produits et


» de b o n s procédés : les noeuds qui unissent a u -


» jourd'hui l es d e u x p e u p l e s seraient resserrés


» par l 'accroissement des relations commerc ia les ;


» leur a l l iance , f o n d é e sur des intérêts r é c i p r o -


» q u e s , deviendrait de j o u r en jour plus solide 5




R É S U M É . 249


» plus indisso luble , tandis q u e , d'un autre c ô t é ,


» les besoins m o r a u x de l ' E u r o p e , le pr inc ipe


» fécond de la l iberté , recevraient de cette union


» sincère une nouvel le garantie de satisfaction et


» de durée. »


I l est évident q u e , dans une infinité de cas ,


l 'Angleterre l 'emporte sur la France ; i l n'est


point d'aveuglement national qui puisse nous


faire voir le contraire. D e s habi tudes d'ordre et


de ca lcul , acquises de l ongue main , l 'activité c o r -


pore l l e nécessitée par la froidure du c l i m a t , des


m o d e s d'opérer perfect ionnés par une longue


pratique ; des ouvriers plies de b o n n e h e u r e , et
par l ' exemple et par un sér ieux apprentissage ,


aux manipulat ions industr ie l les , le génie de la


mécanique inné chez les A n g l a i s , et s t imulé par


l ' impérieux beso in de produire t o u j o u r s , de p r o -


duire b e a u c o u p et à b o n m a r c h é , l 'abondance des


matières premières fournies par lé s o l , la facilité


des arr ivages , la mult ipl ic i té des voies de c o m -


munication , un système complet D E B A N Q U E S ET
de c r é d i t , une grande sécurité na t iona le , voilà


des avantages qui a s s u r e n t , sur b e a u c o u p de


p o i n t s , une incontestable supériorité à la Grande-


Bretagne . La F r a n c e , à son t o u r , ne se présente


pas ent ièrement désarmée sur ce l l e arène d' in :




250 RÉSUMÉ.


d u s t r i e , de civilisation et de travail: chaque jour


nous apprenons à faire m i e u x que la vei l le , notre


éducat ion profess ionnel le se p e r f e c t i o n n e , notre


ciel est p lus b e a u , n o s ouvriers se forment ; le


pr ix de l eur travail e s t , dans la plupart des c a s ,


m o i n s é levé que ce lui des ouvriers ang la i s , et si


cet avantage est p e u sensible sur les objets de


grande fabrication dont les machines font les frais


p r i n c i p a u x , il n'en est pas ainsi sur les articles


de déta i l , l esquels réc lament impér ieusement le


travail intel l igent de l 'homme. Or, ces articles sont


n o m b r e u x , e t , sur presque t o u s , la France a


l'avantage.


Les l imes f i n e s , les v is à b o i s , les outi ls c o m -


p o s é s de plusieurs é l é m e n t s , tels que fer , ac ier ,


c u i v r e , b o i s , e t c . , p o u r lesquels la finesse du tran-


chant n'est pas une qualité indispensable , sont


m i e u x confec t ionnés e n France qu'en Angleterre ;


nos scies droi tes sont d'un pr ix bien inférieur


aux scies angla i ses , et ne les craignent sur aucun


marché du m o n d e . Si leurs mines de fer et d ' é -


tain donnent aux fers-blancs anglais l'avantage sur


les n ô t r e s , notre ferblanterie vernie est incontes -


tablement supér ieure à ce l le de nos vois ins. L'a-


cier fondu de Shel l îe ld fait le principal mérite de


la coutel lerie anglaise ; qu'on leur laisse obtenir




R É S U M É . 251


cet acier à bon m a r c h é , qu'on les s t imule par une


légère c o n c u r r e n c e , et nos coute l i er s , j'en ai l i n -


l ime c o n v i c t i o n , produiront des raso irs , des ca -


ni fs , des c o u t e a u x , égaux aux mei l leurs c o u -


teaux , aux mei l leurs rasoirs d'Angleterre ; d é j à ,


p o u r les c i s e a u x , l'avantage est à la France . N o s


fabricants de machines ne demandent qu'un p e u


plus de c r é d i t , des capitaux à mei l l eur m a r c h é ,


et des matières premières à p lus bas pr ix p o u r


combat tre leurs r ivaux. Malgré la différence du


pr ix des cu ivres , nos estampés, nos plaqués


s o n t , à qualité égale , d'un pr ix inférieur. Quant


à la fabrication des b r o n z e s , e l le est nationale en


F r a n c e , et n'existe nulle part ailleurs. J'ai vu à


B irmingham des crochets de m o n t r e , de pet i ts


ornements vernis o u bronzés ; i ls étaient mal m o u -


lés , mal reparés , mal f o n d u s , et de p lus pi l lés o u


surmoulés sur des m o d è l e s paris iens.


P e u à p e u entre nos tissus de coton et les tissus


angla is , la différence se c o m b l e . S i l ' importation


des Calicots anglais pouvait avoir l ieu à la c o n d i -


t ion expresse p o u r e u x d'être e x p o r t é s après


l ' impress ion , nul doute que ces articles de d o u b l e


origine n'eussent un grand succès »ur tous les


marchés d u g l o b e ; car si nos tissus laissent à d é -


sirer, nos couleurs et nos dessins l 'emportent en




252 B É S O I É .


tous l i eux pour l'éclat et le b o n goût . D e u x ou


trois filatures anglaises p o u r les numéros élevés


surliraient à l 'approvis ionnement de l 'Europe e n -


tière : il serait inuti le de chercher à lutter contre


e l l e s , mais nous p o u v o n s égaler les filés étran-


gers dans les n u m é r o s de c o n s o m m a t i o n usuel le .


La dif férence du pr ix des laines en France et


en Angleterre est p e u t - ê t r e la seule cause de


l'infériorité de nos draps ; c a r , qu'on ne le perde


pas de vue , la plupart des matières premières


sont grevées de taxes inoins pesantes chez nos


voisins que chez nous. C e p e n d a n t , si les draps


anglais sont pour le bon marché préférables aux


n ô t r e s , les nôtres l 'emportent peut-être p o u r la


b o n n e quabté. N o u s v o y o n s , à l ' examen des autres


tissus de laine , que si nous p e r d o n s l'avantage sur


les t a p i s , nous le retrouvons sans conteste sur les


c h â l e s ; et nos satins de la ines , nos stoffs o u v r é s ,


n o s . m é r i n o s , nos napolitaines , redoutent fort p e u


la concurrence .


S i les soieries unies de Manchester rivalisent


avec n o s unis d'Avignon , les soieries travaillées ,


les sa t ins , les b r o c h é s de Lyon défient les p r o -


duits de Spi lal f ie lds ; et les rubanniers de C o v e n -


try adressent en vain au Par lement des pét i t ions


contre les produits de Sa int -Et ienne dont la


beauté les désespère ,




B É S I M É . 2f>3


Si la faïence est plus be l l e en A n g l e t e r r e , par


compensat ion la porce la ine de F r a n c e est s u p é -


rieure à ce l le d u Staffordshire et du Shropsh ire .


Si les cristaux des d e u x pays se b a l a n c e n t , il


e s t , par c o m p e n s a t i o n , p e u de comparaison à


établir entre leur verre à vitre et leurs g laces .


On a vu dans le p r e m i e r v o l u m e de ce livre ,


c o m b i e n la fabrication des m e u b l e s était m e s -


quine en A n g l e t e r r e , c o m m e n t les maisons r iches


de ce pays demandaient à l ' industrie paris ienne


une partie de leur mobi l i e r . C'est une branche


de c o m m e r c e suscept ib le d'une grande e x t e n -


sion , mais il faudrait p o u r cela que nos b o n s


marchands de m e u b l e s frança i s , les Maigre t , les


Jacob; se donnassent la pe ine de passer l e détroit


et d'aller étudier c h e z n o s voisins e u x - m ê m e s ,


leurs beso ins et leurs goûts .


La brosserie de L o n d r e s et de B i r m i n g h a m


dans les objets de c o n s o m m a t i o n u s u e l l e , moins


élégante que la brosserie française , est généra le -


ment m i e u x confec t ionnée p o u r la solidité ; ainsi


les avantages se ba lancent . C e p e n d a n t , c'est C h é -


rion de P a r i s , qui fournit L o n d r e s de p inceaux ;


Ottoz y e x p é d i e de son cô té ses exce l l en te s c o u -


leurs à l'huile ; mais c'est N e w m a n n de L o n d r e s ,


qui nous adresse en échange ses tablettes f ines


p o u r l'aquarelle , et B r o o k m a n n , ses crayons .




254 BÉsiMÉ.


l e s cartons de B r i s t o l , b ien connus de nos


art i s tes , ne trouvent point en France de produits


qui les égalent ; il en est de m ê m e p o u r toutes


les autres e spèces de carton. N o s impr imeurs .


nos r e l i e u r s , n o s fabricants de cartonnage , n o s


drapiers et tons ceux qui emplo ient le mét ier à


la Jacquarl , l equel c o n s o m m e tant de carton ,


se p la ignent avec raison du droit exagéré qui


pèse sur cet article. N e serait-ce pas justice de


réduire de b e a u c o u p ce d r o i t , et d'obtenir par


compensa t ion la réduct ion de la taxe imposée


en Angleterre à l ' importation de nos papiers


pe int s ( 1 ) . N o t r e b o n g o û t , notre connaissance


approfondie des arts ch imiques et d u dessin ,


n o u s d o n n e n t e n c o r e sur cet article une supé-


riorité marquée q u e combattent a pe ine les fa -


bricants anglais e n copiant et calquant nos m o -


dè les .


(1) Le droit d'entrée sur les cartons est en France,
par kilogramme et selon les qualités, de 88 c . , 1 f. 75 c.
et 2 f. 20 c . , décime compris.


Le droit qui pèse sur nos papiers peints en Angle-
terre est d'un schilling par yard carré ; environ 6 f. 25 c.
par rouleau, ou plus de cent pour cent de la valeur
des qualités moyennes. De part et d'autres, on le voit,
nous sommes loin encore de la liberté commerciale.




Puisque j'ai parlé de nos connaissances chimi-


q u e s , je ne passerai pas outre sans observer que


nos fabricants de produi ts ch imiques d'une dif-


ficile préparat ion , MM. R o b i g u e t , P a y e n , Gay-


Lussac , ont le privi lège à p e u près exc lus i f de


fournir les chimistes de L o n d r e s et les l abora-


toires de ses éco les . Maintenant j e poursuis .


Après les anciens et exce l l en t s luthiers de


C r é m o n e , les A m a t i , les Stradivar i , les G u a r -


n e r i , ce n'est qu 'en F r a n c e qu'on a fabriqué de


bons violons . Aujourd'hui , l'art du luthier y est


en progrès . M. \V ui l laume de Paris , p o u r


les violons et les basses de p r e m i è r e q u a l i t é ;


les fabricants de M i r e c o u r t , p o u r les i n s t r u -


ments plus c o m m u n s , ne connaissent de rivaux


nul le part. Aussi leurs articles sont - i l s l 'objet


d'un c o m m e r c e soutenu avec la Grande-Bretagne .


U n français , marchand d' instruments , fixé à


L o n d r e s , m'assurait que depuis la pa ix il n'était


pas entré dans les trois royaumes unis m o i n s de


2 0 0 , 0 0 0 v i o l o n s , v i o l o n c e l l e s , basses o u a l t o s ,


sans parler de l 'énorme quantité de gui tares , de


serinettes et d'orgues à cy l indre , qui, de Mirecourt ,


ont trouvé en Angleterre un d é b o u c h é à p e u près


égal.


Londres possède quelques b o n n e s fabriques




2">G KÉSI'BK.


(1) Voici un prix courant des pianos de la fabrique


d'instruments à vent et un n o m b r e infini de fac-


teurs , de harpes et pianos . On sait que MM. Erard


frères eurent l o n g - t e m p s des ateliers dans cette


capitale ; aujourd'hui ce sont les instruments de


Broadvvood qui y jouissent de p lus de réputation.


Le m é c a n i s m e en .est f a c i l e , les sons ple ins et


b e a u x , l 'ébénisterie en paraît ex tér i eurement b ien


s o i g n é e , mais o n m'a assuré que tous les a s sem-


blages intérieurs étaient à plat jo int , ce qui n é -


cessa irement leur ôte de la solidité. A cela p r è s ,


pro tégés par u n droit de 2 0 p o u r c e n t , par des


frais cons idérables d 'embal lage , d'assurance et de


t ranspor t , ils craignent p e u d'être supplantés par


les p ianos français ( 1 ) .


L e s b i joux d o r é s , c e u x - m ê m e s en acier p o l i ,


sont m i e u x établis , de mei l leur goût à Paris qu'à


L o n d r e s .


N o s parapluies français sont p lus é l égant s , p lus


légers que les parapluies anglais , Quant à la cha-


pel ler ie , j e la crois sur un p i e d à p e u près égal


dans les d e u x pays .


La mendiante en l a m b e a u x , la vi l lageoise dans


ses c h a m p s , la f e m m e de charge et la chambrière ,




RÉSEMÉ. 257


de John Broadwood et fils, facteurs de la famille royale,
33 Great Pulteney street Golden square, à Londres :


DÉSIGNATION
des


PIANOS.


PRIX
­ 3
№ W


M
B
?>
2 "°


S)
2 O Ë> C A §• = H S' 515 s X
Sfi en


F. C. F. C
945 N 656 25


1076 25 735 1)
997 50 708 75


1155 » 813 75


1443 75 1000 50
1443 75 1000 50
1837 50 1338 75
2231 25 1653 75
2362 50 1758 75
2625 1977 50
2625 » 1872 50
3596 25 2625 >J


4200 3071 25
3543 75 2573
4200 )l 3071 25
4515 )) 3307 50


Piano carré, 6 octaves, acajou uni.
d.' d.°
d.* d.'
d.* d."


Il faut ajouter 52
Idessus, et 26 f. 25 c.


avec filets, eu palissandre,
acajou nui, coins ronds. .
avec filets, en palissandre,
f. 50 c. aux prix bruts ci
aux prix nets pour avoir le


sommier garni d'une plaque de enivre.
|Nouveau piano breveté à 6 octaves, sommier


métallique . . .
Piano dit Cottage­Piano , 6 octaves
jPiano à 6 octaves 1,2, acajou .


d / d.* palissandre
d.* grand formata 6 octaves 1,2 , acajou. . .
d." d.* d.* palissandre.


Piano à queue ordin." d.* acajou. . .
Nouveau piano à queue, breveté, à 6 octaves 1,2,


sommier métallique, acajou. . . . :
Nouveau piano à queue, breveté, à 6 octaves 1,2,


sommier métallique , palissandre
[Grand piano vertical, 6 octaves 1 2 , acajou. . .


d.* d * palissandre.
d.° d.* sommiermé­


talliqne, palissandre , • . ' • . .


Q


tout aussi bien que l 'épouse d'un l o r d , portent
le chapeau en Angleterre ; de cet usage est née
sans doute la fabrique des chapeaux de pail le , la­
quelle o c c u p e un grand n o m b r e de famil les dans




2")8 RKST'MÉ.


les comtés de Her l ford , B e d f o r d , B u c k i n g h a m ,


E s s e x , Snffolk et jusqu'en Ecosse .


Avant les guerres de la républ ique et de l 'em-


pire , la Grande-Bre tagne tirait ses chapeaux de


paille fins d'Italie; aujourd'hui qu'elle a fait son


apprentissage pendant ces l o n g u e s années de lut-


tes et de carnages qui suspendirent toutes t ran-


sanctions e x t é r i e u r e s , e l le demande p e u de ces


produits à la T o s c a n e et c o m m e n c e à rivaliser


avec el le . C e c i , du res te , n'intéresse la France


que c o m m e objet d'échange contre ses produi ts


soit au Midi , soit au N o r d . Les gants sont un ar-


t icle b e a u c o u p plus important p o u r elle ; car


l ' A n g l e t e r r e , malgré 2 0 années d 'e f forts , n'est


po int e n c o r e parvenue à imiter nos b e a u x gants


de G r e n o b l e , de Paris o u de N i o r t , et les par -


fumeurs de L o n d r e s , p o u r vanter leur marchan-


d i s e , la d é c o r e n t toujours du n o m de gants


français, depuis qu'en 1 8 2 5 la prohib i t ion qui


pesait sur cet article a été l evée .


C'est à W o o d s t o c k , à W o r c e s l e r que sont


l es pr inc ipales fabriques de gants anglais ; e t ,


chose s ingul ière , cette fabrication n'a p u prendre


que lque impor tance que d u m o m e n t où il a été


permis a u x mégiss iers d é f a i r e venir de France


les œ u f s nécessaires à la préparat ion de leurs




H ESTIMÉ. 259


p e a u x . Les pou les de N o r m a n d i e et de F landres ,


auxiliaires des p o u l e s d 'Angle terre , fournissent


aujourd'hui environ 5 6 mi l l ions de leurs oeufs à


la consommat ion annuel le de nos vois ins.


La fabrication des cuirs tannés est encore une


de ces industries importantes qui ne le cèdent


qu'à cel les de la l a i n e , d u c o t o n o u d u fer. E n


e f fe t , la peau des animaux ainsi préparée se prê le


à tous les usages , dans les grandes usines e l le trans-


m e t le m o u v e m e n t d'un rouage à un a u t r e , el le


est la matière é lémentaire qu'emploient les c a r r o s -


siers , les s e l l i e r s , l es fabricants de harna i s , les


cordonniers ; le p o m p i e r s'en sert p o u r garnir les


valves de ses p o m p e s , le mécanic i en p o u r ses


presses hydraul iques ; aussi v o y o n s - n o u s sans sur-


prise les efforts faits de chaque c ô t é d u dédroit


p o u r perfect ionner les produi ts du tanneur. E t ,


j e suis forcé de l 'avouer, j e crois que la pa lme


appartient a u x tanneries angla i ses ; i l faut l 'ac-


corder également aux produits du se l l ier-carros-


sier et d u fabricant de harnais ; quant à la c o r -


donner ie l'avantage est de notre c ô t é , et s'il nous


était permis d 'exporter des chaussures en A n g l e -


terre à u n droit inférieur à celui de 5 fr. 6 0 et


3 fr. 1 5 c. par paire dont el les y sont g r e v é e s ,


n u l doute qu'el les ne l 'emportassent sur les bo t t e s ,




260 BKSI-MÉ.


sur les soul ier», sur les brodequins si lourds de


forme , si g a u c h e m e n t tournés que confect ionnent


les ouvriers du pays.


D e s objets manufacturés passant aux produits


du s o l , j e vois l 'Angleterre prê le à nous fournir


ses l a ines , sa h o u i l l e , son f e r , son c u i v r e , son


é ta in , pour p e u que nous voul ions les accueil l ir


en réduisant les droits exorbi tants qui les arrêtent


à la frontière . Mais, p o u r acheter , il faut vendre;


qu'à leur tour les Anglais adoucissent d o n c les


r igueurs de leurs lois sur les b o i s s o n s , sur les


céréales . 3Vétaient les corn luws la France serait


le jardin de l 'Ang le terre , et lui fournirait en


abondance le grain, les l é g u m e s , les fruits, et les se -


m e n c e s des plantes fourragères . N o s soies g r è g e s ,


les fabricants nos voisins les demandent avec ins-


tance . Quant à nos v i n s , généra lement l é g e r s , ils


ne flatteront jamais un palais et un es tomac an-


glais autant que les vins chauds des I les o u de la


Péninsule ; i l existe d'ailleurs dans les r èg l ements


de Y excise une c lose qui nuira toujours à la con-


sommat ion des vins de France : il n'est pas permis


auxnégoc iants anglais de so igner leurs vins en e n -


t r e p ô t ; ils ne peuvent d o n c ni les changer de f û t ,


ni faire le p l e i n , condi t ions importantes cepen-


dant à l 'amélioration et à la conservat ion des




RÉSUMÉ. 261


produits de la B o u r g o g n e o u du Bordelais m o i n s


charges d'Alcool que c e u x d'Oporto o u d'Espagne.


Les vins de Champagne sont recherchés de nos


voisins à cause de leur saveur pé t i l l an te , de leur


charmant b o u q u e t ; mais les droits qui pèsent sur


le verre s'unissent aux taxes sur les bo issons pour


e n restreindre la consommat ion aux tables o p u -


lentes. B ien plus que nos vins , le m o e l l e u x de nos


e a u x - d e - v i c de la Charente et de Cognac les fait


rechercher de nos voisins ; mais contre el les , e l les


ont encore les mauvaises eaux-de-v ie de graiu dont


les distillateurs anglais empoisonnent leurs c o n -


cifovens à l'abri du droit, de 6 fr. par boute i l le


qui les protège contre les sp ir i tueux étrangers .


La bière est une boisson fraîche , saine ,


agréab le , tous les jours p lus appréc iée . Les bras-


seurs de Londres sont les premiers de l 'Univers ,


leur porter et leur aie pourraient être reçus en


France à un faible droit ; mais , par r é c i p r o c i t é ,


les \ n g l a i s devraient admettre nos vinaigres , c o n -


diment p r é c i e u x , salubre , qui n'a p o u r s i m i -


laire en Angleterre qu'un produit de g r a i n , mai -


sain , maussade , sans piquant ni s a v e u r , et dont


l'insipidité nauséabonde se déguise mal sous une


mult i tude d'aromates étrangers.


Sans le droit de 4 7 2 fr, 5 0 c. par tonneau , qui les




262 R É S U M É .


repousse des trois r o y a u m e s u n i s , nos petits vins


de la L o i r e , depuis Nante s jusqu'à O r l é a n s , trou-


veraient sous la f o r m e acide un nouvel é c o u l e -


m e n t , et formeraient un produit faci lement échan-


geable contre des fers et du charbon . Je crois


cet te dernière observation de que lque i m p o r -


t a n c e , et j e désire v ivement qu'elle ne passe pas


inaperçue .


D e tout cec i que c o n c l u r e ? Q u e l 'Angleterre


peut sur b i en des articles nous faire une c o n -


currence f â c h e u s e , que sur d'autres à notre tour


nous prenons notre revanche , et q u e , sur un grand


n o m b r e e n f i n , les avantages sont c o m p e n s é s . 11


appartiendrait d o n c à des administrations p r é v o -


yantes et sages de songer à mul t ip l i er l es rap-


ports entre les d e u x p e u p l e s , par une étude


complè te des beso ins r é c i p r o q u e s , des m o y e n s


les plus convenables de les satisfaire. Ainsi s 'éta-


blirait un système d'échange équitablement c o m -


biné sur les nécess i tés présentes et les intérêts


antérieurs créés par un rég ime trop long- temps


prohibitif . Ce système libéral et n o u v e a u , ten-


drait gradue l l ement à l 'abol i t ion des prohibi t ions


absolues et des m o n o p o l e s e x c l u s i f s , lesquels


n'engendrent que l'apathie et l ' ignorance rout i -


nière , ennemie de tout perfect ionnement ,




L'Angleterre envoya naguères ses dé légués


MM. G. Vi l lers et J. B o w r i n g , p o u r étudier


chez nous notre c o m m e r c e et notre industrie ;


qu'à son tour la France envoie chez ses voisins


des h o m m e s habiles et c o m p é t e n t s p o u r parcourir


la G r a n d e - B r e t a g n e , visiter ses p o r t s , ses villes


manufacturières , examiner ses p r o d u i t s : p u i s ,


d'un mutuel a c c o r d , les intérêts des d e u x n a -


tions sagement et m û r e m e n t appréc i é s , qu'il soit


procédé à la révision des anciens tar i fs , à l eur


rédaction nouvel le ; et qu'à ce l te révis ion p r é -


side , sans brusquerie , un esprit de réforme t o u -


jours juste , toujours basé sur le b i en réel des d e u x


pays. MM. Vi l lers cl B o w r i n g se sont hautement


félicités de l 'accueil que leur a fait la France , n o s


commissa ires , à c o u p s û r , ne seraient pas m o i n s


bien reçus par les Anglais : j 'en juge par l 'accuei l


fait à de s imples étrangers sans miss ion aucune :


ainsi, pas u n établ issement publ ic o u part icul ier ,


pas une é c o l e , une u s i n e , une m a n u f a c t u r e ,


qui ne m'aient é lé ouvertes avec un noble e m p r e s -


sement . E n A n g l e t e r r e , en E c o s s e , une cordiale


hospi ta l i té , rendant facile la tâche que je m'étais


i m p o s é e , ne m'a pas p e r m i s d'éprouver sur la


terre étrangère ces pén ib les instants de vide et


de découragement qui poursuivent , au mil ieu




26 4 RÉSUMÉ.


(t) Yoir Appendice N.


m ê m e des s cènes les p lus n o u v e l l e s , les p lus at-


lachantes , les p l u s i m p r é v u e s , le voyageur isolé,


s'il n e rencontre parfois u n e m a i n amie qui ré-


p o n d e avec abandon aux étreintes de la s ienne.


Ce l t e main bienvei l lante , j e l'ai trouvée partout


sur ma route ( 1 ) .




A P P E N D I C E S . 265


APPENDICES.


APPENDICE A.


Mode de concession des Travaux publics


en Angleterre.


tf-si-â^fiN sait qu'aucun des grands travaux tels


Il ® l)̂ Ue r o u * e s ' c a n | > u x , m o n u m e n t s , c o n n u s


2 % g £ S â ï s o u s le n o m légal de travaux p u b l i c s , ne


peut être mis à e x é c u t i o n en France avant une


enquête préalable par le c o n s e i l - g é n é r a l des


Ponts-et-Chaussées. Après l ' e n q u ê t e , les travaux


doivent être, selon leur nature ou leur importance ,


autorisés soit par ordonnance royale , soit par une


lo i spéciale ; puis concédés à un entrepreneur de


travaux publ ics , ou à une compagnie , après u n e ad-


judicat ion au rabais sur soumissions cachetées , puis




206 A P P E N D I C E A.


e x é c u t é s enfin c o n f o r m é m e n t aux p lans , devis et


i>ahier des c h a r g e s , sous la surveil lance immédiate
des ingénieurs des Ponts-et -Chaussées . (Jette m a -


nière de p r o c é d e r e s t , la plupart du t e m p s ,


avantageuse à l 'état , l ' enquête , puis la discussion


devant les as semblées législatives servant 1." à


constater l'utilité du travail en trepr i s , 2.° à auto-


riser l 'expropriation des terrains et construct ions


couvrant l'espace dest iné aux travaux à e x é c u t e r ,


e m p ê c h e n t que de fol les entreprises ne soient


c o n ç u e s p o u r satisfaire soit la vanité d'un ministre,


soit des intérêts individuels . L'adjudication au


raba i s , assure au mei l l eur marché poss ible l ' e x é -


cut ion des travaux ; puis un jury spécial inter-


vient entre l'état et les particuliers pour la f ixa-


t ion équitable de l ' indemnité à donner à ces


d e r n i e r s , lorsqu'ils doivent faire à l'utilité publ i -


que le sacrifice de leur propriété . Ces formal i tés ,


a c c o m p a g n é e s encore de que lques autres d i spos i -


t ions en garant ies , tel les que ce l le du cautionne-


m e n t , e t c . , sont , je le r é p è l e , dans la plupart des


c a s , protec tr ices de tous les in térê t s , lorsque les


plans et devis ont été dressés au c o m p t e du g o u v e r -


n e m e n t et par ses ingénieurs ; mais la condit ion


d'adjudication p u b l i q u e n'est souvent qu'une


grave injustice contre un h o m m e de m é r i t e ,




A P P E N D I C E À . 207


lorsque les travaux à e n t r e p r e n d r e , et dont il


réc lame la concess ion , ont été ent i èrement c o n -


çus et étudiés par lui. 1 1 arrive souvent en ce c a s ,


qu'un intrigant sans fortune et sans m o y e n s , dans


l'espoir de céder plus lard son droit avec b é n é -


fice , se porte à un pr ix min ime adjudicataire de


l 'œuvre d'autrui, et l 'homme de talent qui a c o n -


sacré à un beau projet u n e partie de sa fortune


et de sa v i e , se trouve en un jour déshérité d u


fruit de ses travaux et de son génie . I l ne se


passe pas d'année sans que de nombreuses r é -


clamations s'élèvent contre cette disposit ion


législative. Le gouvernement français , je m e hâte


de le d i r e , c o m m e n c e à sentir l'injustice d'une


pareil le lég is lat ion , si el le était e x é c u t é e dans


toute sa r igueur ; il c o m p r e n d la nécess i té d'y


déroger dans certains cas ; ainsi d o n c , après u n


m u r e x a m e n , et un débat consc i enc ieux des c o n -


ditions de l ' e x é c u t i o n , des droits des e n t r e p r e -


n e u r s , et de l'intérêt généra l , a-l-il été le p r e -


mier à réc lamer des chambres la concess ion


pure et s imple d u chemin de fer de Paris à Saint-


Germain p o u r la c o m p a g n i e P e r e y r e ; laquel le


avait à ses frais, é tudié le terra in , dressé les p lans


et rédigé le projet d 'exécut ion de ce grand tra-


vail. C'est un précédent qu'il sera b o n d'imiter au




2C8 APPENDICE A,


beso in . il pourra encourager l 'élude par de s i m -


p les particuliers d'un grand nombre de travaux-


uti les; mais o n aurait tort aussi de l'admettre en


pr inc ipe d'une manière absolue : l'adjudication


doit toujours rester c o m m e règle généra le , et


c o m m e garantie des intérêts p u b l i c s ; la c o n c e s -


sion pure et s imple , sans adjudication, fera l ' e x c e p -


tion. Je passe maintenant à la législation similaire


anglaise.


L'Angleterre n'a p o i n t , c o m m e la F r a n c e , un


corps rovai d' ingénieurs fonctionnaires publ ics .


Q u e les travaux soifiiil entrepris , soil au compte de


l 'Etat , soit au c o m p t e de s imples part icu l iers , les


p l a n s , et leur e x é c u t i o n , sont toujours confiés


aux soins dì ingénieurs civils: c'est le titre qui


l eur est accordé . D a n s le premier c a s , le g o u v e r -


n e m e n t et les chambres n o m m e n t , dans le sein du


par lement , un comi té d 'enquête ; ce comité se fait


présenter , par un o u plus ieurs ingénieurs c iv i l s , les


p l a n s , devis et projets de t r a v a u x , décide s'il y a


utilité dans leur e x é c u t i o n , ou les rejette p u r e -


m e n t et s implement . S i le comité rejette , tout est


d i t , et l'affaire demeure c o m m e n o n a v e n u e ; s i ,


au contraire , le comité est pour l'affirmative , l'af-


faire est soumise au Par l ement assemblé pour y


être convertie en lo i , puis l 'exécution suit son


coups,




A V F E S D I f ' . E A. "f>9


B a n s le cas , au contraire , et c'est ce qui a l ieu


le plus s o u v e n t , que les travaux à entreprendre


soient la c o n c e p t i o n d'un s imple part icul ier , d'un


ingénieur c iv i l , ou d u n e c o m p a g n i e , le P a r l e -


m e n t en est également sais i; il n o m m e encore un


comité d ' enquê te , c e comi té se r é u n i t , se forme


en tr ibunal , entend les parties p o u r et c o n t r e ,


soit par elles m ê m e s , soit par mandata ires , soit


par avocats , puis prononce en dernier re s sor t , si sa


décis ion est négative ; a u t r e m e n t , la quest ion est


soumise à l 'approbation définitive du P a r l e m e n t ,


c o m m e il a été dit c i -dessus . Dès qu'une parei l le


loi a été r e n d u e , dès que des travaux ont été au-


torisés , de suite l 'exécut ion a lieu sans p lus d ' en -


traves , tous les cas ont été prévus aVec la plus


exacte minut ie . Les propriétés dont il est néces-


saire d'opérer l 'expropriat ion sont re latées dans


un tableau annexé à l'acte par lementa ire ; si les


propriétaires tombent d'accord avec les entrepre-


neurs sur la valeur de l ' indemnité qui leur est d u e ,


il n'y a pas de difficulté ; s i , au contra ire , les i n t é -


ressés ne peuvent s'arranger à l 'amiable , l 'objet


du différend est soumis au sheriff du comté , qui


réunit un jury ad hoc , et celui-ci déc ide en d e r -


nier r e s s o r t , établissant son verdict non-seu le -


m e n t sur la valeur intrinsèque de la parcel le




270 • APPENDICE A.


e x p r o p r i é e , mais e n c o r e de la valeur relative


qu'elle peut avoir dans certaines c irconstances :


c o m m e cel le d'une usine d i v i s é e , o u d un m a r -


chand auquel on enlève sa c l ientel le en le for-


çant à changer de d e m e u r e et de quartier , etc .


J'ai en ce m o m e n t sous les y e u x l'acte lég is la-


tif par l eque l le c h e m i n de fer de L o n d r e s à B ir -


m i n g h a m a été autorisé. C'est un m o d è l e de pré-


cision , de détail et de prévoyance . C o m m e on


peut se faire, sur un seul de ces a c t e s , une idée


de ce qu'ils sont t o u s , j e ne crois pas faire oeuvre


inuti le en présentant une rapide analyse de celui


que je l iens entre les m a i n s :


L'article premier autorise la formation de la


soc ié té e n c o m m a n d i t e du c h e m i n de fer de L o n -


dres à B i r m i n g h a m .


L'art. 2 dé termine la signification de certains


mots dont il sera fait usage dans le cours de l'acte


par lementa ire .


L e s art. 3 et 4 spécif ient le n o m b r e et la


valeur des act ions à émettre et la destination à


d o n n e r a u x capitaux de la soc i é t é .


La liste des paroisses traversées par le chemin


projeté fait la matière de l'art. 5 .


Par l'art. 6 il est o r d o n n é q u e les p l a n s , devis


et papiers concernant la route restent entre les




APPENDICE A. 271


mains des juges-de-paix des c o m t é s qu'el le t r a -


verse pour y être consultés au beso in par les


intéressés.


L'art. 7 établit que les erreurs qui auraient


p u se glisser dans les plans d u chemin , n'en


doivent point entraver l 'exécut ion. L'autorisation


d'exproprier les propriétaires riverains qui ne


s'arrangeraient pas à l'amiable avec les e n t r e p r e -


neurs du c h e m i n de fer est donnée par l'art. 8 .


L e s art. 9 , 1 0 , 11 , 1 2 , 1 3 , 1 4 et 1 5 règlent


le m o d e d'aliénation au profit de la compagn ie


de que lques terrains appartenant au duché de


Cornouail le ,


Les p e r s o n n e s o u c o m m u n a u t é s inhabiles à


transférer la propriété de leurs b i e n s , t e l s que


m i n e u r s , corporat ions , etc . ; s o n t , p a r l'article 1 6 ,


autorisés à tra i ter , malgré tout e m p ê c h e m e n t


légal , de l'aliénation des parcel les de terrains , à


e u x appartenants , nécessaires a la construct ion


du c h e m i n de fer.


Les articles suivants , jusqu'au 24." inc lus , d é -


terminent les formalités à suivre p o u r la mutat ion


de certaines p r o p r i é t é s , so i t inal iénables de l eur


nature , soit grevées d 'hypothèques , e tc .


Depui s l'art, 2 5 , jusques y c o m p r i s l'art. 4 7 ,


le bili règ le minut ieusement toutes les formal i tés


à suivre p o u r l 'expropriat ion des terres , l 'arran-




272 APPENDICE A.


gement des difficultés entre les intéressés et la


c o m p a g n i e , les magistrats devant qui les plaintes


seront p o r t é e s , la formation des jurys d ' e x p r o -


priation et autres , les honoraires des juges et des


j u r é s , le m o d e de pa iement des s o m m e s que


pourront al louer les tribunaux , e t c . . , de manière


à éviter toute chicane ul tér ieure sur la c o m p é t e n c e


de tel ou tel tribunal ou jury ; la spécialité des diffé-


rents tr ibunaux étant fort i n c o m p l è t e m e n t déter-


minée eu Angleterre .


L'art. 4 8 fixe la largeur des terrains à a c h e -


ter p o u r la construct ion du railway.


Les art. 4 9 , 5 0 , 5 1 , 5 2 et 5 3 autorisent la


c o m p a g n i e , 1." à dévier des plans primitifs d'une


distance n'excédant pas cent yards (environ 9 1


mètres) ; 2." à acheter de p lus que ce qui est m e n -


t ionné audit b i l l , 5 0 acres de terrain ( 2 0 h e c -


tares 2 3 ares) p o u r la cons truct ion des édifices et


magasins du railway \ et 3.° la forcent d'acheter


en entier les parce l les de moins d'un demi-acre


( 2 0 ares 1 /4) que partagera le futur c h e m i n .


L e s art. 5 4 , 5 5 , 5 6 , 5 7 et 5 8 établissent les


droits respect i fs de la c o m p a g n i e d u Rai lway et


des propriéta ires des mines sur la superficie ex té -


rieure desque l les passera la roule .


L e s articles su ivants , jusqu'au 7 2 . c i n c l u s , d é -




APPEKDICE A. 273


terminent l 'écartement des ra i l s , la nature des


travaux d'arts, p o n t s , t u n n e l s , e t c . ; les d i s p o s i -


tions à prendre à la traverse des grandes rou le s et


des c h e m i n s ordinaires , e t c .


L e s propriétaires riverains s o n t , par les art. 7 3


et 7 4 , autorisés à établir sur leurs terres des c h e -


mins de communicat ion avec ou a travers le


c h e m i n de fer.


Les articles suivants jusqu'au 128.% f ixent , dans


le p lus grand détail , les travaux à faire sur tel o u


tel po int d u rai lway , le m o d e d 'exécut ion de ces


travaux relat ivement à la conservat ion de q u e l -


ques propriétés publ iques o u p r i v é e s , te l les q u e


p o n t s , r iv ières , c a n a u x , grandes r o u t e s , e tc . Le


tout dans l'inlérêt général o u p o u r la pro tec t ion


de certains intérêts privés , mais majeurs.


L e s articles qui suivent depuis l e 1 2 9 / jusqu'au


1 7 1 / i n c l u s i v e m e n t , d é t e r m i n e n t : 1 / le m o d e


d'administration de l ' entrepr i se , du transfert des


a c t i o n s , des réunions des actionnaires ; 2.° la forme


des procurat ions et des mandats dél ivrés par ou


pour les e m p ê c h é s et l es incapables . Ces m ê m e s '


articles établissent aussi les d r o i t s , l e s p o u v o i r s


et les obbgat ions des d i r e c t e u r s , e t c . , e t c .


Jusqu'à l'art. 1 9 6 inclus ivement le bil l cont ient


le tarif des transports , et t o u s l e s r è g l e m e n t s y


R




274 APPENDICE A.


re lat i f s , dans l'intérêt tant du ra i lway q u e des


passagers et des personnes qui feront o p é r e r d e s


transports à leur c o m p t e .


L'art. 1 9 7 ob l ige la c o m p a g n i e à n'avoir pour


ses m a c h i n e s fixes o u l o c o m o t i v e s que des four-


neaux fumivores .


L e s articles d e p u i s 1 9 8 jusques y compri s l'ar-


ticle 2 1 9 , règ lent le m o d e d'action e n réclamation


de d o m m a g e s et intérêts contre les personnes


qui auraient détér ioré o u e n c o m b r é le r a i l w a y ,


et le montant d e s indemni té s à al louer pour tout


d o m m a g e s , dégradat ions , e tc . Que lques -uns des


articles suivants arrêtent le m o d e de mise à e x é -


cut ion de p lus ieurs des disposit ions du b i l l , rela-


t ivement a u x e x p r o p r i a t i o n s , e tc .


L e s art. 2 2 8 , 2 2 9 et 2 3 0 , cont i ennent p l u -


sieurs disposi t ions protectr ices de certains droits


e x e r c é s par les commissaires des égoûts (com-


missionners of sewers) dans p lus ieurs c o m t é s ,


et par la C o m m u n e de L o n d r e s .


L'art. 2 3 1 établit le m o d e de pa iement ou de


rachat de l ' impôt fonc ier qui incombra à la com-


pagnie du c h e m i n de fer dans chacune des pa -


roisses traversées par lui.


L e s art. 2 3 2 et 2 3 3 dé fendent de c o m m e n c e r


aucuns travaux d u r a i l w a y , avant que le p l a c e -




APPENDICE A. 275


ment intégral de toutes les act ions ait é té attesté


par certificats des différentes just ices de pa ix des


comtés qu'il doit parcourir .


E n cas que la compagnie ait acheté p lus de


terrain qu'il ne sera nécessa ire , e l le est autorisée


par l'art. 2 3 4 à vendre ce qu'elle n'en pourra


util iser. Les art. 2 3 5 et 2 3 6 établissent le m o d e


de transfert de ces port ions de terrain inut i le .


Les articles 2 3 7 , 2 3 8 , 2 3 9 j 2 4 0 , 2 4 1 , 2 4 2 ,


2 4 3 et 2 4 4 , autorisent la soc iété du chemin de


fer à contracter des emprunts hypothéca ires ,


p o u r l 'achèvement o u le per fec t ionnement de s o n


entrepr i se , si le montant des act ions ne suffit


pas. Ces m ê m e s articles établissent aussi le m o d e


de remboursement des emprunts dont les intérêts


devront être servis avant le pa iement de tout


dividende. A u c u n actionnaire ne peut faire de


prêt hypothécaire à la c o m p a g n i e .


L'art. 2 4 5 établit que les droits d e la soc ié té


seront prescrits contre tout propriétaire dont e l le


n'aurait pas e x i g é , dans l 'espace de trois a n n é e s


le transfert des terrains nécessaires à ses travaux.


Par les articles qui suivent et terminent le b i l l ,


i l est décrété que si le chemin de fer n'est pas


achevé dans l 'espace de sept a n n é e s , la soc iété


sera d é c h u e de tous ses pouvo irs et pr iv i lèges




2 7 6 APPEKDICE A .


p o u r toutes les parties n o n achevées du rai lway. Si


la compagn ie cessait pendant trois ans consécuti fs


d'exploiter tout o u partie d u c h e m i n de f e r , les


terrains abandonnés par el le feraient r e t o u r , de


d r o i t , aux propriétaires primitifs .


A la suite de c e bil l se trouve annexé un ta-


bleau c o m p l e t de tous les terrains , parce l les de


terrains, maisons , usines o u construct ions quelcon-


ques dont l 'expropriat ion sera nécess i tée par la cons-


truct ion d u r a i l w a y , depuis Londres jusqu'à B i r -


m i n g h a m . Ce tableau est divisé en quatre co lonnes :


la première contient l es n o m s des propriétaires


des terrains , la s econde c e u x des pr inc ipaux l o c a -


ta i re s , la tro is ième c e u x des o c c u p a n t s , dans la


quatr ième c o l o n n e est é n o n c é e la nature des


parcel les à expropr ier . V ingt pages grand in - 4.°


sont consacrées à c e tableau et à sa l o n g u e n o -


menclature . Le bil l ent ier et son a n n e x e n'ont pas


m o i n s de 1 3 8 pages in-4° . O n c o m p r e n d du reste


c o m b i e n ces déta i l s , minut i eux si l'on v e u t , sont


néanmoins uti les à la p r o m p t e e x é c u t i o n d'un


travail i m p o r t a n t , qu'aucune formalité postér ieure


à la promulgat ion du bill ne peut p lus entraver:


les droits des pr inc ipaux c o m m e des p lus faibles


intéressés ayant été dé terminés par u n e loi avec


une précis ion r i g o u r e u s e , ne laissant aucune porté


ouverte à la chicane.




APPENDICE B. 277


APPENDICE B .


TRAVAUX, de la Clyde et bateaux dra-


gueurs employés sur cette rivière.


J'ai dit quel le était la situation des travaux exé -


cutés jusqu'en 1 8 3 5 sur la C l y d e , p o u r la rendre


navigable jusqu'à G l a s g o w . E n c o n s é q u e n c e de


ces travaux , c e l l e rivière n'a pourtant encore ,


pendant environ deux mil les au-dessous de la


ville , qu'une largeur variable de 5 0 à 5 5 mètres


sur 4 de profondeur , à marée haute. I l existe en


ce m o m e n t un nouveau projet d'après l eque l o n


donnerait à la rivière une largeur uni forme de


9 0 mètres pendant 3 mil les en aval de G l a s g o w ,


et une profondeur dont le minimum serait de 6


mètres ; en sorte que les navires d'un fort t o n -


nage , que leur tirant d'eau ob l ige maintenant


de décharger à Greenock ou à P o r t - G l a s g o w ,


remonteraient par la suite jusqu'à G l a s g o w m ê m e .


Dans l 'état , trois bateaux dragueurs seulement


sont e m p l o y é s au curage de la Clyde . Chacun de ces


bateaux , qui a coûté 5 0 0 0 1. s. ( 1 2 5 , 0 0 0 fr .) , c o n -


tient un appareil dragueur de 3 1 louchets o u


hottes de fer, mis en mouvement par uue m a -




278 APPENDICE D.


chine à vapeur de la force de 3 0 chevaux . Sept


h o m m e s c o m p o s e n t l 'équipage du b a t e a u , lequel


travaille environ neuf m o i s de l'année et dix h e u -


res par j o u r , t erme m o y e n . L e s matières extraites


du fond de l'eau sont versées par les louchets sur


u n allège qui les transporte sur les terres r ive-


raines , o ù el les sont e n f o u i e s , puis recouvertes


de la terre v é g é t a l e , de manière à ne sacrifier


aucune port ion du sol .


^ Chaque bateau drague environ 1 2 0 tonneaux


de vase et de sable par heure , et chaque tonneau


de m a t i è r e , d r a g u é , enlevé par les a l lèges , puis


enfoui sous t e r r e } revient à environ 6 pence


( 6 0 cent imes) .


APPENDICE D ( 1 ) .


"RÈGLEMENT concernant la police du
marché S t.-John, à Liverpool.


Article premier . Aucun objet autre qu'objet de


p r o v i s i o n , ne pourra être apporté o u vendu


(I) C'est par erreur de typographie qu'on a indiqué à
la page 117 du tome premier la lettre D au lieu de la
lettre C , dans le renvoi. Par suite de celte erreur, le
titre d'Appendice C se trouve supprimé sans qu'il y ait
lacune,




A P P E N D I C E D. '¿79


dans l'intérieur du marché ; nul ne pourra étaler


au marché avant c inq heures du matin d u 2 9 mars


au 2 9 s e p t e m b r e ; et avant six heures , du 2 9 s e p -


t e m b r e au 2 9 m a i . T o u t e contravent ion a u ' p r é -


sent article sera punie d'une amende de 1 0 sh i .


( 1 2 f r . 5 0 c ) .


Art. 2 . A sept heures du matin . pendant les


s ix moi s d ' é t é , et à huit en h iver , la c l o c h e du


marché en annoncera l 'ouverture. T o u t e p e r -


sonne qui serait surprise à vendre ou acheter


avant le son de la c l o c h e , serait passible d'une


amende de 1 0 sh.


Art. 3 . L e marché fernVra à o n z e heures d u


soir le s a m e d i , et à neuf heu res les autres jours


de la semaine ; une demi -heure avant la fermeture


la c loche sonnera p o u r avertir les marchands de


songer à leurs préparatifs de départ . Le sur in-


tendant du marché et ses adjoints t iendront la


main à l 'exécut ion de cet o r d r e , et ne laisseront


entrer personne au marché après l 'heure de c l ô -


ture. T o u t e contravention au présent article sera


punie d'une amende de 2 0 sh. ( 2 5 fr.) par chaque


d e m i - h e u r e de relard.


Art. 4 . Aucun objet acheté au marché S t . - J o h n


ne p o u r r a , sous pe ine d'une amende de 10- sh. ,


être revendu le m ê m e jour, dans le marché St , -


J o h n Ou dans les autres marchés de la vi l le ,




280 APPENDICE D.


Art. 5 . T o u t b o u c h e r o u autre sera tenu de se


pourvoir , p o u r c o u p e r la v iande , d'un b i l l o t ,


dont le surintendant du marché déterminera la


d imens ion ; et chacun sera tenu de hacher sur son


b i l l o t , et n o n sur l'étal; et personne ne pourra


placer son bi l lot en dehors des l imites f ixées par


la chaîne .


Chaque contravent ion au présent article sera


répr imée par-une amende de 1 0 sh.


Art. 6 . T o u t e p e r s o n n e tenant une é c h o p p e ,


o u tab le , o u é t a l , p o u r la vente du p o i s s o n ,


sera pourvue d'un baquet p o u r en recevoir les


d é b r i s , entrailles ou éca i l l e s , sous pe ine d'une


amende de 1 0 sh i l l ings , toutes les fois que pareils


débris seraient vus traînant sur l'étal.


Art. 7 . P e r s o n n e ne p e u t , sous pe ine d'être


c o n d a m n é à une amende de 2 0 shill ings par chaque


j o u r de contravent ion , tenir à bail o u o c c u p e r


p o u r son c o m p t e p lus d'une é c h o p p e o u d'une


place dans le marché .


Art . 8 . U n po ids du^roi et des balances seront


placés dans le local du m a r c h é , p o u r y peser les


marchandises au gré des a c h e t e u r s , se lon le tarif


qui suit :


Toute pesée de 1 quintal et au-dessus


paiera 1 p. ( 1 0 c.)par quintal.




A P P E N D I C E D. 281


Toute pesée au-dessous de 1 quintal,paiera


un demi p. ( 5 c).


Art. 9. T o u t étal . t a b l e ou b a n c , sera fourni


par l'administration du m a r c h é , et personne n'y


introduira charrette , charrette à b r a s , broue t te ,


é ta l , table ou banc , sous p e i n e de se voir condam-


ner à une amende de 1 0 sh .


Art. 1 0 . Personne ne co lportera ni ne criera


pour la vente aucun objet que l conque , sous pe ine


d'une a m e n d e de 1 0 sh.


Art. 1 1 . N u l marchand, apportant du beurre frais


au m a r c h é , ne pourra le vendre à un po ids autre


que le poids léjjal de 1 6 onces à la livre , sous


peine de 1 0 sh. d'amende par chaque c o n t r a -


vent ion .


Art. 1 2 . T o u t le beurre apporté au marché sera


naturel et n o n sophist iqué ni altéré. Si quelqu'un


était surpris vendant o u exposant en vente d u


beurre fraudé, et reconnu tel par le surintendant d u


marché o u ses adjo ints , i l serait c o n d a m n é à une


amende de 2 0 sh. et à la confiscat ion de sa mar-


chandise .


Art. 1 3 . T o u t e quantité de b e u r r e , r e c o n n u e


l r a u d é e , soit e n p o i d s , soit en qualité , sera saisie


par le surintendant du m a r c h é , son remplaçant


ou ses adjo ints , et por tée soit au m a i r e , soit à l'un




282 A P P E S D I C E D-


des a ldermen de la c o m m u n e , p o u r être distri-


b u é e aux pauvres ; si l'adultération du beurre le


rendait d'un usage i n s a l u b r e , il serait immédia te -


m e n t détruit sur la décis ion du maire ou de l'ai—


dérman.


Art. 1 4 . T o u t e marchandise apportée au mar-


c h é restera e x p o s é e à la p lace qui lui est des-


t inée . N u l ne pourra placer panier , m a n n e q u i n ,


hotte , caisse , s a c , baquet , b a r i l , tonneau , e tc . ,


contrairement aux disposit ions déterminées par


le surintendant du m a r c h é , son remplaçant ou


ses adjoints , et de manière à e n c o m b r e r les pas-


sages réservés à la circulation. Chaque contra-


vent ion au présent article sera répr imée par u n e


a m e n d e de 1 0 sh.


Art. 1 5 . T o u t e marchandise apportée an marche


p o u r y être vendue , t e l l e que viande , poisson ,


volail le et autre c o m e s t i b l e , r econnue malsaine o u


putré f i ée , sera saisie et dé t ru i t e , soit par le feu ,


soit a u t r e m e n t , et le délinquant c o n d a m n é à une


amende de 5 l. s. ( 1 2 5 IV.)


Art. 1 6 . T o u t locataire d'une é c h o p p e , b a n c ,


table o u étal au m a r c h é , sera tenu de l 'occuper


l u i - m ê m e , o u de le faire o c c u p e r par quelqu'un


de ses parents o u de ses domest iques , sans pouvoir


sous - affermer son é c h o p p e , banc , table ou




APPENDICE D. 283


éta l , ni les faire o c c u p e r par u n étranger que l -


conque , soit à titre d'agent , commiss ionnaire ou


autrement , sous pe ine de 5 1. s. d 'amende.


Art. 1 7 . T o u t locataire d'un des sel l iers cons-


truits à l 'extrémité Ouest du m a r c h é , ne pourra


y r e n f e r m e r , ni y faire enfermer autre chose que


des approvis ionnements à vendre sur le m a r c h é .


Chaque contravention au présent article sera pun ie


de 2 0 shil. d'amende par j o u r de contraven-


t ion.


Art. 1 8 . T o u t é t a l , banc , table , ce l l ier o u


é c h o p p e dont le terme n'aura pas été exac tement


payé , sera déclaré l ibre et mis en locat ion.


Art. 1 9 . T o u t individu qui désirera e x e r c e r


dans le marché les fonct ions de p o r t e - f a i x devra ,


avant d'y être autor i sé , fournir au surintendant


du marché un certificat valable de p r o b i t é , de


sobriété et de propreté ; il fera aussi enreg is trer


ses n o m , p r é n o m s et d e m e u r e , afin qu'on puisse


le trouver faci lement e n cas de plainte contre


lui. T o u t por te - fa ix qui quittera le m a r c h é p o u r


une autre rés idence , sera tenu d'en faire , dans


les sept j o u r s , la déclaration au surintendant d u


marché . Celui qui négl igerait de se c o n f o r m e r à


cette formalité serait privé du droit d 'exercer son


é t a t , e t , de p l u s , c o n d a m n é à une amende de 5


shillings.




284 A P P E N D I C E D.


Art. 2 0 . Chaque p o r t e - f a i x e m p l o y é au mar-


ché recevra u n brassard portant un numéro d'or-


dre. Ce brassard sera toujours porté os tens ib le -


ment , sous pe ine de payer une amende de 1 0


schil l ings par contravent ion. T o u t porte-faix ces-


sant de fréquenter le marché o u qui en sera banni,


sera t enu de remettre son brassard au sur in ten -


dant d u marché , sons pe ine de 2 0 shil l ings d 'a-


m e n d e .


Art. 2 1 . Pour toute charge n'excédant pas 40


l ivres ( 1 7 k . ° 1 2 0 g.) Les p o r t e - f a i x du marché


recevront , dans les l imites de la c o m m u n e les sa-


laires déterminés par le tarif suivant :


D u marché à tout l ieu distant d'au.plus 4 0 0


yards ( 3 6 5 mètres , 7 2 ) c o n f o r m é m e n t au plan


déposé au bureau d u marché . . . 2 p e n c e .


de 4 0 0 yards à 8 0 0 3 dilo.


D e 8 0 0 yards à 1 2 0 0 4 dito.


Au-delà d e 1 2 0 0 yards. . . . 6 dilo.


Art. 2 2 . T o u t p o r t e - f a i x chargé d'une c o m -


miss ion devra s'en acquitter avec zèle et p r o m p -


t i tude , sans motifs supposés de relard. Il p o r -


tera d irec tement les provis ions qui lui auront été


conf iées à l'adresse i n d i q u é e , et s'il contrevient


à cette règle , il sera puni d'une amende de


5 shill ings. S i les provis ions sont perdues ou gâ-




APPEKDICE D. 28T»


t é e s p a r sa fau te , i l en sera responsable vis-à-vis


du propriétaire , et ne pourra e x e r c e r u l tér ieure-


ment ses fonct ions au marché .


Art. 2 3 . N u l porte- fa ix ne p e u t , sous pe in e


de 5 shillings d'amende , r e f u s e r , à moins d 'en-


gagements antér ieurs , de se charger d'un message


dans les l imites de la c o m m u n e , p o u r v u toute -


fois que la charge à porter ne dépasse pas 4 0


livres.


Art. 2 4 . N u l porte-faix n'exigera u n salaire


plus élevé que celui d é t e r m i n é par le tarif c i -


d e s s u s , toute contravention à cette règ le sera p a s -


sible d'une amende de 5 shi l l ings. La m ê m e pe in e


sera applicable à tout por te - fa ix c o u p a b l e de


s'être ma l condui t à l'égard d'une prat ique o u


de l'avoir injuriée.


Art. 2 5 , T o u t e personne qui fera appeler un


porte-faix, sous pré tex te de lui conf ier un message


et refusera ensuite ses s e r v i c e s , lui paiera la


s o m m e de 2 pence ( 2 0 c ) .


Art. 2 6 . T o u t e p e r s o n n e q u i , sous p r é t e x t e


de le charger d'une c o m m i s s i o n , retiendra u n


porte - fa ix p lus d'une d e m i - h e u r e avant de l e


faire part ir , lui paiera 2 p e n c e en sus du p r i x


porté au tarif.


Art. 2 7 . T o u t e personne q u i , après avoir r é -




286 APPENDICE D.


clamé les services d'un porte - fa ix , refusera de Ini


payer son d û o u se conduira mal à son é g a r d ,


pourra être punie d'une a m e n d e de 1 0 shil l ings.


Art. 2 8 . T o u t marchand o u p o r t e - f a i x f r é -


quentant le marché Saint-John , qui refuserait de


se soumet tre aux dispos i t ions arrêtées par le su-


rintendant d u m a r c h é , son représentant o u ses


adjo ints , tout marchand o u porte- fa ix qui in su l -


terait , molesterait o u troublerait dans l 'exerc ice


de leurs fonct ions le sur in tendant , son r e p r é -


sentant o u ses. adjo ints , paiera une amende de


d ix schi l l ings .


Ar | . 2 9 . N u l locataire d'une é c h o p p e , d'une fa-


b l e , d'un c e l l i e r , d'une place o u d'un banc au mar-


c h é , ne pourra y garder de c h i e n ; nu l individu se


présentant au marché ne pourra s'y faire suivre


par un c h i e n . T o u t e contravent ion à cet te règle


sera pun ie d'une amende de 1 9 schil l ings.


Art. 3 0 . T o u t individu qui aura causé v o l o n -


tairement , o u par m a l a d r e s s e , o u par inadver -


t a n c e , que lque dégradat ion à une b o u t i q u e , table ,


étal o u b a n c , o u à toute autre dépendance du


m a r c h é , sera passible d'une amende de 5 1. s.


Art. 3 1 . T o u t locataire d 'échoppe q u i , avant


de la quitter aura nég l igé d'y é te indre son f e u ,


sera p u a i d'une a m e n d e de 2 0 schil l ings.




A P P E N D I C E D. 287


Par quartier.
. .


Par sem
aine. . . .


Pour un sam
edi. .


Ponr un m
ercredi.


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jour.


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Les habitants de la c o m m u n e étant e x e m p t s d u


droit de ville , jou iront sur ces pr ix d'une r e m i s e


de moit ié .




288 APPENDICE E.


A P P E N D I C E E .


Pernicieux effets de la législation sur le pau-


périsme. Extrait de Eng land and the E n -


glish , par Edward Litton Suiveer.


« Le p lus b ienvei l lant de tous les anges était


Erie l . Habi tué à voir d'un œ i l de commisérat ion


notre pauvre e spèce humaine , et sachant (dans


sa généreuse et angél ique ph i lo soph ie ) c o m b i e n


de c irconstances atténuantes environnent le cr ime ,


il avait des larmes p o u r les souffrances du c o u -


pable , et savait intervenir auprès de satan l u i -


m ê m e p o u r en obten ir l 'adoucissement. Se p r o -


menant un j o u r sur notre g lobe , c o m m e c'était


assez son usage , i l aperçut une pauvre f e m m e ,


u n enfant entre les b r a s , et s'efforçant de tra-


verser une fou le h ideuse , dégueni l lée qni se pres-


sait à l 'entrée d'un certain édif ice. La p h y s i o n o -


mie de ce l t e malheureuse intéressa vivement


notre b o n ange . I l franchit avec elle le seuil de^


Les locataires qui voudront être éclairés au gaz,


paieront 1 3 schi l l ings ( 1 6 fr. 2 5 c.) par quartier et


par bec . T o n s ces p r i x sont ex ig ib les d'avance.




A P P E N D I C E E. 289


(1) Surveillants des pauvres et distributeurs des se-
cours de la paroisse.


S


l ' h ô t e l , et l 'écouta réc lamer des overseers (1 )


les secours de la paroisse . E l le e x p r i m a c o m b i e n


pénible était sa situation qu'aggravait e n c o r e la


maladie de son e n f a n t , atteint de la pet i te-vé-


role . T o u s les overseers se montraient disposés


à accueill ir favorablement sa requête . — Tous...


un e x c e p t é , qui repoussa r u d e m e n t les o b s e r -


vations de la pauvre f e m m e et l 'accusa d ' i m p o s -


ture.


« V o i l à le quatrième enfant atteint de la p e -


» t i t e -véro le , s 'écria-t- i l , qu'on nous présente


» aujourd'hui ; j e suis sûr qu'il n'y e n a pas au-


» tant dans toute la paroisse. A p p r o c h e z , ma


» b o n n e m è r e , la i s sez-nous voir votre enfant. »


« La malheureuse créature n e paraissait c éder


qu'avec pe ine à cette triste in jonct ion . C o m m e n t ,


en e f f e t , e x p o s e r aux y e u x de t o u s , les traits


r o n g é s , la f igure couturée de son c h e r enfant ?


— Amour-propre maternel ! soupira le b o n


a n g e .


» El le se décida enfin à sou lever les hai l lons


qui cachaient à pe ine les j a m b e s et l es bras cou-




290 APPENDICE E.


verts de pustules de son pauvre enfant. — La


figure ! la figure ! — « Mais , m o n bon g e n -


» t i l h o m m e , cela va déranger m o n pauvre e n -


» fant; vous ne pourrez supporter la vue d'un


» mal aussi horrible ; c e mal peut se répandre ! »


A quoi b o n tant de raisons ? L'overseer , endurci ,


fut i n e x o r a b l e ; il souleva le co in d u moHchoir


dont le visage du petit malade était voi lé . —


« J'en étais s û r , s'écria-l-il d'un air t r i o m p h a n t ,


» allez , m a b o n n e mère , cet enfant n'est point à


» vous . »


» La malheureuse trembla sous l e regard sé -


vère d u magistrat ; el le voulut parler , la parole


exp ira sur ses l è v r e s , e l le p l e u r a , pu i s sortit et


se perdU dans la foule . Le fait fut tiré au c la i r ,


Y enfant était un enfant de louage. I l avait
passé de main en main. O n avait m o n t r é tantôt


ses traits , tantôt son bras , tantôt ses jambes .


S o n mal avait été le Potose p o u r u n e foule de


pauvres . L e pénétrant overseer était u n S a l o m o n


d e perspicac i té .


» Pendant q u e le b o n Erie l contemplai t cette


scène , u n e c irconstance extraordinaire le frappa,


il avait a p e r ç u derrière les autorités de la paroisse


un personnage important : ce n'était ni p lus ni


moins que M é p h i s t o p h é l è s l u i - m ê m e , l e q u e l , au




A P P E N D I C E E. 291


l ieu d'endurcir le coeur des o v e r s e e r s , ne leur


soufflait que des pensées de charité et de c o m -


passion. U n e parei l le condui te de la part du m a -


lin le surprit é trangement . La séance levée , l'ha-


bitant des c i e u x accosta d o n c l'ange d é c h u et lui


t émoigna l'étonneraient et la jo ie que lui causaient


à la fois sa convers ion et ses disposit ions d é -


bonnaires . Chacun sait q u e Méphis tophé lè s est


un rusé d é m o n : p o u r satisfaire son penchant


au sourire i r o n i q u e , il ne craint pas de se d é -


ranger de son chemin . I l invita le compat issant


Eriel à p r o m e n e r u n instant avec lui p o u r jaser


ensemble sur les douceurs de la b o n n e h a r m o n i e .


Er ie l accepte , et tous d e u x c h e m i n a n t , d i scu-


tant de c o m p a g n i e , arrivent enfin près d'une chau-


mière d'assez propre apparenee ; en vertu d u pri-


vilège des e spr i t s , i ls franchissent , invis ibles , le


seuil de la cabane. U n e f e m m e d'environ trente


ans vaquait aux soins d u m é n a g e ; s o n m a r i , r o -


buste p a y s a n , prenait entre ses d e u x enfants u n


repas frugal de fromage et de pa in no ir . Dans


cette chaumière et dans ses habitants respirait à


la fois u n air d'honnêteté et d e révolte . « M o n


» pauvre g a r ç o n , disait le cult ivateur à son fils ,


> tu n'en auras pas davantage à présent ; le reste


» sera p o u r s o u p e r . »




292 A P P E N D I C E E.


« C'est b ien c r u e l , p è r e , murmura l 'enfant ,


» nous travaillons r u d e m e n t tout le j o u r , et nous


» m o u r o n s presque de f a i m , pendant que J o e


» H i g g i n s , vivant des secours de la p a r o i s s e , tra-


» vaille p e u et est b i e n nourri . »


« O u i , m o n e n f a n t , mais grâce à D i e u , nous


» ne s o m m e s point e n c o r e por té s sur les r e g i s -


» très de la paro i s se , répondit la m è r e que c o l o -


» rait u n n o b l e sent iment d'orgueil . »


« Le p è r e soupira et se tut . »


» L e repas fini, le paysan resta près de la f e m m e .


« C'est b ien v r a i , J a n e , que n o u s avons été é levés


» dans un esprit d ' indépendance et de f i er té , et


» que nous ne voudr ions pas être à charge à la


» paroisse ; mais o ù cela n o u s mène- t - i l ? Jacques


» n'a que trop raison. H i g g i n s ne travaille pas


» moit ié tant que n o u s , et vois c o m m e il est


* entretenu : nous payons la taxe , tu le sa i s , et


» cet te taxe nourrit sa fainéantise. C'est b ien d é -


» courageant , Jane ; n o u s e x t é n u o n s nos enfants;


« sois de b o n c o m p t e , p o u v o n s - n o u s m i e u x faire


» q u e n o s voisins ; c o m m e e u x , réc lamons les s e -


» c o u r s de la paroisse . »


» E n parlant a i n s i , le père sortit et branla de


la tête . La f e m m e s'assit et p leura.


« V o i l à une b i en triste affaire! f ï lEr ie l ; » M é -


phis tophé lès sourit d iabol iquement .




APPEKDICE E. 293


» N o s d e u x p r o m e n e u r s quittèrent la c h a u -


mière et poursuivirent leur chemin ; ils arrivèrent


près d'une autre cabane s a l e , mal t e n u e , sou i l l ée ;


on y dînait auss i , et si les habitants n'étaient pas


aussi propres que dans la p r e m i è r e , d u m o i n s


avaient-i ls un b e a u c o u p mei l l eur ordinaire. « J e


» te r é p è t e , J o e H i g g i n s , disait la f e m m e du


» l o g i s , que ce lard ne vaut pas à b e a u c o u p près


» celui du dépôt de mendic i té ( JVorkhousé) ;


» m a s œ u r y est avec ses d e u x enfants; i ls n'y


» travaillent jamai s , et ont du b œ u f tous les d i -


» manches . »


« Et les h o m m e s , fit à son tour J o e H i g g i n s ,


» ont trois c h o p i n e s de bière par jour ; faut n o u s


» y faire met tre , f e m m e . »


« D e tout m o n c œ u r , reprit ce l l e -c i , et l es


» overseers seront les mei l leurs gens d u m o n d e . »


» N o s deux immorte l s n'en écoutèrent pas d a -


vantage ; i ls se remirent en r o u t e , et vinrent au


dépôt de mendic i té : l à , tout était lâche i n d o -


lence , aumône sans travail ; les autorités de la


paroisse étaient fières d'acheter tout ce qu'il y a


de meilleur. Les pauvres ont de la b i è r e , des


l é g u m e s , du p a i n ; leurs enfants son é levés g r a -


tuitement à l 'école des ind igents ; et pourtant nos


d e u x p r o m e n e u r s virent encore que le m é c o n -




294 A P P E N D I C E E.


tenteraient pénétrait dans cet asile d'une noncha-


lante féhcité . U n j e u n e et v igoureux c o m p è r e , aux


traits durs et f a u x , disait tout bas à quatre autres


j e u n e s pauvres qui lui prêtaient une oreil le a t -


t e n t i v e : « Après t o u t , vous le v o y e z , nous ne


» s o m m e s pas moit ié si b i e n ici q u e m o n frère


T o m , c o n d a m n é là bas aux pontons . Faisons


» donc la farce que j e vous ai dite l 'autre j o u r ,


» n o u s ne serons envoyés qu'aux p o n t o n s , et


» a l o r s , nous serons traités et nourris c o m m e


» m o n frère T o m . »


« N o s quatre camarades se regardèrent : Eriel


compri t que la farce serait b ientôt faite.


« Sans d o u t e , m o n cher a n g e , fit Mephis to -


» phélès en grimaçant u n horrible s o u r i r e , tu


» c o m p r e n d s maintenant pourquo i je m'efforce


» d'attendrir l'âme des overseers . »


« H é l a s ! o u i , reprit tr istement E r i e l , et je


« reconnais aussi qu'il n'est po int de tentateur


« p lus perfide qu'un faux pr inc ipe de charité. »


« Cette fable n'est que la pe inture symbol ique


d'un fait trop constant. La T a b l e su ivante , dressée


sur des communica t ions off iciel les , montrera clai-


rement la condi t ion respect ive de chaque classe


depuis l 'honnête et labor ieux journal ier , jusqu'au


C r i m i n e l c o n d a m n é à la déportat ion.




APPENDICE E. 295


ÉCHELLE COMPARATIVE.


I. Journalier indépendant > travaillant


ti la terre.


D'après les d o c u m e n t s officiels sur le gain des


ouvriers journaliers , il l eur est imposs ib le de se


procurer p o u r nourriture autre chose que ,


Pain (par jour) 17°". Par semaine . 1 1 9 °°.


L a r d , par semaine . . . . 4 ° \


D é c h e t a la c u i s s o u . . . . f 3


Tota l . 122°" .


I I . Soldat.


Pain (par jour) 1 6 o n . Par semaine . 1 1 2 " .


V i a n d e d.° 12°". d.° 8 4 ° \


D é c h e t à la cuisson . . . . 2 8 9 6


Tota l . 1 6 8


I I I . Pauvre valide.


P a i n , par semaine. . 98°" .


Viande d.° 31 u".


Déche t à la cuisson. . . . 1 0 2 1


Fromage 1 6


Pudding 1 6


Tota l . l o i


E n sus» de ces 1 5 1 onces de nourri -


ture solide , en terme m o y e n , les hô te s




296 A P P E N D I C E E.


S o u p e . . .


S o u p e au lait


Petite b ière .


3 quarts ( 3 litres 4 0 )


3 d.°


7 d.° ( p r è s d e 8 1 i t r . )


I V . Criminel en état de prévention.


( C O M T É D E L A N C A S T R E . )


P a i n , par semaine 1 1 2 ° \


V i a n d e d.° . . . . 2 4 o n .


D é c h e t à la cu i s son . . . . 8 1 6


Gruau d'avoine . . . . 4 0


R i z 5


Pois 4


F r o m a g e 4


Tota l . 1 8 1


( G E Ô L E D E W I N C H E S T E R ) .


P a i n , p a r semaine 1 9 2 o n .


V i a n d e d.° . . . . 16°" .


D é c h e t a la cuisson. . . . 5 1 1


Tota l . 2 0 3


V . Criminel condamné.


Pain , par semaine . 1 4 0 °".


de que lques dépôts de mendic i té reço i -


vent , en p l u s , par semaine :


L é g u m e s . . . 48°".




APTESD1CE E. 297


REPORT i 4 0


Viande d.° . . . . 5 6 ° \


Déche t à la cuisson. . . . 1 8 3 8


Orge d'Ecosse 2 8


Gruau d'avoine 2 1


Fromage 1 2


Tota l . 2 3 9


V I . Criminel déporté.


Viande , par semaine . . 1 6 8 ° " .


D é c h e t à la cuisson . . . 5 6 1 1 2


Pain 2 1 8


Tota l . 3 3 0


« Ainsi, le journalier laborieux a moins


que le pauvre, le pauvre moins que le pré-


venu , le prévenu moins que le condamné,


le condamné moins que le déporté, et, des-


cendant ainsi jusqu'au dernier degré de


l'échelle , vous voyez à la fin que le criminel


déporté a des aliments, à peu de chose près ,


trois fois plus abondants que l'honnête jour-


nalier! Que l effet ne doivent pas produire sur


notre organisation sociale CÔS lois qui amél iorent


l e sort de l 'homme par sa dégradat ion , d e s lois


qui lui disent : Sois ambitieux de devenir pau-


vre ; aspire à te faire condamner ! »




298 APPENDICE F.


APPENDICE F.


.administration et exploitation des mines de


Cornouaille en Angleterre.


D a n s un important m é m o i r e sur l 'exploitat ion


des mines des comtés de D e v o n et de Corn w a i l ,


M. C o m b e s a d o n n é de curieux détails sur l'ad-


ministration économique de ces mines . Le pro-


priétaire du sol c oncède en général l 'exploitation


p o u r 21 ans, moyennant une part en nature qui


varie du 8 . c au 3 2 . c du produit b r u t , et à charge


d é l a i s s e r en b o n état , à l 'expiration du b a i l , les


puits et les galeries. Les personnes qui l'ont l ' en-


trepr i se , la partagent généra lement en 6 4 parts :


les dépenses et produits sont régul ièrement établis


tous les 2 o u 3 m o i s , e t , dans une assemblée


g é n é r a l e , les intéressés {(tdventurers) , après


avoir e x a m i n é ces c o m p t e s , fournissent chacun


p o u r l eur p a r t , la s o m m e nécessaire pour le j o u r


du p a i e m e n t , ou se partagent les bénéf ices .


L'administration est ordinairement conf iée à


une seule personne (super-intendent) , la partie


financière à u n caissier (purser) , la surveil lance




APPEKDICE F. 299


d e s travaux à des mineurs habi les {captahis),


qui , dans les grandes mines se divisent en rég is -


seurs {manager), ingénieur {engineer), chargé


des p o m p e s et puits {pitman) , b o i s e u r , chargé


des p lanches et du boisage {timberman), p l u -


sieurs capitaines du f o n d , chargés d'inspecter les


travaux et de faire leur évaluation {under-ground


captains) , un capitaine de la surface , chargé


de la préparation mécanique des minerais extraits


{grass captain) , un garde-magasin (materiah-


man). O n trouve en outre , c o m m e attachés à


une ou plusieurs m i n e s , un charpent ier en c h e f ,


un forgeur en chef , un cordier .


Le mode de paiement des ouvriers est surtout


remarquable : il simplifie b e a u c o u p l 'entreprise


et assure une mei l leure et plus p r o m p t e e x p l o i -


tation en donnant à ces ouvriers un intérêt en


tout semblable à celui des actionnaires, et les asso-


ciant ainsi aux résultats. .V part un t r è s - p e t i t


n o m b r e de travaux faits à la j o u r n é e , il y a trois


genres d'opérat ions: 1.° le f o n c e m e n t des puits


et l 'exécut ion de galeries à travers bancs o u dans


le filon , et la division du filon en massifs rectan-


gulaires: 2." l 'exploi tat ion de ces massifs , ce qui


c o m p r e n d toujours l e transport souterrain et


l 'extraction au jour du minera i , et le plus s o u -




300 À P P E S D I C E F.


vent sa préparation p o u r la vente ; 3.° la prépa-


ration mécanique ries m i n e r a i s , et quand elle a


été faite par les ouvriers chargés de la d e u x i è m e


o p é r a t i o n , le lavage et le net toyage des déchets


qu'on r e p r e n d p o u r en extraire , m o y e n n a n t une


fraction p lus c ons idérab le , le minerai vendable .


Ces divers genres de travaux sont donnés au ra -


bais , dans une sorte d'enchère qui a l ieu tous les


d e u x m o i s , et o ù sont reçus n o n - s e u l e m e n t les


ouvriers de la m i n e , mais c e u x qui ont beso in


d'ouvrage et attendent ce l l e occasion pour s'en


procurer .


L e s travaux sont distribués par lots p lus ou


m o i n s é t e n d u s , dé terminés par les cap i ta ines , et


cons ignés dans un règ lement dont il est d o n n é


connaissance aux o u v r i e r s , et qui fixe aussi le


n o m b r e d 'hommes nécessaire p o u r l 'exploitat ion


de chaque lot . Les ouvriers misent a l o r s , et lors-


qu'un rabais ultérieur n'est pas offert , le régis-


seur jet te en l'air une pet i te pierre et n o m m e le


dernier miseur; mais le plus souvent ce t te offre


est au-dessus de l'estimation des capi ta ines , et le


régisseur fait connaî tre dans ce cas son m a x i m u m


en offrant au dernier miseur de prendre le travail


* à ce p r i x , ce qui est ordinairement accepté dans


a crainte de ses c o m p é t i t e u r s , auxquels l'offre en




A P P E N D I C E F . 3 0 1


est ensuite faite. II résulte de ce m o d e q u e les


capitaines ont le droit de retirer l 'ouvrage en cas


de coalit ion des ouvriers . Cette adjudication f ixe


le tant p o u r cent de la valeur d u minerai extrait


et vendu , auquel les ouvriers auront d r o i t , et qui


v a r i e , se lon la richesse des m i n e s , de 1 / 8 0 . '


jusqu'à 1 5 / 2 0 /


Chacpie contrat o u marché est conc lu par un


seul ouvrier n o m m é preneur , qui s'associe le


n o m b r e d 'hommes v o u l u , et auquel il est ouvert


un c o m p t e dans les bureaux . N o n - s e u l e m e n t ,


par ce système d'explo i tat ion , les ouvriers sont


intéressés d irectement aux succès des travaux et


des v e n t e s , mais encore leur inte l l igence est s t i -


mulée par l ' intérêt , et les chances auxque l l e s i ls


sont associés leur donnent des habi tudes d'ordre


et d 'économie profitables à l eur moral i té et à l eur


activité. — L e s minerais sont généra lement v e n -


dus en tas à des compagn ie s qui les font essayer


et en offrent u n pr ix en raison de sa n a t u r e , du


pr ix courant du m é t a l , des frais de transport et


de fondage .




302 APPFSDICE G.


• APPENDICE G.


Interrogatoire de M. Parquin, fabriquant


de plaqué.


On fabrique b e a u c o u p plus maintenant qu'au-


t r e f o i s , dit en c o m m e n ç a n t M. Parquin : quand


je m e suis é tab l i , i l y a dix a n s , il n'y avait que


quatre o u c inq fabricants de p l a q u é , et aujour-


d'hui il y e n a vingt. J e faisais p o u r 4 0 , 0 0 0 fr.


d'affaires, et aujourd'hui j 'en fais p o u r 7 0 0 , 0 0 0 f.


Les Anglais ont sur nous l'avantage , parce que


leur cuivre laminé leur revient à u n p r i x i n f é -


r ieur a u x nôtres . N o u s s o m m e s ob l igés de passer


par l' intermédiaire des laminoirs d 'Imphy et de


Romi l ly . Le cuivre laminé nous coûte 4 4 s. la


l i v . , qualité supérieure ; et 3 4 s. , qualité in fé -


r i e u r e ; tandis que les Anglais font leur plaqué


sur d u cuivre qui ne leur coûte que 2 6 s.


D . Acqui t tez-vous le droit sur le cuivre b r u t ,


o u sur le cuivre laminé ?


R . L e cuivre que nous impor tons d'Angleterre


o u de R u s s i e , est l e cuivre brut qui paie 2 fr.


par ki log . ; mais il a b e s o i n d'être épuré et


laminé .




A P P E N D I C E G. 303


D . A quelle qualité répondent les cuivres de


2 6 s. en Angleterre ?


R . A notre qualité de 3 4 s . , ils sont inférieurs


à cel le de 4 4 s. ; n o u s avons beso in de la qualité


s u p é r i e u r e , parce que nous e m p l o y o n s le tour


qui vaut m i e u x que l 'estampe , dont se servent


les Anglais ; j e ne crois pas que c e s cuivres de


2 6 s. soient assez mal léables p o u r être tournés .


D . Que l est le pr ix d'un marc de p laqué ?


R. 2 5 s. en A n g l e t e r r e , et 4 0 s. e n France .


E n A n g l e t e r r e , o n prend de 1 à 2 so ls par l i v r e ,


p o u r laminer le cuivre , e t , en F r a n c e , cela nous


revient à 1 2 s . Les ateliers que j'ai montés dans


les prisons o ù j 'ai des ouvriers à 2 0 s. par j o u r ,


ont c o m p e n s é , jusqu' ic i , ce désavantagé ; mais


c e n'est pas là un état naturel .


D . V o u s expor tez ?


R. Oui .


D . Dans quel le proport ion ?


R. J'exporte p o u r 4 0 0 , 0 0 0 f r . , et j e fabrique


pour 7 0 0 , 0 0 0 fr.


D . Dans que l pays e x p o r t e z - v o u s ?


R. Dans l 'Amérique d u S u d , à la H a v a n e , à


B u e n o s - A y r e s , au C h i l i , et t r è s - p e u aux E t a t s -


Unis .


D . Si la prohib i t ion d u plaqué anglais était




304 APPENDICE G.


l evée et remplacée par un droit , y aurait-il danger


p o u r la fabrication française ?


R. I l y aura i t , au contra ire , un grand avan-


tage , p o u r v u que les Anglais voulussent aussi r e -


cevo ir nos p laqués . N o u s ne c o n s o m m o n s en


France que p o u r 1 , 5 0 0 , 0 0 0 fr. de p l a q u é ; en


Angleterre , o n en c o n s o m m e p o u r 3 0 , 0 0 0 , 0 0 0 :


j'ai d o n c tout l ieu de croire que je vendrais p lus


de p laqués en Angleterre que les Anglais n'en


pourra ient vendre e n France . Leur manière de


fabriquer est ancienne et coûteuse . N o s produits


pourraient avoir la pré férence par la variété de


leurs formes et m ê m e par le b o n marché .


D . N o u s avons sous les y e u x le tarif anglais :


est -ce b i e n , e n effet , 2 0 p o u r cent que vous


p a y e z en Angleterre ?


R. C'est 2 0 p o u r 1 0 0 ; e t , malgré ce d r o i t ,


j'aurais un dépôt à L o n d r e s , si j'étais ici moins


o c c u p é . L e s Anglais ne sont pas c o m m e nous


assujétis à une marque ; la loi qui nous ob l ige à


la marque a été faite par des gens qui n'enten-


daient r ien à la fabrication du p laqué .


D . M a i s , si vous vous abstenez de marquer,


o n ne vient pas le faire dans vos magasins ?


R . J e suis toujours sous le c o u p de la l o i ;


d'ai l leurs , la loi est i l lusoire : les titres que p o r -




APPENDICE G . 3 0 5


tent les différentes p ièces que je fabrique ne p e u -


vent être exacts . P o u r les articles dans la c o n f e c -


tion desquels i l n'entre que du p l a q u é , o n peut


indiquer la quantité d'argent ; m a i s , p o u r les a u -


tres o b j e t s , il est imposs ib le d'établir le rapport


de l'argent au po ids .


On devrait se contenter de la marque d u f a -


bricant.


L e s Anglais n'ont pas de marque dict inct ive


dans la fabrication d u plaqué . I ls ne connaissent


que le b o n et le mauvais ; ils n'ont p a s , c o m m e


n o u s , de qualités à l'infini. Le fabricant anglais


n'est assujéti qu'à sa propre m a r q u e , et il v e n d


p lus o u m o i n s , suivant la conf iance qu'il i n s -


p i re .


D . V o u s avez dit que le haut pr ix du cuivre


était un obstacle à votre fabrication. Vous
voudriez d o n c une d iminut ion sur le droit


d'entrée ?


R . C o m m e fabricant de p laqué et de c u i v r e r i e ,


j e voudrais qu'on pût laisser en trer l e cuivre


laminé ; m a fabrique pourrait prendre p lus d 'ex -


tension , s'il ne n o u s revenait pas si cher . J e fais


maintenant sept à huit cents paires de f lambeaux


de cuivre par s e m a i n e , et j'ai vu e n Angleterre


une fabrique qui en a fait quatre mi l l e paires par


ï




306 A PI'ES DI CE G.


semaine . Je suis obl igé de vendre 1 0 IV. la d o u -


zaine de bougeo i r s q u ils vendent 6 fr. Tant que


le cuivre laminé restera à ce p r i x , nous serons


en désavantage avec l 'Angleterre. N o u s n'avons


que p e u de laminoirs pour le cuivre , et cela


contr ibue b e a u c o u p à sa cherté.


D . Q u e l droit juger i ez -yous convenable d'éta-


blir sur le p laqué anglais ?


R. Je n'en voudrais pas du t o u t , à la charge


toutefois de la réc iproc i té ; car je voudrais


n'accorder qu'en raison de ce q u ' o n nous a c -


cordera .


D . Est -ce que vous ne pensez pas qu'avec un


droit de 2 0 p o u r 1 0 0 , de part et d 'autre , l'état


des choses serait à p e u près le m ê m e en A n g l e -


terre et en France ?


R . N o u s avons déjà la l iberté de faire entrer


n o s p laqués en Angleterre avec un droit de 2 0


p o u r 1 0 0 ; j e ne vois pas^ l'avantage que nous


aurions à l eur accorder la m ê m e faculté : le


c h a n g e m e n t n o u s serait défavorable.


D . M a i s , si l e g o u v e r n e m e n t anglais réduisait


son droit de moit ié ?


, R . C e n'est pas le droit de 2 0 p o u r 1 0 0 qui a


p u eçapêcher de vendre d u plaqué français en


Angleterre . S i on n'en a pas v e n d u , c'est qu 'on




APPENDICE G. 307


ne l'a pas voulu. Si je manquais d'ouvrage i c i ,


je ferais du plaqué p o u r l 'Angleterre.


D . 3 ï ê m e avec la di f férence du prix de la m a -


tière première ?


R . O u i : la différence d u pr ix de la matière p r e -


mière est beaucoup p o u r les objets b o n marché ;


mais, dans le beau p laqué , le p r i x de l'argent étant


toujours le m ê m e , la différence du cuivre est p e u


de c h o s e . C'est 1 4 s. sur u n marc d'argent de


1 0 f r . , voilà pourquoi j e dis que je pourrais


vendre d e s produi ts e n Angleterre , ma lgré la


différence du pr ix du cuivre. J'y p o r t e r a i s , par


e x e m p l e , des ( l a m b e a u x , avec de jo l ies f o r m e s ,


que je pourrais donner à un prix inférieur an


leur.


I l est à remarquer que les Anglais es tampent


toutes leurs p ièces ; les matrices l eur coûtent


fort cher . I l y a , à B i r m i n g h a m , des ateliers o ù il


s» trouve trois mi l l ions de matrices . N o u s , n o u s


fabriquons tout avec des m a n d r i n s , de s imples


m o r c e a u x de b o i s , et une d e m i - j o u r n é e d 'ou-


vrier n o u s suffit p o u r faire u n e paire de f lam-


b e a u x . C o m m e le p r i x de ces m a t r i c e s , qu i


valent 4 à 5 0 0 fr. c h a c u n e , entre dans le p r i x de


l 'obje t , j e ne doute pas que n o u s , qui établ issons


p lus s implement avec le tour , n o u s ne puiss ions




308 A P P E K D I C E G.


fournir à mei l leur marché . E n o u t r e , les matrices


d 'es tampage , dont les Anglais se s e r v e n t , s'accu •


mutent en magasin et forment un fonds inva-


riable qui ne permet pas de changer la forme


d e s o b j e t s ; auss i , vous voyez en Angleterre des


formes très-anciennes . INous, tous les ans , nos


m o d è l e s c h a n g e n t , et nous p o u v o n s offrir les for-


m e s l e s p lus var i ée s , les p lus é légantes .


D . A i n s i , p o u r les objets de l u x e , vous avez


l ' avantage , pu i sque vous fabriquez avec p lus de


goût et avec d e s procédés p lus expédi t i f s . S i l e


cuivre laminé pouvait entrer avec un droit p lus


m o d é r é ?


B . I l faudrait qu'il ne payât pas p lus que le


cuivre brut ; j e suis sûr qu'il y aurait p lus de


c inquante mil le personnes de p lus e m p l o y é e s à


travailler le cu ivre .


D . V o u s pensez d o n c qu'une réduct ion du pr ix


d u cuivre laminé contr ibuerai t à étendre d'une


manière assez notable la fabrication d u p laqué ?


R. I l n'y a pas de d o u t e , quo ique jamais la fa-


bricat ion d u p laqué ne puisse prendre en F r a n c e


l 'extension qu'el le a en Angle terre .


D . P o u r r i e z - v o u s n o u s dire à quel le cause il


faut att ibuer ce t te di f férence ?


R . E n A n g l e t e r r e , l'argent paie 3 0 fr. de droit




A P P E N D I C E G. 309


de contrôle ; en F r a n c e , 2 fr. O n ne peut avoir


en Angleterre un marc d'argent ouvré , con trô l é ,


à moins de 1 1 0 fr. ; e t , b ien que le contrô le v


soit facultatif , c o m m e l 'argenterie non contrô lée


ne présente aucune garantie à l 'acheteur, il p r é -


fère acheter du plaqué. V o u s c o n c e v e z par là ,


pourquoi on en fait u n si grand usage. E u France ,


o ù l'on peut avoir un marc d'argent ouvré p o u r


6 0 f r . , on n'ira pas mettre 3 0 à 4 0 fr. à un marc


de plaqué. Vo i là pourquoi o u a fait b e a u c o u p de


plaqués en Angleterre , et de l ions p laqués . On les


a m ê m e trouvés si bon , qu'on a pu se passer d'ar-


genterie . Les Anglais font du p laqué à Ijti de


cuivre et 4 | 5 d'argent.


E n r é s u m é , je ne crains guère 1 introduct ion


du plaqué anglais. Cela pourra faire un p e u de


tort dans le c o m m e n c e m e n t : mais nous aurons


bientôt imité leurs f a ç o n s , que nous pourrons


produire à mei l leur marché . Je ne crains la c o n -


currence que pour l cvportat ion et pour le p l a -


qué c o m m u n , à cause de la matière p r e m i è r e .




3 1 0 APPENDICE H.


APPENDICE H.


TABLE A U comparatif du fer produit dans


la Grande-Bretagne, pendant les années


1 8 2 3 , 1 8 2 5 , 1 8 2 8 à 1 8 3 0 .


NOMBRE DE S TONNEAUX PRODUITS.
DISTRICTS.


1823. 1825. 1828. 1830.


Galles méridioaale . . . 182,325 230,412 279,512 277,643
133,590 182,156 219,492 212,604
73/J18 89,596 8f,224 73,418
f>7 311 39,104 32,968 27,926
24,500 33,540 37,700 37,500
14,038 22,672 22,360 17,999


Galles septentrionale. . 12,000 17,756 25,768 25,000
Forêt du Doyen (Fofets


» u 2.600 1>
2,379 ii 1,560 5,327


" 3,000 »


TOT.II'X . . . 469,561 618,236 703,184 678,417


Les trois d ix ièmes environ d u fer produit dans


la Grande-Bretagne , sont e m p l o y é s c o m m e fonte ,


et c o n s o m m é s presque en totalité dans le pays ;


l 'exportat ion n'étant que de 1 2 , 0 0 0 t o n n e a u x ,


expédiés pr inc ipa lement a u x Etats -Unis et dans


les possessions Britanniques d§ l 'Amérique du




A P P E N D I C E H. 3 1 i


(Mar Cnlloch.)


Nord . Les sept autres d ix ièmes sont convert i s en


fer forgé. L'exportat ion du fer. sous c e l l e dernière


f o r m e , s'élève aujourd'hui à environ 1 4 5 . 0 0 0


tonneaux p r o d u i s a n t . à 8 1. s. 1 0 sh. le t o n n e a u ,


un tolal de 1 , 2 3 2 , 5 0 0 I. s. ( 3 0 . 8 1 2 . 5 0 0 ir .)


L'accroissement de la fabrication du fer dans


la G r a n d e - B r e t a g n e a . non - s e u l e m e n t permis


d'en expor ter des quantités cons idérab le s , mais


aussi d'eu réduire de b e a u c o u p l importat ion . A u -


jourd hui l 'Angleterre ne . reçoit p ins que 1 8 o u


2 0 , 0 0 0 tonneaux de fer étranger par a n , et ce


1er est - il encore presque loul fer de S u è d e


à convertir en acier. Admettant que la quanti té


de foule de 1er produite en 1 8 3 3 dans les trois


royaumes unis ait été de 6 7 0 , 0 0 0 tonneaux , au


prix m o y e n de 7 1. s. le tonneau , la valeur


de cet article se fût é levée h 4 . 6 9 0 , 0 0 0 l. F.


( 1 1 7 , 2 5 0 , 0 0 0 fr.) Le travail nécessaire à la c o n -


version de la fonte en 1er f o r g é , ajoutant à cette


s o m m e cel le de 1 , 2 5 0 , 0 0 0 l. s. ( 3 1 , 2 5 0 , 0 0 0 fr.)


pour frais de m a i n - d ' œ u v r e , etc . , nous verrons


que la valeur totale d u fer produit , sera de


5 , 9 4 0 , 0 0 0 l. s. ( 1 4 8 , 5 0 0 , 0 0 0 IV.)




TABLEAU du cuivre extrait des mines de Cornouaille1825 à


1 8 3 1 , et de la valeur de ce métal, soit fondu, soit à l'état de


minerai.


Epoques.
Quantités


de
minerai
extrait.


Cuivre pur.
Valeur


du minerai.


Produit
par


100 livres
de


minerai.


Prix moyen


par tonneau.


Tonneaux. Tonneaux.
(1)


Quint. Liv ster. sli. P- liv. ster. sh. p.
1825 107,454 8,226 3 726,353 12 0 7 5/8 124 4 0
1S26 117,308 9,026 12 788,971 15 6 7 5/8 123 3 0
1827 126,710 10,311 14 745,178 1 0 8 1/8 106 1 0
1828 130,306 9,921 1 756,174 16 0 7 5/8 112 7 0
1829 124,502 9,656 10 717,334 0 0 7 3/4 109 14 0
1830 133,964 10,748 >> 773,846 0 0 8 106 5 0
1831 144,402 12,044 il 806,090 0 0 8 1/i 100 0 0


(1) Le quintal anglais (112 livres) équivaut à 50 k.' 782 g. — Le tonneau anglais (20 quintaux),
équivaut à 1015 k." 6'i9 g.




TABLEAU du cuivre exporté d Angleterre de 1 8 2 5 à 1 8 3 2 .


Epoques. Cuivre brut.
Cuivre


monnayé.


Fil


de cuivre.


Cuivre
en feuilles


et en
clous, etc.


Cuivre ouvré
de


différentes
manières.


Total
du cuivre
exporté.


1825
Quintaux.


10
Quintaux.


2,134
Quintaux.


40
Quintaux.
51,437


Quintaux.
25,002


Quintaux.
78,624


1826 2,604 1,807 11 65,264 26,307 95,994


1827 26,583 1,450 8 74,943 40,439 143,424


1828 21,591 1,150 71 52,412 48,897 124,121


1829 52,978 15 13 59,871 46,643 159,521


1830 56,722 640 16 66,331 56,443 183,154
1831 67,200 96 149 70,477 32,690 170,613


1832 77,497 2 13 79,944 37,155 194,612




311 APPENDICE .1.


Le p e u de cuivre étranger introduit en Angle-


terre , est toujours dest iné à la réexportat ion. Les


pr inc ipaux d é b o u c h é s des cuivres anglais sont la


F r a n c e , la C h i n e , les Indes et les Etats-Cnis .


(MM: CTI.LucH.)


APPEXMCE J.


TA BLE A U de lElaiu anglais. extrait des


Mines de llornouaiffe et du Devonshire.


de 1 8 2 5 à 1 8 3 2 .


s Ci £
O


Ö
IS
W5


DE
nouaille.


>


DU
ronshire.


î S
3'
iL


X


S
M


a


1825
qnint.


7 7 6 9 9
liv.
70


qüiot,
1180


liv.
14


quint.
3 4 2 3 7


liv.
103


1. st.
4


sh.
9


peu.
6


1820 7 6 6 7 4 29 1200 76 4 3 6 4 5 » Ô 19 »
1827 9 5 8 8 2 42 1869 91J49474 21 3 17 6
1828 9 1 3 8 7 103 1739 107 4 1 4 2 6 69 3 13 »
1829 8 3 4 6 9 67 1827 50J33215 8 14 6
1830 8 0 9 7 9 110 2064 24 3 0 4 2 5 36 3 10
1831 7 9 9 7 1 37 1651 12 ¿ 1 7 6 2 56 » »
1832 » » » 1) 3 1 8 3 7 59 o 13 »




A P P E B D I C K J . 315


Prix courant des Etains sur le marché de


Londres. — Mars 1 8 3 4 .


Elaiu anglais , en masse {in blucks"), le quiulal.
d." en lingots, d". .
d." en barreaux, d 1 . .
D." EN LARMES, D". .
d." brisé {brokeri). A". .


Elain llaaca , d \ .


l.s. sh.
3 15
3 15
s 17
4 13 -
4 18
;j o


1/élai i i est s i i je l , en A n g l e t e r r e , à un droit


de contrô le e x t r ê m e m e n t onéreux . Ce droit qu i ,


grâce à certaines formalités p lus ou m o i n s vexa-


t o i r e s , ne s'élève pas à moins de 5 1. s. ( 1 2 5 f.)


p a r t o n n e a u , produit un revenu annuel de 1 6 , 0 0 0


h 2 0 , 0 0 0 1. s . , non pas au profit de l 'Etat , mais


b ien d'un s imple par t i cu l i er , le duc de Cor


nouai l le .




PHIX COUR.4 NT tl es Fers'-Rlanes suri,- Marché de Londres. -- Mars 1834.


DÉSIGJNATIOX.
DIMENSION
des feuilles


par
ponces anglais; 1 \


K
O


M
BR


E
des feuilles


par boîte.


PO
ID


S
des


boíles.


MAHQL'ES
des


boíles.


vmx
par boîte.


Commun u.* 1
Commun n." 2
Commun n." 3
Lne croix n." 1
Deux croix n.° 1
Trois croix n." 1
Quatre croix n." 1
Commun, double
Une croix, double
Deux croix . double
Trois croix , double
Quatre croix, double
Petit double commun
Lne croix , petit double
Deux croix, petit donble
Trois croix , petit double
Quatre croix, petitdouble


Hebuts, dit IVaslers, six sebi
bonne qualité.


Droit et arrimage à bord des navir


1.3 3/4 sur 10.
13 14 sur 9 3 4.
12 3/4 sur 1) 1 ' J .
13 3/4 sur 10.


1« 3 4 sur 12 1,2.


15 sur 11.
>)


m


liugs de moins p;


es , pour l'exporl


225
]>
>)


))
l)


100


1)


200
>)
>)
il


r boîte


itiou, (i |


livres.
112
105
98


140
lfil
182
208


98
12 fi
147
168
189
lf>7
188
209
230
251


jue les


. (60'c.)


CI.
CH.


c m .
XI.


XXI.
XXXI.
XXXXI.


CI».
XD.


XX D.
XXXI).


XXXXI).
SDC.
snx.


snxx.
SDXXX.


SDXXXX.
ers-blancs , c


lar boîte.


sh.
38
35
33
43
49
55
fil
33
39
45
51
57
59
fi5
75
77
83


irres|


fr.
47
43
41
53
(il
fi 8
7 fi
41
48
si;
63
71
73
81
93
96


103
loudai


cent
30
75
25
75
25'
75
25
25
75
25
75
25
75
25
75
25
75


ils en


(1) Le pouce anglais , nu peu plus petit que le pouce français , équivaut à environ 25 millimètres.




A P P E S M C E J. 317


Exploitation du plomb en Angleterre.


I l est difficile d'établir d'une manière un p e u


positive la quantité de p l o m b annuel lement extraite


des mines d'Angleterre. M . S t e v e n s o n s u p p o s e


que le produit annuel des m i n e s d u Derbyshire


est de 5 à 6 0 0 0 tonneaux . Les mines s i tuées entre


les c o m t é s de Cumberland et de N o r t h u m b e r -


land fourn i s sent , s u p p o s e - t - o n , un produi t an-


nuel de 11 à 1 2 , 0 0 0 t o n n e a u x . ; le produi t total


des mines d'Ecosse e s t , par an , de 6 5 , 0 0 0 sau-


m o n s ; l e s q u e l s , au poids de 1 4 0 liv. chacun ,


donnent 4 , 1 2 0 tonneaux . L e s m i n e s de p l o m b les


p lus product ives du pays de G a l l e s , ont été aban-


dondées o u envahies par les e a u x , qui e n rendent


aujourd'hui l 'exploitation imprat icable . Le p r i x


m o y e n du p l o m b , en A n g l e t e r r e , a é t é , pendant


les d i x années antérieures à 1 8 3 3 , de 2 0 l iv . -s .


7 shil. ( 5 0 8 fr. 7 b c.) le tonneau .


( MAC COLLOCH.)




318 APPENDICE K.


APPENDICE K.


QUELQUES DÉTAILS STATISTIQUES SUR LA FABRI-


CATION ET LA CONSOMMATION DU COTON DANS


LA GRANDE-BRETAGNE, extrait de Baines"


hi&tory of the cottoti manufacture.


Vente du coton à Liverpool.


C'est à L iverpoo l que se font les principales


importat ions de c o t o n en Angle terre ; la vente de


cette marchandise s 'opère . sur cet te p l a c e , par


l ' intermédiaire de court iers commiss ionnés par les


importateurs qui l eur paient u n droit de courtage


de un d e m i p o u r cent . Les a c h e t e u r s , presque


tous c o m m e r ç a n t s en c o t o n o u f i la teurs , tant de


Manchester que des districts env ironnants , s u p -


portent les frais d'un courtage égal .


La majeure partie des ventes s'opère sur échan-


ti l lons , la prob i té r e c o n n u e des court iers rendant


inuti le toute vérification des balles . Cette c o n -


fiance réc iproque rend les transactions p lus rapi-


d e s , p lus expédi t ives sur le marché de L iverpoo l


que sur aucun autre du m o n d e , et sur le co ton


p lus que sur tout autre marchandise .


S i que lque différent s'élève par hasard , les


part ies sont p r o m p t e m e n t conc i l i ées par Tinter-




APPENDICE K. 319


Bretagne , de 1 7 8 1 à, 1 8 3 3 .


ÉPOQUES. IMPORTATIONS. EXPORTATIONS
CONSOMMATION


intérieure.


liv. liv. liv.
1781 5198778 96788
1785 18400384 407496
1790 31447605 844154
1795 26401340 1193737
1800 56010732 4416610
1805 59682406 804243
1810 132488935 8787109
1815 99306343 6780392
1820 151672655 6024038 152829633
1825 228005291 18004953 202546869
1830 263961452 8534976 269616640
1831 288674853 22308555 273249653
1832 286832525 18027940 259412463
1833 303650837 17363882 293682976


( T o u t e s les quantités de ce tableau sont es t i -


m é e s e n livres angla ises , o n sait q u e la l ivre


an»la,ise équivaut à 0 k." 4 a 3 - grammes. ) .


venlion d'un ou plusieurs court iers désintéressés


dans l'affaire.


On accorde aux acheteurs dix jours de faveur ,


après lesquels les factures sont rég lées en bi l lets


à trois m o i s , ou e scomptées à raison de 5 p . ° / 0
par an , p o u r p r o m p t pa iement .


TABLEAU des importations et exporta-


tions du coton en /aine dans la Grande-




320 APPENDICE K.


ESTIMATION de {accroissement des
importations des cotons en laine en An-
gleterre, par périodes décennales.de 1 7 4 1
à 1 8 3 1 .


D e 1 7 4 1 à 1 7 5 1 . . . . 8 1 p o u r cent .


» 1 7 5 1 à 1 7 6 1 . . . . 2 1 1 /2 d."


» 1 7 6 1 à 1 7 7 1 . . . . 2 5 1 /2 d.'


» 1 7 7 1 à 1 7 8 1 . . . . 7 5 3 / 4 d."


» 1 7 8 1 à 1 7 9 1 . . . . 3 1 9 1 /2 d."


» 1 7 9 1 à 1 8 0 1 . . . . 6 7 1 /2 d."


>» 1 8 0 1 à 1 8 1 1 . . . . 3 9 1/2 d."


» 1 8 1 1 à 1 8 2 1 . . . . 9 3 d."


» 1 8 2 1 à 1 8 3 1 . . . . 8 5 d."


TABLEAU des colons filés et ouvrés
exportés annuellement de la Grande-
Bretagne, de 1 7 9 8 à 1 8 3 3 .


COIOSS O L V 1 Ì É S .


Valeur
officielle.


Valeur
déclarée.


COTOXS FILÉS.


Valour Valeur
officielle, déclarée


TOTAL
des exportations.


Valeur Valeur
officielle, déclarée,


1798
1800
1805
1810
1815
1820
1825
\SM
1831


18!


liv. ster. liv. ster. liv. ster. lir. ster. liv. ster. liv. ster.
3572217
3406501
8619990


17898519
21480792
20509926
26597575
35395400
33682475
37060750
40058153


18946835
13690115
15046902
15203713
13207947
12622880
13754992


30271
447556
914475


1053475
808853


2022153
2897706
5655569
5674600
6725505
6279057


1674021
3826643
3206729
4132258
3974989
4721796
4704008


3602488
5854057
9534465


18951994
22289645
22531079
29495281
41050969
39357075
43786255
46337210


20620956
16516758;
18253631
19335971
17182936
17344676
18459000




A P P E N D I C E K. 321


Il est important d ' o b s e r v e r , p o u r l' intell i-


g e n c e du tableau c i -dessus qu'au m o m e n t o ù


ha valeur officielle s'élevait de 2 2 , 2 8 9 , 6 4 5 liv.


ster. en 1 8 1 5 ; à 4 6 , 3 3 7 , 2 1 0 liv. ster. e n 1 8 3 3 ,


la valeur réelle o u déclarée déclinait de


2 0 , 6 2 0 , 9 5 6 liv. ster. en 1 8 1 5 , à 1 8 , 4 5 9 , 0 0 0


l iv. ster. en 1 8 3 3 ; c'est que la valeur officielle


ind ique s implement la quantité des marchan-


dises e x p o r t é e s , sans pouvo ir servir de l imite


k leur valeur actuelle; l e s quantités étant r é -


duites à une monnaie de c o m p t e s , c o n f o r m é -


m e n t à un tarif établi à la D o u a n e depuis un


certain n o m b r e d'années ; tarif qui n'a subi


aucune altération depuis son orig ine . La valeur


réelle o u déclarée, est la valeur actuel le en


espèce d'après la déclaration , sous s e r m e n t ,


des négociants exportateurs . B i e n qu'erronées


que lquefo i s , o n p e u t généra lement c o m p t e r sur


l 'exactitude de ces déclarations.


Manufactures de coton dans la Grande-


Bretagne.


N o u s ne croyons pas nous t romper en e x c è s


en portant à 2 0 0 , 0 0 0 l e n o m b r e des ouvriers


e m p l o y é s dans les fabriques de coton , p o u r l'An-


U




322 ЛРРВМИСЕ


g l e l e r r e ; à 3 2 , 0 0 0 p o u r l ' E c o s s e , et à 5 , 0 0 0
p o u r l ' Ir lande , formant ensemble u n total de
2 3 7 , 0 0 0 ouvriers et apprent is des d e u x sexes
p o u r toute la G r a n d e ­ B r e t a g n e . N o u s porterons
à 4 4 , 0 0 0 c h e v a u x la force motr ice d e s m a n u ­
factures qui emplo ient ce n o m b r e u x p e r s o n n e l ;
la vapeur figurant dans ce chiffre p o u r 3 3 , 0 0 0
c h e v a u x , et l 'hydraulique p o u r 1 1 , 0 0 0 .


Maintenant , si n o u s p r e n o n s c e s chiffres p o u r
cons tant s , i l faudra c o m p l é t e r cette statistique
ainsi qu'il suit :


Fileurs et t isseurs dans les fabriques , c o m m e il
vient d'être dit. . 2 3 7 , 0 0 0


Tisserands ordinaires en c o t o n . . 2 5 0 , 0 0 0
T u l h e r s ­ d e u t c l l i e r s . 1 5 9 , 0 0 0
Bonnet iers et fabricants de bas. . 3 3 , 0 0 0
Indienneurs 4 5 , 0 0 0


A i n s i , nous aurons un total de. 7 2 4 , 0 0 0
individus e m p l o y é s a la seule fabrique du coton ;
chiffre é n o r m e , et qu'il faudrait pourtant accroître
e n c o r e en y ajoutant ce lui des ouvriers d'un grand
n o m b r e d'états a c c e s s o i r e s , tels que la blanch i s ­
serie , la te inture , la broder ie des m o u s s e l i n e s ,
la fabrique des mét iers et machines , les arts chi ­
m i q u e s , la gravure et le d e s s i n ; puis ensuite
ce lu i des n é g o c i a n t s , marchands en déta i l , et




APPENDICE K. 323


environ 4,000,000
Matière première (filés en 1833)282,675,000, à


7p.lal ivre 8,244,693
Bénéfices du marchand , intérêts de capitaux, dé-


penses pour machiaes , métiers, combustibles ,
encollage et frais divers 6,000,000


TOTAL 3 1 , 3 3 8 , 6 9 3 1. s.


c o m m i s dont l'industrie s 'exerce presque exclus i -


vement dans la partie des c o t o n s ; et enfin , mais


d'une manière m o i n s d i r e c t e , ce lui des c h a r p e n -


tiers , s errur iers , menuis iers et m a ç o n s dont les


bras élèvent et construisent l es u s i n e s , l e s m a -


gasins.


Le produit de toutes c e s f o r c e s , o u , en d autres


t e r m e s , la valeur annuel le des produits de l ' in-


dustrie cotonnière dans les I l e s Bri tanniques , peut


se diviser de la manière su ivante:


Salaire de 237,000 individus employés dans les
grandes fabriques 6,044,000 I. s.


— de 250,000 tisserands ordinaires, à 7 sh. par
semaine 4,375,000


— de 45,000 indienneurs, a 10 s. parsemaiae. 1,170,000
— de 159,300 tuiliers, dentelliers , releveurs


de maille, etc. . . . . . . . 1,000,000
— de 33,000 bonnetiers , fabricants de bas. 303,000
— de » blanchisseurs, teinturiers, ca-


lendreurs, mécaniciens, serru-
riers, menuisiers, charpentiers,
maçons', architectes , camio-
neurs , magasiniers , négo -
ciants , détaillants , etc. ,'etc.,




324 APPENDICE K.


L e seul de ces chiffres contre l eque l on puisse


é lever que lque ob je c t i on s ér i euse , serait celui de


4 , 0 0 0 , 0 0 0 p o u r le salaire des b lanch i s seurs , ca-


l e n d r e u r s , e t c . , e tc . B i e n q u e j e cro ie ce l te somme


aussi exacte q n e poss ib le , j e suis forcé d'avouer


qu'elle est p u r e m e n t conjecturale . Après t o u t ,


j e suis conva incu que le produit annuel des fa-


br iques de c o t o n p o u r tout le r o y a u m e , varie de


3 0 , 0 0 0 , 0 0 0 1. s. à 3 4 , 0 0 0 , 0 0 0 ( 8 5 0 , 0 0 0 , 0 0 0 i.) ;


et que le n o m b r e des individus e m p l o y é s direc-


tement et ind irec tement à cette industr ie , ou qui


lui doivent leur subsistance , est d'environ quinze


cent mille.


Trente-quatre mi l l ions sterl ings f o r m e n t , s u i -


vant diverses autorités r e s p e c t a b l e s , le capital en-


gagé dans 1 industrie co tonnière de la G r a n d e -


Bre tagne . Les pr inc ipaux l i eux d'exportat ion des


produi ts de c e l t e industrie sont : la Russie , l 'Al -


l e m a g n e , la H o l l a n d e , le P o r t u g a l , l 'Espagne ,


l'Italie , la T u r q u i e , la G r è c e et ses î l e s , la Chine


et le cont inent indien , l'île Ceylan et les autres


co lon ie s anglaises dans les d e u x m o n d e s , C u b a ,


le B r é s i l , Guatimala et Co lombie , le Chi l i , le


P é r o u , le M e x i q u e et les Etats-Unis .




A P P E N D I C E K. 325


COJITJS DE LASOASTEE.


H O M M E S . F E M M E S
- ï . - m ----•


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A G E .
ï i " ? = *


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1^ = 1° s " = i ? ë * n 77 o -
3 * J = 1. " I ? ~ .5 ^ £- i* •


Jours et par . louis el olir- • loms e t pur- tours et par-
l i e s ilëei ma- t i . s liéeiuir.- l i e s déi-imn- ties (iéeimí:-
ies líe jour. les lie jour tes tle jour . Ics ¿i: j our .


LU -dessous il* 11 ;ins. . . •1 M 13 ( l i S 03
Il 118 De 11 iinS à lii :tlls. . - . 3 SI 1 i 3.i 4 23


Du ;i; ¡mis à Ul nus. . . . 't M ili '|3 3 31. 12 Ii3
De 21 ;itis ;i ii'H ¡tus. . . - 4 m IS ';7 Il t.3 Iti 42
Ile •2i; .mis à 51 an*. . • . fi S í ï"! l i K f.2 (S 31
Ile 3 i an >i i 5fî ;mih, . . . 3 K.1 1'! Ili 11 '2:1 21 77
De 3<1 .i h s à 'il ;*!)<*. . . • i 13 ir, ; 3 li lii 111 HI
Il.> '.i « il s À M\ ans . . • • 3 il'l i i !!3 l i (17 l i 41
De ans -i >>l nn*. . . • ; IM 3A 3I LII 3 i i l i 43
De "il ;ins à ans . . . . 3 /,7 13 II 13 ; û 21 »
De ans k (il ans . . . . I.' lid 11 :.n 1.1 7 3 21 »


GLASGOW I;T SSVIBOSS.


TU ilo» ,OU? lit- M ¡MIS. . . 1 i! I 3 111 ï Ii3 l i S»
De 11 •tus à !ti ;:u*. . . • 4 S'I 11! 33 ti Ili 13 SI
»1! 1« R;ns à '1\ ÎI II S. , . . .1 32 17 l i ti 3<! 13 : 4
Ih! iti


21!
;ilis à l'fi uns, . . . •J 11 •Jl 12 S Ili i s %


De ans à R» 1 îi il S. . . . 7 (1.1 Ili 03 7 3EL III SJ
'"e 31 a lì s à 5 fi ÍI TI s. . . . 7 C1 ¡(i 11.1 fi 03 13 05
Dû .'.Il ans à 41 a n s . . . . s R.o 22 3i< Ili Ili »
De 11 ans à 46 r,ns. . . :i 12 . 11. 'il 11 '.li 20 7>l>
De 4!« hhs h iîl an*. . . • 4 1,', •20 .".7 I l 7'! 40 «Il
De .il Min ;i • ti •••i'». - - - '< !in lii i l li; NI' i>3
De 5il ..us A ni î.ijî. . - • 3 27 li i l i il « 3H '20


1:0.11 TÉS S S P T E M T l I O è i A t X JD'ASClKTKhB K.


Au -.1« ,.,vm île 1 1 ::!»*. . . 2 (H Il 7.1 S MI ! 33 32
De l ì an* À 16 - u s . . . . 3 3.1 11 l'i R. i l ! l i li
De 15 nn« à Ü1 ait i. . . . 5 31 ¡7 l'i K SU 111 NE
*e "1 uns « «¿ft ans . . . 7 42 111 Ii7 Ì 3 n i •211 3 i


De y; ans ;'I 51 IIIIV . . - l'i "S '21 '2.1 13 . 4 3,1 ; 3
De ->i ¡": 5fi a n - . . . . 7 'Jl «21 ni '. li ..2 ; il ; 3
. le 31! ans 'il nu*. . . • 5 '.3 IO 3; •M 21 '24 7 5
De i l an ^ à 'li! ans . . . . 1!> 3« 1:3 : *• S W !!« '.ìli
De » il s « ."-I :j n -ï . . . . 12 »11 3.1 4 i 13 ili 40 13
De 31 ans y 56 au-.. . . . 7 i'J '21 7 li 12 >: 2*2 »


e .11 ans A 61 mis . . - .1 1 ;l i l SU 121! i. 1!!li


TABLEAU des jours de maladies par an


des ouvriers employés dans les manufac-


tures de coton.




326 ÀPPBRDJCE K.


AGK.


VVHÉB MOYÏ»K£
des maladies


par an
et par


ouvrier employé.


DIRÉE JIOYJÎKNI
des maladies


par an
et par


ouvrier malade.


Jours et parties Jours et parties
décimales de jour. décimales de jour.


De 16 à 21 ans. . . 4 02 13 96
De 21 à 26 ans. . . 5 40 17 22
De 26 à 31 ans. . . 4 40 20 18
De 31 à 36 ans. . . 4 55 21 44
De 36 à. 41 ans. . . 5 57 28 84
De 41 à 46 ans. . . 5 18 22 83
De 46 à 51 ans. . . 5 43 23 59
De 51 à 56 ans. , . 6 80 28 61
De 56 à 61 ans. . . 7 21 28 28
De 61 à 66 ans. . . 10 24 31 25
De 66 à 71 ans. . . 9 93 26 89
De 71 à 76 ans. . . 10 60 29 67
De 76 à 81 ans. . , 12 67 38 88


(1) En France il a été reconnu que le nombre de
jours d hôpital par soldat malade était , ternie moyen, de
20 à 21 par an.


Les administrateurs de la caisse de secours mnluols
pour les ouvriers de Ja ville de Nantes ont trouvé que
Jp nombre de jours de maladie pour chaque ouvrier


A ce tableau des maladies parmi l e s ouvriers


des manufactures de c o t o n , M. Baines ajoute


c o m m e po int de comparaison le tableau suivant


des maladies parmi les ouvriers e m p l o y é s dans


les chantiers d e la c o m p a g n i e s des I n d e s ( 1 ) .




A P P E N D I C E K. 327


Les d e u x tableaux suivants fournis par la


chambre de c o m m e r c e de Manchester peuvent


souscripteur de celte caisse était, terme moyen, de 10
par an , l'S^e étant de t8 ;'t 52 ans.


D e s commissaires d û Parlement chargés de


l 'enquête parlementaire sûr l e s factoreries , fi -


rent p e s e r et mesurer 1 , 9 3 3 enfants de divers


états fréquentant les éco les de Manchester et de


S tockport ; ils firent également m e s u r e r et peser


un pareil n o m b r e d'enfants e m p l o y é s dans les


manufactures de c o l o n et a u t r e s , âgés de 9 ans


à 1 7 . V o i c i le résultat m o y e n de cette doub le


opérat ion :


Garçons employés dans
les factoreries pèsent 75 liv. 175: sont grands de 55 pouces 282.


Garçons non-employés
dans les factoreries pèsent 78 liv. G80; sontgrands de 35 pouces 563.


Filles employées dans
les factoreries pèsent 74 liv. 739; sont grandes de 54 pouces 951.


Filles non employées
dansles factoreries pèsent 74tiv. 059j sont grandes (le 54 pouces 979.


On voit que la différence à l'avantage d e s e n -


fants qui ne travaillent pas dans les m a n u f a c -


tures de c o t o n est à p e i n e digne d'entrer en


l igne de c o m p t e .




328 APPEf tDlCE K.


servir à établir des compara i sons exactes entre le


gain journalier des ouvriers d'Angleterre et des


autres pays .


Prix de différents aliments dans la ville de


Manchester, pendant les années 1 8 2 8 ,


1 8 2 9 j 1 8 3 0 , 1 8 3 1 et 1 8 3 2 .


1828 1829 1830 1831 1832


P . Kl,. p. sh. p. o,. P . -i,. p
Bœuf, i." qualité , la liv. 0 0 1 2 0 C 0 5 1/2 0 6
Id. , qualité infér., id. . 0 4 0 3 3/4 0 3 0 3 1/2 » »


0 7 1/2 0 7 1/2 0 6 1/2 0 7 0 7
Varine(fine fleur) les 12 1. 2 7 2 9 2 7 2 6 2 4
Pain blanc, la livre. . . 0 1 3/4 0 2 0 2 0 1 3/4 0 1 3/4
Drfcche , les 9 livres. . . 2 2 2 2 2 1 2 4 2 2
Farine, les 10 livres. . . 1 7 1 5 1 6 1 6 1 3
Pommes de terre, les 2521. 5 8 6 fi 6 0 6 3 4 3
Porc frais, la livre. . . . 0 0 1/4 0 6 1/4 0 5 0 5 1/2 0 5 1/2


Salaires pai/éspar semaine aux ouvriers de


divers états, pendant l'année 1 8 3 2 , dans


la ville de Manchester.
sb. p. sh. p.


F i l e u r s , h o m m e s , de 2 0 » à 2 5 »


» f e m m e s 1 0 « à 1 5 »


Etaleurs 2 5 » h 2 6 »


R a t t a e h e u r s , garçons et filles. . 4 7 à 7 »


Scavengers ( enfants chargés d u


net toyage et d u huilage des


machines et m c ù e r s ) . . . . . 1 6 à 2 8




APPENDICE K. 329


yi te lier s de carda (je.
sli. p. sh. p-


. 1 4 6 à 1 7 »


9 » a 9 6


. 6 » à 7 »


Fi leurs au banc à lanternes. . 5 » à 9 6


7 » à 9 »


Tisseurs au métier mécanique.


. 1 3 » à 1 6 1 0


, 8 » à 1 2 »


. 2 8 » à 3 0 )>


8 » à 11 )i


. 2 4 » à 2 6 a


Tisserands au métier ordinaire.


H o m m e s , pour étoffes façonnées . 9 » à 1 5 »


F e m m e s et en fants , p o u r étoffes


6 » à 8 »


H o m m e s , p o u r étoffes fines. . . 10 » à 1 3 »


H o m m e s , pour damier fin. . . . 7 » à 7 6


F e m m e s et enfants , pour damier


6 » à 7 »


T o u s tisseurs de jaconas et batiste. 6 à 6 6


H o m m e s et f e m m e s , p o u r c o u -


9 à 1 2 »


Fulaii i icrs des d e u x sexes et de


1 0 à 1 2 »




330 A P P E N D I C E K.


sh. p- sb. p.


2 6 » a 3 0 »


2 8 » à 3 0 >.


T e i n t u r i e r s , apprê leurs ( h o m m e s


1 5 à 2 0 »
» » (jeunes gens) . 1 2 » à 1 4 »


» » (enfants) . . . 5 » a 1 0 »


1 8 » à » M


1 4 à 1 5 »


2 0 » à » »


1 5 » à 1 6 »


2 2 à 2 4 »


2 4 à 2 8 »


2 4 à » »


1 8 » à 2 2 »


1 7 n 2 0 »


1 2 à » »


1 8 » h » »


3 8 (par jour. )


1 9 » à 21 »


1 0 » h 1 5 (1)


(I) Je rappelle ici que le fhilling \ant l fr. 25 c. Il
faut 12 penny s ou pence pour faire un shilling; confé-
quemment, le penny vaut 10 c. et une tres-minime
fraction.


Etals divers.




A P l ' E S D I C E L. 331


APPENDICE L.


Le n o m b r e des m o u l o n s dans les î les B r i ­
tanniques est est imé 3 2 m i l l i o n s , produisant
annuel lement 2 6 3 , 8 4 7 balles de laine l o n g u e ; et
1 2 0 , 6 5 5 balles de laine c o u r t e , en tout 3 8 4 , 5 0 2
balles de 1 0 8 k. 8 1 9 gr. chaque ; mais c e l l e
quantité ne suffisant point à l 'al imentation des
nombreuses manufactures A n g l a i s e s , d' impor­
lanles importat ions de laine étrangère ont l ieu
chaque année pour répondre à l eurs beso ins .
V o i c i le tableau de'ces importat ions pendant les
années 1 8 1 0 , 1 8 2 0 , 1 8 2 5 , 1 8 3 0 , 1 8 3 2 et 1 8 3 3 .


TOTA) *IIÎS IWINES IIUIIORH'es. LAINES . « s t i S c s J.O >R l a cfHi­
siHiimalion inttirit'uro . .


1810. 1 8 2 0 . IS!!.".. IKJ'.'. J 1S3.Y
1


H v .
№ , ' . 1 : 4 , 1 3 :


LIV.
9 , 7 i S , 0 2 i


7,BUI,773


liv.


IL, 10 ! , « :>«


LIV.
V_>,3l3,(l.i.
LL.SÏÏ.S.ï!'


liv.
: 8 , i ï . ! . toi


!7 ,«f i« ,3j (L


LIV.
3 , < , » 7 6 , 1 I 5


39,(LF,LI,l5.'('


La progress ion des laines austral iennes , t irées
de la Nouve l l e ­ Hol lande et de la terre de
V a n ­ D i e m e n , pendant l e s m ê m e s a n n é e s , est
curieuse à suivre ; la voic i telle que la donne
M. Henry H u g h e s , négociant en laine à Londres :


1810. J 1820. 1825. 1830. 1832. 1833.
liv.


167
liv.


99,415
liv. liv.


323,995 j 1,967,309
liv.


2,377,057
liv.


3,516,869




332 AlTl i JNDJI .E M.


E u 1 8 3 3 , l 'exportat ion des laines brutes a été


de 4 , 9 9 2 , 1 1 0 l i v . , ce l le des laines filées de


2 , 1 0 7 , 4 7 8 liv. ; en m ê m e - t e m p s la valeur


des étoffes confec t ionnées déclarées pour l 'ex-


porta l ion , s'est é levée à 0 , 2 8 9 , 6 4 9 liv. ster.


( 1 5 7 , 2 4 1 , 2 2 5 fr.)


A P P E A D J C K M .


TABLEAU des soies grèges, des bourres


de soie el des soies moulinées, importées


en Angleterre à différentes époques.


Kpoqucs. Soies grèges.


lîoii m


Je soie


et frisons.


Soies


moulinées.


Tôt IL
des soies


brutes
et ouvrées
et bonnes


de soie.


1813
1820
1825
1830
1831
1832
1833


liv.
1,009,501;
1,021,590
2,848,500
3,771,969
3,020,045
3,382,619
3.834,2ii


lir.
27,921
96,092


195,910
485,013
758.746
660,69«
«63,965


liv.
377,822
309,953
559,642
436,535
314,240
329,932
268,244


liv.
1,475,339
2,027,635
3,604,058
4,693,517
4,293 031
4,373,247
4,738,453


1


Outre ces soies propres à c ire mise sen œ u v r e ,


l 'Angleterre r e ç o i t , pour sa consommat ion in -


l é r i e u r c , une prodig ieuse quantité d'étoffes de


s o i e , de tu l l e s , de rubans de toute e s p è c e , tant




A P P E N D I C E M. 333


TABLEAU des soieries exportées par les


man ufactures cFA ng le terre.


Epoqnes.
Marchandises


pure soie.


Soies
mélangées


d'autres
substances.


Total
des soieries


anglaises
exportées.


1. s. 1. s. 1. s.
1820 203,666 168,109 371,775
1825 93,986 202,750 296,736
1830 355,790 165,220 521,010
1831 388,826 190,048 478,874
1832 , " » 529,990
1833 740,294


PRODUCTION DE LA SOIE E?J FRAKCE. — J'ai


fait r e m a r q u e r , dans le cours de cet o u v r a g e ,


c o m b i e n nos soies grèges étaient es t imées des


fabriques étrangères ; j'ai dit- auss i , à ce p r o p o s ,


c o m b i e n il serait désirable que la product ion de


cette préc ieuse substance s'étendît e n France ;


p e u t - ê t r e contribuerai-je à cet h e u r e u x résultat


e u publiant sur la cul ture du mûrier et l ' é d u c a -


t ion des vers a soie l e s rense ignements suivants


qui m'ont été fournis par une personne b ien in^


formée :


de France que de la Chine et des Indes . Le ta-


bleau suivant fera connaître la valeur de ses ex-


portations.




334 APPENDICE M.


« T o u t propriétaire qui pourra consacrer un


o u deux hectares de terrain à la cul ture du m û -


rier, une o u deux chambres convenables pendant


deux m o i s de l 'année à l'élève et la transfor-


mat ion des vers à soie sans grands frais , pourra


réussir c o m m e o n l'a fait ai l leurs. La récol te fa i te ,


on peut ne laisser aucune trace des dispositions


des c h a m b r e s , gênantes pendant quelques mois


s eu lement . U n hectare de terrain aura donné un


produi t annuel de c inq cents francs n e t , m o y e n -


nant u n premier d é b o u r s é de mil le francs.


» Ce qui a toujours é lo igné de ce t te be l le i n -


dustrie , c'est le beso in de bras n o m b r e u x en juin


et j u i l l e t , où toutes les autres réco l tes les rendent


si rares e t si c o û t e u x p o u r la cuei l let te des feuil-


l e s , les so ins nécessaires à la conservation des


c h e n i l l e s , et surtout le dévidage des c o c o n s ; mais


aujourd'hui c e s po in t s de difficulté sont écartés .


O n élève des mûriers d'une espèee p lus avanta-


geuse , o n les t ient à basse t i g e , à por tée de la


m a i n , m ê m e en h a i e , o u tai l l is , qu'on renouvel le


pér iod iquement . Quatre o u cinq personnes suffi-


sent à la cuei l le t te des f e u i l l e s , o ù il en fallait


trente o u quarante p o u r atteindre à l'aide d ' éche l -


les l es b r a n c h e s d'arbre à toute venue . I l ne faut


p lus de vastes bât iments d isposés en serre c h a u d e ,




A P P E N D I C E M. 335


avee une foule de précaut ions c o û t e u s e s r e c o n -


nues inuti les ; enfin , o n évite ce qu'il y avait de


plus d i spendieux et embarrassant , le dé vidage des


cocons* On trouve à les vendre de suite ; il y a à


Par i s , à L y o n , et ailleurs , des établ issements m o n -


tés p o u r ces dévidages .


» Le mûrier prospère dans des terres de q u a -


lité m o y e n n e , dans ce l les qui sont trop humides


o u subs tant i e l l e s , la feuille est p lus g r a s s e ,


aqueuse , e t m o i n s nourrissante p o u r l e s vers,


» O n dispose les p lanta t ions , so i t en h a i e s ,


assez espacées p o u r qu'el les ne s'abritent pas d u


soleil , ou m i e u x encore en qu inconces à c inq p i eds


de distance l'un de l'autre ; c o m m e o n ne les laisse


pas s 'é lever, i ls ne se gênent pas . E n f i n , o n les


s è m e , o n les réco l te à la faulx .


» Pendant les premières a n n é e s , le terrain p e u t


être cult ivé à la charrue à cheva l , et rapporter de


b e a u x produits ; le plan en viendra m i e u x .


» La tro is ième année o u p e u t obten ir u n e r é -


col te de feui l les .suffisante p o u r réal iser un c e r -


tain produi t .


» v L a quatr ième a n n é e , suivant l e terra in , l es


so ins , les sa i sons , la réco l te approche d u produ i t


a t tendu , enfin les c inquième et s i x i è m e , o n p e u t


c o m p t e r sur u n produi t d'une l ivre et d e m i e de




336 APPKKÏWCE M.


f eu i l l e s , auquel o n doit se borner p o u r ne pas


détruire les arbres. P I H S tard , il faudra les tenir a


por tée de la main p o u r la c u e i l l e t t e , les é laguer,


ne prendre qu'une partie des feuil les ; l 'augmenta-


t ion est d o n c restreinte.


» N o u s établ irons nos calculs sur un hectare


de terrain p o u r arriver à des résultats p r o p o r -


t ionnels :


« L hectare de terra in , planté en quinconce à


c inq p ieds , c o m p o r t e 3 , 7 3 0 plants . N o u s nous bor-


nons à 3 , 5 0 0 , q u i , au bout de c inq o u six a n s ,


d o n n e r o n t , à u n e livre et d e m i e par arbre au


m o i n s , cinq milliers pesant de feuilles.


» L 'expér i ence a d é m o n t r é qu'une o n c e de


graines o u œ u f s de vers à s o i e , éc los et déve lop-


p é s , jusqu'à la transformation e n c o c o n s , con-


s o m m e de 1 , 5 0 0 à 1 , 8 0 0 livres de f e u i l l e s , sui-


vant qu'elles sont plus ou moins nourrissantes.


» L e s c inq mil l iers pesant de f eu i l l e s , produit


d'un hectare de p l a n t a t i o n , auront p u suffire à


nourrir le produi t de trois onces d'oeufs, et o n


aura o b t e n u 3 6 0 l ivres pesant de c o c o n s , dont le


pr ix à 2 fr. la l ivre d o n n e 7 2 0 fr.


» C e résultat n'est pas e x a g é r é , car, en ï o u r -


ra ine , M . L e b v a retiré 2 1 0 l ivres pesant de c o -


cons d'une o n c e d ' œ u f s , qui avait c o n s o m m é




A P P E N D I C E M. 337


1 , 8 0 0 livres de feuil les. D e s observat ions faites


avec soin par M. L h o n o r é , à M o n t e r e a u , qui a


voulu se rendre c o m p t e de cette cul ture à laquel le


il s'est a t taché , lui ont p r o u v é que depuis p l u -


sieurs a n n é e s , l 'once d'oeufs de vers à soie p r o -


duisait 130 , l ivres de c o c o n s , avec une c o n s o m -


mat ion de 1 , 5 0 0 livres de feui l les . U n autre


propriétaire a p lanté 1 0 , 4 0 0 mûriers dans u n


hectare de t erra in , à trois p i eds de dis tance . La


tro is ième a n n é e , à demi-l ivre de feui l les par arbre ,


il avait atteint le produit qu'on se p r o m e t en six ans.


» I l reste à donner un aperçu des frais de pre -


mier établissement de p l a n t a t i o n , c u l t u r e , e tc . On


conçoi t ce que cela préseu le de v a g u e . et c o m b i e n


l ' in te l l igence , l e s s o i n s , les c o n v e n a n c e s de loca-


l ité peuvent y apporter de modif icat ion. I l faut


tout d'abord pouvo ir disposer de terrains c o n v e -


n a b l e s , et avoir les chambres s è c h e s , a é r é e s , n é -


cessaires .


» A P a r i s , à A n g e r s , à T o u r s , o u dans tout le


midi de la F r a n c e , o n peut s e p r o c u r e r des p l a n s ,


au p r i x de tous les plans ordinaires.


» I l e n faut 3 , 7 5 0 p o u r un h e c t a r e ,


à 1 0 fr. le •/„ 3 7 5 f. >»


Les frais de plantation sont p e u de


A reporter 3 7 5 »


V




338 A P P E N D I C E M.


5 0 0


» U n propriétaire doit-il calculer


les intérêts de ses avances ? I l ne fait


pas valoir les fonds ord ina i rement ,


mais c o m p t o n s - les . L e s 4 0 0 fr. de


p r e m i e r déboursé ci-dessus seront d o n c


pendant c inq ans 1 0 0


6 0 0


» Il faut faire garnir une o u d e u x


c h a m b r e s de tablettes sur éche l les o u


supports en bo i s m i n c e et mobiles*


p o u r les démonter . Ce qu'il e n faut


p o u r u n hectare de produits peut


s'estimer 1 2 0 »


I l faut des claies en osier de 7 5 c. à


I f r . 5 0 c 1 1 2 5 0


A repor ter 8 3 2 5 0


R e p o r t . . . . . . . . 3 7 5 F.


c h o s e , pu i sque le terrain l a b o u r é ,


disposé e t p lanté produira une b o n n e


récolte . O n c o m p t e p o u r cet objet . . 2 5


» I l e n sera de m ê m e p o u r l e s trois


premières années ; il restera l e s d e u x


dernières .


» Fi y aura per te d e 5 0 fr. par h e c -


tare pendant d e u x ans ; ci . . . . . . 1 0 0




A P P E N D I C E M. 339


Trais annuels pour Un hectare de plantation.


» Intérêts du capital ci-dessus . . . 4 6 »


» I l est des soins et des disposit ions


qui se font par des proprié ta ires e u x -


m ê m e s , qui ne p e u v e n t s'estimer : i l


n'est quest ion q u e des déboursés .


» Pendant le premier m o i s de d é -


ve loppement des v e r s , une f e m m e suf-


fira a u x soins n é c e s s a i r e s , à 7 5 c. . . 2 5 »


» Pendant les 1 0 j o u r s su ivants , 2


f e m m e s à 7 5 c 1 5 »


» Pendant les 1 5 jours su ivants , 5


i e m m e 6 ; à 7 5 c . . 5 6 2 »


» Chauffage 1 « »


» Chlorure d e c h a u x p o u r purif i-


cation 3 »


» Frais imprévus . . . . . . . . . . 1 4 7 5


1 7 0 »


» C e r t e s , l e s frais ont été f o r c é s dans l'état


ci-dessus ; ils excèdent la no te fournie par le p r o -


R e p o r t . . 8 3 2 f. 5 0


» U n p o ê l e et t u y a u x p o u r obvier à


l 'humidité de la t empérature 5 0 »


» Paniers p o u r la cue i l l e t t e , papiers


p o u r les vers, m e n u s frais 3 7 5 0


» Mise dehors 9 2 0 »




340 APPENDICE M.


priétaire qui a d o n n é les rense ignements : il


affirme qu'en calculant un produit de 3 6 0 livres


pesant de e o c o n s p o u r u n hectare de plantation


au bout de s ix a n s , c'est une année c o m m u n e .


» La livre de c o c o n s de soie se vend ordinaire-


m e n t 2 francs. Ce qui d o n n e 7 2 0 »


H Frais annuels à déduire c i -dessus . 1 7 0 »


» Reste net . . 5 5 0 »


» On a d o n c été b i e n l o in d'exagération e n


affirmant q u e le produi t net d'un heelare de


terrain de qualité m o y e n n e pouvait , au bout de s ix


a n s , nourrir assez de vers à so ie p o u r donner à un


propriétaire inte l l igent et so igneux un résultat


de 5 0 0 francs nets .


» Ces m ê m e s plantat ions de m û r i e r s , qu'il faut


tenir à por tée de la main p o n r la cuei l lette des


f e u i l l e s , que l'on é lague par c o u p e r é g l é e , d o n -


nent une valeur qui n'entre pas dans l e calcul c i -


dessus des produits de cette cul ture ; sur plusieurs


hectares ce la devient i m p o r t a n t , et peut couvrir


que lques m é c o m p t e s o u des faux frais.


» Quant à tous les p r o c é d é s à connaître pour


é lever , s o i g n e r , et nourrir les v e r s , favoriser leur


transformat ion , étouffer les vers dans le c o c o n ,


o n renvo ie a u x ouvrages qu i traitent de cette ma-


t ière . »




A P P E N D I C E N. 341


A P P E N D I C E N .


TABL EAU GÉNÉRAL des marchandises im


portées et Angleterre en France, et exportées


de France en Angleterre, tant pour la con-


sommation intérieure que pour la réexporta-


tion pendant tannée 1 8 3 4 .


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES IMPORTATIONS. EXPORTATIOHS.


A 5 I M A U X VIVAKTS.


S entiers . hongres.
| juments. Chevaux.
i _


poulains.
Jnes et ânesses
Mules et mulets
Béliers, brebis et moutons.
Agneaux
Vaches
Bœufs >
Veaux
Boucs et chèvres.
Chevreaux
Porcs
Cochons de lait. . . . . . .
Chiens de chasse
Gibier et volailles


SO tôt.
660
112


11
17


»


29


PRODUITS ET DÉPOUILLES D'AHIMAUX.
Viandes fraîches de boucherie. . . .


— — de gibier et volailles
Viandes salées de porc


autres
Peaux brutes fraîches, grandes , . , .


15
7


153
161 fr.


378 kil.
630


14,270
453


50,776


127 têt
235


22
ï


248
10.847


3,561
34


4,217
222


3
4


1,097
9


W


85,874 fr.


45,629
100.304
25,245


1,875
33




342 AFPEBBICE N.


DESIGNATION DES MARCHANDISES. JMPOBTATIOHS. EXPORTATIONS.


Peaux brutes fraîches de béliers et moutons » »
revêtus de leur laine 3,124 fr.


— — — petites, diverses. . .
— — — sèches, grandes . .


19,085 kil. »
18,230 •>


— — — de béliers et de mou-
tons , revêtus de leur


12,589 fr. >*
4,414 kil. 44,164 kil.


— — — de chevreau . . . . 2,322 696
— — — petites, diverses . . 33,985 76,165


Pelleteries. Peaux de lapin et de lièvre,
14,329 4,981


— — de lapin et de lièvre,
» 1,554 piè.


— — de phoque mégies, etc. 4,048 1»
— autres, brutes et apprêtées. 66,483 fr. 74,840 fr.


2,491,030 578,968 kil.
118,650


5,716 3,336
1,425 kit. »


253 »
1) 1,398


52 415
7,818 2,043


167 »
— de lièvre, de blaireau et de castor. x 4,579


2,679 775
1) 6,060
407 63
» 122


16,620 )>
9 50


— à lit 3,280 1,845
— duvet de cigne, d'oie et d'Eyder. » 257


69,529 247,107
3,243 80.968


— teintes pour tapisserie et à coudre. 11 217
1,312 157,203


19,733 102,009
Cire non ouvrée , brune ou jaune. . . 10,324 10


18 »
Graisses de mouton, suif brut, saindoux. 408,674 402


il 195
» 495


30,893 20,307




A P P E N D I C E K. 343


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATIONS.


Beurre frais ou fondu
— salé


Œufs
Miel
Présure
Colle de poisson
Engrais animaux


— autres
Oreillons à fabriquer la colle forte. . .
Boyaux frais ou salés


PÊCHE.


Poissons de mer , secs ou frais
— marines


Huîtres fraîches
— marinées


Blanc de baleine pressé
Fanons de baleine bruts
Peaux brutes de phoque
Corail Imit
Pertes fines .


SUBSTANCES P R O P R E S A LA M É D E C I N E


E T A LA PARFUMERIE.


Sangsues
Canlkarides
Musc , vésicules pleinus
Eponger fines
Cornes de cerf en morceaux
Dents d'éléphant
Nacre de perles en coquilles brutes. . .
Os de bétail
Cornes de bétail brutes


FARINEUX ALIMENTAIRES.


Froment, épeautre, méteil — grains. .
— fariues


Sarrazin en grains
Mais en farine.


— en grains
Orge eu graios
Avoine eu grains . . . .
Autres céréales — grains, . . . . . .


4,920 kil.
49,958


30
31


I)


1,018,682


25,697


*70,106
95


762,400 piè.
n


55,427 kil,
27.261


1,544


30,710 gra.


11,000 piè,
580 kil
350 gra,
327 kit.


2.051
552


20
176.121
14.505


4,593 lit.
185 kil.


193
»


G,300 lit.


138


BXPORTATIOHS.


445 kil.
125,865


4,867,046
10,374


278


1,078
»


8


6,725
1,403


3,527,952 piè.
7,100 kit.


28


,000 piè.
520 kil.


145


87,620 lit.
296,450 kil.


10,334 lit.
465 kil.
110 lit.


540,795
233,883


87,111




344 A P P E N D I C E N.


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATIONS. EXPORTATIONS,


Pain d'épice
Riz
Pommes de terre
Marrons, châtaignes et leurs farines. . .
Légumes secs et leurs farines
Gruaux et fécules
Grains perlés ou mondés


lAlpisle et millet
Sagou et arrowroot
Pain et biscuit de mer
Pûtes d'Italie et autres granulées. . . .


F R U I T S . *


Fruits de table frais, citrons et oranges
— — autres exotiques.
— — — indigènes. ,


Fruits de tables secs ou tapés
Fruits de table eonGts , cornichons , con-


combres
— oléagineux, noix, noisettes et faines
— — amandes
— — autres
— à distiller , auis vert. . . . . .
— à ensemencer
— graines de jardin et de flenrs. . .
— — forestales et de prairies.


D E N R É E S COLONIALES.


Sucre blanc ou terré
— brut, autre que blauc. . .
— mêlasse


Cacao
Sirops, confitures et bonbons.
Cannelle ,
Cassia lignea
Gingembre
Café
Qtrofle , clous
yanilte
Poivre
Thé
Tabac en feuille on en côtes. ,


118 kil.
124


140,923
»


2,100
4,435


545
»


10,599
»


206


58,943
67


235
8,121


12,077
168
»


16
17,591
75,865


897,686


119,977
744


11,386


10,265
302,857


1,080
15


7,182
2,301


213,373


4,142 kil.
81,367


366,364.
19,840
23,746


)>


1,017
37


15,575
21,035


30,618


843,183
1,147,753


90,509
192,806


26,391
46,124


6,622
II


14,084
247,979


12,412
178


28,728
8,110
4,986
2,726


64,685
3,582


)1


7,610
66,488
34,439




APPEIÏDICE N 345


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATIONS.


St'CS VÉGÉTAUX.


Gommes pures , exotiques
Résine dn pin et du sapin , galipot. . . .


— brai sec , colophane , etc
— brai gras et goudron
— térébenthine distillée
— — compacte
— autres résineux


Baumes , benjoin , • • •
— copahn


Sucs d'espèces particulières, caoutchouc.
— — aloès. . . .


— — — opium. . .
— — — camphre raf-


finé. . .
— — cachou brut.


— — — manne. . .
— — — jus de re-


glisse. .
Huiles , volatiles


— de pignon et de ricin
— de palme et de coco
— comestibles
— pour les fabriques
— de graines grasses
— de faîne et de noix


ESPÈCES M É D I C I N A L E S .


Racines, rhubarbe
— salsepareille
— réglisse
— autres


Ecorces , de citron et d'orange
— de quinquina


Herbes
Feuilles de séné


— autres
Fleurs diverses
Fruits, tamarins confits


— graines de moutarde
— follicules de séué
— autres


Lichens, MÉDICINAUX. ,


2,767 kit. 2,499 kil
620 4,388
» 373


116,369 16,792
142 17,558


2,294
697 1,490


4,566 1,349
10 21


633 1,036
* 1,770 »


393 157


120 1>
73 »


144 853


» 223
303 12,421
u 1,674
398 »


72,332 17,769
529,607 53,463


2,575 18,092
360


261 40
179 81
» 2,142


5,273 14,744
916 t)


2,017 240
86


1,320 634
54 19


288 2,953
38 >1
82 »


543 »
40,493 5,508


135 25




346 APPEKDICE N.


DESIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATION S. EXPORTATIONS,


BOIS COMMUHS.


Bais à brûler en bûches
— à construire , bruts ou équarris, Min


hacho . . .
— sciés, ayant plus de 8 ceulim.
— — ayant 8 centimètres oii|


moins
mâts


— — manches de gaffe. . . .
— — esparres .
— — pigouilles


Perches
Sois en éclisses
Osier en bottes, pelé ou fendu . . . .


— BRUT
(de 2 mètres de longueur
\ et au-dessous. . . .


2 à 4 mètres exclusi-
vement


4 mètres et au-dessus.
Merrains de chêne
Bruyères et racines à vergeltes
Litige en planche , râpé


— — ouvré
Bois de-teinture. — Fernambouc . . . .


— — antres
— — moulus
— d'ebénisterie. — lîuis
— — acajou et autres. .
— odorants


Joncs et roseaux, bambouls et joncs . .
— rotins , petits
— d'Europe , en lige entière . . . .


Chanvre UI!é et éloiipes.
Lin tillé et étonpes
— peigné
Colon en laine


Bois feuillard de


(de


T E IJS T U R E S E T TAK1KS.


Garance moulue ou en paille
— eu racines sèches on alizari .


Sumac moulu
Curcuma , racines
Lichens Uncloritui*.


5 stè


140 stè. »
11


30,356mèt. 76 261 mè. 1 piè. ii
10 »


y 1 piè.


48 „
230 778 piè
» 7,084
30 kil. 305 kil.


4,152 piè.


29,576
210


1.000
l> 5,035 kil.


1,078 137,529
801 5,088


3,451
51,098 2,380


8,687
8.825 85,969


27,609
» 16
365 »


280 „
18,476 S,650
13,178 385.864


» 8,702
109,504 45,115


52,964 2,037,759
2,307,923


899 »
038


4,819 1,588




AFPEKDICE N. 347


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. 1HPOBTAT10BS. «XRORTATIOHS.


Gaude
Carthame
Safran
Nerprun
Noix de galle , pesantes
Avenalèdes
Ecorces de pin , moulues


PRODUITS E T DÉCHETS D I V E R S .


Légumes verts
— salés ou confits


Fourrages, foin, paille, herbe de pâturage
— sons de tous grains


Houblon
Plants d'arbres
,n j r I fraîches ou raarmées


j sèches
Agaric , ainadouvier préparé
Chardons cardières
liulbcs ou oignons
Tourteaux de graines oléagineuses. . .
Racines de chicorée , sèches
Marc de raisin
Drilles


P I E R R E S , TERRES E T AUTRES FOSSILES.


Agates ouvrées
Crittal de roche
Marbre sculpté et poli . .


— brut, scié et équarri
Albâtre sculpté et poli
Pierres ouvrées
Meules à moudre


— à aiguiser
Matériaux , plâtre brut


— préparé , moulu
— ardoises pour toiture . . .
— — en carreaux . . .
— briques
— tuiles plates . . . . . . . .
— — bombées
— — faîtières
— carreaux de terre
— çliaux non calcinée, . , , ,,


9,121 kil.
»


1,513
M


9,864


43,466 Lit
806


3,344
3,94«


231
56,182


2,200


87 80,537
28t 645
» 3,930


1,643
37,09« 58


1,340 16,149
1) 3,864
» 172
156 n
)> 7,393


26,948 2,253
n 3,448,439
398 I)
I) 378,158


40,571


12


2,134
»
775 fr.


3,697
7 piè.


12,138


1,940,007
72


30,673
89,230
24,120


138
859


J02.S00 kil,


324
»


112,638
17,848


1,261
43,576


7 piè.
»


35,950 kil.


33,500 piè.


112,000 kil,




348 A P P E 5 D I C E N.


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IXF-OHTATIOHS. IxrOHTATlOSS.


Matériaux, moellons et déchets de
pierres


— autres matériaux
Pierres et terres serrant aux arts, pierres


à feu
— terre de pipe
— pierres à aiguiser


alana ou tripoli
— émeri en pierres
— — préparé
— derle ou terre à porcelaine. .
— cailloux à faïence ou a por-


celaine
Craie ou chaux carhonatéc. .


— ocres rouges , jaunes, verset.
— espèces diverses


Marne
Croisil ou verre cassé


Î
fondu eu niasse , non épuré . .
fondu en canon
sublimé en poudre (fleur de


soufre) . . .
Bitumes , bouille . . . .


— coefc
— asphalte
— pétrole


METAUX.


Or battu en feuilles, tiré ou laminé.
— filé sur soie
Jrgent battu , tiré , laminé ou filé. .
Fer, minerai


184,129 kil.


2,689
M


149,503
78


388,142


55,460


29.008
73,800


10,961


57,721,885
71,773


977
5


5,161,307 IT
2,547


— tôle . . . . . 141,941
182,180 2,906


— fer de tréfilerie , même étainé . . 1,227 3,727
— acier ordinaire en barres et en tôle. 163,186 »
— — filé . . . . 93


86,159 33,024
49,611 1>


— paille, limaille, ferraille et mitraille 4,164 »
3,038,447


3,803 — pur battu ou laminé 271


169,726 kil.
542,363


9,250
174
103
239
T)
39


230


2,714
155,956


9,891
170,000


1,116,180
98,242


4,644
30,059


12,500 gr?.
65,350
21,000


22 kil.




A P P E N D I C E N. 349


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATIONS. ÏXPORTATIOHS,


Cuivre allié de zioc , laiton , battu ou la-
miné


— Clé pour cordes d instruments, etc.
— allié d'étain, 1." fusion . . . .
— — battu , tiré ou laminé, doré.
— — filé doré , sur soie . . . .
— — argenté, battu, tiré ou la-


miné
Antimoine métallique


Plomb sulfuré
— BRUT
— battu ou laminé . . .


Etain brut
Bismuth ou étain de glace
Zinc de 1." fusion, en masses , en barres


ou en plaques . .
— laminé


Cobalt en minerai
— grillé , saffre
— vitrifié eu poudre , azur


Antimoine métallique >. .
Mercure ou vif-argent
Manganèse
Graphite


PRODUITS CHIMIQUES.


Acides. — Sulfurique
— nitrique. .
— arsénieux
— citrique, jus de citrons naturel. .
— — — concentré.
— tartrique , oxalique . . . . . . .
— borique


Alcalis. — Soude
— potasse
— cendres de bois , vives


Sels de marais ou de saline
— sel amoniac brut . . .
— — raffiné. •
— oxalate , acide de potasse.
— nitrate de potasse brut. . . . . . . .
— — de sonde ,
— sulfate de magnésie. . . . . . . . . . . •
— — de potaise. . . . . . . . . •


367


128,188
50


86
52,775


4,671
2,846,388




225,298
250


114,805
H


54
»
17


»
20,628


185,570
120


334
747
20
77
17


849


31,010
6,067


50 kil
5,087


107
24


31,667
1,153


446
» 1,475


179,698 »
2,338 »
2,422 79


34,007 2,650
6,621 477


579 2,355
105,000


323
2,675


M


» 1,840,679
3,600 190
9,061 T) ,
2,349


47,357
M »


12,651
95,460 4,217




350 APPEKDICE N.


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTAMOHS. BXP0RT1TI05S-J


1,189 kil. 763 kil.
3,882


10,964 1)
t> 2,156
)> 60


3,911 »
Tartrate acide de potasse desséché très-


H 755
Tartratencîàe dépotasse desséché impur. 27,123


— acide de potasse desséché très-
pur (crème de tartre). . . . 71,169 •


H 48 ,
— de cuivre noncristallisé, humide. ». 11,417
— — — sec. . . 1> 18,073


» 165
Sulfure de mercure pulvérisé 270


— d'arsenic jaune ou rouge. . . . 47
2,295 »


— — rouge (minium). . . . 4,973 M
— — demi-vitreus(litharge). 34,534 »
— — ronge divisé ( raine-


19,749
Cùrbonate de plomb, oéruse. . . . . . . . 71 318 ,


— . — blanc de plomb. . . 342
— — blanc d'argent. . . )) H 1


Produits chimiques non dénommés. . . )) 1,933 )
T E I K T U R E S P R É P A R É E S .


5,711 1,246,257 gra.
4,058


»


Laque naturelle ou gomme laque 9,353 2,959 |
71,954 319 j


Rocou en petites boules ou tablettes. . . 68 » •
2 646 {


C O U L E U R S .


1,312
137 \ »


175 » -
— liquide à écrire ou à imprimer. . 5V820 921 J


163 1,138 1
285 » \


1,312 335




A P P E N D I C E N. 351


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATIONS. EXPORT ÀTIOKS;.


Noir d'ivoire-,
— animal , d'os de cerf et autres.
— de fumée
— minéral, dit terre de Cologne.


Crayons simples en pierres. . . .
— composés à gaine de bois.


Autres couleurs


COMPOSITIONS D I V E R S E S .


Amidon
Cire ouvrée blanche
Bougies deblancde baleine
Chandelles: .
Savons ronges, blancs, marbrés-ou noirs.
Fanons de baleines apprêtés
Tabac fabriqué
Sucre raffiné, en pains, en poudre ou candi
Chocolat et cacao broyé
Chicorée moulue
Parfumeries. Ean de senteur alcoolique,


— — — sans alcool,
— Savon de toilette
— Poudre a poudrer. . . .
— Pommade
— Diverses, sans désignation


Êpices préparées. Montarde
Autres épices


Médicaments composés
— eaux distillées saus alcool
— antres diverses ,


BOISSOJVS.


Vins ordinaires en futailles
—. — en bouteilles
— de liqVieur


Vinaigre de vin en futailles
— — en bouteilles


Cidre , poiré et verjus
Bière. ..........
Eaux-de-vie de vin


— de cerises , kirsch-waser.
— de mélasse , rhum, tafia.
— de grains et de pommes de


•terre


» 30 kij
74 kit. 15,663


140,30a
15,229 234 '


)L 206
127 397


2,784 1,996


2,605 31,728
14 1,114


)L )I
161 8,416 !
» 61,145


1,630
» 82 {


72,042 30,293 s
48 273 :


» 16,192 *
109 » l
42 » î


1,618 » f
» 30 f
13 » *


» 61,114 l
4,616 5,025
1,438 34 I


» i
18 8,958 5


2,283 8,518


11,605 lit. 2^316,251 lit
89,757 1,122,334
62,543


192
93,831


1,348
»


62,738


8,804
280,984


1,145
51,546


7,944,608,
190


, 577




352 A P P E N D I C E N.


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATIONS. EXPORTATIONS.


Liqueurs
Eaux minérales, gazeuzes en cruchons.


— — autres


V I T R I F I C A T I O N S .


Poterie de terre grossière
— faïence
•— de grès commun
— — fin
— porcelaine commune
— — fine


Verres et cristaux. Miroirs grands. . .
— — — petits. . .
— — Bouteilles pleines.
— — — vides. .


ï'errerie pour chapelets et colliers. .
— à broder et a tricoter. . . .
— cristaux
— autres que cristaux
— taillée en pierres à bijoux. .


Verres à lunettes ou à cadran, taillés ou
polis


F I L S .


Fils de chanvre ou de lin
— simples , écrus, d'étoupes . . . .
— — à voile
— — de mnlquinerie. .
— — autre
— — blanchi
— — teint


Retors écru à voile
— — autre
— bis , berbé ou blanchi à dentelles,
— antre
— teint. . . .


Fit de coton
Fil de laine blanc


— — teint. ;
Fit de poil de chèvre. . . .
Outirages en poil, autres que les tissus.


T I S S U S D E LIN OU D E C H A N V R E .


Toile unie , écrue de moins de 8 fils. . .


143 kil
6S0 kil.
408


957
2,163
6,826
1,063
3,687
6,388
1,269 fr.


165 kil,
99,703 lit.


1,738
1,770


1,437 kil.


5 , 1 6 9


13,875 lit
44 kil.


128


39,844
3,994
2,520


69
)1


72,510
14,658 fr.
2,865 kil.


1,236,062 lit.
10,893


509
32


20,059
145,336


80


30


» »
160,442 800 kil.


14 93
27,281 »


519,439 140
109,774 n


18,671 »
» 52
72 14


» »
59 400
77 156


46,992 3,257
155 2,728


1,209 »
2,475 132


» 4,500




DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATIONS. EXPORTATIONS.


_ — — de 8 à 12 01s. . .1
_ _ — de 12 à 10 fils. . .
_ — — de 16 à 18 fils. . .
_ — — de 18 à 20 fils. . .'


— — de 20 fils et au-des-
sus
de toutes qualités.


— blanche ou mi-blanche de moins de 8
fils. . .


_ — — de 8 à 12 fils. . .
_ _ — de 12 à 16 fils. . .
_ _ — de 16 à 18 fils. . .
_ _ _ de 18 à 20 fils. . .
_ — — de 20 fils et au-des-


sus
de toutes qualités


— teinte de moins de 8 fils. . .
_ _ de 8 à 12 fils. . .
_ — de 12 à 16 fils. . .
— cirée
— peinte sur enduit pour tapisserie. . .


Toile croisée , contil
— autres


Linge de table en pièces, outragé, écru .
— — — blanchi .
— — — damassé.


Batiste et linon
Dentelles
Tulle
Bonneterie
Passementerie de fil
Bonneterie


TISSUS D E 1A1JSE.


Couvertures. .............
Tapis
Casimirs et mérinos . . .
Draps . . . ;
Etoffes diverses . . .
Châles brochés et façonués
Etoffes mélangées.
Bonneterie . . .
Passementerie et mbanerie pure laine .


— — laine mélangée.


5,846 kil.
1,334


395
1,293


1,459
6,610
2,984


170
1,453


174


10 »
4 »


165 2,045
1,261


902 kil.
60


732 kil
34,791 613


» »
377 16
554 »


45,851 kil
1000 fr. 4,500 fr.


» 2,000 gra
93 kil. J»


778 860 kil
27


1,229 kil. 441
8,376 2,379


49,006 30,917
858 12,209


75,825
456


7,317
1,831


9,657 5,129
158 163


3,946 1,075
7,019 »




354 A P P E N D I C E N.


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. iMPOBTATioas.


T I S S U S D E S O I E .


Etoffes pures unies
— — façonnées.


brochées d'or ou d'argent
fin . .


— — brochées — —
faux .


— — mêlées de fil seul
— — — de fil, d'or et d'ar-


gent fin. . .
— — — d'autres matières.


Gaze de soie pure
Crêpe
Tulle. . ...............
Dentelles
Bonneterie . .
Passementerie d'or ou d'argent fin .


— d'or on d'argent faux .
— de soie pure
— de soie mêlée d'or ou


d'argent fin
— de soie d'or on d'argent


faux . . . . . . . . .
— d'autres matières . .


Rubans , même de velours . . . .
Chapeaux de soie


T I S S U S D E F L E U B E T .


Etoffes façon cachemire . . .
— — autres


T I S S U S D E P O I E .


et étoffes de cachemire fabri-C/iâles
qnés hors d'Europe


— fabriqués eu France ,
— tous autres


Tissus de crin


T I S S U S D E COTOB.


Toiles, percales et calicots écrus etblanc.
— — teints et imprimé.


Linge de table en pièces
Châles et mouchoirs


176,545 fr.


137,213
50,826


»
5,199


31,952 kil. 90,334 kil
820 4,050


» 47


H 120
10


» 10
1,307 2,555


36 400
360 2,910
98 725


17,254 fr. 182,903 fr.
)> 1,853
» 31,750gra.


12 kil.
173 kil. 739


M 11


1> 110
)> 131
138 40,535


735 piè.




APPENDICE N. 355


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES.


Mousselines
Nankin des Indes
Guinèes et antres toiles à carreaux des


Indes
Draps et velours
Etoffes dites printannières
Etoffes croisées
Dentelles fabriquées à la main et au


fuseau
Couvertures
Tulle et gaze
Bonneterie
Passementerie
Etoffes mélangées


F E U T R E S .


Chapeaux fins
— communs


P A P I E R E T S E S A P P L I C A T I O N S .


Carton en feuilles, lustré, à presser les
draps . .


— moulé, dit papier mâché. . . .
— coupé et assemblé
— en feuilles.


Papier d'enveloppe
— blanc ou rayé , pour musique .
— colorié, en rame
— peint, en rouleaux
— de Chine , de soi* , et même


espèce
Cartes géographiques. . . . . . . . . .
Gravures et lithographies
Musique gravée
Mvres en langues mortes ou étrangères .
' — en langue française, publiés à l'é-


tranger sur les sciences . . .
— en langne française imprimés en


France . . .


O U V R A G E S E N M A T I E R E S D I V E R S E S


Peaux tannées ou corroyées
— d'agneaux, mégies ,


IMPORTATIONS. EXPORTATIONS,


390


9,335 kil.
1,229


5,690 kil.
»


18,253 piè.
8,915 kil.


H


9,290


)>


242
395
364


8,350 fr.
490 kil.


18,689
1,278


537
651


»


1,622
565


1,544
3,010
5,039


22 piè.
59


420 piè.
10,698


75 kil.
1,043


55
»


236
7,499 •


254
»


»


5,489
3,433
1,775 kil,
8,314


63,697
430


9,997


91
107


3,223
28


33,120


226
3,365
1,987
8,112


»


163 75,947




356 APPESDir.E N.


DESIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATIONS. ÏXPORTATIOBS,


Peaux, peaux mégissées ou chamoisées .
— — maroquinées ou vernissées.
— parchemin aebevé


Peaux ouvrées , gants . . . . . . . . . . .
— — autres


Pelleteries ouvrées
Chapeaux de paille, d'écorce et de


Spirte, grossiers.
— — f ins . . .


Nattes on tresses grossières
— — fines


Tissus en feuilles , de paille , d'écorce
et de sparte


Cordages de chanvre . . .
Filets neufs ou en état dé servir.. . .
Vannerie brute


— pelée
= coupée -


Instruments aratoires, faux
— faucilles et autres.


Limes et râpes à grosse taille
— — à polir, de 17 centimètres


de long.' et an-dessus.
— — de moins de 17 centime!.


de longueur
Scies ayaut 146 cenlimèt. de longueur. .


— ayant moins de 146 cent, de longueur
Outils de pur acier


— de cuivre ou de laiton
— de pur fer
— de fer chargé d'acier


Ouvrages en fonte
— en fer
— en acier
— en étain
— en cuivre, laiton et bronze doré
_ — — argenté.
— autres
— en plomb et en zinc
— en fer-blanc


Orfèvrerie d'or ou de vermeil
— d'argent


Bijouterie d'or, ornée en pierres et per-
les fines


— autre


45,643 kil.
» 1,815
M 73
105 kil. 51,430
412 13,084
880 fr. 7,146 fr.


3,495 piè. 6,021 piè.
1,816 5,881
5,645 kil. 626 kil.
2,576 1,635


» 1,359 mè
2,736 2,846 kil.


6
11 3,309
)) 9,513
252 44,505


9
7,262


44,436


41,285


12,368
8,685
4,398


10,276
4,158
1,645


22,401
1,530


108,358
377


2,401


472


1,670 gra.
113,427


5,490
100




A P P E N D I C E N. 357


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPORTATIONS. ÏXPORTATIOHS.


29,250 gr. n
97 kit. 4,323 kil.


3,265 10,416
Machines et mécaniques à vapeur. . . . 771,592 fr.


— — autres 446,203 51,711 fr.
212 kil. 386 kil.
265 fr. 13,073 fr.


4,259 kil. 811 kil
793


» 50
— de chasse et de luxe, blanches. . . 390


501 912
1,821 5,151
24,500 gr. 82,459 gr.


— —d'argent et de cuivre. 267 kil
— mouvements sans boiliers. . 250 fr. »


455 kit. 32,316
51 8,981


164 pie. • 72,825 piè
63,730 fr.


600 120 fr.
5 ton. 35 ton


41 n
562 fr. »


66,289 kil. >1
319,137 4,180 kil


179 11,720
281 8,472


13,104 34,847
4,056 1,344
7,713 11,172


630 fr. 406,349 fr.
» 538 piè


— montures et carcasses depa
527 piè.


Futailles montées , cerclées en bois. . . 3,050 lit. 1,612.621 lit.
— — ' — en fer. . . 3,075 36,042


1) 220 fr.
» 2,812piè


42 kil
I) 471
945 kil. 302,401


— ouvrages divers en bois. . 2,551 fr. 26,524
— meubles, . , . 180,360 210,680 fr.




358 A P P E N D I C E N.


DÉSIGNATION DES MARCHANDISES. IMPOnTÀTIOnS. 1XPORTATIOHS.
*


Articles Hivers de l'industrie parisienne.
Instruments d'optique et de calcul, de


chirurgie et de chimie. .
— de musique. .


Effets à usage, linge uni , etc. . . . . .
— habillements neufs


supportés
Objets de collection


N U M É R A I R E .


cVbrut en lingots
— monnayé
Argent brut en lingots


— monnayé


15,226 fr.
29,340


78 kil.
30,566 fr.


9,069 kil.
155,865 fr.


228,418 gr.
3,543,500
92,110,750 g.


210,492,500


411,440 kil


18,070 fr.
42,380
18,761 kil


186,898


409,000 gr.
5,532,500


10,208,500




T A B L E D E S C H A P I T R E S . 3 5 9


TABLE DES CHAPITRES.


I N D U S T R I E A N G L A I S E . — Inventions du siècle dernier,
une Manufacture à Manchester, Justification des Ma-
chines I .


O U V R I E R S A N G L A I S . — Leurs salaires, leurs habita-
tions, leur caractère, leurs mœurs, un jour de paie à
Glasgow J Apprentis anglais, Législation concernant
ces derniers, Mode dApprentissage en France et en
Angleterre . 3 1 .


AS S O C I A T I O N . — Systèmes de Saint-Simon , de
Charles Fourier, de Robert Owen; Sociétés Coopéra-
tives ; Coalitions d'Ouvriers» 6 1 .


F E R E T A C I E R . — Hauts Fourneaux, Fabriques de
Machines, Coutellerie, Limes , Scies, Tréfilerie ,
Armes à feu. .................. . 8 9 .


C U I V R E . — Plaqué, Laiton estampé. 1 2 3 .
É T A I N . — Brilannia-Métal, Fer-Blanc , Papier


Mâché, Plomb 1 4 5 .
F I L A T U R E S E T T I S S U S . — Première division. —


Colon 1 5 9 .
F I L A T U R E S E T T I S S U S . — Deuxième division. —


Laine 1 9 1 .
F I L A T U R E S E T T I S S U S . — Troisième division. —


Soie. . . . « « . . * I R . » • . » » . * I T . . . ¿ 0 $ .
i




3 6 0 T A B L E D E S C H A P I T R E S .


F I L A T U R E S E T T I S S U S . — Quatrième division. —


Toile et Filature du Lin 2 2 3 .
F A Ï E N C E , Porcelaine, F~?rre, Glaces, Cristaux. 2 3 3 .
RÉSUMÉ. . 2 4 7 .


A P P E N D I C E A . — Mode de Concession des Travaux
publics en Angleterre 2 6 5 .


A P P E N D I C E B . — Travaux de. la Clyde et Bateaux
Dragueurs employés sur cette rivière 2 7 7 .


A P P E N D I C E D. — Règlement concernant la Police
du Marché Saint-John , à Liverpool. . . . . . . 2 7 8 .


A P P E N D I C E E . — Pernicieux effet A de la Législation
sur le Paupérisme 2 8 8 .


A P P E N D I C E F . — Administration et Exploitation des
Mines de Cornouail/e, en Angleterre 2 9 8 .


A P P E N D I C E G . — Interrogatoire de M. Parquin,
fabricant de plaqué. . . . . 3 0 2 .


A P P E N D I C E H. — Notes statistiques sur le Fer. 3 1 0 .
A P P E N D I C E I. — Notes statistiques sur te Cuivre. 3 1 2 .
A P P E N D I C E J . — Notes statistiques sur l'Etain , le


Fer-Blanc et le Plomb 3 1 4 .
A P P E N D I C E K . — Quelques détails statistiques sur


ta Fabrication et la Consommation du Coton dans la
Grande-Bretagne 3 1 8 .


ArPENDiCE L . — Notes statistiques sur la Laine. 3 3 1 .
A P P E N D I C E M. — Notes statistiques sur la Soie ,


Production de la Soie en France 3 3 2 .
A P P E N D I C E N . — Tableau général des Marchandises


importées d'Angleterre en France, et exportées de
France en Angleterre, tant pour la consommation in-
térieure que pour la réexportation pendant l'année




TABLE ALPHABETIQUE, 361


TABLE ALPHABÉTIQUE.


Acier fondu , 100. — Acier indien , 11*2. — Acier d'ar-


Alimcnts, leur prix, à Manchester, 328.
Apprentis.—Condition de l'apprentissage et sa durée ,


51. — Droits du maîlre sur son apprenti, 52. — Edu-
cation des apprentis , 58.


Apprentissage. — Supériorité du mode d'apprentissage
anglais, sur le mode usilé en France , 54.


Arkwright (sir Richard), inventeur du banc à filer et
de la machine à carder, 61.


Armes à feu , 120.
Association, 61. — Système de Saint-Simon, 65. —


Bito de C. Fourier , 67. — Dito de Ä. Owen, 69. —
Sociétés coopératives, 73. — Fausse association,
coalitions d'ouvriers, 81.


Ateliers des fabriques tle machines , 96.
JJateaus dragueurs , 277. / T i


gent (silver stéel) , 112.




362 TABLE ALPHABÉTIQUE.


Bell (John) , inventeur du rouleau sans fin à imprimer
les étoffes , 10.


Bière , aie et porter, 261.
Bières en tôle pour ensevelir les \ o r t s ; anecdote à leur


sujet, 92.
Bijoux doré et d'acier, 256.
Bill de concession du chemin de fer de Londres à Bir-


mingham, 270.
Blanchiment par le chlore , introduit en Angleterre par


James Watt 10.
Boissons , 260.
Bolsover (Thomas), inventeur du plaqué , 129,
Bottes , brodequins cl souliers, 259.
Bowring (d. r John). — Sa mission en France , 247.
Britannia-métal, 1 4 8 . — S a composition, 149.
Bronze doré , 127.
Brosserie, 258.
Cabarets (Fréquentation des) 28.
Carton, 254.
Cartwright (Le révérend Edmond), inventons, du métier


mécanique , 7.
Châles (Fabriques des) , 205.
Chapeaux de paille , 257.
Chapellerie , 256.
Chemin de fer de Londres à Birmingham (Bill de con-


cession du), 270.
Coalitions d'ouvriers , 81.—Serments des ouvriers coa-


lisés , 86.
Concession des travaux publics en France et en Angle-


t e r re , 265.




TABLE ALPHABÉTIQUE. 363


Coopératives (Sociétés) , 73.
Cordonnerie, '259.
Coton (Manufacture de) , 1 5 9 . — Notes statistiques re-


latives au coton , aux fabriques de coton et à leurs
ouvriers , 3 1 8 .


Coutellerie , 99.
Crayons et couleurs pour la peinture, 253.
Cristaux, 241.
Crompton (Samuel), inventeur de la Mule-Jenny, 173.
Cuir, 259.
Cuivre (Mines de) , 123. — Notes statistique sur lo


cuivre, 312. — Cuivre estampé , 135.
Curage de la Clydc , 277.
Dessinateurs et décorateurs anglais , 2'i0.
Dimanche en France, en Angleterre et en Ecosse , 44


et 50.
Eau-dc-vie, 261.
Echelle comparative des aliments consommés par les


journaliers anglais, les militaires, les pauvres valides,
les criminels accusés., condamnés et déportés, 295.


Effet singulier de lumière produit la nuit par les hauts
fourneaux, et la préparation du coke, 90.


Etain, 145. — Notes statistiques sur l'étain, 314.
Exportations des machines h tisser et à filer , prohibée,


179.
Exportation de France en Angleterre, 341.
Fabriques («ayez manufactures).
Faïence, 235.
Fer (manufactures d e ) , hauts fourneaux, 89. —Notes


statistiques sur le fer, 3 '0 .




364 TABLE ALPHABÉTIQUE.


Fer-blanc, 153. — Prix conranl des fers-blancs anglais,
316.


Filatures de coton, 159. — Dito de laine', 191. — Dito
de lin et de chanvre, 223.


Fire-feeder, machine pour charger de houille les four-
neaux des machines à vapeur, 16.


Fondeurs, 90.
Fourier (Charles), son système, 67.
Fusils Gisquet, 120.
Gants, 258.
Glaces, 241.
Habitations des ouvriers anglais , 38.
Hargreavcs (James), invenleur de la spinning jenny, 6.
Horloges mises en mouvement par la vapeur, 15.
Importations d'Angleterre en France, 341.
Industrie anglaise (avantages dont jouit 1'), 1.
Ingénieurs-mécaniciens, 90.
Instruments de musique , 255.
Invention des machines à filer et à carder, 5. — Dito de


la navette volante, 7 . — Dito du métier mécanique, 7.
Du distributeur de houille (fire-feeder) , 16. — Du
drop box, 206. — D e la mule-jenny, 173. — De la
mule-jenny fonctionnant d'ellc-mômc, 8 3 . — D u rou-
leau sans fin à imprimer les étoffes , 10.


Jour de paie à Glasgow (a pay day), 46.
Kay (John), inventeur de la navette volante, 7.
Kay (Robert), inventeur du drop box, 206.
Laine (vicissitude de la législation anglaise sur la),' 191.


— Droits d'entrée sur les laines, à diverses époques,
195. — Laine australiennes, importées de la nouvelle




TABLE ALPHABÉTIQUE. 365


Galle du snd et de la terre de Van Diemen , 197. —
Etoffes de laine en France et en Angleterre, 202.


Législation sur le paupérisme (funestes effets de la), 288.
Limes , 1 1 4 .
Lin (filatures du), 22'i. — Dito en France, 230.
Machines (justification des), 22.
Machine à distribuer la houille dans les fourneaux à va-


peur {/ire feeder), 16.
Maladies des ouvriers des manufactures en Angleterre,


325. — Dito dans les chantiers de la compagnie des
Indes, 326. — Dito et des soldats en France, 326.


Manufacture à Manchester (une) , 12.
Manufactures de fer ci acier, 89. — Dito de fer-blanc ,


153. — Dito de papier mâché , 156. — Dito de coton,
159 et 318. — Dito de laine, 191 et 331. — Dito de
soie , 209 et 332. — Dito de faïence, porcelaine,
glaces , verre et cristaux , 235.


Marché St.-John à Liverpool (règlement du), 278.
Métiers pour filatures et tissus prohibés à la sortie d'An-


gleterre , 179. — Inconvénients de celle prohibi-
tion, 181.


Meubles, 253.
Mines de Cornouaille, leur administration et leur exploi-


tation , 298.
Moutons et brebis , leur nombre en Angleterre , 3 3 1 .
Mule-jenny fonctionnant d'elle-même (je//acting mule), 83.
Ouvriers anglais, 31. — Leurs salaires , 36 et 3 2 8 . —


Leurs logements , 38. — Leur caractère et leurs
mœurs , 4 1 . — Leurs coalitions, 8 1 . — L e u r s ma-
ladies , 325.




366 TABLE ALPHABÉTIQUE.


Ouvrières Anglaises et Ecossaises , 48. '—Leurs mala-
dies, 345.
Owen (Robert), son système coopératif, 69.
Papier mâché, 156.
Papiers peints, 254.
Parapluies, 256.
Paupérisme , 288. — Echelle comparative des aliments


consommés par les journaliers anglais, les militaires ,
les pauvres valides, les criminels accusés, condamnés
et déporlés, 295.


Pétition des habitants du Bengale, relativement aux
droits sur le coton et la soie ouvrés, 168.


Pianos, 256. — Prix-courant des pianos de Broad-
wood, 257.


Pinceaux, 253.
Plaqué, 129. — Interrogatoire de M. Parquin, fabricant


de plaqué à Paris, 302.
Plomb, 157 et 317.
Poids et taille des enfants dans divers états, 327.
Population croissante des villes et districts manufac-


turiers d'Angleterre, 24.
Porcelaine, 239.
Prix des aliments à Manchester, 328.
Production de la soie en France (moyens de propager


la), 333.
Produits chimiques, 255.
Règlement du marché St.-John à Liverpool, 278.
Résumé de l'ouvrage, 247.
Rubans anglais et français, 218.
Saint-Simon et Saint-Simonisme, 65.




TABLE ALPHABÉTIQUE. 367


Salaires des ouvriers, en Angleterre généralement, 36.
— A Manchester, 328.


Scies, 117.
Serment des ouvriers en coalition, 86.
Sermons en plein vent, 50.
Silver Steel, acier d'argent , 1 1 2 .
Soie et soieries. — Hislorique des fabriques de soie en


Angleterre, 209.— Soieries en France et en Angleterre,
216. — Soieries ternes en Angleterre, 2 1 S . — Soie
française, nécessaire aux fabriques d'Angleterre, 219.
— Notes statistiques sur la soie, 332. — Moyens de
propager en France la production de la soie , 333.


Souliers, 259.
Taille et poids des enfants dans divers états, 327.
Tanneries, 259.
Tapis, 207.
Tissus (voyez filature, manufactures, châles, tapis).
Toi le , 223.—Commerce des toiles à Dundee , en


Ecosse, 22«.
Trade's unions (voyez coalitions).
Travaux publics , comment ils sont concédés en France


et en Angleterre, 265.
* Tréfilerie, 118.


Vernis pour le cuivre , 142.
Verre, 241.
Villes industrielles (population croissante des), 24.
Villiers (Georges), sa mission en France, 247.
Vins, 261.
Vinaigres , 2 6 1 . - • '.* .
Watt (James), inventeur de la machine à vapeur; in-




368 TABLE ALPHABÉTIQUE.


trodnît en Angleterre l'arl du blanchiment par
chlore, 10.


Wootz, acier indien, 112.


Wyatt (John), inventeur de la première machine à i


le coton, 5.