ENSEIGNEMENT
}

ENSEIGNEMENT


S E C O N D A I R E


CONGREGANISTE


P A R I S


J. M E R S C H , I M P R I M E U R ,


33, BOULEVARD D'ENFER, 33


1 8 7 9






ENSEIGNEMENT


S E C O N D A I R E


Les lois Ferry et le fameux article 7 vont se dis-
cuter devant le pays.


A l'agitation qui s'est emparée de toute la France
et qui va toujours grandissant, on a pu juger de la
gravité de la question.


Le -pour et le contre ont été chaudement débat
tus, et le seront encore.


Laissant de côté toute exagération de parti, et
ne consultant que les chiffres, voyons quelle est la
part des Congrégations dans l'éducation de la j eu-
nesse ; ce que la suppression de leurs collèges


CONGRÉGANISTE




4 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGREGANISTE.


ferait perdre à la France, et quelles nouvelles char-
ges elle ajouterait à son budget.


M. Bardoux a publié, vers la fin de l'année der-
nière, les statistiques générales de l'enseignement
primaire, secondaire et supérieur pour la période
décennale de 1865 à 1876.. C'est à ce document
officiel que nous emprunterons les données de nos
calculs.


Nous ne nous occuperons ici que de l'enseigne-
ment secondaire, et nous ramènerons toutes nos
observations à cinq chefs principaux :


1° Établissements menacés.
2° Leur personnel dirigeant et enseignant.
3° Leur personnel enseigné.
4° Leur enseignement.
5° Leur dépense.


Nous montrerons, en terminant, que rien n'est
prêt pour remplacer ce qu'on voudrait supprimer,
et que le projet de M. Ferry est complètement irréa-
lisable.




I


ÉTABLISSEMENTS


Commençons par signaler une lacune extrême-
ment importante dans la statistique. Nous lisons à
l'avant-dernière page du Rapport: « Il convient
d'ajouter que, dans les établissements ecclésiasti-
ques, ne sont pas compris les petits Séminaires, sur
lesquels on n'a pu réunir de renseignements assez
complets pour être publiés et dont les élèves sont
au nombre de 30,000 environ. »


Il est fâcheux qu'on n'ait pu réunir ces rensei-
gnements ; le Rapport reste incomplet, et n'est
point, comme il en a la prétention, l'expression
exacte de l'enseignement secondaire. Cette omis-
sion est une cause d'erreur permanente qu'il fallait




6 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


signaler dès le début, et que le lecteur devra tou-
jours avoir présente à l'esprit.


I. — Catégories d'établissements.


Voici les deux grandes divisions et les subdivi-
sions qu'établit le Rapport :


Enseignement secondaire ( Lycées


Comme l'enseignement congréganiste seul est
mis en péril par le projet de loi, il nous semble
nécessaire de l'isoler pour le mettre plus en évi-
dence. C'est ce que nous ferons autant que possible.
Bon nombre de nos observations s'appliqueront
cependant à tout l'enseignement religieux en
France, soit que la force des choses l'exige ainsi,
soit que l'insuffisance du Rapport nous y oblige.


public


laïque
/Établissements épis-
\ copaux,


ecclésiast. } du clergé séculier,
des ordres religieux


ou Congrégations.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE GANISTE. 7


II. — Nombre des Établissements en 1876.


En 1876 le nombre total des établissements
d'instruction secondaire était pour toute la France
de 1,136, ainsi répartis :


! .. (Lycées 81
Enseignement laïque] (Collègescommunaux. 2o2


^libro 494
Enseignement ecclé-( Etablissements épiscopaux . . 91


siastiquo . . . . (Du clergé séculier 129
Enseignement congre-1 ^


ganiste (


Ainsi il y a en France 1,136 maisons d'instruc-
tion secondaire, et sur ce nombre l'enseignement
Congréganiste compte 89 collèges.


La proportion est loin d'être aussi forte que vou-
drait le faire croire M. le ministre. Ce n'est pas, il
s'en faut, un sur dix, c'est à peine tm sur douze.


Évidemment il n'y a pas là un danger, mais il y
a une minorité respectable que l'on ne pourrait
sacrifier sans une souveraine injustice.


Huit petits Séminaires seulement furent suppri-
més en 1828, et cependant les Ordonnances furent




8 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGREGANISTE.


et demeurent un attentat à la liberté ; que serait-ce
aujourd'hui qu'il s'agit non plus de huit mais de
quatre-vingt-neuf maisons ?


Voici le détail de ces établissements :


Remarquons, en passant, que si les établissements
congréganistes ne forment pas un dixième de tout
l'enseignement secondaire, les collèges des jésuites
ne forment que le quart ou un peu plus de l'ensei-
gnement congréganiste. Sur 1,136 maisons d'in-
struction secondaire, 27 maisons de jésuites ! Ce
n'est pas un sur quarante-cinq !


Et à en croire M. Ferry, l'âme de la France
serait entre les mains des jésuites! Et M. le
ministre aurait peur d'être mangé par les jésuites !
« Assurément, Messieurs, il n'en faut pas manger,
mais avant tout il ne faut pas être mangé par eux. »
(Discours d'Efinal).


1. Le Rapport confond sous le nom de Maristes les Pères
Maristes et les Frères de Marie. Ces deux Congrégations n'ont
rien de commun.


Jésuites
Maristes .
Doctrinaires


27
22 (1)
40




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 9


III. — Provenance et propriété des
établissements.


Nous ne voulons rien dire de blessant, nous ne
réclamons point contre le passé, mais il suffira de
jeter un coup d'œil sur les tableaux dressés par les
ordres de M. Bardoux pour se convaincre des dif-
férences essentielles qui existent entre la prove-
nance et la propriété des établissements d'instruc-
tion publique, et celle des établissements privés, et
tout particulièrement des établissements congréga-
nistes.


Sur les 81 lycées :


Sont installés dans des bâtiments construits pour leur
destination actuelle ' 17


Occupent d'anciens collèges de jésuites 33
Occupent d'antres anciens collèges 10
Occupent divers couvents 21


Ils appartiennent presque tous aux villes qui doi-
vent pourvoir à leur entretien. L'Université en a la
jouissance indéfinie.




10 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE GAÑÍSTE.


Collèges communaux. — Sur les 252 collèges
communaux. :


Ont été construits pour leur destination actuelle . . 31
Proviennent de maisons particulières achetées par


les villes 82
Proviennent d'anciens collèges de jésuites . . . . 33
Proviennent d'anciens séminaires, collèges de divers


ordres, couvents d'hommes ou de femmes. . . . 106
Appartiennent aux villes 229


— à l'État 12
— à des particuliers 11


Établissements libres. — Des 803 établisse-
ments libres :


Appartiennent à l'État 3
aux communes 64


— aux diocèses 76
— à des particuliers 426
— aux directeurs de ces établissements. 234


Leur provenance n'est pas indiquée dans lé Rap-
port. Nous le regrettons : on verrait, nous n'en
doutons pas, que, du inoins, parmi les établisse-
ments du clergé régulier, un bien plus grand nom-
bre, proportion gardée, ont été construits pour leur
destination actuelle. Or c'est là un gage de bonne
installation, aussi bien qu'un signe de féconde ini-
tiative.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGREGANISTE. 11


IV. — Installation matérielle.


Lycées. — Le compte'rendu officiel constate
que bon nombre de lycées « laissent beaucoup à
désirer sous le rapport des distributions intérieures
et de l'état de conservation des bâtiments. De
grands travaux de restauration ont déjà été exécu-
tés dans un certain nombre de ces établissements ;
mais chaque jour de nouvelles améliorations devien-
nentnécessaires,et, pendant quelques années encore,
leur réalisation exigera des dépenses considéra-
bles. » — Et plus loin : « La superficie de
29 lycées varie entre 4,100 mètres carrés et
10,000 mètres carrés ; 37 de ces établissements oc-
cupent un emplacement de 10,000 à20,000 mètres;
les 15 autres ont de vastes dépendances, notam-
ment les lycées de Pau, de Tournon (deux anciens
collèges de jésuites) et de Vanves, qui possèdent
des jardins et des parcs de plusieurs hectares. »


Collèges communaux. — Les collèges com-
munaux paraissent encore moins favorisés :


Les bâtiments do 51 collèges sont en bon état.
146 on assez bon état.
55 on mauvais état.




12 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


Quant à la superficie des établissements, dans
17 collèges elle reste au-dessous de 1,000 mètres
carrés ; dans 162, au-dessous de 5,000 ; dans
23 seulement elle dépasse 10,000. Voilà bien encore
ces collèges étouffoirs que l'incurie ou la routine
ont trop longtemps conservés dans notre France.


Établissements libres. — Il ne nous sera pas
possible de donner les mêmes détails au sujet des
établissements libres. Nous ne trouvons dans le
Rapport que ces quelques lignes : « Dans 458 mai-
sons les dispositions matérielles intérieures étaient
bonnes ; dans 307 elles étaient passables ; l'in-
stallation matérielle de 38 maisons aurait besoin de
notables améliorations. » (Tableau n° 31.) Ces
chiffres déjà peuvent donner une opinion favorable
de l'enseignement libre au point de vue des condi-
tions matérielles, puisque dans le plus grand
nombre de ces établissements elles sont satisfai-
santes. Nous pensons, de plus, qu'une statistique,
plus complète à ce point de vue, des petits sémi-
naires et des autres maisons ecclésiastiques n'au-
rait point été à redouter pour l'enseignement reli-
gieux ; qu'elle aurait pu, en particulier, compter,
dans une proportion plus large que celle de 15 sur
81, les maisons qui possèdent des jardins et des
parcs de plusieurs hectares.


Nombre, origine, propriété, installation des
établissements congréganistes, tout nous est donc




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 13


un signe de l'inépuisable prodigalité des ordres
religieux en faveur de l'enseignement, tout réclame
ivec éloquence contre le caprice ministériel qui
voudrait éteindre ces foyers de lumière et de vertu.






II


PERSONNEL DIRIGEANT


ET ENSEIGNANT


I . — PERSONNEL


Personnel administratif et enseignant des lycées . . 2349
— des collèges communaux 3432
— des établissements libres laïques 2500
— des établissements ecclésiastiques . . . 3761


Le Rapport ne distingue pas ici entre l'enseigne-
ment religieux libre diocésain et l'enseignement
congréganiste. Il importe peu du reste: les obser-
vations que ces chiffres fournissent s'tippliquent
aussi bien aux maisons diocésaines qu'aux collèges
tenus par des ordres religieux.




16 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE G ANISTE.


Les lycées emploient généralement un plus grand
nombre de maîtres que les autres maisons.


Il ne faut pas s'en étonner: moins multipliés,
chacun d'eux renferme en moyenne plus d'élèves.


Le développement des petits lycées et de r e n -
seignement spécial a dû, en créant de nouvelles
catégories et de nouvelles classes, exiger des
directeurs et des professeurs nouveaux.


Enfin nous trouvons une dernière raison de cette
supériorité numérique du personnel universitaire
dans le document qui termine le tableau n° 6. Il
nous apprend combien d'heures de classe on peut,
au maximum, exiger par semaine d'un professeur
de lycée :


Profess. do rhétorique, do philosophie ot d'histoire. 15 h.
— de seconde et de troisième 17
— de grammaire et de classes élémentaires. . 20


Un maximum est rarement atteint, mais nous
connaissons bien des maisons ecclésiastiques où le
règlement impose, chaque semaine, vingt-quatre
heures de classe aux professeurs de grammaire, et
presque autant à ceux de seconde et de rhétorique,
sans parler de plusieurs heures que, d'après un
usage universellement reçu, ils consacrent par
manière de répétitions privées et gratuites à ceux
de leurs élèves qu'ils jugent en avoir un besoin
spécial. De plus, en dehors de leurs emplois propres,




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRKGANISTE. 17


ils doivent se prêter et se prêtent, en effet, à, bien
d'autres fonctions réclamées par le bien des élèves.
Ainsi plus de travail pour chacun ; partant moins
de travailleurs.


Et ce sont ces hommes, qui font plus de travail et
le font aussi bien, que M. Ferry veut rayer des
cadres de l'enseignement ! Quel motif peut-il
alléguer? Leur traitement serait-il trop onéreux?
Revenons au Rapport.


II . — Traitement du personnel.


Les émoluments des fonctionnaires de lycées
varient, non-seulement selon les fonctions qu'ils
exercent, mais encore selon la classe du lycée où
ils les exercent. On peut en voir le détail aux
tableaux n° 5 et 6. Nous en citons quelques-uns
pour en donner une idée :


Four les proviseurs . . . .
Pour les censeurs
Pour les professeurs titulaires .
Pour les économes


de 9,000 francs à 4,500
de 5,000 — à 2,400
de 7,500 — à 3,000
de 8,750 — à 3,000


Libre à chacun de trouver ces traitements trop




18 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGREGANISTE.


faibles ou de les trouver trop forts. Quant à nous,
volontiers nous croyons qu'ils sont ce qu'ils
doivent être, et nous ne voulons, en vue de notre
but, que constater un fait: c'est que, de toutes les
ressources dont les lycées disposent, une partie
plus considérable passe par manière d'émoluments
aux mains du personnel qu'à la nourriture des
élèves et à l'entretien de la maison. Ainsi, en 1876,
pour les 81 lycées,


Les traitements du personnel ont coûté . . 11,477,622 fr.
L'entretien des élèves et de la maison. . . 9,403,169 fr.


Dans les collèges communaux les traitements
sont, en général, beaucoup moins élevés. Cepen-
dant on peut aussi y remarquer la même différence
entre la dépense pour les maîtres et la dépense
pour les élèves :


Traitements des maîtres . . . 5,499,121 fr.
Entretien des élèves . . . . 4,707,059 fr.


Si le Rapport donnait pour l'enseignement libre
les mêmes détails, nous croyons que nous aurions à
constater des résultats tout opposés, du moins pour
l'enseignement libre ecclésiastique, « où, dit le
Rapport lui-même, tous les frais, notamment ceux
du personnel, sont peu considérables ; » et bien
plus encore pour les établissements congréganistes,
où les maîtres ne coûtent que leur modeste
entretien.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRliGANISTE. 19


Notre intention en faisant ces rapprochements
n'est point d'insinuer que les fonctions de l'enseigne-
ment publie soient trop largement rétribuées.
Loin delà, nous félicitons le personnel universitaire
de toucher des émoluments qui le dédommagent des
fatigues de l'enseignement:


Nous voulons seulement, de ce coup d'œil sur
l'administration financière, déduire un nouvel
argument en faveur de l'enseignement ecclésiastique
et surtout congréganiste.


Il est manifeste, en effet, que si un enseignement
est tel de sa nature que les ressources pécuniaires
dont il dispose tournent en plus large part au bien
direct des élèves, en moins large part à l'avantage
des maîtres, cet enseigement est, sous ce rapport
du moins, entièrement préférable ; et cela pour une
double cause.


D'abord, parce que, à égalité de charges sup-
portées par les familles, les élèves seront alors
mieux traités, leurs collèges mieux entretenus ; car
si l'argent ne s'en va pas aux maîtres, il faut bien
qu'il aille aux élèves.


Ensuite, c'est que cette extrême modicité de
dépenses pour le personnel suppose en lui beaucoup
de désintéressement ; ce désintéressement suppose
beaucoup d'affection et de dévouement : or l'affection
et le dévouement sont presque tout pour les progrès
de l'élève et pour sa formation morale.




20 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE C0NGRÉ6ANISTE.


Ainsi donc, dans cet enseignement ecclésiastique
et congréganiste si décrié, on dépense et on se
dépense davantage pour les élèves. Que pourraient
désirer cle plus les parents, soit qu'ils cherchent le
bien-être, soit qu'ils cherchent le biea de leurs
enfants ?




Ill


PERSONNEL ENSEIGNÉ


Après les maîtres, les élèves.
D'après le Rapport (Tableau n° 35) le nombre des


élèves de l'enseignement secondaire était en 1876
de 153,324. Sur ce nombre, 19,961, près de 20,000,
sont confiés par leur famille à l'enseignement con-
gréganiste.


C'est donc 20,000 élèves à qui l'on voudrait en-
lever leurs maîtres, dont on voudrait violenter la
conscience, ou qu'on obligerait à s'expatrier pour
aller retrouver sur des terres plus hospitalières des
instituteurs de leur choix !




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRKGANISTE.


20,000 élèves, plus d'un huitième du nombre total
de ceux qui suivent l'enseignement secondaire !


Parmi eux, 9,131 fréquentent les classes des
jésuites.


Encore une fois, c'est beaucoup et c'est peu;
beaucoup pour la persécution; peu pour les terreurs
de M. Ferry!


Les tableaux n" 14, 22,. 30, 32 nous donnent la
moyenne de la population de chaque établissement.


Pour les lycées cette moyenne est de 508 ; pour
les établissements congréganistes elle n'est que de
224; chez les jésuites elle arrive à peu près, pensons-
nous, à 400. Ces chiffres du reste n'ont pas grande
importance.


La seule question qui s'y rattache est celle-ci:
vaut-il mieux avoir moins de maisons et plus
d'élèves dans chacune, ou bien plus de maisons et
dans chacune moins d'élèves? De ces deux rapports,
quel est celui dont la croissance devrait être
regardée, pour un corps enseignant, comme un
indice de progrès ?


Or il nous semble que si des établissements ont
une fois atteint des proportions numériques lar-
gement suffisantes pour leur prospérité, il vaut
mieux dès lors les multiplier que les agrandir
encore.


D'abord ces créations nombreuses témoignent de
la vitalité d'un corps enseignant non moins que de




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 23


ses succès ; qui est épuisé ou qui échoue ne court
point à de nouvelles entreprises.


De plus, si l'instruction multiplie et dissémine
ses foyers, par le fait même, elle se trouve mieux
mise à la portée de tous.


Enfin, il n'est point encore prouvé qu'une grande
agglomération d'élèves soit d'un avantage réel pour
un collège. Qu'il en ait réuni un nombre tel que les
ressources matérielles soient suffisantes et l 'ému-
lation excitée et soutenue, tel par exemple que la
moyenne de chaque classe soit d'une trentaine
d'élèves, une augmentation ultérieure pourra sans
doute être d'un grand profit pour la caisse de
l'économe et pour l'éclat des jours de parade : nous
doutons fort qu'elle le soit pour le bon ordre, le
travail, la moralité et l'éducation.






IV


ENSEIGNEMENT


Nous ne croyons pas qu'il soit besoin de nous
étendre ici sur la valeur de l'enseignement congré-
ganiste. Quoique gêné bien souvent, tiraillé,
comprimé par les programmes universitaires
auxquels les examens l'obligent toujours plus ou
moins à se prêter, il peut cependant revendiquer
pour lui les plus beaux succès. Personne aujour-
d'hui n'ose en nier l'excellence ; on voit trop que
sur ce point il est invulnérable.


Il est vrai que 23 collèges ecclésiastiques seule-
ment préparent aux écoles du gouvernement.
Mais si l'enseignement religieux ne l'empoBte pas




26 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE .


sur ce point par la diffusion, il semble l'emporter
par la qualité et par le succès, comme porterait à le
croire le tableau suivant mis en note dans le.
Rapport (Tableau n° 15).


« N O T E . — Le nombre des admissions, en 1876,
aux écoles polytechnique et de Saint-Cyr se par-
tage de la manière suivante entre les lycées, les
collèges communaux et les établissements libres :


ÉLÈVES AYANT FAIT LEURS ETUDES


Dons
les


lycées


Dans les
collèges
c o m m u -


naux


Au
l 'rvtanëe
militaire


dB


la Flèche


Dans
leur


famille


DANS LES


Laïques


ÈTABLISS. LlBlïES


ECCLESIASTIQUES'
(Stanislas. Ste-
(ieneviève, Cer-
iaes,linmaculée-
Conception de
Toulouse, etc.)


Ecole polytech-
nique.(Promo-
tion de 271
élèves) 181 34 2 » 15a 39 Ecole de Saint-
r,yr. (Promo-tion de 3'J;>
élèves; 183 24 23 10 c 286, 127


a. Ces 13 élèves sortent de l'institution Saînte-Iïarbo, dont les élèves s irvent, en
gronde partie, les cours du lycée Lotiis-le-Granù.


b. Dont 13 élèves de Sainte-Barbe.
c. 2 de ces élèves ont lait leurs études au régiment comme enfants de troupe.


Cette note prouve que si un assez petit nombre
d'établissements ecclésiastiques préparent aux
écoles, du moins, quand ils veulent le faire, ils
savent s'en acquitter.


Longtemps, on ne sait quelle sotte opinion
sembla décerner au clergé un brevet d'indifférence




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 27


ou d'incapacité pour l'enseignement des sciences
et pour la préparation aux carrières les inoins
cléricales. Les succès éclatants, remportés sur ce
terrain durant la période décennale étudiée par le
Rapport, ont prouvé, par un nouvel argument de
fait, l'union indissoluble qui existe et existera
toujours entre la foi et la science, la croix et l'épée,
le patriotisme et la religion. Ce n'est pas des
maisons ecclésiastiques seulement, mais des mai-
sons congréganistes que sont sorties, proportion
gardée, le plus de vocations militaires ; et de dou-
loureuses circonstances ont fait voir que ces jeunes
officiers, pour avoir grandi plus près de l'autel,
ne craignaient pas plus que les autres d'être
envoyés près du canon.






V


DÉPENSE


Dans toute œuvre humaine, il y a la question
d'argent. Elle n'est jamais la plus élevée, rare-
ment elle est la plus intéressante ; mais elle a
toujours son importance, etmême, auprès de certains
esprits trop positifs, sa prépondérance.


Dieu nous garde de lui donner cette valeur sou-
veraine, quand il s'agit d'enseignement ! Ce qui
doit former les âmes ne s'estime pas au poids de
l'or.


Un enseignement préférable par lui-même ne
cesserait pas de l'être pour exiger dans l'ensemble




30 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


quelques millions de plus ; et un enseignement
vicieux ne saurait devenir, par le bon marché, ni
sain ni acceptable.


Mais si un enseignement, sans être inférieur
pour l'éducation physique, intellectuelle et morale,
est cependant donné à des prix moins élevés, il est
clair que dès lors il devient préférable, et ne sau-
rait été sacrifié que par une inconcevable mala-
dresse.


Tel est l'enseignement religieux et congréganiste.
Moins onéreux que les autres pour l'État et les
familles, il leur procure cependant les mêmes
avantages, et, sans abaisser le niveau de l'éduca-
tion, il la met à la portée d'un plus grand nombre.


1° Comparaison des frais d'entretien et
d'instruction par élève dans les divers
enseignements (Tableau n° 33).


D'après la statistique, en 1876, le taux moyen
du prix scolaire dû par les élèves externes a été :


Dans les lycées, de 113
Dans les collèges communaux, de . . . . . 72
Dans les établissements laïques, de 119
Dans les établissements libres ecclésiastiques, de 133




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 31


D'après ce tableau, la rétribution scolaire des
externes dans les établissements ecclésiastiques
l'emporterait de 14 francs sur celles des établis-
sements libres laïques, de 20 francs sur celle des
lycées, de 61 francs sur celle des collèges commu-
naux.


Nous trouverons pour les prix de pension de tout
autres résultats. Du reste ces différences, sauf la
dernière, sont peu considérables. Ajoutons que
dans l'enseignement libre les externes sont en
minorité.


Pour les élèves internes, dans cette même année
1876, le taux moyen de la pension a été :


Dans les lycées, de 618 fr. (1)
Dans les collèges communaux, de 518
Dans les établissements libres laïques, de . . 654
Dans les établissements libres ecclésiastiques, de 543


On voit par là que la moyenne de la pension des
|tablissements libres ecclésiastiques est inférieure


111 francs à celle des établissements libres
laïques, de 75 francs à celle des lycées, supérieure
seulement de 25 francs à celle des collèges com-
munaux.


(1) En réalité, la pension moyenne des lycées était en 1875 de
753 fr. 35 c. ; mais elle comprend, et il est juste de faire cette
déduction les frais d'habillement qui atteignent environ 125 fr.
par an.




32 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


Rappelons que les petits séminaires ne sont pas
compris dans ces calculs. Ils auraient assurément
fait baisser de beaucoup cette somme de 543 francs
attribuée aux établissements ecclésiastiques, et
donné lieu à une comparaison qui leur serait encore
plus favorable.


En combinant les données précédentes, nous
trouvons pour pension moyenne :


Do tout l'ensemble de l'enseignement secondaire. 583 fr.
De tout l'enseignement secondaire public . . . 568


— — — libre. . . . 598
— — — laïque . . . 597


Donc la pension moyenne ecclésiastique
(543 francs) est inférieure de 40 francs à celle de
tout l'ensemble de l'enseignement secondaire, infé-
rieure de 25 francs à celle de tout l'enseignement
public, inférieure de 55 francs à celle de tout l'en-
seignement libre, inférieure de 54 francs à celle
de tout l'enseignement laïque.


Celle des établissements libres laïques est, au
contraire, plus élevée que toutes les autres.


Il n'y a pas lieu de s'en étonner : cet enseigne-
ment n'ouvre pas ses établissements dans les
mêmes conditions que l'Université.


Celle-ci les reçoit tout construits, meublés,
exempts de dettes, sans' autres charges que celles




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE GAÑÍSTE. 33


des frais de vie et de traitements du personnel
enseignant et enseigné.


Le directeur d'un établissement libre au con -
traire doit acheter un terrain, construire, meubler ;
puis, chaque année, outre les frais d'entretien et
d'instruction, songer à recouvrer peu à peu les
fonds ou du moins partie des fonds énormes qu'il
a avancés, car la valeur d'une maison d'éducation
ne représente presque jamais les dépenses qu'a
exigées _ son installation ; en attendant, il faut
encore solder les intérêts de ces.capitaux. Voilà qui
justifierait du côté de l'enseignement libre laïque
des pensions bien plus fortes qu'elles ne le sont.


Mais les établissements libres ecclésiastiques se
trouvent dans ces mêmes conditions si défavorables.
Eux aussi, ils ne peuvent s'ouvrir qu'en se grevant
d'abord et pour longtemps des charges les plus
onéreuses.


D'où vient donc que l'Eglise y donne un ensei-
gnement dont rien — nous voulons être modeste —
n'a encore trahi l'infériorité, à des prix de pension
moindres en moyenne que ne le sont ceux de
l'État ?


Quelle qu'en soit la cause, cette infériorité de
prix, à qualité au moins égale, serait toujours une
supériorité matérielle. Mais si la cause en est le
désintéressement des maîtres qui, dans les établis-
sements congréganistes, ne veulent pas recevoir de


3




34 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE GAÑÍSTE.


rétribution, et dans les établissements du clergé
séculier se contentent de n'en recevoir que de très
modiques, il y a là de plus, nous l'avons déjà fait
remarquer, une supériorité morale incontestable.
Car l'éducation est avant tout une œuvre de dévoue-
ment dont le désintéressement est la meilleure
garantie.


2° Dépense totale de l'enseignement secon-
daire répartie entre l'État, les départe-
ments, les communes et les familles.


Dépense do l 'Etat. . . .
— des départements,
— des communes.
— des familles. .


TOTAL. . .


5,568,335 74
468,271 65


4,280,247 54
65,605,929 11


75,922,784 04


Ce que nous avons dit plus haut a dù montrer
que si l'on considère les divers enseignements au
point de vue économique, celui de l'Église est en
'ui-même préférable, puisque sans être moins bon
il est moins coûteux. Ce que nous allons dire va




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 35


montrer qu'il est tout spécialement préférable pour
le Gouvernement, puisqu'il prospère sans rien pren-
dre aux caisses de l'Étatou des administrations loca-
les, tandis que l'enseignement public, qu'il prospère
ou ne prospère pas, y puise à millions.


Les fonds de l'enseignement secondaire en 1876,
s'élevant comme il a été dit à75,922,784 fr. 04 cent.,
étaient ainsi répartis quant à leur provenance et à
leur emploi :


FONDS DE L'ÉTAT ALLOUÉS


• . ( en subventions. 3,913,951 92
AUX LYCEES ^ ^ _ _ 1 > 0 1 9 ) 6 7 6 35


4,933,628 17


AUX COLLÈGES COMMU- ( en subventions. 473,558 32
NAUX ( en bourses . . 161,149 25


634,707 57


AUX ÉTABLISSEMENTS ( en subventions. 000,000 00
LIBRES ( en bourses . . 000,000 00


FONDS DEPARTEMENTAUX ALLOUES


Î en subventions. 114,250 » en bourses . . 189,47o »
303,725 »


AUX COLLÈGES COMMU- ( en subventions. 34,780 »
NAUX \ en bourses . . 12J,577 95


155,357 95




36 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


AUX ÉTABLISSEMENTS £ en subventions. 500 »


LIBRES { en bourses . . 8,688 70


9,188 70 .


FONDS COMMUNAUX ALLOUES


AUX LYCEES


AUX COLLEGES COMMU-


NAUX


AUX ETABLISSEMENTS


LIBRES


en subventions,
en bourses . .


119,244 37
431,716 99


550,961 27


en subventions. 3,492,801 27
en bourses .


en subventions,
en bourses .


99,865 »


3,592,801 27


126,600 »
10,020 »


136,620 »


SOMMES PAYEES PAR L E S F A M I L L E S :


( lycées . . 15,829,100 89
AUX ETABLISSEMENTS PUBLICS < v _ , _ „


( co l lèges . . 8,525,106 69


24,354,207 65
AUX ÉTABLISSEMENTS LIBRES 41,251,721 55


En nombres ronds, le budget de l'enseignement
secondaire public s'est élevé à 34 millions, savoir
21 pour les lycées, et 13 pour les collèges ;


Celui de l'enseignement libre à 41 millions.
Cet excédant de 7 millions du second sur le pre -


mier, bien que le nombre des élèves soit des deux




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 37


côtés à peu près égal, n'est point dû à la différence
des prix de pension, il vient uniquement de ce que,
dans les établissements publics, les pensionnaires
sont moins nombreux de 12 mille environ que les
externes ; dans les établissements libres, au con-
traire, les premiers l'emportent de 15 mille sur les
seconds. Or on sait qu'un externe ne verse guère à
la caisse de l'économat que la cinquième partie de
ce que verse un interne.


Autre remarque, plus importante.
Les familles concourent aux frais de l'enseigne-


ment secondaire pour une somme de 65 millions
ainsi distribués :


A l'enseignement public 24 millions
A l'enseignement libre 41 millions


Elles dépensent donc pour celui-ci près du dou-
ble de ce qu'elles dépensent pour celui-là.


N'est-ce pas là un suffrage universel digne d'être
pris en considération ?


Comment mieux apprécier l'estime et les sympa-
thies de la nation envers ces établissements qu'aux
sacrifices qu'elle s'impose spontanément pour
chacun d'eux ?


Le nombre des élèves lui-même serait un indice
moins infaillible, car bien des motifs autres que la
voix de la raison et du cœur peuvent détermin




38 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


les familles à donner leurs enfants aux établisse-
ments de l'État.


Mais quelles considérations d'intérêt les porte-
raient à dépenser beaucoup plus pour l'enseigne-
ment libre? Recourir à cet enseignement mis de
nos jours au ban de la faveur administrative, ce ne
saurait être ni une sécurité de plus pour la position
des parents, ni une bonne note pour leur avance-
ment, ni un antécédent favorable à l'avenir de
l'enfant.


Donc, une estime plus marquée,. une confiance
plus grande à l'égard de l'enseignement libre, ecclé-
siastique et congréganiste, voilà ce qu'affirme hau-
tement, en lui donnant 17 millions de plus, la partie
de la nation qu'intéresse l'enseignement secondaire.


Un gouvernement qui ne se reconnaît d'autre
droit que d'obéir aux volontés de la nation, pourrait-
il ne pas tenir compte de cette pétition, écrite non
avec une goutte d'encre, mais avec des flots d'or?
Ce vote à la caisse est-il moins digne de foi que le
vote à l'urne ? Ici, on jette un morceau de papier,
là on verse la substance même des familles ; d'un
côté il n'en coûte rien, souvent même le suffrage
est payé ; de l'autre, toujours le suffrage paye et
souvent il coûte beaucoup.


3° Des fonds versés par les bourses privées pas-
sons aux fonds versés par les caisses publiques.
L'État contribue à l'enseignement secondaire pour




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE GANISTE, 39


près de 6 millions, les départements pour près de
500 mille francs, les communes pour plus de
4 millions. L'État donne tout, absolument tout à
ses propres établissements ; aux établissements
libres, rien, absolument rien. Les départements et
les communes font de même, si l'on excepte quel-
ques milliers de francs. En somme, dix millions de
fonds publics sont consacrés à une seule catégorie
de l'enseignement secondaire à l'exclusion de
l'autre.


Nous ne voulons point considérer ici si une telle
répartition des fonds publics est juste, habile, géné-
reuse.


Les collèges congréganistes se sont soutenus, ont
grandi, se sont multipliés sans subvention aucune.
Ils ne réclament point cet appui, mais ils ont bien
le droit de faire remarquer que seuls ils ne coûtent
rien à l'État, aux départements, aux communes,
que seuls ils peuvent vivre sans secours étranger,
que seuls ils sont assez riches de la confiance
des familles.


Mais, nous dira-t-on, et les bourses ? L'ensei-
gnement secondaire de l'État les multiplie avec une
générosité des plus édifiantes : un interne sur dix,
un externe sur cinq sont boursiers !


Un interne sur dix ; un externe sur cinq !
Nous répondons que ce n'est pas beaucoup, que


c'est peu.




40 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE G ANISTE.


D'abord nous pourrions bien demander de quel
droit ces bourses étant payées par les impôts de
tous les citoyens, par vous et par moi qui n'enver-
rons jamais nos fils au lycée, pourquoi, dis-je, ces
bourses ne sont réparties qu'entre les lycées et les
collèges communaux, et pourquoi les autres établis-
sements n'y participent pas ?


Et s'ils y participaient, que deviendrait cette pro-
portion que l'on vante de 1 sur 10, de 1 sur 5 ? que
deviendrait la prétendue générosité de l'État ? Cha-
que maison n'aurait plus que 3 à 4 boursiers
internes, 9 à 10 boursiers externes.


Eh bien ! en 1788, les dix collèges de Paris avaient
chacun en moyenne 75 bourses.


Le collège Louis-le-Grand en avait à lui seul 490.
Ajoutons qu'alors, ces bourses étant des fondations
privées, elles témoignaient de la libéralité des par-
ticuliers.


Aujourd'hui encore, lorsque, sans en faire bruit
dans les statistiques, un établissement ecclésias-
tique reçoit gratuitement des élèves aux dépens de
sa propre caisse, et toutefois sans détriment pour
ceux qui payent, grâce au désintéressement des
maîtres, c'est aussi de leur part une vraie libéralité.


Mais dans le système actuel des bourses, nous
ne la trouvons nulle part, ni du côté de l'Univer-
sité qui reçoit de l'Etat toutes les faveurs qu'elle
fait, ni du côté de l'État qui les prélève sur les




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 41


contribuables ; ni chez ces derniers qui se dispen-
seraient très volontiers de ces générosités forcées.


Au reste, nous le répétons, cette question des
bourses et des subventions touche de plus près aux
droits des contribuables et à la liberté des pères de
famille qu'aux intérêts de l'enseignement libre et
ecclésiastique. Il a pu se passer de ces secours à
ses débuts; il le pourra mieux encore dans la
suite, n'y perdant que fort peu de sa prospérité, y
gagnant beaucoup d'indépendance et de stabilité.


Ce qui importe à l'Église et à la France, c'est
que le Gouvernement qui ne peut suffire aux pres-
sants besoins du pays, qui n'a pas assez de tous les
impôts mis sur tout, pour fortifier ses frontières,
entretenir ses armées et ses flottes, ranimer ses
colonies, développer l'agriculture, comprenne de
quel avantage est pour lui un enseignement qui,
témoignant de sa qualité par ses succès toujours
croissants, sanctionné d'ailleurs par les préfé-
rences de la plus grande parti* de la nation, ne
coûte pas un sou au Trésor.


Le Gouvernement a-t-il pensé aux frais énormes
qu'exigerait l'exécution de ses projets ?


A-t- i l compris surtout que l'argent ne saurait
suffire à en assurer le succès, et qu'après les plus
grandes dépenses l'on n'aboutira qu'à un échec et
à la ruine de l'enseignement secondaire ?


C'est ce que nous allons montrer en terminant.






V I


IMPUISSANCE DE M. F E R R Y
à remplacer ce qu'il veut supprimer


Le pays une fois débarrassé de ces maîtres in -
dignes, ces établissements, où la jeunesse « s'é-
levait dans la haine des idées qui nous sont
chères, » une fois condamnés, tout n'est pas fini. (1)


Il faut remplacer ce qu'on supprime, il faut de
nouvelles maisons, de nouveaux professeurs.


L'Université ne se blessera pas, si nous lui disons


1. Cette dernière partie est empruntée à ta brochure : Les
erreurs de M. Spuller dans son Rapport sur le projet de loi
de M. Ferry. Paris, Lecoffre, 90, Rue Bonaparte.




44 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


qu'elle n'est pas prête : elle n'a pas d'établissements
disponibles ; la création de ces nouveaux collèges
entraînerait d'énormes dépenses ; le personnel en-
seignant ferait défaut; et enfin, après bien des efforts
et des sacrifices, l'on n'obtiendrait d'autre résultat
que la déchéance de l'enseignement secondaire.


I . — Insuffisance des Établissements
de l'Université.


Quelque vieille et irrégulière que soit ma maison,
je me garderais de la mettre à bas avant d'en avoir
construit une nouvelle, et de m'être assuré un abri.


Or où est la nouvelle maison offerte par M. Ferry
aux élèves des congrégations non autorisées?


Autrefois, quand l'arrêt de 1762 supprima 124
collèges de Jésuites, on se trouva fort embarrassé.
La société de Jésus « laissait un vide difficile à
remplir. » C'est M. Villemain qui l'a dit. (1)


On crut trancher la question en confisquant
les biens de la Compagnie, et en introduisant de


1. Exposé des motifs du projet de loi, 1844, 2 février. Moni-
teur du 3.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 45


nouveaux maîtres dans les collèges d'où elle sortait.
C'était simple, expéditif, et très économique. Il est
vrai qu'on s'aperçut bientôt qu'on n'avait rien rem-
placé du tout, et que le vide était loin d'être rempli.
Mais là n'est pas la question pour le moment. A u -
jourd'hui encore, 33 lycées sur 81, et 33 collèges
communaux occupent des maisons de Jésuites. On
s'est habitué à cela, nul ne réclame, seul le chiffre
de la Compagnie, rayonnant sur la porte de ces
établissements, semble protester en faveur du droit
méconnu.


Mais enfin, nous ne sommes plus en 1762. Que va
faire M. Jules Ferry?


S'emparer tout simplement des maisons dont on
expulsera les Jésuites, lesMaristes, les Dominicains
et autres religieux non autorisés?


C'est bien tentant; seulement, M. le Ministre ne
l'ignore pas, c'est impossible.


Ces maisons ont des propriétaires parfaitement
en règle avec la loi, dont les droits sont clairs, indis-
cutables, qui réclameront devant les tribunaux, et
gagneront infailliblement leur procès.


Mais alors, encore une fois, où M. Ferry logera-t-il
ces 20,000 élèves?


L'État a ses lycées, les villes ont leurs collèges,
c'est vrai. Mais ces maisons ne sont pas vides. Les
lycées, nous dit \eRapport, comptent en moyenne,
506 élèves. C'est déjà trop, il n'y a plus de place.




46 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


Et y eût-il de la place, disons-le franchement,
nous n'en voudrions pas pour nos enfants. Si on
nous demande pourquoi, c'est encore le document
officiel qui répondra pour nous:


Bon nombre de lycées « laissent beaucoup à dé-
sirer sous le rapport des distributions intérieures,
et de l'état de conservation des bâtiments... chaque
jour de nouvelles améliorations deviennent néces-
saires. » Et sur 252 collèges communaux, 51 seu-
lement méritent d'être notés comme en bon état.


Ces chiffres pourraient se passer de commentaires.
Citons cependant les réflexions qu'elles inspirent
non pas à un clérical, à un congréganiste, mais à
un ancien doyen de Faculté, à un inspecteur général,
à un membre de l'Institut, M. Francisque Bouillier.


« Le seul aspect de quelques-uns de nos lycées
éloigne bon nombre de familles et d'élèves


« En vérité on n'ose blâmer ceux qui hésitent à
enfermer leurs enfants dans certains lycées, comme
il y en a à Paris et en province, au centre de toutes
les infections physiques et morales. Je n'en connais
que trop de ces maisons universitaires, aux hautes
et noires murailles, aux corridors sombres et hu-
mides, aux cours étroites, où, faute d'espace, on ne
peut jouer, et que le soleil n'a jamais visitées.


« Il y a tel ou tel lycée dont nulle commission
de salubrité ne voudrait aujourd'hui pour un péni-
tentiaire ou une prison.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGREGANISTE. 47


« On y reste à cause de la routine, à cause d'un
respect superstitieux, malgré les avertissements
trop répétés de la fièvre typhoïde, pour ne pas
parler d'autres inconvénients. » (1)


Oh ! des maisons comme cela, nous n'en voulons
pas pour nos enfants !


Nous ne voulons pas de ces prisons, nous ne
voulons pas de ces pénitentiaires.


Nous sommes habitués à mieux.
Vous l'avez dit, M. le Ministre, « les dortoirs


bien tenus, les réfectoires spacieux, les salles
affectées à l'infirmerie, à la lingerie, les jardins
bien soignés, tout ce confortable de l'école, c'est un
puissant moyen de séduction sur le cœur des
mères. »


Oui, sans doute, et nous y tenons. Nous voulons
des sites riants, salubres, de l'air, du soleil, un grand
parc, de beaux ombrages dans de vastes cours.


Qu'à cela ne tienne ! répond M. Ferry, nous
allons nous mettre à bâtir.


Vous mettre à bâtir? Mais en attendant, j'en
reviens à ma question, où mettrez-vous ces
20,000 élèves?


Et puis, pour bâtir, il faudra de l'argent !


1. Revue de France. Livraison du 15 mai.




48 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE GAÑÍSTE .


II . — Dépenses qu'entraînerait l'exécution
du projet.


Un homme fort expérimenté, l'abbé Liautard,
fondateur du collège Stanislas, a écrit, à propos de
la suppression de huit petits séminaires, sous
Charles X , ces paroles que nous proposons aux
méditations de M. le ministre :


« 11 eût fallu fonder au moins dix collèges royaux
pour y loger, nourrir et instruire dans les sciences
et la vertu ces trois mille élèves que l'on voulait
absolument arracher à la tutelle des RR. Pères.


« Mais pour cela l'argent était le premier moyen
d'action, et 24 millions ne sont pas tout d'abord
sous la main...", par économie on eût sagement fait
de laisser vivre en paix les établissements des
Jésuites. » (1)


Acceptons les chiffres donnés par l'abbé Liautard.
Pour 3,000 élèves, dix collèges semblent néces-


saires ; pour 20,000 et plus, il en faudra donc 70.


1. Mémoires de l'abbé Liautard, T. 11, p. 36.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 49


Ce n'est pas trop demander, puisque vous fer-
mez 89 maisons.


Il est même évident que 70 lycées ne pourront
jamais remplacer sous tous les rapports 89 maisons
de congrèganistes, car, le nombre des établisse-
ments étant moindre, il faudra de toute nécessité
que beaucoup d'enfants aillent chercher au loin
l'instruction qu'ils avaient jadis auprès d'eux, ou,
ce qui arrivera pour plusieurs, qu'ils se résignent à
s'en passer.


Mais poursuivons :
Pour 10 collèges, l'abbé Liautard demandait


24 millions.
L'argent a bien diminué de valeur depuis 1828.


Et cependant, même en calculant d'après ces don-
nées, voici que nous arrivons à un total déjà fort
respectable :


Cent soixante-huit millions.


N'est-ce pas le cas de répéter: « 168 millions
ne se trouvent pas d'abord sous la main. »


Encore si c'était^tout ! Mais ces collèges une fois
bâtis, il faudra les entretenir.


Les lycées et collèges universitaires ont coûté
en 1876, à l'État, aux départements ou aux com-
munes, une somme de plus de 10 millions.


Combien de nouveaux millions vont ajouter à
tant devrais les 70 établissements en question ?


4




50 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGREGANISTE.


Sait-on ce que prélève chaque année sur les fonds
publics l'éducation d'un seul nourrison de Y aima
mater? M. A. Duruy a fait le calcul. {Revue des
Deux Mondes, 1 " juin 1879.)


Ce n'est pas moins de 127 francs.
Les 20,000 élèves de l'enseignement congréga-


niste au contraire ne nous coûtent pas un centime.
Supprimer cet enseignement, c'est donc, du même


coup, ajouter à nos charges déjà si lourdes un
impôt de 127 francs multiplié par 20,000; c'est
exiger du contribuable plus de deux millions et
demi, sans lui offrir la moindre compensation.


Vous multiplierez les bourses ? Soit. Mais les
congrégations aussi donnaient des bourses.


Pour ne parler que de l'enseignement secondaire,
ces 89 collèges qui ne reçoivent de personne, ni
secours, ni subventions, trouvent dans leur pau-
vreté


765,095 francs.
pour subvenir aux frais d'éducation de leurs élèves
moins fortunés.


Et si nous prenons le total de ces discrètes
aumônes distribuées ainsi en bourses et demi-
bourses par toutes les congrégations non autorisées,
nous arrivons au chiffre énorme de :


1,182,816 francs.
C'est autant à ajouter au nouveau budget de


l'enseignement.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE GANISTE. 51


Mais ce n'est pas tout encore.
Indépendamment des bâtiments mêmes dans les -


quels ils fonctionnent, les établissements congréga-
nistes, nous dit M. Charles Jacquier, « possèdent en
tant que maisons d'éducation une valeur vénale,
distincte et intrinsèque. C'est, au sens légal du mot,
une véritable propriété, fruit de labeurs quotidiens
et d'efforts incessants.


« Pourquoi donc, quand on ne peut dérober au
religieux sa robe, sa maison ou son livre, pourrait-
on lui prendre le collège qu'il a créé, et la valeur
qui s'y attache? Une propriété incorporelle est-elle-
moins inviolable que les autres?...


« L a mesure, telle qu'elle est proposée, aboutirait
donc à une expropriation véritable. Dès lors, elle
ne pourrait s'accomplir... sans une indemnité, dont
on n'a guère jusque-là semblé se préoccuper. »


Combien encore de millions pour cette indemnité?
Ajoutez-les aux millions pour les bourses, aux mil-
lions pour les subventions, aux millions pour la
construction et l'installation des nouveaux établis-
sements, et calculez ce que nous coûtera le caprice
de M. Ferry.




52 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGÉRGANISTE.


III.—Insuffisance numérique des professeurs
de l'Université.


Dans la séance du 18 mars, après avoir entendu
le réquisitoire dressé fort injustement par M. le
Ministre de l'instruction publique contre certaines
écoles libres de filles, un membre de la droite lui
demanda :


« Pourquoi ne fermez-vous pas ces écoles que
vous trouvez si mauvaises? »


«• Nous ne les fermons pas, répondit M. Jules
Ferry, parce que nous n'avons pas d'écoles normales
de filles, et que le personnel de remplacement nous
fait défaut. »


M. le Ministre avait raison : il n'a rien, et de
longtemps il n'aura rien pour remplacer cette vail-
lante armée de 4,830 maîtresses d'écoles qui peu-
vent affronter les villes les plus éclairées, et ne
dédaignent pas les plus humbles hameaux.


Mais croit-il être plus en mesure pour les con-
grégations d'hommes?


Elles emploient 1500 sujets à l'enseignement.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 53


Ces 1500 professeurs comptent chaque jour de
plus longues heures de travail que ceux de l'Uni-
versité, et 1500 fonctionnaires de l'État ne suffiront
pas pour remplir leur place.


Eh bien ! ce personnel de remplacement
existe-t-il?


Va-t-on improviser en quelques jours 1500 pro-
fesseurs ?


Les membres de l'Université sont nombreux,
.mais nous les croyons suffisamment occupés. Ils
auront beau faire, ils ne pourront être partout à
la fois.


« Sans doute, lisons-nous dans un article du
Correspondant (livraison du 25 janvier), sans
doute on peut, sur un point donné, réunir une élite
de professeurs savants et capables, mais ce n'est
qu'en les enlevant à d'autres maisons. La somme
des mérites et des talents dont l'Université peut
disposer sera autrement répartie, mais elle res -
tera la même. »


C'est un fait généralement reconnu, et le Rap-
port le constate lui-même : les élèves de l'Ecole
normale sont une petite minorité, bon nombre de
professeurs ne sont pas suffisamment préparés,
beaucoup n'ont pas las grades requis, quelques-uns
n'en ont pas du tout.


Citons encore à ce propos les paroles d'un membre
de l'Institut, d'un homme tout dévoué à l 'Univer-




54 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


site, et dont le témoignage ne peut être récusé.
M. Michel Bréal.


« Sur 348 élèves sortis depuis dix ans de l'École
normale, quatre seulement sont placés dans les
collèges communaux de province.


« Dans ces mêmes collèges, sur 1707maîtres déli-
vrant l'instruction classique (c'est-à-dire ensei-
gnant le grec et le latin), 746 n'ont pas d'autre grade
que celui de bachelier ès lettres ; la moitié des prin-
cipaux de collèges est dans le même cas...


« Sur 2349 membres du personnel enseignant
des lycées, 1482 seulement ont un titre supérieur à
celui de bachelier (1). »


Voici un autre calcul que nous trouvons dans
l'article du Correspondant déjà mentionné plus
haut.


« Dans les collèges, déduction faite des maîtres
d'études, sur 2,902 fonctionnaires, il en est 1,342
qui ne sont que bacheliers ; 862 ne possèdent qu'un
titre encore inférieur à celui-là (instituteurs bre-
vetés de Cluny) ; enfin il y en a même 117 qui sont
dépourvus de tout grade et de tout brevet. »


Puis l'auteur continue :
« Mais le titre véritable, surtout requis par l'en-


seignement, celui qui assied définitivement le pro-


1. Revue des Deux-Mondes, 15 décembre 1878 : l'Ensei-
gnement en 1878, par M. Michel Bréal, de l'Institut de France.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGREGANISTE. 55


fesseur dans sa chaire, c'est l'agrégation, qui ne
s'obtient qu'à la suite de laborieux concours...


« Les agrégés sont la force de l'Université :
plus ils seront nombreux dans un lycée, plus on
peut croire que les études y seront solides. »


Or la proportion des agrégés dans l'Université
va toujours diminuant,


En 1842, depuis les proviseurs jusqu'aux professeurs de
sixième, les deux tiers dos fonctionnaires
sont agrégés ; c'est 66 sur 100


En 1865, la proportion n'est plus que de. . 47 sur 100
En 1876, elle est descendue à 45 sur 100


Il semble donc que si l'Université s'étend, c'est
à condition de perdre de sa force.


Encore faut-il remarquer que le nombre des
candidats reçus pour les six agrégations de
mathématiques, de physique, d'histoire, des lettres
et de grammaire n'était en 1842 que de 33. Aujour-
d'hui il s'élève jusqu'à 78.


Ce grand nombre de réceptions n'indique-t-il
pas un abaissement du niveau des épreuves exigées ?
L'auteur à qui nous empruntons ces réflexions
renvoie la question aux juges des concours, et con-
clut en disant :


« Si certains lycées comptent presqu'autant
d'agrégés que de professeurs, d'autres en ont trois
tout au plus ou deux, un seul parfois ; et il n'est




56 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


pas sûr qu'en cherchant bien parmi ces établisse-
ments de l'État, on n'en trouve quelques-uns où
l'agrégé brille uniquement par son absence (1). »


Et c'est ce personnel déjà épuisé, incapable de
suffire aux 81 lycées, aux 252 collèges qui lui sont
confiés par l'État ou les- communes, c'est ce per-
sonnel qui pourrait remplacer nos 1500 professeurs
congréganistes, et remplir nos 89 collèges!


Évidemment, M. Ferry vient encore une fois se
heurter à l'impossible, et l'exécution de ses projets
n'aurait qu'un seul résultat, celui de hâter la déca-
dence de l'enseignement secondaire.


IV. — Déchéance des études qu'entraînerait
l'exécution du projet.


Nous disons que la loi Ferry hâterait la déca-
dence de l'enseignement secondaire.


La décadence en effet existe déjà.
Elle remonte à l'expulsion des Jésuites en 1762.
Quinze ans s'étaient à peine écoulés depuis leur


1. Correspondant, 25 janvier 1879. La statistique de l'En-
seignement secondaire en 1876.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRE GAÑÍSTE. 57


départ, et déjà la seule université de Paris avait dû
supprimer 28 collèges ; il n'en restait plus que 10
dans la capitale.


On fit tout ce que l'on put pour soutenir le c o l -
lège Louis-le-Grand, jadis si florissant. C'est à lui
qu'on réunissait tous les établissements supprimés.
Or, voici ce qu'écrivait le 29 mai de l'an II de la
République, Champagne, principal de cette maison
devenue depuis peu le collège de l'Égalité, au Comité
d'instruction publique de la Convention :


« Cette maison, le plus grand établissement qu'il
y ait en France se trouve aujourd'hui dans la plus
grande détresse, et si la Convention ne vient à son
secours, elle sera fermée sous peu de jours. »


Après la révolution, la proportion des jeunes
gens recevant l'enseignement classique continue à
décroître.


En 1842, M. Yillemain constate que depuis 1789,
elle a baissé d'un septième.


Depuis lors, malgré les efforts et les succès de
l'enseignement congréganiste, la décadence n'a
pas cessé ; et quand on met à part les élèves de
l'enseignement primaire et de l'enseignement
spécial confondus dans le Rapport avec ceux de
l'enseignement secondaire, on arrive au résultat
suivant :




58 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


NOMBRE DES ENFANTS DE HUIT A DIX-HUIT ANS


RECEVANT L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE


En 1842 1 sur 35
En 1865 1 sur 38
En 1876 1 sur 41


Et c'est quand l'enseignement secondaire est ainsi
en péril que M. Ferry voudrait fermer les maisons
où il se conserve le plus florissant, les seules mai-
sons où il progresse ! N'a-t-il pas compris que sup-
primer ces écoles c'est diminuer encore la propor-
tion déjà si restreinte de Français recevant la
grande et vraie éducation intellectuelle, c'est
attenter à la force et à l'honneur du pays, c'est
tourner le dos à la civilisation et remonter vers la
barbarie !




CONCLUSION


Résumons-nous.
Quatre-vingt-neuf établissements en pleine pros-


périté ; appartenant à des particuliers parfaitement
en règle avec la loi ; bâtis à grands frais, sans rien
épargner pour l'aménagement matériel, pour l ' in-
stallation, les cabinets de physique, les bibliothè-
ques, etc.


Vingt mille élèves se préparant à toutes les car-
rières : au sacerdoce, à la magistrature, à l'armée,
à la marine, se présentant avec honneur devant
tous les jurys, affrontant tous les examens, entrant
de plain-pied dans toutes les écoles du gouverne-
ment ;




60 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


Quatre-vingt-neuf collèges, vingt mille élèves,
qui ne demandent pas un centime à l'Etat, aux
départements, aux communes.


Quinze cents maîtres instruits, dévoués, dont le
traitement est nul, et qui ne coûtent que leur
modeste entretien ; voilà ce que l'on veut sacrifier,
voilà ce que nous allons perdre !


Des dépenses énormes pour construire 70 grands
lycées ;


Pour les entretenir et les subventionner ;
Pour en payer les professeurs ;
Pour y fonder de nouvelles bourses ;
Pour dédommager les congréganistes dépossédés,


voilà ce que l'on nous demande !
Et en retour :
Plusieurs années de gène et de souffrance pour


nos enfants, avant que les nouveaux collèges
soient construits.


Un personnel enseignant improvisé, sans prépa-
ration spéciale, sans diplôme comme gaiantie de la
science acquise;


Un enseignement qui n'a pas notre confiance, et
que les tendances de M. Ferry nous rendent de
plus en plus suspect, voilà ce que l'on nous promet.


Et voilà précisément ce que nous ne voulons à
aucun prix, voilà ce que nous déclarons impossible.


Par la force même des choses,, on devra nous
laisser nos collèges et nos maîtres congréganistes.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE. 61


e bons sens, la justice, l'intérêt des études clas-
es, l'honneur de la patrie, l'exigent impérieu-


'* ent.
Devant leur protestation indignée, aucune calom-


aucun vain prétexte ne tiendra, l'article 7 sera
„ té.
Un dernier mot. Ces quatre-vingt-neuf collèges
•'on veut supprimer sont l'asile du bon ordre, du


«ravail, du succès.
Les maîtres y sont attachés de cœur à leurs


•élèves, les élèves attachés à leurs maîtres et à leur
collège.


Les jeunes générations y grandissent dans l'amour
%ela religion, de la vertu, de la patrie, de toutes
les saintes choses.
;*'-A l'heure des grandes luttes, on en voit sortir
•des phalanges entières de citoyens heureux de
v̂erser leur sang pour leur Dieu et pour la France.


, Sur le champ de bataille, quand l'honneur et la
;yie de la nation sont en jeu, les maîtres et les élèves


|4« retrouvent unis par le même amour et le même
BBfvouement !
JCsEt on leur reproche aujourd'hui de morceler la
ifefance, de n'être pas Français ! Pas Français les
J||ïdats de Gravelotte, de Loigny, de Patay !
S f a s Français ces fiers chevaliers dont le dernier
-JH-était : «Mon âme à Dieu, mes vingt ans à la




62 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE.


Pas Français ! ces zouaves pontificaux dont le
général Gougeard disait : « Jamais troupes plus
braves ne portèrent plus haut dans ses mal-
heurs le drapeau de la France, et c'est une
justice qu'aime à leur rendre celui qui les a vus à
l'œuvre, et qui regardera comme un éternel honneur
d'avoir commandé à de pareils hommes ! »


Pas Français ! ces volontaires de l'Ouest à qui le
ministre de la guerre adressait l'ordre du jour sui-
vant :


OFFICIERS, SOUS—OFFICIERS, SOLDATS DES


VOLONTAIRES DE L'OUEST,


Au moment où la France a été envahie et acca-
blée sous le poids des malheurs, vous n'avez pas
hésité à venir lui offrir votre bras, votre cœur et
le meilleur de votre sang.


Partout où votre belle légion a combattu, et prin-
cipalement à Cercottes, à Brou, à Patay et au
Mans, elle s'est distinguée au premier rang par son
courage, son dévouement etsonélandevantl'ennemi,
aussibien que par sa discipline et son excellent esprit.


Vous avez montré un noble exemple qui vous
fait le plus grand honneur, ainsi qu'au vaillant
général Charette, votre commandant etvotre guide.
L'armée vous en remercie par ma voix.




ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE 63


La légion des volontaires de l'Ouest va être
licenciée, mais je me sépare de vous avec la pro -
fonde conviction que la France pourra toujours
compter sur votre valeur et sur votre dévouement
contre les ennemis du dehors et contre ceux du
dedans.


Le ministre de la guerre,
Signé : général DE C I S S E Y .


Eh bien ! nous aussi nous le disons : Jugez des
maîtres par les élèves !


Ces élèves nous les admirons, nous les aimons,
nous en sommes fiers.


Ces maîtres, nous les vénérons, nous les bénis-
sons, ce sont de grands citoyens ; eux aussi ils
portent plus haut que personne le drapeau de la
France, le drapeau de l'honneur et du dévouement.






TABLE DES MATIÈRES


I . :.— É T A B L I S S E M E N T S 5


i. — Catégories d'établissements 6"
il. — Nombre des établissements en 1876 . . . 7


ni. — Provenance et propriété des établissements. !»
iv. — Installation matérielle 11


I I . - - PERSONNEL DIRIGEANT ET ENSEIGNANT . 15
i. — Personnel 15


n. — Traitement du personnel 17


HI. - P E R S O N N E L ENSEIGNÉ 21


IV. - ENSEIGNEMENT 25


V. - DÉPENSE . , . 29


i. — Comparaison des frais d'entretien et d'in-
struction par élève dans les divers ensei-
gnements 30


n. — Dépense totaledel'enseig-nementsecondaire,
répartie entre l'Etat, les départements, les
communes, les familles 34




66 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE CONGRÉGANISTE


IV. — IMPUISSANCE DE M. FERRY A REMPLACER
CE QU'IL VEUT SUPPRIMER 43


i. — Insuffisance des établissements de l'Univer-
sité • . . . • 44


ti. — Dépenses qu'entraînerait l'exécution du
projet 48


m. — Insuffisance numérique des professeurs de
l'Université 52


iv. — Déchéance des études qu'entraînerait l'exé-
cution du projet 56


CONCLUSION 60


Paris. — J. Mersch, impr., 33, boul. d'Enfer.