HI8TülRE DE W~~SI-IINGTON ET DE T.A l~O'S'DAT]ON OE LA RÉPUBLIQl:E DES ÉTATS-UNJS ...
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HI8TülRE
DE


W~~SI-IINGTON
ET DE T.A l~O'S'DAT]ON


OE LA RÉPUBLIQl:E DES ÉTATS-UNJS




DU MÉME AUTEUR'
../


THOMAS JEFI'ERSON. f:tude historique sur la Démoeratie améri-
caine, a- édition, 1 volume m-8 avee portrait . G fr.


,


?AR1S - mp~¡MERrE DE 1... POUPART...DAVYL, RUE DU [;\C.




V !' -_v j'- 9
" .r J; '; . I


HISTÜIRE
DE


WASHINGTON,
ET DE LA FüNDATlüN


DE LA RÉPUBLIQUE DES ÉTATS-UNIS-
PAR


CORNELlS DE WITT
PRtCl:tlÉE


D'UNE ÉTUDE HISTORIQUE SUR WASHINGTON
PAR M. GUIZOT


NOGYELLE ÉDITlON HEVUE


PARIS
LIBRAIRIJ: ACADÉIBIQUB


DIDIER






AVERTISSEMENT DES ÉDITEUR8.


On ne connalt guere en France l'histoire des Étais-Unis
d'Amérique; jamáis, cependant, dans un laps de ternps
si court, tant de personnages et de faits considérables
ne se sont produits dans le monde, pleins de grands en-
seignements pour les peuplcs et de vif intérét pour les
spectatcurs. Voila une nation qui a vécu apeine les
trois quarts d'un siecle, dont la naíssance a précédé de
peu d'années seulement la Révolution francaíse, et au-
jourd'bui cette nation marque parmi les premieres du
monde; les progres de sa population se comptent par
millions, ceux de son commerce et de son industrie par
milliards; elle est par ses richesses, par ses institutions
libres, par ses vues ambitieuses, pour ses voisins a la
fois un objet de séduction et de terreur, pour l'Europe
un sujet de préoccupation et d'étonnement melé d'in-
quiétude. Sa fortune n'est pourlant pas une énigrne;


, 'il suffit, pour la cornprendre, de rernonter a ses ori-
gines, de consulter l'esprit, les actes, les tendances des


,




n AvERTISSEMENT


hommes qui l'ont fondée, de íaíre, en un mot, ce que
font les poli tiques américa ins qui veulent continuer les
traditions de leurs peres, il suíflt d'étudier et de médi-
ter l'reuvrc de Washington.


D'ordinaire, la biographie n'est qu'un des ólémcnts
.íe l'histoire; id la biographie est I'histoire tout entíere.
Washington est du petitnombre de ces hommes rares
qui dominent et résument en cux toute une époque.
Guerre, constitution, diplomatie, gouvernement, tout.
dans sa patrie, a suhi sa direction ou son influence; le
gentleman virginien, le planteur de Jlfount-Vernon fut
aussi consulté, aussi écoutéque le général en chef ou
que le Président de l'Union. L'Histoire de Washington
est bien réellement l' Histoire de la {ondal'ion de la Ré-
publique des États-Unis. Le double titre de l'ouvrage
que nous publions n'est pas une fantaisie d'auteur;
e'est l'exprcssíon vraie d'un grand fait.


Il y a enviren quinze ans, apres que le congres des
Etats-Unis cut fait publier, sous la dircction de M. Sparks,
les Ecrits et la correspondance de Washington, ce fut
au plus érninent de nos hommes d'Étai el de nos his-
toriens que les Américains s'adrosserent pour faire
passer dans notre langue el connaitre dans notre pays
ce précieux reeueil. ~1. Gu~zot fit alors ceUe bello Ji'tude
historique sur Washington qui ser! d'introduction au
volume que nous oífrons aujourd'hui au publico L'ou-
vrage de M. Cornclis de Wilt, écrit SOH5 l'inspiration,
nous pouvons dire sous les yeux mémes de M. Guizot,
n'est poínt une reproduction aífaiblie, e'est le complé-
ment nécessairc de l'Elude sur Washington. ~I. Cor-


.nelis de WiU a raconté ce que M. Guizot avait résumé,




DES EDITEURS. In


iI a développé et mis dans tout leur jour les faits que
M. Guizot avait négligés adessein, ou seulement indi-
qués dans une Étude qui ne voulait pas étre complete.
Ce n'est point davantage un abrégé de la Vie de Wash-
ington par M. Sparks, dont la traduction a été publiée
dans l'origine a la suite du livre de 1\1. Guizol. Le tra-
vail de 1\1. Sparks, si remarquable d'ailleurs par I'exac-
litudo consciencieuse el l'intérét du récit, mérite assu-
rément la faveur dont il jouit aux Etats-Unis ; mais,
'écrivant pour des lecteurs familiarisés avec leur his-
toire nationale, il pouvait n'indiquer que par allusion
des faits qui leur étaient parfaitement connus; de ce
colé de l'Allantique, ces allusions risquaient de n'étre
pas comprises, C'est l'écueil que 1\1, Cornelis de Witt a
voulu éviter ; il a raconté avec précision tous les évé-
nernents qui sont nécessaires al'intelligence du role de
Washington dan s la révolution américaine.




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ÉTUDE HISTORIQUE.


Deux choses, grandes et difficílcs,sont de dcvoir pour
l'homme, el peuvent Iaire sa gloire: supporter le mal-
heur el s'y résigner avec fermeté ; croire au bien el s'y
confíeravec persévérance,


Il y a un specíacle aussi beau et non moins salutaire
que cclui d'un homme vertueux aux priscs avcc
I'adversité ; c'est le spectacle d'un homme vertucux
ala tete d'une bonne cause et assurant son triomphe.


Si [amais cause fut juste el eut droit au succes
c'est celle des colonies anglaises insurgées pour devenir
les États-Unis d'Arnérique.


La résistance précéda pour elles l'insurrection.
Leur résistance était fondée en droit historique et sur


des Iuits, en droit ralionnel el sur des idees.
a





íi WASHIKGTON


C'cst I'honneur de l'Angleterre d'avoir déposó, dans
le berceau de ses eolonies, le germe de Ieur liberté, Pros-
que ton tes, aleur fondation OH apeu pres, roenrent des
chartcs qui conféraicnt aux colons les franchises de la
mere patrie.


Et ees enartes n'étaient point un vain Ieurre, une lettre
morte, cal' elles élablissaient ou adrnettaient des insíi-
tutions puissantes qui provoquaient les colons adéíen-
dre Ieurs libertes, ct acontróler le pouvoir en le parta-o
geant; le vote des subsides, l'élection des grands conseils
publics, le jugemenl, par jures, le droit de se réunir et
de s'entrelenir des añaires comrnunes.


Aussi I'histoirc de ees eolonies n'est-elle que le deve-
Ioppemcnt pratique el, laborieux de l'esprit de liberté
granclissanl SOIiS le drapean des lois el destraditions du
]laYs. On dirait I'histoire de I'Angleterre elle-mérne,


Hossemblance d'autant plus éc1atante que les eolonies
d'Arnérique, la plupart du moins et les plus considera-
hles, furent fondées ou prirent leur principal accroisse-
menl précisémcnt a l'époquo oü l'Angleterre préparait
ou soutenait déjir, centre les prótentions du pouvoir
absolu, ces fiers cornbats qui devaient lui valoir I'hoa-
ueur de donner au monde le premier exernple d'llne
.~Tande nation libre et bien gouvernée.


De 10i8 ir. liO'~, SQlIS Eiizabel,h, Jacques ler,Charles i-,
icJ Long Parlcment, Gromwell, Charles Il, Jacqucs 11,
.uilíaume 1lI et la reine Aune, les charles de la Virgi-


nie, du ;\lassachuseUs, du MarJ land, de la Carolino, du




(


¡::TUDE IIISTORIQUE. i ii
New-York, furent tour iJ. tour reconnues, contestóes,
restreinles, élargics, perdues , reconquises; incessam-
ment en proie aces luttes, aces vicissitudes qui son 1. la
condition, l'essence méme de la liberté, cal' les peuples
libres ne sauraient prétendre ala paix, mais a la vÍc-
I.oire.


ldL.!P~nll.§.~~~_?it~~Ei1ux, I~s. _~91?~s
~~I!-~~~C!,O.J~'l.!l~~§...~º1Lº-tª-it pas_~~I~I!t~~ cOIlIE!.-c
Anglais, mais comme chrétiens qu'ils voulaient étre
Íibres~ et-Üs ~~;i~~ti~urf~i..~EC(}~~_Eiu s acceur que leurs
_.. _-~. _._.~ .._.~_._. .-".-. - .-.----.._.----._-


cuartos. Les charles n'étaient rnéme, a leurs yeux ,
-- _._-~. '.- . . ._-------~--._--..._._-..__._... -._._ ..


~~~Ile émanaíion eluD.Q.ll!l:age bi~ºjrnPil~!~i!~_ d~l~.
~ande~de I.1lcuJJtyª-P~ Leurs droíts n'auraient
point péri quand les charles leur auraient manqué. Par
le seul élan de leur ame, soutenue de la gráce di vine,
ils les auraient puisés á une source supérieure et inac-
cessible atout pouvoir hurnain, cal' ils nourrissaient des
scntiments plus hauts que les institutions rnémes dont
ils se montraient si jaloux.


On sait cornment , au XVIII" síecle, poussée par le
progres de la richesse, de la population, de toutes les
forces sociales, el aussi par le cours impétueux de su pro-
pre activité, la pensée humaine tenta la conquóte du
monde. Les sciences politiques prirent Icur essor, et au-
dessus des sciences, l'esprit philosophique, superbe, in-
sanable, aspirant i.t pénétrer et a régler toutes choscs,
Sans emportement, sans secousse, plutót en suivant sa
penle qu'eu se jetant dans des voics nouvelles, l'Arncri-




IV WASHI"CTOjl;
que anglaise entra dans ce grand mouvcment. Lesidées
philosophiques vinrent s'y associer aux croyances reli-
gieuses, les conquétcs de la raison aux possessions de la
foi, les droits de I'hornmo aceux du chrétien.


C'est une belle alliance que celle du droit historiquc
el du droit rationnel, des traditions et des idées. Les
peuples y gagnent en énergie aussi bien qu'en prudcncc,
Qlland des faits anciens et respectes dirigent l'homme
sans l'asservir, et le contiennent en le soutenant, il peut
élvancer et s'élever sans courir le risque de se laisser em-
porter au vol téméraire de son esprit, pour aller se hri-
ser sur des écueils inconnus, ou s'engourdir de lassitude.


Et lorsque, par une autrc alliance encore plus belle
et plus salutaire, les croyances religieuses se marient,
dans l'esprit mérne de I'horrune, au progres général
des idées, et la liberté de la raison ala fermeté de la íoí,
c'est alors que les peuples peuvent-se confícr aux insti-
tutions les plus hardies. Cal' les croyances religieuses
sont d'un inappréciable secours au bon gouvernement
des aílaires humaines : pour se bien acquitter de sa tache
en ce monde, l'hornme a besoin de la rt'garder deu
haut ; si son áme n'est quau niveau de ce qu'íl Iait, il
tombe bientót au-dessous et devient incapable de I'ac-
cumplir dignement.


Tel était, dans les colonies anglaises, I'heureux élat
de l'homme et de la société lorsque, par une arrognute
agression, l'Anglctcrre eutreprit de disposer, sans leur
aveu, de leur Iortune el de leur destinée,




ETUDE HTSTORIQUF; v
L'agressíon n'était pas nouvelle, ni tout afuit arbi-


traíre ; elle avait aussi ses fondements historiqucs, ct
pouvait se croire quelque droit.


C'est le grand art social d'accordcr les pouvoirs divers,
en assignant achacun sa sphero et sa mesure : accor.l
toujours douteux et agité, mais qui peut cependant étre
obtenu, par la lutte rnéme, au degré qu'exigc impérieu-
sement l'intérét pu hlie.


Il n'est pas donné aux sociétés naíssantes d'atteindre
a ce diíflcile résultat. Non qu'aucun pouvoir essentiel
y soit jamáis absolument méconnu et aboli : tous les
pouvoirs au contraire y exístent et s'y manifestent,
mais confusément, chaeun pour son compte, sans lien
nécessaire ni juste proportion, et de faeon a amener,
non la lutte quí conduit al'aecord, mais le désordre qui
rend la guerre ínévitable.


Dans le herceau des eolonies anglaises, it cóté de leurs
libertés et consacrés par les mérnes chartes, trois pou-
voírs dilfél'enls se reneontraient : la couronne, les pro-
priétaires fondateurs, compagnies ou individus, et la
mere patrie. La couronne, en vertu du príncipe menar-
chique, avec ses traditions venues ele l'Église et eleI'Em-
pire. Les propriétaires fondateurs a qui était faite la
concession du territoire, en vertu du principe féodnl
qui attache a la propriété une part eonsielérable de la
souveraineté, La mere patrie.• en vertu du principe co-
lonial qui, de tous temps et chez tous les peuples, par
UlW liaison nalurelle de faits et d'idées, a uítribué it la




WASHT"GTO'\


métropole nn grand empire sur les populations sortics
de son sein.


Des l'origine, et dans les événements comme dans
les charles, la confusion fut extreme entre ces pouvoirs,
tour a tour dominants ou abaissés, uuis ou divises,
taníót prot.égeant, l'un contre l'autrc, les colons el leurs
franchises, tantót les attaquant de concort. Au sein de
cette confusiori el de ces vicissitudes, ils trouvaicnt tous
des litres a invoquer, des faits á alléguer a l'appui de
leurs acles ou de leurs prélentíons.


An milieu du XV/l C siecle, quand le princi pe monar-
chique succornba en AIl[l'leterre avec Charles I", on put
croire un moment que les eolonies en profltcraíent pour
s'añranchír de son empire. QuelíJues-unes, en effel, le
Massachusetts surtout, peuplé de flers puritains, se mon-
trercnt disposées, sinon arornpre tout líen uvcc la mé-
tropole, du moins a se gouverner seules et par Icu rs
propres lois. )Iais le Long Parlement, au nom du prin-
eipe colonial, el aussi en vertu des droits de la couronnc
rlont il héritait, mainlint, avec modération, la supréma-
tíe britannique. Cromwell, héritier, ason tour, du Lonu
Parlement, exerca le pouvoir avec plus d'éclat, el par
Hile proíecíion hahilo et ferme, prévint OL! reprima
daos les eolonies, royalístes ou puritaines, íoute velléitó
d 'indépend ance.


Ce íut ponr lui une ceuvre Iacile. Les colonias, acelle
époque, étaient Iaihles el. divisóes.La Vi I'ginie, vers I (l 10,
no comptuit (I"e írois OL! qualre mille habitanís , ei




ETFllE mSTO ItIQTTE.
en HiGO, a peine trente mille '. Le )Iary!tlwl ca avai!
au plus douze millc. Dans ces deux provinces, le partí
royaliste dominait, et il accueillit avec joie la restaura-
tion, Dans le :liassaclLlsetts, au contraire, l' esprit général
était républicaín; les régicídes fngitifs,Goffe et Whalley,
y trouverent faveur et protcction ; et lorsque l'admi-
nistration Iocale se vit obligée de faire proclamer
Charles JI, elle interdit le méme jour toute réunion
bruyantc, toutc Iéte, mérne de boire ala santé du roi.


Il n'y avait cncore la ni l'unité moralc, ni la force
matéri.eUe qu'exige la fondation d'un État.


Apres! (i88, lorsquo l'Angleterre fut en possession dé-
finitive d'un gouvernement libre, ses colonics en 1'es-
sentirent peu les bienfaits. Les chartss, que Charles 11 et
Jacques II avaient aholies 011 mutilées, ne lcur furent
qu'incomplétement rendues. La mérneconfusion régna,
les mérnes luttes éclaterent entre les pouvoirs, La plu-
part des gouvemeurs, venus d'Europe, dépositaires pas-
sagers des prérogativcs et des prétentions royales, les
déployaient avec plus de hauteur que de force, dans
une administration en général incohérente , tracas-
siere, peu efficace, souvent avide, plus préoceupée de
ses propres querelles que des intéréts du pays.


Ce n'était plus d'ailleurs a la couronne seule, mais it
la couronne et a la métropole réunies que les colonies
avaíent aíláire. Lcur souverain récl n'était plus le roi,


I Marshall, Yie de 'Washington .tra.l. Iranc. París, 180',), lo r,
p. fW. 91, 99. -Bancroft, II':stu,.y ot"the United States'(5' édit. Ros.
n. 1839), t. r. p. 210, 232, 265.




viii WASHINGTON


n1<11S le roi et le peuple de la Crande-Brctagnc, ropró-
sentés et confondus dans le parlement. Et le parlemení
regardait presque les colonies du mérne mil, et tenail
a leur sujet le méme Iangage qu'affeetaient naguere,
envers le parlement lui-méme , ces rois qu'il avail
vaíncus.


Un sénat aristocratique est le plus intraitable des mal-
tres. Tous y possedent le pouvoir suprérne, et nul n'en
répond.


Cependant les colonies croissaient rapidement en po-
pulation, en richesse, en force au dedans, en impor-
tance au dehors. Au lieu de quelques établissements
ohscurs, uniquement oecupés d'eux-mémes et a peine
en état de maintenir Ieur propre vie, un peuple se foro
mait, dont l'agriculture, le commerce, les entreprises,
les relations prenaient place dans le monde. Inhabile a
le bien gouverner, la métropole n'avait ni le loisir, ni
la volonté perverse de l'opprimer absolument. Elle le
génait et l'oñensait sans l'arréter.


El les esprits se développaient, les cosurs s'élevaien f,
avec la fortune du pays, Par une dispensation admira-
ble de la Providence, il y a, entre l'état général de la
patrie et la disposition intéricure des ciloyens, un lien
mystérieux, un retentissement obscur mais assuré, qui
unit leurs progres comme leurs destinées, et fait que
l'agriculteur dans ses champs, le négociant dans son
comptoir, l'ouvrier mérne dans son atelier, deviennenl
nlus conííants et nlus ñers amesure que la socíété, uu




ETUDE IIISTORIQUE. IX
sein de laquelle ils vivent, grandit et se fortifie. Des 1692,
la cour générale rlu Massachusetts décrétait : « qu'au-
cune imposition ne pouvait étre levée sur les sujets de
S. M. dans les colonies sans le consentement du gou-
verneur, du conseil, et des représentants rassemblés en
cour générale t. 1) En 1704, I'assemblée législative du
New-York renouvelait les rnérnes déclarations 2. Le gou-
vernement britannique les repoussai t tantót par son


1


silence, tantót par ses actes, toujonrs un peu indirects
et réservés. Les colons se taisaient souvent aleur tour,
et ne réclamaíent pas toutes les conséquences de leurs
principes. Mais les principes sc répandaient dans la 80-
ciété coloniale, en méme temps que les forces vouées,
un jour avenir, aleur service et aleur triomphe.


Aussi, quand ce jour arriva, quand le roi George IJI
et son parlernent, plutót par orgueil et pour ernpécher
la prescription du pouvoir absolu que pour en recueillir
les fruils, prétendirent taxer les colonies sans leur con-
sentement, un parti nombreux, puissant, ardent, le
partí national, se leva soudain, prét á résister au nom
du droit et de l'honneur du pays,


Question de droit et d'honneur en eñet, non de bien-
étre et d'intérét matériel, Les taxes étaient légeres et
n'imposaient aux colon s nulle souffrance.Haísils étaient
de ceux a qui les souffrances de l'áme sont les plus
ameres, et qui ne goútent le rapos qu'au sein dc I'hon-


1 Story, Commentaries 0'1' the constiiuiitni of ihe United Staies,
(Doston. IHilil), t. i, p. 62.


2 MarshaJI, Yie de ¡'Yas¡'¡ngton, t. 1, p. 310.




x WASHINGTON


neur satisfait : « De quoi s'agit-íl et sur quoi dispulons-
nous ? Est-ce sur le payement d'uno taxe de six sols par
livre de thé comme trop lourde? Non, c'est le droit seul
que nous contestons 1. » Tcls étaícnt, au début de la
querelle, le langage de Washington lui-méme et le
sentiment publico Sentiment vraiment politique aussi
bien que moral, et qui prouve autant de jugement que
de vertu.


C'est un speetacle salutaire a contempler que celui
des nornbreuses réuníons publiques qui se formercnt ;\
cette époque dans les colonies; réunions locales 011 gé-
nérales, accidcntelles ou permanentes, chambres des
bourgeois,des représentants, conventions, comités, con-
gres. Des hornmes de dispositíons fort diverses s'y ren-
contraient : les uns pleins de respeet et d'attachement
pour la mere patrie; les autres passíonnément préoccu-
pés de cette patrie américaine qui naissait sous leurs
yeux et par leurs mains; ceux-lá affligés et inquiets,
ceux-ci ardents et confiants : mais tous dominés, unís
par un méme sentiment de dignité, une méme résolu-
tion de résistance; laissant librement éc1ater la variété
de leurs idées et de leurs impressions, sans qu'il en ré-
sultát entre eux aucun déchirement proíond ni durable;
se respectant au contraire dan s leur liberté récíproque,
et traitant ensemble la grande affaire du pays uvec ces
égards consciencieux, cet esprit de ménagement et de


1 Washington il Hryan Fai rfa x ; vVlIsh'illgton's lVl'ifin98 ((·diliun
amóri caine, BO;;lOJl, IH:Jl), t. 1I, p. 'j92.




ÉTVDE HISTORIQUE. xi
justice qui assurent le succes et le fon t moins chere-
ment nchoter. En juinI775, le premier congres, réuni a
Philadelphie, se disposait a publier une déclaration
solennelle pour justificr la prise d'armes, Deux députés,
l'un de la Virginie, l'autre de la Ponsylvanie, Jefferson
et Dickinson, faisaient partíe du comité ehargé de la
rédiger: « Je préparai, raconte Jefferson lui-méme, un
projet de déclaralion. M. Dickinson le trouva trop fort.
Il conservait I'espoir de la réconciliation avec la mere
patrie, et il n'y voulait pas nuire par des paroles oífen-
santes. C'élait un si honnéte homme, et si capable,
que ceux-la méme qui ne partageaient pas ses scrupules
avaient pour lui de grands égards. Nous le priámes de
prendrele projet et de le refondre de telle sorte qu'il
pút l'approuver, JI prepara une rédaclion toute nou-
vclle, no conservant de la premiare que les quatre der-
niers paragraphes et la moitié du paragraphe précédent.
NOllS I'approuvámes, et en flmes le rapporL au oongrss,
qui l'arlopta... , donnant ainsi une marque sígnalée de
son estime pour M. Dickinson, et de son extreme désir
de ne pas marcher trop vito pour aucune portien res-
pectable de I'assemblée. L'humilité du projet déplaisait
en général, eL le plaisir que resseníait M. Dickinson it le
voir adopter lui valut seul beaucoup de voix. Apres le
vote, bien que toute observation fUL contraire a l'ordre,
il ne put s'empécher de se Iever el d'exprimer sa satis- .
faction en fínissant par dire: ( n n'y a dans ce papier,
M.le président.qu'un seul mot queje désapprouve; e'est




xii WASHINGTON


le mot conqré«. » Sur quoi Benjamin Harrison se leva
et dit : « Et rnoi, l\L le président, il n'y a dans ce papier
qu'un seul mot que j'approuve ; c'est le mot conqres '.»


Tant d'accord au sein de tant de liberté ne fut point
une sagesse éphémere, le bonheur du premier enthou-
siasme, Pendant pres de dix ans que dura la grande
lutte, les hommes les plus divers dans le partí national,
jeunes et vieux, ardents et modérés, persévérerent á
agir ainsi de concert, les uns assez sages, les autres
assez fermes pour prévenir toute rupture. Et lorsque,
quarante-síx ans plus tard 2, apres avoir assisíé al'explo-
sionet au violentcombat des partís qu'enfanta la libertó
américaine, chef luí-méme dn parti vainquenr, Jeffer-
son retracait les souvenirs de sajeunesse, ce n'était pas,
á coup sur, sans une émotion melée de plaisir et de
regret qu'il 'i retrouvait ces beaux exemples de modé
ratíon et d'équíté,


C'est un aete bien grave pour de tels hommes, pour
tont homme de sens et de vertu, que l'insurrection, la
rupture avec l'ordre établi, l'entreprise d'établir un
ordre nouveau. Les plus prévoyants n'en mesurent
jamais toute la portée. Les plus résolus frémiraient au
fond de leur cceur s'ils en savaient tout le péril. L'in-
dépendance n'était pas le dessein prémédité, pas méme
e vreu des colonies. Quelques esprits pénétrants 011


ardents l'entrevoyaienl ou la désiraient, au terme de la


I Jcfferson'sMernoirs (édit. de Londres, 1829), t. I, p. 9-10.
2 M. J efferson úerivait ses Mérnoires en 1821.




EITDE ll[;;TOlW~C.E. XÜl


rósislancc lógale. Le peuple américain n'y aspirait point
el n'y poussait point ses chefs. « l\Ialgré tout ce que vous
rliles de votre Ioyauté, vous autres Américains, disait ~
Fran klin, des n:lg, l'illustrc lord Camden i, malgré
votre aífection Iant van tée pour l'Angleterre, je sais
qu'un jour vous secouerez les liens qui vous unissent i.l
die, el \"OUS Ieverez le drapean de l'indépcndance. -
:\ ullc idéc !'areille, répondit Franklin, n'existc et n'en-
f rera jamáis dans la tete des Américains, amoins (llie
\OUS IIC les malíruitiez bien scandalousernent. - Cela
es' vrai, ct c'cst précísément une des causes que je pré-
vois, et qui amencronl l'événement 2. »


Lord Camden prévoyait bien: l'Amérique anglaise
fut scandaleusernent maltraitée ; et pourtant en 1774,
llléJl)e en 1775, un an apeine avant la déclaration d'in-
d(;pelldcltlce, et lorsqu'ello dcvenait inevitable, Wash-
ingIOH el Jeflerson écri vaient encere :


Washington au capiuune i1fackenzie 3 :
( On vous cnscigne Ú croire que le peuple du ~Jassa­


cliusetts cst un peuplc de rebelles, soulevés pour l'inde-
pcndance, et que sais-je '? Perrneítez-rnoi de vous diro,
mon bon ami, que vous eles trompé, grossierement
trcmpó.... Jo puis vous attcster cornme un fait que
I'indcpcndance n'est ni le vreu, ni l'intérét de cctte
C(d mie, ni d'aucune autre sur le coníinent, séparément


1] ,'apprdai! il r:elle ¡"l1O'IIlP ni. Pra tt.
{! ·(p,iu'II,']ton';) ~VriliH!Js, L IJ, ~i. eJ~):3.


",1 uctuurc 177·1. lVa.shi¡l!jlun",'i g'"riti1t!/s, L n, 1)' ·liJU




xiv WASHTNGTO\


Oll collcctivemen t. ~Iai~ en mérne [milps, VOUS pouvez
cornpter qu'aucuno d'ellcs ne se soumcttra [amuis ,'1 lit
/!erte de ces priviléges, de ces droits précieux qui sont
csscnticls au honheur de tout Élat libre, el. saus les'
quels la liberté, la propriété, la vio, sonL dépourvues
de touíe sécurilé. ))


le/Tersan á M. Randalph 1 :
Croycz moi, mon chcr monsieur, il n'y a pas, daus


lont l'empire britanniquo, un liommo qui chcrisse plus
cordialemcnt que je ne le fais l'union alee la Cri.ll1de-
Ilretagne. ~lais, par le Bien qui m'a créé, je ccsscrai
d'exister plutó] que d'accepter ccttc un ion aux termes
que propose le parlcrnent. El en ccci, je crois exprimer
les sentirnenls de l'Amérique. ]\"OIIS ne maIHJlions ni de
motiís, ni de pouvoir pour déclarer el souíenir notro
sóparntion. C'est la volonlé selrle q ui manque ; el die
grandit peu apeu sous la main de notro roí. »


George HI, en etfel, compromis el courroucé, soute-
nait, excitait méme dans la lutto ses ministres elle pal'-
lcment, En vain des pélilions nouvclles lui arrivaient,
toujours lovalcs et respectueuscs sans lrypocrisic ; en
vain son nom était toujours ruppcle el recornmandó ¡\
Dieu, selon l'usage, dans les solcuuités religicuscs. 1111e
lenait compte ni des priores qui s'adrcssaicnt iL lui, ni
de celles qui s'élevaient au ciel pour lui ; el, la guerrc se
poursuivait par sor ordre, malhabilcmcnt, saus cllor!


'129 novcmbre 1775. Jeffersoll~s llIemoirs and corn.:sY'Jndanr.:e j
t. 1, p. isa,




ETC LlE HISTOlUQljE. xv
puissant ni bien combiné, mais avec cetíc ohsíinalion
dure et han laine qui déíruit dans les creurs l'aífcction
comme I'cspéruucc.


Evidemment ce jour était venu ou le pouvoir perd
son droit i la fldélité, oú naif pour les peuples celui de
se proíégor eux-mémcs par la force, ne trouvant plus,
dans I'ordre étuhli, ni suret(\ ni recours. Jour rerlou-
table ct inconnu, que nulle sciencc humaino ne saurail
prévoir, que nulle consliíution hurnaine nc peut régler,
qui pourlant se leve quelqucfois, marqué par la main
divine. Si l'ópreuvo qui commence alors était absolu-
ment inlerdiíe, si du point rnvstórieux 011 il réside, ce
grand droit social ne pesait pas SUl' la tete des pouvoirs
mémo qni le nicnt, dcpuis longtcmps le genre humain,
tombé sous le joug, aurait pcrdu toutc dignité corrune
tout honhcur,


Une aulre condition, essentielle aussi, ne manquait
pas non plus ala légi limité de l'insurreclion des colo-
nies anglaiscs. Il 'f avait pour elles chance raisonnablo
de succes,


Aucunc mnin forte ne dirigcait en ce moment la poli-
tique de l'Angletcrre. Le cabinct de lord North était
médiocrc d'esprit et de cceur. Le seul homme supérieur
du pays, lord Chalham, était dans l'opposition.


Les tcmps de la grande tyrannie élaicnt passés. Les
proscri plions, les cruautés militaires el, [udiciaires, la
dévaslalion générale el systémutique, ces mesures ter-
ribles, ces souñranccs atroces que naguere encere, au




x vi \\ ASHJI\'(;'l'ON
CLCur memo de l'Europe, dans une canse bien aussi
juste, les Ilollandais avaient eues ú subir, n'auruienl pus
d( tolérécs, au XVIll C ~ iecle, par les spccíalcurs de la
lutte américaine, nc venaicnt plus mórnc iJ la pe mee
eles acteurs les plus acl lames.


Un partí puissant, des voix óloqucntcs s'ólcvaicnt uu
contraire sans reláchc, au sein móiue du parlcrncnt hri-
tunnique, á l'appui eles colonics el de lcurs druiís. (;loi;'e
admirable du gouvernemcnt ropróscníatil, qui aSSIlI'(~
dos dóíenseurs atoutes les causes, el Iail pcnóírcr, daus
I'arene de la politique, les garantice instituées pour le
sanctuaire eles lois,


L'Europe, d'aillcurs, ne pouvait assister impussible a
un Iel débal. Deux graneles puissances, la Franco ct
I'Espagno, avaicnt contre l'Angleterre, cn Amériquo
lJlCIIlC, des iujuresréccntcs el des portes graves á venger.
Deux puissances de grandeur nou vello, la Russie el la
Prusse, étalaient, pour les maxirnes lihéralcs, une SYllI-
pathie un peu fastucusc, mais intclligentc, et se IlIOlI-
traient disposées á saisir l'occasion de déerier I'Au-
gleterre ou de lui nuire, au nom méme de la Iiherló.
Une république naguere glorieuse el rcdouíée, encere
riche et honorée, la Ilollande, ne pouvait manqucr de
próter a l'Amérique, contra une ancienne rivalc, ses
capitaux et son crédit. Enfin, parrni les puissanccs
d'ordre inférieur, toutcs celles á qui leur situation ren-
dail le despotisme unuitimc de l'Anglcícrre 1I11i"ibJe ct
odieux, Kaples, la Toscaue, Cenes, de vuien t res-entir,




KI'l;nE JlbT()laQLE. :\\11
pour le nouvel État, une bien veillance timide pcut-
(~tre et sans prompt cílet, uíile pourtaní el encoura-
gcaníe.


Par la lortune la plus rare, tout se réunissait done}
loul concourait en Iaveur des colonies insurgées. Leur
cause étuit juste, leur force déjá grande, leurs disposi-
íions morales el prudentes. Sur leur l'l'opre sol, les lois
el les moiurs, les Iaits anciens et les idees modernos
s'accordaienl a les soutenir, a les animer dans leur
dessciu, He gl'.uHls alliés se préparaient [10111' elles en
Europc. Dans les conscils mérnes de la métropolo cune-
mil.'. elles rwaient de puissants appuis. Jamais , daus
l'hisíoire des sociélés humaines, le droit nouvcau el
contesté n'avait obtenu ianl de íaveur, ni ellgagé le
conibal avcc taní de chancos de succes.


El pourtnnt que d'obstacles a rcncontré l'entreprisc :
que d'eñorts, llue de rnaux elle a coútés á la génération
chargée de I'accomplir 1combicn de fois elle a paru, elle
a dé récllcmcnt sur le point d'échouer!


Dans le pa~'s mémc, parrni ce peuple en apparencc el
quelquc íem ps en cffct si ununimc, I'iurlépcmluncc,
une Iois déclaréc, rencontra bicníót des adversairos
nombreux ct actiís. En 17i4, ;1 peine les prcinicrs C(¡uir
de Iusil avaicnt dé tires ú Lcxington, al! rniliou di:
l'unlhousiasme gélléral, dl~jit un COl'pS de troupes ¡JI!
Connecticut ótait uóccssuirc pour soutcnir, daus ;\(;,,-
101'k, le parti rópuhlicain contre les torios ou luyalistos,
llOUl q ue ics parlisans de la mere patrie acccpíaien!


b




xviii


hautcment '. En 17",':;, NI?W-York envoyait en eílel a
l'armce anglaiso, sous les ordrcs du général Cago, d'im-
porlants renforls 2. EniTíG, lorsque le général Howe
arriva sur les cotes de la mómc province, une Ioulo
d'hahitunts Ilrent éclatcr lcur joic, rcnouvclercnt leur
serment de fidélité ala couronnc, et prircnt les armes
en sa ínveur '. Les disposilions étaicnt Ies rnórnes dans
lo New-Jerscy, el les eorps Iovalistcs, leves (bus ces
deux provinces, égahüenl en nombre leurs contingcnts
répuhlicains ", An miliou (le celte popnlalion. Wash-
ington lui-mórne' n'élait ras en súrcté : un comploí
íut ourdi pour le livrer aux Anplais, et des honnnes
de sa gardo s'J' trouverent cornpromis '. Le Marv-
Iand et la Géo]'gíc étaícnt dívísés. Dans les Carolines
du nord ct du sud, en 1770 el I77~), denx régimcnts
lovalistcs, I'un de quinzc ccnts, I'aulre de scpt ccnts
hommes , se íormcrcnt en quelqucs jours 6. Contre
ces hostílítés intérieurcs , le congres el les gouver-
nements locaux usercnt d'ahord d'unc extreme
modóration, ralliaut les aruis de I'indépendance sans se
nréoccnper de ses adversnires, n'exigeant ricn de ccux
q ui auraicnt relusé, s'appliquant surtout par des écrits,


1 .¡iardlall, Vie de lVashingtoll, t. rr, p. lE.1.
~ tu«, p. J08.
" iu«, p. 20!l, 3M;.
f} .11;;,/,., p. iLri; Sparks, HTashú?gton's LlF~, 1. 1, p. :llil; ~\la('~'¡l~di,


Vic ¡}e q""o"/¡i¡)[.Iío/¡, t. II1~ p. ,~\;j.
:.; l\J[lrsball~ Fic de nrOS1illl:JtulI, t. n, p- ::31G.
6 Marshall, Vie de lVasj¡illgfun~ t. Ir, f'o ,ll)~; t. 111, JI. 1JO; t. ¡V,


i" 111.




ETUDE HISTOHIQüE. xix


des corrcspondanccs, des r61111iollS, des commíssaíres
euvoyés dans les cornlés incertains, it ramcncr les
esprits, alever les SCl'1I pules, á démonírer la j ustice de
leur cause, la nccessiló de leurs actcs. Car des senlimeuts
sinceres et rcspectahlcs, la fidélité, l'aífection, la recon-


naissance, le respcct des traditions, le goút de l'ordrc,


étaient surtout l'originc du parti loynlislo el Iaisaient S,J
force. Ouclque ternps on se contenta de le surveillor et
de le contenir; dans q uelques districls, on traita méme
avec lui pour ohleuir sa neutralité. Mais le cours des
événcmcnts, I'imminence du péril, l'urgence des he-
soins, l'entrainement des pussions amencrent bientót
plus de rigueur. Les arrcstations, les exils devinren L
Iróqucnts, Les prisons se rcmpliront, Les eonfiseatiom;
couunenccrcntDes comités de súrcté Iocale disposcrcnt,
sur la notoriétó publique, de la liberté de leurs eonti-
toycns. Les exces de la multilude vinrcnt plus d'une fois
s'njouter aux sévéritcs arbitraires des magistrats. Un irn-
primeur de New-York était dévoué aux loyalistes : une
troupo de cavalíers, venus du Connecticut dans ce des-
sein, hrisercnt ses presses el enleverent ses caracteres '.
L'esprit de hainc ct de vengeance s'alluma. Dans la
Géorgie et la Carolino du sud, sur la Irontiere occidcn-
[ale du Connecticut el de la Ponsvlvanin , la lutío des
dcux partís deviut cruelle 2. El malgré la légitimité de Si!


1 MarshulI, VÚ de 1\'as],ingio", lo Ir, p. '20ll.
2 Ibid., t. ev,p. 72-78.




xx \Y ASHI?\ GTOX


cause, malgré la vertueuse sagesse de ses cheís, la répu-
blique naíssante connut les douleurs de la guerre civile.


Des maux et des périls encoro plus braves naissaicní
chaquc jour du partí nationul lui-mémc. Les motiís de
I'insurrection étaicnt purs, si purs qu'ils ne pouvaicuí
gllilrc suífire Iongtemps, dans les rnasses d ti moins, a
I'imperlcction humaine, Au nom des droils iL mainlenir,
de l'honneur a sauver, le prcmier clan fut g(]llél'al.
)lais quelle que soil la Iaveur de la Providcnce, le Ira-
vail est rudo, le suecos cst lcnt dans les f!'l'ands desscius.
el le comniun des hommes tombe hicutót épuisé de
Iassitudo ou d'impatíence. Ce n'était point pour échap-
per aquelque atroce lyrannie que les eolons s'étuicuí
soulevés ; ils n'avaient point, cornme jadis leurs ancétrcs
eu fuvan] d'Augletorre, les premiers biens de la vie
civilc it l'eCOI1\Ter, la súreté de leur pcrsouue, la Iilicrté
de leur foi. I1s n'étaient excités non plus par aucun 1Il0-
hile personnel et impérieux : point de dópouilles sociales
ú partagcr ; point d'ancícnne et prolonde pnssion úsuIis-
Iaire. La lutte se prolongeait sans erécr, dans des millicrs
de familles ignorées, ces intéréts puissants, ces Iiens
grossiers mais robustes qui oní fait si son vent, dans
notro vieillc et violento Europe, la force comme 1'L111-
¡:oissc des revolutions. Chaqué jour, prcsque chaqu«
¡¡as vers le cueces, 'irnposaient au contrairo de nOIlVCL1U\
eñorts de nouveaux sacrifíccs : «Jo crois 011 du moius
j'espcre, écrivait Washington, qu'il existe encere panni
llOUS assez de vcrtu publique POUl' que nOLlS llOLlS J1J'i·




F.TrnF: HTSTORTQUE. :nl
víons de tout, excepté de ce qui est ahsolument néces-
saire ;\ la vie, afln d'accomplir notre entreprisc t. »
Esperance sublime, et qui mérítaít d'étre récompensée,
cornme elle l'a été, par le triornphe ele la cause, mais
qui ne pouvait élever ;i sa hauleur tonto cctte populu-
1ion dont le libre concours etait la conditíon et presque
le soul moyon de suecos. Le découragcmcut, la tiédcur,
l'inerlic, le desir de se souslraire aux charges, au '\
fatigues, furcnt bientót le mal csscnticl, le péril pres-
sant centre lcquel Ics chefs avaient sans ccssc il lutíer.
C'était en cffct parrni les chefs, dans les premiers rangs
du parti, (Iue se maintcnaicnt l'cnthousiasme et le dé-
vouemeut. Ailleurs, dans les événements analogues,
c'cst du pcuple qu'cst vcnue I'impulsion ele la perséve-
rance et du sacrifícc. En Amérique, ce son t les classes
indépcndantcs el éclairées qui ont en á souteuir, arani-
rner 11) penple dans le grand cornbat engagé an 110m du
pa~·s. Dans l'ordre civil, les magistraís , les riches plan-
teurs. les gTands négociants, dans I'armee, les offlciers
se montrcut constamrncnt les plus ardenls et les plus
Icrmes ; I'exeniple vicnl d'eux comme le conseiI, d
la population les suil ú peine, au líen de les pousscr.
« !'ie pl'cne;r, POUI' oíflciors que des gentlernen, » rccom-
mandait Washington apres trois ans de guerre' : tant


1 Washington il Brvan Fn i rfux ; lYas¡'il1gf01"'S lVTifings, t. Ji.
1I ::~ l.-}'. . ,
~ 1.(' !l,ianyjc'r 1JI-;, C];-¡tH c...:('~ il1::;irllC'tion:-: (111 colono l (;enrg~


11:1) lo!'. Was¡'¡nyfol!\ lI')'ilillYs, l. TI, p.:!UD.




:,'{xli WA8HI:\'GTüN
il avail éprouvé qu« ccux-Ia surlout ótaicnt dóvoués a
la CiWSC de l'iudópcndnnce, et préís á tout risq u('1', a
íout souíírir pour son succes,


Eux sculs. d'aillcnrs, pouvaient suífírc, pour leur
pl"opre cornpte du moins, aux chargcs de la guerre, cal'
l'~:lnt n'y pourvoyait point, Nulle arméc, pcut-ótrc, n'a
VI~CIl dans une condition plus dure que l'arrnéc amérí-
caine. Presque constnrnmcnt iníérieurc en nombro,
soumise Ú une rlésertíon périodiquo el en quelque sorlo
k:gctle, appclúc ir marchor, á campcr, a combattrc dans
un pavs immense, a peine pcuplé, en partie incnlto, a
travers de vastes marais, des íoréts sau vagos, sans ma-
gaslns de vi vres, souvcnt sans solde pour en acheter et
sans pouvoirs POUl' en requérir; conírainle, en íuisant
la guerre, de ménagcr, de respcctcr les habitante et
1811rs prnpriótés comme des troupcs en garnison an sein
de la paix, elle était en butte a des cxígcnces, en proie
á des souñranccs inouies, « Pendan! quclques jours,
ócrívait Washington en '1777, il Y a eu prcsquo une
Iuminc au campo Une parlio des troupes a óté une
semaine sans recevoir aucunc especc de viande, et le
reste en a manqué pcndant trois ou quatre jours. Les
soldaís sont l1l1S et meurcnt de faim .... Il Ya des pcr-
sonnes fluí me hlámcnt d'avoír mis l'arméc en quar-
tiers d'hiver, cornme si elles croyuicnt q!le les soldaís
son! fails do hois ou de picrrc, insensibles au íroid ct 1
la noige, el íncilemcnt capahlcs, malgré Ieur peliínom-
Lre ct tOLiS ces désavantagos, non-sculemcnt de tcnir




¡Ü¡TJ)P' HISTOIUQTJE, xxiu
en rcspcct des iroupcs nomhrcuses, bien é(Jl1ipéc" abon-
dumment pourvucs, et de les rcnlcrrner dans Philadel-
phie, mais encoré de préscrver de tout pillago, de toule
dóvastatíon, les Ittats de Pensylvanic et de Jersey .... Je
puis assurer aces pcrsonncs quil cst plus aisé et beau-
coup moins pénible de [aire des remontrances dans une
chamhre bien commodc, au coin d'un hon fcu, qne
.I'occuper une collino froide ctstérile, et de couchcr snr
la11]ace, sans vétcmenls ni couvcrtnres.... Jo souffrc l11oi-
méme extrémemcnt pour les pauvrcs solrlats , el je
d(~ploI'c du fond du creur ces miseres que je ne puis son-
Iager ni prévcnir 1. »


Le Congres, auquel Washington avaít recours, ne le
pouvait guere plus que lui. Sans force pour [aire exécu-
ter ses ordres, sans droit méme pour rien ordonner en
matiere d'impóts, réduite ú indiquer les bcsoins el, ú
solliciter les trcizo États confédérés d'y pourvoir, en
préscnce d'un peuple fatiS'ué., d'un commercc ruiné,
cl'un papier-monnaie décrié, celte assernblóe, Ierrne
pnurtant ct habilo, ne savait ct bien souvent ne pouvait
rien íaire de plus qu'adresser au xlí:lals de non velles
exhortalions , el cnvover a Washington de nouveaux
pouvoirs, en le chargennt d'ohlenir Iui-rnérnc, des go;¡·
vernemcnts locaux, les levées, l'argent, les vivrcs, tout
ce qu'exigeait la guerreo


Washington acccptait cette mission difflcile, el il rCI1-


1 'V:lsLiI1tzIOH HU rr, -:ic1clll .iu C(itl:'..!,T~'~; \Ya,-;/,'¡J)yton',;,; lr·rit
u.as, l.V, p. I!)~-~OO.




XXIV WASHlKGTON


contrait aussitót un noúvel obstnclc it surmonlcr. un
nouveau póril á conjurer. Aucun licu, aucun pouvoir
central n'avait uní jusque-Iá les colonies, Fondees el.
ndrninistrées chacune á part, chargécs de pourvoir, cha-
CIIIJe pour son compte, á lenr súretó, it leurs travaux
puhlics, a leurs plus grandes cornmc á leurs moindrcs
aílaires, elles avaiení contraclé des habitudes d'isole-
menl, ct presl11lC de rivalité, que la métropolo ombra-
gcuse avait prís soín d'entretcnir. L'amhition memo el
le désir des conquétes se glissi~l'l:nt dans leurs rnpporls,
comme entre ~=tats étrangers; les plus puissaníes ten-
terent quelqueíois d'envahir ou d'alisorber les étahlisse-
ments voisins, et dans le plus pressant de leurs intércts,
dans la dóícnso de Ieurs írontícres contrc les sauvagcs,
elles suivaient bien souvent une polilique égo'isle d
s'ahandonnaicnt réciproqucrnent.


Quel probleme de reunir touí á coup en fnisceau des
élúments it ce point separes, sans les retcnir par la VÍo-
lence.. et enles laissantlibres, de les faire agir de concci-l,
SOilS l'irnpulsion d'un pouvoir uniquo ! Les dispositions
individuelles s'y refusaicnt comme les institutions publi-
qucs, les passions cornme les lois. Les colonics se dé-
ílaient les unes des autres. Toules se défiaient du con-
gres, rival nouvcau et cha ncclant des usscmhlócs locales,
bien plus encare tic I'arméc qu'ellcs regnrdaient COJllIlH'
dangel'Cllf'C ú la f'ois pour I'iudependunco des États el la
lihertl': des citoycus. En ccci méme.Ics idécs nouvelles
el savanles s'accorduicnt avcc les inslincís populaires,




ÉTUDE HISTOIUQUE. xXV
C'cs! une des maximes favorites dn XVIII" siecle que le
dnngcr des armées permanentes, et la uéccssité, pour
les pays libres, de combattre et datlénuer sans reláche
leur force, leur influence, leurs mreurs, Nulle part peut
étre ceUe maxirne ne fut plus généralement ni plus
chaudement adoptée que dans les colonies d' Amóriquc.
Au sein du parti national, les esprits les plus ardents,
les plus décidés a soutenir la luttc avcc vigueur et [us-
qu'au bout, étaicnt aussi les ami s les plus ombrageux de
la Iiherlé civile, c'est-a-dire ceux quivoyaient I'armée,
I'csprit miliíaire, la discipline mililaire, de l'ceille plus
hostile et le plus [aloux. En sorte que les ohslacles se
rencontraient précisérnent la OU l'on venait chercher, ou
l'on devait espérer les moyens.


Et dans cette armée mame, objet de tant de méflan-
ces, régnait I'esprií le plus indépendant, le plus démo-
cratique, Tous les ordres étaient discutés. Tous lescorps
prétendaicnt agir pour leur compte et selon Ieurs con ve-
nances particulieres. Les troupes des divcrs États ne
vonlaient obéir qu'a leurs proprcs généraux, les soldats
qu'a des offíciers quclqucíois directement choisis, tou-
[ours du moins approuvés par eux. Et le lendemain
d'une défaite a réparcr ou d'une vietoire a poursuivre,
des régiments entiers se dóbandaient et se rctiraient,
sans qu'on pút obten ir d'eux qu'ils attendissent, qucl-
ques jours seulernont, l'arrivée de Ieurs successeurs.


Un doute triste et melé d'effroi s'éleve dans l'áme ú la
vuode tant et de si douloureuses énreuves j 1)[ igées ú la




XXVI WASHINGTON


révolution la plus légitímc, de tant et de si périlleuses
chances imposécs a la révolution la micux préparéo
pour le succes,


Doute injurieux et precipité. L'homme, par orgueil,
est aveugle dans son cspérance ; aveugle, par íaiblcssc,
dans son déconragemcnt. La róvoluíion la plus juste, la
plus heureuse, met a découvert le mal moral et maté-
riel, toujours si grand, que recele íou te société humaine.
l\fais le bien ne périt point dans cetto éprcuve, et dans
l'alliage impur auqucl elle le condamnc: quoique inr-
parlait et melé, il conserve son pouvoir cnmme son
droit ; s'il domine dans les hommes, il prévaut aussi
tM, ou íard dans les événcmenís, et les instrurnenls ne
manquent jamáis asa victoirc,


Qne les Éíats-Unis gardcnt eternellernent une mémoire
respectueuse et reconnaissantc des chofs de la généra-
tion qui a conquis Ieur indépcndancc, et íondé leur
gomemement. Franklin, Adams, Hamilton, Jeflcrson,
Madison, Jay, Ilenry, Masan, Greon, Knox, IIIorris,
Pinckney, Clinton, Trumbull, Hutledge; je no saurnis
les nommer tous, cal' au moment oú la querelle s'en-
gagea, il y avait dans chaqué coloníe, el presque dans
chaqué cornté de chaque colonie, quelques hommcs
(\(\jil honorés de lcurs concitoycns, déja éprouvés dans
la déíensc des Iibertós puhliques.influents par la Iortune,
1<: talent, le caraotcrc, fldclcs 1l11X anciennes vertus et
partisans (les lurnieres nouvellcs, sensibles ü l'I'~cbt (\I~
la civilisatiou el attachés; la ~itllpliciü' des I1JWllr~, rl'uu




ETPnE UrSTORIQl"E. xxvu
cmur fiel' et cl'un esprit modeste, amhiticux et prudenls
a In fois da ns leurs patriotiques désirs: hommesrares, qui
ont bcaucoup esperé de l'humanité sans trop présumer
d'cux-mémes, et risquercnt pour leur pays plus qu'ils
no devnicnt rccevoir de lui apres le triornphe.


C'cst á cux, avee la protection de Dieu et le concours
.lu peuplo, que le triomphe a été dúo Washington est
leur chef.


Il était [eune, bien jeune encore, et dójil une grande
attente s'attachait il lui. Employé, comme offieier de
milice, dans quclques expéditinns sur la froníiere occi-
dentale de la Virginie, contre les Francais et les sauva-
ges, il avait également frappé ses supérieurs et ses
compagnons, les gouvcrncurs anglais et la population
arnóricaino. Les prcmiers écrivaient aLondres pour le
rccomrnander aux bonlés du roi l. Les nutres, réunis
dans les temples ponr invoquer sur leurs armes la pro-
tectíon divine, cntcndaient avec orgueil un prédicaleur
éloqnent, Samucl Davics, s'écrier en célébrant le cou-
rage des Virginiens" : « J'ai á vous en signaler un glo-
rieux excmplc, cet héroíque jeune homrno, le colonel
Washington, que la Providence a preservó d'une Iucon
si óclatanle, sans douto pour quclque important servicc
'l u'il est appclé arendre á son pays. ))


On dit méme que, quinze ans plus taro, daus un
voyage que m Washington vers l'ouest, sur les honls


i ~VIl8.i¡inqlon/8 n7"ritings, L 11, p. f)7.
n'-(Id!l'¡¡:')tuH~S n:--ritings, t. 11, p. 47;).




xxviii WASHINf;.TON


de l'Ohio, un vieux chef indien, ú la Wte de sa tribu,
demanda ale voir, disant que jadis, fila hatnillo de la
l\Ionou.gahela, il avait déehargé plusieurs Iois su cara-
bine sur le commandant virgininn, et ordonné it ses
hornmes d'en Iaire autant, mais, qu'á lcur grande SlIi'-
prise, leurs ballcs n'avaient produit aucun cñet. COI1-
vaincu que le colonel Washington était sous la gnr.le du
Grand-Esprit, il avait cessé de tirer sur lui, el veuai t
remire hommage a l'homme qui, par la faveur du cie!,
ne pouvait rnourir dans la bataille.


Les hommes se plaisent a penser que la Providenrr.
leur a laissé entrevoir ses secrets desseins, Le récií du
vieux chef circula en Amérique, et devint le sujet d'un
drame intitulé: la Prophétie indienne 1,


Jamais peuí-étre ceUe aUente obscure, ceHe conííance
prématurée dans la destinéc, je n'ose dire dans la fJl'(~­
destination d'un homme, rr'a été plus naturello que pour
Washington, cal' jamais homme n'a paru, n'a {~tl' réclle-
ment, des sa jcunessc et dans ses prerniercs actions,
mieux approprié a son avenir et a la cause qu'il devail
faire triompher.


1\était planteur, de famille et de goút, ct VOIIÓ á ces
inlérels, a ces habitudes, ü cett« vie agricoles qui fai-
saient la vigueur de la société amcricaine. Cinquanl L'
ans plus tard, .re[T(~ rson, pou r j ustifler sa con nance dnns
l'organisat ion nhsolument dómocraliquc de cctle société,
.lisait: « Notre confíance ne peut nous tromper aussi




1:IT])I< 1lISTOlUQl"E. xx ix
longtelllps que uous demeurerons veríueux, el 1I0LlS le
serons aussi Iongtemps que I'agriculture sera notro
principale aíluire '. » Des I'áge de vingt ans, Wasli
ington considéraít l'agriculture comme sa priucipale
affaire, vivant ainsi en intime syrnpathie avec les dis-
positions dominantes, les bonnes et fortes mreurs de son
pays.


Les voyages, la chasse, l'exploration des terres loiu-
taillf~s.lcs relalions, arnicalesou hostiles, avec les Indiens
des trontieres, furcn t les plaisirs de sa jeunesse. II élait
de ce tempórament actif et hardi qui se cornplait daus
les aventures el les perils que suscite a l'homme la na-
ture grande et sauvage. Il avait la force de corps, la pero
sévérance et la présence d'esprit qui en font triompher,


11 en ressentait méme, a son début dans la vie, une
conílanco un peu présomptueusc: (( Je puis affirmer que
je possedc une constitution assez robuste pour supporter
les plus rudes épreuves, el asscz de résolution, je m'en
tlatte, pour affrontcr lout ce que peut oser un homme .2»


A ce naturel, la guerre devait convenir bien mieux
encoré quc la chasso OH les Yo~ages. Des que I'occasion
s'cn oílrit, il s'y porta avec cetle ardeur qui, au délmt de
la vie, ne revele pas lOI ijours la capacité aussi bien que
le goüt. En17J4, le roi Gcorge 1II se faisait lirc, dit-on,
uue dépéche qu'avait írunsmisc aLondres le gouver-
ucur de la \'irginÍl~", el uu le jcune major Washington


, Rdill!Jurg n"vie'lV, juil let lN:JO, p. 'lUt!,
2 Wa,hinotun au ¡;ouverneur Diuwiddíe; ~Vashillgton'sWrit.


"u o , •. II, I': ~ll,




xxx WASHINGTON


terminait le récit de son prcmier comhat par cette
phrasc: « J'ai entcndu sifflcr les boulets; il y a dans ce
son quclque chose de charrnant. -lln'en parlerait pas
de la sorte, dit le roi, s'il en avaít entenclu beaucoup, ))
Washington était de l'avis du roí: car, lorsque le major
de la:milice virginienne fut dcvenu le gónéral en chef
eles Etats-Unís, quclqu'un lui ayant demandé s'il ótait
vrai qu'il eút tenu ce propos : «Si je I'ai dit, rópondit-il,
c'est que j'étais bien jeune-.x


Mais sa [cune ardeur, en méme temps sérieuse eL
sereine, avait l'autorité de l'áge mür, Des le prcmier
jour, il aimait dans la guerre, hien au-dessus du plaisir
du combat, ce grand emploi de l'intellígence el de la
volonté armées de la force pour un bcau dessein, ce
mélange puissant d'action hurnainc el de Iortunc, qUÍ
suisit et transporte les ames les plus hautes comme les
plus simples. Né dans les premiers rangs de la socíóté
coloniale, élevé dans les écoles publiques, au miliou ele
ses compatriotes, il arrivait naturel1ement aIeur tete,
cal' il était ala foísleur supérieur ct leur pareil, formé
aux mémes habitudes, habile aux mérnes exerciccs ,
étranger, comme eux, a toute instruction élégantc, a
toute prétentíon savante, et ne dernandant ríen pour
Iui-mérne, ne déployant que pour le service puhlic cel
ascendant qu'un esprit pónétrant et sensó, un caracter«
énergique et calme assurent toujours duns une situa-
tion désintéressée.


I Washington's TVritings, t. n, p. 39.




LICUE IlISTOIUQljE, XEI
En m.a, il entre a peine dans la société et daus la


carrícre (les arrues. C'cst un offlcier de vingt-deux ans,
qui conduit des bataillons de miliee ou correspond avec
le représentnnl duroi d'Angleterre. Ni.l'unc, ni I'autre
rclation ne I'embarrasse, Il aime ses eompagnons; il
respecte le roi et le gouverncur; mais ni l'affeetion ni le
rcspcct n'altcrcnt l'indépendance de son jugement et de
sa conduile; il sait, il voít, avec un admirable instinct
d'action ct (le commandcmcnt, par quels moyens, á
quelles conditions on peut réussir duns ce qu'il entre-
prend 1'0111' le compte du roi et du pays. Et ces condi-
íions, ces movcns, illes demande, illes impose : il ses
501<1ats, s'il s'agit de discipline, d'exaclitude et d'aclivitó
dans le ser vice ; au gouverneur, si la question porte sur
la solde eles troupcs, sur les approvisionncments, sur le
choix des offíciors. Partout, soit que ses idees et ses paro-
les monícnt vcrs le supérieur auquel il rend compte.ou
descendcnt sur les subordonnés qui lui obéíssent, elles
sont égalernent ncttes, pratíques, decisivos, également
empreintcs de cet empire que donnent la vérité et la
nécessité it l'homme qui se présente en Ieur nomo


Washington cst, des cetto époquc, I'Arnéricain érni-
nent, le represcnlanl fidCle eL supérieur de son pays,
l'honuue qui le comprendra et lc scrvira le micux, soit
qu'il s'agisse de íraitor ou de cornbattre pour luí, de le
défendre ou de le gouvcmer.


Ce u'cst pas I'évcncment seul qui I'a révélé. Ses con-
tcinporuius le presscntaient ; « Votre sauté et votrc Ior-




xx xri


íune sont le toast de toutes les tables, » lui écrívait d¡~s
175G le colon el Fairfax, son premier patron '. En libD,
clu pour la premiare fois ala chumhre des hourgeois de
Virginie, au mornont ou il prenait place dans la salle,
I'orateur, "M. Bobinson, lui exprima en termes viís et
hrillants la reconnaissance de I'asscmblée pour les ser-
vices qu'il avait rendus ason pays. Washington se leva
pour rernercier de tant d'honneur; mnis lel élait son
trouhle qu'il ne put prononcer une parole; il rougissait,
balbutiait , trornblait ; I'oraíeur vint :l son sccours :
«Asseyez-vous, M. Washington, lui dií-il; voíre modesíie
(~gale volre valeur, et cela surpassc toute la puissance de
parole que je puis possédcr", )) Enfin, en 1774, aIa vcillo
de la grande lutte, en sortant du prcmier congres formé
pour la préparer, Patrick HcI1l'Y, l'un des plus ardenís
républicains de l'Amórique, répondait á ceux qui lui
demandaíent quel étnit le prernier hommc d u congrcs:
« Si vous parlez d'éloquence, JI. Rutlcdgc, de la Caro-
line du sud, cst le plus grand oratcur ; mais si vous
parlez de solide connaissance des choscs et de jugcmen!
sain, le coloncl Washington est incontcstablcmcnt le
plus grand homme de l'assemblée". »


Pourtant, éloquence memo aparí, \Vashington u'avaií
point ces qualités brillantes, cxtraordinaires, qui frap-
pent, au premiar aspect, Pimaginalion humaine, Ce
n 't':1ait point un de ces génies ardents, pressés d'éclaler,


1 Washingtun's HTritings, t. 1I, p. H',.
, Sparks, lVashington's Li]c, t. I, p. 107.
& Ibid., D. 132.




En'])l: 1IISI'()I(!(}IT. XXXIll
el!írniucs par la grandeul' de lcur peuse« OLL de Ieur
passion, el qui répandcnt autour d'cux les richesses de
leur naíurc, avant méme qu'au dehors nucune occasion,
aucuno néccssíté en sollicile I'ernploi ..Étranger atoute
agitation inlcricurc, Ü loute am bilion sponlanée et Sll-
perhc, \\ashinglon n'allait point au devant des chosos,
u'aspirait point Ü I'admirnlion eles hommes. Cet esprit
si forme, ce cu:1II' si haut élait profondémcnt calme et
modeslc. Capablc de s'elevcr au niveau des plus grandes
dcstinées, il eút pu s'ignorer lui-mémc sans en souflrir,
el trouver dans la culture de ses terrcs la satisíactiou de
ces íacultés puissantes qui devaien 1. suff re au commau-
demcnt des armócs el a la fondation d'un gouverne-
ment,


i\1ais quand l'occasion s'oñrit, quand la nécessitó
nrrivn, sans cllorl de sn parf, sans surprise de la part
des aulres, ou plutót, conune on vieut de le voir, selou
lcur attentc, le sage planleur íut un grand hornmo. 11
avait ti un degré supérieur les deux qualités qui, duns
la vie acti ve, rcndent l'hornme capable eles r;ralldes
choses. 11 savuit croire fcnncrnent ti sa propre penseu,
el agir résolúmcnt, selon ce qu'il pensait, sans en craiu-
dre la responsahilité,


C'est suríout la íaihlcsse eles conviclions qni fnil celle
des conduites, ear l'homruc agit Líen plus en vertu de
ce qu'il pense (plí~ pnr tout autre mnhile. De~ <lue la que-
relle s'ólc \ a, Washington fut convaincu que la cause de
son pa~s etait jusíc, el qu'á une cause si juste, dan s un


e




W AS!I!:\Gl'ON


l'ays déjil si gr;:md, le succcs ne pouvait HW11111ler. Pour
conquérir l'indépcndancc par la guerre, il Inllul ueuí
ans ; pour tender le gouvernelnent par la politique,
dix ans, Les obstaclcs, les rcvcrs, les inimiliós, les 11'01-
hisons, les erreurs el les langueurs publiques, les dé-
goúts personnels abondercnt, ainsí qu'il arri ve, sous les
pas de Washington, dans cetíc longue carriere. Pas
un momcnt sa foi el, son espérance ne furent ébranlécs.
Dans les ]JIu:> rnauvais [ours, quand ji avaií á se dófcn-
tire de sa propre Iristosse, il .lisait : « Je ne puis pas lIC
pus cspérer el croirc que le bou sen s du peuplo próvau-
dra ú la fin sur ses préjugés.... Jo ne sauruis penser (l'w
la Providcncc ait tant tait pom den.... Le grand son-
vorain de l'univcrs nous a conduits trop longtcmps el
lrop lo in sur la routo du bonheur ct de la gloirc, pour
uous abandonner al! rnilieu. Par nolre folie el, notro
mauvaise conduitc, nous pouvons de temps ir nutro nous
ógarer; mais j'ai ccttc conflanco qu'il reste en nous assez
de bon sens el de vertu pour que nous rentrions dans
le droit chcrnin avant d'étre entíerement perdus 1. ))


El plus tard, lorsque ele cette Frunce, qni l'avait si
bien soutcnu pendant la gilerre, lni arrivent, pendan!
Sil présidencc, des embarras el des périls plus redouta-
bles quc la guerre, lorsquo l'Europo houleversee pese
sur i ni cornme I'Amóriquo, el ótonnc son esprit, il sait
croiro el se confícr encore : (( La rapidilú des révolu-


1 \Va,hinstOll il .Io nn.thun 'I'rum oull ; j\'ritings. t. IX, 1" ~;-A
la Fily,'I!c; Ibid., [J. :J8:J;--~\ LC'll"alllill Lincol n ; llJúi ... p.39;l.




l;TLTlE HISTOllH¿lJE. xxxv


tíons n'est pas moins surprcnante que leur grandcur.
Comment se termincront-cllcs ? C'est ce que connait
scul le grand régulateur des óvéncmcnts. Conílanls
dans sa sagesse et sa bonté, nous pouvons avec sécurité
lui en remellre I'issue, sans nous faíiguer il pénétrer ce
qui est au delá de la connaissance humaine, prenant
sculerncnt soin de nous acquitter du role qui nous a été
assigné, de íelle sorte que la raison el notro consciencc
nuus puíssent approuver l. ))


La mómc énergic de conviction, la mórne fidélite a
son propro [ugcrncnt, qu'il portait dans .l'appréciation
générale des choses, l'accornpagnaient dans la pratique
des affaires. Esprit admirablement libre, plutót a force
de juslcsse que par richesse et flexibililé, il ne recevait
ses idees de personne, ne les adoptait en vertu d'aucun
préjllgé, rnais en tonto oeeasion, les fonnait Iui-méme,
par la vue simple ou l'étudo attcntive des faits, sans
aucune entremise ni influence, toujours en rupport
dired et personnel avec la réalité,


Aussi, quand il avait observé, réflcchi el arreté S01l
idée, rien ne le troublait ; il ne se laissuit point jeter ou
ontrelenir, par les idees d'autrui, ni par le désir de I'ap-
prohation, ni par la craínte de la contradiction, dans un
état de doute et de fiuctuation continuelle. Il avait loi
en Dieu el. en lui-móme : « Si quelque pouvoir sur la
tcrro pouvait , ou si le grand pouvoir au-dessus de la
lene voulait élever le drapean de I'infaillihilité en íuil


1 Wllohingloll "ilemi Knox , IVritmgs, LXI, p. 70.




xx x vi \VASHI:\GTON


dopinions politiqucs, jin'} a, parmi les hubitants de ce
globo, pus un étre qui tú! plus ernpressé que nioi dOy
rccourir, aussi longtcmps que je resterai le scrviteur du
public. Mais conune je n'ai trouvó jusqu'ici point de
rneilleur guide que des intentions droites el un examen
atlenlif (les choses, tant que ce sera moi qui veillcrai,
je me conduirai d'aprcs ces rnaximes '. »


C'cst qu'il joignait, iJ. cct espri l indcpendant et Ierine,
un gl'and cosur, toujours pr8L it agir selon sa pensée,
en acceptant la responsaliiliíé de son action : ( Ce rllle
{admire dans Chrisíopho Colornb, di! Turgot, ce n'est
pas d'avoir découvert le nouveau monde, mais detrc
partí pour le chercher, sur la foi d'uuo idec.» Que 1'0c-
casion fút grande ou petite, les consequences prochaiues
ou eloiguees, Washington, convaincu, n'hésítait jarnais
ase porter en avaut, sur la Ioi de sa conviction. On eú]
dil, asa résolution netle el tranquillo, que c'était pour
lui une chose naturelle de décider des atfaircs et d'en
répoudre. Signe assuré d'un génie né pour gou verner;
puissance admirable quand elle s'unit it un désintéres-
semen! consciencicux.


Entre les grands honunes, s'il cn est qui ont brillé
d'UJJ éclat plus éhlouissant, nul n'a élé soumis i.t une
pi I I~ complete épreuve : dans la gucrre el dans le gou-
vcrnemenl.; resister, au nom de la liberté el au n01l1
du pouvoir, Hl l roí el au peu ple ; couuuenccr uno révo
lulion et la Huir.


1 Washington a David HUll1piJrl'';;'; ¡¡trilll/Y'>, r. X, ]J. 3::l:.




RTUDE HISTORIQtrE. J[XXVJl
Dh:, le premier jonr, la túehe de Washington se ré-


vela dan s son élendue et sa complexité. Pour faire la
guerre, il n'eut pas seulernent á oréer une armée. A
celte CCllVI'e (léjil si difficilc, le pouvoir créateur méme
manqnai l. Les ];:1 ~tl s-Unis n'avaient pas plus de gouver-
nemenl qlle darrnec. Le Congrcs, pur fantóme, unité
rnensongcre, n'avait pas droit, ne pouvail pas, n'osaií
pas, ne Iaisait ríen. Washington, de son camp, était
obligó, non-seulement de sollieiter san s cesse, mais de
suggére¡' les mesures, d'indiquer au congres ce qu'il
avait lui-méme afaire pour aceomplir son reuvre, pour
que toul ne fúl pas un vain nom, le Congres el l'armée.
Ses letlres éíaient lues en séance, et devenaient le texte
des déIibérations. DéIibérations pleines d'inexpérience,
de timidité, de méfiance. On se payait d'apparences el
de promesses, On rcnvoyait aux gouvernoments locaux.
On redoutait le pouvoir rnilitaire. Washington repon-
daiL respectueusement, obéissait, puís insistait, démon-
trait le mensonge des apparcnces, la nécessité d'uns
force réelle pour ce pouvoir dont on lui avait donné le
titre, pour eeUe armée aqui l'on demandaít de vainero.
Leshommes intelligcnts, courageux, dévouésala cause,
ne manquaient point dans cette assemblée si pcu exer-
céc a gouverner. Quelques-uns se rendaient al! camp,
voyaicnt par eux-mémes, s'entretenaient avec Washing-
ton, rapportaicnt, it leur re tour, l'autoríté de Ieurs oh-
scrvations et de ses conseils, L'asscmblée s'éclairaít,
s'ntlerrnissait, prenait conflance en elle-mérne el dans




XXXVl1l WASHIKGTO:--¡


son générul. Elle décrétait les mesures, elle lui confó-
rait les pouvoirs dont il avait bosoin. Il cntrait alors en
eorrespondancc, en nógocial ion avcc Ics gouvcrnemeuts
locanx, (les as-emblées aussi, des comités, des magis-
trats, (le simples ciloyens, pIaranl les faits fans lcurs
ycux, iuvoq 1I:1I1l Icur 11011 scns, k 11' patriotismc, met-
íant ú profít, pOIIl' le service puhlic, ses amiliés pcrson-
nellcs, ménaueant les ombrages dérnocraliqucs el les
susccptibilitésvaniíeuscs, gardant son ranr, parlan! d(~
haut, rnais snns offcnsc el avcc une mo.lératíon per-
snasive ; mnrveilleuscmeut hahilo, au milieu des plus
prudcnls égards pour les fuiblcsses humaincs, ú influer
Sil r les hornmes par les senlimenls hon nélcs ella véritó.


Qllnw] il avait réussi, quand le Congrcs rl'ahord, puis
les États divcrs lui avaicnt donnó ce qn'il Iallait pour
Iairc une arméc, il n't"(ait pas an ícrmc ; I'o-nvrc de la
guerre ne conunencnit pas cncore. l'unnóe u'oxislait pas,
La aussi il rencoulrnit une inexpúricnce COl!lpICtc, la
mérnn ahsencc rl'unitó, la memo passion d'indépen-
dance individuclle, le memo conflit dos in lentíons jla-
trioliqnes el des ínstincts anarchiques. Lá aussi il fallui!
rallier des éléments discordante, rctenír dos élémenís
toujours prcs de so dissoudre, éclaircr, pcrsuader, agir
par voic de menagemcnts el. d'influence, ohtcnir cnfln,
sans compromeltre sa rlignité ni son pou voir, l'adhé-
sion morale, le libre concours des officiers, rnérnc des
soldaís,


Alors sculement Washington pouvnit agil' commo




gbléra! el penser h la guerre. (l!1 pl!lItl¡ 1:'ólniL pcnd.uu
la f.!IlI'I'I'e, aumilicu de: ses scenes, de ses pcrils, de SI''''
hasards, qu'il avait it rccornmcnccr sans ccssc, dans III
pa:'s el rlans I'armóo rnéme, ce travail d'crganisatinn d,
dc gouvernement.


00 u mis en doute son mérito milítaíre.
Il n'en a {las donné, il cst vrai, ces preuvcs éc1ahll1tl:s


qui, dans notro Europc, ont fait 1<1 renomméo dl's Fl'ant1s
capilaines. Operant avec uno pelito arruce, !'1lr1111
cspacc immensc, la grande :,ll'alégie ct les grandes
haíaillcs lui sonL demcul'ées íorcémcnt étrangercs.


3faissa supórioritó reconnue, proclaméc par ses corn-
pagnons, neuí ans de guerre et le meces déflniti] sont
nussi ILOe preuve, el peuvcnt bien justifier la gloire. Sil
hravouro porsonnellc étaít brillante, térnérniro móme,
el il s'y iivra plus, ¡j'IIlJe íois alce un douloureux cm-
portcmcnt. Plus rl'une Iois les uiilices arnéricaines, sai-
síes de terreur, prircnt la fuile, el de bravcs officicrs
donnerent leurvio pour apprendro le courago aux sol-
dats. Enl ¡i(), dans uno occasion scmhlahlo , Wash-
ington indiglló s'obslina ;\ resler sur le cham p de ]¡n-
taille, s'('ffor(,~anl de reíenir les tuyards par son excmplc,
ct mémc de sa mnin. (( Nous avons Iuit, ccrivait le sur-
lendernain le géoéral Creen, une retraite pitovable el
en grand désordrc, gl'úee ;'1 la pitoyablo conduíto de la
milicc .... Les hrigndcs de Fellows el de Parsons nnt
pris la Iuiíc devaut cinquan!e homrncs , Iaissanl Son
Exccllcnce prcsque sculo, Ú quaranlo toises de I'cnnerni,




"'L WASHI:\GTON


el si déscspéré de l'iníamie eles troupes, qu'il cJlCI'clwit
la rnort de tout son cceur '. )).


Plus d'une fois aussi, quand l'occasion Iui parut fa.
vorahle, la hardiesse du général se déploya aussi bien
que la bravoure de l'homme. On a appelé Washing-
ton le Fabius américain, disant que l'art d'éviter les
aclions, de dejouer l'ennerni, ele tetnporiscr, était SOl I
talerit comme son goút, En 177?), dcvant Boston, á I'ou-
verture de la guerre, ce Fabius voulait la tcrrniner d'un
seul coup en attaquant brusqucrncnt I'arrnóo anglaise,
qu'il se flattait ele dótruire. Trois conscíls ele guerre
successifs le forcercnt de rcnoncer a son desscin, mais
fans ébranler sa convicíion, et iI en exprima un regret
arncr 2. En 1770, dans l'État ele New- York, pendant le
Iroid le plus rigoureux, au milieu d'une retraite, avec
des troupes a moitié débandécs, el dont la plupart se
disposaicnt á le quiller POUl' rejoindre leurs foyers,
Washington reprit soudain l'offensive, attaqua successi-
vement, a Trenton et aPrinceton, les différenls corps
de l'armée anglaise, et gagna eleux hatailles en huit
jours.


II savait d'ailleurs quelque chose de plus haut ct
plus difficile encore que (le íaire la guerre ; il savait In
gouvel'I1er. Elle n'étaít pour lui qu'un rlloyen, conslam-
ment subordonné au hut général el dófinilif', le SIIC-


1 lVashington's lVritiny,. t. IV, p. 9·1.
:! lYaslu"ngton.'s lVritinf}s, 1. TIT, p. K:!, l~"'i :2;~!), ~R"'i, 2~)O, '201,
:2~!, iiJ7.




ÉTl!DF: HISTORIQUE. xr.i
re, ele la cause, l'indópcndance du pays, Lorsque,
en linK., la perspccli vc <l'une gllerre possihle entre les
]:;íals-Unis et la Frunce vint le troublcr á Mount-Vernon ,
penchant déjá vers 1:1 vieillesse et chérissant son repos,
il écrivait il son successeur dan!'. In gouvernement de
la république, ~I. Adams : «J'entrevois sans peine que,
si nous cntrions dans une lutte sérieuse avec la France,
la guerre différerait essentiellement de eelle oü nous
étions naguero engagés. Dans celle-ci, le tcmps, une
reserve prudente, laísscr l'ennerni s'user jusqu'a ce que
nous fussions mieux pourvus d'arrnes et de troupes dis-
ciplinécs pour lo cornbaltre, c'était la pour nous le plan
naturel et sage. Maintenant, si nous avions affaire aux
Francais, il faudrait les attaqucr á chaque pas l. »


Ce syslemc d'une guerre vive, agressive, qu'á soixante-
six ans il se proposait d'adoptor, vingt-doux ans aupara-
vant, dans la force de I'áge, ni les conscils de quelques gé-
néraux , ses amis, ni les ealomnies de quelques autres, ses
rivaux, ni les plaintes des États ravagés par l'ennemi,
ni les clameurs populaircs, ni le désir de la gloirc, ni les
instances du Congres lui-méme, rien n'avait pu l'y en-
trainer. (de connais ma rnalheureuse position ". Je sais
qu'on attend bcaucoup de moi. Je sais que sans tron-
pes, sans armes, sans munitions, sans rien de ce qu'il
taut á un soldat, on nc peut Iaire á peu pres ricn. El, ce
qui est bien mortiflant, je sais que je ne puis me [usti-


I Wush in gton t, J ohn Adarns, 1Vritinys. i. XI. p. :109.
, Wa,hillg("tl ti Jo sep h ¡,,,,,d, H'ritiIlYs. 1. lII, p. 28<1.




xi.ii W ASHINGTO",


fiel' aux yenx du monde qu'en déclnraut mes besoins,
divulguant ma faiblesso et faisant tort á la cause que je
souliens, Je suis décidó ano le point íaírc .... l\Ia situa-
tíon m'est quelquefois amere a ce point quo, si jo ne
consultáis le bien public plutót que mon propre rcpos,
j'auraís depuis longlemps tout mis sur un coup de dé.»


Il persista pcndant neuf ans. Seulement, lorsque la
longueur de la lutte ct la lassitude nationalc amcnaicnt
un découragcment trop voisin de l'apalhie, il se déci-
dait afrapper un coup, il courir quelque hasard écla-
tant, pour faíre sentir au pa~s la préscnce de son arrnóo,
el relever un peu les cccurs. Ce fut ainsi qu'en 1'rrt il
livra la hataille de Germantown. Et lorsqu'au milieu de
revers patiemment supporlés, on lui demandait ce qu'il
Icruit si l'ennemi avancait toujours, si Philndolphie, (lar
exemple, était pris : ( Nous nous rctircrons au dcla de la
riviere Susquehanna, et de la, s'il le íuut, dans les mon-
tagnes Allcghanys l.»


A cctte patience patriotique, il en [oignait une autro ,
plus méritoire encoré. Il voyait sans humeur, sans 0111-
brage, les suecos de ses licutenants. Bien plus: des que
lo servicc public le conseillait, il leur en fourníssait Iar-
gernent les occasions el les moyens. DésintéresscmcnL
admirable, rare dans les plus grandes lunes, aussi sage
que bcau au milieu des susceplihililés envieuscs d'un«
sotiMó democrutique, el qui pcut-étre, il est permis de
I'espércr, élait accompagné en lui d'uno -proíonde


~ Sl'arks, TVasliÍllgloll's Lite, t. I, p.221.




r.rrm: HISTORTQl'F.. xr.ii i
tranqnilliló intéricuro sur son uscendant et sa gloire.


Ql!and l'horizon était sombre, quand des échecs répé-
il'~:O, de longues souffranccs semblaient compromettre le
c'¡'~'¡{'ral, et provoquaient les désordres, les cabales, les
insinuaíions hostiles, bientót une voix puissante s'éle-
vait, 1:1 voix de l'arrnéc qui couvrait Washington de
'O!1 respcd affeetueux, et le placnit en cIehors de tontos
II's plaintos, au-dcssus ele toutcs les ínimitiés.


Dans I'hiver de '1777 a 1778, pendant que l'arméo
dait campee a Yalley-Forge, en prole <lI1X plus dures
cpreuvos, quelques homrnes remuants et déloyaux our-
di rcnt coníre Washington une intrigue assez forto. 11;!i
péuétra dans le Congres méme. Il y opposa une fran-
chise sévere, disnnt sans reserve, sans faux ménage-
mcnts, ce qu'il pensait de ses advcrsaíres, et laissant sa
conduite parlor pour lui-méme. C'était risquer hean-
coup dans un tel morncnt. Maís l'esíime publique élait
si proíondc, les arnis de Washington, lord Stírling,
Lafayettr, GL'ee!1 , Knox, Patrick Henry, Hcnri Lanrens,
[1' soutinrcnt si chaudcmcnt, le mouvernent d'opinion
(le l'arrnee fut si vif qu'il triompha presque sans se clé-
Iondre. Le principal artisan ele la cabale, l'Irlandais
Conwav, apres avoir donné sa démission, se répandait
«ucore contra lui en propos injurieux, Le général Cad-
wallader s'en indigna; un duel eut lieu, et Conway grie-
n:llIenlblessó, se eroyant pros de mourir, écrivit a
Washington:


« Jo me sens en éíat de tenir la plume quelqucs




XLIV WASHTxrrTO"


minutes. J'en profile pour vous exprimer mon sincere
chagrin d'avoir Iait, écrit Oll di!' quoi que ce soil qui
ait pu ótre désagréable it Volre Excellence..le touche al!
tcrrne de ma carriere. La [ustice et la vérité me pous-
scnt a déclarer mes derniers seníiments. Vous Mes á
mes -yeux le grand, l'excellent homme. Puissiez-vous
jouir longtemps de l'amour, de I'esíime et de la vénérn-
tion de ces Etats dont vous avez soutenu les libertes
par vos vertus' ! »


En j i79, les officiers d'un régiment du New-Jersev,
mal payés de leur solde, chargés de dettes contractées
au service, inquiets pour leur sort it venir el cclui de
leurs familles, déclarerent officiel1emcnt al'asscmbléc
de cet ~:tat qu'ils donneraient leur démission en masse
s'ils n'étaient mieux traites. Washington les bláma s{,-
verernent, et Ieur demanda de retirer Ieur déclaration.
IJs persisterent. « Nous avons toujours été et nous sorn-
mes encore préts it marcher avec notro régimenl, el it
nous acquitter de nos devoirs aussi Iongternps qu'il ]1'
faudra pour que l'assemblée législative puisse n011S fail'!'
remplacer. Mais nous ne donnerons pas un jour de plus.
Nous supplions Votre Excellence d'étre persuadée que
nous connaissons la grandeur de ses vertus et de ses
talents, que nous avons toujours cxécuté ses ordres avec
joie, que nous aimons le métier des armes, que nous
aimons notre patrie. ~rais quand la patrie manque de


t lVashngton's TVn·tings. t. V. p. éil7.




ETEnE lIIS'['Ol{[t¿I:K vr.v
justice au point d'ouhlier ceux qui la servent, il est du
dcvoir de ceux-ci de se retirer', ))


Ainsi le respect pour Washington éclatait [usque
dans les cabales ourdies contre lui, etse mélait a la
désobéissance mémc.


DaIlS l'état de détresse et de díslocation ou retombait
sans cesse l'arrnéc arnéricaine, l'influence personnelle
de Washington, l'affection qu'on lui portaít, le désir
dimiter son exemple, la crainte de perdre son estime,
ou sculemcnt de l'affliger, doivent étro comptés au nom-
bre des principales causes qui retinrent sous les dra-
pcaux beaucoup d'hommes, offíciers et soldats, rani-
merent leur zele et tormerent entre eux cet esprit de
corps militaire, cette amitié des camps, grande force el
noble compensation d'une profession si rude.


C'est le privilége, souvent corrupteur, des grands
liommes d'inspirer l'affection et le dévouement san s les
ressentir, Washington échappa ace vice de la grandeur.
11 aimait ses compagnons, ses ofliciers, son armée. Ce
n'etait pas seulernent par [ustice, par devoir, qu'il s'in-
quiétuit de leurs maux et prenait en rnain leurs íntéréts
al ce un zele infatigable.llleur portait un sentiment vrai-
mcnt tendré, cmpreint. de compassion pour ce qu'il leur
avait vu souffrir el de reeonnaissancepour l'aUaehemenl
qu'ils Iui avaiení íémoigué. Et lorsque, en '1 i83, la
gucrreterminée, UNew-York, dans la taverne de Franca,
au mamen! de se séparer pour toujours, les princípaux




XL\' ¡ WA~HI:;(~TO:;


officicrs défilercnt silencieuscmcnt dcvant lui, chacun
lui serraní In main au passage, il ótnit lui-méme ému
et troublé, dc cmur el de visage, au dcla de ce qu('
sernblait comporter la sérénilé forte de son árne.


Il ne montra pourtant jamais il I'armee ni Iaiblesse ni
complaisance. II ne souffrit jamais qu'ello Iút, it elle-
rnémo, sa premiere pcnsée, et nc perdait pas une OCCll-
sion de luí inculquer cctto vérité que la subordínation
et le dévoucmcnt, non-seulernenl a la patrie, mais al!
pou voir civil, étaient sa condition naturelle et son pl'e-
miel' devoir,


Illui en donna, dans trois circonsl:mees solennelles,
la plus helle el la plus efficace des lecons, cellc de
I'exemple. En 1782, il repoussa (( avec une grande el
douloureuse surprise, » ce sont ses expressions, le pou-
voir suprérno et la couronne que lui oííraíent des offí-
eiers mécontcnts'. En 1783, a l'approche du licencie-
ment, informé qu'un projet d'adresse circulnit dans
l'armée, ct qu'uno réunion générale devait avoir lieu
pour aviser aux moyens d'obtemr par la force ce que le
Congres refusait malgré lajusíice, il exprima par un
ordre du jour son blñme sévcre, convoque lui-móms
une autre réunion, y parut, rappela les oífícícrs au seno.
timent de leur devoir, du bien public, el se retira avant
toute délibération, voulant leur laisser it enx-mómes le
mérite d'un retour qui fut en eflet prompt et général '.


1 Washingtonau colonel Lewis Nicola;lV,-itil¡gs, t. "VIII,p. 300.
2 Washington au préoídeuL OU Cougrcs , lVT-itillg_', t. VIlI,


p. ::ln-4QO.




ElUDE HISTOlUQUE. XL\lJ
Enjjn, en liS/j. el ¡¡Si, lorsque les oíticiers en retrait«
tentcrcnt de formol' entre eux, pour conserver quclque
lieu dans leur dispersión, pour se soutcuir mutuelle-
ment, OlE et leurs íamille., I'association dos Cinciuna-
tus, des que Washington vil naitre , UIIX seuls mots
d 'association rnilitairc, d'ordre militaire, la méfíanco el
11' rnúconlentemcnt de son ombragense patrie, malgré
SOl I goúl pcrsonnel pour l'institution, non-sculement iI
en fit niodifler les statuts , mais iI en declina publique-
ment la présidenco et cessa d'y prcndre part l.


Par une coíncideuce singuliere, vers le meme temps,
le roi de Suede, Custave lII, interdit aux olflciers suédois
qui avaicnt serví dans I'arrnée íraneaise pendanL la
guerre d' Amérique, de porter l'ordre des Cincinnatus,
( instiiution de tendance républicaine, el peu convena-
lile i:t son gouvernement 2. »


« Si nous ne pouvons convaincre le penple que sos
craintes sont mal Iondécs, disait it ce sujct Washington,
il Iauí lui ceder dans une ccrtaine mesure \» 11 ne cédaií
[las, méme au peuple, quand l'intérét public en eút
souñcrt; mais il avait un taet trop juste de l'importance
relativo dcschoses pour apporíer la mérne roideur qnand
des intcréts ou des scntimcnts prives, méme legitimes,
éíaicnt seuls en queslion.


(Juand le hut de la gucrre fut aUeint, quand il se
1 Washington au général I(!lOX; 1Vritings, t. IX, p. 26;·- A


'irthur Sn.in t-Clair : iu«, p, 1'27.
~ nr (¿8h iH.r; l ()n '·s lYriliJ/gs, t. IX) p. Get.
;. Washington aJcnathan 'l'ruiu bull : IVritings, t. IX, p. 35.




xr.viii WASHINGTON


separa de ses eompagnons d'armes, á colé de son chagrin
aílectucux , et sous la joie qu'il rcssentait a se reposer
dans la vietoire, un autre sentiment se laisse ontrevoir,
hien qu'obscur dans son ame el ignoré peut-ótre dr
lui-méme : le rcgret de la vie rnilitairc, de cetle noble
profession alaquelle il avait donné a vee tan! d'honneur
ses plus belles années. Elle plaisait beaucoup á Wash-
ington, génie régulier, plus ferme que féeond, juste el
hienveillant envers les hommcs, mais grave, Illl I)(~U
íroid, né pour le eommandement plutót que pour la
lutte, aimant dans l'action l'ordre, la discipline, la IJÍé-
rarchie, et preíérant l'emploi simple et puissunt de la
force, dans une bonne cause, aux eomplications suhtiles
et aux dóbats passionnós de la polihque.


« La scene est enfln á son termo .... La veille de Nocl
au soir, les portes de cette maison ont vu entrer un
homme plus víeux de neuf ans que je n'étais quand je
les ai quittées.... Je commence ame sentir it l'aise e! libre
de tout souci publico J'ai quelque peine a secouer ma
coutume, en m'éveillant chaque matín, de médíter sur
les soins du jour survant; et ce n'est pas sans surpriso
qu'apres avoir roulé bien des choses dans mon esprit.jc
découvre que je ne suis plus un homme public, et n'ur
plus rien a dérnéler avec les aífaires publiques.... J'es-
poro passer le reste de mes jours a culti ver I'atlectíon
des gens de bien, et apratiquer les vertus domestiques ....
La vie d'un agriculteur est de toutes la plus (1t':Iicieuse,
Elle est honorable; elle es! amusaute, el, avec des soins




ETF DE fJ [:-'11í]nQI E. x t.i r
judicicux, elle est proñtablo .... Je ne SUlS pas seulemcnl
retiré des emplois publics, je rentre en moi-méme, Jti
puis promener mes rcgards dans la soliíude, d marcher
dans les sentrers de la vil' privóc avec une vraie satis-
Iaction de cceur. Nc portunt envio Ü personno, je sub
decide 11 étre eontent de tOIIS, el dans cctte disposition,
je descendrai doucement le fleuve de la vio, jusqu'á ce
que je rn'enrlorme avec mes peres l. ))


Washington, en tcnant ce langago, n'cxprimait pas
sculcment une impression mornentanée, la jouissance
du !'C'J)()S apres une longue fatigue, de la li bcrté apres
1!1\ dur assujettisscmcnt. Cclíe cxistence active el tran-
quille de granel propriétairc, ces travaux pleius d'inte-
re! el cxcmpts de souci, ce pouvoir domestique pcu
disputé el pcu responsable, cettc helle harmonie entre
l'homme intclligeut et la naíure C0conde, celte hospila-
lité grave el simple, les nobles plaisirs de la considera-
[ion el de la hienfaísance ohlcnus snus effort, c'óiait
bien vrairneut la son goül, la pd:fónmce constante dI:
son árnaIl eút prohablemcnt clioisi ccíte vio. H cujouis-
sait uvec íout ce qu\ peuvcut ajouler [;1 recunnaissancc
pnhlique el, la gloi!'e, douces malgl'ó 1L:1ll's j¡¡¡poit¡¡¡¡jV:s,


'l'oujours serieu, el d'uu esprit pruliqu«, il amélior,¡¡i
1"culture de ses terres, embcllissait SOJJ i:al.i'ai,ioll, s'oc-
cupait des intéréts locaux de la Virginie, tr'a~'ait le ¡du1j


~ Wasb ingron au goUyc:rnClll' C1JIlIOn; n'l'dinys, L IX, 11.1:
A Lat'ilYl~jte; Ll.i.l ; p.]/ ;--- .\1l gt:'ll~"ral KllLL\.; Ll.id. ... J" :tl;··_··
Ale:\ulJdl'~; SP(}t~woud; Lui-l: ¡jo ;;,:2:3.




L WASIl i:\Cd"():';


¿,~ cciic grande navignlion interieure, de l'cst it rOllc~l;
(i(ti devail un jour Jivrer auxf:tats-Vnis la moitié du
nouvcau monde, íondait des ccolcs, rncttait ses papicrs
en ordre, cntrcteuait <HJC corrcspondance étcnduc, ct
p:'cnait grand plaisir il rcccvoir sous son toit, asa tahle,
ses flideles amis. C'esi rnou souhait, écrivait-il al'un
d'eux pcu de jours aprcs son rctour it Mount-Ycrnon,
l1ae ralTccjüll el I'cstimo mutucllcs, qui ont ótó semécs
de nos mains ct out grandi dans le turnultn de la vie
!li,bJi'jlie, ne vienncut i)(\5 :·'e 11¡J!¡'il' ei, rnourir dans le
calme de la retraiíe. 30'!s devrions Líen plutót charmer
nos ]Ie'oros du soir en ci.llivant ces douces plan les et en
les dóYdoPPlUÜ dans tonto leur henuté, avant qu'ellcs
soien ; trunsplnntces sous un plus hcureux climat 1. »


Vcrs la fin de 1781, JI. (le la Fayette vint a Mount-
V",'llU,:' \VelsUí 1~;jOil 1ui porlait une affeclion vraiment
p:ltcl'llcLo, la plus tendi'O pouí-ótre dont savic oílro la
trace. A part les services rendus, l'eslime personnelle,
l'id (rait du caractcrc " á part mómc le devoucmen!
cnthousiastc qne lui témnignai] M. de la Fuyettc, ce
jcunc gentilhomme ¡\légant, chcvalcresque, qui s'éíait
échappé de la cour de Vcrsaillcs pour apporter aux
plantcurs d'Amóriquc son épée et sa Iortune, plaisait
:'-ingulierement au grave général amóricain, C'était pour
luí cornmo un hommage rcndu, par la noblcsse de l'an-
cien monde, asu cause el it sa personnc, comme un lien
entre luí el cctío socié, é l'l'au~'[ijse si brillante, si spiri




ETI;]JE 1l!S10itíQUE.
Iuello, si cólóhrée.Dans sa gl'amlelll' morlcs!o, il en (;iail
Hallé en mérne temps que tuuchó, et sa pensée s'al'n\·
tait avec ti ue órnoíion pleino de complaisance sur ce
jeune ami, uniquc dan s sa vic, el qui avait tout quitte
pour servir pres de Iui.


( Au momcnt de notro séparation, lui écrivait-il, sur
la route, pendan! le vOJUge, ct dermis 101'5 á toute
hcurc, j'ai resscnti tout ce que le cours des ans, une
ótroite intimité et votre merite m'ont inspiré d'affectíon,
de considération, d'attaclrement pour vons. Pendan!
que nos voiíures s'doign".jent I'unc de I'aulre, je me
dcrnandais sonvent si c'ótait pon!' la derniere Iois que jn
vous uvais vu ; et malgré mon dósir de dirc non, mes
craintes répundaienl oui. Je rnppelais ú mon esprit les
jours de ma jeuncsse, ct jo trouvais qlw depuis long-
temps ils avaicnt fui pour ne plus revenir, que je des-
cendais il próscnt la colline que jai gravio pendant cin-
quante-deux ans; car jc sais que, malgré 1.1 force de rna
constitution, je suis d'uno Iamille ou l'on vil peu, el qLle
je dois m'atlendre areposer bientót dans le tombeau de
mes peres, Ces pensécs obscurcissaicnt pour moi lhori-
ZOl1, el répandnient un nuago Sil!' I'avenir, par censé-
qucnt sur l'cspórancc de vous revoir. Mais [e ne veux
pas me plaindre. J'ai eu mon jour '. »


l\Ialgr6 ce íristo prcsscntimcnt et son goút sinci.Te
pourle rcpos, sa pensóe se reportait san s ccsse su!' l'état
et les aflaircs (le son payo. On ne se sépare poinl du




Lil WASIll:\GTO:\


lieu ni! ron a tenu uno gt'Uude place. « Iletiró conunc
je le suis du monde, écri vait-il enl ¡8o, j'avoue a vec
Ir.mchise que je ne me sens {las un spcctateur indifle-
rent '. )) Le spectacle I'affligeait et l'inquiétait proloudé-
ment. La confédération périssait. Le Congres, son seul
licn, était sans pouvoir, el n'osait pus méme user du peu
quí Iui en élait confié. La íuiblessc morale des hornmes
s'ajoutait a la Iaiblesse politique des instítutions. Les
lhats retomhaient en proie á leurs inirnitiés, á leurs
métíances, a leurs vues étroites el égolstes. Les trailés
q ui a vaient consaeré l'indépendancc nalionalc ne rece-
vaicnt qu'une exécutíon incompleto el précaire, Les
dettes contractées, dans rancien et le nouveau monde,
neíuicnt point payées. Les taxes dcstinées aypourvoir
ne rentraíent point au trésor publico L'ngriculturo lan-
guissaiL Le cornrnerce déclinait. L'anarchie se propa-
geait. Dans le pays méme, éclairé ou aveugle, qu'ons'on
prit au gouvernemcnt ou al'absence de gouvernernent,
le rnéconlentement élait général.' En Europe, le rer;o: 11
desl:tats-Unis tombait rapidement. On se dcmandai' sH
y aurait [amáis des États-Unis. L'Angleterro Iornenlaii k
Joule, en attendant l'hcure d'en profítcr.


La douleur de Washington était extróme, pleino d'llgi-
tation et d'humiliation, comme s'il eút été encere l'CSpOJJ-
sable des événements. « Dieu de bontó, s'écriait-ií en
npprenant les troubles du Massachusetts, qu'esl-ce que


1 \ \




}~1Tf)E HISTORIQT:E. r.iii
J'homme qu'il y ait dans sa conduitctant d'inconsístance
el de manqlle de foi? C'était hiel' que nous versions notro
sang pour ohtenir les constitutions sous lesqnelles nous
vivons, (les constitnlions de notre choix, de nutre main :
Et maintenant nous tirons l'épéo pour les renvcrser! La
chosc est si inconccvablo quej'ai peine it la croire réelle,
ct ;'[ lIW persuader que je nc suis pas sous l'illusinn rl'un
snnge 1 ... En formant notro confcdératíon, nons avons eu
probablcmcnt trop bonne opinion de la nature humaine.
L'cxpériencc nous apprend que, sans l'intcrvention d'un
pouvoir coercitit, les hornmes n'adoplcnt el n'exéeulnn!
pasles mesures les mieux calculécs pour leur propre bon-
lieur .... Du point élevé 011 nous étíons parvenus, élre
tombés si bus, quelle mortifícation-! En pleuran1, comme
je l'ai souvcnt íait avec le plus amer chagrin, la mort de
notrc pauvrc ami le gélH'!ral (~reen, je me suis demandé
nagllere s'il n 'aurait [las mieux airnó lui-rnéme sortir
ainsi de ce monde, plulót que d'assistcr aux scenes que,
trop probablemcnt, sescompatriotes auront ad(~plorer3.))


Cependant, it ee pall'ioti<¡ne chagrín, le cours des éy{'-
nements, le progres de la rnison publique mélnient aussi
l'cspcrance ; cette espérance pleino d'inquiétudo et dí'
íravail, la seule qne pcrrnette aux esprits élevés l'im-
períection si profonde des añaires humaines, mais qui
sufflt ;l soulcnir leur courage. Dans toute la cOllféd.;-


t W,,,hinsion aDavid Hum phrcys : TV¡'it'i¡ '.'!1', L L'\", p,~~J.
2 \Vashin~!ton h.Tohll .lav ll~rifii?qs. t. IX, p. Hij.
1 \\ illgtOll :t l L.n ri h.lIUX: \VritiIIUs, 1. 1\. p. ~2G,




LIV WA~TUNr,TO'l


ration, le mal Mait sen ti, le remede entrevu. Les [alou-
sics d'Étuts, les intércts locaux, les anciennes habitudes,
les préjngés dé:mocratiill1es rópugnnient beaucoup uux
sacrifices que devait leur imposer 11ue orgnnisaíion plus
haute et plus forts du pouvoir central. Pourlant l'esprit
d'crdre et d'union , I'amour de la patrie arnéricainc, le
regret de la voir descend re dans l'estirne d I1 monde, le
dégout des agilatiom suhallernes , interminables el
stérilcs de l'anarchie, I'évidence de ses maux, l'intelli-
gence de ses périls, toutes les idées justes, tOHS les 5(,11-
limen Is nobles qui rernplissaient l'úme de Washington
se répandaicnt, s'accróditaicnt, préparaicnt un meillcur
avenir. Qnatre ans s'étaíent il peine écoulés depuis la
: .aix qui avait sanctionné la conquóte de l'indópendancc,
ior::qu'llllc Convcníion naíionale, arnonée par l'instínct
pl:],Jic, se rúuni! a Philadelphic, avee la mission di'
I'éfn:'mer le gonwrnel1lell 1 Iédéral. Ouvcr!c le 14 111 [ti
'¡xi, elle choisit le mórnc [our Washingtnn 110m son
j)ró,idclIL Du H mai au 17 scplcmbrc, délibérant lnns
li'~', i"} ú huis dos el sous les inspirnlions les plus
~:i'iL':"CS ccinmc les plus [litreS qui aicut j.nnais pl'é,idl::
;, I:;le íclle 02;1v1'e, elle fit la Constitution qui I'égit depuis
«inquantc ans les Étals-Lnis d'Amerique. Le:lO avril


uu mérne moment 01's'ouvrait {¡París l'Assernhlée
(!\!l"lilllanle, Washington.élu par un wll'rage unanimo
.i I¡ \',,\1 í, comruc président de la républiquc, de gardel'
t't Ji ictírc en vigucur la Constitution qui vcnail de nn1l.1'(~,
en pn"s¡'j]CC des grands jl(¡i¡\oil's qu'elle avail (:I('~("s.




rrnnr ITTsTOlZIQUF:, I.V
Jamais hommc n'est monté au ínite par un plus droi!


chernin, ni en vcrtu d'un vreu plus universol, ni avec
une iníluence plus ctendue et plus acceptée. Il hesita
bcaucoup. En quillal1l le eommandemenl. de l'armée,
il avaithautemcntunnoncé el s'étnit sincercment proruis
qu'il vivrait en paix, étranger anx af1'aires publiques.
Chnnger ses dcsseíns, sacrificr ses goú Is el son rcpos,
ponr un suecos trcs-incertain, peut-étre pour éire t:l\t':
d'inconsóquence el d'arnhition, c'élnit pon!' lui un im·-
mense el10rt. Le con~Tes larda ase réunir : I'élcction de
Washington a la présidcnce, bien que connuc , ne luí
étalt pas cncore offlciellement armoncée : (f Pour mm,
écrivail-il ason ami llenri Knox, ce d,éJai pcnt étre corn-
paré aun sursis . Je vous le dis en confldencc, cal' aupres
du monde j'obtiendrais pen de crérlit: tous mes ras vcrs
le siógc du gouvernenwnt seront accompagnés de sen-
timcnts assez semhlahles a ceux d'un conrlnrnuó qui
marche vers le lieu de son suppl ice; lant il me repugne,
vers le soir d'une vio oonsurnéo prcsque tout entiero
dans les soucis publics, de qnittcr une dcmeure paisiblo
pour me plongcr dans un océan ele dime: Iltés, sans ce
degré de savoír-fairc politique, el 511m: ces lalcnts, ces
inelinatíons qui sont nccessaircs pon r' íenir le gouver-
nail'. » Le message arriva ; iI parfil. ( Anjourd'hui
!ti avril, adix heurcs, j'ai dí! ndieu ü MOlmt-Vernnn,
i la vio privée, al! honhcur domcstiq i:e. <:1, le CCPIlr'
opprcssé de scntimcnts plus rlouloureux e¡ 11 l' .ic uc puis




r.v i WASfIl'\<iTü:'l


l'cxprimer, [e suís partí pour Ncw-York, décid(~ ú servil'
rnon pays en obéíssant a son appel, rnais avcc JWII rl'es-
poir de repondré it son alíen te l. » Son voyage fut t.n
triornphe ; sur la rouíe, dans les villes, tonto la popula
tion accourait et l'applaudissait en priant pou T'lui. Il
entra dans New-York conduit par des commissaires ,];/
Cong"rcs, sur une harquc élég:nnrnent decorée, qui avait
pour ramcurs trcizc pilotes, au norn des trcize }~tats; ali
milicu d'U11 C011C01lrS immense dans le port el Sil l' la
rive ; sa disposition intérieure demeura la móme : « Lt~
mouvcment des hateaux, dit-il daus son journal. k'
pavoisement des vaisseanx, les chanls des musiciens, le.
hruit du canon, le~ acclarnations qne le peuplc poussait
iusqn'aux cieux, pcndant que JI' rangeais les quais, ont
¡'(,!Ilplimon ame d'órnolions pénihles uulanf qll(;douces,
cal' je songeais anx scenes Iout opposées qui se pnsse-
raien 1peut-étre un jour, malgré les eíforts (Iue j'aurai-
1)(1 íuiro pour opérer le bien 2. ))


Pres d'un siecle et derni auparavant, sur les bords dI'
la Tamíse, une méme Ioule, de- dómonstrntions scrn-
hlables avaient accornpagnó it "Yestmimter Cromwell,
proclamé Protecteur de la république d'.\!l,l'letl:i'I'I;:
(( Qucl concours t quellcs acclamations! )) disaienl ses
flattcurs ; el Cromwell répondnit : ( II Yen aurait bien
davantagc si l'on me mcuait pcndre. »


Bizarro analogio el gloricusc différcncc en (re les sen-
f lVo.\,1¡iii(¡,,',,)!'\'I)jo:,y ;-_. 1í'i'I/;":D'-'" l. "X, p..:H;1.
(V·¡(.,.i;in~itlin·s f)¡'fl'~_I, _'d;~I"'!Ja¡l, rir;. ,LI' \Vaslll¡¡(/t,;¡ v.




ÉTUDE HISTORTQUE. t.v ii
';II·'lli,. el les parolcs du grand hornme corrompu et du
gnul1 homme vcrtueux l


'Washin¡:;ton s'inquiétait justernent de la tache qu'il
acceplait, C'est I'honncur suprérnc de l'humanitá que la
penétration du sage unie au dévoucrnent du héros. A
peine forméc, la nation qu'il avait conduito á l'indépen-
dance, et 11'Ji lui demandait un gonvernement, entrait
rlans une de ces transforrnations sociales qui rendenl
l'avenir si obscur et le pouvoir si périllcux,


C'est une asscrtion souvent répétée el généralement
nrlrniso que, dans les colonies anglaises, a vant Ieur sepa-
ration de la mélropole, l'état de la sociét« et des esprils
étai] essentiellement républicaín, et tout prét acettc
nouvelle forme de gouvernement.


Mais le gOllvernemenl répuhlicain pent régir, el a
régi, en eflet, des sociéíés prolondémcnt di verses; et la
mérne socióté peut subir de grandes métamorphoses
sans cesser de vivre en rópublique.


Les eolonies anglaises se montrercnt Ioules it peu Ill't'S
(;galement décidées en Iaveur de la constitution réllll-
hlícaine. Au nord et al! sud de l'Uniou, dans la Virginil'
ot les Carolinos comme dans le Conncclicut et le Massn-
'::msclts. la volonté publique fui la méme quant a la
forme du gouvernement.


Pourtant, el on l'a plus rl'une 1'Oi5 remarqué, con si-
.léréesdans leur organisatíou socialc. dans l'état el \('S
rclations Ijp leurs hubitunts, ces colonies étaient tres-
.liflerentes,




LVll1 WASHINGTON


Al! sud, notamment dans la Virginia et le~ Carolinos,
le sol appartenait en général il de grands proprietaires,
entourés d'esclnves ou de pciiís cultivateurs. Les substi-
tutions, le droit d'aincsso y maintenaient la perpétuité
des íamilles. I/Église étaít constituée et dotée. La légis-
Iation civile de I'Angleterre, si Iortcment crnpreinte de
son origine féodale, avait été maintenue presqlle sans
réservn, L'état social était aristocratique.


Al! nord, au contraire, dans le Mnssachuselts , lo Con-
necticut, le Now-Hampshire , Ilhode-Island, otc., les
puritains fugitiís avaient apporté el implantó Icur rigi-
dité démocratíque avec leur ferveur relígieuse. La, point
d'esclavage ; point de grands propriétaires au milieu
d'uno population inférieure; point d'immobilité dans la
possession du sol. Point (l'~:glisehierarchique el fond<:'e
au nOIl1 de 1'Élat. Point de supérioritós sociales légale-
ment insíituées et maintenues. L'homme livré ases CCIl-
Hes el á la gráce divíne.L'esprit d'indépendance et d'é-
gali té avait passé de l'ordre religieux dans l'ordre civil,


Cependant, rnéme dans les colonies du nord el, SOIlS
I'empire des príncipes puritains, d'anlres causes, trap
peu rcmarquées, aílénuaient ce caraclere de l'éta! social
et en modiílaient le dévcloppement. 11 y a loin, bien
loin de l'esprit démocratique religioux á I'espril déiun-
cratique purement politiqueo Quelquc ardent, quelque
íntraitable que soit le prcmier, il puisc dans son origine,
il conserve dans son action un puissant elémcnl d<:
snbordinaíion et d'ordrc, le respecto )Ialgré lcur or¡":llCil.




FTUDE HTSTORIQUE.- Lix
les pnritains s'inclinaient tous les [ours devant un
mailre, lui soumctlaient Ieur pensée, leur cceur, leur
vie ; et snr les rivnges de I'Arnérique, quand ils n'eurent
plus adéfendre leur índépendance contredes pouvoirs
liumnins, quand ils se gouvernerent eux-mérnes en
pl'ésencr de Dieu, la sincerilé de leur foi, la sévérité de
leurs mmurs combattircnt la pente de l'espril démocra-
1¡qne vcrs I'insolence individuelle et le déréglement,
Ces magisírats si surveillés, si mobiles, avaient pourtant
un point d'appui qui les rendait fcrmes, souvent rnéme
.lurs dans I'excrcico de leur autoritó. Au sein de ces
Iumillessi [alouses de leurs droits, si ennemies de tonto
pompe politiquc, de íoule grandeur convenue, la puis-
sanee patcrnelle éíait Iorle et tres-respecléc. La loi la
consacrait, an lieu de la limiter. Les substilutions, l'íné-
galilé des purtagcs étaient interdítcs ; mais le pero dis-
posait ahsolumcnt de ses biens et les distrihuait a son
Ij['f~ entre ses enfunís. En général, la législation civile
nc s'ólai] point asscrvie aux maxirnes politíques, el con-
servait I'ernpreintc des ancicnnes mreurs. En sorlo que
I'esprit dórnocratiquc, bien que dominant, rencontrait
paríout des harrieres et des contre-poids.


Un íait rnalériel d'ailleurs, passagcr mais décisíf', voí-
hit sa présence et rctardait son empire. Dans les villcs,
poinf elemullilude. Dans les campagnes une population
~ roupée autour des principaux plantcurs , cornmu-
ncmenl concessionn:lires du sol ct investís des magis-
traíurcs locales. Les maximes sociales étaient <1(\1110-




LX WASHI~GTON


craliques ; les situations individuclles l'étaient pello
Les instrurnents rnanquaient il l'application des prin-
cipes, L'intluence résidait encore dans les positions
élevées. Au-dessous , le nombre ne pesait pas encoré
assez pour emporter la balance.


Mais la révolntion, précipitant le cours des choses,
imprima a la sociéíé américaine, dans le sens démocra-
Iique.• un mon vement général et rapirle.


Dans les États oú le príncipe aristocrntiquo élnit en-
eore puissant, comme la Virginic, il íut imrnódintemout
atíaqué et vaincu. Les subslitutionsdisparurent. L'/;:glisl'
perdit non-seulement ses pri viléges, muis sa place olfi-
cielle dans l'État. Le principe électíf conquit le gouver-
nernen t tout entier, Le droitde suñrage recul une grundc
extensión. La législation c:i vile, sans subir un change-
ment radical, inclina de plus en plus vers l'égalité.


Le progres dómocratique fui encere plus décisif dnns
les faits que dans les lois, Au sein des villcs, la populn-
tion s'accrut beaucoup, et dans la population la 1Tl1I1-
tilude. Dans les campagnes, vers l'ouest, au delü dcs
monís Alleghanys, par un mouvernent d'cmigration con-
tinu et accéléré, de nouveaux États se formereul ou se
próparercnt, pleins d'un peuple épars , cherchant Ior-
tune, partout aux prises avec les forces ápres de la naíure
et les haincs íóroces des sauvnges, il derni sauvage lui-
rnérne, étrangcr aux formes, aux ménagcmcuts d'uIJC
société pressée et civiliséc, livré Ú l'égolsmc de son isole-
ment el <le ses passions, hardi, fier, rude, cmport«,




r:n;Db llhTOIUQCE. L"X)
Partout aiusi, ;1Il hord de la rner comme au fond du
continoní, dans les grands centres de population et dans
les Ioréts it peine ouvcrtes, au sein de I'aclivitó commer .
(jale et de la vil' agricole, le nombre) le simple individu,
l'independance pcrsormelle, I'égalité primitive, tous les
dt';rnents démocratiques grandissaient , s'étendaient,
prenaient dans I'Etat el dans ses insíitutions la place
q II'O/J leur y avait próparée, mnis qu'ils ll'Y occupaient
poinl d'abord.


Et, dans l'ordrc intellecf.uel, le méme mouvcmcnt,
hicn plus rapide, omporlnil les esprits, elles Iails étaicuí
bien dépassés par les idócs. All milieu méme des -"~Iab
les plus civilisés, les plus sages, les théorics les plus radi-
cales obtenaícnt non-sculcment íaveur, mais puissance.
« Les íerres des États-rilis ont dé sauvécs des confisca-
tions de la Grande-Brelagne par les dl'orts de tous; elles
doivent étre la lH'Opriété cornrnunc de tous. Quiconl]uc
s'oppose aeette maxirne est IIn ennemi de la justicc, el
merit« d'étrc bulayó de la fuce de la terre.... II [HuI
anuuler toutes les detles, publiques el privées, el élu-
hlir des lois agrnires, ce qui se peut au moyen d'Ull
papier-monnuie sans gage el it cours íorcc t. J) Ces re, es
démagogíques étaient accueillis dans le ~lassaehLlsetts,
le Connecíicut, le 1\ew-Harupshire, par une portian cou-
sidérable du peuple ; douze 011 quinze millo hommes
prcnaient les armes pour les réaliser. Et le mal parais-
saií si grave (¡nI' le plus intime ami de; Jctfcrson , un




i.xii \VASIJIl\ G'jU~


houime fllle le partí dórnocratiquc compta plus tard
parrni ses chefs, Madison, regurrluit presqnc la socicté
américaine comrne perdue, el osait ú peine rOIlSlTVCl'
quelque esperance 1.


lleux forces concourent au mainlien ct au dóvelop-
pement de la vie d'un peuple, sa conslitution civile el
son organisatíon politiquc, les influences sociales elles
pouvoirs publics, Cclle-ci rnanquait encoró plus qlie la
premiere Ú l'Üat runéricaiu naissaut. Dans cotte société
si agilée el si peu liéc, I'aucion gonvemement avait dis-
paru, le nouveau n'était pas encor« formé. J'ai dit la
nullité du Congres, seul líen des l~tats, seul pouvoir
central, pouvoir sans droit, sans force, signaut des
traites, nommant elesambassndcurs, proclamant que le
bien public exigcait ícllcs lois, ícls irnpóts, tollo armcc,
ruais u'ayant par lui-mómc ni Ioís á rendrc, ni j ugcs el
cmployés pour appliqucr ses Iois, ni impóts pour payel
ses amhassadeurs, ses employés, ses [ugcs, ni troupes
pour Iairo acquitter ses impóts et respecter ses lois, ses
juges, ses employés. L'elat poliíique était encere plus
íuible, plus fiottant que I'élal social.


La Conslitutionfut faite centre ce mal, pour donner a
l'Union un gouvernement. Elle íit dcux grandes choscs,
Le gouvernement central fut récl el placó iJ. son 1';1iJ~.
Elle l'afIranchil des gouvernemcnts Il'Élat:;, lui cOJll(~(a
une action direcle sur les cito , ens, sans cutrcmisc des
pouvoirs locaux, et lui aSSIll'U les moyens nócessaircs




E'lTDE lllliTOlW,IUL, r.xru


pour convertir E,C~ volontes en fails, des impóls, des
juge::, des cmployés, des soldnls, Dans son organisutiou
propre el iulóricure, le gouvornement central fut bien
concu el bien pondcré ; les droiís et ·les rapports des
divers pouvoirs furcut réglés avec un grand scns el
uno íortc in 101ligclIce des conditions rl'ordre et do vila-
lile polilique, du nioins 110111' la forme républicaiuo el la
société it laquelle elle s'adaptait.


En comparan 1 la Constitution des États-Unis it l'anar-
chie dont elle sortit, Otl nc se lassc pas d'admirer la
sagessede ses auicurs el de la gcnéraííon qui les avuil
choisis el q ni les souíin t.


Mais la Constitulion, adoplée et promulguéo, n'élaií
eucore qU'11l1 mol. Elle donnait eles armes centre le mal,
maís lo mal subsistait, Les grauds pouvoirs qu'elle crcait
se írouvaicní en pl'(~::ellco des rai ls lj i li I'a vaient préLéuéc
el renduc si nécessairc, en présence eles partís issus de
ces faits el qui se disputaicut la sociélé, la Constitution
memo, pour les modcler en lcur sons.


Au prcmier uspect, lo norn de ces partis ótonne. Féde-
rajiste ot démocratique, il n''Y a entre ces dcux qualiles,
ces dcux tendances, point d'opposition essentielln el
vraie. En Hollandc uu XYlF sieclc, en Suisse encare de
nosjours, c'cst le parti démocratique qui a voulu fortit1er
le lien íédérul, le gOlHerneIllonl central; c'est le paríi
arislocralique qui a marché it la tete dos gOllVCl'nemenl.s
locaux el déícndu leur souvcraincté. Le pc:¡pJe hollan-
dais soulcnait Cuiluuuu« de Nassau el le sladlhoudérat




r.xív WASnT:\GTO'.;


conlre Juan de WiU el les grands bourgcois des villes.
Les patriciens de Schwiíz el d'Ilri sont les arlversaires
les plus obstines de la diete fódórale et de son pouvoir.


Les partis arnéricains, dans Icur luttc, se soní sou ven]
qualiílós autrernent. Le partí dcmocratique s'arrogcait
le litre de républicain, et traitait l'autre de monarehiqt 10,
monocrato. Le partí fédéraliste nomrnait ses ad vcrsaires
anlí-unionistes, Ils s'accusaicnt réciproqucmcnt de teu-
dre I'un it la monarchíc, l'autre aI'isolcment, de vouloir
delruire hm la république, l'autre l'Union.


Prévention íanatique ou ruse de gl1CtTe: l'un et l'auire
parti voulaient sinccrcmcnt la républiquo ct la cohésiou
des Etats. Les noms qu'ils se donnaicnt pour se decrier
éíaient encore plus faux que leurs dénorniuahous pri-
mitives n'étaient incomplctcs el mal it propos opposées
I'une a I'autre,


Pratiquement et pour les aílaircs inunediates de Icur
pays, ils diíféraient moins qu'ils ne le disaicnt Oll ne le
pensaient dans leur hainc. Au fond, entre lcurs princi-
pes et leurs tendances, la diílerence ótait essenlielle,
permanente. Le partí fédéraliste était en méiuc leru p"
aristocratiquc, favorable ala prépondérance des classes
ólcvées comme a la force du pouvoir central. Le parli
démocratique était en móme tcmps le parli locnl, vuu-
lunt ti la fois l'ernpire du nombre el. l'indépendanco
pl'esqlle entíore des gouvemements dEtats.


Ainsi il s'agissait entre eux et do l'ordre social el de
l'ordre poliíique, de la cousíitutinn memo de la société




IXV


conuno de SIIII f!OlI\ernelllelll, Aiusi les Ijllesliolls SOII-
veraines, Úit't'II('lI(~S, qui ont ag'itú el agiteron! le monde ..
el qui se ratíuchcut au prohlcmo bien supéricur de la
naluro el de la dcstinéo de l'hommc, se placaient toutcs
entre les partís mnéricains , se cachaient toutes SOlíS
lcu I'S noms,


C'est au milicu de (cite sociétó, ainsi agitéc el travail-
lee, IIUe Wushiuglon, sans amhition, sans illusion, par
devoir plulót que par goül, el plus conílant dans la \{~l'j[(;
fllle comptant sur le succes, cntrepri! de Iondcr, en íaií,
le gouvcrnement qu'une Constitution née d'hiel' venait
de décréter.


H rnontait au pouvoir, investí d'une inílucuce inr-
mense, rcconnuc, acccptéc de ses ndversaires ménres.
1Ilais c'est lui-móme qui a <lit eeLle proíoude paro le :
« L'influence n'est pas le gouvernement 1. »


Dans la lutie des partis, ce qui se rapportaitá l'orga-
nisalion memo tic l'étal social le prcoccupait pon. C(~
sonl de,", qucstions obscuros, cachees, qui nc se revelcnl
clairumcnt qu'aux mcdilalions du philnsophe, el lors-
qu'il a VII passcr devant scsyeux les O'lIcié!.(\s huruaiucs
SIHlS toutes lcurs Iormcs el Ú 10m; lcurs úges. Wasltill¡>
1011 clai 1pcu fainilicr avcc Ia con tcrnplaüon ct la scicncc,
EII \';87, avant de se remire ií la Convcntion de PiJiLt-
delphic, il avail cnlropris, pUlir s'(':dail'cr lui-rucmc ,
d'd¡¡¡]ier la consíitution des priucipalcs confl~d(;l';diul:~
aucicuncs ou mudcrues; el lcvlrait de ce írav.ul. lruuvc




WASIIINGTO"


d,U1S ses papict's, [¡lieste qu'il y avait recucilli des íaits
ú l'appui des nolions simples do sa raison, plutó! quil
n'a vait pl'" H~ll'é la naíuro íntimo de ces ussociations com-
pliquées.


JI ya plus: par su punte naturellc, Washingtnn incli-
nait plutót vcrs l'clat social dl~lIlocratiqlle que VCl'S touí
antro. Esprit droií plulót <¡¡¡'ó(emln, crcur juste el
calme, plein de diguité, mais oxempt de tonto prélcn-
tiou passiounéc el haulaiue, plus jaloux de la eonsidé-
ration que de 1\:mpire, l' é(!11 itó el la simplicitó des
maximes el. des IIJWlIl'S démocruliques, loin de le c!1O-
qucr 011 de le gene1', convcnaient it S('S go(¡ls el satisíai-
saicnt sa raisou. Hile s'inquictait point de recherchcr,
avcc les parlisans du systcllle arislocrnlique , si des
comüinaisous plus savunlcs, des clnssiflcalions, des pri-
viIL'ges, des i:;¡i'i'¡i":'es~L: ¡í,eicHes étaien! nécessaires al!
mainlicn de la oocitil/:, Il vivail lrauquille al! miliou rl'un
pcuple éga1 et souveraiu, trouvaut sa domiuation légi-
time et s'y soumettant snns cllort,


Mais quand la quesliou passait de l'ordrc social a
I'ordro politiquc, quand ji s'a¡':,iss:li!l1e I'orgnnisatiou du
~ollvcrncment, \Va:;hillgloll étail haulcrucnt fédáa-
liste, opposó aux prctontious locales el populuircs, pal'-
¡i5111 declaró (le l'unitó el de la 101'(;(; du pouvoir central.


H s'elcva SDtlS ce dl'apc:w l:! pour le [aire lriompher.
Pourtant son ólévation ne [lit poiut une victnire de


paríi, el non iuspira a personnc les joics ni Icsdoulcurs.
Aux youx, nou-sculetucul un pulilic, iuais de ses ad ver"




ETCliE 111:--1()itl(!1 ¡.; r.v vn
saircs, il était en dchors ct au-dcssus des parlis : [( 1e
seul homnie dans les Élats-Unis, di! Joílerson, qui pos-
s(itlút Ia coníiance de íous .... 11 n'y en avait aucun aulre
ljili rút consideré 801111ue quelque chosc de plus qu'un
chef de partí l.)


11 s'óluit constaunnent appliqué a conquérir ce heau
privilcgc : (.Tc vcux garder mon esprit el mes actions,
tjlli sont le résullat de ma róllexion, uussi libres el indé-
pendanls (IUC l'air".... Si c'es] mon sort inevitable d'ad-
ministrcr les añaires pll bliq ues, j'arriverai au fauteuil
sans cngagemcnt aníériour d'aucun gcnre, sin' quelque
ohjet que ce soit ' .... Quoi qu'on publie iL mon égard.je
no récriminerai jamais; je ne sais memo si je me jusli-
Iierai jamáis ' ; tout cela n'cst que de la pálure pour
la déclamatiou 5 Les espri ts des homrncs sont aussi
divcrs que leurs visages; quand les niotifs de lcurs
actinns sont purs, 0/1 ne peut pas plus lcur impuíer á
crime leurs idées <pe leurs írails".... Les dissidcnces eu
malierc politiquc soul iuéviíublcs, el pcut-étrc, dans une
certaine mesure, nécessaírcs" .... Müis je ressens un vil'
chagrin iL voir des hommcs de talent, de zclós patrio les,
qui se proposent en généralle mérne but, et le poursui-
vent avec des inlenLions cgalcrnent droites , no pas


.Terrerson's MCi11oirs, t. IV, p. 481.
, \V;¡shillgion :lBc njnrn!n Llurriscn : vVr':tings, t. IX, p. 84..


5 iua., p. -liO.
¿ W<lslJingtun aWil li am Guc1dllrd; tua., p. 108.
:. WashillS'lOn a Sllmn(;] Van,"],"¡¡; n/d,. t. LX, p. 14B.
6 \Yashington a Benju m ii: ILlI'rl.'Oli ; Li.iii., p. -1"i;j,
7 \YU,íÚ1l6lOll aAlcxaudrc Ll aru il l.on , lbid., i. X, I': :2~J,




t.xv i ii \V A8I1Il\GTO;\;


apporler plus de nhcruliíé el de charitó dans 1('lIl'sjllge.
menls sur leurs opinions el leurs actions réciproques'.»
Etrangcr ainsi á toute polórnique personnelle , aux pas-
sions et aux prévcntíons de ses amis comme de se;'
adversaircs, il mcttait agardcr ccttc posiíion toute :;;l
politique; et il donnait it cctte politique son vrai norn, il
I'appelait « le juste milieu '. »


C'est beaucoup de vouloir tenir le justo milieu; mais
la volonté, méme hahile el forme, n'y suffit pas 1011-
jours. Washington y réussit par le tour nuturel de son
esprit et de son caractere autant <JIIC par son propre
dcssein; il était bien récllement en dehors des partís; el
son pays, en en jugeant ainsi, nc Iaisait que remire
hornmage á la vérité.


Hornrne d'expéricnce el d'action, il avait une admi
rahle j usíesse et poiní de prétenlion syslématiquc dans
la pensée, Aucun partí pris, aucun principe atflché
d'avancc nc le gouvernait, Ainsi point d'ápreté logiquc
duns sa conduite; poínt d'engagcment d'amour-propre
ni de rivalité intellectucllc. Quanct ll l'emportait, son
StH.:<.:es n'óíait, pour ses adversaires, ni une gagellre
perdue, ni une condamnation univcrselle. Ce nólail
point au nnrn de la supérioritó de son esprit, rnais ail
110m des choses mérnes et de leur nécessitó qu'il triom-
phait,


Pourtant son triomphe n'était pas un Iait sans mura-


I Washington 11 ThD11JaS .lcffcrson : lVritings, p. 280.
S Washington Í1 Laiaye u e , Ibid., l. X, p. ;¿JI.i.




ETT:lm mSTORIQljE. LXIX
lité, le simple résultat du savoir-íuire, ou de la force, Ol!
de la fortuna. Etranger a tonto théorie, il avait foi dans
la vérité el la prenait pour regle de sa cond uite. Il ne
poursuivait point la víctoirc d'une ídéc contre les parti-
sans de l'idee contraire; mais ji n'agissait pas non plus
au nom de l'inlérét seul el dans la senle vue clu SUCC()s.
Il ne f'aisait ríen qu'il ne crút avoir raison et droit : en
sortc que ses acles, qui n'avaíent point un cnractúro
systématiquc. hurniliant ponr ses adversaires, avaient
néanmoins un cnractere moral qui cornmandait le
respecto


On avnit d'ailleurs, de son entier désintéressement, la
conviction la plus profonde. Grande lumiero alaquello
les hommes se confient volontiers ; force irnmenso qni
attíro les ames el rassure en mémc temps les intéréts,
certains de n'ótro pns livrés en sacriflce ou commr-
insuuments ú des vues personnelles el ambilieuses.


Son premier acte, la formntion de son cahinet, fut la
preuve la plus éclatante de son impartialité. Quatrt'
hornmes y furent appclés : Ilamilton el Knox, de I'opi-
nion ícdérnlistc ; Jcñcrson el Ranclolph, de l'opinion
démocratique. KllOX, soldat prohe, rnédiocre et docile ;
Randolph, esprit flottanl, d'une probité equivoque et de
peu ele íoi ; Jeííerson et Hamillon, toux deux honnétes,
sinceres, passionnés, habiles, les vrais cheís des deux
pnrtis.


Ilamilton a droit (l'r~ll'e compt« parmi les hommcs qui
ont le mieux connu les principcs vilaux et les conditions




WA~TTT"GT()"


Iondamentales du gOllvl'l'llcmenL: non pas d'un gOllver-
nernent tel qucl, rnnis d'[lII gouvernement digno de sa
mission el de son nomo Jl n'v a pelS, dan s la Constiíution
des États-l'nis. un clcmcnt dordrc, de force, de dun'.¡~,
qu'il n'ait puissammcnt contrihué ú y introrluirc ct ú
fai re prévaloi r. Pcut-étre croynit-il la forme monarchique
próférable ida forme républicainc. Peut-élrc a-t-il quol-
quefois doutó du succes de l'cxpéricncc Ipllb"f' duns son
]Hrys d'adoption. Pcut-ótrc nussi, ('1111'01'1:" par sa vive
irnagination el. I'ardeur loaique de sa pcnsóe, étnit-il
quclquofois cxclusif dans ses VIleS el cxccssif dans ses
dóduclions.' }lnis d'un caractere aussi élevé <111(: son es-
prií, il servait lovalement la republique, el travaillait a
la fnndcr, non a l'ónerver. Sa supóriorité ólait de
snvoir qllt:, nnlurellcment et par la loi csscnlielle des
c!105f'S, le pouvoir esl en haul, it la tr~íe de la socióté,
qu'il doit (~I re consiiluó selon cclle loi, el que tout sys-
teme, tout cüort conírairc portcnt tú! 011 tard , dans 1:1
sociélé mérnc, le trouhle et l'affaíblísscmcnt. Son erret Ir
1';11 de tenir trap ótroitemcnt, avec une ohstination un
peu arrogante, aux exemples de la constítution hri-
innnique ; d'attribuer quelquefois " dans ces cxcmpk-s,
J;¡ memo autorité au bien el au mal, aux principus d
it l'abus, et de ne pas accorder á la variél« de:" formes
politiques, a la floxibiliíé de la société humaine, [11It'
par! asscz largo ni une confiance asscz hardie. JI y a
del' lomps nú le g{;nie poliíiquc consiste hne uoiut crniu-
drc ce qui es! nouvcau en rcspccíant el' qui esll"kl'licl.




FTTTnE HTSTORIQrr:. r.xx i
Le partí démocratiquc, non de la dérnocratie tnrhu-


Icnto ou grossiere de l'antiquité ou du moven úge, IWlici
de la grande démocratic modcrne, n'a point el! de re-
prósentnnt plus íídele et plus émincnt que Jeílersun.
Ami chaud de l'humanité, de la liberté, de la scicnco ;
conílant dans leur vcrtu cornmc dans leur droir ; pro-
fondérnent touclié des inj uslicos que In masse :les
hommcs a suhies, des soullranccs qu'cllc en<1:II'(', el
ino-ssanrrnent préocc'!pé, avec un rlésiutércsscmcnt
admirable, de les réparcr ou dcn empeclrcr le retour;
acccplant le pOli voir commc une néccssitó SI .specle,
presfJlIe comrne un mal e0l111'e 1111 mal, et s'anpliquunt
non-seulcmcnt a le contcuir, rnais il l'abaisser ; se me-
ñant de toulc grandcnr, de tonto spleudeur individuelle
comme d'uno usurpation prochaine ; creur ouvert,
bienveillant, indulgcut, «1I0ilJlIC prompt a se prévcnir
el a s'irrilcr contre Ics advorsaircs de son parti; esprit
hardi, vií, ingénicux, curieux, plus pénótrant 11<1e prc
voyant, mais trop scnsé pou!' pousscr les choscs il I'ex-
treme, ct cnpahle de rctrouver, centre le mal el. le póril
pressanís, une prndence, une fcrrnelé q11 i, yenl/CS plus
tót et d'une íacon plus généralc, l'anraient pcut-ótro
prévenu.


Ce n'était pas une cntrcprisc aiséc d'unir el de fniro
agil' ces deux hommes en commun, dans un méme Ci\-
binet. L'ótat si critique des aJ1'aircs, au !l"']¡,lt de la
l'onslillltion, ct la prcpon.lérancc impartialc de \\'ns!l-
¡lIglo11 I'0ll\ail'nl sculs y panC¡¡ÍI'. a s\ appliqua 2YN;




r.xxi i WASHINGTON


une persévérance et une sagesso consommécs. Au Iond,
il portait it Hamillon d ases rnaximes une preí'érenc«
décidée : «Quelques pcrsonnes, disaií-il, le considercnt
comme un homrnc ambiticux ct par consequent dallge'-
rcux, Qu'il soit amhiticux, je l'accorde volonl iers ; mais
c'est de cetlc louable ambition qui pousse un honnno Ú
exceller partout o¡'¡ il met la main, 11 est entrcprcnnnt,
d'uno pénétration tres-prompte, et d'un grandjugemen'
au premicr conp d'ceil1.))l\iais c'ótait seulement en í í~IX
dans la liberté de sa retrrute, que Washington s'cxpli-
quait de la sorteo Tant el'ril fu t dans les allaires el entre
ses deux secrétnircs d'Ébt, il observa, envere eux, une
extreme réserve el leur íórnoigna la rnómo confiance.
llles croyait I'un eL I'autre sinceres et capables, néces-
saircs I'un el l'autre nu pays et alui-méme. Non-seule-
mcnt Joffcrson ótait pour lui un licn, un moycn d'in-
Iluenco dans le parti populairc, qui ne tarda pas it eleve-
nir l'opposition ; mais il s'eu servait , dans l'inlérieur
méme du gOl1vernement, cornme d'un contre-poids aux
toudanccs, surlout aux paroles quelqueíois cxcessives
et inconsidérées do Hamilton ct de ses amis. JI les en-
Irelenait et les consultait chacun á part sur les aílaires
quils devaient traiter ensemble, afín d'écarter ou dul-
lénucr d'uvanco les disseníiments. Il savait íaire tOIlI'-
ner le merite et la popularité de chacun dans son parli
;IU bien gént':ral du gnnverncment, mérne Ú Ieur pl'olil
muluel. II saisissait habilement toutcs les occasious de


, Washington ii Jnhu A,jnIlls; ~Y"iliI1U" t.\I, l: :)1'2.




F;TUDE HISTORIQTTE. r.xx iii
les 1'11:-:.112'1'1' dans une responsabilité commune ; el, lors-
'fue la dissidcncc lrop profonde, les passions trop vives
scmhlaienl rendre la rupture imminente, il s'interpo-
sait, exhorlail, priait, ct par son inílucnce pcrsonnell«,
par un appe! Iranc el, touchant au patriotismo et au hon
esprit des deux rivaux, il rotardait du moins l'expln-
-ion du mal qu'il ne pouvaií guérir.


II Irnilail les choscs avec la méme prudence, le mérne
nH;Jlagelllent que les hornmcs, soigneux de sa posi-
Iinn personnelle, n'ólevant aucune question prómu-
tnrée 011 superfluo, étranger au désir inquiet de tout
régler, de tout rlorniner, luissant les grands corps de
l'Élat, les gouvernements locaux, ses propres ernplovés
agir chacun dans sa sphere, et n' engageanl jarnais,
sans nécessitó clairc et pratiquc, son opinion el sa res-
ponsalnlité.


Et cctíe poliíique si impartiale, si réservée, si nltcn-
tive Ü ne rien compromettre, ni les choses, ni elle-
móme, n'était pas celle d'une administration inerte,
llottante, incohórentc, cherchant el, recevant de tous
clllés son avis el son impulsion..Iamais, au contrairo,
goU\ernelllent ne fut plus décídé,'plus actit, plus arróte
dans ses idees, plus eífícacc dans ses volontés.


JIavait dé formé centre l'anarchic, et pour rafferrnir
I~ lien íédóral, le pouvoir central. II Iut inviolahlcment
idel« it sa mission, Desson dóhut, ala prcmiere scssion


.lu prcmicr eongres, les gTandes questions ahonderent;
il íallait mettre la conslil uíion en vigueur. Les rola-




LXX!V WASHTK0TO'l


tions des chambres avec le prósident, Ir, moda de corn-
munication entre le présidcnt et le sénat sur les Iraités
el la nominalion aux grunds emplois, l'organisation
de l'ordre [udiciairc , la créalion des dópartcmcnts
ministéricls, tOIlS ces points Iurcnt déhatíus et réglés.
Vaste travail oú la Constitution Iut en quelquo sorte
Iivróe une scconde Iois au comhat des partís. Sans éta-
Ia;.!e, sans intrigue, sans ancune lcntalivc dcnvahissc-
11H'1I1, mais prévoyant et fermo dans la canse (111 pO! rvoi l'
qui luí ótait confié, Washington, par ses cntrctiens , par
son adllésion !IllIÜClllUÜ dOIlnóe aux saines maximcs,
iuílua puíssamment pour que l'reuvre Iút aecomplic
dans le mame esprit qui avait présidé a son origine,
l'orgunisation digne et tortc du gOL! vcrncinent.


La pratiquc rópondit aux príncipes. Lnc fois auv
prises avec les aflaires et les partis, ce! homme qui,
.luns la íonualion de son cahincl, s'eluil monlré si íoló-
rant, porta el prcscrivit dans son adrninistratíon une
foríe nnité de vucs ct de conduitc, (( Tant que j'aurai
I'lionncur de gouvcrncr les uñaircs publiques, je ne
placerai jamáis sciemment duns uucune chargl' im por-
lanle aucun homme dont les maxirnes poliliques soient
contraires aux mesures généralcs du gouverncmcnt.
Ce serait, iJ. mon avis, une sorte de suicide politiquo t ....
Iinns un gomernement libre conune le nótre », écrivait-
iJ :", COII\el'nCIII' }!orris. ministre des ttats-rllis ;\ l.ou-




ETenE fTTSTORIQT"r.. LEV
drcs, (( quand lcs ciloycns sont maitrcs de manifestar et
manifcstent en cñet lcurs sentimenls, souvent impru-
dcmmcnt, quclqueíois injustcmcnt, fauíe d'étre bien
iníormés, il faut bien passer quelques eñcrvcscences
nccidenlcllcs; mais apres la déclaration que j'ai faite ele
1Il0n sym hale politi.[ue, 'OIIS pouvezafflrrncr sauscrainte
Illle le pouvoir exócutif de ce pays n'a jamais souffcrt
d no SOlIÍI'rirrr jamais, tant que j'y présidcrai, qu'aucun
:11'11' incon venant de ses agents dcmeuro impuni i. ))


Ilaus les choses móme de pure forme et ótraugeres aux
habitudes (le sa vie, un íact juste, un instinct súr des
couvenanccs, qui son! aussi des condilionsdu pouvoir,
I'éclairait ct le dirigeait. Ce fut, apres son clectíon, une
question grave entre les partís que le cérémonial aohser-
ver cnvers le Prósident, Beaucoup de Iódúralistcs, pas-
sionnes pour les íraditions et l'éclat monnrchiques,
fl'iomplwienllol'sqlle, dans un hal, ils étaicnt parvenus
Úfaire placer un canapé elevó de dcux marches au-dcssus
du parquet de la salle, el sur lcqucl Washington seul
el sa fcnune pouvaient dre assis '. Beaucoup de démo-
erales voyaicnt, dans ces pompcs, dans les Iecers puhlics
du Prósidcnt, le retour premedite de la tyrannie, el
s'indignaicnt que, recevanl ú une honre fíxe, daus sa
maison, tous ceux qui se próscnlaicnt, iI ne leur Iit
qu'unc róvcrcnco mide el. peu profundo ;l. Washington


• '\\-'lshil1f'ton h Gouvo mcur ~Iorrjs; "lVritings, t. :\1. p. 10:L
} i'//'r'I'\"oIl·s Jí c)!(üirs, 1. 1v, p. ,JDLl.
\\ "l·; '¡j1stOll :1 !lavid ~~tll;lrl; H'rit¡il:J~', 1. X, r. P9




LXXVI ,VASHINC1TON


souriait de cesjoies et de ces coleres, el persóvcrnit dans
les regles, il coup sur fort modestos, qu'il avait adoptécs :
« Si je suivais mes goüts, je passerais dans la rotraitc
tous les rnoments que je pourrais dérohcr it la fatigue
de mon poste. Je ne le fais pas, paree que je crois 1Ii1 'il
convient d'oñrir a tOIlS un libre acces vers moi, nutant
que cela peut s'accorder avec le respect dú au sil':gn du
gouvernemenl; et ce respect, jo peuse, ne peut dn'
acquis et maintcnu qu'en gardant un justo rnilicu entre
la pompo el la familiaritó ', »


Des embarras plus graves miren! bientót sa consíance
aune plus difficile óprcuve. Apres l'établisscrncnt consli-
tutionnel, les finances etaient pOlH' la rópuhlique 11111'
queslion immcnse, la principale peut-étrc. Le désordre
était extreme: dettes de I'Union envcrs les etrangcrs,
envers les naíionaux ; dcttcs des f:lab particulicrs, con-
tractées sous leur propre norn , mais it rnison de leur
concours dans la cause commune; bons de req uisitions ;
nmrchés de íournilures; intéréts arricrós; d'autres litres
cncore, ele diverse nature, de di verse origine, mal COIl-
I1I1S, point liquides, Et au termo de cc chaos, poiut dI'
revenus assurés el suíflsauls 110111' Iaire tace aux chur-
¡..res qu'il imposait.


Bien des gens, el, il faut le dirc, le parti dcmocra-
tique en pinéral, ue voulaienl pus qu'on acceptát 101111'';
('1''; chargcs, ni mémc qu'en les conccntrant, 011 pOl'i;\t
dan,; ce chnos la Iuniierc. A chaque ¡::tat ses dcítos, quel-




ETl'TlE llI~Tn[UQt1Eo r.xxv i i


IIII(~ inógoale qu'cút été la dislribuíion du fardeau, EJllrt~
les créanciers, des distinctions, des c1assifications íon-
dóes sur l'originc de leurs créances elle montant rócl
de leurs déboursés. Toutes les mesures enfin qui, sons
une apparence d'examen scrupuleux et de [ustice vruie,
ne sont au 1'011(1 que des subterfuges pour éluder et ré-
duire les engngemcnts de l'État.


Comrne secrétairc du trésor , Hamilton pro posa le
systemc contraire : -la concentration. ala charge de
l'Uniou, el l'acquitlnrnent integral de loutes les dettes
cílectivcment contractées pour la cause commune,
étrangercs Oll arnéricaines, et quels que fussenlles cou-
tractanís, l'origine, les porteurs; -1'etablissemcutd'irn-
póts suíñsants pour Iaire faee ala dette publique el á son
arnortisscrncnt ; -la fondation d'une banque nationale
capahío de seconder le gouvernement dans ses opera-
tions financieres, el de souíenir le crédit.


Ce systerne ólait seul moral, seul sincere, seul con-
Iorrnc a la probité et á la vérité.


II consolidait l'Union, en unissant flnanciercmcnt les
Elats, cornrue ils étaient unis politiquement.


II fondait le crédit américain par ce grand cxemplo
de íldólitó aux engagements publics, el par les garanlies
tiu'il nssu rait ü lcur cxóculion,


Il forliflaillo gouvcrnement central en ralliant autour
de lui les capitalistcs, el en lui donnant, sur eux el par
eux , de puissanls moyens d'influence.


Au prernier molií, les advorsaires de Ilamiltou n'o-




'"-\\\11i \Y.\:-;[lI:\GTrl"


saient point Iairc d'objection ouvcrte ; mais ils s'cflur-
raient d'atténuer I'aulorite du principe en conteslnnt I(~
mérito égul des créances, en discutant la moralilé des
creuncicrs, en se récrianl contre les irnpóls,


Partisans de l'indópendanco locale, ils repoussaienl.,
al! lieu d'y applaudir, les conséquences politiques de
l'union flnanciere, et demandaicnt, en vertu de leurs
príncipes généraux, que les Étals fussent laíssós, dans
le passó comrnc dans l'avenir, aux chances diversos de
lcur situaíion et de Ieur destinée,


Le crédit américain leur scmblait trop cherement
ucheté. On l'obtíendrait, au besoin, par des Illoyem
moins onéreux et plus simples, lis accusaient les íhéo-
rics de Hamillon sur le crédit, les dettes publiques,
I'nrnortissement et les banques, d'obscurité et d'illusion.
~bis le dcrnier effet dLL systóm« excilait snrloul leur


colcre. L'aristncrntie de l'argent est, llOIll' le pouvoir,
111] allié périlleux, cal' c'est elle qui inspire le moius
d'eslime et le plus d'envie. Quand il s'agissait rlu payc-
menl de la deUe publique, le partí íédéralistc avai: pour
lui les príncipes de moralité ct dhonneur. Quand la
IleLle publique et les opérations auxquclles elle dounuit
lieu devenaient un rnoyen de íortunc sourlainc, el 1J(~I!~­
611'e d'influonce illégitime, la sévéritó morale passait au
partí dérnocratique, et la prohitó prctait it I'cn vie son
appui.


llamilton soutenait la Iuttc uvec son énl'rgic aCCOLl-
tuuicc, uussi pLlI' (ILle couvuiucu, chef de parii ellCUI'C




ETliJ>I': UISTOI\f(IU:. l.XXIX
plus que Iinnncier, el préoccupe surtoul, dans ladmi-
nistralion des íinunccs, de son but politiquo, la Iou-
dalion de l'Etat et la force de son gou vernernent.


La perplcxitó de \Yashinglon était g-rande. Étranucr
aux études flnancicrcs, il n'avait pus, sur le mérito
intrinsequo des mesures proposóes, une conviction per-
sonncllc ct savantc. Il seníait leur équité, lour utilité
politiqueo Il avait conflance dans Hamilton, dans son
jturcmcn! el savcrtu. Pourtant, quand le débat se pt'o-
longeait, quand les objections se multipliaicnt, quel-
tilles-unes lroublaient son esprit, d'aulres iuquiélaient
sa conscience ; et il se dcmandait avcc quelque embarras
si toutc la raison était bien du cóté du gouvernement.


Je ne snis ce qu'on doit le plus adrnirer, de l'impar-
tialité qui lui inspirait ces doules ou de la ferrnete avec
laqucllc, en derniero analysc et tontes choses bien pe-
sóes, il sonlint tonjours Ilamilton ot ses mesures. Acle
dun grand jugemcnt politiqueo Fút-il vrai que quclqne
illusion se melát aux plans financiers du sccrótaírc du
trésor et quelquo abus h leur oxécution, une vérité bien
plus haulu dominnit cclle-Ia ; en fondant la foi publique
el en liant étroilcmont I'adrniuistralion des flnances a
la poliliqlle de n;:tat, il donnait, des les prerniers jours,
al! gouvcrncmcnt nouvcau, la consisíance d'un pouvoír
ancicn el bien établi.


Le suecos dépassa les plus orgueilleuscs esperances.
La sécllrité rentra duns les csprils, l'aetivit6 dans les
aílaircs, l'ordre dans l'adniiuislration. L'agriculture el




r.x x x WASIlI'JGTO'J


le commcrce so développel'olJt; le credit s'éleva rapidc-
mcnt. La sociélé prosperait avec conííancc, se sen lauí
libre et gOtlvernée. Le pays elle goUYernemenl gran-
dissaient ensemble, dan s cettc bolle harrnonie qui esl.Ia
santé des États.


Washington vit de ses yeux, sur tous los poinís du
territoire américain, ce spectacle pour lui si glorieux
el si doux. Dans trois vovagcs solcnncls, il parcourut ü
pas lents toute l'Union, paríout accueilli avcc cettc adm i-
ration rsconnaissante el añectuouse, seulo recorupensc
digne de toucher le creur do l'homrne public : « Je suis
heureux d'avoír fait ce voyage, écrivait-il 11 son retour ;
le pays semble en grand progres ; le travail ellos t1HPUrS
frugales deviennent ala modo .... La tranquillité I'cgne
dans le peuple, accornpagnéc, pour lo gouvernerucnt
général, d'une disposition bienveillante qui doit la
maintenir.... L'agricultour trouvc pour ses produils un
marché Iacilc ; le marchand comple avcc plus de eerti-
lude sur ses payements.... L'cxpérícnco de chaque jour
paral! añerrnir le gouvernernent des Élats-Unis el le rcn-
dre de plus en plus populaire. La prornpte oIJéissallcc
aux lois qu'il a faltes prouvc avee éclat la confiauce des
citovcns dan s lcurs representan ts el dans les VtlCS droi les
des hommes qui administrent les affaires 1, »


Et presque au meme momcnt, comme si 1<1 Provi-
dcnce eút pris soin que de toutes parís vint it la poste-
rilé le méme témoignage, Jeflerson écrivai t. : « Les


1 Washiug tou ¡, David Hutupnrcys . \rriliIiUs, l. x, [J, liD.




ETCllE llISTOInQUE. LX",¡
nouvclles clcctions [Jour le cOllgrl's se sont accornplics,
el bien P(~u de changernenls oní en Iiou, Preuvo ccr-
taino, cutre bcaucoup d'nutres, qllP les acles du nou-
veau gOIHernelflet1t ont causé une satisfaclion g6né-
ralo .... Nos aílaircs suivent un cours de prospérité saus
excmple : íruit des progres réels de nutre gouverne-
mcnt, el de la couflanco illimitéc que lui porte le peu··
ple, plcin de zclc pour le soutcnir, et convaincu qu'uno
forme union cst le rneilleur gage de notro sécu-
rilé j.))


Anssi, quand le termo de In présidence de Washing-
ton approcha, quand la nóccssité ele donner ele nouvcau
un chef ill'État dcvint irnminente, un mouvement gé-
uéral s'élcva vers lui pour le conjure!' d'accepter encero
une fois le tardean. Mouvcmeut tres-dívcrs dans SOl]
apparentc unanimitó : le parli fédéraliste voulait con-
server le pouvoir, l'opposition démocratique scntait
que le jour u'óluit pas vcnu pour elle d'y prétcndre, el
que le pays ne pouvait se passcr de la politiquc, ni de
I'homme que pourtant elle se prorncttait bien d'atta-
qucr, Le puhlic trcrnhlnit de voir intcrromprc cet ordre,
cetlo prospéritó, si précieux el encore si précaircs. Mais
ouvcrts ou caches, patrioliqucs Olt égo'isles, sinceres ou
Iiypoerites, tous les senliments, Ious les avis concou-
raicnt uu méme dessein.


Washington seul hesilail. CeL esprit si calme était
plcin de pónétraíion, el puisail daus son dósintércsse··


.1 Jc/kr>uiI.s JhlllUlrs, l. IU, 1J. [JJ.ll~.
r




LXXXll


lllCn! ne libertó qui le [Irésnvail de tonto illusion sur
"les choses et sur lui-mómc. Les brillantes apparcnces,
le hon élat mémo des affaires publiques ne couvruiont
point ases yeux les pórils prochains de la situaíion. Al!
dehors, le hn lit de la révolníinn Irancaise óhranla il
dé:j~ l'Amérique. Uno gtiClTC inévitablo, et mal com-
mcncéc, con [re les Indicns , c\ig"cait d 'assez grands
eñor!s. Dans le cabinei, la dissidcnce entre Jcñcrson rt
Ilamilton étaií dovcnuo ll'c--viye; les plus prcssantes
oxhorlations du présidcnt óchouaicnt ala contcnir ; elle
éclatait presquc oífícicllement duns dcux [ournaux, la
Gaiette ruuionole et la Gozeu« desÚ'tats-Unis, ennc-
mis ardenls au nom des deux rivanx ; un ernployé des
hureaux de Jeflerson I dais le rédactcur connu du pro-
miel'. Ainsi cncouragcc, la presse de l'opposition se
livrait .\ la 1)'I,~ "1"'\1'" viclcnce \V·',:llin"loll en "011ee-L ,.tÜl' u, (.~ l"""~ r.c ..LV V \_'-' ._· ...t~, ,'o 1.L._, •. o ,v
vait une iuquiei: «le exlrónie : « Si le méconícn teIlwnt,
la méfiance, l'irritation sont ainsi sornes aplcincs mains,
écrivait-il au procureur général Ilandolph, si le gou-
vernerncnt el ses offlciers out íncessanimcnt asubir les
outrages des JOLlJ'lJaliX, sans q u'on daigne soulement
examiner les faits OH les molifs, jo crains qu'il ne do-
yienne inipossiblo, iJ. aucun homn.c SOl!S le solcil, de
manier le gouvcrnail el de tcnir ensemble les ¡¡ieces de
la machino".» Dans quclqucs par.ics du IUYs, surtoul


1 Il sappc lnit Frcncau.
~ \Y~i.:::;;;ill~tun ~i. Lli./lJUil,.l L~<..ulrjull¡j¡, "\l'i'ifiJ/!JS, l. X, 11. ~K7.




EIl,;;!: ]J¡C;TOlUQTJE. LXXXlll


PO/II" !;¡jre Iacc it 1:1 dcllc p:!lJliiJti(~ avait révcilló l'esprit
de H;ditioJl; des réunious nombrcuscs avaicnl nnnoncó
¡¡¡¡"elles en refusnraicnt le p;lyeJncnt; el Wnshingtou
s"é[aiL vu coutrniul d'anuoucur Ú son tour, par une pro-
cl.unaliuu solcunelle, (Ii¡'Ü nssurcrait I'exóculion des
Iois, AII scin móme du congrcs, l'administralion n'ohle-
nait plus U11 appui aussi constant, aussi efficacc ; Ilamil-
iOH 6lail, l'objd dultaques de jour en jour plus vives;
r(~P1Jüsitiull cchouni] dans les moíions qu'clle IClllail.
coutre lui , mais 5¡:S pt'O¡in:s propositions n'étaienl pas
loujours aliopl¡':¡:s, Enf n, eIJ vers Washington lui-mómc,
le langage de 1<1 chutuhre des rcprésentants, toujours
respeclueux el añcctueux, n'ótait plus aussi expansil, ni
aussí ícudro ; el le 22 íévrier 17D;], [our annivcrsníro
de Sil naissaucc, la proposition de suspcndrc lit sónucc
une dcrni-hcurc pour ullcr le complimentcr, vivernont
combattue, nc passa 'l u'á une mujori té de vingt-trois
\01'\.


Aucun de ces íails, de ces symptómcs, n'cchappait ú
la sagacitó vigilnnle de " ·a~;JliJ1":!OIl. Son goíH naturol
ji 01Ir la vie privée el le rcpos de Mount-Vcruon en re-
douhlait. Le suecos pussé, loiu de le rassuror, le rcndait
plus crainlif pour I'avenir. Müdl:~;iemenl, mais passiou-
nemcnt aííachó it sa considéraliun el a sa gloirc, i! jJ'~
voulait pas souílrir le moindro d(;cliu, Les ius!:,¡~"I:s
uuivcrsellcs n'auraicnt poin! sr.Ill ü le ¡J,\il'I'llliuCi'; ~':l
convicl ion pcrsonncllc, le bien pulilic, l'inlórét óvidc:¡ i
des aüuircs, le desir ou plutót le devoir de porlcr un




LX.XXIV wxsru "1; 11)'\1


peu plus loin son u.uvre encere chancclantc, pouvaient
seuls buluncer dans son ámo sa prurlence el son 11('11-
chant. Il pesait et déhatlait en lui-méme ces divers mo-
tifs, ave e une sollicitude plus agil.(~e (lue 11e semhluií le
comporter sa nature, et Ilnissait par dirc, dans la pienso
lassitude de sa pensóe : (( Le maltrc souvcrain el souve--
rainement sage des óvéncments u vcillé jusquici sur
mes pas ; fui cettc conílance que, daus limportunto ['(~­
solution a Iaquellc jc scrai pcut-ótrc hicntót appl'ló, il
m'indiquera si clairement la roule que jc nc pourrai
m'y tromper j • »


Héólu a I'unanimitó, il rcprit son Iardcuu avec le
méme désintéresscment, le memo couragc, el, malgré
son succes, peut-étre avcc moins de coníiuuco (1'le la
prerniere fois.


11 avait un juste pressentimcnt des éPl'lHIVCS qui l'at-
tendaícnt,


Il y a des événernents que la Providence u'admet pus
les conternporaíns á cornprendre ; si grands, si cotu-
plexes qu'ils surpassent longlemps l'csprit de 1'hOIlJIIll',
el que, méme en eclatant, ils dcmcurent longlclllps
obscurs dans ces profondeurs ou se préparent les coups
qui décident des destinées du monde.


Tcllc a été la révolution Irancaisc. Qui I'a mesurcc?
De qui u'a-t-elle pas trompé ccnt Iois l'opinion el l'al-
enk, amis OL!adversaircs, ent 11011 siastes 01 t délrncíeurs?


Quand l'ánio et la sociétó humaine sont Ú ce poiut




ETUDE !!I~TOR[Q['E, r.x x x v


r, 'J1lllÚ'S ct soulcvécs, il en sort des choses qu'aueuno
illlagillation n'avait concues, qu'aucuu dcssein nc san-
I'ilit embrasser.


Ce 'Itf() I'cxpéricnco nous a cnscigné, Washington
I'entrcvil des le prcmícr [our. La révolution lrancaisc
commcncait Ú peine; (\¡"jil il n~lenait son [ugcment el
prl'lIail sa place en dehurs de íous les partís, de t01lS les
spectaíeurs, ótrangcr it la présomption de leurs pro-
phéties, ct il l'avcuglcmcnt de leur hostilitó 011 de leur
cspérance. « L'óvéncment cst si cxtraordinaire it son
dl~hJJt, si mcrvcillcux dans son progres, el peut devenir
si prodigicnx dans ses consequences, ([ue je dcrnou re
comme pcrdu dans la contemplalion ... Personnc n'cn
sonhaitc avec plus d'anxiété que moi l'issue fnvornhlo ;
personne ne íait des vreux plus sinceres pour la prOS\H\-
rilé de la natiou francaiso ... Si les choses flnissont
comme l'annoncenl nos plus récenls rapports j, elle
sera la plus hcu reuse el la plus puissante de l'Europ«,
Jlais quoiqu'clle ait íraversé triomplmlemcnt le premie\'
paroxysme, je crains bien que ce ne soit pas le dor-
nier ... Le roi sera crucllement mortifié ; les intrigues
de la reine, le mécontentement des princes el de la no-
blesse fomcnlcront des divisious dans lusscmblen na-
lionalc. La liccuce du pcuple, le sang répandu alarme-
rnnt les meillcurs amis du rcgimc nouvcau. .. Il ('sI
diflicil(' (JI) ne pas courir .l'un extremo iI I'autro, el,
.lans el: caso des ócuuils aujourrl'hui invisibles llollr-




LXXXY] WA'SITI'\G TO);
ron t bien hriser le navire el amcner un despotismo plus
rude que l'ancíen .... Ceci cst un océan sans limites
cl'ou l'on r1e voit plus de terre l. »


Il garda des 101'S, envcrs les naíions elles événcmenís
d'Europe, une extreme réserve ; fldolo aux príncipes
qui avaient rondé l'indépendancc el les Iibcrtés de
l'Amériquc, animé pom la Franco d'unc hienveillane«
rcconnaissantc, ct saísissant avcc ernprcsscrncnt íoutes
les occnsions de la témoignor, rnais siloncieux el con-
tcnu, comme sons le prcsseníiment de quolque grave
rcsponsahilit(~ dont il aurait a porlnr Ir, Iardeau, nt no
voulant engager d'avancc ni son opinion personnelle,
ni la politiquo de son pays,


Qnand Ir, joun dilílcilc arrivn, qunn.l In déclaration
de gTleLTe entre la Frunce el l'Anglelerl'e fH óclater en
Eu: oJle la grande In tic róvolulionnairc, la résolntion
de \Yasl¡ingioll tut nclíc el promplc. II proclama sur-Ie-
cluunp la ncutrnlilé dos l::!als-Unis.


(( Mapoliliquo cst simple. Vine en rclalions arnicalcs
avcc tontos les nations ele la Ierro, mais no .lépcndrc
d'aucunc, n'épouscr les querelles d'uucune ; tenir CJ1-
vcrs toutos nos cngugcmcnts, pourvoi r par le comrncrco
aux hesoins de toutes, e'cst b notro intérét el notre
droil. ... Je veux une alíitnde américainc, le rcnorn
rl'uno poliiique américain«, afln 'lIte les puissanccs en..
ro\l(:'c11nes snient hicn convaincucs que nous ai'issnns


1 \\'r';1shinp:(on u.u lllar'!uis al' la Luz orn o j 11Triliil~j"'. t ~\) ji. krl.
_ A (;(}ll\"(~rnellr 1\101'r18; u-«, p. 40.- A IIellri I.('r~; iu«,
p. ~1l1,




mont ~~'Óll{lJ (iJ (le l'Europc n'eB1, pns nn~: supposilinn
absolumcnt C;;iH!:""j'l'Ic. L,' p:'u¡]cl1ce non" cunseillo de
nous excrccr Ú nc eompíor <rile sur nous-mémes el, ú
íenir de no, prnpres mains les balances de nutre desli-
née.... Plncós, en qnclquc sortc, mi milieu d'cmpires
qni tornhont, q!IL: ce soit naire but constan! de gal'l!cr
une silunlion Iclle Ijnc uous no soyous pas cntraincs
dans len!' ruine .... l',icn,sinnn le rcspcct de nous-
mémes et le justo soin de l'honnour nutional, no doit
nous pousscr ala glicrre ; jo suis súr que, si le pays se
maiuticnt en pnix encere vingt ans, il pourra, dan s une
honne canse, dófler quelque puissance que ce soit; Icllcs
seront a101's sa populution, sa richcsse et ses rcssourccs'.»


L'approbatíon fu! d'alJord génér,l1c. Le désir de 1:1
paix, I'hcsitafion it u\lll'inH;!' un avis qui pú! la com-
promettro, dominaicnt les cS¡lrits. Ponr le princil'c de
neutralité, le cabinct avait 6t0 'nanimc. ~\r(li:: II's non-
velles dEuropo arrivaicut, se répandaicnt comrno des
houñccs de fl.unmo. La co¡¡ti tion fO;'I'H':C con tro la Franco
attentait aux principes luíólnires de l'Amériquc, l'iudó-
peudnnco el In lilicrl<\ intóri.mro des nntions. L'A'lg!e-
tel'Te t!tait ú la f,(~te, odicuse cormnc un cnnemi réccul.
snspectc commc un nncion maitro. Ses dócrels, ses
rieles S1l1' le commcrcc des noutres el la prcssc des rna-
tclots hlesraicul les ¡::tnls-Unisdans leur dignilú ct Icurs


1 \V:¡;;11ington h ; 1~-1 :{i';,': ;', i , XL p :3\3~:'.--,\ GOll\'(lr-
r 'l(jlTl'-~' n,l· l .. l': ¡i¡,.I,- - -:\ ~ ! 1 , P: -':.2. --A


T:il11\",: ~Lw-lil'l!r'y; iu.: j :;.~)¡>




r.xxxvi i:


illtÚI'['Í;-;. Dans la gTande qucstion de la neutra Ij h~, ¡]('~
quesíions spéciales s'élcvcrcnt, assczdoulcuses pourscr-
vil' de juste cause ou de pretexte ala divcrsité des avis
el. ñl'explosion des scntirnents. Sur quelques-unes, par
exernple sur la rcstitution des priscs mari limes el le
mode de réception dn nOUV(~:Ul minisl re aílendu tin
Frunce, le cabinot cessa d'Nre unanime. Ce ministre.
J\I. Cenót, arriva, ct de Charlestnwn ;\ Philadelphie 5011
voyage íut une ovation populaire. Pnrtoul , sur son pas-
sage, les sociétés démocratiques, nombrcuses el arden-
les, se réunissaicnt, I'invitaient, le haranguaionl ; les
[ournaux portaient rapidernent dan s le pays le recit de
ces fétes, les nouvelles de France. La passion publique
s'ullurnait, Passionné Iuí-méme, ct ernporté [usqn 'il
I'aveuglcment par le desir d'entralner les tlafs-Cnis
dans la gllerre au secours de sa patrie, M. CeneL se crut
en droit el en mesure de tout oser, de réussir ú Ioul, 11
distribua des lettres de marrJlw, enróla des Arnéricains,
arma des corsaires, adjugea des priscs, agit en souvc-
rain sur ce torritoire étranger, au nom de la lratcrni té
rr\publicaine. Et lorsquc Washington, d'ahord étonnó
el immohile, mais hicníól 1'és0111, revendiqua les droits
dn pouvoir national, Genel entra avec lui en lutte tll""
clarée, maintint ses prétcntions, se rópandit en injuros,
fomenta la sédition, rnenaca mcme tI'en appeler au P(~II-'
plc contre un président qui trahissait ses dcvoirs el la
e:1IJSC générale (k la lihe1'tt\


Nul chd d'l::taln'a I',tl', pllls r(:~ervl': tlll(' \Yasllillslun




T·:TfTnE HISTORTQrE. LXX'[,,,
dans I'cxercico <111 pouvoir, plus sobre ti s'cngager et it
entrcprcndrc. Mais nul aussi n'a tenn plus fermemcnt á
ses parolcs, il ses desseins, ti ses droits. Il était présiden f
des Éíats-Unis d'Amérique, II avail, en leur nom ct en
verlu <le leur constitution, proclamé lenr neutralité. L:1
neutralité devait ótre réelle et respeetéc comme SOl 1
pouvoir. Dans cinq réunions successives, il mit sous les
yeux de son cahinet toute la correspondance, to.utes les
picccs relatives á cette lutle élrange, el le cabinct dó-
cida u l'ununimitó que le rappel de :\[, Genet serait im-
módiaternent demandé au gouvernement francaís .


. Cenét lnt rappeló. üans l'opinion de l'Améríquc
eomme dans sa réc1amation aupres de la Franco, Wash-
ington triompha. Les íédéralistes indignés se serraient
autour de lui, Les prétenlions et les emporíements de
Genellui avaient alienó beaucoup d'hornrnes du parf i
démocraliquc. Jeflcrson n'avait point hósiíé Ú soutenir,
contre lui, le pnísident. Uno réaction favorable se pro-
noncait et la Iulle sernhlait tcrminée.


Mais, dans le gouvernemcnt comme dans la guerre,
il y a des victoires qui coütent cher et laissent snbsisler
I¡: péril, Hanirnée aux Élats-ITnis, la flevre révoluüou-
mire n'en sortit point avec un ministre déchu. Au lieu
de ce rapprochement des esprits, de cet apnisernent des
passions, de ce cours de prospéritó et de modéraíiou
~I'~nl~l'ale dont la rópuhlique américaine se Iólicilait nu-
glli~l'c, dl~IIX partis y étaient aux prises, plus profolHk-
meut scparós ct (1111[' violenuncnt irrités qlle jnmais. Ce




n'étail p]IIS á l'adminisiralion seulc, ;\ des mesures fl-
nancicrcs, h lcllo 0\1 Iclle ,1J1[ilic:l! ion .louleusc des POlL-
voírs lcgnux, que s'atlaqunit l'opposiíion. Elle cacliait
duns son sein, dans les ,:ocit':!{:s d¡"ll1ocr1ltiques, dunsIcs
[ournaux, parmi les dr:mg-el's qll! :lffl¡:airnl sur le ter-
ritoire, une vruic Iaction róvoluíionuairc , ardcntc h
boulcvcrscr, pour les rcconstruiro sur d'autros bases,
la sociélé el son gouvcrncmcnt. « Il existe uux ltluls-
Ilnis, écrivait Washington ft La Faydtc, 1111 partí qui
combat le ¡;ouvcrneliJCIll dans toutcs ses mesures, (:1,
vout, en entravant ses ronagcs, en changcr indirecto-
mcnt la naturo, ct ronvcrscr la constitution. Tous les
movcns sont tenlés pour atteindro a ce but. Les amis
du gouve1'nemenl, qui désircnt maintcnir sa nentrn-
lik: et la paix, sont trai[ó' de monarchisles, arislocrales,
infractcurs de la conslitution qni, sclon l'iulorpróta-
íion de ces :~cm:-l:\, J1C serait qu'un P',I' chiilre, un mot
impuissant, lis s'al'l'og'ei1! ,] el!\: souls le méri!e dótro
les amis de la Frunce, lnndis qu'an fni! ils nc Sil soucient
pns plus d'dle (lue du Gran!] 'l'urc, el n'cn a.ment que
(le qui ser! leurs propres vucs, IIs déuoncent lcurs adver-
saíres, des hommcs don! les príncipes sont purcmcnt
.unéricains, ct qui ne se proposcnt que la strictc obser-
vation de la ncuíralité, comrne íombés sous l'influcnce
¡)l'itannilj1113 el agissan t par ses conscils, OH móme cornmo
~:(·s jlei:~'i()!IlJ[lil'es \ .... Si la conduito de ces gelli'-lit es!
',ile ,;\ Cl', i ill¡iti('!J'(~nee) si dun cól(~ rt'gnent l'activitó




t'JTnE IIISTOnJQn:. '·\-'1
ct .1e mcnsongr, de l'autre I'apalhie, les l'd!'~n~(_:.'(T'3 i nl:'i-
gardsel mócon lcnts qui sont venus ici paree r¡ u'ils ébiu i'
en gnerre avec leur gouvcrnemcnt, el la plnpart avcc
íous les ¡.muvcrntments, grossiront de jour en jour le
parti ; el Celui qui sait Iouí peut soul prédirc les COllS(:-
quences 1. ))


Al] milicu de ce prcssant péril, pro enclin ü s'engager
plus avant duns la lidie, Jeflerson qui , six mois ;¡¡;P~"
rnvant, en avait annoncé le dossoin, el n'avait tan),': :í
l'oxécutcr qrr'á la sollicilalion de Y\"ashinglon Iui-mómc,
se retira dócidcmcnt dn cabinct.


La criso étail rcdoulablc ; une fcrrncntation générale
gag'nait le pays ; les comlós occidcntaux de la Ponsyl-
vanie se ro'usalcnt violcmmcnl ala taxc sur les boissons
distillées. Iiaus le ](clliiid,y, 11:1115 la f>"ol'gic, des insur-
rcctions hcllíqucuscs slIscit(':es pCl¡j"'l~ll'e dn dchors,
mcuacnicnt d'cnvulrir, de lcur m:tO:'iU\ la l.ouisianc d,
les Floridos, ct d'Cn¡l:J¿er, mal,,:'é Iui, n~lal dans i '11
conflit avee l'Espagne. La u: !e!TC C011Le les Inrliens
continunií, loujours dilflcile cl (lDuiclise. Un Conaros
nouveau vcnail (le s'asscmbler, plcin de t'l:spcct p01l1'
Washington, mais ou la chambrc des rcprósontants S8
montrait cependant plus réscrvéc dans son approhatinn
de la politique cxtérieurc, et clioisissaiL son prósídcn t
dans I'opposition á une mnjoritó de dix voix, L'Atlf!!!'"
¡erre dósirait le mainíicn de la pui,; avcc les ];:tats-lJlIis;
mais soil qu'clle 11011 tú! du succes de WasJ¡ül!..rtou dans c.!


i w:I,,]¡;lI¡.don:t Putrick Ilcnrv : lVrili)1(¡", 1, XL \1. :100.




xcii W.\SHIXGTO'\


systerne, soit qu'clle obéi] Ú I'nnpnlsion de sa politiqu«
générale, soit par un arrogant dédain, elle conlinuait.
elle aggTavait móme ses mesures centre le cornmercc
des.Américains, dont l'irritatíon croissait ú son tomo e, Ce
n'est pas le moindre de nos embarras, ecrivait \Ya,,1I-
ington, que l'esprit dominateur de la Grande-BreV1;.!lle
nil redouhlé précisóment dans celle crise, el que la CO\l-
dnite oulrageuse de quelques-uns de ses oííícicrs soi!
venue jouer chez nous le jell des móconícnts, el aigl'ir
I'esprit des amis de la paix. i\Iaisje dis ceci en passant '. »)


C'étai! bien en passant en cífet, el sans aucun dessein
de s'en prévaloir pour nflaihlir sa poliíiquo 011 pour
rehausser son mérito, qu'il indiquait les obstacles semés
sur sa route. Aussi exernpt de vaniíó que d'indéeision,
il s'inquiétnit de les surmonter, non de les élaler.


AlI moment oú l'ascendant du l'adi démocratique
semblail assuró, ou les Iédéralistes eIIX-Ill¡;I1lCS s'úlirnn-
laient, ou des mesures acerbcs, proposées dans le con-
grl~s centre l'Angleterre, allaicnt peut-étre rendre la
gllerre inévitahle, Washington annonca tmil á coup au
sénat, par un message, qu'il vcnail de nommer 1'1l11 des
principaux cheís du partí íedóraliste, JI. .Iay, envoy¡'~
oxtraordinaire aupres de la cour de Londres, 110111' lCI1-
ter, sur les diíférends des deux peuples, la voie pacifique
des négocintíons.


Le sénut approuva aussitót son choix.
Le d¡':pit de l'oppositiou I'llt au (,OIn1)]I'. C'1'~fait la




r.TC])E lIIS']'OlUQUE. XCllI
t:IWJTU qu'ello voulaií, el, Surtou 1, par la guel'J'e, uu
changemcnt de politiqueo La simple prolongation de
I'eíat des affaires prornettait ele l'y conduirc. Dans une
situntion si agitée, ¡1\I milieu de l'aigreur croissante, un
hruit venu d'Europc, un non vel outrage au pavillon
uuréricuin, le moindrc incirlent, pouvaient Iaire éclater
les hostilitós. WashingLon, par sa résoh ilion soudaine,
imprimait un antro cours aux óvúncmcnts. Les négb'-
ciaíions pouvaicnt róussir ; elles mettaícnt le gouverne-
ment en droit rl'attcndre. Si elles échouaicnt, il rcslait
en mesure de Iaire la guorre lui-mérne et de la diriger,
sans que sa poliíique íüt írappée á mort.


Pour donner ases négociations I'autorité d'un pou-
voir Iort el bien ótabli, en mémc ternps qu'il déjouaií
au dchors les esperances de sesad versaircs, '\r ashington
résolut de réprimer au deduns leurs ten fati ves. La résis-
tunee de quelqucs eomtés de la Pensylvanio ala taxe sur
les boissons distillées élait devenue de la róvolte. Il pro-
clama son ferrnc dcsscin dassurcr I'cxécution des lois,
convoqua les milices ele la virginie, dn Ilarylund, dll
Now-Jersov, de la Pensylvauic mémc, les forma (~J1 corps
d'armée, se rcndit en personnc sur les lieux, rlócidú it
prcndre lui-mémo le conunandement si la lutte devait
elrc séricuse, et nc rcvint it Philadelplrie qu'apres avoir
acquis la certitudc que les reholles n'oseraient Ia 5011-
tei iir. lis se dispcrsereut en eííet devant l'armée, doní
un détachemeut demeura en quartiers dhivcr dans le
JIu ~ s.




XClV \VASIIIXC TI)"i


\Yashillglon goúla, daus edre circonstanco, uno de
e,",', joies s<':,rrcs milis proíoudes , accordécs qucl-
Ijlwfois, dans les p:lYs libres, il l'hommc de bien (liiÍ
1orle ícrmcmení le far.lcau du pouvoir. Partout, nu-
tamment dans les Etats voisius de r'insurrcction, les
LOllS citoycns cornprircnt le péril el lcur olllig,l'
Iion de ('01]('01 .rir cux-rnómes au mainiicn des lois.
Les rnagi~:~':Js furent courag{~llX, la milico cmprcssée ~
1 ue ftH'tC opiniou puhlique iu.posa silcuco al ¡x suh-
Uliié:~ h~'ilocritlls de~, Iauicurs de la rt"v(;He, el \V;¡:-:Ii·
iH¡;Lon ni son devoir avcc l'assentimcut el l'appui de
son rays.


COlllpC¡¡Sation bien modesto ti de nouvellcs el ,lIl1el'l':
éprclives. Vers la mómo époquc, son cahincl, les COi I 1-
l:l¡lllons de ses lravaux el de su gloire, se séparcrent de
luí. En butío il une nnimcsite to.ijours croissante,apri's
avoir soutenu la lutto aussi Iongícmps que fc\j('caj(;JJl
le succes de ~;es plaus el son honucur , conlraiut de
penscr cnfín ü Iui-méme et a sa fumill«, ll.uuillon se
rclira. Kuox prit le mónie parli ; eL \Ya~:1di~gtuli H'c~i~lil
plus entouró tIi le d'honnncs nouvca. .x, dévoues il sa poli-
tique, mais de Líen moindre <tU~Ol,ité ¡¡He lcurs préllt':-
cuscurs) quand sl, Juy reviut de Londres, rapportauí Iu
I'I'sllHal de ces négociatiotJs dout l'annoncc seulc avaii
excité tant de courronx.


11~:~S ¡O¡¡~l'S les l'1LC~,~ioiJS, He g'~ll'a!lli:)~a!L p¡j:~ ¡U!¡~ L.'s
üJléreLs des Éldls-l'uis; muis il iuctlail LIIJ lel'lJle ,111\




LTUDE IIlSTOnlQUF;, S~'-'f


principaux dilléreuds des duux peuples ; ji RoS!!!'::!: u
cmnplelc cxócution, ,jus ¡uc-la rctardce ¡:<ll' la e['<lude··'
Brelagllc, des convenlious ccnclues avcc elle q:::;:;l[ elle
avnil recounu I'indépcuda.rce ; jj le ',:)1;':; i!
des négnciutions nouvelles el plllS l:l',u,'ables. C'(;¡:ú lu
paix enlln , la ¡¡ai\ ¡¡,-sllréu ct qui aliúnuait les iuaux
mémcs qu'elle laissait suhsister,


Washington nhésiln point. Il avait ce rafe cournge
de s'ntlacher Iermemenl it une vue principaíc, e¡ d'ac-
cepter sallSmurmure les imperfcctions ct les iuconvé-
nicnts du suecos. Il communiqua sur-le-champ le traite
au sénat, qui l'approuva, sauf une moditícation ú récla-
mer de l' Angleterre. La question demeurait encare
en suspenso L'opposiiion tenía un extreme eílort. ['es
adresses vínrcnt de Bosíon, de New-York. tk; l:dli;IW,'C,
de Gcorge-Town, ctc., cxprimant lcur lk:~apP¡'()¡H[jUil
JII traite el demandaut au Présidcn t. de ne le pcint rníi-
fiel'. La populacc de Philadelphic s'amcuta, purcouruí
la ville, portauí les articles du traitó au ÍJod dun
b:lton , et les brúla solcunellcment dcvant la maisou
du ministre el du cónsul ü'AnGldu'l'c.Was!;iug[cll,
qui é[ait alle passel' quclqucs jOUl'S il :,:,c:ui-\cmoL,
rcvint en hále ú Phiia.lclpluc, ul CCiIS'dU SOH cai»-
net sur la qucsíiou de eavoir si le lr:jl~6 lH,l dcvai! p.:i"
etro immó.liutomeut 1'1IUi¡'i, S,U]" 1('(';;:[: tit: LOi!:i'(',.
la rcctiíicalion que le sena: lLt~:L:J a ;~it. dt'~l:'i(ld_~(~ l;l:C~:>'




XCVI WA~HINGT()="


el ralifla le traité. Handolph, se retira. Le gOll\erne-
menl brilannique accorda la modificntion <!elll,uHIt':,: el.
raliííu il son tour. Resíait l'exéculion, qui exige(lít des
mesures législatives ct l'inlervention du Congres, La
Iutto se rengagea dans la chamhre des représcntnnís.
Plusieurs íois, l'opposition conquit la majorité. Wash-
ington persista, au norn de la constitution, que ses
adversaircs aussi invoquaicnt centre luí. Eníin, au bout
de six scmaincs, pour no pas romprc la paix, dans la
conviction généralc que le Président serail inllexihlo
et I'opposition plutót lassée fIlie vaincue, les mesures
nécessaircs pour I'cxécutíon du traité Iurent adoptóes
a une majorité de trois voix.


Au dehors, duns les róunions publiques, dans les
jouruaux, la íureur du partí dépassa toute mesure, De
toutes parís, Ions les matius, cclataient centre Wash-
iugton les adresses de bláme, les letíres anonymcs, les
invcctives , les calornnies, les rncnaces. Son inlégrité
mérne íut scnndaleusernent attaquéc.


Il demeura impassíble, 11 róponduit aux adrcsses ;
« JI' n'ui ríen á dire ; j'ai íait voir mon sentiment sur le
Imité en le ratiñant. Les príncipes en vertu ,lesqw:b
j'ai donné ma sanction onl été rendus publics.Je regl'ctte
la diversité des opinions. Mais si quclques qualitos
manifestées dans lecours d'uno vil' Ionguo cf diíílcil«,
llJ 'ont valu quelque confiance de mes concitoyens, qu'ils
soicnt pcrsuadés qu'ellos nont point péri en moi, el
qu'clles continueront il sexcrcer dans toutc occasion ou




ETCllE 11ISTOlUQCE. XCVll
seroní engagés I'honneur, le bonucur el la súreté de
l!ulre counnunc patrie '. »


El. quant aux attaques de la presse : (1 Je ne croyurs
pas, je n'imaginais [las, jUSI{U'a ces dcrniers tcinps,
qu'il Iúl, je no dis pas probable, mais possihlo que,
pcndaní (lue je me Iivruis aux plus péniblcs oííorts pour
clublir une poliliqtie nationale, une politique anous, d
pum préservcr ce pays des horrcurs de la gucrre, tous
les actos de mon administration seraicnt torturés, dóíl-
gUl'éo dc la íacon it la íois la plus grossiere el la plus
iusidicuse, el en termes si exagérés, si indóceuts, qu'ú
peino pourrait-on les appliquer á un Nóron, :1 un mal-
Iaileur notoire, ou méme ü un filou vulgaírc. l\Iaisen
voila bicu assez. J'ai déjú été plus loin que jo ne proje-
lais dans I'expression de mes sentimunts>. ))


Les gens de bien, les liommes d'ordro el. ele juslicc
s'apcrcureu! cnííu qu'ils Iaissaient leur noble champion
SUIS déícnsc, au mikeu d'indignes attaqucs, Dans les
pays lihres, le monsonge marche lc Iront hauí ; il serai 1
vaiu do prólemlrc le contraindre ase cacher; maís c'cst
le devoir de la vérité de lcver aussi la téte ; la Iihcrle
u'cst salutairc 11li'it ce prix. A lcur tour, les Iólicitatious,
les udhósiuus, les udresses rcconnaissantes arrivcrcní ú
Washington, nombrcuses, auirnóes, El commc le termo
dc sa SCCCll1l1c présidcnce approchait, dans toutes le:;


1 \Vasbin¡:.!'ton ~t Tliomus 'I'ay lo r , en I'LiPOllSC au x llllbjiallt~; des
~¡i~:rjc[:--. ,lu Cauldvll el J'Orallt;uUurg, Jan:::; la Carol inc du Sud ,
H·ntiJl.rr'·~. t. \II, p. -21:2.


• W,,~hilJbtUll el .l c ll'cr sou : lVnliIiY', t. XI, jI.139,




XCVlIt WASllL\,(HON
l'arlies de l'Ilniou, 11Jeme duns ccllcs oú l'opposilion
scmblaií dorniucr, une luule de voix s'élcvcrcnt pour
(III'iI acccplát une troisiómo fois le pouvoir du sullrago
de ses concitoveus,


Mais sa résolution daiL prtse, ll nadmit mórne pas b
discussion. C'est encere, upres plus de quar.mfe ans, lIU
objet de souvenir el (ll'esque d'attcudrisscmcnt 110]111-


.Iaire, que cettc iuémoruble adresso d'adieu par laquelle,
en rcntrant au sein du peuple qu'il avaií gouvcrné,
il répandit sur lui les dcrniers rnyons de sa Ionguo
sagesse.


« En vous 011'1'anl, mes chers coucitovcns, ces conseils
d'uu vicil ami dóvoué, jc ncsper« pus qu'ils produisení
l'imprcssion Iorle el durable que [e souhaiterais, ni
qu'ils réprimcnt le cours ordinaire des passions, ni
1j11'iJs euipéchen! notro peuple de suivre la carrióre
[usqu'ici mnrquó« :'1 la dcsliuee des peuplcs. Mais, si jo
1'11 is me flaller qu'ils Icron l quelq uehien, 1I11:llle (lariid
d passager, q u'ils contribueront quelquefois Ú rnodérer
les Iurcurs de l'esprit de paríi, el ü mcltre ilion pays cn
ganle centre les menees de l'intriguo étraugero el les
imposturos du íaux paíriotisme, cetle seule esperance
me dédommugcra am plemeut de inu sollicitude pour
volrc bonheur, unique source de mes paroles....


« Bien qu'cn repussaut les acles de mon administra-
lion , je naie connuissanco d'aucuuo Iaule cl'iulenlion,
jai Ull scntiuicnt lrop proluud de mes dófall ls pum ne
i'us pcuscr 'lile pl'Uhtlllellll:llt j'ai couunis hc.iucuup de




1::Tl'])1": [][STDIUQ1'E, x c ix
Can!es, 1)l1dles qn'ellcs soiont, je supplie avcc forveur le
Tout-Puissnnt d'ccarter 011 de dissipcr les maux qu'ellcs
pourraient cntrainer. J'cmportcrai aussi avec moi l'es-
poir qllc mon pays ne cesscra jamais de les considércr
avec indulgence, el qu'apres quarante-cinq années de
ma vie dóvouécs :\ son service avec zele el droiíure,
les torts d'un mérito insuíflsant tomberont dans l'ouhli,
comrne je íombcrai hícntót moi-méme dan s les d(~·
meures d 1I reposo


« Conílunt dans celte bonte de mon pays, et pénétré
pour lui d'un ardent amour, bien naturcl de la part
d'un hommc quivoil rlans edle contróo sa terre nntalo
et celle de ses ancctrcs pendan] plusieurs génóratíons,
je me complais d'avance dans eetle retraite oú jo lile
promcts de parta!!(')' sans troublc, avcc mes concitoycns,
le doux hienfaif de hnnnes lois sons un gOIí\'cTIIemenl
libre, objcf íoujonrs Iavori (k mes désirs, et heurcuse
recompense, jc l'csperc, de nos soucis, de nos travaux
el de nos dnngers mutuels 1. »


Exctnple incomparable de dignité el de modestic!
modele accornpli de ce respcct pour le puhlic el pOIlr
soi-mérnc, qui Iait la grandcur IIHlI'al(: du pouvoir !


Washington nvait rnison de sotlir des all'aires. Il y
clait entré (bus l'un de ces momcnls, it la fois difí1cill's
d Iavorahlcs, ou les nntions, assaillies de périls, rcci ~ei 1_
lcnt, pOllr les surmontcr, tout ce qu'cllcs ont de StlgCSSl!
el de vcrtu. nconvinl adu iirnhlcmcnt it cctle situation.




11 avnil les idóes ct los scníimenls de son ('¡pnqI1P. sans
fanatisme ni servitudc. Les tcmps nncicns, lcurs insli-
tutions, Ieurs intérets, leurs moiurs, nc lui inspiraicnt
ni haine ni I'egret. Sa pcusee el son amhilion nc s'élan-
caicnt point impatiemment dans l'avcnir. La société au
scin de Iaquelle il vivait était d'accord avcc ses goúts el
sa rnison. IJ nvait confíancc dans ses príncipes el ses
.lcstinécs, mais tille conííanc« éclairéc el tcmpéróo par
un instinct súr des príncipes éterncls de 1'01'(11'e social.
Il la servit avec sympníhie el, indopcnrlnncc, avcc CI'
rndange de foi et de crainto qui cst la sa~e"s(~ dans los
ehoses du monde comme devanl Dieu. Par lit surlout,
ji était propre it la gouverner ; cal' il fa lit deux choscs
Ú la dómocratie pour son repos el son snccl's : ji fa11 1
q u'cllc se sente aimec el contcnuc, qu'ello croi« a::
d(~'OUelllcnL sincere el ú la supériorité moralc de ses
chefs. A ces conditions seulcment, elle se ri~gln ('11 SI'
dóveloppant, et peut espérer de prondre place parmi les
formes durables el g]orieuscs de l'associalion humaine.
C'cstl'honncur du pcuple américain de les avoir, :1 edIl'
époqu«, comprises et acceptécs.C'cst la gl~il'e de Wash-
ington d'en avoir étó l'interpretc el linstrumcnt.


Il fit les dcux plus grandes choses qu'cn politiqnr: il
soit donnó á l'homme de tenter. Il maintint, par la
paix, I'indépendance de son pays, quil avait conquis«
par In gllerl'e. 11 fonda un g01l\ernemenllihl'e, au 110111
.k-s príncipes d'ordre el en rétnhlissnnt len!' empir».


Ollnlld il sortif des affaires, l'une el l'aulre O'IIV!'I'




ETTTnE ITI';TCllUQl:F, ri
(;fairnt accomplícs, Il pouvait enjouir. Cal' peu importo,
en de si hauts dcsscins, ce qu'ils ont coútó de travail,
JIn'y a point de SIWur qu'une telle palme ne scchc sur
le frout oú Dieu la place.


Il se rctirait librement, vainqueur. Jusqu'au bout, sn
politiquo avait prévalu. Il cút IHl, s'il cút voulu, cn con-
scrver encere la direclion. TI cut pour successcnr I'UII
<Ir. ses plus fidóles amis, qu'il avait lui-rnóme c!(;signt".


Ponrtant I'époque était critique. JI avait gOllY('rll('~
el. Iriomph« huit ans : long terme dans Illl État dérno-
crnlique el naissant, Depllis quclque temps, une poli-
tique antro que la sicnne gagnait du termino La
socícté amóricaine scmblait disposéc á ten ter (les voies
nouvelles, plus coníormes peut-élre á su ponte. Peut-
edre I'heure était-cllc venue pour Washinpton de sortir
de I'arenc. Son SllCCCSSCllr y succombn. Le chef de
l'opposiíion , M. .fdlerson. rcmplaca JI. Adams. Le
partí dérnocratique gOll\erne dcpuis ce jour les Élals-
lnis


Est-ce un hien '1 Est-ce un mal'! Pouvait-íl en t~ll'c
nutrcment? Le gouvernemenl prolongó du parti fédéra-
liste eút-il micux valu? Élait-il possible? Ouclles ont étú
pour les J::tats-Cnis les conséqucnces du triompho d11
partí dómocratiquo ? Sont-clles consornmées ou seulc-
ment commencécs '? Qllelles transforrnations ont d(~,j;'l
suhios ct subiront encere, SOllS leur ernpire, la socíét«
el la Constitution américainc?


(JW'StiollS imIlH'IlS('S : diíflciles it résoudru, SI ,re lit:


f" ,"




e;; WA~; 1I1'i(; rox
n.'almsc. ponr les nationnux; impossihlcs, acoup súr,
pOlll' 11n t':lr'nngrr.


Qlloi qr.'il en soil, 11110 «hose cst cerlain« : ce <¡Iie
"'asllil1gton a fuil, le g'oIIVL;rl1l·III(~n!. libre íondó par
l'ordre ct la paix, an sortir de la róvolution, nulle nutro
politique que la sicnnc n'cút pu l'arcomplir. Il a ('11
ccttc ploi1'e, hicn purc, de triornphor tan! qu'il a g-Oll~
vo!'nó, et do rendrc possiblo, apres lui, snns trouhlo
pOli!' J'Étnt, le triornphc de ses advcrsairos.


Plus d'une íois pout-ótro, sans altcrer su séróuité. ce
résultat s'élait oller] ¿¡ sa pcnsée : (( Un motif dominaut
n dirigó ma conduítc : donner du ternps il mon pays
POII[' asscolr et múrir ses institutions encere récenír-s,
d pOli r s'elever sans sccousse ir ce dcgl'l': de consistancc
el (le force qui pcut scul lui assurer, lunnaincrnent par-
lant, le gOllHTnenlent (le ses propres rlestinées l. »


Le peuplc des l::tats-Unisgomcrne en cff'd ses proprcs
desf nócs, \Vasl ungton avait placó son hui ir ccíto han-
tenr. 11 l'a attcint.


QlIi a réussi comme 1I1i? (lui a VII do si pros, el. si Ibl,
son proprc sur:ó:s? Qui a joui it ce point, el. jusqu'nu
hout, de la couíianc« el de la rcconnnissanco de son
pays?


Ponrtant, ala fin de: ses jours, duus cetíc relraiíe si
noble, el. si dance, el tant désiroe, <1e .\Iollllt-Vernoll, ce
gl':mr1 hommo si serein avaií., uu íond de I'áme, un 1'('11
de lassilude el de írislcsse. Scntimcnt hien naturel




¡(rUDE lIISTOIW)LTE ciii


an tenue d'unc Iongue vio cmployéc aux alfa ircs des
honunes, Le pouvoir cst lourd a poder ct l'humauitó
rudo aservir quand on Iuttc vcrtueusumcul couíre ses
passions el ses erreurs. Le succes mémc n'eílacc poin]
les impressions tristes que le combat a lait naitrc, el la
fatigue contractóe dans cette arene se prolongo al! scin
du reposo


C'cst un íait grave, dans une socióté démocratiquo
libre, que l'éloigncrnent des hommcs les plus ónii-
ncnts, el des mcillcurs entre les plus émincnts, pout' le
ruaniciuent des allaires publiques. Washington, Jeílcr-
son, l\ladison ont aspiré ardemment á la retraito. Conuno
si, dans cct état social, la tache du gcuvcrncmcut élail
trap dure pour les hommes capables d'en mesurer l'élen-
dile el qui veulcnt s'en acquitler diguemenl.


A eux seuls pOI rrtan 1cetíe tácho conviout el,doi! dl'e
coníléc, Le gouvernemellL sera toujours ct partout k
plus grand ernploi des Iaculíós humaiucs, par censé-
quoní celui qui veut les ames les plus hautes. By va
de l'honncur comme de l'inlérét de la socíéíé que de
ícllcs úrnos soieut ntíirces el, reten ucs dans l'adininis-
tralion de ses uíluires , ca!' illl'j' a poiní d'institutions,
point de garauties qui puissent les y rcuiplacor.


A leur tour, pour les honunes dignes de cctte dcsti-
neo, toute lassitude, toutc trisícssc, iuéme legitime,
est une faihlcsse. Leur niission, ces: le travail. Lt.:UI'
recompense, c'est le suecos de lu.u HC.• íoujours dans
le truvail, Ilieu souveut ils JllCUl'CJ¡[ courhés SUdS le Iaix,




civ WASIIINGTO~


.ivant que la recompense arrive, Washington I'a rccue.
II a merité cí guütó le succes el. le repos. Ilc íous les
gl'ands humilles, il a élé le plus vertucux el. le plus heu-
rcux. Dieu na point, en ce monde, de plus hautes fa.
veurs aaccorder,


CUJZÜT.


'\'1 Vnl-Rrcher, septcurure 1&'W.




DI~
HISTOIltE


vVASHINGTON
El' lJE LA roxnmox DE LA l\i;PUBLIQrE


DES í~TATS-UNIS D'A:\IÉRIQUE


CIIAPITHE rnEMmn.
LLat de la f:;(lI:il'té un milic-u de laquello Washiug.on s'cst fOl'uJ('·.-La Vir~illil',
-()ri~_;ilJe ct dcvcloj-pcmcn t ..le ccttc C010lllC. - Son C~iu-it m-istocrauquv ct
íudépeudaur--c- Sa consr itution ct ses loi s au mumcut dt.~ la -évo.ution.L.
Condition ct dispcsitions de lu classe infcricurc ,- Existence des gruud.,
pluntcurs ,


Washington n'cst poinLun de ces g'l\nics impróvus
el impussihlcs á próvoir qui surprenuenl le monde par
la sin[.!,ulariLé aulaut quc par la gl'i.IndclIl' dc leurs con-
ccptions el de lcur duslinée. l\lalgl'é sa supérioril« sur
ses contcmporains, rien en lui n'est en contraste Irap-
pant avec la société dans laquolle il vit ; ses idees, ses
passions, ses hahitli<lcs sont cclles de son pa~-s et de son
tcrnps ; il partagc les inslincts des hommes qu'il gou-
vcrue ; il esL l'un rl'entre eux, le prcrnier et le rneillcur ;
et mcme lorsqu'il combal les impaíicnces el les e\(:(:s
de la déutocrufie américaine, c'est suns contraricr ses
tcndunces générales, suus lutter couírc le d(':\ c1oppe-


1




]]]1'111 naturel dc~ é\("l1Cllj('ub. l::ll'all!-'I'I' a Iou!c 1'1'1'11('-
cupatiou sysi('~nHlti(llle comrne it Iouto nmhiliou t'~r'iI'i,'.¡(',
\VaslJingtoll nc se ~cniil j.un.us !cult', de lJic(in, L: i'''t!-
voir D.1I sen ice d'uu j¡¡!ur\[ n:¡ c!'IUW pCllS('C q!li fliss"l!i
CII opposition avec les bcsoins el les aspil'aliollS dc e',:
p;tll'¡C, Sa politiquc ne fui jamais ni pt¡!'~()l}llc!lC ni ¡'¡¡c-
tice. JI a été le chef de f,('~~ c(¡i:cHo~'c:¡~_: ::I.lli:·' .'c·:·~~~,,_,!-· d"('<L'C
kliJ' rcprcscntant. AUSFi POUI' le eUl!!p¡'"I'¡]"C iJe sul-
Ill-il point de l'd:idlcr en Iui-móruc ; il fa,![ e/icon, le
clierclrcr dans la seci,"té ,:c:J1 ji a úlé le Lj ¡e d d,l1Lo le,:
llhl'U ¡,s qui ron t formó. .


Washington étaitV·irgln~en. J~';:'cl'~'on, ~;[:~, ~}Oll-
roe, qui out SH('cédé Ú Y'f-l¡:~~iÜlit,'¡Ull .Iaus la prcsidcncc
des Etnts-Unís, étaiant Vil'ginic:IJS COlml1C lui, Pn1[]anl
[out le cours de la révolution amóricaiuc, la Virglnin a
cxcrcó une sortc de ~uprl::lJiíÜic naiurcllc sur les celo-
uícs alliccs PUUI' la d~:_:rcu~c' de lcurs droiis, el dcpuis
son iufluen;c d:E.L,:', 1"'[:;]¡, :: a ('~t(~ lc!i~_'icl1~p;; pn~pond0­
rante. C'cst que la 'Yiqj;:;t: ;l\'~tajt P,-b ~~Cli~\Jl!L;¡[ 1<3
provincc la pjus ;lf1C¡C;¡:;¡, 1 el la plus pe\l plt;c2 de l'A-
mériquc anglaise, la plus proprcpar sa posiíion gúof~Ta­
phiquc ;'l servil' í1(~ lien enlr« le non! el le midi : c'clnit
aussi la plus fortciucnt consliíuúc. la moins dómocrn-
tique. Une certninc hiérarclue socialc cxistuit encere


1 Sn.l'relni(~rc chur:o est d.u.c J'J IGOU.- La -V!l';~:)liL, ["tid
CUll!JllC: e n Arnúri o r.o s o us le uoiu .lc : T71e üill V~)'lii¡¡icJi'.


'2 nt;¡l~'r(-s le' prcmil_"[ rCCCll;SC':rJC'UL (¡ui ;:"l! "1(" L:..it (lcp,¡j-; _'\ )"-
'l:lr:l(i.I!~ dr~ l'ind,"p+..;nda~'.('I;. ~<ll)('i'ul(1tiull (le ],1 Yir§_:jjlic' r.


'le; '7 18 1('!() 1) .l.m. (1:, ~\Ias:-;acbn:..;l' Jui, (:"'.'('1' i a
Yir;:I!Jiv, .il1:1illc' ró le l~_~ ilU¡ '~il'UIlt dall~ la ¡<'Q,ll1tiull ,~!lli.>
rll?aill t, .: , lJ'(;:ait que d,l' :J~,')!UU(L




1)E l.A vuuuxnc.


¡:allS colto colouie au moment or'l (~d<lla L,;'licITe de 1"11-
tl{lpendailcc. La populatiou írouvail, d:dlS les gt'ltllds
propriélaircs des chef:) uulurcl-. r.t rcco!JJl¡¡S, drl'r!t:rc
1!'S'llldselle ve uai l se ranger daus les monicu ls difficilcs.
1.C~ l~~ia¡~" taisloc~'atiq¡~cs n~(lU(~lldcnt lf:f, le daugcr pour
s\)rgallÜ\~l',~ lcur org~ll!i::.~(_di;)H csL tl'adiliG¡-dlcl1u ei: por-
mnuenlc. lis sout ainsi íoujours armes pon!' la Iutío,
lOiijOUI'S gOU\-CI"Il(';S dnus le nH~ll!C esprit, el ils :lp,issl'IlÍ
a'.CL: ccítc suitc don! les ll1USSCS sont iucapahlcs, el qui
Iuit lo succcs dnus les longucs (~llli'e¡d¿,cs.


La société virgiuicnne avait élú Iorrnóc sur le Irlo(iiJe
(le la socie:ó anf::1uisc : ícl é~aiL db; rurii:jnc son carne-
tel'e particulicr. Au milicu de [O¡I[cS ces colonics Iondóes
en Amériquc, dans le conuncncemcnt du XVi¡' siecle,
par des proscrils ct des noxateurs , la Virginic s'éleva
:;OIlS lit jí~'(llcdion du roí et de la no!¡lesse, C()!1111Je
pour rCl'i'(~~L'jj:cr la vieillc \¡\Jldcl'rc daus le nouvcau
jJjOlldc, el y iTj:rod,:Ít'u ks í"s¡il:!iuns ot les lilQ'lirS
IjIH; f!l~aÍent les PlIrilains du },lass:tc!¡lCsd!s. Les colous
qui s'úlahlircnt en Virginic formaicnt tal ;:.in~~;ulic¡· CUH-
Irasíe arce les lUiSléC':' ¡¡i;lcrins (lid, FOII¡' édwpper aux
l'ersécu1iolls el aux cxcinplcs d'un mondo COlTOílIPll,
allaient clrcrcher dans les déscrts du nord de I'Arné-
riquc un licu olí ils J1u'~'(:lll vivre conlorruúmnnt ú Icurs
[dilei [:cs. CUl¡ienllies liommcs de mrnu rs Iacilcs, atta-
cia;s aux trnditions ct aux couíumcs de leurs piTó'S,)
¡deins de rcsp<:ct pour la Courounc et POU1' rÉgli~c ~ta-


d(: pn':.jliS'l'\., cn:d '-(~ 1:'" ~ccLtil'es e1. li._,:~ l.J.:;il
angliclilLisnlc inlol<':;°¡t¿l
tholiqucs ; lcur e~"pl'¡t ~l. aUL'a 1t:~; ¡¡Un!nH'~
{l! le i 'c llou~,~'aii des coluuics Sei)~Cnlriullalc ~~ l ' i¡ 1 \ e·-
~:, .:1~: '~~:"f


-:-
.'




4 ESPlUr POUl'IQUE


lcur des Puritu ins ; el la \' iI';.;i nie I'esta le rendez- vous
des (~lnigTanb (luí voulaicnt reírouvcr la socidi: angJai~e
en Amóriquc.


JIais ils vouluiont l'y rctrouver tout enticrc, avcc ses
garantics centre le pouvoir ahsolu, cornmc avec ses
digiles contre le ílot dómocratiq uc. Ils com plaícnt en
citanr~eaj]L de Ioyers ne pas ehang(~r de condilion , en
ga:mant ele nouvclles provinces ü la erandc-Ilrctaguo
nc pas y pcnlro leur droit de cité, rcstcr Anulais en pays
couquis, el non s'assujcttir au jOllt;' qu'ils rcservnicut
aux Ind iens vuiucus. Fiers de Icur origine el Ildclos ;'1
len rs souvcnirs , ils prétcndaicnt transmcttre ;'1 lcurs
cnlanis les libertes et les privilégcs qu'ils avaicnt rC(:liS
de leurs ancétres, et ils seutaicnt d'aulnnt plus le prix
de ces inslitutions qui les appclaienl :1 prench:o une parL
active au gouverncmcnt de leurs atíaires, que, placcs
loin de la mere patrie, duns une siluaíion encere 111 al
connue et sans précédcnts, ils se croyaicnt souls 011dat
de comprendre los inléróls dc la colonie naissanto.


Les Stuart assisíercut d'nbord S:llJS inquiéludo un
développcrncnt d'une liberté qui scxcrcait sans hosli-
lité centre le pouvoir ruyul ; ils laissercnt la populaíion
s'orguniscr Jlresllllo a son gTó el se Iortiíler daus des
habitudes d'indépendancc qu'ils croyaíeut pouvoir 101i:-
1'1'1' sans danger en Virainic, ct qu'ils combattircnt sans
succes en Anglclerre. Lorsquc la róvolution triornphunlc
.ut rcnvcrsó :1 Londres le í.róne de Charles ler, la irci-
Die resta lidi:]r: il la causo de ses mis. Pendan! plusieurs
.nmecs, Charles JI y ,'0115Cn:l une cou ronuo, les en va-
Iiers un l'dll:-,'e; el edlc colouic loyalc el ¡¡ltk:peJlr!anJu
ne se souinit au gouVCl'nelllellt de la J[(;p::LIÍll'w Ilu'J.




la dernierc cxtrémi!ó, el npres s'Nre <lSSlH'I''(' qu'ell«
jouirnil, sous le despotismo róvolutionnaire (In Long
Parlemcnf., des rlroils ([ue ses souvcrains avaient res-
pi'I'I(~s '. L'acte de rcddition porle : ( Que le peuple de la
« \il'ginie ;UII'[1 el cxcrccra tous lespriviléges et Iran-
( chises qui apparticnnent au peuple libre d' AngIe-


(( tcrre ; que le cornmerce sera aussí libre en Yirginie
(( qu'cn Anglcterrc; el qu'aucuno taxe , douane ou
(( impút, nc seronl élahlis rlans la colonia, nucun fort
« 01/ c!l:1lt:au construiís sur son tcrritoire, sans le con-
t( sl'lllcllH'nt de la grande Assemblée>. ))


Cespríncipes élaicnt encare plus profondómcnt gravós
dans lc C(1'n1' des Virginiens que Ieur fil!{lliló á la Con-
1'Ol11/C. Ces! ce que ne SIl re 11 1comprendro ni les Stuart
vainqucurs de la Hópublitllle, ni leurs successeurs ap-
pe!I;S au Lrónc par la róvolution de lG88. La puissance el
la prospórile de la colonie avnicnt pris un immensr-
d('l\eloppemenl mus lcmpirc duuc Constitution qni lui
nssurail prosque tOIJS les nvanlagcs de la souvcraínetó ,
sans I'abandonncr aux périls de l'isolernenl. Cettc pro-
spérií« ícnta I'avarico de la cour. Peu ú peu on se laissa
aller, duns le pnlais lit; Saínl-James, II ne plus regartlcr
la Virginic qne conune uno mine r11~sIiJlú)Ú cnrichir les
Iavoris el le írúsor du roi, ses lihcrlós que comme des
onlravcs ú la salisíaction des intcrcts anglais, ses habi-
Innls que comme des trihutnircs dI' la Grande-Brctagne.
Pcu il pcu unc cerlaine aigTclIl' centro la mólropolc s'é-
\('illa au scin de I'nristocrarie virginiennc. Longtcmps




('He ¡int ü hormcur dr cnn~el·-d.~~· ses scníimr-nts dl l
lnyardó : mais, sans ccssc nhli~,¡:\e de se tcnir en pal'{"¡{l
coníro l'opprcssion de 1:1 Couronnc, elle prit cufiu l'ha-
hiíude dt~ surveillcr d'utl olit jaloux les nc1es dl'S gn;¡-
vcrneurs royuux ; c1Ie s'~~dl(HHlolln("L (1~¡ gnttt de roppc-
silion ; elle S';¡ITOlilmna ;'l l'idl"1' de la résistnncc. LI'Ii!'::
j)rhilóges rnócnnnus, Ieurs tinances gaspillé:cs) leur
('I)l'ln1I'!'CC r:,in(', 11'111'S in!(':n'ls s;1Crili(s ;'1 ccnx de b
llH:dropol!l~ lrurs ~'rnnti{)rrs nlHlndnnn('I(l~ sans d(~re!lSll
;111\ (]¡;':lslalinns des lnrlicns , avaiont cnnlraint les flls
{lIT Cavalicrs ;l ~e souvonir qn'ils de~cend:~i{'¡¡t :lfF.:~i di'
C('S Iiors hnrons dont 1<1 !'¡'¡'I\wi¡': :1vni!illlpo,(: it k;11!
S:il'~ Torre la g'J'<1nde Chnr!o. La róvolution amóricainn
lr-s i rouva Pt'¡}ts á monte" i, c]¡¡'Y:11 el ;\ tircr l'ópóe pour
la d,'~f'eme de lcurs droiís.


LiT,!, nouvclle patrie CC!l1.'(','pit cucorc , en 177(',.
II11C proíondo cmprcinle do son oriuinc, Sil constituíion
el ses lois dai(,lIt calq¡l(',cs sur collos de l'Angleterrc.
Le gO!1vcmel l!, y rrprL'scnt,1il le roi. Le COJlSciJ corres-
p(dJdait daus ses ntt ribul ions ú la Clnunhre des Lorrls , la
1:I11UlllilT dr:s Ilo:,rgcois a ln CI¡;H1Jh!'e des Couununos.
L'!~glise clahlic ótait I'Église anglícane ; des lois severos,
ímnhecs il cst vrai en désuctudc, dcíendaicut l'cxcrcicc
de Ion! nutre culte, fcrmaient les ports (k la colonic aux
nr.n conformistes 1, et punissaiení !'ilospitaliié de" !id;~·


é IIis/cJ!'in.d Cune.r'linil;:; 01' ITi!':,I[¡U'(!.
11¡::l~H' de barq\ll'


k l"'r :j]c,! ¡¡roe!


« 1:'(',. ,;


lUI/:'l.-


¡i.'





7


lí's qui km .lonnaient l'efnge. Comme en Anglelerrr,
JI' droit de suñrage clnit reservé uux Irancs-tennnciers,
ct les suhstiíutions ello droit cl'aincsse perpétnaicnt les
richcsscs ct le pouvoir dnns 11I1L; aristocratío qui occu-
pait presqne toulcs les Ionctions publiques.


Dans I'oricino, la colouic dait plus richo en gcníils-
hommes q¡¡'cn trnvnillcurs , et plusicurs fois elle avait
Iailli P(jri,' [;1::1,; de cnmrs asscz humhles el de mnins
;¡5H'Z !'"lit'S pO' 11' lahourer. Les hras éínnt ainsi l'objct
le ph:s rt'cll('r(,lIl'; en Virginic, le trañc des hommcs y
doviul lli,'nl()llc crunmcrce le plus lucrutií, el los vais-
SI';'t1I\ ;¡i1::J~¡i:, jl,¡ói'l;1J1 sur ses cúíes d'immenscs cn/'gai-
sons di; mcndianls el de bandits, qui, panr prix de len!'
transport dans un l'a~'s OlJ ils espúraicul trouvor du pain
ct de la liccnce, vendaicnt, pOLI r un nombre determiné
d'annécs , lcur libertó ct cclle de lcurs eníants. C'est
ainsi fJlle se n;l'l'Ii1a la clussc infúricnre cnVírgínie. On
ne pi Ir jam.us en íicrcmcn t domptcr ces avcnturiers el 11'0-
lJl~(~ns. Les plus soumis restcrent paresscux , inutilos et
incommodcs. Les plus ónergiques s'échappcrcnt de chcz
íours lII:!i!:'(!S d. allercnt chercher un rcíuge dans les
,kscds dt; l'oucst, On Iinit par Ieur prdl'i'er de 11I:11-
heurcux Mricuins :tJ'I'aciH';s ft lcu r patrie ct it lcurs
Iamillcs : tes csclil\ es nógl'cs priront la place des so['vj-
Icurs Llancs', el conunc ccux-ci devcnaient un élémcnt
de trcHllllc el de désorrlrc dans la colonic, le gOllW;I'W'-
'lil'nt ('11 d('~r(;ndill'illlpol'!alioll. Lcurs engag'mnenls (;\-
pil'(\!'enl: en redevcnant libres ils rcdcvinrcnt acíifs ; ils
:..:n"I1'\I'ClIt Irs l'01'l'is ni'! personnc nuvait dó !t:Jl1(¡ill dI;




leur servitude, ct 011 lours mrnurs sc relt'empill'CI!I dans
l'isolcmcnt; et, peu il peu, on ouhlia leur originc. Al! 1Il0-
ment oit éclata la gucrrc de l'indépcndance, les classes
comrnencaíent á se rapprocher el il se confondre. ni",
qu'elle avait été aífranchie , la classe iníóricurc s'était
relevéo par la seule force des choscs, Lit oú la population
n'est point encoré assez nomhreuse pour cou vrir le ler-
ritoire, et ou il suffit d'occupcr le sol pour devenir pro-
priétairc , la concentration exclusive de!" richesses au
prolit d'une aristocratie ne peut étre durahlo , el une
certnine égalité dans les conditions tcnd naturellemcnt
h s'ólahlír. Cela était arrivé en Virginie. Les gran-
des fortunes s'y étaicnt maiutenues , sa.is ernpé-
cher la forrnation de forlunes nouveIles, et les Vil'gi-
nicns étaicnt devcnus un peuple de propriétaires. Los
sentiments démocratíqucs s'éíaícnt inscnsihlemcnt pro-
rluits it la suitc de ce fait, lis avaicnt pénétré tranquil-
lemenl el snns hruil dans íoutes les classes, ct le I'especl
pour l'índépendancc individuello s'clait dévcloppó daus
les hautes régions de la socíété, en móme tcmps iJll(~
l'amour pour la liberté se fortiíiait dans la masse de la
population,


l\Iais ces sentimcnts ne s'étaient point encore trans-
forrnós en une doctrine politíquo hostile á l'aristocraíin,
et ils n'avaicnt point dótruit les hubiturles d'ordrc el de
discipline créécs par l'ancicnnc organisation fin pays.
IJ~S hesoins et les amhitions du peuplo trnuvnicnt en
ViI'ginie une satisfaction snfflsanle dans les f'aits, ct a \ ;lId
la révolution, personno ne songcait ;'l y dévcloppcr l'é-
galilé par des moycns artifíciels, ni ú delruire les bar-
rieres qui s'opposaicnl Ú son progreso




rn: LA Vm(',T'<lF:, 9


La plus íortc de ces lmrriercs ólail l'esclavnzc t qui,
,1prl'.s nvnir conlribué ill'afrrancJ¡i~~cl1lcn! d(~ la classe
ild't''l'icllfl', maintenait la prépondórance de I'nrislncra-
tie. En donnaní aux riches de grands avanlages pum la
culture du sol, cetto inslitution luttait eIflcacemenIcontrc
les causes matéricllcs quí tendaicnt EL nivcler les patri-
moines; en consorvant úlalois aux grands le presl.ige dt'
I'autorité el cclui de la Iortune, elle combattait dans les
mreurs les progrcs de I'esprit d'égalité, Tout colon ]1on-
vnit, en Virginic, occuper des lenes éü~tldlles, mnis ,
pour en tirer parti, il Iallait ótre propriétaire d'escla \ es;
touí Iranc -lenancier avuit le droit de prótendre aux
íonctions el EL l'influence, mais la conñanco el la consi-
dérutiou publiques rcstaient ú ceux q ui puisaient, dans
leur condition mémo, l'hahiíude de gouverner.


La bionveillance respcctueuse que lcur portait la
masse de la population ne lenait pas senlerneul á leur
richesse el á Ieur puissance ; des Iiens plus solides el
plus durables, la comrnunautó des idees, des iníéréts el
de la vic, les ratlachaicnt au pcuple. II n\ avuit point
de vi llcs en Virginie. Willinrnsburg, le siége dn gOII-
vcrncment , n'avait que deux mille halritants , el les
mcmbrcs de I'aristncratie nc s'y rendaicnt guerc que
pour y aller rcpréscnter dans la Chamhrc eles Bour-
gcois les inleréls de leur comtó. Le reste de leur
existenco se passait dans lcurs domnines , en contnct
continucl avcc les pctits plantcurs qui , comme CII\.
ahsorhes dans les soins el les devoirs rl'une vio patriar-
cale, nc s'cn laissaicnt, commc eux, dótourncr que par


1 En l~'DO, su r Ulle p(jpulaliull dl~ 7{l~,OOO tunes, il y ava it {'H
Virgilli(l plus de :2.U(\UOU esclaycs.


1,




la cliassc ct la p:llClT(~. Tour en conservant les (~(\I'¡[:;
íaslucux ct I'hurneur sociable el llospilalihrc de la
nohlcssc :JngJaise, ils reslnicnt ninsi étrangors al i\
mrcurs rccherchócs ct it lesprit <le casto que dé\'do]l-
¡ll'nt les salons el les cours, Cullivcr le sol elle dd'clI-
!Ir!' contre les Iudicns. gOlln~rncl' Ieurs Iumiílcs ct lcurs
esda ves, Iairo ;':,,\]1(lcnWlllles uonncnrs de lcurs chassos
I'! de lr'III'S lahll's. rcndrc la justicc el maiuicuir I'ordre
:i;ms lour CCl1lt('~) conunandcr icl milicc, idle (·~:aitl'cxis··
: .uco dl's ¡Cl'ands propriétaircs viruiuicns. Cclk '¡I~
.>(¡J(;,: un milieu d'inuncnscs csparcs 0[1 ils 1]('I'(~I'COll­
I:'aicnt gl!crc que des subordonnés 011 des 01)1ig('5
edte lullc ele ÍfVIS les inslants centre les auaqucs de
'iarbaric el les résisíanccs d'talC nature cncorovierae,
i'ol"lnaient une racc intcllipcntc , fiero el (~licrhi(jl!í~,
t 1[[ fnis rudo ct pónél'clIse, halntuée Ü I'nutnriíé d
'!lliiUJi ri¡ll!lTelldaJ)l'c. l;corge \YaslJ·juolun en est la


i lersounií ¡catiou,




l'
..
~


'""'\··..n .
. , ...... \~:


CITA"[lITRE n.


";":1 i::~n 11 ('r> 11 (' \Y ,F'hin 0;ton ,_. Sn mi'n'.-So]} /'(ln(',lti nn. ~-S('~~ t 1':1',-:"\11, 11\\"\1',1
,tir;¡; d:u¡;-; h-s urun ts 1\11('!!l1an~·s. _. Il('~v\'1oppenH'llt dp h r:li:-;~':1I1('I' n-nu-
í·;ij~.) ¡'ll.lIW·'J'jljlIP.- L'.\!l;:Iptt'lTl\ S'rt~'llW }Jilllr le r-omuatm- --¡;~J('l'l'(' 1: '
l.:e¡:t arJ;;.--\\"il~ll¡n~t()J] os , nommc m:l.illl'.--I1 rst r-luu-:..U' .l'unc ll1i-;-:i"I'
d'(lJ¡,;¡'rrati(JIl sur k-s tronti.-n-s 11n Gan;ul;L-ll cst uomme lieut('lwllt-C(\1:1-
n,·J.-- ]-:sr':1nnmld](' <1'\('(' un tlét:lchr'.ncnt fr:ln(':ü~~ r-omm-nd.. {¡,Ir Jllll1011-
'.llll'.-- Hntril.o 11t-'!. (irant1f's·Pl'aiI'iCF.-'Yashin;::ton doune 11("m~:;:;i(in.
-11 -cprcnd (111 s('rvic(' du us l'urmcc du rénéral n~·aJilock.~- Ihtclq¡¡, eh' lu
Monongaheln.t--Wasninnton est ncnnne commandant en che-f de-s !r()11:1~\S
ele Vir~ini(\.-DWI('lllté:". de sa situation.- Prisa du fort f)nqm'srI",-
Wushi ncton rononcc :\ la prnf'css io n des armes.c--Scnt irncnts t1c~ sympothi«
pnur sn pcrsonnc dans l'arrnée et dans le peuplco-- Il cst nnnuné repr.iscn-
tant du cornté de Fródéric a la Chumbrc des Hourgeois.


Ccorge Washington naquit le 22 fóvrir,r17:El, SIlI'
les hords da Polomac , Ú Bridgc's-Crcok, dans 10 cnmló
dI' Weslmoreland, en Vil'ginie. Sa ramillo, (~!ahlie t'JI
Amérique dopuisj(j;;7, avait apparlenu :l la ll!'lilt,
nohlcsse du corntó do Durham en Augleterre 1, et OCO!1-
pailun rang distingué parmi les planteurs de la Virvill i:~.
Son pero ótait un hommo consideró, richo el influcn l,
qui, en mouraut, laissa ses dix cnfunts dans uno condi-


1 Un mem bro (le ecuo Iami l le, sir fTerll'y\VasLiu8'tnj¡,
~l:~ un 8'r,l~];l r..nnm pal'llli lcs CaYLl]i(~r::; ) llllf" ~;il


"()IIT":I':'I'Il-':{\ ¡Jl\ \\'IIl"Ccstl'r co ntre les truu pes du Pnrll~llll'¡]l
1'11 JI; ¡¡j,




LA ?\lImE m:


tion honorable ot indópcndantc. (;eorgc Wnshinzton
avait onze ans quand il pcrtlit son pere. 11 resla SOlIS la
cnnduilo de sa mere", fl'mmc juste el cmignant Ilieu,
d'un esprit óleyé ct praliquc, d'un cn.nr chaud el Icrme,
el qui inspirait il tons les siens un respcct ;\ la íois crain-
tif et affectueux.


« J'ai été longtcmps le condisciplc de Ccorgc, u rn-
con te un de ses cousins, « le compagnon de ses jcux d
( l'arni de SOl jeuncsse. Je craignais plus sn mere que
« mes pl'opl'es parents. Elle était vraiment honnc : rnais,
(( mémo nu rnilieu de sa hienveillancc, elle mimpnsaif ;
« ct aujourd'Imí qne le tcmps a hluncln mes chcvcux,
« ct que je suis devenu le pere de trois fténérations, JI'
« ne pourrais revoir eeILe femme majcstueusc sans
(1 éprouvcr un sentiment impossihle adécrirc '. )1 Telle
I'sl I'imprcssion que Mme Marie Washington a Iuisscc ;\
tous ceux qui l'ont connne; el lorsqu'au milieu des Ides
qui célébrerent la prise de York-Town (1781), les gen-
tilshornmcs venus de Vorsaillcs pOllr senil' la cause du
héros americain, virent pour la premien: Iois la noble
figure de sa mere, ils restcront írappós de I'air de gTall-
deur, de símplícitc ct d'aisanu: avec Icquel elle rccevait
les marques de leur vénération, el les soins emprcssés
de ce fils qui venait de faire reeuler la puissancc de In
(; randc-Brcíagne.


La tendresse de Mme Washington était conflantc ti


! ~laflu jJ,d 1, néc elll,OG du ru- fam i ll c r'", ¡,,'dable ,le, .1',Yir,,; nr.-,
t"p()ll~a¡ le 6 rnarcl1730, Augustin Washington, qUl avu i t cu lluulre
r-nfan rs d'un próc6dent m ar iagc, do n t d eu x se ul enron t. Lawrc-m»
l't AUp-llstin. v ivnirnt ('IlCOTC. Elle 111011r11t In 2;) aUIH lit1\I, ¡ICll·'
d.mt la premil'I'P prt"sidt-:nce de' son lil».


2.1[(')11')11'" o(.IIal'y n'(l8I,i11gI011, b c' xi. r. Conk l in.r. 1" n.




13


ealnw entume sa dignité. Elle no se laissait pas plus
¡"hmuler al! récit des llangers qni cnvironnaient son fíls,
quéhlouir h la VIIC de sa hrillautc dcstínéc, De tant de
périb qu'il cut Ú atlronler, ccux qui .menacaient son
.unc I'inquietaicnt le plus. On exaltait devant elle la
Ci)Jldllit(~ du Washington nu passage de la Delawarc---:
« :'Ilcssiel/t's; ccst Irop de Ilaítorie .... Mais Ceorgc n'ou-
y hliera pas mes lccons; it ne s'oubtiera pes tui-mane,
« all milieu des Iounngcs dont il est l'objct-. ))


Elle avai! le droil de parlcr ele ses lccons. Ce fut bien
en c1fet par ses cxcmplcs el sous sa discipline que se
lonna I'cnínnt doul Dieu voulait se servir pour UCCOIll-
plir ses dcssoins. 11 élait plein de force, de hardicsse et
de droiturc, mais ¡J'UIl tcmpórament violent. Elle lui
apprit ti se doruplcr. 11 t'e\jllt une éducalion libre, sim-
ple et rudo qui, SlIIS óleindro en lui le Ieu (le la jcu-
ncssc, lui donna d(~ hounc heurc Ia matnrité des années,
el devcloppa daus son ame le seníimeut de la rcspon-
-ahililc. ni's son enlance, il su! se f.iollverner, se suffire
;\ Iui-nunnu, el supplócr á l'ignorance de ses maltros
par ses observations personnelles el par l'activité natu-
rclle de son esprit.


L'aristocrulic coloniale ótant rcstée généralement
aussi élrang"cre que la masse des pctits cultivateu rs uu
!l10U\ellleut inlcllcctucl de l'Europc, l'enseignement
avait étó lJt'lgligó cu Vil'!-!.inie. Les planteurs envoyaícnt
('11 .\nglderre ccux de lcurs eutanís qu'ils destinaiont
a'i\ profr:ssions liberales, el ils se contcntaicnt de Iaire
¡!I'IlIlC,[, aux aulrcs une c.lucation qui les mil en élat de




] I


se livrcr ala praliquc des aílaircs el a la cullurc dl¡ mi.
lis s'adressaicnt pour cela al! pasteurdu comlé ou :\ d,'s
rnnilres d'ecolc, rlont le savoir était ;\ lJOU 1ct le düyni r
rcmpli quand ils avaicn! cnse¡~~ll('! Ú lcurs di~ycs la lec
ture, l'écriture, les élémcnts des mathcmalíqucs el 1.-s
formules judicinircs empíoyécs dans les baux el les
conlrats,


Les eludes de Washington no s'éícndircnt glii]re <tu
d(:ill de ce qu'ou apprcnait hahituellerncut dan s ces
écolcs, el il ne purait pas qu'il ait chcrchó plus tLl1'L1 :'t
complótor cettc éducation. Tonjours detonrnó des prénc-
CiI palions étrangeres it la pratique, par un caractcr«
ardcnt et une vie active el rcmplic, il n'eut jamuis ni lo
goút ni le loisir ele se livrer al'óludo des lcílrcs el de la
philosnphio. Wasliil!gloll n'avait poiní re~pl'il S¡lI~cuJ:l­
tií', ct c'cst en próscnce des Iaits que se déploycrcnt les
rcssources de celtc nalurc si óic\ úe el si lorte.


Ses fi'oul5 mililaircs se manifeslcrcnt i;iC¡' SOIl cnLulcu.
Al'écolc, ce qu'il aimai[ par-dcssus tout, e'clai [ de rangcr
ses cumaradcs en compagnics, de les Iairo rnarchcr, de
Jivrcr des baíaillcs simulécs, ct a quaíorzc ans, il sollicila
si vivemcnl la pcrrnission d'cnlrer daus la marine an-
glaise, quil obíint un brcvet d'aspirant, 7,f:lÍs :\Imc Wusl.-
ington ne voulut point consentir alors u lui laisscr
cmhrasser la proíession des arincs ; el commc il n'cíni]
P::5 l'ainé de la íamillc, ct que sa part dans la snccession
de son pe!'!: était peu considén.l.lc, il Iallut SOil!,'('!' au
chnix d'une nutre carríerc, qui le mit de I;OIlIlC lWI u'c en
(':fat de soulenir le J'au¿' dans lcqilcl il ('li~l¡t nc, El! \-it'-
(..:i!Jic;, pas pl¡~~ 'q:~'{-ll l\:l¡..:'JClC:L:.'C J ce :¡"i"/:'l¡;, ¡¡\';i'!!;~tr,
~,c,ur un cudcl, que de i.uvuillcr LL lit; luirc ÜJI'LUllL. L'cx-




¡il!iJ'aUnn du tcrriloirc occidcnlal de, 1;: CUinjlC
"Ii"ice des l.ardis sp(;clilnlc!!l's qui s'yfnisaicnt cOllc('~d:'I'
[';li' la Couronnc des domaincs CllCOt'C iuconnus , (':l:lil
;dol's un élat íort lncratií , qi.i :!u¡;n;üt loccasion '¡i~
('h()¡~il' l¡CHU' soi-mcure d(~ bouncs lcrrcs yjL11'ges., el q!Ji
couvcuait jl:ll'l'¡¡¡:elllonl ;'t la jCtnlCSSC cutreprenante el
\ i:,-ulii'el!S¡; de \V",d¡ill:,-(Oll, JI s'y própara pcndunt dcux
uus par tille dude asscz approíondie de la w';u¡ndric.


Bcpuis longlcmps, les plantcurs jetaicul (¡cs J'egal'ds
avides StH' les plaincs qui s'ólcndeul au deL dt::", 1l1UI!b
:dlcghanys : malgré liunnensil« du tcrritoiro qu'ils
occupnicut , ces honnnes indcpcndants ct ambitieux se
trouvaient írop rcsscrrcs ct mal a l'aisc dans los limites
nulurcllcs de la Virginic, ct it la naissancc de \Yasll-
iugton , ils commencaient déjit aemigrer '\Cl'S I'oucsí,
pour y chcrchcr un sol plus llCUI', une naturc plus SlU:-
,agc ct la liberté duns I'isulement. Des chasscurs achar-
lJ(''': Ú la poursuile du gibier avaicnt seuls osó (j'aiJoi'il
s'aventurcr dans ces régious hérissécs di~ foróts \ iL'J'ges
el inícstécs d'Indiens : mais les rócits des coureurs lluhois
avaicnt excité la curiosité et les dcsirs de Ieurs cOlllpa-
triotcs ; le dungcr scmblait ajoutcr HJl nouvcau channe
Úce l:ays si bcau el si fiche, cllúUl'0i on s'é.ait cnhardi,
UI1 nvnií pt'~I](~1t'{~~ jusqu'au lcud de ces suliludcs , et
líwl,,/ó les prolesiJi¡u:ls di: la Frunce qui en ¡'C\Cj]-
.liquait la souvcruiucle , des cO!lIpagllies anglaiscs el
.unóricaiucs s'ó¡aicll¡, rOl'n:~e~)llO¡¡r les explcilcr. Tous
Ies jours on s'avaucait ; íous les jours uu iaisnit 'lllL'I'l"c
con<l¡-¡¿:le sur lo d{;~:c;;'I; les arbrcs tomliaicni, les ani-
niaux des Ioréls fuyail'ld. dC\-;lIil la civilisalion, t'~ l(;:~
!~nligl'Ullis se lIill'taguaicllL leurs uuu V~;jLL'\ üliHldllll'u,




16 nUVACX IYEXPLORATlON m: WASHINGTOX


lUais daos des eontrées si vas tes et encorc inconnucs, on
n'avait pu díviser les patrimoines par des moyens natu-
rels et visibles, ct c'étaient les móridicns et les parallcles
qui bornaient les héritages. Pour ílxcr la propriét«, il
fallait done recourir aux calculs góomctriques , el dans
eeUe socíété primitiva, les hommes capables de les faire
étaient rares et cO~lsidét'és.


Washington inspirait déjil aux autres la confiance
qu'il avait en Iui-mómc. Lord Fairfax 1 , ami et allié
de sa Iamille , qui possédait des torres immenses
dans les Alleghanys , le chargea de les explorcr, Des
l'age de seize ans, il prornene la chaino de I'arpenlcur
au milieu des montagnes, et il ne se repose de ses péni-
bles travaux que pour admirer les arbres sóculaires (11Ii
luí servent d'ubri, écouter le hruit des chutes d'eau, ctse
recucillir devant les grandes scenes de la nature, C'est
uinsi qu'il se montre Iui-rnéme anous, dans le court
mais cxacl [ournal qu'il Iient alors de su vie : la Iormc en
csl secho et Iroide , et i'on n'y trou veguere qu'une suilc
de notes , de points de ropero a I'usage de sa propr~
mémoire. Pas le moindre eílort pour Iaire passer ses
impressions dans une aulre ame, pas le moindre besoin
de les laisser débordcr : rien de plus que des allusions
iL ce qu'il a vu el sentí. Mais malgré ce peu d'abondance


1 « Charles II avait concédé aux ancétres de lord Fairfax to ut
" le pays qui s'étend des sourees du Po to mac et du ltappahan-
« nock a la bai e de la Chesapeak. Ce domaine ombrussuit düul'
« "peu pres le quar t du t err ito ire actucl de la Virginie. Sil ,~ci­
« gncurie était un hornme d'un esprit cu ltivó, dun caractl.'JC
'-' cxcentr iquc, d'unc taille et dune force s-igantes(1ue;:;.IJ v iva i t
« en gal'~on et faiaa.it n.auva.isc eh ere, ¿tIa faqun des gens .l u
< payo. Quand il étai] en h um eur d'ótr e génórcux, il abaudon-




llA.\\ LES .\lO:'.íTS ALLEGlIA:'.íYS (1748-1751;. 17


el d'abandon qui Iait un pon trop rcsscmhler le récit
de Washington aune table des rnatieres " malgró la stó-
rilií« de son admiration , on trouvc partout, dans ce
journal, les traces d'unc émotion naturelle et vraie, en
présence des splcndcurs du désert. I'endant des mois
eutiers , Washington erra ainsi dans les foréts , cam-
paut en plcin air avec les Indiens , étuc1iant lcurs
IIImUI'S, prcnaní part ú leurs jeux, et se próparant, au
milieu des íuíigues el des rlangers de la vie sauvago, Ú
l'accomplissement des grands devoírs qui l'atlendaiont.
11 consacra trois années ú ces travaux " sans se donner
de rcláche, si ce n'est pcndant les mois d'hivcr qu'il ve-
nuit passer a Mount-Vernon 1, chez son frcre ainé, La w-
renco Washington. Lawrcnce était un horruno impor-
tunt, delegué ala Charnhrc des Bourgcois de Virginic ,
el allié ;'¡ la Iarnille de lord Fairfax, qui était la plus con-
sidérnble de la coloni,, Ceorge Washington rencontrait
chez lui la meillcurc compagnic du pass, el il Iut hicníól
conuu de tout le monde pour sa prohité , son courage
el son inlelliucnce.


La carriere militaire de Washington cornmenca ú dix-
neuf ans.


« nait eles fermes e.nticres a ses paysans, suns exiger d~autrc
" re devanee qu'un e lagatelle, par exemple le présent dun e
« dinde ponr son dino r de ~ocl. Il aimait passionnément la chass«
< et passait des se ma ine« e nt ic rc s h cou ri r le gibier. Qu an d i l
( était ainsi en expf;diiion, i l éra bliss ai t C0111me regle que c e l u¡
,< qui pr cnait le run,arcll't l u i coupait la qucue, av a.it d ro it de
" SlI;\T0]a pro cl.nin« r:hassc a11" frais de Sa Seigneurie." (Ih:s-
iorical Collections of Virginia, p, 2o;-"i


1 La terre de ~To\int- Yornon av ai t (,te" ainsi appcl.vo l'"r
Lawrcuoo Washiugron , du nom de I'u m i r.il Vcrnun sous les
ordrcs dIHl''''¡ il avai t se rv i. Celle iurre dcvint plus tanl la
proprir"l~ de Ueorge Washington.




lfJ IUVALITE DE LA FHAXCE ET !lE L\NCLETEIWE


L'Angleterre et la France se disputaient depuis long-
lernps la domination exclusive du continent américain,
et Icur rivalité dans le nouveau monde était méme une
eles principales sources de lcurs luttes en Europe. Grace
ú su supériorité maritime, l'Angleterre s'était emparée
de lout le Ierriloire qui longe l'Atlantique, et n'avnit
laissó ala Franco que deux points de la cótc, I'emhou-
chure du Saint-Laurent et celle du Mississipi. Mais, sur
ces deux poinls, les Francais s'étaienl forternent retran-
chés ; ils avaient pénétré dans l'intérieur, s'y étaíont
ótcndus, et a I'aide de Ieurs rnissionnaires , ils exer-
caient sur les Indiens une influence terrible pour lcurs
rivaux. A force de s'avancer, ils étaient ainsi arrivés ú
occupcr tous les derrieres des colonies anglaises, a les
conílncr entre les montagncs et la mer, et amcnacer
leur existence, Par suite de ce voisinage, l'état de guerre
était devenu presquc permanent sur la Irontiere, ct
méme en ternps de pnix, les Francais el les Anglais
s'inquiétaient par des invasions et des surprises conti-
nuclles. Partout ou ils se rcncontraicnt, ils se dispu-
taicnt le sol, et fournissaicnt ainsi tous les jours aleurs
gouvernements des pretextes de gnerre, qu'on saisissait
ou qu'on laissait dormir, suivant les besoins de la poli-
tique.


Pour déíendre la Virginie contre les ravages des In-
diens et les empiéterncnts des Francais, le goüvcruc-
ment colonial avait divisé la province 'en districts mili-
taires, et placó á la tete de chacune de ces divisions un
offícicr churgé un commandcmcnt de la milicc et de
l'inspccíion des postes el des armes. Tello élait déja la
considcratiou dout jouissail Wusliingtou, LJ u'u dix-neuf




\\'A:;!II;,\I;TOX EST X ()~DIl: ,.\1.\,; ou y¡C,I;'. 1:)


JIIS il id nomnió commandant de districí, avcc le íiirc
d'adjudant g{'néral el le l'i.lllg de major.


Ces nouvelles fonctions étaienl conformes it ses goCils,
cí il s'y consacra avcc ardcur. lJ rcchcrclia les olfícicrs
qui avaient fait la gncl're, étudia la Lacíiqnc SOIi:" le!II'S
ycux, Iut les principaux ouvragcs sur l'art militairc, el
communiqua son activilé aux oíflciers qui servuiení
sous ses ordrcs.


La rnort de Lawrenco 'Washington vinl aIT;le1lcl'
Ccorgo iJ. ses devoirs puhlics et I'appelcr nu róle dI' chef
el de protecteur de sa íamille. La succcssion de son
írero ainé devint la priucipale source de cotto gTtltHJe
Iortune qui placa \Y ashington dans une position asscz
indépcndante pour lui pcrrnettro de consacrcr sa vic á
son pays, sans [amais rien acccpter de lui en óchango
de ses services.


Les mouvcments des Francuis sur la frontiere le l'ap-
pclerent iJ. son poste. Les Francais, voulant lier en íre
elles leurs lastes possessious .I'Amérique el. assurer
les communications entre le Cunada ct la Louisiane 1
venaient de construiré de nouveaux Iorts sur le ~lissis'
sipi et l'Ohio. Le gouvernement anglais , qui éícndait
ses prótcntions en Amériquc [usqu'al'ocóan Pacifique,
ct desirait la guerrc, pour arréier le dévcloppcmcut des
colonics Iruncaisos, cxpcdia al! gouvenlellHml ele la Vir-
;.;i::io l'ordre de chasscr les prétendus usurpateurs: ~l;¡L)
avant d'agír, il éíait nécessaíre de recueillir des reno
scignomcnts sur In situaiion des enncrnis, el de rcnouer
eles rclations avcc les tribus indicnnes , dont la fidélilé
avait dé eluanlóc par la prcscnce des Francais, Le gOIl-
verucur Ilinwiddie avait d{:jit cmo~ ó daus ce Lut un





Zi WASHI!'iGTO!\ EST CIIAUGE n'l:NE ~lISSlON


avent au delá des montagncs ; mais ceí agent n'avait pas
réussi : la mission était délicate et hasardeuso ; elle
exigeait beaucoup de courage, de prudcnce, d'habileté
et uno grande connaissance des Indiens. On trouva le
major \Yaslrington propre acet emploi, et il fut chargé
par le gouvernemeut de portor , au commandant des
torces francaises qui occupaient le tcrritoiro en litigc,
les sommutions de Sa Majcstó hritannique , et do pro-
Iiler de ce pretexte pour rcconuaitrc les forts et se
mcílro en rapport avec les chefs indicns,


JI panit de Williamshurg, siego du gouvcrnernent
de la Vírginíe, le 31 novemhre 17:i3. Pour arriver au
but de son voyagc, il fallait Iranchir plus de cinq ccnís
milles, au milieu de montagnes esearpées el de déserts
au pouvoir des sanvages. Les Alleghanys étaient eOH-
verts de neige, les vallées étaicnt inondécs , ct l'on no
pou vait trn vcrser les rivieres que sur de frclcs radeaux
ou ala nage. Washington surmunta tontos ces diíflcultés
avec un sang - froid adrnirahle , ohservunt avec soin le
pays au milicu des plus grands daugers , recherchant
les lieux ou l'on pouvait étahlir des postes militaircs,
séduisant les Indiens par ses discours , et détachant de
l'allianee írancaise les tribus qu'il traversait. JI arri va
enfin au fort Le Bceuf occupé par les Francais. Le eOI11-
mundant, M. de Saint-Pierre, refusa d'obéir aux sornrna-
tions de retraite : mais Washington eutlc tcrnps d'exami
nerle fortavec soin ctd'en lcver un plan qui futenvoyé al'
gouvernement hritannique. Des fatigues et des dangers
hien plus grandsencorc que les précédcnts l'nttcndaicnta
,:.:cm relnur. La neige tombait en si grande abondanco ,
quil fuí obligó dubandonncr son escorio el ses che-




J)'OBSERVATION SUR LES l'RüNTIERES (n":l;. 21


vaux, ponr fairc la route apied. Le havrcsac sur le dos,
un fusil ft la main, scul avcc 1\1. Cist qui lui servait (lP
gnide, il dírigeaít sa coursc atravers les hois en s'orien-
tant avec la boussolc, et étaít arrétó il chaque pas par'
de nouveaux obstacles, Tautót ils s'égaraícnt dans ces
solitudes el tomhnient épuisés sur la neige, apres de
vains efforts pour sorlir d'un dédale de foréts ; tantót ils
se voyaient traques par des bandos d'Indiens, dont la
rruit arrétait seule la poursuitc, Souvent lcur situation
parut entierernent dósesperée. Un jour qu'ils s'étaient
aventures sur le torrent Allcghany qui lcur barrait la
retraitc, les glaces s'urnoncellent autour de leur Iaiblo
radcau, l'écrascnt et l'emportent. En cherchant a le
dégagcr, Washington est lancé dan" la riviere par un
choc violcnt et disparalt SOtiS la glace: rnais il s'accroche
ú une poutre et se sauve snr une petite 'He ou son com-
pagnon le rejoint. 11s passent la une nuit aífreuse.
Le freíd est tcl que M. Gist a les pieds gelés, et c'est
pourtant du froíd seul qu'ils attcndcnt la fin de leurs
souffrances. En etret les glaces se consolident et Ieur
DLlvrent un pnssage. 11s poursuivent alors Ieur voyago
el parvicnnent entin ú Williamsburg , apres trois mois
d'absencc 1. D'apres les renseignements fournis par
Washington, le gouverneur et le conseil ordonnerent
aussitót la construclion d'un fort sur l'Ohio, au point de
[onction de l'Alleghany el de la l\Ionongahela.


Iíinwiddic avait jusque-Ia rencontré dan s la Cham-
hrc des Bourgcois une grande opposition iJ. ses pré-
paratiís rniliíaircs. Pour frapper vivemcnt les esprits
el dévoiler les intentions hostiles des Francais , iI
íit puhlicr lél journal de Washington, et convoqua
la !1~!-lislall!l'c. ~lais la Chamhrc se montra Iort dé-




FTiOTnEUR DES COLCi:;TFS rOUH


flnnto : a íor! ou h raison les inleróts dl~ la colonic no
lui semblaicní pas engagés dans la nouvellc gnerro, el
elle se senlui l peu disposóe ú Iuire eles sncriüces qui
.lussent tourncr uniquement au profít de I'amhition
hritanniquc. Le patriotismo colonial commcncait (](~j:'l :"-
se substitucr au patriotismo anglais, ct les cspr-ils s'h.
hitnaient h opposcr les intérúls provincianx a ceux ('
la Couronne. La Chambra yola ccpendant qnelqur
Ion.ls. Mais les tendances qu'elle avait manifestce-
inquíétaient sérieusemcnt Dinwiddie, ct il éerivait au
sccrélairo d'État, cornte de Ilolderness : (de suis fúdj('~
a de trouver aux mernhres de la Chnmbro des sentí-
(( ments républicains ; ils n'agissent pas selon la bonne
(( voie constitutionnelle ; i Is font sur la prérogative
(( royale des empiélements auxquels les antres gouver-
« ncnrs se S01)\ trop soumis ; et je crains , si je ne
(( I'c(,:ois point des ínstructions partículleres, de ne pon-
( voir les rcmcltrc á l'ordre 1.


Le lnelll(' esprit d'oppositíon et d'índépendance s'agi-
lait dans les nutres colonics ; les mémcs Iuttes entro les
dCIIX pouvoirs rclartluicu t parlout les armerncnts contre
les Francais. Gnke au zelo de Ilinwiddie , les Virgi-
11 ¡l'ns furent les prerniers préls a entrer en ligne. Les
j','llds accordés par la Chamhro des Bourgcoís Jlcr-
mircnt de lcver un régiment do trois cents hommes,
ijn i íut placó sous le cornmandement du colonel Josuah
Fry. Le mujer Washington en fut nommé licutcnant-
colon el.


II recuí au mois d'avrill'ordre de so mettre en mar-
ello avcc trois cnmpagnies pour ouvrir la rouíc il la
l¡(dile ai'm('~c q\W l'on Iormait. ( Ilcstcr sur la dcfcnsiv«,


((shinqton; ¡¡'¡I" (( Lit> 17:1' AuO",)'
Bostnll.' , t. 1, p. :~~_l:




L\. CAU.<;E DU GOUVERNE'IIEKT ANGLAIS, 23


( mais prendre Oll tuer tous ceux qui prétcndraient
« s'opposer de vive force aux travaux des Anglais ou
« s'attaquer a leurs établissements 1,)) telles étaicnt les
instruclions donnócs iJ. Washington. Arrivé 11 Will's
Crcck, il apprit qu'un corps franca/e, sous les ordrcs du
capitaino de Contrecceur, s'éíait presenté devant le fort
(Iue les Virginiens construisaient sur l'Ohio, que la petite
garnison avait été conírainte de capituler, que M~ de
Contreccenr s'élnit établi dans l'ouvrage, et qu'il s')'
était retranché, en lui donnantIe norn de tcrt lruquesnc.
Le colonel Washington regarda ces íaits comme une
violation du tcrritoireunglais, el pensa qu'il était de
son devoir de se porter iJ. la rencontre des agresseurs el
de les attaquer partout oú il pourrait le faire avcc
avantage. Il avait déj'¡ dépassé les limites extremes de
la civilisation, el occupait une position avancée, connue
sous le nom de Crandcs-Prairies, lorsque des éclaireurs
indiens vinrent l'averlir qu'un détachernent francais
ródait autour de lui depuis plusieurs jours. Washing-
ton se retranche aussitót forterncnt, laissc la garde du
camp au gros de sa troupc, prend uvee lui quaranto
hommes et quelques Indiens, et proflte de la nui 1pour
marcher en secret vers le lieu désigné par ses éclaireurs.
Sa pelito trou pe s'avance al! milieu de roréis sombres
et épaisses : á chnque pas les rangs sont rorn pus par un
soldat qui trébuche ou s'embarrasse dans les brous..
sailles, et de distan ce en distance on s'arrétc pour se
rnconnaitre. Les Indicns eux-mérnes hésitent sur la
direction qu'il faut prendre; ils se répandent dans les
bois pour rctrouvcr les traces des Francais, et se cou-
cheu] l'oreillc centre torre pour écouter. Un peu apres
11: lcver du soleil, ils viennent eufln annoucer (lile les


1 lFash. w-«., t. Ir, p. 2.




24 MORT DE JUMONVlLLE (28 mni 1754).


Franeais, au nombre de trente, sont cachés dans un ravin
obscur el profond, entouré d'arhres el de rochers,
Washington, qui marchait impatient et ému en téle de
ses soldats, arrive le premiar sur le bord du ravin. Les
Francais courent aux armes en l'apercevant. Plein de
joie de voir enfin l'ennemi, le jeune colonel commandc
l'attaque. L'officier francais, 1\1. de Jumonville, cherche
en vain aI'arréter en se couvrant du caracíere de par-
lementaire, et en montrant qu'il est porteur de sorn-
mations adressées au gouverneur de la colonie. Hans
son emportement, Washington n'entend rien ; le COIII-
bat s'engage: a la prerníere décharge, M. de Jumonville
est tué; dix de ses hommes tombent á ses cótés, el apres
une lutte courte mais acharnée, Washington obligo le
reste de la troupe :i se rendre. Ce jeune ofticier, si avide
de combats et si précipilé dans sa conduile, devint le
général prudent el ternporisateur qu'on a surnommé le
Fabius de l' Amérique.


On ne se piquait pas sur la frontiere d'observer tres-
scrupuleusement le droit des gens, et de semhlablcs
échaufIourées passaient souvent inapercues, mórno en
temps de paix. Mais eomme celle-ci fulle signal de la
guerre de Sept ans , elle eut en Europe un retentisse-
ment peu proportionné a son importance. La guerro
n'étant pas encore déclarée enlre la France et la Grande-
Bretagne, il entrait dans la politique des deux gouver-
nements de rejeter sur la nation rivalo le hláme d'avoir
eommis les premiers actes d'agression, On prelendit,
en Angleterre, que Jumonville avait cnvahi le territoim
anglais en ennemi, et l'on regarda l'uttaque du coloncl
Washington comme une surprise nutorisée par toutes
les lois de la guerreo En Frunce, on la qualiíía d'assas-
siiuü el l'on reprocha vivement á Washington el á SI'S




CO\HIE)\CDlENT DE LA mlFRRE DE SEPT AXS. 2"


soldats I la mort rl'un parlementairc. JI repoussa ces
attaqucs avec indignation et méprís. Sous le parlemen-
taire il voyait un espion dans Jumonvíllc, Cet esprit si
simple et si primitif ne savait point encor« étre dupe des
apparences et des fictions pour lesquelles on montre un
respect si complaisant dans les vieilles sociétés. « Depuis
« ma derniero leltre;» écrivait-il au gouverneur Din-
widdie « j'ai acquis de íortes présom ptions, je dirai
« mérne la cortitude, que ces gens-lit étaient envoyés
« cnmme espious, el avec ordre de rcster dans notro
(1 voisinage, jusqu'a ce qu'ils fussent bien informes de
( nos projets, de notre situation el de nos torces. Ils
« devaient teuir leur commandant en chef au courant
« de leurs observations, et en aítendant qu'il leur arri-
(( vát des renlorts, rester caches [usqu'au moment de
« rernettre leur message , si toutefois ils se décidaient a
« prendre ce parli .... J'ai pensé qu'il était convenable
« d'cn instruiré Votre Honneur; cal' je m'imagine qu'ils
« auront l'audace de réclamer les priviléges dus aux
« amhassadcurs, lorsqu'en bonne justice, ils devraient
« étre pendus cornme des cspions de la pire espece ", )
En prononcant des paroles aussi dures et aussí severes ,
Washington ouhliait qu'il avait accepté, I'annéo précé-
dente, une mission d'un caractere aussi equivoque
que celle de Jumonville,


Le coloncl Fry étant mort il Will's-Creek , le com-
1 Pour


.: Imprimcr a leur noru une éternelle horreur ~ »
Thorna-, fit mé me un po¡~rne (';pique, in ti tu l ó J-u,nlOnviilc.. Cj.ili,
Jna]gn', la gloire da n0111 de Washington. est to m hr; daos un
juste oub l i.


2 lVusltiJlylun's lV'rilings, t. Ir, p. :11-<.




?i1 'U.'lAILLE rm,; (+TIA'\nES-PTIAIRIES n JT'JJ.T.ET Ii~)4).


rnandemcnt passa de droit i\ Wasliington , qui, apros
avoir opéró sa joncLion avec le res Le des troupes , se
trouva a la tete de quatre cents hommes. Le a j uillet,
il fut attaquó dans ses rctrauchcments par quinzc
ccnts Francais 'Iue eommanrlait 1\1. de Villiers, írerc de
Jumonville. Écrasé par la supériorité de leur nombre,
Washington ne se rendit qu'apres une rósistanco dé-
sespéree. La capitulation qu'on lui oílrit était ré-
dig(;e en írancuis. Elle portait que la troupe anglaise
se rctirorait sur son tertitoire, avec armes et. bagagcs,
sans élre inquiétée. 31<:lis la mort de Jumonville y étail.
qualiflée d'assassinat. Washington, ne sacliant pas le
trancais, signa sans hésiler celte piccc, La conduite du
colonel et des tronpcs fut approuvée par le gouverneur,
el la Chambro des Bou rgeois leur vota des remcrcic-
ments « [iour leur bravouro et leur belle défense du
« pays. ))


Mais pcndant ceíte campagnc, Washington avait en il
supporter, de la part des autorités anglaises, <I('S tracas-
series et des humiliations qui le dégoútcrcnt d'un COI1I-
mandemcnt amoindri ct décousidérc. Le g011 \ crneur,
réduisant la solde des oi'íicicl's de la milirc vi1'" iuien ne,
avait reíusé de les nssimikr aux officicrs dll memo grade
dans l'arméo royale anglaisc, et il prelendail rnóme don-
ner il ccux-ci, en verlu de leur hrevet, le pus sur t011S
les offlcicrs provinciaux , Cctíe prétention ("tailla cause
de grands désordres , et Iroissait le sentiment naíional
des Américains. Le colon e] Washington élait trop fiel'
pom servir l'Anglcícrre ade scrnhlablcs conrlilions , el
pllltút que (l"accepler la Slll!('~riorit(~ des olficicrs angl:lis,
il donna sa démission. Les [clLres qu'il ócrivitñ ce sujct




WASITI'\(1T01\ DOK'\E S,\ m~ms"ro\', 2i
snnt nmpreinícs d'une hautcur presqllc brnlale , el S[1.
-violcnco naturellr: s'y déchaine sans mesure: (1 Comme
;1 mes scrviccs, » écrivail-il au gonvernellr Dinwiddic,
(1 vaudront ceux des meillcurs oífícicrs , je me íais un
(1 point d'honneur de ne pus les oflrir ponr moins l. ))
El comme le g-énéralSharpe le pressait de rentrcr dans
l'armóe : ( Si vous me croyez capahlc de conscrvor un
« hrcvet auqucl ne sont attachés ni rang ni órnolu-
« monís, vous devez avoir une bien misórahlo idée de
(( ma Iaihlesse , el lile croirc encore plus nul que les
(1 Ionctions que vous m'oflrez 2. »


';Y:lsllington passa l'hivcr dans la retraite , attcndant
avcc impatience I'occasion de rentrer honorahlornent
dans l'armée et de se méler a la guerreo Son désir Iul
lricniói satisfait.


Au commencement du prinlemps", deux :'égiments
de troupos régulieres vinreut grossir l'arméc de la Vir-
giníc, don! le géw;1'al llraddock prit le commandc-
ment, 110tH' allcr cnlcver aux Francais le fod Duqucsne.
C'était un bravo soldat, formé il la grande école , dans
les campagncs d'Europe , mais qui ne connaissai: ni le
pays,ni la Iacon de íuirc la ti'lIelTe que les surprises el
les marches rapides (les Indiens avaient imposóo el
enseignée aux planíeurs. La scenc était toute nouvcllc
pour lui, el íl avait hesoin de s'enlourcr d'oífícícrs qui
eusscnt íiraillé sur la íronticrc. Washington accepta une
place dans son étnt-major. ~bis le g-ónóral se croynit
encare dans les plnines de Flandrc, el, malgré sa eOIII'"


1 lV(f'¡', IVrit., t. 11,]l' 20.
i )Fush. \V"it., t. n, r (j(j.


] ~. ,~,'"




28 BATAILLE DE LA


toisie, il ne pouvait s'empécher de prendrc en pitié la
Iactiqno írréguliere et les procédés provinciaux (l'w son
jeune aide-de-camp osait lui proposer, sans pouvoir les
appu~'er d'aucun nom autorisó danslc métíer des armes.
Malgró les recommandatíons et les prieres de Washing-
ton, le général prétendit plier les tirailleurs virginiens
au joug de la discipline européenne; il dódaigna l'al-
liance des tribus ennemies de la France, refusa oulra-
gClIsement les services des éclaireurs indiens; et, au
lieu de pousser vigoureusement en avant, ponr sur-
prendre l'ennemi pcndant que ses forces étaicnt encere
disséminées , il voulut rnarcher avec métliodc, s'arré-
tant devant les moindres obstac1es, ici pour aplanir
une butte, la pour [eter un pont sur un ruisseau. Tant
de présomption el d'imprudence, melées asi peu de liar-
diesse, désespéraiení Washington. U tombadangereuse-
ment malade au milieu de l'expédition, et dans le wagon
ou il se faisait trainer ala suite ele l'armée pour parta-
gel' ses périls, il se sentait rongé ala Iois par le dépit de
voir ses conseils méprisés, et par la crainte de perd re
l'occasion de montrcr aux vétérans anglaisce qu'il valait
dans la melée a la tete ele ses braves Yirginiens. On
approchait du fort; et le jour ou l'année opéra le pus-
sage de la Monongahela, il réussit a se faire hisser sur
son cheval , pour prendre place a cótó du général.
Braddock venait d'achever heureusement le passago du
dcrnier gué, etles troupes dóíilaicnt, dans une tenue ad-
mirable, á travers un bois peu épais, lorsqu'uno violente
dócharge de mousqueterie vint tornber toul Ú COllp sur
le flanc dol'arméc. L'enncmi était invisible. Une socondo
décharge sur le flanc droit répandit la constcruation




A10',[O:\(;AIIEL\ ((1 Jl'ILLET li55;' 23


dans les rangs, Les Vírginicns seuls, habilués ade sem-
hlabJes surprises, conserverent Icur sang-Iroid. l\Jalgré
la délens« du général, ils se répa ndircnt un aun dans
les bois pour en débusquer les Francais, tandis que les
troupcs rógulieres, formées en eolonnes serrécs ct dóci-
mees par les coups de l'ennemi sans pouvoir les rcn-
drc, láchaieut píed, se repliaient sur l'artillcrie et cau-
saient une confusion teIle, que les eíforls de Bruddock
pour les rallicr étaicnt impuíssanís. Pendant trois
"cures, les Francais et les Indiens, cachés dan s les
ravins et dcrriere les arbrcs, dirigcrent sur elles un feu
meurtrier. La moitié des Anglaís resta sur le carreau.
Le général re~l1t une blessure mortelle 1 et ses meil-
leurs officiers tombcrcnt ases cótés,


Pendant toute la bataille , Washington déploya un
courage et une actívitó admirables. Il se multipliait au
mílicn du feu , courant dans toutes les direcíions pour
porter les ordrcs, se précipitant devant les fuyards POUl'
les rctenir , les ramenant au cornbat el les rassurant
par son intrúpidité. Mais tout fut ínutile ; la bataillc était
perdue : « Nous avons été battus, dit-il , honteusement
( battus llar une poignée de Francais qui nc songcaient
« qu'iI inquiéter notre marche ... Je suis persuade qu'ils
« n'ótnient pas plus de trois cents , tandis que notre
« armée était de treize cents homrnes, Les troupes de la
( Virginie ont fait preuve d'une grande bravoure el
"out dé prcs(!ue détruites. La láche conduite des


1 C\'st une trarl it io-. en Virginie qu~ Hradrlock fui tué par UI)
d{~ H'~ l.orrrmcs, \lOll!' cU'ba~rasser larmóc du général q ui I'uv a:
e sacri(j(\(~ 11 son o bst i na ti on et 11 son jgnuralJce de la. guerrc des
e iroruii-rus. » (Histurical collectluJls 01' ViryiHúl, p. 97.)




30 WASHINGTON", CmL\L\l\DAI'\T E\' CHEF


« troupcs ditcs résuliercs cxposait it une 1II0rl certnine
« tons ccux qui voulaicní faire leur dcvoir. POIIr moi,
« j'ai échappe heureusement , sans aucune Llcssurc,
« quoique j'aie en mes habits percós de quatrc halles,
« el dcux chevaux tués S011S moi 1. ))


II se retira a1Iount-Vernon, plein ele découragcmcnt
et do dégoút, bien décidó arenlrer duns la vil' pri\(':c.
Mais sa rcnommée et sa popularité s'étaicnt accrucs de
tou te I'indignation soulevée par la conduite de Ilrad-
dock el de ses soldats. Au milicu de la constcrnaliou
générale causéc par la batuille de la Monongnlrclu , 0<1
ne vil plus de salut qu'en Washington. Les homrnes les
plus consídérublcs du pays le supplierent d'acccpter le
commanderncnt genéral des troupes , el pourvniucro
ses répugnances , le gouverneur censen lit. a Iouíos les
conditions que Washington imposa, Cclui-ci nc céda
qu'apres s'élre réservé le droit de nornmer les ofücicrs.
11 conserva le couunandernent général des troupcs de la
Virginie pendan! trois années (l'7;)5-17;;8), qui furent
pour lui une suite de tourments el de contrariétós, dout
ancun événement important no vint rornpre la mono-
tonie.


La Chambre des Bourgcois avait voté la levée de
H;OO hommes, pour déíendre, centre un ennerni insai,
sissable, une frontiere qui se perdait dans le descrt sur
une longueur de plus de cent licues. Les Irnliens met-
taient le pays afeu el asang, puis disparaissaiclll daus
I'oucsl, puis revenaient en plus grand nombro encero
répaudre partout 11 désolutiou; el WaslJilJoLon, tou-


\'{asil. Writ., t. rr, p, SG, so.




jours en monverncnt, toujours a lcur poursuitc, sans
janwis pouvoir les attcindre, n'arrivait sur le thcátre
de lcurs invasions (lIiC pour camper sur des ruines et
cusevolir des cadavres, CelLe gllerrc cruelle, cet ótat de
troublo jetait le dósonlre dans des populations encere a
peine fixécs. Les habitudes sanvugcs et nomades s'y
rcpandaient ; lnul sentiment moral, tout esprit de suile,
tout licn social disparaissait ; la fanlaisie individuclio ne
renconlruit plus d'autrc frein (lue le droit du plus forí,
el les planteurs dcveuaient les uns pour les autres UJI
aussi grand íléau que les Indiens, On les voyait parcou-
rir les Ioréts en troupcs errantes qui , it la moindro
alerte, venaieut s'abatíre sur les forts, pOlIl' y chcrchcr
un uhri, el communiquer aux soldats leurs goüt.s de
pillage el. d'aventures, Ceux-ci n'étaient que trop dispo-
sés it les prendre, et Washington perdait par la déscr-
tion le petit nombre d'hornrnos qui avaicnt échappó aux
embuches el al! scalpel des lndiens. Il n'avait pas plus
de moyens de réprimer l'insuhorrl inalion de son armée
(llle d'arréter les progrcs de l'ennemi. Poin t de regle-
ments, point de loi pénale pour contenir ses suborden-
nés; entre ses supóricurs civils el militaircs des Iuttes
d'attribution, des tiraillernents coníinuels arncnant des
ordres souvcnt absurdes, toujours contradicloircs, sui-
~ is de récriminations el de plaintes , avec ses égaux cn
grade dans l'armée royalc, des démélés pénibles sur les
qnestions de rnng; de la part de l'opinion publique, des
attaques injusles. C'ótait plus qu'il n'cn fallait pour
révolter un caractcrc aussi emporté el. aussi indópen,
dnnt. Bien souvent il Iut tenté de secoucr un jou;.; fIlie
ricu uc I'obligcait it porter, do reprendre sa Iiberté, et




.32 ()!'ltHATlONS MILITAIRES snn LES


de rejeter Ioin de lui eles fonctions qu'on le rcndait
impuissant ti bien rernplir : « La triste position du
« peuple des Ironticres, le peu d'espérance qll(~ j'ai
« d'ohtenir eles secours , les injures grossieres el sean-
« dalcnscs elont on m'accable me fout regretter l'in-
« stant ou j'ai acccptó cetto chargc, el si le elanger n'é-
« tait pas si imminent, j'abandonnerais sans hósitation
« un comrnandcment dont [e n'espere recueillir ni
« gloire ni profit.... !\les rapports les plus pressanís sur
« les mesures nécessaires pour la súreté des fronlieres
« sont méprisós comme vains ct san s importance. 01]
« accuse de partialité el d'égrúsme mes propositions
« et mes acles, et l'on attribue aux plus manvais eles-
« seins tous mes eff'orts pour le bien ele mon pnys,
« ~Ies instruetions sont obscures, douíeuses , incertai-
« nes. Anjourd'hui on m'approuve , dernain on me
« condarnne. le suis forcé d'agir au hasard : je réponds
« des conséquences, et 1'0n me bláme san s que je puisse
« me défendre 1. 1) Mais au milieu de tan I d'épreu ves,
Washington était soutcnu par les encourugcments eles
hornmes de bien. « C'es! sur vous, mon clier George,
« que reposent nos espérances,» luí écrivait le présidcnt
de la Chambre des Bourgeois; « c'est sur vous que nous
« cornptons pour mener nos aíluires abonne fin. Non,
« vous ne donnerez pas votre démission; tous les offí-
« ciers vous suivraient. Non, ayez le sort de Braddock
« plutót que de ríen faire qui puisse flétrir les lauriers
« qui vous sont réservés. » De semblables appels ason
patriotísmo el ti son honneur suffisaient pour russurer


I Wa~h. W1'ii., l. I1, Jl.144, :lIó.




FJW:\TU:ltES OE LA VIHGI:-,TIE (175rJ-17c,R), :¡:~


la Ilerlé et calmcr l'impatience de 'Sashington, Ni le dé-
goul qu'il euí toujours pow' le pouvoir lorsquc son ;l!i-
lurilé était contestée, ni les souñrances (Ille lui causait
la néccssitó de taire im parfaitcment ce qu'il nvait en-
'trepris, ne lui firent abandonner une situation OÜ seul
il pouvait servir son ¡¡ays; el, sacrifíaut ses pcnchants ;'¡
ses devoirs, il continua une lutlo inccssanle centre les
cnnernis du dclrors el les diffícultés inlórieures. Son
cal'Uctere se tcmpéra, son esprit s'añermit il cette rude
écolc ; el si l'on u'assistait dans sa corrcspondancc aux
oragcs que soulevaient encere, duns cetto úme arden te,
I'hnrreur du désord re el les froissemenís de l'amour-
propre, on pourrait déjil, d'apres les actes extérieurs de
su vic, croire Wasbington arrivó á ce degré de sercnité
et de calme qui devint un des plus bcaux éléments de
sa force comrne de sa gTandeur.


L'avénement aux añaires de 1\1. Pitt , dcpuis lord
Chathurn, en irnprirnant une plus grande vigucur ú la
politique anglaisc, vint mcttre fin aux anxiéíés el aux
travaux du colonel Washington. Le nouveau ministere,
voulunt rcprendrc en Amériquc I'oñcnsivo sur touíe la
ligne des fronticres, envoya le gónéral Forbes en Virgi-
nie , avec I'ordre de s'empurer du tort Duquesno ct les
moJens d'cxécutcr ces inslructions. Plus sage qlle son
prédécesseur le g~~l1él'al Braddock , le gónéral Forlics
rechcrchu les conseils et l'amitié de \'¡,'ashinglo!l, el le
pla\ja al'avanl-gurde de SOIl armcc. Le Iort fut pris el
le rcpos de la Virginic rcconquis nvcc ses frontieres. Le
pnhiotismc des colon s ne s'élenduit pus encoró au delá
des limites de lcur proviuce ; la Virginio (>tai'. sauvóo ;
le dcvoir n'ailuchnit plus \\aslijllgllJlI á des Iouclious


.",~"'."'-'->.. ".
,,\~J',;':r.,. .,:'\,


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','




34 PUlSE DU roirr nCclU¡':SXE (25 'lOVEMJJ]{b líjd).


qu'il avait cessé d'aimcr ; le besoin de mou vcment ,
la surabondance de vie qu'il avait dans sa [eunesse ,
s'étaisnt dissipés, nu milieu des fatigues el des dangers
d'une longue guerre, pour íaire place á ce goüt du repos
ct de la retraitc, El. cctte absenco d'arnbition el de désirs
qu'on remarque dan s tout le reste de sa carrierc. II
donna done sa dérnission, laissant les Anglais poursui-
vre seuls leurs suecos dans le Canada.


Ce fut un jour de deuil pour I'arrnóe de la Virginie
que celui oú Wnshiugton la quitín , el malgré une em-
phase un peu excessive, mais tres-nméricaine, rien n' est
plus touchant que l'adresse ou ses officiers lui expri-
men! la douleur qu'ils éprouvent en se scparant de lui:
« Combien nous sentons profondérncnt la pcrte d'un
« commandant si exccllent, d'un ami si sincere, et d'un
(( compagnon si aimable! QuelIe perle que celle cl'un
« lel hornrne 1Il Iaut done dirc adicu accttc supériorité
« sur les autres corps que les ennemis nous reconnais-
« saient et ')[le les troupes provinciales el régulícrcs
« clles-mórnes nous ont fait l'honneur d'avouer puhli-
(l. quernent : Il faul renoncer a cctte discipline exacte
« et a cet ordre que vous avez íoujours Sil main-
( tenír I! »


Ces sentiments d'admiration el de sympathic étaient
partagés par la masse de la population, et l'amour-pro-
pre naíional des Virginiens se complaisait elija dans el:
jcune oíficier, que les plus vieux mililaircs consultaicní
avcc détérence, et dout la prudence et le courage élaient
renommés dan s toute I'Amérique. Washington n'avait
pourtant rond II encere il son pays aucun de ces serviccs


1 leVash. W"it., l. II,I'.l7í.




35


lrrilluuís qui Irappent l'imaginaíion des peuples; 1I1,llS
il avait fuit une chose plus rare et plus difficile que les
actions d'éclat : it la tele de l'unuec, il avaií su s'accorn-
rnoder de la mauvaisc eómmi' de la honne fortune;
il avait réussi it supplccr al! nombre des soldats par Paco
tivité et la Jler~évéranee, aux vices de I'organisation
militaire par son aulorité personnelle sur les troupes ;
íl avait resisto aux empiéternents du pouvoir civil, sans
jamáis en móconnaitrc les droits, Les difflcultés contre
lesquelles il eul des lors á In tter sont une irnnge de cellcs
qu'il devait rencontrer plus tare! dans la guerre de
l'indépendance, el les pénihles travaux de sa jeuuesse
le prepareren] it eeux qui devaieníl'immortaliscr.


Pendant la deruiere campague, Washington avait été
elu represen lant á la Chambra des Bourgeois de lit Vir-
ginie par le comle de Fréderic, sans avoir Iait la nroin-
tire démurche. Cette élection sponlunóe, daus un comté
011 les circonstances l'avaicnt souvcnt obligó d'imposcr
aux habitants des chargcs pcniblcs, montre cornbien il
avait su conquérir l'aílection du ¡¡euple. Depuiscctte épo-
que jusqu'uu commencemeut de la révolution, pcndant
un espace de plus Uf) quinze ans, ji resta membre de Ia
Chamhrc des Bourgcois de la Vil'ginic, el prit une parí
active ases délibérniions. H exerca íoujours une grande
influence sur cettc asscmblée, mais tranquillement et
sans bruit, par la seul« au torito de son j ugcment, de son
expérience et de son caractere. Parlant peu, no ,e me-
Iant it aucun debut orugeux ou persouncl, mais íoujours
préí ü di re nctíerncut son avis dans les questions déci-
sives, ji agissuit sur l'esprit des hommes , moins par
I'art avcc lcqucl il souteuait ses opiuions que par la con-




:16 WASHLNGTO~ , ~lEMBHE DE L'ASSEMBL};E.


tiancc qu'inspiraieut sa fermelé el sa droitur«. On IWld
jUgCI' de ce q u'il pratiquait lui -rnéme par le COUSl';
qu'il donna it nn de ses ueveux, au moment oú cclu i-c:
vcnait d 'dre admis, POUI' la premíere Iois , dans Lh·,
;cmblée : « Le seul conseil que je vous donilerai.,)J 1::;
disait-il , ( si vous avez le désir d'obtenir l'allentiou de
« I'Asscmbléc , c'est de parler rarement, mais sur des
« sujets irnportants, excepté quand il s'agit daflaires q r.i
« intóresscnt vos comrnettanís ; el daus le prcmier cas,
« ne nianquez pas de vous rendre 111a1l1'e de votrc sujet;
« u'allez jamáis au delá d'une chaleur convcnahle, d
« prósentoz vos opinions avec modestie. Bien q¡¡'¡¡
« puisse cntraincr la convictiou , un ton imperiei.'.
« hlesse toujours 1. »


, ira.h. ¡"ril., t. IX, p.:ItlU.




CHAPITRE III.
tva-hinnton (bns 1(~ mJ!1f10 f'L avec les Iemmess--Son 11la1'ÍIlr:'0.-SCS rapports


av.«: l\flllt' \r:~'.;,hin:~t()!l.-{iouvernemen t de va rnruille el df' ses affaires,--
Moun t-Vernun .


Washington :1 peu connu les joies de l'épanchement.
Béservé par prudcnce et taciturna par goút, il ne met-
tait que bien rarement ses amis, mérne les plus fídeles,
dans le secret de sa vie et de ses sentiments intimes.
Aussi ne trouve - t - on, dans les volumineux docu-
rnenís réunis sur son histoire, que peu de traces des
passions et des besoins cuchés de son árnc. Les seules
confidences que Washington nous aií laissécs n'ont rien
de cornpromettant ni pour lui, ni pour la jcune fille qu'il
avait aimée. C'était it dix-sept ans , et il était alors plus
(~lfrayé que charrné par les émotions qui l'agitaient :
« !\Jan cher Robin, je suis en CA moment chez Su Sei-
« gneurie (lord Fairfax), et si mon CCBur ótait libre) je
« pourrais passer trcs-agréahlernent mon temps. Il y a la
( une charmante [cune personne, la belle-srenr du
« colonel George Fairfax, Mais cela ne fait que jeter de
« l'huile sur le feu . Je me trouve iuévitablement en sa
« compagnie presque toute la journée, el sa prescnce
« réveillo sans cesse ma passion pour la helle des




~8


« DÜSSeS-Torres, tandis que, si je viváis plus éinif.'-'né des
« jeunes fernmes, je ponrrais soulager ma peine par
(1 l'oubli de ce chast« el, gCIllmt amour. Je snis bienccr-
« tain que cela sera 1:~ sen 1 remede amon mal 1. »


L'cmploí du remede semble avoir snrvécu au mal.
Dans le monde, Washington parait n'avoir [amais ¿y.
tres-empressé aupres des femmes ; et bien g u'il nit toi.-
[onrs rernpli ses devoirs de socíété en homme de bonDi'
compngnie et de la fucon la plus conecte, jusqu'a danser
le menuet, le ton de galanteric solcnnelle ct de recher-
che un pcu pénible qu'on retrouvo dans ses lettres ti
madame de la Fayette , semble indiqucr qu'il était
moins ti son aise ct ú son gré dans un boudoir que sur
un champ de bataille. Ce rr'est pus qu'il fút insensible
aux charmcs de la société des fcmmes , mais il ne les
comprcnait bien qu'aa sein du foyer domestique, Ce
qu'il aimait surlout en elles, c'est qu'elles seules peu-
vcnt donncr un intérieur, l'animcr dans le calme de la
rctraitc, el en faire comme un lieu de reir:ge au milieu
des orages de la vie publique. Ce qn'il leur demanduit,
c'est ce Iiome qui, sans enes, n'esl.poinl possihle, ce sont
ces douces joies de la famille, dont il parlait, it soixante
ans, avecune gal!é que Iu.gravi!é orrlinni re de son Iangago
rcnrl encoré plus írappante : (e En lisant votre charrnantn
« 1eltre;» écrívait-il au ma rquis de Cliaslellux, pour le
complimcnter sur son mariage, (e j'ai élé non moins
C( enchanlé que surpris d'y rcncontrer ces mots si amé-
« ricnins el si simples: « mil fernme. )) )Í;lI'i(~, mon cher
(( I::anwis! P!'is, VO;!S aussi ! Ah! j'ai bouue envíe de




LA :'()(TÉTÉ DES FE'.DrES. 39


« rire. Je voyais bien, d'apres vos contínuels panégyri-
« qnes des joics domestiques anx ~;tats-Unis, que vous
« avicz mordu it I'amorce el que vous finiriez par étrc
« attrapé, aussi vrai que vous éíiez pliilosophe eí soldat.
« Votre [our est done enfin venu. De tout mon creur
{l Yen suis ravi. Vous voila bien serví pour étre venu,
« tout au travers de l'Océan, eornbattre en faveur des
« reholles américains ; vous eles víctírne dc cctte ter-
« rible contagion, le bonheur domestique, dont un
« homme ne peut étre alteint qn'une fois en sa vie,
« comrne de la peste, cal' il dure généralcment autant
« que lui. 11 en est du moins ainsi chez nous : mais je ne
« sais comment VOllS arrangez tout cela en Franee.
« Qnoi qu'il en soit , le pire souhait que mon CCBur
(J trouve aformer contre vous et ~Im' de Chastellux, c'est
« que ni l'un ni l'autre vous ne guérissiez [amais de
« ce mal-la, pendant toute votrc vie terrestre 1. ))


Washington pouvait. parler du bonheur domestique.
A vingt-scpt ans, au sortir de I'arrnée ou il venait de se
couvrir de gloire, en comhattan l conlro la Frunce, il
avait trouvé une compagne sclon son crcur , el elle lui
survécut. Comment il la connut et l'aima, c'cst ce que
racontent les traditions conscrvées dans sa famille,


« C'était dans le courant de ,17;)8. Le colonel Wash-
« ington, acheval, en petite tenue rnilitairo, et suivi
« d'un seul domestique, a I'air martial comrne son
a maitre, venait de traverser le gué de William sur le
( Pamunkey , lorsqu'il fut arrété par un de ces gentils-
( hommes virginiens , tels qu'en produisait rancien


1 W~s)¡. Writ., t. IX, p. 346.




40 ~!AH!AGE DE


« régime, la bonté et I'hospitallté en personne. En vain
« le colonel prétendit continuer sa roule, alléguant
« des aífuires pressées it Williamsburg, des nouvelles
« importantes acommuniqner au gouvcrncur. II éLtil
« sur les domaines de 1\1. Chamberlayne , et celui-ci nc
C( voulut rien entenrlre. Le nom de Washington était
« cher iJ. tous les Virginiens; c'était un de ces person-
« nages qu'on nc laissait point passer devant sa porte,
« lorsqu'on avait la honne fortune de 1')' rencontrcr.
« Use dóícndit d'ahord bravernent; mais Charnberlayne
« parla de le présenter it une charmante jeune veuve
« qu'il abritait alors sous son toit, et le colonel se rendit.
« U consentait , disait-il, areste!' á diner, mais ríen de
« plus; aussilót apres, il voulait sauter en selle et profiler
« de la nuit pour atteindre Wílliamshurg, avant le ré-
« veil de son Excellence. U donne ses ordres ason fídele
« serviteur Bishop, que Braddock mourant Iui avait lé-
« gué avec son chaval de bataille ; et il suit son hóto dans
« la maison. Le rnatin se passe, le soir vient, el Bishop
« est ason poste, tenant d'une main la jument favorite
« du colonel el, de l'autre, se préparant alui présen-
« ter l'étrier. Le soleil disparait al'horizon et le colonel
« nc parait pas.-C'esl dróle, se r':'pétait le vieux soldat,
« c'cst bien dróle ; luí d'ordinaírc si cxact.v-Il attendit
« encare Iongternps, et Iorsque Washington songea
el enfin avenir délivrer le pauvro Bishop, qui grelottaít
« ala belle étoiíe, il était trop tard pour partir, la nuil
¡( dait trop sombre, el il fallul attendre au lendcmain,
(( Le lcndemain , le soleil élait déjú hien bas quand
« I'arnoureux colonel pressa les flanes de son cheval,
« Ses aílaircs ü Williamsburg furent pt'Ornr1?ment




WA~HI'IGTON (6 JANVIFR 1759).


11 terminées, et depuis , on le vi! souvent reprondrc le
« chernin de la maison DIanche, oú tout se prepara
« bíentót pour un mariage. C'étaít le beau tcmps du
« luxe el des tétcs virginiennes. Grandes íurent les
« rejouissances, grand le concours de tout ce qu'il y
« avaít de bon, de considérable et de riche dans la
« colonia, pour venir saluer, dans le héros virginien,
( l'heureux el brillant fiancé. El hien sonvent l'auteur
« de ces ligones 1 a entendu raconter tout ceci par les
(1 domestiques acheveux gris qui avaient servi al! repas
« de noces.-Ainsi, mon vieil ami, vous VOllS souvenez
« bien du temps ou le colonel Washington venait faire
« la cour avoíre jeune maHresse, disait-il un jour á l'un
« d'entre eux ágé de eent ans.-Je erois bien, maitre!
« quels jours 1 quels beaux jours1-Et Washington?
« il avaít bon air? - Ah! monsieur , je n'ai jamais
(e rien vu de parcil ; grand, droit, ct quand il était a
« cheval, il VOIIS montait une béte d'une Iaconl Allez,
(l mon bon monsieur, ce n'était pas á comparer avec
« les nutres. Al! mariage il y avait bien des grands
(1 pcrsonnages en dentelle d'or , mais il les surpassaít
« t011S 2. »


De son cóté la jeune veuve, )\Ime Custis :j J était aussi
riche que jolie, de tout point un fort brillan! parli , e!
qui plus est, une excellente femme. A la fois vive et


1 :111. Custis, patit-fi!s de lIIme Washington.
2 HisturicaI Coll"rtions of V'irg'irJia, p.389.
3 Mnrtha Dandr idgc , née en Virginie, dans ¡'anIlée 1732, dun e


famille hnn orublc de pl antcu rs. rnor te en 1801, trois an» a¡tri',
\Vashington, Elle avait é ponsó en prcmicre s noces le colonel
Custis 1 qui l a issa en rn on rn n t des te rr-es cOJlsjdl~r[tLlcs el. Idus
d'u n million en (cnB, dont il lit tro is parts, l'uue ponT sa fernme,


..


l.'




digne, prévenanto et discreta, généreuse et ména-
gim"!, elle joignait aune grande habitude du monde une
piél.é aussi simple que profundo. Son éducation pre-
rniere n'avait guere élé plus soigm"e que cclle desjeunes
Amérícaines de son ternps, et elle n'avait d'autre pré-
tcntion que de remplir exactement ses devoirs, de plaire
nux sien s et de contribuer a leur honheur. Maisquand
son mari fut appelé á gouverner I'Arnérique , tout le
monde la trouva asa place á coté du chef de l'État. No ,
se sentant ni le goút ni la force de prcndre une part
active Ul1X luttos el. aux intrigues de partí, et craignant
do compromettre, par une intervention inopportune,
les intéréts publics , elle evita toujours avec soin de se
Iaísser entrainer dans le tourbillon de la polilique. Elle
nc savait et ne voulait défendre la cause de Washing-
ton qu'en se faisant aimer, el. en suppléant ala roideur


et 10s an tre s pour les enfa nts qu'i! avai t e us d'elle, et que
\Vn"shingtün adopta d ans la su ite ,


Le eolonel Custis étuit fils d'un m embre du Conseil privé,
homme considé rab le e t arn hiti eux , qui, voulun t faire fa ire HrJ\~
gr;llIde allianee h I'hóriticr de son n urn , s'opposa longtemps h son
mariage avec Mn, Dandridge. Mais l'amour du colouel pour la
belle et j cun e Am é rica.inc triompha des rós istance s de son pi'H',
et il s'établ it dans une p lan tatio n , eneore eonnue aujo.ird'o ni en
Virginie sous le nom de !lIaison Blanche, dont il fit b icm ót, par
la courtoisie de ses manieres et l'élégance de ses habitudes, le>
rendez-vous de )'aristoeralie colonialc. Dc l'aveu de tous ,''S
co n temporains, e'était le vrn i type du gentilhomme virginicn :
d'un crcu r noble, d'un esprit cul civé , d'une intégrité it loute
,.'prcuve, la bourse toujours pleine et toujours ouvcrtc. Sur
son lit de mort, r aco n te son p etit-fils, i l se souvint qu'il devait
un sehilling a l'un de se;' ferrnie rs. 11 le fit venir, el cornmc le
term ie r. érnu jusqu'aux larmes , d isait av oir oublié cct te m isé-
rabl c pelite dette c--« Moi pas,» repartit le juste et conscicncicux
seig-ncur, e t aprbs avoir payé SOIl créancier :-« Ma i nf en ant tries
• compt~s sont r{gl(os en ee monde; » puis il expira,




Mm' WA~HTNGTON.


taciturna ile son mari par des attentions el des soins
aímables pour les perwnnes. Ce n'était ras qu'elle rnnn-
quñt de courage et de dóvouement : pendant la guerre
de l'indépendance , on la vit traverser tous les ans
l'Amérique, pour aller partagcr avcc Washington les
sou1Trances ct les privations des quartiers d'hiver, sous
uno hutte de hois; et ala fin de sa vic, elle avait le droit
de se vanter devant ses pctits-cnfants « d'avoír entendu
« le premier coup de canon á l'ouverture et le deruier
( eoup it la fin de chaquc campagne de la révolution '. »)
Un jour que les campernents étaient menacés par 1'(;11-
netni, les offlciers supérieurs proposaient de l'éloigner
du lien de l'action, elle et ses braves compagnes : « Non,
« repartille général en chef, nous nous batlrons mieux


.« en présence de nos femmes 2. »
Washington n'était point de cenx qui négligent ,


comme trop monotones, les devoirs naturels et ordi-
naires de la vie, pour rechercher ces dcvoírs exeeption-
nels el difflcílcs qui ne trouvant leur place que ríans les
temps de crise, TI ne prit jarnais préicxte de son patrio-
tismc pOll!' oublier sa femme. Au milien des désordres
révolutionnaires, il resta un mari ñdcle et soigncux,
peut-étre plus altenlif qne tendre , paree que sa nature
était peu oxpansive, mais confiant et ami cal. On n'a
retrouvé de sa correspondance avec MmeWashington que
la lettre ou illui dit un long adieu, pour aller prendre
le commandcment en chef de l'armée américaine. Bien
qu'il 8'Y montre plutót contrarié ala pensée du chagrin
de sa fcmme qu'attristé luí-mérne par la perspectivo de


!. Meliloirs ofMartha Washington, by C. Conkling, p.148.
1 Id., p. IS'3.




44 WASfTI:\'GTO:'\ D,\"lS I:l"'TI~HrFT!R


eette séparation, elle respire une allcclion grave et forte:
« un mois passé pres de vous me donnerait plus de vrai
« bonheur que je ne puis en attendre loin de notre
( home , dút mon absence se prolonger sept fois scpt
« ans, Mais puisque c'est en quelque sorte la volonté de
« Dieu qui m'ímpose cctto charge, je veux espérer qu'il
(( me destine a faire un peu de bien.... Jo n'ai nulle
« appréhcnsíon des travaux ct des dangers de la cam-
(( pagne : mon seul chagrin sera de songer il l'ennui
( que vous éprouverez, je le sais, d'éírc laissée seule.
« Je vous prie done de vous armer de tout votre eou-
« rage, et de passer votre temps le plus agréablement
«( possible. Rien ne me donnera une plus vive satisfaction
« que d'apprendre qu'il en est ainsi, et de l'apprendre do
« votre plumeo Mon ardent désír est que vous pnissie~
« former un plan, quel qu'il soit, de nature h vous
« donner contentement et tranquillité, au moins dans
« une certaine mesure. Ce serait pour moi un grand
( surcroit d'ennui de vous voír vous affliger et mus
« plaindre d'un partí que je ne pouvais réellernent
« évitcr de prcndre. Comme la vie est toujours ineer-
« taine... , je joins un testament aceite lettre, Les
« avantages que cet acte vous assure, dans le cas al! je
(( viendraís amourir, vous seront, j'espere, agréablnst,»


Par horreur de l'exagération et par respect pour lui
mérne, Washington exprimait souvent ses sentirnnnts
les plus profonds avee une sobriété de langage qu'on
pourrait faire passer pour de la sécheresse de cceur. Ce
serait injusta, et s'il ne trouva pas toujours des accents


1 IVash . w-e., t. IlI, p. 3.




DE SA FAMILLE. 45


assez pathétiques pour pleurer les membrcs de sa
Iamille que Dieu lui avait enlevés', il n'ouhlia point les
morts, et il reporta sur leurs enfants, avec une bonté
pleine de souvenirs, les aííections et les soins qu'il avait
eus pour leurs parents. Personnc n'a mieux quc lui com-
pris et pratiqué les devoirsde chef de famille. l\lmo Wash-
ington ne lui donna point d'enfants: ceux de sa femme,
du fils de sa femme, de ses propres Ireres, puis de ses
neveux devinrent successivement les siens : « Venez
« vous établir aMount-Vernon, )) Ieur disait-il simple-
ment : « nulle part vous ne vivrez aussi tranquilles
« et asi peu de frais; nnlle part vous ne serez aussi
« bienvenus '.)) Et il ne se contentait pas de les
recueillir sous son toit; illes élevait et les suivait dans
la vie avec une persévérante bienveillance.


Au milieu des siens, et lorsqu'il n'était dérangé par la
présence d'aucun étranger, il restait d'ordinaire gravo,
pensif et distrait, mais sans glacer ni atlrister la gaité el
I'animation de sa [cune famille. n n'avait rien de cha-
grin dans l'humeur. «Bien souvent,») raconte la petite-
tille de Mme Washington, « jn l'ai vu rire et s'amuser
« de tout son cceur au bruit de mon caquet et de mes


, « Quelque terrible et douloureuse que so it la perte d'une
« mere, » écrivait-il a su sreur, Mme Betty Lewis, en lui accusant
rcception de la no uvul le que .M.".e Marie Washington venait de
mourir, « il y a consolation 11 penser que le ci e l l'a épargnée
" jusqu'a un aSe que peu d'hornrnes dépasscnt, et lui a acco rd«
< j us qu'uu bout to utcs les facul tés inlellectuclles el tou ics les


forces physiques que l'on pellt conserver il qu atre-vrngts ans,
" Ces considérations et ]'espoir qu'cllc a truns por ló son séjour
, en un monde meilleur, doivent appr-endr e a ses proches a se
< soumc urc aux décrcts .Iu Cr é atc ur. »(lVash. TVrit" t. X, P: iJ1.)


1 H-a"!I.Wl'it., X, :319.




.fG WASIIINGTOl\ DANS L'INTlmIECn


(l dróleries l.» Jl ne prenait pas, il est vrai, aussi paliern-
ment les escapados de ses neveux : mais sa sévérité
mérne était moins rude que la discipline alaquelle la
jeunesse américaine était généralement soumise aectte
époque ; el s'il se montre un jour prét acorriger de sa
propre main le peLit Lawrence, qui s'était sauvé de PCll-
sion, de peur d'étre battu , il interdit , dans la mema
leUre, l'emploi des chátirnents corporels contre George
qui cessait d'étre un enfaÍ:Lt: «Il est aujourd'hui d'age ú
(( mieux enlendre les raisons que les coups '. )) Les
raisons de Washington étaient d'aillcurs ussez pérern¡»
toires pour étre cornprises, et ú ne pas les écouter, i l
n'y allait de rien moins que d'étre déshérité : ( Si j'en-
( tendsjamais dire qu'on ait ase plaindre de vous, vous
« pouvez cornpter que vous perdrez toute place dans
« mon cceur, el toutes les esperances que vous pouviez
(( avoir sur moi dans l'avcnir '. »


Peu lettré lui-mórne , Washington n'attachait pas
grande importanco aux études elegantes qui sont sur-
tout desíinées á orner l'esprit. A enjuger par les iustruc-
tions qu'il donne sur l'éducation de ses neveux, il lrou-
vait celle qu'il avait rccuc dans mil enfance bonne el
suífisante : ( Il faut qu'on dirige surtout leur aUention
« vers les étud~s qui pourront les rendre propres aux
( affaires usuelles de la vie. J'insiste entre nutres hea:
« coup sur une bonne écriture, sur l'arítlnnétique el les
« portions les plus élérnentaires des mathématiques '. II


l vVash. Writ., t. XII, p. 407,
2 lVash. TFrit.,t.IX, 1',409.
~ \Vas]" vVrit., t. IX, ¡J, 484,
* 1·Vash. 1-}Tri.. t t. X, p. 30.




DE SA F ACllILLE.


SOliS la tenté comme dans le palais de la Présidonce,
il trouvait le temps d' écrire aces jeunes gens, pour les
éclaircr de ses conseils a Ieur entrée dans le monde.
Les regles les plus minuticuscs ele la toilette et de la
hiensóance se rcncontrent, dans ceslcttrcs, a coté des
maximos les plus ólevécs de la religion et de la morale :
« 11 faut toujours avoir, pour aller al'église el pour les
II grandes occasions, des habits pl'opres qui ne se met-
II tent pas tous les jours, Cela n'est pas un surcrolt de
« dépcnso. Qlland on a hesoin de nouveaux vétements,
« ceux qu'on réscrvait d'abord pom' les gl'Uudes occa-
II sions devienncní les habits usuels, amoins pourtant
« qu'ils ne soient d'uue qualitó supérieure aux nou-
« veaux .... Que votre cceur soit ouvert aux malheurs
II et aux souffrances ele tous. Que votre main donne en
II proportiou de votre bourse. Souvenez-vous de la pite
« ele la vouve, Tous ceux qui demandent ne méritent
« pas la charíté: mais tous son! dignes al! ruoins d'unc
« enquéte, de peur que le bon nc souñre '. »


C'était bien lá ce qu'il pratiquait lui-méme, etsurtout
al\lounl- Vernon, oú il se plaisait le plus it répandre sos
bienfaíts, paree qu'il y connaissait mieux les miseros it
soulager ; il excrcait sur tous ses alentours un palro-
nage éclairé et généreux. Aussi l'y voyait-on toujours
revenir avcc joie; et c'élait douhlemcnt une Iéte pour
ses pauvres voisins qne d'apprendre son retour , cal' il
leur annoncait ala Iois que leurs maux allaicnt retrou-
ver un remede el que la patrio n'était plus en danger,


Las de la vie errante qu'il avait menée jusque-lá, el


>Vas/¡. TVrit.. t.VIlI, p. 374: t. IX, p. 483.




4H YlE DE WASBlNGTO~


dócidé apartager désorrnaís son attention entre les tra-
vaux de l'agriculture et ses dcvoirs de représcutant,
Washington était venu s'établir, apres son mariuge,
dans cette terre de Mount-Vernon 1, que lui avait lóguée
Lawrence, son Irere bien-aimé.


IOn sera peu t-étre curie ux d'avoir quel q ues détails sur l'état
actuel du domaine de Washington. Le récit su i van t el'une visit.
iaite, il ya pou el'années, a Mount-Vernon, par un hahitant de
Hoston , est emprunté aux Historica! Coüeciions of Virginia, p. 2,')8.


« Je v cnnis de passer pDur la prr;mitll'c fo is ll~ Poto.rnac, et j e
me se n tais co mrue dans un autre pays, au milieu do tous les sou-
venirs hi s ror iqu cs d« lanc i e nn e Virgil1ie. No us trav e rs ions un
des derniers vestiges de cetto immense forút qui couvraít primi-
tivcuicnt I'Arnér iq ue , To u t ce qui nous en tour ait av ai t je ne sais
quel air grand et triste, antique et déchu , qui remuait profonelé-
mont I'áme, Mo n oompagnon me montra, sur le borel de la route,
une borne qui marquait la limite du domaine de Mount-Vernon.
Avant d'arriver ala loge du portier, nous continu ámes encare
pendant deux Oll trois milles, au milieu d'un beau pays, admira-
blement accidenté, et laissé presqlle e ntieramen t dans l'état de
nurure. A l'cntréc, au lieu d'une grille en Ier, uno simple porte
en bois, ferznée avec un laquet. Le :'-,ünticr, qui cou rai t ¡l tr avcrs
des vallons et des coteaux ombragés par eles arbres gigantesq ues ,
rnais cl air-se més, n ous conduisit 11. un ru isse au , puis dans un
ravin , dont I'aspcct était si sauvage que nous aurions pn no us
croire au mi l ie u d'une forét vierge , s i lavue de la maison n'étuit
vcnue tout a coup nous surprcndrc, Elle est en bois (aillé de
favon a imite¡' la pierre. Le principal eorps de logis" été con-
struit par Lawrcnce, frcre du général. Les ailes ont été ajouiées
par Washington. Une terrasse élevée, so utenue par des colonnes,
occupe toute la facade. C'est sous cette tcrrasse qne Washington
se promenait tous Jes matins en long et en large, aV¡IlC un e n\g11-
Iar ité militaire , en vue du noblo fleuvc qui sétend comme une
baie au pied du mont. L'horizon n'est borné a I'est que par les
cotes du Marylund, Prcs de 1" porte est suspondue la lunette
do n t il se se rv ai t pour suivre le mouvement des v aisscaux sur le
Pornmac. Autant que possible, on a conservé toutes choses dans
I'état ou Washin gcon les a laissées. Les cham bres sont spacieuses
et eIllpreilltes d'unc certaine ólúguncc , q uo ique tres-;,;lI1lIJle~~.
Les murs so ut couver ts de gravures rep r ésentuu t pres(luL: tUll~l'S




A \WUNT-YE1C'W'i. 19


La vil' d'un planteur virginien était loin d'étre oisi ve.
La \irginie est coupée, dans toute sa largeur, par des
(Jc¡J\(~s nombreux et proíonds qui, coulant parnllelc-
uient de l'ouest a l'est, répandent la fertilité dans les
contrées qu'ils arroscnt , ct Iorment, 'sur presque toute


I
letendue de leur cours , un por! naturel el continu,
ou les vuisscaux de l'Europe peuvcnt venir [etcr l'ancrc,
apres avoir traversé I'Océan. Cette conslitution pltysi-
<¡ue du pays exerca, des l'origine, une grande influcnce
sur I'éíat social de la Virginie et sur la condition des
planteurs. Elle iavorisa la dispersión do la populaíion,


des scenr-s de ch asse c t de hat a i lle ..T'ai reIrUlrqllH, entre autrcs,
un dessin du corn b ai de Bunker' s IIill, mais rien qu i retra~l\t les
butuillcs de Wasb i n gt ou.


« On retrouve encare, PI'l-S de la ma.ison , les restes d'un rcm par t,
«ujourd'hui presque caché sous les broussaill e s, que Washington
n vai t f{lit cons t ru i r c de\'ant la m a is o n , e t un pa5sage so u te r ru in
'ltÚ, du fond d'un pui ts dc sséc lié, conduisait au pie d du mont,
su r le hord dn fJellve.


« '\on loin de 1'habitation, s'('¡¡,vo lo nouveau tombcau de famille
.ics \Vashington, simple m on urn en t en brique , fcrmé par une
,~rille un fcr, it travcrs laquellu on vo it dcux sarcoph agcs en
ina.rb r o blanc, OÚ re po sent les restes dn général el de sa fe rn rnu.
On venait ele le tc rmincr , et l'hcrbc ri'avait point c ncore eu le
tenlpS de re co uvri r eeHe terre r(CCllllnent re rnu é e. Le ch,-tngl'"
mont e t la u ouvc au tú trouLlont p(niLlement les souvcnirs et le
respect en ces Iieux j m ais c'es t \Vashington q u i la v ou l n : un
n'a oxécuté ses dcrn icrcs volun tós qu'ü resrct; elles étai cu t
tormell e s. Il avair df:signé dan, son t esram e nt le l ie u OU .I vou-
Ia it r eposer. L'cndroit est retiré: c'éuut une ruiso n suffis an re
pour cléterminer le cho ix d'un homme modcs¡c. Le v i e ux rom-
be au dans lequel il fut .I'uho rd placó cs t d an s une situatio n plus
J'ittoresquG, sur un ter tro q n i domine le fle uv c. Il e st m a.in te nant
en ruine el l es ro nccs I'on t cacl.é ; m ais c'est eneo re a lui que se
rat tnche nt nos souveriirs í c'cst en pa ssan t dova nt ce tt e !ornbe
que les vn isseuu x de la flo tte aIrglais~ ont Luissó leur pav il lon ,
au morncnt ou i ls rtmo n tu irr.t ..C Potomu.: lJUlH aller Lrú ler le
(J~pito]e d""Nachington (1814). r,


4




VIE DE WA8HI~GTON


arréta pendant Iongternps la formation des villes , el
empécha eette división du travail et des foncíions qUI
s'operc naturellement partout ou les homrnes s'agglo-
merent, Généralement étahlis sur le hord des Ileuves;
ou les attiraícnt la richesse des terres d'alluvion ct la fa-
cilité des cornmunicaííons avec la mere patrie, ctvivant
isolés au centre de la petite sphere qu'ils anirnaient, les
planteurs Iaisaient eux-mérnes toutcs leurs affaircs ,
sans I'interrnédiaire d'hornrncs spéciuux, el s'adressaicnt
directement al'Angleterre, pour subvenir aux besoins
que leurs propriétés OU Ieur industrie étaient insnffi-
santes asatisíaire. Les navires anglais remontaicnt jus-
qu'á lcurs plantations, venaient chercher les produits
hruls du sol ala porte de leurs magasins, et leur appor-
taien t en échange les produits industriels de la Grande-
Bretagne, ses modes , ses goúls et ses mreurs. La Vir- •
ginie n'avait que Londres pour capitule et pour marché.
C'est la que ses habitants faisaient vendré leurs tabucs
et leurs grains, c'est lit qu'élaient Ieurs honunes dal-
fuires el leurs Iournisseurs , c'esL de lá qu'ils ti-
raient tous les agrémcnts et toutes .les comrnodités de
la vie '.


En s'établissant aMount-Vernon, Washington reprit
1 Deux fois par an , Washington envoyait lui-mé m e a son


hurnme d'affaires de la Cité la liste des obj ets dont il av ait b osoi n
pour la eonsommation de sa rnaison. Ces lettres ont été retrou-
vccs dans ses papiers, Elles sont un curioux iridicc , u la fois des
i¡ahitudes rninutieuses du héros amérieain et de la eondition
t';eonomique des colonice. En voiei quelqucs extrails :


e. Les bus tes d'Alexarirlre , de Jules César, de Charles XII,
ro i ele Suc de , et du roi de Prussc .... En plus petit, le buste
tin prinee Eugcne et eelui du duo de J\farlborough.... Quutro
picccs de rU"OH de fiL Six pupicrs d'épingles cam i ons. Une hou-
ieillc Iw'11ll céc danchcis, de cúpres, d'olives el de noix a'lIlde.




A MüUNT-VEImO;\. ftI


ces huhitudes. Sa vio y dcvint un singnlier mélange
des rccherches et des travaux aventurcux du pionnicr
américain , des occupations sédentaires el laborieuses
du commercant de la Cité, et de I'exístence a la Iois
opulente et rude du gcntílhommc de carnpagne an-
glais.


L'amour de la propriété, la passion d'élendre el d'a-
méliorer ses domaines, c'est le sentirnent qui le domine
alors. La chasse aux terres vieryes 1, qu'il poursuit [us-
qu'en 1'1ol'ide, est une de ses spéculatíons favoritos.
Continuellement aux aguels , il épie uvcc avidiíé toute
occasion de faire sur le désert quelque uiilc cmpiéte-
ment; il s'associe aux explorateurs les plus hardis el les
plus intelligents de l'ouesl ; il les íail voyagcr ases írais j
il fixe en secret son choix sur les contrées les plus fer-
tilcs, Iongtemps avant de pouvoir les occupcr; el lorsque
la cívilisation comrncnce a y pénétrer, il se precipite !u
prernier sur le lot qui lui a pam le meillour. Cotíc pas-
sion de pousscr au loin ses conquétcs sur la naíure sau-
vago nc I'absorhait point assez pour luí faire nég-ligeL'
son ancien patrimoine : consacrant au gouvernemeuí
ele sa Iortune et de sa maison la mcme activiíó qu'il
avait déploycc u la tete de I'armée , il dirigcait lui-mérnc
la culture de sa terre de jlount-Vernon, sui vait avec


Un grand fromage de Cho sh ir e. Dix palIls de suero. Deux do u-
zaincs de jcux de cur-tes .... Un masgue noir .... Six mo ucho irs ele
peche, pet i ts et tret;-fill~ , pour :M. Custis. T1'oi8 peigr:cs fi ns
en i voire , Six petits i ivrcs pour (les enfants qui commcucou t u
lire .... Pour d ix shilling::; de joujoux .... Pour miss Custis, üC-f:e .j.,
ljUá1l'8 ans, une poupé c Iia hillé e en petit e nl'an t a la modc, di!
dix ~:,]lill.ings. »


t e iIUH!id!} rJut Yi)or[ l'HUis. Ji




vn: DE WA:,i¡¡lNCaOc;


curiosité les progres de la science azricole en Europa,
elles introduisait en Virginie. SanS le secours d'aucun
comrnis , il correspondait avec les agcnts qu'il avai1 a
Londres pour le commerce ele ses tabacs, et tenait ses
[ournaux, ses grands livres el ses copies de lellres avec
In rúgularilé du négocianl le plus strict el le plus soí-
g'nem. Exact jusqu'á la minuíie dans les rapports d'af-
faires, il ne se permettait el ne permeítait it pcrsonuc la
moindre négligence, le moindre laisser-uller ; il défcndait
SI:S illlél'cts avec roideur contre les hommes doní il
soupconnait la bonne foi, maís il cornplait Iargcmcnt
avec les honnétes gens et faisait de sa íortune un grand
et généreux usage. Serviable el chnrilable, il aidait ses
amís de sa bourse, comme de ses lumieres et de son
crédit, et telle était la confiance qu'inspiraient sa bonté,
tia capacité et sa probité, que, ele tous les quartiers de
la Virginie , on venait lui demandar d'étre , tantót
le tuteur d'un orphelin , tantót le j -rotccteur d'UIlC
reuvre ele charité ou d'utilité publiqu- charges qui ,
malgr« les soucis et la peine quelles lui donnaiont ,
étaien l pour son coeur une source de pure el douco satis-
íactíon.


Le faste de l'hospitalité était le seul que l'on connút
ú Mount-Vcrnon. Réunir autour de son foyer l'élile de
la société coloniale, c'était a cela que Washington
mettait son plaisir; c'était dans la compagnie de ses amís
qu'il cherchait des dislractions a ses travaux , en se
Iivrant aux virils exorcices, dont l'habitude s'ótuit trans-
mise de l'arisíocralie anglaise a l'aristocralie virgi-
nieuuc, Le luxe eles chcvaux et de la chasse élait auss:
granel en Virginíe qu'en Augletcrrc , el il n'y av,jj¡




A }IOUNT-YF.HNOK,


pas, pour Washington, eleplus beau divertíssement que
de courir le renard et de tirer le gibier qu'il élevaít a
grands frais sur ses terres. Personne ne mettait un soin
plus [aloux á le faire gardcr, et il exercait Iui-mérne,
pour déícndre ses droiís de propriétaire et ses plaisirs
d'amatour, une survcillanco active et passionnée sur ses
voisins.


Iln jour qu'il se prornenait el cheval, il surprit un bra-
connier qu'il guettait depuis longtemps , et se mil asa
poursuite : sur le point d'étre atteint , le braconnier
court vers le Potornac , se jctte dans un canot , s'é-
loigne rapidement du bord , ct met Washington en
joue : mais celui-ci pousse sans hésitation son cheval
dans la riviere, va droit au canot, le saisit par la proue,
le tire il. terre et desarme son antagoníste.


Tels ótaíentIes incídcnts qui venaient animer la tran-
qnille existence de Washington.


llvivait ainsi dans la retraite hcureux et satísfait , el.
son pays, jouissant comme lui d'un calme profond,
recucillait en paix le Iruit des cfforts qu'avait coútés la
guerre de Scpt ans', lorsque, par une agression arro-


t En vertu du tr-ai té de Paris (Iü f'óvricr 1163), la Franee avait
renon cé , en favcur du ro i de la Grande-Bretagne, ;\ ses préten-
ti ons sur J'Acadie et la Nouve llc-Écossc , et l ui avait cédé le
Canada avec tou tcs ses dépendances, ainsi gue toute la partie ele
la Louisiane qu i sc tcn.lait alcsr du Miss iss ip i , sa uf laNouvelle-
Orléans. La Nouvc ll c-Orlé ans et la partie de la Louisittne qui
s'(,!cndait al'nucst du Mississipi avaic nt ótó cúdécs par la Frunce
a l'Espagne, en ve rru du n e conventio n ,;:;ecre,t(~ entre les cours
de Versailles e t ele Ma dr irl , signée le 3 novcrubre J7(j2. Ce u« ces-
810n av.u t pon1' motif de dédolnmager l'E~IHlgne de la Floride
qu'elle ahandnnna,it iJ. J'AIlfdeterre par le tr a ité elee pn',lim ir,aires
I~I' P,!r¡:~. if!'l : lt·l!l(;:n{'j{j:lr((~arrl('n. 'j'{(li/(:,,·¡JI'Pfli r' , t. l V, p. ~O()'.




l:Í4 YIE DE WASHINGTO::\ A MOU~T-VER"ON.


gantc, l'Angleterre vin; soulever contre elle toutes les
forces de la société américaine.


La Frunce ne possédai t done plus un pouee de terrain sur le "
continent américaiu, e t le repos des colons semblait définitive-
ment assuré,




CITAPITRE IV.
1763-1775.


Ad('o du timbrc.e-e.Acte dcclaratif, - Lo i de douano. - Li~!lH>S pnt-iotiques
cont«. lu consommation des marchnudi-cs anglaises.-Lt~Mussu rhuseu s d
la Virginie a la tótc de l'oppcsition o--Tiólo de.vVa~üling~on dans Ies lultl';;
qui ont précedé la revolution. - Reuniou dü prernier Congras général.-
La population s'nrmc et la résistance s'organise.-Bataille de Lexíngton ,


Al) g-ollvernrment énergique el populaire de 1\1. Pitt
avait succédé, en Angleterre, une administration
faible et peu considérée. L'opinion publique l'accu-
sait de complaísance pour le roi George IlI, et lui
reprochait á la fois le trnité de Paris , qui avait ar-
relé le cours des vietoires de la Grande-Bretugne, el
le déficit causé par la guerre que le traite de París avait
tcrminée. En butte a la violente opposilion de M. Pitt,
sans cesse harceló par des pamphlets quí semaient par-
tout l'agitation el le désordre, ne sachant que faire pour
calmer l'irritation toujours croissante du peuple, plinnt
SOIIS le poids d'une dette de cent millions de livr. st., le


1 ,; oelu!,re 1761.
~ 10 fl~vrjer 1763.


/
..




'-;1) LAe-;GLETEHHE VEO,], TIJ(U{ nx ¡tEVENl: n'-\~f)'~ltrQl·E.


ministere aux ahois vint proposer au Parlemcn l.1, par
l'organe de 1\1. Ceorge Grenvillc, de reportar Si Ir les
colonies une portian des cbarges que l'Angleterre trou-
vait trop lourdes 2. On salua généralement avcc [oie, en
Anglelerre, des mesu res rlont personne ne sentait alors
la portée , et qui promettaient une diminution de
I'impót ; M. Pitt les laissa rasser sans opposition, et une
scule voix , celle du généra[ Conway , s'éleva pour pro-
testcr centre elles. C'est ainsi que le gouvl'l'Iwnwnf
de George1II, en quóte de popularité ct d'expl'dienls
flnanciers, par légereté piuíót que par suite d'un plan
bien syslématique, s'engagea dans une voie dan-
gercuse , dont l'orgueil l'empécha seul de sortir á
ternps.


Des que le bill fut connu en Amériquc, il souleva les
plus vives clameurs, L'irnpót en lui-rnérne était peu
important ; mais le principe du hill hlessait les droits
traditionnels des colonics el leur donnait de sérieuses
inquietudes POUI' l'avcnir. Ces inquietudes ne Iurent
q!1C trop tot justiflées.


I 10 m ars I'7G4.
" Parm i les I'l'glements de commerce ado ptés sur la dernn nd«


des plan teurs anglais deo Indes occidentales, il en était un qUl
étnhl issait des droits de d ouan o sur le rhum, le su e re et les lTlf'-
lass es importés des l Ies frane a i ses da ns les colonies anglaises
du continent américain. Muis, jusqu'en 176:1, les employé." de la
dou.me nv a ient Ie rrné lr-s yeux sur les violn t io n s de ce b ill , dont
le l'réamhule dé clarait , d'ailleurs, qu'il u'avai t rl·.gntre but que
de protl'ger les produits des lndes occidentales. 11était done 1'8-
g,lnl( en Altl'~rjlIt~e cornrn c un reglcrncnt de: comro orcc plur.':
que eomme une mesure fiscal e. Le hill ex pi rui t en 1761.111. (;rcn-
\"iUl' pro11o~ait de: le renouveler, en fa isan t poder le dro ir sur 1111
plus grand nombre de produn s et d'e n ~hanger le carach're, en
décltlrant .lu ns le prpambule « uil t~tait juste c t n{cessuire de
" ~;;"::..\r· un rcv c nu dIAm('T!qut',




AClE DC TDrBRE ()lAR, 17ücl). 57


L'année suivante 1, le Parlernent vota un bill, pour
ordonner que tous les contrats el, tous les aetes passés
dans les colonies Iusscnt, SO,lS peine de nullité, rédigés
sur papicr timbré. C'était une nouvelle maniere d'irn-
poser les colonies sans leur consentement : les plaintcs
de l'Amérique se changerent en manifestations turhu-
lentes. A Boston, le peuple se souleva ,et envahit la
maison des distrihuíeurs de papier timbré; les navires
qui se trouvaient dans le port mirent lenr pavillon iJ
mi-mil, en signe de deuil, et les cloches des cdificcs
sonnerent le glas Iunehre. A Philarlelphie, les hahitanls
enclouerent les canons sur les rcmparts. A Williams-
burg, la Chambre des Bourgcois de Virginíe retentit des
plus violentes menaces, et, au milieu de la discussion
sur l'acte de timbre, Patrick Henry, qu'on a depuis snr-
nornmé le Chatham de I'Amóriquo, lanca ces parolcs :
« César a trouvé son Brutus, Citarles ler son Olivier
« Crornwell, et George 1II.... )) (Ici interrompu par tille
voix qui lui cric: « Trahison! » ) « et George I1I,») reprit
I'oraíeur, « profltera sans doute de leur exemple 2. ))


L'esprit qui résistait en Amériquc al'acte du timbre
était l'csprit qui avait antrefois étahli cette maxime fon-
dnmenlale des libertes hritanniqucs, qu'un sujet anglais
ne doit pas étre laxé sans son consentcmcnt. Les colon s,
n'étant pas representés dans le Parlement, ne lui recen-


aissaicnt pas le droit de les taxer. Ils pensaicní, d'ail-
urs , que l'Angleterre ne devait pas prétendro él. tirer


n revenu d'Amérique : la seule compensatíon qu'clle


1 1\1~tr3 1765.
, Juu: li(i;~.-\\-j!'t\ IJire (Ir T'ntric]: lleJl1'Y, p. 8:3.




58 ABROGATION DE L'ACTE DU TBIDRF. (~lAr:s l7eO).


düt attendre, pour la protoclion qu'elle leur accordait,
était le monopole di] comrnerce des colonies ; les seuls
impóts qu'elle cút le droit el'y ótahlir élaienílcs impóts
destínés a assurer ce monopole. De lá la distinotion
entre les taxes extérieures , telles que les tarifs de
douane , que le Parlemen! ponvait établir, et les uuces
iniéricures , que les assernblées provinciales avaient
seules le droit de voter ; dístinction subtilc que les
colons abandonnerent , lorsque le gouvernemont aIi-
glais en tira partí contre eux,


Tous ces griefs furent eaposés dans de longues pétí-
tions au roi , dontI'opposition s'empara. M. Pitt vint de-
mander au Parlement l'abrogation de l'aete du timbre:
« Les colons,» dit-il, « sont des sujcts de ce royaume,
« ayant, comme vous-mémes, des titres aux priviléges
« particuliers des Anglaís ; ils sont liés par les lois
« anglaises, et dans la mérne mesure qne nous, ils ont
« droit aux lihertés de ce pays. Les Américains sont les
« fils et non les bátards de l'Anglcterre .... Lorsqne ,
« dans cette Chambre, nous accordons des subsides il
« Sa ~lajesté, nous disposons de cequi nous appartient
« en propre ; mais, quand nous ímposons une laxe aux
« Américains , que faisons-nous? NOllS, les Communes
« d' Angleterre, que donnons-nous á Sa l\Iajesté? Noíre
(1 propríété personnelle? Non. Nous donnons la pro-
(1 priété des Communes d'Amérique. Il J a absurdité
« dans les termes. »


Le híll tomha S0115 ces coups 1. Mais, comme pour con-
statcr qu'il n'avait cédé qu'a des considérations d'oppor-


i vl a r s 17G6.




tunité politique, et qu'il n'ahnndonnaít en rien son pré..
IendIJ privilége, le ParJement proclama, en méme ternps,
dans un Acle déclorati] 1, que ses décrets « liaient les
« colonies pour tous les cas , qucls qu'ils fusscnt 2. »
L'acte dóclaratif était , en réalité, la négatíon Iormclle
du droit, dont l'actc du timbre n'avait été qu'une viola-
tion ísolée. Mais, au milieu du premiar élan de joie
causé pnr la concession de fnit, la déclaratíon de prin-
cipes qui l'accompagnait resta presque inapercue. Les
Américains s'abandonnercnt il l'enthousíasme el al'es-
pérance, et de toutes parts des voix s'éleverent pour cé-
lébrer les louanges du granel athlete parlementaire qui
avait triomphé de l'orgueil de George 1II : « Que penser
« de M. Pitt?» se dernandait John Adams dans son jonr-
nal intime; « quel nom lui donner? Cclui de génie et
« d'ange gardien de la Crandc-Brctagne et de l'Amé-
« ríque 3 ? »
A tous ces litres, 1\1. Pitt préféra celui de lord Chatham.


En ehangnant de nom, il changea de role, ct dcverm
ministre de Gcorgc IlI, il ne fít rien pour s'opposer a
une nouvcllc tentativo pour tiror un rcvenu d'Amé-
riquc, Le cabinet dont il faisait partie, plus habile, rnais
nussi malhoureux que ses prédécesseurs , cherchu vai-
ncment a la couvrír par des ménagements de forme.
Sur la proposítion du chancelier de I'échiquier, le Par-
lement vota une loi de douane, par laquelle il ótablis-
sait des droits sur le thé, le verre, le papier, etc., ete.,
et créait une adminístratíon permanente pour percevoir


! Decluratoru nct.
~ Iri aE cases u.hritsoeoe»:.
.~ ~V(ni'{s or JOhi1 :'1 rlmi/-'';¡ t. 11, p. JUlIO


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DISPOSITIO'\S DES ('OLO'\S


les impéts extérieurs 1. C'était taxer les colon s confor-
mément aleurs maximes. Mais les ménagements qn'on
employait pour les depouiller leur parurent dérisoires,
et au lieu de les apaiser, ils les déciderent asortír rléílni-
tivement du cercIe des fietions et des subtilités légalcs.


A vrai dire, il y avait déjá, entre le gouvernemenf de
George 1lI et les colonies , autre chose qu'une question
constitutionnelle et flnanciere. Les Américains n'étaicnt
plus de simples sujets de la métropole , luttant seul«-
ment centre tel abus de pouvoir Oll tollo violation dI'
droit; c'était un peuple soulevé contre I'opprcssiou
d'un autre peuple, quclle que fút la forme ou le nom
de cette oppression ; une puissance en face d'uns antro
puissance, prete encoré a traiter sur des bases équi-
tahles, mais bien décidée ase placer sur un pied d'éga-
lité avec sarivalc, et il ne sacrifier, au désir de rnaintenir
la paix, ni son intérét, ni sa dignité.


Des íraditions anciennes et respeclées liaicnt encurc
les colons á I'Angleterre, rnais un sentirnent plus puis-
sant que des souvenirs les dominait , I'amour de la
patrie américaíne. Attachés avanl tout au so] qu'ils
avaient conquis el cultivé et aux institutions qui garan-
tissaient leurs droits, ils avaient depuis longtemps
consacré leur vie a défendre le territoire américain
contre les ennernis du dehors, les libertes et les inleróís
américains contre la couronne. Dans les guerres eles
frontieres, ils avaicnt appris il se passer de la protection
anglaise et il connaiíre leurs forces ; par ses I'illpi!;-
tements conlinnels , la métropole les avait d¡;¡':'oClt(;S


1 )\1",1767.




A L'r~(;A un DE LA MÉTIWPOLE. 6J


d'un gouvernement u la fois tracassier et inutile. L'es-
pril d'indépendance s'était ainsi développé dans le secreL
des creurs, al'insu des colons eux-mémes, et ces diver-
fes provinces, antrefois si séparées, si hostiles, reunies
aujourd'hui sous un meme drapeau par la cormnunanlé
des situations eL des besoins , se préparaient, dans les
luttes contre le despotismo de I'Anglcterrc, it former
une grande nation,


Tant que les Américains conserverent l'espoir d'éclai-
rer le gouvernement de George III par leurs pétitíons,
ils reslerent calmes et fideles, eL si I'impatience popu-
laire éclata parfois en rnenaces et en séditions, il n'y
eut du moins ricn de systématique dans la résistance,
Maís, du jour ou ils furenL convaincus que la méLropolc
ne céderait qu'a la nécessité ou a la force, 011 viL la
révolution s'avanccr et la guerre s'organiscr : guerre
uniquernent comrnerciale dans le principe , et qui ne
se transforma en une révolte armée que lorsque les
Américains furent oontraints de défendre, l'épée a la
main , lcurs propriéles et leurs personnes.


De 17m ai 774, se formen] partout des ligues patrio-
tiques centre la consommalion des marchandises an-
glaises et l'exportation des produits américains; tout
échange cesse entre la métropole et les colonies : pour
tarir les sources de richesse ele l' Angleterre en Amé-
rique, et la contraindre a ouvrir les yeux sur sa folie,
les colons ne reculent devant aucu ne privation et aucun
sacriflce ; le luxe disparalt : riches et pauvres acceptent
la ruine, plutót que d'abandonner leurs droits poli-
tiques. On s'agite, on se reunit , on s'excite á la Iulte ;
les proviuces se coucerteu! pum la résistancc; la colere




6'2 LE ~jASSACHUSETTS ET LA VIRGü¡m


centre l'Angleterre grandit el l'abime se creuse : rnnis
íelles sont les habitudes d'ordre de cette population,
qu'au milieu de cette immense Iermcntation natioualc,
a peine peut-on signaler ~a el lit quclqucs actos vio-
lents, jusqu'au jour OLI le soulevement devíent général;
it peine, dans les grands centres de résistance cornme
Boston, le gouvemement de George III trouve-t-il des
pretextes spécieux pour sa propre violcnce.


Dans les luttes qui précederent la révoluíion, comme
pendant la révolution, deux colonics, le Jlassucllllsetls
d la Virginie, Iurcnt continuellement a la téle du inou-
vemcnt. l\Ialgré les proíondes diílércnccs d'organisa-
tion et d'origine qui les avaicnt Iongtemps divisées,
elles ne séparerent jamais leur cause, tant que dura la
guerre , et elles oublierent leurs vieillcs antipathies ,
pour ne songcr qu'a l'intérét général. La dómocratie du
l\lassacllusdts et l'aristocraticvirginienne coalisées , leo
potits-flls des réqicide« el les descendanls des Cacoliers
coníondus dans les mémes rangs el combattunt pour la
meme cause, voilá ce qu'avaicnt produit les in]usticcs
et les rigueurs de la Crande-Brotagne,


l\lais, tout en cornhinant lcurs torcos, ces deux colo-
nies conserverent daus l'action leurs caracteres respec-
tirso L'opposition , tumultueuse el populaire dans le
nord, fut ala tois plus parlcmcntairo el micux gouver-
née dans le rnidi, Ce fut de Boston que partirent les pre-
micrs élans vers l'índépcndance; ce furen t les habitan ¡s
de Boston qui, soulevés et persécutés les premiers, en-
flarnmerent l'enthousiasme des Arnéricains par le spec-
tacle de lenr courage el de leurs malheurs. Mais ce Iut
de la Virginie que viurent les mesures vrairnent I'c ::' -




Iiques; ce Iurent les assernhlees de la virginie qui, en
proposaut, d'ubord la créalion des comités de corres-
pondance entre les diverses pI'OViDCeS 1, puis la réunion
d'uu Congrcs general 2, puis la déclaralion de l'indé-
pendance des colonies 3, et enfin la révision des artioles
de Confédér.üion \ poserent les bases de la nationalité
arnéricnine.


Washington fut successivement l'un des principaux
prornoteurs de ces diverses mesures. Des les premiares
attaques centre les droits des colonies, il s'était elevé
avec force contre des prélenlions qui lui semblaient
«odieuses el inconstilutionnelles ",» el il s'élait rnngé
parmi les défenseurs les plus résolus et les plus modé-
rés des libertés amcricaincs : « Personne, disait-il, ne
( doit hésiter un insiant il ernployer les armes pour dé-
« Iendre des intéréts aussi précieux et anssi saints, Mais
{( les armes doivent élre notre derniere ressource 6,))
Plein de confiauce dans le succes d'une cause qu'il
croyail j liste, il nc se laissa pourtan t jamais ,lSSCZ domí-
ner par l'ardcur de ses convictíons el de ses esperancos,
pour que son jugernent el son équité en fussent trou-
blés; et on le vit lutter avcc la méme énergie centre
l'impatience el contre la faiblesse, contre les inspira-
tions d'une prudence égoíste et contre les entrainements
el les injustices de l'esprit de parti : «Je nattends plus
( rien des pétitions au roi, et je les comhattrais, si elles
(1 devaíent suspendre l'exécution du pacte de non-irn-


1 12 mars 1773.
s :l5 mai 1771,
3, 15 mai 1776.
~ ~ovembre 1786.
5 :lO se ptero bre 1165,-TVash, W!'it" t. [J, 1" 313.
)[¡a,ril 7(jU.-Wash. W,.it, t. n, p, ~)51.




6j HOLE DE WAIlHI",CTU"i


(1 portation. Aussí vrai que j'exisle, il n'y a de soulage-
(( ment a attendre pour nous que de la détrcsse de
« la Grande-Bretagne. Je erais, ou du moins j'espere,
« qu'il nous reste assez de vertu publique pour nous
« refuser tout, sauf les nécessités de la vie, afin d'ohle-
« nir justiee. Ceci, nous avons le droit de le faire, el
« nul pouvoir sur la terre ne peut 110US coníruindrc il
« changer de eonduite, avant de 110US avoir rcduits á
« l'esclavage le plus abject.... Quant au pacte de non-
« exportation, c'est antro chose : j'avoue que j'ai des
" doutes sur sa légitimité. Nons devons des sornmes
tl considérables ida Grande-Bretagne. Nousne pOIl\OIlS
« les payer qu'avec nos produits, Pour avoir le droit
«( d'accuser les auíres d'injuslico , il faut que nous
« soyons justes nous-rnémes ; el comment nous pOUI'-
« rions l'étre , en refusant a la Grancle-Bretagne de
« payer nos dettcs, c'cst ce que je ne saurais com-
« prcndre t. »


La position élevée que Washington occupaií dans la
socíété coloniale lui donnait une grande autorité sur
l'csprit de ses concitoyens, et des le commencement de
la révolution, il eut sur les événements une influence
considérable. Mais, malgré I'irnportance de son role a
ceíte époque, il était encore bien loin de tenir EH Amé-
rique la place á laquelle Dieu l'avait appelé.


Tant que les eolonies se renferment dans une guerrc
d'opposition contre l'Angleterre, Washington reste con-
fondu au milieu de ceux qu'il devait eonduire dans les
combals el gouverner apres la victoire ; parrni les cham-


I J uille( J774.-Wash. ~hit.. t. II, p. ;)\)0, SVo.




DANS L'OPPOSITION, G3


pions de l'Amériquc, il est déjiJ. l'un desplus éminenls :
il n'cst pas eucoro leur chef. C'est qu'en ayant toutes
les qualités qui Iont un granel hommc ele guerrc et un
¡'Tantl hornrne d'État, il n'a point les talents et les pas-
sions qui font un chef de partí. n n'est ni éloquent ni
ambilioux. Trop fiel' pour rechercher une influence qui
m: s'acquiert le plus souvcnt qu'au prix de menage-
mcnts et de concessions sans nombre, il n'aimo le pon-
voir (llle Iorsquo le pouvoir cst complot et reconnu. Il
n'u point de goút pour les luttes politiquee, ct il nc s'y
rnéle que par nécessitó el par devoir, comme un simple
intóressó, sans jamnis y mcttrc sa vio tout entiere, Au
milieu des plus grandes agitations, il conlinue iJ. vivre
comme par le passé, ne négligeant ni ses affaires partí-
culieres ni les intéréts locaux de la Virginie, el couscr-
vant les meillcures relaíions avec d'anciens arnis, dove-
uus ses adversaírcs politíques. Parfois il les prcsso de
changor d'avis; il parle, il écrit pour les convaincre ; il
atlaquo leurs opinions avec conflancc et avcc force;
mais il les respecte en les combattant. L'esprit libre de
touto prcoccupalion exclusive et personncllc, il déploic
une actívité Ierrnc ct digne pour Inire prévaloir les idees
qui lui semblent utiles et vraics, sans jumuis se rcmucr
uour se faire valoír lui-mérnc; el il n'en a pas hcsoin;
son autorité est nuturclle : elle grandit avcc le dauger ;
el bienlót les Américains viendront lui oífrir ce pouvoir
qu'il n'a pas voulu chercher.


Le moment approchait en effet OlI la question no
pouvait plus étre décidéoque par les armes. Les moycns
il;gau:\ d pacifiques étaicnt ópuisés. Les adresscs :'t la
Couronne el les remontranccs au Parlernent n'avaient


5




ÉTAT DES ESl'lUTS ATJ SEll';


rion prodnit; le pacte de non-importatiou avait ruiné
l'Auglctcrrc sans l'éclaircr ; les émcntes de Boston, au
lieu d'eífrayer le gouvernement de Ccorgc IIl, I'avaicnt
poussé ú de nouvelles rigur.urs, el l'aníique charlé) du
Massachusetts avait été brisée l. Chaqnojour un nouveau
hill venait aggraver la situation des colonies; chaqué
jour une nouvelle attaque venait leur apprendre le dan-
ser de l'isolernent, el le hesoin de donner á la résistance
une direclion cornmune et une impulsion énergique. Le
Congres génóral, que I:J. Convention de la Virginie avaít
demandé, se réunit enfln el Philadelphic le 4 scptembre
1774. Toutcs les provinccs, sauf la Céorgic, y élaient
représentécs, et Washington y siégait comrne ciéputéde
la Virginie. Pcu de ternps avant de se rendre it son poste,
il écrivait il Bryan Fairíux, l'un de ses amis loyalistes :
(( Jo n'ai pas la prétcntion d'indiquer cxactement quelle
« ligne il íaudra tircr en trc la erandc-Brotagne et les
;;; colonias ; mais c'cst bien décidément mon avis qu'il
« faut en tirer une, et assurer dófínitivement nos
o: droits !.)) L'idée d'une séparatiou radical« n'ótait pas
encore entrée dans son ame; mais ses pcnsées étaient
déja sur la pente qui devait l'y conduirc. C'était bien la
aussi I'état des esprits au sein du Con gres.


Patrick Henry cut seul I'audace de s'y poser en révo-
lutionnaire systématiquc. Le Congres nc pouvait éviter
d'aborder des la premiere séauce, une question grave
qui ti longtemps divisé l' Amcrique , memo apres so»
affranchissernent, d dans Iaquelle I'existencc de l'ancic jJ
régi me colonial se trouvai L alors engagée. Conuncn t
votcruit-on dans la nouvelle asscmblée, par provinco ou
par [ele? Donnerait-on iuthslinclernent il toutes les cu-


1 Mai L774.
m24 aüut lT,l.--Wash. Writ., t. ll, p. :.J91:l.




DU PUE~f1EU CO';(}:;ÉS (e SEl'T,-26 OCT, li7,1), ,'~')'


lonies, aux pctites comme aux grandes, une mórne part
d'influence sur les aífaires communes, OH assigncrait-on
ü chacunc d'cntre elles un nombre de :mIYr<1ges propor-
íionné a sa population ? Les rcgardcrait-on comme de
¡¡eliles sociólós poliliqnes ayan] encOl'C une existcnce
pt'opre ct des droits ógaux sous un méme maitre, ou
comme de simples eléments d'une société nouvelle oú
[out droit uncicn avait disparu el ou il no rr.stait plus
lJlW des citoyens? Patrick Henry prit la parole : «( Il u'y
« a plus de gouvcrnement en Amérique, s'écria-t-il ; les
« colonies sont fondues en un grand tout. Je ne suis
« plus un Virginicn, jc suis un Américain. Monsieur
« l'orateur, nous sommes dans I'éíat de natura t Dans
~ l'elat de natura, la hase de la représentatiun, c'cst la
'\ population,»


L'idée de la rénublique une et indivisible n'est jamais
devenue populaire "llX États-Unis, En'¡ 7i4 elle choquait
non-seulernent l' esprit provincial des mem hres du Con-
gres, mais encere lcurs scntiments de fidúlité it la Cou-
ronne et leur prudn~~(~{) : «Une pctite colonie risque son
ce tout comme une gTanOt, ¡) s'écria le major Sullivan,
en repense au tribun virginien. «Nous sommes iei, JI
dit Jay, « pour corrigcr les deíuuts d'une constitution
(1 ancicnne, non pour en Iaire une nouvclle. Je ne puis
( croire que tout gouvernement ait pris fin. La mesure
« du pouvoir arbitraire n'est pas encare comblée, el il
« faut qu'ellc dóhorde avant que nous entreprcnions de
(( faire une constitution nouvelle. » Le vote par colonio
fut provisoirernent adopté, el rluns tous ses acles puhlics,
le Congres proclama hautcrnent le désir des colons de
rcstcr unis á l'Anglelerro : ( On nous a représcnlés il
« Volre l\llljesló,)) disaií-il dans une adresse au roí,
u conune des sóditieux secouaut toutc espece de Ircin el




68 A HESrSTANCE.


u voulant l'indépendancc. Soyez certain que ce sont la
t( non des íaits, mais des calorrmies.» Cesparolcs ótaicnt
encare sinceres. i\Iais, en les prunoncant, les represen-
tants des colonies s'enírelenaient sccrelernent de leurs
craintes el du mauvais vouloir de l'Angleterre. lis dis-
cutaient les Iaits qu'ils avaicnt vus, les menaces tIu'on
leur adressait tous les jours, el chacune de ces discns-
sions augmenlait l'irriíntion contre la métropole. Ils se
parlaient des bonnes dispositions du peuple , de son
amour pour la liberté, el de ces communioations jour-
nalieres naissait une coufiance rnutuellc dans Ieur
union el dans Ieur force. Avant de se séparer " ils vo-
terent la réuniori d'un sccond Congres pour le Hi mai
1775. Chaque député, en retournaut dans sa province,
y rapporta les irnpressions qu'il avait recues, et tout se
préparn bienlót ponr la guerreo


<di Iaul ccmhattre,» s'écriait six mois npros Patrick
flenry, dans la Convention de la Virginie : «Je le répctc,
« il fuul cornbattre : Ull appel a l'úp(~e d uu Dieu des
<l armées, voilá tout ce qui nous reste !» Ell'~\s"e/Ilüke,
élcctriséc par ces parolos, votaít une serie de rósolu-
tions sur la mise en état de déícnsc de la colcnic ;
Washington acceptait une place dans le comité chargó
de Iaire un rapport a ce sujct ; des corps francs s'orga-
nisaicnt dans íoute la Virginie : ( J'acceptcrni de
« grall(\ Cléur I'honneur de commander la compagnie
« que vous avez levée, si 1'0n a besoin d'cllc,» écrivait
Washington ason frere Jean-Augustin ; « cal' ma réso-
(: lution bien arrété est de consacrer ma vie el ma 1'01'-
" tune anotre cause 2,))


La masse de la population américaine n'ótaít ui aussi
i :'!(j octo bre 1774.
~ 25 uiars 1,75,- Wash, Writ., t. !I, p. 405.




ARMÉE S'OIWANISE (177'1-1'775). f¡D


décidée ni aussi prévoyante que Washington, ct SOl'·
geait encere á peine iL une révolution. Elle n'ótait
pourtant pas indiffórcnto et inactiva, et au bruit de la
melée polilique, elle s'agitait et s'arrnaít, dans le vague
pressentiment d'une guerre qui la surprit , lorsqu'elle
éclata, La foule ne sait jamáis bien ce qu'elle veut el
ce qu'ellc pense; elle assisto aux événements et se pas-
sionne, snns se rendre compte de ses insíincts, ct elle
reste inquiete et indécise, jusqu'au jour ou , cntrainéc
par une inspiration subite, elle se lance tout iL coup
dans l'arene poli tique, pour se méler aux cornhattants,
Le sentirncnt comrnun qui domine alors tout un peuplo
peut, pour un instaut, lui tcnir lieu de direction, et le
rendre capable des plus grandes choses : mais, s'il n'e st
pas soutenu et conduit dans la lutte par les classes
éciairées et indópcndantcs, ou par un partí politique,
il retumbe bicntót apres dans le désordre et l'impuis-
sanee, ct ses cflorts reslent stériles,


Pour le bonheur de l'Arneríque, les déf'enseurs de la
cause de I'mdépendnnco ne manquerent [amais de
chefs, Dans les provinces aristocratiques, cornrne la Vir-
ginie, on n'eut pas besoin d'en chercher : les grands pro-
priétaires étaient placés iJ. la tete de leurs concitoyens ;
ils y resterent pour la plupart. Dans les provinces dé-
mocratiqucs, grace il la guerre de Sept ans el á la Ion-
gueur des luttes qui avaíent précédé la révolution, la
résistance trouva aussiune organisation toute préíe.


Pour combaltre la France , l' Angleterre avait levé
dans les colonias des arrnées dont les cadres exislaient
encere. La milice était remplie de vieux soldats quí,
en rcntrant dans leurs foycrs, avaient conservé, pour
les oíticiers SOtlS lcsquels ils avaient comhaítu , des
habitudes dI: respect el, de conflancc. Dans les situa,




70 DATAILLE DE


Hans critiques, c'étaít autour d'eux qu'ils vcnaicnt se
groupcr; c'était aupres d'eux qu'ils vcnaient prendre
le mot d'ordre, et retremper lcur sentiment patrio-
tique; car, dans chacun de ces olílcicrs, la cause de l'A-
mériqne avait un partisan et l'Angleterre un ennerni.


Outre cette organisatíon militairc qni s'étcndait sur
toute la suríacc du pays, il y avait encare, surtout dans
les provincosdu nord, une sorte d'oruanisalion politique
qui s'ótai] pro.luite au milieu des agitalions de la place
nuliliquo. Dans le" manifestations centre le despotísrne,
dans les discussio ns orageuses des assernblées et des
meetinqs, le taleut comme le courage avaient en l'occa-
sion de se monlrer au grand jour ; et le danger venu,
chncun avait sentí \e besoin de se rallier autour de ces
gl'ilnds citoyens quí, pendant plus de dix ans , étaíent
restes sur la breche, pour défendre les libertes et l'hon-
neur de leur pays, Partout la population marchaít a la
sui tede patriotes intclligcntsctin trópidesqui l'éclairaient
de lcurs conseils el lanimaient de leur exernple. A leur
voix, on se réunissait pour former des compngnios de
volonlaires el des d¡"pols d'arrnes et de munitíon-; 00
se concertait pour observar les mouvcmcnts et les dl~­
marches des Anglais, el tous les Arnéricains devenaient
uspions et soldats.


Tout était done prét pour une révolution, et d'un
hout a l'autre de l' Amórique, les esprits se rccueillaíent
.íaus l'attente de quelque grand évcnerncnt, lorsqu'un
apprit que le sang avuit coulé aLexington 1


Depnis plusieurs mois, les habitan ls de Boston avaient
remarque un mouvcrnent extraord inaire dans la garnl-
son.Dn voyait i chaque instan! les troupes ,se reunir,
s'exercer, et parcourir les campagncs, Des patrouilles
~ 19 avril1775.




LEXINCTON (H) AVRIL 1775). 71


sillonnnient continuellement les mes, el, des avant-
postes ótaient disposés dans les faubourgs. Les tcrrains
qui entouraíent la ville avaient été déblayés, et les
murs qui bordaient les routes abattus. Boston présentait
l'aspect d'un camp en pays ennemi. NIais tant de pré-
cautíons el de préparatifs avaíent donné l'éveil aux pa-
triotes, et ils se tcnaient aussi sur leurs gardes.


Le 18 avrill77J, une activité plus grand encore que
de coutume régnait dans l'élat-major du général Gage,
gOllverneur fin Mnssnchusctts, el tout s'agitaít autour
de lui, suns qne personne, dan s l'arrnéc anglaise, con-
nüt encere ses projcts. La nuit venue, il s'assura que
tout était prét pour les accornplir , fit rompre les com-
munications avec la campagne, pour reníormer dans
Boslon le sccret du mouvernent de ses troupcs, et pro-
fita de l'obscurité pour embarquer huit cents hornrnes
d'élite, donl il donna le commandernenl au coloncl
Srnith. Celui-cíno rccut ses instructions qn'au dernier
instant. Il recornmanda le silenee a ses hommes, leur
ni dislribuer des vivres et des munítíons pour un [our,
traversa la riviere Charles, et se jeta sur la rive opposée.
La petite troupe s'avance alors dans la dircctíon de
Lexington, el les soldals se dernandcnt quel peut étro
le but de oette mystórieuse expédition, pourquoi cet
ordre ele départ si su bit, cette consigne si sévere, cet
cmbarquernent et ccUe marche de nuit.


Mais déjá le brui l se rcpand dans les campagnes
qu'une armée est sortie de Boston. On a vu des feux
hriller sur les clochers ¡J,] la ville; c'est le signal COI1-
vcnu pour prevenir les palriotcs, el bicntól des habi-
tants de Boston, échappós ü la surveillance da général
Gago, accourent pour unnonccr aussi I'approche des
Auglais. Ce que les sol.íats du coloncl Smith ignoreut,




72 . DATAILLE DE


(l le:'; fils de la liberté 1») le savent. Le colonel a PO!I!'
mission de saisir les deux grands agitnteurs, les favoris
du peuple, Samuel Adams el John Ilancock. Jl doit
aussi délruire le dépót de munitions créé il Concord. A
cette nouvelle, lescloches s'ébranlent, le canon d'alarrne
gronde, et le pays tout entier se souleve. Chacun saisil
ses armes, remet sa famille entre les rnains de Dleu, et
court au rendez-vous désigné d'avance. De íous le"
villages, de toutes les plantatíons sortsnt, au milieu de
la nuit, des hornmes qui se réunissen] el s'excitent au
cornbat. La résolulion de se défencire est spontanée el
générale, Avant que les officiers de la milice aicnt el!
le lemps de se concerter pour l'action, on voit partout
se former des handes irrégulieres qui marchent en dé-
sordre et sans direction commune: mais ces soldats
improvisés sont pleins d'ardeur et de foi, et pendant
qu'ils s'avancent, des prieres s'élevent au ciel ponr eux
de toules les chaumieres du Massachusetts,


Le colonel Srnilh avait déjil Iranchi pros de quinzo
millcs, sans rencontrer aucun obstaclc: cependant il
était inquiet ; le grondement lointain do canon avait
írappé ses oreilles; les espions répandus dans les cam-
pagues par le général Gage lui adressaicnt des rapports
alarmante, et il avait cru necessaire de Iaire demandcr
des renforts il Boston, A cinq heures du matin, il s'ap-
prochatt avec précaution de Lcxington, lorsque son
avant-garde vint se heurter centro une cornpagnic de
milícc réunie sur le hord de la route. Un coup de ícu
part, 011 ne sflH de quels rangs, le cornbat s'cngagn UlI


1 C'é tai t ainsi que se d,\signaient en Améri qu e les patrio ter,
d'apres une express io n do nt s'était scrvi le eolonel Darrlo, <I:u,s
un diseours prononcé iJ la C1Jllllllirc des communcs cn n trc j'aClo
du ti mcreo




LEXINGTON 110 AVRIL l77G).


instant, puis la compagnie nméricaine se disperse pour
allcr se joindre ú d'autres, La guerre entre l' Angleterrc
et I'Amérique était commencée,


Apres cette peti lo echan ffouréc, le colonel Smi th fa i1
presser le pas de sa troupe, et la pousse vigoureuse-
ment sur Concord, ponr prévenir les Américnins, I!
réussit it s'emparer des ponls qui conduisent h la ville.
saisitle dépol de munilions designé par le g'énéral, fai!
noyer quelqucs caissons de poudre et enclouer quelques
canons ; puis, étonné de la rósistancc qu'il a rencontréo
et du nomhre de eeux qui le menacent, il ordonne la
retraite: mnis le soulevernent s'était fait sur ses derrie-
res. Poursuivis par la milice de COl1eOL'cl, attaquós de
front et de ílanc par la populaíion eles cumpagnos, qui
débordc de tous cóíés, les Anglais se relirent en désor-
drc, et bientót ils Iuicnt. La route est coupée par un fcn
de mousqueterie non in íerrompu. Chaqué houquct d'ar
bros, chaqué rnaison, chaque mnr sert cl'abd it des
tireurs oxercés qui abattent les fuyarrls ; chaqno repli
de terrain cache une bando américaíne. Ici ce sorit les
hornmes de Itcading ; la c'cst la compugnie ele Lcxing-
ton qui se venge ele la dófaite el u matin. Les officiers
cherchent en vain a rassurer les soldats; lcurs armes
sont inutiles contre un ennemi qu'on ne peut attein-
dre ; ils les jcttcnt, ahandonnent lcurs blessés, et vont
se précipiter SUl' les ronforts, que lord Percy ameno
assezÚternps pour empéchcr lcur destruction completo.
Qudques houlcts lances alors au milieu eles Américaíns
les arrótcnt un insíant. Lord Percy en proflíe pour
Iormcr ses troupcs en carro et commencer une retraito
plus n;gulicl'e: uiais il chercho en vain h détourner les
pays.ins en inccndi.uit lcurs villngrs, el il csl poursuivi
jusque sous In canon lit) Loston.




74 BATAILLE DE LEXINGTON (19 AVRIL 177.5.)


Hnit jours apres, 20,000 Américains assiégaient la
ville, el le colonel Ward était nommé, par le Congres
provincialdu Massachussets, général en chef de toutes
les forces de la colonie.




CHAPITRE V.
1775-1776.


R.ptpntis~f'mrntrle !a bntnille de Lt'xir.gtnn.-Soult~vement w~néral des l\rr:~
ricain8.-Lps Ang1:lis rostcnt inactifs h Bm',ton.-St'conde 1'6u010n .lu (~OE"
gr(_~s.-lL rhoisi t \\"a~hington llOur gcncrul ('JI chef de l'armól' continental¡'.
-État dnnslnquol \\r,dtin~ton trOllVP l'armce rennie -levant Bo:-:ton.-I..ut-
tes qu'll a. tL soutcnir pour I'organ.scr.s--T'rise de Boston.c--Position des .An-
glaiR en Amérique ct Ir-ur plan de campagnc. - Expodit.ion am(:ricaine
contre le Cariada. - L'opinion publique s'alurmc en AngL,terrF. - Envoi
de cornruissaircs royaux en Améri'juc.- Déclarutíon de l'Indépendanee.
-Réaetion Iovaliste.-Vigueur de Washington dans la compression.


La nonvelle de la bataílle de Lexing!on fut re¡;'IIC
avcc une [oic avirle par les impaíionts el les violen ts,
avec eñ'roi par les lirnides, avec désespoir ct tolere par
les lo~aljstes, avec cnthousiasmc par les rnasscs. Elle
excita duns l'ámo de Washington une ardcur ploino il
la fois de tristcsse et d'espéranco : « Sans doute il est
(( doulourcux de penser )), écrit-il aun de ses amis, en
lui anuoncant la bataille de Lexington, (( que des treres
(( se sont plongé l'épée dans le sein , el que ces champs
(( de l'Amérique, autrefois si heuroux el si paisihlcs,
(( seron! désorrnais ou inondés de sang ou peuplés




76 SECONDE HEUNION.


« d'csclaves ! Déplorablc alternatíve ; Mais IlIl hom me'
« vcrtueux peut-il hésiter 1 '1 »


Les Américaíns n'hésiterent point. Une guerrc ouverte
fut partout déclarée aux autorités anglaises. Dans ce
premier moment d'effervescence, la voix des loyalistcs
fut étouffée : plus tard, quand l'enthousiasme, épuis«
par do longs efíorts, cut fait place, au rnoins dans
les rnaSSC5, au découragement el a l'indiffércnce, on
déconvrit lcur nombre el leur force. Mais, a101'5, tout
seinhlnit promettrc une victoire íacile. Les Anglais
n'étaient plus maiíres que de Boston. Eux seuls s'olJsti-
naient encere ano voir, danscet immcnso soulevement,
qu'u ne révolte. La bataille de Lexinglon leur avaít
appris la prudcnce, sans leur Iaire oublicr leur mépris
traditionnel pour les Amóricuíns. Pintó! que de porter
de grands coups, au risque d'étre baltus, ils préférerent
laisscr passer I'orage, et l'orage s'arnoncela toujours
plus menucant sur leurs tetes. Ce fut la íuuto eapitale
comrnise par les généraux anglaís dans la condnite de
cctte guerre : ils attendirent tout du temps. Le temps
était leur plus grand ennemi. Chaque minute perdno
était, pour les Amóricains, un triompho, pour les puis-
sanees jalouses de I'Anglcterrc, un motif de s'intéresser
a un peuple capable de lui tenir tete dans une lulte si
prolongéo, el, pour les orateurs de l'opposition, un ar-
gl uncnt contrc la mauvaisc politique du cabinet.


Pendan! que la garníson anglnise restait ínactíve
I'¡ lloston, le Congres se reunissait pour la secondn
íois a Philadclphie 2, prcnait la direction des all'ain:s


1 :11 mni 177G.-Wash. TYrit., t. u, p. ·406.
; lO n.ui 177G.




DU CU"iGHES (10 l1A11775). 77


militaires, el dólibérait sur le choix d'un commandaut
en chef pour l'armée contincntale.


Les jalousies locales et les vieillcs inímitíés entre les
colouies rendaient ce choix difllcile, el le Congres se
scrait peut-élre divisé sur cette question, si les délégués
de la Nouvelle-Anglcterrc n'avaient fait prcuve, en cetto
circonstancc, d'une grande abuégaíion et d'un grand
esprit poli tique. La guerre contre la métropolc ayant
commencé dans le l\Iassadmsctls, et les troupes róunics
dcvant Boston appartenant aux milices de la Nouvelle-
AlIglelerre 1, celles-ci pon vaient prélendre al'honncur
de donner un chef a l'armóc. Elles étaient commandées
par des officiers expérimcntés qui, comme Washington,
s'ólaicnt distingues dans la guerre contre la Franco, el
donlles talenls mililaires n'étaient pas moins renommés
que les sícns. Mais, ala tete des armées continentales,
les talcnts militaircs ne suffisaient point. Dans cette
position élevée et diífícile, il íallait un hommc déja puis-
sant et considéré , dont la supériorité fút naturelle el
reconnue de 101ls. 11 importait aussi beaucoup d'cntrai-
ncr et de compromettre l'aristocratie virginienno duns
la cause de l'indépcndance 2. C'est ce que comprircnt


1 Les calanies de 1" Nauvelle-Angleterre étaient celles siluées
.i lcst de l'IIndson: Conneeticut. Rhode-Island, Massachuse tts,
d Ncw-Ll ampsb irc.
~ Le·1 juin 1776, Gl'rry, alors mcrnbrc du Con gres provincial


n"((lli ;.L Watortown, écrivni t aux délpgu8s du Massachusetts dang
1cCongri's cnntinontal ;« Jo me rójouirai, du f'ond doman CCDur,
« de v oir ici le bicn-aimé colon e l Wasbin gton . .Te ne daute point
{( que les généraux de la Nouvollc-Anglctcrrc nc saient próts é,
<{ I'a ccc ptcr l'0ur gólt'~rali.ssinlc, ct a don ncr ai nsi h la Virgi-
« 11 io , lloirc srnur, uuc rnarr¡lle de ce rcspcct que luí a d(~já mo n ...


• ~ tr,j to u t le contiuent. » Austiu's Li]« uf' Gcrn], t. 1, p. 70.




7R WA81ITNGTOJ" EST NOMME GEl'\ÉRAL EN CHEF


les représentants de la Nouvelle-Angletcrre, et rcnon-
cant atoute prétention et ú tout amour-propre local, ils
proposercnt, pour le cornmandement de l'arméc améri-
caine, celui dont le nom était déjá dans toutes les bou-
ches. Washington fut nommé al'unanimité 1.


En acceptant le commandoment, il refusa le traite-
ment qui y était attaché". Sans étre avide de gloire,


1 15 juin 1775. - Commission du général Washington: « En
• Con gres , Nous, les délégués des Colonics-Unies de New-
~ Hampshire, de la baie de Mass achusetts, otc.,


« A George Washington, éeuyer.
« Ayant pleine et entii,re eonfianee dans votre patriotisme ,


< votre eonduite et votre fid.Tité, nous vous consti tuo ns et vous
< nommons, par les présentes, général et eommandant en chef
~ de I'arrnóe des Colonies-Unies, de toutes les torces qui y ont été
• ou qui y seront levées, et de ton tes autres qui oiTriront volon-
e tairement lcurs serviccs, et soj oindront a laditc urrné e , pour
• défendre la liberté américaine. et repousser tonte attaque diri-
« gée eontre elle. Et vous (tes, par les présentes, investi de pIe in s
e p ou voirs et autorité pour agir, comme vous le croirez co nv e-
• nable, pour 1" bien et la pr os périté du scrvice ........•.. Et vous
< aurez a. régler en to us p oin ts vo tr e conduite sur les instruc-
< tions ci-jointes, et a. observer et su iv re ponctuellement les di-
e rcetions que vous recevrez de temps en tornps du présunt ou des
« fu turs Con gres, ou d'unconlité du Co ngres désigné a cet cflet.


• Ce rtc cornmiss ion gardera sa force et vcrtu, tan t qU'elle
• n'aura pas été révoqu<':e par le présent ou un futur Congreso


« Par onlre du Congre's : J OHN HANCOCK, président.
« Philadel pm e , 19 jnin 1770. »


Les instruetions qui accompagnaient eette eornmission por-
taient sur tro is pornts principaux, Le général en chef était auto.
ris':, : lo a recruter des trcupes, jusqu'a concurrcncc du dcuble
des forces ennemies; 20 apourvoir provisoirernent aux vacanccs
da ns le grade de colon el et au-dcssous, jusqu'h orrlon n an c s con.
traire de l'État particulicr auquel appanenaient les troupes dans
Iesqu e l les les vacanees. s'étaion t présent6es ; JOtI entretenir, aux
frais du Continent, tous les volontaires qni pourraient se jcindro
al'armée.-Wash. W¡·it., t. IIl, p. 48'2, 48:3.


2 ," La condui te de Washington a POUl' moi quclquc cliosc de
e charmunt, » écrivaii John Ad ams f1 Gerry.« Un genlJJj¡oJJll1Je,




DE L',\IL\1ÉE COXTINE~TALE (15 r c rx 1715). 7u


Washington cIait forL jnloux de Sil renommée. 11 ne
visait point al'eífet, mais il ne pouvait se passel' de I'es-
time de ses concitoyens, et il aurait cm mériter de la
pcrdre , en leur donnaní lieu de penser qu'un motif
d'inlérét personnellui faisait accepler le périlleux hon-
ucur de les cornrnandcr.


CeUe solliciíude pour sa réputation, et le sentiment
de l'immense rcsponsabilité qni pesait sur lui le trou-
blaícnt prolondément, quand il songeait aux difiicuHés
de son role: (de vous écris, » dil-il a sa femme, « sur un
(( sujet q ui me remplit d'une inquiétudo inexprimable.
(( 11 a été décidé par le Congres que toute l'arméc lcvéc
« pour la défense de la cause américaine scrait placée
« SOU8 mes ordres, et que [e me rcndrais imrnédiatc-
(( ment aBoston, pour en prendre le commandement.
(( Vous pouvez m'en croire, chero Putsy , j'ai fait tout
(1 ce que j'ai pu pour me déroher acette haute marque
« d'honneur; non-seulement paree qu'il m'en coútait
« beaucoup de me séparer de vous et de ma famille, mais
« encere paree que je senlais que ceUe táche était au-
« dessus de mes forces 1.») L'histoire est lit pour prou-
ver que Washington se trornpait, et pourtant que de
motifs il avait de douter de lui-méme í Lui dont l'esprit
politique ne s'ótnit encere cxcrcé que dans le gouver-


'C pos3csseur de I'un e des prerniercs fortunes du co ntincnt, aban-
',{ donner ainsi sa d('licieLlse r errai t e..sa famille et ses amis, sacri-
r, fiel' scs aises, et tout hnsardcr dans la cause de son pays ! Ses
« V1l8S sont nobles el d ósiméressécs. II a dé claré, en acccptant
p: -cetrc immcnse chn.rge, q:.l'il m ctt rait sous nos ycux un cum ptu
« exact de ses d(~pensus, mais quil Ile recevrait pas un shilliug
• comme truitcment. » Lite uf GClTY, t. 1, p. 90.


I H'ash. W rit., t. In, p. 2.


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nemcnt de sa proviucc el de sa maison , il allait ólre
pincé it la tete des añaircs d'une grande nation; 1ui
qui n'avait encore commandé que quclques milicicns el
n'avuit memo jurnais VLl une vórituhlc arrnóc, il allui]
avoir it formcr et it diriger tout un peuple ele soldals,
Mais par tempórament, sinon par goút, Washington étaiL
homme de gucrre et hommo cl'Etat.


II découvrit bientót qu'il n'avait point de plus dan-
ucreux enncmi que l'esprit dómagogiquo , cct esprit
ddüml el envieux , qui crnint el ahaisso loul ce qui ost
pTand ct puissan í, et n'éleve, pour les transformar en
idolcs, que l'impuissance ombrageuso el les vices ele la
Ioulc. Washington élait it peine sorti de Philadolphic,
pour se remire it Boston, que déjit sa popularité el son
pouvoir commeucaient it chugrincr les farouches égn-
Iitaires qui, du coin de lcur fcu , croyaicnt assez servir
leur pays en surveillanl d'un mil jaloux les défenscurs
de l'Amérique ; ct , comme pour dótruire l'eñet des
ucclnmations populairos, dont ils ne pouvaicní S'ÜllIjlL\-
cher de se faire eux-mémos les échos , les patriotcs dí~
Ncw-York l'invitaicnt brutalement, dans une adrcssc, :'(
nc point oublier que son pouvoir étaít temporaire , el
qu'il redescendrait un jour au rung de simple citoycn.


Arrivé devanl Boslon, le :3 juillet, Washington n'y
írouva qu'une massc confuso d'insurgés (IU'Ofl décorail.
dH nom d'arméc. Point d'orgunisation connnuno , poiut
de discipline, point de hiérnrchie. Ni ambulances, ni
c..issc militaire, ni intcndance, ni munitions, ni artíl-
h-rio, ni génie. De pctits corps isolés , sans aulr« líen
'í Le les nntipathics el les amours-propres locaux ; des
homrnes arnoilió l1L1b, mal unnés , maludea.uo voulaut




81


suivro (lile les clids de lcur clioix et ne 11'111' obéir qU';1
lour Ianlaisie ; des ofllciers qui, pout se Iaire pardonner
Icur grade, llarl!lgeaicnt leur suldo uvec lcurs lmni-
mes el, lcur rcndnicnt les plus honteux services ; culin
tous les (l('~snrd!'es qn'enlralncnt l'abscncc de regle el
le déchaincmont de l'csprit de liceuce el d'égalité. II
Iallail , avcc ces élcments, former des soldals et une
arméc, en préscnce de l'cnnerni. (( C'cst vraimcnt une
« cntreprise trop hardic ' í » s'écríaít Washiu.rlou duns
un rnomcnt d'abandon ; el en effct, quand 011 n'a pas Iu
sa corrcsponduncc, il est difficile de se figurer ad prix
de qucls e.lorls el. de qncls tourmcnís il réussii il intro-
duire un peu dordre au uiilicu ele ces troupcs ímpro-
visees. Touí, j nsqu'aux moindrcs détails de l'admínis-
tralion militaire, devenait ponr lui un sujel de Iuítes.
II fallut un coup d'nuloritó ponr obtenir le dénombrc-
nien [' des solduls, qui regardaicnt comme un altcnlaí
cnnlre la lihertó IOLlS les moyens d'empécher la déser-
tion. Ce fut bien pis lorsq ¡ le les ancicns corps durcnt
fuire place aune ot'¡.:anisalioll d~"';l1lien~, el que l'arli1(~e
Iut divisúo en rc':ginH'nfs, en brigadcs ct en divisious-.


, \V(I,,!,. lVrit ... t. IlI, 1'. ;):2':,.
'2 011 é valu., al o rs 1r~." non )lC'." s ous le cornmundoment inun é-


dial de: \Va:·dli11 gi,OIl iL lU,'OO homm es, et les troup es aIlglai::;e~,
a~~i(.gl'cs dans D081011, Ü 11,500 hornrncs.


:1 \Vashington partag(~ason annéc un tr ois divisions, compo séos
chacune de deux !Jrlgades, ehnque brigadc é t ant eonlpos6e el le-
m(~mc de six régilnents. Qualt(~ rnajors gén('TaUX e t huit briga-
.iie rs ava ient été n omrn ós par le Congreso ~Iajon;; gélléraux: Ar
tc mus Ward, Charles Lec, Phil ip pc Schuyler et Isruel Pu(naIIJ.
BI'ÍS3diel's: Seth Pumroy. Richar-d Mo n tgom er'y, David Wo os ter,
Wllliüm Ile ath, Joseph Spcnccr, John Thorn as , John Sul livan et
Nathnnue l Gr'celJc.Horatio Gal_':S 0taiL adju.i.;n: 1:::>élH~Tal, avec le




H:!


On vit des llandes enlieres ahanrlonner le cump , plldút
que de se soumettro il une discipline et á des 6'glements
nouveaux : parrni ccux qui restercnt , les uns refuse-
rent de reconnnttrc les offieiers désignés par le Cou-
gres pour les commander ; d'autres accablercnt Wash-
ington de réclamations et de menaces ; les plus sagcs
murmurórcnl centre des choix nécessaircmcnt précipi-
tés et centre d'uncions droits méconnus, Tant de tumulte
inspirnit le plus profond dégoút aux oífíciers qui avaiont
quelque expórience du service militaire, el Washington,
apres avoir puni les révoltes, brisé les resistances et
écouté les plainles des conscrits, avait encore aranimer
le courage et á apaiser le mécontentement des vétérans.


Et ce n'était pas seulemcnt dans le sein de l'armée
qu'íl rencontrait des difficultés et des obstacles. Chaque
mernhro du Congres, chaque assemhlée provinciale,
chaqucbourgeois inf1uent était, pour lui, une entrave en
méme temps qu'un appui indispensab.e. De l'aven de
lous, Washington elait I'drne de tout ce qui se Jaisaít
pour la défense de I'Amériquc, et c'est il peine si on
I'avait revétu du pouvoir nécessairc pour faire subsisler
son armée. Pour se procurer des munitions et des vivres,
pour complétcr les cadres, pour faire exéculer les moin-
tires ordres, il fallait recourir á l'autorité de cclui-ci, á
I'influcnce de celui-la , parler assez haut pom elre en-
tcndu, el avec assez de précautions pour ne pas hlcsser
les susceplibilitú; deuiocraliques. Tant de ménagoincnts
coútaícnt á la fierté de Washington ; maís il s'y soumet-
tait par patriolismc, jamais asscz pourtan! au gró de
certains hommcs. Sans cesse il recevait de ses arnis de
Philadelpliie des avcrlisscments sur loo plainlcs de




L'AlOIEE CÜ1\Tl1\E1\TALE l17~5-1ii(j). k3


l'opiuion publique. C'était telle ;ssemhlée, dont il igno-
raíl l'cxisleucc, qui nc se trouvail pas trnitée avec assez
ti'('.gards , lelle Iemme de pasíeur qu'il avait nég1i'~é
ti 'invilor á sa tablc, tel avocat qui s'éíonnait de n'élre
encore que colonel , eníln ton tes lesexigenccs et les
commérages d'unc bourgcoisie vanilcusc, au milieu des
dangers de la vio des camps et des soucis que donne le
gouvernement d'ul1 grand Étal.


A peine Washington fut-il parvenu a épurer l'armée,
et ayinlroduire les réformes nécessaires, que l'époque
ou finissaient les engagernenls de ses soldats arriva, el
tout fut arecommencer". JI fallut reformer une nou-
velle armée, avee la perspectivo de la voir encere se
dissoudre au bout d'un ano Le Congres ne permeílait
pas encore les cnrólcments pour plus d'un ano La séré-
ni té accouturnée de \Yashil1gton íut alors sur le point de
I'ahandonncr : « Lorsque le carnp est plongé d.ms le
(( somrneil, je passc do bien tristes momcnts aréflóchir
« sur notro Iáchcuse siluaíion. Bien des fois, je me
( suis figuré que j'aurais óté inílniment plus heureux,
« si, prenant mon fusil sur l'épaule, 'je m'étaís enrólé
« dans les rangs, au lieu d'accepter le commandernent,
« dans de sernhlahles circonslances, 011 bien si ['avais
:, pLl me rctirer au fond du pays, el vine dans un wig-
" wam, sans craindre que la posíéritó et ma propre eOH-
« scícnce me reprochassent cette conduite. Si jamais je
H parviens iJ. surtir de ces embarras, j'aurai l'intimc
« conviction que le doigt de la Providence est vcnu
« aveugler nos euuemis . »


1 Ju uvicr 1770.




Les généraux anglais assiégés (bus ltoslon S('nlh!:liCIJf
(~II cífet ne pas se douíer de la íaihlcssc de J'al'llH'C allll~­
ricaine, rédnite nlors á 11,000 lionunes. lis nvuieu!
perd u, dans les cngagements de Lexington el de Bun-
ker's HiUI. cette confiance qui est la sede force des
militaires sans lalent, et ils se Iaissaicnt atr:mwr el ser-
rer tous les jOiH'S de plus pres, sans faire le moindrc
eñort pour rcpousser les Ainéricnins, Coux-ci s'elaicut
retranchés dans de, posi íions assez j'()!'i(~f', mais trop élen-
dues, et dont il cút été fuelle de les Ci;:I.SSCl', La crainte
de dócourager ses soldals en COInllH'IH:;IIL la Gu;¡pa-
gne par une retraite, avaít seule elllpócb', Washington
d'abandonner ces retranchemcnts , 101's de son arrivóe
devant Boston ; el, depuis, il avait trouvó sa silualion si
dangereuse el si désespérée que, par trois fois , il ú'i;¡il
décide a donner l'assaut a la ville el « Ú tout tneltrc, )
cornme il Ie dit luí-meme } « SUl' IIIl coup de lió,))
L'opposition de ses lieulenants I'ayant rait reuoncer Ú
cettc idée, il attendit que I'armée f¡'l~ rccordilu(r; d
portee a20,000 hommes, pour occuper les hnuleurs de
Dorchoster, qui domíncnt Bastan ~; Cctío opcraíion, COlJ-
duito avec vigueur et SL](;CeS~ contraignit les Anglais ú
pt'(~ndre un parti. Le général Howe, qui depuis le mois
d'ocíobre 1775 avaít remplacé le gónéral Gngr' daus le


1 Le 16 juin 17'1'5, peu de jours av an t I'a rr ivé« de 'YashilJC'tuj
devant Bastan, 2,500 ..:\rné:·jl:ains s'ctun t cm puró«, pendan ( la uu: t.
des collines dc Bunkors Hill qui dorn iu cn t la v i llo ele BoQü!1, .:
général G-age env'oya 4,.000 horrm cs pOli!' les en dl]op:C'r. Lc~s ..\ltH'"
i'i\~'aill~ Jd'cnllircntlcul's ba ucrics a ve c UIl cour;lr:'\~ nchnirah1<:. ¡,¡
1:(; les abandonllj'·rent qu'a!)rl\s avoir lllr'- o u 1)11':-:-:,:, tdlt~ de l~uUíJ
LOUlilll,lS aux ..:\)l,~'L:i:::, I'Jl!l' e e fl'·;-'I,¡;(il.l n'IJJplit Ju i ;l'I:..;"tel'lJilLiou.


:; 4 m a r.: ll~'ti.




comrnanderucnt des troupes HlIglaisc's, ne voulant ]las
compl'orndire son armé!' drms un engagement gén(~ral,
évacua la ville", el se dirigen par mer sur Haliíax.


Le Congrcs vota des rernercicrnents aWashington, el
lit frélppel' une rnórlnille d'or, en mérnoire de l'évucun-
lion de Hoslon,


L'cflct moral d::: el'! óvólInnent Iut grand ; sesconsé-
qiif'neeS militaires furcnt moins henreuscs qu'on ne 5'Y
d:til aHendu. En ,:ol'!ani, ,le Boslon , [es Auglais IH'
retrouverent point le temps qu'ils y avaient pcrdu ;
mais ils reprirent la liberté d'action qu'ils avaieuí
compromisc, en s'y laissant enícrmer. Leur arrnée res-
tait iníacte , la mer libre, et ils pouvaicnt se poder,
aleur gré et a l'improvisíe , su r tous les points de la


, cote.
Tant que la guerre no fut pas dcclaréc entre les colo-


nies el la mctropole, Bosíon lut un point d'unc impor-
lance capitule, d 'iiie les Angíaís durcnt occuper Ü foui
prix : c'dait le principal foyer de la róvolulion. ~\iais, du
jour ou linsurrecíion fu] rlevcnue ouvcrtc el génél'ale,
ti11 jour 01'1 iI s'agissait, non plus seulcmenf de concen-
lrer et d'étciudre l'iucendic révolutionnairc , maís de
reconquérir I'Amérique par la force des armes, ce n'élait
pas aBoston el dans la Nouvellc-Angleterre qu'il íallai;
poder la gt;CITe, mnis dans le New-York el. dans les
colonies du mirli, Les provinces de la Nouvellc-Angle-
lerre, jetócs á I'extrómitó scptenlrinnale des Úats-Unis,
d haliitécs par UIlC populatiou aussi hrave qu'hoslil«
¡I'I ~nHverJ!('melltdu roi, élaienl ü la tois le terrain lt)


! l"',~ IrI:1 :'-~ t77tJ.




86 POSITTOX ~rTLITXlflEDES A'\r~Ur.S i1776i.


Ji]'!S favorable aux A1116 ricains , el celui dont l'occupation
avait, pour les Anglais, le moins d'importance, sous le
rupport militaírc. Se jeter entre les colonies , sur. un
point central, pour divisor les Amérieains; et pénétrer
dans les provinces loyalistes pour y recruíer des soldats,
teI devait étrc le double hut des générallx de George Ill,
En occupant Ncw-York elle cours de l'Hudson, on cou-
pail en deux les colonies, tout en maintcnant des com-
municaíions Iacilcs entre le corps durrnée qui défendait
le Canariaet celui qu'on deslinait aagir centre les Élats-
Unis; en occupunt les colonias dn midi, on donnait un
point d'appui ft la résistance de loyalistcs nornbreux el
ardenís, qui n'attcndaient que la présence de l'arméo
royale pour se soulcver contre l'oppression el, les vio-
lences des républicains. Ce plan, que les généraux
anglnis auruient dú suivre un an plus tót , Howe le
CO\1(:ut vaguement en évacuant Boston, et Washington
le rlevina , avant que l'cxécution en fút commencée.
Howe n'était pas encere arrivé a Halifax , pon!' se pré-
parer a la prochaine campagne, que Washington était
(léja en marche pour New-York avec toute son armée,
ne laíssant 11 Boston que cínq régiments,


La guerre n'élait comrnencée que depuis IIn an, et
déjá les Anglais ne possédaient plus un pouce de terrain
dans les colonias révoltées. En Virginie, en Géo['gie, ct
dan s le New-York, les gouvcrncurs royallX avaient él(;
chassés, apres de vains clíorts pour com hallre le partí
du rnouvemont, soit par la force des armes, soil par de
secrelesinfrignes: partout ailleurs les rcprésentants du
roi a vaicnt pris houleuserncnt la fuite , des le comrnen-
cement des hostilités , Iaissant les Ioyalistes sans direc-




tion el sans appui, La politique el les armes anglaisos
n'avaient été hcureuses que sin' un seul point, le Cariada.


Pour ernpécher une diversión des troupes de cetíe pro-
vince en faveur du général Howe enfermé dans Boston,
et dans le chimérique espoir de soulever la population
francaise , il. la vne du drapean des Coloníes-Unies,
le Congres avait aventuré un potit corps de deux mille
hommes dans le Canadá 1. La population Irancaise ,
Ioin de se laisser séduire par les cris de liberté et
les promcsses des Américains, nc vil en eux que des
ennemis implacables de sa rcligion el de sa race, et se
leva pour défendre ses nouveaux conquérants , par
crainíe de tomber sous le joug des puritains. Le gou-
vernernent anglais avait respecté les antiques coutumes
du Canada , et protégé le clergé catholique , tout en
détruisnnt les vieux abus de l'administration de
Louis XV; et, par 1IIIe politique habile, il avaiL appris
aux Francais a ne plus regrelter la domínation de la
mere patrie. Leur creur saignait encere en portan "
leurs regnrds vers la France ; mais, depuis la conquéte,
ils sentaient Ieurs intéréts mieux compris et mienx pro-
tégés, la prospérité publique en progres, le gouverne-
ment moins arbitraire el moins avide. Apres tant de
gilerres et de désordres, ils ne demandaient que la sta-
hilité el la paix, el ils prirent les armes, autant dans un
esprit de conservation que par haine pour leurs anciens
rivnux.


L'expédition américaine ne réussit point , bien que
conduite avec 1111 couraae et une hahileté admirablt>s


l Sl'ptt:mLre lii5.




nECLA HAT!()N


par le gt:móral Montgomerv el le colonel Aruold ; le
prernier, vóritahlc héros quc ron a comparé nvr:c raison
it ~rontcalm et h Wolf; le sreond, qui plus tard trahit
son pays, 1111 de ces granels avenluriers révolntionnaircs
qni seraieut des héros sans leurs vices. Apres des souf-
Irances et des exploits quí pourraicnt faire le sujet d'un
1'0111an, ils échouerent devant Quóbee: Montgumery fut
fué!,.et Arnold, poursuivi de poste en poste, íut chassé
du Cunada par les généranx Carleton el fll1L'goync 2 •


Ces suecas partiels ne purcnt d(~iI'!¡jre en ;\ IIg1elerre
l'effet prod uil pa r tant de re vcrs, L'opinion publique
s'alarrnait el l'opposilion Iriompliait, Lord North Iui-
1111'111e étaít secretement abattu, Ceorge III rcstait sed
impassible. La lutte avee I'Amérique étaít pour luí 1111
point d'honneur, et il mettail sa dignité de roi iI lJ(~
céder qu'á la force. Pour rnetlre la force de son cút<:~, il
acheta n ,000 hornmes á ces petiís princcs allemands
qui faisaient alors comrnerce de la vio de lcurs sujcts,
et fít porler, en outro, l'urmóe de terre allglaise a
;;,;,000 hommes, dont il destinail 2,i,OOO a I'Amérique,
Hans le but de gagncr du Ieinps etde serner la división
parrni les Américains, il conscntit cepondant aenvoyer
dans les colonies des commissaircs chargés d'examiner
leurs griefs. lls arriverent trop lard it New-York pour
pouvoir, par lcur diplomatie, entraver la marche de la
I'(·~vollllion. L'indépendance des colonies venait rl'étre
.léclarée par le Congres".


C'éíait lit que tcndaiení dcpuis longtern Jls les princi- .


1 :31 J(cembl'e lilCa.
Z .Iu in 17'7(L


.j juil lct 1,/(;'




paux l'llnr~ (In mouvcmcnt en .\m(;r¡qH(~. et ils n'avaiout
tant tardó 11 proclarncrla róvolulion qn'ils avnicnt accorn-
plio qm: pour próparer l'esprit dn peuplo a une idóo
qui hlessait les vieilles !ri1iJii¡ol!s.. .¡'¡ 1'0111' menagcr les
Iimidilés de creur ou de conscience de oertains mernbrcs
(1!1 Congres, Ces précautions ont valu aux hornrncs
(['État amóricaíns le reprocho d'une grande duplicité de
Jan[!age et de conduile. Qnelqnrs-uns d'entrc eux I'oní
peut-étro mérité ; mnis il ne saurait atteindre Washinc-
ron. Washington n'était point de ceux que la vio poli-
tique corrornpt. Il n'avait ni l'insoucinuco de caractcre,
ni la Ilncsse et la Sil hti]i!é .l'esprit , ni les passions
violentes el pcrsonnollcs qui dótourncnt trop souvent
de la droiture des cronrs nnturellcmcnt honnétes. Trop
simple el trap dipw ponr avoir le ¡roúl de la ruse el des
détours, il étai! írop fort et trop confíaut dans I'cmpioi
de la force 1'0:11' croirc á lcur cfflcucité. Loin de cnchcr
ses idl"es Sil!' I'inrlópcndnncc, Y\-;¡shingl.on fut toujours
.l'avis qu'il (daii poliíiquo (11: proclnmer le plus íót pns-
sihlo le hnt (jIJC' poursuivaií la niajoríté du Congrós.
C'était, selon luí, la meilleure Iacon d'onlcvor á ses con-
citoyens loute pcnsée et ton! moyen ele reculor, el ¡JI:
íermcr la porte ú des négociations qui, dans I'élat din-
certilude oú étaient encoré beaucoup d'esprits, POII-
vaicnt devcn ir darurcrcuscs : ( Si Ion! le monde était de
« mon avis )), écrivait-il nu mois de l'évrim' 1776, ( los
( ministres anulais apprcnd raicnt, en peu ele moís, 011
« nous en vm ilous venir . Jc proclumcrais, d'un ton
(( múlc el suns ddollr, nos grids el notre résolution
« dohlcnir jusíico . Je km dirais que nous avons 111';[;1-
.( ('OIIP slippol'k:, <lile nO!IS ;1\illlS 1001[!1('1IIps P! nrrlem-




~n nr~CLAR\TIO'\ DE LT\n!':PEXnA!'\I'E ('! r r-rr.r.. 177f,),


( men t désiré une réconciliation honorahle " el qu'on
« nous l'a rcfusée. J'ajouteraís que nous nous sornrnes
« conduits commc de fldeles snjets , que I'esprit de
« liherté est trop puissant dans nos creurs pour que
« nous nous soumettions jamáis al'esclavage, et que
« nous sornrnes bien décidés ú rompre tout lien avec
« nn gouvernorncnt injusto et dénaturé, si notre serví-
« tude pent seule satisfaire un tyran et son minisíere dia-
« holique. Etje leur dirais tout cela, non pas en termes
« couverls , mais asee des cxpressions aussi claires
« que la lurniere du soleil en plein rnidi'.») Ce fui sur
C(~ plan, mais avec plus de prétentions philosophiques et
nratoires , que .Jelferson rédigea la Déclaration del'indé-
pendance . Elle fut adoptée par le Congres á I'unani-
mité, nnanimíté malheureuscmcnt un peu factice. Pour
I'ohtenir , il avait fallu hríser ou adoucir de vives résis-
tanees, et l'État dc New-York, qni avait envoyé le der-
nier son adhésion , ne l'avait donnée qu'á regreí , el
apres plusieurs reíus successifs.


Les loyalistes, revenus dn leur premiar effroi, repre-
naient confíance. Leur oreille s'était faite au bruit, leur
cceur au danger, et avec le ternps, ils avaient appris a
lutter centre le torrent révolutíonnaire, devenu, avec le
temps, moins irresistible. A New-York, l'armée conti-
nentale suíflsait it peine pour les contenir, et la pré-
sence du général Howe qui, depuis le 29.i uin, attendait
en rade une occasion favorable pour attaquer Washing-
ton, encourageait leurs manreuvres et leurs complots.


1 'Va,,/¡, Ir,il" L IlI, p, ;286.




RÉACTIOX LOY ALISTE. rn


Non conlents de semer l'agitation dans le pcuple, d'en-
Iraver In levée des miliccs, d'accaparer les vívres, de
correspondro avec l'cnncrni, el,ele se livrer it toutes les
rncnéos d'uno opposition sourde el perfíde, ils prélu-
daient á eles hostilités ouvertcs, en íormant des cornpa-
gnies de volontaires royaux, et en mcnacant la súreté
el la vic el 1I géIl/iral en chef. Des mesures de rigueur
devinrent néccssaircs. Washington n'hésita point it les
prendre. On fusilla un soldat qui s'était Jaissé seduire ;
nn mit la main sur les principal IX chefs loyalístes, et
J'on éloigna de la villc les suspects. Personne moins
qlle Washington n'a invoqué la raison d'État pour COI1-
vrir des actes arhitraires et injustes; personne n'a
moins abusé du pouvoir ni montré plus de respeet pour
la liberté; mais, dans les siíuations critiques et décisives,
personne n'a suhordonné avec plus d'inflcxibilité les
fantaisies et les intéréts particulicrs á I'intérét général,
et ne s'est moins arre té él des scrupules de forme et ele
légalité.


Ce n'était pas qu'il añcctát le maindre mépris pour
les questions de forme: par habitude comme par goút,
il y aítachait au contraire, une grande importance, el
lorsque sa dignité ou celle de son pays était en jeu, il
veillait, avec la susceptíbilité [alonso d'un Anglais el
d'un gentilhomme, á l'observation des regles les plus
strictesde la polilesse et de l'étiquette. Dans ses rapports
avee les généraux de George Ill, il fut toujours a ce!
égard aussi ferme qu'exigeant, et tant qu'ils ne voulu-
rent pas reeonnaitre son rang, et adopter dans Ieurs
lcttres les formules d'usagc entre généraux enncmís, il
rcíusa de correspondre avec cux, dút le ser-vice en ~ollf-




m HAPPORTS E\1TRE LES f:-ÉI'\l::nAlTS F\1\1E\lTS.


Irir, La nécessité d'adopter une convention pour
I'échange des prisonniers contraigni t enfin le général
Howe ú céder it de si justes prétentions. et de ee mo-
mcnl, Washington fnt traite, non plus comme l!! chef
des snjets révollés de la Grandc-Bretagne, mais cornme
le général d une puissance indépenrlantn et cnnemie,




CIIAPfTllB VI.
1776-1778.


Carnpagno de 17iG.-'Va~hiJlgtoll evacue Long-Island et Ncw-York.s-cScn
IlJOUH:'1U0nt de n-traite a u avers le N('w-Jcrsc.',~.-l1 rcprend l'offensivc et
uat les Argluis ü. Trcnton ct á Pt-iuceton.c--Xécessito (le réformer lorgani-
s.uion militairc.c-Le Congres contie ~, Washington des pouvoirs dict nto-
riaux.c-Préjugés du général contre la Franoev-c-Le marquis de La Fayette.-
Cauipugne de 1777.-Plam~- des géncraux ullglais.-Bataillc de la Brandy-
wince--Les Auglnis s'cmparcnt dc Philadelphié.-Bataille de Germanto wn.
-Camp de Vulley-Forge.i--Capítulatíon de Saratoga,


En é\ acuaut Boston, le général Howe avait formé,
HVOllS-nOllS dit, un donhlo plan: s'ernparer de Ncw-
York, ct soulevcr les colonies clu micli centre les répll-
hlicains , par une vigourcuso cli'Version. La seeonde
pal'! ie de ce plan avait déjú échoué. Avant de quitter
Halilax,110m se rendre devnril New-York, il avait en voy«
dans les Carolinos un corps d'armée considérnblo, sous
J('~ onlrcs du génél'al Clinton 1. Mais les mouverncnts eles
Ioyalistcs ayant élé mal corubinés, leur insurrcclinn
avait óclale trop tót, el Clinton la trouva déja cornpri-
mee quand il débarqua. Aprcs avoir essuyé llIl grand
«che« devant Charlcslou ", il reconnut I'impossibililé


I Mili líib.
~ -lB j uin 177ü.


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r'1 _ ...._ ' .. ~ >
~. 'd.




DATAILLE DE


de se maintenir dans les Carolinos, el alla se joindre a
Howe 1, qui n'attendait que ce renfort pour atlaquer
New-York. L'arrnée royale se montait alors ii 25,000
hommes de vieilles troupes anglaises ou allemandes,
appuyées par une Ilotto considerable. Washington
n'avait alui opposer que 20,000 homrnes, encere mal
exercés, décimés par la maladíc ', di, isés par de vives
aníi pathies, et dont le plus grand nombre se corn-
posait de miliciens subitement arruches il Icurs foycrs
et peu enthousiastes {Jour la cause qu'ils défendaíent-.
Avec de semblablcs troupes, il osa occuper el défendre,
an milieu d'une population hostile, et sans le sccours
d'aucuno force navale, toute l'ilc de New-York el Long-
Island qui la protege et la domine. C'était peut-étre
trop de hardiesse, comme on l'a soulenu depuis, Mais,
malgré le peu d'estimc qu'il avait pour ses solduts,
Washington n'avait pas encere appris a connailre lo,d,c
la supériorité eles íroupes anglaiscs sur les siennes. JI
avait une foi proíonde clans le triornphe de su cause, et
cetto confiance que donne le succes. Depuis longtemps,
d'ailleurs, c'était pour luí une idée Iavorite que de ris-
quer un engagement général el de brusqucr la guerreo


Une triste expérience le fit bicntót changer d'avis.
Les troupes américaines qui défendaient Loug-lslan¡j,


I le' aoüt 1776.
2 Déduetion faite des malades. des absents el des corps ¡Jótuo


chés, l'armée de Washington se réclnisait a 1I ,ilOO horruu cs.
3 « La milice a non-seulernent refusé él'o b'.lr aux ord rcs d,',;


« ofllci crs, rnais elle a.múrnc , dit-on, maniícs:« une vive saii~ra~'~
« t i o n a la n ouve l le de l'approche de l\~lIrlellli.... No us a\TOJi:'i
e. l i cu de: cru.in drc qu'uu licu de se servir de l c u rs arrlles P(II]:-
( nutre dófc~n:;e, i l s n o le::; tuurn crt ¡;Ulllr....: n o us J ü la JJrcllli,'r'u
o( occus ion. lí~as!" lVrit., lo IV, p. :2i~.




LO:\G··\:-;LAND (2/ A01lT 177G). 95


surpriscs et cuveloppécs , tout á coup, par le gros de
I'armée anglaise, Iurent dispersées, mises en íuite, el
n'échapperent it une destruction complete qu'a la fuveur
de la nuit, et en laissant entre les rnains de l'ennemi
plus de millo prisonniers, parmi lesqucls trois géné-
raux l. Cct éclicc démoralisa I'année el. fut le sigual
d'une longuo suito de mallieurs : des regimenls cntiers
se dóbanderent ; dautres reluserent de marchar, el la
confusión se mil. clans tous les rangs : « Nulre situutiou
« est vraiment deplorable, )) écrivait Washington al!
présidcnt du Congrcs.... « C'est avec le plus protond
« chagrín que je me vois obligé de vous avouer le peu
« de coníiance que j'ai dans la pres(lue totalité de mon
« armée..., Toute mesure de notro part doit ctre
« prise avec la crainte que nos troupes ne Iassent pas
« toutes leur devoir : cette idée est pénihle, mais vraie.
« L'histoire, notro propre experience, l'avis de nos
« meilleurs amis dEurope, les craintcs de I'cnnerni, el
« méme les déclarations du Congres, démontrent que
« cette guerre doit étre défensi ve (on l'a surnomruée
« une guerre de postes) el que nous devons toujours
« éviíer une aclion génerale, soigneux de ne rien ris-
« que!', a moins qu'une necessité ahsolue ne nous y
« force". » Un semblable systeme de guerre élait anti-
patliique au caractere de Washington. Il n'avait ni
amhilion ni vanilé , mais une dignité el lID besoin de
bien faire que révoltait secretement la pensée de mar-
cher de rclraite cn rctraite, et de reconnailre á chaque


l:i"i tll.llit 1Tj"G •
• \1 . ¡¡-,-i/., l. IV, 1" 7:2, 81.




96 RETHAITE llE


pas la supériorité de I'enncmi, '\Iais aulnnl il souflrit de
cette triste nóccssité, autant il Sil! s'J (:()]ll'orlllet', Wash-
ingion suhordonna íoujonrs ses passions et ses goúts á
son j ugement et ason patriotismo.


Conformément il ses nouveaux priucipes, il dut eva-
cuer successívcment Long-Island 1, la villc de New-
York 2, rile de Now-York', pnis se l'dircr dans les mon-
tagncs du Ncw-Jcrscy, pOlI!' couvrir l'hiladclphie , el
resler l'armo au liras, pcndant que le g(;néra 1 Ilowe
dévasíait le pays el lui cnlcvait :3,000 houuncs de ses
mcillcurcs troupcs, laissees dnns l'ile ele New-York PO!!!'
défendre le fort Wasuington '. A chaqué inslant, la
láchelé de ses soldats vcnait rernplir son ame d'amcr-
turne, et lui apprendre un 'sentiment qu'il ne connut
que dans celle curnpagn«, le désespoir, AKip's Hay, deux
brigades s'eutuircnt dcvant cinquanto hommes. El!
vain Washington se lanea all rnilieu de ses soldaís, les
mcnaca de son épée, déchargca sur eux SI's pisíolets, d
se rua sur I'cnnomi. Ni la voix, ni les conps, ni I'exeni-
ple du gl~lJéj¡¡I el! clroí'n'arrélerent les troupcs améri-
caincs, el iI tut abandonné dan s une situation si péril-
leuse, que ses aides de carnp ne purenl I'arracher il la
mort, qu'il chorchait dans son indignution, <¡u 'en sai-
sissaní Ia hride de son cheval, et en l'entrainant de I'OI'l:c.


Comptcr SUI' de semblables soldats, c'était, eOITlIIIt' iJ
le dit lui-mérne, « s'appuyer sur un háton rornpu". » II
ne pouvait ni les Iaire avancer sans les ell'l'a~ el', ni les


1 29 ao út ]77G.
• 1:2se ptcrnbrc l'i/i;.
3 J9 ocio bre JI/G.
/) ,0 uovc m brc 1776.
" W,d,. lYrit., t. 11', 1" Jl8.




WASHI"C;TOX (SF.I'T.-IJÉC:. 177G. 07


faire rcculer sans les décourager, ni les punir, de peur
de leur faire abamlonner le service ; cal' ils étaieut sa
seule rcssource , et tout dépendait de leur caprice.
L'époque fixée pour la dissolution de l'armée appro-
chait, etWashington voyait le moment oü ces troupes
si mauvaises, si indisciplinces , rnais qui donnaient
encore le moyen ele Iaire une certaine contenance ele-
vant I'ennerni et ele conserver au moins le fantóme
d'une arrnée, allaienl se déhander légalernent et le laís-
ser seul avec son état-major en présence eles Anglais.
Ce n'est pas tout. Au bruit des succes ele I'ennerni, les
loyalistes relevaicnt partout la íéte, et les amis de I'in-
dépcndance perclaient courage. Apres tant de fatigues et
d'angoisses, il Iallait encere surveiller et intimider les
premiers, rassurer les seconds, écrire au Congres pour
ranimer et éclairer son zele, aux. assemblées provin-
ciales pour prcsser la levée eles troupes, apaiser les
divisions et les jalousíes de ses généraux , et fermer
son cceur aux plaintes des colonies dévastées par les
Anglais. Dans les raros momcnts ou son ame fut alors
trouhlée par la lassitude elle dógoüt, Washington doutu
peut-éíre quelques ínslants du succes, mais il ne se
laissa point abattre par ses doutes, et resta aussi ferme
que s'il était encore plein de foi. En rnóme temps qu'il
écrivait ason írerc Jean-Augustin Wqshington: (( Soit
( dit entre nous, je craius que la partie ne soit bicntót
« perdue ', » il rópondait sans hésilaíion il ceux qui lui
dcruaudaicnt ce qu'il ferait si Philadelphie était priso :
« J\OIlS nous reíirerons au dclá de la rívíerc Susquc-


I tl·,¡,h. I)'l'it., l. IY, p. 231.


7




98 RETRAITE


(l harma, puis, si c'est nécessaire , an deja des monts
« Alleghanys l. )) Washington se laissait encere ruoins
aveugler par lacrainte que par la confiance, et les maux
qui le poursuivaient no luí Iaisaient point ouhlier- les
difficultés que rsncontrai! l'ennemi. Tant que le dra-
pean de I'indópendance rcstait debout, fúl-ce dlUJS le
désert, George JII devaít cntretenir une armée en Amé-
rique, it des condítions ruineuses, ct ótre vaincu, ü la
longue, par l'opposition des contrihuables anglais, sinon
par l'épée de Washington.


C'est ce que le général Howe scrnblait ignorer, el
croyant snns doute assurer ainsi sa victoire, il laissait
trainer la guerrc, se contcnlant de hurusserWashington,
quand il aurait pu l'écrascr. Sa tímidité ct ses lenteurs
sauverení l'armée américaine pendant cette campagnc, '
la plus désaslreuse de loute la guerre, ct qui aurait pu
étre la derniere. Lorsqu'il avait remporté quelque a van-
lage, au lieu de le poursuivre, il se jetait sur un autre
point, sans plan ni méthode, el s'embarquait dans une
Ioule de peliíes expéditions, parfois bien conduites, mais
jamáis décísíves. C'cst ainsi qu'il reconquit successive-
ment le New-York, Ilhodc-Island ct le New-.Iersey, sans
oser s'attaquer an corps principal de Washington, ni
risquer un engagernent général. Souvent, il venait se
ranger en bataille devant les rctranchements des Amé-
ricaíus, comme pour leur oflrir le combat; puis, effrayé
de la forre de lcurs posi linos, il se rctirait, laissant au
Iroid, á la íai m et a la déscrlion le SOIlJ de déLl'tlirc l' ar-
mée ennemic. Cela éíait plus aisé que de surpreudru




DE WASHINGTON (sEI'T.-n};c. 1776:'. 90


Washington dans sa marche, ou de l'altaqucr dans ses
carnps. Ce gran(] général savait, avec une habileíé mor-
veilleuse, choisir ses positions et cachcr ses mouve-
rnents el sa fuiblesse. Un rnornent, son arrnée fut réduiíe
amoins de 3,000 hommes , sans que ni ses propres sol-
dats ni le général Howe pussent s'en douter. II continua
sa retraite aussi leníement que s'íl était encorc a la tete
de Iorces considérahles, et se fortifla si bien derriere la
Dolaware que les Anglais ne furent point tentés de l'y
suivro.


La prudence et la circonspcction reciproques des deux
généraux avaient até jusque-la toute animalion et toute
vivacité ala luíle, C'était une guerre de positíons, froide
comme une paríie d'échccs: peu de sang répandu; peu
de combats héroíqucs et d'aetions d'éclat ; un seu!
grand specíacle, la fermeté de Washington dans la mau-
vaíse fortune , sa lutto sans reláche contrc le déconra-
gemcnt, la pour, la trahison des síens, et contre les
eííorts victorieux de l'ennemi.


Tout acoup les choses chungerent d'aspect, Le freid,
plus rigoureux encere qu'il ne l'est de coutume acette
époque 1 dans le nord de I'Amérique , venait de con-
traindre les deux armées il prendre leurs quartiers d'hi-
ver, et les Anglais, croyant la carnpagnc terminée et
Washington réduit a I'impuissance, avaient éparpillé
leurs troupes dans la campagne, pour les rnetíre al'abri.
Trenton, petit bourg aquelques milles du carnp améri-
caín, et sur le bord opposó de la Delaware, ótail gardé
par frois régiments hcssois, qui formaient les avant-




lOO BAT.HLLES DE TltEXTO:'\ ,2D DFC. 1'77D)


postes ele l'armée anglaise. Washington prit soudaiu la
résolution de les enlever et de rornpre la ligne de l'en-
nemi, en reprenant vigoureuscment l'oñensive. Par une
nuit sombre, au milieu d'un aílroux oragc, il réunit
secretement 2,500 hommes et vingt pieces de campa-
gne, passc la Dclaware sur la glace, et divise sa troupe
en deux détachernents qu'il lancc sur Trenton par eles
cótés opposés. Il entre dans leIJonrg avant que les
Hessoisaient pris l'éveil, tue tout ce qui fait la moin-
dre résistance, prend plus de huít cenls prisonniers
ct six canons, et se retranche fortement pour attcndre
l'enncmí t.


lUais le tcmps de scrvicc de ses soldats expire alors :
ils refusent de s'exposer a des fatigues el aeles dangers
nouvcaux ; ils rnontrent leurs hlcssures ct rappellcnt le
sor! de leurs malheureux camarades qui, les uns, ont
succornbóatant de maux, et les antros, gémissent dans
les prisons des Anglais, Cependant, au dornier moment,
ils n'ont pas le courage d'abandonner le général qui
vient de leur apprendre avaincre, et par affection pour
Washington, ils cedent ases supplications, et promettent
de rester encore quinze jours,


Penelant ce temps, sir Williarn Howe se reposait á
New-York dans les plaisirs, et se faisait adorer ele son
étaí-major par la profusion ele sa table ct les gráces de
son esprit. Il ne voulut pourtant pas laisser Washington
íranquille possesseur de Trenton, el. envoya le géuéral
Cornwallis pour l'en déloger. Le 2 jan vier -1777, les
bataillons de lord Cornwallis s'avanccnt avec ardeur sur


1 Z13 Jéccmbre 1776.




8] DE pnr1'íCETO:-¡ (2 JANV. 1777). 101


Trenton el rcnversent les avant-postes americains, La
nuit qui les arrete favorise les projets de Washington. Il
a rcconnu la supérioriíé de leur nombre et s'est décidé
h ahandormer sa position. Jl fait entretenir les feux et
creuscr un retranchemcnt, aquelqucs pas de l'ennemi,
pour le tromper, se lance StH' ses derriercs, arrivc a
Princcton au lever du soleil, me! trois régiments anglais
en déroutc, el se retire avant que lord Cornwallis ait [HI
se jeter asa poursuite. Les Anglais, se souciant peu de
continuer en hiver une sernblable Iuíte, rctirercnt lcurs
troupes du New-Jersev, et Washington établit ses qual'-
tiers d'hiver ú ~lorristown, aquarante milles en avant
de la Delaware.


En huit [ours, il avait gagné deux batailles, obligó
l'ennerni ala retraite, et changé la faee des aff'aíres.Le
puhlic, en Europe cornme en Amérique, resta tout l'hi-
ver SOllS I'impression de ces succes, et ectte brillante
expédition, faisant oublior les malhcurs de la campague
en la terminant, releva le crédit el le courngo des cham-
píons de l'indépendancc, et facilita la formation d'nne
nouvellc armée.


Depuis trois mois, la réforme de I'organísatíon mili-
taire était le principal sujet des préoccupations de
Washington, cornme de sa corrcspondance nvec le Con-
gres. La prochaine dissolution des COl'pS 1'01'H1és dcvant
Hoston et les revers auxquels l'avait exposé le désordrs
qui régnail encere duus ses troupes, lui imposaient ces
préoccupalions COlllIl1C une nécessité et un devoir. Par-
tout il en était poursuivi , sur les charnps de hataille, a
la table dn conseil , daos les veilles de la nuit. Suivant
toules les probnbilités, la question entre l'Anglctcrre et




102 REFomm DE L'üRGANISATIüN


l'Amérique ne devaít pas étre vidée dans la campagne
de 1776: tout dópendait done de la nouvelle arrnée, de
sa constitution ct de sa discipline, de la valeur et du
.nombre des reerues.


La courte durée des engagements et le pctit nombre
des troupes régulieres, l'absence de sanctions penales
sufflsaníes pour réprimer la licence des soldats et le peu
d'étendne des pouvoirs du général en chef, telles étaicnt
les principales causes des derniers malheurs, tels furent
les poinls sur lesquels Washington appela successive-
ment l'attentíon du Congreso


Une armée permanente el uniforme, organisée sur
le modele des troupes européennes, bien payóe, bien
nonrrie, séverement eonduite, voila ce qu'on devait
opposer aux tro: :pes anglaiscs, souspeine de tOnt pcrdre:
lit scnlemcnt était le salut. Des le cornmencement de la
guerre, Washinglon l'avaií répété sans cesse; mais les
déíianccs du Congres et de I'opinion publique eonLrele
pouvoir militairc, les préj ugés alors ala rnode contre
les armées permanentes, avaíent triornphó de sa pré-
voyanee et de sa sagesse : il avait faIln attendre les
lecons de l'expéricncc. Qllane! I'cxpéríence cut parlé,
quund le dan gel' fut devenu imminent, Washing-
ton ne voulut plus se Iaisscr arrétcr ni par le déplaisir
des rnasses, ni par la logique étroite de quelques théori-
ciens politiquea : « La méfiance qu'inspire une armée
« réguliiJre, et les maux qu'on en pourrait craindre, ne
« doivent pas nous effrayer, dans la posiíion ou nons
« sommes " )) écrivait Washington au président du


1 Was/¡. w-e., t. IV, p.1l5.




MILITAIRE (1776-1777. 103


COllg"I'L'S, el 101m les jours ses leítres an Congrcs devin-
rent plus pressanlos el. plus impérieuses. .T usque-la, il
s'était contentó d'ex poscr rospectueuseruent.sa situation,
de se plaindro de I'insuffísance des moycns mis asa dis-
positíou, d'indiquer le remede a tant de maux el de
désordres : mais, alors, son ton devínt plus href', plus
militaire el. plus rudc ; il Iut snns pitié pour l'esprit de
routine el, les iJIUSiOllS du Congres, sans ménagcments
pour l'amour-proprc de ses concitoycns, pres<lue dur i!
force de bon sens et d'autorité, Comme le Congres fai-
snit des diffícnltés pour augmcntcr la solde des troupes,
el comptait encere, pour lever une arméc, sur le zele el
l'ardeur patriotique dont le peuple avait Iai! preuvc al!
commencement de la révolution : « Croire,» s'écria Wa-
shington, ({ qu'une fois le premier enlliousiasmo passé,
(/ tant d'homrnes ócouleront un auíre eri que celui de
« lour intérét, c'est s'uttendre il ce qui ne s'est jamai-
« VU, ace qui no se 1erra jamais. Le Congres s'abusc ,
« s'il y cornpte, Le nombro de CCIlX qui agisscnt ayer
« désintácsscment cst si pctit, qu'on pourrait le com-
« parer il une gouttc d'cau dans l'Ocóan l ••.• D'ailleurs,
(( tant que les offlciers auront licu ele l)(']]SC" qu'ils rcn-
(( den! un scrvíce plutót qu'ils n'en recoivent, il y aura
« reláchemcnt complot dans la discipline 2. »


Le Congres céda enfln. La solde fut augrnentóe ; des
concessions de terre lurent promises aux soldats qui
s'cnróleraiení pour tout le íemps de la guerre ; la plus
courte durée des engngcmcnts f'ut 11\.é(; a troj" ans, el


1 rVosh. Wát., t. iv, P 111
" ¡y,,,h. IV"'t., L IV, p. 132.




104 Hf.:FOR}fE DE ¡;OHGA:\ISXfIO:\,


le nombre des halaillons porté ú quatrc-vingt-huit '.
Bien (me tout cela fút encere ínsuffísant, c'était déjá
heaucoup , si 1'0n parvcnuit a le róaliser. Mais tel
était le chaos révolutionnaire dans Iequel l'Arnérique
était plongéo que, dans la plupart des États, les déci-
SiOllS¡ du Congrcs furent regardées comme non avenues.
H fallut done continuer, comme par le passé, a vivrc
d'cxpédients, as'accommoder le rnieux possihle de 1'1m-
meur et des dispositions parficulieres de clraque l~tal,
el a compter sur la rnilice pour faire nombre. C'était
cornptcr sur le néant et introduíre le désordre dans
l'arrnée : « Si j'élais appelé arépon~lre, sur la foi du ser-
« ment, a celle 'I uestion : Les milices n011S out-elles été
« utiles 011 nuisíbles t jo nhésiíerais pas ame prononcer
« pour cette derniere opinion ';» disait Washington. Et,
en cffet , jamais il navait fail appel a Ieur dévouemcnt
sans que leur contad n'eút détruit tout esprit militairc
dans l'áme de 51'S soldaís, Iléjil si inexpórimentés et si
timides. Les troupcs, démoralisées par lcur exemplc,
devenaient luches, feroces el pillardes, ouhliaient Ioute
honíe, fuyalent l'cnncmí, et apprenaicnt a nc plus exer-
cer Ieurs Iorces qu'en se livrant il toutes sortesd'exces
sur les propriétés el les personnes des malheureux loya-
listes. Les habitudes et les passions des mcclings ren-
traient dans le camp ; les haines provinciales el l'csprit
d'égalité se ravivaient ; les différences de solde el de
discipline éveillaient des [alousies dangerousos entre
les miliciens el les soldaís : tous les jours c'éíaient des


I S"ptem bre 1776.
i ~Va,h. l\'lit" L IV, p. lll.




MILITAIRE (1716-1777). 105


rixes entre les hommes , et des révoltes contre les oífl-
ciers qui faisaient leur dcvoir. Leur nombre n'était pas
grand : la plupart trouvaient plus commorle de partagcr
les querelles et le butin de leurs soldats que de les


.punir; et d'ailleurs cornment les punir? « Un soldat, ))
I dit Washington, « ne recoit que trente coups de fouet
« pour le chátirnent des crimes les plus atroces: ces
«( coups effrayent si peu certains dróles endurcis, que
« plusieurs d'entre eux ont déclaré qu'ils suhi raient
« voloníiers la méme correction pour une bouteille de
« rhurn '. ))


La milice n'était pas seulement un élément de désor-
dre dans l'armée : elle était aussi une cause de ruine
pour les finances des États-Unis. Comme on ne l'appe-
lait guere que dans les moments difficiles, on ne pou-
vait la reunir qu'a grands frais, et en promettant aux
hommes des primes considérables. Plus le danger était
pressant, plus les popnluíions tardaient avenir se ran-
gel' sous les drapeaux, plus il fallait élever les primes,
Chaquc État en donnait ; chaquo ville y ajoutait encore;
el comme toutes lés dépcnses occasionnées par la guerre
devaient étre supportées en totalité par l'Union, on en
prenait ason aise.


Cet aveugíe égoísme local se manifestait en toutes
choses, Pour le satisíaire, il avait fallu laisser aux divers
~:tats le droi] de désigner eux-mérnes, [usqu'au grade
de colonel, íous les officiers de leurs conlingents dans
I'arrnée de l'Union : et méme pom la nomination des
rjénéraux, qui avait été réservée au Congres, l'origine


I >Vash. 'Vrit., e.rv..». 118.




HlC '.VASHI,\(iTON EST !":Vr.STI PAR LE cO"lnm~s


¡"[ait une consi.lórntion pbs importante que le mérite.
Cctte lutte eles vanités ei des intéróls avait produít de
déplornbles choix, et il ótait devenu aussi nécessaire
d'épurcr le corps des oífíciers que d'augrnenter le nom-
bre des soldats.


Mais Washington n'en avait pas le pouvoir. Les cir-
conslances étaient devcnucs plus critiques, les diífícul-
tés plus grandes encere que par lo pas-é, ot le Congres
persistait ale tenir en tuíellc, L'arrncc en ctait inclignéc,
el le hon sens de Washing;ton s'cn révoltuit encoré plus
que sa ñcrté. nse dócida enfin adcmander lui-mémc,
dans l'intérét de son IJays, ce pouvoir qu'on lui avait
j usque-lá íant marchando, el il lem avec touto l'nutorí té
'l"O lui donnaient su popularité ct ses serviccs : « Si le
« pon d'instants qui nous restent pour préparer et exó-
« cuter des mesures im portantes, )) écrivait-il le 20 dé-
cernbre ! 77G al! président du Con.rres, en parlant de la
réorganisatíon de l'arméc, « cst cmployé ú consultor le
(J Congres sur leur opportunitó si evidente pour tous,
« si nous attendons qu'il nous <lit Iait parvenir ses déci-
« sions aune dislanco de ccnt (!uaranto millos, nous
« perdrons un ternps précicux, et nous manqucrons
~ notre but. On m'objoc.ora que jo reclame des pou-
a voirs qu'il cst dangcrcux de confícr : mais aux maux
« désespérés il faul des remedes extrémes...; Personne,
1,( j'en suis convaincu, n'a jamais rcncontré autant
« d'obslacles que mol sur sa route '. »


En se rapprochant d'eux, le darurcr flt ouhlicr aux
mcmhres du Congres Icursprécautionsct lcurs dóflanees




DE POTJVOmS nrCTATORIAUX iZ¡ nrr.. 1'77(1). 107


hahítuelles. Philadelphíe était menacée par l'ennemi :
il avaít fallu abandonner le lien de leurs délihéraíions,
et ils s'étaíent retires, pleins de découragement, úBalíi-
more, oú la nouvelle de la. bataillo de Trenton n'était
{las encore venue leur rendre une fatale conflnnce.
Auíant par sentiment de leur faiblesse que par défé-
rence pour le [ugcment de Washington, ils se décíderent
a l'invcstir pour six mois de la dictnture mililaire 1 :
« Loin de me croire dégagé, par cette marque de con-
tt fíance, de toute obligation cicile,» écrivait-il uu comité
chargé de luí notifler la résolution du Congres, « je me


1 :¿¡ décembre 1'7'76.-< Le Congres ayant múrcmcnt réfl ócln
« sur la erise aetuelle, et se r oposant, ave e une parfaite co n-
'( fiance, sur la sagesse, la v¡gueur et la droituro du général
« Washington,


« Décreto quo lo général"Washington sera et est, par ces pré-
se ntes , invcsti de pl cins, am plcs ct cornplcts pouvoirs pour
l evcr ot réunir, de la maniere la plus prompte et la plus effi-
cace, seiz" bataílIons d'infun tcric, outro ccux déja votes par le


( Corigrcs , n orrnnc r les oíficiers d es.dits batai llo ns dinfuntcric,
Icve r, gradcr ct éq uipcr tr ois rnilic ch cvau-légcrs, trois 1'(g[-
ments d'artilIerie et un eorrs d'ingénieurs, el íixer leur paye j
s'udrosser. pour obtenir lo scco urs de la mil ice, a ceux des Éta[,;
qu'il jugcra conv cuab l e ; forrncr des I11t1gasins de v ivrcs au s-u


« eonsidérables, et on tols Iic ux qu'ille jugora apropos; d(pln-
c. cer et nomrne r tous les oiliciers au-desso us du rang de briga-
« dicr g6n(~réll, et remplir toutcs les va c an cc s dans iDUS les auucs
« grades de l'armée américaine; prenclre en tout lieu tout ce
" qui sera jugé nécessaire aux bcso ins de l'armée, si les lwbi-
« tants refuse nt de le vendre ¡, des prix raisonnables; arrótcr el
« meitre en prison tout indivi du qui refusera de prendrc la tu on-
.: nuie de I'Union , ou qui se mo n tre ra, so us d'uutres rapports,
« hostile 11 la cause américaine; cnvoyer aux États don! le co u-
" pa ble serait eitoyen son nom , un rapport sur la n atur « d u
e: délit, avcc les preuves a l'appui.


« Le g(,néral Washiugton est investi des pouvo irs ci-de;;slls
« m en í.ion nús pour et dura.nt le tenue de si x m ois , 11datc r de' l'0
c: jour, a mo ins qll'il n'e n sui t autrement décjd{' li:1r le Conbrtl~;.




1\\8 USAGE Qt:E WASHT",nTON


« souviendrai toujours que l'épée , Ú laquclle nous
« n'avons fait appel qu'á la dernicro extrémité pour la
« défense de nos libertes, doit élre posée des que ces
« libertés seront fermement établies 1. »


Est-il besoin de dire que Ie général n'abusa point de
la dictature, que les aííaires de l'Union s'en trouvercnt
mieux, et que pourtant les démagogues surent décou-
vrir, dans tous ses actes, des empiétements SlJ[' leurs
droits, et des pretextes pour déclamer contre ses inten-
tions? Eux qui , [usquc-lá , avaicnt poursuivi de leurs
violences les lo~alistes,. ils s'en Ilrent tout á coup les
défenseurs eontre la prétendue tyranniede Washington,
et lui reprocherent sa fermeté comme ils lui avuient
reproché sa modération. Tant et de si absurdos calorn-
nies n'excíterent dans son ame qu'un peu d'amcrtume,
dominée par beaucoup de mépris ; elles ne purent alté-
rer en rien sa résolution de faire son devoir atous ris-
queso Les Iovalistes furent contraints, soit a préíer ser-
ment de fidélité ala cause des États-Unis, soít ú se reti rer
dans les lignes anglaises; I'arrnée fut abondamment
pourvue de magasins; le nombre des bataillons fuL porté
a cent dix ; un plus grand développement fut donné
aux armes spéciales; les officiers indignes furent revo-
qués et remplaces par des militaires capables et bien
nés, L'expérience avait confirmé les goúts arislocra-
tiques de Washington, et il avait appris a ses dépens
combien est dangereuse dans une arrnée trop de corn-
plaisance pour l'esprit démocratique : « Ce dont il íaut
« avant tout se garder, dans le choix des offlcicrs, »
disait-il, « c'est que les offícicrs et les soldals ne soient




FAIT DE LA DICTATUHE (1777). 109


« de conditions trop rapprochées, La hiérarchic des
« rangs passe souvent de la vie civile dans la vie mili-
« taire, Quand d'anciens servíces n'entrent pas en ligne
« de compte, la regle doit étre de chercher si le candidat
« peut a juste titre passer pour un gentleman, s'il a
« un vrai sentírnent de l'honneur, et une réputation a
« risquer ', » C'est avec de semblables príncipes que
Washington fonda une république démocratique.


I\lais s'il savait tenir tete aux clameurs de l'opinion
publique et aux ambitions subalternes, il De se faisait
pourtant pas un jeu de rechercher l'impopularité. 11 De
se croyait point appelé a redresser tous les préjugés et
les rnauvais instincts de ses compatríotes : il savait au
besoin en tenir compte et les ménager.


Le général Schuyler , commandant de la division
du nord ", dont les opérations, pendant la eampagne
de 1776, s'étaient réduites it I'évacuatíon du Canada et a
quelques exploits infructueux du général Arnold sur le
lae Champlain, ayant eu beaueoup asouñrir de I'hu-
meur indépendante des troupes de la Nouvelle-Angle-


1 Wash. Writ., t. IV, p. 139.
2 En vertu de plusieurs résoluti ons sueeessives du Congres


(juillet 1775-février 1776), les États-Unis avaient é tó partagés en
trois grandes divisions militaircs (rnilitarH departements) : eelle
du Nord, cel le du Centre et eelle d u Midi. La di vis ion du Centre
éta it sous le commandcment imméeliat ele Washington. A la tMe
de ehacune des deux au tr es se trouvait un mujer général, so us
les ordres du commandant en chef. Les g,;n(;raux Philippe
Scliuylcr (juillet 1775) et lioralio Gates ~aoÍit 1777) furent suecos-
sivcrnent appelés au eommandement de la d ivis ion du No rd ; e t
les génórauxCharles Lee (l"mars 1776), Benjamín Lineoln (8 oc-
brc 177K), Horatio G,nes (13 jnin 1780) e t Nathanuel Grecne
11,1 oc to bru 1780) acclui de la divisiou du .Mieli


,..,-"


" ,-


e


.......




110 DE FlANCE DE WASIIl'i(; TO'i


torre, qui íormaicnt le Iond de son armée, demanda it
Washington de les remplacer, en partie, par des íroupes
virginiennes, C'ótaient les mcillcurcs et les mieux dis
ciplinées, Malgré l'importanco de l'armée du nord
et des posiíions occupécs par le génóral Schuyler ,
Washington ne voulut jamais consentir a ce mélange ;
connaissant la violcnce des haines et des rivalités pro-
vincialcs , il sacriíla les besoins du service rnililaire il
la entinte de blcsscr l'amour-proprc des habitnnts de
la Nouvelle-Anglelerre ; et dans la compositíon de ses
arrnúes , il evita avec soin de mettre en opposition et
en contact les populatíons des diverses parties du con-
tinent.


Non-seulementWashington savait ménager les pas-
sions de ses compatriotes ; mais souvent il les parta-
geait, jamáis cepcndant au point de ne pouvoír s'en
uílranchir. Il avait conservé centre la Franco et les
Francais tous les préj ugés de sa race, et il ne s'cn déílt
qu'avec peine. Longtcmps il rcfusa de croiro a ceHe
intervention de la Franco dont tant d'esprils attcndaiení
déjá le salut des Étals-Unis, et qlle prometLaient sccre-
temen] les agenls diplomatiques du Congres : i.t peine la
désirait-il, et loin de chercher aintéresser les Fraucuis
asa cause, il, traitait avec une dureté dédaigncusc les
jeunes oíflciers qui, soit a l'insu, soit par la tolérance
du gouverncmcnt de Louis XVI,cornmencaient aaccou-
..ir dEurope. Le Congres, qui, dans son engouerncnt
pour eux, se flattait d'ótre plus llaulle, leur donnaít des
comrnissions, souvent íort au-dessus de leur mérito,
sans trop s'inquiéter de l'eñet que pouvaient produiro
sur I'unuce de semlilables choix. Pour la plupart des




A L'EGAHD DE LA FItA:\C!: :!iiS). III


oíflciers américains, les volontaircs francais rr'etnieul
que des intrus venant leur enlever leurs plnces, et ma-
nifester au monde le peu de coníiance du Congres dans
la capacité et l'expérience des militaírcs nationaux.
Washington partagenit ces sentiments, et il se montrait
plus soucieux de délcndre les droils des siens que de
courtiser de pctits gcntilshommes, dont le zelc el les
exigcnces l'impaticntaicnt égalcmcnt. C'étuient a ,ces
yeux de pu rs aventuriers, de purs rnercenuires auxqunls
il étaít dangereux de se fiel' : ( Aucun autre líen qlle
« l'intérét n'altache ces homrnes aI'Arnérique, » disait-
il, « et quant a la Franca, elle ne nous laisse prondre
II chezelle nos munitions qu'á cause des bénellces qu'en
« retire son commerce i.» Washington ne croyait guere
au désintéressement des hommes en général : a peine
comptaít-il sur colui de quelques-u ns des dófenscurs
américains de sa cause, et il était plus que sccptique
sur le compte des dévouernents étrangers ..1usque-Ia peu
au courant des affaires et du monde curopécns, il ne
savaít encare ni tout I'intérét que la Frunce avait au
succes des Etats-Unis, ni tout I'ntlrait qu'ont ponr nous
les gloricuses aventures, ni tout~ la puissance de la
svrnpathie sur nos ames. Un jeune gentilllOrnme, qui
débarqua en Amórique au mois de juillet 17í7, lit le
marqnis de Lafayette, appril ú \\'ashington tout ce qu'il
pouvait ignorcr ü cet ógard.


Un grand hcsoin de mouvemcnt eL de rcnom, une gé-
néreuse ardcur pour la cause do la liberté, el une certuiue


t \Ya,h. Writ., t. IV, p. 3V¡" 4i!4.




112 LE MARQUIS


perspicacité politiq ue qui lui faisait entrevoir les avanta-
gcs que son pays pouvait tirer du démembrement de
l'empire britannique, voila ce qui avait poussé M. de La-
fayette á abandonnerr á dix-neuf ans, sa jeune fernme ,
alors sur le point d'accoucher, a se brouiller avec sa
familIe et la cour, el ;l sacrifier une portion considé-
rable de sa forlune, pour venir défendre contre l' Angle-
torre les Iíbertés américaíncs. Qlland iI arríva aPhila-
delphic, le Congres lui-rnéme commencait ase dégoúter
des volontaires européens , dont l'Impcrtincnce et les
prétentions croissaient tous les jours, avec la difficulté
de les employer. M. de Lafayette Iut d'abord éconduít,
J\1ais son grand nom, sa fortune, ses bonnes manieres et
sa belle tournure, les chaudes recommandalions de
Franklin, alors commissaire des États-Unis á Paris,
flrent changer ces dispositions du Congres, et la froideur
du premier accueil fit hientót place al'empressement el
á l'enthousíasme, M. de Lafayette devintla curiosité du
jour. On n'avait jamais vu un grand seigneur de Ver-
sailles aPhiladelphie; la vanité dérnocratique s'en aífola,
et ron se crut obligó de le faire d'emblée major général ',
C'étaítpeut-étre une faveur un peu excessive ; du moins
Washington le pensa, et il traita d'ahord le [eune major
général avec une politesse aussi calculée que préve-
nante, qui cachait le désir de ménager son amour-pro-
pro, sans lui confícr quoi que ce íút de sérieux. l\lais,
peu apeu, la nature insinuante el syrnpathiquo de M. de
LafayeUe, son éclatante bravoure et sa fidélité flrcut
oublier aWashington ladéfiance que luí avaient d'abord


1 ;11 juillet 1777.




m: LlFAYETTE (17'77), lli


inspiré« son úge el sa race, et le CCEW' touché du dévoue-
rnent et de la déíércnce ele ce noble étranger, qui avait
(Ollt qnítté pour se metíre a son service, il lui vouaun
attachcmcnt qui ne se dérnentit jamais, el dont M. de
Lufavetle se montra digne. Sa conduite , pondant la
gllerl'e de l'indépendance, Iut toujours honorable, SOli-
vent héroiquc , quclqueíois tres-judicieuse : ce, qu'il
avait d'intempestif dans le caracterc et d'un peu chirrié-
rique dans l'osprit fut temperé, en Arnérique, par l'at-
mosphere de hon scns dans laquelle il vécut, par les C01I-
seils paternels et la douee ironic de Washington, par la
cruintc de l'affliger et le désir ele grandir dans son
estime.


I}wncl 1\1. de Lafayette arriva a Philadelphie, une
grande incertiíude régnait encore, dans l'état-major an-
glais, cornme dnns l'état-major amérícaín, sur les pro-
jels de sil' William Howe. On avait passé la fin de l'hiver
el [out le printcmps ü guerroyer sans résultats impor-
tants, a se dispute!' des magasins, a interceptor des
convois, el ron supposait générulcmcnt, dans les deux
carnps, qne le comrnandant anglais ne tardait tant a
entrcr en cnmpagnc, d'une facón sérieusc, que pour opó-
rer sa jouclion avcc l'armée réunie dans le Canada par
le general Burgoync'. Marcher, par les bes d l'Hudson,
SIl!' New-York , en balayant sur son passage la division
allléricaine du nord, tel était en effet le plan du géné-
ral BUl'gO;:'IW, bel esprit en faveur a la cour , miliíaire


I A.u debut de la campaglie de Jil/ , l'ensemble des rarees
angla:ises en Amér ique morn ait 11 32",/5 hommes, do n t 2(1,ü:n
dans les Éuus-Unis el 11,U\8 dan s le Can ada. -- On 1'euI (valuer
tout au plus 'l 25,000 hommes le nombre total des truupes régu-
liercs américaiues acette époque,




J14 PLANS DES GENEliAUX ANG LA1S (1777).


de salen, d'une bravoure brillante, mais plus redou-
table par ses épigrammes que par ses talents mili-
íaires. Son pian, concu avec intelligence, fut mal exé-
cuté. 11 ne sul ni étudier le pays qu'il devait traverser,
ni se concerler avec le général Howe, et pendant qu'il
s'engageait témérairement avec 8,000 hommes dans des
déserts marécugeux et montagneux, dont les défilés
étaient gardés par des généraux habiles, sir .William
Howe formait secreternent de son cóté des plans qui
éloignaient le gros de l'arrnée anglaise du théátre de la
guerre dans le nord,


Depuis un an, le point de mire de toutes ses opéra-
tions était Philadelphie, ville ouverte et dont l'occupa-
1ion n'offrait aucun avantage sous le rapport militaire;
mais le Congres s'y étant réuni des le commencement
de la révolution, le général anglaís espérait de la prise
de cette ville tout l'effet moral que produit sur un peu-
pIe la perte de sa capitale. C'était bien mal eomprendre
ella constítution politique, et l'état des esprits aux États-
Unis. Philadelphie n'était la capitule que de la Pensyl-
vanie; son importance était aussi passagere que la
présence du Congres, et devait disparaitre, pour éíre
transportée ailleurs, le jour ou les Anglais y entreraient
et ou le Congres en sortirait. C'est ainsi que le général
Howe sacrifia les suecos décisiís que devait arnener la
coopération des deux armées aune idée purement chi-
mérique.


Il prit, pour se remire a Philadelphie,un chemin si
étrange qu'il Iaillit tromper Washington sur ses inten-
tions. Apres avoir perdu tout le commencement de la
saison dans des marches el des centre-marches inutiles,




lJATAILLE IlE LA jaL\';f),{IVI\E .u ,hl'!. lYí~.. l I»


il Loe dirigea, par nier, vers la Chesapeake, d,\n5 la saison
ou les vents du sud souíflent avcc le plus de violence,
et ou la traverséc eSL le plus diíflcile. 11 ne put corn-
mencer son déharquemcnt au cap d'Elk que le 28 aoút,
apres avoir épuísó ses hornmes et ses chevaux par les
fatigues de deux rnois de rner. Washington avaít passé
tout ce temps dan s la pIus grande perplcxíté, ne sachant
ce qu'étaicnt devonues I'nrméo et la flotíe anglaises,
quels étaient les poinls menacés et oú il fallait porter son
armée; mais il s'étaít tenu prél pour toutes les éventua-
lilés, et ne fut point pris au dépourvu, Des que l'escadre
anglaise avait été signalée ala hauteur des caps de la
Delaware, il s'était háté de couvrir Philadelphie, bien
décidé ti. risquer une hataille rangée, pluíót que d'aban-
donncr cette ville sans eoup férir.


Le général Howe avait '18,000 hommes, et Washington
n'cn comptaií guere que H,OOO. Son arrnée était encore
trop inexpérimentée et trop peu nombrcuse pour vaincre
I'armée anglaise ; mais elle était assez bien organisée
pour pouvoir supporter une dcíaite ; el, d'ailleurs, il fal-
lait, i¡ [out prix, réveiller l'attcntion et l'enlhousiasme
des IIHlSSCS, qu'une retraite sans incidcnts cut laissó s'en-
gourdir, Les deux armées se rencon lreren] sur les bords
de la rivierr, Brandywinc, avingt-cinq milles en avant
de Philadelplrie '. Les Américains furent battus, mais nou
plus honteusemen t cc;rmne l'année précédcntc, L'elret
des reformes de Washington étai! déja visible. L'incxpá-
rience des troupcs élait encere la méme, mais leu r m 0-.
ral s'était relevé: elles soutinrcnt le feu avec courags,
nc se déhauderent poiní apres l'actiou , el malgré Ieur


1 11 scptcrn brc 1717.




111) lHTA1LLE J)E (;r:lDIA:, 1'00V:\ :1 "L!. 17~I.
dófaÜl', elles prircnt el inspirercnt conflance dans leur
force. Par des manreuvrcs liahilcs, Washington retarda
l'entrée des Anglais dans Philadelphie jnsqu'au 2í sep-
tembrs ; puis, COHlIllC pour les dMier, il vint se posler a
quelques millos dc leur campo en moment meme, il
concut I'cspoir de surprcndrc d de détruiro l'armée en-
ncmie qui, un lieu de se concentrer dans Phíladelphie,
s'était dísséminéc dans les cnvirons, Se lancant, tout á
CD1lp, avec la masse di" ses Iorces.jsur les nvant-postes
anglais de GennanlowJi, il les renversa, et se crovui]
déja súr de la victoire, lorsque ses soldats, trappés d'une
terreur panique, prircnt la Iuit« dovant un corps amé-
ricain, qu'un épais hrouillard leur fit prendrc pour un
COl'pS enuemi, et transformercnt lcurs prcmicrs succes
en une sanglante défaile 1. Malgré le malheureux résul-
tal de cette expédition, 11 hardicsse ella confiance avec
laquelle il avait repris I'olfensive, apres la bataille de la
Brandywine, fircnt une tclle imprcssion sur le général
Howe, qu'apres avoir Iait mine 1If¡ instan! d'attaquer
\\ashillgton, ille laissa rnniíre du pays, sans l'inquiéler
davantage , et ne s'occn [la plus, jusqu'a I'hiver, qu'a
détruire les chcvaux de frise, lcs forts et les obstacles de
tous genres qui eníravaient la navigation de la Dela-
warc, et a rétablir des communicaíions dirccles entre
sa flotto et son arrnée. Vers lelO décernbre, le íroid
dcvint lel qu'il fallut son gel' de part et d'aulrc ü se mcttro
ú I'ahri plulót (lli'a cornbattre. Les Anglais scnfermeron [
dans Philadelphie. Quant il Washington, il prit l'héroúJ ue
résolution de tenir tout I'hiver la campagne.


! ·1 octubrc l'Tí7.




S(~I'l'l:!'('!'dam les villes de I'intéricur, c'eútéíé abad-
11011111'1' au p,t':w';l'allIowe un riche pays, dont la popula-
tion n'était que trop dispost'C arratcrniser avec l'ennemi.
Pon!' le tcnir en {~clw(;" il fnllait cnmpcr dans son voisi-
nage, el le hnrceler par de continuelles attaques. C'est
ce qne fil.Washinglon, el se retranchant dans la forte
position de Vallev-Forge, avingt millos de Philadelphic,
il S ótahlil son camp '. Mais, pnur abriter ses soldats il
n'avait ni mnisons ni lentes. Afin d'y suppléer, il intro-
dnisit dans son arrnce les habitudes de ces intrépirlr-s
pionniers dont il avait étudié les mosurs en Virgiui«, el
Iaisaut dóhlayrr le lcrrain des foréts don! il était con-
vcrt, il apprit il ses soldats ase construiré des hutles du
bois qu'ils abattaicnt, et a supporler les fatigues et les
souffrances qu'il avait connues dans sa jeunesse, quund
il arpentait les déserts. En moins de quelques jours ,
une villa de Imites était irnprovisée aValley-Forge; el
rr~!lrope cornme l'Amérique admira la pensée harrlie
de 'Ya~,!JiIlgton.


Les opérations de la guerrc enPensylvanic ne l'avaicnt
point assez absorhé pOllr lui [aire deíourner les yeux de
ce qui se passait SUl' les fronlieres du Cariada, Des k
cornmencerncnt de la campagne, il avait sentí ínstínctí-
verncnt qu'un événcrnent capital se préparnit dans le
nord, et que les génél'aux Burgoync et Ilowe payeraient
lá le prix de cctte longue série de fa11tes qu'il avait sui-
vics avcc tant d'ómotion, La prise du fort Ticonderoga
el les premieres déroutcs des Américains, qui, en enflant
la prósomption habi lucllc dn général BUl"goYI1P, I'en-


».:
r t;; ~\




lJR CAPTTULATlO N


trainerent toujours plus uvant daus un pays inextri-
cable, confírmerent encere Washington dans celtc idee.
« Je compte;» écrivait-il , le 22 juillet 1777, uu général
Schuylcr, « que l'arrnóe du gh}(~ral Burgoync éprou-
« vera tot OH tard un grand échec, el que ses SllCC¡\S
« précipiteront sa ruine...; D'apres vos rapports , iI
« opere par détachcmcnts ; si nous avions le bonhour
a d'en couper un, fút-il seulernent de cinc¡ ou six cenls
( hommcs, cela suíflrait pour rclevcr le courage du
(1 peuple, el, le faire courir aux armes 1, ))


Le général Schuylcr ayant été remplacé bícntót apres
dans son cornmanclement par le général Gates, ce Iut a
celui-ci qu'échut l'honncur d'exécuter les instructions
de Washington. Il le íit avcc une rare hahileté.


Bnrgoyne avait éprouvé de grands revers au com-
mcncement de septembre, et recu en mérnc tcmps la
douhle nouvellc qu'une arrnéo de seize millo hornmes
se préparait a le cerner, et que le général IIowe élait
partí pOLlr Philadelphie. Le succss de son expérliíion
devenait done de jour en jonr plus doutoux, el. son hut
principal éíait manqué, puisque lajonction el, la coopé-
ration des «leux armées anglaiscs étáicnt devenues im-
possibles, pendant l:t campugne de i 7n. A supposer
méme qu'il pul parvenir a New- York, les opérations
dont il s'ólait promis un si grand résultat se trouvaient
rérluites aune promenade militairo inutile, Mais ríen
ne pouvait surmonter son rol entélement et son mépris
ponr les troupes américaines, A défaut de bonnes rai-
sons pOllr continuer sa marche, il trou va 1111 bon mol"


1 \Vaslt. WriL, t. IV, p. soa,




DE SAHATOG A 'Ji OCT, 1'7'77'


appcla insolemment le prudent Gales « une vicille sage-
ícmrne, » et au lieu de profHer du peu d'instants qui
Iui restaient encore pour opórer sa reíraíte, il traversa
l'IJudson, en n'emportant des vivres que pour trente
jours, et aIla chercher l'armée ennemie sur son propre
terrain, bien sur, avec des Anglais et des Allemands, de
s'ouvrir un passage el íravers des Américains. Un enga-
gement partiel, mais sanglant, dans lequel il essaya ses
force s, lui apprit hientót que son entreprise était impra-
ticable ; et, du 20 septembre au 7 octobre, il resta dans
I'inaction en présence de l'ennerni, épuisant ses vivres
et ses troupes, et attendant en vain une diversion en sa
faveur de la part du général Clinton, commandant de
la garnison de New-York. Cates profita de ce rópit pour
enlacer l'armée anglaise dans un vasto réseau de postes,
de reíranchernents el d'embuscades, dont Burgoyne
chercha inutilement a s'échapper. Apres des efíorts
désespérós et heroiques, il fut contraint de capituler et
de poser les armes aSaratoga 1. Gates était Anglais et
avait serví autrefois dans les rnómes rangs que Burgoyne.
Il ne sut point l'oublier alors et jouir, au gré des Améri-
cains, de I'humiliation de ses anciens compatrioles. n
Ieur accorda une capitulation honorable, laissa les sol-
dats libres de retourner en Europe, SOIlS condition de
ne plus servir contre l'Amérique, el ne se vengea des
mépris du général Burgoync que par une épigramme:
« Vous devez me trouver une bien bonne sage-femme, )1
Iui dit-il, « je vous ai délivré de six mille hornmes, ~:


1 17 octubre 1777.




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CHAPITRR VII.
17780


Cahale (le Cow,,-a\.- Apath¡e du pavs . - 111;,'011";;,', '~l(·:,t d:' l'a:Tnéc.--
\\T;;~hin~tnrldé'eud Ies d-o¡ ts de ses soldats aupri-s du (;ongrp.". -- lm-ircssiou
,'roduitc sur le' gouvE'rnrmpnt. nnglais par la capitulntion de Sarat()p:a.- Ji
envoie di.':'; commissuircs rovaux pour rraitcr ayer lc Congre~.----L(' t'Üll,:!I'~"";
refuse d'entrer en uégociauon uvcc ('UX.- La. Frunce reconnait l'índt-p-u-
dance des Etuts-Unis.v-Franklir it Paris ,


La capitulalion de Sarntoga fut, snns contrcdit, l'óYl~I1C­
ment mililaire le plus décisifde toute la gnerre de l'in-
dépcndancc, et malgre la modération, peut-élre exces-
sivc, dn général Gales, les Américains ne pourraíent,
sans ingratitude, lui rcfuser une largo part de la recen-
naissance qu'ils doivent a lcurs libératcnrs, s'il n'avaít
terni sa gloire par une ambition désordonnée, et fai 1.
ouhlier ses serviccs , en cornpromettnnt, par de coupa-
bles intrigues centre Washington, le suecos de la cause
I[u'ils avaíent tous les deux si hahileincnt soutcnue.


C"°t\tait Washington quí avait Iaít entrer dans l'arméc
le général Gates, ainsi que la plupart des autres officiel's
anglaís au servíco de l'Amérique , non sans rcncon-
trer une gTande opposition de la part du Congreso Apres
avoir heaucoup attendu de l'expórience de ces vieux
milituires, le commandant en chef n'avait guero trouv«




CABALE nE


en eux que des détrncteurs et des jaloux. Pleins de leur
propre merite et de la supériorité qne lcur donnait, it
leurs ~'eux, une longue hahitude du service, ils ne pou-
vaicnt eomprcndre et souífrir qu'un colonel de mili-
ciens eút plus do droits qu'eux au premier rang; et ils
proícssaient pour Washington le mépris qu'afíectcnt les
gens du métícr pour un amateur ou un commencant.
( Un vieux matelot a plus de connnissnnce d'un háti-
( ment qne des arniraux qui n'ont jamáis été en mer',»
éerivait un jour it Washington le plus impudent de ces
étrangers, le général Conway. Washington sentait le
besoin d'étrc respecté et croyait en avoir le droít. Il
tenait ace qu'on lui montrát la plus grande déférenee,
ne pardonnait guere aceux qui manquaicnt ace devoir,
et était impitoyable pour les prétentions ridiculcs. C'en
fut assez pour rendre plus active la haine de cette
petite coterie ; et eomme il avait pour les intrigants en
général une anlipalhie mal déguisée, que ceux-ci lui
rcndaient avec usure, il se fit en out re, soit dans le Con-
gres, soit dans I'arrnée, un assez grand nombre d'enne-
mis influents, qui, venant se grouper autour des mécon-
tents élrangers, formercnt une véritahle cabale pour le
renverser, C'est ce que les historiens americains ont
appelé la cabale de Conway.


Gates en était ala fois le chef et le principal instru-
mcnt. C'étaít sur sa popularité et ses talents que l'on
cornptait pour éclipscr Washington et le rcnversers ;
c'était a lui qu'on prornettait la succession du général


I Wash. WI'd., t. V, p. 49~.
2 « .T e De puis VOUS 111arqucr pr/~cj8('ment jusqu'ou s'étenda iuru


« le ur- vu e s : ma is il p.'},raH q ue le g{~IlI"l',d Gates dev ait t~trp,




rOXWAY (l/TI-177m.


en chef', peut-étre avec l'intention d'en disposer au
profit d'un nutre offlcier anglais, le général Lee. Depuis
Jongternps íMjiJ, Cates nvail réussi, par ses intrigues, a
f~tre employé loin du commandcrncnt irnmédiat de
Washington ; il avnit añecté des allures indépendantes,
et cherché parto u1, l'occasion de se fnire une réputalion,
snns grossir celle de son rival. La capilulation de Sara-
toga mit le cornble il ses VrBUX. Waslringtou avait prévu,
preparé et dirigé de loin ce grand succes, et l'avait
rendu possíble, en occupant l'armée de Howe dans les
envirous de Philadelphie : tout cela était vrai; muis
ríen de tout cela n'était apparent, el, la gloire de la carn-
pagne sernblait apparíenir exclusivement a Cates. La
cabale crut pouvoir en profiter.


Le moment semblait d'ailleurs bien choisi pour s'atta-
quer aWashington. Apres la bataille de la Brandywins,
le Congres avaít prolongé de six mois ses pouvoirs dicta-
toriaux. En cherchant a s'en servir, pour se procure!'
de force les approvisionnernents que les paysans loya-
listes refusaient de venrlre aux fournisseurs arnéricains,
il avait angrnenté l'irriíation du peuple, et donné des
pretextes aux déclamatíons révoluíionnaires ; en sus-
pendant les saisies, pour endormir les défíances centro
le pouvoir militaire, il avait augmenté les souffrances el
excité les murmures de ses soldats ; en réprimant les
abus qui étaient la plaie de son arrnée, il avait grossi le
nombre des mécontcnts. Son ascendant moral et sa
popularité semblaient ébranlés, On commeneait a se
« él evé sur la ruine de ma réputation et de mon influence. "
({eor¡;,' Washington aPatr-ick Henry (28 mara 17/8). 1Yash. lYrií .•
1. V, p. ;¡)G.




124 CABALE DI'


fatiguer du respect dont 011 I'entouraií Ill;d!-,j'('~ sni : f'!
comme a Athenes, les obir~ se lassaicnt d'eulendro
toujours parler avec élogll d'Arlslidc lc Juste, Parfois
méme, les plus fídelcs parlisans de Washinpton dans 1,;
Congres se Iaissaien ti nvolontni ren rcn i enlrainer par ce
mouvement d'humeur. Ils se donnaient alors le pluisir
de passer á Gales une Joule de pctitcs licences, et scu 1-
hlaient flattés de sa prétention de ne releve» <tue d u
Congreso
LI~ général Conway, Irlandais faníaron, hrouillon f't


rernuant, dont Washington avait plusieurs íois blessé
l'amour-propre, ólait le plus hahile instigatenr de cctte
opposiííon.Promettant acelui-cides honneurs, Úcelui-lú
(le l'argent , exploitant dans tel antro la jalonsie et les
susccptibilités démocratiqucs, il donnait a tous I'exern-
ple de la révoltc et de l'insolence contre WaslJiugton, et
entirnit partí, tantót lorsqu'ello rcstait impunie, pOlir III
brax el', tantót, lorsq u'elle était réprimee, pour se plain-
dre de I'arrogance du général en chef. Toutes ces
menees no réussíssaient que trop bien, et dans son inía-
lualion pour lui-mé.nc, Cormay se croyait bien sur
d'arriver it son hut, el de jouer unaussi honnéte hornme
que Washington. C'élait le mal conuaitre.


Pon r étre peu porté it user de fíncssc,Washington était
bien loin d'en manquer. Sans qn'clle Iút jamais pOílr
lui un plaisir et un jeu de l'esprít, il savait au hesoin en
dóploycr beaucoup dans sa conduite. Avec trop de dl'oi-
ture POli!' aimer et pratiqucr la rusc, iI nvait trop de
pénétration et de stlgacité 1'0111' en 01['e dupe, et il (:ílllf
aussi hnhile :'t découvrir el a déméler une inll'iC(lw
qu'incapable dr-n fO;'11WI' IIII(~. Depuis longtcmps I!I"'i;'l,




CU'-:\\'AY l/i7-n7S). l'2fJ


il étaít sur les traces de cclle de Conway, et n'atlendait
ql:c i'occasion de I'óvcntcr. QlIelqlles ligncs de Conway
il Gales, tomhécs par hasard entre les mains de Washing-
ton) el renvoyécs avee mépris a Ieur auteur, suffirent
:-<1111' déjOiier ce complot si bien ourdi 1. Conway, trop
dén':glé pour étre vraimcnt hahile. ct furieux de se sentir
dccouvert, avoua tout, el compromit Cates par sa colore
el ses trausports. Il ne se regarda pourtant point commc
i:atin; il rcdoubla d'activité, réussit mémc, tant sa fae-
íion élvait penetró avant dans le Congrcs, il se taire norn-
rncr major génóral, íít répandre des dénonciaíions centre
\Yashinglon, el. chercha, mais en vain, a séduiro La-
f'ayetle : le but de son intrigue avait été dévoilé au public
par les arnis eleWashington, et, des lors, tout Iut inutile.
Cates crut pouvoir, aforce de mcnsongcs et d'effronte-
rie, en imposer a Washington, el se grandj¡' dans l'csprit
du Congreso Washingioll luí répondit par le sarcasmo
et. le derlain, lui pl'Ou\'a sa duplicité avec une politesse
aussi amere que spirituelle, aIla au-devan t eles défiances
du Congres, dit it tout le monde son avis sur Gates et sur
Conway, el tut cm de tous, La popularité lui revint.
Ses solduís rougirent d'avoir involontairernent servi ,
par lcurs murmures, une aussi detestable cabale, et se
serrcrent auíour de lui ; ceux de ses amis qui s'étaient
laíssés aller a le dóuigrer rcconnurent lenr aveugle-


1 Au brigadier g0uérul Conwuy ~D nov8111b ro l'ií7); < Mo ns ieur.
un e lettre que j'ai re~;ul_: hior al! so ir co n tir.n t 112 paragraphe


< su i vant : « Duns une le ttro flu gBnéral Co nway au géIll~'ral
Gates, il d it : Le cj el était dl"lc~rrfljll\;: ;1, s au vc r v ot ro pa:rs, sans
quoi un gén~ral Ia ibl e \~t d c ruanvais co nse ill crs I'auruicnt


« perc111. »).Te slJis, l\1{)Jl~j\-~Llr, V')tl(_~ hun blc sc rvi u-u r, G. \Ya~hJ
ington. >, IY",/¡. W"it., l. v,l" ];;;,.




126 Al'ATHIE


ment, et devinrent plus íídeles; et les mernbres du Con-
gres qui avaient trempé dans l'intriguc prirent un íel
soin de faire ouhlier leur conduitc , el d'en détruíre
les preuves, qu'il serait diftlcile aujourd'hui de les
désigner.


Washington n'avait que trap besoin de ce retour de
l'opinion, de ce .concours de ses parlisans , et de celte
confusion de ses adversaires, pour sulíire aux diíílcullós
de sa tache. A mesure qu'ils se développaient, les évé-
nements en faisaíent surgir une foulc de nouvelles, sans
détruire les anciennes, C'étaiení les rnémcs désordres el
les mémes souíírances dans l'arrnée, la meme dispro-
portien entre les besoins el les ressources du service
militaire, les mémes fíctions sur l'effeetif des troupes,
la mérne impuissance du Congres a briscr les résis-
lances locales, arcformer les ubus, el il. lever les contin-
gents ; tous les maux que Washington avait combattus
et YUS renaítre sans cesse, depuis le commencernenl de
la guerre, grossis el envenirnés encore par le reláche-
ment presque général du zclc el du patriotismo dans la
classe supet'ieure. A cet imrnense déploíement d'énergie
qu'avait provoqué, dans l'origine, la craintc de retom-
ber sous le joug anglaís, avaient succédé dans les ames
une profonde lassitude et une confíaucc apathique dans
le succes, Depuis la victoire de Saratoga, le triomphe de
la cause américaine semblait assuré : ce n'était plus, aux
yeux des plus prudents, que I'aílaire de quelques dcr-·
niers efforts, et pULIr ces eílorts-Iá chacun s'en remel-
íait á son prochain, Les plus éminents champions civils
de l'Amériq ue, Johu Ilancock, John Adarns, Jeflerson,
I'atrick Ilenry, avaicnt deserté Ieurs postes dans le




DU PAYS (1778). 1:1'7


Congres, pour se consacrcr aux soins de leurs intéréls
domestiques ou provinciaux, et tous les [ours , des
démissions en masse dans le corps des offlciers venaien l
menacer l'existence mérne de l'armée, Le Congres,
réduit a vingt-deux memhres, perdait son autoríté
et ses lumieres t, et l'armée ses chcís. Ce doublc Iait
inquiétaitvivement Washington, et ce fut ale combattre
qu'il employa la plus grande partie de son séjour aVal-
ley-Forge, pendant l'hiver de '1778. II ne pouvait lutter
contre le premier mal que par ses prieres et ses conscils:
ils resterent inutiles, au moins pour le moment; melis
il pouvait s'attaquer au second avec plus d'autorité et
d'cfficacité.


L'indiílérence et le dégoüt des officiers pour le service
n'étonnaient point Washington. Il connaissait trop bien
les hommes, pour leur demander jamais de grands
sacrifices sans compensation. Ne pouvant prorneítro a
ses offlcíers ni la gloire qni accompagne les aclions
d'éclat, ni les profits d'une grosse solde, ni la reconnais-
sanee de lcurs concitoyens, aucunc des recompenses
qui réveillent le patriotisme dans I'áme des soídats, il
trouvait tout simple qu'ils fussent las de soufírir el de
combattre, ponr une foule d'oisifs et de jaloux, qui les
. 1 Alexandre Hamilton a George Clinton (13 fév , 1718) : " Il r-st
« un sujet de méditation qui s'irn pnse souvent a mon esprit, et
« qui mérite I'attention de toute personne do sens ct d'inte lli-
• gonce parmi nous. Jo v cux parler de la dégén,'ratioIl de la
« représentation dans lo grand Conse il de ]'Amérique.... Iluau-
« coup de ses mernbres so n t s ans doule a la hau teur de leur
« mandas, mais on ne peut le di re du cor1's lui-méme. La folle,
« le caprice , le manque de próvoyancc , d'intelligence et de
, dignité, te! est le caractcre générul de ses'actesv .s lVash.
lVrit., t. V, p. 508.




W,\SHI:\GTO!'-i DEFENll LES


accablaicnt dinjures, et lcur marchandaient leur pnin,
Jumais le dénúmcnt de I'arméc n'avait été aussi affreux
qu'il le fut pendan t l'hi ver de 1í78; [amais les ni-
gences el les déllances des démocrates n'avaient été
aussi exccssives el ridicules. C(l fut coníre ces derniers, eL
non centre ses offíciers, que Washington tourua son incli-
grwtion ; ce fui le Congres, et non l'armée, qu'il accusu,
Si les officiers abnndonnnient le service. la faute en dajl
accux qui .' au lieu de les retenir par I'appát de grandes
rócompenses nationales, négligcaient memo d'acquitter
la solde des troupcs, el r¡ui, au líen de relcver la condi-
tion de I'armée, l'ahaissaient par des tracasserics ct des
calomnies continuelles : (( La défiance centre l'armee est
( aussi injusle qu'írnpolitique, » s'écriuit-il ; ( aucune
(( classe d'hornrncs, dans les treize Etats, rr'n rnontré IJIl
l( plus saint respect pour les délihérations du Congres, el
« l'on ncut ajouter sans arrogance qu'il n'exisle, dans
I( l'hisloi re, aucun exemple d'une arrnóe soumise il des
« travaux et a des souflrances aussi extraordinaircs , eL
( qui les ait supportés avec ur.tant de pationce el de cou-
( rage. Vnir des hornmes manquant de vétements pour
( couvrir leur nudiíé, de couvertures pour se couchcr,
,( de vivres el souvent de chaussure (cal' on auraitpu
C( suivre leur trace au sang qui coulait de Ieurs pieds),
« savancer atravers les glaces el les neiges, et prendre,
ce a Noél, leurs quartiers d'hiver ir moins d'un jour (le
( marche de l'ennemi, dans un lieu ou ils n'onL en
« pour s'ahriíer ni maisons ni huttcs que cenes qu'ils
ce uní construites ; voir ces hommes Iaire Iout cela sans
« murrnurer, c'est un spectaclc de paíience et d'obeis-
«( sauce que le monde a bien rurernent contemplé.




DJWITS DE SO'" Alnlf:E (1/78). I,¿O


( L'arrnéc a fait, il cst vrai, quclques remonlrances au
« Congres, et lui a adressé quelques plaintes: maís nous
« serions de véritablcs esclaves si ce droit nous ólnit
( refllsé.... A quelques exceptions pres, nos oífícicrs
« sont ohligés dentamer leur proprc fortunc , pour
({ pourvoir a leur cntretien, sans aucun espoir d'étre
(( soutenus dans l'avcnir.... On pourra fairc les plus
« helles thóories sur le patriotisme; maís quiconque,
(( pOli r conduiro une guerrc longue el sanglante , pré-
l: tcndra ne s'appuyer que sur ce mobile, devra recen-
i.' naltrc un jour son crrcur.... J'ai une proíonde COII-
« viclion que le salut de notro cause dépcnd de I'óía-
« blisscment d'une demi-solde avio pour les olflciers,
« apres la fin de la guerro 1. »


Trois mois d'cITorls continuels furent nécessaires pOlll'
triompher de I'indccision el clu rnauvais vouloir du Con-
gres sur cette qucstion : cncore n'adopta-t-il que d'uno
Iaron incompleto la mesure proposéc par W ashiugtou,
ella domi-soldc ne fut accordéc aux offlcicrs 'l ue pour
sepl ans '. Le résulíat proposé fut cepcudant attcint. Les
dómissious d'olílcicrs dimiuuercnt de jour en jour, el.
I'armóc tul sauvóe.


La constante solliciturlo el la proíonde nílcction de
'Yashin¡;ton pom' ses troupcs sont un des traits les plus
I'l'appauls et les plus caractéristiques de su vie, Jl élaíl
de ccux qui, se suffisant ü cux-mémes, óprouvcnt peu le
lJesoinde rúpundrc leur coiur au dchors, el dont la sen-
sibilil« pourrait toujoursdorrnir si elle n'élaitjmuuis [01'-


J \Va.,/,. lVrit., t. v, 1'.312,32:.',32;), :32().




]:30 EClIA?;"(~E DES


terncnt provoquée. Son ámc était plus ícrmo el plus rudo
(1:1e tendre ; mais il óchnppait :1 la durctó el, a l'égo"islIIU
par I'ólévation el, la noblessc des scntimeuts, el il élaiL
capahlc d'humaniíé ot de dévouemcnt par devoir el pm'
rcconnaissancc. Les souñrances inevitables qu'cn [mil re
la guerrc, et ccllcs que les homrncs attircnt sur eux-
mórnes par leurs íaulcs n'excitaion t en In 1 que pcu de
trouhlo el d'ómolion : rnais il no savait pas rester indif-
íérent anx douleurs inútiles et non méritócs ; el il dove-
nail sensible, a force d'liorrcur pour la négli:,;'ence,
l'inj uslico ct l'ingratitudc. Il était surtout plcin de eOIl1-
passion pour les maux des malheurcux soldats ameri-
cains qui , apres avoir fidiJemcíÜ cornbattu il S(lS cútós,
ótaient tombés dans les mains (les Auglais, ct il chcrchait
avec ardeur les occasions de les soulager, soit par des
protcstations pleincs d'autoriló udrcssóes aux géllómllx
anglais, soit par des menaces de rcprésailles ou des con-
ventions d'échange. Le Congrcs saisissait avcccmprcssc-
ment tout prólcxte de íuire cxécutor les prcmiores ct
.íe ne pus ratifíer les secundes. Les Anglais ayant plus
de diffícultéá rernplaccr lcurs soldats que les Amóri-
cains, ccux-ci avaicnt un inlérót apparent il nc pas Iaire
.i'cchange de prisonniers ; rnais COHlUle on ne pouvait,
suus blesser le sentiment puhlic, hriser dcílni tivcmeut
les négociations de ce genre avec l'ennemi, le Congrcs
les poursuivait avec une duplicité transparente, qui
risq unit de compromeitre son honneur comme celui du
g(~J1éml en chef, el q He Wuslünglon trouvait aussi impo-
Iitiquo qu'innnorulc. ntUl~: r.ne longuc letírc, qui cst un
modele de discussion dalluircs , il dól'emlil avcc tille
rarc ilubilcll': la CL': ,:oc (¡esprisounicrs aiucricaius, el saus




P lUSO;-'; NlEltS (177H), 131


Iausse indignatíon centre la mauvaise foi du Con-
grcs , conune sans complaisancc pour ses potites
flnesscs, il luí prouva combicn elles ctaient dango-
reuses. La politiquc qu'il recommanda alors au Con-
gTés c'est celle qu'il a toujours protcsséc el pratiquée,
« une politique lranche el large, qui évito avec soin
« de heurter les idees de justice répandues dans le
u monde, de diminuer le respect que doit inspirer le
« pouvoír , et qui ne sacrifíe jamais les intéréts génl:-
« raux et porrnanents de l'Étal il des intéréts el a des
« consídérations de circonstanco t. )) Sur la 'Iuestion
des prisonniers, comme sur tant d'autrcs , le Congres
finit par ceder.


Les soucis que donnaíent á Washington le gouyerne-
ment de l'armóe el les aííaires inlérieures des Éíats-
Ilnis, loin de lui íairc oublier l'importance des rclalions
extérieurcs, le rendaienl. au contrairo plus nttentif que
jamáis a ce qui se passait en Europc, La capitulatiou de
Saratoga et l'attitude de Washington pendaul la caru-
pagne de ,¡ 77"7 avaient fait partout , dans l'aucieu
monde, une profonde impression sur les esprils. Eu
Frunce, la sympathie du public pour les Amóricaius ótaít
devenue de I'cnthousiasme, el le gouverneuicnt, sor-
tant de l'apparente reserve qu'il avait conservée j llSl[Ue-
la, cessait de dissimuler ses rnpports avec les agonls du
Congreso En Angleterre, un douhle Iait s'était produil :
dans les masses, l'amour-proprc national s'étaít révcillé,
en se sentant blessé, ct ron se préparait aux plus g¡'iwds
sacriflccs, pour eñacer la tache de Saraloga ; iuais duus


t Wash. Wl'it., t. Y, p. :¿5u, ~C)7, 258.




1:32 E'iV01 DE CO'lBlISSAlm:s HOYAFX


la sphere politique, les plus ardcnts cnnernis des AJllé-
ricains , les plus obstinés provocateurs de la gnerre,
avaient été írappés de découragcment. Geol'ge lH, tou-
jours en lutte dans son conseil centre la secrCle modera-
tion de lord North, avouait ccpcudant Iui-méine « qu'il
« éluit absurdo de songcr aune soumission san s condi-
« tion de la pnrt des Amóricains'. )) L'idéo de reconnaltro
I'indépcndance des colonies, [usquc-Ia rcgardéo conune
la chimere de quelques esprits som bres et mal íuils,
gagnait de nombrenx partisans, el il f'allai] la gl'Llllde
voix de lord Chatharn mourant pour en arrótcr les pro-
gres. Les propositions les plus ótranges rclcntissuicnt
dans le Parlement. Un jour, c'était 31. James Luttrel qui,
dans la Chambrc des Communes, posait, comme préli-
minairo de toute négociatiou avcc les colonics, la {lro-
rnesse de leur sacrificr les ministres qui pourraient lcur
donner de l'ombrage. Une nutre foís, c'était le duc de
Hichmond qui , dans la Chambro des Lords, dcmau-
dait qu'on rappelát immédiatement d'Amérique toutes
les troupes anglaises. Enfin, c'était lord North qui ,
offravé de l'altitude menacante de la Frunce, obíeuuií
du Itoi et du Parlement leur adhésíon il deux bilis par
lcsqucls l'Angleterre renoncait au droit de lever des
taxcs dans les colonies américaincs, reconnuíssait l' cxis-
tcnce légalc du Congres, et lui envoyait trois cornmis-
saircs pour traiter avec lui, sur les bases qui lui con-
vicndraient, de la réconciliation de la mótropolc el des
cnlonios 2.


1 Lettrc de George III 11 lord North, d uJl j.i nvn.r 1,70.- il"U'!1
W"it.,t. VI, 1" ',:l:1.


2 17 i~',\'rier 17ío,




EN AMERIQUE (1718). 133
Ces dispositions pacifiques du gouvernement anglaís,


vcnunt coíncider avec le besoin de repos qu'on éprou-
vail en Amérique, étaient une grave complication dans
les aífaires des Étals-Unis. Washinglon craignit un
inslant de voír ses compatriotas se laisser séduíre par
les promesscs de la Orande-Bretagnc, accepter les négo-
ciatíons qui leur étaient oífcrtes, renoncer aI'indépen-
dance; et compromcttre ainsi le résullat de ses longs et
péniblcs travaux, au moment ou íls allaient ahoutir, J!
n'attendit pas l'arrivéc des commissaires anglais pour
comhattre leur influence. Des que les bills déposés par
lord North devant le Parlcrnent lui furent connus-, il
úcrivit du ton le plus pressant au président du Congres,
aux gouverneurs des Élals, aux membres des assem-
blées provinciales, il tous ceux qui pouvaient agir sur
l'opinion publique, pour leur montrer l'imminence du
danger, révciller leur énergie, et les engager a repous-
ser tonto proposition qui n'aurait pas pour base I'indó-
pcndance déílnitivo des États-Lnis : ( N'acceptons ricn
«( de ce qui n'cst pas l'indépcndancc, » disait-íl , ( HOUS
(1 ne pourronsjamais ouhlicr les outragcs que Iaürande-
\( Bretagne nous a Iait subir; une paix a d'autres con-
« ditions scrait une source de lulles perpétuelles. Si la
" Grandc-Brclagne, poussée par son arnour pour la
a tyrannic, chcrchait de nouveau acourbcr nos fronls
(( SOLLS son joug de fer, et elle le ferait, soyez-en súrs,
(( cal' son orgueil et son ambition sont indomptablcs,
:, quelle nalion croirait désormaís i:t nos professions de


({ fui el nous jJreterait son appui .... Il cst cependant á


1 A,"ril 177J.




1:J1 T~A FRANCE RECONNAIT L'I!\DEPENIJAXCE


( craindre qlle les propositions de l'Angleterre ne pro-
( duisent un grand cllct dans ce pays, Les hommos
« sont natnrellcmcnt amís de la paix ; et plus d'un
( symptómo me porte acroire que le pcuple américain
Ir est généralement las de la guerreo S'il en est ainsi,
«( ricn n'cst plus politique que d'inspirer conflance an
« pays, en metlant l'arméo sur un pied imposant, el, en
a donnant une plus grande activité a nos négociaíions
« avcc les puissances d'Europe. .Te erois qu'á l'heure
(( qu'il est, la Franco doit avoír reconnu notro indépen-
« dance, el, qu'elle ya déclarcr immédiatement la
« gucrre ala Orande-Brctagne, en voyant que nous h ri


, .


(( avons fait de sérieuses propositíons d'allianee. Maissi,
( gnidée par une fausse politique ou par une opinion
( oxagérée de notre puissance, elle venait ahésiter, il
( íaudrait envoyer promptement des négociateurs ha-
( hiles, ou donncr de nouvellcs instructions a nos
(( chargés d'aííaires , afin d'ohlenir d'elle une déter-
« mination rléflnilive l. »


Washington auraít préféré, sans doute, pouvoir se
passer de tout appui étranger, et n'employer que des
liras amérieains ala conquéle de l'indépcndance améri-
caine ; plus que personne il éíait jaloux de la dignité de
son pays, el, préoccupé des intéréts Iuturs de cet État
Iondé apeine; plus que personne il craignait, en doman-
dant trop de services a la Frunce, de licr trop intime-
mcnt les Eíats-Unis a la politique francaiso, de compro-
mettrc leur liberté d'action a l'extérieur, el, de les
cngngcr dans toutes les querelles de I'Europc.ll n'avait


I 'Yasll. 'Y"it., t. v , p. :121. :¡r" :lGO.




135


.lonc point pnrtagé, au cornmoncemcnt do la guerra,
I'empresscment un peu incxpérimenté de ceríains mcrn-
bres du Congres qni, dans 10m ardeur á se prócípitor
au-devant des nobles alliances, auraicnt tout donné
pour se faire bien venir d'une aussi antique monarchíe
que la monarchie francaise, tout, jusqu'au monopole du
commerce américain qu'ils rcfusaicnt a l' Angleterre.
Cependant Washington n'eut jamáis la folle arrogancc
de rcpousscr ahsolumcnt l'idóo dune intersention qul
pouvait devenir néccssairc, el de vouloir qne l'Amé-
rique se suífit loujours a elle-mérne. Avec une grande
confíance dans la pnissance el dnns le succes définilif
eles États-Unis, il av<lit mi sentiment profond des diffl-
cultés il vainero, et il ne pensait pas que, dans une aussi
grande entreprise, il püt y avoir [amáis abus de pré-
voyance et de précautions. C'est pourquoi il appelait
alors l'allíance francaise de tous ses VCBUX.


Presque en mérne temps, les craintes de Washington
íurent díssipécs el ses esperances réalisées: Le Congrñs
refusa d'entrer en négociation avcc la Crande-Brctagno
tant qu'il rcstcrait un soldat anglais 5tH le sol améri-
cain "; 01, peu de jours apres 2, des réjouíssances et des
priores publiques célébrórent dans tonto l'Amérique la
nouvelle de la reconnaissance de l'indépendance des
~:tats-Unis par la Franco.


Cegranel résulíat ótait dú en partie á I'habi leté de Fran-
klin, Franklin et Washington, voila, dans l'hisloirn de In
révolution américainc, les doux norns que l'Enrope con-
n;·jtlerniclIxdqne l'Amériquo respeclc le plus.Ccs deux


I 22 avri l ¡liS.
~ ¡ m.ri ]77tt




J:Jü


grands homrnes ont étó en cílef les vrais Iondateurs d(:
la liberté el de la puissance de lcur pays; Washington,
pal' la guerre et le gOllvernemen t , l,'mnklin, pal' la
.liplomatie ; génies aussi disscmhlahles que leurs rólcs.
:':hez Fran klin, moins d'élévation , de force et de tran-
[uillité dans l'áme, moins de grandcur ct de simplicíté
dans l'esprit ; mais plus devivacité, d'invention, de Cll-
riosité et de souplesse ; moins de fierté el plus de vanitó,


..


moins de goül pour le commandemcnt et plus d'amhi-
lion et (le complaisance pour les hommes ; une dignilé
moins naturello ct moins imposantc, mais plus de sé-
duc!ion et d'agrément.


JI avait été précédé aParís par une immcnsc reputa-
tion. Avant de devenir une puissnnce, il fut une curio-
silo; avant d'avoir un succes politiquc, il cut un suecos
de voguc. Le grand monde de París s'arracha l'illustro
bourgcois patriotc de Philadclphic, comme les dómo-
erales de Philarlclphie s'nrracheront JI. <le La Fayeltc, On
voulait voir cet hornme singulíer qui, du rang d'ollvricr
imprimeur el. duvcnturier Iittórnire, sans nutro applli
qne son esprit de conduite, sans antro éducaíion ([L1e
celle qn'il s'était donnée lui-rnéme, s'était elevé, par
dcgrés, aux plus hautes conceptions scienliíiques el aux
plus grandes posiíions politiquee. On s'empressnit de
venir saluer l'invcnteur du paratonnerrc, le spiritucl
moralisle dn Bonhomme Richard, le fin ct rustique
diplornate qui, dcpuis le commcncemont de la luttc
entre l'Angleterre et les eolonies, avait si éncrgiquc-
mcnt rcpr(~sent{~ et défondu , iJ. Londres, les droits d
les intéréts américains. Sa bonhornie adroito el insi-
nuante séduisit les grands cornme les gens de lcltrcs. 11




A PARIS. 137


sut rester original et Américain, sans lilesser les coutu-
mes ella politesse parisicnnes, ct exposer avee indépon-
dance ses idées ct ses doctrines, sans portcr ombrago anx
eoleries philosophiques. Assez Iihre penseur pour plniro
it cetto socíété sccptique el corrornpuo, assez grave, dans
ses actes eomme dans ses discours, pour en ótre respectt'"
il se eonduisit toujours avec une merveilleuse inlclli-
gence des moyens d'elfet sur le publie francais. Sa cause
fut bientót gag'née devant I'opinion, el pour entrainer la
Frunce dans la guerre en faveur eles colonies, il n'eut
plus a vaincre que les scrupules monarchiques de
LouisXVI et la prudente économie de M. Turgot.


La position ele Franklin it Paris étaít cependant déli-
cate et difficile. Les commissaires des ~~tals-Unis no
pouvaicnt avoír de rapporls offícicls avee la cour de
Versaillcs, tant que I'indépendance des colonies n'é-
tait pas reeonnuc ; el le public américain , déíinnt
ú I'égard de la Franco, dominé par la craiute de l'a
voir pom voisine dans le Canadá, ne voulait de l'al-
llanee francaise qu'á condition d'avoir tout il g':lg'lIer
et rien aceder : il fallait done a la fois , de peur de
donner de l'humcur aux ministres du roi, traiter
avec eux el les en!-mger sans les comprorncttre puhii-
qucmcnt; et de peur d'étre désavoué par le Congres,
les leurrer sans leur rieu promeítre que le plaisir d'hu-
milicr el I'espoir d'affaiblir l'Angleterre. C'est ce que
Franklin tit avec autant de discrótion que d'habileté, se
servan] de sa position un peu indófínic pour donncr des
conseils officieux au gouvernement du roi, l'óclaircr
sur l'ótat des esprits et la susceptíbilité nationale aux
Élnls-Unis, et lui rccommander beaucoup de prndence




138 FRA:\KLlN A PARlS.


et peu d'exigence; sachant tirer partí de tout, des revers
comme des succes de ses cornpatriotes: les montrant
tantót préls 11 se jeler dans les bras de la mere patrie
el a reconstituer le grand empire hritanniquc, taulót
assez forls pour secouer seuls son joug el ne dcvoir leur
indépendunce apersonne.


C'est ainsi qu'il finit i par obtcnir á la fois du gouver-
nernent Irancais la reconnaissancé des Etats-Unis et
l'engagerncnt de renoneer a toute prélenlion sur le
Cunada, sans irnposer :1 son propre pays d'autres obli-
galions que celle de ne pas luire séparérnent la paix
avec l' Angleterre et cclle de garantir iJ. la Franee la
possession de ses colonies américaines , ohligations
dont les Eiats-Unis surent s'affrnnchir successiverncnl
avec plus de dextérité que de droiture.


Pcu de mois apres, l'amiral Keppel attaquait la fIoUe
írancaisc de Brest", ella lutte s'engageait entre la Frunce
el I'Anglcterre, sans déclaration préalahlc de guerreo


i Gr,',vricr 1778.
A 'l7 juille! 1778.




CIIAPITRE VIlI.
1778-1780.


Changement apporté dans la !'.it.n'ltion (11'S ]:~tat!'J-Unl!' par l'i n torven tion frnn-
(¡~aj:-;(~.-C!lmll;¡gl1('(1(' ]771). -Evccuation (le' P]lj~:ldl'1phü' par les Allg1[\i".-·~
Bataillc de .I\fonmonth.-Le cornte d'Estainu parait [lTC'C 11TH' escadrc Irnn-
caisr- dt-vnn t Ncw-York.e- Ce seccurs rcst.c inu tilc ,- Mo uvvmen t rlopiuiou
contrc l'umirul francais.-E1Tnrts de Wushiuctou pour up.iiser 11- eo111h'
d'Estning.c-, !\é;:;()('ia~.ioIlS secretes entre le· Couzres i-t le rnarquis di'
La Favcttc, rclarivr-mr-nt áln conquete du Canuda. - ]\TL~r()ntcntf'menl dt'
Washíncton.c-L'armcc- jrcn.l ses qunrtlers d'hivcr.c--. Progl'l'.s de l'ill(li-;¡(~­
rence publique. - ]~tat financiero - Rcdttction de I'urméc. - Cumpncno
de 1779.- Suecos eles Américains dans le nord e t des Anglnis duns Ir mi-li.
- Le gpnéral Lincoln et le comte d'Estaing échouent dans h-ur attaljll~
contre Savannah.e-Attitude de l'Europe ti. l'égard de I'Angleter-e.


Avec l'intervention de la Franco, une nouvcllc phasc
commence dans la guerre de l'indépendanéo. Des en
jour, plus de ces sítuations critiques et drarnatiques 011
le sort de J'Arnérique dépend Iout entier d'une action,
ct ou elle scmhle déja penchée vcrs l'abime ; plus de ces
morncnts de trouhle et d'angoisse ou le drapean de la
liberté, abandonné de presque tous ses défenseurs, u'cs!
soutenu que par une poignée de bravos, et ou la foi de
Washington lui-rnéme parait éhranlée. L'indépendance
n'est plus en question :toute róconcíliatíon, comme touíc
conquéte, est impossible pour l'Angleterre; tout líen
entre la métropole ct les colonies est hrisó par I'allíanco
des l~tats-Unis avcc l'cnncmi traditionnel de la Grande-
Bretagne, ct l'honneur des Arnéricains, cornme Cc111i de




i.io f:HAN(}EMENT DANS LA STTI"YfTO\


la Franca, cst ü jarnais engagé dans la luíte. I/AlIgle-
Ierre ne combat que pour sauver sa gloire el nuiIt ú ses
ennemis.


La prolongation de la guerre et, avec elle, cclle ¡J'IlÍl
état révolutionnairc et violent, tel est désormais le plus
grand danger pour l'Amérique. L'indépendancc des
colo nies est déjá conquise, mais les Élats-Unis no sont
point encore fondés, et pour s'asscoir , la socióte amé-
rícaine a beso in do calme et de paix. Entre t0I1[C8 les
parties ele cet immense empíre, point ele líen puissant,
poínt d'organisation commune. Ce vas te asscmhlagc,
si promptcment formé et si pcu compacte, risque á cha-
qlle instant de se décomposer el de se dissoudre : Ioutcs
les mauvaíses passions, toutes les rivalilés provinciales,
un moment comprimées par l'ímmínence du danucr,
rcparaissent fortifiées de tout ce que la révolution a
jeté eleviolence et ele désordre dans les rnreurs. Les Ira-
dilions rornpues, les esprils déroutés, le scntimcnt du
droit ot du bien remplacé dans le public par le cultc de
la force el du succes , la lassitude el la lácheté dévclop-
pérs dans les creurs en rnéme ternps que le fanatismo el.
la hainc, les praíiques régulieres abandonnéss pour les
procúdós violents et expédítíís, le goút des aventures
jclant le trouble dans toutes les árnes, tels sont les dé-
plnrnbles effets et le triste spcctaclc produits par I(;~
!lollleyersemcnis révolutionnaires, mérue Iorsqu'ils sont
j listes dans leurs causes. Les esprits les plus reunes d
les cmnrs les plus hauts ont peine il résistcr anx alloinír-s
de ce dévergondagc, Fatales UI1X soei(':t(\s les plus í'ul'ii:s
el les mieux assiscs, de semblahles ópreuves sout mor-
tulles il la longue pour les sociétés naissantes. Les Élals-




DES ETATS-U);I~ (17,8), Hl


Unis d'Amóriflue pouvaient y succomher. C'est contre
ce péril que Washington dona maintenant les rléfen-
dre. Contenir momentanément le désordre, et terminor
le plus promptement possihle la guerre, pour pouvoir
combattre le mal dans sa cause, ce sera désormais son
hut.


Dans l'exécution de ce desscín, il rcncontra des diffl-
cnltés sans nombre; etI'allíance Irancaiso olle-méme,
apres avoir fuil íuire un si grand pus ala cause de l'in-
dópendance, vint jeter sur sa route une foule d'obsla-
eles nouvcaux. Le peuple des États-Unis, fatigué de
combattro et se reposant sur l'appui de la Frunce, crut
hientót pouvoir íout laisscr [tia churgo de sa génércuse
alliéo, et par son indillcronce, il coutraiguit Washington
it c!iminuer le nombre des troupes, au momcnt OÜ, pour
Icrrniner la guerre, il sulflsait d'un ellort suprómc.
Lonjitcmps l'Europe, sur laquelle on comptait un peu
trop aux Élats-Unis, no Icnr envoyu que des secours
maritirncs ct temporaircs, quí nc servirent <¡u 'a endor-
mil' le zeIe, en rassurant les esprits et les conscicnccs.
Washinglon íut ainsi rerluit, pendant dcux ans, a une
inaction presquc complete, par la rnollesso de ses con-
ciíoycns et par la nécessité de combiner ses opéralions
avcc celles cl'uno flotte dont les mouvcmcnts étaient
paralysés, taníól par I'état de la mer, tantót par la supé-
riorité navale des Anglais, el qui l'abandonnait prcs-,
'l i:e toujours, au momcnt décisif, pour entreprcnd1'e
quclque cxpédition au proílt (le la Frunce.


Au rnilicu dc ces épreuvcs, moins dangereuses, mais
uussi [llillihlcs qlW les précédcutcs, Washington se mnn-
tra íoujours aussi plcin de puíieuce el d'ardeur, de pru-


';




ID EVACUc\TIOl\ IlE l'lllI.AnELl'I!11I


.lence et de hardiesse, d'autorité et de ménagcmcms,
no luttant jamais contre les instincts de ses compatriotes
que dans la mesure du possible, et ne faisant appe] il
l'étranger qu'a la dcrníere extrémilé.


De brillants suecos rernportós au commencernenL de
la campagne de 1778 lui avaienL Iait entrevoir un plus
bcl avenir.


« Ce n'cst pas le général Howequi a pris Philadelphio ;
« c'est Philarlelphie qui a pris le général Ilowc, » disait
Franklin en apprenantI'cntrée des Anglaisdarrsla capitule
de la Pcnsylvanic. Au bout d'un séjour de quelques mois
dans cette ville, ils étaient de son avis, et reconnaissaient
la nécessíté d'abandonner leur conquéte, apres lui avoir
sacrifié une armée et une campagne, ct a voir soulevé la
populntion el démoralisé les troupes par des víolenccs
inútiles. Sir William Howc , inquiet de l'issue ~c la
guerre, mécontcnt do lui-mémc, mécontent de son gou-
verncrnent , abandonna alors a sil' Ilenry Clinton le
dungereux honneur de comrnander en chef I'armée an-
glaise. Celui-ei, plus militaire, plus sérieux, plus actif el
plus habile que son prcdécesscur, fut ccpendant, comrno
lui, au-dessous de son role. A des elcgrés divers, lesgé-
néraux de I'arrnée royale n'étaient que des subalternes;
et en parlaní d'eux, lord North pouvait dirc sans injus-
lice : « Je ne sais s'ils font peur al'cnnerui, mais ce que
« je sais, c'est qu'ils me fonL lrernbler tontos les fois que
« je pense á eux. » Sans injusliee aussi, I'arrnée pouvait
se pluindre du ministcrc, et lui reprocher son indéci-
sion, 5011 igtlorance des dispositions ele l'Europo cornrne
de cclles de I'Amérique, son manque de próvoyance et
dactiviLé. Mal serví, le gou verncrueut de Geurge IIJ IH:




PAll LES AC'{GLAIS (17 JUIN 1778).


savait ni bien commander , ni íournir á ses aucnts les
ressourccs néccssaircs pour cxécuter ses ordres. Les
instructions qu'il envovnit d'Angleterre eluient contra-
dictoires, pleincs de Iausses ínforrnations et d'évalua-
tions fictives, bien Iaitcs pour tromper et trouhler les
génél'illlx. Le lmité entre la Franco elles Élats-Unis avait
dé signé il París, le G Iév rierl778. Uans une dépóche,
du 8 mars, au général Clinton, lord George Gerrnain,
secrétaire d'État pour les colonics, sernble encere l'igno-
rer ; il fuit de brillanls plans de cumpagno ; il cst plcin
d'cspérances, Dans une dépóche du 2J mars, tou t cela
es! changé : la nouvellc de la conclusion d'un traite
entre la Frunce et les Étais-Unis a írappé le ministre
comme un coup de foudre ' : il ordonne d'évacuer im-
médialement Philadelphie, de se réfugier á New- York,
d'envoyer 5,000 hommes aux Aníillcs pour les défcn-
dre, de se préparer aabandonner les Ittats-Unis pour
couvrir le Canada, de quittcr partout l'offcnsive pour
prendre une position défensi ve.


Le 17 juin, les Anglais, au nombre de HI,0002, sor-
1 La conclusion du traité entre la France et les États-Unís lit>


fut notifiée officiellcrncnt que le 13 rnurs 1778 [¡ l ord Wcyrnouth,
sccrótaire d'Élal paur les aff'air es (,trangé,res. Mai,; Fax el pl u-
siours rnernbres de l'oppasition avui cnt dóju annoncé cette n ou-
ve lle , en plein Parlem e n t , d an s le courant de février. Le b r usquc
changement d ans les instructi on s envoyécs au général Cl intu..
scmble done in expl ic ab le ,


/ 2 État eJTectif des forees anglaises dans les États-Cnis, jo
20 rnars 1¡78 :


Tr oupes u.nglaises
> a.Icman.les


provinciales


PIlILADELPH1E.


13,078
5,:202
1,2;)0


r..T\V-'I Q[~K.


3,4SG
B,689
3,281


HHOIl;,:-lSL.\r\ iJ


l,rilO
2,IlG


,ji
19,GJO 10,150 J,770


Tolal de l'e1rectif: ~3,7ÓÜ.




1,11 DATAILLE DE l\ION1IfOUTII (28 Jl'r~ 1778).


Iaient de Philadclphie, en vertu de ces instructions, et
se dirigeaient par terrc sur New-York. Washington
n'avait que 11 ,000 homrncs dans son camp de Vall('.r-
Forgc ; mais, toujours disposó al'atlaque, et bien décidé,
malgró l'opposition de ses principaux Iíeutcnants, il
tout risquer pour mettre fin 11 la guerre, il se lance har-
diment ü la poursuite de l'ennerni, l'atteint a Mon-
mouth 1, rcmporle un brillant avantage, oí no manque
l'occasion de gagner une bataillo decisivo que par la
désobéissance perfide du général Lee qui, Anglais d'ori-
gine cornme le général Gates, et comme lui jaloux de
Washington, sut moins glorieuscment se vonger d'une
supériorité qui humiliait son orgueil. L'arrnée anglaise,
un instant arrétée par l'engagement de Monmouth,
continua sa re traite avec précipilation, somant la route
de ses déserteurs el de ses maladcs , el arriva dans le
milicu de juillet aNew-York, accabléc par la fatigue,
la chaleur et le dócouragerncn t. Washington qui, pour
prendre un partí sur les futurcs opérations de la carn-
pagne, attendait I'arri véc d'uno escadre írancaise qu'on
signalait en mer depuis quolques jours', donna du repos
ases troupes, Ieur fit passer lentement l'Iludson, el vint
camper dans la position de White Plains, a trente millos
au nord de New-York' : « Apres deux ans de marches
c( eí de contre-marches, )) écrívait-il alors, « apres des
« vicissitudes si étranges que jamais peut-étrc aucuno
« guerre n'en a presenté de sernblables dcpuis le com-
:, menccment du monde, quel sujet de saíislaction el


1 ;Wjllinlii8,
.: l:3Juilktlii8.
;¡ 11 juill ct 1778.




COOPEHATlO:--I I)'U~E ESCADlm FRA:\~:_USE '¡T;~!. J~


( d'don nernen t pour nous de voir les deux armées reve-
« nues akm point de départ, et les assaillants rédnits,
« pour se défen drc, arecourir ala beche et ala pioche 1! ))


Le comte d'Estaing, apres avoir touché i:t l'embou-
ehure de la Delaware, oú il croyait trouver encoré Wa-
shington, parut, le 11 juillet 17i8, dcvant New-York,
avec une escadre francaise composéc de douze vais-
seaux de ligue et de quatre frégates ~, Les deux généraux
s'ernpresserent d'entrer en rapport, ponr préparer la
coopération active de I'armée et de la flotte. Deux plans
de campagne se présenterent ; l'un, pour une attaque
immédiate et simultanee centre New-York, principal
point d'appui de l'enncmi ; l'autre, pour une expédition
contre Rhode-lsland, oú 6,000 Anglais tenaient, depuis
deux ans, les États du Nord en échec. Le premierde ces
plans, le plan fuvori de Washington, fut rendu imprati-
cable par la nécessiíó de franchir, pour entrer dans le
port de New-York, une barre que les pesants vaísseaux
du cómte d'Estaing n'auraient pas pu passer, On se
rejeta done sur l'expédition de Rhode-lsland. Elle ne
réussit pas davanLage.


Au moment ou le général Sullivan, cornmandant du
corps expéditionnaire américain, et le cornte d'Estaing
se préparaient adonner, de concert, l'assaut á New-Port,
principale place forte de Rhodo-Island, leur attaque fut
dérangée par l'apparition subite de l'escadre anglaise,
a l'entrée de la rade dans laquelle les vaisseaux Iran-


1 Wash. Writ., t. VI, p. 3H.
~ L'escadre du corntc l1'Esiaillg, partie de Toulon le 1'2av ril


1778, ri'ótuit arrivéc a I'cmb ouchurc de la Dclaware que le
8 j uil lct,


10




146 MOUVEMENT D'OPI"iJON


cais étaient ahrités. Plutót que de s'exposer a élre blo-
qué, d'Estaing sortit au-dcvant de l'ennemi, pour lui
livrer balaillo en pleine mer 1. Les deux flottes, disper-
sées par un horrible ouragun, se sépnrerent sans COHl-
hattre, et dEstaíng, justemcnt préoccupé du salut de la
sienne qu'avait désemparée la ternpéte, abandonna ses
projcts contro Bhodc-Island, laissa l'armée américaine
a elle-méme, et alla réparer ses vaisseaux a Boston",
C'était la seconde tentative compromise par la mauvaíse
fortune de d'Estaíng. La campagne était perdue.


Ce íut un cri universal d'indignation dans les États-
Ilnis contre l'amiral francais. Les généraux de l'armée
de Hhode-Island lancerent contre lui une protestation
virulente,aussi injusto qu'injurieuse. A Boston, il fut
aecueilli par une émeute ; le mot de trahison retentit
jusque dans le sein du Congres : toutes les violences
révolutionuaires, toutes les défiances contre la Franco
se déchainerent, et son nom fut maudit comme il avait
été vénéré.


L'alliance lrancaise et la dignité américaine compro-
mises, voilú ce que Washington vit dans ce soulevement
ínconsidéré de I'opiníon publique. II en fut également
inquiet et humilié. Apaiser I'irriíation des Francais,
et protester contre la grossiercté de ses compatriotes,
ce Iut pour lui un besoin de cceur, autant qu'une néces-
sité politiqueo On scnt dans sa correspondance que ses
instincls de gentleman ont été révoltés, comme son bOH
sens d'homme dÉtat, et il semble préoccupé de prouver
qu'il J a eucore des gens bien élevés en Amérique, Lui,


1 ]0 "out 177R.
~ za aoúl1771:l.




!:::Játucllcmcnt si plein de simplicité et de réserve, il
preud, avec les Francais, le ton d'une courtoisie presque
cornplimcntcusc; il offre son umitié ad'Estaing ; il rap-
pelle a Latavctte la vieille intimité qui les unit, et guérit
par quelques bonnes paroles la blessure faite a leur
amour-propre : « Les ressources d'un esprit aussi émi-
« nent que celui de Votre Excellence, et les qualités
« d' un grand général se révelent bien plus hrillarnment
« encore au milieu des revers que dans la victoire, »
écrit-il au cornto d'Estaing ; « les élérnents conjurós ont
« pu vous enlever le succes ; ils ne pourronl jarnais vous
« dépouiller de la gloire quí vous est due l. » ElaLa-
fayette: «Je souffre, mon cher marquis, je souffre pour
« vous, pour nos bons et .grands alliés les Francais ; je
« souñre pour mon pays. Mais, sous un gouvernernent
( libre et républicain, comment réprimer la voix de la
« muHilude? Chacun vent parler comme il pense, 011
« plutót sans penser; chacun veut juger des effets sans
« considérer les causes. Les reproches qu'on a adressés
« aux officiers de la flolte francaise seraíent tombós ,
« sans doute, avec bien plus de force sur une fIoUe
« américainc, si nous en a vions une. Je vous supplie de
(~ travailler a guérir la blessure qui a été faite sans
« intention. Moi, votre ami, je ne doute pas que- vous
« n'employiez tous vos cñorts arétablir l'harmonie, au
« profit de la gloire et des intéréts mutuels des deux
« nations".» L'harmonic Iut rétablie, et méme un pcu
trop complétemcnt peut-étro , au gré de \Y,?-shinglon.


Toujours plein de mesure, sans faiblesse pour ses
1 lVash. WTit., t. VI, p. 5t5.
1 \Va"h. lFri¡', t. VI, p. 49.




]18 WASHIKGTOK nESAPPllOUYE LES PI AXS


meilleurs amis, sans illusion sur leur cornptc, il vit avec
inquíétudc le Congres selancer étourdiment dans des né-
gociations secretes avec Lafayctte, pour préparer en com-
mun un plan de conquéte du Canadá. La conquéte du
Canada était, depuis longtemps, l'idée favorite du Con-
gres. Obligé par la faiblesse de ses ressources de l'aban-
donner, I'année précédente, il l'avait reprise, apres la
conclusion du traité du 61évrier, et la poursuivait avee
ardcur, Mais, aux yeux mémes des esprits les plus chimé-
riques, l'exécution de ce dessein n'était possible qu'avec
le concours de la France. nfut done convenu que 1\1. de
Lafayette irait lui-méme en Europe, pour pousser lo
gouvernement francais danscette nouvelle entreprise, et
rarnener l'été suivant un corps d'arrnée considérable,
destiné a coopérer , dans le Canada, avee les troupes
américaines, Tout fui décidé ; les moindres détails de
I'expedition furent arrétés, entre un jeune offlcier san s
cxpérience et quelques politiqucs infatues d'eux-mérnes,
en dehors de l'influence el sans mórnc prendre l'avis
de Washington. Le CongTes ne le consulta qu'au dernier
moment, lorsqu'on sentit le besoin d'appuyer du poids
de son nom le projet auprcs de la cour de Versailles,
Sans prendre aucun soin ele dissimuler son humeur,
Washington renvoya le projet au Congres, en refusant
de l'approuver. Devenu chaleureux paríisan el fldela
défenseur de l'alliance írancaise , il n'eu étaít pomt
encere arrivé a négliger tonto précaution contre la
France ; el, dans sa iroide prudence, il rclusait de tenir
le bon sens mérne des nouveaux alliés de l'Amérique
comme une garantie suffisante contro leur amhilion :
« Laisserons-nous, » écrivit-il au prósident du COlJgl'es.




nrr (n"(;RE~ CONTRE LE CAKADAliiR). ]40


I( Iaisserons- nons un eorps considérable de tronpes
" fruncaiscs cntrer dans le Cariada, et prendre posses-
« sion de la capiíalc d'une province qui est attachée a
(f la Franco par tous les liens du sang, des moiurs et de
" la religion'! Jo crains que ee ne soitexposer eette puis-
r' sanee il une teníution trap forte pour tout gouvcrno-


ment dil'igé par les maxirnes ordinaires de la poli-
" tique.... Supposons qu'une íois entres dans Ouébec,
( ces cinq millc Francais (el sous ce prélendu nombre
tf nc pourrait-on pus en introduire deux fois plus '1) ,
( supposons qu'ils déclarent vouloir garder le Cariada,
« comme gage et süreté des sommes dues a la Franco
« par les l~tats-Lnis. Qn'aurons-nous adire, ne pouvant
(( disposer que de qualre ou cinq mille hornmes pour
(( soutenir nos préLenLions'l On objeetera, sans doule,
t< que la Franeene tentera point de suívre une eonduite
« qui hriserail nos relatíons d'amitié avec elle, et nous
« jotterait dans les hras de l'Angleterre .... C'est la, selon
" moi, une trop pauvre garantie pour qu'on puisse y
« compter. Si la Franco et l'Espagne s'unissaiont , et
« obtenaient sur mcr une supériorité marquen, nutre
( róunion a l'Angleterre ne suífírait méme pas ü nous
« sauver .... A la maniere dont le marquis de Lafnvetto •
( préscntaít son plan, il m'avait paru, d'abord, qu'il en
" était le seul anteur : cependan t il n'est pas impossíhle
« que eette proposilion vicnne du eabinet írancais, et
« qu'on lui ait donné ceííe forme pour la faire goútsr
« plus aisément. Je erois lire, sur la figure de quel-
« ques personnes, autre chose que le zele désintéressé
« de simples alliés : je désire me tromper ; peut-éíro
;1 suis-je trop préoccupé de la crainte de quelque mal-




J50 PROGRE~ DE L'INDIFF1':RF:NCE
(( heur ; peut-éíro cette préoccupation a-t-olle éveíllé en
« moi des sentiments de méfiance sans fondement.l\Jais
( par-dessus tout , Monsieur , et en mettant de coté
« toute autre considératíon, il me repugne d'augmenler
« le nombre de nos obligations nationales '. »


Apres bien des hésitations et des débats, le Congres
finit par renoncer ason projet; et M. de Laíavette partit
pour la France, sans autre mission que celle de jouir de
la popularité dont son nom cominencait ú f!tl'e couvert
en Europe '.


Au milieu des négociationssur la conquéte du Canada,
el aprcs quelques escarmouches sans importance, l'ar-
mée avait pris ses quarticrs d'hiver 3 dans des cantonne-
mcnts autour de New-York, et le comte d'Estaing était
partí avec sa fiotte pour les Antilles, ou sa présence était
devenue nécessaire pom l'attaque des colonies anglai-
ses et la dótense des posscssions francaises.


Apres les faligues de la guerre, les soucis de la poli-
tique : en éíé, les opérations militaires; en hiver, la lutto
contre le mal intérieur; telle était la vie de Washing-
ton . Jamais le mal intérieur n'avait élé aussi grnnd ;
[amais l'état poli tique de l'Union n'avait été aussi affli-
geant qu'au commencement de I'année 1779. L'abais-
sement du Congres étail de jour en jour plus manifesle:
abandonné de ses principaux membres, déchiré par de
violentes faclions, il avait perdu le peu d'autorité qui
lui reslát. L'anarchie était dans la nation, comme dans
le Congres ; la démoralisation pénétrait dans les classes


1 ~Yash. ~Y¡·it., t. VI, p. 106.
2 Fin de décernbre 1778.
a Novembre 1778.




PUBLIQUE (1iiR-1779). t51


supérieures, eomme dans les classes ínférieures; I'indif-
férence pour la cause ele l'indépendanee se répandait
dans l'armée, comme dans les masses. Toutes les forces
morales étaient épuísées ; tous les pouvoirs publics
amoindris. L'influence de Washington lui-mérnc étaít
éhranlée par les attaques des journaux et les sourdes
menées de ses cnnernís. Tout le monde sernblait croirs
que la lutte étaitfinie, que le temps était, enfin, venu de
jouir du repos et de la victoírc, de satisfairo des passions
el des fantaisíes longtemps eonLenues. Les souífrances
el les privations avaient produit une réactíon violente,
un goút cñréné de spéculations et de plaisirs. Il y avait ,
dans toute l'Arnérique, un puissant courant de materia-
lisme. Washington en était consterné: ( Dieu seul , »
disait-il..« peut savoir ce qui résultera pour nous de
(( l'extravagance des partís et du reláchement général
'( des vertus publiques.... Je suis de plus en plus con-
(( vaincu que nos aítaircs sont dans un état plus pré-
re caíro et plus déplorable que jamais.... Pour le salut
( de la patrie, envoyez au Congres eeux de vos conci-
( toyens qui ont le plus de vertu et de talent. De pareils
(( hommes ne doivent pas rester chez eux , dans l'en-
(( gourdissernent du somrneil, au momenL d'un danger
([ aussi imminent., .. Si ['avais apeindro le temps et les
( homrnes, dupres ce que je vais et ce que je sais, je
« dirais qu'ils sont envahís par la paresse, la dissipation
« et l'extravagance; que la spéculatíon, le péculat, une
( soif insatiable de richesses dominent toutes les pen-
( sées et toutes les classes ; que les disputes de partis et
« les querelles parficulieres sont la grande affaire du
« [our ; íandis que les inléreís d'un empire, une lourde




Jri2 '.1'AUVAIS ETAT FIXANCTEIt 117791.


« delte toujours croissante, la ruine de nos flnances, la
« dépréciation de notrepapier-monnaie, le manque de
(( crédit, toutes les quesíions vitales, attirent a peine
(( l'attention, et sont remisas de jour en jOUI', comme si
« nos affaires étaient dans l'état le plus prospere 1, »


L'état des finances était, en effet, ce qu'il y avait de
plus grave dans la situation. En vertu des orticles de
Confédération, les fraís de la guerre devaient étre sup-
portés par un trésor commun; mais, gráce it I'impuis-
sanee du Congres, ce trésor commun était une ficlion.
Pour toute ressource, les États-Unis n'avaient que le
papier-monnaíe , et la dépréciation en était si grande
que, dans les relations privées, et pour l'acquittement
des dettes antéricures ala guerre, \Y ashington lui-méme
refusait de l'accepter en payement ason taux nominal:
« Ce ne seraít pas, » disait-il, « servir le pays; ce serait
«( enrichir quelques individus, et assurer le triomphe de
« l'improbité. Un honnéte homme ne peut chercher a
( payer vingt shillings avec un seul OH peut-étre la
« moitié d'un seul. ')) Telle était en lui la puissance du
sentiment de l'équité, qu'il l'empéchait de faire a la
raison d'État les sacrifices auxquels l'aurait poussé son
désintéressement.


La dépréciation des valeurs publiques pesait snrtout
sur l'armée, dont elle angmentait le mécontentement el
les souffrances: « On pourrait apeine, avec une char-
(( retée de papicr-monnaíc , se procurer une charretée
« de vivres, )) disait Washington..., « Pouvons-nous
« eontinuer plus longtemps la guerre, dans de telles


1 Wash. w-«.. t. VI, p. H2, 151.
, H'ash. IVrit., t. VI, p.321.




Rf.~nFCTrO" nF. L'A mrF:F (1770). 153


conditions? Certainement non, á moins d'inventer
quelqne procédé pour relever notre crédit : sans cela,
ou trouver des fonds pour faire face aux dépcnses
actuclles de l'arméc I '1 » La question n'était plus de
voir qní , de la Grande-RretagIw mi de l' Amériquc,


emporterait sur les champs de bataille, « mais lequel
des dcux États aurait le premier épuísé ses· fi-
nances", »


Daos ces tristes circonstances, il fallut se résigner á
rliminuer le nombre des troupes, et a abandonner un
systeme de guerre agressívc. Réduire l'armée , en luí


- donnant cette organisation forte et permanente que
l'on cherchait en vain ay introduire depuis trois ans,
se retrancher dans de fortes positions, et attendre que
rAngleterre ruinée et affaihlie renoncát d'elle-mémo a
la gucrre, telle fut la politique que Washington adopLa
de nouveau, aregret, apres avoir cspéré terrniner la
lutte d'une faeon plus brillante et plus prornpte 3.


Ou paysdemontagnesquis'étcnd au no rd deNew-York,
Washington survcilla, pendant tout l'été ', les mouve-


1 Wash. Writ., t. VI, p. 80.
! Wash. Writ., t. VI, p.81.
s Le nombre des bataillons d'infanterie fut réduit tI 80, et celm


eles régiments de cuvalcrio tL 4. D'apres un rupport du g(,n{Tal
Knox, en date du 5 avril 1779, le nombre de' compagnies dartil-
i e r ie était de 45, contcnant 1600 hommes. - Les fo rc ea arnéri-
caines, pendant la campagne ele 1779, s'él evaient, en tout, sur le
papicr, u27,099 hornmos , doni 14,998 ongagés pour toute la durée
de la guerre, et plus de 12,000 pres d'é tr e libúrés , sans pouvoir
~tre remplaces. De l'aveu de Washingion (Voyoz Wash. Wtit.,
t. VI, p. 401), l'effectif élait tres-infét-ieur a ces chiJl'res of'íi-
c ie ls, L''effectif de l'armée anglaise s'élcvait , le 1" mui 1779, a
0;),4;:'8 hornrnes. 'Yash. w-e., t. Y, p. 543.
~ 1719.




J54 SUCCES DES A)fÉRICAI'lS nANS LE NOnn


ments de l'armée anglaise, sans ceder au désir de lui
livrerbataille. Le général Clinton chercha en vain aI'at-
tirer dans la plaine, en dévastant les colonias du Nord.
Washington résista aux provocations de Clinton et aux
pderes des malheureux habitants du Connecticut,
comme il avait résisté asa propre ardeur. Rien ne put
le Iaire consentir aexposer le gros de son armée, Cepen-
dan t, pour exercer ses troupes, satisfaire le besoin
d'érnotions dans les masses, et réconcilier les Améri-
cains avcc un plan de guerre qui lcur répugnait, bien
qu'ils I'eussenl imposé par leur indifférencn, Washing-
ton se décída aentreprendre deux expéditions partielles,
dont l'issue fut également brillante et heureuse : l'une,
contre les Indiens de l'ouest , devenus dangereux par
l'appui qu'ils prétaient á l'Angleterre ; l'autre, centre le
fort de Stonv-Point qui rcndait les Anglais maitres de la
navigation de I'Hudson 1. Ce furent les seuls événements
de la campagne dans le nord.


Des faits a la fois plus importante et moins heureux
se passaient dans le midi. C'élait la que devait se vider
la querelle entre l'Angleterre et les Ittats-Unis.


Des l'origine, laluttc avait eu, dans le midi, un carac-
tere particulier d'acharnernent, Ce n'óíait pas , comme
dans le nord, une guerre régulíere entre génémux enne-
mis; c'était une suite de dévastatíons et de rnassacres,
sans direction et sans ordre ; une guerre d'extermina-
tion entre les habitants du rnéme sol, dans Iaquelle I'in-
tervention des Indiens venait méler la cruauté des
mecurs sauvages a la violence du sang meridional.


1 lfi juil let 1779.




F:T m:s ANGLATS DANS LE xnnr (1779). 155


Éganx en force, tour a tour vaincus et vainqueurs, les
loyalistes et les répuhlicains rivalisaient de zele et
d'cxces.


Les prédécosseurs du général Clinton n'avaient point
su tirer parti de ces haines. Longtemps, les colonies du
midi étaient restées livrées a clles-mémes, . et I'armée
anglaise, conccntrée dans le nord, n'avaít donné aucun
appni sérieux aux loyalistes des Carolines et de la Géor-
uie. Sir Henry Clinton changea radicalement de sys-
Irme. Se sentant trop faihle pour entamer l'armée de
Washington, et découragé de l'inutilité de ses efforts sur
les bords de I'Hudson, il renonca a toute tentative im-
portante de ce coté. Abandonner tous les postes seeon-
daíres dans les colonies septentrionales, méme eelui de
Bhode-Island , ne conserver que New-York, la elef de
I'Hudson et du Canada, occuper Washington par le siége
de cette ville , faire crier merci aux habitants des pro-
vinces qu'on ne pouvait subjuguer, en augmenlant leurs
souffrances par de cruelles dévastatíons , et porter la
guerre dans les Carolinos, lel fut le plan que le général
anglais concut et exécuta avec une rare habileté. Pen-
dant pres de deux ans, ce plan lui réussit assez bien pour
que l'on püt croire le sort des armes changé, et les colo-
nies méridionalcs définitivement reconquíses, [usqu'á
ce que Washington, jetant dans le midi le poids de sa
présence et de ceIle d'une armée francaíse , fút venu
mettre un terme aux succes des Anglais et a la guerreo


Des la fin de l'année 1778, Clinton avait envoyé en
Géorgie un petit eorps de troupes qui, apres s'étre em-
paré de Savannah, avait chassé les républicains de la
province, et serví de lloyau ala formation d'une armée




SITTT ATIO'\ (',ÉNERALE


loyalíste, Le général américain Lincoln avaít en vain
cherché, pendant l'hivcr et le printemps 1,:1 reconquórfr
la Géorgie. Réduit al'inaetion, pendan! l'été, par la vio-
lence de la chaleur, il aHendit, pour mettre le siego
devant Savannah, que le comte d'Estaing, revenn des
Antillas, püt luí préter l'appui de sa fiotte'. Mais, cormne
h Bhodc-lsland , cet appui fut iníructueux. Pressé de
retourner aux Antilles pour exécuter les instructions de
son gouvernement, l'amiral francais reíusa son con-
cours aux longues opérations d'un siége en regle, et
ne consentit apréter ses troupes que pour Illl assant.
Repoussée avec perle dans sa téméraire attaque , I'ar-
mée combinée se sépara hrusquement ? : les Francais
regagnerent leurs vaisseaux ; les Américains se deban-
dercnt ; el le général Lincoln , abandonné de tous les
siens et prcssé par l'ennemi, tut obligó d'aller cherchcr
un refuge daus la Caroline du Sud, ou les Anglais, POUl'-
suivant leurs conquétes , vinrent bientót l'attaquer.


Malgré l'importance qu'ils pouvaient avoír dans la
lutte avec les Etats-Unis, ces hrillants suecos furent a
peine rema l'gués en Angletcl'l'e. Les esprils y ótaient
absorbes par de plus grands intéréts, et les dangers aux-
quels la Crande-Bretagne étaít exposée dans 1'ancien
monde lui faisaient presque oublier ses rapports avec
lenouveau.


Jamais, depuis la dispersion de la grande Armada,
l'Angleterre n'avait été aussi menacéc d'une invasion
étrangere ; jamais, depuis les JOUl'S de la róvolution,


1 1779.
~ Seprembre 17~9.
3 18 uctubre 1770.




DE L'AXGLETERRE (li79). 157


l'agitation et le désordre n'avaient été aussi grands a
l'intéricur,


Une nouvelle puissance s'élait dédarée centre elle.
L'Espagne, entrainée dans la guerre par hostilité pour
la Crande-Brctagnc, plutót que par sympathie pour les
colonies révoltées " avait [oint sa fiotte a celle de la
Frunce, Soixante-six vaisseaux de ligne ennemis sillon-
naient la :\Ianche; cinquanle mille hornmes, réunis en
Nonnandie, se préparaient a fondre sur les corntés du
midi. Un simple corsairc arnericain, Paul Jones,rava-
geait impunérnent les coles d'Écosse. La Hussie el la
Hollande menacaicnt de soulenir, les armes ala main,
les droits des neutrcs, méconnus par les cours d'arni-
rauté anglaiscs. L'Irlande n'attendaít qu'un signal pour
se soulever; les querelles rclígieuses déchiraient l'Ecosse
el I'Angloterre; I'aulorilé du cabinet de lord North était
óbranlée dans le Parlement, cornmo dans le pays; les
passions populaircs Iermentaient dans Londres, et 1'011
pouvait voir cette grande cité livrée, pendan! pros de
huit jours, a la populace, sans que rien pút s'opposer á
ses exces, que sa propre lassítude et sa propre honte 2.


En occnpant les Anglais en Europe, en détournant
leur aítcntion et leurs torces du théálre de la luíte en
Amérique, l'alliance franeaise avait déja rendu aux
Etats-Unis un service émincnt. Ce service n'était point
encore assez granel pour satisfaire le zi~Ie de 1\1. de La-
íayette. Les secours mílitaires cnvoyés par la Franee
avaient été [usque-lá OH nuls ou ineíflcaces. 1\1. de La-
fayctte cmploya sonséjour aParís apréparer une ínter-


l J'u in 177H .Ó»
~ Z-H j uin 1779.




158 LE ~rAHQUIS DE LAFAYETTE A PARIS (1779).


vention plus directe et plus importante de son pays dan"
la guerre de l'indépendanee. l\Ialgré la vive répugnance
que Washington avait manifeslée, en '1778, pour I'intro-
duction des troupes francaíses dans les colonies, malgré
les vieilles haines qui séparaient les deux races, M. de
Lafayette se fit fort de faire aceeptcr aux Américains le
secours d'une armée, Longtcmps, le gouvernemenl
francaís résista aux suggestions du jeune enthousiaste;
longtemps, 1'on opposa 1'expérience a ses espéranees;
mais, frappé de la sincérité de sa foi, circonv~nu par
son activité, le mínistere finit par céder, et, au com-
mencement de 1780, tout se prepara pour l'envoi d'un
eorps d'armée aux Etats-Unis,




1780-1781.


Arri"f.;e en Amcrique du comte de Rochambeau et d'un corps d'urmée fra"Jj cais.
-c-Campagn« de 1780, inactive dans le ncrd, malheureuse dan s le' midi.-
Réformes dans I'organisation mi litni re . - Hubileté de Washington daus
les relations avec les pcrsonnos.c--Cordialo entente entre lui ct les ojñcicrs
Irancais.c-Conspíration du général Arnold.-Exécution da ruajor André.-
Révclvc des troupes de la Pousylvun¡e et de New-York.s--Ncuvcl appel ida
France.- Carnpagnc de 1181.-Ravages d'Arnold en Vírgmic.c--Lord Corn-
wal\is se fortifie aYork-Town.-Siége et prise de cette ville par le general
Washington et le comte de Rochambeau.


--0--0--<>----


La passíon et la syrnpathie avaient fait deviner a
M. de Lafayette les vraies dispositions de Washington el
des Américains. lis n'avaient que trop de motifs de faire
taire leur fierté et leurs antipathies nationales, et de
tourner vers la Franee leurs yeux et leurs esperances.
L'année 1780 s'était ouverte sous les plus tristes aus-
pices. Autour de New-York, une armée de 10,000
hommes apeine, déciméo par la faim el le froid , sans
solde, sans vivres, sans chaussures, en haillons, obligée
pour subsister de dépouiller les populations, et de se
li vrer ala révoltc et au brígandage ; dans le micli, les
Anglaís prenant leur revancha de Saratoga; Lincoln
fait prisonnier dans Charleston avec 5,000 hommes 1;


I 12 rna i 17eo.




160 UNE AmlÉE FRANlJAISE ARRIYE


les Carolines envahies par 12,000 Anglais I SOllS les
ordres de sir Henry Clinton. Pour réparerde si grands
désastres , il ne fallait rien moins que l'arrivéc de
I'armée francaise.


La nouvelle qu'en apporta M. de Latavette ' remplit
l'Amérique de surprise et d'enthousiasme. Les instruc-
tions données par le gouvernement francaís au lieute-
nant-général cornte de Hochambcau, commandunt du
corps uuxiliaire, élaient d'ailleurs COIH;ues de Iacon a
calmer toutes les susccptibílités et 11 dissiper tous les
soupcons. Le général était placé cntierement sous les
ordres et i la disposition de Washington; les troupes et
les offíciers américains devaient avoir le pas sur les
Francais ; les ordres les plus séveres étaient donnés pour
le mainticn de la discipline; toutcs les causes de dissen-
liment ótaient prévues ; tout était réglé pour maintenir
I'harmonie entre les soldats franeais et la population
des Etats-Unis. Le gouvernement de Louis XVIqui, dans
le cours des négociations avec l' Amérique, n'avait


862
1,016


1 Etat effectif des farees anglaises le 1" m ai 1780:
N EW-YORK. CAROLIKE DU sen. NOUVELLE-ÉCOSí1E.


7,711 7,Oll ~,298
7,451 3,018 ,,72
~ 2,788 638


17,324 12,817 3,508
FLORIDE ORIENT. FLORIDE OCCID. GÉORGIE.


536 590
547
316


'I'roupes anglaises ••••••.
allernandes ..•••
provinciales .•.•


'I'roupes anglalses .
allemandes ..••.
provinciales....


536 1,153 1,878
BERMUDE~. lLE Dll: LA PROVIlJENCE.


Troupcs provinciales ..• ,. 326 130
Total............ 38,002


VVa.¡h. Wrd., t. V, p. 544.
I .A.vril 1780.




El'> AMÉ;lUQUE (10 JUILL. 1780). 161


peut-étre pas su défendre suffisamment ses propres
intéréts, ni tirer tout le parti possible de la situation des
coloniesrévoltées, avait agi, dans cette círconstancc, avec
une prudence et une sagacité qui dénotaient une con-
naissance profonde des faits et du caractere américain.


La prise de New-York élait, depuís longtemps , le but
principal des opérations militaires de Washington. IJ
crut pouvoir profíter de l'absence de sir Henry Clinton,
occupé dans lesCurolines, et des secours que promettait
la Franco pOllr s'emparer de cette ville. Mais , comme
il le dit lui-méme, ( l'histoire de la guerre de l'indé-
(( pcndance est une histoire d'espérances décues 1. » Le
comte de Itochambeau ,qu'on crovait accompagné de
forces importantes, n'arriva aBhode-Island 2 qu'avec la
premiare division dc son armée, 5,000 hommes et six
vaisseaux. Des objections et des obstacles insurmonta-
hles s'opposerent, des 101's, au plan de Washington, POUl'
agir d'une facon effícace contre New-York, il fallait étre
maitre de la mer, prendro les Anglais au dépourvu ,
faire faire un effort puissant á I'arrnée américaine ; et
l'escadre anglaíse était supérieure al'escadre francaise;
sir Henry Clinton venait de rentrer dans New-York ; les
troupes de Washington, encore tout abattues et désor-
ganisées par les souffrances de l'hiver, étaient á. peine
préíes a entrer en ligne. Le général de Bochambeau,
tacticien habile , mais Iroid et circonspect, trouvait ,
dans ces conditions, l'entreprise aventureuse.Washing,
ton se serait peut-étre lancé dans ces hasards, tant était
grande sa hardiesse ; peul-etre aurait-il pris sur lui


1 Wasl" Wril., t. VII, p. :1:29.
• 1Vjuíllet 1'elO.


JI




162 lNACTION FOrrCÉE ([780).


d'écarter les résistances du comte de Hochambeau et de
lui douncr un ordre péremptoire, tant il craignait peu
la responsabilité ; rnais le scntiment de l'iníériorité do
l'armée américaine l'humilia el l'arréta : « Notre posi-
{( tion n'est polot assez brillante, » écrivait-il avec mor-


" tiñcation a1\1. de Lafayette, « pour j ustifler les instanccs
« que nous Ierions au pre's du cornte de Ilochambeau. Je
(( continuerai cqpendant nos dlspositions , dans I'espoir
« de circonslances plus heureuses 1. » Il les atíendit en
vain .i usqu'ú l'hivcr ; el, sauf dans le midi, ou le général
Gales se fit battre, a Camden", par lord Cornwallis, la
campagne de lí80 fut encare une campagne inactive ;
inactive pour les troupes, non pour Washington.


Le momcnt était critique pour I'Amériquc, Malgré
tant de malheurs et de déceptions, les apparences ne
lui avaient point encere été aussi favorablcs. L'Europe
íout entíerc avait lesyeux fíxés sur elle. 11 fallait enfin
faire ses preuves, rassembler ses forces, étouífer toutrs
dissensions, se montrer une vraic natíon, pleine de
seve, de vigueur et d'avenir, ou pussor pour un de ces
Etats de création factice, en proieaux révolutionnairos
et it l'ótranger, sans raison d'étre et sans aetion propre,
qui ne vivent que par les efforís et pour les besoins de
la diplomatie. Washington le scntit. 11 avait , l'année
précédente, fait de larges concessíons a la Iassiíude
publique; avec un taet admirable, il avait obéi au hesoín
irresistible de repos qu'éprouvaicnt les Arnéricains : il
avait su attendrejdais, en présence d'une situalion
nouvelle, qui demandait et promettait des résultats déci-


1 Wash. Writ., t. VII, p.135.
2 lG doul.1780,




HEFOmlE DE L'ORGANISATIO'\" MILITAIRE. 163
,


siís, il redevint exigeant; il n'épargna aucune des 1'es-
sources, ne ménagea aucune des íaihlesses de ses COIfI-
palriotes ; il voulut íout disposer pour que la campague
de 1781 fút la derniere, et il réussit.


Levée, en 177ií, apres la bataille de Lexington, reslée,
jusqu'a la fin de i i7G, dans le plus horrible chaos, l'ar-
méc inst I rreetionnel1e arnéricaine n'avuit été qu'impar-
faitement rcíorméo apres la balaille de Trenton. Elle ne
íut orguniséo d'uno Iacon vraiment réguliere que dans
l'automne de 1780. Alors, seulemcnt, les expédients
firent place ú un systcm« uniforme et harrnonieux; alors,
seulement, les mesures dont Washington n'avait obtenu
[usque-la que l'adoption parlielle, furenl acceplées
sans reserve par le Congres 1 ct exécutóes sans trap de
résistance et de mauvais vouloir par les ÉLats : les
enrólements forcés pour toute 13. durée de la guerre
turcnt enfln substitués aux engagemenls ternporaires
et volontaircs ; le brevet d'offícicr cessa d'étre une
charge par la promcssc de la demi-solde á vie, arres la
fin de la gucrre ; une Iégislation pénale, rigoureuse
maís proteclrice, rétabliL la discipline parmi les soldats,
et détruisit l'arbitraire parmi les cheís. Pour la pre-
miere Iois, I'ordro et l'économie régnereut dans I'admi-
nistration de l'armée, Impuissanles el ineíficaccs en
elles-munes, la machinc gouvcrnementale et la machiue
militaire n'avnient pu fonctionner, j usquc-la, que grúce


I:.!l oetobre 1'180.-L'étai mi litaire fut al ors íixé, ainsi qu'il suit:
Jnfanterie, 50 régimenh a 6E!· hornrries 30,GOO
Ca valer ie , 4légions a 360 1,440


'2 eorps de partisans a 300 600
Arf.illcr ie , ·1 hu.n.illons a laeompagnies.


1Vash. IVrilh. i. VII, I': t45-256, 'í97.




161 pnEPAHATIFS


au zele et a l'activité infatigable de Washington, ason
autorité et a son inf1uence immense sur les gouverne-
mcnts locaux et sur les troupes. Mais, malgré tant et de
si puissanles ressources pcrsonnclles, il ne pouvait, ú Iui
seul, tenir lieu de gouvernement central al' Amérique
et d'organisation al'armée. De la les vicissitudes de la
révolution. Devant Boston, il avait prévu et prédit <¡ne
la guerrc traincraít en longueur, qu'aucun résultat
important ne serait obtenu, tant que le Congres n'use-
rait pas de ses pouvoirs jusqu'a leur derniere limite,
tant qu'on s'en rernettruit, pour le salut de l'Amérique,
á la complaisance des ~tats et au patriotismo des volon-
íaires : au milieu des plus grands malheurs, il avait
aífírmé que les ressources du pays seraient suffisanles
pour terminer la lutíe avec autant de promptitudc que
d'éclat, des qu'on saurait les díriger el les concenlrer,
et qu'on oscrait irnposer aux Amóricains les mesures
dont son expérience avait reconnu la nécessiíé. Cefte
double prédiction s'accornplit de f,H:on ajustifier la con-
fiance qu'il avait lui-mómo dans son jugement, et, qu'á
la fin de la guerre surtout, il inspiraitá ses compatriotes,


eependant, ce ne fut pas sans peine que Washington
parvmt á éclairer le Congres, et a produire , dans les
masses, une réaction patriotique. Il es! également diífí-
cile de faire fléchir une rouíine invéíérée et de raviver
(les passions épuisées. 11 faut avoir lu la correspondance
de 'Vashington, avoir assisté, jour par jour, aux cornbats
si multiples et si divcrs qu'il cut alors il livrcr contre
les préjugós eí I'engourdisserncnt de son pays, pour
mesurcr la résístance des obstacles et I'energie des
eílorts. La publication de la correspoudance de \Vash-




p()(;n LA CAMPAGNE DE 1781. lG'i


inglon est, sans contredit, le plus beau mnnumcnt
qui ait óté élevé a sa gloire. C'est la qu'est vraiment
peinte cette grande figure si originale par sa simpli-
cité. Peu d'éclat, peu de traits dans le détail, et un
ensemble frappant. Peu de fécondité avec peu de concí-
sion, do la monotonie dans la forme, et la puissanee du
génie; 11110 pénétration et uno portee dans los vues qui
vont jusqu'á l'éloquence ; une honnéteté sincere, mais
sans ernportement et san s prudcrie , une passion ar-
dente, mais dominée et 'contenue, contre lesquelles on
n'est jamais tenté de se mettre en garde, el qui émeu-
vent et attircnt les ames les plus froides, sans inquiéter
les esprits les plus reíléchis.


Washington, que nous avons vu au commencement
de la révolution si peu disposé á rechercher l'influence,
si plein de répugnance pour les concessions et les J11t:-
nagcmcnts qu'impose la vio politique, s'était trouvé,
quand le dcvoir I'avaít appeló Ú l'action, d'une hahilete
consommóe dans l'art de traítcr avec les assornblées el
les individus ; habileté qui s'était développée, lous les
jours , avec l'hahitude du pouvoir, ot dont , aaucuue
époque de la guerre, il ne fít peut-étre autant preuve
que lorsque , de concert avec les pouvoirs les plus
divers, le Congres, les gouvernements locaux, les gene-
raux írancais, il prepara la campagne de '1781.


Dans ses rapports avcc le Congres, toujours forme,
rarement impéricux et impatient, il évi1e avec le plus
grallll soin de ricn devoir ala contrainte, de froisser les
intéróís el les amours-propres ; il se eroit tenu de prou-
ver qu'il a raison, de juslifier ses projels et ses actes,
de préparer el d'éclairer les csprits , :n aut de lcur




J66 RELATIONS DE WASHINGTON


ímposer ; il n'use qu'á la derníere extrémité de toute
l'autorité que lui donno son cxpéricncc et sa chargc. El
ce n'cst pas sculcment sur l'ensemble de l'Assernblée el
par la puissance d'une argumentation officielle que
Washington cherche aagir. 11 tient compte de toutcs
les influenccs ; il met en jeu toutes les rcssourccs de la
tactíque parlementaire. II est en correspondance paríi-
culiere avec les membres les plus considérahles du COII-
gres, et c'est an moyen de ces letlres confidentiel1cs
qu'il insinue ce qu'il serait dangereux de déclarer trop
hrusquernent; qu'il explique aux plus éclairés et aux
plus súrs ce qu'il faut taíre au gros puhlic ; qu'il flatto,
chcz les vaniteux, le goút de I'importance, et qu'il gagne
un á un des paríisans ases projets. Partout, il a des amis
'I ui répandent ses idées, qui le tiennent au courant des
progrss qu'ellesfont eteles obstacles qu'ellesrencontrent.
Dans la vio rnilitaire , comme dans la vie poliíique de
Washington, éclate l'ascendant naturel qu'il exercc sur
les hornmes; ses relalions avec les personnes y ontjoué
un role immense et contribué puissamment á son suecos.


Que de Iois l'arrnée se serait débandée Ol! révoltée, si
la crainte d'aft1iger Washington n'avait retenu les oífl-
ciers, comme les soldats ! Que de fois les meíllcurs géné-
raux, les plus fermes soutiens ele la cause de l'indépen-
dance, n'écoutant que leurs dégoúts, auraicnt brisé Ieur
épée , si Washington n'avait apaisé Ieur colere par de
marques de confiance et d'estimel Les rapports du com-
mandant en chef avec ses lieutenants étaicnt habiíuel-
Icment bicnveillants, presque affectueux ; prenant inte-
ri:t Ü leurs souffrances, aleurs añaircs, alcnrs familIes;
ne íaisant aucun cñort pour s'isoler ou se drapor dans




AVEC LES PERSOKNES. 1G7


sa grandeur; mais d'une hauteur inflexible et dure, des
que son autorit6 était mise en questíon : « Permcttcz-
« moi de vous déclarer, une fois pour toules, » écrivait-il
an général Heath, qui s'était permis de réclamer contre
certaines promotions, « que si les offíciers ne péneírent
« pas toujours les motifs politiquee de ma conduite,
« c'est un malheur l. »


Ilans ses rapports avec le comte de Rochambeau et
avec les officiers francais, Washington, tout en ayant plus
de déférence et de ménagemenls, n'a pas moiris d'auto-
riló. Plein d'une confiance sereine dans son jugement,
il ne semble éprouver nul étonnement, nul embarras
d'avoir sous ses ordres un des plus savants tacticiens
qu'ait formés la guerre de Sept ans, un des militaircs
les plus distingués de la vieille armée francaise,


Rien ne fait antant d'honnenr a l'esprit de conduite
de Washington, comme acelui des représcntants de la
Frunce aux États-Unis, que leurs rapports a partir du
moment oú l'arrnée francaise déharqua aHhode-Island,
De parí et d'autre, une dignité, une franchise, une noble
confiance dans la bonne volonté el la síncérité récipro-
ques, une abscncc de susceptihilité, comme de détours,
qu'on rctrouverait difficilemenl a un semblablo degré
dans l' histoi re des relations entre les peuples, Washington
inspirait la loyauté autant que le respect. II avait a la
fois tant de pénétratíon ct de droiture qu'en traitant
avec lui, on ne trouvait aucun profit a jouer au plus
fin, et qu'on ne se senlait disposé ni a le tromper, ni :.
se tenir sur ses gardes.


1 Ir".>/¡. Irrit., t. VII,p"15['.




lG8 CONSPIRATION


Une révélation effrayanle et subite vint troubler un
instant Washington, au milieu des négoeiations el des
préparatifs qui remplirent la fin de I'annéeI780.


II revenait de Hartford 1, OÚ il avait eu une cntrevue
avee Roehamheau. Au lieu de prendre, POUl' retourner
a son quartier-général de White-Plains, la route qu'il
avait suivie pour se rendrc a Hartford, il eut la fan-
taisie de faire un léger détour , d'nller surprendre.
par sa visite, la garnison de Wesl-Point, et d'examiner
l'état de la place. C'était le fort principal des Améri-
eains sur l'Hudson, la elef des comrnunications entre
le Canada et New-York, le nreud de la chaine de postes
établis autour de cette ville, le dépót de ton tes les
munitions de siége des Américains, Le général en chef,
attachant une grande importance aeette place, en avait
confié le eommandement a l'un des officiers les plus
brillants de l'armée, le général Arnold. Arrivé á la
maison du eommandant, Washington fut étonné ele no
pas l'y trouver. Le matin, a déjeuner, sur une lettre
qu'il venait de reeevoir, il avait, disait-on, hrusque-
ment quitté ses convives, avaít sauté en selle, et étaít
parti au grand galop, prétendant qu'une affaire impré-
vue l'appelait au fort. Depuis, on ne l'avait pas revu. Le
général en cheíse rendit immédiaternent aWest-Point:
Arnold n'y avait pas paru. Washington revenait sur
ses pas avec impatience, lorsqu'on vit accourir il sa
rencontre son aide de camp de conflance, le colonel
Hamilton, tenant a la main des dépóches qu'il rcmit
d'un air inquiet au général. Bien dans la physio-


1 Scptern bre 1780.




DU liÉNFRAL ARI\OLD (l'i80). 169


nomie de celuí-ci nc trahit son émotion : cependant, le
bruit se répandit hienlót vaguernent, parmi lesofficiers
de sa suile, qu'une conspiration militaire pour livrer
West-Point aux Anglais venait d'étre découverte, qu'Ar-
nold avait trahi , qu'il était en íuite, et que l'ordre était
donné de le saisir mort ou vit,


Peu de jours apres, la curiositó de la gnrnison de
West-Poínt'était attirée par un douloureux speetacle. On
voyait amcner , cornme un crirninel , dans le fort, sous
une grosse escorte qui, bien qu'avide de vengeunce,
paraissait respectueuse et compatissnnte, un jeune offi-
cier anglais, al'air mále el serein, a la démarche élé-
ganle et ílere , connu dnns les troupes américaines,
comme dans les troupes britanniques, pour son écla-
tanta bravoure, et que les républicains avaient toujours
rencontré au premier rang sur les champs de bataille.
C'était le major André, adjudant généJ'al de l'arrnce
anglaise. On le désignait comrne le complice du général
Arnold. Arnold avait échappó , et était parvenu aNew-
York. André a vait été pris dans l'enceinte des Iignes
américaínes, II était sans uniforme. On le traita en espion.
en conseil de guerre fut appelé á le juger, et la se révé-
lerent tous les mysteres de cet étrange complot qui
avait Iailli compromettre une fois de plus le succes de
la cause américaine.


Des ruge de dix ans, Arnold était connu dans sa ville
natale pour un de ces enlants précoces dans le vice,
chez lesquels l'endurcíssement devanee l'age des pas-
sions. Prompt , hardi, rusé, cruel et malfaisant, il étuit
á la fois le tvran de ses camarades et le héros de leurs
jeux et de leurs entreprises. Qlland le soulevernent des




]70 CO'lSPTRATJON


colonies éctata, il entraina une tronpe d'insurgés, s'irn-
posa cornme coloncl a la provincc du l\Jassachmetts, el
acquit hiontñt, sur les hornmes grossiersetféroces dont
il s'était fnit le cheí, L1n ascendant que le temps ne flt
qu'accrottre, L'expédilion du Cannda lui donna le grade
de général. l\i ses dilapidations, ni le déréglement de
ses mmurs, ni la violcncc el l'irritahilité de son tempé-
rament, ni l'indépendance de son hurneur n'avaient
pu éclipser l'écln l de sa hravoure el de ses qualités mili-
taires. Pour la guerre de partisans il n'avaít point de
rival dans I'arrnée américaine. Personne, mieuxque lui,
ne snvait conduire un coup de main, et échapper aune
situuíion déscspérée. Washington mesurait la valeur des
hornrncspar leurs qualités plulót que par leurs défauts :
il pardonnait benucoup an courage el au mérite. Il se
prit de goüt pom' Arnold, le traila íoujours avec indul-
gence el distincllon, el l'aida plusieurs fois il sortir des
mauvais pus oú l'avait entramé son inconduite. Moins
tolérant pou r les fautcs des offícicrs, le Congres ti t
COlll parallre Amole! devant un conseil de gnerre, dans
le couranl de l'année I í80, pour .malversations oí abus
d'antorité. Il fut condamné il étre rcprimandé par le
général en chef. De ce jour, il résolut de se venger,
Apres avoir en vain cherché il se faire acheter par l'am-
bassade de Franco, il se mit en rclations secretes el
anonyrnes avec sir Henry Clinton. Peu iI peu , il lui
révéla son rang el son nom, lui inspira confiance par
I'importance des renseignements qu'il lui fournit, pro-
mil de rcndre a l'Angleterre des sen ices plus décisifs,
s'assura une grosse recompense, obtint de Washington
le commanderncnt de West-Point, d s'engngea ;¡liner




DlJ fiF.'\ERAT. AR;-':OLD mROi. 171


le Iort ú sir IlcnrvClinton. Le major André avait jusquc-
la servi d'intermódiniro a la corrcspondnnce entre
Arnold ct le général en chef de l'arrnéc anglaise. n
l'erl1 t la mission dólícníe el dangereuse rl'aller s'enten-
dre direclcmcnt avec Arnold sur l'exócufion de son plan.
Lejeune officier n'hésita pas un inslant aexposersa vil'
el son honneur pour le service de son pays. Sir Henrv
Clinton Iui avaít recornmandé la plus grande prudencc;
il lui avait cxprcssómcnt ordonné de no quitter ni son
uniforme, ni le vaisseau qui dcvait le conduíre jusqu'a
la limite des ligues américaines, el de ne pénétrer it
aucun prix dans lcnr enceint«. Arnold, Ionjours disposé
il sacrifíer les nutres aIui-rnérne, 1': attira, lui ñt prcn-
dro un déguisement, luí donna une pasee, le renvoya
par terre, et le perdit. Arrété par des volonlaires améri-
caíns, au moment oü il allait íranchír les lignes anglaí-
ses, le major André ne fut plus, des cctteheurc, dominé
(IllC par doux préoecupations,eelles dene point compro-
meUre Arnokl, el de sauver son proprc honneur. Dans
une Iettrc touchanto <le noblesse et de candcur, qu'il
écrivit immédiatoment il Washington, il repoussa avec
indignalion la qna,lité d'espion, et [ustifía éloquemmont
sa conduile. ~lais rien ne put le sauver. Ni Washingto"¡
ni le conseil de guerrc nese Iaisserent érnouvoir. Amlr6
íut condumné aétre pcndu : « Monsíeur , » écrivií-il
alors au général en chef, « soutenn contre la entinte de
« la mort par le sentiment qu'aucune action indigne
«( n'a souillé une vie consacróe a l'honneur, j'ai la
( conííance , qu'á cette hcure supréme , Votre Exccl-
« lenco no rcpousscra pas une priere dont I'accomjilis-
« semen] peut adoucir mes derniors mornents, Par




172 MüRT DU MAJaR ANDRÉ (17801,


« sympathie pour un soldut, Votrc Excellencc consen-
II tira, j'en suis súr, aadaptar la forme de mon supplice
ce aux scntiments d'un homme d'honneur. Permctíez-
« moi d'espérer que, si mon caractere vous a inspiré
« quelque estime, si je suis a vos yeux une victime
« de la politique et non de la vengeance, j'éprouverai
(1 l'empire de ces senliments sur voíre ereur, en appre-
« nant que je ne dois pus mourir sur un gibct 1~»


Cet adoucisscment á son sort fut refusó al! major
André avec une logique impitoyable. Espión, il devait
mourir en espión. Il mourut en brave 2.


C'étaít, peut-étrc, une satisfaction et un exemple né-
cessaires pour l' arrnée américaine, et, dUBS la vil' de tout
autre général, on songerait apeine arelever un acte de
rigueur si conforme aux loís de la guerreo II fait tache
dans une carríere aussi pure que ceIle de Washington;
el, quand on lui entend rendrejustice au [cune oíflcier
anglais , et opposer la noblesse de sa conduite a la
lúeheté du traitre amérieain, on regrette presque, qu'au
moment ou il faisail expier au major Andró I'exces de
conílance que luí-rnéme il avait en dan s Arnold , il n'ait
pas été plus aveugle el plus passionné dans sa dureté :
« André, » dit-il, « a subí sa peine avec eette force
« d'árne qu'on devait attendre d'un homme de ce
(( mérite et d'un aussi brave officier. Quant á Arnold,
(1 il manque d'áme .... Le monde est encorc surpris de
(( ne pas le voir pendu aun gibet 3, »


Au milieu des préoccupations plus sérieuses qui rem-


I Spa,·k8'.~ American Riography, t. IIl, P. 27(;.
22 ()('(obre 1780.
" \\"ash. \F"t" t. VIl, 1'.2:,6: 1. VII!, 1',7.




REVOLTES DANS L'ARMtE (1781).


plirent la vic deWashington, pendant la fin de la guerre,
cette pensée de vengeance se rctrouve souvent dans
ses aetes. Devenu général anglais et commandant d'un
eorps d'arrnée ennemi, Arnold fut plus.d'une fois le but
des expéditions et des poursuites acharnées de ses an-
eiens compatriotes. Mais, malgré les plus grands eílorts,
on ne put ni le tuel' ni le prendre , et il mourut, vingt
ans apres sa trahison , dans les possessions anglaises,
richo et méprisé de ceux auxquels il s'était vendu.


L'armée américaine prit, au mois de novembre, ses
quartiers d'hiver autour de New-York, et l'arrnée fran-
~~aise resta aRhode-Island.


Les réformes adoptées par le Congres n'avaient pu
faire disparaitre tout d'un eoup les maux qui les avnient
rendues nécessaires; et ces maux, déjá si lourds pour
I'armée américaine, I'hiver venait toujours les aggra-
ver. Les souffrances causées par le froid ct la démoralí-
sation produite par l'oisivelé en faisaient la saison des
révoltes. Ces révoltes n'avaient point encere eu un
caracíere aussi alarmant que celles qui éclatercnt au
rnois de janvier 1781.


Le 1er [anvier, les troupes de la Pensylvanie, cantón-
nées il Morristown, se soulevent, massacrent íout ce qui
lenr resiste, et, leurs sous-officiers en tete, marchent sur
Philadelphie, poür obtenir du Congres, par la violenee,
I'arriéré de leur solde et le lieenciement des eorps
dont l'engagement expire. Washington est prévenu,
Avec son eoup d'ceil ordinaire, il reconnait qu'il n'est
pas en mesure de eomprimer l'insurrection par la force,
qu'a tout prix il faut arróter les soldats, avant qu'ils na
s'engagent sans retour dans une voie aussi funesto.




174 NOUVEL APPEL A LA FHA'lCE (1781).


Malgré sa hardiesse, jamáis il n'a tenté l'impossible. Au
lieu de sévir contre les troupes, il les calme, el les
ramene au devoir par les concessions el la douceur.
lHais il a sentí combien leur exernple élait contagieux el
leur impunité dangereuse : pendant qu'il négocie avec
elles, il choisit mille hommcs parrni ses corps d'élite, en
forme une colonne mobile, préte a se jeter sur tous les
points menacés, et quand les tl'OUPCS du Ncw-Jersey se
monlrcnt disposées a imitcr l'exemple des Pensylva-
niens, il Ies fait cerner, Ieur donne deux heures pour
réfléchir sur leur crirne, les oblige á se rcndre sans COIl-
dition, et fait fusillcr les plus mutins. Le mouvement
insurrectionnel Iut arrété, Mais tous les [ours il dcvcnait
plus óvident pour Washington qu'un état de chosesaussi
tendu ne pouvait se prolonger, el qu'il était iuipossihle
de demander de nouveaux sacrifices aL/X Américains. II
en demanda a la France.


De l'argent! des troupes et de l'argent ! Tel est le cri
de Washington dans une longue lettre adrcssée au colo-
nel John Laurens, el destinée aétre mise sous les yeux
de Franklin et de Louis XVI: i( Les forces propres du pays
( sont épuisées, )) di t-il; « seuls , nous ne pouvons rele-
( ver le crédit public, et fournir les fonds nécessaires
« pour contínuer la guerreo La patience de l'armée est
(( a hout ; le peuple est mécontent. Sans urgent, nous
( ne Ierons qu'un faible eííort, probahlcment le der-
{( nier l. )) L'autorité du nom de Washington et la con-
fíance qu'il inspirait étaient si grandes en Frunce, que
le Congres s'éíaít CfU obligé, pom réussir duns ses


1 \Vash, Writ., t. VII, p, 368.




LE COLO~EL HA:\IILTüN.


négociations, de íaire apostiller par lui ses demandes,
el lJue le gouvernement francais ne consentit a préter
¡¡UX ~~tats-TJnis son argent, ses vaisseaux nt ses soldats,
quc sur la promesse qu'ils seraicnt mis cxclusivcmcnt
á la disposition du gém;ral en chef.


Washiugtnn allait recueillir le prix de tant d'eííorts.
Tout étail prét pour la campagne de lí81.


Mais les amos, rnérne les plus termes elles plus égales,
ne font point ainsi tous les jours acle d'auíorite el de
force, snns se laisscr atlcindre par un scntimcnt Ióbrile
de Iassitudc et d'irritatiou. Les Iatigues de la lutte et
I'habitnde d'étre ohói avaient ébranlé I'admirnhle cm-
pire que Washington avait acquis sur son coeur, el les
olílciers de son étal-major, ceux mérne dont la flerté
avait le plus besoin d'étre ménagce, avaient parfois a
souífrir de son humeur irritable et susceptible. Le colo-
nel Ilamillon était de ceux auxquels l'admiration el le
respect, pas plus que I'ambition, ne peuvent Iairc ouhlier
le soin de leur propre dignité, et don! on ne peut puyer
les scrvices que par des égards. 11 se scntait et ilétuit en
eílet, pom Washington, autre chose qu'un bon aido de
campo C'était, au milicu de ses rudos cornpagnons, un
écrivain élégant et hahilo, un conseiller péuctrant el
inventit, un homme d'acíion plein á la fois de hardiessc
el de dexterite, également proprc a la poliliquc et ala
guerreo D'un creur noble el haut, d'un esprit cultivé,
abondant et étcndu, d'un commerce aimable, il avai:
les grandes qualitós qui devaient lui gagner la sympa-
thie de son général, avec quelques-uns des lalents qui
pouvaícnt suppléer au manque d'éclat et de íécondiíé de
l'esprit de Washington; ( Je ne Iais plus paríie de la




liG LE COLONEL HAMILTON


« ruaison militairc du général, »écrivait-il, le 18 février
liSI, a son beau-perc, le général Schuyler je cette nou-
« velle vous surprendra; la maniere dont le change-
« ment s'est opéré est encore bien plus surprenante. ))
Puis il racontait que, portant un ordre, il avait rencon-
Iré Washington dans l'escalier. «-J'ai quelque chose 11
« vous dire, » avait-il dit. « Vous viendrez me parlero »
L'ordre délivré, Hamilton se háte de monter chez le
général, ne se laisse arreter qu'un instant par le général
de Lafayette , et trouve Washington, non dans son cabi-
net, selon sa coutume, mais au haut de l'escalier, l'air
irrité et impatient : «-Colonel Hamilton, voila dix mi-
« nutes que vous me faites attendre. Monsieur, vous
« m'avez manqué de respecto»)-« Je n'en ai pas con-
C( science, Monsieur; mais puisque vous avez trouvé
( hon de me le dire, nous nous quittons. »-« Tres-bien,
« Monsieur ; avotre choix, » et ils se séparerent. Moins
d'une heure apres, le général en chef Iaisait exprimer a
son aide de camp le désir d'avoir une entrevue avec
lui, pour s'expliquer ensemble, 11 cceur ouvert, sur une
altercation qui ne pouvait étre que l'eífet d'un mouve-
ment de vivacité. !\'Iais Hamilton fut intlexible dans son
refus: « Je n'ai [amais aimélcs fonctions d'aide de camp;
(1 ellesimposent une sor te dedépendance personnelle ...
( Je ne les ai acceptées que par enthousiasme pour le
(( caractere du général et sur son inoiuuion.... ; mais,
« en le íaisant, je me suis dit que s'il arrivait une rup-
(( ture entre nous, je ne consentirais point El un accorn-
« modement. J'avais le sentiment qu'une Iois renver-
« sée, la harriero délicate qui marquait les limites de ce
( que IlOUS nous devions l'un al'autre pourrait étre un




SE i>EPAHE DE WASHINGTON (1781). 177


(r instant relevée, mais jamais solidement rétablie. Le
« général es! un tres-honnéte homme; ses rivaux sont
« d'une capacité médiocre et de peu d'intégrité. Sa
(( popularité a étésouvent csscntíelle au saluí de l'Amé-
« rique, et est encere, pour elle, d'un grand prix. Ces
(( considérations ont dirigé ma conduite it son éga)'(l,
« dans le passé; elles me serviront encore de regle, dans
( l'avenir. Je crois qu'il est nécessaire qu'íl soit sou-
« tcnu'. )) Washington n'eut point, en eflet, jusqu'a sa
mort, de conseiller et d'appui plus fídele que IIamilton,
et leur amitié, loin d'avoir eu á souífrir de leur brusque
séparation, y gag na en estime et en respecto


Pendant qu'autour de New-York la guerre était sus-
pcnduo par l'hiver, elle recommencaít avec acharne-
ment dans le midi. Arnold s'était jeté sur la Virginie
comme sur une proie , lord Cornwallis poursuivait dans
les Carolines les conquétos faites, l'année précédente,
par sir IIenry Clinton; el , malgré son habileté et son
couraga, le général Greene, qui, aprcs la bataille de
Camden, avait succédé au général Cates dans le com-
mandement de l'armée américaine du midi, ne pouvait,
[las plus que son prédécesseur, soustraire ces rnalheu-
reuses contrécs aux fureurs des Ioyalistes.


Maitrede la Virginie, Arnold la saccageait avec fureur.
Pour se vengel' de les avoir truhis, il massacrait les par-
tisans de l'indépenrlance, metlait en liberté leurs cscla-


I Tlie lYorks of Alexander lIamilton, eomprising his Correspon
it ence .. and his politieal and ollicial vVritings, civil and militm'y,
Published from the original Manllscril'ts dcpusitcrltn the departemenl,
of State, by order o(the rú,il Liln'u'I'Y Comnviuee oiConqres«, Editcd
by J ohn C. Hamiltou , T. r, p. ';HI.




1":8 lUVAGES !)'Ai{'IOLJ) E'I Vll\('[l'lE (17H1'.


ves, l.rúlaít leurs plantations, et sernblait vouloir rendre
la colonie aux déscrts sur lesquels elle avait étó conquise
La trahison OH la láchcté étaient, pour les rópublicains,
les seuls moyens d't~c1í:lppe¡,ases coups. Dans le cours
de leurs expédi lions, les Anglais avaient remonté le Po!o-
mal' jusqu'á Mount-Vernon. POli!' san ver du pillagc el
de l'incendie les dornaines de Washington , son intcu-
dant s'était soumis aux exigenccs des oíflciers anglais.
Washington en fUI profcndémcnt aftligé : « J'auruis élé
« moins peiné d'apprcndrc, » écrivií-il ú son intcndant.
« que, par suito de votre résistance, les Anglais avaient
« hrúló ma rnaison et ruiné entierement rna planta-
« tion. Vous auriez dú vous regarder cornme mon
« représentant, et réflóclrir au mauvais excmplc tIue
« V01\S donnicz ... le n'ai pas le plus lóger doute sur les
( inleu iious de I'cuncmi : il poursuivra ses projels de
« pill"bC. Je ne conserve [las la n!oindre illusion HJI' le
( résulíat de toul ccci pour moi: mes negros seront por-
( dus, eí mes propriclés délruites, ,'lais j'y suis rési-
« gné '.») Les Auglais ne purent jusliíler ces hérolqncs
prévisions,


Pendant que le rnarquis .le Laíaycttc , accouru, avec
un corps d'armée, pOU)' urrétcr les ravages d'Arnukl,
le contenait en Virginie, saus pouvoír le vainero, lord
Cornwallis prenait, dans la Carolino du Nord, une de-
tcrmínation qui decida du sort de la campngne ct de leí
gUCITC 2,


Ap¡'¿~s une longuc suite d'opérations et de eumLab,
daus iesquels les Allglais, toujours vaiuqueurs, s'dajuü


1 \\ """, \ \ '1'11" 1. vur, p. iJI.
j, :/,;; avril 17t\1.




Troupes anglaiscs .
allemunIes .
provinciales ..


t.onn CO!'NWALLIS A YORK-TOWN UiHI). lí9


toujours aílaiblis, le général Greeue avait reussi a se
jeter entre l'armée de lord Cornwallis ct la Carolino du
Sud. Au lieu de chorcher á disputer cette colonie aux
Ainéricains, le générul anglais se precipita sur la Vir-
ginie, que le mouvement de Grecne avait laissée décou-
verte. Cette brusque diversión était, ases yeux, le meil-
leur moyen de conlraindre l'ennemi a évacucr les
Carolinos: et la conquéte de la Virginie valait bien
d'ailleurs quelqucs risques. Tout semilla lui réussir.uu
premiar abordo Rcnforcé par des troupes venues de
New-York et par le corps d'Arnold, il s'établit forte-
ment en Yirginie, malgré les efforts habiles du marquis
de Lafayctte, se retrancha aYork-Town, al'emhouchure
de la riviere d'York', et attendit la l'occasion de chasser
les Américains 2.


Washington reeut, en mérne temps, la nouvelle que
lord Cornwallis se fortifiait aYork-Town, el que I'ami-


1 ~~ juille! 1781.
:2 I~tat cITeciifdc l"i.trllH}e allgl;Ái~c,le lerscptcmbre 17'81:


NE\'--YUltl{. vrnc rxu.. CAROLINE DU SUD.
5,D:J:! .J}511 50.2-1
tI,G2V 2,.20.1 1,59G
2,140 1,137 ;3,155


FLDRlUE ORIENT. FLQRIDE occiu
I'ioupes anglaises •••.••.


allemandes . •• • •
provinciales .••.


16,701
CÉORGIE.


48G
;J~)8


8,885


546
))


9,775


3U
5513
211


1,084 546 1,14:3
NOíJVELLE-ÉCOSSE. lLE DE LA PROYIDENCE. BIT:!\IGDES


Troupcs anglai,c.s.. l,a> 135 3M
allernandcs . " ::iü2
provinciales .. , 1.1-15


:¡,n2
Total. ,h',Oi5


"rO."r',, \\"ri,;., t. V, p. 015.




180


ral francais, comte de Grasse, se préparait a quitter
Saint-Domingne, avec víngt-huit vaisseaux el trois 1IIiUe
hornmes, pour se diriger vcrs la Chesapeake 1. Le géné-
ral en chef prit immécliatement la résolution de profitcr
de ces rcnforts ponr cnlcver le corps d'urrnée de lord
Cornwallis. L'utililé ella possibilité de frappcr un coup
décisif dans le Midi s'etaient déjá presentées h sa pensóe,
et il avait formé, dcpuis plusieurs mois, le secret dessein
de porter tout le poids de la gucrre, soit dans la Vil'-
ginie, soit dans les Carolinos. Mais, pour mettrc sir
lJcnry Clinton dans l'ímpossíbilité de pénétrer son plan,
Washington avait trompé ses propres généraux sur ses
intentions : « Cal' j'ai toujours cru », dil-il , ( que lors-
« qu'on ne fait point des siens les premieros dupcs d'un
« sublerlugu, il ne réussit point contre I'enuemi-.. l.'ur-
mée Irancaise el I'arrnée arnéricaine réunies autour de
New-York y faisaient, depuis un mois, tous les prépa-
ratiís d'un siége en regle, et se croyaicut a la veilIe
d'une aííaque vigoureuse conlro cetíe ville, Iorsqu'olles
recurent soudain l'ordre d'ahnndonner leurs travaux ,
el de prendre la campagne. Une division américaine,
mus les ord res du général Heath , resta seule devaní
New-York pour contenir sir llenryClinlon, el masqucr
le mouvement vers le l\Iidi; l'arrnée eombinée se mil en
marche; s'emharqua au cap d'Elk sur des hátimcnís d('
transport ; opera sa [onction avec les forces du mar-
quis de Lafayetto et du conde de erasse ; et, le 30 sep-
temhre, investit complétement York-Town.


La place nc pouvait ten ir. Des retranchcuients ék,és
1 Ao ú t 1781.
t Wllsll. lYril.} l. IX, p, W i.




YORK-TOW"f (Or-T. l'7RI). IRl


iJ. la JH\te opposaient a peine quelque résistance al'eflet
du canon. L'arméo de lord Cornwallis, épuisée par lino
longuo campagne, était réduíte ahuit mille hommos ,
SIl!' lcsquels deux mille malades. CeHe des assiégeanís,
composée de troupes fraiches et choísies, moníait aseize
millo hommes : dans le nombre plus de sept millo
Francais. Hloqué de tontos parts , lord Cornwallis n'at-
tendnit plus son salut que d'uno diversión par mer,
c'cst-á-díro d'une tontative prompto et hardie de I'armée
el de la flotte anglaiscs ele New-York pour le délivrer,
Malgré d'hénúques eíforls, il nc put prolongar assez sa
défense pour leur donner le temps d'agir.


Pour la premiere fois, Washington sernblait favorisé
de la fortune . pum la prerniere íois, le succes se pré-
sentait alui naturel et facile..Iusque-lá, sa route avait
été sernée d'entraves, et il n'uvuit avancé qu'á travers
les obstacles, el par' une lutte de tous les instants, Le
síege ele York-Town ne fut rernarquable que par la rapr-
Jitó, la régularité et le bonheur avec lequella place fut
enlevée, Aucun acciden l, aucun désordre ne vint troll-
hler les opérations des assiégeants. Animes par l'cxcmple
des Francaís, les Arnóricains avuient appris l'cxactitudo
et l'obéissance, et ces bandos d'insurgés en haillons, que
Washington avait trouvées devaní Boston , ressem-
hlaient, devaul York-Town, par leur bonne tenue, aux
plus vieilles troupes d'Europc, L'émulation entre les
soldaís des deux armées alliees leur inspirait une acti-
vité el une ardeur merveilleuses. On voyai] eles hommes
se reíuser d'eux-mémes le re pos , pour travailler aux
tranchées, C'étaít a qui aurait le plus protnpíement
terminé sa íáchc. Les canons se montaient, les hatteries




l8? PRISE DE YORK-TO\Y;'; (17 0,'1' 1>;1',


s'élevaient comme par enchantement. Le HJ oclobrc,
tout íut prét , et l'artillcrie commenea a foudroycr la
ville, l\!ais deux redoutcs en génent encore I'approche,
Le 14, Washington lance sur elles deux colonnes, I'une
francais«, conduite par le baron de Viomesnil, l'autre
arnéricaine, commandée par le marquis de Lafuyelte.
Le feu de l'ennemi es! terrible; la mitraillo les écrase ;
mais l'arrnée tout entiere les regarde : elles represen-
tent la Franco et I'Arnérique ; et en se précipiíant sur
les battsries anglaises, une seule crainte domine les sol-
dats, celle d'étre devanees par leurs emules. Les deux
colonnes ne s'arréterent qu'en dedans des ouvrages. Les
Anglais culbutés se retirercnt dans I'cnceinte de la
place ou furcnt taits prisonniors, Ce coup rendait la
défense impossible. Apres avoir, en vain, cherché il
s'échapper de la place, lord Cornwallís dut se résígnor
-1 capitular, et, le -17 octobre, les Anglais déposerent les
armes.


Peu de jours apres, on vit poindre á l'horizon les
vaisseaux qui portaient les sccours de sir Hcury Clin-
ton. Ils disparurent bientót et gagflí~rent le largo. Aprcs
avoir vu flotter le drapeau de l'Union sur les débris de
York-Town, les Anglaís rentrerent á New- York.




CITAPITRE X
17Kl-1183.


"m,t prnduit en An~lr't('rrr T:::l' 1.1 c::,jlül1:atiol1 ,le lord Corn\\r!lni~.-('hl1h'dn
nunisu-re de lord North. - ~égoeiati(Jlls pUllr la paix.-\V'F.binf!tl)l1 1H'
croit point i leu r ~uu'f>s.-R('pré:::ail1e ..;; cor.tre les Augl.us. - COll'.LtH!11'¡¡¡Ofl
.ln r-apitnine Asgil1.- La reine Marie-Antoinette ohticnt sa glael". - ~jgj]a-.
ture dí¡ trnitó (le paix aParis--e Injusticc de la. nuuon e! du Conr.res puur
rarmó(~,- Judicuutiou des troupes.-Washin ,0:ton réussit it h-s calmcr i't~"
cl.arge de défcndre leurs interéts aupres du Congres.c-. J.,', rOJ1~rr;;s cede a
:WS reruontr.inc.s.


Ln nouvelle de la capitulation de lord Cornwa Ilis ar-
riva, le 25 novcmlirc, á Londres: «Lord North la rccut
(( coinme un houlet en pleine poitrine,» racontc lord
George Germain; « il ouvrit les bras sans pouvoir
« s'écrier autre chose que : ~Ion Diou, tout es! perdu l 1)
Quant a GeOl'ge m, sa fermeté resta inéhranlnhle, et le
malheur ne pul lui arracher que des paroles de persé-
veranee : ( Aucun des rnembres du cabinet, » écrivit-íl
immédiatcment au secrétaire d'État pour les colonies,
« ne supposera, fy corn píe bien, que cet événernent
(( puisse modifier en ríen les príncipes qui rn'ont guid«
« jusqu'ici, el qui continueront ainspirar ma conduite
« rlans la poursuile de cette lutte. » Mais le pays épuisé
ne partageai t plus ni l'aveuglerncnt ni le Cünrage du
roi, et hicntót , Ceorge III ne trouva móme plus de mi-




181 CHUTE DU CABIKET DE LORD NORTH (1782).


rustres qui eonsentisscnt a défendre sa politique devant
le Parlement. Depuis longlcmps deja, lord North avait
perdu cette confianee dans le succes qu'il affichait encore
devant la Chambre des Cornmunes, par íldélité pour son
roi. Comme la nation, il soupirait apres le repos; il SI'
lassait d'une autorité languissante , et ne rcstait :'l
son poste que gráee aux supplications journaliercs de
George I1I, et malgré l'aífaiblissement progressií de sa
majorilé dans le Parlement. Le 22 février 1782, sa com-
plaisance trouva enfin une limite. Sur la qucstion de la
guerre d'Amérique, la majorité du ministere, dans la
Chambre des Communes, avait été réduite ú une voix,
Lord North ne travailla plus, des lors, qu'á préparer la
place aun cabinet nouveuu. Celui-ci se forma sous le
drapean de la reconnaissance de l'indépendanee des co-
lonies. Des négociations générales pour la paix furent
immédiatement entamées aParis. La guerre d'Amé-
rique touchait ason terme.


Ce n'était pourtant point ainsi que Washington
jugeait la situation. Loin de croire 11 une conclusion
prochaine de la paix, il faisait les plus grands efforts
pour prévenir l'esprit de ses concitoyens contre des
espérances qui lui semblaient ehimériques et d~,nge­
reuses, et ponr obtenir fin Congres et de la Franee un
redoublement d'énergie.


La campagne de 1781 n'avait point été aussi décisive
qu'il se I'était promis. York-Town était pris : maís les
Anglais restaient maitres du Canada, de New-York, des
Cnrolines, de la Géorgie, et leurs forces sur le continent
nméricain montaient encore aplus de ao,ooo hommes 1




OTTVERTURES POUR LA PAIX (1782). IR!'>


Washington ne pouvait les croire disposés aabandon-
ner une partie qui ne lui sernblail pas assez complete-
ment perdue; et méme lorsqu'il apprit la chute du
ministerc de lord North, et le remplaccmcnt de sil'
fIenry Clinton par un général plus conciliant el plus
pacifique, sir Guy Carle ton 1; lorsqu'il vit celui-ci raster
scrupuleusement sur la défensive, se resserrer peu d
peu dans New-York, se préparer a évacuer cette ville,
et fuire des tentatives pour entamer une négociation, il
se refusa encare a ajouter foi a la sincérité de ses
anciens maítres : I( La nouvelle administration a fait
« faire aux díverses naticns belligérantss des ouver-
« tnres pour la paix, probablemenl avec le dessein d'en
« dótacher quelqu'une de la coalitíon.... La vieiJle infa-
« tuation, la duplicité et la perfidie politique de l'An-
« glcterre me rendent, je l'avoue, tout suspect, tout
« douteux, Ses dispositíons me semblent parfaitement
« résumées dans ce mot laconique du docteur Franklin :
« Ils sont, dit-íl, incapables de continuer la guerre, et
« trop fiers pomo faire la paix. Quellcs que soient d'uil-
« lcurs les intcntíons de l'cnnemi, notre attention et
« nos eílorts, loin de languir, doivent se ranimer plus
« que jamáis. La défiance et la prudence ne peuvent
« nuire. Trop de confiance et d'abandon perdra tout 2.))
El il ne se contentait pas de prémunir ses compatriotes
contre leurs esperances, et de préparer son armée pOlll'
de nouveaux comhats, il prenait des mesures severas,
ponr rendre moins désordonnée el moins féroce la
guerre qu'il prévoyait.


t Mai 1782.
i H"ush, lVrit., t. VIII, 1" azn, :lJD.


":~ o
,~~,- ~ ~ -




IiansIa lulto entre l'Angletere et l'Arnerique, le,
haines nalionales étaient, en effet, envcnimóes par des
haines de pal'ii et de voisinage, et les alrocitús que pro-
duisent les discordes civiles venaient s'ajouter aux
rigueurs qui sont inseparables des gucrres, méme les
plus régulíeres La cruauté des volontaires américains,
Ioyalistcs on républicains, était devenue intolérahle. An
nom (le l'humanitó, il fallait a tout prix ymcttro un
termo, t'r',t-ú: VU' (les acles iuhurnains. Au cornrnence-
rnent de l'année 1782, des loyalisles, chaq.u\s de garder
un prisonnier fait sur l'arrnée continentale, s'étaícnt
donné le divertissemen] de le pendrc. Washington indi-
gné avait sommé, d'abord le général Clinton, puis le
¡d;néral Carleton, de lui livrer les conpahles ou de les
Iaire punir. -'Iais, tout en flétrissant la conduito des as-
sassins, les chefs de I'armée anglaise nvaíent rcfusé a
Washington la satisfuction dernandée. Des reprósailles
devenaient le seul moyen de I'oblenir. l\Iais son creur y
l'é¡H1gnait : ce Je ne sais trap que pcnser dn príncipe des
(( rcprésaillcs : )) écrivait-il au général Creenc ; (( jo suis
(f. ccpendant bien convaincu de ceci : lorsqu'on n'a [las
« sous la maín le crirninel lui-móme, c'est de toutcs les
« Iois la plus dilflcile acxécuter ; iI cst impossible que
{( l'humanité n'intervienne pas en Iavcur d'un innoccn:
« condamné 110m' la faute d'autrui 1. » Cepcndant le
consei! de guerre, réuni par Washington pour ex.uni-
Del' la qucslion, la trancha dans le scns des rcprésaillcs.
L'ordre fut donné de tircr au sort IHl offlcier parrni les
l'riwnnic¡'s anglais, pour le condamuer a étre peudu,


1 lV"asl,. 1Ft!!., ~. \'IlI~ p. 217~




n \ r nF.pnÉSATLLE:; A l~:TRE PE'\'DU (l"iSe). 187


te 50d lomba sur un [enrie homme de mreurs douces
et d'une famille respectable, le capitainc Asgill. Un
instanl.Washinglon, irrité des refus successifs des géné-
raux anglais, et seníant a la fois le hesoin de satisfaírc
le cri de vcngcance de ses cornpatriotes et de produire
une irnpression durable sur l'ennemi, parut irrévoca-
hlernent décidé á fairc exécuter la sen ten ce du conseil de
guerre, el acomprimer son horreur ponr une semhla-
hle iniquíté : « l\Ia résolution,» dit-il alors, « es! basée
« Sil L' une si longue reflexión, qu'elle restara inóbranla-
« lile .... Qnels que soient mes sentitnents de sympdiJiv
« {10m la malheureuse victime, la eonduito satisfaisantr-
« de l'ennemi pent, seule, faire lever encore pour elle
« une lueur d'espérance ', » Mais ce langnge irnpi-
loyablo couvrait malle troublo et les angoisses de cette
ámo que le sort du major André n'avait pu érnouvoir.
Les hésitations de Washington se trahíssaient par des
démarc1les et des lenteurs peu conformes a ses habi-
tudes. Les dispositions opposées qu'il manifesla dans
le preces du cupitaine Asgill ct dans eelui du ma-
[or André sont , sans contrcdit , un des plus curieux
índices que I'histoire ait conservós sur son carac-
tere ; elles rnontrent ú la fois jusqu'ou vont les sacri-
fices qu'il croit pouvoir faíre a la raison d'Etat , et
oú ils s'arrétent ; .i IIsqu'ou il ose engager sa responsa..
hilité devant Dieu el dcvant les hommes, el oú elle com-
menee a I'eñrayer: ú qnel point sa sensihilité peut
dormir, et aquel moment les notions de justice la
reveilk.nt, André s'était cxposé volonlairemsnt : ~".,


I l1'"d,. 11"11 .. t. YTII, p. etJ:!, :'05.




188 ASGILL OBTIE!\T SA ITRACE r17fQ).


avaít réussi, il en aurait recucilli les avantages et In
gloíre : aux yeux de Washington, il f:lai/ natural qu'il
subit les conséquences de son malheur. Asgill avait tité,
non-seulement innocent, mais inactif', Le sort avait
írappé aveuglément sur lui, C'étaít contre nalure. AIlSSi,
plus le temps s'écoulait , plus le moment de l'exéculion
semblaít devoir approcher, plus Washington cherchait
á écarler ce callee de ses levres, et a abriter sa con-
science, eomme sa réputation, derriere une décision du
Congreso


Mais, tout en proclamant le príncipe des représaillcs,
el en désírant au fond de le voir appliqué, les repré-
sentants des États, pas plus que Washington, ne se sou-
ciaient de décider eux-mérnes le sort de la personnc que
le príncipe avait attcinte, Pour la prcmierc fois peut-
étrc, le général en chef reprocha, d'un ton urner, au
pouvoir souverain l'égoíste soin qu'il mettait a lui lais-
ser supporter seul tout le poids des embarras publics :
(( Jo ne puis que me plaindre,» écrívait-il aun mcmbrc
de l'Asscmbléc, « ele la sítuation crucllc ou me place le
«( silence du Congreso Je ne demande ses ordres qlle
« dans les cas réelloment doutcux et compliques. Je
« suis, on le sait, íoujours disposé a prendre ma large
(l parí de responsahilité. Mais j'attendais du Congres
« son appui dans une affaire de cette importance... Je
« souffre beaucoup pour le capitaine Asgill t » El,
couune le Congros persistait agarder le silence « Si
( .i 'élais appelé, )) dit-il enfín, « il donner mon opinion,
« jo serais d'avis qn'on le reláchát>. »


1 30 sept. 178:2.- Wash. Writ., t. VIII, p. 350.
'7 neto:', 1,1<-2.- ll'rd" 11'rit., t. VIII. p_ :3,,'1.




P\ IX DE YERSAILLES178S'.


L'iutervention de la reine de Frunce en íaveur du
capitaine Asgill vint enfin délivrer Washington de ses
angoisses, Sur les prieres de la mere du malheureux
jeune homme, Marie-Antoinette, toujours bonne et
cornpatissante , demanda sa gráce; et c'est de France ,
qu'apres la víctoire, vinrent aux Américains les conseils
de modération et de elémence, cornrne les sccours et
l'appui pendunt la IIlUe. Le Congres autorisa la mise
en liberté d11 capitaine Asgill '.


Peu de jours apres 2, les agente diplomatiques du
Congres signaient furtivement, aParis, les articles pré-
liminaires du traite de paix entre I'Angleterre et les
~:tals-Unis, en abandonnant la France aux dangers de
l'isolernent dans les négociations ou les combats. Nulle
part, on netrouvc, dans la correspondance de Washing-
ton, un bláme explicite de cette poli tique aussi inhahile
qu'ingrate et déloyale. Mais sa conduite la réprou ve
plus éloquemment que des paroles. Cet esprit élevé et
droit resiste ti l'idée que son pays puisse vouloir ne pas
rester fídele a des engagements rendus sacrés autant
par la générosité de la France que par la foi jurée. Son
imagination ne lui représente pas cela comrne possible;
et tant que la paix n'est pas devenue généralc, illui
semble naturel de ne pas tenir compte du traité : « Je
« partage tout iJ. fait le sentiment de Votre Excellence,»
écrivait-il an ministre de la cour de Versailles aPhila-
delphie, 1\1. le chevalier de la Luzerne; « les articles du
« traité entre la Grande-Bretagne et l'Amérique son! si
« peu concluants sur ce qui touche a une pacíflcation


I 7 nuvcm ore 178:1.
I 30 11o vcrn bre 1782.




190 PAfX DE VERSAILLl>, (17H:3).


« générale, qu'il nous íaut gardcr une atlitudo hoslilo,
« et rester préts pour toute é, entualité, pour la guerre
« comme pour la paix l. )) Ce n'était pas que Washin~­
ton désirát la prolongation de la guerre; son antipa-
thie pour la Crando-Brctngne ne l'aveuglait ni sur les
succes récents de l'ennemi dans les Indes occidentales u
devant Gihraltar, ni sur la réaction patriotique produi«
en Anglcterre par ces victoíres, ni sur I'épuisement de
la Franco, ni sur l'impuissance du Congrcs apoursuivre
la lutte, ni sur les exigences el l'impatieuce tonjours
eroissantes de l'armée américaine. L'horízon s'assorn-
brissait, el il se scntait pressé d'assurer ce qu'il avait
conquis : « II est grandement íemps de Iaire la paix 2, »
disait-il, des le 2 ocíohre 1782; et quund il apprit enfín
qu'une cessation d'hostilítés et des préliminaires pour
une paix générale avaient été conclus aParís", il laissa
éclater librernent sa joie, joie qni n'élait ccpendant
point exempte de soucis et d'inquiélude pour I'avenir.
( Je me réjouis fort, )) écrivait-il au colouel Hamiltou,
alors membre du Congres, « de voir mettre un íerme ú
« notro élat de guerre, de voir s'ouvrir devant nous
« une carriere qui, si nous la parcourons avec sagesse,
( nO[1S conduira adevenir un grand peuple, égalemont
« heureux et respectable. Mais il nous. Iaudra , pon r
« avancer dans cette vote, d'autrcs moyens qu'uno
« étroite politique locale, que des [alousies et des pré-
( jl1gés sans raison : autrernent , il n'est pus hesoin
« d'élre prophete pour prévoir qu'entre les mains de


, 18 mars 178:1..- Wash. >Vrit., t. VIII, p. 406.
• Wa,h.IV"i! .. t.V Hf , p. 8',5.
¡ 20 janvic r ni;-L




I( JlOS en nernis et des puissances européeuncs jalouses
(( (il: nnlre grandeur dans l'Union, nous ne serons que
« dcsinstruments pour dissoudre la Confédératiou. ))


El en cílct, plus les dangcrs cxtérieurs s'éloiguaicnt,
plus les dangcrs intéricurs sernhlaient se rapprocher el
s'accrottrc. Une tondance funesto ane regarder la Cl'll-
lédération que comrne une coalition provisoiro dirigée
coníre la Crandc-Bretagne , el devenue sans raisou
d'(\tre dcpuis sa déluile, se maniíesíait vagueinent daus
les esprils. Pendant la guerre, le Congres el l'armée
continentale avaient élé les sculs signes de I'union entre
les ~:lats, les seuls licns de la Coniédóralion, lieus bien
faibles, bien précaircs, el qui avaienl it peine suff it raí-
Ierrnir l'Amórique, el ala sauvcr du despotismo anglais,
commc de l'anarchie révolutionnaire. On les trou vait
encore trop étroils, trap menacants pour I'indépendance
locale, La paix devait, pensait-on, les relácher, rendre
á chaque Etat sasouveraiueté, son action isolée et propre,
le soin exclusif de ses intéróts partículiers : il fallait done:
atlaihlir I'autorité cenLrale, dissoudro I'armée, oublicr
les engagements communs des Etats envers leurs défen-
seurs et leurs alliés, écarter tout ce qui pouvait rappeler
le souvenir d'une union lrop absorhante el trop intime,
Sous prétcxte de Iaire cesser une dictature qu'ils avaient
toujours reíusée au Congres, les États prélendaient lui
reprendre encere le peu de pouvoir dont ils l'avaien l
nominalement revétu dans les temps difficiles. Quant
á l'armée, devenue inutile, depuis qu'elle avait conquis
I'iudcpcndance de son paIs, elle continuait a donner


I Jllllar" liC::J.---Wash. W"it., l.Vlll, p.409.




!(l-2 lNJUSTICE DlT CU2\UlU':S A L'Et~AI{Il IJE L·AlUll~E.


de I'ombrage a11 public, maís sans inspirer les mémes
espéranees ni satisíaire les mémes besoins que dans le
passé. Plus on lui envíait sa gloire et sa force, moins
on croyaít lui devoir sa réeompense ct son salairc, La
promesse de la dcmi-solde á vio pour les oífícicrs, que
Washington avait enfin obtenue, en 1780. apres l'avoir
en vain réc1amée si longtemps, fut a10r5 remise en
questíon, Le Congres n'avait ni le pouvoir ni le dósir dc
Iaire exécuter ses décisions a eet ég'ard. La contagiou
morale qui envahissait I'opinion publique avaít atteint
les membres de l'assemblée eux-mémes, el ils se pré-
paraient arenvoyer les troupes dans leurs foyers, sans
avoir rien fait pour elles, sans mérne avoir g'aranli l'ar-
ríéré de leur solde.


Le désespoir s'empara de l'armée , et une foule de
hrouillons, la plupart étrangers a ses intéréts ou hos-
tiles á ses prétentions, prirent soin d'exeiter sa colere
pour l'exploiter. Des rumeurs , des faux hruils sans
nombre, habilement semés dans le carnp, entrete-
naient l'inquiótudc et répandaicnt le ven in dans les
árnes. Les partís extremes auraient Vil avec plaisir la
rupture du Congres et de 1'armée. Pousser l'armée it
la révoIte, c'était, pour les uns, une tacen de la rendre
indigne de la reconnaissance du pays, un expédient
pour añranchir définitivement les États d'une deUe trop
pesante; pour les autres, c'était un moyen de compro-
mettre les troupes dans la cause des créanciers de
l'Union, et de faire consacrer par elles la dette publique
tout entiere, Ces factions ne réussissaient que trop bien
aéehauffer la querelle. Comme aux premiers jours du
soulevement contre la Grande-Bl'etügne, le GlIllp, assis




ADRESSE DE XE\YBCW;IO ,URS 1783). 193


alors aNewblll'g, reprenait un aspect désordonné et
révolutionnaire. On s'agitaít, on s'attroupait, on discu-
tuit en plcin vcnt, la voix des généraux se mélait iJ. cello
des soldats, Les hábiles eux-mérnes commencaient iJ.
pcrdro la prudence, et á négliger ces ménagements qu'ils
11 'abandnnnnnt qu'a la veille de la Iutte. Il no mauquait
plus qu'un cri pour résumcr les scntimcnts de l'ar-
mee, el donner lo signal du soulevement, Ce cri, ce
fut UIl jeune aide de carnp du général Gates, le major
Armsu-ong, qui le poussa :


« La paix renait l ) s'écriait-il dans une proclama-
tion anon~'me qu'il lanca au mílieu des troupes', et
dont le souvenir est resté populairc en Amérique, sous
le nom d'adresse de Newburg , « la paix renait, et
« qui done va profiter de ses bienfaits t Est-ce un
« pcuple disposé iJ. redresscr 'os griefs, iJ. reconnaitrc
« votre valeur, a récompenser vos servíces r Est-ce
« un peuplc impaticnt de partager avec vous cette in-
« dépendancc que vous avcz conquise , ces ríchcsses
« que vous avez défcndues au prix de votre sang '!
« Non, C'est un pcuplc qui foule aux pieds vos droits,
« qui ferme l'oreillc a vos cris , qui insulte á vos
tI souürnnccs: ... Consentircz-vous iJ. étrc les seuls mar-
« tyrs de la révolution, iJ. 'OlIS retirer des camps pour
« vieillir dans la pauvrcté, la misero et le mépris? Si
« vous J pouvcz consentir, allez, poursuivis par les
«( railleries des Torios el le dérlain des Whigs, montror
« eombicn vous étiez dignes de ces chaines que vous
( avez hrisóes! Allez ! la pitié et la risée du monde,
« allez mourir (le íaim et vous íaire oublier. Mais si vos


'i 10 1111.ll'S 1783.


13




104 ADRESSE DE ~EWnURG (10"'ARS 1783).


« camrs se révoltent a cette pcnsóe .... révcilloz-vous....
« redressez-vous l Faiíes appel , non a la justicc, muis
« aux terreurs du pouvoir.... Posez au Congres cette
« alternative : dites-Iui que si la paix s'établit, la mort
( seule pourt'a vous séparcr de vos armes; que si la
( guerre continue, vous vous retirerez dans le désert,
« sous les auspices ct la con.luite de votro illusíre chef,
« pum rirc a votre tour quand la terreur fondra sur
« eux ' ! ))


Un frémissement d'indignalion contrc le Congr¿,s
suívít cette hrúlanle excitation i:t la révoltc. Les oífíciers
se donnerent rendez-vous pour s'cntcndre sur les
moycns de la mettre en action, et le lendcmain de la
paix avec I'Angleterre, l'Amérique fut menacée de la
gucl're civile. Ce fut cncore Washington qui éloigna
d'elle ce péril.


Il avait été placó, par l'inertie du Congres, dans une
situation tres-diíficile á I'égard de ses soldals. Sa répu-
gnance bien connue pour les procédés violente el illé-
gaux , sa fermeté inflexible dans la réprcssion des
révoltes, la reserve un peu hautaiue de son attitude au
rnilieu de l'émotion de ses cornpagnons d'armes, l'irrí-
tabilité croíssante de son carnctere, avaient éhranló su
popularité dans l'armée, et l'on commencait El décou-
vrir les traces d'une nouvelle cabale pour lui suhstituer
le général Cates dans l'affcction des troupes, et pour en
íaire I'organe moins scrupuleux de leurs réclamations>.
Mais, en dépit de ce mouvement d'humeur et de ces


1 Wash. Writ., t. VIII, p. 555.
I Wash. Writ., t. VIII, p. :300, 55I-::íü6.-lIIad. Pap., t. 1,1'.351.




DISCOURS DE WAS!llNGTON (15 MAR3 1783). 195


sourdcs rncnées, Washington avait encore pleine con-
flanco dans l'ascendant qu'il cxercuit sur les offlciers.
Il Ieur défendit de se rendre it la reunión Iaclieuse qu'ils
projetaient, les assembla autour de lui, et leur lut avec
autorité un long discours, pour leur offrir sa médialion
aupres du Congres 1 :


« On a cherché, l\fcssieurs, a vous convoquer par
« des invitalions anonymes, » leur dit- il ; ,( coinbien
« cetíe dérnarche cst inconveuaníe, cornbien elle est
(1 peu militaire, comhien elle est subversivo de [out
l( ordre, le bon scns de I'armée l'apprécíera.... Aussi,
« :Mcssieurs, ne croircz-vous paf, qu'en interdisant la
(1 réunion irrégulicre et intempestive qu'on vous pro-
(1 posait, j'aie voulu vous cnlever toutc occasion de faire
(1 connaitrc vos griefs d'une facon conforme it votre
« honneur cUt votre dignité .... Moi,qui ai été continuel-
(1 lomen 1, le cornpagnon et le témoin de vos souffrances ;
(1 moi, qui ai confondu ma réputation militaire avec
« celle de I'arrnée, ponrriez vous me croirs indifférent
« a vos intéréts? Pour les servir, quelle voie faut-il
« suivre t EUe est toute tracée, dit I'auteur anonyme de
II l'adresse : Si la guerre continue, rctirez-vous vers les
(1 régions ínhabitécs , établissez-vous-y, et abandon-
« nez une nation ingrate a sa propre défense. l\fais
« qu'est-ce done que nous abandonnerons a sa dé-
« fense? Nos femmes, nos enfants , nos fermes,
« tous les biens que nous laísserons derriere nous ....
,1 Si la paix s'établit, dit-il encore, ne remettez vos
« épées dans le fourreau, que lorsque vous aurez


i 15 mars 1783.




196 mSCOURS DE WASHI:'\G'fO:'\ 00 MI'" l~fI;·,).


{( oblenu pleine et eníiere [ustice .... \\Jon Dieu, qu'a-l-il
( en vuc, cet écrivain, en recouuuandant de scmblahles
« mesures '1 Que peut-il ótre? Un ami de I'arrnée ? un
:( ami du pays '1 Nc scrait-ce pas plutót quelque ennemi
( perfído t peut-elre un émissaire de New-York '1 ....
(( Jo no puis, sans faire injure anx intentions que je
( crois voir dans le Congres , terminer ccttc adresse
« avant d'avoír declaré que, dans mon opinión bien
( arrétée, ce! honorable corps vous rcndra jusíicc....
« Et, quant a moi, sans vouloir me [aire un merite
« d'uno prorncsse qui n'est que juste, par reconnais-
« sanco ponr la confiance que vous avcz plucéc en moi,
( par añcction pour cette arméo qlle j'ai eu si long-
(( tcmps l'honncur de commandcr, [e me crois engagé
« avous déclarer ici solenncllcrncnt que, dans la mesure
« de mes devoirs cnvcrs mon pays, vous pouvez cornpter
(( sur toute l'habilete dont je suis capahle pour Iairc
« íriompher votre cause. Mais, en vous donnant ces
« assurances, pcrmcttcz-moi de vous supplier , Mes-
( sieurs , de repousser des mesures qui compromet-
« traient votre dígnitó , qui souílleraient cette gloil'e
el que jusqu'ici vous avez su conserver intacíe, el qui
[( éloigncraient le but que vous poursuivez 1. »


Washington se leva apres cette nllocution ; il quilla
la salle, et abandonua les offícicrs a leurs proprcs
réflexions. Leur délibération fut conde. Avcc une COlJ-
flanco touchante, ils remircnt lcur cause entre les mains
de leur gl~néral, etattendircnt paticmmen t le resu llat
de ses cíforts en leur íavcur.


I l','uslt. ¡l/ril., LVIII, 1" ;,60.




LES DROlTS DE L'AR\IEE SONT nECO:\,Xr;S. IDi


Washington s'était porté gnrant des honnes inten-
hons du Congreso Etranger atoute pensée de vnnitó OH
d'UIIl bition, il se fuisail aupres de lui l'organe eles plain{es
de I'arrnée, tmiquemcnt paree qu'ellcs étaientjusles et
scnsécs, et loin de chcrchcr h se faire un marchepicd dn
mécontcntement des troupes, il préícnduit 1Ie fuirc
gloire qu'au pouvoír civil de la sntisfnction qu'il lcur
avait promise. Sa responsahilitó a I'égard de I'arméo et
son propre désintéressemcut lui donnaient le droit de
s'adrcssor au Congres avec autoritó. Aussi parln-t-il
dun ton qui admcttait it peine le refus, et taníó! par des
considérations politiques , tantót par des considórations
d'équilé; tantót en insistant sur le danger de réveiller
la colore d'une arméo encere toute frémissaníe , et qui,
malgré sa soumission volontairc, pouvait au hesoin traí-
ter de puissance a puissance; tanlót en s'abandonnant
aux mouvements de son creur , il parvint á produire
une vive impression sur les représcntants des États:
« Si ce pays" )) s'écríait-il a la fin d'une ele ses lettres
offlciellesau présidcnt du Congrcs, « si ce pays repousse
« les priores des tl'OUPCS, alors j'aurai appris ce que c'est
« que I'íngratitudc , j'aurai assisíóá un spectacle qui,
(( ponr le reste de mes jours, rernplira ma vil' d'amer-
« tume 1.»)


Le Congres fut aussi sage que l'armée. n reconnut et
garantir les droits de ses déíenseurs". Cepcndant, pour
ménagcr les iIJquiétudes qu'excitait dans certains esprits
tourmentés par les idees dérnocratiques l'eíahlissemcnt


118 mars 1783.-Wash. W·rit., VIII, 3119.
222 m ars 1783.




198 LES DROITS DE L'ARMEE SONT RECONNUS.


de pensions militaires , et pour enlever aux mécontents
le droit de dire qu'on íntroduísait dans l'État une classe
prívilégiée, la demi-solde a vie fut remplacée par 1J.n
équivalent. Cinq années de solde entiere fúrent promíses
aux officiers; et grace a la fermeté de Washington et
aux concessions prudentes quoiquc tardives du Congres,
l'orage qui avait un instant menacé I'Amérique se
dissipa,




CIIAPITRE XI.
Efforts de Washington pour fortifier l'autoríté du Congreso _. Les nrt.cles (le


Confédération . -Vices de cette cOI1o,;titution.- Re,lClion monarchiquo am
Etats-Tnis.v-La eouronn e offcrte aWastnnpton.i--Son fl'fns.-E proclame,
dans ses adrcsses d'adicu au peuple et a I'armée, la nécessíu. de réfcr-
mer la Constitution.


---<~.....-o----


Washington et le Congres se son] souvcnt trouvés en
oppositíon passagere, mais ils ont toujours flni par s'cn-
tendre, Au milien de la eonfusion et des désordres
produils par une erise révolutíonnaire qui dura plus de
hui! ans, eette asscmblée souvcraino el permanente et
ce général populaire et tout-puissant sont restes eonli-
nuellernent en présence, sans jamáis briser Ieurs bons
rapports, sans jarnais séparer leurs intéréts et Ieur eausc.
Leursattributions ótaicnt mal cléfinies. Le Congres in ter-
venait dans les affuiresrnilitaircs ; Washington, dans les
añaires politiques. Entre ces deux pouvoirs, il n'y avaít
point de regle invariable et fíxe. Pour ne pas se hender,
pour ne pas se rencontrer dans des prétentions oppo-
sées, il íallait continuel1ernent user de rnénagements et
de prudence; et pourtant, pendant cette longue période,
on nc trouve pas de trace d'une hostilité systématíquc
entre eux. Des vues diíférentes, des tiraillements; de la
llar! du Congres, des íracasseries el des jaloLIsies ; qucl-




200 EFFonT8 DE WA8HINGTON


quefoís me me de mauvaises intrigues, des cabales iso-
.ées contre Washington dans le sein de I'assernbléc;
mais point de rivalité sérieuse et longue qui leur ñt
ouhlier le grand but qu'íls poursuivaient en commun.


Cet accord entre des pouvoirs qui semblaient si peu
faits pour vivre ensemble, c'est la peut-étre le plus grand
excmple el la plus helle leeon poli fiques qu'ait oííerts au
monde la révolution américaine.


L'honneur en revient surtout a Washington. Le
Congres n'eutjamais ase plaindre du général, Le géné-
ral eut souvent a se plaindre d11Congres, de ses Ienteurs,
de ses faiblesses, de sa timíditó cnvers les ~~tals, de sa
roideur vis-a-vis de l'arrnéc, du soin pueril qu'il mettait
paríois afaire étalage de son pouvoir et de son impor-
tance, a tenir ses négociations el ses plans sccrets. Un
esprit moins ferme ou plus absolu, un creur moins
maitre de lui-méme ou plus amhitieux se serait révolté
centre eette impuissance insolente et incommode, et
n'aurait vu dans le Congres qu'nne entrave inutile,
Washington ne céda point a cette tentation. Jamais il
ne mil les procédés révolutionnaires au service de la
róvolution qu'il fit triompher, II savait qu'on no pouvait
ríen Iaíre de durable) pour le salut de l'Amérique, sans
íenir compte du Congres ; que la prudence un peu crain-
tive de ceUe assemblée, ses tergiversatíons , sa cam-
plaisance excessive pour les passíons locales el démo-
cratiques, en mómc temps qu'elles éncrvaient les efforts
de l'arrnée el éloignaienl le suecas, rendaient ce pouvoir
plus propre que tout autre it soumetíre a une autorité
commune des États jaloux de lnnr indépenduncc.Malgré
sa faiblesse, et méme , dans une certaine mesure l Ú




POUR FORTIFIER T:AUTORlTI:; DV CO!\GRES. 201


cause de sa faihlesse, le Congrcs était le pivot, le seul
pivot possihle de I'Ilnion. Décidé asupporter les défauts
el les inconvénients de celte assemblée, par considération
pour les serviccs que, seule, elle pouvait rcndre,Wnshing-
ton ne voulul porter remede aune impuissance dango-
reuse qu'en travaillant ú la diminuer, el au lieu d'abais-
ser l'autorite civile ccntrale , au profít de I'autorité
militaire , il chcrcha toujours a les fortifier l'une par
l'autrc, aux dépensde celle des États particuliers. Long-
temps, bien longtemps, les luttes que lui el ses ami s
soutinrent dans ce but resterent infructueuses,


Le Congres qui, avant la rupture avec la métropole,
étail une réunion de simples patriotes, dont les acles
avaicnt un caractere purernen tconsulta tif',ne fut, pendan!
prcsquetoute ladurée de la guerre, qu'un gouvernement
provisoire et révolutionnairc, ne. tiran! son droit a
I'ohéissance que de la nécessité de remplacer le pou-
voir dont I'Arnérique avait sccoué le [oug. L'autorité
dont il s'était emparé, pour le salut ele la patrie, n'avait
recu du peuple rl'aulre confirmalion qu'une adhésion
silencieuse , d'autre limite que la libre résistance de
chaquo colonie et de chaqué citoyon. Un cffort séricux
pour soríir de cetle siíuation fut rait en 1778. Une sorte
de constilulion ou d'allianco fédérative, intitulée Articies
ile Coiuédération el Union perpéuieite, fut alors soumise
ala ratiflcalion des divers États, aprcs avoír été adoptée
pal' le Congreso Lesrclations des États entre eux, les con-
ditíons de la Confédération, les pouvoirs du Congres y
étaient réglés et défiuis. Les ratiílcations arriverent suc-
ccssivcmenLPlusielll'S se flrení longtemps attendrc: elles
nc íurcnt pas compléteesavantlernois de mars1781. A un


#"f r,. :
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202 LES ARTICLES D~: Co"FEDItnATION.


état révolutionnaire succéda alors un ótat plus légal, plus
régulier en apparenee. En réalíté, In confusión resta la
méme. La constitnlion filie s'ólail donnée l'Arnériquene
semblait avoir éte faite que pour organiser l'impuissance
du gOllvernernent Iédéral. Sur toutcs les questíons, sauf
celle de I'ajournement an lcndemain, on votait, dans le
CODeTCS, par lttat; chaquc État, ([l1I:1Ies fIlie fussent su
population, ses richesses, sa part des charges publiques,
ayant un égal sutírage, el, par conséqucnt, une mémo
mesure d'influence sur les destinées du pays. L'expédí-
tion des grandes aífaircs était rcuduc impossihle par La
nécessité du concours de neuf États; sur treize, pour
Iormer une décision, et quand, par une rure bonne for-
tune, caconcours s'élait prodnit , le Congres n'avait
aucun moyen de contraindre les Etats opposants asuívrc
ses ordres, n y avait bien, al! centre (lela Conlcdúraíiou,
I'ombre d'un pouvoir législatif', maís ríen qui ressemblát
a uu pouvoir c\éculif. Hcvétu d'une auíorité purcinent
(léc1arative, le Cougres ótait sans aclion directe sur LL'S
Üats et les citoyens. II ne pouvait, de lui-móme, levcr
ni taxes ni troupes. Sa mission dait rl'indiqner les be-
soins du trésor el de l'armóc , non de les satislaire. Ce
soin était laissé aux Élats qui pouvaient irnpunómcnt
s'en añranchir 1. Les vices d'une semblable conslitutíon
ctaien t si monstrueux , les conscquences en étaient si
désastreuses que les esprits les moins clairvoyanís en
élaient frappés ; elles articles de Confédération, attaqués
de toutes parís, perdaienl encore, par la déconsidération
oú ils étaicnt tombés, des l'origine, le [len d'efficacité
qu'ils auraienl pu conservero


1 "'J./ oy . Appén.JtCe n" L




REACTrON ~rONARCHIQUE. 20:1


Cepcndant les républicains Ianatiques et les politiques
anti-unionistes, apres avoir dé des premiers it denigrer
une conslitution qui donnait, it leur gré, enr;ore trap de
force au pouvoir, se prcnant tout it COlJp d'une adora-
tion intéressóo pour ce qu'ils avaient tant attaqué,
s'opposaient it ce qu'on y touchát, par crainte d'unc
réaction mouarchique OH nnitaire ; tandis que la rnasse
flottante eles patriotcs modérés el sans partí pris, deve-
nue excessive dans ses alarmes, apres avoir été trap
longtemps insouciante , ne reculait plus devant des
remedes excessifs. A la fois sincerement attachés ala
révolutíon et effravés de ses conséqucnccs, ces hommcs
cornmencaient adouíer de l'eíflcacité du gouvernemeut
républicain, ase demander si, pour se mettre ala fois it
l'abri de la révolutíon et de la contrc-révolution, il ne
Iaudrait pus rclcver le tróne, en y placant un roi natio-
nal, el leurs vues se portuient involnntairement sur
Washington. Ces idées, quí ne s'agi taienl encare <jue
vaguemcnt uu sein du peuple, trouvaient dans I'armce
un écho plus neí et plus retentissant, OI! s'en entreíena i i
librement dans le camp , non conune de simples révcs
de bivouac, mais sérieusernent, pratiquement, avec la
pensée et le désir de les réaliser : et ce n'étaient {las
seulement quelques intrigants impatients de servir une
grande ambition, quelques aristocrates pleins de regrels
imprudents pour le passé, quelques jeunes gens impc-
tueux et intempestiís; c'étaient les plus vieux, les plus
sages, les plus honorables officiers, ceux que Washing-
ton admcltait [ournellement dans son intimité. Un
(['entre cux, le coloucl Lewis Nicola, qui, souvent, avait
serví d'intermédiairo entre l'arruée et son chef', el porté




204 LA COURONNE OFFERTE


aWashington les doléances de ses compagnons d'ar-
mes, avait méme été jusqu'á lui eommuniquer leurs
vreux et lcurs esperances.


( De tons les gouvernements;» lui écrivait-il, (( le
( gouvernement républicain est le moins slahle , le
« moins capablc de garantir les droits, l'indépendance
(( et la propriété des cítoyens, Avec la republiquc ,
« l'Amérique ne deviendrn [amais une nation. L'exp(~­
« rience nous apprend qlle la forme da gOllvcrnemcnt
« anglais est la rneilleure. Les eííorts de 1'année u'ont
« óté puissants que paree qu'clle était soumise it un
( seul chef. Des que les avantages d'un gouvernement
(( mixle auront été montrés au pcuple, il adoptara coito
(( forme de gOllvernement, il reconnnitra que ce gónie
([ qui nous a fail traverser si glorieusclllcnt, si victo-
( risusoment des diffieultés en appurcncc insurmon-
« tahles , que ces grandes qualités qui ont merité ct
({ ohtenu l'cstimc de íous et la vénóralion de l'armée,
« sonl deslinés il nous conduíre bien mieux encare dans
« les sentiers plus facilcs de la paix. Certaincs gens ont
({ ótahli une liaison si intime entre l'idée de monarchie
« et celle de Lymnniequ'il semble diffícile de les déga-
({ gel' l'une de l'autre, Peut-élre scrait-il nécessaire de
« donner un titre plus modesLe, en apparence, au chef
({ de la constitulion que je propose. Cependant , si tOIlL
( le reste était une fois réglé, on pourrait invoquer de
( hien fortcs raisons POUI' adrnettre le titre de roi 1. »


Washington lui répondit 2 :-«(C'est avec un mélang«


n Irash. Irrit., 1. VIIr, p. 301.
2 :2-2 mni líb:;~




A WASHINGTON (17821. 205


(( de surprisc et de douleur quej'ai lu attentivemeut
« les ponsccs que vous m'avcz soumises. Soyez-en bien
« súr , Monsieur, aucun événement dans le cours de
« cette guerre ne m'a autant affligó (lile d'apprendre,
« par vous, que de telles idees circulcnt dans l'armée.
« Je dois les reganler avec horreur, et les condamner
( sévercment. Quant á présent, elles rcsteront renfer-
« mees dans mon sein, úmoins que de nouvelles maní-
( Icstalions n'cn rcndont la róvélation nécessaíre. Je
« «hercho en vain ce qui dans ma conduite a pu encou-
:1 ragcr une proposilion qui, Urnoi, me seinhle grosse
« des plus grands rnalhcurs qui puísscnt fondre sur
( mon pavs. Si je ne me fais pas illusion sur moi-
( Illóme,vous ne pouviez trouver personne aqui vos
« plans Iussent plus désagréables 1. »


L'indignation de Washington était aussi sincere que
simplcment expriméc. 11 a irait étó étonné de I'adrnira-
tion qu'cxcitc, parmi HOUS, ce refus si sévere d'une 011're
si flatteuse et si brillante. Pour lui, ce ne fut pas mérnc
un acte de vertu. Washinglon répondit al! colonel Lewis
Nicola instinctivement, sans réflexion et sans effort,
comme on répond Ú une insulte. La proposítion de le
faire roi hlessail il la fois son honnétoté et son bon sens,


Pour l'Amérique, il n'y avait point de terme moycn
entre la monarchie traditionnelle et la républíque fédé-
rative. Une monarclric révoluíionnaire, la centralisation
héréditaire du pouvoir entre les mains d'un Américain,
auraiont hrisó les Iaihles liens qui unissaient les colo-
nies. Le fui ti' Au¡.detcrre n'étaít resté si longternps le


I ¡Vu,h. lVrit.> (. VI11 , p, 300.




20GWASIIII\G-TON PROCLAME LA I\ECESSITE


souverain cornmun de ces États divcrs que paree qu'il
n'appartenait a aucun d'enlre eux. Étranger tI leurs
luttes, aleurs passíons , a leurs haines particulieres, íl
pouvait les comprimer paree qu'il ne les partagcait
point. Ce que les États craignaient avant toul, ce dont
ils avaíent encore Líen plus horreur que de la dornination
anglaiso, c'étaít de dépendre les uns des autres, Ces
méflances si ombragenses que nous avons vu se déve-
lopper contre un pouvoir central comme le Congres, oú
ils élaient tous représcntés, oú les minorités scules pou-
vaicnt devenir despotiqucs, se seraient décuplées contre
un hornme qui, sans leur donner les mémes garanties,
aurait porté seul tout le poids de la rcsponsabílító,


Le 'remede proposé par le colonel Lewis Nicola était
plus dangereux, plus díssolvant, plus révolutionnaire
que le mal dont souffrait I'Amerique. Ce mal n'étail
point incuruble. L'organisaion intérieure des Étals-
Unís, si vícieuse sur tant de points, n'étaít pourtant
pas radicalement mauvaise. Elle contenait les éló-
ments d'nne honne constitution. Les dégagcr et les
développer, ce fut l'reuvre a laquelle se consacra
Washington, et plutót que de s'exposcr a la compro-
mettre en cherchant aconjurer trop précipitamment le
danger, il sut se résigner il agir Icntement, et il attendro
I'eñet des lecons douloureuses de l'expériencc sur l'es-
prit de ses concitoyens : « De lous les vices du gouvcr-
« nement démocratique, le plus grand pcut-étrc, c'eH
« qu'il faut toujours que le pouple sente avant de COl!-
« sentir avoir 1. » Cette maxirno cst de Washington:


I Waslt. lTnt., t. IX. u :2JG.




DE I(EFOR:I[En LA CONSTITUTIO:\ )iR:l).'2O'i


11 regla sur elle sa conduite : « Pcrsonne, » écrivait-il au
colonol Hamillon, « u'cst OU ne peul étre plus prolundó-
« \l1CIl l pénétré que rnoi de la ncccssité ele réforrner la
« conlcderalion actuclle. Personne, plus quc moi, n'cn
« a sentí les mauvais cflcls. Cal' c'estñ 'ses défauts, c'esl u
« l'abscncc de pon voie daus le Congrcs qu'on peu l j lisie'
« mm tattribuer la prolon gation de la guerra el les dé-
« pcnscs qu'clle a occasionnées. Elle a dé la cause de
« tous les embarras (lue j'ai rcncontrés, de ton les les
« souítranccs qu'a éprouvécs I'nrrnée, Ces sentiments
« rcmplissent mes Iettrcs particuliercs ; chaquc fois que
« la conversaíion se parle sur ce snjet, jo m'eílorce de
« les répandre et de les Iuirc I)(;nélrcr daos les esprits.
« l\lais, dans quelle mesure de nouvellcs tentati ves de
« ma part pourront avancer le succes, 011 bien, al! con-
« trairc, donner licu de croirc que [e prétends m'arro-
« gel' des droits que jo n'ai pas, c'esl ce q!r'il est diífíoile
« de decider. Cela dépcnd de I'opinion populairo, ele
« I'humeur el des dispositions du peuple '. »


Il ne crut poin l, cependant, pouvoir quittcr la sceno
ou il avait ícnu une si grande place, eL se séparor de ses
coneitoyens eomme homme publie, sans les avoir preve-
nus des dangers qui les menacaient ; el au momcnt d(~
renlrer dans la relraite ou il prenait I'engugement solcn-
nel de tcnniner ses jours, malgré son peu de confianco
dans l'efficacité d'un averlissement qui n'était pas
eucore suíflsamrnent juslifié par la souífrance, il adressa
aux divers États de l'Union ces conseils el ce] adícu
supremo que, dans son langage patriarcal , il appela


l IV,,",,;(. Writ ..• t. VIII. p...10




208 AImESSES D'ADIEU


lui-rnéme « sa dernicre hénédiclion a son pays 1. JI
« De la politiquo que vont adopler Ies États dépondra


« leur aíferrnissemcnt ou leur chute. Tomberont-ils '?
« Rcsteront-ils dehout? Ces! la ce qui décidera si la
« révolution doit étre regardée, en déflnilive, cornme
« une malédiclion ou comme un hienfait.. .. Je n'ai
« peut-etl'e pas le droit d'exuminer dans cctte lcttre si
« les États doivent ou non déléguer des pouvoirs plus
« Mpndus au Congres.. " Qu'il me soit an moins pcnnis
« de dire que, s'ils ne laissaient pas au Congres le libre
« exorcice des prérogatives dont il cst incontcstahlc-
« ment revétu par la Constitution, tout tomherait bientót
« dans la conlusion el le dósordrc. Nous apprenclrions
« alors qu'il y a un enchaincment naturcl ct nécessaire
« entre les exces de l'anarchie et les cxces du despo-
« tisme, et que le pouvoir arbitruire s'étahlit sans peine
« sur les ruines d'une liberté qui dégénere en licence 2.»


Dans ses adieux a l'armée ', en s'adrcssant il des sol-
dats auxquels l'esprit de eorps avait fait onblicr peu il
peu l'esprit de localité, et dont les habitudes de respect
et d'obéissance dispensaíent leur chef de précautíons
oratoires, le langage de Washington fut plus explicite
encore et plus irnpératif : « L'honneur, la dignité, la
« justice du paJ's seront a [amáis perdus si l'on n'aug-
« mente les pouvoirs de l'Union. Le général laissc clone
« el chaque offieier et a chaque soldat, comme son der-
« mer ortlre, celui d'unir ses cñorts aeeux de ses dignes
« concitoyens pour attcindre ce grand el importan!


t 8 juin I¡83.
~ IVa.h. íVrit., t. VIlI, p. 439.
s 2 novcmbre 1783.




DE WASIlICirGTON (178:;). 209


(1 résultat, d'ou dépend notre existence méme comme
" ualion 1. »


Les soldats furent fldeles a leur derniere consigne:
m rentrant dans lcurs foyers, ils y portcrent la pcnsée
du général , el la rcndirent peu apeu populaire en la
rcproduisant. J\lais cette honne scmenec, ainsi parlout
rcpandue, no gcrrna point d'elle-mémc : elle ne devait
se développer que sous I'action de Washington. Ce
grand citoycn s'étai] trompé, en pensant tIlle l'A.
ruérique aílranchie n'avait plus besoin de lui pour la
couduire el la sauver. Ses eonseils ne pouvaicnt ótre
íccondés que par ses services ; son influouco ne ~pouvaít
triorupher que par son gouvernement.


1·1




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CHAPITHE XII.
1788-J7iS7.


l'~-ér'_'i'!!jlaliol!sde \\':t>lllll:.~ton dnns :-;;1 r'ctrui r.c de Moum-Vr-num.c-. Son plan
dl~ nuvipatiou in b-r it'urr-v-c-I :a~~emh1é,' ,1L' la Virp:inie l.u i votr' U11e' rr;C(.\llIrl('n~t~
ll;ltiollali'.-- H('[Il~, 1!lli~ ar'r-cptntiuu con.liti ounclle da ::enl·raj.-~ Etnt (le
l'.\nll.!riqtll'. -lmpuis,:allcc duo Cllll~!rl'S i¡ prcvt-ntr la bnnqucrcutc ct lt,
dcincmbrcuien t de lUn'on.c-Dcconsi.lcrnticn <les ttat.>t~ll:S en Europe.·-'
Violu-ion s dü traite de 17S:I.-(Ju('JTi' uu x crt-ancicrs .~:I;:;lais.-Guc:rre aux
ricIH's.-lnsurreetion du l\la::;sacll1l"-ctts.-.JloavC'llwnt d'opinion PIl raveur
.l'uu.: révisiou dr-s urticlo-, de toufédcr.uio». - EtTorb des umis de
Washington pour umenrr la reunión (1'1111(' Convuntion. ~ Lr-ur sucoes..........
Washington uonscnt a pr.-n.lru part aux truvuux de la Convcntíon.


Ilcnlrc ú MOlIIJI-Yel'llon, des qu'il Iut rcvcnude cet
d()lll'disselll(~111 plciu de douceur IIl1e produisent dans
l'áme le silcnce apres le bruit el la paix apres la Iuíte,
Washington prévit instinctivcmcnt , muis sans s'y rési-
gner, qu'il lui devíendrait impossihle de se faire une
solitude , au milieu du tu multe toujours croissant qui
grondait autour de luí. L'amour de la retraite, le
rcspect pour l'cngagemcnt qu'il avait pris de ne plus la
quiltcr, lcsoin de sa renommée, qu'il craignait d'exposer
dans une nouvelle corriere, lous les seutirnenís les plus
profonds de son creur élaient ~oulourcusement atteints
par les perspcctíves qUl s'ouvruient devant ses yeux. En
vain, il veilla avcc une prudence jalouse i!. ne poin! se




2U PTIEOCCFPATIü.\iS DE WASHIN(;TO:,-/


liHe!' au torrent qui menacait de I'entrainer ; eu vaui, 11
prit soin de ne rien dire , de ne ríen faire <¡IJi púl le
relancer dans le mouvement politique : il avait hcau
accommoder sa conduite et son langago a la situation
d'un simple particulier, il restnit pour ses concitoycns
un homme puhlic, á la disposition du pa~s. :\lótne aprcs
s'étre résigné an sacrifíce que dcvait lui irnposcr unjour
l'opinion , Washington continua ses cílorls pour le
reculer, Autant par patriotismo (llle par complaisance
pour ses propres gouts, il vouluí se re 11lertner dans le
rólo de spcctateur , tant qu'il n'aurait pus une mission
evidente etexceptionnelle a rcmplir, Son prcmier devoir,
commc sa principale préoccupation, devint alors de se
tenir en reserve pour le moment criíiq ue oú les lttats-
Unís se scntiraicnt en présence de périls que lui seul
pouvait conjurer; de ne point user son autorité et ses
forces duus de slériles débats et de vaines ícntati ves de
salut. Il avait une admirable intelligence de sa grande
positiou, de la responsahilité qu'elle lui imposait, de la
nécessité et des moyens de la ménager. Tcllc clait l'im-
portancc qu'il attachait alors ases moindrcs déruarchcs,
qu'il ne se fiait point exclusiverncnt tl ses propres lu-
mieres pour se diriger. Jarnais on ne le vit plus attentif
aconsultor ses amis sur ses idees, arecucillir et apeser
les avis contraires, et, en méme temps, plus indepen-
dant et plus judicieux dans ses determinations.


De 1783 á 1789, pendant le ternps qu'il resta étranger
au gouverncmcnt des États-Unis, il n'acccp:a que den:
íois un role actif dans les affaires puhliques, el ce ne fui
qu'apres de longues hésitations, et pour servir la grande
penséc qu'il avait laissée comme drapcaua ses soldaís,




DA!'\S SA RETRAITE. 21:1


En 1784, il presenta au gouvernement de la Viq:,inie
le plan de ce vasíc systemo de connnunications intó-
rieures, fluí, par une ingénieuse comhinaison de roulcs
el de canaux, dcvait relicr les eaux du Potomac et cellcs
de la rivíerc James ú cclles de I'Ohio, du 1lississipi el
des grands lacs ; el en 1787, il alla prcsider aPhiladel-
phie la Convention qui s'était asscmbléo pour donner
une cnnstitntion nouvelle a l'Amérique.


Bien avant larévolution, c'ótait, pour Washington, un
sujct favori de móditations et d 'études que la rccherchc
des rnovens propres aassurer la domination de la Vir-
ginie sur les vastos plaincs que ses pionniers avaient
envahies, peu apeu, en s'aventurant au delñ des monís
Alleghanys, et arattacher tout ce peuple qui se formait
dans l'Oucst ala colonic dont il était sorti. Par un SOI1-
venir affeetueux pour le théátre de ses premiers travaux,
el par un soin légitime de sa Iortune, Washington avait
toujours podé un intérét partículier aux aílaires de ce
torritoire, dont il avait été, dans son enfancc, I'un des
prcmiers oxploratcurs ; qu'il avait d(;fendu contre les
envnhisscmenís des Francaís, dans sa jeunessc ; el ou il
avait fini par occuper d'immenscs domaines. En fucilí-
tant, au rnoyen de canaux, les communications entre les
etablissernenls de l'Oucst ct la Virginie, on rapprochait
des populations qui n'étaicnt séparées que par les mon-
tagncs, on les liait entre elles pal' des intéréts communs,
on faisait penútrer la mer dans l'intérieur du pays, on
mettait les contrées les plus lointaines (m rapport direct
avec l'Europc el son commerce, et 1'0n augmen tait aimi
it In fois la puissanco de la colonie mere, et la valeur des
pronriélés dnns le territoire occidental. Frappé de tant




214 PLA'\ nr 1\;~.YTrU,Tro"


de raisons qui se présenlnient ú l'nppui ¡j'unc ial:e qu'il
cherchail dopuis longtomps , Washington se disposait it
en poursuivro I'exéculion, au momcnt Ol! les colonies sr
soulcverent et s'unircnt, pour lu dótense do lcnrs droits.
Son esprit s'élait agrandi en méme tcmps qnc les dcsti-
nées de son pays ; ses vues s'étaient élargics, comme su
sphcre d'action et son patriotisrne.Iorsqu'il reprit, aprcs
la guerre, le projct qu'cllc avait iníerrompu. 11 Ydécou-
vrit, alors, une portee bien supórieurc ú celle qu'il avait
enlrevue autreíois. C'était par des considérntions ('CO!lO-
rniques, ct pour des interóts provinciaux OH prives q u 'il
avait agi avant la róvolution ; ce Iut surtout par des
motiís politiques, et rlans un inlórót naíional qu'il agit,
enlí84.


Empecher le démcmbrcmcnt des États-Ilms , com-
hattre les causes plrysiques, auss: bien qlle les canses
morales qui les mcnacaicnt de dissolution , tout paráis-
saií it \Ynshingl.on secondaire aupres de ce grand hui;
el en méme tcmps qu'il chcrchait á consolide!' la COlII'¡'~­
dt"Ia.lion par uno mcilleuro distrihution des pouvoirs,
il voyait, dans le développemcnt de la navignlion inté-
rieure, un moyen de rctcnir, par des licns mntériels,
duns le cercle d'nltraction (je l'Amóriquo " les contrccs
qui tendaient le plus as'en échapper.


(1 Les Étals de l'Ouest sont placús, pour ninsi (jire, sur
( un pivot, » écrivait-íl it Benjamín Harrison, gouvef'-
neur de la Virginie : (( il sufftt du plus pcíit mouvemcut
( pour les faire tonrncr d'un coté ou de I'autre ; et si les
« Espagnols, a Ieur droite, 011 les Anglais, i leur gallc!lI',
(1 venaient i recherchcr lcnr cornmcrcc et leu l' ullinnco,
( nous aurions :'1 redouler une sépnration cOInp(¡"il:.




'215


« Jusqu'au [our ou l'Espagne a jetó malndroitemcnt des
« ohsíacles sur leur route, les halrilants de l'Ouest se
« sont portes du coló du Mississipi. lls u'avuiont qu'á se
« laisser glisser doucemen l sur le íleuvc, íandis que,
« pour venir a nous, il lenr fallait transporter lente-
« ment leurs mnrchandises par torre sur de mauvaises
« routes. Mais rendez-leur les cornmunications fáciles,
« et leur commerce vicndra se verser chez vous .... Pour
« maintenir I'uníon entre les Elats de I'Oucst et ceux du
« Centre, il n'y a point d'autre lien possihle que celui
« des intéréts 1. ))


Ces hautes consldérations étaícnt accornpagnécs rl'un
exposécomplet des moyens d'exécution. Il était le fruit
des recherchcs auxquellcsWashington venait de se liv rer
sur les lieux mómes. La direction des cours d'cau, I'in-
clinaison de leur lit, la hauteur de leurs chutes, il avait
étudié tout cela aussi soigneusement qu'un charnp de
hataille. POLlr devenir un patron eíflcace de l'entreprise,
il s'cn était Iait I'ingénieur. Les creurs furcnl profondé-
mcnt émus, en Amórique, ala vue de ce grand hornme
qui, apres avoir tenu dans sa main les dcstinées de toul
un eontinont, reprcnait les modestos el faligants travaux
qu'il avait ahandnnnós depuis l'áge de díx-neuí ans , et
se replongcait dans le désert, pour combattre et asservir
il la grandeur de son pays les torces de la naíure.


La Iégislaturc de Virginie ne crut pas Iaire asscz pcur
le libóratcur du Nouvean Monde, en s'empressant do
défól'er it ses vreux : elle décréta que « ces grands íra-
l! YUlIX de navigation intéricure, rnonumonts futurs de


, 11'~sh. n'rit" t. IX, p. 51:!.




216 RF:CO'IIPENSE :\"ATroNA LE (17R;').


« la gloire de Washington, dcviendraient aussi des
« monumcnts de la reconnaissance de son pays 1. )) En
antorisant la formation de deux compngnics 'l ui devaicnt
exécuter le plan de Washington, les rcpréscntants vo-
terent en sa faveur cent actions de cclle de la ri viere
James, et cinquante de celle du Potomac". C'était un don
national de pres de deux cent millo Irancs, Washington
íut aussi embarrassé que touché de ce íémoignage d'aí-
feclion qu'il rcccvait de sa colonie natale. JI n'avait
jamáis consentí a devenir un serviteur a gages du
publico Ce n'était pas seulement désintéressemont, c'était
runour de l'indépendance. Accepter un salaire, c'est se
donner un maitre ; et « je veux, » disait-il, (( que mes
« actions, qui sontle résultat de mes réílcxions, demeu-
« rent libres comme l'air, Quel que soit le pretexte de
« ce don gratuit, ne serai-je pas, si je I'accepte, rcgardó,
Ir al'avenir, cornme un áépendant ? Y penser un seul
« instant me causerait plus de peine que le produit de
« tous les dividendes ne me donneraít de plaísir ; el je
« crois, pourtant, que c'est une des valeurs les plus súres
« el les plus susceptibles d'accroissement dans ce pavs.
(l Mon esprit cst bien tourrnenté. Je ne suis pas dispuse ú
(( profiter de la générosité de la Iégislature , et je sens
« que I'on m'accusera, si je refuse, d'une vaina ostcn-
(( tation de désintéressement , ou de manque d 'égards
« et de mépris pour les Iaveurs de ma patrie:;. »


\Yashíngton refusa d'abord : maís l'insistancr-, aussi
forme que dólicate, de l'Asscmblée flnit par I'éhrauler,


i Wa8h. Writ., t. IX, p. R.3.
, rJ j anvie r 1:85.
3 'Va,h. H'rit., lo IX, p. 84, uo,




ÉTAT DE L'AMÉRIQCE (1783·178i). 2li


et iI conscntit aune transaction, par laquelle il recut en
dópóí, pour I'appliquer a des objets d'utilitó publique,
la somme qu'il avait rcpoussée cornrne une remunera-
tion personnelle.


De semblables récornpenses, ainsi déeernées et recues,
oífraíent un spectacle rassurant el consolant, au milicu
des tris les syrnptórnes de dissolution et de décadenco
qui, des le berceau, se manifeslaient dans la socíété amé-
ricaine, Un pcuple capable de produire un íel hommc
el de I'entourer d'un tel respecí, avait trop de ressort
moral pour s'affaisser sur lui-rnórne, avant I'ág«, el pour
décroitrc avant d'avoir gl'llrJcli. Cependant, son réveil se
fit si longtemps attendre qu'on put croíre, un instant,
qu'il dormait du sommeil de la morí.


La banqneroute, la misere, le communisme, la guerre
sociale au sein des États, la guerre civile entre eux, le
mépris et les insultes de I'étranger, tontes ces hontes et
tous ces maux étaíent imminents OU déjá présents.


L'inlérét de la dette publique avait été fixó, en 1783,
par le Congres, adeux millions cinq ccnt mille dollars l.
On ne put trouver annuellement ceUe sornme ni par
l'emprunt ni par l'ímpót. En Europe, le crédit des Etats-
Unís était épuisé; a I'intérieur « les réquisitions du
«.Ilomoir central n'étaient plus qu'un vain mol elun
« sujet de plaisanísvie. 2) Du '1 er novembre 1784 an
1er [anvier 1786, il n'enlra dans le trésor de l'Union quc


1 The Papers ofJames Madison, 'Pl1rchased by ordcr of Congl'ess ;
being his Correspondence and Reports of Debate.~ dl1ring the COH-
gress o] Conf'edemlion, and his Reports of Debates in the federal
Cont'ention, pnbli,~hedunder the s1/perintendance of H enr'!JD. Gitpin.
--Wasllinsloll, 1840. T. 1, "\pp. 6. I


q" aoút 178i!.-Wash, rYrit., t. IX, p. 188.




2]8


quatre cent quatro-vingt millo dollars . Les articIes de
Contódérution qui donnaicnt au Congres le droitde votcr
les dépensc:;, rcscrvaien: C,\H'CS' (.l]JroJ1t anx législaturcs
des divers Ittnts colui de '<cic!' les rcccttcs, el de déter-
mine]' l'objcí ct la nature des taxcs, Toutcs les prévi-
sions fínnncicres pouvnicnt 8tre d<"rnngées, tous les
services puhlics c1ésorganisés par l'incapacitó , la fai-
1)]C88.8 011 le mauvais vouloir d'uno seule Iégislaturs :
l'hcnncnr el les cnp;a¡.:crncnts ele I'Union elaient placés
i:(~íi()¡]iq:!rmcnt i:t la mcrci de quelques représcnlants
ohscnrs (¡'un petit ];~¡a¡ sans renom el, sans responsa-
lJililé devnní le monde.


Le prernier cífort da Congres pour échnppor aces
cl)llséq::ences (1(.sa:~b'ellu',; des nrliclcs de Cnnfédéralion
:¡\:,H dé nn acle d'irnpuíssancc. En vain il avait repré-
,enil' aux Eiais la néccssilé de creer des ressources per-
mancntcs ct assurées pour satisíairc des hesoins perma-
ncnts et sacrés; en vainil ]e111' avni! demandé d'étendre
ses pouvoirs , el de lui pcrmettre d'clahlir, [JoU!' vingt-
cinq ans, un iUI pól génél'al sur les importations, afín de
mettre le sorvic« di) la dette i.t I'abri de toute fantaisie
Ir.mdulcuse. L'opposition du New-York suffit á faire
cchouer la nouvcllc comhinaison Ilnancicre ; il fallut en
1'1'" enir ú l'ancieu systeruc des róquisi lions armuelles.
{TtI{l résistance inerte ct silencieusc fu: la scule réponse
(\!: 1:1 plupnr! des Unts aux appels du pouvoir central,
Le K0w-J(~l'sey trouva que e'était encoré montrer trop
lié: rcspect el trop peu rl'indépeudnnce : sa Iégislaturo
l'l'lldit une loi PO:l!' reíuser exprcssémcut d'olJ(elllIH:-
rer aux d~~lt!andl,:~, du Congrcs.
';k!"!¡!'t~ :Ii:l,i au pouvoir central toute uiesnre




fiscalc, el rcscrver duno ra~~(ln allso!'ie le droit de taxa-
[ion aux lÓf.dslalmes, ce nétait pas seulernent rendre
la hanquerouie iUl:\iíuble ; C'Ó[~Ül encoré rcndre impos-
siblc lOI1! s~'sU~mc gén¡i al ¡Je d::'llI11CS, loute protcction
cfficace de l'agTü;uIL:n:, (le l'industrie el de la marine
nméricaincs, tout Ir[tiió de commcrcc avec les puis-
sanees Mrang6res; cctait ú la fois anéantir les ricliesses
ct trouhlor la pnix de lUnion, Clraque J~lat avait un
trésor aromplir, dos produils ü defendrc, des voisins Ü
n:ploiter; chaquc ]:j;at en! "es douanes ; et une g'UOITC
de tarifs, qui pouvaií el chaque instant dégéuél'er 011
gnerrc iJ. main nrméc, s'étublil bicntót entre les parlics
(In méme empire. Les querelles s'aigrlrent, l'csprit de
séparation et de rivalité se dévcloppa : un parla hieníót
de partagcr l'Ameriq: w en plusieurs confédérations, un
mémc en treizo répl!biiqllcs indópendnntes : déjit des
l;:fats limiírophes nvnicnl conclu, pour la dóícnse de leurs
iníéré's corumuns, des traitós qu'ils refusaicut de COll1-
muniqr.cr au Congj'{'~s _~ la G6orgü~ avait dl:eJaré la guerre
aux Indiens pour son [JI'OJll'C com jite; el les Iois (le nuvi-
gation du Ncw-York, (iu :\'c\\-Jen:i'Y, de la Peusylvauio
el du i\lul'J1and, assimilaient les citoyens des nutres
lttals IIdes ótrangers 1.


Lldruite au dedans, I'autorité Iódórale ne comptail
plus en Europe, La révolution américaine étai l j ugéo :
toul le monde la rcgnrrlnit cormnc un avortemcnt, sauf
peut-etrc M.deLníayettc, qui meltait un certain amour-
propro d'auleur acroire au succes de l'ceuvre alaquelle
il nvait concouru. L'Angleterre abreuvait les Élats-


t ~¡arl. Po.p>, t. n. r.lD.




i20 DÉCONSIDÉRATION DES RTATS-UNTS


Unís d'humiliatíons, et spéculaít sur leur l'aihlesse, en
allendant l'occasion de íondre sur leurs dépouilles.
Elle se refusait aexécuter le traite de 178:3, et aévacuer
les postes militaires des grands bes qui étaienlla clet
des Etats-Unis ; elle fermait ses porís aux navires amé-
ricains ; elle négligeait systématíquement d'ótablir des
rapports diplomatiques avec ses anciens sujets; et quand
le Congres envoyait á Londres un ambassadeur, 1\1. John
Adnms, pour protester centre ces marques de rnauvais
vouloir et entamer une négocíation, il y était accueilli
avec une morgue aristocratique, centre Iaquelle il se
révoltait en vain, avec la gaucherie vaníteuso d'un par-
venu, L'Amérique n'avait réellement pas le droit de
s'indigner de tant d'insolence; cal' elle se montraít anssi
déloyale qu'impuissante, et en laissant déchirer chcz
elle le traite dont elle réclarnait l'exécution a Londres,
elle ne préíait que trop le f1anc aux coups dont on la
írappait . ( Nous paraissons avoir oublié ou n'avoír point
(( encere appris la poliíique de mettre notra cnnemí
(( dans son tort, » dísait Washington; (( les récrimi-
(( nations siéent mal aceux qui se trouvent étre les
« premiers agresseurs 1. » Les violatíons du traite que
l'Angleterre reprochait aux États-Unis étaicnt d'autant
plus honteuses et maladroites, qu'elles portaient sur def
questions de bonne toi dans les relations privóss, el
qu'elles atteignaient aussi directement le peuple de 13
Grande-Rretagne que son gouvcrnement. La procla-
mation de l'indépendance avait affranchi les cornrncr-
l7ants américains du joug de la mere patrie, non des


i "\Vash. Writ., 1. IX, p. '24~.




,N EU1WPE (1783-li87).


n>gb d(~ I'équitó el du devoír de payer leurs dettes ; le
traite le reconnaissait, en garantissant les droits des
créaucicrs auglais contre leurs déhiteurs américains.
Muis la classe des déhiteurs était nombreuse et violente.
Pour se fairc des clients el éviter de se faire des enne-
mis, on s'apitoya su!' le sort de ces victirnes d'une jus-
tice írop stricle et trop favorable al'étranger; on inventa
des théories ¡\ l'usage de ses intéróts, et les tribunaux
reslerent fermés aux réclarnations des Cré¡plciers
anglaís.


Ilion n'cst plus contagieux que la mauvaiso foi : pro-
(':gée au norn d'un seníiment national, elle se dévcloppa,
el prit la forme du socialisrne le plus cynique. Ce qui
n'avait d'ahord été que la guerre aux Auglais dcvint
bicntót la guerre aux riches, guerre générale et systé-
matique, ou la cupiditó nc prit rnéme nul soin d'em-
prunter un voile ala philunthropie ou a la philosophie,


Le spectacle de I'anarchie a laquelle s'abandonnait
dcpuis si longtemps l'Amérique avait troublé les idees
et les mceurs. Une inquiétude et un malaise générul
avaient suspendu toutes les affaires. Plus de confiance
dans l'avenir, plus de confiance entre les hommes;
des bras et des esprits désreuvrés mis en mouvemenl
par le désespoír et la fairu. La manie des spéculations
avcntureuses, cette plaie des tcrnps agités et corrompus,
avuit jeté sur la place publique une foule d'agioteurs
rui nés, hommes aigris, avides, eífrontés, remuants et
hardis qui, cn attisant et cn exploitant les passions popu-
laires que la misere leur faisait mornentanément parta-
ger, parvinrent sans peine ü domine!' el il intimidcr des
gÜlI" erneiueuts qui s'étaient aííaiblis en s'isolant, DOlJ-




SOCLÉVE~jE~T~ ~()CU.LW)'E'"


ner (;1)11 rs forcé ú un papier-rnonnaie qui perdait tIlia! r('~
'¡j]~I~ POUl' ccnt lÍe sa valcur norninalc, Icrrncr les tri-
hunuux, suspeudre les [troces, tels Iurent les moycns
proposés pour Iibércr les déLiieul's, el le pl'ognnnme
partoul arJoplé par le parti dr"magogiqlle pour grossir
son armrc. Il triompha sans eflort daos presque tout le
n01'(1 de l'Union. AH moindre signe de résistance de la
¡.art di I j!P: .voi¡', le pe!rplese rnssemhlait en ,11'111 os, au cri
do: « Plus de dcttes l plus de Unes! fin papicr-monnnic :
«le ¡m'¡ a,'" égal des hicns l » Des llandes convcrtes dc
haillons parcouraient les rues en maltrcsses ,; la cOllslcr-
nation se répandait dans les clusscs supcrieures conune
dans le gouverncmcnt, el les déícnscurs naturcls dt,
l'ordro puhlic, acceptaut la défail« avaní d'anlil'lnt!(;,
cOiil'!wient le Iront sous le [oug de la Ioule. Le !I/,'{'
dl'sn'ndail de son ,:iég'e; les rcpróscntants volaienl !a
loi qui ¡]ev;¡it devenir le prix de ICUI' réélection ou de
lcur <'cn¡'i!{~; et lorsque la populace, apaisée par le
déploierncnt de sa force, ebatisl'aite de la Icrreur qu'ellc
avait imprimóe, ronlrait chez elle sans avoir cornrnis
ele plus grands désordres, les érneu íicrs se íaisaient UIl
merite de lcur t\'éJl~'I'i~1.se mollt':ratioll, d les vaincus se
félicitaient de leur prudente lácheló.


Au milieu de ce! ah ..isscrnenl g('nól'lll de l'autorilé,
le gOllyei'nement du Massachusctts ilion! ra soul quelq iI(~
vigueur ; seul il soutint la lutlc : elle tu! serieuse el
sanglantc. Partout ailleurs, le pouvoir el I'insurrccliou
ótaient restes en prósencc, satis se dél.ruirc, presq ue sans
se por!(:I' ombruge, el. la toule , íoujours oheic, nc s'(:lait
l'"s dO!¡lió i:t peí¡;!: de rCIlVCI'SC:' des .rouvcrnctucnts 011
de Ilwdi1ier un élai soda! qui líC prJ:¡vaÍcn[ uppUSOt'




DA:-IS LE VIM;S,\CllUSETrS ¡¡SU-17M!: Hi


al/cune rcsistancr, it ses funtaisies. Daus le ~j;. "s:d ¡ í I~:(~í( S.
le mouvcmcnt, plus conlenu, devin! plus r.rdical et pites
violent. Irrilés des obstaclcs qu'ils rcnconlraiení, O¡,¡;-
"és, pour réussir, de s'orgnniscr el de s'cntendre , les
insurgés se réunirent de tO[1S les points du territoire, d
déclarerent une guerre Oí! verle it la société el au gnll-
vernement. lls eurcní hientót uno armée en óíat de tenir
la campagno : elle se gl'ossissail cl.aquo jour du rehut
des villcs, allóché par I'cspoir du pillage, el des enfunls
perdus de tous les partís qui róvaíent la destruciion de
l'Union, Niveleurs ct loyalistes accouraiont, avec Ulle
égalo ardeur, se mólcr ;'1 ses rangs ; le pLlT'!n~'t' des ~:ic1is
el la réunion it I'Allglde!'l'e ólaient inscri ls ú la Iois sur
son drapean. Un instant, ils furcnt quinze millc, el ils
purent se croire les maltres du continent. Les popula-
tions teri-iílócs OH séduites s'cmpressaicnt de lcur liHe!'
passage : les pan vres les suivaicnt do lcurs vreux, el les
riches íuyaient devant le Ilóau. l.'incentlic, parti de la
Ncuvdlc-Anglctcrrc, mcnaeuít de se répaudre dans
toute I'Auióriquc. ;Unis la grandeur du périi tira le paJs
de son engourdisscmeut, el il relrouva, contrc les démo-
lisseurs, l'energie qu'il avai! dóplovée centre la Grande-
Brotagne. 'l'ous les rcgards se tournercnt avec indigna-
tion vcrs le Massudlllsctts, ct le Congres seprepara ¡¡
soutenir le gonvernelllent de cet État, s'il succornbnit.
Un corps de troupcs continentales fut levé pour mar-
cher contre les émoutiers : mais la milice du iUassachu-
sctts suffit pour les dispersor. Les plus hardis ne savent
jamais assez combien la cornpression du désordro es!
facilo pOllr un gOllvernemcnt qui use de toute su force.
Au coiur de l'hiver, au milicu des neiges sur lesquelles




SOULEVEMENTS SOCIALISTES


les insurgés comptaient pour les couvrir de tout danger,
les généraux Lincoln el Shepard se lancerent aleur pour-
suite, ala tete de quatre mille hommes. Nulle part I'in-
surrection ne pul tenir devant cette brusque attaque: aux
prerniers coups de feu, les niveleurs se dóbanderent, et
il ne resta de cette formidable explosion du socialisme
aux États-Unis que la lurnícre qu'elle flt jaillir aux yeux
de la masse sensée de la nation, el le désordre qu'elle
apporta dans certains esprits faux , malheureusement
trap inílucnts. Lajoie raisonnée el réfléchie qu'éprouvait
l'amhassadeur du Congres aParis, Jefferson, en appre-
nant les troubles dnIlassachusetts, était sans contrcdit
un syrnptóme plus inquiétant pour l'avenir des États-
Unís que les événements qui la provoquaient: «Dieu
« nous garde, » s'écriait-il, « de rester jamais vingt ans
« de suite sans une scmblable insurrcctíon... Je tiens
« pour avéré que, de temps en temps, une petite émeute
( est une bonne chose, el aussi néeessaire dans le
« monde poli tique que les orages dans le monde phy-
« sique ... L'arbre de la liberté a besoin d'étro rafraichi
« quelquefois dans le sang des tyrans et des patriotes...
« II est vrai qu'en échouant les rébellions confirment
( généralernenf les empiétements de droit qui les 011t
« lait naitre. L'observation de cetíe vérité doil rendre
« un honnéte gouvernement républicain assez moderó
« dans la compression des révoltes, pou r ne pus trop en
« décourager le peuple... S'illaissait languir un instaní
l( son attention, vous et moi, le Congres el les assern-
« ! .lées, les juges et les gouverneurs, nous deviendríons
« :Ul1S des Ioups-.r


I .lIcmoirs, Corresporulcnce and prit'a," Pape¡« o] Thomas Jeffer-




DAN S LE MASSACIlUSETTS (1786-1787). 225


Washington trouvait absurdo de supposer « qu'en
« arrivant au pouvoir l'homme changeát subitcment de
(( nature et ne conservát d'aulre disposition que cclle
« d'opprimer l. ») Ce qui lui semblait a craindre pour
son pays, c'était bien plutót le dcspotisme des gouvcrnés
que celui des gouvcmants. II n'avait done pas les mérnes
raisons que Jcfferson de trouver que tout Iút pour le
mieux, Il était, d'aillours, loin d'étre ce qu'on appelle un
optimisto. Dans l'action, il avuit une vigueur confiante
que les plus grandes infortuncs ne pouvaicnt abattrc;
mais, rlans le silence du rccueillement, ses prévisions
étaient habituellcrncnt tristes. Depuis la conc1usion
de la paix , les taits uvaient dépassé ses conjecturcs
les plus sombres: « Si quelqu'un m'avait dit , il Y a
« trois ans , qu'une révolíe aussi redoutable menace-
« rait les lois el la constitution que nous nous sommes
« données , j'aurais pris cet homme pour un f011 digne
« de Bcdlam.... Apres ce que ['ai vu, ricn neme sur-
« prendra. 11 ya, dans tous les Etats , des matiercs
« inflarnmahles qu'une étincelle pourrait allumer....
« Si, d'ici au printemps, on ne déploie pas la plus grande
« sagesse, nous assisterons a des scenes affreuses 2. »


C'éLait aussi le sentiment public. La Lerreur salutaírc
qu'avuient provoquéc les troubles du JUassacllllsells
survécut a leur compression, eomme la cause qui les
avait produits. Une puissanle réaclion eonlre I'cspnt
qni avait dicté les artícles de Confédération se déclaru


,5011, cdited by Thornas Jeffersvn Randolph.-London, I8't9. T. lI,
1" 85, 87, 21iH.


1 -¡Ya,/¡. ,1/1'1'1., t. IX, 1', 279.
2 lVa,h. lVl'jl., t. IX, p. 226, 228.231


l5




2~1; EFFOln'S POU!é 1'1tOVOQUEJé LA RECNION


dans tOIlS les };:lats. Les intéréts privés se Iiguerent
contre les intéréts locaux, ct tous ceux qui avaient des
hiens OLí une famille aeléfendre voulurent la reforme de
la constitutíon. Depuis longternps deja, les amisde
Washington préparaient l'instrument qui devait l'ac-
complir.


Ce ne pouvait étre le Congres, n était a la fois l'objet
de 11'01' ele méfiance el de trop peu de considération,
Tel él<!il mérne le discródit oú était tombée cct!e assem-
hlée , lJu'au moment ou les partisans de la réforme
mettaicnt en action, pour la faire accepter, íoutes les
influcnces dont ils pouvaient dísposor, ils hésitaisn] ala
laire recommandcr aux États par le Congres, tant ils
craignaient de cornprornottro Jeur cause par I'interven-
tíon du pouvoír central en sa faveur.


C'était d'un mouverncnt spontané el simultanó des
diversas législatures locales qu'ils atlendaient un moyon
de salul pour l'Amórique : e'élait d'une Convention,
improvisée par le sentiment public , conune J'avai] élé
le Congres de 1in, et chargée, comme Iui, de pourvoir
ades besoins que la constitution du pays n'avaít pas
prévus, qu'íls voulaient faire sortir la re v ision des
articlcs de Confédéralion.


Un eílort séríeux pour pousscr les esprits daos cetle
voio avait été tenté, des le commcncement de nRG.
\Yashington l'avait approuvé et dirigé ele loin, mais
sans y donner puhliquemenl son concours , paree qu'il
n'en attendait poirit un resulta! prochain.


En lui-móme, le dósordre ne hlesse que les iníelli-
gences et les crcurs d'élile : il ne louche les ames ordi-
naires (1 uc par ses couséqucuces malóriclles. Pour Iaire




JJT'\ E COJ\ VE'\TION COJ\STI1TANT.E. :227


réagir la masse du peuple contre l'anarchic, il faut
mettre en [ou Ics intéréts privés en péril. Le nombre de
ccux qui sentaient la nécessitó morale, el comprcnaient
l'urgencc politique, ele lortiílor le pouvoir en le ccntrali-
sant , etait 1'01'1 restreint : rnais les spcctaícurs les plus
indifférents et les moins clairvoyanís de la dissolution
nationale, les plus égoi'stes el les plus ombrageux délen-
seurs des peíits gouveJ'Jlemellts, des pelitcs influcnccs,
des petits abus Iocaux, souñraicnt de la gUCl'l'C 11t; tariís
á Iaqucllc se livraicnt les États, el étaicnt domines par
le bcsoin de rcnvcrser les barrieres de douuncs qui
s'élaient élcvécs entre eux. Ce besoin, que les articles de
Coníédération ne íournissaicnt aucun moycn régulier
de satistairc, fut le levier dont leurs détracteurs surent
se saisir et se servir, avec une sagacitó mervoilleuso,
pour soulever l'opinion publique, et provoquer la réu-
nion d'une Convcntion. Celle qui fut proposée, le 21 jan-
viel' 1786, par lalégislature de Virginie, avail, en appa-
renco, pour unique objcl. de metlre en rapport les COlIl-
missaires des diversos Iégislaíures, POUI' s'entcndre sur
les moyens détablir une union donaniere, La Conveu-
tion se réunit, au mois de septembre, a Armapolís.
Cinq États seulemenl avaient répondu a l'appel de la
Virginie: mais le mouvemcnt élui] imprimé; l'attentiou
du peuple élait attirée sur l'état de l'Arnériqne; les
lacunes de la constitulion étaicnt mises en lumierc, son
existence en question ; personne n'osait plus en prendre
la défense d'une fa\jon ahsolue. Tels étaicnt méiuc les
pr"ogres de l'opinion dans cettc voie que) mulgró leur
petitllombl'e, les rnombres de l'assclllblée d'Annnpoli,
n'hesiíercut point a repousscr leur iuission comuie trop




limitcc , et a recommandcr aux Élats la reunión d'une
Convenlion revétuc de plcins pouvoirs pour rcmnnier la
constitution,


Les législatures discuterent eette proposition sous le
coup des troubles du Massachusetts, La Virginie l'adopta
la premíera' : les autres Élals suivirent tous, peu it pOLI,
son cxcrnplc, sauf le Bhodc-Island, qui, jusqu'en linO,
préfóra rester isolé au mílieu des Élals-Unis, plullll quo
de rcnoncer au re, enu qu'il tirait, par ses douancs, des
États quo ses porís alimenlaiont.


Les partisans de la Convention croyaícnt avoir le
droil de disposer du nom de Washington, mémc contrc
son gré, pour servir ses ídées, Mnlgró su, rósistancc il
Ieurs ouvertures, il fut mis en téte de la députation
nornmée par la Virginie; malgré SOl demande d'etl'o
remplacé par un aulre délégué, il fut rnaintcnu provi-
soircment sur la liste, et supplié cle suspendre son ro-
rus, jusqu'au moment ele la réunion do I'assernblée.
Washington se réjouit probablemcnt, en secret, de COJl-
server aínsi sa liberté d'action, et do nóíre pas contrainí
aprendre irnmédiatcment un parti. Sa perplexité étaií
grande. Ses conseillers les plus intelligcnts el les plus
súrs ótaient partagés sur la conduitc qu'il devait lenir.
Beaucoup d'entre eux doutaicnt, égalcmcnt, dela Iéga-
lité et de l'efficacité ele la Convenlion. Cel appel ú l'opi-
nion leur semblait prématuré, au fond, el révolutíon-
naire, dans la forme. U pouvait convenir ades subalternos
de se commettre clans une tcntative aussi hasardeusc ;
il était peut-étrc utile qu'ils le ílsscnt : rnais Washington


I Décembre Yí8G.




DE LA CO:\VENTION DE PHILADELPHIE. 229


avaít mieux a íuirc pour son pays. Toutes ces obser-
vations étaicnt de nature a le toucher, et s'accordaient
avec ses sccrets instinets : un mornent, il parut décidé .
anc pas se remire ala Convention, et il l'annonca ti ses
plus intimes coníldents. Une foule de raisons, tirées de
sasítuation personnelle, se présentaient El son esprit, pour
expliquer au public son absence, sans jeíer du discrédit
sur la Convention. Les engagernents de son adresse
rl'adieu, et l'inconvenance de se rendre a Philadelphie,
al! momcnt ou s'y réunissait I'assemhlée généralo des
Cincinnati, dont il venait de refuser la présidence, par
ménagemenl pour les préjugés populaires '; les embar-
ras de sa conscience, et les égards qu'il dcvait adcfídeles


1 A la fin de la guerre, quelques offieiers avaient formé une
so rte d'assoeiation de chcvaler ie, sous le nom de Société des
Cvncinnati : " Les principcs suivants scrviront de base 11 notre
« sociéró , » disaier.t - ils dans une déclaraLion du rnois de
mai 1783: « Défe ndre les droits p our lesq uel s nous avo ns corn-
« oattll; fortifier l'uuion entre les États et le sentiment natioual,
« (JI.ti so n t s i núcessn.ires au bonheur el b. la dign ité future de


l'empire am6ricain; rnaintcnir entre les officiers les lie ns duf
« fection qui les un isseru , ;:;L secourir ccux .i'ontro eux qu i en


auraicnt beso in. » La soeiék, dev a i t (,(re perpétuelle et h6r6-
.Iitaire ; la qu alité qu'elle confirai t 1t ses membres devait des-
cendre", leurs cnfants , de múlo en melle, par dro i t de pr i-
mogéniture. Les oflic iers frunc ais qui av aient cornh a.ttu pour
lAmériquc pouv aicn t en fair c par tic , ct en porter les insignes.
Wnshirurton avait consentí" "tre pl ac é a la tMc de eet ordre, et
i l en avait présidé la pr cm ie re ass emhl ée générale, en 1784. Mais
les terulan cus aristocratiques des Cincirmati avaient si fort excité
les susccptib il ités dérnucrrui quc s des rnus ses , que I'i llus tre corn-
mnridant en chef, sacrifiant ses sentíments de sympathie pOllr
,I'aneiens eompagnolls darmcs a la erainte de troublcr la paix du
paYs, av a it rcfusé.. so us des prétcxtos de san té et de convenance
persollnt'lJe, la présidcno.e de la seeonde nsse m hlée générale.
Elle devai t se réunir 1t Ph iiadcl phie , en mérne temps que la Con-
ve n tion,




280 WASIIINCTON SE DECIDE A PHI:Xmm PArtT


cornpagnons d'armcs, lui sernblaient autant de motiís
sórieux et de pretextes avouablcs, pour resíer ir Mount-
Vernon. Mais, au moment oú il préparait ainsi son refus,
il cherchait mee inquiétudo a prévoir l'cñct que ce
reíus produirait sur l'esprit de ses compatriotes, et a
son del' l'opinion, pom découvrir ce qu'on attendait de
lui. Ce mouvement du peuple en faveur de la réforme,
(IHC les Américains éc1airés appclaient depuis si long-
tcmps de leurs vreux, s'élait enfin produit. 011 ne POlI-
vni I prMendre ú remuer les esprits d'une facon plus
séricuse el plus profonde; on ne pouvait espérer de
ménager une situation plus favorable a l'action. Se
tenir eneore en reserve, n'était-ee pas s'exposcr alais-
ser échapper la plus belle chanca de salut qui pút se
préscnter pour les Élats-Unis t n'était-ce pas avoir I'air
de désespérer de la chose publique, et de favoriser les
idees monarchiques ? Une cireonstance vint augrnen-
ter, dans l'osprit de Washington, le poids de ces der-
nicrcs raisons, et faire pencher la balance en lcur
fuveur. Le Congres recommanda aux I~tats d'envover
des délégués ala Convention l. Aprcs un múr examen,
il avait été rcconnu ¡Iue l'appui du Congres serait en
défínitive plus utile que nuisihle. La prcssion de l'opi-
nion centre les artícles de Confédération était devenue
plus íorte que les déílance des légíslaturcs locales COIl-
tre le pouvoir central. La rccornmandation de celui-ci
ne pouvait done plus que détrmre les scrupules de
Iégalité qui arrétaient encore certains esprils prudcnts,
et donner a la Convention un caractcre plus régulier


1 ;n f(vricr 1787,




AUX TRAVAUX DE LA CO~YEKTJOX


et le plus solcnnel. Washington se décid;¡ eufin :i fni
préter l'appui de S3 popularité, et 3 prendre part a ses
travaux 1.


I 28 mars 1787.




/ .




CHAPITRE XIII.
1787-1789.


Ponrquoí la Convontíon de Philadclphie a réussi.-Comment la guerre civile
pouvuit en sortir.- Lutte entre les granas et les petits ~:ta.ts.-Qu('stions
sur jcsqnelles elle s'engage, et solutions diverses que lenr donncnt les trois
principaux pluns de r.onstitution. - La lutte s'envenime sur le mode et "la
base de l'clection [luar le Sónat.-Franklin proposc des príeres, en fuvc-ur
des travnux de la Conventicn.c-Jnutilité de cet effor t pOIlI' apaiser les esprits.
-c-La Convention partugée en deux camps de (oree égale.-Nócessité el vote
d'un compromis entre les granda et les petits l~:tats.-Róle de Washington
dans la Convention.-Son influence sur lVladison.-I"'ladison.-Tittonnements
de la Convcntion sur les questions étrangeres uux intérets locaux.-Vote (le
la Constitution par la Convcution fédérale et par les Conventlons locales. -


omment elle est jugée en Franee.


Washington partit de Mount-Vernon, l'csprit plcin de
douto et d'inquiótude SUl' l'issue ele la grande cntrepriso
dans laquelle étaícnt cngagés, dósorrnais, l'avenir de son
pays et l'autoriíé de son propre nom. Le douto et l'in-
quiétude étaient permiso C'était un spectaclo nouveau
qne celui d'une assemblée faisant l'olílce du temps;
improvisant une constitution, prssq ue un peuple ; créant
une machine politique a la tois assez forte et assez
élastique pour réunir en corps de nalion eles États divers
.I'origine , de religión, d'institutions, de nHEllI'S, son-
vent opposés dans Ieurs intéréts , jusquc-Iá riVHux
d'amhition. On n'avait encoré rien vu de scmblablo :




234 Y:TAT DES ESP](1TS


une assemhlée con: !ili,unle ¡'·¡ait une cxpéricnce a
Iaire ; el, it la [,II:on don! les imi luteurs européens <le
la Convcntion nméricnine ont échouó , il es! évidcnt
que l'expéricncc étaít périllcusc.


Jarnais, il esi vrai, a'U'TC scrnhlablo n'a été tentée
dans d'aussi favorables conrlitinns,


La róvolution ainóricainc, cnireprise pour dófcndre,
non rou!' (]¡"Tl'ld"e la constih.lion traditíonnclle des
colonies, avait ;:11](:11(\ un simple dóplacornent de la
souvcraíncté , non un bonlevcrsemcnt complot et suhít
de l'ólat social. EL ce n'es! pas le seul avaulagc qu'elle
ait en sur les révolutions qui l'onl suivie. Elle ne devait
point sa victoirc á une gncrrc intériouro , á une luttc
intcsí inc de classcs ou d,) pnrlis, L'ennerni qu'ollo avait
en en pr,"cnce pouvait ú[ re rejel('~ an dchors : dujour ou
ji [lit vainc;i, l'Amériquo n'cut plus ni ú le redoutor ni
ü le ccmh:llt:e, c~ le "if!UC méme de son triomphe fut
d'nvoir íaitdo cct cnnemi un (Jtr;i.ugcr.


Partout a;!1e 1 ; ¡.'S,~ de notro tcmps , les asscmblécs
cnnslituauics se ,0];[ l'ó';nie:~ pOlI!' accomplir ou sane-
tionncr des révolt: iions á la fois plus radicales et plus
conteslóo-. Aussi out-elles agi en laino OH en crainte di!
passé plutót qu'en vue de I'avcnir, pour miner l'ancien
régimo encere dcbout ou pour tcnir a torre les vieilles
p1l :,·S'\Ilces dója renvcrsécs, pluíót que pour afl'el'lIIir
I'ordro e! la libertó. Les membrcs de la Convention de
Plljj;"lc1i;!üC rr'élnicnt dcrninés par élllC1HJC préoccupa-
lion de ce gener. lis avaicnt pour mission de créer, non
!: ~:e machine de gucrrc, mais unc machine de gouyrr-
ncmcnt; ce n'ólaicnt jl~" des róvolutionnaircs, c'óíaient
des imtdaleufs ü·¡tlal. lls a:li':;':;iÍcnt, dans l'int(\I'N de




AU SEr:\" DE LA f'O:;rYE\''!'If),\ CO:;rSTITUA '\TE :liR,j, ,,35


tous, en haine du désordre seul , avcc une adrniration
toujours respeclueusc et bienvcillanto, quclqucíois
mérne trop tirnide, pour ces untiques institulions OÚ i15
avaient puisó lcurs príncipes et leurs habitudes d'indé-
pendance.


(( Je sens bien, » s'écriait Hamilton découragé, (( qu'il
« serait ínsensé de proposer, aujourd'hui, une antro
( forme de gOllVernemenf que la républiqne. )¡ais,
(( soutenu comme je le suis par l'avís de tant d'hommos
( sages et bons, je n'hésite point ft rleclarnr que le gOII-
( vCl'l1~ment anglaís est le mcilleur de t01l5, el. je doule
l( fort que rien, en dehors de cette constitution, puisse
« réussir en Amériquo 1. »


« Si nous étions en mesure de copier le plan de cet
(1 cxecllent édifico, ce n'cst pas moi qui m'y oppose-
« rais, 2 » disait Edmond Randolph, l'nn des csprits les
plus imhus des idees radicales, dans la Conveníion.


Ce scntiment était alors cornmun a tous les hornmes
d'l::tal amóricains, ll:unilton n'étonnaií el ne hlessait
pcrsonne, en le proclamant d'une fa~~on si ouvcrte, el
Ilandolpu scníait le hesoin de le donner, comrne passc-
port, ases projets démocratiqucs. Dans le premíer ícu c!e
la révolution, on n'aurait point trouvé, sans doute, les
esprits aussi disposés it entendre célébrer les avantagos
de la monarchic. Mais, c'cst encoré lit une des bonncs
fortunes des États-Unis que leur constitutíon ait ót{~ f;li!e
assez longtemps apres la fin de la guerrc, pour que la
fermentalion rút apaisée, pour qu'aux prerniers dérégle-
mcuts de la [cuncsse eussent succédé les rnalheurs et les


t MIl'i. P"i'" t. ir. 1'. 88G.
2 Mlld. 1'U/). (. ¡ 1,1" 7tU,




236 ErAr nns ESPRIrS


souífrances qui apprenncnt ;\ délestcr el á luir les c\ci~s.
Quand la Convention se réunit, le H mai 1787, á Phila-
delphie, les mauvaises passions étaient émoussécs et les
mauvaises théories éprouvécs: « J'ai été trop républi-
( cain,» avouait Elbrídge Gerry; ( je le suis cependant
« encore; maís l'expérience m'a appris les dangers de
« l'esprit niveleur '. »- «Voyezles progres de l'esprit pu-
blic,» s'écriaít Hamilton: « les membres les plus LeIHlCCS
« dans leur aílachernent á 1:1 république déclament plus
a haut que personne contre les vices de la dérnocraíic 2.))


Ce n'était pas une de ces aveugles el stériles réactíons,
de toutes les plaies révolutionnaires peut-étre la plus
honLeuse, qui entraincnt un peuple, contre le cours
naturol de ses idées et de sa destinéc, arenier sa foi el
it rejeter ses esperances. Le ílcuve débordé ne se reíirait
que pour renlrer dans son lit. Les vérités dont les mcm-
bres de la Convention se sentaient alors frappés ne leur
élaient ni assoz étrangeres ni assez nouvelles pour lour
tairc perdre la mesure el la liberté d'esprit, La plupart
d'entrc eux ne Iaisaient que revenir it leurs opinions
naturcllcs, apres avoir éprouvé lo danger de s'en écar-
ter) et malgré leur re tour aux sentiments conservateurs,
leurs ídées restaient bien plus démocratiques que leur
condition. Presque tous, ils appartcnaient it la clusso
supérieure ; presque tous, ils avaient déjit pris part au
gouvcmorncnt de leur pays.; les plus obscurs parmi
eux étaient des chefs dans leurs Élals .


.Iamais assemblée politique appelée á délihórcr SIII'
d'aussi grands intéréls ne Iut á la fois aussi <':dl[;Ulll;


1 Mru), Pap .. lo TI, p.754-
~ Mad. Pap., t. rr. p.886.




AU SEI,/\; DE LA CO.'lVENTION CONSTITUANTE (1787). 237


par les lumieres et aussi petite par le nombre; jamais la
voix des sages ne retentit plus haut et n'eut moins a
luiter centre lc bruit de la Ioulc. Les membres de la
Convcntion n'étaient que cinquaute-cinq, el, parrni eux,
Washington et Franklin, Hamilton et Madison, Couver-
neur Morris, Díckinson, el tant d'autres que l'Europe
connuit moins, rnais dont les noms font encere aujour-
d'hui autorité en Améri(lue.


D(lS le début , ils donncrcnt , de la fermeté de lcur
hon sens el de leur désintóresscment , la plus grande
marque qni púl en étrc fournie, au milieu d'un peuple
libre, Jiabitué il. Iaire lui-méme ses affaires, el il. dócerner
la gloire el la puissance á ccux qui lui en parlaient.
Ap1'cs avoir choisi Washington pour présider a Ieurs
débats , lcur premier acle fui de les déclarer secrets '.
Iiicn peut-ótre n'a aulant contribué au succes de la
Conveution. De la la possihilité de discutcr avec une
enliere bonne íoí , pour s'óclaircr, non pour brille!';
la nécessité de parle!' sóricnsernent, sinon sensérnení ,
püur se faire écoutcr; point de ménagements á gardcr
pour les oreilles du public; point de place pOU!' les dé-
clamaticns el. les hanalités révolutionnaíros ; nulle pros-
sion du dehors ; nulle arriere-pensée ambitieuso ou luche
dans la poursuite de la vérité.


Les auícurs de cette regle si sage ne savaient pas eux-
mémcs combien les íaits devaient leur donner raison ,
comhicn l'asscmbléc dont ils faisaient partie avait Le-
soin de se sousíruire aux excilafions el aux tentations
de lapuhlicité, et, s'ils l'avaicnt su, ils en auraient été


1 ~g mai 1787.




ETAT DES ESPHITS238


constcrnés, tunt les germes de discorde <fui se révcil-
lercnt al! milieu d'eux devinrcnt menncants pour la
paix des Élals-Unis. Il suffít de jeter les yeux sur ces
détmts ', parfois si brúlanís, malgré la modéraíion elle
calme hahituels qui les caracterisont , pour se convain-
ere que, si les clameurs des Iacíions élaient venues
échauífer encore l'animosité de la lutte, la Conventíon
se serait dissoute sans avoir rien produit que la gucrre
eivile.


Les délégués des législatures étaient venus a Phila-
delphíe, dans les intentions les plus conciliantes, SiUJ5
idees bien arrétóes, sans partí pris , sans esprit de sJs-
teme; et ceux-Ia mérne qui, al'exemple de Washington,
s'étaíent préparés de longue main , et par une medita-
tion approfondie, a l'ceuvre qu'ils avaient mission d'ac-


, Les membres de la Convention rcstcrent si fideles a l'enga-
gemont de garder leurs actcs secrets que, pendant de longues
annécs, le publ io ne put avoir quu no idéc vague ct inco m-
plete de ces importants débats: « Comme il cst convcnu en lre
« no us que ri cn n e doit transpirer au debors, aucunc note sur
l< les dól ibérnt ions ele I'Assembl ée n'a été eL ne sera inséré« i o i ;»
écrivait vVaslJillgton .la n« unjournal inrim e ou iI avait I'habituue
d'enregistrer ses moindres démarchcs..:\ladison fut ou moins
scrupuleux ou plus so u ci eux do sat isf'ai re la curio sitó des histo-
riens: « J'avais chuisi, ciit-il , une place en fuco du président, au
v rnilieu de l'Asscrnhlée, et d'oú I'on pouvait tOUL eriteudrc. Je
~ notais les propo si tioris et les disccurs, au moyen d'abrévia-
.. tions a D10i connues; pnis, dan s l'intcrvaHe entre les séun ccs,
« je mettais mes notes au neto Ce truvai l fut terminé pendant la
< sessinn ou peu do jo urs apres, so us la forme ot avee I'étcndue
< qu'on rctruuve dan, les proccs-vcrbaux ér ri ts do ma propre
~ main. » A la mort de _\ladison, en 1836, et dapros ses proprcs
liésirs, le Congr[-s acliera oes pr occs-vcrbau x pour trente mille
uollMs a la ve uve de I'illustre Présidcnt. 11s ont él" p ubl iés so us
Je nom (le, Madiso1/. Papers, ave e la portion de la corruspondance
ue ceL l.o uuuc u'État qui se rapporte ala foruiutiun de lu COl1-
su uuiou.




AU SEr", m: L\ CONVENTW;\; CONSITrL!.\.,rl-;l7tr¡ Ino


cornplir, auraicní pu répétcr, avcc sincériló, ccítc bello
déclaration que Iuisait, dans ,úJC des premiares séanc:.;s.,
un de lcurs obscurs eoilegues : « Mon opiniou n'cst
« poinl encare faite; mon esprit esl ouvcrt ala Iurniere
« que la discussion [eltcra sur le suje! 1. )) :\[ajs, malgró
(;111' bon vouloir el leur liberté cl'csprit, ils ne POII-
vaicnt s'empécher de représenter des ¡endanccs et des
iutéréts opposés, Ils npparlenaient, les uns ú de grands
Éiats, désircux d'iIlIlOH:I', lJO;;!' prendre dans le gom-ef-
nornenl de l'Cnion une part d'inílucnco pl'npo;'lionnl:e
a leurs torces, ct cnclinsá eX:I;.;61'e:' la ccni ralisation ,
paree qu'elle len!' promcttait la p:'6p:Jl1ll(~;ance; les
nutres ade petítes communautós, toujours préles ase
rattacher au statu quo, po: Ir conserver In souvcraineté
aI'intérieur et l'égalitó dans le Congres, toujours dis-
posées a reíuscr de la force au pouvoir central, paree
qu'elles se sentaicnt faibles , el á repousser une union
trop intime, de PCUI' de se trouver commo pcrdues au
milieu d'un gratH] peuple. On {;[ait hicn , il cst vrai ,
d'accord sur la nécessilé d'adopíer qnclque mesure
pour écltappcr al'anarchic; Los réquísitions du Congrés
ne pouvaicnt plus rcster une Icitre morle ; il íallait leur
donner une certaine sanction , instituer á cet eílet un
pouvoir e:xécutif et une cour de j usticc : celle conviction
était communc a tÜLlS les esprils ; muis, du moment
qu'on sortaít de ces ,aSe,es ¿éllóralités, pour passer ala
pratiquc, les intéréis cn.raient en Iutte. Allait-on entre-
prcndre une simple rcvísion tks articlcs de COliü~<l(;i'aiion
ou un remanicrnent radical de la cOúsiiLutiOíl?Legouver-




PLA::'{S DE CONSTlTUTION.


ncment seraít-il fédéralou suuionat; en d'autres termes,
exercerait-il son aetion sur des rcpubliques ou sur des
citoyens? Le Congres seraií-il nornmé llar les legisla-
tures locales ou par le peuple? Les ~;tats y conserve-
raient-ils une entiere égalité de suffrages, ou ne se-
raient-ils plus représentés qu'en proportion de leur
population et de leurs richcsscsr Si ron adoptait ce
dernicr principe , íallait-il ou non déduiro les esclaves
du ehiffre total de la population, ct no comptcr que
les hornmes libres'! Autant de questions qui, en sou-
levant le patriolisrno local, dcvaicnt partager I'Assem-
hléc en deux camps cnnemis , sans cornpter toutes
celles qui , suivant la variété des penchants individuels,
devaient amener des divergences plus désintéressées et
plus théoriques, mais non moins importantes.


Les trois plans principaux qui furent successivement
soumis a I'Assemblée réunic en comité pour élaborer
les bases de la oonstitution 1 marquent asscz bien les
grandes tendauces opposées qui, apres s'éíre longtemps
combattucs au sein de la Convention, sans pouvoir se
vaincre , ont ahouti a cet admirable compromis qui ,


1. La facnn dont prucéda la Convention difiere a ssez de nos
ancinnnes habitudes pnrlcmentaircs puur rcnd re néc essu.ires
quclques explications. La Chambre eritierc réunie en comité
(Committee oftheu:lwle house) prepara elle-memo (30 mai-19 juin)
lo pr ojot qui fut so umis plus tard a uno discussion solonnclle
dans la Chambre réuuie en Conven tion (19 juin-Sl juillet). Ce
n'était qn'une large osquisse de la Constitution, dan" laquolle
les traits sccondaires étuie n t systématiqucment n(,sligés. Ce
projet amendé, puis adopté par la Cun ve n tiun , fut ronvoyé " un
comité do dé t.ul (Conrmiitee of detall: chargó de distribuer les róso-
[u t i nn s de la Chambro en articlcs et de d(veJopper les idécs qui
De s'y trouvaiont qu'en germe. Le rapport du comité de détaiJ
llmendé, puis ad outé uu r la Convcn tion , futronvoyé(8soptembre'




PLAN DE LA VmCINlE. 241


depuis plus de soixante ans, regle les destinées de
l'Amérique t.


Le premier projet de constitution fut celui d'Edmond
Ilandolph qui, en qualité de gouverneur de la Virginie,
était assez naturellement appelé aprendre l'initiative>:
c'étuit la Virginie qui avait provoqué la réunion de la
ConvenLion; c'étaít done ases délégués qu'il appartenait
de donner matiere aux débats. Par position, Bandolph
était défenseur des grands États; par nature, il était radi-
cal. Son plan s'en ressenlait. L'idée fondamentalc en
était simple : l'unité dans le pouvoir comme dans
la nation; la puissance souveraine et sans controle
de la majorité. Le peuple nornmait la Chambre des rcpré-
sentants, source unique d'ou émanaient tous les antros
grands corps de l'~~tat : le Sénat, la Commission exécu-
tive, la magistraturc nationale. Les acles des législatures
locales pouvaient étre annulés par le Congres, dont les
pouvoirs étaient mal définis, et ou chaque Etal n'était
representé qu'en proportion du nombre de ses habiumis
Afin de déguiser quelque peu l'absence de garantie pour
l'indépendance des Etats et de contre-poids contre la
volonté du peuple, Randolph donnait aux législatures
locales le droit de présenter ala Chambra des représen-
tants un certain nombre de candidats pour le Sénat; el


aun comité de rédaction (Committee of style) chargé de m ettro les
ar ticles en harrno nic et de róv ise r le styl e. Apres avoir été
amcridó par la Convention, ce rn pport Iu t voté définitivement par
el le (17 septembre). C'est la Constitution dos Et ats-Un is. Dans
cnucune de ces discussions successiv es, elle avait subi des
tn od i lica! ions importantes.


t Voycz appcndicc nO 3.
I :29 IDa 1787.




242 PLAN J)TJ NEW-JERSEV,


aun conseil de révision, composé des membres du pou-
voir cxécutíf et de la haute Cour, le droit de veto sur les
actos du Congreso C'était, au fond, la république une et
indivisible et le despotisme démocratique l.


La résislanee que les principes.des grands Élats sur
la représentation rencontrerent dans le comité, de la
p:trt du Connecticut, du New-York, du New-Jcrsey, du
Delaware et du Maryland , donna naissance al! eontre-
projet presenté par William Pattersou, et connu SOllS le
nom de plan du Ncw-Jersey ". Dans un sens contrairc, il
était aussi exclusif el ahsolu que le précédent : Un gou-
'Vcrnement puremetu (édéral; les artícles de Coníédéra-
tion amendés en deux points seulcmcnt. Le droit de
lever des impóts et de íaíre des traites de commerce
donné auCongrcs ; un Directoirc exécutíf et une haute
Cour de justice, chargés de veiller el de pourvoir it
l'oxócution de ses décrets. Du reste, comme par le pussé,
le Congres composé d'une seule Chambre élac par les
législalures; vote par Élat; un nombre de suffrages supé-
rieur ti la simple majorité néoessaire pour former une
decision ; le despotisme des minoriíés 3.


lIamilton eombattait ces projets ', le premier eomme
trop républieain, le second comme trop fédéral, tomo
les deux eomme trop peu conformes a son type idéal
de gouvernement , la constitution britannique. 11 ne
demandait pas encore la monarehie, mais un gouvcr-
nement qui pút y conduíre et y disposer peu it pcu


1 Mad. Pap., t. Ií , p.' i:Jl·736.
t 15 juin 1787.
aMad. Pap" t. ll, p,,86'J-867.
-lRjtÜn17i)I.




PL.\:\ m: [L\)11LTO:\. 24~


les espri!s. ;'\(~ daus les Antillcs, étranger nux passions
locales comme aux instincts démocratiqucs de ses nou-
veaux compatriotes, il était enclin á n'en tcnir (Ine peu
de compte dans son plan de constitution. Hamilton pro-
posait deux Chamhrss; l'une reprósentant les intéréts
populaires, nommée pour trois ans par le suffrage
dircct et uni versel ; l'au lre reprósenlant la propriété ,
composéo de mcmbres nommés I avie, par des élec-
teurs choisís eux-rnórnes par le corps des fruncs tenan-
ciers. Un Présídent avi!', élu d'apres le procédé qui
a próvulu duns la Constitution , ayant le droit de veto
sur les actes du Congres. Dans cbaque État, un gou-
vvrucnr, nommé par le poucoir central, et ayant le
droit de velo sur los acles des législatures2. C'était la
dcstruction.brusqne et révolutionnaire de petites socié-
tés que le tcmps avait íaitcs, qui avaient leur raison
d'ctre dans l'hisíoirc, el qu'on no pouvait jeter dauS le
mcine moule saus íairc violcnce aleurs traditious el á
leurs mreurs ; e'était la rnonarchic, avcc tout ce qu'elle
avait de contruirc aux goúts el aux préjugés améri.
cains, moins ce qui en fait le principal mérito, I'here-
dité.


Aucun de ces plans n'ótait acccptahle dans SOl¡
ensemble. Harnillon ne demanda méme point que h
sien Iút mis aux voix. Celui dn New-Jel'scy fut rojete
pUl' sept Élats coutre trois ', el le comité presenta á la


I Eleeted to serue dUi'iliq yood behaviour.
~ J1Iarlo Pap., t. rr, p. ei8~e9;¿.
;¡ On votait dans la Conve nt i on par Elat. Les députés ee 1"


y ¡rgill íc avaicnt employé leur i n llu en co " Iairc maintenir ecuo
¡-'_'SIc trad iti om.ol l«, si co u rrai ro en apparClll'C tt lcurs dcsse ins,
dans la entinte dc su ulc vcr 1(> llddlance~', de:; pet¡ü.j États cOJJ¿re


";.'
.}




'214 RAPPORT DE LA CTLUrDRF: E\; CO~fITE )(;1:< 1~8~).


Convention un rapport qui , tout en étant né du pro-
jet virginien, dont il conservait encere trop l'empreinte,
en diñérait assez pour boulcverscr l'oiuvrc de Han-
clolph. Plus de conscil de róvision ; un Prósident au lieu
d'une Commission exécutive ; la magistrature nommée,
non par la Chambre des représentants, mais par le
Sénal; le Sénat nommé lui-móme, non par Ia Charnbrc
des représentants, maís par les législatures locales l.


Cette derniere clause esl restée dans la Conslitu tiou,
dont elle Forme l'un <les traits les plus originaux et les
plus caractéristiques, en plucant a la fois, au sein du
pouvoir central, une garantie contra ses usurpations, el
au sein de la démocratie, une digne centre ses déhorde-
ments. Son adoption par le comité fut une concessiou
faite aux petiís Élats, concession cncore incompleto, el
dont ils élaient décidés il ne pas se contente)', rnais qui
devait, plus tard , en entralner une autrc bien plus
importante, l'égalité de représentation dans le Sénal.


11s devaient surtout ce prerníer avantage Ú Jo11l1 Die-
kinson , leur déícnseur le plus dislirigué elle plus ¡H'U-
deut. C'élait un esprit plein de sagacité et de mesure, qui


la Convention en l'inangnrant par un eJfort ponr les dépouiller
de leurs armes, ot dans l'espoir d'obtenir plus facilement de
ceux-ei I'abandon du principe do l'égalité des sulfrages , en le
leur d cm an dant eomme un sa crificc vol on tairc ct patriotique.


Voici le relevé des votes sur le plan du Ncw-Jerscy. Pour:
New York, New-Jersey, Delaware , - Le Marylund divisé.-
Cuntre : Connectieut, Massachuse tts , Pensylv:wie, Virginie,
Caroline du Nord , Caroline du Sud, Géorgie-iJ-7. - Co ium e
nous l'nvor.s d éjb f'ait remarque!', le Rhode-Is.laud n'e nvoyu po im
de délégué u la Conventíon, et eeux du Ne w-Ha urpsh ire ne siL'
¡;-eren!. point avunt le 23 juiil e i.


I 1:) juin 1787. - J[ud. PUl'" l. n, p.I:>',8-861.




W1lJE rn::LECTION POLI{ LE S:f:NAT, i!45


avaí] admirablemont discerné lecaractere corn plexo
de la situalion que la guerrc de l'indépcndancc avait
faite aux Étals-Enis , et de la consliíulion qui con-
venait it cctte situaíion , ct découvert les excellents
moyem: do gouvernement qu'on pouvait tirer de eette
complcxité méme. l'assionnórnent attaché aux idees
rl'nrdre el do conscrvaíion , il sut hahilement s'en
servir au profít des inférbis qu'il déícndait : « La mo-
« nnrchie limitée CS! l'une des meilleures formes de
(( gOLlverncment , )) disait-il ; « iI n'est pas cerlain
« qu'on puissc obtcnír les mémes bíenfaits d'un autrc
( régimc , el il cst cerlain que la république n'en
(( a [amais donné d'aussi grands. Mais la monarchic
(( limitée est hOI~S ele qucstion.... et il ne fauí poinl
( s'abandonncr au déscspoir paree que la constitution,
( pcut-ótre la plus parfnile en ellc-mérnc, est impos-
« sihle.... II nous faut chercher quelque chose qui la
(( remplace. Nous trouverons des éléments de stahilité.
« d'abord dans le partagc du pouvoir légíslatif en dcux
( branches, puis, el surtout, dans la división du pass en
( États distincts. o •• Je regarde cetíe divísion du pays en
« Étaís distincts cornme une honnc fortune. On parle
« de la délruire ... , et c'est elle qui me rassure au milicu
« de mes inquietudes sur I'avenir de ma patrie. Fondez
« tous les États en une seule gl'ilude république, eL vous
« pourrez lire le sort de eette grande république dans
« l'histoíre ,des petites.... Enlevez aux États toute parí
« dans le gouvernernent de la nation , Iaites émaner
( tous les pouvoirs du peuplc tout cntier, et vous verrez
« le gouvernemenL nalional se précipiíer rlnns la voie
~ ou marchent aujourd'hui les gouvcrncmcnts locaux,




2·11) DISCUSSION EN CmnTF SUR LE \lODE


« et tomber dans les mérnes exces, La réforme n'aura
« servi qu'á réunir les trcize petiís ruisseaux en un seul
« torrent, entrainó sur sa pente, sans rencontrer d'ohsla-
lI: eles .... II Iaut laisser intervenir les États dans le
« gouvernement central, pour amener cette divisíon el
« eette lutte des pouvoirs par lesquclles ils se conticnncnt
« réciproquement. ... Que le peuple nornme direclemenl
« l'une des deux branches du pouvoir législatíf ; que les
« Iégislatures locales nomrnent l'autre, Melcr ainsi les
« gouvernemenls particuliers au gonvernemcnt géné-
« ral, c'est une comhinaison aussi politique qu'elle esl
« inevitable .. , Le Sénat doit ressemhlcr··~--<~--· -:'Jepos-
« sible, ala Chambre des Lords... Il doi. dre composéde
« personnages distingués, distingues par lcur rang dans
« le monde et par leur fortune, De tc1s pcrsonnages y
« arriveront bien plus súremenl par la voie des législa-
« turcs locales que par tout autre mode d'éleeIion 1, »


Promettre au comité un Sénat ressenshlant , autant
que possihle, ala Chambra (les Lords, c'était répondre
habilement au vreu instinctíf de l'Assemhlée prcsque
tout entiere. Ce que Madison Iui-mérne dernandait au
Sénat, c'était de devenir le représentant de la grande
propriété, et « son défenseur contre les entreprises de
« ceux qui, eourbés sous le poids des miseros de cetto
( vie , soupirent en secret apres une distribution plus
« égale du bonheur", )) Gouverneur Morris allait encere
bien plus loin dans cette voie, et il proclamaít ses ten-
dances aristocratiques avec cette verve tranchante, para-
doxale et corrornpue qui ótait malheureusemcnt trop


1 Mad, P"p., t. rr, p. 777,778,806, 813,816.
2 sts«. Pap., t. rr, p. 964,




n']<~LECTION POUR LE SE~AT (JUlN 17Ri). 247


d'autoritó aux observations souvent si profondes et si
sensées qn'elle mettaít en saillie : « n n'y a jarnais eu,
« il n'y aura jamáis de socíété civilisée sans aristo-
« cralie .... Il faut que le Sénat soit riche; qu'il ait
« l'esprit arístocratíque ; qu'il en fasse étalage par
« orgueíl.. .. Il faut qu'il soit indépendant, et il ne peut
« l'étre qu'en étant nommé avie .... l\Iaisalors, aira-t-on,
« il Cera du mal; je le crois, je l'espere. Les riches feront
« effort pour établir leur domination, et pour mettre le
,( reste de la nation sous le joug. Ils l'ont toujours fail,
« ils le feront toujours. La vraie garantic centre eux,
« c'cst eren faire une classc a part, avec des intéréls
« séparés. Les deux forces peuvent ainsi s'équilibrer 1. »


Les adversaires de Diekinson, loin de combattre ses
idées au nom de la démocratie , añcctaient de les alta-
r¡uer surtout au nom de ces classes supérieures, dont les
Jégislatllres locales, trop exposées ala pression popu-
laire, n'avaient point su sauvcgarder les intéréts '. l\Iais
c'étaient en réalilé les intéréís de leurs États qu'ils
avaient en vue. Le mode d'élection proposé par Dickin-
son conduisait presque nécessairement aporter atteíntc
aux príncipes des grands Éfats sur la représentation. Si
chaqué législatnre de vait étre représentée dans le Sénat,
cornment y assígner aux grands États une part d'ín-
Iluence proportionnée a leur population, sans faire de
eette assemblée un corps trop nombreux, trap tumul-
tU€UX pour rester propre asa mission de pouvoir modé-
rateur? Comment évíter ce mal sans retomber dans
I'égalité des suñrages, sans eréer une majorité factice


1 Mad. Pap., t. 11, r. 1018,104.3.
2 Mad. Pap., t. II, p. 818.




2·18 DISCUSSION EN COMITl;: SeR LA BASE


au profit de la minorité du peuplo, sans meltrc la pro-
priété privée et la fortune publique a la merci des
membres les plus pauvres de la Confédération ? L'égaliíé
des suffrages dans le Sénat , tel était en effet le hui
auquel tendait Dickinson, tel était le second élément du
comprornis, par Iequel il cspérait prevenir une lulíc
acharnée entre ses amis el ses adversaires, tel était le
dernier mot des petitsEtats l.


Dans l'une des deux Chumbres, au moins, ils voulaíent
conscrver leurs anciens priviléges. Leurs puissants
rivaux trouvaíent-ils réellement ces privíléges mena-
cants pour leur indépendance et pour lcur hourse?
Etait-ce la liberté el non le pouvoir qu'ils avaient en vue
dans ce débat? Libre a eux de dérouler une cartc des


•Etaís-Unis, d'effacer ton tes les limites, el de partager le
territoire en treize parties égales. L'égalité de represen-
tation cesserait d'étre injusto, lorsque l'inégalité de puis-
sanee ct de richesse aurait disparu. Plutót hriser ainsi
entíerement avec le passé; plutót mérne la gucrre civi le
que de s'exposer á étre engloutis '.


Malgré la liaison intime qu'il y avait entre les deux
mesures déíendues par Dickinson , la premiare Iut
adoptée", ella seconde repousséc'. L'action des hommes
modérés fut des lors paralysée dans le comité; les petits
États se rejetercnt dans toutes leurs prétentions exces-


t Mad. Pap., t. n, p. 778,814,979.
2 Mad. Pap., t. n, p.83ú-835.
37 juin 1787.-Pour l'élection du Sénat par les IÁgislaturcs


locales: Massachusctts. Connecticut, New-York, Pcns vlvan ie.
Delaware, Ma ryland, Virginie, Caroline du Nord, Car¿line d~
Sud, Géorgie.


• 11 juin 1,8'7.- Pour l','·galit{. des suflruges Juno k S,'nal:




DE L'ELECTIüN POUR LE S¡::XAT ;.JtIX li87. 21D


sives; ils se retrancherent dans les Articies de COII{(;dé-
ration , véritahle traité d'alliance dont on ne pouvaít,
disaient-ils, changer les bases qu'avec le consentement
unanime des parties contractantcs, et ils préscntercnt ce
plan du New-.Tersey, dont n0l15 avons déja donné l'ana-
lyse 1.


« Vovez ce que c'est que de pousser trop loin les
« choses, )) disait Díckinson á lUadison dans une conver-
sation particuliere : « plusieurs représentants des pclits
« Etats sont partisans de deux Chambres et d'un bon
« gouvernement national ; mais nons nous soumet-
« trions plutót au joug de l'étranger qu'á étre dé-
« pouillés d'un suffrage égal dans les deux Chambres
« du Congres, et aetre ainsi jetés sous la domination
« des grands États!. ))


Les débats sur le rapport du comité" s'engageront au
milieu de la plus grande exaspération !'. Tout fut rernis
en qucstion. Les grands États voulurent revenir sur
lcur concessíon , les pelits introduíre un a un dans la
Constitution les articles du plan du New-Jersey qu'ils
n'avaient pu Iaire accepter dans son ensemble. Les pro-
positions se succédaient sans ordre et san s snite. 00 les
présentait, on les abandonnait, on les reprenait. II se111-
blait qu'aucune question ne pút élre vidéc, qu'aucun


Conneeticut, New-York, New-Jersey, Del aware , Marylnndv--
Contre.: Massachusetts, Pensylvanic, Virginie, Caroline du Nord,
Carolino du Sud, Géorgic,-5-6.


I 19juin 1787.-Voyez p. 242.
2 :lIad. Pap., t. JI, p.803.
3 Voyez p. 244.
• 19 juin 1787.




2;;0 D¡'~nATS SUR LE RAPPORT DU coxrrrs.


accord ne pút s'établir. Les plus modérés el les plns
sages avaient le creur aigri et l'esprit trouhlé. Les plus
confiants commencaient il désespérer. La Convention
était déjá réunie depuis pres d'un mois, et elle n'avait
encore fait qu'aggraver le mal qu'elle étaít appelée a
guérir.


On vcnait de rentrer dans la qucstion si brillante de
la représentation, lorsque Franklin, que son grand age
avait [usquc-Ia rctenu sur son fantcuil, se leva et se
tournant vers Washingtun ' : « MOllsicurle président.nu
« milieu de eeUe assernblée qui erre il tátons dans les
« ténebrcs, ala reeherehe de la vérité politique, apeine
« capable de la saisir, méme lorsqu'on la lui presente,
« eomment se Iait-il que nous n'ayons point encare
« songé a invoque!' humblement le Pere des lurnieres,
« pour qu'il éclaire nos intellígcnoes L. J'ai vécu de
( longues années, et plus je vis, plus je suis frappé de
« cettc vérité que e'est Dieu qui gouverne les aflaires
« des hommes. Si un passereau ne peut tomber en torre
« sans sa perrnission , un empiro pourra-t-il s'élever
« sans son appui? Les sainles Ecriturcs nous appren-
« ncnt que) si l'Éternel ne bátit la maison, ceux qui la
« hátissent travaillent en vain. Je le erois fermernent,
« et je crois aussi que, sans son di vin secours, nous no
« réussirons pas mieux, dans cctíe construetion poU-
« tique, que les constructeurs de la tour de Babel. Nous
« serons divísés par nos miserables pelits intéréts
« locaux ; nos projets seront confondus; nos personnes
« seront comerles de honte et de ridicule d'áge en age.


t 2Sjuin li87.




~mNACES l/E GUERRE CIVlLE (JUILL.1787). 251


(( Et , ce qui est bien pis, apres ccttc cléplorable expé-
« rienee, l'humanité pourra desesperer, désormais ,
( d'établir des gouvernements sur les principes de la
« sagesse humaine, et abandonnera 'ce soin au hasard,
« a la guerre et a la conquéte '. ))


Cct appel aux sentiments les plus élevés du eceur
lmmain, venant tomher au milieu des préoccupations
les plus égOi"St8S et déranger un instant la lutte, donna
de I'hurneur alous: « Sauf deux ou trois personnes , »
raconte Franklin avec amertume , « la Convention
« trouva la priere inutile 2. » En présence du Tres-
Haut, on se serait sentí moins libre de fermer les yeu'\:
a la lumiere, et de subordonner la paix du Nouveau
\\londe it de miserables petits intéréts locaux. L'inqnié-
tnde était grande cependanl, et le hesoin de la conci-
liation généralement senti. l\lais chaeun ne voulait la
prócher qu'á ses adversaires, et les paroles de paix
lhissaient par des réeriminations et des menaees :
« Les grancIs États n'osoront point dissoudre la Contó-
« dérntion, » disait Gunning Bedford, « S'ils l'osaíent,
« les petits trouveraient quelque allié étranger, de plus
(1 d'honneur ct de bonne Ioi, qui les prendrait par la main
( et leur rendraít justice. »)- «II faut que ce pays soit
« uni,» répondait Couverneur l\Iorris; « si l'on ne peut
(( y arriver par la persuasión, l'épée s'en chargera :J. »


II semhlait, en elfet, qne l'épée seule püt décider la
querelle. Au moment du vote sur la question de l'éga-


1 1',fad. Pap., t. Ir, p. 985.
2 The lVorks of Renda.min Franlclin with Notes a)ld aLife o]' th.


Auihor, ¡,y .Iar ed SjlarJ.:s.-Doston, I tl:19 , t.V, p.I;)J.
Mad. Pap., i. rr, p. 1014, 10:29.




252 COllIPROllIIS F:XTRE LES r;RA'ms


lité des suñrages dans le Sénat , les États se trouvercnt
cinq contrc cinq 1.


11 devenait évident qu'il fallait , on dissoudrc la
Convenlion, ou recourir aun compromiso Un comité,
composé d'un mcmbre par Élat, Iut chargé par l'Assem-
bléc de chercher et de proposer une combinaison qui
Iút ncceptable pour tous, Franklin en faisait partie. 11
avait parfaitement résumé la diíñculté : « Si l'on adopte
« le príncipe de la proportionnulité , » disait-il , « les
« pctits Etats souliennent que leurs lihertés sont en dan-
{( gel'; si on les remplace par cclui de l'égalité, lesgrauds
« Élats elisent que leur argent est en dangel'.2 ) II íallait
done donner aux petits Étals eles garantice pour lcur
liberté, sans laisser aux grands le droit de s'inquiétor
pour lcur argento La solution que Franklin fít adoptar
ct proposer par le comité reponduit á celte double
exigence, d'une Iacon plus ingénicusc que séricuse, el
n'avait d'autre merite, aux veux mémo de son spirituol
invcnteur, que de ménager une retraitc honorable a11X
grands États. Le rapport du comité consacraít le prin-
cipe de l'égalité de représeníation dans le Sénat, mais
en reservan] l'in'itiative des Iois ele finances a la
Chamhre des représentants, ou l'élection avait pour
base la population, le chiffrc légal de la population
élant dólorminó , en ajoutant ü la íotalité des hommes
libres les ciru; sixiémes des esclaves. Le rapport 1Ie


1 ZjUlllet 1787.-POur l"~galilé des su ífrugcs dans le Sénat :
Cu nn cc tic ut, New-York , Ncw-Jerscy, De lawnrr. , Maryland.-
Cünt['(': Massuchuseus, Perisylvanic , Yirnin¡e, Caroline du Xo rrl,
Ca ro lin e du Sud.-La G~orS'ie divii',"e-G;).


2 ;]fad. Pap., t. l Lp. 1009,




ET LES l'ETITS ErATS \'2 JUILL. 1787). 253


mit pas imrnédiaternent fin au débat. La concession
qu'íl promettait aux grands États n'était pas assez im-
portante pour faire tomher, cornme par enchantement,
I'opposition ele leurs delegues; mais, en se mélant a la
questíon de la représentation, la question de l'cscla-
vage vint détourner I'attention el diviser les forces des
deux coalitíons, La Iulte entre les grands et les petits
Éíals se compliqua de la lutte entre le nord et le rnidi,
entre les abolitionistes et les propriétaires d'esclaves.
On ccssa d'attacher un intérét cxclusif ala question qui
avait [usquc-la divisé la Convention; une foule d'autres
rivalités se reveillerenl., et lorsqu'il faUut déterrniner
avec précision le nombre de représeníants qui seruit
assigné provísoirement aux divers États, en aLtendani
qu'un recensement pul donner une base certaine a
cctto répartition, chaquo État ne songea plus qu'á Iuí-
méine. Le 16 juillet, l'ensemble du rapport íut adopté
par cinq voix contre quatre l.


Handolph demanda immédiaternent a la Con vcntion
de s'ajourner, pour laísser les rcprésentants des grands
Eíats délibérer sur la conduitc qu'ils avaíent il tenir :
mais le rnalicieux emprcsscment que mit Patterson it
appuJ'cl' ceíte proposition, en affcctant de la regarder
comme le [lréliminail'e d'une dissolution définitive,
donna a réñéchir. La séancc ne fut pas lcvée, On se sen-


1 Po ur le rappun: Con ucuticu t, New-Jnrsey , Delaware, Mary-
laud , Caroline du Xorel.-Contra : Pcnsylvunic, Virginie, Caro-
line du Sud, G0oI'Sie.-La Massachusetts divisé-5-4. - AnCUT¡
des troi, d0[0gn0, Ju Xow-York n'était p~ésent au mo mcnt uu
vote. Yate" et Lansing s'ctuicnt retirés de la Convention par mau-
vais vo uloi r, des 1,.' 10 juil lot, el llamillon avait été obligé, par
des atlui rus de Iatn i l lc, ~l subsemcr puur quclqucs j ours,




254 ROLE DE WASHI~GTON


tait trop sur le bord d'un précipice pour étre sérieuse-
ment tenté de recommcncer la lutte. En vain , les plus
ardents cherchercnt, le lendemain, dans une réunion
des grands Étals, a pousser ceux-ci dans les voies extre-
mes. Telle était la lassitude générale qu'ils no purent
méme provoquer une délihératíon réguliere. Leur
voix se perdit au milieu des conversations, On ne dis-
eutait plus dans les groupes que les conséqucnces d'un
vote que tous les gens sensés regardaient comme defl-
nitif 1,


La Constitution n'était point encare faite; mais il
était désormais certain qu' une constitution sortirait des
débats de la Con vention : elle n'étaít qu'ébuuchée, mais
ce qui en fait encore aujourd'hui le caraclere distinclif
était déja determiné. Des lors on pouvait Jire de la
Constitutíon amóricainc, avec le Fédéraliue : ( Elle
,( n'est, aproprement parler, ni une conslítution natio-
« nale ni une constitution íédórule , elle est d"Lme
« nature complexe , u la fois uationalc et Iédérale. »


Peu de jours avant le vote, \\ashingloll écrivait á
Iíamilton, avec ce singulier mélange de tristesse el d'ar-
deur qu'on retrouve si souvent en lui daus les moments
de crise : ( Je desespere presque de voir une issue favo-
« rable aux debals de notre Convcntion ; je rcgretto
« done d'avoir eu part a ceíte affaire ... La criso cst éga-
( lement importante et alarmante, el dans de scni-
es. blahles circonstances, aucune opposition 111; duit
« décourager nos eíforts, j usqu'au [our de la siglla-
« ture >.»


1 Mtui, Iiap., t. Ll, p. llOí-llla.
• Wash. ¡¡¡nt .. t. lX, p. :l00.




tlAKS LA CONVENTION (1787). 255


Les efforts de Washington, comme ceux de Mudison,
de Ilarnilton, de Gouverneur ~lorris et de Randolph,
s'attaquaicnt aux tendances fédérales des pctíts Étals :
mais son hut était plus elevé et plus simple que celui de
ses amis polítiques. Libre de toute passion locale el de
loute prélention thóorique , il n'avait qu'un seul grand
objet en vue : « en gouvcrnerncnt assez Ierrno el assez
( permunent pour assurer a tous ceux qui vi vent sous
II son empire la vic , la liberté et la propriété '. ))
Washington n'était ni l'auteur ni le patron d'aucun plan
détail1é eleConsíitutiou, el si on lui avait demandé qucls
pouvoirs il Iallait donner au gouvernement de l'Union,
il se serait sans doute contenté de répondre, cornme
Jay: « Le plus sera le micux 2. » II savait qu'en faveur
du pouvoir, la Convention pouvait épuiser le possible
sans tomber dans l'exces. La ponte n'était point alors au
despotisme ; I'opinion publique nc suffisait que trop
bien adófrndre les États-Unis centre ce danger-Iá : (( Je
(( suis íout a Iait d'avis, » écrivait Washington, « que
« les hornrnes qui penchent vers la monarchie n'ont
( pas consulté l'esprit puhlic... II est évident pour moi
« qu'admit-on rnéme l'utilité ou la nécessité de cette
« forme de gouvernemellt, on n'est pas arrivó a une
« époque ou l'on puisse l'adopter sans ébranler la paix
" de ce pavsj usque dans ses fondements ... Il faut réfor-
( rner le systeme actuel, .. Et si, apres cette rélorrne, il
( se trouvc encore incíflcace, la conviclion qu'un chan-
( gemenl est nécessaire se répandra dans toutes les
( classes du peuple. Alors, et seulerncnt alors, 011


1 lVash. lYrit., t. IX, p. 258.
• \Vash. TVrit., t. IX, p. 5U.




%6 ROLE JJE WASHINGTOl\ (1787.


« ¡1OUna, selon moi, tenter la monarchie sans déchui-
« ner la guerre civile 1. 1)


C'esl dans la correspondance de Washington qu'il
faut aller chercher son avis sur les questions qui agi-
taient la Convention. On le demanderait en vnin aux
proces-vcrbaux de cette Assembléc. Tcnu aune grande
reserve, en sa qualité de présidcnt, il ne pouvait guere
agir qu'indirectement, el par son influence sur les per-
sonnes : rnais, a en juger par le résultat qu'il ohtint la
seule fois qu'il en fít publiquement usage, cette influence
allait [usqu'a l'autorité. C'était ala dernícre séance. Plu-
sieurs délégués se préparaient avoter contre la Consti-
tution, si l'on n'augmenlait le nombre des memhrcs
dans la Chambre des représentants. Au moment du
vote, et pour écarter tout pretexte d'opposition, un
amendement en ce sens fut presenté : plusieurs fois déj;l
il avait été rejeté : « Ce serait pour moi une grande
« satisfuction de le voir adopter ' ), dit Washington en
le mettant aux voix. L'amendement fut adopté aI'uua-
nimité.


Nulle part l'action de Washington ne fut plus 111ar-
quée que dans la conduite de Madison, nulle part peul-
etre elle ne fut plus utilc. Madison qui, sous l'influenco
de Jeñerson , devint un jour le plus dangereux adver-
saire des hommes d'État qui défendaient la cause du
pouvoir central, Iut, dans la Convention et sous l'in-
fluence de Washington, le plus ardent et le plus habile
a leur préparer des armes. II n'avait ni la passion el
l'instinct du bon gouvernement qui inspiraient Harnil-


I lVash. w-«., t. IX, p.247.
, .liad. Pap., t. 111, p. 1000.




:I!ADlSO;'\".


ton, ni la pónótralion brillante el Iacile de Couvcmcur
Mortis, ni la flnesse insinuanle et inventivo de Frankliu :
milis il avait les idees plus américaincs el rnoins ahso-
lucs que Hamillon, la cond uite et le langagc plus gToxes
que Couvorncur Monis, le jugcment plus forme contre
les sóductions de la íantaisie que Franklin, D'UIl esprit
libre el rúílúchi, logiquo el mótliodiquc, d'uno humcur
calme, óquitnblo el discreíe, il úíait nalurelleruent plcin
de répugnance pour le désordre el I'oppression, sans
rcsseutir, ni pour la cause du pouvoir, ni po:.!' ccllc (]e
la libertó, ce zele ferrne et générellx qui impose la íi<k..
lité politiqne : tres-capable cependan t de se passionncr
dans la discussion pour sa thcsc, el d'npporter a si
défcnso eeHe tónacité qu'on voudrail retrouver dans ses
opinions. Une argumentation forte el plcine de rcssour-
ces, un langnge clair , simple et mesuré, qui ne visail
(FI'it étrc cíücacc, une activité infatigable, telles sont L's
qualitós qui out Iait de Madison l'oratcor le plus utile '!ü
la Conveníion. C'est lui qui a vraiment porté le p()¡d~;
de la discussion dans cetto assemblóo 00, sur lOUtCS les
questions ólrungercs aux iníéréís locaux , c'élnil vr.ri-
iuent de la discussion que naissaicnt les avis.


Aussi les avis changeaicnt-ils souvent , et ce serait
une curicuse étude que celle des íluctuatíons d'csJH'il
d'ou est sorlie une constilulion si bien pondérée. La
qucstion de I'organisation du pouvoir exócuíif Iournit
le plus singulior exomple de CI"S conscicncicux et 10]]!-5
tátonncmeuts qui, ponr nvoir un peu nui nla grw1([e¡,,'
des déhats et souvent imputiont.' Washington. ¡¡'C:l Iont
pus moins houneur au pat.rioíism« de ces h\]]'luCS
d'Étal, loujours i'rels asacriíic r (out auiour-propro d 'ac:-


17




258 ADOPTION


tour el de pcnseur ú la passion du bien publico La Con-
vention decida successivement que le chef du pouvoir
exécutif serait norruné par la Iégislalure nationale; puís
par des électeurs choisis par les législutures locales;
puis elle rovint au principo (le l'élection par Ialégisla-
{ilre nulionale ; el elle Iinit enfin par déclarer que
cliaqno État nommerait, suivant tel mode qu'il con-
vieudrait :\ SD législatl/!'c d'acloptcl', un nombre d'élec-
teurs égal il celui des sénatcurs et des rcpréscníauls
qu'il nurait le droit d'envoyer au congres , que ces
électcurs se reuniraient dans leurs états rospectifs et
qu'ils voteruient au scrutin sccrct pour le President et
le Vicc-Prósident, La duree du mandat du Présirlcnt,
ílxéc d'ahord asept ans , le Iut ensuite a six , puis de
uouvcau a , puis c.: dcrnícr licu a quatrc ; el la
léé¡¡:¡i;iliti~ lid fli; nccordóo et rufusee dClIX Iois, avant
(-!c l;j etre dúflnilivcmont acquise.


( S'il ne sort ríen de tout ceci , OIl ne pourra rnisnn-
( nablcmont en accuser la précipitation avcc Iaqucllo
H l'alfairc a éié couduilc , )) écrivait 'Y;¡;;J:ington, au
milicn d'aoút 1. Il eul encoré un mois á atícndre avant
de voir l'omvro dé: la Couvention rcvótue cle sa formo
definitivo. Le 17 scpternbre 1787, la Constitntion íut
cnñn adoptée, eh consentement unánime de tous les
}::l;ü" présenís. Troís membres seulcmcnt, Randolph ,
::;:80l' el GC:TY lui roíuscrcnt l'appui eleleur signaíure,
au noin de ccriaincs critiques de dl"lail et de redaclion,
don! on a pe;ne á.comprendro l'oppnrtuniíó el l'impor-
lance, lorsqu'on H!rige a I'ólat de dissolution ou scrcit




DE LA COl-iSTlTljTlO':; (17 'EI'1. 17h7·


tomhóc l' Amérique si de la Convention il n'était pus
sorti un gOllvernement.


L'Asscmhlée se séparait; quelqucs mcmbrcs retarda-
[aires se pressuicnt encere autour du bureau pour si-
gner. Franklin, montranldu doigt une mauvaise peintu-
re représentant un effet de soleil qui ornait par hasard le
fauteuil du présidcnl : « Hans le Co!H'S de cdle session,
({ et an milieu de mes alternatives de crainte et d'es-
({ poir, je l'ai rcgardé bien souvent, sans jamais pouvoir
« découvrir si c'était un soleil levunt ou un soleil COlJ-
({ chant. Je vois enfln, gráce aDieu, que c'cst un soleil
({ levant -. '»


En vcrtu de l'artíele VII, la Constitution ne pou-
iait étre mise en vigueur qu'apres avoir ele ratifiée par
les Convenlions de neuf États. Pendan! un un, elle fut
exposée publiquement aux plus vives attaqucs ; elle
réslsta a cctte rude épreuve. La majorité du peuplo
américaín partagcait I'impression de Washington sur
la Constltutíon: « Jc voudrnis qu'clle Iút plus parfaite ;
« mais je crois siucercmen 1que c'cst la mcilleure qu'on
« puisse oblenir aujourd'hui '. »


Le 13 septernbre 1788, le Congres rendaít une ordon-
nance pour mettre en vigueur le nouveau gouverne-
ment, et fixait un jour pour l'élcction du Présídent.


f Mad. Pap., t. III, P: J6U.
2 vVash, 1Vrit., t. IX, p. 266. - Les Conventions de plus ieu rs


États, to ut en adoptan! la Constitutio n, recornmn.nderent certai ns
amcndcments qni fure n t pr opnsós par le Ccngr.s el ratifiós par
les lc,gislatures locales, de 1788 11 1791. Dc puis cette "pogue, le
Congri-'s a {'neOTe usé deux Io is en 1793 el en 1803, du dro it
d'urncnclement que lui conlere l'art, V <le la Coustitution. (Voye~
Appelldice N° 2.) - ..




260 CO:VDIE:\ T LA CONS'lTITTTO:\


Les chimériques inquietudes et les vreux insensés que
ce triomphe de la Conshtution fit naitre , en génóral,
parrni les amis de la cause américaine en Franco, au-
ruient pu suffire a alarrner les amis de la révolution
Irancaiso en Amérique : ( Il fau! espérer,» écrivait Con-
dorcet a Franklin , ( que l'opposiíion dcviendra asscz
« forte pour exiger, d'ici il peu d'années, la réunion
« d'une nouvelle Convenlion. Je vois avec peine l'csprit
« aristooratique s'introduire parmi vous, rnalgró tant
« de sagcs précautions. En ce mornent, il met ici tout en
« désord re. )) - Et le duc de la Hocheloucauld : ( JI est
« un point sur lequel je n'aí entendu faire aucune
« objectíon , et qui me sernble pourtant de nature aen
( soulever un grand nombre. Je veux purler de l'éten-
« due des pouvoirs accordés au Présidcnt , et de la pos-
( sibilité qui lui est laissée d'occuper indéíinimcnt sa
(( placc.J'aime acroiro que lorsquc Washington, le digile
(( compagnon ele vos travaux dans la grande révoluíion
(' américaine, sera appelé par ses compatrioies ala plus
( haute charge de l'État, il lcur montrera les dangel':i
( d'une confiance trop aveugle, d que, 110ur préparer
( un frein aux empiétements ele ses successeurs, il Iera
« noblement servir l'autorité dont il sera revétu a irn-
( poser des limites ason pl'opre ponvoir l. ))


Washington n'était frappé ni de la grandcur du mal,
ni de la nécessité du remede, et, il coup súr, il se serait
pris a sourire s'il s'était dnuté ele I'étrango mission (lue
luí réservaient ses admiratcurs européens. i)ll Ioutcs les
parties de la Constitu tion, cellcs qu'ils attaquaient fui pa-


I Fmnklin', IVrilinys, t. X, ji. :J5~, 355.




EST ruo l~E E~ FRA~CE (178R\.


raissaient peut-étre les plus sagcs, et il déíendait centre
le rnarquis de Laíaycttc le príncipe de la réóli¡.;ibilil(·~
du Président, avec une fcrrneté de hon scns que sa
passíon ponr la rctraitc rcnd prcsq ue héroíque : ( Je ne
« [mis decouvrir-qnel avantage il pourrait y avoír il nous
(l priver des services d'un hornmc qui, dans quelqu«
« grande crise, serait peut-ótre univcrscllemcnt rcgardó
{( commc le plus capablo de servil' le public.... 11 ll'y
{( a pas , suivant moi , le moindre danger que le Pre-
« sidcnt puisse jamais, par aucune intrigue pralicahle,
{( se niaintenir un seul inslant dans ses fonctions, el
(( encore moins s'y perpétuer, il moins que ce no fút au
(( dernier degré de la corruption morale el de la dépra-
« vation politiqueo Et, alors, toute autre sorte de domi-
(1 natíon aurait aulant de chances de triornphe. Quand
« un peuple est devenu incapable de se gouVCl'ne¡', eí
u jJJ'él pnur un maitre , il n'impor!o d'oil le lIla¡:¡-!:
« vieut " »






CUAPITRE XlV.
118f)-J7f)7.


Washf nctrm Présitlent.- Gouvernement illh;r!el1l' de ~"'n~hingtnn.- Sps r;1p~
ports aste I'cpinion, uvco les particuliers, avec les i.ommcs pu1l1i(',-;.--
Qnesüou (le I'esclavage. .....:.... Formation el distribution gÉ'ograp]til]lJe (1,';::
J;\artis.-Ex(·l1lples de divisions w;cgraphiques dans le scin du COllgres.-
Origine de' la Iutte entre Hamlltou et J('ffc·"!'son.~ Ce que Hamilton voulaif
pour son pays.-Jdferson mcmbre da cauinct ct chef (le l'nppoanion.c-,
Meuagements de cellc-ci pour la. pcrsonne de' Washington.c--Teñr.rsor, le
presse d'acccpter rfnc secnnde fois la présidcllN:.- Rcpupnnnco de \Va::h-
ington.-ll finit par céder.s--Dóchutnr-ment de l'opposition eontro 111i.-Jef.·
ferson donne sa dcmission.c--Sa conduite dans la retraite.-- Insurrection dans
la Pensylvanie.c--Sociétés demuuru tiqucsv-c-L'rrpin ion publique aban.ionno
I'opposrtion, - Jeflerson et Jo1m Adarns caudidats a la présidcnce.


Le 30 avril178H, Washing!qnvelail, en préscnce (!a
penple de New-York, le serment q¡¡e la Constituíinn
impose uu Prcsident 1, Ce n'était point sans un proíond


1 Les (lecteurs du Prósidr-nt ava ient été nomrn ós er!'janvil'],
17R9. L'élection sefi t en f'évricr. Le Congri.'s avu.it été COflVO'l"'·'
pour le ,1 mars , jour oú la Constitution devait cntrcr en v iguc.ir,
et ou devait cumrn cnccr II cour ir le terrr.e .le la présider:ee.
Mais le Con gres ne se trcuva point en norn bre uva n t le 6 avri!.
Cest sculemcnt alors que se fit le dépouillemcn! des suftrc:ges.
Le nombre des (lecten rs fut de 69 : Wash in pton cut (19 voix , el
JOIIll Arlams , qui le suivuit irn módiaf r.mcu t , :34. En v ertu de la
Consfilulion, le premier fut proclamé Présídent et le seco nd
Viee·Président.





264 W.\S!l!:\GTO:"


sentiment de doulcur qu'il sacriflait a son pays 1:1 pai-,
de ses vieux jours. Sa snníé parut, nu prernicr ahord,
dcvoir plier sous le Iardeau qu'il venail d'accepícr, el
ron conrut de grilles inquietudes pour sa vie : «Le déíaut
« d'excrcíce régulíor el les soucis des affaircs hátoront,
« je n'en doute point, mon départ pour la contrée rl'ou
({ ne revienl aucun voyageur, )) écrivait-il alors ason
ami, le doctcur Craik: « rnuis, accorn plir íldelemon 1, tout
« mandat que j'accepte , telle a toujours Mé, telle sera
« toujours la prcmiere regle de ma vio, les conséqucnccs
« soient ce qu'elles voudront l. » Ce n'élait point seule-
ment en face de la mort, OH en présence de l'un de ces
devoirs cxceptionnels qui élevcnt l'ñme.quewashington
se seníait animé de cet esprit. L'oubli de soi , la préoc-
cupation exclusive du bien public se retrouvc dans les
plus petits détails de sa conrlnite.Tout lui semblnitimpor-
tant dans sa nouvelle situation, et il était vi vernent ému a
la pensóo de la responsahilité qui s'attachait ases moin-
rlres acles: ( Je marche, si je puis m'cxprimer ainsi, sur
( un terrain qui n'a point encare été foulé.... Il n'cs]
« presquo ríen dans ma conduite qui ne doive étre
« invoqué un jour comme un prccédcnt. Celte idée
« m'inspire ala fois une grande défiance de moí-mómo
« ct un anxicux désir que toutes les nouvelles mesures
« soicnt parfaites, autant que possiLle 2 . ») Aussi, toules
les fois qu'il se presente, au debut ele son administratíon,
u 1I point douteux , le voit-on , non content de s'écluircr
des lumiercs de ses conscillers officicls 3, adresscr des


18 sept. 17[;0.-- Wa8h. 1Y"it., t. X, p. 30.
"0janv. 17DO.-1Val'h. ]Vril., t. X, p. ag.
;) El] v e r t u .l'un.. loi \'otée par li~ Congd's, d ans sa prr-rr.ir-re ses-




PRF:SIDENT. 2G~


queslions écriles aJay, úMadison, ceux de ses ami s don!
il croit le jugement le plus sur. Puis, quand il a agi,
il interrogo le scntiment public par d'autrcs amis restés
loin du mouvement des affaircs ; il Ieur explique avec
soin ce qui n'a pas été compris; il reetifie les irnprcssions
fausses qui se répandent sur la marche du gOllVet'ne-
men t ; il justifie avee une condescendance ferrne et digne
ce qui a été attaqué; et il reste ainsi en communícation
constante avee l'opinion : ( Au moment 011 les regards
« de I'Amérique, peut-étre ceux du monde entier, sont
« tournés vers ce gouvernemeut, el ou tanl de gens
( épient les mouvernents des membres de l'administra-
« tion,je serais bien aise d'étre tenu au courant, par un
( aussi hon intermédiaire que vous, de l'état de l'opi-
( nion relativement aux hommes et aux affaires , par-
( dessus tout relativcmcnt amoi-méme, Ce que je tiens
« asavoir, c'est moins ce qu'on approuve que ce qu'on


sion (17S9), iJ avait éu, créé tro is départements ministériels: le dé-
partement d'État (ombrassant los affaires étrangi'rr:s et inté ri eu-
ros), le d"partemcnt de laGuerre(armée ct murinc), el le dépane-
mcnt du T'rúso r, dont les ti tul aires, nornm és et r ovoq ués tL vo lon ü'~
parle Présidcnt, dcvnie nt , ave c h:~ procureur général, fo rm e r son
cabinot. Thomas Jefferson, ministre des États-Unis a Parió, fui
appelú le premier a la charge de secrétaire d'État. Il narr iva a
New-York , el n'entra en fonctions que dans le rnois de mars 1790.
Sur s» démission, il f'ut remplacé par Edrriund Ran dolph (2janvier
17(4), qui fut remp1aci' lu i-m érne par Timothy Pickering (10 dé-
c cmb re 179G). - Furent secrétaire de la Guerre, sous la Prúsi ,
rle nr-e de 'Washington: Henry Knox (12septembre 17S9), Timothy
Pickering (2janvier 17(5), James Mao Henry (27 janvier 17!JC).~
Furun t secr01aire du Trésor : Alcxan de r Hamilton (11scpu-ui lire
l78!)), Ol iver Woleolt (3 f6vrier 179;;).-Furcnt procureur g(n('ral:
E<lrnnn'! Har,,!o: ph :20 seplemb re 17S!)), ,Vill iam Irrudf'ord (27jan,
vicr 17(4), Charles Lee (10 déccrnbrc 17U5).




266 RECEPTIO'lS PUnLTQTES.


« bláme dans ma conduite .... A uno certaine distance
« du théátre de I'acíion, la vérité n'esl point toujours
« rapportée sans embellissornenl ; qnelquefois mérne
« elle est entierement dénaturée par l'ignorance des
« vraís motifs qui out provoqué les mesures que ron
« attaque. L'usage de consacrer un jour aux réceptions
« officielles a soulevé, par exernple, d'ameres criliques...
« Mais, avant de l'avoir établi, il m'était impossible de
({ m'occuper des affaires. Une foule de gens, qui con-
« sultaient Ieurs convcnances plntót que les miennes,
« m'accablaient de leurs visites, dcpuis la fin de mon
« déjeuner [usqu'au moment de mon dlner;., .Te
« rccois tous les rnardis entre trois et quatre. Il vient
« un grand nombre d'hommes qui enlrenl, sortent,
« causcnt entre eux, ct fonl ce qu'ils vculcnt. Un huís-
« siel' les introduit , et ils se retirent quand bon Ieur
« scmble, et sans cérémonie. Ils me salucnt en cntrant;
« [e Icor rcnds Ieur salut, el je parle aautant ele mondo
ti que jc puis, JI m'cstimpossilrle de decouvru- la moín-
« dre pompe en tout ccci. Elle consiste peut-étre en ce
« qu'on ne s'asscoít pus. A cela deux raisons : d'ahord ,
« c'est l'usagc; ensuilc, (]mJs mon salan, il n'v aurait pas
« de place pour les chaises... II cst d'nu lant pb IS regret-
« lahle que mes révérences ne soient point au goúl du
«( pallvre colonel B... (par parenthesc, [e erais qu'il n'a
(( jamáis en l'occasion de m'en voir fuire), que je les
« distribue sans acception de personnes , et de moa
« mieux. N'aurait-il pas été plus convcnablo de [cter le
( voile de la charité lil-dessus, ct d'attrihuer Ieur rai-
« deur aux eñeís de l'úge ou uu pell d'habilctó de mon


rnaitre á danser, plulót qu'ú I'or.rucil de ma place?




nrSTRIBUTIO~ DE:"; ElIIPLOIS. 267


« et Díeu sait qu'elle est satis charme pour moi 1. »
Les solliciteurs se révoltaient contre un autre usage :


Washington laissaít sans réponse les demandes de
places :« Une réponse polie pourrait étre prise pour une
« promesse; et , a l'époque de mon avénement, j'ai
« résolu que personne ne pourrait [ustcment m'accuscr
« d'une déception. Je m'applaudis de jonr en jour da-
« vaníage d'avoir pris ce parti. En ceíte matiere, j'ai
« sonvent sentí la nécessité de renoncer il mes premien;
i( desscins, et d'endurcír mon crcur contre les entral-
« nemcnts de mes plus vives affections2. »


Le Président fit pourtant une exceptíon en faveur de
son neven Bushrod Washington. Jl lui accorda une
réponse : « Vous ne sauriez douter du plaisir que ['au-
« mis avous voir appelé, dans le nouveau gouverne-
« ment, a toute fonction honorable ou profitahle que
« vous pouvez étre en état de remplir. lIIais qnelle que
« soit votre aptítude pour celle dont vous me parlez,
« votre position au barrean n'cst point de nature ü
« justifler votre choix comme procuronr a la COUi'
« Iédérule de district, par préférencc aux avocats les
« plus ancicns et les plus estimes de votrc État 3. »)


Washington savaít allier d'une faron merveilleuss les
calculs etles combinaísons de la poli tique aux scrupulcs
d'un creur droít. Personnc n'a usé plus habilement, au
proflt du pouvoir, du droit de disposer des fonctions
publiques. Les grandes qualités personnelles elles longs
services rendus al'État, c'étaient bien lit, sans doute, les


1 lVas/¡. lVri!., t. X, p. 17, 5Jg.
2 lVo"h. lVril., t. X, p. :198.
, ¡Va",',. 1Frit., t. X, p. U.


\
I




2nR RAPPORT~ AYEI' lES rO',C'fIO\NAIHE",


prcmiers titrcs ases íaveurs : mais, a eux seuls, ces litres
luí paraissaient insuffisanls, el il avait pour príncipe ele
n'appeler aux emplois élevés que des hommes considé-
rabies dans 1eurs Etats, approuvés du peuple, el décidés
amettre, sans arriere-pensée, le poids de 1eur intlllencf'
et de Ieur clícntele au service dn gOllverncmcnt. De SCIll-
blables hommes étaient raros, et pcu disposés aaliandon-
ner le soin de leurs affaires privées et ü s'éloigncr du
centre habituel de Ieur aclivité pour venir rernplir Ú
New-York ou a Phíladelphie des fonctions ou íernpn
mires ou peu lucratíves, Washington cssuyait de norn-
breux relus de la part des plus dignes: mais il rncttait
une insistance si flatteuse el si délicate udcmandcr lcur
concours, qu'il finissait presc¡ue toujours par triomphcr
de leur répugnance, ou qu'il acquérait a son adminis-
tration un chaleurcux déícnseur, lit oú il ne réussíssait
pointá la doter d'un fonctionnaire utilc, nmettait autant
de soin a conserver qu'a acquérir, et ses ménagements
pour les personnes ne s'arróüucnt que la ou le sorvice
public aurait eu a en sou Ifrir. "róme alors, il avait l'art
de dire la vérité sans blesser,


{( Je n'ai pas besoin de vous dire , » écrívaít-il il
Couvcmcur Morris, « qu'en vous nommant ministre en
{( France , je l'ai fait de tout mon creur. Je voudrais
« pouvoir ajouter que le eonsentement du Sénat a eu
« un caractere aussi spontané. Mais [e ne le puis en
« vérité, et l'amitié exige que jc vous communiquo les
(1 objcctions élevées conlre vous, dans la forme ni!
« on me les a présentées. On dit done que la prornpti-
(( lude avec laquelle votre vive et brillante imazination
ti se déploie '\'01:1S laisse trop peu de íemps pour rúíléchir




QliESTIO:-l DE L'ESCLAVA(;E.


« sur VOS idées et pour chátier VOS expressions; que
« c'esí sans doutc ainsi qu'il faut expliquer ces saillics
« offcnsantes et cette verve satirique, source d'inimitiés
« diffieiles a apaiser, mais faciles il éviter avcc un peu
« plus de retenue et de prudence ; en un mol, que nos
« représentants a l'étranger doivent absolument se
(( conduire avec plus de círconspeetion qu'on ne vous
« croit disposé el en montrer. Vous avez la le pOIH' el le
« centre. En vous racontant tout ceei, .je fais preuve
« d'amilié, sinon d'hahileté el de jugement. A supposer
« qu'il y ait quoi que ce soit de rondé dans ces ullógn-
« tions, la connaíssancc du tort qu'elles vous font, el
« la pensée que VOllS eles devenu le rcpréscntant de ce
« pavs, vous rendront, j'en suis sur, Iucile un change-
« ment de conduite '. »


Si Couvcrneur Morris laissait au libre mouvemenl de
son esprit trop d'empire sur sa conduite diplomatique,
Washington ne fuisait point, au gré de beaucoup de ses
adrnirateurs, une assez large place á ses idees d a ses
tendances personnelles, dans la direetion du gouverne-
ment. Au fond du creur, il était ennerni de I'esclavage,
par sympathie pour la raee opprimée ", comrne par con-


1 Wash. w-e., 1. X, p. 216.
" Le testament de Washington est empreint d'une sollicitude


vraiment tcuchantc ponr ses esclaves :
« NIa vo lonté et mon désir sont qu'au dé ces de ma femme


lOGS les esclavcs qui m'appartiennent en propre recoivcnt leur
l ihnrtó, Si elle vou lait la leur accorder d u r an t sa vi e , el l e réa.li-
serai t un de mes V<BUX les plus ar dcnts ; mais, prévoyant des dif-
fic u.tés i ns ur-mo n tab les , par su i te des mnr-iagcs qui existent entre
mes negres et ceux qui dé pcndcnt du douaire de ma femme, je
cr¡1iJ)drai~.; que I'nfl'runcbiss cmnut eles UDS n'éve illát che/: les au-
lrl' ~-' ;(;~ iru prcssious les plus tris tes, e t n 'en traiwli mémc de fáchuu..




'l70 ZELE MALHABILE


\
l')


viclion des fUllC~·¡CS eífcts economiqucs de cctíc insli-
tulion : mais ii avait recu de ses eonóloY(:IlS la mission
de gouverner les Élats-Unis, non de fuire triompher les
opinions abolitionistes, et il étai t décidé á nc les servir
que duns la mesure ou elles pouvaient se concilier avec
la paix intérieure du pays el avec la Constitution que
I'Arnérique venait de se douner.


Avant méme de rentrer dans la vil' publique, el
quand le zele irnpatient el rnalhabile des aholiíionislcs
n'ótait pas encare une source d'embarras pour son gou-


ses conséquenccs pour ceux qui continueraient h é tre csclavcs,
attcndu que .le u'a pas le pouvoir d'uff'runch ir cc u x qCle ma fe mm e
m'a apportés en dot. Si, parmi ceux qui rcccvron t la Ii bcr tú par
I'cff'et de ceLte c l ause , i l yen ava it d'ú,gós e t d'inrlT'lilC':;, 8l
d'autr e s qr.i De fussent pas encare e n fi.ge de fiuíIiH: ;1 l e urs L'l~-
soins,je dés ire que ceux q ui se rruu v e n t cUlllprj~~ dnns Ia J'I'UlfJ i("rl'
et la se co nrl e d isp o si tio n soient COn ycnll.blement h a b il l ós el no UT-
ri s par 1118s héritiers pcndunt Ie ur vic, ct que ccux m cn t i onn ó«
dans la derniere d.sposi uon et dont les parellts ne vivr-u t lilll:--:,
o u b ic n ne pcuv cn t OH n o vculcnt pas po urvoir a l ou rs l.cso ins,
rus.te n t en la possession de mistris s Wash in gt ou, qui les m curu
en appre!ltissagc, jusq u'ü ce qu'ils arri vcn t ú l'dge di..' viugt-cinq
aDS; dans le cas GU I'ori ne pourrait pas rroduire de pi{'(:AS sufli-
santes pour établir leur Afie. le jugernenl de la c our le fixera. Les
l1egres ainsi engagés doivent (aux frais de leurs m ait res pt, mai-
tr esses) apprendre it l ire et a écr i re , e t faire rapprentisNuge :'~e
quelque métier util e, conformément aux lois de 1 État de Virgi-
nie rclativcs aux or phcl ins.


Je défends expressémunt qu'an vende ou transporte hors dudit
Etat, sous quelque prótexte que ce so i t , au cu n des esclavos que
je laisserai k ma mort. Jo recomrnande par-dcssus tout et so len-
nel lement a1n88 exécuteurs t est ame n tair es ci-apres nnrnrn ós, ou
a leurs survivun ts, de veillcr it ce quü cctte c luu se. rclative aux
escJaves et ace qui se rapporte a leurs in tórúts , soit rcligicuse-
ment remplie, su ns fuux-fuyant., négligence, ni dól a i. l ors.qu« les
blés qUl s'óleve ront al ors' anront ét{,moissonnés; surto u t cn ce
qui c on cern e les escl av cs ~8'6s e t iufirm es , q u'un a i t ~()jn J'ontre-
tenir des fonds régulw!s et pcrmununts ]J0ur us:;uru! lüu! suu-




DES AUOUrIO:\" 1:-:'1'1'';. 2'11


vernerncnt, il avait peine a contenir son humeur contre
les violonces injustos par' lesquelles ils compromettaient
la plus noble des causes. Le mépris du droit le révoltait
toujours, surtout de la part eles honnéles gens: « Je
« vous écris, ala pricre de 1\1. ljalby el'Alexandrie. ncst
« appelé il Philadelphic, pour un preces qu'il regnrde
( comme vexatoirc, au sujet d'un de ses esclaves qu'uno
« sociélé de quakers, instituée dans la ville aceteffct, a
« cherché amettre en liberté.... Je peux dire que per-
« sonne au monde no désiro plus sincerement que moi
( l'abolitíon de l'esclavage; maís, pour yal'river, il n'y
« a qu'un moyen d'action convenable et efflcace, c'cst
« l'auíorité législaíive, el si cela ne devait dépendre
( que de moi, elle ne ferait [amais défaut. Maís, quand
« on séduit des esclavesqui se sentent heureux et con-
« tenis chez leurs maitres ; quand les maitrcs sont ino-
« pínément surpris par ces pratiqucs; quand de scm-
« blablcs menées cngcndrcnt, d'une part, le méconten-
«, tement, el, de l'autre, le resscntimcnt ; quand elles
« s'attaquent a un homme dont la bourse ne peut


sis tan ce aussi longtemps qu'il s en au ro n t bc soin ; qu'on ne les
abanrlonne pas aux so ins de mcrc.nnires. Quani a rn o n niulátre
Williarn, qui s'appelle ,ViiliaJn Lee, je Ini .i onn o irnm('c!iatement
Sil. liberté. S'il préférai; reste]' ,lans su 'eünditiün presente, il est
mairr e de choisi r , divcrs accidcn i s 1'avan t mis ho rs d'état de mar...
chcr ou de tr8.,'yaÚler acti vernr-n t : daI~s l'un et l'uu tro cu s eepen-
dant, je luí accor.lo, sa v io durunt, un o rente de trente d ol lars, q u i
sera indcpcndante de 1" nou n-itu r« e t des h ab illem ents qu'il c st
h abitué a recevoir : il jouira de ces nvuntugcs, sil choisi t la dcr-
nicre de ces cond itions ;rnais le (OU t 1u i sera donnó avec la liberté
s' iI1)r6flTC vivrc son m ai tr« , Je Fa is ces .Iispnsirions en sa f'aveur,
pOllr rcco n n ai t rc I'atu.chcmcnt (lu"jI 111e porte, ct les serviccs
gignaJés 'p'il m'a ren.ius penJant la gucrrc de l'indwj,endance,




2i2 ALAIOJES DES ETAT::-> nu ~1I1lI (l¡'SO).


« entrer en lutlo avec celle de la socíété, ct qu'il pcrd
'1 sa propriété, faute de pouvoir la défendre, je dis (l!iC


c'est de l'oppression , non de l'humanité , cal' on
« arnene ainsi plus de maux qu'on ne peut en guérir j. »


Lorsque Washington indiquait l'autorité législative
commc le seul instrument possible de l'émancípation,
il voulait parler, non du Congres, mais des assemblées
locales; il voulaít demandar une loi de sacriflce au libre
eonsentement des divers États aesclaves , non la leur
Iaire irnposer par des rivaux aqui le sacriflco ne dcvait
rien coúter. Appeler le Congres á résoudre le problerne,
c'éíait íransformer une quesíion d'humauilé et d'utilité
sociale en une qucstíon de prépondérance ; c'était
réveiller la lutíe entre le Non} el le Midi, et faire de tous
les Élats a csclavcs les ennemis intéressés du pouvoir
central. Les quakers firent cette faute et amcnercnt ce
mal, en '1789. Le mémoire qu'ils envoyerent au Conr;Tes,
pour demander la suppression ele la traite, excita une
vive émotion dans le Midi, surtout en Virginie, et David
Stuart écri vait á Washington: « Le colon el Lec affirme
« que, parmi les plus chaleureux déíenseurs elu gou-
« vernement , ii en est beaucoup dont les scntimcnts
« sont en train ele changer, par suite de la convicíion
<:. qu'une Union, avec des Etats dont les intéréts diflcrent
« autant de ceux de la Virginie , est impralicable.
« Les dernieres elémarches faites aupres du Congres,
« relativernent a l'esclavage, tendcnt ccrtaínement il
« développcr cct csprit.,; II est né, de l'intervention dLí
I! Congres dans cette affaire une forte appréhcnsion que


j 12 avriI1786.-1Yash. Wrd., t. IX, ]J. 15lJ.




lK


AVIS DE WASHINGTON SUI{ L'EMA~CIPATIOl\. Z/3


(1 les empiétemenls du pouvoir central ne ílnissent,
(( comme on l'a tant prédit, par sortír de certaines ínter-
« prétaíions coupables de la Constitution. l\Iais il est a
« rernarquer que, sur ce point, le langage de la Constí-
« tution est si clair, qu'elle ne se préle point a étre
1{ détournée de son vrai sens par ceux qui veulent réel-
« lement la prendre pour la regle et le guido de leur
« conduite 1. )


« Le mérnoiro des quakers (el cortes il arrivait bien
« mal ti propos) vient enfin d'étrc enterré, pour no pus
« ressusciíer avant 1808") répondail , peu de jours
upres", Washington, avcc soulagement. En eífct, le Con-
gresavait declaré, apres de longs débaís : « Que la migra-
« tion ou I'irnportation des esclavos ne peuvent, de I'avis
(1 de tous les Étals, étre prohihées par le Congres avant
« 1808; que le Congres n'ayant aucune autorité pour
« intervenir dans l'émancipation des esclaves , ou dans
« le traitement qu'ils pourraient subir dans les divers
« Étals, c'est aces mémes États el pourvoir, par de sages
« reglements, á ce que la j uslice el la poli tique peuvent
(1 réclamer '.»


Ce que réclamaient la justice et la politique, le Prési-
den! ne craignait point de le proclamer dans une letire
au gouverneur de la Caroline du Sud 5 : « Je dois dire


j Wash. w-e.. t. X, p. 82, fJ5.
2 1Yash. VVrit.~ t. X, p. 85.
:: ~8 mars 17aO.
" Le premier purngraphc de celle déclaration était tiré texrucl-


lem en t de la Constimtion. Plus tarel, le Con gres prohiha l'impur-
tu tion , par un acto do nt I'exécu tio n no d ev ait cunuucncc r quen
1808. Enfin, par UB actc de 18'!il. l a traite a été assimilée " 111
piralerie el punic de rnort. 'Vash. 'Vrit., l. X, p. SU •


• 17 mar; 17U:t.




274 FOJBIATTO=" ET DlsTnTnUTION


« que [e deplore la décisíon de votre législature sur
« la quesíion de l'importaliou des esclaves t J'cspérais
« que, loules les fois qu'elle serail soulevée dans I'un
« des rttats intéressés, de hautes considérations politi-
« lIucs, souíennes par le speclacle des terribles eílets
« de l'esclavagc, auraicnt amené une prohibilion abso-
( luc ".» El, p!LiS lard, voulant expliquer á sir John Sin-
clair les ruisons pour Icsquelles la íerre avaít plus de
valeur en Pcnsvlvanie que dans le l\Iaryland et la Vir-
ginie : (( C'est, » ditil, ( que, dans le prernier de ces
(( États, il y a des lois pour l'aholition progressíve de
« l'esclavage qui n'existent point dans les deux derniers,
« mais qu'il íaudra y introduirc, et cela d'ici a pcu de
« ICU1PS '. » Le vreu de Washington ne s'cst point réa-
lisé, et dn prernier rnng qu'ello occupait dans I'Union,
la Y¡i'ginie,est descondue au quatricme 1,


Esclavea
enf8~O.


:J,:!UO,.J8U
3,71:3


Pupulation libre
enJ 350.


13,4:34,559
(),41:?,1;)1


llO,27l


l:~Ctts lib:'('~ .


1 La j¡\¡:;isiatul'l' de la Curolrne du Sud venait de Iev er la pro-
hi bi uo n d'iInporter des es el aves.
~ 1Vash. HTrit." 1. X, p. :¿~5.
3 lYash. TVrit., t. XII, p. 326.
" De l~lJO " }t!',(;, pendant que la population de la Pensylv anre


a sex tu pl ó el celle du Ncw-Yo rk presque décuplé , ccllc de la
Yirginif~ a do u bl c a peine.


Le tableau suivan t, que llOUS empruntons a l'AmericanAlmanac
de 18;':), e st un terrible enseigncment pour les Etats a eselaves:
pruntoris a l'American Almanac de 1853, est un terrible ensei-
¡;nement pour les États it esclnvcs ;


Population libre Esclaves
en lS-Hi. en lS'íO.
D,(j,-)-t8¡j;) 1, 10:.'l
71~:JO,'i19 :.!,''1Ul/):3:!


117,7Grl 4,7:21


Tot:l.l.. 17,O'J:3.:.r,:J .:!,iK7,~3j;' 10,n';f.i,!Jt.íl 8,2íJl,:H8
Ainsi, de WlO " 1',,-){), LL l'0puJation li i¡n: de," Etats it csclaves a


d.m inu c de 878,;]0(:-( ú':l1c::;, t nnd is que la pop ul ati on cst-l av e a
augnH.:ni0 (L.: 7]8J34;~t




275


L3 question ele l'esclnvage est l'une ele ccllcs qui ont
exercé le plus d'influence sur la forrnation el la dislrihu-
tion góographiqllc des partís. LOI'sq(¡'OIl se transporte,
des débats qui ont donné naissance h la Constitutiou,
aux luttcs qni agilcrent la presidence de Washington,
011 découvre une grande révolution, el dans la politique
des t:tals du Midi el. dans cello des radicaux, Au déhut de
la Convcntion , ces deux poliliques s'étaicnt résumee«
dans un méme programme, it la íois unitairo et dóino-
cratiquo , COIlJlll sous le norn de plan de la Virginie. Ce
que I'auleur de ce plan se proposait inslincti verucnl, en
poussant h la ceniralisalion, c'étail d'étahlir la própon-
dérancc de son État et l'cmpiro du nombre au sein du
pouvoir central. La Constitution ne SQ ñt au profit ni de
l'unc ni de l'autre de ces teudances. Aussi, avant mérne
qu'ellc no mI mise en vigueur, le pouvoir central Iut-il
regardó eomme un ennerni par ceux qui n'avaieul poiní
réussi iten Iaire un instrurnen t, au service de leurs inté-
réls et ele Icurs idees. Dcux motifs .l'opposilion systé-
matíque, l'un parlicnlicr aux lhats da Midi , l'autre
cornmun il tous les déuiocrates, turcnt aussitót déve-
loppés el propagés avcc ardeur, On dit aux prcruiers :
La Constitution nc VOllS donne point la majorité duns le
Congres : vous serez opprimés , cal' votre condition
sociale el. éconorníque n'est point en harmonie avcc celle
des mitres Etats, Vos esclavos seronl émancipés, les lois
de eommerceet de navigution se Ieront contrevous. Con-
testez les pouvoirs du COllgi'eS; reláchez le lien fédéral:
c'est le seul moycn d'édlappel' ,\ la ruine. On dit anx
seconds: La Conslilution conI¡en t. en gerrne I'arislooratí«
ella monarchic : si vous u'allaiblissez par vos alfaques




2iG COKCE~TRATIO-, DES nETTES DES ÉTATS


le gouvernement qu'elle a créé, il sera íatalement
enírainé sur sa peníe, et vous plongera, il sa suiíc, dans
toute la corruption de l'ancien monde 1.


Pendant toute la présidence de Washington, le ~[jdi
resta le foyer d'une opposition qui, dans tous les États,
trouvait un point d'appui dans les dófíancesdes démago-
gues pour tout pouvoir, quels que soient sa forme et son
norn, et daos l'ambition el la vanité de ccrtaines nota-
biliícs loealcs, clont l'importance élait amoindrie, depuis
qne les principaux attributs de la souvcraincló avaient
été transportes des Etats particuliers au gouvcrncrnenl
uational. C'est ainsi que se recruta ce parti clémoerati-
que, « formé, » clit Washington, « au norn de divers
« príncipes, mais pour servir des iníéréts locanx 2. »


Des la seconde session 3, les divisions prirent dans le
sein du Congrcs un caractere géographique. La lutte
porta sur deux questions principales: la eoncentration,
a la charge de l'Union, des deltes contractées par les
Etats partículiers, pendant la révolution; el le choix


1 « si la Const ituriou e st mise en vig~leur, » écrivait Benj.
Harriso n Ú Washin gtou , le 4 oetobre 171)7, « les f,;tals au sud d u
l'otomae ne seront plus que des d ópendances des Etats du Nord.»
Et George Masnn , d ans ses pbjections a la Conslitution: ( La
• simple majorité étantsuflisante pourfaire toutes les lo is dc cnrn-
« m c rcc el de navigation, les cinq États du Midi (dont les pro-
« d n its et Ia co ndition differcnt si complútcmcnt de ce ux des h uit
• États du No rd e t de I'Es.t) seront ruines .... Ce gouvernement
« cornmencera par une aristocrntic m odóróe. 11 est, 11 pr(sclI t,
« impossib!o de prévoir sil en sortira une mon arch ic ou une arj s-
• tocra i ie op prcssivc et cürrümpue. Il se bala nc.u-a probable-
• mcnt qu elq ues années entre ces d cux nbi rn us , c t il flnira par
• lOIIJ ber dans l'UI1 ou l'autre. » (TVash. IV"it., t. l\:, p. 260, 54/j.)


t 24 octob. 17g:1.- Wash. Writ., t. X, p. asr,
3 tJ jauv ier- 11 aout1790.




PARTICULIEHS A LA CHARGE DE L'IJNlüN (l7ao). 277


d'une résidence pour le Congres et le gouvernemenL
Les sacrifices íaits a la cause commune par les divcrs


f:tats, le monlant des delles contractées par eux pen·
dant la guerre, leurs eíforts, depuis la paix, pour les
amortir, tout cela était fort inégal. Le Massachuseüs,
le plus prodigue de ses ressources, était resté le plus
obéré. La Virginie ella Pensylvanie, el la fois plus pru-
dentes dans leurs dépcnses, et plus pressées d'acquitter
leurs engagcments, s'étaient déja libérées en grande
partie, en s'imposant de lo urdes taxes. Cette concentra-
tion des dettes sernblait done élre au proflt du Nord et a
la chargc clu Midi, Elle est injusta! s'écriait-on dans
cctte partie de l'Union ; et David Sluart se Iaisait aupres
de Washington l'écho de ces clameurs: ( Elle est juste,»
répondait Washington; « la cause pour laquelle les
(( dépenses de la guerre ont été faites, c'est la cause
(( commune. Les États en Congres l'ont declaró des le
« début, et ils se sont engages á se soutenir les uns les
(( autrcs. Si donc quelques États ont été plus dure-
( rnent pressés que d'aulres, et ont contracté des dettes
( plus posantes, par suite de leur posilion particuliere,
(( leur en tenir compte, Iorsque le fait es! clairement
« constaté, cela n'est que raisonnable, bien qu'ici je ne
« communique point ce sentirnent. Si les États envahis
(( et pressurés avaient pu supposer qu'il en dút étre
«( autrernent, leur opposition se serait bien vite chan-
« gée en soumission, et la guerre aurait eu une autre
(( fln \. »


Ce fut au plus fortde la querelle que Jefferson,jusque_
lá absent de New-York, vint prendre sa place dans le ea.


, l:ijuiJl rroo - Wa,],. Wj"it., 1. X, p. 98.




2-, CO'\CE:\TllATIO'\ DES llI·:nES DES I·:TATS.


hinet. Conunent il fut ameué acontribuer au triomphe
du bill, c'esl ce qu'il raconte lui-méme, avec un depit
qui indique asscz I'origine de sa (mino centre le seeré-
tuirc du Trésor, Hamillon: « Il a Iuit de moi son outil,
(( Dans mon ignorancc el mon innocence il m'a Iait te-
« nir la chandelle ace tripotago '!») Tel resta toujours
le gricf le plus pcrsonnel de Joffcrson centre son spiri-
tuel colleguc: «Le point capital du systerno venait d'étre
« perdu,» dit-il, «dans la Charnhre des représcntants,
« La lutte avait ¡'dé si acharnée qu'apres le rejct l'cxpé-
« ditíon des aífuires ful aussi tul suspendue. Le Congres
« se réunissait el s'ajournait de jour en jour, incapahlo
« do discuter quoi que ce Iút, Les purtis étaicnt trop
« exaspérés pour vivre el délibérer en commun, Les
« mcmbres de l'Est parlaient de séparation et de disso-
« lution. Hamilíon était au desespoir. Je le rencontrni,
« un jour, dans la me, en allaut chcz le Présidcnt, Il me
« promana, pendan tune heure, en long el en Iarge, de-
« van t la porte, en me peiguant d'un ton pathétique I'ir-
« ritabilité de la législaturc, les dégoúts de ce qu'on ap-
« pelait les États creancicrs, les dangers dont nous mcna-
« ~aient la retraite de lcurs représcntauts et lasépuratinn
« desElats.-Les membrcs de l'administration devaient
« agir de concert; la qucstion n'était point sans deuto
« de mon départcrnent, rnais dos devoirs communs en
(1 íaísaient une. aífuire cornmune ; le Président était
(1 en déíinitive le pivot de toutes les questions adminis-
« tratives ; nous devions nous rallier autour de lui, el
« soutenir de tOU5 nos ellorls des mesures apprnuvées de
u lui, La question n'avait été perdue qu'a une faihle


i TVash. \Vrit., t. X, p. ',58.-J"/Terson's Memo¡rs and COrreSjlUn-
dence, t. IV, p.457.




PARTICULIERS A LA CIIAH~E DE L'UXTO:\ lliuO) , 1~9


e( majorité. en appel de ma part aujugement ct a la
« discrétíon de quelqucs umis changerait probable-
« ment le vote, el la machine du gouvernement, un
«( instnnt arrótée , pourrait rcprendre sa marche. -
« Qnant it moi, [e me déclarni complétemenl élranger it
le la question; [e n'avais point encore étudié le svsteme
( ñnancier qu'on venait d'adoptar, et je ne savais pas
« [usqn'á quel point ccttc mesure pouvait en étre un
« complément nécessaire: mnis, si le rejet dovaiten: rai-
(( ncr, en efíet, la dissolution de notre Union naissan!e,
« cela semi! un malheur, an prix duquel tous les incon-
« vénients partiels tí tcmporaircs ne scraicnt ricn. Jo
(( lui proposai de venir diner chez moi le lendemuin ;
f( il Ytrouvcrait deux 0'.1 trois de mes amis ; [o les met-
( trais en [appod, el il me semhlait impossiblo (Iue des
« gens sensés, se concertant de sang-froid, ne pussent
« s'entendre sur un compromis pour sauvcr I'Union.
« L'cntrevue eut lieu ... Il fut décidé que le rejct serai t
( annuló ct que, dans ce hul, ceríains mcmbres clmn-
(1 geraicnt leur volo. :\lais on lit remarquer alors que la
« pilule scrai] particulicrcmcut amere aux Étais méri-
« dionaux, et que, pour la 18m adoucir, il Iaudrait
« l'accompagncr de quelque coucession. II avai: (](;j:'\
(( été déposó plusicurs proposiíions pour ílxcr la rési-
( dence du Congres, soit ü Phil.ulelphie, soit ú GCOl',!C-
« Town, sur le I'olomnc. En la donnant, d'a1Jord Ú
« PhiJadelphic pon!' dix ans, puis ú George-Town 1 Ú per-


1 La citt> deWashin gton , qui es t d8YCnU", d cp u is ]'anl1é(~ 1~){tO.
la rósirlcn cc du Congrus el du gouvernCInent cle~ luí
eo nstruii.: u une l ie uo d(~ Geor'h'C'-To-Ú'll. Cc uc peti le v i il e e s t
coiuprise Jau" le district ft,JlTal de Colombie.




280 r.or


« pétuité, on crut apaiscr, par ce calmant, la fcrrnen-
« tatiou qu'aurait produite l'autre mesure, si elle s'etait
« présentée seule al! public, Ileux des mcrnhres du Poto-
« rnac (White et Lee, mais White avec un soulevernent
i( d'estornac presque convulsif') s'engagerent done it
,: changer leur vote, et Hamilton eníreprit d'ernportcr
r: l'autre partie du cornpromís. L'influence qu'il avait
« acquisc par lui-mémc sur les membres de l'Est, et par
« I'intormédiaire de Ilobert Morrís, sur ceux des lttats
« du Centre, lui donna le moyen d'exécuter sa par! de
« I'engagement. C'est ainsi que passa le bill'iet que plus
« de vingt millions de valeurs furent partagés entre les
« };tats Iavorisés, et jetes en páturo au troupeau des
« agioteurs. Ceci grossit le nombre des sectaires de la
« Trésorerie, et rendit le chef de ce département maitre
« de Iaire voter la législature it sa guise, toutes les fois
« qu'il s'agissait de lancer le gouvernement dans une
« voie conforme ases vncs politiquee", ))


« Ce n'est qu'en augmentant le nombre des rcpré-
« sentants qu'on pourra prévenir la corruption des
i( mernbres de cette Chambre, » s'écriait, un an apres,
nu sein du Congres, William B. Giles, l'un des amis
de Jeñcrson et des organes du parli dómocratique,
La question de la représcntation, qui avail tant divisé
la Convention, venait d'étre soulevée dans le Congros.
Pour les lttals, comme pour les partís, c'était une ques-
tion de prépondérance, La Constitution s'était hornée it
déclarer, d'une facon génóralc, que la représentalion
aurait pour base la population , qu'il n'y aurait pas plus


~ G aOIH li~H).
2 JelTersoH'8 JJeliloil's and CnT'r'(>,<:!JCiYIIlentp, t. IV) p.l:/~




Sl:R LA REPRtSENTA TIüN (179117~2). 281


d'un représcntant par millc habitants, et qu'il "Y en
aurail au moins un par Élat; puis elle avaít fixé provi-
soirement le nombre des rcprésentants qui serait assi-
gné aux divcrs États, en attendant qu'un recensement
eüt Iourni des données plus certaíncs sur la population,
el qu'uno loi organique eüt determiné le chiffre qui
serviraít de hase ala répartítion. Le recenserncnt avait
été fait en '1700; la loi organíque restait á faire. C'était
une reuvro difficile. II était impossihle, en divisant la
population des divers États par le mérne nombre, d'ar-
river toujours á un nombre entier. Quelle que füt la
base adoplée, il devait rester des íractions de population
non représentées, et chaqué État cherchait naturelle-
ment it favoriser la comhinaison qui Iaissait sans repré-
sentant le plus petit nombre possible de ses citoyens et
le plus grand nombre possihle de ses rivaux. Pendant
plus de quatre mois, ces diverses prétentions locales,
rendues encoré plus inconciliables et plus complexos
par les exigences opposées de l'esprit eonservnteur el de
l'esprit démocratique, furent aux priscs, dans le seiu
du Congrcs, san s pouvoir ni s'accommoder ni se vaín-
ere. La Chambre des représentants el le Sénat entrerent
en lulte, La premiere, moins préoccupée des intéréts du
pouvoir, était dominée par la crainte qu'une repróscn-
tation peu nombreuse ne rendit la branche populaire
de la législature trop accessíble aux influcnces gouver-
nementales; le second, plus attaché aux idees d'ordre
el de conservation, craignait, en cédant aces déflances,
de livrer la Chambre aux "influences démocratiques.
Apres bien des tiraillernenls et des débats, les deux
assernblécs finirent cependant par tomber d'accord sur




282 LO!


une combinaison assez équitable en fait, mais peu con-
forme au sens que l'on avait attribué jusque-Et ala
Constitution. Le bill adoptait pOlir base le chiffre de
trente mille; mais, au lieu de l'appliquer directement a
la population des divers États, comme sernblait le prcs-
crire la Constitntion, les lógislatcurs l'avaient appliqué
a l'ensemhle de la population des États-Unis, atín de
déterminer d'ahord le nombre de mernbres donl se corn-
poserait la Chamhro ; puis ils avaient procédé, d'apres
le méms príncipe, á la répartition par État: rnais, cornme
cette seconde opération, en leur faisant négliger une
série de íractions dont la somme avait figuré dans la
premiere, donnait un nombre total de rcprósentants
inférienr á celui qu'ils avaicnt préalahlernent ííxé, ils
avaient parlagé l'excédant entre les États dont les frac-
tions non repróseníées étaiení les plus Iortes. Ce partago,
assez favorable aux États du Nord, parut inconstiíu-
Iionnel aux représentants du Midi et aux alliés qu'ils
nvaient dans le partí démccratique. Le bil1 n'avait pussé
dans la Chambre des rcpróscntants qu'a deux voix et
dans le Sénat qu'á une voix de majorité, Jeílerson et
Randolph conseillerent a Washington d'user du droit
de veto que lui donnait la Consti'tution. IIamilton el
Knox , les deux membres Iedéralistes du cabinct , I'en-
gagcrent a ne point intervenir dans cetíc aflaire , el a
en laisser ton te la rcsponsabilitó au pouvoir législatií',
Washington élait dans le plus granel embarras, sans
avis bien arrété sur le fond de la queslion, pcnchant
['llltot pour l'opinion de la minorité, mais doutant
Leaucoup de l'opportunité politique du velo. Le hill h li
avait óté presenté rlepuis dix jours ; cu vertu de la Con-




SUH LA REPRESENT ATIO"I (1791-179~). 283


stitution, son silenco devait étre regardé, le Iendemain,
cornmc llIlO approhation tacitc. Il se rendit chez Jeficl'-
son et amena la conversation sur le bill : « J'en con-
( viens, )) dit-il, « ce n'est point ainsi que l'opinion
« commune entend la Constitution ; ce n'est point ainsi
« que l'entendaient ses auteurs ; cependant elle peut se
« prétcr acette interprélation. Le vote a eu un carac-
« lere parfaitement géographique : une voix du Nord
« contre une voix dn Midi; on pourrait croire que jo
( veux prendre partí pour la fnction du l\Iidi. ))-« Je
« comprends ce scrupule ; mais il no doit point vous
« pousser amal faire. Les États s'arracheront les mern-
« bres fractíonnaíres : réfléchissez aux dangers qui nai-
« tront de ces querelles. »)- « Oui, je crains bien qu'a-
a vant longtemps l'Ilnion ne se déchire. Le puhlic est
« rnécontent ; on tend a une séparation, » Washington
rentra chez lui, et fit appeler le procureur général,
Edrnund Randolph : « Allez, [e vous prie, trouver
« M. Madison, rendez-vous avec lui chez M. Jefferson,
« et si, tous les [mis, vous Mes d'accord sur le rejet du
« bill, qu'on ne m'en parle plus el qu'on prepare l'acte
« pour ma signature. » « Nolre opinion élait faite
« depuis longtemps, » raconte Jcñerson. « Nous drcs-
« sámes l'acte. Ilandolph le porta an Prcsident, et lui
« dit que nous l'approuvions tous :-« Et vous affirmez
« que c'est bien la volre avis a vous personnellement '!))
« dit Washington au procureur général en le rcconduí-
« snnt, et commo s'il cut encore désiré revenir sur Sil
« décision.c-« Oui, l\lonsiellr; sur mon honneur l. ))
L'aclc fut e11 \oYI~ le jour memo á la Chambre des repré-


1 6 avri: 1792. - J efr. Mem. and Corr., t. IV, p. 477.




284 HAMILTON


sentants, et peu de temps apres , les dcux asscmblées
votaicnt un bill qui donnait aux divers États un rcpré-
sentaní par trente-trois millo habitants. Le nombre des
membres était ainsi porté de 65, chiffre fixé provisoi-
rement par la Constitution, a WG; et les États du Midi
gagnaient l() représenlants, tandis que eenx du Nord
n'en gagnaient que 12, et ccux du Centre 12. Les démo-
erates avaient le droit d'ótre satisfaits. Ils avaient pré-
paré la défaite de ( I'escadron corrornpu dont le secre-
( taire du Trésor prétendait se servir», suivant Jeñerson,
« pour rarnener un Roi, des Lords el des Cornmunes í.)


Ce qu'il voulait pour son pays, Hamilton s'était chargé
lui-méme de l'exposer a son rival, avec une franchise
qui aurait dü le mettre al'ahri de toute insinuation per-
fide: « Je ne erois point , je l'avoue , bien que je ne le
( proclame pas de Dan en Bccrshcba, que le gouverne-
( ment acluel soit constitué de facon a répondre aux
« besoins de la société, en donnant stabilité et proteo-
I( tion atous les droits. Probahlement il sera nécessair-
« de retourner a la forme anglaise. Mais, puisquo nOI .s
« avons entrepris l'expérience , je suis d'a vis de la Iairc
( complétement et loyalement , quelles que soient mes
« prévisions. Et, vraiment, [usqu'ici le succes a été plus
( grand que je ne m'y attcndais : le suecos scmhle
« done plus possible qu'autreíois. Dailleurs, si ce qui
( existe aujourd'hui ne réussit pas , on pourra et on
« devra faire bien des essais, parcourir bien des phascs
« dans le progres , avant d'ahandonner la forme répu-
« blicaine. Cal' il faudrait éíre un esprit bien dépravé,


1 Wash. lYrit., t. X, p. sos, SO"],




ET .JEFFEltSON.


(1 pour ne pas préfórer l'i~galité des droits politiquu, J
« qui est la base du républicanisme pur, lorsque cette
" égalité est compatible avec l'ordre 1. »


Il n'y uvait ríen lit de bien rnenacant pour la répuhli-
que. Mais le vrai crime de Hamilton, aux yeux de Jeííer-
son, c'était son influence encoré préponderante dans le
Congres et le gouvernement. Rien ne fut épargné pour
la détruire , ni les dénonciations aupres du Président,
ni les calomnies de la presse , ni les accusalions dans le
sein de la Chambra des roprésentants. Tont en conti-
nuant aservir, avee une rare habileté, la politique exté-
ricure du caliinet, méme lorsqu'il ne l'approuvait point,
~,


le secrétairc d'État se fit, a l'intéricur, le chef et le ma-
chinateur secret d'unc opposition dont Madison, le plus
intime de ses confldcnts , était le plus éminent organe
dans le Congreso Pour justifíor sa condnite, Jefferson a
pris soin de marquer dans ses ~rémoires le hut avoué
de cette opposition ella mesure prétendue qn'elle s'irn-
posait : « Elle avait pour objet, » dit-il, {( de mettre la
« purcté el I'indépendanco ele la Iégislaíure a l'abri de
« toute atteinte de la part du pouvoir exécutif', de gar-
«( del' l'adrninistration atlachée aux formes et aux prin-
ij cipes répuhlicains, d'empécher qu'on ne fit sortir par
« interprétatíon une monarehie de la Constitution, et
(1 qu'on ne la fit tomber, en íait , dans les príncipes et
« les souillures du modele favori anglais. Ce n'était
" point une opposition dirigéc contre le général Wash-
" ington : il étaít fldele uu mandat répuhlicain qui lui
" avai t été confié. Dans nos conversations, il a proteo. té
« dcvant moi, it plusieurs reprises, el avec solennité


I lJ aoút 1791.-Je/r. Mem. andCurr., t.l\', 1" ,lU4.




286 JEFFERSO,,", l'HESSE \VASHlXGTOr-; j)'ACCEPTER


« que, pour le remplir, il vcrserait j IIsqn'a la dcrnil~r'e
(1 goulte de son sang, el, ille répctait avcc d'autant plus
« d'insistance, qu'il savait mes soupcons eontre les.des-
« scins anli-républicains de Hamillon, el, qu'il désirait
« les a paiser i. »


Ce fut longtemps la prétention et la tactique de l'op-
posilion de ne point s'altaquor aWashington , tout en
corn battant avec acharnement sa politique , et de le
regarder cornrne la mcilleure sauvegarde centre le
triornphe exclusif du parti qui soutenait I'administralion.
Aussi, quand le tormo de la présidencc de Washington
approcha, le chef du parti démocralique lui écrivit-il
une longue lettre , pour le supplicr de ne point songer
encore aremetlre en d'autres mains les deslinéos de sa
patrie. Malgró tout l'csprit de Jeífcrson, sous la défércnce
modesto du langage el la flnesse de la f1atterie, perce
trop l'égoisme du calcul : « Qlland vous m'avcz commu-
« niqué votro intention de vous retirar du pouvoir, bien
« que j'aie scnti I'importance de l'óvenurnen], j'ai cru
« devoir garder presque cornpletcment le silence. Je su-
« vais, que s'adrcssant aun esprit de votre sorte, la per-
« suasion est irnperlinente el vaina.... Jo savais qu'un
« jour ou l'autre, il nous faudrait tácher de marcher
« seuls, et que, si cet essai se íaisaít de votre vivant el
« sous votrc regard, cela nous donnerait conflance, el
« nous assurerait une ressource en cas d'insucecs.... Et
« puis, l'esprit public était alors parfaiternent calme ct
« dans une disposition qui convenait á l'expérience....
« Le calme a disparu, et vous n'ótcs pour rieu daus ce


I Jeff. Mem. and Corr., t. IV, p.460.




r.:~E SECOl\DE 1'OIS LA PHESIDENCE (l7U2). 'IR,


« changement. ») Et apres une longue énumération des
gricfs de l'opposition démocratique et des dangers dont
le parti íédóralisíe meuacail, ases yeux, la ConsLiLution :
« Notre seule chance de salut est dans la représentation
« plus nombreusequi nous sera cnvoyée l'an prochain..•
« Tout porte a croire qne la grande masse des nou-
« veaux membres viendra grossir le partí républicain ....
« Mais, si la nouvelle majorité était dans les mémes
« príncipes que la majorité actuelle et nous menacait
« des mémes pratiques , il n'cst point difficile de pré-
« voir quelle serait la violcncc du remede auquel le
« pays aurait recours, tant les di visions .d'intérCt et de
« sentiment ont un caractere géographique.... Je trem-
« hle qu'on n'en vienne ú un démembrement des Etats-
« Unis. Vous seul étes en élat de prevenir ce rnalheur.
« C'est en vous qu'est placee la confíance de l'Union tout
« enliere.... Le Nord et le l\1idi resteront unis si vous
« leur servez de lien .... Dans le cas ou une représen-
( tation plus nombreuse ne serait point un remede
« efficace, votre présence donnerait le ternps d'cn
« essaycr d'autres qui fussent conciliables avec l'Union
« et la paix des États.... Si, au contraire, une majorité
« honnétc sortait d'une représcntation élargio et renou-
« velée, si cela élait bien maniíeste, vous pourriez.avec
{( moins de danger, saíisíaire vos aspirations vers la
(1 re traite, avant I'expiration de la seconde période de
« quatre ans; et je ne puis qu'espérer de vous voir con-
" sentir aajouter une ou dcux années encore á cellcs
(( que vous avez déja sacrillées pour le bien de l'hu-
« 11lanilé 1. »


1'l3 rnai 17n.--Wash. JVTit., t. X, p. 504.




~:l8 REPCG~A"'CE DE WASHINGTO~ (1792).


Washington n'était dupe ni de l'iuquiélude systó-
matique de Jelferson ni des ménagements affectés de,
l'opposition. Dominé par sa passíon pour le repos, il
chorchait mérne il se persuader que son pays n'avait plus
hesoin de lui, et qu'il étaít devenu impropre a le bien
servir. Dans ses conversations avec Jeñerson, il dévelop-
pait ses idées acet égard avec une abondance et un aban-
don qui ne lui étaient point ordinaires : « Je me sens
« vieillir. Masanté est moinsferme; marnérnoire, qui a
« toujours été mauvaise, s'añaiblit, et peut-étre ceux qui
« m'entourent rcmarquent-ils dans mes autres íacultés
« une décadence dont je ne me rends pas compte moi-
« méme, Cette crainto me tourrncntc ; mon activité cst
(l diminuée; les añaires sont devenues pour moi un Iar-
" deau, le calme etlaretraiteunepassion.... Personne n'a
« plus que moi en dégoút les cérémonies de ma chargc ;


je ne puis trouvcr nul plaisir dans l'exercice de mes
., fonctions; je ne suis heureux que chez moi, et mes


añaires m'y appellent, ¡\la présence n'est plus néccs-
" saire ici. 11 Yen a bien d'aulres qui peuvent Iaire ce
(', que je íais, aussi bien et mícux que moi. ... Quant au
« rnécontentement dont on parle, on a poussé beau-
" coup trop loin les soupcons centre un certain parti ....
« n n'y a pas, dans tous les États-Unis, dix hornmes,
« dont l'opinion vaille quelque chose, qui songent á
« transíorrner le gouvernement en monarchie.... Mes
.( inquietudes amoi ont une autre source.Le vrai danger
" qui nous menace , c'est I'anarchie.... Les puhlicutions
« récentes, surtout ceUes du journal de Freneau 1, sern-


I La Gazclte nationale. Freneau était un om ployó de. Lurcuux
de JGÍrersllll.




:-íLeo.\ liJe: ELECTlO.\ lJE \L\SllL\UI0.\ )1':)3). lH9


" hlcut Iailcs en vue d'exciter de I'oppositiou centre Je
( gouvernomcnt. D'apres les reuseignoments que meu-
« voie le gónéral Haud, ils n'ont que trop bien réussi,
« dans la Pensyl vanie, contro la loi sur les contribu-
« lionsindirecles. Ils travaillcnt áamener une rupfure de
( l'Union, la plus affreuse de touícs les calamités. Qll'on
« ne l'oublie pas, tout ce qui tend il produire l'anarchie
( tend il nous pousser vers le gouvernernent menar-
« chiqueo Je regarde les altaques de ces [ournaux
« comme dirigées contre ma personnc ; cal' il faudrail
« Mm bien Iou pour avaler les petites douceurs qu'ils
« me jettenl, de lemps il autre. En coudamnant l'ad-
« ministration du gouvernemcnt, on me condamne :
« cal', si l'on croit que des mesures sont adoptées contr.,
( mon avis, il íauí supposer que je suis, ou trop négli-
« gent pour y faire attention, ou trop stupide pour les
« comprendre l. ))


Six mois ne s'étaient pas encere écoulés, depuis ll>
second avénement deWashinglon ala présidence ', (lile,
dejiJ, l'opposition croyait pouvoir jeter le masque, Deux
senliments qu'on ne blesse jamais impunément, el que
les dérnagogucs eux-mérnes hésitcnt i:t affrontcr , le res-
pect elle bon scns du public, avaient mis j usque-la Wash-
ington a l'abri el au-dessus de leurs attaquea.Mais ce res-
pect el ce bon sens puhlics qui avaient su irnposer au partí
démocratique, 11e purent résister eux-mómcs au spcc-
lucle de la révolution francaisc. C'est le triste privilégc
des révolutions de corrornpre par leur vue ceux métne


I r'J. Jlelll. l/ni! Uo,.,.., t. IV,!,. HjU, ·1íti,l~l!,1U7
. I 4 rn a rs lí'cl3.




280 DECIIAINEMENT DE L'OPPOSITIOl\li93).


qu'elles ne peuvent atteindre de leurs coups : « Il nest
« air,» dit l\IonLaigne, « qui se hume si goulument, qui
« s'cspandc et penetre eomrne fail la licenee. »A mesure
que l'esprit public se gátait, le partí démocratiquc íaisaií
de plus violcnts efforts pour le pervertir, el adressait de
plus odíeux outrages ú eelui qui sernblait devenu le seul
obslacle ason triomphe. A I'exeuiplc de la Frunce, el á
l'instigation de son ministre a Philadclphic, M. GenCl,
les États-TJnis se couvrirent de sociólés denrocratiq ues,
ardentes ú propagcr les préceptes jacobins e! les ignohles
cruautós de Iangago des clubs de Paris. Dans un des
pamphlets imprirnés centre Washington el intitulé:
« Les funérailles de George W .....n, et de James
« W ..... n, Roi et juge », le Président était representé
sur 1me guillotine. Knox, secrétaire de la Guerrc,
dénonca al! Conseil cetle iuláme publication. WaslJing-
ton, habituellernent si mailre de Iui-méme, ne put se
contenir. Lorsqu'elle se déehalnait, avee toute la puis-
sanee de cette grande el Iorte naturc, sacolero était terri-
ble : ( Par Dieu, je voudrais élre dans mon tombeau! »
s'écria-t-il ; « je rr'échangernis pas ma forme contra
« le titre d'ernpereur du monde, eL l'on m'accuse de
« vouloir étre Roi. Ce eoquin de Freneau m'envoie tous
« les jours trois numéros de son journal. Croit-il, par
« hasard, que je vais rn'en faire le distríbuteur t C'est,
« en vérité, une impudente insulte 1 ! )) Le Conscil eut
quelque peine a reprendre sa délibération, tant cette
violente sortie avait troublé les assistants, Scul, Jeííer-
son ne se laissa point émouvoir par la juste indignation


1 Jc,j', .1hm. andCurr., LIV, p.50¡¡




il"lill ¡Jillllllj(~ de bien: « J'ai crn voir, » disaií-il, ( que
«( I'intcntion du Présidcní óiait de me iairo intervenir'
(( auprcs de Frcnean, peu í-étrc méme de lui Iaire n:!i-
« rcr son cmploi de corrunis aux traduclions duns uics
e, hureaux. Jiais je n'en ícrai rien, Son [ournal a sal¡vé
(IlaConslitntion 1. ))


Le SUCCt'S de l'opposition .Iémocratiquc Iut hientól Icl
r!;lIJS les masscs que la présence de Jrllcrson daus ic
("i¡bine! devint plus dangorouso POlo,' sa po¡nhriié
quulile ú sa potitii¡i¡e. H douna sa 11óllIisS10ll ',_ ce alía
altcndrc, au sciu de sa Iarnille, dans les snliiudes des
AlleglJaI1Ys, qlw le flot populairc, en moniauí, vinl 1'y
chcrchcr. Washington avaii mis a la rnode le goül de
la reíraiíe, Ce gTunll homme vcrtueux avait habitué ses
cornpatriotcs au désintércsscment el ú la morleslie.
Pour arrivcr au pouvnir, il fullait alors paraitro en
redouler le Iardeau. Jcffcrson avait , cornmc acíour
politiquc dans un I~tat deruocraiique, :c~ qualités les
plus i~miIIC¡Ú(S. 11 savait arlmirablcmeni Sl: servir de ce
qu'il JI avait uaturcllemcn t de faux el de chirnórique
dans son esprit ¡¡oUt' séd uirc et enflammer l'irnagina-
tion populaire ; il avait uu instinct mcrveilleux dn role
qui convcnait il tcllc situntion delermiuée , et ns'en
pénétrait si cornplútemeut qu'il en devenait Iui-méma
la prcmiero dupe. Ce n'éíait point par pure hyp·ocrisie
qu'il écrivait de !llonticcJ1o au Prósidcnt : « J'airne avec
« trap de passion la tran: iuilli k po,. r perrnettro aux
« préoccupatíons politiques d'attoindro mon esprit>; l)


1 Jen', Mem. and C01T., t. IV, p. 497.
" 31 J~cembre 1793.
;¡ l.l m ui J¡'VI -Jen', Jlem, (JIIU Corr., t. JIJ, p. 311.




IX:-;Ul{hECTl();'{


au secrótairc cl'tiat líaudolph : « Aucnne I'Í rconstnncc
« ne pourra plusjarnais nr'entrntuer Ú me IlICLcl' e11 quoi
« que ee soii;\ la vie puhliquc! ;» iJ ses plus inlimcs coJj-
íideuts : « Le petit souífle d'amhilion qui m'animait daus
(l ma [cunesse s'cst dissipé depuis Iongternps .... Flu-
« mina amo sylvasq1Jc inqlorius?» El, en mérne tcmps,
il dirigeait et aítisait de loin l'opposition ; il réchauílait
les haines de Uadison, tentait son ambition ; lui touruis-
saií des armes quand il scrnblait ú hout de l'eSSOI!I>CCS.
el le gourmandait, quand il s'ahandonnaií trop it la
peurc mcsurée de son esprit: « Vous me scmhlez lO::5
\( entruiués par le torren! des opinious gOl1VernelllUI-
l! tales 3. 1)


,1cíl'erSOll tenait ce langagc au moment ou les cxci la-
tions licencieuses du journal de Frcncau el des sociélós
.lómocratiqucs venaient de portcr lcurs fruits. Trcizo
millo insnrgés s'éLaient declares en guerre ouverte avec
lo gO!l\crnement, a11 sein méme de l"État oú le pouvoir
central avait elalili sa residence « SOtlS pn':lc\lc d'op'
« position contre une Ioi padiculiere, rnais C11 réalilé
'<. daus un espl'it ennerni de íout ordre ", » les corníés
occidcn tamo de la Pensylvanie s'étaienl conlisés , des
l'annécl791 ", pour empéchcr la perccption de I'irnpüí
,;111' les boissons. En vain, le Congrcs avait, it la rcqliÓ]I'
de \\'c:~hingt(m, rernunie la loi S¡I!' les contrihutious
indircctes, pOli!' la remire plus acccplable 15; en vuiu le


17 scpternbrc 1794.-,-JetT- ",fem, (¡¡ul Cur., lo 11J, p, :;1;/,
" I1Jid.. 31t!, 31-1.
.; :28déc:elll!"'e 17ll·i,- J1¡¡d" :J]1.
'. 1~,r("~J,,. n"'n'f.,l. XII, }J. 49.
:s 5 .';(~plC·lnbre nsi.
~ 1; (,:..:tobre 17~¡'




Pn':siclent avait, dans une proclamatiou solennelle, COll-
tresignée de Jelferson lui-mérne, menacé les rcbellcs
de les déíérer aux tríbunaux l. Les officicrs de justico
('.hal'gés de poursuivro les déliuquanls furent menacés
de mort, att:HIII(iSh rnaín arméo daus leurs maisnns, pi
ohlir;'(':s dr luir pour ne pns y dl'e hrúlés pnr la rO! d<,.
La malle-poste de Philadelphie fui dévalisér, les lettri-s
Iurent ouvertcs et transformées en pieces de convictiuu
conlre les citoycns qui ne se moníraient pas <lSf'('Z
cornplaisanís pOB!' le désordre ; les suspects furent pro-
scrits, et les pou voirs publics délégués a une COII\C!l-
tion '. Cesexces mcnacaient de devenir contagieux ; (1¡os
symptomes de soulevement se maniícstaient dans la
Virgillie el le Maryland: l'indignaíion et l'effroi se
répandirent parrni les gens de bien. Washinglon voulut
en profíter pour por ter á l'anarchie un coup décísif et
éclatant, 11 Iallait donncr aux bons citoyens confiance
dans leur force; il íallait déployer, aux yeux des déma-
gOg'ues, toulcs les rcssources que le gouvernement pon-
'<lit tirer du pays lui-mérne, pour la défensc de l'ordro
en péril, L'appareil de la compressíon fut Iormidahle.
Par une non vclle proclamation 3, le Président somrna
les factieux de se soumettre dans un délai de trois
semaines, sans quoi ils seraient dispersés de vive force.
Le délai expiré ~, les milices de la Virginie, du Mary-
land, du New-Jerscy ct de la Pcnsylvanie Iurent COIl-
\ oq1I(;e5. Des le 111 ilicu rl'octobre, quinze rnille homrnes


1 ]:, "eptCll1 bre lilE!.
~ Jllil]et li94.
" 7 ao ú t ] ,91.
!lo l" s(\jl/i'rllliI'I' l~!.LL


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o • '1 ..~ . ~ .




291 INS¡¡J:H ECT!O:'\


s'empressaient de répondro it rilpr;cl, el vennicní se
ranger sous les ordres de \"VaslJinglono


Les classes supéricures donncrcnt l'cxemple : ( On a
« vu, » écrivait le Présidcnt á Jolm Jay, « on a "ti <1:'5
« génénmx se mettre a la tete d'un S()I:l peloton; de
« offíciers supéríeurs qui, arrivés aux lieux de rendez-
« vous, ne trouvaient point de commandcmcnt de ¡"iII'
II ¡l";lde, entrcr dans les rangs et servir cornmc sim ¡¡les


éddals, SOliS lcurs propres capitaincs; les hommes Je;
plus considérahles du pays venir en grand nombre
f'i~ méler a la íroupe, et faite, jour apres JOUl', de Ion-
i~;'es marches, leur sac ct 1()Ul' fcurniment sur le (Jos,


« «ouchant sur la paille avec lino simple couverture,
( SOl;S une tente de soldaí, pendan! les nui!s glac(",,'
( (FW nous avons en á supporter. Et, ce qui (si peut-étre
« plus frappant cneore : bcancoup de jcuucs quakers,
« des Iamillcs les plus distinguées, les plus rcspcctahlcs
(( et les plus riches, sont entres dans les rungs, Sil1,S
« Ctr(" rclenus par leurs anciens, et marchen: avcc les
(( íroupes lo » La préscnce de Washington au uiilieu de
sernhlables sol.laís, no fui pas IOlJ,:.:leJll pe' I¡:':cn~;saii'c
¡)(mi' assurcr leur triornpho ; el il pHi, apl'ós L's uvoir
pa;"fl':S en rev: :c', rdo: ¡ rner il Philadclphio , pOL!' va,plel'
aux nutres añaires de l'Élal, pendunt é¡ile l"a¡'lnl'::" bis-
séc au eommaudcmcnt du général Hon:':, Lec:, t\0ll '. ('1'-
ncur de la "' il'giníe, franclissait h's .\lIciXimnys. ('t "1)
répandail dans los comíós insurgés, De:; t'()¡"nlll'~
mol.iles parcournrcnt [útil le pays : n"l\c [':JI': l'il's,::'-


! 1~"'a'i7i. 'rl'i~., l. x, p. '1:·5"
u C i o lH':": 1i'~)c1.




DA;';" LA PE;';SY LVA]'\lE [17!' J)


rcction I1C tint dcvant elles :(( Il ya bien, ~ú ct la, quel-
a ques handes errantes, maís ricn qui presente un point
« á l'attaquo 1,») écrivait au Prósident le secréíairc du Tré-
sor, Ilarnilíon, qui suivait les mouvemenls de I'arinée.
Pas un cnup de fusil ne fut tiré, et, le 20 novemhro,
les milices étaient en marche pour rentrcr dans leurs
Ioycrs, no laissant, au milicu ele cctto populatíon fue-
lieuse, dont leur présence avait suffí pour abattro 1'01'-
gueil, qu'un Iaible détachemcnt, destiné a seconder
l'aclion de la [ustice. CenL cinquunte rnntins fursnt
arrétés : deux d'cntre les plus obscurs, convaincus par
le jnry de haute trahison, furent condamnós it mort. Le
Présidcnt leur fit gráce. Il pouvaít sans danger user
.l'indulgonce. Les I~tats-Unis venaicnt d'étre le théátre
d'un de ces irrósistiblcs mouvcments d'opinion, au pro-
mdu han sens el de la bonne politique, qui rendent
les peuples dignes de la liberté, et auxquels ecux qui
l'aitncnt no peuvent assister sans une profondo émo-
lion: (( Que vonL dire les hommes qui prétendaient que
« nous étions hors d'état de nous gouverner nous-
« mérncs? J) s'écrinit Washington, (( Ils verront que le
« republicanismo n'est point le íuntóme d'une imagi-
« nation malade. Al! contraire, sous aucune nutre forme
«( de gOllvernement les lois ne sont mieux defcndues,
«( la liberté et la propriété mien x assurees, el lc hon-
« hcur plus efflcacemcnt dispensó a l'humanité ". J)


Mais, dans l'ólan de sa joie , Washinglou u'oubliait
point d'ou était venu le póril, et ou il Iallail fl'apper


I H"J.,il. IV!'i! .• t. x, p. 451.
~ ~".;' jan'l'H'I' lill;-¡, ._- lbisl>, l. XL P. lL




socrnrrx


pour l'ernpécher ele renaitre : (( Ce sont les socíétés déuio-
« craliques qui ont fomenté les trouhles de I'Ouest;
« cela ne pcut Iaire l'objet d'un doute pour qui a cxa-
« miné leur conduite : rnais elles ont heureusement
« p'rt~cipité une erise pour laquellc elles n'étaient poin!
« préles ; et elles ont ainsi dévoilé des vues qui amenc-
(l ront, j'y compte bien, leur anéaníissement plus túl
« qu'on n'aurait pu l'espérer ... Des le príncipe, j'ai
« donné mon avis sur ces sociétés aux hommes de con-
« flanco qui rn'entourent ; j'ai prévu qu'elles ébrnnle-
« raient le gouvernement jusqu'en ses fondernents, si
« leur action rr'était combattue, non par des poursuites
« judiciaires (ce serait le meilleur moyen de les forli-
« fier) ... mais par la réprobution eles amis de l'ordre el
« du bon gouvernement '. »


Washington n'abandonna point aux (( amis de l'ordr«
« et du hon gOllvernement) le périlleuxdevoir de donner
l'exemple de la réprobation. Moins le pouvoir use ele
violence elans la répression du mal, plus il est ícnu dI'
le dénoncer courageusement a la conscience publique.
Ce qu'il pensait des socíétés révolutíonnaires, le Prési-
dent le proclama elans son discours d'ouverture au
Congres 2, dans ce langage ferme et calme qui convient
au chef d'un peuple libre. Le coup fnl décisil, On pent
en [uger par la colere de Jefferson: (( La dénonciation des
« sociétés dérnocratiques est un de ces prodigieux íraiís
« d'aurlace auxquels la faelion des monocrales nous
« a habitués, » écrivait-il it Madison; ( en vérité , iI est
« étrange que le Président se soit permis d'étre l'organu


, Was¡', "\"Vril ... t. X, p. 4~U. 437, 45J.
I 18 n ov e m bre ]7~)J.-YO.YI·L 1\'0,,1,. l1'l'il., t. XII, p. J;).




DE\IOCRATrQUES.


« d'une semblablo attaque centre la liberté de discutcr,
« la liberté d'écrire, dirnprimer, de publier.... La loi
« sur les contríbutions indirectes est une loi infcr-
« nale .... Nos milices revenucs de l'Ouest en mpportcnt
(1 toules l'impressíon que, bien (lile le peuple les 'lit
« laissé passer en paix , elles ont dé un sujet de deri-
« sion, non d'effroi; que mille hommesauraíent pn taillcr
({ toute l'armée en pieces, en mille passages divers des
« Allcghanys; que la haine centre la loi sur les contri-
(l butions indircctes est universclle el se complique au-
« jourd'hui d'une haine aussi vive centre le gouverne-
« men t;que lnséparation, qui n'étaitj usque-la qu'un évé-
« nement éloigné et problómatiquc, est aujourd'hui cer-
(( taine, proehaine, arrétée dans l'esprit de tout hommc.
(( Je m'attendais útrouver, dan s le discours du Président,
(( quelque apologie pour avoir déclaré la guerre civile
(( avant la réunion du seul corps qui ait le droit de
( déelarer la gnerre; pour s'étre laíssé bafouer paliern-
(( ment par nos ennemis, et s'étre levé ala moindro
(1 alerte centre nos arnis.....'lais le temps vicnt ou nous
« Ierons gagner ú nolre harque le dessus du vent. Les
( changements opérés dans votre Chambre sont pour
« le rnieux, et le troupeau d'Augias Iui-méme, qui est
re au-dessus de vos tetes 1, se purifle lentement de ses iru-
« puretés, Tenez bon, mon cher ami, de peur qu'en at-
(( tendant nous ne tassions naufrago. La crainte devotre
rr rclraite, c'est lit le plus grand sujet d'aftliction de'
(( ceux avec lesqucls j'échango mes idees. Mais vous IW
« YOl1S retirercz pas il rnoins qlle ce ne soit pour aller




2U8 L'OPIKION PCI1LIQl"E


« occuper uno posiíion plus éclatante el plus cffícacc.
t( C'eFI 1<'1 que je me réjouirais do vous voir 1. 1)


Jeñerson pouvait sans dangcr oñrir la présidcnce a
son licutenant. Il savaít bien qu'il étnit luí-méme, depuis
plnsieurs annécs, le seul canrlidat auquel songeát sérieu-
50n18nl le partí démoernlique, el il cornplait assez sur
l'esprit de Madison pour nc pas craindrc (Jli(' sa proposi-
tion fút príse trop au sérieux. 11 se contenta done de la
renouvcler uno secando fois, puis cessa d'im'is!cl', el. se
mil eníin il calculer franchement avec son ami ses PI'O-
pres chances de succes, La premiere oxplosion de coJi'l'(~
que provoqna aux ~~lats-Unis la publication du tI'ailé
conclu ayer l'Angleterre par 1\1 . .TaJ', el la violence de
la lutto que Washington cut asoutenir sur cctle qucstion
contra la Chamhrc des rcpréscntants ", purení donnor
1111 instant aux democt-atcs lieu d'espérer qu'avec la prt:-
sidcnce de Washington prcndrail.tin 1(; triompho de la
politiquo fédéralístc. Mais la Clrambrc nc Iut pas en
elat ele soulenir longlcmps la lulle. Ahnndonnée par
l'opinion publique qu'elle avait irritee en cherchant Ú
l'entralnor dans une oppositiou sans mesure, elle fu i
contrainte de s'inclincr devnnt l'autorilé du norn de
Washington, el le peuple américain se prepara aux
élections pour la presidence sous l'impression de l'échec
merité que le partí démocratique venait de suhir :
( Le Con gres vient de se séparcr ;» écrivait Iefter-


son. « Vous aurez pu voir, par ses actes, la vérit« de
« ce que je vous ai toujours dit : un homme l'emporle


I 2N ¡]('crmllT'<" l~:Jt,-Jpff. J{em, and Cor«.• t.Tl l , p. :¡¡:J.
';l 2 H1fl.rs-~D avr.! 1'700.




AH\NT)():\NJ'~ LOPPOSJTJO,\ (l~n(i.) 2DII


« sur (~U\ tous en influcncc dans l'esprit des masses :
II elles ont délendu son j ugement centre le leur propro
« el celui de leurs rcprósentants. .. Dieu veuille que son
(1 honuetelé el ses fardes politiqncs no donncnt point
II !ieu de s'écrier une secoudo fois : Malédiction sur ses
({ \ ertus, elles out perdu son pavs 1! »


Amer aveu d'irnpuissancejcri de colcrc el de dépit dont
l'ócho reten tissait encore, vingt-deux ans aprcs, daus
il (wur de Jeffcrson, lorsq ue, écrivant ses MI~moires, il
dJCrchail a insinuer que Washington n'avail déployé, a
la Iln de sa pré-idence, tant de vigucur dans la conduitc
(p,e paree qu'il n'avait plus assez de Iermclé duns 1'es-
pri] pour nsister aux conseils d'une faetion dont son
urund age I'avait Iaitlcjouct ". Bu vi vant de Washington,
personne, ami ou ennemi, ne se risqua jnmaís i:t le trai-
ier en homme don! l'csprit va s'añaiblissant , Jefferson
moins que fout nutre. 11 éprouvail involontairement, en
I'rf'senee de Washington, un respect un peu craintif el
embarrussé, qui nótait pas entiercment étranger il la
duplicité de son ];¡lJga~;e. Le 'iD juin i'HiG, le c!H.J ele
l'opposition écri vait iW chef du gonvcrnemcnt : ({ .l'np-
« prends qu'on chercl.e á semer la dívisiou entre vous
« et moi, en me rcprésentant eomme encere mólé au
« íumulte poliíique el engagé dans des intrigues turbu-
(' lentes contre le ¡J'cllvernement. Je ri'ai pas en: un


(1 inslant que cela pút Iaire imprcssion sur vous, et l;l<C
« les cnlomnies d'un intrigant pnssent I'cmporler sur
u la connaissance que VOIIS avcz de moi ".1l
~ JofT- Jfem. 2"ilCúrr.. t. IIl, p. ijar, aiJá.
11 ti,«. t. IV, p. ·lij:3
a IUid .. L [JI p. :I:-)\).




« Jusqu'ici,» écrivait-il, un an plus tard, i¡ Madison,
« den n'a encore amené un ditTérend pcrsonnel entre
(1 Washington ct moi. Je n'ai point envíe de me hrouil-
(( ler avee tous ceux parrni lesquels son nom esf encere
« populnire ; e'est-a-dire avee les neuf dixiemes du PClI-
« pIe eles Etats-Unis 1. »


Ses rapports personnels avec Washington n' éínícntpaso
a beaucoup pres, aussi bons a cctíe époque qu'il avaií
inlérét a le faire croire. II avoue l': .i-merue, daus sc~;
Mémoires, qu'apres la lutte relativo ~<U traite de paix, le
Présidenl avait pris de l'éloignemen t pour Iui"; et, dans
une leLtre 011 il íait allusion a S;~;i ancien secrétaire
d'J;:tat, Washington declare avec tristcsse I( qu'il nc
« íallait rien moins que les Iaits don' il a vait la preuvc,
« pour le Iaire doutor d'nnc amítié dorit il s'étaií crn
(1 súr 3. »


En séparant trap ouvertement ~·:t cause de celle de
Washington, le partí démocrutique avait rejeté l'opi-
uion du cót(~ de ses adversaires; en :~:. divisant, les f(~dl;­
ralislcs faillirent perdre cet avantage. Washington leur
avait jusque-lá ser vi de Iien, Les l'h"ljif{'S personnellcs
el locales s'etaient tues, dans le sein du partí, en pré-
scnce de cct hommo émincnt qui donnait d'égales
garanties aux intéréts opposés des diverses Iraclious des
États-Unis, et dont nul ne songail ;1 coníesler l'au-
torito. Elles reparurent qnand il annonca, dans sun
adressc d'adieu au peuple amérlcain. son intcntion
d'abandonner définitivement le pouvoir. Des lors p11iS


t ;) aoút 1797.-Jetf. Mem. anrl Corr.; r , ':: p. ;170.
t Jclf'. Me,¡¡. ani! Corl'., l. IV, ['. ,jl;;¡'
s K mar" 17!iH.--H'a.<h. H:/"it., l. '\'l,p. ntJ.




Ll Ul\ !::ilU.\ ¡He;" LE !'.\[U[ FEDE1ULlSTE (lIU7:'. ;Jlll


de chef avnuó ct rcconuu de tous ; plus de supériorilé
incontcslce ; trois grandes influcnccs en préscncc dans
le partí fédéralis!e : cello de Jolm Arlams dans la Xou-
vclle-Angletorre, de Hnrnilton dans le .New-York el les
{~lals du centre, des Ircrcs Pinckncv dans le midi. Soií
prurlcnce, soit lnssiíndc, Hamilton, le plus clistiJJgué
rl'cntre eux, n'aspirait point lui-rnómc ala présidencc :
mais, tout en voul.mt reslcr étranger au gonvernemcn l,
il désirnit conservcr sur les affaires publiques I'aclion
á laquclle son grand esprit et sa haute position lui don-
naicnt le droit de prétendrc, lorsque ses amis poliliques
daient au pouvoir, el il était disposé il Iavoriscr celui del';
candidats dont le caracíerc el les príncipes promeltrnient
le plus d'empire á ses conseils, C'élait peut-etre le secret
de ses préíérences pour Thomas Pincknev, ancien mi-
nisíre des Etats-Unis a Londres, et de la syrnpathie des
rédéralislcs les moins hardis pour John Adams, dont
I'humeur jalousc et susceptible leur paraissait une ga-
rantie suflisante conírc le triomphe cornpromettant ele
ri níluence de Iiamilton. POIll' no pas manifcster trop
puhliqucrnent les divisions du parti, on chcrcha ccpen-
dant a s'entcndre , el il fut enfln convenu de poder
John Adarns ala prósidcnce et Thornus Pinckney á la
vice-présidcncc. )lais, en vertu d'une disposiíion de la
Constitution qui a élé amcndée depuis, il n'y avait alors
qu'un seul scrutín pour eette double élcction : ¡;haqlle
électeur se hornait il iuscrire deux noms sur son bulle-
fin, saus les ratlacher spécialemenl a I'une des denx
fouctions. ~Jait Présidcut celui qui avait réu ni le plus
de suñragcs, Ainsi I'on pouvait toujours craindre de
voir une majorité nccidculclle placer au prcnrier rallg




301 LUTTE


I'hormne qui , dans l'intsntion de lous 8<',; c
'
cd · urs,


devait resler au second. Pour ernpecuer cette llIajoritL:
de seíorrner au profit du candidat ú la vice-présidence,
on n'avait qu'une ressource nssuréc, celle de dótoumer
systématiquement de son nom quciques-unes des voix
données al¡ citoyen dont on voulait Iuire le chef de
l'État. C'est ce qui avait été praíiqué sans incouvéniení
dnns les deux prernieres élections 1, ei l'on prétcnd rnéuic
que I'amour-propre de John Adarns avait ét!'l blessé par
cctte comhinaison, qui lui ótait Ioute chanco de devenir
le superieur de Washington. Mais, en 17\17, la sitnatíon
étai! bien ch.mgee ; le rnéme nom n'ótait plus dans
toules les bouches : il se préparait une lutle électoralc ;
et, de parí. et d'autrc, on nc pouvait perdre elesvoíx sans
írnvailler pour ses adversaires. Exclure Jeíferson de la
vice-présidcncc comme de la présidence, ce de\ail éll'tl
la grande affaire pour les íédéralistcs, Que Johu Adarns
OI¡ Thomas Pinckney l"ül placó au premio' ranc, e'dnit,
aux yeux des gens senses, une qucstion sccoudaire ; le
poiul capital était le tríornphe simullané des dcux can-
didats, On s'entcnrli] done pour les souteuir t'galemcn:,
laissant aux accideuís du scrutin le soin de íairc pen-
cher entre eux la balance. Mais les accidente du scrutin
semblaicnt devoir éll'e moins favorables au premie!'
qu'au second, á qui sa popularilé dans le Midi <15811-
rait un cerlain nombre de voix radicales. Les amis (11;
John Adams, dans la Nouvelle-Angleterre, ne pureut
supporter cette pensée et ils lui donueront quelqucs
voix de plus qu'a Thornas Pinckney. C'est ce q ui aiuenu


1 En 1789 e t 179;i.




EU;CTOl{ALE (l7fJ'7;.


le Iriornphc parfiel du partí démocratique. Jonn
Adams Iut élu Président, el Jcíícrson Vice-Président.
Celui-ci se resigna de tres-houne gruce a n'éíre que le
second personnage de l'~;tat. JI se réjouissait au Iond du
cosur de voir son succes ajourné. Une guerre avec
la Franco semhlait imminente , et il ne se souciait
nullemcnt den avoir la rcsponsabilité : « Nos aílaires
« n'ont jamáis presenté un plus sombre aspect, depuis
«17R:J... Jo n'ai point assez de passion pour trouvcr
« du plaísir El navigucr au milieu de la tempéte ... Je
« planterai mes orungers, pendant que notre ami de
« l'Esí.' Iullera eonlre l'orage qui s'amoncele au-dessus
« de nos tetes, et sera peut-ctrc englouti, Ce n'est cerles
« pas le momcnt de convoiler le gou vernail ". »


« Nos Jacobins dísent qu'ils sont enchantés, et que le
« lion etl'agneausolltfaits pour habitcr cnsemble,» écri-
vait Hamilton á King; ( les amis personnels de JI. Adams
« tiennent apeu pres le mérne langage : « 1.\'1. Jeffersou
« n'cst pas, il s'cn faut,» disent-ils, «un aussi méchant
« hommc que lJOUS le croyons, Nous avons bcsoin d'uue
« administration unie et vigoureuss. ) Les sccptiques
( comme moi regardent en avant, désireux d'espérer,
« mais peu disposés it croire. Si M. Adams a de la »anité,
{( il est évirlent qu'on a formé un complot pour s'en
« emparer 3. »


Capte!' la conílance de .Iohn Adams et en faire un
inslrument de dissolulion al! sein du parti fédéraliste,
c'était bien la, en eífet, la pensée tic Jeílcrson. Avanl


,10;):1 ~\¡J'l¡¡b.
" Jc¡(. ::lciJI. and Covr., t. lIT, :'. 3d:.!, 344.
~ liaml/lun',> lVurks, t. VI, ~. ~Úlj"




304 .TUH:\ A DA\IS


memo que le resultaí de I'elcclion lui hU connu d'une
íacon positivo, il écrivaitá .\ladison, dans l'inteníion qlw
Ses parolcs íussent rópétées : « Si l'on peut amener
« :U. Adams agouvcrner couformément aux hons pri u-
(( cipes, et á abandonner son goút pour la constitutiou
( anglaise, il y aurait lieu dexaminer s'il ne serait pus
« utile au bien puhlic de s'eutendrc avee lui au sujd
« des élections futures, Il est la seule barriere solide
« contra le triomphe de Hamilton 1.)) Et, en mérne temps,
11 écrivait aJolm Adams lui-mérne, d'un ton á la fois iro-
niq ue el flatteur: (de n'aijamais douíé de votre élection;
« et, bien que j'aie peu de ehanee d'étrc cru, il n'en cst
« [las moins vrai que je n'ai [amaís dósiró un autre re-
« sultat., .. 11 est cependant possible que vous soyez dé-
« pouillé de votre successiou par un tour digne de
« la subtilité de votre granel ami de New-York', qui
« a réussi afaire de vos vrais amis des instruments pour
« tromper vos souhaits el les lcurs propres, Il ost eepen-
« dant probable qu'il sera dósappoiníé quant a vous,
({ el mes goúls me mettent hors de sa portée . .Te Iaisse
« á d'autres le sublime plaisir de navigucr au milieu de
« la ternpéte ; j'aime mieux un Don sornrneil et un bon
« lit bien chaud, et je pretere la société de mes voisíus,
« de mes amis et de mes eompagnons de labour aceHe
« des espions el des sycophantes.... Que votre admi-
i( nistration soit pour vous pleine de gloire etde hOI1-
« heur, pour nous Iécondc en avantages, c'est lapl'iel'/~
« sincere d'un hornme qui, malgré les petits diñéreuds


, Jeff. Mem. and Corr., 1. IIl, p. 347.
'i Uarnilton.




PRESIDENT (l'iU7-1801). 3U"


« qui ont surgí naturellement ou qu'on s'est arrangé
(( á fairc surgir entre nous, dans le cours de noíre car-
(( riere, a gardé pour votre personne ia solide estime


(( qu'il avait au ternps 011 nous travaíllions ensemble
'i pour nolre indépendance 1,))


En dépit de ces fcrventes prieres adressées au ciel, le
Vice-Président resla faclicux dans son opposition, el le
Prósident nc se montra ni ferme ni habile dans son
gouvernement. La présidence de John Adams fut le
coup de mort du partí qui l'avait parlé aux aífaires ; el,
en 1803, Jcfferson , maitre enfin du pouvoir, se trou-
vait en préscnce d'ennemis tellement disperses, quil
pouvait tenter de les raUier il son drapcau, en fondant
habilementses couleurs avec les leurs propres: «Tonto
« différence d'opinion n'est pas une dlfférence de prin-
« cipes, » disait-il dans son adresse d'inauguration it
la présidence; « nous avons appelé de noms divers des
(( freres enfants du rnérne príncipe. Nous sornmes tous
(( républicains 2; nous somrnes tous fédéralistes.' »


1 Jeff. Mem. and Corr., t. In, p. 345.-John Adams ne regut
pus eette .e ttre , Mad ison , auque lJefferao n I'avait envoyée avec
priere de la remcttre ou de la garder suivant les circonstances,
erut devoir la supprimer.
"Par opposition a I'épithete de « monoerates, » infligée aux fé-


ti ,',alistes, le parti démoeratique s'était décoré du nom de «parti
1'1', pu blicain » pendant la présidcnce de Wash ingto n,


3 American Stale Pupers, Irorument», ¡('gislalive and. cxecuiioe,
"1' lh.e Congress ofthe Uvuted Siatcs, [ro»: the 1'r8t session of thu 1'r"t
lo thc second scssion of the twcnty-second Congress. inclusive: Se-
lected and edited, Knder the authoritl¡ of CongTess.-Washingtoll.
1833, t· 1, F' 56.


2f1




;




CHAPITHE XV.
17RCi-1797.


Wasinngtun J>résir1pnt.-GouvernelllC'nt des relations extérieurea.-e-Pr-incipes
"!t symputhics d.iplnu.utiqut-s de Washíngton.e-Etat des uffuires au uuunent
de son. nvenemcnt : au sud de' l'Hnion , la libre navigation dn Mississipi re-
fuséc par l'Espugnc ; au nord.Tes postes américnins des grnnds lucs O('CUrH~S
par l'armée anglaise.-Qucrclle entre l'Anglcterre et l'Espi'\gne.-Commcnt
Washington cherchc aen pronter pour triornpher du mauvaís vouloir de ces
deux puissancos. -- Eílorts pcu r etublir entre Ics puissanccs mantun cs un
concort contre la Grande-Bretugne - Efforts pour obtenir de la Frunce
1(' libre commerce avec ses cclouies.s--Rapports du gouvernemcnt aménicain
uvcc les Indicns.s--Scntimcn-s de Washington á l'oznrd de la Révolu riou
frant;aise.-Il croit que de granda changcmcnts en Eurupo seront a l'avan-
t:l!)C de sen pays. -!vlém.lº"l'mcnts deWashington pour le gouvernement róvo-
lutionnuirc de la France.-Guerr(: cénéral« en Europe , - Proclamation dr-
nc-urauto.c-Mission <:..lu citoycn » Gcnct aux États-Unis.-Mission de JOÍlII
Jay u Londres.i--Truité <lYC'C I'An cleterrcr-c- 'I'raité avcc l'Espacnc - Que-
relle entre les États- Unis et la France.- Adresse d'adieu de Washington.


De toutes les Ionctions dn pouvoir, celle dont les
partís révoluíionnaires ont le moins l'intelligence, c'cst
le gouverncmcnt dcs relutíons cxtéricurcs. Habitués a
llC tenir compte qne des fantaisics chimériques de leur
esprit ou des élans déréglós de lcurs desirs, ils mécon-
naissent et le droit des gens el les Iaits géographiques,
el les obligations morales el les obslacles rnalériels, Eux-
mémes saus mesure dans leurs scntiments el SLlIlS scru-
puje dans leur couduite , ils ne peu vcní coniprcudrc ui




3iJH SDIPATIITE DE WASIlIXGTON


les sympathies nationales, Iorsqu'clles ne vont point jus-
q ti 'iJ. l'ouhli des intóróts nationaux, ni l'habilctó diploma-
tique, lorsqu'elle ne prend point les allures de la perfldie,
ni la dignité, lorsqu'ellc ne rcvét point les dehors de la
violenee. C'cst pour sa politique cxtéríeure que Wash-
ington a été le plus directcmcnt attaqué par le partí
républicain et le plus universellement loué par l'his-
toire. Il est juste que la responsabilité comme la gloire
lni en soient revenues. C'est lá, en effct, ce qui lui appar-
tient exclusivement en propre dans la grande reuvre de
sa présidence, C'était sur les affaires ótrangcrcs que son
uutoritó était le plus indépcndunte UU Congros; c'était
sur la politique étrangere qu'il avait l'avis le plus arreté
et le plus personnel,


On a beaucoup accusé Washington d'ingratitude en-
vers la France. Tant que les rapports du gOllvel'l1ement
francais avee les Etats-Unis rcstercn t diriges dans un
esprit honnéte et bienveillant, et jusqu'au moment oit
les exces des Jacobins vinren Lrcndrc Washington iJ. ses
vicuxsentiments de défianee contre l'ennemie tradilion-
nelle de sa raee, il conserva pour la nation francaise un
bon vouloir plein a la Iois de reconnaissance pour ses
services, d'intelligenee des iníéréts de son pays, el d'irri-
tation centre la conduite arrogante de l'Angleterre. Lors
que, n' étant point eneore le chef de l'Élal, il pouvai t,
sans danger pour les aííuires publiques, s'ahundonner
aux élans de son elBLU' et aux libres spéculalions de son
esprit, il écrivail de Mount-vernon h ses ainis de Frunce :
« La fidélilé, l'honneur et la bravourc de ros troupes,
el dont j'ui été térnoin , le patriotisme éclaíré el les sen-




roun LA FRANCE.


«( timents ele sympathíe elélieate qui anirnaient un si
« granel nombre ele vos compatriotes, avee lesquels je
« puis me van ter d'étre intimement lié, et, par-dessus
« tout, le vif intérét que votre illustre monarque et ses ..
( fldeles sujets ont pris au succes des armes américaines
« ct á l'affermissement de notre indépendancc, m'on t
el rendu chere votre nation, et ont formé des liens d'aíla-
el chement el Iaíssé des íinprcssíons que ni le tcrnps ni
el les événorncnts ne pourront dótruire .... Je me plais
« á croire que ron peut établir, entre la Franee et les
(1 Etats-Unis, un échange de bons offiees et d'avantages
« qui ne peut manquer de produire les plus hcureux
el eñeís, Les nalions ne sont pas, eomme le peuvent
( étre les individus, gouvernées par des amitiés désín-
« téressées; mais, lorsqu'elles ont intérét a vívre en
( bonne intelligenee, on a peu de motifs de cramdro
(e une rupture. Ce principe d'union ne peut exister entrs
(( deux nations d'une Iacon plus frappante qu'entre la
( Frunce et les Etats-Unis .... En plusieurs points, leurs
(( intéréts comrnerciaux se confondent et sont en oppo-
« sition avee ccux de la Grande-Bretagne.... Entre elle
( et nous , les causes d'irritation sont nombreuses, et il
« n'est pas impossible que la mauvaise politique de eelte
« eour ne pousse notre comrncrce vers de nouveaux
(( canaux .... Pendant qu'elle éloigne incessamment nos
« vaisseaux de ses ports par des droits et des prohibitions
« absurdes, la Franee, par les invitations qu'elle n011S
(( adressc, semble nous tendrc une main amie, pour
« nous engager avenir traflquer ehez elle .... Lespreven-
« tions de ce pays eontre les rclations commerciales uvec
« l'Arurlcterre augmcnlent de [our en jour. Le goút




310 PRIKCIPES DIPLmrA TIQI:ES


« pour les produiís Irancnis se dóveloppe,ct il íaut attri-
« bucr en grande partie ce changemenl aI'affection ct
(1 it la reconnaissance qu'on éprouve encore pOlII' volre
(1 généreuse intervontion cn notro íavcur l. ))


Ce n'était certainernent point lit le langage de l'in-
diff'erence ; ce n'était pas davantago une prornesse
d'intervention en favour de la Franee dans les añaires
de l'Europe. Le bon vouloir de Washington était sin-
cere, el il était possihlo de le rendrc effícace, mais ú
condilion de no point chercher a en abuser , et de
laisser les ~:tals-Unis a leur politiquo naturelle. En
mérne temps qu'il adressait ades diplomates francais
ces prateslations d'amitié et ces offres de bons offíces,
Washington écrivait, apropos eles troubles de Hollando
el de la gllerre entre la Franee et l'Augleterre qui mena-
cait d'en sortir 2 : « Quels que soient leurs vucs et leurs
{( intéréts politiques, j'espere que nous aurons assez de
« sagcsse pou r ne point prendre part aleurs querellcs....
{( J'espere qne les États-Unis sauront rester dégagés du
{{ lahvrinthe de la politique et des guerres europécnnes,
« et qu'avant louglemps, I'adoption d'un hon gouverne-
« menL national les aura rendus assez rcspectables aux
« yeux du monde p0111' qu'aucune des puissances mari-
« times, el surtout aucune de eelles qui ont des posses-
« sions dans le nouveau monde, nc se risque á les
« traiter avec insulte ou mépris. Cc devrait élre la
{( politique des États-Unis de pourvoir ü leurs hesoins
« sans prendre parí a leurs querelles. Toutes les fois


t Wa sh i njrt on Ú ::ID!. de I.afayc rtc, de la Luz crn e ct de Mous-
ticr (I7~G-nt)t)i.-TVa8h.T1',-il., t. IX, p. 18],314, an, 338, 417.


t lí88.




DE WASHINGTON. 311


(l qu'un débat important s'élevera entre elles, si nous
« savons sagement tirer parti des avantages que la
« nature nous a donnés , nous pourrons profiter de
« leur folie 1, »


!\fais cela surtout, Washington rccommandait a la
diplomatie américaine de le faire avec infiniment de
prudence et de ménagement pour les amours-propres,
Ce qu'iJ révait pour son pays, c'était un agrandissement
régulier, continu el sans secousses. Il ne voulait point,
pour les États-Ilnis, de ces succes diplomatiques qui
laissent de profondes rancunes et appellent une revan-
die: « Si, dans l'état actuel des aílaires, nous avions a
« entrer dans de nouveaux rapports avec quelqu'une
« des puissances européennes, il nous fuudrait ala fois
« tenir grand compte de notre importance croissante
« comme nation, et user de délicatesse envers cenes
« qui pourraient se trouver momentanément dans
« l'embarras ; il nous faudrait montrer que nous ne
« désirons tirer aucun injuste avantage de cette eircon-
« stance. Cal', amoins qu'ils ne soient mutuellement
« profítahles aux parties contractantes, les traités ne
« peuvent durer au delá du jour oú celle qui se sent
(( jouée est en position de rompre tout Iien, Et je crois
( que, pour les nations eomme pour les individus,
« celui qui profite de la détresse d'autrui perd inílni-
« ment plus, dans l'opinion des hommes et dans I'ave-
« nir, qu'il ne gagno par le coup du moment 2. »


Il est des conceptions politiques que ni les lecons de
l'cxpérience ni les inspirations du génie ne suífisent a


i Wash. Writ" t. IX, p. 294, 295, 399.
M Wash. W"it, t. X, p. 175.




3lZ ETAT DES RELATlONS EXTÉRIElJRES


Iairo naitre, lorsque la grandeur de l'árne n'est poiut au
niveau de la grandeur de l'esprit. S'il avait eu le creur
moins droit et moins haut, Washington aurait été rnoins
habile,


Lors de son avénement a la présidencc, les États-
Unis commencaient a se relever, devant le public
européen, de la déconsidération oil les avaicnt Iait
tomber la longue impuissance de l'autorité féclérale et
l'anarchie qui en avaií étó la suitc. Mais les gouverne-
ments, toujours moins prompts dans Ieurs mouvernents
que l'opinion, restaient sous l'impressíon des symplómes
de cad licité précoce qui s'étaient maniíestés au sein de
cette socíéténouvelle, el le jugement encore suspendu,
ils ne mettaient que peu cl'empressement a l'accueillir
dans la famille des États. Sauf a París, oú Jeíferson avait
obtenu une convention consulaire suivie de quelques
modifications de tarifs assez avantageuses, et aBerlin,
oú un traité d'amiíié a vait étésigné avec le roi de Prussc,
les efforts de la diplomatie américaine étaient restes
stériles, deJ783 a 1789. C'était en Angleterre el en Es-
pagne qu'elle avait eu les affaires les plus importantes
atraiter, les intéréts les plus grands adéfendre; c'ótait
la aussi que ses représentations avaient été prises le
moins au sérieux ; et les deux puíssances voísines des
États-Unis, celles qui semblaient le plus accessibles a
leurs coups, avaient cru pouvoir sans dangcr maintenir
les obstacles qu'elles opposaient au développcment de
la prospérité de ce naíssant empire.


L'Espagne, maitresse des bouches du Mississipi, en
repoussait le pavillon américain, et fermait la grande
artere qui pouvait seule animer les plaines encore d('~·




EN 1;89. 313


sedes qui s'ótcndaient au delá des monts Atléghanys, et
y faire circular la vio et la richesse. Un irnmense espace
était ainsi comme perdu pour les Étals-Unis, qui ne
pouvaient s'étendre sur leur propre territoiro sans for-
mer dans l'ouest un peuple de mécontents, impatient
de briser les obstacles qui arrétaient son essor, et tou-
jours prét it se donner al'Espagne ou aluí faire incon-
sidérérnent la gllerre, mérne en dépit du reste de l'Union,
pour oblenir la libre navigation du Mississipi. Le beau
plan de navigalion intérieure que Washington avait
concu n'élait point encore exécuté. Entre les Étals
maritimes et les hardis pionníers de I'ouest, il n'y avait
encore ni des rapports assez fréquents et assez íaciles,
ni des liens d'intérét assez forts pour rendre une sépa-
ration impossible. Le gouvernement devait ou triom-
pher du mauvais vouloir de l'Espagne, ou s'attendre a
un dérnemhrernent.


L'Angleterre, encore pleine d'une rancune dédai-
gneuse contre ses anclens sujets, continuait, en dépit du
traité de 1783, aretenir les postes militaires des grands
lacs, comme gages des créances dont certains tribunaux
américains avaient, autrcfois, refusé de reconnaltre la
validité, mais dont la nouvelle organisation judiciaire
assurait désorrnais le recouvrement; et elle restait ainsi
maitresse de faire au nord ce que l'Espagne faisait au
midi, d'isoler le territoire occidental en coupant les
communications par les grands lacs , d'exciter et de
proteger, au sein méme des États-Unis, les soulevernents
des Indicns, et d'entretenir le rnalaise des populations
par des hostilités sourdes , qui menacaient, achaque
instant , de dégénérer en guerre ouvertc. Les navires




314 MISSION DE GOUVERKEUl, MORRIS


américains étaient, depuis la séparation des colonies,
exclus des Antílles anglaiscs , par assimilatíon aux
vaisseaux ótrangers ; les matelots américains restaicnt
sournis ala presse, par assirnilation aux sujets anglais;
les esclaves américains que l'armée britannique avait
cntrainés ti sa suitc, apres la conclusion de la paix et
contrairernent au traité, n'étaient point rcndus ti leurs
maitres, et aucune indemnité ne leur avait él é payée pour
cette perte; le gouvernemcnt américain n'avait point
encare été trouvé digne de recevoir IIn représenlanl de
la Crandc-Brctagnc, et , par un juste soin de sa dignilé,
le Congres avait rappelé son ministre de Londres. Nuls


• rapports diplomatiques entre les deux pays ; de part et
d'antre, de sérieux griefs qui s'aggravaicnt en ne trou-
vant point d'organes, tel fut l'état dans lequel Washing-
ton prit les relations de son pays avec l'AngleLerre.


Avant méme d'avoir constitué son cahinct, le Président
écrivit, de sa main, ti Gouverneur ~lorl'is 1 une 1cttre
destinée alui servir de créance aupres des ministres
de George IlI, et par laquelle il lui donnait mission de
sonder leurs intcntions rclativcrnent á l'cxécutíon du
traité de Versailles, ala conclusión d'un traité de com-
mcrcc , et aun échange de ministres. Les secretes ou-
verlures de Gouverneur Morris furent recues avec joie,
bien qu'accueillics sans empressement. Un dissentirnent
grave vcnait d'éclater entre la conr de Londrcs et celle
de 'fadrid, apropos de l'occupation par la marine espa-
gnolc du port de Nootka , dont la Grande-Bretagne
revencliquait la souvcraineté. De part et d'autre, on
Iaisait de séríeux préparatifs pour une guerre, dans la-


1 13 oetobre 1789.~Wa",h.Writ., t. X, p. 43.




A LOl'lDRES (1790). 315


quelle toutes les puissances occidentales de I'Europe
pouvaient étre entrainées 1, el dont le théátre devait
probnhloment s'élendre jusqu'en Amérique; on fai-
sait appel a ses anciens alliés ; on cherchait a s'en mé-
nager de nouveaux. Les dispositions des États-Unis ne
portvaient plus étre indifférenles ala Grande-Bretagne.
Mais la guerre n'était point encere asscz certaine pour
que 1\1. Pilt se résignát a faire des sacrífíces sérieux au
désir de se ménager leur bon vouloir, ou pour qu'il
pul en faire sans blesser l'orgueil national. Aprcs bien
des ajournements et des lenteurs, il se montra disposé
a entrer en pourparlers sur un échange de ministres el,
sur un traite : mais il fít refuser ncttement l'évacuation
des postes militaires. Cagncr du lemps, laisser une porte
ouverte ala négociation , sans trap commettre la fíerté
anglaise et sans perdrc prise sur les Etats-Unis, et tenir
fermement en reserve les concessions importantes pour
le moment oú il deviendrait nécessaíre d'acheter leur
alliance active contre I'Espagne c'était litce qne voulait
le cabinet anglais : « Si la gucrro éclatc, » écrivaít Gou-
verneur Morris a Washington, «le partí anti-américain
({ lui-méme en passera par ou n011S voudrons ; car, ce
« quí lui repugne, c'est bien plutót le goüt de la méde-
« cine que la force de la dose 2. ») C'était aussi l'explo-
sion de la guerre que Washington attendait pour faire


I En vertu du pacte de famille, don! l'assernblée cousti tu an ;e
venait de confirmer les obl igations, la Frunce dcvait faire ea use
commune av ec l'Espagnc. En vcrtu du truité de la Il ayc U788;,
la Grande-Bretagne avait le droi t de réclamer les secnu rs de la
Hollandc.


'218 se pt, 1790.-The J~ire ofGou17crncur Jlfon'is 'lDith 8 eieciio ns frorn
his Correspondence, by Jared Sparks. Boston 18:0 T. rr, p. 46.




3lG QUERELLE ENTRE L'AKGLETERRE


connaitre ses véritables intentions : « Outre ce qu'ils
« "Vous disent, ils nous parlent par Québec, )) écrivait
le secrétaíre d'État, Jefferson, it Couvemeur Monis,
({ mais d'une facon si peu formelle qu'ils reslent libres
(J de se désuvouer quand ils voudront. Cela lesobligerait
(1 seulernent afaire la fortune du pauvro major ' qu'ils
« sacrifieraient. Par son interrnédiairc, OIr parle d'un
« ministre et d'un traité de commerce el d'alliance. Si
« l'on entend par lit une alliance honorable, un traité
li est inutile ; si c'est une alliance honteuse, il est inad-
( missihlo. Toutes ces perites menées prouvent qu'ils
(( regardent une guerre comme possible, Quelques
« symptómes semblent indiquer des desseins hostiles
« conlre les possessions espagnoles qui nous bornent
(( au sud.... Nous désírons que vous leur donniez á
(1 entendre que nous ne pourrions étre indifférents á de
(( semblables entreprises, que nous verrions avec un
(( extreme déplaisirun changement de voisins, et que
(( nous attachons autant d'importance au maintien d'un
( juste équilíbre sur nos frontieres qu'ils en ont eux-
( mémes toujours mis au maintien de l'équilibre euro-
( péen. Nous désirons rester, el nous resterons neutres,
« s'ils s'engagent ti exécuter loyalement le traité et a
« n'entreprendre aucune conquete dans notre coisi-
« nage.... En relour de leurs assurances ace sujet, une
« neutraliíé honorable de notre part, ils ne doivent
( compter sur rien de plus. 11 faut que ces idées leur
« soient communiquées en termes délicats et amicaux ;
« mais il faut qu' elles leur soient cornmuniquées, si la


1 Le major Beckwith, agent secret du gouvcfllcur du Cauud a a
New-York,




El' L'ESl'AGl':.E (1790). 317


« guerra a líeu; cal', c'est dans ce eas seulement, et pus
« avant (IlIe les hostilitósne soient engagées, que nOl1S
« désirons Iaire connaitre nos intentious t. »


En adoptant pour hase de sa politique extérieure, et
cornme néeessaire á la prospérité intérieure du pays, le
príncipe de la neutralitó de l'Amérique, Washington
n'avait point renoneé a dernander aux belligérants le
prix d'une attitude qu'ils pouvaient toujours craindre de
luí voir abandonner au profit de l'ennemi 2. En Espagne,
comme en Angleterre, il faisait mettre asa neutralité
des eonditions :« La perspeeti ve d'une guerre entre l'An-
« gleterre et l'Espagne attire naturellement toute notre
« attention, » écrivait Jeíferson aWilliarn Carmichael,
chargé d'affaires des Élals-Unis aMadrid; « notre con-
« duiíe n'est point encare arrétée et sera difficile.
« Notre dispute avec l'Espagne pourra lui faire prendro
« une tournure coníraire á nos souhaits.... Pénétrez
el bien le ministre de la nécessité du reglement irnmé-
« diat de I'affaire du Mississipi. Il sera nécessaire de lui
ce Iaire entendre, avec ménagement san s doute, mais
« d'une facon non equivoque, qu'une reprise des n6go-
«ciations n'est point desirée de naire part, s'il ne peut
e se décider á nous ceder au préalable la jouissance
« completeel immédiatc de ce fleu ve.... Mais, dira-t-on,
( pourquoi négocier, si la libre navigation doit étre
« cédée á tout événement? Vous savez qu'il n'y a point
« de navigation possible sans un port , dans lequelles
« bátimenís de mer et de riviere puissent se rencontrer
« et échangcr leurs cliargernents, el ou les hommes


1 12 a0111 rruo. - Jeff. Mem. and Corr., t. l Ll , p.72.
, 'Vasl" w-«., L. X, p. lOS.




318 WASHINGTON ~IET DES CO;-'¡DITIOKS


« emplovés á ces travaux soient plaeés a l'abri de toute
« molestation.... Choisir un port eonvenable et réglcr
« le degré de liberté dont il [ouira, c'est la ce qui exige
« une négoeiation el ce qui doit dépcndre des événe-
« ments, Il cst a craindre que le délai inévitable, causé
« par l'envoi d'un négociateur iei, ne le fasse arriver
(( trop tard pour la conservation de la paix, Nous no
« pouvons répondre de la palience de nos citoyens de
« l'ouest. ... Vous eles príé de remarquer que nous n'in-
« sistons avec tant de Iermeté et de chaleur sur eette
« affaire que dans la supposition que la guerre entre
« I'Espagne et la Grande-Bretagne aura déja éclaté,
« quund vous recevrez ces instructions ; c'est une
« oeeasion qu'il ne fant point laisser échapper, Si un
« aeeommoclement avait líen, nous poursuivrions
« sans doute invariahlcment le rnéme hut, el nous con-
« serverions les mérnes intentíons; mais votre sagaciié
« vous fera eomprendre qu'il Iaudrait les poursuivre
« avee plus de douceur , et que vous auriez a user
« surlout de patience et de persuasión, jUS(JlI'ú ce que
« vous eussiez triomphé ou que quelque circonstanee
o: nouvelle se füt présentée qui nous permit d'avoir
« recours a d'autres moyens pour arríver a un but
« qu'en déflniti ve, nous sommes dóíerminés a atteindre
« atons risques '. )


Le Président ne se bornait point aIaire agir directe-
ment son chargé d'añaíres en Espagne. Jl avail appris á
connaitre les secrets ressorts de la poli tique européenne;
il savait que e'était aParis qu'il fallait purler pour se


1 '2 aou! 1790. -.Jefferson 11 Wi lli arn Carmichael.-.Tl'ff. Jle",
and Corr., t. IIl, p.64.




A SA NEUTRALITli (1,00). a10


faire cntendre a Madrid, que, pour effrayer sérieuse-
ment le gouvernement espagnol et lui arracher des con-
cessionsimportantes, il fallait alarmer le gouvernement
francais, et l'amener aaeeepter et aservir sa politiqueo
C'était dans les instructions envoyécs aWilliam Short,
chargé d'aifaires des États-Unis aParís, que se dévoi-
Iaient cornplétcmcnt les viles du gouvernement améri-
eain sur une partie de la Louisiane: « La France sera
« entrainée dans eette guerre, en qualité d'alliée de
« l'Espagne, non en qualité de partie intéressée dans le
« débat. Elle est done en droit d'exiger que celle-cí
« fasse tous ses eiforts pour diminuer le nombre de ses
« ennemis. Nous vicndrons le grossir, il n'y a point a
« en donter, si elle ne consent pas areconnaitre nolre
« droit al'usage commun du Mississipi et aux moyens
« de nous I'assurer. Notez bien que nous insistons en
« général sur la nécessité, non-seulement d'avoir un
« port aI'embouchure de ce fleuve, mais de le séparer
« assez du íerritoire et de la [uridicíion espagnoles pour
« ne pas amener des discussions et des querelles jour-
(e nalíercs entre nous.... La nature a décidé ce que
« serait en déflniíive la géographie de ce pays, quellc
( qu'elle ait pu étre au début, en séparant par des ca-
« naux, des territoires adjacents de la Floride et de la
« Louisiane, la longue langue de terre qui s'appelle I'ile
« de la Nouvellc-Orlcans.... En cas de guerre, il est
« laissé avolre discrétion el á celle du marquis de la
« Fayette de décider dans quelle mesure vous dcvrez
«développer ces idées au conde de Monlmorin, et les
u. faire développer ala cour dEspagne 1. »


i 1» IlOÚ.tI7DO.-Jeff' Mem. and Cors ., 1. IIl, P 6:1.




B20 PROJET DE COKCERT


La guerre n'eut point lieu. Le traite de l'Escurial ', en
rétablissant l'harmonie entre l'Angleterre et l'Espagne,
vint enlever a la diplomatie américaine son principal
moyen d'action sur la conduite de ces puissances, et
arréler les progres de cette double négociation, qui no
devait réussir plus tard qu'au milieu des orages de la
révolutíon francaise, et gráce au trouble qu'elle jeta
dans toute l'Europe. Washington conserva néanmoins
une grande fermetó d'attitude. Il mit fin ala mission
concilian le de Gouverneur Morris, a Londres 2, continua
amenacer la cour de Madrid de l'humeur irritable el
conquérante des citoyens de l'oucst 3, et, pour apprendre
ala Grande-Bretagne que les Etats-Unis étaient en me-
sure de lui rendre les embarras qu'elle leur suscilait, il
fit communiquer simu1tanément aux gouvernements
de Franca, d'Espagne et de Portugal un projet d'aete de
navigation dont le secrétaire d'Etat indiquait.en ces
termes, le caractere et la ten dance au chargé d'affaires
des États-Unis a Paris : « II a été pro posé, dans le Con-
« gres, un acle de navigation qui frappora au cceur
« celui de la Grande-Bretagne".... La mesure est juste;
« elle est parfaiternent innocente, en ce qui touche
« toutes les autres nations; mais elle renícrrnera la
« puissance maritime de la Grande-Bretagne dans des
« limites plus sures pour la liberté de l'Océan .... Je vous


1 28 octohre 1790.
s 17 décern bre 1790.-Jeff, Mem. and Corr., t. IIl, p. 82.
3 Voyez Jeff. Mem. and Con'., t. lIl, P: 89-91.
~ Voyez le discours du Président au Con gres, du 8 déc. 1790,


ct le rapport fait a la Chambrc des Représentants, le 21 fév riar
1791, par un comité charg6 de l'examen de" re lations cornmer-
ciales avec l'Anglelerre. American State Papers, t. I, p lit 128.




CO:\TlU:': LA (;nA1\DE-BRETAGNE i)791,. 321


« en envoie copie.... Ne serait-il point utilo de Iaire
« traduiro ce projet, de le faire imprimer et dislribuer
(1 parmi les membres de I'Assemblée nationale ? ..
( l'eut-étre lui conviendrait-il d'adoptcr un acte scm-
(( blable .... Je le fais envoyer a 11adríd el a Lishonne,
« afin de suggérer la aussi son adoption ', » Et au chargé
d'uffaires en Espagne : « Plus la mesure sera générale,
« plus l'eflet sera irresistible. Nous ne voudrions point
(( nous avouer les instigateurs d'un semhlable conccrt ;
(C mais nous avons pensé qu'il était convenable de faire
« connaiíre indireetemenl nos intentions aux cours de
« Franco, d'Espagne et de Portugal, et de les laisscr
« décider elles-mémes , d'apres leurs propres intéréts,
« dans quelle mesure il peut leur convenir de nous
( irniter. Leur concours rendrait beaucoup plus cerlain
« l'accomplissernent de nos desscins. Je vous laisse done
« le soin de leur insinuer tout ceci de la facon a la fois
(( la plus discrete et la plus effícace 2. »


Au ton un peu machinateur de ces dépéches, on
rcconnait Ia plurne de Jeíferson. Elles n'en élaient pas
moins, au fond, l'expressíon de la politiquo personnelle
du Président ; el si, par sa rédaction, le secrétaire d'Élat
en cxagerait un peu la couleur, iln'en modifíait en rien
les vues elles procedes. La diplornatie de Washington fut
infiniment plus agissante, plus adroiíe, plus féconde eu
expédienís, plus ardente á poursuivre l'agrandlssemcnt
de la puissance nationale qu'on n'est généralernonl
porté a le penser : point susceptible, point tracassiere,


1 IG mars 1791. -.7eff. Mem. and Corr.; t. II!, F. 92.
2 17 m ars 17l11.-Jeff. Mem, and Corr., t. IlI,p. 94.Voyez encare


p. IU2, 1U,1; e t Life u{Jeffasun uS 'I'ucke r, ~. 1, p. 316,360.




.in EFFORfS POUH OBTENIR DE LA FIL\NCE


point qucrellcuse, habituellement courtoise, bienveil-
lan le ct large , faisant assez hon marché des pcti [~
détails, des petils griefs, des petits intéréts, mais d'au-
tant plus active et plus tenace dans la déíensc des
grands intéréts américains,


L'acte de navigation n'était point la seule mesure
dont le Présidení í'lt poursuivrc I'adoption aParis. 11
croyait pouvoir profiter du décri ou étaient tomhées,
en Franco, toutes les anciennes traditions poliliques, de
I'inquiéiude que les dispositions des colons inspiraicnt
au gouvernemsnt de la métropole, et des serviccs finan-
ciers que les États-Unis pouvaient promcttrc ala France,
pour I'amener aahandonner le mono pule du comrncrce
de ses colonies dans les Antillas : « Au moment 011 l'on
« préparo pon!' elles une nouvelle Constitution, les colo-
{( nies francaises réclameroní indubitablement le droit
« de rccevoir Ieurs subsislanccs de eeux qui peuventles
« leur Iournir au plus bas prix;» ócrivait le secrétaírc
d'Élat it William Short.... ( Il serait bon d'cnlrcr,
(e quoique nvec une certaine reserve, en eonférenee á
(( ce sujct avee Ieurs députes, el de les pousscr it cette
( demande, dans le eas 011 ils auraient besoin qu'on les
( y poussát, ... Si nous pouvions produire sur les esprits
« une impression un pen vive en notre Iavcur, au mo-
« ment ou Ia question sera discutée, cela pourrait con-
« tribuer au triornphe de l'influencc coloniale. On 'OLS
« laissera done plcine liberté de choisir l'époquc 011 se
« fera le payemcnt de la sormne que nous voulons I'Ul l l-
« bourser a la Frunce, dans la coufiance que vous Id
« fixerez de facon it servir ce! irnportaut dcsscin ; el,
« (1 i lamí vous ellec: i !C'l'ez ce pnyomcut, vous pourrez el!




LE LlIWE COl,Dll:HCE ,\.VEC SES C')LO"lES (1100 17(Jl.) 028


« augmenter l'efI'Ct. .. , en donnant au ministre l'assu-
,( rance qu'un rcglement favorable de nos rapports
( commcrciaux u\ ee lours colonics nous trouverail
C( disposós a pa~er notre dettc par anticipation 1 ....
( Toutcs les Iois qu'on se rnontrera iuquict de nos vues
( supposécs sur la dornination des Indes occidentales,
( vous resterez rlans les limites de la vérité en affirmanl
« que l101JS n'avons aucune pcnséc de ce genre. S'il esí
\( un príncipe plus proíondómcnt cnracinó que tout autr«
( dans l'esprit de chaquo Américain, c'est celui de rester
« paríaitcmcut étrangcr a loule conquéte. En ce qui
oc touche au commcrce, nous avons, il es! vrai, des sen-
« sations t~cs-üves.]\OlJS somrncs la soule nation dans le
( monde alaquelle tous rapporís avec ses voisins soient
« intcrdiis par des puissances étrangeres ; seuls,nous et
(( nos voísins, no us sommes contraints i.t porter dans un
( autre hémispherc les produiís qui répondeut i.t nos be-
« soins reciproques.... Par esprit politiquc, sinon palo es-
« prit de justicc, la Frunce devrait 6tre disposée áéviter
« une oppression qui, frappant i.t la fois sur I10US el sur
II ses colonias, pourrait 110U:; tenter d'agír oncommuns.»


Le massacre des hlancs i.t Saint-Dominguo 3 et la guerre
acharnéc qui en fut la suite donnerent bíenlót au gou-
vcrnemcnt de Washington l'oceasion de témoigner sa
svmpulhie i.l la population írancaise des Antilles, tout
en pavant une portien de la delle étrangero d'un«
fucon avantageuse pour les producteurs américains. Au


¡ :2fl aoútll!J(I.-Jclf'. .1rern. arul. Corr.; t, IU, [l. ¡a,
• :2ejuiJlut 17Dl. - Jelr. illen" (Ind Corr., [.111,1" lID. V(JYc~


euco rc r. 12:2.
I 23 ao út lIUl.




Bl! SECOl:flS xcconnus A ST-llO\llXGliE ,li91.)


milieu de leurs malheurs et en presence des luttes
civiles qui absorbaient l'attentinn de la mere patrie, ce
fut vers les États-Unis que les créoles tournerent leurs
yeux et lcurs esperances. Une députutíon de l'assern-
hlée de Saint-Domingue vint a Philadelphie peindre
leur détressc et dernander des sccours, Le gouverne-
ment américain leur fournit des armes, des munihor.s
el des vivrcs, dont le prix Iut imputé sur la dette eUHTS
la Franco. Muis, loin de chercher il profiter de leurs
démarches pour arnener, entre les Élats-Unis el les colo-
nies írancaises, cettc communauté d'action don! il avait
voulu íaire entrevoir la possibililé au gouvemement
írancais, le secrétaire d'Elat s'attacha a combattre en
eux tout senlirnent de désaííection il l'égard de la mé-
tropole. C'étnitü lafois de la probiíó et de I'habilcté poli-
tique: « J'ai donné tres-Iibrernent mon a vis uux députós
« de Saint-Dominguc sur la qucstíon de leur indépen-
« dancc,» écrivait Jefferson aWilliam Short; «je Icur ai
« dit que, pour eux, elle n'était ni désírable ni possible;
[( que.rpour nous, elle deviendrait un sujet d'alarrne, si
« elle pouvait les cxposcr atomber entre les mains de
({ toute autre puissancc ; qu'il était de notro intérét
« qu'ils conservassent leur Iien uvccla mere patrie; que
« nous trouverions, sans doutc, un commun avantage it
« pouvoir échanger nos produits, rnais (Iue nous corn-
« ptions sur la [ustice de la mere patrie pour Ieur taire
,( nhlenie ce privilege. En tout, j'ai cherché aleur Iaire
« voir que ríen ne peut se traiter entre uous que du
« eonselllement du ministre de France. .l\la conviclion
l( ;lersonnelle cst que leurs vues el leurs démarches
,1 a1;pres de nous sout paríaitemcnt innocentes. Ce-




rWERRE AVEC T,ES TNDn<:NS (1790-1795.) 8'2"


« pendant M. de Ternant ' en a pris de l'ornbragc '. »
L'Anglelerre et I'Espagne ne prenaient point cxemplc


sur cette sagc conduilc, Toutcs les deux Irappées el
inquietes de l'attitnde forme, eonfiante el forte qu'avait
prise le gouvernement américain depuis l'avénemcnt
de Washington, elles cherchaient ala fois il entrer offl-
ciellemcnt avec Iui dan s de meilleurs rapports, et alui
susciter, en secret, des ennemis. En rnérne ícmps que la
cour de Londres envoyait á Philadelphie un ministre
plénipotentiaire chnrgé d'y négocíer un traite de COI11-
merce \ ct queja cour de Jla(lri(l y faisait espérer une
prompte solutíon de l'añairc du Mississipi', les agents
anglais et espagnols, établis au milieu des Indiens,
redoublaient d'activíté dans leurs intrigues, détour-
naient les tribus de toute allianee et de tont commerce
avec les Américains, leur distribuaient des muniíions el
(les armes, et les encourageaient au mnssacre des plan-
teurs, Les sauvagcs n'élaient que trop enclins i:t écouter
ces íéroces excitalions. Sans ccssc exposés aux usurpn-
fions eles spéculatcurs en tcrrc, chasscs des tcrritoires
dont la possession Ieur élait garanlie par des traités,
regardés par le plus grand nombre des planícurs
comme une raee malfuisante que des chrétiens étaicnt
en droit d'extcrmincr, traqnés comme des bótes fauves,


1 Alors ministre t1e France " Philndclphie,
2 2-1llovernbre n91.-Jefr. Mem. and C01'r., t. lII, p. 137.
:1 Octobre 17~1. - Le n j anvier 1792, Thomas Pinckney fut


D011lJllé ministre pléni potcntiairc des ]~tats-rnÍi.; ¡, Londres, ei
Gnuverneur Mnrris, rr.in istre plénipotenti;lire tl Paris ,


4·,Tclf. Mem. ami Corr., t. IIl, p,131.-Le 2;ljanvier 1792,Wil-
liam Carmichael c t William Sho rt furent nornm és conjointement
cornrnis~ilirc~ p10nipoü:ntiaires des Etuts-Un is en Espagne pour
h~ reglement dp la qu--s t i on du j\Iississini.




32B GUERRE


ils ne se sentaicnt en súrcíó (llle lorsqu'ils avnicnt fait
un desert autour de leurs villages. Washington avait
pour leurs malhours une profonde syrnpathie, pou l' les
préjngés sanguinaires de ses compatriolos une noule
avcrsion, elle courage avec lcqucl il les com ballait cst
I'un des plus beaux excmples de son respecl sincere
el désintéressé pon!' le droit el la liberté. 11 prolesluit
aupres des t~tals trap complaisanls pour les víolences
d u peuple des Iroutieres ; il íaisait iuenacer les usurpa-
tcurs et les assassius des peines les plus sévi1l'es;il encou-
ragcaí l ceux qui vouluicnt Iaire pénétrcr dans les ames
de ces malhcureux sauvages les lumieres de lEvangilc:
« 1\"OIIS ne pourrons vivre en paix avcc cux, Iant que les
« lmhitanls des fronlicl'es conservcront I'idée qu'il u'cst
« point aussi criminel de luer un ludien que de tuer un
« blnnc .... Le seul mOJen de nous les altucher, cest
« d'Dll'e justes .... Aussi longternps que j'aurai quelquo


chose Ú Iaire avec le gouvernerucnt de ce pays, jc
« prcndrai la j ustice pour base de nos relalinns avec
" CLlX ... L'humnuite, conune la !J011lW poliii'¡iIC, doivent
" :'uire désiror el. [out hou ei:OYCIl des .El¡ds-l'nis que la
" civilisation penetre chcz les In.licns .... Des que I'oc-
« cusion s'en próscntera , jo nc doute point (jU'OlI
« i i'adopte les mesures les plus propres Úcommuníqno¡
« Ú ces esprils inculíes les bicnlaits de l'instruclion et
« de la sociétó l. ))


Mais il íalluit, avant loul, les dorn pler et protégel' conlre
lcurs invasions les citoyens des États-Unis, Dans le scul
tcrritoire du Kentucky, plus de quinzc cents persnnnes,




AVEC LES INDIENE: (1'190-1795.) 327


- hommes femmes ou enfants, étaient tomhées sous le
scalpel des sauvages, de 1783 a1790. En frappant un
grand coup, on aurait pu Iaire sur eux une ímpression
durable. ~lais la conflance du peuple américain dans
l'efficacité de l'emploi de la milice et ses méfiances in-
.,-étérées contre les arrnées permanentes empécherent
longtemps Washington d'agir avec la vigueur néces-
saire, Deux fois, les Indiens du nord-ouest défírent les
troupes envoyées pOllr les sournettre ; la guerre centre
eux se prolongea pendant pres de cinq ans 1, gráce a
I'aveuglemcnt du Congres et anx intrigues des agents
européens; et les protestations des ~:tats-Unís contre la
perfídíe de leurs voisins se perdirent au milieu dn bruit
de la Ilóvolution francaise,


()CS I'origine, Washington avait suivi le développe-
ment de la Révolution francaise avec une anxiété svm-


" "


pathique, désireux d'espércr, mais porté a douter qu'il
pút sortir du tumulto de ces commotions populaires un
gOllvernement l'églllier et libre. La Constítu tion de 1790
vint jusíifier et conflrrner toutes ses inquietudes. En
réponse it la notifícation de l'acccptation par le Roi de
cette Consliíulion, le Présidenl des Etats-Unis avait fait
écrire une Iettre pleine de reserve. Le secrélaire d'};tat
se préparait a I'envoycr, lorsqu'il vint itWashington un
scrupule sur quelques expressions dont il se rappelait
imparfaiternent la portée : « Aujourd'hui, 12 rnars -1792,
« le Présidcnt m'a cnvoyé cherchcr , en me faisant
« prior do lui apporter la Ieítre au roí de Franco qu'il




3~R SENTIMENT:'; QUE LA RÉVOLUTION FRANCAISE
« avait signée,» raconte Jefferson. « Je me rendís a
« son invitation .... , et lui rappelai que j'avais évité
« daos cette lcttre d'énoncer aucune approbation
« de la COllstitlltion,.ne sachant point si, dans son creur.
« le Roi l'approuvaít. - « Vraiment », me dit-il, « je
« commcnce a douter bcaucoup des affaires de France.
« Nous avons des journaux de Londres jusqu'au 10 jan-
Cl vier, et ils montrent tout dans la confusion. » Le Pré-
« sident relut la Icttre qu'il avait signéc , n'y trouva
« rien quí pút engager son j ugemen1 sur la Consti tu-
a tion, et me la rendit. C'est une des nombreuses mar-
« que s qu'il m'a données de son manque de conílance
« dans l'issue de la Révolution Irancaise.....Ie crois,
« eependant, qu'il en souhaite I'añermissement, Qnand
« j'appris la nouvelle de la fuite de Varennes et de la
« captiviíé du Hoi , je vins moi-rnérne lui faire pnrt
« de eette nouvelle dans son salon, Je ne l'ai jamaís
« vu aussi abattu l. »


Pour apaíser eette tristesse génércuse , Washington
sentait le besoin de reporter ses regards vers les régions
élevées d'ou viennent les graneles pensées elles longues
espérances : « J'ai étó dans une grande anxiété avotre
« sujet, roan cher ami.: écrivait-il au général de La-
fayette, « et rien n'est venu encare .,calmer cette
« anxiété : mais j'ai la consolation de penser que, si
« vous tombez, ce sera pour la défense d'une cause
« que votre cceur vous dit étre j usíe ; el jc vous
« rcmets avec sérénité, vous et votre nation, entre les
« mains de ce Dieu dont nous avons si SOUVCllt éprouvé
« l'intervention el la protection ~ croyant qu'il fern


t Jelf. 2lLem. andCon'" t. IY, p. 473.




INSPIRE A WASHINGTON. 329


« sortir l'ordre de la confusion et qu'il fínira par placer
« toutes choscs dans l'état convenable 1. »


AlI milieu des inquietudes que lui inspira el des
embarras que lui suscita la Révolution írancaise,
Washington découvrit, avee une liberté d'esprit et une
pénétration merveilleuses, les progres encore lointains
qu'elle pouvait amener dans la condition de l'humanité
el les avantages particuliers qui devaicnt en résultcr
pour les Élals-Unis : « Par sympathie pour nos sem-
« hlahles, nous déplorons, sans doute, les désordres,
« l'oppression et la pénihle incertilude qui accorn-
( pagnent si souvent les grande événements nationaux,
« et donl nos Ireres d'Europe doivent éprouver l'amer-
(( tume; cependant, nous ne pouvons nous empécher
« d'espérer qu'en définilive cela tournera en faveur des
« droits de l'homme. Je ne doute pas non plus qu'un
ll. changemcnt en Europe ne soit al'avantage de notre
(( pays. Sous le précédent régime, le monde ne nous
« avait encore vus que plongés dans les malheurs de la
« guerre ou tornbés dans le désordre et le décri apres
« la paix. A aucune de ces deux époques, nous n'avions
« pu étre regardés comme faisant grande figure parrni
« les natíons, Et si les affaircs dcmeuraient en Europe
« dans l'état ou elles étaient quand ces impressions ont
« été faites, il ne serait pas facile de détruire les pré-
« ventions concues contre nous. Un nouveau régime
« OUVrira de nouvcaux horizons, et nous fondrons alors
« sur eux, pour ainsi di re, avec des avantages redou-
« blés.... Je peux cependant afflrrner avec vérité que
« mon pays n'est point guidé par cctte politique étroite


I 10 juin 17!l~.-W(('¡'. Writ. .. t. X, p. 'loü.
"'..... '




330 MÉNAGEMENTS DE WASHINGTO:-¡


« ct trompeuse qui fait désircr la dcstruction de qucl-
« que nation, dans la pcnsóc que l'importance d'un peu-
« pie s'accroit en raison de l'abaissement des autres
« Etats. Nnus verrions avcc joie toutes les nations [ouir
(1 de tous les avantages qu'elles peuvent ti rer de leur
« position et de leur nalure sans porter atteinte ala
« liberté civile et aux droits des nutres pcuples. Sur de
« tels fondements, la prospérilé de ce pays se dévelop-
« perait de jour en jour, el, de jour en jour, il grandi-
« rait en importnnce politiquo 1 »


Aussí longternps que les violences des Jacohin s, se
renfermant en Europc, ne porterent point attcinte aux
droits des États- Unís, Washington conserva, a l'égard
d II gouvcrnement révolutionnaire de la France , une
attitude bienveillante, soigneux d'assnrer au eommeree
américain la faveur de la Convention, et de ménager
a son pays I'amiíié du seul peuple qui pút lui servir
d'appui contro l'Espagno el l' Angleterre, dans le cas oú
la persévérante hoslililé de ces doux puíssances rendrait
une rupture avcc elles inevitable 2. Le gouvernement
américain no Iaissait échappcr aucunc occasion de té-
moígncr ala Frunce une syrnpnthie dont les membres
fédéralistes du cabinet trouvaient mórne l'expressíon
cxccssive et les marques imprudentes. En réponse a la
notiflcation de la proclarnation de la république a París,
le sccrétaire d'Etat ccrivaít aM. de Tcrnant, ministre de
Frunce it I'hiladelphie : « Soyez assuré , monsieur, que
« le gouvcrnement et les ciíoyens des États-Unis voient


i Washington aG-ouverncur lIorris.-2H juillet 1791 ot25 mars
Ji'):;' ~-1I"a'¡'. H'ri.l., l. X, p. 17·1, ;J:J:].


i }eír Melll. an.! Corr., 1. IY, p. -lHO.




roun LA REPCBUQUE FRANgATSE :1703. 1 H3l


« avec in sincere plaisir chnque pas que Iaií voire nation
« vers le bonhcur , dont les progres se ratíachent si
a i'sscn[icllement il ceux de la liberté, el qu'ils regar-
( (1cni la cornmunauté d'esprit el de príncipes entre
(/ nos dcux p¡rys cornme un lien qui resserre encare
" lour amitié el rapproche leurs intcréts '. » Et, peu ele
jours aprcs, en onvoyunt it Couverneur Morris l'auto-
risation <le reprcndrc le payement de la dette envcrs la
Frunce, UJI inslanl interrompu par suite de la suspensión
d(~ tou! pouvoir rcconnu par le pcuple, et avant l]iJalii(;
pour « donner honno el valable déchargc, » Jeífcrson
ajoutait : « Nous avons continué le payement des quatre
( millions de li vres destines par le dernier g'OlLYerne-
« ment a secourir Snint-Dorningue. Avant q u'il no fút
« terminé, le ministre de France s'est adressé anous
« pour obtenir trois millions de Iivrcs aemplover en
« acliat de provisions pour la Franco. Inspiré par le
« pltls forme atlachernent ponr ce pays, el pensant qu'il
« cnlrait dans les dispcnsations de la Providence que des
« sonunes prótées i.t notro nation dans la déLresse pus-
« sent élre rendues au milieu de círconstances sernhla-
« bIes, DOLlS avons, sans hésiter, cede itcettc demande....
« La róciprociíe ¡J(~S hons offices et des affeetions et la
(( simililude des príncipes de gouvernement semblent
« destinar les dcux nulions a l'union la plus intime . Jo
« ne saurais trop vous presser de saisir , a mesure
t( q u'ellcs se préscníeront , toutes les occasions qui
I( pourrout naitre des scenes changeantes qui se pas-
i( sent SOIlS vos yeux) pour placer notre commcrce


1 '!(i f(ovrier 17J3.-Jelf. Mem. and Corr., t. lII, p. 214.




:182 ~JÉNAGEMENTS DE WASHJNCiTO"


« avec cette nation et ses dépendances sur le piel! le
« plus libre et le plus favorable possible t. ))


Couverneur Morris n'avait point attendu ces instruc-
tions pour agir aupres du gonvernement de la répu-
blique, ni la Convention ces honnes paroles pour céder
au vreu des États-Unis. Le Hl février 0\)3, troís se-
maines apres sa déclaration de gucrre it l'Angleterre et
a la Hollande, et peu de jours avant sa déclaration de
guerre it I'Espagne, la Convention décrétait que tous les
ports des colonies francaises seraient ouvcrts aux b&li-
mcnts américains, désorrnais assimilés aux hátimcnts
nationaux, Le conseil exécutif se rnontrait en mérne
temps disposé a consacrer par un traité de commerce
les avantages accordés aux Etats-Unis, dont l'opposition
anrait pu rendre impossihle l'exécution des projcts qn'il
avait formés centre les colonies espagnoles situées á
l'embouchure du Míssissipi. Washington n'était disposé
á apporter aucun obstacle ades conquétes qui ne pou-
vaient guere rester définitives, et ne semblaient devoír
détacher la Louisiane des possessions espagnolcs que
pour háter son annexion a I'Union américaine, Le
23 mars 1793, il faisait adrcsser la dépéche sui vante a
William Carmichael et aWilliam Short, comrnissairos
plénipotentiaires des États-Unis aMadrid pour la négo-
ciation d'un traité avec l'Espagne :


( Messieurs,
,« On nous donne aentendre, de faeon aattirer toute


( notre aítcntion, que la France a le projet d'en voyer,
« au printemps, des forces considerables pour oífrir


I 12 mars 1793.-Jetf. Mem. and Corr., 1. TII, p. '.lIG.




l'UlJH LA HEl'UHLIQUE FRAl';gAISE (1793.) 333


(( I'indépendance aux colonies espagnoles de l'Amé-
(1 riquc, en commencant par celles que baigne le Mis-
« sissipi ; ron ajoute qu'elle n'aurait point d'objection
([ Ú nous voir aecueillir dans notre confédération celles
(1 qui sont situées sur la rive oecidentale de ce fleme.
([ Des considérations importantes exigent que nous res-
il tions libres d'agir en cette affaire selon les cireon-
« stances. Vous aurcz done á prcndrc soin de ne noue
il engager , par aueune clause du traite, ú garantir
'( aueune des eolonies espagnoles contre leur propre
(1 indépendance ou contrc la conquéle de quelque
« nutre nation. Nous avions pensé, autrefois , pouvoir
« garantir a l'Espagne la Louisiane, en échange ele la
« cession des Florides ; mais 1I00]S étions alors domines


par la crainte que eette possession ne fUL saisie par
(1 la Granele-Brdagne, qui nous aurait alors cornpléle-
« ment enceints de ses eolonies et de ses flottes. Le
« concert entre la Crande-Bretagne et l'Espagne a
I( .mjourd'hui éloigné ce danger, et le temps se char-
« ~era assez de donner it 110S voisinsI'índépendance, el,
« par conséquent, la liberté commerciale , pour que
« nous ne nous exposions point it étre entruinés dans
« une guerrc it leur sujet,


« Je suis, etc.
(1 Tu. JEFFERSON.


« Ce qui est ci-dessus est approuvé par
« GEORGE \VASllINGTON 1. J)


Le Présidcnt ne pouvait pousser plus loin ses ména-
geIllenls pour la république francaise sans faire acle
~ J elr. JIeJl>, and Corr., t. IIl, p. 224..




3:J4 PROCLAMATION


d'hostilité contre les aulres bclligérants , et s'engagcr
dans la lutto qui décuirnit l'Europc. Fidele a la poli-
tiquequ'il avaií COlJ\:lIC, du jour ou l'Amóriquc utfruu-
chie éíaít devenue une nalion, \úlshinglon élait, plus
que [amaís, déeidé a ne poi n t lancer son pays dans de
semblablcs aventures. Aussi,quand le succcsseur ,de
~1. de Ternant, « le ciloyen GClICt 1, » cnvoyó de Franco
aux t:tab-Unis pour les arruoher a la neutralite, voulut
profiter do I'humeur des populatious de l'ouest contre
lEspagne pour organiser dans Ieur sein des cxpédítíons
centre la Louisiane el les Floridcs, el de I'eníhousiasme
avec Iequel íureut nccucillies par les rnusscs ses brú-
Iantes excilatious centre la Grande-Bretaguo , pour
équiper des corsaircs dans les porls de l'Union, Wash-
ington ordonna la dispersion des corps francs", interdil
I'armement des corsaires, el reíusa aux navires armes
en coursc dans les porls américaius le droit d'y chcr-
cher refugc 3, apres a voir déclaré , dans une proclama-
tion soleunclle , « qu'il était du devoir et de l'intér6i
« des Ittds-Unis de garder envcrs les bclligórants une
« attitude amicalc el impartiale , el que les ciloycns
« américains qui se rcndraient par des acles dhos-
« tilité centre eux , coupables de violation du droit
« des gens, pcrdraicnt tout droit a la protection de
« leur gouvcrncment et s'exposcraicnt a ses pours: ¡ i-
tes.' ) Les membres du cabinet avaicnt, aI'unanirnilo,


1 Débarqué aCharleston, le 6 avril1793.
2 American St.at.e. Pop ers, t. I, p. 4:)5.
3 Voycz (~Vash. }Vrit, t. X, p. ,A6J le d'S'lemr,nt du S ao,}! 17'(;


sur ¡'(quipelnenc des vaissoaux ria.ns les pon::' de l'Cnjull f¡,I.r!
belligc"ranls, t.~t c el ui du f uoú i 17!H s u r la re~1iLlHiolll~L'~ 1J;'1;-;:;-,


4,,2 avril 179::3 ---lVash. ~V,.it., t. X, p. "0".




m: 22 AVIUL mrJ,


reconnu l'nrgence de cette proclnmation, sansavuir \in
s'cnlendre sur son vrai caractcre. Fallait-illa regardcr
COIllJllC un simple nvcrtissement adresse aux cito~ ens
des États-Unis, et n'a)'3111 d'autre but qi,e d'empécher
quelques aventuriers de compromcttre, par leurs fan-
taisics belliqucuscs, la liberté d'action du gouverne-
mento ou bien devait-on la prcndre pour une véritahle
déclaraíion de neutralité faite en préscnce de I'Europo '!
({ Pour ma part, ce n'était point le sens que [e vou luis
(C lui donner, » dií Jellcrson ; « au coníraire, je croyais
{( préícrable de laisser les nations élrangeres dans hu-
{( ccrtiíudc sur nos inteutions, et de les faire venir
({ nous demander notro ncutralité 1. » Telle avait élé la
politique adopíóc par Washington, en n90, lars de la
querelle entre la Craude-Bretagne et l'Espagne, C'est sa
gloire d'avoir reeonnu qu'ellc était impraticahle , en
1793) au milieu de l'ouragan qui se déchainait sur le
monde. En présence de ces bouleversements univcr-
scls dont les tcmps modernos oifrent tant d'cxcmples,
q ui confondcnt l'esprit de I'hornrne et renverscní ses
prévísions et ses calculs, de toutes les conduite-, la plus
simple est généralement la plus hahile ; de touícs les
altitudes, la plus ncttc es! la plus prudente ; de tous
les Iangages, le 1)1115 Iranc est le plus politiquo. JI y a
presque t.OUjOIlI'S, dans de semhlables crises, a la íois
nécessité et profit il ouhlicr les cornbinaisons savantcs
et compliquécs COIH,TJeS duus les tcmps c!e calme; á
rcpousscr les suhterfugcs el, les détours de la roulino
diplomatique, EL ahorder de front les diffieuHés el le,


I J"ir ~rc",. and C01'1'., l. IV, 1" :'08.




:J:J6 PROCLAlIIATlüN DU 2Z AVRIL 1793.


dangers; et le seul moyen de ne point étrc entruiné en
dehors de ses desseins, e'est de proclamer haut et ferme
ce qu'on pensé et ce qu'on veut, Washington le vit ,
et un grand changement s'opéra dans les allures et
les procédés de sa diplomatie, changement que la re-
traite du secrétaire d'État 11'endit bientót encore plus
sensible, mai~ dont la correspondance officielle de Jeñer-
son lui-mérne porte la marque, dans les dcrniers mois
de son administration. Moins de menécs secretes,
moins de desseins cachés, moins d'insinuations mena-
cantes ou séduisantes, moins d'activité avec autant
de persévérance dans la poursuite des projets ambi-
tieux du gouvernement américain, c'est ce qui frappe
Ú la lecture de ses dépéches. Déclarer ses intentions
et sa résolution de les faire respectar, se retirer de
toute longue intrigue en Europe, borner son action a
la défense de ses droits , se replier sur soi-méme,
en attendant l'occasion de « fondre avec de no u-
(( veaux avantagcs' » sur le but qu'il s'cst proposé, tel
est le plan de conduile de Washington. ({ Avoir con-
« fiance dans notro force sans nous en vanter, respecter
« cellc des autrcs sans la craindre 3.... Faire parler fort
« peu de nous dans le grand monde de la politique ',})
tels sont les aphorismes de cette nouvclle diplomatie,
dont la proclamation du 22 avril 1793 fut le premiar
ucte, Dans la pensée de Washington, elle Iut, en eílet,
une déclaration de neutralité engageant la politique du
pays ; et la colere qu'elle excita parmi tous ceux qui,


1 31 décembre 1793.
2 Wash. Writ., t. X, p. 175.
o :30 j uin 179'3 .-Jeff. M em. and eorr, t. IlI, p. ~C7.
; 22avril1793-Wash. W,'il., t. x, p.3::;;.




e LE CrTOYEK» GENET. 337


nationaux ou étrangers, voulaient entrainer les Etats-
Unís dans la guerre contre la coalition, montre assez
l¡U'aUX yeux du public elle eut le mcmc caractere.


1\1. Cenét conserva néanmoins dans le suecas de sa
mission une conílanco impélueuse et hardie. Trompé
par la morne résignation avec Iaquclle la France subis-
sait -le régime de la terreur, et par l'impuissance de
l'Europe acontenir le flot qui l'inondait, le représentant
de la Convention croyait a l'élan révolutionnaire une
force irrésistible, devant laquello tout courage devait
s'abaltre ct toutc dignité s'incliner. 11 pensa frapper
d'eílroi l'csprit de Washington, en lui donnant une
représentation Iactice des orgies politiques dont Paris
était alors le théúlre ; et lorsque les clubs qu'il avait
organisés retentirent d'acclnmaíions Iuribondes en
faven[' de la révolution frnncaise , lorsque les tetes qu'il
avait óchauñées par ses harangues se couvrirent du
bonnet rouge , et qu'a son exemple ses amis améri-
cains abandonnercnt le titre de monsieur pour celui de
ciloyen, H se crut a la veille de triompher.


Washington, appelé par ses affaires aIIIount-Ve1'11on,
était, depuis huit jours, absent de Philadelphio lorsque
le cabinet fut instruit que le ministre de la république
trancaise faisait arrner en corsaire, sous le nom de Petit-
Démocrtue, In Petue-Soroli, navire anglais que des rna-
rins de sanation venaientd'amener triomphalementdans
le por! de Philadelphie. Le vaisseau se préparait apren-
dre la mero Les instructions du Président aux gOlJ,er-
neurs des États élaientforrnel1es : ils devaient s'opposcr,
par tous les moyens en leur pouvoir, au départ des
navires armés en course duns les ports de I'Union. LCJ2.é-


22




338 M. GENET ENTRE EN LUTTE


néral Mifflin, gouverneur de la Pensylvanie, fit done
prier M. Ccnét de suspendre lui-mérne le dépur] du
Petit-Démocrate, afín d'éviter un conflit que la moindre
résístaneo pouvait rendre sanglant. A cette demande,
1\1. Cenét répondit avec indignation par un reíus, et dé-
clara son intention d'en appeler du Président au peu-
ple. Jefferson se rendit aussitót chez lui. II fut accucilli
par un flux de paroles et de récriminations que la par-
faite impassibilité de son mainlien put seule arréter; et
lorsquc M. Cenét comprit enfin la nécessité de prendre
un ton plus modéré,ee fut pour entrer, avec le secrétaire
d'État, dans une discussion qui montre aquel point la
passion clémocratique et les habitudes révolutionnaires
peuvent enlever I'intelligence de tout gouvernement ré-
gulier : « C'est le Congres qu'il faut consulter,» s'écriait
le ministre de France; (( des que le Présidcnt sera de
( retour, je le presserai de oonvoquor le Congreso » -
« Maís la question qui s'est élevée entre vous et nous
« n'est point du ressort du Congres, et, Iút-il mórne en
« session, íl ne pourrait s'en occuper. ))- « Comrnent!
( n'est-il done pas souvarainr ») -« Non; le Congres est
( souverain pour faire les Iois, le pouvoir exécutif pour
« les exéeuter, et le pouvoir [udiciaire pour les ínter-
« préter. » - « Tout au moins le Congres est-il tenu de
« veiller a l'observation des traites .... Si le Président
« les viole, devant qui la nation pourra-t-elle porter son
( appel ? » - <l Devant le Prósident seul. En sernblahle
{( matiere, la Constitution l'a fait juge en dernier res-
« sort. )) M. Gene! témoigna le plus grand étonnement,
puis, Iaisant 11 Jefferson un profond salut : « Je nc vous
" fcrai pas mon compliment BU!' eeUe constítution-la ' »




AYse LE GOUVERNEMENT AlI1ERICAIN (1793). 339


Le secrétaíre ll'Étal le ramena enfin, non sans peine, a
l'afíaire duPetit-Démocrate: « S'il part, le gouvcrnement
(( se liendra pour tres-offensé. Il a son partí pris . Je
( vous prévicns qu'il poussera les choses a hout, » -
({ '\u nom du cid, ne laissez point placer de garde abordo
« Le navire est monté par des patrio les exaltés ; ils ré-
(1 sistoraicnt , sovoz-en cerluin. Il n'y a, daillcurs,
« pas lieu de se presser. J'affirme que le navire n'est
« (las prót it partir. )) - « C'est bien; je tiens POUI' ae-
« quis qu'il ne partira pas avant le retour du Prési-
« dent ', »


Trois jours apres cet entretien, le Président était de
retour aPhiladelphic, et le Petit-Démocrateavait quittó
le port : Washington s'cmprcssa de prendre connais-
sanee des fails. Dans un premier mouvement d'indigna-
tion, il écrivil á Jeffcrson : «QueHe conduite tenir dans
« l'affairc de la Petiie-Saroh , maintenant a Chester r
« Laísserons-nous le ministre de la républiquo francaise
« bravor impunément les actes du gouvernement t
« puis menacer le pouvoir exécutif d'un appel au peu-
( pie? Que pensera le monde d'une telle conduite el du
« gouvcrnement des Élats-Cnis, s'il la supporle '? ))


Gouvcrncur Morris fut chargé 3 de demande¡' á Pans
) rappel de M. Ccnét, jUais la réponsc de la Conventíou


se fit longtcmps attendre, et, pendant cinq mois, le mi-
nistre de Franco, exasperé par la mesure dont il était
l'objet , redoubla d'insolence. n se déchaina en invec-
tives publiques centre le Président, remplit les [ournaux


¡ 7 juillet 1íll:1.-1Fash. Writ. t. X, p. ::lJÜ.
2 11 ju ill ct 1,93-Wash. W,·it. l. X, p. :J,·,c,.
" l(j llutlll'l!J3. - lel'" Mem. antl Corr . , l. l l l, p. 2il.




340 RAPPEL DE M. GENET (1793\.


de ses protestations, ameuta la foule par ses declama-
tions, excita les agents consulaircs de son pa)s il eu-
traver de vive force l'action de la justice américaine,
donna al'cscadre francaise, qui croisait sur les cólcs
d'Amérique, l'ordre d'appuyer leurs tentativos de re-
hellion , s'obstina follement ane point reconnaitre d'au-
tre autorité que celle du Congres, et refusa d'adresser
au Prósidcnt les commissions des consuls que, d'apres ses
théories consíitutionnelles, les représentants du peuplc
souverain avaient seuls le droit de rccevoir. Washington
demanda enfin ason cabinets'íl n'y avaít pas lieu d'expul-
ser un semblable perturbateur du re pos publico Hamilton
et Knox luiconseíllercnt ardemment le renvoi ; Jefferson
el Randolph combattirent cettc mesure avec une ógalc
véhérncncc, La discussion se prolongea pendant deux
jonrs, sans moclifier en rien les avis. Le Président y mit
fin ave e humeur : « JI n'y a pas d'unanimité entro vous;
« vous m'avez laissé exaclernent dans l'état d'esprit oú
« j'élais l. »


1\1. Genet put demeurer en Arnérique : mais I'cxequa-
tur fut retiré al'un des consuls, coupable de révoUe, et
refusé a tous ceux dont les commissions ne seraient
pas rédigées dans la forme usuelle,


L'arrivée de i\I. FauchetaPhiladelphie 2, en qualité de
ministre de France, vint clore enfín cette lutte singu-
Iiere, l\Iais le rappel de M. Ccnét ne put effacer dans
l'áme de Washingtonl'impression produite par les vio-
lences de cet agent, et malgré le soin que prit toujours
le Président de distinguer, dans ses plaintes officiclles,


'18 novembrc l'U3. - Jelr Mem. alld Corr., t. IV, p. :;10.
! Fx-vr ier 17U4.




ACTES VEXAT01RES DE LA AfARI:,{E A:'{GLAISE (1793;. 341


le ministre de Frunce du pays qu'il représentait , cet
eflort pour soulever I'Amérique lui inspira une profonde
méfianee contre la républiquc francaíse et contrc le
partí qu'elle s'était fait aux lhats-Vnis, donna plus
I'cmpire dans son árne a sa secrete horreur pour les
crimcs des révolutionnaires, et plus de poids dans son
conseil aux avis des membres du eabinet qui, en parla-
geant son indignation, mélaient a leur colere centre
la Franco une préíérence systérnatique pour la Grande-
Bretagne.


lUais, tout en penchant de plus en plus pour la politi-
que fédéralisle, Washington se refusait a en subir les
conséqucnces extremes: il trouvait exagérés les égards
que ses amis étaient disposésaavoir pour l'Angleterre.
A lous les anciens grieís des Eíats-Unis contra cette puís-
sanee étaient venus s'cn ajouter de nouveaux. En vertn
d'un ordre du Conscil du 8 juint 793, et contrairernent
aux regles du droit des gens, les vaisseaux de guerre an-
glais arrétaíent les navires neutras ehargés de grains et
de farine pour la Franco, et les eontraignaient aallcr
vendre leurs eargaisons dans les ports anglais OIl alliés'.


t Par un déeret elu 9 mai 1793, la Convention avait autorisé
les croiseurs et les corsaires Fran cais a saisir les vaisseaux
neutres chargús ele comestibles pour les ports ennernis ou ele'
marchandises appartcnnnt " l'ennemi, déclarant de bonne prise
les Jites marcb andises. C'é ta it une violation fonnello du lraité
de 1778 entre la Franco et les États-Unis qui, dans les rapports
entre les dcux puissanccs, sanetionnaitle principe que les armeo
et munitions de guerre sont seules des objets de ccnrrebanrlr-
et que le pavillo n eouvre la murchandise (Garden, Traites de
lOa;";, t. IV, p. 299). A la so ll ic itat io n de Gouverneur Morris, m i-
nistrc des États-Unis 11 París, la Convent inn déelara, le 23 rnu i
lí93, que le déerot n e s'appliquait pas aux navires amérieains ;
pu is , it la soll ici tntion d,··, armate"r, d u H,)'.'rp, elle abrogea le




Le Président avait íait donuer I á Thornas Pinckney,
ministre des États-Unis it Londres, l'ordrc de proteste;'
contre une mesuro qui porlait si gravcmént atícin!e ú
la libertó du commerce americain, A la fin de novcm-
brel i93, aucnne réponsc satisíaisante aux réclnma-
tions eles États-Unis n'était encere parvcnuc it Phi-
ladelphie. La session du COngTeS allait s'ouvrir. En
quels termes le Président parlerait-il aux rcprósentants
du pays eles relations avec la Craude-Brctagnc? C'est ce
que le cabinet Iut appelé á examiner 2. La négociatíon
élait encoré pendante, l'irritation publique était déjil
Iort grande. Hamillon , Knox et Randolph furent d'avis
qu'il y aurait inconvenance et danger il porter le débat
dcvant le Congreso Seul, Jeffcrson sontint qu'il était ur-
gen t de tcnir un langage Icrme ct précís : c'étaít a la
fois de la honne poliliquo intérieuro et de la bonne po-
IiI ique extérieure; il fallait donner une certaine satis-


délord du 23 p~r un antre décrel du 28; puis, iJ la sol licitntion ele
Gcuycrneur Morris, elle abro;..:ca le dr-c rc t .iu 2:';; puis elle le
l'i~! abl it par un décret du 27 juillel 179:3 i « Tcutcs les fo is quc
« nous nous pluign ons ti I'Auglctcrrc, elle nous répond par CP
« d,"crel el" :27 juillct, » écrivait Go uvcrncur Morris aM. Defor-
SlIP::;, ministro des rcl ations cxtéricurcs. « Nous avons des
« re proches ti adresser aux dcux puissances, x {~erivait-il cncnre
:, E.1mollll Randoi ph ; «elles onttoutcs dcux violé leurs traités
e avcc n ou s; maisje ne puis regn.rder les cas cn mm e i don ti q uns :
« .1" la parl de l'Ang]clerre, c'est un ucte f'ait d o propos ddib,'ré
« par un gouvernement rógtlli~r; de la part de la Franee, ee
« )\'est que I'un des mauvais c ílcts de la si tu a tio n cxtruordinuirc
• .la ns l aq uelle elle se trouvc placée.» (Life atui TVritings uf Gou-
vernwr Mon'is, t. Ir, p. 350,130,)


T,es décrets dont se plaignaiL le gouycrne1ncnt amóricain ne
furcnt définitiv cmcnt abrogés qu'e n 17~)5.


17 "'plcmbre 1793.-~Jefr Mem. an,; Curr., t. nr. P .:>0"-,
• j 1)-18 novcrnbre 1793.




DE m~TTRE LE PAYS EN ETAT DE DEFEN8E (1793). 343


factíon it l'amour-propre national blessé, et inspirer une
certaine inquíétude au gouvernement anglais, aveuglé
par son dédain : on étaít, d'aílleurs, unanime pour re-
connaitre la nécessité de mcttrc sous les yeux du Con-
gres les pieces relatives á la conduite de M. Genet;
pourqnoi ne pas traiter l'Angleterrecomme on traitaít
la république íraneaíse.t Le Président appuya l'opinion
de JeIferson avec une « véhémenee inaccoutumée : »
« C'élait,) dit celui-ei , «la premiere fois que je le
( voyais s'arréter a l'avis d'un seul membre du cabinet
(J contre eelui des trois autres. Cela montre aquel point
( sa propre conviction était Iorte t. )


(( Je ne puis,» dit Washington dans son discours au
Congres, « appeIer votre attention sur l'accomplisse-
« ment de nos devoirs envers le reste du monde, sans
« insister aupres de vous sur la nécessitéde nous mettre
« en état de déíense, et en mesure de contraindre les
« asures peuples a l'aecomplissement de leurs devoirs
« envers nous!. » Deux jours apres, le Président rendit
compte au Congres , dans un message spécial , des
relations avec la France et l'Angleterre 3.


On apprit bientót , aux États-Unis, qu'en vertu d'nn
nouvcl ordrc du Conseil \ tous les navires portant des
secours aux eolonies francaises, ou ehargés de leurs
produits, seraient saisis par les eroiseurs de Sa Majeslé,
envoyés en Angleterre et vendus au plus offrant. L'in-
dignation publique ne eonnut plus de bornes; l'exalta-


,. Jeif. Mem, and COrT., t. IV. p. e.13.
I W"sh. Writ.. t. XII, p. 38.
3 " ,l,'cembm n9,3 .
.e t.i uov e n: br e 1703.




314 EXASPERATION DU CONGRES (1794).


tíon des esprits alla jusqu'a la folie, dans le sein mérne
du Congreso Aux yeux de la majorité, ce n'était plus
assez, comme l'avait proposéMadison, d'introduire dans
les reglemcnts commerciaux des modifications favora-
bles a la Franco et désavantageuses pour la Grande-
Bretagne; il ne s'agissait de rien moins que de mettro
le séquestre sur les créances anglaises, de prohiber ab-
solument l'importation des produits britanniques, d'in-
terrompre tous rapports commerciaux entre les deux
pays, La chambre des représentants se Iaíssait cntrai-
ner ade semblables mesures; une importante minorité
les approuvait dans le Sénat; la levée de 80,000 hommes
de milice venait d'étre ordonnée; un embargo venait
d'étre mis sur les navires en partance pour les ports
étrangers ; le maintien de la paix semblait irnpossihle 1.


:\Iais, malgré leurs imprudentes provocations, la pers-
pective d'une guerre avec l'Amérique alarmait sérieu-
sement les ministres de Ceorge Ill. La lutte avec la
révolution írancaise suffísait aabsorber les forces de la
Grande-Bretagne , et le pays n'aurait pas excusé son
gouvernement de s'étre gratuitement donné un ennemi
de plus. Au moment memo ou la siluation scmblait de-
venir désespérée, Washington rccut , de divers cótés,
l'avis que le gouvernement anglais, averti par le dan-
gel', était désireux de mettre fin al'état d'hostilité sourde
qui, depuis dix ans, troublait les relations entre les deux
peuples, Le Président prit immédiatement son partí :
t( Prévenir la guerre, si l'on peut, au moyen de repré-
(1 sentations énergiques et précises faites par un envoyó
( spécial ; oblenir [ustice des maux et des outrages que


i 711 ars-avril 1794.




xnssrox EXTRAORDINAIRE EN A"GLETERRE (1794;. 31.',


« la Crande-Bretagne a fait subir de diverses manieres
« ace pays ; le mettre complétement en état de défense;
« et si, dans un délai raisonnable, la négociation n'abou-
« tit point, pourvoir éventuellement aux rnesuresd'exé-
« cution qui semblent étre actuellement pendantes de-
« vant le Congres; tel est mon but', » écrivaitWashing-
ton ason nouveau secrétaire d'Étüt, EdmonclRandolph~.
Le lendemain, il proposait au Sénat de nommer envoyé
extraordinaire á Londres John Jay, le Grand Juge de la
Cour suprérne , 1'1In des plLIS hauís fonetionnaires eles
Etats-Unis, et l'un des principaux chefs du partí fédé-
raliste. Apres un violent dóhat, la nomination fut ap-
prouvée par '!8 voix contre 8 3 • Obtenir indernnité
pour les pertes occasionnées au commerce américain
par les actos vexatoires de la marine anglaise , assurer
l'exécution du traité de 1783, et conclure un trailé de
commerce, les instructíons de I'envoyé extraordinairo
ernbrassaient ces trois points, et imposaient á Jay cette
táche complexo et difflcile.


¡ 15 av ri l ]794,,-Wash. Writ., t. X, p.403.
2 Ed. Randolph était le successeur de Jefferson dcpuis 1(,


2 janvier 1794.
• Peu de jours apres (28 mai 1794), le colon el Monro e fut


nommé ministre plénipotentiaire a Paris , un remplacement á,o
Gouverneur Merris, do nt :\1. Fauchet avai t, par UIJe lettre du n
avriI179,t, dcraandé le rappel au nom de la République Irancuis «.
C't-tai t la co nsúqucncc assez naturelle de la démaroh o do ni
J'I1. Gent',t avait été l'objet. Les principes aristocratiq ue» ,le
Gonverneur "\lorris et son dévouement au roi Lonis XVII'",
vaicnt d'ail leurs rendn odienx aux Jacobins. Le colonel MOll-
roe appartcnait, au contraire au parti dérnocratigue et ava it
combattn dan s leSénat l'o ppor runité de la mission extraordinaire
en Angleterre. Au morn ent on il envoyait John Jay aLondres,
Washington voulait faire un choix agr<;able a la Frunce. Le colo.
nel Monroe ar riv a, le 24 aoü t 1794, " Paria.




316 .TüIIN JAY.


Il était ala hauteur de sa mission. C'étaH une ame
integre, stoique ct pieuse , aníméc d'un patriotisme
vigoureux et dósintéressé. Mesuré, net et tenace dans
ses opinions et ses desseins; prudent et résolu dans sa
conduite; ami rude et fídele ; adversaire dur et persévé-
mnt; NI' instinct, eommepar príncipe, ennemi de la vio-
lence, de la ruse et de l'inj ustice, et partísan du droit ;
loyal et équitable, quand il se sentait en présence de
gens de bonne foi et de hon sens; rnais arrogant, om-
hrageux , partial et san s scrupule , quand , a tort ou á
raison, il se croyaít trompé. Pendant deux ans, il avait
étó comrnissaire du Congres a Paris , conjointement
avec Franklín et John Adams, et c'était lui qui, en
! 782, avait, par l'énergie de sa volonté, contraint ses
collégues asigne!' séparément la paix avee l'Angleterre,
el a violcr ainsi les engagemenls pris envers la France
quil soupconnait de vouloir entraver la négoeiation.
Jay descendait d'une vicíime de la révocaíion de I'Édjt
de Nantes. Francaís et protcstant de race, il éprouvait
ínstínctivemcnt, conlre Je pays de ses peros, la runcune
rl'un Iils de proscrit ; centro la moralo facile et les res-
sourccs d'esprit de ses ancicns compatriotes, la défiance
sóvero d'un magistrat puritain, Champion zélé de l'indé-
pendance tant que dura la lutte, il avait, apres la vio-
toire, retrouvé pour l'Angle/erre le rcspcct qu'inspíre
une grande puissance , encare redoutahle quoiqno
vaincue, el I'esíime d'un ami .de la liberté dans
l'ordrc.


Tel était le diplornate dont Washington a vait fail ehoix
pour réglcr le diílúrend entre les Etats-Lnis el la Grande-
Bretngue,




;qf.:GOCIATION DE JAY A LO~'mRES ,1704: 317


Arriv« aLondres 1, il se mit irnmédiatement en rap-
port avcc lord Crenvillc , ministre des affaíres étran-
¡ocres, ct, des la prcmiere coriversaíion, il découvrit
dans cet homrne d'Etat les dispositions les plus équi-
tablcs el les plus concilian tes. Une sympathic pleine d'es-
time s'établit aussitót entre eux, Eviler toutes les canses
rl'irritution. aplanir íous les obstaelcs qui s'opposaícnt au
rapprochcment des deux peuples, tel devint le hut com-
mun de leurs cfforts, el ils trailerent les grandes ques-
tious qu'ils avaicnt i.t débaítre, dans des entretiene sim-
ples el inlimes ou ils s'exposaicnt mutuellcment et sans
m-riere- pensée les oxígenccs de leur situation , les
s:rsccptibilités populaires i.t ménager, les intéréts i.t pro-
:ógcr, les concessions qu'il leur était nécossaire d'ohte-
ni;" celles qn'ils pouvuienl Iaire, le point ou ils devaient
s'arréter, cherchant J de bonne foi, les bases d'une
truusactíon honorable pour les dcux parties contrae-
íuntes. Jay décrivait Iuí-méme , en ces termes J a
Edrnond Iíandolph les scntímcnts qu'il apportait duns
eette négociation : « .JI' veux acquérir la coniiance
« et l'cslime de ce gou vernement, non par une
(i complaisanec exagórée , mais par cetto sincérilé,
« celle candeur, cctte véracité el cetto prudcnce, qui,
:t .clon moi, sont toujours plus sages tí plus eífl-


caces que la fínesso ct la chicaneo Les discussions
olllciclles sur les points débattus doivcnt toujours
drl: ajournées au moment ou le C?,", clí!\'ient dés-


.( !'sl)('~ré: j'ui maintenant pour but de c()h~]ier plu-
r: túl que de convertir ou de convaincre, Ouand on u


• 15 juin 1794.




348 JAY SIGNE UN TRArTÉ


« mis son nom au bas d'un argumcnt , on se rétraete
« rarement 1. »


Le 19 novembre 1794, .Tohn .Tay et lord Crenville met-
taienl leurs noms au has d'un tmité d'amitié. de éorn-
merce et de navigation, entre les ~~!als-Unis et la Grande-
Bretagne. C'était nn compromis assez éqnitable entre les
prétentions opposées des deux puíssances : l'Angleterre
s'engageait a accorder plein dédornmagement aux
citoyens américains qui avaient éprouvé des pertes par
snite de la saisio et de la condamnation de leurs vais-
sean x, á évacuer les postes militaires des grands laes
avant le 1er juin 1796, et aadmettre les navircs améri-
cains n'excédant point le port de 70 tonncaux aparti-
, .


ciper au commerce entre les Etaís-Unis et les Autillos
anglaíses 2, Une parfaite et reciproque liberté de com-
merce et de navigation était ótahlie entre les États-Unj~;
et le territoire europécn de la Crandc-Brctagne. C'étaient
lá les avantages stipulés en faveur de l'Amérique. 'l\Iais
elle s'engageait, de son cóté , it indernniser les sujets
anglaís qui avaicnt souffert par suite du relard que le
payement de leurs créances avait éprouvé apres la paix,
a admeííre, dans ses rapports avec la Grande-Bretagne,
le principe que les marchandises ennemies peuvení étre
saisies abord des vaisseaux neutres, et á prohiber l'ex-
porlation par navires américains de certains produits du
sol, entre autres le coton 3, Ses vaisscaux rcstaiont for-
mellement exclus du commerce entro les possessions


1 Thc IJire of John Jay .. 'l.vilh select1·ons 1)'0111 lii» Ccrresp.nulence,
by h is son, William Jay. N('w-York, IH:1::l, 1. r, p. ::lZ:;,


! Art. XII.
11,Jem.




AVEC L'ANGLETERRE ( 19 NOV. 1794). 319


anglaíses des lndes orientales ct occidentales et I'Eu-
rope 1; aucune indemnité n'était aecordée aux prcprié-
(aires lésés par l'enlevement de leurs esclaves en 1783;
ríen n'impliquait de la part du gouvernement anglais
l'ahandon du droit de rechercher ses matelots abord
des navires américains, C'étaient les conccssions Iaites
ala Grande-Bretagne '.


« Ceux qui ont nivelé un terrain raboteux savent
« combien peu leur travaíl laisse de traces,» écrivait.Jay
aIlandolph, en lui envoyant le traité ; « puisque l'cdí-
« fice est achevé, il est superflu de décrire l'échaíau-
« dage et d'entrer daos le détail de la négociation. J'ai
« signé le traité. C'estdire assez l'opinion que j'en ni 3.))


Des que le hruit se répandit aux ~:tats-(inis 4 qu'un
traité venait d'étre conclu avec l' Angleterre, et avant
móme que le texte de cet acle ne fút parvenu au gou-
vcrnement.rl'opposiuon se mit en carnpagne pour ren-
dre la raíiflcation impossible et faire échouer les négo-
ciations : «Arnéricains, réveillez-vous ! rappelez-vous ce
« que nous avons souffert clans une lutte de sept ans
« centre les satellites de George, troisíemc et, nous
« l'espérons bien, dernier du nom.... Les Etaís-Unis
« sont une republique ; une répuhlique peut-elle avec
« avantage s'aIlier aun monarque? Les traites erigen-
f( drent la guerre, et la guerre, c'est la ruine du gou-
« vernement répuhlicain .... Rappelez-vous les services
" de ces Francais, nos alliés, qui, aujourd'hui.Juttent
« ¡mur leur liberté .... On aíraité avec une indifférence


i Art. XII.
2 Mur tons , Rccuci! des prinC/.paux truites, t. Y, p. 637-i03.
3 Lit,·01' Jo!", Jau. t. J, p. 334.
• :F0\ r icr 170;),




3'iO DECHAINEMENT DE L'OPPOS[TIO~


« qui touche au mépris la nation deIaquelle dépend
« notro exístencc politiqueo Citoyens! la Franco seulr:
« peut assurer notre sécurilé. Par la conduite de narre
« gouvernement ccttc sécurité est comprornise -.» C'est
par de sernblables argumente que les journaux démo-.
cratiques réussirent a échauñcr l'imagínatíon POPll-
laire. Ils n'étaient point de natura a agir sur l'esprit de
Washington. Ferrncmení résolu adéfendre l'oiuvre de
Jay , malgré l'irnperfection inévilable dont elle était
entachée, il soumit le traité a l'approbation du Sénat ',
Ce corps mit ason assentiment la condition que I'arti-
ele xu , relatif au commerce avec les colonics anglaiscs,
serait annuló 3. Washington se seníit fort perplexc,
Était-il autorisé par ce vote aratifier immédiatcment le
traité, ou bien, devait-il atlendre les modiílcations de-
mnndécs ?Le renouvellcment inopiné et inexplicable de
l'ordre du Conseil du g jllinI79:1, l'un des actes du
gouvemement hritannique qui avalen! provoqué la
mission de Jay, vint augmcnter encere son embarras.
Quoí qu'il en íút , tan! que l'échange des ratificntions
n'avaitpas en lieu, le íraité devait rester secret. Le secreí
genait l'opposition. Un séuatcur du IJarti républícain
livra le traite aux journaux '. Ce fut, dans presquc toutcs
les villes de l'Union, le signal du soulevement de la
populace. A Plliladelphie, des Landes en haillous par-
coururent les rues" en trainant une image représentaut
Jay, une balance a la main; sur l'un des platcaux l~tajl


i Life ofJohnJay, .t. 1, p. 357, 358
2 8 Juin l7!!5.
3 2.1juin 17D5.
" '2 j u i llc t 1795.
5 "1 j ,;iik l 179;).




CO~TRE LE TRAITE AvEC L'ANGLETERI\E (1795;. 351


ceUe inscription : « La liberté et l'indópendance de
« l'Amérique; »sur l'autre, déprimé par un pesantfar-
dcau : « L'or anglais.» De la houche du négociateur
sortaient ces mots : « Arrivez amon prix, et jo vous ven-
«drai mon pays l. » L'image fut livrée aux flammes et le
íraité brillé devant la maison du ministre et du consul
d' Angleterre. A New-York, Ilarnilton, voulant défendrc
le traité devant un meeting, fut assailli á coups de pier-
res. A Boslon , les notables se réunirent et adresse-
rent it Washington des remontrances, Dans le Midi,
un [ournal proposa aux Virginicns 2 de se retirer de
l'Union américaine , et ouvrit une liste destinée a re-
cevoir les noms des Etats qui voudraient se [oindre
ala nouvelle coníédération ; 1'une des sociétés démo-
cratiques de la Carolino du Sud declara qu'ellc était
« amenée a regretter l'absence de la guillotine , » el
s'engagca par serment « a trainer Jolm Jay devant la
(e justice du pays". » Lo Président lui-méme tut accablé
d'ouírages : « Se prend-il done pour le grand Lama de
« ce pays, que nous ne devions I'approcher qu'avec un
« respect superstitieux et une íerreur religieuse ? ...Trop
« longtemps nous avons été coupahles d'idolatrie. Aussi
« le chátiment est tornbé sur nous, Il est grand ternps
Ir de n'avoir plus d'autres dieux que le Dieu Iort., ..
I L'homme qui filoute la liberté a son pays est plus
:( detestable que celui qui force, avec de íausses cleís,
l la porte de son voisin et le dépouille de ses richesses'.»


I Life ofJohnJay, t. 1, p.360.
2 iJl.iu;lIet 17D5.
J Lite 0(J olin. J ay, t. 1, p. 362.
" Lile ;;{,!nhn Jay, t. 1, p. ¡¡Ui).




352 WASHINGTON RATIFIE U: THAI'fÉ


Un aUa mérne jusqu'a l'accuser d'avoir pillé les deniers
publics, en tirant du trésor, pour les appliquer á son
usage personncl , des sommes deslinées a un antro
emploi : « Que dira la postérité de l'homme qui a agi
«( comme je l'ai raconíé, apres les protestations solen-
« nelles de désintéressement qu'il a adrcssées au Con-
« gres? » écrivait le calme obsercrueur, signataire de
cette calomnie. « Le monde ne sera-l-il pas amené a
« reconnaitrc que le masque de l'hypoerisie politique
« a été porté également par un César, un Crornwell el
« un Washington? » Pour laver le Président de cette
accusation, une note de Hamillon sur l'élat du trósor
fut nécessaire l.


Ces violentes attaques inquiétaient Washington sans
l'inlimider : (( Je regarde comrne tres-grave l'opposition
« que rencontre le traite dans les meetinq«. Non que les
« objections íuites aient plus de valeur que nous ne l'a-
« vions prévu : les unes n'ont ríen de sérieux, beaucoup
« d'autres n'ont pour base que le rncnsonge ; je ne me
« préoccupc pas non plus des attaqucs contre lila per-
« sonnc ; elles n'auront aucune influence sur ma con-
« duíte, ct je me resigne d'avanee aux ealomnies que le
« désappointement et la malice cherchcnt aaccumuler
« sur moi. Maisje suis alarmé ala pensée de I'eñet que
( cette opposition pourra produire sur le gouvernement
« franrais, et du parti qu'il pourra tirer de l'esprit qui
« travaille parmi nous a nourrir en lui l'idée que le


I Marshall, Vie de George Washington, t. V, p.416. - George
Gibbs. Memoirs of the Administralíons of Wa.\híngton and J olm
Atlams, edited from the Papers of Oliva 'Volcott, Secretary aftha
T,·easury.l'\8w-York,1846, t. 1, p. ;¿57. 258.




AVEC L'AKGLETERRE (18 Aour 1795). 353


« traitó íavorise l'Anglctcrre aux dépens de la Franee...
«( La ratifiealion peut devenir en vérité une affaire tres-
« sérieuse ... Par rapport ala France et a l'Angleterre,
«notre gouvernement est comme un vaisseau entre Cha-
« ryhde et Seylla, Si le traité est ratifié, les partisans de la
« Franco, ou pour mieux dire, les partisans de la guerre
« et du désordre, l'excileront ades mesures hostiles, tout
« au moins ades sentimenls de mauvais vouloir. S'il ne
« l'est pas, il est impossíble de calculer íous les dangers
« qui nous menaceront du cOté de la Gr:mde-Bretagne.
« Il ne faut cependant point inférer de tout ceci que jo
« sois disposé aahandonner le terrain sur lequel [e me
« suis placé, amoins que des circonstances plus impé-
« rieuses encore ne m'y eontraignent 1. »


Loln de lui faire «abandonner le terrain sur lequel il s'¡~­
« tait placé, »Ies violentes aberrations d'un peuple en dé·
menee dissiperent les scrupules de légalité que le vole du
sénat avaitlaissés un instant dans l'árne de Washington:
s'il nemetlait hardíment fin ala erise, le gouvernement
pouvait étrc ernporté ; il était nécessuirc de Irapper les
espriís par un coup d'autorité et de metlre l'opinion en
présence de fails accom plis. Le President signa le traite'.


Reslé, depuis la retraite dcJcfferson, le seul représen..
tant du partí dérnocratique dans le eabinet ,Edmond
llandolph y avait seul eomhaltu la rntifícaíion. Son op-
position ne parut pas complétemcnt désintéressée. Des
soupcons graves planaient sur sa probité. Ses coííégues
I'accusaient d'appartenir au ministre de Franco el d'a-


t 29 et 31 juillet 1796.-Wash. Writ., t. XI, p. 46, 5l.
2 1'8 ao ú t 179". - En envoyant en Angletcrre la ratificat ion du


t rni tú Washington la fit aceompagner d'un mémoire centre
rordre du is j uin 1793.




354 DEMISSION DU SECHÉTAlHE D'ETAT


voir été favorable a l'insurreetion des comtés occiden-
taux de la Pensylvanie, et e'est ee qui semblait résulter
d'uneleítre interceptée de M. Fauchet I que Washington
avait entre les mains, Le Président réunit son conseil "
et la, en présence de tous les membres, il presenta ceHe
picce de conviction ¿ Randolph et le somma de s'expli-
quer. Le sccrétaire d'État se troubln, balbutia quclques
mots dejustification, et se plaignit amerement de la sur-
prise dont il était I'objc], On le pria de se rctirer pour
laisser le cabíuet délibérer sur ses explications. Il donna
aussítót sa démissíon, et dans une longue série de lettres
au Présidcnt, que, paríois, celui-ci pouvait lire dans les
journnux avant de les recevoir, il se representa comme
une victirne de l'esprit de partí; il protesta qu'il n'avait
[amais «demandé d'argent ; » ils'indigna d'avoir été, par
la mulice de ses onncmis, privé de tous rnoycns de dé-
Iense, et il rncnaca de raconter pour sa [ustifícation ce
qu'il avait vu et entendu pendant son passagc aux affai-
res: « Si vous y tl'OUYCZ quelque avantagc pour vous-
« méine, vous eles parfaitement libre de puhlier sans
« reserve toutcs les lcttres particulieres et conJidentielles
(1 que j'ai pu vous écrire, bien mieux toutes les paroles
« qui ont pu sortir de ma bouchc en votre présence, ))
lui répondit Washington. « Le sentimcnt de ma droí-
« ture et de mes constants eñorts pour le bien de mon
« paJ's me Iaisse l'esprit en re pos sur vos révélations ....
« Mais, quand le puhlic lira votre défensc, il j ugera s'il
« est bien Ioyal a vous de publier des communíca-


I Ministre de Frunce. Il vcnait d'étre remplacé en cette qua.
Ii!t~ por M Adct.


2 lU no u , liU¡J.




EDMOND RANDOLPII (1795). 35[,


« tions confidenlielles, souvent écritcs il la hale et sans
« en gardcr minute; el, en blárnant peut-étre mon
« imprudence, il apprécieru les motils qui me portent
(1 a vous accorder une licence pareille .... Comme vous
« n'étes plus au scrvice de ce gouvernemeut, et que
(1 vous vous proposcz de soumettre au public votre
« défense, je ne désire et ne veux la recevoir que par
« l'iníerrnédiaire de la presse 1. »


Au momcnt ou, dans l'cspoir d'óbranler le crédit de
Washington et de le contraindrc il abandonner le traité,
le partí dérnocratíque enlassait sur lui les épithetes
d'Anglais,de corrupteur et de voleur, l'un de ses mem-
bres éluit sériousement soupconné d'avoir été Francais
il prix d'argent í.


1 Zl et 25 octobre 1795.-Wash. Writ., t. XI, p. 86,87,88.
! .Teffersonaaflinnéqu'il ne eroyait pas a la eulpabilité de Ron


ancicn col le gue, Le 31 dúcem bre 1795. il écr i va i t aW. n. Giles,
qui luí avait envoyó un pamphlet, plein d'inveetives eontre
Washington, qu'Edrnond Ran.lolph avait ócr it pour Sil dófcnse :
« Son rúr.it ost tell eme nt simple et nature l , que eeux móme qUl
« n e le ccrmuissent pas l'acquilieront du crime de s'étro laissé
« corrompre. Ce ux qui le co nnaissent I'avai en t Iai t des le pre-
, micr abord. » .Telrerson ne profcssait pas eependant un bien
grand respeet pour le ca rac te re , ni uno bion grande oonfianee
dans la fidci ité de son ami politique: « Le fait est qu'il a presque
« toujours donué ses prineipes " un parti, sa conduite a lau tr o ;
« a I'un l'huitre, a I'uutre I'écail l e. Malheureusernent l'écaille
« était souvent le 101 de ses amis, les républieains el les F'tan-
,. cais , l'huitre, eelui do lcurs anta.gouistes. Ceux qu i ont la
« mesure de sa capacité el de son earaoicre déelderont s'i l Iau t,
« commo il le prétcrid, attrlbuor sa eonduite a des vues supé-
e. rieures et a un attaohern ent invariable pour la raison et le
" .lro it, en dchors de touto considóration de partí, al! bien 11 un
« anxicux désir de se teuir toujours entre deux eaux.)} íJeff.l\Iem.
and Con'.> t. III, p. 324,325.) II semble résul i e r d'un passage des
Mérnoire s de J effersou que le Pr('sideni navait, dcux ans aupara-
vant, aeeepté la norninatiou de R •.nctolph au poste de secrétaire




35¡; DÉ~UHCHE AUPRES DE LüHD GRENVILLE (l70S.
Apres a voir, dans l'intérét de la paix avec l'Angle-


terre, suhi de pareillcs ínjures et repoussé de parcils
assauts, Washington avait quelque raison de compter
sur I'crnpressernent du gouvernement britanniquc alui
faciliter sa tache et quelque droit de lni donner des con-
seíls sur les moyens les plus propres acalmer la íermen-
tation des esprits. Gouverneur Morris, que le soin de ses
aífuires et le goút du plaisir retenaicnt alors a Lon-
dres, y vivait dans I'intimite de la cour, Washington
lui écrivit une longue leltre, destinée á étre lue par lord
Grenville. Apres avoir passé en revue les justes sujcts
de plainte que l'Angleterre avait donnes au peuple amé-
ricain : « Qu'il me soit perrnis de dire que, si la Grande-
«Bretagne a eu pour but la paix ct les bons rapporls
« avec ce pays, sa conduitc a été parfaítemcnt impoli-
« tique.... Si lord Grenvillc croit que les ÉtaCs-Unis son!
d'État que eomme un pis a.llcr : Jeffcrson se montraít décidé i,
se retirer; Washingto n , a.ttristé et embarrassé par cette rlétcrmj-
nation, le ccnsultait sur le ehoix de son sueeesseur. Ils avuicnt
passé in ntil ern ont en rcvue les noms des personnages les plus,
considerables; les llI1S n:.étaient point propres á la churgr-, les
autres n'en voulaicnt point: « Pourq uoi, » dit JelIerson, " ne
• prendriez-vous pas guelqu'un pM' int,:rim; M. Randolph, par
" exemple? »-" Oui : rnuis cela pourrait évciller e11 lui I'csp oir
• de devenir ddinilif, ct j e ne sais si] eonvien 1a l'cmploi. J e n o
« sais trop ce qu'on en pensc. » Jefferson évitant de répondre
sur ce point, le Présídent lui adressa direeternent la question :
« Jc vais si peu dans le monde, » rcpartit Jefferson, « que je J'E
,( sais guere ce qu i s'y dit. Je crois cependant savo ir que
e: M. Run d olph a des embarras de fortune, e t que cela I'oblige il
« avo ir re co.urs ti des e x péd ieu ts qui o n t un reu n u i asa consi-
.. dération au pres des marcb ands el des b outiqu iers, et porro
« at tom te asa ró putation et a son inc!épendanee. Ces embarras
~ sont sór ieux et n'ont pas grande chan cc de cesser de sitó t. n
(6 ao ú t ¡-¡g3.-Jeff. Mem. and Corr., t. [V, p. G06.1 --Voyez su r la
question d o Ia c ul pab il ité de Randolph:GiLbs. :l{em.of thc Adm.


W",h. ando J. ,id•. t. 1." 23:;>-280.




RATIFICATION DU TRAITE PAR L'ANGLETERRE. 357


« mal disposés pom la Grande-Bretagne, et s'il veut bien
« chercher les causes de ce sentimcnt, il arrivera apar-
« tager ma conviction ; il adoptera une politique con-
{( traire au maíntien ou au rcnouvcllcmont des mesures
« qui nous ont irrites. Bien que, venant de moi , une
« affirmation n'ait pas grande ehanee de porter la certi-
« tudo dans I'esprit d'un membre de l'admínistratíon
« hritannique, il peut ten ir pour cerlain qu'une politi-
( que libérale sera le moyen le plus efficace de tirer
« avantage, pour le commerce et les manufactures de
« l'Angleterre, du peuple eles Etats-Unis .... Nous au-
{( rions pu souhaiter un traité plus favorable et il au-
« rait été , peut-étre d'une bonne politique de la part
( de l'Angleterre de nous l'accordcr l. II


Avaut d'avoir pu rccevoir communication de eette
lcltre, tombée, on ne sait trop eomment, entre les mains
rlu direetoire francais 2, le gouvernement britannique


1 2'2déc, 1795.-VVash. vv,·it., t. XI, p. 99.
2 Le 25 ao út 1796, Washington écrivait 11 ce propos au mimstre


des États-Unis it Par-is : « Je me perds en conjectures pour com
« prendre comment il se peut q u'un e lettre de moi, écrite 11 Ull
« ami et cnvoyée par un v aisscau américuin, soit tom bée entre
« les m ains du Directoire. Vous d ite s qu'elJe a produit un rnau-
• vais cff'et.Jc ne saurais me I'expliquer, 11 moins que mes dis po-
• sitions pacifiques ne portent ombrage a la France. Il n'y a pns,
« dans ma Iettre , un seulmot qui puisse donner Iicu do croire que
« je v eu il le soulcnir la politique angluisc d ans sa querello avec
« la Frunce. En ce qui touchc 11 la lurte dan, l aq u e ll e cette na-
< tion e st engagée, m a conduite, tant publique que particuliére,
< a étú, des l'origine, p arfai te m e nt unifnrme. Elle peut se résu
• mor en peu de mo ts : j'ai toujours n ettcmcnt déclaré que, seion
« 1110i, au cu n e nation n'a le clroit de s'ingérer dansLes affai r es
< in't"'ri~ures d'un autre pcuple ; quc chacun u le droit d'udopter
e: la formc de gouvernerncnt qui Iu i plnit : que si mon pays peut,
e sans vicler ses cngagements, garder une stricte n eutrnl rté et
< mainrcnir la paix, il do i t le i'ai rr-... Je me BUlS tuujours te nu




3;,\8 UlTTE DE WASHINGTON AVEC I~A CHAMnRE


avait consenti a la révocation de l'ordre du 8 j uin et
a la suspension de l'artícle XII. Le traité, ainsimodiílé et
ratifié , arriva en Amériquc dans le courant de íévrier
1796. Washington le fit aussitót publier, en le procla-
mant la loi du pays 1. C'étaít le signe de la défaite de
l'oppositíon, défuite prévue, muis non accepléc par elle.
Un dernier effort restait á tenter. La marche á suivre
était depuis longtemps tracé e : « J'espere bien, »écrivait
Jefferson de sa retraiíe , des le 30 novemhre J795, CI que
« la branche populaire de notre législature désapprou-
« vera l'ceuvre de Jay, et nous débarrassera de cet acle
« infame, qui n'est rien d'autre qu'un traite d'alliance,
« entre l'Angleterre et les anglomanesde ce pays, contre
« la légíslature et lepeuple des États-Unis2 .» Le parti dé-
mocratique était, en cífct, en majorité dans la Chambra
des représentants, Il soutint que la Constitution n'avait
point investi le Président du droit de conclure un traíté
de cornmerce sans le concours des deux branches du
Congres, et que Washington avait manqué de respect al!
peuple en ne consultant point ses représentants, a1ant
de revetil.'le traité d'un caracíere définitif3. Comme
pOU!' constatcr le droit qu'ellc s'arrogeait, la Chambra
demanda communicalion de la correspondance relativo
ala mission de Jay en Angleterre '. Dans un mcssago
« aces principes, et je porte dé(;;, to u tes les ealomnies n"pandue~
• duns le desscin de semer la méfiance dans la nation fruncuis« el.
« de lui fu.i re cro i re que l'influence anglaisC' domine les cun sui ls
« de ce pays. Ce so n t autan t de faussetés injur ieus es, »- H'ash,
ne,-d., t. XI, p- lG4~167.


i 28 février 1796.
I Jeif. Mem. ami. Corr., t. III, p. 323.
8 2·;4-1 m ars l7H6.
• 2,1 mars 1796.




IlELATIVEMEi\T A L'EXÉCUTTOX nu TIlAITE (1700). .%9


spécial, Washington refusa nettement les pieces qu'on
prétendait lui arracher : « Comme il me paraít tout il fait
« évident que le consentement de la Chambra des rcpré-
« scntants n'est point nécessairc il la validation du
« traité ... ' que le secret est indispensable aux négocia-
II tions diplomatíques.... et qu'il est essentiel de main-
(( tenir les limites établies par la Constitutíon entre les
« divers pouvoirs de l'État, mon respect pour la Con-
« síitution et pour les devoirs de ma charge me défend
« de céder á votre requéle l. )


A la réception ele ce message, I'Assemblée déclara
que, daos le cas ou son eoncours était nécessaire aI'exé-
cution d'un traité, elle avait le droit d'an exarniner
"opporf.unité et la valeur. Ce príncipe étahli, le débat


mgagea sur le fond mérne de la négociation et sur la
.mvenance de voter les mesures législatives néces-
aires il son exécution. Pendant pres d'un mois', on


put croire que la Chambre se refuserait ales adopter,
Les affiliés des sociétés démocratiques s'agitaient avec
fureur : les pétiíinns contre le traite, les dénonciations
contre le President el le Sénat , les demandes de mise
en accusation aííluaicnt a la Charnhre des repré-
scntants , enf1ammant la discussion , troublant les
esprits , soutenant I'opposition. L'attention du pays
se concentrait sur ce grand débat ; les affaires étaient
suspendues : « Toute l' Amérique,» disait.lelfersoo,» est
« sur la pointe du pied, le cou tendu, il regarder la
« Chambre et aattendre sa décision 3. )) Ce n'étaít pas


1 ao rn ars 1'790.- Wa;~h. TYrit., t. XII, p. 11E.
i A vri l 1'7%.
:1 ]',if'. Me",. and Corr. t.]JI. [J. 32fJ.


.....,.


.~




;100 LA CHAMBHE VOTE LES MESURES D'EXECUTION.


puro cnriosité. La masse honnéte et sensée de la nation
élait profondément inquiete; le cornmerce s'alarrnait,
Que deviendraient les indcmnités stipulées en faveur
des négociants arnéricains, si le Congres se refusait á
exécuter le traite? Etait-on en mesure de les proteger
contre les torces navales de la Crande-Brctagne, dans
le cas oú ron serait cntrainé ala gllerre par un vote
de pnrti ? Quel gouvernement serait possihle, si tous
les droits du pouvoir exéeulif étaient ainsi contestés, si
sa liberte d'action était ainsi toujonrs entravée '1 Le Pré-
sident avait raison ele vouloir écartcr de l'Amérique les
calamites de la guerre, el défendre la Constitulion
contra les usurpations de la Charnbre. Des mernoires
pressants pour la supplicr de ne point trouhler la paix
du payssllccéderent aux violentes adresses des rncncui .


• de club. Le parti dérnocratique se laissa óhranler, et, I
29 avril 1796, au moment décisif', trcize de ses mern-
bres se joignirent aux fédéralistes pour reconnattre
l'urgence de voter les mesures d'exécution.


Au dehors, cornme un dedans, la politir¡uc de Wash-
ington triomphait. L'année J jU;) avait été, pour lui,
fécondc en succes diplornatiques. On ne risque pas
heaucoup de se tromper en affirmant qu'ils étaient, en
grande partie , la conséquence de la réconciliation
entre les États-Unis et l'Angleterre. Ne se sentant plus
souteuus dans leur hostilitó contre l'Amérique, les
fuibles ad versaires qu'elle avait encere a cornbnttre
.-;'éta:ent résignés a lui ceder ; les Incliens du nord-
ouesl s'ét¿l.ient soumis; le dcy d'Alger s'était engagé iI


1 Le traitú qui me tt a.it fin iL la guene ave c les Indiens d u XorJ-
Ouest a vait ,''1,; conc!u par lo ¡¡"néral Wuym-, le ;, aout ¡,1I5,




TRAITlt AVEC L'ESPAGNE (1795). 361


rI'1;\('h('r les captiís américains dont Washington récla-
mait en vain, depuis plusieurs annees, la mise en
libertó"; l'Espagne avait concln avec les États-Unis un
traité qui leur assnrait la libre navigaíion du Missíssipi,
leur donnnit le droit d'entrepót a la Nouvclle-ürléans,
et leur íaisait Iaire un pas vcrs l'acquisition de la Loui-
siane 2. Jusqu'en1794, elle avait su éluder la négocia-
tion sans la rompre, élevant des diíflcultés.rsuscitant
des embarras, adoptunt un langage tantót presque bel-
liqueux, tantót prévenant, et toujours préte il se joindre
al'Angleterre dans desprojets hostiles contre les États.
Ilnis. Mais, abandonnée á elle-mérne depuis I'heureuse
issue de la rnission de Jay, épuisée d'ailleurs par la
guerre qu'elle avait soutenue contre la Franco, pré-
voyant déjá qu'elle serait obligée de lui abandonner
un jonr la Louisiane , el attachant des lors moins
d'importance a contenir le développement de la puis-
sanee américaine sur les rives du i\lississipi, l'Es-
pagne s'était enfín décidée aaccorder ce qu'elle refu-
sait depuis 1778.


Washington avait surmonté toutes les grandes diffi-
cultés diplomatiques que lui avait léguées le faible
gouvernernent du Congres : le peuple arnéricain étaít
aífranchi des cntraves que ses voisins avaient voulu
mettre il son essor ; il était libre de s'étcndro sur son
territoire, sans s'exposer au danger de hriser l'Union.
C'esf á Washington que les États-Unis doivent le déve-
Ioppernent de leur puissance dans l'oucst et le midi.


i En vertu d'un traité, signe, le 5 scptembre 1785.
2 Le truité avcc l'Espagne, sigIlI:' 1t Madrid parTh. Pinckney, le


27 oc tob re no", íut appruuvé par le Sénat el ratifié, le 3 mar
¡796.




362 DÉMARCHES DE WASHINGTON POUR OBTENIR


Au milieu de tant de grandes préoccupations, Wash-
ington n'était pas assez absorbé par les soucis de la lutte
ou le plaisir du succes pour ouhlier que son ami, M. de La-
fayette, étaítprisonnicr dans le donjon d'Olmüíz. Ríen
n'est plus touchant que l'érnotíon et la sollicitude avec la-
quelle il suívaít de Ioin les souñrances de son ancien
compagnon d'armes. Elles étaient pour lui une source
d'angoisses d'autant plus « poignantes 1 » qu'il sentait
son impuissance il les soulager. Cornment intervenir en
faveur d'un citoyen américain arróté en qualité de
général francaís ? De quel droit demander aux alliés son
élargissementt Ponr qui connait bien la vivacité de
l'affection de Washington pour M. de Laíayette , la
fermeté de son attachement aux devoírs de sa charge
et la fierté de son ñme, il est difficile de décíder ce qu'il
faut le plus admirer de la vertueuse réserve qu'il s'ím-
posa longtemps pour ne point commeltre le gouverne-
ment de son pays, ou de la démarche ínsoliteet presque
indiscreto que l'amitié lui fit tenter aupres de I'ernpe-
reur d'Allemagne. En vain , il avait fait indireetement
appel a la générosíté de ce souveram ; en vain, il avait
cherché aprovoquer la puissante médiation de la Grande-
Bretagne ; il écrivit direetement al'Empereur : «Votre
«( Majesté n'ignore lJas qu'il est des círconstances ou des
« raisons officielIes imposent le silence et l'inactíon au
« chef d'un peuple, alors que, comme homme, ses senti.
e, ments et ses devoirs l'obligent it parler ; je me trouve
« dans une tellc situation : je prends done la liberté
« rl'adresser cette lettre á Votre Majesté en quulitó de
ce simple parliclllier.}) Puis, aprcs avoir insiste sur la


1 Wash. w-e., t. XL p. 128.




I"A srrsr: EN LIBERTÉ DE 1\1. DE LA FAYETTE. 363


rcconnaissancc que lui et son pays devaient aM.deLa.
fayelte et supplié l'Empereur de meltre fin aux souf-
frunces du général : « Comme j'ai pour maxime de ne
« [amáis demander que ce que je voudrais accorder en
« pareille circonstance, Votre Mnjesté me remira la
!( [usticc de croire que ce que je la prie de faire me
«( semble conforme a ces grands príncipes de magna-
( nimité et de sagesse qui sont la base d'une bonno
( politique et d'une gloire durable ', ))


1\1. George de Lafayette, fils du général el fílleul de
Washington, s'était réfugié aux Etats-Unis 2. Le Pré-
sident hésita longtemps il le laisser venir aupres
de sa personne : ( Je vous prie de donner a ce [cune
« homme l'assurancc que [e suis résolu alui lenir lieu
« de pero, d'ami, de protccteur el de soutíen » écrivait-
il a George Cahot , en apprenant l'arrivée du [eune de


Lafayette; «mais il vaut mieux que mes sentirnents a
( son égard ne soient point rendus publics. La situation
« dans Iaquclle il se trouvc, celle de sa mere et des
« amis qu'il a laissés dcrrícrc lui, et enfln mon carac-
« tero ofticiel s'y opposen t. 11 va de soi qu'il ne scrait pas
« convcnable que le jeune hornme se rendit al! sióge du
({ gouvernement général avant que nous ayons pu nous
« assurer de I'effet que produirait son arrivée .... J'ai
.( donné l'ordre de pourvoir, a mes Irais, a tous ses
« besoins el aceux de son préceptcur; mais, quant asa


115 mai 1iD6.-Wash. Writ .. t. XI, p. 125.-~f. de Lafay et to
Iut mis en liberté le lO septembre 1707 et rcrnis, h sa demando,
au consul américn in Ü Ham Lo ur g. On ne sait pas dans quelll:
mesure la Jettre de Washington al'Ernpereur peut avoir contrr-
bué ;¡ (:ü r/'~lll tal.


I Aoú t 1795.




3GI RAPPORTS DE WASHINGTON AVEC LES :ÉMIGR}:S.


{( venue aPhiladelphie, comme le ministre de Franco ~
{( résiele, cela pourrait donner licu á eles embarras, sans
¡( amener aucun bien. En attendant, et pour éviter les
( dangers de la paresse et de la dissipalion, je propose
( de le faire admcttre al'université de Cambridge l. »
Le Congres ayant déclaré, peu de mois apres, qu'il éíait
( convenable de témoigner au fils de 1\1. de Lafayettc
« la reconnaíssance du pays pour les servíces de son
{( pere 2,» Washington put céder au sentiment de son
creur et recueillir sous son toit l'enfant proscrit de son
ami.


Les susceptibilités tracassieresde la légation írancaise
et le perfide empressement que mettait le partí démo-
cratique a les exciter et ales exploiter, roe ,,,ient une
teIle prudence nécessaire.


Le Président avait pour principe de n'!f"Jir aucun
rapport personnel avec les émigrés : ({ Les recevoir pu-
« bliquement dans mes salons,» écrivait-íl aHarnilton,
{( ce serait en éloigner le ministre de Francc..., Les
( recevoir en particulicr, ce serait attirer encore bien
« plus l'atlention.... Je voudrais pouvoir éviter l'impe-
({ litesse, sans amener des embarras politiques.... En
«<qualité declignitaire de Iarépublique, c'est mon devoir
( de ne point oñcnser les puissuuces amies en faisant
(( trop bon accueil aleurs proscriís 3.» Et au duc de
Liancourt, pour s'excuser de ne l'a voir point recu :
:{ Malgré I'extréme circonspection de ma conduito it
{( l' égard eles gcntilshommes de votre pays que leur


i Wash. Wl'it., t. XI, p. 65, 7l.
118 mars 17D6.-TVash. Writ., t. Xl, 1'.118.
3 6 m ai 17(J4.-TVash. TVrit.. t. X, p. 411.




nrSPOSlTIONS HOSTILES DU DlRECTOIRE (1796). :J6~
(( émigratíon a rendus suspects au gouvernement fran-
(( ~'ais, la prétendue faveuravec laquelle ils sont accueil-
« lis est alléguéc par le directoire eomme un sujet de
« plainte eontre lesÉtats-Unis.. ,. Pcrsonne mieux que
« vous, monsieur, ne peut npprécier la justice de eette
« accusatíon ; et, quant au reproche opposé, vous avez
« l'csprit trop pénétrant et trop équitablc pour De pas
« comprendrc les motifs qui m'obligcnt it l'atfronter el
(( il suivre une conduite contraire a votre attente et a
« mon souhnit 1. IJ


11 Y avait , de la part du direetoire, parti pris de
trouver rnauvais íous les actes d'un gouvernernent qui
avait osé trailer avec l'Anglelerre. Tant qu'il avait paru
possihlc ele íaire éehouer la négociation, le mécontente-
ment de la répuhlique franeaise ne s'étaít manifesté que
par les plaintes el les machinations ele ses agents. JIais,
(les le milieu de I'année 1i96, des syrnptómos graves
sernblerent indiquer en elle le dessein de donner aux
Élats- Unís des marques plus éclatantes de son cour-
roux. De tous cótés, le Prósident recevait I'avis e que les
corsaircs írancais s'attaquaicnt aux na vires américains ;
que l'ordre d'intorcepter les communications entre les
États-Unis et la Crandc-Brctugnc allait étre donné aux
croiseurs de la marine nalionale; que des gens sus-
pecls parcouraient le territoire occidental, ohservant
les postes militaires et excitant le peuple ase séparer
de l'Union et ase reunir a la Louisiane, dont la France
méditait l'acquisition 3; les bruíts les plus menacants


1 8 aoút 17fJ(j.-Wash. Writ., t. XI, p. 161.
2 JUiIl 1¡UG.
3 Gibbs ..l1em. 4tl", Adm. oflVaoh. and.J. Ad., LI,p.<i5D-356.




¡¡(jI) QUEHELLE ENTHE LA FHANCE


circuluient it Paris ; dans ses dépéchcs , le coloner
1\Ionl'üe 1 se montrait fort alarmé des dispositions du
dircetoire.


Washington n'était pas cepcndant sérieusement in-
quiet : « JI sortira probablemcnt de tout ccci plus de
« fumée que de feu.... L'aífairc pourrait bien n'étre
« qu'unc gasconnade 2. )) Mais les guerres les plus terri-
bles commencent souvent par des gasconnades. Avunt
de se résigner aune rupture, meme passagere, avec les
plus anciens alliós de son pays, Washington crut devoír
solennellement tenter un appel au bon sens et aI'équité
des révolutionnaires impérieux , imprévovants et im-
puissants auxquels la France abandonnait alors le soin
de sa destinée, Il ne pouvait compter, dans ceUe ncgo-
ciation difiicile, sur le zele el la vigueur du colonel
l\lonroe, q ni, en plusicurs occnsions, uvait fait preuvo
dune complaisance exagérée pour les Jacobins et d'un
attachement indiscipliné aux prineipes du parti démo-
cratique. A son .irrivóe aParís, il s'était prété aux ova-
tions les plus déplacées et les plus compromettantes;
plus tard , il avait négligé de donner, sur le traite avec
l'Angleterre, les éclaírcisscments qui auraíent pu atté-
nuer le mauvais eífct qu'il avait produit en Franco; cnfin
il était en correspondance confidentielle ave e les prin-
cipaux meneurs de l'opposition, approuvant leur poli-
tique, hlámant celle qu'il avait a défendre, et si connu
en France paU!' son hostilité centre la Grande-Bretagne
que, dans ses plaintescontre le prétendu mauvais vouloir


t Ministre des Eiats-Unis aParís.
• ·?Jjuil!et J706.-lVash. Writ., t. XI, p. 155.




ET LES [tl'ATS-UNIS (17D6).


des Etats-Unís, le direetoire séparait le ministre de son
gouvernernent. Le colonelMonroe fut rappelé 1 et rem-
placé par le général Charles Cotesworth Pinckney, per-
sonnage considerable dans le midi de I'Union, et Iídolc-
ment attaché ala poli tique fédéraliste, sans avoir encore
dé engagé d'uno facon cornpromettante dans les luttes
des partis.


Il n'était pas encore arrivé en Franco lorsque 1\'1. Adct'
communiqua au secrétaire d'État, Timothée Pickering'
un arl'l~té du dircctoire, du 2 juillet1796, déclarant de
bonne prise les marchandises ennemies saisics a Lord
des navircs américains, Au norn du trailé de 1778 entre
la France et les États-Unis, Timothée Pickering pro-
testa contre cette mesure. M. Adet lui répondit par des
récriminations contre le traitó avec l' Angleterre ~, et


1 '22 aoút 1796.- Le colonel Mom-ee n'apprit son rapp cl que
dans le mois de novembre 1796.


2 Ministre de France.
, Ti rnothée Pickering était secrétaire d'État d epuisIe 10 dé-


eembre 17D6.
~ Le reproche le plus grave que le Direr-to i rr- ad rcssát aux


Etats-Unis dait d'avoir abandorinó, par leur traite de] 794 ave e
I'Angleterre, lo pr incipe que le pavillon oouvre la marchandise
principe que lo truité de 177,~ avait établi eomme regle, dans
les rapports entre la France el les Etats-Unis. Le gouverne-
ment américain n'avait j arn ais cru pouvoir l'invoquer dans
"es rup pcrts avcc la Grande-Bretagne, e t il l'avait toujours
regardl- , n on COH1Ule un axiome d u dro it des gens universel,
rnais eomme une regle purernent eonventionnelle ne puuvant
avoir d'elfot qu'cntro les co ntructunts. Des le 22 juillet 1793, .Jcf-
ícrson exposait en ces termes a M. Genet la dor t rine du gouver-
¡¡ement' amé ri cain sur cctto question tant débuttue : « L'on ne
" peut, jo c ro is , mcttre en dOULe qu'en vertu des regles génó-
« ralcs da droit des gens, les marchaudises ennemies trouvées 11
« hn r.l .I'un navire ami sont de bonne prisc .... Il est vrai que,


pour óvit or les i noonvén i en ts et les a bus qu'entrainent les
t ', ¡;;ltc:;; en .n or. .. , divers pcuple s ont intro.lu. t , llans des truités




36R LE MINISTHE DE LA REPUBLlQUE FRAN~'AISE


dans l'espoir d'agir sur les esprits en faveur du partí
démocratíque, au moment ou les électíons pour la Prési-
dence approchaient, il rendit sa réponse publique, dé-
clara ses fonctions suspendues, et insinua que lé cour-
roux de la Frunce s'adressait, non au peuple arnéricain,
• spé ciuux réglant leurs rapports entre eux, un nouveau prin-
• cipe, a savoir que le pavillon ennemi rend la marchandise en-
« nemie, et que le pavillon ami rend la marc h and ise am ie , prin-
e; eipe beaucoup rnoins vexatoirc pour le eomrneree, et qui,
< quan t au gain e t a la perte, agit de la m ó m o fagon sur les par-
• ti es contraetantes. Ma is il ne peut ó tre établ i que par des trai-
« tés particuliers, modifiant, dans ce rta ins eas dúterminés , les
« regles générales du droit des gens el ü bliguto ires pour ccux-Ia
« seuls qui les on t co nclus. L'Angleterre s'est presque toujours
e aitachée amaintenir la regl e eomrnune dans toutesa rigucur :
« elle n'a, je crois, qu'une seule fois adrnis le principe que le
« pavillon donne sa nationaliié a la marehandise i e'est dans son
« truité avec la Prunce , Nuus av ons adopté cctte d6rogation au
« droit des gens dans nos trai tés avee la France, les Provinees-
« Unies et la Russie ; dans nos rapports avee ces puissances,
« notre pavillon couvre la rnarchandise ennemie, et nos mar-
« chandises sont de bonne prise sur les vaisse aux ennemis...•
« Avec l'Angleterre, l'Espagne, le Portugal et l'Antriche nous
• n'avons puint de traites : donc rien ne nous autorise a nous
« opposer ace qu'ils se eonforment a la regle générale du droit
• des gens que les rnarehandises ennemics saisies a bord d'un
« navire ami sont de bonne prise. El je ne vo is pas trop en quoi
« la France pcut avoir a en souifrir; elle perd, il cst vrai, ses
« marehandises lorsqu'elles so nt saisies sur nos vaisseaux par
« l'Anglotcrre, l'Espagne et le Portugal; mais elle gagne nos
« marehandises lorsqu'elle les trouve a hord des vaisseaux
• anglais, cspagnols, portugais, autrichiens, hollandais et prus-
• s i ens : et je crois pouvoir affirmer sans danger que n ous avons
• plus de rnarchandises a. bord des vaisseaux de ecs six nations
« qne la France ne peut en avoir a hord des nó tres, En censé-
« quence, le principe du traité de 1778 travaille al! profit de la
• France et a notre détriment. De toute facon nous scmmes
« d'ailleurs les perdants; car , lorsque le principe agit en notre
« faveur, e'est pour sauver les marchandises de nos amis; lors-
« quil agit contre nous, e'est pour nuus fuirc pcr.ir c nus prupres
e marchandises; et tant que la r0g1e ne sera que wartjel1emcnt




niais au parli qui occupait alors le pouvoir 1 : « Ses plus
'( tauatiqucs seclateurs n'hésitcnt pas tl reconnuitrc
, qu'il a, d.ms cclle circonstancc, agi ayer; trop de pré-
« cipitation, el par lá compromis la cause qu'il vouluit
l( servir,» écrivaít Washington. «Il préíend étahlir asscz
« Icrtuement son iníluencc dans ce pays pour dorniner
e' le gouvcrncmcnt el contróler sa politiquo ; de nouvcl-
« les preuvcs démonlrent plus clairemont c1wlJue jour
({ l'cxislcncc d'uu pareil desscin, et , chose triste il dire,
« au noin d'uno méflanco rúcllc ou simuléc centre les
« intrigues hritauuiquos, un grand partí remue ciel el
l( terrc pour secoudcrIes tcnlatives des Francais '. »


Le dircctoire avaií, en etfel, « compromis la canse
{( qu'il voulait servir. )) ,101m Adarns Iut nouunó Presi-
dcul, Washington allait quiller le pouvoir, Ses sentí-
mcuts it l'l\gard de la Frunce étaicnt entierement chau-
gt;S : « La conduite de la Frunce envers ce pays me pa-
t( raií outrageantc au dela de touto cxprcssion, Bien no
« l'uutorisc, ni son traité ayer; nous, ni le droit des
« gens, ni les principes de l'équiló ; elle n'a [las memo
« pour elle le rcspect des uppurcnces. 011 pouvait se
t: (~:laLlic 1l0U~ sc ro ns un perlC. lJUlIUclllousl"aul'ons (~tablje dans
« uus rap po rts av cc t ous les pellplus~ n ous n o pourrolls ni gagner
« ni pcrdre ; muis nous scro ns mo ins cx posós it l1c;:; visites v cxu-
« to i re s en int-r. ,---(Jen·. Mem. aiul Corr., tv Ll l , p. 2138.)


En n..'cüll11'li~~~alltÚ lAnglctcrr e le droit de sa.isi r les m arc h an ..
JjS(~S ellIH~llIIC'S 11 ho r.! des n av ir cs arn éric nius , le: tru iró de liLl4
u'iurroduisait done pas une n ou vcu utú et u'uut o risui t Pi]S les
aclc:s de rC'présailles ord o nnr-s pitr I'arrúié d u dirccloir(: dl¿
:?' j uil lc t 1700: \Vash¡n3lvn éwit cl'ui l l c urs tuut prc,t. ú a cc o r.lc r il
la FraIlee le .Iro it í1ui l rccunuu.issui t Ú l 'An glctcrre, el h llllhJ .Iiur
':1l ce sc ns le tr ait« de IT1H.


1 K o vcm hr« 17DU.
9 GJ111\ier 17u7, - !Vaslt, Writ., t. XI, 1" 17U.




a:u II i'JH:¡JIt DE WASlTIKGTO)l CO'\TRE LA FUA:\CE.


« flatter que la nalion Ir.mcaise Iiendrait compíc de
« scmblahlcs considóratíons. Ouant iJ. ses protcstations
« d'amitió et de íendre attachcment pour 1l0US, jo
« n'avais íondó aUCIlt1 cspoir la-dessus ; j'avaís bien
(( pensó qu'elles nous seraient prodiguécs aussi long-
« tcmps qu'on "Y trouverait intcrét puis rctirées di,,;
« (1[1'011 en serail vcnu iJ. déwuvrir que rien no peut
« nous arrachcr il cettc neutralilé strictc, que HOUS
« avons adoptéo ct maintcnuc avcc pcrsóvérance....
( C'cst une chose avéréc, ct dont l'histoirc fail foí , que
r( I'humeur turhulcuío des Francais et la politiquo
« naturclle de leur nation les portcnt iJ. vouloir toujours
« agir sur les gouverncmcnts étrangcrs, ouvcrtemcnt
« ou en cachettc, par la menace OH les carcsscs ....
« QlI:lnd les documcnts que je fuis publier auront
C( P:;I'U, les hounéles gens, ceux mómo dont l'esprit est
« asservi aux idées Irancaiscs, s'apcrccvront que la
« Frailee n'a point a notro rcconnaissance autant de
« droits qu'on le supposc en gl~nél'lll'.»


La Frunce portait le poids de loules les Iautcs et de
toutes les folies cómmises par ccttc longuc serie de des-
potes incapables dont elle avait trop patiemment sup-
porté le [oug. L'influcnce Iégitimc (lile lui avait donnée
en Amórique la poliíique de Louis XVI íut compro-
mise, du jour oü ene Iut mise au service des passions
róvolutiounaires, el ou elle devint redouluhle il tout ce
'j uc la nation nméricaine avait de gens honnétes et
:<CI1Sós. Au milieu des conseils de j usLice, de modéra-
Iion et de prudencc quc Washingtou adrcssait á ses
clJncilo~ ens dans tia lcttre d'adieu, conuue un testainent


1 J auv icr 17v7. -::-)Vash. Wl'it., t. XI,!,. nv, ]80, H::l, 18(j.




poliliqnc, rolcntissuient des paroles: de défíauco centre
];, naíion qui avait le plus conlribué al'añranchisscrncnt
rlcs I:~\;lts-Unis : II Sovoz justes et loyaux cnvcrs tous les
II pcuples ; vivez en paix el en honne harrnonie avcc
.1 tous. La religion ct la moral e V011S en Iont une loi; se
rl pourraií-il (lue la honne poli tique nc le prcscrivit
« point '? ... Se pourrait-il que la Providcncc n'cút établi
« aucnn licn cnlre la Iélicító d'une nation et sa verlu? ...
(1 Fnvoz ccs anliuathies invótéréosct cet avcugle attache-
« mení ponr cerluins Elats qui rendent un peuplc I'cs-
l( clave de ses pnssions.... Fuyez ces haines qui poussent
« les gouvernemel1ts ala gl ierre, en dépit des calcula les
(1 plus sagcs de la politique, souvent au prix de la li-
(1 bcrló.... Novous laissez point emporter par ces aílec-
« lions passiounées ponr un pcuple .... qui permcltent it
(( des citoycns arnhitieux, corrompus 011 avouglos, de
(1 trahir ou ele sacrifler les intéróls de leur propre pays
( sans devenir odieux, quclquefois en devcnant d'autant
(1 plus populaires.... Oue d'occasions ainsi offerles aux
(1 pnissances (~lrangcres ele s'inunisccr dans les factions
(( domestiques, de pratiqucr l'art de la séduction, de
e( pervertir I'opinion , d'influenccr 011 d'intimidor les
(( conseils puhlics l. .. La jalousie d'un peuple libre (je
(( vous conjure de m'en croire, chers conciíoycns) doit
« étre consíamment éveillée contre les ruses perfldes
[( des influences étrangeres. Ce sont lit, les lccons de
« I'cxpcrience et de l'histoirc nous I'enscignení, les
« plus morlels enncmis du gouvcrnerncnt répuhli-
(( cain l. ))






cnAPITRE XVI
4 mar- li9i -14 décernore 1799.


~~fl~h¡ngton h Monnt- V{,fnon.-Lo gUf'rre entre 1:1 France rt les Ftats-TTni!ll
d'-'\'il'Ht l'folJabll'. - \Va~hington ('~t ncmmé général ton chef df':'; al'nlt~t\~
amér¡caiIH.'~:.-S(I:;dcmólcs avec le Présiut.'I1t.-l\,lort <leWashington.


Molns de trois mois apres avoir quitté Philadelphie
el le pouvoir, Washington écrivait de Mount-vernon a
OlivierWolcott, secrétairc du Trésor : « On fait bien des
« conjectures sur les motiís qui ont décidé le Président
« á con voquer le Congres tl celte époque de l'annéc; on
« prétcnd qu'il es!' question de meLtre un embargo:
« vous qui efes acteur sur le grand théálre , vous
« savez mieux que personne a quoi il faut s'en tenir
« la-dcssus, Qnant amoi, m'élant détonrné des grands
(( chcmins de la vie publique pour entrer dans les étroits
« seuliers de la vie privéc, je laisse toutes ces questions
« á l'cxumcn de ceux qui sont chargés des ínterels de
« ni:tal, el, comme c'est le devoir de tout 'bon citoyen,
I( je suis ]lI'Ct :\ me ranger aux décisions des pouvoirs
« pulilics , quelles qu'elles puissent étre 1. » Et a


I 1'"' nn; 1'i!I'i.-Wa.\¡, nT,-it., t. XI, p. 198.




374 WASHIXGTON


Me Henry, secrétairc de la GUCITCi : « Je VOllS rlois
« plusieurs lettres. N'importe : continuez it nr'ócrir«
« comme si je vous répondais. Vous étcs á la source des
« nouvellcs; vous avez beaucoup de ehoses araconler ;
« rnais rnoi, qu'aurais-jo il dire qui pút insl.ruire ou
« amuser un secrétaire de la Cuerre it Philadclphio,
« sinon que je me leve avec le soleil ; que lorsqt le, it
« cetic heurc matinale, je ne tronve point mes journn-
ce liers en place, je leur envoie des messages pleins de
ce tristesse sur leurs indispositions; qne, lorsqne j'ai mis
« en mouvemcnt tous ces rouages, je continue mon
« inspection générale ; et plus je regarde, plus je vois
« combien sont profondes les hlessures qu'ont faites ti
« rnesbáliments une absence et une négligencede huit
« ans. Vientle déjeuner, vers les sept heures, il peu pres
« au moment oú vous prenez congé de Mme Me Hcnry;
« le déjeuner Hui, [e monte sur mon cheval, eUe lais le
« tou r de mes Ierrnes, ce qui m'occupe jusqu'á l'hc ure de
ce s'habillcr pour le dincr. H se passe bien raremcnt un
« jour sansque j'y voieparaltro des vísagesótrangcrs. On
« vient, dit-on, par respect pour ma personnc; vraimcnt
« le mot de curiosité nc serait-il pas plus ú su place?
« Que cela ressernble peu a la société d'un petit nombre
« rl'amis gaiernent réunís autour d'une bonne íable !
ce Le temps consacré au diner, puis une prornenade,
ce puis le thé.an'amencnt it l'aube du jour que donnent
« les flambcaux. Quand je n'ai personne il cníretenir,
« jo prends toujours al'avance la résolution de rn'en-
« fcrrner dans mon cabinet pour rópondro aux letíres
«( que j'ai recucs, des (¡lle la lueur vacillante des bou-
« gies ama remplacé l'cclat du grand luminaire. Mais,




A 2\IOFXT-VER:\O~ (1797).


« quand viennent les bougics, jo me sens fatigué, peu
« disposé n ce travail, etje me dis que ce sera asscz tót
« le lcndcrnain. Le lendernniu arrive, el avec lui les
« mémes raisons rl'ajournemcnt, et ainsi de suite. Ceei
« vous explique comment il se fail qne vol.re lcttro soit
« restée si longtcmps sans réponse ..Te vous ni donné
« l'histoiro d'un jour ; elle vous suffira pour toute une
« année, et je suis persuade que vous ne rn'cn doman-
( derez pas une seeonde édition, Peut-étre soroz-vous
« frappé de ne voir aucun instant consacré it la leclure
« dans cettc dístributiou de ma journee, La remarque
« serait juste ;je n'ai pas ouvert un livro dermis que
( jo suis rentré chez moi, et je u'aurai guere le tcrnps
( de le faire tant que je n'aurai pas renvoyó mes ou-
« vricrs, ce queje ne fcrni probahlemenl que lorsquo los
« uuits seront dcvcnucs plus longues, et alors je SE:l'Ui,
( peut-étrc, ú lire le livre du jugcment dernier 1. »


Parrni les étrangers auxquels la curiosité 011 le res-
pect Iaisuicnt enlrepreudro le pelerinagc de !lIount-
Vernon, se trouva un jcune princo de la maison de
Bourbon, le duc dOrléaus, alors proscrit, dcpuis roi
des Francais. Washington lo recut avec tous les égnrds
qui étaient dus iI sou rang et il. ses malhcurs , et avec la
dignité tranquille d'un vieillard q ui avait nffranchí et
gouverné le nouvcau monde, La visite du duc d'Orléans
ne dérangca en rion les habitudes du général, et le jeune
prince put assislcr ú I'unc de ces [ournées dont Wash-
ington avaii racontc l'histoiro it !\le Henry. Au lever du
soleil, le duc d'Orlóalls le vit partir achoval, hahilló d




~76 WASHTKr:-TO"l DEVE'\U


pondré nvec soin : « Comment, gl'~I1(~ntl, pouvcz-vous
« VOlíS lever de si grand matin? )) lui dit-il it son
retour, - « Je puis me lever de granel matin paree
(( que je don; hien ; el sachez ccci, [e dors bien parce
(( (Ine [e n'ai jamais écrit une ligne sans me ñgurer quc:
I( je la voyais imprimée. »


La prudence do Washington n'avait ríen de commun
avcc cctte circonspcction gratuite, égoísle ot poltronne,
la plaie do tant d'honnétcs gens, qui lcur Iait voir un
danger personnel au bout do tonto libre cxprcssion </1'
leur pensée , ni avcc cettc circonspection obligée el
inquiete, lccuátiment des politiques corrompus qui out
trop de secrets a gardor. C'était la prudencc calme t:l
réfléchie d'une grande ame qui se respecte trap pOllr
ríen dire qui ne puisse étrc avoué el maintcnu, el d'un
homme d'État patrioto qui sorit qu'en se compromet-
tant, il compromettrait la chose publique. De 1:'1 sa
Iongue reserve au milieu des 111 ttes intestines qui divise-
rent le peuple amérícain pendant sa présidcnce, reserve
qu'il sut garder tant qu'elle fut uíile au hon gouverne-
ment du pays, mais qu'il ahandonna des qu'elle devin L
incompatible avec les devoirs de sa c1rarge. Le sentí-
ment de la responsabilité qui s'attachc il une grandeur
exccptionnelle l'avait longtemps soutenu dans ses etíorts
pour se maintenir en dehors el au-dcssus des paríis ;
mais, dans les dernieres années de son administration,
l'opposition avait pris un caractere tdlernent facticux ,
elle s'était attaquée si directernent ala hase de toule
société el de tout gOllvernernent, elle s'éíait méléo si
ouvertcmcnt aux intrigues étrangercs, quil avail dú
choisir entre les deux poliliques (luí, an (l('~[¡trt., avaicnt




HmnIE DE PARTI. 377


pu se disputer sa Iaveur. Quand il revint se flxcr Ú
~IoLlnt-Vornon, malgré le désir qu'il exprimait it ses
amis de rester désorrnaís pnisiblo spectateur des événe-
mcnts, il était bien réellement devcnu un homme de
partí, ctil ne cherchait guere ale cacher 1. Il avait paYlí
sa dette envers sa patrie, et il ne voulait plus, méme de
loin, rester le chef de ses amis politiques ; mais quand
len!' ardeur semblait se rlllentit', ji p!'cnait encare la
pll¡me potlr [aire appcl a Ieur zelc; iI Ieur montrnit la
breche á défcndre et l'cnnerni Ú repousscr , s'attaquant
avec une ápreté calculée aux adversnires du pouvoir
el aux aíñdés de I'étranger, et mélnnt sans cesse SOH
mépris pour le directoire írancais a ses invectivcs
centre le parli démncratique.


Apropos du coup d'État de íructidor, il écrivait ti John
l\Iarshall, l'un des corrunissaires des Ét.ats-Cnis á Paris :
« Il est assez plaisaut dc voir ces hornmes qui, parmi
« nous, n'avaient pas assez d'injures contre le dcspo -
« íismc du pouvoir exécutif, el qui sonnaicnt le tocsiu
( á la moindre démarcho qu'une imaginaíion en delire
« pouvait íaire passer pour un abus d'autorité ou pour
( un acte d'usurpation, devenus tout a coup les cha-
« leurcux avocaís des mesures arbilraires adoptóes par
« le directoire, it la suite des arrestations du 4, septcrn-
« breo lis ne prennent mérne point la peine dc nier que
( la Constitution a éíé violóe. Non, mais tout cela a élé
J fait dans des vues de tendré miséricordc et par répu-
«gnance de verser le sang: o" Encorc, s'il y avait eu
IJ quclquc raison de soupconner flllC ces bannis


1 Voy. ¡VasiL. Writ .. t. XI, p. :l87, 4l5.




378 NOUVEAUX ACTFS D'I!OSTILITE CO;<¡TRE LES


« eussent trempé dans un complot centre la Con-
« stitution adoptée par le pcuple, les saisir, mérne
« d'une Iacon irréguliere, cela aurait pu se [usti-
« fíer, au nom de l'urgence et du salut public ; mais,
« apr~s s'étrc emparé de leur pcrsonne et les avoír
« soumís a l'action des lois, les condarnner sans les
( entendre, elIeur iníliger une peine plus crucllc peut-
« élre que lamort, c'est le comble du despotisme 1.))


l\IalgTé les eflorts du parli démocratique, le grand
public américain parlagea l'impression de Washingtou.
De nouveaux aetes d'hostiliíó de la part du direcloire
avaíent provoqué dans les masscs une réaction marquée
contre le mouvement de syrnpaíhie qui les entrainait
vers la Franco. En reeevant les lettres de rappel dn
eolonell\Ionroe, le gouvernement francais avait declaré
qu'il se refuserait a rccevoir tout nouveau ministre
plénipotcntíaire des États-Unis, tant que ceux-ci n'an-
raient pas Iait droit aux réclamations de la républi-
que. A l'audience de eongé de ~Ionroe. Barras avait
prononcé un discours injurieux pour le gOllVeJ'I]C-
ment des États-Unis, caressant pour le peuple améri-
caín, flatteur pour le ministre revoqué", Peu de jours


1 4 déeembre 1797.-Wash. Writ., t. Xl, p. n5.
! « M. le ministre pl éni pote n tiai re des Élals-Unis d'Amérique,
« En préEentanl aujourd'hui'au direetoire cxécutif vo s le r t rcs


4i. de rappel, vous do n nez ti. l'Europe un speciacle Cdrallge.
« La Franee, riche de sa l ib e rtú, eruou ré o du eoriége de se,


« v ic tc ircs , forre de l'estirnc de ses all iés, ne s'nbaisscra pas ~I.
« cal cul c r les su i to s de la condescendance du gonvcl'nernC'Id
« amó ri ca i n pour les suggc.stions de ses un ci cn s tyrnns .... La
« HépubliqtlB Iranc ais e esp('~rp, au surpl us, que Ir-s su cccsse u r«
« de Coll11nuus, Hamlri ph isic. san s dende pour Halrir;1J) ut. Pr-nn,
~ tuujours lier:; .lo leu r Jil)cr((~, u'ou l.l icruur j.una i» IJu'jh Ll UUJ-'




ETATS-TlNIS, DE LA PART DU DIRECTOInE (1707). 879


apres 1, le gónórnl Citarles Cotesworth Pinckney avait
rccu l'ordre de quilter le territoire de la rópuhlique.
Enfin un arrété, du 2 mars 1797, avait déclaré de plein
droit applicablcs aux hálirnenls arnéricains les regles
concernant la navigaíiou des navires neutros auxqucllcs
Washing-ton avait souscrit dans le traite de t7\)4 avcc
l'Augletcrre. En apprenant ces Iaits, John Adarns avait
cru devoir convoque!' le Congres : ( Le discours du pre-
(( sirlcnt dn dircctoirc cst ü dcssein rcmpli d'indignitcs
(( centre notro gouvcrncmcnt;» dit-il , en s'adrcssant
nux representante du pays ; ( il trahit l'inteníion de
« séparer le peuple de son gouvornement., .. II faut
« repousser aveevigueur de semblables tcntatives; il Iaut
(1 prouvcr a la Frunce et au monde que nous ne
« sommes pas un peuple df.gTadé, dominé par l'esprit
« colonial de la peur, humilié par un scntimcnt d'infé-
« rioritó, disposé ú devenir le misérahle instrumcnt de
t( l'inflncnce étrangere et san s nul souci du renorn,
r( de I'honncur el des intéréts nationaux. J'aurais d.é


({ vnn t h la Fr2.11cc.... 118 pescront d ans lcur sa-gcssc la rnae:nn.-
nimc bi cu vc i ll anc« d u jl8up]e fran cu is avcc les astucieuses


(( carC8SCS de qucl q ucs pcrtide s qui méd.tcn t de le ram e ncr a3011
un tio ue cs cl ava ge. Ass u rcz , ]\1. le rninistrc, le bon pcu pl«


«( aniéricain que, cormn e lui, nous adarons la li berté : que t011-
jours il aura notro estime, et quil trouvera d ans le peuple
franGuis la générositó rép ubl i caiu e q u i s ait accordcr la paix
com mo elle sait fai re rcs p cctcr Sol so uvcruin eté.
« QuanL ~L vous, 1\1. le m in is rro pll:nipotentiaire, vous avez


« co m b atru pOllr les p r in c ipcs , vous avez co nnu les vrais inll~­
e rl~ts de vo tr o patrie .... Par tez avec IlOS rcgrets, 1\ ous re ndon«
«. en vous un rr-p rósc n tnnt it I'Amérique , e t nous re trnon s le sall-
e venir .l u cdljy\_~n dont les qualités pcrsonnel1cs ho no rainnt ('u
<: tiü'(', " - JU)/Ylur! iles J)r,:úat,'\. et des ])t{"f'et:;. _1\1) ·1:3:2. -- S¡'~allcH
d u di¡,eelOín' ('~"u\_:Lltif d u 10 nivúsu un j.


t J uu v ieI" liUf'.




380 :lIISSION EXTRAORDINATím EN FHANrE (J7a7-17aS).


({ heureux de pouvoir [ctcr uu voile sur tous ces actes ;
« mais ils se sont passés sur le granel théátre du monde,
« ala face de l'Europe et de l'Amérique. Ils ont Iaissé
« une profonde blessure dans les creurs américains. Jo
« désire ardemrnent qu'on puisse la gnérir; je elésire
« vivre en paix et en honne amitíé avec tous les peu-
« ples; el jo crois que ni l'honneur, ni les iníóréts des
« États-Unis ne s'opposcnt it ce que nous róilérions nos
« avances it la Franco. Si des erreurs out élé cornrniscs,
( nous les corrigerons. Si nous avons en des torts, nous
« les réparerons l. ))


Ce n' était plus le grand langage oIflcid (le Washington.
En scmblablc circonslance, il aurait (~l¡'~ h la Iois plus fiel'
et moins emporté, et il auraít mieux réussi. Les COIII-
missaires envoyés en Frunce par .101m Adams restercnt
pcndunt six mois á París, livrés aux tracasseries de la
police et assiégés par les sollicitations officiellses des
agenls secrets de;\l, de Tallcyraud, sans pouvoir ohlenir
d'étre rccus par le directoire. POllL' se coucilier la Iavcur
du gou"ernelllent el upaiser la coloro du pays, il fallaií,
leur disait-on , suivre I'exemple qne donnaient les puis-
sanees europécnncs qui voulaieut rcntrcr en gnlLe, pro-
meltre une gratification d'un million uux dil'edelll's d
UIl pré! de 2~; millionsa la républiquo. Les couunissaires
américains íerrnerent obstinément l'oreille ü ces insi-
nuations. COIl1trJc pour les braver, les conseils l¡'~gislatif,;
rendirent la loi du '18 janvier li08, qui déclarait lI{~
bonnc prise tout vaisseau ayant it son bord des mar-
chandiscs d'oripino anglaíse , el repoussait des por!s


i JG ma i 1791.-Anw'ir·!l11 Slo!» P"IJl'i'.,. l. 1, p. ·10.




~1()U\'K\IE:\T D'Ol'lI\lOX COI\THE LA FllAI\CE (17!Jti,. :J"1


fl';IIH,~ais íout navire (IUi avait reluché en Augíeícrro.
C't~!ail décróter la conüscation en masse <les bátimcnís
.uuéricaius et intcrroinprc les rapports commerciaux
entre les deux pass. Les cornmissaíres cherchereut en
vain :1 protesler. Deux d'entrc eux, le général Charles
Coíesworth Pinckuey el le génél'al Jolm ~Iarshall ap-
parlcnuicnt au parti Iódcralistc. Le directoirc leur nt
savoir que leur préscncc á Paris rcndaít toutc nógocia-
tion impossihle, et qu'il ne conscntirait á lraiter qu'avec
!cUI' COW~gllC, Elbrklge Gerrv, qui appartcnait au partí
(k'lllocl'Ulique. lis recurent lcurs passe-ports", el Gcrry
couseuf it á resler ü Paris. La colere de ses concitoyons
nc luí pcrmit pas d'y prolonger Ionptcrnps son SI\jOUI'.
.\ vaut mérno d'avoir appris l'expulsion de ses commis-
saircs, le gouvcrnement américain avait publíó leurs
dép(~clles '. Au rócit des intrigues, des outragcs et de la
\ cnalité du directoirc , les creurs se souleverent de dé-
~'OÚ!., le peuplc tressaillit d'indignation ; l'oppositiou
e llc-uiéme Iut éhranlóe : « Pour le moment, notre una-
" Ilimité cst détruitc,» s'écriait Jcilcrson..... « Dcpuis les
'! jours de notro indépendaucc, I'csprit républicain n 'a
« point éprouvé une tellc sccoussc..... Le soulíle qui
(1 entlamme la populalion des villes est , en vérité ,
(1 mcrveillcu». Elles vomissent des adresses sans fin ,
(, oJfrant vie el forLune..... En ce moment , toutc la
" ícrmcté de l'csprit humain cst mise en réquisition .
l< Les pnssioushouillonnení el déhordent, el. ceux qui
<' reslcul de sang-Iroid , cxcuipts de la cuutugion , sont
« icllcmcnt au-dcssous du diapason ordiuuire des C011-


1 .vv r i l 17D~.
~ .svri l I'Üi>.




JS2 \L~SIII~(;TO'i 1\E cnorr .hjÜü A LA GUI:UTIE.


c( versatíons , qu'ils se trouvcnt isolés dans íous les
( salons..... Une partic notable de la Yírginiccllc-rnéme
« es! séduite par I'illusion X. Y. Z. 1 )) Partout les ima-
ginations s'oxallaienl, el l'on se représcntait déj:\l'indé-
pendance menacée , le sol national envahi , I'Amériquc
asservie a des maitrcs sanguinaircs el corrnrnpus. Au
milieu decette eñcrvesccncc populairc, ou l'eflroi se me-
lait aI'cntuousiasme, Washington persísíait Ú nc point
croire au dnnger : «Les clrconstances actuclles out 1111
(1 aspect tres-sombre, cela cst ccrtain ; il ya Iieu de se
« mcttrc en état do parer aux pires extl'('~!IIil¡'~s; personno
« rr'en est plus convaincu que moi. Je ne puis cepcndant
« me décider a rogareler comme probable uno querr«
« oucerte ; en d'autrcs termes, une in vasion formidable
« de la parí de la Franco. Bien (lUO jo supposc ces gens-
(( lit cupahles de [out, je ne puis croire qu'ils entre-
( prcnnent ríen au dela de ce qu'ils onl déjú Iait, ct jo
( suis memo disposéú penscr que, lorsquils verront ce
( pays se lever POUl' la résistunco, el quils dócouvriront
( cambien est chimérique I'ospoir q u'ils avaicnt concu
« de trouver de l'appui dans les masses, ils clmngcront
« de palitique..... Lcurs partísaus parmi nous leur
« avaient donné l'idée que nous étions un peuple di-
« visé, et que l'apparítion du plus petit corps Irancais
( deviendrait le signal de la révolto .. oo., sans quoi la
( folie du di rcctoire, dans cettc culrcprise, scrait plus
« muuilesíe encoré que sa rncchancctó ..... :llalgl'é íoule


I .Tefferson Iaisait ' allusion (lUX par l esq ucls le ~:'('C!'1~-
tai rc d'ltlat a\aitremplac(; le." n om- agcnl~ ~ccret~ .lu rliIl.:r;..
tUI[,(' ~ en lill:!liallt les d("Jl(\~I\C';.:; clu~-; ('()lll~~li:-'::,;(lill:S alllt:~fic..:airl~.
-J (íJ'. JlcJit, "nd CUiT., t. lII, p. JiU, :J\JJ, ;J[I~, ,lIU.




LE CONGIÚ,S AUTOHISE LA CIlÉATIO.\T D'UNE AIll\Ü:E.3R3


« sa dépravation et son ivresse, ses attaqnes centre no-
« tre territoire se réduiront a quelques actes de hri-
« gandage sur nos cotes Tant que la Franco sera en
« guerre avec l'Angleterro ses ports seront bloques,
« et elle sera dans l'impuíssance 'de transporter des
« troupes el des mnnitions de guerreo ....Voila mon avis
( sur ceue formidable iuoasion .... : Si je l'envisageuis
« autrement, mon esprit serait bien tourmenté; car,
( dans le cas oú il surviendrait une crise qui rendit la
« voix du devoir' ou l'appel du pays assez impérieux
« pour ne me laisser aucun choix, je m'éloigncrnis de
« ma paisible demeure avec auíant de répugnance
« (lile si c'élait pour descendre dans le tombeau de
« mes ancélres. Je ne puis dire maintenant d'une facon
« posiíive ce que je fcrais si cette circonstanco se pré-
« sentait, m'étant déjá départi de ma résolution dans
« une occasion apeu pres semblable 1. ))


Le 28 mai1798, le Congres vota une loi autorísaut
le Présirlcnt a lever, en cas de nécessilé, une arrnée de
dix mille hommes. Tons les yeux se lournerent vers
Washington: scul il éíait en état de la cornrnander;seul il
pouvait sauver le pavs, John Adams, Iui-mérne, emporté
par un mouvement de modestie aussi sincere que passa-
gOl', el d'autant plus louchant qu'il était contro nature,
écri vaií á son ancien chef :«Je ne suis en rien propro a
« la radie militaire de mon róle : ce sera probablement
« la plus importante. Si la Consíitution ct vos propres
« couvenancos me perrneltaient de changer de place
II nvec vous 011 de redevenir votre lieutenant civil, il


1 \\"us!,. ¡Vrit., t. XI, ji. :2:3::;, U4., :24.U, 3:2::;.




3~1 W,\SIll"GTO:\ EST l\mlME CmnlANDA.NT EN CllEF


« ne resterait dans mon esprit aucunc inquiétude sur
({ la prospérilé ella gloil'e Iuturcs du pays ..... Je meltrai
e souvent vos conscils acontrilmtion. Jl nous Iaut volre
« nom ; vous nous pcrrncttrez, n'est-ce pas, de nous en
« servir? 11 sera plus puissant que bien des armées l. ))
Pour se servir ele ce grand norn, John Adams, presquo
toujours trop presse d'ag'il', n'atíendit point l'autorisa-
íion ele celui qui le portait. Avant mómc d'avoir rccu
de Virginie une réponse, il proposa au Sénat de nommer
« George Washington, de ~Iount-Vernoll, Iieutcnant-
« général et commandant en chef des armées lcvécs ou
(( :, [ever dans les Étals-Unis 2. » Le choix Iuí approuvé
,1 l'unanirnitc 3, et le secrétaire de la Guerre se rcndil á
Jlount-Vernon pour rcmettre fu Washington la com-
tuission qui I'inveslissait du commandement en chcí',
Au prernier abord, il refusa de la recevoir : on ne lui
avait point elonné l'occasion ele déclarer aI'avance les
conditions qu'il mettrait ason acceptation : il était done
réduit a les indiquer apres eoup : peut-étre ne convien-
draient-elles point au chef de l'Etat : il dovaít done
rcuvoyer provisoircmcnt la commission aJolm Adams,
et le laisser libre ele l'annuler ou ele la conflrmer, il son
gró. Le sccrétaire de la Gucrrc protcsta qu'unc íellc dé-
marche éíait inutile : si le Presidcnt trouvait ces condi-
tion s inacceptables, ille déclarcrait; sans quoi son silence
passerait pour un acquiescement. Sur les pressaules
instances de Me Henry, Washington se resigna enfín a


1 22 juin 1798. - Works o"John Adams, l. VIII, p. G7:J.
~ 2 juillel17GS.
1 J j uillet 1798.




DES AlüiÉES AMl~lUCAL\ES \3 JUILL. 1798). 385


gardcr la commission 1 : « J'ai encare une fois consentí
« am'cmbarquer sur I'océan sans bornes de la res-
« ponsabilité et des soucis , )) écrivaít-il a Hamilton,
« a deux conditions ccucndant : la prcmiere , c'est
(( que les principaux offlciors de la ligue et de l'état
( majar soient pris parmi ceux dans lesquels [e peta
(( mcttro Joule ma conílance 2; la secunde, qu'on ne
« rrr'appelle point il prcndrc la campagne avant que
« la formation de I'armce ne soit assez avancée pour
« rendro rna présence nócessaire. En atlendant, je
« consens a donner de loin mon concours ala bonne
« organisation de l'armée ; mais, tant que [e n'aurai
( point moi-méme de dépenscs a supporter, je refuse
( d'étre en rien acharge au public \ »


Les Etats-Unis n'avaient poinL d'él.ablissement milí-
taire permanent. Tout etait il créer : généraux, offlciers
.et soldats. Pour former une armée, il f'allait, non-seule-
ment lever des troupes, mais improvíser des cad res et
une hiérarchie. Comment procéderait-on dans la dis-
trihulion elesgrades? comtncnt rnarquerait-on il clincun


1 Voyez 'Yash. 'Yrit -., t. XI, P: 305-307, - En an no ncan t a
John Adame l'acceptation conditionnelle de Wnshin gton , 1I1e
Hcnry lui écrivait ; (<. J'oLticudrai de I ui les n orns des personnes
« qu'il rcgarde comme les plus dignes de devenir ses orficicrs
« de coniiancc, el ¡;ans Iesquelle:-; n 11; consení irait l)Ot'J1t~ [e crois, a
sercir » (U juillct 1798. -lVorh of John Adams, t. VIII, [1, 57d).
Le de rni cr me m br e de phrase avait é té ajo u té apres eoup par
Me Il cnry, h.la demande formcllo de ·Washington.


'Di,s le [, juillet 17\)8,Washillgwn, fuisant allusion ala lettre du
Présidcut , du~2 juin 17\)8, éc riva.it " Me I-Ienry: « Le choix de"
«officiers g('néraux est une importante affaire, surtout cclui des
~ oflicicrs de I'état-major général; si bien que, si I'on pell~u a mo i
e pour le commandorncn t en chef, il faud ra m e la isse r li l!rr~ clf~
« choisir ceux q ni me se ron t agréables.»--lYash.lYTit., t. Xl, p,'¿5J.,..,-: '.'


• 14 juillct 17DS.-lVash. W,-jt., t. XI, p. 26~1.""',.'."\';'
25 .


.,


..




386


sa place? au nom do qucl priucipc dirail-on u tel citoyen
vous serez capitaino, a lel au tro vous serez général'? Les
hommes tirnides, ceux que la rcsponsabilité eñrayait,
qui craignaicnt de se trouver auxprises avecles amours-
propres et d'avoir adécider entro les prélentions rivales,
voulaicnt que ron ressuscitát l'état-major de I'arrnéo
róvolulionnaire, 'fue l'on rendit il chaquc officier la
positíon qu'il occupait a la fin de la guerrc de l'indé-
pcndance , que l'on mit au prcrnier rang de, ieux gé-
néraux, usés par l'áge et amollis dans la vio privee, et
tIue l'on .lai,eilt dans les graJes inléricurs qu'ils occu-
paicnt , quaíorze ans auparavant , des militaires actifs,
intolligenls, hardis et ambiticux, qui, depuis, avaicnt
Ft'ilndi dans les luttcs politiquee, et étaient seuls en état
de comhattrc les jeunes el hrillnnís généraux de l'armee
írancaise, C'etait une regle aussi cornmode pour le
gouvel'llement et pour le commandant en chef que
dangereusc pour le pnys et pour I'armóe, Washington
n'hésita point a la repousser : « Commc la facon de
« conrluire la guerre centre l'cnnemi qui IIOUS menace
« doit diílóror cntíercmcnt de celle que nous avons sui-
« vio dans la guerre de I'indépendance, il sera diíñcile
« de trouver dans les rangs de nos vieux généraux des
« hommes joignant ade bons príncipes politiques une
" acti vité, une énergie et une santo suffísantcs pour
« exercer les troupes aux marches longues et rapidcs
( qu'elles aurcnt aIournir ct aux combats acharnés
« qu'il leuríaudra livrer.... Il sern nécossaire de former
(l un nouvcau curps d'oífícicrs, sans tcnir cornptc des
;{ ancicns grades.... lls ue pe" vent, aujourd'hui, donner
u de litres <tu commuudciucnt que ceux que donnent




DE L'AIOIEE :1798), 387


( íoujours la supcriorité de l'expérience, les aclions
" d'éclat et une cclébrité exccptionnelle.... L'armée
« révolutionnairo est déhandée depuis quatorze ans., ..
« Un nouvel ordre de choses commence. Le Présidcnt
« a le droil d'élcver, selon son bon plaisir, uu grade
« d'officier de simples soldats, móme des citoyens 01'-
« dinaires, eL de les classer dans l'ordre q ui lui paralt
« le plus avantageux au bien puhlic l. »


C'est toujours une opération délicate que de classer
les merites. En se réscrvant le droit de désigner les
officiers généraux qui serviraien t sous ses ordrcs, Was11-
ington avait pris il sa charge la responsahilitó de cctte
operation. Malgré tous les ménagemen ts el le taet q u'il
y apporta, il se trouva bientót engagé clans de péníhles
démélés avec de vieux compagnons d'armes, longternps
reslés ses fldeles amis. Hamilton, Charles Coteswortli
Pinclmey et Knox lui parurent, des le premiar ahord,
les trois officiers les plus dignes de sa confíanco el les
plus proprcs adevenir de boas chefs de corps. Jiais dans
qnel ordre les inscrire sur la liste des majors-généraux?
Washington cut, acct égard, un moment d'incerti lude.
Des trois, le colonel Hamillon était, ases yeux, le plus
distingué, le plus entreprenan t, le plus experimenté, le
mieux doué des qualités qui font l'homme de gilerre :
la grandeur dans les conccplíons, la fermeté ele l'esprit,
la rapidita el u coup d'ceil, l'autorité naturelle sur les
hommes, la puissance d'cntrainemcnt sur les troupes-.
La voix publique le désignait pour le commandcmenl
en second. Des considéralious importantes militaient


1 l'Va.,h. lV·rit., t. xr, p. :2.11,1.',(1, '2GJ, su.
~ Voyuz Wash. W,·¡¡., t,XI, 1" :Jl;l.




388 DEMELES DE WA:-:IIINGTON


cependant en taveur du génóral Pinckncv : e'était le per-
sonnage le plus considerable dans les États du Midi ; il
était indispensable de s'assurer son concours : en cas
d'invasion, les Étals du Midi seraicnt probablement le
théátre des hoslilités, le directoiro ólnnt trop íntéresséñ
soulcver les esclavos pour diriger aillcurs ses coups : on
devait éviter de donner le moindro sujet de méconten-
tement ala partie de l'Union qui aurait ti supporter le
poids de la gllel're : le général Pinckney passait d'ail-
leurs pour un tacticien hahile, auquel 011 pou \ ait coníicr
la conduitc d'une arméc. Quant au général KIlOX, il n'y
avait point a hésiter : il jouissait, il cst vrai, d'unc cer-
taine popularité dans les ~:(ats de la Nouvello-Anglo-
tcrre ; mais, bien que le plus ancien des trois, c'était le
rnoins eapable.


Apres mure délibération, le général en chef crut de-
voir metlre Ilamilton en tete de la liste. Envoyée par luí
a Philadelphie, elle fut approuvée par le Senul ", el le
secrétaire de la Cuerre s'cmprcssa d'annoncer aux ma-
jors-générallx qu'ils prcndraient rang -dans I'ordre de
Ieur inscription, A cette nouvellc, Knox s'cmporta,
protesta, invoqua de vieux reglements du Cougrcs,
soutint que l'ordre d'inscription n'ótait ríen, que l'an-
cienneté était toul, que le cornmandernent en second
lui revenait de plein d roit, el il finit par déclarer que, si
l'on pcrsislait a le lui refuser, il reíuscrait de senil'.
Pour faire élalage de son autoriíó et de son importance,
rohn Adams, [aloux de Hamilton, et mécontent de la
part qui éíait faite ti la Nouvollc-Angletorrc dans la dis-


19 juillel 1793.




AVEC LE PRF:SIDENT (1798). 389


tribution des grades, manifesta l'intention de trancher
le diflérend en faveur de Knox, en donnant asa com-
mission une date aníérieure a celle de Humillan. Le
secrétaire de la Guerre lui représenta vainernent corn-
bien une semhlahle décision serait ou Lrageante pour
Washington; John Adams s'obstina: ( J'ai dit et [e
« répete,» écrivit-íl au secrétaire de la Guerre, ( que si
« jc ponvais me démettrc de la présidence en faveur du
( géIH;ral, je le ferais sur I'heure et avcc le plus grand
« plaisir ; mais [e n'ai jamáis dit que je consentirais a
« occuper la charge, et aen conserver la responsabilité,
« tandis qu'il en exercerait les fonctions .... C'est le Pré-
( sidcnt qui est revétu de l'autorité et du pouvoir, Jo
« prétends exercer aujourd'hui eette autorité, et rester
« responsable. Toutes les difficulLés seront ainsi écar-
(( tées .... II ~ a en beaucoup trop d'intrigues dans celto
« affaire entre le général Washington el moi; et, 011 je
(( me connais bien pell moi-méme, on [e nc serai pas,
«( en définitive, la dupe de ces menées t. ))


S'il y avait en quclque intrigue dans cette affaire,
e'est qu'á vrai dirc, il n'y avait pus de gouverncment
aPhiladelphíe. II ne suffit pas d'étre revétu de l'au-
torité ponr étre en mesure de l'cxercer. John Adams
était dépourvu de deux qualités auxquelles rien ne peut
suppléer et san s lesqucllcs on est impropre au gouver-
nemcnt, surtout dans les pa~s libres, la suite dans les
dcsseins et l'art de trailer avec les hommes. Honnéte ,
aetif, intelligent, couragcux, zélé pour la cause de I'ordre


du bien public, il n'en était pas moins incapable de ré-


• :29 ao ú t 1798.- IVorl,s "1' Jaita AJams, t. VIII, p. 588.




3~() DÉm~üs DE WA8HT'WTON


sister aux hontades d'une vanité inquiete, malveillante et
maladroite, quí Iaisait perdre toutc autoríté ason carne-
tere, toute liberté ason esprit, toule mesure ason lan-
gage et á sa conduite , Ses ministres eux-rnárnes avaicnt
quelque peine aprendro ses prétentions au sórieux , el
ils travaillaient san s scrupule a l'engager, centre son
gré, dans la voíe que leur tracaient de loin, Ianlót
Washington, tantót el surtout Hamilton, les chefs natn-
rels du partí fédóraliste. C'étaít de 101n aussi que John
Adams prenait et changcait ses détcrninations. Dans le
milieu d'aoút, au momenl 011 l'organisution de l'arrnée
réclamait toute son attenlion, il avait brusquernent
quitté Philadelphie pour se relirer a Quiney, dans le
Massachuselts. 11 y resta pendant trois mois, s'aigrissant
dans la solitude, souvent mal informé, presque tou-
jours malheureux dans ses dccísions. Les rncmbres du
cahinct ú Philadelphie, le Presiden] aQuine), le com-
rnandant en chef a Mount-Vcrnon, Harnilton a New-
York, c'était un Ieu eroisé de Ieílres, de négociatíons et
de malenlendus, au milieu duquel Ics aífaires publiques
reslaient en souffrancc. Le Congres avait declaré les
Etats- Unis de plein droít exonérés, par la conduite du
direcloire, des obligations quc lcur imposait le traité de
1778 1; l'cxequatur uvait éíé retiré aux consuls de
Francos; des Ieítres de marque eontre les navires fran-
~:a¡s avaient 6t6 déli vrees uux capilaines américains ; la
créalion de douze régimen ts supplémentaires d'infan-
terie avait été volée», et, deux mois apres, pas un
soldaí n'élaít levé, pas un officier de recrutement


1 7 j ui l l ct li0S.
2 LJjuillul, 170R.
:~ lti j u i: l\~t 1~~L').




AYEr LE PRESIDE~n (l798). 391


n'etait en campagnc. En vain Washington prcssait le
seerétaire de la Cuerrc, en vain il lui rcprochait les
Ienteurs eL la négligencc du gou verncrnent , en vain il
lui otírait de se rcndre de sn perscnnc á Philadclphie
pour accólérer la forrnation de I'armóc. Le Prósident
rcstait inactif et indécis, et quand iI agíssaít, c'était Ü
l'ínsu OlJ coulre l'avis du cornmandant en chef. Tunt
d'incapacité et si peu de déíérence révoltaient Wash-
ington. Il avait conservé tonto la vigueur de son esprit,
toule la fíerté de de son áme , eí il ne pouvait souf-
tri r 'lile les añni res auxq uclles il était melé fussen l mal
Iailes, el que Iautorilé dont il était revétu íút contestée
et méconnue. L'áse n'avait cu sur lui d'autre eITet que
de le rcndre encero plus dilflcilc el plus cxigeant á cct
égard. Les prútcn lions el les intenlions que le Présidcnt
élalait dans sa Ieltrc it Me Ilcnry rnirent le comble úson
humeur, et il se décidu álui en donner directcrncnt des
marques: « Avcc [aulle respcct qui esl dü avoslonctions,
« el avcc l'eslimo que j'ai pour votre caraclerc pri vé, je
« sournets á votro considératíon les rcpréscntations sui-
« vantcs. S'il m'óchappait quelq uo exprcssion qui parút
« incornpaiible arce l'un de ces seníiments, que la pu-
« reté de mes intcntíons, la candeur de mes déclara-
« tions et le respect que je me dois il moi-méme, me ser-
« vent d'excuse.» Puis, aprcs avoir rappelé qu'il n'avuit
acceptó le eornrnandcmont que ccu.diionncllcmeut :
« Permettez-moi de vous dcmander rcspcctueusernent
« eommcnt on s'est conformé a mes stipulationst Daus
« les arrangements adoplés par rnoi , de concert avec le
« secrclaire (le la G:¡el'rc, les !i!:ljOf'S généraux él;á¡¡!.
« inscrits dans cct onlre : ílamilton , Pinckney, Knox.




~02 D1~:\ltÜ:S DE WASHE\(}TO~ AVEC LE PR1::SIDEJ'\'I.
« 11 VOUS a plu d'orrlonner que le dernier fút le pro-
I( miel', et le premier le dorniel'..... 011 a nommó un
x adjudant général sans mon consentement , bien qu'á
(( plusieurs reprises , je me sois attaché a demonlrer
« cambien il est important que ceL oíflcier soit agréable
( au cornmandant en chef, et jouisse de unue sa con-
(( flanco. Qnant a I'idóc d'augmentcr les pouvoirs di:
(( commandant en chef ou de diminuer ceux du Prósi-
( dont, je vous prie de croire que rien n'élail plus
« ótranger ama pcnsée; rnon seul but a été de rrr'as-
« surcr d'hahiles coopéraleurs dnns la táche difflcilc que
( j'allais entreprendre. C'est ce qu'exigeail le bien
« public; c'est ce qne nous devions souhailer également
« tous les deux. Maís , pour faire ces choix, il fallait
(( connaitre d'une facón intime et profonde le caractere
(( de ceux qui ont occupé les grades les plus eleves dans
« la dcrniere arrnée ; el je crois pouvoir alflrmer, sans
( présomptíon, que mon expériencc il eet égard n'étaít
« iníérieure acclle de personne. Moi qui jouais, sur
(( l'issuc de eelle entreprise, lout ce qui rn'est cher el
« précieux, je devais avoir il creur de laisscr le rnoins
(( possible au hasard, On ne peut croírc que je íussc
(( indifíérent au tisque quej'allais courir; il Yavait pour
« moi autant de chanees de perdre que d'augmenter
« cettc róputation que la bienvcillance du monde rn'a
« donnée.... CeUe letlre esl deja bien longue : encore un
« point cependant sur leq uel je veux appeler respec-
« tneusernent votre attention; cal' il est non moins inté-
« ressant pour le couunandant en chef des anuecs,
« qucl qu'il puissc étre, qu'important pour les États-
« Unis. Nous touchons ala fin de septembre, el il n'v él




LE PRÉSIDE:-<T CEDE (ocrounn 1798). 3!J3


« encore, que je sache, ni un seul hornme recruté, ni
(j un officier de bataillon nommé, La canséquence d'un
« pareil retard est que I'enthousiasmc qui régnaít il y
« a un rnois on deux, et qni nous aurait permis de Iever
« en peu de temps des hommes de la meil/etlre espéce, se
« reíroídit. Encare un ou deux mois, et il aura disparu,
« et nous ne trouverons qu'avec peine de détestables
« soldats.... Je vous ai parlé, l\lonsieur, avec liberté, et
« je le crois, avec respecto Je vous prie de vouloir bien
(1 me faire connaitre si votre dóterminatíon de renver-
(l ser l'ordre dans lequel sont inscrits les trois majors
(1 généraux est irróvocable, ct si vous persistez avouloir
(( nommcr un adjudant général sans ma participatíon' .»


Elle lendernain, en envoyant copie de cette lettre au
secrétaire de la Guerre : « Je vous prie de la garder se-
(( crete, amoins qu'en défínitive je ne me Irouve dans
« la nécessítéde Iaire le dernier pas s. Tant que le diflé-
( rend pourra étre accommodé, le simple bruit d'une
« mcsintelligcnce entre le Président et moi aurait les
« plus gnnds inconvénients ; mais, s'il ne veut pus
« ceder, le puhlic décidera lequel de nous deux a tort
« ou raison 3. ))


John Adams dut se résigner a céder. Les commis-
sions des trois majors généraux furent signées le méme


'26 scptemb re 1798.-Wash. lYrit., t. XI, p. 304-314.
2 Ce quil enteudait par « fair e le dernier pae, »\Vashingtoll


I'av ait indiqué' lt ~Ic Hr-ury , di s le 16 scptcmbr o li98 : « Je vo is
« bien q ue jo finirai par en é tr o r éduit a ['alternative, ou de mr
e; saumettre il I'ou hli que le Président a fait de nolre eanvention
< et des conditions uuxq ucll cs j'ui acccpté la nomination donl il
« a bien voulu iu'houorer, au de luí renvayer m a cornmiss ion. »
(Wash. Writ., t. XI, p. :l0i3.;


s 26 septembre 1798_-~Wash. w-e., t. XI, p.316.




3fHPOURQUOI JOIIN AnA~!::: ENTRAVE LE RECRTJTmm1'iT.


[our , el il Iut décidé qn'ils prendraient rang dans
I'01'(1re imposé par 'Vas] li :1:1io]]. Knox rclusa déflnitivc-
ment ses services ; Pinckncy acccpta de honne gráce la
position qni lui était faite; Hamilíon conserva lecom-
mandcment en secundo Une ruplure ouvcrle entre le
Président el. le commanrlnnt en chef Iut ainsi évitéc ;
mais il y avait entre eux trop peu de compatibilité d'es-
prit el d'hurnenr pour que la réconciliation pút étre
complete: ils continucrcut adiííórcr de viles sur pres-
que tontos les grandes questions militaires el diploma-
tiques; une Jutía sourde s'cngugea entre Jolm Adarns
el les amis dn génó';ll, et ron parla hientót , parmi
eux de poder de nouvcau Washington ala présidenco'.
Mais le partí Iédéraliste n'était point destiné a surtir de
la confusion dans laqucllc I'avait mis Jolm Adams,


Plus que personne aux États-Unis, le Presiden] croyait
au dangcr des armées permanentes. Jl avait pour les In i-
litaires une sorte d'horreur, et, un milien de ses incon-
só:¡UellCeS, malgré ses brutalitós do langago contra les
Fruncais, il no voulait poínt , un fond, la gllc['rc, parco
que, pour faire la guerra, il íallait Iever des soldats.
Comme Me Henrv le prcssait de s'occuper du recrute-
ment : ce Je saís bien une chose , )) lui répondait-il ,
ce c'est que des rógimonts sont purtout un article fort
ce coúleux , ct dans ce pays plus que dans ton! au [re
« sous le soleil. .. Pour le mornent, il n'y a {las plus de
(1 chancee de voir une armée írancaíso ici que dans le
« del 2 • »


~ Voyez Wagh.1Yát., t. Xl, p. Mi, el Lite and Writing~ OfG01"
t'crnc'UJ' Jlorris, t. IU J p. L!:i.


'2 ;21 octolJre liDtL-H::Ourr·,,,· of.Tul/H A¡lfmls. t., VIII, p. D13.




POCRQUOI WASHINGTO!\ CmmClIE A L'ACCÉLEHER. 395


En co dernier point , Washington élait bien de son
avis: il était néanmoins si convaincu de la nécessilé
d'organiser promplemont l'arrnée , qu'il se rsndit á
Philadclphic el y passa un mois onlier ' pour se con-
ccrler, ace sujet, avec les majors généraux. Le résulta!
de leurs délibcrations fui consigné dans une longuo
lettre qu'il udressa au secrelaire de la Cuerre : « Cl/I-
u tiver la pnix,» y disait-il , « tello a été, avec raisou ,
« la politique de notro gouvernenwut. ;\1ais, puisqu'il
« est possible que nous soyons cntrainés á la gllerre,
« il cst sagc de se rappeler (ILie, souvent, la meilleure
« Iacon de se déremh'e i c'es! dattaquer. Il peu! se pt·(;-
« senter des eírconstunccs de la' plus haute importance
II pour les intéréts perrnanenls de ce pays ,Ol! il nous
(1 faudra pouvoir disposer d'un corps bien disciplinó. '
« Ce sera toujours une tres-longue affaire que de lever
« el de préparer uno scmblablo armée, et il Iant qu'ello
« soit préte quand les conjonctures se próscutcront. Ne
« pas étre próts alors , cola pourrait IlOLlS Iaire pcrdro
II une occasíon qu'il scrait pcut-étrc diffícile de relrou-
II ver plus íard 2, ))


Quelles étaicnl ces conjoncturcs 'lu'il Iallaít prévoir,
ces occasions dun t il ínllait profltcr ? Laissons Ilumilton
répondre á ceUequcstion: (( Si nous sommes engagés dans
« une guerre avcc la France,» écri vuit-il aJames Gunn,
un momcnt ou Washington vcnail do quittor Philadel-
phie pULIr retourner á Mount-Vornon , « nolre jeu sera
« d'atlaquer ou nous pourrons, On ne doit point séparer


i 10 novemb re-c-l d décembre li98.
t 1:1 dúccmbre li\ih.-Wush. Writ .. t. XI, p. 351.




396 PROJET DE CONQUETE


e la France de son alliée t. Nous aurons des objels hien
« tentants sous la main 2. )) El plus tard it H. G. Olis ,
« Comme il est á tout moment possible que la Franco
(1 cherche amettre a exécution le projet , dcpuis long-
« temps attribué á son gouvemement, de prcndre
« possession de la Louisiane et des Florides , il est tres-
« important que le pouvoir exécutif soit mis en mesure
« d'affronter et de déjouer une sernblahle ontrcprise.
« Vraiment, s'il est dans la politiquo de la France de
« nous laisscr dans un état de demi-hostilité , il esl
« préférahle d'y mettre fin, de prendre possession de
(1 ces contrées pour .notre propre compte , de prevenir
« ainsi les dangers qui nous menaceraient si elles
« tombaient entre les mains d'une puissance active, el.
« d'assurer aux États-Unis l'avantage de gardcr cux-
« mémes la cIef du territoire occidental. Voilá hien
(1 longlemps que je me suis fait une habitudo de re-
« garder l'acquisition de ces colonies comme essenlicllc
« au maintien perrnanent de l'Union, qui me semble
« la condition de notre prospérité á tous, Si I'empiro
(e universel est encere dans les desscins de la France ,
« rien ne peut tendre d'une facon plus efficace adéjoucr
« ses projets , que de détacher l'Amérique méridionale
« de l'Espagne. Elle n'est que le canal par lequel les
« richesses du l\Iexique et du Pérou sont amenées en
lA. France 3.» El au secrétaire de la Guerre: « II est desi-


, L'Espagne, qui tenait encore en sa possession la Louisiane et
les Florides.
In Jécembre 1798.-~Vorlcs ofHami/ton, t. V, 1'.181.
3 26 janvicr 1799.-1VoTks of H ami!ton, t. VI, p. 391. -Hamilton


faisait a.llus io n " un projet de soull,vcmcnt des colcnics espa-
gnoles de I'Amérique Illéridionale, que le général de Mir au du




DES FLORIDES El' DE LA LOUISIANE. 397


(( rabIe de compleler el de préparer les forces de terre
« que la loi met a notre disposition, Outre les précau-
(l tions éventuellcs aprcndre contre une invasion, nous
« devrions certainemenl penser aentrar en possession


avuit communiqué successivement 11 1II. Pitt, en 1790, puis
a la Ré publiq u e frnncuisc , e n 179Z, puis , en dernier lieu, au
gOHvernement auglais, en 1797, et dont Rufus King, alors
ministre des Er ats-Un is a Londres, parlait en ces termes au
secréiaire d'J~tat, Timolhée Pickering, daus une dépéchc du 28
Ióvr ior 17HS : < DaIlS la de rn iere q u inza.ine , deux points ont


{'ti; r(~5U:s, au s ein da cu binct Hnglais, re lativomcnt a l'Am é-
{I riquo mór i di onal e. Sí rEspagne est en 6iat (femp0chor
« le rcnvcrscm cnt de SOH gOllverncrncnt actual, ct do n e point
« passer to ut '" fait s ous le joug de la France, l'Angleterre q ui ,
« malgré la guerre, entrehent encore intelligence avec I'Es-
« pagne) ne s'engagera, puur le mo rncn t, dan s aueune entre-
« pr ise a.yant pO'~r but de dépouiller l'Espagne de ses colon les
« duns l'Améri quc mér id ion al evMais , dans le cas, assez probable
« d'nil leurs, ou , soit l'arrnéc destiné e a agir contre le Portugal et
« qui dait truve rscr l'Espagne, soit tou t autre mny cn e m p loyó
« par la Francu re nverserait le gouvernement espagnol el pla-
< cerait ainsi les ressource s de l'Espagne et de ses c olon ies 11 la
« disposition de la Frunce, 1'Anglcterre entrcprendrait immé-
« di.ucmen t l'exécution d'un plan, digtSré et prépur« de longue
« main, et destiné 'L amcn cr I'in dépcnd an ce complete de I'Arrié-
« rique méridionalc. Si l'Anglctcrrc s'engagc duns cette affaire,
• elle proposera a ux :¡;:Iats-Cnis de eoopérer a I'exécution. 1I1i-
« randa sera rc tcnu i ci , sous un prétexte ou sous un au tre , jus-
« (lU'a ce que les évúnements so ien t venus décider la con du n o
« de l'Angleterrc, » (IYork, of.T. A.dams, t. VIII, p. 5R5.) Le géné-
ra! de Miranda , 'lui avait séjourné qu cl que te mps a ux États-
Un is, était resté en correspondance avec John Adams, Knox et
Hamilton. Ce dernier l u i écrivait, le 22 ao út 1708; « Mes senti-
« ments au sujet de votre plan vous sont depuis longtemps con-
«: n us; mais jc nc Jluis prendrc part personnel lcment ;1 I'e xécu-
« t;'IJTI que s'il ost p,Ltrunú par le gouvcrncrncnt de ce pays o.,
,< ~I,']()n mo i , le plan dcvrai t étrc ce ci : une escache anglaise, une
« urmóo um óricn.inr-, un gouvcrnUlllcnt du tcrritoire émancipt:~,
.: a nfl"able aux dcux co opúratrurs •••• Nous levons une ar rur.e
« dc .Iouz c miJle hommes. ), (lVorks of Hamilton, t. VI, p. 348.)
Il éLOrlyait en ml~me tCD1pS 11 Hufus King: '( QuaIlt aux .projetse~."
/'~~\t.H,'1' ",
, .~"f,., .,




8D8WASHINGTO~ EST D'AV 1:'> DE; PHENDRE LOFFE),SlVE.


« des Floridos el ele la Louisiane , el avoir I'ceil sur
Gl I'Amérique du sud l. ))


Au moins en ce qui touchait á la Louisiane el aux
Florides , Washington partageait hnquiéludepatrio.
tique et les projets arnhilieux de son lieutenant. Il avaií,
aPhíladclphic , appclé l'attcntion des majors généraux
sur les dangcrs qui menacaient de ce cótó les Étals-
Unis-, et il éprouvait un vil' chagrín de ne pas les voir
assez universellement conipris : « On ne s'apercevra du
« mal qui doit résulter pour 1I01lS de l'occupation , par
<1 les Francais , de la Louisiuno el des Fluridcs , que
II lorsqu'on le sentira: il n'y a pourtant pas dans Eu-
« elide de proposition plus évidcnto et plus susceptible
« d'une claire dérnonslraíion. II est non moins diífí-


« question, jo désire beaucoup qu'on les exécute; rnais je vou-
« drais que les Etats-Lriis y cussent la part pr incipale el qu'i ls
« fou rn issen t toutcs les troupes de terre nóccssn ircs. Le corn-
« man.Icmcnt me rcvicudruit naturellement, et jespere que Je
( uu d.isuppointerais pas les espérances quon poufl'ait m ettrr-
.: en 11lOi. » (~.yorks 01' ilanvilion, t. VI, p. 847.) L'a íluirc ll\~ut
¡)(Jint al ors de su i te , (Voycz Edinb"rghRcview, t. XIII, p.5285-202.


• 27 juin17DD.-Works o{Hamilton, l. Y, p.283.
.flux inajovs ginira-ux Hasrulion. et Pinckneu,


QUESTIONS.
Philadclphic, 10 novembre 1798,


« 3. Est-il probable que les Fran cais entren! en possession
« des Florides et de la Louisiane, par voie d'échange ou au tre-
e; nicn t ?


« 4. Dans CEo oas, quelles seraient les conséquences probables
« d'un tel é.-énement 1t l'égard des Étuts-Unis? QueHes sont les
• mesures les plus propl'es 1t les comullllre '? Ces mesures pour-
( ra.ien t-c llcs ene' mises prompu-munt ~l ex écut iou par le corn-
« man dant en ehef des armé os ? Ou (",h:drait-il au pr é al ablo Les
« so urn e u re au m inistere de la Oucrre ? Cette qu cs uon prú~uIJ~
~ pose, on le voit, une armúe dója existantc. (lYash. Writ., t. Xl,
(,I.;;hU.)




REPIlISE DES NEGOCL'TIO.'{S (l/DU). :lag


« cile do los amencr Ú comprendro que les opera-
(e tions olfensives sont souvcnt les plus mees et parfuis
(( les seuls moycns possibles do d<\fense1.)) Prendre l'oí-
íensivo eontre la Frunce el r:<:f'i;ili;ne., lelle était done,
ú cette époque , la politique de ¡:;USllillgtOll et do ses
arnis, La guerre lui semblni! juste, profítable el sans
danger ; et il ne pouvait pardonner a Jolm Adams
la résistancc inerte que le gou vernernen 1 opposait aux
ullurls ucliís des génúraux, pour donner anx~~lals­
U1Iis une armée dont la loi ordonnaít la íonnatiou, et
qui n'exista jamáis que sur le pupicr. H lui pardouua
encare bien moins son cmpressemcnt a renlrcr daos
la voie des négoeiations, el son pen de souci de la
dignité nationale,


Le 18févrieri 7!)\J, John Adams annonca, tout it coup,
au Sénat, qu'il avait recu indircctcmont, par l'inler-
médiaire de Williarn Vans }Iurray, ntinisL'e dos ftats-
Unis a la Haye, l'assurance qlIe de nouveaux négoeia-
teurs américains seraient recus alce respect par le dirce-
toire : iI nornmait done William Vans 1\1n rra y ministro ú
Paris, Locahinet Iui-nréme navai poinl éL0 consulté; la
surprise íut uni verselle , le bláme général dans le partí
Iedéraliste : « Si nous avions )), écrivait Washington au
secrétaire d'b:lal; " si nous avions rlit ali1. Tallcyrand,
« par le canal dont il s'esl serví : «Nous aVOl1S toujours
« élé, nous somrnes encere prets a régler franchement,
« par la voio des nógociations, el el des conditions hono-
« rabies el justes, les diiiéi'eiH]s entre les deux peuples.
« Si le directoiro est úgalemcnl sincere, apres la
« (',won indigne dout nos cíforts pacifiques ont éte


I Wash. lVt·it., t. XI, p. 443.




400 REPlUSE DES !'ÉGOCIATIüNS ;179(J..


« aecueillis, c'cst a lui maintenant a faire un pas vers
« nous, et ¿ prouver sans équivoque ses bonnes inten-
« tions par des actes. ))-Si nous lui avíons dit tout cela,
« une telle conduite aurait montré, d'une part notre
« bonne volonté, de l'autre leur sincérité. Autant que
« je puis en juger aujourd'hui, e'est la marche que
« j'aurais suivie, l'esprit également préoccupé des hor-
« reursde la guerre el de la dignité dn gouvemement'.»


L'opposition que John Adams rencontra dans le Sénat
le contraignit a adjoindre aVans Murruy deux nutres
commissaires ", et a suspendre leur départ [usqu'au
moment ou l'on aurait la certitnde qu'ils seraient agréés
par le gouvernement trancáis. M. de Talleyrand s'cm-
pressa de la donner 3, et le cabinet s'occupait il rédiger
les instruetions des commissaires, lorsqu'on apprit aux
Éíats-Unis 4 le eoup d'État du 30 prairial et le ehange-
ment de gouvernement qui en avait éLé la suite. Le nou-
veau directoire se regarderait-il comme engagé par la
déclaration de 1\1. de Tallcyrand '! Était-il prudent de
faire partir les eommissaires avant d'avoir pu con-
naitre ses intentions? Les principaux mcmbres du
partí fédéraliste semblaient en douter : la Franee était
plongée dans le désordre et l'impuissanee, ses frontieres
étaient menacées; la chute de la république paraissait
probable; il n'y avait point lieu de se hátcr. Sans con-
sulLer son eabinet, John Adams donna l'ordre aux corn-
missaires de s'ernbarquer".


t 3 mars 1799.-1Vash. w-e., t. XI, p.403.
• 25 février 1799.
3 12 mai 1799.
~ Septembre 17(J(j
i Octobre 1799.




lJDIEUH ET THlSTESsE DE W .:\SIIU\GTüN. .101


« La mesure en elle-memo m'a surpris ,») écrivit
Washington aHamilton , en apprenaní cetíe nouvclle,
« comhien plus la íucon : Ccíte affaire scmblc avoir élé
« cntrcprise un jour nefasto el sous de mauvais uus-
[( picos; je souhaite que le mal ne la poursuivo pas duus
« tous ses développements el qu'il n'en sorto point IIll
« desastre 1. II El au sccrétairc de la Guerrc : (1 Depuis
el quelque íemps, jo suis d'un mil triste et inquiet les
« ufl'aircs politiques des ];:lals-Unis. Elles me semblcnl
« marchor it grands pas vcrs une crisc. Quel sera, en
« déílnitive, le résultat '! Celui qui voit, prévoit el dirige
« Ioulcs choses, peut seul le dirc, Le vaisseau cst it ílot,
« 011 du moins it peu pres , ct couuuc je ne me regar-le
« que eomme llll simple passagcr, je rcmcts entre les
II niains des mariniers, donl c'est le dcvoir de vciller,
II le soin de le conduire uu port ', »


Ce fui une de ses derniercs lcttres, Sa santé n'avait
donné jusquc-Ia aucun suje] d'inquiótude. Une scule
íois, dcpuis qu'il avait quittó la présidencc, il s'ótait
sen ti gravcmcnt indisposé, milis il avait surmonté le
mal avec sa vigucur hahituello : « J'ai étó saisi par lel
« Iicvre, » ócrivait-il á eclfe occasion au sccrcluire de
la Cuerrc ; « j'ai essayé de la secoucr en poursuivuul
« mes prorncuadcs á cheval el mes occupalions ordi-
« naires .... il m'a íallu ccpcndant les intcrromprc quel-
« qlles jours'. »


Le 12 dccombre 17\lH, le général était , selon sa cou-
turno, sorti acheval pour visitcr ses termes. Apres cinq


I Tí octobrc 17(l.'l.-'Vash. 'Vrit., 1. XI, p. '!Gel.
2 17lloycndJrc 170n.-lVll"h. 'Frit. t. XI, 1" 4(i8.)
• \',' ash, 'Vrit., L. Xl , p. :W:J.




4.02 DERNIERE MALADIE


heures de prornenado au milieu de la pluie ct de la
neige, il rcutra mouillé et íransi ; I'eau ruisselait dans
sa eravate, des flocons de neige pondaientú ses cheveux ,
MmeWashington l'avaítattendu pour le dlner; il ne voulu t
pas changer de vétements, et se plaignit bientót d'u 11
violent mal de gorge. Le lendernain, il parut neau-
moins fort gaí et fort alerte, alla dans la journée mar-
quer, pour les Iuirc abattrc, quelques arbres qui
obstruaíent la vue de la maison sur la riviere, et, le
soir, il se flt apporter les journaux et les parcourut d'un
air animé, lisant á haute voix, malgré son cnrouernent,
les passages qui le t'rappaient. On le pressa de se soiguer:
« Non n , dit-il, « vous savez hien que je ne me soignc
« jamáis pour un rhume. Celui-cí pass era comme il
« est venu. » Au rnilieu de la nuit , se sentant agité e!
suffoqué , il réveilla 31me Washington. Elle voulut se
lever pour appeler un domestique; le général l'eu
cmpécha, de peur qu'elle ne prit froid. Le jour venu, il
voulut étre saigné, et en l'absence de son médecin, le
docleur Craik , qu'on était allé prévenir, il douna
l'ordreá M.Hawlíns, I'un de ses intcndants, de lui ouvrir
le liras. Hemarquant I'érnotion de ce íidele serviteur :
« K'ayczpas peur », lui dit-il; et l'incision faite: « L'ou-
(e verture n' est pas assez large. » Le sang vint avec
abondance. i\I. Lear, secrétaire du général, s'avanca pour
bander le bras : « Encoré, encore 1 » s'écria Washington
d'une voix angoissée. Pendant toute la matinéc, le doc-
teur Craik, pnis deux antros médccins du voisinage
appelés á sa demande, épuisercnt en vain auprcs du
general ton tes les ressources de Ieur art. Dcux nou-
"elles saiglll;cs Iurcnt iuutilcs, Le 11Ial Iaisait de rauidcs




103


progres; la respiralion deveuuit de plus en plus pcnible
el conrte; la voix s'allérait ; le général ne pouvait plus
ricn avaler. JI exprima le désir qu'on appelát Mme \V ash-
ington á son chcvct, se fiL apportcr par elle deux tes"
taments qui étaicnt duns son pupitre, donna l'ordrc de
brúler le plus anclen et de couserver le plus récen L,
daté du \J [uillct 1j\.lg. Cctto précaution [Irise: «.Je seus
« que je m'en vais», dit-il, ason sccrétaire ; « ma rcspi-
« ratio n ne peut se prolongar longtemps. J'ai vu tout
(1 de suite que le mal était mortcl, Prencz soin de
« rncttre en ordre el d'enrcgislrer toules mes derníeres
(1 lettres militaircs , ainsi que mes papiers. Réglcz mes
( comptes el rnclloz-Ies en ordre ; vous connaisscz mes
II affaires mieux que personne. Que jI. Rawlins acheve
(1 la classificalion de mes auírcs lcttres qu'il a déj¡"t COIll-
l( mencée.... Vous rappelex-vous quelque autre rail
« essentiel donL j'aie á m'occupert je n'ai plus que bien
« peu de ternps arestcr avec vous.» -« Rien, général;
« mais vous n'étes pas si pres de votro fin. »-- « Vous
« vous trompcz», répondit-il en souriant; « nous devons
« tous payer ccttc dctte, ct je vois arriver l'évónemcnt
( avec une rósignation complete. )) Il paraissait Sal! ílrir
ncaucoup, et se rcLoul'IL:t souvent dans son lit. Pour
le souluger, M. Leal' /<tidait ase soulcver, « Jo crains
« de lrop vous fatiguer, » rópéta-t-il Ü plusieurs rcprises
d'un air añcctucux et reconnaissant.c-« G{~néral, je lH:
( songo qu'a votre hien-étrc. »-(e C'ost bien; e'csl ..ne
« dcllc que nous nous dovons les uns uux autres, el
(1 í' espere que, lorsque vous aurez besoin d'un pareil
~ SCCOUl'S, il no \OIlS manquera paso }J


El couuuc les médccins s'empl'essaiellLautour de Iui,




proposant divers remedes : « Jo vous remercie de vos
« soins , mais je vous prie de ne plus vous occupcr de
« moi, Laísscz-moi partir en paix; je n'ai plus lougtoinps
« it vivre, )) Il resta cncore uinsijusqu'au soir, sans Iairc
UIl mouvcment ni se plaindrc, et dernandunl SOU'CJlt
quelle heme il élait. Vers les dix hcures , apres de
vaius cfforts pour parlcr : « Le moment est venu ... je
« m'en vais ... que l'on m'enlerre convenahlement. 1\'8
« laisscz descenrlre mon corps dans le ca vcau que trois
« jours apres ma mort. ... Me comprencz-vous '! » -
« Oui. »)-« C'est bien. » Un pcu aprcs, sa rcspiration
devint libre; il se Hita le pouls, On le vil changer de
visage. Sa main quitla son poignet et retomba : « Est-il
« parli '! » demanda Mme Washington d'une voix Ie1'1ue
ct recueillie. Les assistants restaient rnornes et silcn-
cieux : II C'est bien, » reprit-clle, (e tout est fini ; jo le
« suivrai bientót ; je n'ai plus d'éprcuves á traverser '. )


Le 23 decemhre 1¡\JU, le Congres dócrélá (lU'UH JlJ(J-
numcnt de niarbre seraít elevó par les États-fTllis ;'1 la
mémoiro do Washington , que les citoyens prendruic I ¡\
le dcuil pendant un mois , el qu'un jour scrait puhli-
quement consacré aux Iarrnes el ala priero dans iOl:~;
les I~tats de l'Union américaine.


A la no melle de la mort de Washington, le commau-
dant de la flotte anglaiso de la Manche, lord Bridporl,
revcnant ele Brest ou il avait rcf'o: lIó la flotíc francais«,
'it mcttre son pavillon tl mi-mál, el, ason cxcmplc, les




HONNEURS FUNEDImS. RENDUS A WASHINGTON. 40tl


soixante vaisseaux qu'il commandait arborerent ce signe
de deuil t.


En France, malgré l'état d'hoslililéqui existait encare
entre les deux répuhliqucs, le premicr consul décrétn
que l'armée francaiso prendrait lc deuil en l'honneur
de Washinglon'. Son buste fut placé aux Tuileries ; son
éloge prononcé solennellement par M. de Fon lanes
dans le temple de l\Iars; son exernplo proposé par [(: spi-
ritucl.académicien au général Bonaparte,


lVa.~h. lVrit., t. r, p. 531.
Ürtlre dI' [our pou» la garde des consuls et pour touie« le! troupes


de la République :
« Was::ir;¡;ton cst mort. Ce grand homme s'est battu centre la


• tyranni«. il a consolidé la liberté de sa patrie. Sa mémoire sera
" tuujours chcrc aupeuple fr ancais, cornmc ! tous les ho mmes
,. libres des de ux mondes, et spécial eruen t aux soldats franc ais,
« qui, comme lui et les soldats américuins, se batlentpour l'éga~
« litó et l a liberté.


«En c onsóquence.Je prem ier consul ordonne qne, pendant drx
"jullrs, des cr é pc s ncirs suie n t suspendus a to us les drapeau r
• et gllidulIS de la ¡¡('publique.


1$ Pa ris , J(~ IH pl u vió se an VIII. »
iJuu)'¡wl de, Iict.ats et Loi» du C01'1'8 législati(. el <tu
Acles d'u Gouvernemmt, nO <111 20 1'11l"iúsc an VIII_,'






ÉCIJAmmSSEMENTS


PIECES JUSTIFICAT JVÉS






:'i°l (page ::?-02).


ARTlCLES DE CONFEDI::nATION ET D'ü~ION PEIWf;Tl'ELLE,
'NTltE 1.ES l::TATS DI: NE\V-1L1.:'IISJlIlIHE, MA~~SACI1(;SETTS; DE nnOI1E-]:-\L.-\NU,


r..: E'l' DES PLAj'>.;'l'_\Tlil:\:I. DE PRÜYIDE:-':Cl':, HE CO:\~I':Cl'I(;LT, HE NEW-'1"OltK, 1)1.:
NE\.,--JElt:'¡.:y, [11': l'J'~-SYLY.\.NI!·:, DI: IoLL.\i\'.-\.RI:, 1lE l'rL\lnr.-\ND, m: VlltUI.NlE,
ui: e..\.uo Ll N l'; DU xonu, in: CAROLIi'\E nu sun El' DE UEOlWIE.


(1781-l789).
--::)---0---


ART. J. Les snsdits Ctats se conrédl'renl sous ir titre
1I'I::lals-llnis d'Alllél'irl'le.


11, Chaqu« I::tal retienl et se réscrve sn sonvcrainnu", sa
liberté el son indépenduncc, el aussi lULlS les pouvoirs, juri-
diclions el droits qui no sont pas expresséuicnt tlélégués aux
l~lals-lJnis asscmhlés en Congres par le présent acto de Conlu-
¡IÚation,


111. Lesdits I::lals cntrent, chucun en len!' nom, par le
préscnt acle, d,tUS une liguc d'alllitié fcrrue el constante avcc
tous JI" nutres Etal:i, prJlll' leur défense eornmune, pom' le
mninl icn de Ieurs lihcrtés, el. pour leur pl'ospérilé mutuclk-
el géllérale; s'engilgeant it se sccourir les uns les autres coutro
toutes violcnces .lont on pourrait mcnacer tous 011 chacuu
"'('11\, et ;\ reptllb:iL'r eu conuuuu lnutcs atraques qui pour-
raícnl Nre diJ'ig,il's routre tl1US ou chacun d'eux, pour C<lIlSl~
Ije religiou, de soulcrailleLé, de eornrnerce, ou sons qnel'jue
uutre pn tcxte quc ce Si 11 1.


IV. Pour assurer el perpétuer le mieux possihle les hons
rapports et I'urnitié mutuclle entre le pcuple des divers I~tais
([ui enmposent cette union , les hahitants Iihres de chacun dI'
LCS Etats (:l l'exccption des mendiants, des vagahonds el dI'
ceux qui fuicnt les poursuites de la justicc), auront rlroil i'[
toutes les immunités et pri\'ih~g[~s de eitoyens libres dans les
diflércnts I~lals; el les hnhi íants de chalp~e Élat pourrontIi-
hrumcnt entrcr dans chacun des nutres Etats et en sortir, v
jouirollt de tous les priviléges de traílc l'I de cornmcrcc, el se:
rout soumis aux nu-mos droits, impositions ct restrictions IJlW
II's nutres hahitants ; mais ces restrictions ne pourrnnt I'as
s"t:teudrc jusqu'¡'t l'mpecher des effets importes dans un ¡::tiil,
ll'<"tre uausportés dans un autre Etat, donl le projlJ'iétairc




uo RCLAIRCTSSEMENTS


.lcsdits effets serait hahitant ; l't aucun Etat ne ponrrn non
plus ruettre des inipositions, des droits ni des rcstrictions sur
le connuerce des effets appartenant aux Etats-Unis, ou iJ.
quelqu'un d'eux,


Si quelque personne coupable ou accusée de trahison, de
Idoni e ou d'autre délit grave, dans un des Ctals, fuit les
poursuitcs de la justice, el est trouvéc duns quelquc autre
des Etats-Unis, elle sera, sur la demande du gouVCrIlcur ou
du pouvoir exécutif de l'État d'ou elle se sera évadée, déli-
vrée et renvoyée iJ. nttat dont elle sera justiciable.
. II sera plcincment ajouté foi el créance daus chacun des


Etats, aux registres, actes et procédurcs judiciaires des Cours
et des magistrats de tous les nutres ];:tats,


V. Pour rcndrc plus facile el plus cfücace le gouvernemcnt
des intéróts généraux des Étals-Unis, il sera nornmé nnnuel-
lernent, en la maniere que la législature de chacun des Etats
l'ordonnera, des délégués 'qni s'asscmhlcront en Congl'i's le
premier lundi du moisde novemhre de chaque anuée. II sera
reservé it chacun des Etats le pouvoir de révoquer ses déll;-
gllés, ou quelques-uns d'entrc cm::, 1\ quelque époqu« de
l'année que ce soit, et d'en envoyer d'autres 11 leur place
pour le reste de I'année.


Aucun Etal ne sera rcprésenté en Congres par rnoins de
deux, ni par plus de scpt mcmhrcs ; la memo personne ne
pOllITa pas etre r1éJr:guée plu;; (!Lo trois aTlllées dans l'espace
de six ; el nul délégué ne pourra roruplir de functions dépeu-
dant des Etals-Lni-, [Jour Iesquclles lui, un toute nutre per-
sonne ponr lui, rccevrait des appointcments, des profits ou
émoluments quelconqucs,


Chaqué Etat puurvoira aux appointemenls de ses délégués
pCI1l]ant la session des Etats, el pendant qu'ils seront me m-
hres du Comi t,i eles Etats.


Chaque ÉtaL n'aura qu'un SI~ffrage pour la décision des
qucstions .lans I' Assemblée des Etats-Unis en Congrl~s.


l.'cxcrcice de la liberlé de la parolc et de la discussion dans
le COlIgl'i~s nc pourra devenir l'occasion d'une mise cn accu-
saliou , ou d'une poursuile quelconque, dans aucunc Cour uu
lieu 1101'S du CongTl's, et les memhres rlu Congrcs ne pourrunt
¡-In' .uisis pcr;;oullC-llcllIent ni cmprisnnnés, dur.mtlo tplll[JS
de leur \oyage ponr se rcndre au Congres, durnut celui de
len!' I'e!onl', ni pcndant qu'ils y si¡\p:enll1l, exC(,pl'\ nnu r tra-
hison, Iélouie ou perturhution de la paix publique,




ET PTECES JUSTIFICATIVES.


VI. Aucun I~tat en p.uticulier ne pOllrra envoyer ni rece-
voir des amhassades, eutamcr des négociations, contracter des
engagemenb, forrucr des alliances, ni conclure des traités
avec aucuns rois, princes nu Etats quelconques, sans le con-
sentement des Etats-Unis assemblés en Congreso


Aucune per!iOnne rcvétue dun ernploi quclconque sous
l'autorité des Etats-Unis, qu'il y ait des appointernents atta-
ché" a l'ernploi, ou que ce soit une mission de pure con-
tiancc, ne pouITa acccptcr aucuns préscnts, érnolurnents , ni
.uicuns officcs ou titrcs, de quelque nature qu'ils soicnt,
.l'aucun rni, prince ou Etal étrilnger.


Les ¡>l;lIs-Unjs asscrnhl.'s en Congres , ni aucun I~tal
particulicr ne pourront conférer aucun titre de nohlessa,


llcux ou plilsicurs Elats ne pnurront conclure entre
"IIX aucuns traités, c.mféd'!lulions ou alliances quelconqucs,
,;;tn·; le r.onsuntemcnt des Etats-Unis asscmhlés en Congri's.
"p,'ciilant uxactcmcnt les oh.ids poU!" lesquels ce traité, ce,,,,
(:"llfédération 011 ccttc alliance seront conclus, et comhien de
lr.mps ils d~\Tont dure!'.


Aucun Etat ne pOllITa établir des impóts ou droits qui
nuissen! portcr altejnle aux clauscs des traités conclus par
les Etats-Unis asselllhlés en Congrios, avec aucun roi , prince
ou Etat, ni contrc celles d'aucuns traités déjá proposés par le
Congrios al!X cuurs de Fr.mce el d'Espag:,¿ .


Aucun Etat ne ponl'ra enlrclenir en temps de paix que le
nnmhre de bútimcnt- de g·uelTc jug·é nécessaire par les États-
Unis assemlMs en Congrios, pom sa déjense et celle de son
commerce ; el aucun Ktat u'entrcticndra non plus de troupes
en tcmpsdc paix, que la quantité jugéc sufhsante pUl' les Etats-
Unis assem hlés en Congrios, pour fournir des gal'llisons aux
forteresscs nécessaircs n sa détcnse ; mats chaque Ét'l1t entre-
tiendra toUj"urs une milice bien ordonnéu ot discipliné«,
suffisammcnt arrnée el équipée; il se ponrvoira d'lIn nombr~
convuuahle de picccs d'oJ·tillerie de campagne, de tentes el
d'une quantité proportionnée d'nrrncs, de munitions el d't;-
quipagcs de eampagllc; le tout déposé dans des magasins
puhlics ct toujours prel asenil'. .


Aucun Etat IW s'engagera dans une gnerre sans le censen-
1l'IlIl'n¡ des I;:tals-l:nis as.'cmhlés en Congrcs, il moins rl'lI11('
invasiun nctuollc de quclque eunemi, nu davis certains qu'il
pourrait nvoir d'lIIw n'solution formó« par qnclque nali"ll
d'lndiens de 1',lllaquer, et duns le casscu1clllcnl ou 1,. jJt,¡ji




412 ECLAIRCrSSEMENTS


~el'ait trop imminent pOUl' ne pas permettre de dífft"l'rr jus..
qu'á ce que les Ltats-Unis assemhlés en Congres Plli""lIl
(.tre consultés.


Et aucun État ne pourra donner de commíssions ades vais-
seaux un nutres bátirnents de guelTe, ni des lettres de mra-
que (!u de représailles, qu'aprcs une déclaration de guerJ'j~
des Etats-Unis assernhlés en Congrcs , et alors seulerncut
contre le royamne on l'Elat , et eontre les sujeto du royaume
ou de l'Etat centre lequel la guerre aura été déclaréc, el en
se conformaut aux regles qui scront étahlies pill' le" lvtnts-
Unís asscinblés en Congri~s; dans le cas ccpunrlant ou les
cótes d'un Etat scraient infcstécs par des piratcs, il puurra
arrner des hálíments de guerre, et les entretunir aussi l()~lg'­
terups que le dungcr suhsistera,ou jus'lu'ú ce que les I;;tab-
Unis assemblés en ~;ongri~s en aicnt décidé autremcnt.


VII. Lorsqu'un Etat levera des troupes de terre pour ];1
défense cumrnune, tous les officiers du grade de COIOlWl
el au-dessous , seront nommés par la législature de I');:talqu i
II's aura levés, ou de la maniere que ledit Etat ]'ordonnera ;
el, louíes les vacances de ces emplois seront remplies par
l'I. tat qui aura fait la premiere noruiuatiou.


VIII. Toutes les dépenses de la guerre el toutes colles qui
se feront pour la défcnse c;ommune ou le bien géIll)ral, el qui
scront allouécs par les Etats-Unis asscmblcs en Congres,
seronl défrayées par uu trésor cornmun, auquel il sera ftllll'lli
par les diífércnts Etats, en propurtion de la valeur de lOtltes
les tcrres qu'ils eonticnnent, tanl concédées que simplernent
arpcntées ou hornees; et ces torres, ainsi que les hátiments qui
y auiont élL; consl!'l\i~s, Oll aulres am¡}lioralionsqui y aurunt
él¡\ Iaitcs, seroul estunécs de la mruuere que les Etats-Iinis
assemhlés en Congres l'ordonneront ct le régleront daus la
suite des temps,


Les laxes 11Out' payer celle contribution seront imposées el
lcvées SO~IS I'autorilé el par les ordres des l"gislallll'l'S des dif-
lércnts Etats , dans les délais flxés par les Elals-Unis assern-
IMs en Congres.


IX. Les Etats-Unis nsscmhlés en Cougres auront sculs l·t
cxclusivcrnent le droit et le pouvoir de d¡'ci(kr de la paix d
de la guerre, cxcepté dans les cas mcntiounés au sixiéllll'
article , d'cnvovcr des ambussadcurs el d'cn rccevoir, dI'
conchu e des lraitt,s et des allianccs ; rnais ils ne poul'ronl
cornlur« nucun trailt, de ClIllllllPrl'e '1ui l'mpl'l'1ll' JI' pouvoi¡




El' l'li,CES JUSTIFlCATlVES, 11:1


h:¡.;i,lalil' des l::lals n'spl~dil's d'appliquer a!IX ('·I!'an¡!.'l'rs les
in1fl,',h ou droils all\i[ueb le peuple du pa~'s seru sujet, ou
de défendrc I'cxportatiou ou I'importatiou de tclle cspcce de
inarchaudiscs ou de tlcmées que ce soit.


Les ]:;lills-I!nis asscmhlés en Congl'és aurnnt aussi seuls el
CXdUSl\ClIlCIÜ le droit el le pouvoir d'établir les regles d'n-
pros lcsqucllcs on décirlcra , dans tous les eas, la légitimité
des prises sur lcrre el sur mer , la maniere dont les jlrises
fai!l's par les torces dé terre ou de rncr au scrvice des l~tat,­
Iinis dnvront clre partagées, Pi l'ornploi qui en sera fait ;
d'uccor.lcr de:; lcttrcs de ma]'(lue ou de rcprés.ullos en tcmps
de puix, d'iusliluer des hihunaux pOllr le jugement des pira-
teries el des félonies commiscs en haute mer, ct d'dalJlir
.iussi des Cours pOlll' rcccvoir ct juger d(:rinillll'lnent les
appcls dans tous les cas de priscs ; muis aucun mcnilue d 11
Cong[¡~s no pourl'U étro nununé juge d'aucune dcsditcs
Cours.


Les f:tats-Unis asscmhlés en Congres jugeront aussi en
deruier ressort ton tes les discussions , querelles et diílércnds
déja existants, ou qui pourraient s'élcver dans la suite eutre
deux ou plusicurs Etals, concernunt les limite" la juri-
rliction ou tout autrc oljet ljue ce soit, el cette uutorité sera
toujours cxercéc de la maniere suivnntc : toutes les Iois ljuc
le pouvoir 11\:is1alif ou e,¡'cutif, OH hien un ag'cut légal de
quclqu'un des Elals en discussion avcc un autre Elat, pré-
~eutera au Congres une pétition pum exposer la qucsliou , d
demande!' uudiencc, il sera douné, pal' ordrc du Congri's, coin-
municatiun de la, pélitioll al! pouv..ir kgis1atif Oll cxécutif de
l'autre Etat, el il selil assigné un jour aux parties' pO ur COrJI-
paraitre en la persunne de Ieurs ngents légaux, a qui pour lors
il sera QrdOt1l1Ó de lllmlllll'r, d'un comruun conscutcmcnt ,
des cOll1ll!issaires ou des juges pour formcr une Cour, iJ. I'efl(·t.
d'entendre ct de jllger la question; mais, si ces agenls ne S'¡¡C-
cordcnt pas pour fuire ce choix , le Congrcs uomrnera trois
pcrsonnes tlc chucuu (ll~s Etats-Unis ; chacune des parties
allt'rnati\ell1el1t, en corumcncant par la partie demanderessc,
eíluccru un nom de cctic liste, jusqu'a ce qu'ellc soit rcduit»
:\ 11'I'ize pel'slIuul'S; cl, sur ce nuiuhre, on u'cn tirera au sort
jafJlclis ¡Iluius de Sqlt el jauwis plus de neuf, se10ll ljUl' le
CUllgl'C:i l'unJunlll'J'I. Les Jil'l',;:'lil1lIS dont le, norns aurouf dé
aill,i liré", U\l ciuq d'culn) (,11,·" seront (,olJlllli,,;ail'cSllll jugcs
¡)oIl], culelldre el jllgel délillililclIlenl k úi1l'érellll, el c(~ seriJ




F:e LAme ISSF.:\!ENTS


toujours la pluralité de" juges préscnts it la cause, qui détcr-
ruinera le jugen1l'llt.


Si lune ou lautrc partic néglige de comp.u uilrc ;1! jClJI'
assigué, sans donncr des r.usous que le Cougres jugeút
valahlcs, OH si, ét.uit presente, elle refusc de prendn: la liste
des juges et d'y faire son choix, le Congri~s prueúlcra tou-
Jours it nommer trois penontles de chaqu« Etat j le sccré-
taire du Congrcs au licu et place de la par tic ahscnte ou
rcfusantc, offaccra les noms, ct le jugement el la scnt.-ncc de
la Conr nomnu'e cornmc il a été dil ci-dcvaut, scroul dl'!i-
nitiís, Si quulqu'une des parlics rcíusc de se souuu.ltrc á
l'autorité de ccttc Cour, ou de comparaitrc ou de se dd'l't1dre,
ce nonobstant la Cour procédera it prononcer la sentunee ou
le jngement qui seront égall;mellt définitifs j le jli,~l'IiIl'II[ ou
la seutcncc et toutes les aulres proddnres scrnnt, daw; [OliO'
les cas, transmis au Congres, el l!l'l'llSés parmi ses acíes POU!'
la súrcté des partics intércssées.


Mais tout comrnissairc , avnnt de prcndrc séance pOli!'
juger, prelera, enl re les ruains de I'un des juges de la COIII'
supróme ou supérieure de 1'l~\tlt <l:tn,; lcqucl la cause sCI'a
instruite, le scrrncnt ( dcntcndrc el jusel' la qucstion avi«:
« impartiaiité, sincérité ct attcution, et sclon ses lurninrcs
« sans favcur, affcction, ni cspoi!' de recompenses. ))


Aucun Ltat ue pOl1l'ra non pln:;, en \ ciIu ¡¡'uu tcl jusI'-
mcnt, 0t!'l~ pri,é d'aucllue partie de son territoire, au proJit
des Etats-Unis.


Dans le cu- ou deux ou plusicurs partieu liers revcndiquc-
ront une mernr: terre, en vertu de CUIICl's"jom; diffl'rclltes
faites par deux ou plusicurs etat:; dUJll le,; juridictions, iL
I'égard de ces terres, uuront déjil l'té détcrmiuécs, el oit les
ditcs concessions seronl réclamées , commc aJant été faites
avunt la íixation de juridietion; sur la p('tiliOl~ pn'S(llll,'e par
I'uue 011 l'autre des parties au c.)JIgI'l'" des Elats-Clli:;, r('~,
coutcstations seronl jugées , autmt qUl; fuiru sc ¡!DUJTa,
de la maniere ci-dcvant prescrito pOli!' jllger le,s discus-
sious dcjuridiction tcrritoriule entre les diflércnts Etats,


Les Ft.rts-Unis assemhlés en Congri~s, nun.nt aussi , sculs
et exclusiveurcut, le droit elle pouvoir de li\erle lil e el la
valenr des mounaics frappé,'s sous km' aut.ui té ou sous eelie
des Elats respectifs; de déü,!¡"iner ,les élalolls des POilL et
Ille,lll'eS dan,; t01ltl' !'r,tI'l1l11H: des E\<1ts-llnis; de ]("gir!' ]('
cotllm~"~~_.,;,!.~l.I,:,;liri,¡¡¡'T l(lute "'PI":!' d'afT¡'in',' a\l": le:' IlJI!icm




ET PIECES .TUSTlFlCATIV ES. i 1')


qui ne serout mcmbres d'aucun des États, pOllrYU que le droit
lt;gislatif de chacun des Etats, dans ses propres Jimites, n 'en
éprouve aucune violatiou ni .infraction ; d'établir el de n\;lcr
les postes rl'UII Etat a un autre , dans t.oute l'étcudue de,
Etats-Unis, ct de pcrcovoir, sur les leUrcs ou papiers circulnnt
par ceHe voic, une taxe snflisanle pour fournir aux frais de
ccl établisscment , de nllr!nnel' tous les officicrs des troupcs
de tcrre au scrvice tles El,lls-Unis, excej1[¡~ les officiers des
régiments; de nommer tous les officiers des forros navales,
et de donner lcscommissions it lous jes officiers quelconqucs
au scrvicc des Etats-Luis ; de faire des I'C'glelllellts puur
I'adrninistration el la discipline desdites torces rlc terrc ct d(~
mer, etdc diriger el ordouner leurs opérntions,


Les Ltats-Lnis assernhlés en Congres auront le pouvoir
de nommer un Comité qui sil;gera pendant les vacnuccs du
Congres, s'intitulcra Comité des Ltuts, el sera cornposé rl'uu
délégué de cliaqu« Erat; ct de nornmur teis autres Corniu!s d
oflicicrs ci,ils qu'ils jngcront nécessaircs pour con.luire les
allaires générales des Etats-Uuis son, lcurs ordres ; de uoiu-
mer un tic leurs mcmbres pour présider le Congres, pourvu
que perwnne nc puisse remplir la charge de président phls
d'nn an dans I'cspacc de trois années ; de dctcrrninnr les
s,ommes d'argcnt qui devront ótre levées pour le service tles
Etats-Unis ; ti' onlonner la destinatiou tic ces sommes el. do
les appliquer au payement des dépenses publiques; de fairc
des cmprunts ou de mcttre en circulation des hillets de
crédit sur les États-Cuis, en emoyanl tons les six mois
aux )~tats rcspcctils un comple des sonuues d'argenl, ainsi
cmpruntées ou mises en circulation par hill.-ts ; de filtre C01l-
struire el arrner des vaisscaux : de détcrminer le noml.ro des
íroupcs de tcrre que chaque État devra entretcnir, et de fairc
en conséqucncc achaque État la réquisition pour fournir SOl!
conlingent, le tout il proportion du nombre des halutan!s
hlancs de chaque E!al : ces réquisitions seront ohl igatoi reo,
et sur leur vu, la législatlll'e de chacun des Etats nonuucra
les oíficiers de régiment, leyera les hommes et les hahillera,
armera el équipera commc des soldats doivent l'étre, aux Irais
des Etats-I'nis : les officiers el soldats ainsi annés, hahillés
el équi pés, marchcront au lieu désigné, et dans le délai fixé
par les Etats-Unis assemhlés el! Congr¿;s. ~lais si les Etat--
l.uis a"'t;mbIés en CongTi's jngenl il propos, d'apri;s la cOllSi-
Jéralioll de ccrtilines circoldancl's, lJue quelqu'un tles Elats




·11(', ECLA1RC1SSD1ENTS
ne leve point d'Iioinmcs, ou en leve moins que son contingent,
el qu'un nutre Etal en leve plus que le sien, le nomhre CXCt;-
dant sera levé, POUl'\'U d'oflicicrs, hahillé , artné el équipé de
Ll múmc uuuncrc que le conlingenl de: cct Etat, il monis que
la Iégisluture ne juge qu'un tel excédunt ne peul pas etre
Iourni uvcc súreté pour luí; auquel cas elle icvera, pourvoira
rl'ofliciers , armera, hahillera et (;(Iuípera seuleruenl la pOI'-
tion de cct cxcédent , qu'elle jugera pouvoir fournir , sans
exposel' la súreté dudit Etut ; et les ofliciers el soldats, ainsi
armés, hahillés el équipés, marcheront au lieu désigllé et
dnns le !1('lai fh:(' par le, Etats-Unis asscmblés en CongTi~s.


Les Etats-Unis asscmhlés en Congres ne s'cngageront
jamais dans aucune guerl'e, ne donucront poinl de lcltrcs de
lll:mjUe ou de rcprésailles en tcmps de paix, ne concluront
aucuns traités ou allianccs, ne feront point battre monnaic,
el ncn lixeront point la valeur ,ils ne détermineront poinl
le, sornrnes et Ios dépeuses néccssaircs IJOlll' la défense el le
bien des Etats-Ilnis, 0[[ d'aucuns d'entre eux , ils ne mcttront
poiut de hillets en circulution , n'cmprunteront point d',lr-
g'clll sur le cl'édjl des Etats-Unis , nordonneront poinl de
dcstination ou dernploi d'argent, ne statueront poinl sur le
nomhre de bátirncnts de guerre il construire ou aachetcr, ni
sur la qunnti lé de íroupcs de tcrrc ou de rner il lcvcr , el
ne nommeronl point de génél'al en chef' de terre Ol! de
mer, que du conseutcrnent de ncuf des Elals ; et aucunc
autre question, de quelque nature qu'elle soit, cxcepté l'ajour-
ucmcnt rl'un jour au lcndcmain , .nI' sera décidée que IJiU'
les suffragos de la majorité des Eíats-Lnis assel11blés en
t:ongl'e~a


Les Etats-Unis asscrnhlés en Congres pourront s'ajourncr
al! tomps de l'année qu'ils voudront , et au lieu qu'ils jUi:)C-
ront a propos dans l'étenrluc des Etats-Unis, POUl'l'U qlW
I'ajournemcnl ne soit jamais pOllr un tcmps plus long quc
six mois ; el ils puhlieront mois par mois le journal de '¡ems
acles et délihérations, al'exception des parties rclntives aux
traités , aux alliances ou aux opérations militaires , qu'ils
jugc.ront. devoir tenir sccrctcs : les avis par oui et par nuu,
des délégués de chaque Etat, sur quclques questions que co
soit , seront inscrits dans le journal, lorsque l[uelqued{~légué
le requel'l'a; el il sera délivré aux délégués d'ul1 des Etats, ou
allllelqu'un de ces ddégll(;S en particulier, sur lenr ré![uisi-
tiou, Ulle copie dudit juurnaJ, ill'cxcepliun des parties ci-dc,;.




El' PIECES JUSTIFICATIVES. .H7


sus C\Cepll;es, pour etre préseutée uux Iégislatures des difle-
rcnts Etals,


X. Lc Comité des Etats, ou neuf de ses mernbres, seront
autorisés , pcndunt les vacances du Con gres, aexcrcer tcl dc;
ses pouvoirs lple les Ltats-Unis asscmblés en Congres juge-
ront it jJropos, du conscntcmcnt de ncnf des Etats , de lcur
r.onlicr ; mais il no sera ddégué audit ~ornilé aucun pouvoir
pour l'excrcice duquel la voix de neuf Etats soit cxigée dans
les Etats-l.nis assemhlés en Congres par les articles de Confé-
dération.


XI. Le Cunada, sur sa simple accessiou it cctte Confédé-
ration el. son adhésion aux acles des Etats-Unis, sera admis
d.uis cetlc Union , el roudu paiticipnnt de ton s ses avantages;
mais il n'y sera ruhnis aucuue nutre colonic, a rnoins que
ceu« admission no soit conscntie par ncuf Elats.


XII. Tous les hillcts mis cn circulation, tout l'argent eru-
prunté , et toutcs les deltes conlractúcs par ct sous I'autont«
du Congres, avant l'assemhléc des Etats-I'nis en conséqucnco
de la nrésontc Confédérution , seront réputés et considc;¡és
commc une chargc dcsdits Eiats, pour le paycmcnt cl l'ac-
quitteruent de Iaquulle lcsdits Elals-Unis engagent solenncl-
lcuicn! la fui jllllJ1illl1C par le présenl acle.


XII I. Chaqne I~tat se soumet aux décisions des f:lats-Ullis
assernhlés en Congres, sur toutcs les questions dout la con-
uaissaucc leurcst dévoluc p,lr la presente Confédérution. Les
.uticlcs de la préscnte Coulédération scront iuviolahlcmout
oIN;('vés ]lar tous el chacuu des Etuts; lTuion sera pcrpé-
Iuel!«; el il nc pOllITa l;ll'l~ bit daus la suit« ¡LUClW clJal1"'e-
mcnt il uucun di! ces .uticlcs, ;\ mnins ;llle ce ciJangemenl ~le
soil conscnti daus un Cüngres des Etats-Uuis, el coníirrué
cnsuil« par les législatures de chacun des l~lat:;,'


El, attcndu qu'il a plu au souvcrain milítre de l'univers de
dr!lenuiller les législatllres rfllC 110m rcpréscutons I'espccli-
vrmcut dans le Congres ;1 approll ver et a1I01lS donner pon \ oir
de iutilier les susdits .uticles de Cc1llfédération el rl'Iiuiun per-
pélu('lll~, savoir faisons que, 1I0US, délésm1s SOUSSigTlés, en
vertu de I'autorité el des pouvoirs it nous rlounés a cct drel
IIlIUS rutiliuns el 1I0llS coulirrnous plcincrucnt et enlii;l"clI1cní
pal" ces préscutcs, au norn de lIOS constituanls rr~speclirs, luus
el CII;ICIIl1 dcs sllsdits artic!es de Confédl1ratioll et dTuion
Pl'l'p,lllldJ.c, ct toulos ct c\:aculle dcs malii;l'es el choses J
cuutenlles.




418 ECLATRCISSEME~TS


Josiah Bartlett,


Williarn ElleIY.
John Collins.


.lohn llancock,
Elhridge Cerrv.
James tovelI.·


Et de plus. nous c1Jligeons et engas'eons soicnnellcmcrü
la foi de nos con-titu.mts reslwctifs, L\ se soumcttre aux déci-
sions (L's l~tnJ3-rl1i,; asscm hlús en Congres, sur toules les
qucstions dout la cOIlTIai,,:;:lIlce lcur est dévoluc par le préscut
acle de Confédération. TdUS le, articles en serom 'inviola-
hlcmcnt ohservés, el l'Uniou sera PCl'p(:ulCllc.


En fni de quoi nous avons slgr.H~ Ll'~ pl'l!Sl'Utcs en Congl'l:s.
Fuit :\ Philudelphic , d.ms l'Elat de Pcusvlvanie, le ncuf


j uillct de l'an de grace mil scpt ccnt soixantc-dix-huil, el
daHs la li'nj~i~~rnc année de l'indépcndunco de J'Amérique.


Les ~;m(lib articles de coulédération onl tité Iiualcrucnt el
d,:i:niti\l'rnl'ut ratifiés le Illelllier rnars mil sepl cent qualre-
\ inst-un, l'Etat de :\larylaud y ayant Cicedéledit jour par ses
délégués dans le Congl'l~S, et nyant complélé la Confédération,


]\EW-lIA)TPSHlRE.
John Wontworth , jun.


r,IASSACliCSETTS.
Samucl Adams .
Fr.mcis nana.
Samuel Holien.


nnoDE-IsLA'>D, etc.
Henry Marchant,


Hogcr Sherrnan,
Oliver Wolcott,
Andrew Adams,


CONNECTICUT.


Samuel Huntington.
Titus Hosmer.


James Duane,
William Duer,


John Witherspoon.


ltohert ;¡lorris.
Jonathnn Bayard Smith,
Josuph RecJ.


Thomas M' Kcan.
Niclwlas vau Dyke.


NEW-YORK.


Francis Lcwis.
Gouverneur Morris.


NEW-JERSEY.
Nathanicl Scuddcr,


PElíSYLVAI\IE.
Daniel Roberdeau,
William Clingan,


DELAwAllE.


John Dickinson,




101m Hanson.


ET 1'1l';CES JUSTIFICATlVES.


!\IARYL\l'O.


Daniel Carrol!.


41:)


un Nonn
Cornclius lIarnett.


VIRGlNIE.


Jolm Banister.
J011I1 llarvie,


John Penn.
Jonathan Willi[lms.


Hichard-Ileury Lee.
Thomas Adams.
Franeis Liglitfoot Lec.


CAROLINE


GÉORGIE.
Edward Te1fair.


CAllOLlNE nu Sen,
William lIenry Drayton.
Ilichard Hulson,


Jolm \Vallon.
Edward Langworthy.


(Journals of Congreso Philadelphia, ;1800,1. VII, p. 3t:-45.)


lIenry Laurcns.
Jouathan 11atlhews.
Thomas Ilcyward, jun.


N° 2 (page 241).
CONSTITUTION DES ÉTATS-UNIS D'AMERIQUE,


Adoptéc, le 11 septembrc 1787, par la Convention de Philadelphie,


Nous, le peuple des f:lals-llnis, ponr former une plus par-
faite union, étahlir lajustiee, assurer la tranquillité intéricnre,
pourvoir ¡¡ la défense cornmuue, accroitrc le hicu-ótrc géné-
ral, ct garamírles bienfuits de la liberté :1 uous-rnémes el iJ.
notro postérité, décrétons el établissous eette Constitution pour
les Etats-Unis d' Amérique,


ARTlCLE PREMIEn..
Seation 1.-Tous les pouvoirs légi?l[ltifs délégués ci-des-


SOllS seront conliés ¡l un Congrés des Etuts-Lnis, qui se corn-
pasera d'un Sénat et dunc Chambre des rcpréscntnnts.


Seciion 2.-La Charnhre des rcpréscntants se composera
4e mcrubres choisis tous les dcux ans par le peuple des di vers
Elato, et, daus chaque Etal, les élcctcurs devront avoir les




ECLAIHCISSE}lE:\TS
qualilicaücns rcq uiscs pour leo élccícurs de la hrnurhc la
plus nomhreuse de Ia lég'islalme de I'Ftat.


J\ul ne pourra etre rcpréscntant, i1 moins rl'avoir ;I([l':nl
1:¡Jge rle vingt-cir«¡ aus , d'etre dcpuis sept ans citoyeu tic,,;
Etats-Unis, et d'habitcr, au momenl de son élection, l'Elal
dans lcqucl il aura été choisi.


Les repn~senlanb ct leo taxes directos seront répartis cutre
les divers Etats qui pourronl ¿·tre compris daus cette Uuiou,
d'apres Ieur population respective, qu i sera délcl'lninl\~ en
ajoutant au nombre total des perSOllneo lihrcs (y conrprisccll.«
engagées i.t termo pour un service, et cxcepté les Indicns 1:011
tuxés) les trois cinquiemcs de toutcs uutns Jwr,;oflnes. Le
rcccnscmcnt cffcctif sera I.ut dans les (Tuis illl:; ljili sui vront ln
premien; réuniou du Cougri,s des Elals-¡;lIis; puis íous leodix
ans, suivant tel modc que k Congrcs réglem p:tl' une loi. Le
nombre des rr-préscutants ne ¡]1':PilSSl'l'Cl poinl nn par tren le
mille hahitants, mais cliaquc Elat auca uu moins un re/l1'0,-
sentunt ; et, jusqu'a ce qu'un rcccnscmcnt ait élé Iait, lEtat
de Ncw-Hampshirc aura droit ¡'¡en choisir írois ; le Massa-
chusetts, [mil; le Rhode-Island et les plantalions de Provi-
dencc , un; le Connecticut, cinq ; le New-York , six ; le .\e,,-
Jersey, quatre ; la Pensyl vanie , h nit; le Dcluwurc , un; le
,'laryland, six ; la Virginie, dix , la Carolino scptrnuionulc,
ciuq; la Carolino rnéri.lionalc, cinq ¡ella GéOl'g!c, trois.


Quand des vacauccs se présenteront dan s la représcntatiou
d'un Etat, l'autorité cxécutivc de cct Etat convoqucra les élec-
Icurs ponr remplir ces vacanccs.


La Cluunbrc des représuntants choisira son présiden t el ses
autres ofíiciers , et aura scule le droit de mettre en accusation
les fouctionnaircs publics l. •


Section 3.-Le Sénat des Etals-Unis sera composé de dcux
sénatcurs pour chaque Etat, choisis pour six ans par la légis-
lature de cct Etat; et chaquc sénatcur aura un vote,


lmnuidiatcuicnt apres qu'ils se scront rúunis par suitc dolu
premiere elcction, il en sera fait lrois ChloSÚS aussi égales 'llw
possihlc. Les siéges eles sénatcurs de la premier« clusse scront
vacants 11 l' expirution de la seconde annéc; de ];1 seconde clnssc
it l'ex[Jiration de la quatriumn uunée, ct dc la truisii:me classc
it I'expiration de la sixierne anuéc, de mauiere ir en réélirú
un ticl's tous [es deux ans; et s'il se présente des vacances,


t Shall hare the .,ole POlee;, 0t'imlJwchme¡¡l.




El' PIteEs .mSTIFICATIVES.


par suiíc dl' démission ou autremcnt , ,pendanl l'iutcrvallc
«nlro les scssions de la Jégislalure d'un ]<;tal, le pouvoir exé-
cutif lIe cot Elat pOllrm faire des nominations pruvisr ircs ,
jIIS(IU'il la plus prochaine réunion de la législalure, qui rern-
pliru alors les vucances,


Xul nc P"I11'1'i1. ¡~ll'l' sénateur, a moins d'avoir atleint l'agc
de lrente am, davoir dé neuf ans ciloyen ,des. Etuts-Unis, ct
([,hahiter, au moment de son élcction, I'Etat pour lequel il
aura été élu.


Le Yice-I'résident des Etats-Unis présidcra le Sénat, mais
ne pourra votcr qu'cn cas de parwge.


Le Sénat chuisira ses nutres ofllcicrs, el aussi un présirlcnt
!J1'o tempere, pour remplacer le Vice-Présidcnt en cas .l'ab-
~ellce de celui-ci, ou quand il sora appelé iJ. remplir les fonc-
tions dc-Présidcnt des f:lals-Uuis.


Le Sl:nal seul aura 11~ pouvoir de juger toutes pcrsonncs
mises en accusation par la Cham hre des rcpréscntants '.
Quand il sjégera couune Cour de juslice , ses rnemhres seront
sournis au scrrnent ou ¡¡l'afflrmation. Quand le Président des
};:tats-Unissera en jugcmcnt , le Grand ./ugc 2 présidera : et
nulle pcrsonne ne pOIlrJ'il dre déclaréo coupahle san s le con-
cours des deux liers des uicruhrcs présents.


Dans le cas de mise en accusation par la Chambre des
rcpréscntants, Ia peine nc pourra s'étcndrc an deHI de la
deslilution, el de I'iucapacité de rcmplir, sous le) gouyerne-
n.ent des Etats-Unis, aucunc Iunctiou á laquelle soul attachés
honneur, proJit on conílauce : mais la partic déclarco cou-
pahle sera néunmoins exposéc ct sujette ala mise en accusa-
tion, il la procédure, au jugcmenl ct aux peines ordiuaires
étahli,~s par la loi.


Seciion, !L-Les époqucs, licux el modo d'élcction ell'S
séuatcurs el rcprésentants, soront, dans chaque Etat, rég!¡"
par sa législaturc ; mais le Con gres pourra, en tout lemps,
fai re ou modilier ces rcglcmcnts par une loi, sauf en ce qui
conccrnc le lieu d'é1ecliun des sénatcurs.


Le CungTes se réunira au mnins une fois tous les ans, ct
celte réuniun aura licu le premier lundi de décemhre, il moins
que par une loiil n'ait fixé un nutre jonr.


Séction J.-ClJaque Chambra sera juge des élections, de


.. POICe¡' fo tr:/ all.impca,c,hmcnt'.
I Cl.ie] Justice,




422 ÉCLAIRCISSEME:\TS


leur régularité et de l'l~ligibilité de ses propres meruhres, d
la simple majorilé formcrn un Hombre suflisant pour 1'12:'\ pé-
dition (les affairos ;. rnais un nombre moindre que la majorité
peut s'ajnurucr de JaU!' en jour, et pcut t'trlO autnrisé il tercer
les mcmbres ahsents 11 venir si[;ger, de tcll« rniwiere et sou.
lelle pénalit!S que chaque Charnhrc pOUlTa étahlir.


Chaque Chanihre pcut íuire son l'cglement, punir ses
mcmhres pour conduite inconvcnantc, el, il la mujorité des
deux tiors, prononcer l'expulsion d'un mcmhrc.


Chaque Chamhre tiendra un journal de ses actos, ct 11;
publicru de tcmps en temps, sauf les pnrtics qui lui scin-
hlcruient demander le secret ; el les votes par oni el par
non des memhres de l'une des dcux Chamhrns sur toutes les
qucstions seront, sur la.demando d'lln cinquicme des mem-
hrcs préscnts, consignés sur le journnl.


Aucune des dcux Chamhres, pcndant la session du Congl'i;s,
no pOllrra, S<lI1S le conscntcmcnt de I'antre, s'njouruer il plllS
de troisjours, ni dan s un autre lieu que cclui oü siégcroni lss
deux Chambres.


Section 5.-Les sénateurs et rcpréscntants rccevront pour
lrurs scrviccs une indemnité qui sera f1xl~e par une loi
el payée par le trésor des Etats-Uni,. lb ne pourront e,;
aucuu cus, sanf ccux de truhison , de félonie et de violation
de la paix publique, iHL'e arrétés tant qu'ils assisteront ir la
sl'~,i()ll de lcurs Chambres rcspccti les, ni pcndant l'allcr el
1(; retour ; d IJOur discours ou opinions pL'onollcés rlans l'uuo
011 )'autl'e Chamke, il, ne pourront érro sournis nulle parí
ailleurs il un intcrrogutoirc.


NIlI sénateur ou représentant ne poulTa, pcndant tont le
bnps pOlJr leqncl il a été élu, (>ire appelé sous I'autorité des
Elills-[lllis, 1\ un emploi de l'ordre civil, qui aura été eréé,
OH dont les érnolumeuts auront été augmentés pcndant ce
temps; et personne occupant un emploi sous l'autorité des
Ft.us-llnis, ne pourra CtL'C mernhre de l'une ou de l'autre
Chamhr», tant qu'il conservera son emploi.


Section 7.-TolIS bills pOlIl' la Icvée J'UIl revenu devront
prcndre naissancc 'dans la Chamhre des rcpréscntants ; mais
le Sénat pent proposer des amcndcmcnts on s'y rattachcr
comme POUl' les nutres hills.


'I'out hill adopté pal' \;¡ Chamhro des représcntants el le
Sénnt sera, ,lI'imt d'avoir force de loi, pn;sclltt; an Pré,idellt
des Etats-Lnis; s'ill'u,ppronvc, ji le sif1nera; ,jnon jI le rCll-




RT PIÉCES JUSTIFICATIVES.
ICHaavcc ses ohjections 1t la Chambrc rlans laqnclle il aura
pri» noi"anCf\ ct ln.litc Chamlrre consignera intégralcmcnt lns
objcclious HU' son .i1'Ul'llal, el pusscrn u la rcprise en considé-
ration , Si, aprcs cdl(~ Il'l'risl' el] eonsidl'ratíoll, le hill reunir
en sa favcur ks del!\ tiers de ];ulitc Chumhru, i! sera rcnvové
avec les ohjeclilóus, a I'autre Chambrc, qui 'Ie rcprcudra de
mérnc en cousirlúrution, et s'i! cst approu"é por les deux tic]',
de celte Chamhrc, il aura force de loi. Mais, dans tous les cns
de ce geme, les votes des deux Charnhres scront rccucillis ,
par oui ct par non, ct les noms des membres votants pour on
contre le hiJl scront consignés sur le journal d(~ Icnrs C!J::m-
hres respcctivcs. Tont hill fluí n'auru pas élé I'CmOj() pill' ]('
Président dans les dix jours (les dimanches cxccptés) de la
préscntation qui lui en aura dé hite, aura force de loi ,
cornmc si le Président l'avait signé, ir m.iins que le Congri~s
n'en empéehc le rcnvoi en s'ajournant, auquel cas le hill
n'aura point force de loi,


Toule ordonnance, résolution ou vote qui n(;cessitera le
concours du Sénat ct de la Chamlnr, des rrpnlsl'uL'Jnls (sauf
e,n matierc d'ajournement) sera préscní« au Présidcnt des
Etals·{lnis; el avant de P.l't'IH]re eild. sera approuvé par lui;
ou en cas de désapprolJatlOn ,uloplé de nouvcau par les deux
tiers du Sénat el de la Chamhr« des rcpréscntunts, d'apl'i's
les regles ct dans les limites qui ont été prescritos dans le cas
d'Ull hill,


SCC[Üil/ 8.--Le COngTeS aura le pouvoir :
Ir'étahlir el de pcrccvoir les laxes, droits ct impóts dirccts


ou indirccts, de pltyel' ¡l''; dcHes el de pourvoir il b défenso
cornmunc el iJ. la pl'oc'pl:riü; généra¡(~ de., El:ds-Unis; mais
tous droits el impúts din:d,s ou indirecls seront uniformes
dans toute I'élcnduc des Elats-Unís;


De fuire des cmpruuts sur le créL1il des États-Unis'
. d 'De faire les rcglements e commerce dans lcs rappnrt»,


soit avcc les nations ('trangeres, soit entre les divcrs États,
soit avcc les tribus indicnnes; .


[)'¡(lahlir une rcgle uuiforme pour la naturalisation, et des
lois uniformes dans tous les Etats-Unis en mati~re de han-
queroute ;


üe ha lt re monnaie, d'cn fixcr la valcur, ainsi fItW eelle:·; des
monuaies étrangures, et de Iixer l'étaloJl des poids I't mesurc.. :


/le pourvoir il la pnnitiou dl's cl1ulrl'fal'lL:llrc' du papic;'
puhlic et de la monnaic courantc des Etats-i'nis:


, ,~ _ •."1.




ECLAmCISSDfEN rs


D'étahlir des hureaux et des ruutcs de posle ;
D'encourager les progr¡~s des sciences el des urts utilcs, en


assurant puur un lemps determiné aux auteurs ct invcnteurs
un droit exclusif sur leurs écrits el leurs découvertes res-
pectiles;' .


D'établir des trihunaux suhordonnés it la Cour suprémc ;
De definir et de punir la piratcrie elles Iélouics comrnises


surla haute me]', el les violatious du droit des gem;
De déclarcr la gUCl're, d'accorder des lnttrcs (k marqnc el


de rcprésailles, el de fuire des reglemenls en matiun: de prisco
sur tcrro et sur mer ;


De lever et entretcnir des arrnécs ; mnis nulle somme ne
pllllrl'a ell'e votée pOUl' cct usage ponr nn lenlle de plus de
dnux ilns;


De crécr el d'cntrctenir une marine;
De faire des l'églemellts pOllr le glluvernernenl et l'admi-


nistration des forces de ícrrc el de mcr ;
De pourvoir ¡\ la convocation de la milico , pOllr cxécutcr


les lois de l'Union, réprimer les insurrcctions el repousscr
les invasions ;


De pourvoir a l'organisalion, l'armemcnt ct la discipline
de la milice, el au gouyememenl de tclle partie d'entre ell«
qui sera emplo:lée au service des Etats-Unis, réservant aux
Etals respoctifs la nomination des officicrs, el le pouvoir
d'cxcl'cer la milice selon la discipline prescrito par le
Congres ;


Ik rcndre exc!usivement, dans tous les cas quelconques,
des lois npplicahlcs Ir tcl district (ne d1;jlas;':1Jl1 pas dix milil's
carrés) qui pourra (levenir, par cession tI'Elats particuliers el
acccptation du Congres, la résidencc .lu gOll\(~I'II~meIlt des
Etats-Unis; el d'exercer pareille antnrité SIII' 101lS liuux ache-
tés du conscntcmcnt de la ll'gislalme dc l'Etat dans lcqucl ils
snnt situés, pnm' construclioll de Iorts, magasins, nrscnuux,
chanticrs de constructions mari times et aulrcs étahlissc-
mcnts d'u tilité puhlique ;


El de fuire Ioulcs les lois que pOUlTa néccssiter la mise :1
exécution des pouvoirs ci-dessus énumérés, et de Lnns autres
pouvoirs dont est investi, par la pl'és(~nte Constitutiou, le gOI1-
vnrnemcnt des Et.aLs-1nls, ou tout. dl:parlemenl et oílicier cu
d1'pendant.


Section n.-La migration ou l'importation de tellcs pCI'-
sonncs que croira dcvoir adrnctlre quelqu'un 11(;s Etats m.rin,




ET PIi·:cms HJ8TIFICATIVES.


tcnaut cxistants ue sera par le Congres soumise ir aucuno
prohihitiou avnnt l'année mil .huit ccnt huit; mais cctte
importation .peut ¡\tre frappée d'une taxe ou d'un droit r¡ui
ne pourra s'élevcr ¡t plus de dix dollars par personlle.


Le privilége d'haúeas corpus ue pomra étre SUSIJl'Ildu que
lorsque la súrclé publique I'exigera, en cas de rébcllion ou
diuvasion.


Il ne pouITa etre passé de hill d'atlainder ni de loi
rétroactive.


H ne pourra Nre {olalJli de capitation ou autre taxc directe
qu'en prnportion du rcccnscmcnt ou dénomhrcmcnt ci-des-
SIlS ordonné.


Anruno taxe ou droit ne pourront dre établis sur les
nrticlcs oxportés de l'un quclconque des Etats.


Il ne sera accordé par aucun r¡~glement cornrnercial ou
fiscal de préfércnce aux ports d'un Elat sur ceux d'un autrc ;
et nul vaisscau allant dans un Etat ou en venant ne poulTa
étre forcé rl'entrcr, de sortir, ou de payer des droits dans un
nutre.


Nulle sommc ne sera tirée GU Trésor que par suite d'une
allocation spéciale faite par une loi,; et un compte reudu
n:gulier des recettcs el des dépenses publiques sera puhlié de
temps en temps.


Nul titre de noblcssc ue sera accordé par les Etats-Unis;
el nul remplissaut sous lcur gouverncmcnt des fonctions aux-
quelles sont auachés prolit ou confiancc, ne pUl/na, sans ie
cousenlcment du COIlgl'eS, acccplcr aucun présent, 61110111-
mcnt, fonctions, ou titre de quelquo nature qu'il soít, de la
purt d'aucun mi, prince ou Etat étrangcr,


Section 10.-Allwn Etat nc pouna conclure de traité,
alliunce ou Confédération ; accorder de lettrcs de marque 011
de représailles; hattre munnaie; émettre des hillets do cn'di t ;
rcndrc valaule puur le paycmcnt des dettes aucune valeur
autrc r¡ne 1'01' el I'argcnt ; passer des hills d' attaiiuler, des lois
l'I'troaetiles, ni des lois portant atteinte aux obligations nées
de contrnts ; ou accorder des titres de nohlessu.


Nul Etat ne pourl'a, sans le consentcrncnt du Congr¡~s,
dablir d'impóts ou de droits sur I'irnportnlinn ou l'exporta-
tion que ceux absolument nécessairr-s :1 I'cxécution de ses lois
d'inspcction : et le produit nct de tous drnits el irnpóís aaLlis
par IIn Elal sur I'importation nu l'cxportation, sera mis ir Lt
uisposition du Trésor des Etats-Unis; et toute loi de cdle.




426 ÉC LAmers8EMENTS
nature sera soumise 11 la révision et au controlo du Congreso


Aucun Etat ne pourra, sans le consentcmcnt du Congres,
établir des droits de tonnage, entretenir des Iroupes ou des
vaisseaux de guerre en temps de paix, trai ter ou s'unir avcc
un autre Etat, ou avec une puissance étrangerc, ou s'engagcr
dans une guerre, ;\ moins d'invnsion ou de danger si irnrni-
nent qu'il n'admelle point de dlS\ai. '


ALU. 11.
Section L--Le pouvoir cxécutif sera dévolu it un Prési-


dent des Etats-Unis d' Arnériquc. La durée de sos Ionctions
sera de quatre ans; le Vice-Présidcut rempliru les sicnnos
pendant 10 mérne temps ; et tons dcux seront élus d(~ la
maniere suivante :


Chaque Etat nommcra, suivant le modo pl'cscl'it par sa
législature, un nombre d'(;¡octeurs (;gal au nombre total dos
sénateurs et des représentants que l'EtaL a le droit d'cnvoycr
au Congrcs : mais nul sénateur ou représentant el 111I1le
personne remplissant des fonclions auxquelles sont attachés
conliance ou proílt, sous le gouvernemenL des Etats-Unis, ne
sera nommé élccteur.


[Les élcctcurs se réuniront dans leurs Elats rcspoctifs, et
voteront au scrutin ponr deux personnes, dont l'une al! moins
ne sera point hahitant du mñme Etat que les élccteurs, El
ils feront une liste de tous ceux qui auront obtenu des votes,
et dn nombre des votes ohtenus par chacun ; ils signeronl,
cerLilieront et transmcttront cctte liste cachetee au sil'ge du
goU\emement des Etats-Unis, et ;, l'adresse du présidl~J11 du
Sénat, Le présidcnt du Sénat fera, en préscnce du Séuat el de
la Chambre des rcprésentnnts, I'ouvcrturo de tous les ccrtin-
cats, et le compte des Yot8S. Sera Président la personne ayant
shtenu le plus grand nombre de votes, si ce nombre formo la
majorité du total des élecícurs nornmés ; et si plusieurs por-
sonnes ont ohtenu cette majorité el un nombre égal de votes,
la Chambre des roprésentunts choisira immédiuternent au
scrutin I'unc d'elles pour Président; el si personne n'a la ma-
jorité, ladite Chambre choisira de la méme maniere le Pré-
sidcnt sur une liste des cinc¡ candidats qui auront réuni le plus
de suffragcs. Mais, pour le choix du Présideut, les votes seront
cornptés par Etat, la représentation de chaque Etal ayant un
yate. Pour pouvoir y procédcr, la présr-nco d'un ou plusieurs
mernhres des deux tiers au moins des Etals sera nécossaire,
el le choix nc sera valable que s'il a élé fait il la majori té de




RT PIrCES JUSTIFICATIVES. 427


tous les Etats, En tous cas, apres le choix du Président, la
pl'rsonne ayant ohtcnu des électeurs le plus grand nombre
de votes sera Vice-I'rl'sident. Mais s'il reste encoré dcux ou
plusicurs persolllles aYClnt n;nni le mémo nombre de votes,
le Sénat choisira le Vice-l}résident au scruí.in, parrni eux. lJ


En cas de dcstitution , mort, dérnission, ou incapacité du
Présidcnt rl'uscr des pouvoirs et de s'acquitter des devoirs de
Iadite chargc, ilsseronl dévolus au Vice-Présidcnt, ct le Con-
gres pcut pourvoir ]lar une loi au cas de dostitution, mnrt,
démission 011 incapacité sirnultanée du Président et du Vice-
I'nl sidl·¡¡t, en indiquant le fonctionuaire qui remplira alors
les fOJlciiollSde l'résidcnt ; et ce functionnaire agira en consi'-
qnencl', jUSlJU'il ce que l'incapacité ait cessé, ou qu'un Prési-
dellt ait été élu,


A des époques fixes, le Président recevra pour ses serviccs
une ilHlemllit(~ qui ne pOUl'ra Nre ni augmcntée ni diminuée
pcndant toute la IH;rir:lle pour laql1elle.il aura été élu, et il ne
pouna l'ecel'oil'pendant celle période aucun autre émolumen¡
de la part des I~tats-Ullis ou de l'uu d'entre eux.


Avaut d'entrcr en charge, il prétcrn le serment ou I'affir-
mation qui suit : « Je jure (ou aflirmc) solcnnellemcnt de:
(( remplir fidclcmcnt les fonctions de Présirlent des Etats-
« Unis, et de faire tout ce qui dépendra ele moi pour main-
« tenir, proíéger et défendre la Constitution des Etats-
« Unis.»


Seciion 2.-Lc Présidcnt sera commnudant en chef des
arrnécs de terre et de mcr des Etats-Ilnis, el de la milice des
divers Etats, lorsqu'cllc sera appelée au service actif des
Etats-Unis ; il peut réclarncr l'avis par écrit du principal fonc-
tionnaire de chacun des dépurtcmcnts exécutifs, sur tout
ohjet se référaut aux devoirs de lcurs chargcs respectives, el
il ama le droit de commutation el ele grácc pour les oífenses
contre les Etats-Ilnis, sauf en cas de mise en accusation par
la Chamhre des représcntants.


1I aura le pouvoir, de l'avis et du conscntcment du Sénat,
de conclure des traites, pourl'U qu'ils soient approuvés par
les denx tiers des sénateurs présents ; et il nomrnera et dési-
¡.mera, de l'avis et conscnternent du Sénat, les ambassadcurs,
les autrcs ministres puhlics et consuls, les juges de la Cour


I La clause rnnfe rmé e entr-o crochets a é té remplacée el annu-
leo par le JOU7:r'l1l e nmcud crn cnt,




42R ÉCLAIRCTSSF.:IlF.:\TS
I •


suprérno , et tous les nutres fonctionnaires des Etats-Unis ,,1<1
nomiuation dcsquels il n'aura point été ici autrement POU1'l u,
et dont les fouctions seroní créées par une loi : mais le COIl-
gri's P(~llt, paruue loi, attribuer au Pn~sideuL seul, aux Cours
de justice, ou uux chef's de dL:parleJlleut la nomination de
tels íunctionnaires inférieurs qui lui paruitra convcnahle.


Lc.Présidcnt ama le pouvoir de remplir LouLes les vacances
(Ini ;JOlll'l'Ont se présenter pendant I'intcrvallo entre les ses-
-ions du Sénnt, en donnant des comrnissions qui expircront
it la fin de sa prochaine session.


Srction. 3.-U fera, de temps en tcmps, au Congres un rap-
port sur l'état dl~ l'Union, et appellcra son altcution sur tollcs
mesures qui lui paraltront néccssaires el couvcnnhles ; il pcut,
dans les circoustances extraordinaircs, conYOlluer les dcux
Chamhres ou l'une d'cllcs, ct, en cas de disscntimr-nt enLre
elles sur I'époclue de Fajourncmcnt , il pcul le íixcr au temps
qu'il croira convenahlc, 11 reccvra les ambassadcurs eL nutres
ministres publics ; il veillcra 11 la íidele cxécutiou des lois,
ct ddlivrcra leurs commissions it tous les fouctionuaires des
Elats-Unis.


Section 4.-Le Présirlcnt, le Vice-Président, el tons les
foncLionnaires civils des Etats-Unis seront rlnstitués, sur mise
en accusation par la Chambrc 'des représentanls el COIHlam-
nation, pour trahison, concussion, ou nutres crimes et rlélits
graves.


ART. HI.
Section -l.-Le pouvoir judiciaire des Etats - Unis sera


dévolu aune Cour suprérnn, et it tcllcs Cours inféneurcs qne
le Congres pOllITa, de temps en lcmps , d¡;crélet' el établir,
Les jugos de la Cour supremo et des Cours iníéricures seront
inamovibles 1, et ades époqucs déterminées ils rcccvront pour
lcurs services une indcmnité qui ne pOUlTa etre diruinuú:
pendant tout le temps quils rcsíeront en charge.


Section 2.-Le pouvoir judiciaire s'étcndru it tous les cas
de droit ou d'équité ' soulevés par cette Constitution, les lois
des Etats-Unis et les traités <fui ont dé ou qui seront faíLs
sous leur autorité, it Ious les eas couccrnant les arniJasSé1l1eul's,
les autres ministres puhlics et les consuls ; il lous les cus
d'amirauté el de juridiction mnri time; aux diflérelllls duus


t Shall hold their Offices d,wino guocl Dehaviour.
i In Lau: ancl Equity.




1:1' j>lECE" JCSTIFICATIVES.
k'llllds les Etats-Unis seront partic ; it ceux entre dcuv ou
plusicurs Etuts ; cutre un Etat el les citoycns d'un aulre
Da!; entre les citoycns de diíléreuts Etats ; entre les ciloJCns
¡j'1I11 1I11\mc Etu! revoudiquant des tcrrcs en verla de eonccs-
siuns d'Etals différcuts ; entre un Etat, ou des citoycns y
appartcnant, ct les Elats élrangers, leurs citoyens el Ieurs
sujets,


líaus tous les cas conccruaut les umhnssudeurs, les autrcs
ministres fluhlics el les cnusuls, el duns tous ceux oü un Etat
sera partic, la Cour suprórnc jllgcra en preruiere instancc.
]jans tous les autrcs cas ci-dessus montionnés, la Cour
Silpl'l'ml' jugeru en appcl tunt en droit qu'cn fait, axec tellcs
cxccptiuns el sous tols ri,g1cments que Ie Congres pOlll'l'a fuirc.


La [ll'ucéllurc par jni': SI'1'il appliqlíéc a Ious lcs criuu,s, sau!
en cas de mise en accusation lmr la ChamlJ!'e des repl'ésen-
tanls, el laditc p,rocédul(' aura licu d.ms l'Etal ou lcsdits
crirnes auront [>JI; commis ; s'ils ne I'ont I;lé d.ms aucun des
Elals, le jngemenl se Icru en tcl licu ou lieux oue le Congl'es
pUlll'radésigner ;pal' uue loi.


Il n'y aura trahisou contre les Etats-Iinis qu'au cas de
soulevemcnt en armes contrc eux, on d'adhésioll dounée a
Icurs cnnemis par voie rl'aidc ou SCCOlll'S. Persoune uc
sera convaincu dc Iraluson que sur le témoignage de dcux
téruoins dépusunt sur le HlCl1W fuit , ou sur l'avcu en séauce
puhliqu» dl) la COUl'.


1,1) Congl'i:s aura le pouvoir de fh:(~!' la pcinr de trnhison,
mais aucuuc conduumstiou p0111' Ir.rhison no pourra cllll'al-
ncr la dégradation du saug 1, ni la coufiscation, si ce n'est la
vie durant de la pe!'sonne coud.uuuée.


AIIT. IV.
Section L-Pleine Ioi el. crúauce seront donnécs daus


chuquc Elal uux acles el arel: il es publics et aux procédures
judiciail'os lIt: tout autrc ElaL Et III Congres pcut, par des lois
génáales, détcnuincr la forme prohantc de ces acles, nrchi res
el jll'océl1tII'CS, el lcurs cffets.


Secti.n: 2.-Lcs cil"yeIls dc chaquc Etat auront droit it tous
jos pri,ill'gcs el immuniiés de cilo)Ons d.ms les divcrs Etats.


'("ute jll'lS()lu:e aCl:lls'\(', duns un Etat, de trahison, íélo-
lIie (JI! nutre criruc, qui se déroheru il la justice et sera trouvée
¡J,lDS 'UII autrc Elal, sera, sur la dCIllaacle de luutorité cxécu-


1;; ,,/ n.: littaind,'i' o/ TTeason shulluior]: Corra]!!ioil uf' Blood, cíe.




4iJ0
.


ECLAIRcrSSEMENTS


tive de l'Etat d'oü il se sera enfuie, rernise al'Etat ayant juri-
diction sur son crimc.


1\ulle personne obligée a un ser vice ou travail dans un
Etat et d'apres ses lois, ne pourra, en se réfugiant dans un
autre, el en conséquence d'aucun rl~glement ou lni qui y
seraient établis, etre aífranchie de ce service ou travail : mais
elle sera Ji, rée, sur la réclamation de la partie aqui ledit ser-
vice ou tra vail peut Ctre dúo


Seciion J.-Le Congres pourra adrnettre de nouveaux
Etnts dans cette Union; mais il ne pourra étre formé ou érigé
de nouvel Etat dan s la juridiction d'aucun nutre Etat, non
plus que par la réunion de deux ou plusieurs Etats, ou partie
d'Etals, sans le consentement des législatures intéressées,
aussi bien que du Congreso


Le Congrcs aura le: pouvoir de disposer du territoire et
des autres propriétés appartcnant aux Eíats-Unis, el de faire
sur ce point tous reglemenls nécessaires ; et il ne pourra étre
donné a celle Constitution d'intcrprétation préjudiciable aux
droits des Etats-Unis, ou de quelque Etat particuJier.


Section 4.-Les Etats-Unis garantirunl il chacun des Etats
de cetle Union la forme du gouvernement républicain, et le
protégerontconlre toute invasion, el aussi, sur la semandc de
la législature ou du pouvoir iexécutif (Iorsque la convocatiou
ti.e la législature est impossible), centre toute violence inté-
neure,


ART. v,


Toutes les fois que les deux tiers des deux Chambres le
jugeront nécessaire, le Congres proposera des arncndcrnents
acette Conslitution, ou, sur la demande des législatures des
deux tiers des divers Etats, réunira une Convention pour
proposer des amendements qui, dans les deux cas, seront
valahles il tous égards cornmc partie de cette Constitution.
Des qu'ils auront été ratifiés par les législatures des trois
quarts des divers Etats, ou par les trois quarts des Conven-
tions forrnées dans chacun d'eux, sclon que l'un ou l'autre
[mode de ratification sern pro posé par le COllgres; pounu
qu'aucun arnendernent fait avant l'année mil huit cent huit
n'affecte en aucune fa!;on la premierc el la quatriemc clauso
de la scctiou neuf de l'article prernier; el qu'aucun Etat ne
soit privé, sans son conscntement, de l'égalité de sullrages'dans
le Sénat,




ET P¡f:CES JTlSTIFICATIVES.


Anr. VI.
Toules dettcs coutructécs ot tous engagements pris, avant


l'adoption de celle Coustitutiun , seront aussi valahles contre
les Etats-Unis, sous l'ernpire de celle Constitution, qu'ils
I'étaicnt sous celui de la Coníédérution.


Cette Coustitution, et les lois des Etats-Unis qui scront faitos
en exécution de ladite Constitution, et tous les traités qui ont
été ou qui seront Iaits sons l'autorité des Elats-Unis, seront la
loi supréme du pays, el ohligatoires POUl' les juges de tous les
Etats, malgré toute prescription contraire de la Constitution
ou des Iois de l'un de ces Etats.


Les sénaleurs el représcntants ci-dessus mentionnés, et les
merubros des législatures des divers Etals, el tous les tone-
tionuuircs cxécutiís ou judiciaires des Etats Unis ou des Etats
particulicrs, s'engagel'ont par serment ou aftirmation, irdé-
fcndre celle Conslitution; mais nul Test l'eligieux ne sera
requis comme condition d'aptitudc it aucune fonction ou
churge publique S?US l'uutorité des Etuts-Unis


AllT. VII.
La ratiflcation des conventions de neuf Elats suffira pour


établir l'cmpire de cette Constitution sur les Etats qui l'auront
ainsi ratiíiéc.


Fait en Convention, du consentement unanime des Etats
présents, le dix-sept scptembre de l'an de g/elce dix sept ccnt
quatre-vingt-scpt, ct de l'indépcndaucc des Etats-Unis le dou-
~ieme. En fo; de quoi nous avons ci-dessous apposé HOS
noms.


GEO. \VASHIJ'íGTON,
président et député de la Virginie,


NEW-HA1¡PSlJIRE.
John Langdon, Nicholas Gilman,


l\IASSACIIUSETTS •
.'IallJallid Corham, Rufus King.


CONKECTICUT.
William-Samuel Johnson, Roger Sherman,


NEW-YOllK.
Alexander Hamilton,


wm iam Livingston,
Willialll Paterson,


NEW-hRSEY.
Dalid Rl'carlcy,
Jolm Daylon.




YIRG1NIE.
James Madisou, jun.


C.UtOLnm DU NOBD.
Hiclr'rd Dobbs Spaig!lt.


MAI\YLA:'iIJ.
Dan. of Sto TIlOS. Jcuiícr,


ECLAIW:ISSEMENTS


PEl'SYLy,\¡m;;.
Thomas l\Iifllin,
Gco. Clyrncr,
Jarcd Ingersoll,
GOllV. Monis.


DELAWARE.
GlILll1ing Bcdfurd, jun.,
Ilichard Bassett,


B. Franklin,
Hobt. MOlTis,
Tho. Fitzsirnons,
James Wilson ,


Jolm B1air,


(;eo. Read,
Jolin Dickinson,
Jaco. Broom,


James ~l' Hcnry,
Daniel Curroll,


William Blonnt,
William \Villiamson,


CAI\OLlNE DU SUD.
Charles Cotesworth I'inckncy,
Pierce Butler.


GÉOI\G1E.
Ab. Baldwin.


William JACKSOl'í, secrétaire t.
William Few,


L. Hutlcdgc,
Charles Pinckney,


La Consutunon, adcptée le 17 sap lemb ro 1787 par la Con ven-
uo n élu o en v ertu de la ré sol uri on du Congris du 21 íóvricr 1'7<':'7,
íu t rnt i íiéc par les Convcnrions des d iv ers Ewts d<lns I'ordre sui-
vaut :


Par la Convention du Del awaro _ le 7 déecmbre 1787.
de la Pcnsylvanie...... 12 décembre 17i-i7
du New-Jersey ......•.. 18décembre17tn.
de la Géorgic. 2 janvierl788.
du Connecticut _. 9 janvrcr 1788.
du Massachusetts...... ti février 1788
du Marylanu........... 28 avril1788.
d c la Carolino d u Sud... 2,) m ai 1788.
du J\ícw-Hampshire.... 21 juin 17i-i8.
de la Vírginie.......... :2ti ju~n 17K8.
du :\cw-York 20 judlcl178ti.


.d(~ la Carolinc du Nord. 21noven¡J,rc 1789.
du Rhode-lslan¡l. . . . . . :l9 llliic; ..l790.




El' PIECES JUSTIFICA'fIVES,


ADDIl'lO"'IS El' ,ü[EKlJEMENTS


Prollo~es (I,lf 1(' Congres el ratiücs par les législatul'cs des divcrs Etats,
conformóment a l'article V de la Constitutiou.


AnTICLle PllEmEn.
Le COllgrés ne pn\iT!'a faire aucune loi ponr étahlir une


rcligiou ou [Jonr en inturrlire le libre cxcrcicc ; pOllr res-
trcindro la lihel'lé de la parole et dc la presse; ou ponr porter
attcinte au droit qu'a le pcuplc ele s'asscmblcr paisibleineut,
el d'adrcsser au gouverucment des pétitious aJanl pour objct
le rcdresscment de ses grieís.


AwI. 2.
Une milice hicn réglée étant nécessuirc it la súueté d'un


Elal lihrc, ji ue pouITa elre porté atteinte au droit qu'a le
pcuple de détcnir el de portcr des armes.


AHT. :3.
l\ul soldat nc sera, en tcinps ele pais, ]og'é iluus une iuai-


'Otl, sans le consentcrncnt du propriétuirc, el, eu Icrnps de
guelTe, que de la maniere réglée par la loí.


Aur. 4.
Le druit des citoveus dótrc en leurs personue, doinicilc,


pilpil'rs el efl~ts, 11 l'abri de rccherches el saisics uéraj:'OIl-
Hable:" ne lllJurril tirc violé ; il uc pOIlI'l'a ('in) Jaueé de mau-
dat que sur cause [JI'IIbahle, apIHlJée de serlllelll IIn d'affinnn-'
tion, el le rnandat coutieudru descriptiou détuilléc du lieu OU
d(~i:ent se faire les perquisitious, el des personnes el objets it
S;lISI!'.


AI\I. 5.
l\lIl ne sera tcnu de répolldn) 11 une uccusation capilale


011 infamante qlle sur dénoncintiou Ull mise en iU:CllSJli';ll
par un grilnd jury, sauf Iorsquil sera elJlploye' daus leo;
1'II'('es de tcrre Oll de mcr, ou dans la milice, Iorsqu'ellc es í
de scrvice actif en tcmps de gueITe Ollde dangcr puhlic. Nul
ne poulTa 1~lre esposé deux íois, puur ll~ llll~nw dl:j i t, it pcrdrc
la \ io UlI les IJI(~II¡]JI'('S, ni forcé, dans une cause criuiincllc, iI
téllluigller centre Iui-ruéun-. Xul nc sera prilé de la vio, dc la
libellé, uu de ses hiens, que par suite d'UIlC nrocédure iégaje)


28




FCLAmC!SSE~tE"TS
~;Ili !lC ,-cm c,[!ropri~ puur cause d'uíilité publique saus re-
LCI,)ir uue juste indernnité.


Al\'L (j.
Dan, tC11S ]c" cas (le noursuit.:s crimincllcs, l'accusé juuir,!


dll dl'oit ¡J'{'tll'¡ ug:; ])1'(11;] ptemcn! ct publ ir¡ucmcnt par {in jUI'Y
ilupiH'lial de rEtaL el du dJsll'lc1. cLlle crirnu aura t~ll~ C01111ni:-:,
district Pl'l:flLI!J!c:m'ut délifllilé plll' une loi ; d'dre illfulllll;
de la lllllurc el du motif de l'nccusntiou ; (U'ln; conrt()n!l~
(.l\"CC leS tJl.:L;iIJS ~t c.llal'ge; J\¡;;3ii-!J1Cl' des tt~lnf:j!l:) ¿t d{~c.hi_i.l'8·e,
ct de se fairu üs~i:)ter .l'uu cpnse-¡-I pUlir sa dl~rCII~C.


Aur. 7.
Daus les actions de (k,j¡ c.unmun 1 rlont la v.ileur ('xn:-


1t: jn:_:"enlcnt par jnry sera ilw_int(\llll~ eL
ii;U' i.n jnJ'Y llC~ PUllJ'l'li elre SOUIHis il l'cxaiucn


d.urs les Etato-Unis, que conlormémcnt au


AUT. :12,
Les élcctcurs se réuuiroi.t duus lcurs Etuts l'esl'eclib, el \11-


terout, au scrutin.ipour la nominalion du Prési.icnt el dll\'I('I'-
Présidcnt, don! I'uu au 1I.lui1J~ He S~\J'il. pnillt hahj\':¡rll.du ¡;-';\lIW
Etat qu'cux ; dans leurs hulletius, ilo nuuuuerout 1;1 pl,rO' IIl,e


:\:;'1\ s.
11 ne l)nU¡Tií étre c:,..i~~l:~ d.~l GlI.d,ICHUlenlcllt exagéJ'(~. imposé
d'anll'ild~s cxccssives, l~jjnfjjgé de peines cruelles ~t iuac-
couturnécs,


.vur. Ü.
L\i¡H!lnClal Ud d{~llS la Consututiuu de certains droits, nc


]JtJlllTil Cll'e jllte]'pr~l~e dé 1":1 ..-on :l en annuler ou restreindrc
duutn.s rctcnus par le ¡euplc.


ART. 10.
Les pou voirs <¡ni 1](; sout pas délégllés aux Etats-Unis par


la Constituljon, Ud rciusés par elle aux Etats, sout réscrvés
aux Etats respectif», ou au pcuplc;


Al\T. H.
On n'interpréteia point les clames de la Conslitution rcla-


I ives UU pouvoir judiciaire des Etats-Unis de far,:oll it l'dendre
aux proclldures cntamées centre un Etat ¡mI' les citoyeus d'lI11
autrc Etat, ou par les citovcns ou sujcts d'unc puisssauce
étrangerc.


t Ln. suits at CUUt'ilW'i!, Ltu»,
:2 .dccQ'"diny {u ilie ruic; LJ/"CUIi!'IJWIt.LUtC- o




El' PIECES JUSTIFICATIVES.


qu'i!» pudcnt ü la présidcnre, ct daus des hulh.tius distincts,
CL'Jk qu'ils p"rlclll ;1 la yice-prébidcnce; ils rclel'eronl sur
dl's ¡¡sit's ui,lillciI's le, noms de toutcs It's pcrsonne, portees
ll"Ut' la pn;sidence, de lUllles ccllcs porfécs pour la vice-
pré:,ideucc, el le nomhre de I oles ohtcnus par chacune dclles;
sigucron! el ccrtiíieront ces listes, et les trunsmcurout. scel-
lécs , au siége du gOUYCl'lll'lllcnt, 11 l'adrcsse du président du
Sénal.. TO'lS les proc¡~s-Yerbaux scront , en préscnce des dcux
Charnhres . ouverts par le prési.lcnt du Sénat ct les votes
comptés : sera Présidcnt celui qui aura ohtcnu le plus STand
nurnhro de sui]'rngl's pour la présidcncc, si ce nornhre forme
la nliljorilt; de tous les élertcurs n'unis ; si nul n'a obtenu
ccüe majorilé, parmi les lrois candidats ayant réuni le plus
dí\ voix pou\' la pl'é:iidellee, la Ch.nuhre des rcpréscntnn!s
dlllisjra inunédiutcmcnt el par la yoie du scrutin le Président.
!);¡ns ce cJ¡oi\ du I'rt;sidenl, les lotes seroní comptés par
E!;tI, la \'epré>'elllilliilll de chaque Elat n'ayanL qu'un vote: la
préscncc d'nn iucurhrc 011 des mernl.res de deux ticrs des
Etats, el la majorité de tous les Etats seront nécessaircs pour
ce choix, Quand elle y sera ólpIH+e, >i la Chamhre des
rcpréscntnuts ne clwi;;il pas le Présitlent. avant le quatrierne
jour uu mois de ruars sui vaní , le Vicc-Présiden! sera Prési-
dcnt , commc en cas de mort ou d'incapacité constitut.ion-
nelie du Présitlcnt.


Cebú qui réuuira le plus de snffiagcs pour la vice-prési-
dL'lIce sera Yice-Présidcu}, si ce nombre forme la rnujorité
de tons les élee["1il"s réunis ; si nul rr'a ccttc majorité, le
S(;nólt. choisira le Vice-Président parmi les deux candidats
aY;JIll le plus de vuix; la préseace des deux tiers des sélla-
tcurs, el la majorité du nombre total, sont nécessaires pour
ce choix.


Toute personnc constitutionncllemcnt inéligiblc 11 la prési-
dcnce des Euus-Unis, le sera également ala vice-présidence 1,


t L,,, d ix prern.crs a m emio mc n ts fu r on t pro po ses pendant la
lll'l.'m¡t'l'c sC'SSiOll du prc m icr Co n grcs des Eta ts-Un is , le 2;')sep-
ll.'U¡)lfC 17RD¡ c t lu r.-ut dl"iilllii\r'llH~llt rn ti fi és par]n norn br-e cfE-
(;lls JiXl'~ !Htr la, Cons rit u rio u in 15 décemlne l'DI. Le or.ziirue
iL.l~lCJHlí'nHJ!lt Iu t pro posé rCllJallt la pr emicre scssion du t r oi-
<',f'ltlf' C(lIlPTt:S, J(~:j mars ljU·J, o t d(ilnitin'InrIlt ratlÍ¡61e H jatJ--
v nr l-;:,I,~L [,(O duu'/.il·~ll{~ altlCllllf~trlE.'JJt Iu t jlrU¡\OSD Ü la prc1l11(;ff.:
';¡~":iil)!I ti" l.u i r i.un c CO!lgr;,", le 11 décembrc 1803, etfut défirlÍ-
uvcm cnt adU1J(¡'; en H:50·1.-




ÉCLAIRCISSElIIENTS


AJJlmSSE ]j' AlHELJ DE WMiH1NGTO;>;
AU PEUPLE DES E'l'A'I'S-U:"'I:i.


:17 septernbre 1780,)


Amis el concitoyens,
L'époqu« oll l'on procede a I'élcction du dépositairc rlu


Pllll\ I)J[' cxécutif des Elills-Unis n'étant )las éluignée, l'ICl'IIl'
OI'ICl' chnix importunt doil occuper votrc penséc danl arrj-
véc, jo crois devoir, pour rendre pillo libre l'expression de
l.rvoix publique, vous déclarer que j'ai résolu de ne poinl
lile placer parrni ceux entre lesquels 'lItIS uurez :1 choiair,


SOYt'Z cnnvaincus que je n'ai pas pris cctte détcrmination
sans avoir examiné ce qu'un cituyen doil ;\ son pay:;, et (Iue,
si je ne me suis pas horné it faire counuitro ma résolution par.
mon silcncc, c'est que j'ai craint qu'on IW se persuadál 'l uc
ma respcctueusc rccounaissanco el mon zclc pour vosiutéróts
avaicnt éprou \ ¡; quolquc altcrutiou.


En acceptunt la diguité it laquelle vos suffrages m'ont élevé
.teux fois, j'ai sacriílé mon inclination a mon dcvoir et 1j ma
déférenc« pour votre vrru . J'avais esperé (¡ue je pourrais
rcntrer plus tüt dans le scin d'une rctraite que j'avais quitté«
a rcgrct ; en conséqucncc, j'avaisprépuré, av.mt la deruinr«
élection, une adressc oü je I'OUS déclarais ma résolution;
mais de P],¡lS mures réílcxions sur l'état de nos relations
avec les puissances élrangeres, joiutes il l'avis unuuimc des
hornmes qui ont part a lila confiance, m' ont fuit renouu-r
momcntanément ü ce projct. .Je me felicite qur. la situaliou
de nos allaires, tant au dedans qu'au dchurs, ne rende plus la
réalisation de mes YlBUX incompatible alee le scntirncnt (k
mon dcvoir, ou avcc les convcnauccs; ct je suis persuade que,
dans la position oi! nous sommes, vous ne blárncrcz puint rna
détermiuution, quelquo favorahlemcnt qU(; votre parLi;ilill:
pour moi vous Iasse cnvisager mes sen ices.


Je I'OUS ai ¡](\jil exprime les sentimcnts dans lcsqucls ji; lile
suis eharsé du ¡](;IH)l que vous m'avez cUlIJil;. 11 lile sui'!ir,l
done de Jire que j'ui fait, pum rcrnplir m011 devoir, tous les




ET P¡i':CES .JUSTIFTCATl"ES, 4:17


ellorts dont j'ai élé capahl«. La connaissanco que j'avais de
l'iJli',;riorit,; (k mes talcnts d de mon pcu d'expéricnce a for-
tili,; les motils que javais de me rlélier de moi-mómc ; el le
poids des aunécs m'aledit chaque jonr que l'omhre de la
relraite m'cst uussi uécessaire qu'elie me sera agréable. EnJin,
j'ai la consolation de croire que, Iorsque la prudcuce el mon
iuclination me portout « quittcr le ll:0;llre des affaircs puh1i-
(llleS, le patriotisrnc nc me le d,;fen,l pa;;.


En vovaut appruchcr la fin de ma carriere po!itique, je ne
flui;; rclcnir l'cvpression (le la prolon.l« reconnais-ancc (lw'
i'~ dois;\ ma clIi~re patrie, ponr les lionncurs diler;; qn'elle
111';1 cOIII";I·,IS, p0111' la coufinncc r¡n'ellc ru'a tr1moiSrH;c el ponl'
Jes oce;,sion,; 'ill','¡ll~ nl'a procnréos de lui proll\et' ma tid,llil,;
1,1 mou invioluhl« atlac!lellll'lit, par des services dont j'im¡liJr-
t.uuo n'a peut-éuc nas l;~all\ mes voaux , Si ces sen icc,; «nt
,:¡,\ de 'llll~]'llle nljl/I,;, Il~l doit u jamáis rappelor, it votr«
IUllange ct !'our l'insuuction de la postérité, qu'en des con-
joucturcs Ol! les passions agitl;es en tous sens pouvaicnt vous
,Igarer, malgn; des il pp,¡rcnees trom pcuses, et lorsquc le
m.mvnis succcs Iournis-uit (les armes ¡¡la crilj'jne, vous avoz
constaunncnt soutenu mes cfforts, el qu'uiusi, lorsqu'ils out
dé couronnés de suecos, cela a été principalernent Ú vous ljue
j'cn ai élé redevnhlc. J'cn conscrvcrai jusqu'au tombeau 1<1
plus ,ile gTalillltle, nt ce sera pour rnoi le plus IJlIj"'i1nt motif
de IJI'jel' le cicl qu'i! daigllC contiuuer ¡¡ vous donuor los
¡¡Iarques les plus sig¡w10cs de su bonté, qu'il entretiellue
jlill'llli mus l'uuion ct l'esprit de fratcrnité , qu'il vow; COl1-
sen,~ ('etl(~ Coustitulion libre qui csl l'mulTe de I'OS maius,
qu'il n;pallde l'esprit de sagesse sur tous ccux qui scront pré-
posés 1, son cxécution, el qu'cníiu la fl;¡icité du pcuplo de ces
Etato soit si compkte qu'el!« renrle la liher!é cher« i¡ 1OU!t's
les nations.


JI: dcvrais pcut-étrc m'arrétcr ici : mais ma so!licitudc 1'0111'
vous ne peut Iiuir 'lll';lll~C ma vic, el elk m'imile u saisir
cetro occasion de vous oifrir qlle!'j'les ohscrvaticns qui son! le
fruit de mes médit.uious el li(, inon expériencc, el qui me
]wai,;sent de 1;[plus grande importance pour votrc 1Joll!ll'ur,
I'(fmml~ fortnunt un corps de nation. Je YOllS les présenter;li
:I\-I'C ]jiJ('I'L:) pon!' r¡ne IOUS y "OyiL'h lps cOllSeils dé,inI0res-
,(:, d'lIIl ;lIl1i qui, prN il se _";parcr de 10m, l!I~ peut avoir
;:[:,'(111 ,1\:lll!;'':'' :l \(lns tromper; el .i" 11(: puís 11'ai!leurs
"1I1"i"i' l'illdlll':"liCe. ayec laqIlc]!" l'illS a"eh I'e~u, en une




ECLA IRCISSE~IE\'T~


OCCélSJfJD pres([ue semhlahlo , l'cxprcssion de mes senti-
ments.


L'amour de 1<1 liberté est Sl prnfondérncnt gravé dans YOS
eu.urs, qu'aucune rccornmanrlnlion de mn part n'est néces-
sairc pour fortifler en vous ce penchant.


L'unité du glJuvel'lwnwnl qui fuit de vous un scul peup\l'
vous est e1Jl'I'e nu-si, el e'esl 11 juste titre ; cal' e'eslln base de
volre indépcnd.mce, c'cst le gage de votr« tranquillit.' au
dehors el au dcdaus. C'est celui do votrc ~l¡'¡rel,;, de \¡¡[ro
[))'uspéri[(; el de cutto liberté que vous app]'("cicz tanl. :llai~:,
cunnne ji es!. aisé de ll!'l(mir IILl'1I1I aura I'l'COLll'S il !JI'aUCl'I¡p
d'artificcs PUUl' afluihlir la conviction de cdl,' vériu', 'I[lI'
c'esl le point centre Jequel les cllorts de vos cuucrnis iuté-
rieurs OH extéricu¡« scrout (qUOiqlll~ sonvcut en SCCI'cl d
d'ulle malliére illsirlicuse) constamnu-nt diri¡:;és, il cst d'uuc
imp.ntance extrérn« que vous couuaissicz couihicn volre
lumheur iudivirlncl dépcnd de l'union qui mus cOl1slilue ('11
cnJ¡h de l1alioll; il faut (Jlw 1 UI!:; la chl'lj"iez con-Lumuenl ,
illl aL'iabJelllcnl, que vous IOllS accoutumicz :1 la consid'(L'l'r
comru« le palJadium de votre honheur ct de votrc súrct.',
'pw \OUS rcilliez sur elle d'un o'il jalouv, (lUL' 10US imjlusiez
:;!Iéllce iL quiconque oscrait jamais I(\IIS COllsl'illel' d'y reuou-
rcr, lJlW vous fassiez éclarer touíe HIIl'l~ illdi;";lliltiolJ <LUIll'l:-
mil'!' ellort qu'on tenll'l'ait pour déLlc!ll'!' dc l'cnscmhl« qucl-
que parlic' de la Cnnf,;dl(mtiolJ, ou pOllr n:1¡;ihlir un sell! tÍ,','
nu-uds saeds <¡ni la formeut. Des moti I's de pill,S tI'un g;;i1i'C
doivent \OUS y port:r. Cdte patrie donl ',I1IIS ('les citnyerls,
soit par la naissance, soit par \otre choix, a des droi ts il toule
votre aflcction. Le norn 11'Amaicaiil, qui l',t puur vous le
l/Oll! natiuna], doit, plus que toule autrc dl~noll1iLlalion plus
locale , exalter en YOUS !'ol'gueil du p:ül'iulisllH'. A de tri:s
hibleo dilléreuces ]JI'~S, \OUS avez la méme l'cligiOll, 1es
lllt'mes coutumcs, les mómcs mmurs, les merncs prillcipes
politi'lucs. Vous avez combuttu et trinmplu' ellsl'lllble POlil'
la múrne cause; I'indéptnrl.mrc ella liberlé t1Ullt vous j<JlIis-
sez, V(¡US les devcz :\ la réuuion des conseils el des efr"l'ls
communs, YOUS les dcvez aux dangers auxqucls vous a\l'Z él:;
exposés, aux JJl¡IllX "(Jlw vous avez souílcrts, el aux succes ljlH'
vous avcz ol,lcllJIS enscmlJle.


"I:lis ces c,msidél'atiolls, qncLlne puissanlos qu'dles sl)jent,
le sunl liieLl llI«ins enc(¡]'e 'lIlC cdie, qni touL:!Il'nl dc Jl111S,pr~o
il YOS inkrets pilrticuliers, el d1cHluC partie dI' 1'l'I¡i'HI ¡i"it-




ET rIECES JTTSTTFICATIVES.


reconnaitre en clle-mérne les raisons les plus [orles POUl' no
point s'isoler.
. Le Nord, par 11l1e commuuir.ation libre que protégenl les
Ji.Jis égalcs rl'uu ]n[~rllc gOI1\enL'lnCtl!, lrouve .luns les produc-
tious du Sud un surcroil de rcssourccs pom' les entrcprises
mari times el comrncrciales, aiusi r¡ue des m.uériaux précieux
pon!' ses manul.rcturcs. Le Sud, par ,:dL' m:\me couiuumica-
tiou avec le Nord., .. oi! prospércr son ;,g¡';cu:turc el s'étcndre
son commerce. Attirant dans scs purts une pHl'tii~ des gen~ de
rner du ¡Vo't'c!,jl augmcnte su navigation et prépare les voies
Ü l'établissClne!it .l'une mariun natiounlc, 1/ Fst; CÜ!11H1Urll-
quunt avcc 1'Oil1sl, Irouve ¡bno cctte coníréc, el par le pel'-
fcctiouncment des m"yens de navigation intéricurc, il y
tromera de plus en plus des déhouchés corumodcs jlom' les
articles de conuncrre qn'il fal.riquc ou qu'il importe, L'Ouest
tire des coiuesí ihlcs dc YEi«; ct, ce qui est de plus ti~'impor­
f auce , il devra la jouissunce assurée de marches pom l'écou-
lerucnt de ses Jeiln~l'S, au iY.l1lL., ;1 rinHul'nee el ~l la futuro
puissance maritirnc de cetl,,~ IJ:lrli¡) du territoire de l'Lnion
qui est située sur la l11Cl' Atlantiquc. Parviut-il mómc ;\ se
urocurcr cel i\l'allla~l; dl; toute nutre maniere, c'cst-a-dire en
~"jsohnl ou en s'ul1'i,scmt il une nation étrangere, acte qu'on
ne pmll'lail cun,idél'c'l' (¡tle COll1ITIl' une trahison, ce ne serait
jamuis que précaircmcnt.


Si don!: chacuue dl's nurtics est intércssée directcmcnl au
mainuou de l'eusemhlc ~¡e l'Etat, cclui-ei doit trouvcr, daus
la réuuion ues llloyells ~'i. cll~~ plus de ressources et de
puissuucc ; il rloit etl'C p:y.< ;: rt; ¡J~ .~; d'un onr-srni
exli.~l'it'ui'; il doit [oui.' pius censta.nmcnt de la paix avec 18s
nations étl'angeres; ct,~ ce qui cst un avant,"{ge inap~;l'ticjable,
les diverses parties del ronl il l'Lnion de ne pas voir éclDter
entre elles les guerres qui alflit~C1lt si Iréqucinrncut des (;011-
trées voisuics, que ne r.'uuit pilint un memo g()u\ernr~ln(lnt;
~. uerres que leurs l'iy;d¡ü~s seules nourruicnt T.r.,"){lu;r(l.• et
", . • __ 11" . .' J J.,' • ..... . .'"qu VXClkl'uwut des aUlances oppo~:ccs el G.t:S ]n[¡'j¿Uc~ avec les
pl1i~Si~nccs étrungércs. Par lü, 'vous ::Cl'CZ (ijspt~n~~~~~ d,~
euir su!' pied ces armécs norubrcuses qui, Sr)E:'; tnutcs les
rUl'ln!..~s de ~.;;nu \Cl'nCnH'¡;i. son: r:l\U:'~lL:L~3 ;'1 hL lihedl;.,
r.t qui luí ~i)pt ,r:lrti(I::¡/OITnlCll1 1"Il'tr:"jl"'s sous ~;l, (l'UUYITnc~l~nC(I:I,~~;é1~::~~ i'('~~~ ~l:ap p',rt' ¡,,' jl;':~) I)~~'i'" ~~, 'YO:1S"C~ n,:i :]';¡'; i~Z
fi;llicll COinlne la p1Cil'i.': l"uiltLulICi.:il!e ~,'vtre Ij!,~,!·¡ü; l~L h,




4111 ECLAIIWISSEMP,NTS


conservation de cellc-ci Mpendra de l'amour que vous aurcz
puur lautr», Ce, cunsitl0r,tlions doivcnt agil' puissammrnt
sur tout homme vrrtucux el scnsé, Elles prouvcnt que j()
maintien de l'Union doit (\lre le principal ohjet des vreux de
tout putriot« américain. Qllelques persouncs rlouleul, il cst
vrai, qu'un g'OU\('J'llclllcnt unique puisse cmbrasser UD si
fasle tcnitoit e. C'cst a l'cxpéricncc 1\ résoudrc le pru¡'ll~llle;
ce serait un crime en pareil cas de nI' suivrc fjlle la tliéoric.
1\;)US pon \'OIlS cspérc:: (1 u' une sélge ad miuisíration de la parl
du gOlllNuenwut gén0ml, joiut« aux cllorts des goulcrnc-
ments parlil'uliel's, aura un n(snltilt fuvorahle.


11 aurait élé cxtrcmcmcnt 1, désirer qu'on u'eút pClinl
ci!ractérisé les qll:ltre grandes partics dl' ]'l!niCln par les
d(i n(J ll1 inillions gC;Clgr:lplliIjUi''; de Srptl'iltrimwle, de J!,iri'¡ilJ-
u«lr: d'Atlaniirjlle el d'('cci'¡cllta!p, dl;nomínaliuns par 11'';-
quellcs les rnalintentinnncs sctforccut de Llinc I)ntentlre quil
t)',ist" entre les partics une opposition d'illlél'ds ct de vucs. J.(~
JtJ0J"'ll que les Lrouillons cruploicnt puur aeqllérir de J'ill-
flucnce est de calomnicr les intcntions des nutres districts.
Ce m,uH'gl' pcut Iaire naitrc une méliallel~ cOlllre laqucllc
vous uc sau riez írop vous lcnir en garde. Elle relldrail <'11':111-
gers les uus pour les autres ceux que doit unir 11111' ami lié
fratcmcl!c.


Les habitants dl' nos contrées occidentales out eu dcrnicrc-
menl une utih: le(:oll 11 ce sujel. lis on!. d(i voir, par le plnisir
que le trailé conclu avcc I'Espugne a causé darls !OIlS le,.,
Etnts-lnis, combien était mal fundé le souPt'on que le gOll\ ('1'-
ncmcnt g(;lll(ra! el les Elal,; sitm',; sur la me!' Atlnntiquo crai-
gnaient (lll'ils n 'ohtinssout la libre naYigalion rlu Mississipi,
Ce traité, et cclui qui a été couclu avec I'Allgleterre, [eur
assurcnt, dans nos relatious avec les puissances élrangéres,
tout el' qu'ils peuvcnt dúsircr pour leur prospérité, En con-
séquence, n'cst-il pas de leur inlt'ret de se reposer , ponr la
conscrvation de ces anllllage,;, sur l'Union qui les lcur a pro-
curés ? Ne sera-ce pas it eux de repousser avcc indign.uion
quiconque leur donucrnit le conseil impic de se séparer de
JeuI'S Ireres et de se réunir il des úrangers?


L'utilité el la slahilitó de l'Union ¡[épendent nécessaire-
mcnt d'un g'ouvcmement général, Des nlliauccs, quclque
0[roiles qu'elles fussent, no pourmicnt Ic rumplucur. Pt"néln',s
de ccttc vérité, vous avez perlcctionné vutre premiel' css.u,
et adopté un gollY(~rnerncul qui est plus propre (Iue celnl (I11C




ET PIECES ,JUSTIFICATlVES. j II


'"011, avicz auparavant tt rnaintenir une union intnne et tt
veíller sur YOS inl,;n'ts rcspcctifs. Ce gouvernement, que vous
uvez choisi lihrement, el. avcc réflcxion, est fondé sur la
liberté; il offre une sage distrihution des pouvoirs , il est doné
d,~ force, il contient en lui-mcme un príncipe de perfcction-
nemcnt, ct sous tous ces rapports, il doit ohtonir votrc con-
Iiance el. votrc aJl[llli, Ilespcctcz son autorité, cxécutez ses
lois, acquiescez ;\ ses mesures; c'est la liherlé elle-mémc qui
vous le commandc. La hase dc notro systemc politiquc est I,~
droit rcconnu dans le pcuplc do constituer et de changcr SOIl
gOll\el'llement. ;\lais, jusqu'a ce qu'ellc ait été ahrogée ou
modiliée par un acle authentique de la volonté natiunalc, la
Constitution doit Clre obligatoiro el sacrée pour tout citoycn.
Le droit et le pouvoir qu'a le peuplu d'étahlir un gumel'll('-
nuut impliquen! l'idée qu'il est du devoir de tout particulier
de se soumcttrc :t celui qui est étahli,


Toute opposition mise :1 l'exécution des lois , toute associa-
tion dont I'ohjel cst de gener 0\1 d'arrétcr I'action du gO\lver-
nmucnt établi, cst directcment contraire au principe que
nous avons posé. De telles assocíations sont propres ti orga-
niser des íuctions, ;1 rlonncr il ccl les-c] une torce extraordi-
naire et artiíicicll.', ;1 ruettre a la place de la volonté de la
nation, cxpi-iméc par ses d,'légués, la volonté d'un partí, celle
d'une minorité fiuhle ct nrtiücicusc. Des hommes ambiticux ,
adroil.s el. dépoul'l'us de priucipes, el qu'on verrait hrisr.r
rusuitc les instruments au moren desqucls ils auraicnt ;lCtlllis
une injuslc dornination, pourraicnt se senil' de ces sllciét,;S
POUI' uSllrpt'r !l' IWU\llir du pcupl« el prcndre en main les
1'I',nes rlu guuH'l'llcnwnl.


I'our assurer votre félíeité préscnle , il ne surtir a pas quc
vous fussiez cesser toute opposition faite irrégulicrcment ú
l'exécution des lois, il Iaudra que VOU5 résisticz alee force ;1
I'esprit rl'innovation. Souvencz-vous toujours que le tcmps et
l'hahi tude sont néccssnircs pour íixer le caractcre des O'OIl-
vernemcnts cummc pour consolider toutes les institutions
humaines ; que l'expérienee est le plus súr moyen de con-
naitrc lit véritahle tcndance d'une constítntion; et qne la
facilité ;1 opérer des changements dapres de simples hypo-
thi'ses uc pcut occasionner qu'unc extreme inslahilité. H,ap-
JIl~It'z-lom saus ccsse que, d.uis un pays nussi étcnilu que le
111\[1'1'. il importe 'Iue k gou\'Cl'llcment ait toute la force qlli
pt'ut dre compatihle avec la libert,', C'est ,ous Ull gl)llll:nw~




ÉCLAmrr::;snIENTS
rncnt de cctte sorte, pounu que les ]JoU\Oir5 en soient distri-
hucs sagcmcnt , que la liberté elle-memo trouvera son plus
sur appui. Ene n'o\i,;te que do nom lorsr¡ue le gou\ernenwnt
est trop Iaible pour réprimcr les fuctious, lorsqu'il ne pcut
contenir chaquc membre de la SGl'iélé dans les limites qui
lui sont assignécs par les lois, ct (J1]~il cst incapable de pl'O-
curer il tous les citovcns la paisihlc jouissance de leurs
droits.


Je mus ai déjit prémunis conlr« les r1:mg('r5 (](os pmlis, ]OI'S-
que leurs divisions ont un carncter« géograplJie¡ue; laissez-moi
vous prémunirá préscnt centre les peruiriuux cílets de l'csprit
de parti dans une ncccpti.m plu: g':lIl:l'all~. Ce! esprit cst mal-
heu reusomcnt ins,:parahIc dl~ notro nature ; il s'unit aux
passions les plus Iortcs rlu CO-'lll' lmmain , iI existe SOllS dilfl)-
rentes formes dans tous les aouvcrncments : mais c'cst sur-
tonl dans ¡'.'S ¿,ouH:rlll:ment;" liolJUh¡ilcS lJll'jj cxerCt~ le plus
dI' ruvagcs, el l'on pcul vruinu-nt l'en considérer commc
l'cnnemi le pIlle acLamé. La dornination altcmativc des Iac-
tiol1s irrite cettc soif de lit H'ngeal1ce qui o.ecompi:gnc Ic.:
dissensions civiles. Elle cst cllc-ruúmc un despotismo affreux,
d elle finit par en .uucner un plus durable. Les désordrcs el les
lil;¡Jheurs qui en résultent préparcnt les hommos Ü chcrchrr
la Sllretl' l't le repos dans le POU\O!o1' d'un scul ; el lót ou
tard, plus liabile ou plus heurcux que ses ri vaux, le chef de
quelque faction rnet cctle disposition ;\ prolil, JlOUl' s'é1e\cl'
S111' les ruines de la liberté publique. Saus pr¿,oil' ponr nous
une pal'til1eextrémit.', les suitr. t'rllll'.;lCS (]lJ'c'i1Ii'iíl'le cornmu-
nérncnt I'esprit ele pal'tj duilcrd u: '11 ,; ;:ul'i:."l' il le dJ('(Jurager el
11 le contcnir. Cel C"IHit, purtout o\t ji reg!l!.', ne malle¡ue
jamais d'agitcr les conscils uationaux et d';dlaiblir l'adminis-
tration puhliquc ; il allum« la haine, fomente le" trnuhlcs, el
pl'Odnit des soulcvcments ; il donne de l'iullucnce aux étran-
gers, ct introduit la corruption duns toutcs les hranches du
gU!llel'lll~ll1ent; et c'est aiusi que la politiquc el la volollil:
.I'uue nation sont sournises ¡¡ la politiq ue el ;1 la 1'01on[¡;
.l'uno autre natiou.


011 dit 'lUl', sous les g'oll\'ernements libres, les partis sont
uli lcs en ce quils rendcnt 1':l,lll1inistrnl!oll CiJ'elillSpl'ete, el
q¡¡'de; enlll'!iellnent h"l'rit de lilJl'I'll~. Ccue asscrtiou pelll
(\-¡rc ju::-:tc jll~qU:;l uu ccr!Lt!!l puint; ei. dl~ns uu t)'uu\'el'lll.'nl~11t
lfHH¡1ll'c11lqUC, t'c~¡:ril de. jJ(l1'ti pt'lll (':tH~ tt.dt~nS p;~l' k p:dJ'iu-
tislllC:. .Mui,; illlc duit POli!! en l'[re aimi ,lan,; les gor!lc;¡¡"-




nr pn'Cf:S JUSTIFICATIVr:S. ,In


rnents populaircs el purcmcnt électifs, r¡lIi de leur nnturs out
:FSCZ dL~ l:d esprit; el curume ils doivcnt constarnment en
redoutcr \'exd~s, il fuut qlle l'opinion publiqu« s'efforcc tou-
jours rk le motlércr. e'est un Ieu qui nc peut etre étcint, 11
;](: s'auit doné pas de tl'a\ailler:1 !'enb'Clellir, mais, au COD-Ililirc,"dj~ yciI!el' S:llIS cessc, daus la crainte que sa flamme 11e
consume au licu d'écIJilldler.


JI i mportc égal¡'Jn"nt IJue ccux qui , daos un paj's libre,
p:ll'licipl'l1t it l'a::lj,,¡¡ .lu gouyenwmcnt, s(~ conticnnont dallS
les limiles que la (:.:nstilutio[] a nosécs, ct qu'ils u'crnpielent
Pi!S sur ¡'iS allriJn¡!llnls les 11mde" nutres. Cd espril d'cmpié-
¡('[j]em tcnd il cou.rntrcr íous les pouvoirs en un seul, ct par
('!)nSéi!lil'nt i\ élahlil' le dcspotismc, sous qur-lquc gou\crne-
iliI'lIt tll!'! ce soit.


JI sllftil de s.ivoir combirn l'amour du pouvoir elle pen-
.Iiant il en ahuocr sonl natunls au creur de I'hommc, POUl'
"(~ntjr ces vérités : ele El' icnL la néccssiló dc balanccr les pou-
,oirs puhlics par leur divisi.iu et lcur partagc entre plusieurs
d,:posilaires, (IIJ i dél'enden1cettc propriéu: pub]¡que des inva-
-ions les uns des aulres. L'exp(:ticucc dus temps passés ct
modernos nous Iournit (les cxcmplcs de l'excellellcc de ce svs-
i,"ml~; rious en avons quclqucs pl'culces dans notro pays,' 1'[
.l'nntrcs suus nos ye!lx. 11 n'ost pas rnoins nécessail'e de C0I1-
kuir les pouvoirs IjlIC de les institucr. Si, dans l'opinion du
i'~,,!pJc, ttIllO distl'iI)Ilii'ln uouvcll« ou des HluJilic'atiolls sont
d,:"j¡':dl1<> dans l'org:ltlis,llion coustitutionnolle, iI fnut opércr
les n:l'urmes st¡j'<in!. les \oje:; ](:galee, mais non soulfrir que
ces cllilug('l1ll't:l, aienl li..n jI;¡r lJ


'
l1 :p :tin'!. On arrive quel-


queíois il pr.nluii e un bien pa:s::gei' ¡ni' el' dernicr moyen;
muis, en :,:é!l(~ral, il est larrne la plus usitée pour détruire
un gOllyernellll'Jll libre, et il iinit toujours par en amencr la
chute.


La religion el la morare sout les uppuis nécessairss de la
prospérité des Etats. En vain prétcndrait-il au patriotismo.
('('!ui qui vUllllrail ronvcrscr ces dcux colonnes de UJiílcC
"<iéicd. Le politique, aiusi que 1'1101l1l1l8 pieux , .loit Ics révérer
el k" e)¡,'rir. Ce Jll\ sorait pas assez dun volume ponr Iraccr
les rapp"rls flll'clll'S Oll~ alee la [;¡icitt, ptlh!iCJue l'L ll\CC Cl:IIe
ti,'s par(icll1ict,s. Out! ¡]llyiendraiclIl la fOrlUIlI', L réputiltioll,
1:1 ,j;. nJ(~rnl~ eles eiluycllS,. si la l'clj~'jun n'ernpecbait pas de
yiidt\l' le~ ~el'nHlilts) Uj'aide dc:sque1s la justú:e chcrcht 1 la
\áiU; '1 ~;ul'pusom, memn ponr un momelll, 'lue la lllol';¡le




414 ECLAIRCTSSE~IR",TS


puisse se"soutenir seulc. L' iníluencc qu'unn éducation tres-
soignée aura peut-étre sur des esprits d'unc trem\l(; particu-
lier«, la raison ct lcxpérience IlOUS défcndent de l'atteudr«
de la.morale de toute une nation, sans le sccours des prj[]cip{~s
religieux. "


Il est vrai, daus la rigueur des termes, que la vcrtu el les
mreurs sonl le ll10bile d'un gOll vcrucmcnt populairc; el
toute cspecc de gou \ ernernent libre cst soumis avec plus ou
rnoins d'étendue il leur action. Que! est done l'ami dI: suu
P3YS qui vcrrait nvcc indillércnco saper ces fundcnn-nts de
j'¡'dillce?


Encouragez commc un objet de la plus haute importanrc
les institutions dcstinées :1 propager les lumieres ; plus l'tlpi-
nion publique lire de force de la nuíurc du gOlL\crnenwlIl.
plus elle doit ('trt' l'clairée.


Maintenez le crédi t national comme un moyen d'acquéri l'
de la puiss.uu:« el .l'assurcrvotre trnnquillité ; en couscqucnrr-,
culti \e7, la pai\. Souvenez-vous cepcndan t que des dl'pCllSC<
Iaitesñ propos pcuvcut en prévenir de plus grandes. E"itez.
non-seulement par une stricte économic, mais en V011S elfor-
~anl d'acquitlel' en lemps de paix les dl'lwnses que <1l'O
g"uelTes in('vilahles auraient occasionnécs, l'accroisscmcnt ¡je
la dctte publique; el ne soyez pas asscz peu g"énérellx pour
rcjcter sur votre postérité un fardcau que vous devcz pnl"ln"
C'esl il vos rcpréscntants iJ. muttrc ces maximes en prillirjne:
In ais pOllr le faire, ils ont besoin du sccours de l'tlpi]lirill
publique. Il faut que vous soyez cnuvaincus q'lt', pUllr l'tl'in-
dre la dcttc, un revcnu public cst néccssaire, el qu'il ne pen!
yen amir un sans tnxc ; qu'on ne peut imagiucr des t3\l'S (lui
n'aient quelqucs inconvénients el ne soion: OlJl'rellSes; lit
diflérence u'est que du plus au ruoins, el l'emlmrras illsépa-
rable du choix, dans une matiere qui u'est j3Ulais sans dilii-
culté , doil faire interprétcr d'une maniere favorable In. COII-
duite du gouvernement, et disposer les csprits il acquicscer
aux mesures qu'il' est ohligé de prcndre pour ohtcnir les for«] ,
exige:, par les hesoins puhlics.


(jhscrvcz envers toutcs les nations les rcgles de la jusli«
et oc la bonne foi, el vivcz en paix avec elles. La religioll "1
la moral o vous en font une loi, el une sage politifflJe vous J:
prcscrit aussi ; il est digne d'un pcupl« éclairé ('l libre, el
qui bicntút sera un grand peuple, de donner il I'uuivcrs nu
l':Iemple illlSSi 511hlirne que nouveau, en se mnn(raut COl1Slalll-




ET PIECES .mSTlFICATIVES.


mcut guidé par Inj ustico d la bienveillance. Qui pourrai l tlou-
(PI' que, daus la suitc, vous serez indcmnisés au centuple des
sacrilices motncntanés (¡ue VOWi uurez faits ainsi ? La Provi-
denee n'nurait-cllc pas attaché a la vertu la féliciló constante
d'uue nalion? Tous les scntirncnls qui ennoblisscnt le co.ur
liumain reconunandent el'en fuire l'épreuvc : les vices la ren-
druicnt impossiblc.


POUl' I'cxécution d'un te! plan, rien ri'est plus cssenticl que
dcxtirpur les aulipathies inn:tét'l:es, on l'uvcugle attachemcut
pour ccrlaincs nalio¡¡,;, el de les remplaccr par un sentimeut
de hicnvcillance amicalc pourtous les pcuples.


La nulion qui cntrcticnt ¡)Our mil' nutre une hainc hahi-
tnclle (JU un e\CL:s d'ilfl'cclion s'cn ¡TUt! esclavo en propnrtiou
de la \'il'ariu: de Lf:S sentillJenls, l't l'uu ou l'uutr.: duitl'ell-
u.iiner al! dcla de son d.ivoir OH de ses intéréts. L'auti [Jathit~
elll!'e denx n.uions les dis¡wse ü siujuricr, 11 sinsultcr, ;\
devenir lJaulaines OH uln!IraSl'uscS au plus légel' pl'l:te:\te dt:
mécontcuu nnut : de L\ des Iroisscrncnts multipliés, el des
querelles o]Jsl.i\ll:es el s;mglantes.


Une nation qu'eruportc le rcsscntimcnt ou I'avcrsion se
Illúipite quelquelois dans des guerres (Ine lui défcndcnt le,
calculs de la saine politiqnc. Le goul'ernement partago les
préveulions nationalcs, el adopte par passion un parti que la
raison réprouvc. D'nutrcs fois il profile de I'anirnosité de la
n;:tjolL pUlir se Iivrer ir des actos hostiles, entrepris dans des
viles d'orgueil ou d'amhition personnelle, et autres intentions
condamnablcs d fUl/estes.


De son coté, I'attacln-men! excessif d'nne nation pour tille
nutre cst une sourco de maux ; la nation fuvorite se prévau-
dra de cettc sympathie ponr mullre l'autrc en mouvcmcnt
par les illusions d'uue connuunauté ,l'in téréts , lorsqu'i l
ncxistera réellemcnt poiut d'iuu'ret comrnuu ; el, en luí Iai-
sant partagcr ses haiucs ou ses umitiés, elle l'cntralnura daus
se, querelles ou (JaIlS ses guel'res, sans aucun motif qui auto-
rise cette conduite,


hw all'cction déróglóe eng;!ge, en outrc, a des concessions
en Iavcur dc la n.uion [avorite, qui ont le double inconvé-
nire¡t de íuirc tort h la nutiou qui les uccordc, en lui faisaut
célL~r sans m:cessjté ce qu'elle aurait dú conscrvcr, el el'e.\.-
ciur la jalousie, la haine el des dósirs de re¡m;saille, dan,
l'csprit des uations nuxquelles on rcfuse de scmblahlcs pri-
yilt\;: ~.




De plus, elle don ne ;[ des citoycns amhitieux et corrompns
la facilité de trahu: et dl' sa.riti.r les inu'rcts de lcur palrie,
sans courir !l' risque dL' se rendre odicux nux yeLlx de leurs
concitovcns , el qllciqnl'fois móme avec les app.uences de la
populari té ; cal' ils auront l'art ell' pl'é,;erdcr cornme l'effet de
leur rcconnaissauce pour un allié, ele leur défl:!'el1cc pOlll'
I'opinion publique, de lour zidc pour le lrien ~élléral, de
folles cornplaisances qui nauront d';llllle motif que len!' am-
hition, leur corruptinn ou leur ellletell1l'llt.


}Jais les prédilcctious de cctte nuture doivont plus partí-
culii.rcmcnt alarmcr les p.itriotrs l'dail'és el jIl(ll:[ll'JJdanb,
paree qu'ellcs OlL\ rcul , P,ll> de nouil.rrusr-, 101es, I'acci:s a[LX
iníluoncrs étrangcl'es. Que d'occasious u'otlrcnt-elles pas aux
autrcs puissances de s'immiscor dans les fadions domesti-
(Iues, d'ciuplover ÍL:s mll}l:])S de séduction, de pervertir l'opi-
nion, d'agir au sein mcmc des couseils publics l


La julousie ¡('un peup1e libre (je vous conjure de ur'cn
croirc, chers concit.rycn») doit ¡\tn: Ci,ns!amlllenl évcilléc sur
les rusos déccvanto« di: l'inf]uence dl'angác, qui cst, d'apri's
les Iq:ons de l'expériencc el de l'histoirc, le plus cruel ennenii
d'unc république ; mais, pourque cettc survcillanu. soit pro-
íitnhlc, il faut qucllc soit sans partialité ; aulrcrnenl clle
sen ira dc motif pour IOUS cntruiucr dans le piége (lue \ ous
Ionlcz fuir.


La r¡'gle de conduite que nous devons nous appliquer le
plus it suivre it 1't'gi1rd des nations 6trilllsiTes est d'dendl'e
!lOS relations rlc COIllJllcrce avcc elles, el de u'avoir quc le
rnoins de rclations politiques qu'il ~'eJ'il possil.lc. Hnnplissous
avec la honnc foi la plus scrupulcuso les cngagements que
IlOUS avons contractés ; mais anCtulIs-nous 1:.


L'Europe a des jn[h-(~ts qui no nuus concement aucunc-
ment, ou qui ne 1l0US loucheut que de trcs-Ioin : il seruit
donc contrairc it la sagl'sse de formcr des nrnuds qui nous
cxposeraient aux inconvénients qu'cnuaincnt les révolutions
de sa politiquc, j\otre pusition éluignr"e nous imite il suivre
un autre Sp-kIll:'; si nous contiru.ou« :1 nc Iorrucr qu'un seul
peuple el si nous SOITlllJe:, J'l:giS par un hon ,;(i1J\~memellt,
][01lS poulTons déíinr prornptemcut tout cnnvmi exl,;rieur de
IlUUS nuirc d'uuc maniere scnsiLh-, Quétnd (iOUS uurnus l'rí,;
des mesures propres h Iaire respccter notro nr-uírnlité, les
nutions étrangercs, qui emmailront l'impo"sihilité de nons
r¡cn L'!llever, ne se haS'¡flleront pas lég<:JL:JiIelll h llUU::i l"['-




ET l'¡j'CE~ JlT~TIFIC:ATrvE~.
vor]ller, ct nous pntllTOn, choisir la guclTe ou la palX, selou
que l'ordounera nutre inlJ.ret d'accord avec la jnstic«.


I'ourquoi rcnoncerious-nous it de si granrls a,'¡mlascs '!
pourquoi , unissuut nolre destinéeá celle dune nation euro-
P¡;('II]W quelconqu«, sacrificrions-nous notr« repos et nctre
lélicité it I'umlrition, ;( la rj'aljll" aux intérúts, aux passinn«
el aux capriccs des puissanccs de I'Europe '1 Nnlre véritalJle
plllitiqlll: d«it etro dl~ n'avoir aucune alliance perrnuncntc,
autant du moins que nous en sornmcs le, maitrcs ; cur [e ne
suis pas eaplllJle de vous invitcr ;1 mlmljlll:r aux engage.ments
que vous avez pris, Je considere la prohilé comrne la meil-
lcure politique pom' les natinns, aussi bien que pum les pllr-
liculicrs. Je le répcte done, rem¡disscz vos oliligations it la
lcttre ; mais inon avis cst qne ';OHS!le delez ¡¡as les mulí i-
plicr, Enlin,en prenant soin d'étre toujours en élitt de dJfeme,
I ous pourrez, en des cas ovtraordinaircs, 10US reposer sur
des alliances de peu de dal'ée.


La politique, I'humuuité el votrc propre iutérét vous recoru-
mandcnt de vivrc en bonne intelligcnce avec toutes les na-
tions. Votrc eommeree exige qne, dans YOS rnlalinns avec
elles, vous tenicz la halance égale. Ne dernandcz el n'accor-
dez aucuue préfércnre ; consultez la nature des choses, et ne
forcez jamais ríen; que vos traités de commerce ne soient
que temporaires, alin que 10US puissiez les modificr et les
chungcr seion les cirennstanct-s. Souvencz-vous que c'cst lEJC
j'"lie, de la part d'une nation, d'e'i.iger qu'une autre lui
accorcle <Iuc]que chose gratlliternenl, ct que cclle qui con-
tracto une obligutiou de ce genn: comprnmct son indépen-
dance et sa trnnquillit.'.


En vous offrant, mes chers concitoycus, les conseils d'un
vieil ami dévoué, je n'espél'e pas qu'i!s produisent I'impres-
sien fn·te el dur.ihle 'Ille je souhaitcrais, ni qu'ils répriment
le cours ordinairc des passious, ni qu'ils cmpéchent nutre
]"'IIP:I: ,le suivre la earricl'e j¡¡;;<lll'ici m.uquée a la destinée
tIl'S 1H:II1'I(os. :\Iilis, si je puis lIJL~ íl.rttcr quils ferout quclque
hion , Ji1ó¡ne partid el¡n;;sagcr, 'Iuils contrihueront quclquc-
fu!" ,1 ¡¡i'lil,:!'l'!' les lurcurs de 1'L's)íl'it de p.rrti, ct a meltre
mon p;tj"s en g:ll'dt' contl'e le~ 1!!t'ilél'S de l~Hl¡ r-jgtlC I.;tl'augere
et le" i: .lu f.wx p,LlI'idisull', ce[le scule e;;pérance
me ddullIln;¡;;na illlll'll'lllent de mil so!Jicitude ponr votre
j¡UIlItC1.U·, uJJi(lue SUUl'ee de mes pinoles,


LéS artcs puh1ies prouvnont jUoclu'11 I¡Uel poiut les prin-




j -1 ~--l ECLAlRCISSEME;\TS


c¡pcs que.ie vicus de rappcler m'ont guidl; lorsqunje me suis
acquitté des devoirs de ma place. 1\la conscience lile dit du
moins queje les ai suivis,


La proclamation que j'ai faite le ~2 aYl'il1i93 a (,té Iil
hase de la conduite que j'ai tenue rclativemcnt it la guerrc
qui est encere allumée en EUl'Upe. Apu-s un múr examcn, el
avcc le secours des hommes les plus éclairés, je me suis 1'011-
vaincu quc Ic dcvoir ct I'intérét nous commandaieut la ncu-
tralité, Ma résolutiou prisc, je me suis appliqué ala mainlc-
nir avcc rnodération , persévér.u«:« el Iermetú.


Sans untrer duns le détail des considérations qui motivaient
ce partí, je ferai sculement ohservcr que les puissances hclli-
;;érantes out cerrnincmcnt été d'accord que la nellf.1'alilé
uavait ricn de contl'aire ;', nos devoirs, cnr nucune d'clles
1112 I'a méconnue. El, en cífct, il sullil , pOllr la justiíier, de
considéror que la justice et l'huunnité ordonnent it chaque
nutren de maintcnirinviolahlcs ses relations de paix et d'auu-
lié avcc les nutre, penples, lorsqu'clle cst libre de le Iuirc.


Sous le rappor; de nos inlér01s, je in'en rapporlc il vos
réllexions et 1\ votre expéricnce pour prononcer sur cctte IICIl-
tralité. Quant 11 moi, j'ai rcgardé comme un motif prédomi-
nant le hcsoin de gagner du IClllps 110ur affcrmir IlOS iustitu-
tions naissantes, el pOlll' les élcver, sans interruption, il ce
dcgré de force et de consistan ce qui leur est nécessaire 11OIlI'
marcher d' elles-mérnes.


Bien qu'cn rcpassant les acles de mon administration je n'aie
connaissance d'ancune faule d'inlention, j'ai un scntiureut
trop profoud de mes défauls lJDur ne pas pemer qlle proba-
hlumcn! j'ai comrnis bcaucoup de fautes. Quelles qu'ellcs
soient, je supplie avec ferveur le Tout-Puissant d'écarter ou de
dissiper les maux qu'cllcs pourraient cntrainer. J'cmporterai
aussi avec moi l'espoir que mon pays ne ccsscra ¡amais (le les
considércr avec indulgence, el qu'aprcs quarante-cinq anIll:('S
de rua vie dévouées 11 son service avcc zi le et droiturc, le.,
torts d'uu merite insuffisant tomberont dans I'ouhli, couuuc
je tomhcrai bienlót moi-méme dans les demeurcs dn rcpos.


Confianl rlans celte honlé de mon pays, el péndré pour
lui d'un ardent arnour, hien nalurcl de la part d'llll hommc
'1 ui voit dans ceHe conll'ée sa terre nalaJe el celle de ses
anct'tl'es pendant plusicurs générations, je me compJais
d'aYilnec rIans (elle rclraite oü je me lllomets de pa1'tagcrsans
h'ouble, ayec mes cOIlcitoyens, les doux hicnbils de ]¡OllIlC5




ET PltCES .TUSTIFIL\Tl VES.


Iois sous un goulcmement libre, objet toujours Iavori de me-
dé'sirs, et heureuse récompnnsc, je l'cspcrc, de nos soins, de
1100' íravaux ct de nos dangers mutuels.
Geor~e \YASl!l!íVI'Ol'i.


Etats Unís, lí seplernhe IiaG. ~
(TVash. lFrit, t. XII, p. '214-':!35,)


No 4.


DISSERTATlON DE M. J. Sl'ARK8
8UR LES üP1N1U:\S HELJGml..~SES ET LES ::IlOE'C"ltS DE W.\.SIlINGTüN.


Cenl amo se sont écoulés dcpuis I'cnfuuce de \Vas1tiut;lun,
el on sait si pen (Ito ehoses sur le cornmcnccmcnt de sa vio
que 110US He saurions 6eH afíirrncr relati vcment a ses pre-
mieres Ct'0Yilnces rcligicuses. Cependant, c'est une lraditioll
re<;ue dans les cuvirons du lieu de sa naissancc, 'l u'il fu!
,:\c\'(; dans des scntimcuts qui ne pu rcnt manqner de t;l'ilvel',
(LlI1s son esprit, les principes dc la rcligion chréli('rnw, et un
profoud respect pou!' les préceptcs qu'elle ensciguc. Celle
présomption se lrouve eonlirmée par les manuscri ís de
\Vilshingtoll, qui cnnt iunncut des articles et des extrai ls tran-
scrilo; par lui poudant son enfancc, el prouventqlle ses ¡lL'1l-
sécs alaient. ulurs lUI(': tcndnuce religieusc. l.ne de ces picccs,
coruposé« pour le jour de 1\oél, couuncucc ainsi :


Muse, inspire mes chants sur le juur Iortuné
Oü,pour rachcter l'hommc, un S:lllI'CUI' nous cst né,


lu cnfun! de íruizc ans ne s'appliquerait pas il trallscrire
des piecesde eette nature si les instructions de parcnts pieux,
ou cellcs de ses maitrcs, n'a vaient déjit fait. prendre a son
esprit un pli rcligieux bien marqué'.


11 eonvient de Iaire observer aussi que, pendant ses pre-
iuicres campagnes, \Vashingtllll attachait hcaucoup .l'impor-
tancc il rnaintcnir dans le eamp l'exactitudc du service rcli-
gieux. Au milicu memo des sccnes si viI'es des Grawles-
Prairies, il ne se départit pas un scul jour de cettc hahitu.lu.




ECLAIRCISSK"1F.NTS


Pendanl la gucrre alce 1<1 Fl'an(~c, le gouycrnement de la Vir.
ginie ayant négligé de pourvoir larrnée de chapelains, il s'é-
leva contrc un pareil ouhli el renouvelu ses réclarnations jus-
qU'8ce qu'un y eút satisfait. Dans scs ordres du jour, il relc-
vait sévcrement et condamnai t les hahitudes vicicuses el les
jurcmcnts profanes des soldats. Les citations suivantes sont
extraites de quelqucs-uns (le ces ordrcs du jour :


« Le colonel Washington a remarqué que les hornmcs de
son n~giment sont trcs-irréligicux el reláchés dans leurs
111(1:111',;. 11 snisi! ccttc occnsion puur leur fail'e counaitrc k
profoud c1éplaisirquc lui Iont éprouvcr de parcilles habitudes,
ct les nssurer que, s'ils HC s'cn dé[larlenl. pclS, leur punitiou
sera sévere. Les oflicicrs sont imités, s'jls entcndcnt un so]-
dat jurel' OH employcl' un termo d'cxécration, ii condamncr
le coupahlc ii rcccvoir irnnuidiutcmcnt yingt-cinq COllpS de
Iouet, san s quil soit nécessairc de couvoqucr pour cela une
1:0Ul' martialc. Si la faute se rcnouvclle , elle sera ch:Hiéc
encoi» avec plus de rigueur. )) Des ordres' scmblahles furent
donnés de nUU\CílU toutcs les fois que l'occusicn en CXigl~it
l'npplication, el ils fouruisscnt la pre'uve convnincantc de la
prul'undclll' de:; seuiiJIIl'llls re1igi(:ux que portai l \Yas}¡jugton
dans le cornmundnrncnt.


Arres la guelTe avec la Franco, pendant son séjcur ;\
Mount-Ycmou, i! s'intéressa vivcrncnt aux allaircs de 1'¡"b1ise,
«;;sisla l'l'gulii:relllcnt it u.utcs les cérémonies, el fut a dil1'é-
rentes époques mal'"llil1ier de deux paruisses.


La Cllillllhl'e des hUlIrgcoj:;, dont il étaitrncmbre, yola une
résolution , a la dat« du ':H mail77L relativo 11 rack du
Parlement qui ordonnc la f..rll1c(\lI'c di; port de Bo-ton. Cctte
résolution porte que « le prcmier jour de juin sera marqué
cmnme un jour de jcúne, d'humiliation ct de prierc, puur
implorer humblement la divino Providcncc ct la supplinr de
vouloir hinn détourncr les enlamités qui menacent de détru irc
les droits civi!s da pays, et le préservcr aussi des rnaux de la
~'lll'lTe civile. )) Ce jOIlI'-h vcuu, \Vashingtc'll écrit sur son
¡';!I'llal: ',( Alié :\ l't'glisc el jnlné toute la jou1'lIéc, )) Il se
(,:llfunnait ainsi nou-sculernont it l'esprit, mais encorcu la
ktll'e mórnc de la r:~:::cll1tlnn.


Ce journul íut sui~'ne!¡,;ciili'!ll. tcnu pcndant plll;.;ielll's .m-
nécs. 11 y a pcu d,l (~irnlnidjLl~_; (11.1 i¡ ne purte que \\~ils¡ljn~'Lon
(:st ali(' ;\"I'(:g!i,," QUilílC[ illw s'y relliLlit PUil'!t, c'esl (IU'~l Ul
a\aít di: clIl¡Jcc]¡é par le wadli!i;.; lclllpS, 011 parce que les




ET !'IECE" JUSTIFICATIVES. 451


routcs étnieut illlpi'alicahks, l"\,dise la plus P¡'ueJw ne se
(rnll";ilÜ qll'i¡ sept millos de sa résidence. Pcudaut qu'il
l.ri.uit partic rlu prrmicr COI1~TCS, il ohserva les memes pl'a-
[1'1 'lCS. .


Pend;:nt la I'é1"01 ution , el. pll1s tard, ses habitudes pienses
el l'illllnrLlnC(\ qu'il i111achait aux principes el a l'ohscrvation
d,,:; prali'Jlil'S Ik la nJi¡.:iu!1 nc se démentirnnt pas; c'est el'
que l'on lena par les ('.,,[mil:; suivants, pris indiflércmrncnt
,LUiS S.'S I)l'iln':; .lujour, ses Iclln's el adrcsscs,


« L'J¡¡¡lIorahlc COllgrcs contiucut.il ay.mt décidé qu'il
~(li;lil d'U¡i¡'; un c1t:Jldain it chaquo régiment, les colonels on
uJiiciers-clIlIlIlIill)(lilIlls sout invités, en conséqucncc, il dwr-
eh"i' de,; lllilli,,!n s dll eliltc qni :;uicni couuu- ponr leurs ver-
1,1;' el L¡ nl,:.;ul¡u ité de leur lie, et aveillcr 11 CII lJue tous les
ol',;cicl:; in¡"Tielli':; el les soldd, les respcctcnt comme ils le
tI"i'cn!. L,t bé[](:diction ct lit pmtcction tle Dieu sont toujours
llt:t:lls,ail'l's, mais surlout dans les tC~HJpS de erise el de dallger
puhli«. L(~ t.·,;né¡al espere el ei\ll1[lte ljllC tout officier ou sol-
ddl ,;.,Ii'ol·oli·a (j¡, vivrc el d'agil' cornme il convient aun chré-
tíeH quiJ¡lf¡'ll.l les drous Ch¡ll'is d les lihcrtés de sa patrie.»
-()n{;\ dI{ ju'{,. c1n Djuillct filíi.
-( A l'avcnir, etjllsqu'iIJlOllll'l orrlre, legéuéi'al dispense


les truupcs du service pon!" ,[¡aque .limnnchc, aíin qu'cllcs
jllli;"CIll olJ:;t'!"ye!" Icn]"s tll'" .irs l'digit:w, el prcndre qnclqiu:
H'pOS, ap:'i's les t!.ralldl's ("alig¡¡e:; qu'elles ont essuyécs ; ilu'y
a .l ·c.\l:cpliull que pOli!' ccrtuius cas cxtr.rordinaircs. Le géné-
!'id es!. lilc!¡¡' ,1','pi)]'('llc!:'e que l'habitude absurdo et coupable
de lll',,!t:("n de:; Jl(;¡I(ldietions el des jun'ITIclIts presque ineon-
lJIlS autrclois ;\ j';¡mH;e aru.'ricainc dc\icnl une espece de
mo.lc ; il e,pere qne les oíiiciers s'cílorceront d'y mettre un
[n-in, Iant pa!" leu r cxcmple que jlltl' lcur influencc, et qu'eux
-t leurs sol(Ltts songeront cpu, nous ri'avons p:lS il. attrndre,
JlIHU' le surcus (lt, nos illmcs, la hÓllc'dictiulI du ciel, "i nous
lii.su ltous P,lI' Ii"lle il1l[Jidé el notrc íolie ; cutre que ce vice
c:,1 "i \liÍgall¡~ el ci has. :;,UJS dIe racheté par aucun uttrait,
'1;'" tout honune de scns el de elBUI' le déteste et le méprisc.»


OrdTe dI! jOIlT dll :~ aJIU 177[;.
-(1 Que le liee el l'ílllllloralilé dc tOLlle na!ure soielll, aL!- ,


U,d. 'lue l'ussihJe, L;:iJlllis de \utre lJ¡-ígat1,); el PU1'C{II'1l1l
ci:;IIli'!:Jin eli l ilccordé il ellil.CjU¡1 nl¿iml'lll., \"l'illez il ce que les
hl)lIl!llj_\~ a~;~;~d,('I¡L n;~:,1I1j¡'l'('¡11('Ill: an ser\j('(~ divino Tuns Je~
jeu.\. s(l;ltexpn~sséllJe~¡[ défelJllu:;; car c'eslla 5Ullt'ee Ju mal,




'el ¡¡fu:; .l'uu hrave et h0l111Cte ofticicr lr nr a dú sa ruine, J).-
Inslruclions au«: briqwlier:; oénéraur, 20 mai .¡7ii.


-« C'est uemai~ le jOUI~ marqué par I'honorahle Conf!:Jl"
pour des actions de gráces arcndre publiqucmunt iJ. Dicu, Le
de';oir nous appclant tous iJ. cxprirner humhlemenl notre prn-
Ionde rcconnaissance cnvers la Providcnre, qui a lant de Iois
h~ni nos drapcaux, le généml ordonue que l'armée rcstcra
dans les quartiers qu'clle occupe, ct imite les chapelains ü
célébrnr le servicc divin pom les divers régiments et bri-
gadcs ; il exhorte instamment tous les ollicicrs el soldaís
dont I'ahsencc n'esl pas indispensable iL assister avcc recueil-
lc~~snt iL cette solcnnité, »·-Ordrc du jour d¡¡17 décembre
.j I t t •


Le Icndcrnain de la capirulution d'Yorktown , I'ordre du
jour suivant fut puhliú : « Demain, le service divin aura licu
dans les lnigades el divisions. Le cornmandant en chef recom-
mande inslammenl aux troupcs qui scront libres ce jour-la
de ne pas se departir de cettc joir: sérieus« et de cct éluu de
cmur llue nous impose le sentimenl de tant de preuves rl'étnu-
nante protectiou dont nous a cornblés la l'rovidencc. »)-
':20 octobre 1781.


En annoncant h I'armée Ia fin des hostilités, lorsquc la
gllerrc fut tcrminée , il s'cxprimnit ainsi dans son urdru du
jour : II La proclamation qui sera Jluhliée avec cdte nouvell«
sern lun dcmain soir ala tete de chaqu« régiment ct des divcrs
eurps ele l'armée ; cnsuitc, les chapelains, avcc leo; diverses
iJl'igadcs, rcudront des actions de gráccs au SeiSllelll' tout-
puissant ponr toutes ses hontés, el parlicllliél'emellt POIIL' seo;
granrls dcsseins qui font tourncr la eolere de 1']¡(lIl1I1W il sa
pl'opl'e gloire el mettent un tenue aux ruaux d~ la g'uerrc
déchainés sur les nations. »-18 avri11783.


En parlant de la marche de la gnel're ct de la maniere
dont les Américains l'avaient soutcuue contre un cnnemi
puissant, il disait : « La protection de la Provirlcncc a si vivo-
ment hrillé sur nos armes, qu'il faudrait etre plus nll;dwnl
(pt'lln infidclc pOllr le uier, et plus qu'infüme PUUI' n 'Clre:
nas rcconnaissant de ses hicnfaits, »- Lettre du 20 aoút.
1778.


Cette huhitudc d'attrihucr tout événerncnt heurcux , dc
mernc que le suecos de O'l'S dforls persnnuels , it rinllll~'ncc
tuvorahle cFuiie Pr(J\idellCl~ íoutc-puissant», 'VushillstUll lit
conserv i.i pClI(luill tou\e la guene, el il semblc y ;mllr [ruu \ é




El' PIÍ'CES J(jSTIFICATIYES.
la mcilleure cOl1solation pOllr les tristes rever, el les fatigues
qu'il a l~tl~ tant de íois appelé asupporter,


« Nous avons, » a-t-il dit, « it soulenir une sortc de Iutte
marquéc par la Provirlcncc pOllr éprouver la patience et le
cOllrage des lnnmn.:s. Aussi qniconque cst engagé dans ccttc
voie ne doit pa,; SI.; montrer un morncut ahattu par les dif-
IiCll!l(:S 011 d':(,OIll'i1g': par les éprcuves.


« La I'rlJlidellu, a si souvent pris soin de nous releve!',
lorsquo nous al íons pcrdu ~oute. espéruncc, que j'ose croir«
que UtHIS ne slll'Comh:l'ons pmms.


« ]\OIlS nhandnunons le reste it cette sagc Providencc, qui
nous ~'l si évidcmrncnt soutcnus dans le cours de toutes nos
tra verses.


« Nous avons de Iortes raisons de rernercier la Providcn.«
d,~ la protcction qn'elle nous a accordée. C'est en elle seul«
que j'ai parfois placé toute ma coníiance, cal' loutes nos au-
tres ressuurces scmblaient nous avoir manqué.


« Nos aíluircs ont é[¡~ amenécs it une crise terrihle p01ll'
que la main de Dicu fút encore plus visible dans notro Mli-
vrance. Telle cst ma couviction. L'intervention puissante ele
la voloníé divine aux jours de notro plus profond accablc-
mcnt, de noíre plus sombre situation, a. élé trup éclatantc
pour que je puisse doutcr de l'heureuse issue de la lutle
actuelln. ))


Washington exprima plusieurs fois les mémns scntirnents
a pri~s la guerl'e : « Je suis SÚI',» dit-il dans une lettre au
g¡:Jl(;rnl Armstrong, 11 qu'il n'y a pas de peuplu qui ait
plus de raisons de reconnaitre la proícction de Ilicu da.ns ses
affaires que cclui des Etuts-Unis. Je serais fdclu' rl'avoir licu
de renser que mes compauiotes out oulilié ccue proteclion
qui s'est si souvení mallilcstéc pcnrlanl nolre révolution, Olí
qu'ils no croient pas assez ;\ cctte toute-puissnncc de Hieu
qni seul« peut les sauvcr. )'-H m(/)'5 '179g,


Les exernp\es de ccttc sortc pourraicnt hre mullipliés i\
l'infini. 11 seraií difficile ¡]c trouvcr, dans quelque cornmu-
nion chrdienne que ce soit, un homme plus éminemmeut
roligieux qne \Vasiljnglou, si J'on considere ces marqucs dI'
fni el de piété pratique; cctte haute con viction de la présence
jH'L!vi¡lentielle de l'Elre-SlIpl'l'me, celte rccounaissano- con-
stante envers son pouvoir et Sil houlé, cctte somnission luuu-
1)1,' l'l sans hornos ;\ la I',donté dil inu, foudél' sllr les Ilwti/.-,
Il''; plus ';¡:l'icLlx !'l Ics plus l','rycnts.


.,


O




454 ÉCLAlnCJSSEMENTS
On pourrait trouver dnns plusielll'S nutres passages ele ses


écrits, cornme dans l'ens-ruhle de tout« Sil vic, la \ll'eUleC!llC
sa croyance pnrticulicrc 1\ la révélnti.m chrétirnnc ct son
ohservation stricte des devoirs qu'cllc impose rép' ndaient
bien a toutes ces déclarations. Les .lcux pasmges suivants
sont tirés de sa Iettro circulnire aux gOlllCrnellrs des Etats,
au sujet clu Iiceucicmcnt de l'armée,-8 j/lilllí~);J:


« La libre culture eles lcttres, I'extension illimitée du corn-
merce, le progres des bonnes rnreurs, l'empire toujours
croissant dus scntiments Iibéraux, el pur-rlessus tout 1/1 jJilJ'r
et douce lamiere de la 1'óvC:ZatúJII, ont cu pour heureux dí,,!,
d'améliorer la société et d'augmcnter les biens dont elle
jouit, »


-« Je forme le vreu ardrnt que nicu vous ait, vous el
I'Etnt que vous dirigez , en sa saintc g;lrde; qu'il entre-
ticnnc dans le cmur des citoycns l'csprit de snbordinat.on el
dohéissance en vers le gouycrneITlCllt, une af1cdion Iraínr-
nelle cnvcrs tous leurs compauiotcs des Etat--Unis en géllé-
ral, et particulicremcnt envers ceux de Ieurs frh,'s qui onl
servi, sur les champs de hataillc, la canse de la liberté; enfin.
qu'il veuille hien disposer nolre CG'UJ' it l'arnour de la justicc,
au goút ele la miséricorde, PUUl' que nuus pratiquions eetle
chnrité, ccttc hurnilité, cetle douceur, qui formen! les attri-
lnü« carnclérisiioues du Diuin auieur de notrc sain!e n:Uqioll .
cal' il n'y a pas rl'cxemple qu'une natinn ¡,uisse Nl'e heureuse
si elle ri'observe humblerucnt ces J'egks el nc se pénetl'c de
ces vcrtus. ))


I.o mérne esprit brille dnns la róponse ar 'Yashjngtnn :1
I'adresse eles évéques, rlu clel'g,: el des laúlut's llL, I'Eg'lise pro·
teslaute épiscopale. « En cct.c oceasion, il ocr¡¡jl mal amoi
dr cachur toute la joic que j'ai resscntie 11 voir l'al1'ecticlIl rra-
ternelle qni semhle augmenter parmi los fidides Sl:etaleurs de
la craie relicion, Par la se déeoll\'l'e 11 mes yeux le plus doux
avenir, le tcmps oi! les chréliens de toutes les connnuuions -ui-
vront mieux les regles de la churité el éprouveront les UIl,.;
pour les nutres des sentiments plus véritahlcmcnt chréticns
qu'on n'a encere fait dans aucun siccle, ni chez aucune na-
tion. ))-19 001111789.


JI s'evprimait encorc ainsi dans une lcttre écrile it r,eo1'8'e
1\la-;'II, rclaíivcmcnt it 1111 bill porté dcvant la It:,!'islatme de
la Yirgiuic, el apn! pOUl' ohjl'l l'élahlis.'eml'lll, movcnuuut
une lar ~;nérale, d'un Ionds pO\lr I'cntrvticn dé', ministres




1'T PIECES .Jm:TfPTCATIVES. 4Gf¡


de la l'elig'jon ehn;ti(mnp : « Quoique pcrsonnr ne soit plus
opposé que ruoi it loul ce qui peut gener les principcs ri.li-
[[icux, cepcndant j',\,olle que .i'~ nc suis pas du nombre de
ceux qui s'alarmcnttant ill'idél; lle fain~ paycr ¡¡nI' lc pcuple
les [mis du culto qu'i] profcssc, 1) :1 octobrc 17~tJ.- J)'apr~s
ce passage, il serubl« que Wa,.;hinglon ne désapprouvuit pas
le projet el le hut de ce lote de fondo. Mai~, en meme tcmps,
plus d'nn fait pl'ouve que chez lui cette ponséc n'allait pas
jusqu'a l'intnlriranro. II écrivait 1( La fayclte, en faisnnt allu-
sion aux votes dc l' Asscmhlér: des notables: ( Je ne souhaile
pas moins que vous dl; voir triomphcr vos idécs sur la tolé-
rancc en maticrcs rcligicuscs. ]\¡'élant moi-meme j¡igotement
alfaché il aUCIll1/' formo de cult«, jo suis disposé il laisser ceux
QlIÍ pl'OfesscIlt le christiunisme dan S l'Eglise suivre celle des
l:olltesdu ciel qui leur sernblcra la plus ~lil'ect8, la plus unie,
la plus raeil,', la moins sujottc ~{ objcction. » -1 J anlt 1787o


Aillcurs. rlan:, une Iel.lr» asir Edouard :\'ewellharn. il s'ex-
prime aill~i : « Ile Ioulus lec; haiucs qui out existé entre les
hornrncs, cclles qui sont causées par la différence de rrliairm
scmhlení les plus obstinécs et les plus doulourcuscs, el doivcut
par con'éi[lIent. r~lr(', lr~ plus combuttues. J'ai espén; que la
pulit.ique éclairé« ct libérnlc qui a marqué le sieele pn;senl
unirait cnlin assez étroiternent lcs chrétiens de toute seell'
pOllr que nous n'cussions plus le triste spectaclc de di'PIlIl's
re]igicuses violrntus au point de compromettre la p.iix de la
sociéu', »-20 octobre 17\)2.


llaus son n.lresse c1UX Quukers, il dit : « LOI'Sf¡UC les
homrncs remplisscnt eX'lctem('J1!. leurs devoirs sccinux, ils
fonl.lout ce que In S"Cil;I,~ 01\ l'Etal a le drnit de luur doman-
der 011 d'altewj,e dcux ; il:; sont rc-pousahlcs, dcvant Dieu
scul, de la rcliuion ou des praliques particulieres qu'ils pré-
Iercnl ou profcsscnt. » - Octobre 178n.


VCI'S la rnúmn ('polJue, il s'ax primu ainsi an synor1e de
l'Eglise hollanrlaiso réforrnée : « 7Ilcssielll's, vous vous mCII-
[tez picux chréticns ct Lons cilovens par \05 pricres el y,,;
(']\'o1'b pOUl' maintcnir purmi les hornmes l'harmonie et la
fralcrni té, base la plm solide de tout étahlisscment politiqu«;
jl~ nu r.-unis done ~l vous dan;:; Ct~ll.e penSi!e que «( si un gOll-
ti VCl'lH'mentjustc ]Jl'otége cltez tous les citoyens les croyances
li l'eli"il'USl'S, la Haie reJigion, de son coté, pretl' au g-ouvl'r-
« ncníl'lll son meillenl' apjlrli.)) Ces principes de lol,;r<lIlCe
el d'union entre la 'cli"iuIl el le ~,OlliCI'IJI'ml'nt 50111. l'ejJl'o-




45(; :!tCLAIHCbSEMENTS
duits :'::hl\'ent dans la correspondan ce particulicre ct puhliqw:.
de Washington.


Il cst inutile de commenter ces extraits : on peut en laisscr
l'appréciation au jugement des lecteurs. Dire quc Washing"
ton u'était pas chréticn , ou UU moins qu'il ne croyait pas
l'ctrc, ce serait inculpar it la fois Sil sinc.(~rittS el son honncur.
j)e tnus les hommes qui ont jamais vécu, Washington serait
ccrtainement le dernier que I'on pourrait accuser de tlissi-
mulation ou de mauvaise Ioi; lui qui (;tait si soigneux d'écar-
ler de Iout ucte de sa vie, méme peu impurtant , I'ornbre de
pareilles tuntes, est-il vruisemhlable, esl-il admissihle que
pour un sujet de la plus haute, de la plus sérieuse gTavilé, il
aií , penrlant une longue série d'années, médilé et pratiqué
un svsteme de fourherie \ is-a-vis de S('S ami s et du puhlic '1
Cela n'est ni croyahlc ni possihle.


Je placcrai ici une lettre rclative it ce sujet; elle m'a éll;
écrit« par une femme qui a vécu vingt ans dans la famille
de Washington, el était sa filie adoptiva et la petite-Hile de
rnadamc 'Vashington. Le témoignage (le cette lettre el les
indicatious qu'elle contient sur la vil' intime de Washington
sont pleins d'intérót.


Woodlawn, 2ti février -18:1:1.
:< J\Ionsieur,


« J'ai recu hiel' soir votre leltre du 20 de ce mois, et jc me
1,:He de vous donner les rcnscigncmeuts que vous désirez,


« La paroissc de Truro esl cclle qui rcnferme Mount-Yr-r-
JlOI!' l'église de l'ohiek et 'Voodlawn. Le siége de la paJ'oj,se
d(; Fairfux est mainteuant :\ Alexaudric. Avunt que le district
fédéral fUI cédé au Congres, Alcxandrie se trouvait dans le
comté de Fairfux, Le général Washington avait un hanc dans
l'(iglise de Pohick, et un autre dans cellc du Christ , a Alexau-
dril'. 1I coopéra puissammcnt par ses soins, et je pense aussi
par ses dons, a I'élahlissemcnt de l'église de Pohick. Son
hanc se trouvait pres de la chaire. Jc me souviens parfaiíc-
ment de m'y étro assise 0.\'(;1' lui el ma grand-mi;re avant
son élection il la présidencc. C'était une hellc (iglise, elle
avait une conununauté nomhreuse el riche el ses parois-
sieus assistaicnt l'liguliel'ement a loules les cérérnonies.


« 11 se rendait a l'église d'Alr-xandric, lorsquc le ternps et
l'état des mutes lui pcnnettnieut de Iaire 11 cheval une course
de dix millos. A j\lew-Yol'k el it l'hiladelphi«, il ne malll!ll;l




ET P1ÉCES JUSTIFICATIVES,
jamais d'aller :, l'église le matiu, a moins d'cn étre empéché
pal une indisposition. 11 passait I'aprcs-midi chez lui , dans sa
chambra, le soir en famille el sans autre compagnie. Quel-
quefois uu vieil ami intime était invité avenir causer une
heure ou deux avec nous; mais le dimanche tous les visi-
teurs étaient exclus. Personne dans l'église n'apportait au
sen ice plus de gravité el de recuuillument. Ma grand'merc,
qui était éminemment pieuse, ne se départit jarnais de
ses habitudes d'enfanee. Elle s'agenouillait toujours, Le
général, suivant la eoutume d'alors , restait debout pen-
dant qu'on célébrait le service. Les dimanehes nil l'on com-
muniait, il quittait I'église avcc moi apres la bénédiction el
retournait au logis. Nous renvoyions ensuite la voiture pour
prendre ma grand'mere,


« 11 avait l'habitude de se retirer dans sa hibliotheque vers
neuf ou di" heures, et d'y passcr une heme avant de rentrer
dans sa charnhre. II se levait toujours avant le soleil, el restait
dans sa hibliotheque jusqu'a ce qu'on l'appelát pour le déjeu-
ner. Jc n' ai jamais été témoin de ses dévotions particulieres,
je ne m'en suis ¡amais enquise. J'aurais rcgardé comme la
plus grande hérésie le moindre doute sur sa ferme croyance
au christianisme. Sa vic, ses écrits, tout prouI'e qu'il était
hon chréticn, Ce n'était pas non plus un de ces hommes qui
agisscnt ou pricnt pour étre vus. C'est en seeret qu'il commu-
niait avec Dieu.


« Ma mere habita deux ans Mount-Vernon, apres son ma-
riage alce John I'arke Custis, fils unique de ~lme \Vashington .
.le lui ai entendu diro que le général Washington corurnunia
souvent avec mn gl'and-mi~rc avant l'époque de la révolution,
Quand ma tante , miss Custis, mourut subitement. 1\ Mount-
Vernon, avant qu'on pút prévoir cet événerneut, ji s'age-
nouilla pr¡~s d'elle el pria avec la plus grande Ierveur, avcc
heaucoup de componetion, pour sa guérison. C'est ce que
m'ont alfinné la mere du juge Washington et d'autres
témoins.


« C'dail un homme silencieux el réfléchi. Généralement
il parlait peu et jamais le prernier. JI' ne luí ai jamais 1'11-
tendu raconter un seul de ses souvenirs de la guerreo JI' I'ai
souveut vu eomplélement absorbe, rernuant les levres, mais
ne laissant échapper qu'un son confuso Quelquefois ma vi le
el folle gallé lui urrachait un rire de grand cceur, inspiré par
la sympathie qu'il ressentait pour moi, J'étais sans doute une




4GB ÉCLAmCISSE~rENTS
des derniercs personnes au monde 1¡ qui i! aurait adressé
une parole sévCre; duutant plus qu'il "I"lit bien qne j'avais
le plus parfait modele drs vcrtus d'une femmc dans ma
grand'rnere, qui moutrait 11 mon égard loule la tendresse et
le dévoucment d'une excellcnte parenie, rn'airnant comme
peut aimer sculcmcnt une mere, ct ne tolérant ni n'approu-
vant jamais rn moi ce qu'clle désapprouvait chez les autres,
Elle ne négligcait jamáis de faire 51'S dévotions, en particulier
ou en puhlic. Elle et son mari forrnaicnt un couple si uni et
si hcnrcux que le général'Washinglon doit avoir été certaine-
ment un hon chrétien. Elle rr'nvait it ce sujct ni doute ni
craintc, Apres quarante ans d'uflection dévouée et de hun-
heur non interrompu, elle le rcrnit sans murmurcr d.ms
les hrns de son Sauvnur, de son nil'll, avcc le fcrme cspoir
de sa félicité éternel!e. Est-il nécessnire que quclqu'un
aflirrne (1 que le général Washington a élé, dans son opiuiou,
« un fcrvent chréticn ? ) Autant vnudrait mcttrc en question
son patriotismn, le dévouement héroique et désinléressé qu'il
porlait á son pays. Sa devise était: Des aciions , non des
parules; et : Dieu el mon pays!


( le suis avec une profond« estime, etc, »
11 n'est pas hors de propa¡, de joindre it celte lettre ce qni


m'a élé dit par M. Ilobcrt Lewis, il Fredelickshlllg, en HlS!i.
"eleu de \\' ;¡"hington et ayant été son "l'ITélaire particulir-r
au commcuccruent de sa présidcnce, M. Lcwis a vécu arce
lui sur un pied d'intimité, el avait les mcillourcs occa-
sions d'obscrvcr ses ]Jabitlldes. JI ma dit avoir di) au hasard
d'Nl'e témoin des délllliolls particulicrcs (lile Washington
faisait, matin et soir, dans so. hihliothi-que. Dans ces ceca-
sions, ill'avait VD agenouillé avcc une BiLle ouvcrto devant
lui.ct il pensait que le Présidenl ohservait jouruellemcnt cette
hahitude. Depuis, M. Lewis est mort ; mais c'était un hommc
eslirné , et dont la parole avait du poids, le rapportc eelll~
anecdote telle qu'il me 1',1 coníléo, pnnsnut 1[1l'i1 dl;sirait
qu'clle fút rcndue puhliquo sur l'autorité de son dire. JI
ajouta que le Présidcnt avait l'habitude d'cnlrel' dans sa
hihlioíheque vers quatre hcures du matin, et qu'apres avoir
fait ses dévotions, il employai t ordinaircmcnt son tcmps, jus-
qu'au déjellner, it (\crin~ des lettres.


Lit lcttre sui vante a élé adn'ss,'c par I,~ y,:n"rahlc élúJlIC
Whilc au révércnd B. C. C. Pal'ker. alns I'l'denl' de ['églisc




ET PIJ~CES JUSTJFICATIVES. ,1c)9
de la Trinité dans le l.enox (JTassaehusetts), ayce la pcrmis-
sion duquol elle cst insérée ici :


Philadclphíe, 28 novcmhre 1832.
« Cher Monsicui,


( J'ai rccu votre leth e du 20 courant, et je vais vous
rlonnnr les renscignements qne jc possede sur ce qui en fait
I'oli,jet.


« Le pere de nolre patrie a, soit pendant la gnerre de la
révolution , soit prndHnt sa présidencc , suivi le service divin
en cdle "il!e daus l'l:g¡is,~ du Christ, un scul hivcr excepté ;
S¡: lrouvaní. iei il ceite l:pO¡rl:t~ pOlir s'entell(lre aveo Ic Con-
~l'es sur les ruesuns it pl'endl'e daus lit jHévjsjon de l'ouvcr-
11111' de la prochainc call1pa¡211e, il lona une maison prcs de
I'¡l,disr. (leSaint-Picrrc , (¡ni se trou. ait sur la meme paroiss«
C¡:le eelle du Clnist. Pcn.Iant cette saison , il se rundi t tres-
cxnctement il Saillt-l'iene. Son muiuticn était toujours
sérieux, son air attentif; mais, cornmc quclqucs expressions
dl~ volre lrítrc me srmhl.-nt manlllcr It~ dé-ir de sa I oir quello
dait ]'atlitllde du général pcudant le scrvice diviu , et s'il se
tennit ngclIollillé,je éJ'"ísdevoir it la vérit« de déclarcr qUI~ je
nc lui jamais 'u d.ms ccttc attitudc. Peudunt Sil présidcnc«,
notre fnhriquc lui consacra un banc de moins de dix lerges
de long, rlevant la chairc. JI occupait hahituellemrnt ce hanc
avcc mad.nue Washington, 'luí cornmuniait régulieremcnt, el
asee ses secn~,iai'n~s.


« Bien r¡lle jc me sois souvcnt trouvé en socicté avec ce
grnnd j}()lJ1'W', el (11Il~ j'aie eu -ouvcnt :lIlssi l'honncur de
dinur ú sa tihlc, je nc lui ai j:~¡;¡ais eutcndu ríen dirc qui
m'ai! pll tuire connallrc ses opi¡¡ions l'l'ligicllS('s. Je u',li
j.unnis counu dhonune (luí évitú! plus de parler de Iui-rnóme
ou de ses aeli.ius, un de 'luoi quc ce Iút qni le conccrnút ; el
j'ai eu oeeasioll d'(JhseI'ver, lorsque je me trouvais dan» se"
cllmpagnie, que si une personne étrangcre ¡¡ sa famillc SI'
tI'fluyai! pl'é,enle, jamais une parole pronnnréc pi,r le l'rési-
dcnt ne scmit vcnne révélcr '1u'il se savait digne de l'atten-
tion du monde. Son maintien ordinuirc, quoique toujours
hiclIll'iJlilJlt, n'était p:" d¡~ nnturr it (~ncourag:~r ccnx q ui au-
r.ucnt voulu COnlJ:!itlc 1"'lIsele , Qnelque, juUI's aprc, r¡ll'i[
('lit 'jliiUé le Lluleu:J ,L i'n'sidell\. 1Ilitre eOllsistojl'ese l'cndjt
c111'z lui ,111'[; lIne éllll'l",3e I'l'épal'l'(~ pitl' mo i , d que je Jll'O-
Ilun~'ai. Da113 sa réponse, il yuulut lIien I'xJll'inll'l' tout le plai.




460 EC LAIRe I~;Sn¡ENTS
sir que lui avaicnt cansé les pn'dications ele notre chaire , mais
il ne dit ricn qui púl trahir le secret de ses théorics reli-
gieuses. Un ou deux jours apres, ce fut In tour el'une nutre
adresse de plusiours ministres appartenant il divcrses sedes,
qu'uvait érrite le doeteul' Green el qlle je pronoIH;ai. Un pas.
sage des reunes 1 posthumes de M. Jellerson a r!onné lieu il
une longue poléruique. II dit (eu s'appuyant sur l'nutorité du
doctcur Hush , qui lui-rnúmc pas,;e ponr avoir tcnu ce fait du
docteur Creen) que cetíe adresse avait cu pour hut d'arnener le
président :, énoncer son opinion sur la religion chréticnnc.
C'cst ce que le docteur Creen a nié dans son écri t périod iquc'
intitulé l' Acocat chrétien , el sa déclnration est oxacIe. Le doc-
teur Hush peut avoir mal eompris le doeteur Creen ou avoir
été mal compris par M. Jefferson ; ou hien cncore toutc
cetíe histoire peut avoir tiré son origine des propos de I'un
des ministres réunis, qui aura pris ses propres iMes pOllr
eelles de ['assemhlée. Les deux documents en qucstion St'
trouvent dans les journaux de Philadelphie impriuiés iJ. cctlc
époque.


« Iln jour d'aetions de gnlces choisi par le Président pour
célébrer le tenue de l'insurrection de l'Oucst, je prcchai en
sa présence. Le sujet était le rapport qui existe entre la reli-
gion el le bonheur civil. Ce sermón fut dl:figun\ dans une de
nos feuilles publiques; cela m'engagea it le puhlier en l'ac-
compagnant cl'une dédicace au Président, rn'appuvant princi-
palement sur sa proclamation en faveur du rap porl (Iue je


j « Le D' Rush me d it lenir dAsn Green le fait su ivant : Le
• clergc préscnta une adresse aWashington, au mo mcnt ou eelui-
• ei quittaitle po uvoir. Pendantqu'on la própnrait, e¡llcle¡u'un fit
'( rernarquer que j am ais , dan s aucune occnsion , le gérH~ral n'avait


d it en publicun mol qui maniícstát une eroyanee a l a religion
, c hrctierme. On pensa done q u'i! fallait r('diger l'adressc de fa-


"OI! b. I'obliger enfin i, declarer pub.j que me n t a'j l était clirétieu
.. uu non. On le fi t. Muis, rcrnarqua it Asa Grucn , le vicux r ennr.)
, é tait trap rusé pour cux , II répcnrlit en particulier a to utes le"
« p arti es de leur adresse, sauf a ce lle-la (¡U';] passa sous silencc.
\{ Ru sh remarque que Ie général n'a jamuis dit un m o t sur cr-
« sujct dans {~ucun de ses actcs pu blics , si ce ucst dans SCn


adrcsso d'adicu aux gouverneurs des Etats , (¡uand il se d,!mij
( de son commandement n:ililaire. Il y parlalL « tlc la b('nigne


influence de la religioll chr6tiennc. »
«Je sais que Guuverncur ~lorris, qui pr(tcnuait t:tre dnJl~ 1('~


<o: secrets du général, :m'a :-"Oll\'ent: dit (lll(! \'/a~~hjIISl(ill no
-1 croyailpas plus que lui-Int'llJ(~ Ü ce systl:nlc.»)-Jelrerson's
f.!cmoirs and Correspondence, t, ¡ V, p, ,,25.




ET l'lÍ':Cl::S J USTlFICATIVES,lül
viens d'indiquer, Il ne parut pas désapprouver I'usage que
j'a\ais fair de son nomo Selon rnoi, le principe d'une entierc
séparation entre le christianisme et le gouvernernent civil
scruit la prellYe d'un manque de rcligion ; ccpendant je u'ai
ras de raisons positivos pour supposer que telle fút la penséc
intime du I'résidcnt, ce qUL peut étre, '


« Mes souvcuirs ne me rappcllent pas d'autres particula-
rités sur le sujct qui vous intéressc. En couséquence, jo ter-
mine en me disanl votre trcs-respectueux et trcs-humble
servi teur.


« William WHlTE. ))


On a signnlé, cornmo un fait singulier, qu'a une ccrtainc
époque de sa vie Wushingtnn ait cessé de counnunier. Ce faít
est possible ; il ne s'cnsuit pas cependant que Washinglon
manquñt de foi ; 11 moins que la méme accusation ne pese
sur celte nornbrcuse classe rl'hommes qui pensent Nre de
sinceres chrériens, mais c¡ui éprouvent des scrupules it obser-
ver l'usage de la communion. Quels qu'aient pu étre les IIlO-
tifs c¡ui ont dirigé la conduite de Washington, ils nc semblent
pflS amir été jnmais éclaircis, On ne sait pas si I'occasion
s'cn est jamais olfert«, on ne le présume mérne paso 11 cst
probahlc qu'aprcs avoir pris le cornmandemcnt de l'arrnéc,
vovnnt ses pensécs et ses soins nécessairemcnt ubsorhés pClr
les affaires qui pcsaicnt sur lui, et c¡ui souvcnt ne lui per-
mettaient gucrc d'ohserver la différence entre le dimanche et
le" uutres jours, iljugea inn tile de s'astreindre puhliquemcnt
it une regle qui, selon l'idée qu'il s'en faisait, imposait de
sé\i~res restrictions J. la conduit.c cxtérieure et était comme
HlI em;agemcnt sacré iJ des devoirs que sa situation lui ren-
dait i~lp~'aticahles. Une telle maniere de voir scrait naturelle
it un esprit aussi séricux ; et, bien qu'elle soit fondée sur une
V1/() crronée de la nature de cette pratique religieuse, elle peut
a""ir été d'un gTand poíds auprcs d'un homme dont la con-
science était si délicate, et qui professait tant de respect pour
le culte.


Cependant il existe une preIl\'e que Washington s'approcha
de la saintc tahl« une Iois au moins pcndant la guerre; ce fut
d.uis la saison d'Iii vcr, lorsque I'arméo était carnpée, el que
lactivité de la i'llerre était jusqu'a un certain point enchai-
né«, Une anecrlolr: contcnue dans la vic de De Witt Clinton,
par le docteur Ilosuck, el rapportcc dans les paroles mémes




4HZ ECLA 1RCrSSE:\iENTS


du révércnd Samuel H. CO'" '[ni l'avait communiquéc it l'au-
teu r de ce livr.-. élaÍJlil l'auilwnlicilé de ce Iait.


« Je tiens l'~needolc suivuutc. dit le .loctcur CIJ\:, d'uu-:
autorité irrécusahlc ; elle u'a ja;nais {té, jo pensc, 'l'endU"
publique; mais elle m'a d,; cOIllInUniqIH'l' par un Yé'nérall!e
ccelésiastjl]ue, qui la lenail du l'é\"l'l'!ld dueleul' Iones lui-
lIlerue. 'I'ous les chrétiens, tous les Américains l'accucillcront
avec joie,


« Pendan! qnc I'arrné« américainu, sous le cornrnandc-
mont de WasLingloll, élajt camp"e ;,.i\!oJTistown, daus le
Ncw-Jersey, il arriva qne la couunuui..n (pmtiqw'¡; alurs
tous les six mois sculcrurnt) dut Nl'cadministl'ée daus ré~~Jise
pl'es!ntt;ri,nne de ce \iHilse. Un matin de la semaine al'aut
l.r el'rérnou ic, le généraJ, apres son inspection accoutuméc du
callJp, alla visiter la maison du n:\ ércnd docteur Joncs, alors
pastcur de cctte églisc; apri's l'(:('h,n[je des politc-ses ordi-
naires, il l'inlerpelb aillSi: ( l}'clelll, j'ai appris que la
saiute cene doit Hre eéléliré.! par \UUs dimanche prochain ;
je voudrais savoir si les ;'i~:-;les de \ otre Eglise vous pcrrncücnt
d'admcürn des eomlmmiants d'une antro scclc ? )) Le doc-
teur répondjl : (( Trcs-certaincrnent, général; notro t:lLle
n\'st pas celle des preshytél'iens, c'est la tahle du Seignenr;
nous invitons done au 111m du Scignenr bus les tid;,les a
yenir ici agenollilJés, qucl. ([ue soicut lcurs noms, )) Le gÓ1i:-
1':t1 rcprit : ( J'en suis hicu aisn ; c'csl ainsi que cela doit
ctrc ; mais, n'c'l,mt pas l'ntierclIIelll rassuré acelt'ganJ, ,¡'aí
p,'115l' devoir m'cn inforuicr au pres de YOllS; cal' je me pro-
pOS(' de mejoindrc il "I1US en cct!c occasion. Bien (fll'al'par-
Icnunt a l'Ec;lise anglical!e, je no Iais pas d'cxclusjoll et u'ai
point de partialilc. )) Le dodeur Ini donna de uouveau I'assu-
rnncc qu'il serait hien recu, et le général parut le dimanclie
suivant au nombre des commnniants, ))


La situation rlans laqucll« se írouvait vVasllinglnn, lorsqu'il
fut nomrné Présirleut des l~tab-rlljs, l' obligeaj l. ;] ¡rdln:
hcaucoup de circonspcction dans tout ce qu'ill'0ll\ail avoir it
dire sur des sujets thcologiqucs ; il rcrcvnit d'un ~nlld 111>:;:,-
hre de congr6gations rcliS'icmcs, ou de sociétés J'ep¡Úlllk·:1
j1l'csque toutes les cla-ses du pa¿s, d,'s arl1'c,,('s ;1 la IOllalJ.~'
de son caraeline et p!eines dco l'\jll'cs,iollS de lil !'ClljJ¡¡¡;:i,,-
sauce puhliquc ponr ses longs el éminellls ,,-,niet·. Il:\m ;:cs
J'épollSts,il et'rt ét6 ég::ltllll:ut ¡l,;,,,blig,'anl el ilíljl"lit:Clll,':l
lui d'employel' un lansase qlli imliquCll. une j1l'él'l~rencrmar·




~:T PIECES JUSTIFICATlV ES,


~llC:l ,lil1ll' les regles particulieres ou les formes daucune
I~gli,,~. II prit le plus sage parti, le seul évi.icnuneut qnil Iút
convenaulc de prendre. II apprOU\(l kj príncipes généraux
ct encouragea le zcle de tuutes les congrégntious ou soci¡'t,;o
rc\ig'iellSe, qui lui app.rrtcrcnt des adnsscs, parla lle Icur
hicnfaisantc influcnee sur le sort de I'humauité , exprima ses
lCCU:\ sinceres puur leur suecos el conclnt souvent en disant
'Iu'il priait .udcnnuent p:mr le honhcur futur de Icurs pro-
:;::JItes dans c[~ monde et tlnus l'autrc. Toutcs les réponscs
,!!i'il fit d.ms ce sen, rrspircut un esprit c1l1'élieu, ct pcuvcnt
["Ire :¡lJOn rlruit cOlJsir!érées COJJ1flle marqu.mt chez lcur autcur
¡:¡ conviction de la vérité et de l'autorité de la relizion chré-
ticnne. '


Ap:'b 1111 long d minutirux examen des l'clits puhlics el
privés, imprirués el ruanuscrits, de \VashinSU>n. jr; puis assu-
]'('1' t¡uc jc nai jarn.us rcnconíré la moindre chosc, la rnoindrc
cxpression )J1('pre :1 Iaire conjncturrr qu'il nonrrit quelques
rloutes -ur li1 fni cl!ll'til'nne, 011 qu'i] ait rcsscnf.i dl~ lindillc-
ronce ou du dédaill (¡ ce sujet. Au contrairc, :ii l'occasion lui
vcnait d'cn p.uhr un d'y fairo allusion, il le faisuit toujours
avcc gl'avjt(~ ct rcspcct.


Les ohsnrvations pl'éCl'dentesout ét(~ écriies, non ponr ríen
d,:mnntrer, mais silllplenlCnt pour rapprocher des faits que
Iournisscnt les écrils (k Washington et piusicurs nutres
sourccs ; jc tcrrniuerni conune j'ai connuencé , cndisant 'l1H:
tout raisnnnerncut scrait mal venu tl inutih: sur un ¡¡¡jet :<j
éloquent par Iui-ruúruu. Si UIl ]WlIIlIW qui a IOlljoUl';, F"1l-
rl.mt le cours d'une lonzuc vie, parlé, éel it el a,ú cornrnc un
chrétieu, qui a donn,' ;1Jille jm:u\('s de sa co~vielion a se
juger tel, el qui enlin na jamais élt; COI]]]n puur rien dirc,
ricn écrir« ou rien fairo contr« ces scntimcn:s, si un tel
lunmuc u'cst p;" i'angé punui les plus fervvnls chrétiens, il
sera impossihl« de décidcr cctte questiou par aucune esp:~c(
de raisnuucmcnt. On \lC peul dirc jusqu'a quel point \Vash-
ington a examiné les principes de sa fui, nuus prohahlcmon¡
il a pnussé ceue rccherche aussi loin quuu grand nomhre de
( llrétiens (Ini ne font pas de la théologie U1IC dude spécjale.
:"iono avous tout lien de présmnlT qn'un esprit cummc le
"ien n'adlllcltait pas ulle opiuion sans lUlC mison satisÜli-
sanie, III'ttl.éiclé dam le sein de l'EgJise épiscopale, á la'juelle
il delllelll'il [llnjnurs altach,;; clje mis cnlll'aillCU qu'il COll-
sena dilllS son c'eul' \':s Joetl'ilH'S fondamentales du dui".




.464 ÉCLAIRCISSEMENTS ET PlECES JUSl'lFICATIYES.
tianisme, íelles que les enseigne ordinairement cclte Eglise,
et telles qu'il les comprenait, mais qu'il n'y mela jamais
la moindre idée d'intolérancc ou de mépris pOlJl' les
cl'oyance~ el les riles adoptés par les chrétiens des ¡·,;~rcs
commumons,


(WaJh. Writ, l. XII, p. 399-4,-14.)


PIN DES ÉCLAllICISiSE>IENT3 El PIECES JUSTlFICAnVR3.




TABLE ]m¡.; MATIERES.


E'roDE HISTonrQlJI~ sun WASHINGTON .•••.••••••••• J '" ••••


CHAl'lTRE I.
État. de la société au milieu de laquel le Washington s'est Ioruré.c-Lu


Virginic.c--Origiue el developpemcnt de ce tte co.ou ic--c.Scn esprit
aristocrnuqu« ct iudépcudaut. - Sa constí tutiou \'t se:' lo¡s au
morncnt d,e la rcvolution. - Ccndition eL dispositicns de la clussc
inférieure.- Existence des grands planteurs .


CIlAPITJ\E ll.
17:3.2-1759,


Naissance de Washington. - Su mere.- Son éducation.- SC'S truvaux
d'e xploration dans les monts Alleghanys.- Dcvelopperuent de IR.
puissance francaise en Amériqut'.- L'Angleterre s'arrue pour le
combuttre.e-Guerre de Sept ans.i--Washíngton est nominé major.
-ll cst chargé d'une mission d'observatiou sur les Irontiercs du
Canada.i--Il est nommé lieutenant-colonel.-Escarmúl1che uvcc un
dctachcmr-nt frallgais ccmmandu par Jumonville. - Bataillc des
Grandes- Pr-airfea. - 'V ashlngton rlonne sa dcmissionr-s- Il rcprcnd
du servicc .lans I'armce du général Bruddock.s-- Bataüle de l,ilMo-
nonguhcla. - Washington cst !Ionuiló cornmandant en chef des
troupes de la Vtrginie.c-- Dífücultés de sa situutiono--Prise du Iort
DWIUl'Snc.-Washington rcnonce U. la professiou des anncs.i--Seu-
timents de sympathic pour sa personnc duns l'unnce ct UéHlS k
peuple.- 11est nommé représcntant du comte de Fredor¡c a la
Chumbrc des Bourgeois . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . 11


'CHAPTTRE ITl.
Washington Jans le mondo ~t avcc les íemmcso--Bon mariage.- Ses


rapports avcc Mme Washington.- Gouvcrncmcnt de Sil fanrillc et
de ses añuircs.v-Mount-Vcrnon. . .. . .. . . . . . . . .•. . . . .. .. • . .. .. . . OC


CHAPTTRE IV.
176:J-1775.


Acte du timbre.-Acle déclaratif.-Loi de douauu.c--Ligues patriotiques
centre la cousonimatíon des uiurchandises auglaili:le¡s.- Le Mas~a."




TABLE


chusetts et la Virginie ala tete de I'opposrtion.s--Rólc de Washington
dan s les luttes qui ont précédé la révolution.- Réunion du premier
COIlgrcs général.-La population s'armo et la résistance s'organisc.
Bataillc de Lexington .•..... , ..... , .....••.•... '" .• . .•••••• .. .:I.i


CHAPITRE V.
1775-1776.


Itelentissement de l'lebataille de Lexington c--Soulevcment general des
Américains.-Les Anglais restent inactífs aBoston.-c-Scconde réu-
nion du Corigres.c- Il choísit Washington pour général en chef de
l'armce continentale.-Etat dans lequel Washington trouvc l'armóc
réunie devant Boeton.c-Luttes qu'íl a asoutenir pour I'organisr-r.c-
Prise de Boston.- Position des Anglaís en Améríque et Icur plan
de campagne.- Expédítíon américaine contre le Canada.- L'opi-
nion publique s'alarme en Angletcrre. - Envoi de commissairos
royaux en Améríque. - Déclaration de l'indépendanee.-Héaction
loyaliste.-Vigueur de Washington dans la compression ........•.


e HAP ITRE VI.
1776·1778.


Campagne de 177B.-Washington évacue Loug-Island et New-York.v-
Son mouvement de re traite a travers le New-Jersey. -11 reprcnd
I'offerisive et bat les Anglais aTrentan et aPrinceton.- Néccssíté
de réformer I'organisation militaire.- Le Congres confic aWash-
ington des pouvoirs dicLatoriaux.- Préjugés du généraI contre la
Franee.- Le marqnis de La fayelle.-Campagne de 1777.- Plan,
des généraux anglais.- Balaille de la Brandywine.- Les Anglais
s'emparent de Philadelphie.s--Bataille de Germanlown.- Camp de
Vallcy-Forge.e-Uapitulatíon de Saratoga.••.•...• , •.•••••.•.....


CHAPITRE VII.
1778.


Cabale de Conway.-Apathie du pnys.-Découragement de l·arl1l~c.­
Washington défcnd les droits de ses soldats aupres du Congres.i--
Imprcssion produite SUr le gouvernemcnt anglais [lar la capitulaban
de Sarutoga.c--Tl cnvoie des commissaircs royaux !lOUr traitcr avec
le Congres.- Le Congres refuse d'entrer en négociation uvec eux.
-La Franee reconna!t l'indépendance des Élats-Unis.-l"raukliu u
Paris ..•.....•.•................. _..........•.••..•.........


CHAPITHE VIII.
1778-Ii80.


Changement apporté dans la situation des États-Unis par l'intcrvcntion
franyai'e.-Campa"gne de 1778.-Évacuation de Philadelphie par
les Anglais.-Bataille de Monmouui.c- Le comtc d'Estuing purait
avec une escadre frallgaise devant New-York.- Ce sccours rr-ste
inutilc.-Mouvement rl'opinion contre I'amiralfrancaisv-e Efforts de
W ashington pour upnisor le cornte d'EslaiIlg~-Kégociations secretes
entre le Congres etle marquis de La fayette, rclativement ala con-


l:!!




DES MATIERES. 4f)~
'a~és


quéte du Cunada. - Mecontentement de Washington.- L'armée
prcnd ses qunrtlcrs dhiver--c- Progres de l'indiffcrence publique.c--
Etat.üuancicr.e-Réductíon de l'armée.-Campagnc de 1779.-Succes
des Amérícains dans le nora et des Anglais dansle mídi.i--Le gene-
ral Lincoln et le comte d'Estaing échouent dans leur attaque contre
Savannah.-Attitude de I'Europe ¡" l'égurd de l'Angleterre........ lb1


CHAPITRE IX.
1780-1781.


Arrivée en Améríque du comte de Rochambcau et d'un corps d'armée
fran~ais.-Campagne de 1780, in active dans le nord, malhcurcuse
duna le nJidi.-Héformes dans l'organisation militaire.-Habileté
de Washington dans les relatlons avec les personnes.-Cordiale
..ntr-nto entre lui ct les officiers frangais.-ConspiratioIl du général
Arnold.-Exécution du majar André.c-, Révolte des troupes de la
Ponsylvanie et du Ncw-York.- Nouvel appel a la France.-Cam-
pague de 1781.- Ravages d'Arnold en Virginie.-Lord Cornwallís
~e íortifie ti. York-Town.-Siége et prise de cette ville par le general
Washington et le comte de Rochambeau... .... ..••••••••••.•.•• lfi~


CHAPITR E X.
1781-1783.


Etret produit en Angleterre par la capitulation de lord Cornwallis.-
Chute da ministerc de lord North.- Negociations pour la paix.-
Washíncton De croit point aleur suecos. -Représailles centre les
Anglais.-Condamnation du capitaine Asgill.-La reine Marie-An-
tninette obtient sa gráce.s--Stgnature du traité de paíx aPariso-e-
Injusticc <lela nation et du Congres envers l'armée, - Jndignation
de}; troupes.-Washington reussit a les calmer et se charge de dé-
fendre lcurs íntéréts aupres du Congreso - r.l Congres cede a ses
remonlrances................................................. lIlJ


CHAPITRE XI.
Efforts de Washington pour fortifier l'autorité du Cougres.c-Les articles


de Confcdcration--e-Vices de eette cunstitution.s-c Réaction monar-
chique aux États-Unis.-La couronne offerte aWashington.-Son
rcfus.-Il proclame, dans ses adresses d'adieu au peuple et aI'ar-
mée, la nécessité de réfurmer la Constitution .••.••••.•••••••••.. 199


CHAPITRE XII.
1783-1787.


P,'éoccupations de Washington dans sa rctraite de Mount-Vemon.c-Sen
plan de nuvigation intéricurc.-l'assemblée de la Virginie luí vote
une recompense nationale.i--Refua, puís acceptation conditionnelle
du 1-)(;néraI.-État de I'Amcrlque.c-Tmpuissance du Con gres a pré-
venir la banquoroute ct le demembrement de l'Lnion.s--Découstdé-
ruticn dL'S États·Unis en Europe.-Violations du tr-uito de 1183.-
Guerre uux créunciers angluis.c--Guerrc aux ri('hcs.-lnsUtTPctiOI1
du Mussachuseus.c-Mouvcnicnt doj-inion en fuvr-ur d'uue revision




TABLJ.,
Pagel.


Ul'S articles de Conféclp.r~tinn. - Ffforts df'~ ami s 0.(': Washingtcn
pour amener la reuuion d'une Convcntion.c-Lr-ur sueccs.c-Wush-
ington consent a prendre part aux travaux de la Conyentiull...... ~1l


CHAPITHE XIII.
li8i-li89.


Ponrquoi la Conven tion de I'hiladelphie a réussi.-Comment la guerre
civile pouvait en sortrrv-e-Lutte entre les grands et les petí ts JÚi.lts.
--Quesliolls sur Jesquel.es elle s'engage, et solutions diverses que
Icur donnent les trois principaux plans de constitution.- La lutte
s'enveníme sur le mode et la base de l'élection POUI' le Sénat.-
Franklin propose des pricres en faveur des travaux de la Conveu-
tion.-Inutilité de cet effor t pon!' apaiser les esprits.t--La Conven-
tion partagée en deux cumps de force éga1c.-Nécessité et vote d'un
compromis entre les granda etles petits JÚats.- Rule de Washing-
ton dans la Convention. - Son influencc sur Madison.e-Mudíson.
- 'I'átonncments de la Convcntion sur les questions étrangercs aux
íntcréts loeallx.-Vote de la Constitutiou par la Convention fédérale
et par les Conventions locales.-Comment elle est jugée en France. 238


CHAPITHE XIV.
li89-lini.


\Vashington Président.-Gouvernement mtéricur de Washíngtcn.c- Ses
~ rupports avec l'opinion , avec les particuliers, avec les hommes


}lUhlics.-Qupstion de I'esclavagc.c- Fonnation et dístribuüon geo-
graphiquc des partis.- Exeruples de divisions géographiques dans
le scin riu Congres:-Origine Uf la lutte entre Humilton et Jefler-
son.-Cc rpIe Hnmietou voulait pour son pays.-Jetl'\'rson mcmbre
du cabinet L~· éh0:~'¡c .pposition.-Ménagemenls de cclle-ci pour
la pcrsonnc de V;;Ta:-;lúngton.-M Jeflerson le prcsse daccepter une
sccondc ioi-, la pr~~·,~ü)(:ne;P.-Hcpugnancc de \Va~hingt()n.-ll finit
llar céderv-- Dechaincmcnt ele l'opposition contre Iui.c-- Jcncrson
doune sa démission.- Sa conduite clans la. retraitc.v- lnsurrcction
dans la Pensylvanic.-Soeiétés démocratíques.c-L'npnuon pubhque
libandonne I'cppos.tion.c-- J eff'ersou ct J ohn Adarns canIiduts ala


presiuence .' " :!6;l


CHAPITRE XV.
liSD-li9i.
Vl:t~j¡ingtonPrt;:;idcnt.- (Iouvernemont des relations extérieurcs.c-,
l'rillri[JC'~ ct sympath.cs diplomatiqucs de Washington.c-i Ltnt del'.
aü.urcs au moment ele son aveuement : au sud de I'Union , la libre
naviuation du :.\ü;,;sissipi refusce par l'E:;pagne; au nord , ]('S postes
américains des grunds 'laes OCCUfJl';'; par l'arrnéo anglai¡.;c.-Qlll'r(']Jc
entre l'Angictt'l'I'l~ ct l'Espugne.- Ccunuen t Wush.in aton chcrche ~
e-n profltcr pon:' tricmphcr du ruauvuís vouloir de ces dr-ux pui s-
S~lnl.'l;:3.- Enor-.s pour r-tahl ir entre les puissanccs maritiuu-s un
couurrt contrc Ia (:i-rande-Brl'tdgnc.- Ellorts pour o bte nir di' Ji:.
FrancI~ k l ibrc comm.-rcc aH:8 S('3 colonies.c-- Rnpports du {-)ouw~v.




DES MATItRES 469
• Pages ,


nernent américain avcc les Indiens. -Scntiments de Washington a
I'égard de la Révolution francaise . - 11croit que de grande chango-
ments en Europe seront á l'avantage de son pays. - Ménagements
de Washington pour le gouvernement révoluüonnaíre de la Frunce.
- Guerre générale en Europe. - Proclamation de neutralité. -Mis-
sion 11 du citoyen 11 Genét aux ÉtatR-Unis. - Missiou de J ohn J ay a
Londres.c-.Traite ave e l'Angleterre.-Traite ave e l'Espagnc. -Qlle~
rello entre les I~tats-Unis et la Francc.- Adresse d'adieu de VrTas_
hington....................................................... 3üR


CHAPITRE XVI
1 mars 1707 - 11 décembre 1709


wushington ú Mount-Vernon.i--d.a guurre entre la France et les États-
Unis devíent probable. - Washington est nommé gén~ral Pon chef
des aru.écs arnéricaines.c-Bes déruélés avec le Président.-1Iort de
\\~ashington•.••.••.•••.•.. ' •••••.•••••••• " •••••..•• ' •.•••• " . 37J


DOC[nTENTS H1~TORIQl~F:S ET Pl~:CRS .n~STfFTr:ATIVES•••• ,........... ,1.117


}q" DE f...\ T." urr


París, - Jrnprimerie L. Poupart-Davyl. rue du Bac, 30.