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PROCES
DES .


EX ~ MINISTRES.










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PROCES
DES


DERNIERS MINISTRES
DE CHARLES X,


MM. DE POLIGNAC. DE PEYRONNET. CHANTELAUZE,
GUERNON-RANVILLE, MONTBEL. D'HAUSSEZ


ET CAPELLE


OfiNÉ DU PORTRAIT DES PRÉVENUS;


PAR


lJNE socí:Ti 1)rUOMMES lMI'An'I"'tI\t;X, socs LA DJRECTIOD UE


TO~IE l.


2{ tLlaris,
Al] BUREAU DES ÉDI1':EURS9


1\lT1i DES VIN,UCRIERS, N° 19 BIS,
Au coio de celle Albouy, Faubourg St-MarliÍl.,


1830






INTRODUCTION .
....... 0 ..


En trois jours la population parlSlenne a brisé
une dynastie parjure que six cent mille balonnettes
étrangeres avaient violemment imposée a la France,
et qni, remontée sur le pavai par une de ce.') catas-
trophes imprévues, qui confondent les esprits les
mieux exercés, blessa, pendant seize ans, le peuple
fl'an¡;ais dans ce qu'il avait de plus cher.


Aujourd'hui tont a changé de face: le droit divin,
justement rayé de notre' constitution, est voué A
l' oubli; a sa place, la souveraineté nationale est con-
sacrée en principe, et une dynastie nouvelle, jeune
et vigoureuse, en rappart avec nos moours, nos Iu-
mieres, ombragée des lauriers de Jemmapes et de
Valmy, estappelée a accomplir les grandes destinées
de la patI-Ie.


Ce passagesubit d'une servitude profonde 11 une
liberté entiere, mais sans licence, ne s'est pas opéré
sans répandre du sango Triste destinée des nations,
de ne reconquéril' lenr indépendance qn'avec le fer!
Pour nous, qui figurames parmi les cohortes patriotes
du 28 j uillet , forts d'une vérité qui, chilque jonr, dé-
vient plus évidente, nous pouvons, la main sur la
conscience, dire hautement: Charles X senl et non




( 6 )
les ,citoyens courageux qui préterent secours a la
loi, est responsable devant Dieu du massacre de plus'
~13 deux mille fran<;~is 1....


C'est par suite de cette révolution sans exemple
~aI.1s les fastes d'aucun peuple, que les Ministres du
dernier Bourbon de la 1?ranche ainée, sont traduits
devant la Cha~bre des Pairs. L'histoire dira leurs
~~técédens, le véhicule puissant qui, d'un état
obscur, éleva tout-a-coup plusi~~rs d'entre eux a,u
plus haut deg!,é de grandeur; elle gravera. sur ses,
tables d'air¡lÍn ~ leurs fautes, leurs errelll'S, leur
,crime ... Quant a nous, écrivains consciencieux, ac-


, . ,


~eurs dans ce drame lugubre, nous dépouilIant d~
tout esprit de parti, nous ~oulons ne pas démérite~
de l~ n?~,le éco}e des impartiaux. C'est pour cela
qu~, ~;I;n~ J;lOUS arre ter sur les derniers actes de ces
hommes aqj~u~d'h1:li sons le coup q'une accusation
capit~le, ~o~s ~ous. bo~nons a do.nne~" le plus suc-
cintement P?ssible, le détail d~ ce~te procédure so-
lenneÍle, jusqu'au momeHt QU la Chambre des Pairs
s'est occupée du rapport de sa Commissiqn, cha,rgée
d'examiner la résolution de la Chambre des D,éputés
~écrétant d'accusation le ministere Polignac.
L~s Chambres, violemment dissoutes par les fa~


"'-\ ¡ , ~


:pleuses 'ordonnances que nous reproduirons dans les
p¡¡~ces justificatives, se r~nnirent a Paris le 3 aoul.
Elles commencerent leurs travaux par investir J~
Duc D'ORLÉANS du titre de Lieutenant-Général du


'.-. ' : ~ ,


~oya~me; puis, apres avoir purgé la Chart~ de,plu-
siellTs articles co~traires aux droits du peuple, elles,




( 7 )
proclamerent, d'~pres le vreu national, Louis-Phi-
lippe, Roi des Fraqc;ais.


Dans 1¡l. sé~n,ce dQ. ~, M. Eusebe <le Salvert~ 4é-
POS!! sur le l).ureau dQ.l?résident la prQPositiQ:n sl~i­
vante:
~ La Chambre des Députés accuse de Q~ut~ ~r~~


» hison les Ministres signataires du rapport ~u Roi,
D et des ordonnances en date du 25 juillet 1 ~3q. »


Cette proposition, accueillie au milieq qe bravos
prolongés, fut renvoyée, suivant l'usage 2 a l'exa~en.
des bure¡l.ux, pqqr etre epsuite discutée eQ. sé¡\nc~
publique_


Le 13, la discuss~on s'ouvrit: apres un discours
remarquable de M. de Salv~rtet l~ prise (!Q. co.nsidé-
rfltipn fut adoptée a l'unaniqlité, Aussitot une com-
missionfutnommée, elle se composa de MM. Béren,-
ger, Daunon, Caumartin, Madie.. de Montjau, le
baron Pelet, lebaron Lepelletier d' Aulnay~ Bertjn de
Vau~, Manguin et Salverte; M, Bérenger en fut le
rapporteur.


Tandis qu'a París on préparait ainsi les élémens
d'un proces sans exemple en France, (jusqu'á ce jour
la responsabilité ministérielle n'a été qu'une crqelle
déception) que faisaient les ex-mi!listres ?Eff~a,.és
de l'orage qu'inconsiderement ils avajeqt soulevé;
apres avoir abandonné Charles X, ils fuyaient sur
des routes différentes, comptant pr9fitel' du premier
mouvement d1effervescence et de tumulte pour ga-
goer la frontiere. '


Vain espoir! M. de Polignac, le premier, déguisé




( 8 )
. domestique et accompagnant madarne la cortltesse,


de Saint-Fargeau, fut arre té a Granville et incarcéré
a Saint-La;' a Tours, On reco~nut M. de Peyronnet,
voyageant ave e un co~rrier de MM. Rotschild; bien-
tot MM. Chantelauze et Guernon-Ranville eurent le
nierlIc'sort; quandl MM. Montbel, d'Haussez et
CapeIle, plus heurenx, ils échapperent a tontes les
reche'rches. .


Au'x"yeux de M. Polignac, su qualÍté de Pair était
suffisante pour fairedéclarer sadétention illégale.
M. de'PeyrollIiét, dont la paifie venait d'etre dé;.
chirée par l'article 68 de la, Charte, annulant tontes
les; #ortlínations faites sons le regne de Charles X,
garda le'silence; M. de Polignacsenl écrivit lalettre
sui~imte a M. Pasquier, président de la Chambre des
pa'irs:


'~t 'le Baron,
. Arrétéa Granville 'au n~omellt oil, fuyant les tristes et dé-


plorables événernens lpli vipnnent d'avoil' ¡ien, je clJerchais a
paf\$tlf. at'Be de Gersay ,je me suis constitué prisonHier eJ,ltre
le~.ll)ainsde. la Comulission~ prov;¡.uir.ede.la. préfec.ture de la
Ml!-pch~ : le procureul' Uu !'oi de l'arrondissemeut de Saint-L6
ní lejug~d~i-,?struction n'ayant pu, d'apl'es les tel'mes de la
Charte ;" décerner un manélat d'améner confl'e moi, dani> le
cas,' ee:que j'ign:ore, Olt le Couvernement ait (lónné des ot'rtl'es
pour :ill'áMi~te~. c;) A~t que :de ratttorité de if~ Gh4",bre de8
PaÍ7\'1, dtt I'l1rti,cle 29, .dela/Cqarte lI~tuelle;: oo,iform.e encela
a)'tyl~pnE! Cbarte 1 qu'un'lllem~re de 4. CbaD;lbre des, Pai,'~
p.e'!t etre arrihé. J e ne sais cc que fera la Ch¡¡rnbre á ce su~ct.
~t si. elle,~e~~ra. sur, mou comp~e les.t!'istes.événemens d~ .deux
iOllrs qúe jé aepróre plus que 'qui que ce soit, qui sont arrivés




( 9 )
ayee la rapidité de la foudre au sein de )" tempete, el qu'au-
cune force, aucune pl'udence humaine ne pouvaient arreter,
puisqu'on ne savait, dansces terribles momens, aquí ente mIre,
ni a qui s'adl'esser, et qu' on ne pouvait, tout au plus, que dé-
fendre ses jours.


Mon desír, M. le Laron , serait qu'on me perroit de me re-
tirer chez moi, ponr y reprendre les habitudes J'une vie pai-
sible, les seules qui soient conformes ~,mes gOlds, et auxqueUes
raí été arraché malgré moi, comme le savent tous ceux qui me
connaissent. Assez. de vieissitudes ont rempli mes jours ; assez
de revers ont blanehi ma tete dans le cour:; de la VlC orageuse
quej'ai pal'courue. Ari moills, ne peut-on me reprocher, dana
les momens de ma prospérité, d'avoir jamais conservé aucun
souvenir d'aigl'eur contre ceux qui avaient peut-etre abut!é de
leurs forces a mon égard dans les tems de mon adv-ersité; et,
en eifet , M. le baron, ou en serions-nous, tous t;:¡nt que nous
sommes, au milieu de ces chang('mens continuels que présente
le siecle ou nous vívons, si les opinioDs politiques de ceux qui
sont frappés pat· la te.mpete devenaient des délits ou des,cl'imes
aus. yeux ~e etilUX 'tui ,embiassent des' opiníons politiques plus
heurlliuse!l?


Si je ne pouvais obtenÍJ' la pel'mission de me retirer tran-
qllillement dans mes foyers , je desÍI'erais qu'il me fUt permis
de me retirer a l'étranger 3,-:ee ma femme el mes enfans, Si,
enfin, la Chambre des Pairs voulait pl'ono~cer moo a¡'resta-
tio,n, je desÍl'cl'ais qu'elle fixát le lieu oü je serais retenu, au


. fort de Ham, en Picardie, oil rai longtems été détenn dan s la
16ftgue captivité que raí éprouvée dans ma jeunesse, ou dans
quelqúe citadeUe commode et sp<ft:ieuse a la fois. Ce lieu (Ham)
cc;mviendtl\i", ·.~ltm.X q!le tout autre, a\.' état de ma sanlé ,a~f,ü~,
hIle depuis quelque tems, et altérée surtout depuis le$ der-
niers événemens qUÍ se 80nt passés. Les maiheurs de l'hon-
nete homme doive:ít mériter quclqnes éganls en France ; mais,
dans tous les cas, M. le baron ,il y aurait, roserais presqu~




( 10 )


dire, qUlllque chos!l de barbare a me faire ameoer daos,la ~­
pitale, eo un moment 04 tant de. préyentions ont été s~u­
Ievées contre moi, préventipns q"\le ma seule voix ne p~ut
apaiser, que le tems seul peut calmer. Depuis ]ongtems ~
je ne suis que trop accoutumé a voir toutes mes intentions
représentées sous le jour le plus odíeux.


Je vous ai soumis tous mes desirs, M. ]e baron; je vous
prie, ignorant a qui m'adresser, de vouloir bien les 80umettre
également a qui de droit et d'agréer ici l'assurance de ma haute
considération.


Le Prince DE POLIGNAC.


f. S. Je Vp\lS prle ~galement de vouloir bien me {aire accuser
r~ception de cette leUre.


De son cóté, M. Dupol1t (de PEure), garde-des-
sceaux, éerivit, en ces tenues, a M. Pasquier 1
M~ le Président,


J'ai appl'is, non par des rapport officíels, mais par des·
bruits, divers, que p]usieurl des derniersministres, notam-
ment M; le prince de Polignac et M. le comte de Peyronnet,
étaient arre tés et détenus a Saint-Lo et a Tours. Dans les cir-
constances actuelIes, et en présence de l'accusation pendante
a la Chambre des Députés, j e erois qu'il est indispensable d'in-
former la Chambre des Pairs qu'ils sont détenus a Saint-LO el
a Tours, afi~ que, d~1~8 sa 5a~esse, elle qécide ce qu'elle ju-
gera convenable.


La Chamhr~ des Pairs, ~pres avoir elltendu la
leeture de ees lcttres, el: s'etre éc1airée des lumieres
d'une commission spéciaie, a, dans la séance du 23
aout, et sur le rapport de M. le eomte Siméon,
tranché ainsi cette diffieulté :


v: u une lettre signée prince de Polignac, écrite de Saiot-LO,
en date du 17 aoút, et adressée au président de la Chambre des




( 11 )
Pairs, par laquelle, en annon~ant qu'il Gst détenu, il réclame
le béné6ee de l'articIe 29 de la Charte eonstitutionnelle pro-
mulguée le 14 aoút présent mois (1) ;


V u la lcttre du Garde-des-sceaux, Ministre de la justice ,
en date du 21 de ce mois, par laquelle il informe la Chambre
que le prince de Polignae a ét~ arreté a Saint-Lo, etle comte
de Peyronnet a Tours, ~ur la clameur publique, comme au-
teurs d'aetes qui forment la matiere d'une accusation proposée
en ce moment a la Chambre des Députés, et par laquelle il
~nvite la Chambra a prendre les détermillations convenables,


La Chambre prend la dé~ision suivante :
1\ Conformément a l'article 2~ de la Charte eonstitutionnelle,


» la Chambre de~ Pai!'s autol'ise l'arrestation du pl'ince de
~ Polignae faite a Saint-Lo,


:p Quallt a l'arre¡¡tatipn dq comte de Peyronnet faite a Tours,
» vu fartide 68 (2) de l~ ~hal'te, titre d,es Di8pq8itio~ parti-
» culieres, la Chambre dédare qu'il n'y a pas lieu par elle a
» en délibérer.


» La ClIa.plbre des Pairs charge son président de trans-
~ meUre cette décision au G.tlfde-des-sceaux, Ministre de la
» justice ...


(!ependant la Commission d'accusation de la Cham-
bre des Députés ne restait Plls inactjve; apr~s s' etre
fait donner de nouveaux pouvoirs, elle entama une
enquete sévere, fit tradnire devant elle des témoins,
et en fin M. Bérenger prépara son rapport.


Ce rapport, que nous donno.ps en entier, fut In a


(1) ABT. 19 .• Aucun Pair ne peut étre arreté que de l'autorité de
• la Chambre, et jugé que par elle en malÍere criminelle, •


• I (2) ART. 68. • Toutes les nominalÍons et créatíons nouvelles de
• Pairs> faíles sous le regu,e du roi e f¡arlc$ X, sont déclarées nulle.
• et DOD a'fenues .•




( l!l )


la Chambre le ~4 septembre, et la discussion s'ou-
vrit le 28.


A pres des débats animés, on vota séparément sur
les quatres chefs d'accusation relatifs a chaque mi-
nistre. Une immense majorité adopta les conclu-
sions de la Commission, en ce qui concerne M. de
Polignac; cette majorité, toujours allssi forte vota
dans le meme sens et séparément, sur l'envoi de-
vant la Chambre des PaiJ's, des six autres ministres;
seulement les voix llégatives furent plus nombreuses
lorsqu'il fut question de MM. de Montbel et Guer-
non-Ranville .


.Au reste voici, a cet égard, le tablean des votes
émis pour et contre l'accusation.


Relativement a M. de Polignac.
Nombre des votaD S •••••••••••••• , 291-
BouIes bIanches pour l'acctlsation. . . 244.
BOtlJes noires contre l'acctlsation. . • . 47.


Relativement a M. de Peyronnel.


Nombre des ivotans.... . . . . . . . . . . . 286.
Boules blanches pour l'accusation... 232 .
BouIes noires contre l'accusation.... 54.


Re[a!ivement ti M. Chantelauze.
Nombre des votans. . . . • . . . . . . . . . . . 297.
Boules blanches pour l'accwjjation. . . 222.
Boulesnoires contre l'accusation. . . . 75.


Relativemen~ a M. Guernon-:RanfJiUe .
• Nombre des votan9 .... '. . . • . . . . . . . . 289.


:&lt11es blanehes pour I'accusation. . . 214.
Bonles naires contre l'accusation. . . . 74.




( 13 )
RelatÍ'lJement a M. d'Hau8sez.


Nombre des votans ........•..•.. , 279.
Boules blanches pour l'accusation... 213.
Boutes noires contre l'accusation. . . . 66.


Rclatiflement a M. Capelle.
N ombre des votans............... 263 ,
Boules btanches pour l'accusatíon .. .
Boules noires contre l'accusation ~ .. .


Relatiflem,nt a M. de Montbel.


202.
61.


Nombre des votans. . . . . . . . . . . . . . . 256.
Boules blanches paul' l'accusation. . . 187.
BauJea naircs contre l'accusation. . . . 69.




La Chambre choisit parmi ses membres trois
commissaires pour, en son nom, faire toutes 1es re-
quisitions nécessaires, suivre, soutenir et mett~e á.
fin l'accusation. La majorité absolue des suffrages
désigna. MM. Bérenger, PersiretMadier de Montjau.
(Séance du !19 septembre.)


A.ussitot M.le président de la Chambre des Députés
adressa le message suivant a )a Chambre des Pairs.


La Chambre dE's Députés a adopté, dans sa séance du 28 de
ce mois, une résolution en vertu de laquelle MM. de Polignac,
de Peyronnet, Chantelauze, de Guernon-Ranville, d'Haussez,
C;lpelle et de Montbel, .ex-ministres, signataires des ordon-
nances: du 2,5 juillet, sont accusés de trahison el traduits devaht
la Chambre des Pairs. Elle a arreté qu'il en serait donné con"::
naissance ala Chambredes Pairs par un message. J'ai l'honneur
de vous l'adresser avec un extrait du proces-verbal de la séance
du 29, qui constate la nomination des trois ,commissaires char~
gés de suivre et soutenir l'accusation , et je vous prie de vou":




( 14 )
loir bien donner commuóicatioli de ce message a la Chambre
des Pairs, etc. , etc.


, .. , LAFITTE, president.


. La Chambre, apres ,en avoir délibéré daos la séance
du }h octobre,' décida qu'elle se réunirait en cour
de justice, le 4 suivant.


Alors elle rendit un arret dt1I1t vbici la teneur :
..J..a Cour des Pairé,
-Vu la resolution prise par la Chambre des Députés dans sa


séance du 28 septembre dernier, portant accusation detrahison '
contre MM. de Polignac, de Peyl'onnet, Chantelauze, de Guer- '
non-Ranville, d'Haussez, Capelle et de Montbel, ex-ministres
signataires des ordonnancea du 25 juillet ;


Vu le message du 30 septembre portant communication de
ladite résolution a la Chambre des Paira, ensemble l'exlrait du
prod~s-"erbal de la Chambre des Députés joint audit message;
et constatant la nomination de MM. Bérenger, Persil et Madier
de Montjau, en qualité de c.ommissaires chargés de suivre,
soutenir et meUre a fin dcyant la Chambra des Pairi ladite ac-
cusation;


V u pareillément la délibération de la Chambre des Pairs en
date du lar de ce mois, portant que la Chambre se réunirait
ai:tjour~'hui en cour de justice, a 1'effet de procéder ainsi qu'il
appartiendra sur la résolution sus-énoncée;


AprclI en avok délibéré : .
COlisidérant qtl'aux termeS des artides 55 et 56 de la Charte


de 1814, et 47 de la Charte de 1830, la Chambre des Pairs a
seule le droit de juger lea ministres accusés' et traduits devant
elle par la Chambre des Députés pour fait de trahison ;


Considérant, d'une autre part, qu'avánt de pallser outre ati
jugement de 1'accusation portée par la Chambre des Députés, lé
liS septembre dernier, il est nécessaire de vérifier et régler l' état
de l'instruction et de la procédure, tant a l'égard des accusés
tlétenus, qu'a l'égard de ceux qui ne sont point a:rretes;




( 15 )
OrdoDne que, par M. le présídent de la Chambre et par tels de
MM~ les Pairs qu'il jugera convenable de commettre pour I'as-
sist'er et le remplacer, s'il ya líeu, il sera procédéa l'examen del!
pieces transmises par la Chambre des Députés, ensemblea tous
actea d'instruction qui pourraient ~tre nécessairea pour l'éclair-
cissement et la qualificatioD des faits, ainsi que pour la mise en
état de la procédure; lesquels actes d'instruction seront com-
muniqués aux commissaires de la Chambre des Députés, pour
~ti'e, par eux, rait ielles réquisitions qúils jugeraient conve':"
nables.


Pour, apres lesdits examen s et complément d'instruction
terminéa, et la procédure communiquée aux commissaires de
'la Chambre des Députés, ctre fait d u tout rapport a la Cour
et ctre par elle statué ce qu'il appartiendra, les commissairQs
de la Chambre des Députés appelés et entendus s'Hs le re-
quierent.


drdonne pareillement que, lor8 desdits examen et complé-
ment d'instruction , leS fonctions de SI'effier seront rempliespar
le garde des registres de la Chambre, lequ~l pourra s'adjoindre
un commia .assermenté pour le rcmplacer, s'il ya lieu, et que
les citati~ns ou autres actes du ministere des huissiers seront
taits ~ar ies huissiers de la. Chambre.


Le meme jour, 4 octohre, elle prit la délihération
suivante:


La Cour charge son président de rappeler, par écrit, a chacUD.
de MM. les Pairs, la stl'icte obligation qui leur eit imposée de se
rendre ame audiences , lors du jugement de l'accusation portée
par la Chambra des Deputés, et de Icur amioncer que la Cour
lÍoumettra a l' examen le plus rigoureux les motifs qui pourraient
etre allégués pOUi' Se dispenser de ce devoir; que toute absence
non suffisan1ment justifiée sera vue par elle avec un vif déplai-
sir, et qu'il en sera fait mention au proces-verbal.


La Cour arr~te, en outre, que la préseri.te déÜbération sera.
publiée par la voix du Moniteur.




( r ti )
Voila done la Chambre de Pairs eonstituée eIÍ


cour de justice: il faut attendre le rapport de la
Commission ehargée d'examiner les pieces transmises
par la Chambre des Députés.


Revenons sur nos pas, et voyons ce que devenaient
les ex-ministres durant ces dél~is indispensables.


Une modeste vaiture de poste, escortée de gardes
nationaux des, départemens, conduisit, dans les
premiers jours de septembre, et pendant la nuit,
M. de Polignac a Vincennes. Lematin du meme
jour étaient déja arrivés, sous tute forte escorte
MM. de Peyronnet, Chantelauze et Guernon-Ranville.
Provisoirement, iIs furent enfermés dans quatre
petites chambres du pavillon de ia reine ;le gouver-
neur ayant donné avis de leur 'arrivée au Gouverne-
men~, 011 tit partir de suite trois cents gardes natio-
naux; pour veiller a la sureté des prisonniers.


Le hasard désigna le 4e bataiUon de la 5- légion pour
cette exursion. L'auteur de cette introduetion, gre-
nadier de la eompagnie Lenainville, tit partiedu déta-
chelnént. Ses regards se sont souvent arretés sur ces
quatre personnages naguere comblés des: lduanges
du faubourg Saint-Germain, et aujourd'hui conrhés
sous le poids de l' exécration puhlique! 11 a vu l' effroi,
la terreur flétrir les traits décomposés de M. de Po-
lignac, de Guernoll-Ranville et Chantelauze, l'air
hautain et fier de M. de Peyronnet, ne lui a pas non
plus échappé .... Devant luí, ces ruines d'un Gouver-
nemeIi~ parjl,1re, se sont acheminées lentement, ~u
milieú d'une double haie de gardes citoyennes vel's




( 17 )
le donjon. C'était un spectade imposant et sévere. Il
ne s'effacera jamais de sa memoire.


Aujourd'hui encore, les ex-ministres occupent les
quatre tourelles de cette espece de cha.tean fart.
S011S peu, ils seront transférés dans le local, attenant
au palais de leurs jnges, qui~ étéconverti en prisón
d' état; voici a cet égard une deScription d~tailléé,
puisée a des sources certaines, qui donnera une idée
des différentes métamorphoses qu'a subies, depuis
quarante ans , lé petit Luxembourg, et rassurera les
personnes disposées a admettre la possibilité d'une
évasion.


En 1795, la Commission d' Intruction Publique,
présidée par M. Garat, tenait ses bureaux et ses
séances dans cettepartie du palais ; elle occupait les
anciens appartemens de l'ex-chan'éetim-·de Fránce,
M. de Barantin. Un pea plus tllr'd, le Directoire s'y
établit. Utl~ grande el magnifique salle était destinée
aux audiences que, chaque jour, un des citoyens di-
recteurs daignait .accorder a la tourbe des sollici-
teurs, beaucoup moins nontt,reuse qu'aujourd'hui.
Accompagné d'un messager d'état et de deux huís-
siers, le directeur recevait gracieusement les péti-
tions, et y mettait de sa main l'apostille ql1i en in-
diquait le renvoi, et par suite l'enterrement dans les
cartons de tel et tel ministere.


En 1814 et années suivantes, M. le chancelier
d' Ambray s'installa dans le meme local. Ses appar-
terne os , qui ont conservé le meme ameublement,
sont habités par M. le colonel ¡"eisthamel. M. de Ba-




( 18 )
rantin, heau pere ~e M. le ehancelier, avait été
placé dans le corps de batiment situé agauche, et
e'est ce ,corps 'ae hati.ment qui fut, en 18~H, et est
encore transformé en prison d'état.


La grande cour qui '3épare les deux batimens, a
pris a~jourd'hui le nOln de cour de Marengo. e'estla
qu'a son retour d'Égyptt~ , peu de jQurs avant le 18
brumaire, Bonaparte fut rec;u solennellement par le
Directoire exécutif, et qu'on le laissa longtems tete
nue, exposé allX intempéries d'nne journée d'au-
tomme, pendant que les directeursétaient abrités
sous une vaste tente qui fut clonnée autrefois par le
grand-seigneur a ·Franc;ois·I~.


La porte cochere, qui donne StH la rue,de Váugí-
rard, I,le sera ouverte q ne pour les corps militaires de
service. ~ prisonniers et les persollnes qui vien-
dront les visiter, entrel'.Ont par une petite .porte et
par un guichet pratiqué a coté. Apres avoir tra~ersé
la cour Marengo, on entre sur la droite par la cour
d'lena, puis par la porte et par l'escalier d'Arcole,
qui aboutissent du c~ opposé a l'escalier et a. la
porte d' Aus terli tz, non loin UU corridor et de la po rte
de Friedland; cal' tout ici rappelle les souvenirs de la
grande armée.


Apres 3V\oir traversé, clans le corridor d'Arcole, un
corps de garde ou l'on voit déja le lit de camp et les
rataliers destinés a reeevoir les armes, on arrive aux
cha~res destinées aux ex-ministres. La premiere est
celle de M. Chantelauze: toutes les communications
intérieures, ainsi que les armoires et les cheminées




( 19 )
elles-memes, en ont été murées¡ au milieu est un
grand poele d'une forme assez élégante et déja muni
de tons les ustensiles nécessaires; a gaucheest un
lit d'acajou, sansalcove, mais surmontéd'unhalda-
quin propre et simple, auquel pendent des rideaux
hlancs; un sécretaire d'acajou" une commode en
noyer et deux chaises, composent tout le mobiliet
de celoca!. On y re<;oit une lumiere siabondante,
grace a la hauteur des fénetres, qu'on ne- s'aperc;oit
pas au premier abord, que les croisées sont a moitié
masquées 'au dehors par des abat-jours de bois de
chene donhlés en tóle du cOté de la cour; au-dessus
de ces memes abat-jours s'élevcnt desbarre-aux ,de'
fer tres-rapprochés, entre lesquels sont des mailles
assez serrées de fi1 d'archal; cette dispositiona pour
but d'empecher qu'on ne puisse y jete!' tW~ ~hors,
des armes ou memede simples lettres~On n'aper~oit,
au-dessus des fenchres, que la voute du del, et le dra-
peau tricolore qui flotte sur le dome du Luxembourg.


Les chambres destiné es a M. de Guernon-RanvilIe
a M. de Peyronnet et a M. de Polignac, présentent le
meme arrangemetlt; mais elles necommuniquent pas
entre eH.es; on yarrivepar des corridors différens. Cha-
cune des chambres est fermée d'une porte en chene.
épaisse de quatre pouces, garnie d' énormes serrures et
de gros v~rroux. N ous allions oubiier dedire qu' a!' en-
trée de chaque chambre est une gnérite dite tambour"
de forme carrée. On y placera une sentinelle, qui, au
moyen de deux lncarnes, fermées d'nne vitre, ponrra
sans cesse voir tont ce qui se passera dans les di-




( !lO )


verses parties de la chambre dont aueun point n'é-
. chappera a son investigation.


L'on s'atte~d a entendre murmurer contre cette
,disposition, M. de Peyronnet, qui déja, dit-on, ma·
·nifeste de tems en tems de l'humeur contre les me-
sures de surveillance prises a Vince~:mes. Il se plaint,
.ajoute-t-on. du fracas que cause pendant la nuil la
nécessité de relever les gardes et les sentinelles, et
du trouble qui en résulte pour les prisonniers, dont
le repos est, dit-iI, l'unique consolation.


Nul n'aura la permission d'entrer daos les cham-
bres memes des detenus, si ce ne sont leurs femmes,
Ieurs avocats et les ecclésiatiques avec lesquels iIs
pourraient témoigner le désir de conférer en secreto
Les autres visiteurs seront admis dans un parloir
eommÍl~;La.salle destinée a ces visites est partagée
en trois' 'compartiruens par deux grillages de bois,
régnant depuis le parquet jusqu'au plafond. Ces
compartimens sont de largeur inégale et entre les
deux grilles se trouvera un espace libre gardé par un
porte-def et un· factio!1naire.


La partie la plus spacieuse sera reservée allx per-
sonnes venant du dehors,-'et elles seront s~rveillées
par les Gardes Municipaux de service.


JI est inutile de dire que la Ga,rde Nationale, étant
de sanature étrangere au service intérieur des prisons,
n'aura au Luxemhourg d'autre partage que la garde


. extérieure et le service d'honneur. Les prisonniers
seront ex't1usivement conflés a la Carde Municipale.
Vingt-cinq de ces Gardes Municipanx ont été choisis




( :H )
parmi les ouvriers qui se sont le plus distingués aux
}ournées de juiHet, et qui, depuis, se sont {ait remar-
quer par leur aptitude et leur dévouement. 115 ont
pour chef M. Martin, préposé, par une etrange vicis-
sitUlle des choses d'ici has, a la garde de ce n:u~me
M. de Peyronnet, qui, en 1821, tit coritre-lui des re-
quisitions fulminantes a laCour desPairs.M; Mar-
tin, que ron in terpellait sur les faits I'élatifs au ca-
pitaine Nantil, l'un des accusés contumaces, s'ex-
pliqua d'une-rnaniere ou l'omhragemc. procureur-
général Cl'ut voir" des ré ticen ces , et peu s'en falltit "
queMo de Peyronnet ne le lit arreter et juger comme
suspect de fanx témoignage."


Une cinquieme chambre servira de chambre d'a:t-
tente.


Les, pl'isonniers seront cooouits .~ la,.Cour .des
Pairs, en passant pllf le jal'd~ de;lsiri'tane maniere
que lefuTent 'M. de Trogoff,:l'infortuné colonel Caron,
et;les "auttes."parsonnes impliquées dans la conspira-
tion dite militaire de 1820 et (82 I. On peut se faire
au dehors une assez juste idée de" la: disposition
du local. On ajouta, aumoyendes clotures en
planches; un prolongement aux enelos qui for-
maient, sou~la Constitution de l'an llI, un jar-
din particulier pour chaeun des memhFes da Direc-
toire ex~cut}f. Ce prolongement renferme, dan s
son" eneeinte, la belle et nomhreuse éeole de rosiers,
ou un amateur s'est-plu a rassernbler un échontillon
de chacune des variétés que présente cett~ clas))edes
rosacées." Le passage le plus rapproché du palais est




( 22 )


assez étrQit; la clóture de planches est séparée de la
clóture extérieure par un espace tres-Iarge; ensorte
que les curieux qui :voudront épier au dehors la· sor-
tie ou la rentrée des .détenus, ne pourront gueres
s'apercevoir du 'mouvement qu'occasionera cette
t~anslatioft. Les anciens jardins des directeurs ont
été transformés en vastes corps-de-garde pour la
garde nationale des différentes' légions, et pour un
piquet de la garde nationale a cheval. Ainsi tout est
pret pour recevoir ceux sur lesquels la Chambre des
Dépntés, par son initiative, a appelé le jugement sou-
verain de I!tCour ,des Pairs.


Tels sont les détails dau~ lesquels nous avons cru
devoir entrer pour réunir eIl'un seul corps d'ouvra-
ge les élémens de cet importante affaire.


Avant ¡",de poser la plume, nous rappelons qu'il
impprte avant,tQu.t~po»'f)'honneur du peuple fran-
c;:ais, qu' on n'intervienne en aueúne ma~iere dans
les débats soIennels qui vont s'ouvrir. Les prévenus
sont sous la sauve-garde de la loi; attenter a l'indé-
pendance de. leurs juges par des cris de mort ou
des rassemblemens. tUIl1ulfueux" ce. serai t dégrader
les vainqueurs de juiUet_ ,Qu'on ne l'oublie pas,
l'Enrope non!> conterpple. Nous lui avons montré ce
que peut un~ nation héroique se levantenmasse
ponl' reconquérir sa l~berté~ présentons-lui anjour-
d'hui le spectacle rare et sublime, de la sagesse et
de la, ll109ération aperes la viotoire.


Paris, le 10 décembre 1830.
ALEXANDRE BOL'R •..




( ~3 )


... -... -----------""'r-,-... --,,-~-~-
" CHAMBRE DES DÉPUTÉS.


SÉANCE DU ~ 3 SEPTEMBÍlE 1830 •.


La Chambreesf tres-nombreuse, et les tribunes
publiques entierement garnies.


M. de Bérenger, rapporteur de la Commission
d'accusation, monte a la tribune et prononee' le
discours suivant au milieu du pl~s profond sileIl:ce.


:J.


M ESSIEUl\S,


La Commission que vous avezchargée de la pro-
POSiti01i d'accusation contre les ex-ministres signa-
taires des ordonnances du 25 juillet dernier; a mis a
cet examen toute l'atten~ion queredamait un Bujet
sur lequel tant de regards sont fixéS.


. Au moment d'e~trer daris la voie que la Charte
. vous ouvre pour obtenir la répression des faits qui
ont si gravement compromis notre ordre· social,
vous avez du desirer qu'une religíeuse observatíon
des analogies judiciaires s'unlt aux vues élevées de
la politique, dans i'exercice d'un Ul'oit.qui ~éc0nle
de nos institutions. /




( 24 )
Ce vreu imposait a votre Commission des devoirs


dont elle a compris toute l'étendue. Elle a sen ti que
vous l'investissiez d'une magiitrature dont l'impar-


,tialité doit ttre le principal caractere. C' est pour
réporidre a votre contiance que, des les premiers
jours, elle s'est déterminée a vous demander de luí
déIéguer une patie de vos pOllvoirs: ils lui étaient
nécessaires, autant peut-etre pour régulariser la de-
tention de ce~x des ex-ministres qui ava~ent été ar-
retés sur la clameur publique, que ponr fixer, par
le concours de leurs déclarations et des témoignages,
le véritable point de vue so~s Jequel cette accusation.
doit etre énVisagée.


Une instruction a done été commencée: qU,atre
des ex-ministres détenus 11 Tours et a Saint-Lo, ont
été transférés a Vincennes, en vertu des mandats
d'amener décernés par la Commission: ils ont été
interrogés aussitot, et sur le champ les mandats ont
été convertis en mandats de dépot. I..es témoins ont
été entendus; les pieces qui pouvaieRt servir d',élé-
mens a l'accusation out été demandées aux divel's
ministeres.et examinées avec un soin scrupuleux:
partout les ordres et les mamIats de la Commissiou,
exécutés par les huissiers de la Chambra, ont trouvé
obéissance,


Cette premiere ipstruction, qui établit et con-
sacre vos droits, a également en pour objet le besoin
de 'l!:O~ éc1airer, et celui ~ offl'il' a la défense toute
laJ.titudccqu'eHe a le droit de i'éclamer.


Néanmoins, les docúmen5 obtenus des divers mi-




( 25 )
nisteres sont peu complets: il est certain qu'au mo-
ment de la catastrophe les plus importans ont été
détruits; de sorte qu'un volle eouvre la plupart des
projets dont le développement devait assurer. l'e~é­
cution des fatales ordonnanees.


Mais, envisageant ces ordonnances dans leu~ en-
semble, votre Commission n'a pu se résoudre a les
considérer comme un simple aecident, c':est-a-dire,
comme un fait isolé, né des circonstanees du roo-


. ment, et sans lien avecle passé.
EUe a donc jeté un coup-d'reil sur les tems ano


térieurs, et e1Ie a acqllis la déplorable certitude que
les ordonnancei du ';15 juillet étaient le complément
d'un plan que la Couronne méditait depuis plusieurs
années.


.


Il lui en couterait c.ependant de fa·Íf-e ·remonter
au Prince, auteur de la Charte, laooneeptiOn de
ce plan; maisap,einerétabli SKr le trone de les peres,
L<?uis XVIII avait pu appréeier "les projets des cour-
tisans et cellX des membres de sa famille: tels ils
étaient lorsqu'au commeneement de notte révolu-
tion ils avaient quitté l~ sal de la Franee, tels ils se
montrerent lorsqu'il revint avec eux de l'émigation ..


Ce long exil sur une terre étrangere, " ces jours
d'adversité, qui, pour tant d'autres, auraient pu de-
venir la .matiere de fruetueuses le~ons, avaientété
stériles pour eux: LouÍs XVIII lutta péniblement
contre leur exigence; ille fit quelquefois avec hon-
heur, le plus souvent sans sueces.


En dehors de son gouvernement se formaient




( 26 )
d'autres conseils dont l'action se faisait insensible-
ment sentir sur toutes les branches de l'administra-
tion, et en paralysait le mouvement: déja on aperce.:.
vait deux gouvernemens dans l'État. .


La vieillesse de Louis" XVIII subit la triste in-
fluence de ces conseils: sous lui commen~a ce mi-
nistere de six années, dont la mission parut etre
d'accomplir la contre-révolution~ Sous lui, etpeut-
etre malgré lui, l'Espagne vit une armée fran<;aise
étouffer ses élans de liberté, . et la célebre ordon-
nance d'Andujar annulée de fait au moment de sa
publication.


A la mort de cemonarqu~, les ppojets ébauchés
sous son regne, commencerenta recevoir leur exé-
cution: le nouveau roi se hata de donner satisfac-


.


tion au clergé par la loi sur le sacrilege, aux émigrés '
par cellesur' l'indemnité; il tenta d'abolir la liberté
de la prisse par ce projet de 10i qui ¡élevacontre le
ministre qui en fut l'auteur de si justes ressenti-
mens; iI tenta d'asservir la profession la plus utile a
l'huma"nité par un autre projet sur lesjurys médi-
caux et les écoles de medécine: il essayade préparer
les esp~ts a la suppression du jury, en proposant
cette suppression ¡lour les crimes de baratterie et de
piraterie. Enfin, la contre-révolntion fut hautement
avouée, et l'avenir qu'on réservait a la Franee ne
fut plus un mystere: tons les intérets furent me-
naeés a la fois.


Toutefois, dan s eette Chambre oú le ministere
s'était faít tant de partisans, iI se formait une 0r-




( 27 )
posltlOn qui, vivement seeondée par l'opinion pu-
blique, eommen<;ait a se rendre redoutable.


Menacé de perdre sa majorité dans lesChambres,
le Gouvernement prit la résolution hardiede eon-
voquer de nouveaux colleges; il espéra, afaree de
menaees, de fraudes et de eorruption, d'obtenir des
choix favorables, et c'e,st par la qu'il ac~eva de ré-
volter tout ce qui dans la nation avait un canir droit
et le sentiment du bien. En meme tems et: ann de


" .


s'assurer la ChambI;e des Pairs, illa remplit de ses
créatures, et s' effoq;a d' en changer la majorité par
la plus nombreuse et la plus ímpopulaire des pro-
motions. Heureusement les électionsne répondirent
pas a ses cspél'ances, et devant une Chambre nou-
velle, on c9mprit qu'il fallait ajourner les desseins.
qu'on méditait. ",


]S ulle nation n'es! :plus confi.ante :que la. :nOtre :
°lorsqu'a l?pu~turé de la sessÍon de 1828. elteen-
t~ndit de la bouche de sOn Roi. la promesse d'un
meílleur avenir, elle y crut, elle oublia le .passé.;
trompée tant de fois, elle se .Iivra encare a l'espé-
rance.


Il y aurait. de l'ingratitude a ne pas r~connaitre
les servÍCes qu~ le nouveau ministere re~dit au pays
dans le coúrs dela premiere s€ssion: .la,loi destinée
a réprimer les fraudes électorales, celle surla presse,
quoiqu'on eut·a y~egretter l'absence duj~ry, sont
des monumens qui attestentson désir de .. ponner
au pays quelql,l~s-unes des garantíes depui~ ?~ lqng-
tems attandues. .. ." -




( 28 )
Mais ce desir meme étaitunsujet de défiauce pour


une COllr soup«;onneuse et peu sincere. Le ininístc~re
de cette époque se soutenait péniblemellt; il laissa
s'écouler la seconde session sans r~,sultat utile pour
le développement de nos institutions.


Les Chambres se séparerent; de tristes pressen-
timens occupaient le public: ils ne furent hélasque
trop justifiés ....


La creation du ministere du 8 aout frappa la
France de stupeur: apres tant de gloire, apres avoir
Vu tous les -peuples de l'Europe rendre hommage a
notre courage dans les com~ats, a notre résignation
dan,s le malhem', a notre ,tidélité a remplir des' en-
gagemens et a acquitter des charges que. la famiUe;
quí oecupait le treme, avait concourn '¡¡, nous impo-
ser; il était done réservé a notre héroique nati~n de
recevoir' de son Roi pltlsd'ootra-ges en un seul jour.
que l'étranger n'eut jamais ose lui -en 'faire. '


Ainsi, on redoutait qu'une armée pleine de valeur
ne p~rtage~t les sentimens du pays ! On l'humilie
en lui donnan!' ponr chef l'homme dont le nom lui
rappelait tant d'amers souvenirs. Les exces commis
en t-815, avaient révolté la 'nation ! Ün confie le
ministere -de l'intérieur El celul qned'e crueHes caté-
gories rendir-ent si famellx.Enfin, la France réclamait
a grands cris l'exécution de la Charte ;et on met a
la tete denotre dip\omatie l'hommé. quisi longtems
refusa de la reconnaitre.


Quels etaient done ceux qui, daos cettepaix:
profonde ou nous vivions ~ poussaient le Roi 'a de




( :19 )
telles mesures? quels étaient les conseillers secrets
qui lui suggéraient de se meUre o.inlli en guerra avec
tout un pauple? Hélas! leul's Doms écháppent a nos
inve;tigations! l'accusation, d'ailleurs, trouve déja
assez de coupables sans qu'il soit utile de chercher
a en augmenter le nombre.


Disons toutefois, que M. le pPince de Polignac
parait etre le confident le plus intime des projets de
Charles X; d ¡sons que,' dans l' opioian de la France,
il représente a lui seul toute la faetion contre-
révolutionnaire, et que chaque fois que cette faetion
avaitmenacé de saisirle pouvoir, c'était lui, ettoujours
lui, qu'el1e offrait aux espérances des ennemis de
l'ordre et des lois.


La compbsition d'un tel cabinet était significativc:
la Franee ne put se méprendre sur son objet; l' eut-elle
fait, les journaux, organes de"la cour, le lui aUraient
assez révélé; jamais· contre-révolution ne fut plus
andacieusement ni plus imprudernrnent annoncée.


Une lutte sur la prééminence dans le conseil ne
"tarda pas a s'élever entre le ministre favori et le
plus fougeux de ses collegues: pour remplacercelui-ci,
on fit venir des départemeos UQ. hornme qu'aucune
célébrité parlementaire ou politique ne semblait
recommander: ]a France s'en étonnait: elle deman-
dait ce qui pOllvait justifier un tel choix; .elle recher-
chait avec inquiétude quelle avait été la vie de ce
nouveau ministre? Une présidence de college élee-
toral, suivie d'uo avancement rapide et inusité dans




( 30 )
la magistrature; un discours réeent a l'occasion:de
son installation Clupres d'un grand corps judiciaire;
étaient tont ce qu'on en .savait; on put supposer.qu'il
avait donné des gages secrets de ses sentimens et de sa
coapération~


Néanmoins, l'impartialité de votre Commjssion ne
lui permet pas de taire un mémoire que M. de Guer-
non-Ranville a fait joindre a l'instruction, et qu'il
remit au prinee de Polignac, le 15.décembre 1829,
e'est-a-dire moins d'un mois apresson' élév.ation an
ministere, et qui, selon lui, fait connaitre dans quels
sentime:ns,il yentrait. « La 'Chambre des Pairs, y dit-il,
» ne paut avoir pour nous ni confiance, ni affection.
» Toutefois eette Chambre ne nous sera pas hostile.
» Il n'en serapas de meme de la Chaínbre des D~pu.tés;
~) la, mille J;¡.aines, miUe ambitions se ligueront contre
» nous. A la veille d'une lutte aussi inégale, ph:sieurs
» part~s peuveQ t etre p ris ; mais celui qu e l' op position
)) croit etre dans les vues du ministere, et que font
» pressentir des bruits de coups d'état; celuí enfin
» .auquel quelques royalistes imprudens voudraient
» ponsser le Gouvernement, consisterait a dissoudre
» la Chamhre, et a en convoquer ~me nouvelle, apres
)) avoir modifié par ordonnance la loi élector:;tle, et
» suspendu la liberté de la presse en rétablissant la
» censure. le ne sais sicette marche sauverait la
» monarchie, mais ce scrait uncoup-d'état de la plus
») extreme violence; ce serait la violation la plus
J) manifeste de l'art. 35 de la Charte, ce 5erait la
)) violation de la foi jurée: un tel projet ne peut




( 31 )
j} convenir ni au Roi, ni a des ministres conscien-
J) Cleux. »


e'est ainsi que. des-lors M; de Ranville jugeait des-
mesures, aoxquelles plus tard H eut la: faiblesse dé
concoudr. Le prince de Polignac devint président
du conseil: c'est lui qui communiqua¡'t avec le Roi ,
et soit qu'il oe fut qu'un instrument entre les mains
de ce prinre et des familiers, soit qu'il fU.tréeU~ment
rame de la faetion, i1 parait démontré qu'il préparait
et provóquait tout le travail' da cabinet.


Mais de ton tes parts les citojrens se disposaient a
ladéfense de leurs droits. Dans l'attente des coups-
d'état,on s'unissait pour y résister: les associations
pour le refos de l'impot se propageaient, la conser-
va~ion des libertés publiques était un besoin dont
l'appréciation pénétrait dans toutes le!tdasses- de-la_
société. Vainement traduisait-E>I1 ,clevant les tribu-
naux ces assúciations patriútiques; la magistrature,
toot en les condamnant, prodoisait des arrets qoi
consacraient la légalité de la résistance, et la sane-
tion judiciaire , donnée a ee principe, ne- fut pas l'un
des moindres serviees qu"elle rendit an pays.


Le Gouvernementfnt ob1igé de s'arreter, de nier
meme les intentions qu'on lui pretait; l'hypocrisie
viot au seconrs de l'impuissaoce: mais il s'a:3surait
tontes les positions; il peuplait les emplois de ses
créatures ; il en expulsait tout ce qni avait un creor
ponr la patrie et un sentiment ponr les iostitutions
libérales, dont qnarante ans d'un glorieux combat
nous a~aicnt dotés.




(32)
Huit mois s'éeoult~rent; on ne pouvait tarder plus


longtems d'assembler les Chambres : la erise appro-
chait. Le grandjour arriva ou la rQyauté et són dé-
plorable cortege parurent en présence de la nation.


Qu'ils fur.ent coupables, les Ministres qui mirent
dans la bouche du Prince la plus imprudente des
menaces!.... .


Rappelez-vous.; Messieurs, comme a la suite de
ceUe séance royal e , les creurs parurent contristés:
rappelez-vous combien les hommes les plus dévoués
a la monarchie souffraient' de voir la royauté ainsi
compromise: el comme si quelque chose eut man-
qué ild'aussi dures paroles, a un dessein si marqué
d'irriter les esprits, le journal confident . hábituel
du cabinet et des pensées de la faction contre-ré-
volutiQnnaire en publia, au meme instant , la para-
phrase la plus insultante pour la Chambre et pour
le pays qu'elle représentait.


La Chambre devait au Roi la vérité: elle se pré-:
para a la lui dire. Da'ns ce comité secret ou elle dis-
cuta son adresse, elle ne fut point surprise de l'im-
prévoyance des conseiUers de la Couronne. Objets
de tant de défaveur, ils dédaignerent d'exposer un
plan de conduite, un systeme d'administration;
c~est que propablement ils n'osaient avouer leurs
projets. Tant d'aveuglement et d'ignorance de Ieur
position fut tout ce qui, de Ieur part, resta de ceUe
mémorable séance ?


Une notable majorité sanctionna lés termes Je l'a-
Jresse au Roi.




( 33 )
« L'intervention ... ; disait la Chambre, faít, du con~


» cours permanent des vues poUtiques de votre gou-
»vernement avec les vreux de votre peuple, la con-
}) dition indispensable de la marche réguliere des
» affaires publiques. Sire, notre loyauté~ notre dé-
» vouement, nous condamnent a vous dire que ce
)1 concours n'existe pas .... Entre ceux qui méconnais·
» sent une nation si calme; si,fidele; et nous, qu~',
» avec une conviction profonde, ven'ons déposer dans
» votre sein les douleurs de tont un peuple .... que
» la h,l:}.ute ~agesse de Votre Majesté pronouee!» . ,


Ces nobles paroles ne sont point entendues, et la
Chambl'e est aussi surprise que blessée de laréponse
qui lui est faite.


« J'avais droít, dit ]e Roi, de cOínpter SUr le con-
»cours des deux Chambres; mon,creur, s~afflige de
» voir les députés déclarer que1 de leur part,' ce con-
» cours n' existe paso »


Perfide insinuation 1 a laquelle les conseillers de
la couronne ne craignirent pas d'ajouter que les ré-
soIutions annoncées dans le discouJ's du trone étaient
immuables!


La Chambre fut ajournée, et cet ajournement
était le prélude du sort qu'on luitréservait. Sá dis-
solution ne fut pas prononcée sur-le-champ, 'le mi-
nistere voulait avoir le tems de préparer de nou-
v.elles élections, et, comme on le yerra hientot,
d'exel'cer sur elles la plus coupable influence.


On comptait" d'ailleurs, chez une nation enthO'U-
siaste de la gloire, frapper les esprits par l' éclat


3




( 34 )
J'nne, grande entreprise militaire : l'injure' faite a
notre pavillon en fut le prétexte : on ne négligea
rien pour son sueces; les trésors de l' état furent
prodigués; des troupes d'élite dirigées sur nos cotes,
et un armeroent immense destiné a Ieur transporto
Ces dépenses, faites, sans l'intervention des· Cham-
bres, suffiraient seules pour motiver une aCCUS3-
tion, si elle ne s'effal,!ait devant eelle qui nous oc-
cupe. •


Mais le sncces qu'on se prom~ttait eut été incoro-
pIet ou sans valeur, si on l'eút obtenti par' un de
ces", guerriel's; orgueil de la France, qui avaient si
souvent,conduit nos soldats a la victoire.


Le commandement de l'expédition fut donné au
meme général dont l'ap.parition au minIstere avaít si
fort l'évolté l'bounet'tt' fran~ais. On comptait sur son
triomphe pour anéantirnos libertés.


La nation ne s'y méprit pas, et si eU~ accompagna
de ses vreux la floUe qui portait mnt de Fran<;ais,
iI fu~ facile d'apercevoir combien cette expédition
était -pelJ. populaire .. ,· ;


Déja, depuis quelques mois, la France était épou.-
vantée du spectacle qó'offraient; quelques.uns des
départt::mens de.ti'ancienne 'Normamlie: les flammes
ydévoraient saus distinctmn la eabane· du pativre et
la fliIais.on du. riche; d'aHI'euX incendies;' dont ,les
,y~r~table~ autelU'S échappaient aux reeherches de la
justice, f.()r«;~jende& eitoyeDiS a s'al'1ller pour veiller
~lUemes 'Sur leurspropriétés, et-livraient les cs-
prits a la plus vive exaspération,




( 35 )
Il était peu naturel d'attribuer ces crimes a


une malveillance par ti culiere-; on en rechercha la
cause dans une combinaison politique ,.et Ilf~"S~up
~ons s'éleverent jusqu'aux ministres~ ;,; " ';!: ~


Votre Commission s'est fait oom.tlluniq~l'c le¡;
extraits des Qombreuses prc;>cédures; jn~truittr~, sur
ces crimes 1 elle a parcouru}~, voluplineuse e~l'I'es­
pondance a laquelle elles 9:nt donné líeu, et.cHe a
trouvé tant d'obscurité, qu:i1lui,serait difficíle d'as-
seoir a cet égard,~l~ jugm;nentde quelqlle poids.
. n: esto <;~rta~n cependant que les incendies,d~ Ja
Norrnandie ne sont pas des crimes privés, ni qn:911
pllisse attribuer a des individus isolés ets~ns rap-
pqrts entre eux : il est certain qu'un gen re de fa!la-
tisrne y joue un role; diver~ faits, _ctu0l:arnment).e
silence opiniatre des ind~vidus.Sllrp¡i~,aJf;;r;q.p~e~,.,t
du crime, et mis en jugeQ)eJll;;' ~embletaieqLJe
prouver.' ....


Des condamnations capitales ont été pronol)<;ées ;
les coupables ont entendu leur arrch~~: s~ng-f.rojd ,
et ont montré la plus incompréhensibJe obstination,
com~e si un serment les eut liés a~secr~t; er 'le~if
eut donllé le courage d'affl'onter la mort. "


Les ma'ffistrats conknue~t Jepfs I-e{:?erche~. IÍ
f~ut attendre du tems la réyélat\on de,ces horribles
~ • • •• J •• , , '


trame.s.. . .'
Cependan~¡uJl~. nouve~~y diyision s~ roapj(e~tait


d.ans le cabine~ ~: il.es~ :,rare de- ,rel~c9!it~éW.:ffip~
hommes égalem,ent disp?sé& a. praver ),a :hai,l;tf\HP.-
Llique pour rcnvcrser les loi5' et lesJnstitll.tio~lS.




( 36 )
Deux ministres recu]aient devant les projets de leurs
collegues, et paraissaient en redouter la terrible res-
ponsabilíté. Il faIlut songer a les remplacer, el,
comme on avait besoin d'hommes d'action, on che~
cha parmi nos célébrités politiques celles qui avaient
dÓnne le plus de gages a la contre-révolution, et
dont, par conséquent, le caractere devait etre le
plus antipathique au pays.


M. le comte de Peyronnet, dont le nom rappelait
si tristement le sOlivenir de l'administration flétrie
p~r la dernU~re Chambre; M. de Peyrorthetsur le-
lqttel; ol1tre'une accusatioh plus générale non encore
purgée,pesa-it de tou': son poids, eeUe relative aux
cl'uautés et 'au déni de justice envers des homIpes
de COliléur' de la Martinique, re~nt le porte(euille
de l'bítétieur. ':iori caraetere entreprenant le lit juger
propre a dirigerl'-accélération du mouvement qu'al-
lait recevoir ceUe branche de fadministration pu-
blique. ,
. Un' démembrement dumeme minish~re fut donné


a M: :l,.{ba¡ión Capelle; il s'était montré habile dans
l'art ffeCdJu;luire les élections : ce fut son titre de
faveur.
Enfi~M. Chanh~l~uzé avalt lixé sur lui 'l'attention


de ia Couronne pa'\- le'voo\l exprimé dans la' précé-
dente ,session de voir s'opérer un 5 septembre mo-
nátchique; les sceaux loi furent' confiés : disons
tdútefoís qu'il fallut lui faire violénce; son interro:.
gatoíre rcnfenne a cet égard des détails qu'íl est du
devoil;' de l'ínstrnction de reprodnire. Nommé une




('57 )
pl'emiel'e fois ministre de l'instructionpuhlique, il
refusa. Nommé plus récemment au département de
la justice, il exprima. le meme refus. Mais de nou~
velles circonstanccs, dit~il, ne le laisserent pas libre
de persi&ter dans cette résolution. Effectivemlmton
a trouvé dans les pieces saisies aux Tuileries 1a'lettJ:e
originale que lui écrivit M. de Polignac; elle e&t
datée du 30 avril. On y a égalementtrou,vé 'copie de
la réponse que 6.t M. de Chantelauze a eette lettre :
elle est datée de Grenoble du 9 mai suivant (il Y ex-
pri~ une, grande dénance de lui-meme; il croit
peu convenable, a la veilIe de la convocation' des
colléges, de modifier' le ministere; dans tous les cas


. il regarde comme une nécessité de rappeler M .. de
Peyronnat au pouvoir: "Sa présence au conseil le-
» verait, ajoute-t-il, quelques obj«tip~s quime sont
» personnelles, cal' un eng~gement que je ne puis
) rompre me He ,el¡ quelque sorte a ses destiné es po-
l) litiques. 11 m'en coUte d'avouer que, meme en ce
» cas, j'aurais encore une peine tres-grande a me
» déterminer au sacrifice qu'on me demande .. Au
); reite, je suis pret a partir pour Paris lorsque
» l'ordre m'en sera donné. Ce n'est que la que je
» pourrai juger si mes avis et mOll¡COllcours seraient
») utiles au service du Roi. »
Ce~te leure, il le parait, fut immédíatement mise


sous les yeux de Charles X, et le refus qu' elle expri-
mait, facheusemen~ interprété par ce mon arqu e ,
cal' une lettre du Roí a M. de Polignac, cn,core
saisie aux Tllileries, et datée de Saint-Cloud, dll




38
J 4 mai, disai t : « J e vous ren voie, mon chel' J ules,
» lalong'ue lettre de M. de Chantelauze, celle de
» mon fÜs disait tout (ce pl'ince arrivait de Gl'cnoble,
» ou' :i} semblerait qu'il avait été attiré a son retour
» de Provence, par le desseind'une entreyue avec
»M:: de Chantélauze)~ excepté le fin mot de la chose,
» c'est qu'il a peur de perdre une place agréable et
» in,amovible, poul' en prendl'e une malheureuse-
» ment trop amovible. Au -surplus, je ne change
)1 rien a mes projets, et s'il nousconvient toujoul's,
» c.omIÍle je le crois, nous le ferons presser par
JI Peyl'óriIiét. »


M. deChanteiiluzél;e~ut done l'ordre de se rendre
a'Paris,et on parvint a.triompher de sa I'épugnance.
La Commi'ssion doit encore mentionner une piece
qu'il '8: fait joindfie au proces; c'est une lettre adressée
le 18 mái a M.' son frere, ~oilseiUer a Montbri-'
son, dan s laquelle il lui disait: « Nous ,avons l'un
>l envers l'autre gardé un long silenee; je viens
» le rompre le- premier , cal' je ne veux pas que tu
» apprel'meS pár le Moniteul' et avec le public, l'é-
» venément le plus important, et je erois le plus mal-
»heuteux/de roa vie~ c'est ma Ílomination comme
»garde-des-sceaux. Voila dellx mois que j'oppose
» une résistancc soutenue a mon entrée au con-
»seil. On ne me laisse plus ~ujoUl'd'hui mono libre
"arbitre, etles ordres qui me sont donnés ne me
»permeftent plus que l'obéissance. Je me résigne a
» ce"rOlede victime. Veille sur les élections,. car y




( 39 )
)) échoUCl' scrait maintenant pour moi une chost'
)) honteuse.)l


MM. de Cúurvoisicl' et de Chabrol sortil'ent dll
conseil; M. de Montbel, apres avoir successivement
occupé les ministeres de l'instruction publique et
de l'intérieur, passa aux finances : ainsi se, tr.ouva
modifié le cabinet.


Une chose ft'appe dan s cette modification; ellene
fut pojnt délibérée ~n consen et. elle se fit sans le
concours des' ministres consel'vés.- M. de Ranville l'a


.


déclaré dans son interrogatoire; la prel,lve en est
d'ailleurs écritc dans la lett1'e déja citée du prince
de Polignac a M. de Chantelauze : « Je n'ai pas he-
II soin de vous dire que le plus gr~nd secret doit etre
)) gardé.su1' le contenu de ceUe lettre qui n'est connu
)l que des deuxaugustes personn~ge~ qui s'y ttou-
"vent nommés.»


. .


• Ainsi ~'était une pen~ée en dehors du cabinet;
'c'était une influence étrangére a ses membres qui
dictait les nouveaux choix : il parait que les minis~
tres maintenus ne les connurent que par le 1110-
niteur.


Cette pensée, ceUe influence étrange1'e, M. de
Polignac en avait seul le secret: iI réunissait autoul'
de Charles X les ministres qu'il jugeait devoir etre
les plui;> ¡trdens a seconder ses vues.


M. de Peyronnet, interrogé s'il croyait que son
cntrée au conseil eut été motivé e par le dessein de
modificr le systeme daus lcquel avait paru etrc
formé le millistel'e dn 8 aoút, s'est Lomé a répou-




( /¡o )
dre que les intentions du Roi ne lui avaient par u
avoir été que de rendre le ministere plus propre
aux discussions de tribune. La Chambre appréciera
le mérite de ceUe réponse.


Avant la modification du cabinet, le minist~re
s'occupait déja d'obtenir des éIections favorables;
ce mouvement ministériel accompli, iI se livra tout
entier a ce soin.


Chaque ministrefit sacirculaire, chaque directeur-
général la ~épéta a ses subordonnés, chaque agent
secondaÍl'e la transmit aux employés inférieurs; et
cette succession d~ menaces, de' promesses, d'in·
jonctions, pénétrant dans. tou~ les rimgs de l'admi-
nistration, y portait avec la corruption, l'efjroi, le
troubIe, et ne laissait d'autre alternative aux fonc-
tionnaires que d~ perdre leurs emplois, les moyens
d'eJ(.istence de leurs famillas, ou dq, manquer a leurs
devoirs envers la patrie en secondant un ministere
qui les trahissait.


M. de Montbel, dans sa circulaire adressée aux
agans des {¡nances, disait : « En retonr de la confiance
» que le gouvernement du Roi lui témoigne, si un
» fonctionllaire public refusait d'unir ses efforts aux
» siens, et se mettait en opposition avec lui, il bri-
D serait lui-meme les liens qui l'attachent a l'admi~
») nistration, et ne devrait plus attendre qu'une sé-
» vere justice. »


M. de Peyronnet ajoutait a ces paroles mena<;;an-
tes un systeme organisé de délation : « Vous me
/) dQnnere~ sur leur conduite (disait.i1 a ses préfets)




( 41 )
»des renseignemens confidentieIs; je ne les ferai
)J connaitre qu'a leurs ministres respectifs, qui pren-
II dront a Ieur égard les mesures que Ieur dictera
» Ieur prudence. JI


Et effectivement, M. de Peyronnet s'empare de la
direction des élections : sa correspondance devient
d'nne effrayante activité; il excite, il aignillonne les
autres ministres ses eollegu~s; illeur dénonce,les
fonctionnaires timides, afiri qu'ils soient encouragés,
les tiedes, afin qu'ils soient admonestés et changés
de résidence, et enfin ceux qui paraissent peu dis-
posés a voter dans le sens ministériel, pour que
justice en soit promptement iaite.


La Commission a parcouru eette correspondan ce
de la haute administration avee ses agens, et des
agens avec l'administration : le sentiment qu'elle a
éprouvé est eelui d'un dégot\t profond, lorsqd'elle
a VD le degré de perversité du ministere, et le degré
d'avilissement dans lequel un grand nombre de
fonctionnaires de tous les ordres sont tombés. Elle
n'hésite pas a le reeonnaitre : e'en était fait de la
morale publique parmi nous, si eet'odieux systeme
se fut prolongé. Qu'il en reste au moins eette grande
le~on, que tot ou tard tous les faits sont connus,
tous les actes sont jugés, et que celui qui a manqué
a sa coilscience et a ses devoirs finit toujonrs par
recevoir la punition de 5a faiblesse.


Le ministere trouve tous les moyens légitimes
ponr obtenir des suffrages. « Une place d'inspecteur
de l'Académie e5t vacante, dit M. de Peyronnet .au




ministre de l'instruetion publique: elle est dernan-
dée par le fils d'UD procureur du Roi, humme tres ..
influent; il faut, si on ne croit pas devoir aecueillir
sa demande, ajonrner la nomination jusq{¡'apres
l'éleetion.)I- « Deuxbourses, éerit le meme mi-
nistre, sont demandées par le préfet de....... pour
deux fils de deux éleeteursinfluens : c'est en Hat-
tant la vanité et lui donnant l'espérance d'etre sa-
tisfaite, qu'on s'efforce de vaincre les serupules de
la oonseience. » - n ya de l'amour-propre, écrit eu-
core M. de Peyronnet au ministr@ des finances, en
parlant d'undirecteur des domaines, électeur, et
cet amour-propre pourrait etre stimulé par l'espoir
de devenir ehevalier de la Légion-d'hol\n~ur, dis-
tinction qu'il n'a pas, quoique tres-aneien diree-
teur .. » Uneautre fois ce ministre signale a son meme
eollegue un sous-inspecteur des domaines, eommc
élecfenr douteux, et aussitbt il luí est répondu :
«( J'écris aujourd'hui a son conservateur pour qu'il
lui eommunique les intentions de l'administration,
e' est-a-dire pour qu'il ait a voter pour les eandidats
royalistes, ou ir donner sa démission. »


Il n' est pas, Messieurs, jusqu' aux villes en tieres,
c'est-a-dire aux loealifés, qu'on ne sOllmit 11 eette
action honteuse de la menaee ou des promesses.


« La ville de .... , écrit M. de Peyronnet au min~mre
J) des finanees, a adressé a votr.e exeellence des ré-
Il clamations au sujet de l'établissement d'llne nou-
» velle communjcatioll de poste pal' .... San s pl'éjugcl'
) le fond de la qucstion, il convicnt, dan s les cír




( [.3 )
)) constances actuelJes, qu'en admettant une réponse
» négative, elle n'arrive pas avant L'élection; et s'il
)) doit y avoir faveu,., qu'elle ne soit due qu':~da sol-
» licitatíon de députés royali'stes~ »


En meme tems, le ministre des affaires ecclésias-
tiques ne craignait pas de compromettre ce qu'il y a
de plus sacié dans l'état, la religion, en appelant le
clergé dans l'arene des factions. Combien il a été dou-


o Ioureux de voir des prélats répondre a cet appel par
les mandemens les plus contraires a l' esprit du chris-
tianisme, et, dans des Iettres confidentielles a lean;
curés, s'oubIier au point de faire du vote éleetoral
en favear du ministere, un devoir de conscience
tres-positif! Disons toutefQis que si la religion a a
déplorer de tels égaremens, ii est d'autres éveques
qui ont conservé pur l'honneur de l'épiseopat, et
qui, véritable~ apotres de l'Évangile, ont mieux
compris leur tninistere de paix et de charité : la
vénération, la reconnaissante des fideles est la digne
récompense de Ieurs vertus.


rJa veille, le jour meme de la premiere assemblée
des colléges ,et eomme pour donner un avertisse-
ment aux électeurs, 101Jloniteur apprend avec éclat
qu'un 'ministre-d'état, un maitre des reql1etes, des
lieutenans-géMraux, membres de ]a précédente
Cha.mhre sont on destitués de leurs fonctions, ou
misa la retraite.


e'est ainsi que, par un systeme de terr€ur Iarge-
ment organisé, on espere intimider tout ce qui tienl
au Gouvernement par quelqlle lieu.




( 44 )
Mais plus le ministere multipliait ses moyens de


sueces, plus l'opinion constitutionnelle se montr~it
forte et redoutable; il était faeHe de voir que la
lutte serait laborieuse: on appréhende de suceom-
ber; alors, o déplorable aveuglement! on· Tecourt
a l'expédient de faire intW'venir le rnonarque, et
de meler son nom a. ces infames intrigues. On dé-
grade la royauté, on la fait descendre de c~s hau-
teurs oh. le respeet des peuples l'avait plaeée, et on
met dans sa bouche le langage le plus prQPI:e a s'a-
liéner l'amour de la nation. Dans cette funeste pro-
clamation aux électeurs, Charles X se déclare of-
fensé : et de quoi? De ce qu'une Chambre fidele lui
a dit la vérité sur des ministres coupablt's. Le ca-
binet offre ainsi a la France le spectacle d'un mo-
narque qui se plaint de ce qu'on luí a réwlé eette
vérité que les ~ons rois ont t~nt a creur de con-
naitre. .
J~a proclamation fut délibérée en conseil; M. de


Polignac fut assez hardi poúr la contresigner.
Enfin, une derniere mesure, inoule jusque-la.


vient surprendre la France au moment ou les ei-
toyens quittent leurs foyer! pour se rendre a leurs
colléges respectifs. Vingt départem~ns s' étaient plus
partieulierement si gnalés par l'indép.danee pe leurs
choÍx antérieurs; iIs sont momentanément frappés
d'interdit; une ordonnance, transmise par le télé-
graphe, annonce l'ajournemellt de leurs éleetions.
CeUa ordonnance donnait pour motifs le retanl
mis clans les ressorts de sept Cours roya] es, au jll-




( 45 )
gement des conteslaticns relatives anx droits poli-
tiques des électeurs, et le desir que rien ne fUt né-
gligé pour apporter la plus grande régularité dans
les listes. Ce desir était mensonger. Le consal ne
l'eut pas pour la cour de Grenoble, par e~emple,
ou un grand nombre de contestations de meme
nature éta:ient pendantes : c'es,t que l'un des mi-
nistres, M. d'Haussez, croyait avdir quelques chances
d'etre élu dan s le·département de l'1isere, qu'il avait
administré; cet .espoir ne se réalisa pas plus la
qu'ailleurs, mais il eut au moins t'effet de préserver
de l'ájournement les trois départemens qni ressor-
tissent de cette cour.


Vous voyez avec quel pen de respect ponr la
bonne foi le ministere se jouait de la France ...


Alors, et entre les denx: élections, est répandue
comme moyen décisif la nouvelle de la. prise d'AIger.


Pour faire connaitl'e 'tout reffet qu'on attendait
de cet événement, jI faudrait peut-etre rappeler
~ertains mandemens publiés a ce sujet : il sq{fira
de rapporter une lettre écrite le 10 juillet a M. le
Garde-des-sceaux, par un chef de magistrature qu~on
pouvait croire initié aux lecrets de la faction. «Le
7l Roi, dit-il, est vainqueur d' Alger. Dans ce repaire
» de pirates n'étaient pas ses plus implacables enne-
» mis. Le~ élections les ont mis a découvert; nous
» venons de les -yoir; dans leurs rangs sont des pairS
» de France, des officiers - généraux, des cololleJs
» en activité de service, des magistrats, des mem-
» bres de la haute administration. Si ces hornmes de




( 4,6 )
)) trahisonsont ménagés ... c:ell est fait de la légiti-
» mité et de kl monarchie. Les momens sont ühers;
)) la Chambre oes Députés va etl'e J'iIlVahie, il fant
)) que le Gouvel'nementse décide : demain on va ra-
)) bais~er, annuler le triomphe, d'Alger. Dans huit
)) jours il Il:'en seru rien, et le libéralisme, rele-
) vant sa banniere, marchera en masse contre la
» France et son Roi. )


Non, ,Messieprs, le triomphe d'AIger ne·sera pas
sans fmit, il en restera quelque chose; sans parler de
ses autres résultats qu'illl'e nous appartient pas de
préjuger, il restera de la gloire pOUl' la France, iI
en restera pour natre jeune armée, qui a fait preuve
de tant de discipline et de courage,.etqui, par sa
noble conduite, a si bien mérité de la patrie.


Vous savez corument les préfets se conformerent
a leurs instructions;,vous connaissez les scenes d'An-
gers, antérieUl'es a la réJ,lnion des colléges, vous
connaisse:.il: aussi les désordres et les violences de
Montauban, pendant les élections de cette ville:
. '


-v-ous avez gémi avec tous les hommes de bien de la
faiblesse des Illagistrats. La procé~re qui s'instruit
sur ces désordres n'est point parvenue a la chancel-
lerie, ni conséquemment a votre cornmission; elle
jettera sans doute un grand jour sur la conduite de.s
antorités. locales. MM. de Peyronnet et Chantelauze
en ont, dans leurs interrogatoires, reponssé tonte
la responsabilité, ils ont affirmé avoir donné des
ordres pOUIl que tons les auteurs de ces désordres
fussent. sévererpent punís.




( 47 )
A mesure que. les éleetions d'un départelllent


s'aecomplissaien t, des rapports étaient fai.ts a la
haute administration sur la part plus ou moins
active que les fonctiomraires y avaient prise, et
c'est ici que la délation se illQntre sous s.pn aspeet
le plus odieux. Heurense votre Commission! si elle
n'avait a signaler que les rapports des agens de
l'administration; salariés amovibles, la crainte pon-
vait, jusqu'~ un certaip point" eJipliqller la condl1ite
de 1a plupart d'en~re eux :. mais combien n'a-t-elle
pas eu adéplorer (re voir descendre a un r61e si vil,
des hommes allxquels l'Ü'tamovibilité et la dignité
de leurs fonctions élevées semblaient impose·r le de~
voir de se respecter le plus!


San s doute, ii n'était réservé qu':'t 'un tel ministl~re
d'autoriser de sen¡blables délati~,par:SOl'lenGOll­
ragement.


A10rs sont distribuées les-peines et les récomp{'n-
ses : les pieces de la proeédllre appreonent avec
quelle brutalité les premieres furent infligées, et
quelle prodigalité on mit a décerncr les autres.


lei, Messieurs, flnit un drdre de faits: les élec-
tions sont accomplies; le ministere a attenté al1X
droits civiques des citoyehs; il a employé l'auto-
rité iqui luí était confiée a violen ter les suffrages,
c'est-a'-dbe'a détruire le Gouvernement représenta-
tif dansson.: pripcipe. Quelque gravitéqu'aient les
autres cheJsd'accusntion, cellli.la ne. peut etre
abandonné; car:si tioe moindre peÍllel'atteint., 'il
ne le cooe a aneun par ses résuItats : l~ bMme COIl-




( 48 )
tre de tels ~tes Ile s~ffirait pas, l~ Chambre dOlt les
flétrir a jamais.


Une autre série de faits commence : des élections
si tourmentées n'ont pas eu le résultat qu'on atten-
dait : le pays a fait des choix nationaux ,.ila nommé
des députés qui seront fideles a leurs devoirs et qui
défendront ses libertés.


Devant un v~u public si généralement, si manÍ-
festement exprimé, un autre ministere n'eut pas
balancé sur le partiqu'il avait a prendre.l sa retraite
eut été l'accomplissement de l'une deseonditions
les plus nécessaires du Gouvernement représentatif;
il s'y fut soumis: mais cette retraite eut, comme en
1827, fait ajourner encore des projets qu'on était
impatient de remplir. IJ. fut done arreté qu' on fe-
rait tete aTorage, qu'on braver~it la nation , qu'on
violerait les lois et qu'on ietterait.le pays dans la
perturbation, plutot que de eooer. .


Nous approchons du moment ou les plus funestes
résolutions vont etre prises : ce pouvoir occoIte et
mystérieux, dont les plans paraissent a~oir toujours
précédé les délibérations· du conseil, avait invaria-
blement arreté ses moyens d~exéeution.


MM. Qe Peyronnet, de Ranville 6t Chantelauze
semblent s'accorder adire que ce fut dans.un conseil
tenu vers la premiere quinzaine de juillet que le
projet des fatales ordonilanees f~t jeté pour la pre-
miere fois au milieu de la diseussion, et que ce
jour-la il n'y fut pas donné suite. Mais on voit dans
une note, remise a M. de Polignac par l'un de ses




( 49 )
familiers le jour bu parurent les ordonnances, que
ce coup-d'état entrait dans le systeme 'Jui avait pré-
sidé a la création du conseil. oc Le ~5 juillet., 'y,'.est-
)) iI dit, e~t le dé-veloppement d~ la pen~ée du i ~out.
)) C'es,t un coup-d'état sans retour; le Roi, en tirant
)) l' épée, a jeté le fourreau aH loin. )J' •


eette funeste pensée, Messieur~" 'allait done rece-
voir .son ,développement; selon'MM. de Péy¡'on'net,
Guernon-Ran'\'ille et Chantelaúze, elle ne ftlt! qu'é-
bauchée dans une ptemi~re réunian spéúiale paul'
'Ce\" objet ; elle futappnofondie et Ionguement dis-
eutée dans un second conseil qui eut ,lieu quelqlles
jours apres, sous la préside~c~ da Roi. Elle troúva
d'abor.d deux opposans, MM. de Peyronnet ~t Gucr-
nOll-RanviUe; e'est ce qui résulte' de leurs' ,interro-


. .'. . gatoires, et toutefois, M. de Peyl'ortnet1 eraignnnt
,q~e l'aven de son 0pP<>5.Jtion 'aüx ordonÍlances ne
nuisit Qceux de ses eollegues qui en avaient pleine-
ment adopté le principe, a Iaissé plutot deviner qu'il
n'a avollé l('s avoir personnelIement cambattlles.


La meme oppositíon se manifesta an conseil pré-
sidé par le Roi; plus faihlement peut-etre de la part
de M. de Peyronnet, mais avec toute la vivacité de
son caractere de la part de M. de Guernon-Ranville,
qui Q:uhne,avait éCl'it a M. de Courvoisier pom lui
faire connaitre son opinion: c'est encore ce' qu'on
peut induire des réponses de cet~ex~mjnistre" quoi-
qu'en ce qui le concernc, M. de Peyronnet coqtinue
a s'exprimer avec la meme résexve;


,Ces détails, Mflssieur5, vous étaient dtl!;, nOJ¡
4




( 50 )
y'u'ih diOllnuent la l'csponsabilité des dcux ministres
opposans; des !'instant oú iIs ont signé ces fatales
oruounances, ils t'ont acceptée toul entiere, mais
pdrc:e 'que si le fait de teur' opposition est ."rai, ils
ont le d'roit de le voir consigner dans.ce rapport,


Vous savez de q11elles dispositions secoínplette
le systcme :une ordonnance pronow;a la dissolntioll
de la Chambre avaut qn'elle eút été rélmie'; genÍT('
d'attentat qui ~ dirigé contre la r~présentatioh na-
tion;¡It~; tendait á la .détl'ui.re: la conronne s'attri-
buait pal: la un droit filie la- Charte' ne lui ilorrriait
pas, celili de Cí}sscr ks opél'atjons'des cnlleges.


Ce premier pás fait, po, éo~oit que " si ie minis,
t~re eút convoqué les memes coUéges, 11 n'eut pas
obten u des choix plus f.worables; une ántre ardo n-
nance aim~Jle done nos lois électoralf's et leur sn.b-
stitue un autre systeme.,· monument de déception,
et on ponrrait (tire de f~lie, c:tr il y avait 'folie ~t
espérer qu'une nation intel1igenteeteclairée con.
sentirait a. s'y SOlimettre, Par ce systeme, le nombi'p
des députti-s était rédujt de 430 'h 238. Les colleges
t!'al'rondissetnent se bornaifmt a présenter des can;-
Jidats; lescolleges de iMpatterilent n'étaient tcnus
de choisir que la moitié des députés parmi c~s can-
didats; la violation du secret des votes etait con·
sacrée; .énfin la formation des listes, privée de


Tintervention saluta,ire des cours royales; était en-
tierement confiée a l'arbitraire de l'administration,
Tel était le sysleme Ctt1C le ministere avait la t~mé­
r¡ire préfention d'imposer ;\ la' FI'ance.




( 51 )
Second attentat non moins caractérisé. que le


premier, autreviolation de fa Charte, quiprohibait
d'organiser des colleges électoraux atitrehieht que
par des lois, et qui ne permettait pas a la couronne
de révoquel' par ordonnance une loí dé¡:;rétée. par
les trois pouvoirs de l'État. .


Une troisieme ordonnanée coúybque les nou\'eaux •
colleges pour les 6 et 18 septembre, et les Challl-
bres ptmr le 28 du nit~me mois.


Maís comme toutes ces mesurGS al1raient "été sans
effet si la presse periodique cut pu les discuter·, une
quatrit!me ordonnallce révoque les lois quí consa-
craient sa liberté. On faít revivre les disposítions de
ceHe du 21 octobre 1814, c'est-a-dire qu'on impose
á tout journal périodique la condition de ne para:1tre
qu'avec autorisati"n, et on ajol1te a ~ette riglleür le
príncipe de la plus odieuse d~ spol~tions: on dé-
clare que les presses et l'es caracteres des jonrnallx
surpris en contravention seront saisis ou mis hors
de serCJice.


M. de Peyronnet;'l avoué, que si la conception de
l'ordonnance électDrale'appa~tenait au conseil ,la ré-
dact,ion .étaít en gr~nrle partie son ouvráge: ni lui
ni les autres ministres détenus n'ont faít connaltre
quel é.tait le' réclacteur d~sordonnances relati ves a
la disselution de la Chambre et a la suspension (le
la liberté de la' presse períodique.


On aSSllre que l'établissement des cours p'révo-
tales clevait compléter ce systeme de c~nt~e-révo.
Illtion .





( 52 )
011 pnít~~l<l nu~me que des orures é~aient déjil cloJl-


Ué5 <laÁs <:Hvers départemens pqur les organiser.;-on
va jusqu'a ~ornmer les hommes qui devaient en fair.e
partle~ Votre commiss!on, it. cet égard, n'a r~cueilli
que des indic~s: a la chacellerie tout a tté détruit;
dan s ies départemens, divers procureurs généraJ1x


• auxquels o~t s'.est adressé, ont déclaré que leurs pré-
djcesseurs, en ~ban<l<;mnant leurs par.quets, avaient
anéanti tout ce qui pouvait comprom'ettl'e, 50Ü eux-
n)(~mes, soit la pr~céuente .a<lmi~listration.


Lee c~inet jugea cOl1vell.able de faire précéder ces
extraorqlt\aires lpcsurcs par une !lorte d'expf>sé dr,s
motifs dans le forme <:l~vn rapport auRaL Les ex-mi-
nistres détenus s'accordent a dira qne qdée de ce
f~pport ne vint au conseil qu'apres que le principe
~t I?~.llt-~tre meme la rédaction. des ordonna~ées
eurent été arr.etés; M. de Chantelaqze fut chargé de
le rédiger .;. il ú'a point hésité ~ en faire raveu.


Ce documen~ est un manifeste contre la presse pé-
riodique, a 4quelle, avec tant d'autres prétendus
écarts, son auteur reproche particulieremellt d'avoir
provoqué une adresse .attentatoire a,ux prérogatives
dn treme;' (ra~oir érig~ e~ pri¡cipe l~ réélectio~ des
2~I députés dont elle- était de;'enue l'ouvrag,e, et
{l'avoir aggravé l'offeÍlse que ces députés avaient
faite au Rol par leur prétendu refus de e~ncoul'ir.
Le rapport finissait par ces terribles paroles : « D'jm-
11 pérjenses nécessités ne permettent plus de diffé-
J> rer l'{:x~'cice oe ce potlvolr snpremc (ccll.1i: sup-
» posé résultant de l'article 14 de la Charte). Le


¡




( 53 )
») moment est ven u de ~ecourir a des mesures qui
» rentrent. dan s l'esprit de la Charte; maisqui sont
)) eo dehors de l' ordre légal dont toutes les ressoUl'ces
» ont (,té inutilement épuisées'~ » •
, L'ordonnance rélative au nouveau systeme électo-
ral, ceHe suspensive de la liberté de la ptesse pério-
dique; et le rappert au Roi, furent signés par tbus
les ex-ministres présensa Paris; les deu:x. ordon-
nances, portant dissolution de la Chambre, etcon-


• f' • '.


vocation des 'úouveanx colleges et de la nouvellC"
Chambre, le fur~Q,~ par M. le comte de Peyronnet
seul. .


Mais, par l'effet d'une iÍleoncevable préoccupa-
tion ,. en m€me tems qu'on houleversait notre otdrc
repllésentatif; et qu'on frappllit d'incapacité etél~­
teurs et députés ,leslettres dosas ~qu'OD ~t~dans
l'usage d'adresser a teux..cÍ' s'expédiaient, 'se Doti-
fiaient a domícile-;E!t: les -élUs de la nation " en marche
de toutp,s parts' pour se rendre auposte ou le devoir
les appel1e, ne connaissent ¡u'en route le!; ordon-
nances qui les atteignent.


• n était naturel que la cOlncidence de rexp~dition
~ ces lettres, 'avec'ladissorntion de la Chaqlbre, 6t
naitre des soup~ons; 00 dut croire que l'intention
"du cabinet avait . ~té de faire sortir les déPutés de
leurs départemen&, ct de leioappeler aParis, afin de
pouv()ir plus faoilel!l6ut se saisi .. d'eux. •


Les ex-ministres détcrws., intcrrogés sur ce point,
ontlépondn que la sigoature dopnée par lé Boi'aux
originaux des IcUres closes avait précédé l'adoption




( 5~ )
Ju projet dedissolution, etque l'expéditionqui s'err
tit selon l'usage dans les bureaux, eut l1.eu pendant
que ce projet était encore en délibération.
A~ihirons toutefois les desseins de la providence ~


C'est a un tel oubli, si tóutefois c'en est un, que la
France a di:t la prompté réunion du pouvoir tuté-
!aire ,qui, seul, dans ces momens. de crise, p~uvait
si utilement concourir a son salut.


Le 25 juillet, joUl' a jamais mémorable dans les
• ias.tes de notFe histoire, fut tout a la fois celui de


la date et de la signature des ordo¡mances.
Nc croyez pas néanmoins que ce fut sans effroi


que ces ministres imprudttns consommaient leur at-
tentat ? La déposition de l'homme qui, 'depuis lon-
gues années, est le témoin offidél de toutes nos .ré-
voliItions etsouvent de' nos erreurs, peint trap le
trouble de Ieur Ame .pourqu'il soit 'possible de la
passer sous sltence. M~ Sauyo, rédacteur en chef du
Moniteur, re¡;ut, le 25, l'ordre, inusité pour lui,de
se rendre'chez M. le garde-des-sceaux, a onze hellres
du soir: introduit dan! son cabinet, il trouva ce


• •
chef de la tnagistrature en compagnie -de M. de Mont-
bel; l'un _ et l'autre la ,tete tri~tement appuyée sur
Ieur maín ; le garde-des-sceaux, remit les ordonnances
a M. Sau"O'~, lui dit de les' reconnáltre et d'en don-
ner un re«;u. En feuillem.nt et parcourarit, quoiql1e
tres rapidelllent, ce qu'elles renfermaient, iI ftJItdif-
ficHe a M. Sauvo de cacher son émotion; M. de
Montbel la remarq~1a et lui dit avec inquiétm}e:
Eh bien! Le rédacteúr répondit peu de mots, mais




( ,55 )
¡ls étaieut expl'essifs: Monseigneur! Dieu sauve le


. .


ROl,. Dieu sauve la ~Prance! Un long snonce succéda,
arres lequel 1\1. de Montbel, désir-ant qu1it. :¡:expli-
qu:h, dit encore: Eh bien! M. Sauv~ répetá les
memes paroJes; iI se retirait, lorsqu~ M. de Mont1
hel, se levant précipitamment, le retint, et le pro.¡o-
quant avec anxiété: Parlez !Messieurs, dit M,.
» Sauvo' en se retQurnant, j'ai: cinquante-sep.f ans,
» j'ai vu tqutes les jO!lrnées de la révolutiop, etje
» me ,etire avec uneprofonde terreur de nouvelles
» COIUl-.otions. »


La porte se referme sur lui; iI eJÍlporta, pot1r les
publier au 1I1oniteur du lendemain,' ces terribles
manifestes qui devaient ébranler la monarchie,. en-
gloutir les ministres, le Roi, el cependant, 'pm-:1a
plus prompte el la plus miraculeuse:des:revolutbms-;
régénérer notre oFd~social.,.· .' '-. " '. "\: .'
Lese~ret avait été'''prdfondémént gardé; ríen. n'a-


vait transpir~ : le 2.6, les habitans de Paris apprirent
á lenr réveiI eette conspiration du trone contre les
liberl:és publiques: l'indignations'empare aussitot
de toules les ames, et la courageuse détcl'mination
de résister se repand comme un feo: électrique.


Mais des prétautions militaires étaient prises: OH'
avaitpréparé les plus énergiques mesures ~ouras­
surer, par les al'mes ~ l'exécution des ordonnances,
et il parait que, pour les prendre, le pfesident du
coh6eil s'était passé~ la·participation de ses col,..
1egues.


Le mart:chal d;1\; de Hagusc, dOllt le Hom maIhell-




( 56 )
I'cnsement célebre, ne ponvait inspire¡confiauce
qn'a la conr; était de service eomme major-général
de la g¿trde royaIe. Des le !lO juillet, iltransmet un
ordre confi~entiel aux divers chef s de corps, tel


.qH'on n'en donne gueres qu'en présence de 1'en-
nemi, ou que dans les circonstances les plus cri-
tiques. ,


Cet ordreindique les d~vers lieux ou, en cas d'alerte,
les troupes doivent se rendre; il expiique ce qlle
e'est que le cas d'alerte, il s'entend : « par la géné-
» rale Oll par une révolte quelconque d'~I'oupe­
» men$. armés: dan s ces deux cas, les troupes se
j) rende»t de su~te avee armes bagages et les muni-
» tions riéeessaires, aux lieux indiqués et sans atten-
."dre d'ordres .. , .. Les troúpes, dans ces memes cas,
'li sont en capotes, le sac sur le dos, afin de déjouer
»l,e dessein que pourraient. a.yoil' formé les sédí-
» tieux, de nous trómpel'en se présentant avec l'ha-
»hit de la garde. » - Défense estfaite aux officiers,
sous-officiers et 'soldats de quitter leur poste; dé-
fense de communiqueravecles hahitans. -Si le Roí
est a Saint-Cloud, « les corps enfermés a l'Ecole-Mi-
» litaire, infanterie, cavalerie et artillerie s'étahli-
)1 ront an Champ-de-Mars_ L'artineri~, áétachera une
}) batterte qui se rendra aux Champs-Elysées, p~r l'al-
» Iée des Ve uves , et restera en colonne dans l'avenue
» de Neuillt» Enfin, il est dit que le lieutenant-gé-
néral d'infanterie de service féra remettre une copie
cachetée de 'cet ordl'e confidentiel an chef de ha-


• taillon qui commande li.4s troupE's enfermées a la me




( 57 )
Verte, et que cet officier no devl'a l' ouvrir qu' el}"
cas d'alerte.


Ainsi Messieurs, dnq jours avant la signature
~es ordonnances, c;onséquemment avant que le plan
en eut été définitiverrient arreté, le dué' de Ragnse,
mis dans la confidence du prince de Polignac ,veillait
a c~mtenir le peuple de Pal'is, et a étouffer, par ta
force des armes, toute tentative de résistance.


. '


f Ainsi, la pen6ée ,de ces, fatales ordonnances com-
men<,;ait a recev6iF son exécution avant 1]leme que
M. de ~ol'gnac 'en eut obten u l'adoption de ses col-
legues.


Cet ex- président du ~onseil a prétendu, d!lns son
interrog<!toire,.que l'ordre confide.ntiel du maréchal
n'a rien de surprenant, et que les majol's-généráux
de la garde 'en donnent souvent de semblables:' jI
fauprait alors déplorer Pespece de' fatalité qUI s"at-
tache alR act~.~ "oe maréchal, et qui les fait si
parfaitemeilt Il:oincider avec les pl:rus du chef du
cabinet.


Mais voici qui acheve de démontrer que c.1tait
par les vo}es militaires, c'est-a-dit'e par la force des
armes, que le président du conseil avait d~6sein
d' assurer l' exécution des ordonnances, Le meme jour


o(, qtt'elles furent signées, le 25 juillet, une auU'e or-
donnance, econtresignée par le- prince de Polign,ac
seul, confere au dlilc de Raguse le commandement
supéricur des troupe's de lal re division militaire;
les autres mioish'es n'ont en<;ore auenne' connais-
sanee de eette !Desure, si importante dan~ l'ocenr-




( 5.8 )
rence, et par son objet et par le 110m si impopulain~
de celui qui allait prendre ce commandement. M. de
Polignac assUJ'e, dans l'un de ses interrogatoires,
que .le projet d'en investir le duc de Raguse étai~
ancien, et causé paree que le génél'al Coutard était
parti p<;lUr les élections, et qu'il devait ensuite se
rendre aux eaux ponr quelques mois; mais les col~
Ieges ayant été convoqués pour les 23 juin et 3


• juillet, et le général Coutard ayant du qui.tter París
avant eett~ époque, eommellt se fait-U qU'Oll ait at-
tendu le 25, et que ee soit précisérilent ce ,joU!' Hl
qu'on ait choisi pour investir le maréch8:l de ce com-


d ,.;>. man ement supeneur . \ .
C'est' que la ré~ol':ltion-:~taitpris~,.drin.timider les
Paris~ens par la terrenri... anssi, des l~, lendemaili
(26), le prilílce de Polignac écrit-il an maréchal:
u Votre Excellence aconnaissance des mesures ex-
» traordinaires que le Ro}; dans 's~ ~agesse et dans
» ses sentimen¡¡ d'al!l0ur pour son peuple, a jugé
» nécessail'e de pl'endl'e ponr le maintien des droits
» d~~a couronne et de l'ordre publico Dans ces im-
)J potlantes circonstances, S. M.compte sur votre'
» úle pour assurer l'ordre el la .¡ranquillité dans
» toute l'étendue de·votre.comrnandement. JI


La journée du ~6 se passe en vjves agitations ~e
la p·ar!. du peuple de. Paris et en mesure. actives de
la part de l'autorité. • . /


Des ee moment, c'est direct~ment avee le prési-
dent du 'conseil que le préfet de poliee el tOlltes
les autorités se mett~nt ~n communicatioll, A datel'


.




( $9 )
du 2.6, I'actÍoll des aut'res ministres dispatait en-
tierement. •


Le 27, plusieurs journaux continuent a paraitre,
et pubIient ~ne énergique protestation: la for.ee ar-
~ée se transporte dan s lel1rs ateliers d'imprimerie.


Do rapport du préfet depolice a M~ dePolignac
est ainsi coneu: (( Presses libérales: OnIes saisit, .et,
» qlloiqd'on 'fasse, j'en serai maitre; la::.gendarme-
» rie et la ligne tiendroIlt' la main a l'exécution;»
Pel,l d'heures arres, il lui annonce comme une vic-
toire, qu'il tient en sapossession les presses des j OUl'-
naux le Flgaro, le Com,meTce et le National. Les
presses du. Temps furent également mises son s ' le
scellé.


Cependant la saisie de ces presses ne se faíl pas
sans oppositionj la résistance á des ordonnances vio-
la~rices de la Charte devenait,un devoir: le peuple
s'assemble, le tumnIte.s'aceroit en meme tems que
toute)a troupe est sons les armes; mais de la part
du peuple on n'entfod encore que le cri vivl lq
Charle r La place du Palais-Royal, la ru~ Saint-Ho-
noré et autres rues adjacentes sontles lieux ou les
rassernhlemens deviennent les plus nombreux ; iI pa-
ralt qu'i!s deviennent aussi le. premier théatredes
scenes s~nglantes que ceUe journée,a a dépl~rer.


La force armée sur ce point était nombreuse ,et,
sans agression réelle, .sans provocation de la part du
peuple, sans somma~jon' de la part de l'autorité, la
tronpe fait usagedeeses arme:j; une charge de gen-
darmerie a cheval a líen, sabrant tont c;e qui se pré-




( 60 )
sente devant elle, el plusiems feux de peIetons -d'in-
fanterie de la gal'de sont dirigés sur une multitude
désarmée: ces faits résultent de l' enquete, iI en ré-
sulte aussi que l'autorité civíle, au lieu. de protéger
les citoyens paraissaü animer les soldats contre eux.
un comrnissaire de policea été vu circulantsans cesse
SUt le front des détachernens et paraissant donner
des ordres a la troupe. .


Il parait résulter encore de l'.eRquete que les chefs
de corps étaient porteurs de l'ordre écrit de tirer
sans rnénagement sur le peuple ~ un ternoin affirrne
un fait qui le prouverait et gui s'est passé sous ses
fenetres: iI a entendQ un . chef d'escadron de gen.;..
darmerie [aire a un jeune officier dlun régim~nt de
ligne, l'injonction de cornrnander le feu; ce digne
militaire dit qu'il n'avait paso d'inst~uctions; un pa-
piel' lui fut alors exhibé ~mais l'officier répondit par
un signe négatif en inclinant la" pointe de sOfi'épée
vers la ter re. -En meme tems on voyait ies ofyciers
~t. !ous officiers distribuer de l'al'gent aux soldats
pour les epcourager et soutenir lenr ardeul'.


C'est ici ie cas de di re que les sommes qui furenL
"distribuées a la troupe aans ces jourllées de deuil,
s'élevent, selon l'étatJlue llOUS en a r~mis M. le ini-
nistre dc¡s finances, a la somme de 974,27 1 f~. 88 c. ,
dont 553,~7 1 fr~ 88 e. furent délivrés par la liste ci-
vile (1) el 4~I ,000 ÍI'. par l~ tresor: M.le ininistre de


(1) Une leUrc de rancien- intendant d~ la liste chile, rcmisc a
i'instant"au rapporteUl"; indique que les 555,271 °fr. 88 e, payés par la




( ti! ) .
la gueq-e, maréchal Gérard, .oans une- note par lui
remise a la eommission, a judicieusementfait remar-
quer l'irrégularité de la forme employée parl'ex-mi- -
nislre des financt.'s pour la délivranoe de ootte der-
niere somme; jI a déelaré qu'il ne pQuvait ni la re-
eonnaitre ni la mettre it la charge de l'administra-
tíon de la guerre; et il a rejeté sur M. de Montbel
toute la responsahilité de eette. dépenitl illégale.


De la partie -de l'enquete-que nous analysons, iI
~st difficile de ne pas jn:duire que les ordres mili-
taires étaient précis, qu'ils avaient le massacre do


,


peuple.polir objet, et que, pour l'intimider, on était
résolu a l'écraser avant toMe provocation.


C'était done une sorte de guet-it-pens, concerté
entre l'autorité civile et l'autorité militaire, guet,.;a-
pens, consta té des le 2.0 juillet ·par l' ordre dn jollr
eonfidentiel du duc de RaiN&e, le 2..5 p.r- la IlOmina ...
tion de ce duc, contre-signée Polignae, an comman-
delOOnt supérieur de la 1 re division militaire; le 2.6,
par ]a lettre que lui éerivit le président du eonseil;
et le ';). 7, par la terrible exécu tion qu'ilre~ut.


Votre commission, Mes!:,ieurs, n'a pas pu porter
ses investigations sur les scenes de carnage qui
eurent lieu dan s les autres quartiers', depuis 'ce jour
et les suivan's, ni dans les autres communes et villes
de Fr@c;:c : il lui a suf6. de constater quel avait été
l'~gresseur, ou du peuple on de l'autorité. "
lis Le civil e , l'ont été ~ Saint·Cloud dam l('s- journccs da 50 jaiUet al1
:5 aout.


Paroles de M. de BéI'mgor, SéallcQ du 28 seplembre.
So'




( 62 )
Mais, en meme tems q1J.e <les citoyens sans dé-


tense étaient frappés, un autre genre d'attentat se
pl'éparait : l'autorite j udiciaire, inapert;ue jusqu'ici,
allaitágir, etil est douloureux d'avoira dire que
ce né fut pas dans l'intéret de la loi; l'llais ponr se-
conder la tyrannie; elle va se livrera l'arbitraire,
violer la libef,té individllelle; et porter atteihte á
tons les dr'Oits:: ,,'


Un réquisitoire est dressé; un juge d'iDstruction
y obtempere; qnarante-cinq mandatssont décernés.
Le magistrat qui les a requís préténd q':l'il~ De dé.
váiéntJrapper que les journalistes signataires de la
protestation pub\iée dans·plusieurs journanx du 27;
et que e'était un simple délit de la'pressequ'on vou-
lait réprimer. Il y a sur ce point de l'obscurité, car
le nombl'e des signataires n'était que de trente-huit,
et on ignore-de qneis lIoms se complettait le nombre
de quarant~-cinq. . .


Les mandats sont remis au préfet de police ¡1our
assurer leur exécution; celui-ci les confie a la vigi-
lance de l'un de ses ag~ns, qui, heureusement ré-
cule devant la' difficulté de cette exécuíion. Les ré-
quisitoire6; les mandats ontétéanéantis. Votre com-
miss ion' n'a pu éclaircir le doute qui nah de lenr
nombre ( 1 ) •.


(1) Lorsque, dans son rapport la Commission a Jit que le nombre
de. mandals décernés le 27 j uillet était de 45; c'est.-a-dire 44 contrI'
les signataires de la protestation de 5 rédacteUl-s de j ournaux el 11 n COll-
Ire l'impl'Lncur, elle avait 50115 les yeux un exemplaire ¡(" celle pl'ot(';,-
lation; elle u'y compla qUi' 58 llom,; .. Ile dnt l'expl'¡uwl': m~i~ dcpL1i\




( 63 )
L'auteur nes I'équisitoires, le 'magistrat qui y fit


(ll'O'itl le préfet de police qui consentit a faire exé-
euter les mandats, agissaiept-íls de leur propre mou-
vement? on le crojra diffidlement. Il est bien plus
naturel de chercher le príncipe de ces actes ct\lclle-
ment imprlldens dans des ordres plus él'evés.


Ainsi finit la jo~rnée <Iu '2. 7.
Des-Iors on dut apprécier quel dlractere prendrait


la résistance: on dut senlir que le sang versé ajou-
terait a l'én-erg;e des' citoyen's, désormai~ c'était un
colilhai,a mort'qtíiall;üt se livrer, et le rlrape~u lloir,
arboré sur divers poin t, annon\ait assez la nature
de la l11tte qlli aUait s'engager.


De grands malheurs ponvaiellt etre évités, allcnne
tcntative n'est faite pour éclairer la conr, ,le mi-
nistere, que dis-je! le prince de Poligna'c, cal' l!Ji
seu} apparait clans ces tristes' mdíll-eris; ;ne' cherche
poin;t. a fáir,e €onnaitre la ",Úité a Charles X, a lni
dire que lé sang coule par torrens, que peut-etre il
etit tems eneore de prononeer des pa~oíes de' conci-
liation. MM. de Peyronnet, Guernon-Ranville et
Chantelauze <Iéclarent q"oe s'il y avait encore des
ministres, il n'y avait plus de ministere, et/que M.
de Polignac correspondait seul avec la cour.


La journée. dll 2~ offre le spectacle d'un Roi de
Frallcetraitant sa capitale en ville ennemie; Paris
est mis en état de sieg~; 'Ce centre des beaux-a~ts
illui a été communiqué un llumél'o (lu Natio'nal qui, dil-<?u, fut
imprimé sur l'original (le la protesbtion: (·t il s'y trouvl' l'éellemenl
44 si guaturcs. ,


(Paroles de M. d~ BJ¡'mgcr, seullce du 28 septtmb¡·e. )




( 61, )
et de la civilísation, respecté deux foil par les ar~
mées étrangeres, va subir le sQrt qu'eUe n'eilt'l'FO-
bablement pas eu a redouter d'une troisieme inva·
s~on. Un maréchal deFra~e est chargé de cette hor~
riMe !llission, c'est encore le due ae Raguse •....
Singuliere d~stinée que celle de ce guerrier, qui,
apres avoir été longtems associé a la gloire de nos


. armes, apparait a chacun de nos déchiremens po-
litiqqes, comme un génie malfaisant pour sa patrie!


L'ordonnance, qui consacl'e cette terrible mesure,
n'est <;ontresignée que par le prince de Polignac:
les trqis ~x-ministres d¿tenus avec lui, ont affirmé
n'cn avoir eu aucune connaissance; elle ne fut doné
pas délibérée en, conseil. (1 )


En meme tems le préside~t du conseíl écrit au
m;lr~chal: « Vous feriez bien de faire dire a N ... que
» l.e Roi donnera de l'argent aux ouvriers qni ont
» faim, s'ils quittent les révoltés t el q~'il lé f!iSse
» crier partout, et que d'nn autre coté un conseil
» .de guerre dolt juger les coupables. » •


Effectivement, on s'oecupa le meme jour d'orga~
niser ce puissant moyen de terreur. JoJe ·chef et l~
sou,s.chef de bur.eaux de la justice militaire furent
appeléS chez le sous· secrétah'e.d'état faisant fonc-
tioos de ministre de la guerre, ou ils tr~mverent réll'
nis plusieurs officiers chargés de la formation d'un


(1 ) L'un des ex·~inistrcs a cffeclivement dit ql).·il n'avait pris parl
a al/.cuue délihéralion sur ccttc ordonnanec: mais lés ¡¡utres oul ti .. ··
daré y a~oir participé.


(Parl1!es de M. de Bél'cngcI'.: S,'allcc du ~8 ,<PI'I/'lIIbl'c.)




( 65 )
tribunal miiítaire : mais les événemens s'accéléraient,
le sous-secrétaire-d'état fut ¡nandé aux Tulleries, et
OIl se sépara.


Cependant des ol'dres furCIlt donnés pour dissou-
dre les c~mps de Saint-Omer et de Lu~éviHe, et
ponr en faire marcher les troupes surParis. Le
prince de Polignac avoue ces ordres, mais'il 'dit que
les troupes étaient dirigées sur Saint-Cloud.


Ce jour, 00 se bat dans presque tons les quartiers
de París; la garde nationale se 10rme; des-citoyens
généreux régnlarisent Jes mouvemenS; la troupe est
souvent vaincue, et tout annonce quelle sera l'issue
de cette lutite.


Vers les deux heures, d'honorables députés., da~s
le dessein de faire cesser le carnage,-serendent an-
pres du maréchal; ils demaIl~ent le rappo'rt des 01'-
donnaoces, le renvoi des :ministtes et la réunion
im1D:édiate desChambres,.ils alfrent a ce prix de se
rendre médiateurs entre le peuple et l'~rmée. Le
maréchal n'ose prendre sur lui de suspendre les
opérations militaires, mais iI promet de faire part·
de ceUe démarche a Charles' X.


Le président dn conseil, qui se trouvait chez le
tllaréchal, parált d'abord desirer d'entretenir ces gé-
nél'cnx mandataires, mais il hésite, et o'n lit dans
le rapport de la comroíssion mnnicipale de París,
que, sans voul()Ír les entendre, il flnit par leur faire
dire que les ordonnanCés ne seront pas retirées.


M, le prillce de Polignacassure qu'il écrivit an Roi,
et que le maréchaI écrivit de SóÍl cót~; iI ~jonte que


5




( 66 )
le maréchal ne lui lit point connaitre la''f'éponse de
Charles X, et que ~ur fe point d'ailleurs toutes les
foís qtÍ'il sera interrogé sur ce que le Roí aura pu
lui avoir dít ou écrit, un sentiment de respect et
d'honneur luí imposera un sil en ce absol.i.


Hélas! Mess,ieurs, le sang continua del couter, et
son cffus·íon .apprend asse;t; queUe fqt la réponse du
monarque. .


leí on ne peut s'empecher de se livrer ou a de
bien tristes réflexions sur la cour, ou a de graves
soupc;ons sur la conduite du prince de Polignac et
du due de Raguse.
Dissimule~eIlt~ils au ·Roi les événemins, lui lais.-


s.erent-ils ignorer le' danger des eonjeetures? lui
eonseillerent-ils de .continller eette lutte sanglante ?
ou ce . prine~ !nsouciant du malheur du peuple et
aveuglé stlr sa prOpi'6 position, voulut,..il exposer
sa couronne aux chance.s d'un résultat désormais
trop prév.u ?


I:histoire dira a quelles frivolesoccupations étajent
. livréa le monarq'l.le el sa cour, dans ces momens si


décisifs; la postérité refusera d'y croire.
Cependant une commission municipale s'était or-


ganisée, et siégeait a l'Botel-de·Ville ; les citoyens de
Paris comrnenc;aíent a ressentir les cffets de cett~ au-
torité tutélaire; forts de son appuí, ils redoublerent
de eourage et d'énergie, et eomme cE1tte commission
le dit eHe-meme, le lendemain, 29, la guerre .avait
prononcé. .


n n'-entl'e pas dans le plan de votre commission




( °7 )
de sui.vre les événemens ultérieurs; l'attentat dont
la Chambre a voulu connaltre toute l' étendue est suf-
fisamment exposé; la victoire a empeché·qu'iLne fut
eonsommé, et la plus glorieuse, la plus. heureuse
des révolutions, a enfin délivré la Franee duo gou-
vernementqui depuis seize ans 'pesait pUl' elle. Qu'im-
porte d'ailleurs qu'une tardive résolution, arrachée
par la peur Ol! par les supplications de ceux q1.Ji en-
tomaient Charles X aií fait retirer les ordonnances
et disons le cabinet; une telIe mesure est impuis- "
sante, la' guerre a prono?2cé, il n'y a plus deo mi-
nistres, jI n'y a plus de monarqu~; la Franee est
rentrée dans tous ses droits!


Tl'ois jours ont suffi ponl' renversel' ce treme que
la 'seule apparition d'un homme en.I815avait égale-,
ment fait disparaitre : rien nedémori.ttemiéuxqu'il
n'avait a\lcunes racines dans Ja.n:ttion !


Pour la troisieme fois les memhres 'de cette branche
des Bourbons' quittent la Franee, repoussés toujours:
puissent.ils comprendre enfin, eomme toute l'Eu.,.
rope 1'a compris, qu'ils sont désormais impuissaus
patlr nous nuire !


Ainsi, l\'Ies~ieurs, il résulte du long examén au-
quel votre commission s'est livrée:


Que le prbjet de contre-révolutionqui a re 'tu son
exécution dau$ les joul'nées de juillet, "était lllédité
depuis longtems, etnotamment deJ1llÍs l'avtmement
de Charles X au trone; que depuis lors ce projet flit
successivement I'epris ou suspe.ndu, suivant que l'état
de l'opinion publique, ·en Franee,. donllait' de la




( 68 )
t:raillte' ou f~ísait naltl'e de l'espoir; que le miIli~t~e
du ~ aout fut spéc~alement, formé dans le but d'ac-
corllplir lesdesseins qu'on se proposait; que ce mi-
nistere, ~ont le prince,de Polignac était l'ame, s'oc-
tupa ~es.lors de remplir sa mission; qu'apres av~ir
épmuVé une premiéne modification en novembre
1829, et une seconde au mois de mai suivant, il
concerta un plan de violen ces et de. menaces pour
obtenir des élections favorables'a ses vues; que ceHe
tentative coupable n'ayant pas eu le résultat qu'il
en attendait, iI se détermina a faire pronoucer, par
'le Roi, la dissol~tion de la Chambre avant qu'elle fUt
assemblée¡ ce qui était easser ineonstitutionnelIemeut


'les opérations des eolléges; que par des ordonnances
royales ji ehangea le systcn'le électoral établi par aes
lojs, etla législation ~ur la presse périodique; qu'il
'viola ainsi la Charte oonstitutionnelle, troubla la paix
intérieure du pays, provoqua les eitoyens a la guerre
civile, et répandit des sommes cousídérables pOUlr
animer les soldats contre le peuple; que le président
du conseil; sW-totd se.~endit provocateur de eeHe
guerre intérieure, par la nominattondu duc de Ra-
guse'llu commaIldement de la premiere division mi-
litaire, par la mise de, Paris en état de siege, et par
des mesures prises pour l'emploi de la ~force armée
contre le .pc·uple', ava'nt toute pravo,eatioQ.


Tous ces faitf, Messieul's, oonstitue.nt le crime de
haute trahison, tel qu'il est prévu par l'article 56 de
l'ancieuue Charte. .


La Fcánce a fait preuvc de longauimité.




( 69 )
E!le av~it besoin d'exposer a la faee du mond~ 1("


tableau de ses griefs eontre un gouvernement qui
n'est plus.


Un granel acte national est maintenant attendu.
C'est pour la premiere fois que vous allez exercer


ce droit inhérettta votre natur.e d'ateuser et de tra-
duire de'Vant la Chambre des Pairs des ministres
eoupables.


Le pays, par. votre intervention, va .demander
jnstiee des hommes qui ont 'Vidlé les lois el troublé
la paix dont il jouiss~rt.


Mais la Franee n'est pas seuIe attentive : tous les
peuples de l'Europe, les yeux fixés sur notre révolu-
tion, attendent a lenr tour, pour nous juger, de
connaitre I'usage que nous aHons faire d'une liberté
si heureusement recouvrée; ils s'affligerai~nt, 'cal'
iIs nons admirent', si nbus ¡nanqtIionidesagesse ou
de fermeté.


"


Justice, et non vengean'ce; tel est le eri qui part
de tous les ereurs. IJa vengeance f indigl'led'une
grande nation, appaFtient aux tems des ténebres ~t
de barbarie: la justite triomphe du droit sur ce
qui est usurpé, de la raison sur le crime, atteste,
lorsqu'elle est circonscrite dans une juste mesure,
les progres des lumieres et le perfectionnelIlent des
rnceurs.


Et quel autre que ce peuple de Paris, l'élite de la
France, a prouvé uno civilisation plus avancée? q\l~l
antre a montré qu'il savait mieux discernel' la justice
ne la vengeance? Resp~ctant tous les d,·oíts ~ seCOll-




( 70 )
rant au milieu du cal'llage ses 'Cllllemis vail'\clls, évi-
tanttoút .exces, et, apres la victoire, retournant a
son travail, sans attendre d'autre prix que la satis-
faction d'avoir sauvé l~ patrie. Ah! ce pellple doué
dé ta'nt de vertus s'otfenserait qu'on put supposer
qu'!l veut rien d'e plus que la justice 1° La France l'at-
tend avec calme, confiance et dignité : vous la. de-
manderez ponr 1 ui; et la Chambre des Pairs, dont
l'indépendance est une condition de son existence,
accomplira sa haute 'mission.


Votre commission vous pro·pose d'adopter la ré-
• sólution suivante :


RÉSOLUTION.


La Chambre des Députés acclIse de tr:ahison MM. de
})olignac, de. Peyronnet, Chantelanze, de Gllernon·
Ramille, d'Haussez, Ca,pelle et de Montbel, eX4
ministres signataires des ordonnances du 2.5 juillet :


Pour avoir abusé de leúr pouvoir, afm de fallsser
les électiúns et Je priver les citoyens' du libre exer-
cice de leurs droits civiques :


Ponr avoir changé arbitrairement et violemment
les institutiOns .Iu royanme;
, Ponr s'etre rendus coupables d'un complot atten-


tatoire a la sureté extériellre de l'état.
Pour avoir excité ¡ti gnerre .civile, en armant ou


portapt les citoyens a s'armer les uns contre les
autres, et porté la dévastation et le massacre dans
la capitale el duns plusieurs autres communes;


Crimes'prévus par l'art. $6 de la Charte de 1814,




( 71 )
. et par les articlcs 9 T, 109, 1 10, I:t3 el n5.du Cocle


pénal;
Eu cOllséql1ence, la Chamrn-e des Députés·traduit


MM. de Polignac, de Peyronnct, Chantelauze, de
GuC'rnon-Ranville, d'Hal'lssez, Cap elle et qe Mont~e],
devant la Chambre des Pairs.


l'rois commissaires pris dans le sein de la Chambre
des Députés seront nommés par elle. tiU scrutip. se-
cret el a la majorité absolue des suffrage~, pour, en
son nom, faire toutes les réquisitions nécessaires,
suivre, soutenir et mettre a fin l'accllsation devant
la Chambre des J?airs, a quí la présente résolution
et toutes les pieces de la procédure seront immé-
diatement adressées.


M le rapporteur d~scend de la tr¡bun~ qu'il avait
occupée une heure et demie al! nüUeu de i;attention
la plus soutenue.


La Chambre, apres avoir entendu ce rapport
dans un religieux silence, décida, ainsi que nous
l'avons dit daos l'introdnction, 'que la discussion
s'ouvrirait le 28.


Alors, conformément aux· concluitions ·pu rappcirt ,
elle aecusa, d'apres les votes affi~matifs consignés
an tableau qui figure également dans l'introdncí:ion,
les ex·ministres de trahison, et les traduisit elevant
la Chambrc· tles Pairs.


Avant de passer dutre, il importe de connái:trc
les· inte.J'rogatoires 5llbis par les aceusés ~etarlt la




( p. )
CommisSl0n de la Chambre des. Députés j et aux-
qucls ii a été falt alll1sion par M. de nén~ngpr <fans
son rapport ..


INTERROGATOIRES


Sübis par les accusés devaTfl la Commission de la
Chambre des Députés.


(28 AOUT 1830.)


1\'r. LE l'RJNCE DE POl,IG1>.H'.


D. Quels sont vos nom, prél.l.oms, age et qlla-
liti>,.s?,....,.. R.Auguste-Jules-Armand-Marie, prince de


. Polignae."Paip dé France, agé de cinquante ans. ~
D. Reconnaíssez~vous votre signature auhas du rap-
port an Roi, lequel a p'récédé et provoqué les 01'-
dOlinauces dll 25 juillet dernier? - R. Ouí. _
D.ll,econnaissez ~ vous votre signature an bas de
l'ordonnance relative a la suspellsion de la liberté
de la presse? - R. Oui. - D. Reconnaisse.z-vous
votre sign~ture fiU has de l'ordonn~nce qui déclare
PaJ"i~ ~n ét&tdesiége?~R ... Oui. -D. Reconnaissez-
VOQ.f; avoir mis votre signature sur l'driginal de l'or-,
donn~nce. de dissolutíon de la Chambre des Dé-
putés, dont voici l'm;npliation signée: Pour copie
coo/qrme, comt~ de Peyronl\et? - R . .Te crois.. pou-
vOlr af{i~mér,que je. n'ai pas plus signé l'original que




( 73 )
la copie. _ D. Voici une oÍ'dolluance dont nons
n''avons que la copie conforme, signée eomte de
Peyronnet, et" relative a l'introduction d'un nouveal~
systeme électoral; reconnaissez-vous en avoiF'.signé
l'original? - R. Je me rappelle avoir signé l'origi-
nal. - D. Voici une autre ordonnanee qui est eeHe
de la convocation de nOuveaux CQlléges électoraux,
expédiée aussi pour copie c~nforme,: Peyronnet. En
avez-vous signé l'orig~nal ? -·R. ~on, je ne l'ai pas
sjgn~. - D. Avez·vous participé meme atlx ordon-
nances qui ne portaient pas votre signature? - R.
J'y ai participé par cela seul que je fesais partie du
conseil des ministres. - D. Quel est le rédacteur du
rapport au Roi qui a précédé les ordonnances? -
R. Je ne puis pas le nommer. - D. f... quelle époque
le plan du -rapport et des ordonnances a-t-it été
conc;u? - R. Tres~peti de Jours avaRt la puhlica-
ti.o'n. - ]), Quel est l'autenr de ce plan? - R. re ne
puis le dire.


D. Pourquoi, ayant le projet de dissoudre la
Chambre des Députés et de suspendre la Charte,
;lvez-vous fait distribuer lés leUres closes aux mem-
bres des deux Chambres? ~ R. J'affirme n'avoir en
au~une connaissance de l'expéditiort des lett~es
closes, et ne l'avoir apprise que par la réception de
roa prop,re lcttre close, cornme pair. J e dois f~üre'
observer en out~e que jamais je n'ai eu l'intention
de suspendre la Charle. - D. Pourquoi M. le duc
de Ragnse a-t-il été chargé du commandement tie ]a
premieredivision militaire des le25 juillet? - R




( 74 )
Ce comrnandCll1ent était destin~ depuis 10llgtems au .
due de Baguse. 111ul a été aonné paree que M.le
général Coutard' était ~arti pour les· élections, et
devait ensuite se rendre aux eaux pour quelques
mois. - D. Quelles sont les instructións qui avaient
été données au maréchal. - R. Ancnnes. - D. Savez-
vous, l\1onsienr, qdi a donné l'ordre de tirer sur le
penple? - R. Je l'ignore; mais ce que je puis'affir-
mer, c'e,st d'avolr eIitendu dire an maréchal de ne
tirer qu'apres .qn'on aurait tiré sur les troupes. -
D.,.Avez-vous conseillé la mise en état de siége de la
vi11.e°de Paris? - R. Non; mais on m'a dit que la
chose était légale, et, 'en ma qua:lité de ministre de la
guerre par intérim, fai contresigné l'ordonn~.nce; ,
<Ju reste, je erois que ceUe ordonnance n'a re«;;u au-
cune publicité légale, et qn'elle est restée entre les
mains de M: le 'maréchal. -' D. Qui vous a engagé a
contresigner J'ordonnance? ~ R. Je ne puis le dire.


D. Qui avait donné des ordres aux troupes des
eamps de Lunéville et de Saint-Omer pour venir sur
París? ~ R. J'ai, d'apres les ordres du Roi, expédié,
en ma qua lité de ministre de la guerre par intérim,
l'ordre de dissoudre les deux camps de Lunéville et
de Saint-Om~r, et 'd"en diFigel> les troupes, no~ a
París, maís a Saíot-Clond, aupres du Roi. -D.
N'avez -vous pas fait distribuer des grat,ificatíons.
extraordinaires aux troupes, ponr les engager a
tirer sur le peuple ? - R. Non, je n'ai point donné
d'or'dres ponr faire distribuer des gratifications aux
tron}ies; je n'ignore pas qu'il ]enr en'a été accordÍ',




( 75 )
m::.i1i non point dans le hut de faire tirer stll' le
peuple: c'était seulement pour venir au secours des
troupes, qui se trouvaient alors danS un urg~nt .
hesoin. -D. Savez-vous quel jour cette dis\ribution
a été faite? - R. le ne puis le préciser. - D .. Savez-
vous quelles sont les som~es qui ont été di.s~ri­
huées? - R. Je l'ignore. - D. Savez-vous de quellc~.
caisses elles provenaient? -' R.Je l'ig.nór.e, mais je
suis certain cependant qu'elles ne provenaient pas
des caisses de. la liste civile. - D. Pouvez·vous nc~us
dire qui a signé les ordres de ces distl'Íbutions? ~
R. Je ne le saÍs réellement pas. - D. N'aviez-vous
pas al'l,Cté au conseil le rétablissement des cours pré.
votales? - R. Non, ceja est compietement faux;
il n'en a pas meme été q~lestion au conseil. -'D.
N'avait-,on pas décidé l'arrestation d'uFlfVan~ nomo
bre de députés? - R. Non ,. c:e~tégaleroent fjlux.


, ' .


M. LE COMTE DE PEYRON.1'ET .


. D. QueIs sont vos nom, prénoms, qualit¡és et
age? - R. Pi erre-Denis, cOlule de Peyr~llnet, agé de
cinquant~-deux ans.
• (En meme tems, et avant qu'il soit passé outre :'t
l'interrogatoire, M. le comte de pp.yronnet a expri-
mé le desir de faire tOlltes les réserves de droit sur
les questions préj udicielles daus l'in téret de la dé·
fense gén~rale,de la,cause.) •
, D. Ueconnaissez·vous votre signature a¡l has du
rapport au Roi ql1i a précédé les ol'Jonnances. ,.- R.




( 7G )
Oui. ~ D. Reconnaissez-vous également votre signa-
ture an bas de l'ordonnance de suspension de la
presse pél'Íodique? -'-',R. Oui."'- D. Reconnaissez~
yons votte signature au bas de l'ampliation de 1'01'-
donna:nce portant disso~ution de ]a Chambre des Dé-
putés? - R. Oui. -- D. Reconnaissez-vous votre
slgnature an has del'ampliation de l'ordonnance por-
tant convocation des .colléges électoraux ? - It Ouí.
- D; Reconnaissez-vous votre signatnre au bas de
l'ampliation d'une ordonnance du "25' juillet (meme
date que la précédente) instituant un nouveau mode'
d'éJe-ctions?_ R. Ouí.


D. Pouvez-vol1s nous dire quel est le rédacteur
du rapportan Roí ?·-R.Ce n'est pas moi._D. Avez-
vous participé au rapport? - R. le n'yai paint par-
iifipé; j'y ai adhéré. - D. A vez·vous participé, dan s
le cOllseil, a l'ordoJ\llance qui suspend la liberté de


. .


la presse périodique? - R. le n'en suis pas l'auteur,
mais j'y ai adhéré. - D. Pouvez-vol~S en faire con-
naitre l'auteur? - R. Il n~ m'appartíent pas de le
di re. ~ D: Avez-vous parti~ipé, dan s le conseil, a
l'ordonnanc~ portant díssolution ae·la Chambre des
Députés? - R. Oui : le systeme adopté, 'c' est moi
qui ai rédigé l'ordonnance. - D. AveZ-VOllS parti-
cipé, dan s le conseil, a l'ordonnan-ce portant convo-
cationdes colléges électoraux? - R. Oui. - D.
A ve'L-v~us. participé, dans le conseil, a l' ordonnallce
qui ét:lb~it uh n~uveau mode d'élection?- R. Oui.
- D. Avez-vo'us participé, dans le conseil, a l'or- .
donnance r¡uí m~t la ville deParis cú état de síége ;)




( 77 )
- R. Oui. - D. Pouvez-v.otJs dire qui a proposó
eette mesure? - R. Je ne ledois pas.- D. A quelle
époque le plan du rapportet des. ordonpan<':es a-t-il
été con¡;u?- R. Quant a la eoneeption, j'ert ignore
l'époque; quant a l'adoption, elle a précédé de fort
pen le 2,5 j nillet. _ D. Pouvez-vous,ppus q¡a'e (¡ueIs
sont les autt'urs de ce plan? -' R,. La vérité est que
matériellement je ne le'plÚs.p~s, ear'je l'ignore.


D. }>ourquoi, ayaut le projet, de dissoudre .la
Chambre el' d~ suspendre la Charte, ave..:-vous fait
dlstribuer des lettres clases aux membres des deilx
Cham1'>res? - R. Je n'ai jamais eu le dessein de par-
ticiper a ~cs mesures qui dusse'nt avoir pour eHet
la suspension de la Charte. Qllant a la distributian
des lettres clases, la signature, donnée par le RQi aux
originallx, avait préeédé l'adoption du projet de,d~­
solution, et l'~x.pédition~vjjfj',est,{aite;sel'On l'usage;
d~Il$-lt$ hUNaux."a eu.'lieupendant que le projet
était enco.r:e en délibération. ---,- D. Pourqlloi M. le
duc de Ragnse a-t-il éí3 ehargé du comman~ement
de le Ir. division militaire, des le 25 juilleO -;- R.
eette détermination m'est eomplt~tement étrangere;
je ne l'ai connne qu'apres qu'elle a: été adoptée. Au
surplus, je erois qu'il ya erreur de date: eette dé~
ci&iQll ne. peut pas ,manquer d'étre postérieure aux
ordonoonc~s. ,.,- D. Savez-vo\Js quelles instruetions
avaient été données au maréchal? ..:.- R. Elles me
sont non,seulementétl'angeres, mais compl€t~ment
incannues. - D. Qui a danné rorare de tirer sur le
peu.plc des le '.).7 juillet? - R. Je l'ignore complete- '




( 78 )
mento - D. -Pouvcz.vo¡' nous di"e qui a donné des or~
dres aux troupes des camps de Lunéville et de Saint-
Ome}' de m~rcher su;' París?- R. Je l'ignore; et d'ail~
leurs ces ordres n' ont'pas cté discutés dans le conseil.
-D. N'a-t-on pas faít distribuer des gratifieations ex-
traordinaÍres aux troupés j pOllr les engager a tirer
sur le pellple? - R. Je n'en aí aueune connaissance.
- D. N'avez-vous pas arreté, au conseil, le rétablisse-
ment des cours' prévotales? - R. N ulleinent. - D.
N'avait-on pas clécidé, au conseil, l'a'rrestation d'un
certain- nombre de dépntés? - R. Nullement, et a
alleune époque;.ni ¡our des députés, ni pour 8.ucune
autre personne. ,- ,-'


: 'J.' :: .


M. LI: COM1.'Jl DE GUI>RNON-RANYILLll:


D. Quels sQnt:vos rtotn:,'pténoms, age et qualités?
- R. Martial- Come - AIlnibal- P'erpétue- Maglóire
corote de Guernon-Ranville, agé de quarante-trois
ans, ex-ministre, député de Maine-et-Loire. - D.
Reconnaís!!ez-VOlls votre sig~ature au"ba? du rap-
port aU Roi qm '3 precédé les ordonnances du 25
juillet?- R. Ouí.-D, Reconnaissez-vous votre signa-
ture au bas de l'ordqnnance sur la suspension de la
liberté del':! p resse? - R. Oui. -D. Reconnaissez-vou s
avoir signé l'ordonnauee dontnous n'avons'que l'am-
pliatiOn, certifiée poor copie conforme, ·comte de
P'eyronnet, et relative ala dissoluiion de la Chambre
électtve'?-R. Non; ie crois etre certain qu'il n'a été
signé par 'ton! les membres du conseil que trou,




( 79 )
pieces·, c'est-a-uire le rappqrt au R'oi relatif a la
presse, l' ordouu-ance de suspeusion <le la liberté' de


• la presse, et l'ordonnance' relative ~l l'int~oduction
'd'un nouveflu systeme électoral. - 'I? Poüvez-vQus
nous dire quel est le rédacteur dú rapport au Roi?
- R. Je ne puis le dire: ce fait ne m'~st p.oint:pe~­
sonoel, et je ne puis me 'permettl,'c' de, révéler les
secrets dd conseil du R<>i.'


D. Avez-vous. par!icipé a. l'ordoni~nc,e portant
susp~m.ion de la liberté de la presse périodique, et
ac~Ue qui institue un nouv.eau syst~me électoral?
- R. Je n'ai jamais su {aire de distinction entre la
morale publique et la morale privée. Le Roi ne pou-
vait porter atteinte a la Charte constÍtutionnelle sans
violer ses sel'mens, eJ cette seule consLdfr~tio~:.rrJ
détermina a combattre le príncipe', de 1¡~~clPJ1~ilce
sur le systeme ~lecto1raJ, Qllant ~ .I'Ór~~~ahce:sur
la presse,qtloiqtí:'elle n'eut pour objet que de sus-
pendre l'exéclltion d'une loi, mesure qui, dans des
cas d'urgence, et lorsque le salut de l'état se trouye-
rait compromis,ne ~e semblerait pas excé~er l~ ,
li¡pites de la prérogative royale, je l'ai de meme
corobattue, par le motif que le cas .d'urgence ne me
pílraissait nullement exister, et j'émis dans le conseil
l'opinion qu 'il con venait de laisser· réunir les Cham-
.bres convoquées pour le 3 auut, et deleur proposer
les améliorations dont la législatio~ sur la pr~ss~me
par~issait susceptible... Au ~ste, je fis conna~.tte·
toute 111<1. pensé~ sur cet ?bjet a M. COl,lr~úisier,~:n
ancien ('ollegue, dans le teros meme OÚ les 'mesures.


..




( 80 )
. .


rurent proposées. -' D. A quelle t!poque le plan du
rapport et deiordonnances a-t-il ét~ con-;u? -R. le
erois sans pouvoir l'affi¡'mer, que le principe sur
lequel r~posént les 'ordonnances a été pl'9posé, pour
la premiereofois, dans un eonseil tena du 10 au r5
juillet Quant au rapport, il n'a été lu en entier que
clan s le ednseil du ~5 juillet, ou nous avons signé les
ordonnanees. - D. PouvéZ-VOUS dire qui a fait la
premiere pr~osition du 10 alJ. 15 fuillet?-R. Jene
pais répondre. a cette question.- D. Pourquoi, ayant
le projet de dissoudr~ la Chambre et de suspendre
la Charte, a':'t-on fait distribuer les lettres closes aux
membre~ dés~x Chambres? - R. Je erois que la .
disttibuti?fi des letttés closes a en lieu par une er~ .
reUr'a~:bureaux. _ D. Pourquoi le duc de Raguse
a..:t .. iI>été.charge du commandemeht de la premiere
division militaire le 27 jumet]~R. le erois que e'est
paree que les troubles oot cotnmencé'desce jouda.
- D. Savez-vous quclles instructions lui avaient été
donnees ?-R. Non; mais je erois eependant que ses
in'str~ti'()~s avalent, été d'agir avec beaucoup de
modératio'n; Cal' dan&. 'tbú's les ordres que je lui ai
'ehtendu dOnner, il a tÜújoups recommandé de n'em-
ployer la forc~ que pour répondre a des voies de
fait. -Do Savez-vous qui a donné l'ordre de tírel' sur
le peuple des le ~7 jl,lillet?-R. Non.-D. Avez-vou$


.conseiUé la mise en état de siége de la ville de Paris?
+' R~Je n'aí pris> part a aueune délihération sur eet
objet: .:.,....·D. N'avez-vous pas eu connaissancedc gra-
tifieations extrab-rdinaires-données aux troupes pOUl'




( 81 )
les engager el tirer sur le peuple? - Non : 'a ma
conl1aíssance, iI n'y a eu aueune délihération a cet
égard. - D. N'avait-on pas arre té au conse'nie. r~ta­
blissement des cours prévotales? - R. Non. ~ D.
N'avait-on pas décidé.I'arrestatiqnd'un grand nom.,
bre de députés et de be,aucoup d'autrespersonnes?
- R. 11 n'en a jamais été question au ctmseil, et je
l1e erois pas que personne yait pensé.


D. Quels sont vos nom ,prénoms, age et qua-
lités? - R. Jean-Claude-Balthazar-Vietor de Chante-
lauze, agé de 43 ans, ex-ministre, député.-D. R~­
connaissez~vous votre signature au has du ,¡:ápport
au Roi, qui a précédé les o,rd~nnances du 25 juil-
let, ati 1>:yf de l' ordonnance du meme jour, qui
suspÉmd .la lihe~té de la presse périodique? - R.
Guí. - D. ReCOllnaissez-vous avoir signé l'ordon-
nance qui établit un nOUVfau systeme électoral, ~t
dont voiei l'ampliation Gertifiée conforme par M. de
Peyronnet? - R. Oui. - D., A vez-vous participé a
l'rirdonnance' du meme jour, portant dissolution de
la Chambre des Députés, eta ceHe également d,~
l!Jeme jour, qui convoque les collégei électoraux)
-R. Ouí. - D. Avez-vous participé a l'ordonnapce
du ~8 juillet, ¡qui met la viHe de Paris eh état de
siége-. - R. Je erois en effet que eeue mesure a élé
adoptée en con~eil sans qu'il se soit élevé la moindre


6




( 82 )
objection, attendn qü'elle-etaít fondée sur' 'une toi
positiy.e et jl1stifiée pil'r les circonstances. '


D. Pouvez·vous dire quel a, 'été le "rédacteur du


rapport au Roí? - R. Je se!Is toute l'importance de


cette question; mais je n'hésite ras a y répondre
avec sincérité': je !luis l'autenr et le seul auteur de
Ce rapport. J'ajoute que ce ,travail, que le Roí m'a
ordonné de faire"et quini'á étédemandé par le


conseil, a suivi et non pas précédé les mesures qui


ont été l'objet des ordonnances ,du 2.5 juillet. -
D. Pouvez-vous dire a quelle époque a été conc;;u


le plan du rapport et des ordonnances du 2.5 juil-
let? _ R. Je divise 19,question : le rapport n'était


qu'une chose de forme, uniquement destiné au


'public, et tout-a-fait en dehors des mesures dmil il
bsf ·questió~. Quant aux' mesures en elles-memes,
elles n'ont étéadoptées, autant que ma mémoire


peut me le rappeler d'uriema:tJ.iere'pl'é'cil;e,'qU:~aprés
le 10 juillet ou vers le milieu de ce niois; elles
étllient subordonnées au résultat définitif des élec-


tíotls. '...:..c-' D. Quel eit le' premier auteur de ce plan?
-, R. Le conseill'a arreté . ..".. D.Pourquoi', ajant le
prújet de',di~soudre laChambre et de suspendre)a
'Charte, avez-voús fait distríbuer des lettres~doses
aux Ihembr~s de~ deu.x Cllambres? - R. Cest une
affaire de bure:mx . .:- D. Pourqúoi M:'le duc de


Raguse a~f-il été ch:irgé' du com~andemeilt de la
1;;' di\'ision miÚtair'e des le' 2.7 juillet? - R. Je n'ai
partici'pé ~ aucuté· délibération Stlr cet objeto -
D. Sa~éz-'Vóhs qui a dóIinéfordre de' tirer sur le




( 83 }
peuple des le 27 juillet? - R. Je l'ignót'E!. ~D;
Savez·vOtls qui a donné les ordres aux troupe~des
cainps de Lunéville et de Saint-Ome,r'PQl1tfiiarl:her
sur París? ...... 1t. Ce n'est pas lltí.objet dont lt t:!~nst!ir
se soit occupé. _ D. A-t .. on.failt di&wibt).e~ .dés'·gra;.:
tifioations extraordinairm au;t: troÓ~A;' l;'our les 00,;
gager a tirer' S~T Ir Ip~pHp~.iLA\. '¡'aijs\};' 'qú'une
gratification d'uri mois ;~tI danii":aé ~old6··avait été
faite aux troupes :je ií'eJj ai"~ll connaissance qu'a;..
pres qu'elle á: été a'éCór~ée~, Cette mesure n'a été
l'objet~d'auctlne délihération au conseil, el j'igno,re
par qui ene a été provoquée.-D. Savez-vous sí l' éta:-
blissement des couri prévótales a'Vait été arreté dans
le conseil? -R. Non, et j'affirmequ'aucune mesure
de ce· genre n'a été adoptée. - D. A vait-ún dédidé a:u'
conseill'arrestation.d'l1ti'cei'tá~,~o1#l#~d~4é'p«téSl
o u d' a u tres peF&o:nne~ (..ll R.I :NO~lttrer détihérstioji (I\f
conseil'fi1a 'e",li~jircet~tijet.·' 'j,-


1'\ "


DEm:IEME INTERROGATOJílE •
. - ~,'


(9 SEPn:~:aREI s'lp· )
l\'L tE l'RINct 1>E PO'LIGNAC,


",; ¡ "


,~', It. Qui a conseillé au RoiJaJormation du mini:s-
t~re .c;!u'18 ~,?ut.?,;;:-:¡:t, Je. n'ai áucune réponse a faire:
j'ai été appelé C~~Q1e. ~inistre par,le.Roi.'"'"-.D.pou-
vez~vous nou'S; qlr.e}lu~.~. consftillé et rédigé le dis ..
~qw's.de la COUl'OIl;ne prolloncépar le Roí aJ'l)ll~r·
~ur~Ae;la précMente sessiqn? ~ R. La dé~ermi:na­
ti9n a été prise en:conseil; le se.cret '<l¡jwlnt ~Ye gard~




( 84 )
sur tonÍ. c;e ql1i se .pJlsse datls le couseil du Roi, il
m~Ci'pt; ~IP.possible de.répondre el cette question. -
D",Qui'l\ suggéréet dicté la réponse que fit le Roi
~..radl'esse de la Chambre?- R. Je ne puis faire que
lanH~meréponse, a toutes les questions de eeHe na-
ture. ~ D. Es!·i} a votre connaissance qu'oü ait des-
titué beau~oílp de fonctionnaiPes el l'occasion des
élections? - R. C'est un relevé a faire dans le M 0-
niteur; quant a la guerre, il n'y a eu de mesures
prises qu'a l'égarQ¡de trois personnes. - D. Qui a
donné ati.duc de Raguse l~s orares consignés dans
son orare confidentiel du 20 juillet? - R. Je l'ignore
completeme~~,j&~'en ai eu cOllnaiSlianCe ni direc-
tcp1ent ni indirectem~. )ecrois etre certa,iij. que
~sor.dres de cette natur.e émanaierit dir.ectement du
m~jor-géllilral·de la ~garde de service. sansqu'il soit
obligé d'el.donn,er ;~I»J.lIlicatiop uu ministre de la
guerreo - D. Vous aV~;li;dit,\dans votre lettTe a la
commission, que lorsque, le 28 juillet, plusieUirs
députés se présenterent á l'état-major de la place,
vous résolutes, avec le duc de Haguse, d'en écrire
an Roi : le fites-voüs, 'etqtie répondit le Roi? --; R.
J'ai écrit an Roí,; le mar~chaLduc de Raguse a écrit
de son coté: il ne m'a point communiqué la réponse
qu'il a re«;;ue de SaMajesté. Toutes les fois que je
serai interrogé SUl' ce que le Roi aura pu m'avoir
dit OH m'avoir écrit, un sentiment de respect et
d'honneut'rrI'imposera un silence'absolu.


D. , Dans les jOilt'ríées du 2~, dú !oÍ 7 et du 28,' rén-
dait-oncompte au Roi de ce qui se passait a Paris?
-:- R. Le maréch~l m'a dit lni avoir envoyé tres-ré~




( 8~ )
gulierement ses rapports. Quant a moi, je n'ai.point
eu connaissance des mouvemens militaires qui se
sont opérés de part et d'autre dans les rues dé'Faris.
- n. Est-il vrai que le 25 vous o~donnates une
active surveillanee autonr de Neuilly? ........ ;R.~Le fait
est complétement faux. - D; Des 'mandats d'arret
ont été décernés, le 27 juillet, contre un certain
nombre de personnes: ont-ils été délibérés. en con-
seil? - R. J~ n'en ai aucnne eonnaissanee. _ D.
Vous avez di t, dans votre lettre a la. Commissioll,
que, le sg au matio, vous vous rendites a Saint-
Clond, et que vous eogageates le Roi a retirer les
orJollnaoces et a envoyer l\'L de' Mortemart a: Paris
pour l'annoncer. Qu'arriva-t-il? _R. Le Roí aecepta
nos démissions, et retira les ordonnanees. l'intro-


. .


duisis ehez Sa Majesté le dUG de Mortema!'t : je le
laissai daos le cabinet, el: depuis cette époq4e ~e
suis resté tout-a-fait étranger a ce qui s'est passé.
- D. Ensulte de la mise de' Paf'is en état de siége,
il paralt qll'on s'occupait, des le 28 juillet, chez le
sous-secrétaire d'état au département de la guerre,
de l'orgaoisation d'un eonseil de gl1erre ou commis-
sioo militaire. Aviez-vous dcmné d~s ordres pour eette
organisation? - R. A ueun. Je suis. resté étI:anger
él. tont ce qui s'est fait ou a pu se fairea ce sujet,
eomme a ee qui s' est passé pendant les troi.s jou\'-
nées a Paris. - D. Le sieur Lisoire, inventeur de
projeetiles ineendiaires, aurait été invité par plu-
sieurs ministres a livrer des pl"ojectiles pour s'en
servir eontre la vme de París dans les journées des




( 86 )
2.7 et,!:l8 j~illet,; ~n avez-v'ous cannaissance? 7 R.
le fuit est faux. Je n'ai jama.is connu persl;mne qUi
portat ce nomo Je viens de lire sa pétitiOIl a la
Chambre : elle ne contient que d'infames calomnies.
- D. Le Roi avait-il, indépendamment des ministres,
d'autres personnes de qui i1 prenait conseil? - R.
J e n' en connais .,ocllne.


M~ LE. QO;MTE DE P:EYl\ONl'IET,


D. Lorsque le Roi vous a appelé au conse,il, ét¡üt-
ce daQs l'intention de modifier le systeme dans le-
quel avait paru etr~ formé le ministere du 8 adut?
~ R. n m'a paru que les in~eJl.tiQQs dp. Roi n'av:¡Úent
été que de rendre son ministere plus propre aux
discussions de t~ib~ne. - D. Est-ce vous qui avez
spgpéré et rédigé'la procla:mation dll Roi aux .élec-
teurs? _ R. Je n'en suis pas 1'auteo1', mais l'éditeul',
J'avais rédigé un projet; un autre membre du con-
seil en lut un second qui luí fut préf~ré. On s~uhaita
cependant <lu'il y fu.t· f~it quelques changemens de
rédac.ti?,IJ., et je les fi~. -, D. Il Y ~ flU des troubles a
~ontauban lors des élections; on a pu supposer que
le ministere n'y était pas étranger. Que pouvevvous
dire a cet égard? - R. Je n'ai eu de par.ticipatioI) a
ceUe affaire que par les ordres positifs et rigoureux
que j'ai donnés de faire pOUl'suivre, san s retard ni
ménagemens, tous ceux qui s'étaient rendu~ coupa-
bIes de, troubles envers l'ordh~ public . .-:.... D. Quel
est le rédacteur de l'ordonnance dlL25 juillet rela-




( 87 )
tive a un nouveau systeme électoral? ..,...... R. l..a con-
ception appartient au conseil; loa rédaction est, en
grande partie, mon ouvrage. - D. Quel est le ré-
dacteur de l'llrdonnance sur la pre{'ise' péri~)(lique?
- R. Je Wis étranger'a sa rédaction~ ~ 1). PQurri~~~
vous dire si plusieurs conseils oQ,t été e.Qlployés a la
discussion doo ordonnances du~5. iuillet? ......... R. Je
116 crois pas qu'il ait été tenu pll.lt> ~ deux cO'nseils
pour délibérer a fondsur le systeme. - D.I.e con-
sei1 a-t-il été unani¡qe sur l'adoption des ordonnances? .
- R. Je erQis de mon honneur de vous dire q~le je
craind.rais de'manquer an serment que j'ai preté, si
je révélais les détails des délibérations du conseil.


D. Dans le cas ou le conseil n'aurait pas été qna.-
nime, ne cr:ündriez-vous pas, en gardant le silenc,e,
de manquer a vos ~evoirs enverSo Qeux de vos ~AQieA~
collegues qui se seraient QPpoliés a1J~ Ol'don~n~es?
- R. Je craindr:ris plutót de .manquer!i mes devoirs
envers eu'x, en donuaot, par exemple, des explica- .
tions gui me fl1&sent personnellement fayorables.
Au surplus, par la signature d~s ordOlmance$, il Y
a eu, du moins en ce moment, une apparence' d'lJ-
llallimité. Antérieurement il y a eu, sallS doute, dis-
cllssion, et par conséquent disselltiment. - D. JI
semblel'alt réiulter de votre répOll$e que les expli-
cations que vous anriez a donner: vous seraient ,fa-
vorables. Étiez-vous en clisselltiment avec voseoU~.,.
gues? - R. Vous avez de nombreux Úloyens .d'~.
quérir la connaissance de la vér:ité sur ce point, S311S
que je vous dorme lesexpli.catiops que vous rpe de.




( 88 )
mandez. - D. Nous comprenons le sentiment qUl
vient de dicter vowe réponse, et nous nous borne-
rons a vous demander si M. Guernon de.RanviUe a
été en dissentiment? - R. M. Guernon de Ranville
a en effet exprimé, dans les deux conseiw dont j'ai
déja parlé ,.des opinions opposées an systeme qui a
prévalu. - D. Dáns les journées des 2,6, '.1.7 et 28
juillet, le ministere rendait-il compte régulierement
au Roi de ce qui se passait dans Paris? - R. Le mi-
nistere ne correspondait jamais par des rapports
écrits avec le Roi; e' était le président da conseil qui
correspondait dans eette forme; et quoique ~e n'en
aie aucune connaissanee positive, je suis néanmoins
convaincu qu'il n'a pas négligé ce devoir pendant
les journées dont il est question. ~ D. Des mandats
d'arrets ont; été décernés le '.1.7 j';1illet contre un cer-
tain nombre de personnes. Que savez-volls a eet
égard ? - R. J' ignore com plctement les faí ts qui sont
l'objet de cette question, a plus forte rai¿on y suis-
je étranger. - D. Le sienr Lisoire, inventenr, de
projectiles incendiaires, prétend ávoir été invité par
plusieurs mjnistres, a livrer des projectiles pour
s'en servir contre la ville de Paris, dans les journées
des 27 et,,8 juiUet. En avez-vous connaissance? -
R. eette question me fait éprouv€r le sentiment le
plus douloureux. Le falt est grossierement fáux,
quant a moi. -D. En dehors des ministres, le Roi
avait-il d'autres cons~ils? - R. Je l'ignore, et vous
sentirez qu'il ne peut m'appartenir, dans aucun cas,
de répondre a une pareille questioll.




( ~9 )


M. LE eOMTE D}~ GUERNON-RANTILLE.


D. VOUS étiez ministre du Roi a l'époque de l'ou·
verture de la session précédente. Quel a été ·lé ré-
dacteur du diseours ~'ouvertlire prononcé par le
Roi ?!- R. Je ne pourrais faire une réponse précise.
Un premier projet fut préseuté et discuté paragraplrte
par paragraphe; mais· je ne me rappelle pas quel fut
l'auteur <.\.e la premiere rédaetion. -- D. Lorsque le
bureau d~ la Chamhre fut porter l'adresse au Roi,
savez-vous qui a suggéré et dicté la réponse du Roi?
- R. Je ne pourrais pas lepréciser. La réponse a
été discutée en conseil. - D. Quel a été le rédacteur
de l'ordonilance qlli a établi un nouveau systeme
électoral ? - R. Ce faít ne m'étant point personnel,
je ne puis répondre a la question. - D; Quel est le
rédacteur de l' ordonnance relative a la presse pé-
riodique? ~ R. Je ne puis que faire la meme ré-
ponse. - D. Dans les jOllrnées des 26,27 et 28 juillet,
le minístere rendait·il régulierement compte au Roi
de ce qui se passait a París? - R. Ce süin regardait
M. le président du com~il. Je suppose qu'il s'en est
acquitté, mais je l'ignore. - D. Des mandats d'arret
ont été décernés le 'J.7 juillet contre plusieurs pér-
sonnes. Que savez-vous a cet égard? - R. J'ignore
si des mandats ont été décernés, je ne le erois pas;
mais ce qu'il y a de certain, e'est qu;il n'y a euau-
eune discussion dans le conseil a cet égard. - D.
Pourriez-vous donner quelques détails sur les motifs




( 90 )
qui ont fuit appeler M. de Peyronnet au ministere?
- R. Aucuns. Le remplacement de MM. Courvoisíex-
et Chabrol par MM. Peyronnet, de Chantelauze et
Capelle, n'a point été discuté en conseil, et je ne l'ai
su que lorsqu'il a été coniommé.


D. Les ordonnances du 25 jnillet ont-elles été vo-
té es a l'unanimité? - R. Non. J'ai combattu Ges or-
dennances, et dans les conseils préparatoires et dans
le conseil ten u pous la présidence du lloi ou elles
furent définitivement arretées. Jecrois pOl.lvoir ajou-
ter que, dans le conseil ou, pour la premier.e fois,
les principes qui ont servi de base a 'ces ordon·
nances furent émis, M. d? Peyronnet se joignit a
moi ponr les combattre. - D. Dans le con&eil pl'á-
parataire qui eut líeu, parut-on abandonner l'idée
de ces ordonuances? - R. Je ne puis di re si l'idée
fut abandonnée par ceux qui adoptaient le pri'ncipe;
ce qu'il y a de certain, c'est qu'alors que chacuu
eut émis son opinion, il ne fut plus question de
eette affaire, et rien ne fut arreté. - D. Pourriez~
vous dire, Monsieur, si le Uoí avait d'antres con-
seillers que ses ministres? - R. Jc(ne le erois pas;
mais, au reste, je ne puis savoir ce qui se passait
dans l'intimité dQ chatean. - D. Avez-vous connais-
sance de propositions faítes au sieur Lisoire, inven-
teur de projectiles -incendiaires, de.livrer quelques-
uns de ses projectiles paur les diriger sur Paris?-
R. N.on, et je suis illeme treso.convaincu qu'aucune
personne attachée au gouvel'nement du Roi n'a con<;u
cette horrible pensée.




( 9 [ )


M. DE CIIAN'!·ELAUZE.


D. Savez-vous si votre entrée. au ministe.re a été
motivée par le dessein de changer le systeme poli,.
tique de l'admi!ústration? - R. Non. - D. Savez-
vous qui a suggéré l'idée de la proclamation du Roi'
aux. électeurs ? - R. Je l'ignore, je ne puis dire
quel est le i'édacteur. - D. Dans les jOllrnées des
26, 27 et ~8 juillet, le ministere a-t-il régulierement
rendu comptc au R?i de ce qui se passait? - R. Je
I'ignore, et il n'y avait plus de conseil. _ D. Savez-
vous qui a décerné les mandats d'arret qui paraissent
avoir été lancés dan s la journée du 27? - R. Je
l'ignore. - D. Savez-vous quelque chose relative-
ment a. de prétendues propositions faites au sieur
Lisoire, qe' livrer quelques projectile~ incendiaires
dont il est l'inventeur?- R. Je ne sais den a cet
égard, et ce nom m'est tout-a-fait inconnu. _ D.
Savez-vous si le Roi c;onsultait d'autres conseillers
que ses ministres? -R. Je l'ignore. - D. Pourriez-
vous donner des détails sur ~Qtre entrée au mi-
nistere ? - R. J'ai toujours été fort éloigné d'2.ccep-
ter ces hautes fonctiorrs. Nommé, ver; le ] 5 ou le
r6 aout ministre des affaires ecclésiastiques 'kt de
l'instruction publique, je refqsai et fqs as'sez heu-
rellX pour faire agréer ce refus. Noromé, dan~ Ce!>
derniers teros, garde-des-sceaux, je Ql~nifestai la
nH~me répugnallc~ et exprimai le meme .refus. ,De




( 92 )
nOllvelles circonstanees ne me laisserent 'pas libre
de persister dans eette résolution.


lei se terminent les interrogatoires des ex-mllllS-
tres devant la Commission de la Ghambre des Dé-
putés.




PREMIER INTERROGATOIRE


Subi par les accusés defJant la Commissiottde la
Cou,. des Pairs.


(26oCTOERE 1 ~3o.)


M. LE PRIKCE DE POLIGNAC.


D. Depuis quelle ~poque saviez-vous que vous de-
viez etre appelé au ministere,lorsque vous avez été
nommé le 8 aout 1829? - R. Je l'aí su tres-peu de
jou~s auparavant. - D. Est-ce vous qui ayez formé
le ministere, et l~ Roí s'est-il~ntendu avec vous sur
tous les membres quLl'ont composé? - R. Je rai
trouvé formé én partie, j'aí pr-oposé au choix du
Roi M. de Courvoisier, M. de Montbel et M. de Rigny
qui a refusé. - D. Quelle 'regle de conduite vous
étiez-vous tracé en entrant aux affaires? - R. CeHe
que-mes prédécesseurs avaient suivie. - D. De quels
prédécesseurs entendez-vous pal:ler? - R. De tons;
nous n'avions tons qu'l1n but, celui de maintenir
rordre de chOses établi. On adu retrouver dans mes




( 9~ )
papiers, qui m'ont tous été pris, quelquesnotes qUÍ
constatent mes intentions a ce sujeto - D. En appe-
lant au conseil ou en acceptant pour com~gues des.
hommes que l'opinion désignait eomme ennemis des
institutions constítutionnel1es, .votre intention n'é-
tait-elle ras de vous en servir pour les détruire ? -
R. Ponr I'épondre a cette questíoD; il faudrait savoir
quals sont les hommes que ron regarde comme
hostiles aux institutioDS constitutionnelles. M. de
Labourdonnaye était depuis plusieu:t;s années l'objet
des éloges des journaux de l'oPPOSitiOIl; 'ce n'est
d'ailleurs pas moj qui l'aí proposé, et iI était nonüné
avant mon arrivée au cOIlseil. Quant a M. de Bour-
mont, on ne lui reprochait qu'un fait militaire, qui
n'avait rien de commun avee la politique, et qui ne
pouvait faire préjuger quelles;;seraiellt ses vues sur
la direetion desaffaires. -,D. Vous avez a:lórs:etde-
puis,dans lecourant·.de:votte minish~re, formeUe-
ment exprimé que votre mission était Gérenversér
la loi des élections et de détruire la liberté de la
presse. De qui teniez-vous cette mJssion ? ~ R. Je
n'ai jamais exprimé que j'eusse eeHe mission, et par
conséqnent je ne pouvais la tenir de personne.


D .. Par qui étiez-vousseeondé aupres dw Roi, dans
l'exécution du plan qui a amené les Qrdonnancesdu
25 juillet dernier? - R. JI n:y '3.' eu ancnn plan de
formé a cet égard' jusqu:'a\l dernier momento - D,
Le· plan de conduite. que vous avez suivi,a-t-il été
discuté et délibél'é dans le conseil ;> - R. Si par plan
de conduite, on entend lerenversement des ins!itu~




( 94 )
tions, ce plan n'a jamais pu etre discnté ni délibéré
en conseil, car il n'a jamais existé. Qllant au systeme
.de gouvernement que le ministere dont je faisais
partie voulait suivre, il ne consistait qu'a dévelop-
per autant que possible, la Char.te elle-meme au
moyen des institutíons qui' pouvaient etre en har-
monie avec nos lois et nos mreurs. J'avais profité de
monséjour en Angleterre pour étudier ceHes .des
institlltions de ce pays qui pouvaient convenir a la
France, et j'avais meme fajt sur cet ohjet un tl'avail
fOJ'tconsidérable qui a da se l'etrouverau ministere.
-D. Lorsqne V011S avez conseillé au Roí Charles X
de dissoudre la Chambre, avíez~vous' déja arreté dans
votre esprit, et aVflC vos collegues, le plan qui s'est
réalisé 'par l~s. .oildonnance& da: ;1»5 }uiUet,?- R. 1..3.
díssolution .de la .. Chamhre a été al'retée en conseil
des ministres et en conseil d.u Roí, mais elle n'avait
J'ien de relatif auxordonnances. du 25 juillet, dont
alors il n1ébit aticunement question. ~D.Comment
avez-vous pu ,. dan s la disposition ou étaient alors
les esprits, croir.eque la Chambre nouvelIe semit



cl.'upe autlie opinitm .. que clt.lle dont on pronon"aitla
dissolution ? -;- :k.On a 'tu tirf7s.t6~J.lventll míen Angle-
terre et .en: Fr:mce, des,chllng~meni; dé ce gen re , et
j'ávais en.eftetlpoosé'queJa.composition de la Cham~
bre.nouvelle serait djfferente. BeaJ.1co.1blp d1autres
p4'l'sonnes"pantageaient "a:cerégf.lra~jmon opÍnion.
;.~·D;;-NJ:a}¡.tiznvous pas ,poul,'obtenil' une Gha;¡nDre
oo.nune·~0t1s1c desiriez,cmployé, soitpar vous-meme,
soit par vos agens, pOllr influencer les électoiws,.des




( 95 )
moyens que l'on pourrait quaJifier d'illégaux? - R.
Je n'en ai employé ancuns. - D. N'avez-vous pas
notamment employé la menace pour violent,er les
suffrages des fonctionnaires publics ? _ R. Jamais,
et comme ministre, je n'ai écrit, au sujet des élec-
teurs, qu'une seule circulaire, tellement inoffensive,
quelle n'a jamais donné lien a aucune critique j les
senles élections dont je me sois occupé, et cncore
comme simple particulier, .~e sont ceHes de la Haute-
Loire, a raison des relations que j'ai dans ce départe-
ment.·--;- D. N'avez-vous pas fait exiger des électeurs,
rn'algré la loi guí assuré le secretdes votes, que les
buIletins fussent remis par eux ouverts et de maniere·
a ce que l' on put voir le~ noms qu'ils contenaient?
- R. Jamais. - D. Lorsque vous avezr.édig.é ou fait
rédiger la proclamation ,r~yale qui a préc~é les éleo-
tions nouvelles, comJllent n'avez·vous..pas reculé de~
vant la, pensée de signaler comme ennémjs dti Roi
les. '1,,. l' députés qui avaient voté l'adresse? - R. La
proclamation ne les signale pas comme ennemis du
Roi. - D. A guel1e époque avez·vous con<;u le projet
des ordonnances du 25 jniUet? ~ lL Sept ou huit
jours avant leur signature, et encore leprojet n'a-t·il
été arreté qu'au moment meme. -D. Ce proje~ ~ dli
cependant exister avant l' entrée de MM. de Peyronnet
et de Chantelauze au ministl~re?-R. Nullel\IHmt.-
D. N'est·ce pas, au moins PQur soutenir et exécuter
des actes de eette nature' que vo~s avez appelé ces
Messieul's ?-R. Aucunement. --' D. M. de: Peyronnet,
qui a rédigé l' ordonnatlce électora'le·du·:15 juiUet, ne




, ( g() ).
vous enavait-il pas In une équivalente avant son en-
trée au ministere? - R. Non, je ne puis d'ailleurs
di re qui a rédigé l:Ordonnanee. - D. N'avez-vous pas
éloigné MM. de Courvoisier et de Chabrol, paree
qu'ils n'ont pas voulu eoncourir a l'~xécution d'un
systemeanti-eonstitutionnel?- R. Je n'aí pas éloigné
MM. deCourvoisier et de Chabrol; ilsse sont retirés.
- D. Quels étaient les projets que vous aviez laissé
pereú en présenee de MM. de Courvoisier et de Cha-
brol,. el quí les ont déterminés a se retirer? - R.
Je n'en avais aucun, et par conséquent je n'en ai pu
laisser' percer aueun. .


D. La résolution de dissoudre la Chambre n'a-t-
elle pas en pour but d'engager le Roi personnelle-
ment, etde.lé compromettre de teUe sorte qu'il ne
put rester sur son treme qu'en s'appuyant sur les
haionnettes ?-R. En aueune maniere, et j'ignOl'e ce
qui peut donnor líen a eette question. - D. Si la vo-
lonté de dissoudre la Chambre, de déclarer ennemis
personnels da Roi les 221 députés, de soutenir son
ministere a tont prix, a tous ri&ques, et quoiqu'il
falhit faire contre les lois, a été con<;(ue pal~ le Roi lui-
meme, ne llliavez-vous pas rep.ré5enté la multitude
de danger~ fluxquels il s'exposerait? - R. -Je com-
meneerai d'alJord par mettre hors de qnestion tont
ce qui ~st reIatif a la personne dn Roi; sa personlle
était sacrée. Je répete, en second líen, q.l1e les 221
députés'n'ollt jamais été désignés comme -ses ennc-
mis personnels. En troísieme lieu, l'intclltion de con-
server le ministere alors existant, ne ponvait ~vo¡'r




\.. 97 )
rien d'illégal; ce n'était pas la premie re fois, depuig
la l'estauration, que l'on avait dissous une Chambl'e
des Députés poul' conserver le ministere. - D. Si
vous n'avez con<.;u le projet des ordonnances qu'a
l'approche du moment OU elles ont ét~ l'en~ues, que
s'était-il done passé dans le pays -quiput motiver
cette mesure? Le pays n'était-il pas tranquille ?-R.
Non; iI Y avait un parti qui vouIait renverser la
Charte et la dynastie- - D. Tous les organes de l' op-
position ne prechaient-ils pas c~pendant le respect
pour l'ordre légal, et I'oLéissance aux Iois existan tes
et a celJes qui seraicnt constitutionnellement ren-
dues? - R. La disposition des esprits núus faisait
craindre que leurs intentions a ce sujet ne se réali-
sassent paso -- 1). Les arrets des magistrats étaient-ils
restés quelque part sans exécution ?-R. Pas que je
sache.-D. L'administration avait-elle éprouvé quel-
qne résistance d'une nature grave et propre a moti-
ver un grand changement dans I'ordre de choses
établi ? - R. L'administration rencontrait partout
des obstacIes, quoique partont Sq marche fUt légale.


D. Quelle était la nature de ces obstacles ? - R. Ces
obstacles résultaient surtout de la malveillance ave e
laquelle étaient re<{us tons les actes du gouyerne-
ment, malveillanee qui se ma.nifestait par les criti-
ques les plus ameres des nlesures meme que ron
reclamait auparavant, par les calomnies répandues
contre le gOllvcrnement, par les associations for-
mees pour rés]ster a des projets qni n'existaient
pas, par la pllblicité la plus indiscretc donnée aux


7




( 98 )
orJ['e~ et aux plans'arretés, pour en compromettre
l'exécution; enfin il résultait de tont ce qui se pas-
sait, qu'un parti s' organisait ouvertement pour le
renversement de la monarchie.-D. Cette situation,
en la Suppos¡nt exacte, existait déja depuis long-
tems et ne vous avait pas déterminé d'abord a pren-
dre des meSures que vous avez prises depuis; com-
ment donc y avez-vous été porté plus tard? - R. Nous
avions espéré que la dissolution amenerait dans la
Chambre une majorité déterminée a soutenir le
ministere; et nous étions d'autant plus fondés a le
croire, que peu de tems arres le vote de l'adresse,
plusieurs deceux qui l'avaient votée avaient annoncé
ouvertement que si la chose était a recommencer
ils ne la voteraient paso Mais les nouvelles élections
ayant donné une Chambre d'ulle opinion encore plus
prononcée que la précédente, nous avons pensé que
des mesures dn genre de ceHes qui ontété prises, de-
venaient indispensables. - D. Il est notoire que des
lettres écrites de l'étrangcr ont annol1cé a l'avance
les ordonnances qui ont été signées a Saint-Cloud
le 2.5 juillet; cette connaissanee anticipé e ne prouve-
t-e11e pas que ces ordonnances avaient été méditées
de longue-main, que l'idée premiere en avait été
commnniqnée a des personnes dont quelqucs-unes
avaient été peu discretes? _ R. Je ne connais aucune
lettre venue de l'étranger qni en fasse mention, et
cela était impossible, pllisquc, comme je l'ai dit, il
n'en avait été ancunement question avant les huit
OH dix jours qui out précédé leur signature. - D.




( 99 )
Nous vous représentons une lettre de M. de la Fer-.
ronnays, en date de Naples, le 2.aout, et anivée a'
Paris apres votre sortie du mitistere; elle prouve
que vous luí aviez fait eonnaitre, a eette époque, des
projets dontil était cffrayé ? -R. eette lettre ne peut
avoir trait qu'aux eonséquenees de la premiere dis-
solution de la Chambre et a la convocatiDn de la
Chambre nouvelle pour le 3 aout, mais en aneune "
fa<;on aux ordonnances, dont je puis affirmer que
je n'avais parlé ni éerit a personne, n' en ayant aucu-
nement con¡;u le projet avant l'époque que j'ai in-
diquée.


D. Les ordonnances paraissent avoir été combat-
tues dans le conseil par MM. de Peyronnet, Guer-
non-Ranville et de MantLel; comment avez-vous
pu, contre l'avis de ces memLres du conseil, contre
l'avis de la France entiere, et uniquement pour ne
pas eéder au vreu national qui repoussait votre mi-
nistere, oser pousser le Roi a une extrémité aussi
redoutablc; comment avez-vous pu, pour votI'c pro-
pre compte, vous Jan.cer dans une voie aussi péril-
le use ? - R. Les ordbnnanccs ont été approuvées par
tous les membres du conseil; ce n'est pas meme
moi qui les ai rédigées, mais je les ai aussi approu-
vées. - D. Les ordonnances ont pu etre définitive-
ment approuvées par tous les membres du conseil ,
mais apres que quelques-uns les aUl'aient combat-
tues dans la dÍscussion. Pouvez-vous dil'e par qui elles
ont été combattlles ? - H. Les ordonnances, comme
he,lúconp c!'autrcs projets qui avaient alors été pré-




( 100 )


sentés, ont, en effet, été débattues dans une diseus·
sion préparatoire, mais elles OIl t été déf!niti vement
approuvées par tots les membres, et je ne puis
m'expliquer sur la part que chacun anrait prise a
leur discussion ou ensuite a leur rédaction. - D.
N'avez-vous communiqllé a personne la rédaction
définitive des ordonnances avant lenr discussion au
conseil? - R. Non, je ne les ai communiquées a
personne d'étranger au ministere. - D. N'avez-vous
pas mis une grande vivacité dans le language dont
vous vous efes serví pour exciter plusieurs de vos


.,. . collegues a signer ces ordonnances alors qu'ils s'y
refusaient?- R. Non. - D. N'avez-vous pas empIoyé
vis-a-vis d'eux des argunl.ens qui étaient de nature
a les ébranler par la considération de quelques faux
points d'honneur? - R. Non. - D. Ce mode d'a'r-
gumentation n'a-t-il pas été employé par queJque
autre personne dan s leconseil? - R. Non.


D. M. Guernon Ranvillc De vous a-t-il pas, des
les mois de décembre, adressé UD mémoire ou il.
combattait a l'avance des ordonnances, les coups
cl'état, et oú il exprimait qu'on ne pouvait, ,sans
péril, sortir des voies constitutionnelles de la Charte?
- R. Je me rappelle une note qu'il m'a envoyée, et
a laqueHe j'ai répondu que je partageais ses idées.-
D. Cependant, pour que 1\1. Guernon-Ranville eútpu
croire qu'il était nécessaire de présenter une note
dans ce sens, il semble qu'il fallait que ron eut ma-
nifesté l'intention de sortir de la Charte? - R. Il
n'avait jamais été questio,u de rien de sem blable, et




( ~Ol; )
je uemande que M. Guernoll-RallvHle soit spéciale-
meut inlerrogé sur ce point. - D. N'est-ce pas
M. de Peyronnet qni a porté au conseil la minute du
projet des ordonnances? - R. Je dois garder le se-
eret sur tont ce qlÜ s'est passé l\U conseil, et sur-
tout lorsqu'il s'agit d'iqdiquer le noro des personnes.
- D. Ce projet avait-il été concerté a l'avance entre
vous et le Roi. - Non.


D_ Vous deviez prévoir que les ordonnances al-
lajent soulever beaucoup d'esprits; elles éloignaient
des colléges la presque totalité des négociars, elles
détruisaient l'élection directe: une résistance légi-
time et loyale devait dpne etre prévuej quel plan
aviez-vous f9rmé POUl' en triompher? - R. Nous·
avions espéré au eontraire que les personnes atta-
chées el l'ordre et el la tranquillité reconnaitraient le
but auquel no.us vou\ions parv,euir, et qui éta.it d'al',
reter l'agitation qui régnait dan s les esprits. Il n'y
avait done aucun plan de formé, paree qu'aueune
résistance n'avait été prévue. - D. V QUS ne pouviez-
ríen attendre des tribunaux, dont ]a stricte fidélité
a leurs devoirs était connue. A quelle juritlietion
eomptiez-vous tracluire ceux qui opposeraient ré-
sistanee el l'exécntion des oruollnanees? -R. On ne
comptait avoir ree:mrs a aucune autre juridiction
qu'aux jul'idietions ordinairee. - D. Entendez-yous
par juridiction orqinaire ceHe des conseils de guerre
et des cours prévotales? - R. Non, en ancune ma-
niere. -D. Comment était-il possible que vous vou-
lussiez res ter sans tribunaux extraordinaires pour




( 102 )


.'éprimer des actions que les ordonnanccs incrimi~
naient, et que les tribunaux ordinai res auraient trou~
vées légitimes? - R. Il suffit de lire les ordonnances
pour se convaincre que leur exécution ne devait éIe-
ver que des questions administratives. - D. Les
cours prévótales vous avaient été demandées pour
les incendies. N'était-ce pas un moyen de les avoir
a sa disposition pour punir les résistances aux or-
donnances? - R. Il n'a jamais été question d' établir
aucune conr prévOtale, et je demande que l'on fasse
les rcch.erches les plus exactes a ce sujet.-D. Un
mémoire, trouvé dans vos papiers, et que nous vous
représentons, prouve qu'un homme, qni paraissait
etre dan s votre intimité, ne supposait pas que vous
puissiez vouspasser decesecours ?-R. Ce mémoire,
daté du :l6, ne m'a pas passé sous les yeux, et je ne
puis savoir par qui il m'a été adressé. - D. Vous
aviez dn croire au moins qu'il y aurait, le 3 sep-
tembre, résistance aux ordonoances électorales, et,
.des le premier moment, a celle en vertu de laquellc
on pouvait, a Paris et dans les autres grandes villes
du roy"aume, s'emparer sans jugement des pl'esses
des imprimeurs, les briser et les détruire. Quels
moyens aviez-vous pris pour taire exécuter ces or-
donnances si contraires aux lois? ~ R. Les moyens
d' exécu tion des ordonnances ne me regardaient pain t,
et ron ne devait prendre que ceux qui sont indiqués
par la loi.-D. Cesmoyens d'exécútion étaientnéan-
moins si graves qu'iI est impossible qu'ils n'eussent
pas été concertés a l'avance et connllS du président




( 103 )
du conseil? - R. Je ne puÍs que répéter qu'on n'a~
vaÍt pénsé a aueun autre I;lloyen qu'aux moyens léw
gaux.


D. N'avez-vous pas eependant, a eette occasion,
demandé a M. le vicomte de Champagny l'état des
troupes en garnison a Paris? _ R. Pendant tout le
tems que j'ai eu, par intérim, le portefeuille de la
guerre, l'état de la place m'était re mis a des époques
réglées et dans la forme ordinaire. - D. A vez-vous,
comme minü,tre de la guerre, fait prévenir les troupes
stationnées dans les lienx circonvoisins de se tenir
pretes a marcher an premier signal ? - R. En auenne
maniere. - D. N1i.vez-vons pas eependant, des' le
20 juillet, fait donner, par M. le duc de Raguse, a la
garnison de Paris , un ordre de se tenir prete en cas
d'alerte?-R. Je n'ai jamais en connaissance de eet
ordre. Il a d'aílleurs été expliqué a]a Chambre des
Députés que de semblables ordres étaient donnés di-
rectement de tems en tems par le major de la garde
aux troupes sous son commandemen t. - D. N' était-
ce pas faire une révolution dans le gouvernement
d'un pays que d'en changer les lois. fondamentales,
et ne regardiez-vous pas comme le changement d'nne
loi fondamentale eelui de la loi des élections opéré
par ordonnance? - R. C'est dans ma défense que
j'aurai a m'expliquer a cet égard, et a prouver qu'en
vertu de l'art. 14 de la Charte, on pouvait, dans de&
circonstances graves, etre amené a L'lire, par ordon-
nance, quelques modifications aux lois électorales t
sans faire pour cela ce que 1'on appelle une rpvolu-




( 104 )


tion. - D. N e peusiez-vous pas violer les lois fOIl-
damentales de l'état lorsque vous cassiez des élec-
tions légalement faites, en dissolvant une Chambre
qui n'avait point encore été assemblée ?-R. D'apres
l'opinion de personnes graves, la mesure n'a rien
qui soit illégal, el c'est un point qni peut etre con-
troversé, de savoir a quelle époque, les électioIls
une foís faite s , commence le uroit de uissolution._
D. Les loís sur la presse avaient été renuues par le
concours des trois pouvoirs : avez-vous crll qu'il fUt
possible, sans vi oler la loi fondamentale de l'état,
de changer ces 10i5 par ordonuance ?-H. La réponse
que j'ai faite a la question relative aux 10is électo-
rales, est également applicable a ceHe-ci. - D. Lors-
qu' on prend des mesures aussi périlleuses, il parait
naturel de s'assurer d'avance de la force militaire,
surtout lorsqu'on sait déja que l'ou n'a allcun appui
a attendre des tribunaux: aviez-vous sondé les dis-
positions des corps militaires et de leurs chefs?- R.
Non._D. Avez-volls prévenu le préfet de poli ce un
grand parti que vous alliez prendre? vous étiez-vous
entendn avec lui? - R. Non. ~ D. Avez-vous con-
sulté le préfet de police sur les dispositions des né-
gocians, qui devaient se trouver profondément 11es~
sés pas l'ordonnance sur les élections? - R. Non;
je ne me suis melé, hors du conseil, q ne de ce qui
rentrait dan s les attributions qui m'étaient confiées
comme ministre des affaires étrangeres', et qui l)'a-
vaientaucun rapport aux ordonnances.


D. Si vous avez dOllnp all Roí le conseil de publier




( 105 )


les ordonnances sans avoir pris le plus grand nom-
bre au moins des précautions que nous venons d'in-
diquer, ne faudrait-il pas en conclUl'e que vous avez
été entrainé par quelque autorité, par quelque puis-
sanee a laquelle vous ne savez pas résister? - R.
Non. -D. Lorsque le Roí Charles X vous a ordonné
de préparer les ordonnanees, ou lorsqu'il les a adop-
tées, fui avez-vous fait des représentations pour le
détourner de se précipiter dans cet abime, que ses
plus fideles servíteurs lui signalaient? - R. Comme
le ministere lui proposait les ordonnances, et qu'il
croyait devoir le faire dan s un but d'intéret public,
il ne pouvait le dissuader de mesures qll'il croyait
nécessaires. - D. Le Roi Charles X, ébranlé par les
représentations des hOIDmes qui lui étaient le plus
dévoués, ne vous a-t-il pas plusieurs foís fait con-
naitre leurs objections, pour les débattre ensuite
avec vous? - R. Cette question, en ce qui me con-
cerne, ne pourrait s'appliqncr qu'aux ordonnances,
et elles IJ'ont été connues de personne avant leur 5i-
gnature. - D. C'est le 25 juillet que vous avez fait
signer les ordonnances; la dissolution a-t-elle encore
continué dans le conseilde ce jour ?-R. Ellesétaient
déj;;' convcnues: elles peuvent avoir encore été dis-
cutées, mais fort brievement, le jour de la signa-
ture. - D. Le Roí Charles X n'a.t-il, en les signant ,
témoigné auenne inqniétude? - R. Je garderai tou-
jours le si!ence sur ce qui cOllceme le Roí person-
nellemcnt. -


D. A vez-vous I'endu compte al! Roí Charles X des




( 106 )


premieres agitations de Paris le 26? - R. Je ne les
ai connues que tres-imparfaitement, et n'en ai pas
rendu compte. - D. A vez-vous eu connaissance, le
27, de la résistance des journalistes, et notamment
de ceHe du Temps, et de la protestation signée par
quarante-quatre d'entre eux? - R. J'ai Iu ceUe pro-
testation dans les journaux. - D. Il paraitrait cepen-
dant que vous en avez eu une connaissance plus
particuliere, puisqne le procurenr du Roi serait ven u
chez vous en conférer; ne lui avez-vous pas donné
1 'ordre de faire arreter les quarante-quatre signa-
taires de la protestation? - R. Le procureur du Roi
a pu venir chez moi, mais je !le luí ai pas parlé.-
D. Cet ordre d'arrestation n'a-t-il pas été délibéré au
conseil des ministres, a l'hotel des affaires étran-
geres? - R. Non. - D. N'est-ce pas dans ce conseil
que vous avez délibéré l'ordonnance qui met la ville
de Paris en état de siége? - R. Oui, c'était le 27,
vers dix ou onze henres da ~oir. - D. Comment le
projet de mettre Paris en état de siége, de priver
cette capitale de ses magistrats, de ses administra-
teurs, de les livrer sans défense ni recoars au POll-
voir militaire, ne vous a-t-il pas ouvert les yeux sur
l'inconstitutionnulité des ordonnances, alors que
vous ne pouviez les soutenir que par de pareils
moyens? - R. Nous avons pensé que la mesure
était légale, et que ce serait un moyen de ramener
plus promptement l'ordre en concentrant les pon-
voirs dans une senle main, a raison surtout de l'in-
terruption des communications qui résultait du dé-




( 107 )
sordre dans lequel se trouvait la capitale. - D. Aa
centre de l'état, son s les yenx du ministere, lorsque
le président du conseil, ministre de la guerre en
m~me tems, est lui-memé sur les lieux, lorsqu'il
a sous sa main tons les instrumens qui peuvent lui
etre nécessaires, la mise en état de siége ne se peut
expliquer que par la volonté de priver les citoyens
de tous leurs recours accoutumés et légaux, de les
livrer entierement a la juridietion, ou pour mieux
dire au pouvoir des eonseils de gnerre? - R. J'ai
déja expliqué que eette mesure avait pour but uni.
que de ramener l'ordre. Cornrne ministre de la guerre,
je n'étaÍs point ehargé du commandementdes troupes
dans la eapitale, et la diffieulté des communieations
explique pourquoi on a préféré mettre l'autorité
dans une seule main. L'intention que l'on me sup-
pose dans la question n'était d'ailleurs pas la mienne.
- D. Vous nous avez dit tout-a-l'heure que votre
projet n'était pas de reeourir, pour l'exécntion des
ordonnances, a auenne juridietion extraordinaire.
Comment se faít-iI donc que deux jours senlement
apres leur publication, vous ayez pris le parti d' éta·
blir-, pour Paris, la seule juridietion des eonseils de
guerre, ainsi que cela résulte et de la mise en état
de siége, et d'une lettre écrite par vous au mal'échal
due de Ragllse, que nous vous représentons, et qui
annonee l'intention de faire juger les coupables par
un conseil de guerre? - R. Je ne pouvais pas pré-
voir que l'exécutioIl des ordonnanees rencontrttt une




( J 08 )
pareille résistance, ni qu'il fUt jamais néeessaire de
mettre Paris en état de siége.


D. N'avez-voui pas, comme ministre de la guerre,
commandé le :l8, dans les bureaux de la gnerre,
tous les travaux nécessaires ponr organiser a Paris
les eonseils de guerre? - R. Non. '- D. Connais-
sieE-vous bien vous·meme toutes les conséquenees
de la mise en état de siége? -R. Non, je ne pouvais
les connaltre eompletement, n'ayant pas étudié les
lois sur eette matiere. - D. Est-ce vous qui avez
porté a la signature du Roi l'ordonnance de mise en
état de siége? _ R. Oui, e'est moi qui l'ai porté e le
mercredi matin. - D. Comment se fait-il eependant
qu'elle ait été COllnue des le ').7, et que le préfet de
police ait lui-meme annoncé des ce jour~la qu'il n'a-
vait plus de pouvoirs? _ R. Je n'en ai aucune con-
naissance. - D. Cest le 2."J au soir qu'a été délibé-
rée l'ordonnance de Illise en état de siége, et, mal-
gré les scenes qui avaient déja ensanglanté cette
journée ,ellesn'avaient pas été assez générales, meme
aux yeux les plus prévenus, ponr moti ver une me-
sure aussi extreme; l'état de la ville paraissait meme
assez calme a la fin de la journée pou r que les troupes
aíent pu rentrer toutes le soir dans leurs casernes.
Quel a done été votre motif déterminant ? - R. A
l' époque a laquelle on a pris cette mesure, Paris
était si lo in d'etre calme, que l'on était venu nous
dire que tous les chef s d'ateliers avaient renvoyé leurs
ouvriers, d'ou iI pOllvait résulter que pres de qua-




( 109 )
rante mille hommes, SUllS ouvrage et sans pain, de-
vaient encore augmenter les désordres du lendemain.


D. Qu'avez-vous fait, qnels actes extérieurs avez-
vous ordonné pour rendre publique et authentique
cette ordonnance de mise en état de siége, pour que
les citoyens fussent suffisamment avertis et eussent
a se soumettre; car, antrement, ils auraient pu se
mettre, sans le savoir, dans le cas d'etre traduits de-
vant des eonseils de guerre? - R. Je me suis borné
a remettre l'ordonnance entre les mains de M_ le
maréchal. - D. Est-ee vous quí, eomme président
du conseil, avez ordonné a la Cour royale de se
rendre aux Tuíleries, et quel pouvait etre le motif
de' eette translation? _ R. Ce n'est pas moi qni ai
donné eet ordre. _ D. De qui sont par ti s les ordres
donnés le mardi pour dissiper pa-r la force les pre-
miers l'assembIemens qui ont eu lieu aux environs
de l'Hotel des affaires étrangeres, du Palais--Royal
et de la Bourse? - R_ Ils ont dú etre donnés par
M_ le maréehaL - D. Pourquoi cet usagc de la force
n'a-t-iI été précédé d'aucune sommation faite aux ci-
toyens de se retirer et de se disperser; ainsi que le
vent la loi? - R. Je n'ai aucune connaissance de ce
fait; (iguore les mesures que l'autorité civile ou mi-
litaire a pu prendre pendant cés trois jours; mais
d'apres ce qui fi'a été dit depuis, les sommations
néeessaires amaient été faites, et iI y anrait en des
la veille une proClamation dn préfet de poliee pour-
interdire toute espece d'attroupemens. - D. 11 ré-
sulte rependantde tOU5 les interrogatoires, de toutes-




( 110 )


les <léclarations, meme des.officiers de poliee judi-
ciaire.employés a cette époque, que eette importante'
et indispensable formalité n'a été accomplie ni le
marrli, ni le mercredi, ni le jeudi, €t qu'elle n'a été
ordonnée par personne. Cette omission extraordi-
naire ne prouve-t-elle pas l'intention de commettre
les troupes avec les citoyens? - R. Tel n'a jamais
,été le but du ministere; je répéte que tous les faits
qui se sont passés a Paris, ainsi que les mouvemens
militaires, ne m'ont pas été connus, qu'aueun or-
dre, aucune instruction n' ont été donnés par moi a ce
sujet; d'ailleurs Messieurs les membres de la Com-
mission se secont sans doute adrcssés aux divers
chefs de corps, et auront su d'eux qnels sont les
ordres et instructioni qu'ils ont pu recevoir. Ce que
je puis affirmer, c'est que fai entendu moi-meme
dire par le maréchal qu'il fallait que les troupes ne


. tirassent que quand on aurait d'abord tiré sur elles,
~t en recherchant exactement ce qui a pu se passer
a ce sujet, on pourrait, je erois, s'assurer que ces
ordres ont été exécutés, et que, jusqu'au mereredi
nH~me, duns l'apres-dlner, plusieurs décharges ont
été faites t'Q l'air, ce qui prouve évidemment que
l'on voulait plutot effrayer que blesser ceux qui
formaient des attroupemens.


D. Avez-vous fait connaitre :m Roi, le mardi soir,
que déja les troupes avaient tiré sur le peuple réuni
aux eris <le vive la ('harte? - R. Je n'ai jamais eu
connaissance de cette circonstance. - D. Étiez-volls
le mercredimatinJ Saillt.Cloud, lorsque M. le m~lré-




( 11 1 )


c- chal a rendu compte, par lettre, au roi Charles X,
~ cléveloppement que prenait la résistance a Paris?


- R. Non, et je n'ai pas meme su si]e maréchal avait
écrit. - D. Quel jour avez-vous orelonné aux troupes
de Saint-Omer et aux régimen s stationnés autour
deParis de se diriger vers la capital e ?-R. C'est dan s
la nnit du mercredi au jeodi. ~D. A quelle heure, le
mercredi, avez-vous été avec les ministres, vos col-
legues, vous établir a l' état-major des Tuileries, chez
le maréchal Marmont? - R. J'ai quitté mon hotel
sur les une henre de l'apres-midi; les autres ministres
y sont venus successivement. - D. Pouvez-vous ex-
plique/' la complete inaction du gouvernement pen-
dant cette journée, et l'absence en ti ere de toute
mesure, de toute démarche tentée pour calmer les
esprits : inaction d'autant plus étonnante, qu'étant
venu vous placer au quartier-général des Tuileries,
v~us aviez nécessairement été informé, dans les
moindres détails, de cette fonJe de combats sur tous
les points, d'ou résultait une si grande effusion de
sango Qu'avez-vous fait pour arrcter cette effusion?
-R. Le motifponr lequel je me suis renduanxTui-
leries était d'évíter les rassemblemens nombreux qui
se portaient snr l'hotel des affa'ires étrangeres. L'inac-
tion du gouvernement s'explique par la concentra-
tion de tous les pouvoirs entre les mains de M. le
maréchal, araison de l'état de siége. Depnis la signa-
ture de eette ordonnanec, les ministres avaient cessé
toutes fonctions a Paris, et il est faux que j'aie con-
tinué seu] á correspondre avec la conr, ou pris une




( JI2. )


part plus active que mes autres collegues a tous ~
événemens, ainsi qne le rapport fait a la Charo...,
des Députés tendrait a le faire croire.


D. A vez-vous rempli le devoir qui vous était im-
posé par votre situation 'de président du conseil,
ayant la confiance particuliere de Charles X, de lui
faire connaltre, a plusieurs reprises, d'heure en
heure, et en quelque sorte de minute en minute, la
véritable position des choses et les malheurs dont la
capitale était accablée? - R. M.le maréchal corres-
pondant avec leH.oi, j'aí écritsimplementaSaMajesté,
comme j'en étais convenu avec le maréchal, pour lui
faire connaltre l'objet de la visite de MM. Laffitte et
Casimir Perrier. - D. Avez-vous conféré avec vos
collegues sur la déplorable situation dont vous étiez
les témoins? Avez-vous pris lcur avis pendant le sé-
jour qu'ils ont fait avec vous a l'état-major ?-R. J'ai
déja dit qu'i! y avait des ministres, mais plus de mi-
nistere; nous ne pouvions que déplorer les tristes
événemens quise passaient sousnos yeux.-D. Com-
ment pouvait-il n'y avoir plus de ministere ? Par cela
seul que Paris était en état de si~ge, n'aviez-vous pas
d'autres devoirs a remplir vis-a-vis du Roi? - R. J'en-
tends que le ministere n'avait plus d'action a Paris.
On pouvait d'ailleUl"s espérer que les Jésordres qni
avaient écIaté pouvaient encore s'apaiser. - D. IJe
maréchal duc de Raguse n'est-il pas entré au conseii
dans la ~atinée du mercredi, ponr vous dire que les
détachemens des troupes de ligne stationnés dans le
quartier du Luxembourg fraternisaient avec les ci-




( 113 )


toyens? Ne lui aveZ-VOllS pas dit que, daqs ce cas, il
fall~it agir militairement ,non-~elllement contre les
citoyens, mais aussi (ontre les, détachelJ?e~s ,q'fi se
réuniraient a eux? _R. Je ne me rappelle nllllement
cette circonstance. _ D. N'avez-vous pas refusé de
recevoir les c}éputés <le P~ris 'qqi .s9nt venus V045
supplier de faire cesser le carnage ? -: R.)\f. ,le ma~é­
chal est,venu Illed.ire,'eIl que.lc¡qes Illots, que quel-
ques députés de Paris étaierit venus luí dédarer qu'il
serai t néc~s~aire de rapporter les ordonnances, a quoi
j'~i r4pondu que je ne pouvais le faire moi-meme,
mais que j'en écrirais au Uoi : j'avais préalablement
prié un ofü.cier d'état-major de me prévenir aussitót
que ces messieurs sortiraient de chez le maréchal;}l
vint m'avertir effectivement. J'hésitai un inst~nt,~i


j'irais les trouver~ mais, songeant q\leje n'avais ,d:~jq.­
~re assurance a leur donner :que celle que je l~ur
.avais déja, fait passer par }l. le maréchal , je les pril,li
de,ne, pas at.tendre,lemaréchalm'ayant dit qu'il allaít
me faire connaitre les détails de leur conversati()ll.
- A viez-vous consulté vos collegues pour savoir $i
vous les recevrie,z? - R. Non, la chose ,s'est pas~ée
en tres-peu d'instans. - D. Pouvant cependantréu-
nir vos collegues avec,beaucoup de facilité et de
,promptitude, ne leur avez-vous pas aumoins fait
connaitre peu apres ce qui venaít de se passer, et
n'ont-ils pas été d'avis de donner suite aux propo~i­
tions de faire cesser le fen et d' en référer au Roi? -'-
R.Mes collegues ont en connaissance de la démarche
f:lite allpres dn ma~échal. Je {erai observer ici que


8




( 1 l4 )
le maréchalne m'a pasparlede faire cesser le len;
qu"il ne mla p'llS meme indiqué quelles étaient les
personnes avec qüi 'On pouvait traíter, et qu'il n'a
été question que dll retrait des ordonnances. - D.
l\'avez-vous pas connn les nomsdes députés de París
qni seliont présentés a: l'état-major? - R. Je n'ai su
que M. Laf6tte et M. Casimir Perrier.


D. A vez-vous écrit pour faire connaitre au Roi la
démarche des députés? - R. OuÍ. - D. N'avez-vons
pas écrit au Roí Charles X que les rebenes étaient
pOllrsuivis dans toutes les directions et allaient etre
rejetés hors des barrieres? _ R. Je ne me rappelle
pas avoir écrit rien de semblabJe; je n'ai écrit qll'un
mot. Je 5ais que le maréchal a rendu compte de son


. cOté. -' "D. Il páraitque le maréchal avait faitcon-
, naitre au Roi, ce meme jour mercredí, vers midi,
rétat tres-grave de Paris et la position critique ou il
se trouvait; mais le ROl ne correspondant pas ayec
le maréchal seul, il a da cncore correspondre avec
vous comme président du conseil et camme ministre
de la guerreo 11 parait que vers quatre heures iI était
en pleine sécnrité, et croyait au sueces de ses armes
sur tous les: points: 'Son erreur ne provenait-elle pas
des rapports que vous lui faisiez parvenir? - R. Je
ne connais pas le rapport dont vous me parlez. M. le
maréchal ne m'a jamaís montré aucun de ceux qu'il
envoyait, et je n'ai eu d'autre correspondance ayec
le Roí que la lettre dont je viens de parler tout-a-
l'heure. - D. 'N'avez-vous pas mandé au ROl Charles
X, soit a ce moment, soit plus tard, que ]'on allait




( lI5 )
arreter les chefs de la révolte, et qu'ils allaient etre
jugéspar une commission militaire ?-R. Je n'ai pule
lui mander, d'abord paree qu'on n'ajamais arre té per-
sonne, et en second lieu, parce que 1'0n n'a jamais
nommé de commission militaire.-D. II parait cepen-
uantque le Roi Charles X étaiteneore dans cette pero
suasion le jeudi matin: pourriez.vous dire d' 011 elle lui
venait ?-R. le ne puis le dire.-D. Avez-vous donné
l'ordre d'arreter les douze députés de Paris? _ R.
Non. - D. Vous venez de dire qu'il n'ya pas eu
de commissions militaires; mais on pouvaif croire
qu'elles ne tarderaient pas a exister, puisque vous
aviez envoyé chercher M. de Champagny pour en
conférer avec vous?-R. Je n'ai eu aueune confé-
rence ace sujet avecM. deChampagny, et n'ai donné
aucun ordre de ee gellre. - D. Un agent de la pré-
fecture de police ll'est·il pas venu, dans la matinée
du mercredi, vous exposer la difficulté d'exécuter
les quarante-cinq mandats lancés la veille, et ne lui
avez-vous pas réitéré rordre de les mettre a exécu-
tion?-R. Je n'ai vu auenn officier de police, et je
n'ai donné aueun ordre a ce sujet; j'ignore meme les
noms des personnes contre lesquelles les mandats
avaient, dit-on, été décernés. _ D. N'avez-vous pas
conféré sur la meme affaire et sur l'exécution des
memes mandats, le jeud! matin, de bonne heure.
avec 1.\1. de Foucauld? - R. En aucune maniere. -
D. N'avez-vous pas rer;u, le mercredi, la nouvelle
d'une insurrection a Rouen, el n'avez - vous pas
nommé M. le marquis de Clermont-Tonnerre gour




( II6 )
~rlérp,tén;dreJe mmiú'aIidement de ectte ville?-
R'.,té';n:;ai'eü aueune' tOíinaissánee de ce quí s'énih
'"p~~sé a ROllen. Qdaht' a ée qUi coheetne M. de Cler-
'H:íoÍ"l't-TonnÚre, je'lui:avais éerit huit bu díx jours
-r.'v~nt fes' évéhemens ~"poiir"1ui dire que le Roí l'avait
hOh)mé POUl- remplacer 'prov'isÓirement M. de La-


: lóu¡LPoiss'ae, qúc soü serviceiliilitaire rappelait a
P:it;is.La lettre luí futadressée 'dans une eatiJpagne


"qú'il venait de quÜter." Je i~e~us sa réponse trois ou
quatre" jours " Hvant lés événemens. Il me mandait


" qu"il venaít de rccevoir ma lettre; mais que si les
" o~ares duo Roi De deváient; pas etre exécutés immé-
'di:l'ter'nent, 'il: tcstCí'ait encore quelques jours a sa
chii'lpagne:'Ye lüi'¡~crr~ii q.e- yenirde'süite, et il se
~ r~HéHt' 'Múts a':Piti'Ís;'~ ~D.'M~ ~dé' Clél'mont-Tolmerre
_. ~ .. ; 1 ~ I I : ; " I ' • " • , •.


rüej "vous' a-'t·íI 'Pas' dit combien la monarehie lui sem-
'blhi'(coInj.ítdmi'sc 'p'arvos mesures, et avec quel
eo:(Írage les '1'adsiéns se battaicnt? - R. J e ne mo
"rappeUe" llullement céftecirconstance.


"" ::0,) Le';tllÚCrédi sbir, Iorsqúc toutes les troupes
on'félé'ttifcées '~e se}'e plier sur le I .. ouvre,avez-vous
St~)' i'e'tiáre d)mpie' rtu Roi' de" cet 'etat ded¿lIÓses si
g~avé ?'~';R.;.J ~(i:épete quejen·ai ;~uaiitune connais-
'~l1hce(;désévénemens militaires qui ont eu "lieü a
París. - i>: Si vous n'a"úzpas fait connaitre auRo!
Chirles X tétat vrai"ae París, n'était~ee pas paree
qu'a~eéles trónpes qui "arrjvaient dans la nuit, l'á.r-
tilleríe de' Vi"licenhes et les torces imeore 'disponibles,
vous"éspériéz reprendre l'offensive jeudi matin. -
R, 'Non; et"jc' ne'puis que me réfél'cl' a ma I')récé-




( 1,17 )
dente réponse. - D. Ave~-vou.s ét~ ~~lf;~~lpé¡ (l;:,~) l~~,
députés présens a Paris s'étaierü I'~u~¡~. \~ ~pr~H,~~.
le mercredi ? - R. Je ne l'aí Píls su. '7}\~~~,\~'~' Vi~~:
vos ordres qu'une somme de, ,42.1 ¡OO? frp,~~~,,~ é,~é.
tirée du trésor pour etre distribuée' eJ!;trápr;(~~<~ire~
melilt ame troupes? - R. N?Q" -: D.: Sav;e~-vo~s
pourquoi eette somme a é~~ ~~ist:rih~lé\!,? 7 R. ~n¡;)
seulement le jeudi rnatin;'a,Y·~r~~;all~(~.~,~i~~~9,1~~:9rJ
j'ai vu que l'on li~ait all~ f[OPP,If:> u!?-, o.r(h'~,\lll·j~!~~:;
et l'on m'a ditqtl'il était: reJ3tif a l1IJ~ djstribu\{ól~:
d'argent. - D. Le jeudi matin, a,:ant de¡~I.l1.it,ter:~~ti~,
n'insistiez-vous pas pOli r qU'c?11 rf'llOHVel~py's"4\ta-
ques? - n. Non. -,- D. Sur, l;?,~~,el~'!~tio:nc?f1~ía,jm:
du marécha.l, n'avez-vou~ p~s 9,elJl:in,\1.~,: .~N :s;~~1m~
Defrance, qui se trOl~vait¡p¡I;é~~f!~, ~~l~?n 1J.~I;r~~~~/~M
}?RS, avec des, ,tr~up~~, di~rgp~~~~sfi)!:~l~f~h~,rr ,l)~s:PJ1'i
~itions;; qU,e, ~:?~~ ,?~~, r~p:~pi~}~/l~~~fí~aJl e.~¡Jr{M:
néral? ~)l"l~e. '?~ m~,~apl)~I~! ~~c~~f~~ ",e~ef,:Ti(
~~nst,~nce~. (. ?" Avie:~:~~?~~ll~?r~ g~W~~ll,yS,~?r~!?~if~
sur le nombre des victimes du mercredi.? - R. An-


• < ! 1 -; Ir' i" • , 1 ~ .-:. ~ ! d :'" "1: ¡ .: 0., ~
cunes; et al1cl1l~ raPP?rt ~ ,cr~ sllJet ?ies:~, yen~; ,~' m~
connaissal{lc~.,-:- D: Le i~u~i .ma!~l~ ,~e,,:(;w;1}3r-':?H~
pas aller ;sGuJa S,ail1t~qo~q 1 ~~J:le)~9I,I~,~OPJ?~~!~f;
~)~~s pas a ce ~~:~( ,??u?e. ~,?\~>~~)~rsom;le,a,lt~~ };e~n~~>
p'!l)e~ p~~ar<:l~e ~l~preS q~! R,oi?: ~ R., F~t~~'; c,~\ffmI
sta~,~~ ~,~t:~~p~~~:ent pe~l ex~~te 9,ue ~lles col.l;'~tl~~,~r
moi nous y avons été tous ensemble. " .


,I?:}I I?n~l~:,~\~~,l~ ~,~~:Hl~.~l~~ X~ éd~!:~~ ~Ir~'~ú~i.
~:~: ytri.~abJ~¡ ·~m~J~~ c~ws~~{ .é~,<lit ,~V(sJ~~~~rl'~~ljrmH
~~r,s .o,rl~:e! ~e~r~:~: ;~J u ,matill ,i~ ,ral~p~r~gi reS; pr~lO~lT




( 118 )
nances et a changer gon ministere, ren áuriez-,"ous
dissuadé, et etes-vous cause du retard apporté dans
cette résolution? ~ R. Tout au contraire; e'est moÍ
qui, le premíer, a dix heures et demíe, lui ai fait sentir
la nécessité de rapporter les ordonnances, et je luí
donnaí de suite ma déinission. Je luí indiquai le duc
de Mortemart comme la personne aupres de luí
qu'il par~issait désirable d'envoyer a París pour an-
noncer cette nouvelle; le Roí m'autorisa a lui parler,
ce que je fis de suite, et j'introduisis immédiate-
ment le due de Mortemart ehez le Roí.


D. Avez-vous quelques éclaircissemens a donner
sur le fait si extraordinaire des incendies qui, pen-
dant les derniers tems de votre. administratioll , ont
désolé une partie de la: Normandie, et dont l'exécu-
tion se rattacherait si n:iturellement a ceHe de q'uel-
que plan conc;;u par des ennemis acharnés du repos
et drí honheur de la France? - R. Malgré les re-
cherches les plus exactes ordonnées, malgré toutes
les précautions prises, et dans lesquelIes nous avons
été se~opdés avec le plus grand zele par le~ auto-
rités locales, ·nous· n'avol1~ j~uia~s ri~n pu décou-
vrir; je ne puis done qu'irisist~r de to~t mon pou-
voir aupres de la Commission pour qu'elle prenne
toutes les mesures nécessaires pour amener, s'il est
possible, sur ce point la manifestatíon entiere de la
vérité.


D, Il paraitrait résulter de vos préeédentes déc1a-
rations, que vous n'auriez pris aueune mesul"e pour
l'organisation des conseils de guerre a Paris, par




( 119 )


$uite de la mise en etat de siége. L'instrnction établit
cependant que vous auriez donné des instructions
a cet égard a M. le vicomte de Champagny, dans ,la
matinée du mercreui, a Saint-Cloud meme, et qu'il
aurait meme réuní les employés du hureau militaire
pour avoir des renseígnemens sur'oe point. Quelles
explications avez-vous a donller a cet égard? - R.
Je ne me rappelle point avoir vu M. de Champagny
a Saint-Cloud dans lamatinée dn mercredi; je erois
mcme en etre c::ertain; mais il est ven u me voir aux
Tuileries dans.1-1 lluit du mercredj au jeudi. Il m'a
'parlé de la formation d'uu conseil de guerre et du
choix de ses membres. On avait été le prévenir au
ministere de la guerre dans la soirée Ul,l mercredj. Je
luí dis que connaissant pell1e pe¡:sonne\dela gueq'~J;'
je ne pouvaishü 'désigneraucun 9fAGi~r; et q~e j~
l'engageais a serendl'e 'Cll~zl~ m~réchal~a(in; de
s'entendre avec,hlÍa ce sujet, si 1'9n't~oyait néées~
saire de former en effet un cons~iI ,de guerre, ,"'7": p.
Il résulterait de vos précédentes déd~l'atjons que
vous n'auriez eu connaissance d'aucun Qrdl'e donne
dans la journée ,du mercredi, pour arreter plusieurs
citoyens, el notamment plusieurs dépl.ltés: L'in.,.
struction établit eepenuant qu'un ordre de cett~ lla-
tnre ,signé pal' M. le due de Raguse, aurait éte
donné le mercreui a M. de Foucauld, et qll~:~t
ordre aurait compris, ,entre auh'es noms, celJ~ @
MM. Laffite el. EtlsebeSalverte, et, je erois, eehJi. d~
M. de Lafayette., Avez-vous ,elJconnaissance.q~ ~,t
ordre? - R. Cet ordre n'ayant pas étésigné par




( J.2d )


moi, jene puis répondre a auenne question relatiw·
a des: faib qui cóncérúent d'autres personne~. -;:1):'
Cómment expliquerez-vous qu'étantvous-meme au'X
túileries en ce moment, un fait de Gouvernement
aussi important eut eu lieu sans "otre participation?
- R. Ma qualité de président du conseil n'ávait
aueun rapport aveel'arrestation' des personnes que
vous indiquez. J?al déja dit précédemment que, d('.~
pnis ma sortie de l'hotel des affaires étrangeres, je·
n'avais plus agi ni comme/ministre:, 'ni: comine pré-
sirlent du eonseil. _ D. Avez-vousété informé d:e
la non-exécution de eet ordre, qui paralt avoir été'
su~pendu au :rnóment on les dépatés sont sortis des.
TuiletÍes; apre~ q:~'votis ~ez· eu ~e{lisé de les rede~
volr? AV~2!:vous;: etm'titílesm()tU5q:üi ont fait sUS'-'
p'éndre ce! ordre ? -- R. Les motifs de la révocation
íie peuvent qu'etre hooorable a la personne qui a.n·
rait révoqué l'ordre, puisqu'on ne peut légalement
arreter des personnes gui vienneñt ·,\,ous porter des
pMlOles- dé conciliation. Je regrette de n'avoir pas p«
f'pitr\1étperj 'áyaI1t ignore les ordres donnés.- D.
Dans tine-feUé: siruatjon, et ·puisque "mIS:e¡i~iet.
avoir si oompleteIllerit abdiq~ l~ pouvoir par uil:e
conséquence nécessa'ire de la mise en état de sié~
qhe vous avez déclaré, comment la pellsée ne-vous
est"elle pas venue de vous retirer entieremellt des
affaires en donnant votre démission ? - R. Ce desir
de, tiJ.~ retirer des aff;;tires dont vous me parlez; fiÚn-
séulément je l'ai eu, roais je l'ai exprimé plúsHmts
fois au Roi dans ,le cours de mon ministere. Quinze




( I:lt )


jOtirS meme avant la signature des ordonnances, j~
luien I'éitérai l'e:tpression, en le priant~a~' moios de
nommer un autre président du conseil,;slil jug~ait
convenable que je restasse au'minist~re po U" le'bien
de Slm service. '


l>t ''V()tre entrée au ministere n'était-elle pas déci-
dée d€puis Jongtems Jorsque vous y etes entré, le"
lB mai? - R. Non; et meme en ce' nwme~t! j'ávaisl
fait: tous mes préparatifs de départ P'O\1 jo Bordeauí' ~
Le Jour en était fixé au salI1édide 18. ritert1tHémM'n:eí!
- D. M. de Chabrol $t Mi. de, ConFV()isiér'Séi¡~fWUít:
ponI' De pa.s putidíper


'
ianxttlestires' qtti s~ 'Prépá-


rnlenti Qoriti'ela: Chart~;n>arriviez~vous pas poür ae-
coinplil' les actes aú'xquels ils s'étaient ·refusés? -'-'
R. Les motíEs qui m'ont été communiqoés de l~ re;.;
traite, ,de MM. de Chabrol el de Coul'voisi~r étaJeüt
la prorogation et la dissolution de la ChaiI1hre. J'étld~
pel'sonneUetiIent.attacihé, ainsi que meS ~hciens amis
pw.:iqties ~au systeme' parlement:iÜre;; j'ai rédigé ¡
le 1:1f1Ílái,. un plan da 'c~)lldllite exclusiv~mlmt;~urat.
loguea:oé 8ysi~níe. A cette époque je n'avars aucüntt
~oimai'ssance dusysteme qui aprévaltt. - D. Avie~¡
vous eu', ávant "otro eJl.tl'é~ au mini6ttre, nv~ le
pr.ésident du cons~il, <lm cúnférences ;~t líl:hla.rthe
que·l'rin se proposait. de suívre dans la diréctíón¿fles




( I2~ )
affaires? - R. Je n'en ai en aueune. - D. En aece~
tant le ministere de l'intérieur, et en rcnom,;ant a
eelui de la justicc, que vous aviez oecupé pendant
plusieurs allnées, ne receviez-vous pas la mission
spéciale de domiller les élections en agissant sur les
électeurs? Quels rnoyens si puissans vous supposait-
on pour a.'river 11 ce but? - R. La prerniere partie
de la question est dérnentie par Yépoque a laquelle
je suis arrivé au ministere; a eette époque, tout le
tl'avail des élections était achevé; elle est démentie,
en seco lid heu, par les aetes personncls que tai faits
dans cette opération; et je saisis eette oeeasionpour
prier MM. les comrnissaires de vouloü' bien faÍre re:'
présenter et joincll'e a la procédure, l'original, écrit
de 'roa .mai1h de l'.unique eirculaire que j'ai adressée
auxpréfets pour les électioQs.J'exprimerai jei le rc-
gret que, clans l'instruction faite par la Chambre
des Députés, on ne m'ait pas représenté diverses
pie ces qui m'ont été depuis attrihuées, et que j.'ai
été pflr conséquent dans l'impuissanee de discuter.
Quant el la seconde partie de la questioll, je n'ai au-
cune répon8e a y .faire. , ;.


D. Ilrésulte de l'un de vos interrogatoires précé-
dens que vous avez été un des principaux réda~teurs
de la proclamation du Roi aux éleeteurs. Que ré-
pondez-vous aH reproche d'avoir mis dans la bouche
du Roi des paroles dont on pourrait induire que les
deuxcent vingt-un députés qui avaient voté l'a-
dresse devaient etre eonsidérés eomme ses ennemis
personDe)s?~ R. Je c¡'ois avoir déjit répondu que




( 123 )
je n'étais pas l'auteur de la proclamation , et j'ajonte
que je oe crois pas qu'elle contienne rien·qui puisse
motiver le reproche contenn dans la qnestion.- D.
N'a-t-il pasété fait de coupables efforts pour ébramer
et violen ter la conscience des fonctionnaires pub\ics
électeurs? Est-ce par vos ordres qu'en tant de col-
léges électoraux: vos principaux agens, alorsque la
loi commande le sec;ret des votes, ont exigé que les
fonctionnaires puhlics écrivissent et déposassent
leurs bulletins dans les urnes·, de telle maniere qn'on
put en avoir connaissance? - R. Je n'ai donné ni
ordre ni instruction de ce genre a qni que ce soit;
j'ajonte que tous les écrits relatifs aux élections, qui
sont émanés de moi, existent an ministere de l'inté-
rieur, rien n'est done plus simple que de les con';'
sulter et de les joindre aux pieces. _. D~ 11 est·na"
turel que les désordres élettoraux soientplus olÍ
moins impntés au ministre qui est plus spécialement
chargé des élections; votre aUention ne devait-eIle
pas etre d'alltant plus particulii~rement appclée sur
l'abus qui vicnt d'etre signalé, qu'il avaitété i'objet
des plus vives rédamations, dans la derniere Ohambre
des Députés, lors de la vérification des potlvoirs?-
R. Je ne pnis etre responsable que des actes que j'ai
faits ou autor'isés; et je porte le défi de citer le moin-
dre indice qui donne a croire que j'ai autorisé ou
provoqué des désordres électoruux. Ceci me fournit
l'occasion de prier MM. les commissaires de vottloir
bie~ se faire représenter et joindre aux pi~ces les
rapports qui m'ont été adressés sur les troübles de




( 124 )
Montan,ban et de Figeac, ainsi que mes dcux ré·
pon ses ; ils, trouveront, sur l'un des rapports, une
apostille écrite de ma propre main, et ils' pourront
juger pal' elle de mes véritabl~s dispositions.


D. Vous avez dil faire entrer dans vos calenls la
possibilité d'éleqteurs contraires a vos v~es; et, dans
ce C¡lS, le projet des ordonnances du 25 n' était-il pas
déja arrthéentre vous et vos coHegues, ou a,u moins
entre vous et le président du conseil? - R. Ni le
6ystl~me des ordonnauces, ni les ordonnances eHes-
memes n'avaient été l'objet d'aucune cOl)1~upica·
tion, ni d'aucupc discussion entre ancun de mes
collegu~s e.t moi ...... : D. Plusieurs journaux, entre


'lesqp¡e1a.i1 '10. ty5tun aPflu)~l <:>n aSI':ure, que vous ave:z;
p~qsieufS,fou. cllv,oyé: qes,al·,ticlf:s,,, n~a'Vai~I)~, c~,!¡f>é ,
dcpuis plusieurs mois, d' appeler, d' annoncer d~~
mesures semblables ou analogues a ceBes qui ont
été, prises par les onlonnances; u'était-ce pas le
moyen que le miuist<~re .employaitpour y prép~rer
~ esprits? n'était·ce pas un ll,loyen p~)Ur y amener
le ~Qi ~\li-'P.el~e,? ....... R., J'ignore qvelle directi.oll le
lQj»~~~~r~,:4Qnna.t ~ ~~'jqur.lla~ll;;, aWD:~}~ \~\~~>a~¡
depuis cette époqu~,'ie, n'~~~utqri~~:au,~\l1;le pu\:>li-
~tion de ce ge~re~ -, D. Lorsq1,le le, résult¡lt ~i dé-
t:;isif des élections est venu a votre c():~v;iais~aD;cr,
P'avez~vous pas eu la pensée qu'il: ~ttríljt~'Ul)¡ bqn
p'itqy~'ll et d'un fidele serviteur QQ. ~(A ,c;l~ rpmpr~Je
m\"l~~el'e? Vous en a"ez agi ainsi,li~ 18~Ú ,enl.l~
cas ro9lPli évjdeut; quel aété, dansccltli7ci, le qlQtif
d'une qon4llite si différente? - R. L~ d~rec~ion des




( I:AS )
affaires n'étant pas entre mes mains, la dissolution
du ministere ne pouvaii dépendre de moi; il a été
au surplus question, a plusieurs reprises, el'impor.
tan tes modifications.


D. Vous nous avez dit 'que la distributiondes
'lettres cIos!:!s n'avait été qu'une affaire de bureau; il
u été cependant aS'suré que le "dimanche ' so ir 'vous


;"en aviez encore'un 'certa¡n nombre sur votre' bu ..
reao, et les' aviez' roon trées ir des personnes qui vous
interrogeaient" sur les bruits répandus d'un coup


: d"etat. - R. Ce fait est entierement inexacto ~ D. Le
dimanche 25 au soir, n'avez-volls pas encore fait
avertir un 'député de su Ilomination, dont la nou-
velle venait d'arriver? })ourquoi usait-on de tant de
moyens de déception ? - R. Cedéputé fa~aitressái
el'une candidature nouvelle;il était;, dans tOU5 les
cas, tres-intéressé a coonalb'e le resultat de rélee-


'tion; il étalt'rolln ami, et ríen de plus naturel que
'l'avis que je lui ai fait transmettre aussitót que je
l'aÍ moÍ-meme re<;u.


D. Si le projet des .ordonnances u'a été con(,;u,
.. ainsi qu'il est dit dans vosprécédens interrogatoires,
qu'entre le 10 et le 20 juillet, que s'était-il done


. passé a cette époque qui aitpu mQ,tiver une paI'eille
me~urP ~;R. Bien qu'il soit tres-difficile et· tres.
déliCát 'pobr' rnói' de faire connaitre des motifs qui
peuvent avoír été allégués uans des eomeils dont les
délibérations doivent etre secretes, je erois ponvoir,
sansmanql1er a mon devoir, direee que tout le
nronde doiteomprendre t que l'un des;principau~




( 1~6 )
motifs sur lesquels on s'est fondé, a été la position
périlleuse dans laquelle le résultat des élections avait
plaeé le Gouvernement. - D. L'un des principaux
motifs suppose qu'il ya eu d'autres motifs; ne pour-
r'iez-vous pas dire ces autres motifs? _ R. Cela me
conduirait a faire eonnaitre tous les détails des déli-
bérations du conseil, et je ne erois cette révélation
ni légitime ni nécessaire. - D. Vous avez dit, dans
vos précédens interrogatoires, que vous n'aviez
jamais eu le dessein de pal'ticiper a des mesures qui
dussent avoir pour effet la suspension de la Charte:
ne regardez-vous done pas eomme une premicre vio-
lation de la Charte, le changement, pal' ordonnance,
d'une loi aussi fondamentale que la loi d'électjo~s
votée par les trois pouvoirs, et le changemen~, daps
la meme forme, de la législation également adoptée
par les trois pou voirs, et qui régissait l,a presse? -
R. rai toujours considéré comme tres-graves les
questions l'elatives a l'opportllnité de ces mesures,
a leur exécution, aux inconvéniens qu'elles pouvaient
entrainer. Quant au droit qu'avait la couronne de
les prendre, j'ai pensé, avec beaucoup de bons es-
prits, et apres de notables exemples, que la Charte
le lui conférait. - D. Quels sont les notables exem-


• pIes dont vous parlez? - R. Le lI'Ioniteur les con-
state, et il seront probablement cités dans la défense
du proceso


D. En admettant que les ordonnances, considé-
rées par vous comme légales, ne fussent qu'excessi-
vement dangereuses, comme vous ave~ toujours




( 12.7 )
par n le croire, quel est le motif si puissant qui a pu
vous déterminer a faire courir ce danger au Gouver-
nement dont vous faisiez partie , et meme a la cou-
ronne? - R. Il m' est fort difficile de répondre d'une
maniere positive a eette ql1estion, paree que je ne
pourrais le faire sans révéler les opinions exprimées
dans le conseil, les suffrages donnés, et la maniere
dont ces suffrages ont pu etre divisés : au sllrplns,
je répete ce que fai déja en, je crois, 1'0ccas\on de
dire, qu'il importe de distingúer le systerne en soi ,
et les ordonnances qui onl été con«;ues postérieure-
ment pour l'exécuter apres son adoption. On doit
concevoir qu'il serait possible que les suffrages se
fussent divisés d'une maniere différente dan s l'une
et dans l'autrc délibération. - D. Il n'y a done pas
"eú unanimité sur le systeme? -" R. Certainement
non.-D. Y a-t-il eu unanimité sur les ordonnances?
- B.. 11 en existe une preuve matérielle dans leur
signature. - D. Est-il vrai que des reproches, qui
pouvaient etre de nature a exeiter un fau:x point
d'honneur, aient été, sinon calculés, dn moins indi-
qué s eontre eeux qui ne signeraient pas? - R. Si
eette question tend a faire supposer que des repro-
ches de eeUe nature soient sortis de la bonche ou de
la plume de quelque membre du ministere, je n'ai
aueune connaissance de ríen de semblable. - D. Ce
reproche serait-il tombé de plus haut que de que1-
qu'un de vos eollegues? _ R. Je ne puis adrnettre
cette supposition, encore moins y répondre.


D. Les ordonnances étant signées, vous avez du




( u8 )
prévoüo les difficultés et meme1espérils quise ren ..


· contraient dans leur exécution ?En quoi av~e,z­
,.'Vous pris part anx mesur~sprises pour assurer ce,te
exécution?- R. Je n'y,ai prisaucune .part; j'ajoule


· meme, qu'a dater du :16, aucun rapport de poli ce
ne m'a été transmis. - D. En admet,ant que; V9US
ayez été étranger aux mesures purement,lflilitaires,
celles relatives aux juge,mens quenécessiter4~ept les
résistances légales 011 violentes que le Gouvernement
ne pouvait manquer de rencontrer" étaiept naturel-
lemen t de votre compétence; qu'avez.-vous, dit et fajt
a ce sujet? _ R. Le jugement proprement dit des
résistances n'était point la compétence dll ministre


· de l'intericur; il. n'a au surplus été ni rien dit ni
rien.tilit acet .~gard. -, .D .. ro.u$'cQ:qJl~i~s~¡.:¡J:rQP
,bíen.l'atJache~e.nt et meme le dévoument des tri-
.hunaux ordinaires aux; príncipes etame droits con.,.


· .stitutionnels, pour qu'ilvQUS eut été possible de
compter sur leur eoucours dans les voies extraJlb-
,gales ou vous vous jetiez. iI vous fallait done une


,·autre sorte de justice. A quelle espcke de tribunaux
co~P!~ez·):'ous vQusadresser? - R. Je Ifaijamais
.en u~ enteJ.ldu~~primer, n~e qu'i~ fll~ ¡ pp~~ihle dE
:s'adresser. a -d'autres trib~naux .q~'a. c.eux <¡ui étaienl


· ,établis. -D., La mise .en .ét~~,de. siége u'indi,que+eUc:
ras que, pour le premier moment au Illoins., vom
'Vouliez l'ecourir; aux co~seils deguene? Cette,me,
~sure , lorsqu~on l' employait au. .ceptre du Gou~erne,
,llient et dans un lieu ou son action était d~ja· par·
f.<titement concenirée, p~llt-elle s'exp~jqtJ.e~ autre·




( 129 )
m('ut que par le besoiu de ces ,conseils de guerre ?
- R. La mise en état de siégc a été déterminée par
un fait grave et imprévu; elle fut proposée dans la
soirée du 27, et admise conditionnellement. Elle
était suhol'donnée a l'état qn' offrirait la tapitate dans
la matinée du jour suivant; on la ctut fondée dans
le cas 011 des atlaques úombreuses et étendues aug-
menteraient le désordre de l~ veiUe. Le principeseu]
avait été arre té le m~Í'di, et il avait été convenu que
le préside!lt llu c<;mseil prendrait le lencJemain les
orqres duRoi d'apres l'état des choses tel qu'il serait
alors. Dans l'intervaIle de la premiere délibération
a ]a signatnre, je n'ai eu allenne commuuication a
ce sujeto


D .. Comment vous, ancien .magistrat, n'avez-vous
pas été effrayéau plushaut degréparla&~u.le.pensée
-de mettre París en état d~ ,siége, de priver cetté ca-
pitale de ses. magistraÚi, de ses administrateurs; de
la livrer !5ans défense aux exécutions militaires? Les
conséquences de cette mesure ont-elles été exposées
et discutées dans le conseil? __ R. Cette. mesure
était prksentée d'abord comme Iégale, ensnitecomme
propre a imposer aux auteurs des troubles, et a ré-
tflblir plus promptement l'ordre. - D. Par qlli 1'01'-
donnance a-t-elle été portée a la signature du Roi ?,
- R. Tout ceqllc je puis répondre est que ce n'est
pas moí. - D. Savez·vons si on a faít, sí on a seule-
ment commandé les mesures quí étaient nécessaires
pour rcndre notoire et publique l' ordonnance de
mise en état de siége, ponr que les citoyens fnssent


9




( 130 )
snffi5amment avertis qn'ils devaient s'y soumettre?
-R. J'ai OUl dire que ces mesures ayaientété prises;
mais je n'en ai en ancune connaissance personneHe.
~ D. PouV;Z-VOIlS donner l'explication de ce fait
extraordinaire? - R. Cela tient a la maniere dont
fai passé la jonrnéedu mercredi. Ce jour était l'uo
de ceux Ol! se tenait ordinairement le conseil du Roi.
N'ayant reí(u, a onze heures dll matin, ni commu-
nication ni rapport qnelcollflue, je partis du minis-
tere <le l'intérieur pour Saint-Cloud, en habi:t de
minÍstre et avec mon portefeuille, dans la persua-
s10n que le conseilse tienurait cornme a l'ordinaire.
J'y restai 3ssez longtems; et nn seul de mes colle-
gues étantvenu avec moi, le conseil ne fut point
tenn. A mon départ de SGint-CIoud, j'appris, comIDe
une chose seulement probable, que mes collegues
pourraient etre réunis an chatean des TuilerÍes: je
crus de mon devoir d'aller me joindre a eux. Arrivé
an pavillon de l<'lore, mon attente fut trompée: il
n'y avait personne. J'y attendis néanmoins longtems,
supposant que c'était dans ce lieu qu'on se réuni-
rail. Cependant, on vlnt m'avertir que l'un de mes
\collegues devait etre dans l'aileopposée dn chateau.
Je me rendis, par l'intérieur, dans l'appartement
que ron m'avait indiqué. Il n'y avait personne. J'y
attendis encore fort longtems, et ce ne fllt qu'apres
plusieurs henres que je découvris la partie du cha-
teau dans laquelle mes collegues étaient rénnis.


D. Pendant le séjour que vous avez fait ce Jour-Ht
A Saint-Cloud, avez-Yous V11 le Roi~ et éfait-il instrnit





( 131 )


de la gravité des événemens qui se passaient a Pal'is ?
- J'ai, en effet, vu le Roí; je n'ai pas líeu de
douter qu'il ne fut instruít de ce qlli se passait. -D.
Avez-vous entendu dire a Saint-Cloud qll'a ce mo-
ment le maréchal Marmont eút déjit envoyé un rap-
port qui pouvait etre considél'é comme inquiétant ?
- B." Non, je ne Tai pas OU! dire. - D. n parait
qU'aWun des actes nécessaires pour rendre publique
la ~ise 'en état de siége ,n'a ét~ fait' ni méme com-
mandé. Comment, vous ancien magistrat et premier
administrateur du royallme, n'avez-vous pas senti
leur importan ce , et commeut ne les avez-vous pas
réclamées han temen t? -R. J'aí déja a peu pres ré-
pondu a eette question : j'étai5 etjesuis encore dans
la persuasion que ces mesures avaient été prises. J'ap-
prends en ce moment, pOUl' la premiere, fois, que
ron doute qu'eUes 1'aíent été. - D. Avez-voll,S, en
votre qualité de ministre de l'intériellr, donné an
préfet de la Seine et au préfet de police les instruc-
tions néeessaires pour que, nulle part, aUClln usage
des armes ne pút etre fait eontre les citoyens avant
les sommations prescrltes par la loi? Vous etes-vous
entendu, a cet égard, avec le commam]ant de la
force militaire? - R. Des avant l'époque oú ont
commencé les actes de violcllce, je n'ai eu aucune
cornmunication avec les personnes indiqllees dans la
question; je n'en ai eu surtout' aueune avec les tOIIl-
mandans militaires. - D. Est-ce que le ministere au-
rait pensé qn\me fois la mise en état de siége pro-
noncée, tons ses rlevoirs de surveillance devaient,




( 13:1 )


cesser, qu'iI n'avaitpl'us qu'a regarder et a attenure?-
R. Il m'a paru qu'on avait l'opinion que les fonetions
du gouvernement continuaient, maÍs que les fonc-
tions administratives de toute nature étaient réunies
uans la personne du général en chef. -- D. Est-ce
que le Gouvel'llement ne s'était pas réservé le pou-
voi." et n'avait pas l'i'ntention de diriger lui-m.e ce-
général en chef? - R. Ancnne intention de .ce Sfnre
n'a été ni exprimée ni suivie en ma présence_


D. Il résultc de toutes les dépositions, meme de
celles des offieiers de poli ce jmheiaire employés a
ectte époque clan s les arrondissemens ou les prin-
cipaux engagemens ont eu liell , que nulle part eette
formalité n'a été remplie t qu'elle n'a été ordonnée
¡mUe part,'< ni par petson'ne. 'Qtl'á"ez-y(;)us 11 dire
'ponr excuser un semblable oubli? - R. J e n'ai ancune
eonnaissance de ces faits; je les déplore profondé-
ment. Je n'ai en aucune communication avec le pré-
fet de poliee depuis le ~5, etje ne puis encore eroire,
malgré les dépositions, que les officiel's de poliee jn-
diciaire aient manqué a ce point a lem's devoirs. -
D. A vez-vous en connaissanee de quarante-cinq man-
dats délivrés, le mardi, contre des journalistes et
impl'imenrs? l'ordre de délivrer ces mandats avait-il
été délibéré en conseil? - R. Je n'ai en connaissance
de ce fait que depuis le proces; i1 n'en avait point
été question en conseil. - D. Avez-vous eu conllais-
sanee de l' ordre donné a la Conr royale de se trans-
porter aux Tuilcries ponr y rendre la justice? Le mo-
lif de cette t.ranslntion n'était-il ras de I'empecher soit




133 )
ue confirmer le jugement qui venait d't~trereMdu par
le Tribunal de commcrce, soil d'appuyer 'par ses ar-
rets les citoyens dépouillés de leurs droits par les
nouvelles ordonnances? - R. J'ai OUl dire que cette
mesure avait été prise, 11 ce que je erois, dans.la
matinée du jeudi. Quant a ses motifs, ils ne peuvent
etre eel1X qu'indique la question; cal' j'entends par-
ler en ce moment , ponr la premiere fois, du juge-
ment .. enau par le Tribunal de Paris. Au surplus ,
eette mesure n'a point été l'objet d'une délíbératioll
·du Gouvernement. - D. Savez·vous par qui a été
donné, le mal'di , le premier ordre de dissiper par
la force les rasscmblemens qui s'étaient formés de-
vant I'Ilótel des affail·es étrangere&, sur la place au
Palais-Royal et sur la place de la Bourse? - R. Je
ne le sais ni ne puis le savoir, ayant été ce jour-Ia ,
pendant les événemens qui se sont passés; soit a Saint-
Cloud, soit a l'Hotet de l'intérieur, et sans ancun
rapport sllr les événemens. - D. Lorsque les mi·
nistres ont été tous réunis a l'état-major des Tuile-
des, save:l·vous s'ils ont ten u conseil, et s'il:; out dé-
libéré une ou plusieurs fois? - R. Il n'y a en aucun
conseil de tenu. - D. On ne vous rendait done pas
compte successivement des sinistres événemens qui
se passaient? - R. Non: je ne recueillais que des
rcnseignemens généraux et vagues.


D. A vez·vous eu eonnaissance de la Jémarche q ui
a été faite, dans la journée dn mereredi, aupres du
mal'échal Marmont, par les députés de la Seine, a
l' eHet de le supplier de hlÍre cesser les malheurs qlli




( 1 3[~ ) •
affligeaient la capitale. M. de Polignac vous a-t-il fait
part de l'invitation qu'il recevait de la part ~u ma-
réchal, d'entendre ces députés, et de sa résolution
de ne pas obtempérer a cette demande? - R. J'ai
connn la démarche; j'ai été informé de la présence
au quartier-généra! des députés dont iI est parlé dans
la question. Je n'ai point été informé des détails de
leur eonférenee avec M. lemaréchal. Qnant au reflls
de M. de Polignac, j'en ai l~té informé, et je l'ai cm
fondé sur la nécessité de prendl'e les ordres du Roí.
- D. Auenn membre dn ministere, depuis votre
retour ele Saint-Cloucl, le m'ercredi, n'a-t-il été elans
eette méme journée, a Saint-Cloud, a refret el'in-
strllire le roí Charles X du véritahle état des eh oses ?
- H. Jé ne sache pas qu'aucun ministre y soit allé.
- D. Comment se fajt-iI qll'a la fin surtont de ectte
désastreuse journée, lorsqll'on avait toute lanuit
llevant soi, iI ne sOlt venn ~ la pensée d'aucun des
membres du eonseil de l'employer it faire eeHe dé-
marche? - R. Les communicarions habituelles du
eonseil ave e le Rai n'avaient lien que par san prési-
dento Il ~TI'eút ¿té, d'aillenrs, persannellement ¡mpos-
sible de faire avec utilité une démarche de ce genre ~
par la raison, que je erais évidente, que M. le maré-
chaL nc m'a vait, a ceUe épaque, rien fait cannaltre
de sa positian militaire.


D. Cornment s'est enfin détermillé le jeudi matin
le départ de ]\1. de I)olignac et des nutres ministres,
P0llI' Saint-Clond? - n. Je ne puis répondl'e bicn
I'"actement sur la tlétermination de M. de folignae;




( 135 )
mms Je puis répondre exactemeut a l'égard de la
mienne; 1\1. le maréchal annOll¡;a l'intentioll de me
faire connaltre personnellement sa position militaire,
et de me déterminer a en aller rendre COlOpte au
ROÍ; il exécuta ce dessein, et je lui promis tont ce
qn'il souhaitait; je me hatai donc de partir pour
Saint-Cloud, ou je m'aoquittai vivement et exacte-
ment de ma commissioll. Au moment de mon départ
des Tuileries, j'avais eud'importautes communica-
tions avec 1Vll\'I. de Sémonville et d'Al'gout, sur les
événemens de cette malheureuse journée; ces lVIes-
sieurs pourraient remire compte des sen timens dont
ils me trouverent animé. _ D. La résolution que le
Roi a prise en vertn de votre démarche et de pIu-
sieurs autres faites dans le meme sens, raralt avoi¡,
été convenue a peu pres vers onze heures du matin,
et cependant elle n'a été mise a exécution que fort
avant dáns lasoirée. Est-ce a l'inflllence dn conseil
dout vous faisiez partie qu'il f.'wt attribue¡' ce re-
tar'd apporté duns l'exécution ? - n. J'ignore com-
p]etement les causes de ce retar'd; j'ignorais meme
qu'il eút lien, et j'étais convaíncll que l'exécutiou
de l'ordonnance avait eH lieu. immédiatement apres
sa signature.


- D, A vez-vous quelques éclaircisseruens a don-
ner sur le fait extraordinaire de ces incendies qui,
pendant les derniers ruoís de la durée du ministere
dont vous faisiez partie, ant désolé plusieurs can-
tons de Ja':Normandie, et dOllt iI est difficile de ne
pas rattacher l'e:x.écution a eelle de quelque plau




( 136 )
con<;u par des ennemis ucharnés du tepos et du
bonheur de la France? - Les incendies dont il s'agit
uvaient commellcé longtems avant mon entrée au
ministere. Le premier conseil qui snivit mon établis·
sement dans l'hot!el du ministere, j'ouvris les dé-
libératíons par un rapport au Roi Sur ces événe.-
mens ; je proposai au Roi, des ce meme jour, des
mesures fortes 6t étendues. Le Roi les adopta sans
différer, et en conséquence deux l'égimens de la
garde furent immédiatement envoyés dans la Nor-
mamlie, et un lieutenant-général chargé de pon-
voirs extraordinaires y fut également envoyé : c'était
M. Latour-Foissac. J'eus un entretien avec cet offi-
cíer général le lendemain matin; j' espere qu'il ne
me refuserapas d'en reItdl·e.compte. D'un, autre
coté, j'écrivais chaqu~ jonr et de ma propre 'main ,
a M. le comte de Montlivaut, préfet da Calvados;
je souhaite vivement que ce magistrat soit entendu,
aiusi que M. de Kersaint, préfet de l'Orne, et M. d'Es-
tourmel, préfet de la Manehe; je souhaite aussi que
les instructions que je ne cessai de donner a ces
magistrats soÍent recueillies et jointes aux: pieces
de la procédure. On y Yerra, je l'e¡¡pere, que je n'ai
rien négligé de ce qui dépendait de moi pour arretel'
le cours de ces désustres; et en découvrir les au-
teurs. Indépendamment de mes instructions joul"-
nulieres, j'ai fait publier la promesse d'llne récom-
pense pour ceux qui procureraient l'arrestation des
allteurs et instigateurs de ces crimes; j'ai plus fait ;
j'ai écrit de ma propre main l'onlre et l'autorisatiou




( 137 )
a :!\l. de Montlivaut de se .. concerter ayec les chefs de
l'autorité judiciaire du lieu , et de promettre aux
agens subalternes qui auraient été condamnés leur
grace, s'lls révélaient des faits importans qui eussent
été vérifiés ; eette démarche de rna part avait obtenu
l'approbation du conseil, et avait été autoriséepar
le Roi.


(~6 OCTOBRE, 1830.)
M. DE CfU:NTllLAUZ:¡¡;.


D. A qucHe époque, avant la formation du mi-
nistere du 3 aoM, avez-vous appris qu'elle devait
avoir lieu incessamment? -R. Je ne 1'aí appris que
par les journaux. -D. N'aviez-vous pas, a cetteoc-
casian , pris des engagemens avec le roí Charles X
lui-meme? - R. Non. - D. N'avez-vous pas rédigé,
ponr lui, un travail qni promettait au nouveau


.. ministere, dont il était question, la majorité dans
la Chambre des Députés, telle qu'elle existait alors?
- R. Jama.is. - D. N'aviez-vous pas aussi, a cette
époque, développé, pour l'usage du roi Charles X,
le plan de réformation dont l'accomplissement a
été tenté le 25 juillet 1830? - R. C' est la premiere
[ois que j'entends parler de cela. - D. N'était-ce
pas ce plan et les ordonnances de juillet que vous
aviez en vue lorsque , discutant la derniere adresse
de 1:\ Chambre des Députés, vous engagiez le GOll-
vernement a faire un 5 septembre monal'chiclue?




( 138 ")
-- R. J'ai·déja répOl1du a Qette question. QUélnt a ces
mots de 5 septembre monarchique, qui m'échappe-
rent ;l la Chambre pendant une longue improvisa-
tiOll, ils n'avaÍent pas le sens qu'on voudrait leul" attri-
huer, et j'en donnai immédiatement, dalls le Con-
stitutionnel, une explication qui était et qui parut
eompletemellt satisf~üsante. - D. D'apres la réponse
que vous venez de faire, vous n'aviez done pas la
pensée qu'on pUt sortir, sans péril, de l'ordre con-
stitutionnel réglé par la Charte? - R. Je ne songeais
nu!lement alor5 élUX mesures prises le 2.5 jllillet, et
qui ne sont pas contraires a l'ordre constitutionnel.
- D. Lorsque la cloture de]a sessÍon fut prononcée,
M. de Polignac ne vous offrit-il pas formellement
d'entrer au ministere? ne vous offrit-il pas plusspé-
cialement le ministcTe de l'instrnction publique, et
pourquoi ave.z-yous refusé? - R. Je ne connaissais
pas 1\1. de Polignac, et j'avais quitté París un moho
au moins avant la cloturc de la session.


D. N'est-ce pas vous quí, a eette époque, ou aux
environs de eette époque, avez développé au roí
Charles X, a M. le dauphin et a M. de Polignac, le
plan dont l'exéention a été tentée le 25 juillet?-
R. Non. - D. N'avez-vous pas développé ce Ineme
plan, ou un plan de meme nalure, a M. de Pey-
ronnet? - R. Jamais. - D. N'étiez -vous pas con-
venu, avec M. de Peyronnet, que vous n'entreriez
pas san s luí au ministere? - H. Non, il n'y a jamais
en d'engagement de ce genrej mais plus tard, an
mois de mai, j'en ai bit en quelque sorte une con-




139)
dition de mon elltrée au conseil.-D. Lorsque vous
etes pal,ti de Paris, apres la pl'orogation de la Cham-
bre, savÍez-vous que M. de Polignac avait le projet
de la di~soudre? - R. Non.- D. L'avez-vous encou-
ragé dans ce projet ? - R. Ma rép~nse est déja faite.


D. A qllelle époquc M. de Polignac vous a·t-il fait
eonnaltre l'intention de vous appeler an ministere de
la jllstice, et que lui avez-vous répondu? - H. Le
15 on le 16 aout j'ai été nommé ministre de l'in-
struction publique; j'ai tont aussitot exprimé un
refus qui a été agréé; le 30 avril de l'année suivante,
j'ai re~u ma nomination de garde- des -sceaux; je
manifestai une extreme répugnanee a accepter ces
fonctions. J'ai fait valoir toutes les eonsidérations
qui me paraissaient propres á me soustraire a ce
choix; di verses circonstances, dont il-est superflu de
rendre compte, ne m'ont pas permis de persister dans
eette résolution.-D. Lorsque M. le dauphin vous vit
a Grenoble, ne luj développates-vous pas le plan
des orclannances du 25 juiilet? -no Non.-D. QueIs
engagcmens prites-vous avec M. de Polignac, lors-
que vous entrates cnfin dans le ministere? -R. Les
engagcmens qu'ont pris tous les ministres qui,
depuis quínze ans, sont arrivés au pouvoir. -
D. M. de Polignac ne vous découvrit·il pas alors le
projet de changer p~ ordonnance la loi des élections
et la loi de la. presse ? _ R. Non. - D. On trouve ,
dans les pieces dn pro ces , un mémoil'e de lVI. de
Gucrnon - HanviJlc, du mois de décembrc 1829, ou
íl montre combien serait dangcl'cuse une mesure


"




( 140 )


G"i violerait la Charte au mépris des sel'mens pt,eté5.
A vez-vous en connaissance de ce mémoire, remiii
par lni a l\I. de Polignac? - R. Non. - D. M. de,
Guernon-Ranville a-yait-il conservé, 100's de votl'e
entrée au mínistere, la meme opinion sur l'état de
la France, sur le~ droits du pays, et les devoirs de
{;harles X ? -R. J e ne pnis den di re de ce qui s' est
passé dans l'íntérienr dn conseil.


D. Aviez-vous, le 19 mai, lorsqne,vous etes entré
au ministere, la volonté de rester fIdele a la Charte,
de respecter les loís du pays et de ne pas céder aux
instan ces qui pourraient vous etre faites ponr les
violer? - H. Je ne songeais point, ni moi, ni tont
alltre , a cette époque, allX mesures adoptées le 7.5
juillet, et que je ne puis au reste considérer comme
une violation de la Charte. - D. M. de Chabrol et
M. de Courvoisier s'étaient cependant retirés dans
la crainte de se voir oblig~s de concourir a de tels
actes. Appelé pour les remplacer, ne preniez-vous
pas l'engagement d'etre ¡VIlS facile qu'eux? - R. Je
puís d'autant moíns assigner une semblable cause
a lenr retraite, qu'il n'était alors nullement question
des ordonnances.-D. A quelle époque précise avez-
vous pris la résolution de donner votre assentiment
aux ordonnances? - R. Pcu de joul's avant leur
date, -D. En consentant a si~er les ordonnanccs,
vous avez dit comprendre que lenr exéclltion en-
trainer'ait des résistances. Ministre de la justice,
vous deviez, plus qu'aucun autrc, vous oecupel' des
moyens légaux flui pourraicnt etrc crnployés puur




( 141 )


v:linere eeUe résistallce. Quel plan av¡ez·yous eon~n
~t cet ég~rd ? - R. Ancun ; on ne s'attendait pas a
une I'ésistance matérielle, et les ordonnanees devant
(:tre e~éclltées par des moyens adnjinistratifs, je
n'avais point a y concl)urir en quatité de ministre
de la justice.-D. Quand lesordonnanees pouvaient
entrainel' des saisies de propriétés, comment avez-
vous pu supposer que leur exécution serait pure-
ment administrative, et qu'il n'y aurait pas de re-
cours devant les tribunaux? - R. Bien loin de le
sllpposer, le ministere devait compter sllr l'appui
de toutes les autorítés pour sauver la monarchie des
pél'ils qui la mena~ajent.


D. Parmi les autorités, vous deviez compter les
tribu.ux ; 01' vous saviez, cal' vous l'aviez éerit a
M. de IJolignac des le 9 mai, que les tribunaux ne
concouraicnt jamais , par leurs arrets, a l'exéeution'
de mesures extra-légales. Quel moyen comptiez-volls
done employer pour les suppléer?-R. La présenee
et l'autorité des Chambres devaient faire prompte-
ment cesscr la résistance qu'on aurait pu trouver
dan s quelques corps judiciaires. _ D. Les cours pré-
vatales ne vous avaient-elles pas été formellement de-
maudées? - R.n n'a jamais été question au conseil
du rétablissement des cours prévOtales ; mais j'ignore
si quelques fonctionnaires publics en avaicnt fait la
demande, a laquelle , au reste, il ne fut donné au-
cune suite. - D. Au défaut des conrs prévótales ne
comptiez- vous pas sur les tribunallx militaires, et
n' ('st-ce pas dans ce hn t qn~, des le 27 au soir, vous.




( J 42 )
:n'iez arreté, en conseil, de mettre París en état de
siege? - R. Non. - D. M. de Champagny n'avait-il
pas été mandé le 28; au Tuileríes, par M. de Po-
lignac, pour ~rganiser les tribunaux militaires?_
R. Je l'ignore. - D. Ne devait-on pas y traduire les
quarante-cinq individus contre lesquels des mandats
avaient été lancés le 27? - R,' Non. _ D. En votre
qualité de premier magistrat du royaume, et devant,
mieux encore que M. de Polignac, sentir tout ce
qu'avait d'odiellx une mesure qui enlevait les citoyens
a leurs juges naturels, qui les privait de tous leurs


. secours légaux dansl'ordre administratif et judiciaire,
vous etes-vous opposé a cette mesure? l'avez-vous
combattue, soít aupres de M. de Polignac, soit dans
le. co~seil? - R .. J'ai déja repondu, dans .m~p~~­
mIel' mterl'ogatOlre, que cette mesure avaIt etedeh-
bérée et adoptée sans opposition dan s le conseil. Je
ne puis d'ailleurs approuver ni la cause ni les effets
que vous attribuez a ceHe mesure.


D. En votre qualité de ministre de ]a justice, la
légalité dan s les actes et dans la maniere de procé.
der, devant vous occuper plus qu'aycun autre mi-


o nistre, avez-vous veillé a ce que les actes extérienrs
qui étaient nécessaires ponl' l'endre publique et au-
thentique l'ordonnance de mise en état de siége fus-
sent accomplis? - R. n n' entrait pas dans l' ordre de
mes devoirs de veiller a la publicité de cette ordon-
nance. Je devais seulement la faire connaitre ame tri-
bnnal1x, et la rapiclité des événemens ne m'a pas per-
mis de remplir complétcment ectte formalité. _ D.




( 143 )
11 parait qu'auculle affiche, aueune proclamalion n'a,
averti les citoyens de se soumettre a eette ordoll-
llanee. Comment expliquez.vous cet oubli? -R. Ma
réponse est la meme qu'aux questions préeédentes.
-- D. Est-ce vous qu.avez donné l'ordl'e a la Cour
royal e de se transporter aux Tuileries? Le motif de
eette translation n'a-t-il pas été, soit de l'empeeher
de eonGrmer le jugement rendu par le tribunal de
commerce, soit d'appuyer par des arrc.ts les citoyens
dépouillés de leurs droits par les nouvelles ordon-
nances? - R. La translation, qui a été preserite par
M. le chancelier, et non par moi, n'a pu avoir cet
objet. J'ignm-ais meme l'existence du jugement dont
on parle. - D. A viez-vous coünaissance qll'il cut été
donné 'an préfet de la Seine et an préfet de police
les ordres nécessaires pour que nulle part l'emploi
des armes ne put avoir lieu contre les citoyens avant
que les sommations prescrites par les lois eussent
été faites) - J'ignore ce qni a été faí! a cet égard,
et n'ai prjs~aucune part aux opératíons milítaires.-
D. 11 résulte de toutes les dépositions recueillies,
meme de ceHes des officiers de police judiciaire em-
ployés a eette époque, et dans les arrondissemens
ou les principaux engagemens ont en líeu, que nulle
part cette formalité n'a été remplie, et qu'elle n'avait
été ordonnée par personne. Qu'avez.v~us a dire pour
excuser un pareil oubli? - R. J'ignore quels ordres
ont été donnés; ils étaient hors de mes attributions.
- D. Lorsque, le mercredi, les députés deParjs sont
vt'nus clwz M. le maréchaJ, M. de Polignac vousa-t-il




( 144 )
consulté sur ce qu'il y avait a leur répondre? -IV
Depuis le 27 il n'y a point en de délibération du con-
seil , et jc n'ai été nullement consulté. _ D. M. di
Polignac vous a-t-il fait connaitre qu'il informerait
le roi Charles X de la situati .. de Paris? - R. Je
erais que M.le maréchal correspondait régulierement
avec le Roi, et je suppose aussi que M. de Polignac
l'a instruit de la situation de Paris. _ D. Lorsque,
le jeudi mati~ , M. de Polignac s'est vu si vivemellt
pressé d'abandonner le ministere et de faire rappor-
ter les ordonnances, lorsqne vous sentiez vous-meme
qu'il n'y avait que ce partí a prendre, lorsque vous
vous etes décidé enfin a alIer a Saint-Cloud, com-
ment, avant de quitter les Tnileries , ne vous etes-
vous pas prononeé par quelque acte qui fut de na-
ture a faire cesser immédiatement les désastres de-
yant lesquels vous étiez obligé de fuir? - R. N ous
nous rendlmes le 29 an matin a Saint·Cloud, afin de
prendre les ordres du Roi a ce sujeto - D. N'est-ce
pas encore a l'infIuence du conseil dont vous faisiez
partíe, et qni s'est assemblé devant le Roí a Saint-
Cloud, que dOÍt etre attribué le retaí-d apporté a
l'exécntion de la résolution qui semblait prise dans
la matinée , de changer le ministere et de rapporter
les ordonnances? - R. Il n'y eut a Saint-Clolld
qn'une senle délibération, dans laquelle tous les mi-
nistres furen t d' avis d u changement dn conseil. - D.
eomme ministre de la justice, vous avez dil vous oc-
cuper particulierement de ces incendies qui, pen-
dant les derniers mois de la durée du ministe.re dont




( 145 )
YOUS faisiez pal'tie , ont désolé plusieurs c:mtohs de
la Normahdie, et dont iI est diffiCile de ne pas rat-
tacher l'exécution a celle de quelque plan quí aur~it
été conc,;u pour amener en France des perturbations
dont on comptait faire son profit dans"'un but poli-
tique quelconque. Avez-vous quelques éclaircisse-
mens a donner sur ce fait si extraordinaire? -R. Il
Y a une inexactitude fort grave dans les termes memes
de la question. On ysuppose en effet que les incen-
dies ne se sont manifestés dans la Normandie que
depuis \e mois de mai, tandís que ce fIéall ravageait
cette province plusieurs mois avant roon entrée au
conseil. J'aí pl'is, comme ministre de la justice, ton tes
les mesures qui me paraissaient propres a arreter ce
débordement de erimes, et a en découvrir les auteurs:
OIl peut consulter a cet égard ma cOrJ:~poildan~e
avee le procureur·génétaldeCaen. raí d:ailleurs con·
eouru a l'eIlvoi sur les lieuxdu comte dé Latollr-Fois-
sae, pour prévenir de nouveaux. incendies.


(27 OCTOERE 1830.)


M. ]lE .GUERNUN-RANVILLE.


D. Qnels rappol'ts aviez-vous avec M. de Poligllac
lorsque vous futes appelé a faire partie du ministere
du 8 aout;J - R. le n'ai jamais en avee lui aucun
lapport ni direct ni indirecto -D. Ne futes-vous,
pas appelé paree qu' on voussupposait peu fav?'I',~e
anx institutions constitutionnelles, ou au .·~i:ns


.' "-".- -,,",


10
, ...




( 146 )
lres-endin a y apporter de notables changemens?
- n. Je ne puis savoir quels motifs déterminerent,
M, de Poligna~ a me faire entrer aH conseil; mais,
ce qui est incontestable, e'est que le choix dont je
fus l'objet, ne put etre influencé par aucune des
considérations que vous venez de dénoncer. Ayocat,
magistrat, je n'ai jamais laissé échapper une oc ca-
sion de mallifestel' mes doctrines poli tiques : elles
se résllment en deux mots : le Roi et la Charte. POl1f
le Roi, l'attachement le plus \Tai et le res:pect le
plus profond; de hautes infortunes n'out fait qu'a-
jouter a l'énergie ele ces sentimens. Pour la Charte,
une fidélité inébraulable, fondée principalement sur
la convictionou j'aitoujours été qu'elle était la plus
solide garantie de la stahilité du trone et des libel'-
tés publiques. J'ajouterai que je fis connaitre mes
sentimens a ce! éganl a M. Roeher, conseiller a la
COllr de cassation, qui fut ehargé par M. de Poli-
g-nac de me faire les premieres ouvertures, an mois
d'octobrc, SHI' le projet qll'il avajt COfl(;U de me
faire entrer au conseil. Jedesire que M. Hocher soit
entendu a cet égard. - D. Il parait cependant que,
apres votre entrée au mini&tere, vous eutes lien de
croire que M. de Poliguac nourrissait des idées. OH
,était assailli pa~' des propositions fort contraires a·
l'existence dn Gonvernement dont la France jouis-
sllit On en doit j uger ainsi, puisque, a la date du
15 décembre, vous vous erutes obligé de combattre
ees.i.dees et ces propositions dans un mémoire que
UOUS';OllS représentons. Entre ces idpes et ces pro-




( 147 )
posltiOlls, quelles étaiellt les plus dominantes?-
R. eeHe question repose sur une erreur d'interpré-
tation. II est d~ fait que, a l'époque ou je rédigeai
la note que vous me représentez, ni M.de Polignác
ni aucun autre membre du conseil ne m'avaient
laissé sQup<;onner l'existence de projets attentatoires
a la Charte; mais les journaux retentissant ehaque
jour de menaces de prétendus eoups d'état, qui
n'étaient que dans leur pensée, je erus devoir fixer
par écrit les doctrines q!le j'entendais professel' dans
la partie de l'administl'ation quí m'éta.it confiée.
Quoique j'ensse rédigé cette llote pour moi seu}, je
la commuJliquai a M le prínce de Polignac, qui, en.
me la renvoyant, me déclara q u'il en partageait tous
l('s príncipes.


D. La préponuérance absolue de M. de Polignae·
ll'était-elle pas des 101'5 établie daris le conseil, el ne
lui arrivaít~il pas souvent de faire rendre des ordon-
nances d'un iutéret généraJ, sans ('11 avoír entretenu
ses collegnes ~ - R. M. de Poligl1ac n'exer\,uit et u'a
jamais cherché a s'attribuer aucllue prépondérance
dans le conseil. Toutes les ordonnances d'intéret gé-
néral, et meme ceHes d'intéret parhculier un peu
considérables, étaient librement discutées par tous
les ministres: - D. La réponse faite par le Roi
Charles X a l'adresse faite par la Ch:~mbre des Dé-
putés fut-elle délibérée en conseil? - R. Elle a été
non seulement discutée, mais rédigée en conseiJ. -
D. On doit penser que, apres nvoir peint á M. de
Polignac eomme vous l'aviez faít le dan gel' et nH~me




( 148 )
l'immoralité des coups d'état (ce sont vos pr9pres
expressions) vous avez du hl~mer une mesure qui
pouvait en fournir l'occasion. Vous y oppos:ates-vous?
- R. Quoiqu'il soit de mon devoir de garder le
secret snr les opinions émises , les discours tenus en


. conseil, soit par le Roi, soit par mes collegues, la
question que vous me faítes se rapportant a un fait
qui m'est person'nel, je crais pouvair y répond,'e
sans déguisemen t. Dans la circonstance rappelée, je
ne me suis point écarté de mes principes, et j'ai
comhattu tout systeme contraire a la Charte, qui ne
me .paraissait pas suflisamment nécessité dans l'in-
téret du 5alut publico - D. e'est vers cctte époque
que les coupsd'é~at et la violation de la Charle fu-
rent r1us spécialement demandés par les écrivains
qu~on était habitué a regarder comme les organes
dn ministere. N'est-ce pas allssi a c;ette époque qu'a
été propasé dans le conseil le plan qui a été réalisé
plus tanl? - R. L'opinion qui signalait certains
journaux comme les m'ganes du ministere était mal
fondée : il est de fait que le Gouvemerncnt n'avait
aucun journal a lui. Quanta la pensée de coups d'état
ou de mesures extra-Iégales, je n'e~ ai remarqué au-
cune trace dans le conseil, a l'époque que vous me
rappelez. Les mesure:c; qui ont amené le proces actuel
n'ont été proposées pour la premierc~ foís que vers
le milieu dn mois de juillet, á la suite des élections.
Jusque-Ia le Roi ·et les ministres avaient été ferme-


-lq(}Pt résolus de ne s'écarter en ríen dt~ réaíme cons-~,. ~
ti.tut\onnel et des voies parlementaires,




( 149 )
D. Lorsqllc, un peu plus tare), 1\1M .. ue c.'nan\e-


lauze et de Peyronnet fnrent appelés au conseil,
ll'était-ce pas pour aider a l'exécution du projet si
SOlIvent annoncé uepuis plllsícurs moís, de refaire
par ordonnances les lois électorales et de détruire la
liberté de la presse? -- R. L'appel aux affaires de
MM. de Peyronnct et Chantelauze n'ayant point ét6
délibéré en conseil, je ne puis savoir quelle autre
considération que la nécessité de rendre le ministere •
plus apte aux discussions de la tribune fixa le choix
du Roi sur' ces Messieu~s; mais iI est évident pour
moi que ce choix ne put ctre déterminé par le motif
que vous illdiquez, puisque, jc le répete, il n'avait
jamais été qllestion, avant le 15 juillet de modifier
en quoi que ce soit le réginw constitutionnel. -
D. Il paralt ecpendant que e'est pour ne pas concou-
I'it' a cette modification que MM. de Chabrol et de
Courvoisier ont quitté le ministere? - R. C'est une
erreur. II existait entre MM. de Chabrol et de Conr-:-
voisier et les autres membres dn ministere quelque
légere dissidence d'opinioll ; mais- tous les ministres
étaient unanimes et d'accord avec ]a volonté royale
sur la nécessité d'cxécuter fidelement la Charte, a
moins que des circonstances extraordinaires, et tout
a fait impossibles a prévoir, ne vinssent rendre ectte
scrupuleuse fidélité dangereuse pOUl' le salut de
l'état. - D:M.de Courvoisier n'avait·il pas cepen-
dant soutenu avec force devant le conseil la néces-
sité de res ter fidele a la Charte, de ne pas renvoyer
la Chamhre, et de marcher ayec elle dans les voies


<;;. <-,,'"




( 151) )


constitutionllelles? Comment se f~¡jt-il que, ayant
allssi le 15décembre précédent, soutenn eette doc-
trine, vous ayez, si peu de mois apres, changé de
maniere de voir? - R_ La dissolution de la Chambre
était tout-a~fait dans les prérogatives du Roi, et les
ministres ql1i l' ont aceueillie ne peuvent etre acensés,
pour ce fait, d'avoit' dévié de leurs doctrines cons-
titntionnelles. Quant allX suites de cette dissolution,
nous n'en prévoyions pas d'autres que de nouvelles
élections et Hne nouvelle Chambre légalement cons-
tituée. - D. Si telle était en effet la pensée du mi-
nistere a l'époque de cette dissolution, que s'était-il
passé en France dans l'ínterval1e de cette dissolution
f;:lt la promulgation des ordonnances, qui ait pu mo-
tivel' un si grand changement dans la ligne de eon-
duite adoptée? - R. Ayant combattu le systeme
dont l'adoption a fait rendre les ordonnances dont il
s~agit, je pOllrrais me dispenser de répondre a cette
qnestion; j'observe cependant que l'action, devenue
irrésistible, des associations qui, aujourd'hui, se
,ql,lalifient elles-memes de révolntionnaires, la réé-
leetion des 2~U, proclamée eomme un principe, ac-
eneillie sur presqu~ tons les points, et donnant a une
opposition que 1'0n pouvait eroire hostile une ma-
jorité de plus de cent voix ; CJ)fin, les attaques joar-
nalieres d'une foule de feuilles publiques qui appe-
laient, de toutes parts, le peuple a l'insurrection,
sons le prétexte d'une résistance légale a de pré-'
tendus coups d'é~at dont la pensée n'existait que
'dans l'esprit des rédacteurs de ees feuilles; toutes




( ) 5 I )
ces ~irCollstances étaient de nature a persuader a
quelques personlles que les moyens ordillail'es ne
suffisaient plus pour comhattre les élémens de dis-
soIution qlli nousdébordaient de toutes parts, et
qu'il était tems de recourir, pour sauver le Roi, le
treme et la paix publique, aux moyens extraordi-
naires que pOilvait autoriser et légitimer la disposi.
lion de l'article 14 de la Charle.


D. Comment, dan s votre mémoire du mois de dé·
cemhre, vous étiez-vous opposé avec tant de force
allX coups d'état, lorsque vous semblez croire que
l'article 14 pouvaittoujours les légitimer ?-R. Mon
mémoire du 15 décembre a été con<;u et écrit pour
les cas ordillaircs et lorsqll'il est possible de se ren-
fCl'ml!t dans les limites du droit commun; mais j'ad-
mettais, eomme tous les publidstes qui out écrit
sur notre régime constitutionnel, que, s'il se pré-
sentait tenes circoDstances qui rendissent la loi com'-
mUfle iínpuissante pour protéger l' état et les citoyens,
eette loi eommune devait alors eéder a la loi plus
ímpéricllse du salllt publie, et que c'était, le eas de
nécessité absolue se réalisant, fe droít et meme le
devoir des gouvel'llans de reeourir a des mesures
extraordinaires ayant pour objet de sauver l'état et
ses institutions, et, pour ce moyen, la suspension
momentauée de quelques partjes de !a eonstitution.
Telle était, selon moi, dans son entier, et rie~ au-
dela, l'ínterprétation de la dernjúe pal'tie de l'ar-
tiele 14 de la Charte. Au reste,' éc que je viens de
dirc, n'est qU'UllC pl'ofession de doctrines, puisquc,




u'ayant point adopté le systcme pal' suite duquel
furent rendues les ordonnances, je ne reconllUS pas
que la nécessité dont je viens de parler fut suffisam-
ment établie. - D. A quelle époque fut ex posé , dans
le conseil, le systcme dont vous ve-nez de parler?
- R. Je ne puis iudiquer de date p.récise; mais,
eomme ce systerne fut occasioné principalement
par' ce qui s'était passé lors des électioDs, je sup-
pose que la premiel'e pensée ne put en etre émise
que vers le milien dn lUois de jnillet. - D. Le fut-
elle en préscnce dll Roí Charles X, ou dan s les con-
seils tenus ho1's la préscncc de ce pl'ince? - R. La
discussion sur le systeme qu'il COllvenait d'adopter,
dan s les circonstances critiques Ol! se trouvait la rno-
narchie, eut lieu d'abord en conséil des mi~tres
seuls, puis, dans un conseil subséqnent, en présence
du Roi. - 1). Votl'e opposition a ce systeme dura-
t~elle jusqu'a la signature des ordonnances du 25 :)
- R. Il fant distinguer entrele systcme en lni-meme
et les ordonnances, qui n' étaient qll'une mise a
exécntion. Je comb~ttis le systerne, parles motifs que
les dangers signalés ne me paraissaient ni assez grands
ni assez pressans pOUl' obliger le Gouvernement a
s'écarter des voies parlementaires. Ce systeme m'of-
frait d'aillenrs de graves inconvéniens, soit a raison
des circoristances dans lesquelles iI était proposé, soít
a raison des moyens d'exécutioD. Je développai ces
consídérations, d'abord dans le conseil privé ten u
par; lfS ministres sCllls, et jc fus appnyé par l'un de
üwscóllegues. Je }'eprodllisis cett(> opposition, avec




( "3) \ 1:>
de nOllveaux développemens, dans le conseil, en
présence du Roi. l\Ton opinion n'ayant pasprévalu,
j'attachai peu d'importance au texte des ordonnances,
qui n'étaient que la conséquence inévitable du plan
adopté, et qui, d'ailleurs, ne donnerent lieu, dans
le conseil, qu' a des discussions sur les objets de
détail et les formes grammaticales. le desire que la
Commission prenne sur ce point les dépositions de
l\'I. de .Courvoisier, auquel je eommuniquai mon opi-
ílion avant et apres les ordonnances.


D. Pourriez-vous dire quel est celui de vos colle-
gues qui vous a appuyé dans votl'e opposition?-
R. Cette circonstance pouvant servir 1 'un de mes
collegues sans nuire aux autres, je n'ai pas de raison
de refllser de déc1arer· que mon opposition fut par-
tagée, dans le premier conseil, par M. de Peyronnet .



- D. Comment se faít-il que, ayant été si contraire
au. systeme quí a dominé dan s la rédaction des 01'-
donuances, et lorsquc votrc opposi tion étaitancienne
et réfIéchie; lorsqu'un pareil plan vous avait paru
contraire aux intérets dll Roi Charles X, cúntraire a
la foi jurée eta 'la moralc politique, cal' tout cela
résulte du mémoire que nous vous avons présenté:
eomment se pellt-il que vous ayez pu signer ces 01'-
donnances? - R. De mes réponses précédentes iI
résulteque, dans mon intelligenee, un systeme extra-
légal n'eut été une violation de la Charte et de la foi
jllrée qu'autant qu'il n'eut pas été le seul moyen de
sallver l'état OU, en d'autres termes, qu'iI n'eut pu
thre justifié par la disposition de l'articlc 14 rappro-




( 1 ;";4 )
chée Jes cXIgences du momento La discussion se
trouv.ait do~c ramenée a uneapprédation ,de faits.
Les dangers qui, suivant ropinion qe mes collegnes,
compromettaient,de la maniere la plus grave, le
salut de l'état, ,ne me paraissaient pas tels, il est
vrai; mais je n'avais pas la prétention de me croire
pJus sage que les autres membres du conseil, et mon
avis n'ayant pas été adopté, je dus pellser que je
voyais mal les faits que la majorité envisageait au-
trement que moi. D'un autre coté, j'aurais pu me
retire,· du ministere, mais je ne me dissimulais pas
que, d~ms les circonstances Otl DOUS lIOUS trouvions,
une modification quelconque dans le conseil aurait
entramé de graves inconvéniens pour le Roí, peut-
etre" ~em6 ponr l'état; en fin , je mesurais toute l' é-
tepg,ue ,de: la responsabilité que le ministere assu-
lDait sur lui, et je n'eus pas la ~ellsée de fuir en
présence du danger. - D. N'eut-il pas étépm:sible
que le danger que vous supposiez se fut homé a un
changement de ministere? - R. Si nous avions pensé
qu'un changement de ministere put conjul"C1' les
périls qui entouraient le trone, nui de nous n'eut
hésité a mettre sa démission at1x pieds du R.oi. .


D. Les ordonnances une fois siguées, quelle part
,avez-vous eu {lans le choix des précautions qui ont
nlI etre prises ponl: en assurer le succes ? - 1). Les
JIlcsures d' exécution prescrites par les ordonnances
(mtété arretées en cOllseil, mais j'ai pris peu OH
poillt de part a la Jiscussion de ces mesures, qui
rplltraient plusspécialemcnt dans des départemcIlS




( 155 )
étraugers an mien. Je dois, a eette occasion, l"t'cti·
fiel' une erreur commise, soit par 'moi, S(¡)it:par M. le
rapporteur de la Commission. Lerapport énonee
que je n'ai point assisté .au conseil dans lequel fut
arreté la mise en état de siége. Ou je me suis m.al
llxpliqué, 'ou j'ai été malcompris: la vérité estque
eette mesure fut arl'etée en ma présence; et, quoi-
que je ne l'aie pas -dis-cutée, mon silence doitetre
considéré comme une approbation.-D. Il n'est pas
possible qn'en signant les ordonnances on n'eút pas
prévu -qu'elles occasioneraient une grande résis-
tance; quelles mesures fm'ent arretées le 25 pout·
vaincre cette résistance? - ll. Les faits, plus irré-
sistibles que tou;s les raisollnemens, prouvent j.us-
qu'a l'évidence qu'on était loin de prévoir une resis-
tance ou plutot une ililsurrection telle que.celle. dont '
nous avons eu le malheur c:Yetre les témoins. Si on
eut prévu cett~ résistance, et qu'on eut eu lavu~
lonté de la vainere a tout prix, on aurait pris de-
longue maio les précautions qu'indiquait la prudence
la plus commune. 01', non-seulement le Gouverne-
ment ne prescrivit aucune réunion extraordinaire de
troupes, puisqu'a peine sept mille hommes d'infan~
terie furent engagés dans les trois malheureuses.
jOUl'nées, mais on n'appela pas meme a París les.
portions de la garde royal. qui se trouvaient a Conr.
bevoie et a Vincennes. Tont fnt subit, imprévu, et
les deux seules mesures prises, la mise en état de-
siége et la nomination d'uneommissaire extr.aord.~
naire, n'eutent lien qu'apres les premiereY~rressions




( 156 )
·du peuple. - D. On devait savoil' que les t!'ibunaux.
réguliers ne preteraient pas leur appui a des mesures
f'.xtra.légales; ne fut-il pas al'reté qu'on établirait des
cours prévotales? Si ron ne voulait pas en établir,
n'eut-on pas le projet de recourir a des tribunaux
militaires, puisqu'o~ ne pOllvait se servir que d'un:
de ces trois choses; les tribunaux. ordinaires, les
conrs prévótales ou les commissions militaires? -
R. En prenant des mesures hors de laloi commune
pour sauver l'état, menacé d'nne subversiontotale,
les ministres avaient la conviction qu'ils agissaient
dans les limites de l'article I!f de la Charte; ils
croyaient remplir un devoir pénible mais ímpérieux,
ils ne pouvaient penser que la magistratllre hésite-
rait a rempIir le sien. Au reste, il n'a ja.mais été ques-
tion. dans le conseil d'établir, ni tribnnaux, ni com-
misslons extraordinaires, sons qnehjue dénomina-
tion que ce fut.


D. Lorsque VOllS eutes connaÍssance des premiers
troubles qui éclaterent le 27, et lorsque vous vous
tronvates réllnis le soir, avec vos ~olleglles, chez
M. de Polignac, vous qui vous étiez dans l'origine
opposé an systeme des ordonnances, voyant l'effet
qn'elles produisaient, ll'opinates-vous pas dan s ce
dernier moment pour qu'on en suspendit l'exécu-
tion ? - R. Quoique, de~le 27 , des attroupemens
insurrectionnels eussent eu lieu , que les troupes
royales eussent été attaquées, et que le sang eút
coulé, iI était impossible de reconllaitre ce jour-Ia
le véritab1f caractel'e du· mOllvcmenl qni pouvait




et qui paraissait meme ,n'etre qu'un tumnlte oc·
casióné par quelques attroupemens d'ouvriers et
d'hommes de la demiere dass€ du peuple. Il. n'y
avait done pas motif snffisant de songer a rapportel'
les ordonnanees , et en eHet eet objet ne fut pas mis
en délibération duns le eonseif : je n'eus done au-'
eune'opinion a émettre a cet égard.- D. C'est ce·
pendant le 27 nu soir qu'u été délibérée, dans le
con seil , lá mise en état de siége de la ville de Pal'is;
comment eette mesure, dont la conséquence était
de snspendre l'action de tous les pouvoirs civils"
administratifs et jlldieiaires, de priver les eitoyens
de tous leurs ,'eeours naturcls et légallx , a-t-elle p~~
etre prise sur le simple fait d'un tnmulte te1 que
vous venez de le dépeindre? - R. Je n'admets pas
que les eonséqQenees de la JJjise en état de _siége
fussent aussi graves, ni aussi étendues qllévous
l'exposez; reffet immédiat d'une telle mesure est
bien de faire passer les autorités administratives et
judiciai"es, sons la direction de l'autorité militaire,
mais non de détl'llire les droits fondés sur la loi;
eette mesure effl'ayante pour les perturbateurs est
pl'Opre, surtout en cas de tnmulte, a rassurer les
bons eitoyens :, c'est ainsi que l'envisageait cet offi.
cíer qui récemment mettait un département tout
entíer sous ce régime, et fut réeompensé pour avoir
pris cette mesure salntaire. - D. On con«;;oit sur
un point éloigné du Gouvernement l'avantage, 'dans
un moment de grand trouble, de réunir tous l~s
ponvoirs dans une meme main, mais au centre du




( 158 )
Gotlvernement, daflsle'lleu ou son action pent etre
la plus prompte et la plus immédiate, lorsque l'ti
président du conseil est en oufre ministre de la
guerre, ii est dHlicile dene pas considérer que le
i'ésultat le plus certain de cette mesure est l'aboli·


• tion de la justice ordinaire et l'envoi des citoyens
compromis devant les tribunaux militail'es. Vous
avez dit cependant, iI Y a pen de momens, que
l'intention du ministere n'avait point été de recou-
dI' a d'autres tribunaux militaires. - R. Ces obser-
vations seraient pnissantes sanso doute pour motiver
~~ns une loi sur la mise en état de siége une dispo-
sitinn exceptionnelle en favenr de ]a capitale; mais
ce1l~. eiceptit:m n'ex·iste dan s aucune des lois sur la
ma.tielt~~e~ ir s'a.girici d'line'question toute de lé-
gaH~.,puisqu·en fui! la mise en état de siége dont
il s'agit n'a produit aucun résultat dont les citoyens
aient eu a se plaindre. Sur la derniere partie de la
qlIestion, quand j'ai dit 'que le ministre n'avait pas
el,t rintentioll d'établir ni tribunaux ni commissaires
eX'traordinaires, je ne pouvais avoir en vue les r(~­
sultats possibles de la mise en état de siége, puis-
que cetre mesure n'a été rendue nécessaire que par
des eirconstances fortuites et en dehors du systeme
dwcGouvernemcnt.


D, N~avez-vous pas, vous, ancien magistrat, ap-
pelé anssi }'attention de vos collegues surllll :tutre
pointdlunenatllre infinimentgrave? Il résulte d'une
fonJe de déclar-ations ~ .et notnmment de cell('s des
commissaires de police employés, a cettC' époquc,




( 159 )
dans les arrondissemens ou ont eu lieu les prÍncí-
paux engagcmens, qu'aucune sommation n~a ét(;
faite nulle part anx citoyens, par les officiérscivi!s,.
avant que les armes fussent employées tontl'e' eux :
bien plus, l'ordre de faire ces sommations n'a'ura'it'
t'té donné ni a personne, ni nuBe parto -'-' R. Le
soin de donner les ~rdrés relatifs a!lX sommation'Si
dont vous parlez appartenaitau commissa;ree:UI'a-
ordinaire; j'ignore si ces ordres ont été donnés SOl'
lous les points,¡je ne sais si, snr quelques-uns de
ces points, l'agt'ession n'a pas été tellement subiti"!'
qu'il eút été impossible d'accomplir le préalable
/1f'eserit par la Ioi; mais j'ai la certitude que ces
sommatiolls ont été faites dans phlsieurs cil'con-
stances des journées des 27 et 28,


D. A·vez-vous quelques éclaircissemens,itdonner
sur le fait si extraordinaire de ces incendies qui,
pendant les deruiers mois de la durée dn ministt~l'e
dont' vous faisiez' partje, ont désolé plusieurs can-
t011S de la Normandie, et dOllt l'exéclltion pourrait
se rattaeher á eeHe de quelque plan COlll;U pour jetet'
la France dans le trouble et dans les alarmes? - R.
Les incendies dont vous me parlez ont été l'objet
des plus pénibles sollicitlldes des ministres depnis
le moment ou ce fléau se manifesta. Nous n'avon~
pas eu un seul conseil ou }'on ne se soit occupé de
chercher les moyclls d'y porter remede: ce fut dans
eette yue que dellx régimens de la garde furent en-
voy('s en NOI'mandie, sous les úrdres ou général
Latonr-Foissac, invcsti dn titl'e et des pOllvoirs d!'




( 1 Ca )
commissail'e extraordinaire, ctqu' un cel'tain nombre
d'agens de poliee y furent envoyés par M. le préfet
de poli ce. Si la Commission prend la peine de se
faire repr~senter la volumineuse correspondance qui
a eu lieu a ce sujet entre les autorités locales et les
ministres de l'intérieur et de la justice; si elle veut
entendre les dépositions de MM. de Montlevault,
ex-préfet du Calvados; Latour-Foissae, Eugene
d'HautcfeuiIle, maréchal-Je-camp, qui commandait
alors dans le département, et Guillibert, procureur-
général pres la Cour royale de Ca~, elle acquerra
la conviction profonJe que le Gouvcrnement du
Roi a fait tout ce qui était llUmaillemellt possible
pour réprimer le mal et en découvril' les auteurs. 1l .,.
est a regretter que MM. les membres de la Commis-
sion d'accusation de 1a Chambre des Députés n'aient
pas recouru a ces moyens d' éclairer lenr religion
sur un fait aussi grave; 1\1. le rapporteur se serait
évité le tort d'une insinuation totalement dénuée de
fondement. Il est aussi faeile qu'ordinaire d'attaquer
d es .hummes tombés dans l'infortune; mais des in-
culpations san s preuves demeurent des calomnies, Je
desire que l'information la plus scrupuleuse soit faite
pOtll' découvrir les auteurs de ces crimes, qui me
tonchent d'autant plus vivement qll'ils ont désolé la
provinee a laquelle je me fais honnenr d'appal'tenir.




( 161 )


DÉPOSITIONS
DES PRINCIPAUX TÉMOINS.


Nous allons rapporter les dépositionsqui méritcnt davantagc
l'auelltion de nos Iccteurs. Nous n'oublions pasquenotre devise
cstimpa1'lialitt!; OH s'en cOIlvaincra par le choix que nous aVOIl~
fait des dépositions a charge et a décharge.


Dominique-Frau<;ois-Jean A HAGO, dgé de 4/. alls,
membre de I'l1lStitut, demeuJ'ant a l'obsenJatoire.


Avant de m'expliquer sur les faits dont je suis
appelé a déposer; il cst nécessaire que je fasse
eonnaitre l'origine de mes relations avec M. le due
de Raguse. LOl'squ'il se présenta, en 18 J 6, comme
eandidat pour une place de membre honoraire a
l'académie des sciences, j'avais) sU!' la part qu'il prit
aux événemens de 18 J 4, l'opinion qui, malheureu-
sement pomo sa réputation, est si généralement ré-
pandue dans le pubIie; et eette opinion me déter-
mina a m' opposer a son élection. Mais, depuis,
ayant eu occasion d'acquérir une connaissance
exacte de cette pal,tie importante de la vie politi-
que du duc de Raguse , par le général Foy, par le
colouel Fabvier et par le général prussien Muffling,
je reconnus, non pas qn'elle flit a l'abri de toute
critique, mais dll moins qu'on n'y trouvait aucune
trace de ces honteux calculs d'intéret privé auxquels
le peuple, sur des aperc;:us vagues et sans consis-


JI




( 162 )


t:mce, a attl'ibllé les actes du maréchal. Ce n' est paint,
au surplus , le lien d'en.trel' a ce slljet dans de plus
grands développemens; mais je tenais a expliquer
comment les pr;incipes politiques ~ont j'ai tonjours
fait publiqnement profession n'avaient pas dú m'em-
pecher de devenir l'ami du unc de Ragllse.


Les COllpS d'état, dont quelques jOllrnaux me-
na<;;aíent la France dans les premiers jours de juillet,
se montraicnt a lui comme les germes d'nne révo-
lution sans issue; iI désapprollvait la marche illé-
gale et, par suite, éminemment pél'illens~, qu'on
paraissait youloir adopter, dans les termes les plus
explicites, je puis meme dire les moins mesurés. Le
lundi 26 juillet1 jour de.la publication des fatales
ordo~nances, le muéchal viIlt a l'Illslitnt, et; voyant
combien la lecture dn lJ[oniteur °m'avait dou]oureu-
sement affecté, il me dit en propres termes : (( Eh
» bien! vous le voyez : les insensés, ainsi que je le
» prévoyais, ont potlssé les choses a l'extreme. Du
» moins, vous n'allrez a vous affliger que comme
») citoyen et comme bon Fran~ais; mais, combien ne
» suis-je pas plus aplaindre, moi, qui, en qualitéde
» militaire, serai peut-etre' obligé de me fairetuer
» pOllr des actes que j'abhore et pourdes personnes
» -ql1i, depllis longtems, semblent s'étudier a m'a-
» breuver de dégoúts! »


Le mercredi '18 jüillet au matin, j'appris qu'en
conséqllence des mouvemens popülaires de la veille,
la ~me de Paris vcnait d' etre mise en état dE;l siege,
et que le maréchal Marmont était gouverneur. Je




( 1 fj3 )
sortls anssitót, afrn de m'assurer par moi-meme de
l'état des choses. Je parcourus un grand nombre de
quar~iers, et il Ine semblait voir que I'insnrrection
était beancollp plussérieuse qu'on ne le eroyaitgéné-
ralement. Dans plusieursgroupes j'entendis des per-
sonnes manifester hautement l'espéranee que le due
de Ragllse profiterait de cette eireonstanee ponr se
réhabiliter. Ce mot, quoique je n'y attachasse pas,
sans doute, le meme sens qne quelque - UU5 des
oratenrs de la bouche desquels iI était sorti, fut ponr
moi un trait de lumiere; . jI me convainquit que je
devais sans retard me rencir'e chez le maréchal, soit
eomme eitoyen, soit eomme ami, et essayer de lui
persuader que sonhonneur, meme en donnant a ce
terme toute l'extension qn'il a dan s l'esprit des mi-
litaires, ne pouvait pas l'obliger a se baUre eontre
un pellple en état de légitime défense, contrc des
Fran~ais a qui on venaít enlever un état politiqne
qn'ils avaient aequis an prix de vingt années de guerreo
Ce sncces qne j'attendais de ma démarche ne m'a-
venglait pas tOlltefois sur les dange,'s dont elle était
entourée. Il ne me paraissait pas tres-difficile de
pénétrer jnsqll'it l'état-major; mais on ponvait etre
vu; mais on ponvait etre signalé au pellple COIlune
un émissair~ de l'autorité qni alors le fesait mitrailler,
et périr soi-meme sous ses coups, comme un infame
espíon, sans pOllvoir se justifier.


Tontes ces craintes s'évanouirent a mes yeux vers
nneheure et demie de l'apres-midi, lorsque j' eus rc¡;u,
el'une personne qui, ainsi qne moi, anrait desid
concilier les inténhs du pays et ceux de notl'C mal-




( 164 )
heurellx ami, une lettre ilans laqllell~ on me faisait
espérer que ma visite aux Tuileries ne serait pas
san s résultat. Je partís sur-Ie-champ, accompagné de
mon fils, et j'a rrivai au chateau sur les deux heures
du soir. Les aides-de-camp du maréchal aplanirent
avec empressement tous les obstac1es qui, dans de
telles circonstances, m'auraient peut-etre empeché
de pénétrer jusqll'a lui; leurs sentimens et les miens
étaient trop d'accord pour qu'ils ne dnssent pas me
voir arriver avec plaisir. Le maréehal me re~ut dans
le salon qui donne surla place du Carrousel, j'entrai
tont de suite en matiere; je lui parlai, tant en tnon
propre Dom qu'an nom de ses meillenrs amis; j'es-
sayai de lui faire reeoll.naitre que le principe de 1'0-
béissanc«;l passive ne pouvaít pas concerner un ma-
réchal de Franee, surtout en tems de révolution;
j'insista.i sur le droitincontestaDle qu'avait le peuple
de Paris, de recourir a la force, quand l'autorité em-
ployait, pour le dépouiller, de~ moyens dont ríen
ne saurait légitimer l' emploj. J e proposaí en fin ,
comme eonséquence, au due de Raguse, d'alle.r san s
retard a Saint-Clolld, déclarer au Roí qu'illui était
impossible de conserver le commandement des ~rou·
pes, a moins qu'on ne retirat les odieuses ordon-
nances, et que le ministere ne fút' renvoy~. Cette
double mesure me paraissait devoir mettre fin au


.. ' -combat; car, a dellx henres, le mercredi, on était
., pans un de ces courts instans OU, pendant les trou-


bIes civils, chaqlle parti peut croÍre gagnel' beau-
coup, tout en faü:ant de larges concessions au partí
conlraire.




( ,65 )
Le maréchal me laissa développer ma pensée,


mais j'apercevais dans toute sa personne un malaise
évident. Ses opinions au fond, n'étaient pas chan-
gées; les actes du lundi ne lui paraissaient ras moins
criminels; la démarche que je lui conseillais lui sem-
blait juste; seulement, par un sentiment indéfini-
sable, puisé dans les habitudes militaires, il ne
croyait pas que le moment de la faire hit encore ar-
rivé. Un maréchal de France, un vieux soldat, ne
devait pas, selon lui, proposer des concessions, tant
que les chances du combat étaient incertaines. J'es-
sayais de lui prouver de mon mieux que, s'il était
victorieux le lendemain, l'autorité ministérielle serait
redevenue toute-puissante, qu'il n'aurait plus de
crédit, que sa démarche alors ne porterait aucun
fruit, lorsqu'on annon<;;a l'arriv~e'- de MM. Laffite,
Gérard, de Lobau, Casimir Périer et Mauguin.


Je passai aussitot, avec tous les officiers qui rem-
plissaiént alors le salon du maréchal, dan s la salle
de bilJard. C'est la qu'on m'apprit que les ministres
occupaient, au meme étage, un salon contigu dont
les fenetres donnent sur la rue de Rivoli; quatre
d'entre eux (MM. de Polignac, d'Haussez, Guernon
de Ranville et Montbel), que je ne connaissais pas
memede vue, vinrent s'y promener successivement;
un de~ aides-de-camp du maréchal, M. de la Rue,
me les montra. Bientot les députés s'en allerent: ils
étaient presque au bas de l'escalier lorsqu'on les in-
vita a remonter, en leur annon93nt, je crois, que
M. de f'olignac consentait a les recevoir; mais il
s'était a peine éco,u!~ une minute, quand on vint les




( 166 )
avertir sechemellt qu'ils pouvaient se relil'er. Vun
d'entre eux en térnoigna 5a surprise par une excla-
mation dont la plupart des assistans compril'ent
toute I'étendue. M. Mauguin, ave e qui j'avais lié
convel'sation, pendant qu'il attendait dans la salle
de billard, se louait beaucoup des manieres flu m~­
réchal, t out en regrettant que, ccrtaines illfluences
l'empechassent-de s'abandonner sans réserve a ses.
propres sentimens.


Apres le départ des Déplltés, j'espérais reprendre
ma conversatÍon avec le duc de Raguse, mais tout
son tems était employé a écouter les officiers d'état-
majol' :qui apportaient incessamment, des diver5
quartiers de Paris, des nouvelles plus ou moins dé-
cisives,ILe".colonel de la gendarmerie, M. de Fou-
canld, arriva a son tour et re~ta en conférence avee
le maréchal~'pendan(plns :d'une demi-henre. Avant
de me retirel" j'invitai M. l'aide-de-camp de la Rne a
vouloir bien' din~ au maréchal que je reviendl'ais le
lendemain pour renouvelel' mes sollicitations, s'il
en était tpms encore, c' est-a-dire, si la troupe de
ligne n'avaitpas pris partí pour le peuple. L'impres-
sion que eette phrase produisit me montra qu'on ne
craignait encore rien de pareil. Je m'expliquai da-
vantage, je citai divers: quartiers ou j'avais vu, vers
midi, des groupes de soldats assez nombreux frater-
niser avec les citoyens armés. M. de la Rue crnt que
cette nouvelle inattendlle ferait quelque impression
sur l'esprit de M. Polignac. Il me pressa vivement de
la lui communiquer; je ne crus pas devoir céder a
ses sollicitatioIls, parce que, ayallt indiqué moi-




( ) (;7 )
nH~me le l'envoi immédiat des ministres commc Ulle
mesnre sallS laqnelle tont arrangement ser~.'itimpos­
siblc, il m'étaitdifficile d'avoir eles rapportsdirects
avec eux; je voulais d'ailleurs me réset'ver le droit
de dire hautement, en cas de besoin, que si j'avais
vu les ministres; que si, contre mongré, je m'étuIs
trouvé avec eux dans la meme maison, je ne leut'
avais pas au moins adressé une s~ule parole. Alors
M. de la Rue, avec moo assentiment, alla, dans le
salon voisin, transmettre ma nouvelle au maréchal;
celui-ci s'emp,'essa d'en faire part a M. de Polignac;
mais elle fut loin de produire l'eHet qu'on attendait,
cal' M_ de la Rue, en revenant, s'écria avec l'accent
de la plus pro~onde douleur; « Nous sommes perdus!
}) notre premie,' ministre n'entend pas l"!H~me le fran·
}) ~ais! Quand le maréchal lui a dit, en vous citant,
}) que la trc.upe passait du coté du peuple, iI aré·
» pondu; EH lllEN, lL FAUT AUSSI TIRER SUR LA TROUPE ! })
A partir de ce moment, iI fut évielent pom moi que
maigré l'état de siége, le maréchal ne commandait
que de Ilom, et je me retirai. Il était alo1's plus de
quatre hellres.


Achille-Fral1(;ois-~ ¡colas DE GUISE, dgé de 39 ans,
chef de bataillon, dCmeUT'allt ti ParioS, me de
Suréne, n° 22.
Le lundi, 26 juillet, j'étais chez M. le maI'échal


duc de Raguse, lorsqu'it son arrivée a Pa1'is"illut
pour la premiere fois le iJ1oniteur, qu'il n'avait pn s,e
procurer a Saint-Clond. Alu'es cette lecture, il· me




( 168 )
quitta pour aller a l' Académie, et retourner de lit a
Saint.Cloud. Le mardi matin, je re~us de lui une
lettre par laquelle il me demandait de ravertir de ce
qui se passerait a París, les circonstances pouvant
einpecher les jonrnaux de paraitre. J'allais me dis-
poser a satisfaire a cette demande, lorsque je re~us
un autre ordre qui m'enjoignaitde me rendre aI'état-
major. Jem'y rendis aussitot, et M. le marechal y
était déja arrivé. II était alors entre midi et une
heure. Il m'annon~a que, le matin, le Roi l'avait fait
appeler, et lui avait ordonné de se rendre a Paris
pour prendre le commandement, en lui annon~ant •
que des troubles avaient en líeu la veiJIe, mais en
lui permettant de revenir le soir coucher a SaÍnt-
Cloud, si le calme était rétabli.:fe dois faire observer
que jusqu'alors aueDn ord\'e n'avait été donné aux
troupes, qui n'étaient meme pas consignées. Des
mesures furent immédiatement prises, et vers onze
heures du soir, je fus envoyé par M. le maréchal
chez M. le prince de Polignac, auquel j'annonc:;ai
que les rassemblemens étaient entierement disper-
sés, et que les troupes &11aíent rentrer. En revenant
chez le maréchal, je fus chal'gé par lui d'écrire, sous
sa dicté e, une lettre au Roí, pOllr luí rendre' compte.
dans le l1H~me sens, de ce qui s'était passé. Cette
lettre dut etre portée au Roí le mercredi de grand
matin .
. Vers huit heures dn matin, le mercredi, M. le


maréchalécrivit une se~onde lettre au Roi, dans la-
quelle iI lui rendait compte de la marche des événe-




( 169 )
mens. eette lettre, confié e a un gendarme, futperdlle
par un accident, et M. le maréchal en ayant été im-
médiatement instruit, m'en fit écrire une autre
dans le meme sens, mais beaucoup plus succincte, et
dont je vous dépose une copie; elle était daté'e de
neuf heures, et fut porté e , d'apres l'ordre expres
du maréchal, par un officier d'ordonn:ance. Peu de
tems avantou apres l~ départ de ceUe lettre, un
jeune homme que je ne connais point, virit trouver
M. le maréchal de la part du préfet de poli ce , et lui
demand,a s'il était vrai que la ville de Paris eut été
mise en etat de siége. M, le maréchal, auquel pI n-
sieurs personnes parIerent également de ceUe cir-
constance, m' envoya, vers dix heures,chez l\l.le prince
de Polignac, pour savoir ce qui en était, et luifilire
observer qu'il y avait des conditions de légalité a
remplir pour une semblable mesure. Le ministre
m'apprit qu'en effet l'ordonnance de mise en état de
siége était signée, et qu'il avait envoyé chercher M.le
maréchal, pour qu'il vint la prendre. Je revins avec
M. le maréchaI, qui, en sortant de chez le prince,
me remit l'ordonnance. Nous nous rendimes direc-
tement au quartier·général, ou les ministres ne tar-
derent pas a arriver, sans que je puisse dire s'ils y
vinrent cnse~ble ou successivement.


A trois heures, M. le maréchal me fit écrire une
nouvelle lettre au Roi, lettre dont je dépose égale;,;
ment entre vos mains une copie, et qui fut datée de
trois heures et demie. J'en étais arrivé au point ou
vient dans la lettre le compte rendu des événemens,




( J 70 )
lorsque les députés dn dépal'tement de la SeÍDe
fUl'ent introduits chez M. le mal'échal par M.de
Glandeves; mais je ne restaí point présent a la con- .
férence qn'ils eurent avec M. le maréchal, et je n'ai
su que par Olll dire ce qui s'était passé. Qu:md ils
furent sortis, la .lettre fut achevée, et M. le lieute-
nant-colonel Comirouski fut chargé de la portel'.
Je pense que M. le maréchal re<;;ut des réponses du
Roí aux divel'ses dépeches qll'il lui avait expé-
diées; mais je· il'ai poin t eu connaissance de lcur
conteulI.


Dans le COUl'S de la journée, sans que je puisse
précíser a queHe heure, une procIamatioll fut ré-
digée par l'un des ministres, et comml1niql1ée a un
autre'ministre qUi setrouvait la; on me chargea de
la faire imprimer a l'imprimerie royale , mais je fis
observer que cela était impossible, et il en fut remis
une, sans que je pusse savol1' si c'était ceHe que
j'avais vue entre les mains de l'un des ministres, au
jeune homme quí était venu de la part du préfet
de poli ce , et qui revint plusieurs fois dans la jour-
née; on l'avait chargé de la faire imprimc!' et Jis-
tribu~r.


Le jeudi, de tres-bonne" heure, M.le maréchal fit
convoquer les maires de Paris, mals ilu'en vint que
trois. Vers sept heures, 1\1M. de Sémonville et d' Argout
furent introduits, el se rendirent ensuite a Saint-
Cloud en meme tems que les ministres. Apres leur
dé.part, les maires furent chargés d'aller annonceJ'
que le fen allait cesser. Nous observions avec M. le




( qI )
mal'échal qucl scrait le succes de leur missiOIr, et
il paraissait assez satisfaisant, lorsq ll'une fusillade
tres - vi ve s' engagea de nouveau, et la retraite
s'opéra.


Ce témoin a deposé les pieces sllivantes :


Ordre de M. le marquis de Choiseul a M. le général
comte de lF alt.


27 jllillel 1830.
« Mon cher géuéral,


» M. le maréchal vous invite á donner l'ordre au
eolonel du 15e régiment de partir dn Pont-Neuf et
de suÍvl'e le qua ¡ de llIorloge, le pont au Change,
et de se porter jusqu'a la hauteur du marché des
Innocel1s. n détachera alors un bataillon qui suivra
la rue Saint-Honoré, pour prendre a revers une
bal'rícade qui se trouve pres du Palais-Royal. Un
bataillon -de la garde l'attaquera en meme tems de
l'autre coté. Cette barl'icade détruite, le colon el Pé-


. rigann suivra, dans toute sa longueur, la rue Saint-
Denis et descendra le boulevart, tandís qu'lln autre
détarhement allquei vous en uonnel'ez l'ol'dre, mar-
chera a sa rcncontre. Le régi~ent dn colonel Péri-
gann et le détachemcnt que vous enverrez a sa rcn~
contre se croiseront , et ce del'llicl' se rendra au Pont
Neuf. Ces tronpes balaieront tont ce qn'elles ren-
contrel'ont sur Ieor passagej elles emploieront la
baionnette si on lenr résiste, et ne feront fen que
dans le cas ou on ferait feu sur elles; elles tireront
cependant des coups de fusil aux fenetres d' ouon lenr




( 17:1. )


jettel'ai t des pi erres. Elles marcheron t avec résolll tion
et en battant la charge. Il estimportant que ce mou-
vemént ait lieu avant la nuit, et M. le maréchal
vous prie de donner l'ordre qu'il s'opére a sept
heul'es .


. ce Les gendarmes a pied qui sont aupres de M. Pé·
rigann marcheront avec lui, et M. le maréchal
y adjoindra un détachement de gendarmes d'élite.


« L' aide-major-général ,
) Marquis DE CHOJSEUL. »


lettre du duc de Raguse alt Roi.
Mercredi , a 9 heures du matin_


(f. J'ai:déja eul'honneur de remIre hiel' compte a'
Vótre Majesié de la dispersion des groupes'qui ont
troublé la tranquill.ité de Paris. Ce matin, ils se re-
forment plus nombreux et plus menac;ans encore. Ce
n'est plus une émeutej c'est une révolution. Il est
urgent que Votre Majesté prenne des moyens de pa.
cification. L'honneur de la couronne peut encore
etre sauvée; demain, peut-etre, iI ne serait plus tems .
.Te prends p~ur la journée d'aujourd'hui les memes
mesures que pour celle d'hier. Les troupes seront
pretes a midi, mais j'attends avec impatience les
ordres de Votre Majesté. »


« Trois heilres et demie.


« J'ai mis en mouvement mes différentes colonnes
a l'heme indiquée. Le général*** est arrivé a la place
de Greve. J'ai ma commullication assurée avec lui




( 1 iJ )
par nn bataillon qui occupe le débouché du Ponl-
Neuf. Le général*** marche par les boulevarts pour
s'établir sur la place de la Rastille. Le général ***,
parti de la place 'Vendóme, occupe avec ses troupes.
la place des Victoires. Malgré tout cela, tout l'espace
entre lui et moi est rempli de groupes insurgés, et
nous ne pouvons commmüquer eqsemble que par
la place Vendóme.


» Le général**'"est arrivé au marché des Innocens;
mais, apres avoir tourné et détruit plusieurs barri~
cades, et refoulé dans la rue Saint-Denis tout ce qui
s' opposait a sa marche, de nouveau gronpes se sont
refQrmés derriere J ui, et je ne puis avoir de ses nou-
veIles que par des officiers déguisés.


» Dans la marche des troupes, partout les groupes
se sont dispersés a lem approche; mais, dans presque
foutes les rues, des coups de fusil sont partis des
fenctres de toutes les maisons, les troupes assaillies
ont riposté, et leur marche partoutn'a été qu'un
combato


») Les troupes ne sauraient courir le risque d?etre
forcées d'évacuer leurs positions; mais je ne dois pas
vous cacher que la situation des choses devient de
plus en plus grave.


» A l'instant ou j'aliais fermer ma lettre, se son~
présentés chez moi MM. Casimir. Périer, Laffitte,
Mauguin, le général Gérard et le général Lobau. lis
m'ont dit qll'ils venaient me demander de faire ces-
ser le feu. Je leur ai répondu que je Ieur faisais la
meme priere, mais ils mettent pour condition a leur




('174 )
JI>


coopération la promesse du rapport des on\on·
nances. Je lenr ai dpondll que, n'ayant allClln pon-
voir politique, je ne pouvais prendre allcnn enga-
.gement a cet égard. A pres une assez longlle con ver-
sation; ils se sont bornés a me demander de rendre
compte de leOl' démar-che a Votre Majesté.


II Je pense qu'il est urgent que Votre Majesté pro-
fite sans retard des ouvertmes ql1i lui sont faites. l)


Georges-Félix BAYEUX, ágé de quarante-huit ans,
al'ocat général á la cour ro/ale de Paris, demeu·
ranl rue TraFer.'iere-Saint-Honoré, n° 25.
Depuis plus d'un moís je remp!a<;?ais M. le p!'ocu-


reur général qui était parti pour alter aux élections,
I


lorsque le lundi 26 juillet, j'appris vers mi di que les
ordonnances étaient rendlles. Je fus de suite an Pa-
lais, eroyant que l'on aurait adressé quelques illr
struction au parquet: il n'y avaít aucune leUre. De-
menrant aupres du Palais--Royal, des le Boir j'eus
connaissance du trouble (luí avait et1 lieu. Le lende-
main, mardi, je sortis de tres-grand matin, je re-
cueillis· ehez les commissaires de police les rensei-
gnemens sur ee qui s' était passé la veille. Je parcourHs
différens quartiers; ie fus informe que les commer-
~ans renvoyaient leursouvriers. Jevis les dispositions
hostiles dnpeupl~, d'ésormaÍs intéressé dans la que-
relle; et a huit hemes du matin , je me présentai
chez M. le garJe-des-sceaux. Je lui témoignai ma
sllrprise de ce que le parquet n'avait pas été informé
officiellement de l'existence des ordonnances. TI me




( 17 5 )
t'Bpondit que l'exécution des mesures étant confiée
a l'autOl'ité auministrative, iI avait paru inutile. d'en
donner avis aux magistrats, Je Iui racontaí alorstont
ce que j'avais appris le matin; je lní communiquai
mes observatlons , et ne lui dissimulai pas que j'étais
convaincn que la journée ne se passerait pas san s
effusion de sango M. le garde-des-sceaux me répondit
que je m'alarmais mal a propos, que l'on avait la
certitude que la mdindre démonstl'ation de la force
feraít tont rentrer dans l'ordre, que le peuple se
hornerait a crier ti bas les ministres! cris que ceux-
ci étaient déterminés a laissel' popsser sans en tirer
vengeance. J'insistai en faisant observer que s'il
était possible de penser que, dan s le moment ac-
tuel, le simple appareil de la force pút calmer l'ef-
fervescence des esprits, certes íl nepourrait la
comprimer, lorsqu'au moment· des' élections toute
la France scrait en mouvement. M. le garde~des­
sceaux lIle dit alors que le gOllvernement avait tont
prévll, qu'il était parfaitement informé de l'état
des choses, et que je devais me tranqllilliser. Je le
qllittai avec la certitude qlle je ne le tirerais pas de
l'erreur oú il était que le peuple rentrerait dans
l'ordre des qw1il verrait les balonnettes se diriger
vers luí. .


...


Je fus au Palais, et quelqtles-uns de MM. les con-
seillers étant V~nus me voir au parquet, me deman-
del'ent le sujet de la tristesse que je manifestais; je
lcur racontai ma conversation avec le garde-des-
S<:eaux, et je leur dis que j'étais d'autant pll1s ef-




( ] 76 )
frayé, que le ministre me pal'aissait plus tranquille.
Le soir, vers six heures et demie, j'étais rentré chef.
mojo J'entendis beaucoup de bruit du coté de la rue
Richelieu; et eorome la maison que j'habite n'est pas
sur la me, je descendis pour connaitre la cause de
ce tumulte. Tous les habitan s de la rue Traversiere
étaient a leurs fenetres, la tete tournée ~u coté de la
rue Richelieu. Tout acoup nous entendons une dé-
charge de coups de pistolets derriere notre dos, Plu-
sienrs lanciers de la garde venaient d'entrer dan s la
rue Traversiere par la petite ru~ qui est en face du
passage Saint-Guillaume; et sans qu'il y eut aUCUll
rassemblement dans la rue, sans que j'eusse entendu
aucun tumulte, aucun cri derriere moi, déja trais
persorines étaient tuée::¡ a leurs fe~etres. Deux étaient
sur le balcon de l'hotel du Grand 'Baleon; c'étaient
un étranger et sa fem'me; l'un rec;ut une balle der-
riere la tete, l'autre dans le coté. Un vieillard fut tué a
la fenetre d'une roaison au-dela de ceHe que j'habite,
et une dame eut la euisse cassée au ca in de la rae du
Clos-Georgeot, a quelque pas de moi. eette attaque
si violente, si peu provoquée, souleva tous les habi-
tans de la rue, jusque·la fort tranquilles, et chacun
songea a s'armer pour se défendre.


Le lendemain matin mercredi, je fus au Palais de
fort bonne heure. Je fis demander a plusieurs re-
prises M. le procureur du Roi; il n'était pas arrivé.
A.pres avoir examiné la correspondan ce qui eonsis-
tait en une ou deux lettres, on vint me dire que le
préfet de police congédiait tous ses employés; ceux




~ 177
du parquet demandaient ~l se retirer; je les suivis et
rentrai chez moi. Vel'S deux heures et demie, un gen-
darme déguisé vint du Palais m'apporter une lcttre,
dont 1\'1. Girod de l' Ain, président alors de la Cour d'as-
sises, avait donné rec..u etqu'il m'envoyait. eette lcttre
était adressée a M. le procurenr général par l\!: le
garde-des-sceaux; elle renfermait l'ordonnance con-
tresigriée par M. de Polignac, quimettait la villeen
état de siége. n était enjoint d'en faire la notification
a M. le premier president et au tribunal de premiere
instanee. Pend~nt que je lisais eette dépeche, un
autre gendarme déguisé vint m'apporter un 'antre
paquet; ó!:it une expédition de la meme ordan-
nance, qui m' était adressée directement chez moi,
par M. le garde·des-seeaux. Ce ministre ayant appris,
par le re/{u de M. Girod, que sa lettre ne ~avait pas
été re mise , avait cru sans dQu~ 'fil~},de m'en donner
eonnaissance. Je me rendis~au Palais; jen'y trouvai
que les gendarmes el la troupe de ligne de service,
pres de la Conr d'assises. M. Girod s'était retiré lors-
qu'il avait en connaissance de la mise en état de siége
de Paris, Je fis déguiser ~ellx gendarmes et je les
envoyai porter les denx expéditions de l'ordonnance,
l'une a M.le premier président, l'autre a M. le prq-
cureur du Roi : ces magistrats étaient chez eux.
M. le premier président me renvoya ceHe que je lui
avais adressée; l'autre fut conservée par l\I. le pro-
curenr du Roi, et le récépissé qui me fut adressé,
fut signé par M. Perrot de CheselIes, substituto Je
ne pus rentrer chez mal qú'en courant les phlS
g )'ands dangt>rs. 12




( 170 ;
Jusque-Ia j'avais entendu dire que les ministres


étaient a Saint.Cloud, et meme plus loin, et je l'avais
eru; en jetant les yeux sur l'ordonnance de M. de
Polignac, et la lettre de M. de Chantelauze, je re-


. marquai que ces deux pieces, qui avaient été écrites
tres-récemment, l'avaient été sur du papier portant
en tete ces mots: Carde l'o.yale, état-majol' général.
Certain que les ministres étaient encore a Paris, je
résolu de les voír, et de bien lem faire connaltre le .
véritable état des choses et l'inlltilité de leurs efforts;
mais je ne pus y i·éussir le soir meme, paree que ces
mots tita t·major général m'avaient trom~é, et j'avais
été a la place Vendome OÚ je ne les tr~nvai point.
Le lendemain, vers huit heures, M. le premier pré-
sid~n~.mc fit:dir.e que lesprisonniers de la concier-
gerie cherchaieilfas'échapper. le partis pourtacher
de m'opposer a leurs efforts; mais avant de me
rendre au Palais, je fis une nouvelle tentative pour
voir M. le garde-des-sceaux. Le clange!' était évident,
les Suisses occupaient les fenetres de la )'ue Saint-
Hbnoré, et un balcon qui est sur une boutique, au
coin de la rue de l'Echell.e. Ils tiraient sur le peuple
et celui-ci ripostait. Un de mes amis me proposa de
m'accompagnel'. Nous levi011s les l:::tins enl'air pOllr
montrer que nous n'avions pas d'ul'mes, et IlOUS
demandions a parler a un officier. Les soldats nous
dirent qu'il n'y avait pas d'officiers avec ellX et que
nous IlOUS l'etÍl'assions; mais comme iIs étaient pltls
occupés de se défendl'e contre ceux qui les atta-
quaient de loin , que de l'approche de deux hommes




( J7~ J
désal'més, i1s ne tirerent pas SUl' nous, Arrivé au
guichet des Tuileries, je renvoyai mon ami, en luí
faisant observer qu'il était inutile de nous faire tuer
tous les denx.


J'eus heaueoup de peine a savoir ou était M. le
garde-des-sceaux: on me renvoyait de l'état-major,
place du Carrousel, aux Tuileries. Enfin, un officier
supérieur me dit que le ministre que je demandais
était chez M. Glandeves, gouverneur des Tuileries.
Je trouvai en effet dans un salon MM. de Peyronnet
et de Chantelauze : ce fut M. d'Haussez qui me con-
duisit pl'l!~s d'eux. Ces Messieurs parurent fort em-
pressés d'avoir des nouvelles de l'état de la ville. Je
leur répondis que, hors ce qui les environnait,
tont était calme, tont était dalls l'ordre le plns ad-
mirable, que les propriétés étaient respectées , que
tout individll qni était pris était traité comme UD
ami, et que ron avait meme pas pillé leurs hótels,
M. de Peyronnet me dit alors : c( Ce son! sans doute
)' les fédérés quí ont conservé leul' ancienne orga-
)) nisatio}]. Non, luí dis-je, c'est la population tout
¡) entiere qui se souleve; les femmes montent des
/) pavés dans leurs chambres, pour jeter snr la tete
l) des soldats, pendan t que leur maris se font tuer
» dans les rues; les habitans des campagnes accou·
» rent armés de fourches et de faulx:; le souleve-
) ment est universel, et toute tentative pour le
" comprimer completement inutile. Ce n'est point
») une simple émeute, dit M. de Peyronnet, c'est
)1 done une vpritable révolution. Et une révólution,





( J 80 )
» ajontai-je, qui ne laisse aucune rf~ssource, cal' j(~
)) ne vous vois aUCl1n appui.» Et pO~lr le démontrer,
je racontai ce qui m'était arrivé la veille au Pa1ais,
lorsque j'étais allé porter l'ordonnance de M. de
Polignac. Au moment de mon entrée dan s la salle
de ]a Cour d'assisses, 'le maréchal-des-logis de la
gen(1armerie départeme~tale, qui commandait le
détachempnt de service pres de la Cour, était venu
au-devant de moi et m'avait dit : « N'est-il pas bien
» ftlcheux, M. l'avocat-général, de tuer les autres, et
») de se (aire tuer pour une allssi détestable cause;
) cal' enfin, ce sont nos droits qu'on nons enleve. »
Un instant apres, un gendarme, que j'avais envoyé
sur la Tour de l'Horloge, pour savoir ce qui se pas-
sait ala Greve, étant venu me dire que la garde se
retirait, et que les bédoins, nom qu'il donnait aux
citoyens caché s sous le pont de fer, tiruient sur les
Snisses sans que les soldats de la ligue, auxquels
on venait de distribuel' des cartouches, et qui étaient
aupres, les défendissent; un soldat el'un régiment
de ligne, faisant aussi partie OU peloton de service
aupres de l~ Cour, dit : ({ e'est pOltT'tant f .. ". de
r!oir tirer sur ses camarades sans les déjendre. -
Ses camarades , répartit le sergent qui les comman-
dait, et pour les difendre, sur qui tlrerr:s-tu mal-
heureux ? su;' tes JI'eres ! »


Du langage de ces deux hommes apparlcnant a
1 'armée, je tirais la conséqucnce qu'il ne {allait plus
éompter sur .rien. On me demande ou l'on prenait
de ]a poudre. On prend, répondis-je, ceHe des 501-




( lfh )
dats, et souvellt ils donnent ellx-mcmes leurs car-
tonches. Il était alors trop évident que le mardi pré-
cédent , j'avais bien con(,;u la position des chos~s!
et que le gouvernementn'avait pas tout prévu. Aussi
M. d'Haussez me conduisit vers la fenetre et me dit:
( f/OllS avez bien raison, M. l'arocat-général; royez,
voila nos seuls défenseurs (en memontrantla garde),
il y a vingt-quatre lzeul'es qu'ils n' ont mangé et que
leurs cheraux n'onl eu defou"I'ages. » Je vOlllais me
l'etirer et aller au palais , Otl mon devoir m'appelait,
M. le garde-des-sceaux me retint en me disant qn'il
avait une ordonnance a me remettre, et que d'ail·
lenrs il était bien aise que je visse les autres mi-
nistres.


On passa dans une salle a manger oa ces MessieUl's
pl'irent du café, et ensuite nous fumes a l'état-
major par un souterrain qui cog.duit d'un des gui-
chets des Tuileries, en face.1a rue de l'Echelle, j us-
qn'anx appartemens occupés par l'état.major et qui
sont sur ]a place du Carl'ollsel. J'étais condllit pal'
MM. de Peyronnet, de Chantelauze et d:Haussez; je
trouvai a l'état-majol' MM. de Gllefnon, de MoutLel,
de Haguse, et peut·etre une 011 d.eux autres per-
sonnes, qui passaient d'nne piece dans 1'autre, et que
jene fixai point assez ponr pouvoir dire si c'étaient
M. de Polignac et 1\1. Capelle, mais je ne le erois pa.s.
Je répétai en grande partie ce que j'avais dit a M. le
garde-des-sceaux et a M. de Peyl'Onnet. Qn me de~
manda si ron avait fait choix d'un alltl'e prOClll'eUr9




1, J 82 )
général; je répondis que non, et je demandai qui
done l'aurait choisi ?


M. de Guernon s'informa si les dépeches expé-
diées la veille par M. le garde-des-sceanx, étaient
parvenus a lenr adresse. Celui-ci répondit affirma-
tivement. Le meme ministre demanda alors com-
ment il se faisait que ce fUt M. Girod qni eut donné
un premier rec;uije dis qllec'étaitparcequeM.Girod,
présidant les assises, se trouvait an Palais. « Volla ,
dit-on alors, ce qui explique tont.» On demanda
qui commandait le peuple; je dis qu'il n'y avait
pas, a proprement parler, de commanclant i aucune
masse ne se présentant de Eront, et chacun se hat-
tant pour son compte pcrsonnel, cherchait tous les
moyens de nuire le plus a l'ennemi, en assurant le
mieux possible sa retraite; que dans tout ce qui de-
mandait de l'ensemQlé, on était dirigé par les éleves
de l'école polytechnique. J'avais précédemment,
dans ma conferencc chez M. de Glandeves, dit que
j'étais convaincu que dan s peu de tems les Tllile-
ries seraient au pouvoir du peuple. Aussi ayant en-
tendl! un des mi~tres demander a qllelle hellre le
Roi les att~ndaft a Saint-Cloud, et un autre ré-
pondre que c'était a onze heures, je dis que je con-
seillais de ne pas attendre ce tems pour faire hattre
la re traite. Je sollicitais, avec instance, la pennis-
sion de me retirmo, M. le garde-des-sceaux, qui avait
écrit assez longtems, fit signer , par M. de Raguse,
et me remit une ordonnance qni enjoignait a la Cour





( 18J )
royale de se réunir de suite aux Tuileries et non
ailleurs. Je fis observer qu'il n'y avait aueune pos-
sibilité dans l'exéention, et j'invitai le ministre a
faire transmettre lui-meme l'ordre a la eour. Il me
répondit que, rempla~ant le proeureur-général, c'é-
tait moi qui étais chargé de l'exéeution. Je pris
l'ordre, et je demandai alor5 qu'on me facilitat les
moyens de sortir sans etre exposé a etre tué par les
Suisses. Onme dit qu~on allaitassurerma retraito;
en effet, un instant apres, on me remit un laisser-
passer. Je sortis. Ayant Iu ce papier, je vis qu'il ne
contenait qu'une permission de sortir des Tuileries,
oúje ne me croyais pas prisonnier. Je rentrai a l'état-
major; je vis un ofticier supérieur auquel je soumis
mon observation, en le priant d'envoyer un officier
avee moi, pour faire signe aux. soldats de ne pas ti-
rer sur moi. la feuille de papier étant tres-insuffi-
¡ante ponr empecher des hommes qni sont an pre-
miel' étage d'en tuer un dans la rue. On me répondit
que cela était impossible, qu'il fallait me contenter
de ce que l'on m'avait remiso


En vain je tentai de sortÍr par le guichet qui COIl-
dUÍt au Pont-Royal; les halles tirées de l'al1tr~ coté
de l'eau et sur le pont sillonnaient le passage, Par
la grille du Louvre, le dan gel' était plus grand en-
coreo Enfin , je résulus de revenir par OU j'étais allé.
Quand je fus dans la rue de l'EcheIle, et an moment
de traverser la rue Saint-Honoré, je vis tomber
une ou deux personnes dans l~ rue des Frondeurs,
qUi je IIl! disposais a prendr6. Je changeai de dil'ec-




( 184 )
tion, et j'entI'ai clan s la rue Traversicre : la fusillade
était fort animée. J'étais seul dans cette rue; mais
un malheureux fruitier. qui voulut voir qui dan s un
pareil moment pouvait se hasarder sans armes,
avanl,(a la tete et rec,:ut un coup mortel; je'l'entendis
tomber derriere moi. La COUl' de ma maison était
pleine de personnes qui s'y étaient réfugiées. On
me dem:mda ce que je venais de faire aLlx Tuile-
ries. Je dis que j'avais fait c~na1tre anx ministres
la véritable situation des choses , et que je ne do u-
tais pas qu'avant' pe,U la lutte ne cessat. En effet,
j'appris plus tard qu'un parlementaire avait été en-
voyé, mais que le peuple au,qucl son caractere n'é-
tait pas eonnu, l'avait tué an coi n de la rue de la
Paix. Ayant rAssuréma famille, je COUI'US au Palaís;
déja le pellple s'en était emparé et avait commis
quelqnes dégats au greffe de premiere instance.
Des que ron me vit arriver, plusieurs personnes
vinrent au-elevant de moi et me demanclerent de
leur remettre les fusils qui étaiel}t en dépot au
greffe de la cour. Je leur répondis que je ne le POIl-
vais, et fajoutai que tous ces fusils étaient déposés
par des ehasseurs pris en contravention ; qu'aucune
de ces armes n'était en état de servir; qu'elles pré-
sentaient meme du danger, et qu'il ne fallait pas
s'exposer au blame d'avoir violé un dépót public
san s aueun avantage. 11s me dirent alors qll'ils sa-
vaient qu'il y avait an greffe pOUl' plus de cent mille
franes de matieres d'or et d'argent, saisies faute de
marque de garantie; que des malveillans pourraient




( 185 )
profiter du moment pour s'en emparer; qll'il fal-


* lait garder ces o:bjets, et que lorsqu'on aurait des
armes on placcrait des factionnaires qUl impose-
raient ave e ces fllsils dont le mauvais état ne serait
pas conllU. Ils entrerent au greffe , prirent les fusils
et firent bonne garde: allcun objet curieux n'a été
sOll~trait. Je me rendis ensuite chez M. le premier
président; je lui laissai l'ordonnance, que nons cún-
vinmes de ne pas exécuter.


Et sur notre réquisition le témoin a déposé entr'e
nos mains, apres les avoir paraphées, premiere-
ment une ampliation sígnée Chantelauze, de 1'01'-
donnance portant mise en état de siége de la ville
de París; secondement la lettl'e d'envoi de la meme
ordonnance au procureur général pres la Cour royale
de Paris; ladite lettre en date du 28 juillet, égale-
ment signée Chantelauze.


Paris, ce .28 juillet 1830,
« lVfonsieur le procurenr général, vous trouverez


ci-joint une ampliation d'une ordonnance de Sa Ma-
jesté, qui met la ville de Paris en état de siége.


J) Vous connaissez les consé~uénces légales de l'état
de siége, et vous aurez soin de vous y conformer, en
notifiant sur-Ie-champ a la Cour royale, pres laqllelle
vous exercez vos fonctions, l'ordonnance du Roi.
Vous tiendrez la main, en ce qui vous con cerne , ;~l
ce qu'eIle re~oive son entiere exécution.'


)) Je vous charge en meme tems d'adresser sallS
retard cette communication a M, le prOcurcUl' dll




( 13G )
Roi, qui devra aussi la notifier au tribunal de
premiere instance.


» Je vous fzrai connaitre les dispositions ulté-
rieures qui seront prises relativement a l'ordre
j udiciaire.


» Vous voudrez bien m'accuser réception de cet
cnvOl. •


» Recevez, Monsicur le procurenr général,
l'assurance de ma parfaite considération.»


Le garde-des-sceaux de France,
ministre de la justice,


CHANTELAUZE.


" CHA.RLES, par la grace de Dieu, Roí de France
et de Navarre, a tous ceux qui ces présentes verront,
lialut.


») V u les articlp.s 53, 101, 102 et 103 du décret dn
:.14 décembre 181 1;


» Considérant qu'nne sédition intérienre a troublé,
dans la journée du 27 de ce mois, la tranqnillité de
la ville de París;


» N otre conseil entendn,
» N ous avons ord'b~é et ordonnons ce qui suit :
» Art. 1 er La ville de Paris est mise en état de


siége.
» Art. 2. Cette disposition sera publiée et exécutée


immédiatement.
Art. 3. Notre ministre secrétaire-d'état de la guerre


est chargé de l'exécution de la préseute ordonnance.
» Donné en notre chatean de Saint-Cloud, le vingt-




1, 187 )
huitieme jour de juillet de l'an de grace 1830, et de
notre regne le sixieme. »


Signé CHAHLES.
Le président du conseil des minis~res, chargé"


par interim du portifeuille de la guerre,
Signé prince DE POLlGN A.C.


Pour ampliation :
L4 garde-des-sceaux. ministre lecrétair,.".


d' état de La justice,
CUANTELA UZE.


M. Camille GA.ILL.um, ágé de trente-cinq ans, juge
d'instruction pres le tribunal de premiere instance
de la Seine, demeurant ti Paris, rue du Petit-


'. Bourbon-Saint-Sulpice, n° 7.


D. Quelles relations avez-vous eus avec les ex-mi-
nistres? - R. Aucune : j'aí seulement été une fois
chcz M. de Montbel, pour lui représenter les leUres
attribuées a MM. Colomb et d'Effiat, a l'occasion
d'une procédure relative a ces leUres. - D. Savez-
vous quelIes mesures voulait prendre le ministt~re
pOllr assurer l'exécution des ordonnances du 25
juillet ? - R. Non, en aneune maniere. - D. N'aviez-
vous pas entendu parle.r de l'institution d'une ou de
plusieurs conrs ppé¡Otales? - R. Non, Monsieur, je
n'en ai point entendll parlero


D. Ne vous avait-on pas demandé, en vertll de
votre qualité de jllge d'instrnction, de signer des
mandats d'arret contre un certain nombre de per-
:sonnes? - R. Non, Monsieur, et je ne suis pas en~




( 188 )
eore bien reri1is de l'émotion que j'ai éprouvée en me
voyant accusé, dans certain jOlll'naUX, d'avoir dé-
eerné de semblables mandats. J'espere que ceux qui
ont imprimé cette ealomnie n'ont point calculé qu'Hs
attiraient sur moi le poignard a cette époquc. - D.
On prétend cependant, Monsieur, que les mandats
vous avaient été remis, que vous les aviez signés;
on cite meme le nombre des personnes contre qui
ils étaient décernés. -R. J'ignore quels sont les ren-
seignemens qui ont été fournis a la commission;
mais j'affirme que ee faít est entierement faux. J'ajoute
qu'un juge d'instruction ne pouvait reeevoir qu'un
réquisitoire tendant a obtenir les mandats susdé-
signes. Aucun réquisitoire de ce genre ne m'a été
présenté. S'il m'eut été remis, je me serais trop rapo.
pelé les dispositiom. de l'art. 12.1 du Code pénal, et
les dispositions de la Charte, pour y avoir fait droit.
J'affirme que je n'ai point re<;u un semblable réquisi-
toire. - D. Vous aviez été néanmoins désigné par
les bruits publics eommc ayant signé divers mandats
d'arret, et ces bruits ont pris assez de consistance
pour devenir l'objet d'inquiétudes et de conversa-
tions au Palais entre vos colléglles les juges d'in-
strllction? - R. Le fait était si grave que je ne suis
point surpris que mes eollegues, <yIi ignorent ce qlli
se passe dans mon eabinet, co~me j'ignore ce qui
se passe dans le leur , ~ient causé entre eux de rae-
cusation portée contre moi dans les journallx; mais
je viens de déclarer tO~lte la vérité.


D. Savcz-YOUS par qni les mandals avaient <,té




( 189 )
signés? ~ n. Non: j'ai la conviction qu'ils n'ol1t
point été requís; mais en réfléchissant que Pal'Ís a
été elÍ état de siége, peut-etre la commission pour-
raít-elle savoir de l'autorité militaire si on ne se se-
rait point adressé a elle pour obtenir et faire exécu-
ter ces mandats? -D. Vous venez de di re que vous
avcz la convictio-n que les mandats n'ont point été
l'cquis : qui vous a donné cette convíction? - R.
Presque chacun des juges d'instruction de Paris a
des attributions particulieres. M. le procureur du Roí
Billot m'avait chargé, depuis que je suis juge d'in-
struction, sans que je le lui eusse demandé, et bien
contr'e mon gré, des instructions sur dt\lits de la
presse et sur délits poli tiques , et je suís persuaclé
que s'il eut pensé a rcquérir pareilsmandats, jl m'au-
rait adressé son réquisitoire; et comme iI ne l'a point
fait, je peux en conclure qu'il ne l'a adressé a alleun
juge d'instructioll. La commission appréciera ma ré-
ponse.


M. Jean.Fran~oi.i-Cyl' BILI.OT, ágé de 41 ans, anclen
procuJ'eur du Roi pres le tribunal de premiere in-
stance de la Seine, demeurant ti Paris, place
Royale, nO 26.
D. Quelles ont été vos relations avee les ex-mi-


nistres, signataires des orclonnances du 25 juillet?
_ R. CeHes que font naturellement supposer les
fonctions que j'exerc;ais.- D. Avez-vous en connais-
sanee des di tes ordonnanees avant leur pnblication}
- R. Je ne les ai connues que par le MOlliteur. -




( 19° ;
D. Savez-vous quelles mesures le ministch'e voulait
pre~dre pour assurer l'exécution des ordonnances?
-R. Non. - D. N'avez-vous pas entendu parler de
l'institution d'une ou de plusienrs cours prévOtales?
- R. Je n'en ai oui parler que depuis les événe:mens
de la fin de juillet, et uniquement d'apres les jour-
naux. Je suis convaincu, sans toutefois avoil' re~u
aucune eonfidence a ce sujet, qu'une pareille me-
sure n'avait nullement été projetée par les ministres.
J'ai pensé et je erois encore que ces bruits ont eu le
meme but et la meme origine que ceux d'apres ]es-
quels on assurait, des le 26 et le 27 juillet, que MM.
Séguier, premier président de la Cour royale, et de
Belleyme, président du tr:ibunal de premiere in-
stance, étaient arre tés et enfermés a Vinccnnes. -
1). Vous venez de dire que vous_ étes convaineu que
l'institution des cours prévotales n'était point entrée
dans les instructions des ex-ministres: sur quels élé-
mens reposait votre conviction?- R. J'ai puisé ceUe
conviction dan s mes reIations avec les anciens mi-
nistres, soit avant, soit depuis les ordonnances. _
D. Voulez-vous biendéclarer a la commission quelle
part vous avez été appelé a p"endre dans l'cxécution
des ordonnances? - R. Aucune; et je n'aurais point
refusé ceHe qui m'aurait été demandée dans l'ordre
légitime de mes fonctions. - D. Vous venez, dans
votre réponse antérieure, de parler de relations que
vous avez eues ave e les ministres, depuis la promul-
gation des ol'doooances : quelles oot été ces relations?
- R. Ce que fai dit des ministres doit s'enteoclre




( J 9 J )
de M. le garde-des-sceaux. J'ai eu avec lui , dans le.
jours qui ont suivi immédiatement la promulgation
des ordonnauces , mes rela\ions habituelles de ser-
vice, qui étaient d'autant plus fréquentes, a eette
époque, ain5i que cela arríve toujours pour le pro-
cureur du Roí de Paris, que M. le proeureur-général
était absent. - D. Voudriez-vous préeiser les jours?
-R. Je suis certain d'avoír vu M. le garde-des-seeaux
dan s la jonmée du lundí 26; je erois l'avoir revu le
lendemain, mais je n'en ai pas la meme certitude.
Je me rappelle que, le mercredi, ayant eu beaueoup
de peine a me rendre a mon parquet, a cause des
événemens , et ayant cru devoir ~ retirer, tous les
autres magistrats en ayant fait ~tMtut, je me rendis
a la chancellerie; ponr faire connaltre a M. le garde-
des-sceaux que le eours de la justice se trouvait en-
tierement interrompu, et demander ses instructions r
je. ne le trouvai point, et ne pus m'adresser qu'a
son secrétaire particlllier.


D. Qllels ordres vous a-t-il donnés le lundi et le
mardi, re1ativement anx événemens? - R. Aucuns.
- D. Est-ce le seul ministre que vous ayez vu, le
lundi et le mardi ?-R. J'ai vu, le lundi, M. le comte
de PeyJll)nn~t. _ D. Que vous a dit M. de Peyronnet
relativement aux événemens? - R. A ueun événe-
ment n'avait en lieu le lnndi, que l'apparition des
ordonnanees. II a eté question entre lui et moi de
celles-ci, mais uniquement a l'occasion de ce qui:
motivait la visite que je lui faisais. J'allais chez lui
pour lui f~lil'e une ohservation relative a}'application.




( 192 )
de ces' ordonllances , en ce qui concernait l'ile de
Corseou j'ai exercé les fonctions .de procnreur-gé-
néral.


D. Avez-vous eu connaissunce de mundats de jus-
tice décernés contre un certain nombre de personnes
qu'on présumait opposées aux ordonnances? - R.
Je pourrais me borner a répondre que je ne dois
aucun compte de ce que j'ai pu faire ou de ce dont
j'ui en connaissance duns l'exercice ou a l'occasion
de l'exercice de mes fonctions. Mais eomme, dans
les circonstances, ce refus de m'explique,' pourrait,
contrairement a la vérité, etre interprété d'une ma·
niere défavorablll¡ ministres dOJlt la mise en ac·
cusation est d6Ill ndée, je vais répondre a votre
question. J'ai en connaissance , par les jonrnaux,
qu'ainsi que ~ela arrive toujours quand un gOl1ver-
nement est violemment renvoyé , iI Y a eu des per-
sonnes qui, soit pour le rendre odieux, soit pour
se faire une sorte de mérite d'avoir été l'objet des
menaces de proscription, Ollt tenu un langage au-
quel a trait probablement la qnestion qui m'est
adressée. Je dédare sur l'honneur et SOIlS la [oí dn
serment que j'ai preté, qu'a l'occasion des événe-
mens de jnillet, et ponr des causes ~lit",nes , il
ri'a été décerné de malldats, ni contre des Pairs de
France, ni contre des Députés, ni contre aucnne
autre personne revetue d'un caractere public. Des
mandats de justice n'auraient pu etre décernés a
Paris que sur mes réquisitions, OH du moins remis


.ponr leur exécntion a des agens de policc OH de la




( [93 )
force publique, que par moi ou sur mes ol'dres. Si
j'avais fait de pareilles réqnisitions ou donné de pa-
reils ordres, j'aurais pensé que e' était mon devoir,
et eeux qui connaissent mes principes et mon carac-
tere savent assez que je ne serais pas homme a le
désavoner; loin de la, je prendrais sur moi toute la
responsahilité. _ D. A-t-il été décerné des mandats,
ponr cause poJitique, contre d'autres personnes non
revetues d'un caractere pabiie? - R. n n'a été a
cette époqw~, comme uans tont le conrs de l'exer-
ciee -de mes fonctions, décerné de mandats que pour
crimes ou délits ordinaires , et qnant a des faits po-
litiques , uniqnement. pour délits de la presse. _ D,
AVCZ-VOllS connaissanee qll'á l'él)oque dont il s'agit
il ait été décerné des mandats contre des écrivains?
-R. Déterminé a vous répondre uniquement par la
considération que j':,¡j énoncée uu commencement de
ma précédente répoHse, je vous dirai qu'en effet des
mandats ont été décernés contre des journalistcs,
mais ponr des callses indépendantes des événemens
généraux, et a raison senlement des articles qui se
trouvaient dans les [euilles du jOUI·, et absolument
de la maniere que cela a'urait pu etre fait en tems
ordinaire. - D. Combien de mandats out été décer-
nés? -R. Je erois que c'.est de quarante a cinquante.
_ D. Ont-ils été délivréssnr votre réqnisitoire?-
u. Ouí , sur un réquisitoire collectif. - D. Quel est
le juge d'instruction qui les avait Jécernés? - R.
Un motif de convenance qn'on appréciera faeilement
n'emp(~('h(' de répondl'(~. -- D. POUW'Z-VOllS dire les


J3




( '94 )
noms des persQnnes contre lesquelles ees mamlats
étaient décernés? - R. II m'est impossible de vous
les désigner autrement que de la maniere dont je rai
fait en vous disant que c'étaient ou des gérans res-
ponsables de journaux, ou dessignataires d'articles.
- D. Que sont devenus les mandats? - R. 11s
avaient, suivant l'usage, été remis a la préfeetrire
de police pour leur exécution; ils me sont revenus,
lorsqu'ils se sont trouvés sans objet et d'une exécu-
tion impossible par suite des événemeQ.s généraux.


D. Si les mandats ont été anéantis, n'est-ce pas
paree qu'ils ne pórtaient pas uniquement sur les
écrivains ? - R. Pour éviter l'interprétatioIl fachense
dont j'ai pa'rlé au commencement de ma déposition,
et toujours fidele a la vérité, je vous dirai que,
d'accord avec M. le juge-d'instruction, cette affaire
ne pouvant avoir aueune suite) nous éehangeames
le réquisitoire qu'il me remit, contre les mandats
qn'il re~nt de moi. J'ajouterai, pour faire disparaitre
tont prétexte a l'interprétation que la question sup-
pose, bien que mon affirmation sur l'honneur put
suffire, que le nombre des mandats, que je me rap-
pelle íliaintenant d'une maniere positive avoir été
de quarante-cinq, est exactement le meme que celui
des signataires d'un article du National, sur lequel
je fondai mes poursuites en y ajontant l'imprimeur.
~ D. N'aviez·vous pas re(,;u d'instructions de la part
oe l'on des ministres, relativement a ees poursuites?
- R. Je me rappelle avoir causé avec M. le garde-
des-sceaux~ de l'article dn National, dont je viens




( 195 )
de parler; maís, des-Iors, mon opinion, qu'il y avait
matiere a poursuite, était formée, et mon partí en
conséquencc était pris.- D. N'en aviez-vous pas
référé a M. de Polignac, et n'aviez-vous rec;u de lui
aucune instrnction ? _ R. En fait, ma reponse se
trom'c déja dans l'une de ceHes qui préeedent. Ceux
qui eonnai~sellt l'indépendanee de ea¡lCtere avec
laquelle j'ai constamment exercé mes fonctions,
savent que je n'aurais jamais rec;u et suivi ~s ¡ns-
tructions qu'autant qu'elles auraient émané du mi~
nistre dans le département duquel j'étais employé,
et qu'elles auraient été conformes a mon opinion
personneI1e. Apres vous avoir fait une déclaration
conforme au serment que YOllS avez exigé de moi ,
je erois devoir déclarer que, ne pouvant reconnaitre
a la Chambre des Députés les pouvoirs qll'elle s'at-
tribne, je n'ai comparu devant vousqu'en éédant a
la menaee de eontrainte qui se trouve dans la cita-'
tion que j'ai re<;ue.
M. LOUIS DE KOlUIEROUSKI ágé de 44 ans, ancien


aide-de-camp de M. le mal'échal duc de Raguse ,
demeurant rue Saint Florentin, n° 5 .



Le lundi 26 juillet; j'étais de service a Saint-


Cloud avec M. le maréchal : au moment dn déjeuner;
un lieutenant des gardes m'ayant appris]a publica-
tion des ordonnances dans .le Moulteur, j'allai a
l'instant meme en prévenir' M. ]e maréchal, dont le
premier mot fut de me dire que cela n'était pas pos~
sible, et qui me parnt fort préoccuj>é de eette nou~




( ]96 )
velle, lorsque je le revis apres déjeuner. Vers onu
heures et demíe, le maréchal partít pour I)aris, et
je ne le revis que le soir a l'ordre, (luí eut líeu assez
tard, le roí ayant été a Rambouillet. Le mar9i matin,
M. le maréchal commandait sa voiture pour aller a
la campagne, lorsque je lui fis observer que déja le
lundi soir • y avait eu quelque mouvement a París,
et qu'au moins il serait nécessaire qu'il m'indiquat
Otl o~ourrait le trouver s'íl arrivait quelque chose.
Cette observation détermina le maréchal a rester a
Saint-ClouJ, et peu de temps apres, il rec;nt l'ordre
de venir chez le roi apres la messe; en en sortant,
vers onze heures et demie, il demallda sa voiture,
et nous partimes al'instant pour Paris : nous deseen-
dimes chez le prince de Polignac, Otl le maréchal
resta quelques instans, apres quoi nOUS nous ren-
dimes a l'état-major, et le maréchal s'occupa de don-
ner des ordres. Bientot apres arriva M. de Lavillate,
annont;ant qu'un rassemblement de huit cents per-
sonnes se portait sur Ragatelle, pour enlever le duc
de Bordeaux; le maréchal m'envoya sur-le-champ a
l'Ecole militaire pour y chercher cent cinqllante lan-
ciers, et me porter sur Bag<ltelle, avec ord.e, si nous
rencontrions le détachement, de n'agir qu'a conps
de plat de sabre et ave e le baton de la lance.
. Arrivéa Bagatelle, je ne trouvai plus rien; le duc
de Bordeaux était partí pour Saint-Cloud, Otl je me
rendís, et d'otl je revins ensuite a Paris. Le mercredi
matin, je fus envoyé chez M. le préfet de police,
pour l'engage" de la part du maréchal, a faire des




( J97 )
prodamations au peuple; il me répondít que cela
serait fait incessamment. J'allai dans la matinée, avec
le maréchal, chez M. de Polignac I chez lequel se
trouvaient plusieurs des ministres : en revenant de
chez le ministre, M. le maréchal m'annon<;a que la
ville était en état de siége. Les ministres ne tal'de-
rent pas a venir aux Tuileries, oú je les revis ensuite
a l'état-major, et ils étaient souvent dans la meme
piece que le maréchal. J e sais que les ordres donnés
par M. le maréchal aux che[o; de colonnes, étaient de
ne tirer sur le peuple qu'apres avoir re<;;u eux-memes
jusqu:a cinqtlante eDUps de fusil.


Le mercreJi, vers qqatre heures, je flls envoyé
par IVI. le maréchal a Saint-Cloud, avec une dépeche
pour le roí: j'avais ordre de faire la plus grande dili-
genee, ee que je fis en effet. M. le maréchal m'avait
de plus, reeommandé de dire moi-meme au roí ce
que j'avais vu de l'état de Paris. Introduit dans le
cal:iinet du roi, je lui remis la dépeche du mal'éehal,
et je luí rendis compte verhalemellt de l'état des
cIlOses, en lui disant qu'il exigeait une prompte dé-
termi'nation. Je lui exposai que ce n'était pas seule-
roent la populaee l~e Paris, maisla population toute
entiere quis'était soulevée, etque j'avais pllen juger
par moi-meme en passant ~l Passy , ou d,Js coups de
fusil avaient été tirés contre moi, non par la popu-
lace, mais par des gens d'nne classe plus élevée. te
roi me répondit qu'il lirait la dépeche, et je me I'eti-
rai pour attendre ses ordres : voyant qu'ils n'arri-
vaient pas, je priai M. le tille de Duras d'aller chel';




( J 98 )
le roí pour les demander; mais il me répondit que,
d' apres l' étiqaette, il luí hall impossible d'y entrer
aa boal de vingl minutes. Je fus enfin rappelé dans
le eabinet du roí, flüi ne me remit aueune dépeehe
éerite, mais me ehargea seulement de dire an maré-
chal de tenir bien, de réanir ses jorces sur le Carl'Ousel
el el la place Loais XV, el d'agir avec des masses; il
répéta méme deax fois ce dernier moto Madame la
duchesse de Beny et M. le Dauphin éta.ient alors
dans le eabinet du roi; mais ils ne dirent rien. Je re-
vins apporter eette réponse an maréehal; mais je ne
"Vis point alors M. de Polignae, flt je n'ai pas JiU s'iI
avait envoyé quelque dépeehe an roí: ee que je sais,
e'est qn'il ne m'en a donné auenne. Je n'ai point en
connaissance d'un ordre donné le mercredi ou le
jeudi, pour arreter diverses personnes; mais j'ai été
chargé par le maréchal, le jendi de tres-bonne heure,
d'aller dire aMo de Foucauld que l'ordre donné pour
les arrestations, était annulé. Je m'aequittai de eette
mission J mais sans avoir su par qni avait été donné
l'ordre, ni quelles personnes iI pouvait eonee~Jler.


M. Jaeques LAFFITTE, dgé de 63 ans, président da
cOTtseil des ministres.


Le 26 juillet, jonr de la publieation des OJ'don-
nances, je me trollvais a 35 lieues de París, et je
n'appris eeUe publieation que par un eourrier qui
me fut expédié de ma maison; je n'arrivai done a
Paris que le mardi vcrs onze heures dll soir. Ayant
¡tppris le lelldemain que l' OH se réunissait chez mOll-




( J 99 )
sieur Audry de Puyraveau, je m'y rendis, et j'y
trouvai un grand nombre de mes collegues qui déli-
béraient SUJ' les événemens et sur le partí qu'il y
avait a prendre. n fut résolu qu'une députation de
cinq membres se rendrait chez M. maréchal duc
de Haguse, et, s'il y avait líen, chez le préfet, afin
de les rendre responsables des malhcm:s qui se p"é-
paraient. La dépntation ehoisie par l'assemblée se
composa de moi, detitM. Casimir Perrier el Mau-
gUill, dn général Gérard et du eomte de Lobeau.
Ayant été désígné le premier, je las chargé de porter
la parole : nous avions sentí qu'il ne pouvait nons
convenir de prendre vis-a.-vis du maréchalllne attí-
tude mena!(ante, et que notre mission était de nous
concerter avec lui, s'il était possible, ponr faire ces-
ser l'effusion de sango Nous arrivames a l'état-major
vers deux heures et de:mie; nous y fumes ret;us sallS
auenne difflClilté et avec tous les égards possibles;
l'expression des figures nous fit pense!' que ron
éprouvait quelque satisfaction de notre démarehe.
Intr~duits chez le maréchal, nous lui exposames


que nous venions an nom des députés présens a Pa-
rís, pour examiner avec lui s'il n'y aurait pas quelque
moyen de faire cesser un combat qui, s'iI s'engageait
davantage, pouvait entralner non·seulement les plus
cl'uelles c~lamités, mais une véritable révolution. Il
Hans parl!t profondément affligé de la positioll oú il
se trouvajt. La mission dont iL était char~é était l'une
des fatalités de saviej mais malheurellsement il avait
d.es ordres, et ces ordres étaient positifs; son devoil',




( !lOO )


comme militaiI'e, était impérieux, et son honneur y
était engagé. J' essayai de lui faire quelques. reptésen-
tatíons a cet égard; mais quoique ses sentimens pa-
russent conformes aux nótres, il se croyait enchainé
PUl" sa situation. Nous lui demandames de rendre
compte au roi de notre démarche. 11 nous demanda
a son tour d'employer notre inHuenee aupres dn
peuple ponr le déterminer a se soumettre. Nous ré~
pondimes qu'avant tout, les.Albrdonnances devaient
etre rapportées et les ministres changés, et gu'a ces
denx conditions, qni seraient prises ponr bases des
négociations ultérieurcs, nous non s engagerions a
user de notre inflnence, sans etre assurés fOlltefois
d'une réussite compli~te. Nous ajoutames que si l'on
n'obtempérait pas a ces justes demandes, IlOUS re·
garderions comme un devoir de nous jeter corps et
biens d:)ns le mouvement. Le maréchal annonca qu'il
instrnil'ait le roi de nos propositions. Il demanda s'il
pouvait nous nommer, ce dont nous ne fimes aucu~1e
di fficlllté , et il nous promit de nou; faire rendre la
réponse du roi, en me l'adl'essant; mais il nons fit
entendre qn'il avait pen d'espérances. La conversa-
tion ayant encore continué quelques instans, il nous
demanda si nous aurions quelqne répilgnance a voir
M. de Polignae : nous répondlmes que nous n'en
avions aueune. Il sortit, et a son retour, au bout de
dix minutes environ, il nous .rapporta que M. de


olignae, i~truit par lui de notre démarche, et sa-
chant de quelle maniere HOUS avions envisagé la ques-
tia n ,avait pensé qu'il était inutilequenousle vissiollS.




( 20 ¡ )


le dois dire ~HI surplus que, claus le ton du maré-
chal et daos les expressions dont il se servit ponr
Ilons transmettre ectte réponse. je erús entrevoir de
la part de M. de Poligl'ac, non pas un¡refus absolu
de nous yoir et une obstination a ne pas nous écmi-
ter, mais bien plutót un sentiment de politesse; qui
dans la conviction ou il était qu'il connaissait nos in-
tentions, le portait a nous éviter une perte de tems
inutile, et une conférence que les deux conditions
imposées par nOllS auraient rendlle assez délieate.
Au moment ou nous sortions, M. Larochejaquelin
nous rappela en nous disant que M. de Polignac dé-
sirait nous voir; mais sur notre observation que sans
doute iI y avait erreur de sa part, il alla s' en assurer,
et nous répondit peu d'instans apres qu' en effet le
prince de Polignac ayant eu connaissance de notre
démarche par le marécha~, ne désiraít plus nous
reeevoir. Nous sortlmes done, et nons attendimes
toute la journ'e la réponse qui nous avaít été pro-
mise. A dix heUl;es du soir j'étaís encore a l'attend"e
chez M. Audry de Puyraveau; mais ríen n'arriva, et
ce fut sur-tout cette circonstanee qui me détermina
a me jeter dans le mouvement. J'ajouterai que dans
toutes les relations que nous avons elles avec le ma-
réchal, il nous a paru n\~tre qll'un instrllment et ne
faire qu'obéir a un devoir rigomeux. Lorsqu'il est
entré chez M. de Polignac, ríen ne nous a portés a
croire qu~ ce ministre fut alol's réllni en eonseil a
ses autres collegues.




( 202. )


M. Georges-Fran~ois-Pierre, baron DE GLANDJ.:VES,
ágé de 72 ans ,pair de Franee, demeurant ti Paris,
rue Royale, nO 6.


Dans la matinée du mercredi, le maréehal me pré-
vint que les ministres, ne se trouvant pas en su reté
ehez eux, allaient venir aux Tuileries, et m'invita a
leur faire préparer des logemens. Peu de tems apres
ils arriverent en effet a l'état-major, a l'exeeption de
MM. Peyronnet et Capelle : le premier était, me dit- .
on, a Saint-Cloud. Une heure ou deux apres l'arrivée
des ministres, cinq de MM. les députés se présente-
rent aux Tuilel'Íes, et, s'étant adressés a moi, ils de-
manderent a parler a M.le maréehal.Je les y condui-
sis moi-meme ,pour leur évitel' tout embarras; et j'y
mis d'autant plus d'empressement que j'éprouvais
une grande satisfaction de la mission qu'ils venaient
remplir; leur but, dOllt ils m'avaient fait part en m'a-
bordant, étant de prendre des moyeJfs pour une pa-
cifieation. Apres les avoir fait intrO'tluire chez M. le
maréehal, j'attendis leur sortie dans une autre pieee,
et j'éprouvai un vif chagrin quand M. le eomte de
Lobean m'annon<;aen sortant, qu'ils avaient échoué.
Je ne sais d'ou vint le refus; mais M. le comte de Lo-
bean me témoigna, sur la qllestion que je lui en Ss,
qu'ils avaieni été compl(~tement satisfaits de la récep-
tion du maréchal et des dispositions qu'il avait ma-
nifestées.


Je erois de lajllstice de ne pas manquer eette oc-
casion pour affirmer, dans toute la vérité, que M. le




( 203 )


duc de Ragnse m'a témoigné achaque instant qu'il
m'a vu, le désespoir qu'il éprouvaít de l'affreuse
position dans Iaquelle les circonstances l'avaient
pblCé. Il cherchait tous les moyens d'amener une
pacification pour laquelle il aurait sacrffié sa pie;
ce sont ses propres paroles. Entre autres moyens,
il avait convoqué le préfet de la Seine, MM. les
maires et adjoints en costume, espérant que par enx
il feraít cesser le fen; malheureusement il fut impos-
sible de faire porter les lettres le mercredi soir; ce ne
fut que lejeudi, de grand matin, qll'on put, a force
de promesses, trouver des personnes assez hardies
pour s'exposeraux dangers de passer les barricades.


-Quelques lettres furent rapportées, d'autres par-
vinrent; car trois ou quatre de MM. les maires ou .
adjoints se rendirent en costume a l'état-major, bra-
vant les dangers qui étaient alorsbien réels; mais
le événelI!ens se pressaient tellemt>nt, que les meil-
leures m'esures devenaient inutiles. Malgré les dangers
et l'extreme difGculté d'arriver jusqu'a l'état-major,
Mi)I. de Sémonville et d'Argout braverent tout et y
parvinrent. Je causai quelques instans avec eux. Apres
les avoir quittés, j'entendis M. de Sémonvillc élever
vi®lemment la voix en s'adressant a M. de Polignac,
et lui demandant la prompte réunion des Chambr'Cs.
Les ministres étant rentrés dans leur cabinet ,M. de
Sémonville causa avec le maréchal jusqu'au moment
ou je le fis prévenir que la vaitllre que j'avais L'lit
Jemander de sa part aux écuries du Rai était prete.
Presqllc nans le nlt~me mament, M. de I)eyronnet




( :w4 )
vint me demander les moyens de se rcndre promp~
tement a Saint-Cloud. Je ne sais si ectte détermina-
tion venait de la demande de M. de Sémonville et
de ceHe de M. le maréehal, qui entra dans le eabinet
occupé par les ministres, apres avoir cansé avec
M. de Sémonville. Ils partirent peu apres pour Saint·
Cloud, et je n'ai plus eu aueune connaissance de ce
qui s'est passé po nI' ce qlli les concerne.


M. Casimir-Pi erre PÉRIER, ágé de 52 all8, député de
la Seine, demearant rae Neuve du Lllxembourg.


Le mardi 27 juillet, une premiere réunion des
députés présens a Paris eut lieu ehez moij c'est dans
eette réunion que fut arretée la protestation qui fut
ensuite imprimée dan s les journanx. Pendant eette
réullion, quelql1es groupes s'étant formés a la porte
de ma demeure, furent dissipés par des charges de
gcndarmerie, dans lesquelles quelques jeunes gens
furent blessés, mais la force al'mée ne tenta pas
d'entrer chez moi. Cependant, et eomme plnsieurs
eorps-de-garde se trouvait a proximité, notls pen-
sames qu'il était préférable de choisir un autre lien
de réullion; et Pon indiqtra, pour le lendemain, la
maison de M. Audry de Puyraveau. Dans la réunion
qui eut lien le mercredi chez ce député, einq
membres furent choisis dans l'assemHlée pom se
rendre chez M. le dnc de Raguse, afin d'arriver s'il
étaitpossible, a faire ces ser le feu, et a obtenir des
arrangemens qui pussent concilier les principes que




( 205 )


nous soutenions avec les intérets del'autorité qlli les
avait violés.


Arrivés aux Tnilel'ies entre une heUl'e et denx,
nons trouvames M, le baron de Glandeves, qni
s'empressa de nous donner tautes les facilités pos-
sibles et de nous conduire chez M. le dnc de Haguse.
Le maréchal témoigna qu'il voyaitavec plaisir la dé-
marche dont nous nous étions chargés: nous lui
exposames nos griefs, portant particuIierement SLll'
l'illégalité()es ordonnances, et sur ce que la popu-
lation avait été violemment attaquée et la ville mise
en état de siége san s qu'aucun avis en cut pl'évenu
les habitans. Le maréchal nous parut étonné de ce
que les mesures nécessaires pou!' avertir la popula-
tion n'eussent pas été prises. Il nous parut aussi
tres-affligé de la position. personnelle ou iI se trou-
vait; mais il nons dit qu'il y avait dans cette posi-
tion une question d'honneur, qu'il avait fait tout son
possible pour éviter le mal, mais qu'étant attaqué
il n'avait pu.ne pas se défendr'e. Nous exposames a
notre tonr que l'aggression n'était pus venue des
habitans, mais que des décharges avaient été faites
sur eux sans aucune provocation; nous annon~ames
au surplus l'intention d'arriver a une conciliation. Il
y était aussi porté, mais avant tont iI demandait
que la soumission des habitans fut absolue, et iI
non s priait d'y employcr notreinfluence. Nous flmes
oh6erver que Hons ne ponvions espérer en avoir au-
cune si nous n'annollcions pas comme base de .la
conciliation le rapport des ordol1nances .et le rcnvoi




( ~w6 )
du.ministere; n'ayant aucunement excité le mouve-
ment, qui n'était que le résultat spontané de l'in-
dignation qu'avaient excitée les ordomlances, ii fal-
lait, disions-nons, qu'avant tout elles fussent rap-
portées. Le maréchal nons dé clara qn'il ne ponvait
absolument rien prendre sur lui, mais qu'il ferait
part au Roi de notre démarehe, et qu'il insisterait
pOl1r qu'ily fut donné suite, mais en annonc,:antque,
dans son apinion particuliere , iI n.e croyait pas qu'il
fallut rien espérer.


Un aide.de-camp étant arrivé et ayant causé quel-
ques instans avec le mal"échal, ap,"eS son départ, le
maréch:tl nous demanda si nous aurions quelque ré-
pugnance a voir M. de Polignac : nous répondl'mes
qn'étant chargés d'unemission importante dans l'in-
téret du pays, nous n'avi'ons auenne répugnanee a
voir M. de Polignac. Le maréchal entra en consé-
quence dans le cabinet ou se tenaient, a ce que je
crois, les ministres, et en revenant, qllelques in5tans
apres, il n011S répondit qu'il avait reodu compte a
M. de Polignac des conditions que n0l15 metfions
a l'emploi de notre infIuence pour amener une con-
ciliation, et que le ministre lui avait répondu qu'iI
était des-lors inutile qu'il se trouvat avec nons, il
ajouta qn'en conséquence nous pouvions nous re-
tirer. Nous nous retirames en effet, et en sortant
nons rencontrames M. Larochejacquelin, qui Hans
annol1<;a que le prince de Poligllac nous attendait.
Nous lui fimes observer que probablement il yavait
errenr de. sa part; jI rentra chez le ministre pom;




( '.J.°7 )
s'en assurer, et revint Ilüijs apprendl'e qu'en effet
le ministre ne dempndaitilns a .nons voir. Dalls la
soi,'ée nons ne relV.umes aucune réponse aux ouver-
tures que nous avions faites.


M. :Fran~ois MAlIGUIN, ágé de 45 ans, député de la
Cóte d'Or, demeurant rue du Gros-Chenet, n° 6.


A l'époque ou eurent lieu a Paris les élections qui
précéderent les ordonnances de juillet, mon inten-
tíon était d'aller aux eaux que l'état de ma san té
me rendait depuis longtems nécessaires; j'avais meme
commandé des chevaux de poste pour partir le .19
juillet, jour de l'élection, immédiatement apres avoir
déposé mon vote. Au moment ou je votai, M. Vassal
siégeait au hureau du collége, je lui fis part de mon
projet de voyage, et de rnon intention d'etre de re-
tour fort peu de joursapres l'ouverture <lesCham-
bres. Il me répondit que j'avais, tort de m'éloigner,
paree qu'un coup d'état se préparait, et il me rap-
porta le plan qui depuis fut celui des ordonnances,
en me disant qu'il en tenait la nouvelle d'un de ses
amis fort au courant des affaires. Cet ami lui avait
indiqué l'époque du 25 ou du 26 comme devant etre
ceHe de la publication des ol'donnances. Malgré cet
avis, je persistai dan s ma résolution de partir; je
rentrai, et vers onze heures et demie, les chevaux
étant déja attelés, j~ me disposai a monter en voi-
ture, lorsque deux personncs, sur les informations
desquelles je pouvais compter, arriverent chez moi
et m'engagerent a ne point partir, en m'annon<;ant




( :208 )
cornme eertaine la noq.veHe du eoup d'état qui se
préparait. Les détails qV'ils m~ donnerent me dé-
terminerent a res ter , et les chevaux furent dé-


<1 •


telés.
Je passailes jours qui suivirent, jusqu'all lundi 26,


a ma campagne, pres Saint-Germain. J'y étais encare
le 26 au soir, lorsque, ayant en connaissance par
une personne venue de París, des ordonnanees pu-
bliées le matin dan s le Moniteur, et de .l'agitation
qu'f'lles avaient excitée a París, je crns devoir y re-
venir sur-le-champ; il était neuf heures quand j'arri-
vai chez moi, et a peine y étais-je arrivé, qu'une
personne d'opinion fort royaliste vint me trollVe¡',
et m'engagea a retourner a la campagne, en me di-
sant qll'il devait etre question le soir meme d'arretel'
un assez grand nombre de députés : il m'a été im-
possible de vérifier depuis si cette nouvelle était
exacte.


Ayant appris le mardi que l'on se réunissait chez
M. Casimir Périer, je m'y rendis vers deux heures.
En y al'l'ivant, je vis un grand mouvement au
corps-de-garde qui avait été établi depuis la veille
dan s l'hOtel de M. de Polignac; il y avait aussi beau-
coup de monde dans la me Neuve-du-Luxembourg
La porte de M. Casimir Périer était fermée; je frap.
pai, et le portie¡' ne m'ouvrit ~u'aprcs m'avoir de-
mandé qui j'étais. Quand je fus entré, il me dit qu'un
groupe nombreux, mais non armé, s'étant rassemblé
Llevant la porte, et ayant crié: Yi"e les députés! a
mesure qu'ils entraient, la gendarmerie était arl'ivée




( 2°9 )
a la fois des deux cOtés de la rue, et avait fait une
double charge sur le groupe en frappant du sabre,
et que, dans cette charge, deux jeúnes gens avaient
été tués, et dix.-huit ou vingt blessés : ce fiüt me fut
confirmé lors de ma sortie par plusieurs personnes
qui se trotlvaicnt dan s la rue; at quelques jonrs
apres je re«;us la visite d'un jeUIl(.~ homme qui m'as-
sura que son frere avait été tué en ce momento


;Le mercredi nous nous réunimes de nouveau, mais
chez M. Audry de Puyraveau; apres nous etl'e entre-
tenus des événemens et des chances dn combat qui
se liVl'ait, la proposition fut faite d'aller a Saint-
Clolld, mais nous pensames que nous ne sel'iolls pas
recus, et nOllS résolumes de faire une démarche


, .


aupres du maréchal duc de Raguse, de lui exposer les
risques que courait la monarchie d'une par.t~; éHe
parti populaire de l'autre, de l'engager a faire cesser
le. feu, et a obtenir le rapport des ordonnances et le
renvdi du ministere; apres quoi noils nous en tr'emet-
trions pour fail'e rentl'er les habitans dans leurs de-
mel1res. (Suit le récit déja connn de l'entrevl1e des
cléputés avec M.le duc de Raguse.)


M.Augllste-Gaspard BAUDESSON DE RICHEBOURG, ágé
de quaranie-sept ans, commissaire de la Bourse
de Paris, demeurant fue Monsigny, n° l.
Quelques jOUl'S avant .la publication des Ol'don-


nances, le bruit d'un toup d'état prochain s:était
répandu a la Bourse; máis cette opinion étaiÍ: loin
d'etre générale, et la distrihution des lettl'es closes


14




( '''!JO )


faites aux pairs et aux députés, avait fait revenir
beaucol,lp de personnes a l'opiníon contraíre, Ce qui
accréditait principalement le brllit d'un coup d'état,
étaít la grande quantité d'opérations a la baisse-, que
M. Ollvrard faisait depllis dellx 011 trois mois,. J'eus
occasion de parler a M. de Montbel de ces opérations,
et de l' opinión ou l'on était qu' elles étaient le resultat
de communications données a M. Ouvrard par M. de
Polignac, relatiyement au coup d'état que ron pré-
voyait. Il me répondit que cela était absolument fam,
et que M. de Polignac n'avait pas Vil M. Ollvrard de-
puís plus de deux mois. Je dois dire gu'a l'époque
qui a p"écédé les ohlonna))ces, on disait a la
~onrse que ies personnes qui approchaient M. de
Peyronnet, opé~ai"enta la hallsse, tandis qu~ celles
qui pouvaient etre en relation avec M. d'Hanssez
opéraient a la baisse. Dans les rapports assez fré-
quens que mes fonctions me dOlluaient avec M. de
Monlhel, je llli a'vals une foís indiqué, comme un
moyen de soutellir le cours en liqnic.lation, d'arnener le
syndicat des receveurs-g¿'lléral~x et 1\1. de Rotschild a
opérer simultanément; il me répondit qlH' ce serait
substituer l'crreur ~ la vérité, el que cela ne pouvait
convenil' a un gonvcrnement honnete. le rapportai
plus tard ce propos a M. de Polignac, qui me dit :
ce Nous savons bien que M. 4e Montbel est un homme
» de conscience, et c'est ljour cela que nous tenons
11 a le conservero » J'ajouterai que, dans tOI1S les
rapports que j'ai elIs avec M. de Poligllac, il m'a tOI1-
jours paru entierement étran"ge,' :ll1X spéclllations de




( 2 Il )


Bourse. Le 26 juillet au soir, ayant rendn eompte a
M. de Polignae de la baisse qui s'était manifestée, il
me dit qu'il était sur que cela remonter~it, et que
s'il avait des capitaux disponibles, il n'hésiterait'pas
a les employer en rentes. .


M. Joseph HOCHER, ágé de 35 anr, conseiller ti la
Cour de cassation, demeurant quai Malaquais,
n' 23.
J'étais secrétaire-généra¡ da ministel'e de la justice


a l'époque ou M. de Labourdonnaye se retira du mi-
nistere. M. de PoJignac m'ayant fait demander chez
lui, me qU0stionna sur M. Guernon de Ranville que
j'avais connu a la eour de Grenoble, lorsqu'il y était
procUI'eur-génél'al. Je lui répondis queje connais~ai~
ce magistrat comme nyant une grande capacité et
des opinions franche~ent coqstitutionnelles. Il me
demanda énsuite:~s'il était vrai qu'il' fUt hostile allX
eroyances religienses et un clergé; je répondis que je
ne le eroyais nllJIement hostilc. M. de Polignae me
fit alol's eonnaltre que le ehoix dH roi s'était fixé sur
lui pOlIr l'appeler au ministere de l'instruetíon pu-
hlique, et m'engagea a luí aunoncer eette Ilouvelle,
en luifaisant. part de l'entretien que nous venions
d'avoira eesujet. J'écrivis en conséqllence a M. Guer-
non de Ranville, et je dé pose entre vos mains la ré-
ponse qne j' en re<;:us. J e dois faire une senle observa-
tion sur eette réponse "a l'occasion d'une phrase ou
M. Gnernon de Ranville annonce qu'il partage les
doctrines do ministere actne1. D'apres ce que j'ai pn'




( ~ [2 )
jugt'r par les entretiens que j'ai en l'occasion d'aloir
avec lui, soit avant, soit depuis son entrée an minis-
tere, je tie puis l'entendre qu'en ce .sens qu'il parta-
geait les doctrines de la partie modérée du ministere
dont le triomphe paraissaít assuré par la retraite de
M. de Labourdonnaye. Je raí toujours entendu se pro-
noncer hautement contre toute mesure extra-Iégale,
et je ne puis m'expliqner son adhésion aux ordon-
nances, que par un sentiment d'honneur malen-
teudll, qui l'aurait empeché de r:eculer devant le
danger, meme alors que~a mes.ure a laquelle il
s'associait était contraire ¡i son opinion, et par cela
seul qu'il avait d'avance signalé ce danger.


« Lyon, 14nove~bre "I829~
'''» "'rai relu trois fois votre leUre du 1 1 ; mon cher


ami, el si vous n'étiez aussi pl'essé, je voudrais at-
tendre vingt-quatre heures pour calmer le trouble
01. me jette la proposition inattendue dont vous me
parlez; mais vous voulez une réponse prompte, il
fant vous ]a faire.


» Mon acceptation ne peut etre doutense. Dévoué
en Roi auqüel j'ai consacré tonte mon existence, je
Be reculerai devant au!;¡un des services qu'il pourra
m"imposer; je lui sacrHierais mavie. Je ne puís re-
f~lser de compromettre pourlui ma réputation, et
c'est la précisément l'hypothesc dans laquelle je me
tronverais si j'étais appelé au ministere.


)) Je vous l'ai déja dit, .je vous le répete dn fond
de man crenl', .el ce n'est ras une ridicnle affcctation




( 213 )
oe modestie : je erois etre assez hon procurem' gé-
néral; mais je ne trouve point dan$ mes connais-
sanees des hommes et des choscs, De ne trouve
point dans mon esprit l'é~endue nécessaire pour etre
un bon ministre; en fin , je n'ai point cette habitude
du monde, cette aisance de manieres, qui est aussi
une chose nécessaire dans certaines posít1ons; le
cabinct me convient rnieux que le salon, et je sens
que je serais passablemen,t déplacé a la cour. EleV(~
au sein de la révolution, mon édllcation a été mall-
quée comme celle de beauco~p d'hommes de mon
age, et rien ne peut sllppléer a ce défaut.


» En un mot, la conscience de mon insuffis:mce
m'effraie au point que je ne puis me familiariser
avec la pensée de l'énorme fardean d'un portefeuille.


» De la, mon cher ami, je conclus que, si j'étais
appelé a cette haute missi~n dont vous me parlez,
j'y perdrais bientot l'espece de réputation de talent
que m'ont Cait quelques SllCCeS d'audience.
. » Communiquez ces avel1X, priez qll'Oll les pese,
et détournez de moi, s'il se peut, le calice d'amertllme.


» QueIIe que soit la décit;ion, vous pouvez répon-
dre de mon dévoument. Les doctrines du ministere
actuel sont les miennes : point de réaction, point de
violences, ~ais plus de concessioTlS" en denx mots


justict! etferimeté, voilh ma devise: la Charte, voiEt
mO,n évangile potitique,


» Le reproche d'hostilité a la religion et au clergé
-est assez plaisant an moment meme on les journaux
d€ la faction m'accusent d'etre jésuite et congréga-




( 21 t,


/liste: vous cOllviendrez que e'est jouel' de malheUl'.
» Vous avez bien dit : je n'ai pas le bOI~helll' d'~tre


dévut; j'y viendrai sans doute, et e'est la une de mes
espérances pour le te~s Ol. les illllsions s'évanoui-
rOllt, mais je tiens a la religion de mes peres, et je
regarue meme eommc eel'tain qu'on ne pellt etl'e
bon royalíste sans cl'oire en Dieu; 01', je pensé qúe
personne ne me contestel'a d'etl'e royaliste.


¡¡Tont cela est absllrdeet nemél'ite quedu mépl'is.
» BOJJjour, mon cher ami, je n'ai pas beso in de


vous Jire combien je vous aime. »
DE GUERNON-RA.NVILLE.


M. VictOl··Donatien l\[USSE'l', ágé de 58 ans, chef da
bureaa de la justice militaire au ministere de la
la guerre, demeurant rue de Grenelle-Saint-Ger-
main, n° 59 .


. Le mercredi 28 j uillet, vel\<¡ dix ou onze heures
<In matin, l\'I. de Champagny, alors sous-secrétaire
d'étatau dépaI'tement de 1a guel're, me fit appeler
:ünsi que le sOlls-chef de lIlon bureau. Arrivés dans
son cabinet, ii nous demanda quelIes étaient les
regles lt suivre pour la formation d'nn conseil de
guerl'e dans une ville en état de siége, mais en
nous invitant a ne j)as parler de la cireonstance
de la mise en état de siége. 11 désirait en meme
tems eonnaltre la composition actuelle des conseils
de guel're permanens établis á Paris. Ne saehant
pourquoi nOlls etions appelés, nous n'aviolls apporté
aUCUll de ces reuseignemeTls; il f¡tllut les envoyel'




(' '.i. 1)1 , /
cherchcr ~ ce qui demanda du tems : nOllS rest:unc:.t
pendant ce tems dans le cabinet. On prit un alma-
nach militaire oú l'on marqua plusieurs noms comme
pouvant faire partie du conseil de guel'l'e si on 1'01'-
ganisait; bientót apres~ e~ lesrenseignemens n'étant
pas encore arrivés, M. de Champagny fut mandé allX
Tuileries, et ron se sépara. 1l ne fut aucullcment
question dans cette conférence de l'établissement
des COllrS prévutales.


M. lean-Baptiste GREPPO, ágé de 34 ans, employ-é ti
la caisse d' épal'gnes, demeurant rue des Petits-
Púes, n° 3.


Le mardi 27 juillet, vers deux heures, je me trotl-
vais chez un de mes amis, M. I .. ctournenr, marchand
de nouveautés, rue Saint-lioIio~é, an coín de la rne
de Roban, nous voyons, <fu: hálcon, lestroupes rau-
gées en bataille, barrant la fue Saint-Honoré, devant
le café rIela: Régcnce, IJes militaircs en agissaient
fort brutalement avec les particuliers; a ce moment
les rangs de l'ínfanterie s'ouvrirent, et il en sortit un
officier' de gendarmerie avec trois ou quatre ~n­
clarmes; ils se précipiterent an milieu des grollpes,
et un malheureux vieillard fut renversé et fouIé ame
piedsdeschevaux; iI paraissaitvivrecependant encore,·
mais l'officier de gendarmerie, en revenant, le pel'<;a
u'un coup de sabre, et il fut emporté sur la place un
Palais-Royal, ou le cadav1'e resta fo1't longtems. Cet
événement excita un cri général.l'indignation; ql1cl-
({ues instans apres, les tronpes fircnt un monvemcnt,




( 216 )


et le ~u commen<,(a des deux catés de la rue Saínt-
Honoré; mais étant éloigné, je n'ai pu voir s'H y avait
en des sommations de faites.


M. Fran«ois S.wvo , ágJ de 57 ClnS , redacteur en chef
du Moniteur.


J'ai re<,¡u le 25, a cinq heures du soir, l'ordre de
me remIre chez l\I. le gaI,de-des-sceanx a onze heures
précises. J'ai re<,(u de lui la communication et l'ordre
d'insertion au Moniteur du 26, du rapport an Roi
sur la presse et des ordonnances en date du 25 juillet .


. .Apres la remise, 1\1:. de Montbel, qui se tronvait dan s
le cabinet de M: le garde-des-sceaux, a remarqué
combien j'avais été ému en parcourant les ordon-
nances et en reeoUllaissant lenr objeto J'ai répondu
qu'il serait bien extraordinaire que eette émotion ne
fút pas al,ssi grande. M. de Montbel me dit alors ces
deux ruots: Eh bien! J'airépondu:~(Monseigneur,je
» n'ai qu'un mot a dire: Dieusauve le- Roi, Dieu sauye
» la France!» M. de MontLel et M. Chantelauze ont
répliqué a la fois : Nous l' espérons bien. En me reti-
ran" ces messieurs ont paru désirer encore quelques
mots, et je leur ai adressé ces paroles :. CíMessieurs, fai
» cinquante-sept aus, j'ai vu t{)utes les jouruées de
» la révolution, et je me retire avec une profonde
1) terrenr de nouvelle~ commotions. »)


M. Jacques- Martín LISOIRE, ás.é de 48 ans, arlistc
cirier, rue Neuve-8aint-Saziveur, n° 8 .



D, Vous reconnaissez-vollsl'auteur de cet imprimé




( ?I7 )


intitulé Pétitioll ti MAJ. les députés, et revetu ue
votre signature. _ R. Oui. - D. Veuillez bien expo-
ser les faits qui sont a votre connaissance relative-
ment aUx propositions qqi vous ont été faÍtes d'em-
ployer vos bombes incendiaires dans les journées
des 26,27 et 28 juillet.


Le témoÍn fait une déclaration en tous points con-
forme au contenn de !'imprimé qu'il a signé et para-
phé pour demeurer annexé au proces:'verbal. JI a
déclaré, de plus, ne connaitre les noms d'aucun des
personnages dont il est fait mention dans ledit im-
primé, a l'exception de M. le Dauphin (1).
1\1. Joseph JOLY, ágé de 37 ans, marchand de vins,


rue de Charlres, n° 2.5.
D. Savez~vous comment a com¡;nencé, an li,eu ou


vous vous trouviez, le combat entre la troupe e.t les
citoyens, dans la journée dh mardi 27 juillet?-R.
Dans l',apres-midi, j'ai d'abord Vll des détachemens
de gendarmerie a cheval envahir la place du Palais-
Royal, et disperser a coups de sabre les citoyens
qui s'y trouvaient réunis et qui criaient vive la Charle.
La place fut bientot déblayée: toutes les personnes
quidébouchaient par la rue Saint-Thomas-du-Louvre
étaient arretées, conduites au poste de gendarmerie
et accablées de mauvais traitemens. Je dois meme
dire que j'ai vu, dans le poste, un citoyen renversé


(1) Ce tém"in, cntendu dcvant la Commission de la Chambl'c des.
Députés, nc l'a Pfl" été devant celle de la Chambre des Pairs;




( 218 )


par un maréchal-des-Iogis de gendarmerie. qui l'a
tué á coups de talon de botte, et de crosse de fusil.
Apres trois coups de fusil til'és par des soldats de
la garde royale, lespremieres décharges 011t été faites
sans provocatian par les détachemens du 3c régi-
ment qui stationnaient sur la place et qui ont été
exécuter des feux de 'peloton du cOté de la me dn
Lycée. Je mentionnerai un autre fait dont j'ai été
témoin, et qui s'est passé sous mes fenetres. J'ai
entendu un chef d'escadro11 de gendarmerie intimer
a un jeune offider d'un régiment de ligne l'ordre de
tirer sur le peuple. Cet officier répondit qu'il n'avait
point rel(u d'instruction: un papier futalors exhibé
par le chef d'escadron. L'officier répliqua par Ull
signe riégatif, et en indinant son épée vers la terreo
J'aj~l1teiái enfiíl que fai '\TU des officier's et dessous-
officiers distribuer de l'argent aux soldats, et que
M. le commissaire de poli ce Mazug circulait sans
cesse sur le front des détachemens paraissant donner
des ordres a la troupe.


M. Albert-Louis-Félix-Eug!'me DE MAUIWY, dgé de
40 ans, officiers de sapeurs du génie, en retráite,
membre de la Légion d' lwnn'eur; demeurant rue de
la So urdiere , n° 34.
D. Savez-vous quand et coniment a commencé le


combat entre la troupe et les citoyens, dans la
journée du mal,di 27 juillet? - R. Le mardi, vers
deux heures et demie ou trois heures, un détache-
ment de gendumleriQ a chcval a débollché pal' la I'ue




( 21 9 )
de Chartl'es, sur la place OU Palais-Royal, sabrant
tous les eitoyens tiUl' son passage. Quelque tems
apres eette charge, les gendarmes furent assaillis a
coups de pierre par le penple réuni sur la place;
j'étais alors pres du café de la régence. La place fut
bientot évacuée; ell~ resta oecupée par deux déta-
chemens dll 3e r~giment de la garde l'oyale, ceux
qui composaient le poste dn Palais--Royal. En avant
des lignes, vers la rue de Vaiois, se tronvaient deux
ou trois soldats et un sergent que ses favoris etses
cheveux'roux rendaient assez remarquable. II cou-
chait sans cesse en joue les personnes qui s'étaient
abritées dans les allées Oll dans les coins formés
par les maisons de la t'ue Saint-Honoré, du coté de
la rue du Coq. Ce sergent finit par lac~er son coup
de fusif, sans aucune provocation; son exemple fut.
aussitot imité .par les soldats qui étaieot a coté de
lui; et immédiateUl~mt la troupe se mit en motIve-
ment et fit plusieurs décharges, tant dans la rue de
Valois, que dans la rue Cl'oix-des-Petits-Champs. Il
parait certaill que plusieurs personnes, parmi les-
quelIes une femme, ont été tuées. Indigné du spec-
tade auquel je venais d'ássister, j'allai me mettre a
la tete de quarante onvriers imprimeurs, du coté
de la..ue dllRempart-Saint-Honoré. Arll}és de pierres,
nOUS attencliffies de pied ferme un détachement de
lanciers qui s'avaU!;ait par la rue de Rohan : a denx
reprises différe!ltes, nous l'assaillimes a coups de
pierres. Un coup de pistolet fllt tiré SlU' moi pal'
t'Ull de ces lauciers flui s'était détaché de la tI'oupe,




( 22U )


et m'avait poursllivi jUSqU6 vers l'hotel de la Louí-
siane. Voila les filits dont j'ai été témoin le mardi.
Je rentrai chez moi afin de faire mes disposi'tions
ponr le lendemain. J'ajouterai cependant qu'au mo-
:ment ou la garde royale s'ébranla pour aller exécu-
ter les feux dont je viens de parler, deux pelotons
du 5e régiment de ligne déboucherent sur la place
du Palais-Roya1. Suivi de plusieurs ouvriers impri-
meurs, je me portai sur le' front de ~ette troupe; et
m'adres~ant a plusieurs officiers et sous-officiers, je
les exhortai a ne point tirer sur leurs concitoyens.
Plusieurs d'entre eux nous cmbrasserent en protes-
tant qu'ils ne tireraient point: et effectivement an-
cune démonstration hostile ne fut faite par ces deux
pelotons, d~moins pendant que je restai sur les


, liéux. Je n'ai vu ni comrnissaire de-,police, ni offi-
cier de paix; et aucune sommation légale, ni autre,
n'a été faite, du mojns ama connaissance.
M~ Jacques-Jean vicomte de FOUCAUD, ágé de 59 ans,


colonel de gendarmerie en non-activité, demeurant
commune de Noyant.


VoicHa partie importante de cette déposition:
M. le maréchal de Raguse, chez lequel j'arrivai,


me remit un ordre, signé de lui, d'arreter quak¡ues
personnes' au nombre de cinq ou sjx. le erois que
les Doms d'Eusebe de Sal verte , Laffite, Lafayette,
y étaient; je ne me rappelle pas l~s autres. A l'in-
stant meme oú je venais de recevoir cet orclre el
pendant qu'un sccl'étaire mettait les adresse, a cótJ




( 221 )


ues lloms, une députation composée, je crois, dll
génél'ul Gél'3l'd, OU eomte Lobau et autres, arriva
chez]e duc de Raguse, et apres l'entrevue, ce der-
nier révoqua l' ordre qu'il m'avait donné, et le retira,
Je suis resté le reste de la journée, ]a nuit suivante
et le lendemain., jusqu'a l'évacuation de París, pn!s
de M, le duc de Raguse.


D. M, Mangin, préfet de police, ne .vous aurait-il
pas remis une liste des personne a arreter, liste qui
]uí auraH été transmise par M. de Peyronnet?-
R. Non, Monsieur, M. le préfet de police ne m'a
rien transmis, et je n'ai point re<,:u d'autre OI'dre
d'arrestation que celuidont je viens de parler qui
m'a été remis par M. le duc de Raguse, et qui m'a
été retiré de suite. - D. n paraitrait cependant,
Monsieur, qu'on vous aurait donné une liste de·dif-
férentes pel'sonnes a·arreter; qtleVOUs auriez repré-
senté que tons vos gendarmes étaient occupés, et
que d'ailleurS'~ il était impossible d'am~tcr un si
granrl nombre de personnes? - R. Non, Monsieur,
je n'ai jamais if~u d'ordre de M. le préfet de police
pOUl' alTeter qui que·ce soit, et je ne lui aí point
répondu que mes gendarmes étaierit occupés, et
qn'il ne m'était pas possible de faire arreter tant
de "monde.-D. Cependant, Monsieur, il paraitrait
qu'ayaIit refusé d'cmporter la liste que vous remet-
tait M. Mangin, ce dernier avait tellement insisté
qu'il vous avait déterminé a l'emporter ?-R. Le fait
est tont-a-fait inexact; M. Mangin ne pouvait pas me
donnerd'ol'()¡'cs semblables.-D. Ne vousseriez,vo~l1S




( 222 \


pas présenté chez M de PoliHnac pour lui faire des
observations sur les ordres d'arrestation qui vous
étaient donnés, et M. de Polignac ne vous répondit-
iI pas que vous répondriez de leur exécution ?-R.
Non, Monsieur, ii n'y a jamais rien eu de sem-
hlable.


D. L'ordre qni vous a été dooué d'arreter diffé-
rentes personnes, le mel'credi; nevous a-t-il pas été
renouvelé']e jeudi matin?- H. Non, Monsieur, bien
an contraire, puisqué je sus que M. le duc de Raguse,
,avait fait une proc1amation aux Parisiens dans la ma-
tinée du jeudi, pour annoncer qu'il avait donné ordre
de faire cesser toute hostilité contrc le peuple, et
convoqué les maires pour qn'ils annon~assent la
cessation d'hos,tilités. - D. ~l. le maréchal de Ragnse
ne 'vo(.ls atiraiJ-il pa5 envoyé un aide-de:..camp pour
vous dire de ne pas exécuter les ordres d'arrestation?
- R. Monsieur, cela est vrai, mais c'est environ trois
quarls-d'heure apres la remise de l'ordre, paree que,
comme je.l'ai dit, j'avais laissé cet ordre pour mettre
les adre5$e~ exactes a coté des noms, GIi que cet ordre
vellait de m'etre rendu au mofnent 011 l'aide-de-camp,
vint me contremander cet ordre. e'est da;ns la rue
m,eme que l'aide-de-camp me rejoignit; la, il me dit
que M. le duc de Raguse, m'ordonnait de suspendre
l'exécution de l'ordre qu'il venait de me donner.
J'aUai de suite chez l\J. le dllC de Raguse qui me dit
eneffetde ne pas exécllter l'ordre, et je le lui rendís.
J'avais perd~l de vne que c'était par l'intermédiaire
d'nn aide-de-camp que j'avais re\ll 1'avertissemcllt <1('




( :l~3 )
suspendre l'ordre qui vellait de m't~tre donné; mais-
l'aide-de-camp lui-meme ne parut ras savoir ce dont
iI s'agissait. Ce conlre-ordre me soulagea d'un grand
poids; paree que l'cxéention de l'ordre me parais-
sait pl'csque impossible.Jc ne sais point si 1\1. le dne
de Ragllse avait re<,;u 11li-meme l'ordre de faire
arreter les personlles ];10rtées sur la liste, ou si cet
ordre émanait de son propre ,mouvement.


M. Loup-Gnstave-Alexandre, vicomte 'de V IRIEU, ágé
de 51 ans, colonel, ex-s~JUs.aide majar généralde la
ci-del'ant gal'de roya/e, demeurant en la commune
du Thour, canton d'AsJeld.


Ce témoin dépose que le 27, vers onze heures,
les rassemblemens commen¡;;ant a devenir sérieux,
et ayant été informé par le commandant du poste du
Palais-Uoyal que sa trO\lpe vemlit d'etre jpsultée ,de
maniere a ne pouvoir. s'y inaintenir, lui, témoin
donna l'ordre par écrit et par ()fdonnance au com-
mandant du troisieme régiment d'infanterie, de la
garde, de doubler ce poste, et mettre a sa tete un
capitaine sage et ferme, ce ql1i fut fait: que vers une
heul'e apl'es.midi dudit jour 27, i1 rentra a l'état-
majOl'-génél'al; qu'il y tl'OllVa le marquis de Choiseul,
aide-major-gélléral, allquel iI rendít compte de l'état
des choses; que bientot apres arriva aussi le major-
général, a qui M.de Choiseul renditégalement compte;
que des-Iol's le service de liü témoin devint purement
passif, et qll'íl se retira en attendaut qu'on lui tran~­
mit des ordres; fIne, dans cet apres-dinel', les




( 214 )
rassemblem.ens prenant plus. de consistanee, il fn't
donné par le major-général l'ordre de faire oecuper
pár un piquet de cavalerie et un piquet d'infanteríe
les poste du Carrousel.


Que le 28, il entendit un bruit confus, qui le fit
sortir de l'état-major entre huit et neuf hellres du
matin; qu'il se dirigea vers le Palais-Royal, d'ou
partait ce bruit, et vit dans les rues Richelieu et Saint-
Honoré des rassemblemens nombreux; qu'un déta-
chement de gendarmel'ie, qui venait pour les dissi-
per, fut assaiUi a coups pieI'res par la multitude, qui
s' étant retranchée derriere des planches placées devant
le Palais-Royal, permit a ceHe troupe de passer; que
lui déposant rendit compte de cet événemellt a l'état·
major.général, qui fut en meme terns prévenu que
des attroupeiUens considérabl~s et nombreux se
montraient sur tous les points, ce qui décida le major-
général a faire diriger des détachemellS sur tous les
points menacés; cftle, qu~nt a lui, témoill, il est
resté constarnment a l'état-majol' tout le reste de la
journée dU2.8, ou il n'a été occupé qu'a payer les
fournisseurs de pain et de vio aux troupes qui mUll-
quaient de tout depuis qu'elles étaient a leur poste.


Qu'enfin, le 2. 9, il est allé, ver s neuf heures du
matin, trouverplusieurs boulangers avoisioant l'étal-
major, afin qu'ils se chal'geassent de fournir du pain
pOUI' les troupes; qu'environ vers les onze heurcs, le
major-géoéral s'est reodu a pied a l'entrée de la rue
de Rohan, pour parlementer avec le peuple; que lui,
témoin. et d'autres officiers l'accompagllel'ent; que




( 225 )


dans cet illstant la [oule d~boucha par la rue du
Lonvre, se pl'écipita sur les Tuiferies, et 'décida ~e
majol'-général a [aire sa retraite sur Saint~Cloud, par
le jardin des Tllileries et les Champs-Elysées; que,
quanta lui, déposant, il a sllivi a pied le meme mou-
vement, apres avoir vainement cherché Gon cheval
qui était placé an piquet dé cavalerie, et qu'il n'y re-
trouva plus.


Nous avons interpeHé le témoin denous déc1arer
s'il sait de quel coté le feu aurait commencé, et si,
avant de [aire [en, les cornmalldans militaires avaient
fait [aire, ou s'il Icm avait été ordoIlné de faire [aire
les sommatiolls pl'escl'ites par la loi.


Le témoin, illterpellé, dépose que, comme il vient
de le déclarer, ii n'a été témoin d'ancun engagement,
et n'a pu voír de quel coté le fen avait com'mencé;
que seulement il a su par le rapport des troupés qui
étaient établies sur la place du Palais-Royal, que le
feu ayait commencé du coté des rassemblemens, DANS,
LA JOURNÉE DU 28 (1), qu'il ne peut nous dire si,
avant le fen, les commandans militait'es avaient [ait
ta.ire, Otl s'il leul' avait été ordonné de faire faire les
sommations prescrites par la loi; que tout ce qu'il
sait, c'est que les sommations doivent se faire par la
police, et que les ordres donnés a la tl'oupe par le
major-génél'al étaient de waintenir l'ordre et de 1'e-




(1) 011 ,nil que la vpillo (le l11ardi 27), a ce meme endroit, los
troupes avaicnl d.'ji. , el plmieurs reis, fait feu su!' le peuple, parmi
k'fuel il n'y a""il pa, ('¡¡co!'e 11n seu! homme armé,




( 29.6 )


pOllsser la force par la force; que le témoin pense
que, si l'ententioIÍ dll major-général cut été de faire
tirel'Sllr le peuple, iI aurait clirigé ses troupes en
masse, au lieu de les diviser par détachemens.


1\1. Charles-Jean-Louis de SAINT-GEUMAIN, e,r-lieute-
nant au 3e régiment d'inj(;mterie de l' ex-garde, tigé
de 34 ans, demeuranta Orléans, rue Sainte-Anne,
n° 15.


Le 27, a cinq~heures de l'apres-midi, le sergent
de semaine vint me prévcl;ir de me rendre a l'École-
militaire pour prendre le commandement d'un piquet
ele trente hommos. En arrivaut dans la cOllrde l'École,
M. de Pleineselves, mon colonel, me di t : « Vous
allez preIldrece piquet de trente hommes; vous irez
chez le matéchal de service; vous lui direz que fai
été prévenu par le capitaine de ronde que le poste
dn Palais-Royal se trouvant assailli, j'ai CI'U, pour le
bien dll service, devoir envoyer le piquet pour le
renforcer. Si S. Exc. n'appl'Ouvait pas cette meSlolre,
le piquet rentrerait a la caserne.» Ayant pris les ordres
du maréchal de service, duc de Raguse, í1 me dit de
conduire le piquet au Palais-Royal. Je me mis en
marche aussitot : arrivé dans la rue de Rohan, un
grand nombre d'individus qui paraissaient pris de
vin nous crierent de retourner a la. ('aserne et de
respccter lenrs ordre$; eette défense était accom-
pagnéc des injures les plus grossieres. Lorsque nous
voulumes entrer dans la roe Saint- Honoré, nous
trouvames une barricade formée avec un Omnibus et




( 227 )


nnecharrette de portenr d'eau; ayantétéobligés, pOUl'
passer, d'écarter cette))arricade, nons fumesassaillis
de pierres; plusíeurs de mes hommes furent blessés.
Dans ce moment les armes n'était pas chargées, S311S
cela les soldats anraient pu en faire usage. Arrivés a
la cour du Palais-Royal, je remis mon détachement
fotOUS les ordres du chef du poste. Je dois vous dire
que les hommes quinons ont assaillis dans la rue
Saint-Honoré appartenaient an"- classes maI1tel1reuses
cln peuple.


Apres m'etre promené pendant quelques instans
sur la place du Palais-Royal, je me dirigeai du coté
de la me Saint-Holloré , oú nous avions pIacé pIll-
sieurs factionnaires; et m'étant aperc;n que quel-
ques-uns d'entre eux se laissaient entourer par des
groupes, je lem dis qu'il ne fallait p~s se laisser ap-
procher ainsi, et qu'ils devaient écartel' la fouIe .
. Dans ce moment je rec;us une pierre dans la poi-
trine; les sentinelles ne tirerent paso La douleur que
me fit éprouver ce coup fut teIlement vive, que je
fus obligé de rentre/' ao. corps-de-garde, oú je pas-
sai plusieurs heures, Pendant le tems que j'y étais,
il arriva un bataillQn de mon régiment, qui se pla<;a
sur la place du Palais-RoyaJ. Dans la soirée je fus vi·
siter les factionnaires que u"ons avions mis autour
du Palais-Royal. Plnsieurs ayant été assaillis, avaient
été obhgés de faire feu ponr se défendre; un d' eux
avait désarmé un bourgeois porteur d'un fusil a deux
coups, sur lequel était gravé le nom de Lepage.
Corrime mon service était intérieur, je ne sais pas




( 228 )


ce qui, dans cette soirée dl1 27 , a pu se passeJ' dam~
les rúes environnantes. Ce que jc puis -vous affil'mer,
c'est que nos sentinelles n'ont tiré qu'apres avoiJ' été
attaquées et avoir re!{n des pierres : les officiers lenr
avaient recommandé d'agir avec la plus grande mo-·
dération.


Le 28, vers neuf heures et demie du matin, apres
avoir été relcvés au poste du Palais-Royal, nons sui-
-vions le~ rues qni Hons conJuisaient a la ca:serne;
arrivés a la place dn Carrollsel, le maréchal de ser-
vice nous fit dire d'arreter et d'attendre ses ordres.
Un instant apres, le 3e régiment, commandé par
le coloneJ , alTiva et se mit en bataille devant le chtl-
teau. Le colonel, quelques minutes apres, me fit
dire par un officier de prendre quinze hommes de
mon détachement, de me rendre de suite sur le quai
des Célestins, et de voir si le 1 f)c y était en bataille;
et, arres avoir vérifié ce fait, d'cn remIre compte
an maréchal de service. J'obéis :mssitót. Étant arri-
vés sur la place de Gl'eve ",sept OH hnit cents per-
sonnes, dont la plupart étaient ar¡¡¡ées d'annes á feu,
quelqlles-unes de batol1s, courent sur IlOllS eJl \'Gci-
férant. J'arretai aussitot mon détache.nent, je m'a-
van<;ai seul vers le pCllple avec l'intention de l'app"i-
ser: a peine avais-jc bit quelques pas que 1'on fit
une déchal'ge sur moí et snr mes hommes, (bnt
deux furent tués et presque tous blesses; moi-m(jmc
je fus blessé : fai eucore des bailes dans le brn
gauche et plusieul's grains de plomb au ventre et á
la figure; mes babits et lllOll bünnet Ú ¡lOil l~taient




\ :.1.29


percés en plusicurs encll'Oits. J. ne sais pas commellt
fai pn échappel' a eette fllsillacle, car on tirait a
dOllze ou quinze pas. Mes soldats ont tiré alors, et
plusieurs hommes sont tombés_ Craignant cl'etre en-
tOUl'é par la fnule, j'ai hattu en retraite jusqu'au
pont Notre-Dame. Snr la route on tirait sur nous, et
j'ai entenclu siffler les halles: heureusement pour
man détachement, un bataillon du régiment arriva;
011 me fit monter clans un cabriolet; mais, comme
on tiraÍt sur moi et que déj;\ le cabriolet était pel'cé
de plusieurs baIles, le condlleteur arréta et me fit
clescendre. Je rejoignis alors le bataillon qui, cbns
ce momellt, était sur le pont Notre-Dame, et qni
rcvint sur la place dn Carrousel, apres avolr passé
par le Palais-de-Justice et le Pont-Neuf. Je fus renclre
compte au marechal de service de ce qui s'était pas-
se; iI me qnestionna un instant et me laissa entre
les mains des chirurgiens : un instant apres je fus
concluit a ·l'hopital, Otl. jc suis resté trois semaines.


Je ne sais pas si les sommations ont été faites an
penplc clans ces clifférentes journées, mais ce qu~ je
lmis vous affirmer, e'est que dans tons les endroC)ts
ou je me suis lrouvé, la troupe ne s'est servie de
ses armes que ponr se defendre; ce sant toujours
les bourgeois qui ont commencé. Dans ces diffé-
rentes journées, je ll'ai vu aucun commissaire de
police.




( 230 )


• I


M. li·ran¡;ois·lsidore DE BLAIR, ágé de 55 ans , chef de
batailloTl , capitaine au 3e régiment de l'infante-
rie de l'ex-garde, demeurant ~ux Etangs.
L~ 27 , le régiment sortit de l'École militaire dans


l'arres-midi, avec tous les officiers supérieurs; vers
quatre ou cinq heures, plusieurs détachemens fllrent
commandés pour la rue Saint-Honoré, le Palais-
Royal et le Louvre; j'étais destiné pom commander
le détachement dn Louvre. Déja j'<'-tais en route avec
mon détachemeIlt, lorsquemon colonel courut apres
moi, me donnant ordl'e -de remettl'e le commande-
ment de mon détachement a mon Iieutenant, d'en
retirer vingt-cinq 011 trente hommes , de me diriger
dans la l'ue Saint-Nicaise, avec un détachement de
gendarmes de la garde, commandé par un officier
que j'avais alol's sous mes ordres; d'y détruire une
barricade, Je demandai alors a roon colouel si je de-
vais faire charger mes armes? QlJelle demande! me
répondit-il, ou¡', sans doute, ¡Jous allez les ¡aire chal'-
gel', et ¡Jous repousserez la force par la jo rce ,


'torome je sortais du guichet, une vive fusillade
s'engageait dans la rue Saint-Honoré. Dans la rue
Saint-Nicaise, je tfouvai une misérable baITicacle qlli
nom arreta faiblemert1;'; toutefois, mon détache-
roent fut assailli de pierres et de pavé;;; au déboll-
ché de la rue Saint-Nicaise, j'en trouvai une formée
de deux omniblls renversés; une foule iuuom,brable
de populace derriere, qui y avait amoneélé plusieul's
tas de briques et de pavés; j'y fus, comme dans la




( 231 )


me Saint-Nicaise, assailli; alors je tis mettre mOJI
peloton en bataille, vis-a-vis la barricade ; j'yos char-
gel' les armes; et alors porter mon peloton en avant,
et la balonnette en avant; la foule refIua dans les
mes adjacentes. Quelques hommes de mon dé tache-
ment, qui s'étaient imprudemment portés quarante
a cinquante pas en avant, furent assaillis par des
pavés, et il leur fut tiré deux .coupsde fusil ou pis-
tolet, l'un d'un en tresol, l'autre d'un étage plus
élevé ; mes hommes riposterent, je courus apres les
faire rentrer au pelo ton. Le!; omnibus ayant été dé-
toul'llés assez pOUl' donnel' passage a quatre chevaux
de {ront, je donnai ordre el l'officier de gelldarmerie
de balayer les rues, ce q u'jl exécuta, et revint re-
préndre son poste un quart-d'heure apreso Dans les
deux heures environ que je passai dan s cette posi-
tion, j e fis plusieurs f01S détachel' des patrouilles de
cette meme <:3valerie pour arreter la foule toujours
croissante; vers la nuit, je fus relevé par un autre
capitaine du meme régiment, et reñtrai au noyau
de mOll bataiUon, sur la place dn Carronsel,ou
nous I'estames jusque vers minuit, et nous rentra-
mes a I'École militaire.


Le 2.8, vel's six ou sept heures du matin, le régi-
ment sortit de l'École militaire, et fut de nonvean
s' établir sur lp, Carrousd. Vers neuf heures environ,
mon hataillon prit les armes, se dirigea vers le quai
de Sain t-Germain~l' Auxerrois, l¡ place du Chltelet,
et rentra cncore au Carrousel. Environ deux heures
apl'cs etl'c I'elltré au Cal'l'ousel, le régiment en entiel'




( 232 )


prit les armes, suivi d'un gros détachement de lan.·
cierset de plusieurs pieces d'artillel'ie. Les grena-
diers de mon hataillon étant détachés en avant e
sur la droite, je me trouvais alors tete de colonne .
mon chef de bataillon m'ordonna, pour en éclairer
la_marche, de me porter a une centaine de pas en
avant. Arrivé au quai de Saint-Germain-l'Auxel'rois,
je trouvai deux factionnail'cs de gardes nationaux
posés a l'entl'éede cette rue, qui rendirent les hon-
neurs a mon peloton; je continuai toujours ma
route, remontant les quais; arrivé vers le pont du
Chatelet, j'entendis, sur mes derrieres, de fortes
décharges d'artillerie et de mousqncteric; non.". ar-
rivames ainsi jusque sur la place du Chatelet, oú le
chef de bataillon nous fit former en bataille, le dos
a la riviere, face a une multitude innombrable qui
remplissait la place. Le commandant róitéra tres-
souvent la sommation de se retirer. Environ un
quart-d'heure arres etre établi, un détachement de
voltigeurs' poursuivis ct blessés pour la plupart,
ainsi que l'offióer qui le commandait, fut hcureux
de trouver le hataillon pour son saIut. Le chef de
bataillon détacha .te suite a leur secours un peloton
de grenadiers; ajors une fnsillade s'engagea du Pont-
au-Change, dn~quaj conduisant á la place, et de pIu-
sieurs croisées du fond de la place du ChateJet; llOlIS
eumes la beaucoup d'hommes blessés.


Le chef de bataijlon jugeant ilOtre place point
convenable, nous fit passer la rivierc; nous remon-
iames alors, a la faveur d 11 parap~t, \'('1'5 les pnnt~i




( 2~n I
:m Ch:lllge, Notre-Dame et d' Arcole. J'eus ordre d'en-
lcVf~r' celui de NotreoDame, ce que j'exécntai avec
la perte d'un sergent, d'un sapour, tués, quatre vol-
tigeurs et six hommos dn centre blessés; je restai
enviroJ! une demi-heure dans cette position, tenant
la me qlli [ait facc au pont, et observant les quais'
a droite et a ganche. Nous fumes reúforcés d'un ba-
taillon suisse, etdirigéspar le général Saint-Chamans


l 'te 1 1 . , '1 ' ' -sur a pace (e Greve, OH 1 S engagea une tres-VIve
fnsillade. L'ennemi rejeté dans tontos les mes aban-
tissantes, maintenn par de simples piquets, on naus
entassa rhllls le fond de la place, dominés de tontes
parls par' le'; croisées de l'antre coté du quai. On
nons tila, (bus cette marche, beauconp d'hommes,
et de chevHux anx lauciers et aux cuirassiers,. Vers
la nllit, le général Saint-Chamans, qui commandait
toute cette marche, ne recevant pas d'ordre, nous
fIt tous entrer dans l'HUtel-de·Ville; nOllS y reshhnes
jl1squc vers minnit, relevant de tems en tems les
postes cnga~és; IlO!lS flmes tranquillemcnt, mais'
pas sans illqlliétwic, natre retraite sur l'École mili-
taire, emmC'nant avec 1l0US ccnt cinquante a deux
cents blessés.


Le 29, un pe¡¡ apres le jour, nOltS reprImes de
nouvcan les armes; nons nons dirige!tmes encore
sur le Carronsel, que nous r[nittames une acmi-
henre arres, pour nous étahlir dans le jardín des
Tuileries, avenue des Feuillans, et ordre d'établir
<:les postes a toutes les rues aboutíssant á la rnc dE'
J{ ¡voli. N üus rest;hrws denx ;\ t rnis henres em i roll




( 234 )
uans eette pOSltlOll, et nouS' fümes nous établir
place Louis XV, pres l'hotel de la marine; des tirail-
leurs parisiens, faufilés le long du quai d'Orsay, la
Chambre des Députés et le Palais-Bourbon, nous
incommodant fort, la compagnie de voltigeurs dn
3e hataillon ret;¡ut ordre de passer le pont 1.ouis XV,
de les débusquer de leur position et de s'y établÍl',
ce qu'elIe exécuta avec une perte de neuf hommes.


Vers le milieu dtl jour, le général Quinfonnas
vint nous faire reprendre les armes, et nous donner
I'ordre de nOI~S retirer dans les Champs-Élysées;
nous nous y formames en bataille le tems seulement
d'y attendre la compagnie de voltigeurs détachée.
Quelques instans apres, le major.gériéral, sorti des
Tuileries par le Pont-Tournant, avec sonétat-major,
nous fit effectuer notre retraite sur Saint-Cloud.


Partout ou je me 'suis trouvé, des sommatioIls
ont été faites par les officiers commandan t les postes,
pOUI' que la [oule ait a se retirer; tous mes cama-
rades et moi-meme avons couru souvent le danger
de la mort ponr retenir nos soldats, ponr les empe-
cher de tirer sur les personnes aux croisées, et sm'
ceHes non-armées.


Il n' est point a ma connaissance que des instl'uc-
tions aient _é données pour faire faire les somma-
tions pl'escrites par la loi , pOUI' la dispel'sion des ras-
semblemens, sommations qui furent cependant faítes,
comme je raí indiqué ci-desslls.


J'atteste qne, partont ou les soldats ont fait fe ti ,
avec OH sans orclre, cornme cela est arrivé plusieul's
~




( :&35 )
It


fois, ce n'ajama.is été qu'ap"!s des coups de pistolet
on de fusil tirés des croisées ou des caves, ne tenant
point compte des pavés ou des briques lancés.


Sur tous les points ou je me ~uis trouvé, les hosti-
lités ont commencé du coté des rassemblemens, qui
tiraient des coups de fusil sur les militaires.


M. Louis-Julien DRf,AUNAY, 'dgé de 33 ans, ojJicier
en demi-solde, demeurant ti Hédé.


Ce n'est que le 27 au matin que j'ai appris, en dé-
jeunant, l'existeuce des ordonnances. A quatre henres
de l'apres-midi, nons avolls re~u l'ordre de 1101lS tellir
prets; a cÍnq heures, on llOUS ordonna de nous ren-
elre a la caserne et de IJl'endre les armes. Je fus dirigé
avec roa compagnie, que je commandais alors, mon
capitaille étant dega,'de an Palais-Roy'al, sur la place
Louis XV, on se trouve~ent réunis quatre a cinq
bataillons de la garde. Une heure apres, le bataillon
dont je faisais par ti e fut conduít sur la place dn Car-
rousel. Vers sept heures, un capitaine d'état-major
vint demander un détachemellt de trente hommes de
la part du maréchal de service. Je re~us l'ordre, de
mon chef de bataillon, de su iv re ce capitajne ave e
trente hommes. En travel'sant la place du Carrousel,
ce capitaine me demanda si les arljes étaient char-
gées; sur ma réponse négative, iI me fit commander
de les charger. Au moment oú les hommeschargeaient
les armes, un détachement de lanciers de la garde ,
alTeté par les barrir,ades de la rue Saillt-Honoré, re-
vint par la I'IW de l'ÉehelIe, en C1'iant : En {UJa,,!




( 236 )
. .


l'infalltel'ie! Anssitot lts armes chargées ,. je suivis,
avec mon détachement, le capitaine d'(~tat-major. A
peine entrés dans la rue Saint-Honoré, et la premiere
barricade étant enlevée, une grele de briques lan-
cées de dessns les toits, nons tomba sur la tete. Les
sold~lls se sentant attaqnt's, et encouragés par les
ordres du capitaine, firent feu sur tous les ho.urgeois
qui se présenterent devant eux allX croisées.


Le capitaine me donna ensuite l'ol'dl'e de faire en-
lever une barricade, qui se trouvait en face le bont
de la ¡'ne des Pyramides. Une antre barricade, qui
se tronvait a peu pl'CS á ceut pas plus loio, convrait
une po pula ce nombreuse. l\'Ion capitaillc me donna
ordre de faire fen sur ce rassemblement; mais je m'y
opposai, en lui faisant observer qne j'apercevais
derriere cet attroupement un autre detachement de
la garde. Je m'avanc;ai alors seul, et j'invitai les
hOlTImes qui faisaient partie de cet attroupement a
se retirer, sans quoi j'avais l'ordre de faire fen L'at-
troupement se dissipa aussitot. Le capitaine somma
les )ocataires de la maison d'olt 1'OIl llOUS avait jeté
les pierres d'ouvrir les portes, et envoya un sel'gent
avec quelques hommes, ponr tacher de saisir eenx
(luí les a'iaicnt jetées; mai;; on ne tronva que quel~
ques locataires~n alarmes, Jont denx avaient été
tllés et un blessé. ( On nous dit que ces trois person-
ncs étaicllt d~s Anglais ).


En Hons rendant dans ectte l'ue, nous ne I'cc;úmes
point l'ol'dl'e de bire les sommations pl'escritcs par
la ¡oi. JI' pris sur ml)i de fain' la .'j(llllmalion rlOllt fai




( ~d7 )
parlé, que je répétai plus.ienrs füis dans hl soil'ée', et
qui m'a réussi aupres des petits attrónpemens qui se
préscntercnt devant moi dans la rue de Rivoli, an
bout de laquelle je fus placé avec mon détachement.
Nous rentrames an quartier entre onze heures et
minuit.


Le 27, je ne vis aucnn bourgeois en armes. Les
cris que j'entendts partir de ces rassemblemens
étaient : Vive la Liberté! vive la Charte! el bas les mi-
nistres!


Le 28, a sept henres da m:¡!.iu, nons re<;úmes
l'ordre de no liS tcnir prcts a pl'clldrc les armes ponr
llr',[ hCllrcs. Nous fúmes conduits direetement ~t la
place du Carrollsel. Peu de temps apres, M. de Saint-
Germ~tin, lieutenant an régiment, qui descendait de
garde du Palais-Royal, fut envoyé avec qninze hom-
mes s.ur le Pont-Ncuf. Un quart d'heure apres, le
bataillon Jont je faisais partie, accompagné cl'un dé-
tachement de lanciers, fut dirigé du coté de la place
dc Greve. A pefr¡e-arrivés au Pont-au-Change, sur la
place du Chatelet, nOU5 elltcndimes qnelrples coups
de fusil, et nOllS "lmes arriver en désol'dre M. de
Saint - Gcrmain et treize hommes; prcsque tous
étaient ble5sés. La compagnie de grenadiel's da b~­
taiUan fut envoyée pOUl' repous~er un attroupement
llornhreux et armé qui poursuivait ce bible déta-
chement : qnelques coups de fusil l'.enrent bielltót
dispcrsé. La compagnie de g,'enadiert; étant rcntréc,
le chef ele bataillon nous rec~mdnisit ü la place du
CalTollsel, el' oú Hons repal'tlmes, rcnforcés par un




( :d8 )
délachement decnirassie.'s.de la garde et deux pieces
de canon. De retour au Pont-au-Change, nons tra-
versames la Seine, et nous longeames le quai aúx
Fleurs. Arrivés au bont dn pont Notre-Dame, la ca·
valerie qui était en avant; arretée par une fnsillade
qui venait de la rue Planche-Mibraye, cria : En avant
l'artillerie! On 6t place aux deux pieces, qni bientot
placées en batterie sur le milieu' du pont, tirerent
plusieurs coups sur le rassemblement qui encombrait
cette rue. Pendant que l'artillerie faisait ce fen, I'in-
fanterie riposta a une vive fnsillade' qui venait de la
place de Greve et des quais environnans. Les tam-
bours battaient la charge, et nOl1S arrivames sur la
place de Greve par le pont qui donne sur cette place.
Deux officiers et quelques hommes étant tombés,
et les coups de fusil nous arrivant de tontes parts,
tant des croisées que des qnais, nOllS fumes <{bligés
d'évacuer la place et de nOnS retirer sur le quai de
Gevres. I~es deux7 pieces~arrivant a notre secours et
placées sur le milieu de la place ~fitent un fen qui
nous aida a HOUS en rendre maitres une seconde fois.


Un instant apres, mon chef de bataillon m'envoya
avec huit hommes a l'antre bout du pont, pour en
ct.asser tOt1S les hommes armés qni nous tiraillaient
du quai opposé. J'y restai a peu pres un quart-d'henre,
en défendant hantement a mes hommes de faire fen
sur les bourgc9is qn'ils verraient sans armes. A notre
arrivée, tont le rassemblement se dispersa, et jc n'eus
a faite fen que sur un pomme sur lequel on tira trois
coups de fusil, paree qu'il venait nons cOlIcher en




( <.dg )
joue. Apres quoi, voyant le détachement dora je
faisais partie évacuer la place de Greve, je le rejoignis
pour éviter d'etre pris entre quatre feux. Le général
~lon, arrivant en ce moment, se mit a la tete du dé-
tachement, qni se rendit -maitre, pour la troisieme
fois, de la pIacp. de Greve. Un instant apres, un dé-
tachement des Sllisses de la garde vint renforcer le
notre, qui manquait de cartouches, et pIacé a l'en-
trée des rues qui aboutissent a la place de Greve,
soutint le feu jusqu'a la nuit.


Sur les cinq heures rÍu soir, le général ayant fait
fouiller l'HOtel-de-V ille, dans Iequel on ne tronva
personne, y 11t entrer tOllt notre détachement, an-
que1 s'étaient jointes une partie du 50· et une partie
dn 55e de ligne, qui tirerent quelques coups de fusil
en arrivan.¡ sur la place. A peine entrés dans l'HOtel-
de-Ville, le général ayant rassemblé le peu de car-
tonches qui nous restaient, je fus envoyé avec rnon
peloto~ dan s liS chambres du premier étage, ou .le
pla<;ai It!s hom~es répartis a chaqne croisée, afin
de reponsser les assailIans qui s' enhardissaient. Deux
détachemens furent en.voyés dan s l':~res-midi cher-
che!" des cartouches; lIs ne reparurent paso Le fen
dura jusqn'a la nnit. Le calme s'étant alors rétabli, a
onze heures le général fit charger les bIessés dans
trois cabriolets qui s.e trouvaient sur la place; tOllt
le monde mit sac au dos, et un quart-d'heure apres
nous partimes sans bruit, et nous nous rendimes
en bon ordre a la place du Carrousel Apres une
henre de repos, nous rentrames au quartier.




( :.uio )
Dans le eOUl'aut de eette jOlll'lléc, Je 11' eutendis


parlerd'ancun ordre donné pour faire des somma-
tions; aucune ne fut faite a ma connaissance. Qnant
a ce qui regarJe la journée du 29, je n'y pris 3UCU,~
parto Je sais que le régiment évaClla Paris des le
lendemain matin, et fut dirigé avec tOI1S les autres
corps sur Saint-Cloud, oú une gratifica tia n d'Ull
moís et demi de solde fut accordée a toute la garde.


1\1. Alfred-Amand-Rohert m: S.UNT-CIL\i\i.\~S, lígé de
Ll6 ans, ojficier-géJléral, dCI11Clll'ant á Pa:is, rlle
de Cawnal'tin, n° 5.


I~e 2.7 juillet::tu soir, j'clltendis Jire (1Ú'il y avait
des rassemblemens dans París, et étant de service
dans la garJe royale, je me rell(1i.s de man propl'c
mOllvement a l'état-major de cett"l gal'~, rue de
Rivoli;j'y suisresté jusqu'it dix henres et demie, sans
y recevoir allcun ordre, et alors je rentrai chez moi.
Le 28 juillet, entre dix et onze hCI~rcs dll ~tin , je
re(;llS l'ordre ( ét Cl' i'ut le premier ~ue je rec;us) de
me rendre a l' état-ma JOI' de la garele royale. Aussitót
que j'y fus arrivé-, le mal'échal dllG de Ha~)llsc me
dOl1na' l'ordl'e te prendre le commall(lerue~p d'une
colonne composée d'environ neuf cents hommes
d'infanterie, cent cinquante lanciers et ueux pieces
de canon; de suivre les boule.vards jusqu'a la place
de la llastille et le fauhoUl'g Saint-Antoine, de dis-
siper tons rassemblemens tumultlleux, de renvcl'-
ser les Larricacles (Iue je poulTais trouver sur ma
,mate, ct de reponsser la force par la fórce si j't'·-




( ~4I )
prouvais de la résistanct'. Je n'ai rec;u ancune in-
struction pomo faire les sommations prescrites par
la loi, et je n'avais d'ailleurs avec moí ancun officier
de police.


Ma marche fut tranquille jusqu'an bonlevard
Donnc-I\ouvelle; mais sur la hauteur de ce boulevard
qui domine la porte Saillt-Denis, je trouvai une bar-
ricade formée de planches et autres objets. La com-
pagnie de voltigeurs qui fonnait mon aV<lnt- garde
s'y porta rapidement ponr la renversel' et frayer un
passage a la colonne; mais iorsqu'eIle commen<;ait
eette opération, elle fut assail1ie de plusieurs coups
oe fcu, partís de 1a pOI·te Saint-Denis et des encoi-
grwres des rues qui débollchent au-dessus. Les vo]-
tigeurs répondirent a cette fusillade. Il n'y avait per-
sonne dans la rue; on ne voyaít pas ceux quí tiraient
sur nons; les conps de fusil partaient principalement
de la purte Saint-Dellis, et il était entierement im-
possible de faire aucune sommation. le continnai ma
marche vers la place de la Rastille, recevant de droite
et de g.1uche des coups tle fusil. Les officiers d'iufan-
terie m'ayant renclu compte que leul's hommes n'a-
vaient que pen d.e cartouches, et n'ayant pas de cais-
sons de mUIlitions a\'ec moi, j'envoyai ]\f. Petit-La-
montagne, adjudant-major du régiment de lanciers,
en rendre compte it' M, le maréchal duc de Haguse,
mais je n'ai plus entpndu parler de cet officier.


Al'ri"é iillJ' Ir. place de la ila~tillc, ou je trouvai
q llelques troupes q ni n'étaicnt point sous mes ordres,
je me dirige .. '1i :1VC'C ma colonne, dans la rue du Fau-


16




( 2[1 2 )


boul'g Saint-Antoine, ou je tl'Ouvai quelques barrí-
cades, et oú je rec;us une fusilIade assE'z vive par les
felH~tres des maisons; mais cette résistance cessa, et
je m'établis, avec ma troupe, dans la grande r!le de ce
faubourg. Le fen de mousqueterie ayant entierement
cessé, les hahitans, hommes, femmes et enfan s sortirent
en fonle des maisons et se melerentavecla tronpe. Je
parlai a plusieurs groupes de ces habitans, les ex-
hortant a res ter tranquilles et a reprendre leurs oc-
cllpations journalieres, lorsqu'une femme s'approcha
de moi et me dit qu'il n'était pas facile de rester
tranqnille lorsqu'on était sans argent, sans travail
et sans pain a donner a ses enfans; jc luí e/onnai une
piece de 5 franes; et alors beaueoup de femmes, et
meme d'hommes, m'ayant entonré, en me tenant le
lúeme propos , je leur distribuai l'argent que j'anis
sur moL Dans JUan rapport sur les événemens de la
journée que j'adressai, un instant apres, a M. le
maréchal cInc de Raguse, je fis mentÍon de cette eil'-
constance. Il était alol'8 enviran trois henres apres-
midi, ('t n'ayant re<;u ancnn ore/re de l' état·ma jor de
la garde, je jugeai qne les commllnications n'étaient
pas libres, et je me remis en marche ponr les Tui-
leries.


A la sortie du faubourg Saint-Antoinc, ma colonnc
cssuya encore une fusillade assez "ive des memes
muisonsd'oú le feu avaitcommencé qlland j'étais entré
dans ce faubourg. Arrivésur la place de la Rastille, il
me fut rendll compte qu'on ne ponvait plus passer
sur les bonlevards, a cause (1('5 aba ttis d'arbr'c5 <:t d('~




( f?)
'o 2i.},)


harricades, et je me décidai á prendre la rue Saint-
Antoine; mais ceHe l'lte était fortement barricadée
et défendue par une fusillade tres-vive et meurtriere
partant des fenetl'es des maisons, et, mon infanterie
ayant usé ses cartouches, je me décidai a passer la
Seine au pontd'Austerlitz, ou je ne rencontrai qu'une
résistance légere , et j e me rendis, par les boulevards
nenfs, a l'esplanade des Invalides, oú, apres avoir
laissé reposer ma troupe, je I'e<,;us l'ordl'e, parlln
officier qui me fut adres sé par M.le duc de Ragnse,
de me rendl'e sur la place Louis XV, ou j'arri vai entre
dix et onze heures dU soir. Apres y avoir établi les
troupes sous mesordres,je me rendis al' état-major de
]a garde, rue de l1iyoli, ou je fis a l\1. le maréchal duc
de Raguse, le rapport verbal de tout ce que je viens
de dit'c.


Je retournai sur la place Lonis XV, et le 2gjuillet,
vers l~uit heures dn matin, un aide-de-camp de M. le
dne de Raguse m'apporta l'ordre de me diriger, avec
deux bataillons, un régiment de cavalerie et une
piece de callon, par l'allée des Veuyes et le quai de
Chaillot, sur la barriere desBons-Hommes,afin deré-
tablir, sur ce poil1t , les comm unications avec Saint-
Cloud. Je memisauss.itüt en marcheaveccestroupes,
et j'ens a renyerser qllelqncs barricades. Dermis la
sortie de l'aUée des Veuyes, jllSqll'it la barriere je fus
acceuilli par une fllsillade assez vive partant des hall-
tenrs dites da palais da roí deoRome, des roes de
Chail[ot et de derriere la barriere qui était fortement
barricadt>e, et fIne je fus forcé de faire c'I1loncer. Je




r: 244 )
suivis alors la grande routejusqu'a!'embranchement
quimimea Au.teuil;a cetembranchen:cnt,j'c1,lS encore
unebar.ricade.a clétruire , mais sans éprouver de résis-
tance. Je traversai Auteuilet je laissai reposer un in-
stant mes troupes dans le bois de Boulogne, cal' la
chaleur était excessive, et elles étaient épuisées de
fatigue et de besoin. Je me remis ensuite en marche
vers la barriere de l'Étoile, pour me rendre a París,
mais, avant d'y arriver, j'appris que les troupes se
retiraient de Paris, et M. le maréchal duc de Raguse,
queje rencontrai pres la barriere de l'Étoile, me donna
l'ordre de conduire rna colonn€ a Saint.Cloud, OU
j'arrivai dans l'apres-midi, et Otl. je l'établis an hivouae
dans la grande allée du pare qui longe la riviere et va
de Saint-Cloud a Sevres.


Dáns eette derniere marche militaire, eomme dan s
ceHe de la veille il fut tiré sur roa troupe beaucoup
de COUj;lS de fusil de l'intérieur des rnaisons et des
eneoignnres des rues; mais je !le vis jarnais clpvant
rooi, ni ama portée, aneun rassemblement auqnel
je pusse adresser une sommation , et la trou pe l'épon-
dait naturellement aux coups de fusil qui, a chaglle
instant, étaient dil'igés sur eat' de l'interieur des
maisons.


M. Nicolas-Charles-Louis-Stanislas-Marie, NO~IPimE,
vicomte DE CHAlIIPAGNY, áge de f¡oans) maréchal-
de-camp, anden sOlls-secrétaire d'Étlll au dépal'te-
ment de la guel'l'e, demeurallt ordinail'ement all
cháteau de Kanroux, commllne de Ploujan, arrono




" 2/,5 )
dissemelll de J[orla:x, el rnomentallemellt au eh el
teau de K en/ueL, en la commune de Pleurneur-
Bor!on, arrOltdisseT!Wnt de Lannion, départernent
des Cótes-du-Nord.


J'ai en connaissance des ordonnances du 25 juillet
par le ¡r]oniteur du 2.6. Je ne me doutais nullcment
de ce grave événement. Aucun ordre donné an mi-
nistere de la guerre n'avait pu me le faire Soupc;ollner
aucun monvement cxtraordinaire de trol1pes n'avait
eu lieu, el memc an momel1t 00 elles ont paru, il y
avait aux environs de Paris lI10ins de troup'es de la
garue que Je coulmnc. Deux régimen s de ce corps
d'élite avaient l~té envoyés en Normandie, p'on!' cal-
me!' les inquiétlldes de la population, et faciliter la
recherche des incendiaires. A ce deruier sujet, je
dois dire, paree qne le n'tpport d'accusation de la
Chambre des dépntés a Iaissé peser de vagues soup-
~ons sur le Gouvernement, a l' occasion des incendies,
que ,¡'ai sonvent été témoin de la sollicjtude de M. le
prince de Polignac ponr cherchel' les mOJens de les
faire cesser. La nomination de M. le dnc de Raguse
au eommandement supérieur de la I re division mi·
litaire avait e,u líen, je crois j 011, ponr parler plus
exactement, il en avait" été question avant les ordon·
nances, etM. de Poiignac m'cn avait parlp. Cette
mesure de prudenee me parut natu relle, dans un
moment 011 le général Coutard était obligé de s'ab-
senter, et oú, l'opinjon publique étant déja dans une
grande agitatioll, le Gonvernement pouvait craindre




( 246 )
des troubles a l'ouverture de la seSSlOll. Il est \Tui
encore que je fis expÉdier des ordres ponr le retonr
du régiment d'infanterie de la garde qui se trouvait
dans le Calvados; mais ce retour me paJ'ut uaturel :
les incendi€s se calmaient, et ce régiment aurait dli
prendre son service aupres dn roi des le 1 cr juillet.
Il était done juste de le rappeler, ¿'autant qll'on
le remplat;¡ait en meme tcms par un régiment de
ligne.


Le 27 juillet, je me rendis de bonne heure au mi-
llistere de la guerreo .Te m'y occupai toute la journée
de mes ·travaux habituels, et je Ile me souviens pas
avoir re<;:u , ce jour-la, aucun ordre relatif allX évé-
nemens.


Le 28, je partís pourSaint-Cloud, ou je devais etre
a sept heures du matin, heure a laquelle, une foís
par semaine, j'avais l'honneur de soumettre le travail
des nominations de la guerrc a M. le Danphin. A la
fin de ce travail, M. de Polignac, qui était chez le
Roi, me 6t dire de l'attclldl'e. Lorsqu'il sortait, il
m'annonc;a que l'ordonnance de mi.se en état de siége
de la ville de Paris venait d'etre signée, et iI me de-
manda de lui donner des renseignemens sur 'ce que
la législation a fixé relativement á l'état de siege, et
spécialement sur les Conseils de gllerre, qll'il pensait
devoir etre créés, d'apres la loi, aussitot que l'état de
siége cst déelaré. Craignant de ne pOLlvoir pas lui
donner avee assez d' exactitnde lf~s renseignemens de-
mandés, je le priai d'attendre mon retonr:m ll1inis-
tcrc de la gnerre. J'y rassembiai dans mon cabinet le




( 247 )
chef et le sous-chef du bureau de la j ustice militairc.
On rédigca une note qui contenait les renseigne-
mens demal1dés, et, lorsque je fus appelé aux Tui-
leries, je la présentai a M. dePolignac, qui me ehar-
gea de la remettre au due de Raguse. Je ne erois
point que eette note ait eu auenn résultat, . et je n'ai
pas entendll di re qll'llIl Conseil de guerre ait été
formé.


Le soir du ~8, je fis rédjger les ordres de mouvc-
ment ponr faire marcher sur Saint-Cloud les camps
de Lunéville et de Saint-Omer, et je les envoyai i.
M. de Polignae.


Le 29, au matin, les bauieades eommen<;ant a en-
vironncl' lc ministere de la gnerre, n'ayant plus
d'aillellrs que quelques employés autour de mOÍ, je
quittai mon cabinet ponr me rendre aux Thuileries,
que je ne quittai que lorsque les troupes se retire·
rent.


Voici les noms de- tous les autres témoÍns qui out
~té entendus, mais dont les dépositions n'offrent ríen
d'assez l'emarqnablc pour etre, des a présent rap-
portées: MM. Thornassy, juge d'instruction; Pédes-
cleaux, référcndaire aux sceaux de Franee; Laurisset,
chef oe l'imprimerie du 1J1oniteur; Thouret, COl11-
missaire de police; Leerosnier, chef de division a la
préfecture de police; Odieuvre, négociant; C;hatet,
lihl'ail'€; Poisson, sClTurier; Leroux) ancien inspec-




( ~~8 )
teur de travaux publics; Plougoulm, avocat; Mar-
chal, ancien officier de cavaleric; de Mazug; Durios;
Boniface; Alard; Courteille, anciens commissail'es de
policc; Hl1lot, comte d'Osery, lieutenant-général;
Renault, capitaine au 5ge de ligne; Delaporte, mar-
chand de nouveanté; Pilloy, joaillier; ChaLert de
Praille, capitaine d'artillerie; Chabrol,ex-préfct de
la Seine; Lange, commissairc de police; Féret, li-
braire; Arnous, sous-chef de la justice militaire;
Delangle, 1ibraire; Letonrneur, march:incl de I10U-
veautés; Alexandre Mesllif'l', libraire; de Montlevaut,
ancien préfet du Calvados; Henou de la Hl'llIle, ma-
réchal-de-camp; J uIie Bernard, veuve Hécamier; De-
france, lieutenant-général; Petit, ancien mail'c c/u 2'
arrondissement; Prunier-Quatr€mere, commissairc
de police; Boin, portier du ministere de l'instruction
publique; Perrusset, négociant; Recodere, maire de
Gentilly; Becqnel'el, directeur de Bicetre; Moutan,
comte de Lobau, député; de T1omelín, lieutenant-
général; Brierc. librairc; Dllbois, sDus-intendant-mi-
litaire; bal'on de Saint-Joseph, colonel et sous-aide-
major de la garde'; Jauge, hanquier; Galletoll, an-
ciencommissaire de police; Esnouf, dépllté; de Bric-
queville ~ député; Ducastel, marchandd'éponges;
Barbé, propriétaire; Carpentíer, avocat stagíail'e; ele
Puybusque, capitaine d'état-major j Dllplall, avocat;
Mercier, député; Dequevauvillers, avocat, lieutenant-
colonel de la lOe légion; de Tryon, colonel d'état-
major; Delorme, premier président d~ la cour de




( 24:) )
Caen; Lecomte, aucien avoué a Joigny; vicomte
de Virieu, colonel et sous-aide-major de la ci-devant
garde royaJe; de Saint-Germain, ex-lieutenant-colonel
au 3° régiment d'lnfanterie de l'ex-garde; de Blair,
capitaine an 3° régiment de l'ex-garde; Delaunay,
officier t'll demi-solde.




COUR DES P AIRS.


S.ÉANCE DU 29 NOVE!\fBRE 1830.


}lapport fait ti la Cour par J/ll. le comte DI': BAS'f AR D ,
l'un des commissaires (1) chargé de l'instruction
du Pro ces des lfIínistres accusés par la Chambrc
des Députés.


PREMIERE PARTlE.


MESSIEURS,


C'est au milieu des plus grands événelllells dout
l'histolre puisse jamais conserver le souvenir, que la
Chambre des Députés, usant de l'un de ses premiers
droits, traduit devant la Chambre des Pairs les con-
seillers de la couronne.


Héritierc des plus nobles souveuirs, et partici-
pant a tOtItes les gloires de la patrie, la Chambre des
Pairs exerce aujourd'hui en France cctte magistra-
ture politique dont toutes les nations out compris
la nécessité. Dans tous les tems et chez tous les
peuples il exista de grands corps auxquels il appar-


(1) Les commiss~ires élhielit ~.l:\f. le baron Pa~r¡uier, présidcnt; le
comtc de B¡dard: le comlc d{/ POIl[rcoulalll ct le Ddron ~"¡¡ll¡"r,




( 251 )


tint d'influer puissammellt sur la législa~ion, et d'as-
surer dans toute son étendue le libre cours du droit
de justice, ce premier beso in des peuples et des
rois.


Permanent dans l';mcien sénat de llome, plus mo-
hile et non moins absolue dans le tribunal des Am-
phictyons, aussi élevée dans la pairie de la Grande-
Bretagne que dan s l'antique Cour des Pairs de Franee,
eette double puissance se retro uve partout , toujours
également supérieure, également respectée. A toutes
les époques, les législateUl's out reconnu que eette
réunion de pouvoirs dans IIn Il1erne corps, donnerait
seule a la société, assurerait aux accusés, ponr ces
grandes causes qui n'apparaisseut que de siecles en
siecles, et auxquelles semblent lié es les destinées des
nations , toutes les garanties de lumieres, de puis-
sance, de force, de courage dont la jllstice alors sent
plus vivement le hesoin.


La Chambre des Paír:> de France, par }' élévatiou
de son rang dans la hiérarchie des pouvoirs, par l'in-
dépendance que luí assure la stabilité de son exis-
ten ce , par le nombre meme de ses membres, par
l'habitude et la nécessité ou elle se trouve de s'occu-
per, chaque aIlnée, des plus grands intérets du pays,
la Chambl'e des Pairs pOllvait seule composer le tri-
b unal supreme de la Franee; seule, par son earactere
politique et judieiaire, elle pouvait Ct)llsütuer eette
magistrature J'un ordre supéricur, eapable de eom-
prendre) de jllgel" les gl'ands proccs, et de rassurel'
á la fois le pays et le~ aceusés. Seule, elle a vait le




( ~5:1 )
pOllvoir et le- droit de -s'affranehil' des prescriptions
étroites de la loi éerite, et de n'écouter que les regles
éternelles de l' équité et de la raison; de ne laÍsser
aueun erime impuni, et d'infliger á chaque crime la
peine qni luí était justement acquise; de résisfer aux
exigenees de l'autorité et a l'entrainement des par-
tis, de ne voir enfin que le bien de la patrie, que
les intérets de la justice a laquelle les nations n'ont
jamais manqué impunément. Tel est, Messieurs, cluns
le present et aans l'avenir de la Frunce, le role au-
guste de la Cour des Pairs, teIle est aujourd'hui sa
mission. La Cour des Pairs y sera ficlele, et ehacun
de ses membres saura se placer a la hallteu!' de ses
fonctions. Mais, plus les fonctions sont graves, plus
les obligations en sont rigoureuses, plus la conscLence
de l'homme de bien a besoin d'etre fortifiéc par le
sentiment du ucvoil'. Il reeherche alors la vérité avec
une arcleur nOllvelle; iI sent la nécessité de tout con-
l~aitre , les pensées les plus secretes, les motifs les
plus cachés, les hésitations les plus légeres , il dP-
sire tout apprécier; il voudrait pénétrel' dans les
ames, lire dans toutes les conseiences. et acquérir
ainsi des grandes qllestions que, eorome juge et
comme horome potitique, iI est appelé a décider,
lIne connajssanee si intime, qu'il ne puisse jamais
etre exposé a un remords OH a un regl'et.


Qnels qu'aient été les efforts de la cÜl1lluission,
notre travail ne pOUi'l'a que bien imparfaitement at-
teindrc ce but si désirable. Du müins, !lons n'avons
ri<.>n llégligé pour y arrive¡> et obtrnir les lumieres




( 253 )
que l'instruction pOllvait non S offri!'. N01.1S allons
vous faire cOl1naitre le résllltat de l'examen auquel
nous nous sommes livrés, -et vous faire part des ré-
flexions que BOUS ont inspirées. chacllne des ques-
tions qui vous se!'ont soumises.


Déja plusieurs fois, sous l'administration qui avait
précédé ceHe du prince de Polignac, on avait su que
des tentatives avaient été faÍtes ponr le por ter a la
tete des affaÍres. Ces projets eurent enfin leu!' accorn-
plissement ; et cette .dministration , a la loyauté de
laquelle nous devons le complet affranchissement de
la pl'esse, et la vérité dans les élections, fnt rempla.
cée le 8 aout 1829.


Chacun de vous, Messieurs, se rappelle la doulou.
reuse impression que la France entiel'e éprouva a ce
changement, et avec quelle inquiétude pour SOn ave-
nir elle apprit le choix des premiers conseillers de
la couronne.


Quelle part le chef avoué du nouv~au cabinet prit-
ii a sa formation? M. de Polignac affirme qn'éloigné
depuis longtems du sol de la France, relevant a peine
d'une maladie tres-grave, il resta étranger a la com-
position prcmiere du conseil, et se borna a demaH-
der qu'on lui arljoignlt pour colleguesNI. de Montbel
et M. de Courvoisier.


Nous devons , Messieurs, le dil'e des a présent, le
choix du dernier de ces rriÍnistres, non moins que
celui de M. le eomle de Chabrol , la;ssai t cntrevoir
que ce conseil, formé sous des auspices si inquiétans
ponr la Franee , rencontl't'rait des ses premiers pa5,




( 254 )
un obstacle a toute résolution violente. AussÍ ne put~
iI convenir d'un symbole qui liat la conscience poli-
tique de tous ses membres. Il se divisa bientot , et a
la retraite du comte de la Bouruonnaye ,le prince
de Polignac devint présiuent du conseil. Maís quels
avaient été, dans eette premiere période de son
existence, les plalls du ministere? Avait·on ues-Iors
con<,;n le dessein de porter atteinte a nos franchises,
et l'exécution n'en fut-elle ajournée que par l'oppo-
sition éclairée de quelques mt»nbres du conseil qui
repoussaient un pareil attcntat? Rien dans les pieces
du proces n'autorise a admettre cette supposition.


Vers cette époque, le com te de G uernon-Ranville
fut chargé du portefeuille de l'instruction puJ)lique,
il crut devoir, avant de .l'accepter, ainsi qu'il le dé-
cIare, (aire connaltre a M. de Polignac que la Charle,
nous rappelons ici ses propres expressions, etait
son éIJangile politique; que sa raison comme ses sen-
timen s se liaÍent aux doctrines constitutionnelles , a
la conservation desqueHes était désormais atta~hé le
salut de la France.. Cette profession de foi ne fut
pointun obstacle a son entréc aux aff~¡jres.


Ccpendant les journaux que l'on supposait dé-
yonés au ministere et plus spécialement au prési-
dent du conseil, réclamaient hautement les mesures
les plus violentes, et s'efforcaient d'entnlner le gon-
vernement dans la voie périUeuse des coups d'état;
et si ces journaux n'étaient pas les organes du mi-
llistel'e tout entier, ils l'étaient an 1110ins da partí
aUf[llel ~tait censée appartenil' la frartion la plus jlt-




( :l55 )
Huente Ju cahinet. AllSsi ne faisait-on nen pon/'
montrer qu'on reponssait ces insinuations crimi.
neHes, et avec raison la France entiere devait croire
que ron avait adopté les projds les plus subversifs
de l' ordre établi.


Si ces plans ne furent pas discutés au conseil , iIs
occllperent tellement les esprits, OIl les annonc,a
d'une maniere si positive, que M. de Guernon-Ran-
ville crut devoir les combattre dans un écrit rédigé
d'abord pour s'éclairer lui-meme , et dont vers le 15
décembre il donna communication a 1\1. de Polignac.
Il y montrait le danger des coups d'état pour fe pou-
voir lui-meme, leur criminaJité, et combien, en
meme tems qlI'ils ébranlaient les tranes loin de les
soutenir , ils étaient contraires a la morale éternelle
dont les regles doivcnt également diriger les peuples
et les rois. Nous croyons devoir vous faire connaltl'e
les passages les plus remarquables de ce mémoire
écrit en entier de la main de M. de Guernon-Ranvillc.


« A la veílle d'une lutte aussi inégale, y cst-il dit,
JJ plusieurs partis peuveut etre pris, mais celui que
J) l'opposition croit ctre clan s les vues du ministerc
») et qlle font presselltir l(?s bruits répandus a des-
» sein d'un projet de coup d'état, celui enfin auquel
» quelques roya listes imprudens voudraient poussel'
» le gouvernement, consisterait a dissoudre la Cham-
» bre et a en convoquer une nouvelle, apres avoir
») modifié par ordonnance la loi électorale et sus-
» pendnla liberté de la prcsse en ri:tahlissant la cen-
Jl Sl1},(~.




( :..56 )
, .


j) Je ne sais si cette marche sauverait la monarchie,
) mais ce serait un coup d'état de la plus extreme
)) violence; ce serait la violation la plus manifeste
» de l'article 35 de la Charte, ce serait la violation
» de la foi jurée; un tel partí ne peut convenir ni
» nu roí ni a des ministres consciencieux.


)) D'uJl autre coté, une telle mesure ne serait pas
» snffi~.;amment motivée. Les journaux libéraux, il
» est vl'ai , nous menacent d'une opposition fort hos-
» tile; mais ces ]ournuux ne sont pas les organes
» avonés de la Chambre. D'autres Hons excitent a ces
» moyens extremes, en nons présentant la révolu-
» tíon comme pn1te a tout envahir, sí nOllS ne JlOlIS
» h:hons de l'enchainer : le dan gel' ne me para!t pus
II anssi imminent, et j'ai peu de confiance dans les
)} hommes d'état sans rnission. Un jour peut-etre
)) ceux qui poussent le plus vivement a ces actes d'ex-
» cessi ve riguel,lr, se joindraient a nos ennemis ponr
)) nons en demander compte, si le succes ne répon-
» dait pus a lenr attente, et nons reprocher d'avoir
» cédé a de vaines terrelu's, an lieu d'attenure que
» eette Chambre, présumée si v.iolente, se soit maní·
» festée par ses actes.


» Les partisans des coup~ d'état pensent que la me-
» sure indiquée n'exciterait aucun soulevement dan-
» gCI'cnx. Le peuple, disent-ils, IH' s'occupe ·pas de
» nos débatspolitiqncs; les masses restent calmes an
') milien de i'agitation des partis, qui, au fait, ne
» touchent en rien aux intérets matériels', et des
)) acte~ {le viguenI' leuI' plairaient d'autant plus, qu'en




'1. 57 )
}' montrant de la [(H'ce, ils hllmilieraient quelques
» sommités peu populaires. La classe moyenne sellle
» s'agitel'ait; mais, sans applli, elle ne pourrait ex-
» cite!' uu mouvement de nature a compromettrc la
lJ SéClll'ité du gOllvel'nement.


»Je reconnais qu'cn ce moment les masses sont
j) calmes et ne prennent aucune part active anx dé.
) bats politiques. Mais que fauclrait-il pOllr les ébran-
)' ler? Et peat-on raisonnablement affirmer (IllC la
» classe moyenne qui tOllche par mille points a la
n masse ne ppurrait au besoill soulevcr \lne tempete
» dont le plus hardi n 'oserait pl'évoir l'issue?


)l Au !'(':jtc, Illle n"ponse péremptoire , selrm moi,
» a tons ces raiSOllllcmens plus OH moins fondés en
II fait, c'est, comme je raí déja dit , que les mesures
» dont il s'agit scraicnt contrail'es a la Charte. 01', on
» ne viole jamais les loi5 impunément, et le gOllver-
» nement, assez fOl't pon!' se rnettre un moment au-
» dessus de la loi fondamelltale, s'il obtient un SllC-
» ces passager, compromet, pOIlf' un tems plus 011
) moÍns élüigné ses plus précieux intérets. A eeHe
)) r¿'ponse, que jUDtifieraient assez les intérets mnté-
) rieIs, ajoutons Ilne considération determinant" : le
») Roi a juré d'observer fidelcmcnt la Charte; noos
» avons tous f<lit le meme senneut; qn'cllf' soit a ja-
)) mais pour nons l'arche sainte. CeHe regle, qt·i
» seule est conforme a la morale, est ~wssi la plns
)) sure.)


A ce Mémoire, dont la iectlll'e vons fait épronver,
Messiellrs) JJOIl!i n'en &Hltons pAS, sur le sort actlJ(,j
I~ ,




( 2:)1; )
dp celui qui l'écrivit, un sentimcllt penible d'éton-
nement, M. de Polignac parait avoir répondu a M. de
Guernon Ranville qu'il partageait ses opinions, et
que, comme lui , il repollssait toute idée de mesures
arbitl'aires, tout projet de coup d'état.
J~es Chambres furent convoquées pOUI' le 13 mars


1830. Le pOllvoir est plein d'illnsions, et cependant
on a peine a comprendre comment le ministere put
se f1atter un moment qll'il aUait obtenir une majo-
rité favorable, et si cet avcuglement s'explique pour
le président du canseil,. reten u si'longtems loin des
débats parlementaires, comment ses collegues ne
lui montrerent-ils pas les obstades sans nombre dont
sa ronte était semée? Leurs voix auraient-elles des-
10rs été méconnues? Avait-il déjil dans le conseil
cette prépondérance dont nous aurons plus tard a
vous faire connaitre l'existence et les effets? Quoi
qu'il en soit, les craintes de tons cenx qlli connais-
SaiAGt la véritable situation de la France ne tarderent
pas a se réaliser. En vain la Chambre, dans u'Íle
adresse , modele a la fois de respect et de loyanté,
vint-elle déposer an pied du trone les asslII'ances de
sa fidélité pou!' la personlle du Roí, et les justes ap-
préhensioIls que lui donnaient les conseilleurs de la
couronne; la couronne fnt sourde a cet avertisse-
ment, renfermé cependant dans les justes limites dn
droit constítutionnel. La Chambre fnt ajournée : cha-
cun en prévit la prochaine dissolution.


lei, Messieurs, combien eut~on líen de s'étonnc¡'
davautage de l'illusion des ~inistl'es, de ceux dn




( 259 )
moius qui auoptel'ent eette résolution si impolitique,
et que repoussaient les V(l~UX de la natíon! De ce
jour furent prévues et auuoncées ces mesures arbi-
traires, inconstitutionnelles, ces coups d'état en fin
qni donnaient l'espérance a des conseillers, désor-
majs aveuglés sans retour, de dompter notre résis-
tance et de nons faire subir le joug des volontés mi-
nistériclles.


Comment avait-oll pu fel'mer les yeux aux consé-
ql1enccs inévitables d'une dissolution réprouvée par
les citoyens dont il fallait pourtant rédamer les sllf-
frages?


Fatigues d'une Intte inutile, et dan s Iaquelle ils
avaient en vajn orposé la sagesse de leurs conseils
et la fermeté de leur refus, MM. de Chabrol et de
Courvoisier exprimerent le désir de se retirer, et
fnrent remplacés par MM. de Peyronnet et Chante-
lauze. M, Carelle fut a la meme éroque appelé dans
le conseil.


Lorsque M. de ChabroI et M. de Courvoisier quit-
terent le ministel'e, iI yavait déja deux moisque la
Normandie était ravagée par des incendies que l'on
ne penvait arrther, et dont presque tous les auteurs
se dérobaient aux recherches de la justiee. Nous
n'interromprons pas notre rarport pour vous p<lr-
ler de ces incendies et du caraetere qu'ils présentcnt.
Ces faits d'incendie, qui ne font paint partie dp
l'accusation, mais que la rumellr populaire a "ouIu
y rattaeher, seront I'objet d'Ull examen spéeialdans
la seconde partie de notre travail. Maintenant il suf-




tit de savoit' que llOllS n'aVOllS riell découvel't qui
puisse autoriser la snpposition qn'aucun des minis-
tres accusés elevant vous ait pris part au plan infet'-
nal qui aurait pu exister, de livrer aux flammes une
province de la Franee.


Les lois dn pays étaient encore respectóes. ] I en
était tems encore, on pouvait s'arrther sur le bord
de l'abime dont, malgré soi, on devait mcsurer toute
la profondcur. Aussi, avantd'entrer clans celte route
dangereuse de gouverncr par ordonnance, avant
meme peut-etre de s'etre avoué qn'on ne reculerait
pas elevant la vi01ation eles plus saints engagemens,
on essaya d'obtcllir des députt;s Jociles á toutes les
exigences du Gouvernemr-nt. Hien ne serait com-
mode, en effet, ponr le pouvoir, comme une
chambre flexible et corrompnc, qui lui livrerait
san s combat les trésors et les libertés des peuples.
Aussi, lorsqu'oIl rcchercheles motifs reels qlli firent


, recomposer l'Administration al! moment mell1e 011
les élections allaient ti'asse;nblel' , on ne peut en Jé-
couvrir d'autre que le hllt et l'espérance d'agi,'
puissamment sur les élections. Depuis longterns,
le comte de Peyronnet était signalé comme un
homme capable autant que résoln, ct qui marche-
rait d'un pas fcrme au but qu'il se serait proposé
d'atteindre. Ses talen s de t~ibllne le rendaient un
auxiliáire précieux. M. CapeUe passait pour avoir
souvent exercé une active influence sur les élec-
tions. M. Chantelauze, plus étranger jusque-la aux
grandes mesures politiques, semhla aussi, par son




26r)
habitllde d~ la parok, pottvoir thl'e d'un ntile se-
cours. Ce motif aur'ait déterminé son entrée au
conseil. Proposé HU Roi, des le mois d'aoUt précé-
dent, pOUI' le ministere de l'instruetion publique,
II avait refusé. Des-lors, il apercevait sans doutc
tO\1S les c1angers de ]a marche qu'OTl allait suivre.
Ces dangers s'étaient accrus; il résista longtcms
aux illstances dll Dauphin, aux pressantes sollicita-
tions du Roi, et fut cntrainé ma]gl'l~ lui au milieu
des hOllueurs et des ablmes.


Ríen He peint mieux l(~s comlJats qli'il ent a sou-
tellir <JIIC la leuJ'cqu'¡l adre:-:sa ason fÍ'(~l'e le tB mai,
vcille de SOll eJl tréc au consejl, apres avoir re~u les
derniers ol'dres du Roj. Qnolquevous la connaissiez,
Messieurs, nons pensons qu"l est ntile de la remettre
sous vos yel1x.


« NOllS avons l'un envers l'autl'c gardé un long
)) silence; jc vieus le rompre le premier, cal' je ne
» vcnx pas qne tu apprennes par le /1luniíeur ct avec
) le ]Hlblic l'événcmcnt le pllls important, et jc erois
» le plus lllulhClIl'Cl1X de ma "le; c'est ma nomina-
l) 1ioll comme gurdp-des-sce:wx. Voila di, mois que
)) j'oppose une rósistunce soutenue a mon entrée au
)) conscil. On ne me laisse plus aujol1rd'hl1i mon
J) libre arbitre, et les ol'clres qni me sont clonnés ne
)) me permettent plus que l'obéissance; je me rési-
)J gne a ce role de victime . .Yeille sur les élections,
» cal' y échouer serait malntenant ponr moi· une
» chose hontellse.


Le ministere, recompOst' pOlll' la troisieme foís




( 262 )


dans l'espaee de Illoins d'llne anllée, lI'ent alors
qu'une seule pensée, ceHe d' obtenir une chambre ~
dont la funeste mission devait etre ele détruire la li-
berté de la presse, et de changer la loi des élections.
Il serait injuste san s doute de dénier a la Couronue
une part de légitime inflllcnce sur les élections; mais
dans ce combat dcs opinions, on ne doit employer
que des armes Joyales, et les moycns de triomphe
doivent etre honorables et purs.


La ILltte entre la France et le ministere était mal-
heureusement tropvive pour que, dans cette cir-
constance, on pút espérer qu'il He dlipassat pas les
limites que lui assignaicnt la raison et la moraIe pu-
blique. Chaque ministre s'efforp d'exercer sur ses
subordonnés cctte violence mordc a laquelle il est
si diffieile que résiste un inférieur a qui l'on ne tient
compte ni de ses avis les plus sages, ni de ses résis-
tance'> les plus légitimes. Les prom es ses et les me-
naces, les refus et les faveurs, furent trop SOlolvent
mis en usage pour gagner des suffnlges, ponr écar-
ter des élec!:ions les citoyens les plus déyoués a la
monarchie, mais que la marche da mi!listere ayait
forcés a se séparel' de lui. La religion elle-llleme,
arrachée a son ministere de paix, fut appelée au
secours d'un intéret qlli n'était pas le sien. On sol-
licita bien moins les prieres des pontifes que leur
appui politique On ne craignit pas enfin de faire des-
cendre le monarque lui-meme de eette région élevée
Ol'J la royauté est a l'abri des orages, et de lui fain~
engager un combat p<'J'SOlllld avec chaque éleetcllL




( 263 )
La prodarnatioll quí fut faite a eette oecasioll, et


tpti mOlltl'e combien peu le prínce et ses conseillers
avaient compris le gouvernement de la Charte, fut
contresignéc par M. de Polignac. Livré aux plus chi-
mériqucs illusions, le ministere se croyait sur de la
majorité; il n'était pas jusqn'au courage de uos sol-
dats slIr lequel il n'eut appuyé ses espérances. Il se
f1attait que le succes de nos armes en Afrique vi en-
drait aider a son triomphe. Au jour des élections, la
liberté, le sccret des suffrages lui-meme ne fut pas
toujol1rs respecté, et la loi qui I'ordonnait fut el!
plusicurs Iieux impllissante ou méconnne.


Ccpcndant, de toutes parts les citoyens menac(:s
dan s lenrs plus chers Ílltérets s'étaient unis pomo les
déftmdre et repousser avec les armes de la loi, les
agressions d'un pouvoir qui semblait redouter ce
{IU'il y avait d'indépeudant, de noble et de généreux
dans le pays. Malgré tous les efforts du milJistere,
les élections assurerent une majorité COIlstitlltion-
nelIe; et la FraIlce, d'accord avec la chambre qu'on
vcnaÍt de remplacer, proclama par ses choix que
l'Administratioll ~tait en désacord avee le pays. Tou-
tefois les électÍons avaient été troublées dans quel.
ques départemens, llotamment a Montauban, ou la
sureté des électeurs eonstitutionllels avait élé com-
pl'omise. lJes ministres, interpellés sur eette époque
si jmportante de lenr Administration¡ ont l'epous~é
eette partie de l'aeeusation et ont illYoquó en len!'
faveur la eonduite qu'ils avaiellt tenue lors des troll-
bl('s de Fig-e<!c et d(· 1\'IlJutauball. Il pa!'aitrait que,




( :l64 )
claus cette derniel'e ville, l'autol'ité adrninistrativc
s'opposait aux POlll'sltites qlli devaiellt etl'e dil'igées
contre les agitateurs, C'est alors qu'en approbation
des mesures qu'avait ordonnées le p\'ocurellr-général
de Toulouse, le garde-des-sceaux écrivit de sa maín
la lettre suivante, dont iI est juste de vous donner
connaissance.


Pari:;, 1 j uiHet J 830.
« Monsieur le procureur-général,je ne puís qu'ap-


)) prouver les observations contenues dans votre
» lettre dn 28 juin dernier an sujet des troubles qui
») ont éc1até a Montauban. Il est dangercux d'habi-
» tuer le pellple a s'assembler et a commettl'e des
») actes de désordre, quelle que soit d'ailleurs la cause
)) de ce mouvement. Les considérations que fait va-
Jt loir l'autorité administrative ne sont pas de naturc
lo) a arreter le cours de la justice. Je vous engage en
» conséquence a prescrire sans retard des poursuites
» conll'e les auteurs des ex ces qui out en lieu ;\ la
» suite de l'élection de M. Preissac.


)) Recevez, etc ».
:LVI. de P.eyronnet a déclaré qu'il avait écrit dans le


meme sens, et a meme invoqué une apostille de sa
main sur une lettre qui devait se trouver au minis-
tere de l'intérieur, mais que toutes les recherches
n'ont pu faire découvrir.


Cependant le jugement solennel que le pays venait
de rendre, irrita, sans les convaincre, les dépositaires
du pouvoir. lis voulurent a tout prix conserver une




autorité qu'ils se trollvaient dignes d'exer'cer. Copi-
nion publique si vi vement ma nifestée. les conseils
les plus nobles et les plus désintéressés, tout fut mé-
connll, el L\dministration résolut de se roidir contre
cette éclatante et uuanime réprobation. Le rOl Char-
les X, cJ'oyant encore inhérentes a sa couronnc les
prérogati\es désormais incompatibles avec la Charte,
et que depuis longtcms la raison publique ne re-
cOI1i1aissait plus, aurait-il poussé son ministere clans
cette voie périlleuse? Lui-meme fut-il entrainé par
de funestes cOllseils :) 11 est diffióle de pénétrer ce
mystere.


On pOlll'l'ait incliner veJ's la premiere supposition
en s'aUachant a une derniere déclaration du prince
de Polignac, dans laquelle il affirme qu'il a vait plu-
sieurs fois offert au Boi sa démission, et notamment
quinze jours avant la signatnre des ordonnanees,
époque a laquelle il l'aurait supplié, si sa retraite
absolne n' était pas acceptée, de le rem placer du moins
dans la présidence du eons(~i/.


Quoi qu'íl en soit, s'j! hut en croire les aecllsés,
personne, avant les premiers jours de juillet oú l'on
se trouvait alol's, n'avait songé a sortir de la Charte
et a substituer a l'autorité des lois ceHe des ordon-
nances. Mais en présence d'nne ~hambre si peu favo-
rable, si pénétrée de ses devoirs et de ses dmits;
determiné qn'on' était a ne pas eéder et a mépriser
eette nnanimité de vreux et de sentimens qu'on se
plaisait a représenter comme faetieux et ennemis, il
fallait bien arreter un plan de conduite, et se tracer




la l'Uute danslaquclle on voulait entrer. Des opinions
divcrses se produisirent alors dans le conseil; on y
développa del1x systernes opposés : on y pro posa ,
d'une part, de se présenter devant"les chambres, de
n'y por ter que les loís d'une absolue nécessité, et de
ne se livrer qu'i,t la discussion du budjet. Le I'espect
pour la Charte, f(mdement de tous les dl'Oits, pOllí'
la Charte, si sonvent, si solennellement jurée, était
la base de ce systerne, que soutenait fortement M. de
Guemon, dont vous connaissez déja les sentimens.
n fut apPlIyé dans son opinion par le cornte de Pey-
ronnet, qui trollvait égalemellt que la politique et
la morale commanuaient ce rcspect, et que rien dans
la situation du pays ne légitimait la violation du
pacte fondamental. D'autre part, on voulait i.l.l'instant
rneme entrer dans une voie de réformation ou lf~
lróne retrouverait toutes les prél'ogatives dont on
prétendait qu'il était injustement dépouillé.


Personue dans le conseil, nons ont dit tous les mi-
nistres accllsés, n'élevait de doute sur l'étenJue des
droits que tronvait la COlJl'onue dans larticle 14 ele
la Charte, ponr modifier) par ordonnanccs, les lois
du pay s, lorsque leur conservation comprornettrait la
constitution meme de I'État, la paix publique et la
stabilité dn treme. Chacun trouvait done la mesure
légitime et légale, si ron en prouvait la néeessité, et
si ron démontrait que, sans elle, le Hoi lle pouvait
conserver ses prérogatives , unique garantie des fran-
chises et des libertésdu peuple. La lI('cessité de eeHe
grande mesure aUl'ait done sellic été mise en disclIs-




sion, et non le droit qu'avait le R.oi de la prendl'e
quand le besoin en scrait consciencieusement établi.
Tout le conseil s'accol'dait a le lui reconnaitre.


Depuis quinze ans, l'article 14 de la Charte et son
intel'prétation ant été plusieurs fois l'objet d'une vive
polémique; mais faut-il de grands efforts pour re·
connaitre que, si le prince a le droit de changer a
son gré les lois les plus solennelles et les plus impor-
tantes, d'cn dénaturer l'esprit, d'en détruire le sys-
teme, de se rendre l'arbitre unique de ces change-
mens, et de décider enfin qu'il peut tenir on violer
ses sermens, alol's les garanties el les instittltions ne
sont plus qu'uuedérision; une loi fondamentale n'est
plus qu'un vain mot! et si les peuples penvent en-
core, ponr un tems, etre heureux, du moins ils ne
sont plus libres; et le bonheur sans la liberté ne peut
etre durable. NOllS n'en dirons pas davantage, Mes-
sieurs, sur l'articIe 14, présenté comme excuse d'une
grande violation de nos droits; ce n'est qn'aux dé-
bats, et lors du jugement, que ron pourra entl'er
dans l' examen de son se~lS naturel, et des moyens de
défensc qu'il poul:rait présenter aux accusés.


Les premieres discllssions sur l'opportunité des
fatales ordOlmances euren t lieu vel's le 10 OH 1:2 de
jllillet. Déjit, depuis trois jours , lc ministre de l'inté-
rieur avait fait signer l'original de la lcttre close qui
cOIlvoquait les membres des chambres pour le 3
aoút. Ces lettn~s furent expédiées par les bureaux,
et, par /lIle ci l'COnstallce cxtraordinaire, Ieul' cllvoi
coillcida a vec la pu blicutioll des ordonnances; iI est




( 268 )
des députés qui ne les out re<;:ues qu'avcc le 1I1ané-
teul' ou ces ordonnances se trouvaicllt contenues.
Cet euvoi a-t-il el! he;; ponr cOHvrir le plan I'écem-
mellt concerté entre les ministres? rien ll'alltorise
á l'affirmer. Ce plan avait été de nOtlveau débattu
dcyant le Hoi, et M. de Guernon dit avoir encore
dt':fendu, llevant lui, l'opillion qu'i1 avait précédem-
mellt soutcllue. On s'élait bOrIlé, dans les premiers
momens, ainsi que nons l'avons déja dii, a discuter,
d' une maniere générale, quel serait le systeme que
l'on suivrait. Une {ois [¡rreté, la rédaction des ordon-
nances sui vit imrnédiatement. JI semblerait rnhne que
les ordonnances étaient prépa!'(;es avallt que toutes
les résistances eussent été vainclles, et la rétic~llee,
pIutot que les aveux des accllst':s, vient a l'applli de
l'opinion, assez généralement établie, qn'nne vio-
lence inorale, de Ilatl1re a faire UIle forte imprcssion
sur des hommcs qu'égarait un fal1x sentiment d'hon-
neur, triompha. des dernieres oppositions. eette
grande mesure, qui devait bouleverser le pays, oe
parait pasavoir occupé le conseil plus de trois séances,


L'ordonnance relative au nouveau s)'stéme élec-
toral; eeHe qui suspendait la libertó de la presse pé-
riodique, et le rapport qui les motivait, furent con-
tresignés par tous les ministres présens a Paris le
dimanche 25 juillet. Les deux ordonnanceo, portant
dissolution de la chambre etconvocation desnouveaux
colléges et de la chambre nouvelle, le furent égale-
ment le meme jour par M. de Peyronnet senl. Le soir,
ell('s furcnt remiscs au rédacteur du jJ.fo/litell/', qui




:: 'lGg
ne pllt 5' empechcl' de ,'cm:lI'quer, en les ,'ecevant, la
profonde émotion de M. l\Iontbel et M. Chantelauze.


L'ordonnance relative an nouveau systeme élec-
toral parait a voir été rédigée par' M. de Peyronnet,
M. Chantelauze aurait rédigé l'ordonuallce qlli SllS'
pend la liberté de la presse, et le rapport qni pré-
cede foutes ces ordonnances; ce rapport, spécia-
lement destiné a combattre la presse périodique,
s'occupait a peine des élections.


Les accusés se reconnaissent al1tcurs des ordon-
nances qui portent leurs signatuJ'(~s; mais ils repons-
sent llnanimement I'accusation d'avoir antérieure-
ment et deplI is longtel11s formé le complot de détrnire
nos institutions et de changer la forme de notre
gouvernement. Pleins d'espérance, disent-ils, que
les ,élections lenrs seraient favorables, ce n'est pas
au milieu des illusions dont ils se ben;aient qu'ils
auraient pu songer a briser l'instrument a l'aide du-
quel ils espér'aient affermir l'autorité royale . .1\1. de
Polignac a dédaré que, loill d'avoir conspiré á fa-
vance la destruction de nos libertés, depllis long-
tems, et dans le séjour prolongé qn'il avait fait en
Angleterre, iI s'était occupé ú recueillir des notes
étendues sur ceHes Jes institutions de ce pcuple que
l'on ponrrait natllraliser en France, et que' son V~1l
le plus ardent avait toujours été de nOl1S va ir jouir
des memes franchises dont le peuple anglais se
montre si jaloux et si fiel'. Avant le JO juillet, il avait
espéré marcher avec la Chambre et s'entendre avec
~lle. Il elltrevoyait df's difficnltés, il prévoyait




( 27° )
des embarras, mais ces difficultés, ces embarras
oe luí paraissaient pas insurmontables. Ces asser~
tions ne seront~elles pas affaiblies par la derniere
partic ele la déposition da marquis de Sémonville.
On y voit, en effet, M. ele Polignac se plaindre, le
jendi 29, que la certitude ou iI était que la Chambre
des P:lirs refuserait son concours a tont projet dont
la légalité ne serait pas démontrée, l'eút forcé de
s'engagcr dalls ]a voie extreme et périllense oú il
succombait. En lisant eette dépositioll, il sera sans
doute difficile de se refuser a penser que depuis
longtems M. de Po1ignac ne se fUt pas oceupé el'un
plan de modifieation ou plutot d'llll changemellt
dans nos loís fondamentales.


Comme M. de Polignac, M. de Guernon a r~oussé
l'accusation d'avoir, antérieurement a la signature
des ol'donnances de juillet, con<;u aucune idée de
modification arbitraire aux lois du royaume. Il a in~
voqué tous les discours que eomme magistrat iI a eu
occasion de pronoIlcer, et tous renferment, nous
a~t~il dit, la meme pl'ofession de foi, les memes prin-
cipes que l'on retrouve dalls le mémoire dll ; 5 dé-
cembre précédemment cité.


Pour prouver son attachement aux príncipes con-
stitutionels, M. Chantelauze en appelle aussi a ses
disconrs eomme magistrat et comme député, et
plus spécialement au rapport dont iI fut chargé sur
la question éminemment constitutionnelle de la réé-
lection des eléputés promus a des emplois publics :
faisant remarquer que si une eXlwession d'une de


,




( 27 1 )
~es opinions improvisées dans la Chambre des Dé-
putés a pu preter quelqne fondement a l'aeeusalion
dont il est l'objet, tout le monde sait que des le len-
demain du jonr oú ee discours fut prononeé, il dé- .-
sayona pllbliquement, et par lavoie des journaux,
l'interprétation eriminelle qu'on lui avait donnée.
Enfin M. de Peyronnet, dont l'opposition au systcme
des ordonnanees est signalée par la déclaration d'une
partie de~ ac.cusés, invoq ne ce témoignage ponr éta-
bl}r qu'il n'avait pu former d'avanee le complot de
renverser nos institutions.


Du reste, s'il f:mt en croire les déclarations de tons
les ministres, e'est, aillsi que nous l'avons dit, apres
les éleetions et vers le milieu de juillet, qu'aurait
été mise en conseil d'état la premiere pensée dn plan
réalisé par les actes du 25.


Voiei le moment, Messieurs, de nous livrer a l'exa-
men approfondi de ces actes; il importe de les ana-
lyser avee soin, pour eomprendre toute l'étendue des
ehangemens que l'on voulait apporter á \lU régime
que tant de luís avaient fondé.


Le premier de ees actes su.prnd la liberté de la
presse périodique et semi- périodique; le deuxieme
dissout la chambre des députés des départemells; le
troisieme ré[orme, selon les pl'incipes de la Charle
constitutionnelle, les regles d'élection, el prCscl'Íl
l' exécution de l' arto L¡6 de la Charle. Dans la réalité,
ils déchiraient les lois et ehangeaient les formes du
Gouvernement ;ils en dépla<;aient les bases.


Et d'abon), des articles de la Charte étaient rap-




( 272 )
,porlléson réformés; des lois en viguem étaient abró·
j~S, d\1s' ¡ois abrogées étaient remisE'S en viglleur,
~. par hl,o·seule autorité des ordonnances, et sans le
~. <;oncours des Chambres. Et pourtant, aux termes de


,.:6-rart. 15 de la Charte, la pnissance législative s'exerc
. <fait colIectivement en France par le Roí, la Cham-


hre des Pairs et la Chambre des Députés. Selon la loí
du 25 mars 1822, si les droits en vertu desquels le
Hoi avait donné la Charte devaient etre a l'abri de
tonte attaque, sous la forme de GOllvernement qu.'il
:lyait instituée, iI ne restait an Roj d'autl'e alltorité
que celle qu'il tenait de la constitution ; et les droits
et l'autorité des Chambres, rangés su~ la meme
ligne, devaient etre réputés également inviolahles.
Enfin, l'article J 4 de la Charte ne réservait an Roí
que le droit de faire les réglemens et ordounances
néc0ssaires ponr l'exécntion de lois et la súreté de
Ntat.


Premicre violation de la Charte, attentat á la con-
stitlltion de l'état, llsurpation des droits et de l'an-
torité des Chambres. ecHe yjolation est commllne a
la premiere et a la troisieme des ()I'donn:mccs.


Mais l'article 8 de la Charte assurait anx Fl'an<:;ais
le dl'oit de pHhlier et ele faire imprimer leurs opi-
nions, en se conformant allX lois répressi\'es des
abus de eette liberté. Apl'cs des discllS~ions appro-
fondies, apres de nombreuses et pénihles eApérien.
ces, denx lois étaíent intervellues en 1819 slIr eette
matiére : ¡'une relative á la répression des crimf's et .,¡
délits commis par la voir de la presse , l':mtl·f' á la




...


publication des journau"x. et éerits .périocliques; elles
consacraielit toutf'S deux un régime de liher!P ab50-
lue, et organisaicnt un systeme de responsabilité lé-
gale contre les abus de cette liberté, SOllS l'alltorité
des tribuIl:lllX. En 1822, deu'x nouvelles lois étaient
Ín1ervcnues elans le but de modifier eette légisIation.
eelle elll 25 mars avait été adoptée comme eomplé-
tant le systeme de répression des délits de la presse;
ceHe du J 7 elu meme mois statuait sur la police des
journanx et des éerits périodiques : elle eléfendait la
publication de tont écrit de ce genre sans l'autori-
sation du Hoi, et accordait au Gouvernement ele la
soumcttre, daos des circonstances graves, et en 1'ab-
sence des Chambres, a UIle censure temporaire; en"
fin, une derniere loi, elu 28 juillet 1828, avait ré-
tablí, sons ele certaincs conditions, le régime ele li-
berté fondé par la loi du 9 juin 18 ¡ g.


En cet état, la premiere des trois ordonn:mces du
25 juillet souinet ele nOllvean la pressc périodiqllc
a la nécessité de l'alllor:satiou préabblc, en exhu-
mant les dispositions ahrogées et presque oubliécs
de la loi Ju :2J octoÍ>re ¡"Si 4. Elle va plus loin, elle
les aggrave. L'autorisatiol1 préalable devait etre pé-
riodiqllement rCllOllVelée, et demeurer tóujours
révocable. Elle ordonnait la destruction des presses
et des caracteres saisis, en cas de contavention. La
loí de 1814 avait dispensé de l'examen préalable les
écrits de pllls de vingt feuill.~s d'impression, les
rnémoires sur proces et les mémoires des Sociétés
f.avalltes et littél'aircs. Suivant l'ordonnance, ils de-


IS




~! 7 /¡ )
vaient y etre soumis en cert:in caso Ainsi ses auteurs
ne se ~ontentaient pas de dét!'uire les dispositions
légales qui prott'-gaient le libre exel'cice des garanties
constit"utionnelles, et de faire revivrc les restrictions
rigoureuses imposées par des lois révoquées, ils
improvisaient une légíslation nOllvelle pOI1!' créer
de nouv~lles entraves, et mienx étouffer les plaintes
des citoyens.


Ceci constitne bien, par l'anéantissement eomplet
du droit de publiel' et de faire imprime!' ses opi-
nions, lIne seconde violatioll de la CItarte.


Selon l'article 50 de la Charte, le lloi pOllvait dis-
SOlHll'e la Chambre des 1)(\put<:·s; mais l'usagc de ce
pouvoi!', réservé au Hoi ponr qu'i! put, en cas de
dissentirnent entre son Gouvernement et laChambre
élective, vél'ifier si l'opinion publique avouait 1'op-
position des mandataires du peuple, OH si eette
opposition n'était que le résllltat de leurs sen timen s
personnels, présl1pposait !'existenre d'une Chambre
Des députés constitnée; délihérante et agissaute,
ayant pouvoir de manifcster librement ses sen ti-
mens, de les manifester ix~r ses n'soliltiollS. D'U1W
;)art, on ne saurait clissoudre une chambre qni.
a'existe pas; de rantre, le droit de la dissOl:dre,
~luand elle existe, ne saurait cntl'alnel' celui ele répn-
::;.!er les ehoix qui out été faits pow'la rccmistituel',
juand elle a été dissoute. Le ROl était san s puis-


. :'llce légale sur les éleetiollS. 11 n'appartcnuit qu'a
" Charnbre des Déplltés de juger de leur légalité et
•. f,¡! leur validité : aUClln pouvoil' n'était autorisó it ..,.




statuer sur lem tendance, et tant que les députés
nouvellement dus n'étaient pas réllnis, il n'y avait
pas de Chambre; il n'y avait que des élections. En
cet état, elles' ne tombaiellt sons la jllridiction de
pelsonne.


Or, la seconde des orclonnances du 25 juillet a
dissous une Chamhre qui ne devait se réunir que le
3"aout suivant; elle en a prononcé la dissollltion en
vuc de prétendues mana::uvres qlli auraient été pra-
tiqllées sur plusieurs points da royaume, pour {rom-
per et égarer les électeurs. e'est done l'opposition
présumée des éleeteurs, et non l'opposition effective
des dépllll>S, quí 1'a motivée. Elle a done eu ponr
objet, non de dissoU(lre la Chambre, maís d'annuler
des éleetions valides et réguW~res.


Troisieme violatíon de la Charte, usurpation du
droit d'annuler les élections, et fausse applieation
de son article 50.


Enfil1, l'artícle 35 de la Charle portait que l'orga-
llisatioIl des coll&ges électcraux serait cléterminée
par des lois. De telles 101s sont, par leur nature, de
véritabJes loís fundamentales et eonstitutionnelIes ,
puisqu'elles organisent une des branches les plU5
importantes de la législature. Deux lois avaient été
portées sur ce slljet, apres de 10ngnes ct laborieuses
délibérations. e,elle du 5 ¡óvrier 1817 avait ~tatué
que tout Franc;ais jouissant des droits civils et poli-
tiques, agé de trente ans accomptis, ct payant 300
franes de contrilYutions direetes, serait appelé a eon-
courir a l'élection dll département Otl iI avait son do-




( 27u )
micile politiqueo Les 10is de finances, senles compé-
tentes pomo le classer, p!acent !'impót des patentes
an rang des contributions directes. La loi dll f9 juin
1820 avait étahli, daos chaque dépal'temcnt, un col-
lége électoral de departement et des coIléges électo-
raux d'an'ondissement, qui devaieut pl'océder di-
rectement, chacmi clans sa sphere, a l'élection d'un
ou plllsieurs membres de la Chambre des Députes.
Couformément ú une antle loi du 9 juin 1824, la
Chambre devait etre renouvelée intégralement tons
les sept ans ; enfin, dellx 10is du 2 mai 1827 et du
2 juillet 1828 avaient réglé ce qui concerne la con-
fection et la révision allnuelIc des listes l~lectorales.
C'~st ainsi qu'un code complet, corroboré par la ju-
risprudence des arrets, rég\ait, dans toutes ses par-
tíes, l' exercice des droits électoraux.


La troisieme deg ordonnances dn 25 juil1et renvcl'-
sait ce cocle en son entiel'. Ses auteurs, d'lI11 trait de
plume, rayaicnt dn tablean des contriblltions di-
rectes l'impot des patentes. IIs déshéritaient l'indus-
trie du droit de cité. lis ue s 'en tCl!aien t pas Já : ils
supprimaient les élections d'alTo!ldissément, et si les
colléges d'arrondissement étaient conservés, les élec-
teurs qui y étaicnt appelés se voyaient privés du
droit de nommer des députés; on les rélluisait a ne
faire qu'une proposition 4e canclidats; l'électiori dé-
finitive était réservée aux coHégcs de départcment,
composés. du qua!'t le plus imposó des électeu!'s da
département. Toutefois, les choix de ces électelll's si
favorisés devaient nécessairerncnt tomber ponr m<?i-""




( '277 j
tié sur les candidats proposés par les collégps d'ar-
rondissement. Ainsi les trois quarts des é!ecteurs
étaient dépouillés de lenrs droits, et le quart privi-
légié n'exer\,ait les siens qn'avec restriction , et n'é-
tait vraiment libre que dans la moitié des ses choix.
Plns de sole~ité ponr, la formation des listes, plus
Je recours judiciaire contl'e les errenrs ou les abus
auxquels cette formation pouvait rlonner lieu; plus
d'intervention des parties intéressées.L'étatpolitique
descitoyens, livré provisoirement aux agens de l'ad-
ministration, devai t etre jllgé en derniel' ressort par
la Chambre des'DépI;tés, cJ!li n'a ni le tems ni les
moyens <{'en déciclel' a vec conllaissance de cause. Le
renollvellement aOlluel et par ciuquieme de la Cham-
bre des Déplltés t'tait substitllé au renouvellement
intégl'al et septennal. La proportion des dépntés non
domieiliés dans le département qu'ils sont appelés a
représenter, subissait anssi des modifications; et de
tels changern.ens éversifs de tonte une législationsont
opérés pat' ordonnance! Les citoyens et les trihu-
naux se voient dépouillés en nH~me tems, les UIlS
de leurs reCOllrs, les autres de lenrs attributions.
Les bases de la représentation nationale sont ehan-
gées: eette représentation n'est plus qu'un rnen-
songe, et ifluS les débris de tant de lois, la Charte
elle-me~e succombe ! .


Ainsi, quatrieme violation de la Charte, et celle-ci
se caractél'ise ainsi qu'il suit: organisation des col-
léges électoraux par ordonnance; électeurs payant
300 franes de contributions directes dépouillés du




droil d'élire; aulol'isation de ehoisir dans un dépar-
tement plus de la moitié des députés parmi les éli-
gibles qui out leur domicile politique hors de ce
département.


11 suffit d'avoir sonmis de tels actes a l'analY$e,
et de les avoí,' rapproch~s de la Chartl et des lois,
ponr les qllalifier. Ils contenaient une révolution :
faut-iI s'éloDner qll'ils l'aient enfantée?


Nous ayons cru, Messienrs, devoir donner un
assez grand développement 11 l'examen des oruon-
nances incriminées: elles sont la matiere principale
de l'accusation, le véritahle corps du délit; vous ne
pouviez tmp les bien cOllll;¡it¡,c.


Reprcnons la suite des hits q.ui ont accompagné
et suivi lem publication.


L'úrdonnance relativc a la suspension de la li-
berté de la presse devait excite!' au plus haut degré
le mécontcntement d'une c1asse active oe négocians
et de nomLreux ouvricrs, qne le commerce si étendu
de l'imprimeric fournit a Paris. I~es spécu!atioNS
étaient entravées, les travaux iuterrompns, l'exis-
tence des familles compromisc. Il ét;¡it ütcilc de voir
q lle la paix publique allait etre trouLl(;e, et que la
commotion serait ressentie dans les provinces les
plus éloignécs; ces ordonnances illégal\s devaient
provoquer la résist;mce active el légitimedes ei-
toyens, et eette I'ésistance amener devant les trihu-
naux criminels ceux qui l'auraient emploype; et
cependant personne dans le conseil ne pouvait
ignorer que les tribllnaux ordinai,·cs refllseraient




( :.179 )
lcur appui a l'exécution de tOtit acte íneonstitu-
tionnel.


De la l'opinion si naturelle que le ministere avait
préparé l'orgallisation des cours prévotales, et pris
toutes les meSll1'es qui pouvaient Ieur assurer eu


A 1'· dIe ' • meme tems appm e a iOrce armee.
Mais si la destruction de la liberté de la presse de-


vait produire a París une si douloureuse et si pro-
fonde impression, combien devait etre plus vif et
plus étendu reffet de eette ordonnance électorale,
qui bouleversait, par un acte despoti'1ue, un sys-
teme fondé sur tallt de lois, que la France s'était
accoutmnée a respecter et á cháir, et dont elle ve~
nait de {¡lirc un si glorieux usage. Cette ordonnance,
qni détruisait des droits depuis longtems reconnus
devait irriter les électeurs qu'clle frappait' de sa ré-
probation, et tons ceux qui aspiraient a l'honneu,'
de faire partie~ plus tard, du eorps électoral. Qllclle
résistance ne devait-oll pas prévoir de la part des
citoyens qu'on blessait si pl'Ofondémellt, et qU'OH
attaquait ponr ainsi Jire jllsque dans Ieur' honneur!
Que ne devait-on pas craindre enfin de la Francc
tOllt entiere, dont on brisait outrageusement les
élections a peine termin<'ics!


11 était difficile de croire que ceux qui avaient osé
concevoir un projet si hardi n'ClLsscllt ríeH prévu,
n'eussent rien préparé pou!' appuye¡' tant de vio-
lences, et faire réussir une entreprise si hasardeuse.
Dans le systeme rles ministres accusés, plus les 01'-
donnuuces étaient nécessaires, plus le tr6ne litait




( ~8o )
attaqué, plus était flagrante eette conspiration gé-
nél'ale qui men~<;;ait l'autorité royal e , -la paix da
royaume, le repos de l'Enrope enfin, plus ils avaient
dti _ prendre de mesures Et réunir tOllS les moyens
de sicces. Et toutefois, quelque incroyable que cela
parmsse, vous serez forcés, Mcssieurs, de recon-
naitre que rien, en quelque sorte, n'avait été prévu,
et ces associations si menac;antes, ces opposiLions si
vives, ces complots si patens, ces conspirateurs si
audacieux, devaient app31'Cmment s'évanouir par la
publication o ffici ell e des orJonllances.Et nousn'avons
ríen Jécouvert qui puisse autoriser a penser qu'on
se fut préalablement occupé de I'organisation des
tribunaux extraordinaires, et nous croyons pouvoil'
di re qu'aucune dépeche ministérielle relative a cet
objet n'a été détruite ou elllevée des aJ~inistrations.·
En effet, il résnlte des d~claratioIls des témoins en-
tendus, des docurnens que nous avons. recllcillis,
d'accord en cela avec les réponses des acclIsés,
qu'avant he 25 jllillet les ministres n'avaicnt point
songé a dépouiller les citoycns du droit sact'é de
n'etrejugé que par les tribuuaux ol'dinaires du pays.
Quelque invraisemblable que ce puisse etre, il pa-
rait cel'tain qt.le les ministres avaient pensé que
toutes les qnestions soulevées par: les ordonl1ances,
on qui en seraient la conséquenc0 se décideraient
administrativement et n'occasioneraient aucune ré-
sistances séricuse.


Nons avons également reconnn ,que le président
du conseil, qui avait alors le portefeuille de la ~uerre,


I





n'avait, ni le dimanehe 25 juillet, ni le lundi 26, ni


_ antérieurement ~t eette époqne, donné aueun ordre
pour faire arriver des troupes a Paris, quoique la
garnisoll de eette ville fút alors affaiblie par le séjoul'
du Hoi a Saínt-Cloud, et par l'absenee d'nn régiment
de la garde envoyé en N?rmandie, pODr y maintenü'
la tranqlliUité eompromise par les incendies. Un fait
avait cependant pal'llSe rattacher a des mesures de
prévoyance, et on avait pensé avec quelque appa-
rence de fondeme'nt qn'un nonvel ordre d'alerte
donné aux trollpes de la garde, le 20 jllillct, avait
un' rapport i.mmédiat avec les ordonmmces qu'on
projetait. I,e contraíI'E' a été pal'Íaitement démontré.
Dans toute 'place de g~lerre on dans une ville oe-
cllpée par une nombreuse garnison, on donne tou-
jours aux trollpes un ordl'e spécial en cas el'alerte,
soit qn'elle ait pour cause une sédition, un incendie
ou tout autre événement imprévu. Nous nous sommes
fait représenter le livre d'ordre de la garde, et nous
avons rec'Onnu qu'lln premier ordre d'alerte avait été
donné, le 10 mai 1 8r6 , et qu'il avait été depms mo-
difié ¡¡ diverses reprises, savoir, le 19 octobre de la
meme annéc, le:) janvier 1821, le 15 janvier J822
et le ler mai 1827' Cet ordre était com:nuniqué aux
régimens d'infanterie J;ous les deux mois, et tous les
trois rnois aux régimens de cavalerie. ~elui du lor
muí 1827 n'était plus depuis quelque tems en rap-
port avec les casernes occupées par les régimens.
Il fut rectifie par cette unique raison, dans les pre-
miers jours de juillet, sur la proposition des sous-




• aides-majors de service. Il fut signé par le maréchal
du.c de Raguse, le 20 de ce mois, sans que ce nouvel
ordre modiflat en rien le service de la garde royale.
Ce dernier ordre est, comme tous les précédens,
inserit sur le registre de service.


Le maréehal due de Raguse,quoique depuis long-
tems gouverneur de ]a pre~iere divison 'militaire ,
n'exerc,;ait sous ee titre purement honorifique aucun
eommandement. La seule fonctiou qui lui était alors
eonfiée était ceHe de major-général de la garde, et a
ce titre il ne commandait que la garde seule; mais
une ordonnance spéciale, en date du 25 juillet, mit
sons ses ordres toutes les troupes d~ ta clivision.
M. de Güernon et surtout 1\1. de Peyronnet indiquent
que cette, ordon~ance est postérieure au 25. Ce ne
fut en effét que le 'J.7 que le maréehal en fut informé
par le président du conseil, et tout dans l'instruc~
fion concourt á prouver que le due de Ragnse ne
fllt pas mís dans le secret des ordonnances que l'on
préparait, et qu'il neles connut que le jour de leur
publication· a París, et au moment ou il revenait de
Saint-Cloud. Ce meme jour, iI exprima hautement,
au milieu de l'Institut, les douloureux sentimens
dont leuÍ' publication l'avait pénetré. M. bago, run
des témoins entenGus dans l'instruetion, rapporte


• que le lundft26 le maréchal vint a l'Institut, et lui
dit en ,voyant la douleur que ]ui causaíent les 01'-
donnances : «( Eh bien! vous le voyez, les insensés ,
1) ainsi que je le prévoyais, ont poussé les choses a
J) l'extreme. Du moins, vous n'aul'ez a vous affliger




( :.183 )
1) que comme citoyen et comrne bon Fran«;ais; lllais
» co~bien ne suis-je pas plus a plamdre, moi qni,
» en ma qllalité de militaire, serai peut-etre obligé
» de me faire tuer pour des actes que j'abhorre et
»pour des personne~ qui depuis longtems sem-
» blent :s'étuuier a m'ab-reuver de dégouts! »


La confiance du président du conseil était telle,
qu'il avait cru ne devoir mettre personne dans le se-
cret de ses projets; s'ils furent pénétrés, on a lieu
de croire que cet avantage n'appartint qu'a quelques
tConfidens intimes d'un rang peu élevé, parmi les-
quels se seraient rencontré:s quelques-uns de ces spé-
culateurs qui Ile se [ont jamais scrnpule de calcuLer
an plus "lte tout ct'l"que pellvent lenr valoir les cala-
rnités de 13_ patrie. lVIais le sons-secrétaire d'état de
la gnerre déelare qu'il n'apprit que fort tard, et par
le 1I'1o~iteur, ces fnnestes ordonnances. Le préfet de
la"Seine, que HOUS avons entendu, et le préfet de
police, ne les conn~lrent pas plus tot que le reste de
la capitale.


Cependant tont París est ému á leur soudaine ap-
pal'Ítion : un cri d'indígnation sort de tous les cccurs,
et si l'on se rappelle les engagemens les plus saints,
les sermens.Ies plus sacrées, ce n'est que pour .par-
ler aussitót de leUl' violation. Les hommes dont les
opinions politiques avalent été jusqu'alors opposées,
se réunissent dans un meme sentiment : tous en-
semble aCCllsent les conseillers d'un prince aveuglé,
auquel iIs ravissen~ffectioll de son pellple, et dont
iI, n'ont -su ni respecter, ni méoager la vÍeillesse. Si




( :.184 ') , .
alors personne ne prévit que, dans trois jol}r5 r
Charles X am'ajt cessé de régner, tont le monde du
moins pressentit un prochain et inévitable ébranle-
ment de son trone et de l'ordre social toqt entier.
Chacnn entrevit les violen ces nécessaires du pouvoir,
la résistance des citoyens, tons les malheurs en fin
d'une nonvelle et sanglante révolution. Qui pouvait
supposer, en effet, qu'on n'aurait appuyé que par
de si faibles moyens d'exécution une si audaciense
entreprise, qu'enfin l'on pút unir a la fois tant de
témérité et tanf d'imprévoyance? •


L'agitation eles esprits, pendant la journée di126,
fut tres-vive; le peuple y prit une part active; de


" .. ,.. generellx cltoyens se reumrent poul' protester con-
tre la violation des lois. Une inquiérude générale
s'empara des premiers fabricans de la capitale. Des
réuuions d'ouvriers parcoururent les rues, lancel'ent .
qnelques pierres sur la Trésorerie, et plus tard sur
l'Hotel desaffaires étrangeres. On put prévoir, ponr
le 27, une manifestation plus énergiqne du mécon-
tentement publico Que f:1isaient les ministres pen-
dant cette premiere journée? Il ne parait pas qu'ils
aient été avertis de l'agitation générale; du moins,
ils assurent ne I'avoir que fort mal connue. Le mi-
nistre de l'intérieur, chargé plus spécialement de
veilIer a la tranquillité du royaume, et plus particu-
lierement a ceHe de Paris, devait avoir des rapport~
continuels avec le préfet de la Seine, et surtant avec
le préfet de police~ Et, toutefoi., ce ministre nous
a (Melaré n'en avoir en d'ancnn gen re avec ces ma-




( 285 )
gistrats uepuis le 25; ne les avoir vus ni le 26, ni le
27; n'avoir re~l1 de leur part aucun renseignement
sur la situation de hl capitale. M. de Peyronnet, qui
s'était, dit-iJ, 0Pfosé au systeme des ordonnances ,
en devait prévoir le danger; plus qu'un autre, par
les devoips de ses fonctions, il devait étudier, des
les premiers momens, l'effet qu'allait produire Ieur
publication sur les chefs d'atelier, sur les spécllla-
tenrs, sur les commer<;ans, enfin sur toutes les das-
ses de la capitale. Déja quelques dépntés , appelés
pour le 3 aout, étaient arrivés a Paris. Cetle ville,
d'ailleurs, en renferme toujours nn grand nombre;
ne devait-on pas chercher a découvrir quelles se-
raient lenrs dispositions, queI appui ou quelle ré-
sistance iIs allaient présenter au pouvoir? Il ne pa-
ralt nuUement qu'on se soit occupé de ces grandes
questions.


Comme en un moment tranquille, chaque ministre
se livra an travail particul.ier de son ministere, et le
président dn conseillni-meme expécliait les affaires
les plus ordin<1ires. Il était oecupé, nOllS a-t-il déclaré,
a passer une acJjmlication an mínisterede la guerreo
Ancun rapport spécial sur la situation de Paris ne
lui fut fait, dans cette journée, par le préfet de po-
lice; mais, en revenant de la chancellerie a l'Hotel
des affaires étrangeres, iI faillit devenir victime de
l'exaspération publique. eette scene pcrsonnelle ne
fnt pas pour lui plu~ significative que .toutes les
autres.


IJe maréchal duc de Raguse ignórait encore, ainsi




( 2R6 )
qne nous l'avons dit, que, par ordonnance du 25,
iI eut été appelé au commandement de la premie re
division militaire , ot il était revenu le Iundi coucher
a Saint-CIoud. Le mardi matin <¡aignant que les
journaux ne pussent paraitre et lui apprendre' ce
qui se passa~t a Paris ou il ne comptait pas aller, il
écrivit a un de ses aides-de-camp de le tenir au cou-
rant des événemens. Dans l'intervalle le Roí ayant
été instruit de l'agitation de la capitale, soit par le
ministre de l'intéri~llr, Boit par le président du con-
seil avec qui il entretenait des rapports continuels,
don na l'ordre au maréchal de se rendre a Paris, et
d'y prendre le commandement de la division, lui
permettant,' si le calme était rétabli, de revenir cou-
cher a 'Saint-Cloud.


Les rapports que le prince de Polignac reC{ut dáns
la uuit du lnndi au mardi matin lui donnant sans
doute quelqlles inquiétudes sur le quartier qu'il ha-
bitait, iI demanda du seeours an général comman-
dant de la place. A neuf heures, le eomte de Wall
lui écrivit: « Mon cher prince, d'apres votre billet
» je viens de demander a Foucault cent gendarmes,
» je fais venir en outre un bataillon du 5~ de ligne,
}} et cinq cents hommeC) de la garde, caserne de la
» rue Verte; avee cela nous serons en mesure, et il
» est indispensable d'etre prets d'avance. ))


Le maréchal arriva a Paris vers mi di ; aucun ordre
n'avaitété donné aux troupes de la garde, qui mel]1e
n'étaient pas consigoées.


Daos l'iotervalle le préfet de poli ce avait re.-¡u dif-




( :ú37 )
férens ordres dll ministre de l'intérieur ou du prési-
dent d.u conseil, et un rapport tres-succinct, écrit
de la main de ce magistrat et trouvé chez M. de Po-
lignac, mais qui peut-etre ne lui éútit pas adressé,
porte ce qui suit:


Presses libérales. ti. On les saisit, et quoiq'u'on
» fasse, j' en serai maitre; la gendarmerie et la ligne
» tiendront la main a l'exécution.


Journaux. » Toutes les messageries serontavisitées,
» tout ballot d'imprimés saisi et examiné.


Palais-Royal. » J'ai ordonné sa fermeture.
Rassemblemens. » J'ai {ait établir des postes de


» gendarmeriE' partout Otl je pouvais craindre.
» Une partie de ces mesures auraient pn etre


» prises plus tot, si j'avais trouvé partout l'activité
» désirable.


) Une partie des commissaires de poli ce ne vant
n den, 2.7 juillet. ». M.


Un autre rapport du meme magistrat annon¡;;a
aussi auprésident du conscil que les presses du
National, du Figaro et dll journal du Commerce
a vaiellt été saisies a midi. Il lui écrivait :


(( Monseignenr, les rassemblemens se continnent
» ~u Palais-Royal; les marchands ferment leurs bou-
( tiques, des orateurs y déclament, et y lisent a
» haute voix des journanx séditieux.


» Dans cet état de choses; je viens de signer 1'0r-
» dre de faire évacuer ce lieu public et d'en fermer
)) les grilles. J)


."-peu-pres a la meme époque de h jonrnéa, M.




( 268 )
de Peyronnet s'était rendu a Saint-Cloud. Il assure
qu'il ne connaissait qu'a peine l'agitation. de Paris:
mais de qui done alors étaient émallés les ordres ex-
traordinaires donnés au préfet de police ?


Déja les gendarmes, les troupes de ligne et les
s01dats de la garde occupaient l'Hotel des affaires
étrangeres, les boulevards, la Carrousel, la place
du Palais-Royal et les rues adjacentes. La courageuse
résistancc des rédacteurs du Temps qui, le livre de la
loi a la main, rcpoussaient la vioIation de leur do-
micile et la spoliation de leur propriété, avait réuni
dans la .me de Hichelien une fonle considérab le.
Sans cesse elle s'augmentait de taus les citoyells ex- .
pulsés du Palaís-Royal et de ceux qui arrivaient de
tons' les coins de París dans ce quartier populeux ,
avec l'espérance d'apprendre plus surement ce qui
se passait dans le reste de la ville. La fonle se rap-
prochait de la place du Palais-Roy~l, occllpéc par
des gendarmes et une compagnie de la garde. Vers
deux heures, les cris de ~Jir)e la Charle! redollolerent
sur la place meme et dans les rues voisines. Lésgen-
darmes chargerent dans la partie de la rile Saü1t-Ho-
noré qni va du Palais-Royal ú la me de llohan. PIu-
sieurs cÁtoyens furent sabrés et foulésaux pieds des
chevaux. Il paraltrait meme qu'un homme fut tué,
et que plus tard son cadavre aurait été pl'omené sur
la place de la Bourse et montré au peuple pour l' ex-
citer a la vengeafice. Quelques instans apres, Ulle
charge de cavalerie eut lieu de l'autre cóté -de la
place du Palais-Royal, et plusieurs décharges el'ar-




( 289 )
mes a fen, faites par une compagnie de la garclé,
blesserent et tuerent plusieurs personllCS. Aneune
sommation réguliere d'un commissaire de police Otl
de tOllt autre agent de l'autorité civile ne précéda
cet emploi de la force.


Plus tard, tandís que le peuple, ar~é de pierrés;
les lan¡;aít sür les soldats, un coup de fliSil, parti d'nn
hótel garni pres la rue des Pyramides, provoq1l3une.
décharge m.eurtl'iere qui tua trois personnes aüx fe-
n~tres de cet hotel. n en périt quatre autres dans ]a
rue Traversiel'e par des décharges d'arines a feu f:li-
tes par un régiment de cavalerie. Plusieurs charges
de cavaIerie [urent aussi exécntées dans la fue Neuve
Ju Ln~embourg et sur le houlevard qui louche a
'¡'Hotel des' ¡¡ffaires étrangeres, sur des ciroyenS: en"
tierement désarmés, dont tout l.e críme é.tait de faire
entenclre le cride vive la' Charte! viv~nt {es beputés!
Nulle part on n'aper'¡;l1t d'officier civil pOl1r faire au
peuple ass'2mhlé les sommations prescrites par les
10is. Les 10is! pouvait-on encore les invoquer quand
on venait de les fouler aux pied.s? Quel officier de
paix eut osé venir, en leur nom, commandel' aux'
citoyens de sQuffrir sans se plaindr(l la violation la
plus solennelle de toutes les lois du pays?


l\Iais, quelque embarrassante.que flit la positlóii
ou l'autorité s'était placé'e elle-meme, l'autorité Pi'en
avait pas moins le devoir de veiller a l'exécntion de
ces formalités protectrices, et de faire pFécéder le
déploiemcnt de la ror,ce militaire des sommations SQ-
lennelles qui en légitiment 011 en l'égnlarisent l'em-


]9




( 290 )
ploi., Les nombrel1x témoins que nons avons enten-
,dus$ur ce faít onttous déposéde l'absence de ces
sommations. préalahles que la loi commande. Mais
nous devonsa la vérité de dire que, du moment ou
un premier engagement eut líeu, l'agression des ci-
toyens devint aussi vive et aussi prompte que l'in-
dignation était profonde. Cette indignation souleva
sirapidement la population de Paris, que la force
militaire, assaillie, n'eut pas le tems de se recon-
naitre, et 1'0n comprend que, ne songeant qu'il se
défendre, ell~ ait oublié ses premiers devoirs envers
les habitans.


Tels sont les faits qui, d'apres les déclarations que
noU!. ¡vons ~et;ues, signalent le commencement des
hostiliJ;és entre .les soldats et les citoyens.
, Dans la.journée du mardi, quarante-qu~tre man-


dats d'ainener furent d@cernés contre les 9ual'ante-
quatre généreux citoyens dont la protestation éner-
gique fut le premier signal de la résistanee nationale.
Il est difficile de croire que, dans une affaire aussi


. grave, et dans La situation extra-Iégale ou le Gou- .
vernement venait de se placer, le procureur du Roí
de Paris, de sa seule actorité, ait provoqué une pa-
reille meSure contre des hommes dont le nom se
lisait, il est vrai, dans qúelques journaux, mais
cOlltre lesquels auenne prés!Jmptíon judiciaire de
culpahilité n'existait réellement. Tout doit faire
croire que ce ,magistrat a du obéir lui~meme a un
ordre supérieur. Les 'mandats furent remis an préfet
de police pour qu'illes nt exécuter; mais, l~ lendé-





( 29 1 )
main, lorsque l'on apprit que París était en état de
siége, et que les inculpés pouvaient etre traduits de-
vant des eommissions militaíres, le proeúreur du
Roi et le juge d'instruction chercherent a.suspeIldre


, la poursuite, qui restasáns effet.
Le mardi soir, les boutiques des armuriers furent


enfoncées; une partie de la population s'ai'ma pour
le lendemain, et l' on put prévoir, par les sentimens
dontelleétait émuc, que l'engagementseraitgénéral


, et le combat terrible.
Loin d'etre éclairé par eetteopposition si una-


nime, par eettedouleur si profonde dont les plus
dévoués serviteurs de Charles X étaient pénétrés,
par eette résistance si spontanée, si inattendue, le
ministere ne songea qu'a réparer l'iinprévoyance de
ses dispositions par une mesure tell~m~ntrigoureuse,
qu'aucul1e'époque de notre histoire li' en offre d' exem-
pIe: Paris fut mis en état de siége.


Déja le due de Raguse réunissait au commande-
ment de la garde et des troupes de ligne, celui de la
gendarmerie de Paris. Cette concentration de tous
les pouvoirs militaires assurait l'unitécles vues, la
rapidité d' exécution, dont le ministere semblait avoir
pressenti la nécessité. Toutefois, ce commanclement
extraordinaire, donné a un teul homme, respeetait
les droits deseitoyens,l'ordredesjllridictions, toutes
les garanties enfi~ d~un'état régulier; iI suffisait a
tous les besoins. Quelle pouvait etre alors ~a pensée
du ministere en mettaut Paris en état de siége? Cette
mesure, qui n'augmentait ni sa force morale ni sa




( 292 )
puissancetnatérielle, n'aurait-ellc eu poul' hut;
co:mwe elle n'avait pour résultat, que ,d'enlever .a.ux
citoyens la preJIli4~l'e de leur garantie, l'indépendance
du.po~vojr judiciaire? Cal' te11e était l'effet de cette
disposition, qu'elle donnait au commandant en ,chef
le dro~t de rem.placer les tribunauxpar des commis-
sipns militaires.


On comprend sans doute que, 10iD du siége du
Gouvetnement, lorsqu'une ville ou un département
tont entier sont en état de rébellion, iI Boh utile de
créer pour un moment ce pouvoir qui réu~it et ab-
sorbe tous les autres pouvoirs, qui fuit cesser toutes
lesrésistanoes . et concentre tOllS les efforts;' mais a
Pads, sj.~ge..du Gouvern~ment, pres du Roí, de qui
~l}t~ 'alltOftté~aoe, qQi pe.t..lt2chaque instant ré-
voqt:L~r ses ,~ens Ol! les appeler l~ ou il les juge
plus uti1esasonservj~e, dans le moment surtout
ou, ministre des affaires étrangeres, le président dn
conseil se trouvait en meme tems ministre de la
guerre et téuoissait ainsi tant de pouvoirs a l'instant
merne.o-4, l' 0,0 \'enait de rassembler toutes les f(ll'ces
!l1ilitaires sou.sun ~hel,unique, il est, malaisé de con-
cevoir ce q.ni a 'pl,lpousser les ministres a Une. pa-
,reilIe mesure.
. Il paraltrait que l~ "rdi~ v,~.rs neuf oudix heur.es
du súir, la mise enét~~:de ~i~ de Paris fut pro-
posée et discutée dalls le c~~iL 11 regne quelque
incettitude sur c.e quiJllt résollJ 10rs de cette pre-
mi ere délihération. II semblerajt que 1'on se serait
contenté d'arreter que, si le iendemain la viUe était




( 2!p )
aussi agitée, on se servirait contre elle de cette ex-
cessive rigocur. Le commandant n'lilitaire nefut pas
appelé au conseil; le préfet d:e police Íle parait pas
l'avoir été d'ávantage; et, des le lendemain matin,
sans: n'ollvelIe réunion des ministres, M .. de Polignac,
qtti áfhrme n'ávoir pás conseillé CElt'te mesure, ·fit
signer 'par le Roi et contresigna lui-meme l'brdcm-
llance qui pla~ait la capitale dü roya-Úille hors de
la loi ~om:mune.


Le pl'ésiden-t du cOllseil com}Jrenait-il f-iutes les
cons-équenees de ecUe ordonnance? Dans son ínter.
rogaf(')ire, iI affirme que non; mais íI savait du
moins, comme l'''Pprend une des pieces du proces,
écrite d'e sa main, que les cOll'p'ables seraient jugéS'
par nn éonseil; d~ gnerre, et c"estdelui que' M.de'
Chan1'Pa'gny', sou's~set:l'étai.Te-d' état au mini'$tim~ 'de la
guerre,. te~ut des"l'é n'l~tifi' a Sa"int~Cloud l'ordre de
lui'.emetttre ene' note sur les conséquences de l'état
de' siége et sur .IÍes conseils de guerre qu'il y.vait a
fovmer e~ par:n caso Revenu a París, M. de Cham ..
pagny s'en 0ccupa aussitót; mais la rapidité desévé;,
nemens ne pcrmít pas d'organiser ceHe redoutab:le'
et tttpéditive justice.


Chade,s' X, avant de signel; cette nou'Velle oroon-
'na!ftce, d:M Q'flnG:itP6, par le rápport détaiHé que lui
fit le ptté¡ident du'cc>tl~il!, l'état de París et les éve~
nemens d:ela' veilte:.-lie'ma,rédltttl avait aussi envoyé
au' Roi, de tres~bcftn1!é¡-beó~e, un rapport sur les
évenemens dó mardL .


,Pes le matin du mercredí, l'agítatron de la ca~ita(e,




( ~94 )
la destruction, dall,s tous les quartiers, des embIem~'
de la royauté, cette inquiétude des uns, cette exal-
tation . des autres, tout faisait présager un combato
périlleux entre un ministere que la loyauté et la.
conscience des hommes les plus attachés a la ni?"
narchie se refusaient a défendre, et ces citoyens
qu'avait profondément blessés la violation des ser".
mens les plus solennels.


Le maréchal, instruit de la disposition des esprits,
mais retenu par un fatal point d'honneur au com-
mandemtñt qu'il venait de recevoir, avait du moins
essayé de faire parvenir jusqu'au Roi la vérité. Il
résulte, en effet, de différentes dispositions que,
des huit heurei du matin, une Jongue lettre avait
été adr8~sée au Roi par le m~r~chal, et qu'il y ren-
dait compte dans le plus grand détail 4e 1~ . marche
des événemens. Cette lettre fut perdue par le gen-
darme a qui elle avait été confiée. Le marécha:l ayant.
été inf~mé de ce ,contre-tems, écrivit a neuf heutes
une nouvelle lettre dont la copie a ~é déposée par
l'aide-de-camp de service a qui il l'avait dictée; elle
porte ces mots :


« J'ai déja eul'honneur de rendre, hier, compte
» a Votre Majesté, d~ la dispersion ,des groupes qui
» ont troublé la tranquiUit!3 ~e:paJ'is. ~e matin, ils
)1 se reforment plusnomb¡'enx~tplus mena¡,;ans. Ce
» n'est plus une émeute, e'es!. une révolutioll. Il est
»urgent que Votre Majesté prenne des moyens de
1) pacification. L'honnenr de sa couronne peut etre
» ~core samré; demain pellt-etre il ne serait plus




( :195 )
» tems. le prendll pour la journée d'aujourd'hui les r


. » memes mesures que pour eeHe d'hier. Les trotq>es
» seront pretesa midi; mais j'~ttendsavec impa¡~Rce
» les ordres de Votre Majesté. 11 .., .


Peu de tems avant ou apres,le départ pe cette
leUre, un jcnne hommeJut envoyé par 'e préfet de
poli ce au maréchal, pour savoir s'il. était vrai que la
vme de París fut en état de siége. Plusieurs autres
personnes ayant fait la meme demande an maréchal,


. iI envoya un de ses aides-de-camp chez le président
du conseil, pour qué celui-ci eut a luí faire connai-
tre la vW-ité, et fail'e observer qu'il y' avait des con-
ditions de Iégalité pour une semhlahle mesure, qu'il
He {allait pas négliger. Le prince de Polignac ré-
pondit a l'aide.de-camp qu'en ~ffet 1'0rdonn;Íl~ dé
mise en état desiége était sígnée" et qil'il aV;lit en-
voyé ehercher l~ maréchal pOUf qu.'Úvint la rece-
voir. ,


Les citoyens ne furent pas instruits du régime de
terreUf sous lequel on les avait placés. Vainement le
maréchal envoya l'ordre an préfet ~e poliee de faire
imprimer et afficher une proclamation qui l'appren-
drait a la capitale, les événemens n'en laisserent
pas le tems, el il est juste de dire que l'autorité cí-
vile fut dans l'impossibilité de satisfaire aux ordres
de l'au.tor)té }llili!aire. La proclamatiC';m ne put etre
affichée que dalls J~ lietilX voisins de la pI;éfectnre
de police.· .


. Déja le sang eoulait depuis longtems dalls París.
Des' citoyens inconnus les unsanx atItres, mais




( 296 )
réunis pal' une commune indignation, sans chefs,
~ns oro res , presque S<UlS armes, attaquaient aveC'
1Jnco~rage héroique des solda~s que la fidélité a leu ....
drapeau retenait seule soos le commandement, aussi e .
affligés de donncr la mort que malheureux 'de la
recevoir en combattant pour une cause qu'ils désa-
vouaient. Les vainqueurs et les vaincus maudissaient.
a la foís les funestes conseils qui ensanglantaient la
patrie.


Tandís que MM. de Polignac, de Ranville, de
Montbel, d'Haussez et de Chantelauze allaient cher ..
cher a l'état-major de la garde un refug. contre
l'exaspérationdont ils craignaient de devenir les
victi~es; MM. de PeY.,ronnet et Capelle se rendaient
a.. Saint-Cl~ud oa ils· cro~aient <lue se réunirait le
consen. I1s y virent le RoL Jusqu1a quel point infor ...
mer~nt·ils ce prince de l'état déplorable de la·capi-
tale?' M. de Peyronnet déelare encore que ce jO'llr-
la, comme la veille, il n'était pas exactement instruit
deja situation des choses, et n'aurait pu en faire
qu'un rapport tl'es-incomplet; mais les coups redon-
blés qui retentissaient alol's dans Parisnesuffisaient-
il~ pas poul' apprendre tontes les calamités qui pe ..
saÍent sor la capitale ? ,


Cependa:Qt les députés présens. a Paris, qui, des
la v'eine ,:s' étaient assemblés chez M. Casimir Périer,
se réunÍr~nt ce jour-Ia chez M. Audry de Puyraveau.
Trois d' entre eux, MJM. Dupin, Guizot et VilIemain
avaÍent été charsés de rédiger une protestation an
.Qom dt~ tous; mais cet acte si couragel.x et si impor-




( :197 )
tant n'apportait pas un remede assez prómpt allX
malheurs de la capitalc. Lesdéputés arreterentq~'ils
¡raient, au nombre de cinq, trouver le maréchal,
pour s'interposer entre la 'population et l'armée, et
arreter le sang qui coulait depuis si l'ongtems. M: Laf.
fitte, M. Casimir Périer,Je général Gérard,le CQmte
de Loban et M. Mauguin Curent ·chargés de cétte
mission, qui n' était pas san s quelques dangers. lIs
arriverent a l'état-major de la garde,et furent in-
troduÍls aupres dle maréchal par M. le baron de
Glandeves, Pair de France et gouverneur des Tui-
lenes. Un vif intéret s'attachait a leur personne, et
dans c.et état-major, rempli de militaires si dévoués
au Roi Charles X, chatun cependant faisait des
vreux pour le succes de leur honorable mission;
chacun paraissait sympathiser :lvec eme, et partager
leurs patriotiques sentimens. Les cinq dépntés nous
ont tous dit qu'ils ayaient troU"fé le maréchal péné-
tré comme eux du desir de !Dettre fin a une situa-
tion aussi déplorable, mais accablé sons le poids de
la fatalité, qní, disait-j} lui-meme, ne cessait de le
poursuivre. Les députés déc1arerent qti'ils venaient,
en sujets fideles) demander pour le pImple, pour le
Roi lui-meme, et clans l'intéret de sa couronne, qll' or1
ar.retat le carnage, que les ordonnances fussent rap-
portées, que le ministere fut changé. Le maréchal
ne refusait pas de concourir aux mesures qui pOUI' ...
raient amener une heureuse conciliation; mais il de-
mandait av~nt tout la soumission des citoyens et




( :298 )
réektmait,pour l'obtenir, la haute influenee des cillq.
eommissaires. Ceux-ci répondirent que l'indignation
publique ayant seule ex.cité le mouvement, iIs ne
pouvaient se flatter d'exereer aueune influenee sur
la population exaspérée, s'ilsll'annonr;aient, eomme
base de toute coneiliation, ce qu'ils étaientvenu de-
mander, la révo~ation des fatales ordonnallces et le
renvoi des ministres. Le maréehal déelara qu'il ne
pouvait rien prendre sur lui, mais qu'il allait
faire part au Roi de la démRrche des députés,
joindre ses instances aux leurs, sans dissimuler ce-
pendant que le sueces ne lui semblait guere pro-
bable. Il promitde leur faire eonnaitre sans retard la
réponse, duRoi.


'J:.(:; VlaréclJal demanda ensuite ata: députés s'ils
aUllaiellt queIquerépugnanee a voir M. de Polignae:
Ils répondirent que, ehargés d' une missian de paix,
ils ne negligeraieut rien de ee qui pourrait la faire
réussir, et verraient M. de Polignae, Alol'sle maréehal
entra dans un salan voisin, ou se tenait le président '
du conseil; mais il en revint quelques minutes apres,
annonc¡,an~ qu'ayant rendu compte a M. de Polignac
des eonditions que les députés mettaient a l'emploi
de leur influenee sur le peuple, eelui..ci avait re-
poqdn que des-Iors iI était inutile qu'il eút avee
eux aueun entretien, et qu'il ne fallait pas les ar-
reter plus longtems. Les d~putés alluient se retirer,
lorsqu'un officier, ign()rant ce qui venait de se pas-
ser entre le maréchal et M. de Polignac, voulut de




( 299 )
nouveau les iI\troduire aupres du président du con-
seil, qui témoigna une seconde fois n'avoir pas le
desir de les entretenir.


Il paraitrait que, peu d'instans avant cette entre-
vue, l'ordre d'arreter plusieurs députés avait été si-
gné par le maréchal, entre lesmajns duquel l'état
de aiége avait concentré tous les pouvoirs. Au
nombre des personnes qu'on devait arre ter, se ,tron-
vaient MM. de Salverte, de Lafayette etLaffite. Cet
o~dre, qui, par.sa nature, ne devait pas émaner de
l'autorité militaire, mais bien du' gouvernement lui-
meme, aurait-il été le résultat dela volonté spontanée
du maréchal? OH le cInc de- Raguse n'obéissait-il,
en le signant, qu'a une influence snpérieure? n est
permis de croire a eeUe' dernierc supposition, 10rs-
qu'on voit avec quel empressement le maréchal, tou-
ché sans doute de la conSance aV,ec laquelle les dé-
putés s'étaient r~ndus a .son état-major, crut se
devoir a lui-meme de révoquer aussit6t l'ordre d'ar-
restation qn'il avait signé quelques instans aupa-
ravant.


Desque les députés furent partis, leduc de Raguse
écrivit au Roi la lettre·suivante:


3 heures el demie.
« J'ai mis en mouvement mes différentes colonnes


» a l'heure indiquée. Le général ***est arrivé ~ la
» place de Greve. J'aimaeommnnicationassuréeavee •
» lui par un bataillon qui occupeie débouchéduPont-
» Neuf. Ce général marche par le boulevart pour




( 300 )


» s'établir sur la. place de lla Bastille. te génél·al**-;
» partí de la place V endómc', O'C(lUpe avec ses troupies
» la place ues Yictoires; malgré cela:, tont t'espace
» entre lui et moi est rempli de groupes insurgés, et
» nous ne pouvons commuaiquer ellsemble que par'
» la place Vendóme. Le général*"'* est arrivé a'tl
» marché des Innocens; mais, apres avoir tour:té et
» détruit phrsieurs bardcades et refoulé dans la rue
» Saint .. Denis tout ce qui s' opposait a Sft' MaI'e'he,
!) de nouveauX: groupes se sont formés derriere lu~
» et je ne puis avoir de ses nouvclles que pal' deS' of.
» ficiers déguisés. Dans la marche des troupes, par~
» tout les groupes se sont dispersés a leur' approche;
)} nlaÍB, daDs presque tou~es les, rues., de5 eoups de
»fusils s()ntPQrtis.~s fenetres de toutes'les maisons.
» Les troupes assaillies ont riposté, el leur' marehe
)} partout n'a été ql1'nn combato I"estrollpes ne ~au­
» raient conrir le risque d'etl'e fOl'cées d'évacuet
» leurs positions; mais je ne dois pas YOUS cacher
» que la situation des choses devient de plus en plus
J) grave. »


« A l'instant ou j'aUais fermer ma lettre, se sont
» présentés chez moí MM. C:simir Périer, Laffite,
)) Mallgnin, le général Gérard et le général Lobau.
)) lIs m'ont dit qu'i1s venaient me demander de faire
1l ces ser le fell. Je leur ai répondu que j:e leur faisais
» la !lleme priere; mais il mettent pour condition a


• » leur coopération la pl'omesse du rappport des 01'-
)) donnances: Je leur ai répondu que n'ayant aucun
) pouvoir poli tique , je ne pon vais pl'encll-e aUCUn




"


( 301 )


j) engagemeht a cet égard. Apres une assez longue
n conv.e.rsation, ils se sont bornés a lue demander.de
» rendre compte de Ieur- démarche a Votre Majesté.
) Je pense qu'il est urgent que Votre Majesté pro-
l) fite sans retard des ouvertures ,qui lui sont
te fiti tes. J) • .


Cette Iettre, don! la copie a été re. par M. de
Guise, chef de bataillón, aide-de-camp dttmaréchal,
qui l'écrivit sons 5a dictée, fut portée par le lieute-
n;~nt-colonel Komierowski, a qui le maréchaldonna
l'ordre de faire la plus grande d.iligence; de voir le
Roi, .d'ajouter aux. détails que la lcttre renfcl'mait,.
cell~ qu'il connaissait lui-meme, et de demander
.avec instance une prompte réponse. Cet ufficier qui
sentait combien.les momens étaient précieux, ne
perdít pas un iustant, et partit aussitot. A Passy, plu-
si~urs décharges blesserent trois hommes de son es-
corte. A.rrivé a Saint-Cloud; il rerriit lui-meme au Roí
la dépeche dont il était chargé, raconta les détails
de S3 route; ajoutant qu'il avait été non-seuIement
insulté par les gens dll peuple, mais que des hommes
d'nne cJasse plus relevée avaient faít feu sur lui. Il
dit en fin que l'ínsurrection était générale, et que
l'on attendait avec anxiété la réponse du Roi.


M. de Polignac, dont le devoir était sans Joute
d'informer aussi le Roi Charles X de la médiation
offerte par les députés, de l'instrnire de l'état de la
capitule a-t-íl reIDt?li toutes les obligations que lui
imposaíent ses fonctions de président dll con~eil,
et la haute confiance dont iI était environné í4 1: a-t·




( 302 )


. il éclairé sur eette désaffeetion générale qu'il ne pou-
vait s'empecherde reconnaitre dans ceux memesqui
restaient fideles an chef de l'état et combattaient en-
'core pour lui? M. de f'oHgnac déclare avoir écrit dans
ce meme moment une lcUre ou il exposait au Roí la
situation des choses. On ignore si cette lettre étaitar-
rivée a Sai.Cloud, lorsque Charles X reI,)Ut ceHe du
~aréchal.·


Le Roi, apres avoir écouté les détails que lui don-
nait, en lui remettant la lp,ttre du dnc de Raguse,Je
colonel Komierowski, le renvoya pour uttendre ses
ordres. Ces ordres se firent longtems attendre. Le
colonel impatient supplia plusíeurs foís les officiers
du Roí d'aller pres de lui, et de hater sa réponse. Il
para1lque, JUeme dans ce moment~ les lois de l'éti-
quette élevaient encore des barrieres qu'il n'était pas
aise de franchir. Enfin le Roi, ayant a cotéde..lui
M. le dauphín et madame la duchesse de Berry, fit
rentrer le colon el Komierowski, el pour toute ré-
ponse, le chargea verbalement de dire au maréchal
« qu'il eut a bien tenír t qu'il fallait désormais réunir
» toutes les troupes sur le Carrousel, sur la place
» Louis XV, et ne plus agir qu'avec des masses. »
Cette réponse désespérante, le marécha~ ne jugea
pas a propos de la transmettre aux députps, qui
l'attendirent en vain jusqu'a dix heures du soir.


Ce ne fut qu'alors, et alors seulement, nous a dit
l'un des commissaires, que, perd~lt toute espérance
de conciliation il se crut délié de ses sermens sans


. ,


re tour, et unit ses efforts a ceux des habitans deParis.




~ ( 303 )
J~e ministere, OH clu moins le prési(lent du eonseil,


qui J1Ie fit rien ponr aider a eette conciliation, a ce
rappl'ochement, que les mandataires 'du pays étaient
venus solliciter avec tant d'ardeur, enveya Íe soir.
meme l'ordre aux troupes dont sé composaient les
camps de Saint-Omer et de Lunéville, de se porter
sur Saillt-Cloud. Le meme ordre fut transmis -en
mem e tems al' artillerie de- Vincellnes. L' aveuglement
du président du conseil fut dans cette circonstance
tellement inexplicable, qu'ayant appris, au moment
roeme ou le maréchal luí rendait compte de la dé-
marche des députés, qu'une compagnie d'un régi-
ment de ligne avait refus3 de [aire feu sur les citoyens
et fraternisait avec eux, M. de Polignac voulait que
l'on employat contre ~es nouveaux rebelles les forces
de la garde encore obéissante, sans songer que, si
des obligationspll].s ou moins étroites liaient les ci-
toyens, les troupes de ligne et la garde du Roi, l'a-
roour de la patrie triompherait bientot, et ne tarde-
rait pas a les réunir dan s un meme sentiment .
• Les dispositions de l'armée n'étaient en effet in-
connues qu'au ministere seul, et nous devons dire


'"que, dan s ces journées si malheurellses pour elle,
une foule de traits générellx et patriotiqnes témoi-
gnent assez que, par ses sentimens, elle n'était pas
séparée du reste de la nation.


MM. de Peyronnet et C.apelle n'étaient pas avec
M. de Polignac lorsque .les députés vinrent trouver
le maréchal. Ils n'arriverent que pente teros apres,
et 118 s'accordent a soutenir que, ~puis le 2.7 an




( 304 )
soir, il n'y avait plus réellement de ministere, phiS
de conseil, qu'iln'y avait que des ministres tit~air~; .
sans délibérations, sans participahon officielle aux
affaires, et qui , s'ils donnaientencore quelques avis,
ne les donnaient plus que (!orr.me individus. lis ,


. . .


disent que le Roi ne cOI'respondait qu'ave.c le maré.
chal et l~ président du conseil; qu'ilsn'ont pas connu
le sccret de ces communications, et que M. de Poli.
gnac ne les a consultés ni sur la réponse aux ouve['-
tures faites par les députés, ni sur le mouvement
des troupes ordonné par lui, ni sür aueun des actes
de l'administration. Tous les ministres adoptent enfin
ce systt~me que, au moment ou la vilJe avait. été
mise en état de siége, ils ne pou vajen t plus répondre
des .fi¡its qui s'accomplissaient SOtIS ce régime; et,que
Icur responsabilité disparaissait en quelque sorte
devant ceHe du maréchal.


Toutefois, il est impossibled'admettre qu'ils aient
été étrangel's a l'ordre donné a la Cour royale de Pa"
ris, et signé par le dne de Ragnse, de se transporter
aux Tuileries pour y poursui vre le cours de ses tra-
vaux. En eHet, iI serait difficile de ne trollver daI:s
cette mesure qu'une bienveillante sollicitude pOUl'"
des plaidenri ordinaires dont on vOQlait faire discu-
ter les intérets civils an hrliit mena<;ant de l'artillerie,
et de n'y voir qu'nne protectionac.cordée a ]a justice
dans un instant de tumulte et de bonleversement.
N'apparalt-il pas an contraire que le dévouement des
magistrats ata. príncipes constitntionnels, que leur
résistancc pr~umée a la violation des lois uu pays




( 305 )
préoccuperent le millistere. n voulut ·se mettrc' en
garde contre cette résistauce. Un !ait semble le faire
croire : on avait envoyé au procureur"général tÍ'e
Paris l'ordonnance qui mcttait la capitale en étatde
siége. Le procureur-général était abse.nt, e~ a'llcun
de ses substituts n'était alors ati palais, on la ptirta
au conseiller président de .la cour d'assises, magis-
trat connu pat· ses sentimens constitutiom;lels. Ce
magistrat prit la dép~che et en don na un rec;u. 11
parait que le ministre, voyant sur le rec;u le nbm
d'un .membre de la cour différent de celui qui exer-
c;ait les "fonctions de procureur-général, ne douta
pas que la Conr royale ne pri¡ une part active a la
résÍstance, et n'eut chargé provisoirement un des'
conseiHers de rcmplir les fonctions duminisb~re"pu:
.hUc. Le 29 au matin, l'avocat-générar;qui rempla-
({ait alors le' ptocureur-gév.éra1l1bsent, vint rendre


, .~


compte aux, ministres de l'etat~de Paris, qu'ils con-
naissaient si.mal entore. M. de Peyronnet qui, avec
ses colIegues, avait passó lanuit anx Tnileries, s'em-
pressa de demander quel était le nonveau procurcar-
général qui avait été nommé. Dél.rompé de l'erreur
ou iI avait été, le ministére n'en donna pas moins a


• f •


la Cour royale, le jeudi matin "ers huit heurcs, par
l'intermédiaire du maréchal, l'ordl'e de se transpor-
ter aux Tuileri>~. Alors encore le ministere, qiü n'a-
vait pas perdu'tout espoir, redoutait la patridtiql1e
indépendance de lapremiereCour royale du
l'oyaume.


An milien de tant d'événemens, il est difficile
20




( 306 )
d'apprécier avec une justice absolue la part réelle
des ministres achaque incident. Nous savons ce-
pendanL que M. de Guernon engagea le maréchal a
appeler pres de lui le préfet de París, les maires et
les adjoints, ponr aviser aveceux aux moyens de
calmer l'insurrection. C'est lui ~ nous a-t-il dédaré,
qui rédigea ponr le maréchal les différentes procla-
matioris que la mise en état de siége exigeait. Ces
proclamations furent imprimées, mais il fut impos-
sible de les afficher : ces actes particuliers, nous a-t-il
ajouté, n'indiquent point cependant qu'il ait con-
couru aux mesur~s générales que ron crut devoir
prendre depuis que la ville, en état de síége, ne
recevait d'ol'dres que du maréchal qui y comman-
~ait.


Cependant le" duc. de Raguse, cMant aux héroiques
efforts de la population ,. et e~écutant en meme tems
les ordres dn Roi , avait concentl'é ses troupes au-
tour du Louvre, sur la place du Carrousel et dans


, les rues adjacentes; 'vers minuit, le canon avait cessé
de se faire entendre, et París rentra en apparence
dans son "calme accoutumé.


Mais un obstacIe nouveau el plus inattendu que
toutle reste pour des ministres quin'avaient rien
su prévoir, s'était montré toilt-a-coup. Des le 2.8 on
s' était emprcssé de reprendre' le vieil uniforme de la
garde nationale : la population entiere salua de ses


"acc1amations ,entoura de sa confianee cette garde
citoyenne si foUement détruite en 1827. Le peuple
. y vit le présage de la vietoire, le gage de la liberté




( 307 )
et de rorclre public, qui devint des ce jouF 'le cri
de ralliement des citoyens armés. La Couronne , en
brisant la garde nationale de Paris , s'était privée de
sa derniere ressource, et ce n'était ,pas au moment
memc ou le ministere venait de violer tous les droits
des citoyens , qu'il pouvait les autorist!r a reprclldre
leurs armes'; et pour le m_aintiea de la tranquillité
elle-meme~ il sentait qu'il ne pouvait plus' réc1am~r
l~nr génér~ux secours. Aussi le maréchal répoussa ..
t-illes offres qui lui furent faites de réunir la' garde
nationale a~ chef-l}eu de chaque ~airie et de lui con-
'fiel' la surveillance de chaqae at'rondissemeut. Au
défaut du pouvoir, elte s'organisa elle-meme, et tout
annonl,(ait que des le lendemain elle reparaitrait pres~
que entiere ponr défendre les libértés, pour pro-
téget les proRriétés et la vie des habitans ,d~ Paris.


Tout annon~ait p0ll:r le je'1di ~9 des malheurs en-
eore plus grands que ceux qui avaient ensanglanté
les journées pl·écédentes. Les citoyens s'étaient em-
paré s des magasins de pc;>pdre et des armes renfer-
'mées dans les dépóts publics; la population entiere,
san s distinction de sexe ni d'age, semblait résolue a
prendre part au combato •


II s'en rallait bien que le ministere fUt en mesure
de ré?ister a une insurrection si rapide, el son ¡m-
prévoyance ~vait meme été telle que ríen n'était pré-
paré pour les trollpes, ni vivres, ni munitions. On
voulut du moins leur distriDuer une gratifkation;
,~, .,


etc'est alors, dans la matinée de jeudi ~,que M. de




( 308 )"
Montbel prit sur lui de faire sortír des caisses de l'itat,
sans ordonnance réguliere du ministre de la guerre,
une somme de 42 1,000 franes.


N OIlS ne redirons pas ici, Messieurs, cette suite
d'actions glorie uses , ce patriotisme' si désintéressé,


- ees sentimens si nobles et si purs qui out ilIustré les
trois grandes journées de notre derniere révolution.
Ils vivront dan s la mémoire du peuple franc;ais , qui
n'oubliera jamais que c'est an courage des Parisiens
qu'il a du l'affermissement de ses libertés. Toutes les
mes de Paris, l'H8\el-de-Ville, les casernes, le Lou-
vre, le palais 'dé l'Ins1itut, le¡ Tuile~'ies, portent en-
cote lés marques de ces mérnorables combats.


Ce fut alors ~t au milieudu fen, qn'en l'ahsence
presql'le' entieredés membres de la Chambre des
Pairs, qui ne devaient se r~tróuver a Pa~is que pour
le 2 aout, le grand-référendaire prit la noble et cou-
rageuse résolntion d'aller, an nom de tons les Pairs
de France , renouveler pres des ministres les efforts
inutilement tentés la veille par les députés, déte~­
miné qu'il était d'arriver jnsqu'an Roi, et de tout
faire pour l'éclairer sur les périls de la monarchie.
'fontes les avenues éloignées des Tuileries étaient
ocenpées par les citoyells armés : le~ engagemens
avaient recommeneé sur" plusieurs póints, lorsque le
marquis de Sémonville" qu'accompagnait le eornte
d'Argout, arriva enfil1- a l'état-major , oú il trouva le
baron de Glandeves ,~g&1verneurdes Tuileries et le
mar4chal.




( 309 )
Nous croyons, Messieurs, devbir -laiss<::r parlel'


M.'tle Sémon~ille .. : .... _ ............ .


e( Parvenu a l'état.majol' vers sept heures et demie
)) da matin, je trouvai 'lemaréchal duc de Raguse,
)) a qlli je dema~ldai de fa~re sortir M. de Polignac
J) dll conseil. Le maréchál s'óffrit de rempJir cette of-
» fice et alIa. chercher'M. de Polignac. Celui-ei para!t
J) irnmédiatement, m,'aborde ~vee leS formes d'unc
)) politesse ~alme- et froide : elles sont brusquement
),' interrompues par une vive interpellation de ma
J) parto Une,sép.aration profonde se prononee entre
)) celui qui vient demander, au nom de son corps,
J) le salut public, la cessation de:; hostilités , la révo-
)) catioll des ordonnances,,. la retraite des ministre.s,
),etcel.ui qui essaie encore de prenare ladéf~nse des
» circonstances déplorables dont iI est le témoinet
n l'auteur. L'élévation des voix appelle dans le salon
» du ma~chal, d'une part 1.les officiers généranx et
» aides-de.campkqui étaient dans la premiere piec~;
». de l'autre, les ministres restés dan s la salle du con-
J) seil. Une diseussion nouvelle s'engage, pendant la-
)) queIle on·:;inv.ite les généraux a se retire/'. D'un
» coté ~ l\'f. d'Argout , le maréchal , dont le désespoir-
l)était visible, et qui m'appuy~i t ¡le toutes ses [Ol-ces,
» 1\1. de Girardin (Alexalldre)., resté apres le départ
)) des généraux; et, de l'autre, les ministres dont
)) l'attitude et les traits, plus encore que les discours
» résel'vés, témoigllaient,de leur affliction et de l' exis-
») tcnce' d'Ull pOllvoir sllpéI'ieur au lcur. M. de"Po-




( 310
» lignac soutenait presque seul cette lutte inéga:í~
» y. mit fin, en propqsant de se retirer en eoñ!réirt
» pour délib,érer .... Le tems que nous laissait la déli~
» hération des ministres fut eniployé a supplier le
l) maréchal de mettre fin lui-meme a cette horrible
J) tragédie. Nous osames aller jusqu'it lui demander
~ de retenir les minist~es sous la' garde du gouver-
» Il~ur, qui, par un mouvcment généreux, consen-
» tait a consacrer son épée a cet usage. M .. d' Argout
)) s'exposait au danger d'arreter les mouvemens de
». Paris, en portant au r:nilieu dn peuple cette nou-
» velle. Dans l'exécution de eeHe résolution extrem.e,.
) qui pouvai~ encore sauver la dynastie, le maréehal
» et -moi nous portíons nos t~tes a. Saint-doud , et
» lfs offrions p~ur gage de nos intentions. Le flla-
» réchal·, -émnjusqu'a répandre des larmesde rage.
)) et d'indignation, halanc;ait entre ses devoirs mili-
» taireset ses sentimens. Son agitation étaiJ presqlie
») eonvulsive: nous l'avons vu deux fois se refuser
» avec véhémence aux ordres qu'on venait lui de-
l) mander de tirer le canon a mitraille, ponr repous-
» ser des attaques vers la rue Saint-Nicaise; enlin,
» il semblait céder a nos instances, ei'j'aí lieu .de


M ,_.


» croire que sa résolution n'était pí,~s dotltéuse, lors-
» c¡ue M. de Peyrortnet sortit le premier du cabinet~
» s'élanc;a derriere moí vers la fenetre onverte, ou
»j'étais appnyé avec le maréchal et M. d'Argout.-
» Quoi! vous n'etes pas partí'? me dit-iI. Ce peu
» de.mots avait une grande signification ,apres les
» desirs exprimés par M. de Polignac que nOllS n'al-




( 311 )
» lassions pas a Saint-Cloud. Au meme. moment, le
» maréchal se précipite vers une table, éerit á. la bate
» quelques lignes tres-pressantes au Roí, les remel a
» M. de Girardin, qui s'oIfre a les porter; les Pail's
» courent a lelll'Voitllre, ~t tpaver,sent les Tuileries,
» lei, il m'a été impossible, ainsi qn'a M. d' Al'gout,
» de me renclre compte de la circonstullce suivante.
» Dans la rapidité d~ notre marche, au mili en de la
» grande allée, nons passons aupres d'nn homme a
.11 pied, an risque de le blesser; c' e&t homme est M.
), J:ic Peyronnet; il nous erie deux fois : Allez vi te!
» iftlez vite! en mOlltrant d'une main Saint-Cloud, et
» de l'autre la voiture qui nous suivait. L'invitation
» était inutiIe : les chevau'X étaient lancés au grand
», gaIop : ils eonserverent 1eur avance jusque daIl.s la
»cour de Saint-Cloud, ou les voitures entrerent
» presque en meql~' tems. Deseendús ·les prerniers ,
» nous fumes entourés par une f<;lule de gardes et de
» curieux qui obstruaient le perron. Il nous fut done
» facHe de barrer le passage aux ministres, et part~­
» cuIierement a M. de Polignae qlli les préeédait. le
» luí déclarai a haute vou que je n'étais pas venu
» pour réclamer un honneor que je voulaís bien en-
• core leur laisser; qu'illeur restait un, «evoir a rem-
» plir, eelui d'éclairer le Roi, d'apposer leurs signa-
» tu res a la révocation des ordonnanees, et de se re-
D tirer.


« J'ajoutai que j'allais attendre le I'ésnltat dl1 con··
t •


») seil chez M. de Lu1teiilbourg ,qúe le.s mómens
») étaient pressans, et que, s'ils trahissaient nos es·




( 31:2 )


» pérances, rien ne m'empecherait de pénétrer-jus- .&
» qtt'auRoi. Apres cette allocution, le passage' fút
» onvert a M. de Polignac, qui ne répondit ríen, et
» la ses cóllegues. M. de Peyronnet marchait le der-
» nier, passant pres de', l~oi, il me sena ]a main, sans
» mot dire, avec une extl'aordimiire énergie; J'i-
» gnore ~e que devinrent les ministres: nraisa peine
» étions.nous chez M. de Luxcmbourg, qu'un huis- '
» sier de ]a Chambre vient m'appeler. M: de Poli-
» gnac m'atte~ctait a la porte du cabinet du' Roi.
l) Étonné de eette prácipitation, je luí fis obseger
)) que le conseil n'avait pas eu ]e temsde délibé]'er,
lJ nimeme de s'assembler. Jl-I de PoJignac répondit
» froide1Dent: Vous save,~' Monsienr, quel devoir
» v,Qus croyez' reJIlpliri, ell, venan! ici dans les cir-
» constanc~présentes. J'ai informé le Roi que :vous
» étiez-Ia : vous m'aecusez; c'est a vous d'entrer le
» premie!'. n n'est ni dans mes devoirs de témoin ni
» dans les convenances, de rendre compte d'un long
» et (louloureux entretien, da~s leque], je le décl~re,
» en expdsant le~leau trop fidele de tant de mal-
» heurs, et leur résultat immédiat, ]e nom d'un mi·
» nistre n'a pas été pronpncé une seule fpis, ni ,son
» interverition indiquéElt Mes instances Iliessúppli-
» eations, mes déplorables prédie~ions ont donné a
» eette scene un caractere de'vivaeité qui: a jeté une
» sorte d'alarme parmi les personnages les plus con-
» sidérables, gardiens d~ l'appartemcnt dll Roi. l,a
» pOl:te fu.t olI,verte, je cfois, a deux reprises par
)J M. le tIlle de Duras; il a pn juger que je m'étais




( '2 " \ ,J 1) .}


)) dévoué tont entier ponr déterminer uI\e réso
j) lution dont les retard~ onteu de si terribles effets.
» Telles sont les uniq~es relations que j'ai eues avec
)) les ministres au sujet d~s oráonnances.»


Les efforts da, I,Ilarquis de SémC?nville ouvrirent
en fin les yeux 'duRoi~ Charles X'lint un demier
conseil. Les ministtes quitterent!!le:;pouvoir , il était
trop tardOa victoj,re avait prononeé, etJe drapean
nati¿nai'dIott~it 'srir les tours de paris. ~\. .


Tóus les ~its <tui-pnt ~u1'vi ~ontF drl'domaine de
l'histoil'e; ils sont ¡tl'angers'au p~oces dont la Conr
a maintenant les principa:'Í1X élémens sous les yeux.
L'histoire dira comment moins d'une année a suffi
a l'administration que présidait M; de Polignacpour
renverser un trone qpe', dans ce~, c!!cevan.tes illll-
SiOllS, il ,·se. er9yait appel~ a squ1qlir c(a con-
·sóHtler, .. ·. '.", ; .. ' .;' 7~'~' .. , ',' .


SECONDE PA:RTIE.


Depuis la formation du ministere 4u 8 ,aout,
chacun était préoccupé de]a siJuation de la France;
une inquiétude vague fatiguait les esprits. L~ marcl~e
suivie par l'administrationet le renvOÍ de la Chambre
des' Députés ne justifiaient que trop . les 'craintes
qu'on avait con¡;ues. On redoutait, vous le savei,
Messieurs, quelque gra~d changement dans Ies,l;s
dn pays; chacui}. sentalt que ces changemens ne'
pourraient etre obtenus que pár la forcé.~ir~,~io~'


. .t . ,,' .'.' •
lence; cal' ron savait -que la magistrat~lre, fi~é';_
gardiennc des lois ~ nCill preterait .:pas 'sp'n appt'Í'i a .




( 314 )
Ieur deltruction.; De la cette opiníon gé~éralem~
rép:mdue que le Gouverne¡nent, en se jetant pallfi. ..
les voies inconstitutionnellés, suspendrait les tribu-
naux ordinaires, établiraitles couus prévOtales, eher-
cherait a compromettre les popplations avec les
soldats, et se préparerait ainsi un appui dallt
l'anéantis,sement dn pouvoit· judiéiaire et dan s l'ar..'
mée. L'invr.;tisemblance d'un pareil dessein n'aurai~
pas du sansdoute etre légeretnent accueillie pár I~J:'
hommes accoutumés a réfléchir aux. exigencis de
notre civílisation; et pourtant il est vraie de dire
qlle le ministere en était généra'ement accusé.


C'est au milieu de toutes ces craintes que ron reo'
ft~t la I10uyeUedes attentats dont la Normandie com·
:rtién~:}it. a dev~nir le théafre,."et les pr~ventions popu-
laires né tartlc4;.ent pas a en acc:user le Gouv~rnem~nt;
le Gou\""crnement, de son coté,. ne crai~p.it pas de
faire retomber cette accUsation sur le.parti potitique
dont les principes étaient différens des siens. L'irri-
ta,tion n'en devint que plus vive: ron comprend sur-
tout qu'apres lachitte de Charles X, les peuples aient
imputé aux ministres de ce prince tous les malheurs
arrivés pendant leur administration: les incendies
de laNormandienesont pasau nombre desifioindres.
calamités de cette époque.


Pendant;le tems qui s'écoula entre le 8 aout 1829
et le 'ruoís de mar s 1830, il ne para!t pas que les
<:rirhe~ s~· soient multipliés en Franee au-dela de la
p~QPo;iion OI'dinaire, et ron ne remarque pas sur·
tour un plus grandnombre d'incendies que dans les,




( .315 )
époques correspoooantes des années antérieures;
mais, depnis cette époque, ils se multiplíerent d'une
maniere effrayante; ~, .


Nous avions d'abord vótilu vous en présenter l'his-
toire complete, et vQus offrir uae analyse de.chacune'
des instructions anxquelles ils ont d'onné líeu; nous
av.ions lu dáns ce but la correspondance des magis-
trats et des diverses . ~torités.qui se sont otcupés de
la répression de ces crimes , mais cette ana:lyle ~ qui
a elle senlé ' eut' formé unvolume; ne pouvait vous
fai~e connaitre toutes les ~marche5 des magistrats,
les investigations, les interrog'atoires,les recherches
multipliées auxquelles ils se sont livrés : iI était im-
possible que notre travail ne présentat pas une cer-,
taine confusión qui aurait plutó'{obscurci,Huéjpon-
t~é la ;érité. Ce q~il .• importe ~~ ..~? .us,~ai~éc·on~fli,tre,
c est 1 ensemble ~s ·mesures e'tq}!loyees pour arreter
ce fléau dévastatelll',c'éstsurtOut la part qu'ont pu y
prend're les ministrés accusés.


Avan't l'époque ou les incendies commencerent,
auculli partie du royaume n'était'plus paisibleque
le ressort de la Cour royale de Caen. Le comm'~~ce
prospérait; l'agriculture était florissante;lescontri-
butións s~payaient avec facilité Ú exactitude; enan
le 'récrútement s'opérait sans murmure et sans o~
,~


position.
Tout-a-coup, 'vers la fin de février detllier, á'ce


.,.'1 .,
calme profond, a cet état de prospérité o,ntp",uccéde.,
la désolation et l'incendie. Sur les seizearroiulísse':
~~.s_:-.~ .~
~ .,:=:;:




( 3JG )
mens du ressort, treize ont été ,livrés a ce fléauj~'
on ~lit que l'arrondissemerit de Mortagne, épargné .
jus4ue-la, vient d'en etre attaqué.


Lé premier inceridie rem.a'rquable eut lieu le 28 fé-
vrier, a Bremoy, arrondissementde Vire. Cet é~é.
nement fut d'abord considéré eomme le résultat
d'une imprudence, ce que la suite ne vint pas COJl-
firmer. D'autres intendies éc1~rent coup sur CbUp
clans l'arrorídissement pendant le mois de marsj ils
ne s'arreterent plus. Presqu'en meme tems, le fen
se mOlltra avec la meme ftlreur dan s l'atrondisscment


""., -.'


de MOl'tain.
En quarante jours, trente-quatre incendies on ten-
tati~ d'in{;endie ,se m,anifesterent sur une surface
de ~tJir'ues4car~&i1~t"vínrent',épo(¡vanter la po-
pfilation. Iirésulfe.;d~ laéorre"Spondance que nous
avons eue s6usles yéu~, que les.magistrats des lieux;
les juges d'instruction, les procureurs du Roi, lem's
substituts, firent tout ce qui était en leur pDuvoir
ponr constater les crimes, procéder anx informations
et~fchercher lesconpables; mais ces magist~ats ne
potivaient suffire' a un travail aussi considérablc.
Dans de telles circonstances, la Chambre d'accusa-
tion de la Conr dé Caen trouva qu'il ét~i'?~e -son dee
yoird'évoquer l'instruction de plusieurs deces crimes,
et de délégner, ponr continncr les recherches, deux
des' conseillers de la Conr, tous deux anciens subs-
,1:ittits ~e parquets, et a ,qui les matieres criminelles


'. étaient 'famili.eres. 1)s se tl'allsporterent sur les lieux
/' '




( 31 7 )
et se réunirent nux premiers magistrats pour,com-


. pIé ter avec eux les instructions commencé.es: le tra-
vail qu'ils pnt fait est immense.


Pendant que la j ustice agissait avec to~te l'acti"ité
que lui permettait sa marche régulier-e, de concert
avec elle, les autorités militaires et civiles travail-
laient a arrt}ter le cours de ce fléau. Lepréfet du
Calvados 6t augmenter les forces de la gendarmerie;
se transporta. lui~meme dans les canton.s menacés:


. nous J'avons entendu, et sacorrespondance, qui a
passé sousnos yeux, atteste qu'il appela l'attention
du Gouvernement sur. la situation de son dé par-
tement.


Mais 110US devons surtout vous faire connaltre les
mesures que, de leur coté, les.win'stre~ crurent de-
voir pr~ndre. Le garde;.des-sceW>;. instruit ~~ tous
ces faits, les fitco~~~Jre, par sa leUre du 27 mars,
au ministre de l'int~fieur, eRIui demandant de se-
conder les effortsde la justice par tous les moyens
qui étaient en son pouvoir. Hans le commencement
d'avril, il écrivit de nou veau an ministre de fintérieur
et de la guerre, pour demnnder l'éta~I~$sementd~llne
nouvelle brigade de gendarmerie. Le 19, il transmit
des instructions au procureur-général de Caen; ces


. instructions se terminaien t ainsi: «( Le moyen, je
,) cr()is, de se saisir des inéendiaires, serait de faire
») traquer simultanément, par toutes les cornmunes
») voísines I les boisqtli se tronvent pres des lieux ou
» l'incendie se inanifeste.


» J'ai écl'it au ministre de ~la gllel're, et je lni ai de




( 318 )
;, ilouveaU représenté qu'iI était urgent de doubler
tl la force de la genrluTrnerie dails les arondissemens
» qu'une si horrible trame menace et rlévaste. »


Une correspondance active existait alors entre lt!
gardc-des-sceaux et le procureur général, le preinier
président, les procul'eurs du Roi et les cornmmis ..
saires de la Cour délégués, soit dans l'arl'ondissement
de Vire, soit dans celui de Mortain. Le juge d'ins-
truction de Vire ne pouvant, a cause de son grand
age, suffil'e an travfi.il dont iI était accablé; le mi-
nistre annonce qu'ille remplace par un magistrat si~
gnalé par son activité. Le ministre demande enfin a
etre instruit, jour par jour, de toutes les mesures
qu'on croira. devoir prendre.


Au milieu d'llvr~, ·:les incendies abaodonnerent
l'arrondissement de mortain et mena<;erent celui de
Saint-Lo. Le garde~des-sceaux écrivit au procureur
général : ee le ne puis que vous renouveler mes in s-
}) tructions précédentes: arreter tout individu qui
» s'écartera des chemin¡¡; surveiller s'pécialement les
D colporteurs, traquer simultanément les bois des
» communesf?,u les incendies se mauifestent, apos-
) terde nuitdes surveillans quíobserventetéchappent
lo) aux regards, etc. »


D'un autre coté, le ministre de l'intérieur faisait
surveiller a París, différens ~ndivig.us, marchand!,
d'habitset colporteurs signalés cornme ayant des rap·
ports avéc les lieux incendiés.


Le 11 mai, le garde.dei-sceaux, M. de Courvoisier,
écrit de sa main au procurenr général : (e C'est vrai-




( 31 9 )
»ment choso inconvenable que, dans une contré~
.Otl la population, la poli ce , la gendarmel'ie, les
» troupes de ligne, l'autorité administl'ative et judi ..
» ciaire sont a la poursuite des audacieux malfaiteurs
)} qui lívrent plusieurs arrondissem~ns aux flammes 1
» on ne puisse saisir le 61 de cette trame, ni arre ter
» les incendiaires. :re n'y con'~ois rien. »


Les mesures prises par les différens ministres et
celles qu'il y avait a prendre encore furent discutées
plusieurs fois au conseil. Des agens secrets furent
envoyés depuis par le ministre de l'intérieur, ils re ..
<,;urent des autorités administratives et judiciaires du
pays les instrllctions né~essajres pour tacher de dé~
couvrir les auteurs de ces attentats; mais, soupc;on M
nés bientOt ellx-rnemes par la population attentive,
ils furent arretés par les citoyens comme auteursMs
incendiés; plusieurs meme allaient etre fusiUés palo
le pe~ple exaspéré, lorsque les magistrats parvin-
rent, non sans peine, a les soustraire a la mort,
mais sans pouvoir completement désabuser sur leur
compte ceux qui les avaient arretés, et qui demeu-
rerent convaincus d'une affreuse connivence entre
le Gouvernement et les incendiaires.


L'agitation et l'inquiétude croissaient tous les
jours, les con tes les plus invraisemblables étaient ac-
cueillis sur la maniere dont le feu était propagé. Dm ..
tubes pleins de fen, des corps en apparence inertesf
mais qni, avec le tems, s'enflammaient et embra-
saient les édifices sur lesquels ils étaient Jancés, tels
étaietlt les moyens, disait-on, em'ployés par l~s in~




( 3~.w )
cendiaires. M. le prooureur général actucl, magistrat
for! recommandable, fait observ"er que, ce jamais oh,:¡o
» n'a représenté a la justice le résidu de ces préten~
» dus corps enflammés, que des témoins ont cepen-
» dant déclaré avoir quelquefois éteints.» Cepcndant
le úle et la surveillance la plus active n'obtenant
pas les résultats qu'on devait en espérer, et les po-
pulations s'exaspérantdavantage, on crut nécessaire
d'envoyer sur les lieux une forcearmée considéra-
ble. Le 15 mai, M. de Courvoisier annon<;a ces me-
sures au procureur général de Caen, et lui écrivit la
lettre suivante :


« M. le ministre de la guerre a tl'ansmis hier, par
» le télégraphe, au commandant de Saint-f.\falo, rol'-
» dre de diriger immédiatement sur le département
»4e la Manche, un hataillon du 5ge •


. »Une autre Qépeche télégraphique porte au gé-
1) néral Donnadieu l'ordre de diriger du Ma~ls sur
» Mortain deux escadrons du 16e chasseurs.


» Un ordre expédié, par le courrier, an générai
» Rivaux, lui enjoint de diriger sur Caen le bataillon
» du J2e deligne quise trouve au Htlvre.


)) Puissent ces mesures mettrc fin au fléau qui
» vous désole! si elles sont insuffisantes, écrivez-
» mOL»)


Le J 9 maí, jour ou M. de Courvoisier remettait au
Roi les sceaux de l'état, il écrivit encore une Iongue
lettre relative au meme objeto


A peine le millistere fut-iI recomposé, qu'il s'oe-
cupa tout de suite du fléau qlli d{~vastait la Norman-




, ~h 1 )


die. Un magistrat inférieur, du ressort de Caen,
avait proposé la création de cours prévótales, commc
pouvant offrir a la justice un moyen plus prompt de
punir les coupables, et de prévenir de notlveanx
crimes.


Le conseil des ministres auquel, soit le garde-des-
sceaux, soit le ministre de l'intérieur, rendait compte
achaque séance, de l'état de la Normandie et des
moyens pris ponr arreter eette série de crimes, pa-
ra!t avoir repoussé l'idée de rétablir les juridietions
exeeptionneUes comme contraires á la Clwrte. Telle
est, au moins, la cléclaration des ministres accllsés;
les cours prévotalcs n'auraient offert, en effet, contre
le {léau aucun secour réel; cal', Messieurs, si la
sévérité des peines est un moyen d'arreter de pa'
reíls crimes, les jurés, dans de telles ciréonstances,
seraient plutot séveres qu'inuulgens.


Des le 23 mai, le conseil des ruinistres résolut
d'envoyer en Normandie deux régimens de la garde,
l'un d'infanterie et l'autre de cavalerie. Toutes les
troupes {orent mises SOllS les ordres du général de
Latour-Fl'Oissac, qui en 182:l :.lvait été envoyé dans
la Pieá~di~, ravagée également par des incendies que
son activité pal'vint a al'rt:ter.


A cette oceasion, M. de Chantelauze, alors garde-
des-sceaux, écrivit de sa main an procurenr général
la lettre suivante :


c( M. le procurenr général, il vient d'étl'e décidé
" an conseil dn Roi qne deux régimens, 1'un d'infan-
» terie et l'autre de cavalcrie, seraient immédiate~


21




( :1:2'.1 )
) Olent diI'igés dam les départemens de la: Manche et
» du Calvados, sur les points menacés par les incen-
}J diaires : ces troupes, réunies ü ceHes ql1i sont déjit
JJ sur les lieux, seront placées sous le commandement
») d'un officier-général non moins connu par S3 pru-
J; dence que par sa fel'meté. La présence d'nne force
» aussi imposante était le seul moyen de mettre un
)) terme a des désastres contre lesqnds l'action de la
» justice a été jusqu'a ce jour impuissante. II Ewt
» espérel' que ceUe mesure ramenera la paix dans
») des contrées en proie a d'horribles dévastations,
») et déterminera les habitans ü reprendre leurs ha-
)l bi!udes de travail, en déposant des armes d'avance
» inutilcs. Je ne saurais trop vous engagel' Ú secon-
), der, dans le cercle de vos attributions, les c[[orts
» des autorités administrative et militaire.


) 11 n'importe pas 1110ins de redoubler de soins et
» d'activité dans l'instruction des pl'océdllres. Il se-
») rait désolant que la: justice ne pút se saisir des íils
) d'une trame q ui a si csscntiellement comp"romis
)) la tranquillité publique. L'impression qllí m'est
» restée de la lecture ele vos rapports, e' es t q lI'il faut
» l'attacher ces événemells á des causes poli~ues.
») Aussitot qu'oll sera sur les traces des malfaíteurs,
» l'aff~üre prendra un autre cal'actere, en acquérant
» uneextl'l2meimportance. Je vous serai done ohligé
)} de me tenil' au coumnt, comme vous l'avez faít
) jusqu'acejour, detollt ce qui pourrajeter quelque
}) lumiere sur ces machinatiolls tI~nébl'enses. Je de-
)) sire en meme tems que vous me fassiez connaitr("




( 3:,':) j
,) la réponse de l'individu qui, apres s\~tre évadé
}l vient d'¡hre mis une seconde fois en arrestalion.
» Hecevcz, etc. »)


Le demirr bit indiqué par la leUre du ministre
avait en liea sons l'administration de M. de Courvoi-
sier; un inculpé s'était échappé des mains des gen-
dat'!~s, et son évasion avait redoublé l'agitatioIl du
pays: OH avait eru y trouver une nouvelle preuve de
l'affreux concert qu'on supposait exister entre l'ad-
ministration et les han des de malfaiteurs qui ineen-
diaiént les eampagnes.


Le ler juin suivant, le garde-des-sceanx éCl'ivit
encore de sa maill au proCllreur gén{)ral: « J'ai In
)) [¡ver IIne séricllse attention le rapport que vous
)) m'avez adressé le 29 mai sur les incendies commis
)) ces jOUl'S dcrlliers dans les arrondissemens de
» Bayenx et Saint-Lo. Le nommé BissOIl arre té dans
,) la commune de Saint-Paul-de-Vernay, doit rester
» sons la main de la justiee jnsqu'a ce que sa COIl-
)) duite ait (~té completement jtlstifiée. JCVOllS engage
)) aussi á faire vél'ificr cxactement tous les détails
)l rapportés par l:el'udc. Il n'est pas moins nécessaire
» d'int'ormer avec soin sur les menaces d'incendies
» faites a la demoiselle Dnfay, dans une lcttre en
» chiffres, dont le procureur du Roi d'Argentan est
)) dépositaire. J e vous prie de demande!' á ce magis-
» trat, ponr me la transmettre, une copie de cette
)) leUre. Je vous serai également obligé de donner
» toujours les soins les plus actifs a tont ce qui se raL
» tache a ces déplorables événemens. Vous coutí-




( :h4 )
J) nuerez a m'en rendre compte, jour par jour, en
» me faisant connaltre la tendance d.es esprits et
), l'attitude de la population. Recevez, etc. »


Le 3 juin, le garde-des-sceaux donne aux procu;
reur général de nouvelles instructions sur la con-
duite qu'il doit tenir envel's la fille BailIeul; dont
nous aurons plustard a vous entretenir. On espérait
enfin que cette filIe ferait connaltre ses complices.
Le 17, le ministre presse le procllreur-génél'~l de
faire juger les coupables, espérant qu'apres leur con-
damnation, on obtiendra peut-étre des l'évélations
importantes. On voit dans toutes les lettres, et dans
plusieurs autl'es qui se sllccédent, écrites presque
toutes de la main meme da ministre, cOInbien les
désastres de la Normandie le préoccupaient.


En 1822., les départemcns de l'Oise, de la Somme
et du Pas-de-Calais avaient également été ravagés
par des incendies: deux rappol'ts étendus furent faits
alors sur les attentatset sur toutes les circonstances
qui les avaient accompagnés. Le 15 j uin suivall t, le
garde-des-sceaux envoya. ces allciens rapports au
procul'eur-général de Caen, pour qu'il examina.t,
ainsi que les présiden~ d'assises, s'i1s ne pourraient
pas profiter des observations qui avaient été ii(tes
en J 82.2.


Tous les jours, et jusqu'a la fin de juillet, la COl'·
respondan ce la plus active eut lieu entre le garde-
des-sceaux, les magistl'ats de Caen, les divers mem·
bres du ministere et le préfet de police de Paris, est
presque toujours les lettres du gal'de-des-sceaux




:sont écrites de sa main. L'examen attentif de cette
eorrespondance et des documens nombreux que nous
ont fournis la chancellerie et les différens parquets
auxquels nous nous sommes adl'essés, n'a pu nous
laisser aucun doute sur les soins et la vigilance du
eheflde la justice pour arreter le fléau qui dévo-
rait ('t qui dévore encore la Basse-Normandie,


Apres nous etre livrés a cet examen, nous avons
eru devoir entendre l'ancien préfet du Calvados, le
premier président de la Cour royal e de Caen, M. de
la Brune, qui commandait alors la gendarmerie, enfin,
les députés des 9épartemens désolés par le's incen-
dies. Toufes ces déposition!i ne nous ont fourni que
bien peu de lumieres; elles ue répetentquedes bruits
vagues qui ne sont appuyés que sur la rumeur pu-
blique; elle~ n'ont signalé aucun fait précis qui ait
pu servir de base a une nouvelle instruction, et n'ont
enfin rien appris qu'il soit possible de rattachel',
meme d'une maniere éloignée, a l'accusation portée
contre les ministres de Charles X.


Dans ces dépositions, on doít remarquer plus
particulierement eelle de M. de la Brune, qui vient
d'etre nommé maréehal-de-eamp. Il a eu sous ses
yeux les rapports de tous ses lieutenans. Mieux que
personne, il a pu apprécier l'ensemble de ces crimes.
II a déclaré que, dans les rapports qu'il a recus, et
dans les recherches fort actives auxquelles il s'est li-
vré, il n'a rien trouvé qui put mettre la justice a
meme de reconnaItre la canse des nombréux incen-
dies qui couvririlnt de ruines la Basse-Normandie.




( :h/j )
Mais ii ajoute que, de toutes les mesures prises par
les autorités locales pour arriver a la découverte de
la vérité, les arrets d'évocations de la COllr royale de
Caen forent les plus efficaces. Cette évocation et
l' envoi de magistl'ats instructeurs, étrangers aux lo-
calités, étaient commamlés par le grand nombre d'in-
5tructions qll'il fallait faire a la fois, et aussi, par
l'efTroi que les incendies excitaient dans toutes les
localités, eftroi dont l'influence pouvait se faire sentir
sur les tribunaux eux-memes : il finit enfin sa dépo-
sition en disan t :


(eJe dois ajouter que la cOl'respondance directe de
» M. de Polignac, comme ministre de la guerre, a
» toujours été d'une complete franchise, et dirigée
» dans la vue d'obtenir par tous les moyens la dé-
l) cOllverte de la vérité.»


Dans cet état de choses, nOI1S avons eru devoir
nous occllpcr particulierement de .trois affail'es, que
l'opinion du pays et la cortl'espondance ues autorités
locales signalaient principaiement á notre attentioll.
Les avellX et les réticences des condamnés pouvaient
fail'e naltre des présomptions plus ou moins pro-
bables su!' l'existence d'agens secrets qui" si 1'on par-
venait iJ les Jécouvf'ir; feraient enBn connaitre le
caractóre véritable qu'il faut attribuer a ce ('au.


n était naturel ue concevoir l' espérance que trans-
férées a Paris et dégagées des influencesqui pouvaient
mettre obstacle a l'entiere déclaration de la vérité,
ces conda'mllées seraient plllS facilernent arneuées a
des a "cnx com plets; leu t' tl'a Ilslation él done été or~




'Y


3'27
aonnée: elles ont comparu elevant la commission; et
quoique cette mesure n'ait pl'ocluit aucun résultat,
il n'en est pas moins nécessaire ele vous dire quel-
ques mots sur chacune eles affaires qui l'avaient
motivée.


La premiere est ceBe ele la fille mariePauline, con-
damnée á la peine de mort, pomo incendie commis,
le 26 maí, dans la commllne ele Saint-Martin-ele-Salleu,
arronclissement de Caen. Quoique la condamnation
n'aít été motivée que sur un seul fait d'incendie,
l'accusation portait sur cleux faits distincts, dont le
premier avait en líen le 2!¡ mai, et l'ant,'e le 26. L'in-
cendie du 24 avaiteu eles résultats graves, le secoml
n'avait occasioné aucun désastre. Tous deux avaient,
en quelque surte, été annoncés d'avance par la filIe
Pauline. L'affectation qu'elle avait mise chaque
fois a semer l'alarme dans le village, sa présence sU!'
les lieux, ses propos, et toute sa concluite, la signa-
laient comme coupable des deux faits; mais elle n'en
avollait qu'un, et la déclaration dll jury fut négative
sur l'autre. Ses aveux, assez tal'difs, avaient été pré-
cédés d'une accusation pOl'tée contl'e un voisin cle-
pllis recúnnll innocent; ils fúrent accompagnés
d'un récit des plus invl'aisemblables. Suivant la fille
Pauline, elle aurait été poussée au cl'ime par les
menaces et les prom es ses d'Ull inconnu. Les ren-
seignemens qu'elle donnait sur cette inconnu
ayant fait nuItre quelques SOUp<;;OIlS sur un domes-
tique attach{~ ü la maisoll d'un général demellrant
dans le yuisinage, la lille Pauline, instmite, a ce qu'il




( 328 )
parait, de ces soup\:ons, s'empressa de déclarer qu'en
effet c'était un domestique de cet maison qui lui
avait fait des promesses. Elle ne nommait pas ce do-
mes tique; mais elle le signalait, et ce sign:}lement
était contradictoire ave e celui qu'elle avait d'abord
donné de l'inconnu. Il n'était d'ailleurs pas le seuI,
disait-elle, qu'il l'eut portée au crime: troÍs autres
individus lui auraient aussi fait des propositions; des
meches incendiaires luí auraient été remises. Mais
ces déclarations se contredisaient elles-memes; 1'in-
struction les démentait sur tons les points: c'était
avec un simple charbon que le feu avait été mis.
L'imposture était évidentc; la cündamnation fut pro·
noncée. Des le Iendemain, nouvelle déclaration de sa
part; indépendamment des individllS qu'elle a signa-
lés, des instrnctions lui ont encore été données par
un homrne avec qui elle a vécu en concubinage. La
justice informe, et cette déclaration est également
reconnue fanssc. Transférée aParis, et interrogée par
nous, elle ne donnc aucnn renseignement utile, et
ne fait qu'ajouter quelques contradictions de plus a
ceHes dont ses interrogatoires sont déja rcmplis. La
seule impression que puisse laisser eette affaire est
ceHe uu dégout qu'inspirent les mensonges d'une
fille déja dépravée depllis sa plus tendre jeunesse,ainsi
ql1'elle le déclarp, elle-mcme par les habitudes d'une'
u~bauehe héréditaire, et que le vice avait préparée
pour le crime.


Un caractere différcnt s'attache aux faits reprochés
a la filie Bourdeallx, la seconde des incendiairesam('-




1, 3~0 )
nées devant la commission. Sept fois elle a mis le fen
dans le village de Cremoy, qu'elle habite. Trois fois
l'incendie a été commis dans la propre maison de sa
mere, qui enfin a été consllmée, et cependant eette
fiIle n'avait pas encore seize ans; elle a dli a sa jell-
llesse de n'etre eondamnée qu'a la détention dans
une maison de correction. Quel a été son motif? Son
crime est-ill'effet d'une aberration inexplicable, ou
doit·il etre attribllé a des suggestions perfides ? C'est
une qllestion sur laquelle l'instrnction n'avait jeté
aucune lumiere. Deux mois s'étaient meme écoulés
depuis sa condamnation sans aUClln éclaircisscment
nouvean, Ior,~q!1e cellX de ses oncles viennent la vi-
sit~r en prison : ils la qllcstionnent; et peut-etre in-
fluencés malgré ellx par une opinion accréditée dans
le pays, ils lui demandent si le curé du village ne
l'aurait point portée an crime; elle abonde dans leur
sens, et fait rcmonter a deux ans les premieres in-
stigations du curé. Cette déclaration, confirméc par
elle dans son interrogatoirc, est d'ab'ord soutenue
dans sa confrontatíon avec le curé; mais bientot quel-
ques qllestions adressées avec calme par cet ecclé-
siastique la font rentrcr en elle-meme : elle démcnt
tout ce qu'elle a dit. Plus tard, elle persiste encore
dan s cette rétraction hors de la présence dn curé.


Mais dans un dernier interrogatoire, elle revient
a ses accusatiol1s et le~ soutient en tace de celui
qu'elIe accllse : ce n'est pas an snrplns le curé seul
qui l'a cMtcnninée: un mendiant inconnu l'a mena-
cée a plusieuJ's I'epl'ises. Du reste, ses dédaratiolls




:, 330)
sont loin d'etl'e conformes les unes aux autres, elles
vaI'ient sur les tems, sur les liellx, sur les discollrs,
La commissiOIl n'a pu en tirer que peu de paroles,
elles ont été accnsatrices contre le curé, mais l'in-
stniction faite a cet égard n'a confirmé aucune de ses
déclarations.


Celle des trois condamnées qui illSpit'f' le plus d'in-
téret, et dont les déclarations cependant semblent
devoir produire le moills de résultat, est la filIe Jo-
séphine Baillenl. Un senl incendie lui est attribué,
et elle l'avollc. Le fen a été mis par elle dan s la mai·
son meme de sa maltl'esse. Le motif qu'elle en donne
n'est autre que l'explicatioll hanale présentée par la
plupart des condamnéH. Un inconnu lui a e/ouné de
l'argent, et 1'a menacée de mort pour le cas ou elle
rcfuserait. Cette explication, successivement démen-;
tie et reproduite dans les divcrs interrogatoires, est
d'autant moins vraisemblabe , que ce serait duns la
rlle, et le matin meme de l'incendie, que les pro-
messes et les menaces aurél.ient été faites. Une autre
explication, beaucoup plus plausible, ressort au pre-
miel' coup-d'reil de l'instruction. La filIe llaillenl est
d'une figure agréable; la procédure fait connaltre
qu'clle avait , non pas des liaison s coupables, mais
des relations fréquentes avec le beau-fils du proprié-
taire de la maison ou elle demeurait. Cette maison,
destinée a etre démolíe, devait etre remplacéc par
un café, ou le jeune homme se serait établi. Le seul
nbstacle a cet arrangemcnt était le hail existant; la
maisoll d'ailleurs ptait assurée. Peut-etrC' quelque




331
projet d'ulIion avec le seul homme qu'elle voyait
aura-t-il germé dans nne imagination vive et dan s un
c~m' simple. Cette idée ne peut-clle pas conduire a
eeHe de háter le moment que l'on sonhaite par un
moyen que l'on croit ne devoir callser de préjudice
a personne? Ainsi se comprendrait, meme san s au-
cune influellce extérieure, le crime de la fille Bail-
leul. Cette opinion Be parait cependant pas avoi,'
prévalu dans l'instruction; on espérait d'aátres ré-
vélations. La fille Bailleul , vivement pressée dan s le
débat , parat un instant pl'cte ú s'cxplique¡', mais
l'émotion excessive qu'elle épl'ouvait amena ulle crise
viole1lte, qui se termí1l3 par ces mots adressés a son
défenseur: Laissez-moi plucól cundamnel'. La con-
ualIlnatÍon fut en effet pronollcée. Mais l'intéret
qu'avait excité cctte scene donna líeu a mille con-
jectures. La fille Dailleul obtint une commutation :
mais ni cette grace, ni les instances réitérées de
votre commissioll, n'ollt JIu ríen obtenil' d'elle; el
la justice reste en Joule de savoir si les réticences
de ectte malhellreuse doivent etre attribuées a la ter-
reurque lui auraient inspirée de grands coupables,
OH a la crainte de compromettre, par des aveux plus
complets , l'o1jet d'nne secrete affectioll.


115 nous reste a entretenir la cour d'un dernier
fait qui, par la publicite qu'il a re¡;ue bien plus que
par son :importance réelle, exige une explication
précise. Le nommé Chal'les-Théodore Berrié, agé de
3~ ans, déja condamné ell ] 824 a 15 mois de prison,
l'av<1it été de 1I0UVeall en ,826 a deux ans de l'édll-




( 332 .!
sion pour vol. Détenu a Bicetre , ou iI suhissait sa
peine, iI avait su, par une insinuante hypocrisie,
capter la confiance des supérieurs de la prison, et
exciter l'intéret de l'allmonier et de quelques ecclé-
siastiques du dehors qui se consacrent a l'instruction
des prisonniers. Parvenu a ohtenir une gra.ce entiere
avant !'expiration de sa peine, il était retourné sllr-
le-champ a ses criminelles habitudes, et il était dé-
tenu a Toulouse sons le poids de plusieurs aCCllsa-
tions graves, Iorsque le grand proces· qui vous oc-
cupe, et l'incident des incendies, que qnelques opi-
nions y rattachaient, lui parurent une occasion de
retarder sa condamnation immillente, et de lui pro-
curer, soit quelqlle adoucissement a son SOl't, soit
au moins queIque chance d'évasion. Une fabIe est
aussitót imaginée, et pour la rendre vraisemblable',
iI y meIe tous les noms que ses relations a Bicetre ,
ou des articles de journaux, ont pu lui faire con-
naitre. Il écrit qu'il a des révélations a faire; iI dé-
clare devant la justice qu'il a été mis en reune pour
l'organisation des incendies. De l'argent, des lettres
mystérieuses lui ont été confiés; iI a vu les chefs du
complot. M. de Polignac lui-meme, duquel il fournit
du reste un signalement quí n'a aucun rapport avec
celui de l'ancien pré~ident du conseil; M. de Po-
lignac s'est livré a lui sans réserve; une sorte de
sauf-conduit ue la main de ce ministre est parmi les
papiers qn'il a laissés a Bordeaux. Ces papiers con-
tiennent les renseignemens les plus précieux, mais
il ne les livrera r¡ue sur la garantie u'un: adoucisso-




( :-):)3 )
roent a son SOl't. Il est immédiatement amené a Paris
par ordre de la commission; il comparait devant
elle, jI confirme, iI développe ses décla.'ations. Mais,
pour livrer ces papiers , qui seuls peuvent les corro-
borer, íl demande toujours des garanties étendues :
ces gal'anties lui sont données pou!' le cas ou ses ré-
vélations seraient vérifiées. Il indique alors la per-
sonne entre les mains de laquelle il a déposé ces
pieces importantes; il dOllne son adresse, sur la-
quelle iI commence ponrtant par varíer d'un jour a
l'autre. Des perquisitions sont faites dans les deux
maisons, et la preuve est acquise que clans l'une et
dans l'autre la personne indiquée par Berrié est com-
pletement inconIlue, Tous les autres point!r de ces
déclarations SOlÚ également éclaircis, et partout le
mensollge est constaté, S'il se fut agi d'une affaire
moins grave, un pareil incident eut été écarté sans
examen; mais il faut mieux encore qu'il ne le soit
qu'apres une complete vérification des faits.


Tel est, Messieurs, le résultat du travail auquel
votre commission s'est livrée sur les incendies. Elle
n'a pas prétendu vous donner l'histoire complete de
ce fléau qui dure encore; elle n'a dil s'en occuper
que dans ses rapports avec les ministres accusés. La
se bornait le mandat de votre commission.


Mais en terminant cette partie de notre travail,
sera-t-il permis a cehú qui a été chargé de vous faire
ce rapport, de dire qu'il a vécu douze ans avec le ma-
g'lstrat qui tenait les sceaux de l'état, et auquell'ad-
ministration de la jllstice était plus spécialement




l :)34 )
confiée lorsque les premiers incendies éclaterent; ce
n'estpas aMo de Courvoisierqu'on cút osé offr'ir d'em·
ployer le crime au SllCCeS d'un parti politiqueo Sa ver-
tuense indignation eút accabléle misérablc qni luí en
eutfait la proposition. Malheureusement pour lui on
triompha de sa résistance a faire partie du ministere
du 8 aout, mais cenx qui l'ont connu savent assez
que, zélatenr sincere des libertés pnbliques 1 qn'il
avait défcndues 10ngtems a la tribllne, il ne céda
que par de noLles sen timens, et dans l' espérance de
conjurer les tempetes qu'il voyait se former autour
de nons. Lorsqn€ cette espérance s'évanouit, il rcn-
tra dans la vle privée.


Qn'il.soit permis cncore a votre rapportem', ;.l.ll-
cien premier' président de la Cour royale de LYOll,
dont M. de Chantelauze était membre, de rendre
hommage a ses q ualités privées, a cette inté¡:;rité dn
magistrat qni appelait la confiance et l'estime de ceux
dont iI avait a peser les droits et a discuter les inté-
rets; intégrité qni se retrouve tout entiere dan s la
correspondance qui a été mise sous vos yeux.


Je devais a M. Courvoisier et a 1\1. ChantcIallze ce
témoignage public, auquel mes longs rapports
ayec ellx donnent peut-etre quelque poius.


Si les incendies qni dévastent encore la France
sont le résultat d'un affreux complot, espérons en-
fin qu'il sera décollvert : le Gouvel'llement ponr sai-
sir le fil de cette horrible trame, reuouble de úle,
et nous devons tout attend,'e de ses cfforts; mais au-
jOlll'd'lulÍ qll'il nOllS sllffis{' de di re que l'jpn n'an-




( 33S )
nonce qn'ancun des membres du dernier ministere
ait con~u ces complots, qu'il les ait appuyés; et
qu'ainsi l'on doit écarter dn nombre des faits qui
leur sont imputés tont ce qui a rapport a ces atten-
tats exécrables.


TROISIEME PARTIE.


Nous vous avons, Messíeurs, dans la premlere
partie de ce rapport, exposé les faits qui constituent
le chef principal de l'accllsation, et les circonstances
qui en dépendaient immécliatement; nOllS vous avons
présellté eJlsuite une analyse rapide des incendies,
qu'une rllmellr publique, qun nous n'avons pu dé·
daig'ner, vou/ait y rattacher. n nous reste mainte-
nant a appeler votre attention sur les príncipes qui
doivent pr¿sider a la vérification de votre compé-
tence, et vous mettre en état de jnger si les parties
ci viles qui se p"ésenten t devant la COUI" sont fondées
a demander que lenrs droits y soient discutés et ap-
préciés.


En ce qni concerne votre compétence, vous ne
pOllvez la vérificr et la reconnaltre, sans qne l'accll-
sation n,e soit parfaitement qnalifiée a vos yeux.
Mais, pour obtenir ce résultat, il est nécessaire avant
tont d'interdire la loi sons l' em pire de laquelle le
crime dont cette accusation est l'objet a été cornmis.


L'article 47 de la Charte constitutionnelle du 14
aoút 1830, porte que la Chambre des Députés a le
dl'Oit d'accuser les ministres, et de les traduire de-




( 336 )
vant la Chambre des Pairs qui seule a. celui de les iu-
ger. L'article 55 de la Charte de 1814 était identi-
quement le meme.


Mais il était suivi d'un autre article qui n'a pas
été reproduit dalls la nouvelle Charte. Selon cet ar-
ticle, les ministres ne pouvaient etre accusés que
pour fait de trahison ou de concussion. Le législa-
teur annon<,;ait aussitót apres que des lois particu};e-
res spéeifieraient eette na4:ure de délit, et en déter-
mineraient la poursuite.


La eomparaison des dispositions des deux Chartes
manifeste entre elles une difTérenee notable. Suivant
la Charte de 1830, les minis tres peuven t etre accusés
de toute sorte de erimes ou de délits; sllivant la
Charte de 1814, ils ne pouvaient etre aecusés que de
trahison ou de concussion.


C'est sous l'empire de la Charte de 1814 qu'ont
eu lien les faits dont les derniers ministres de Char-
le3 X sont aeeusés d'etre les autenrS. e'est donc
uniquement dan s la Charte de 1814 qnJil faut recher-
cher les élémens légaux de l'accusation.


Sous la Charte aetuelle, nul doute que les crimes
prévus par les articles 91,1°9, I10, J23, 125, du
Code pénal ne pussent devenir la matiere d'une aceu-
sation intentée par la Chambre des Députés contre
les ministres du Roí; mais sous la Charte de 1814,
ils n' auraientpn motiveruneaccusation deeette na ture
qn'autant qu'ils auraient été considéréseomme ren-
trant dans les crimes énoncés dans son article 55, et




'. 337 )
ceux ei n'avaient été définis par allcune lai. On pOllr-
rait dOlle en conclllre qn'nne telle accusation était
et demeure encore impossiblc,


En effet, en matiere criminelle ordinnaire et de-
vant les tl'iburtaux de droi t cornmUIl, la spécification
légale du fait incriminé doit non-seulement précéder
toute condamnation, mais tonte accusation et tonto
ponrsuite; cal' on ne saurait traduire un citoyen en
justice que pour nu fait spécialement prévu par la
loi pénale. Anssi tOtl t acte d'accl1sation indique-t-il,
avec les circonstances clu fait qni constitue le COl'pS
clu délit, la disposition de la 10i qlli le eléfinit et h~
spécifie.


TOlltefois, en matiére de crimes politiques et de
responsclbilité ministérielle, Iorsqu'il s'agit de l'in-
tlépendance on de la sureté de l;état, du maintien
des institutions OH des lois~ des libertés publiques
on des garanties indivielllelles, elevant un tribunal
que la constitution aplacé an sein de cleux chambres
Iégislatives, clont l'une a }'accusation et l'autre.le jn-
gement, il est impassible qn'il n'y ait pas ~ccusa­
tion qlland il y a eu péril pour la patrie, et qll'il n'y
nit pas jllgement quand il y a en accusation.


San s Joute, la sureté et la liberté J.'un citoyen
doivent etre préférées a la répression d'un trouble
on d'un désordre que le législateur a négIigé de si-
gnaler. Si la société souffre de cette omission, le mal
est réparable pOllr l'avenir, et íl serait injuste qll'une
peine qu~Iconqlle atteignit celni qui u'anrait pas été
préalablement aVl'rti par UIl texte expres de la loiJ


2'.1.




( 338 )
puisqu'il n'aurait pas enfreint ses défenses; mais it
n'en saurait etre ain5i lorsque la súreté et la libertó
du pays ont été mis en danger par ceux-Ia meme qui
doi ven t veiller a leur conservation; car la liberté et
la súreté de tous sont préférables a cell~s de quelques-
uns. De si audacieux abus de la puissance publique
sont souvent irréparables. Ceux qui les commettent
se mettent en guerre avec la société; elle nepeut de-
meurer désarmée contre leur attaque. La justice
politique n'est pas seulement clu droit public, elle
est du droit des gens; elle est inherente au droit
naturel, qui appartient achaque peuple, de vei!lcl'
asa propl'e conservation; elle ne doit, elle ne peut
clone jamais manquer ni de tribunaux, ni de lois.


Il y avait quelque témérité dans la promesse con-
tenue d:ms l'article 56 de la Charte de 1814, et il
u' était peut-etre pas an pouvoil' du législateur de
spécifier ou de définir a l'avance tous les faits qui
peuvent ·compromettre l'indépendance du pays, OH
porter atteinte a sa constitlltion; en fin , par quelque
motif que ce soit, et quoiqu'on en puisse penser,
cette p-romesse u'a point été tenue. En cet état, e'est
a la Chambre des Députés qui accuse, et a laCour des
Pairs qui juge, a suppléer a l'absence d'une définition
k'gale appliqnée au crime de trahison. Les actes d'un
tel proces nesoutpas seulementjudiciaires, ils parti-
cipent nécessairement dll caractere législatif, et, en
effet, la puissance qui, en cette matiere, regle la pro-
cédure, qualifie les faits, clétermine la peine, en
meme tems qn'elle statlle sur toutes ces choses en




( 339 )
llrincipe, et qui fuit aussitot, et presque simultané~
ment, l'application du principe, crée la loi, et el1
IIse a l'instant meme ponr prononeer le jugement.
Ainsi le commande la nécessité qui proroge tous les
pouvoirs, et qui est la plus impériellse et la plus
irréfragable des ]ois.


Ce n'est pas, d'ailleurs, san s dessein que la eonsti-
tution a pIacé si haut, et dans une région exclusive-
ment poli tique et législative, le jugement des crimes
de trahison commis par les chef:; responsables de
l'administration. Cette disposition indique assez que
le législatellr a v01l11l que eesjugemens partieipassent
du caractere des juges dont ils émancraient, qu'ils
fihsent sans reeours eomme sans appel, et souverains
eomme la ]oi meme. Déja la pratique de la Cour des
Pairs a prouvé qn'elle connaissait toute l'étendue de
ses droits et de ses pOllyoirs. Dans des causes OU il
s'agissait de erimes que le Cocle pénal avait prévllS,
par des ruotifs d'un ordre supérieur an texte de la.
loi écrite, en présence des grands intércts de l'État,
elle n'a pas craint d'al'bitrer la peine, de s'écarter de
ceIJe qui était déterminée par le Code, et de choisir
ceHe qui lui paraissait le mieux proportionnée avec
la nature du délit. Cette puissallce, elle pourrait en
userencore; elle le pourra tOlljours. Mais l'usage d'un
tel pouvoir, entierement facnltatif, n'est par cela
mcme concevable, et n'a pu trouver son application
que dans les cas prévu5 par le Code,'et dont la con-
nalssance était cependant r~servée a 'la Cour. Tel a




( 340 )
ét<, celui ,tl'attentat it la súretf de l'úat su!' leqllella
Cour a déjtl en a prononcer.


Dans le cas présent, au contraire, dans ce]lli d'une
accusation de trahison portée contre des ministres
par la Chambre des!Députés, tant qu'il n' existera pas
de loi antériellre qui définisse ce crirnr. et détcrmine
une peine que la Cour des Pairs pUlsse ap\)liquer on
modérer, l'usage de sa puissance législative est ford.
Il ces se: d'etre un droit pOllr devenir un devoir; car
si la Cour n'instituait pas ]a peine en pronolH;;ant la
condamnation, toute condamnation deviendrait une
iniquité, puisqu'elIe appliquerait une peine que ríen
n'autoriserait, He justifierait, quí ne serait établíe par
aucune loi.


Que si la sureté de l'état commande, en effet, de
soumettre de grands fonctionnail'es, qui ne cessent
pas pOllr cela d'étre citoyens, a des poursuites cri-
minelles; de leur faire subir l'épreuve solennelle des
débats judiciaires, et de les exposer, peut-etre, a une
condamnation capitale'en vertu d'un accusation dont
le titre ne se trou ve poin t dans le Cocle des 10is
pénales et contre les regles ordinaires Un droit cri-
mine], ce serait excéder toutes les bornes que de
laisser peser sur eux les peines portées par le eoue
pour des crirnes spécifiés et définís, mais qui ne se-
raientqne les élémens ou les conséquences dn crime
dont ils sont accusés. On ne saurait invoqner contre
eux la sévérité des memes lois dont OIl ne les ad-
mettrait pas a réclamer la""pl'otection, Le Cocle pénal




( 3~ 1 )
est hors un proces; pour etre éqllitable et conséquent,
il f;'mt écartcr ses dispositions, puisqu'on ne tíent
aucun compte de son silence.


Vous aurez done a examiner, Messieurs, si les
faits constatés par l'instruction, constituent, non pas
aux termes de telle ou telle 10i • mais selon la raison
et le sens naturel dt's mots, le erime de trahisOfl.
Vous ne vons al'reterez aux qualifications donnéesa
ces faits et ex traites des divel's articles du Code pé·
nal, qu'autant qu'il est nécessaire pOtllr bien saisir
les élémens du crime que vous etes appelés en ce
moment a spécifier et a reconnaitre.


En efEet, la mission de la Cour des Pairs a évi-
uemment trois objets : la qualification dn crime, qni
est le titre de l'accusation ou la vérification de la
compétence; l'examen des faits incriminés, ou l'exa-
men de la culpabílité des accusés; enfin la détermi-
nation de la peine ou son application, si les faits
sont déclarés eonstans et les accusés reconnus cou-
pabIes.


N ous sommes au premier de ces trois périodes dn
proceso


Les accusés étaient ministres dn Roi, comme teb
ils sont justiciables de la Cour des Pairs. Ils sont
accusés d'avoir commis le crime de trahison, vous
examinerez d'ahord si les faits qui lellr sont impu-
tés constituent ou non ce crime. Vous aurez a con-
stater plus tard s'ils en sont ou s'ils n'en sont pas
les auteul's.


Le principal de ces faits, cclui auqllcl se rattachent




tous les autres, consiste a avoir conseillá au Roi les
mesures illégales et inconstitutionnelles consacrées
par les ordonnances du 25 juiUet, et a les avoir con-
tresignées. Il est évident que ces mesures tendaient
a changer arbitrairement et violemment les institu-
tions du royallme. Si elles ont été conseillées au Ro~
par suite d'un concert entre ses ministres, ce con-
eert, attentatoire a la su reté intérieure de l'état, aggra-
verait sans doute lenr culpabilité, mais ne change-
rait pas la nature dn crime et n'en constituerait
qu'une circonstance accessoire. Cette gnerre civile
de peu de jours, grace a la résolutiün vigourense et
au généreux courage des citoyens , les dévastations
et le rnassacre qui en ont été les snites, ne son t en-
core que des circonstances accessoires du fait prin-
cipal. Toutefois, la gravité de ces circonstances est
telle , qu'elles auraient pu seules imprimer le carac-
tere de trahison a des coriseils moins pernicieux, a
des actes moins iliégaux que les ordonnances dn 25
juillet, surtont si l'on venait a découvrir que leurs
sanglantes conséqllences avaient été prévues ou pré..,
méditées.


Mais en présence des ordonnances du 25 juíllet,
qui transportaient sans partage la plénitude du pon-
voi,' législatif an Hoi et a son conseil, sans respect
ponr la division des pouvoirs publics établie par la
Charte constitutionelle; qlli dépouillaient arbitraire-
ment et san s jugement un nombre consiJérable de
citoyens de leurs droits politiques; qui annulaient
ks élections g?nérales dll rl)yaume, légalement et




( 343 )
¡'éguliel'cmcnt f¿lites; qui détruisaient la liberté de
la prcsse, et qui rempla<,;aient par les rescrits du
pl'ince et de ses ministres les lois fondamentalcs
qu'elles abrogeaient; ne trouverez-vous pas la tra-
hison flagrante? Etre aeeusé d'avoir eontresigné de
tels actes, lors meme qn'on ne les aurait pas con·
seillés; etre aceusé de les avoir eontresignés apres
les avoir conseillés, e'est évidemment etre ac~usé
d'avoir commis le erime prévu par l'art. 56 de la
Charte de 1814 n est inutile de chereher au-dchors
de ce fait des eirconstances caractéristiques de la
t1'ahison pour établir Ja compétence de la COllr des
Pail's. Il est oiseux de s'enquérir si les crimes prévus
par les artiGles 9 [ , 109, J 10, J:!3 et 125 du Code
pénal, commis par des ministres, constitueraient le
crime de trahison. 11 existe dans la cause un corps
de délit manifestc. Ce délit , dont les pieces de con-
viction sont sous les yeux de l'Europe entiere, ne se-
rait prévu par aucune loi, s'il n'était l'un de ceux
que 1'art. 56 de la Charte énonce; et cependant e'est
un des plus graves délits politiques qui puissent au-
toriser l'accusation des ministres. Vous n'hésiterez
done pas, indépellllamment de toutes les cireons-
tanees qui peuvent l'environn¡r, a le qualifier lé-
galement de trahison , et eette qualification procla-
mera votre eompétenee, puisque, suivant le titre de
l'aceusation, MM. le prinee de Polignae, le eomte
de Peyronnet, deChantelauze, deGuernon-Ranville,
de l\Iontbel, d'Hallssez, Capelle, ex-ministres, sont
acclIsés d' él voir signé les ordonnanccs du 2. 5 j uillct,




( 344 )
et d'avoir, en les signant , chaugé arbitrairemeut et
violemment les institutions du royaume.


TI nons reste encore, Messieurs, une question im-
portante a examiner. Si la compétence de la Conr
des Pairs comprend les faits et les accusés dans le
cercle tracé par la Charte, peut-clle aussi g'étendre
a tous les intéf(~ts cIvils, a toutes les conséquences
pécuniaires que ces faits peuvent entrainer? ectte
queslion a cessé d'l~tre poul' vous une pure théOl'ic;
vous etes obligés de la résoudre.


Des parties civiles ont déposé entre les mains de
votrc commission des demandes en interventiOll:
elles réclamcnt de la justice de la eour des condam-
nations pécuniaires, a titre de dommages et intérets.
La commission a re¡;u leurs pieces et les a jointes a
la proeédure. V1 se bQrnait sa mission; a la Cour
seule appartenait le droit d'examinel' sa compétence,
la qualité et le titre des intervenans.


Il est nécessaire que cet examen ait lieu sans re·
tard, et e'est pour la Cour des Pairs une haute con-
venance de régulal'iser avant tout la marche de la
procédure; iI importe que sa décision éclaire l'opi-
nion sur" le mérite de ces demandes. I..'admission de
l'intervention, si on croit devoir la prononcel', éveil-
lera les intérets léséf et permettra de réunir ton tes
les dernandes analogues. Son rejet épargnera aux
parties civiles des démarches infructuenses, et a la
Conr des discussious tout au moins inutiles, et qui
ne pourraient qu'emharrasser la marche du graud
proces qlli vous est somnis.




( 34:1 )
N ous allolls, l\Iessieurs, cssayer de fOlll'llir a la


Cour tous les élémens qui peuvellt éclai,'er sa discus-
sion, et lui faciliter la décision qn'elle est appelée a
porter sur cette question, digne de ses méditations
les plus sérieuses.


Et d'abord, Messieurs, si ron ne s'en référait
qu'aux principes du droit commun, l'intervclltion
des tiers pourrait-elle etre contestée? NOlls ne le pen-
sons paso


L'article 3 du Code d'instruction criminelle dit, en
effet, que l'action civil e peut etre poursuivie en meme
tems et devant les memes juges que l'action publique,
et ron n'aperroit pas au premier ,COllp d'ceil pour-
qlloi la juridíction plus élevée qu'exerce la Cour des
Pairs priverait les parties qui se prétendent lésées
d'une faculté qui ne lenr serait pas contestée de-
vant une juridictíon ordinaire; mais cette argllmen-
tatíon ne tombe-t-eHe pas devant un examen plus
attentif?


Nul doute que toute personne qui se croit lésée
par un C1'ime 011 pa,' un dé/jt, n'ait le droit, d'apres
l'article 63 du CoJe d'instruction criminelle, de s'a·
dresser directement an juge instructeur, et de saisir
ainsi la jl1l'idiction criminelle par la voie de la plainte.
Ce droit d'action explique tres-bien le droit d'inter-
v(~ntion, Comment, en cffet, la partie civile ne pour-
raít-elle pas se présenter devant un tribunal correc-
tionel OH meme elevant tille conr d'assises, Jorsque,
devan t la premiere de ces jlll'idictions, illui est pe!'-
n1Ís de saisir dil'cetpmcnt le tl'ibllnal, et qn'all gran,l




( 346 )
criminel elle a du moins la faculté de donnel' l'irn-
pulsion a l'action publique. Le droit d'aetion de la
partie lésée est alors si incontestable, qu'elle pent
former opposition a l'ordonnance de la Chambre dll
eonseil, et saisir aillsi, par sa seule volonté, la Cham-
bre d'accusation obligée de prononeer sur sa plainte;
qu'elle peut assister aux débats, y prendl'e des con-
clusions positives, les soutenir, et aggl'aver ainsi
la sitllation de l'aecusé; et qu' cnfin, si ses droits
avaient été méeonnus, et que l'on eút refllsé d'ins-
truire sur 6a demande, la prise a partie llli est en-
eore accordée eomme derniere ressource ponr forcer
le ministere public en .l'etard a donnel' snite a la
plainte qu'il uurait négligée,


Or, c'est préeisément paree que, dans les formes
ordinail'es, le droit d'intervention s'explique par le
droit d'aetion, que, devant la Cour des Pairs, appelée
a juger les eonseillers de la eouronne, l'intervention
est inadmissible. La j llridiction élevée de eette Cour
prend sa source dans la loi fondamentale elle-meme,
et ne peut etre mise en mouvement que par la
Chambreéleetive, arbitresupreme dll droit d'action :
la Chambre des Députés n'est pas, comme la partie
publique, dans la nécessité d'agir sur les faits qui lui
sont dénoncés; elle n'est pas, eomme les juridictions
ordinaires, obligée d'admettre les plaintes portées
uevant elle, ~t de juger leur plus ou moins de fon-
dement: et ainsi, pour rentrer dans les termes ,'igou-
reux de la loi, ron peut dire que, devant la Conr des
páirs, les parties civiles se trollveut écart{~es par cet




( 347 )
axiome si connu, que!e droít d'intel'vcntion ne pent
et!'c la oú le droit d'action n'existe paso


Il est bien d'autres eonsidél'ations, Messieurs, qui
viennent, dan s le proecs actuel, confirmer eette déci-
sion. Devant les tribunaux ordinaires, aucun obsta-
ele pe se présente a l'exercice de raction civile; et si,
par exemple, pOUl' l'appréciation des dommages dont
la réparation est rédamée, des vérifications ,"t\es au-
Jitions de témoins, des enquetes sont nécessaires,
les magistrats peuvent les ordonner et se livrer a
leur appréciatioll. L'administration de la justice,
dans tous ses détails, est le devoir des t¡-jbunallx 01'-
dinaires, le but de leur institution, et lenr tems tont
en tie!' doit 1 ui etre eOl1sacré.


Qlli ne sent, an contraire, que la Cour des Pairs,
qui doit avant tout a la société une haute et solen-
nelle justice, verrait sa marche embarrassée, entravée
par tant d'actions diverses et contraires peut-et~e,
que feraient naltre des plaintes dont elles ne ponr-
rait ni limiter le nombre, ni cntraver la discussion,
san s por ter préjudice au droit le plus sacré de tous,
celui de demander I'éparation d'un dommage? Qui
ne voit que l'accusation politique dont les commis-
saires de la chambre sont les organes, dispal'aitrait,
pon!' ainsi di re , an milieu des questions, si nom-
breuses et si graves, dont les interventions seraient
la source? Et eomment, pourtant, juger sainement
ces plain tes, sans entrer dans tou tes les appréciations
de détails, sans les considércr clan s lf'ur ensemble et
uans leur situation accidentelle et pel'sonnelle, et




( 348 )
sans juger enfill par quels licns nécessaíres elles se
rattachent a l'accusation principale, seule hase de
votre compétence et de votre justiee?


Il est bien d'autres diffitultés qui snrviendraient
dans I'application, si la Cour des Pairs était obligée
{Fexamincr les intérets eivils. Elle n'a rien dans son
organisation intérieure qui la rende propre a eette
nature de travaux, soit le nombre de ses membres,
soit leurs habitudes parlerr.entaires, soit les formes
3ceoutumées de ses discussions. On sent déja avec
quelle peine et quelle lentenr la Conr proeéderait an
jllgement de ces proces; quel tems réclamerait lem
examen; quel préjndiLe il en résulterait pour les par-
ties lésées, et, ne craignons pas de le dire, pour l'état
tout entier. La jnstice, pour etre la premiere des obli-
gations de cette assemblée en cour criminelle, n'est pas
le seul devoir' de la Chambre des Pairs; et l'on com-
prcnd combien elle pourrait etre détournée de ses
atItres travaux et de ses occupations législatives.


En eHet, l'intervention des parties civiles une fois
admise daIls les pro ces poli tiques ,le nombre ne pent
s'en calculer. Comment évaluer en effet celllÍ des
habitans lésés par des calamités qui amont pesé peut-
etre sur une proviuce entierc ? Chaque citoyen vien-
dra-t-il demandet' la réparation des pertes qu'il aura
éprou.vées par la mort eles etrcs qui lui étaient les
plus chers. par l'incendie de ses propriétés ou de ses
récoltes? Tous les malhenrs enfin seront-ils une
cause légitime de dommagcs et intén~ts? Mais alors
le nombre des plaigllans lIe poUI'l'a-t-il s'flevcl' Ü




( 349 )
plnsieul's milliers?Commentles entendre euxet lenrs
défenseurs? Comment pOllvoir seulement les admet-
,tre, et quelle sera la duréc d'lln débat Otl tant d'in-
dividlls sont appelés a prendre une position et á
jOller un role?


Ce n'est pas iei le líeu d'examiner si, lorsque tant
d'jndividllS sont atteints, quand iI en est un si grand
nombre qui pOllrraient demaneler eles réparations,
ce n'est pas l'état tout entier qlli se trouve alors
Iésé; si cen'est pas a lui qll'ilappartient el'aviser a la
réparation de tantde malheurs, de la demander duns
la mesure qui pen t la rendre praticable, comme
aussi de réparer par d'alltres moyens que par des
actes j udiciaires, toujonrs bornés de leur nature, des
dornrnages que lui seul peut eonstater -et apprécier.
l.es tribunallX, juges naturels eles parties, seront
appelés a décider ces graves questions, et nous de-
vons nons abstenir lci d'un avis qlli pourrait gene!'
leur décision future.


Mais l'intervention serait-elle jugée possible dans
les accllsations politiques, ce n'est jamais devant la
Cour des Pairs qll'elle pourrait etl'c portée. 11 est
reconnu eneffet par les crirninalistes les plus estimés
que le ponvoit' judiciaire étant réparti en France
entre les tribunaux civils et les tribunallx criminels,
ceux-ci ne peuvent que par exception se trouver
appelés a prononcer sur une action civile¡ et personne
n'ignore que les exceptions sont de droit étroit: allssi
les tribllnaux crimincls ne peuvcnt-ils connaitre des
actions en dommagcs et intél'ets qll'en vertn d\me




( 350 )
aü¡'ibution spéciale de la loi. Toujours la CoUt' de
cassation est restée fidele a ce principe, Un arret le
rappelle d'une maniere tellement précise, que nOlls
nous sommes décidés a le mettre sous les yeux d~
la Cour.


« Considérant que toute action en dommages-
)1 intérets est de sa nature une action civile dont la
» connaissance n'appartient, d'apres les príncipes
» généraux du <1roit, qu'aux seuls tribunaux civils;
» que par conséquent les tribunaux criminels ne
» peuvent en connaitre que dans les seuls cas d'ex-
» ception précisés par la ]oi, casse, etc, »


Ces príncipes s'appliquent tres-bien a ]a position
actuelle. La Cour des Pail's, Ínvestie par la Chm'tc
constitutionnelle d' une juridiction criminelle spéciale
et complete quant a l'espece de délits qui fonde sa
compétence, n'a été cependant instituée jnge des mi-
nistres que sur le chef ele tl'ahison ou de concussion:
hors de ]a point de jUl'itliction, et, par conséquent,
point de droit pour statuer sur les demandes qui ont
trait aux biens des ministres accllsés devant elle. Ce
sont les príncipes de notre ancie:l droit fran(jais.
D'Agllcsseall établit, d'apres les autorités les plus
nombreuses et les plus imposantes, que les tribnnaux
privilégiés par la llature dll crime OH la qualité des
accusés, peuvent bien atteindre les personncs, mais
que lenrs jugcmens n'affectent jamais la fortune du .
condamné,


{] ne dcrllierc réflexion achéverait, s'ilen était
hesoin, de démontrer combien la COIlL' des Pair~




( 3.') [ )
differe de ceHes des juridictions ordinaires, combieri
ses droíts sont plus restreints. Les COUI'S d'assises
peuvent, aux termes rnemes de la loí, meme en cas
d'acquitteme~t ou d'absolution, accorder des dom-
mages-intérets a la partie plaignante, et dans la vérité,
le juge en qni réside une juridiction universelle pour
statuel' sUl'les intérets privés, conservedans l'exercice
de la justice criminelle la plénitnde de ses droits et
de son autorité. Mais dans l'hypothese de l'acquitte.
mént des ministres, la juridiction de la Chambre des
Pairs s'évanouit tout entíere avec le délit, so urce
uniqne de sa compétence; et alors que deviendront
les plaintes des parties civiles, et les démarches in-
fructueuses, onéreuses peut-etre, dans lesquelles
elles ont été entralnées?


En fin , Messieurs, une derniere considération , plus
décisive que toutes les autres r mais spéciale, nous
devons le dire, a la cause actneHe, et qui ainsi laisse
a la Conr toute sa latitude ponr l'avenir et empeche
meme qu'on ne puisse lui reprocher d' etre en opposi-
tion avec ses précédens, vicn t achever cette sui te de
raisonnemens, desquels il semble résulter la démon-
stration la plus complete qu'on puisse désirer.


Le ministere public est absent, et ne doit point
paraltre dans ectte cause.


La COllr a pensé qu'il ne pOllvait y etre rec;u; sa
présenee, inutile pou!' la jllstice, ne pouvait qu'y
etre pénible ponr la Couronne et embarrassante pour
MM. les commissaires de la Chambre des Députés. A
ces commissail'cs appartient, dans cette cause, l'accll-




( 352 )
sation publique, ma1S selllement (hus le cercle de
leur mandato


01', il est de doctrine que les droits civ.ils des in.
tervenans 11e peuvent se décider qu'en présence du
ministere public, que la 10i charge spécialement de
porter la parole dans les affaires de cette natnre.
Tontes les foÍs que des magistrats civils, ayant com-
pétence pour connaitre ces sortes d'affaires; les out
jugées sans entendre les conclllsions du ministere
public, la Cour de cassatiou, gardienne des lois, a
tonjours annnlé ces ul'rcts. Il n'est pas néeessaire,
MessieUl's, de vous citer les nombreux monumens de
eette jnl'isprndeuee; mais UOllS eroyOllS elevoir re-
mettre SOtlS vos yeux le texte meme de la Ioí.
L'article 58 du Code d'instrllction criminelle porte
« qu'apres le jugement, la Conr statuera SUl' les dom-
» mages-intérets respectivement prétendns, apres qne
» les parties auront proposé leurs fi.ns de non-recevoir
» OH leurs c1éfeuses, et que le procureur général.aul'a
» été enlenda.


» La COUf (dit encore ce meme m'ticle) pourra
1) néanmoins, si elle le jnge eOllvenable, COl1l111ettl'e
l) l'un des juges pOllr entendre les parties, prendre
)) counaissance des pieees et faire son rapport á L'an-
» dience, ou les parLies pOtlrront présenter leurs
») observations, et ou le ministere publie sera en-
) tendll de nOllveUll )l.


Il Y a une grande pensée d'écluité dal1S eette in ter·
vention dn ministere pnblic, si l'igolll'CnSrrncnt exi·
gée par la loi.




( 353 )
Spit, en eHet, que le condamné se trouve soumis a


des dommages-intérets, soit qu'il ait a .en réclamer,
c'est alors qu'intervient le minÍstere public, organe
impassible de la loi, modérateur des droits et des
passions dan s . l'examen des intérets privés, eomme
iI venait de l'etre dans ceIui des intérets géné-
raux.


Ce n'est pas ici un de ees principes étroits, un de
ees axiogles de procédure dont la Cour de, Pairs peut
s'affranchil'; c'est une des regles fondamentales de
l'ancienne justice de Fra~e, de cette justice a la-
quelle tous les peuples ont rendn h.ommage, et qui
a dú une partie de son lustre aux tl'avaux des mem-
1Jres du ministere public appelé a éclairer le magis-
trat et a le diriger dans la voie de la justice ,et de
l' impartiali té.


01', pour.le jugement des ministres, iI n'existe
point pres la Cour des Pairs de ministere public re-
présentant la société ponr toutcs les actions crimi-
neHes et civiles. Les délJlItés, par leurs commissaires,
ne le représentent que pOUl' une aetion unique,
immense sans donte, l'aeeusation de trahison : mais
hors de la, ils sont sans pouvoir. Ces intérets eivils,
dans lesquels les eommissaires de la ehambre seraient
san s aetion, manqueraient done de ce modérateur
que doivent réclamer également les aecusés etles
parties civiles, et qu'on ne peut lenr refulier sans les
dépouiller d'une partia .des garanties les plus impor-
tantes que la loi leur accorde.


n faut done le dire, Messieurs, si la Cour des Pairs
:23




( 354 )
manqued'un élément indispensable a la décisiop de
ces intérets civil s , elle est incompétente.


Mais ce n'est pas seulement par respect pour les
principes, pour les droits des accllsés et des parties
civiles elles-memes, que vous nc pouvez admettre
Ieur intervention, e'est dans l'intéret du proces ac-
tuel. Vous avez reconnu, en effet, que, dans cette
cause, le concours du ministere public serait nOll-
seulement inutile mais embarrassant, mais nuisible.
Vous ne pOllvez admettre, a plus forle raison, des
intervenans, aont le nOlilbre, les droits divers, vien-
draient bien autrement entraver la marche régulii:!re
du grand proees qui vous est soumis. Tout·se réunit
donc pour décider que la cour ne peut recevoir l'in-
tervention des parties civiles. Si elles ont des droits,
c'est.devant d'autres juges qu'~lles devront les faire
valoir.


NOllS n'avons pas craint, Messieurs, de dOllner a
eette grave question le développement dont elle était
susceptible, surs que tout.re qui pourrait éclairer
votre religion, et montrer a la France le úle et la sol-
lieitude dela Cour des Pairs ponr les victimes de notre
derniere révolution, serait bien aceueilli par vous.


Tel est, Messieurs, le résultat de l'instruction
dont vous nOllS avez chargé. Nous avons lu a\'ec
soin toutes les pieces de la procédure; nous en aVOIlS
extrait les docuI!Iens qu' elles pOllvaient. nous offrir.
Nous avons entendu pres de cent temoins; les accu-
sés ont été interrogés plusieurs fois. Nous n'avons
rien négligé enfin pour obtenir sur chaeun d'eux




( 355 )
les l'enseignemens qui ponvaienot modifiel' sa sitUll-
tioil personnclle. •


La signature des ordonnances incrimipées était
hors .de to~e discussion et ne comportait aucnne
instructionTpéciale, et nos investigations ont dli na-
turellement se por~er sur toutes les circonstances
accessoires de ce fait principal. .


. Qllatre senlement des ministres aécusés sont au-
jourd'hui sons la main de la jnstice, les trois autres
sont absens. Attendrez-vous, Messieurs, ponr juger
les premiers, que toutes les formalités relatives allX
contumaces soient remplies? L'éloignement du domi-
cile de quelqlleS-UI1S d'entr'cux prolongerait, sans
llécessité, la situation des accusés présens, et peut-
etre tronverez-vous juste de distraire les contumaces
pour les juger plus tard, et de passer immédiatement
an jugement des accusés a l'égard desquel~ l'instruc-
tion est complete.


Quelque pénible qu'ait été la mission que llOUS
avons re<;ue de votre confi:wce, ·nous nous sommes
efforcés de la rerup·lir avec ccue impartialité du ma-
gistrat, a Jaq!lclle rcfusent toujollrs de croire, d~IlS
les tems d'agitation politique, cellX que la justice
n'a pas servis au gré de leurs intérets Ol! de leurs
passions. En présence de ces accusés tomh!~s du falte
du pouvoir ,. et sur lesquels pese l'attente d'lln si
grand jugement, en présence de la partie outragée
qui demande une éclatante ré.paration et des garanties
pour l'avenir, 1l0US n'avoIls écouté que notre con-
science, nos oevoirs et la vérité.




( 356 )
La Cour, apres a'90ir entendu ce rapport a rendu,


a huit dos l'arret suiva-nt :
ce La Cour des Pairs, etc .




Vu la résolution adoptée par la Cha~re des Dé-
putés, le 28 septembre dernier, lad~ résolution
transmise a la Chambre des Pairs, par un message
du 30 da meme mois;


Vu l'arret de la Cour des Pairs du 4 octobre der-
nier;


VU les requetes d'intervention a fins civiles, dépo-
sées dans le cours de l'iIistrnction par Marie Elisa-
beth Gottis, veuve Crussaire et autres;


OUI, en la séance de ce jour, M. le comte de Bastard,
en son rapport des examens de piece~ et complé-
ment d'instruction auxquels iI a été procédé en vertu
dudit arret; •


Les commissaires de la Chambre des Députés en-
tendus;


Apres qu'il a été douné lecture par le greffier des
ordounances du '.l5 juiilet, ínsérées an Moniteur
<.Iu 26; • .


Et apres im avoir délibéré ;
Vu les art. 55 et 56 de la Charte de 1814, lesquels


sont ainsi con<¡us :
fe Art. 55. La Chambre des Députés a le droit d'ac-


» euser les ministres et de les traduire devant la
)} Chambre des PaÍI;s, qui, senle, a celuí de les
» juger.


) Art. 56. I1s ne pcuvent etre accusés que pour
}) fait de trahison et de concussion. Des lois particu-




( 35 7 )
» lieres .spécifieront cette nature de délit et en dé-
)) termineront la poursuíte_ ))
. Considérant que, par la résolution de la Chambre
des Députés susdatée, les sieurs de Polignac,. de
Peyronnet, Chantelauze, de Guernon-Ranville,
d'Haussez, Cape!le 'et de Monthet, sont aceusés et
traduits devant la Cour des Paírs pour faits de trahi-
son, eomme ayant eonseillé et eontresigné wsdítes
ordQnnanees du 25 juillet;


Considérant que, tant a cause de la qualité des
personnes que de la nature des faíts quí lenr sont
imputés, la Cour des Pairs est senlc eompétente pOUl'
les juger;


Coosidérant aussi que, dans le proees porté de-
v-ant elle par la résolntion de laChambre de.<> Dépu-
-tés, la Conr des Pairs , a raison de la nature de l'ae-
tíon et des formes daIls lesquelles cette actíon est
poursuivic, ne se trouve pas eonstituée de maniere
a statuer-snr des intérets civils;


lJa Cour ordonne que Anguste-Jules Armand-Ma-
rie , prinee de PoJígnae , ancien ministre des affaires
étrangeres, président du conseil ,agé de 50 ans, né
a Pari~; Pierre-Denis, eomte de Peyronnet, ancien
ministre de l'intérieur, agé de 52 ans, né a Bordeaux;
Jean-Claude-Balthazar-Vietor de Chantelauze, aneien
ministre de la justice, agé (,le 43 ans, né a Montbri-
son; Martial-Come-Annibal-Perpétue-Magloire, eomte
de Gucrnon-HanvilIe, ancien ministre de l'instr;lction
publiq~e, clgé de 43 allS, né a Caen; d'Haussez, :Ul-
cien ministre de la marinc; Capelle, ancien ministrf




( 356 )
des travaux publics, et de Montbel, ancienrninistre
des finances , seront pris an corps et traduits dans la
maison da Petit-Luxembourg, que la Cour désignE!
pour servir de rnaison de j ustice pres d' elle; sur les
registres de laquelle maison ils seront écroués par
tout huissier de la Cour sur ce 'requis;


Ordonne que la résolution de la Chambre des Dé-
putés du 28 septen1bre dernier sera annexée au ~ré­
sent arret, pOllr le tout etre notifié tant a chaeun
des accusés détenus qu'aux accnsés absens, rnais
sans que l'in~truction de la contumace a l'égard de
ces derniers~ puisse retarder le jugement des détenus;


Ordonne que les déhats s'onvriront an jour qui
sera ultérieurement indiqué par le président e de la
Cour ; de laquelle indicatlon il sera donné connais-
sanee au moins dix jours a l'avance tant '3. MM: les
commissaires de la Chambre des Députés qu'a cha-
cun des accusés présens;
D~clare que dans lesdits débats ne serOItt appelés


ni rec;us aucun. intervenant OH parties civiles, tons
leurs droits réservés ponr se pourvoir , s'il Y a líen,
ainsi qu'ils aviserout;


Ordonne que le présent arret sera transmis au
garde-des-sceaux, ministre secrétaire.cl'~tat au dé-
partement de la justice, pour qu'il en procure l'exé-
cution. »


Le.lenclemain, 30 novembre, M. le haron Pas-
quier rendit l'ordonnance suivante :


N ous, t~tienne-Denís, haron Pasquíer ,Paíl' ¡].c France J
président de la COUl' des Pail's:




v u l 'alTel de la conr en date d 'hiCl' ;
Avons ortlonué et ordouuous ce qui suít :


r.es débats c/u prod~s snivi devant.I,~ COtll' des Pairs, en
vertu de la résolution de la Chambre des Députés du 28 8ep-
tembre del'llier, s'ouvriront le rnercredi, 1,5 décembreprochain,
a dix hCllres du matino •


11 sera imInédiatement donné connaissance de la présente
ordollnallce a MM o les commissail'cs de la Chambre des Dé-
putéso Elle sera Ilotifiée aux accnsés pré~enso


Fait au palaj¡; de la Cour des Pairs, le 30 novembré 1830 o
PASQUIEH.


Le lO déCl:!mbre, a cinq heures du matin, le mi-
nistr'e de l'intérieur, accompagné da géuéral Fabvier
et des .commissaires MM. Alphonse Foy, Joubert,
Thomas et Ladvocat, partirent en voiture ponr se
rendre a Vincennes, Les troupes qlli devaient former
l'escorte étaient arrivéeso


Les formalités pour l'extradilion des pl'isonniers
ayant été remplies, les huissiers de la Chambre des
Pairs ont exhibé l'ordre de translatioll. A~ors le gé-
néral Daumesnil a livré les prisonnier~.


M. de Chantelauze était malade, et, sur les obser-
vations du général Daumesnil, il n'a pu etre trans-
porté. Deux voitllre~ contenaient les ministres et les
cornrnissaires; le ministre de l'intérieur était a che-
val, a la tete du cortege.


A huit heul'es rnoins un quart, MM. de Poliguac,
de Peyronnet et de Guemon-Ranville, sont arrivés
au LuxernLourg, et out été déposés dans le local qui
lenr était destiné. La mute qu'ils ont parconrue,




( 360 )
en partant de Vincennes, est ceHe du faubourg et
de la rue Saint-Antoine, et des boulevards intérieurs.
Une assezgrande affluence de curieux s'était gortée
sur les différens points de leur passage, mais l'atti-
tude du peupl~ a été calme, et telle qu' on devait rat-
tendre de sa générosité.


Un témoin oculaire a été frappé de l'extreme
maigreur de M. de Polignac; M. Guernon et M. de
Peyronnet déguisaient malleur abattement.


L'escorte était composée de vingt-cinq hommes de
la garde nationale a cheval; de quatre-vingts hommes
du Be chasseurs, et vingt artilleurs; M. de Monta.
livet, ministre de l'in térieur, et M. Carbonel, com-
mandaient l'escorte.


Le meme jour, vers cinq heures du soir, le général
Daumesnil a amené, sans aucune escorte, M. de Chan-
telauze, dans sa voiture. L'ex-garde-des-sceaux mon-
trait heaucoup d'hésitation a venir ainsi, sans appa-
reil militaire, asa prison nouvelle, mais iI s'est rendu
en fin a l'évidence, se confiant surtout a la parole du
général dont la loyauté égale la bravoure.


Ainsi s'est terminée fort paisiblement eette trans-
latíon complete. Nulle agitation ne s'est manifestée
dans les esprits depuis l'arriyée des prévenus, la
population de Paris saura observer, nous l'espérons,
pendant tout le proces, ce maintien calme et grave
digne de la capitale de la nation la plus clvilisée de
l'Europe.




( 361 )


COUR DES PAIRS.
l'a'¡¡SIDSllCJ: lIS ... LE BAIlOlI l' ASQUIEa.


- .....


SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1830.


Au dehors, des sept heures du matin, les gardes
nationales, la garde municipale et les troupes de
ligne, se croisent en tous sens, et se rendent aux
divers postes qui leur sont assignés. Toutes les ave~
nues de la Cour, toutes les rues adjacentes, sont en-
tierement libres; pa4i un seul attroupement, pas le
moindre bruit. Le calme est aussi complet a l'exté-
rieul' qu'il pourra l'etre a l'intérieur dans le cours
des mémol'ables débats qui vont comrnencer.


A neuf heures seulernent les portes de la salle
sont ott'vertes au petit nombre de citoyens murns de
cartes d'entrée; iIs arrivent successivement et sans
encomb,rement, sans précipitation. Dans la tribune
destinée aux dix hillets accordés au barrea u , on re-
marque Me Delacroix-Franville, qui, malgré son
grand age ~ se trouvait un des prerniers dans la salle;
a cOté de lui est assis Me Parquin. Dansla tribune
publique, placée immédiatement d~rriere le hurean
de M. le président, on aperc;oit MM. Audry de Puy-
raveau, en uniforme de colonel d'état-major de la




362 )
garde natiollale; de Saint-Cricq, Pavée de Vandceuvre,
Cassagnoles, Isamhert, Sappey, députés; Aclocque
de Sa'int-Andl'é, ex-colon el de la I le légion.


Le bureau de M. le président est pIacé a la gauche
des membres de l'assemblée, qu'il domine a peine.'


En face de la Conr, et dans l'espace ordinair'ement
occupé par la tl'ihune des orateurs ~t pal" le bureau
du président, on a construit une estrade di,visée en
tl"ois compal'timens ;-l'extrémité la plus rapprochée
du siége el u président, est réservée aux accusés et a
leurs défenseurs; l'alltre extrémité contient les sié-
ges destinés aux quatre commissaires de la Chamhre
des Députés; le milicu forme u,nc tr'ihllne P.ll-
blique.


Immédiatement deniere les accusés se trouve la
plus vaste tribllne, qll'occuper .. t les citoyens; c'est
contre l:t faible estrade de cette trihune que sont
adossées les quatre chaises destinées aux ex-minis-
tres. Dans eette partie du public, et le plus pres pos-
sible des accllsés, on remartlue M. le dnc de Guise,
et un peu plus loin MM. Anatole de Montesquiou et
Sosthene de Larochefoucault. AUCllllC dame n'a cité
admise dans la salle.


Des fauteuils préparés devant ceux de MM. les
pai~s de France, paraissent avoir une destination par-
ticuliere. On y remarque de bonne heme le général
Daumesnil.


Deux huissie~s de la Chambre des Pail's apportent
les pieees de la procédure; elles forment plusieurs
liasses tres-volumineu~es qui sont déposées sur une




( 363 )
"t


table dans le corridor, agauche du hureau de lVI. le
président.


A dix heures nn qnart on voit ar;iver dans la salle,
par la porte sitllée a la droite de l'assemhlée, quatre
hommes en habit noir, précédés de quatre gardes mu-
nicipaux, a la tete desquels marche le capitaine
Bailly, chargé de la garde des prisonniers: ce sont
les aceusés. Aussitót.tous le~ regards se porten t sur ,
eux, et un silence profond s'établit. M. de Polignac
marche le premier; derl'Íere lui et a trois pas de dis-
tance, s'avance M. de Peyronnet; viennent ensnite
MM. de Chantelauze et de Guernon-Ranville. lis
montent Ú. l'est1'ade qui lepr ¿st indiqL1ée, et prennent
place dan s le meme orclre; pas un seul homme armé
n'est aupres d' eux. Au-dessus de leurs tetes, ~t parmi
les spectatellrs, on aper~oit les épaulettes d'un gre-
nadier, de t1'ois chasseurs, d'un voltigenr, d'un ser-
gent et de deux capita:ines de la garde nationnale,
qüe le hasard a placés immédiatement derrierc les
accusés. On remarque dans l'auditoire deux per-
sonnes i~connlles, qui lenr tonchent affectlleuse-
ment la main; J'une d'elles surtont (e'est un jeune
homme en habit noir), s'entretient continuel1ement .
avec M. de Polignac.


En ce moment, MM. Laffitte et Casimir Perríer en-
trent dans la salle, ou.ils sont l'objet de l'attention
publique. lls s'assoient sU!' les fauteuils disposés de-
vant ceux de la Cour.


Presqll'au meme instant, deux gardes municipaux
montent ven; les accusés, les engagent ~ les suivre,




( 364 )
et les emmenent hors de la s:ille. Un vii mouvement
de surprise se manifeste dans l'assemblée, ou ron se
demande quel peut etre la cause de cette mesure jnu-
sitée. Bientot onapprendquel'ouverture de laséance
éprouve quelque retard, paree que les commis-
saires de la Chambre des Députés ne sont pas encore
arrivés.


A dix heures vingt ininutei, les quatre accusés
sont de nouveau introduits, et dans le meme ordre.
M. de Polignae tient a la main un chapeau, dans le-
quel se trouvent plllsienrs papiers; il est pale et ta-
citurne. En passant dansl'enceinte circulail'e, il tOIl-
che la main an général Dal!ffiCsni1. M. de }ley,'onnet,
dont la-figure est tres-sériense, s' efforce de sourí re;
!\l. de Chantelauze pa1'3lt souHl'ant; M. de Guel'non-
Ranville, qui a tous les' dehors d'un jet.me homme,
porte toutefois duns ses traits quclque chose de som-
bre et de méditatif.


Peu d'instans apres l'entrée eles accusés, sont fn-
troduits les témoins, parmi lesquels on remarque
MM. de Chabrol, de Courvoisier 7 de Sémonville, le
génér al Gérard, Bayeux, Plougoulm et quclques au-


. tres, qui prennent place a coté de MM. Laffitte et
Casimir Perrier.


Bientot apres on introduit MM. de Martigllac,
Mandaroux -V ertamy, Hennequin, Sau zet et eré-
mieux, suivis d'autant de secrétaires. lIs s'<lssoicnt
sur 'deux banqllettes recouvertes de velollrs violet,
et de maniere que chacun. des défenseurs se trouve
placé devant-soll client. M. de Martignac est en hahit




( 365 )
noi." et porte le grancl cOl'don de ia Légion-d'Hon-
neur; tons lcs mItres défenseurs sont en robe d'avo-
cat, et, sous eeHe da Me Crémieux, on aper~oit l\u-
niforme de garele nationnal.


A dix hcures trente-cinq minutes, un huissier an-
nonce l'entrée de la Cour. Aussitot l'assemblée se
l(~ve, et le plus profond silenee regne dans toute la
salle. MM. les pairs, ayant a leur tete M. le president
Pasqnier, s'avancent d'un pas lent et grave, et pren-
nent place suecessivement dans le plus grand ordre.
ChaCUll se rend au fauteuil qu'il occupe ordinaire-
ment, a l'exception toutefois de MM. de Bastard,
Pontécoulant et Séguier, mcmbres de la commission
d'instruction, qui s'assoient ~ coté du bureau du
présiclent.On remarque que MM. Decazes.et Por-
.talis ont quitté aussi leur place ordinaire pour se
placer pres de MM. les membrcs de la commission
d'instruction et du bureau du président.


A peine la Cour a-t-elle pris siége, qu'on Íntroduit
MM. les commissaires chargés de soutenir l'accusa-
tion. M. de Bérenger est entre ses deux colh~gues,
M. Persil et M. Madier de Montjau, qui se trouve le
premier dll coté des accusés. I1s portent tous trois
l'ancien costume de députés, sur le collet duquel
toutefois des broderies el] argent ont remplacé les
fleurs de lys .


. llI. le président : La séance est ouvcrte. ( Profond
silence). Je vais d'abord adres ser allX accusés les
questions d'usage sur leurs noms, prénoms, quali-
tés, age et domiciles.




( 366 )
D. Prince de Púlignac, veuillez me dire quels 50nt


vos nom , prénoms; age qualités et domicile?
1l. (Se levant,) Auguste-Jules-A\"mand-Marie, prince


de Polignac, pair de France, agé de cinquante ans,
né a Paris.


Al. le p,ésident. Asseyez-vous.
D. Comte de Peyronnet, qllels sont vos nom, pré


Iloms, age, qnalités et domicile?
R. (Se levant,) Pierre-Denys, eomte de Peyronnet,


agé de cinqllante-dcl1x ans, né a Bordeaux, domicilié
a Monferron. '


Dans l'interrogatoire qu'Oll m'a fait subir, j'ai fait
des protestations et des réserves devant les commis-
saires de la Chambre des Députés .et devant la Com-
mission de la Chambre des Pairs. Je erois de mon de-
voir de rcmcttre sous les yeux de la Chambre ces pro:
testations, et je me flatte, M. le présidcnt, que vous
voudrez bien les faire consigner au proces-vcrbal.
Puis-je espérer qu'il en sera ainsi? »


lJL le présidellt. Oni, lvIonsicur.
(M. de Peyronuet s'asseoit.)
D. M. GuerÍlon de Ranville, quels sont vos nom.


prénoms, age, líen de naissanee et domicile?
R. (Se levant,) Come-Apnibal-Perpétue-Magloire,


comte Guemon de Ranville, ex-ministre et dépnté
de Maine·et-Loire, agé de quarante·trois ans, né a
Caen.


]\:Ion intention, M, le président, est de faire des
rf-sel'ves et des protestations comme M. le rumte de




( 367
Peyronnet, et de demander qu' elles soient insérée~
au proces-verbal. »
1U~ .le pl'ésident. Asseyez-vous.
D. M. de Chantelauze, quels sont vos nom, pré-


noros, qualités, profession, age, lieu de llaissance?
R. Je m'apelleMartial-Jean-ClauJe-Baltbazar-Vic-


tor de.Chantelauze, agé de quara~te-trois ans, ancien
ministre de'la justice, né a l\1ontbrison.


le renouvelle mes protestations et mes réserves,
eorome dans mes précédens interrogatoires. »


jJ;I le président. Monsieur le greffier faítes l'appel
nominal.


Le greffier appelle lVI:.\'I. les paj¡·s dans l' ordre
suivant:


Le baron Pasquier: le due de Mortemart, le due
de Fitz-James, le due de Valentinois, le du~ de Cler-
mont-Tonnerre, le due de Choiseul, le due de Broglie,
le duc de Montmorency , le due de Maillé, le due de
Laforce, maréchal de Tarente, maréchal de Reggio,
le marqliis de Marbois, le comté Cornet, le eomte
Du Puy, le marquis d'Abaneourt, le eomte Klein,
le comte Lemercier, le eomte deJ\'Iouhazon, le eornte
Péré, le eomte Sonles, le .due de Castries, le duc de
Doudeauville, le due de Brissae, lemarquis d'Aligre,
le marquis de BOÍSiy du Coudray, le baron Boissel
de Monville, le marquis de Castcllane, le eomte de
Centades, le. duc de Caraman, le comte Compans,
le eomte de Durfort, le marqnis de Biron, le marquis
de la Guiehe, le comte d'Haussonville, le marqüis de
I,ouvois, le eomta Molé, le marquis de Mun, le mar-




( 368 )
quis d'OrviUiers, le marquis de Raigecour, le mar-
quis de Rougé, le comte de Ricard, le comte de
Rully, le baron S'éguier, le marquis de, Talaru, le
marquis de V érac, le comte de Linch, le marquis
d'Osmond, le comte de Noé, le due de Sabran, le
comte de la Roche-Aymoll, le due de Massa, le due
de Dalberg, le duc. Decazes, le co'mte Lecout~ulx de


. Canteleu, le comte d'Argout, le'baron de Barallte, le ,
comte Becker, le comte Belliard , le comte de Béren-
ger, le comte Claparede, lecomte Chaptal, le marquis
de Catellan, le duc de Cado re , le comte Cornudet,
le c?mte d'Arjuzon, le marquis de Dampierre, le vi-
comte d'Houdetot, le baron MOllnier, le comte Mol-
lien, le comte de Marescot, le comte dé Pontécou-
lant, le ·comte Reille, le comte Rampon, le comte de
Sparre, -le marquis de Saint-Simon, le maréchal de
Trévise, le marquis de Talhouet, le vice-amiral comte
Truguet, le vice-amiral comte de Verhuel, le mar-
qUÍs d'Angosse, le marquis d'Aramon, le comte Ger-
miny, le comte d'H Llnols~ein, le comtc de Latour-
Maubourg, le prince cInc de Poix, le comte de
Montesquiou, le CQll1te de La Villegontier ~ le mar-
quis d'Aragon, lebaronDubreton, le comte Mathieu
de la Redorte, le maréchal de Conégliano, le maré-
chal Jourdan, le comte de lVfoll.talembert, le comte
Bastarel, le marquis de Pange , le comte Portalis, le
comte Fabre de rAnde, le duc de Praslin, le mar-
qnis de' Vence, le dnc de Crillon, le duc de Valmy,
]e duc de Coigny, le baron de Bernonville, le cornte
Siméon, le comte Portal, le comte Roy, le comte de




:: 369 )
Vauul'cllil, le comte de Saint-Pl'iest, le eomte de Tas-
cher, le eomte de La Garde, le marqnis de Morte-
mart, le vicomtede Molitor, le eornte de Bordesoulle¡
le eomte Bourke. le eomte de Pllységllr, le eornte
d'Haubersaert, le eomte d'Orglandes, le eomte de
Courtavelle, le eomte de Bretellil, le vÍcarnte Lainé,
le marqlJis de Rastignac, le eornte el' Anibrugeae, le
eomte de Vogué, le rnarquis deCoislin, le eomte De-
jean, le eomte de Richebourg, le due dc Plaisanee, le
vieorote Dode, le "ieomle Dubouehage; le eornte
Davonst, le rnarquis de Maleville, le dac de Feltre, le
due de Brancas, le comte de Sussy, le cornte Cholet,
le eornte Boissy·d'Angbs, le dnc de Montebello, le
tlue de Noailles, le eornte Lanjuinais, le marquis de
la Tour-dn:Pin-Montauban, le rnarquis ,de Laplace,
le duc de Lat'ochefoueault, le comte de Chabrillan;
le due de Beaumont, le eomte Clérnent-de-Ris, le vi-
comte Ségur-Lamoignon, Le dne d'IstI'Íe, le comte
Abrial, le rnarquis de Laüriston, le rnarquis de
Brézé, le dnc de Périgord, le eorote de Saint-Au-
laire, le marquis de Crillon, le due d'Avaray, le
eomte Donati2u de Sesmaisons , le eomte de Ségl1r,
le duc de Hichelien, le cornte de Sainte-Suzanne,
le mal'quis Sal1vai¡'e - Barthélerny, l'amiral baron
Duperré, le marquis d'Aulx Lally, le cIue de Crussol-
d'Uzes.


MM. les Pairs qui viennent d'thre nomrnés sont
taus présens.


lU, le Président .- J e vais fai¡'c eonnaitrc a la Cour
les exc~ses des memhres a!J.:;¡c'ns.




l 37° )
Ce sont MM. le dnc d'Aumont, le prince de Bau-


fl'f"mont, le dnc de Bellune, de Boisgelin, du Cayla,
Choiseul.Gonffiel', due de Duras, Eyr'ncry, eomte de
Laforest, prinee de la Trémouille, Morel de Vindé,
Pelet de la Lozere, de Tournon, de Traey, de Van-
ban, baron de Larochefoucauld, Vallbois, qui tons
produisen t des certifieats (le médecins, attestant
qu'ils sont retenus pour cause de maladie ou d'in-
fil'mités, ainsi que M. le mal'échal l\Iaison, ambas-
sadeudt Vienne, et M. le dnc de Dalmatie, empeché
par des travaux extraordinaires.


111: le President. MM. les défenseurs· des accusés
connaissent les dispositiow:i de l'articIe 22 I du Code
d'instruction criminelle, je les leur r-appelle.


M. le gl'effier donne lectu're de la résollltion de la
Chambl'e des D~putés, qui. accuse de l;:mte-trahison
MM. de Polignac, de Peyronnet, Chantelauze, Guer-
non de Ramille, de Montbel, d'Haussez et Capelle,
ex·ministres signataires des ordonnances do 25 juillet,
et de l'arret de la CUlIr eJes Pairs.


l1I.le Pl'esident, aux acci'sés. Vous venez d'en-
tendre que vous etes accusés comme signalaires des
orclonnances du 25 juillet. Vous aUez entendre les
charges qui seront produites contre vous a l'appui
de l'accusation.


La parole est a MM. les commissaires de la Cham1?re
1 O' , l.es eputes.







irl. 8érelliJe.l', wmmissaire de la Chamhl'e des
Députes.


Pairs de france, la résolution de la Chambre des
Déplltés dont vous venez d'entenclre la lecture, pré-
cise J'accusation portée contreJes derniers ministres
de Charles X.


Délégués et organes de cette Chambre, nous ve-
Hons, au nom du pays, vous demander justice de la
violation de nos lois, dll reuversement de nos)nsti-
tutions, du sang de nos citoyens.


Nulle provoeation ne .iustifiait ees attentats; les
lois étaient obéies, les magistrats respectés; nos
jeunes soldats répondaient aux appels : malgré quel-
ques réclamations sur les exercices, les impots se
recouvraient facilement; les élections vena¡ent (le se
faire avec ealme;.jalollx de leÍlrs droits, les citoyens,
amis d'une sage liberté, s'étaient montrés partont
pénétrés de le.nrs devoirs, ou si quelrll1e part l'ordre •
avait été troublé dan s les colléges électoranx, le re
proehe ne pouvait en. étre adressé qu'an parti
pour leque! le Gouvernement réservait toutes ses
faveurs.


e'est an milieu d'une tranquillité. si rassurante
pOllr la Conronne, tranquillité dont les violences mo-
rales exercées sur les électeurs relevaient encore le
mérite et le prix, que les fatales ordonÍ1ances de
juillet fllfent promulgÍlées.


La presse périodique détruite; la censure rétd)lie;
les opé:r~tions des coJlégp:·; Jl1da'~iellsem('nt ann!lléf's


;




( 3?~¡ ,
SbU5 la forme d'nne dissolntioll de la Chnmbre des
Députés; nos lois élcctorales abrogées et rcmplaeées
par un vain simlllacre d'élections; la force des armes
inhumainementemployée pOOl' comprimer l'indi-
gnatÍon et pour assurer le succes de ces désastrenses
mesures; voila les crimes dont la l'éparation est dnc
au pays.


Mais plus la nation a droit a ce que la réparation
soit éclatante, plus illui importe que le háut tribunal
qui est appelé a la pronoueer soit indépendant et
libre ~ s'il pouvait cesser de l'étrei s'il y avait sur lui
une apparence meme légere d'oppression, sa déci·
Si011 ne serait pas un jugement; la Franee, l'Europe,
la postérité luí en contesteraient le caractere.
Messieur~, e'est dans votre coul'ageuse énergic,


c'est dans la droitl1re de vos conscienees et dans le
souverain pou\"oir que ,'ons tenez d!lla constitution,
que le pays aime a tl"OllVer aujourd'hui ses plus fortes


.garanties; iI les lrouvcrait encore, au besoin, dan5
eette générense population de Paris, qni, si grande
allX jOllrs du danger, ache\'era son ouvrage en
protégcant vos délibérations et en fais31l! res-
pecte!' \"otre arret; elle sait que son honneul' y est
engagé.


Le gl":md acte qni se pl'épare va dore notre ré\"o-
llltioH, 0t ce sera un spectacle imposant a offrir an
monde que celui d'une natÍon qui, apres avoir mon-
tré le plus sublime courage dans la conqucte de ses
droits, apparait calme, confiante et plcine de dignité, .
lorsCjue'lc mornent pst H'1Il1 de deilHuHler a la loi,




( 37 3 )
\ . t d'obtenil' des magistrats, la puuitíon de ses
offenses.


Nous requérons qú'il soit procédé a l'interroga~
toire des ministres accllsés, et a l'audition des
témoins .


. ¡JI. le..président. M. le gref'fier faites l'appel des té-
moins cités a la requete de MM. les commissaires.de
la Chambre des Déplltés et ceux appelés 5111' la de-
mande des défenseurs.


Témoins aPl'elés sur la demande des commt'ssaire.l
de la Chambl'e des Députés.


MM. le comte de ChaI)I'ol·Crussol, de Coul'voisiel',
Joly, de Mauroy, Dclaporte, Pilloy Greppo; Letour-
neur, Pérusset, Hayez, Conrteille, Boniface, Dueastel,
Billot, Leerosnier, Musset, Vicornte de Champagny,
Arago, de Guise, hal'On de Saint·J oscph, de Komie-
rowski, de Glandeves, Bayeux, mal'quis Je SémOIl-
ville, eomte de Saint-Chamans, de Foucauld, Laffitte,
Casimir Périer, mareehal Górard, de Tromelin, eomte
Chabrol-V ol vico


Témoins appelés sur la dernande des défenSelll's.
MM. Baudesson de Rieheboul'g, Barbé, Galleton,


Plougoulm, Petit, Féret, Buugé, Turgot: T~rrier,
l\Iasson.


ilf. le président. Huissier, condnisez les témoillS
dan s la salle qui leur est destinée.


ltl, le president. Prince dn Polignac, v·o LIS eOJ~




( 37q )
naissez l'accusation portée cOlltre vous et les charge:i
sur lesquellcs repose cette accusation. II importe,
pom la manifestation de la 'Iérité et pour la clarté
d,u débat qui va s'uuvrir, que vons pl'ésentiez vos
explications sur chacun des faits que le débat est.
destiné a éclaircir. .


Appelé au ministere le 8 auút 1829, uepuis quelle
époque cunnaissiez~vous la vOlOllté dulRoi Charles X
a votre égard?


31. le Prince de Polignac. Je ne l'ai connue que
sept á huit jours avant d'entrer en fOIlctions.


D. Est-ce vous qui avez présldé a la fonnation du
ministere ? - Ql1elques persolllles m'avaient été
désignées, deux entre autres que j'ai préselltées au
Roi.


D. Quelques démarches nouvelles n'ont;elles pas
été faites pour engager M. de Chantelauze a faire
partie de ce ministere? - R. Non.


D. Avaít-on arreté a l'avance le plan de conduite
qui devait etre suivi par le mini~tere) -R. Non


D. Qllels furent les motifs de la retraite de M. de
Labourclonnaye?-R. Lanomination cl'un président
dn conseil.


D. Par quiiYL Guernon de Ranville fut-il proposé
au Roi pom entrer au ministere? - R. Je l'ignore :
le Ro\. me donna l' ordre de faire connaltre aMo Guer-
non de Ranville :;es intentions a son égard.


D. Le discours prononcé par le Roí a l'ouverture
,les Chambres, le 2 mars dernier, avaít-il ~té rl~libéré
en consei.l?- R. Olli.




( 37:1 :
D. ~ud ('U (~tait le' rédacteur?-R, Je tiC- ¡mí"


le dire.
D. Je crois dn devoir de la justice de vous Ínter-


l'oger surtout cequi pent tendre a l'eclaircissement
de l'affaire soumise a la Cour, et que vous devez y
répondi'e; je pense que ce devoir est encore plus
rigonreux pOlll' vous lorsqu'il s'agít defaits qui peu-
ventintéresser vos co-accnsés? --,-R. Je snis lié, comme
tous les m'embres GU cabiner, par le serment, de ne
ríen divulguer de ce qui étaít agité dan s le conseil;
je ne puis répondrc a ceci, si ce n'est que les
devoies que j'ai a remplir, je les connaís aussi.


D. La répollse c/u Hoi a l'adresse de la Chambrc
des Députés avait-elle été discutée en conseil? - R.
Ouí.


D. Quel en était le rédacteur? - R .Te l'ignore.
D. Qucls furent les motiL qui détermincl'ent la


prorogation de la chambre? - R_ Lc Hoi desira pro-
roger la chambre pour avair l:~ tems de calmc!' les
cspl'its.


D. La prorogation donna-t-elle maticre a une
longue díscu ssion da ns le ~onseil? - R. Oui.


D. La dissolution de la Chambre des Députés n'a-
t-elle p~s des-lors été arretée dalls le conse.il? _ R.
Non, ce ne fut pas a eette époqnc.


D. A l'époque OU la dissolution fut prononcée,
eette mcsure dC)nna-t-elle líen a de longnes discussíons
dans le conscil?-R_ Je ne puis le dire.


D. Qllels furent les motif,.¡ quí déóoerellt le,minis-




( 37G )
tere a la pronoueer ?- R. Le desir d' avoü' une eham-
bre qui entrat mieux'dans ses intentions.


D. Quelles furent les raisons qui, a eette époque,
déterminerent ,MM. de Chabrol et de Courvoisier a
se retirer du ministere ?~R. Ce furent des dissen-
timens qui n'avaient pas trait a des modificatio~Js de
I'art. 14 de la Charte. .


D. Ces deux ministres ne donnerent·ils pas leur
démission, paree qu'ih eurent connaissanc~ dé la
direction qu'on voulait donner aux affaires? - 1\.
Aueune direction nouvelle n'avait été proposée; au-
enne diseussion n'avait par conséquent eu líeu a ce.
sujeto


D· Cependant n'auriez-vous pas vous-mcme pro-
posé une nouvelle direction dans le cas oú la nO~l­
velle ehambre n'aurait pas réporidu.a votre attente'~
-- R. Je n'ayais proposé aucnne nouvelle direction.
Je n'avais soumis au conseil aucnn projet a cet
égard.


D. M. de Courvoisier n'a-t-il pas dit qn'un minis-
nistel'e sans ~ajorité devait se retirer, et que si eette
opinion ne prévalait pas, il ne pouvait faire partie
du conseil?-R. OU\.


1). La retraite de MM. de Conrvoiser et de Chahrol
ne fut-elIe pas des-Iors une affair..e eonvenue?- R Je
ne sais quelles furent leurs intentions a cet égard;
mais la dissolution paraissant arretée, ces messieurs
préférent se retirer. .


D. Par qui fut proposée au ROl l'entrée au conseil
de MM. Pevronnet, Chantela~.lZe et Capelle? - R. Je
",' .'




( " ' ~-'77 )
l'ignore. J e tis savoil' a ces messieurs qnelle, était ¡'in-
tention du Roi.


D. QueIs étaient les motifs qui déterminerent
ces choix? _ B.. Le desir de l'enforcer le minis-
terc d'orateurs habiles pour se présenter devant les
chambres.


D. Quels furent les motifs de l'ordonnance du 13
juin qui ajourne, pour quelques départemens, la
réunion des cülléges électoraux? - R C'était, autant
que je puis me le rappeler, dans l'intentjon d'appli-
quer aux diffictJltés qui s'étaient élevées en maliere
d'élections, uneloi antérieure qoi autorisait le renvoi
a la cour d'assises des questions de ce genre. Camme
le tcrme n'¡§tait pas assez long. nous crumes devoiI'
le prolonger, afin que lesCours pussent examiner les
points en litige.


D. Quels furent les motifs qui déterminerent le
conseil a proposer au Roi de s'adresset: directement
aux électeurs, par Id, proc1amation du 13 juin? eeHe
proclamation fut-elle discutée au conseil?- R. Cette
proclamation fut discutée au conseil. La chose
d'ailleurs n'était pas nouvelle.


D. Quel fut le rédactem de eette proc1amation:-
R. Je l'ignore.


D. N'est·ce pas vous qui l'avez contresignée?-R,
Oui, e'est moi.


D. Pourquoi ne le fut-elle pas par 1\~. le ministr~
de l'íntérieur, dans le département duquel rentn~
plus spécialement ce ql1i est relatif aux élections :.'
.z- R .. le 1'ai signée comme président dI! cO~lseil.




( 378 )
D. N'eut-on pas recourg a des maureuvl'es illégale~


pour amener les électellrs a ehoisir les candidats du
rninistere?-R, Jen'aipascollnaissanccque de telles
rnanceu vres aient jamais été ernployées.


D. Des injonctions, des menaces, des promesses ne
, furent-elles pas faites an PI'es des fonctionnaires pu-
blics?-R. Non.


D. Le secret des votes ne fllt-il pas violé dans pltl-
sieurs colléges?-R. Je ne le erois pas, mais si celá
eút existé c'eút été contre l'inteÍltion du ministerc..


D. Des instrllctions avaient-elles éte données pon!'
empecherdc pareilles manceuvres? -R. Sans doute.


D. LOl'sqlle le résultat des élections vous cut dé-
montré que vous ne pouviez rester constitutionneIle-
ment a la tete des affaires da pays qui VO~lS repous-
sait, quelles résolutions avez-vous prises? - Mes
défenseur~ répondront a ces questions.


D. A quelle éflOque fnt con<;ue la pensée des OJ'-
donnances dll 25 juillet? - R. Huit ou dix jours
avant leur signatnre.


D. Cette pensée ne se rattaeherait-elle pas a un
plan de conduite plus ancien? -- n. Aucuncment.


D. La note écrite de votre main, avant le (5 avril,
'et que nous vous représenterons si vous le jugez né-
eessaire, ne j ustifie-t·elle pas cette suppo~ition? -
R. Oui, jedesire la voir. (Apres avoir pareollfll
eeHe note que M. le président fait mettre sens ses
yeux. ) Cette note est le résumé d'un rappol't que
j'aurais des iré tronver dans les pieces, et je n'y vois
d7~illell~s rien qui puisse j ustifier l'attention tou te




( :)7~ )
:ipéciale dont eHe est l'objet. Le ['apport auquel a
trait eette note aunonce an eontrair.e l'intention du
ministt~re de maintenil' toute.la Charte; que sa sus-
pension momentanée cút contribué a rendre plus
immuáble eneore. n réslllterait done de eette piece
que l'intention ferme, la volonté du ministere était
de ne, pas sortir des formes tracé es par la Charte ,
.jusqu'a ~n moment qn' on ne pouvait pas prévoir' ;
je le répete, c'était l'intention du ministere ,c'était la
mienne.


M. de Pe.yronnet. Le rapport, a cet égard, était
expt'icite.


M. le president. Comte de Peyronnet, ehaque ac-
cusé doit parlcr ason tour.


Une phrase, citée dans ce rapport ,a frappél'at:
tention des p~rsonnes qui vous interrogent.


ll'I. de Peyronnet. Voudriez-vous alors, M. le pré-
sident avoiI' la eomplaisanec de lire latotalité du
rapport.


JJ1. de .'11artignac. Ce résumé ne suffirait pas; ii
seralt a desirer que M. le président vOlllut bien le
confier a la défense, attendu qu'il se rattaehe a un
mémoire qu'i! faudrait lire en entier.


D. Par qui la proposition, dont'es ordonnanees
ont été les eonséquences, fut-elle d'abord faite au
eonseil? - R. eette proposition fut examiné e , dis-
cutée. Je ne puis faire connaltre son auteur.


D. Plusieurs séances ne flll'ent-elles pas employées
a eette discussion. - R. Quelques-unes.


D. Quels fnrent les membres du conseil qui s'op-




( 380 )
poserent a son adoption. - R. Cha.cttl1 appOl'ttt :\u
conseil sonopinion qu:il fit valoil'.


D. Que]s furent les motifs qui firent ádopterdéfi-
nitivement cette mesure? - R. 1\Ion défenseur en·.
trera dans les détails .


. D. Par qui füt rédigé le rapport au Roi sur les 01'·
donnances de juillet? - R. Par un membre dn
conseil.


D. eette rédaetion fut-elle disentée en conseil. -
R. Oui.


D. Ce rapport ne fut-il pas signé par vous et par
tons les autres ministres? _ R. Ouí.


D. Par qui fut rédigé l'ordonnauee re1ative a la
presse pél'iodique? -; 1\. Je n'ai rien a dire, rien a
tépondre a eet égariL


\ "
D. Fnt-elle discutée en cúnseil ? - R. Oui.
D. Ne fut-elle pas contre-signée par vous et par


tous les ministres? - R. Ouí.
D. Par qui fnt rédigéo l'ordonna'lce relative aux


électeurs? - R. J e ne ¡mis le dire.
D. Fut-elle díscutée en conseil ? - R. Ouí.
D.Ne fut-elle pas oontre-signée par vous et palo


• tous les ministres? - R. Ouí. .
D. Le plan général des ordonnances et l~ur rédac"


tíon partieulíere avaient-íls été arretés en conseíl
avant d'etre sOllmis au Roi? - R. NatureUemellt
áen n'était préscnté au Roi avant d:etre diseuté
dans le conseil, et íI Y donnait son approbation.


D.· Les discussiollS quí s'étaicllt ~levées dans le




( 3th)
conseil préparatoire se renouvelerent-elles devant le
Hoi? - Je ne puis le oÍl'c.


D. Qllelqlles personnes étrangeres au conseil au-
raient-elIes été mises dans la confidence des mesures
qui se préparaient ? _ R; Non.


D. Les ordonnances une fois signées, le ministere
s'occupa-t-il de moyens d'exécution? - R. Non,
pnisqn'on ne prévoyait pas de résistance.


D. Ne fut-il pas qllCstion d'étahlír d~s tribunaux
extraordinaires dalls le cas ou ·la justice ordinaire se
refuserait a apPvyer l'cxécution d~s ordonnances ?
-R. Jamais.


D. Des précautions 11'a vaient-elles pas été prises
pour appeler une force militaire capable de surmon-


. ter toutes les résistances? _ R. Il n'y eut pas <l'au"
tre force militaire que ceHe de la gal'nison de Paris,
qui nH~me ne fut pas augmentée.


D.Commcllt se fait-il que l'ordonnance quiconfie
au duc de Raguse le commandement Jés troupes de
la premiere division, ait aussi la date du 25 juillet.
_no Depuis lollgtcms on sollicitait ponr le maréchal
le commandement de la premiere division. Le Roi
avait ajourné sanomination; je,l'obtins enfin quel-
que s jours avant les Drdonnances.


D. Ne faites-vous pas confusion avec qes lettl'es
de service et le commandement plus spécial des
1'roupes. Le commandement dontil s'agit ne pa·rai.~
trait-il pas donné non' comme gouvernenr de la divi-
sion, mais comme majqr de service qui commandait
dol's la gardp. royal", - R. Mon intention était de




( 38~ ) .
lui faire avoir des lettres de service comme gouver-
neur de la premiere division.


D. Les autórités civiles de París, le préfet de la
Seine et le préfet de police, fnrent-ils prévenlls offi~ .
ciellement de la signatúre des ordoÍmances. - R.Ils
ont dti l'étre.


"D. Furent-ils invités a prendre les mesures néces-
saires pour assurer la tranqu1l1ité de la capitale. -
R. Cela a dti etre.


D. Cette invitation leur fnt-elle adressé(:j avant la
signature des ordonnances. - R. Gela a dti etre.


D. Le procurenr génér~l et le procnrcl1r du roí
fnrent-ils avertis? - R. OuÍ.


D. Le commandant 'de la place fut-il prévenu? --
R.Cela a dti etre.


D. Des instructions furent-elles données au coro-
mandant de la place et aux- divers fonctionnaires
pour les cas de résistance qni pouvaient se prévoir?
-- R. Ces moyens d'exécution nc me regardaient paso


D. l"nt·ji rendu compte au Roí dam, la journéedu
lnndi de l'impression produite sur la population par
la publication des ordonnances? -- R. J'aÍ vu tres-
peu de monde dans la journée du 26. Je n'obtins pas
de renseignemens tres-positifs.


D. N e mtes-vous pas prévenu des derniers rassem-
blemens qui ellrent líen ce jOllr-la au Palais-Royd ?
- R. J'en eus connaíssance seuiement a cinq hellres
dn soir. Ce jour-Ia ils ne ftirent pas considérablcs.


O. P¡e f-ont-ce pas le~ rassemblemens qní eurent
lif'u prrs dt' l'hOtt'l dn ministre des affaire~ étl':m-




( 383 )
ghe~ qui vous firent demander que la place Ven ..
dome flit occupée par 500 -hommes? - R. Je crus
avoir besoin de quelques tl'Ollpes ponr protég'er
mon hotel. •


D. Le Uoi ne fnt-iI pas informé par vous de ces
premiers mouvemens? - H. Pas le memejolll' : il
était trop tard ; mais le lendemain.


D. Le conseil ne délibéra-t-iI pas sur la de':lsion a
prendre , dans le cas o~ les troubles viendr'aient a
s'accroltre le lendemain? - R. n n'y eut pas eon-


• seil ee jour-la.
D. Le mardi , en votre qualité de ministre de la


guerre, ne dOllmltes-vol1s pas des ordres a la gar-
nison ? - R. Aucun


D. Vous etes-vous concerté a ce sujet avec M. le
préfet de pobee.· - R. Non, je n'avais aucun rap-
port avec le préfet de police_


D. Ce magistrat vous a eependam écrit le 27, ce
qui ferait supposer que vous lui donniez des ordl'cs?
- R. J e ne luiai donné, j e le rép the; a ucun ordre.


D. N'avez-vous pas eu quelques conférences ave e
le procureur du Ro\, relativement a la saisje des
pl'csses des journaux qui paraissaient sans autorisa-
tion? - R. Non, cela ne·me regardait paso


D. Aviez-vous pris toutes les précautions néces-
saires pour que ceUe i'aisie s' opérat san s trouble?
- R. Cela ne me regardait pas davantage.


D. N'avez-vous pas été a Saint-Cloud dan s la jour',
née du mardi. - R. Oui.


D. A qllellt~ heure, le maJ'di, aV~Z-V()IIS (~té instruít




( 334 )
d{~stroublcs- qlli se sont manifestés? -'- n. Ce fut a
micli OH une hcm'e que ces troublesavaient en líen
alt Palais-Royal.


D. Ne vous a-t-iL pas été fait raprort que plusieurs
chefs d'áteliers avaient renvoyé leurs ouvriers? _
R. On m'en a parlé.


D. N'avez-vous pas en connaissance de la protes:.
t:ltion insérée dans qúelques journau:x: le 27, - R.
Je l'ai appris par les papier~ publics ..


D. N'avez-vous pas donné l'ordre de faire arreter
les auteurs et les signataires de eette protestation ?
- R. Non.


D. N'~vez-vous pas su que cet ordre avait été
donné par d'autres ministres, et en a-t.:.il été question
au conseÜ ?<.-,-- R. Non;
D~ N' estoce pas par votre ordre qn? oht eu. lieu les


premiers mouvemens de troupes,opérés par la gen-
darmerie et la garde royale. - R. Non; une des prin-
cipales charges de l'accusation qui pese sur moi ,
c'est le repro.che qu'on me fait de n'avoÍl' pas con-
couru de tous mes moyens pour arreter l'effusion
tlu sang , et c'est de tous les reproches celui qui me
tonche le plus vivement. J'espere qll'il ressortira de
ce débat que fai fait tout ce que j'ai pu l)our faire
retirer les ordonminces, dont, plus que personne,
j'ai déploré les conséquences malheureuses. Je crois
répondre ainsi a ce reproche que je repousse.


D. N'avez - vous pas donné OH fait oonner aux
troupes l'ordre de dissipE'1' les rnssemblemens qui se
pré~;('nt~raif'ntdevaIlt elles? - H. Je rppctf' que je




( 365 )
n'ai donné aucun ordrc a cet égard. Ces moyens
d' exécution regardaient le maréchal, commandant la
division.


D. Mais dans les instructions que vous avez sans
doute données a la force publique, avez-vous re-
commandé que, rlans les eas prévus par laloi de 1791,
1'I1sage des armes fut précédé des sommations vou-
Iues par ceUe loi ? - R. Ces sommations ont du etre
faites par les commissaires de poliee; quant a ce qui
concerne la force armée, j'ai entendu M. le rnaréehal
donner des orures pour ne tirer sur les rassemble-
mens que si on faisait feu sur la troupe.


D. D'apres les sentirnens que vous exprimez et
les regrets que vous manifestez, ne serait-ce pas
vous quí auriez signé l'ordre pour que la garde
royale assuyat cinquante coup de fusil avant de tirer.
- R. Je n'ai pu donner ancnn ordre de ce genre:
tous les pouvoirs étaient alors coneentrés dans les
mains du maréehal; on ne pouvait obéir qu'a lui.


D. Vous repoussez done toute participation aux
ordres rnilitaires qni auraient été donnés. Vous re-
poussez sans dOllte aussi un autre ordre donné au
I er bataillon du ler régiment de la garde royale, et
qui portait ces mots: Tirez partout OU vous vOu-
drez el OU vous pourrez. _ R. De meme que je n'ai
pu donner aucun ordre rigoureux , de rn~me je n'en
ai pas donné qui ne le fUt paso


D. Vous a-t-on rendu compte des premiers enga-
gemens qui ont eu lieu aux environs du Palai,s-
Royal? - R. Oni, dans la journée du mardi; mais


::15




e 386 )
ce n'etait. pas nn compte officiel. Plusieurs personnes
ven~ient achaque instant me donner des détails,
mais aucun officier ne pouvait correspondre offi-
ciellement avec moi.


D. A quelle époque l'attaque a-t-elle commencé?
A vez·vous connu le nombre des personnes tuées ?
_ R.Non.


D. Avez-vous su qne ce jour.la plusieurs bouti·
ques d'armuriers avaient été enfoncées a la suite de
quelques engagemens? - R. On me l'a dit.


D. A vez-vous été informé que le feu avait été mis
au corps-de-garde de JaBourse? - R. Oui, on me
l'a appris.


D. A quelle henre avez-vous connu ces évene-
mens? - Le mardi a une heure.


D. Avez-vous connu la réunion des dépntés qui
s'est tenue chez M. Casimir Périer, le 27? _R. Nul-
lement.


D. N'avez-vous pas en connaissance de la protes·
tation redigée, en Ieur nom, par MM. Dupin, Gnizot
et Villemain? - R. Je n'en ai en connaissance que
le lendemain.


D. Avez-vons rendu compte an Roi des évenemens
de la journée dumardi? - R. Je rédigeai un compte
exact de tont ce que j'appris, et je l'envoyai an Roí
le mardí soir.


D. N'avez-vous pas en des conférences avec le roa-
réchal? - R. Oni; et il m'a dit qu'il verrait le Roi
dans la journée.




( 387 )
D. N'est-ce pas vous qui avez provoqué la réunion


qui a eu lieu le soir a votre hotel? - R. Oui.
D. La, par qui a été proposée la mise en état de


siége de la ville de Paris ?-R. Je ne puis le dire.
D. eette mesure n'a-t-elle pas été l'objet d'une


longue discussion? - R. Elle a été discutée en
conseil.


D. Quels sont les membres du conseil qui s'y sont
opposés? - R. Elle a été adoptée.


D. QueIles raisons I'ont fait adopter? _ R. Mon
défenseur entrera dans ces explieations.


D. A-t-il été question, dans ee conseil, de l'établisse-
ment de conseils de guerre, eomme conséquence de
I'état de siége? -R. Non.


n La résolution de la mise en état de siége avait-
elle été définitive le mardi, ou provisoire, c'est-a-rlire
subordonnée a la continuation des troubles du lende-
main?-R. Elle n'était pas définitive.


D. A quelle heure vous etes-vous rendu le lllercredi
a ~aint-Cloud?-R. A cinq heures .


. D. Vous aviez sans dOllte re~u, avant d'y aller, de
nOllvelles informations sUr l'état de Paris: rendites-
vous compte au Roi de ces renseignelllens avant de
lui proposer de signer l'ordonnance de mise en état
de siége?-R. Oui.


D. Avez-vo'GS informé sur-le-champ de la mise en
état de 'siége ?-R. Oui.


D. Les autorités civiles en ont-ellesété prévenues a
l'instant llleme? Avez-vous pris les mesures néces-
saires pour que cette ordonnance fut portée a la con-




( 388 )
nai5sancc des habita.ns ue Paris? - R. Je me suis
borné á remettre l'ordonnance entre les mains dll
maréchaI.


D. Est-ce avec Vons seul ou avec le conseil que le
maréchal de Raguse devait se mettre en rapport?-
R. Ni avec moi, ni avec le conseil.


D. S'il en est ainsi, comme vous l'avez dit dans
votre précédent interrogatoire, l'admiuistration civile
et militaire passait dan s les mains de M. le maréchal;
iI y avait cependant encore l'action supérieure du
Gouvernement que vous n'avez pas dil croire etre
dessaisi. Expliquez-vous sur ce point? - R. Le ma·
réchal avai!: le commandement en chef


D. N'avez-vous pas demandé a M. de Champagny
des renseignemens sur l'organisation des cons.eib
ue guerre quand une ville est en état ue siége. - R.
le lui ai demandé des renseignemens sur la législa-
tion a cet égard, et que je ne connaissais pas.


D. A quelle époque et dans quellieu lui avez-vous
demandé ces renseignemens?-R. Le mercredi matin,
a Saint·Cloud. Je me suis trompe en disant, dans
mon interrogatoire, que je ne l'avais pas vu.


D. A quelle heure,l,e mercredi, avez-vous quitté
l'hótel des affaIre s étrangeres ?-R. A 2 heures de
l'apres-midi.


D, Quels motifs vous ont déterminé a quitter votre
húteP-R. Lesrassemblemens étaient fort nombreux
et la défense de l'hotel était tres-difficile.


D. Avez-vous fait connaitre cette détermination




( 389 )
<l.l1X autres ministres? - R. 11s n'ont pas tardé a en
etre instruits.


D. A CInelle heure les autres ministres sont-ils ar-
rivés a l'état-major?-R. Apres moi.


D. A vez-vous été informé exactement des mouve-
mens militaires qui s'exécutaient, et du progres de
la résistance de París? Une fois p!acé a l' état-major
de la place, ces informations vous sont-elles par-
venues plus directement?-R. Elles ne me sont pas
parvenues directement.


D, N'avez-vons pas tenu ,le Roi au courant de ce
qui se passait a cet égard. - R. Non. Je n'écrivis au
Roí qu'a onze hcures, et jusque-IA jen'avais connais-
sanee d'aucun ¡¡lit positif.


D. Avez-vous conféré, dan s le jour, avec les autres
ministres sur les évenemens qui se'passaient?-R.
Quand nous nous trouvions ensemble, nous causions,
mais nous n'étions pai< réunis en conseil. J'ai déja
dit qu'il y avait des ministres, mais plus de mi-
nistere.


D. Par qui avez-vous appris que des déplltés
étaient venus chez le mar~hal? - R. Par lui-
meme.


D. Vous a-t-il rendu un compte exact et détaillé
de l'objet de lenr dé marche ?-R. Je dois entrer dans
quelques détails a cet égart!. Aussitot que j'eus appris
que ces messieurs étaient allés chez le maréchal, de-
sirant leur parler, j'expédiai un officier d'état-majol'
pour les retenir. Je fis alors demander'le maréchal;
il vintmedire que! était le but de la visite des députéi




( 390 )
et leurs conditions, qui étaient le retrait immédiat
des ordonnances et la démission du conseil. Je ré-
pondis que je ne pouvais pas prendresur nioi de re-
tirer les ordonnances; mais que j' en référerais au 'Roi.
Ces messieurs desiraíent me voir; comme je n'avais
pas d'autre réponse a leur faire, et qu'il m'eut été
assez désagréabIe de la Icur donner moi-meme, je ne
les vis paso Ils sortirent et rencontrerent l'officier qní
avait re<;u l'ordre de les faire attendre un momento
Cet officier remplit son message; i1 les pria d'atten-
dre et víntme prévenir. Je conférai quelqu~s illstans
avec le maréchaL Voyantque je n'avais rien a ajouter,
je fis prier MM. les députés de ne pas attendre plus
longtems. On a mal interprété eette circonstance.
On a dit que j'avais refus.é de les voir; la chose n'est
pas exacte; fai au contraire desiré de les voir; mais,
comme jel'ai'dit, l'embarras me prit,et e'est leseul
motifde ce prétendu refus.


D. Ainsi, e'est parsuite del'embarrasou vous vous
trouviez pour le retrait des ordonnanc6s, que vous
vous etes déterminé a ne pas recevoir ces députés?
N'avez-vouspas,d'autrepart, employé tous vos efforts
pour faire retirer ces ordonnances, et obtenir Ieur
retrait aussitot que cela vous a étépossible? La Cour
vondrait connaitre quelle est plus particulierement
la nature des efforts que vous avez tenté s pOOl'
arriver a ce résultat.- R. I.e mercredi a sept lieures
du matin, deux paírs sont venus chez M. le Maréchal.
Au souvenir de ce qui s'était passé la veille et a la
vue des événemens du moment, je pris sur-Ie-champ




( 39 1 )
la résolution d'aller a Saint-Cloud recevoir les ardres
du Roi. Aman arri vée, j' entrai chez le Roi accompagné
de M. de Peyronnet. La, je rapportai aS. M. toutce
que j'avais appris, et, en lui offrant la démission du
ministere, je lui proposai de rapparter les ordon-
nances. MM. de Sémonville et d'Argaut étaientaussi
a-llés a Saint-Cloud pour fortifier le Roi dans les in-
tentions que nous avions cherché a éveiller en lui.
Je dois di re que le retrait dei ordonnances et le
challgement du ministere étaient déja une chose
arnhée dans l'esprit du Roi. Je préparai S. M. a la
visite des deux nobles pairs. Une heure apres la dé-
marche de ces messieurs, démarche qui rendít plus
certaine et plus prompte encore la résolution royale,
les ordollnances étaient rapportées 'et la démission
du ministere était acceptée.


D. N'avez-vous pas crudevoir informer plus parti-
culierement vos collegues de cette démarche, de ce
que vous aviez cru devoir dire auRoi et de la réponse
de S. M.? Le conseil n'a-t-il pas délibér~ dan s ces
instans critiques sur ce qu'il avait a faire?-R. Le
conseil ne put délibéfer, puisque nous étions séparés
les uns des autres. \


D. Le soir <lu mercredi le comeil ne délibéra-t-il
pas sur les mesures a prendre ponr arreter l'effusion
da sang, etapres lesdémarches faítes aupres de vaus
par des députés et des pairs, ne pensates-vous pas
qu'il serait a propos de compaser un nouveau mi-
nistere?- Le maréchal ne m'a jamais parlé que du
rappart des ordonnances.




( 3~2 )
D. VOUi ayeZ dit, dans votre interrogatoire du 2.5


novembre que, quinze jours avant la signature des
ordonnances, vous aviez exprimé au Roi Charles X,
le desir de vous retirer des affaires, N'auriez-vous
pas alors exprimé ce desir plus vivement, lorsque la
nature de la demande faite par les députés vous
prouva j usqu'a quel point vous vous étiez trompé
sur leur compte ainsi que sur celui d'un granel
nombre d'exceUens citoyens qu'on représentait sans
cesse comme voulant renverser la Charte et la ciy-
nastie? R. Je n'ambitionnais nullement d'ctre mi-
nistre; J'aí plusieurs fois offert ma démission au Roi,
iI ne jugea pas a propas de l'accepteI'. J'en parlai
encore a S. M. qninze jours avant la signatllI'e des
ordonnances. Ponr vous dire précisément qu'il me
soit venu dan s l'idée de donner ma démission, je ne
le pourrais.


D. N'est-ce pas vous qni avez donné l'ordre d'ar-
reter un certain nombre de personnes?-R. L'ordre
fut donné par le rnaréchal. Il y avait sur la liste
qu'il en avait dressé des noms que je ne connais-
sais meme paso Il parah que cet orure fnt retiré' Ilne
heure apreso .


D. N'est-il pas étonnant que M. le maréchal
ait pris ceUe résolution sans avoil", en quelque sorte
obtenu votre approbation? _ R. Il n'en avuit pas
besoin.


D. Savcz-vous si ce sont les démarches qui furent
faites par les députés qui déterminerent le maréchal
h sllspenclre cet ordre? _R. Inclubitablement icar il




( 39) )
me sCl1'lble avoir enteudu dire que plusieursdéputéi
se trouvaient sur eette liste.


D. N'avez-vous pas dit, en apprenant que des
troupes deligne earnmen<;aient a prendreparti pour
le peuple, que dans ce eas il faudrait tirer sur la
ligne?-R. Je n'ai pas tenu ce proposqui ne se trollve
que dans la déposition del\'[. Arago.


D. A vez-vous fait part a vos collegues de la dé-
marche que les députés avaient faite aupres de vous?
-R. NOlls en avons parlé ensemble?


D. A vez-vous écrit au Roi, ou 'envoyé quelqu'un
pour lni porter ces détails?-R. Oui, j'ai envoyé ces
détails au UoÍ.


D. Avez-vous re<;u une réponse du Roi?-R. Des
selltimens d'honncur et de respeet m'empeehent de
répondre.


D. Vous pouviez ccpendant assembler vos col-
legues en eonseil et délibérer apres la jOlll'llée du
mercredi sur les événemens graves qui avaient líe u
et sur les informations plus ou moíns exactes qui
:vous arrivaient de Lous cótés? - R. Il n'y a pas
eu de conseil tenu; nous causions seulement en-
semble.


D. Le SO)f du mercredi, avez·vous vu le maréchal
et ne vous etes-vous pas concertés sur les moyens les
plus propres a arreter l'effusion du sang ?-R. Nous
ne connaíssious pas exactement toute la gravité des
circonstances et nous ne savions quel parti pl'endre.
Nous espérions toujours que tont se calmerait.·


D. A vez-vous en quelques commllnications avec




( 394 )
Saint-Cloud dans la nuit du mercredi au jeudi?-
R. Le Boir, a Qnze heures, une personne partit
pour Saint-Cloud et nous la chargeames de faire
part au Roí des informations dont nous étions en
possession.


D. Fútes·vous informé de bonne heure de ce qui
s~ passait le jeudi, et de l'impossibilité d'arreter le
mouvement?-R. En allant chez le maréchal, j'appris
ce qui se passait.


D. Est-ce par votre ordre que la Cour royale avait
été mandée aux Tuileries ?-R. Non .


. D. eette mesure n'a1'ait-elle pas été arretée en
conseil ?-R. Non.


D. N'avait-elle pas été arretée dans les conversa-
tions dont vous parliez tout-a-l'heure?-R; Non.




( 395 )


TABLE ANALYTIQUE
DES MAnERES


CONTENUES DANS LE PREMIEH VOLu:\lE.


F.,,¡-e.


INTRODUCTION.· 6


Lettre de ~1. de Polignac a M. le baron Pasquier. 8


Arrét de la Cour des Paírs, autorisant l'arrestation
des ex-ministres.


Tableau des votes émis par les députés, pour et
contre l'accusation des ex-ministres.


10


Leftre de lU. Lafflte, au président de la Cour des
Pairs , annon~ant la résolution de la Chambre des
Députés, décrétant d'accusation les ex-ministres. 13


Arrét de la Chambre des Pairs, déclarant qu'elle se
constitue en Cour de justice.


Délibération de la Cour des Pairs, relativement it
ceux de ses membres qui s'absc~teraient pendant


14


les débats. 15




( 396 )


CHAMBRE DES DEPUTES.


Rapport de M. de Bérenger (séance du 25 !ep-
tembre. )


PREMIER INTERROGATOIRE


Subí par les accases derant la Commis<ion de la Chambre de¡
Deputés ( 28 aout 1830. )


1\1. le prince de Polignac.


lH. le comt8- de Peyronnet.


1\'I. le comte de Gucrnon-Ranville.


M. de Chantelauze.


DEuxmME INTERROGATOIRE.


(9 septembre 1850. )


M. le prince de Polignac.


M. le comte de Peyronnet.


M. le cornte de Guernon-Ranville.


1\1. de Chantelauze.


INTERROGATOmE


Subí par [es accasés derallt la Commis.líon de la Cour des Pairs
( 26 octobre 1850.)


11I


91


M. le prince de Po)ignac.
1\1. le comte de Peyronnet.
M. de Chantelauze.


121


:\1. de Guernon-Ranvillc.




DÉPOSITION
DES PRINClpAUX TÉMOINS.


M. Dominique-FraDl;ois-Jean ARAGO, membre de
l'Institut. 161


M. Achille-FranC(ois-Nicolas DE GUISE, chef de ba-
taillon.


Ce témoin a déposé les deux: pieees suivantes .:


10 Ordrc de 1\'1. le marquis de Choiseul a M. le gé-
neral comte de WaH.


2· Lcitre du duc de Raguse au Roí.


lI. Gcorgc-FelixBAYEux, ex-avocat generala la Cour
royale de Paris.


Ce temoin a déposé les pillees suhantes :


l· Lettre de lU. de Chantelauze a M. le procureur-
general.


2· Ordonnance du Rol, portant mise en etat de siege
de la ville de París.


M. Camille GAILLARD, ex-juge d'instructiol1 pl'eS le
186


tribunal de premie re instan ce de la Seine. 187


M. Jean-Fran<tois Cyr BILLor, ancien procureur du
roi pres le tribunal de premiere instance de la
Seine.


M. Louis de KOIIUEROVSKI, ancien aide-de-camp de
M. le maréchal, duc de Ra¡use. '9·)




( 398 )
tI. Jacques LAFFITTE, président du conseil des mi-


nistres. 1\)8
M. Georges-Franc;ois-Pierre, baron de GL.l.NDEVEs,


pair de France. !lO:l


M. Casimir-Pierre PÉRIEII., député. 204
M. FranQois l\hUGUIN, député. !.i07
M. A uguste- Gaspard Baudesson de RICHI!BOVll.G,


commissaire de la Bourse.


M. JosephRocHER,conseilledl la cour de Cassation. 211


Ce témoin a déposé la piecc suivante :


Lettre de M. Guernon de Ranville au témoin. 212


M. Victor-Donatien MUSSET, chef de bureau de la
justice militaire.


M. Jean-Baptiste GREPPO, employé a laCaisse d'E-
pargnes. 215


M. Fran«;o~s SAUVO, rédacteur en chef du Moniteur. !! 16
1\1. Jacques-;\lartin LISOIRE, artiste cirier. 216


M. Joseph Jon, marchand de vins, a Paris. 217


M. Albert-Louis-Félix-Eugene de MAURay, officier
de sapeurs du génie, en retraite.


1\1. Jacquell-Jean, vicomte de FoucAu~T,colonel de
l'ex-Gendarmerie de Paris.


M. Loup-Gustave-Alexandre, vicamte de VIVIEN,
ex-sous-aide-major général de la ci-devant garde
foyale.


M. Charles-Jean-Louis de SAINT-GllRMUN, ex-lieu-


220




( 399 )
tenant au troi.ieme régiment d'infanteric de 1 'ex,
garde. 226


M. Fran«(ois-Isidore DE BUIlI, capitaine au troisieme
régiment d'infanterie de l'ex-sarde. 230


M. LouÍa-Julien DlILAUNAY, officier en demi-solde. 255
M. Alfred-Amand-Robert de SAINT-CIlAMANS, offi-


cier-général.


1\1. Nicolas-Charles-LouÍs-Stanislas-lUarie NOMPEB.E,
vicomte de CHAMPAGNY, ancien sous-secrétaire
d'état au département de la guerreo


Uste des autres témoins entendus, mais dont les dépo-
sitions, peu importantes, n'ont point éte insérees dans
ce recueil. 247


CHAMBRE DES PAIRS.
Rapport de M. DEBAST!RD , un des commissaires


chargés par la Cour des Pairs, de l'instruction du
proces des ex-ministres (Séance du 29 novembre
] 830).


PREMIERE PARTIIl.
DEUXlhIE PA,RTIE.
TBOISIEME P.lRTIE.


Arrét de la Cour des Pairs, qui disjoint de la cause
les contumaces, pour etre jugés plus tard; or-
donne que les ex-ministres seront traduits dans
la maison du Petit-Luxembourg; ordonne qu'au-
CUlI ¡ntervenant ou parties civiles ne seront appe-
lés ni re«(us, et laisse a son president le soin de


250


313
335


f¡xer le jour de I'ouverture des débats. 356




( 400 )
Ordon~ance de M. Pasquier, qui, conformément it


l'arrét ci-dessus, fixe au 15 décem.bre, l'ouverture
des débats.


COUR DES PAIRS.
SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE.


Interrogatoire de M. de Polignac.


NOTA. Le prospeetus n;a pas promis le proces
complet; nous ignorions et le publie aussi quel serait
le nombre de matériaux néeessaires a ce eomplément.
400 pages ont été promises, elles sont livrées. Pour
compléter l' oUvrage il faudra au moins 25 feuilles;
nous le garantissons. Il importe done que les sous-
eripteurs renouvellent, s'ils veulent avoir eette
deuxieme et dcrniere partie.


:fIN DU pn~MIE:R. VOLUME.