CHI 3. DE L'IRLANDE AL'EUROPE I ou ÉTUDE SUR LA LIGUE AGRAIRE P.R M....
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CHI 3.
DE L'IRLANDE


AL'EUROPE
I


ou


ÉTUDE SUR LA LIGUE AGRAIRE
P.\R


M. HEALY
l\lembre dll Parlement (I'Angleterre


TRAnUIT DE L'ANGLAIS PAR SYDNEY HALL


11 Brisez mes rers, ,'Ous qui eles IibiTS ••
J. BOUVRET.


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Et che7. M. R'mvret, 39, rue de Sévrcs.


1881








••




CRI DE I/IRLANDE ,.
A L'EUROPE


OU ••


tTUDE SUR LA LIGUE AGRAIRE
• •







" $1 CRI
,.M/L'IRLANDE


A L'EUROPE
.' OU


ÉTUDE SUR LA LIGUE AGRAIRE


PAR


M. HEALY
Hembre du Parlement d'Angleterre


TRADUIT DE L'ANGLAIS PARtWNEY BALL


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J. BOUVRET •






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Et chez M. Bouvret, 39, rue de Sévres.


f881


·:r






PRÉFACE


Encore de l' agitation en Irlande I Réussira-t-on T
On l'espere. Mais aquel prix 'tL'avenir le dira. Voici


• ce que le présent proclame: Des milliers de pauvres
familles se trouvent sans abrí, sans ressources; des
milliers sont encore menacées de se voir expulser
de l'humble toit qui les abrite; des milliera 800\
partie~, et partent tous Jes jours de ltlrlande pour
aUer grossir ce nombre formidable d'Exilés, qui •
compte en Amérique et en Australic plus de seize
mil/ions d'amcs. Oublieront-ils leurpatrie qu'ils ont
été forcés d'abandonner pour aUer chercher un asile
dans un pays plus heureux, ou du moins plus favo-
risé dans ses lois, que leur He verdoyante? Non .1
L'lrlandais n'oublie pas le sol consacré par le sang
et les sueurs de ses peres ...... Si la pat~ie est chare
pour tout. coour bien né, pOUl' 1'I.rlandais c'est une
chose sacrée.


Les arrestations continuent, plusieurs des princi-
paux membres de la Ligue sont actuellement dans
les fers; le mal s'aggrave.


L'Irlande enchatnée sur son rocher par les Hens de
la coercition a poussé un erí de détresse, qui a déjA


1




-2-
trouvé un écho en Amérique, en Australie, en Asie
et jusque dan s les déserts brulants de l:Afrique.


L'Europe seule est restée sourde a. ce crht'alatme.
Est-ce ignorance ~ Est·ce indifférellc~ ~ Ce ~'eshü
run ni l'autre, mais l'Europe a été trompée sur la';';'
nature des faitsj si elle eut connu la vérité, ses
en trailles se seraient émues et elle se serait empressée
de porter secours a. celte soour opprimée.


Afin. d'éclairer ceux qui sont encore aveuglés par
le mensonge et la. calomnie, nQUS avons eu la pensé e
de publier ce peüt ollvrage extrait du voIume de
1I0nsieur HeaIY' membre du parlement. Cette bro ..
chure contient aussi un simple exposé des principes
proposés par la Ligue agraire d'apres les rapports de
la conférence tenue a Dublio en 1880, propositions
que tout hOIDme capable de juger l'éta1. de l'Irlande


.reconnaitra comme le seul moyen de sQrtir du ter ..
rible état de chose créé par les lois agraires.




~LIGUE AGRAlRE
, . EN, IRLANDE


Les,anciennes annales de l'Irlande, comme celles
de. tous les pays, commen~ent. par le récit desdis·
putea auxquelles la possession de la terre a donilé
lieu. Toutes les grandes invasions, depuis celles qui
termÍDerent les émigrations des tribus juives vers la
Terre·Promise" jusqu'a la derniere annexion du
Tran~'Vaa.l p~ les Anglais; n' ont pas ~ ponr UBiqUe
motif le désir d'étendre lá souveraineté de la race
conquérante i le but principal était de s'assurer la
propriété des terres du pays conquis.


Il en a surtout été ainsi en Irlande; aussi VOyODS-
nous que les premiers usurpateurs Normands, leur
soil de pillage une foié assouvie par la conflscation
des grandes propriétés, n'ont pas cherché a perpé-
tuer une distinction entre J,es vainqueurs,. en s'iso-
lant de la race indigena. Au contrai~e,. U i'Qpéra:une
fUsiDít tres rapide~ lea nQu'VeaUí~ifáaoptantles
usages¡ le langage etle costome de ceux au mílieu
desquels ils vivaient, et bientOt nous voyons te Par-
lement Anglais, dans une 'Vaine tentative pour
arréter ce travail d' assimilation, inaugyrer la.longue.
et triste série desmesures coercitives contre l'Irlande
par une loi pénale dirigée contre les des.cendants des




-4-
vainqueurs devenus « plus Irlandais que les Irlan-
dais eux-mémes. ,)


Mais ce ne fut que sous les regues d'HenrivnI~t
d'Elisabeth, que le gouvernement Ánglais es saya
d'appliquer une politique générale tendant aétablir
en Irlande les manieres Anglaises, les coutumes
Anglaises et le droit Anglais, a la place de ce qui
existait de temps immémorial sur toute l'étendue
de l'11e. Avant l'introduetion du systeme féodal
Anglais, les terres en Irlande appartenaient aux claos.
Le chef, tout en jouissant de certains privileges
attachés a son rang, n'était que le fidéi-commissaire
ou l'administrateur de la tribu et si par suite de sa
mauvais~ gestion· il étajt destitué, cela n'affectait
en rien lesdroits de son clan. Mais quand les con·
seillers d' Elisabeth résolureo t de subjuger l'Ue en ti ere
et de substituer la loi Britanique al'ancienne loi du
pays, les chefs et le peuple souffrirent également
lorsque ce changement fut imposé. Lrt victoire des
Anglais eut pour résultat l'expropriation et la spolia-
tion de tous les membres d'un clan aussi bien que
celle des chefs qui les menaient au combato


Les aventuriers Anglais, graee a des lettres pa-
teÍites. délivrées par la Reine, s'installerent en
seigneurs et maUres sur le territoire conquis, et les
terres qui avaient appartenu a un clan devinrent une
propriété particuliere.


Le résultat naturel de cet état de choses ne se tit
pas attendre. Des loyers énormes furent exigés des
travailleurs du sol par leurs nouveaux maUres et
toute révolte était réprimée avee la plus grande ri-




-5-
gueur. Afio demontrer quelle étaitla situaHon sóus
le regue d'EUsabeth, M. Froude a cité la leUre sui-
v~ ~n .1576, par Malby, président du comté ~rinaughr:" .


, A No~l, écrit ce ílernler, j'ai fait une incursionsur
Ie'térÍ'itoire de Shan Burke, et comme j'avais failli
me faire couper la gorge en me conduisant d'une
d'une facon courtoise, j'ai jugé bon de prendre une
autre attitude et j'ai pénétré dans les montagnes
avec la résol u tion -de détruire ces gens par le feu et par
le ter, n'épargnant ni les viefítardS ni les enfants: J'ai
brOlé tout leur blé et toutes leurs maisons et passé
au fil de l'épée tous ceux qui me sont tombés sous
la main. Cette fois on leur a tué plus de 60 hommes
·deleurs meiUeurs, el p8.l'mi eux leurs meilleurs
cnefs.lé parleiéCdü páys dé 'shári Bw-ke: Ensuite
j'ai brulé le pays d'Uli"ck Burk. J'aLaussi assiégé un
chateau dont la garIíison s'est 'rendue. Je les ai
abandonnés A la miséricorde de mes soldats. lis ont
tous été massacrés. De lA j'aipoursuivi ma route,
n'épargnant aueun de ceux que je rencontrais. CeUe
cruauté étonna tellement l'ennemi, que les parti-
sans de Shan Burke et d'Ulick ne savaient plusou
se cacher. Shan Burkem'a rait des ouvertures, de·
mandant sa grAce et mepriaritdenepíú¡"t1üÍ' sés
gens. le n'ai rien"'i:iu1ti~cóuter;-etj'aicontinué mon
chemin. Lesgentlemen de Clanrikard sont venus
me trouver.J'ai pensé qu'ils ne cberchaient .qu'a
gagoer du temps; j'ai donc laissé a Ulich aussi peu
de blé et aussi peu de maisons debout quej'en avaís
laissés .ason frere, et tous ceuxque ron a rencontrés




-6-
n'ont pasété mieux traités que lespremiers. Celo
s' estpasst au milíe'U de la pluie, de la gelée ~dBf11f"age9
car, par un temps pareU, un vorage ' déé-e í/l,~e
amene plusvite la soumission. I1s sontassez humbI~¡'
maintenant, et accepteront toutes les conditionsque
nous voudrons leur imposer.))


Quelques années plus tard, l'extirpation des Géral·
dines du comté de Munst1:lr futentreprise, et 570,'000-
arpents appartenant au com~ dé Desmona furent
approp~¡; p~ ~neme.. ,


tJneproclamation fut publiée partout en Ang'le-
terre, invitant les jeunes gens de bonne famille a.
entreprendre la plantation de Desmond - chaque
planteur devant obtenir Jlll .certain espace de ter-
l'8.ia",'Ja ~n4Jtiond'y établil' Ull certaiD nombre
de fammes, - la proclamation, bien entendu, ex-
cluait les indigfmes. Sir C. BaUon acquit ainsi
, 0,0'0'0 arpents a Waterford; sir Walter Raleigh
12,'0'00 arpents ¡sir W. Harbart, 13,00'0 dans le
comté KerrYi sir Edouard Denny, 6,'00'0 daus le
méme comté. 'Dans diVerses autres localitéS, S,GOO
arpents rurent 'alloués a sir Warren St-Léger et iI.
sir l. Norrisj 1'0,'0'0'0 a sir W. Courtney; 11 ,50'011
si,r E. FiUQQ t 3,00'0 a Edmund Speuser, etc., etc.
Sous le regne suiv8lit, qu.elqueij-J.llles de ces con-
cessions, notamment celle de Raleigh échurent l
Richard Boyle~" surnommé le grand Comte de Cork
et qui fut probablement le plus grand hypocrite que
ron puisse trouver dan::! la longue liste de spoHa-
teurs du Munster. » (Godkin's Land War.)


Hollenshed décrit ainsi la marche de l'arméean-




:~ -7-
glaise b. tra~ l'Irlande! - ~(A mesure qu'ellé


, , ebassait tons les habitants devant
eleml'arant -des bestiallX et tuant sans


.' lllisérieér~ ieí· g!fts .qu' elle renoontl'áit, -de", telle
, itr\I&qtté' lapopulation, n'ayant plus de bétail, se
trouvaitréduite a mourir de faim ou se laisser tuero J)


te Par suite de ceUe persécution continuelle, les
rebelles, auxquels on ne laissait pas le temps de
respirer oú se reposer, étaient sans cesse pou'r-
sui"m -ou molesté! par une'ga:rnison ou parullt'l
autre¡ ti¡ voyaient leUr moisson 1mIevée, leurs
bestiaux volés et le pays entier livré au pillage ; les
pauvres qui ne vivaient que de leur travail et se
trouvaient privé! des vaches dont le !ait les nour-
riSBait;éprOU'fa~nt U1le' telled~~qu~"Sfii:'
vaient les biens qu'on leur volait, demandant A.
l'armée de les tuer, éux,leurs femmes et letirs en ..
fants, pIutó! que de les laisser mourÍr de falm. ,.
(Hollinshed, VI, 33. Leland. Livre IV, chapo n.)


L'historien anglais Morrison dit: « Rien n'était
plus fréquent que de voir, daos les foss és deg
villas, surtont dans les provinces livrées au pillage,
un grand nombre de malheureux lrlandais, mons,
les levres tontas vertes, a force ,cfuoit~·~
~,ttu~~~;ll~qli'ils avaient
pu a~her\e loftg des routes. ))


Apres la mort d'Élisabeth et la suite des comtes
de Tyrone et Tyronnelt, l'reuvre si bien commencée
fut eontinuée avec vigueur par Jacques ler ; et au
OOIIimencement de son regne sir J. Davis, un des
Attotney généraux de ce monarque -put annonoer




- 8 - ~.
« qutavant la Saint-Michel, il serait prét a présenter
~S~ Majesté UD arpentage complet dé~.ix· ~mtés
qu'il tenait b. la disposition de Sa Majesté da_!lt.
provioce d'Ulster. et qui représentaient une plus ...
grande étendue de terrain qu'aucun prines de
l'Europe ait jamais été a méma de distrjbuer, »


Une espece de commission fut chargée du par-
tage des terres. Elle siégea a Limavaddy, et pour
donner une idée de sa fa{lon de procéder, il suffira
de.dire_.(Ju'uncbet. oommé O'Oahan, UD tenancier
d'O'Neill, se "it confisquer ses terres, simplement
a cause de la fuite de ce comte •


. Quoique plusieur's proclamations royales eussent
assuré aux tenanciers .qu'ils ne seraient pas atteints
A cause;· dés délits de leurs ehefs, il fut décidé
qu'O'Cahan et ceux qui vivajent sous sa proteetion ne
pouvaient revendiquer «aucun droit de prQpriété.»
[Godkin's Land War.)


'Cljtte citation d'une leUre écrite par le lord De-
puty, vers l'an t607, montrera de quelle maniere
00 proeédait a l'emtirpation :


« J'di souvent dit et écrit que c'es! la famim qui
doit consumer les lrlandais, puisque nos tpées et nos
ffforts n:~ont pas eu un 3Ussi prompt effet que l'on
s'yaltendait; la faim sera plus ef6.eaee, paree que
e'est une arme qui agira plus "ite contre eux, que
l'épée ... J'ai brulé tout le long de la Lough. a quatra
milles de Dungannon, et j'ai tué too personnes,
o'épargnant personne, sans exeeption de rang, d'A.ge
ou de sexe; en outre, beaucoup de gens ont été br1llú
ttifs. Nous avons tué hommes, femmes et en{ants,




"' - 9-J .
chevauJ, bétan~ et tout ce que nous avons pu
;¡~- .


> '::~ninat ~!~:!é ¡:U:e:~~sa~:t~a~:~r~e.~~:;
-co.Ji,cess~ons gigimiesqUesde tilrrairidims le Munster
-'rutent faites par Élisabeth A ses favoris, tandis qúe
les lots llccordés par Jaques achaque individu sont
eomparatívement d'une étendue modérée.


On peutjuger de la nature des dons faits par
Élisabeth par la grandeur de ceux que nous avons
cité$plus haut, el nous lisons, en outre, que
i¿,OOO arpents rurent donnés A Jeanne Becher el a
Hugh Worth; 1 t ,000 A Artbur Hyde; 11,000 a sir


. G. Lylton; 11,000 a sir G. Boucher, et ainsi de
.suite •..•. ,.
. L'reuvre de la conquMe ét de )a conÍiicátloncon-
tinua sous tout le regne de Jaques. L'insurrection
fut provoquée; puis quand les chefs eurent été
défaits, nous trouvons les résultats dans la citation
suivanle :


c( Le pays d'O'Dogherty étant confisqué, le lord
DepJlty Chichester reeut comme récompense la plus
grande partie des terres de ce chef. Mais que faire
de la population '1 On avait commencé par la .refou


, ler loinde.plaines fertiles]usqu~au bofd'dÚ:Á>ugh
'oyleet d~ LcnÍgbswrtly; ~eÚes habitants avaient dt1


. se réfugier dans les défilés de montagnes qui s'é-
tendent A une vaste distance, depuis Movilie jusqu'a
la cóte de }'Atlantique. Mais pouvait-on permettre
a ces hommes belliqueux, cbassés de leur ~erres et
de leurs foyers pour les crimes de leur che!', de


t.




~
- 10 - ~


raster dans le voisinage des nouve~Ul colons an-
glai&-f sir J. Davis et sir J. Caulfield '~~rent
un plan ponr se débarrasser du danger .~~
Adolphe combattait alo1's pour les protestants contra'


'la maison d' Autriche.... Aquel meilleur usage
pouvait-on empIoyer les paysans irlandais de Don-
negal qu'en les envoyant combattre pour le roí de
SuMe? 6,000 des robustes paysans d'Inishowon
furent embarqués pour ce service. 11 (Godkin's Land
War.) , '" ,"" , ,


Vn atentnrier catliolique, nommé t1a.int-Lau-
rence; l'ancétre du comte de Howth, obtint une
large part des terres confisquées, A la condition
qu'il com.mettrai~ un parjure, en dénooc;ant l'e,s:i.
steuce d:wi co~ploUm3gina.ired'O'Neill.Sir folie
'Conway, officier né dans le comté de Galles, obtint
une concession semblable et A sa mort. en 1<6í!t;,
son frere, un des favoris de Charles 111', hérita de la
propriété, a. laquelle son royal protecteur ajouta les
terres de Derryvolgie, ce qui le rendait maUre
d'environ 70,600 arpents de terreo


A la fin du Tegne de Jaques le., l'Ulster commen-
{la a ~tre peuplé d'un assez grand nomhre de colons
ée~,~,!iesvilles importantes, telles que Derry,
Lurgan et Belfast, a,-oo d~ privileges spéeiaux,
s'étaient fondées. Ce qui restait des Irlandais indi-
genes, gémissant sons lesexactions des usurpa-
teurs, n'attendaient natureUement qu'une occasion
ponr secaner le joug de l'étranger; et les exactions
provoqu~rent enfin l'insurections de 16'1. Aa dé-
but de cette rébellion, avant qu'elle se fUt étendue




I-H-
'IlU dela de rmster, le Parlement anglais vota la
:a~ !;ISOO.uOO arpents de lerras furetft
~< '~t -el 1lécida que ces terres seraient m ise'S
~n ventea prit llxe flLondm. Une _ 'clt1lSM -ti e
. ~,ioi' décla're que les' terres en queatío n Mnt
prises dans quatre provinces en proportion égllle,
c'est·á.dÍre, un quartdanschaque province, bien qu'a
la date ou la loi fut promulguée, il n'y eót pas uh
'Seulrebelle condamné, meme dans cette provifie'e.
Et emore, iin"existepas l'ombre d'un doute'que
Parsons et Borlase, qui étaient lords de lu~t"ee an
commencement de l'insurrection, n'aient poussé
les catholiques de la province a s'insurger, 'et
n'aient écarté tOllt moyen d'accomodemeut 80 'N'e
des'~leDdidK'dép01ItHe8'" lI~C~t.''''~
]a supression de la révoIte par l'épée.


Pendant tont le fegnede Charles ter; lespropri-
étaires Irlandais furent barassés par Strafford, qUl
imagina l'expédient d'upe « commission des litres
défectueux J) et revendiqua pour la couronne toute
la pro'Vince du Connaught, a l'aide d'nDe ~hicanl3
lég8:1e. La chambre des communes Irlandaise se
décida a voter des subsides considérables en Caveur
de'Charles, sur la pl"OID.esse qu'itB~~':faS
'ulit,. pt'6~d1t~I;ml-¡;S'fapt'OIMsSe
ne fut:pM tenue, et t3tratTord fuisait torturer, em·
prisonner et condamner A quelque milliers de


,livres d'amende les jur'és qui refllsaient de pro-
noncer un verdict favorable an roí. (O'ConneU's M,,·
mmr, of Ireland, c. m.l
< Quand la RépubHque Cut proclamée tn Angla ..




12 -\
_erre, les lrlandais, convaincus qu'en épousant la
, cause de Charles 1" contre le Parlement; Us com-
.hattaient pour leur propriété et leur relígt~."e
rallierent au parti royaliste, et pendant quelques
années, la cause catholique, c'est·a·dire la cause
populaire l'emporta.


Mais Cromwell, victorieux en Angleterre, apparalt
sur la fcane,et l'oouvre impitoyable de l'assujettis·
sement et des confiscationsen gros recommence. Ses
lieuteüa.nts ne furent pas plus miséricordieux que
lui·m~me.


Sir William Cole, ancétre du comte d'Ennis-
killen, se vanta d'avoir fait périr- par la faim 7,000
des rebelles-dans un espace 00 quelques millas 3U ..
~._~~kle~·4efoeendants ,des, victimes
n'oublient pas comment la famille Cole obtint ses
propriétés el ses titres. ((Jodkin's Land Wor.)


Il ast inutile de donner des détails sur les faits du
méme genre qui se reproduisirent dan s toutes les
provinces de rIrlande.


,Le longParlement, ayant confisqué les 2,500,000
arpents dont il est question plus haut, les offrit
,comme garantíe aux spéculateurs qui avanceraient
,df:l'QMP.t p9ul'les dépenses de la guerreo Au mois
de février 16it, laChambl'e des comlilunesrecut une
pétitioD signée par «diverses personnes dévouées
au Parlement, » qui proposarent de lever des
troupes et de les maintenir a leurs frais, pour com-
battre les insurgés Irlandais; pour toute compen-
satlon. elles demandaient qn'on leur linAt plus
tard lespropriétés des rebelles.




,/ -13-


~v,e, r,~ ,I,a',O~'d,e, 1663, le p~r,le~ent partag, ea, Jes dépo ,_",',' tre les troupes vICtorleuses et les spé-" '~, et 18%6 septembre, (ln promulgua une JÓl pQurunenQuvelle, col~nisati()n de l'~rlande par
,.An.ghlis, leg'ouvernement se résenant les villes,
les' biens de J'Église, et les dimes; I'Église catholique
futcompletement abolíe.


Plus tard, le Parlement Anglais résolut de chas-
ser la population de toutes les villes et des principaux
p~', ," ,


Le '23 juillet 1666, les habitants de Galway re-
curent l'ordre de quitter a tout jamais la ville,
avant le 1" novembre suivant. Les propriétaires
des maisons rec¡urent comme compel)sation une
8Omme,équ¡valan~., a hw.t' ,~,~, -JiEL~I~.Le
30octobre, cet ordreétait exécuté. Tous les habi·
tants furent bannis, afin de faire place a des próte-
stants Anglais, sur la fidélité desquels le gouverne-
ment britannique pouvait compter, et sir C. Cootes
rec¡ut les remerciements des autorités, pour avoir
fait évacuer la ville; avec priere de chasser les ma-
l&des et les alités; aussitót que la saison le permet-
trait, et de veiller a ce que les maisons ne fussent
pas détériorées par les. soldats. ~ fut"aú\ii q\\e la
1iUe~t. pré~~l pour l'iU.l~ati6il des ADglais.
(~, L4ndWar.)


Tonte la populatiún Irlandaise, y compris beau-
coup d'Anglo-Irlandais établis dans le pays depuis
le regne d'Elisabeth, furent chassés de l'autre cóté
du Sbannon, daos le comté de Connaught. On opéra
!lvecune telle rapidité, que, dans le comté de Tippé-




- 14...;.;. '\
rary el dans d"autres endroits, les soldats qui étaient
VeDUIt' s"in'ataller sur les terres q'lfoll.letlt'a,ait
donIiées, quand Hs ne parvenaient pas ll. s'ent~
surres limites de leurs propriétés, se voyaient forcés
d'{)btenir une permission spéciale, afio de ramenm."
provisoirement au Connaught quelques-uns des
propriétaires dépossédés, sans les indications des-
quels {)n n'aurait jamais pu réglel' le dift'érend.


Dilel'SeS ~iia\ions molm étendues suivirent les
vjctoir.esde-:Ql1mawne III en Irlande; mais Crom\ve11
fu\le'<d~ier Angtais qui dépouilla en masse les
Irlandais. Ce fut lui qui acheva l'ceuvre commencée
par Etisabeth et effectua une révolution sans pré-
cédent4ans l'histoire. Les aetes del"administi'atloh
.bUc!ine Mattres tften rkum'és1>al" M." trAtey
Magee: « - Le long Parlement qui tralnait encore
son existeoee al'ombre du grand oom de Cromwell,


. déelm, daos la session de 1652, que l'insurrectioo
irlandaise était « étouffée et terminée )), puis il se
mit Íl. faire des lois poul' ce royaume comme pour
un pays conquis~Le" !. &0'11 t,. it vota la loi de eolo-
nisation (Act. of Setaement), dont l·aúteur fut lord
Orrery, le digne fils du premiercomte de Cork. Cette
lohlistib~q1Utreeatégories de persoones dont
eH~ réglatt "llíttSi 'li-pMiílon ~.". "Aúmm propritltaire
ecclésiastique ou royaliste ne pouvait avoir la vie
~auve oicooserver ses hiens. 20 Tout officier ayant
1hvi dans les troupes royalistes était oondamné a
l'exil et deux tiers de ses biens étaient coofisqués,
l'autre trers étant retenu pour ]e soutien de sa
femme etde ses enfants. SO Ceux qui n'avaient pas




1- 15 -
porfié l~." ~. mais qu'une commission parle-


:
me. en. ?m.:,"'~' ....... ' . 't, ",-voir manifesté, d~ sjmpathies
"-li, ___ •. -IIII!, ~ .u.atemabandonn8l" UD. tier~ de leurs
,iopriités el rete~ir -l'éqw...aI.eD,h dI}.deu atitres
tá;U' .. ~ireuest du Shannon.'· Les lab01lnmrs et
autns gens d'une classe inférieure, qui ne possé ..
. uai.ent pas des terres 011 des biens valant plus de
da livres (250 franes), étaient « graciés» a la oon~
dition de se transporter A .l'autre cóté du Shannon.
~te derniereCQnditioll du,.e reglem,ent J)


GmlD\VellÍea le distin:gua, dans llO5 anales, de
toutes les autres proscriptions prononcées coutre la
population indígene. La grande riviere de l'Irlande,
quiprend SI' source dans les montagnes da Leitrim,
$épaJle pre¡que lea.ciDq comt.é~ .• 1~W& 'feIte
de l'ile. La pr()'vinCle ainsí mise a: part, <[u6ique une
des plusvastes comme- étendue superfHli&lle, était
tlussl la motns culti vée et la moins pl'opre l la
culture, A· cause de ses montagnes et de ses' maré-
cages. G'est lil que tous les dépossédés devaient
s'établir, t l'exclusion des autres provinces, Ilvan t
le 1-mai 165', sous peine de proscriptioJl; et une
. fois installés, Hs ne devaient pas se montrer a plus
de 2 milles du Shannon, ()U tia' mill*._~l". .
. u.~;~.;,.·t fi_~""",Ml.e
PQ1l __ iOUltraire sans risquer d'étre mis ~ mort
saos jugement,compléta cetadmirable e ~lemeDt» L .


. lQ>
dont le but était d'empécher tout rapport entre .{


. qui l'estait de la population eatbolique et les autres
llabitants de leur propre pays.


Sous Cromwell, 5,000,000 d'arpents furent con-




-16 - ¡
fi~qués, Ces énormes dépouilles, représentant les
deux tiers de l'Ue enW~re, furent livrées aul. soldats
et aul. aventuriers qui avaient serví con\re~les
Irlandais, ou qui avaient .contribué a remplir la·
caisse militaire depuis 1641. - Il faul excepter de
ce chiffre 700,000 arpents qui furent donnés en
échange aux gens que l'on chassait de chez eul., et
1,200,000 arpents qu'on laissa a cerlains catho-
liques déelarés « innocents. »


Le gouyetnemenl de l'lrlande fut confiéau lord
Deputy, au commandant en chef et lL quatre
commissaires, Ludlow, Corbett, Jones et Weaver.
On institua aussi une cour dejustice, qui parcourait
le royaume, el exercait une autorité ahsolue sur la
vie et la propriété.. Ce tribunal était présidé par
lord Lowther, aidé par le juge Donnellan, par
Cooke, notaire du Parlement lors du proces de
Charles ler, et par Reynolds, le régicide. Ce fut ce
tribunal qui fit décapiter sir Phelim O'Neill, le
vicomte Mayo, et les colonels O'Toole et Bagnall.
Ce fut ce tribunal qui s'empara de milliers d'enfants
des deux sexes, qui furent vendus comme esclaves
aul. planteurs de tabae de la Virginie et des Indes
occidenLales. Sir William Petty déclare que,
6.000 eufants, gafeons et filIes, furent envoyés dans
ces colonies. Le nombre des gens de tout Age ainsi
condamnés a la transportation ne 8'éleve pas a
~oins de ~ 00,000. Quant aux hommes qui avaient


appris a. combattre, Petty dans son Anatomie politique,
dit que les plus éminents d'enlre eul. el beaucoup
de nobles et de genlilshommes étaient entrés. au




{-17 -
service du roí. d'Espagne, et avaient emmené
¿o,ooo s()l~ 1~ mieux discipÜnés, les plus actifs
el l~_ hábitués aux dangers de la guerreo Les
commissaires de Dublin avaient envoyé des sous-
eo~saires daos les provinces. La générosité avee
laque])e Hs distribuaient les terres égalait presque
celle qui présida a la distribution du sol de Chanaan
aux Israelites, et ce sont des largesses de ce genre
que les puritains ont toujours eu en vue... Les
Irlandais de bonnes familles, qui avaient obtenu
leur grAce, étaient obligés 'de porter une marque
distinetive sur leurs vétements, sous peine de Olort.
Les personnes d'un rang inférieur se distinguaient
par une tache noire sur lajoue droite. S'ils se dis-
pensaient de cette marque, on leur en imprimait
une autre, 11. l'aide d'un fer rouge ou on les con-
damnait a la potence.


Tout exercice de la religion catholique était
interdit. Les avocats et les maUres d'école catho-
liques étaient condamnés au muUsme. Tous les
ecclésiastiques furent mis a mort, comme prétres
de Baal. Trois évéques et 300 membres du cIergé
inférieur périrent ainsi. L'évéque de Kilmore qui
ne pouvait bougerde son lit fut le seul ecclésiastique
indigene qui eut la vie s!,-uve. Si ron apprenait que
quelq:ues paysans s~étaient réunis daos une caverne
de montagne pour entendre la messe, on les enfer-
man, et lorsqu'i1s se montraient on les fusillait ...


O'est ainsi que l'Angleterre se débarrassa d'u
race dont M. Prendergast a trouvé l'éloge suivant,
dans un manuscrit de l'époque, conservé dans la




-18 -',
bibliotheque de 'l'rinty-College, A DubUn, et qui
porte la date de 16t5 : «n n'existepas au monde
un peuple plus intrépide, plus actif et plus patimtt ...
Il n'existe pas non plus un peuple qui supporte les ... ,
miseres de la guerre, la faim, les veilles, la chaleur,
le froid, l'humidité, la fatigue et le reste avec autant
de courage. Son Exc. le prince d'Orange se plait a
répéter en publie que les Irlandais sont nés soldats.
Le fameux Henri IV, roi de France, disait qu'une
nation ne donnerait de meilleurs soldats qu'eux;
s'ils vonlaient seulement se taissef gouverner et se
montrer moiDS entétés. Et sir J. Norris avaitIa
coutume d'attribuer a rIrlande le mérite d'8tre le
pays 011 il avait rencoBtré le moins d'idiots et de
Ié.Ches. C'est la un fait tres~notable. »


Apres ia mort de Cromwell, la Restauration
réeompensa les royalistes anglais, mais ne fit rien
pour venir en aide aux Irlandais qui avaient si
bravement eombattu pour le roi. Dans bien peu de
eas, une famille dépossédée se vit réintégrer dans
sa propriété. Durant tout le regne de Charles 11, les
indigenes furent opprimés par leurs gouverneurs
anglais, et ·a peine commen~aient-iIs a respirer un
peu,apres ravimement de Jaeques 11, qUft la Révo-
lution laur anleva tuut espoir. Ulrlánde devint de
nouveau le ehamp de hataille OU se décidait le sort
desprétendants a la eouronne d'Angleterre. Sous le


.agne de Jaeques, l'Act de settlement de Cromwell
~ait été abrogé; mais il ne tarda pas a étre remis


envigueur.
En 1697, Guillaume 111, dans son diseours au




" - 19-
Parlement irl8J.ldailh déclara qu'il était décidé ll.
faire del'lJ.iaaile unpays protestant. Il tint paro le ;
~.sr-mQrt, les catholiques ne possédaient pas
un di1.ieme des terres qui a'Vaient appartenu a leurs
gfll1d&-per.es. Les lois connues sous le nom de CotU
pIMtU el qui resterent en vigueur durant tout le dix-
huitieme siecle, n'avaient pas seulement pour but
la,suppressioD du culte catholique; elles assuraient
les prétendus droits de propriété des spoliateurs des
regnlls précédents.


Ce o.'esl, pas le fanatisme religieux s.lul qui a
&dé oe 'Code féroce; on sent que les homilles qu i
ont rait des lois interdisant a tout catholique de
posséder UDe propriété d'une valellr de plus de einq
Unes (no franes), avaient.conseieaC6 ,qu'Us déte-
naient iUégalement les terres de ceux dont Hs
proscrivaient la religion.


Par exemple, quand le due d'{)rmond fut nommé
lord lieutenant d'Irlande, en 1703, la chambre des
Communes a présenté une loi «( pour empécher la
propagation du papisme, » qui obtint sa pleine et
eatiefe approbation. Cette l-oi dé cIare : 10 que, si lé
tUs d'un catholique se convertit au protestantisme,
le pere ne pourra. ni vendre, ni l.lY\'Ot.b.équ« ses
propri~tés, ni en al~éner \lne.partie.,. '\eStament.
!O Si UD enfllut, que! que soit son Agese déelare
protestant, il sera enlevé a ses parents, el placé
sous la tutelledu parent protestant le plus proche.
La sixieme clause défend a un catholiqne de signer
un. baH qnelconque pour une durée de plus de
tr.ente et un ans, et, en outre, si un tenancier catJw..




- 20 - <
lique tire d'une ferme un profit dépassant un tiers
dumontant de son loyer, son bail sera périmé et
reviendra au premier protestant qui signal~
tataduprofit. La septieme clauseintervertit le dÍ'Oit .
de succession, en enlevant aux catholiques tout
héritage, légué par leurs parents catboliques.
D'apres la dixieme clause, la propriété d'un catbo-
lique n'ayant aucun béritier protestant, est partagée
par parts égales entre tous les enfants.


Une autre loi fut votée, en 1709, contre les « pa-
pistes D. D'apres cette loi, tout catholique dont
l'enfant se sera converti au protestantisme devra
fournir au convertí un revenu annuel et le lord
chancelier pourra obliger le pere a déclarer, sous
serment, le montant 9,e ses revenus et a. fournir im-
médiatement telle ou telle somme au profit de ceux
de ses enfants qui se seront convertís. Le cbance-
lier prendra aussi les mesures qu'il jugeraconve-
nables pour lui assurer, apres la mort du pere, une
bonne part dans l'héritage paternel. Ladix-huitieme
clause accordait une rente de trente livres (750 fr.)
par an aux curés qui se convertiraient. Le vingtieme
article accorde des récompenses a quiconque dé-
noncera unpl'élat, un curé ou un instituteur ca-
tholique. (Godkin's Land War.)


Au fond, la religion n'était qu'un prétexte de
pillage; si les Irlandais eussent été protestants, les
Anglais ne les auraient pas moins dépouillés.


Le conquérant anglais, ave e ses colons et ses
aventuriers, avait ainsi créé une classe anorruale
de propriétaires en Irlande. Cette classe était sans




'- 21
doute exclusivement prot'3stante et soutenue par le
pouvoi('ao~laiS; elle s'occupa de faire des lois con-
tre:~emis qu'elle avait dépouillés. Ce qui la
distingue, c'esl sa rl1pacité.


Voici ce que dit M. Froude, décrivant l'état des
choses créé par la domination anglaise : ce Les An-
glais avaient résolu d'entretenir ]a pauvreté et la
misere en Irlande; ils ne trouvaient pas un meH·
leur moyen pour l'empécher de devenir génante.
Ilsdétruisirent la marine et le commerce Irl:mdais
par des loisrestrictives, Ils anéantirent les manu-
factures Irlandaises, en soumettant leurs produits
a des impóts excessifs. Les misérab]es agriculteurs
eux·mémes se voyaient dans l'impossibilité d'expor-
ter leurs proluits; 00 craignit que les importations
irlandaises ne nuisissent aux fermiers anglais. »


Plus loin, il s'écrie :
« De tous les dons funestes que nous doit la


malheureuse Irlande, ]e plus déplorable fut le sys-
teme agraire anglais. La terre, a parler strictement,
n'est la propriété d'aucun homme - elle apparlient
a la race humaine. On est forcé de faire des lois,
pour assurer les profits de leur travail a ceux qui la
cultivent; mais la terre ne doit jamais étre et n'est
jamais la propriété particuliere-de tel 0\1 tel indi vidu,
ayantle droit d'en faire ce que bon lui semble. En
Irlande, comme dans tontes les civilisations primi-
tives, le sol fut d'abord partagé entre les tribus.
Chaque tribu possédait en commun son district.
Sous le' systeme féodal, les terres devinrent pro-
priété de la Couronne. qui représentait la nation,




- 22-
les tenanciers subordonnés étant assujetiis 11 cer-
taines obligations, qu'ils étaient tenus de remplir
sous peine de perdre laurs droits. En Angl~,
ceux qui occupaient le s(}l avaient le devoir de le
défendre •. Cbaque gentleman, selon l'étendue de sa
propriété, était obligé d'armer et d'équiper un cer-
tainnombre de soldats. Quand une armée perma-
nente rempla{la les anciennes levées, les squires
dans les pr€lvinees serviren\ comme des magistrats
non payés. Ce systeme. fut, en réalité, un déve10p·
pement du S'ysteme féodal, et, de méme que nous
avons donné le systeme féGdal a l'Irlande, nous
avons essayé d'y introduire notre systeme agraire.
L' intention, sans doute, était aussi honne que pos-
sible dans les deuJ. eas, mais nous n'avioDs pas pris
la peine d'étudier l'Irlande, et notre seconde ten-
tative ne réussit pas mieux que la premiere. Les
devoirs attachés a la glebe furent oubliés. Le peuple,
conservant les anciennes traditions croyait avoir
des droits sur la terre sur laquelle Hs viv/lient. Le
propriétaire croyai\ qu'il n'avait d'autres dl'oits que
les siens. En Angleterre les droits des lllndlords ont
également survécu 11 leurs devoirs, mais Hs ont été
modifiés par la eoutUlJle ou par l'opinion publique.
En Ir]aooe, le pnrpriétaire était unétranger quí
disposait du sort de ses tenanciers. Il était séparé
d'eux par sa croyance religieuse et par son carac-
tere. Illes méprisait, les regardant c(}mme des gens
d'une race inférieure, et il n'avait aucun intérét en
commun avec eux. S'illui e11t été permis de les fou ..
ler sous ses pieds et d'en faire ses esclaves, peut-




;- 23 -
etre les aurait-il ~nagés, comme il ménageait ses
cbevaux. ~~urs co:rps étaient libres, si leurs
maisf»l§,~rs fermes étaient Uui ; son seul bul
étaa& aetirer d'eux toutee que l'on pcmvait en
tirer, ne le,ur laissant guere la chance a eux et a
leut! erifants, de mener une exislence plus digne
que celle que menaÍent leurs propres cochons. JI
(Romanism and the ]1'i,Bh race, p. a6,)


Un parallele frappant, fondé sur la situation qui
fut ainsi cr¿ée, nous est présenté par M. Godkin dans
son Land War in Ireland.


«Figurons-nous un roi de' Normandie vivant a
Paris, et nommant un vice·roÍ a Londres ; figuroos·
nous un parIemeot Anglais subordonné a un parle·
ment Fran~ais, compasé exclusivement de Normands
et dirigé par des. Normands t da.ns l'intérét de la race
conquérante; imaginons-nous l' Angleterre devenue
la propriété de 10,000 Normands, toutas les fonc-
tions officielles confiées a des Normands professant
une religion autre que celle du pays; les Fran~ais,
ne représentant qu'un dixieme de la population, de-
venus possesseurs. de toutes les églises nationales et
des propriétés ecclésiastiques, pendant que les
malheureux indígenes sont obligés de subvenir aUI
frais d'une biérarchie nombreu&e; imaginons-nous
le parleD1ent,a.chetée~ intimidé, proclamantl'union
de l' Angleterré avee la France. Figurons-nous le sol
de l'Angleterre confisqué trois ou quatre fois, a la
suite des guerres et des famines, jusqu'A ce que tous
les propriétaires eussent été expulsés, et les terres
distribuées aux soldats et aux aven\uriers Fran~ais,




- 24-
la coudition que les colons étrangers aideraient ti


supprimer les Anglais par la force des armes. Ima-
ginez-vous les Anglais écrasés, pendant un siecle,
par un cruel code pénal, et n'obtenant la permis~·
sion de posséder le sol de leur pays que comm&~
simples teIíanciers que le landlord franvais avait le
droit de chasser. Si les législateurs Anglais et les
écrivains Anglais pouvaient imaginer un pareil état
de choses, ils comprendraient mieux la question
agraire IrJandaise et la nature des « difficultés Ir-
landaises, » aussi bien que l'esprit de justice
d'hommes d'Etat faibles et peu sinceres, qui rejettent
le blame de la mise re et des désordres de !'Irlande
sur le caraetere ingouvernable et barbare des Irlan-
dais. »


L'état du pays provoqua naturellement des crimes
et des out.rage3, et il n'est pas étonnant que de nom-
breuses sociétés secretes sesoient formées a diverses
époques. A propo, du soulevement ues Right Boys,
en 1787, M. Fltzgibbon déclara que les troubles
avaient été causé s par la cruauté des landlords, et
que les paysans du Munster, obligés de payer un
loyer excessif (250 fr. par arpent) et a travailler pour
leurs landlords pour un salaire de 50 eentimes par
jour, ne pouváient plus supporter une pareille mi-
sere. Lors de la discussion sur la loi tendant a sup-
primer cps troubles, il dit: - « Je connais bien le
Munster, et je sais qu'iln'est pas de misere bumaine
qui dépasse celle des malheureux paysans de eette
province. Je sais que les inrortunés tenanciers sont
écrasés par des landlords impitoyables. J e sais qu'ils




- 25
n'ont pas de nourrilure ni de vMements; le landlord
prend tout. Les pauvres gens de Munster vivent dan s
un étatabj~de pauvreté, dans une misere que le
gen1'8Jmmain ne peut ce pas endurer; leurs souf-
franees sont intolérables. J) (Di&cussion prononcée
damlaChambre des Communes Irlandaises, 1787,) .


Le systeme agraire et ce systeme seul était Jaeause
de eet état de ehoses, et les plaintes soulevées a ce
sujet se répMent de s¡¡~ele en sieele daos nos ao-
nales avee une triste monotonia, - (Lecky's England
in the.,8 th, eentury, vol, 1I, ch. Yl.YII.)


Le Parlement Irlandais fut annexé an Parlement
Aoglais en 1800, grAce aux moyeos de eorruption et
d'intimidation employés par le gouvernement An-
glais pour amener le vote de I'union. Jusqu'alors,
les lords Itt les membres du parlement national, tous
grands propriétaires, avaient en général habité Du-
blin ; mais quaud ils fureot obligés de se rendre a
Londres, une résidence permanente en Irlande eessa
d'étre a la mode, et leur absence eontribua beau-
eoup a augmenter les maux du pays.


Lorsqu'en 1829, l'acte d'émaoeipation catholique
enleva le droit de vote aux franes-tenaneiers payant
40 sbillings, les landlord~, auxquels eette elasse de
tenaneiers n'avait guare été profitable, sauf aU point
de 'Vuepolitique el éleetora\e, s'einpresserent de
s'en débarrasser . Alors on vit se développer ce sys-
teme d'évictions qui, depuis eette époque jusqu'A nos
jours, a été une souree féeonde de misere, d'agita-
tions et de troubles.


tiQue peut faire en pareil eas le malheureux
2




- 26-
paysan '[ demandait le juge Fletch'er, ea 1814-. Chassé
de l'emb'oit ou il est né, incapable de se -pcOOUll'
aill&W'S des moyeos d,'existence, n'ay"' tata ....
cune instruction, il eommet descrirnes 4ue r..,,.
nit de mort., i'a\lt.-ü s' en éto.DDer ~ Harassé caImÍlÍC' .
ill'est"privé detoot, il De luí peste d'autre res~~'
que de recourir a la force, pour empécherun étranger
de s'installer sur sa fellIDa. Il emploie la violence
pour arracher au landlord ce qu'H n/a pu obtenir,
en invoquant ce sentimea\ de justice !fUi denail
faire accorda. la pcéféren&& aux ueien8 temm-
ciers. ,.


Un landlord Anglais, sir F. Lewis, qui possédait
aussi despropriétés en Irlande disait en t829:


• Ríen De frappe davantage ceux qui visi\em re
dermer pays que le oombn des.ebarges qu'un Jan-
dlord Anglais. aecepte volontairement et que le lan·
dlortl Irlandais laisse retomber sur le tenancier.
Pour l'entretien d'une ferme en Angleterre, le ea.-
pi tal qu'exigent les grosses dépenses est fourni pu
le propriétaire; les Mtim ents, les barrieres, leS'
clt.tures,. les tl'a'9aux de dl'8.in~e sot constnms ou
exéeutés aux frais du propriétaire. Tou' le mOll'Chl
sait qu'il n'en est pas ainsi 1m Irlande, bien que le
PIl.iétaire obtienne sur les produits du sol un
revenu mpérieur a. celui: fJU'Glltien\ le lttlttNord
Anglais. II me semble méme que, dans certaine~
partíes de l'Irlande, te loyer dépasse la va)eur- des
produits du sol. »


La lOéme année, un ingénieur distingué, M. Nim.
DlQ, a fait.dans une enqué\e la déposition suiTante :




- 27-
II le pe~llue les paysansli'laadais 'etl ,généril
~~_~ ,existence des plus misérables. Cet ~
dáC;t~eS et les troubles qu'il suscit~ sont dUi saos
.wntredit au systemeagraire. Le paysaÍl n'a.d'lNlre
J'ABsource, pour s'assur&l' une année d'existenee,
que de louer une parceHeda terrain OU iI puiase
planter des pommes de terreo S'il ne remplit pas les
oonditions qu'il a dü acc.eptel'afinde ne pas mou.rir
de faim, le landlord a le droit de s'emparer de tout
ce .que possede le tenancwr~ ~t sous ~ eouvert de la
loi il peut abuser de ce droit. Illaissfl tout au plus
au petit fermier de quoi vivre, et lorsqu'une baisse
dans le prix des denrées empéche .ce dernier d'ac-
quitterson loyel',il VGit saisir Sil wache, SOB. lit, les
pommesdeterrequ'ün'a paS6lilA.e tempsde r.éeolter,
et ce qu'il a est v.endu a vil pril: .•


Le 16 féuier 1810, Le procureur ~Déral irlandais.
M. Doherty, déclarait, daDs la Chambre des Com-
munes, que les paysans irlandais avaient a subir un
átat de .choses que les bestiaux anglais n'endureraient
,aB . . La Cbambre des Communes vota une l.oi ten-
dant A donner de l'occupation aux laboureurs en
défrichant les terrains incultes i mais cette loi fllt
rapollSiée par la. ChaJBbre Qes LGrds. qu4 dt3¡mis
1.&il, a . rejeté bien "·au.tfes l.ois ~1ln faveur de l'Ir-
lande4


Le 18 février 1830, M. Browne annon~ait, dan~ la
Chambre, qu 'un curé du. .comté de Mayo lu,i avait
éerit qu'avant la lin du mois, i1 y aurait dans 9GD
diiltri-ct trente mille persODnes exposées a mourir de
ilim.. c.e.tte assertion fut confirmée par le secretaire




- 28-
d'»tatpour rlrlande. Les seuls remedes cep'endant
qu'e ·Ie gouvernement se souciAt d'appliquerPQ.'lr
cbanger cet état de choses sont ceux qui ne noos
sont que trop familiers : lois interdisant la vente
des arrues, lois de coercition et suspension de l'ha-
beas-corpus; et tandis que ron ajournaitles mesures
réparatrices recommandées par une commission
spéciale, sous prétexte que le temps ¡pauquait, le
Parlement trouva le temps de faire voter par les
deux : Chambres :les lois coercitives. Le gouverne-
ment, néanmoins, savait rort biE'n que le systeme
agraire était la cause de toute ]a misere et de tous
les crimes signalés en Irlande.


« Pour peuque ron songe aux sourrrances si
impitoyablement infligées a l'Irlande », dit un ré-
dacteur de la Dublin Review (juillet 1836), « on ne
sera pas disposé a accuser ce pays de manquer de
calme. Non; vu les provocations qu'on ne leur
épargne pas, nous disons plulót que les Irlandais
semblent ne pas avoir du sang dans les veines. Il
n'existe pas en Europe un peuple qui auraít supporté
aussi longtemps les maux qu'on leur Cait endurer,
et qui ne se serait pas soulevé pour secouer, par un
commuo erfort, le joug de ces misérables oppres-
seurs.» ce Les paysans sont écrasés par des loyers
énormes, déclarait le Quarterly Review (décembre
1840), loyers qui ne sont payés que grAce a l'expor-
tation de la plus grande partie des denrées alimen-
taires produites par le sol du pays; on laisse a ceux
qui cultivent ce sol, a peine assez de pommes de
teue llour ne llas l,\érh: de {aim, m~me en 'j ai<mtant




- 29-
quelques poignées de mauvaises herbes. » « Le
gentleman >ampagnard irlandais, dit le Dublin
Pilo,.-dir"'íjanvier 1833, est, nous regrettons de le
dire, l'étre le plus incorrigiblequi e1iste ici-bas : au
nom dela IOi, il foule aux pieds la justice: il vante
la supériorité de sa foi chrétienne et viole la charité
chrétienne; i1 commetdes méfaits, touten invoquant
le Seigneur. Si les autorités anglaises étaient dis-
posées a gouverner le pays a l'aíde d'unp,bonne
politique (Die u sait qu'elles n'y songent guilre),
l'obstacle le plus insurmontable a vaincre viendrait
du gentleman campagnard, arrogant, dépensier, fier
et débauché, qui a toujours besoin d'argeot et pres-
sure ses tenanciers. »


La population de la baronnie de Farney,d'apres
le recensement de 1841, excédait 44.000 Ames, et le
revenu qu'elle donnait a ses deux propriétaíres
absents montait A la somme énorme de 40.000 livres
sterliog, lesquelles sont a ce jour, dit-on, porté es
a 60.000. La terre a été améliorée, de maniere a pro-
duire ce revenu princier, ulliquement par le travail
des tenanciers, comme on peut en juger ici par
l'histoire de c~tte propriété rapportée par M. Godkin.


• Vers 1'Ilnnée 1606, lord Essex, qui avait obtenu
la concenion de la baronnie de Farner: l"affermait
a Evar Mac-Mahon au taux annuel de 250 livres
sterling. Quatorze ans plus tard, le méme territoire
était loué A ~rian Mac-Mahon pour 1.500 livres.
En 1636, la propriété produisait une rente annuelle
de 2;022 livres 18 schellings 4 pence, payée par
trente-huit tenanciers. Au Cur et a mesure que de


2.




-~-
mru:teauxtnutt mre'1l't e{)neéa~s, Í\!me'IlU ~t1eva.
1rÍ.n&9, le territoire de Bath rapporta8.~tiwes"
et eeluí de Slñrley tLf)(}tl. La somme de 8.OO1rItftes
fu't payée annuellement }lar les fermiers exploitallt
ce terrain autrerois stérile et sauvage. n faut re-
marquer ici que, dans toutes les concessions faites
par la Couronne, les patentés turent uniquement
tenus d'acquitter des contributionssur les terres
arables désignéesllarletitre de concession, les fon-
drlMe!; léSTtl&.és~ lés tnO'Ii'tagnes et· les terrains
non réchimés, de toute espllce, étant lívrés grátui-
tement, a:lors que la totatité des surfaces aban-
données représentait dix ou quinze fois celle des
terrainsmis eJl culture. L'homme d'arrairesde lord
!.urga'n, 'M. lIaucoék, dans sa d()position devant la
commission Devon, établit que « lord Lurgan est,'
propriétaire d'environ 24..600 acres de terre avec unei
population de 23.800 habitants, d'apres le recense- j
ment de 1841 )); c'est-a-dire que par le moyen des'
baux d'origine, du drainage et des travaux d'amé-
noration agrícole, les ~. tiOO acres de M. Brownlou
connus en 1619 sont silencieusement devenus
2i.6QO acres et ses cent porteurs d'épée ou de piques,
le's' représent~nls de 57 ramilles el qu,lques subor- •
donnés, multipliés au c'bi1tre de ~.800 individus.


Les chuses se sont ainsi passées partont dans la
province d'Ulster et il en ressort clairement que la
propriété qui dans I'année 1606 était louée 250 livres
rest maintenant 60.0nOpar le seul travaildes tenan-
ciers; en d'autres termes, la différencedes!tS'O livres·
aux 60.000 provenant des améliorations dues aUI




- 31-
fet'mie1'8 _ t!Imltellement confi'Squée au profit des
ilBdf¡jf4Uf -


' .... M '!ilIl1'ie exemtlle d'une plm!-value sem·
blable .pp~eiabte am. tems oonfisquées, a "autre
bowt de' 111'lande, on peut citer les domaines de
Devonshire dan s la province de Munster. 11 est meno
&nné, Ii la page ~, que sÍl' W. Raleigh re~mt en
partage qMlque 6.2.()00 acres (fes friches, fondrieres
et montagaes demeura1'lt exelues comme ll.1'ordi-
naire), a \os. su!\edu ll~e des 'terre1! du comte de
Desmond. A~ mémeépoque, vefS 1690, le c1erc
d'un juge de Landres, nommé Richard Boyle, qui
a'Vait prospéré eu It"lande comme faussaire, voleur
de che.au'l. ~ eo~plice d'MlSassins" fut ~levé a la
digBité de dép1lt6 ~atoT'Sb.i¡;· ~ lIunster. Or,
R&leigh ayant été jeté en prison et se trouvant dans
1. g!ne, BG'yle lui offrit USO\) livres sterHng pour
leS 12.008 acres. La proposition fu! acceptée, et
Borle versa a Raleigb, comme a compte, la somme
de 600 livres sterling, mais s'abstint de lui en payer
le :restant. Quelques années plus tard, Boy1e, devenu
cemte de Cork, obtenait de JaciJues Iel' des lettres
patentes confinnant sa propriété et des parchemins
dont la surface développée. a dlto un histerren, re-
oouwai.t'ft~WMlle ~ 48 ~ieds de long sur ~ pieds
de large.


Le du~ de Devansbire possMe actuellement dans
'les l:lnvirons de 30.008 livres sterling de rentes
annuelles assises sur des telTes qui ont cot1té a son
linootre Boyle 500 1iwes seulement.


En 184.3, grAee a l'insistance de M. Sharman




- 32-
Ora"ford, sir. R. Peel se décida a fairanommer UDe
commission chargée de procédcr a une enquétesur
la quelition agraireen Irlande. Cette commissiOD, .
entierement composée de lalldlord8, siégea pendant
deux ans. Elle interrogea une foule de témoins, pro-
jlriétaires, agents, receveurs, tenaneiers, etc .• et les
recommandations de eette commission servirent de
base a la premiere tentative que tit la Chambre des
Communes pour résoudre le probleme agrail'e. Lord
Stanley, aprel:lavoir enwndu le rapport de la com-
mission, déclara que le remede aux maux de l'Irlaode
ne consistait pas dans l'émigration, mais daos un
systeme qui donnerait des garanties aux tenanciers.
Ii présen~ un projet de loi qui el1t assuré une com-
pensation au'- tenanciers, daos le cas 011 ils auraient
dépensé leur capital pour améliorer leurs fermes.
La loi combattue par les landlords irlandais fut re-
poussée par la Chambre des lords. Alors commen~a
celte série de vaines tentatives, pour régler les rap-
ports entre le landlord et le tenancier en Irlande,
ceUe série de projets de loi qui, depuis cette époque
jusqu'a nos jours, ont été préselltés chaque année
au Parlement, et que la Chambre des lords a cons-
tammentrepoussés.


Le 25 février 184.7, M.Sharman Crawford pré-
senta un projet de loi « pour aSSUfer les droits des
tenanciers irlandais, pour encourager la culture et
donner de l'occupation aux laboureurs. 11 En ce
moment la famine désolait tout le pays; mais un
Parlement de landlords ne voulait rien. faire pour
les tenanciers et la loi fut repoussée.




- 33-
En décembre'18i6, le P. Mathew, l'apólre de]a
tempér~n~ écrivit 11 M. Trevelyim, sous-secrétaire
de la~tésorerie, qu'hommes, femmes et enfants
dépérisaient peu ll. peu. ns se remplissaient l'esto-
mac- defeuiHes de choux, pour apaisar leur faim.
Plus de 5,000 ma]heureux campagnards, a moitié
morts de faim, mendiaient daos les rues de Cork.
Quand ils se sentaient completement épuisés, i1s
se tralnaientjusqu'au workhouse (maison des pau-
vres) , ou Hs ne tardaient pas a succomber. La
moyenne des déces dans ce workhouse s'éleva a plus
de 100 par semaine. Et cela se passait dan s un pays
dont la fertílité a toujours excité la surprise des
écl'ivains étrangers I Le célebre agronome l A.
Young, dit, en parlantdu Tipperary et de Limerick,
a ]a date de 1776: (\ C'est]e sol le plus riche que
j'aiejamais vu. " M. Mac Cullock, dans sa stalisti-
que de l'empire britannique, confirme cette asser-
tion: ce l'abondance des' paturages, écrit-il, et les
belles moissons d'avoines qui croissentpartout,
méme sur des terres mal cultivées témoignent de
la fertilité extraordinaire du sol. .1 Un autre ob-
servateur écossais (M. Mac Lagan) dit: « Les terres
cultivées du midi de l'Irlande, quoique moiós' ri-
ches que les plturages de dherses autres pro~in­
ces, sont aussi d'une grande fertililé. Je souscris
sans hésiter aux éloges qu'Arthur Young etd'au-
tres ¡uges font de ]a richesse du sol de l'IrJande. »


En 18.9 plus de 50,000 familles furent chassées
de leurs misérables cabanes. ce Elles ont été chas-
sées sans pitié et laissées sans refuge, a dit lord. J.




- 3!-
BusseU. NOItB atIMt8 faitde l'Iriftde, jé te 'déclare
lIflttement, le pays le plus dégradé et le pl1U~,
Sumo1lde.L'univers entier ene honte BUf nousj in ..
DMU! demeurons devant c-es Ileproches aussi calmes.
que devant les résutt'/lts de notre rnau'Vaisoe admi-
mstration. j)


Que devimt ce malbeureux peuple sans asi1le 't
PerSODDe 00 s'oo. inquiete. Cela ne géJle persontte.
De 18151 • t1Mi1, t ,2!1 ,"7:1" iriandais ~igr8.iefit. ])e,
t186t t W7't leoomhre de5éDri~nts tul de 819,988.
Jlift tsu, pool' empt-o~ l'expression de John Mit~
ebel « 70,000 familles de tenanciers représentan't
300,000 p&rsonnes (urent déracinees du 'sol ».
SMon le P. Lave\t~'{"oir son gTaM {)u'Vra~:' Le
~ord irlctttlttir depttis~. Bfwlution, 1870, p .. ~
re nombre des demeures nivelées de 1841 t\1861
par les landlords qui voulll'¡~mt se doébanasser de
leurs tenanciers, abritaient une papulatioo d'au
moins 1,800,000 Ames. Tous ces infortunés fu~t
ainsi condamn~s a vivre de cbarité,a s'exiler oo!
p'rir ~ faim.


MOU'RIR de (aim dansun pays dont la pOp'lllation·
est tie 8,000,000 d'lmes, dont le sol. au dire de sir
M. K!iM, est C8.l"lble 'tl'oentretenir dans l'aisal'l'Oe
2Q,006,~OOd'babitaDts, !5,i)60,OO6 ~~1Il. de I1eau-
mont,ou méme 100,000,006, Belon ArthurY-ou'llgm


La famine la plusaffreuse ne pouvait pastoucher
le cceur du Parlement, si tant est qll~un Parlement
possMe dll cceur. Les landlords ne se 'mon'traient
gúere plus disposés a fournir desfonds pour em-
pécher leurs tenanciers de mourir defaim. Yoici




- 315 ,-
Wl exemple e_par M'. Godkrn : Lord Hertfort, un
QblenMistJa,lflli\itait 'Un :revenu de60',OO1t livres sw-
ÜDg "~riété5, fut sourd aux crís de dé-
~ .. ses tenancren ttW son' devoir était de
soulager, bntdis flliull ritoyen Atnérieain, qui n'e
a..R'l'ien 11 .'Irlande que sa nai'Ssance, M. A. J.
Stewart, de New-York, envoya un navire chargé
de p1ovisions, qui lui eouterent 0,000 sterliag, et
qui furent distribuées aux tenanciera affamés de
lord Bertf@t!d. Au :retour du -vaisseau, il reeu! a
bord autant d'émigrants qu'il pouvait en'eonte·
nir.Dunmtladétresse def879 a 1880, les landlords
se: cOlldlnisirent a peu pres de'la meme maniere, et
refllSerent de recoDDaitre'l'existenee de la détresse,
q\bMld d'autro pays avaient 9O'«sC'rit pour la sou·
lal§'l.


Un autew f~ais, M, de Beaumont, écrivait, en
"'&3'7, « (fU"U 11 TU l'lndim dans ses foréts et le ne-
gn ehargé de chaines, et eeux·1a n"occupent pas le
bas de l'échelle dans l'histoire de la misere ha-
maiM; 1 .. mistre de I'Jrltrndais (orme un type ti '(Jan,
<¡lit lJa. mi peut eom¡rater-;J, nulle aut-re t ..• ))


En t8&9, le vote de la Ioi connue sous le noro:
(fEncumbered Estates, loi qui autorise les lantJlo1.d,
endettés a Tendre J.telIl"S terl'elJ, inspira a Gavan
ll1'lff1 o el • G"a~ efléfs p6jl1laires l' espoir dé
faiTe' pa9Ser 'entre'}ts maios des tenanciers les ter-
raros m-is en disponibilifé. Irs savafen't comnien H
leur flUldrait d'effort6 pour crl!er ainsi une classe
de petm propriétaires, e1l i'ls n'oublierent pas la
reeGIImWldation d'aD lord .. Heutenant iJolandais, qui




- 36-
est devenue le mot d'ordre, chaque foís que l'on a'
es~ayé d'exercer une prcssion sur l'opinion an-
glaise. CI Provoquez de l'agitation, disait lem8l'quis
d'Anglesea ~ Daniel O'Connell, el vous réuss1N/.'.
(Mac. Cullagh's Torrens, Life of Lord Melbourne, voh:
J, p. 320.) Pour se faire écouter par un parlement"'"
étranger qui siege loin d'eux, pour obliger les lé-
gislateuril a préter lit moindre attention a leurs
griefs, les lrlandais n'ont d'autre moyen que l'agi-
tation, et plus l'agitation est violente, plus vite on-
les écoute.


Les terribles effets de la famine avaientdémontré-
aux meneurs qu'ilfallait agir promptement. Une
ligue des tenanciers fut done organisée. Plusieurs
députés furent nommés, nec mission de soutenir
le programme de cette ligue, dont les demandes
furent formulées dans un Mil rédigé par M. Shar-
man Crawford. Aujourd'hui ces demandes parais-
sent tres modérées, et si elles eussent été aeeeptées
par les landlords, la question se serait trouvée ré-
soIue, du moins en ce qui con cerne la génératioD
actuelle. Mais au mois de mars 1852, le projet de
loi de M. Crawford fut repoussé par 167 voix contre
57. En attendant, les malheureux tenanciers se
voyaient chassés en presque aussi grand nombre
que jamais, si bien que le Times lui-méme s'écriait,
dans une phrase peu facile a traduire: ce the name
01 an lrish landlord stinks in the nostrils of christen"
dom, le nom d'un landlord irlandaís pue au nez de la
chrétienté 1 Vers la méme date, le comte Grey di-
sait: 11 L'Irlande est notre honte I Les maux de




, - 37 --
l'Irlande n'ont pU étre cauzés que par une mau-
vaise administrltiion». Dans un discours prononcé
dans la:~bre des Communes, le 6 juillet 185~,
JohD'tiPight p'arle de ces comtés de l'ouest, oú per-
sonne ne peut voyager sans sentir' que quelque
crimt lfiorme a été comrnis par le gouvernement sous
lequel !Iit le peuple irlandais.


La méme année, la QUa1'terly Review s'écrie : ce On
recommande la modération - joli conseil, en vé-
rité, quand on voit les cabanes des paysans abattues
en sigrand hombre que des régions enHeres ont
l'air d'UD pays dévasté par le passage d'une armée
ennemie.1I


Ecoutons maintenant un économiste distingué,
M. MilI: (1 Quand les habitants d'un pays quittent
en masse leur patrie, paree que le gouvernement ne
s'arrange pas de fa~on 11 ce qu'ils puissent y
vivre, ce gouvernemont est jugé et condamné. e'est
le devoir du ParIement de réformer le droit agraire
en lrlande. Mais la justice exige que les cultiva-
teur3 aetueIs soient mis 11 méme de devenir en
Irlanda ce qu'ils deviendraient en Amérique, pro-
priétaires du sol qu'ils cultivent. (Political économtj,
ch. X., p . .201, éd. 1880.)


.Mill dit ailleurs: II Les laftdlords qui ne tendent
rien au sol, eónsm'nmenltóus les produits du sol,
mojDs les 'pommes de terre, absolument nécessai-
res pour empécher les cuItivateurs de mourír de
íaim: et quand ils forment quelque projet d'amé·
lioration, leur premier acte consiste ordinaire-
menU.enlever aUI paysanscette maigre ressource,


3




- 38 - \
a les chasser et a les réduire A la mendicité. Lorsque
la pr1)priété du sol's'appuie sur une pareille base,
eUe ne mérite plus d'étre défendue, etil eIt .P8
de procéder a un nouvel arrangement »,< '_:J~,:.


Notre écrivain dit encore (Political éconornr, ,.
, 95): «Quand les habitudes d'un peuple sont tIe~~\
les que l'accroissement de la population n'est ja-
mais arrété que par l'ímpossibilité d'obtenir une
nourriture suffisante, et qu~d celte nourriture ne
peut étce obtenue que de !aterre, tout wnf¡rat re-
l&;tif ~u lli1on.t811t du- loyer eesse d'avoir une valeur
l~gale. GrAce a la concurrence, les tenanciers s'en-
gagent A payer plus qu'íl ne leur est possible, ~
orsqu'ils ont payé tout ce qu~il peiUvent, il ;est


rare.qu.'ils Be ftSt~t pas débifalrs.lI proprié ..
taira. ,» ComIDO preuve ill'appui, JI. M.ilI el-te le rap-
port d'une commission, OU un témoon déclare avoit
vu adjuger aux encheres, a un loyer de .liO livres
sterling par an, une ferme qui ne valait pu &0
livres sterling. (political écouorny, p. 196.)


. La ligue des tenanciers organisée en 1 ~52 ne dura
pas longtemps. Le gouvernement divisa le parti
parlementaire, connu sous le Dom d'OppositioIl
Indépendante,en achetant ou en corrompant plu-
sieul'$ des (lhers. Ca f~ alors que M. Gavan Duffy
qultta rlrlande dans un acees de dégout.


Depuis l'Union (1800) jusqu'en !8M, d.eux tenta-
tives de soulevemen~, provoquées par la misere
ayajent eu lieu en Irlande, et ver.s t 866., on organisa
~. formidable société secrete, dont les effurts
n:~ti{CDt qu'a uoo troisieme et_vaiae iosurteo-




- &9-
tiOD. En mai 1884., s'adressant a la Société de Sta-
tiS1ique..)l~ .. tfon 'luí a ~urécomme avooat de la
cow:~s le prMes Parne:ll,disait : « Sous les
lolihistant.es, aucun pal'i&Il lrlandais sachant lire
el écrire ne doit rester en lrl.ande. Si.l'lrlaaded.ans
le$conditions actuelle.s était un pays indépendant,
00 verrait éclater une violente insurrect10n dans
chaque comté, et les paysans irlandais finiraient par
s'emparer des terres, comme l'oqtfait lespllfsans
de Suisse el de France. »


On a dit que, quand la France est sati&fa1te,
I'Europe est trllnquille. On peut dire que, qliand le
paysan irlandais est mécontent, l'Irlande est
troublée. Il serliit puéril d'a(firmer que, si les
révolutionnaires n'avaientpassous _la maln 00 que
l'on peút appeler « la matiere preniiere~ » on réussi-
rait a fomenter cette agitation eL a ourdir ces
complots dont Les hornmes d'État aaglais .sontfords
de tenir compte. Chaque année, depuis l'Union
jusqu'a nos jours, le paysan~ par l'emcemise de ses
représentants, a offertdes co.nditioDS Asan ltmdl.or.d.
Chaque année., comme nous l'avQWI VU, ces condi-
tions ont été repoussées avec mépris. Le propl'iétaire
craignait simplement de perdre une partie de son
lIouvoir el de son rev.eDU; peur 18 patoan, G'iíait
une questiólida··de 'gU' de mort¡ il 'S'a,gissait de
savoir s~il /ilevait vit.re dan.s UDe aisance compara-
tive ou périr de faim. Des crimas. il est vl'ai, ont
parfois taché les annales de l'Irlande~ mais les
paroles brulantes de plusieurs llDmmes d'État
anglais - paroles Cjlle nous avons citéas - atté-




- 40-
nuent, si elles ne justifient pas absolumen les
représailles. Le droit était du cÓté du landlord:
aucune loi n'avait jamais été votée en faveur Au .....
tenaneier; pour le tenaneier, le seul but du goq,:·
vernement Britannique était d'enseigner au landlortt ~
l'usage de la pioche du démolisseur et de le pro-
téger, tandis qu'il abattait l'unique abri du tenan-
eier. L'instinet de la eonservation - qui est au-
dessus de toutes les constitutions - a appris a plus
d'un tenancier irlandais' a se servir d'un fusiL Le
gouvernement des Czars aété' qualifiéde' (( déspo-
tisme tempéré par l'assassinat; • l'autoerate qui
regne sur les champs de nos paysans se seraitftil
montré plus doux, si le landlord exterminateur,
protégé par la 10í, n'avait pas un peu redouté eeux
qui ne reconnaíssaient pas la loi"f Le eas des
membres de la société secrete des Ribbonmen a été
bien exposé par M. Godkin : 11 Dans cette guerre ou
~ il s'agissait de défendre sa vie, Hs ne pouvaient pas


lutter ouvertement contrele pouvoirarmé d'Angle-
terre; et its furent forcés de reeourir aux ressources
criminelles employées par les opprimés de tous les
siecles eL de tous les pays, - le complot et rassas-
sinat. Ce crime ne leur inspire aucun remords;
d'abord paree que cfiest la guerre, et le soldat ne se
repent pas d'avóir tué l'ennemi dans une bataille;
ensuite paree que leurs conquérants, et les succes-
seurs de ces conquérants leur ont trop bien appris,
par des milliers d'exemples, a faire peu de cas de la
vie humaine. Pauvres étres ignorants, its ne com:"
prennent pas pourquoi, quand les nobles les plus




- 41-
illustres d~ l'Aagleterre ont gagné des éloges et des
honnep:r~ur avoir fusillé des femmes et des
enfa88:1rlandais, comme des 10utres et des veaux
marins; its ne comprennent pas pourquoi les sur-
vivaots de ce massacre seraient exécrés et appelés
cruels, barbares et infAmes, pour avoir fusillé les
gens qui abattaient le toit sous lequel s'abritaient
leurs familles et quí dispersaíent la cendre de
leurs royers. Nous aurons beau nous récrier contre
de pareils sentiments; ce soot III des faits, et il faut
que le législateur en tienne compte. Quand un
peuple, qui, sous d'autres rapports, mime une víe
singulierement exempte de crime, se met a regarder le
meurtre des membres d'une certaine cIasse avec
indirrérence ou approbation, eJest la un phénomene
que la pbilosopbie politique doit ~tre capable
d'expliquer, et dont on ne peut pas se débarrasser,
en suspendant l'habeas corpf!.s ou en accabIant de
railleries et d'invertives une nation entiere. » (Land
War in freland,)


u La force n'est pas un remerle », disait M. Brigbt,
il 'Ya queIques mois, en s'adressant a ses électeurs,
et, en 1844, sir J. Grabam a énoncé une opinion
semblable : (( La violence n'est- pas lapolitique,
qu'U-fit.ut ,our, gouvemer l'lrIande~ 1)' (Annual
Register. p. 1 SU. p. '59.)


L'état de choses pl'oduit par le s'Ysteme agraire
esl bien connu des fonctionnaires du baut en bas
de }'échelle, car }'inftuencede la biérarcbie du land-
lordisme, landlord, agent, huissier, se Jait partout
sentir daos la vie socíale et politique du peuple.




- 42-
Uagent; ¡Uge d'e paix, non sti ~é, 'menace dtt
~rd ses 'fictimes dn h!mt de son- bme' omttel~
en sa qualité de membre du bureau de bi~
san ce, i1 les insulte; comme membre du grandjury~: .
it leul' impose de lourdes contributions et les
opprime.


CitOD5 eneore rouvrage de M. Godkin: « La
gne1T8 agraire sé'fit dans cbaque conseil d'admi-
niltmi(lll! 'de la taxe des l'atlues, MM ohaque
diIpeBstire;dt.M·elrtique COUI' dejustite, petit.e ou
grande,· dans ehaque institution publique du
royaume. L'agent chargé de toucher les loyers est le
commandant en ebef ¡ son hureMf est une garnisol'l
qui gon~e le dietrittetml'Oánatlt. ft ~de,
dltns le- plus graod' DófnlKo~de tllt, un pomoir bien
supérieur a celui du clergé catholique, parce qu'n
manie une arme qui agit plus puissamment sur
resprit des paysans que les terreure du monde a
venir. Illui suffit de Dlenacer de dO"Aner congt a Utl
tenancier, pour obt~nir presque toot ce qu"iI
oemande; sauf la·JIOfSNSioo de-Ia t'Mme etdu foyer
du looatmre. Un eougé est comme un arrtlt de-
mo1't:pour la famiHe .. Donner' congé a ces fermiers,
d1Sti1hí. GIadst6ne·en 1880, e'est les condamner a
moul'ir de fa:im, .. «Je tfens,· s'écmit lord Clare,
lors des débats sur l'Union (t880), débats qui eurenf
pour résultat de priver l'Irlande d'un parlement
national, je tiene ~ r!l:ppeler aux gentleman qui se
pmel'ament les représentants de la nation Irlan ..
darse; fIue 7,800,000 arpents de terre fLlrent dis-
tribués a une bande d'aventuriers angJais, eivils et




-43 -
militaires,pretftUe ~ l'exelusion totale des habitants
de 1'1t*1if~ beaUOOllp de ces derniers, bien qu'i1s
n .. ~tllris atieune part a la ribeUion, perdirent
leUÍ's prapri§tés', paree qn'i1s ne purent ftmrnir les
préuves requises de leur innocenee, et aussi parrie
qne les Jargesses faites 'par la eouronne au duc
d'Tork avaien~ créé un déficit dans les fonds des-
finés a réeompenser des aventuriers, J


Et ce sont les deseendants de cette meme « bande
d"aventuriers, » qui viennent aujoufEl'hui nous
parlerdes droits sacrés de la propriéte, de confisca-
tion /' etc., etc .. , N'existait-il done aueun droit
sacre pour le peuple dont leurs peres ont volé les
biens?


On demandera peuWtte : pourquoi les lrlandais
tiennent·ils tant a la terre? A cela nous répondrons:
pourquoi' les Anglais ne leur ont-ils larssé aueun
antre.moyen d'existmlCe? « Messieurs, disait Gnil-
laume nf A son 'parlement, je terai tout mon
possible pour décourageI' les mannfact~res de laine
en Irlande. » Il ne manqua pas ~ sa parole, et par
malheur, il réussit) comme ses successeurs ont
réussi daus des entreprises semblables. (Voir les
statuts de William et Anne, e1e.) Ea t~&O, Dublhi
co~tan " ~mltDufllctures de laine; aujoU1"-
d'hui, cétte, 'filfe n'en possMe plus qu·une. (Butt.
The lrisk people and lrish land.)


En 1866 et en i867, des Ioís agraíres furent
présentées au parlement, qni les repoussa. Pour un
motU ou pour un autre, aucune d'elles ne ful votée.
CoroNen de lois coercitives les ehambres anglaises




o:-H-
ont:ell~.l'efusé de voLer! Vers-cette date, une
equéte sur le nombre des évictions demandéespar
lord Bellmore montre que, durant les sixa.1ltltU
pl'écédentes, 37,16' familles avaient été chassées de.
leurs foyers ,


A propos de l'émigratioIi incessante de t 867,
M. Joyot, alors lord maire de Dublin, a dit: ccL'émi-
gration peut etre comparé e 11. une hémorragie qui
épuise les rorces de notre pays, et jeregrette
vivement qu'un noble lord ait jugé bon de recom-
mander ce remede a la Sangrado, qui consiste 11.
saigner les gens et A les gorger d'eau. L'Irlande n~a
été que trop saignée. C' est avec terreur que j' envisage
l' avenir J guand an parle de rtduire encore d.' un millian
~t demi notrs populatio". J'Oie 1I. peine songer 1I. ces
milliers de gens se trainant dans une misere pro-
fonde et silencie use, a. ces foyers éteints, a ces
familles dispersées, aux industries des villes que
1'0n a ruinées, a ces c1asses moyennes qui s'éloignent
et qu'un véritable homme d'État doit s'efforcer de
retenir. » (Discours aux tenanciers de lord Annaly,
dont M. Joynt était l'agent).


En 1867, lord Lifford écrivait a M. Butt : (( Le
manque d'oceupation met ceux qui n'émigrent pas
oompletemtmt 11. la merci du landlord, et permet 11.
1 ce dernier de faire les conditions qu'il lui :plalt,
.!FiN DE LEua AssUREa TOUT JUSTE DE QUOI VlvaE.
Il abuse parfois de ce pouvoir, les tenanciers le
savent, et cet état de choses perpttue une guerre civile
chronique. »


Et aquel propos Sa Seigneurie adressait-elle




- 4:5-
cette lettre a. y. .. Butt' Son but était de qualifier de
11 eoIllm~ • un projet de son correspondant,
qu1:_eiUait d'accorder aux tenanciers des baux
de-<63 ans. 00 s'étonne de voir combien peu le voca-
bu}aire des landlords varie; ils emploient aujour-
d'hui les mémes épithetes qu'il y a vingt ans.
Ouelque proposition que ron fasse en faveur du
tenancier, si raisonnable qu'clle soit, les proprié-
taires la trouvent toujours !I communiste » ou
socialiste.


Lord Dufferin, dans une des lettres qu'il a adres-
sé es au Times, en 1867, dit: (( Ce sontcertainement
les hommes que 1'0n doit rendre responsables de
l'état de l'Irlande. e'est 11. une administration qui
peche par un cóté ou par l'autre qu~il fautaUl'ibuer
la dtsolation qui renaU sans cesse dans un belle He
au sol fertile, arrosée par de beaux fleuves, caressée
par une atmospMre clémente, entourée d'une mer
qui pénelre dans les meilIeurs ports du monde, et
habitée par une race vailIante, tendre, généreuse,
douée d'une force physique exceptionnelle et d'une
intelligence des plus vives. 11


Si flatteuse que soit cette description, elle n'est
{las plus élogieuse que celle que lord Bacon traeait,
i1Y, deux sieclesetdemi. «(luant al'lrlande, dit-il,
lanalure ra si bien douée, en ce qui concerne la
fertiJít" du sol, les ports, les rivieres, les pécheries,
les carrieres, les bois et le reste, - elle lui a donné
une raee d'hommes si vaillants, si robustes, si
actifs, qu'il ne serait pas facHe de trouver, méme
sur le continent, un tel assemblage de conditions


. L




-"- 4~ --'
a~ses, 'pour 1'00 que /4 mlrin . de r~
1IfMkWf' "ditte 'tt celle de la nature. (Ba-eon~1' fPeI'IIs,
W12 IIf, p. 32.} , ".t.~;.~
'ü'lY NuIty; év~que de Meath, éerivait, le 20 ~


vrfer 1871, au sujet des évietions, qui avaienteu. ~
lieules années précédentes, de M. N. Boyd dans
le comté de Westmeath : «( Dans la premiere année
de notre ministere, comme prétre missionnaire
dans ce diocese, nous étions témoin d'nne évidion
inhumaine, II laquelle nous ne pouvons songel"
m~me aujourd'hui, sans que notre eamr saigne.
Sept cents étres humains furent chassés de leurs
foyers en un seul jour et laissés sans abri, pour
satisflrire le caprice d'un de leurs'semblables, qui,
aux"ye'lttdeDieu et de!f lmmmes, méritait pro-
bablement moins de considératiou que le dernier-
de ces malheureux. Et je me rappelle fort bien qu'a
cette époque il n'était pas dti un seul shilling de
loyer, si ce n'est par un individu qui s'entendait
évidemment avee l'agent.


'tt La brigade des démolissenrs que l'on chargea
d'éteindre les foyers et d'ahattre les demeures de
gens honnétes et industrieux, remplit avec zele sa
terrH;1é tlche, ettravailla jusqu'au soir. Enfin un
incidentvittt interromJl1'e la monotomie de ceUe
affreuse besogne. On s'arréta soudain, et 1'0n recula
frappé de terreur I en face de deux cabanes qu'iI
~agissait de détruire comme les autres. Les démo-
lisseurs venaient d'apprendre que la fievre typholde
s"était abattue sur ces huttes, 011 elle avait déj~
apporté la peste et la mort. lis supplierent l'agent




-'- 47 -
d'épargner moréentanément ces misérables logis;
mais~se montra inexorable et insista- po.,
qtte'}. éabanes fussent abattnes. L'habileté avee
Illq\relle il fU t'aee aux dimcultés de lasituation,
dmtnera: une idée de la dureté de cet homme et des
cruenes nécessités de la tAche qu'U avait acceptée.
n ordonna d'étendre un grand drap de vanneur
au·dessus des lits sur lesquels gisaient les víctimes
de la fievre - par bonheur elles déliraient en ee mo-
ment - puis il eommanda aul.. ouvriers d'enlever les
toitsavec beaucoup de precaution etsans trap de
hAte, attendu qu'il voulait s'épargner « les ennuis lJ
d'une enquéte. Le lendemain, lorsque j'administrai
leg derniers saerements II quatre de ces victimes, il
n'Yllvait entre la Totlte du ciel et nons <d'autre
toiture que le drap de "anneurdont j'aí parlé.


CI Les scenes horribles que Yai mes, je me les
rappeUerai jusqu'A mon dernier JOUI". Les gémisse-
ments des femmes -les cris, la terreur, la conster-
nation des enfants - l'agonie mueLte de ces ter ..
IDiers honnétes et industrieux - arrachaient des
Iarmes a tous les spectateurs. J'ai vu les officieriJ el
les nombreux agents de police qui étaíent forcés
d'assister a ces scimes, pleurer comme des<'enfaats,
iHa "fli'e' des soutfranees des pauvres gims qu·ils
auraient été obligés de massaerer, si ron avait faft
la moindre résistance. Les grandes pluies quf ae-
compagnent les équinoxes d'automne tomberent
a torrents, pendant toute la nuít et révélerent sans
retard, a ces victimes sans abri, les réalitós artreuses
de lenr position ...... , L'aspect de ces hornmes, de




- 48-
ces femmes, de ces enfants, lorsqu'on les vit sortir
des ruines de leur anciennes demeures, p~t
le spectac]e le plus épouvantable que j'áiej"" .
contemplé. Chaque landlord des environs, A plt18"",:
eurs lieues a la ronde, mena~ait ses tenanciers tie1
sa vengeance, s'i1s donnaient l'hospitalité, méme
pour une seule nuit, aux gens que 1'0n venait d'ex-
pulser. Beaucoup de ces malheureux n'avaient pas
les moyens d'émigrer avec leurs familles; tandis
que daos leur propre pays, ils ne trouvaient per-
sonne qui pó.t les secourir et aucnne occupation
qui leur donnAt de quoi vivre. Quel fut le résultat'
Apres avoir vainement lutté contre les privations et .
la fievre, ilspa.sserent du.workhot1S6 dans la tombe;
et au bout de troisans, les trois quarts d'entre eux
reposaient en paix dans le cimetiere.


On aurait tortde croire que l'éviction, queje viens
de décrire rloive étre regardée comme un événe-
ment isolé ou exceptíonneI. Au contraire, chaque
paroisse.de mon díocese a été le théAtre d'évictions
qui se sont souvent effectuées dans des circon ..
slances encore plus atroces. »


L'insurrection des Fénians (1867-68) tira de leur
torpeur les hommes d'État anglais; et comme les
mesures de coercition appliquées avec vigueur sem-
blaient insuftlsantes et qu'il ne restait plus d'autre
remMe de ce genre a essayer) sauf l'état de siege,
deuxou lrois politiciensbritannir¡ues se demanderent
si quelques actes de justice, quelques tentatives
de réforme ne produiraient pas un bon efret.


Ils furent encouragés par l'attitude de ce qu'on




-19 -
peút appelerleS patriotes constitutionnels de I'Ir-
lande ll~r~s larépression des Fénians, tlrent'de
~i et énergiques efforts Jlour venir en -aide
alfi rermiers. C'était une tAche de Sisyphe que
Qe·reoommencer la lutte contre la Chambre des
Communes j mais quelle autre alternati:ve leur
restait?
- Une fois de plus, des meetings turent convoqués
dans les comtés de l'Irlande, et en 1869 le comte de
Granard disait dans une de ces réunions publiques:
« .Te l'affirme sans hésiter, c'est ce systeme de lois
agraires qui nuit a la bonne renommée de notre
pays.» Un célebre ministre de la police en France,
quand il entendait parler d'un crime, ne manquait
jamais de demandar; Ou est la femme't Moi,lorsque
j'entends parler d'un outragc en Irlande, je de-
mande toujours : Qui est le landlo1'd? Car je ne vois
pas qu'il se commette des outrages sur les pro-
priétés ou la justice est la regle el non pas l'eicep-
tion.


Sachant combien n importait a leurs pays d'arri-
ver II une sollltion de la loi agraire, les députés
irlandais ne se laissant décourager par aneune
fin de non recevoir, ont sans eesse insisté aupres de
laChambre sur b.nooessité;<fune décision. De 1870
11. 1880, vingt-huit loís agraires ont été présentées
et repoussées. Projets~ demandes d'enquéte,etc.,
etc. ont défilé devant le Parlement sans résultat.
Aujourd'hui, apres avoir rejeté toutes leurs propo-
si\ions, on invite les représentants des tenanciers
a en formuler d'autres. 11s répondent qu'ils ont




-50-
as..~ ,bien, expliqué ce qu.1ils désirMlt et ipl8 e' ..
~~\ aux. landlords de faire une pro ......
En varité, il es\ aussi difficile de faire voter llM'_
agraíra équitable par ce Parlement de la1ttllo~
que de faire passer un chameau par le trou d'uDe .
aiguille.


Cependant, presque chaque année depuis l'Union,
ce Par}ement a promulgué une loi de coercition ap-
plicable a l'lrlande. Depuis 18.30 il a voté'S de c.e& .
lois.


Les mauvaises récoltes de i 877 et de 1879 oot ag'"
gravé la misere de I'Irlande. En out re, ceUe der.
niere année, le nombre des moissonneurs irIandais
qui se roodaient en A.agleterre tomba. de 27.,000 •
1o,.o.O~, ce quiéqaivant a une pertede \&O.o{)oliwes
sterling (2,500,00.1> fr.) subie par les laboureurs.
Beaucoup de ceux qui partirent ne trouverent pas
d'ollvrage el iurent prívés delaressource a raíde de
laquelle ils parvenaient A acquitter le loyer de leur
bout de champ. Aussi, dan s l'automne de 1879r le
paJsan se vil-U manacé de mourirue faim. II
n'a-vait pas trouvéde travail, il n'avaitpresque rien
réeoUé, eL par conséquent il n'avait ni de quoi se
nOW'l:ir .. IÜ de quoi s'acquitter envers son landlord.
En avril1879, uapremier meeting fut tenu ~ lrish-
town par Michael Davitt, et fut sui ,i d'un grand
nombre d'autresréunionspubliques pour demander
une réduction du prix des loyers. Enfin la popula·
tion du Connaught, poussée par la faim, prit une
a\titude quí montrait qu'elle voulait seeouer son
fardeau de misereo




'.- 51-
Les extraits ;ao.ivants empruntés a des écrivains


anglais, ~ent sous son vraijour lasituation de
l"Irl~: de .879 ~ iS80. Un correspondant spécial
du"Dp.ily Telegf'aph, écrit de Westport(eomtéMayo),
aa,commeneement de janvier 1880: d Maintenant,
laissez-moi esquisser deux scimes, a la yue des ..
queJIes le lecteur le moins sympatbique criera :
« Arretez r assez I » Au bas d'une colline, j'apercois
devaot moi un cottage en ruines, tout pres duquel
se trouve un tas de je ne sais quoi, un tas d'ordures
sans doute, amoneelé sans ordre. De loin, je n'en
distingue pas les eontours irréguliers et je eesse d'!
faire attention; maís, grand Dieu r lorsque jo m'ap-
proche, le las eommence a remuer. le ne suis pas
en face d'un amas d' ordures, mais d'une mereet de
ses trois enfants, qui prennent rair iI. l'entrée de
Ieur demeure. Le:cottage en ruines représente leur
logis. Dans un coin, entre deux murs abattus,
presque a ras. du sol, 00 a formé une sorte de loit
avec des bouts de bois et de la paille entrelacés de
faQOn a abriter un espace assez grand pour servir
d°étables a quelques cochons. e'est sous ce toit que
les malheureux se glissent en rampant, quand ils
veuIent rentrer « chez eUI.» En ce mOlllent. ils
prennent l!air, 4tendu~111, silencietiX et immobiles.
LIl·mere regarde droit devant elle dans le vide el
refuse de répondre un mot aux questions que je
lui adresse d'un ton sympatbique. Je m'abstiens de
jeter un coup d'ooil dan s « le logis, ,) cal' ce que je
vois me souleve déja le ereur. Passons maintenant
a la seconde sceoe. On me conduit vers une cabane




..,... 5'l - ~
,tl'uinéequ(l, saos la fumée qllis;~clIJI,ppe par la
QQJ'~e,je n?auraisjamais supposé qu'elle fo.t.bahl~~.
011 m'invite a entrer, et je pénetre dans la~
RQ,r une ouverture qui n'a guere plus de quat~·
pieds de hauteur. D'abord une Acre vapeur m'a-·~
veugle et me fait venir les larmes aux yeux; mais,
au bout de quelque temps, je puis voir autour de
moi. Alorsje pousse de nouveau l'exclamation invo-
lontaire : grand Dieu 1 Dans ce misérable réd~~ d,e
quelques pieds carrés, dont le toit, crevassé Qa et


. la, est soutenu pa.r des poteaux de bois le long des-
quels l'eau ruilSselle jusqu'au parquet boueux, dans
cet antre dénué de meubles, dépourvu de croisées,
ou.ronnevoitelair que lorsqu'on ¡ette une poigp.ée
Q.e. brancbes Sl.U' le foy.eI:. demeur.ent un bomme, Sil
femme, ses six enfants et l{ls vieux parents de S8
femme.l1s sont tous la, remplissant si bien la ea·
bane, qu'il n'y a guere place pour moi et pour mon
compagnon. Mais les enfants, quelques-uDs d'entre
eux n'ont qu'un seul vétement, que font-ils? Voyez,
a.ccroupis sur le sol pres du foyer, autour d'un bol
eontenant une bouillie de blé indien, ils dévorent
cette maigre pitance, pendant qu'uD cbat affamé
miayJ~ .. piteusement ~t essaie d'obtenir sa parto
C'est toutoe qu'i1s mangeront aujourd'bui, les
pauvres enfante.l 11 dit le pertl. Me sentant incapable
de supporter plus longtemps le speetacle de cette
misere, je donnai a ces pauvres gens UD peu d'ar-
gent, en échange duquel je reeus mille bénédictions
et je m'éloignai. On :croira peut·étre que ces
tableaux sont exagérés. J'affirme sur mon bonneur




- 53-
que je ne me,.8Úis pasécarté d'une ligoe de l'affreuse
"érl'\6 •• ,.~,v -' .


tM1'utre journalisté, apres avoir fourni des dé-
tails non moíns navrants, conclut aiosi ; CI Tout
cela a produit un état de choses, devant lequelle
paysan est enfin tenté de se révolter. Pendant des
sibeles, ses maUres n'ont daigné s'occuper de lui, ni
au point de vue physique, ni au point de vue moral.
Si durant lel:! cinquilnte dernieres années on a songé
a lui, c'est pour l'opprimer et pour extorquer de
lui tout ce que I'on peut. Afin d'empécher Ja vente
de ses propriétés, un landlord endetté est obligé,
d'apres la loi, de payer au moins l'intérét des
sommes qu'il a empruntées sur hypothilque. En
o\ltre; il croit que ses tét'rés doivent hli fournir, non
seulement de quoi acquitter les intéréts en question,
mais de quoi vivre daos une modeste aisance. Pour
arriver A ce résultat, il n'y a qu'un moyen, arrachcr
aux malheureux tenanciers jusqu'a Ieur dernier
shilling. ))


Les Joyera des tenanciers de rOuest (Daily Tele-
graph, ti novembre 1880) sont exorbitantsj John
Grady, qui afferme des terrains évalués 87 fr., paie
un loyer de 225 fr. et Tom DaIl, dontlll ferme est
évaluée $6 fr. en paie ilSOfr" plus les impóts. 11 est
évidemment impossible qu'ils puissent tirer de
quoi vivre des terres dont le loyer est si lourd, qui
ont été défrichées par eux ou par leur prédéces-
seurs, saos que le propriétaire ait donoé un coup
de béche ou dépensé un eentime pour les améliorer.
En réalité, e'est l'argent qu'il gagne en Angleterre,




-54-
a-} .. éptJqnei. de la moisson, qui pe1'lllet 1m p'}'San
irlándals de payer son loyer. Sa vie est un'e~
perpétuel, qui ne profite qu'au propriétair&¡ffl~§óI
dos un pays 011 il n'y a d'allltre industrie que l'a~
culture. ))


En 18SO, les souft'rances dans l'Ouest avaient
atteint les dernieres limites. Les le~ons de lafamine
de 184.7 avaient vivement impressionné l'esprit
irlandais. Cette aBDlle-Ia -les. \eoaneien pa,erent
leurs loyers, bien qu'ils SUsellIt que, le 10yer ae-
quiUé, Us reste:raiellt sans ressQW'ce, puisque la
récolte manquait, et ils son! morts de faim. L'année
derniere, voyant que la récolte serait mauvaise, ils
Oftt Nfusé de payar -leul lo,e~, afin de De pH'mou·
nI' de fÚID.' ll&"n'iporaienll*> que }e nombre dos
éyictions s'est \o-u)~urs accru en raison de la misare,
- que, dans les années de famine, les hl1'l~se
montraient inexorables, alors que leurs compa·
triotes avaient le plus beso-in de pitié. Aujourd'hui
le paysan irlandais se révolte et brave son landlord.
On Iceuseces malhem8ux de manquer de probité,
de ne pas !enir leurs eng~gements, paree qu'ils
mettent en réserve une partíe des proouits d'une
matmlise récolteafinde pouvoir "ivre~Us devraient
sans d6u\e seláisser mOUlir de faim plut~t qué: de
priver leul' lanillora. d'un loyer exorbitanL Que
disent les éeonomistes politiques anglais? « Ce n'est
pas le lrmdlord, mais le tenancier qui doit fixer en
dernier ressort le montant du loyer. Le loyer es!
l'exeédeDt des profits que les fermiers p8UlIe,., payer
aux propriétaire,_ apres avoir pourvu a leurs propres




- 55-
besoins.» (BQlttlmy Price t Contemporary Review.)


Mill"".áltconomt¡, p. 127), Eoutient la m~me
th~r¡'L'excédent de ses profits représente ce que
]e(ermiene trouve amlme de payer comme loyerau
lanlllorá. Le loyer qu'une terre doit fournir est
donc l'excédent de ses produits; ceci constitue une
des doctrines cardinales de l'économie politiqueo


Comment se fait-il qu'en Irlande le chiffre des
évictions augmentc en raison du mauvais rende-
ment de la récolte' En 1876,il y eut t ,269 évictions,
alors que la valeur de la récolte de pommes de
terre étliit de 12,000,000 de livres sterling. En 1879,
la réeolte mangua presque entierement et les
évictrons s'éleverent au churre de 2,667. Ces ehiffres
racorrtentune vilaine hist()ire : fié pl'ouvent qu'au
líeu de compatir aux miseres du peuple dans les
moments -de détresse, le landlord profite de cette
détl'esse pour chasser ses tenanciers, de sorte que,
plus ses tenanciers sont malheureux, plus il se
montre duro Une série de pétitions demandant une
réduction de 10yer turent signées dans toutes les
partí es de l'lrlande, apres chaque mauvaise ré-
coIte, a dater de 1877 ; mais les landlords, en géné-
ral,firent peu de coneessions. lIs niaient que la
i'étolte ~l\tmemqué. ou -que la: détresse e-xistAf,
quoique le premier fait ait été reeonnu dans trois
aetes du ParlemeJlt, et que la misere, eausée par
les mauvaises récoltes, ait été allégée par la cha-
rité des trois quarts du globe. Enfin - en 1879 -
exaspéré par rattitude des propriétaires. en face
de la famine, le tenancier irlandais nesongea plus




- 56-
a~llüer, et résolut d'en flnir aveeJelandlordisme
~Uis ·18 commencement du siecle, lui e~se~re~
présentants avaient perdu leur temps 11 p~
des projets de loi aux héritiers des spoliateurs:·
lIs n'avaient obtenu rien; il était temps d'en~
flnir!


Les résolutions votées dans les premiers me-
etings du mouvement agraire en 1879, ainsi que
l'admetle Times (17 décembre 1880), ne demandent
qu'une diminution de loyer. Ces demandes furent
repoussées, et enfin les promoteurs de ce mouve-
ment, MM. Parnell, Davitt, Dillon, Keftle, Brennan,
SextoD, Egan, etc., se réunirent a Dublin, au mois
d'octobre. 1879, et fonderent la ligue agraire.~io­
naJe-irlaadaise, demandant l'abolition du landlor-
disme. Le but principal de la ligue était de sous-
traire. le paysan a la tyrannie du landlord, d'obte-
nir pour lui, 11 raide de moyens constitutionnels,
la propriété des terres qu'j} cultive, tout en offrant
au landlord une compensation équitable. En \833,
I'Angleterre a bien payé 20,000,000 de livres 8ter-
ling pour affranchir les esclaves des Indes-Occi-
dentales. En 1879, elle gaspillail une somme aussi
fQr\4}·dansle~ guerres peu glorieuses de l'Afgba·
nistan et du Zululand. Était-ce done trop'que d'es-
pérer qu'elle racheterait les esclaves irlandais, qui
seraient préts 11 travailler jusqu'a ce qu'ils eussent
remboursé jusqu'au dernier sou la somme dépen-
sée pour les libérer '1


Dans son travail sur l'Accumulation du capital,
M. Giffen évalue 11 2'{'O,OOO,ooo de livres sterling




- 57-
l'épargne annuelJ! de la Grande-Bretagne de 1865 A
1875. (Satlir!laf¡ Review, 20 novembre 1880.) La
som~·ll~nner, comme compensation sux land-
lords-' ulancJais, le prix de la. paix et du honheur de
l'Irlande, serait done inférieur au montant d'une
année de l'épargne bri tannique !


00 a dit que le projet de la ligue agraire ayant
en vue l'expropriation des landlords est «( imprati-
cable)). Écoutez ce que Grattan disait, a l'égard du
mot impraticable, en 1785. II revendiquait alors
la éommutation des dimes: « Nous sommes dispo-
sés, en matiere d'intér~ts publics, a considérer
comma impraticable tout ce qui est réforme har-


. die et radicale. Je me rappelle qu'iI. l'époque ou
la déclaration des droits Hait jugée impraticable,
quand l'établissement du libre échange était im-
praticable, quand la restauration du jugemeot par
nos pairs était impraticable, quand Pexclusion do
pouvoir législatif du Conseil privé de l' Angleterre
était impraticable, au moment meme ou un Li-
mited Mutiny Bill, avec l'adjonction d'articles de ré-
pression pour l'Irlande, et la déclaration des Droits,
en t~te, éfait considéré comme impraticable; A
l'heure 011 la formation d'un Tenantry BilL fait en
vue d'assurer aux tenariciers del'b·lande les préro-
gativesde ieut ban était, en fin de compte, regardé
comme impraticable, - je me rappelle, dis-je, que
non seulement ces mesures furent adoptées, mais
qu'elles sont devenues la base sur laquelle nous
viv~ns. 11 n'est point de pays auquell'argument de
l'impraticable soit moins juste que pour l'Irlande. "




-58-\
(Speech in .the lrish H01Ue o{ Comino." :2 septembre
178~) ,


Quelle liste on dresserait aujourd'hui-de8~­
res qu'on estimait impraticables, a. l'époqlÍe"~
Grattan s'exprimait ainsi, qui ont force de loi an ..
jourd'hui I ;


On a dit que le principe de l'expropriation, telle
qu'elIe est proposée par la ligue agraire, est illu·
soire et immora!. Voici ce que M. Gladstone, par-
lant a. W ~~t-Calder le 27 novembre 1879, disait a ce
propos ~, Ir lI·y a deJ personnes, pour lesquelles je
professe:fui· grand respect, qui croient que les maUI
de notre agriculture pourraient etre évités par une
1JlQdification fondamentale dan::: le systeme du fer-
m~; Je·parle de ceux qui eroient qu'il sumra de
couper les terresdupays en une multitude de pe-
tites propriétés pour résoudre la difficuIté. Pour
ma part, je ne suis pas disposé a repousser une
proposition de ce genre, comme contraire aux
droits de la propriété, si elle doit contribuer au
bien-étre des masses. La l~gislature estparfaitement
en droit de raeheter la terre aux détenteurs, afin
de partager le pays en petits 10ts. En principe, il
ne semble 'point .permis de s'opposer a cela. Ceux
qui pos3Ment une vaste portion de la surface de
notre globe ne sont' pas tout afait dans la méme
position que ceux qui ne possedent que des biens
meubles. La propriété mobiliere n'impose pas des
limites A l'action et a l'industrie humaines,comme le
fait la pro.priété terrienne. Par conséquent. j'avoue
{ranchemefll que l' expropriation forcle est une chose




-fit-
admissib18 et ml.!M' par(attemea.t hcrmete en principe. JI


Heréert sttn-dans ses Socia/, Statics, chaPo IX"
~~.,.:<
.~uité n'admet piS la FOpri~té du sol. Car,


'SÍ' une ¡:J01'tioo. de lasurtaoe de la terre peut devenir
~ement la propriété d'un individu, et étre des-
tinée uniquement au bien·~tre et a l'utilité du dé-
tenteur, tout Je reste de la planete pourrait etre
égalemect occupé et., des lors, ceUe-ei tombarait
aux mains des "parlicuIÍlerS. Gelll élant, tous les pro-
priétaires auraiea.t le Qroitd' ex.is\er a la sW'faee~ ~t
mustcux quiue lesont pas, n'auraientpointee droit.
Sauf la permissiondeslandkmu, elles ne pourraient
poser WD. pied par oorre, et ces personnes sans titre
pourraien\ étre expulsées en mas se de notr~ globe.
'Sui-nnlt 1'>81me.n_ < d.'EasOD,. iles détenteurs de


te:rre sont maintenant en Irlande aiosi classés: les
Taant. al wiJI, .526 82.8 sont 77, 2 par cent. ; les
LM8eholiers, 135,302, sont 19,8 par cent ; 20 217
ou 3 par cent seulement sont proprjétaires en
r~ité! De.ces deruiersJ quelque chose comme
!DQiDS de la moitié,oo possMe pas dehiensrucaux.
Tous les fermiers irland.aissavent que la phol{larL
des lamillmls irlandais,avant les ventes effecLuées
daDs le eours dei 1nc.'iIII&OetW. _ /.twled &tatu,
~fYnt Dl'\'eStis. en l'4ison de patentes eonférées par
OOl'ierCromwell. «Ce delllilier, dit M. BuU, est le
titre du plus grana nombre d'enLre eu.s:. 11 est dou·
teux q.1I'1WC\w memhre du barreau. irlanda:is aitja·
mais ·assisté a la remise duo. ,litre qui ne commence
pas l'attestation d'une confiscatioo.. (Lan.d _u/re in




- 60-
lreland, p. U.) lls savent parfaitement aussi que
ceux-IA. qui ont acheté de la terre' ·8ur un titre
émané d'un parlement récent, endossaient Iei'd.-
vantages, tout en prenant possession du titre~" ,~,


Palep dé cIare que « la premiere regle de polie •.
nationale exige que l'occupant ait un pouvoir sufft-
sant pour mettre le sol en culture. 11 est indifférent .
au public de savoir dans quelles maios ce pouvoir
réside, mais s'H est l~gitimement employé.
Il est indifférent également de savoir a qui la
terre appartiént, si eelle-ci est bien cultivée. Les
membres de la ligue agraire déclarent qu'ils ne
sera fait la moindre injustice a aucun propriétaire
et qu'ils toucheront au contraire un bon prix de
leur propriété.))


On a dit que les membres de la ligue n'é-
taient que des ambitieux ou des mercenaires.
Ecoutez le député Anglais Cowen, parlant de l'lr-
lande, etde la crise aetuelle, devant ses électeurs
de NewcastIe, le 3 janvier 1880.


Lorsque lacommi::sion agraire futformée,je pres-
sais un de mes amis, irlandais tres éminent, de
retourner dans son pays et d'aider Lord Bessbo-
rougll, et ses collegues, il recueillir des informa-
tions sérieuses sur les m1l.ux du systeme agraire
actuel et de préparer ain&i une voie aux réformes
a faire dans la législation. « Je retournerai dans
mon pays, me répondit-il, mais non pour m'ad-
joindre a une commission d' Anglais. Le gouverne-
ment, s'H veut se donner la peine de s'instruire, a
des moyeos d'ínformation trop nombreux. Les




-61-
écrits sur la matiere sont innombrables. Le parle.
ment a plutM 'besoin d'utiliser les informations
dél~.; ~11lies, que d'en chercher de nouvelles.
le mournerai dans mon pays pour y organiser et
'y prendre part k l'agitation la plus déterminée qui
ait jamais remué la terre d'Irlande, et alors votre
gouvernement jugera peut·étre a propos de se ser-
vir des informations qu'il tient serrées dans le se·
cret. Nous ne conspirerons pas ; une conspiration
serait découverte bientót, la seule chose que le pou·
"oir exécutif anglaís sache bien faire étant de bien
empIoyer les espions. Nous ne combattrons paso
Combattre dans notre position serait non seulement
un acte de folie mais encore un acte eriminel. Nous
agiterons, et cela légalement,. tout en nousrenfer·
mant dans res droitsde la const:itution. Plúsieurs
d'entre nous seront arrétés, d'autres se verront
chargés de chatnes. tous nous serons traités de
IAches et de scélérats. Mais de notre emprisonne-
ment sortira la réforme et des lors la condition du
peuple sera améliorée.


Vos politiciens égoistes et sans entrailles, votre
presse vénale et ignorante peuvent hurler de
concertjusqu'a complete confusion, telle sera notre
maniere d'agir. Nous souffrirons, mais le peuple
sera sauvé. l)


Beconnaissant que le príncipe de la ligue était le
seul qui assurAtlereglementde la question agraire,
soulevée maintenant pour des siecles, et qui pro-
tegeA! le cultivateur irlandais dans toutes les crises
futures, des sociétés qui n'avaientjusque-Ia repré-


, "




-6!-
,seJ.l.té que la oause des tenanciers, commem ~Nl
:r~' .• fence auociation étles".F .... s·.,."
ie'formerent immédiatement dans tdut :té~:_,
e-ttirent cause commune avec oCelle de la'.
agraire. Des ramifications de la ligue poussere~
avec une rapidité étonnante et témoignerent ae
la seve qui passait de ce terrain dans le eceur
des popu~ations.Les meetings monstresse multi·
plierent, et une grande et pacifique agitatioD vint
soutenir les tena.ooiers ah milieu d:"une lériea"an-
Dées 4ésastreuses. Lá eonnaiilÍBalloe des oouvres
des écooomistes politiqties anglais devint géIíé-
rale en Irlande, et les tnvaUK de MilI, SmitbJ
RicardoJ Kay, Arnoid, ete., déterininerent le carac-
ter.edu mou"eoren.t~ Des'citatii>m'Prilres' dams ~s
auteursfurent regulietement tflles dans les mee-
tings organisés par la ligue, et leurs principes~ &t
ceuxregardantla propriété rnrale.et l'expropriati~l'l
des .landlors, énoncés dan~ les discours prononcés
en méme temps a Birmingham et a Midlothian,
par MM. Bright et Gladstone, furent acceptés par ro-
pinion. IÁ diffosion de t'inmiuction et rinterool1rse
habituel avec l' Amérique avaient convaineu les po-
pulations que leur son n'avait point d'équivalent,
~aueliaenatioDet le8fermters irlandais semon- .
trerent résolus a ne plus encourager o.l'l sys~m1l
vicieux, pour ne 190itIt renouveler les hOlTeurs d'une
autre famine. lis -étaient déja souverainement 1m·
pressionés par les vérités qui avaient trait A leur
condition et que M. Godkin dépeignait éDergique-
ment ainsi: tI Les commissionnaires de CromweFl




- 63,--
n'ontrienfai~ft de mettl'Wcpleinemen\ en a'ttion


/.'1'
les ~',15 de Rotre priAnt codo agraire. Les
~es du sol de rldilDde sont occupés par
di! 1'tIIUJ'f'ts-aJ. will. Les QI!~ leSl plus ÍlDp9rtant&
de .'~ britannique .. tienneli:tque )e droit-
conféré aux landlcJl!rds de reprelldre leur propriété
et.de les tranformer en pAturages, en évíctant tous
les iellanciers, est essentiel aux attributs de la pro-
priété. Cela. ~ été dit a\1l nGro deSe grands propriétai.-
r~ ab8emeutes. Selon ce.tLe t.W&rie: sur la propriété,
la seule re~nn\le pa.r laloi, lord LandsdoWDepeut
également meUre a néant une grande partie du
Kerry; lord Fitwilliam peut faire passer la charrue
dt. délu\a.\'-n ~ wiliea da eomté: de Widllow;-
lord Digby, dans le; 1üD@'tlGo\llllJ;'peut, ND.dle al!
In8l1lM d' AUen de vastes cultures réclamées
~, plusiems géBératiODS par des !enao-
cm.'laborieux; et lord Herlford peut con-ver·
tir en désert le district dont les descendants des eo-
lons anglais ont faít les jardins d'Ulster. Si quel-
qu:es-lliDS de teS grands seigneuslmlisnt la fantai.
sie,oommele calonel Bernard oC Kinnity, ou bien M.
AHen PoUok, de devenir des herbagers et des agio-
teurs en bétail, sur um¡ v~e.chell:e, le>gou~
ment serait forcé. de mettn les fórceé de l'État A
leur dispositiéD, pour évincer BU nom de la reine,
cbauer tontes les familles de leurs demeul'e8, dé-
molircelles-ci, et meUre toute une population sur
le pavé sans un schelling d'indemnité. Des villages,
df6éooles" des églises disparattraient de l'horizon,
ett qua.udlasaisonde la chasse arriverait, le noble (?)




- 6i-
landlm:d PQurrait convier un groupe de ses amis de
lAndres, a ·venir constater ses «improv:em~n\S Il
{amélioratioDs). Le droit. de conquéte si cruellenIeat
exercé par les Cromwelliens est, en cette année de
gr!ce, un droit légal, et son application n'est qu'une ~
question d'expédient ou de prudence ... Ce n'est ni
la loi ni la justice, ni le pouvoir britannique qui
s'opposent aUJ: agissementsdeCromwelliens, etaux
soonesdedésolation qui sesuccMent dans chaque
coJnté de.cemalheureux pays, e'est l'intérétpropre
joint a un sentiment d'humanité dans le coour d.es
hommes bons, et a la crainte de l'assasinat dans
celui des méchants. Il n'y a que cela qui empéche
aujourd'hu.i l'immolation du peuple irlandals au
Moloeh du despotisme territorial.


Un des meilleurs résultats produit par l'organisa·
tion de la ligue agraire est d'avoir donné au tenancier
irlandais un moyen de defense contre son landlord,
plus légitime que la crainte de l'assassinat. Depuis
cette époque, en effet, la statistique des crimes com-
pares avec les années précédentes, donne une véri-
table diminution. Un extrait d'un excellent article
de M. T. P. O'Connor, M. P. dans le Contemporary
.Beftau de décembre 1880, lE' prouve clairement.


ee En 1833, le nombre des crimes detoute espece
était de 9,000. En 1836, ce cbiffre s'élevait encore
dans une plus grande proportion. Enfin, ·en 1870, le
nombre des crimes était de 1 ,329.


J'arrive a la période présente: Un rapport pré-
senté a la Chambre des communes pendant la der-
ni ere session, signale les outrages agraires relevés




- 65-
a la poliee, d1Yl- janvier 1879 au 31 janvier 1880.
Exaininoti'lF: douze deS treize mois mentioooés daos
ce ratJPórt conceroent 1879 j' la valeur de la moisson
.res pommes de terre avait baissé k 3,3" ,028 Uvres
sterling de 12,'{'U,382 qu'elle avait été en 1876;
quand les landlords' portaient le chiffre des évictions
El 2,667 de 1,749 auquel il était monté I'année précé-
dente, et justement quand la ligue agraire était en
pleine activité, quel est le total des crimes? - 9771
- Les seuls documents que j'aie pu obtenir rdati-
vement a 1880 s'appliquent a une période comprise
entre le 10' février et le 30 juin, en CH qui concerne
Galway, Mayo, Sligo et Donegal, quatre des régions
les plusa[fectées; 01' le nombre des délits 'Y est de
187. Quant aux meurtres atférents ltl'année pré-
sente (1880), ils sont de 5 en tout.


Cinq meurtres agraires en 1880, et deux cent trois
en 1849, n'est-ce poiot une différence remarquable 'l


A l'égard des bruits circulant en Angleterre
aujourd'hui et ayan! trait aux attaques dirigées
contre les « animaux » M.. T. P. O'Connor, dans un
discour:! prononcé a Manchester le 20 décembre 1880,
en fait table rase, en parlant (( du pays », soi-disant
(( le plus chrétien qu'il y ait ll. Voila ce qu'il dit:
«Dan s le rapport de 1876, de la Société dont le siege
est a Londres, formé e en vue de prévenir les mauvais
traitements infligés aux' animaux, je constate qu'i1
y a 2,468 peines, et dans ce nombre 953 pour mau·,
~ais traitements aux cbevaux en Angleterre seuIe-
mento Dans ce méme rapport, je trouve ceci dit en
propres termes : le gérant de la Compagnie des


4.




- 66-
oJaDibus de, Londres avoue que de8 '&,000 cbuaus:
employés par cette compagnie, 3 sur 5 doiTent. ..
vendus aux équarisseurs, et les 2 autres vendoS: nt
a¡ricuUeurs, apras 54 mois. Cette compagnie cono-.
somme done 1,800 ehevaux par année ou a peu
pl'es u par semaine. Cette mortalité effrayantt', dit
le .rapport, rév81e suffisamment l'intensité du mal.
Dansl'année 1877, le nombre dei peines infligées
Mait été de 3,633 el ainsi demite. Et máintenant,
en-·face de ces tristes détails, je ftCommanderais a
sir Charles Dilke de trouver ql1elque nieilleur argu-
ment que le. fait d'avoir tué ou blessé 47 anim.aul
en 10 mois, pour se permettre d'e-ntraver la liberté
_ peuple'irlan~is."


« Plus h01'1'ible que ce que nous venons de dire
est le caraetere de certains mauvais traitements in-
fligés aux Mtes, eomme par exemple en 1876, ou il
ya eu plusieurs condamnations pour avoir arracM
la langue aux ehevaux, et o pour les avoir fait
mourir de faim, etc., etc. En 10 ml)is de la présente
année~ il y eut un total de condamnations, non pas
de .7, mais de 3,489. Maintenant, sir Charles Dilke,
que réponqrez.vous a cela'!
. A;ujourd'hui, tóutes ces ehoses se passent con·


ramment en Angleterre et dans le pays de GaUes,
etrestime des lors qu'en présence de tels faits, M.
Froude pourrait écrire son prochain ouvrage sur
les atroeités commises en Angleterre sur les ani-
mallX; que le sous-secrétaire d'État aux Affaires
Étrang~es pourrait étre invité a réformer cette
opinion que 6.7 animaux tués ou blessés pendant




· - 67-
l'espace defOi'fÍmis justiflent la suspension de I'ha-
beas ~', et que M. For¡;ter (Buckshot), rendant
comp{é des faits qui se palsent en Irlande, pourrait
étl'e sommé de citer quelques-uns de ces délits
comme appHcables A ses compatriotes.


Pour un simple mois, novembre 1880, le nombre
des déHts constatés en Angleterre par la Société
profectrice des animaux, est 323, sans parler des
condamnations obtellUes par la police ou par
dYautressoeiétés du ml!me genre. CflS statistiques
etTroyables de la cruauté anglaise ne ressortent
que du fait d'une société; et s'iI y a eu tant de
condamnations, quene doit étre la masse innom-
braMe des atromtés comnitses en Angleterre,
chaquejoúr et A ehaque heure, spéciálement dans
les· eas d'animaux te1s que chiens et chats, d'une
valearmarchande moins grande, qui peuvent étre
en tonte sécurité torturés dans les maisons ou dans
les cours éloignées, san s que leurs cris ou leur gé.
missements viennentattendrir l'oreme du public?


Le tableau suivant indique le nombre des meur·
tres commis en Irlande depnis 1865, concurrem-
ment a ceux commis en Angleterre, pour unepopu-
IlI.tion égale, et conformément· aux rappórts des
coroners.


ANNÉB. IRLANDE. ANGLETERRB.


1865 70 72
1866 64 106
1867 75 115
1868 58 f03
1869 76 6'1'




-68 -
AJlJlfIa. lRLUDE. AKGLS'.rlIllllB.


1870 77 64
i87i 53 54
i872 46 54
1876 30 46
i877 43 46


Environ deux mois apras la fonddtion de la ligue
agraire, son président M. Parnell, M. P. landlord
lui-méme, entreprit avec M. Dillon une lllission en
Amériqu~ (déeembre 1879" pour réclamer des
habitants de ce pays leur coopération a ce récent
mouvement, et pour chercher a alléger la détresse
profonde de sa patrie. Sa démarche fut couronnée
de sucees. La réception qu'on lui fit fut entnousi-
aste, il fut im"ité par le Congres a s'adresser au
Parlement siégeant a Washington, pour dépeindre
la situation de l'Irlande. Le meme encouragement
lui fut donné par les State legislature dans tous les
États qu'il visita, et le droit de cité lui fut accordé
partout. 70,000 livres sterling étaient déja expédiés
a la ligue agraire a Dublin, par l'entremise de Y.
Parnell. Quand, apres une tournée de trois mois,
dans les États-Unis et au Canada, sa mission dut
subitement cesser par .suite de la dissolution du
Parlement.


A son retour en Irlande, en mars 1880, les dé-
fenseurs du principe de la ligue agraire furent élus
dans les principales villes de l'Irlande, les land-
lords les plus importants, ainsi que leurs partisans
ayant été défaits, et Charles Stewart Parnell, au
premier meeting des nouveaux membres élus tenu




- 1>9-
a Dublin, en mai, fut choisi comme leader du partí


,iI!'


irlandais~s le Parlement. La Chambre des Com-
mum;l'leréuriitquelquetempsapres,enmemetemps
que Íe nouveau gouvernement De déclarait pas vou-
Ioir prendre des mesures pour parer iI. la détresse
alors extreme, Di vouloir résoudre la question
agraire. GrAce aux efforts du parti irlandais, cepen-
dant, une loi de secours fut votée enfin, et des com-
pensations pour le Disturbanu Bill acceptées par la
Chambre des communes. BieD que le Bill adopté
De hit applicable que jusqu'il 1881 a UDe portion de
l'Ulster Custom et aux districts les plus éprouvés,
il fut repoussé par la chambre des lords. La prin-
eipale fonctiOD qui semble véritablemeDt aujourd'-
hui distinguer cette assemblée, sous le régime bri-
tannique, est de repousser régulierement tous les
bilis utiles relatifs al'lrlande. Le pays est, depuis
cette époque, demeuré dans un état de paix pro-
fonde, en dépit de la détresse qui régnait et que le
gouvernement considérai t comme peu nécessaire
desecourir, et malgré les lois de coercition qui
expiraient en juin 1880 et qui avaient été appli·
quées pendant les sept ou huit années précédentes .
. On avait promis qu'une demande ayant trait a la


question agraire sel'ait introduite en t 881, et soít
pour s'éclairer, soit pour permettre de légiférer
d'une maniere. satisfaisante, le ministere annon~a
la nomination d'une commissioD rorale. Mais iJ fut
reconnu qU'OD refusait d'admettre a eette commis-
sion aUCUD des représentants des tenanciers, alors
qu'elle était appelée a faire une nouvelle loi, et que




-70 -
les cinq membres qui la oomposaien\ étaient.w
~tlWrds. Le mécontentement causé par.l4~
deos lords~ qui rajeta le Di,turbance Bill s'en,.. ,
d'autant. Le gouvernement fut averti de l'imp_;:~
sion produite en Irlande, 'et M. Justin Mae eart..,,, ~
6t une motion a ce sujet au Par1ement et tendant !
a blamer ces dispositions. Ma.ia ee fut en pure perte ;
on ne tínt aucuo compte, comme a l'ordinaire, des
ooprésen.tatiolls. des député~ irlandais. Une aaieJDe
agit4tion. le pro4.uiltift aus~itM. et .lepeuple d~~
lande. 'lui vingt, dix, cinq, deux. ans auparavan~
se serait contenté d'une solution bien différente.
proclama du haut de toutes ses tribunes, sa déteJ'>o
mination 6e ne. se uéclarer satisfait. que si. r~D .
abolissait définitivememce slsteme du landwl'dis_~
qw, depuis des centaines d'années, n'a fait que d ..
mal, a produit une misere ínoule et causé des mal ..
heurs sans nom a la nation irlandaise.


T. M. HEALY,
Membre du Parlement d' Angletetn.




LAND CONFÉRENCE
On va lire maintenantquelques extraits de la


Conférence Agraire tenue a Dublin le 29 avril i 880.
IIs démontreront que les propositions de la Ligue


ne sont pas impossibles, et méritent d'ltreacceptées
comme le Beul moyen pour sortir du terrible état de chosu
oU l8 land.lordiBm a prlcipité ('Irlanda.


M. Loudun prend la parole.
« Messieurs, dit-il, il a été décidé que le projet de


réforme agraire pour l'lrlande, introduit dans le
programm~ de la La" lugUéuati01lare ~qui a trait
a la eréa1ion aé la'Péti~ propriété, est adopt~ par
cette cooférence comm~ fournissant un moyen pra-
tique de résoudre la qUestioD pendante, de manillre
lt satisfaire les besoins de nos concitoyens, et a
enoour8g~r le développement des ressources natu-
r~lles de notre payf!.


» Di'vi.sons done le sujet en 'ltoi!! parties.
1I Traitons d'abord des changements éeonomiques


qu'une ref0rme, comme celle que cette résolution
met .en. alant, produiftlit d'llns 'la condition de
l'Irlande; seeondemétít~ des moyens par lesquels
cette rérormepo~rraitétre appiiquée; et troisieme-
ment, de la l'é'forme 'a apporter rl. la loi agraire en
we d'obtenir un résultat efficace. Pour commencel',
il 6erait utile a tons eeux quí -abordent la question,
-d'étre misaucourant de la situation légale, faite h la




- 72
terre du landlord Irlandais, commp ~ celle faite au
tenancier.Suivantlaloianglaise, la propriét~absolu 1}
de la terre n'est point chose reconnue. SU~la
loi naturelle, la terre d'une contrée apparti~~'i­
peupIe de ceUe contrée. Et la loi anglaise recoDtlídt~
si bien cette gra,de vérité moraIe et économique,
qu'elle )l'a jamais admis la propriété individuelle du
sol, déclarant qU(lles hornmes qui peuvent s'en dire
les possesseurs, ne sont en vérité que les tenanciers
de la couronne, c~est",~-dire qU'iis nedétienrient
leurs biens que par et -avec le 'bon voúloir du parle-
ment.


Maintenant, quelle est la sítuation du tenancier~
Je ~rois que c'~st ,John Stuart Mill quí a dit le
premier qu'il ne peut exister aucun propriétaire·
foncier, selon le droit naturel, en debors de la pro-
priété créée parle capital et le travail. Aueun homme
n'a faíl la terreo Elle a été donnée a l'homme par
Dieu pour qu'Ula fasse fruetifier. Or, étanl ce qu' elle
est, pour servir a la subsistance et au soutien du
genre humaín, l'homme qui réclame comme sa pro-
priété, autre chose que les améliorations dont ill'a
dotée et qui veut en exclure ses freres, peut étre
ac~~sé(le confis~ation, en principe comme en fait.
Quelle est, des lors, lasituation laissée au tenancier '!
Un tenancier, suivant le dire de John Stuart Mill
est daus la plupart des cas, le véritable propriétaire
du sol; car c'est lui qui en la cultivant, a dépensé
son capital et sa peine pour l'améliorer et qui a,
par suite, acquis des droits réels sur le fonds
selon la plus-value qu'illui a donnée. Ce sonWldes




-73 -
vérités primpTáiales qu'il ne faut point oublier
au mQ~d'agiter ces grandes questions ? .....


• ""nsces derníers temps, deux mesures ont été
présentées au pays pour régler la question agraire.
L'une est conÍlUe sous le nom de (e fixity of tenure
and fair rents,,; ]'aUtrea traiUl.l'établisscmentdela
petite propriété ..•..


« Je n'entends point iei répéter les arguments
avancés contra le Bill de M. Butt, e'est-a· dire contre
ce qu' on appelle la « fixity of tenure )), - arguments
qui sontjustes en príncipe et qui, a mon avis, ne
peuvent étre eontroversés sous aueun poiat de vue;
soit éeonomique, soit politique .... Le programme
déclare que si le Bill de M. Butt avait eu force de 10i,
il Y a trois ans, la ruine des temnciers 'de 1'Irlande
en el1t été le résultat. Or, je somme le The O'Donog-
hue» de démontrer que si les rentes eussent été
fixée3 au prix établis il y a t'rois ans, les tenanciers
de l'Irlande n'cussent point été ruinés en payant ces
renteil ld'heure aetuelle .....


ce Je passe maintenant a ce que je veux appeler la
partie constitutive du rapport, notamment a ce qui
a traít au mécanisme et a la création de la pe Lite
propriété .....


ee Est-il néces¡;¡aire pour moí de désígner a la Con-
férence les bienfaits qui rtviendraient a l'Irlande,
sous le rapport politique, social et financier, si tous
les biens que produit le sol national appartenaient
aul. hornmes qui ont donné naissance a ces biens et
qui íes ont retenus dans la contrée '1


JI Est-il néeessaire pour moí de citer la France, la
5




- 74-
llelgique ou la Prusse, ou la petite propriété existe,
pour montrer que le peuple de cescontrées mpJos"
pere, tandis que les fermiers-tenanciersde l'k1aud~ .
vivent de la charité publique? .... Vous savez M.J
l'existence méme de votre nation dép·end de la dis-"
paritionpour toujours du systeme ma.udit du.1and.
lordisme qui a causé la ruine de votre pays et la des-
truction de vo1re race.


» Nous proposons de créer un Département d'ad-
ministration des te.rres Irlandaises, lequel serait
investi d'une autorité suffisante pour traiter toute.s
les que~tions ayant rapport a l'Irlande. Ainsi :


» 1° QWJndlelandlordetle teIiancierd'unterrain,·
se seraíent oocordés pour la vente au tenaneier du
dit terrain, le département ferait exécuter la muta-
tíon au tenancier et luí avancerait tout ou partíe <iu
príx de vente; puis, en raison de cette avance faite
par le département, le leITain mentionné serait im-
posé annuellement de o livres sterling pour chaque
100 livres, et ainsi de suite pour chaque somme
inférieurea 100 lines: l'annuité tlevant étre limité e
aux intéréts du département, etétant déclarée rem-
boursable dans le delai de trente-cinq ans.


«2lt Quandun tenancier offrirait au Landlord 1'a-
chat de son terraín, pour une somme égale a 20
années de l'évaluation « Poor Law 1), le départe-
ment exécuterait la mutation dudit terrain au
tenancier, et serait autorisé a avancer au tenancier
tout ou partíe du prix d'achat, dont le rembourse-
ment serait assuré comme il a été établi dans le cai
de vente volontaire.




-75 -
« S' Le déptnitement aurait le pouvoir d'acquérir


la proptiéft'áe tout bien, sous condition d'offrir au
détem{ur actuel une somme égale lt vingt ans de
révaluation « Poor Law 1), et d'affermer ledit bien
11 des tenanciers pour un prix égal a S t/¡ pour cent
du prix d'achat.


ce 4° Le département ou la Cour, ayanf. juridiction
dans cctte affaire, aurait la faculté de déterminerles
droits et priorités des différentes personnes intéres-
sé es dans le transfert, comme cela a été mentionné
plus haut, et distribuerait le prix flxé e mformé-
ment 11 ces droits ou priorités. Et, quand l'argent
provenant d'une vente ne serait point immédiate-
ment distribuable, ledépartement serait autorisé rt
retenil' ledit argent, pour le faire fructifier au bé-
néfice des ayants droit. Une clisse spéciaJe serait
créée par le Trésol', de maniere a déli vrer de temps
en temps Jes sommes qui pourraient étreréclamées
pour les achats CÍ-dessus mentionnés .....


)) Entln, Messieurs1 - pour étre bref, - nous
proposons que, lorsgu'un tenancier sera en position
d'offrir a son landlol'd le montant de viogt années
de l'évaluation du bail, le département soit obl igé
de transférer, seanee tenante, ledit bien au tenan<
eier. De celte maniere, nous aurons raít faire un
grand pas vers la glorieuse l'éforme que nous avons
tous en vue. lei se présente une question importante.
Quaod les tenanciers ne seront pas en mesure d'a-
cheter les biens-fonds, a cause des loyers énol'mes
qui les aeeablent, loyers représentant le taux le plus
élevé auquel il soit possible de soumettre uu esclave




- 76-
blane irJandais, - nous proposonsque le Départe-
IDe.nt intervienne et dise aux landlords.: u 'vous
maltraitez ces gens; nous vous offrons le montan1lie
vingt années de bail pour atlendre vos biens-fondt; ,
c'est tout ce que vous etes en droit d'avoir, peut-etn;~
est-ce meme beaucoup tropo ) Et, séance tenante, le
département, représentant l'Etat, deviendrait I'ac-
quéreur desdits biens.Queprouve cettepropositíon7
- Elle établit ce grand principe que la terreappar-
tient au,peuple, etque l'Etat peut se mettre avant,
praliquement, pour reprendre possession de ce qu'il
n'ajamais abandonné, c'est-a-dire de son droit a la
suprtme propriété du sol national. Ayant aiDsi remis
lamain sur la terre, -,-le départementserait en droit, .
- ou bien de vendre aux tenanciers, si le.s tenanciers
étaient en élat de payer, ou, dans le cas contraire,
d'affermcr ces terres aux occupants a Sil, pourcent
du prix d'acl:tat.. ...


Je défie aucun homme de prouver que la propo-
sitio n que j'a\ance ici, relative a ceLte troisieme
clause, c'est-a-dire, l'achat de la terra par 1 État,
est oppo~ée aux príncipes, soif de l'écoIlomie poli-
tique, wit de la morale.
MaiD~enabt, Messieurs, pour conclure, il me


semble nécessaire de vous indiquer une réforme
importallte, saos laquelle la proposition que je vous
ai soumise ne saurait a"oir une solution pra-
tique .....


Pourquoi les fermíers n'ont·ils point été capaLles
d'ache!er leurs fermes, quand les terres sur les-
quelles ces fermes étaient établies~ étaient vendues




-77 -
dans le uLaltlted Estates Court ») 7 - A cause des
compli~trns mémes de la loi du «real property ))
avec.,;(es lIubstitutions de primogéniture, et toutes
ces inventions énigmatiques qui encombrent nos
e odes , en raison du rétablissement de ces chance-
liers d'autrefois, et de leur entente légale plus ingé-
nieuse qu'honnéte. II est absolument nécessaire que
la cession d'une terre se fas~e a meilleur marché,
et qu'elle puisse étre aussi simple en elle-mém,e
que la cession d'une part de vaisseau. Tout ce lourd
mécanisme qui fait désormais des hypotheques et
des dépóts un véritable objet de terreur, ..doit étre
aboli. JI serait convenable que tous ces titres a la
possession de la terre d'Irlande fussent enregistrés.
- Mais comment, dira-t-on, l'enregistrement s'er·
fectuera-t·i} et aux frais de qui? Je réponds :
aux frais de ceux qui élevent leurs réclamations,
aussi bien contre I'État que contre le peuple. Pour
ma part, je voudrais l'exiger de chaque laodlord
d'Irlande, et en parlant ainsi, nous sommes encou-
ragés par les opioions de lord Westbury, lord 8el-
borne, et de quelques autres grands réformateurs
anglais. Je les sommerais de faire emegistrer leurs
titres aupres d'une Cour constituée a cet effet et je
ne déclarerais ces titres assurés que s'Hs n'étaient
pas contesté s daos un temps déterminé. Aimi ferai·je
des hypotbequesetde toutes ces superfluitésquoique
enregistrées, - celles surlout enregistrées par con·
trainte, - et je ne voudrais les reconnattl'e que si,
enregistrés a nouveau dans un temps limité, tous
les réClamants voyaient 1eurs anciens droits effacés




-78 -
A tousjamllifl. Quel mal résulterait..if1le oe\telégis-
lation? Aucun, assurément. Au lieu d'avolr'aquit-
ter le « fee-simple » pour levée du titre, comme~
se pratique ave e la loí aetuelle, les titres se trouv~">
veraient tellement simplifiés par le systeme que le- ~
propose, que l'acquéreur n'aurait rien de plus a.
faire pour s'édifier que d'entrer dans le bureau d'en-
registrement de sa loealité et de constater sur le
Une ·la sttuation de lapropriété. Dans ces eii'cons-
taBees, lMtransferts dnielldraieot pen ooéreux et
le département n'éprouverait plus aucune difficnlté
11 appliquer les réformes que nous vous soumet-
tons ..... 11


Le Docteur Cummins; tonten approllvant la réso·
lutioo, dit :


« Nous ne voulons pas nous écarter du principe de
la ligue admis par d'autres n<ttionalitps. Ce o'est, ni
},intentlOn, ni le désir des Irlandais de s'opposer aux
réglementations que les Etats civilisés reconnaissent
en matiere de petite propriété. Nous acquerróns
des propriétaires amuels, trop imbus de leul drQit,
et légalement, leur propriété justement estimée, et
quand le cultivateur devienoira le propriétaire de
la ferme, quand lepropriétaire et le cuItivateur ne
seront plus separés d'intéréts comme Hs le sont ~
présent., nous n'aurons plus souci des landlords.
Nous voudrions le propriétaire et le cultivateur, tels
qu'ils existent en France, en Belgique, comme il
existe particulierement en Norwege, pays mmuI
bien doté que l'Idande. n est des personnes qlÜ
croient que le Bill de Mr. Butt accomplira laréfoflf."




-79 -
désirée par: rJ:rlande ,je ne le pense pas, pour ma
part. .. ",; ..


R'(ies maintes discussion'O sur l'efficacité du Bill
de Mr. Dutt, Mr. Davitt se leve el repond aux argu-
ments de «The O'Donoghue 1) et continue ainsi.


(( Maintenant, je tiens a rappeJer· aux personnes
ici pré:,entes qu'un hornme d'Etat anglais univer-
sellement respecté en raison de sa probité et de son
bumanité, tres estimé en Irlande, bien qu'bomme
d'Etat angiaís (je veux dire John Bright) a declaré
ouvertement que si ce qu'on est comeDU de nommer
• fair rpnts et Ilxity of tenure lJ eM eu force de loi,
non seulementl' « absentéisme Il fut demeuré ce qu'il
est, mais que la loi elle-meme auraít tlU pour réiultat
de rendre tous les a utres landlords (( absentéistes 1).
lIs recevraient des loyers déterminés pour leur pro-
:priété respective, n'auraient nul besoin 4.e meUre
leurs agents en campagne, n.i de les exposer a ren-
contrer les tenanciers preesurés, et ile pourraient
meme ne plus résider en Irlande. En ce cas,au Heude
6,000,000 de livres sterling arracbées RU pays par
les landlords « absentéistes ) comme cela se passe
aujourd'hui, il y en aurait 14,000,000 .de plus sous-
traitesa la fortune publique etdepensées 8.l'étranger.
- Mes~ieurs, restime que les arguments en faveur
de la fixity o{ tenure et des (air rents lombent d'eux-
mémes et que tel n'est pas le remede a a}?pliquer
·aux maux dont ce pays souffre et gémi1. ....... »


Pour donuer une idée des mauvais enets du Bill
de 1870. voici quelques mot:; prononcé3 par
Mt. BeytoD pindallt le CCHU'S de la conférence.




- 80-
. ~ Tou~ les raisonnements que j6'11ourrais vous


faire, Messieurs, s'effacent devant le fait que je,..
vous citer, Je suis natif d'un des comtks lefo~
fertiles de l'Irlande, je dis d'un des plus fertil~
assurémeot, si je m'en rapporte aux revenuII des
landlords de Kildare. Un cinquieme du cornté de
Kildare appartient au successeur du seu] duc de


l'Irlande, le duc de Leinster. - Antérieurement au
land Bill de Mr. Gladstone, les tenanciersde ce ,aste
doinaine, du moins lá plupart d'entre eux, étaient
'placés ~ous le regime appelé tenancies atwill, régime
que les étrangers les plus érudits neparviendraient
jamais, je erois, a définir en bon langage. Or ees
tenaDciers al will étaient, A l'epoque, dans un état
relativement favorable; mais, depuis l'application
des remedes de John Bright, la plaie est devenue
ulcere. 00 avait preparé un document, dans le but


-parliculier d'asseoir les stipulations du land Aet de
1870, et l'honorable présidenl pourrait vous dire que
Mr. Gladstone prit la paroJe a la Chambre des Com-


. munes et dit en présence du The O'Donoghtle,' que le
Duc de Leinsler avait dfija souscrit dt's contrats en


'dehors de ces ~tipulations. La raison que le Duc de
Leinsfer invoquait pouragirainsi est, a mon sens, au-
jourd'hui le meilleur moyenaemployerpóur'détruire
~'influeoce, - ceUe influence eroissante du lanrHord
en Irlande et de plus en plus absorhante, - et cela
Est, de pres ou de loin, conDu sous le nom de Bail
Leinster. CeUe maniere d'o"Qérer avait el"Qressément
pour but de faire piece 11. toute dispositionjuridique
que le land Act de 1870 se propo:ait d'appliquer en




- 81-
matiere, d&,-1't!devance; et elle eut pour résultat,
non sewement de combaUre l'objet et l'esprit de
la ~súre, mais elle fut des plus préjudiciable a la
propriete du duc de Leinster elle méme, et, qui pis
est, a tous les fermiers·tenanciers de Kildare. Nous
avons la preuve, Messieurs, que le Baíl Leinster
n'erlt jamais été appliqué, s'il n'avait eu en vuc le
Land Act de 1870 ......... Le Bail Lein.ster est un
document que ]e suis en dro!t, a mon avis, comm'
émanant du Conseiller le plus éminent de sa Majesté
en Irlande, de juger completement ill~gal. De plus
je maintiens qu'il est contraire A l'esprit de la Con-
stitution anglaise, et cependant, eette sorte de baH
e~iste el chaque tenancier du vaste domaine du
Leinster a été forcé de l'accepter ou bien de quit-
ter le domaine pour aIler se réfugier dans la mai-
son des pauvres. Magnifigne état de cboses, Mes-
sieurs 1 qui donne bien la mesure des dispositions
agraires prises dans le passé I Mais nous vivons dans
le présent, nous avons affaire A l'avenir el non uu
passé 1 Laissez le passé ensevelir ses morts, mais
dGnmw .. -nous, a nous, des m.o~ens de guérir nos
maux ou laissez-nous en paix I


M. O lIanloo, parlant de l'émigration, un autre
remede proposé, dit : «Quant au cbiffre de la popu-
lation dans le Nord, il décrolt tous les jours. La
ville a. laquelle j'appartiens (Londonderry} et vous
pouvez a juste titre la considérer comme étant du
Nord, il y a eu samedi huit jours, il est pal'ti
700 personnes de la plage de Loodonderry. PIll-
sieurs cenlaines ont quitté Queenstown et des




- 82-
milliers sont sur le point d'abando"tmer d'autres
vmes de l'lrlande. Je voudrais savoir si c'est)OUf
le nord de l'Irlande, I'Ulster Custom qui est la catite
de cet éerasement d'hommes et de femmes aus·
portes de notre pays ...


Nous ne voulons pas confisquer les droits des
Landlords, nous voulons employer vis-a·vis des
.,


Jilndlords les moyens qu e le parlement emploie A
"'fégard d'une compllgnie de chemin de fer, lorsque


ceUe-ci doit ptlSSef par un tertain district, c'est~~­
dire, remboursér la valeur du terrain. Nousdevons.
nous, payer la valeur de la terre d'une maniere
quelconque, et des lors obtenir -des bills du gou-
vernement.


A pres M. Parnell et plasieurs autre:; députés,
présentant tOllS des objections au BiIl de M. Butt,
M. Isaac Nelson de Belfast monte a la tribune .....


« Je n'attends pas grand'chose, dit-il, de la
justice de l' Angleterre. Elle a posé la main sur pltu
d'une nationalitt!, et a laissé sur chacune une trace de
sango Mais raí confiance dans l'opinion publique.
J'ai confiance aussi dans la morale qui vibre dans
nos cceurs et dalls nos cerveaux, au m~me titre que
j'ai surpris des larmes dans les yeux de quelques
persoones ici présentes, quand décrivant les miseres
de I'Irlande, obligé de gagner la rive étraogere, que-
de fois notre creur s'est serré en voyant. cette sceur
éplorée se pencher une derniere fois vers son frere
pour aJ'rach~r un dernier baiserl ... Nous pouvons
faire appel au comité des nations. Ah! 11 Y a eu
autrefois des régiments qui verserent leur sang




- 83-
pour la mOnarcbie francaise, la monarchie est
tombéB. Mais la reconnaisslftlce survit 11 toutes
leS rw ne s, et nOUi aurons les sympathies de la
France ... "


Le Révérend E. Sbeeby, Killmallock dit, apres
avoir approuvé le vote de reroerctmeut au Prés!-
dent: •


1( En levan! }'étendard du sol national, nous nJlf
faisolls que renouveler le vieux .dicton « L'Irlanae
aux lrlandais 11. Tel a été le cri de guerre de nos
aneetres pendant des siecles. C'est l~tflbune sur
laquelle vous montpz aujourd'hui, e'est la cause
que vous plaidez et e'est surtout eelle, je erois, qui
sous la noble égide de M. Parnell, grAee 11 l'organi-
sation du peuple préparée par Michel Davi,t, nous
menera plus tard au triomphe. Ah I mes chers com~
patriotes, e'est assuréroent poUl' moi, pretre irlan-
dais, un bourdonnement agréable que eelui formé
par les voix des défeust:urs imolontairfs ou
prétendus des fermiers tenanciers qui s'agitent tU
.debors, imolontaires paree qu'ils ne wnt irlandais
que de nom, prétendus paree qu'ils ont un róle 11
jouer, - soutenant a la faee de l'Eúrope et du monde
civilisé, que les Irland ais qui tienDentalachrétienté,
je erois, et quiont toujours passé pour étre d'honnetes
gens, d'énergiques défeIlseurs de la jm;tiee, n'ont
d'autre but en acceptant le plan de la Land League,
que de réclam el' une confi sea tion. C' est un ro ensonge
monstrueux et d'autant plusfaux qu'll estabsurde.
Non, la Land League et les amis de l'lrlande ne
.seront pas évincés, ils ne seront poussés ni 11 droite




- 84-
ni" a gauche, le port s'ouvre devant
raíde de Dieu qui ~e nous manquera
ment, je suís sur que si nous DOUS
nous marcherODS droit devant nous, et jusqu'lI. ce
que nous ayons planté l'étendard de l'Irlande sur
le dernier rempart de la tyrannie britannique. ))









PARIS. - nll'. V GOUPY ET JOURDAN, RUE D1I: l\BNNlI:S, 71'
..~