LES ASSOCIATIONS OrVRIERES Bihliotheque des Societés de secours mutuels. ...
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LES ASSOCIATIONS OrVRIERES






Bihliotheque des Societés de secours mutuels.


LES


:\SSOCIATIONS ()I"'1lIElfES
ÉTlJDE


S[I}( LEUH [,ASSV, LI:I']( l'I(E~I-':\T, LEURS ('O};DlTI(I:\S DE l'll()(~Hi:,:


.1, -C. PAUL ROUGIER
Docteur en droit
.\Yol~at a la Coa!' Impóriale de LYÚH


1)'''',,-1'' ,,\81 Pn (J


PAlUS
LIBJlAIHIE IJE (;t;!¡.L,\L'II:\ ET c'" J::ll\TEU\~


LY()\
CIIEZ TOl:S LE~ I.IlL¡\Il\E~






A LA iHÉMÜIRE DE MON BIEN-AIMÉ PERE


LOUIS - AUGUSTE ROUGIER


DOCT};UR EN ~ÉDEC[NE


PRESIDENT DE L'ASSOCIAlION DE PRÉVOYA:KCE 1 ES '1ÉDECl~S nc RHÓNl:


PI\É:;IDE~T Dl CO:-¡SEIL O'nYGIENE PCBLIQrE ET DE SALtBRITÉ


PRESfDENT HU eOMITÍ,; .\1~:DIC.\L uu 1lI5PE.\SAIHE


pnüIDENT HE LA CO.',lmsSlON pv- .•ANENTE DE VACt:INATlON GUArnTE


\:\CI':;; Pm:~SIDENT DE LA SOCI.ÉTl:~ DIPÉRlALE nF. MF.OEGINE


st DE L'ACADi:~IJE DIPÉIU,\LE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES~LETTRES DE LYON, ETC.


ClfEVAUER DE LA LÉGION - D'IlO~NEUR.




..




.\VEnT[SSI~MENT DE


L' Acadetuie Inrpérin.le des Scieuces, Belles-Ler tres
ct Arts de LYOll avair mis au COllCOUl'S une Histoire
des Associat ions ouvriercs á L.Y\m, jusqua nos jours,
Cette histoiro devnit, irapres le programme proposé,
comprendre trois parties : 1° L' Éturle des associa-
tions ancieunes : 20 le 'I'ableau ct l'appreciation de
«elles daujourd'Iiui ; ;)0 lIndication des porfcctiori-
nemeuts d (les amélior.rtions rlOllt elles sont sus-
ceptibles.


L 'ouvrag« que LlOUS publions a obtenu la médaille
(1'01', prix c1u coucours. Mais l'auteur nous a paru
devoir rlonner ú son livre un titre plus géneral que
celui dHistoire des Associations ouvricres Ú LYOll,




-x-


sous lequel il avait préscntc <un uiauuscrit iL lAca-
démie.


En eifet, rlans le 'I'ahleau quil a traco de~ an-
cienries insritutiuus de la classe ouvricre : corpol'a-
tions, compagnOllllage, coufrérie- . il ne ,;'c"r pet,;
borné iL ~ignaler les rraits c¿ll'actel'isii(lue~ ele::; ce\!-
vres lyonnaises, il a enú,;ag'e les (l'w,;lil)llS SOll~ un
pcint de vuo plus g(~lll\l'al ct plus «ouiplet ,


En el' qui couceruo [I'S insritutious iuodernes, sui-
vant le rappor! jll'ésellle iL lAcadémie par un di, se,;
mcmbres, .:11. Dureste de la Chuvanuc, corre~pon­
dant de lInstitut : " L'auteur a vu d¡~ l)]'(',s lIOS as-
" sociations de secours mutucls ; j l en cunnait iL fund
" les réglemenb et le mccauisuu: il a suivi Isurs
" vicissitud es ; il ajug(', leUI'S ~,clleils: il a determiné
" les raisous de Ieu rs sueco». "Sonlivre á cet ég'ard
peut erre consideré : " Comme un cudl; raisonué au-
.. quel les iustitutions de secour« mut ue!s ni' peuvem
,. mioux Iairc que de se conformer. "


Ainsi , loin de se limitar á un int óret local, l'ou-
vrage a UlW portee g-érllirale qui excluí dl\~ lors un
titro trop resUeil1l. :'Ious avons entin CUI tcuircorripte
des addirions nombrcuscs íaites al! muuuscrií pri-
mitif et considérer dailleurs, aV8C I'autcur rlu Hap-
port, que" les cites cornme LYOll ont ce privilége,
.. que lcur histoire est l'histoire memo du pays. "




- XI-


Xous avous dOJl(~ Iicu (le croi re que ce Iivro inte-
resscra tontos les [l81'SOnlles qui s' occupent d 'ame-
linror le SOl'L de la classo ouvriére, et qu'il pourra
étre consulte avec autant ele profit par les as socia-
tions eles divers departeruents que par celles du elé-
partement .lu Rlióue


Nous fouduns cet espoir sur I'appréciation qu'en a
formulee I'Acadónrie par I'organe de son rapporteur,
en déclarant que ce travail "unit it la valeur duu
" hon Iivre celle dune bonne actiou, et que de pa-
" reils ouvrages font egalement honneur a celui qui
" les a écrits, á la ville qui les a inspires, et á
" l'Acarlérnie qui les couroune O). "


GUILLAL\lll' ,


(1) HAPeOI\T préscnté a l'Aeadémie impériale des Se icnccs, Arts el
Belles-L .ttrus de Lyon , par ;\1, D,\I\ESTE DE L,\ CUAVA"E, professeur
a la Faculté des Lettrcs, eorrespondant de ['Iustitut, au norn d'une
Cnmmissicu composée de MM. PUL SACZET, présidcnt de I'Acadé-
mie, Gll..\I\O" , prr-rnicr présideut de la Cour impériale, VALE"'''-
SmTll, couseiller ir la C01lr impériale , GW./,AI\Il, chef d'institution,
"'",",,1\, secr,:¡'lil'c de la Chambre de commerce, J<'IlAISSE, seerétaire
¡;élléral de l'Académic.






i\SSOCIATIÜNS üLiVRH:RES.


CHAPlTRE PRE:\llER.


LE~ ASSOCIATlONS OUVRIÚ,ES A LUG]JUi\U~I JUSQU"A LA rtx
IIE LAIJfnllNATroN 1'"'fAlNJ:.


S()~D1AlHE


~ I·r, --- CHl'neli','e gCllé,'nl de l'histo ire de Lyon. -- In llucnce de
lesprit ]'l'ligiellx l't de I'cspri] coinnun-cinl Sil" les ussoeial ions
Olll'!'i"]'es. - Prcmier, étahlissI'lllents de conuncrcc au cnufl ucnt
rlu llhúuc el de la Saóuc. -~ Fouduí ion de Lugduuum . - Prcuiicrs
dén:cll[s duxsocial iuu.
~ 11. - La rlom inut ion ,'ollwine fuit nnil.rc '1 Lyon des corporatious


selllhhhles ;, et'ilPs ,1<, Houi.-. - I.cur ouraclcro pi-imitil. -- ~Iolirs
des Invrurs illlpé"ialc,s qui cn fneilitenl l'ctabl isscmcut. - Divi-
sion des corpuratio ns en tro is gI'oUpcs.


~ IIl. --- COJ'pof'uJiolU'; d'u¡'{is{UlS opparl('}will (lIU~ nuul1Illu:lII,'cs Oli
n/U' «teúer« de tEtot . --- IJU1'C':-; comlition- qllí lt~~ I't"~i.-;S('Ilt.




-2-
Corpcratious de ce Kenre 11 Lugdunum. .- (;ynwtia1'ii, .- 1ItUlH'-
turii, - aquurii.


§ IV. - Collégcs d'artisans exer~ant des proteseions néeessaires uta
subsistanee dlt pcuple, - Leur asservisscment. - Motifs des cons-
tilutions imperiales qui les reglcmentcut.


§ V. - Colléges dartisun» exer~ant des metie1's libres, - .'Vautesdu
Rhóne el de la Saóne, - Utriculaires, '- Denilrophorcs, - Cen- .
tona";i. - l\Iarehands de vins. - Poticrs. - Tisscurs, etc., etc,
-- Leur organisation intérieure. - Lcur existence légale, - Leurs
privilégcs.


§ VI. - Poliiique des empereurs envers les eolléges. -:- Résultats
de l'organisatiou des colléges sur la condition des artisans -1\1i-
serc générale en Gaule au IV· siecle, - Chute de l'Empire. -
Lyon passe sous la domination bourguignonne. - Désorganisatiou
des colléges. - Période nouvelle.


1.


Tout ce qui se rattache aux annales de Lyon parti-
cipe du caractere général qui distingue l'histoire de
cette grande cité. Deux des mobiles les plus puissants
de l'activité humaine, l'esprit religieux et l'esprit com-
marcial, apparaissent dans tous ses actes et ses insti-
tutions. Leur inspiration féconde lui a danné tour-a-
tour la canstance qui supporte l'adversité et celle qui
fonde la praspérité et l'indépendance. A leur impul-
sion elle a dü le développement du principe d'associa-
tion qui, dans tous les temps, a ofíert un abri tuté-
laire a sa classe ouvriero, et.qui seul, dans l'avenir,
peut l'aílranchir des étreintes de la misereo


L'esprit religieux, des les ages les plus reculés, se
manifeste, chez nos ancétres Gaulois, par leur respect




-3-
pour les mysteres du druidisme, et cet enthousiasme
qui, les entraínant vers tous les dieux des nations
étrangeres, faisait dire a César: Natio est omnium
Galiorurn. adrnodum dedito. religionibus (1).


L'esprit cornmercial se revele, sur notre sol, des
l'époque primitive, 00. quelques pécheurs se réunirent,
au eonfluent du Rhóne et de la Saóne, pour transpor-
ter sur leurs ri ves les Iertiles produits de la Gaule.
C'était la, au pied de nos collines, dans la plaine assez
restrein te qui s'étendait entre les deux cours d'eaux,
que se rendaient les habitants des provinces voisines,
pour éehangcr leurs vins et leurs eéréales contre les
productions de l'industrie naissante. La, a coté des
armes sorties des fabriques tres-ancienues de Mácon
et d'Autun, se voyaient les vétements de laine tissée :
la large braye rayée, d'un ll~e presqu~ général, et
la saye, ou tunique fine, relevée par des broderies
d'or, et réservée aux chefs militaíres de nos belliqueux
ancétres.


Aussi, en présence de I'activité agricoleet commer-
ciale des peuples de la Gaule, leur' vainqueur ajoutait
a l'éloge de leur valeur celui de leur adresse et de leur
aptitude a imitar et aexéeuter tous les ouvrages qu'ils
voyaient faire (2).


D'ou il est permis de croire que les premiers échan-
ges avaient fait éclore I'esprit d'associaticn, etqu'a-
vant m érne l'époque ou le consul Plancus édifia la cité
lyonnaise, la jonction du Rhóne et: de la Saóne, si fa-


(1) MonfaI.:on, Histoire de Lyon, Disc. prélim. XXVII, ef page 31 .
. (2) Est summre gonus solértise, atqúé ad omnia irnitanda, atque
..ffi'eiénda'quse ah qtroque lradanttll' a ptissimum. (eresar, De' blclTu
GaUico¡ lib. vm, 12).




~4-
vorable aux. transports et aux rnarchés, avait été déjit
le bereeau de eette ancienne eorporation des nautes,
ou mariniers, qui, bientót, eontribua a la prospérité
cornmerciale de la ville nouvelle.


Moins de trente années apres sa fondation, Lugdu-
num, déjá maguifiquement doté par Agrippa,sueees-
seur de Plancus, recevait, de la main d'Auguste lui-
méme, le sceptre :le la dornination sur le reste des
Gaules.


n.


Placée entre l'Aquitairie, la Belgique, la Gaule nar-
, bonnaise et la Gaule eeltique, notre cité étendait son
empire jusqu'a l'Océan armorieain. Par ses deux íleu-
ves et les roútes militaires qui la reliaient aux fron-
rieres les plus .lointaines et la mettaient encare en
communication avee la Loire, la Seine e\¡e Rhin, elle
recevait les tributs industriels et agricoles de soixante
nations, dont l'histoire a conservé les noms.


Bientót des artisans de toutes les professions s'y
établirent. Avee eux se formerent des colléges ou C01'-
porations, comme il en existait a Rome.


Des les premiers jours de la république romaine,
les plébéiens, adonnés aux travaux manuels, s'étaient
réunis en assoeiations dans le but d'assurer leur indé-
pendanee. Mais l'industrie ne pouvait etre en honneur
au sein d'une nation aristocratique et guerriere, qui
n'estirnait que les vertus propres a faire des soldats,
et n'eneourageait que l'agriculture, qui les exerce et
les nourrit. Le nombre et l'habileté des esclaves ren-
dirent de moins en moins utile le travail des artisans


,




libres. Ceux-ci rastérent pauvres et méprisés, Le con-
tact et la concurren ce de l'esclavage les dégraderent
encoré, et leurs colJéges se mélant a toutes les fac-
tions, se prétant a tous les désordres, furent enfin at-
teints par des proscriptions successives, jusqu'au jour
ou, soumis a une organisation sévere, ils devinrent
un instrument nécessaire au gouvernement des em-
pereurs.


Dans la Gaule, et particulieremen t a Lugdunum,
les col/éges eurent, aleur origine, un essor plus indé-
pendant. lis trouveront d'abord, dans les faveurs im-
périales, des conditions d'honneur el, de prospérité.
Mais, sous les bienfaits de la protection, ne tarderent
pas áapparaitre les entraves de la servituds.


En favorisant les corporations, en leur donnant une
existence légale, en assuran t leur durée par des libé-
ralités et des priviléges, les empereurs songerent bien
moins a améliorer le sort des artisans qu'a maintenir
la prospérité ehancelante de I'Empire et a se créer un
point d'ap¡'\1i parrni le peuple, et unmoyen de res-
serrer les li8\ls, de plus en plus reláchés, de la société,
surto ut dans les provinces é!oignées de la capitale.
. Il Y eut, en Gaule, cornme aRome, diverses sortes
de eorporations. Des le troisierne siecle, on les trouve,
pour ainsi dire, partagées en trois groupes, dont les
membres ont d'autant moins de liberté individuelJe
qu'ils ont, avec l'Etat, des rapports plus étroits. Ces
trois groupes comprennent : les manufactures ou ate-
liers de l'Etat, les professions nécessaues ala subsis-
tance du peuple et les métiers libres (1).


(1) Histoire des elasses ouvrieres en Frunce, par Levasseur, 011-
vrage couronué par l'Aeadémie des sciences morales et poliliques,




-6-


UI.


Les artisan s des manufactures ou des ateliers de
l' Etat formaient des cornrnunautés soumises aux 1'13-
glements les plus séveres. Solidaires les' uns des au-
tres, ils payaient tous, de leur corps ou de leur ar-
gent, la faute d'un seu!. Llniú« damauun ad omnium
transit dispendium.


Asservis pour to ute leur existence a leur rude la-
beur, ils devaient un compte rigoureux des matieres
qui leur étaient confiées. Le mariage, loin de les af- I
franchir, soumettait aleur propre condition leur femme
et Ieurs enfants (1).


Ils étaient, i:t la vérité, exemptés de la milice; mais,
á l'exemple des sold ats nouvellement incorporés dans
les légions, on Ieur imprirnait au 'bras un stigmate
particulier, el si, malgré ce signe, rls parvenaient a
déserter l'atelier et i:t se soustraire aux recherches,
ceux qui leur donnaient asile encouraient le paye-
ment d'une amende de trois a cinq livres d'or (2).


C'est a ces dures conditíons que durent étre soumis
les artisans des manufactures impériales de Lugdu-
num, notamment les ouvriers du gynécée, atelier pn-
blic oú des hommes, des femmes, des enfants étaien t


tome ler, P: 33. - Voyez aussi Dalloz : Répertoire général de lrgis-
lation ct dc jurisprudence, VO Industrie, n" 3.


(1) Code dc Justinicn, liv. XI, litre IX, dc Fabricensibus, loi l.
m et y.


.


(2) Cod. Just , liv, XI, tito XIII, lois y el VI.




7
occupés afiler la laine et it confectionner des véte-
ments pour les soldats (1).


II en fut de mérne des gens de labeur employés ala
fabrique de monnaies, dont l'origine dans notre cité
romontait a son Ion-Iateur Plancus, et qui rivalisait
avec los importante établissements de Treves et d'Ar-
les. La condition de ces ouvriers (monetarii) fut sou-
mise a des regles séveres: aucune dignité ne pouvait
les affranchir du joug de leur mótior (2). Ils ne devaient
épouser que des femmes appartenant au mérne col-
lége, et leurs filles ne se m ariaient qu'a des ouvriers
de la méme fabrique (3).


II Y avait . une autre classe d'hommes également
occupés ades travaux publics, et qui formaient une
corporation non moins rigoureusement réglée par les
constitutions imperiales. Nous voulons parlar des
constructeurs d'aqueducs.


Leur nombre dut étre imrnense á Lugdunum, puis-
que les gigantesques canaux aériens, dont nous ad-
mirons encore les débris, dépassaient .en longueur et
en élévation ceux qui alimentaient Rome elle-
rnéme (4).


Les ouvriers de cette profession ne portaient pas
~lement au bras une mal"que particu liere , le nom
de l'empereur était aussi gravé au fer rouge sur
leur main comme un signe public et índélébile


(1) Codo Just. liv. xl,tit. V11l, loi 11. - Sur le gynecée de Lyon,
voyez l\Ionfalcon, p. 157.


(2) Codo Just. liv. XI, lit. VII, loi L
(3) Codo Théodosien, liv. X, tit. xx, loi x.
(4) l\lonfalcon, p. 131! t, H2.




-8-
de leur incessan te incorporation dans les ateliers de
l' Etat (1).


IV.


Les artisan s appartenant aux professions néces-
saires i:t la subsistance du peuple, tels que les bou-
chers et les boulangers, jouissaientde plus de considé-
ration et de faveurs que ceux des manufactures impé-
riales, mais ils ri'étaien t pas moins qu'eux enchainés
it leur corporation. La raison j'Etat le voulai t ainsi.
Depuis longtemps, les empereurs ne dominaient la
plebe qu'en lui dounant des spectacles et du pain. De
la ces lois tyranniq ues q ui reglemell taient les profes-
sions destinées a assurer la subsistance du peuple.


Les boulangers de Lugdunum, cornme ceux de
Rome , formaient une oorporatio n importante, sans
ces se enrichie 'par l'industrie de tous, cal' chacun ne
gardait individuel1ement que les objets qu'il recevait
par mariage, legs ou don ation (2). Hormis les biens
recueil1is sous cette condition spéciale, tous les profits
étaient communs. .


La personne mérne des boulangers, commeleur gain,
était Ia propriété de la corporation. Des peines sévóres
atteignaient les fugitifs. Aucune dignité, aucun privi-


(1) Il en étnit ainsi non seulement des simples ouvriors eOIlS-
tructcurs, mais encere des survcillants des travaux : universus autem
«quario«, vel aqwlrwn cusludes (quas "!ldr·up/tilace., nominan!) sill-
gulis manibus eOrtl1/! (elici nomine pielutis nostro: impresso signat·;
decernimus. Code de Justiuieu, Iiv, XI, tit. LXII de aqure luctu, loi x ,


(2) Code Théod., IiV.XIV, lit. 111, de pistoribus, loi XYlIl.




-9-
lége ne permettaient de se soustraire a cette étreinte
qui englobait tous les membres d'une mérna famille.
Pere, mere, fíls.rfille et gendre, tous sous le mérne
toit, appartenaientirrévocablernent et dé plein droit
a la corporation (1), Ceux-la seuls parvenaient a s'en
affranchir qui étaient assez henreux pour fournir un
rsmplacant.


La corporation, d'ailleurs, était riche et puissante.
Elle avait ses magistrats électifs et a vie, et ses pa-
trons choisis parmi les citoyens les plus considérés .
Elle possédait une eaisse commune et des damaines
dont les revenus se paetageaient entre tous (2). Elle
jouissait ainsi d'une grande indépendance qui lui atti-
rait altem ativeruent les défiances et les faveurs im-
periales. Atissi voyait-on sans surprise des coupables
condamnés aux travaux de la boulangerie, et des hou-
langers admis dans le Sénat rornain (3).


Par suite de son importance, la boulangerie consti-
tuait en quelque sorte une fonetion publique. Il en
étaÍt de me me de la profession de boucher et de mar-:
chand de comestibles. Il y avait dans toutes les gran-
des villes de l'Empire romain différents colléges d'ar-
tisans ehargés de fournir les bestiaux et autres vivres
néeessaires á la subsistance des citoyens, Les UDS ne
s'occupaient que de l'achat des porcs ; on le" appelait
suarii, D'autres avaient pour mission d'acheter et de
revendré des bceufs ; ils se nommaient boarii ou pe-
cuarii, et avaient sous laurs ordres des gens chargés


(1) Cacle Tbéad., Iiv, XIV, tit, 111, 101 v, de filiis pistorum, el
lai VII.


(2) Codo Théod., XIV, tit. 111, loi XIX,
(3) Calle Théad., l iv , XIV, lit. IlJ, loi IV.




-'10-
de tuer et de dépécer les bestiaux ilamiones, ou lanii,
ou carnifices). .


Ces colléges jouissaient de certains priviléges, et
leurs membres étaient dispensés de toutes les obliga-
tions sordides qui ponvaient etre imposées aux snjets
de l'Empire (sonlidis mune1~ibus). On appelait la-
nione: les endroits ou l'on abattait, et macello. cenx
ou l'on vendait; mais on y débitait aussi toute espece
de vivres (1).


Les marchés de comestibles de Lngdunnm parais-
sent avoir été tres-approvisionnés et fréquentés. On
vantait ses tabernte macellarue ; et les hommes qui
dirigeaient ces établissements étaient désignés sous
le nom de macellarii (2), qui s'applique aussi d'une
maniere généI'ale a tous ceux qui faisaient le com-
merce de la boucherie.


Les bouchers étaient liés aussi étroitementqne les
boulangers a leur profession. Leurs enfants apparte-
naient de plein droit a la corporation et ne pouvaient
que tres-diffioilamsnt I'abandonnsr ponr suivre 'une
autre condition. De hautes faveurs encourageaient et
récompensaient les membres qui montraient le plus
de zele a approvisionner les grandes villes, surtout
dans les temps de disette (3).


Si I'on recherche la commune intention des consti-
tutions tyranniques qui reglementent ces divers col-
léges d' artisans, elles paraissent toutes concues sous


(1) Dnlloz , Rép. gt~n., VO Bouchcr ,
(2) S/lOn, Recherche des anti quités de la ville de Lyon, nouvr-lle


édilion, p. 344.
(3) On voit des bouchers , des marchands de poros, obtenir le


titre de corntes, Codo Théod., liv. XIV, lit. 11l, loi X.




-1/-
une méme inspiration, en vue d'une seule néoessité ;
Salus pOpUl1: suprema le» esto.'


Le salut du peuple! - Non pas du peuple pauvre,
courbé sous le poids du travailet de la misera, mais le
salut de l'Empire croulant: Telle est la pensée qui do-
mine l'organisation des corporations ouvrieres, et la
reglementation des professions liées a I'intérét publico
- Tel est le besoin suprema en vue duquelles empe-
reurs, sacrifian t l'individu al' Etat, emprisonnaient du-
rement les citoyens dans des association s qu'ils ne
daignaient protéger qu'autant qu'elles leur parais-
saient indispensables al'unité chancelante de la so-
ciété et au rnaintien de leur pouvoir sur la multitudo.


v.


Moins esclavas de Ieurs fonctions que les artisans
employés aux ateliers de l'Etat ou aux subsistances
publiques, les ouvriers des autres métiers étaient ce-
pendant bien éloignés de jouir d'une pleine et entiere
liberté individuelle. « Cette liberté n'existe pour ainsi
« dire n ulle part dans la société romaine des derniers
« siecles, chacun a sa chaine : le colon est asservi a
« sa terre, l'afficier publio a sa charge, le curiale asa
« cité, le marchand a sa boutique et l'ouvrier a sa cor-
« poration, nul n'a le droit de se soustraire a sa fono-
IC tion et de frustrer l'Etat du service, que sa nais-
« sanee, sa fortune, ou son talent lui ont imposé, S'il
« y a encore quelque liberté, elle appartient non pa,s
« al'homme, mais iJ, l'assooiation dont il est membre,




- 12 -
« et dans le cercle de laquelle est le plus souvent en-
« fermée sa vie tout entiere (1). »


Lyon vit s'établir dans son sein de nombreuses
corporations dartisans appartenant a. des rnétiers in-
dépendants de l'Etat.


La plus importante et la plus ancienne fut celle des
nautes ou mariniers (2). Ceux de la Saóne appelés
nauta: ararici desservaient tout le littoral compris
entre Chálons et Lyon. Au confluent des deux fleuves
commen cait le service d'3s nantes du Rhóns, nau.te:
Rhodanici qui s'arrétaient aVienne, et laissaient aux
bateliers de cette ville le soin de con tinuer les trans-
ports jusqu'a Aries. La navigation était souvent con-
trariée par la discorde contin uelle q ui régnait entre les
deux cités. Vienne empéchait alors les marchandises
expédiées de Marseille de remanter le fleuve j usqu'á
Lyon, et Lyon s'cpposait au passage des bateaux des-
tinés aux vi!les du midi.


La cor poration des n autes du Rhóne et de la Saóne
appartonait, par son ancienneté, son importance et
ses priviléges, a celles qui portaient le nom de splen-
dides coltéges, par opposition aux colléges composés
de gens de métiers inférieurs : tenuiorum cullegia (3).
Elle avait droit a. quarante places réservées dans les
arenes de Nimes (4).


A cóté des nautes, on voit souvent paraítre le collége
des utriculaires (utricularii). Les érudits so sont de-


(1) Levasseur , I1isloire des elasses ouvrieres, tome 1, p. 53.
(2j Spon, -, Nouvelle édition, p. 335. .
(3) Digestc., liv. L, tít. VI, loi V, § 12; - liv. XLVllI, lit. XXIl,


loi J, et § 3, loi 11.
(4) Boissieu, Inscriptions de LYOll, P 396.




- 13-
mandé aquels artisans s'appliquait cette déuomiua-
tion. Etaient-ce des bateliers qui naviguaient sur
des bateaux portés par des outres, ou des ouvriers qui
fabriqnaient eles barques a large ventre?


N'était-ce pas plutót des colporteurs qui se servaient
d'outres pour le transport des vins, des huiles et au-
tres liquides, ou encore les fabricants d'outres eux-
mémss (1)? Quels qu'ils fussent, ils accompagnaient
fréquemment les nautes, et les deux colléges étaient
parfois placés sous la protection d'un méme pa-
tron (2).


Les vins de la Gaule qui avaient rapidement joui
d'une renommée lointaine, étaient aLugdunum l'ob-
jet d'un important commerce, aussi, une des corpo-
rations les plus infiuentes était celle des marchands
de vins. Possesseurs de vastes entrepóts dans le quar-
tier des Canabi, non loin du lieu qu'occupe aujour-
d'hui la place Saint-Michel, ils y avaient élevé un
monument a leur patron, lll-inthat-ins V-italis (3).C'est
la que se transportaient, ver s la jonction des deux ri-
vieres, les produits déja appréciés des vignobles qui
enrichissent encore les rives droites du Rhóne et de la
Saóne.


Les Dendrophores figurent aussi dans les monu-
ments épigraphiques parmi les plus ancions coIléges
de Lyon. Ce mot parait avoir eu deux significations.
Il désignait d'abord une corporation religieuse dont
les membres portaient de jeunes arbres dans les fetes


(1) Monfalcon, Hist. de LYOII, p. 156, et son recucil d'inscrip-
tions latines, 5" série , nO 13.


(2) Spon, nouvelle édition, p. 112 ct 139.
(3) Spon, p. 345. -l\Ionfalcon, p. 132.




-14-
dn Cybele et de Bacchus. Elle fut supprimée plus
tard par les empereurs comme un vestige du paga-
nisme (1).


Toutefois, la mérne dénomination semble s'étre ap-
pliquée aune corporation de charpentiers non moins
ancienne, et qui, a son origine, avait choisi Hercule
pour son Dieuprotecteur (2).


Ce serait une trop minutieuse recherche que celle
de tous les colléges d13 métiers libres quiexistaient a
Lugdunum; L'importance et .Ies nécessités de son
commerce y avaient considérablement multiplié le
nombre et la variété des professions. Les inscriptions
mentionnent la présence d'ouvriers potiers, couvreurs,
fondeurs, tisseurs, tailleurs, teinturiers, orfevres, etc.
Autant de métiers, autant de colléges, quelquefois ce-
pendant des artisans de professions difi'érentes appar-
tenaient a la méme corporation (3).


Tous ces colléges étaient soumis aux mérnes con-
ditions d'organisation, de surveillance et d'adminis-
tration,


L'apprsntissage était l'élémentde leur recrutement.
Les jeunes gens commengaient de bonne heure leur
travail d'initiation a laprofessioD qu'ils voulaient
suivre, et ils n'étaient admis dans les corporations
qu'apres avoir justifié d'une eonnaissance complete du
métier.


Chaque collége avait ses divinités, ses autels et ses


(1) Edits de Gratien et Honorius. Code Théod., xvr, tito x, loi xx,
année U5.


(2) Boissieu, Inseriptions de Lyon, p.1í13. - CedeThéod., XVI,
tito vnr, de, Dondrophm-is.


(3) Spon, p. 84,115, 335'Ct suiv .




-- 15 -
retes religieuses toujours suivies de banquets oú se
dépensaient en grande partie les fonds de la caisse
commune.


Ses ressources.consistaient dans les droitsd'admis-
sion exigés des nouveaux associés, les contributions
régulieres payées par tous les mem bres, les legs, les
dons des particuliers ou des empel'eurs, enfin l'héri-
tage des sociétaires qui mouraient ab intestat , sans
héritiers légitimes (l).


La nécessité de pourvoir aux intéréts communs
avait fait naítre, au sein des corporations, une admi-
nistration réguliere et rnéme minutieuse. On y voyait
des, questeurs, des trésoriers, des secrétaires, au-
dessus desquels se trouvaient des fonctionnaires ho-
norés des noms de préfets, consuls ou ourateurs, La
loi exigeait méme que les associations eussent un
syndic chargé de les représenter- et d'agir en leur nom
devant les tribunaux (2).
Il était d'usage que chaque collége se placát sous


le patronage d'un ou de plusieurs citoyens choisis
parmi tes plus riches et les plus iniluents. Les ins-
criptions font connaitre les noms des divers person-
nages qui protégerent a ce titre les corporations de
Lugdunum.


Parmi les patrons de la corporation des nautes du


(1) Code Théod., nov. lív. 1, loi XIII, ann. '.38.
Les legs Iaits aux colléges reeonnus pal' I'Etat étaient seuls vala-


hlcs, - Ceux Iaits aux eolléges non reeonnus n'étuient valables que
si tous les membres de la eorporation étaient indivicluellement dé-
signés comme légataires : hi enim non quasi collegium sed quasi eerti
homines admitteniur: ai legatum,


(2\ Spon, p. 147 et 337,




- 16-
Rhóne et de la Saóne, on remarque Julius Severinns,
en l'honneur duquel une statue fut élevée ; Lucius
Besius superior, chevalier romain et receveur des
trois provinces de la Gaule; Lucius Helvius Voltinus
Duumvir de Vienne ; Paquius Optatus, qui en méme
temps átait patron des charpentiers, des utriculaires
et des centonarii.


Parmi les protecteurs de la corporation des mar-
chands de vins, nous avons cité Minthatius Vitalis ;
nous devons mentionner encore Appronius Raptor.


Enfin, il arrivait que tous les colléges d'une méme
cité se réunissaient sous le patronage d'un seul
personnaga. C'est ainsi que Culatus Méléager,
Sévir augustal, fut le patron de toutes les corpora-
tions légalernent autorisées dans la colonie lyon-
naise (1).


Ainsi, elles jouissaient de toutes les conditions dé-
sirabIes de prospérité. Leur situation devant la loi et
devant la justice était des plus favorables. Elles for-·
maien t chacune une personnalité morale jouissant des
mémes droits et exercant les mérnes actions qu'un ci-
toyen. Elles aequéraient , elles contractaient, elles
transmettaient suivant les regles du droit commun.
Elles pouvaient posséder des meubles, des immeu-
bIes et méme des esclaves, elles trouvaient enfin un
précieux appui dans le patronage des citoyens les
plus puissants.


Toutefois, cette existence civile et les priviléges qui


(1) Spon, p. 28,76, 1H, 143 et 338. -- Les monuments élevés
en l'honneur de ces différcnts hieufaiteurs des eolléges de Lugdu-
uum se trouvent réunis au Mnsée lapidaire (In Palais des Art~, ,.
Lyon ,




-17-
en étaient la conséquence, n'appartenaient pas de
plein droit a tous les colléges. Les proscriptions dont
ils avaient été l'objet dans les derniers temps de la
république romaine et sous les premiers empereurs
continuaient en principe aetre en vigueur. Il n'y avait
que les colléges légalement autorisós qui jouissaient
des bienfaits de la vie civile, et 1'autorisation -cu ré-
connaissance légale ne s'obtenait que par un Sénatus-
consulte ou un décret irnpérial (1).


Les premiers empereurs se montreren t peu dis posés
aIavoriser l'établissement des colléges. 11 n'y en eut
longtemps qu'un petit nombre d'autorisés (2). Mais il
s'accrut ensuite rapidement, et l'association devint la
condition géné1'ale de tous les artisans. Elle apparais-
sait aux empereurs du lIle et du IVe siecle, comme
l'unique rem part qui pút etre opposé a. la désorgani-
sation croissan te de la société dont ils sentaient les
éléments hétérogenes échapper a leur domination.


Les colléges devenaient ainsi une nécessité politi-
que, un moyen de gouvernement, mais leur con-
cours ne pouvait rendre l' uni té a. un corps social corn-
posé de tant de peuples divers, ni retarder d'un jour
la chute de l'empire.


lis portaient d'ailleurs en eux-mérnes des germes
d'impuissance et de ruine, comrne tou tes les institu-
tions qui émanaient alors de la domination romaine.
Le despotisme y emprisonnait les citoyens et les ren-
dait esclaves de leur métier. Les membres des cor-


(1) Digeste, liv. 1 § 1. - Sous ee rapport, la plus grande analogie
existe entre les colléges romains et les sociétés de sccours mutuels
dé notro époque.


(2) Digeste, liv, 111, tito IV, loi l.
2




- 18 -
parations ne pcuvaient rompre á 'eur gré los líens qUl
les unissaient. Ceux qui cherchaient as'y soustraire
étaient rarneués de force a Ieur travail. Ordre était
donné aux magistrats de saisir, non seulement la per-
son ne du fugitif, mais ses biens et les membres de
sa famille (1). Paríois , la corporation en tiere était
rendue responsable de sa fuito, ct si elle n'en portait .
plainte, elle s'exposait aétre punie (2).


C'ótait le mérne esprit qui encha.1nait a perpétuité
dans leurs fónetions les magistrats munieipaux ap-
peles Curiales. « Dans eette lutte supráme de la so-
eiété romaine eontre l'inévitable dissolution qui la
rninait, chaeun avai t son poste qu'il ne devait jamais
quitter (3). »


Ainsi marq uós du seeau de la servi tude, les colléges
ne purent apporter á la eondition partieuliere de leurs
membres les améliorations qu'ils sem blaient leur pro-
mettre.


L'artis an pauvro ne trouvait qu'uno assistance in-
eertaine et éphérnere dans les distributions de vivres
ou d'argent qui se faisaient parfois au sein de son 001-
lége ou a l'aide desquelles les empereurs tentaient
d'en acheter les suffrages :- Le plus souvent, les res-
sources communes se dépensaient dans les cérémo-
nies religieuses, les repas solennels, les fetes publi-
ques et les offrandes adressées plus ou moins libre-'-
ment aces Césars que les factions élevaient pour quel-
ques jours ala pourpre impóriale. Les assemblées, les
délibérations, l'observation des regles de l'association


(1) Codc Théo1., XIV, tito VII, I. [ et tito VI1I, 1. l.
(2) Codc Théod., XIV, tito XIlI, L 11.
(3) Levasseur, 1. 1, p. 66




- };!}-
auraient pu développer la vie intellectuelle et morale
de l'artisan. Mais, du jour .oú il sentait plus vivernent
le prix de la dignité personnelle et de I'indépsndanoe
individuelle, il souffrait aussi davantage de Ia con-
trainte qui paralysait l'essor de ses aptitudes et le liait
irrévocablement a la profession dans laquelle il ,était
né, ou que la misere l'avait obligé a embrasser.


Il vint mérno un temps oú lesort des classes ou-
vrieres a Lugdunum, comme dans toutesles autres
villes romaines, fut rendu d'autant plus dur qn.e .les
liens qui les retenaient dans leur collégeétaient plus
resserrés II La corporation qui, dans les temps de
prospérité, assure certains avantages a. l'artisan en
protégeant sa personne et en lui garantissant en
quelque sorte son travail, devient dans les siscles de
décadeuce une gene~nsnpportable; elle ré~llit les
profits en maintenant un nombre d'artisans supérieur
auxbesoins de l'industrie (1;. »


L' anarchie militaire et les guerres civiles, dont la
Ganle futle tháátr« aux lIle et IVe sieclos, mirsnt fin
a la prospérité qui avait signalé les deux premiers sie-
eles de la domination romaine. En vain, pour remé-
dier a. la misera qui accablait tou tes les provinces,les
empereurs essayercnt-ils des mesures diverses, par
exemple, de tarifer le prix des denrées, de rprohihar
l'exportation des monnaies, etc. lis ne firent qu'aggra-
ver la situation. Le eommerce paralysé .s'éteig.¡üt,
l'agriculture fut abandonnée. Les.artisans q.ui ne trou-
vaient point de travail dans.leur corporation et.ne.pou-
vaiant en chercher ailleurs, se virent.coudamnés aun
dénílment sans remede. Les impóts de plus.ea plus


(1) Levasseu r, 1, 8 1•




- 20-
fréquents mirent le combie it la détresse publique (1).


A ces causes générales de décadence et de misero,
s'ajoutérent pour Lyon des calamitás particulieres.


Brúlée et rasée de fond en cornble par l'empereur
Sévere, en punition de l'appui qu'elle avait preté ason
compétiteur Albin us, notre malheureuse cité s'était
relevée de ses ruines; mais des la fin du He siecle
elle perdit son rang de métropole des Gaules.


L'énergie et l'esprit industrieux de ses habitants su-
rent rappeler et retenir le commerce au confluent des
deux rivieres ; mais la ville rebátie devait étre sans
cesse traversée par les cohortes militaires, exposée
aux représailles des factions, et tour a tour saccagée
et pillée par les vainqueurs.


Sa popnlation, partagée entre le culte des faux dieux
et la foi nouvelle, décimée par les persécutions, dé-
solée par les vicissitudes anarchiques, ruinée par les
exactions, tourmentée par I'apparition des barbares,
ne songea mérne pIus achercher dan s les corporations
une ombre d'indépendance et d'unitá. Enfin, cnvahi
par les Burgun::les, Lyon changea de maitres et de
ville romaine devint ville hourguignonne. (Vers
l'an d lo ).


Les colléges, ceuvres de la domination romaine,
tomberent avec elle.


S'ils ne réaliserent pas, au profit des artisans, les
bienfaits que ceux-ci pouvaient en espérer, il faut sur-
tout en accuser le despotisme impérial qui, les dé-
tournant de leur destination , voulut en faire des
instruments propres seulement a retarder la chute de
I'Empire.


(1) Monfalcon. p. 196.




- 2f-
Cependant les corporations romaines ont laissé


l'exemple d'institutions puissantes. Dotées par une
sage législation de toutes les prérogatives susceptibles
d'assurer leur existence, elles ont offert aux législa-
teurs des áges postérieurs un mode d'organisation
dont ils ont pu s'inspirer, et un ensemble de principes


- dont nous signalerons plus loin I'influence sur lo-dé-
veloppement des associations modernes.




CHAPITRE n.


LES ASSOCIATIONS PENDANT LES INVASIONS ET SOUS LES DEUX


PREMIERES RACES.


SOlUMAIRE.


§ ler. - Puissnnce dn principe d'association méme aux époqucs
de trnnsformation social e pendaut losquolles son aetion disparait
el semble méconuue. - Coup d'reil sur l'histoire de Lvon du
Ve au Xle siccle ,


§ n. - Influcnce des événements de celte période sur la condition
des artisans. - La misére les conduit 11 l'esclavagc. - Tendunce
a l'isolcmenl et a la rotraite, - Les recluserics. - Les monas-
téres. - Leurs bicnfaits. - Leur mission civilisalriee. - Pro-
miére émancipatioll du travail 11 l'ombre des cloitres. -- Retour
il l'association par lc christianisme. - Instabilité de l'industrie.
- Pauvreté des nrtisans isolés. - Prospérité des Juifs. - Né-
cessité d'un chaugcrnent dans l'ordre social pO\ll' réaliser l'affrnn-
chissement du travail.


1.


La liberté morale, c'est-a-dire le triomphe de la vo-
lonté sur les sens, et son accord avec la raison , tel est
le bu! supréme que l'humanité poursuit a travers les




- 23-
siecles, Les etres isolés ne sauraient y parvenir au
milieu des périls qui les menacent et les dorninent.
L'association seule permet al'homme d'atteindre cette
indépendanee dont il n'a pas toujours une 'vision dis-
tinete et sereine, mais dont il ressent un besoin in Se-
tinctif et incessan t.


De mérne que la vie du corps subit des transforma-
tions nécessaires, et retire des salutaires épreuves de
la maladie une viguour nouvelle, de mérne la vis mo-
rale des peuples est soumise a des évolutions dou-
loureuses en mérne temps que bienfaisantes, ou sous
un désordre apparent se dissimulent les progre s ac-
complis dans la conquéte de laliberté.


Dans ces périodes de rénovation et d'enfantement
souvent la vie semble pres de s'éteindre, les forees
vives de l'humanité s'éclipsent, ses membres se désu-
nisscnt et so dispersent. C'est l'heure ou les indivi-
dus s'isolcnt se taisent, souffrent et meurent dans
l'oppression. En ces temps, le príncipe d'association
disparai't au sein de la tourmente jusqu'au jour OU de
l'exces mérne de l'infortune se dégage une initiative
nouvelle. L'union n ait alors du rnalheur commun,
l'association reparaít régénérée, vivace, féconde, bien-
tót puissante et victorieuse.


Telles sont les phases qui s'offrent aux regards at-
tentifs dans l'histoire de l'humanité, et qui démon-
trent qll'elle ne doit jamais désespérer de la Provi-
dence, et garder sa foi en la liberté.


Les populations de la Gaule entreren t dans une de
ces crises redoutables au moment OU la domination
romaine s'affaiblit devant l'envahissement des Ger-
maius. 11 nous importe de rappeler sommairement les
événements qui s'aeeomplirent a ces époques de per-




- 24 -
turbations profondes, pour nous rendre compte des
épreuves dans lesquelles devait se retremper le prin-
cipe de l'association.


L'histoire de Lyon offre le noble exemple d'une cité
frappée, de siecle en siecle, par les ealamités les plus
diverses, mais sachant toujours se ren dro supérieure
a ses infortunes. Sous la domination romaine, elle
avait joui de deux cents an s de prospérité, et souffert
ensuite d'autant d' aunées de troubles, d'anarchie et de
rniserel Six siecles s' écoulen t encore pendant lesq neis
elle se voit menacéc, envabie, disputée et soumise a
des dominations successives. Sous le joug des Bur-
gundes, elle devient la capitale de leur royaume. De
no mbreux éléments transforment sa population. Deux
races sont en présence : l'une conquérante, l'autre
conquise. Les Barbares a demi ci vilisés par le Chris-
tianisme, mén ageut la vie des vaincus mais les rédui-
sent it la condition de colons ou d'esclaves.


1\ travers des vicissitudes nouvelles, Lyon compte
encore quelques heures de gloire. La poésie et les
lettres y brillent d'un vif éclat sous les accents de
Sidoine Appolinaire. Le zele de ses saints évéques
fait fleurir la foi chrétienne; leur charité, leur force
rnorale deviennent la sauvegarde de la population
contre la brutale et sauvage oppression des nonveaux
monarques (1).


(1~ (( On n'a poinl asscz étudié le honu róle ()ne prircnt les évé-
ques de Lyon au v" ,icele dans les affaíi-cs de ]¡'111' él'0'1ue; its étuient
les protectcurs des populations désolées et leur intermédiairo au-
pre s des pouvoi.s politiques. Ce ne svrait pas leur rendrc une justicr
complete 'Iue de voir seulement en eux de sainls prétres, occupás
des bcsoins inlelleetncls de leur troupeau, ou de eonlroverses théo-




- 25 -
Cependant le royaume de Bourgogne s'écroule sous


les attaques des fils de Clovis ; son territoire se sou-
met aux princes Mérovingiens. Sa capitale subit la
mérne fortune et appartient, suivant le sort des armes
ou des partages, tantót au roi deParis, tantót au roi
d'Orléans. Aux périls de cette instahilité politique,
s'ajoute, pour Lyon, l'épreuve des plus terribles fléaux ;
les inondations, la famine, les contagions déciment sa
popu lation, mais susci tent le saint zele q ui fonde son
hOpital.


Tant d'épreuves ne peuvent abattre l'énergie de la
noble cité; Lyon recouquiert son indépendance et s'af-
franchit de la domination des derniers rois Mérovin-
giens.


Mais les Sarrazins arrivent; plus fanatiq ues que les
Barbares, ils massacrent les populations, brúlent les
églises, renversent tout ce qui reste des constructions
romaines. Leur fureur s'étend sur le pays entier. Ils
n'y laissent ni soldats, ni prétres, ni laboureurs. Ja-
mais si grand desastre ne dósola k territoire Iyon-
nai s.


Charlernagne apparait. 11 prend en pitié la cité dé-
vastéeet ses habitants sans guide et sans soutien, Il
les recueille sous sa protection plutót q u'il ne les
courbe sou s son autorité, et il les confie au savant
Leidrade élevé a la dignité d'archevéque,


l0tiiqul's. Ces hommcsavaient une tres-grande influenee surla mar-
che des uífuircs et. ils en faisaient un digne .usa,e pour améliorer la
condition déplorahle du pouple Iyonnais. » (Monfalcon, p. 265) .


.Voyez uussi l'hommage rondu par Clerjon, (Histoire de Lyon, t. 1,
p. 268, el t. 2, p. 8), a l'influeuce bienfaisantc el civilisalriee des
évéques de Lyon.




-26-
Par les soins de ce digne représentant de l'empe-


reur, Lyon redresse ses murailles et ses édifices. Des
écoles sont fondees pour les enfants et pOl1r les clercs.
Agobard, successeur de Leidrade, continue cette CBU-
vre de rénovation (1).


Mais Charlemagne msurt ; son ernpire se démern-
bre , ses descendants s'en disputent les lambeaux.
Lyon devient l'un des enjeux de leurs prétentions, et
passe successivement du royaume de Lotharingie au
royaume de Provence et a colui de Bourgogne. 11 s'in-
corpore pendant un siecle a la France dont il se déta-
che pour s'unir a l'état usurpé par Boson, jusqu'au
jour ou , par un nouveau caprice de la fortune, il
change encore de maitre et devient ville impériale.


Toutefois l'autorité des empereurs d'Allemagne n'y
est que nominale et aussi illusoire dans la réalité que
celle des précédents souverains. En fait, Lyon, pen-
dant les IX" ee Xe siecles, subit la destinée qui mor-
cela la France en soixante mille fiefs.


Déja les comtes du Lyonnais et du Foroz , suivant
l'exemple de l'usurpation générale, s'étaient peu apeu
constitués souverains au préjudice des rois de France
et du roi de Bourgogne. Ils continuerent a exercer un
pouvoir indépendant SUl' l'apparente dornination des
empereurs.


A leur tour cependant, ils se voient contraints de
compter avec l'autorité eroissante de l'Eglise lyon-
naise, Les deux pouvoirs luttent d'influence, ils ont
leurs serfs, leurs vassaux, et leurs hommes d'arrnes.
De fréquents conflits s'élevent, mais l'ascendant des
comtes s'efface de jour en jour devant celui des ar-


(1) Guizot. - Hist, de la civilisation en Franee, lo 2, le~. XXIII.




- 27-
chevéques qui finissent par exercer seuls la domina-
tion temporelle dans sa plénitude.


Burchard Ir inaugure ce nouvel ordre de ChOS8S au
début du Xle siecle, et cornmence cette série de pré-
lats, princes et gouverneurs da Lyonnais i dont les
mosurs pures et les lumieres furent, en ces temps de
corruption et d"ignorance, une exception glorieuse pour
1'Eglise de Lyon (1).


n.


Quel fut le sort des artisans lyonn'ais sous I'iu-
fluence des transformations politiques q ui Se succé-
derent ainsi du V· et Xle siecle au sein de rrotre cité?
Quelles traces y Iaisserent les aneiennes corporations
romaines? Par quels efforts s'y m anifesta l' esprit d'as-
sociation pendan t cette douloureuse périodc d'agita-
tion et d'instabilité ? C'est ce qu'il nous Iáut mainte-
nant rechereher.


La disparition des colléges d'artisans dans le nau-
frage des institutions im périales avait laissé satis res-
sources ni protection les citoyens voués au travail rna-
nuel. La misere, et les Barbares allaient leur enlever
les derniers vestiges de leur iudépeudance.


te sol oecupé par les envahisseurs fut partagé en-
tre eux. Parrni les propriétaircs dépouillés, ceux-Iá
durent se trouver heureux qui obtinrent de rester en
qualité de colon s sur les terres qu'ils avaient possédés
comme maitres (2). Les artisans moins favorisés se


(1) 1lonflllcoll, p. 333 el 331-
(2) 8ür la situation des CÓIOIIS. Voyez trdploilg, DtI Louuge,


Prclacc 1 p.LI.




- 28-
virent enlever tous moyens de travail et d'existence,
et furent contraints pour vivre de s'attacher comme
esclaves El la personne et a la Iortune des vain-
queurs.


Sans doute la dureté de leur sort fut tempérée par
l'ascendan t des vérités chrétiennes don t les évéq ues
de l'Eglise lyonnaise répandaient au loin la vive lu-
miere. Sans doute la charité, qu'ils enseignaient par
leurs paroles et leurs exernples , modifia les rap-


-ports du maítre et du serf, adoucit les < mosurs et dut
faire disparaítre les violences et les ignominies de
l'esclavage ancien. Mais les principes d'égalité et de
liberté proclamés par le Christianisme ne pouvaient
de sitót pénétrer dans des ames serviles ou barbares,
et d'ailleurs, les conséquences des faits dorninant le
droit et la justice, les races conqmses devaient raster
longtemps encore sous l'étroite dépendance des races
conquér an tes.


Pour que l'unité de condition s'établit, il était né-
cessaire que les différences de fortune, de rang et
d'origine disparussent dans un naufrage commun, et
que l'égalité du malheur mit son niveau sur la desti-
née de tous. Telle fut l'ceuvre des dix sieclesde cala-
mités et de revers qui ont passé sur notre cité. Il n'a
fallu rien moins que tant d'épreuves et de luttespour
confondre les races et reunir en un seul íaisceau les
Gallo-Romains, les Francs et les Burgundes.


Du sein de cette population enfin devenue homo-
gene, nous verrons, au XI· siecle, surgir des associa-
tions nouvelles, et par leurs secours, se former la bour-
geoisie, c'est-á-dire cette classe d'hommes qui ne doi-
vent qu'au travail et El l'épargne leur richesse, leur
honneur et leur liberté.




- 29-
Mais jusques-Ia, la condition des artisans devait su-


bir d'inévitables vicissitudes, sans que l'association
püt leur assurer des resscurces régulieres ou une pro-
tection efficace.


Le plus grand nombre, avons nous dit, avait été
réduit en servitude. Ceux qui échapperent a l'escla-
vage trainerent une vie de miseros et de privation que
la charité so utint d'abord plus que le travail.


Quelques-uns, poussés par leur dénuement a n'at-
tendre des secours que du ciel, se m~lerent au mOUV8-
ment religieux qui entralna tant d'hommes ver s la vie
cénobitique dans les déserts du J nra.


D'autres se créeren t dans les eités mémes des soli-
tudas plus effrayantes. Quatorze recluseries s'éleve-
rent it Lyon au Ve siecle; bientót leur nombre s'accrut ;
il s'étendit dans la campagne au point qu'il fallut don-
ner des reglements aeette multitude d'anachoretes et
fixer les conditions de leur eaptivité volontaire, dont
l' aumóne étai t I'uniq ue res so urce.


Cette ten dan ce a la retraite el a I'isolement n'a pas
toujours été comprise par les historiens (1). Elle est
étrange aux yeux de notre siecle si désireux de
bien-étre et de jouissance. Elle était , au con traire
en ces ternps si agités, le résultat natural des faits
extérieurs, et de l'état des ames. A quelle autre
époque fut mieuxdémontrée la fragilité des biens ter-
restres? Quand l'existence des peuples et des indivi-


(1) L'csprit qui a inspiré I'établissement des recluseries a com-
pletcmenr échappé a l'historien Clerjon , qui se borne aen dire :
« Ce gcnre de vic eonvenait a merveílle a des chrériens ignorants
el paresseux, pour qui l'existence matérielle était tout. » - Liv. 11,
p.tn.




- $,0-
dus fut-elle traversée par plus de vicissitudes? Quand
les projets, les établissements, la vie des hornmes fu-
rent-ils le jouet d'évenernents plus rapides et plusim-
prévus ? J amais les faits ne justifierent plus directe-
ment le précepte du Christ recommandant de ne s'at-
tacher q u'au royaume de Dieu; et en efIet, parmi les
royaumes de la terre,.on n'en vit pas un qui ne fút a
son tour ravagé, ébran lé, envahi, pas une propriété
quí ne Iút men acée ou usurpée, pas un champ qui ne
fú t foulé, dévasté par des oppresseurs successifs, Les
biens de ce monde, la terre, les richesses désignaient
leurs malheureux possesseurs aux convoitises, aux
violen ces et aux spoliations des envahisseurs,


Le désespoir eút dominé et achevé d'anéantir les
opprimés e,t les pauvres, si le zele et la foi des saints
éveques n'avaient ouvert leurs ámes aux espérances
futuras. De la ce besoin de se réfugier, des ce bas
monde, dans le sein de Dieu, pour lui demander, loin
du chaos turnultueux des cités, les consolations spiri-
tuelles qui ne trorn pen t j amais et savcnt défier la fu-
reur des hommes ,


Voila le secret de ces existen ces retiréas dans les.re-
cluseries ou lesdéserts, oublieuses des secousses qui
ébr.~nlcj,Íent les sociátés.


Mais ce mérne détachement religieux qui inspirait
le désir de lit retraite et de I'isolement fit aussi re-
naítre l'esprit d' association.


Jusque-la, le travail avait conservé le caractere dé-
gradant que lui avait imprimé le paganisme en le con-
sidérant comme le lot des esclaves. Le christianisme
venait de proclamer vsa réhabilitation et l'honorait
comme une vertu, Mais le mépris s'attachait encore
a lui et aucune sécurité ne l'encollrageait. I! dut sa




31 --
premiare érnancipation aux associations mon asti-
gues.


Les monasteres d'Occident q ui, sous la direction de
saint Benoit, prirent pour regle les travaux agricoles
ou manuels, appelerent a eux les artisans isolés et
leur offrirent un refuge et un abri bien préférables a la
misero et a l'esclavage. Leurs bienfaits s'ótendirent
au loin. I1s firent conn aitre aux population s les avan-
tages de l'association et leur donnerent l'exemple des
vertus gui s'épanouissent sans efforts au sein d'une
vie résignée, paisible et sanctifiée par le travail.


En dehors de la vie monastique ou de l'esclavage,
les artisans, róduits achercher, dans l'ouvrage de leurs
bras, des conditions d'existence et d'indépendance, res-
taient soumis aux privations les plus dures, et expo-
sés a tous les périls. A peine avaient-ils pu garder le
souvenir des anciens colléges. L'unité de législation
s'était rompue. Aux codes de Théodose et de Justinien
se mélaient ceux de Gondebaud et d'Alaric, Dans cet
ensemble confus de lois, que venaient encore modifier
les canons ecclésiastigues, on ne retrouvait plus au-
cune des regles qui régissaient les corporations 1'0-
mames.


Cornment, d'ailleurs , les associations d'artisans
eussent-elles pu se maintenir ou ren aitre, quand les
individus dispersas on décimés par les guerres , les
inondations, les disettes et les contagions, ne son-
geaient, la plupart du temps, qu'a pourvoir au jour le
jour a leur existence. En vain dans notre vil1e la jonc-
tion de nos fleuves, si favorable au transport des pro-
duits du sol et al'échange des marchandises, sem hlait
devoir raviver l'industrie et le commerce.Quel effort
eút pu triompber de tant de fléaux ? Quelles entre-




- 32-
prises eussent résisté a tant de S8conSSAS et de dé-
sastres?


Seuls, les Juifs firent le commerce et prospérerent.
Sans patrie, sans foyer natal, habitués aplier sous
tous les jougs, ane se désespérer d'aucune adversité
et a chercher sans cesse de ville en ville un aliment a
leur industriausa activité, ils surenl plus aisément
échapper aux vicissitudes des temps et fonder des éta-
blissements de quelq ue duráe. Nous les voyons, des les
VIIIe GtlXe siecles , réunir en leurs mains tous les élé-
ments du commerce et tenir dans une étroite dépen-
dance les [artisans lyonnais. Aussi, en demandant
leur expulsión a Louis-Ie-Débonnaire, I'archevéqns
Agobard obéissait-il moins a ses propres sentiments
religieux qu'aux VCBUX de la population toute entiere,
froissée dans son intérét et sa dignité par les exac-
tions, le monopole et le faste des Israélites, Cepen-
dant Agobard ri'obtint rien du pieux empereur, pas
méme le droit de conférer le sacrernen t de baptéme aux
esclaves des J uifs guand leurs maitres s'y opposaient,
et ceux-ci y conseutaient d'autant moins que, d'apres
les canon s de )'Eglise, l'esclave, en recevant le titre
de chrétien, recouvrait de plein droit la liberté (1).


Bien au contraire, Louis-Ie-Débounaire leur perrnit
de construire une synagogue aLyon. Peut-étre avait-
il en vue les avantages que semblait assurer anotre
ville !'établissement dans ses m urs d'une race in Ius-
trie use et commercante. Mais la haine du peuple lyon-
nais contre les Juifs, loin de s'éteindre, ne fit que


(1) Sur la situalion des Juifs 11 Lyon et les efforls tentés par
Agobard, voyez Mencs'ricr, Hist, Cousuluire de la ville de Lyon,
p. 220 el suivantes.




- 33-
grandir et devait plus tard provoquer leur expulsion
et leur bannissement,


Ainsi l'esclavage, les retraites cénobitiques, l'asso-
ciation monastique ou la misare furent, pendant plu-
sieurs siecles , les conditions entre lesquelles se
partagea le sort des artisans , des dépossédés , des
vamcus.


Sous l'influence civilisatrice de la foí chrétienne, le
travail tendait aétre de jour en jour plus honoré, mais
son affranchissement ne pouvait etre que l'ceuvre du
temps. Un changement dans l'ordre social était né-
cessaire pour donner aux artisans la sécurité et l'in-
dépendance, et une période de transition devait s'é-
couler afin de les préparer a la liberté par une éman-
cipation progressive. Ce fut I'eeuvre, ce fut aussi le
bienfait du régime féodal, Nous allons en suivre l'ac-
complissement dans la cité lyonnaise sous l'adminis-
tration de ses comtes et de ses archevéques,


3




CfIAPITlm JIl.


LES ASSOCIATIONS SOUS LE RÉGBlE FÉODAL.


smnJ¡\l1m.


S I,r. -Ebl des populations au bereeau de 1:1 íéodallté, - Le ser-
váge Sllé'cCdea l'eselavage, - En quoi en différe-t-il ? - Situa-
tion des serfs et des vassaux , - L'assoeiation féodale devient la
condition générale. - Son origine anciennc. - Caraetero du
contrat qui lio le seigneur ct le vassal. - Prcmiérc éraancipation
du truvail agricolo et industriel ,


§ JI. - Lyou ville impérialc. - Gouvcruement dos archcvéqucs.
- Siluatñm prospero des artisans. - Ilonaissnncc du commcree.
- Séeurité duo au régime íéodal.


§ 111. - Origino do la luttc entre les vassaux el les seigncurs.
Associalions ontre los serfs. - Associations entre les hornmes
libres. - L'assoeiation est lo fait earaetéristique de eelte époquc.


§ IV. - Formations des corps de métiers 11 Lyon.- Assoeialion
des artisans dans un but de défense mutuclie. - Apparition de
la bourgeoisie. - Ses progreso - Luttcs des eorporalions Iyon-
naises avee les arehevéques et le Chapilre. - Affrauehissement
de Lyon, - Les corporations y fondent le gouvcrncmcnt muni-
cipal.




- 3~-


1.


Au berceau de la féodalité, la grande masse de la
population était encoré esclave, « alluvion immense
formée de toutes les classes déchues, ou se trouvaient
sous descouches violemment superposées le Franc et
le Gallo-Romain, le vainqueur et le vaincu, l'homme
libre tombé en pauvreté et le serf d'origine (1). »


Courbées sous la dure loi de la servitude, les popu-
lations que leurs dominateurs n'avaient ras ernployées
au service de leur personne ou ades travaux manuels,
étaient presque partout assujetties a la culture de la
terreo Mais bientót, pour tirer parti de leur conquóte,
lesmaitres du sol eomprirent qu'il leurétait néces-
saire d'apporter un tempérament aux rigueurs de l'es-
clavage.


Il est une vérité confirmée par les Iaits a toutes les
époques de l'histoire, c'est que l'agriculture souffre
lorsqu'a défaut de eultivateurs libres elle tombe entre
les mains des esclavos.


Quels efforts attendre de bras serviles que rien n'en-
courage au travail, quand le maitre, qui seul doit en
profiter, n'est pas présent pour donner l'impulsion?
Or, en ces temps de rapides conquétes et de dépos-
sessions successives, le maitre avait assez iJ. faire de
songer asa séeurité personnelle, quand il n'employait
pas le temps a ses plaisirs au milieu de ses compa-
gnons d'armes et de fortuna,


Une seule combinaison put remédier aux vices de


(1) Troplong, dn Contrat dJ Société. Préfacc, p. XXXVIII.




- 36-
l'exploitation agricole laissée ades esclaves, ce fut de
les intéresser au travail en leur concédant une part
dans les profits et une sommeplus grande de li-
berté (1). C'était aussi pour les dominateurs un moyen
sur d'affermir leur autorité sur les populations sou-
mises, et de seconcilier l'approbation de l'Eglise en-
nemie de l'esclavage.


Ves clave devint serf. Il cessa d'étre la chose d'au-
trui, il récupéra la propriété de sa personne, il eut la
faculté de se marier, d'avoir une famille légitime, il
obtint quelques attributions du droit de propriété.
Mais la capacité de tester et de succéder lui futlong-
temps encore refusée. Le maitre, source de toutepro-
priété, reprenait, par une sorte de droit de réversion,
la chose de son serf et tout ce que cet infortuné avait
retiré de la {( manufacture de ses bras et de ses
mains (2). » Cependant la sévérité seigneuriale se
Iaissa fléchir, et admit au sein du servage certaines
distinctions. 11 y eut les serfs proprement dits, atta-
chés a la glebe (adscripti glebas), qui suivaient le sort
de la terre, se transmettaient avec elle, et dont la con-
dition, bien qu'adoucie par les prescriptions des capi-
tul aires (3), restait subordonnée aux caprices du maí-
treo 11 y eut les coloDl ou vilains (villani habitants
des maisons de campagne), qui, bien plus indépen-
dants, recevaient une portian de terre a cultiver, et
avaient la pleine propriété d'une partie de ses pro-
duits, moyennant le paiernent an seigneur d'une re-


(1) Troplong. Du Louago. Préfaee, p. LlX el suiv, - Du Contrat
de Société, Préfacc, p. XXXIX.


(2) Coquillo. Insl. du droit fl'an~ .Ti}, des servitudes personnelles.
(3) Blanqui , Histoire de I'Eeonomie politique, t. 1, p. 155.




- 37-
devanee en argent ou en fruits (1). Mais les conditions
de cette redevance variaient a I'infini, elle n'avait sur-
tout rien de bien limité et les serfs colons étaient,
pour la plupart, taillables et corvéables, a la merci
de leur maitre.


Il y avait enfin tous les autres, subordonnés qui,
sous le titre générique de vassaux, (vassi, arimanni;
seruientes, conditionales), louaient au maítre du sol
Ieurs bras et leur travail pour sa défense ou son ser.,.
vice (2).


Il vint une époque ou les dominateurs ressentiren t
plus impérieusement le besoin de se rattacher les po-
pulations environnantes. Ce fut lorsque!e pouvoir cen-
tral, affaibli sous les descendants de Charlemagne,
perdit son unité, et que la souveraineté divisée par le
fait d'une usurpation générale s'incorpora avec tous
ses attributs a la propriété territoriale. Les seigneurs
prétendant exercer une autoricé plus absolue, voulu-
rent la consolider envers et contre tous. Pour se créer
des appuis plus fideles, ils abolirent définitivement
l'esclavage depuis longtemps condamné par I'Eglise,
et eurent plus que jamaisrecours auxliens de la vas-
salité q ui leur inféodait les artisans, les cultivateurs,
les hornmes d'armes dont ils avaient besoin.


Des considérations inspirées par le -besoin d'une sé-


(I) « leí, dit 1\1. Troplong, nous trouvons le bcrceau de. baux
a locatairic , a cullure, amétairie pcrpéluelle, dónt les traces se
sont conscrvées jusqu'ñ la révolution, etont méme survécu 11 la ré-
généralion de la population agricolc. )} - Dw LiJtlage, Préfacc,
)l. LXXlIl,


(2) Dalloz. Itépertoire de législation, V O Propriété Iéoda!c, n068,
- Chnmpionntere. 'frailé des caux courantes, nO t 29.




- 38-
curité commune s'organiserent autour des cháteaux.
Nul, d'ailleurs, ne put se dispenser do recourir a la
protection des seigneurs. Au milíeu des guerres pri-
vées et des usurpations qui ravageaient incessarn-
ment le territoire, vivre isolé et sans défense était
chose impossible. Il fallut se placer sous lasauve-
garde d'un maitre, Iui soumettre sa personne ou ses
biens, se Iier asa fortune, se reconn aítre, s'avouer son
vassal; l'individu sans ave u se condamnait a rester
sans ressource et méme sans patrie.


Les conditions de cette association n'avaient pa;;; de
précédents dans les corporations romaines, elles re-
rnontaient, par des traditions surtout effacées mais
certaines, jusqu'aux anciennes associations des peu-
pies de la Germanie. Chez les Barbares, en effet, des
guerriers (arimanni, hermani, hommes de guerre) se
réunissaient autour d'un chef auquel ils s'attachaient
par la foi du serment, promettant de le suivre, de luí
obéir militairement, et de combattre pour lui : de son
cóté, le chef s'engageait a les défendre ; ils devenaient
ses hommes, ses suivants vahi; il était leur seigneur
senior, leur société était le seniorat (1).


C'est de ces associations guerrieres, apportées de la
Germanie par les Barbares, tour a tour tolérées ou
prohibées par les dernieres constitutions des empe-
reurs romains, combattues par les rois des deux pre-
mieres races, puis réglementées par les capitulaires
que naquit, apres Charlemagne, le régime féodal.


Les seigneurs devaient non seulement défendre et
protéger leurs vassaux, mais encore leur donner des


(1) Dalloz, VD Pr5l,¡'riélé féoda!c, UD 17. - Championnicrc,
nO' 61 et suivun ls.




- 39-
moyens d'existenco lorsque céux-ci n'en avaien t pas
par leur industrie ou par la possession d'une terreo De
la la constitution d'une solde, [eudum, fiej'(l), laquello
consista d'abord ill~ifl'éremmentdans tout ce qui pou-
vait útre pour le vassal un moyen de subsistance. Les
seigneurs dorinerent en fief tout c~ qu'ils possédaient,
tout ee qui put etre un objet de profit : les rois prin-
cipalernent dounerent les terresfiscales, les produits
domaniaux, les revenus puhlics, en un mot tous les
éléments do fortune que la con quáte avait mis dans
leurs mains. Les hornmes puissants suivirent néces-
sairoment leur oxomple et distribuerent a leurs affidés
des terres, des redevances, des produits de toute
sorte (2).


Aux XI- et XlI- siecles, alors que le régime féodal
couvrit le sol entier de 1'Europe, tous les éléments de
richesse firent l' objet des fiefs, jusqu'a.la possibilité
du pillage et de l'impunité, et de me me que toute es-
peco d'attribution étaitcanvenable pourvu qu'elle as-
surát 1'existence du vassal, de mérne taut mode de
eoneossion put etre indiiféremment employé. Aussi le
eontrat de fief présenta-t-il dans sa forme une extreme
varié té.


Un des traits caractéristiques de 1'association entre
le maitre ot le vassal, e'estque quelle que fút la préten-
tion du seigneur a exercer la souveraineté vis a vis des
hommes soumis a son autorité, il proeédait a leur
égard en vertu d'un contrat supposant un consente-


(1) « Le nom de {irf a souvcnt élé donné 11 Loulc antro chosc lJuc
le lief proprcmeut dit , Le mol {ie] ,ignific solüc, » Dalloz, yO cil,i
nO 22.


(2) Cbumpiounierc. nO 3n el suiv,




- 40-
ment libre et réciproque. Cette liberté, plus ou.moins
réelle, étaít généralement rappelée dans les actes d'in-
féodatíon oü la volonté du vassal sponianea voluntas
était toujours exprímée. Il se résewait ainsi le droit de
se dégager du Iien féodal en restituant au seigneur ce
qu'il avaít recu de lui, sauf,pour s'assurer des'moyens
d'existence, aengager ses services aun autre maitre,


Au fond, le contrat sur lequel reposaít l'association
Iéodale, constituait un louage bien plus' qu'une so-
ciété, L'histoire, éclaírée par l'étnde du droit, démon-
tre que la féodalité, dan s ses rapports avec la classe
des cultivateurs et des artisans, fut soit un baila ferme
perpétuelle ou a colonage héréditaire, soit un louage
d'industrie et de services personnels.


Quoi qu'il en soit, la liberté de l'agriculteor et de
l'artisan se trouvait admise en principe, et quelques
servitudes qu'ils fussent obligés d'accepter, ils étaient
censés contracter Iíbrement. Leur émancipation exis-
tait al'état de germe, il ne dépendait que d'eux-mémes
d'en háter l'épanouissement par l'énergie de leur tra-
vail et l'épargne de leurs profits.


Dans le principe, les conditions du contrat, c'est-a-
dire les redevances dues au maí'tre étaient rigou-
reuses, mais amesure que par leur industrie et leur
économíe les artisans et les cultivateurs purent amas-
ser un petít pécule et en garder la propriété, ils négo-
cierent aprix d'argent l'exemption de quelques-unes
des servítudes auxquelles ils étaient encore soumis, et
parvinrent a se soustraire peu apeu a l'arbitraire sei-
gneurial.


Le travaillivré ason initiative, et devenant l'instru-
ment d'un afi'ranchissement plus complet, prit bientót
l'essor que lui imprimeront toujours le sentiment et la




- Id -
possession de la liberté. L'activité humaine rendue a
sa spontanéité, a son indépendance, ne tarde pas a
donner la mesure de sa puissance. En moins de deux
sieeles, la féodalité vit se former le noyau d'une classe
libre et propriétaire dans les campagnes et d'une
bourgeoisie industrieuse et commercante dans les
cités.


n.


Il est temps d'examiner quelle fut l'influence du
régime féodal sur le sort de la population lyonnaise.


Le pouvoir, dans notre cité, s'était partagé entre
les comtes du Lyonnais et les arohevéques. Les uns
et les autres avaient leurs serfs et leurs vassaux. 11 en
était de méme des abbés d'Ainay, de Saint-Just et de
I'Ile-Barbe, bien qu'ils fussent eux-mémes dépendants
des archevéques. Partout les artisans se -trouvaient
placés sous latutelle d'un maitre, mais partout aussi
ils rencontraient une protection qui leur assurait la
sécurité, etils se voyaient enfin al'abri des perturba-
tions qui jusqu'alors avaient rendu leur situation si
précaire.


L'autorité des archsvéques étant devenue seule pré-
pondérante, la population lyonnaise goüta pour la
premiare fois une tranquillité sans mélange d'inquié-
tude. A tant de siecles d'anarchie, a tant de domina-
tions changeantes succédait un pouvoir ala fois spiri-
tuel et temporel qui ne redoutait ni les rois, ni les ern-


,pereurs, et allait ouvrir au commerce de notre cité
une ere inconnue de prospérité et de progreso


Tranquilles, du haut du cháteau de Pierre-Scize, les




- 42 -
archeváques comptaient parmi leurs vussuux les sires
de 'I'hoire et de Villars, les barons de Beaujeu, les
princes de Dombes, les dauphin s de Viennois, les
comtes de Savoie et mérne les ducs de Bourgogno. Ils
réunissaient dans leur Chapitre, que saint Bernard
appellele plus illustre de France, des fils d'empereurs,
de rois, de ducs, de comtes, et parmi eux des hommes
que leurs lumieres placaient plus haut que leur nais-
sanee.


A l'ombre d'une protection aussi forte, les artisans
et marchands de Lyon n'avaient plus a redouter les
attaq ues du dehors, les pillages, les incendies. La sé-
curité, la confiance permettaient en fin au commerce
de ten ter des opérations importantes. L'amélioration
matérielle ~e la ville, la reconstruction ou l'acheve-
ment des églises et de divers édifices, l'établissement


_d'un pont en pierre sur la Saóne, la protection assurée
ala navigation fluviale, en un mot toutes les mesures
d'une administration habile et réguliere imprimerent
un heureux élan a I'activité et a l'industrie (1).


Les habitants de Lyon devaient done iJ. leurs évé-
gues le bien-étre matériel a cette époque, comme ils
leur avaient díl dans les premiers siecles les Iumieres
de la foi chrétienne, les bienfaits de la vie morale, et
la protection contre les Barbares.


Des événements nouveaux vinrent contribuer au
développement du commerce lyonnais, nous voulons
parler des Croisades qui, en mettant en mouvement
des populations entieres, firent naitre le goílt des ex-
péditions lointaines et Iavoriserent les relations com-
merciales de l'Occident avec I'Orient.


(1) ~I()nfalcoll, p. 333, 3~8 el suiv,




- Ji 3 -
Deux flottes annuellement expédiées a Alexandrio


rapportaient en France des marchandises qui remen-
taient le Rhóne, séjournaient dans notre ville, y don-
naient lieu a destransactions fructueuses, par le
moyen desquelles elles se répandaient dans les pro-
vinces du Nord, et jusqu'en Hollande.


Ainsi protégés, le travail et le commerce versaient
l'aisance au sein de notre population. Mais le besoin
d'una plus large indépendance cornmencait a s'y rna-
nifester. Bientót allait s'engager entre le pouvoir féo-
dal des archevéques et du Chapitre, et les artisans et
marchands lyonnais une lutte qui devait aboutir a
l'émancipation complete de la cité.


IlI.


Partout, a cette époque, se fit jour l'esprit de résis-
tance a la domination seigneuriale; partout, ponr
triomphor, il eut recours a une force unique : l'asso-
ciation.


C'est le temps ou s'établirent daos les campagnes
ces comrnunautés héréditaires entre les mcmbres des
familles attachées a la glebe : associatioris de serfs
humbles a l'origine, et favorisées par les seigneurs,
dans le but non dissimulé d'immobiliser, sur leurs
domaines, d'inépuisables raees de travailleurs, mais
qui placerent en faee d'eux un corps moral survivant
a la mort des individus, possédant son patrimoine,
abstraction faite de sos membres, s'enrichissant par
le travail et les épargnes de générations successives,
ef acquérant de jour en jour assez de force pour lutter
eontre la tutel\e seigneuriale désormais inutile,




-44:-
A cóté dessociétés de serfs, l'histoire des temps féo-


daux nous montre, dans toute la France, des sociétés
d'homrnes libres, formées tacitement daos un but
économique, et appliquantleur travail au développe-
ment de l'agriculture, du négoce, ou au progres de
leur aisance commune. Ces associationstacites ou
taisibles sur lesquelIes un ilIustre jurisconsulte a jeté
les plus vives lumieres (1), ont puissamment contri-
bué a développer l'esprit de familIe, et háté partout,
dans les villes comme dans les campagnes, la pros-
périté de la classe bourgeoise (2).


Tous les intéréts, tous les besoins eurent en méme
temps recours al'association pour obtenir la satisfac-
tion qu'ils désiraien t. C'est le fait caractéristique de
I'époque féodale : et tan dis qu'aux siecles ultérieurs
nous voyons l'esprit individuel se poser avec har-
diesse en face des institutions, l'esprit humain, du X·
au XV· siecle.me procede pas autrement que par voie
d'assooiation : ainsi le besoin d'émancipation donne
naissance aux communes et aux bourgeoisies; le be-
soin de l'indépendance poli tique, aux associations du
baronage contre la royauté et le clergé; le besoin de
sécurité dans les moyens de travail, aux corporations
marchandes et ouvrieres ; le sentiment religieux, aux
ordres monastiques et aux confréries (3).


(1) Troplong. Du Contrat de Société. Préfaco, XL et suiv., el
U OS 196 et suiv.


(2) « C'e~l dans ces sociétés taisiblcs que les mainmorlables s'cn-
richissent, » disait le juriscousulte Lebrun, ch. 1, nO 2. Trailé des
comrnunautés taisiblcs.


(3) Sismondi, t. VII, p. 362 el suiv., t. vru, p. 113 et suiv. -
Voycz aussi Levasscur, Híst. de la elasse ouvriérc, t. ¡ero




-- !~!j --
Examinons comment, dans ce mouvement général,


les artisans et marchands lyonnais sereconstituerent
en corporations, et quelle part glorieuse ils eurent
dans l'affranchissement de leur cité.


IV.


A mesure que les conditions de sécurité qui Iavn-
risaient leur travail l'avaient rendu plus productif, ils
avaient vu s'accroitre leurs ressources, et le premier
usage qu'ils durent en faire, fut de négocier le rachat
de quelques-unes des servitudes auxquelles ils étaient
assujétis vis a vis des archevéques et du Chapitre.


Cependant cet affranchissement partiel ne se réali-
sait qu'au profit des plus riches. Le rachat des droits,
que le régime féodal attribuait aux seigneurs sur la
personne et le travai! des artisans, ne peuvait s'éten-
dre et se généraliser que s'ils se réunissaient pour
discuter en commun et stipuler, vis avis de leurs
maítres, pour le corps de métier tout entier, les condi-
tions de leur exonération,


L'association des artisans qui avaient un intérét
identique, était plus faciledans les cités que partout
ailleurs, paree que les gens de méme métier y habi-
taient les mémes quartiers, et souvent étaient con-
finés dans une méme rue. Les relations de voisinage,
l'assujettissement ades taxes, ou ades mesures de po-
lice communes devaient nécessairement rendre leurs
communications plus fréquentes, leurs rapports plus
étroits, et faire naitre entre eux une ligue défensive.
. Les corps de métier s'instituerent ainsi d'eux-mámes
dansl'ombre, sans bruit, sansrévolte, humbles comme




- 4G-
les artisans qui les composaient, et sournis cornme
eux au pouvoir dominant, mais cependant prenant de
la hardiesse et de la force a mesure que leurs mem-
bres s'enrichissaient par le travai1.


C'est, en effet, dans leur sein, sous leur égide, que
se forma etgrandit cette bourgeoisie lyonnaise, qui
compte déja des noms illustres aux XI- et XII" siecles,
et qui, par son industrieuse activité, devait faire la
gloire et la richesse de notre cité, et se transformer
plus tard en une aristocratie puissante et considérée.


La nécessité d'une défense mutuelle et permanente
contre les dangers qui pouvaient menacer leurs inté-
rets resserrai t de jour en jour les membres des corps
de métier, Ils avaient a se prémunir contre les vexa-
tions des officiers chargés de percevoir les taxes, con-
tre la concurrence des marchands étrangers, contre
les ernpietements des professions rivales, contre
l'inhabileté des artisans méme du métier, qui tendait
il le déconsidérer. De la des roglemenes secrets que
l'on jurait d'observer et qui donnaient une nouvelle
force it la corporation .


La difficulté était de les appliquer. Il Iallait quel-
quefois recourir a l'autorité seigneuriale, en discuter
avec elle la validité et en obtenir la sanction ti. prix
d'argent. Les corporations commsnoaient ainsi a en-
tror en négociation avec le pouvoir, mais a mesure
qu'elles se montraient plus fortes et plus disposées a
défendre leurs intéréts, elles rencontraient aussi des
résistances plus vives.


A la domination des archevéques s'ajoutait celle du
Chapitre, qni prétendait aussi exercer les droits de la
souveraineté temporelle. Les corps de métiers se refu-
serent a subir le joug de ces deux puissances. « Peut-




- ~7-
l\tro la tyrannie de leur domination n'avait-olle pas
augmenté, rnais les circonstances étaient devenues


.heallcoup plus difficiles. Nombre de vil les de France
avaient obtenu des concessions de droit et des fran-
chises ; Lyon, bien moins heureux, se débattait sous
une dou ble j uridiction ecclésiastique. Vingt cités s'é-
taientdélivrées dujoug d'un maitre, et Lyon en avait
deux: le Chapitre et I'aroheváque (1). »


Une lutte devenait irnminente. Elle éclata en 1195,
sous l'administration archiépiscopale de Renaud, fils
de Gui Il, comte de Forez, Ce prélat avait imaginé de
frapper d'un impót tous les comestibles qui se ven-
daient au marché. Les corporations se récrierent vet
ofírirent de payer 20,000 sois, monnaie de Lyon , pom
obtenir la supprossion de la taxo nouvelle. Cetto tran-
saction fut acceptée par l'archevéque et le Chapitre,
mais mal observée par leurs officiers. Les corps ele
métiers se Ieverent en massc, se diviseront en compa-
guies, sous des drapeaux ou pennons de différentes
couleurs, etconílerent la direction du mouvement a
cinquante bourgeois. L'archevéque fit des ccnces-
sions : un traité signé en 1208 accorda de nombreuses
garanties auxhabitauts de Lyon.


Cet événement est remarquable. C'est le premier
acte par lequel les corporations se révelent et appa-
raissent tout organisées. Il eut surtout pour effet de
leur faire connaítre leur propre force et quelle irrésis-
tibie puissance l'association pouvait leuroffrir. Des ce
moment, olles ne cesserent de poursuivre leur eutier
affrauchissemeut du joug féodal. La lutte continua et
dura plus d'un siecle. Nous n'en racouterous pas les


(1) Monralcon, p. 371.




- 48-
pánpéties. Le recit en appartíent a l'hístoire générale
de Lyon. '


En 1270, les corps de métiers, leurs pennons en
tete, s'élancaient a 1'assaut du cloitre de Saínt-Just, •
résolus amettre fin a la domination temporelle. L'in-
tervention du roí Philippe-le-Hardi suspendit les hes-
tílités, mais elles recommencerent sous Philippe-le-
Bel, qui prít partí pour les bourgeoís lyonnaís,
obtint du pape Clément V une bulle aifirmatíve des
droíts de la couronne sur la ville de Lyon, et apres
deux édits connus sous le nom de Philippines, incor-
pora notre cité au royaume de France, en vertu d'un
contrat intervenu, en 1312, entre lui et l'archevéque.
Cette annexion fut suivie d'un dernier traité qui, en
1320, consacra l'établíssement du gouvernement mu-
nicipal et la formatíon de la commune lyonnaise (1).


(1) Lugduncnsís historke monumento, p. %70 el suív.




CHAPITRE IV.


r.E~ ASSOCIATIONS SOUS LE POUVOlR ROYAL ET L' ADMINISTRATIOX
CONSULAIRE.


SmmAlRE.


§ 1. - Situation dcs corporatinns lyounniscs du XIV· au XVI-
sicclc. - 1I1isCre ct fléaux divcrs 11 Lyon. _. Progrés dc I'e s-
prit d'association. - Eífo rts (Irs corporations pour s'affermir. -
Etablisscment <les CDIl("é¡'ies. - Reglemcnts sévereset cxclusifs
sur Ics méticrs.


§ n. - Attiturlc <le la royuuté vis 11 vis des corporations aux
XIV", XV" ct XVIe siéelcs. - Eme lites aP;ris. - Fidélité des
corporatious Iyonnaises. - Faveurs royales qu'clles attircnt á
lcur cité. - Foircs, - Priviléges. - Inlroduction 11 Lyon du
tissage des étoffcs dc soic.- Prospérité reconquisc par le com-
merce Iyonnais.


§ IIl. -Tendanccs nouvelles des corporations. - Fin de leur
róle politiquc, Nécessité d'étudicr leur organisa tion inLé·
ricure.


En moins de deux 'siecles, la population lyannaise
avait subi la transformation la plus heureuse. Es-


o claves sous les invasions, serfs sous le régime féodal,
les artisans de Lyon avaient enfin conquis par l'as-


4




-- 50-
sociation la libre jonissance du fruit de leur travail,
l'indépendance de leurs personnes et l'aífranchisse-
ment de leur cité.


Tels sondes bienfaits par lesquels les corporations
signalent, du Xl- au XlIIc sieclo , leur apparition
dans l'histoirede notre ville. Leurs actes des siecles
suivants ne sauraient etro compares a I'osuvre glo-
rieuse de lenr premier áge. I! importe cependant de
suivre, daus ses difl'érentes phases, lour influencs sur
lo sort politique et commercial de notre cité, et sur la
condition de M population ouvriere.


La bonrgeoisie, issue des corps de métiers, fut
d'abord unie, homogsne, et exclusivement composée
de marchands et de gens de labeur. La propriété terri-
toriale se trouvait aux mains des archevéques, du Cha-
pitre, des mouasteres et des seigneurs. Les hommes
d'étude et les légistes se recrutaient dans le clergó.
Tous les autreshabitants avaient en partage le travail
manuel ou le commerce. Ainsi, a l'origine, une en-
tiere égalité de condition existait entre les membres
des diverses corporations.


Tous les métiers avaient concouru a l'affranohisse-
ment de la cité, tous participerent au gouvernement
nouveau. L'universalité des habitants était convoquée
dans la chapelle de Sain t-Jacques, au son des cloches
de Saint-Nizier. La on procédait a I'élection des con-
seillers de la ville sans qu'aucune condition fút atta-
chée a l'exercice du droit électoral.


Mais, du sein de cette population laborieuse, s'óleva
bientót un certain nombre d'hornmes enrichis par leur
activité et leur économie. Une aristocratie opulente
ne tarda pas a se former dans la bourgeoisie et dé-
serta les eorps de métiers, son premier berceau. Peu a




- 51 -
peu le droit d'élection fut retiré non seulement a la
classe ouvriore, mais encore a la petite bourgeoisie,
el devint un privilége aristocratique.


Dans le méme temps, des calamites nombreuses
frappsrent toute la population, et jeterent.iparmi les
assoeiations d'artisans , une perturbation qui donna
naissance a des regles et ades institutions nouvelles.


La grande peste de 1338 qui dépeupla la contrée,
l'anarchie qui, apres les batailles de Crécy et de Poi-
tiers envahit le royaume, l'effroi semé dans les cam-
pagnes par les mas sacres de la J acquerie et les réac-
tions qui en furent la suite, les impóts exorbitants qui
peserent sur lesvilles pour la rancon du roi Jean et de
ses chevaliers, les ravages exereés jusques sous les
murs de Lyon, par les compagnies d'aventuriers, les
luttes qui se prolongerent entre la royauté et les bour-
geois de Paris, les discordes civiles qui ensanglan-
terent le regne du malheureux Charles VI, tout con-
courut ala décadencc du cornmerce et ala misere des
elasses ouvrieres.


Lyon en ressentit un violent contrecoup. Les corpo-
rations appauvries voyaient avec déplaisir l'adminis-
tration de la ville dévier de son principe et passer aux
mains de l'aristoeratie bourgeoise. Elles s'insurgerent
contra le consulat et tenterent de renverser le gouver-
noment qu'clles avaicn t fondé. Mais Ieur tentative
échoua, et d'ailleurs, telle devint la misere du temps,
qu'ouvriers el marchands furent contraints en grand
nombre d'abandonner notre cité ou ils ne trouvaient
plus agagner leur subsistance par le travail (l~


Lyon eut a traverser une de ees erises douloureuses


(1) l\Iollfálwll, p. 452, 1.83.




~ tí2 -
trop fréquentes dans son histoire, mais dans lesquelles
l'énergie de ses habitants se montre presque toujours
supérieure aleur mauvaise fortune.


En ce temps de détresse, le principe de l'associa-
tion, fécoudé par la charité chrétienne, fit naitre une
institi.tion hérbíque mais incompatible avec les exi-
ge~ces de l'état social. Ce fut la société des Fréres
adopti{s, dont les membres s'engageaient it mettre en
commun tous leurs biens, et it s'aimer et s'entr'aider
comme s'ils étaient réellementissus de la melle mere,
Cette tentative, inspirée surtout par les malheurs de
l'époque, provoqua d'abord un vif enthousiasms stfu t
accueillie comme un bienfait de nature a réparer les
inégalités de la fortune. Mais sa réalisation devait,
on le comprend, rencontrer d'insurmontables diffi-
cultés, et bientót il n'en fut plus question,


'foutefois, cette utopie démontre combien l'esprit
d' association s'insinuait dans les mceurs, Les Juifs
eux-memes, afin de mieux résister aux désastres de
ce temps, s'organiserent en communautés, qu'ils dé-
signerent par le nom bizarre de Sociétés des Chapons
(Societates Caponurn) (1).


Les corps de métiers, fortement ébranlés par la
décadence du commerce et les fléaux nombreux qui
avaient diminué la population, furent cependant le
refuge des artisans lyonnais centre les aiguillons de
la misere et les funestes inspirations du désespoir.


L'esprit religieux, toujours plus ardent pendant les
périodes calamiteuses et toujours si vivant dans le
cceur de notre cité, ajouta a ses eorporations l'insti-
tution des con{réries. Cette innovation ne fut cepen-


(1) Monfalcon, p. ~82.




- 53-
dant pas particuliere aLyon, elle apparaít et se dévs-
loppe a la méme époque dans toute la France.


\( Les statuts des corps de métiers ne s'adressaient
en quelque sorte qu'au citoyen et a l'artisan. Ceux de
la confrérie s'adresserent a l'homme et au chrótisn.
lis s'inquiéterent de son bonheur, implorerent-pour
lui, dans le danger, l'assistance divine , ordonnersnt
des priores et des messes pour le salut de son áme,
celle de ses parents, de ses amis et de ses bienfai-
teurs, réglerent ses mtes et pénétrerent dans le détail
de sa vie intime. La confrérie se proposait un but
qu'elle n'atteignaittoujours qu'imparfaitement: c'était
de faire de tous les hommes du méme métier comme
une seule famille, unie par la foi sous le patronage
d'un méme saint, et par le plaisir dans de joyeuses et
fréquentes assemblées. Quelques-nns de ces traits se
trouvent bien dans les colléges romains et dans les
corps de métiers, mais jamais ils n'avaient été aussi
bien marqués ni aussi fortement réunis; jamais on
n'avait, dans les associations ouvrieres , donné une
place aussi large a la religion et a la confrater-
nité [L). »


Est-ce adire qu'aux XIV· et XV· siecles la foi füt
plus vive et plus pure qu'au temps des croisades qui
avait Vil renaitre les corporations ? Non, mais au mi-
lieu des agitations et des douloureuses épreuves qui
remplissent la déplorable période de la guerre de cent
ans, les ámes troublées éprouvaient le besoin de se
presser autour de l'Eglise et de chercher dans les pra-
tiques religieuses l'espérance et la consolation.


Les corporations elles-rnémes sentaient, a d'autres


(1) Levasscur, t. 1er, p. 468.




-54-
points de vue, la nécessité de se raffermir, et añn de
traverser victorieusement les calamités de cettc épo-
que, elles resserrerent leurs nosuds, et introduisirent
dans leurs statuts des conditions propres arestreindre
leur acces, et a les protéger contre la concurrence.
C'est ainsi que fut désormais imposée aux candidats
l'obligation de témoigner de leur capacité par l'exécu-
tion d'un chef-d'osuvre, et que les reglements concer-
nant les procédés de fabrication comrnencerent a se
montrer plus minutieux, plus exclusifs et plus sé-
veres (1).


Ir.


Mais ce n'était pas seulement par les concurrents
du dehors ou de l'intérieur que les corporations se
voyaient menacéos. La royauté qui les avait aidé
a briser les entraves du pouvoir féodal, ne pouvait
tolérer l'indépendance et les priviléges qu'elles pré-
tendaient garder. Il entrait dans son oeuvre de mal-
trisel' les corps de métiers comme de sournettre les
derniers représentants de la féodalité et les communes
elles-rnémes, afin de réunir sous les rnémes lois la
noblesse, la bourgeoisie et les artisans, et de consti-
tuer ainsi une natíonalité une, compacte et homogene,


Des 1351, le roi Jean avait tenté de rompre le mo-
nopole des corporations de Paris , en permettant a
« toute maniere de gens quelconques, de Iaire CBUHe,
« labeur ou marchandise quelconques, » a la seule
condition que « l'ceuvre et marchandise fút bonne et
« loyale, » et en soumettant les marchands et arti-




55
•sans a. l'inspection des prud'hommes choisis pat' le


prévot (1).
Nous n'avons pas a nous oecuper des conséquenees


de eette tentative qui échoua devant la résistance des
eorps de métiers de París, non plus que des mesures
prises par les successeurs de Jean-Ie-Bon , etdes
mouvements révolutionnaires qui en furent la suite.
Les corporations Iyonnaises n'y eurent aucune parto
En vain le prévót Marcelles sollicita de préter Ieur
concours a l'insurrection parisienne et Ieur envoya
rnéme d'ardonts provocatcurs ; en vain plus tard les
mailloiins leur firent un nouvel appe!. Elles resterent
íideles au pouvoir royal dont l'appui les avait se-
condées dans l'affranchissement de leur cité: Elles
refuserent abon droit de prendre part aces luttes san-
glantes qui eurent pour effet de livrer aux Anglais
la Franco sans défense , appauvrio et épuisée par la
discorde (2).


Et cependant des soulevements populaires auraient
pu aisément surgir du dénuement absolu ou se sont
trouvés les artisans lyonnais pendant toute la se-
conde moitié du XIV: siecle et la premiere partie du
XV·. Mais les corporations de Lyon eurent le remar-
quable mérite de subir avec constance et fermeté cette
longue épreuve, Elles les traverserent en ravivant


(1) Levasseur, t. ¡fr, p. 393 et suiv,
(2) La fidélité des COl'pS de méticrs de Lyou a la royauté n'cx-


eluait en eux, ni I'énergie, ni la résistance aux prétentions qui leur
parurent illégirimcs. C'cst ainsi qu'ils se refusércnt U paycl' les irn-
póts qui avaicnt été votés sous la captivité du roi Jcan pal' les ét«ts
génércux, suns le concours régulior des députés envoyés pnr la ville
deLyou.




•leur foi religieuse par la création des confrérios et en
resserrant leurs liens par des statuts séveres , par
l'assistance mutuelle et les oeuvres de charité.


Cette attitude courageuse, cette fidélité exemplaire
plurent aux divers souverains qui visiterent notro
cité, et elles lui attirerent de précieuses faveurs. En
témoignage de sa recounaissnnce, Charles VI trans-
téra a LYOIl la fabrique de monnaies qui cxistait a
Mácon et y créa deux foires armuelles. Charles VII en
établit une troisierne, et accorda aux marchands qui
s'y rendraient les mérnes franchises qu'a ceux des
foires de Champagne et de Brie.


Louis XI agrandit encere les priviléges de nos
marchands et artisans. Vivement épris des Lyonnais,
qui lui témoignaient une franche sympathie et avaient
adopté ses couleurs, il donna, par diverses ordon-
nances, une telle extension aux foires de notre ville,
que les Etats de 1184 (sous Charles VIII), se plaigni-
rent que tout l'argent du royaume s'y rendait pour
s'écouler de la dans les pays étrangers.


Gráce aces mesures protectrices et al'activitéde
ses corps de métiers, Lyon avai t reconquis, a la fin da
XV" siecle, le premier rang parrni les cités commer-
cantes, Deux arts nouveaux : l'imprimerie et la fabri-
catión des étoffes de soie vinrent Iui ouvrir les sources
d'une plus grande prospérité.


C'est encore a Louis XI qu'est due l'introduction
dans nos murs du tissage de la soie. L'importation de
cette industrie en France rernontait au séjour des
Papes a Avignon. L'usage a la cour papale des draps
d'or et de soie avait attiré dans le comtat Venaissin
des tisseurs floren tins et lucquois. Les riches pro-
duits de leur fabrication se répandirent bientót pal




- 57-
tout le monde, et servirent aux ajustements des
hommes et des fernmes dans les hautes classes. Plus
tard les foires de Lyon en activerent encore 1'écoule-
ment ainsi que la vente des étoffes de méme nature
fabriquées en Italie. Louis XI cornprit combien la
concentration d'une telle industrie dan s une cité fran-
caise pouvait offrir de ressonrces a sa population, et
accroitre la riohesse du royanme. .


Par lettres patentes du 24 novembre 1466 (1), il or-
donna 1'établissement, aLyon, d'une fabrique d'étoffes
de soie. Dans ce but, il imposa a la ville une taxe de
2,000 livres tournois destinée á l'achat des mótiers,
des matieres premieres et a la rémunération des ou-
vriers tisseurs des deux sexes, des teinturiers, mouli-
niers, dévideuses, etc, L'exemption de toutes tailles et
irnpóts.et du servioo de guet et de garde fut assurée
aux ouvriers en soie qui vinrent s'étabIir aLyon.Deux
d'entre eux furent chargés, par le roi, d'organiser et
de surveil!er, aveo l'ussistance du Consulat, la fabri-
cation des étoffes.


La corporation une fois constituée vit son existence
protégée par les moyens que 1'on considérait alors
comme les plus efficaccs. Défense fut faite, aux mar-
chands, d'introduire en France les draps d'or, d'argent
et de soie, ain si qno les g alon s étrangers, et aux chefs
d'ateliers , compagnons et apprentis, de porter leur
industrie hors du pays. La liberté personnelle de l'ou-
vrier comme celle du commerce fut entravée dans
I'intéret de la cité; enfin, des marques durent consta-
ter l'origine des étoffcs. Ces di verses mesures com-


(1) Archivrs littcruirvs cl statistiqucs du dépurtcmrnt du Itlróuc,
t. VIII, p. 130.




- 58-
primsrent dans son berceau la fabrication n aissanto
loin d'en favoriser l'essur, et elle demeura Ianguis-
sante jusqu'au jour ou Francois Ier vint la ranimer.
Quoi qu'il en soit, notre cité dut aLouis XI le prcmier
essai de l'industrie qui a fait jusqu'a ce jour et fera
encore sa richesse et sa gloire (1).


IIl.


La prospérité de Lyon, a la fin du XV· sieclc, était
done, comme nous venons de l'indiquer, I'ceuvre de
ses corporations, et lo fruit des faveurs royales qu'elles
avaient méritées par leur courageuse énorgie et leur
sage et constante fidélité. Cette époque marque anos
yeux la fin de leur role politiquo et de l'influence di-


(1) Diverscs causes rcndircnt infructueux les cssais tentés sous
Louis XI. L'usage des draps d'or et de soie prit une telle exlension
au XVI" siecle, flue les marchands Iyonnais furent obligés, pour
suffire aux besoins de la eonsommation, de s'approvisionner cxelu-
sivemcnt en Italie, malgré les droits de douano quí f('arpaient les
tissus étrangers. Cet état dcchoses devait subsister jusqu'á ce que
des méticrs a tisscr fusscnt établis iJ. Lyon en nombre suffisant.lIIais
ccttc eréation exigeait des eapitaux, l'initiativo d'hommes énergi-
lJues et éclairés et le eoncours d'ouvriers habilcs. Deux Piémontaís,
Etienne Turquctti et Barthélcmy Narriz, parvinrcnt, apres beaucoup
de sollicitu de, areunir ces eonditions indispensables de suecos. Des
\ctlres patentes de Francois [er (oetobre 1536) el des odonnanccs
du Consulat lcur accorderent, ainsi qu'á leurs commnnditnires et 11
leurs ouvricrs, divers priviléges qui leur pcrmirent d'arriver alcurs
Ilus. On peut les considércr eomme les véritahlcs fondateurs de la
soieric lyonnaise. -- V. aux archives L1e I'Hótcl-dc-Yillc les pillees
diversos relatives a l'étahlisscrncnt de In falu-ioulion <1r,-, <'torre5 <1"
soic de L.YOll,




- 09-
recte et efiicase qu'elles ont exercée sur les destinées
de la cité.


Nous ne les yoyons plus prendre qu'une part res-
treinte dans l'administration munipale. Elles ne con-
tribuent al'élection des conseillers de la ville que par
le suffrage de deux membres de chaque métier qui
les représentent, quoique choisis par le Consulat, et
qui votent sous l'inspiration et la diroction des con-
seillers sortan ts.


Ainsi éloignées des affaires de la cité, elles se con-
centrent sur elles-rnémes et se préoccupont exclusive-
ment de leur intérét privé trop souvent contraire a
l'équité et iL l'intérét général. Elles ne s'attachent qu'a
protéger le travail et la personne de leurs propros
membres, et iL perpétuer leurs priviléges sans se
préoccuper des droits d'autrui.


Cette tendance n'est nullement partieuliere aux as":'
sociations lyonnaises; partout elle se rattache aux
méznes causes et se manifoste par les mémes cifets.
L'étude de leur organisation intérieure va HOUS per-
mettre d'apprócier plus sürement leur esprit, leur ca-
ractere, le but qu'elles ont poursuivi , et l'iniluence
qu'elles ont exercée sur la condition morale et maté-
rielle de la population ouvriere (1).


(1) Di~s cettc époquc, le nombre des corporutions lyonnaises
s'élcvait a plus de soixautc. Suivaut Rubys, il y en avait eu soixante-
douze, !\Ienest!'ier u'eu cite que soixante el une, dont l\I. Monfaleon
a douué l'énumération dans son Histoire de Lyon, p. 527. 11 nous
semble inutilc de Irnnscrirc eelle nomenclaturc.


La plupart des slaluLs de ces corpoi ations out été imprimés el
sont soigncuscmcnt conserves a la BibliothelJue de la vil le. C'cst
la que uous avons pu les consultor el puiscr les doeumcnts néces-
saircs pour' les chnpilrcs suivants.




CHAPITRE V,


CONSTITUTION INTÉRIli:URE DES CORPORATIONS.


SOl\BIAIRE.


§ leo. _ Caractére originaire des eorporalions. - Nées de la feo-
dalité, elles sont cllos-rnémes un privilége féodal. - Leur esprit
d'cxclusiou. - Avanlages qui en résultcnt dan s le príncipe.


§ 11. - Organisation des confréries. - Ahus. - Prohibitions,
ESPI'it religieux des eorps de méticrs lyonnais,


§ 1Il. - Adm'n istration intérieure dos corporations : - ~Iailrcs'
gardes. - Courriers. - Cleros du métier.


§ IV. - Compositiondcs eorps de métiers. - Apprcntis. - Com-
pugnons. - Maitrcs. - Condilions d'admission. - Droits de ré-
ception. - Chcfs-d'ceuvrc.


§ V. - Except.ions aux regles d'admission, - LcUres de maitri-e .
•.- Faveurs accordées aux fils, filies, .orphelius el veuves de
maitrcs.


§ VI. - Obligalions diversos des maitrcs. - Reglcs relativos ¡,
la fabricalion. - Marques de fabrique. - Amendcs. - Ucgle-
menls partieuliers.


§ VII. - Budgct des e orporntions. - ,Dépenscs pienses et chari-
tablcs. - Dépenses faites dans l'inlclet cxclusif du mótier, -
Lcur cxagérutiou , - Abus qui cn résultcnt. - Cuus-s de ruine.




- 61 -


l.


Nées d'une nécessité de défense mutuelle, les COf-
porations, depuis leur origine, jusqu'a la fin de leur
existence, ont gardé dans leur organisalion l'em-
preinte de leur caractere primitif.


Nous avons vu les artisans obtenir une premiare
émancipation sous le régime féodal, qui d'esclaves les
avait transformés en serfs, ayant la propriété de leur
personne et la disposition de tout ou partie des fruits
de leur travai1. Ils restaient toutefois étroitement as-
sujétis aux seigneurs et se voyaient exposés, par leur
faiblesse et leur isolement, aux spoliations de la force
brutale,


L'association,· refuge des faibles et des opprimés,
leur fournit les moyons de résister a l'arbitraire de
leurs rnaítres et aux dangers divers qui menacaient
le libre exorcice de leur métier ou la tranquille jouis-
sanee du gain qu'ils y trouvaient.


Le premier acte des corporations fut de négocier
avec les seigneurs la transformation des corvées ou
contributions, auxquelles Ieurs membres étaient sou-
mis, en taxes ou impót, a la charge de la communauté
toute entiere.


Leurs premiers reglements eurent pour objet d'as-
surer a chacun l'exercice exclusif de son métier et de
le défendre centre les atteintes de la concurrence ou
les usurpations d'une rivalité déloyale.


Mais ces disposi tions protectrices, d'abord tenues
secretes, n'étaient pas toujours efficaces. Malgré le
serment des associés, elles n'étaient qu'imparfaite-




- G2-
ment oxécutoires contre les délinquants, et elles de-
meuraient saus force vis a vis des tiers. L'approba-
tion de l'autorité royale ou seigneuriale pouvait seulo
les revétir d'une sanction et les rendre opposables a
quiconque voudrait les méconnaitre.


Cette reconnaissanco, qui ne s'obtenait qu'avec
peine et apres bien des luttes et des négociations,
était le but supremo auquel tendaient les corporations
naissantes, C'était la charte de lour affranchissement,
l'acte constitutif de leur existence Jégale, la consécra-
tion des droits conférés aux artisans recus dans le
métier, a l'exclusion de ceux qui n'y étaient point ad-
mis. Aussi les privilégiés se montrerent-ils fort sou-
cieux de garder pour eux seuls 13 profit de leur situa-
tion exceptíonnelle. De lit les précaution s prises pour
restreindre l'acces des corps de métiers; de la. cet es-
prit d'exclusion qui, des le principe, se manifeste dans
leurs statuts et no cessa de s'augmenter amesure que
le nombre des concurrents ou des candidats dovint
plus considérable.


01', en ces temps de troubles et de luttes, il n'était
pas raro de voir des artisans et marchands abandon-
ner les pays trop inhospitaliers et rechercher les con-
trées ou le joug féodal leur paraissait le moins dur
pour le commerce. La situation favorable de Lyon, la
domination puissante des archevéques, qui assurait
une certaine sécurité ases habitants, y attirerent des
étrangers. Des le XIIc siecle et surtout au XIII", on
voit fréquemment des Florontins et des Lombards s'y
établir. Les citoyens des républiques italiennes, dont
lo commerce était si florissant mais si souvent trou-
blé par des seeousses politiques, trouvaient en quel-
que sorte, aux portes de leur patrie, un refuge assuré





- G3-
dans notro ville, et des eommunieations faeiles qui .
leur donnaient l'espéranee de fonder des établisso-
ments prosperes.


Mais les eorporations s'ouvrirent difficilement a ces
nouveaux venus, dont elles redoutaient la eoncur-
renco, et qui leur semblaient enlever aux ouvriers
Iyonnais une partie de leur travail et de leurs pro-
fits (1). Les étrangers se virent done obligés de se
réunir entre eux, et forrnerent plus tard quelques as-
sociations partiouliercs.


On comprend eette appréhension des corps de mé-
tiers et ce zele a défendre et a garder, pour leurs mern-
bres seuls, les priviléges qui les élevaient au-dessus
du droit ccmmun et qu'il s navaient obtenus qu'avec
tant de difficultés. Sans doute cet esprit exclusif dut
aboutir aux graves abus que nous signalerons, mais
il contribua puissamment, dans le príncipe, aresserrer
l'association des artisans de méme profession. Les
corporations furent, pour eux, comme une citadelle
féodale, dans laquelle ils seretrancherent, afin d'exer-
cer avec sécurité leur industrie et d'en recueiUir les
bénéfices sans eoncurrenee et sans partage. II fallait
cette sauvegarde étroite pour modifier la condition de
I'artisan et le faire sortir de l'état précaire ou depuis
tant de siecles il avait végété, entre l'esclavage, le ser-
vage et la misereo


(1) YO}"Z ei-:ll'l'i·s 1" § IV.





-64


n.


La religion seule pouvait abaisser les barrieres éle-
vées par l'égoisme. Les confréries (dont l'établisse-
ment, comme nous I'avons dit, fut surtout inspiré pa.r
les malheurs des XIIIc et XIVe siecles) se montrereut
plus larges que les corporations. Elles se composaient
fréquernrnent de plusieurs eorps de métiers réunis
sous la protection du memo saint, convoqués dans la
méme chapelle, prenant part aux rnémes pratiques du
culte. La, les rangs étaient confondus, aueune dis-
tinction ne subsistait entre les maitres, les apprentis
et les compagnons. Ils étaient tous égaux devant
l'autel, comme en présence des eercueils qu'ils accom-
pagnaient de leurs prieres eornmunes.


Mais telle est l'infirrnité de notre nature, que les
meilleures insti tutions humaines portent en elles le
germe de leur dissolution. Les confréries, instituées
pour offrir a des hornmes de labeur des eonsolations
et des joies communes dans l'accomplissement des
devoirs de religion et de charité, devinrent l'occasion
de réunions profanes, oú les instincts grossiers, la
dissipation, le plaisir et la débauche ne tarderen t pas
a se montrer; et eomme les vices sont de tous les
temps, et se manifestent partout par les m émes exces,
les orgies don t les corporations rornaines donnaient
le triste spectacle a la suite de leurs assemblées et de
leurs eonvois íunebres, se renouvelarent au sein des
confréries .


L'Eglise et la royauté durent s'eu émouvoir. Un
concile tenu aSens, en 1524, constate: (e Qu'au lieu,




- 65-
({ par les confreres , d'employeg les fétes des patrons
« qu'ils ont choisis a l'assistance du service divin, ils
« les passent dans l'exces de leurs repas, et employent
« acet usage profane et criminelles deniers destinés
« aux osuvres le piété (1). » Le clergé défendit donc
les associations qui, sous le nom de confréries, fai-
saient de la religion le voile de la débauche, Le parle-
ment de Paris rendit des arréts dans le méme sens, et
les ordonnances royales déclarerent « interdites et dé-
« fendues toutes confrairies de gens de mestiers et a1'-
« tisans par tout le royaume (2). »


Rien ne nous autorise a eroire que les eonfréries
lyonnaises aient provoqué ou mame simplement en-
couru, par leurs désordres, l'application de ces me-
sures prohibitivas. Mais elles durent néanmoins en
subir l'effet, et elles se modifíerent a leur avantage.
Leur extension, qui laissait sans doute la discipline
et la vigilance en défaut, fit place au lien plus étroit
qui désormais unit intimement, et eonfondit méme la
eonfrérie avee le corps de mátier.


Tous les statuts des eorporations lyonnaises (soi-
gneusement recueillis a la bibliotheque de la ville)
contiennent l'énumération des devoirs religieux aux-
quels étaient soumis en commun les maítres , les
compagnons, les apprentis, et les regles relatives a
I'exercice de la profession et ala maitrise.


Chaque corps de métier forma ainsi, depuis le XVI"
siecle, une association a la fois religieuse et profes-


(1) Delamare , Traité de la police, 1, /i05.
(2) Arrets de 1Ii98 el 1500. - Ordonnances royales dé 1539,


1561, 1566. el 1567. - Isambert, Aneiennes lois franeaiscs, l. XIV.
5




- 66-
sionnelle, ou la discipline, confiée aux maitres-gardes
ou syndics, s'exercait avec sévérité.


Les articles des statuts qui reglent les devoirs reli-
gieux des membres de métier, se distinguent un ani-
mement par la fermeté des principes, le nombre saga-
ment limité des réunions générales et le caractero con-
fraternel des pratiques pieuses. Partout, la condition
premiare, pour ¡'jtre admis aux épreuves de l'appren-
tissage,du compagnonnage ou de la maítrise, est d'ap-
partenir a la religion catholique. En vain notre cité se
trouva plus d'un an sous la domination exclusivo des
calvinistes, Le protestantisme y fut ernbrassé 'par un
certain nombre de familles que le commerce avait en-
richi. Ses adeptes y forment encore aujourd'hui une
caste aristocratique; quelques sectes divergentes out
bien pénétré dans la population, rnais le catholicisme
est resté la religion aimée des masses (1).


Les corporations lyonnaises demeurerent , jusqu'a
la fin de leur existence , fidsles a l' antique foi reli-
gieuse et au culte de la Vierge Marie et des saints. On
les voit invariablement se placer sous le patronage
d'un bienheureux et lui dédier une chapelle, pour l'en-
tretien de laquelle chaque membre était assujéti au
payement d'un droit de confrérie de une a. deux li-


(1) Le triomphe des calvinistas faillit compromeUre l'industrie
de In soieric, Les ouvriers en soie, don! la corporation élait cssen-
ticllemcnt eatholique, se réfugierenl en grand nombre 11 Avignon et a
Genes. II est vrai que dans la réaetion qui suivit, les ouvriers impri-
meurs, appartcnant pour la plupart au culte reformé, durent se reti-
rer a Gcnéve. Celle néccssité ne fut pas cependant la cause de la
décadencc de l'imprimeric aLyon. Elle tint ad'autrcs circonstances
SUl' lcsquelles nous aurons plus loin un mol 11 (Jire.




vres (L), C'était devant l'autel, paré aux frais de tous,
que la rnesse était chantée et le pain bénit partagé aux
grandes solennités et au jau!' annuel de la feto patro-
nale. Le lendemain, le service divin était célébré pour
les associés décédés dans l'année. Joies et deuils, re-
grots et espérances, douleurs et consolations deve-
naient ainsi l'objet d'un mutuel échange et S8 sancti-
fiaient par la priere en commun (2). .


III.


L' administration et la discipline étaient confiées aux
maltres-gar:les, syndics ou prud'hommes. Ils étaien t
au nombre de deux ou quatre. Pour leur élection,
dont le mode était le méme dans tous les métiers, la
communauté se réunissait le dimanche avant la fete
de saint Thomas ou celle de l'Immaculée-Conception
de la Vierge. Elle nommait un maitre-garde sur deux
ou deux sur quatre (suivant le nombre fixé par les
statuts), et elle dressait une liste de candidats parmi
lesqueIs l'autoritó consulaire choisissait un 01,1 deux
autres maitres-gardes (3).


(1) Ces ehapelles étaient établies dans les églises de Saint-Bona-
vcnture, Saint-Nizier, des Jaeobins, des Carmes el des Augustius.


(2) Dans quelques corporatious , les réunions étaient plus fré-
quentes. Ainsi les tourneurs offraicnt le pain bénit a leur ehapelle
tous les dimanchcs. (Art. 1I de Icurs Statuts),


(3) L'électiou des maitres-gardcs ne fut pas toujours exemptc
d'abus, Une ordonnanre du consulat du I¡, décemhre 1785 signalc
les ( brigues, sol1icitations el nutres voies par lesquelles on élude les
reglcments relatifs aleur nomination )) et elle prescrit des mesures




- (;8 -
Les nouveaux élus prétaient serment, devant le pré-


vót des marchands, de bien et fidelement remplir leurs
fonctions, et ils étaient assistés, jusqu'a l'année sui-
vante, par les maltres-gardes sortan tde charges qui gar_
daient le titre d'adjoints. Leur autorité émanait ainsi
tout a la fois du suífrage des mernbres du métier et du
ehoix fait par l'autorité consulaire; et elle se trouvait
maintenue dans les traditions les plus conformes a
l'esprit des reglemAnts et a I'intérét de la eorporation
par l'assistance et les conseils des anciens syndics.


Ils avaient pour mission de veiller au bien-étre mo-
ral et matériel de la société. Ils assistaient aux con-
trats d'apprentissage, procédaient a la réception des
compagnons et recevaient le serment des maitres nou-
vellement admis. Illeur était enjoint de refuser tout
candidat étranger au culto eatholique ou de mauvaise
vie notoire ou frappé de quelque condamnation (I},


Ils étaient tenus de faire annuellement un certain
nombre de visites achaque maítre de la corporation,
afin de surprendre et de constater les infractions aux
reglements ou les défectuosités du travail et des mar-
chandises. Ils requerraient alors l'assistance d'un
huissier pour dresser preces-verbal des contraven-
tions, et ils traduisaient les délinquants devant le
prévót des marchands et des échevins.


lendant 11 yremédier-, el aassurer la nomination de maítres-gardes
remplissant leurs devoírs el réprimant les contraventions. '- Re-
glements des marehands el ouvriers de draps d'or et de soie, édition
de 1708, p. 63.


(1) Les statuts de plusieurs rnéticrs frappaicnt d'une arncnde de
50 livres les rnailres-gardes qui recevaient duus la eornrnunauté un
caudidat ue rernplissant pas les conditions voulues.




- G!J-
Bien que leurs fonctions fussent gratuites, il leur


était, dans la plupart des métiers, alloué trois livres
par visite, non compris les frais de l'huissier et de
son assistant, le tout pris sur le produit des contra-
ventions (1).


Les syndics ou maHres-gardes étaient encore ehar-
gés d'empécher l'usurpation des droits et priviléges
du métier, par des individus qui n'en faisaient pas
partie et par les eorporations de profession analogue.
A 'cet effet ils étaient armés d'un pouvoir fort étendu
qui les autorisait mérne a faire dBS visites dans les
ateliers et boutiques de métiers différents (2).


Enfin ils étaient les représentants légaux de la com-
munauté en justiee, et ils devaient prendre toutes les
mesures nécessaires al'administration de ses intéréts;
mais ils ne pouvaient intenter aueune instanee, ni y
défendre, ni eontraeter aueun emprunt saus y avoir été
autorisés par une délibération prise dans une assem-


(1) lis remplissaient de la sorte une fonctíon disciplinaire tout 11
Iait analogue acelle don! sont ehargés aujourcl'hui lcs membres du
jnry médical vis 11 vis des pharmaeiens, des droguistes el des herbo-
ristes. (Art. 29, 30, 31, loi du 21 germinal, an 1I).


(2) Ainsi la corporatiou des tapissiers s'était fail attribuer le mo-
nopole de la Iabricntion et de la vente des mcubles lICUrS, et elle pré-
Iendait les interdiro atoute nutre corporation , Elle avait, cn con sé-
qucllce, inséré l'article suivant dans ses staluts : « tes maitres-
gsrdcs pourront allcr en visile quand bon leur semblera chez les
maÍlres de leur art el mérne ehez les taillcurs, frippiers, revendeurs, ...
revendeuses, rcgrettiers et antros personnes indiquées, soupeonnées
de travailler 11 des meublcs neufs, el faíre ouvrir, en cas de refus, les
endroits fermanl 11 clcf ... » (Arl. xx),


Des dispositions analogucs se voient dans un grand nombre de
statuts,




- 70-
blée générale des maitres, et ensuite homologuée au
« consulat, <1 a peine de supporter en leur propre et
« privé nom tous les évenements qui pourraíent en
« résulter. »


Outre les maí'tres-gardes, [les corporations lyon-
naises comptaient desfonctionnaires appelés cour-
riers, spécialement chargés du service de la chapelle
et de la perception des droits de confréríe. Parfois ils
remplissaient les fonctions de trésoriers collecteurs ou
gardiens de toutes les ressources de la communauté.


Enfin, la plupart des associations possédaient en-
core un secrétaire OU archiviste, nomnié " clerc du
métier, » et un concierge qui faisait les oonvocations
ou portait les avis des maitres-gardes aux membros
de la oorporation.


rv.


Les corps de métiers comprenaient trois catégorios
de perSDnnes : les maítres, les compagnons ou ou-
vriers, et les apprentis, La oonfrérie les réunissait tous,
rnais l'association professionnelle, la corporation pro-
prement dite, comportant lo monopole du métier et
les priviléges qui y étaient attachés ne se composait
que des rnaitres ; les compagnons et les apprentis
n'étaient qu'aspirants.


Le contrat d'apprentissage était passé en présence
d'un des maitres-gardes et par acte notarié, On com-
prend qu'a une époque 011 les nobles tenaient parfois
ahonneur de ne pas savoir signer, les conventions
entre artisans ne pouvaient étre rccues qne par un
officier publico .




- 71 -
L'apprenti devait appartenir it la reuglOn catholi-


que, etre de bonnes vie et mmurs. Il payait pour droit
de réeeption ou d'enregistrement de l'aete sur le livre
de la eommunauté, une somme qui, suivant les cor-
porations, variait entre 10, 20 et rnéme 36 livres. Cette
somme s'ajoutait aux ressourees eommunes. Cepen-
dant une partie en était parfois prélevée par les offi-
eiers du roi, ou par les mattres-gardes, ou par les
courriers pour I'entretien de la ehapelle (1).


'Les apprentis devaient etre ágés d'au moins 15 ans,
ils ne pouvaient se marier pendant la durée de leur
apprentissage. Dans plusiours métiers on exígeait
d'eux une eertaine instruction préalable. Ceux qui se
présentaient ida corporation des relieurs étaient tenus
d'avoir quelques notions de la langue latine (2).


Il n'était généralement permis aux maitres d'avoir
qu'un seul apprenti, sur la conduite duquel ils avaient
l'obligation de veiller, en ayant soin de lui éviter
toutes les oeeasions de scandales ou de plaisirs illi-
citos. Afín que la surveilIance Iút plus efficace, ils no
pouvaient reeevoir d'apprentis que si leur atelier ou
ouvroir était situé dans leur dornicile (3), et quelque-
fois méme ils devaient les loger et nourrir. Enfin ils
ne devaient jamais les employer a vendre et debitar
des marchandises par la ville, « parce que c'est la
« perdition desdits apprentis qui ne peuvent appren-
« dre leur métier, ct ne pouvon t a la fin de leurtemps


(1) Voyez uolamment les slatuts des eoffreliers, art. Vi des bou-
Iangers, art. V; des palissiel's, art. x; des doreurs, art , XI\', ('[e.


(2) Statuts des relieurs, art. VI.
(3) Statuts des doreurs, urt. VIII, el des ciricrs, ru-t , XIII.




- 72 --
i Éltre ouvriers dudit état, ce qui est une grande
« charge de conscience ouaidit» maUres (1). »


. Le temps de l'apprentissage variait suivant la na-
ture du métier. Le plus souvent il durait einq années,
apres lesqueHes l'apprenti était regu ouvrier-com-
pagnon.


Pour Éltre recu en cette quali té, il fallait payer un
droit de réception de 20, 30 ou 40 livres, suivant le
métier, Cette seconde période de stage durait aussi
cinq ans et quelquefois plus Les devoirs réciproques
des compagnons et des maitres étaient étroitement
réglés. Les compagnons ne pouvaient quitter leur
maitre ni recevoir leur congé sans un avertissement
mutuel de quinzejours ou un mois a l'avance.


Les ouvriers forains, c'est-a-dire étrangers ala ville,
n'étaient que tres-difficilement recus compagnons.
Ceux qui n'étaient pas Francais étaient la plupart du
temps absolument inadmissibles, « de peur que les
« étrangers n'emportent dans leur pays le secret des
« machines ou de la fabrication, ce qu'ils tentent
« tous les jours par surprise ou autrernent (2). »


Les compagnons, comme les apprentis, étaient sou-
mis a la surveillance du patrono S'ils se rendaient
coupables de larcin, ils étaient poursuivis a la dili-
genee des maitres-gardes , aux frais de la cornmu-
nauté, et suivant les eas : rayés des registres, exclus
pour toujours de la maitrise, avec défense aux maítres
ou maitresses de les occuper a peine d'amende.


La durée du compagnonnage étant expirée, l'ouvrier
pouvait enfin arriver a la maitriss et faire alors partie


(1) Statuts des pátissiers, arto IX.
(2) Statuts des tourneurs, art. XXVII.




- 73 -
de l'association privilégiée á laquelle le monopole et
tous les avantages du métier appartenaient exclusive-
mento Mais diverses conditions étaient a remplir.
. Il fallait, pour Mre recu mattre :


10 Appartenait a la religion catholique, n'avait en-
couru aucune condamnation et justifier de sa bonne
conduite.


2° Présenter avee les brovets d'apprentissage et de
compagnonnage les quíttances des maltres chez 1es-
quels on avaít travaíllé pendant ces deux premieres
périodes.


30 Prouver son aptitude aexercer le métier, suivant
les épreuves imposées par les statuts, c'est-a-dire en
se soumettant a l'exécution d'un chef-d'ceuvre ou a
l'examen des maitres-gardes.


40 Payer un droit de réception qui variait de 100 a
300 livres.


50 Se soumettre enfin aux obligations particulieres
du métíer et préter serment de les rernplir conscien-
eieusement.


Les eonditions du chef-d'ceuvre étaient minutieuse-
rnent prévues et réglées, et son exéeution était parfois
tres-onéreuse. Il semble mérne que le prix élevé de
eette épreuve n'eut parfois d'autre raison d'etre que
d'éloigner les concurrrents qui ne pouvaient en faire
les frais, et de laisser les maitres du métier jouir en
nombre restreint de leur monopole. Ainsi, on ne peut
eomprendre que le chef-d'rauvre auquel étaient as-
treints les candidats aspirants au métier de pátissier,
oublieur et euisinier, pút coúter huit ou ~~eur cents


. livres, alors qu'il ne consistait que dans l'exécution de
trois plats de pátisserio , un plat d'oublierie el un
plat ~e euisine. Cependant c'est la somme a laquello




- 74-
estévaluée ce chef-d'muvre par les statuts de la cor-
poration, et son exagération fut l'objet d'une réforme
dans le reglement, mais seulement au milieu du XVIIIe
siecle (1).


Les maitres-gardes ehargés d'apprécier le mérite du
chef-d'osuvre ou de faire subir toute autre épreuve au
candidat, se montraient-ils toujours d'une entiere im-
partialité? Il Y a lieu d'en douter en présenee de l'in-
térét qui les poussait arestreindre le nombre des m3.I-
tres, et inspirait de fréquentes injustices aux maitres-
gardes des métiers de Paris et de diverses autres
villes (2), Aucun abus de eette nature ne nous paraít


(1) Statuts et rcglcments des pátissicrs, ouhlieurs, cuisiniers. -
Edilion de 1752, in-B, arto IV, p. 5. - Statuts reelifiés, art, v,
p. 1¡6 et 50,


(2) « L'apprcntissago, le ehcf-d'(Cuvr~ étaient des épreuves eha-
(lue jour plus pénibles pour qui ne pouvait pas s'en nffranchlr-ñ prix
d'argcnt, et prcnaient de plus en plus le caractérc d'cntraves mises
!l la coneurrenee par les maitros. Certains palrons poussaient
l'égoisme jusqu'á uc pas apprcndre le métier 11 leurs apprentis ......
Les jounes gens de famille aisée n'étníent pas exposés ade parcillcs
vexations, leur forlune les en préservait. Souvcnt mérne ils se dis-
pensaient des longueurs de l'apprentlssagc. lis payaicnt une forle
somme á leur mnitre qui leur délivrait leur hrevet d'apprenlissage
un an, deux aus, avant le temps preserit par les rcglements. 1I;
étaient forl jeunes et savaicnt a peine le méticr, IIlais " ccux-l»
l'ignorance ne fermait pas le ehemin de la maitriso. Ils faisaienlleur
ehef-d'oouvre ehez des patrons indulgents el corrompus, qui Ir!>
laissaicnt aider ou les aidaient cux-mémes, el quelle que fUI d'nil-
lcurI'incapncité du candidat, le chef-d'muvre élait presque tou-
jours aecepté qunnd il étaít présenté par un fils de maitre ou un
apprenti riche. Les dincrs elles préscnls oífcrts aux jurés formaient
la parlie la plus importante de l'oxamon : si le eandidat était géné-
rcux il élail sur d'nvancc d'oblenir une scntcncc favorable. 011




- 75-
avoir éti3 signalé a Lyon. Mais il est probable que
l'esprit exclusif qui ressort des reglements dut influer
plus d'une fois sur la déeision prise par les syndies a
l'égard des eompagnons qui aspiraient ala maitrise.


La somme payée a titre de droit de réception par les
membres nouvellement admis n'appartenait pas tou-
jours ala commun auté seu!e. Une portien en était fré-
quemment attribuée a l'hospice de l'Hótel-Dieu ou de
la Charité, <¡t méme aux maí'tres-gardes, pour les in-
demniser de la perte du temps qu'ils eonsacraient aux


. intéréts de la eorporation.
La réception du candidat avait lieu en séance solon-


-nelle. Les syndics lui expliquaient Ies statuts et lui
faisaient préter serment, sur l'Evangile et sur les reli-
ques des saints, de les observerfidelement etde bien
servir la ville et lo publico


v.


Los regles relativos iL I'udmission dos maitros rece-
vaient trois surtes d'excoption :


1° Lorsque le eandidat se présentait muni de let-
tres '~'oyales de martrise.


2° Lorsqu'il était [ll» de maitre.
3° Lorsque simple compagnon il épousait la fille


ou la veuye d'un maitre.
La faculté d'obtonir des lettres de maitrise remen-


tait a Louis XI et se rattachait a des usages fort an-
ciens, Nous aVOIlS dit qu'au temps de la féodalité, los


exigeait des autres un chcf-d'ceuvrc long el coúteux. » Lcvassour
t.. ", p. 94, 9;).




- 76-
artisans et marehands, pour s'affranchir du servage,
aehetaient de leurs seigneurs le droit de travailler ou
d'exereer libremsnt leur industrie ou leur eommerce
et d'en reeueillir exclusivoment les bénéfices. A me-
sure que les eités et les provinees avaient cessé de
constituer des fiefs indépondants pour so reunir au
domaine de la couronne, les rois avaiont \;a et la con,
servé quelques-unes des précédontes coutumes, et a
l'exemple des aneiens seigneurs, ils s'arrogérent le
droit de veudre la pormission d'exercer tel ou :tel
métior.


Louis XI, s'appuyant sur cet usago, créa, a l'occa-
sion de son avenement, un maitre dans chaque métier.
du royaume, avec dispense des épreuves ordinaire-
ment imposées pour arrivor il la mattriso. Les lettres
patentes qui conféraient eette faveur n'étaient concé-
dées qu'a prix d'argent. C'était un expédient financier
dont nous signalerons plus loin lesrésultats et auquel
la royauté eut fréquemment recours jusqu'a la fin du
siecle dernier.


Les artisans qui, suivant l'expression consaerée,
« achetaient leur rnétier du roi, » étaient admis dans
les corporations paree qu'il eút été imprudent et diffi-
cile de leur en refuser l' acces, Mais ils n'y étaient re-
\;Us qu'avoc répugnance, el nonobstant leurs lettros
de priviléges , on les assujettissait dans plusieurs mé-
tiers aux mémes épreuves que les autres caudidats.
I1s n'étaient dispensés que du temps d'apprentissage
et du compagnonnage (1).


(t) On lit dans les reglcments de plusieurs métiers : « Si la corn-
munauté est obligée de reeevoir 11 la maitrise quelqu'un muui de
Ioltres de don ou privilége, I'aspirant sera tenu du meme ehef-




- 77-
Autant les reglernents étaient séveres, quand il s'a~


gissait de laréception d'uu étranger, autant ils étaient
favorables a l'admission d'un fils de maítre.


Dans les corps de métier, ou le chef-d'ceuvre était
la condition absolue pour arriver a la maitrise, les
fils de maitre n'étaient astreints qu'a la moitié du tra-
vail, c'est-a-dire aun « demi chef-d'ceuvre » ou melle
a une expérience « te1le qu'il plaisait aux maítres-
gardes la leur donner a faire. »


Dans les professions, ou les aspirants a la maitrise
étaient soumis a un examen, cette épreuve était sim-
plifiée pour les fils de maí'tro. Il leur suffisait memo
(suivant les statuts de plusieurs métiers) de j ustifier
par 1eur acte baptistaire de leur origine, et de prouver
qu'ils n'avaient pas quitté le domicile de leur pera, cas
auquel ils étaient rép utés avoir Iait leur apprentissage
sous sa direction. Si au contraire ils s'étaient éloignés
du domicile paternel, il leur fallait justifier d'un ap-
prentissage aceompli , suivant les formes ordinaires.
Dans tous les cas, ils n'étaient redevables que de la
moitié du droit de réception exigé par les statuts, et
ils pouvaient etre recus des l'áge de 15 ou 18 ans (l).


d'ceuvre et expérienee que eeux auxqucls les eompllgnons sont llSSU-
jettis, et de supporter les mémes ehargcs. » Voyez notamment les
réglements des coffretiers, arto XIl.


La comrnunauté des marchands ct maitres ouvriers de draps d'or,
d'argcnt ou de soye, fit admettre dans son réglement de 1667,
arto 30, que nul ne serait re~u maitre uI'avenir sous prétexte de
lcttres de maitrise, « attendu que la défectuosité des manufactures
procede ordiuaircment du défaut des maitres, qui ne sont admis
qu'en vertu des lettres de maitrise , » Béglements de 1667, p. 30.


(1) Nous cilerons, 11 litre d'cxemple, les statuts des pátissiers,




- 78 -
Les orpholins fils de maitre étaient le plus souvent


l'objet d'une proteetion particuliere (1). Des rage de
12 ou 14 ans, ils sueeédaient a la maitrise de leur pere,
mais sans qu'ils pussent avoir plus de deux ouvriers
pour les seconder, de crainte qu'avec un plus grand
nombre ils ne fissent une concurrence trop active aux
autres membres du métier. La défiance se faisait jour
méme acoté de la plus louable sollicitude!


Les filles et veuves de maitres jouissaient aussi de.
faveurs exeeptionnelles.


Les filles pouvaient hériter de la maitriso de Ieur
pore, rnéme des l'áge de 12 ou 14 ans, et elles la trans-
mettaientaux compagnons qu'elles ópousaient (2).


De méme, les veuves rcstaient maitrcsses dans le
métier auquel appartenait leur mari. Elles gardaient
eette qualité pendant tout leur veuvage. Au cas de se-
condes noces, elles en étaient déchues si elles épou-
saient un homme étranger a la profession, mais si
elles choisissaient un eompagnon da métier, méme
forain, elles lui transmettaient de plein droit la maí-
trise avec l'exemption de la moitié des droits derécep-
tion ordinairement porgus. Toutafois , leur nouvel
époux restait soumis a l'obligation de justifier de sa
capacité suivant le mode d'épreuve prescrit par les
reglements.


art. xv; des relicurs, art , XIV; des ehandeliers, art. IV; des forgeurs,
art. VII, etc.


Dans la eorporation des maitres ou vriers en soie, les fils de mai-
tres étaient re~us des l'áge <le 15 uns, sans payer aueuns droits,
art. 31¡,. - Béglements de 1667, p. 17.


(1) Statuts des tourneurs, art. XV; des boutonnicrs, arto XIV, etc.
(2) Beglements des maitres ouvriors en sorc, nrt , XXXVI, p. 19.




- 7U -
Toutes ces dispositions qui facilitaient l'aeces de la


maitrise aux fils de maitre, aleurs filles, aleurs vouves
et aux compagnons qui les épousaient, bien qu'olles
fussent empreintes d'un certain sentiment de préfé-
rence jalouse, produisaient de tres-heureux résultats.
Elles engageaient les fils arester sous le toit paternel,
a suivre lacarriere de leur psre, en s'initiant sous sos
yeux et par ses conseils a la connaissance du métier.
Elles obligeaient les peres aélever et surveiller leurs
onfants avec plus de zele et d'intérét, et a leur donner
l'exemplo soutonu du travail et de la loyauté.


Elles resserraient ainsi les liens de la famille; elles
favorisaient l'esprit d'union entre les membres de la
communauté, elles .assuraient dans son sein un appui
aux orphelins, aux filles et aux veuves, et faisaient
revivre, dans le compagnon que le mariage élevait a
la maitrise, l'autorité du pere ou du mari qu'il était
appelé aremplacer au foyer domestique.


VI.


« Chacun fera son métier, et rien que son métier,
afin de le bien faire et de ne tromper personne. » Tel
est, dans les statuts de tous les métiers, le principe
général sur lequel reposent les regles minutieuses
concernant la fabrication.


Toutefois, ce n'est pas en vue de l'intérét public
seulement que les membres des corporations s'obligent
afaire « osuvre bonne et loyale, ) c'est surtout pour la
prospérité particuliere de leur art et afin de justifier
le monopole qui leur était octroyé.
. Quoi qu'il en soit, les regles relatives a la fabrica-




~ 80-
han des divers produits et a la vente des rnarchan-
dises, s'attachaient aux moindres détails, afin de pré-
venir toutes les tentativas de fraude (1).


Le travail nocturne était généraloment prohibé ,
paree qu'il pouvait trop aisérnent favoriser les procé-
dés déloyaux de fabrication. C'est dan s le mámo but
qu'il était interdit aux membres de divers métiers de
fermer leur ouvroir ou atelier autrement qu'avec un
simple loquet. Enfin, il était de couturno ancienne,
quoique non mentionnée dans les statuts, que les mar-
chands et artisans travaillassent au grand jour, pres
de la fenétre de leur rez-de-chaussée, et en quelque
sorte sous les yeux du public, afin que la loyauté de la
fabrieation et de la vente pút fltre faeilement appréeiée.


Cette surveillanee publique et mutuelle était d'au-
tant plus faeile que dans toutes les grandes villes les
gens de méme métier se groupaient dans les mémes
rues (2).


Pour rendre l'obligation de bien faire plus étroite et
d'une observation plus súre les statuts de quelques


(1) Voycz notamment leo statuts des merchands :et ouvricrs fa-
'brieants de draps d'or ct de soie, - Rcglemenls de 1669, art XIII el
suiv., p.19, el suiv., et Reg. de 1744, tit. VIII et [X, p. 45 el suiv,


11 en était généralemenl de méme dans tous les métiers.
(2) La rue Mereicre a été longtemps la voie principale qui reliait le


nord et le midi de Lyon. C'était la que siégeaient .les principales in-
dustries : eelles des libraires, des imprimeurs, des marehands d'é-
toffes ou de mereerie. Ces derniers, en petit nombre aujourd'hui, y
étalent eneore leurs marehandises sur le seuil des magasins toujours
ouverts, et invitent les passants a en appréeier eux-mémes la qualité,
et a faire quelques empletes. Ces traces des anciens usages disparáis-
sent de jour en jonr, devant le besoin de luxe el de confortable et
la eréation de voies nouvellrs de eirculalion.




- 8J -
mótiors exigeaien t que chaqu« maitre apposát une
marque partioulióre sur les objets de sa Iabrication ,
Les corporations avaient aussi leurs armoiries, que
l'on retrouve, pour la plupart, gravées en tete de leurs
n~glements imprimés.


La marque de fabrique attribuant a chacun la 1'es-
ponsabilité de son ceuvre, devait empécher les mem-
bres des divers métiers de se laisser entrainer a la né-
gligence et a la routine, par la certitude que le mono-
pole leur donnait d'écoulor Ieurs produits quelle qu'en
fat la valeur. Les eorporations , ennemies de toute
innovation de nature a apporter un changement aux
anciens modes de fabrieation, avaient intérót it ce que
les procédés fixés par les reglements fussent scrupu-
leusement observes. On n'exigeait rien deplus, mais
on no permettait rien de moins. Des amendes mu lti-
pliées étaient édictées pour toutcs les infractions aux
regles da métier. Il yen avait pour les moindres ou-
Llis comm e poar les plus graves écarts. Les maiíres
tisscurs et los marchands, a peine de confiscation de
Ieurs étoífes, étaient tenus d'y suspendre leur seeau
sur un plomb (1). Les tonneliers devaient signer leurs
tonneaux et payaient une amende pour un cercle mal
posé (2). Le serrurier répondait par eorps de ses ser-
rures, les drapiers de leur drap, les tanneurs de leurs
cuirs (3).


Mais les amendes n'ernpéchaient pas toutes les in-
fractions. Protégés contre la coriourrence, par les pri-·


el) Statnts des marebands el tisscurs d'étoffcs de soie. - Art, 53,
Rilg1cmenl dc 1669.


(2) Statuts des hcnnicrs ct hoissclicrs dc Lyon, tit. 1Il, art. IY.
(3) Blanqui , Hist de l'Ecouomie politiquc, 1. ¡'", p. 239.


ti




",¡l' ....
\'d(!~cs de Ieur métier, beaucoup d'artisans ne c!WI'-
chuien t qu'a rendro leur travail plus facile et moins
coüteux, et dissirnulaient leur inhabileté en faisant
tenir sous leur nom loar atelier par un compagnon
plus ou moins conscicncieux et expérimenté (1). Cet
abus se roproduisit fréquemmcnt aLyon el nécessita
I'intcrventiou du Consulat (2). La fraude est de tous
les ternps et recourt souvent aux mames dégui se-
ments. Les tribun aux, a notre ópoque, démasqnent
parfois les traités illicites par lesquels des droguistas
cmpruntent le diplórne d'un pharmacien, et exercent
so us son no m une profession dont la loi a sagernent
róservó le monopole a ce ux do qui elle exige des con-
naissances spéciales ,


De nombrenses prohibitions entourercnt aussi la
vente des marchandises et produits divers, afín el'en
garantir la loyauté. Nons citerons, it titro d'exornplo,
la défense do vendre soies ni ótoffes hors des maga-,
sins, et notamment de les porter dans les hótelleries,
cabarets ou maisons particulieres, pour les offrir au
publico L'intervention des courtiers ou commission-
naires ne fut autorisée qu'a la condition par eux de
se faire rógulierement reconnaltre en cetto qualitó, et
de ne se livrer a aucun acte do cornmerce pour leur
compte personnel.


Un abus d'une nature particuliere et qui afflige eu-
core aujourd'hui le commerce lyonnais, fut I'objot


.d'une répression activo. Nous voulons parler de la


(1) Statuts des marchands ct tisseurs d'ctoílcs de soic. -l\cgle.
mcut de 1669, art , LVII, p. 2(\. et Regl. de 174[t, titoXI, art. 1, p. 82.


(2) Stututs des rclieurs, p, 24; des chandcliers, p, [.5; des Ior-
:¡¿;CUl'S, V. 2 S-.




- 83-
soustraction frauduleuso de la soie dont les pratiqucs
étaient déja connues, il y a trois siecles, sous le nom
de piquage d'onces,


A peine la soierie fut-elle introduite á Lyon, que la
li:pro du vol vint s'y manifestor. En passant par les
mains des mouliniors, teinturiers, devideuses, our-
disseuses, tisseurs, la soie excita to ut aussitót, par sa
valeur, ces convoitises auxquelles la conscience des
ouvriers de notre époque ne résiste pas toujours.


En vain les quantitós confiées aux divers travail-
leurs étaient exactement. pesées. Le dépositaire infi-
dele avait soin d'exposer la soie a I'humiditó ou d'y
mélor des substances étrangeres, afin quapres le dé-
tournement; le poids restant le méme, le déficit se
trouvát dissimulé. Afin de remédier acette fraude, un
premier reglement, délibéré par les conseillers et
échevins, fut sournis a la sanction da roi Henri 1I, et
rendu obligatoire par lettres patentes du 4 décembre
1551 (1). Il obJigea les rnaitres et les compagnons tis-
sours á iriscrire les quantités de soie a eux confiées
sur un registre qui devait étre presenté a loute réqui-
sitien des maí'tres-gardes, ainsi que les matieres pre-
miares et les étoffes. Il leur enjoignit de rendre les
soies bien saches, ct exemptos de toute addition de
substance quelconquo, et sous la déduction des seuls
déchets fixés par. des experts , el aux teinturiers de
restituer [es pantimes sans les divisor et dans le méme


(1) Ordounancc ct rcglcmcut touchant I'art el In manufacture des
draps d'or, d'arge nt el de soye qui se feronl en la ville de Lyon et
faux bourgs d'icelle, t:t en toul le pays de Lyonnois, oltroyés par le
roi Heury secoud de ce nomo - Lyon, Miehel Jove, 1522, in-B.
(Bibliothequc de la ville).




- 84-
ótar ou ils les avaient recues. II interdit it toute por- .
sonne d'acheter aucune soie des tein turiers, mouli-
niers, tisseurs, devideuses, sans se bien informer de
leur origine. Enfin il ódiota des amendes pour les di-
vers cas de soustraction et de recel.


Les dispositions de ce reglernent furent rendues
plus efficaces par une ordonnance de Charles IX, qui-
simplifia la procéduro dans ses poursuiies, et autorisa
les magistrats du présidial a juger en dernier res-
sort (1).


Toutefois, elles ne suffirent pas pour faire dispa-
raitre le fléau. Les reglements postérieurs délibérés
par les maitres marchands et tisseurs, approuvés par
le Consulat et sanctionnés par lettros royales du 13mai
1667 (2), renouvelerent les défenses, étendirent les
amendes a des cas plus nombreux, et prescrivirent
(commenous l'avons vu) une survoillanco minutieuso
aux maitres-gardes.lI en fut de mórne dos reglemonts
de 1702 (3) et dé 1744 (4), ot, dans l'in tervalle, de fré-
quentes ordonnances du Consulat émirent des prohi-
bitions particulieres et édicterent de nou velles amen-
des, pour réprimer et prevenir les vols et les recels
de soies, dorures et marchandises diverses (5).


(1) Letlres du roy Charles IX. Fontaínehlenu, 20 mars j áfi7.
Lyon, Mich el J ove, in-8.


(2) Rcglemcnt de 1667. - Cité plus hau l ,
(3) Beglernent du 26 déc. 1702. - Confirmatif de eelni de 1667,


et contonant des dispositions nouvcllcs sur les obligations des mni-
tres-;;ardes, cte. - Bibliothequc de la villc.


(,.) Reglementdu 19 juin 174,., lit. Xl. - Un vol. in-S, LYOll ,
17,.5. -- Bibliothcquc de la ville.


(5) Statuts des mnrchands de has, p. 69 ot suiv. - Ordonnnncc
du consulat du 19 novemln-c 170;', centre les muitrcs 'luí chnrgcnt ,




- 8ti-
Eufin nous pourrions signaler plusieurs mesures


(telles que la défense de travailler le dimanche, de
jouer, de blasphémer, de s'attrouper sur la voie pu-
blique, de s'enlever mutuellement les apprentis ou
compagnons, etc.), qui toutes eurent pour but de fa-
voriser l'extension des principes de moralité, d'ordre,
de concorde et de loyauté au sein des corporations (1).


VII.


Les ressources des communautés d'artisans se com-
posaient : 10 des droits de confrérie, ou cotisation an-
nuelle qui était généralement dedeux a trois livres
par membre; 20 des droits perQus pour l'admission
des apprentis, descompagnons et des maítres : 3° des
amendes; 4° des donations et des legs.


Les dépenses étaient nornbreuses et n'avaient pas
toujours pour objet I'intérét bien entendu des corpo-
rations.


OIl ne saurait critiquer ceUes qui étaient inspirées
par des sentiments de religion et -de charité. Ainsi
chaque métier avait sa chapeUe qu'il entretenait a ses
írais, et alaquelle il faisait célébrer le service divin
lors de la fete patronale, aux grandes solennités de
l'Eglise et pour le repos de l'áme des confréres dé-
cédés.


humcctent, huilent ou cngraissent les marchandises ou les, soycs.
qu'ils ont 11 ouvrer, - Ordonnanee du 23 aoñt 1707, contre di-
verses malversations des eompagnons el les reeeleurs de dorures el
soies volees. - Ccs dcux ordonnanccs sonl publiées u la suite du
réglcmcnt de 1667, imprimé cn 1708.


(1) Statuts de la plupart des métiors lyonnuis.




- Sil-
Mais ces réunions étaient souvent l' occasion do


dépenses et de repas qui ne terminaient pas digne-
ment une journée commencée sous les auspices de la
religion ou dans le recueillement d'un devoir f'unebre.
A cet égard, les artisans paraissent dans tous les
temps dominés par les mérnes penchants. Déja les
corporations romaines avaient I'habitudo de faire
suivre leurs cérémonies religieuses on poli tiques do
festins qui dégénéraien t en orgies et absorbaient les
ressources communes. Aujourd'hui encoro, n'arrive-
t-il pas que los mombres dos essociations uuvrieres
qui accompagnent le cercueil d'un de leurs Ireres se
livrent, au retour de cette cérémonie émouvante, EL
des libations OU i ls perdent un temps précieux et
compromettent leur dignité et leurs mediques res-
sources?


Apres les dépenses nécessitées par l'entretien do
leur chapelle, los corporations lyonnaises songeaient
généreusement aux pauvres de la ville. Elles faisaiont
des dons a l'hópital du pont du Rhóno (aujourd"hui
I'Hótel-Diou ] et a I'hospico de la Charité. Souvent
méms les statuts leur attribuaient le tiers ou le quart
des arriendes.


Les secours á accorder aux membres mómes de la
communauté n'étaient l'objet d'aucun reglement. Les
ma'ltres-gardes ou syndics étaient seuls chargós de
venir en aide aux {( pauvres du métier » en Ieur dis-
tribuant quelque argen t pris sur lo fonds commun.
Ils s'acquittaisnt de ce soin comme ils l'entendaient
et suivaut les cas de détresse qu'ils jugeaiont á proro"
de secourir. On cornprend combien ótait incllicace el
précaire une assistanca dont rien no ¡,',gIait k rhl!él:
ni les con di tion s ,




U'us t ic: que ::>0 revele lo véritaulo calac,kl'<' u",,,
corporations. Elles ne constituaient nullemenl des so
ciétés de secours róci prognes, mais des coali tions de
déíense mutuelle. L'arnélioration du sort individue!
des membres n'était pour elles que d'un intér&t se-
condaire, La chose commune a laquelle tout était sa-
orifié, c'était le métior. L'intérét privé du sociótairo
malado, agé ou infirme, disparaissait devan t I'intérót
profcssionnel , ce qu'il s'agissait avant tout de sau-
ver et de maintenir intact, c'était les priviléges et le
monopolo do la corporation. De lit certaines dépenses
qui aujourd'hui révol teraien t justement notre suscop-
tibilité. Ainsi les dénoneiateurs des mnlvorsation s ou
inl'ractions qui pouvaient nuiro it la eonsidération
du métier et lui causer quelque dommage étaient ré-
eompensés par l'attributiond'une partie des amen-
(les (1). Le zele dos maitres-gardes chargés de surveil-
ler et visitcr les ateliers était stimulé par lo mórno
1110yon (2).


))0 pareilles dispositions no pourraien t pas mómo


(1) Voycz notnmment les sta tuts des dnrcurs, m-t. xxxvr, des
h.:nniers, des lapissiers, des chandclicrs , dos tcinturicrs , des mar-
r luuuls cl tisscurs de drups <le soic , etc.


(2) Nous uc 110m étonuons pas qne les communautésaicnt voulu
iudcmniser les mnitres-ganlcs de In perle <In lemps cl des soins
'In'iIs cousacrnient Ul'inlérel cornmun. Leur su rvcillaucc était par-
t ois requise dans des cas si multiplids, qu'il élnil bicn juste de
rémunércr lcurs sor-vices. Ains¡ lc reglcment de 171i 4, <les mar-
chnnds el maitrcs t.isscurs d it de draps de soie, ullounit 500 ¡iHCS
par an 11 choque maitrc-gardc ouvric». l\Iais ce que HOUS hlñmous,
ecsf c¡uc les statuts <le métiers divcrs les aienl jnlél'csS';s d irect c-
\11e111 11 coustalor el pOUI'5uiHC les contravrntions cn Icur allounnt
une part sur les nmcndcs.




lO


~- H8-
ótro proposées aux sociétés de seco urs mutuels ([u
notre époque, au sein desquelles on trouve si diffici-
lement des membres qui veuillent s' acq uittor stricto-
ment de la tache délicate de visitar leurs co -associés
et de veiller a l'exécution du reglement.


Mais dans le systeme des corporations rien ne coú-
tait pour maintenir les droits et priviléges du mótier.


Rien ne coütair, pas me me les énormes sacrifices
d'argent, les taxes, les cmprunts auxquels il fal!ait si
fréquemment se soumettre pour obtenir de l'autorité
royale la confirmation des statuts qui créaient la si-
tuation privilégiée que la communauté voulait con-
server a tout prix.


Aussi la décadence et la ruine finale des corpora-
tions lyonnaises eurent pour cause, outre les abus
que nous signaleron s bientót, le désordre particulier
de leurs finances, les dépenses inconsidérées faite s
pour le maintien de leurs priviléges, les frais des
preces qu'elles soutenaient les unes contre les autres
araisan de 1eurs empiétements réciproques, enfin les
exactions dont elles furent aocablées par la royau-
té (1).


(1) Voyez les doléan ces de diverses corporati ons dans les requétes
qu'cllcs adrcssnient au Consulat : Slatuts des forgeurs, p. 21, 22
el suiv., des boulangers, p. 2ft; des ciricrs, p. 27; de, hcnnicrs,
p. J!l6; des chaudelícrs , p. ft6, ft7 el 78, elc., etc.




CHAPITRE VJ.


('1)}II'A(~:'iONNM:E ET FUANC-MAQONNEIUE,


SOM~IAmE.


§ lel'. -- Origine du eompagnonnage et de la franc-maeonneric. --
Leur extensión Iavorisée par l'esprit d'cxclusion des eorporations.
-- Lenr cnractere primitif.


§ 11. - Lenr influcnce sur le sort de la elasse ouvriéro et les 1)\'0-
gres de l'industrie. - Développement du eompagnonnage i:t Lyon.


§ 1lI, - Abus. - IIIesures répressives centre le compagoonnagc
el la franc-maeonncric. - Ordonnance du Consulat contre les
eompagnons lyonnais. - Leur esprit d'exclusion et de rivalité.


1.


Les eorporations lyonnaises, pas plus que eelles
de Paris et des autres villes, n'ont su se défendro
centre l'exagération du principe exclusif sur leq uel
'elles reposaient. L'égoisme inspire fréquemment leurs
statuts. C'est lui qui limite étroitement le nombre des




..


.- DO-
apprentis et des compagnons, ct les soumet a de~
épreuves prolongées aíln de leur rcndre le métior ,
moins accessible.


Les industries diversas devenaient ainsi le mono-
pole exclusif des maitres , qui , dans l'association ,
eherehaient moins les avantages d'une assistanco mu-
tuelle que les moyens de défendre et de perpétuer
leurs priviléges. Les apprentis et les eompagnons dé-
sespéraient parfois d'arriver i1 la maitrise. Souvent
mérne , dans l'impossibilité de se faire admettro
en leur simple qualité dans les corps de métier GU
le nombre des ouvriers était limité, ils so voyaiont
contraints d'aller de villo en ville ofírir leur travai1.
Leur condition était prócaire, ils attribuaient ~ non
sans raison, leur misare a l'inj ustice des maitres. Uno
ligne de démarcation de plus en plus profondo s'éta-
blissait entre eux.


Cepondant , les compagnons eentaien t lo besoin
d'une protection qui leur vint en aide au milieu des
périls de leur « tour de France, » et leur fit trouver de
l'ouvrage dans les villes ou ils allaient chcrcher for-
tune. Ils formerent entre eux des associations parti-
culieres qui recurent le nom de Sociétés de Compa-
gnonnage et subsistont encere aujourd'hui.


Toutefois, si ron s'cn rapporte aux versions qui s'y
sont perpétuécs et s'y transmottent encaro, lcur orl-·
gine, bien antérieure au moyen-áge ot aux temps mo-
dernes, se rattacherait a la fondation du templo do Sa-
lomon. C'est sous le patronage de coroi et do deux
ehefs auxquels il avait confié l'exécution de ses des-
seins que se seraient organisécs les premióres as so-
ciations de compagnonnage. De lit, ces trois grande;,
(,atégorios de compagnolls, actuellcmont llósigl1lJS SOII:"




- 91 -
les noms « d'Enfan ts de Salomon, Enfants de maitro
J aeques, Enfants du pero Soubise (1). »


On eomprend que les membres du compagnonnago
accueillent aveo Iaveur des traditions qui donnent une
origine bib liquo a leur institution; mais, sans lui
contester l'affinité qu'elle peut avoir avec les associa-
tions d'une haute antiquité, il est facile de dégager la
vérité de la confusion qui l'obscurcit.


Il ost tres-admissible que la construction du tem-
pio de Jérusalem, et de tant de monuments gigantes-
ques que les temps anciens ne nous ont transmis
qu'en ruines, aient donné naissance ade vastes asso-
ciations ouvrieros dont les souvenirs et les traditions
nous auront été rapportés d'Orient al'époque des croi-
sades. C'est, en eííet, vers les XIIc et XIIIe siecles
que se répandirent en Allemagne et en France deux
sortes de sociétés qui paraissent avoir un berceau
comrnun : la franc-rnaconnerie et le compagnonnago.


Suivan t les écrivains qui se sont livrés aune étude
artentive do ce pointhistoriquo (2), la franc-maoonnerie
aurait pris nais sance vers la fin des croisades parrni
les ouvriers allemands qui bátirent les cathédrales do
Strasbourg el de Cologne. lls Iormerent une confrério
don t les adeptas se reconnaissaien l acertains signes
et s'efforcaiont do cacher au vulgairo les regles de


(1) Cctto cxp licnl ion cst préscntéc dans lo Livrc un Compagnon-
nago, p"r Agrieo! Peruiguier, 8" édition, 1857, t. ler, p. 29 el suiv.
- Voyez ccpcndnnt le t. u, p. 240 et suiv,
('~) L'histoirc de l'Allciuaguc, par Lcbas ;
-- Histoire des classcs laboricuscs, par Lcvassour, l. l''', p. ,'vIL


._. Dalloz , Répcrloirc gélléral de h:gislalion, de jmispl'lI1Ititlllll•• ...
\'tc.~ "o A~ls')(';alion de S,\('01.H'S mutuels, n/' 10.


\




- L2-
leur art. Ils se nornmaient [runcs-nui is OU mucons-
francs, et se divisaient en maitres et ou iers, L'asso-
ciation elle-rneme se composait de réunio particu-
Iieres portant le titre de loges, tiré du nom e l'habi-
tation oú l'architecte campait pres do chaque édifico
en construotion,


Aucune association ouvriere no parait avoir óté, it
son origine, pénétrée d'un esprlt plus profondément
religieux. « C'est au nom du Pera, du Fils ot dn Saint-
« Esprit, et de la Vierge-Marie, et aussi de ses qua-
« tre sorvitaurs les quatre saints couronnés, que les
« statuts sont publiés. Le.s gens qui vivent dans le
« concubinage, lesjoueurs et les chrétiens tiedes, qui
« n'observent pas ponctuellement leurs devoirs et ne
« regoivent pas annuel1ement les saints sacrements,
« sont proscrits de la communauté, et défense est
« faite a tout franc-rnacon d'entretenir avec eux au-
« cune relation (1). »


Ces corporations obtinrent des franchiscs et des pri-
viléges : bien vues par les populations, elles recuren t
de:puissants encouragements de la part des seigneurs,
des évéques et méme des papeR, On vit des abbés ot
des prélats entrer dans eet ordre de francs-magons,
qui accomplissait de si beaux ouvrages. II y avai t un
grand esprit de fraternité daus l'association, et unité,
non seulement snus le rapport du principe d'assis-
tance mutuelle, mais aussi au point de vue du style
dans l'exécution des travaux. Ce fut a leur concours
que l'église de Saint-Jean, a Lyan, düt son achóve-
ment au XIIIc siecle (2).


(1) Levasscur, Ilistoire des classes ouvricres, 1. 1"1', p. :,OG.
(2) Monfalcon, Histoirc tic Lyon, t. ter, p. 350.




-- H3 --~
Sous l'influence do la Renaissance , l'art architec-


tural ayant été profondémentmodifié, la richesse et
1'esprit philosophique s'étant introduits parmi les
membres de la maconnerie , l'associution se trans-
forma peu a peu: d'industrie11e qu'e11e était, elle do-
vint philanthropique ot philosophique. Los symboles
n'eurent plus le mñme sens; le tablier de peau do
l'ouvrier devint l'emblerne du travail, le compas celui
de la justice, l'équerre celui de la droiture, le niveau
celui de l'égalité, le maillot colui de la puissanco;
Dieu fut appelé le Grand Architecte. On forma de la
sorte un vocabulaire tout entier de nouveaux sym-
boles, et on accueillit dans l' association des hommes
entierement étrangers a l' art de la construction. Elle


-cessa ainsi de so eomposer d'artisans, ot n'eut, des
lors, sur leur condition, d'autre iniluence que cello
d'une pure philanthropie.


I1en fut autrement du oompagnonnags, quí, jusqu'a
nos jours, est resté exclusivement une association ou-
vriere, 11 s'organisa, d' abord, parmi les tailleurs de
pierres, auxquels leur vie nomade fit donner le nom
de : Compagnons étranoers. Il se rocruta ensuite
parmi les ouvriers menuisiers et serruriers, qui pri-
rent le nom de : Compagnons de la liberté, inspiró
sans doute par le besoin d'indépendance qui les fai-
sait rocourir a l' association.


Les uns et los autres vécurent originairement en
bonne harmoníe, et reconnurent Salomon pour fonda-
teur et patrono


Mais, vers la fin du XIIlc siecle, une seission éclata
parrni eux. Les dissidcnts se mirent sous la proteo-
'tion de Jacques Molay, grand-maitre des Templiers,
ot forrnerent deux assoeiations nouvelles : eelle des





-- !)4 -- ,
taillcurs de pierres, Compaqnons passarüs, en oppo-
sitian aux Oompaqnons étranqers, et celle des eom-
pagnons menuisiers du deooir, en opposition aux corn-
pagnons de la liberté (1). Des cette époque, le com-
pagnonnage fut partagé en troisgrandes catégories
bien distinctes : l'une, composée des compagnons
étranqers et de la liberté, dits les Loups, marcha sous _
la banniere de Salomon; I'autre, dite des Gavots, et
composéc des eompagnons passants et du deooir,
sous celle de Jacg ues Molay, appelé maitre Jacques.
La troisierne , dite des Enfants du pére Soubise ,
comprit les ouvriers charpentiers, qui se réunirent
sous la conduite d'un moine bénédictin de ce nom,
organiserent leurs statuts, et se constituerent en corn-
pagnonnage (2).


11.


Lyon a été I'une des villcs de Franco ou le compa-
gnonnage s'est développé le plus promptement et ou
il a eacore la plus grande extension (3). La situation
méme de la cité explique cette circonstanoe. De mémc


(1) Plus tard, les eompagnons de tous les partís oní nppclé deuoir
le eorps de leurs statuts. Les uns sont done eOlIlpagnons du deooir
étranqer, les nutres, compaguons du deooir passant. Muis 011 nc les
nomme habiluellement que par les noms de eompagnons étrangors
et de eompagnons passants, - Voycz , au surplus, Agricol Perdi-
gnicr, Livre du Compaguonuage , t. ler, p. SO, S4. 40,50 el suiv.,
ct l. 1I, p. 252.


(2) Dalloz, Hépertoire général, ,o Assoc. de Scc. mutucls, nO 6,
(S) Agt'ieol Perdiguier, Livre du Compagnonnagc, t. [or, pussim.


L 1I, P: 250 el suiv.




-- U;;-<
que les uidustriels étrangers y unt aftluó a toutes les
ópoques, de mérne les ouvriers, qui ne trouvaient
nulie autre part du travail et des ressources, y ve-
naient, de préférenco, ten ter la fortune.


La corporation était pour les maitres une associa-
tion de défense mutuelle entre l'arbitraire seigneurial
et les dangers do la eoncurrenee.


Le compagnonnage fut pour les ouvriers une asso-
ciation de défense mutuelle contre l'arbitraire des
maitres, et une protection occulte qui les suivait de
ville en ville et leur facilitait le travail.


A cet égard, le eompagnonnage et la franc-macon-
nerie rendiront á leurs adoptes des serviees qu'ils
n'auraient pu attendre des corporatious. Celles-ci
n'existaient qu'entre les marchauds et artisans de la
memo ville, leur pouvoir expirait aux portes de la
cité et laissaicnt sans appui ceux que leurs besoins,
leurs affairos, leurs gol1ts appolaiont a voyager. Le
compaguonnage et la franc-maconuerie cornblerent
cette lacune; la franc-maconnerie , en ouvrant son
sein aux sculpteurs, tailleurs de pierres, construc-
teurs et architectes qui travaillaient EL élever des ca-
thédrales, et par la méme appartenaient non EL une
ville, mais a toute la ehrétienté; le compagnonnage,
en assistant les ouvriers qui, n'ayant pas d'établis-
sement fixe et portant avec eux lours outils, allaient
louer lcurs bras partout OU ils espéraient trouver un
hon salairo (1).


A la faveur de cette protection, le plus grand nom-
bre des eompagnons employait EL parcourir la France
les années prescrites pour le compagnonnage par les


[t) Lcvasscur, Histoirc des Classcs ouvriercs, t. J, p. 509.




-!.lü -.
statuts du métier auquel ils appartenaient. Ils s'arré-
taient dans toutes les grandes villes ou ils trou-
vaient du travail, et, apres quelques années d'ab-
sen ce, la plupart revenaient dans leur pays natal et
tentaient de s'y fixer en se faisant recevoir maltres.
S'ils avaient réalisé quelques économies ia l'aide des
travaux aeeomplis pendant leurs voyages , ils pou-
vaient, en achetant des lottres de maitrise, se sous-
traire aux difficultés que leur suscitaient les syndics
du métier dansleqnel ils aspiraient it s'incorporer en
qualité de maitres,


Ces voyages, qu'on appelait tour-tie-France, of-
fraient aussi de précieux avantages pour l'instruction
des ouvriers et le progres de l'industrie. Le compa-
gnon rapportait dans ses foyers les découvertes et les
perfectionnements qu'il avait remarqués ailleurs, et
le souvenir des exemples, des traditions de bienfai-
sance, d'honneur et de probité qu'il avait rancon--
trés. « Lorsqu'un eompagnon arrivait dans une ville,
« il n'avait qu'a se faire reconnaitre pour avoir du
« travail: et si, par hasard, toutes les places étaien t
« occupées, le plus ancien lui cédait la sienne.- Si
« un compagnon se trouvait dépourvu d'argent pour
« se transportar dans une autre ville, l'association ve-
« nait a son secours; s'il tombait malade, see-cama-
« rades le soignaientcornme un frere ; si l'un d'entre
« eux était lésé dans ses droits, tous prenaient sa dé-
« fense; si quelqu'un s'écartait des voies de l'honneur
« et de la probité, ils en faisaient justico (1). »


(1) Chaptal, de l'Industrie írnncniso, t. 11. p. 312.




-97-


nI.


Tels étaientles principaux bienfaits du eompagnon-
nage; mais, dans certains cas, il avait de graves in-
convénients: « Lorsqu'un compagnon avait a se
« plaindre d'un maí'tre et que la plainte était admise
« par le corps, on damnait la boutique du maítre, et
« des ce moment il n'était perrnis aaucun d'eux d'y
« travailler; le m aitre était forcé de faire des répara-
« tions qui lui étaient dictées pour pouvoir con ti-
« nuer ses travaux. Lorsqu'ils croyaient avoir a se
« plaindre des magistrats d'une V'i11e, ils damnaient
« la ville, et tous les compagnonsen sortaient a la
<l. fois ¡ les ateliers devenaient déserts, tous lestra-
« vaux étaient suspendus, les nouveaux compagnons
« passaient sans s'arréter et les maitres étaient for-
« cés de se transportar dans les villes voisines pour
« y négocier le retuur des compagnons et lever l'in-
,/terdit (1). )


D'autres abus résulterent de l'organisation du com-
pagnonnage : l'extension de eette institution, l'incerti-
tude et le nombre des périls qui pouvaient au loin
menacer les compagnons dans leurs voyages, enfineia
crainte des défections et des trahisons, leur inspire-
rent des habitudes de prudence qui dégénérerent en
regles occultes, en cérémonies symboliques, en ini-
tiations mystérieuses, en serments secrets, en cris de


(~) Chapta\. - Ibid,
7




- 98-
ralliement (1), en signes de reconnuissance : moyens
de súreté indíviduelle, mais aussi de coalition ot de
trouble.


01', la morale et la sécurité publique ne peuvent to-
lérer des associations dont le but et les moyens ne
sont pas toujours ouvertement déclarés. L'abus d'ail-
leurs s'introduit aisément dans toute instítution qui
ne fonctionne pas au grandjour... Aussi le compagnon-
nage et la franc-magonneríe furent bientót l'objet de
mesures répressíves de la part, soit du pouvoir
royal (2), soit des autorités locales.


Sur la demande des maItres de divers métíers (3),
le gouvernement consulaire rendit, aLyon, plusieurs
ordonnances qui défendaient aux compagnons, sous
peine d'une amende de trente livres, " de se réunir et
« s'attrouper sous quelque prétexte que ce soit pour
(( faire ce qu'ils nomment entre eux le deooir, et de
« s'embaucher les uns les autres (4). » Mais les édits
et les ordonnances ne parvinrent a renverser ni la
Iranc-maconnerie, ni le compagnonnage, et ri'eurent
méme d'autres résultats que de les contraindre a se
dissimuler davantage.


Non-seulement les compagnons donnerent de trop


(1) Dans certains métiers, les eompagnolls avaient I'lHlhilu<1e de )
hurler dans lcurs reneonlrcs, afin de se rcconnaüre.


(2) Dalloz, Rép. gén. Y. Assoeiation de SCCOUlS mutucls, n , !l,
el yO Industrie, n , 18.


(3) Voyez notamment les plainles des 1'clicurs el des marcllQud~
de bas, p. 51 el 81 du livro de lcurs stutu!s .


(4) Staluts des vitriers, p. 30. Extrait des rcg istrcs des jugcr.icnl s
ct ordonnanees de la juridietion ccnsulnire de la police des arts el
méticrs de Lyon.




- !J!J -
fréquents sujets de plainte en se liguant contre les
maitres auxquels ils faisaient ainsi expier leurs in-
justices et leur esprit d'exclusion, mais les haines et
les divisions éclaterent entre eux et se sont malheu-
reusement perpétuées jusqu'a nosjours.


Les causes principales de leurs mésintelligences
remontent a la scission qui s'est opérée panni les
compagnons a la fin du XIIlesiecle. Ceux qui se pré-
tendent Enfants de Salomon se sont considérés cornme
les plus anciens et ont tenu a honneur de res ter
dans leur état primitif, c'est-a-dire sans alliance no u-
velle (1).


Ceux qui se rattachent á m aitre Jacques et au pero
Soubise ont formé un camp opposé. De la des que-
relles, des rixes entre les deux partis, sans compter
les.rivalités existant mérne dans leur sein entre les
divers métiers, et les luttes entre les ouvriers affiliés
et ceux qui ne le sont paso Si bien que" les jeunes
" compagnons qui commencent leur carriere héri-
« tent de l'animosité des anciens qui la finissent, et
« continuent la guerre sans savoirbien précisément
« pourquoi (2). »


Ces discordes ont souvent porté de graves atteintes
a la liberté du travail. Lorsque deux sociétés avaient
établi leur devoir dans la mérne ville, il était rare
qu'elles y vécussent en.paix. Desinjures, les compa-
gnons rivaux en venaient aux luttes ouvertes jusqu'a
ce que les plus faibles fussent contraints de vider les
Iieux,


Lorsque ces luttcs, trop souvent sanglantes, n'ame-


(1,J Agricol Pcnliguier, Livre dn Ccmpngnounagc, t. u, p. 262.
(2) lbidcm, p. 26;J,




- ,lOO -
naient pas ce résultat, on jouait la ville. Les deux so-
cié tés réunissaient leurs mei!leurs ouvriers et produi-
saient un chef-d'ceuvre. Un jury, plus ou moins
impartial, était chargé de prononcer sur le mérite res-
pectif des deux ouvrages, et la société vaincue étai t
obligée de quitter la cité.


C'est ce qui eut lieu aLyon au siecle demier, Deux
sociétés ennernies de tailleurs de pierres jousrent ,
pour un certain temps, la faculté de travailler dans
notre villa. Le délai expiré, la société bannie vint s'y
réinstaller, mais elle rencontra une vivo résistance
qui .aboutit ades collisions et a des meurtres, et eut
pour derniere conséquence des condamnations aux
travaux forcés.


Cependant, de louables efforts ont été tentés dans le
compagnonnage lyonnais pour faire recon naitre les
droits des diverses catégories des compagnons et les
placer a l'abri de toutes contestations. Mais méme
dans les intentions et les mesures qui poursuivaient
ce but, on retro uve une étroite préoccupation do préé-
minence et de vanité. -


Au oommencement du siecle actuel (18 mai 1807),
un tableau a été dresséa Lyon par les compagnons
passants du devoir, dans lequel ils présentent l'ónu-
mération de tous les états affiliés au compagnonnage,
avec la date de leur incorporation, de maniere apré-
ciser leur rang d'ancienneré, D'apres ce document,
qui a été vu, corrigé et approuvé par les principaux
corps de métiers, le premier rang, ou premier droit
de passe, appartiendrait aux tailleurs de pierres, qui
font remonter leur origine aSalomon ; lo 2", aux char-
pentiers affiliés en 560 apres Jésus-Christ; le 3", .flux
menuisiers; le 4", aux serruriezs affiliés en 570; le &e




- 101 -
et le 6e, aux tanneurs et teinturiers affiliés en 1330;
le 7e, le 8e, le ge , aux cordiers, aux vanniers, aux cha-
peliers, succossivernent incorporés en 1407, 1409,
1410; le loe, aux blanchers-chamoiseurs affiliés en
1500; les 11e , 12° et 13e , aux fondenrs, épingliers et
forgerons, depuis 1601, ISO}, 1609. Viennent snsuite,
au 14e rang, les tondeurs en drap, en 1700; au 15e, les
tourneurs (móme année); au 16c , les vitriers, en 1701 ;
au 17", les selliers, en 170.2; aux 18e et 19°, les poé-
liers et les d61eurs (meme année); aux 20· et 21 e, les
couteliers et les ferblan tiers affiliés en 1703; aux 22"
et 23·, les bourrelicrs et les charrons, en 1706; au 24",
les cloutiers, en 1758; au 25e , les couvreurs, en 1759,
et au 26e, les plátriers, en 1797. Puis sont elassés hors
rangs les toiliers affiliés en 1775, mais non reeonn us
par Ieurs peres, qni son t les menuisiers, et enfin les
maréchaux-ferrants, approuvés en 1795 par t8US les
autres corps, excepté par leurs peres, les forgerons.


Cette énumération offre un certain in térét en ce
qu'elle hit connaitre les progres du compagnonnage
et l'époque ou les divers métiers s'y sont agrégés;
mais il va de soi qu'elle ne pouvait aboutir ala conci-
liation et a la concorde. Ce n'est pas en établissant
des droits de prééminence, méme simplement fondés
sur le privilége fortuit de I'ancienneté, que l'on par-
vient a apaiser les sentirnents de rivalité et de jalou-
sie. Une mesure plus eflicace eút été la déclaration
d'égalité parfaite entre les divers métiers et la pres-
eription de ton tes prérogatives, máme de eelles prove-
nant de l' an tériori té.


Mais, au eommeneement de ce siécle, les classes
laboriousss étaient encore trop profondément péné-




- 102-
trées des sentiments exclusifs et jaloux qui, dans les
siecles précédents, animerent les associations ou-
vrieres, En ast-il autrement aujourd'hui i C'est ce
que nous examinerons plus loin,




CHAPITRE VII.


RESULTÁTS GÉNÉRAUX DES CORPORATIONS. - LEURS AVANTAGES,
LEVRS ABUS, LECR DÉCADENCE.


smmAIRE.


§ ler. - Coup d'ceil d'ensemble sur le caractero el i'aetion des
corporntions. -- Lcur influcncc sur l'étal social professionncl el
moral des arlisans lyonneis,


§ II. - Abus du systérne des eorporations. - Monopolc, - Esprit
d'cxclusion. - Preces entre les corps de métiersv--, DilTérends
entre les maítres ct lqs compagnons.


§ 111. - Mesures de la royanté vis 11 vis des corporstions aux
XVle, XVII- el XVIII" siéclcs. - Elles sont alternaliverncnl em-
preintes de justice ct de flscalité, - Abus des lcttres de maitrise.
- Ordonnanccs de Henri IIIet de Henri IV.- Les corporations
deviennenl tributaires de la royauté. - Elles no reculent devant
aueun saerifice pour conserver leur monopole et lcnrs priviléges.
- Bóglcmcntatiuu des métiors par Colbert. ,- 'l\Icsures fiscales
de Louis XIV.


§ IV. - Détressc des corporations 11 l'avencment de Louis XV.-
Causes nombrcuscs de leur déeadenee. - Sentiments populaires.
- Révolle des eorps de métiers Iyonnais.-Réeriminations réci-
IHoques. - Mesures du eonsulat el du Conseil d'Etat, - Vaine
tentativo de Turgot. - Nouvelle organisalion des corporatious.
-'- Leur supprcssion. - Décret du 2 mars 1791.




- 104-


r


POlH apprécier l'influence exercée par les corpora-
tions sur la situation de la classe ouvrisre, et avant de
signaler les causes de leur décadence, il nous faut em-
brasser d'un seul coup d'oeil leur caractere et leur ae-
tion aux différents siscles.


Dans les temps féodaux, OU la force faisait le droit,
l'association seule a pu sauver les artisans lyonnais
des périls auxquels l'isolement 12s exposait, et assurer
alour travail l'indépendance et la sécurité.


C'est elle qui émancipa leur industrie, qui affranchit
leur cité et qui, les. élevant de l'état de serfs acelui
d'hommes libres et de citoyens, les appela aprendre
part au gouvernement municipal.


Cette prérogative, il est vrai, ne tarda pas a ~lre
enievée a la classe OUVriEH"e par la haute bourgeoisie,
a laquelle elle avait donné naissance; mais l'artisan
proprement dit ne continua pas moins ajouir au sein
de sa eorporation d'une indépendance et d'une invio-
Iabilité qui lui permirent d'arriver par le travail a la
considération, ala fortune et aux honneurs.


Les priviléges I'entourerent et lui assurerent la
jouis-sanee exclusive des avantages et des fruits de
son industrie. Des reglements séveres et minutieux le
préserverent de tout empistement, de toute rivalité
g~nante. Il put a son gré restreindre le nombre de ses
concurrents, en fixant lui-méme lanature des épreuves
qui leur ouvraient l'aeces du métier,


Il se retrancha, en un mot, dans les statuts de sa
communauté comme dans l'euceinte d'une citadelle




-105 -
d'oü il échappa a toute menace, 11 toute atteinte arbi-
traire, et ou il n'eut a reconnaí'tre pour les faits de sa
profession d'autre juridiction que celle de ses pairs,
ou l'autorité par eux déléguée au Consular. La seule
puissance avec laquelle il eut a compter fut la royau-
té, qui lui fit payer trop chOrement la confirmation de
ses précieux priviléges. .


A un autre point de vue: I'unitó dans lescroyances,
la sévérité dans les admissions, l'esprit de corps, l'au-
torité de l'exemple et des traditions, la surveillance
exercée par les syndics, les condi tions de loyauté
scrupuleusemen t prescrites pour la fabrication ou la
vente des marchandises, le recrutement de la com-
munauté par les fils , filles ou veuves de maí'tres, fu-
rent autantde circonstances qui concoururent a main-
tenir chez I'artisan Iyonuais un caraetsre religieux et
moral, l'amour de la famille, le sentiment de la di-
gnité personnelle et les habitudes d'ordre et de tra-
vail.


C'est ce qui explique comment, malgré les miseras
et les calamités qui n'ont jamais cessé d'éprouver
notre cité, elle a toujours gardé le premier rang parmi
les villes renommées pour leur charité, leur esprit
religieux, leur activité féconde et leur probité com-
merciale,


Ainsi, tandis qu'au IV- siecle les colléges organisés
sous la domination romaine, en améliorantIa situa-
tion matérielle de l'ouvrier lyonnais, I'emprisonnaient
pour l'assujettir plus étroitement a l'autorité des em-
pereurs et le lier aux destinées de l'Etat, la corpora-
-tion du moyon-áge; créée en vue d'une défense mu-
tuelle, a affranchi l'artisan, I'a relevé ases propres
yeux et lui a donné l'indépendance, la joie et le hien-




-- 10G --
etre. « Avec le christianisme et les communes, elle a
été, pendant tout le moyen-áge, la grande affaire des
petites gens, la source de leurs plaisirs et l'intérét de
toute leur vie (1). »


II


Mais combien d'abus ont compensé ces bienfaits,
que de maux sont nés de 1'exagération du principe sur
lequel étaient basées les corporations, et de 1'égoisme
qui a vicié leur organisation!


Associés pour se protéger mutuellement contre l'ar-
bitraire et la violence, les gens de métier devinrent a
leur tour injustes et tyranniques. Ils firent du titre de
membre de leur corporation et du droit d'exercer leur
profession une sorte de privilége n'appartenant qu'a
eux ou a leurs enfants.


Plus 1'industrie et le commerce se développerent,
plus ils redoublerent de défiance et se montrerent ja-
loux de restreindre I'acces de leur métier, Tout leur
porta ombrage; partout ils virent des rivaux et des
ennemis, Le moindre progres leur parut une atteinte
aux regles de leur art et au monopole qu'ils préten-
daient retenir.


De la. un perpétuel état de défensive. De lit les bar-
rieres élevées autour de la corporation, les mesures
arbitraires contre les apprentis et les compagnons,
les preces sans cesse renaissants entre les profes-
sions rivales, et cette routine aveugle, in vétérée, qui
s'irritait des moindres innovatious.


(l) Lcvasscur, l. ir, p. [,3:;.




- 107-
De la aussi ces vicissitudes qui ont souvent jeté la


perturbation dans la classe ouvriere, Aux temps pros-
peres, les artisans, réunis dans une communauté
étroite et privilégiée, réalisent des bénéfices excessifs
au détriment du public, obligé de subir la loi de leur
monopole; mais pendant les calamités publiquesles
consommateurs deviennent plus rares, et on voit les
gens de métier souffrir du lien qui les enchaí'ne it leur
corporation, au sein de laquelle ils végétent miséra-
blement sans pouvoir changer leur condition (1).


Les artisans lyonnais ont subi toutes les con sé-
quences de cette organisation étroite et égolste.


Onvoit, annexées aux reglements de la plupart de
leurs métiers, les ordonnances consulaires, les lettres
royales, les décisions du Parlementet du Conseil
d'Etat, qu'ils ont obtenues de siecle en siecle pour le
maintien de leurs priviléges ; tristes preuves des
préoccupations mesquines, des alarmes insensées
auxquelles les condamnait le systeme de monopoli-
sation et de rsglementation minutieuse du travail.


Nous ne citerons que quelques faits caraetéris-
tiques:


Les pdtissiers et cuisiniers, non contents d'avoir
obtenu contre les poulaillers, par arréts du Parlement
de Paris rendus en 1578, le droit exclusif de vendre
des volailles cuites, ont soin de solliciter de Henri IlI,
Henri IV ot de tous leurs successeurs des lettres pa-
tentes confirmativas des reglements de leur métier,


(1) Tout a étc dit sur les avantagcs el les inconvénicnts du sys-
'teme des corporations. Voyez notarnment : Bossi, Cours d'Ecouo,
mie politiquc, lo 1, p. 393 el suiv. - Blanqui, Hisl" de l'Economie
politiquc, 1. 1, p. 238 el suiv. - Lcvnsseur, loe. cit.




~ 'Í08-
dans lesquels ils prennent plaisir a affirmer que leurs
concurrents, « les poulaillers et autres mal experi-
« mentez, vendentjournellement viandes et volailles
« étouffées, croupies en l'eau, refaites, sans les ()U-
" rer et vuider leurs boyaux, chose réprouvée qtti est
« préjttdiciable tant pour le COl'pS humain que pou»:
« la civilité (1). »


Plus tata, ils abtiennent du Consulat une ordon-
nance qui défend a'ux traiteurs, hótas et cabaretiers
de faire des ouvrages de pátisserie, et enfin deux nou-
veaux arréts du Parlement dont l'un confirme leur
droit exclusif contre les poulaillers, et J'autre enjoint
aux boulangers de n'employer ni mufs, ni sucre, ni
autres mixtions, comme aussi de ne cuire dans leurs
fours ni pieces de pátisserie, ni viandos, etc. (2).


Les communautés des libraires et imprimeurs font
défendre, par arréts de 1704 et 17'12, aux relieure de
prendre la qualité de maltres et marchands Iibrairss.


A leur tour, les relieurs sollicitent du Consulat une
ordonnance qui interdit aux marchands papetíers de
« rogner, Iaire rogner, ni permettre qu'on rogne chez
« eux aucun livre imprimé au manuscrit, le tout a
« peine de confiscation des ouvrages et outils et de
« 150 livres d'amendes (3). )


Les bouionniers et enjolioeure sont peut-étre les
plus surprenan ts par leurs prétontions. Ils obtienner:t
une déclaration de Louis XIV et un arrét du Conseil
d'Etat « portant défenses aux taitleurs d' habit» et a
« tous cutres de {aire el l'avenÍ1' aucuns boutons de


(1) Reglcmcnts des pittissicl's, art. XXII.
(2) Idern, p. H, 69, 98.
(3) Statuts des relieurs, el picccs y anncxécs, p. 49.




---\09 -
« drap et de toute autre sorte cl'étotles; et a toutes
« autres personnes d' en porter sur leurs habits ú
« pei·lJ·e de cinq eents livres d'aniende (1). »


Les mómes boutonniers et enjoliveurs adressent au
Consulat une requéte ou ils se plaignent de ce que
leurs ouvriers « s'ingerent d' engager a leur seruice
« des [eune« filles pour leur apprendre cette fabrica-
« tion, » tandis que celles-ci nedevraient « s'affe1'-
« mer que chez les maitres boutonniers POU?' tra-
« oaiüe« dans leurs oucroirs, » Ils voient dans ce
fait un danger sérieux pOLlr « la [abrique de Lyon,
« qui perdra bieniñt tout son lustre et la reputa-
« tion qu'elle s'est acquise par la beauié et la déiica-
« tesse de ses ouvrages (2). »


Une ordonnance fait tout aussitót droit a leur de-
mande.


Leemenuieiers s'adressent aussi au Consulat pour
faire défendre aux charpentiers de détourner, recevoir
et occuper leurs eompagnons (3).


Les tapissiers appellen t en j ustice les revendeurs
pour les empéchsr de réparer et de remettre aneuf les
vieux meubles (4).


Les ehandelicrs et marehands de [aience font in-
terdire aux revendeurs le débit des chandelles, aux
bouchers et tripiers la rnanipulation du suif, aux ter-
raliers et terralieres la ven te de la poterie vernie el
ressernblant a la falence (5).


(1) Staturs des boutonniers el enjoliveurs, p. 37.
(2) Idern. p. 41¡., 1¡.5.
(3) V. leurs statuts, p, 38.
(11) V. leurs statuts, p. 22.
(5) V. lcurs statuts, p. 71¡. el suiv. - Mnis voyez aussi les récla-


mations des houchers, p. 25 de leurs statuts.




- 110-
Les teinturiers de drap et les teinturiers de soie,


en perpétuel état de défianee les uns vis avis dos au-
tres, insérerent dans leurs statuts une clause qui leur
donne le droit de faire mutuellement visitar leurs ou-
vroirs et ateliers, afin d'empécher tout empiétemsnt
réeiproque sur le travail appartenant exclusivement a
l'une ou al'autre des deux eorporations (1).


Ces exemples suilisent pour donner une idée de
l'hostilité permanente qui existait entre la plupart des
eorporations. A ces déplorables conséquences de leur
esprit exelusif et jaloux , il faut ajouter les fréquents
conflits qui s'élevaient entre les eompagnons et les
maitres, par suite des turbulentes prétentions des uns
et de l'exeessive rigueur des autres.


De si misérables dissentiments eurent plus d'une
fois une iníluence funeste sur le eommeree lyonnais.
Il n'est pas douteux, par exenrple, qu'ils n'aient eon-
tribué a la décadence de I'imprimerie, d'abord si flo-
rissante dansnotre cité.


Son importance avait déja diminué par la eoneur-
rence que lui faisaient les ateliers typographiques de
Paris, lorsque les ouvriers imprimeurs de Lyon, qui
s'étaient eonstitués en eompagnonnage et avaient
formé une confrérie particuliere, se coaliserent, pour
exiger une augmentation de salaire. Ils se mirent en
greve et empécherent les apprentis de travailler, Un
pro ces s'engagea entre les maitres et les compagnons
révoltés. Le parlement de París en fut saisi, plusieurs
ateliers furent fermés, et trois ordonnances royales,
rendues en 1541, 1544, 1571, interdirent aux ouvriers


(1) V. lcur s slntuts, p. 12.




- lll-
toute réunion, toute confrérie, toute coalition (1). Mais,
pendant ce temps, le travail avait manqué, l'industrie
avait souffert , et les imprimeurs de Paris s'enrichi-
rent de tout ce que perdit la typographie lyonnaise.


Ainsi, par l'exagération du príncipe sur lequel elles
reposaient , les corporations de notre cité, comme
celles des autres villes, aboutirent a des reglements
égoístes , a des prétentions injustes et tyranniques, a
des dissentiments arbitraires qui provoquerent les
coalitions 'du compagnonnage, et rendirent plus pro-
fonde l'hostilité des maitres et des ouvriers.


(1) Voici les principaux arlieles de I'ordonnanee dc 1571
Arl. i«. l, Que les dits eompagnons et apprcntifs de eestuy estat


d'imprímeríe n'ayent a faire aucun serment, monopoles, et n'ayent
aucun capitaine entre eux, Iieutcnant, chef de handcs ou aultres, ne
bannieres ou enseigues, ne assemb lées hors les maisons ct poéles de
leurs rnaitres, n'ailleurs en plus grand nombre de V, sans eongé et
uutorité de justiee.


Arl. 2. « Qu'iceux eOmpU¡(ilOnS ne porteront aueunes espées,
poignards, ne batons invisibles es maísons de leurs díts maitres en
l'imprimcric, nc par la ville de Lyon, et ne fcrout aueunes sédi-
tions.


Arl. 3, « Les dits eompagnoIlS et apprentifs ne feront aucuns
hanquets, soit pour entréc, issue d'apprentissage, ne aulrement
pour raison du dit métier.


Arf. 11. « Ne feront aueunc confrairie, ne célébrer aueune messe
aux dépens communs des dits eompagnons et uppreutifs , ne pour-
ront avoir lieu particulíer, u'exigcr argent pour Iairc hoursc com-
mune, eomme ils ont fait par ci-dcvant, pour fournir aux dépens
de la dite eonfrairie, messe ct banquet, ne pour faire aucune autre
eonspiration .


. • . . . . .. Art. 6, « Lcsdits eompagnons eontinueront l'ccuvre
commcncée et ne le laisscront qu'il no soit paraehevé, et ne feront
aucun trie qni esl le mot ponr Jequel ils Iaissent l'ceuvro. »




-112 -
Des le XVI- siecle elles porterent en elles-mémes


les germes de leur dépérissement, et elles susciterent
a leur insu les attaques qui devaient háter leur déca-
dence.


Le monopole dont elles étaient investies, au détri-
ment du libre es sor de I'industrie et du commerce,
allait, au nom de l'intérét public, armer contre elles,
tous ceux qui souffraient de leurs priviléges ou re-
grettaientd'en i3tre excluso


La royauté aeheva leur ruine, soit par les mesures
qui devaient réprimer leurs abus, soit par les impóts
dont elle les écrasa.


IIl.


La royauté avait d'abord secondé l'essor des corpo-
rations et des communes, et s'était liguée avec elles
contre les seigneurs féodaux. C'est sous son égide que
les corps de métiers lyonnais étaient parvenus a se-
couer le joug des archovéquos et a fonder le gouver-


. nementmunicipal. Leur alliance avec le pouvoir royal
et leur fidélité avaient valu a la cité des faveurs pré-
cieuses qui, ainsi que nous l' avons vu, contribúerent
largement'a sa prospérité commerciale.


Mais au XVI- siecle l'ceuvre de l'unité politique de
la France est accomplie. Les seigneurs sont soumis,
les étrangers sont expulsés, le territoire entier ne re-
connaít plus qu'un maitre : la royauté. Elle s'occupo
alors a créer l'unité administrative, et commence a
intervenir dans l'organisation des corporations et a
reglementer les conditions du travail de la classe ou-
vriere.




-- 113-
Son action a cet égard presente un double carac-


tere :
Tantót inspirée par des considérations d'intérét gé-


néral, elle lutte contre 1'esprit étroit, le monopole das
corporations, les abus des confréries ;


'I'antót purement fiscale, elle cheroha des ressources
dans des concessions de priviléges qu'elle n'accorde
ou ne confirme que moyennant l'acquittement de taxes
onéreuses,


Tous ses actes révelent cette double tendance.
Ainsi, des 1498, les assemblées et banquets de con-


fréries sont interdits, a Paris, a cause des querelles el
des désordres quisouvent en résulten t (J).


En 1539, Francois "[er étend cette prescription atout
le royaume.


L'ordonnance d'Orléans en 1561, celle de Moulins
en 1566, celle de Blois en 1579, renouvellent les me-
mes défenses, sans cependant prohiber l'existence des
confréries, mais en réservant particulierernent l'ar-
gent qui en provient « aux pauvres du métier. »


Toutes ces mesures sont empreintes' de sagesse,
mais a la méme époque la royauté, dans un intérét
fiscal, abuse de son action sur les corporations ou-
vrieres. La création des lettres de maitrise dont
Louis XI avait fait usage (2), pouvait etre une inno-
vation louable, en ce qu'elle facilitait l'acces des cor-
porations aux ouvriers exclus jusques-la par des 1'8-
glements tyranniques ou par l'injuste rigueur des
maítres-gardes. Toutefois, pou1' qu'elle gardát ce ca-


(1) Isambcrí , Ancicnnes lois franeaiscs, l. XIV. - V. ci-dcssus,
.chap, v, ~ 2.


(2) Voyca.plus haut Ic chupitre v.




-- 114 -
ractere de justice ct d'utilité, il Iallait qu'ello füt
appliquéc avee modération et discernement.


Mais au XVI" siecle tout devient au contrairo pré-
texte a la création de lcttres de maítrise. Ain si
Henri III téraoigrie sa satisfaction de I'union de sa
SCEur Marguerite avee le roi de Navarro , en créant,
huit ans apres ce mariage, dOl1x maitres par métier
dans tontos les corporations du royaume. L'abus fut
tel, qu'a la mort d'Henri IV, il existait des lettres de
plus de vingt créations différentes qui ne trouvaient
pas d'acheteurs, soit a cause de lour prix élevé, soit h
raison de I'esprit d'hostilité qui aecueillait au sein dos
J~étiers oeux qui s'y présontaient en vertu de lettres
royales.


Nous avons constaté, dans un précédent ch apitre,
quel ssntiment do méeontentement se Iait jour dans
les statuts des corporations lyonnaises vis a vis des
m aitres qui « achetaient le métier du roi. »


Ainsi multipliées, les lettres de maitriso n'étaient
plus qu'un expédient purement financier n'ayant d'au-
tre résultat que de créer des priviléges particuliers et
personneJs á cotó des priviléges génóraux dont jouis-
saient les corps de métiers.


Une atteinte plus directe fut portée au monopole des
corporations par l'ordonnancs d'Henri III, qui, en
1581, soumit pour l'avenir, ala survoillance et al'ap-
probation du roi, les statuts des divers métiers, en
rendit l'accss plus facile, voulut que tous les artisan s
s'y íissent recevoir, et reglementa partout les con di-
tions du travail. Le mieux eüt été de donnor une pleine
liberté al'industrie et i:t. ceux qui l'exercent, en assi-
gnant simplement aux assoeiations ouvrieres un but
de moralisation et d'assistance mutuelles. Mai s un




-115 -
tel ordre de choses ne pouvait, en ce temps, Tenir a
l'esprit de personne, et l'ordonnance d'Henri IlI, eüt
été lepoint de départ du seul progres possible. ni I'au-
torité royale s'était attachéea écarter des statuts qui
devaient luí 8t1'e désormais soumis, toutes les dispo-
sitions dietées par un esprit de routine et d'exclu-
sion (1).


Pour le moment, les ouvriers lyonnais y gagnerent
la facultó de s'ótablir cornmo maitres dans leur cité,
bien qu'ils eussent fait leur apprentissage ailleurs et
memo en pays élranger, et le droit d'exercer leur pr-o-
fession dans tout lo ressort duparlement de Paris, la
capitale exceptée.


Henri IV out aCeBUr de continuer l'osuvra de son


(1) Le caractere lihérnl de cetl e ordonnance ressort de son préam-
hule, 011 íl est dit : « Désirant donner ordre aux excessivos dépenses
que les pauvrcs artisnns des vílles jurées sont contraints de fairc
ordinaircmcnt pour oh Icnir le dcgré de maitrise centre la tcncur des
aneicnnes ordounances, étant quelqucfois un au et davantage a faire
un chef-d'ccuvre tel qu'il plait aux jurés; lequcl enfin cst par eux
mauvais et rompll sil ny cst remédié par les dits artisans avec
infinis préscnts el hauqucts, qui rccnle heaucoup d'cux de parvcnir
au dcgré, ct les coutraint dc quittcr les mnitr-es el dc bcscngner en
chambrc ; es qucllcs étant trouvés par Iesdits jurés, i15 sont conlraints
d'aller de rcchef bcsongncr pour les dits maitres, bien souvent
moins capablcs qu'cux , n'étuut 'pas les dits jurés rC~lIs aux diles
maitriscs quc ceux qui ont le plus d'u: genl, el le moyell de Ieur
fuire des UOllS, préscnts et dépcnscs, encore qu'ils soicnt incapablcs
au rcgard de beaucoup d'aulrcs qu'ils ne vculcnt rcccvoír, pafce
qu'ils n'ont les dits moycns. » - Dalloz , Hépcrtoire général, VD In-
dustrie, nO 11,


tes ahusne peuvent se trouvcr plus cxnetcrncnt décrits que dans
ce pi éarnbnle.




- uc.--
, prédécesseur. Par son ordonnan ce do 1;)97, i l soum it


les rnarchands aux obligations qu'Henri UI av ait ini-
posées aux seuls artisans , el - ici la liscalitó appa-
raít - il préleva un droit royal sur toutes les rnai-
trises.


Désormais les corporatious se trouveren t poul' tou-
jours tributaires de la royau té, mais leur caractere
exclusif ne continua pas moins a se manifester dans
les statuts qu'elIes présentaient a l'homologatiou
royale, Les ordonnances qui tendaient aouvrir l'acces
de la maitrise a tous les artisans, dcmeurerent sa ns
effet par suite des facilité s accordées aux fils ou aux
gendres de maitres, de préférence a tous autres can-
didats.


L'intervention de la royauté eut pour résu!tat 1011<1-
ble, d'avoir écarté des corporations l'esprit de désor-
dro et de révolte qui parfois: s'était fait jour au ssin
des métiers de Paris. Elle ernpéchait désormais que
la sécurité publique fút troublée par des coalitions
d'artisans. Mais en maintenant aux corporations leur
monopole, elle laissait subsister les causes do tous les
abus : les rivalités, les haines, les reglemellts exclu-
sifs et les habitudes de routine.


La royauté n'aurait pu dorniner l'égoisme des corps
de métier qu'en modifiant le príncipe rnéme et le but
de leur association. Elle ne lutta au contraire le plus
souvent centre leurs injustos priviléges, qu'en leur
opposant d'autres priviléges non moin s arbitraircs,
tels que des créations d'oflices et de maítrises, etc. La
tutelle qu'elle exerca eut d'ailleurs un caractere étroit,
mesquin et tracassier. Nous n'er! voulons d'autre
preuve que la multiplicité des Iormalités qu'il fallait
remplir pour obtenir l'approbation définitive des 1'0-




- 117 -
glements de chaque métier (1). Encore devait-on , a
chaque avenement , (conformément a l'ordonnance
de Henri Ill) faire confirmer, par le nouveau roi, les
statuts déjil approuvés par son prédécesseur.


Les effortsde la royauté, pour réprimer les abus du
systsme des corporations, furent done en réalitécom-
pletement illusoires. Elle paralysa elle-rnéme l'effet


(1) Ces formalités nons sonl révélces ainsi qu'Il suit rlans les re-
glemenls impr-imes des métiers lyounais :


10 fiédaelion des stntuts par un notaire.
2 0 Leur lecture en asscrnbléc génerale de tous les maitres du


métier ,
3° Leur remiso au Consulat.
4° Communieation au proeurenr du roi.
50 Conelusions de ee magistral.
60 Premier avis du Consulat.
70 Ilemise des stntuts au roi, et approhntio n royale.
SO Enregistrement de l'approbation royale par le parlemenl.
9° Arret préparutoire du parlemenl ordonnant une scconde com-


munication au Consulat ,
10° Dcuxiñmo avis du Cousulat , apres conclusious.
Ho Heqliéte afín d'homologation adrcsstie au parlemcnt.
12° Ilapport d'un des conscillcrs ,
13° Conelusions du procllreur g,:néral.
H" Arret d'bomologation par le parlement.
150 Bcpréscntution un Consula t.
16° Conclusions du proeurcur du roi.
17° Décísion du Consulat qui admel l'enregistremcnt au burcau


dn secrétariat de la ville.
180 Publical ion u son de trompe par huissiers,
190 Proccs-vcrbal de la publieation.
L'obscrvation de ces formalilés durait plus d'une annéc. Ainsi la


corporatiou dcs boulonnicrs lit réviscr ses statuts en janvier 1720 i
¡I, ne furcnt publiés 1'\ mis en vigucur qn'au mois de rnai 1721.




- 118 -
de ses ordonnances par les exceptions nombreusos
qu'elle y apporta, et en ne refusant jamais son appro-
bation aux reglements qui dérogeaient lo plus ouver-
tement a ses édits, quaud la demande était appuyée
d'un présent au trésor royal.


Les corporations, de 10m coté, se montraiont.dispo-
sées a tous les sacrifices pour conserver leurs privi-
léges, leur monopole, et écarter toute innovation qui
les eút enlevées iJ, la routine de leurs vieilles tradi-
tions, Aussi demandaient-elles sans cesse des regle-
rnents séveres et minutieux sur la fabrication, afin de
décourager les aspirants ala maitrise et u'éloigner les
inventions nouvelles.


(1 Rieu n'est si aizé que de perfectionner nos fabri-
ques, écrivait a Colbert le prévót des marchands de
Lyon, pour peu do secours gU'OIl leur donne, c'cst-a-
dire en oonservant les ouvriers dans la liberté de
leurs priviléges et dans la riqoureuse obseroa tion de
leurs reglements (1). » Et cornme le ministre de
Louis XIV demandait qu'on lui adressát des projets de
statuts délibérés dans les assernblécs gónórales des
maitres et des ouvriers, le prévót des rnarohands de
Lyon lui répondit : « .J'ai enfin rédigé, du mieuxqu'il
m'a été possiblo, ce projot de reglement que je vous
envoie, JI a été concerté, discuté ot examiné par les
maistres fabriquants el les ouvriers les plus ha-
biles (2).....


11 s'agissait du regloment concemant la cornmu-
nauté des marchands et tisseurs d'étoffe de soie, qui
fut sanotionné par lettres royales du 13 mai 16G7, et
qui (ainsi que nous l'avons vu précédernmen t) Jixai t


(1) (2.) Lcvasscur , !. 11, p. 2::4,29:' el suiv ,




- -l!\)
les con ditions étroites d'admission iL la maitrise, les
exceptions établies au profit des fils, filles et veuves
de m aitre, et surtout les procédés minutieux de Iabri-
cation de tous les genres d'étoffss (1).


Colbort se trauvait ainsi engagó par les corporutions
elles-mémes dans une voie de reglementation sévere.
Aussi, loin de détruire les jurandes et les maitrises,
il rocommando a sos agents d'y soumettre tous les
artisans. Il voit dans cette organisation lo moyon
d'enrégirnenter, de gouverner toute I'industrie frau-
caise, et d'assurer les. modes de travail et de fabrica-
tion qui, suivant les idées du temps, dovaient nous
attribuer la prépondérance sur toutes les autres na-
tions,


Les corporations ne purent se plaindre des regle-
ments qu'ellcs sollicitaient. Leur situation fut pros-
peretant que vécut Colbert, grace a l'impulsion gé-
nérale quo son génie sut donner au commerce. Mais
a la mort de ce grand ministre, les choses prirent une
autre face, Pour so procurer des ressources pendant
ses dernieres guerres, Louis XIV Il6 se contenta pas
d'émettro surabanclamment dos lottres de maitrises, il
créa des offices de jurés, d'inspecteurs, de contróleurs,
de mesurenrs, etc., ponr tous les métiers.


Les corporations s'érnurent á la pensée de voir des
étrangors s'immiscor dans leurs affaires ; elles adres-
serent aussitót des suppliques au roi pour obteuir la
permission d'acquérir elles-mémes ces offícos. C'étai


(1) Heglemenls el slaluls concernant le commcrcc, art , ct fabri-
o lJue des draps 01', argeuí el soyc, el autrcs étoff'cs m61angées qui se


Iont dans lnville de Lyon , ele. - In-S, Lyon, Laurcns, impri-
mcul',17U8.




- 120
ce que le 1'01 attendait; il ne voulait que de l'argent.
Toutes les autorisations nécessaires furent octroyées
dans les mémes termes OU des faveurs eussent pu
l'étre. Les corporations s'empresserent de rache ter en
masse tous les offiees, et pour trouver les fonds néces-
saires , elles empruntérent , hypothéquerent leurs
biens, et augmanterent les droits de toute espece
qu'elles prélevaient sur leurs membres (1).


Lyon subit la nécessité générale. Les marchands et
artisans de tous los métiers offrirent au 1'01 deux cent
cinquante mille livres, plus deux sols par livres pOUf
la réunion a leurs eornmunautés des ofliees divers
créés par les édits de mars et déeembre 1601. Le roi
daigna accepter. Un arrét du conseil, du26 février, ré-
partit la somme ofi'erte entre les divers corps de mé-
tiers, suivant « la qualité-de leur comrnerce et trafico »
D'autres arréts furent successivement rendus pour
autoriser chaqué communauté a emprunter aconcur-
rence de la part qu'ello avait a payer, et a augmenter
les droits de réception, afín d'éteindre la dette ainsi
contractée (2).


(1) « Il u'y avait pour ainsi dir-o pas, 11 la mort de Louls XIV,
une seu!c eorporalion qui nc fút ruinéc et sur Ic point de faire hall-
queroutc. Le pctit nombre dc celles qui n'avnieut pas méme pu ClI\-
prunter po:n" se ruchoter-, étaient soumiscs aIoutns les exigen ces d,
mailrcs étrungcrs qui se faisaient paycr chéremcut l'intérét de lcui-
Jinanee.


« Les faibles re ssou re es d'urgent que ees cxpédicnts avaieut pro-
CUI'és 11 ('Etat étaienl loin de eompenser le mal causé 11 l'industrie el
11 la déeonsidération jclée sur un gouvernement.par I'ernploi de pa-
reils moyens. )} - Levasscur, 1. 11, p.300.


(2) Voyez notamment I'urrét du Conseil d'Etat (11 oct. 1692),
rendu cn Iavr-ur de la communauté des marchands el maitrcs Ol1-




-- 121 -
Quelques années plus tard, le roi ayant encore eu


besoin d'argent, créa des offices d'auditeurs et exami-
natcurs des compres des corps de métiers. (é:lit de
mars 1694). Les corporations s'empresserent , comme
précédemment, de racheter ces charges. Elles obtin-
rent sans peine l' autorisation d'ornprunter de nouvelles
sommes, et d'établir la pereeption de n ouveaux droits
sur les membres de la communauté (1).


IV.


A la mort de Louis XIV, tous les corps de métiers se
trouvaient dans une détresse extreme. I1s pouvaient
bien I'attribuer aux mesures fiscales du dernier ~Ggne,
m ais ils ne devaient en définitive en accuser qu'eux-
mames.


Le moment était venu OU ils subissaient toutes les
conséquences des vices de leur ol'ganisation.


Pour restreindre l'aoces de lours priviléges, ils


vriers en draps d'or, d'argent et de soye de la vilIe de Lyon, portant
permission d'cmpruutcr la somme de 38,500 livrcs pour le paiemenl
de la laxe faite sur Iaditc eommunaulé, pour le rachat des of!1ees de
maitres-gartles jurés, syndies, cte., créés pUl' les édits de mar, et
décem bre 1G91 ,


(1) Voir l'arrdt dn Conseil d'Elat (20 mars 1696) portant perrnis-
sion 11 la mérue eommunauté d'ernpruntcr 22,000 livres pour le
rachat des of!1ees crees par l'édit de mars 1694.


Ces deux arréts sont imprimés a la suite du reglcment de 1667,
,:Jilion de 1708, précitée, p. 73 et 89.


Voir aussi les pieccs imprimécs a la suite des rcglements des
clunuiclier», p. 46 et 78; des boulangel's, p. 2'.; des ciriers, p. 17,
des bcniel's et boisscliers, p. HG; etc., etc.




-- 122 --
avaient ólevé des entraves etcréé des distiuction s
d'ou étaient nés de profonds dissentiments entre les
maitres et les compagnons.


Pour défendre leur monopole, contre les menaces
de la concurreuce ou les exigences du progres, i ls
avaient présenté eux-rnémes a l'approbation royale
des statuts assujettissant tous les procédés de Iabri-
cation a la reglementation la plus minutieuse, la
plus tyrannique et la plus propra a immobiliser l'in-
dustrie.


Enfin, ponr obtenir la reconnaissance constante de
leurs príviléges, pour conjurer toute mesure de naturo
a y porter atteinte , ils avaient prodigué [les présents
au trésor royal et subí les taxes les plus onéreuses, a
ce point que, suivant un dicton populaire, Lyon sou-
tenait la couronne par ses impóts et Paris par ses dons
gratuits.


Le méconten tement était général, et le malaise allai t
croissant, surtout apres qu'il eút fallu payer au suc-
cesseur de Louis XIV un droit de joyeux avenement.
En vain les corporations revisaíent leurs statuts, et
tantót abaissaisnt, tanto! augmentaient les droits de
réception des apprcntis, des compagnons et des rnai-
tres. En vain elles s'attaquaient les unes les autres,
se défendant, en justice, ce qu'elles considéraient
comme des ompietomcnts mutuels et des atteintes a
leurs droits réciprogues. Aucune réforme n'était pos-
sible, a moins qu'elle ne fút radicale. La miserd ce-
pendant se faisait cruellement sentir. Des émeutes
étaient ímminentes.


Elles éclateren t a Lyon en 17H. 1.<1 corporation des
ouvriers en soio so souleva la premiare.


Depuis Iongtemps, un vif antagonisme existait dans




- 12:> -
la fabrique de soieries entre les maitres marchands el
les m aitros tisseurs. A ceux-ci appartenait exclusive-
ment le droit defabriquer I'étoffo (par eux-mérnes 011
par les cpmpagnons), aceux-Ia en appartenait exclu-
sivement la vente. Cette ligne de démarcation entre
les UllS et les autres était de rigueur. Nul ne pouvait,
a peine d'amendes et de confiscation, vendré des
étoffes s'il n' était recu maítre marchand, moyennant
le payomont d'un droit do 300 livres,


Les maures tisseurs voyaiont une injustico dans la
prohibition qui leur était faite de travailler pour leur
compte, c'est-a-dire de vendre aucune des étoífes fa-
briquées dans leurs ateliers, 11s ou bliaiont, qu'au-
dessous d'eux, les ouvriers qu'ils employaient comme
compagnons, se plaignaient a leur tour de ne pouvoir
fabriquer directement p0ur les maitres marchands et
de n'étre adrnis parmi los maitres tisseurs qu'apres
l'acquittcmont d'un droit de 120 livres et un stage de
cinq années depuis leur apprentissage.


Ainsi les récrirninations se faisaient jour i1 tous los
degrés de la hiérarchie.


D'autre part, la communauté entiere, comprenant
les marchands et les tisseurs, confiait le soin de ses
afíaires a six maitros-gardos. Mais deux seulement
étaient choisis parmi les tisseurs, et ceux-ci préten-
daient que leurs intéréts personnels n'étaient pas
suffisammen t roprésen tés et défendus. Un arrét do
1731 avai t établi cot état de choses. Les maitres tis-
seurs et les compngncns coalisés porterent au Consu-
lat leurs réclarnations qui peuvent se résurner ainsi :
Abolition dos droi ts de réception , égalitó entre les
deux catégories de la communauté pour la nornina-
tion dos mattres-gardos, liberté accordée aux maitres




- 124-
tisseurs de fabriquer, soit pOUl' leur compte, soit pour
lecompte d'autrui (1). .


Un reglement approuvé par le Consulat en 1737 fit
droit en parlie aces divers chefs de demande, mais il
fut rapporté, apres deux années, sur les sollicitations
des marchands. Les réclamations réciproques furent
portées j usqu'au Conseil d'Etat et des délégués choisis
parrni les rnarchands ot les tisseurs, furent mandés it
Paris, rnais on ne put móruo s'entendre sur leur élec-
tion. Alors un rsglement nouveau fut délibéré, pro-
mulgué par le roi el mis en vigueur (19 juin 1744),
c'était un véritable code (2), qui rappelait toutes les
dispositions générales antérieures, et soumettait les
compagnons aun droit de 200 Iivres pour 1': tr e recus
rnaítres tisseurs, et ceux-ci a un pareil droit de 200 li-
vres pour avoir la Iacul té de fabriq uer pour leur
compte, suivant des conditions déterminées, et enfin a
un droit deSOO livres pour étre admis parrni les mal-
tres marchands (3).


Aussitót la fermentation devint généralo, et éclata
en sédition. Lea tein turiers , charpentiers, Iabricants
ele bas, porte-Iaix et gens de presque tous les corps de
métiers souffrant d'un égal malaisc, sous les entraves
de leurs reglements, s'associerent au mouvement des
ouvriers en soie. Le Consulat fut assailli do réclama-
tions. Aux demandes les plus raisonnables se joi-
gnaient les prétentions les plus égoistes. Chaque cor~


(1) l\lonfaleon, p. 8t6 el suivaulcs.
(2) 11 comprcnd 13 titrcs ct pres de 200 artíclcs : Arréts, statnts


el reglements pour la comrnuunuté des mailrcs marchands el inai-
tres ouvricrs afa~on. - In-8, Lyon, 1765.


(3) Tit. vr, urt. 2. - 'I'il , Vil, nrt. 6 el 7.




--12;) -
poration voulait fortifier ses priviléges sans s'inquiéter
des intéréts d'autrui. Ainsi les crocheteurs des ports
exigeaient l'expulsion des porte-faíx de l'intérieur de
la ville. Le Consulat prit des mesures de transac-
tion et fit diverses concessions pour apaiser la multi-
tude (1). Mais le Conseil d'Etat n'en voulut reconnaí'-
tre aucune.


Le reglement du 19 juin 1744, pour la fabrique de
soieries, fut remis en vigueur. La force armée, les
condamnations judiciaires, les exécutions capitales
de quelques-uns des meneurs torrifiórent la popula-
tion et obtinrent une soumission apparente. Une am-
nistie génél'ale fut ensuite accordóe, mais elle ne put
empéoher une anirnosité profonde de subsister entre
les campagnons, les maitres tisseurs et les marchands.
Cependantun dernier édit supprima les droits de ré-
ception contre lesquels on s'était soulevé, ils furent
remplacés par des lettres de maitrises créées au profit
du trésor royal, mais leur prix élevé les rendit pres-
que inaccessi bles,


Le malaise continua a exister au sein de tous les
métiers. Les abus du systeme des jurandes et des mal-
trises joints a tant d'autres causes de dissolution et a
la cherté des subsistances, rendaient de plus en plus
misérable la condition de la classe ouvrisre.


Cependant le commerce, qui languissait depuis
longtemps, reprit quelque vigueur pendant les pre-
mieras années du regne de Louis XVI. Peut-étre au-
rait-il recu une nouvelle impulsion des édits qui, en
1776, sous l'inspiration de 'furgot, abolirent les cor-


(1) Ordounnuccs r-onsulnircs do, 7.8, 10 noúl lí41L - Voycz,
~ionfaleoll.




- 12G-
porations et aífranchiren t I'inriustrio des priviléges qui
comprimaient son essor. Mais les bienfaits de cette
mesure radicale ne purent étre compris. Cédant aux
murmures de la foule et aux réc1amations des cour-
tisans, le roi rétablit, des le mois de janvier 1671, cin-
guante corporations a Paris, et quarante et une á
Lyon.


Les condi tions de leur réorganisation devaient, il
est vrai, supprimer la plupart des anciens abus : plus
d'exclusion pour les femrnes, ni les étrangers, plus de
banquets, plus de présents aux jurés. Les droits de
maitrise étaient diminués de plus de moitié dans la
plupart des professions. L' acces en était rendu plus
facile. Les autres industries non cornprises dans les
métiers non reconstitués en communauté restaient
librcment ouvertes a la concurrence.


( Le législateur avait eu la prétention de tanir la
« balance égale entre les idéos du moyen ,1ge et
« eelle de Turgot, contre lo privilége et la concurrence,
« les reglements et la liberté, et de réunir les avan-
« tagcs de l'un et de .l'au tre systeme, sans donner
« dans aucun exces, et sans faire de mécontents. Cetro
« prétention ótait trop ambitieuse. La nouvelle com-
« binaison n'était qu'un compromis g1'ossier entre
« deux systernes inconciliables. Ce n'ótait qn'une
( liberté im parfaite, presque dérisoire que celle qui
« dans une ville oxcluait les travailleurs ,pauvres des
« cinquante métiers les plus lucratifs, et ne leur ou-
« vrait, parmi les professions autrefois ferrnées, que
« des carrieres telles que celle de savetier ou de bro-
<c canteur ambulant (1). »




12i
Les rivalités, les prétentions exclusives, les preces


n'en existsrent pas moins entre les corporations. En
1786 de nouvelles émeutes éclateren t a Lyon. Elles
cé.lerent oncore devant la force (1), mais la fermenta-


. tion continua a régner sourdement dans les classes
inférieures prétes a tout oser contre les olassos supé-
rieures. Unies par le mécontentement, elles étaient
elles-mémes divisées par I'intérét sur les questions de
privilégss professionnels dont chaque métier voulait
l'extension ason protit.


1789 arrivo. L'abolition dos corporations décidée en
prinoipe, le 4 aoüt, recoit son exécution par un décret
du 2 mars 1791. Une ere nouvelle va s'ouvrir a l'in-
dustrie ot aux classes ouvrisres. Les monopoles ont
disparu, les reglements et les priviléges font place a
la liberté individuelle et ala concurrence.


L'artisan ne voit plus son activité limitée par des
entraves arbitraires, rnais il ost Iivré a tous les périls
de l'isolement. Seul pourra-t-il lutter victorieusement
contre la concurrence, le chórnage, la maladie, la
vieillesse? Ne sera-t-i! pas vaincu par la misare s'i l
no oherche dans i'association le moyen do doubler sa
force par eelle d'autrui? Mais quel secours, quol
modo d' assistance l'association va-t-alle lui offrir ?


C'est ce que nous allons apprendre par les institu-
tions du XIX· siecle.


(1) l\Iollfaieoll, p, 829.






DEUXIEME PARTIE.


LES ASSOCIA '1'JO~S OLTVRIERES ALT XIX' SIECLE.


CHAPITRE VIII.


LE COMPAGNONNAGE MODERNE.


SüMMAIRE.


S leT. - Franc-maeonncrie. -- Son earactére actuel, - Elle n'a
plus d'utilité pour la classe ouvriére, - Compagnonnagc. - Ses
racines profondes dans les populations des villes, - Son inf1uenee
permanente. - Efforls tentés pour l'améliorer. - Son organisa-
tion aeluelle. - Ses bienfaits.


§ n. - Réformes et progres dont il est susceptible. - Bivalites
rcgrcttables. - Scissions el fractionnements exccssiís des diversas
sociétés de compagnonnage. - Tendanccs 9. l'isolcment. - Ses
'dangers, - Néeessités pOllr les jcunes ouvriers de reeourir au
compegnonnage. - Esprit qui doitrégénérer el vivifier cette ins-
titution.


9




- 130-


1.


Deux sortes d'assooiations survécurent aux institu-
tions qu'engloutit le torrent révolutionnaire: la franc-
maconnerie et le compagnonnage.


La franc-maconnerie, nous I'avons dit, avait perdu
son caractere originaire. Ce n'était plus cette associa-
tion d'ouvriers ou d'artistes réunis par lacommunauté
du travail, l'intérét du méme art et l'unité de la foi
religieuse. Depuis longtemps accessible aux hommes
de toutes professions, de toutes nationalités, de toutes
croyances, elle avait pris pour base les préceptes
d'une généreuse mais vague philanthropie, ne recon-
naissant d'autre culte que celui du Grand Architecte
de I'univers, d'autre source de vérité que les inspira-
tions de la raison individuelle (1).


Ses formes symboliques et mystérieuses, ses efforts
pour dérober aux regards des profanes ses actes et ses
statuts, ont suscité souvent la défiance des gouver-
nements et provoqué une surveillance qui, sous le
voile de la protection, a pu aisément dominer cette
institution et la transformer parfois en instrument po-
litique.


Dans de telles conditions, la franc-maconnerie a
cessé d'étre uue société ouvriere et d'exercer une in-
fluence directe sur le sort des artisans. Nous n'avons
plus, des lors, a nous occuper d'elle. Son développe-


(1) Histoire philosophique de la Franc-Meconnerie, sos príncipes,
sos actos el ses tenduuccs, par Kauffn.au ct Cherpin , Lyon, 1850.
- Pttssim.




- 131 -
ment et son organisation importent peu aux classes
laborieuses.


II en est autrement du eompagnonnage.
Bien plus éloigné que la maconnerie des spheres


politiques, et exclusivement composé d'artisans, il
s'est enraeiné profondément dans le CCBur et dans les
habitudes de la population ouvriére ; il a pu traverser
les vícissitudes des révolutions, sans rien perdre de
son caractere et sans s'éearter du but qu'il veut attein-
dre, Son importanee et son action ne sauraient échap-
per a notre examen.


« Les jeunes artisans des nombreuses eontrées de
la Franee, eeux surtout qui, ayant le plus d'intelli-
gence et de eourage, sentent le désir, le besoin de
voyager, de voir et de s'instruire, partent de leurs
villes ou villages, vont s'affilier aune soeiété de com-
pagnons, font leur tour de Franee, et, apres deux,
trois, quatre ans de voyage, rentrent dans leurs foyers,
aupres de Ieurs parents, ou ils s'établissent. Le eom-
pagnonnage aetif, qui peuple les vílles de Devoir,
telles que Lyon, Avignon, Marseille, Nimes, Mont-
pellier, Toulouse, Nantes, Bordeaux, Paris, etc., se
compose en grande partie d'ouvriers de dix-huit a
víngt-einq ans,


« Il se renouvelle sans eesse, c'est une filiere, e'est
un moule par oú la classe ouvriere passe sans inter-
ruption. Les formes, bonnes ou mauvaises qu'elle
contraete la, ne s'effaeent jamais entierement ; elles
sont portées en partíe, par ceux qui les ont prises, dan s
les familles, dans les ateliers et dans tous les eoins de
la Franee,


« Le eompagnonnage, e'est l'armée de l'industrie.
~i l'armée francaise des champs de bataille.vrecrutée




- 132 -
parmi les paysans, les artisans, les marchands et les
rentiers se compose en temps ordinaire de deux a
trois cent mille soldats, l'armée francaise des ateliers
s'éléve, quoique" congés soient la volontaires et
par conséquent beaucoup plus courts, au moins a
cent mille ouvriers. Ainsi on peut cornpter que tous
les trois ans cen t mille ouvriers passent par cette
filiere (1). »


On voit quelle profonde infiuence le eompagnonnage
est susceptible d'exercer sur la population ouvriers,
et notamment a Lyon, qui vient en premiere ligne
parmi les villes de Devoir Au commencement de ce
siecle, il était encere ce qu'íl était au siecle dernier,
apte a rendre d'importants services a ses adeptes,
mais recelant de grands abus, et transmettant de gé-
nérations en générations, avec des principes géné-
reux et fraternels, des traditions de rivalité qui se
rattachent a un faux point d'honneur et a de vaines
questions de prééminence.


Hátons-nous cependant de dire qu'il s'est profon-
dément modifié depuis enviren vingt années, quoí-
qu'il Iui reste encore bien des progres a faire. Ce ré-
sultat heureux est dú aux efforts communs et a l'in-
fluence d'un certain nombre d'hommes d'élite apparte-
nant ala classe ouvriere, Nous devons citer parmi eux
M. Agricol Perdiguier, ancien compagnon menuisier,
qui, par des écrits nombreux et tres répandus, n'a
cessé de combattre les abus du compagnonnage et de
démontrer surtout combien étaient insensées ces ha-
bitudes de discorde et de luttes nées de l'esprit étroit
et des nécessités d'une autre époque.


(t) Le livre du Compagnonnnge, par A. Perdiguier, t. ,e., p. 67.




- 133-
Convaincus par eette voix amie et persuasive, les


eompagnons d'aujourd'hui ont presgue partout re-
noneé aees tristes traditions des siecles passés. On ne
les entend plus hurler dans leurs rencontres, et méme
la plupart du temps ils ne topent plus. IIs ont com-
pris combienil était puérit d'en venir aux mains pour
soutenir la prééminenee du Devoir auquel ils appar-
tiennent, et ils se bornont a éehanger simplement les
demandes et l~s réponses qui leur permettent de se
reconnaitre pour se prátsr l'assistanee mutuelle dont
ils peuvent avoir besoin.


Cette assistance est remarquable par son caractere
fraternel, affeetueux et efficaee.


Quand un eompagnon arrive dans une ville,il se
rend d'abord chez la Mere, c'est-a-dire chez l'hótesse,
toujours respectable et respectée, qui recoit les mem-
bres du méme Devoir (1). Le Premiar Compagnon et
le Rouleur (2) s'empressent de lui faire bon aeeueil,
et ce dernier le eonduit a l'embauchage, c'est-a-dire


(1) Si la 1\lere, par sa conduite, vient aperdre ses droits au res-
pect des eompagnons, un vote peul la déelarer déehue de son auto-
rité, et pourvoir a son remplaeement. La maison de la Mere offre au
eompagnon une véritable famille . « 1I y trouve du travail, un lit, du
erédit. L'hóte devient son Pére, l'hótesse sa Mere, les enfants et les
domestiques sont ses Fréres et ses Sceurs, tous les me mbres de la
soeiété sont ses pays, ses amis et ses bons camarades. ) Agrieol
Perdiguier, Question vitale sur [e Compagnonnage, nn vol. in-12,
1861. p. 69.


(2) Le Rouleur est le membrc de la société qui est cbargé d'ae-
cueillir les nouveaux venus, d'embaueher les ouvriers, de lever les
acquiís et de convoquer les assemblécs en eas d'urgencc. Ses fonc-
tions ne durent qu'une semaine, ct chaque compagnon les remplit a
tour de role.




- 134-
chez le maitre qu'il sait avoir besoin d'ouvriers, et il
le lui présente en attendant avee déférenee sa déei-
sion. Le patron, en signe d'aoquiescement, remet au
Rouleur trois ou cinq francs que celui-ci rend au corn-
pagnon ou qu'il' retient, suivant les usages de la So-
ciété, De cejour, l'union est eimentée, le eompagnon se
voit traité de la méme facon que ses camarades d'ate-
lier. Les degrés divers d'habileté peuvent seuls établir
une différenee dans la quotité du salaire.


Apres avoir séjourné un certain temps chez un mar-
tre, le eompagnon veut-il quitter la ville pour conti-
nuer son tour de Frunce? fe Rouleur revientavee lui
chez le patrono C'est sous sa garantie et par ses soins
que l'embauehage a eu lieu, c'est lui qui doit tenir la
main a la revée de l'acquit, c'est-a-dire au reglement
des eomptes entre le maitre et l'ouvrier. Il demande
indistinetement aehacun s'il ne lui est rien dú, s'il a
quelque réelamation a faire ? Sur la réponse négative,
l'acquit est levé. Il faut ene ore proeéder a la mérne
formalité ehez la Mere, afin que le partant n'y laisse
aueune dette.


Le Rouleur intervien't 'de nouveau, et, par ses soins,
l'acquit est levé, s'il y a lieu. Le partant regoit alors
un eertificat constatant qu'il est en regle, et une re-
commandation pour le Premier Compagnon de la ville
prochaine. Vient ensuite le moment des adieux, la
Société doit un repas au partant, souvent les amis y
contribuent, ou parfois d'une part de leurs épargnes
garnissent la bourse du camarade qui s'en va.


Si pendant son séjour chez le patron, le compagnon
a commis un acte d'improbité, s'il s'est mal conduit
chez la Mere, si, par la dissipation de son salaire, il
s'estmis dans l'impossibilité d'y obtenir la levée de




- 135 -
son acquit, on le traite alors avec une' juste sévérité.
Parfois méme, on le chasse et on le signale dans les
autres villes de Devoir, afín qu'il n'y soit accueilli
nulle part.


La protection, le travail, le crédit, les recommanda-
tions favorablesne sont pas les seuls bienfaits que le
compagnonnage peut offrir a ses membres. Chaque
Devoir possede une caisse qui aide le eompagnon dé-
nué de ressources asolder, chez la Mere, les dépenses
que son salaire n'a pas suffi a payer. Cette caisse lui
assure des soins s'il tombe malade, des secours de
route s'il est obligé de partir et des honneurs fúnebres
s'il vient a succomber. Les ressources se composent
des cotisations mensuelles de 1 fr. ou 1 fr. 50, re-
cueilfies publiquement dans chaque atelier par le pre-
mier affílié, de maniere que « les comptes soient bien
clairs pour tout le monde.)} Lorsqu'une sooiété est
épuisée, par suite de dépenses extraordinaires, elle
fait appel aux sociétés affiliées des autres villes, qui
no restent jamais sourdes a sa demande.


Le compagnonnage, ainsi pratiqué, devient une
tres-Iouable institution, dont le résultat est de faciliter
le tour de Franee aux jeunes ouvriers, de leur faire
trouver partout un bon accneil, de l'ouvrage, des se-
cours et d'utiles recommandations. La probité, la
bonne conduite, l'habileté professionnelle, y rencon-
trent de puissants encouragements.


Des récompenses ds diverses sortes sont offertes au
compagnon. Elles consistent dans des insignes et des
honneurs propres a stimuler l'ómulation. Les rubans
jouent ici un grand róle, Il est des sociétés dans les-
quelles on gagne, en passant dans telle ville, une fa-
veur rose, dans telle autre une verte, dans telle autre




- '136 ~
une violette, dans telle autre une lilas. En méme
temps, on obtient un avancement hiérarchique. Au
départ, on est simple affilié, puis eompagnon recu,
ensuite eompagnon fini. On devient secrétaire et enfin
Premier Compagnon, c'est-a-dire l'élu de tous, et on
a droit a l'écharpe, signe du commandement.


Le premier compagnon, le secrétaire, le rouleur, et
les quatre plus anciens compagnons forment dans
toutes les villes de Devoir le bureau ou comité-direc-
teur. C'estune sorte de pouvoir exécutif qui, tous les
mois, soumet ses actes a la sanction de l'assemblée
générale.


Dans certains cas, le comité-directeur s'adjoint les
suffrages des eompagnons finis; si la réunion ainsi
organisée ne peut arriver aune solution, elle s'adjoint
les compagnons recus, et se compose ainsi de tous les
compagnons de la ville.


Si le désaccord subsistait au sein de cette assemblée
générale, on s'adresserait en dernier ressort au tour
de Franco tout entier. Les quinze villes de Devoir se-
raient consultées, chacune donnerait son vote, et la
rnajorité trancherait la question.


n.


Telle est l'organisation actuelle ducompagnonnage.
Tels sont les bienfaits qu'il est susceptible de rendre
a la classe ouvriere.


Mais, pour atteindre súrement le but qu'il se pro-
pose, pour exercer une action salutaire, d'une effica-
cité reconnue et qui, vis avis de l'opinion publique,
l'affranohisse de la défiance qu'inspire le souvenir de




·-137 -
ses abus d'autrefois, .il doit se dépouiller a jamais de
l'esprit d'exclusion et de routine, et se mettre enfin
au niveau des besoins et des usages de l'époque
actuelle.


Des causes trop nombreuses de division et d'anta-
gonisme subsistent encore, soit entre les membres de
chaqué Devoir, soit entre les divers corps du Compa-
gnonnage.


Les membres de chaque société n'ont pas tous le
mémo grade. On y voit des Aspirants , autrement
nommés Affiliés ou Attendants, puis des Compagnons
Recus et des Compagnons Finis. Cette hiérarchie peut
avoir sa raison d'étre, mais elle se manifeste par des
signes extérieurs parfois trop accentués et qui jettent
bien souvent des germes de désaccord entre les ou-
vriers d'un méme atelier. On ne saurait mieux faire
que de suivre acet égard les conseils de M. Agricol
Perdiguier (1).


Les rivalités des sociétés entre elles ont perdu de
leur intensité et n'aboutissent plus a ces luttes sau-
vages qui se renouvelaient il ya peu d'ánnées encore.
Elles ne sont malheureusement pas éteintes, mais
seulement transformées, et elles ont amené un frae-
tionnement regrettable de divers eorps de métiers en
plusieurs sociétés qui aspirent orgueilleusement a
vivre isolées et indépendantes les unes des autres.
Par exemple, les menuisiers qui ne comptaient jadis
que deux sociétés rivales, en comptent aujourd'hui
cinq ou six, les tailleurs de pierres trois ou quatre; il
en est de méme des charpentiers, des serruriers, des


(1) Queslion vitale sur le Compagnonnage, 1861, p. 90 el suiv.
- Voyez aussi le Conseiller des Compagnons. par Chovin, 1860.




- 138 -
cordonniers. Les haines n'ont plus la méme vivacité,
mais elles ont fait place a des scissions mesquines
qui développent et perpétuent les sentiments d'indif-
férence, de froideur et d'égoisme, discréditent le com-
pagnonnage, compromettent son caractere , para-
lysent son action et éloignent de lui la classe ouvrisre
elle-méms.


En effer, « il y a tant de sociétés et ces sociétés sont
« si faibles a la fin que l'on ne sait plus a laquelle
« s'adresser, et que les ouvriers prennent de plus en
« plus l'habitudede s'isoler, de vivre chacunpoursoi;
« ce qui donne les résultats les plus eifrayants (1). )


L'isolement a pour conséquences immédiates et
évidentes le défaut d'émulation, de surveillance, de
conseils, de direction. Il favorise la paresse, les mau-
vais instincts, les liaisons dangereuses. Il enleve
toute garantie de payement a l'hóte qui héberge l'ou-
vrier célibataire. Celui-ci, au lieu de trouver chez la
Mere des compagnons de son état, un logement hon-
néte, du crédit, du travail , des protections, s'en va
seul dans des garnis suspects, dans des repaires mal-
sains, oú se respire une atmosphsre de débauche. Il
s'y trouve en contact avec des gens sansaveu et
sans profession, des repris de justice, des forcats li-
bérés. Il entend leurs discours, il se laisse aller a
partager leurs honteux plaisirs. Au travail ilne tarde
pas a préférer l'oisiveté, « il aime mieux manier la
« bouteille, les verres et les cartes que l'équerre, le
« compas, le crayan et les livres, »


Quand il est entré dans cette voie, que garde-t-il


(1) QucstiOll vilale sur le Compagnonnage , p. 33 ct 65. - Voycz
aussi : 'Etude sur le Compagnonnage, par Simon, de Nantes.




.- 139 -
des bons sentiments qui lui attiraient autrefois 1'es-
time de ses patrons ? Peut-il méme se flatter de ne
rien perdre de son habileté professionnelle, de sa
force, de son adresse, de sa justesse de coup-d'csil ?
Non! Il devient mauvais ouvrier et presque aussitót,
comme par une conséquence fatale, il cesse d'étre
honnéte homme.


11 faut vivre en effet; et en dehors de toute recom-
mandation on ne se procure pas aisément de l'ou-
vrage. Que de peines, que de démarches, que de diffi-
cultés, que de refus avant de trouver du travail! Quand
au lieu d'étre conduit par le Rouleur et appnyé par
une société, un ouvrier va se présenter seul chez un
patron, il ne peut qu'étre recu froidement et avec dé-
fiance. Si on a besoin ele lui, on l'accueille ; mais au
moindre chómage on lui donne son eongé, et'le voilá
de nouveau sans travail, sans pain, exposé a toutes
les tentations et obligé de demander sa subsistance
tantót a la eharité, tantót a des moyens équivo-
ques (1).


A-t-il recours au contraire a1'institution du compa-
gnonnage, elle lui offre du crédit, des proteetions et
de l'ouvrage. Elle peut, si les ouvriers trop nombreux
se nuisent sur un point, les diriger sur les places qui


(1) Les ouvriers qui s'isolaicnt volontairement du eompagnonnage
recevaient jadis le sobriqu et d'Espontons, et étaient tres-mal vus
dans les ateliers, aussi le nombre en était-il restreint; aujourd'hui il
est bien plus considérable, el les patrous sont parfois obligés de les
accueillir aux mémes conditions que ceux qui se présentent sous la
caution du compagnonnage, mais ils les eongédient les premiers, 11
moins qu'ils no trouvent en eux, ce qui est rare, une capacite excep-
tionnellc.




- 140-
manquent de travailleurs, et maintenir ainsi unjuste
équilibre entre l'ouvrage a faire et le nombre de bras
EL occuper. Mais afin qu'il en soit ainsi, et que l'ou-
vrier obtienne du compagnonnage tous les services
qu'il est en droit d'en artendre, il fautd'abord qu'il .Y
apporte un bon esprit, et, en second lieu, que I'insti-
tution elle-mame élargisse ses tendances, agrandisse
son caractére, se propose comme but supréme et ab-
solu la moralisation de ses membres par le travail,


Nous disons que I'ouvrier qni veut entrer dans une
société de compagnonnage doit y apporter un bon
esprit, nous entendons par la des sentiments de sou-
mission et de concorde.


« Oui, compagnons, s'écrie Agricol Perdiguier (1),
« il y a en nous, il y a dan s toute la classe ouvrisre,
ce un coté Iácheux que je veux éclairer; écoutez-moi,
« je l'ai dit, je le répete, je le répeterai encore, trop de
« divisions, de séparations, de scissions ont produit
« l'anarchie.


« Le jeune ouvrier méconnaí:t toute subordination;
« si le chef d'une société veut le morigéner, le con-
« seiller, le pousser a bien, il se rache aussitót ; il
« quitte ceux qui l'ont accueilli, protégé, et va se pré-
« senter a une autre société qui le recoit , ne veut
« point lui supposer des torts, applaudit EL ses plain-
« tes, a ses calomnies parfois, ne fait aucune enquéte,
« ne leve pas d'acquit, et pour sa part, grossit le mal
« qu'elle devrait travailler EL amoindrir. Les chefs des
« sociétés manquant d'influence, d'autorité, ne peu-
« vent plus tenir la bride aux passions, aux fácheuses
« tendances, et le désordre va croissant.


(1) Question vitale sur le Compagnonnage, p. 104.




- 141 -
« Les sociétés voyageuses deviennent impuissantes,


« le travailleur perd tout amour, toute discipline, tout
« esprit d'ensemble; tout principe élevé disparaít et
« la moralité soutf're horriblement. Il n'y a plus, dans
« la plupart des hommes, l'amour d'une institution
11 supérieure, l'amour du travail , le désir d'exceller
« dans leurs parties ... il Y a l'amour du soi mal com-
« pris, l'égoisme qui les rapetisse et les compromet
11 de toutes les manieres. L'isolement est une chose
« affreuse et funeste a tous (1). »


Il importe done que les jeunes ouvriers aient re-
cours au'compagnonnage, et se montrent, en yentrant,
disposés aen suivre les regloments avec loyauté et
soumission. Mais pour que le compagnonnage puisse
légitimement se les incorporer et prétende a bon droit
exercer sur eux une influence salutaire, et les couvrir
d'une protection efficace, iI doit lui-méme atteindre
par des réformes définitives ]e degré de perfectionne-
ment qu'exigent les besoins de notre époque.


Il faut qu'un esprit large et impartial préside a son
action, et opere une fusion entre les sociétés rivales
qui existent dans le sein méme dl3 chaque corps d'état,


Déja de louables essais out été tentés et indiquent
la voie a parcourir. Des 1848 a été rédigée une consti-
tution fraternelle des compagnons des Devoirs réunis.
Des enfants de Salomon, de J acques et de Soubise
prirent part ace travail, qui fut signé par les délégués
de plusieurs corps d'état. Ils avaient espéré faire
adopter cette constitution aux sociétés de tous les mé-
tiers, dans le tour de France entier, et jeter ainsi au
sein du compagnonnage les fondements d'une fratsr-


(1) Ihid.




- 142-
nité durable. Les ouvriers lyonnais se préterent acette
noble tentative, les tisseurs-ferrandiniers y apporte-
rent notamment un concours empressé. Mais des ré-
sistances aveugles et mesquines vinrent, d'autre part,
et surtout en d'autres villes, retarder la réalisation
d'une si belle entente.


Toutefois , ce mouvement n'a pas été stérile. Le
besoin d'union et d'unité a inspiré en ces derniers
temps d'heureux rapproohernents. Aujourd'Iiui les
eompagnons de tous les Devoirs se font, EL París, des
invitations mutuelles, et célebrent en commun leurs
f~tes patronales. Espérons que cet exemple sera suivi
dans toutes les villes du tour de France, et hatera la
fJl.sioJ;l des diverses sociétés de compagnonnage, en
ét,Elig¡:¡.&nt peu apeu ces rivalités pnériles qui, en pro-
vince, se perpétuent plus aisément sous l'influence
des vieilles habitudes et des qnestions particulieres
d'in téf~t local,


Nous terminerons ce chapitre par un dernier souhait:
Nous désiro;ns que le sentiment religieux s'allie large-
mentdans le compagnonnage a l'espritde concorde
e,t de tolérance. Trop longtemps de fácheuses exclu-
sions, des récriminations acerbes (qui se sont fait
jour jusque dans les chansons du tour de France) et
mérne des hostilités sanglantes, ont pris leur source
daas la dissidence des cultes. D'un coté se manifes-
tait Un esprit trop étroit, de l'autre une ironie irrévé-
rencieuse, un scepticisme brutal., ... Comme tontes
lesautres, ces eauses de désaocord doivent s'effacer.
Entre l'intolérance et l'indifl'érence religieuse, il est
nnsage milieu d'oü la véritable charité sait tendre
une main fraternelle a tout homme honnéte et cou-
rageux qui ne demande qu'a gagner honorablement




- 143-
sa vie par son travail. Mais si, en retour de l'aide
qu'il réclame et qui lui est libéralement acoordé, on
n6 lui impose pas la pratique d'un culte qui n'est pas
le sien, qu'il sache cependant respecter les croyances
de ses coassociés et qu'il s'incline devant les statuts
qui ont placé l'entreprise commune sous le sceaude
la religion du plus grand nombre.


Que le compagnonnage ouvre done son sein atous
ceux qui, par l'intégrité de leur conduite et la droi-
ture de leurs intentions, méritent de participen i.L ses
bienfaits. Qu'il soit inspiré daus son action par le
sentiment d'une ample fraterni té, et qu'il répande le
bien sur tous les membres de la classe ouvriere qui
réclament son appui; mais qu'il ne cherche pas en
dehors de l'esprit religieux et du respeet des ehoses
saintes une force capable de le soutenir et le guider.
Qu'il choisisse et garde précieusement parmi les tra-
ditious du passé celles qui peuvent assurer son déve-
loppement moral, et élargir ses horizons; qu'il ne dé-
daigne pas ces fétes patronales armuelles dans les-
quelles ses enfants viennent en commun élever leurs
cosurs et leurs pensées vers Dieu, et lui demander le
soulagement de leurs peines et le courage dans leurs
travaux ; qu'il favorise ces pieux péleriuages, complé-
ment indispensable autrefois du tour de France, ces
visites i.L la Sainte-Baume, et autres lieux renommés
auxquels se rattachaient les légendes des temps bibli-
ques ou des premiers siecles de la foi chrétienne, les
souvenirs nationaux, les exemples des anciens, dontla
vue enflammait le cosur des jeunes eompagnons, et leur
inspirait un ardent désir de bien faire et de se montrer
dignes des patrons et des aíeux de l'association.


Ainsi régénéré, le compagnonnage tiendra toutes




- 144-
ses promesses; il donnera a notre pays des généra-
tions successives d'ouvriers honnétes , moraux, ha-
biles au travail, courageux dans l'adversité, capables
d'améliorer leur sort, et d'étendre encore la renommée
de la France dans le champ pacifique des luttes in-
dustrielles.




CHAPITRE IX.


LES SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS ET LES ASSOCIATIONS
INDUSTRIELLES OUVRIERES A LYON DE 1800 A 1850.


SOMMAIRE.


§ le•. - Insuffisance du compagnonnage pour soulager les besoins
de la classcouvriere. - Sociétés do secours mutuels. - Diílé-
ronce entre leur príncipe et celui des corporations.


§ 1/. - Leur origine 11 Lyon, - Diffieultés. et problémes soulevés
par leur organisation. - Nécessité de l'intervention de l'Etat.
- Systerne du Code pénal de 1810. -- Elan 'des ouvriers lyon-
nais, - Cireulaire ministéi-iellc de 1812. - Associations di-
verses fondées 11 Lyon jusqu'cn 18q8, - Vices d'organisation ou
abus chez le plus grand nombre, - Mutuellistes. - Ferran-
diniM's, etc, - Efforts du gouvcmement pour encourager el
guider les sociétés dc sccours muluels ..- Etudcs faites dans
ce but.


§ III. - Révolution de 1848. - Tentativo nouvelle : Assoeiations
induetrielles ouvri éros. - Déeret du 5 juillet 18Q8. -- Sociétés
de ce genre 11 Lyon : Veloutiers 'réunis. - Ouvrim's en soie et fa-
b1'icantsréunis. - Insuccés de ces sociétés. - Ses causes di-
verses.


§ IV . .. Retour aux sociétés de secours mutucls, - Décret du
28 juillet 1848. - Systeme de liberté illimitéc. - Néeessilé
d'une siiaple déclaration préalablc. - Conséqueuees fáchcuses


10




-- '146 -
de ce régime. - Tentatives de I'assomblée législativr. - Tra-
vaux de la eommis-ion ehargée de présenter un projet de loi, -
- initiative du commeree lyonnais. - Fondatiou de la Sociélé
de sccours mutuels et de la Caisse de retroite des ouvl'icl'S en soic,
- Décrets qui les déclarent établissem ents d'utilité publique. -
Loi du 15 jnillet 1850.


1.


Quelques progres qu'il réalise, le compagnonnage
ne saurait seul remédier aux maux qui menacent in-
cessamment la classe ouvriere. Par son organisation
particuliere, il réserve ses encouragements et ses se-
cours aux jeunes ouvriers qui, dans leur tour de
France, vont de ville en ville, d'ateliar en atelier,
acquérir l'expérience et l'habileté.


L'artisan sédentaire, établi, rnarié, pere de famille,
n'a en général rien aattendre de cette institution. Ce -
pendant, combien de fléaux planent sur son exis-
tence! Sans pain quand le travail lui manque, sans
secours et sans ressources dans le douloureux chó-
mage que lui impose la maladie, sans soutien dans
les défaillances de la vieillesse, n'a-t-il done qu'a
tendre la main et a espérer l'obole incertaine de la
eharité? Sans doute elle vient a son aide, elle le visite,
elle s'efforce de le consoler etIe guérir, elle lui ouvre
des asiles hospitaliers, rnais trop souvent ses bien-
faits sont tardifs, elle souJage les miseras appa-
rentes, laisse dans un abandon forcé celles qui se
tiennent cachées, et si elle remédie a lasouifrance,
elle peut rarement la prevenir.


Il faut done, a tous ceux qui n'ont d'autres moyens




- -147 -
d'existence que leur travail, une protoction súre et
efficace qui leur permette de prévoir et de conjurer les
orages ou d'en atténuer les inévitables atteintes.
L'association seule leur offre cette protection. Elle
est el sera toujours la sauvegarde des etres íaiblos et
menacés, De méme qu'aux siecles passés, les néces-
sités d'une dé(ense mutuelle ont réuni les artisans en
corporatious ,de me me les périls de l'isolement leur
ont suggéré, anotre époque, l'idée de se grouper dans
un but d' assistance muiuelle.


Les associations ouvriares, nées de cette inspira-
tion, nous apparaissent comme une des institutions
les plus fécondes dont le XIXe siecle aura vu le déve-
loppement. Aucune, nous le croyons, ne parviendra
plus efficacement a. prévenir et a. soulager la misare, et
a assurer a la vieillesse du travailleur une retraite
plus tranquille et plus dignement acquise.


n.


Les sociétés de secours mutuels de Lyon ont dú
leur origine iL l'initiative de simples ouvriers qui, dans
le but de se soustraire aux vicissitudes ou les avait
jetés la disparition subite des anciennes corporations,
ne prirent conseil que d'eux-mérnes pour s'entr'aider
au moyen d'une sage prévoyance et d'une assistance
réci prog uo,


Des 1804, nous voyons les membrcs de divers corps
"de métiers, tels que des tisseurs, macons, charpen-
tiers, cordonniers, jardiniers, porte-faix, etc., et des
marchands et artisans israélites s'associer entre eux
pour former, á l'aide de cotisations individuelles, un




- 148-
fonds cornmun destiné a soulager ceux qui tombe-
raient malades ou que la vieillesse rendrait incapables
de gaguer, par leur travail, leur subsistance et celle
de leur famille (1).


Entierement indépendantes de l'autorité loeale et
de l'Etat, les premiares sociétés qui s'organiserent á
Lyon ne duren t Iour impulsion, leurs regles, leurs
conditions d'existence qu'a l'inspiration de leurs fon-
dateurs,


Cette liberté pouvait leur sourire, mais elle avait
ses dangers. L'inexpérience des sociétairos devait né-
cessairement les conduire ade douloureux mécomptss;
la plupart d'entre euxn'avaient certainement ni soup-
conné les problernes sérieux, ni prévu les difficultés
nombreuses que souleverait, dans son application,
I'idée d'une association de secours mutuels.


Ces diffícultés, qui ne tardsrent pas a se révéler,
peuvent se classer sous les six chefs suivants :


l° Erreur dans le calcul qui a pour objet le rapport
des mises versées avec le secours promis ;


20 Mauvaise gestion provenant de I'ignorance et de
I'incapacité :


3° Vices des statuts qui, par leurs [acunes, leur
·obscurité, préparent des contestations funestas et rui-
neuses;


4° Défaut de garantie pour la conservation des fonds
communs et la reddition des comptes;


(1) Nous puisons les renseignements relatifs a l'origine el a la
date dc l'organisation des diverses sociélés dc secours muluels a
Lyon, dans les tableaux offieiels annexés, 11 partir de 1852, au rap- .
port presenté annuellement 11 l'Empereur pal' la Commission supé-
rieure instituée pour l'eneouragement et le développement des as-
soeialions de seeours mutuels.




- 149-
5° Emploi des fonds ades dépenses inutiles ou con-


traires au but véritable de la société;
6° Absence de précautions contre les fraudes ou de


garantie contre l'oppression.
A ces causes certaines de dépérissement qui ont


existé dans presq ue toutes les sociétés de secours mu-
tuels a leur origine, si l'on ajouto les éventualités de
coalitions pouvant paralyser la liberté des transac-
tions industrielles et troubler l'ordre public, on com-
prendra que les publicistes qui ont étudié ces institu-
tions aient oonsidéréI'intervention de l'autorité pu-
blique, dans leur création et leur fonctionnement,
comme indispensable a leur prospérité et a la sécurité
générale (1).


Cette intervention fut ~rigée en principe et devint
efi'ective par la promulgation du Code pénal 22 (février
1810) qni dispose, en son articIe 291, qu'aucune asso-
ciation de plus de vingt personnes, pour quelque
objet que ce soit, ne peut se former qu'avec l'agré-
ment du gouvernement, et sous les conditions qu'il
plaira a l'autorité publiqne d'imposer a l a société. »


Les associations lyonnaises soumirent leurs statuts
a l'examen et a l'autorisation préalable de l'autorité
locale, et loin que cet assujettissoment fút un motif
de suspicion et de découragernent pour les artisans
de notre cité, ils se montrerent encare plus empressés
a fonder des sociétés nouvelles.


L'année 1810 vit en effet s'établir des associations
de nuittre« {abricants de soieries, de tisseurs, de
[ondeurs et poracheoeure sur méiau», de marchands
de vins et de menuisiers, et I'aunée 1811, d'autres


(1) De Gérando, Traité de la hienfaisance publique, t. IV.




- 150-
associations de mauree [abricasits, de chapeliers, de
rnaitre« pldtriM's, de tonneliers, d'ouvriers d'arts et
méiiers diverso


Cet élan de notre classe ouvriere ne dut.pas rester
iuappercu et contribua peut-étre au désir que le Gou-
vernement manifesta bientót de connaitre ces asso-
ciations naissantes, et d'étudier les conditions qui
pouvaient favoriser leur développement.


Une ciroul airo prescrivit, en 1812, aux préfets, de
faire une euquéte générale sur ces sociétés qui, so us
le titre de caisses de secours ou de prévoyance ,
avaient pour objet d'assurer des secours aux journa-
liers et artisans, en cas de maladie, d'infirmités ou de
vieillesse. « Il me parait important, écrivait le rninis-
« tre, que l'Administration exerce une surveillance sur
« des associations qui embrassent souvent les inté-
« réts d'un grand nombre d'individus ; une connais-
« sanee exacte de ces associations et de leurs effets,
« peut d'ail1eurs présenter des données précieuses
« pour le systerne genéral des secours publics, en
« mettant El portée d'apprécier avec plus de justesse
« quel1eest la masse des secours apportés au soula-
« gement de l'indigence, et quelles sont les institu-
« tions vraiment utiles que l'on doit encourager et
« protéger. »


Nul doute que la sol1icitude, éveillée par les efforts
de nos laborieux artisans, ri'eút abouti, des cette épo-
que, El une protection éclairée et efficace qui eút évité
aux sociétés inexpérimentées bien des mécomptes et
des déceptions. Mais d'autres devoirs, d'autres soucis
dorninerent alors le Gouveruement. Les institutions
naissantes out d'ailleurs besoiu de l'épreuve du temps
pour révéler avec leurs abu s les améliorations dont




- 151 -


elles sont susceptibles. Aucune intervention du légis-
lateur ne put done, des cette époque, encourager ni
guider le développement des associations de secours
mutuels. Quarante années devaient s'écoule; encore
avant que la classe ouvriere recút des regles proprl~s
aassurer la prospérité des utiles institutions nées de
sa seu le initiative. Il était réservé au second Empire
de réaliserla tache entrevue par le premier.


Les artisans lyonnais ne continuerent pas moins a
se réunir en associations dont ils combinérent de leur
mieux les clauses et les conditions.


De 1814 a 1830, vingt-sept sociétés nouvelles s'or-
gániserent, soixante et douze s'établirent sous la mo-
narchie de juil!et, et enfin seize autres de 1848 a 1850,
ce qui donne a eette époque un total de cent quarante-
troisassociations de secours mutuels, dans le départe-
ment du Rhóne, dues a la seule inspiration de leurs
membres fondateurs (1).


(1) Voici I'indication des principales avec la date de Ieur fonda-
tion : Société des serruricr«, 1819; de divers états ; et des lypogra-
phes, 1822; des cluvpelier», des péeheur» el des baigneurs, el de
divers état«, 182"', des tonneliers, des anciens mililaires de la Guillo-
licre,de divers art« et métiers, 1825; des croeheteure, de divers
états, de maitres ouvriers en soie, 1826; trois sociétés d'ouvl'iers en
soie, deux sociétés de divers états, 1827; de garrons de eaisse el de
magasin, de marons, de pel'ruquiel's-eoifrenrs, 1828; d'artisles et
ouvriers divers, 1829; d'impl'ímeul's sur étotres, [obricants d'élotres
de soie, de tous arts el métiers, 1831; de fauJ'icanls ds soiede, de
eordonnie1's, 1832; de divers ét(,ls, 11':34; de maítres fabrieants,
d'ouv'¡ers divers, d'aneiens mililaires, de ehefs d'atelier el de fabri-
('anls, 1838; de menuisiers, 1839; des amis de la poi», d'ouvriers
divers, d'ouvriers en soie, 1840; d'ouvriers en soie el d'ouvriers di-
vM's,1841; deux soeiétés d'uu1Jriers divers, des garruns de eaisse et




-- 152 -
Sur ce nombre 73 étaient composées de moins de 50


mernbres, 47 en comprenaient de 50 a 100, et 23 un
chiffre supérieur.


Celle's qui réunissaient moins de 50 membres se
Iaísaient remarq uer par leurs sentiments de confrater-
nité, d'ordre et d'économie, mais avec un chiffre aussi
restreint d'associés elles ne pouvaient faire qu'une
application imparfaite des calculs de probabilité, ni
garantir des secours avec certitude.


Celles qui comprenaient un nombre plus considé-
rable de membres pouvaient plus aisément tenir leurs
engagements. Elles n'en étaient pas moins exposées
aux dangers rés ultat de l'inexpérience manifeste de
leurs fondateurs et administrateurs.


Qaelques-unes, sous le prétexte de l'assistance mu-
tuelle, paraissent n'avoir eu d'autre dessein que de
lever des fonds pour défrayer en cas de besoin les
ligues et les coalitions. Ainsi la sooiété dite des mu-
tuellistes, composée de plus de 200 chefs d'ateliers de
soieries, avait distribué ses membres en sections,
sous une organisation hiérarchiqus, et les appelait
surtout a se concerter pour Iaire valoir leurs intéréts


de magasin, tailleu»s su,' eristau»; emptoyés, maiires tabricants et
tisseurs, 18~2; de eordonniers, de teinturiers, et trois sociétés de
divers états, 1843; de .'Jraveurs, des amis de t'industrie, d'employés
el eommis, et deux soeiétés de divers états, 1844; de mécaniciens, el
de divers étals, 18105; de gar90ns de eaisse et de mooasin, d'ouvriB1's
en soie, de divers états, 1846; de eommis el employés, d'élats divers,
de plátl"iers, des employés de ¿'ocl1'oi, des vieux amis de la Croix-
Rousse, 1847; cartiers, fondeurs, commis et employés, étals divel's,
18108; plátriers, couverturiers, 18~9; chets d'ale/iB1', ouvriers en
parrlpluies, croeheteurs, 1850.




- 1113 -
dans les stipulationsrelatives aux prix de fabrication.
L'association dite des ferrandiniers réunissait en
nombre encore plus considérable de simples ouvriers
en soie , la plupart honnétes , laborieux et animés
d'intentions pacifiques, mais faciles a égarer et
prornpts aobéir au signal qui les appellerait sons le
drapeau de l'émeute. C'est ce qui s'est malheureuse-
ment réalisé dans les regrettables journées de novem-
bre 1831 et d'av1'il1834 (1).


D'autres sociétés ont été également accessibles aux
entraínements de l'esprit de ligue et de coalition. Plus
d'une fois les tribunaux ont eu asévir contre des ou-
vriers tisseurs, chapeliers ou teinturisrs qui avouaient
qu'en se mettant en grave, ils n'avaient fait qu'obéir
a l'ordre de leurs chefs.


Une intervention bienveillante et éclairée de l'au-
torité publique dans les conditions d'organisation et
d'administration des sociétés de secours mutuels a
done été de plus en plus nécessaire dans l'intérét de
la classe ouvriere elle-méme , comme dans l'intérét
de l'ordre publie et de la sécurité générale.


Le Gouvernement de j uillet s'en est préoccupé. Une
loi du 22 juin 1835 a eu pour but de stimuler l'écono-
mie et l'accroissement du capital des sociétés de se-
cours mutuels, en leur permettantde verser dans les
caisses d'épargne jusqu'a 6,000 franes, avec possibi-


(1) Monfalcon, Hist. de Lyon, p. 1172 et suiv,
De Nouvion, Híst. de Louis-Philippe.
Voyez sur les tnutuellistes el les [errondiniers un article de


. M. Jouuuneaut dans le Bulletin des sociétés de seeours mutuels,
année 185l¡, p. 110 el 111, el 1\1. de Gérando: Traite de la hien-
faisance publique, t. m, p. 95.




- 104-
lité d'élever leur crédit jusqu'a 8,000 par l'accumula-
tion des intéréts.


Mais ce qui importait davantage, c'était de regle-
menter les conditions insérées par les associés dans
les contrats, c'est-a-dire dans Les statuts qui les
liaient, et qui trop souvent promettaient a leur vieil-
Lesse des avantages irréalisables.


Une circulaire ministérielle du 6 aoú t 1840 prescri-
vit aux préfets d'appeler l'attention et de recueiUir les
avis des conseils généraux sur ces utiles institutions,
Quelques années apres, le ministre du commerce fai-
sait étudier les sociétés d'amis qui depuis des siecles
existaient en Angleterre. En méme temps, I'Académie
des sciences était saisie des problemes arésoudre pou!'
déterminer les calculs de probabi lité qui devraien t
servir de base al'organisation des sociétés de secours
mutuels, Dans ces circonstances la révolution de
1848 éclata (1).


III.


Les évenernents qui en furent la suite deváient pré-
eipiter la solution des questions relatives aux associa-
tions. lIs donnerent lieu d'abord a une tentative nou-
velle, consistant dans la formation de sociétés indus-
triclles et commerciales entre ouvriers.


Le 25 février le Gouvernement provisoire avait dé-


(1) Sur les efforts tentés, avant 18~8, dans le but de hátcr la
propagation et le pcrfectionncment des sociétés de secours mutuels,
voyez l'art. de M. Jouanneaut dans le Bulletin des sociétés dc se-
COUI'S mutuels, année 185~, p. 13 e. 162, ele.




- l1H\ -
crété que « les ouvriers doivent s'associer entre eux
pou!' jouir du bénéfice légitime de leur travail. » Quel-
ques jours aprss, une Commission avait été instituée
pOlil' donner satisfaction aux in térets des travailleurs.
La présidence en reveuait de droit a celui des mera-
bres du Gouvernement provisoire qui avait écrit,dans
son livre sur l'organisation du travail : « La concur-
renee e'est le mal, l'association e'est le remede. "


11 n'entre pas dans notre plan d'examiner quels fu-
rent les actes de cette Commission, i l nous suffit de
rappe!er que, sous l'influenee des idées qu'elle avait
préconisées, et apres le rapport presenté au no m du
comité des travailleurs, l'assemblée nationale votait,
le 5 juillet 1848, un décret q ui ouvrait un erédi t de
trois millions, .. destinés aetl'e répartis entre les asso-
(( eiations [ibrenient contractées, soit entre ouvriers,
« soit entre patrons et ouvriers. »


Le montant de ce erédit devait étre avancé a titre de
prét sur l'avis d'un conseil d'eneouragement formé.
par le ministre de l'agrieulture et du eommeree (1).


lmmédiatement, des sociétés d'artisans de diverses
industries s'organissrent aParis, au nombre de trente,
et recurerrt, a titre de prét, 890,000 franes. Nous
n'avons pas anous en occuper. Elles ontété d'ailleurs
l'objet d'une étude approfondie et eonsciencieuse (2).


(1) C'est a la suite de ce vote que M. Thiers disait au rapporteur
de la loi : « Ce n'était pas trois millionsqu'il fallait nous demander,
c'était vingt millions, nous vous les cussions douués. Oui, viugt
millions ne seraienl pus trop paur faire une cxpéricncc éclatante qui
vous gu.érit tous dc cetto grande folie ..... )) V. le jourual l'Atelim',
TÍo du 27 février t 850, p. 480.


(2) Les AssocirtUons OUVI'i!WCS, pUL' Auatole Lemercier,




- 156-
Sept ou huit demandes de prét furent adressées au


conseil d'encouragement par des sociétés du départe-
ment du Rhóna. Deux seulement furent aeeueillies.
Elles émanaient de I'association des ouoriers velou-
tiers réuni» et de celle des ouoriers {abricants de
soieries. La premiare obtint un pret de 200,000 franes,
la seeonde recut au mérne titre 100,000 franes. L'une
et l'autre avaient un gérant administrateur et respon w
sable, assisté d'un eonseil de surveillanee et des asso-
ciés eommanditaires pris pour la plupart dans la elasse
ouvriere , devant verser ehacun un capital de com-
mandite partie en espóces, partie en prix de facons et
d'industrie. Les statuts furent rédigés par actes au-
thentiques et soumis aux formalités de publieité exi-
gées par la loi.


Cette tentative paraissait réunir les conditions les
plus favorables et opérer une heureuse allianee entre
le eoneours du capital et celui du travai1. Les corn-
man ditairas, pour la plupart ouvriers, avaient J'espé-
ranee de recevoir, en eas de réussite, outre le salaire
de leur industrie, une part dans les bénéfices en pro-
portion de la valeur de leur commandite. Mais en cas
de pertes, leur insolvabilité devait háter la ruine de
l'entreprise, e'est malheureusement ce qui arriva, et
bientót furent justifiées les prédietions émises par
M. Thiers dans son rapport sur l'assistance publique:


« •...•.• Une eolleetion d'ouvriers ne saurait etre
« pour elle-meme ni vigilante, ni sévere , ni forte en
« volonté, ni éeonome, ni éc1airée, eomme il faut
( l'étre pour diriger avee succes une entrepriseindus-
« trielle. Un maí'tre qui ne peut pas renvoyer des ou-
« vriers, différeneier leur salaire d'apres leur mérite,
« les obliger a travailler avec telle ou telle aotivité,




- 157-
« prendre ses résol utions it lui seul, et it l'instant, ne
« saurait prospérer. Les associations ouvrieres ne
« sont autre chose que l'anarchie dans l'industrie.
« Les faits qui se passent actuellement en seront
( bientót la démonstration la plus palpable ..... Votre
« commission déclare, en outre, qu'eIle ne croit pas a
« des colleetions d'individus les propriétés nécessaires
« ponr l'exploitation d'une industrie quelconque. ,.


Nous disons que l'évenement a donné raison aces
sages prévisions. En effet, un rapport adressé en 1858
a tous les créanciers de la société des oeiouticre, par
le mandataire judiciaire chargé, des 1856, de liquider
cette entreprise, en attribue l'insucces a la direction
insuffisante du gérant, al'inexpérience des membres
du conseil de surveillance, « it leur ignorance des don-
nées les plus communes du commerce, » al'insolvabi-
lité des commanditaires.


A ces causes officiellement signalées par le liquida-
teur, ajoutons le mauvais vouloir et l'inintelligence
des ouvriers commanditaires aussi disposés a réela-
mer leurs parts dans les bénéfices q ue rebelles acon-
tribuer aux pertes. C'est ainsi que sur la demande en
payement que le liquidateur dut former contre eux du
montant intégral de leur commandite, la plupart ré-
pondirent en excipant, soit de la ruine de la société qui
a leurs yeux devait les exonérer de toute obligation,
soit de la clause qui leur permettait de réaliser leur
mise de fonds, partie en especes, partie en salaires
d'industrie. Ils ne pouvaient comprendreque l'obliga-
tion d'un eornmanditaire consiste essentiellement a
eontribuer aux pertes sociales a coneurrenee du ca-


-pital qu'il a promis, et que les stipulations particu-
lieres ayant pour objet de lui en faciliter le versement




par la prestation de son industrie a défaut d'especes,
ne sauraient étre opposables aux tiers (1),


Quelques autres associations commerciales ou-
vrieres se sont établies aLyon en 1849, Les unes en
commandite, les autres en nom collectif. Moins favo-
risées que les deux précédentes, puisqu'ellesn'avaient
obtenu aucune avance du gouvernement, elles ont a
peine existé l'espaee d'un an ou deux.


IV.


Revenons aux sociétés de secours mutuels sur le
développement desquelles la révolntion de février a
exercé une influence qu'il importe d'apprécier. La
liberté illimitée qu'elle leur accorda eut cet utile ré-
sultat de démontrer les vices de leur organisation, et
l'nrgence d'une intervention du législateur dans les
conditions de leur existence, et la fixation des droits
et obligations des sociétaires.


(1) Nous pouvons parler de ces faits avee quelque connaíssance.
Un certain nombre d'ouvríers commanditaires, assignés par le liqui-
dnteur, vinrent s'adresser, en 1862, au bureau de consultations
gratnites de l'ordrc des avocats, que nous avions I'honneur de pl'é
sider. Quelques-uns se rendirent aux observation s qui leur furent
faites et se boruérent aexposer lenr situation préeaire au liquida-
teur qui traita avee eux dans les limites de ses pouvoirs. Ó'autres,
malgré les conseils qui leur furent donnés, voulurcnt se défendrc,
furent condarnnés par le tribunal de commeree, interjetéront appel,
el. finirent par acquieseer aux jugcments rendus eontreeux. En
résumé, la SQciété des celoutiers a été dissoule avee un passif de
361,715 franes (sur lesqucls elle doit prés de :tOO,OOO 1\ l'Etat), el
uvec un aetif de 166,428 fr 89 eenl seulr-mnnt .




--159 -
Jusqu'alors les soeiétés de secours mutuels avaient


été astreintes, par l'article 291 du Code pénal et la loi
du 20 avril1834, a demander l'autM'isation préalable
du Gouvernement. C'était une garantie pou!' la séeu-
rité publique, aussi bien que pour les sociétaires eux-
mames, cal' l'approbation n'était accordée qu'autant
que les statuts paraissaient sagement concus. Mais ce
n'était point assez, il fallait aux sociétés un encoura-
gement el un appui dans des lois ayant spécialement
en vue leur extension et leur progreso


En présence d'une révolution qui s'annoncait comme
apportant le remede aux souffrances des classes ou-
vrieres, elles étaient en droit d'attendre un systeme
de protection salutaire et efíicace. Il n'en fut rien, et
pour n'avoir pas la difficile tache de concourir a leur
développement, le Gouvernement d'alors préféra leur
oetroyer le périlleux bienfait d'une liberté illimitée.
Elles cesserent d'étre soumises a l'autorisation préa-
lable et n'eurent afaire q u'uue simple déelaration de
leurs réunions habituelles a l' autorité m unicipale,
(Décret du 28 juillet 1848 et eireulaire du ministre de
l'intérieur du 31 aoút) (1).


(1) La circulaire du 31 aoút donue aux préfels lcs instructious
suivantes . « Jusqu'á la promulgation du décret du 28 juillct 181>8,
les scciétés de secours mutucls ue pouvaient s'établir sans I'autori-
sal ion ministéricllc , mais uujourd'hui ces sociétés se lrouvcnl im-
plicitcmont oouiprises dans l'cx ception de I'art , 11> du décret, et
demeurent libres de toutes íormalités préliminaires. Elles ne sont
mhnc pas sownises a l'aetion de l'autor'ilé municipale, 11 moins
qu'elles ne soient l'occasion de réunions habituelles ; dans ce cas el,
serait non les sociétés, mais les réunions qui devraient étre déclarées


. cornme le prescrit l'article précité, Le département de I'mtérieur
n'ayanl doné plus 11 s'occuper des sociétés de cette espece, vous




- 160-
Elles échapperent ainsi a tout controle et pouvaient


désormais s'organiser, se modifier sous leur seule res-
ponsabilité, admettre sans empéchement dans leurs
statuts les clauses les plus nuisibles aleurs propres
intéréts, ou les plus dangereuses pour l'ordre publico
Le Gouvernement n'avait le droit de les dissoudre
qu'apres avoir préalablement obtenu contre elles une
condamnation judiciaire.


Ce régime de liberté sans limites ne pouvait durer.
Les associations abandonnées aelles-mémes demeu-
raient exposées aux dangers d'administrations inha-
biles ou infideles, aux entrainements de générosités
irréfléchies, aux passions de l'esprit politiqueo Elles
marchaient pour la plupart a leur ruine (1). Il leur
importait de recevoir du législateur une rsglementa-
tion éclairée; et du Gouvernement une direction tuté-
laire.


Aussi, en méme temps que l'assemblée législative
confiait aune Commission spéciale le soin d'élaborer
un projet de loi, le ministre du commerce s'empres-
sait, par une circulaire du 26 juin 1849, d'inviter toutes
les associations de secours mutuels de France a lui
faire connaitra non seulement leur avis, mais encore


devez cesser aI'avenir de m'en soumettre les statuts, Toute ínter-
vention de la part de l'Administration relativement aux dites sociétés,
serait désormais coutrairc ala nouvelle posilion que le décret du 18
juillet leur a faite. )}


(1) Nous avons sous les yeux les comptes-reudus de plusicurs
sociétés Iyonnaises, coneues sous les plus lo uables inspiratious, di-
rigécs par des hommes zélés et éclairés, dont les comptes, par suitc
d'une organisalion défectueuse el dc Iibéralités cxcessives, se 501-
daieut annuellemcnt pal' un déficit que .Ia charité était ensuite
appelée acombler ,




- 161 -
tout ce qui se rattachait a leur administration inté-
rieure et aleur régime financiero Cette circulaire fu!
en mérne temps envoyée aux chambres de commerce,
aux chambres eonsultatives des manufactures, aux
conseils des prud'hommes, aux sociétés d'agriculture.


Mais le commeree Iyonnais (a l'honneur de notre
cité) avait déja devaneé les vcsux du Gouvernemen t,
et avant que l'Assemblée législativo n'eút commeneé
sa táche , il se préparait a fonder, dans I'intérét de
notre classe ouvriere, une association vasto et gran-
diose dont les statuts ont puinspirer l'oeuvre du légis-
lateur.


En efíet, des les premiers jours qui suivirent le 24
février, des négociants Iyonnais, eonvaineus que la
mutualité pouvait seule seeourir la classe ouvriere et
etre vietorieusement opposée aux utopies des réfor-
mateurs socialistes , ooncurent la pensée de réunir
dan s une société générale de secours mutuels les ou-
vriers tisseurs de I'un et de I'autre sexe, et de censo-
lider cette institution a l'aide de ressources fournies
par l'industrie méme au profit de laquelle ees ouvriers
travaillent.


La chamhre de commerce, saisie de ce projet, prit,
a la date du 14 septembre 1848, la délibération sui-
vante :


« La chambre de commeree vote une surtaxe de 6
« centimes par kilogramma de soie passant ala Con-
« dition, pour la fondation d'une caisse de secours et
« de retraites en faveur des ouvriers en soie. »


. Ce vote fut le point de départ de l'i~stitution.
Le produit de cette perception, évaluée d'apres la


quantité moyenne de soies présentées a la Condition,
assurait une subvention armuelle de cent millo francs.


11




- 162-
A. cette source importante de revenus devaient s'a-


jouter : lo Les souscriptions des membres de l'asso-
ciation s'élevant a 2 franes par mois,soit 24 fr. pour
les hommes, et a1 fr. 50 par mois, soit 18 fr. par an
puur les femmes; 2° les souscriptions des sociétaires
honoraires qui s'obligeraient a verser annuellement
24 franos sans participar aux avantages de la société,


Avec ces ressources une institution durable et effi-
cace était possible. La chambre de commerce en éla-
bora les statuts, et détermina les 'calculs de probabi-
lité et les tarifs suivant lesquels des secours seraient
donnés aux malades, et des pensions de re traite ser-
vies aux vieillards et aux incurables. La sollicitude du
Gouvernement se rnanifesta aussitót par l'envoi d'UD
fonctionnaire délégué pres la fabrique de Lyon, afin
de coopérer a une fondation qui paraissait appelée a
régénérer la situation de la classe ouvriere. D'autre
part, les adhésions des príncípaux commercants, d'un
grand nombre d'autres personnes de notre ville ne se
firent pas attendre. La société naissante recut les
souscriptions de pres de 400 membres honoraires
jaloux de térnoigner leurs sympathies aux travail-
leurs.


Le 9 avril 1850, sur le rapport du conseil d'Etat,
le président de la république rendit deux décrets qui
reconnaissaient comme établissement d'utilité publi-
que la Société lyonnaise de secours mutuels et la
caisse de retraite pour les ouvriers en soie,


Quelques mois plus tard, le 16 aoút 1850, le chef
de l'Etat inscriva{t de sa propre main, s ur le registre
des délibérations de la soeiété, ces mots qui résument
tous les bienfaits que promettait et que doit tenir
cette instítution : « Plus de pauvreté pour l'ouvrier




- 163 -
« rualade, ni pour celui que l'~ge a condamné au
(1 repos! »


Mais déja a cette époque la France entiere pou-
vait espérer, pour les ouvriers des grands centres, des
bienfaits semblables aceux que Lyon venait d'assurer
a ses travailleurs : Une loi du 15 juillet 1850, pré-
sentée par la cornmission spéciale de l'assemblée lé-
gislative, apres avoir été discutée préalablement avec
le chef de l'Etat Iui-mérne, ouvrait une ere nouvelle
aux sociétés de secours mutuels.




CHAPITRE X.


LÉGlSLATION ACTUELLE SUR Lli:S SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS.


SOMMAIRE.


§ l«. - Observation générale sur la législalion aetuelle. - Initia-
tive du chef de l'Etat. - Concours remarquable des soeiétés de
Lyon, - Résullats généraux de la légíslatíon. - Loi du 15
juil\et 1850 et déeret du H février 1851. - Création d'un nou-
veau régime d'assoeialion : Sociétés reconnues comme établissemenl
u'utilité publique. - Leur caractére. - Avantages qui leur sonl
attribués, - A quelles conditions,


§ 11. - Mesures priscs par la loi du 15 juillet 1850 vis avis des
soeiétés non reeonnues.- Elles sont rcplacées, par le décret du
25 mars 1852, sous le régime de l'aulorisation préalable antérieur
a18~80 - Systéme inauguré par le déeret organiquedu 26
mars 1852.


§ I11-- Création des sociétés approuvées. -Son importanee. -
Eeonomie générale du décret du '26 mars 18520 - Avantages
eonférés aux sociétés approuvées. - Conditions qui leur sont
ímposées. - Leur physionomie eomparée a eel\e des eolléges
d'artisans sous les lois romaines.


§ IV. - Classifieation des soeiétés de seeours mutuels sous la lé-
gislation actuelle, - Soeiétés privées ou simplement autorisées.
- Leur situation préeaire eomparée aux avantages dout jouissent
les soeiétés approuvées. - Nécessité d'éclaírer la c1asse ouvriére
sur les bienfaits du régime inauguré par le déeret du 26 mars
185~0




- 165-


1.


La législation qui régit aujourd'hui les sociétés de
secours mutuels, a pour point de départ la loi de 1850,
et se 'compose d'un grand nombre de lois et de décrets
postérieurs dont nous devrons successivement indi-
quer l'esprit et les dispositions,


Mais avant de commencer cette étude, nous obéis-
sons aun sentiment de stricte équité en faisant re-
marquer:
. lo Que si les institutions nouvellement organisées
en faveur de la classe ouvriere ont été préparées par
les recherches de divers publicistes et les travaux pro-
voqués sous les gouvernements précédents, cepen-
dant leur réalisation émane de la volonté personnelle
de Napoléon Hl., dont elles sont un des titres les plus


•directs a la reconnaissance des populations labo-
neuses.


20 Que d'autre part notre cité a eu I'honneur de de-
vancer, ou máme d'inspirer parfois l'osuvre du légis-
lateur, et que par son empressement et son concours,
elle a mérité d'étre considérée, par les générations fu-
tures, comme la terre classique des sociétés de se-
cours mutuels, de méme qu'elle est aujourd'hui pour
nous celle des bonnes ceuvres, de la vraie charité et
de l'esprit religieux.


La législation relative aux sociétés de secours mu-
tuels a atteint trois grands résultats :


Elle leur a conféré la vie civile;,
Elle leur a donné la possibilité d'accorder une assis-




- 166-
tance efficace et certaine aux cas de maladie ou d'in-
firrnités temporaires ;


Elle leur a assuré les moyens de constituer des
pensions de re traite POUl' les vieillards et les incu-
rabIes.


Mais ces résultats n'ont pas été obtenus en un seul
jour. C'est par une action lente et progressive, c'est
par une série d'actes législatifs qu'rls ont pu se
réaliser.


Cependant, ces avarrtages n'appartiennent pas éga-
lement a toutes les sociétés de secours mutuels. Il
existe en effet trois catégories d'associations, entre
lesquelles la classe ouvriere a été appelée a choisir le
type qui lui paraitrait le plus favorable.


De nombreux préjugés, de regrettable ,: Hances
subsistent encore a cel égard, ?t retardent _:ogres
général de la mutualité et le bien-étre dI:; '1 uelques
associations. Puisse l'examen scrupuleux et loyal que
nous allons faira de la législation, dissiper les doutes,
détruire. les erreurs, et ramener a la confiance, a
l'unité, a la voie véritable du progres, quelq ues- unes
des sociétás qui persistent encore a s'en tenir volon-
tairement éloignées.


La loi du 15 juillet 1850 a eu pour but géneral :
lo de conférer, sous certaines conditions, la vie


civile aux sociétés de secours m utuels ;
20 De restreindre leur action bienfaisante a l'assis-


tance en cas de maladie.
Voici ses deux premiers articles :
Art. 1er. « Les associations , connues sous le no m


de sociétés de secours mutuels pourront, sur leur de-
mande, étre déclarées établissements d'utilité publi-
queaux conditions ci-apres déterminées.




-- 167 -
Art. 2". Ces sociétés ont pour but d'assurer des se-


cours temporaires aux sociétaires malades, blessés
ou in(irmes, et de pourvoir aux frais funéraires des
sociétaires. - Elles ne pourront permettre de pen-
sions de retraites aux sociétaires. »


On serait tenté de s'étonner de cette derniero prohi-
bition qui refuse les secours a la vieillesse et les ré-
serve a l'áge mur en cas de maladie. Mais les dou-
loureuses déceptions et les alternatives désastreuses
auxquelles les sociétés avaient été généralement con-
duites par leurs téméraires promesses de pensions
pour les vieillards, imposaient au législateur l'obli-
gation d'assurer d'abord l'assistanoe aux malades,
sauf a organiser ultérieurement (ainsi que nous le
verrons) les retraítes le la vieillesse. .


Cette observation étant faite, nous voyons par les
deux articles précités, qUA les sociétés q ui j usqu'alors
abandonnées a leurs seules inspirations, n'avaient
vécu qua d'une vie précaire, peuvent désormais de-
mander aétre reeonnues comme établissements d'uti-
lité publique.


Quels avantages nouveaux ce titre confere-t-il ?
La loi nous répond :
lo La vie civile, c'est-a-dire la faculté de posséder,


acquérir et recevoir par donation ou testament des
biens mobiliers ou immobiliers, quelle que soit leur
valeur, sauf l'approbation du Gouvernement. (Art. 7).


2° La faculté de faire aux caísses d'épargne des dé-
póts de f'onds égaux il. la totalité de ceux qui se-
raient permís au profit de chaque sociétaire indivi-
duellement. (Art. 6).


30 Le droit d'obtenir de la commune le local néces-
saire aux réunions, et la délivrance gratuite de tous




- 168 -
les livrets et registres indispensables á. la comptabi-
lité. (Art. 8).


4° L'exemption de tous les droits de timbre et d'en-
registrement dont pourraient etre passiblesles actes
intéressant les sociétés. (Art. 9).


Les conditions auxquelles sont subordonnées ees
avantages (e'est-a-dire moyennant lesquelles peut
s'acquérir la reconnaissance comme établissement
d'utilité publique), sont fixées par la méme loi du
15 juillet 1850, et par un décret du 14 juin 1851, por-
tant reglement d'administration publique sur son exé-
eution (1).


Elles eonsistent principalement : it faire connaitre
au Gouvernement le nombre et le nom des soeiétaires,
les ~tat~ts,d.e la société ,et les reglement.s d'a~minis~
tration mtérreure, ete.; a ne permettre m pensions iK
retraites, ni secours en cas de chórnage, acompter au
moins cent membres et it ne pas dépasser deux mille,
(sauf certaines exceptions) enfin en eas de dissolution
volontaire ou forcée a suivre certaines regles de liqui-
dation.- Ces conditions faciles a remplir n'ont d'autre
but que de protéger les sociétés contre leur propre
imprévoyance ou l'inhabilité de leurs administra-
teurs. Il fut d'ailleurs stipulé dans l'art. 12 de la loi
du 15 juillet 1850, que les sociétés existant depuis un
temps assez long pour qne les conditions de Ieur ad-
ministration eussent été suffisamment éprouvées,


(1) La loi du 15 juillet 1850 est rapportée dans le Reeueil pério-
dique de Dalloz, année 1850, r¡e partie, p. 155. - Le :décret du
a juin 1851, Dalloz, 1851, li c partie, p. 122. Ce déeret a été suivi
d'une circulairo du ministre de I'agriculture et du commcree en
date du 6 septembre 1851, DaJloz, 1851,7" partie, p. 61.




- 169-
pourraient étre reconnues comme établissements d'u-
tilité publique, lors méme que leurs statuts ne se-
raient pas completement d'accord avec les conditions
de la présente loi.


Mais cette facilité accordée aux associations an-
ciennes ne put les déterminer a rompre avec leurs dé-
fiances ou leurs habitudes. Généralement elles préfé-
rerent, aux avantages que leur offrait le titre d'établis-
sements d'utilité pu blique, les statuts qu'elles avaien t
rédigés elles-mémes et qui leur semblaient suffire a
leurs besoins,


Nous devons d'ailleurs constater que les formalités
administratives auxquelles fut subordonnée la recon-
naissance des sociétés comme établissements d'utilité
publique en découragea un certain nombre. Quelques
associations lyonnaises demanderent en vain a profí-
ter des bienfaits de la nouvelle loi. Leur établisse-
ment ne parut pas suffisamment stable ou assez im-
portant pour I3tre déclaré d'utilité publiq ue. La société
de secours mutuels des ouvriers en soie, fondée par
la chambre de commerce, est la seule qui, dans notre
cité, ait été pourvue de ce titre, encare son organisa-
tion est-elle toute spéciale, puisqu'elle existe en vertu
d'un décret antérieur a la loi du 15 juillet 1850.


Au surplus, mame dans toute la France, le nombre
des sociétés reconnues d'utilité publique est encore
tres-restreint.


n.


Quelles mesures le législateur crut-il devoir pren-
dre vis a vis des autres associations de secours mu-
tuels?




- 170-
Suivant l'article 12 de la loi du 15 juillet 1850, elles


continuerent a s'administrer librement , et celles qui
s'organiserent postérieurement ne furent astreintes
qu'a la simple déclaration préalabte du lieu de leurs
réunions.


Toutefois, pour ne pas laisser l'Etat entierement
désarmé vis a vis d'elles, le mérne article 12 ajouta :
qu'elles pourraient « elre dissoutes par le Gouverne-
ment, le conseil d'Etat entendu, lo dans le cas de ges-
tion frauduleuse, 2° si elles sortaient de leurs condi-
tions mutuel1es de bienfaisance, » L'art. 13 les assu-
jétit en outre afournir, it la fin de chaque année, aux
préfets de leur département, l'état de leur situatíon
morale et financiara.


En dehors de ces légeres restrictions elles gardaient
une indépendance aussi dangereuse, au point de vue
de leur propre intérét qu'a celui de la sécurité pu-
blique.


Cependant, le décret du 25 mars 1852 qui vint régler
le droit d'association en général, remit en vigueur
'artic le 291 du Code péual et la loi du la avril 1834.
Toutes les sociétés de secours mutuels non reconnues
comme établissements d'utílité publique, se trouve-
rent ainsi replacées sous l'empire de la législation
antérieure a1848 et sounrises á la nécessité d'une au-
torisation préalable (1).


(1) Cette formalité ne fut eependant cxigée que pour I'avenir.
Les sociétés créées dcpuis 181!8, sous le régime dc la simple décla-
ration préalable, furcnt considérécs comme pourvues d'unc aulori-
sation réguliére, ¡, la charge par elles de fournir annuellement aux
préf ets tous les renseignements qui leur seraieut dcmandés sur leur
situation. (Circulaires du ministre de la police générale des 3 mai et
28 octobre 1852).




- 171 -
Ce retour au passé n'était qu'un premier pas dans


la voie du progreso Le lendemain, en effet, 26 mars
1852, un second décret fut rendu qui institua, sous la
dénomination de sociétés approuvées, une nouvelle
forme d'associations mutuelles accessibles a toutes
les Sociétés, et qui offrait enfin a !a classe ouvriere
des moyens certains d'améliorer son sort.


1lI.


Les bienfaits de cette innovation n'ont pourtant pas
été universellement compris et sont ene ore aujour-
d'hui repoussés par un certain nombre de sociétés.
Nous devons done en ótudier de pres l'esprit et les
résultats.


La loi de 1850 u'avait eu, dans la pratique, que des
effets tres-Iimités. Le nombre et la lenteur des forma-
lités dont il avait paru nécessaire d'entourer les de-
mandes tendant il. obtenir la reconnaissance comme
établissements d'utilité publique, ne devait en rendre
les avantages accessibles qu'a un tres-petit nombre
d'associations.


Fallait-il done con tinuer a abandonner les autres
sociétés aelles-mérnes ? Sans doute le retour au ré-
gime de l'autorisation préalable, permettrait a l'admi,
nistration de s'assurer, vis avis de celles qui s'établi-
raient a l'avenir, si leurs statuts étaient frappés du
sceau de la prudence, et ne renfermaient aucune
clause de nature il. compromettre la société générale
ou I'intérét des sociétaires ..


Mais les sociétés anciennement existantes ne por-




- 172 -
taient-elles pas, pour la plupart, dans leurs regle-
ments, des traces de l'inexpérience de leurs fonda-
teurs et des germes de dépérissement?


Exclues d'ailleurs des avantages de la vie civile
réservée aux seules sociétés reconnues d'utilité pu-
blique, généralement. privées du concours et des
lumieres d'hommes spéciaux et de la proteetion du
Gouvernement, n'étaient-olles pas condamnées a no
jamais dépasser les limites d'un développement res-
treint? Ne s'étaient-elles pas, pour la plupart, engagées
sur la pente funeste de promesses témérairement
faites a leurs membres?


Il était done indispensable, en réservant aquelques
sociétés d'élite les avantages exceptionnellement atta-
chés ala reconnaissance eomme établissements d'uti-
lité publique, de conférer a toutes les autres les fa-
cultés résultant d'une existence légalement établie.


Tel fut le but du décret du 26 mars 1852 (1). .
Ses dispositions nombreuses peuvent se résumer et


se classer sous trois chefs distincts :
l° Celles qui déterminent les conditions et les avan-


tages de la vie civile conférée aux sociétés.
2° Celles qui reglent l'assietance due aux sociétaires


dans les cas de maladie OH d'infirmités lempo-
raires.


3° Celles qui (par une dérogationa la loi de 1850)
facilitent la création de pensione de retraitee pom les
vieillards ou les incurables.


Par suite de la vie civile qui leur est conférée, les
sociétés approuvées peuvent prendre des im~eubles


(1) Voy. Dalloz, Bec. périodique, 1852,~· partie, p. 101. el
Réperloire général de légíslation, VO Secours publics, nO 231.




- 173-
a bail, posséder des objets mobiliers, procéder en jus-
tice, exécuter tous les actes nécessaires a l'adminis-
tration de leurs capitaux (Art. 8) j - recevoir des dons
et legs mobiliers, - faire aux caisses d'épargne des
dépóts de fonds égaux a la totalité de ceux qui se-
raient permis au profit de chaque sociétaire indivi-
duellement (Art. 14); verser a la caisse générale des
retraites, au nom des membres actifs, les fonds restés
disponibles a la fin de chaque année. (Art. 6).


Elles peuvent assurer, a leurs membres malades ou
blessés, tous les secours médicaux ou pharmaeeuti-
ques, et leur payer toutes les indemnités qu'elles
croient convenables, pourvu que les cotisations des
sociétaires soient réglées d'apres les tables de maladie
ou de mortalité établies ou approuvées par le Gouver-
nement. {Art. 7).


Elles peuvent promettre des pensions de retraite,
et les servir directement, si elles comptent des mem-
bres honoraires en nombre suffisant, pour qu'a l'aide
deleurs cotisations, l'équilibre soitmaintenu entre les
dépenses et les recettes. (Art. 6).


Elles jouissent encore de diverses faveurs dont
l'utilité ne saurait ~tre contestée. - Le local, le mo-
bilier nécessaire aux réunions, les livres, les registres
leursontgratuitementfournisparlacommune. (Art. 9).
- Elles sont exemptes de tous droits de timbre et
d'enregistrement pour les actes qui les intéressent,
elles ont une remise des deux tiers du droit municipal
percu sur les convois fúnebres. (Art. 9 et 10).- Elles
peuvent délivrer a leurs membres un diplóme qui
tient lieu de passeport et de livret. (Art. 12).


Enfin elles se voient aidées et encouragées par de
larges subventions, prises sur une dotation de dix




- 174 -
millions, dont le Gouvernement les a pourvus.IDécrets
des 22 janvier et ':1.7 mars 1852, 28 novembre 1853).


Pour obtenir de tels avantages, elles ne sont as-
treintes qu'a des conditions fort simples. Les princi-
pales consistent : l° A f aire nommer leur président
par l'Empereur ;~ 2° a consacrer le principe de I'ad-
mission des mem bres honoraires; 3° a ne pas pro-
mettre de secours en cas de chómage.


La situation légale de ces sociétés offre, on le voit,
une analogie frappante avec celle des colléges d'arti-
sans qui, sous la législation romaine, obtenaient,
par décret impérial , une reconnaissance régu-
liere (1).


Elles ont des priviléges presque identiques quant il
la faculté de posséder, d'acquérir, d'administrer, d'es-
ter en justice. Elles forment aussi des personnes mo-
rales ayant leur vie propre et leur patrimoine, suscep-
tibles de se développer, de s'enrichir par des libéralités
ou par les effets d'une sage et économe administra-
tion.


Elles trouvent, en outre, dans l'adjonction des
membres honoraires , une condition de prospérité
analogue, mais préférable a beaucoup d'égards, au
protectorat des anciens patrons des corporations ro-
mames.


Enfin , les subventions et les libéralités du GOUV8l'-
nement leur oflre un appui plus régulier, plus cons-
tant et plus efficace que les largesses par lesquelles
les empereurs, suivant les nécessités variables de
leur politique, briguaient les suffrages des colléges
d'artisans, Elles ont des obligations mais aussi des


(1) Voyez 1,ll1s haut , 1'. tli, 16,17 el suiv.




- 175 -
droits certains vis a vis de l'Etat, dont le concours
assure désormais leurs progres et leur destinée.


IV.


De ce qui précede, il résulte que sous la législation
actuelle, les sociétés de secours mutuels de France se
divisent en trois classes ou catégories :


1" Les sociétés reconnues comme établissements
d'utilité publique. (Loi du 15 juillet 1850) ;


2° Les sociétés approuoées: (Décret du26 mars 1852;;
3° Les sociétés simplement autorisées ou prioées,


c'est-a-dire qui refusant de se soumettrc aux condi-
tions de l'approbation, ne participent pas a. ses avan-
tages, et dénuées de toute existence légale, subsistent
en faitpar la seule tolérance de I'autorité. (Art. 291 du
Code pénal, loi du 10 avril 4834, décret du 25 mars
185.2).


Nous ne voulons pas insister ici davantage pour
faire apprécier toute la distance qui sépare les sociétés
approuvées des sociétés simplement autorisées.


Les développements dans lesquels nous entrerons
plus loin, le démontreront, nous l'espérons, suffi-
samment.


Tandis que les unes, élevées au rang d'institutions
publiques, voient leur prospérité garantie par la loi et
par l'Etat; les autres, osuvres isolées et d'un caractere
tout privé, vivent d'une existence incertaine, sans
protection contre l'imprévoyancs ou l'arbitraire de
leurs statuts , sans droits civils, sans autre faculté
que celle de faire a. la Caisse d'épargne des dépóts
d'une valeur restreinte.




- 176-
Nous eomprenons diffícilement que les sociétés


privées hésitent a éehanger une situation si précaire
contre les avantages d'une existence légale, qui ne
laisserait pas moins subsister leur physionomie parti-
culiere, leurs traditions intimes, et leur indépendance
dans tout ce qui n'est pas contraire a l'ordre public
et a leurs véritables intéréts.


Puisse l'étude, que nous allons poursuivre, de l'or-
ganisation et du développement des sociétés approu-
vées, eontribuer a dissiper des doutes, a vaincre des
préjugés, et a révéler a la classe ouvriere tous les
bienfaits résultant du décret du 26 avril 1852 et des
institutions diverses qui sont venues eompléter son
ceuvre,




CHAPITRE XI.


LÉGISLATION RELATIVE AUX PENSIONS DE RETRAITES CONSTITUÉES
PAR LES SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS.


SOMMAIRE.


§ lor. - lmportanee des pensions de retraite pour la classe ou-
vríere, - Diffieultés de l'épargnc pour l'artisan. - Tentatives
infruetueuses des anciennes soeiétés de sccours mutuels, - ~lo·
tifs pour lesquels la loi du 15 juillet 1850 a interdit la constitu-
tiondc peusions de retraites aux sociétés de secours mutuels. -
Diffieultés llue presente le probleme des retraites.


§ Il. - Condilions de la solution , 10 Relativement ala provenance
des fonds affeetés aux retruites, 2° rclalivement ~ lcur emploi. -
Ces conditions ont été réalisées par la Société et la Caisse de "e-
traite des ouvriers en soie, rcconnues comme établissemcnts d'uti-
lile publique en 1850. - Les slatuts de ces deux institutions
lyonnaiscs ont pu inspirer, soit le décret du 26 mars 1852, qui
permet aux sociétés la constitution de pensious de relraites,
soit la loi du 18 j uillet 1850, créatrice d'une caisse générale de
retraítes,


§ Ill, - Caractére general de cette institution. - Ses développe-
mcnts suecessils : lois des 18 juillet 1850, 28 mai 1853, 7 juillet
1856 et 12 juin 1861. - Ses résu1tats. - Elle offre aux soc iétés
de secours mutuels un premier moyen de constituer des ponsions
de rctraites.


S IV. _. Avantages et ineonvénients de l'usage de la caisse géné-
12





- 178-
rale des rctraites pour les soeiétés de sccours mutuels. - Ob-
ser vation s présentées par la-'70. soeiété de Lyon aM. le Sénateur
ehargé de I'administratiou du département du Bhóne. - Com-
munication au Ministre. - Sa réponse eontenant la promesse
d'une modification ola législation . - Effets de cetle promesse;
décret du 26 avril 1856, qui erée un fonds spécial de retraítes
pour les soeiétés de secours mutuels,


§ V. - Economio générale et bienfait de ce décret. - Composi-
tion du fonds spécial de retraites des soeiétés de secours mutuels.
Divers modos de plaeementde ce fonds : - 10 Dépút a la eaissc'
des consignalions, - Attrihution des intéréts aux sociétaircs dé-
signés comme ayanl droit aux pensions. - 20 Versement a la
caissc des retraites, - Constitutions de livrets al! profit des so-
ciétaíres désignés en assemblée ~énérale. -Faculté d'aliéner ou
de réserver le capital versé. - Distinction. - Avantages géné-
raux du décret du 26 avri11856.


1.


La [législation relative aux pensions de retraites a
été le eomplément de eeUe qui a organisé les sociétés
de secours mutuels. Mais ponr apprécier a. sa juste
valeur la tache accomplie par le législateur, il est né-
cessaire de signaler les difficultés du probleme qu'il
avait a résoudre et les efforts qu'avaient infructueuse-
ment tentés 'les associations dans leméme but.


Le décret du 26 mars 1852, en permettant aux so-
ciétés de sscours mutuels approuvées, de servir des
pensions de retraites a leurs membres agés ou incu-
rables, répondait aux vceux les plus ardentsde la
classe ouvriere,


Sans doute le fléau le plus redoutable dont le tra-
vailleur soit menacé, c'est la maladie qui vient le




-179 -
frapper dans son áge viril, le condamne au chómage
et le réduit a 111 misere avec tous ceux qui vivent de
son travail. Anssi les Sociétés de seconrs mutnels ont-
elles dú tont d'abord se proposer de remédier aux
maux temporaires dont lenrs membres pourraient €ltre
aflligés.


Cependant, combien aussi est etrayante la vieil-
lesse pour l'homme qui n'a d'antres ressources que le
travail de ses mains! Combien illui importerait, dans
cette période supráme, de voir son repos assuré et de
pouvoir, sans souci de son existence matérielle, cou-
ronner sa vie par un dernier travail : celui de la tran-
quille préparation de son ame aux destinées de la vie
future l


Mais que d'obstacles paralysent la prévoyance de
l'artisan! que de charges auxquelles doit faire face
l'activité de son ágo viril! Il lui faut gagner sa subsis-
tance, celle de sa femme, celle de ses enfants, parfois
méme celIe de ses vieux parents! Comment, devant
tant de besoins a soulager, peut-il songer a sa vieil-
lesse et prélever des ressources pour l'avenir, sur un
salaire qui suffit a peine aux besoins du présent?
Quel plus difficile problsme que celni de l' épargne et
de la capitalisation pour le travailleur qui n'a d'autre
patrimoine que sa force et son activité?


Les Sociétés de secours mutuels ont tenté de le ré-
soudre. Presque toutes, apres le secours promis au
travailleur malade, out inscrit dans leurs statuts le
droitdu Sociétaire ágé ou incurable a une pension de
retraite. Mais en obéissant a cette inspiration géné-
reuse, elles n'ont su ni prévoir súrement, ni prévenir
les obstaeles sans nombre qui devaient entraver sa
réalisation. Elles ont pris pour bases de leurs pro-




- 180-
messes, des calculs erronés, des esperances ohiméri-
ques, et se sont préparé de douloureux mécomptes et
des causes de ruine (1).


Les Sociétés les plus anciennement établies ont été
placées les premieres en face des difficultés du pro-
bleme, Quand le~rs sociétaires sont arrivés en grand
nombre et simultanément a I'ágs de la retraite, leurs
demandes, produites en méme temps, ont mis les as-
sociations dans la nécessité de manquer a leurs en-
gagements, ou de compromettre l'avenir en absorbant
toutes leurs ressources dans le service des pensions
échues.


Un certain nombre de Sociétés, d'origine plus ré-
cente, se trouvaient encore, en 1850, a cette période
de confiance et d'audace que semble justifier le spec-
tacle de sociétaires encore jeunes, encere valides, et
que la vieillesse ne doit pas de si tót condamner a
l'inaction. Mais quelle que Iút la situation individuelle
de chacune, elles suivaient toutes les rnérnes erre-
ments; elles s'abandonnaient a des promesses d'autant
plus inconsidérées que la réalisation en paraissait
pluséloignée.


Il importait de remédier au mal et de suspendre
l'exécution de tant d'engagements téméraires con-
tractés par les Sociétés pendant leur période d'inexpé-
rience, et en quelque sorte pendant leur rninorité.
Voila pourquoi le législateur de 1850 crút devoir Sur-
seoir a la solution du problema, La loi du 15 juillet
défendit donc aux Sociétés qui voudraient étre recon-
nues comme établissements d'utilité publique, de
promettre des pensions de retrai te.


(1) Rapport de la Commission supérieure 11 l'Empereur en 1856.




- 181 -
Il fallait d'abord organiser l'assistance due aux 80-


ciétaires temporairement infirmes, et déterminer les
conditions d'existence légale des Sociétés Apres avoir
assuré la satisfaction des besoins présents, alors
seulement le législateur pouvait aviser a ceux de
l'avenir et régler le service des pensions de retraite it
la vieillesse.


n.


La solution de ce problema reposait sur les condi-
tions suivantes :


lo Trouverdes ressources certaines mais distinctes
de celles qui assurent le secours médical et l'indem-
nité de maladie aux sociétaires malades ou temporai-
rement infirmes.


,20 Trouver le mécanisme d'une institution, qui em-
ploie et fasse fructifier les fonds réunis dan s le but de
constituer des retraites.


Il apparteuait a notre cité de résoudre le probleme.
La Société des ouvriers en soie, reconnue comme éta-
blissement d'utilité publique, par décret du 9 avril
1850, et la caisse des retraites qui y est annexée,
énoncent dans leurs statuts :


lo Que des fonds distincts de ceu» qui doivent as-
surer le secours en cas de maladie, seront réunis a
l'aide des cotisations des membres honoraires et des
subventions de la Chambre de Commerce de Lyon,
prélevées sur les produits de la Condition des soies,


20 Que ces fonds seront affectés aun servioe régu-
lier de pensions de retraites par la constitution d'une
caisse qui prendra pour base de ses opérations les




- 182-
intér~ts composés des capitaux et Ies chances de mor-
talité des sociétaires.


De sorte que le législateur de 1852, en permettant
aux Sociétés approuvées de promettre des pensions de
retraite, et en décidant que les fonds affectés ace ser-
vice proviendraient : lo Des eotisations de membres
honoraires; 20 des subventions que les Sociétés ob-
tiendraient de l'Etat, a implieitement rendu hommage
a l'initiative du commeree lyonnais, dont il n'a pas
hésité a généraliser les heureuses inspirations.


Déja, d'autre part, une caisse générale des retraites
avait été instituée pour toute la Franee, par la IDi du
18 juillet 1850, al'exemple de eelle que la Chambre de
Commeree de Lyon avait fondée et annexée a la So-
eiété des ouvriers en soie.


C'est a cette eaisse générale des retraites que les
Sociétés sont invitées, par l'article 14 du déeret du
26 mars 1852, a verser leurs fonds disponibles au
nom de leurs membres aetifs. Il nous importe done
d'étudier le fonctionnement de cette institution et de
jeter un coup d'ceil sur les dispositions législatives
qui sont venues couronner l'ceuvre bienfaisante des
Sociétés de secours mutuels en facilitant l'attribution
de pensiona de retraites a leurs membres agés ou in-
curables


IlI.


Des l'année 1840, l'organisation d'une caisse géné-
rale de retraites, pour les classes laborieuses, avait
été étudiée par les publicistes.


Un projet élaboré en 1844, par une commission




- 183 ~
cornposée d'hommes éminents attachés au Gouverne-
ment, et de membres de l'Académie des sciences mo-
rales et politiques, fut soumis a l'examen des Conseils
gén¡\raux et du Conseil d'Etat. Enfin, l'assemblée lé-
gislative jeta les fondements de l'institution actuelle
dans la loi du 18 juin 1850.


La caisse des retraites, organisée par cette loi (et
complétée par les lois des .28 mai 1850, 7 j uillet 1856
et 12 juin 1861), est un établissement créé sous la ga-
rantie de l'Etat, géré par la caisse des dépóts et con-
signations, et qui a pour objet d'assurer, al'áge de
50 ans ou a un age plus avancé, des rentes viageres
de 5 franes au moins et de 600 francs (aujourd'hui
1,000 franes) au plus, a tout individu au nom duquel
des versements auront été préalablement effeetués ala
caisse des dépóts et consignations (1).


L'institution a essentiellement pour but d'offrir aux
classes laborieuses, c'est-a-dire aux associations de
secours mutuols, aux employés d'ordre inférieur, aux
ouvriers, aux travailleurs de toutes leseonditions, les
moyens de garantir leur vieillesse con tre la misero par
la eonstitution de pensions suffisantes pour faire face
aux besoins d'une modeste famille (2).


Elle est plus avantageuse que la caisse d'épargne,
en ce que les capitaux versés par chaqué déposant
s'augmen tent: 10 De la capitalisation des intéréts des
dépóts successifs, et 20 des bénéfices aequis aux sur-
vivants par l'action de la loi de mortalité. C'est done


(11 En cas d'iufirmité , les pensions peuvent étre líquídées rnéme
avant 50 ans. (Art. 61.


(2) Nous verrons plus loin eomment le taux maximum des peo-
sions a Qté élevé de 600 11 1,000 fr.




- 184-
une sorte de tontine concue dans un but de bienfai-
sanee sociale, constituant un des services importants
de l'Etat, et qui présente, par conséquent, aceux qui
veulent y recourir, toutes les sécurités et toutes les ga-
ranties désirables.


La loi da í.s.juiu 1850 porta a5 francs le mínimum
des versements et fixa le montant des rentes viageres
suivant des tarífs qui tenaíent compte pour chaque
versement : 1° De l'intérét compasé du capital araison
de 5 pour cent par an; 2° des chances de mortalíté en
raison de l'áge des deposants et de l'áge auquel com-
mence la retraíte calculée, d'apres les tables dites de
Déparcíeux; 3° du remboursement, au déces, du ca-
pital versé, si le déposant en a fait la demande au mo-
ment du versement. (Art. 2).


Les versements purent !ltre faits au profit de tout
Francais agé de plus de trois ans, et l'entrée en jouis-
sanee de la pensíon, fut fixée, au choíx des déposants,
entre 50 et 60 ans. (Art. 3 et 5) (1).


Ces bases présentaíent de grands avantages acause
du taux de 5 pour cent, qu'elles donnaient pour prin-
cipe de la capitalisaton , aussi la loi suscita-t-alle
l'empressement non seulement des classes laborieu-
ses, maís encare et surtout d'une certaine catégorie
de capitalistes, qui virent dans les conditions offertes
un placement silr et avantageux.


(1) La plus gl'ande analogia se remarque entre les dispositions
de In loi du 18 juillet 1850 el les statuts dc la caísse dos retrniles
des ouvriers en soie de LYOll. - el'sont les mémes bases de calcul,
les mérnes conditions relatives al'entrée en jouíssance, - L'article
5 des slaluts Iyonnais a été liltéralement transporté dans l'article 6
de la loi du 18 juillet t 85~.




-185 -
La caisse des retraites, ouverte au mois de mai


1851 aParis, et un peu plus tard il. Lyon et daos les
divers départements, recutjusqu'au 31 décembre 1851,
c'est-a-dire en moins de huit mois, pres de 6,500 ver-
sements montant il. plus de 1,200,000 franca.


Une circonstance incidente vint donner une nou-
velle impulsion a la faveur qui avait accueilli la caiese
des retraites. La conversión des rentes 5 pour cent qui
eut lieu en mars 1852, jeta I'alarme parmi les petits
rentiers, mais un décret du 18 mars leur permit de
transférer a la caisse des retraites leur inscription de
rentes jusqu'au maximum de 600 francs. Ils pouvaient
done conserver le bénéfice du taux de 5 pour centjus-
qu'il. leur déces, en réservant le capital de la nouvelle
rente au profit de leurs héritiers.


Cette mesure fut des plus favorables au développe-
ment de l'institution, en la faisant connaítre au publico
Aussi, dans le cours de l'année ]852, 28,000 verse-
ments eurent lieu et produisirent une somme totale de
31,cr00,OOO.


Mais cet accroissement révélait un double danger;
il Y avait a craindre que l'élévation de l'intérét dont
la caisse des retraites tenait compte a ses déposants,
n'y attirát les capitaux des spéculateurs plutót que les
épargnes de la classe laborieuse; de plus, la caisse
des re traites ayant l'obligation d'employer en achats
de rentes sur l'Etat les fonds qu'elle recoit, ne pouvait
plus les placer aun taux aussi élevé que celui de 5
pour cent promis par ses tarifs. Elle devenait done une
.charge fort onéreuse pour l'Etat.


Dans ces circonstances une modification était né-
cessaire, elle fut réalisée par la loi du 28 mai 1853,




- 186-
q ui réduisit pour l'avenir it 4 1/2 pour cent le taux de
l'intérét servant de base aux tarifs. (Art. 2).


D'autres mesures restrictives furent également
adoptées :


lo Le maximum annuel des versements permis a
un seul déposant fut limité it 2,000 francs, (Art. 4).


2° L'entrée en jouissanee des rentes fut ajournée a
deux années au moins de l'époque du premier verse-
ment, afin d'écarter les exigences de personnes qui,
plaeées sur la limite d'age de 50 ans, faisaient des ver-
sements pour obtenir une rente immédiate. (Art. 6).


3° Une exception fut introduite au profit des société«
de secours mutuels, qui garderent la faculté de consti-
tuer une rente ajouissance immédiate sur la t~te de
leurs sociétaires, quelle que fút la somme nécessaire
pour l'obtenir, düt-elle dépasser le versement maxi-
mum de 2,000 franes. (Art, 6).


Un ralentissement tres-sensible dans les opérations
de la eaisse des retraites fut le résultat de ces dispo-
sitions de la loi du 28 mai 1853; aprés trois années
d'épreuves le Gouvernement jrigea uécessaire d'en
atténuer la portée.


En conséquence, le 7 juillet 1856, sur la proposi-
tion d'une eommission spéeiale et l'avis duConseil
d'Etat, le corps législatifvota une loi d'apres laquelle:
le maximum de la rente que chaque déposant pouvait
se constituer était porté a 750 franes (Art. ler); l'áge
d'entrée en jouissance était étendu jusqu'a 65 ans, el
l'entrée immédiate en jouissance était permise des
l'ágo de 50 ans. (Art, 2 et 5).


Mais ees dispositions n'ont pas encore paru répon-
dre á tous les besoins.


Il était regrettable, par exemple, que les ouvriers




- 187-
d'origine étrangere employés par les grandes compa-
gnies industrielles fussent exclus des avantages de la
caisse des retraites dont jouissaient exclusivement les
travailleurs francais. D'autre part, les personnes d'une
fortuna modeste, mais cependant supérieure it celle
de la classe ouvriere, telles que les petits employés,
les petits rentiers, souffraient de ne pouvoir jamáis
dépasser, dans une année, le versement maximum de
2,000 franes, et d'étre contraints de se contenter d'une
rente de 750 francs, évidemment inférieure a leurs
besoins,


Une loi du 18 juin 1861, est venue combler ces dif-
férentes lacunes et a fixé les conditions qui rsglent
actuellemen t les versements a la caisse des retraites.
Voiei ses principales dispositions :


lo Les étrangers comme les Francais sont admis it
faire des versernents qui doivent etre de 5 francs au
moins. (Art, 1 et 3).


2° L'intérél composé dont il est tenu compte dans
les tarifs continue á étre de 4 1/2 pour cent. CArt. 2).


30 Le maximum de la rente viagere qui peut etre
inscrite SUl' une seule tete, est élevé de 750 it 1,000 fr.
etla rente reste incessible et insaisissable it concur-
rence de 360 francs. (Art. 4, loi nouvelle, et arto 5 de
la loi de 1850).


4° Les versements effectués dans une année au
compte de la máme personne peuvent atteindre, mais
non excéder, le chiffre de 3,000 francs. (Art. 5).


50 Mais aucune limite n'est imposée aux verse-
ments effectués, soit en vertu de décisions judieiaires,
soit par les Sociétés de secours mutuels, ou par les
Sociétés anonymes, ou les administrations publiques




- 188 -
au profit de leurs employés, agents ou ouvriers.
(M~me article).


60 L'entrée en jouissance de la pension est fixée au
choix du déposant, a partir de chaque année d'áge
accomplie de 50 ae5 ans, (Art. 6, loi de 1860, et Art. 2,
loi de 1856).


70 Le déposant qui a stipulé le remboursement a
son déces du capital réservé, peut, .a toute époque,
faire abandon de tout ou partie de ce capital, a l'effet
d'obtenir une augmentation de rente. (Art. 7). - Il en
était différemment sous le régime de la loi du 18 juillet
1850, dont l'article 7 ne permettait cet abandon qu'au
moment de l'entrée en jouissance.


8° Le déposant qui a droit a une rente viagere,
peut, a son gré, reporter sa jouissance a une année
suivante. (Art. 8).


go Enfin, si le capital déposé a été stipulé rembour-
sable au déces du titulaire de la rente, il est restitué
a ses ayants droits qui peuvent le réclamer pendant
trente ans. (Art. 9 et 10).


Tel est le mécanisse de la Caisse des retraites; exa-
minons comment les associations ont pu en profiter.


IV.


Ce que nous avons fait connaltre des avantages
offerts a la classe ouvriere, des l' année 1850, par la
caisse des retraites, permet d'apprécier toute l'im-
portance du décret du 26 mars 1852, qui , en organi-
sant les socié tés approuoées, leur permettait désor-
mais de promettre des pensions de retraite si elles
comptaient un nombre suffisant de membres heno-
raires.




- 189-
Ainsi, le Gouvernement mettait a leur disposition


un moyen nouveau de réunir des fonds et un méca-
nisme súr pour les employer fructueusement.


L'obligation de subordonner la promesse de pen-
sions aux ressources résultant des cotisations des
membres honoraires, placait les Sociétés dans l'im-
possibilité de contracter des engagements téméraires
et irréalisables (1).


Quant it l'emploi nes fonds destinés a la vieillesse,
le décret ne pouvait prescrire un placement plus
avantageux que le dépót a la caisse des retraites,
Aussi l'article 14 invitait-il les Sociétés ay verser, au
nom de leurs membres actifs, les fonds restés dispo-
nibles ala fin de chaque année.


C'est ce qu'un certain nombre de Socié tés s'em-
pressa de réaliser. Chaque année elles diviserent leur
reliquat entre tous les sociétaires et prirent pour cha-
eun un livret a la caisse des retraites. Mais des in-
convénients sérieux ne tarderent pas it se manifestar.
Ils peuvent se résumer dans les troisobsarvations
suivantes :


lo La division du capital disponible entre tous les
membres des Sociétés rendait la part de chacun si mi-
nime qu'elle ne pouvait constituer qu'une pension des
plus faibles au jour de la liquidation. Le but de la loi
n'était pas atteint, et les sociétaires n'avaient aueun
eneouragement 11 grossir leur rente future par des
versements personnels,


2° Si le titulaire décédait avant la liquidation de sa


(1) Cependant on n'exige plus aujourd'hui que les Soeíétés compte
des membres honoraires pour pouvoir constituer des pensions <le
relraites, si elles ont des ressources suffisantes.




- 190-
pension, les sommes versées en son nom pouvaient
bien etre retirées et rentrer dans la caisse de la Société
lorsque le capital avait été réservé 101's du dépót, mais
les intéréts se trouvaient entierement perdus.


30 Enfin, le capital lui-méme , quoique réservé,
était perdu, si le sociétaire au profit duquel il avait
été versé venait aquitter la Société, et lorsque celle-ci
se trouvait par suite dans l'impossibilité de justifier
de son déces.


Des observations furent présentées en ce sens a la
éommission supérieure, par un certain nombre d'as-
sociations de plusieurs départements. Ces inconvé-
nients furent aussi signalés par divers écrivains dans
le Bulletin des Sociétés de secours mutuels (1). Mais
nulle part, peut-étre, l'attention du Gouvernement ne
fut appelée avec plus de précision qu'a Lyon sur les
résultats auxquels il importait de remédier.


Les eff'orts intelligents d'une Société de notre ville,
et les réc1aniations empressées de l'Administration,
eurent 1'honneur de préparer et de provoquer les plus
heureuses modifications dans la législation.


Des le commencement de janvier 1855, le président
de la 70e soeiété de secours mutuels de Lyon, expo-
sait aM. le sénateur Vaisse, chargé de l'administra-
tion du département du Rhóne, le refus qu'avait for-
mulé M. le Directeur general de la caisse des dépóts
et consignations, de recevoir les versements de cette
Société, avec réserve des capitaux déposés, au cas de
départ ou d'exclusion des sociétaires au profit des-
quels le dépót était Iait.


A 1'appui de cette observation, le chef de division,


(1) Année 1854, p. 218, 3'i8, et année 1855, p. 67, 135, 177.




- 191 -
chargé de la surveillance des Sociétés de seconrs mu-
tuels de Lyon, écrivit de son cóté a M. le Sénateur :


« Le président de la 70" Société se réserve le retour
« du capital versé, non seulement lors du déees du
« sociétaire (ce qui est conforme ala loi) mais méme
« lorsqu'il cesse de faire partie de la Société. - e'est
« cette derniere condition que refuse d'admettre M. le
« Directeur de la caisse des dépóts et consignations ...
« (Loi du 18 ju.in 1850, art 3, § 3).... ' Cependant,
« du moment oú un sociétaire aura la faculté de se
« retirer d'une sociéte lorsqu'il sera porteur d'un
« livret, parce qu'il saura que le capital versé pour
(e la' constitutionde ce livret lui est définitivement
« acquis, les ressources que possederit les Sociétés, et
« qu'elles n'ont amassées qu'!i force de soins et d'éco-
« nomics, seraient livrécs au caprice de sociétaires
« onimée de mauvaises intentions. Elles ne pourront
" done pas remplir les intentions bienveillantes dú
« Gouoernement. »


Immédiatement M. le Sénateur s'empressa (22 jan-
vier) de soumettre a M. le Ministre les observations
quilui étaient communiquées, et il écrivait:


« M. Jourdan (président de la 70") pense qU8 si les
ce Sociétés sont tenues de se conformer strictement
« aux prescriptions de l'article 3, § 3, de la loi du 18
« juin 1850, il leur sera impossiblo, sans exposer leur
(e avoir et leur avenir, de faire des versements a la
«caissedes retraites pour l' établissement delivrets
« en faveur des membres participants. L'appréhension
« de M. Jourdan, qui est d'aillet¿f's partaqée par les
« autres pl'ésidents de Sociétés de Lyon,me paraU
« f'andde ..... »


Les archives de la 70" Société nous font connaitre




- 192-
quelle fut la réponse de M. le Ministre de l'intérieur.


M. Vaísse éorivit, en effet, le 5 mars 1855, au pré-
sident de laSociété, pour lui faire connaitre que« sui-
« vant la réponse de M. le Ministre du 26 février, il
« était impossible d'éluder la loi, et que M. le Rece-
« veur général du Rhóne se verrait obligé de refuser
« lesversements de la Société ou de lui rembourser
« tous ceux qu'elle avait faits, mais que M. le Minis-
« tre prend en considération les craintes qui lui sont
« manifestées, qu'il a appelé l'attention de la Commis-
« sien supérieure sur cette difficulté, afin de remédier
« aux inconvénients signalés, et qu'il s'entendra avec
" son collegue de l'Agriculture et du Commerce pour
« modifier la loi. »


Ainsi, le Gouvernement s'inspirait de nouveau des
considérations présentées par les Sociétés Iyonnaises,
il leur promettait, sur leur demande, une arnéliora-
tion dans la législation. Une prompte réalisation sui-
vit cette promesse. A la date du 26 avril 1856, un dé-
cret rendu sur la proposition de la commission supé-
rieure et sur le rapport de M. le Ministre de l'Inté-
rieur, résolut la question par la création d'un fonds de
retraite particulier, au profit des Sociétés approuvées.


v.


L'économie de cette bienfaisante institution est fa-
cile it comprendre :


Elle organise la Constitution d"un [ond» spécial de
retraite pour les Sociétés approuvées.


Elle fixe le mode d'emploi du (onds ainsi eons-
titué.




- 193-
Le fonds de retraite se compose :
lo Des sommes que les Sociétés jugent possible


d'y affecter sur leur fonds de réserve, c'est-a-dire leur
excédant de recettes disponibles apres les dépenses
annuelles. (Art. 1'" du décret).


20 Des subventions accordées par le Gouvernement
aux associations qui prennent l'engagement, en as-
semblée générale, de consacrer a leur fonds de 1'13-
traite une partie de leur capital de réserve, (Méme
article).


30 Des dons et legs faits en vue d'accroítre le fonds
de re traite. (Art, 2).


4 0 Enfin, du produit des souscriptions des mem-
bres honoraires. (Circulaire ministérielle du 24 mars
1856).


Les avantages de ces dispositions sont les suivants :
Par l'obligation imposée aux Sociétés de constituer


elles-rnémes un fo~ds de retraite avec l'excédant de
leurs recettes, le décret du 26 avril 1856 stimule leur
prévoyance et lui donne une direction súre et efficace.
Par les subventions de l'Etat, il encourage leurs ef-
forts, enrichit leur fonds de retraite, de maniere que
sa répartition ne soit plus un bienfait illusoire; enfin,
en y consaorant les versements des souscripteurs ho-
noraires, et en réservant aux indemnités de maladie
les cotisations des membres participants, i l établit,
entre ces deux services, une juste distinction, fondée
sur la différence de leur caractere et l'origine des fonds
destinés a y pourvoir : - Aux secours promis a la
vieillesse, il 1'éserve les libéralités des membres ho-
noraires; - aux indemnités dues aux sociétaires, les


. versements effectués par eux.
Le fonds de retraite étant ainsi constitué, le décret


13




- 194-
du 26 avril1856 permet aux Sociétés de l'employer de
deux manieres :


l° Elles peuvent en faire le dépót ala caisse des
consignations et en attribuer a titre de pension les
intéréts aux sociétaires désignés (sons certaines condi-
tions) en assernblée générale. (Art. 2 et 6 du déoret).
~o Si elles le préferent, elles penvent placer leurs


fonds de retraite a la caisse générale des retraites et
constituer des livrets au profit des membres désignés,
comme il vient d'etre dit. (Art. 4 et 5).


Seulement, une distinction est a faire dans ce second
mode de placement : la portion du fonds de retraite
fournie par chaque Société pent tHre placee,' soit sous
la condition d'aliénation définitive, soit avec la stipu-
lation de retour a la Société, apres le déces du titu-
laire de la rente; au contraire, la portion du méme
fonds provenant des subventions de l'Etat, demeure
inaliénable, de maniere a profiter successivement a
un nombre illimité de pensionnaires,


Nous verrons plus loin les avantages oiferts par
ces divers emplois du fonds de re traite des Sociétés.
Nous ne voulons ici que constater le caractere général
et la portée si efficace du décret du 26 avril 1856.


Désormais les Sociétés peuvent avoir un fonds de
retraite spécial qui se grossira d'age en áge a l'aide
1° de ses intéréts capitalisés lorsqu'ils ne sont pas
employés, 20 des versements des Sociétés, 3° des sub-
ventions du Gouvernement, 40 des dons et des legs.
Ce fonds de retraite, placé a la caisse des dépóts ou
a la caisse des retraites, avec réserve du capital, fera
sans ces se re tour aux Sociétés apres avoir successive-
ment soulagé, par la perception de ses intéráts, les
dernieres années de leurs membres ágés,




- 195-
Ainsi, si d'apres les fatales nécessités de toute


association, le nombre des vieillards doit augmenter
chaque année, chaque année aussi yerra s'accroítre
le fonds de retraite. II viendra un temps OU s'établira
la balance des membres anciens décédés et des mem-
bres nouveaux ayant droit a la pensiono Ce temps,
que plusiours ne verront pas, mais dont chacun aura
le mérite d'avoir préparé la sécurité, ce temps sera
l'époq ue de stabilité et de certitude de perpétuité des
Sociétés de secours mutuels.


Telles sont, pour l'avenir, les conséquences du dé-
cret du 26 avril 1856, tel est le róle du [oruls de re-
traite spécial qu'il crée aux Sociétés.


De méme, par de nombreux canaux, un íleuve ré-
pand la fertilité sur ses rives. Sans rien perdre des
eaux qu'on lui emprunte, illes recueille á l'extrémité
des champs qu'elles ont arrosés de leurs eours bien-
faisants, et sans cesse il s'enrichit du tribut de nou-
veaux affluents, qui lui permettent de porter plus loin
l'abondance et la fécondité.




CHAPITRE XII,


DÉVELOPPEMENT-DES SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS SOUS
L'INFLUENCE DE LA LÉGISLATION NOUVELLE.


SOIU~IAlRE.


§ ler, _. Mesures diversos du Gouvernement pour eompléter et
appliquer la législation nonvelle sur les Soeiétés de seeours mu-
tuels. - Cireulaires ministérielles. - Leur esprit.


§ Il. - Commission supérieure d'encouragement et de sUl'veillance.
- Sa mission. - -Rapportsdu Gouvernement avee les soeiétés
ouvriéres. - Leur siluation aeluelle eomparée 11 lenr situatíon
passée. - Résu1tals 11 attcndro du nouvcau mode d'association.


§ III.- Effets de la loi du 15 juillet 1850, - Nombre restreint
des Sociélés 1'econnues COlmne établissements d'utilité publique, -
Soeiété des ouvriers en soie de Lyon. - Son caractérc généra1.
Ahus remontant 11 sa compositiou originairc. - L'étude appro-
fondie de cette société ressortira des développements donnés
dans les ehapitres suivants. - Coup d'ceil sur- ses résultats,


§ IV. - Effets du déeret du 5'.6 mars 1852. - Dévoloppernent
des Soeiétés approuvées dan s toute la Franee, de 1852 11 1862.
- Statislique. - Bésultats morallx et matériels.


§ V. - Coneours remarquable du département du Rhóne a l'ex-
tensíon de la mutualité, - Nombre croissant des Soeiétés ap-
prouvécs 11 Lyon, depuis 1852 jusqu'en 1864. - Leurs phy-




- '197 -
sionomies diverses. - Influence de "esprit religieux et de l'esprit
professionnel sur leur développement. - Exemples donnés par
d'autres départemcnts. - Ensemble des questions que comporte
l'étude des Sociétés de seeours mutuels. - Indication du sujet
des chapitres qui vont suivre,


1.


NOllS avons exposé la situation faite aux Socié.tés de
secours mutuels par les actes législatifs qui se sont
succédés, depuis la loi du 15 juillet 1850 jusqu'a celle
du 12 juin 186l.


Nous avons vu que le décret du 26 mars 1852, créa-
teur des Sociétés approuvées, avait été le point de dé-
part de l'organisation nouvelle des institutions de se-
cours mutuels.


Avant d'examiner quelles en ont été les con sé-
quenaes, c'est-á-dire comment les associations se
sont développées sous son inf1uence, nous devons
poursuivre l'exposé des mesures diverses auxquelles
le Gouvernement a eu recours pour compléter son
ceuvre, fortifier la législation nouvelle et en faciliter
l'application.


Il était acraindre que les intentions et la portée vé-
ritable du décret du26mars 1862, ne fussent pas suffi-
samment oomprisss par les associations ouvrieres. II
falJait triompher des préjugés nés de l'ignorance, des
préventions que pouvait soulever l'intervention de
l'Etat, de l'indifférence ou méme de la résistance de
l'autorité municipale dans certaines communes.


Le Gouvernement prit a cet égard des mesures dont
le caractere mérite d'lItre signalé.




- 1I:l8-
La premiare autorité dont il crut devoir demander


le concours pOJIr favoriser 1'extension des Sociétés de
secours mutuels sur les bases établies par le décret
de 1852, fut l'autorité ecclésiastique.


Dans une instruction générale adressée aux préfets,
le 29 mai 1852, sur l'oxécution du décret, M. le Minis-
tre de l'Intérieur s'exprimait ainsi :


« Le concours du curé, demandé par l' article 1cr,
« sera d'un grand sscours pour arriver él, un bon ré-
« sultat. Sa parole est puissante pour réunir, pour
« concilier, pour inspirar aux uns l'obligation de
« Téconomie, aux autres le devoir du sacrifice. Déja
« grand nombre de Sociétés de secours mutuels se
u sout formées a l'ombre de la paroisse, et devien-
« nent ainsi des écoles de prévoyance et de moralité.
« Placer l'association sous la protection de la reli-
.. gion, c'est emprunter ce qu'il y a de bon, d'élevé,
« de générellx dans ces vieilles corporations qui mar-
u chaient sous la banniére et pertaient le nom d'un
« saint. »


C'est dans le méme esprit que le Ministre desCultes
adressait aux éváques, le 13 novembre 1852, une cir-
culaire ayant pour objet de réclamer leur intervention
et afin qu'ils invitassent les membres du clergé a fa-
voriser la transCormation des associations charitables
formées sous leur direction en Sociétés approuoées.


De son coté, l'autorité civile recevait les instruc-
tioos les plus amples et les plus propres a la guider
daos la création de nouvelles Sociétés ou la réorga-
nisation des sociétés anciennes, suivant les condi-
tions imposées par le décret du 26 mars 1852.


Ces communications du Gouvernement sont impor-
tantes a connaitre, parce qu'elles contiennentl'ex-




- 199-
pression de sa pensée et qu'elles sont le meilleur
qommentaire des actes législatifs qui régissent au-
jourd'hui les Sociétés de secours mutuels.


Ainsi l'instruction générale du 29 mars 1852 expose,
dans toute leur étendue, les intentions du législa-
teur, elle prévoit, elle applanit les difficultés pratiquss
que peut rencontrer encore aujourd'hui la création
d'une Saciété nouvelle ou la transformation d'une So-
ciété privée, c'est-a-dire simplement autorisée, en
Société approuvée (1).


Des circulaires postérieures, toutes également em-
preintes d'une vive sollicitude pour l'amélioration du
sort de la classe ouvriere, ont puissamment contribué


. ~ I'application du príncipe de~ la ruutualité (2).
Le caractere de l'initiative recommandée aux évé-


c¡ues et aux préfets est digne de remarque. Le Gou-
vernement n'a voulu imposer a aucune association,
contre son gré, la participation aux bienfaits résul-
tant de l'application du décret du 26 mars 1852. La


(1) Cette circulaire est pub liée en entier par lU. Dalloz. Réper-
.toiregénéral de législation, VD Sccours publics, nv 233.


(2) Circulaire du 31 juillet 185~, iuvitant les préfets 11 prevo-
quer le concours des Conscils généraux en favcur des sociétés. -
Voyez Bulletin des Sociétés de secuurs mutuels, nnnée 185~, p. '309.


- Circulaire du 7 septembre 185/i, déterminant les mesures 11
prendre pour la création de sociétés nouvelles dans chaque eom-
mune. - Bulletin, année 185/i, p. 310.


- Circulaire du 2 juillet 1855, sur le concours de l'Etal .ct des
départements, el les subventions a fournir pOllr venir en aide aux
eommunes dans l'établisserncut de nouvelles Sociétés de secours
mutuels,


- Circulaire du 5 septembre 1863 relative aI'cxtension des So-
ciétés rurales.




- 200-
liberté la plus complete n' a cessé d'exister pour toutes
les Sociétés anciennes. Celles qui n'ont paseru devoir
se soumettre aux conditions requises pour obtenir le
bénéfice de I'approbation, ont continué a s'adminis-
trer, comme par le passé, sans aucune entrave, sous
leur propre initiative et leur uniquo responsabilité.


Celles qui ont sollicité l'approbation ont pu garder
leur physionomie particuliere, leurs caracteres, leurs
traditions, méme leurs anciens statuts, en se bornant
a en modifier les articles qui se trouvaient en contra-
diction flagrante avec l'esprit du décret. Ainsi, moyen-
nant les seules conditions de soumettre la nomination
de leur président au chef de l' Etat, de ne pas promet-
tre de secours en cas de ehómage, et d'introduire dans
leur reglemsnt le principe de l'admission des mem-
bres honoraires, toute Société antérieure au 26 mars
1852, a pu obtenir les précieux avantages de l'appro-
bation.


Les esprits les plus prévenus ne sauraient mécon-
naitre que rien n'a été omis de ce qui pouvait favori-
sur 1'extension de la mutualité. Appels réitérés au
zele des autorités religieuses et administratives, ins-
tructions et communications incessantes, respect des
regles et des habitudes des Sociétés anciennes, ména-
gements, persuasion, encouragements, le Gouverne-
ment a tout mis en osuvre pour opérer la régénération
de la classe ouvriere, par une sage réorganisation des
Sociétés de secours mutuels (1).


(1) On ne saurait eroire combien de préjugés et de résistanccs a
soulevé parfois la création de Sociélés approuv'¡es. - Nous pour-
rions eiter une loealité oú les ouvricrs s'étant réunis au nombre de
168 pour fonder une Société d'apres les príncipes du déerel du 26





- 201 -


n.


Lit cependant ne se sont pas bornés ses efforts.
L'Empereur a voulu que des hommes spéciaux, et


d'une capacité égale a leur dévouement, eussent la
mission constante de veiller sur les associations et de
travailler incessamment a leur développement.


Par l'article 19 du décret du 26 mars 1852, il a créé
unecommission supérieure d'encouragement et de
surveillance, composée de dix membres, dont il s'est
réservé la nomination.


Cette commission est chargée de provoquer et d'en-
comager la fondation et le développement des Sociétés
de secours mutuels, de veiller a l'exécution du décret
organique du 26 mars 1852, et de préparer les instruc-
tions et reglements nécessaires ason application.


Dans ce but, elle examine les statuts des Sociétés
naissantes, et n'autorise Ieur constitution définitive
qu'aprss s'étre assurée que leur organisation renferme
des éIéments de succes.


Elle sollicite des subventions en Iaveur de celles


mars 1852, .se virent éncrgiquemcnt contrecarrés par le maire el
le Conscil municipal, sous le prétexte qu'une telle institution était
inutilc dans une ville ou un hópital est ouvert aux ouvriers blessés
ou maladcs, ct oú un bureau de híenfaisance est aecessible aux
malheureux.


Le hon sens des artisans de la Iocalité leur avait fait comprcndre
combien l'assistance mutuelle résultant d'un contrat loyalement


. exécuté, est préférable aux secours de la eharilé mérne la plus em-
pressée, Il cst superflu d'ajouter que le vreu de lapopulation l'em-
porta sur l'opinion contraire de l'autorité municipalc.





- 202-
qui ont été frappées de charges exceptionnelles, ou
qui se font remarquer par leur empressement a cons-
tituer un fonds de retraite pour leurs vieillards.


Elle répond a toutes les demandes de renseigne-
ments-qui fui sont adressées, et s'empresse d'éclairer
les 'Société s sur les conditions nécessaires a leur
prospérité.


'Elle propose des mentions honorables, des mé-
dailles et autres distinctions honorifiques en faveur
des membres honorairss ou participants qui lui pa-
raissent les plus dignes.


Chaque année, elle présente a l'Empereur un rap-
port sur la situation des associations, et lui soumet
les propositions propres a développer et perfectionner
l'institution.


Enfin, elle pat:conne une publication périodique in-
titulée : Bulletin des Sociétés de secours mutueis, qui
a pour but de les guider dans leur administration,
d'éteudre et de propager les amélioratiuns dont les
unes et les autres donnent l'exemple, de provoquer
entre toutes une précieuse émulation, et de reproduire
avee des commentaires et des explications qui en fa-
cilitent l'intelligence, le. texte des décrets et arrétés
sur les associations, les pensions de retraites et les
caisses d'épargne.


Tel est le role de la commission supérieure.
Sentinelle avancée du progres, et stricte observa-


trice de la loi, elle asseoit sur des bases solides les
institutionsprésentes, et recherche avec zele tous les
bienfaits dont l'avenir peut les enrichir. _


Intermédiaire entre le Pouvoir et les associations,
elle exerce sur celles-ci un controle bienveillant et
tutélaire ; elle se rend l'organe de leurs observations




- 203-
et de leurs VCEUX aupres du chef de l'Etat qui, par ce
moyen, peut veiller incessamment sur les besoins de
la classe ouvriere.


Est-il nécessairede remarquer iei cambien les rap-
ports des assooiation s avec le Gouvernement different
anotre époque des relations qu'avaient les colléges
d'artisans romains avec les empereurs, et les an-
oiennes corporations avec la royauté?


Tandis que dans le passé, des défiances, tantót fon-
dées, tantót injustes, armaient le Pouvoir contre les
assaciations ouvrieres , et les placaient respective-
ment sur un terrain hostile oü se perpétuaient de fu-
nestes malentendus, aujourd'hui, on peut le dire, la
réconciliation s'est opérée entre l'Etat et la classe ou-
vriere,


Dans les institutions actuelles, ]e Gouvernement
offre aux classes laborieuses les moyens de combattre
victorieusement les fléaux les plus redoutables, les
maladies, les infirmités prématurées, les chómages
qui en résultent, enfin les défaillances et les miseras
de la vieillesse. 11 leur présente un mode d'associa-
ti-in sagement concu et capable en méme temps de
remédi.er a leurs maux, et de Iaisser a leur initiative
personnelle sa physionomie, son essor et sa liberté.


Rien de semblable, il faut le reconnaitre, n'a été
créé dans les siecles passés au profit des travailleurs.
Aucune institution ne semble en notre temps appelée
aremédier plus efficacement aleur misereo




- 204-


IlI.


Examinons done eomment de tels bienfaits ont été
aeeueillis par les populations laborieuses, et quel dé-
veloppement les lois nouvelles ont imprimé aux as-
soeiations existantes.


La premiere loi, celle du 15 juillet 1850, relati~e
aux Sociétés reconnues comme établissements d'uti-
lité publique, ne pouvait recevoir, ainsi que nous
l'avons dit, qu'une exécution restreinte,


Elle n'en a recu aucune aLyon, et il n'y a pas lieu
de s'en étonner; la seule Société lyonnaise qui ait été
reeonnue comme établissement d'utilité publique, est
eelle qui fut fondée par la Chambre de Commeree pour
les ouvriers en soie, et dont les statuts, mis en vi-
gueur par décret du 9 avril 1850, out devaneé et peut-
~tre inspiré, soit la loi du 15 juillet 1850 elle-méme,
soit la loi du 18 j uillet 1850, organisatrice de la caisse
générale des retraites.


Il n'existe, d'ailleurs, en France, que sept Sociétés
reconnues comme établissements d'utilité publique,
qui sont suivant l'ordre de leur date:


lo La Soeiété protestante de secours mutuels, fon-
dée aParís et reconnue le 12 mars 1827.


20 La Caisse de secours mutuels de Bordeaux, fon-
dée le ler avril 1833, reconnue le 7 juillet 1843.


30 L'Association des artistes dramatiques, fondée
en 1840, reconnue le 17 février 1848.


40 La Société de prévoyanee de Metz, fondée en
1825, reconnue le 26 mars 1848.




- 205 -
5° La Société de secours mutuels des ouvriers en


soie de Lyon, reconnue le 9 avril 1850.
6° L'Assoeiation des médecins du département de


la Seine, fondée en 1833 et reconnue le 16 mars 1851
a la suite d'une procédure administrative qui n'a pas
duré moins de 15 ans.


7° La Société de secours mutuels des marins de
Dieppe, reconnue le 22 avril 1854.


Cette derniere est la seu le quí ait dú sa création a
la loi du 15 juillet 1850.


Toutes les autres, antérieures acette loi, mais sou-
mises pour l'avenir a ses dispositions, présentent, a
raison des époques et des circonstances dans les-
quelles elles sont nées, une physionomie particnliere
qui ne perrnst de rechercher dans aucune le type rles
Sociétés de secours tel que le législateur l'a concu,


A ne parler que de la Société des ouvriers en soie
de Lyon, cette grande institution qui, par les libéra-
lité s considérables dont elle dispose, est appelée a
réaliser un bien immense dans la classe ouvriere,
nous apparaít bien plus comme une ceuvre de bien-
faisance que comme l'exécution d'un contrat fondé
sur le principe de la mutualité.


De la facilité excessive avec laquelle furent admis
les premiers membres participants, il est résulté que
la plupart, méconnaissant leurs devoirs de socié-
taires, ne songent qu'a attirer aeux les ressources du
patrimoine commun, et qu'un certain nombre, incor-
poré malgré les conditions hygiéniques les plus fa-
cheuses, a absorbé jusqu'a ce jour des sommes im-
portantes au détriment de leurs coassociés.


"De tels abus auraient inévitablement éloigné de
plus en plus la Société du principe de lamutualité,




- 206 -
s'il n'y avait été r emédié par des mesures intelligentes
et fermes. Quoi qu'il en soit, la Société, nous le dé-
montrerons, se ressent encore de ce vice originel dont
les années seules et une administration sévere pour-
ront définitivement effacer les traces.


Nous ne saurions ici, d'ailleurs, signaler tous les
bienfaits répandus jusqu'a ce jour par cette institu-
tion sur la classe ouvriere, ni rochercher les coudi-
tions susceptibles de rendre son action encore plus
efficace. Une telle étude excede les bornes d'un seul
ehapitre. Elle découlera tout naturellement de l'exa-
roen auquel nous aurons anous livrer des príncipes
qui, d'apres la législation aetuelle, doivent régir l'or-
ganisation, l'administration et les efforts des asso-
ciations de secours mutuels.


Nous nous bornerons, pour le moment, a constater
qu'au 31 décembre dernier (1862;' cette Société ne
comprenait pas moins de 4,496 sociétaires (1,646 hom-
mes et 2,850 femmes), sur lesquels 1,239, pendant la
précédente année, avaient recu gratuitement les so-
eours médicaux et pharmaceutiques , et obten u le~
payement d'indemnités quotidiennes araison de 36,553
journées de maladie.


Ces chiffres suffisent pour démontrer quels services
cette institution rend annuellement aux ouvriers em-
ployés dans la fabrique lyonnaise.


IV.


Le décret du 26.mars 1852, bien plus que la loi du
15 juillet 1850, a été le signal du développement des
Sociétés de seeours mutuels.




- 207-
Ses dispositíons relatives a l'existence légale des


Soeiétés approuoées, et celles du décret du 26 avril
185'6, touchant la création d'un fonds spécial de re-
traites pour leurs vieillards,ont été lesconditions dé-
cisives de leurs progres ,


En 18'52, la Frunce entiere comptair 2,43& Sociétés
de toutes sortes, fondées sur la mutualité, compre-
nant 249,442 sociétaires, et possédant un avoir de
10,114,877 fr. 19 (1).


Assurément ces chiffres ont une signification élo-
quente. Ils démontrent cornbien avait étó énergique


. et déja féconde l'initiative de la- population ouvriere
en France, et quels efforts elle avait partout tentés
pour se soustraire par I'association aux pénils de l'iso-
lement,


Mais toutes ces Sociétés, simplement autorisées,
sans existence légale, sans autre faculté que celle de
faire des dépóts restreints a la caisse d'épargne, se
trouvaient, vis a vis de l'Etat, dans une situation
arnbigué , précaire, et qui ne se prétait a aucune
extension durable. Pour la plupart, elles ne pouvaient
offrir aux sociétaires, ni sécurité, ni confiance absolue
dans la réalisation des secours que les statuts leur
promettaien t.


L'inexpérience, la témérité, la mauvaise foi «s don-
naient trop souvent libre carriere, et venaient com-
promettre le patrimoine social.


Les décrets des 26 mars 1852 et 26 avril 1856, ont
radicalement transformé cette situation ,


lis ont agi de trois manieres:


(t) Bapport de la Commission supérieure a l'Empereur. -
Année 18M.




- 208-
En suscitan t la création de Sociétés nouvelles,
En ralliant les Sociétés anciennes au régime de l'ap-


probation et en les faisant participer a tous les avan-
tages qui en découlent,


Enfin, en imprimant une impulsion plus réguliere
mame aux Sociétés privées, c'est-a-dire, aux Sociétés
qui persistent avivre sous le systeme de la simple au-
torisation Ces Sociétés ne sauraient nier, en effet,
qu'elles n'aient en général reformé leurs reglemen ts
défectueux d'apres les statuts modeles proposés aux
Sociétés approuvées.


Si elles restent volontairement étrangeres aux bien-
faits de la vie civile, aux subventions provenant de la
dotation affectée aux seules Sociétés approuvées, elles
n'ont pas moins retiré du développement de celles-ci,
sous l'influence de la législation et des instructions
qui leur sont spéciales, l'exemple de l'adjonction si
avantageusedes membres honoraires, d'une organi-
sation meilleure, d'une administration plus régu-
liere , d'un serví ce de santé plus efficacement 01'-
ganisé, etc.


Elles ont ainsi, quoi qu'elles en pensent, profité des
mesures législatives dont elles répudient pour elles-
mames l'application directo.


En 1852, cinquante Sociétés seulement , dans toute
la France, adhérant au 1'égime nouveau, obtinrent
l'approbation.


Cinq ans plus tard, en 1858, plus de la moitié des
Sociétés en vigueur s'était fait approuver. Il en exis-
tait alors 3,860, sur lesquelles 1,940 approuvées et
1,920 simplement autorisées.


Dans I'intervalle de ces cinq années, l'avoir total
des Sociétés, comprenant leur fonds de réserve et leur




~-- ~09 -
fonds de retraite, s'était acera du double, Au 31 dé-
cembre 1858, il atteignait 20/755,450 fr. 87, bien que
dans le courant de l'année expirée 132,219 malades
eussent recu, outre les soins médicaux, une indemnité
pécuniaire déterminée par un chiffre de 2,323,483 jour-
nees de maladie. EnfinIe nombre total des sociétaires
participants s'élevait a448,914 et celui des membres
honoraires a 58,066 (1).


Dix ans plus tard, au 31 décembre 1662, nous voyons
fonctionner 4,582 Scciétés, comprenant 565,163 mern-
bres participants et 73,881 honoraires.


Leur avoir est de 30,766,244 fr. 11 c. (triple de ce
qu'il était en 1852). Sur ce chiffre 5,983,435 fr. 72 c.
constituent un fonds de retraite spécial pour les mem-
bres des Sociótés approuvées,


Les rccettes ont atteint, pour l'année 1862,
10,388,80i fr. 14 c. sur lesquelles les dépenses di-
verses, comprenant les secours médicaux et I'indem-
nité a 142,628 malades, a raison de 2,877,992 jour-
nées de maladie , Iaissent encore un excédant de
3,135,331 fr. 57 c. (2).


D'autre part, les vieillards recoivent des pensions
garanties par un fonds de retraite de 5,983,435 fr. 72 c.
appartenant aux Sociétés approuvées.


Le nombre total des sociétaires est de 639,044, sur
lesqueIs 565,163 participants et 73,831 honoraires.


Enfin, les Sociétés approuvées s'élevent a. 2,911;
leur nombre, toujours croissant, dépasse de 2&8 celui


(1) Ilapport de I(Commission supéricurc sur \'année 1858.
(2) En 1858, les recettes n'atteignaient que 3,871!,148 fr. 15 e.


et I'excédantsur les dépenses 853,965 fr, 02 c.
14




- 210 ,-
existan t l'année précédcntc, et do 871 cclui constató
pour I'anriée 1858 (1).


Tel a été, dans I'ospace de dix ann6es, le rósul tat
matériel de l'application du décret du 26 meas 1852.


Nous ne pouvons mentionner ici toutes les censé-
qucnces morales du développcment de la mutualité
ot des ceuvres accessoircs qne lo dévouement et lo <
zele de la charitó ont su y rattacher. Les vieillards
assistés , les malades scco urus et consolés , les
chefs do famille encouragés au travail et a l'ópar-
gne, les Icmrnes et les cnfan ts visi tés dans la maladie,
les veuves et les orphelins protégés dans la dótrcsse,
les eitoyons de pro lessions et de Iortuncs diversos
réunis par un sentimen t de corifraternitó mutuel!o,
des populations ramenóes it l'amour de l'ordre , au
respect de la propriótó et des droits d'au trui , voilá
l'onvrage des associations ouvrieres de notre époquo
sous l'influence do la lógislalíOll qui [es gouverne.


v.


La part du département du Rhóne, dans ce grand
mouvorncn t de civilisation , a étá irnmense. Adiverses
reprises elle a áté coristatée par la Cornmission supé-
rieuro dans les rapports qu'ello adres so annuellement
au chef de 1'Etat.


Nous lisons dans celui de 1839 (p. XlII) : « Parrni les
« départernents qui comptent lo plus do Sociétés all-
( cicnnes, celui du Rhóne s'est signaló par l'empres-


(1) flnpport de la Cornmission 511¡J,:rirurC' pcmr l'ann,(n 18&'2. -
Nonitcur Univcl'sc! ,lu 2'3 déccmhrc 18G3,




- 211 -
« scmcnt rornarquablo do ces Sociétés ti. se faire ap-
« prouycr, et par los progres réalisés depuis leur
« approbation (1). »


En cffet, au 31 décembro 1852, il réunissait seulc-
rnent huit SOCi(~lés approuvées ; dome années plus
tard il en comptait 117.


En 1853, nous en YOYOl1S 131 el 37 simplernent au-
torisócs. La Commission supérieuro attribuant cet
aocrcisscrncn t it la sollicitude do l'administration 10-
cale et au bon scn s de notre population, ajou tait :
« Ce quí a réussi i:t Lyon, parco qu'on a éclairé les
« Sociétós sur leurs véritablos intóréts, réussira éga-
« lement partou t ou l'o n prendra soin de lcur fonrnír
« les memos indications (2). »


En 1857, apres uno périodo de cinq ans, le nombro
des Sociótós approuvées s'élevai t ti. 145 dan s notre dé-
partcment. Il u'était distancó que par lo Jura, oü l'ox-
tension des assoeiatioris est duo ft uno circonstance
toute Iocale : I'extcn sion do !'industrio frornagore.


En 1862, nous en comptons 164 (3), et en fin des ren-
s signoments oflicieux, mais certains, nous permettent
d'affirmor, que par la création d'assoeiation s nou-
velles qui s'organisent actuel1ement dans un eertain
nombre do comruuncs, le nombra des Sociétés du
Rhóno aueindravpour l'année 1861, lo chifIre de 200"


(1) Ilnpp m L sur I'année 18~9, P: XIIr.
(2) Itapport sur I'auuéc 18:>:>, picccs anncxécs, p. XII', - Nous


devons dirc que le progrés de, Sociétés approuvécs dans Ic départ c-
rr.ent du Rhóne, a úc en grande part ie l'couvrc de ~I. Tarisse, chef
dc division, qui s'y cst dévoué tout cnlier .


(3) R~ppoll sur l'année 18S2. 'Tahlcnu nO J, p. G3 el S·¡jl'.




- 212 --
parmi lesquelles il n'en restera que 8 ou 10 símple-
ment autorisées.


L'esprit religieux inspire en général les associa-
tions lyonnaises. Elles ont leur féto patronale; leurs
malades sont entourés de pieuses consolations, leurs
défunts sont inhumés au milieu des prisres com-
munes.


Cependant, beaucoup d'autres villes présentent,
sous ce rapport, des résultats bien plus satisfai-
sants.


A Marseille, a Bordeaux, a Paris, l'esprit religicux
a suscité directement l'établissement d'un grand nom-
bre de Sociétés.


Paris en possede p1usieurs, dites paroissi ales, paree
qu'elles sont nées suivant le VeBU du législateur (1), a
l'ombre de la paroisse, par les soins de l'autoritó
ecclésiastique et dans le but principal de travailler a
l'amélioration de leurs mcmbres, en mame temps que
de les soulager a l'aide do l'assistance mutuelle.


(1) Voycz plus haut la Circulnire du 20 mai 1S;)::!.
Dans son rnpport sur l'annéc 1851>, la Commissiou superlCurc


exprime le désir de voir se généraliscr ce qui se passe dans plusicurs
villos, oú « lee Sociétés de Saint-Francois-Xavior, fondées sur la
doublc base de la religion el de la mutualité, réunisscnt ehaque mois
leurs rnembres, lenr présenlent, duus ces réunions, ce <¡ni peut ala
fois éehaulfer l'árnc, éclairer l'mtcltigcnco et piquer la curiosité, les
attachant ainsi plus intirnernenl aux prlncipcs tic Ieurs Iondations,
el cxercnnt, sur les habitudes de leur vic, la rneilleure el la plus sa-
lutaire influenee. » - p x.


Avant 1852, il exislait aLyon une Société de eelle naturc, placee
aussi sous te pulronage de Saint-Francois-Xavier. Elle a plus tard
motlifié sen organisntion , el s'cst fait apl'fouvrr sous le norn de So-
ciété de Saint-Jcscph.




-- 213 -
Marseille, sur 160 Sociétés existant en 1862, n'en


comptait que 7 qui ne fussent pas placées sous le vo-
cable d'un des saints que l'Eglise catholique vénere,
Bordeaux suit les mérnes traces.


Un exemple analogue est donné par les sectes dissi-
dentes et par le culte hébraique. Des Sociétés exclusi-
vement protestantes ou israélites se sont établies dans
plusieurs départements, avec I'intention de soulager,
chez leurs membres, les besoins de l'áme avan t de re-
médier aux miseras du corps.


I! importe, en effetvque le sentiment religieux pé-
netre profondément les institutions fondées sur la
mutnalité. C'est la religion, c'est la ch arité et le dé-
vouement qui d'une Société d'assurances contre la
maladie peuvent faire une réunion de freres l4t d'amis,
réaliser leur amélioration et imprimer aIeur ceuvre ce
sceau de grandeur et de perpétuité qui manque pres-
que toujours aux osuvres inspirées par les seuls cal-
culs de I'intérét rnatériel.


Ce sentirnent général existe, nous le répétons, au
sein des Sociétés lyonnaises, et il s'unit aune sage
tolérance qui, rela,tivement a l'assistance, aux céré-
monjes du culte, Iaisse toute liberté aux sociétaires;
mais nous regrettons, qu'a l'exemple de ce qui existe
ailleurs, il n'ait pas directement inspiré la création
d'un plus grand nombre d'associations ,


L'esprit professionnel a exercé une infiuenee plus
manifeste sur l'extension de la mutualité dans notre
ville, Les artisans des divers métiers sernblen t avoir
surtout cherché dans l' association, avec le secours
d'une assistance matérielle, celui d'une discipline et
d'une union favorable a l'exercice de leur industrie.


La fabrication des étoffes de soie a donné nais-




~ 214 ~
sanco aonze Sociétés, composées soit de chefs d'atc-
liers exclusivement, soit d'ouvricrs tl Iaoon s, soit des
UIlS et dos autres et de toutes porsonnos dont lo tr a-
vail manuel se rattaclie a la soierie.


Soixanto autres professions, onviron , se sont aussi
groupées en autant dassociations, n'admettant dan s
leur sein que des artisans de la memo industrie.


Les autres Sociétés se recrutent dans to us les mé-
tiers.


Quelques-unos on t un carac tóre spécial, q u'i l es t
utile de signaler~lo dos in édecins du Rhónc oflre
aux in stitutions de mérue nature l'oxomple d'un e iui-
tiativc constante dans toutes los q uostions in téressaut
I'exercice de I'art médica]. Celle des instituteurs as-
sure un ..emarquable appui a oes fonctionnaires me-
destes et si utiles q ui répaudent l'instruction dans les
classes laborieuscs.


Celle des sauvetcurs m ódaillés, si nombreux dans
toutes les classes de notre population , unit par lo no-
blo [ien des distinctioris hon orifiquos coux q ui ont
droi t a une memo rcconn aissanco pour leur dévouc-
ment a la vio de leurs concitoyens, Celle des pompicrs
stimulo et fortifie, chez ses rnembres, par les bienf'aits
de l'assistancs mutuelle, lo sontiment du dovoir, de
la discipline et du courage. Celle des orphéonistes,
avec le culto do l'art, inspire a ses adeptos des prín-
cipes d'ordro et de prévoyance.


Los associations exclusivemen t professionnoHcs,
SO:1t en général présidóes par un membre du memo
métier que los sociétaircs. Parrni los au tres, plusicurs
ont á leur teto (eommojadis les corporations romaincs]
dos personnagos d'ólite, do n t les lumieres et la haute
situation leur 50'!1t un gage do prospérité.




- 2[:)-
Un certain nombre, entre toutes , pourraien t otro


citées pour la rapidité de Ieur développomont, l'cffi-
cacité de leur modo de recrutement. Les observations
ressortant de cet examen trouveront plus loin leur
place.


Les So ció tés rurales ne dépassaient pas, dans notro
départernent , le chiílre de 35, au 31 décembre 1862.
A u con traite, dans la Girondo, lo Nord et le Jura, elles
son t beaucoup plus nombreusos que les Sociétés éta-
blies dan s les villas, et no us remarquous, d'aprss les
tablcaux de statistiquo, qu'olles doivent leur créaticn
au zolo eles cures, des maires ou de principaux pro-
priétaircs, sous la prósidence desquels elles restent
onsuite placees. C'est un cxernple dont le départe-
mcn t du Rhóne doit tirer profit.


Ainsi , jusqu'a ce jour, le principo de l'assistanco
mutuelle a déja répandu d'inappréciables bienfaits
dans nos populations. Apíe asouIager tou tes los dé-
tresses, au scin dos professions libérales, comme dans
les professions ouvriercs, chez les haLitants des carn-
lngnes, eomme choz les artisans des villcs, partout il
ost appeló a régénérer la situation morala et maté-
rielle de ceux qui se placen! sous son égide. Il arpar-
tient done a tous les hom mes de CCBur el d'intelligence
d'en seeonder l'extension et do travaillcr ain si au
bonheur de leurs semblables et a la prospérité de
notro pays.


Mais pour m icux comprendre la tácho qui nous in-
COm-L2, il importe de pén étror plus profondément dan s
I'étude des assoeiations de secours mutuels.


Poursui von s done l'examen des moyens de progrcs
<]ue la législation actuelle met a leur disposition. R,:\
cherohorrs les regles de lcur organisatio», los priu-





- 21lí --
cipes qui peuvent rendre plus súrs et plus eflicaces
les secours en cas de maladie , et la constitution des
pensions de retraites pour les vieillards et les incura-
bles. Eraminonsaussi leur mission dans les cas de
ehómage, leur róle vis a vis des femmes et des cn-
fants, les améliorations qu'elles sont susceptibles de
recevoir dans ces différents services, les avantages
multiples qu'elles pouvent offrir a leurs membres, le
eoncours qu'elles sont en droit d'attendre de tous les
citoyens, et enfin les conditions diverses de leur
développement.


Tel est en quelque sorte le programme des chapitres
qui vont suivre,




CHAPITRE XIII.


DES CO:<lDlTIOlllS D'ORGANISATION DES SOCIÉTÉS DE SECOURS
MUTUELS. - REGLES RELATIVES A LEUR COMPOSITION PER-


SONNELLE.


SmmAlRE.


§ ler, - Princípe fandamcntul qui caractérise les Sociétés de se·
cours mutuels. - Elles onl pour base un contrat civil. - Lcur
définition légalo, - Condítions d'admissibilité : 10 Au point de
me de la moralité des candidals.


S JI. - 2° AII point de me de lcur état sanitail'e. - Ulilité d'un
novíciat ou stagc, - Hccornmandations de la Cornmission supé-
rieure en faveur de cctto mesure. - Visite préalahle des caudidats
par un médecin. - Diffieullés auxqueIles eelte formalité donne
lieu. - Du mode d'examen médical des candidata dan s la Société
reconnuc des ouvriel'S en soie. - Ce systeme cst impralieable
pour les perites assoeialions. - Utilité de' l'établissement d'un
Conseil central de santé pour toutes les Sociélés de seeours mu-
tucls de~Lyon.


§ IlI. - De l'dge dcs ctuulidtüs, - Limite conseillée par la Com-
mission supérieurc. - Exceptions transitoirement admises. -
Llilité de l'admission dans les Sociétés de mcmbres d'üges divers
nfin d'évitcr l'échéancc simu1tanée des pcnsions de rctraite , -
Exemplc donné 11 cel égard. - Droil d'admission proporlionncl
3 l'3.ge. - Admission des [enunes ct des cnfants. - Renvoi de
cctte question aux chnpitrcs suivanls.


§ IV. - De la drtimilation du nombre des sociétaircs. - Limites




- 218-
/lxees par la loi pour les Sociétés l'econnltcs el les Sociétés appl'on-
vécs. - Néeessité de ne pus dépasser un nombro rcstreiul. --,
Excmples tirés des sociétés de Lyon.


§ V. - Des llW1llÚ¡'CS honoraircs, - Conditions de lcur admission.
- Son importancr-, - Son caractere osscnticl. - Elle nc doit
pas transformer les Sociétés en o-uvrcs de hicnfuisancc. - Em-
ploi de lcur-s cotisations.


1.


Le caractóro fondamental et essentiel eles Sociétés
de secours m utuels (et qu'il importo de no jamais per-
dre de vue), c'est qu'elles ne sont pas des Sociétés de
bieníaisance et de ch arité , mais de prévoyancc ct
d'assistance mutucllc.


Elles ont pour baso un contrat ; s'il confere des
droits, il impose des obligations ótroites. On no sau-
rait done assirnilor ades dons, ades bionfaits grutuits
les secours accordés en cas de maladie. Ils ne sont que
l'acquittement de la dette con tractée par la Socióté
cnvers le sociétaire qui a régulierement effectuó lo
ver sement de ses cotisations,


Ce caractere des associations de socours mutuels
est trop souvent méconnu. On los confond I,al'fois
avoc des institutions do charité, el de la naissent des
orreurs Iácheuses, des prój ugós graves, des oxigencos
funestes chez les sociétaires qui ne comprennent pas
les obligations de loyauté et d'exactitude auxquelles
ils sont tenus,


Los Scciétós de seccurs mutuels peuvcnt, su ivan t
nous, se définir : un contrat par lequel plusieurs pe1'-
sotmcs mcttcnt en eommnn une cotisation périodiquo




-- 21\)-
avcc la condition qno lo produit des eotisations rúu-
nies sera distribué aux assoeiés ou a leurs succes-
seurs dan s des cas détorminés et suivant la quotité
íixée par los statuts de l'association.


En principe, tout individu peut étre adrnis dans
une Société do soeours mutucls. On no saurai t eepen-
elant apporter trop do eireonspection ct do discernc-
ment dan s le choix eles sociétaires, Il ost une considé-
ration qui doit dominar toutos las nutres, c'cst quo
touto personno qui par ses mceurs , ses couditions
d'age ou de san té , deviendra inévitablemont uno
so urce de dépenses pour la Société, no peut que diíll-
cilcrnen ton Iaire partio.


« S'il est un contrat elont 1'exécution reclamo uno
cntiere loyauté, c'est le contrat ele Soeiété. En for-
mant contro les accidents ele la vie une' assuranco
mutuelle, chacun des associés entond et eloit entenelre,
que la part qu'il apporte a la bourse commune no
sera pas détournóo de sa destination. 11 cntcnd et
doit entendre que les cotisations versees en YlW des
maladies qui peuvcnt survenir, ne SOI'YÍl"ont q u'au
traitement de ma'adiss sérieuses, ot qui no soient pas
lo résultat de l'inconduite. Ce n'est pas pour Iavoriser
l a 1II011esse, ce n'cst pas pour oflrir un remede aux
JU:lUX auxq uels conduisent fatalement le vice et la dé-
bauchc, qu'on s'impose des sacrifices (1). »


L'association doit reposer sur la confiance ct l'es-
time reciproques. Il importe done aux Sociétés exis-


.tantes ou qui s'érablisscnt, de n'admettre que des ci-


(1) Discours de i\I. Dclungle, prcsidcnt de la Société municípalo
du 1er arrondissemcut de I'aris, Bu'Ictin des Sociétés de sccours
mutuels, 18;)7, 1'. ~O.




- 2iO-
toyens honnétes , loyaux, ayant la ferme intentíon
d'accomplir les devoirs imposés par les statuts.


L'habitude de l'oisiveté, de l'ivresse, des rixes, des
oxces, constituo autant de causes de maladio et d'in-
capacité de travail, et par eanséquent antant de sour-
ces de dépenses. Une Sacié té adone un intórót direct
arejeter un candidat dont l'ineonduite serait notaire.-
Outre qu'un tel sociétaire n'offrirait qu'une médiocro
garantie pour le payement exaet de sa cotisation , il
serait une cause évidente de ruine pour ses coasso-
ciés, dont il absarberait les óeonomies.


Les Sociétés, du reste, l'ont généralement compris,
et la sévóritó qui próside iJ. l'examenet iJ. la réception
des candidata, sera l'un des moyens les plus súrs de
moralisatíon.


n.


Apres les eonditions de moralité , eelles qui tou-
chent El. la santé des membres aspirants, sont de la
plus haute importanee. On comprend cambien serait
ruineuse, pour une société, l'admission d'un certain
nombre de sociétaires qui y cntreraient avec les ger-
mes dissimulés de maladies pour lesquelles ils ne
tarderaient pas a réclamer un traitement et des se-
cours onéreux.


L'ég3.1ité dans les conditions hygiéniques et sani-
taires de chaque sociótaire, si elle était réalisable, se- .
rait l'élément le plus súr de la prospérité des Sociétés
et le plus conforme aleur caractere et au but qu'elles
se propasen t.


Il est ¡¿videmrncnt impossiblc que les évcntualités




- 221 -
de dépenses a Iaire dans 1'{ntér€it de chaque associé,
soient les mémes ponr tous, mais on peut en diminuer
l'inégalité, et placer les sociétaires dans des condi-
tions apeu pres identiques.


Les moyens employés pour obtenir ce résultat, con-
sistent a soumettre les candidats a 1'examen d'un mé-
deoin et a l'épreuve d'un noviciat ou stage.


Le noviciat est 1'une des mesures les plus ration-
nolles et les plus efficaces pour édiíier les Sociétés sur
Ja moralité et l' ótat de santé des personnes qui aspi-
rent aen faire partie.


Toutes ¡les Sacié tés municipales de París, c'est-a-
dire celles qui ont été organis6es directement par les
soins de l' autorité, et dans 1'esprit le plus conforme ala
loi, soumettent leurs candidats aun stage. L'admis-
sion méme des membres ayantappartenu a une autre
Sociét6, dont ils ont cessó de faire partie par suite
d'un changement de résidence, ne se prononcejamais
qu'á litre prooisoire. L'admission définitive ne peut
avoir líeu qu'apres un certain temps, ot dans lecas de
refus par le bureau, la candidature es! soumise al'as-
sembl6e g6nérale (1).


Cette mesure, étudiée et approuvée par la Commis-
sion supérieure d'encouragement, et recommandée par
le Ministre de 1'Tntérieur aux Sociótés nouvelles, a
pour résultat certain d'écarter des associations les
pcrsonnes qui ne sont pas dans des conditions par-
faites d'admissibilité; elle profite, d'aillsurs, aux can-
didats eux-mómes , en les contraignant a s'imposer
une plus grande vigilance, au point de vue de la


(1) Ilapport de la Commission supérieurc. Bullet in de 1855,
p.151.




- 222-
bonno conduito, de I'ordro, de l'óconomie et de la tern-
pérance.


Les Sociétés qui tiennont a ce 'lue l'estimo récipro-
quo et ,la plus parfaite harmonie regnent ontro lours
membres, no sauraient so montrer trap prudentes ot
trap réservées dans la réccption de ncuveaux socié-
taires,


La plupart des Sociétós de Lyon scumettent leurs
mcmbres it un stage, et elles s'cn applau dissen t par
la certitude qu'ollos acquieron t de n'admottre, en ge-
néral, 'l1l0 des mernbres honorables et suffisammen t
valides. Cclles qui ont cru devoir proscrire ce He me-
sure, n'en ont certaincmont compris ni le caractere ,
ni l'utilité.


On no saurait con tes ter aux associations de sccours
mutuels 10 droit do soumettre leurs membres aspi-
rants a la visite d'un médecin. Cette épreuve est le
próliminaire indispensable de tout contrat d'assu-
rance sur la vio. Colui qui remplit lo 1'6113 d'assurcur
a un intérét manifeste it connaltre l'état sanitaire de
la porsonne qui stipulo a son profit une indernnité,
ponr le cas ou ello serait frappée par la m aladie. On
ne comprend donc pas larépugnance que manifestent
quelques Sociétés pour 'une constatation si essen-
tielle a la loyale exécution du contrato


Mais cette mesure, nOU3 le reconriaissons, ontraine
SOUVClll de graves incorivónicn ts : La visi lo cst-elle
faite par le médecin de la Société ? Lo candidat évi ncé
l'accuse de partialité, el se plain t d'avoir étó sacrifió
a l'intórét exagóró do la Socióté. - L'exarnen érn ano-
t-il d'un médccin designó par le membre aspiran t? La
Société est en droit de dire quo son intérót a été pris
en moindre considération que celui de son client.




-- 21;) -
Pour obviar h ces inconvónients, la Sociéié des ou-


oriers en soie a donnó en quelque sorte aux candidats
un droit d'appel contro la décision des médecins do
l'association q ni les déclarerait im propres a en faire
partió. Un conseil supérieur do santo, cornposé do
trois uiédecins , n'a d'autro mission quo de statuer en
dernier rcssort sur l'état sani taire, et l'admissibi li tó
dos personr:es qui aspirent it en trer dans la Société.
Par co moyon, la rasponsabi litó individuellc des exa-
minateurs ost mise acouvert, et les candidats trouvcn t
uno garantie óvidente dans l'institution de ces dcux
degrós do juridiction,


Mais los Sociótés approuvées, dont le personnel va-
rie entre 50, 100 ou 200 membres, ne peuvent recourir
a uno semblable organisation qui compliquerait et
rendrait trop onéreux leur service médical.


N'y aurait-il donc aucun moyen de remédier aux
inconvónicnts qua nous avons sigualés ? Common t
pourrait-on soumettre I'adrnission des candidats it uno
visite sérieuse, efficace, et dont le caractere et l'auto-
rité ne soien t suspectés, ni par cux, ni par les So-
ciétés? - Comment pourrait-on dégager la responsa-
bilitó individuelle des módecins chargés de procéder
it l'examen? Nous soumottons aux réflexions dos hom-
mes compótents le projot suivant :


Dans chaqué ville ou il existe, comme a Lyon, plu-
sieurs Sociétés de sccours mutucls, il serait établi un
con soil supérieur de san té, composé de divers médc-
cins. Ceux-ci, altcrnativemcnt, aun jour indiqué, so
rendraient en nombro suífisan t elans un local contraJ,
ou se prósen teraien t les personnes qui désirent fairo


-partie d'une Société guelconguo do socours mutuels,
qu'elles ne seraien t oullernen t tenues elefaire connaítre.




Un certificat précis et exact sur leur état sanitaire
leur serait remiso La présentation de cette piece serait
rigoureusement demandée par les diverses sociétés
aux candidats qui aspireraient a s'y incorporer, et elle
déterminerait leur admission ou leur rejet.


Cette organisation aurait poul' conséquences :
lo De ne pas faire connaitre a l'avance les médecins


chargés de l'examen, et de les soustraire a toute sol-
licitation importune.


20 Do ne pas révéler aquelle Société le candidat vi-
sité entend se présenter, et d'empécher ainsi qu'il ne
suspecte l'impartialité des médecins.


Enfin, ceux-ci, ne connaissant d'une maniere pré-
cise, ni la personne des candidats, ni les Sociétés
auxquelles ils prétondont appartenir, resteraient né-
cessairement étrangers aux deux intéréts qui sont en
présence, et ne seraient déterminés que par la réalité
des faits soumis a leur examen.


Les médecins, composant ce conseil supérieur, se-
raient choisis de maniere a offrir toutes les garanties
d'expérience, de savoir et d'honorabilité.


Une telle organisation aurait peut-étre des inconvé-
nients qui nous échappent (1).Nous la livrons a l'appré-
ciation des personnes plus autorisées que nous ase pro-
noneer sur ces questions délicates. Mais quelle que
soit la forme de l'examen médical auquel doivent étre


(1) Nous devons assurer que l'idée que nous emeUOllS nous a été
suggérée par un des membres les plus j ustement eonsidérés du corps
médical, ct qui a pu apprécier, chez les Soeiétés approuvées, corome
ehez la Société des ouvricrs en soie, les inconvénients nombreux
auxquels parfois donne lieu la visite préalahle des candidals par le
médccin ordinaire de chaque Société,




-- 225
soumis les candidats, nous croyúns, contrairement á
l'avis de quelques Sociétés, que cette épreuve est in-
dispensable pour empécher les surprises et éclairer
les associations sur l'étendue des engagements qu'elles
ont i contracter.


IIl.


La troisierno condition d'admissibilité a exammer
est relative a l'áge.


II arrive parfois que les Sociétés s'imposent des
obligations tres-onéreuses par l'admission inconsi-
dérée de membres trop agós. On ne saurait trop le ré-
péter : les Sociétés de secours mutuels ne sont pas
des bureaux de bienfaisance. Elles ne doivent pas re-
cevoir des membres que leur age ou leurs infirmités
metten t hors d'état de se suffire par leur travail, et qui
ne tardent pas a étre a la charge de la bourse com-
mune. II fautdonc que les statuts fixent d'une ma-
niere positive la limite d'áge au-dela de laquelle l'ad-
mission n'est plus possible.


Pour les Sociétés de Lyon et du département du
Rhóne, la moyenna de l'áge des candidats est de 40 ans
environ. La Commission supérieure avait émis l'avis
de fixer la limite de l'admission a 50 ans au plus (1).
Mais dans la pratique on a reconnu qu'il fallait la
restreindre a un age moins avancé.


Il est aremarquer que les Sociétés prioées, agis-
sant d'aprss leurs seules inspirations, rendent géné-
ralement leur acces plus facile que les Sociétés ap-


(1) Bulletin des Sociétés de secours muluels, 1857, p. 211.
15




- 226 ....
prouvées; quelques-unes ont reculé la limite de I'ad-
mission jusqu'a 55 et méme 60 ans. En refusant de
mettre en pratique les principes dont la Commission
supérieure a reconnu l'excellence, et dont elle recom-
mande a bon droit l'observation, ces Sociétés s'expo-
sent ade lourdes charges, et risqusnt de compromet-
tre leurs ressources et de manquer a leurs promesses..
. Il est vrai que quelquos Sociétés approuvéss, au


moment 011 elles se sont organisées ou lorsqu'elles ont
obtenu l'approbation, ont été autorisées a maintenir
dans leurs statuts, pendant un délai de un ou deux
ans, la faculté d'admettre des candidats ágés de plus
de 50 ans. Mais cette tolérance qui a sa raison d'i3tre
dans certains cas exceptionnels, et qui a pour but
principal de rendre les bienfaits de la mutualité acces-
sibles aux habitants des localités privées d'associa-
tions réguliElTeS, ne pourrait, sans danger, i3tre éten-
due a des cas diííérents , et ne doit jamáis servir
d'exemple ad'autres Sociétés.


Nous avons remarqué, dans les statuts d'une asso-
ciation du département du Nord (1), une clause qu'il
nous semble uti le de signaler. En fixant le maximum
d'áge des candidats a 50 ans, elle a eu soin de stipu-
ler qu'il ne sera admis aucun membre de 40 a50, aussi
longtemps qu'il existera dans la Société :


1 sociétaire agé de 50 ans sur 100
1 49
1 46
2 45
1 44


(1) Société de Saint-Jean, :!t Marcq-en-BareuiJ. Bulletin des So-
ciétés de sccours mutuels, 1856, p. 298.




- 227-
1 Sociétaire agé de 43 ans SUl LOO
1 42
1 41
1 40


Par ce moyen on est certain de n'avoir a fournir de
pension qu'a un sociétaire sur 100 dans 11 ou 16 ans,
selon qu'on fixera l'age de la pension a 60 ou 65 ans;
qu'a 2 sur 100 dans 12 ou 17 ans, et ainside suite pen-
dant une période de 5 ans ..


II est tres-important que les sociétaires admis dans
le meme temps aient des ages différents, afín d'éviter
pour l'avenir l'échéance simultanée d'un trop grand
nombre de pensions. Toute mesure prise dans.ce but
sera d'une utilité incontestable.


Quelques Sociétés du département du Rhóne ont éta-
bli un droit d'admission proportionnellement gradué,
suivant l'áge des candidats, par exemple, de 5, 10 ou
15 franes, suivant que les aspirants sont agés de 30 a
35, de 35 a40, ou de 40 a 45 ans, Quant aux socié-
taires de moins de 30 ans, on n'exige rien d'eux,
afin d'encourager le recrutement de jeunes hommes.
Cette mesure est bonne en elle-mame, mais a la con-
dition qu'on ne s'autorise pas de la faculté d'exiger un
droit de plus en plus élevé, ponr admettre des socié-
taires atteignant l'age de 50 années. Nous savons que
des eonseils éelairés ont été main tes fois donnés sur
ce point, eomme sur tant d'autres, par l'éminent chef
de Division, qui pendant dix années a donné ala mu-
tualité une si vigoureuse impulsíon dans notre Dé-
partement.


Apres avoir examiné les eonditions d'admissibilité
relatives ala moralité, a I'état sauitairs et a l'áge des
candidats, nous devrions étudier les regles concer-




- 228 -
nant la partieipation des femmes et des enfants, mais
eette question soulsve de graves objeetions. et uous
lui consaererons les deux chapitres qui suivent.


IV.


La limitation du nombre des personnos composant
les Sociétés de secours mutuels a dú attirer l'atten-
tion du législateur, soit dans I'intérét des associations
elles-mémes, soit dans l'iutérét de l'ordre publico


La loi du 15 juillet 1650 a fixé a un minimum de
100 et a un maximum de 2,000 le nombre des mem-
bres des Sociétés reconnues. Toutefois, le ministre de
l'agriculture et du commerce (1) peut, sur la demande
du maire et du préfet, au toriser ces Sociótés aadmettre,
s'il ya lieu, plus de :?,OOO membres, comme a le ré-
duire au-dessous de 100 dans des cas exeeptionnels.


La Société reconnue des ouvriers en soie a depuis
longtemps dépassé ce maximum légal, puisqu'olle
comptait, au 31 décembre dernier, 4,496 membres,
soit 1,646 hommes et 2,850 Iemmes.


Dans les sociétés approuoées, le nombre des msm-
bres participants ne doit pas excéder colui de 500, oe-
pendant il peut 8tre augmenté en vertu d'une autori-
sation du préfet. (Art. 5, Décret du 26 mars 1852).


Il ne nous parait nullement utile de 'dépasser le
máximum fixé par la loi. Sans cloute, dans les Sociétés
dont le personnel est nombreux, los ressources sont
plus considérables ; mais dans les petites Sociétés


(1) Aujcurd'hui le ministre <le I'intérieur.




-~- 229 -


bien adrnin istrées, il .y a plus de chance pour que 1'es-
prit d'union, d'ordre et d'éconornie existe.


Ainsi , si nous comparons la plupart des Sociétés
approuvées de Lyon avec la Société des ouvriers en-
soie, nous sommes obligés de reconnaitre que, dans
les prernieres, il y a en général beaucoup plus d'inti-
mité, de franchise, de cordialité et de loyauté. ehaque
membre y apprend avec plaisir quelles économies on
a réalisées, quel est le chiffre de la réserve, quel est
celui des dépenses de l'année. On connait le nom des
membres qui occasionnent le plus de frais ti la caisse
sociale, et chacun tient ahonn eur et prend a tache de
moins coüter et de s'acquitter avec exactitude et fidé-
lité de ses obligations envers la Société. Sa prospérité
devient ainsi l'rauvre commune. Tous s'y intéressent,
s'en félicitent, se rendent avec empressement aux
réunjons, y resserrent, par une cordialité toute COn-
fraternel1e, les liens qui les unissent, et s'assistent et
s'entr'aident dans les maladies ou les épreuves de Ieur
vio laborieuse. C'est un échange permaoent de S8r-
vices, non prévu par les statuts, et d'autant plus ap-
précié qu'il n'est point obligatoire. C'est la vraie mu-
tualité, telle que le législateur l'a entrevue, mais sans
espérer peut-étre qu'elle püt aussi promptement se
réaliser et passer daus les mceurs de la classe ou-
vriere,


Voila I'exemple qu'offre un grand nombre de So-
ciétés approuvées de notro ville.


ILn'en est pas ainsi de la Société des ouoriers en
soie. Ses membres, étrangers les uns auxautres, s'in-
quietent fort peu de la prospérité générale et n'envi-
sagent que leur intérét personnel.


Ils considerent, pour la plupart, l'institution comme




- 230-
une ceuvre -de bienfaisance dont ils peuvent, sans
scrupule , réclamer les secours mérne hors des cas
strictement légitimes. Leur moindre souci est de con-
naitre la si tuation financiere de la Société et de savoir
ce qu'ils lui coútent personnellement. Entre eux peu
de relations, pas d'assistanee mutuelle, aucun lien
confraternel.


Cette situation est la conséquence nécessaire du
nombre considérable de sociétaires. Il en' sera tou-
jours ainsidans les Sociétés reconnues comme éta-
blissements d'utilité publique. Leur organisation spé-
ciale, leur extension, leur titre méme, leur donnent la
physionomie d'institutions eharitables, c'est-a-dire,
reposant beaucoup moins sur un contrat d'association
que sur les libéralités des membres honoraires ou de
l'Etat. Il s'en suit que les membres partieipants con-
siderent surtout leurs droits au seeours et oublient
volontiers leurs obligations de sociétaires; ils déplo-
rent mérne comme une perte le payement de leur
cotisation, quand elle ne leur fait pas retour ap1'8S
un certain temps, sous forme de soins médicaux el
d'indemnité de maladie (1). Enfin, leur nombre neleur
permet pas de se connaitre, de se fréquenter et de
remplir, les uns vis a vis des autres, ces devoirs de
eonfraternité qui sont le eomplément de la mutualité.
Il n'en peut étre autrement, et meme des considéra-
tions d'ordre public conseillont d'éviter qu'entre un si


(1) Nous avons vu, dans la Société des ouvriers en soie, des 50-
ciétaires bien porlants se déclarer maladcs, paree qu'ils n'avaient
plus d'ouvragc, et qu'ils estimaient qu'ayant versé r,;gu\iiJrement
leur eolisatíon pendant plusieurs années, ils avaient bien le droil de
se faire payer par la Soeiélé quelques jours de reposo




- 231 -
grand nom bre d'ouvriers appartenant a la méme pro-
fession, il ne regne une entente qui , a un moment
donné, deviendrait l'instrument de coalitions indus-
trielles ou de désordres poli tiques.


A ces divers points de vue, ji n'est pas douteux que
l'établissement de Sociétés approuvées (conformé-
ment au décret du 26 mars 1852) ne l'emporte sur
l'organisation de Sociétés plus vas tes reconnues
comme établissements d'utilité publique.


Les Sociétés approuvées trouvent, dans la législa-
tion actuelle, toutes les conditions de prospérité dési-
rabies, et par le nombre restreint de leurs membres
elles peuvent se renfermer plus sürement dans leur
objet, et réaliser l'assistance réciproque et mutuelle
dans tout ce qu'elle renferrne de eonsolant et de mora-
lisa teur (l).


v.


Les Sociétés de secours mutuels ne se composent
pas seulementde membres partieipants; elles doivent
eomprendre aussi des membres honoraires. Ce sont
les sociétaires qui « paient les cotisations fixées ou
font des dons a l'association sans participer aux bé-
néfices des statuts. II (Art. 2, Décret du 26 mars 1852).
Leur adrnission est proooncée par le président et le
bureau des Sociétés. (Art. 4).


(1) Une !'age limilation du nombre des membres dans les Sociélés
de secours muluels, est le plus súr moyen d'éviter les fsusses décla-
rations, les fraudes el les infractions diverses aux statuts. - Voyez
les circulaires du 6 scptembre 1851 et 29 mni 1852. - Dalloz, Rép.
gén, VD Secours publics, p. 813.




- 232-
L'institution des membres honoraires oflre un dou-


ble avantage aux associations.
Composées seulement de msmbtes participants,


elles risquent de garder un esprit de concentration et
de défíance contraire a l'objet de leur fondation, etpeu
favorable a leur développement moral etmatériel.
L'agglomération exclusive d'hornmes qui ne doivent
leurs ressources qu'a leur travail, et ressentent parfois
de douloureuses arnertumes dans le cours de leur la-
borieuse existence, favorise et en tretient en tre eux ces
préjugés funestes, qui divisent en deux camps les ci-
toysns d'une méme patrie, tandis qu'un intérét bien
entendu devrait les réunir.


« Les membres honoraires, au contraire, en aug-
( mentant les recettes, sans rien ajouter aux dépenses,
« multiplient le bien qui revient aux membres actifs,
« et les font profiter de lumieres et d'expérience qui
« manquent trop souvent aux ouvriers, et dout l'ab-
« senee a entrainé la perte de tant d'associatious
« exclusives. » (Cire. ministérielle du 29 mai 1852).


La pensée du législateur est done de fournir a la
elasse aisée un moyen direet et sur de venir en aide
a la classe 'ouvriere, de eoopérer a son bien-étre, de
lui faciliter un repos honorable apres un long travail,
de gagner sa confiance par un appui moral, par l'as-
cendant des bons conseils et le dévouement a se,.; in-
tér.ets, et de faire tomber enfin les barrieres que la dé-
fiance, l'aveuglernent et les mauvaises influonees ont
élevées.


Toutefois, l'admission de membres honoraires n'a
pas dü changer l,~ caractere des associations de se-
cours mutuels, et les transformer en osuvres de bien-
faisance, Elles restent ce qu'elles sout : un contrat




- :2:33
civil, d'ou naissent des droits et des obligations. Les
membres participants sont tenus de ne demander qu'a
leurs propres cotisations la contribution aux frais
occasion nés par la maladie ou les accidents qui peu-
vent les atteiudre. Ce n'est que sur leurs propres éco-
nomies que doit s'ólover le patrimoine commun.


Mais a coté des travailleurs valides, il y a ceux dont
la main ne peut plus tenir l'outil, il y a des étres fai-
bles : les Iennnes, les enfants. C'est ainsi qu'inter-
vient l'assistance des membres honoraires ; leur sous-
cription a une bello et noble place dans la caisse de
l'association.


« Elle y représente le secours au vieillard, a la
\( veuve, a l'infirme, la guérison des enfants malades,
« l' adoption des orphelins ; elle est l'économie de ceux
« qui ne gagnent rien, la prévoyance de ceux qui ne
« peuvent plus prévoir; rien ne doit la détournsr de
« cette pieuse destination, et il faut laisser ala coti-
« sation des mernbres participants le soin de pour-
« voir aux engagements obligatoires pris par la So-
« ciété vis a vis des hornmes de courage et de travail
« qui, dansla force de l'intelligence et de l'age, se
« sont unis entre eux, précisément pour n'avoir pas
« besoin, dans les jours mauvais, de l'assistance
« étrangere (1). »


(1) llapport de la Corumission supérieure a l'Ernpcreur. -r-' Bul-
letiu des Sociétés de secours mutucls, uunéc 1855, p. 179.




CHAPITRE Xl V.


DE LA PARTICIPA nON DES "tiEMMES AUX SOCIÉTÉS DE SECOUR~
MUTUELS.


SOMMAlRE.


§ lec. - Motifs allégués centre l'admission des femmes dans les
Sociétés de sccours mutuels : soins onéreux qu'elles réclumenl.
Difficullé d'apprécier le poinl de départ et la dur ée de leurs inca-
pacités de travaii. - Motifs invoqués en faveur de leur ndmis-
sion, el tirés de ('équité, de la loi, de l'intérét des Sociétés elles-
mémes et de la statistiquc,


§ 11. - Mesures a prendre pour que l'admíssion des femmes ne
soit pas onéreuse. - Principe général sur les conditions sanitaircs
des candidats aux Sociétés de secours mutuels - Regles rela-
rives aux conditions de travail el de salaire. - Dislinctions aéta-
blir : 1° Femmes exclusivelllenl occupées aun travail sl!larié. -
Elles pcuvent litre iuc crporécs aux mémes Sociétés que les hom-
mes. - Regles relativos au ehiffre de la cotlsation, el de l'in-
demnité de maladie. - Cas oú la constitntion de Sociétés exclu-
elusivcment composées de fcmmes est préférahle


íi III. - 2° Fcmmcs qui n'ont pas de professions déterminées ou
qui les occnpe exclnsivement. - DifficulLé d'apprécier lour salaire
d lenr incapacité de travail. - Elles doivent étre adrnises aux
secours médicaux et pharmaceutiques, mais non a l'indemnité de
maJadie.


§ IV' - Application des regles qui précedent aux Sociétés de




Lyon. - 1° Sociéte» aPl't·ouvées. - Admission des femmes aux
secours médieaux snns autre cotisatiou que eelle de leur mari. -
Observation critique. - Prospérité d'une Société exclusivement
eornposée de femmes. - 20 Soeiété 'I"connu; des ouvl'iel's en soie.
Les Iernmes y participent aux mémos avantages que les hornmes.
- Statuls de la Soeiété. - Bienfaits qui en résultent pour la
classe ouvriere, - Abus 11 signalcr. - Vices des admissions ori-
ginaires. - Conséquences actuelles. - Dépenses excessives des
femmes anciennement admises.


§ V. - Mesures propres 11 remédier 11 ces abuso - 10 Restrietion
des seeours aux seuls eas legitimes. - 20 Modification du tarif
des cotisations. - Considérations légales 11 l'appui de eeUe me-
sure. - 30 Transformation du personnel de l'association. - Pro-
gres et Lienfails 11 attendre de la Soeiété des ouvriers en soie, el
des autres Sociétés de Lyon.


I.


L'admission des femmes et des enfants dans les as-
sociations de secours mutuels, est une grave question
qui a soulevé des dissentiments tres-vifs, et qui est
encore aujourd'hui résolue fort diversement.


Avan t le décret du 26 mars 1852, les association s
nées sous l'influence du compagnonnage, rejetaient
presque unanimement les femmes et les enfants. Elles
n'admettaient, en général, que les ouvriers d'une seule
profession, sans considération aueune pour les liens
de la parenté ni pour les relations du voisinage. En
excluant les femmes de toute partieipation active, elles
leur refusaicnt jusqu'aux moindres secours.


Ce n'était qu'au cas de déces de l'un des sociétaires
que quelques Sociétés accordaient le deuil ou denier
de veuve, et encore ce secours était-il Ie plus souvent




- 23(;-
obtonu au moyen d'une cotisation extraordinaire qui
coníirmait son caractere exceptionn el.


. Il en ótait diffórernrnent des Sociétés qui devaient
leur origine ades sentiments religieux, et qui succé-
dant aux confréries d'autrefois, avaient gardé une
physionornie et des regles particulieres.


L'exclusion des femmes a longtemps continué aétre .
la regle des Sociétés qui so rattachent au compagnon-
nage ou admettent de préféronce des gens de méme
métier. Elle subsiste encore généralement parrni les
Sociétés prioées anciennement constituées.


Mais ce n'est pas seulement par une tradition du
passé, et sous l'influence d'idées, de mceurs et de sen-
timents d'una autre époque, qu'un grand nombre de
Sociétés persiste aujourd'hui a exclure les femmes.
On éleve, centre leur admission, des objections' qui
ont une certaine force et qui méritent un sérieux exa-
men; elles peuvent se résumer dans les considera-
tions sui van tes :


« Leur santé délicate est la premiare raison qui doit
les écarter des Sociétés. Leurs indispositions trop fré-
quentes entrainent des déponses souvent répétées,
qui dépassent presque toujours les cotisations ver-
sées par elles. Aussi ne tardent-elles pas a devenir
une lourde charge pour la caisse commune.


« Doit-on ne tenir aucun compte de ce que les femmes
coútent trap aux Sociétés? Il faut reconn aitre qu'elles
ne son! pas dans des conditions de travail et de réniu-
nération q ui permettent d' attendre d'elles une exécu-
tion loyale et complete des obligations du contrat de
Société.


« Le travail des hommes est aisérnent appréciable, le
salaire qu'i ls en retirent est connu. On peut Iacile-




-·237 .-
ment constatar, vis EL vis d'eux, quand commence,
quand finit le chórnage forcé, occasionné par la ma-
Iadio, combien de journées elle leur a fait perdre, et
des Iors quelle juste indernnité doit leur etre payée par
la caisse sociale.


« Mais les femmes, sauf quelques rares exceptions,
ont pom OC0U pation principale les soins de leur mé-
nage. En dehors de ce travail domestique et de leur
tache de mere de famille, elles ne peuvent que diffici-
lement exécuter un ouvrage salarié. Leur profit n'est
en aucune íacon appréciable, et il est la plupartdu
temps tres-restreint. Quelle indemnité peuvent-elles
done raisonnablement demander, en cas de maladie,
commel'équivalent du salaire pergu en temps ordi-
naire? - Leur payer une journée de travail quand
elles sont malades, alors qu'en état de santé elles ne
gagnent qu'un salaire minime et souvent difficile á
apprécier, c'est les enco,Hager á prolonger la maladie,
c'est violer le principe fondamental de toute mutualité
et de toute assurance, en faisant du sinistre une cause
de profit.


« Comment, d'ailleurs, constater vis á vis d'elles, la
cessation absolue ou la reprise du travail? Ne sait-on
pas que, me me rnalades , elles continuent presque
toujours il s'occuper de leur ménage? Elles recevraient
dono une indemnité d'i ncapacité de travail, quand
mérne elles accompliraient une partie de leur tache
habituelle '? Et si l'on veut empécher cet abus, que de
surveillance, que d'investigations, que de contesta-
tions fácheuses ? - Les moins Joyales sauront bien
déjouer la vigilance du médecin et lui dissimuler Ieur


. participation aux soins du ménage; elles n'hésiteront
pasa multiplier leurs doléances ou leurs supplica-




- 238-
tions, et emploieront enfin tous les moyens pour s'as-
surer le prolongement d'une situation qui leur rap-
porte plus de profit que l'état de santé.


« Les plus loyales, elles-mémss, seront tentées de
bénéficier, aussi longtemps que possible, de la petite
rétribution quotidienne dont leur ménage a souvent le
plus pressant besoin, et le métier de malade leur of-
frant des avantages certains, des douceurs inaccou-
tumées, elles oublieront trop aisément l'intérét et les
droits de la Société don t elles diminuent les ressources
et compromettent la prospérité. »


Telles sont les considérations qui ont jusqu'ioi mo-
tivé.vde la part du plus grand nombre des Sociétés,
l'exclusion absolue des femmes.


Elles sont, en effet, assez graves pOl,lr qu'il en soit
tenu compte. C'est, comme nous l'indiquerons plus
loin, en établissant une distinction rigoureuse mais
équitable qu'on peut parvenir aapplanir ces difficul-
tés, et adonnsr satisfaction aux droits et aux intéréts
en apparence les plus opposés. Mais ces objections,
quelque fondées qu'elles soient, ne sauraient motiver
une exclusion absolue et définitive.


En principe, la partieipation des femmes aux bien-
faits de la m utualité est, suivaut nous, d'une nécessité
impérieuse. C'est a la fois un acte de justice vis a vis
d'elles, et de haut intérét POUl' les associations elles-
mémes.


C'est, disons-nous, vis-a-vis d'elles un acte de jus-
tice :


S'il est des ménages oü les conditions d'égalité
soient d'une plus stricte équité, ce sont bien les mé-
nages d'ouvriers. C'est chez eux que regne la commu-
nauté la plws complete et la plus vraie, la plus digne




- 239-
de respect el de syrnpathie, celle de I'infortune, de la
peine et du travail.


Le pain n'y est-il pas aussi bien gagné par l'un que
par l'autre des époux? Si le mari a la rude tache du
travail salarié, la femme ne dépense-t-elle pas autant
de force et de courage que lui, dans les soins du mé-
nage et les veillées laborieuses oú elle s'efforce d'aug-
menter, par un profit de quelques centirnes, les gains
du mari, souvent insuffisants aux besoins de la fa-
mille? Ou peut-on rencon trer un plus étroit partage de
chagrins et de souft'rances, une plus intime et plus
constante uninn d'eff'orts, d'espérances et de mérites?
Et c'est sur ces ressources si péniblement amassées
en commun qu'il faudrait faire, par privilége, un pré-
Isvement au profit du mari, pour Iui assurer exclusi-
vement des soins dans la maladie et une retraite dans
la vieillesse !


Ainsi, il aurait une situation exceptionnelle dont
sa femme serait exclue apres avoir contribué par ses
propres efforts ti la lui acquérir.


Une telle proscription érigée en principe blesserait
non seulement les regles de I'équité, les sentiments
des populations ouvrieres, mais l'esprit méme de notre
législation.


En transformant en regle de droit commun la com-
munauté entre époux, le législateur francais a donné
aux laborieux et pauvres ménages le régime qui con-
vient le mieux á. l'association de leurs miseros, et qui
leur inspire le plus naturellement l'ordre et l'écono-
mie. Aussi, est-il rare de voir les époux dans la classe
ouvriere déroger a ce régime essentiellement chré-
tien , et qui seconde si bien l'union de leurs efforts
et de leurs travaux..6~;~~~:~t~!~~~~'j::~~


'"'1 '~f ;;.' C' fí';';~·.~';~:f~_i]9,.'''~' "'C".,¡1.p'-':~




- 240-
Comment done pourrait-on contraindre l'épouse


qui s'est soumise aux devoirs et aux charges de la
communauté légale, a renoneer aux droits qu'elle lui
confere, et a abandonner pour la prospérité exclusive
du mari une part des profits communs?


11 en est sans doute a qui ce sacrifice coútera peu.
Par un sentiment généreux (moins rare qu'on ne le
croirait), elles se réjouiront de pouvoir, par leur
propre travail , assurer la santé et le bieu-étre de
leur rnari, chef de la famille, soutien naturel des en-
fants.


Mais aussi, par un sentiment de méme nature,
souvent aux yeux du mari, l'exclusion de sa femme
peut etre un prétexte de ne pas s'incorporer a une
société de secours mutuels. Nous avons vu des chefs
de famille, mus par un honorable scrupule de cons-
cience, refuser les bienfaits de .l'association, dans la
crainte de dirninuer les ressources du ménage pour
leur avantage personnel et exclusif.


Et puis, il faut le dire, parmi les femmes écartées
des sociétés, la plupart ne sont pas toujours favora-
blement prévenues en faveur d'une institution qui Iait
une breche dans le budget si restreint du ménage,
qui de temp" en temps leur enleve leurs maris et les
convoque a des réunions, a la sortie desquelles s'of-
frent quelquefois de regrettables occasions de pertes
de temps ou de dépenses.


Si au contraire la femme y peut prendre part, rien
n'est modifié dans la communauté d'rntéréts, de peine
et de plaisir des deux époux. C'est la famille entiere
qui profite des bienfaits de l'association, et l'associa-
tion alle-méme devient comme une grande famille,
entre les membres de laquelle se propagent, et jus-




- 241 -
que parm] les enfants, des principes de religion, de
morale, d'ordre, d'économie et de franche contra-
ternité.


Il ya mieux, l'agrégation des femmes, loin d'etre
en fait si nuisible aux associations, sert directement
leurs intéréts. Soigner la santé si souvent ébranlée
de la mere de famille, n'est-ce pas contribuer a
celle du mari et des enfants , n'est-ce pas assurer
leur prospérité morale et matérielle, n'est-ce pas
ménager pour l'avenir des générations plus fortes et
plus énergiques? Nous ne pouvons résister au désir
de citer ici les paroles de M. de Saint-Vincent, pré-
sident d'une des Sociétés de Metz.


« Ne perdons pas surtout de vue que les dépenses
« faites pour la santé de la femme profitent ala caisse
« de la Société sous un autre rapport, cal' elles aident
« a. la conservation de la santé du mari, santé que,
« dans un méuage pauvre, la nature a faite sulidaire
« de celle de la femme. L'aggravation de la maladie
« de l'épouse par le défaut des soins de la médecine
« entraí'ne pour le rnari les privations, l'inquiétude,
« le malaise des enfants, une surcharge de travail,
« jointe a une nourriture moins soignée. Au physi-
« que, au moral, et par tous les bouts, la gene et la
« douleur s'insinuent dans ce pauvre ménage. Que
« fait alors au mari la pensée des soins que vous
« lui réservez pour le moment ou il aura fléchi lui-
« méme ason tour sous un fardeau trop inégal, quand
« il voit lit gisante et sans aide celle qui est I'áme de
( la famille, qui en fait le bien et la joie? Lorsqu'il
« verra bientót son modeste bonheur brisé et ses
« tout petits enfants demandant en vain leur mere,
« il aura plus perdu que gagné a cette prétendue sol-


16




- 242-
« licitude de ses intéréts, qui aura laissé mounr sa
« femme dans l'abandon (1).


« La femme de l'ouvrier se plaint rarement des in-
« dispositons qu'elle éprouve; elle craint de mécon-
« ten ter son mari; elle craint d'augmenter ses char-
" ges, si elle va les confier a un médecin de la ville ;
« d'un autre cóté, l'appareil des consultations gratuites
" dans les établissements pu blics effarouche sa timi-
« dité ou sa pudeur, et elles lui font perdre un temps
« précieux; elle préfere vivre avec son mal j lISq 11 'a ce
« qu'il soit devenu insupportable et souvent incura-
« ble Affiliez-la a une Société de secours rnutuels,
({ tous ces inconvénients s'évanouissent; a la moindre
« indisposion qu'elle éprouve, elle va trouver sans
" obstacle le médecin de la Sociéré, qu'elle connait
« presque toujours d'avance, et qui a sa confiance
« parce qu'elle l'a vu a l'osuvre. Si un régirne devenait
« nécessaire, elle ne reculera pas, pour l'observer,
« devant une dépense de médicaments que la Société
« fera pour elle; la sérénité, la sécurité morale re-
" vieudront dans son esprit et seront les plus súrs
« auxiliaires de la santé du corps ponr elle, de la
{{ bonne harmonie et de la prospérité intérieure de la
« maison (2).


On ne saurait en outre nier l'action directe etbien-
faisante des femmes sur les associations.


Le bulletin des sociétés de secours nous offre l'exern-
ple de l'Union de Versailles, dont M. le générallVliot,
son président, attribue l'ordre, la régularité et l'éco-


(1) Bulletiu des Soeiétés de secoursmulucls, annéc 18[\6, p. 36.
(2) Id. 1857, p. 92. - De l'agrégation des Iemmes , article


par M. Yée.




- 243-
nomie a la salutaire influence des femmes admises a
l'association, et qui en eomprennent et en épousent
les intéréts avec une vive intelligence et une généreuse
ardeur.


«. Si la mere de famil1e, dit-il, redoute le temps du
« chómage forcé, elle est encore plus l'ennemie du
« chómage volontaire et des dissipations dangereuses
« qu'il amene. La femme est ainsi la gardienne des
« grands príncipes qui font la force et la pros-
« périté de l'Union, nous voulons dire l'ordre , l'é-
« conomie, le travail, et c'est la défense de ces
« biens préeieux qui lui inspire des paroles graves
« et ferrnes quand elle les croit menacés. On ne
« saurait dono méconnaítre la salutaire influence
« que les femmes peuvent exercer dans notre asso-
« ciation (l). »


Enfin, au point de vue péeuniaire, les femmes doi-
vent-elles toujours et absolument étre une cause de
ruine pour les assoeiations?


A cet égard, les statistiques résumées dans les rap-
ports présentés a l'Empereur par la Commission su-
périeure donnent gain de cause a l'admission des
femmas, et des 1856, une épreuve de einq années a
fourni des données positives sur ce point.


En 1852, un eertain nombre d'assoeiations des di-
vers départements essayerent l'admission des femmes;
(déja a cette époque, Lyon avait devaneé toutes les
autres vil1es dans cette voie si louable). A la fin de
1852, on eomptait en Franee, 26,181 femmes partioi-
pant 8UX assoeiations de secours mutuels. En 1856,


(1) Builetin des Soeiétés de secours muluels , année 1855,
p. 266, 267.




- 244-
!e nombre en est presque doublé; il atteint le chiffre
de 47,982. Ainsi, l'admission des femmes, tentée á
titre d'sxception, tend déja á devenir la loi générale,
et, dans cette période de cinq années, la statistique
démontre IIue la proportion des journées de maladie
est presque toujours partout restée la méme pour les
associés de l'un et de l'autre sexe. Les simples indis-
positions sont plus fréquentes chez les femmes; mais
les chances d' acciden ts son t plus nom breuses chez
les hommes, et, en définitive, il y a presque toujours
compensation (1). »


La statIstique de 1857 dénote a la vérité que les
Iemmes comptent 31 malades sur cent, et les hom-
mes seulement 27 pour cent; mais leurs maladies
sont bien moins longues. Elles ne comportent en
moyenne que 13 journées, quand les maladios des
hommes exigent 18 jonrnées d'indemnité et de soins.
Aussi, en fin de compte, la balance penche encore
en leur faveur, cal' elles n'ont que 4 jonrnées 4 dixie-
mes pour cent payées ponr cause de maladie, tandis
que les hcmmes en ont 4 90 (2).


La statistique de 1858 donne le résultat suivant:
le nombre des malades, comparé á celui des socié-
taires est de 29, 30 ponr cent chez les hommes et de
28, 75 pour cent chez les femmes.


18 journées 81l 00 out été payées par chaque maladie
d'hommes, 15 jourriées 25(100 chez les femmes.


Le nombre moyen des journéos payées a été pour
chaquo homme de 5 30 pour cent; et pour chaque


(1) Rapport de la Commission supérieurc .i l'Empereur : Bulletin
des Sociétés de sccours mutue~'~llée 1857, p. 205.


(2) Happort de 1857. Bulletin de1858, p. 119.




- 245-
femme de 4 53. Aínsí, sur tous les poínts, ces chíf-
fres sont en faveur des femmes (1).


Enfín , la statistique des années 1859 et 1860 con-
firme les mémes résultats (2).


Il est donc ínexact d'affirrner que l'admíssíon des
femmes soít, en príncipe, une cause de ruinepour les
Socíétés de secours mutuels. 11 ne reste done plus
de motif it l'appui du systórne d'exclusíon encore en
vigueur aujourd'hui dans un trop grand nombre de
Sociétés, et qu'aucune raison ne saurait justifier,
quand on considere qu'il crée un antagonísme fa-
cheux entre l'intérót de la famille et celui de la mu-


o tualité , ot imposo a des hommes réunís pour se
secourír, la tríste obligation de refuser a Ieurs fem-
mes, EL leurs sceurs, a leurs meres les soins qu'ils
stipulent pour eux-mámes.


(1) En 1859, le nombre des femmes a été de 30,26 pour eent,
eclui des hommes de 28,14; mais les soeiétaires n'ont eu ¡, payel'
que 15 jours 88/100 achaque femme malade, el 20 jours 60/100 i.
ebaque hornme.


20 joumées 60/100 ont été pnyéos pour ehaque maladie d'homme,
et 15 journées 88,100 pour ehaque maladie de femme.


Le nombro moyen des journées payées a été, pour chaque socié-
taire hornrne, de 5,69; pour chaque fcmmc, de 4,89. Rapport de
1859. Bulletin de 1860, p. 172, 173.


(2) En 1860, 19 journées n/loo ont été payées en moyenne
pour chaqué maladie d'hommes; H,18/100 pour chaque maladie
ehez les femmes, Le nombre moyen des journées a été pour ehaque
sociétaire de 4,96, soit : 5,03 pour les hommes et de 4,50 pour les
femmes.


- Rapport de 1860. Bulletin de 1861, p. 281.
- Les rapports présentés sur les années 1861 el 1862, ne sont


pas moíns concluants.




- 24li-


n.


Est-ce a dire qu'il ne faille tenir aueun cornpte des
objections que nous avons exposées plus hautr Bien
loin d'aller jusque-la , nous croyons qu'apres avoir
adopté le principe de l'admission des femmes, il faut
en régler avee autant de prudence que de fermeté la
mise en pratique.


La preniiere regle a observer consiste an'admettre
que des femmes valides.


Les sociétés de secours mutuels (qu'on ne l'oublie
jamais) ne sont paskles bureaux de bienfaisance, mais
de véritables contrate dont l'exécution réclame la plus
stricte loyauté. Elle constilue une assurance mutuelle
contre les funestes conséquences de la maladie, il
importe done que les sociétaires se trouvent dans une
aussi complete égalité que possibla de conditions
hygiéniques et sanitaires. On doit done rigoureuse-
ment rejeter les candidats qui se présentent avec une
santé altérée, et qui paraissent devoir etre pour la
Société une cause prochaine et inévitable de dépense.


Mais c'est surtout a l'égard des femmes que cette
condition d'admission doit etre scrupuleusement ob-
servée. Il ne faut pas que ceHes qui se savent atteintes
d'un germe morbide viennent se faire admettre avee
la perspective et l'espérance de se faire traiter aux
dépens de la Soeiété, c'est-a-dire a l'aide des cotisa-
tions versées régulierement par les membres valides.


Ce principe fondamental étant posé et observé, nous
diviserons les femmes en deux catégories, déterrui-
nées par leur genre de travail el la mesure suivant




- 247 -
laquelle elles nous paraissent avoir droit aux divers
avantages de la mutualité,


La premiare catégorie serait celle des femmes qtE,
comme les hommes, ont un travail salarié, dont 18
gain journalier est certain et appréciable, et vis a vis
desquelles la cessation ou la reprise du Iravail peut
aisément ~tre constatée.


La deuxieme est celle des femmes qni, au contraire,
u'étant pas exclusivement livrées a une occupation
rémunérée, emploient une partie de leur journée aux
soins de leur ménage, et dont le salaire variable,
comme leur travail, échappe a toute appréciation et
ne permet pas de connaitre súrement de quel profit
elles sont privées dans l'état de m aladie.


Dans la promiere catégorie se placent les femmes
qui vont travailler hors de chez elles, dans un atelier,
une manufacture, un magasin. Ce sont par exemple
dans l'industrie de la soierie lyonnaise les ou vrieres
tisseuses, les ouvriéres metteuses en main, dévideuses,
ourdisseuses, etc.


Leur situation quant au mode de travail et de ré-
munération est identique a celle des hommes. Elles
peuvent donc faire partie des associations de secours
mutuels aux mémes conditions qu'eux, sauf a régler
le chiffre de leur cotisation et celui de leur indemnité
de maladie en proportion de leur salaire quatidien.


L'obligation ou elles sont de travailler hors de chez
elles permet de constater vis a vis d'elles aussi faci-
lement que vis avis des hommes, le moment ou com-
menee le ohómago causé par la maladie et le mament
9u il finito Le jour ou elles cesseront de se rendre a
leur ouvrage et celui ou elles pourront y revenir fixe-
ron t, sans contestation possible, le point de départ,




- 248-
soit du paiement, soit de la suppression de l'in-
demnité,


Ce n'est donc qu'une question d'équilibre arésoudre.
La cotisation ponr les femmes de cette catégorie


nous paraí't devoir étre égale a une journée deleur
travail habituel, suivant ce qui existe en fait, sinon en .
principe, dans la plupart des Sociétés d'hommes (1).
Quant al'indemnité de maladie, elle devra se fixer d'a-
pres la m éme base; elle pourrait m éme etre un peu in-
[érieure au salaire quotidien, afin de stimuler le désir
de la sociétaire de reprendre les journées de travail,
qui lui rapportent plus que les journées de maladie,
Pour que la tentation d'abuser ne soit pas trop forte,
il faut en effet que la maladie nesoit pas plus luera-
tive que le travail,


Il n'y a done aucune considération sérieuse qui
soit de nature a faire exclure des bienfaits de la mu-
tualité les femmes dont les oecupations et le salaire
sont dans des eonditions identiques a celIes des
hornmes.


Elles peuvent alors en profiter de deux manieres:
10 Par une incorporation pure et simple dans la So-


ciété dont leur mari fait partie,
2° Par la constitution d'une Société exclusivement


compcsée de femmes,
L'agrégation des deux époux EL une méme Société


offre ce double avantage de rendre plus étroits leurs
intéréts , et de n'en trainer presque aucun frais
supplémentaire d'administration, de livrets, de di-


O) Voyez plus loin, les regles qui doivent déterminer la tixation
dc l'indemnité de maladie, - Chapitre XXII.




- 249
plómes , de compte-rendu, de lettres de convoca-
tion , etc.


Les constitutions de Sociétés exclusivement com-
posées de femmes peuvent présenter une utilité parti-
culiere dans certains cas spéciaux, par exemple, 101'S-
qu'elles appartiennent toute s aune méme industrie,
a une méme manufacture, ou lorsqu'elles tiennent
a isoler les intéréts de leur association de ceux de
toute autre Société, afin d' avoir seules la responsa-
bilité de leurs dépenses o u le bénéfice de leurs éco-
nomies. Ce résultat peut aussi s'obtsnir en cas de
participation des femmes a une Société d'hommes,
si on compose une caisse particuliere avec leurs co-
tisations personnelles. Aucun conseil absolu ne sau-
rait étre donné a cet égard. Il suffit d'indiquer les
avantages qui caractérisent ces divers modes d'orga-
nisation.


III.


Dans la seconde catégorie que nous avons signalée
plus haut rentrent les femmes qui ri'exercent pas de
profession, ou dont la journée est simultanément ern-
ployée a un travail salarié et aux occupations du mé-
nage.


Nous reconnaissons que dans ce cas les objections
présentées contre leur agrégation aux Sociétés de se-
cours mutuels sont fondées.


l° Le salaire qu'elles gagnent n'est pas apprécia-
. ble, et quelquefois il est nul. D'ou il résulte gu'elles
ne pourront s'incorporer dans une Société qu'en pré-
levant le montant de leurs cotisations sur le gain du




- 2aO-
mari ; celui-oi aura une double charge, celle de four-
nir a l'aide de son salaire sa cotisation et celle de
sa femme. Ce résultat, la plupart du temps fort oné-
reux pour lui, nous paraí't en outre contraire a l'é-
quité et a l'esprit des Sociétés de secours mntuels.


En effet la cotisation qui permet l'entrée dans une.
Société, et en retour de laquelle on a droit a tous les
avantages promis par les statuts, doit étre le fruit
du salaire gagné par le sociétaire. C'est a son tra-
vail seul qu'il lui faut demander de quoi faire face
a ses obligations. S'il se trouve dans l'impossibilité
de gagner par lui-méme le montant de sa coti sation,
il arrivera tót ou tard El. manquer a ses engagements,
et se yerra exclu. Il en serait ainsi d'urie femme qui
ne compterait, pour effectuer ses versements comme
sociétaire, que sur le salaire de son mari.


2° Si elle entre dans une Société moyennant le sa-
crifice qu'elle impose a celui-ci, ce sera, la plupart
du temps, avec l'espoir certain de compenser cette
surcharge P¡;U les indemnités qu'elle compte obtenir
en cas de maladie, et elle ne pourra résister au désir,
au besoin impérieux de prolonger alors une situation
qui lui rapporte plus que l'état de santé


3° Enfin, aucune vérificationne sera possible quant
au préjudice que la maladie lui fait éprouver, et a
l'étendue ou il. la réalité du chOmage qu'elle prétend
en étre la conséquence.


Ces difficultés sont sérieuses, nous admettons qu'une
femme qui se trouve dans de telles conditions ne peut
participar a tous les avantages de la mutualité parce
qu'on n'a pas la certitude qu'elle en accomplíra fide-
lement toutes les obligations. Que fa ut-il faire ?
L'exclure absolument ? Non, mais seulement ne




- 251
lui assurer que les bienfaits dont elle ne pourra pas
abuser,


Puisque c'est l'indemnité de maladie qui est ici
la pierre d'aohoppsmeut, hé bien! supprimons-la,
mais laissons subsister les autres secours et les
profits divers que les Sociétés de secours mutuels
assurent a leurs sociétaires . Ce sera, par exemple,
l'assistance gratuite du médecin, la fourniture des re-
medes, les facilités accordées pour la constitution
d'uns pension de retraite, les encouragements, les
consolations, les bons exemples, en un mot, tout ce
qu'il y a de salutaire , d'utile et de bienfaisant dans la
mutualité, moins cette dangereuse indemnité qui
offre tant de tentations a la déloyauté.


Done, dans le eas qui nOLlS occupe, la femme ne
verserait pas de cotisation mensuelle, puisqu'ells ne
gagne pas un salaire qui le lui permette; elle ne se-
rait tenue qu'a une rétribution tres-modique, qui lui
donnerait droit sculement aux secours médicaux et
pharmaceutiques (1).


Ce qu'il Iaut surtout aux meres de famille éprou-
vées par de si fráquents malaises, mais qui (nous le
savons par les statistiques) ne sont pas de longue
durée, c'est la guérison la plus prompte possible ,
les soins du médecin et les médicaments des les
premiers symptórnos de l'indisposition, afin d'arréter
a son début le mal qui pourrait grandir, devenir


(1) Ainsi, telle femme qui ne pourrait. pas vcrser la cot.isation
mensuelle de 1,50 ou 2 fr., pourrait plus aisément obtenír les se-
cours médicaux el pharmaceutiques, moyennant un abounemcnt de
5 11 6 francs.




- 252
dispendieux, fatal, et précipiter tonte la famille dans
le chagrin et la ruine.


L'admission ainsi restreinte des femmes de socié-
taires aux bienfaits de l'association dont leurs maris
font partie, les attachera assez a l'insiitution poul'
qu'elles en épousent les intéréts avec sollicitude ,
qu'eJles en apprécient le caractere et qu'elles tiennent
elles-mérnes la main El ce que leurs maris rsmplis-
sent faeilement leurs obligations.


Les Sociétés ne peuvent que gagner a admettre les
femmes de soeiétaires aux secours mádicaux et phar-
maceutiques. Dans les pauvres ménages, toutes les
santés sont solidaires. Assurer et maintenir celle de
la mere de famille, c'est contribuer a la prospérité
matérie1Je et morale de tous ceux qui lui sont chers
et 'sur lesquels elle étend ses soins si nécessaires,
c'est se concilier son utile infiuence, c'est rendre plus
féconds, plus larges et plus efficaces les bienfaits de
la mutualité.


Devant ces considérations, quelle association pour-
rait hésiter? Toutes les femmes, quelle que soit leur
position, doivent done prendre part aux Sociétés de
secours mutuels, mais dans une mesure plus ou moins
large, suivant leur genre de travail, le mode et la
quotité de leur salaire.


IV.


Comment a été résolue cette importante question
dans le département du Rhóne ?


Lyon a devaneé la plupart des grandes villes quant




- 253-
a l'admission des femmes dans les Sociétés de secours
rnutuels. Son initiative est digne :l'attention. Mais un
nombre trap restreint de Sociétés a mis en pratique ce
principe si louable, et a ce point de vue d'autres dé-
partements oifrent a notre cité des exemples utiles a
suivre.


La plupart des Sociétés approuvées de Lyon adrnet-
tent les femmes aux soins du médecin, sans qu'elles
fassent partie de la Société, c'est-a-dire sans qu'eIles
payent aucune rétributíon. La seule cotisation versée
par le mari lui donns la faculté de faire soigner sa
femme et mérne ses enfants. C'est la sans doute une
coutume généreuse,mais ne blesse-t-elle pas ce prin-
cipe si fréquemment rappelé par la Commission S11-
périeure, que personne ne doit prétendre aux bienfaits
de la mutualité sans y avoir droit par l'acquittement
d'une rétribution? Nous croyons donc que les Sociétés
agiront sagernent en exigeant un versement annuel
des femmes de sociétaires auxquelles elles aecordent
les secours médicaux. Cette mesure permettrait alors
d'y joindre la délivrance gratuite des remedes, com-
plément indispensable des soins nécessités par l'état
de maladie.


Il n'existe, dans notre département, qu'une seule
Société exclusivement composée de femmes, c'est celle
des ouvrieres de la Manufacture des Tabacs. La régu-
larité de leur travail et du salaire quotidien qu'elles
percoivent leur a permis d'adopter toutes les regles
qui régissent les Soeiétés d'hommos. Moyennant le
versement d'une cotisation mensuelle, elles ont droit
a tous les secours médieaux et pharmaceutiques et a
une indemnité pendant chaque jour de chómage que
leur impose la maladie. Cette Société est dans un état




- 2!)4-
de prospérité qui témoigne en faveur de sa bonne ad-
ministration.


La Société des ouvriers en soie, fondée sous les aus-
pices de la Chambre de Lommerce et reeonnue comme
établissement d'utilité publique, a, des son origine,
appelé indistinctement les hommes et les femmes a
jouir des mémes bienfaits. Les libéralités exception-
nelles dont elle dispose lui ont permis de réaliser im-
médiatement des tentatives que les autres associations
ne peuvent abordar qu'avec plus de lenteur et au fur
et a mesure de leur développement.


La jouméo des femmes employées aux divors tra-
vaux dépendants de l'industrie de la soierie, étant éva-
luée en moyenne a 1 fr. 50, c'est ce chiffre qui a été
adopté dans les statuts de la Société, pour le montant
de la cotisation mensuelle a la charge des femrnes
sociétaires.


Moyennant ce versement, qui s'éleve a 18 francs
par an, elles ont droit a tous les avantages pro mis
aux hommes, dont la cotisation estde 2 fr .. soit 24 fr.
par ano


La Société accorde a tous ses membres partici-
pants:


l° Les soins du médecin;
2° La délivrance gratuite des remedes;
3° Un secours de 2 franes aux hornmes et de 1 fr. 50


aux femmes par chaque journée d'incapacité de tra-
vail;


4° La fourniture aprix réduit des bains, bandages
et autres appareils.


5° Les secours mutuels aux femmes en couches-
pourvu que le mari et la fernme soient sociétaires de
puis une année au moins ;




- 2M) -
6° Les soins du rnédecin aux enfants et apprentis


agés de moins de 18 ans, a la charge par les socié-
taires, leurs parents ou patrons, de verser pour chacun
unabonnement annuel de 2 franes;


70 Les frais de mariage et de sépulture (dans les
limites fixées par le reglement ) ;


8° Une prime annuelle de 10 franes versée ala eaisse
de retraites, est irrévocablemen t inscrito au nom de
chaque soeiétaire.


Des 1850, la Société réunit un nombre plus consi-
dérable de femmes que d'hornmes, et depuis lors cette
proportion n'a cessé d'exister.


Au ler janvier 1863, 2850 femmes étaient inscritas
comme sociétaires, et seulement 1646 hommes, ce
qui donne une différenee de 1204 soeiétaires de plus
parmi les femmes.


La Soeiété offre ainsi ades familles entieres de pré-
eieux secours pendant la maladie et une retraite con-
venable pour les dernieres années de l'existenee. L'ou-
vrier peut des lors faire partieiper sa femme, sa mere,
sa soeur, sa fille, aux avantages de l'assoeiation. Tous
eeux qu'unit la mérne affsotion, qu'abrits le mame
toit, peuvent partager la méme assistance, les mémes
consolations, et recevoir les mémes encouragements
au travail, a l'ordre et al'économie.


En présence de tels résultats, on ne peutqu'applan-
dir aux inspirations généreuses qui ont présidé a la
fondation de eette Société et en ont rendu les bienfaíts
accessibles a tous les membres d'une méme famille.


De graves abus existent eependant dans son sein et
semblent condamner le príncipe de l'admission des
femmes.


Les rapports annuels constatent, en efl'et, un chifi're




- 286-
beaucoup plus élevé de dépenses pOllr les femmes
que pour les hommes. Si nous consultons le rapport
publié en 1861, nous remarquons que les hommes ont
eu 12,116 journées de maladie, et les femmes 32,537,
lesquelIes réparties entre le nombre moyen des so-
ciétaires, donnent par an , aux hommes, 7 journées, et
aux femmes, 12 journées.


Nous comptons, parmi les sociétaires qui ont parti-:
cipé a l'indemnité d'incapacité de travail, 389 hommes
et 951 femmes, et la durée moyenne des maladies a
été de 31 jours pour les premiers, et de 34 jours pour
les secondes.


Nous remarquons enfin, que les femmes ont dé-
pensé a la Société, en moyenne, 9 fr. 94 de plus que
la cotisation qu'elIes versent annuellement (1).


Un tel résultat serait l'argument le plus énergique
contre l'admission des femmes, s'il ne tenait a des
circonstances exceptionnelles.


La Société subit les conséquences de l'inobserva-
tion de la premiare regle que llOUS avons rappelée
plus haut, savoir : la nécessité de n'admettre que des
femmes valides.


Il faut se rappeler qu'a l'époque de sa fondation, la
législation actuelle n'était pas encare en vigueur, et
que les conditions de prospérité des associations de
secours mutuels n'avaient p~s été étudiées comme
elles l'ont été plus tardo Les hommes dévoués qui


(1) La situr-tiou s'est notablemcnt améliorée depuis cette époque.
te rapport concornant I'année 1B62 accuse le payemcnt de 10,609
jouruées do maladie aux hornmes, el 25,91>1> aux femrnes, ce qui
donne uno moyennc d'indcmnité de 11,72 pon!' lOO pour les hom-
mes, el 12,23 pOUl' 100 pour les-Femmes.




- 257-
s'occuperent de cette institution si utile aux ouvriers
lyonnais, virent peut-étre en elle plutót une GJUVIe de
bienfaisance qu'une association rigoureusement basée
sur un contrat d'assurances mutuelles, aussi ne se
montrorent-ils pas trop séveres envers les candi-
dats qui aspiraient aen faire partie. Leur détresse fut
le titre principal de leur réception.


Il en est résulté que la Société s'est trouvée, des le
principe, composée en grande partie de membres
dont la santé était déja gravement altérée, et qui
allaient étre, et ont été en efi'et jusqtr'a ce jour, la
cause de dépenses eonsidérables et quelquefois supé-
rieures au double ou au triple de leur cotisation an-
nuelle.


C'est surtout ce qui est arrivé a l'égard des femmes,
des l'origine, beaucoup plus ncmbreuses que les
hommes.


De la, les conséquences que nous avons signalées,
d'apres les derniers rapports, et desquelles il serait
injuste de tirer un motif général d'exolusion contre
les femmes.


Ce n'est pas, d'ailleurs, le seul vice originel par
lequel peche la Société lyounaise des ouvriers en soie,
Il en existe un autre, c'est que les femmes admises
eomme sociétaires ne sont pas toutes des ouvrieres
sérieuses. Beaueoup d'entre elles s'occupent presque
exclusivement de leur ménage, ou ne se livrent qu'a
un travail restreint qui leur rapporte tres-peu, de
sorte que lorsqu'elles tombent malades elles recoivent
une indemnité bien supérieure a leur salaire quoti-
dien, Il en résulte pour elles un intérét manifeste a
prolonger leur état maladif.


17




- 258 -


v.


Comment remédier a ces abus? On y parviendrait :
l° A l'aide de mesures tendant a restreindre les


secours aux seuls cas de maladies véritablement sé-
rieuses. - 2° Au moyen d'une modification dans le
tarif de la cotisation versée par les femmes. - 3° Par
une transformation progressive du personnel de la
Société.


1° Les mesures propres arestreindre aux seuls cas
légitimes les secours de maladie, ne peuvent etre in-
diquées ici. Nous les examinerons plus loin, apres
avoir étudié les conditions d'organisation du service
médicalet pharmaceutique, et du payement de l'in-
demnité aux sociétaires malades.


2° La modification du iari]de la cotisation exigée
des femmes sel'ait, nous le reconnaissons, un moyen
rigoureux. Il consisterait a l'élever au méme chiffre
que la cotisation des hommes, soit : a 2 fr. par mois;
24 fr. par an au lieu de 18.


Nous avons vu précédemment, par les statistiques,
que si les femmes sont soumises ades indispositions
plus fréquentes que celles des hommes, l'équilibre
financier se rétablit en leur faveur par suite de la lon-
gueur et de la gravité des maladies qui atteignent les
hommes. Ceux-ci sont, en effet, exposés dans les
chantiers, les ateliers ou les usines ades fatigues plus
violentes et a des accidents plus sérieux j aussi, en
définitive, ne sont-ils pas moins onéreux que les fem-
mes poar la caisse des Sociétés de secours mutuels
auxquelles i18 appartiennent.




- 2¡¡9-
Mais il en est différemment dans la Société des ou-


vriers en soie de Lyon. Le mari et la femme socié-
taires, y ont la plupart du temps la méme profession;
01', tandis qu'ailleurs la femme a une tache moins pé-
nible et moins fatigante que le mari, ici elle exerce le
méme métier, celui du tissage des étoffes, et sa cons-
titution délicate le lui rend incontestablement plus
pénible, de lit vient qu'elle est plus souvent et plus
longtemps malade.


Ainsi, les circonstances qui, dans la généralité des
associations, aggravent l'état sanitaire des hommes
et rétablissent l'équilibre au prott des femmes, exis-
tent ici en sens inverse. Ce sont elles qui, par la na-
ture de leur travail et sa similitude avec eelui des
hommes, sont dans les conditions de santé les moins
favorables, et occasionnent nécessairement le plus de
dépenses, surtout si on tient compte qu'elles sont se-
courues, non seulement dans les maladies ordinaires,
mais encore dans leurs couches.


01', en droit strict, les parties qui s'engagent dans
un contrat d'assurance mutuelle, doivent payer une
prime d'autant plus forte, qu'elles sont plus exposées
au sinistre dont elles demandent it etre indemnisées.
Les femmes soumises a des chances plus fréquentes
de maladie, devraient done ici payer une eotisation
plus [orte que celle des hommes.


Cependant ce serait une condition trop rigoureuse
et qui éloignerait de la Société un trop grand nombre
de femmes ; mais il n'y aurait que justiee a les as-
treindre it des versements au moins égaux aceux de
leur mari.


Dans ce cas, iI ne serait nullement nécessaire
d'élever ii.2 fr. par jour l'indemnité de maladie. Il n'y




- 260-
a aucune corrélation absolue entro le chiffre de la
cotisation et celui de l'indemnitó d'incapacité de tra-
vail. Il est méme bon que le dédommagement donnó
au malade n'atteigne pas tout a fait le salaire qu'il
gagne en état de santé, afín de le stimuler a repren-
dre a u plus tót ses occupations.


3° Une tromsformaticn prcoreeeioe du personnel
de la Société des ouvriers en soie, pourra surtout amé-
liorer ses conditions d'existence. La durée de cette
institution étant illimitée, il viendra un temps ou tous
les sociétaires invalides, admis trop facilement a l'ori-
gine, auront fait place a de nouveaux associés.


11 importe que cette génération nouvelle se trouve
dans des conditions de santé qui rendent a la Société
le caractere véritable qu'ello devait avoir d'assurance
mutuel1e contre les risques de maladie. 01', une inno-
vation des plus heureuses facilite dóji1 cette transfor-
mation, nous voulons parler de l'agrégation des en-
fants qui, ainsi que nous le verrons au chapitre sui-
vant, permet i1 la Socióté de se próparer de longue
main des sociétaires jeunes, vigoureux, et sur lesquels
elle exerce a l'avance une infiuence moralisatrice et
tutélaire.


Done, avec le temps, la Société des ouvriers en soie,
trop souvent assimilée jusqu'a ce jour aune osuvre de
pure bienfaisance, deviendra une association d'assis-
tance mutuel1e dans l'acceptation légale du rnot. Mais
il importe de seconder cette transformation par un
choix sévere dans les admissions.


Il y a certainement un nombre considórable d'ou-
vriers laborieux et honnátas qui restent encore étran-
gers a l'association. C'est a eux qu'il appartient de
venir renouveler et rajeunir son personnel, et de pro-




- 2(H-
fiter des avantages qu'elle doit aux libéralités de la
Chambre de Commerce et des membres honoraires.
Que l'on fasse appel surtout a toutes ces ouvrieres de-
videuses, ourdisseuses, metteuses en main, qui n'ont
de moyens légitimes de subsistances que leur travail.
En apportant a la Société le tribut de leur cotisation,
elles auront plus que toutes autres un droit incontesté
a J'indemnité d'incapacité de travail lorsque la ma-
ladie lenr imposera un douloureux chómage.


Mais nous ri'avons nul besoin de stimuler le zele de
ceux qui conduisent les destinées de la Société. Les
recommandations réitérées que le président de la Com-
mission administrative adresse dans ses rapports an-
nuels.a la vigilance des médecins, et des membres
visiteurs, et ala loyauté des sociétaires, nous témoi-
gnent des efforts constantset éc1airés qui ont pour
objet de faire rentrer la Société dans la voie véritable
du progrss (1).


(l) Nous lisons dans le dernier rapport (1863) : « Nous ne ces-
serons de répétcr aux visiteurs, qu'ils doivent signaler a l'adminís-
tration, et saus exeeption, tous les ahus qu'ils sont amérne de re-
marquer, et qu'ils ont aussi pour mission de reeueillir des rensei-
gnements nussi certaius que possiblo sur l'état habituel de santé des
personnes qui se présentent pour étre admises dans la Société. -
Qu'ils so pénetrcnt bien, que de la répression des abus et du refus de
présentation de nouveaux soeiétaires faibles et d'une santé dou-
tense, ressortira un allégement dan s la liste des malades, une dimí-
nution dans la dépensc, et une plus juste dispensation des seeonrs
mutuels ..... Le droit aux secours ne saurait devenir le privilége
des valétudinaires avant leur admission, et qui évidernment se sont
fait reeevoir dans I'intention de retirer la plus large part possible de
ces SeC011I'S, au détrimeut de lcurs co-sociétaires.




CHAPITRE XV.


AGRÉGATION DES ENFANTS. - MEMBRES DEMI-PARTICIPANTS.


SOl\lMAIRE.


~ I. - L'agrégation des eníants est le eomplémenL indispensable
des hienfaits de la mutualité, - Conséqnenees de Icur cxelusion.
- Molifs en favenr de Icur agrégation. - Couditions aobserver.
-- Nécessíté d'admettre les enfanLs aux seeonrs médieaux el
pharrnaceutiques, moyennant une cotisation minime mais stricte-
ment obligatoire.


§ Il. - De l'agrégalion des cníants dans les Sociétés de Lyon :
1° Saciélés apprauvées. - Extension des secours médicaux aux
cnfants des sociétaíres. - Observalions critiques. - 2° Saeiété
des ouvriel's en soie. - Abonnernent payé par les parents el les
patrons pour les enfanls el les apprentis. - Beglemcut asigna-
ler. - Ses eonséquenees.


§ IlI. - Bases d'apres lesquelles plusieurs Sociétés de Franco
admettent les femmes el les enlanls aux Lienfaits de la mutualilé ,


§ IV. - Agrégalion de membres derni·pa'·licipants. - A quclles
personnes elle con viento - Ses conditions. - Vceu adressé acct
égard a la Cornmission adminislrative de la Société des ouvriers
en soie.




- 263-


1.


Organisées d'abord pour prémunir l'artisan contre
les tristes conséquences de la maladie et les infirmités
de la vieillesse, les Sociétés de secours mutuels ont
été logiquement amenées aétendre leurs bienfaits sur
la femme du sociétaire.


Mais se pourrait-il que l'institution qui seeourt si
libéralement l'époux et l'ópouse, n'eút pour les enfants
ni sollieitude ni ressources? S'il en devait toujours
etre ainsi, qu'aurions-nous arépondre aux motifs allé-
gués par les peres de famille qui refusent de parti-
eiper iL aucune Soeiété?


Comment les déterminer adiminuer dans leur in-
téret exclusif et en vue d'éventualités futures les res-
sourees qu'ils amassent si péniblement et qui sont
indispensables aux besoins actuels de leur ménage?
Comment, quand ils sont dans la force de l'áge et
de la santé, obtenir qu'ils se eotisent en vue de ma-
ladies qui peuvent les atteindre, mais auxquelles ils
esperent bien éehapper? Ce serait, disent-ils, priver
en pure perte leur femme et leurs enfants des profits
déja si restreints de leur travail journalier.


Si du moins ils pouvaient, a I'aide d'une eotisation
minime, assurer également a leurs enfants les se-
eours gratuits du médecin et la délivrance aussi
gratuite des remedes, ils tenteraient plus volon tiers de
s'imposer des saerifices. Ils seraient soutenus par la
perspeetive de remédier promptement et sans frais a


.toutes ces petites miseras qui si souvent frappent
l'enfance.




-2M-
Malheureusement, cet encouragement leur est gé-


néralement refusé. La plupart des Sociétés regardent
comme une charge trop onéreuse les soins a donner
aUJ( enfants. - Qu'arrive-t-il en présence de ce refus?
C'est que, par une douloureusc raison d'économie, les
parents nc pcuvent pas pour chaque indisposition des
enfants consulter un médecin et acheter des remedes;'
surtout si une part des ressources est déja prélevée
et versée ala caisse d'une Société de secours mutuels,
dans l'intérét exclusif du pere et de la mere. Il faut
alors abandonner le ID3.1 alui-mérne ou avoir recours,
pour le combattre; ades moyens peu coúteux, tels que
les suggerant l'ignorance des empiriques ou les re-
cettes des bonnes femmes, si aisément accueillies
dans la classe ouvriere, En attendant, le mal suit
son cours et s'aggrave; l'enfant qui pouvait etre
sauvé succombe; le chagrin entre dans le ménage,
la mere exténuée de veilles et de fatigues tombe ma-
lade, les autres enfants souffrent. Que reste-t-il alors
de force et de courage au pere pour supporter tant
de peines et suffire encore a son travail?


Si une Société lui avait permis d'assurer, au moyen
d'une Iégere cotisation , les secours médicaux et les
remedes a sa femme et a ses enfants, il se serait vo-
lontiers imposé daos les bons jours les plus grandes
privations pour gagner a sa famille le droit d'etre
secourue et guérie quand viendrait la maladie.


Et il Y aurait eu profit pOli!' la Société dont il fait
lui-méme partie, car le sociétaire ne se portera j arnais
mieux que lorsqu'il verra la santé de sa femme et de
ses enfants s'ópanouir dans son modeste logis.


Les soins d'ailleurs réclamés par l'enfance, si dis-
pendioux pour des paronts paunes, le sont bien moins




- 265-
pour une Sociétó. Le médecin qui pénstre dans les
familles des Sociétaires n'en connaít-il pas a l'avance
toutes les conditions hygiéniques, les habitudes, les
infiuences morbides, les affections héréditaires, les
causes de malaise résultant de la nature des profes-
sions. Ne peut-il pas des lors prévenir bien souvent le
développement du mal physique et méme du mal moral
chez les enfants, par des conseils adressés aux pa-
rents, par une direction prudente, ferme et éclairée?


Il faut donc le reconnaí'tre, le principe de la mu-
tualité, pour etre efficace, doit s'appliquer a tous les
membres des familles ouvrieres.


Les Sociétés de secours mutuels sont ainsi appelées
a régénérer peu a peu les populations a l'aide d'une
transformation de leurs habitudes et des conditions
physiques et morales de leur existence.


Que se passe-t-il aujourd'hui dans les classes labo-
rieuses? Les enfants, la plupart du temps mal sai-
gnés, n'atteignent l'áge viril qu'a travers mille mi-
seres, qui laissent sur leur organisme une profonde
empreinte, et en font trap souvent des etres chétifs
et sans vigueur.


Les adultes éprouvés par les fatigues et les acci-
dents d'une vie laborieuse, méconnaissant les prin-
cipes les plus élémentaires de l'hygiene, s'endorment
dans l'insouciance et les préjugés, tantót se refusent
les soins les plus indispensables, tantót se livrent avec
une aveugle et stupide confiance aux entreprises du
charlatanisme. C'est avee une santé abandonnée atant
d'influences funestes, qu'ils se marient.


Pere et mere, ils transmettent a leurs enfants une
constitution débile, des tempéraments souffreteux que
compromettent encore les coutumes ou les traditions




- 266 - }
les plus anti-hygiéniques, et e'est ainsi qu'une solidt-
rité héréditaire gouverne fatalement la santé de tous
les membres de la elasse ouvriere,


Mais que l'assoeiation de secours mutuels appa- .
raisse. Elle enrégimente les hommes, les femmes et
les enfants, elle les discipline au point de vue de la
moralité, de l'ordre, de l'économie, de l'hygiene ; elle
écarte d'eux l'empirisme, elle dissipe leurs préjugés
et leur ignorance, elle leur apporte les secours de la
médecine et de la pharmacie; elle en seconde l'effi-
cacité en payant au malade une indemnité qui le dé-
dommage et le console de la perte de son salaire. Un
vrai médecin entre dans la famille, il soigne le pere
et la mere, ji surveille les enfants, il inspire a tous
des habitudes saines au corps et a l'áme, il devient
leur ami et leur confident; il dirige, il conseille, il
encourage, il est le dispensateur du bien-étre physi-
qUA et moral, du contentement, de la force, de l'ai-
sanee. Il est le bienfaiteur du foyer, son espérance
et sa consolation.


Par lui la famille se fortifie, la race s'améliore, la
population se transforme, les Sociétés gagnent des
membres valides, dont elles aeeroissent la riehesse
en gardant pour leur retraite les fonds que leur bonne
santé éeonomise, l'industrie trouve des travailleurs
adroits et intelligents, et le pays des défenseurs que
les autres nations lui envient.


Qu'on ne vienne done pas dissuader les Soeiétés
de secours mutuels d'admettre les femmes et les en-
fants comme demi-participants, c'est-a-dire comme
associés pour les seeours de médecin et de phar-
macien.


« On se plaint, et avec raison, dit M. de Saint-




- 267·
« Vineent (1), que la raee semble dégénérer et s'é-
" tioler, mais il est trop tardpour s'oeeuper effieace-
(1 ment de l'état sanitaire des individus lorsqu'ils ont
« atteint vingt-cínq ans, age vers lequel ils se pré-
« sentent dans nos Sociétés. Beaucoup , ayant été
« négligés j usque-Ia, ont déja une santé affaiblie qui
« les fait rejeter pour toujours dans les Sociétés sé-
« veres sur les admissions, et ne les Iaisse admettre
« dans les autresqu'en apportantavec eux des charges,
« que des soins plus précoces, et pris des l'enfanee,
« auraient souvent prévenues. Celui que les Sociétés
« mutuelles admettront lorsqu'i! sera plus agé, elles
« feraient encore mieux de s'en oeeuper des aujour-
« d'hui, car elles réaliseraient ainsi beaucoup plus
« de bien, et, en définitive, a moins de frais. )


Cependant, la prudence, I'équité, l'intérét des So-
ciétés commandent que jamais aucun secours ne soit
aecordé sans une cotisation ; « dans la mutualité, tout
« seeours obligatoire, quelque minime qu'il soit, doit
« répondre it un sacrifice (2). »


Il importe done que les enfants, comme les femmes,
ne recoivent les soins du médeein et la délivranee
des remedes que moyennant un versement fait en
leur nomo


n.


Cette regle si sage n'est cependant pas suivie par
les Soeiétés de Lyon. La plupart d'entre elles ohtien-


(1) Bulleiin des Sociétés de secours mutuels, année 1851, p. 61.
(2) Rapport de la Comm, Supér. - Bulletin de 1858, p. 126.





-- ~68 -
nent de leur médecin qu'il veuille bien étendre- ses
soins aux enfants et aux femmes des sociétaires, sans
que la cotisation ordinaire de ceux-ci soit augmentée.


Nous comprenons que, sur l'impulsion de sen ti-
ments généreux et pour obtenirda nombreuses adhé-
sions, les Sociétós, surtout a leur début, aient fourni
a leurssociétaires les secours médicaux pour chaque
membre-de leúr famille; mais cette situation ne sau-
rait etre définitivement maintenué. Elle est néoessai-
rement onéreuse pour les Sociétés ou pour les méde-
cins, et, dans les deux eas, elle offre de sérieux in-
convénients.


Si les associations, dans la rétribution qu'elles al-
louent a leur méiecin, lui tiennent compte des soins
qu'il sera appelé a donner aux enfants des sociétaires,
sans exiger de ceux-ci un versement pour faire face a
cette dépense, elles grevent leur budget d'une charge
dont elles ne sont pas indemnisées et qui peut en
compromettre l'équilibre. Elles manquent a la regle
qui veut que dans la mutualité tout droit naisse d'une
obligation, tout bienfait soit le prix d'un sacrifice.
Elles rnéeonnaissent enfin la sagesse des conseils
que l'expérience a suggér6s a la Commission su-
périeure.


Si au contraire le médecin, par pure eondescendanee
et en dehors du service pour lequel il est rémunéré,
eonsent a visiter la femme et les enfants du socié-
taire, il su bordonnera inévitablement cet acte de bien-
faisance a ses devoirs professionnels. Des lors, les
secours n'auraient ni la eertitude ni la régularité
d'une obligation librement aeeeptée et serupuleuse-
ment remplie.


Ncus insistons done pour que les Sociétés ne se




- 269-
contentent pas des vagues promesses qu'elles font
aux femmes et aux enfants des sociétaires, mais
qu'elIes organisent pour eux un service de santé ré-
gulisr, moyennant une cotisation spéciale.


Quel en sera le chiffre? Aucune regle absolue ne
saurait étre indiquée. Mais l'expérience peut servir de
guide; examinons donc ce qui se passe au sein d'un
certain nombre d'associations.


La Société des ouvriers en soie, par les libéralités
exceptionnel1es dont elle jouit plus que toute autre,
aurait pu, sans exiger aucun versement, accorder les
soins du módecin et la dólivrance gratuit8 des remedes
aux enfants de ses sociétaires. Mais elle a voulu avec
raison faire dépendre eet avantage de l'acquittement
d'une redevance spéciale.


Des son origine, elle a assuré les visites gratuites
du médecin aux en[ants et apprentis des sociétaires,
a la condition par les parents ou les patrons de verser
pour chacun un abonnement annuel de deuo: [romcs,
La se borna d'abord le bienfait. L'achat des remedes
restait a la charge des familles; 01', il arrivait sou-
vent que, par suite de détresse ou de négligence, les
prescriptions médicales ne recevaient pas leur entiere
exécution,


La création d'une pharmacie spéciale (dont nous
étudierona plus loin l'organisation), a permis de ren-
dre le secours plus complet, en fournissant aux en-
fants et apprentis méme les médicaments.


Voiei la teneur du réglement (délibéré et adopté le
7 mai 1857), qui fixe les conditions de cette inno-
vation:


« Les membres de la Société auront la faculté d'a-
« bonner leurs enfants et apprentis ágés de moins




\


- 270-
« de dix-huit ans, aux soins du médecin de la section,
(1 ainsi qu'a la fourniture des remedes par la phar-
«( macie de la Société; cet abonnement eessera de
" plein droit des que lesdits enfants ou apprentis
« auront dix-huit ans révolus, áge auquel ils peuvent
« étre recus sociétaires..


« L'abonnement ne peut fltre réclamé que par le
« pere, la mere, le maitre ou le tuteur, sur la pro-
« duetion de l'aete de naissance et de conventions
« régulieres d'apprentissage.


« Le prix de l'abonnement, fixé pour ehaque enfant
« a cino francs par an (2 francs pour les soins du
« médecin, 3 franes pour la pharmacie) sera versé par
« avance a la caisse de la Soeiété, et ehaque eufant
« ouappreuti abonné sera soumis, a partir de son
« inscription , a un stage de trois mois, avant de pou-
« voir réclamer les soins du médecin ou les remedes.


« Les abonnés pour lesquels les versements n'au-
« ront pas été régulierement effectués a l'avance
« comme il est dit ci-dessus, eesseront d'avoir droit
« aux soins médicaux, et ils ne peuvent les obtenir
« de nouveau qu'en comblant immédiatement les aré-
« rages, de maniere a ce que l'abonnement n'ait a
« subir aucune interruption.


« Il sera délivré achaque abonné un livret indi-
« quant exactement ses nom, pránoms, date de nais-
« sanee, le sexe auquel il appartient, et la profes-
« sion ainsi que la demeure de ses parents, ou de
« ses maitres d'appreutissage. Ce livret sur lequel
« l'agent comptable inserera les annuités d'abonne-
« ment, renfermera également les ordonnances du
« médecin, et e'est sur sa production seulement que
« les soins médieaux pourront Éltre obtenus. »




- 271 -
Telle est l'organisation existant au sein de la Société


lyonnaise des ouvriers en soie. Pere, mere, enfants
et apprentis, tous ceux qui, sous le méme toit, man-
gent le méme pain, ont un droit égal aux soins des
médecins et aux remedes. Par la, la Société se prépare
pour l'avenir des membres valides qu'elle pourra s'in-
corporer des qu'ils auront atteint l'áge de dix- huit
ans, et qui la dédommageront des dépenses ceca-
sionnées par la mauvaise santé des premiers socié-
taires.


L'admission des enfants au principe de la mutua-
lité, en améliorant Ieurs conditions hygiénigues, as-
aurera done la prospérité de la Société pour le temps
oü ils en feront partie, et remédiera aux abus prove-
nant de la bienveillance extreme qui a présidé a sa
composition originaire.


Plusieurs Sociétés, étrangeres au département du
Rhóns, ont subordonné l'agrégation des femmes et
des enfants a des conditions qu'il est important
d'étudier,


III.


Dans la Société de Bar-le-Duc, la réceptlon des fem-
mes est soumise a un noviciat d'une année, pendant
lequel leur état hygiénique peut etre l'objet d'un exa-
men efficace. Elles payent un droit d'admission de
4 franos, et une eotisation mensuelle de O fr. 75, elles
n'ont droit qu'aux secours médicaux et pharmaceuti-
ques qui cessent d'étre a la charge de la Société apres
six moisde maladie.




- 272-
Les veuves seules recoivent une indemnitó de


50 centimes par jour pendant six mois.
Les enfants peuvent, des l'áge de 5 ans, étre admis


aux mémes avantages que les femmes, moyennant
une cotisation mensuelle de 50 centimes. Leur agré-
gation n'est jamais définitive. Elle doit étre supprimée
si des vices de constitution viennent a se révéler chez
eux, amoins que des dons particuliers ne subviennent
aux frais nécessités par cet état maladif.


Le sociétaire veuf ou dont la femme ne remplit pas
les conditions de santé exigéespour etre admise, peut
demander et obtenir l'agrégation de ses enfants (1).


La Société de Elorensac (2), dont nous serions tentés
de blámer la générosité imprudente, accorde a la fa-
milla entiere de chacun de ses sociétaires, les soins
du médecin et les remedes, moyennant 75 centimes
par mois quand le chef de la famille est un homme,
et 40 centimes quand c'est une femme. - Les enfants
ont gratuitement les mémes avantages, et sont consi-
dérés comme appartenant a la famille jusqu'a l'age
de 18 ans. A partir de cet age, ils deviennent d'office
sociétaires, et payent a leur tour une cotisation men-
suelle. Mais leur qualité d'enfants de sociétaires est
prise en considération. On n'exige d'eux, de 18 it 21
ans, que 60 centimes pour les garcons et 30 centimes
pour les jeunes filies. Les orphelins sont admis gra-
tuitement des que le plus ágé paye sa cotisation de
chef de famille.


Cette organisation a un caractere patriarcal, mais


(~) Bulletin des Sociétés de secours mutuels.
p, 116, et annéc 1856, p. 266.


(2) Bulletill. - Année 1856, p. 246.


- Année 1854,


,




- 273 -
elle ne nous paraít pas a l'abri de reproche. Ne vau-
drait-il pas mieux allouer une indemnité de maladie
aux sociétaires malades, et exiger une cotisation de la
part des enfan ts ?


A Vitry-le-Fmnfia'is (1), les hornmes, moyennant
une eotisation mensuelle de 1 frane, et les femmes, de
50 eentimes, recoivent les secours du médecin de leur
choix,les remedes, et une indemnité quotidienne
égale a la cotisation.


Dans la Société de Notre-Damc-de-Lille (2), les
femmes et les enfants, moyennant 5 centimes par se-
maine, versés par chacun, ont droit aux visites du
médecin el aux médicaments, mais ils ne recoivent
aucune indemnité.


Le méme avantage est offert aux personnes de l'un
et de l'autre sexe qui veulent verser 10 centimes par
semame.


Les deux Sociétés de Metz (3), dont la prospérité
date de longtemps, aceordent aux femmes et aux en-
fants les secours médicaux, les remedes, les frais de
funérailles, moyenn.ant une minime cotisation men-
suelle. Les femmes ne sont admissibles que jusqu'a
40 ans et apres une année de noviciat.


Des eonditions a jieu pres identiques sont adoptées
dans le département de la Gironde (4).


Enfin, dans le département de l'Eure, la Société
d'Ezy se laissant entralner par une générosité quelque
peu téméraire, se contente de percevoir 1 frane par


(1) Bulletin, 1856, p. 299.
(2) id. 1856, p. 127.
(3) Id. 1857. p. 187.
(4) Id. 1857, p. 51.


18




- 274-
mois par chaquefamil1e, soit : 50 centimes pom Je
pere, 25 centimes pour la mere et 25 centimes pour
les enfants, quel qu'en soit le nombre, et moyennant
cette rétribution elle accorde, avec les secours médi-
caux, une indemnité de 50 centimes a 1 franc aux
hommes, de 50 a 75 centimes aux femmes, et méme _
quelquefois de 50 centimes aux enfants, ce qui nous
sem ble peu justifié. Elle refuse, il est vrai, la déli-
vrance des remedes qui est cependant l'un des se-
cours les plus précieux pour les familles ouvrieres (1).


A ces exemples, nous pourrions ajouter ceux de
beaucoup d'autres Sociétés qui accordent aussi le se-
cours médical et pharmaceutique aux femmes et aux
enfants, et ne se croient ni trop généreuses, ni expo-
sées ase ruiner. En ce point, comme parSout ailleurs,
ce n'est qu'une question d'équilibre a établir entre la
dépense et la recette, et il est facile d'y arriver en
n'accordant de secours que moyennant une rétribu-
tion dont le chiffre varie nécessairement suivant les
localités, le nombre de sociétaires, et les conditions
générales de leur état sanitaire,


VI.


La participation des femmes comprises dans la se-
conde catégorie mentionnée plus hant, ainsi qne des
enfan ts et apprentis aux secours médicaux et phar-
maceutiques, constitue une sorte de demi-participa-
tían aux avantages de la mutualité.


Les uns st les autres n'ayant aucun travail salarié


(1) Bulletin. 1858,1'.42. -- 1859, P: 128. - 1860, p. 105.




- 275 --
dont la suspension, en cas de maladie, puisse faire
naitre un droit iJ. une izidemnité, on ne leur accorde
logiquement que ce dont ils ont besoin, c'est-a-dire,
les soins du médecin et la délivrance des remedes.


Mais parmi les personnes peu favorisées de la for-
tune, il en es! qui se trouvent dan s des conditions
identiques acelles qui motivent la demi-participation
des femmes et des enfants.


Ainsi, les petits rentiers qui vivent iJ. J'aide de leurs
modiques revenus, les employés de l'Etat, des grandes
administrations, ou des maisons de commerce qui ont
un appointement fixe dont le payement n'est pas sus-
pendu par une maladie ou une infirmité temporaire,
devraient pouvoir i'Jtre admis, dans les diverses 80-
ciétés de secours mutuels, a la participation aux se-
eours médicaux et pharmaceutiques.


Leur situation ne lcur pormet pas de réclamer une
indemnité pour le chómage que leur impose la ma-
ladie, puisqu'ils ne subissent, les uns et les autres,
aucune privation de salaire, et cependant, dans la po-
sition modeste oú nous les supposons, la dópense né-
cessitée par les visites d'un médecin et l'achat des
remedes, ne laissera pas que de leur i'Jtre Iort oné-
reuse.


Au contraire, une Socióté de secours mutuels qui
dispose d'un service médical et pharmaceutique tout
organisé peut, sans beaucou p de frais pour elle, leur
donner tous les soins que réc1ame leur situation.


D'autre part, le nombre des cotisations payées par
ces memores demi-participants serait susceptible de
constituer un profit pour la caisse sociale, Ce n'est
done encore ici qu'une question d'équilibre et de pré-
vision iJ. résoudre de la part des associations qui




- 276-
voudraient ainsi Átendre les bienfaits de la rnutualite.


Il est vrai que les personnes qui sont dans une si-
tuation a ne réclamer que les soins du médecin et la
délivrance des remedes, pourraient former entre elles
une Société qui limiterait ses secours it ces deux
objets, Mais on sait combien est difficile, et mérne
parfois coú teuse, l'organisation d'une Société nouvelle.


Et d'ailleurs, l'existence de Sociétés ayant un but
aussi limité, ne devrait pas étre un obstac1e it ce que
d'autres associations accueillent, si elles ne le jugent
pas contraire a leurs intéréts, les personnes, qui, en
retour d'une cotisation convenable, leur demandent
une assistance restreinte et particuliere.


Nous croyons, par exemple, qu'il y aurait plus de
chances de profit que de perte pour la caisse de la
Société des ouvriers en soie, a étendre, a toutes per-
sonnes qui se présenteraient dans de bonnes condi-
tions sanitaires, l'assistance médicale et pharmaeeu-
tique qu'elle accorde moyennant un abonnement an-
nuel de 5 francs aux enfants et apprentis de ses So-
ciétés participan ts.


Il est évident que l'admission du candidat a cette
demi-participation serait subordonnée a la décision
du Conseil supérieur de santé organisé dans cette So-
ciété. Ce serait peut-étre pour elle un moyen de tirer
un parti avantageux de la pharmacie spéciale dont
elle a été dotée par sa Commission administrative et
dont l'exploitation n'est actuellement onéreuse que
parce qu'il y a encore a couvrir les frais de son éta-
blissement.


Nous soumettons cette pensée aux hommes émi-
ments el' dévoués q ui dirigen t cette grande institu-
tion, et qui n'aspirent, nous le savons, qu'a en étendre
les bienfaits.




CHAPITRE XVI.


ADMINISTRATION DES SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS.


80MMAIRE.


§ I. - (lonseil d'administration des Sociétés de seeours mutuels.
- Président, Vice-Président,. Sccrétaire , Trésorier. - Leurs
fonetions. - Asscmblécs générales. - A quelle juridiction doi-
ven\. étre portees les eonlestalions existant enlre les Sociétés el
leurs membres.


§ 11: - Nomination du Président, par l'Empereur, pour les 80-
ciétés approllvées; par les sociétaires, pour les Sociétés 1'econnues
el pOUl· les Soeiétés privées. - Conséquenees, en fait el en droit,
de ces dcux modes dc nomination . - Avanlages qui en résullenl
pour les Sociétés approuvées. .


§ III - De la surveillance des Sociélés. - Obligations imposées
aux unes el aux autres. - Cas dans lesquels elles peuvent étre
suspendues ou dissoules. - Regles relativos 11 leur liquidalion.


§ IV. - Cornposition du fonds social. - Ressources communes
aux d iverses catégories de Sociétés : - Droit d'admission, -
Cotisatiou des membres participants. ,- Amendes. - Colisation
des membres bonoraires. - Intéréts des fonds placés.


§ V. - Bessourcos particuliéres aux Sociétés recon/lues 011 (tp~
p1'ouvées. '- Dons etlegs. - Subventions de I'Etal. - Dotation :
- Décrets des 22 janvier el 27 mars j 852. -- 28novembre f 853.
21i mars 1860.




- 278 -
§ VI. - Dépcnses des Sociétés de sccours mutucls. - 10 Dé-


pellses obligaloircs. - - 20 Dépcnses de hicnfaisancc.


§ VII. - Fonds de reserve. - Placemenl 11 la caissc d'épargne.
- A la caisse des dépóts et consignalions. - AIa caissc d".re-
traites.


1.


Les Sociétés de secours mutuols sont administrées
par un Conseil, composé d'un président, vice-prési-
dent, secrétaire, trésorier et de quelques mernbres so~
ciétaires dont le nombre varia.


Leurs fonctions principales et les pouvoirs de la
Société, vis a vis de ses membres, sont ainsi exposés
par la Commission supérieure dans les Statuts-rno-
deles dont elle propose l'adoption aux associations
d'organisation nouvelie :


« Le président surveille et assure l'exécution des
statuts. Il adresso al'autorité compétonte un compte-
rendu annuel sur la situation morale et financiere de
la Société.


« Il est chargé de la police des assemblées; ilsigne
tous les actes, arre tés ou délibérations, et represente
la Société dans ses rapports avee l'autorité publique.
Il donne des ordres pour les réunions du Conseil d'ad-
ministration et les convocations des assemblées gé~
nérales. Il prononee les amendes encourues pour faits
qui se passent pondant la duréedos séances.


« Levice-président seconde le président dans toutes
ses fonctions et le remplace en cas d'empáchemcnt.


« Il doit particulierement s'assurer si los visitours
rcmplissent les devoirs qui leur sont prescrits et si les
secours sont réguliérement distribués.




- 279-
« Le seerétaire est chargé de la rédaction des 0-


ces-verbaux, et donne connaissance, aux parties in-
téressées, de toutes les décisions prises. Sur l'ordre
du président, il convoque toutes les réunions. Il est le
dépositaire des archives. Il tient le registre matricule
des membres de la Société et présente au Conseil
d'administration les demandes d'admission.


« En cas de maladie d'un sociétaire, le secrétaire
en donne avis au médecin, et aux visiteurs en fono-
tions. Il regle tout ce qui a rapport aux funérailles, et
convoque les sociétaires qui doivent assister aux ob-
seques de leur collegue.


« Le trésorier inscrit les recettes et les dépenses
sur un livre de caisse, coté et paraphé par le prési-
dento Achaque assemblée générale, il présente le
compte-rendu de la situation financiere.


« Il est responsable de la caisse contenant les fonds
et les titres de la Socíété. Il acquitte les dettes sur des
mémoires visés par le président.


« Il inscrit sur son registre, en melle temps que sur
le livret du sociétaire, la somme versée ou recue par
celui-ci.


« Il opere le placement et le déplacement des fonds
sur un ordre signé du président et du secrétaire indi-
quant la somme dont le placement et le déplacement
doi t étre opéré.


« Le Conseil d'administration se réunit tous les
mois, et chaque fois qu'il est convoqué par le prési-
dent. Il délibere sur toutes les questions relatives au
but'~e la Société se propose.


« La Société se réunit en assemblée géné1'ale un
nombre de fois déterminé par année, pour entendre les
rapportssur sa situation et prononcer sur les ques-




- 280-
tions qui lui sont soumises par le Conseil d'adminis-
tration,


« L'assemblée prononce l'admission définitive des
sociétaires admis provisoirement par le Conseil d'ad-
ministration. Ses décisions son t obligatoires pour
tous, méms pour les absents; mais ses délibérations
ne sont valables qu'autant qu'elle reprósente la moitié .
plus un des sociétaires inscrits.


« L'assemblée générale ne peut prononcer la dis-
solution de la Société qu'en cas d'insuffisance cons-
tatée de ses ressourees, et par un nombre de voix égal
aux deux tiers des membres inserits. »


Enfin les modifieations apportées aux statuts son t
nulles de plein droit si elles n'ont été communiquées
a l'Autorité et approuvées par elle. (Art. 10, l. 15 juil.
1850, et arto 15, Déeret du 26 mars 1852).


Tel est le róls des assemblées générales et du Con-
seil d'administration, tels sont les droits et les devoirs
des divers fonctionn aires des Soeiétés de secours
mutuels.


Mais une question fort grave s'éleve iei.
Les déeisions du Conseil d'administration ou de


l'assemblée géuérale, statuant sur des demandes
d'admission ou dallocations de seeours, ou pronon-
cant la radiation temporaire ou définitive d'un mem-
bre de la Soeiétó, sont-elles en dernier ressort?


Ou bien, au contraire, le sociétaire qui se prétend
lésé par une décision a-t-ille droit, dans tous les cas
possibles, de la déférer aI'examen des tri bunaux?


Trois opinions se sont fait jour sur cette question;
elles peuvent se formuler ainsi :


l° Les décisions des Sociétés, vis a vis de Ieurs




- 28) -
membres, sont souveraines et irrévocables, toutes les
Iois qu'elles reposent sur le texte du rsglement.


2° Les contestations qui s'élevent, entre une Société
et un ou plusieurs de ses membres, sur l'application
des statuts, doivent etre tranchées par l'autorité admi-
nistrative.


30 Les tribunaux ordinaires sont toujours et seuls
compétents pour statuer sur les difficultés auxquelles
peut donner lieu l'interprétation ou I'application des
statuts vis avis d'un ou plusieurs sociétaires.


La premiere solution a pour elle l'autorité d'un
arrét de la cour de Grenoble du 25 novembre 1852,
motivé sur ce que les conventions sont la loi des
parties, et qui conclut de ce principe que les statuts
des Sociétés étant acceptés par chacun des membres .
ason entrée dans la Société, les décisions du Conseil
d'administration ou de l'assemblée générale sont obli-
gatoires pour tous, et ne peuvent 8tre soumises au
controle des tribunaux qu'autant que le reglement
n'aurait pas attribué un pouvoir administratif discré-
tionnaire au Conseil ou al'assemblée générale (1).


Laseconde opinion a été soutenue, sur l'invitation
du ministre de I'Intérieur, par le préfet de poli ce de la
Seine, dans un déclinatoire proposé a la cour de Paris,
iL l'effet de lui enlever la connaissance d'une con tes-
tation intervenue entre la Société de secours mutuels
des Messageries imperiales et un de ses mem bres.


Pour justifier le droit de l'Administration iL interve-
nir cornme juge entre les Sociétés et leurs membres,


(1) Dalloz, Reeueil des arréts, 1854.2" partie, p. 168.-- Voycz,
- dans le mémc sens, un article de 1\1. Derouet, avoeat a Blois . -


Bnlletin des Sociétés de secours mutuels, 1861, p. 228 et 253.




- 282-
M. le préfet invoquait le caractere spécial de ces ins-
titutions qui, par la maniere dont elles se constituent,
et dont leurs statuts se forment, se distinguent évi-
demment des Sociétés civiles. Leurs reglements, di-
sait-il, n'ont de valeur qu'autant qu'ils sont approuvés
ou autorisés par l'administration, et ne sont suscep-
tibles d'aucuno modifiation sans son controle. Ils ont-
done le caractere d'actes purement administratifs, et
l'administration qni est chargée de veiller a leur exé-
cution a nécessairement le droit de décider comment
ils doivent etre interprétés ou appliqués (1).


Mais le troisieme systeme a seul prévalu.
Il a été consaeré :
10 Par jugement du tribunal civil de la Seine du


6 février 1857, qui a déeidé, que les Sociétés ont in-
contestablement le pouvoir de faire exécuter leur re-
glement, rnais non le droit d'imposer aleurs membres
leur juridiction sonveraine; d'ou il résulte que chacun
d'eux conserve la faculté de se pourvoir devant les
tribunaux ordinaires contre tonte applioation des sta-
tuts faite aleur préj udice.


2° Par un arrét de la cour de París du 9 juillet1858,
qui a rejeté le déclinatoire propasé par M. le préfet de
police.


3° Par une décision du Conseil d'Etat rendue a la
date du 15 décembre 1858, sous forme de décret, qui a
annulé l'arrété de conflit par lequelle préfet de police
s'était pourvu contre l'arrét de la cour de París-


Ce décret est motivé sur ce que: « Aucuue disposi-
tion législative n'a réservé a l'autorité administrative
la connaissance des contestations qui pourront s'éle-


(1) Bullelin des Sociétés, 1859, p 151 el 152




- 283-
ver entre les Sociétés de secours mutuels et les menr-
bres qui réclament contre l'exelusion dont ils ont été
frappés par application des reglemenst. »


40 Par un dernier arrát de la cour de Paris, qui,
dans la mñmo affaire don t elle restait saisie par la
décision du Conseil d'Etat, a confirmé, quant a la
compétence, le jugement rendu par le tribunal de la
Seiné (1).


De ces décisions il résulte :
l° Quc l'approbation ou l'autorisation donnée aune


Société de secours mutuels n'a pas pour effet de {a
transformcr en une institution publique de bienfai-
sanee, ni d'imprimer a ses statuts le caractere d'aetes
administratifs,


2° Que les contestations élevées entre la Société et
un de ses membres, au sujet de l'exclusion prononcée
contre celui-ci, par application des statuts, sont du
domaine des tribunaux civils.


Cette jurisprudenee nous parait essentiellement
conforme au texte de la loi et au caraetere véritable
des associations de secours mu tuels,


Leur conseil d'adrninistration , leurs assemblées
générales ne constituent pas un tribunal arbitral:
l'arbitrage suppose un comprornis ; tout compromis
exige des conditions substantielles, prévues par I'ar-
ticle 1006 du Code de procédure civile, et qui ne
se rencontrent pas au moment de l'adhésion des so-
ciétaires aux statuts; des 101's la clause qui confererait
un pouvoir arbitral au Conseil d'administration ou á
l'assemblée géné1'ale n'est pas obligatoire.


D'autre part, les Sociétés de secours mutuels repo-


(1) Voycz Bulletiu des Sociétés, année 1859, p. t53et suiv ,




- 284
sent en réalité sur des contrats CiVIl s , bien plus
qu'elles ne sont des ceuvres de bienfaisance publi-
que, elles sont, par conséquent, soumises a tous les
príncipes du droit commun et justiciables des tribu-
naux ordinaires.


Quoi qu'il en soit, la Commission supérieure, sur la
demande d'un certain nombre de Sociétés, a présenté
au Gouvernement un projet relatif ala création d'une
juridiction spéciale pour les contestations soulevées
par l'application de leurs statuts.


n.


La situation des associations vis a vis de l'autorité
administrative et les pouvoirs de leurs présidents
varient suivant la catégorie a laquelle elles appar-
tiennent.


Les membres du Conseil d'administration et les
divers fonctionnaires sont élus par l'assemblée géné-
rale, mais le président des Sociétés approuvées est
nommé par l'Empereur.


Au contraire, celui des Sociétés reconnues ou des
Sociétés privées, est élu par les sociétaires.


Cette différence d'origine a une infiuence directe
sur le caractere et l'étendue de l'autorité des prési-
dents, et par suite sur les conditions d'indépendance
des Sociétés.


Ici nousrencontrons des préjugés tenaces. Beau-
coup de Sociétés privées croient que la faculté qu'elles
ont de nommer elles-mémes leur président, leur as-
sure une plus ample liberté, et conserve plus fidele-




- 286-
men t leurs traditions particulieres et leur caractere
propre.


C'est la une erreur dont il importe de les désa-
buser.


Il suffit d'examiner la question au puint de vue des
faits et du droit, pour etre convaincu que la nomina-
tion des présuletite par i'Empereur, loin de eomp1'o-
mettre l'indépendance des Sociéiée, a pqur résultat
de la leur garantir.


En fait d'abord, voons comment le chef de l'Etat
use dudroit que la loi lui attribue. Les constatations
officielles émanant de la Commission Supérieure vont
nous l'apprendre :


Une Société privée demande-t-elle l'approbation?
- Elle voit presque toujours son ancien président
maintenu dans ses fonctions.


S'agit-il d'une Société nouvelle? - Trois candidats
sont choisis parmi les membres les plus dévoués a
l'ceuvre, et le suffrage impérial s'arréte généralement
sur celui qui a le plus directement contribué a la for-
mation de la Société, et qui paraít le plus capable d'en
seconder le développement.


Faut-il enfin remplacer un président? - Il a, le plus
souvent, pour successeur, le vice-président choisipar
les sociétaires (1).


En fait, les Sociétés ne sont done jamais contra-


(1) « La nomination du président par I'Empereur, dit la Com-
mission supérieure dan!' son rapport sur l'année 1856, ne fait en
général que confirmer le choix de la Société tout entiere, en se
portant tanlót sur son íondateur, tantót sur son présideut élu,
toujours SUI' IlIJ hommc que ses uutécédeuts appelaient naturelle-
men! a sa téle , ))




- 286-
riées dans leurs VCBUX légitimes, ni dans leurs vérita-
blss intéréts, par le choix du président qui Ieur est
donné,


En droit, sa nomination, par le chef de l' Etat, a des
conséquences remarq uables, Elle met le sceau al'exis-
ten ce lógalo des Sociétés.


Le président nommé par l'Empereur a une autorité
officielle; il est in vesti, devant les tribunaux comme
vis a vis de l'Adrninistration , d'un pouvoir excep-
tionnel.


En justice, ir lui suffit de l'autorisation du bureau
ou de l'assemblée générale pour représenter la So-
ciété et plaider valablement en son nom, soit comme
demandeur, soit comme défendeur.


Il n'a pas rnéme besoin de se pourvoir de l'autorisa-
tion administrativo que l'arricle 1032 du Code de pro-
cédurecivileexige pour les établissements publics(l).


Vis avis de l'administration, il a une situation plus
indépendante rnéme que celle des présidents des So-
ciétés reconnues comme établissement d'utilité pu-
blique.


En eifet, ces Sociétós nomment elles-rnémes leur
président, mais aux termes de 1'article 4 de la loi du
15 juillet 1850 qui leur est propre, elles sont placées
sous la surveillance directe de l'autorité municipale,
u et le maire ou un adjoint, par lui délégué, ont tou-
(( jours le droit d'assister atoute séance; et lorsqu'ils
( y assisten t ils les président. »


Il en est autrement pour les Sociétés approuvées.


(1) Ainsi décidé par jugement du tribuu-I de la Seiue du 22
février 1860. - Bulletin des Sociélés de sccours muluels, anuéc
1860, p. (>5.




- 287-
Leur président, nommé par décret impérial, est investi
d'un pouvoir ofliciel qui ne permet á aucunc autorité
de se eubsti tuer el la sienne. Si par déférence pour le
représentant de laeommune que la loi appelle 11 contri-
buer méme matériel lement a la prospérité, il convient
parfois de l'inviter aux séances, aueune disposition
légale ne lui donne le droit d'y assister, et moins en-
care de les présider


Quant aux Sociétés privées qui n'existent qu'en
vertu d'une autorisation toujours révocable, elles ne
sauraient contester a l'autorité locale le droit d'assis-
ter ou de se faire rsprésenter par un délégué a toutes
leurs réunions.


Il est done exact de dire que les Sociétés approuoées
recoivent, du mode de nomination de leurs présidents,
une liberté qui n'appartient aaucune autre.


TIl.


L'autorité administrative a cependant vis a vis
d'elles un droit et un devoir de surveillance; mais la
loi en a mesuré les limites 11 ce qui était nécessaire
pour protéger l'ordre public et les associations elles-
mémes, sans gener leur libre expansion, ni contrarier
l'autorité de leurs présidents.


Les moyens de surveillance sont les suivants :
En premier lieu, des proces-verbaux réguliers doi-


vent etre tenus sur un registre spécial. (Art. 9, décret
du 14 juin 1851).


La communication a I'autorité -administrative ou
municipalepeut en étre ordonnée, ainsi que de tous
les Jivres et registres appartenant aux Sociétés, (Art. 6,




- 288-
Décret du 14 juin 1851), afin de constater si elles res-
tent dans les limites de leurs statuts, et si leur pros-
périté est menacée par une gestion infidele ou inha-
bile.


Un compte rendu de leur situation rnorale et finan-
ciere doit etre adressé chaque année au préfet. (Art.
20, Décret du 25 mars 1852).


Enfin, illeur est interdit de faire subir aucune me-
dification a leurs statuts sans les soumettre a l'appro-
bation préfectorale. (Art. 16, méme Décret).


La se bornent les mesures de controle employées
vis avis des Sociétés approuoée«.


Les autres Sociétés sont de plus assujéties, comme
nous venons de le dire, al'obligation de recevoir dans
leurs réunions les membres ou les délégués de l'au-
torité locale, qu'elles doivent prévenir trois jours a
l'avance quand elles tiennent des séances extraordi-
naires ou non périodiques.


Vis a vis de tou tes les Sociétés, la surveillance se-
rait vaine si elle n'ótait accompagnée d'une sanction.
L'autorité administrative est armée a cet égard du droit
de les suspendre ou de suspendre leur Conseil d'ad-
ministration : lo En cas de fraude dans la gestion,
2" si elles sortent de leur condition de Socíétés mu-
tuelles de bienfaísance, 3" si elles violent leurs statuts
ou les dispositions des lois et décrets qui les régis-
sent. (Art. 10, 11, 12, Décret du 14 juin 1851. Art. 16,
Décret du 26 mars 1852).


Leur dissolution peut aussi etre prononcée dans
les mémes cas, par le préfet, a l'égard des Sociétés
approuvées, et par le Gouvernement, le Conseil d'Etat
entendu, s'il s'agit d'une Socíété reconnue.


Les Sociétés privées peuvent, en cutre, étre sus-




- 289-
pendues ou dissoutes par le préfet, toutes les fois
qu'elles manquent aux conditions qu'il aura plu a
l'Autorité de leur imposer. Leurs présidents, direo-
teurs et administrateurs sont passibles, dans ce cas,
d'une amende de 50 fr. a 1,000 fr. (Art. 291, 292, Code
pénal, et arto 2 de la loi du 10 avril 1834). Ainsi, la
condition de cette catégorie de Socié tés est, dans toutes
les circonstances, moins favorable que celle des deux
autres.


Cependant, celles-ci sont assujéties, lors de leur .
dissolution, ades regles qui ne s'appliquent pas aux
Sociétés privées. Leur avoir social se divise, dans ce
cas, en deux parties : l'une, comprenant tous les ver-
sements effectués par les sociétaires, leur est resti-
tuée, déduction faite des dépenses occasionnées par
chacun d'eux. La portion restée libre, apres cette res-
titution, est partagée entre les Sociétés de máme genre
ou établissements de bienfaisance situés dans la com-
mune; a leur défaut , entre les Sociétés de secours
mutuels approuvées du département, au prorata du
nombre de leurs membres. (Art. 10, loi du 15 juillet
1850, et art.15, Décretdu 26 mars 1852).


Cette disposition est tres-juste. Les apports réalisés
par les associés doiven t leur étre rendus, mais les
libéralités du Gouvernement ou des particnliers faites
en vue d'uns assistance mutnelle ou pour la consti-
tution de pensions a la vieillesse, ne sauraient étre
détournées de leur destination, et devenir pour chaque
sociétaire, en cas de dissolution, la source d'un profit
dont il serait a craindre que l'appát les déterrninát
peut-étre aprovoquer une liquidation intempestive.


A l'égard des Sociétés simplement autorisées, les
mémes abus ne sont pas a craindre, Elles u'ont au-


19




- 290-
cune part aux subventions de l'Etat, elles ne peuvent
recevoir ni dons ni 1egs, elles ne constituent que des
opérations d'un intérét tout privé, et qui out pour base
la seule mise des sociétaires, elles restent logique-
ment soumises aux regles du droit commun quant a
leur liquidation.


IV.


L'importance du patrimoine social varie suivant la
nature des Sociétés.


Il y a des ressources communes a trois catégories
d'associations; il en est qui sont particulieres aux So-
ciétés reconnues ou approuoées.


Les ressources eommunes a toutes les Sociétés
sont : les droits d'admissiou, les cotisations des mem-
bres participants, les amendes, les cotisations des
membres honoraires, l'intérét des fonds placés.


Les ressources partioulieres auxSociétés reconnues
ou approuvéos sont, cutre les précédentes : les dons
et legs, les subventions du Gouvernement, du dépar-
tement, de la commune.


Nous avons déja parlé du droit d'admission, en
nous occupant des conditions d'admissibilité des so-
ciétaires. Nous avons vu que ce droit gradué suivant
leur áge, ne doit j amais atteindre un chiflre trop élevé,
méme avec la facilité de payement consistant dans le
délai de trois mois habituellement accordé, parce
qu'on risquerait detenir ecartés des Sociétés ceux
mémes a qui elles sont le plus nécessaires,


La base essentielle de la mutualité est la cotisa-
tion mensuelle. C'est la mise de fonds des sociétaires,




-- 291 -
Nous devons examiner les regles a survre pour sa
íixation et son acquittement régulier.


On peut exiger une cotisation proportionnelle a
l'&ge des sociétaires ou uniforme pour tous.


Le premier mode, quoique moins usité dans la pra·
tique, a été admis en principe par le législateur.


La loi du 15 juillet 1850 (Art. 5) et le décret du 26
mars 1852 (Art. 7), déclarent que les cotisations de
chaque sociétaire seront fixées d'apres les tables de
maladie et de mortalité confectionnées OH approuvées
par le Gouvernement. Mais aucune table de ce genre
n'a été jusqu'a ce jour confectionnée ni approuvée, en
sorte que les Sociétés restent libres de fixer le chiffre
des cotisations.


Quelques-unes ont adopté une fixation proportion-
nelle a l'áge des sociétaires. Illeur a paru équitable
que les membres, dont la rnaturité apporte a la Société
des chances plus nombreuses de maladie et de dé-
penses immédiates, et qui seront les premiers appelés
a jouir d'une pension de retraite, payent une cotisa-
tion plus élevée, et elles préferent favoriser l'admis-
sion de sociétaires plus jeunes, par une cotisation
rnoindre.


Ce systems est rationnel et il rentre directement
dans l'esprit de la Ioi, cependant il n'est qu'excep-
tionnellement suivi. Les cotisations uniformes ponr
tous les membres d'une máme Société ont générale-
ment prévalu.


Si ce mode est moins éq uitable, en ce qu'il établit
une proportion beaucoup moins exacte entre les ver-
sements et les dépenses de chaque sociétaire, il est
d'une comptabilité plus facile, d'un recouvrement plus
sür, et sesinconvénients peuvent 8tre compensés par




- 292-
l'adjonction de membres hcnoraires dont les cotisa-
tions viennent augmenter les recettes sans rien ajou-
ter aux dépeuses , et s'appliquent particulierement
aux besoins des membres ílgés et infírmes, ainsi que
nous l'avons vu plus haut.


Quel doit ~tre le ehiffre des cotisations uniformes '1
11 serait sans doute adésirer qu'il Iút le plus large


possible, afin de permettre l' alloeation de seeours
plus complots en eas de maladie ou d'infírmités et
la eréation d'un fonds plus ample de réserve et de re-
traite.


Mais les salaires sont si variables et souvent si in-
eertains, qu'il faut nécessairemen t subordonner le
ehiffre des eotisations, a l'aisanee des populations et
aux conditions particulieres dans lesquelles elles se
trouvent. Aucune regle absolue ne peut done ~tre
indiquée.


En général, les cotisations varient de 1 a2 franes
par mois. Elles sont ealeulées d'apres le salaire moyen
des sociétaires , de telle sorte que leur acquittement
mensuel représente le prélevemen t d'une journéede
leur travail.Il serait imprudent d'abaisser au-dessous
de 1 frane le ehiffre de la eotisation. Les Soeiétés ne
doivent point oublier qu'elles ont a établir une pro-
portion aussi exacte que possible entre les recettes et
lesdépenses éventuelles.


La meilleure regle pour main tenir cet équili bre con-
siste en ce que la cotisation ne soit jarnais inférieure,
mais au moins égale et plutót supérieure al'indemnité
de maladie .


.:.:acquittEiment régulier de la cotisation est l'un des
premiers devoirs des sociétaires. C'est la eondition
absolue du contrat qui les lie et des avantages qu'ils




- 2lj3 -
esperent en retirer. Mais il est utile de venir en aide
a la boune volonté de chacun et de faciliter, par tous
les moyens possibles, l'accomplissement d'une obli-
gation aussi essentielle.


Les cotisations sont habituellement perQues par le
trésorier de la Société. Sa tache est souvent difficile et
toujours méritoire; pour la rendre moins pénible et
d'une exécution plus súre, on pent, si la nature des
professions s'y préto, fractionner le payement, se con-
certer au besoin avec les patrons, et exiger une
partie de la cotisation les jours ou le salaire est payé.


Certaines Sociétés conferent achacun de leurs so-
ciétaires, a tour de role, le soin de recueillir les coti-
sations; lorsque l'association est trop nombreuse on
la divise en sections, dont les membres remplissent
alternativement les fonctions de collecteurs. On peut
leur permettre de s'exonérer de cette tache moyennant
le payoment d'une petite indemnité, par exemple, de
5 centimes par mois au profit de celui ou de ceux qui
les remplacent. Cet exemple est donné notamment
par la Société de Saint-Jean a Marcq-en-Barceul
(Nord), qui s'applaudit beaucoup de cette mesure (1).


Le produit des arnendes concourt a former le fonds
Social. Elles n'ont plus dans nos Sociétés de secours


(1) Bullelin des Sociétés de scconrs mutuels, annéc 1857, p. 236,
de 1858, p. 281.


Quelques mcmbres de cctte Société se sont chargés de rccucillir
les cotisations de lous les nutres, moyennant ecllc indemnité de
5 ccntimcs. L'un d'eux, trouvant ainsi son protit afairc une active
propagan de, a reeruté des mem!Jres nouveaux. Il réunit autour de
lui soixantc sociétuircs, Jonl il percoit régulierement les cotisations
el qui lui donnent ensemble 36 fr. soit 0,60 chacuu,




- 294 -'
mutuels le caraetere étroit et vexatoire des peines pé-
cuniaires 'que les statuts des anciennes eorporations
multipliaient a l'infini et pour les infractious les plus
légeres (1). Elles sont la juste sanction de la négli-
gence des membres a se rendre aux séances, aux cé-
rémonies funebres, a acquitter leurs cotisations, a
visiter les malades, en un mot, a remplir les obliga-
tions diverses que leur impose leur titre de socié-
taire.


La cotisation des membres honoraires est une
souree préeieuse de revenus pour les Sociétés, mais
elle ne doit jamais étre détournée de son but. Res-
source des vieillards, des infirmes, des veuves, des
orphelins, elle n'a pas pour objet de suppléer a l'in-
suffisaneo ou al'irrégularité des versements des mem-
bres valides. Les différents services organisés au sein
des associations n'offrent une stabilité certaine qu'a
la condition d'avoir leurs recettes particulieres, et de
ne rien emprunter aux fonds qui ne leur sont ras
destinés,


Enfin, les intérets des [onde placés viennent accroi-
tre encore le patrimoine des Soeiétés habi lement ad-
ministrées. A cet égard, la situation des Sociétés
privées est moins favorable que celle des Sociétés re-
conn ues ou approuvées, puisqu'elles n'on t pas, comme
nous le verrons plus loin, la faculté de faire des pla-
cements aussi amples ni aussi avantageux que
celles-ci,


Avant de passer a l'examen des ressources particu-
Iieres a ces deux deruieres catégories de Sociétés,
nous devons ici rechercher quels sont les droits des


(1) Voyez ci-dcssus, p. 81.




- 290 -
associations en général vis a vis des sociétairesarrié-
rés pour le payement des cotisations et des amendes


Ce cas est presque toujours prévu par les statuts.
Les sociétaires en retard sont de plein droit privés de
secours,et apres un certain temps exclus de la Société,
sauf au Conseil d'administration 11 apprécier les .mo-
tifs d'excuse et a atténuer, s'il y a lieu, la pénalité
encourue.


Les contestations auxquelles donnerait lieu l'appli-
cation des statuts, sont susceptibles, suivant la juris-
prudence que nous avons indiquée, d'étre portées de-
vant les tribun aux civils.


Les Sociétés peuvent-elles, lorsqu'elles ne pronon-
cent pas la radiation des sociétaires en retard de
payement, poursuivreen justice l'acquitternent. de
leurs amendes ou de leur cotisation? - Une lettre mi-
nistérielle, insérée au Bulletin des Sociétés (1), leur
avait dénié cette faculté; mais elle ne peut plus leur
étre contestée dspuis l'arrét du Conseil d'Etat du 15
décembre ]858, qui soumet aux regles du droit com-
mun l'application des statuts,


L'exclusion des sociétaires en retard de payement
peut-elle étre prononcée lorsqu'elle n'est pas stipulée
dans les statuts '1 - Nous croyonR que le Conseil
d'administration ou l'assemblée générale n'ont qua-
lité, pour prononcer une peine, qu'autant qu'elle a été
édictée dans le pacte social; l'unique voie a suivre
dans ce cas serait de faire prononcer par les tribu-
naux ordinaires l'exclusion des sociétaires qui man-
qneraient a leurs obligations.


Enfin, le sociétaire qui donne sa démission peut-il


(1) 1857, p. 235.




- 296 -"
etre contraint au payement des cotisations ou des
amendes dont il est débiteur? _. Nous n'hésitons pas
arépondro affirmativement : nul associé ne saurait,
par une retraite volontaire, se soustraire a l'obliga-
tion de remplir ses engagements.


v.


La faculté de recevoir des dons, des legs, des sub-
ventions, est le privilége exclusif des Soeiétés re-
connues ou approuvées,


Les dons et legs faits aux Soeiétés reeonnues peu-
vent s'élever aquelque valeur que ce soit et compren-
dre des meubles ou des immeubles. (Art. 7, loi du
15 juillet 1850).


Les Sociétés approuvées ont une capacité plus res-
treinte, elles ne sont autorisées a recevoir que des
objets mobihers ne dépassant pas 5,000 fr. (Art. 8,
déeret du 26 mars 185:¿). Les libéralités plus considé-
rables qui leur seraient faites seraient nécessaire-
ment réduites a ce chiffre. Il nous semble qu'il n'y
aurait aucun danger a élever, par une nouvelle dis-
position, le maximum des dons et legs qu'elles sont
aptes a recevoir, en réservant a l'Administration le
droit de réduire, dans une sage mesure, les libéralités
qui paraitraient excessives. Par la on éviterait aux
Sociétés le douloureux mécompte de se voir privées de
ressources légitimernen t acquises et dont elles pour-
raient avoir parfois le plus pressant besoin pour leurs
vieillards, leurs infirmes ou leurs orphelins (1)


(1) Un mcmbre honorairc de la Société de Panilhac (Gironde),




- 297-
La participation aux subventions du Gouvernement


établit encore une différence marquée entre les So-
ciétésreconnues ou approuvées etles Sociétés privées.


Le premier acte législatif qui ait assuré aux 80-
ciétés de secours mutuels les largesses de l'Etat, est
le décret du 22 janvier 1852; dont l'article 5 leur
alloue une somme de dix millions a titre de dotation.


Cette dotation a été réalisée au moyen de l'autorisa-
tion accordée par décret du 27 mars 1852 (1), de vendre
une portion des bois de l'Etat, jusqu'a concurrence de
35 millions, sur lesquels a dú étre prise la part affé-
rente aux Sociétésde secours mutuels.


L'emploi de ces dix millions de dotation a ensuite
été fixé par un décret du 28 novembre 1853 (2), qui a
décidé qu'ils seraient déposés, par le Trésor, a un
compte courant ouvert a la caisse des dépóts et con-
signations, et qu'ils produiraient un intérét égal it
l'intérét alloué par les fonds provenant des caisses
d'épargne.


Mais pour consolider cette dotation et rendro la 1'é-
partition de ses revenus plus facile entre les Sociétés,
un dernier décret du 24 mars 1860 (3) a ordonné :
l° Que le capital de dix millions affecté a l'encoura-
gement des Sociétés de secours mutuels, serait em-
ployé a l'achat, en leur nom, de rentes perpétuelles
sur l'Etat ; 2° que les arrérages des rentes provenant
de cette consolidation seraient percus par la caisse des'


avail légué aeeUe associntion une valeur de plus de~OO,OOO fr.
qui dut étrc réduitc au chiffre de 5,000 fr.


(1) Dalloz. Becueil des !ois el arréts, L 52, ~e partie, p. 19~.
(2) Dalloz, t. 5~, ,.. partic, p. 1~.
(8) Dalloz, t. 60, ~. partie, p. 32.


\




298
dépóts et consignations, et portés par elle en recette
aucrédit du compte ouvert dans ses écritures aux
Sociétés de secours mutuels,


Il résulte de ces diverses dispositions législatives,
que les associations mutuelles reconnues ou approu-
vées, ont un revenu annuel et perpétuel de cinq cent
mills francs (1)


Mais elles n'y ont pas tontes indistinctement parto
La Commission supérieure, sur l'avis de laquelle les
subventions sont allouées, n'en accorde qu'aux 80-
ciétés approuvées qui se trouvent au début de leur
'existence, aux Sociétés ancienne s qui viennent d'ob-
tenir l'approbation, a celles qui éprouvent un déficit
par suite d'épidémies ou d'accidents exceptionnels,
enfin a celles qui, par une sage administration, se
constituent, sur leur réserve, un fonds spécial de re-
traite pour leurs vieillards.


Cette derniere condition est surtont prise en con si-
dération et montre le plus grand nombre des subven-
tions accordées. Nous renvoyons, par conséquent, au
chapitre qui traitera de la constitution du fonds de
re traite des .Sociétés, 1'examen des regles a suivre
pour avoir part aux revenus de la dotation.


(1) lndépendamment des subvcntions accordées aux Sociétés de
secours mutuels, sur les revcnus de leur dolation, un don de
500,000 fr. leur a été fait par l'Empereur, 11 l'occasion de la nais-
sanee du Prince Impérial, en Iaveur des vieillards inscrits comme
mernbres participants,


Un ai'reté du ministre de l'lntérieur, du 26 avril 18:>6, a réglé,
sur l'avis de la Commission supéricure, l'emploi de cette somme, qui
a mi étre fait en rentes viagéres ou en versement au Ionds de re traite
au profit des vieillards, - La répartition en a eu lieu entre 1,037
Sociétés, "- Bulletin des Sociétés de seeours mutuels. 1~56. p. 90.




- 299-
Nous devons enfin mentionner comme un avantage


particulier aux Sociétés reconnues ou approuvées, et
duquel résulte pour elle une économie tres-apprécia-
ble, l'obligation des communes de leur fournir gra-
tuitement les locaux nécessaires a leurs réunions,
ainsi que les livrets et registres indispensables al'ad-
minislration et a la comptabilité. (Art. 9, décret du
26 mars 1852).


Cette disposition a son importance; elle équivaut,
pour les Sociétés, a une allocation armuelle de deux
ou trois cents francs. La location d'une salle de séan-
ces, et l'achat des diverses fournitures de bureau,
pourraient bien parfois atteindre ce ehiffre.


Les registres et imprimés gratuitement fournis se
composent : l° D'un registre matricule, ,20 d'un jour-
nal du trésorier, 3° D'uIJ registre des proces-verbaux,
40 de livrets de sociétaires, 5° de feuilles de visites,
6° de diplómes pouvant servir de passeports et de li-
vrets, 7° d'un registre POUl' l'inscription de ces di-
plórnes. Leur nombre, leur nature, leur modele ont été
déterminés par des arrétés ministériels des 5 janvier et
15 avri11853. '


Dans la crainte que les dépenses ainsi imposées
aux communes ne fussent nne trop lourde charge pour
quelques-unes, et n'eussent pour effet de paralyser ou
de retarder la création des Sociétés de secours mu-
tuels, les Conseils généraux ont été appelés ainscrire
aux budgets départementaux des crédits destinés a
faire face aune partie de ces frais, et une circulaire
ministérielle du .2 juillet 1855, a en outre décidé, que
des subventions équivalentes au montant des dé-
penses faites, pourraient etre accordées aux com-




- 300-
munes sur le fonds de dotation des Sociétés de seeours
mutuels (1).


Enfin, les eommunes ontété invitées a niettre ala
disposition des Sociétés les salles de maine, de justice
de paix ou d'école primaire. (Circulaire du 2 juillet
1855). Par ces diverses mesures, les intéréts respectifs
sont sauvegardés, et les communes concourent ah
prospérilé rnatérielle des assoeiations, sans eharger
leur budget de dépenses exeessives.


VI.


Les dépenses des Soeiétés de seeours mutuols se
divisent en deux eatégories : lo Les dépenses obliga-
toires, qui sont payées a l'aide des recettes ordinaires.
2° Les dépenses de bienfaisance qui sont prélevées
sur le fonds de réserve, c'est-a-dire, sur l'exeédant
des recettes, apres l'acquittement des dépenses obli-
gatoires.


La premiere catégorie eomprend l'indemnité quoti-
dienne due aux maladss , celle qui est allouée par
quelques Soeiétés aux femmes sociétaires pour frais
d'accouchement, les honoraires des médeeins, le paye-
nient des remedes, les frais d'enterrement, ceux d'ad-
ministration. Ces dépenses ne peuvent étre évitées,
elles ont POUI' objet direet l'assistance mutuelle en


(1) Pour obtenir cctte subvention, le maire de la commune doit
adresser au ministere de l'iníérieur, par I'inlermédiaire du préfet,
une demande accompagnéo d'un étal de la situntíon flnanciére de la
cornmunc et d'un bordercau des dépenscs, rédigé par lui et certilié
par le sous-préfet.




- 301 -
vue de laquelle la Société a été contractée. Les divers
services auxquels elles correspondent demandent une
étude approfondie qui fera l'objet des chapitres sui-
vants.


La secon:le catégorie comprend les secours aux in-
firmes, aux veuves, aux orphelins, et parfois aux


. ascendants du sociétaire défunt, Ces dépenses sont
votées par le Conseil d'administration, et prélevées
sur le fonds de réserve. La quotité des secours alloués
varie nécessairemen t suivan t les miseras a soulager
et l'importance de l'excédant en caisse.


C'est sur ce méme excédant que doit etre prélevé le
fonds de re traite destiné a fournir des pensions aux
vieillards, Il est évident qu'on ne peut remédier aux
besoins de la vieillesse qu'apres avoir pourvu aux
nécessités de l'áge mür. Pour ce service, comme pour
celui des sociétaires malades, nous renvoyons it un
chapitre ultérieur les développements qu'exige son
examen.


VII.


L'excédant des recettes sur les dépenses constitue
le fonds de réserve des Sociétés de secours mutuels.
- Trois modes de placement leur sont ofIerts : les
caisses d'épargne, la caisse des dépóts et consigna-
tions, la caisse des retraites.


La loi du 15 juillet 1850 (Art. 8), et le décret du 26
mars 1852 (Art. 14), accordent aux Sociétés reconnues
ou approuvées la faculté de faire aux caisses d'épar-
gne des dépóts de fonds égaux a la totalité de ceux
qui seraient permis á chaque sociétaire individuelle-




- 302
mento Ainsi, le maximum du crédit d'un compte in-
dividuel étant de 1,000 fr. (1), une Société, composée
decent membres participants, pourrait ver ser jus-
qu'a 100,000 fr a la caisse d'épargne (2).


Les Sociétés reconnues ou approuvées jouissent en-
core d'un autre privilége. Le maximum des sommes
qu'il est permis á un simple particulier de verser en
une seule fois i1 la caisse d'épargne, est de 300 fr. (3).
Les Sociétés peuvent placer en un seul versement au-
tant de fois 300 fr. qu'elles ont de membres partici-
pants (4).


Au contraire, les Sociétés privées n'ont la faculté
de placer qu'une somme de 300 fr. a la fois, et le crédit
de leur compte ne peut pas excéder 8,000 fr. en capital
et in téréts (5).


Les intéréts servis par les caisses d'épargne varient
suivant les localités, entre 3 1/4 et 33/4 pour cent; le
législateur a voulu offrir aux Sociétés reconnues ou
approuvées un mode de placement plus avantageux,
De la la faculté que leur conferent les arto 6 de la loi
du 15 juillet 1850, et 13 du décret du 26 mars 1852, de
verser a. la caisse des dépots el consiqnations leur
excédant, lorsqu'il atteint 3,000 fr. pour une Société
de cent membres, et 1,000 fr. pour une Société de
moins de cent membres.


(1) Art. 1er • Loi du 30 juin 1851, sur les caisses d'épargne.
(2) Mais I'art. 13 du décret du 26 mars 1852, nous offre, comme


nous allons le voir, un placement plus avantageux.
(3) Loi du 22 juin 18 1i5, sur les caisses d'épargnc, art. r«.
(4; Lettre du Ministrc de I'agriculture, du comrncrce et des tra-


vaux publics, - Bulietin des Sociétés, 4e anuée , p. 35.
(5) Loi dn 30juin 1851, arto 4.




- 303-
Le taux de l'intérét des sommes ainsi déposées est


de quatre el demi pour eent par ano
LesSociétés ont done intárét a ne verser ala caisse


d'épargne que leurs premiares économies, et a les
transférer ensuite a la caisse des dépóts lorsqu'elles
ont atteint les chiffres que nous venons d'indiquer.


Les formalités a remplir, pour le placement des
fonds, a la caisse des dépóts, sont des plus simples.
Il suffit de produire, lors du premier versement, 10 Une
copie certifiée du décret de nomination du président,
20 Deux exemplaires des statuts, 30 Un mandat ou
ordre de dépót du présidcnt.


Apres le premier versement du capital minimum
exigé par l'article 13 du décret du 26 mars 1862, les
Sociétés peuvent y ajouter les sommes les plus mi-
nimes, et grossir ainsi peu a peu leur fonds de ré-
serve. Les intéréts ne sont pas capitalisés, ils sont
liquidés au 31 décembre de chaque année et peuvent
étre immédiatement percus par le trésorier, ou réunis
par lui au capital da dépót, si le Conseil d'adminis-
tration le décide ainsi,


Le rernboursement de tout ou partie des fonds a
lieu sur la simple quittance et sur la production d'un
mandat de retraite ou d'une demande écrite émanant
du président (1).


(1) Au 31 déccmbre 1862, f43 Sociétés approuvées avaient
placé a la eaissc des dépóts un fonds de réserve s'élevant a
2,635,351 fr. 92.


1779 Sociétés avaient, a la méme eaissc, un fonds de retraite
s'élcvaut a 5,983,435 fr 72.


A la méme époque nous VOYOIlS, dans le départcment du Rl.ÓIlC,




- 304-
Enfin, les Sociétés reconnues ou approuvées peu-


vent encore verser, dans la caisse générale des re-
traites, au nom de leurs membres participants, les
fonds restés disponibles a la fin de chaque année.
(Art. 14, décret du 26 mars 1852).


Nous avons vu comment, acette faculté, le décret
du 26 mars 1856 avait ajouté celle d'affecter les ver-
sernents opérés a la caisse des dépóts, a la création
d'un fonds spécial de retraites, qui chaque année peut
s'augmenter de l'intérét capitalisé, et des subventions
du Gouvernement (1).


Ainsi, les facilités les plus amples ont été fournies
aux associations reconnues ou approuvées, pour as-
seoir leur établissernent sur des bases solides, se
constituer un patrimoine, l'administrer d'une maniere
súre et fructueuse, et assurer une assistance efficace
a leurs membres en détresse.


Maladies, infirmités, chómage, vieillesse, tels sont
les fléaux incessamment suspendus sur I'existence
des travailleurs.


Mais tels sont aussi les maux auxquels les Sociétés
de secours mutuels viennent remédier.


n nous reste a étudíer les conditions de l'organisa-
tion des secours dans ces différentes épreuves de la
vie de l'ouvrier,


97 Sociétés possédant un fonds dc reserve de ~79,659 fr. 35, et
151 Sociétés ayant un fonds de rctraitos de I,OO,26~ fr. 28.


- Tableaux VI et IX annexés au rapport de la Commission 5U-
périeure.


(1) Yoyez ci-dcssus, chapitro XL




CHAPITRE XViI.


SECOURS EN CAS DE MALADlES OU D'INFIRMITÉS TEMPORAlRES.
MISSlON DES MÉDECINS VIS A VIS DES SOCIÉTÉS DE SECOURS
MUTUELS.


SOMMAIRE.


§ 1. - Le secours, en cas de maladie ou d'infirrnités temporaires,
est le premier objet des associations mutuelles. - A quelles con-
ditions est-il accordé? - En quoi consiste-t-il ? - Abus aéviler.
- Moyens propres a prévcnir la fraude. •


§ n. - Role des médecins dans les Sociétés de secours mutuels.
- Leur omnipotenee. - Caractére exeeptionnel de leur mission.
- Leur inlluence sur la prospérité et I'avenir des associations.


§ III. - Conséquenccs de l'cxtension des Sociétés de seeours mu-
tuels al'égard du eorps médica!. - Gricfs des médeeins. - Né-
cessíté poury répondre d'examiner les eonditions de l'organlsation
du serviee de santé dan s les associations.


1.


La maladie est la plus dure épreuve qui traverse la
vie humaine.


'En suspendant l'exercice des facultés chez l'homme
qu'elleatteint, en paralysant son activitá, en taris-


20




- 306-
sant les ressourees qu'il retire de son travail, elle
met en péril, non seulement son existenee, mais eelle
de la famille dont il est le sou tien.


La maladie est done le premier des maux que les
Soeiétés d'assistance mutuelle devaient avoir pour
mission de soulager. Aussi la promesse de secours
aux sociétaires malades, blessés ou temporairement
infirmes, est la premiare clause d'ou naissent, entre
les Sociétés et leurs membres, des droits et des de-
voirs respectifs.


Le droit du sociétaire est d'obtenir le secours pro-
mis; mais il ne peut y prétendre qu'autant qu'il se
trouve dans les conditions exigées par la Société,
c'est-a-diro :


lo Si son adrnission a été réguliere;
20 S'il a acquitté intégralement la cotisation fixée


par les statuts;
30 Si l'état de maladie ou d'infirmité dont il se


plaint est réel.
Le secours aceordé consiste généralement :
lo Dans l'assistanee gratuite d'un médecin,
20 La fourniture également ¿ratuite des remedes,
30 Le payement d'une indemnité quotidienne des-


tinée a remplacer, autant que possible, le salaire que
le soeiétairegagne en état de santé,


Le soulagement qu'il recoit est done aussi complet
qu'il peut le dósirer; rien ne lui manque de ce qui doit
le rendre a la santé; non seulement des soins éclairés
lui sont prodigués, mais il voit sa famille mise a
l'abri des privations par I'allocation pécuniaire qu'il
obtient pendant toute la durée de sa maladie.


De tels avantages ne sont-ils pas de nature a attirer
ver s les Sociétés de seeours mutuels máme les hom-




- 307 -
mes les moins soucieux de leur bien-étre et de celui
de leur famille? Mais plus le bienfait est grand, plus
il importe de le restreindre aux seuls cas légitimes.
Or, il existe des sociétaires qui, dans leur intérét per-
sonnel, se créent une morale singuliere. I1s s'imagi-
nent' qu'il n'ya aucune improbité a simuler quelque
indisposition ou a prolonger une convalescence au-
delá du temps nécessaire, pour se faire accorder ou
maintenir l'indemnité de maladie, et se donner ainsi
un loisir fructueux aux dépens de la Société.


Ils oublient que les ressources sociales, formées
par les cotisations de chaque membre, n'on t d'autre
but que de soulager des maladies ou des infirmités
réelles.; que ce n'est pas pour favoriser la mollesse
qu'on s'impose des sacrifices, mais pour venir en aide
au travailleur honnéte , interrompu centre son gré
dans sa tache laborieuse; et qu'enfin chaque associé
est tenu de ménager le patrirnoine commun, comme il
le ferait de ses propres ressources.


Agir autrement, c'est détourner le bien d'autrui,
compromcttre la prospérité de tous, préparer la ruine
de la Société, et s'exposer soi-rnéme aperdre, par une
expulsión méritée, le fruit des cotisations qu'on a
versées.


Ces vérités é!émentaires ne sauraicnt etre trap ré-
pétées. La base du contrat de Société est la loyauté
des contractants. Sans loyauté.I'association n'est pas
possible; avec la fraude naít le soupºon; les bons rap-
ports se troublent; la défiance fait place a l'estime et
a la concorde; l'entreprise commune dégénere et mar-
che a sa ruine, amoins qu'on n'expulse au plus tót les
sociétaires indignes qui méconnaissent leurs obli-
gations.




-'- 308 -
Nous n'hésitons pas a le dire , quelques associa-


tions comptent des sociétaires dont l'éducation morale
est a refaire. C'est surtout parmi les femmes que les
habitudes d'une stricte délicatesse ont le plus de
peine a ~tre mises en pratique. Nous tenons de bonne
source, qu'elles se font rarement scrupule de reeourir
a la ruse ou a l'obsossion, dans l'espoir d'arracher
aux médecins des prescriptions eomplaisantes qui
prolongent, avee leur repos, le payement de l'indem-
nité de maladie.


Des mesures rigoureuses doivent done étre prises
pour emp~cher que des soeiétaires indélicats se repo-
sent aux dépens de la eaisse eommune, en alléguant
mensongerement les exigenees de leur santé.


Ainsi, poin t de secours pour les indispositions qui
ne durent que deux ou trois jours, parce que la fraude
trouverait trop de facilité a s'exercer, et que la débau-
che et l'intempérance obtiendraient parfois, pour les
malaises qu'elles entrainent , les soins qui doivent
~tre réservés aux souffrances fortuites et imméritées.


Point de secours au sociétaire qui u'est pas assez
malade pour ne pouvoir travailler, et des lors : sup-
pression immédiate de toute indemnité a .celui qui,
inserit comme malade, est trouvé travaillant.


Ces regles ont été adoptées par les Soeiétés qui se
montrent les plus empressées de maintenir parmi
leurs membres, une discipline sévere, et une stricte
bonne foi. Mais elles ne peuvent étre observées, ainsi
que toutes autres mesures propres a assurer la fidóle
exécution du contrat, qu'avee l'aide et l'influence du
médecin.


Ici nous touchons a l'une des conditions fondamen-
tales de la prospérité des associations.




- 309 --


n.


Le role du médecin, vis a vis des Sociétés de se-
cours mutuels, n'a pas toujours été compris, ni par
les Sociétés elles-mames, ni par les membres du corps
médica\.


Aucune mission ne présente plus de difficultés et
n'exige plus de délicatesse, d'expérience et d'inté-
grité. Il importe d'en examiner de pres le caractere et
l'étendue.


Le champ ouvort a l'action du médecin dans une
Société de secours mutuels, diffsre essentiellement
de celui OU il exerce sa pratique habituelle. Il n'est
plus en face d'un client ordinaire. Il n'a plus aappré-
cier seulement les besoins, les convenances, les fan-
taisies du malade, De sa décision sur l'état de souf-
france allégué par un sociétaire, dépendra le droit de
celui-ci a une indemnité quotidienne, prise sur les
fonds de la Société, c'est-a-dire, sur le patrimoine de
tous les associés.


La rléclaration de maladie devient le poin t de départ
d'un profit pour le malade et d'une charge pour la
Socié té. Deux intéréts fort délicats, mais non moins
respectables, sont ainsi en présence, et se trouvent
confiés a l'appréciation du médecin.


Seul, investi de la confiance de tous, il a pour mis-
sion de discerner et de protéger les droits de chacun.
Seul il commande a la caisse de s'ouvrir ou se fermer.
Ses décisions souveraines obligent tous les intéressés,
et pour qu'elles ne soient jamais ni suspectées, ni dis-
cutées, elles doivent etre marquées aux yeux de tous
du sceau d'une inaltérable équité.




- 310-
Pour peu qu'il méconnaisse ou froi sse les droits


respectifs; pour peu que, par faiblesse ou condescen-
dance, il ménage l'un des intéréts dont il est le juge
et le protecteur, sa parole inspirera la défiance, son
autorité sera bientót méconnue, la fraude se donnera
carriere, le désordre et l'injustice s'introduiront au
sein de la Société qui se verra contrainte de confier a
un arbitre, plus impartial ou plus éclairé, le soin de
concilier ce qui est dü achacun et ce qui appartient a
tous.


Mais s'il justifie la confiance commandée par son
caractere et sa mission, une carriere sans limite est
ouverte ason action bienfaisante.


Gar::lien de la santé de tous les sociétaires, juste et
économe dispensateur du fonds social, il concourt it
leur bien-étre individuel el a leur prospérité soeiale,
il favorise l'essor de leur institution, il assure sa ri-
chesse et sa durée. Témoin impartial, il démasque les
manceuvres tentées par les sociétaires indélicats, pour
détourner a leur profit, sous prétexte de maladie, les
ressources communes; il déjoue leurs intentions dé-
loyales, illes ramene au respect et a l'observation de
la foi jurée. Pénétrant, comme il en a le droit, jusque
dans leur conscience, il devient leur conseil, leur sou-
tien contre les suggestions mauvaises; il est le garant
de la sincérité des uns et de la sécurité des autres.
Par l'effet de sa vigilance tutélaire, chacun ne de-
mande et ne recoit que ce qui lui est dú ; tous les
droits sont respeotés, tous les intér éts sont satisfaits,
et une noble émulation se manifeste dans l'accom-
plissement des devoirs qu'impose le titre de soeié-
taire.


Le médecin est done l'auxiliaire, l'áme des Sociétés




- 311 -
de secours mutuels. Son action si décisivo, sur le sort
de ces institutions, lui danne une infiuence nouvelle
sur la régénération physique et morale de la classe
ouvriere, et lui assigne une tache unique dans l'osuvre
du progres et de la civilisation.


III.


Cette táche est-elle incompatible avec les tradi-
tions et les devoirs de la profession médicale '1


Qui pourrait raisonnablement le penser? La con-
naissance du cosur humain, l'indépendance, I'inté-
grité, la prudence ne sont-elles pas les vertus habi-
tuelles que comporte la pratique de l' art de guérir '1


Enfin, serait-il contraire a la dignité ou aux conve-
nances profcssionnelles de nos praticiens, qu'un cer-
tain nombre d'hommes réunis en un seul corps par un
intérét commun, par la similitude des professions et
l'identité des conditions hygiéniques qui en résultent,
vinssent leur confier le soin de veiller sur leur santé,
leur bien-étre, leur bonne foi mutuelle, et la récipro-
que fidélité au pacte qui les lie! Cette marque de con-
fíance, cette extension donnée a l'autorité habituelle
du médeoin, ne doivent-eUes pas fJtre accueillies par
lui avec un ardent empressement, comme le moyen
nouveau et longtemps cherché de faire marcher de
front, au sein des populations, la santé du corps
aveo la droiture de l'áme, 1'observation de l'hygiene
avec la tempérance, la régularité des mceurs avec
l'amour du travail, le respect de soi-müme et d'autrui?


Le médecin n'est-il pas désormais armé du pouvoir
certain de transformer les habitudes de la classe ou-




- 312-
vriere, de refaire son éducation physique et morale,
de la soustraire a la tyrannie de la débauche, aux sug-
gestions perfides de la misere, aux préj ugés de l'igno-
rance, de stimuler chez elle les principes d'ordre, de
travail, d'économie, et de préparer au paysdes géné-
rations plus saines et plus robustes?


Que le titre de médecin d'une Société de secours.
mutuels soit done aux yeux de toutes les classes de
eitoyens, corume aux yeux oe celui qui en est investí,
un titre honorable par excellence, puisqu'il comporte
l'aecomplissement de si grands devoirs et d'une si
utile mission.


Que le corps médical applaudisse a l'extension des
Sociétés de secours mutuels, qui lui attribue une au-
torité nouvelle, et qui place sous sa seule direction
des populations entieres, désormais soustraites a la
tyrannie des empiriques.


Du jour oü un nombre sans cesse croissant d'asso-
ciations fera exclusivement appel aux lumieres et au
zele du corps médical, que restera-t-il au charlara-
nisme? Oú trouvera-t-il des du pes et des victimes?


Ainsi, tandis que les Sociétés de seeours mutuels
attendent du zele éelairé des médeeins les conditions
fondamentales de leur prospérité; par un juste retour,
elles sont appelées aétendre le damaine de la pro..;
fession médicale.


Quelles que soient done les difficultés que souleve
l'organisation du serviee de santé au sein des asso-
ciations, une entente semble faeile entre elles et les
médeeins, puisque de leurs relations doit naitre, par
la force ruéme des ehoses, un mutuel appui et un
profit eommun.


Cependant, il faut le reeonnaitre, l'établissement




- 313-
dos Sociétés de secours mutuels a jeté, des le prin-
cipe, un certain trouble dans l'exercice de l'art de
guérir, et a gravement bouleversé les conditions
d'existcnce d'un grand nombre de médecins.


La plupart se plaignent que les associations, en
confiant exclusivement a un seul d'entre eux ou a
quelques-uns le soin de leurs membres, déplacent la,
clientele, et I'enlevent aux uns POUl' la concentrer arbi-
trairement aux mains de quelques privilégiés,


I1s ajoutent, que les conditions de rémunération
offertes par les Sociétés sont souvent inférieures aux
services rendus, incompatibles avec la dignité pro-
fessionnelle, et néanmoins acceptées trop souvent par
nécessité au détriment dé la considération et de l'in-
tér~t du corps médica!'


Ces plaintes reposent sur plusieurs faits, mais on
ne saurait nier que, dans diverses localités, des situa-
tions honorables n'aient été froissées ou compro-
mises.


On pourrait, a la vérité, objecter qu'il en est ainsi
fatalement de toutes les institutions humaines ; que
les lois générales sont faite s au profit de tous, sans
égard au préjudice qu'elles peuvent porter a quelques-
uns, et qu'on voit tous les jours l'intérét privé le plus
respectable contraint de céder aux exigences d'une loi
plus forte : celle de l'in térét publico


Mais, outre que l'intérét du corps médical tient dans
la Socióté un rang trop élevé pour qu'il soit permis de
l'assimiler entierement a un intérét individuel, et
d'écarter ses réc!amations par une semblable fin de
non recevoir, nous croyons qu'une étude attsntive


. des conditions légales et équitables du service de
santé au sein des associations, démontrera qu'un




-314-
accord parfait est susceptible d'exister entre l'mtérét
des médecins et celui des Sociétés, et que si quelques
froissements, quelques troubles Iácheux peuvent en-
core atteindre certaines existences, ce sont des faits
exceptionnels et transitoires, qui disparaí'tront a me-
sure que le progres suivra son évolution normale.


Recherchons donc cornment doit ~tre organisé le
service médical dans les Sociétés de secours mutuels,
et ace poini de vue, étudions quels sont les droits et
les devoirs des Sociétés.




CHAPITRE XVIII.


DU CHOIX DES MÉDEClNS. - DROITS DES SOCIÉTÉS VIS A VIS
DES SOCIÉTAlRES ET DES MÉDECINS.


SOM~IAlRE.


§ ler. - A qui appartient le choix des médecins dans les associa-
tions de secours muluels? - Intéréts divcrs qu'il faut consulter.
- Considérations invoquées en faveur des sociétaires.


§ II. - Intérét des Sociétés. - Motifs nombrcux et décisifs qui
doivent leur faire, attribuer le choix des rnédecins.


§ II!. - Intérét du eorps médica!' - Considératíons préscntées
en son norn contrc le droit absolu des Sociétés, - Elles ne sau-
raient, en principe, prévaloir eontre ce droit. _.- te dévcloppe-
ment des Sociétés de secours mutuels est favorablc bien plus que
nuisible au eorps médica!' - Ses effets relativement a l'exereiee
illégal de la médecine .


1.


La premiare question qui s'éleve est celle-ci: A qui
doit appartenir le choix des médecins chargés de vi-
siter les sociétaires malades?


Au premier abord, une solution unique semble dif-




- 316 --
ficile. En effet, les sociétaires individuel1ement con-
sultés veulent qu'on leur laisse ce choix. - Les So-
ciétés, au contraire, le revendiquent. - Les médecins
unissent leur voix a celle des sociétaires, et deman-
dent pour ceux-ci une liberté complete.


Sur quelles considérations s'appuient ces préten-
tions diverses?


Dans l'intéret du sociétaire, on dit : Il faut que le
malade ait confiance en son médecin; la confiance
es! le plus puissant auxiliaire du traitement. Si au
lieu du praticien de son choix, qui connait ses habi-
tudes et celles de sa famille, et auquel il est peut-
étre déja lié par la reconnaissance, le soeiétaire voit
s'asseoir pres de son lit le médecin que la Société lui
impose, qu'il ne connait pas, et auquel il est aussi
inconnu, ne le recevra-t-il pas avec un sentiment de
défiance et méme de répulsion? Il sera certaine-
ment moinscommunicatif, plus exigeant, plus diffi-
cile a traiter, plus rebelle aux prescriptions; le trai-
tement sera moins suivi, moins efficace, la guérison
souvent plus lente et la maladie plus coílteuse.


Il est done inutile et des lors arbitraire et dange-
reux de briser les liens de sollicitude et de eonfiance
existant entre les sociétaires et l'homme de l'art qui
habituellement les visite, pour les contraindre a subir
le médecin, souvent plus jeune, et des lors moins ex-
périmenté, que la Société a investi du monopole de sa
confiance.


« Ne faut-il pas, )) s'écrie le digne président d'une
des plus anciennes Sociétés de Paris, « savoir s'élever,
« acette occasion, jusqu'a I'application des principes
« d'un ordre supérieur? Ils consistent ioi dans la né-
« cessité de sauvegarder la liberté, la responsabilité




- 317-
« humaine, qui doivent toujours €Hre respectées par'
« les associations de secours mutuels.


u En améliorant les conditions de moralité et de
« sécurité des travailleurs, qu'elles appellent dans
u leur sein, pour les assurer contre les éventualités
« redoutables de la vie et de la mort, elles doivent
« changer le moins possible pour eux les relations et
« les habitudes ordinaires de la vie générale du
« pays (1). »


D'autre part, des intéréts professionnels sérieux
exigentqu'on n'enleve ras a la clientele générale des
médecins d'une localité un nombre croissant de fa-
milles, pour en composer, au profit de quelques-uns
et souvent d'un seul, une clientele exceptionnelle et
pri vilégi ée.


En résumé : Contrainte imposée au malade, mono-
pole introduit dans l'exercice de la médecine, viola-
tion de la liberté individuelle et professionnelle, telles
seraient, dit-on, les conséquences du choix des mé-
decins attribués exclusivement aux Sociétés.


n.


Mais celles-ei invoquent, dans leur intérét, des
considérations nombreuses.


S'adressant d'abord aux sociétaires : Qu'est- ce
qu'une association de secours mutuels, disent-elles,


(1) Considéralions sur le service médica! el pharmaeeulique des
Sociétés de secoursmutuels, par M. Vée, président de la Société du
íuubourg Saint-Denis. -- Bullelin des Sociétés, alinee 1859, p. 87.




- 318
sinon la réunion d'un certain nombre de personnes
voulant obtenir abon marché des secours et une in-
demnité en temps de maladie, et une pensión de re-
traite pour leur vieillesse?


L'intérét général ne differe done pas ici de l'intérét
privé de chaque membre. Il ne poursuit pas d'autre
but que celui-Ia méme auquel tendent les sociétaires
individuellement,


Il s'agit d'assurer atous les mémes avantages et d'y
faire participer alternativement ceux qui se trouveront
dans les conditions prévues pour y avoir droit.
'_ Ce que la Société décide et réalise a cette fin, est
done, en général, ce qui convient et répond le mieux a
l'intention et a I'intérét de tous les membres.


Elle a non seulement le droit, m ais le devoir d'a-
dopter les mesures qu'elle croit les plus propres a sa-
tísfaire au vosu général. Il lui appartient ainsi de
choisir le médecin qu'elle doit rémunérer, et auquel
elle confie le soin de veiller sur le bien-étre des socié-
taires, sous la condition de ne leur attrihuer les se-
cours promis que dans les cas strictement prévus.


Le médecin ayant, tout ala fois, la garde de la santé
de chacun et du patrimoine de tous, étant seul appelé
adéclarer quand la caisse doit s'ouvrir au profit du
sociétaire, ne saurait étre choisi parcelui-ci, précisé-
ment quand ses convenances personnelles peuvent se
trouver opposées a l'intérét des autres et au but de
l'institution.
L~ soeiétaire qui se dit malade a t-il done a erain-


dre un refus de seeours ou des soins moins vigilants,
moins dévoués de la part du médecin élu par la 80-
eiété que de la part de celui qu'il aurait désigné lui-
méme ? -lVIais l'intérét me me de la Soeiété exige que




- 3'19-
ses mernbres soient soulagés le plus promptement
possible et de la maniere la plus complete.


Le sociétaire malade peut-il désirer autre chose?
amoins que ce ne soit une condescendance injuste
pour des plaintes exagérées ou des malaises simulés ?


Faut-il s'arréter a des préférences personnelles?
Mais le sociétaire a dú, a cet égard, faire le sacrifice
de son goüt particulier, lorsqu'il a demandé son in-
corporation a la Société, dans le but de recevoir d'elle,
gratuitement, des secours médicaux, une indemnité
de maladie, et plus tard une pension de retraite.


C'est a ceux qui aspirent a faire partie d'une Société
de peser l'étendue du sacrifíee qu'elle leur demande,
et. de voir s'i l leur est préférable de refuser les avan-
tages qu'elle leur permet, pour s'en tenir aux soins
du médecin qu'ils connaissent. L'option étant faite,
l'adhésion étant donnée aux statuts de l'association,
leur exécution est obligatoire : nul ne saurait s'y sous-
traire ni s'en plaindre.


En réalité, d'ailleurs, particuliéremen t dans les
associations exclusivement ouvrieres, il est bien rare
que les sociétaires souffrent de se voir imposer un
médecin qu'ils n'ont pas choisi.


La plupart, sous les drapeaux ou dans la vie civile,
ont pris l'habitude de recaurir a un service médical
dont le personnel ne dépend pas de leur choix. Sui-
vant le temps et les circonstances, ils ont reeu les
soins des médecins de leurs régiments, des hópitaux,
des dispensaires et des bureaux de bienfaisance. D'au-
tres méme sesont contentés des lumieres des empi-
riques et des somnambules. C'est donc, pOllr eux, un
.avantage nouveau et inappréciable que de pouvoir se
confier au zele d'un hornme de l'art spécialement




- 320-
choisi, qui s'intéressera a leur famille, qui leur don-
nera de bons conseils, et mettra tout son zele a leur
procurer une prompte et complete guérison.


Ceux qui, exceptionnellement, auraient été jus-
qu'alors en rapport avec un médecin particulier, au-
ront-ils a redouter que celui qui leur est envoyé par
la Société ne les traite pas avee autant d'expérience .
et de süreté, paree qu'il est tout d'abord ótranger a
leur famille et qu'il n'en connaít pas immédiatement
les habitudes et les eonditions hygiéniques dans le
passé et le présent? Mais par les renseignements qu'il
saura obtenir, il ne tardera pas a ¡Jtre éolairé, et il est
d'ailleurs, a un autre point de vue, dans une situation
bien plus favorable que tout autre de ses confreres,
pour appréeier les causes et le caractere de la m aladie
dont le sociétaire se dit atteint.


N'est-il pas, en efíet, hors de doute, que le médecin
qui voit eonstamment une série de malades apparte-
nant a la méme Soeiété, souvent a la méme profes-
sion, habitant quelquefois le méme quartier, et placés
dans des conditions apeu pres identiques d'hygiéne,
d'aisance et de travail, acquiert une expérience parti-
culiere des afi'ections diverses auxquel1es ces sooié-
taires sont sujets, ainsi que des cireonstances qui les
provoquent et les propagent, et des moyens les plus
prompts et les plus sürs pour en triompher ?


Il faut done reconnaítre que de toutes les objeetions
présentées en faveur du sociétaire centre le ehoix des
médecins par les Sociétés, pas une n'est fondée, et
qu'au contraire, il est de l'intérét réel et bien entendu
du sociétaire, comme de la Socié té, que celle-ci choi-
sisse seule les médecins qu'elle verit investir de la
double mission de sauvegarder et de concilier ce qui
est dú a chacun et a tons.




- 321 -
D'oú il faut conclure qu'une appréciation erronée


a pu seule inspirer, au président de l'une des Sociétés
municipales de Paris, l'affirmation suivante :


«Parmi les causes qui peuvents'opposer aux pro-
« gres de I'association dans les classes ouvriéres, on
" doit, trée-éuidemmesit, placer la nécessité qu'im-
ce posent généralementles Sociétés a leurs membres
« de recevoir les soins du médecin qu'elles ont choisi
« et désigné d'avance pour ce service (1). »


S'il en était ainsi, s'il était vrai que dans quelques
localités, la classe ouvriere se tint éloignée des asso-
ciations, par le seul motif que celles-ci se réservent le
choix de leurs médecins, ce fait serait le résultat d'un
préjugé íácheux qu'il faudrait combattre, loin de I'en-
courager.


Rappelons donc, en toute occasion, que l'intérát in-
dividuel de chaque sociétaire n'est nullement opposé
a celui de la Société, lequel n'est autre chose que l'in-
térét collectif de tous les sociétaires.


Si les personnes qui veulent faire partie d'une asso-
ciation comprennent bien que le premier devoir des
associés, comme la premiere condition de succes de
I'institution, est la loyauté stricte de chacun, elles re-
connaitront que cette loyauté est moins susceptible
de défaillir et l'équité bien mieux sauvegardée, quand
le sociétaire se trouve en présence du médecin choisi
par l'association, et qued'autre part, le malade n'a a
courir le risque d'aucune négligence de la part d'un
homme qui, par son habileté et son caractere , a été
jugé digne de veiller a la fois sur la santé et les inté-


. (1) M. Véc. - Bulletin des Sociétés de secours mutuels, année
1859, p.67.


21




- 322-
réts des sociétaires, et qui ne peut mieux s'acquitter
de ce devoir qu'en prodiguant aux malades les secours
les plus empressés et les plus capabies d'assurer leur
prompt retour ala santé.


En vain éleverait-on cette objection supréme, que
le róle du médecin, quelles que soient les exigences
des associations, ne comporte pas d'autreobligation
que celle de soigner consciencieusemen t le malade;
de refuser tout secours a une indisposition feinte ou a
une convalescence inutilement prolongée, de ne sui-
vre en un mot que la voix de la vérité, sans s'inquié-
ter de ce qu'il en peut résulter, que des 101's l'intérét
de la Société est pleinement sauvegardé, lorsque le
médecin choisi par le sociétaire est un homme ho-
norable, consciencieux, éclairé, incapable de préter la
main a une injustice, et qu'il accepte, d'ailleurs, le
mode de rémunération en usage dans la Société.


L'expérience et la raison réponden t a ce dernier ar-
gument, qu'aucun médecin, quelque habile, indépen-
dant et dévoué qu'on le suppose, ne réunit en sa per-
sonne assez d'autorité pour concilier, a la fois, ce qui
est dú a la Société et au sociétaire malade, s'il n'est
pas, aux yeux de celui-ci, l'élu et le mandataire de
tous ses co-intéressés, le gardien de l'intérét commun,
en un mot, le représentant de l'association.


Il faut, en efl'et, vis avis du malade, invoquer bien
plus souvent qu'on ne le croit, l'intérét de ses co-so-
ciétaires et la foi due par lui au pacte social, pour lui
fáire accepter les .~écisions qui froissent ses eonve-
nances ou ses capnces.


Quel égard le médecin aurait-il aux intéréts d'une
Société qu'i l connalt a peine, dont la prospérité n'est
pas son osuvre, dont il n'a étudiá ni l'esprit, ni le




-- 323 -
reglement? - Ne ser ait-il pas involontairement en-
trainé par une certaine condescendance envers le so-
ciétaire qui I'a fait appeler, qu'il connait seul, et
auquel il a peut-€ltre déjiL prodigué des soins ? De la
des satisfactions dispendieuses accordées aux désirs
du malade, des visites plus nombreuses, des médica-
ments moins économiques, et peut-étre superflus,
enfin un traitement prolongé au-dela du temps stric-
tement nécessaire au grand détriment de la bourse
commune.


Et comment en serait-il autrement, quand on a vu
parfois, mérne les médecins choisis par les Sociétés,
oublier les exigences légitimes de la caisse sociale, et
se laissant gagner par les prieres du malade ou de sa
famil1e, « obéissant a des sentiments qui s'emparent
« a leurinsu des cceurs les plus honnétes , par con-
« descendance, par faiblesse, encourager la mollesse
« au lieu de la combattre, et rendre toujours plus
« onéreuses, par conséquent, certaines convales-
« cences (1). })


Enfin, quel usage les sociétaires feraient-ils de la
latitude qui leur serait Iaissée de ne plus s'adresser
aux médecins de la Société ? « Par caprice plutót que
« par nécessité, il arrivera que tel sociétaire changera
« son médecin toutes les fois qu'il Ie pourra j tel au-
« tre, trouvant chez le docteur de son choix une juste
« sévérité pour signer la feuille d'indemnité des jours
« de maladie, ou peu de complaisance pour satisfaire
« sa nosomanie, changera lui aussi son médecin,
« jusqu'a ce qu'il ait trouvé celui qui lui convient, et


(1) Rapport de M. Delangle, président de la Soeiété munieipale
du ter arroudisscment de París. - Bulletin de t857, p. 19.




- 324-
« celui qui lui convient n'est pas celui qui convient a
« la Société (1). »


Le droitdes Sociétés de choisir leurs médecins résiste
done a tous les raisonnements, et ne peut étre com-
battu que par ceux qui méconnaissent le véritable
intérét des sociétaires.


Les faits, presque partout, donnent raison ace "ys-
teme. « Quelques mois s'étaient a peineécoulés, dit
« le présiden t de la Société de Thionville, dans un de
« ses rapports (2), que déja de facheux symptómes se
« manifestaient dans l'état de la caisse sociale. Il
« était évident qu'avec le systeme que nous avions
« adopté de.la pluralité des médecins choisis par les
« sociétaires, et rémunérés par visites et ,par opéra-
« tions, il n'y avait qu'a compter le peu de jours.qui
« nous restaient avivre. »


Desrésultats identiques ont été constatés dans 18
Bulletin des Sociétés de secours mutuels, a l'égard
d'un grand nombre d'association s (3).


A Lyon, le choix du médecin par les Sociétés ost
généralement adopté et ne parattpas avoir soulevé
de plaintes sérieuses parmi les sociétaires.


In.


Il reste aexaminer si l'intérét du COI:PS médical, en
supposaut qu'ilsoit lésé par I'attribution aux Sociézés


(1) Du ser-vice médical et phaemaceutique, par M. le docteur
Fournier. - Bulletin de 1860, p. 259.


(2) Hulletin des Soeiétés de seeours mutuels, année 1858,1'.263.
(3) Id. - Année 1856, p. 258.




- 325-
de la faculté de choisir leurs médecins, suffirait pour
déterminer ou contraindre celles-ci a s'en déposséder:


Une telle prétention seraitinadmissible. Jusqu'a ce
jour personne n'a eu la pensée de contester aux Com-
pagnies industrielles, aux grandes administrations,a
certains établissements manufacturiers, en un mot,
aux nombreuses institutions qui, par leur situation
légale,constituent des etres moraux,le droit de choisir,
comme un simple particulier, un ou plusieurs méde-
cins, pour leur confier le soin de leur personuel.


Comment le COl'pS médical, gui ne se sent pas lésé
par l'exercice de cette faculté de la part des Sociétés
industrielles, en souffrirait-il davantage de la part des
Seciétés de secours mutuels?


Qu/il n'oublie donc pas que si, dans certaines loca-
lités, la situation de quelques-unsde ses membres est
actuellement froissée, ce trouble est passager, et que
l'extension indéfinie des Sociétés de secours mutuels
est d'ailleurs le moyen súr et unique de cornbattre et
d'éteindre le charlatanisme.


Cen'est, en effet, ni la sévérité des tribunaux, ni les
interprétations favorables de la loi par la jurispru-
dence, ni méme les réformes Iégislatives qui parvien-
dront, d'une part, a vaincre les préjugés de l'igno-
rance; d'autre part, a anéantir l'audace et a déjouer
les manosuvres de ceux qui vivent de la crédulité pu-
blique.


Malgré les plus séveres répressions, les empiriq ues
auront toujours poul' complice le public qu'ils trom-
pent, etqui demande a étre trompé. Vnlgusvult decipi.
C'est done dans le cceur humain et les mosurs des 1'0-
pulations qu'il faut opérer une réforrne. C'est la, plutót
que dans les codes et les arréts, qu'il importe de faire




- 326-
prévaloir le droit absolu de l'art médical ala confiance
et a la reconnaissance de l'humanité.


Par quel moyen obtiendra-t-on ce résultat? - Par
les associations de secours mutuels. Elles seules peu-
vent enrégimenter les masses, lcs former en groupes
suivant l'identité des professions ou la résidence des
membres dans les mémes lieux, et les confier a la
sollicitude exclusive du corps médica!'


Bien plus, elles attendent de son zele., non-seule-
ment les soins nécessaircs aux malades, mais une
équitable direction dans l'attribution des secours pro-
mis, et une infiuence souveraine sur la bonne foi, et la
moralité des sociétaires.


Ainsi, elles ne se contentent pas de rendre au corps
médical les clients que lui enlevaient les manosuvres
du charlatanisme, elles étendent son empirs sur les
masses, et veulent qu'elles soient sournises a ses
sages conseils, a son inf1uence moralisatrice aussi
bien qu'a ses prescriptious thérapeutiques.


Ainsí, il serait inexact de dire que les Sociétés de
secours mutuels sont autant de coalitions qui s'éle-
vent contre les intéréts de la profession médicale; le
contraire seul est vrai : elles ne sont des coalitions
que contre le charlatanisme.


Que leur prétention de choisir leur médeein et de
l'imposer a leurs membres eesse done d'exciter des
alarmes ou des méfiances ehez les sociétaires ou chez
les médeeins, puisqu'elles n'ont en vue de léser l'in-
térét ni des uns et ni des autres, mais de réaliser une
osuvre de justice, de moralisation et de progreso


Toutefois, iln'en peut étre ainsi qu'autant qu'elles
observent dans la pratique des conditions diverses que
nous allons examiner.




CHAPITRE XIX.


DRVOIRS DES SOCIÉTÉS VIS A VIS DES MÉDECINS ET DES
SOCrÉTAIRES.


SOMMAIRE.


§ rer. - Conditions que les Soeiétés ont aobserver dans le ehoix
de leur médeein.


§ Il. - Rémunération des médecíns. - Divers systemes en usage.
- 1° Traitement fixe unnuel. - 2° Abonnement.-- 3° Rémunéra-
tion pUl' visite. - Critiques diverses dont res systémes sont
l'objot:


§ 1IJ. - Leur résultat réel est essentiellement variable. - Cas
dans Iesquols tel ou tel systérne est profitable aux Soeiétés ou aux
médeeins. - Néeessité de n'en proscrire aucun, et d'en subor-
donner l'adoption aux circonstances. '- Héponse aux ohjections
du eol'ps médicaJ. - L'uutorité des médecins vis a vis des so-
ciétaircs HC peut étre amoindrie par I'adoption de tel ou tel systérne
de rémunération.


§ IV. -- Du chiffre des honoraires par visites, par abormement ou
par traitemcnt fixe. - Impossibilité d'aucune regle absolue. -
Considérations qui doivent dominer les conventions des Sociétés
avee les médecins. - Du reeours de ccux-ci aux associations mé-
dicales.


\




- a28-


1.


S'il est rationnel de laisser aux Soeiétés le libre
ehoix de leurs médeeins, il ne 1'est pas moins de su-
bordonner 1'exercice de ce droit a certaines obliga-"
tions.


Les Soeiétés doivent a leurs membres et au corps
médical Iui-méme de ne s'adresser qu'aux hommes de
l'art, qui, par leur caractere, leur zele et leurs lu-
rnieres, leur paraissent réunir les garanties indispen-
sables pour l'accomplissement de la mission délicate
qui leur est confiée.


Aueune raison d' économie, aueun esprit de systeme,
aueune considéi ation indépendan te de la valeur per-
sonnelle ne saurait influeneer leur choix, Entre les
doeteurs en médecine et les officiers de santé, l'hési-
tation ne peut /ltre permise. Comment se justifierait la
préférence accordée acelui dent les études restreintes
accusent des capacités moindres, et a qui la loi elle-
méme ne permet la pratique de l'art médical que dans
certaines limites? Il importe dono que les officiers de
santé ne soient appelés qu'a défaut de docteurs exer-
cant dans la localité (1).


Nous avons entendu émettre l'idée d'instituer des
concours pour la nomination des médecins des So-


(1) D'aprés l'art, 29 de la loi du 29 ventose, an XI (10 mars 1803),
les officiers de santé ne peuvent exerccr leur art que dans le dé-
parternent oú ils out été exarninés par le jury médical, et il leur est
interdit de pratiquer les grandes opérations chirurgicalcs S31lS 11I
surveillance et l'inspection d'un doeteur.




- 329 0-
ciétés de secours mutuels. Ce projet a besoin d'ét1'6
müri , sa réalisation rencontrerait des difficultés nom-
breuses.


Nous ferons observer a cet égard qu'aucune ana-
logie n'existe entre la mission que remplissent les mé-
decins au sein des associations, et les services aux-
quels ils sont appelés dans les hópitaux par le suenes
des concours,


La, les conditions indispensables sont avant tout la
supériorité scientifique et la facilité oratoire. Les qua-
lités de l'esprit décident apeu prss seules de la réus-
site' des candidata. °


Les Sociétés de secours mutuels demandent rnoins
d'éclat, autant d'expérience et de j llg'ement, mais aussi
certaines quali tés de caractere : une douce bienveil-
lance vis-a-vis des sociétaires malades, une égale
indépendance vis-a-vis de l'association et de ses mern-
bres, une fermeté absolue dans les décisious,


Comment soumettre au concours l'appréciation de
ces qualités de I'árne? et, a défaut d'une autorité súre
qui les désigne, les Sociétés elles-mémes, par l'organe
de leur Conseil d'administration, aI'aide d'investiga-
tions prudentes, et sur le renom d'honorabilité qu'on
ne parvient que rarement a usurper, ne sont-elles pas
mieux, que qui que ce soit.aptes a choisir deshommes
de l'art a la hauteur du service qu'elles leur deman-
dent?


Mais, pour que leur choix soit légitime aux yeux du
corpsmédical comme aux yeux de leurs membres, Í'l
ne doit s'inspirer que du désir de donner aux socié-
taires un médecin digne de toute leur confianceet de
leur.respect.


Leur premiere obligation, apres avoir librement ao-




- 330
compli ce choix, c'est d'exiger pour celui qui en est
l'objet un tribut de soumission et de déférence don t les
membres du Bureau et du Conseil d'administration
doivent surtout donner l'exemple.


C'est pour avoir méconnu ces príncipes que cer-
taines associations se son t vues exposées a des con-
flits fácheux entre leur médecin et les sociétaires. Une
confiance absolue, résultant d'un choix éc!airé, et jus-
tifiée par un mérito réel, écartera toujours ces malen-
tendus si funestes a la dignité médicale, et a I'intérét
véritable des sociétaires.


Enfin, elles ont un autre devoir a remplir, c'est de
rémunérer le concours des médecins aussi can vena-
blement que possible, soit quant au mode, soit quant
al'importance de la rétribution.


n.


Divers modes de rémunération sont en usage : 1° les
traitements fixes ; 2° les abonnements annuels déter-
minés par le nombre des sociétaires; 3° la rétribution
par visite.


Ces trois systernes ontété l'objet de critiques tres-
vives et parfois contradictoires.


Une condition qu'il nous paraít nécessaire d'obser-
ver pour les étudier, c'est de les considérer en eux-
mémes, abstraction faite de la question pécuniaire,
c'est-a-dire de la quotité du chiff're suivant laquelle ils
sont mis en pratique.


Il est évident, en effet, que l'un ou l'autre, excellent
en principe, devient immédiatement susceptible de




- 331 -
léser l'une des parties intéressées, si le chiffre d'apres
lequel il est appliqué se trouve insuffisant ou exagéré.


Nous n'avons done d'abord a les examiner qu'au
po"int de vue de Ieur convenance al'égard des Sociétés,
et El, l'égard des médecins.


Le traitement fixe annuel est surtout en faveur chez
les associations naissantes, ou qui ne comptent qu'un
nombre restreint de sociétaires. Il permet a la So-
ciété de régler son budget sur une dépense prévue, et
au médecin d'apprécier avec une certaine exactitude
si la rétribution qu'on lui offre est en rapport avec le
service qu'on lui demande. De la sorte, aucune sur-
prise de part ni d'autre n'est possible.


Mais ce mode de rémunération une fois adopté ne
sauvegarde les intéréts réciproques qu'autant que le
nombre des sociétaires ne varie pas sensiblement, Si,
au contraire, il vient El, s'élever ou a s'abaisser, l'inté-
ret peut étre lésé d'un cóté ou de l'autre, et il y a lieu
de former une nouvelle convention, c'est-a-díre d'aug-
menter ou de restreindre le traitement primitif.


L'abonnementpar an et par sociétaire convient a un
plus grand nombre d'associations. Il offre a celles-ci,
comme le traitement fixe, le précieux avantage de
connaltre préalablement le montant de la dépense, il
se préte, en outre, a toutes les modifícationsque subit
le nombre des sociétaires.


Cependant ces deux systemes sont l'objet de criti-
ques si vives que nous croyons opportun de les sou-
mettre El, un examen approfondi.


Certaines Sociétés leur reprochent de ne pas proté-
ger suffisamment leurs membres contre la négligence
possible du médecin. Celui-ci, disent-elles, n'étant pas
stimulé par une rémunération proportionnée au zele


/




332 -
qu'il déploie, montrera parfois mí empressement mo-
déré ; il préferera les visites plus fructueuses de sa
clientele ordinaire a eelles qu'il est ten u de faire aux
malades de la Société, et « il se créera de doux loisirs
« al'ombre d'une subvention assurée. »


On ajoute que, dans toutes les Sociétés, il y a des
membres enclins a usar des avantages de l'institution
jusqu'a la limite extreme, et parfois méme aux dépens


. de leurs coassociés, Les sociétaires de cette espece,
toujours hostiles au médecin dont la sincéri té froisse
leurs convenances, s'efforcent de la rendre suspecte,
et ne manquenr pas, lorsq u'il est rétribué par abonne-
ment ou par un traitement fixe, de discuter ou calom-
nier sa juste sévérité, en alléguant qu'il les néglige
POUl' réserver ses soins aux malades dont la rémuné-
ration p'ar visite lui est plus avantageuse.


Ces considérations, de la part des Sociétés (nous le
verrons bientót), n'ont aucune valeur ; mais elles sont
relevées avec vigueur par les médecins, qui préferent
garder leurs habitudes professionnelles en recevant,
comme dans leur pratiq ue ordinaire, une rémunéra-
tia n basée sur le nombre des visites.


Dans la stipulation d'un traitement fixe ou d'un
abormement par tete de sociétaire, ils voient un
tra~'té a forfait contraire aux traditions de leur profes-
sion et a leur dignité personnelle.


Ils estiment que ce mode de rétribution donne á
leurs soins un caractere obligatoire qui les met it la
disposition des malades presque toujours tentés de
croire qu'on ne fait pas assez pour eux. « Les socié-
taires, disent-ils, mon trent en général une exigence
qu'orr ne rencontrepas habituellement chez les autres
malades, Sans cesse préoecupés dudroit qu'ils out




- 333-
aux secours, ils se croient trop souvent fondés a se
plaindre et a exiger des visites plus fréquentes des
soins plus assidus, et une certaine condescendance
a leurs désirs. »


« Le systeme de l'abonnement ou du traitement fixe
dispuse done les associós ane j amais €itre satisfaits du
zele, de l'exactitude et du dévouement du médecin.
Celui-ci est exposé aux plaintes du malade, aux sus-
pieions de la Société, et con train t a soutenir des
diseussions pénibles pour faire respecter ses déci-
sions.


« Enfin, ces deux modes de rémunération ont un ca-
ractere aléatoire qui a pour résultat, lorsque les ma-
lades sont nombreux dans une Soeiété de rendre, les
honoraires du médecin insuffisants et -méme cruelle-
mentdérisoires, si on tient compte du nombre des vi-
sites.


« Le systeme de la rétribution. par visite n'a, au
contraire, quedesrésultats satisfaisants. Il ne permet
plus d'accuserla négligence du médecin. Le socié-
taire auquel une déelaration de maladie estrefusée n'a
rien aobjecter contre une décision dont le désintéres- •
sement est manifeste; les plaintes du malade, faute
d'objet, tombent d'elles-rnérnes. Tout conflit fácheux
est évité, la dignité du médecin n'a a subir aucune
atteinte, et ses habitudes professionnelles sont res-
peetées. »


Mais la majorité des associations répond que l'ho-
noraire, par visite, quelque modéré q u'il soit, place
leurs dépenses dans le champ de l'inconnu, tandis
qu'elles peuvent aisémentéquilibrer .leurs recettes


.avec le montant de l'abonnement ou du traitement
fixe. Elles appréhendent qu'une sol1icitude portée a




- 334
I'extréme ne multiplie les visites de maniere a corn-
promettre leurs ressources , et elles invoquent la né-
cessité, justifiée par l'expérience, de laisser le moins
possible leurs charges. soumises a des éventualités
incertaines.


IlI.


Telles sont les considérations tour a tour inspirées
par l'intérét contraire en apparence des associations
ou des médecins.


y a-t-il dans ce conflit un parti absolu aprendre?
La raison et l'équité se tronvent-elles exclusivement
d'un cóté ou de l'autre? Du choix auquelon se dé-
termine résulte-t-il nécessairement qu'un intérét soit
saerifié?


Nous ne le croyons pas, et nous .allons ten ter d'éta-
blir que ces divers modes de rémunérations ne sont
ras moins équitables; que leurs conséquenees va-


• rient suivant les circonstances dans lesquellesils sont
appliqués, et qu'ils peuvent satisfaire aussi bien les
intéréts et les droits du Gorps médical que des asso-
ciations. ,


Un fait attesté par l'expérienee, c'est que tel ou tel
mode de rémunération devient plus ou moins avanta-
geux pour les médecins ou les Sociétés, suivant que
les maladies se trouvent plus ou moins nombreuses,
plus ou moins langues.


Le résultat final de chaque systeme dépend de eir-
eonstanees essentiellement variables, et ce n'est qu'a-


. pres un eertain espace de ternps que les Sociétés peu-




- 335-
vent contradictoiremen t, avec leur médecin, en appré-
cier les avantages ou les inconvénients.


Les conditions hygiéniques des associations de se-
cours mutuels ne dépendent pas seulement de causes
générales, comme les influences locales et climatéri-
ques, elles sont subordonnées aux professions, al'áge
et mérne aux regles d'admission des sociétaires.


S'agit-il d'une Société, composée de membres jeu-
nes, vigoureux, soumis lors de leur admission a un
examen attentiT, et dont l'état sanitaire se trouve gé-
néralement satisfaisant, elle ne comptera probable-
ment que peu de malades, et elle aura intérét a rému-
nérer le médecin,non par abonnement ni par un trai-
tement fixe, mais d'apres le nombre de ses visites.


Au contraire, si une Société recoit des membres
d'age tres-divers, dont les conditions hygiéniques sont
plus défavorables, soit qu'ils se trouvent exposés par
leur profession ades maladies spéciales, des infirmi-
tés ou des bIes sures, soit parce que lela admission a
été plus facile, la rétribution du médecin par un trai-
tement fixe ou un abonnement, sera certainement
plus économique pour la caisse sociale (1).


(1) Nousavons sous les yeux plusieurs Sociétés de Lyon, com-
posé es de soeiétaires peu nombreux, généralement jeunes et bien
portant, elles paycnt leur médeein, les unes 11 l'aide d'un traite-
ment fixe, les autres moyennant un abonnement de 2 franes par
sociétaire , il en résu!te que la rareté des mnladies donne une
moverme ele4 11 5 franespar visite. Il y anrait donc économie pour
ces Sociétés vá rrmunércr leurs médeeins araison du nombre des
visites.


D'autre part, si IIOUS cuvísageons la Soeiété reconnue des ou-
vriers en soie, quí compte un tres-granel nombre ele mcmbres, et
dont l'état sanitalre laisse adésírer, par suite de la facilité d'admis-




- 336-
Il est a remarquer aussi que, dans les Sociétés de


création nouvelle, les cas de maladie ou d'infirmités
sont moins fréquents que dans les Sociétés anciennes,
qui comptent déja des vieillards. Enfin, les conditions
de santésonteneore différentes lorsque les Sociétés
accordent les secours aux fenunes et aux enfants.


Ainsi, devant lesfaits, s'évanouissent les considéra-
tions qui, en théorie, militeraient en faveur de tel Olí
tel systeme.


Les résultats, de I'un ou de I'autre, peuvent, dansla
pratique, déjouer les prévisions en apparence les plus
súres,


On ne saurait done, en príncipe, en adopter ni en
exclure aueun, et en présence d'éventualités aussi
aléatoires, il faut reconnaí:tre que I'intérét pécuniaire
des Sociétés ou des médecins n'est pas nécessairement
protégé ou lésé par le choix de tel ou tel mode de ré-
munération.


Laconséqucnce de ces faits, c'est que la liberté la
plus entiere doit étre laissée aux parties contractan-


sion des sociétaires originaires, nous voyons que I'abonnernent de
2 francs par personne constitue un honorairc médical exlrémement
minime. Les visitesrnultipliécs auxquelles sont parfnis astreints les
médeei ns des diverscssections de laSociété,n'obtiennent en moyenne,
qu'une rétribution de 25 centimes. (Rapport présenté a l'Associa-
tion des médeeins du Hhóne, en 1862 l.


Ainsi, dansun cas, la rémunération par visite serait plus con-
forme 8UX intéréts desSociétés, ct dans l'autrc plus équitable vis a
vis des médccins. Mais noosreconnaissons que la Soeiétédes ou-
vriers en soíe ne pourrait, sans dangcr pour elle, avoir rceours 11
ce mode de rómunération , 11 cause du nombre élevé de malades
qu'elle compte et vis avis desquels elle a annuellement a faire des
dépenses considerables en médicamcnts et en indemnités.




- 337 .
tes. Aucun systeme absolu ne peut leur €Jtre conseillé,
aucune critique de partí pris ne doir entraver leurs
conventions.


Une appréciation, dégagée de tous préjugés, et qui
ne tiendrait compte que des circonstances susceptibles
de rendre les soins du médecin plus ou moins fré-
quents, doit seu le dicter les conditions du contrato
L'équité exige méme que si l'expérience révele que
l'intérét du médecin ou celui de la Société soit lésé
par l'adoption d'un mode déterminé de rétribution,
une nouvelle convention rétablisse un juste équilibre
entre le service rendu et sa r.émunération.


Est-ce adire, maintenant, que la dignité du méde-
cin, ou son autorité vis a vis des sociétaires, soit,
comme on l'a prétendu, moins sauvegardée par le
traitement fixe ou l'abonnement que par une rémuné-
ration basée sur le nombre des visites?


Rien ne nous semble moins exacto
Il est dans les habitudes de la profession que cer-


tains services, par exemple les services hospitaliers
soient rémunérés moyennant un traitement fixe. En
quoi la considération médicale souffrirait-el1e que les
soins donnés a une agglomération de malades en
dehors des h6pitaux, fussent l'objet d'une rémunéra-
tion identique ? Et si 1'0n admet la parfaite honorabi-
lité d'un traitement fixe, pourquoi proscrirait-on la
rétribution par abonnement qui n'est, en définiLive,
qu'un hon oraire annuel1ement et justement propor-
tionné au nombre des personnes secourues?


Enfin, l'autorité du médecin sera-t-elle compro-
mise, ou son zele sera-t-il suspecté, ainsi qu'on l'af-
firme, parce qu'avec une rémunération par abonne-
ment, il n'aura pas autant d'intérét a. multiplier ses


22




- 338 -
soms que s'il était rétribué d'apres le nombre des vi-
sites?


Nous ne saurions admettre qu'un médecin puisse,
au sein d'une Société, 8tre l'objet de pareilles insi-
nuations. Lorsqu'une association a librement choisi
celui qu'elle croit digne de sa confiance, et qu'olle l'a
constitué le gardien de la santé de ses membres, el.
l'arbitre de leur bonne foi, elle doit le rnain tenir si
haut dans Ieur estime et leur respect, qu'il ne soit ja-
mais atteint par la calomnie, la plainte ou le soupgon.


Pen importe done le mode de rémunération qu'il
aura aeeepté. Son caractere, sa valeur personnelle, le
choix dont il a été l'objet sont ses .seuls- titres i.t la
eonfianee des sociétaires, et l'unique base de son au-
torité vis i.t vis d'eux,


En résumé, les Sociétés ont le droit de choisir leur
médecin; mais elles ont le devoir de seeonder son
action par une déférence et une soumission absolues,
et de reconnaltre ses services par le mode de rémuné-
ration le plus équitable, c'est-á-dire, celui qui, sui-
vant les circonstances, paraítra le plus propre á con-
cilier leur intérét et le sien.


IV.


Enfin , il resterait adéterminer le chiffre de l'émolu-
ment suivant lequel les divers modes de rémunéra-
tion peuvent 8tre mis en usage.


Quel devrait 8tre, eu égard au nombre des socié-
taires, a leur age, áleur état hygiénique, en un mot,
a l'éventualité des maladies et des soins qu'elles né-
cessiteront, le chiffre soit d'un traitement fixe, soit




- 339
d'un abonnement, soit de la rétribution par visite? -
On comprend que eette question, moins encore que
celle qui touche iJ. l'opportunité des divers modes de
rémunération, est susceptible de recevoir une solu-
tion absolue : - Tout dépend des Iaits particuliers et
des usages locaux,


Quelqlles eonsidérations peuvent eependant facili-
ter les eonven tions qui se eoneluent en tre les médecins
et les assoeiations.


D'une part, deux circonstances justifient une réduc-
tion dans les prix habituellement pergus par les mé-
decins : Les Soeiétés de secours mutuels leur appor-
tent une clientele toute organisée et une rémunération
certaine.


Il ya la un double avantage, tellement apprécié par
les membres du eorps médical eux-mémes, qu'il n'y a
pas d'exemple qu'une Société de seeours mutuels ait
jamáis manqué de candidats pour son service mé-
dica!'


Aussi les plaintes formulées contre elles émanent-
elles beaucoup moins des médecins qu'elles choisis-
sent que de ceux auxquels cette situation privilégiée
échappe, et qui d'ailleurs ont parfois asoufírir de la
diminution réelle dont est frappée leur propre clien-
tele.


Ce concours empressé des médeeins iJ. se faire agréer
par les associations mutuelles, n'a pas peu eontribué
arendre celles-ci plus rigoureuses dans leurs condi-
tions,


Mais de leur cóté, elles ont iJ. tenir compte de l'in-
fluence qu'exerce nécessairement leur choix EUI leur
prospérité, et du danger certain qu'elles courent il
donner leur clientele a prix réduits.




- 340
Il est de leur intérét manifesté, d'offrir aux méde-


cins un chiffre d'honoraires convenablement rémuné-
rateur; et s'il est rationnel qu'ellos se montrent moins
larges au début de leur organisation, ou lorsqu'elles
sont exclusivement composées d'ouvriers, il n'en doit
plus etre ainsi, quand leur situation s'améliore, et
que leur personnel tend ase recru ter dans des classes
plus áisées,


Enfin, si des diflicultés sérieuses s'élevent sur la
fixation équitable du chiífre des honoraires, sur l'ap-
préciation des circonstances qui rendent le service
d'une Société plus ou moins pénible pour le médecin,
[e principe de la mutualité peut encore intervenir pour
protéger tous les droits et sauvegarder tous les in-
téréts.


Il appartient, en effet, aux associations médicales
de secours mutuels, d'offrir leur sage médiation aux
aútres Sociétés mutuelles et a leurs propres membres
qui étant chargés du service de santé dans ces So-
ciétés, auraient avec elles des contestations fa-
cheuses.


Nous entrons ici dans un nouvel ordre d'idées, et
nous aurons 11 examiner avec quelques détails quels
ont été et quels doivent étre les rapports des associa-
tions médicales sur les autres Sociétés.




CHAPITRE XX.


RAPPORTS DES SOCrÉTÉS MÉDICALES DE P.I1.ÉVOYANCE AVEC LES
SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUUS.


SOMMAlRE.


§ ler. _ Emotion produitc au sein des Sociétés départementales
et de la Société générale des médccins de Franco par l'extension
des Sociétés de secours mutucls. - Rapports adressés a la So-
ciété générale. - Leur caractere, Enquéte prescrita dans
les Sociétés départemcntales.


§ 11. - Divcrgenccs dans les résu\lats constatés et dans les vceux
exprimés. - Systemes divers, quant au choix et quant ala ré-
munération des médccins. - Conelusions adoptées dan s I'ussem-
hlée générale de 1862.


§ IlI. - Caractéro de l'iutcrvcntion conseilléc aux Sociétés médi-
cales au pres des Soeiétés mutuelles. - Lcur action vis avis de
lcurs propres membres. - De l'esprit qui doit présider aux rap-
ports de ces diversos Sociétés. - Circonstances dont il faut tcnir
eompte. - Bésultats auxquels couduira une entente parfaite
des médccins et des Sociéiés médicales , avee les institutions
d'assistance mutuolle.




- 342-


1.


Personne n'ignore que l'application de la mutualité
n'a pas été restreinte a la classe ouvriere,


Dans le plus grand nombre des départements de la
France, les médecins se sont róunis en associations
de secours mutuels et de prévoyance, afín de s'en-
tr'aíder, en cas de détresse, et de veiller en commun
aleur intérét professionnel.


Bien plus, une associatíon générale des médecins
de France s'est organisée depuis pell d'années dans le
but de venir au secours des sociétaires éprouvés, par
des revers immérités, « de donner aide et protection a
« ses membres, de maintenir par son influence mo-
« ralisatrice l'exercice de l'art dans les voies utiles
(( au bien public et conformes a la dignité de la pro-
« fession.» Cette association se compose de toutes
les Sociétés locales formées sous son influence, et de
toutes celles qui se rattachent a elle pour concourir a
l'ceuvre commune.


Les rapports des médecins avec les Sociétés ou-
vrieres devaient inévitablement appeler l'attention de
l'association générale des médecins de France et des
diverses Sociétés médicales des départem en ts.


Des 1860, leurs comptes-rendus annuels témoi-
gnent de la vive émotion que suscita chez elles l'or-
ganisation du service de santé dans les associations
de secours mutuels. Il ne pouvait en 5tre autrement.
Nous avons signalé quel trouble 1'extension subite
de ces institutions avait jeté dans les habitudes du




.- 343 -
corps médical et dans les eonditions d'existence de la
plupart de ses membres.


L'étude de la sitnation des médecins vis a vis les
Sociétés de secours mutuels fut danc partout, et en
méme tsrnps, miso a l'ordre du jour. Un sentiment
spontané et presque général inspira aux Saciétés mé-
dieales des conclusians apen pres unanimes. Elles
exprimerent le VCBU que tous les médecins exercant
dans les localités ou existent des associations mu-
tuelles, fussent indistinetement admis il soigner les
saeiétaires, et que leurs services fussent rémunérés
snivant le nombre des visites.


C'était nier aux Saciétés de secours mutuels le droit
de choisir leurs médecins, et de les rémunérer suivant
le mode qui leur paraitrait le plus en rapport avec
leurs faeultés pécuniaires. C'était proposer ti. l'encontre
des systemes généralementpratiqués: un retour ab-
solu aux habitudes de la profession médicale; c'était
méconnaí'tre ce que I'intérét des institutians fondées
sur la mutualité peut parfois exiger (1).


Faut-il s'étonner que des conclusions aus;i radi-


(1) Cependaut, quelqucs Soeiétés médieales eomprirent, des le
principc, le véritablc role des médccins dans les Saeiétés de sccours
mutucls, et le drait de cellcs-ci de les ehoisir, « En effet, - dit
" Jl1. le doetenr Guitard, seerétaire de la Société médieale de Tou-
« louse, - le médecin a de séricux devoirs a rcmplir, non scule-
" ment anpres des assaeiés qu'il doit assister avee zélc et intelli-
« g~uee quand ils sont malades , mais encare auprés de l'associa-
« (ion clle-mérnc dant il doit serupulcuscment ménager les res-
" sources, en s'ahstenant de loute eondcscendance hlñmahlc, en sa-
« chnnt déplayer l'imparlialité et la fermeté néccssaires devant
« certaines exigenees que I'on voit parfois se manifester. » Rapport
sur 1861.




- 344-
cales eussent été adoptées par le plus grand nombre
des associations médicales ? - Elles avaient cédé sur-
tout aux inspirations d'un sentiment respectable, celui
de la dignité professionnelle blessée. - Mais elles
ne s'étaient pas rendu compte que quelques-uns des
abus dont elles se plaignaient, étaient imputables a
l'empressement mérne avec lequel la clientelle des
Sociétés de secours mutuels avait été recherchée,
sollicitóe et acceptóe a des conditions souvent re-
grettables pour l'intérét et la considération des méde-
cins (1).


Elles avaient enfin délibéré sous l'iníluence de leurs
impressions premiares, bien plus qu'avec la maturitó
de la réfiexion, sans prendre le temps d'examiner la
situation légale des Sociétés de secours mutuels, les
droits qu'elles ont aexercer et les devoirs qu'elles ont
a remplir a l'ógard des médecins auxquels elles con-
fient, avec lesoin des sociétaires, le pouvoir de dis-
poser des fonds sociaux.


Leurs VCBUX trop absolus pour étre réalisables, ne
pouvaient étre accueillis par laCommission á laquelle
l'Association Générale en avait déféré l'examen.


Le rapport présenté le 28 octobre 1861 al'assemblée
annuelle des membres résidants a Paris, et des dé-
légués des Sociétés locales, conclut a l'adoptíon d'un
systems mixte qui semblait, par I'expérience qu'en
avait fait UIle des Sociétés de prévoyance les plus
fiorissaIl!eS de Paris (2), concilier a la fois les in téréts


(1) Ce fait a ele signalé plus tard dans les eomptes rendus de
plusieurs Sociétés médicales.


(2) La Société munieipale du faubourg Sainl-Denis.




- 345-
de s rnedecins, des associ atíons de secours mutuels et
dessociétaires.


Les conclusions de ce rapport exprimaient le vceu :
lo Que chaque Société eüt ses médecins titulaires,


mais admit en outre le concours de médecins auxi-
liaires, présentant des garanties voulues, de facon
que tout sociétaire eút la [acuité de se (aire soigner
par un médecin de son choix, á la condition que celui
agréé par le conseil d'administralion de la Société se
soumít aux reglements qui la régissent.


2° Que les honoraires des médecins fussent fixés,
non par le nombre des visites, mais it titre d'abonne-
mentpar an et par tete.


Ces conclusions étaient encere trop absolues. Aux
Sociétés elles imposaient le dangereux concours de
médecins choisis par les sociétaires, et un mode de
rémunération unique, qui dans certains cas pouvait
ne pas protéger suffisamment leurs intéréts (1).


Aux médecins elles imposaient le systerue de l'a-
bonnement contre lequel les protestations les plus
vives s'étaient élevées.


La question dut étre remise á l'étude et les Sociétés
locales furent invitées á recueillir de nouveaux docu-
ments pOUl' sa solution.


Cette enquéte provoqua des investigations plus ap-
profondies, et un examen plus impartial des droits
réciproques des médecins et des associations ou-
vrieres. Elle révéla surtout que tels systernes qui sem-
blentconvenir á une locatité, peuvent au contraire, en
d'autres lieux, froisser les intéréts des parties con-


(1) Voyez le chnpitrc précédenl.




- 346-
tractantes. Elle répandit enfin une lumiere plus com-
plete sur le caractere et les prétentions légitimes des
Sociétés de secours mutuels.


Ainsi, sur la question du choix des rnédecins, si
quelq ues associations médicales persi sterent aémettre
le vosu que les membres des Sociétés mutuelles pus-
sent se faire traiter par le médecin qui leur con-
vient (1), d'autros, comprenant mieux le droit qu'ont
les Sociétés mutuelles, de choisir elles-mérnes I'hom-
me de I'art qu'elles rérnuneren t, et dont les décisions
out une influencc si décisive sur leur situation pécu-
niaire, opterent pour un systeme mixte qui permit un
concours de médecins titulaires et de médecins auxi-
liaires (2). - D'autres enfin, pénétrés de la méme né-
cessité, mais craiguant les inconvénients et surtout
les conflits qui pourraient résulter de la présence de
deux catégories de médecins, n'hésiterent pas a re-
connaitre aux Sociétés de secours mutuels la faculté
absolue de choisir seules leur médecin et de l'imposer
aux sociélaires (3). Elles exprimérent seulemen t le
vceu que le nombre en fút déterminé par celui des so-
ciétaires et suivant certaines distinctions qui variaient
selon les localités.


La question des honoraires ne souleva pas moms
de divergences.


(1) Notamment la Société des médecins de l'Isere ,
('.1) Notammcnt la Société médicale d u Rhóne, - Rapport de


M. Duviard.
(3) Nous citor-ons, entre nutres, ll!. Société dcs médeeins de LiIle,


ccllo de Toulousc, ccHc du Bas-Ilhin, ccllc de la Giroude. - Voyez
l'Annuaire de la Société générale. - 2' année, p. 105.




- 347-
Plusieurs associations médieales préférerent la ré-


tribution par visite (1J.
A d'autres , l'abonnement parut plus rémunéra-


teur (2), et elles en fixerent le taux a2, 3 ou 5 franes,
GU méme en le caleulant d'apres la fortune moyenne
des membres, de Iacon que les Sociétés ouvrieres
« fussent amenées d'elles-mémes a écarter de leur
« sein les membres aisés. »


Quelques-unes se prononcaient pour l'abonnement
dans les villas, et pour I'honoraire par visite dans les
eampagnes (3), ou mérne admettaient cumulativement
les deux systemes (4).


Un certain nombre proposaient d'éliminer les offi-
ciers de santé du service médical des Sociétés mu-
tuelles (5), mais d'autres protestaient contre cette
exclusion qu'elles considéraient comme injuste (6).


Une telle variété dans les vosux des associ ations lo-
cales, conduisit la Commission chargée par l'Associa-
tion génórale, de réunir les élémen ts sur la question,
a déclarer quo « le seul parti a prendre, est d'aban-
donner aux assooiations locales de médecinsle soin
de s'entendre, s'il se peut, avec les Sociétés mutuelles
d'ouvriers, puur régler de coneert, entre ces deux or-


(1) Associations des médeeins, de l'Isére, des Deux-Sevres, du
Nord, de lIIclun, du Pinistér-e, du Bhénc, d'Eure-el-Loir.


(2) Associations du Bas-Rhin, de Laon, de la Somme, de l'Aube,
de la Gironde, de Toulouse, de Vouziers, de Saintes. - Voyez l'An-
nuaíre, 20 annéc, p. 106.


(3) Associations de la Dordogne, du Bus-Rhin.
(~) Associalions du Finistere, de la J\Ieurthe.
(5) Association de 'I'oulouse.
(6) Associalions de la lUeurthe, du Puy-dc-Dóme, de Meaux.




- 348 -
dres d'institutions de prévoyance, les conditions de
l'appui récíproque qu'elles sont appelées a se préter,
en ménageant dans une juste mesure, celles-ci les
droits de l'indépendanee et de la dígníté profession-
nelle; celles-Ia l'obligation d'économíe quí leur est
imposée sur les frais du service médical, comme sur
les autres dépenses de leur administration, »


En conséquence, la Commission proposa, par 1'01'-
gane de son rapporteur, l'adoption des conclusions
suivantes:


« lo Les Sociétés de secours mutuels, ouvrieres ou
autres, constituent des individualités collectives avec
lesquelles les médecins, toujours préts a secourir gra-
tuitement l'indigent, ont incontestablement le droit
de discuter les conditions de leur assistance.


« 2° Les associations médicales, telles que les So-
ciétés locales, peuvent done, par une convention tacite
entre les ruernbres qui les composent, adopter tel
mode de rapports et de rémunération qui leur paraítra
le plus convenable et le plus digne de lapart des So-
cié tés ouvrieres, et le plus conforme aux habitudes et
aux E;lxigences de chaque localité.


« 3° Si l'entente est impossible, les médecins com-
posant les Soeíétés locales peuvent aller jusqu'a re-
fuser aux Sociétés de secours mutuels les soins que
leur charité sera préte a prodiguer individuellement
a tous les indigents qui les réclameront.


« 40 Il est d'autant plus a désirer, qne l'accord le
plus complet s'établisse entre les membres des So-
ciétés médicales sur cette matiere, qu'elle ne saurait
etre l'objet d'une réglementation obligatoire, et reste
dans le domaine de la conscience et de la dignité pro-
fessíonnelle. »




- 349-
L' Association générale, dans son assemblée an-


nuelle du 27 octobre 1862, adopta ces propositions.
Communiquées plus tard aux Sociétés locales, elles
forment le programme de la conduite que celles-ci
doivent tenir dans leurs rapports avec les associations
ouvrieres,


m.


Ces conclusions sont aussi irréprochables au point
de vue du droit qu'au point de vue de l'équité. On ne
saurait ni el' que les Sociétés médicales aient le devoir
d'examiner a quelles conditions les médecins qui leur
appartiennent se prétent au service de santé des asso-
ciations mutuelies. Leurs statuts, revétus de l'appro-
bation ministériel!e, et sanctionnés par les décrets
impériaux qui nomment leurs présidents, leur impo-
sent le dou bIe hut de voiller a la sécurité matériel!e
et a la dignité professionnelle de leurs membres.


De ce que leur action protectI'Íce irait jusqu'a inter-
dire a ceux-ci d'accepter des conditions qui seraient
ouverternent contraires a leur intérét et aux rogles de
la profession, elles ne pourraien t encourir le reproche
de coalition, puisqu'il est dans leur mission de main-
tenir toujonrs l'exercice de l'art médical au nivcau de
la considération qui lui est due.


Mais avant d'en arriver a cette obligation extreme,
les Sociétés médicales ont d'autres moyens aemployer
pour faciliter un accord équitable entre les médecins
et les Sociétés do secours mutuels .
. Elles ont, en premier lieu, un devoir de surveil-


lance, et un pouvoir disciplinaire qui les autorisent a




- 350-
protéger leurs membres contre leur propre entraine-
ment; a réprimer de leur part toute offre de service
aprix rédnits, toutes conditions susceptibles de léser
I'intérét véritabl« dn médecin, sa considération pro~
fessionneUe et celle de ses confreres,


C'est donc dans leur seiu qu'elles ont d'abord a
exercer leur action, afin de faire disparaitre toutes
causes d'abus pouvant provenir de leurs membres, et
les situations Iácheuses pour l'honorabilité de ceux
qui les anraieut imprudemment acceptées.


Elles ont aussi u peser rigoureusement la valeur
des récriminations qui leur sont adressées et dout les
auteurs ne tiennent pas toujours un compte exact, soit
des droits légitimes des sociétés de secours mutuels,
soit des circonstances exceptionnelles dans lesquelles
ces Sociétés ont inauguré leur service de santé (1).


Elles ont enfin a se bien pénétrer du caractere émi-
nemment élevé et honorable des fonctions auxqueUes
sont appelés les médecins des Socié tés mutuelles, afin
de pouvoir. avec plus d'autorité et de raison, insister


(1) Ainsi, par exemple, iI ne serait pas juste, aLyon, de prendre
pour base des griefs que pourraient avoir les médeeins vis avis des
Société- de secours mutuels, ee qui se passe au sein de la Société 1'1'-
connue des ouvriers en soie . Les eonditions hygiéniques, exception-
nellement défavorables des mcmbrcs de eelte Société, par suite de
l'extréme facilité des admissions originaircs , rend la rémunération
des médecins par abonnement cxtrérnemeut minime, a cause du
nombre des visites auxquellcs la mauvaise sanlé des soeiétaires les
nbligc. Ccpr-ndant ecuo silnation leud iuévitnhlcmcnt a se modifier
par la disparition des membres les plus ancicns et I'agrégation de
nouveaux soeiétaires plus valides. Le tcmps rcmédiera done pen il
pen aux résultats regretlables qui ont été sigualés pUl' 111. le doeteur




- 351 -
aupres de celIes-ci pour que la rémunération de ee
service soit en rapport avec son importanee (l).


L'intervention impartiale et tout a la fois modérée
et ferme des Sociétés médicales aupres des associa-
tions ou vrieres, aboutira nécessairement a la satis-
faction des intéréts réciproques.


Les institutions de secours mutuels sont trap inté-
ressées aconfier leur service de santé, avec l'autorité
absolue qu'il comporte, a des hommes dignes de leur
confiance, pour qu'elles ne comprennent pas qu'elles
doivent rémunérer leur zele dans une mesure conve-
nable.


Mais une période de plusieurs années peut seule
faire connaitre l'étendue des sinistres qui font l'objet
de I'assurauce mutuelle, révéler la moyenne des cas
de maladie, I'importance des soins qu'elles réclament
et fixer les bases équitables de la rétribution des mé-
decins,


Ce n'est aussi qu'apres un certain temps, que les
dépenses et les ressources des Sociétés parviennent a
s'équilibrer pour l'avenir, et qu'il leur est possible de
se montrer plus libérales sans cesser d'étre pru-
dentes.


Duviard, dans son rapport presenté 11 l' Assoeiation des médecins du
Bhóne en 1862.


(1) Nous avons eu la doulourcuse surprisc d'entendre des mern-
bres distingués du corps médical, considérer comme une fácheuse
nécessité, un pis aller de la professiou, l'acceptation des fonclions
de médecin des Soeiétés de secours mutuels , lis nous perrnettrout
de leur dire, qu'ils n'ont jamais étudié le róle des médccins aupres
de ccs Sociétés, ni cornpris le caractére el I'imporlance de le ur
exteusiou au poinl dc vue de I'intérét généra! de I'art médical,




- 352-
Nous n'admettons donc pas l'hypothess qui inspi-


rait a l'association médicale de Saint-Quentin ces
trop généreuses paro les :


{( L'admirable institution des Sociétés de secours
<! mutuels doit-elle falalement porter atteinte aux in-
« téréts de la profession médicale? S'il en était ainsi,
ce nous nous inclinerions devant cette loi générale du
{( prcgres, qui veut que l'intérét privé, le plus res- .
{( pectable, s'efface devant les exigences de l'intérét
« publico »


Au contraire, IlOUS croyons, (avec les conclusions
de cette méme Société et celles de queIques autres),
que « dans cette question l'intérét des médecins se
« concilie parfaitement avec I'intérátgénéral; i


Il se concilie d'autant mieux avec l'intérét des asso-
ciations mutuelles que leur développement, ainsi que
nous l'avons démontré plus haut, ouvre un nouveau
domaine a l' action du corps médical , et rallie sous
son empire, les populations chez lesquelles l'empi-
risme a toujours fait le plus de dupes et de victimes.


Les Sociétés de sscours mutnels ont pu compromet-
tre quelques situations individuelles, mais elles assu-
rent a la profession médicale, un triornphe dont il
appartient aux médecins et a leurs associations de
háter la réalisation par un concours bien veiJlant et
éclairé qui sache patiemment ten ir compte des diffi-
cultés du présent et des lenteurs inévitables du pro-
gres, en attendant avec confiance la réalisationdes
promesses de l'avenir.




CHAPITRE XXI


DU SERVICF. PHARMACEUTIQUE.


SOMMAIRE.


§ le•• - Des diffieullés auxquclles rdonne lieu l'organisation du
service pharmaceutique. - Circonstances qui pcrmcttent aux
Sociétés de traiter avantageuscmcnt avcc les pharmacicns. -
Divcrs modes de convention. - Remise proportionnclle SUI les
prix couran/B. - Inconvénients de ce systeme. - Adoption d'un
tari{ expl'iman/ le pri» de reoien! augmen/e d'une al/ocation sup-
plCmen/ail'e.- Supériorité de ce systérne sur le précédcnt. -
Tarifs divers pris cornme poinl de départ. - Systcme équitable
proposé par l'rl. Dublanc , - Ses avantages.


§ 11. -- Traite parabonnement. - Caracterc aléaloirc de ce modo
de eonvention. - Ses avautages et ses ineonvénients.


§ 111, - Pharmacie speciale créée par la Soeiété des ouvriers en
soie. - Ses résullats aetuels au point de vue éeonomique.-
Innovations qui s'y rattaehent. - Ses avantages pour l'avenir.


§ IV. - De l'usage des cartes du Dispefl8aire par les Sociétés dI'
secours mutuels. - 11 est contraire 11 l'esprit de l'institution. -
11 n'est opportun que dans eertains cas restreints.


23




- 3M-


I.


La délivrance gratuite des médicaments aux mem
bres des Sociétés de secours mutuels, offrc des diffí-
oultés de diverses natures. Elle ne peut s'organiser
que de deux manieres: par l'établissement de pluir-
maeies spéciales appartenant aux Sociétés, ou au
moyen de contrate [ormés entre les Sociétés et les
pharmaciens.


L'établissement do pharmacies spéciales n'est pos-
sible qu'aux Sociétés qui comptent un personnel norn-
breux et possedent de grandes ressources. Il n'en
existe qu'une seule a Lyon. Elle a été créée en 1857,
par la Commission administrative de la Société des
ouoriers en soie, gráce a la situation exceptionnelle
de cette association. Nous en ,8xaminerons plus loin
les résultats.


Les autres Sociétés ont da recourir a des conven-
tions particulieres avec divers pharmaciens. San s
doute les clauses de ces contrats n'ont pas toujours
été bien expliquées ni bien comprises, car des malea-
tendus fácheux se sont manifestés. D'une part, les 80-
cié tés ont élevé des plaintes sur la qualité des fourni-
tures qui Ieur étaient faites, d'autre part les pharma-
cien s ont allégué les prétentions injustes et tyranni-
ques des Sociétés et l'insuffisance des prix qu'elles
eonsentaient a payer.


Nous ne VOUIOllS pas entrer dans l'examen de ces
désaccords, nous llOUS bornerons, d'une maniere gé-
nérale, a indiquer les modes de conventions les plus




- 35:l -
usités, et eeux qm nous paraissent les plus équi-
tables.


Les Sociétés de seeours mutuels constituent aplu-
sieurs égards des clientelas fort avantageuses pour
les pharmaeiens.


1° Elles ont a se pourvoir d'un nombre quelquefois
eonsidérable de médieaments;


2° Elles font rentrer dans le domaino de la phar-
macie des articles qui lui sont subreptieement enlevé s
par l'épieerie, la droguerie, l'herboristerie, etc. ;


3° Enfin elles offrent en général une séeurité com-
plete au point de vue de la solvahilité.


Ces différentes eirconstances leur permettent d'ob-
tenir des conditions particulieres de bon marché.


A unautre point d~ vue, elles ont actuellement le
droit de demander aux pharrnaciens avee lesquels
elles traitent, une remise notable sur les prix cou-
rants :


Leur clientela constitue un monopole, e'est un avan-
tage qui doit entrer en eompte dans les eonditions de'
la vente des médicaments.


Mais quelle peut €ltre ee116 remise? ~ Quel sera le
tarif des fournitures livrées aux Soeiétés de secours
mutuels? - Quel bénéfice le pharmacien devra-t-il
exiger en outre du prix de revient?


Trois modes de convention s'offrent naturellement
a I'esprit :


lo Une remise proportionnelle sur les. prix cou-
rants;


20 L'adoption d'un tarif exprimant le prix de re-
vient des médicaments, auquel on ajoutera tant pour
cent, représentant les frais généraux et le bénéfiee du
pharmacien ;




- 356 --
3° Un abonnement a raison d'un prix fixé par cha-


que sociétaire,
Examinons ces trois systernes :
Le premier est tres-rationnel et il a été suivi par


grand nombre de Sociétés ; il se pratique par un
accord de gré agré entre la Société et le pharmacien
qui lui inspire le plus de confiance ou qui lui fait les
concessions les plus étendues. La remise, en général,
est de 20 ou 25 % ;


Certaines Sociétés mettent en quelque sorte leur
clientele aI'enchere, etla donnent au pharmacien qui
s'offre afaire les fournitures de médicaments aux prix
les moins élevés ..


Au surplus,quelle que soit la forme du contrat,ce qui
importe le plus, c'est son exécution loyale; a cet
égard, la surveillance du médecin de la Société est
indispensable, elle est l'unique controle que puisse
subir le pharmacien.


La difficulté, dans ce systerne, est de tomber d'ac-
cord relativement aux prix courants sur lesquels un


. rabais est consentí, aussi quelq ues Sociétés ont pré-
féré le second, c'est-a-dire, l'adoption d'un tari] avec
addition. d"un supplément,


Le Bulletin des Sociétés de .secours mutuels, dans
le but d'en faciliter l'application, indique comme tarifs
a prendre pour point de départ :


10 Le tarif de la Société de philanthropie de Pa-
ris (1) ;


20 Celui des bureaux de bienfaisance;
3° Le prix de revient justífié par les factures ou con-


trolé par une commission.


(1) Bul1elin. - Année 18:>:>, p. 312 el suivantes.




- 357 -:
Dans la pratique on ajoute a ces tarifs un supplé-


ment d'environ 15 % pour les frais généraux et les
bénéfices du pharmacien.


Le tarif de la Société philanthropique de Paris, pro·
posé aux Sociétés en général comme point de départ
d'un contrat avec les pharmaciens, ne saurait €ltre
équitablement adopté.


Concerté entre une Société qui s'organisait dans un
but de bienfaisance avouée, et une Commission de
pharmaciens désireux de participer a cette bonne osu-
vre, le tarifde la Société philanthropique admet sur
certains articIes de telles réductions de prix, que le
pharmacien se trouve adécouvert.


C'est ce que nous révele M. Dublanc, pharmacien
des hópitaux de Paris, membre de l'Académie de mé-
decine : cc Les pharmaciens, dit-il, que I'administra-
« tion de l'assistance publique choisit dans chaque
« quartier des douze arrondissements de Paris, pour
« délivrer aux indigents ou a ceux qui réclament les
cc secours adomicile, les médicaments que les Sceurs
« de Charité n'ont pas entre les mains, avaient d'a-
« bord été indemnisés de leurs fournitures, conformé-
« ment au tarif de la Société philanthropique; mais
« l'expérience leur fit bientót reconnaitre qu'ils n'é-
ce taient pas couverts de leurs dépenses par cette éva-
« luation; ils firont entendre leurs observations a
« l'adrninistration, et celle-ci s'empressa d'y faire droit
« en apportant quelques notables augmentations au
« tarif qui depuis cette époque est devenu, entre l'ad-
« ministration et les pharmaciens, la 'condition fixe
« pour la fourniture des médicaments aux indi-
« gents. »


Tel est aujourd'hui le tarif des bureaux de bienfai-




- 358 -
sanee i Paris, e'est eelui de la Soeiété philanthro-
pique modifié par l'administration de I'assistance
publique sur les justes réelamations des pharma-
ciens.


Ce tarif est done plus équitable et doit ~tre préféra- .
blement pris pour base de reglement. Il serait a dé-
sirer que la publication en fút faite dans le Bulletin
des Sociétés de secours mutuels.


Voici, au surplus, l'ensemble du systeme proposé
par M. Dublanc, et qu'il nous parait utile de reeom-
mander a l'attention des Sociétés.


« l° La fourniture des médicaments destinés au
« service de santé de chaque Société de sscours mu-
« tuels aura lieu par tous les pharmaciens de la cir-
« conscription de la Société;


« 2° Les médieaments simples ou composés, déli-
« vrés sur l'ordonnance du médeein de la Soeiété, se-
« ront eomptés au prix du tarif de l'administration de
« l'assistanee publique, et le chiffre total auquel s'éle-
« vera la fourniture, au moment du reglement, sera
« augmenté de 15 %;


« 3° La qualité des médicaments sera surveillée et
« constatée par les médecins attachés aux Sociétés,
« ou par des arbitres spéciaux, suivant la volonté et
« la eonvenance des Sociétés ;


« 4° Il sera dressé un formulaire sur lequel seront
« portés les médicaments dont l'emploi pourra suffire
« a tous les besoins et d'ou seront exclus tous les mé-
« dicaments dispendieux qui , sans étre indispensa-
« bies, augmenteraient de beaucoup les dépenses du
« service médical des Sociétés;


« 5° Il n'y aura d'exclusion de la fourniture de mé-
" dicaments que pour les pharmaciens qui refuse-




- 359 --
« raient de se conformer au tarif et aux obligations de
« ce reglement (1). »


II est superflu de faire ressortir les avantages des
propositions que nous venons de citer. Indiquéesdans
le Bulletin des Sociétés de secours muiueis, par un
homme des plus compétents, elles semblent de nature
adonner satisfaction, soit aux pharmaciens qui n'au-
raient plus alors a se plaindre de l'insuffisance des
prix et du monopole créé au profit de quelques-uns
de leurs confreres, soit aux Sociétés qui seraient ras-
surées par une surveillance efficace sur la qualitédes
médicaments.


n.


Mais il est des associations qui préférent le systeme
de l'abonnement, paree qu'il Ieur permet de calculer
avec certitude le montant de leurs déboursés.


II peut étre parfois fort économique, et nous savons
que quelques Sociétés de Lyon s'y sont rattachées,
encouragées par l'exemple de laSociété de Douai, ,que
le Bulletiri a signalé a leur attention.


Cette Société, composée de 1869 membres, s'est
concertée avec un pharmacien qui a consenti a lui
fournir tous les médicaments araison d'un abonne-
ment de 2 fr, 50 par chaque sociétaire. Il recoit ainsi
annuellement 4,700 fr~Or, avant cette convention, les


(1) Bulletin rnensuel des Sociétés de secours mutuels, - Année
1857, p. 178.




- 360-
dépenses pharmaeeutiques s'élevaient a plus de
7,000 fr. Il ya done eu une éeonomie notable aadop-
ter le systeme de l'abonnement.


Cet exemple a bien son importanee, mais il ne faut pas
en tirer une conséquence trop absolue, d'abord paree
que les dépenses antérieurement supportées par cettf
assoeiation pour la délivrance des remedes, ont pu
atteindre un ehiffre excessif par sui te d'une mauvaise
administration, et en second lieu, paree que, ainsi que
nous l'avons déja dit, les conséquences du systerne de
l'abonnement sont extrérnement variables.


Le profit qu'en retirent les Sociétés est tout a fait
aléatoire. Dans une association ou les maladies sont
rares, l'abonnement de 2 fr. 50 par soeiétaire attri-
buera peut-étre au pharmacien une somme bien su-
périeure aeelle que la Société aurait eu a payer pour
la quantité de remedes fournis.


Au contraire, dans une Société ou les membres sont
ágés, ou les femmes sont nombreuses, et dans laquelle
par eonséquent les chances de maladie sont beaueoup
plus fréquentes, il peut y avoir un bénéfice réel
pour la eaisse sociale de recourir au systeme de l'a-
bonnement.


Ainsi, il n'est pas douteux que la Société générale
de Douai n'ait adopté une tres-sage mesure : elle
existe depuis 17 ans, elle compte plus de femmes que
d'hommes, et parmi ses membres nous voyons 788
sociétaires de 35 a 55 ans, et 119 plus ágés ; dans de
telles conditions, et surtout .avec un nombre plus
considérable de femmes que d'hornmes qui versent
moins et coútent cependant davantage a la Société,
les frais pharmaceutiques devaient saccroitre de
plus en plus. Déja ils avaient dépassé 7,000 francs.




- 361 -
L'abonnernentpouvait seul retirer la Société de la voie
périlleuse ou elle était engagée


Quoi qu'il en soit, l'abonnement entraine toujours
un danger, celui d'une délivrance de médicaments de
qualité mediocre. On comprend, en effet, que plus ce
systeme eet favorable aux intéréts des Sociétés, plus
il est onéreux pour les pharmaciens, et il est a crain-
dre que pour se dédommager, ils ne soient tentés d'é-
couler leurs produits inférieurs.


III.


Le systeme de l'abonnement a été adopté par la
Société lyonnaise des ouvriers en soie, des son ori-
gine, et il était le seul admissible eu égard au nombre
considérable de sociélaires annuellement admis au se-
cours, mais il constituait les pharmaciensen perte, et
de la naissaient des difficultés sérieuses et des motifs
de mécontentement de la part des malades qui fré-
quemment se plaignaient de la mauvaise qualité des
médicaments.


La Cornmission administrative reconnut la néces-
si té d'une modification, rnais elle ne voulut adopter
aucun des systemes usités chez les autres Sociétés.
Comptant sur les ressources que la Société tire des
libéralités qu'elle recoit de la Cham bre de Commerce
et de ses merribres honoraires, elle décida la création
d'une pharmacie spéciale.


Organisé avec cólérité et intelligence, cet utile éta-
blissement fut ouvert le ler avri11857, et n'a ces sé de


. fonctionner jusqu'a ce jour.
A la vérité, ses premiers résu1tats ne furent pas




- 362-
tres-économiques. Les dépenses annuellement répar-
ties entre les membres de la Société donnerent une
moyenne p~r tete supérieure au chiffre de l'abonne-
ment pris avec divers pharmaciens de la ville. Mais le
dernier Rapport révele déja une situation plus satisfai-
sante et permet d'espérer qu'avec le temps il y aura
une économie réelle sur l'ancien systeme (1).


En eút-il d'ailleurs été autrement, la eréation de la
pharmacie spóeiale n'eút pas moins d11 étre encoura-
gée et poursuivie avec persévérance a raison des in-
novations utiles qui s'y rattachent.


Cette organisation a permis, en efI'et, d'admettre ala
délivranee gratuite des remedes, les enfants et les
apprentis des sociétaires, moyennant une redevanee
armuelle de 3 franes, qui jointe a l'abonnement de
2 franes pour le secours médical, porte a 5 franes par
an, par chaque enfant, la somme moyennant laquelle
les parents et patrons peuvent leur assurer tous les
secours nécessaires en cas demaladie.


Elle a permis, en outre, d'accorder aux malades une
eertaine latitude dans le ehoix d'un médecin ayant
leur confiance, et voici de quelle maniere: L'article
85 du reglement dispose, que les malades se faisant
traiter par un médecinde leur choix autre que eelui de
leur section, sont réputés avoir renoneé aux secours


(1) La moyenne des dépcnses de la pharmaeic, par tete, a été
de ~,60 en 1860,3,73 en 1861, et 3,2:; en 1862. Ce dcrnier
chifi're excede encole de 0,21 celui de 3,25 montant de l'ancien
abonnement. l\lais la progression cst descendente, et il y a lieu de
croire que la dépense ne tardera pas aétre de beaueoup inférieurc a
cello résultant des abonncments. - Voyez les Rapports de 1861,
1862 et)863.




- 363-
en argent, ainsi qu'á la délivrance gratuite des re-
medes; mais le méme article porte également, que
dans ce cas, la Commissi on .administrarive est auto-
ríséea prendre des mesures pour con stater la durée de
l'incapacité de travail, et a íaire payer auxdits malades,
soit la totalité du secours, soit seulement la portion
qu'elle jugera convenable.


En fait, l'application de cette derniere disposition a
toujours eu lieu dans le sens le pIns favorable aux
sociétaires; seulement les médicaments ne pouvaient
leur étre délivrés avant la création de la pharmacie
spéciale, paree que les pharmaciens étaient en droit
de les refuser sur le vu d'une ordonnance revétue
d'une signature autre que celle du médecin ordi-
naire.


Depuis l'établissement de la pharmacie, la Com-
mission administrative a permis la délivrance gratuite
des remedes a tous les sociétaires qui se font traiter
par I'un des médecins de l'institution, titulaire ou
suppléant (1), a quelque section qu'il soit attaché,
pourvu que l'ordonnance signée par ce médecin soit
inscrite au livret du malade.


Si, a ces innovations, nous ajoutons les avantages
résultant de ce que les médicaments fonrnis sont gé-
néralement de qualité excellente, et qu'aucune discus-
sion ne peut plus s'élever a cet égard, nous aurons
suffisamment justifié, s'il en est besoin, l'établisse-
ment de la pharmacie spéeiale.


Remarquons que si les dépenses des premiares
années ont été plus considérables, elles s'expliquent


(1) L'institution compte 9 médecins titulaires attachés chacun a
une ou deux scetlous, et 6 médeeins suppléants.




- 364-
par la nécessité 10 d'éteindre les frais de premier Áta-
blissement qui grevent encore la situation, et 20 de
subvenir a des besoins extraordinaires (signalés dans
les Rapports), qui plus tard ne se renouveleront paso


La Société des ouvriers en soie, reconnue comme
établissement d'utilité publique, a d'ailleurs des con-
ditions exceptionnelles d'existence qui lui permettent
de ten ter des entreprises auxquelles les autres Sociétés
ne pourraient son gel' sans témérité. Loin de nousla
pensée de leur proposer comme modele a suivre une
organisation qui est évidemment au-dessus des res-
sources dont elles disposent.


IV.


Quelques Sociétés, pour s'éviter la difficulté de 1'01'-
ganisation.du service médical et pharmaceutique, ont
eu recours aux eartes du Dispensaire.


Le dispensaire est, comme on le sait, une Société
de charité , eomposée de souscripteurs en nombre
illimité, et dont le but est de fournir a domicile et
gratuitement tous les secours de la médecine et de la
pharmacie aux malades indigents.


Chaque souscription, de 40 francs a Paris et de
30 franes aLyon, donne le droit de faire administrer
pendant l'année, aun malade ou aplusieurs succes-
sivement, tous les secours de l'osuvre.


Ces indications suffisent poul' faire apprécier le ca-
ractere des Dispensaires, rnuvre admirable de charité,
justement élevée au rang des établissements d'utilité
publique. (Ordonnance royale de 1832, pour le dispen-
saire de Lyon). •




- 360-
Mais, cornme on le voit , ses bienfaits s'adressent


aux indigents, a ceux qui ne peuvent, ni par eux-
mémes, ni par le secours d'une association , se pro-
curerles secours dont ils ont besoin. D'ou il ressort
que les Sociétés de secours mutuels ne doivent pas,
':)n principe, avoir recours aux Dispensaires.


Il y a un danger manifeste pour elles a se donner
le róle d'osuvres de bienfaisance. Tout ce qui habitue
le sociétaire a demander, a se considérer comme
créancier de la charité publique, fausse le principe
de la mutualité, et altere le caractere des obligations
qui découlent du contrat d'assurance sur lequel repo-
sent les Sociétés de secours mutuels.


L'indigent ne craint pas d'étre importun, de solli-
citer, d'obtenir méme ce dont il pourrait rigoureuse-
ment se passer. 11 n'a nul intérét aménager la bourse
de celui qui lui donne et surtout les fonds des Sociétés
de bienfaisance.


Au con traire, le sociétaire ne doit jamais perdre de
vue qu'il est lié par un contrat a titre onéreux, que ce
n'est point gratuitement qu'il est secouru, et que s'il
a le droit de réclamer et de recevoir des soins qu'il
paye a l'aide de sa cotisation mensuelle, il a le devoir
de ne les exiger que dans les cas strictement prévus
sous peine de manquer a ses obligations et de com-
promettre les ressources sociales.


Il n'a rien de commun avec les indigents, et il doit
leur laisser les bienfaits créés pour eux par la cha-
rité. Les Sociétés de secours mutuels manquent donc
au caractere de leur institution quand elles ont re-
cours aux Dispensaires .
. Quelques Sociétés se sont cependant permis d'en




- 366-
faire usage et 's'applaudissent du résultat économique
qu'elles en retirent.


Nous admettons qu'il puisse y avoir quelque avan-
tage, pour les Sociétés nouvelles, a recourir a ce
systéme; une ou deux cartes du Dispensaire snffisent
a une association qui se compose de membres jeunes
et valides pour lesquels les maladies sont peu fré-'
quentes.


Mais lorsqu'il y a plusieurs sociétaires simultané-
ment malades, il faut plnsieurs cartes, puisque cha-
cune d'elles ne doit servir qu'a un seul malade,etalors
les dépenses risqnent de devenir bien plus con si dé-
rables que si l'on avait en recours, dans la forme or-
dinaire, aux soins d'un médecin et aux remedes four-
nis par un pharmacien que la Société aurait choisi.
Il se peut méme que plusieurs cartes se trouvent en-
gagées a la fois par des maladies de courte durée, et
dont le traitement eüt été peu dispendieux, ou bien il
arrivera que, dans le but d'économiser l'achat d'une
carte nouvelle, on sera obligé d'attendre la guérison
d'un sociétaire pour en secourir un autre.


Cette mesure ne peut donc, en définitive, étre to-
lérée qu'au début d'une Société, ou lorsqu'elle ne
compte habituellement que tres-peu de malades; et
méms dans ce cas, les soins d'un médecin rémunéré
aproportion de ses visites, suivant un prix convenu,
et la délivrance des remedes par un pharmacien avec
lequel on aura traité avantageusement, seront préfé-
rabIes au point de vue de l'économie, de l'efficacité et
de la promptitude des soins, comme au point de vue
du caractere et de la dignité des associations.




CHAPITRE XXiI.


lNDEMNITÉS DE MALADIE.


SOMMAIRE.


S ler. - 1I1otifs de l'indernnité de maladie. - Elle n'est due que
dans des eas legitimes. - Regles proposées par la Commission
supérieure.. - Quolité et durée de l'índemnité. - Son point de
départ,


§ 11. - 1I1oyenscmployés pour assurer la légitime répartiticn des
seeoul s. - MemOres visiteurs. - leur mission, - - Leurs devoirs.


§ 1II. - Do la coopération des Sceurs de charité au service de
sauté des Sociétés de secours mutucls. - Son utilíté. - Résul-
tats sigualés ehez plusieurs Sociétés, - Exemples 11 suivre.


§ IV. - M~sllres propres 11 prévoir el 11 réprimer les abus des se-
cours de maladie,


l.


Les bienfaits de la mutualité ne devaient pas se
borner a l'assistanee du médecin et a la délivranee
gratuite des remedes.


Sans doute c'est déja pour le malade un secours
inappréeiable que de se voir entouré de soins intelli-




- 368-
gents et empressés, et d'obtenir tout ce qui est né-
cessaire a son rétablíssement. Mais quand le chef de
la famille, condamné par la souffrance it l'inaction, ne
peut plus subvenir aux besoins de son ménage, qui
viendra donner du pain a sa femme et a ses enfants ?
- C'esl l'assoeiation. Elle eomprend la douleur que
cause a l'ouvrier laborieux le chómage auquel il est
contraint, et elle lui apporte le Secours d'une indem-
nité quotidienne, destinée a remplacer, autant que
possible, le salaire dontil est privé, jusqu'au moment
ou ses forces lui permettront de revenir a son travai1.


Mais ce qui est le dédommagement d'une inaction
involontaire ne doit jamais ~tre un encouragement a
l'oisiveté et ala paresse.


Se faire attribuer, au moyen d'une maladie simulée
ou prolongée, une indemnité a laquelle on n'a pas
droit, c'est s'approprier le bien d'autrui, e'est dérober
a ses eoassoeiés les ressources sur lesquelles ils
eomptent et qui sont leur propriété.


Aussi, pour éviter de pareils abus, et empéchor les
Sociétés de faire des dépenses exagérées qui ne s'équi-
libreraient pas avee leurs reeettes, la Commission
supérieure a proposé des regles dont l'expérience a
démontré les avaniages (1).


Pour @tre sures de tenir leurs engagements, les So-
ciétés doivent :


l° Elever le taux de leur cotisation mensuelle it la
máms somme qu'elles donnent par jour comme in-
demnité a leurs malades.


2° Limiter a six mois, en général, la durée du paye-


(1) Bullctin des Sociétés, - Anuéc 1857, p. 209,210.




- 36 i) -
ment de eette indemnité, dont il importe que le taux
suive une progression déeroissante.


3° Laisser au bureau la faculté de déterminer la
durée et la quotité des seeours, d'aprés les ressourees
disponibles, si la maladie se prolonge plus de six
mois.


Les regles sont généralement suivies par les So-
eiétés Iyonnaises.


Quelques-unes n'allouent qu'une indemnité infé-
rieure au salaire de la journée de travail, afin d'inté-
resser le soeiétaire malade il reprendre sa tache q1l0-
tidienne le plus promptement possible.


Cette mesure est tres-sage, et nous en reeomman-
dons I'adoption aux associations en voie d'organisa-
tion. C'est un devoir pour toutes les Sociétés de sti-
muler sans eesse I'activité de Ieurs membres, et elles
y trouvent leur profit. La plus súre garantie qn'elles
puissent avoir de la loyauté des sociétaires, et de
leur exaetitude apayer leurs eotisations, e'est leur
zele au travail.


La limitation de l'indemnité aun eertain temps, et
sa progression déeroissante ont été souvent eriti-
quées.


Nous avons entendu dire : « Poürquoi l'indemnité
est-elle supprimée apres six mois?


« Le bureau de ehaque Société a, il est vrai, le droit
de prolonger l'indemnité. Mais le secours que recoit
le soeiétaire maJade, passé le délai de six mois, n'ost
plus un droit, puisqu'il est subordonné a I'état de la
caisse soeiale, il est done entierernent éventuel, 'e'est
un aete de pure bienfaisanee tout a fait incertain.-
Pourquoi aussi, ajoutait-on, modifier et réduire pro-
gressivement l'indemnité, alors que la maladie, en se


:14




- 370-
prolongeant, a épuisé toutes les ressources de la fa-
miUe? - C'est quand il ne reste plus d'économies
dans le ménage que l'on diminue le ehiffre du secours,
ne vaudrait-il pas mieux l'augmenter, plutót a ce mo-
ment qu'au commencement de lamaladie, ou le socié
taire a quelquefois de petites épargnes? »


Nous ne pouvons mieux répondre a ces abjections
que par les eonsidérations suivantes tirées d'un des
rapports de la Commission supérieure :


« Une Société de secaurs mutuels ne peut promettre
á ses membres que des avantages proportionnels a ses
ressources. C'est la de la sagesse vuIgaire.


« Un soeiétaire ne peut raisonnablement réclamer
de la Soeiété que des avantages proportionnés a ses
versements. C'est la de la stricte justiee.


(( Voila pourquoi la eotisation mensuelle, e'est-a-
dire la ressource réelle de l'assoeiation étant ordinai-
rement peu élevée, l'indemnité péeuniaire promise
aux malades est elle-rnéme modeste et souvent infé-
rieure au salaire d'une journée de travail.


« Voila pourquoi ene ore l'indemnité, au lieu de se
prolonger indéfiniment, est limitée a un certain nom-
bre de jours, ou de semaines, ou de mois.


« •.•.. Ce que Ia Société a promis, c'est de préser-
ver le travailleur des accidents qui viennent suspendre
le travail, e'est de le remettre le plus tót possible en .
état de reprendre son travail et de se suffiro a Iui-
méme par son salaire quotidien. Ce q u'elle n'a pas
promis, ce qu'elle ne pouvait pas promettre, e' était de
se substituer pour toujours au travail, Elle se charge
des maladies accidentelles et passageres, elle ne se
eharge pas des maladies permanen tes, et quand une
maladie tend a devenir permanente par une durée in-




- 371 -
définie, la Société a le droit de la réduire aux con di-
tions d'une maladie aecidentel1e par une indemnité
limitée, la seule qu'elle püt raisonnablement pro~
mettre.


« Ce que la Société a promis eneore, e'est de rendre
au sociétaire, en eas de maladie, l'argent qu'il a versé,
augmenté d'une partie "de l'argent des autres, de lui
rendre son capital grossi de tres-forts intéréts, Ainsi
un sociétaire qui verse 18 francs par an, et qui recoit
en argent une somme de 225 franca pour une maladie
dont la durée atteint les délais fixés par les statuts,
ne recoit-il pas d'un seul eoup la valeur de plus de
douze années de eotisations? - La Soeiété ne lui fait
done aueun tort, méme en limitant l'indemnité; elle
lui assure, au eontraire, des avantages qu'il ne trou-
verait dans aueune autre institution.


« Enfin, ce 'que la Soeiété a promis est éerit dans
ses statuts. Chacun, en y entrant, sai t a quoi il s'en-
gage et sur quoi il peut compter; il n'est done pas re-
cevable a réelamer eontre un eontrat librement ac-
eepté. Quand le maximum des sommes a recevoir est
atteint, la Soeiété ne surprend personne, en déclarant
qu'elle ne peut aller au-dela : elle n'onleve au malade
aueune reSSOUI'ce légitime, pas plus qu'aueune espé-
ranee raisonnable. »


N ous n'ajouterons rien a ces considérations; elles
sont la réponse la plus directe aux objections que
nous avons indiquées.


La fixation du point de départ de l'indemnité a sou-
levé des opinionsdivergentes.


Le payement de l'indemnité doit-il courir des le pre-
mier JOUI' de la maladie?


Un grand nombre de Sociétés ne l'aeeorde qu'aprés




- 372-
le troisieme jour, ou méme un jour apres celui de la
délivranee de la feuille de visite par le médecin.


La raison de eette disposition est facile asaisir : il
faut éviter tout ce qui pourrait fournir un encourage-
ment a la fraude et a l'oisiveté.


Cambien d'ouvriers, pour un léger malaise, mérne
pour quelques fatigues dues a l'intempérance, se-
raient tentés de cesser tout travail et de se déclarer
malades afin de recevoir l'indemnité. Il importe done
que la eaisse eommune reste fermée aux indisposi-
tions passageres, et qu'elle garde toutes ses ressourees
pour les maladies véritablement sérieuses.


Quand les sociétaires savent que s'il s cessent leur
travail, ils ne recevront aucune indemnité dans le cas
oü la maladie sera jugée légere, ils préferent travailler
plutót que de perdre leur journée. 11 y a alors beau-
coup moins de ces malaises simulés ou exagérés, en
face desqnels le devoir du médecin est souvent fort
délicat, et que la sévérité la plus éclairée ne parvient
pas toujours a déjouer,


Parmi les Sociétés qui admettent que les maladies
de mcins de trois jours ne donnent pas droit a l'in-
demnité, il en est qui en f'on t néanmoins remonter
le payement au premier jour, lorsque la maladie ,
prenant un caractere sérioux, dépasse le troisieme
jour.


Le rnotif de cette décision est eertainement tres-
louable : on n'a pas voulu que le sociétaire réellement
malade fút privé de secours pendant les premiers
jours; mais cette mesure rencontre un autre écueil.
Elle excito les sociétaires a prolonger leur état m a-
ladif jusqu'au quatrisme jour, ce qui leur assure en
effet un profit manifeste, puisque, ponr une journée




- 373-
de plus, ils recoi vent une somme de 4 it 8 franes qu'un
seul jour de travail ne leur aurait ras rapportée.


L'exeitation ala fraude est si évidente, que les re-
levés de statistique, parmi les Soeiétés qui ont adopté
cette disposition , constatent que les maladies de qua-
t1'8 ou einq jours sont beaucoup plus nombreuses que
les indispositions limitées adeux ou trois jours (l).


n.


Toutes les Sociétés de secours mutuels imposent a
leurs membres la noble tache de visiter les sociétaires
malades.


La bonae organisation de ce service a une tres-
grande importance ; son objet est de contribuer au
soulagement du malade et de sauvegarderles intéréts
de la Société.


Aussitót qu'ils recoivent du secrétaire l'avis qu'un
sociétaire est maIade, les visiteurs en fonctions sont
tenus de se rendre aupres de lui pour constater son
état et prévenir le médecin.


Pendant la durée de la maladie, ils font au moins
deux visites par semaine; ils portent au sociétaire
l'indemnité qui lui est due. Ils veillent a ce qu'il re-
coive regulierement les secours du médecin,et a ce
que les prescriptions de celui-ci soient fidelement
observées.


Ils transmettent au bureau ou au Conseil d'admi-
nistration les plaintes ou les demandes du malade,
Ils ont surtout poul' mission de le réconforter et de lui


(1: Bulletin des Sociétés de secours niutucls, 1858, P 158.




- 374
prodiguer toutes les consolations affectueuses et les
encouragements que peut inspirer un sentiment de
sincere confraternité.


Daps I'intórét de la Société, ils ont aveiller ace que
les secours ne dépassent pas les justes limites. Ils
doivent rappeler a l'observation du reglement le so-
ciétaire qui serait tenté de prolonger sa convalescence
et son inaetion au-dela du temps nécessaire.


Ils ont a signaler au bureau toutes les infractions
qu'ils constatent, notamment s'ils trouvent occupé a
son travail habituel, ou hors de son domicile, le so-
ciétaire qui s'est fait inscrire comme malade.


On ne saurait trop insister sur les devoirs des visi-
teurs. De leur vigilanee, eomme de celle des médeeins,
dépendent la fidele exéeution du eontrat et la prospé-
rité de la Soeiété.


Malheureusement il arrive trop souvent que les
membres visiteurs, par la crainte de s'attirer quelques
désagréments, ferment les yeux sur les abus dont ils
sont les témoins.


Les rapports annuels de la Soeiété reeonnue des
ouvriers en soie de Lyon reuferment sur ce point les
sollicitations les plus énergiques el les plus pressants
appels.


« La plupart des visiteurs, y est-il dit, eroient avoir
« rempli eonvenablement leur mandat lorsqu'ils ont
« fait aux malades de simples visites de confraternité,
« ou bien quand ils ont pris des renseignements sou-
ti vent incomplets sur la moralité, sur l'état habituel
" de santé des personnes qu'ils ont mission de pré-
" senter comme nouveaux sociétaires.


« .,. Qu'ils n'oublient pas, qu'investis d'une con-
« fianee illimitée, ils ont a remplir les devoirs que




- 375-
« leur impose une responsabilité morale, et que cette
« responsabilité ne saurait ~tre garantie que par la
(( juste appréciation des cas dans lesquels le secours
" mutuel doit étre accordé.


« •.• En fermant les yeux sur les abus qu'ils sont(( amémo de remarquer, ils mettent l'Administration
« dans l'impossibilité de les réprimer, et ils portent
« ainsi une sérieuse atteinte aux intéréts généraux de
« la Société.


« Les visiteurs, a coté de leur mission de confra-
(( ternité aupres des malades, sont assujettis aun de-
« voir non moins important, qui consiste a suroeiller
« constamment, et a signaler ti l'Administration
« les sociétaires soup90nnés de simulation de ma-
(( ladie. En rernplis sant ces obligations avec la régu-
(( Iarité, l'impartialité qu'elles exigent, ils contribuent
« puissarnment an'assurer l'assistance de la Société
( qu'a ceux qui y ont réellement droit (1). »


III.


Plusieurs Sociétés étrangeres au département du
Rhóne ont eu l'heureuse idée d'adjoindre aux soins
des médecins et des visiteurs, ceux d'une ou de plu-
sieurs scsurs de charité.


Le Bulletin mensuel des associations de secours
mutuels atteste les bienfaits que répandent ces mo-
destes et si u tiles auxitiaires au sein des Soeiétés de
Metz, de Vitry-Ie-Francais, de Bar-le-Duo, de Saint-
Jean a Compiegne, etc. (2).


(1) Comptes-rendus de 1860 et 1861, p. 8, !J, 10, 11.
(2) Bulletins de 1855 el de 1861, p. 17, 173 el suiv.




- 376 "-
Surveillance intelligente de l'exéeution des pres-


criptious médieales, applieations de pansements etde
remedes, offieesde garde-malades, sal utaires conseils,
douees exhortations, tels sont les résultats de I'ac-
tion de ces saintes femmes aupres des soeiétaires ma-
lades ou infirrnes.


Mais la no se borne pas le fruit de leur zele, Le pa- .
tronage des enfants, la sage infiuenee exercée surles
jeunes filles, l'intervention eoneiliatrice dans les mé-
nages, les eneouragements donnés atous les membres
de la famille, l'exeitation au bien et a l'accomplisse-
ment des devoirs des parents envers les enfants, et de
eeux-ci envers leur pere el mere, tels sont le.s avan-
tages que peut assurer aux membres des Sociétós de
seco urs mutuels le concours d'une sceur de charité
éclairée, prudente, dévouée, animée du véritable es-
prit de saint Vincen t de Paul et du zele doux et ardent
de saint Francois de Sales.


De notables économies sont souvent réalisées par
ses soins; elle veille a ce que l'ordre, la propreté et
les con di tions d' une bonne hygiene regnen t dans les
familles, Elle insiste pour que les habitudes se ré-
gularisent, et que de folles dissipations ne compro-
mettent ni la san té ni les ressources des sociétaires ;
enfin, elle concilie dans une juste mesure l'intérét
des malades et eelui de la eaisse commune, et elle
contribue, avec les membres visiteurs a assurer l'exé-
eution loyale du contrat de société. C'est pourquoi la
Soeiété Amicale de Metz estime, dans I'un de ses
comptes-rendus ann uels, que le crédit de 4;30 franes
qu'elle alloue, chaque année, a la sceur de charité,
pour son entretien, est amplement compensé par les
avantages matériols que son zele assure a la Soeiété,




-- 377 -
sans parler de son influence moralisatrice sur les so-
ciétaires et les divers membres de leurs familles.


A Lyon, la commission administrative de la Société
des ouvriers en soie a confié la direction de saphar-
macie EL des sceurs deSaint-Vincent-de·Paul;les comptes
rendus des dernieres années nous démontrent que
leur dévoúmsnt et leur aménité sontjustement appré-
ciés par les sociétaires. .


Les autres sociétés lyonnaises n'ont pas une situa-
tion pécuniaire aussi florissante et ne peuvent que
difficilement songer a des innovations qui modifient
I'éq uilibre de leur budget. Cependant, combien la coo-
pération des sceurs de charitó al'assistance des socié-
taires maladas seraitprofitable a notre classe ouvrioro,
qui a tant besoin de conseils, d'encouragements, de
eonsolation daus les rudes épreuves de sa vie labo-
rieuse!


Les présidents des diversos Sociétés ne pourraien t-ils
se concerter puur avisar au moyen d'assurer le con-
cours d'un si précieux auxiliaire a deux ou trois as-
sociations réunies ? La dépense partagée ne serait
plus une charge pour chacune d'elles, et les malades
seraient l'objet d'uue sollicitude active , éc1airée et
bienveillante qui háterait leur rétablissement et pro-
fiterait au bien-étre physique et moral des familles,
et a la caisse des Sociétés elles-mémes.


IV.


L'indispensable nécessité de restreindre l'indernnité
aux seuls cas de maladie réel1e, a inspiré atoutes les




- 378-
Sociétés l'adoption dans leurs reglements de mesures
propres a empécher ou a réprimer les abuso


Celles qui nous paraissent les plus efficaces con-
sistent afrapper successivement d'une censure publi-
que, d'uue amende, et enfin d'une exclusion le socié-
taire convaincu une premiare, une seconde et une ~
troisieme fois, d'avoir, par simulation de maladie ou


. prolongement intempestif d'uneconvalescence, obtenu
ou tenté d'obtenir indüment des secours.


On ne saurait etre trap sévere dans l'exécution du
contrat de société, puisque de l'infraction a ces con-
ditions peut résulter une grave atteinte ala prospérité
commune.


La Société des ouvriers en soie a en outre, par suite
de l'organisation spéciale de ses pensions de retraites
une faculté dont elle n'use pas, et qui serait cepen-
dant susceptible de prévenir ou de punir la fraude.


Chaque année, ses sociétaires recoivent deux primes
de 10 Irancs, inscritas a leur nom a la caisse des re-
traites. Il serait tres-Iogique d'insérer dans le regle-
ment un article qui priverait du bénéfice de ce ver-
sement tout membre de la Société convaincu d'avoir,
par des manceuvres ooupables, obtenu ou tenté d'ob-
tenir des secours de maladie hors des cas légitimes.




CHAPITRE XXIII.


DU CHOMAGE. - MOYENS D'Y REMÉDIER PAR LA MUTUALITÉ •




SOMMAiRE.


§ ler, - Tentatives des associations mutueIIes pour remédiel' au
chómage. - Sccours accordés par les unes, refusés par les au-
tres. - Cireulairc ministérielle du 29 mai 1852, interdisant les
secours cn cas de chómage,


§ n. - Des moyens offcrts par la mutualité pour prevenir ee fléau.
- De l'usage du diplórne de sociétairc. - II doit étre un litre
de préfércnee aux ycu"- des patrons, - - Vceu exprime par la
cireulaire du :t9 mai 1852. - Mesures prises par plusieurs 80-
ciétés pOU!' facilitcr le travail.


§ III. - Tentativcs des Sociétés d'ouvriers chapeliers dc LYOll.
Innovation introduite dans Icurs statuts, - Obscrvations dc la
Commission supérieure de surveillance. ;- Approbalion rninisté-
rielle d'un reglement qui établit une caisse spéciale de secours
en eas de chómage.


§ IV, - Exemples ¡, suivre par les Sociétés dont les professions
sont plus particulierement arteintes par le ehómage. - Condi-
tions essentielles ¡, observar.




- 380-


1.


Le chómage est un rude flóau pour les classes la-
borieuses. Certaínes professions en son t plus fréquom-
ment frappées, et quand íl survient, une lamentable
détresse ne tarde pas a envahir la demeure de l'ou-
vrier.


Les associations mutuelles ont souvent tenté d'y
remédier par des allocations de secours extraordi-
naires.


Celles qui se sont organisées sous l'inspiration du
eompagnonn3.ge ont pour la plupart promis aleurs
membres une assistance en cas de chómage; mais
l'exéeution de cette clause a produit de graves abus,
et portaít presque toujours atteinte aux ressources
destinées au soulagement des malades et dos vieil-
lards,


Les autres associations proscrívaient ce mode d'as-
sistance. Elles le consídéraient comme une trop lourde
charge pour leur caisse, comme un encouragement
donné al'oisi vetó, et une sorte d'aumóne dont la dignité
de leurs membres pouvait etre blessée.


Une eirculaire ministérielle du 29 mars 1852, adres-
sée aux préfets pour leur faciliter l'application du dé-
cret du 26 mars 1852, créateur des sociétés approu-
vées, les engagea a ne jamais tolérer la promesse
de secours pour les temps de chómages, par le motif
que « eette condition ne serait pas seulernent un prin-
« cipe de ruine et de démoralisation, puisqu'elle ten-
« drait aencourager la paresse et a faire payer une
« prime a l'insouciance ; mais elle porterait en elle le




- 381 -
« germe de toutes les greves et l'espérance de toutes
'( les coalitions (1). »


L'expérience avait dicté ce langage et démontré sa
justesse.


Depuis lors, aucune association approuvée n'a pu
conserver ni introduire dans ses statuts la elause
d'une allocation de seeours en cas de chómage.


n.


Est-ee it dire que l'ouvrier n'ait aucun moyen pour
lutter contre le manque d'ouvrage ?-Mais sans parler
de la caisse d'épargne, oü il peut précisément mettre
en réserve le petit trésor qui lu i permettra de supporter
les mauvais jours, la mutualité lui vient ene ore en
aide dans cette redoutable épreuve.


La eirculaire quenous avons citée plus haut exprime
que: « le diplóme de membre d'une société de secaurs
« mutuels doit servir de livret et de passeport, c'est-
« a-dire devenir un certificat de moralité, un témoi-
« gnage de banne conduite, une recommandation a
« la protection du Gouvernement, au» préferencee des
« chefs d' atelier, a l'estime et a la eonsidération pu-
« blique. 11


A l'appui de cette intention, le ministre de l'Intérieur
a pris, le 5 janvier 1853, un arreté sur la délivrance
des diplórnss, et leur emploi comme livret, de maniere
a donner acette piece un caractere d'authenticité et
de solennité qui en rendent les avantages efficaces .


. (1) Cireulaire du 29 mai 1S52, nO 12. -- Dalloz, Bép, Gén.
VO Seconrs puhlics, nO 233, en note.




- 382 -
L'intention du Gouvernement est done que le di-


plórne soit réellement un titre a la eonfianee et a la
préférence des patrons, des chefs d'atelier, des mai-
tres et fabricants, des directeurs de chantier et d'usines,
de tous ceux en un mot qui peuvent disposer d'un ou-
vrage quelconque au profit des travailleurs.


S'il en était réellement ainsi, s'il était aujourd'hui
admis dans les mcsurs que le diplóme donne droit a
une préférence, l'ouvrier laborieux et économe qui
fait partie d'une société de secours mutuels ne trou-
verait-il pas dans eette protection un remede précieux
contre les éventualités du chómage ?


Ce résu1tat sera certain du jour ou les associations
de seeours mutuels seront appréciées aleur juste va-
leur, non seulement au sein de la population ouvriere,
mais par toutes les classes de citoyens. Il est de toute
justice, en effet, que l'homme qui a recours aune ins-
titution de prévoyance, afin de se créer par son tra-
vail et ses épargnes une garantie contre la maladie
et la vieillesse, obtienne, dans toutes les épreuves de
la vie, plus de protection et de faveur que I'ouvrier
insouciant, qui préfere vivre au jour le jour, plutót
que de s'iniposer quelques légers sacrifices.


Dans le but de se conformer au VCBU émis par la
circulaire du 29 mars 1852, plusieurs Sociétés ont fait
d'heureux efforts, qui méritent d'étre signalés. Elles
ont organisé entre elles des .bureaux de recomrnan-
dations, qui facilitent a leurs membres les occasions
de travail.


Quelques présidents d'associations composées d'ar-
tisans de divers états, ont encore imaginé de se corn-
muniquer mutuel1ement des tableaux indiquant les
noms et les professions de tous les sociétaires, afin




- 383
que ceux-ci puissent préférablement recourir a l'in-
dustrie les uns des autres , et obtenir ainsi de la
part des membres honoraires, un appui efficace et du
travail,


lII.


D'autres tentatives ont eu lieu. Notre ville a donné
a cet égard l'exomple d'une innovation qui, pour étre
appréciée, a besoin d'étre exposée avec quelques dé-
tails.


Deux sociétés d'ouvriers chapeliers existant a
Lyon depuis longtemps (la 15" et la 27e) accordaient
des secours en cas de chórnage. Lorsqu'e!les deman-
derent a etre approuvées, les maitres fabrican ts et
plusieurs marchands au détail firent observer que
la chapellerie subit des variations qui ne se rencon-
trent pas dau s les autres industries. A certaines épo-
ques de l'année, les commandes cessent, la fabrica-
tion est suspendue et 1'on congédie lesouvriers les
moins habiles, par conséquent qui habituellement ga-
gnent le moins et sont les plus malheureux. L'inac-
tion a laquelle ils sont réduits est parfois de longue
durée ; les Sociétés dernanderent en conséguence a
l'Administration l'autorisation d'accorder quelques
secours extraordin aires aceux de leurs membres qui,
par le manque absolu d'ouvrage, tomberaient dans
une détresse exceptionnelle.


Cette mesure fu t tclérée, et une troisieme Société
d'approprieurs chapeliers (la 14ge) , s'étant organisée,
inséra dans ses statuts les articles suivants :


« (Art. 49). Des secours extraordinaires pourront




- 384-
étre accordés par le bureau aux sociétaires qui en fe-
ront la demande lorsqu'il sera reconnu et pleinement
jl,lstifié qu'ils sont dans un besoin urgent, et qu'il
leur est impossible de se procurer du travail mérne
momentané.


« (Art. 50). Les secours de cette nature ne pour-
ront etre ni quotidiens, ni hebdomadaires, ni mensuels;
ni trimestriels, ni é tre renouvelés dans le méme tri-
mestre a la móme personne.


« (Art. 51). Dans la premiare quinzaine de chaque
trimestre, il sera fourni a l'autorité supérieure dé-
partementale la liste des sociótaircs qui ont obtenu
des secours extraordinaires dans le trimestre précé-
dent, avec désignation de la quotité du secours ac-
cordé achaque sociétaire, et des motifs ou circona-
tances qui ont fait allouer le secours,


« (Art. 52). Le bureau pourra également accorder
un secours extraordinaire, dont lemaximum ne pourra
dépasser douze [rimes aux ouvriers approprieurs-cha-
peliers de passage a Lyon, portenrs d'un livret en re-
gle, lorsqu'il sera constaté qu'i ls n'ont pas pu trouver
de l'occupation dans les divers ateliers de chapellerie
de la ville et qu'ils sont sans ressources.


« Le secours accordé aux ouvriers de passage ne
peut leur étre alloué de nouveau qu'aprss une absence
d'un ano »


Ces dispositions attirerent l'attention de la commis-
sion supérieure de surveillance et d'encouragement
des Sociétés de seco urs mutuels. Elle crut devoir de-
mander a l'Administration locale des éclaircissements
sur une innovation qui semblait au premier abord en
contradiction avec l'instruction générale du 29 rnai
1852.




- 385-
JI Iut facil8 de dérnontrer que les m aitres-fabricants


de chapellerie, mus par un sentiment-généreux el
équitable, avaien t eux-mámes sollicité une assistance
temporaire pour les ouvriers qu'ils se verra:ient con-
traints de cougédier. Aucune assimilation n'était done
possible avec ces secours pécuniaircs, qui, en d'au tres
circonstances, avaient el! pOlir résultat dalimenter les
greves et les coalitions. L'équilibre financier ne sem-
blait pas compromis par des dépenses d'un caractere
exoeptioun e! et limité.


En conséquence, la Cornmission supérieure n'hésita
pasa accorder son approbation aux statnts des appro-
prieurs-chapcliers, en les invitant tontefois iJ. consti-
tuer pour ce service nne caisse de bienfaisance parti-
culiere, alimentée par des retennes sur la cotisation
sociale, de maniere a ne pas nuire iJ. l'accornplisse-
ment des obligations plus impérienses que I'associa-
tion doit remp!ir a l'égard de ses membres malades
ou infirmes et de ses vieillards,


La Société s'empressa de se rendre ace vcou, et les
artic!es suivants, délibérés par elle, furent annuxés a
ses statuts apees approbation du Ministre de l'm té-
rieur :


« (Art. ler.) Il est créé une caisse spéciale póurles
secours extraordinaires accordés, par I'article 49 des
Statuts, aux sociétaires auxquels il est impossible de
se procurer du travail, memo momentané, lorsqu'jl
sera rcconnu etjnstifié que ces sociétaires sont dans
un besoin urgen1.


« Art. 2.) A cst effet, le produit des cotisations an-
. nuollas des membres honoraires ou participants, des


arriendes et des ressources de toute n ature, est divisé
25




- 386 -
en deux portion s dist inetes Iorm an t deux catégorios
de secours.


(( Dans fa prerniere catégorie , a laquelle serorit
affectés les deux tiers des recettes an nuel les de toute
nature, sont compris les secours ordinaires alloués
en cas de maladia, les honoruires des médeeins, les
frais d'i nhumation , de gestion, etc.


« Dans la deuxierne catégorie, alaquelle sera aff'ecté
le tiers des recettes ann uelles de tonte n ature , son t
compris les secours extraordinaires accordés par la
Société dans lecas prévu par I'article 49. Mais il sera
prélevé, sur ce tiers, une somme formant le quart de
ce tiers, laquello somme sera spécialement affectée a
une caisse de retraites, conformément aux prescrip-
tions du décret du 26 avri11856.


IX (Art. 3.) La division des fands aura lieu a la fin
de chaque trimestre; elle sera l'cbjet d'un preces-
verbal qui sera consigné 'in extenso dans le l'egi~tl'e
des délibération s du Bureau.


" L'1 sornrne destinée a etre versée a la Caisse
dAS retraites sera mise en réserve jusqu'a la fin de
!'année.


.. A cette époq ue, la Société prendra, pour en effec-
tner le versement, une délibération qni sera transmise
a M. le Préfet; mais ce versement ne pourra etro
opéré que lorsque la délibération aura été annr-iuvée.


« (Art. 4.) Les sommes restant disponibles en fin
d'exercice sur I'une ou l'autre catégorie seront ver-
sées, a la fin de cnaque année, a I'avoir de la Société.


« (Art. 5.) Par une délibération du mérne jour, la
Société a décidé que, pour avoir droit aux .avantages
accordés par la Société, il faut avoir payé sa cotisa-
zion pen dant quarante semaines et avoir versé pen-




- ~87-
dun t le méme tem ps, au fanels de fanclation, la coli.
s:lti(),~ exrraordinaire de cinq eentirnes pa?' [ranc. »
(Conformélllent au ~ 3 de l'article 31 des Statuts) (1),


Vl.


A ucu ne Société au tre que celle des ouvriers-chu-
peliers n'a obtcnu it Lyon, et peut-étre dans toute la
Prance, l'autorisation d'insérer de telles dispositions
dans ses statuts. ,C'est pourquoi nous les avons repro-
duites dans toute leur étendue.


Les associations qui croiraient devoir suivre cet
exemple ne pourraient évidemment y étre autorisées
qu'en subordonnant l'allocation des secours en cas de
chómago it des condi tions analogues.


Ces couditions peuvent se résurner ainsi :
1" Justification de l'irnpossibilité absolue de se pro·


curer du travail ;
2° Constatation de la détresso exceptionnelle du so-


ciétaire ;
3° Versement d'une cotisation extraordinaire pen-


dant une durée ele pres d'une année (40 sernaines],
opérée a I'aide d'nne reten ue sur le sal aire quotidien,


(1) L'articlo 31 es! ainsi coneu : (( Les sociétnires s'cngagcnt ,'\
puyel' uu e cotisation proportionnr-lle 11 leur salaire [ournalier,


" Cctte cotisutio n cst íixéc a einq centimes pal' f"UIHl 1'0111' tout
,,,ciéta íl'e litulnirc,


« Les caudidnts 11 I'admissiou vcrscront en cutre, pendant le
tcmps de lcur noviciat, i. titre de droit de fondation, cinq cent ime«
pal' franc cn sus de la enti-atiun ordinairc, »




- H88-
dé maniere que le remede apporté au ohórnage pre-
vierl'rle'enp:utie des épargnes d'un travail an térieur ;


40 Constitution d' un fonds spécial pour ce service,
a l'aide d'un prélevernen t déterrniné (par exeuiple trois
douziemes] sur les ressources ordinaires dn fonds
social;


50 Enfin, comrnunication a l'autoritá locale de l'état
des secours accordés, afin de rendre la surveillance
facile et de prévenir les abus que l'instruction mi-
nistérielle du 29 rnai 1852 a voulu réprimer.


Moyennant ces conditions, nous ne pensons pas
que I'approbation soit refnsée aux associations qui
voudraient remédier aux chómages dont certaines in-
dustries sont plus particulierement atteintes.




CllAPlTH.E XXIV.


SliCOURS A LA VIElLLESSE. - CONSTl1'UTlON 1':1' EMPLOr DU FOND8


DE RE1'RAITES DES SOCrÉ1'ÉS DE SECOURS MUTUELS.


somlAIRE.


S í«. - lmprévoyauce des Sociétés ancicnnes de seCOUl'S mulucls.
- Confusion dans les Ionds affectés aux secours de maladie et
uux pcnsious de retrnite. - De la composition aet uclle -du fonds
de rrlraite des Sociétés de secours mutuel, : 1° Prélevements fiAr
IC1I1' ré,~e>'vc. - lis doive nt éLre la base Iondamentale du Ionds
de rctraite. - Ch-culnlrcs ministér-iclles. - Regles diversos rola-
tivrs ala qúotité des placements , - au mode, de délíhératiou, -
il J'lpoque des verscmeuts.


~ 1I, - 2° Suúventions de l'Etlll. - Fouds successivernent affeetés
par le Gouvomcmcu! 11 cct mago. - Conditions suivant lesquelles
les Soci-tés pci.vcut avo ir part aux subvcnl ious, - Regles sui-
vics par la Commissiou supéricurc. - 3° Dons el. legs. - 40 Co-
tisativn des 71Icmbrcs IIOJlOl'((il'CS. - Leur csracterc. - Leur des-
l iuution spería!c.


§ 111. -- Du choix des sociétalres qui doiveut étre pourvus de
pe.isions. - Latitu le laissée aux Societés. - Conditions d'áge et
c'ancicnneté. - Quotité des pcnsions. - Intcrvcntion de I'admi-
nistration - SOI1 caractórc el son étcndue.


<¡ IV. - Mode, d'emploi des Ionds de retraites : - 10 Placement¡, la C'Ji,_.c Les rilp,lls pi cOllsi,gnations. - 2° P!(ípemellt a la C(lis,p




- 390-
des rrtraites, - Capilal,',:se,."i ou uliéu«, - AV',mLlges rl incon-
vénients de ces d ivcrs syslemcs. - Cü-culau-e millisUl'idlc da
24 mai 1856. - Mesures priscs parladrniuistr..í i.u.


1.


Nous avon s ótudié par que!s mayens les Sociétés
de secours ruutuels peuvcnt remedie!' it la maladie et
au chémaqe. II no~s reste a examinar I'orgunisatiou
des seco urs qu'elles accorden t el la oieillesse.


Cette étude comporte les deux. questionssuivautcs :
lo Cornmeu t les associ atioris doivent-elles user des


moyens que la loi !f:'UI' otl're pourassurer des pension s
de retraites a leurs vieillards (l)?


20 Comment en particulier les Sociétés de LYOll on t-
elles atteint le but propasé á leu rs cIlorts par le Iégis-
latcur ?


La prerniere condition que doit rernplir chaquo So-
ciété est de se constituer un Ionds de retraite, c'cst-a-
dire exclusivement affcctó aux secoun a la vieillesse,


Ce qui caractérisait I'irnprévoyance et la térné-
rité des Sociétés auciennes (avan t 1850), c'était de ne
pas distinguer les ressourccs q u i dcvaient pourvoir
aux pensions des vieillards de cclles destiuées il sou-
lager les malades. La confusion des fonds destiués a
ces deux services ne pouvait que cornpromettre l'un
et I'autre. Si les maladies venaient it sévir avec per-
sistance, elles absorbaient to utes les resso urces et


':1) Yoy... uu chnp ilrc XI, pa¡;" J'j'j d sUÍI'.,I'Étudl' de la légis-
ial iou rrlntivc aux ; cnsious dt~ ,'('traitc'.,,; ('on~tillll~e:-, p~1' les ~~o('iété~
de SCCOlllS mutucls .




- 391 -
rendaient impossihlo ponr l'avernr le paiemeut des
pensions promisos. Si, au con traire, les infírrnités de
la vieillesse pesaicn t davantage sur les mernbres
d'uno Soeiété que les malaises ten.poraires et acciden-
tels de l'áge viril, elles ne laissaient dans la eaisse
socialo que des sommes in suffisuntos ponr subvenir
aux soulagernents dus aux jeuues sociéraires malades.


Ain si jamais l'équilibre n'existait entre les recettes
et les dépenses; aucu ne ressource certaine et déter-
minéc n'était aífectéc a l'avance aux divers besoins.
En général, les éventualités qui ven aien t a se réaliser
disposaient seules des fonds réuuis dans la caisse-
cornrnune et rendaient illusoires les promesses faites
et les droits acqui s.


La cunstitution d'un fonds de retraites distinct des
fonds nécessuires aux secours médicaux et pharm a-
ceutiqnes a remédió a ces incorivénients et ne leur-
perrnet pas de se renouveler.


De quels éléments doit se composer ce fonds de·
retraites ?


L'article le' du décret du 26 avril 1856 subordonne
les subventions accordées par le Gouvernement, aux
Sociétés de secours m u tuels approuoées, a l'engage-
ment qu'elles auront pris en assernblée générale de-
consacrer a leur Iouds de re traites une portian de leur
c.i piral de réserve,


Cela veut dire qu'aprés avoir pourvll aux soins des
malades les Sociétós sont invitées a prélever sur leur
réserve, c'est-a-dire sur leur oxcédant en caisse, une
somrne armuelle pour en [aire la base de leur fonds
de retraites. Aínsi ce n'est qu'ap-res avoir assuré le
scroice de santé que l'on peut sonqer aux besoins
de la »ieilleese ; el cela est logique : apres le paiement




- 3U2--
¡le la dette aux sociétaires m alades, vieut la libérali!«
LlUX sociétaires agés_ Mais iI ne Ia.ut pas que la libé-
ralité soit trop la)'ge etporte attei nte aux ressourccs
éventueIlemen t nécessaires au sen-ice de san té. 01',
l'empressemont est allé quelquefois au dela des bor-
ues de la prudence.


PI usieurs Sociétés, pou)' gro3sir leur fonds de retra i-
tes et rendre plus largos les pensions de leurs viei l-
lards, ont épuisé leurs réserves et se sont préparé U!!
déficit. Quelques-unes mérne, par une ólrange erren!',
se sont prévalues du vide prodnit dan s leur ca isse par
un versernen t exagéré a leurs fonds de retrai tos, pou l'
obtenir a la fin de l'anriée un seconrs de l'Etat.


Des précautions ont dü elre priscs pour empécher
11'JO les Sociétés Iussen t cntrainées agros sir leur fonds
de retraites au détrirnent de leur caisse el des autres
obligations a uxquellss elles son t ten ucs erivers leurs
sociétai ros.


Aux termes de l'article 7 du décret du 26 ani11856,
les prélevemcnts votés par les Sociótés a u profít de
leurs viei llards sont examin és par la Commission
supérieure et approuvés, s'i! y a lieu, par le Ministre
de I'in térieur.


La rnission de la Commission supérieure á cet
l\gard consiste a s'assurer si le secours aux malades
a. été d'abord régulierement payé et s'rl n'est pa~ COI1l-
promis panr l'avenir par un versernen t eX[lgéré au
Ionds de retraitos.


Les Sociétés sont d'ui lleurs gujdées, dans l'appré-
ciation de la quoiité des »ersemenis, par la circulairo
suivante de M:. le Ministre de l'intérieur.


(( Les Sociétés de création recente, étant en génél'al
" composées d'horumes jeunes, antdes charges rnoin s




- 393-
,( lourdes il. su pportar : illeur sutíit, 8n conséquence,
" de mettre en réserve une som me représentant la
" cotisation d'une année par tete.


\( Quant aux Sociéiés dont la (ondation est anté-
« rieur e av, décret de 1856, \'agc déja avancé de leurs
« m embres les expose a des charges plus onéreuses;
({ elles ont so uveut i:í pourvoir au paiementdes secours
« temporaires et facultatifs votés en faveur des socié-
" taires devcnus iníirrnes , 011 ml'me incurables,
«. avant d'avoir rempli les conelitions exigées ponr la
« retraite. Dan s l'évaluation clu chiffre de leur réserve,
« ces Sociétés devron t tenir com pte de tou tes les cliar-
« ges du prósent et de 10:11es les éventualités de l'a-
,( venir; un versernent trap con sidér able les condarri-
« nerait a l'abaudon forcé des infirrnes et peut-étre
« móme a la restriction toruporairc des secours assu-
,( rós aux maladcs (1), »


En se confonnant it ces indicatious, Ll Commi ssion
s upérieure a calculé que, pour parer a toutes les éven-
tualités ,une Soci ótó de vrait conserver clans SI1 ré-
serve la rcprésentaiion tl'une année de cotisation de
ious ses membres. Tcl le est la rpgle qu'elle formule
dun s le rapport présenté a l'Empereur en 1859, et,
dcpuis eette époque, les Sociétés n'on t été autorisées
a versar au fonds de retraites que les éeonomies dépas-
san t cette sorn me (2),


Aux renseignemenls que no us venon s dormer sur la
quotité des préléoements iJ Iaire par les Sociétés paU!'


(1) Circulairo miuisté.Icl!« du 31 mars 1859, - Bullctin men-
511d des Sociétés de sccours mutnr-ls , - Allllée 1859, p. 93,
. (~, Ilnpport de la Cruumisvion su porir urc il l'Empcrcur. - Hul-
l(>'ill uu-u sucl . - :\¡;11(~{' JS5!): p. :~17.




- 394. -
lenrs Iouds de reuaites, nous croyon s devoir ajouter
des indicatiotlS relatives un mode de leurs délibéra-
tions et a I'ópo que ou elles doiven t annuellemen t
effectuer leurs verscmsn ts.


Le mode des délibérations a prendre soit }J0ur la
eréation d'un fouds de retraito, soit pour le vote d'un
prélévement destiné a l'accroítre, a été prévu et ré131é
par deux circul aires ministérielles auxquelles ont
été annexés les modeles de ces délibérations et les
articles arlditionnels quí doiven t ótra insórés par les
Socíétós dans leurs Statu ts. Ces documenta im portun ts ,
que nous ne jugeons pas a propos de transcrire iei,
peuvent etre consultés dans le Bulletin des Sociétés
de secours mutuels (Auné,es 1858 el 1859, pages 116
el 94) (1),


L'époque des délibératious et des versemcn ts n'ost
pas iudiílérente, cal', ainsi que no us l'avon s dit, l'Etat
subordonne les subven tions armuelles q u'i l accorde
aux efforts ten lés par les Soci étés pour créer ou ac-
croitre lcur fands de rctraita, aussi, afin que ce travail
de répartition puisse étre Iai t convenablement, il est
de regle que les Soeiétés déliberent, avant le 30 juin


(1) \njolll'd'hlli que les Soeiétés couuaisscut mieux les condi-
tions d'organisaüon du fonds de rctraites, Ic Gouveruemeut " re-
connu la néccssité de simpliflcr les forrnalités qui, daus Ic príncipe,
avaient paru néccssuircs ponr les guidcr dan s la constitution des
pcnsions.


Ainsi, un décrct du 13 avril 1861 pcrrnct 3UX préfets d'aul nriser
les vcrscrucuts volés par les Sociétés, tandis '1IlC jusqu'alors ji "p-
partenait uu ministre sc1I1 d'nuroriscr cr-s vcrscmeuts. - I'ne Circu-
lair e du 8 uvril 1861 inu-oduií aussi de nouvcllcs sirnplifical ious.
- nulletill, 1861, p. 88 el 89.




- 39:'-
de cliaque anr.éc, sur les versements qu'elles croien t
pouvoir eííecruer et q u'el les les réalisent rapres appro-
bation de Jeur délibération] avan t le le,. aoüt sui-
van t (1),


11.


L'acco mplissement des foruialités q uenous verions
d'indiq uer confere aux Sacié tés un droit aux subverr-
tions du Gouverncment : c'est la secoude sourcc d'ali-
mentatiou de leur fonds de retraites.


Par (léeret d1I 22 jan vier 1852, les Sociétés de secours
mutuels, ainsi que nous l'avous vu plus haut, ont été
pourvues d'unc dotation de dix mi llious.


C'est sur les reven us de ce capital que des subven-
tions armuelles son t accordées par l'Etat pour la créa-
tion ou l'accroissenien t d u Ionds de retraires des
Sociérés.


L'articlo 1e1' da décret du 26 avri l ]856 a d'abord
affecté a cet usage une sornrue de 200,000 fr., prisc
sur les revenus de la dotation dedix millions; rnais les
libéralités de l'Etat ne se sont pas arrétées lá.


Le mérne jour, un nrróté du m in istere de I'rntérieur


(1) CilclIlail'cs des 31 mal', 1859 el?5 frvrier 1B60. - Hullel in
mcnsuol des Société«. - Année 185-9, p. 92, et 16GO, 1'. 3~.


QlIel'lues Soc.ótés ou: fixé d'avancc la porl ion du capital qu'r-llcs
pl'élcv,'rúent annuullemcnt sur leur résciv« pOlI!' étrc affecté 11 lour
fond, ,le retrnilc. - Ccltc maniere de proceder n'a ríen tI'méga!.
mais il \,}1\\(II'"it mieux vorer unnnel!ernent la porlion dispouihle it
1;)'(;lever surIe [ouds de réservc , les Sociétés pourrnicnt aiusi hi.u
plus "iséull'nl Ieuir comptc de 11>111' '''' ilsbl« s.tual ion.




-- 3!lü -
a ordunné la répartition entre ioutes les Sociétés ap-
prouoées des 500,000 franes aeeordés par l'Empereur
á l'oeeasion de la naissance du prince impérial en
faveur des vieillards inscrits eomme membres parti-
cipants, En execution de eet arrété, la sornme a (,t{~
répartie entre ],037 Sociétés, araison de 4 fr. par 80-
ciétaire, eomme prerniere mise pour la eréation d'un
fonds de retraites.


JJepuis lors, chague annóe une portion notable des
revenus de la dotation de dix millions est l'(;partje
entre les Sociétés approuvées qui se sont próalable-
men t créé un fonds de retraites par des prélevernen ts
sur leur reserve.


Au 30 juin 1857, les subventions distribuées par
l'Etat s'élevaient dója au chiffre de 781,494 franes (1).
Elles ont été: en ]860, de 360,000 franes; en 1861,
de 359,371 fr.; en ]862, de 370,505 (2).


De lenr cóté, les Soeiétés sont enlrées avec empres-
sement dans la voie qu i leur a été ou verte par le
d écret du 26 avri11856. Ain si , an 31 décembre 1862,
1,779 Sociétés approuvées avaiont formé leurs fonds
de retraites , dont l'ensemble s'élevait au iohiffro
de 5,983,435 fr. A la m éme époquc le nombre de ren-
tes viagores servíos SOl}S forme de pensions s'élevait
el. 396, et le montant des rentes a22,540 fr. Le capital
constitu tif de ces rentes ótait de 478,593 [r., dcvant
faire retour au Ionds ele retraites, apres le déces des
pensionn aires, "tu norn des Sociétés qui l' ont formé (3).


(1) Bullcí in mcusuol dr-s Sociéh;s de sceours mutucls. - 1859,
p. 2 J5.


:2) Ilapports dc la Commission sup ériuurc sur 1860, 1861, t862.
'3) fiDI'I'0'l JI' 1.1 Commissio» snpériP\II'" pour l'nnnéo 1B62.




- 3!j¡ -
Ces résultats démontren t quelle profonde et heu ten se


influence la création des fonds de retraites au sein des
Sociétés approuvées est appelée á exercer sur le sort
de la classe cuvriere. Au bout de vingt ans, en tenant
eompte de tous les intéréts qui pendant les prernieres
années viennent s'ajouter au capital, faute de tro uver
des pensionnaires réunissant, comme nous allons le
voir, les conditions d'ágo et de cotisation, les Sociétés
upprouvées auront a leur disposítion plus de vingt
mille pensions de 50 á 100 fr., qui viendron t sucoes-
sivement et a perpétuité soulager les dernieres années
des vétérans de la mutualité (1).


On comprend aisément quel précieux et fécond en-
couragement les subventions <1e l'Etat apportent eh a-
que année aux Sociétés approuvées.


Mais ce qui importe essentiellement, c'est qu'elles
ne s'abusent pas sur le caractere des secours qui leur
sont accordés, Destinée a grossir le fonds de rctraite,
la subvention n'arrive que lorsque la Société a payé
sa dette et accompli sa tache; elle n'intervient pas
pOUI' dispenser les sociétaires d'uns obligation, mais
pOUI' les seconder dans une bonne ceuvre, pour venir
eh aide aux infortunes les plus intéressantes, que la
prudence ne permettrait pas d'abord de secourir. L'Etat
s'associe a la charité de la Société et récompense sa
honne gestion et sa prévoyance dans la personne de
ses infirmes et de ses vieillards.


Aussila Commission supérioure se montre toujours
tres-sévers pour les subvsntions sollicitées par 1811
Sor:iétés en dehnrs dn fonds de retraites. Elle l'annonce




- ;\\)8 -
elle-rnéme, en ces termes, d ans un de ses rapports
an n u els :


« Ch aq ue année les faits vien nen t Iortifier la con-
( viction qu'uu e Société q ui, apres quelque ternps
« d'essai, ne pent se sou ten ir qu'avec les secours de
( l'Etat, manque complétement son but et perd Ip
« caractere cssentiel do la mutualité. Si l'ad minis-
« u-arion permettait aux Sociétés de cornpter sur les
« subventioris pour augmenter la part qui revient it
(( leurs malades, ou réparer les fautes et Jes pertes
« d'une négligente gestion, l'habitude serait bientót
« prise de laisser au Trésor public le soin de payer
« une grande partie des indernnités; I'Association
« deoieiuirait ttn pretexte pour obienir qratuite-
« meni ce qui doit étre le [rui: de l' épargne et les
« résuliats cl'une bonne et économe administration.
« La dotation n'a pas éte ct'éée pour soutenir les
« bureaux de bienfaieamce. »


Pour ótablir la part a aeeorc1er achaque société, la
eomrnission supérinure rient corn p te : lv d u no m bre des
membres participan ts ; 2° de celui des membres ho-
noraires ;:3° des sommes versées au Ionds de retra.i tes;
mais elle a égard á l'impossiblitá ou Se trouverait
une soeiété d'opérer des versernents, lorsque cette
pauvreté se rencontre avec beaucoup rl'eift;;ls sórieux
et d'J bonne vclouté (1),


En déterminant le chiffre de In, sub ven tion dapres
ces éléments on lu i a posé un rnaximum. Elle ne peut
s'élever au-dessus ulu total des cotisations qne les
mem bres parti ci pan ts doivon t verser chaq ue semestre
dans la caisse de la Société, ni dépasser le double de


(1) Hnpporl s j-onrIes nnnéos lR61 el 186'.',




- 399 --
la SODl1ll8 déposée au forids de retraitcs par la Sociétó
elle-rnéme.


Les tlons et les leqs et les 'cotisations des membres
horun [tires viennen t encore alirnen ter le fonds spécial
destiné au soulagement de la viei llesse, (Euvres de
bienfaisance, ces libéralités doivent comme les suh-
ventions do l'Etat plus particulierement seconder l'ao-
complissement de dovoirs d'Iiumanité que les sociétés
dilferen t de remplir vis-a-vis de leurs vieil lards et de
leurs incurables.


Ain si chuque versernent dans la caisse des asso-
ciarion s a son caractere et son ernploi particu lier :


Le membre participant fourn it l'indemnité ala rua-
ladie ;'


Le mern bre honorairo et l'Etat viennent en aide a
la vieillesse.


Chaque service participe du caractere de la contri-
bution qu i doit y pourvoir.


L'indemnité prise sur la cotisation de celui qui a
droit aux seco urs est obligatoire cornme l'acquitte-
ment d'une dette, comme l'intérét d'un versernent,
tandis que la pension provenant d'une souscription
qui ne profíte pas a celui qui la paye garde le carac-
tere d'un bienfait voté librement par la Société qui
l'accorde.


TII.


Nous venOI1S de elire que la pension de re traite est
votée librernent par la Société qui l'accorde. Telle est
en effet la faculté que donne aux Sociétés l'article 6
du dÁcret du 26 avril 1856.




- 400-
Toute latitude leur est laissée ú cet égal'd: elles


désignent en assemblée générale ceux de leurs moni-
bres qui lcur paraissen t los plus dignes d'i ntérét ,
mais elles ne peuvent choisir de eandidats aux pen-
sions que parmi les sociétaires agés de plus de cin-
guante ans et qui ontaequitté la eotisation soeiale
pendant dix ans au moins (1).


La méme délihération fixe la q uotité des pcnsions :
elles ne peuven t étre inférieures a 30 [renes, ni en
aueu n cas excéder le dccuple de la cotisation an-
nuelle fixée par les statuts.


Il peut et1'e utile de signaler comment les Sociétés
ont usé jusqu'a ce jour de leur faculté de désigner
leurs pensionnaires.


Les unes ont suivi l'ordre d'ancienneté, les autres
ont divisé le revenu disponible en parties égales entro
les mernbres placés dans les mérnes conditions.


Quelques-unes, ne possédant pas un revenu suffi-
sant pour aceorder des pensions á tous eeux qui pour-
raient y prétendre, ont choisi celui qui leur paraissait
en avoir le plus grand besoin. Ainsi, une Société qui
n'avait asa disposition qtr'u n revenu de 50 franes, et
devait choisir pour la pension de retraite ventre huit
candidats, dont l'age variait de 60 a 70 ans, n'a ras
désigné le plus ágé, mais celui qui, d'apres le rapport
du président, « était atteint d'une maladie incurable,
« hors d'état de gagnor sa vie, et dépourvu de toute
« espece de ressources du coté de sa famille. »


(1) Les conditions d'ugc (50 ans: el d'ancicun-té (10 ans de so-
ciétariat) cxigécs par l'article 6 du décrct du 26 avril 1856 ne sont
qu'un mínimum, el les Socictés peuvcnt Ires-lIíen exige!' 60 ou G:,
ans d'agr. el 15,20 ou mérnc '25 ans de soeiébn-iat.




- 401-
En général, les Sociétés anciennes, comptant un


nombre restreint de membres honoraires, ont formé
le capital de leurs pensions de retraites avec les coti-
sations de leurs membres participants ; eeux-ci leur
paraissent done avoir sur- cette somme un droit pro-
portionnel a la quotité de leurs versements et, par
conséquent, a la durée de leur soeiétariat: aussi dési-
signent-elles leurs pensionnaires par droit d'ancien-
neté.


Dans les Sociétés nouvelles, au contraire, le capital
du fonds de retraites se compose presque exclusive-
ment des souscriptions des membres honoraires et des
subventions du Gouvernement. Il représente en quel-
que sorte la bonne eeuvre et non plus la dette de l'as-
sociation envers ses membres. Il est naturel, des lors,
que celle-ci, pour en disposer, se laisse plutót guider
par des considérations charitables que par une simple
constatation de chiffres et de date (1).


La liberté laissée aux Sociétés dans le choix de leurs
pensionnaires ne pouvait pourtant échapper entiere-
ment a lasurveillanee de I'Administration,


Ainsi, toute désignation de candidats faite par une
Soeiété, soit pour l'attribution d'une pension im-
médiate sur le fonds de retraites, déposé a la Caisse
des dépóts et consignations, soit pour la délivrance
d'un ou de plusieurs livrets de la Caisse des re-
traites, avec ajournement de l'entrée en jouissance
de la pension, doit étre transmise au préfet, par le pré-
sident de la Société, avec : lo l'acte de naissance du


(1) Rapport de la Commission supérieure pour i'année 1859. -
. Bulletin mensuel, J 860, p. 181i.


26




- 402-
candidat , 2° un certificat délivré par le président,
constatant la profession du titulaire, son état civil
(marié, veuf ou célibataire), et le nombre des années
da cotisation payées par lui depuis son entrée dans la
Société (1).


Ces pieces accompagnent la demande de la Soeiété
qui est adressée par le préfet au Ministre de l'intérieur _
pour étre examinée par la Commission supérieure et
approuvée ultérieurement, s'il y a Iieu.


On eomprend que cette intervention de l'administra-
tion, apres le vote de l'assemblée, ri'a d'autre but que
de constater si les candidats réunis sont dans les con-
ditions d'áge et de sociétariat fixées, soit par le dé-
cret de 1856, soit par les statuts particuliers des
associations.


IV.


Les sommes destinées au fonds de retraites, quelle
que soit leur origine, doivent étre placées a la Caisse
des dépóts et consignations, OU elles produisent un
intérét de 4 1/2 %, taux fixé par l'article 13 du décret
du 26 mars 1852.


Pour assurer des pensions a leurs membres, les
Sociétés ont achoisir entre les trois modes suivants :


lo Verser leurs fonds i:t la Caisse des dépóts et con-
signations, sans prendre ele lioret» de la Caisse des
retraites. Dans ce cas, les fonds ainsi déposés pro-


(1) CiI'Clllail'~ ministériel1e du 2' mai 18:;6. - Bulletin, 1856,
p_ 11 - .




- ·w:~-
duisent intéréts jusqu'a ce que des pensions soient
accordáas : les capitaux employés au service de ces
pensions ne sont versés ala Caisse des retraites par
laCaisse des consignations qu'au moment de l'entrée
en jouissance, et ils font retour au fonds de retraites
de la Société apres le déces des pensionnaires ;


2° Placer immédiatement a la Caisse des retraites,
au nom des membres désignés par la Société, la
somme nécessaire pOUI' constituer une pension aeha-
cun d'eux en réservant le capital al'association. Dans
ce cas les sommes versees feront retour au fonds de
re traites apees le déces des pensionnaires, mais les
intéréts produits du jour du versement au jour du
déces sont perdus pour la Société ;


3° Faire le méme placement, en aliénant le capital.
Dans ce cas les sommes versées p&r la Société sont
entierement perdues pour elle, adater du jour du ver-
sement; mais le chiffre de la pension des sociétaires
désignés est plus élevé que lorsque le capital est ré-
servé.


Le premier mode est celui que les Sociétés adoptent
presque exclusivement.


Il donne satisfaction aux considérations qui avaient
été présentées a la Commission supérieure avant le
décret de 1856 par les présidents d'un certain nombre
d'associations (1).


La constitution de pensions avec aliénation du capi-
tal est le mode de placement le plus rarement employé.
On ne peut d'ailleurs l'appliquer qu'a la portion du
fonds de retraites fournis par les Sociétés, la portion


(1) Voyrz cí-dessus, chnpítre XI, p. 188.




- 404 -
du mémo fonds provenant des subventions de l'Etat
devant demeurer inaliénable.


Voici quelle est a ce sujet l'opinion du Gouverne-
ment:


C( L'article 4 du décret du 26 avril 18'58 laisse aux
Socié tés la faculté daliéner ou de réserver la portian
du fonds de retraites qu'elles ont fournie; mais iI-
n'est pas indifférent qu'elles adoptent l'un ou l'autre
mode de placement. En stipulant que la portion des
fonds de retraites accordée par l'Etat demeurerait ina-
liénable, le Gouvernement a suffisamment indiqué
aux Sociétés la voie dans laquelle il désirait les voir
entrer. Il serait profondément regrettable que la géné-
ration présente absorbát ason profit excIusif les res-
sources de l'avenir par l'aliénation de tout le fonds
disponible. L'intérét collectif et permanent de l'insti-
tution doit l'emporter sur le désir d'aocroitre au moyen
de l'abandondu capital le chiffre des ponsions. Ce ne
serait donc que dans des cas exceptionnete qu'une


. Société devrait consentir al'aliénation du fonds prove-
nant de ses économies, en vue d'accorder une pension
plus considérable a quelque sociétaire digne d'une
assistance toute spéciale. (Circulaire ministérielle du
24 mai 1856. - Bulletin des Sociétés, année 1856,
p.120). »


L'administration ne néglige d'ailleurs aucun moyen
de favoriser le développement du fonds de retraites et
d'en faciliter les divers modes d'emploi aux Sociétés.
C'est ainsi que des mesures ont été prises pour assu-
rer sans retard 101'8 du déces des pensionnaires le
retour du capital aux Sociétés, et pour leur faire con-
naitre, lorsqu'elles votent le chiffre d'une pension, le
montant de la somme qui doit étre temporairement




- 405-
distraite du fondsde retraites, de maniere qu elles aient
toujours une connaissance exacte de leurs charges et
de leurs ressources. (Rapport de la Commission supé-
rieure pOllr 1860, p. 14. - Bulletin des Sociétés, 1861,
p.291).




CHAPITRE XXV.


PENSIONS DE RETRAITES CONSTITUEES IJANS LES SOCrÉTÉS DE
LYON. - DES ~OYENS DE FACILlTER L'Ú'ARGNE ET LES
PENSIONS DE RETRAITES POUR LA CLASSE OUVRIERE.


SOMMAllI.E.


~ ler. - Société rcconnue des oUV1'iel's en soie. - Caisse spéciale
de retraites. - Versements particuliers. - Primes ordinaires
el extraordinaires nl louées par la Chambre de commeree el pal'
la Soeiété ,


§ 11. - Quelles personnes peuvenl proíiter de la Caís", des ou-
vriers en soie. - Ouvri ers étrangcrs résidaut a Lyou. - Faveur
particuliére obtenue pour eux par la Chambre de cnmrnerce.


% III. - Emploi des sommes versées ¡, la Caisse de re Imites des
ouvriers en soie. - Statuts originaires. - Amélioralions résul-
tant de l'applieation d~s lois diverses de 1850 ¡, 1861. - Ulilité
du systéme des primes d'encouragement admis par la Société des
ouvriers en soie, mais rcpoussé par la loi de 1850,


Si ¡Y. - Vcrsemcnls operes a la Caisse générale de retraites par
la Caisse des ouvriers en soic. - Pépols particulrcrs d'un ecr-
tain nombre de sociétaires. - Liquidatiou de pvnsious par anti-
cipation , - Peusions supplérneutaircs. - Bicnfails des inslitu-
tions lyounaises eréées an proílt des ouvricrs en suir,


S Y. - Du fonds de retruitcs constitué lJ(U' lcs Société» ul'1'1'o'uoéfS




- 407-
du département du Hhóne, - Lyon devanee encoré les autres
villes de Frunce. - Stalistique de 1862. - Exemples 11 suivre ,


§ VI. - Eftorls personnels des soeiétaires pour opérer des verse-
ments en leur nom 11 la Caisse des retraites. - Comment les So-
ciétés pcuvent-elles les faeiliter? -- Interrnédiaires admis par la
loi , - Commission créée pour propager la Caisse des retraites
dans le départemenl du Rhónc. - Du róle des Soeiétés eomme
intermédiaires. - Exemples, Autres intermédiaires. - Mis-
sion particuliérejdes membres honoraircs.


1.


Nulle part, dans toute la Franee, la classe ouvriere
n'a profité plus largement que dans le département du
RhOne de la Caisse généralede retraites pour la vieil-
les se, instituée par la loi du 18 juillet 1850.


Cette eireonstance est due á l'existence de la Caisse
spéciale de retraites organisée au profit des ouvriers
en soie par la Chambre de commerce de notre ville,
et qu'un décret du 9 avril 1850 a élevée au rang d'éta-
blissement d'utilité publique.


La similitude frappante qui existe entre elle et la
Caisse générale fondée par la loi du 18 j uillet 1850
nous a permis de dire que l'institution lyannaise avait
pu inspirer l'ceuvre oréée postérieurement par le légis-
lateur pour la France entiere (1).


C'est ici le lieu d' apprécir.r ses résuitats d'apres son
originejusqu'a ce jour, et de rechercher quels bien-
faits elle est susceptible de répandre sur notre popula-


(1) Voyez chapitre 'el, p, 181.




- 408 -
tion ouvrisre, avee le concoursde la Société des ou-
vriers en soie, fondée a la mérne époque par la Cham-
bre de commerce.


La Caisse des retraites des ouvriers ensoie recoit :


lo Les sommes directement versées par les tlépo-
sants.


Ces versements admis depuis le minimum de 1 fr.
ne sont liquidés que lorsqu'ils s'élevent a 5 fr. et ades
multiples de 5 fr. (Art. 2 des statuts).


20 Une subvention annuelle de 50,000 [r., {ournie
par la Chambre de commerce sur les prodtáts de la
Condition. des soies (art, 7).


Cette somme est distribuée en primes ordinaires de
10 fr. achaque membre de la Socié té de secours mu-
tuels des ciuvriers en soie en commencant par les plus
agés, et ensuite, s'il y a excédant en primes extraordi-


. naires accordées aux sociétaires qui, dans le courant
de l'année, ont versé de leurs pconomies particulieres
au moins 15 fr. á la Caisse de retraites (1).


30 Une autre suboeniion de 50,000 [r, [ournie par
la Société des ouvriers en soie, et qu'elle tient aussi
de la Chambre de commerce (2).


Cette seconde subvention se répartit en primes de
10 fr. chacune, inscrites irrévocablement au nom de
chaque sociétaire.


40 Des primes spéciales prélevées sur l'excédant du
fonds de réserve de la Société en faveur de ceux de ses


(1) Cette distribution extraordinaire eessera lorsque le nombre
des sociétaircs aura atteint 5,000, puisqu'il sera alors égal au norn-
bre.des primes ordinaires.


(2) Voyez plus haut, p. 161 el 162.




- 409-
membres agés de plus de 41) ans qui en font partíe
depuis cinq ans au moins.


Le montant de ces primes était originairement de
20 fr.; depuis íl a été réduit a10 fr., par la Commission
administrativo paree que, le nombre des sociétaires
agés prenant chaque année plus d'extension, il était a
craindre que l'excédant du fonds de réserve ne püt suf-
fire aune allocation de primes aussi fortes entre tous
les ayants-droit.


Aux líbéralités par lesquelles la Chambre de com-
merce de Lyon alimente si largement la Caisse de
retraites des ouvriers en soie, nous devons ajouter
l'allocation armuelle de 5,000 fr. qu'elle verse pour
cou vrir les frais d'administration.


n.


Sont appelés aprofiter de la Caisse de retraites ins-
tituée dans notre ville :


10 Les ouvriers en soie;
2° Toutes les personnes des deux sexes dont la pro-


fession se rattache a l'industrie de la soierie ou qui,
par leurs travaux, auront concouru a son progres ;


30 Tous les membres de la Société de secours mu-
tuels reconnue comme établíssement d'utilité publi-
que.


Pendant quelques années une fácheuse exclusion a
existéa l'égard des ouvriers en soie qui n'étaient pas
Francais.


On se rappelle que la loi du 18 juillet 1850organi-
satrice de la Caisse générale de retraites avait voulu
Iaire de cette institution une osuvre essentiellement




- 410
Irancaise, et des lors en avait exclu toute personne
d'origine étrangere. En 1861, seulement, eette dispo-
sition fut abrogée par la loi du 12 juin.


A Lyon, on erut devoir d'abord, dans I'adrnission
des déposants a la Caisse de retraites des ouvriers en
soie, tenir compte de la prohibition édictée par la loi
du 18 juillet 1850 contre les étrangers. Mais la Cham-
bre de commerce a vu dans cette mesure une rigueur
inutile, et elle a demandé que les dispositions relati-
ves a l'exclusion de ces ouvriers disparussent du
reglement d'administration.


Le Gouvernement a pris eette demande en oonsidé-
ration et, par déeret du 8 mai 1854, a admis 119 ou-
vriers étrangers qui faisaient partie de la Société des
ouvriers en soie a établir leur domicile en Franee
pour yjouir des droits eivils, et participer a tous les
avantages offzrts par la Caisse de retraites.


Notre cité, fidele a son role de préeurseur de tout
progres tendant a améliorer le sort de la classe 011-
vriere, obtenait ainsi par un heureux privilége pour
les travailleurs étrangers devenus ses enfants d'adop-
tion un bienfait que les autres étrangers résidant en
Franca devaient attendre jusqu'a la loi du 11 juin 1861.


III.


Les eapitaux versés a la Caisse de retraites des ou-
vriers en soie devaient, aux termes des statuts origi-
naires, etre plaeés en rentes sur l'État ou e11 obliga-
tions de la ville de Lyon.


Mais la création , sous la garantie de l'État, de la




- 411 -
Caisse générale de retrai tes, a offert.á l'rauvre lyonnaíse
un mode de plaeement plus avantageux et de nou-
veaux éléments de prospérité dont elle a dú profiter.


C'est, en effet, dans eette Caisse que sont versées
toutes les sommes réuníes par la Caisse des ouvriers
en soie ; ceux-ci deviennent, par ce moyen, eréaneiers,
et plus tard pensionnaires de l'État.


Ils jouissent, en outre, de tous les avantages dont
les lois diversos de 1850 a 1861 ont doté la Caisse gé-
nérale de retraites.


Ainsi, il ne leur était permis, par leurs propres sta-
tuts, de déposer qu'un maximum annuel de 300 franes:
ils ont le droit aujourd'hui de verser jusqu'a 3,000 fr.
par leurs ressources personnelles ou par les dons qui
pourraient leur etre faits. (Ar1. 5, loi du 12juin 1861).


L'intérét compasé dont illeur était tenu compte ne
dépassait pas 4 pour cent: il est de 4 lJ2 depuis la loi
du 28 mai 1853.


La rente maximum susceptible d'étre inscrite sur la
tete de chaeun était de 480 franes: elle apu successi-


• vement s'élever a 600, a 750, enfin a1,000 francs, sui-
vant les lois de 1853, 1856 et 1861 que nous avons fait
connaítte.


Enfin la faculté de réserver les fonds déposés, c'est-
á-diré d'en stipuler le retour au profit des héritiers du
déposant, d'abord refusée par les statuts de la Caisse
lyonnaise, est devenue la regle généralement suivie
pour tous les sociétaires au nom desq uels la Cham bre
de commeree et la Société des ouvriers en soie font des
versements annuels.


Ainsi, apres avoir devaneé et préparé par son exem-
ple la Caisse genérale de retraites créée par la loi du
18 juillet 1850, la Caisse des ouvriers Iyonnais a pl'O-




- 412-
fité a son tour de toutes les amélioratious dont eelle-ei
a été suceessivement pourvue par le législateur.


En résumé, il n'existe en Franee aueune classe de
travailleurs plus favorisés que eeux qui font partie de
la Soeiété des ouvriers en soie, reconnue comme éta-
blissement d'utilité publique.


Moyennant 24 franes par an pour les hommes, et
18 franes pour les femmes, ehaque soeiétaire, outre
les seeours gratuits de médeein, de pharmaeien el
l'indemnité quotidienne qu'i l recoit en cas de maladie,
obtient eneore 20 franes de primes ordinaires, ins-
crites ehaque année a son nom sur son livret de re-
traites.


Au lieu de 20 franes il en recoit 30 s'il a versé dans
I'année 15 francs de ses éeonomies personnelles a la
Caisse de re traites, ou s'il a atteint 45 ans, apres avoir
fait partie de la Soeiété depuis plus de einq ans.


Et au lieu de 30 franes il en recoit 40 s'il réunit ces
deux eonditions.


Ces primes sont un puissant eneouragement a la
prévoyanee et a l'épargne.


Un systeme analogue avait été proposé par le Gou-
vernement, au vote de l'assemblée législative, lors de
la diseussion de la loi du 18 juillet 1850, qui a institué
la Caisse générale des retraites. Il fut repoussé par
I'assemblée, quoi qu'ait pu dire en sa faveur M. Dumas,
alors ministre de l'agriculture et du commeree ('1).


Les organisateurs de la Caisse de retraites pour les
ouvriers lyonnais se garderent bien de rejeter un


(1) Voyez Dalloz, Répertoire général de législation, etc. v" Se-
cours publies, n" 282.





- 413-
moyen d'encouragement dont ils pressentaient et d~n~
l'expérience a démontré l'efficacité.


IV.


Par suite des versements opérés chaque année a la
Caisse générale de retraites par les soins et l'intermé-
diaire de la Caisse spéciale des ouvriers en soie, le dé-
partement du Rhóne a constamment tenu le premiar
raug, aprss le département de la Seine, parmi ceux
qui ont eu le plus largement recours a cette institu-
tion (1¡.


Le dernier rapport publié (en 1863) par l'adminis-
tration de la Caisse des ouvriers en soie constate,
pour l'exercice précédent, un nombre de 6,792 verse-
ments répartis entre 4,379 livrets. Les dépóts volon-
taires provenant des économies particulieres des dé-
posants se sont élevés a10,715 francs; ces dépóts ont
été de 15 franes au moins pour 181 personnes et de
sornmes inférieures pour 37 autres (2).


Ainsi, malgré des salaires tres-restrein ts et des
chómages prolongés dans l'industrie de la soierie,
218 membres de la Société des ouvriers en soie ont pu
effectuer des versements aussi élevés, dans le but
d'accrojtre le chiffre de leur pensiono Cet exemple sera
certainement suivi par un plus grand nombre, lors-


(1) Voir le tableau V annexé a ehaeun des Rapports armuelle-
ment présentés ai'Empercur, depuis 1B5!! jusqu'á ce jour, par la
Commission supéríeurc de la Caissc générale de retraites.


(2) Rapporl du Conseil d'adrn inistration de la Caissp dp retraites
. des ouvriers en scie. - 1863, p. 3 et suiv.




- 411-
que les .liquidations de retraites rendront plus évi-
dents les bienfaits d'uns institntíon de prévoyanee si
utile aux elasses laborieuses.


La liquidation des pensions peut d'ailleurs avoír
lieu par antieipation, avant l'áge fixé pour l'entrée en
jouissanee, lorsque le sociétaire se trouve frappé d'in-
firmités précoees. Dans ce eas, si sa pension Iiquidée
est insuffisante pour subvenir it ses besoins, la Caisse
spéeiale de retraites préleve sur les intéréts du fonds
de réserve de la Soeiété les sorumes néeessaires pour
fournir un supplément de pensiono


Seize soeiétaires étaient admis, en 1863, au bénéfiee
de eette assistanee. Les suppléments qui ont été ac-
eordés sont en moyenne de 270 franes, et ils élevent
chaque pension it 300 franes, y eompris la liquidation
obtenue de la Caisse de retraites pour la vieillesse.


Quel est done le travailleur, pere de famille ou eéli-
bataire, qui pourrait raisonnablement, en présenee de
ces résultats, rester étranger ala Soeiété des ouvriers
en sore.


Quel est l'homme quelque peu sensé qui refusera
d'éeonomiser 24 franes par an, quand moyennant eette
somme ilpeut obtenir, en eas de maladie, 2 franes
d'indemnité par jour, des soins et des remedes gra-
tuits, et de plus 20 franes annuellement déposés en
son nom a la Caisse de retraites, et eneore une prime
d'eneouragement de 10 franes s'i! verse 15 franes de
ses propres éeonomies?


Que la classe ouvriere employée aux travaux divers
de la soierie n'hésite done pas a recourir a une insti-
tution si libérale, et elle yerra avee le temps se justi-
fier eette parole prophétique qu'une main auguste
écrivait, le 16 aoüt 1850, sur le registre des délibéra-




- 4Hí-
tions de la Socié té : « plus de pauv1'eté pom' I' ou-
« »rie« malade, ni POU1' cetui que l' r1ge a corulamrui
« au repos! ))


v.


S'il est vrai de dire qu'aucune ville de Franee n'offre
a la elasse ouvriere des seeours plus larges dans la
maladie et la vieillesse que eeux qui sont accordés par
la Société des ouoriers en soie de Lyon, nous devon s
ajouter que notre cité tient encore le premier rang par
le nombre des Sociétés approuvées qui ont eu recours
aux dispositions du décret du 26 mars 1856, pour as-
surer des pensions a leurs vieillards.


Au 31 décembre 1862, 151 Sociétés dans le départe-
ment du Rhóne s'étaient eonstitué a la Caisse des dé-
póts et consignations un fonds de retraites s'élevant a
400,284 fr. (1).


129 seulement dans le département de la Seine
avaient suivi eet exemple, 99 dans les Bouches-du-
Rhóne, 98 dans le Nord, 94 dans la Gironde, 59 dans
le Jura, 49 dans le Var, 46 dans la Charente-Inférieure,
41 dans I'Isore, etc.


Les éeonomies versées par les Sociétés du Rhóne a
leurs fonds de retraites dans le eours de l'année 1862
s'étaient élevée.s a30,094 fr.; a la méme époque lours
fonds placés a titre de dépóts libres a la Caisse des
dépóts et eonsignations atteignaient le chiffre de
479,659 franes (2).


(1) Rapport de la Cornmission supérieure, publié en 1863. -
Tableau VI, p. 115.


o (:l) "lt!me rapport.- Tablean IX, p. ] 33, 136.




- 416-
De telles épargnes, dont le chiffre s'est encore accru


en 1863 et s'augmentera dans l'année courante, assu-
rent aux Sociétés du Rhóne une prospérité it l'abri. de
tous les hasards.


Non-seulement leurs vieillards, mais leurs mem-
bres prématurément infirmes ou incurables, peuvent
recevoir des pensions convenables.


Les Sociétés approuvées ont, en effet, été invitées
par une circulaire ministérielle du 31 mars 1859 it
prélever, chaque année, sur leur fonds de réserve, une
somme suffisante pour subvenir aux besoins des so-
ciétaires réputés incurables ou devenus infirmes avant
1'itge exigé po ur avoir droit it la pensión de re traite (1).


Sans parler des membres qui, conformément aux
prescriplions de cette circulaire, recoivent un secours
annuel, déja 34 socíétaires dans le département du
Rhóne, 35 dans le département de la Seine, ayant
atteint rige fixé par les statuts, sont devenus pan-
sionnaires de I'État a l' aide des fonds de retraites ré-
cemment constitués (2).


Avec les années, leur nombre ira croissant, sans
que les ressources s'épuisent, puisque, it l'extinction
des pensions, le capital devenu vacant fait retour au
fonds de relraites, qui chaque année s'augmente par
les épargnes des Sociétés, les subventions du Gouver-
nement, les libéralités particulieres (3).


Les vieillards ont done un repos assuré au sein des


(1) Voyez Bulletin des Sociétés, année 1859, p. 92, 95.
(2) Rapport de la Commission supérieure. - Tableau VIII,


p. 120, 121-
(3) Les Sociétés du Bhóne out été eomprises pour 23,254 fr. en


1862, dans les subventions du Gouvernement ,




- 417-
Sociétés approuvées qui se conforment aux bienfai-
santes dispositions du déeret du 26 avri11856.


Puissent cette certitude, et l'exemple donné par le
plus grand nombre des assoeiations lyonnaises, con-
vainero eelles qui , retenues encore par les préjugés
de l'ignoranee ou les entraves de la routine, . se scnt
abstenues jusqu'á ce jour de se constituer un fonds
de retraites, et celles qui, préférant, aux avantages
si évidentsde l'approbation , la siruation précaire que
leur donne la simple autorisation, continuent it végéter
et ne peuvent promettre a leurs membres ágés que
des sscours incertains.


VI.


Mais pour que l'ouvrier profi te de tous les avan tages
que lui offre la législation aetuelle, il ne lui suffít pas
de faire partie d'une Soeiété de seeours mutuels et de
limiter ses efforts it remplir ses devoirs de sociétaire.


Ses dósirs doivent aller au-dela. 11 a un intérót évi-
dent a augmenter la rente qu'il attend de la libéralité
de la Saciété et, pour cela, a se créer un supplément
de pension par le dépélt de ses épargnes personnelles
it la Caisse des retraites. 11 a un intérét non moins
réel a faire des versements au profit de sa femme et
de ses enfants. Mais il ne peut y arriver que s'il est
encouragé dans ses économies, et guidó dans la ma-
niere d'en opérer le placement. Les associations ont a
cet égard une mission vis-a-vis de leurs membres.


La Soeiété des ouvriers en soie, fondée par la Cham-
bre de commerce de Lyon, a des ressources et une
.organisation spéciales, qui lui permettent de prendre


27




- 418 -
un livret a la Caisse générale des retraites, au nom de
chacun de sesmeinbres, et d'encourager commenous
l'avons vu, par des primes extraordinaires, les verse-
ments qu'ils ajoutent sur leurs ressources personnelles
aceux que la Caisse sociale effectue en leur nomo


Les autres Socié tés n'ont pas la méme faculté, puis-
qu'elles ne pren,nent pas de livret individuel1ement
pour leurs membres et se bornent, quand par leur age"
et leur détresse ils ont droit a une pension, avoter une
rente viagere qui leur est payée a l'aide du fonds de
retraite collectif que la Société s'est constitué.


Elles ne peuvent d@IJC pas, par des primes, aug-
menter les épargnes personnel1es de leurs associés
et les encourager a en faire le versement a la Caisse
générale des retraites.


Cependant elles ne sont pas san s infiuence ni sans
action


Les décrets des 28 mai 1853 (art. 3) et 27 juillet
1861 (art. 2) ont consacré, pour les personnes qui
veulen t effectuer des dépóts a la _"aisse des retrai-
tes, la faculté de recourir a des intermediaires.


L'expérience a, en effet, démontré que les ouvriers
ne se rendent pas volontiers aux bureauxde la Caisse
des consignations ou des receveurs des finances, pour
y verser leurs épargnes et se constituer des pensions
de retraite. Illeur faudrait des bureaux spéciaux OU
ils puissent entrer familieremsnt, interroger libre-
ment et recevoir des réponses faites ave e une minu-
tieuse patience; ils auraient besoin que ces bureaux
leur fussent ouverts aux heures et aux jours qui leur
sont le plus coavenables, surtout les dimanches et les
fétes, et que les employés fussent autorisés asimpli-
íier pour eux les complications administratives, a leur




- ~19-
faciliter la régularisation des pieces á produire et a
leur épargner le temps des lentes démarches.


Mais quelque dignes d'intérét que soient les dépo-
sants, leurs convenances personnelles ne peuvent pas
étre absolument prises en considération par une ad-
ministration ou les regles les plus impérieusement
prescrites sont celles de la méthode, de la ponctualité
et de la régularité.


Cette difficulté peut trouver son remede dans le
concours des personnes et des Sociétés que la loi
admet it se rendre intermédiaires entre les déposants
et la Caisse des retraites.


Ces considérations ont été présentées avec autant
de logique que de clarté, dans un rappol't adres sé a
M. le Sénateur chargé de l'administration du dépar-
tement du Rhóne, par M. Valois, président a la Cour
impériale, au nom d'une commission créée pour re-
chercher les moyens de propager les biénfaits de la
Caisse des retraites.


Cette commission a pensé que les Sociétés d"l se-
cours mutuels pouvaient étre de puissants auxiliaires
poul' la classe ouvriere aupres de eette institution.


« La constitution de ces Sociétés se préte merveil-
leusement au concours qui peut leur etre demandé, le
présiden t, qni devient l'intermédiaire naturellemen t
désigné par ses fonctions, ayant aupres de lui tous les
membres du burean pour lui donner assistance. Cha-
que mois, le trésorier recoit les cotisations de tous les
associéa ; pourquoi ne serait-il pas autorisé it recueil-
lir les petites épargnes qui lui seraient confiées, dont
il tiendrait note, et qu'il verserait a un jour donné a
la Caisse des retraites au nom du déposant? De méme,
le trésorier 0\1 tout autre mem bre du bureau serait




- 420-
chargé de retirer et de faire régulariser les actes de
l'état civil dont la production est exigée. Sous la direc-
tion ou la surveillance du président intermédiaire,
toutes les démarches seraient faites et toutes les for-
malités seraient remplies sans aucun embarras, ni
aucune chargepour les déposants. Ni les conseils, ni
les encouragements, ni les exemples, ni les actes d'as-
sistance ne manqueraient aux membrss de la Société,
qui tous s'empresseraient a s'afíilier a la Caisse des
retraites (1). »


Ces observations ont été discutées dans une assem-
blée com posée de pI us de tren te présiden ts de Sociétés
mutuolles de Lyon, et tous ces présidents les ont ac-
cueillies avec Iaveur ; tous on t promis leur concours
empressé et celui de leurs collegues du bureau; mais
ils ont unanimement demandé que des instructions
claires et détail1ées leur fussent distribuées pour les
mettre en état d'exercer une juste influence sur leurs
associés et d'agir en parfaite connaissance de cause.
Cette demande a été accuei llie, et la Cornmission ins-
tituée par M. le sénateur chargé de l'administration
du Rhóne a publié et répandu au sein de notre classe
ouvriere une Notice sur la Caisse des retraites, rédi-
gée de manierea etre parfaitement eomprise par tous
ceux a qui elle s'adresse ,


Cette tentative, nousl'espérons, sera couronnée de
succés, et les Sociétés de secours mutuels pourront,
par l'organe de leurs présidents assistés des membres
du bureau ou des membres honoraires, remplir effi-
cacement le role d'intermédiaires et inspirer une vive


(1) Iíapport aM. le Sénateur, par 1\1. Valois, p. 7.




- 421
impulsion aux sentiments de próvoyance etd'épargne
au sein de la population laborieuse.


Déja une tentative analogue a eu lieu au sein de
diverses associations et notamment de la Société de
prévoyance de Thionville.


Son conseil d'administration a établi une Caisse
spéciale ou chaque membre peut déposer ses moin-
dres économies. Un comité placé pres de cette Caisse
intermédiaire de la vieillesse a pour mission de
réunir les pieces et d'accomplir Jes formalités néces-
saires ala délivrance du livret, en sorte qu'il ne reste
plus aux sociétaires qu'un soin aprendre : le verse-
ment des fonds (1;.


En dohors du concours des Sociétés de secours mu-
tuels, la Commission instituée par M. le sén ateur
Vaisse pour pro pagel' dans le département du Rhóne
l'institution de la Caisse des retraites a étudié les
moyens de transformer en intermédiaires efficaces les
instituteurs d'instruction publique, les grandes mai-
sons d'industrie et de commerco et les Caisses d'épar-
gne (2).


ce Mais ce n'est point assez, dit-elle : il faudra placer
d'autres intermédiaires aupras de la population ou-
vriere, en les choisissant parmi les hommes qui exer-
cent sur elle une légitime influence. Si ron veut Iaire
passer dans les mreurs l'usage de la Caisse des retrai-
tes, il ne suffit pas d'avoir des bureaux oü I'on atten d
les déposants : il fant avoir des agents qui les cherchent
jusque dans l'intérieur des ateliers et des ménages,
quiles persuadent, qui les dirigent, quiles décident. »


(1) Bullelin des Sociétés. - l\nnée 1858, p. 266.
(2) Rapport de 1\1. Valois 11 1\1. le Sénateur, p. 8 el suivantes.




.- 422 -
Il appartien t encoré aux associations de secours


mutuels de réaliser ce vceu , C'est par le concours de
leurs mem bres honoraires que les lumieres et la per-
suasion peuvent pénétrer dans la population ouvriere.
Les hommes qui, par leur prévoyance et leurs épargnes
ou celles de leurs auteurs, ont été assez heureux pour
acquérir ou posséder laisance doivent avoir a cosur,
et tenir a honueur, de participer, rnoins par un tribut
pécuniaire que par leur influence personnelJe et Jeurs
eonseils, au bien-étre moral et matérieJ de ceux de
leurs eoncitoyens q ui sont privés des faveurs de la
fartune et des bienfaits de I'instruction. Un ehamp
large s'ouvre done devant eux. La eharité, la religian,
la justiee leur font un devoir de ne pas rester insensi-
bles aux dures épreuves des travailleurs; la loi leur
donne comrne mernbres honoraires des Sociétés de
prévoyance, comrne intermédiaires aupres des Caisses
de retraites, le moyen d'agir et de faire profiter leurs
freres malhenreux de leur expérience, de leur instrue-
tion et des loisirs don t la Providence les a favorisés.




CHAPITRE XXVI.


RÉSULTATS GÉNÉRAUX DE LA MUTUALITÉ,
SON EXTENSION.


smUlAIRE.


CONDITIONS ~DE


§ ler. - lUissions différentes de In charité et.de la mutualité
--La charité rernédie a la misereo - La mutualité a pour hui
de la prévenír. - Son in/luence sur l'état moral dcs individus,


§ Il. - Son influence sur la famslle. - Son aelion sur les classes
diversos de la Sociélé. - Son role politique ct social.


§ III. - ÜEuvres de bienfaisancc aceessoires de l'assistance mu-
tuelle. -- Du recrutemcnt des sociétaires. - Reglement adopté
par la 120· Société de Lyon.


§ IV. - Des causes qui s'opposenl aI'extension de la mutualité.
- Objections tirées des eharges qu'elle impose. -- Les Sociétés
de secours mutuels u'appauvrisscut jamais et enrichissent tou-
jours les sociétaires. - Moyens de faciliter I'épargne aux ou-
vriers, - !":aissa. de prévoy-uce.


§ V - Des préjugés, - Résultats a leur opposer. - De la ré-
sistunce des Sociétés privées. - Leur situaticn précairc. -- In-
lIuencc néccssaire de l'exemple des Sociétés approuvées. - Ré-
sultats définitlfs a attendre de la législation nouvelle sur les
associatíons mutue lles.




- 424-


1.


Sonvent dans le cours de eet ouvrage nous avons
exprimé eette eonviction : que l'assistanee mutuelle
est appelée a rég3nérer la elasse ouvriere et qu'avee
le temps elle doit lui rendre l'épargne possible, élargir
son aisanee et modifier profondément les eonditions
de sa vie morale.


Sont-ee des illusions inspirées par un désir ardent
de voir les familles laborieuses s'affranchir enfin des
éprenves anxquelles j usq u'ici elles son t soumises l'
Faut-il restreindre les résultats que doit produire la
mutualité aux bienfaits déjá tres-Iarges, assurément,
de l'assistanee aeeordée aux malades ot aux vieillards l'
Peut-on aveeeonfiance attendre d'elle une améliora-
tion plus complete du sort des travailleurs ? Apporte-
t-elle aux générations présentes et futuros un moyen
d'action nouveau et décisif? Les faits seuls peuvent
nous répondre.


Jusqu'a notre époque, c'est surtout de la eharité que
la population ouvriere a recu les secours les plus effi-
caces.


La charité, dans notre eité particulierement, saura
toujours s'élever au niveau des plus grandes infortu-
nes. Mais, toute inépuisable qu'clle puisse ótre, elle
rencontrera toujours des misares a secourir, paree
qu'il y aura toujours des paUVl'es tant que le monde
existera, et avec lui le désordre qui nait des passions
humaines.




- 425-
Celui qui souffre, s'il n'est soutenu par un profond


sentiment religieux, est prompt a s'aigrir, a accuser
l'injustice des hommes, a se croire victime de ce qu'il
appelle la fatalité ou « la chanceo » 11 perd bientót le
sentiment de sa respousabilité personnelle, il déses-
pere de fléchir ce qu'il considere comme les caprices
du sort, il ne prévoit ni n'épargne, et pour oublier sa
situation, il dissipe dans de tristes plaisirs le peu qu'il
gagne.


Cependant la charité na pas attendu, pour le servir,
qu'il Iút au dernier échelon de l'indigence physique
et morale : elle I'a entouré de ses soulagements les
plus ingénieux, elle a des paroles de consolation pOUl'
tous les chagrins et des ressources pour toutes les
miseros, et parfois elle réalise le miraclede releve!'
son courage, de faire reluire a ses yeux l'espérance,
et de le ramener dans la voie du travail, de l'épargne,
de la prévoyance et du hien-étre,


Mais de tels triomphes sont rares, et, fussent-ils
fréquents, la charité intervient plutót comme un
remede a la misere que comme un moyen propre a la
prévenir.


Celui qui recoit habituellement SHS soulagements,
trop souvent les considere comme un tribut dú a sa
pauvreté. 11 compre sur eux, il les atteud, illes exige,
il est pret a s'indigner si la m ain qui lui donne se
montre moins prodigue. 11 ne fait rien pour se relever
par lui-rnéme, il s'endort dans l'expectative du se-
cours , il vit au jour le jour et perd le sentiment de la
prévoyance.


Aussi quelque admirables que soient ses osuvres,
la charité demeure le plus ordinairement lmpms-




- 426-
sante a prévenir et a diminuer la misera de l'ou-
vrier (1).


En est-il de méme de l'assistance mutuelle?
Son principe est un précepte chrétien, sa forme est


un contrat civil. Elle place ceux a qui elle profite sur
un pied d'égalité parfaite et de confiance réciproque.
Elle Iait appel aleurs meilleurs senfiments.


Elle leur demande toute leur énergie, toute leur
loyauté, elle confie a leur activité, a leur prévoyance,
aleur économie le succes de l'entreprise.


Elle réveille ainsi et stimule leal' responsabilité
individuelle, et elle attribue aleur valeur personnelle
une telle influence sur le sort de l'ceuvre commune
qu'elle repousse rigoureusemen t les candidats que
leur passé fiétri, que leur inconduite notoire rend
moins indignes de ses bienfaits qu'incapables de
remplir les engagements qu'elle impose.


A ceux qu'eHe admet, elle refuse les secours dans
les maux issus de la débauche et elle exc!ut de son
sein les associés qni font acte de rnauvaise foi ou se
mettent, par leurs dissipations, dans l'impossibilité
d'exécuter les clauses du contrato


(1) Que l'on ne se méprenne pas sur notre pensée. Ce n'est pns
dans une cité bienfaísante comme Lyon que ron pourrait nier les
résullats immenses de la charité. Le tableau de ses eeuvrcs scraií
des plus émouvants : on y admirerait surtout les soins qu'clle pro-
digue aux enfants, aux meres, aux vicillards, aux infirmes, aux in-
curables, et les tentativos pour proeurer a tous les malhcurcux des
soulagomcnts matériels el l'instruction rcligieuse et morale, mais il
seraít facile de constater qu'ellc ue parvieut que dan> une mesure
restreinte achanger les conditions d'existcncc de l'homme Jait, de
l'ouvrior adulte, et a lut inspirer une énergie qui le pousse a Se
sauver lui-mémc de la misero, par ses p ropres efforts,




- 427-
Elle contraint done ceux qui recourent a elle a des


efforts eonstants pour qu'ils restent dignes de l'asso-
ciation dont ils font partie, Elle parvient ainsi aformer
des phalanges privilégiées d'hommes honorables,
laborieux el prévoyants, qui ne veulent devoir qu'a
eux-mémes l'appui mutuel qu'ils se prétent et l'ai-
sanee qui en est le eouronnemont.


Elle fait naítre un nouvel esprit de eorps qui n'est
plus eette ligue exclusive, égoi'ste et orglleilleuse des
anciens métiers, fondée sur un intérét matériel et d'é-
troits priviléges a disputer et a conserver, mais qui
repose sur le sentiment le plus impersonnel et le plus
respectable : l'alllour du prochain et le dévouement
réciproque.


Elle place parrni les premiers devoirs les consola-
tions prodiguóes aux malades et aux vieillards, les
témoignages de sympathie et d'estime, les bons exern-
pies et les douees paroles qui édifient, réconfortent
l'áme et l'cuvrent a la reeonnaissanee envers les
hom mes et envers Dieu (1).


Pleine d'espéranee en I'avenir, mais nullement
exclusive ou injuste a l'égard du passé, elle luiem-
prunte ses traditions les meilleures , elle aspire a
ressuseiter cette foi religieuse, eette union intime des
vieilles eonfréries qui marehaient son s la banniere
d'un proteeteur eéleste et offraient aux regards de
leurs membres, pour les soutenir pendant les épreu-
ves de la vie présente, la perspective des compensa-
tions qui nous attendent au-dela de la tombe.


Elle invite done aujourd'hui les Sociétés qu'elle a


(1) On a dit souvent ot avee raison que les asscmblées gélléralcs
sent de véritables écoles de moralité el dc religion .





- 428-
formées a revenir a ces usages simples et touchants;
elle leur enseigne que la raison humaine est pour la
volonté un guide bien faible et bien incertain, et que
dans nos luttes avec les passions, les chagrins, les
miseras, les maladies ce n'est par en nous seuls que
nous trouvons la force, mais dans ces secours supé-
rieurs que l'on n'obtient que par la soumission et par
la priere (1).


Aussi chaque année la plupart de nos associations
lyonnaises convoquent tous leurs membres a venir
comme autrefois s'agenouiller dans un sanctuaire
choisi par elles, et la, d'une voix commune, tous les
associés adressen t leurs remerciements ala Providence
qui répand la prospérité sur la Société a laquelle ils
sont heureux el fiers d'appartenir, et en méme temps
ils prient pour eux-mémes, pour leurs familles et POUl'
les sociétaires que la mort leur a enlevés.


Et lorsque dans les maladies qui viennent les frap-
per, l'espérance d'un retour a la santé les abandonne,
la voix d'un ami présent a leur chevet les encourage


(1) 11 en est diflércmmént en Angleterre et en d'autres pays O"
la mutualité parait plus étendue qu'eu Franee. « Les asscciations de
« prévoyanee n'y représentent, la plupart <In temps, que de vastes
« caisses oú ehacun va chercher l'intérét dc ce qu'il a apporté, sui-
« van! un caleul exaet de ses chances et de ses sacrifices, san5
{{ souci de ses coassociés, qu'il ne connait pas, qu'il ne verra jamais
« el qui ne sont pour Ini que des intcrcssós dans une rnérno spécu-
« lation )) Rapporl de laCommission supérieure sur \'année 1861.
Bullelin des Sociétés, 1863, p. 67.


Tcl est sur tout le caractere des Sociétés anglaises. - Bulletin de
1863, p. 2116.- Voyez surlout les doeumenls publiés par le Regís.
trar ou conlrólenr des Sociétés de secours mnlnels en Angleterre
- Bulletin, 1864, p. 17.




- 1~29 -
et les exhorte it recevoir les consolations suprémes de
la religion, seules capables de donner it l'áme la vérita-
ble force et de lui inspirar cette tranquillité et cette
énergie qui triomphent parfois du mal physique.


C'est aussi it l'association que le vieillard est rede-
vable de la quiétude de ses dernieres années, dont il
peut profiter pour songer aux choses futures trop sou-
vent oubliées dans le cours d'une existence absorbée
par un travail rude et permanent.


Enfin it tous l'association mutuelle réserve un der-
nier honneur, celui d'un convoi fúnebre dont elle fait
tous les frais, auquel elle assiste et qu'elle accompa-
gne de ses prieres et de ses regrets (1).


Voila ce que la mutualité fait pour l'individu et
comment elle transforme son étre moral. Voyons main-
tenant son iniluence sur la famille.


n.


Qui douterait qu'enrendant l'homme plus prévoyant
et meilleur elle n'en nt déja un pere et un époux plus
tendre et plus éclairé? lVIais ce n'est pas assez de cette
action, qu'el ls n'exerce que par contre-coup sur la fa-
mille : elle en convoque directement tous les mem-
bres ; elle les appelle apartager ses bienfaits. Elle
veut que la femme, si les conditions de son travail


(1) Les convois des mcmbres des Sociétés de secours mutnels de
Lyon son! toujours accornpagnés de plusieurs prétres, et les fabri-
ques des paroisses ont abaissé les tarifs ordinaires. - Ce résultat a
été ohtenu sur la demande de M~f. les présidents des 120-, 12- et
110· Soeiétés. ,-I:lulletin des Sociétés, 11:\61, p. 179.




- 330 -
salarié sont analogues sinon identiques aux condi-
tions du travail du mari, participe, comme lui, a tous
:es avantages de l'association. Que si, au contraire,
son salaire est incertain et son droit a l'indemoité de
maladie des lors difficile a établir, elle rccoive au
mcins tous les secours nécessaires asa santé et qu'elle
participe aux facilités que la loi accorde aux Sociétés
pour constituer des retraites a leurs membres. .


La mutualité pourvoit aussi aux besoins de l'en-
fant. Elle lui accorde, moyennant une légere cotisa-
tion, tous les soins nécessaires a son jeune áge ; elle
le survei lle, elle le patronne afin qu'i l se rende digne
d'appartenir un jour al'association et qu'il en devienne
un membre loyal et exemplaire.


Par la constitution de pensions de retraites aux
sociétaires ágés, elle assure a leur vieillesse indépen-
dante et respectée une place plus digne au foyer de
leurs enfants, dont ils ne sont plus réduits aimplorer
les secours.


Elle veille ainsi sur le sort de la famille entiere, elle
en resserre les liens, elle en rend les devoirs plus
doux et plus fáciles, elle y maintient l'ordre et le res-
pRCt, elle y seconde l'activité, le travail, le courage,
l'espérance, elle rend les parents plus sains, les en-
fants plus forts et prépare au pays des générations
plus belles.


En allégeant ainsi les charges diverses de la fa-
mille, elle invite le célibataire a en goü ter les joies,
elle lui rappelle qu'une vie sans foyer est presque
fatalement une vie de désordre ; elle lui montre par
l'exemple que, si l'économie estdifficile dans l'isole-
ment, elle l'est bien moins dans la vie de famille,
parce q UC l'épargn e n 'est conseillée al! célibataire que




- 431 -
par la raison, tandis que c'est le cceur qui la conseille
au pore et a l'époux.


Mais la mutualité ne se borne pas a répandre ses
bienfaits sous le toit rnodeste de l'ouvrier. Elle aspire
a étendre plus 10Ín son influence. Elle rapproche les
classes diverses de la vérité, elle invite les citoyens
pourvus des dons de la fortune á se faire les patrons
des Sociétés de secours mutuels en s'y inscrivant
comrne membres honoraires.


Elle offro ala richesse un moyen sur et certain d'a-
méliorer le sort des c1asses laborieuses, et elle ne
laisse ainsi aucune excuse al'avariee, aucun prétexte
a l'égolsme.


L'appui qu'elle sollicite n'a rien de blessant pour
ceux qui en profitent, Il sert aprotéger les enfants et
les vieillards, c'est-á-dire eeux qui ne peuvent pas
encore ou ne peuvent plus demander au travail leurs
moyens de subsistance. Mais les sociétaires partici-
pants, nous l'avons vu, ne doivent attendre que de
leur activité et de leur économie le paiement de leur
cotisation.


Si nous jetons un coup-d'ceil sur les listes de mem-
bres honoraires des associations Iyonnaises, nous les
voyons composées d'hommes appal'tenant a toutes les
fonctions sociales. Ce sont des industriels, des com-
mercants, des chefs d'ateliers fils de leurs ceuvres, qui
rendent en proteetion au travail I'aisance qu'ils en ont
recue ou qu'ils en recoivent encore.


Ainsi la mutualité rapproche les hornmes qui out
été souvent le plus divises, elle fait tomber les défian-
ces, les préjugés, les sentiments d'envie et d'hostilité
qui, ad'autres époques,ont armé les unes contre les
autres diverses classes de citoyens.




- 432 --
Enfin en transformant la population laborieuse, en


lui inspirant un plus ardent amour du travail et de
l'ordre, en développant ses affections de famille, en
recueillant ses économies et en les associant aux des-
tinées de l'Etat, qui administre les fonds de réserves
et de retraites des Sociétés, la mutualité fait des ar-
tisans et ouvriers les défenseurs de la chose publi-
que, les conservateurs de l'ordre et de la paix.


Elle ferme la porte aux passions mauvaises, aux
agitations turbulentes que suscitent ceux qui, ne sa-
chant pas se créer une place dans un état social
régulier, ou le travail doit étre la condition du succes,
n'ont rien a perdre et espereuttout du hasard des ré-
vol utions,


Elle rejelte bien ioin les u topies du socialisme, dont
le principe tend a su bstituer au travail, au devoir et
aux légitimes jouissances qu'ils procurent le triomphe
des instincts matériels et la satisfaction de toutes les
p assron s ,


Elle apporte la solution aux principalesquestions du
problema social qui préoccupe notre génération, par
la mise en pratique des principes chrétiens contenus
dans ces mots : travail, prévoyance, épargne, dévoue-
ment, assistance fraternelle.


Tels sont les bienfaits promis et déjá en partie
réalisés par la mutualité.


IIl.


Les Rapports annuellement présentés EL l'Empereur
par la Comrnission supérieure, et le Bulletin mensuel
publié sous ses auspices, indiquent aux Sociétés de




- 1i-33 -
secours mutuels les moyens les plus efficaces pour
étendre leur in:tluence, augmenter leur personnel et
multiplier les avantages qu'elles offrent a la classe
ouvriere (1).


Elles peuvent, suivant les conditions particulieres
ou elles se trouvent, organiser le patronage des enfants
et des apprentis (2), les récompenses données au zele,
a l'exactitude, au dévouement des sociétaires (3), les
primes d'encouragement (4), les plaisirs pris en com-
mun, tels que les veillées de famille (5), les cours pu·
blics, les retes musicales (6), les bibliotheques (7), les
lingeries (8), les Caisses de secours pour les ve uves (~),
l'adoption des orphelins (10), les préts d'honneur ac-
ceptant pour unique garantie la. probité du débi-
teur (11), les Caisses spéciales de prévoyance (l~), les


(1) Nous pouvons en dire autant de la Fraternité, journal popu-
laire des Soeiétés de seeours mutueIs el de la Soeiété du prinee
impérial, dirigé par 1\1. Giraud, présidcnt du trihuual civil ct de la
Société phílanthropiquc de Niort. - Une livraison in-B par moís.


(2) Bulletin meusuel des Soeiélés de seeours mutuels, annécs 1856,
p.1t; 1857, p. 230; 1855, p. 130; 1859, p. 199; 1856, p. 202.


(3) Id. - 1854, p. 78; 1858, p. 269; 1860, p. 240.
(4) Id. -1857, p. 298.
(5) Id. -1860, p. 272.
(6) Id. - 1854, p. 160,256,371; 1858. p. 221, 240'
(7) Id. - 1854, p. 47; 1856, p. 139; 1857, p. 260.
(8) Id. - 1856, p. 73, 125, 2/¡3. La Frater-nité, année 1864,


p.257. J
(9) Bullctin des Sdeiétés, année 1857, p. 155.
(10) Id. - 1857, p. 21,37; 1858, p. 207, 29/¡; 1860. p. 193.
(11) Id. - 1856, p. 173, 271; 1857, page 26, 271; 1858,


1).217. La Fratel'níté, année 186,., p. 'H.
(12) Bul1etin, 1855, p. 288; 1858, p. 266.


28




- 434-
tribunaux de conciliation pour les différends entre
associés (1), l'extension de l'association pour l'achat
des denrées (2), I'acquittement des frais de mariage
des sociétaires (3), l'assistance mutuelle par le tra-
vail (4), etc.


On voit par cette énumération combien d'osuvres
bienfaisantes viennent se greffer sur la mutualité.


II appartient surtout a ceux qui en profitent d'en
divulguer les avantages, et de rallier de nouveaux
sociétaires. Aucune propaganden'est plus efficace
que celle qui tombe des levres que la reconnaissance
anime.


Cependant, une certaine hésitation paralyse parfois
le zele méme des plus ccnvaincus. Afin de stimuler
jusqu'aux membres les plus timides, et de les intéres-
ser- a conquérir a la mutualité de nouveaux adhérents,
M. Passaut, président de la Société des crocheteurs
de Lyon'(120c) , a imaginé de rendre le-recrutement
obligatoire pour tous les sociétaires; dans ce but il a
fait adopter le reglem,ent suivant :


« Considérant que les membres du bureau ne sau-
raient rester seuls chargés de veilIer aI'accroissement
du personnel sans laisser en souffrance d'autres par-
ties non moins importantes du service qui leur est
confié.


(1) Id. - 1856, p. 110; 1857, p. 121; 1858, p.211; 1859,
p. 320; 1860, p. 272.


(2) Id. - 1856, p. 203.
(3) Compte-rcndu de la Société des ouvricrs en soie de Lyon,
186~, p. 9.


(4) La F"at~rnité, année 1864, p. 64. Bullctin, 1858, p. 120.
- Rapporl de la Comrnissiou supéricurc, 1862, Bulletin de 1864,


1" 13.




- 43l> -
« Considérant que, tous les sociétaires étant égale-


ment intéressés a la prospérité de la Société, il y a lieu
de faire peser également sur chacun d'eux les soins
de son développement.


« Considérant que si ces soins ne sont pas rendus
obligatoires, personne ne les prendra a sa charge, et
que des lors il importe de déterminer le concours qui
sera exigé de chaque sociétaire, et la compensation
d'argent au moyen de laquelle il pourra etre, s'ille
préfere, dispensé de ce concours.


« Délibero .....
« Les sociétaires qui dans le courant du premiar


semestre de chaque année, et j usqu'a ce que la Société
ait atteint le nombre de..... , n'auraient pas fait accep-
ter un nouveau sociétaire, seront passibles d'une aug-
mentation de cotisation fixée a25 centimes par mois,
pendant tous les mois qu'ils auraient laissé écouler
sans rernplir l'obligation ci-dessus imposée. »


Le résultat de cette mesure en a j ustifié I' adoption.
L'accroissernent des mernbres de la Société a été si
rapide qu'en quelqlles années elle est devenue l'une
des premiares de notre cité, et méme « l'une des plus


. tlorissantes de France, » suivant le témoignage de la
commission supérieure (1).


« Les sociétaires, dit M. Passaut, n'ont pas consi-
déré la mesure qui leur était proposée au point de vue
de l'augmentation de leur cotisation : ils ont fait de
cette question, toute d'argent en apparence, une ques-
tion d'émulation, d'amour propre et d'honneur, Ils
préfereraient certainernent payel' le double et le triple


(1) Rapport adressé le 18 aoút 1855 au Ministre de l'Intérieur.
(Dossier de la 120 e Soeiété, a la préfccturo du Hhóne).




- 436 -
de la somme exigée en cas de non présentation, plu-
tot que de n'avoir personne aprésenter dans les délais
déterminés, cal' ce serait reconnaitre qu'ils n'ont pas
de camarades, pas d'amis, et qu'ils ont passé six mois
en vaines recherches pendant que d'autres, plus aimés,
plus estimés ou plus heureux, auraient procuré a l'as-
sociation nombre d'adhésions nouvelles. »


IV.


Le recruternent des Sociétés de secours mutuels
rencontre parfois des obstacles sérieux. Nous placons
en premiere ligne les refus tirés de l'impossibilité allé-
guée de payel' l'égulierement une cotisation ,


On objeete que le salaire guotidien suffit a peine
aux besoins de chaque jour; on repousse comme une
vision importune, comme un événement lointain ou
chimérique, l'éventualité d'une maladie et les infil'-
mités de la vieilJesse.


Nous le reconnaissons, beaucoup d'ouvriers, ch ar-
gés d'une famille nombreuse, ont bien de la peine a
gagnel' la subsistance de leur femme et de leurs en-
fants. Mais quel est celui a gui, mérne au sein de la
plus affreuse détresse, il n'arrive pas de dépenser en
pure perte, et parfois ade dangereux plaisirs, un peu
de cet argent qu'il amasse si péniblement? - Quel est
celui qUl ne se laisse jamais entrainer achercher l'ou-
bli de ses peines dans des réunions ou 1'0n consomme
bien vite, et presque sans s'en douter, ce qui eút as-
suré a la famille le pain de plusieurs jours? Cepen-
dant, en rononcant a ces distractions coúteuses, et en
mettant de cóté seulement quelques eentimes par




- 337·
semaine, on aurait pu, au bout du mois, réunir la
somme néeessaire pour la eotisation sans que le mé-
nage s'en füt trouvé plus pauvre.


En regle générale : Il n'y a pas un ouvrier qui
deoienne plu» rlche en refusant de {aire partie d'une
Société de secours mutuels, paree que mérne avee la
plus grande vertu illui est presque impossible, dans
son isolement, d'apprendre et de mettre en pratique
l'épargne et la prévoyance.


Done, en diseutant avee le pere de famille le plus
pauvre son modeste budget, en passantau erible tou-
tes ses pe tites dépenses, on arrivera toujours a en
trouver quelques-unes qu'il n'aurait pas faites s'il eút
appartenu a une Société de seeours mutuels, et dont
le montant lui eút permis, sans se g€mer davantage,
d'aequitter sa eotisation.


Enfin l'expérience démontre qu'il n'y a pas de vie
d'hommes qui ne soit traversée par quelque maladie,
de telle sorte qu'inévitablement un soeiétaire rentre
tdt ou tard dans ses frais de cotisation, par les secours
du médecin, les remedes et l'indemnité pécuniaire
qu'il recoit pendant la durée du traitement.


Il ne reste done aucun motif sérieux pour refuser de
faire partie d'une assoeiation de secours mutuels. .


Cependant l'épargne et la prévoyance sont toujours
fort difficiles al'ouvrier. On lui rend un véritable ser-
vice en le contraignant á mettre de coté l'argent qu'il
est tenté de dépenser et en lui faisant contracter en
quelque sorte malgré lui des habitudes d'économie.
On parviendrait a ce résultat par la création au sein
des associations d'une Caisse de prévoyance, c'est-a-
dire par l'organisation d'une Commission de membres
participants ou honoraires qui consentiraient a étre




~ 438-
les trésoriers de ehaq ue soeiétaire, reeevraient leurs
moindres économies, et leur ouvriraient un eompte.
En imposant a tous les membres l'obligation de por-
ter a eette Caisse chaque semaine une somme quel-
c;)nque, ne fút-olle que de quelques centimes, on leur
inspirerait l'idée de l'épargne et le désir d'aecroftre
leur petit péeule. Des primes d'eneouragement pour-
raient mérne É\tre distribuées.


La Commission composant eette Caisse de pré-
voyanee verserait a la Caisse d'épargue au nom de
ehaque déposant les fonds qu'clle aurait recuso Ainsi
peu apeu nou-seulement le paiernent de la eotisation
serait assuré mais eneore le paiement du loyer, qui
pour la classe laborieuse est ordinairement la charge
la plus lourde. Nous ne doutons pas qu'une sernbla-
ble institution n'eüt pour résultat de transformer les
habitudes de bon nombre d'ouvriers, et de leur facili-
ter I'aeces des Sociétés de seeours mutuels (1).


v.


Un dernier obstacle retarde ene ore les progres de la
mutualité. Ce sont les préj ugés. Mais n'est-il pas facile


(1) Pour détourner la classe ouvriére des plaísirs coütcux et nui-
sibles auxquels elle est trop souvent aceoutumée, iI serait utile
qu'elle eút des distractions gratuítes. 11 appartiendrait aux arlminis-
tralions locales ct aux Socictés d'organíser, les dimnnchos, des
fétes musicales auxquclles les sociétaires seraient invites. Leur livret
leur servirait de billet d'entrée. Les réunions choralcs, les musiques
militaires offriraient un élérnent artistique d'uu vif intérét et qui ne
néeessiterait aueun fraís. Le zete des artistes de la )oeulité et des
exécutants-amateurs cornpleterait le programme de ces íétes.




- 430 -
d'sn avoir bon marché en leur opposant les résultats
si connus, si aisément appréciables des associations
mutuel1es? Tout s'y passe au grand jour, avec une
entiere indépendance, et l'on peut dire qu'autant on
compte de sociétaires autant on compte de voix dis-
posées arendre j ustice aux hienfaits de ces institu tions,


Les préj ugés n'existent qu'a la faveur de l'ignorance.
lis s'évanouissent devant la lurniere.


Ils restent plus tenaces quand ils se compliquent de
quelque sentiment de vanitó puérile. Serai t-ce le se-
cret de l'obstination avec laquelle certaines Sociétés
simplement autorisées persistent ase priver des avan-
tages de l' appro bation ?


Quelle compensation leur lndépendanee apparente
leur offre-t-elle done en retour de la vie civile qui leur
manque, et de 1'impossibilité de recevoir des dons,
des legs, d'effectuor de larges dépóts ala Caisse d'épar-
gne, de se constituer des fonds de retraites, d'avoir
part aux subven tions du fonds de dotation? - Elles
ne peuvent ignorer aujourd'hui de q uelle liberté et de
quels priviléges jouissent les Sociétés approuvées
dont les présidents, agréés et nommés par l'Empereur,
ont aux yeux de la loi, devant les tribunaux et par-
tout une autorité officiel1e qu'un décret imperial
seul pourrait briser. - Elles préferent vivre d'une
existence précaire 1 par la seule tolérance des ad-
ministrations locales et en gardant dans leurs sta-
tuts des clauses insolites, surannées, condamnées par
I'oxpérience, ou des promesses qu'elles ne peuvent
tenir, a défaut de régulieres sources et d'un fonds
spécial de retraites.


Le temps et l'exemple auront sans doute raison des


"




- 440 -
considérations étroites qui retiennent encore les
Sociétés privées dans les entraves de la routine.


Quelq ues années encore, et les associations mu-
tuelles, approuvées, mieux connues, plus justement
appréciées, réuniront sous les titres de membres hono-
raires et d'associés participants un nombre sans cesse
croissant de eitoyens appar1enant atoutes les classes
de la société.


Alors la population ouvriere, protégée contre le chó-
mage, soulagée dans la maladie, assistée dans la vieil-
lesse, éclairée, moralisée, réconciliée avec ceux qu'elle
considere 11 tort comme ses ennemis mortels, identi-
fiée a l'mtérét de l'Etat et de l'ordre public, verra son
aisance élargie et assurée par sa prévoyance, son acti-
vité et son éeonomie.


Tels seront - les faits actuels nous en donnent la
eertitude -les résultats définitifs de la législation
spéeiale aux Sociétés de secours mutuels qui avec le
second Empire a inauguré la secande moitiédu
:nxe siecle.




CHAPITRE XXViI.


RÉSUMÉ HISTORIQUE ET CONCLUSION.


SOMMAIRE.


§ ler. - Qllelqlles mots aux ouvriers Iyonnais. - Coup d'reil sur
le passé, - Conditions d 'existence des artisans de Lyon jusqu'au
Xlye siécle.


§ 11.- Leur situation 80US les corporations jusqu'á 1789.
§ III. - Leurs tcntativcs d'associations diverses jusqu'á la législa-


tion aetuelle. - Situal ion nouvelle qui leur es! .offerte.


1.


Les pages qui précsdent s'adressent a. tous ceux qui
se préoccupent du sort de la classe laborieuse, et notre
but serait atteint si, apres avoir signalé le véritable
caractere et les bienfaits des associations de secours
mutuels, nous déterminions l'adhésion de nouveaux
membres participants ou honoraires.


Mais si la conviction qui nous anime pouvait plus
particulierement toucher les ouvriers lyonnais, si no-
tre voix avait quelque autorité aupres d'eux, nous leur




- 442-
dirions en résuman t dans un dernier chapitre tout ce
que nous avons écrit dans co livre :


Courage! L'heure est venue OU votre situation va
s'améliorer. Vous touchez au progres tant désiré, Il
dépen d de vous que la maladie et la vieiilesse n'ame-
nent plus l'indigence dans vos derneures.


Pour mesurer lés bienfaits de notre siecle, pour ap- .
précier ce qu'il a fait pour vous et ce qu'il attend de
vous, considérez ce que vos peros ont souffert et ce
qu'ils ont tenté dans les' siecles passés.


Que leur expérience vous serve, que leurs efforts
vous encouragent!


Remontez par la pensée jusqu'au berceau de notre
glorieuse cité. Voyez ses premiers artisans. Que
font-ils ? - Ils s'unissent, ils cherchent daus l'asso-
ciation la force qui manque it l'étre isolé. Le Christia-
nisme vient adoucir leurs mmurs et ouvrir a leur ame
des horizons nouveaux. Sous les empereurs romains
devenus maitres de notre pays, ils recoivent des lois
séveres qui assurent d'abord it leurs corporations la
prospérité matérieile etune puissafffe organisation,
mais qui dans l'intérét d'une politíque égolste com-
priment leur travail et leur liberté et les conduisent á
la misera et it la servitude.


Avec l'empire romain tombent les premiares asso-
ciations ouvri eres. Une période de iégénération com-
menee. Des peuples nouveaux apparaissent, les races
se mélangent, les populations se transforment. Les
artisans de notre cité subissent tour a tour le joug de
tous les vainqueurs. Les évéques, dignes successeurs
des Pothin et des Irénée, les protégent contre les ca-
prices de la force brutale.


La religion devient leur refuge et leur sauvegarde.




- 443-
Les monasteres se fondentet les enlevent al'esclavage
et au dénuement. A l'ombre des cloitres, et par l'in-
fluence civilisatrice de la foi chrétienne, les popula-
tions lahorieuses parviennent a retrouver le calme:
les artisans apprennent la valeur morale de la souf-
franee et la dignité, jusqu'alors inconnue, du travail.


Apres six siecles de Juttes et d'épreuves la liberté
individuelle finit par triompher. L'esprit d'association
se réveille, les corporations se rétablissent et permet-
ten t aux travailleurs de 1utter con tre l'oppression et
l'arbitraire.


La sécurité imprime a leur activitó un no uvel essor,
l'épargne leur procure I'aisance; ils donnent naissance
a la bourgeoisie lyonnaise. Groupés en corps de mé-
tier, ils entreprennent une longue et courageuse lutte
pour enlever notre cité au joug des maitres divers qui
se la disputent.


Ils l'affranchissent enfin de la domination que pré-
tendent exercer sur elle les empereurs d'Allemagne,
ils la réunissent pour toujours a la Franco et lui con-
quiererit le droit de se gouverner elle-mame a l'aide
d'administrateurs choisis par la population entiere au
sein de la bourgeoisie.


Voila l'une des plus belles pagbs de l'histoirsde vos
peres l


11.


Mais la ne se borne pas leur ceuvre. D'autres ad-
versités les attendent et vont encore susciter en eux
d'héroiques efforts. La vie des peuples est soumise it
la rnéme loi morale que la vie humaine.




- 444-
Comme ce coupable que les anciens nous représen-


taient condamné a rouler au sommet d'une montagne
un rocher qui retombe sans cesse, nous devons chague
jour recommencer la méme tache jusqu'á ce qu'il plaise
a la Providenee divine nous donner le repos que notre
courage aura mérité. - De nfme les cités, de sieole
en siecle , se voient soumise¡fa des épreuves inces-
santes. Lyon, affranchi par ses corps de métiers, Lyon,
rendu a l'indépendance et a la prospérité, subit de
nouvelles calamités.


Les revers d'uneguerre de cent ans, soutenue con-
tre des envahisseurs étrangers, et les troubles inté-
rieurs qui, sous trois rsgnee, ensanglantent la capi-
tale, menacent dans Paris la tete de la France et font
tressaillir Lyon qui en est le CCBur.


Vos peres trouvent encore dans l'association leur
salut et leur force. En vain les fléaux dépeuplent notre
cité, ils resserrent leurs rangs, ils affermissent leurs
corporations. Avec plus d'ardeur et de foi ils deman-
dent ala religion de les secourír, et sous son égide i1s
créent ces confréries OU ils vont retremper leur force
morale et leur résignation.


Apres la lutte, le triomphe. Jeanne d'Arc a délivré
la Franee; les artisans de Lyon, plus fideles a la
cause nationale et a la royauté que ceux de París,
obtiennent pour leur cité des faveurs qui sont le pré-
lude et le point de départ d'une prospérité croissante,


Les industries étrangeres viennent recourir a l'acti-
vité et au talent de nos ouvriers et se fixent dans notre
ville. L'Italie nous envoie ses commercants, ses han-
quiers, ses artistes. Le tissage des étoffes et l'impri-
merie deviennent les deux fIeurons de notre renommée
et de notre richesse.




- 445-
Mais remarq uez l'action dissolvante et démoralisa-


trice de la prospérité :
Tant que vos peres avaient combattu pour l'indé-


pendance de leur personne etde leur travail, tant qu'ils
avaient demandé EL la religion et EL l'équité d'inspirer
et de guider leurs efforts, ils étaient restés unis en un
faisceau invincible et ils avaient triomphé.


Mais le lendemain de leurs conquétes , quand le
travail les appelle, quand les industries se multiplient,
quand I'inspiration individuelle demande EL se faire
jour, quand 1f;J progres exige la liberté de la pensée et
la spontanéité de l'invention, alors la jalousie s'éveille,
l'intérét s'alarme, l'égoisme apparait, et il dicte EL vos
peres ces reglements étroits el tyranniques qui res ser-
rent l'entrée des métiers, réservent aun petit nombre
les priviléges de la maitrise et établissent désormais
une ligne de démarcation profonde entre les apprentis,
les ouvriers et les patrons.


Ce n'est plus cette confraternité qui réunissait dans
la corporation et la confrérie tous ceux qu'un máme
métier faisait vivre. Les dissensions se manifestent,
le compagnonnage enróle les ouvriers et les ligue
contra les maltres. Des hostilités profondes se perpé-
tuent tantót sourdes, tantót ouvortement déclarées.


D'une part les compagnons s'agitent, se mettent
en greve, troublent l'ordre public, nécessitent contre
eux l'intervention de l'administration municipale et,
ce qui est plus grave, compromettent les industries
les plus florissantes.


C'est ainsi que les ouvriers imprimeurs par leurs
coalitions réitérées suspendent les travaux typogra-
phiques les plus importants et finissent par déshéri-




- 446-
ter notre vilIe d'un art qui Iaisait dans le monde entier
son orgueil et sa gloire.


D'autre part les maítres multiplient leurs efforts
pour conserver leurs usages exclusifs et leur mono-
pole; ils solIicitent de la royauté la reglementatioD
la plus sóvere sur les procédés de Iabrication, ils veu-
lent comprimer l'essor du progres, en~cher les in-
ventions nouvelles dans la crainto de so~r des habi-
tudes routinieres de leurs professions. Ils n'hésitent
pas it payer au trésor royal les tributs les plus ruineux
pour obtenir le maintien de leurs priviléges.


Mais la révolution de 1789 survient et dans le cata-
clysme général ou ehaque classe de la société a expié
ses fautes ils voient tomber les corporations qui leur
étaient si cheres,


IIr.


Désormais le travail est libre, le regne de la concur-
rence commence, un champ sans limite s'ouvre a l'ae-
tivité individuel le ; mais l'artisan est seul et saus pro-
tection. Ouvriers lyonnais, vous avez compris que l'iso-
lement vous serait funeste, vous vous etes souvenus
que l'association avait donné a vos peres l'indépen-
dance, la force morale et le bien-étre : vous lui avez
demandé de nouveau son appui. - Honneur a I'ini-
tiative qui a établi au début de ce sieele vos premieres
Sociétés d' assistance muiuelle!


Vous deviez réussir : vous avez placé ces associa-
tions nouvelIes sous la protection divine et le patro-
nage du culte de vos peres. Le sentíment religieux qui
vit au cosur de tous les enfants de notre cité ne poue




- 447-
vait s'engloutir dans le naufrage des institutions pas-
sées.


Mais pour asseoir vos Sociétés sur des bases solides
et leur donner toute l'efficacité que votre dévouement
mérite, il vous fallait obtenir du législateur un appui
que sa sage défiance ne pouvait vous accorder qu'a-
prss vous avoir vus a l'ceuvre et appréciés dans vos
desseins. 11 vous íallait a vous-mémes cette expé-
rienee qui n'est que I'ceuvre du temps, et cette süreté
de calcul et do prévision que la science seule parvient
aacquérir.


Voila pourquoi les Sociétés qui se sont multipliées
sous l'inspiration féconde de vos sentiments généreux
n'ont pu tenir toutes leurs promesses ni soulager vos
infortunes au gré de vos espérances.


Enperpétuant le compagnonnage vous avez tenté
de donner une sauvegarde avosjeunes ouvriers. Vous
leur avez procuré sans doute une proteetion précieuse
qui les aecompagne partout dans leur tour de France,
mais qui ne sera irréprochable que lorsque vous en
aurez écarté eet aneien esprit de défiance, ces habi-
tudes d'excl usion, ces prétentions frivoles de préséance,
sources mauvaises de divisions et de luttes.


Enfin vous avez essayé de vous soustraire aux pé-
rils, aux difficultés du travail individuel et isolé.
Pour obtenir des profits plus amples que vos salaires
de ehaque jour, vous avez tenté apres 1848 de former
des associations indusirielles. Aueun encouragement
ne vous a manqué: vous avez recu de largos avances
du Gouvernement; m ais l'insucc es a renversé vos
espéranees et vous a démontré com bien il est difficile
'a des collections d'individus de mener a bonne fin des
en treprises eommerciales.




-- 448 -
Un demi-siecle s'est écoulé dans ces tentatives di-


verses. 01', en ne trouvant ni le bien-étre dans les as-
sociations industrielles, ni la sécurité dans le compa-
gnonnage, ni le soulagement certain de la maladie et
de la vieillesse dans les Sociétés de secours mutuels,
vous avez pucroire que la Providence vous abandon-
nait a votre détresse; vos découragements ont donné
carriere aux promesses des réveurs ou des imposteurs
ambitieux qui prétendent vous procurer l'aisance en
dehors de la loi du travai1.


Mais voila qu'une main puissante a ouvert une ere
nouvelle avotre destinée.


Depuis douze ans une législation spéciale s'est éle-
vée en vue de vos seuls intéráts.


Elle a consacré des principes et inauguré des insti-
tutions qui par leur développement progressif trans-
former.on t votre situation.


Elle proclame que le travail et l'épargne sont la con-
dition absolue de l'amélioration de votre sort; mais
pour vous assurer le travail et vous rendre l'épargne
possible elle a dú vous prémunir contre les trois fléaux
qui sont d'ordinaire laruine du travailleur, c'sst-a-dire
le chómage, la maladie etla vieillesse.


Dans ce but, elle a élevé vos Sociétés de secours
mutuels au rang d'institutions publiques; - elle leur
a accordé la vie civile qui les rend capables de pos sé-
der, d'acquérir et de faire tous les actes d'administra-
tion propres a consolider leur existence et a accroitre
leurs revenus.


Elle leur a donné l'appui d'une Commission supé-
rieure, tuteur éclairé et vigilant, gardien sür de vos
intérets.


Elle les a pourvues de dotations considérables, dont




- 449-
les revenus sont distribués en subventions d'eneoura-
gement ou employés a assurer des retraites a la vieil-
lesse.


Elle déclare que le diplóme de membre d'une So-
ciété de secours mutuels doit étre consideré comme un
certificat d'honneur et de moralité, un titre al'estime
et a la considération publique, une recommandation
aux préférences des chefs d'atelier. - Elle entend que
l'ouvrier qui en sera muni soit partout l'objet d'une
protection spéciale et qu'il trouve du travail préféra-
blement aceux qui dédaignent les bienfaits de l'asso-
eiation. - Elle estime que, hors les eas exeeptionnels
de erises eommerciales, cette recommandation remé-
diera plus sürement au chómage que les secours d'ar-
gent tendus comme une aumóne par les Sociétés an-
ciennes.


Elle dit eneore que l'ouvrier incorpore aune asso-
ciation de secours mutuels et qui par ce moyen se
voit plus súr d'avoir du travail doit redoubler de zele
et d'activité et ne eompter que sur ses efforts pour
payer sa cotisation.


Elle veut que cette cotisation soit la base essentielle
du contrat librement formé par les sociétaires, et dont
la loyauté et l'exactitude sont les conditions indispen-
s ables de succes.


En cas de maladie, elle vous assure des soins éclai-
rés, des remedes, des consolations confraternelles,
une indemnité d'incapacité de travail; - Elle étend
plus loin sa sollieitude, elle vous procure al'aide d'un
léger supplément de cotisation le moyen de refaire la
santé de vos femmes et de vos enfants.


Pour votre vieillesse elle a institué un fonds spécial
de retraites qui par les combinaisons les plus súres


29




- 450 --
vous permet d'espérer des pensions viageres pour l'é-
poque oü l'outil tombera de vos mains fatiguées. -
Elle vous inviteáeontraeter l'habitude del'épargne et
iL augrnenter par vos propres économies la rente qui
doit donner l'aisance avos vieux jours.


Voilá ce que la législation aetuelle a institué pour
ehanger et améliorer votre sort, - et ce qu'aueune .
autre n'avait fait avant elle.


Ne serait-il pas bien insensé eelui qui ne voudrait
pas s'imposer quelques saerifiees présents, pour se
soustraire aux menaees de la maladie, aux privations
d'une vieillesse indigente, et assurer a sa famille la
santé et le bien etre?


Chassez done la défianee et les préjugés. Examinez
de bonne foi les bienfaits que la mutualité vous ap-
porte, et qui se multiplieront par le développement
progressif des institutions diverses qu'elle a fait
naítre.


Reeonnaissez que vos souffranees pourront enfin
trouver leurs remedes. Ne faites pas eomme l'homme
qui laisse la fortune inutilement frapper a sa porte.
Ouvrez lui votre demeure. Sous la forme de l'assis-
tanee mutuelle elle viendra s'asseoir a votre foyer,
secourir vos enfants, votre femme, vous prémunir con-
tre le chómaga, vous soulager et vous indemniser
dans la maladie, vous soutenir dans vos ehagrins,
ranimer votre eourage et eouronner votre existenee
par une vieillesse indépenJante et honorée.




TABLE ALPHABÉTIQUE.


A
Administration des aneiennes eorporations. Pages 6, 8, 10, 67 et


suív, - Des Soeiétés de secours mutuels. 278 et suiv.
ApprentisBage dans les corporations romaines. H. - Au moycn-


Age. 71 et suiv, Voyez Compagnonnage.
ApprentiB : leur agrégation dans les Soeiétés de seeours mutucls,


263, 433.
Aqua;'ii (Corporation des). 7.
Arckeoéque« de Lyon : leur role du IXe au Xl" sieele. 26 et SUlV.,


41, 62.
Artistes dramaiiques (Assoeialion des). 204.
Aspirants. 137. Voyez Compagnonnage.


B
Batelie/'s (Corporation des) it Lucdunum. 12, 15.
Benniers et Boisseliers (Corporatioll des). 81, 121.
Bibliothoques des Soeiétés de seeours mutuels. <t33.
Bm'deaux (Sociétés de). 213.
Boueker« (Corporation des) 11 Lugdunum. 9 et suiv.
Bo'~langers (Corporation des) 11 Lugdunum. 8, - Au moyen-áge ,


71, 88, 121.
BourgeoiBie lyonnaise. 45, 50, 51.
Boutonniers (Corporation des). 78, 108.
Bulletin des Soeiétés de secours mutuels. 202.




- 4l>2 -


e
Caiaae de bienfaiaunce. 385.
Caisse d' épargne (Versement des Soeiétés de seeours mutuels 3


la). S01.
Caisse de prévoyance. ~33, ~~7.
Caisse de retraite«. Voyez Retraites.
Caisse inte,'médiaire de la vieillesse. 1i21.
Calvinistes. 67.
Cartiers (Soeiété de secours mutuels des). 152, en note.
Cénobites du VI- au Xl- siecle, 29.
Centonarii (I:orporation des). 16.
Chombre de commerce de Lyon. Voyez Ouvriers en soic el Betraites.
Chandeliers (Corporatiou des). 82, SS, 109, 121.
Chapeliers (Soeiétés de secours mutu els des). 150 et suiv, - 383,
38~ el suiv ,


C/tapons (Soeiété des) au moyen-áge). 52.
Charpentie,'s (Corporation des) 11 Lugdunum, H. - Au moyen-


áge. 109. - Soeiété de secours mutuels, U7.
ChOmage (Des secours en cas de). 379 et suiv,
Circulaires ministérielles. Voyez Législation.
Ciriers (Corporation des). 77,88,121.
CoU,'etiers (Corporation des), 71, 76.
Colbert: ses reglcments sur les corporatíous , 118 et suiv.
Colléges d'artisuns sous la législatiou romaine. Leur origine. ~. _.


Leur organisation, 6, 8, 10 et suiv. - Leur existenee lé-
gale. - 17. - Leurs r-ésuítats. 18, 19.


Comestibles (Marchands de) 11 Lugdunum. 10.
Commis. Voyez Employés.
Commission supérieure d'eneouragement des Soeiétés de secours


mutucls. 201 et suiv,
Commission instituéc ponr propager la Caisse des retraites, 419 et


suiv.
Compagnonn(tge. Son origine. 90. - Sa división en trois gl'Oul'es. 9~.




- 453-
- Son earactére originairc. 9:>. - Son ancien esprit et ses
abuso 99. - Son influence actuelle , 132. - l\Iodifieations qu'il
asubies. 133. - Son utilité. 135. - Réformes a espérer,
140. - Son insufílsancc, 146.


Compagnons : leurs droits ct lcurs devoirs dans les aneicnnes cor-
porations. 72. Voyez Compagnonnage.


Compé/ence en matiere de eontestations entre les Soeiétés de se-
eonrs mutuels et les sociétaires. 280.


Confréries d'artisans a Lyon. 52, 53. - Leur esprit. 64. - A
París, 113. Voyez Légrslation,


Consulai1'e (Gouvernement municipal ou) aLyon, 48.
Convois funebres des Sociétés de secours mutuels. 429.
Cor'donniers (Soeiété de secours mutuels des). 147, 151.
Cor'ps d'états ou de métiers. Voyez Corporations. Leur classement


dans le compegnonnagc. 101.
Corpora/ions : 1° Sous les lois romaines. Voyez Colléges, - 20 Au


moyen-ñge, 45, 50, 59. - Leur organisation. 67. - Maitres-
gardes. - i\laitres, Compagnons, Apprentis. 68, 69 et suiv.-
Regles relati ves a la fabrieation. 81 et suiv. - Seeours aux
pauvres. 86. - Dépcnscs diversos. - Caractére et résultats
des eorporations. 87, 104. - Abus E't causes de ruine. 116,
121. - Abolition des eorporalions par Turgot. 125. - Leur
rétablissement. 126. - Leur abolition définitivc, 127.


Couvreurs (Corporation des). H.
C1'ochet~urs (Soeiété de' seeours m utuels des), 147, 151.
Cuisiniers (Corporation des). 74. 107.


D
Demi-pa1'ticipan/s (Membres) dans les Sociétés de secours mu-


tuels. 266.
Detulrophore« (Corporation des). 13.
Denrées (Achat des) dans les Soeiétés de seeours mutnels. 433.
Dispensaires l De I'usage des) dans les Socíétés de secours mu-


tuels. 36lf..




- 454-
DiplOmesdes mernbres des Soeiétés de sccours mutuels. 381.
Dotation des Sociétés de secours mutuels. 297, 395.
Doreurs (Corporation des). 71.
D¡'apiers (Corporation des), 81.


E
Employés et Commis (Sociétés de seeours muluels des). 152.
Enfants : leur agrégation aux Soeiétés de seeours mutuels. 263 et


suiv.
Enjoliveurs (Corporation des). 108, 109.
Eselavage. 23, 35.
Etrangers (Ouvriers), 1>09 et suiv.
1tv~ques de Lyon : leur role civilisateur, 21>, 28,30.


F
Fab¡'ique. Voyez Soierie, Marques.
Femmes (Admission des) dans les Soeiétés de secours mutuels. 235


el suiv.
Féodules (Associations). 37.
Ferrtnuliniers (Société des). 153, Voyez Ouvriers en soie.
Fiers. 39.
Foires Lyonnaises. 56.
Fondeurs (Soeiété de seeours mutueJs des). 152.
Forgerons (Corporation des). 82, 88.
Pranrois-Xuvier (Sociétés de Saint-). 212.
Franc-Muronnerie : Son origine. 91. - Son carnetérc primitif et


ses modíflcations. 91, 92. - Son caractere acluel. 130.


G
Garrons de Caisse (Société de seeours muluels des). 151.
Gynéaée: Atelier publie 11 Lugdunum. 6.




- 455 -


H
Honoraires (lUembres) dans les Sociélés de secours mutuels, 162,


232, 1i20, 1i22.


1


Imprimerie: Son introduction a Lyon. 56. - Procés dcs impri-
mcurs et des relicurs. 108. - Coalilion des compagllons im-
primeurs. 110. - Décadencc de l'imprimerie a Lyon. 111.
Voyez Typographes.


Imprimeurs sur éloffes (Soeiété de secours mutuels des). 1:'11.
Incurables, Infirmes. IiH, U6.
Intermédiaires dans les Soeiétés de secours mutuels. Ii18.
Israélite.~. 32, 52, 213.


J
Jacqucs (Enfants de Maitre). Voyez Compagnonnage.
Jardinier's (Soeiétés de secours mutuels des). 11i7.
.1uifs. Voyez Israélites.


L


LÉGISLATION RELATIVE AUX ASSOCIATIONS OUVRIERES : L01S,
ORDONNANCES, DÉCRETS, DÉCISIONS MINISTÉRIELLES.


Code Théodosien, Livre X, titre XX, Ioi X. 7. - Livre XIV, titre
11I, Iois IV. V, VII et X. 9 et 10. - ~[eme Iivrc, titres VII.
VIII, XIII. 18. - Livre XVI, litre X, loi XX. H.


Code de Justíllien. Livre Xl, tivres VII, VIII el IX. 6 el 7. -
Titre LXIII, Ioi X. 8,




- 456-
Diqeste, Livre 111,titre IV, loi 1. 17. - Livre XLVIII, titre XXII,


loi Il. 12. - Livre L, tilre VI, loi X, § 1lI 12.
Ordonnaflce royale de 1351, centre le monopole des eorporations. 5~·
Ordonnunce de 1'1098, sur les Confréries. 113.
Ordonnances royales de 1539, 1561,1566,1567 et 1579, sur les


Confréries. 65, 113.
Ol'donnance du ~ déeernLre 155~, touehant la fabrication des draps


d'or et de soie 11 Lyon. 83.
Ordonnance du 20 mars 1567, sur la fabrication des draps d'or ot


de soie. 84.
Ordonnances de 15U, 15~4, 1571, prol.ibnnt tonle assoeiation aux


ouvriers imprirneurs. 110, 111.
Ordonnance de 1581, soumetlant 11 l'approbatíon du roi les statuts


de tous les mét iers. 114.
Ordonnanee de 1597. sournettant les marehands aux obligations


édictées par la précédente al'égard des artisans. 116.
Ordonnanee du 13 maí 1667, sur la communauté des marchands el


tisseurs d'étoffes de soie. 118.
Édits de 1691 et 169~, créant des offiecs divcrs au sein des eorpo-


rations. 120, 121.
Édits de 1776, qui abolisscnt les corporations. 126.
Édits de 1777, quí rétablisscnt les corporations. 126.
Déel'et du 2 mars 1791, qui prononee I'abolition des eorpora-


tions. 127.
Code pénal du 22 février 1810, arto 291 et suiv. H9, 289.
Circulaire ministérielle de 1812, sur les Sociétés de secours mu-


tuels. 150.
C,oi du 20 avril1H3~, sur les associations. 153, 289.
Circulaire du 6 aoút 1840, prescrivant une enquéte sur les Sociétés


de secours mutuels. 15~.
Loi du 22 juin 18~5, sur les Caisses d'épargne. 153, 302.
Déeret du 25 février 1848, sur les associations ouvrieres. 15~.
Décret du 5 juillet 1848, ouvrant un erédit au profit des assoeiations


ouvriercs. 155.
Décret du 28 juillet L8~8. sur les clubs. 159,




- 457-
Ci1'culaire de 31 aoút 181¡.8, sur la simple déclaration préalabledn


lieu de réuuion des Sociétés de secours mutuels. 159.
Ci,'culaire du 26 juin 181¡.9, preserivant une enquéte sur ces 50-


ciétés. 160.
Loi dn 15 jnillet 1850, sur les Sociétés reconnucs eomme établisse-


ments d'utilité publique. 163, 165 et suiv, - 289, 290, 296,
301 et suiv.


Loi dn 8 juillet 1850, qui erée la Caisse des retraites. 183.
Décret du ti¡. juin 1851, portant reglement d'administration publi-


que sur les Soeiétés de seeonrs mutuels, 168,288.
Loi du 20 juin 1851, sur les Caissesd'épargne. 302.
Décret du 22 janvier 1852, sur la dotation des Soeiétés ele seeours


mutuels. 297.
I Décrei du 25 mars 1852, sur les réunions publiques. 170.


Décret du 25 mars 1852, sur les Soeiétés appruuvees. 1'71 et suiv.
- 288,291,296,299,301 et suiv.


Circulaíre miníslérielle du 29 mai 1852. 199.
Circulaíre du 3 mai et 28 octobre 1852, relative aux Sociétés de


seeours mutuels antérieures au déeret du 25 mars 1852. 170.
Décisum. minislérielle du 15 avril 1853, sur les livres et registres qne


les communes doiventfournir aux Sociétés reeonnues ou approu-
vées, 299.


Loi dn 7 mai 1853, relative aux Caisses d'épargne, 302.
Loi (abrogée) du 28 rnai 1855, relative 11 la Caisse des rctraitcs. 185.
Décret du 28 novembre 1853, sur la dotation des Sociétés de seeours


mutuels. 297.
Circulaire du 31 juillet 1851¡., sur le eoncours des Conseils généraux


au développcrncnt des Sociétés de secours mutuels. 199.
Circulaire du 7 septembre 1851¡., sur la eréation de Sociétés nou-


velles. 199.
Circulaire du 2 juillet 1855, méme sujeto 199.
An,été minísléJ'iel du 26 avril 1856, sur le don fait aux vieillards a


I'oeeasion de la naissance du prince impérial, 298,
Décret du 26 avril 1856, sur le fonds spécíal de retraites des 80-


ciétés approuvées. 192 et suív.




- 458-
Gireulaire du 2' mai 1856, sur les formalttés 11 remplir pOl1r cons-


tituer des pensions de retraites. 402.
Loi du 7 juillet 1856, sur la Cnisse des retraites. 186.
Cirenlaires des 31 mars 18[\9 et 25 février 1860, sur les pensions


de retraites. 39", 395, 4.16.
Déeret du 2lt mars 1860, sur la dotation. 297.
Loi du 12 juin 1861, sur la Caisse des retraites. 187, 409, H8.
Décret du 27 juillet 1861, sur la Caisse des rctrailes. 187.
Lettres de maitrisc. - Leur origine. 75. - Leur caractére. 113. -.


Abus. 1a, 116.
LibraÍ1'es (Corporation des). 108.
Lingeries des Soeiétés de secours mutuels. 433.


M


Mafons (Société de secours mutuels des). 117, 1M.
Maieres-gardes. Voyez Corporations.
Maitt'ises. 72, 75. Voyez Corporations.
Maladie (Seeours 'en cas de) dans les Sociétés d'assistsnee mutuellc.


Chapilres XVII, XVIII, XIX, XX. 305 et suív.
Mat'iage (Frais de) dans les Soeiétés de secours mutuels, 433.
Mat'iniers (Corporation des). ,., 12.
Marques de fabrique. 8,..
Marseille (Soeiétés de). 213.
Méeaniriens (Socíété de seeours mutuels des). 152.
Médecins (Assoeiations des) de Franco. 3,.2.
Médecms. - Leur róle dan s la mutualité. 223, 266, 309, 311. -


Leurs griefs eontre les Soeiétés de seeours mutuels. 313. -
Du ehoix des mérleeins des Soeiétés. 315 et suiv... - lnfluenee
du développement des Sociétés mutuelles sur l'intérét du eorps
médica!' 32,.. - Devoirs des Soeiétés vis avis des médeeins.
325, 326, 330. - Divers modes de rémunérations. 337.
Rapports des Socíétés médicales avee les Scciétés mutuclles.
M2.




- 459 --
Menuisiers (Corpomtion des). 109. - Sociétés de seeours mutuels.


14.7, 151.
Métiers. Voyez Corporations.
Metz(Soeiétés de). ~li1, 267,273.
Militaires (Soeiété de secours des anciens). 151.
Monast~res. - Associations monastiques. - Leur role du Vo au Xe


sieele. 30.
Monetarii. 7.
Municipal (Gouvernement) 11 Lyon, 48.
MU/llalité. Voyez Sociétés de secours mutuels. - La mutualité com-


parée 11 la eharité. 42 11 et suiv, - Ses elfets 427,433 et suiv.
Mutuellistcs (Société des). 152.


N


Narriz (Barthélcmy), introdueteur de la soierie 11 Lyon, 58.
Nautcs. Voyez l\1ariniers.


o


Octroi (Soeiété de sccours mutuels des employés de 1'). '152.
Offices eréés par la royauté au sein des corporations, 119.
Orfévl'cS (Corporation des). 14-.
Orphelins (Caisse de secours pour les). 433.
Ouvriers en soie : !ntroduetion de la soícric 11 Lyon SOtiS Louis XI.


56. - Tentativc nouvelle de Turquetti el Narriz, son s Fran-
~ois lor. 58. - Esprit religieux de la corporation des rnaitrcs-
marchands et fabricaní s de soierie. 66. - Lettres de mai-
trises. 77. - Faveurs aeeordées aux fils et filies de maitres. 78.
- Sévérité des regles de fabrieation. 80, 81. - Piquage
d'onccs, 83. -Reglemeut d'Henri 11, ordonnanee de Charles IX.
81¡.. - Ordonnances diverses du Consulat et reglemenl de 1667,
1702,84, 119. - Situation des maitres-marchands; des mai-
tres-tisseurs et des eompagnons. 123. - Récriminations réei-




- 460-
proques : reglements de 1737 etl7H. 119 et 124. ~ Pre-
mieres Socíétés de secours mutuels d'ouvriers en soie au eom-
meneement de ce siecle, 147,151. - Société des ouvriers en
soie établie par la Chambre de eommerce de Lyon. 161. -
Décrct qui la rcconnait cornme établisscment d'utilité publi-
que. 16.?. - Son caractére, 205. - Abus originaires. 205. -
Examen médical des candidats, 223. - Du nombre des socié-
taires. 229, 230, 231. ..L Admission des femmes. 254. - Des
enfants. 263. - Service médica\. 223, 2M et suiv, - Caisse
des retraites. 181 el suív., et 407 1t 415.


p


Papetiers (Corporation des). 108.
Purap!uies (Société de seeours mutucls des ouvricrs en), 152.
PU1'i., (Sociétés de). 213.
Patissiers (Corporation des). Ses procés avee les corporations des


Poulaillcrs et des boulangers. 108.
Patrons dans les corporations romaines. 13 et suiv.
Pécheurs (Société de secours mutuels des). 151.
Perruquiers (Société de secours mutuels des). 151.
Pharmuceutique (Service) des Sociétés de secours mutuels. 354 el


suiv,
Piquage d'onces. Voycz Ouvriers en soie.
Ptátriers (Société de seeours mutuels des). 150,152.
Pores (Marchands de). 9.
Portefai» (Société de secours mutuels des). 147, 151. Voyez Cro-


eheteurs.
Potiers (Corporation des). 14.
Prét« d'honnew'. 433.
Prime8 d' encou1'ugement. 407, 433.
Procés entre les eorporations. 166 et suiv. Voyez Imprimerie.
Prud'homme8. 67. Voyez Corporations.
Pou!uillers. Voyez Pátissiers.




- 461 -


R


Beclueeries au Ve siéclc, 29.
Recrutement des Sociétés de sccours mutuels. 293, ~34.
Reliewrs. Leurs reglements. 71, 82. - Leur pro ces contre les Pa-


petiers. 108.
Religion. Son influence sur les Sociétés de secours mutuels. 213,


1i27 et suiv.
ltetraiie«, Pensions de retraites dans les anciennes Sociétés. 178,


180.- Lois et décrcts. Voyez Légíslation. - Caisse générale
des retraites. 182 et suiv. - Caisse dc retraites des ouvriers
cn soie, 161 et suiv, 1i07 11 415. - Fonds spécial de rctraites
des Sociétés approuvées. 192 et suiv. - Sa composition, son
emploi.390 a 1i05. - Pensions de retraites dans les Sociétés
Iyonnaises. lit 5 a 1i22.


Revendelll'S. Leurs preces contre les Tapissiers et les Chandeliers, 109
RMne (Sociétés du département dujo 210, 252
Roya,utc. Son role vis a vis des corporations. 51i, 112.


s


Saloman (Enfants de). Voyez Compagnonnage.
Séniorat dans les associations germaniques. 38.
Serfs. Leur sort. 36. - Assoeiations de serfs. 1i3, 41i.
Serruriere (Société de seeours mutucls des). j 51.
Sociélés dc secours muiuels . Leur origine. 11i7. - Leur premiére


organisation, 148,165. - Leur définition légale. 218. - Leur
caractére. 219. - Leur personnel, 220 el suiv. - Membres
participanls, membres honoraires. 222. - Admission des fem-
mes et des enfants, 235,263. - Administration. 27~ a 30~.
- Composition du patrimoine social. 290 el suiv. - Liquida-
tion. 289. - Ser-vice de santé , 305 et suiv. - Voyez Législa-




- 462-
fion, Médecifl, - Pharmaceulique (Service), - Re/raites, ele.
- Voyez les mols suivants.


Sociétés anglaises. t,.28, en note.
Sociétés approuvées. Lcur caractérc, 171. - Leurs progrés depuis


1852.20711 210. - Leur situation 11 Lyon. 2(0, 212. - Du
nombre des membres partieipants 231. - Leur exístencc lé
gale. 28t,.. - Composition de leur patrimoine. 290, 296.-
Regles relatives 11 leur liquidation. 289. - Leur fonds spéciál
de retraites. 192, 390.


Sociétés outorisées, Voyez Sociétés privées.
'-Sqciétés industrielles, 155.
Sociétés p"ivécs. Leur caracterc. 175. 207. - Leur situalion pré-


eaire. 28t,.. - Admission des candidats, 226. - Leur patri-
moine. 290. - Regles relatives a lenr liquidation. 289. _.-
Leur incapacité en matiere de legs, de donations. 296. Quant
au placement des fonds. 302. '- Quanl aux pensions de re-
traites. 390 et suiv.
So~iétés reconnues établissemenls d'utilité publique. Leur caractére.


168. - Leur nombre restreint. 2ot,.. - Du nombre de leurs
mcmbre. 228.


Sociétés rurales', 215.
Soicric. Voyez Ouvriers en soic.
Soubisc (Enfants de). Voyez Compagnonnage.
Syndics dans les corporatíons romaines. 15. - Dans les eorpora-


tions du moyen-áge. 67.


T


Tabac (Socíété des ouvríéres de la Manufacture des). 253.
Tailleurs. a. - Société de secours mutuels, 152.
Tanneurs (Corporalion des). 81.
Tapissiers. Leurs procés avec les Revendeurs. 107.
Teintu,·iers. a, 110. Voyez Piquage d'onces.
Tisseurs. a. Voyez Ouvriers en soie.
7\mneliers et Bennicrs. 81,150, 151.




- 463-
Tourneurs, 7B.
Travail (Assistancc mutuel!e par le). 434.
Turquetti (Élienne). Introductcur dela soíerio a Lyon. !lB.
TYP0[Jmp/ws. l.our Société de secours mutuels, 151. Voycz Impri-


merie.


u


Utriculaires (Corporaríon des). 12.


v


Veloutiers (Sociétés des). 156.
Veuves (Caisse de secours pour les). 433.
Vieilleese (Secones ala). Voycz Retraitcs.
Vins (Marchant.ls de). 13, 149.
Visiteurs (iUcmbrcs) daus les corporations et dans les Soeiétés de se-


COUl'S mutuels. 373.






TABLE DES MATIERES.


Dédieaee ..........•...•..•...•..................
Avertíssement de I'Éditeur ... " . . • . . . .. ..


PREMIERE PARTIE.


LES ASSOCIATIONS LYO~NAISES JUSQU'AU XIX" SIECLE.


v


IX


CIIAPITRE l. Les associations ouvrieres aLugdunum jusqu'á
la fin de la domination romaine. • • . . . . . . . . . . • . . • . • . . 2


CHAPITRE 11. Les associations pcndant les invasio~s et sous les
deux prerniéres raees . . . . • . . . • • . • . • . • . . . .. ••..... 22


CHAPITRE lIJ. Les associations sous le Iégime féodal. . . . . . . . 34
CHAPITRE IV. Les assocíations sous le pouvoir royal et l'admí-


nistration eonsulaire ......• , . . . . • . . . . . . . • . . . . • . • . . 49
CHAPITRE v, Constitution intéricure des corporations ..•• '.' • 6Q
CHAPITRE VI. Compagnonnage et Franc-maeonnerie . • • • . • • . 89
CHAPITRE VII. Résultats généraux des Corporations : leurs


avantages, lcurs abus, leur décadence . . . . . . . . . . . . . . .. 103
30




- 4(i()


DEUXIE~JE PARTIE.


LES ASSOCIATIONS OUVRIERES AU XIXe SIECU;.


CUAPITRE VIIJ. Le Compagnonnage modemo , • . . . . . . . . . . .. 130
CHAFITIlE IX. Les Sociétés de seeours muluels et les associa-


tions industrieIles ouvrieres 11 Lyon, de 1800 11 185/)..... 1'l;.
CHAPITRE x , Législation actuelle sur les Sociétés de secours


mutucls.; . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . .. 164
CHAPITRE xr, Législation relative aux pensions de retraitcs


constituées par les Sociétés de secours mutuels, . . . . . . . .. 177
CUAPITRE XII. Développement des Sociétés de seeours mutuels


sous l'lnfluence de la législation nouvelle. . . • . . . . . . . . . • 1!-l6
CUAPITRE xnr, Des conditions d'organisation des Sociétés de


secoms mutuels : Regles relatives 11 Ieur composítion per-
sonnelle . . . . . • . . . . . • • • • . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . .. 217


CHAPITRE XIV. De la participation des femmes aux Sociétés de
secours mutuels. . • • • . • . . . . . • . . . . . . . . . • • . . . . . . . . .. 234


CUAPITRE xv , Agrégation des cnfants : -Membres demi-par-
ticipants. . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ..... 262


CHAPITRE XVI. Administration des Soeiétés de secours mu-
tu~ls.. . . . . . . . . . . . . . . •• . . . •. . . . • . . . . . • • . . . . . . . .• 277


CUAPITRE XVII. Secours cn cas de maladie ou d'infirmités tem-
poraires. - l\Iission des médecins vis 11 vis des Sociétés de
secours mutuels , , . . . . • • . . . . . . . . . . . . . . . . . • . • . • . . .. 305


CH,\PITllE XVIII. Du choix des médccins. - Droits des Sociétés
vis it vis des sociétaires el cíes médecins.. . . . . .. .•... 315


CUAPlTRE XlX. D, voirs des Sociétés vis 11 vis des médecins et
des sociétaircs, .....•................•. , . , ..... ,. 327


CHAnTRE XX. Rapports des Sociétés médicales de prévoyancc
avee les Sociétés de sccours mutuels , . . • . . .. 341


Cn,\PlTRE XXI. Du servicc pharmaecutique , . . . . .. 352
CH,.PlnE XXII. Indemnités de maladie •. , , . . . . 365




- 467-
CHAPlTRE XXIII. Du chómagc. - Moyens d'y remédier par la


mutualité .•••..•...•.•.•..•••.. ~ • • • . • • • • . . • • • • • 379
CHAPlTRE XXIV. Seeours a la vieillesse.- Constilution el em-


ploi du londs deretraites des Sociétés de seeours mutuels. 389
CHAPlTRE xxv. Pensions de relraites constituées daos les So-


ciétés de Lyon. - Des moycns de faeiliter l'épargne el les
pensions de retraites pour la elasse ouvrierc; , . . . . . . . . . • ~06


CHANTRE XXVI. RésuItats généraux de la mutualité. - Condí-
tions de son extension , .................•........ ~23


CHAPlTRE XXVII. Résumé historique el conclusion. . . . . . .. . 4U
Table alphabétique , ~51
Table des maliéres •.................... , ~65


FIN.


Lyon.- Imp. d'¡\ vtugtr.o ter ,