RAPPORT
}

RAPPORT
F A I T


AU M I N I S T R E S E C R É T A I R E D ' É T A T D E L A M A R I N E


E T DES C O L O N I E S .






MINISTÈRE DE LA MARINE ET DES COLONIES.



COMMISSION


I N S T I T U É E , P A R D É C I S I O N R O Y A L E D U 2 6 MAI 1 8 4 0 ,


POUR L'EXAMEN DE S Q U E S T I O N S


R E L A T I V E S


A L'ESCLAVAGE
ET A LA CONSTITUTION POLITIQUE DES COLONIES.


RAPPORT
F A I T


AU M I N I S T R E S E C R É T A I R E D ' É T A T D E L A M A R I N E


E T D E S C O L O N I E S .


ê


PARIS.
I M P R I M E R I E R O Y A L E .


M A R S 1 8 4 3 .






RAPPORT AU ROI


Paris , le 26 mai 18A0.


S I R E ,


Chaque j o u r augmente te l lement le n o m b r e et la gravité des ques -
tions relatives à l 'esclavage, ainsi qu'à la const i tut ion pol i t ique de nos
colonies, et ces quest ions soulèvent des difficultés d 'une si grande
impor tance , que j ' ép rouve le besoin de les faire examiner à l 'avenir
par une Commission consultat ive, choisie pa rmi les m e m b r e s des
premiers corps de l 'État.




( VI )


J pairs de France ;


MM. le duc D E B R O G L I E , Pair de France, Président;


le comte D E S A I N T - C B I C Q ,


le marquis D ' A U D I F F R E T ,


le comte D E S A D E ,


W U S T E M B E R G ,


D E T R A C Ï ,


1 membres de la Chambre
P AssY (H,ppoly te ) , j des Députés;
D E T O C Q Ü E V I L L E ,


le baron L E P E L L E T I E R D ' A O L N A Y ,


B I G N O N ,


le baron D E M A C K A D , vice-amiral;


le comte de MOGES, contre-amiral;


F I L L E A C D E S A I N T - H I L A I R E , conseule»>«rÉtat, directeur des colonies.


Un secrétaire choisi par la Commission t iendra la p lume .


Je suis avec u n profond respect ,


S I R E ,


DE VOTRE MAJESTÉ,


Le très-humble, très-obéissant et très-fidèle serviteur,


Signé B o n BOUSSIN.


APPROUVÉ :


Signé LOUIS-PHILIPPE.


Par le Roi :


Le Vice-Amiral Pair de France,
Ministre Secrétaire d'État de la Marine et des Colonies,


Signé B o n ROUSSIN ,


J 'ai l ' honneur de pr ie r VOTRE MAJESTÉ de vouloir bien approuver
que cette Commission soit composée ainsi qu' i l suit :




M. le baron Lepelletier d'Aulnay n'a pas accepté les fonctions de membre
de la Commission.


Ont été subséquemment nommés membres de la Commission,


Par décision royale du 1 o juin 1 Blio :


M M . Rossi, pair de France ;


REYNARD, député ;


Par décision royale du 1 1 décembre i 8 4 i :


M . J D B E L I N , commissaire général de la marine, membre de l'amirauté ;


Par décision royale du 3 i mars i 8 4 2 :
/


M . GALOS, député, directeur des colonies.


Par délibération du k juin i 8 4 o , la Commission a choisi pour remplir
près d'elle les fonctions de secrétaire :


M . M E S T R O , chef de bureau à la direction des colonies.






( I X )


ORDRE DU RAPPORT.


Page».
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES i


[. — L'ABOLITION D E L'ESCLAVAGE ENVISAGÉE DANS S E S RAPPORTS AVEC L'ORDRE P U B L I C 72


S I Й . Force armée 76
S 2. Tribunaux 80
S 3. Prisons et autres lieux de détention 86
S 4. Établissements d'éducation 92
S 5. Etablissements de bienfaisance 109
S 6. Culte 116
S 7. Règlements d'ordre et de police 126
S 8. Récapitulation ­ 129


I I . — L'ABOLITION D E L'ESCLAVAGE ENVISAGÉE D A N S S E S RAPPORTS AVEC L ' I N T É R Ê T
RÉEL DE LA POPULATION E S C L A V E . . 1З0


Examen de divers systèmes déjà proposés ou mis en pratique :
S 1" '.' 1З9
S 2 i/15
S 3 1Д8
S 4 ' i 6 4
S 5 177
S 6. Système de la majorité de la Commission 201


1. 2o4
2 209
3 212
4 22 0
5 , 226


I I I . — L'ABOLITION D E L'ESCLAVAGE ENVISAGÉE DANS S E S RAPPORTS AVEC L ' I N T É R Ê T
D E S COLONS о 235


S 1. Délai préparatoire 2 36
S 2. Prix des sucres 260
S 3. Indemnité '. • • • 262
S 4. État des affranchis 284
S 5. Émancipation progressive. Projet de la minorité de la Commission 334


RAPPORT D E LA COMMISSION C O L . Ь




Pages.


I V . — L ' A B O L I T I O N D E L'ESCLAVAGE ENVISAGÉE DANS SES R A P P O B T S AVEC L E MAINTIEN
ТЛ] SYSTÈME COLONIAL Ъ№


Spécialité de la question de l'émancipation en ce qui touche les établissements
français de la côte occidentale d'Afrique 358


PROJETS DE L O I . Émancipation générale et simultanée 361
Émancipation partielle et progressive 368


PIÈCES J U S T I F I C A T I V E S :


№ 1. Production des colonies de la Grande­Bretagne З79
2 . Salaires des domestiques et travailleurs dans les colonies a n g l a i s e s . . . . З87
3. Évaluation des dépenses à faire pour le système de l'Emancipation par­


tielle et progressive З91
4. Projet de loi sur la constitution politique des colonies Д19
5. Procès­verbaux de la Commission du 7 février au 6 mars 18ДЗ Да 5




( xi )


LISTE


DES PRINCIPAUX LIVRES ET DOCUMENTS


QUI SONT CITÉS DANS LE RAPPORT FAIT PAR LA COMMISSION


DES AFFAIRES COLONIALES.


L I V R E S E T D O C U M E N T S C O N C E R N A N T L E S C O L O N I E S F R A N Ç A I S E S .


1° Procès-verbaux de la Com-]


mission instituée pour p ^ ^ r e partie ( du 4 au 18ju in 1841 ). 1 vol. iu-4° de 114 pages.
l'examen des questions
relatives à l'esclavage et Seconde partie (du 2 2 décembre 1840 au 12 mai 1841 ). 1 vol. in-4",
àlaconstitationpolitique\ de 171 pages.
des colonies françaises.l
3 v . in-4° ,publ iés p a r l e l Troisième partie (du 31 janvier au 3 0 mai 1 8 4 2 ) . 1 vol, in-4" de


dépar tement d e la ma-1 4 1 3 pages,
r ine ( i 8 4 o - i 8 4 a ). J


I f PARTIE. Instructions adressées aux gouverneurs des colonies
(55 pages ) .


Questions retatives à l'abo-
de l'esclavage dam les co
lonies françaises ( i84o-
i 8 4 3 ) . î vol. in-4" de
î ,o5o pages, publié
par le département de
la marine.


5 e -


5«-


8"-


• Avis des Conseils coloniaux ( 2 4 0 pages).


- Délibérations et avis du Conseil spécial de la Guadeloupe
( 171 pages) .


• Délibérations et avis du Conseil spécial de la Martinique
( 2 6 4 pages) .


- Délibérations et avis du Conseil spécial de la Guyane
françaises ( 65 pages ) .


- Délibérations et avis du Conseil spécial de Bourbon


( 199 pages ) .


• Tableaux des prix de vente des esclaves ( 1 0 pages) .


- Résumé des avis des Conseils spéciaux et des Conseil»
coloniaux ( 4 9 pages ) .


3° Notes sur les cultures et la production de la Martinique et de la Guadeloupe, par


M. P. Lavollée, inspecteur des finances (juin 1839), publiées par ordre du ministre


de la marine. 1 vol, in-4° de i 5 i pages. ( Juillet i 8 4 i . )


b. •




3f Notices statistiques sur les
colonies françaises, 4 vol.
in-8°, publiés par le dé-( 5 e


parlement de la marine
(1828-18 / io).


( a i )
F PARTIE. Notice préliminaire, et notices sur la Martinique et sur la


Guadeloupe. 1 vol. in-8° de 2 4 8 pages, publié en 1837 .


Notices sur Bourbon et la Guyane française. 1 vol. in-8°


de 2 7 1 pages , publié en 1838 .


Notices sur les Établissements français de l'Inde, et sur le
Sénégal. 1 vol. in-8° de 3 2 0 pages, publié en 1839 .


Notices sur les Possessions françaises à Madagascar, sur les
îles Saint-Pierre et Miquelon, et appendice. 1 vol. in-8.
de 2 1 6 pages, publié eu 1840 .


à'


5° Tableaux de population, de cultures, de commerce, de navigation, etc., formant pour
l'année 1839 la suite des tableaux insérés dans les notices statistiques sur les colonies fran-
çaises. Brochure in-8° de i 4 i pages, publiée, en 1842, par le département de la
marine.


6° Exposé sommaire des résultats de l'exécution*
de l'ordonnance royale du 5 janvier 18U0,\
relative à l'instruction religieuse, à l'ins-\
truction primaire et au patronage des es-l
claves, publié par le département de la'
marine. 2 vol. in-4° ( 1841-184a ).


7° Avis des Conseils coloniaux sur diverses pro-|
positions concernant Vesclavage. 2 vol. in-4°,
publiés en 183g par le département de
la marine.


Première partie ( 1840 ). I vol. in-4" de 55 pages.


Seconde partie ( 1 8 4 0 - 1 8 4 1 ) . 1 vol. i n - 4 ' de


152 pages.


Avis des Conseils coloniaux de la Martinique, d e


la Guadeloupe et de la Guyane française. 1 vol.


in-4° de 3 0 8 pages .


Avis du Conseil colonial de Bourbon. 1 vol. in-4°
de 2 9 pages.


8° Compte rendu de l'administration de la justice criminelle en France (année i 8 3 g ) .


9° Résumé des discussions des Conseils généraux de l'agriculture, des manufactures et du com-
merce sur la question des sucres, session de Î84I. (Publication du ministère du com-
merce ; 2 cahiers in-4° de 70 pages. )


10° Précis sur la législation des colonies françaises ; 3' partie, législation sur l'esclavage.
(Ministère de la marine, i 8 3 a ; 1 cahier lithographie.)


11° Précis sur la colonisation des bords de la Maria à la Guyane franyaise. Brochure in-8°
de 70 pages, publiée, en i 8 3 5 , par le département de la marine.


12° Des colonies et particulièrement de celle de Saint-Domingue, mémoire historique et poli-
tique par le colonel Malenfant. 1 vol. in-8°, Paris, 1814-


13° Mémoires pour servir à l'histoire de la révolution de Saint-Domingue, par le lieulenant-
général baron Pamphile de Lacroix. 2 vol.in-8°, Paris, 1829.


14° De Vaffranchissement des esclaves dans les colonies françaises, par M. André de Lacharière.
Brochure in-8° de i4o pages, i 8 3 6 .




-( X I I I )


/ 1" SÉRIE. Abolition de la traite des noirs 3v. in-f°.


2 ° •• Mesures préparatoires pour l'amélioration du sort des
esclaves et l'abolition de l'esclavage , . 2


1° Documents concer-
nant l'abolition de """"""" P a P ' e r s parlementaires concernant l'abolition de l'es-
, A . ± j . clavage..; 8
la traite des noirs °
el l'èmancipationl 4 * Mesures pour la suppression de l'apprentissage 3
des esclaves dans\ 5" — — Papiers parlementaires sur l'état des colonies depuis
les colonies an-i l'émancipation 4
glaises. | 6« - _ _ Documents divers 4


TOTAL 2 5 v . i n - P


15° Esclavage et traite, par Agénor de Gasparin. Paris, i 8 3 8 , i vol. in-8 c .


16° Considérations sur le système colonial, et plan d'abolition de l'esclavage, par Sully Brunet.
Brochure in-8°, Paris, i84o.


17* Lettre du docteur Segond sur l'abolition de l'esclavage, extraite des Annales maritimes et
coloniales (décembre i 8 4 o ) .


18° De l'émancipation des esclaves à la Guyane française, par M. Ronmy. Brochure de 24 pages,
extraite des Annales maritimes et coloniales.


18° Quelques observations sur l'émancipation des esclaves, par un Français d'Europe. Brochure
de a4 pages, Paris, 184 i •


20° Recherches statistiques sur l'esclavage colonial, par Alexandre Moreau de Jonnès.
i vol. in-8° de 275 pages, Paris, 18^2.


21° Java, Singapore et Manille, par Maurice d'Argout. Brochure in-8°, 1 84a .


22° Question coloniale sous le rapport industriel, par M. Paul Daubrée. Brochure in-8°, i 8 4 i -


23° La vérité des faits sur les cultures comparées des colonies et de la métropole, par le baron
Ch. Dupin. Brochure in-8°, 1842.


24° Observations da Conseil des délégués des colonies sur le projet de loi concernant l'expropriation
forcée. Brochure in-8°, 1842.


25° De l'expropriation forcée dans les colonies^ par M. Jollivet. Brochure in-8", 1842.


26° Annuaire historique de Leiar. In-8°, 1823.


I I .


LIVRES ET DOCUMENTS RELATIFS AUX COLONIES ANGLAISES.




( XIV- )


to the slave trade 1 8 3 8 - 1 # 4 0


2* Correspondence with foreign powers 1840.


3" Correspondence with the foreign powers not
being parties to conventions giving right of
search 1 8 3 9 - 1 8 4 0 .


Correspondence relative to the slave trade of
the Gallinas


Convention between Her Majesty and the Re-
public of Haiti 1839.


* Treaty between Her Majesty and the Argentine


Confederation 1839 .


Papers relative to prize slaves at the Cape of


Good-Hope 1826.


2 ' S É M E , 1 " vol. Papers in explanation of the measures adopted
by Government : returns from all the slave
colonies belonging to the crown ] 832 .


2 ' Report on the West-India colonies )
Report on extinction of slavery j


3 ' S Ì R I E , 1" vol. General hi les drawn up and framed in pur-
suance, etc 1835 .


Slave compensation fund 1836.


Slave compensation claims 1838 .


2" Papers in explanation of the measures adopted
by Government for giving effect to the act
for the abolition of slavery. Jamaica 1 8 3 3 - 1 8 3 5 .


3* Papers in explanation, etc. — Jamaica, —
Barbados, — British Guiana, —Maurit ius,
Antigoa, — Montserrat, etc. etc 1835.


4" Papers in explanation, etc. — Jamaica 1836 .


5° Papers in explanation, e t c . — Barbadoes ,—
British Guiana, — Mauritius, — Anti-
goa, etc 1836.


0 ' Report from the select Commitee on negro ap-
prenticeship 1836.


7" Papers relative to the abolition of slavery, —
"' •> Jättfeffea,—-Barbadoes,— British Guiana. 1837 .


8 e Papers relative to the abolition of slavery, —
Jamaica, — Barbadoes, — British Guiana. 1838.


4" SÉRIE, 1" vol. Papers relative to the measures adopted by
the legislatures of Jamaica, — British
Guiana, etcT". 1838


Copies of all orders in counsel, or colonial or-
dinances, forbetterregulation of the relative
duties of masters, employers, and articled
ervants, tradesmen, labourers, in the colo-


nies of British Guiana and Mauritius 1838.


1 " S É R I E , l " v o l . Correspondence with the British Commissionary reiatmg




Rapport sur les ques-1
tions coloniales,
par M. J. Lèche-
valier 3v.in-Ppu-
bliés par ordre du
ministre de la ma-
rine. (Imprimerie
royale, i 8 4 3 . )


( X V )


- 2 E Correspondence respecting the employment of
Indian labourers in the Mauritius island . . 1 8 4 0 .


Correspondance respecting the immigration
of labourers into British Guiana 1 8 4 0 .


Exportation of Hill Coolies 1 8 4 1 .


3 " Report of C. J. Latrobe, on negro education


in J amaica , in the Windward and Leeward


Islands, in British Guiana and Tr in idad . . 1 8 3 8 - 1 8 3 9 .


Report of captain W . Pringle on prisons in


the West-Indies , 1 8 3 8 .


Copy of extracts relative to the state of Ja-
maica 1 8 3 9 .


5* S É R I E , 1" vol. Papers relative to the West-Indies. J a m a i c a , —
British Guiana 1 8 3 9 .


2 * Papers relative to the West-Indies, Barbadoes,
Trinidad, etc. etc. — Cape of Good-Hope,
— Maurit ius . . . 1 8 3 9 .


3 ' Papers relative to the West-Indies, — Ja-
maica , — Barbadoes 1 8 4 0 .


4 * Papers relative to the West-Indies. Jamaica,
— British Guiana 1 8 4 1 .


„ 5* Beport from the select Committee on West-
India colonies, with the minutes of evi-
dence, etc 1 8 4 2 .


6 E S É R I E , 1 " vol. Report from the select Committee on abori-
gènes, with the minutes of evidence 1 8 3 7 .


2' Communication received at the Foreign Office
relative to Haiti 1 8 2 9 .


Settlements of Sierra-Leone and Fernando-Po. 1 8 3 0 .


3 * Report from the select Committee on the West
coast of Africa , 1 8 4 2 .


4* Minutes of evidence and Appendix of the said
report 1 8 4 2 .


Première partie. (Tome 1". ) — É t u d e des colonies sous le régime de l'es
clavage. 1 vol. in-f° de 2 8 4 pages.


Seconde partie. (Tome 2 . ) — Etude de l'émancipation dans les colonies
anglaises. 1 vol. in-f° de 1 , 2 8 0 pages.


Troisième partie. ( Tome 3 . ) Études des institutions civiles et économiques


dans les colonies à travail libre, et dans les colonies à


esclaves. 1 vol. in-f« (encore sous-presse)


I


NOTA. Ce recueil contient l'analyse complète des 2 5 volumes in-folio dont


l'énumération précède.




3° Abolition de l'escla
vage dans les colo
nies anglaises, pu-
blications du dé-


( xvi )


. j i < in-8" de 546 pages, partement de lai r 0


marine, formant
5vol. in-8°(i84o-
i 8 4 3 ) .


Rapports recueillis par le département de la marine et des colonies (4' publi-


cation, 1841 ) . 1 vol. in-8° de 5 0 4 pages.


Suite des rapports recueillis par le département de la marine et des co-


lonies.'et des enquêtes du Parlement anglais ( 5 ' publication, 1 8 4 3 ) . 1 vol.


in-8° (encore sous-presse).


Il' Statistics of the colonies of British Empire, from official returns. ( Statistique des colonies de
l'empire britannique, d'après les documents officiels. ) Par R. Montgomery-Martin ;
î vol. in-8", Londres, i 8 4 o .


5" Tables of the revenue, population, commerce of the United-Kingdom and its dependencies.
(Tableaux du revenu, de la population et du commerce du Royaume-Uni et de ses
dépendances. ) Par Porter ; recueil périodique in-f°.


6° Analysis of the report of a Committee of the House of Commons on the extinction of slavery.
(Analyse du rapport d'un comité de la Chambre des communes sur l'abolition de
l'esclavage. ) Londres, i 8 3 3 .


7° Extracts from parliamentary papers, relative to the West-Indies.'(Extraits des papiers
parlementaires concernant les Indes occidentales.) î vol. in-8° de 678 pages,
Londres, îSâo.


8° An Account of the present state of Puerto-Rico. (Exposé de l'état actuel de Puerto-Rico.)
Par le colonel Flinler; Londres, i834-


9° A Winter in the West-Indies (Un Hiver aux Antilles), en t83g et i 8 4 o , par Joseph
John Gurney; traduit par J. J. Pacaud.


10° Travels in the west Cuba, with notices of Porto-Rico. (Voyage dans la partie ouest de
l'île de Cuba, avec des notes sur Porto-Rico.) Par David Turnbull; Londres,
i 8 4 o .


11° Thoughts of the objectionable system of labour for wages, in the West-India colonies.
(Observations sur les inconvénients du travail salarié dans les colonies. ) Par Henry
James Ross, propriétaire à la Grenade; brochure in-12, Londres, 1842.


12° Observations on the present condition of the island of Trinidad. (Observations sur l'état
actuel de la Trinité.) Par William Hardin Burnley; brochure in-8", Londres, 1842.


/ Précis de l'abolition de l'esclavage daus les colonies anglaises ( f ' publication,


1 8 4 0 ) . 1 vol. in-8" de 3 4 3 pages.


Précis de l'abolition de l'esclavage dans les colonies anglaises ( 3* publication,


1841 ). 1 vol. in-8° de 4 3 0 pages.


Enquêtes parlementaires et documents divers [9 publication, 1841 ). 1 vol.




RAPPORT


M O N S I E U R LE MINISTRE ,


En déposant, le l 9 juin 1 8 4o , Son premier rapport entre Questions relatives à l'abolition
vos mains, la Commission chargée, par une décision royale d e l e s c l a v a 9 e ' 1 P a r , i e > />• 2 7 •
du 26 mai de la même année, d'examiner les questions qui RapportdeMJ'amiraJHoussin.
se rattachent à l'organisation politique des colonies et au a n B o ' ' 2 6 m a i 1 8 i 0 -
régime de l'esclavage, s'exprimait en ces termes :


« Il résulte pour la Commission, des documents que le
département de la marine a déjà placés sous ses yeux, et de
l'enquête à laquelle elle a consacré ses séances des 4 , 7, 10
et 12 juin, que le moment est venu, en ce qui touche l'é-
poque de l'émancipation, et le mode suivant lequel cette
émancipation doit être opérée, de faire cesser l'état d'incer-
litude qui pèse sur les colonies. Cet état d'incertitude com-
promet, en effet, tout à la fois la sécurité et les intérêts des
colons. Les nègres sont tranquilles jusqu'ici, parce qu'ils procès - verbaux, r partie:
espèrent; mais leur attitude et leur langage donnent de justes /„ J ^ ^ y ^ ¿¿"'3/ Mes
appréhensions. Tant que le régime de l'apprentissage a suh- Lechevalier, p. 28.29,30.
sisté dans les colonies anglaises, il ressemblait trop â l'escla- MM- •' 3* séance. 10 juin-,


. , . Interrogatoire de M. Sully


vage dans ses apparences extérieures, pour que les colons Bmnet,p. 66-67. • "
dussent craindre sérieusement de voir les évasions se mul- Ibid. : V séance, i2 juin;
tiplier. L'apprentissage a cessé chez nos voisins ; l'exemple ^ r r o s « t o ' m < l e M- Uemard,


RAPPORT DE LA COMMISSION COL. 1




( 2 )


Notes de M. LavolUe, sur les àe la liberté va devenir tout autrement contagieux. En
cultures et la production des An- , i j> -n j i i * j


tilles, p 3 (Juin 1839 ) présence, a ailleurs, d une émancipation toujours suspendue
IMd., 1" question,p. 10-11. sur la tête des colons, rien désormais n'est possible; les


ttid„U' question, p. 45,46.51. propriétés sont sans valeur, l'agriculture sans progrès, l'in-
Ibid., 5' question, p. 64. j . . . i • v i ; / •


Ibid 6' question p 66 77 78 Q u s t r i e s a n s avenir; tout périclite et tout dépérit. »
Ibid., 9" question, p. 117.


Le temps, la réflexion, l'étude attentive et impartiale des
renseignements que le département de la marine n'a cessé,
depuis deux ans, de provoquer et de recueillir, renseigne-
ments qu'il nous a régulièrement communiqués et confiés
sans réserve, nous ont confirmés de plus en plus dans cette
conviction.


Note communiquée à la Com- C'était déjà, d'ailleurs, la conviction du Gouvernement
mission dans sa séance du 4 juin , . „ ,


1840. (Procès-verbaux, 1" par- lui-même, lorsqu'au mois de novembre 1 8 3 9 , adhérant
ne, annexe A, p. 9.) d'avance aux conclusions du rapport présenté à la Chambre


des Députés le 20 juillet de la même année, il décidait, en
principe, la formation, dans nos colonies, de Commissions
spéciales, destinées à préparer l'abolition de l'esclavage.


Questions relatives à l'abolition C'était sa conviction, lorsqu'au mois de juillet i 8 4 o ,
de ïesclavaqe, f partie, p. 53- r • 1 r • r> •] 1 •
54. (Dépêche aux gouverneurs des « " « « t a P P e l e « C O r e U I , e folS a U X Conseils coloniaux, in-
colomes, 18 juillet 1840.) voquant encore une fois le concours de leurs lumières et de


leur expérience, il les avertissait, néanmoins, que cet appel
serait le dernier.


».


«Si les Conseils coloniaux, disait-il, ont pu croire jus-
qu'à présent qu'on ne les consultait qu'avec l'intention de
s'arrêter devant les difficultés qu'ils opposeraient à un plan
quelconque d'émancipation, ils doivent reconnaître qu'un
système d'opposition serait vainement employé aujourd'hui
(pie le Gouvernement vient de déclarer que le moment est
verni de s'occuper d'abolir l'esclavage dans nos colonies. »


Il est à regretter que ce langage n'ait pas été mieux com
pris.


Ibid., 2e partie, p. 1-40. Le Conseil colonial de la Martinique n'y a répondu, dans
sa séance du 2 mars 184.1, qu'en protestant formellement, en


ibid., p. 39 principe, contre toute émancipation quelconque, à quelque
Ibid p 23-38 époque que ce soit; en droit, contre l'autorité même de la


métropole.


Ibid.,p.40-110. Le Conseil colonial de là Guadeloupe, sans aller tout à




( 3 )


1.


fait aussi loin sur ce dernier point, sans contester expres-
sément les droits de la législature métropolitaine, s'est
néanmoins empressé, de son côté, de proclamer, dans ses
séances des 2 3 et 2/1 décembre 18/10, la nécessité de Questions relatives à/abolition


. . . i i - c • i 1, de l'esclavage, 2? partie, p. 97.


maintenir indéfiniment le bienfait de 1 esclavage, ce sont
les termes du rapport, et d'attendre uniquement la trans- , l b i l i " p ' 6 3 '
formation coloniale de la fusion des races, des affranchisse-
ments volontaires et de l'accroissement progressif de la 1 " ? ~ '
population laborieuse.


Le conseil colonial de la Guyane a conclu, dans sa séance
du 19 janvier 18/11, à un ajournement sans terme ni li-
mite quelconque, l'émancipation ne pouvant être, selon Ikd.,p.l32.
lui, que l'œuvre du temps et de la patience.


Quant au conseil colonial de Bourbon, il ne considère IMd.,p. 149-169.
pas seulement l'esclavage comme un bienfait relatif dans
un état de transition ; il le considère comme un bienfait
absolu dans un état de choses perpétuel. A ses yeux, la
condition de l'esclave est moralement supérieure, et maté-
riellement préférable à celle du travailleur libre ; il serait ibid., p. 170-17«.
absurde et odieux de l'en priver. L'esclavage est le grand
instrument, l'instrument providentiel et permanent de la
civilisation. On ne pourrait d'ailleurs, sans fouler aux pieds nid., p. 185-186.
les droits des colonies, supprimer l'esclavage, même en
indemnisant les colons, même en garantissant efficacement
le maintien du travail.


Ces déclarations ne nous ont point surpris ; il était aisé
de les prévoir. Aussi n'était-ce point, pour notre part, aux
conseils coloniaux, composés exclusivement de colons, mais
aux gouverneurs et aux magistrats qui composent les con-
seils spéciaux des colonies, que nous nous étions adressés,
par l'intermédiaire du département de la marine, pour
obtenir les documents et les éclaircissements nécessaires
aux progrès de nos travaux; et tout en rendant justice aux
motifs qui paraissent avoir déterminé votre prédécesseur Proch-verbaux de '.a Commis-
, . . 1. 1 .1 r • j , , . sion, 1" partie, séance du 7 juin


a mettre, pour la dernière fois, en demeure les- parties iS!lQ)p_is-2i.
intéressées, nous n'avions pas fondé sur leur concours de
très-grandes espérances.


Les arguments produits à l'appui de ces déclarations ne
nous ont pas non plus ébranlés ; ces arguments n'ont rien




( . 4 ) de nouveau. Ils ont été mainte et mainte fois employés
depuis 5o ans , d'abord pour combattre l'abolition de ia
traite des noirs, puis pour s'opposer à l'admission des
hommes de couleur dans le sein de la société civile et poli-


Questions relatives à l'abolition tique. Dans l'un comme dans l'autre cas, ils ont été appré-
de l esclavage. ciés.La traite des noirs est heureusement abolie ; les hommes


2e partie. DélibérationduCon- ( t


seil colonial de la Guadeloupe, de couleur sont émancipés; les conseils coloniaux s en fe-
p. 60-61. licitent aujourd'hui; ils se féliciteront quelque iour que, en


Ibid. Délibération da Conseil J , , . . , ,


colonial de la Martinique, p. 39. ce qui concerne l'abolition de l'esclavage, la métropole ne
les ait pas trouvés plus décisifs.


Que sert-il, en effet, désormais, de disserter sur l'anti-
quité de l'esclavage, sur l'universalité de l'esclavage, sur les


lbid. Délibération du Conseil enseignements réels ou prétendus que l'histoire offre à ce
colonial de la, Guadeloupe, p. 55. « _ t i i i i î i - i i • i • •


Ibid Réponse da Conseil colo s u J e t ^ Ce sont la des thèses de philosophie politique sans
niai de Bourbon, p. 171-172. application directe à la question qui nous occupe. S'il suffi-


sait, pour justifier une institution aux yeux de la religion,
qui la désavoue, et de la justice , qui la réprouve , d'établir
que l'origine de cette institution se perd dans la nuit des
temps, et qu'on la rencontre chez lous les peuples, à l'ins-
tant où l'histoire signale leur apparition sur la scène du
monde, que ne justifierait-on pas? Les sacrifices humains
pourraient être défendus précisément au même titre.


Ibid. Réponse du Conseil colo- Alléguer, pour autoriser la perpétuité de l'esclavage co-
rna/ de Bourbon, p. 173. lonial, queles noirs de traite étaient déjà esclaves en Afrique ;


que, en les achetant, les Européens ne leur ont fait aucun
tort ; que leur sort s'est même amélioré entre les mains des
blancs; que ce sont, en un mot, des étrangers admis dans
la société européenne à certaines conditions, et qui n'ont
rien à réclamer de plus , ce sont autant de propositions
également inadmissibles, et en fait, et en droit : en fait, car,
s'il est vrai que la traite des noirs n'a pas créé l'esclavage
en Afrique, il n'est pas moins certain qu'elle y a propagé,
entretenu, multiplié l'esclavage, qu'elle y a créé par millions
des esclaves qui, sans cela, ne l'auraient jamais été; en droit,
car le titre de l'acquéreur ne saurait être autre ni meilleur
que le titre du vendeur; et si le titre du vendeur est fondé
sur la violence ou sur la fraude; si l'objet vendu, par s?
riature, n'est pas vénal; s'il n'est pas légitimement dans le


- commerce, la partie intéressée est toujours fondée à ré-
clamer.




( 5 )


Prétendre que la condition de l'esclave est préférable à Questions reluiwes à CaboUiion
celle du travailleur libre, parce que le fardeau de la vie 2 >";" ' ' :


' 1 T - ration du. Conseil colonial île. la
coloniale pèse exclusivement sur le maître; parce que l'es- Guadeloupe, p. 6b.
clave est dispensé de prévoyance et d'économie; parce qu'il Ibid. Réponse Ju Consril colo-
^ . ce i • j • i i r M I ' J J • J 1 i niai de Bourbon, n. 155-159.


est atlranchi des soins de la lamine, des devoirs de la pater- '
nité; parce qu'après avoir travaillé tout le jour sous la me-
nace du fouet, il peut le soir s'endormir sans penser à rien ,
autant dire que la condition de la bête est préférable à celle
de l'homme, et que mieux vaut être une brute qu'une
créature raisonnable.


Compter enfin, pour arriver à la transformation coloniale, Ibid. Délibération du Conseil
d'une part, sur la fusion des races, c'est-à-dire apparem- colonial de la Gmuldoupr , P . oo.
ment sur la multiplication des unions entre les noirs et les
blancs, entre les maîtres et les esclaves; et, d'une autre
part, rejeter bien loin l'abolition de l'esclavage, sous pré- ibid. Rép onse du Conseil en-
texte qu'elle tendrait à favoriser de semblables unions; ^nid de Bourbon,s>. 15i.
s'en reposer, pour la disparition de l'esclavage, sur les aflran- ibid. délibération du Consdt
chissements volontaires, et représenter en même temps les ^fjj d e l a G " M a ^ - /•• ''s>
noirs comme à jamais indignes d'être affranchis, comme


. 1 1 1 T M • • Ibid. Réponse du Consril cote-


radicalement incapables de se livrer a aucun travail suivi, </<, Bourbon, p. 161. i9:>.
à moins qu'ils n'y soient incessamment contraints par le
fouet, la chaîne, ou le bloc; espérer l'accroissement pro-
gressif de la population noire, et passer .en même temps
condamnation sur la promiscuité des sexes, résultat inévi-
table de l'esclavage, sur l'impossibilité d'asireindre l'esclave
au joug du mariage, c'est-à-dire sur l'état de choses le plus Ibid., p. 157-158.
décidément contraire à tout accroissement de population,
ce sont évidemment là des idées contradictoires et qui se
réfutent l'une l'autre.


Nous n'aurons garde d'y insister davantage.
Nous persistons à penser, avec tous les publicistesdignes


de ce nom, avec les hommes d'Etat et les philosophes de
tous les pays, que l'esclavage, quelles qu'en puissent être
l'origine, la nature et la durée, est un état légal sans doute,
aussi longtemps que la loi l'autorise, et là où elle l'autorise;
mais un état violent, exorbitant, et par cela même non-
seulement exceptionnel, mais transitoire; un état injuste
au fond et en soi, au profit duquel nul laps de temps ne
saurait prescrire, et qui ne peut être légitimement main-




( 6 )


tenu dès qu'il peut être raisonnablement aboli. Or, à nos
yeux, l'esclavage peut être raisonnablement aboli, et par
conséquent il doit l'être, aussitôt que l'émancipation des
esclaves a cessé d'être incompatible avec les conditions
essentielles de l'ordre social, l'obéissance aux lois, la sécu-
rité des personnes, le respect des propriétés, la conservation
et la rémunération du travail, la régularité des transactions
civiles; nous disons aussitôt que l'émancipation des esclaves
a cessé d'être incompatible avec ces conditions premières
de toute société; nous ne disons rien de plus : s'il fallait
attendre, en effet, avant de commencer une telle oeuvre,
avant de remplir un tel devoir, qu'on pût se flatter d'y
réussir sans imposer à l'État aucun sacrifice, sans exposer les
colonies à la moindre crise, sans faire encourir au Gouver-
nement des embarras, des difficultés de plus d'une sorte,
l'attente serait vaine, et l'espérance serait dérisoire. Rien
ici-bas ne s'accomplit ainsi par enchantement. Les grandes
choses ne sont grandes que parce qu'elles sont difficiles.
Les grandes nations ne sont grandes que parce qu'elles font
de grandes choses. Il suffit que les sacrifices qu'une nation
comme la France s'impose dans un but digne d'elle n'excè-
dent pas la mesure de ses forces et les bornes de la raison;
il suffit que les risques et les embarras puissent être sur-
montés en s'armant de résolution, de prudence et de per-
sévérance.


L'émancipation des esclaves est-elle compatible au-
jourd'hui, dans nos colonies, avec le maintien de l'ordre
matériel, avec la sécurité des personnes et des habitations,
avec le respect des propriétés publiques ou privées ?


Nous n'en faisons aucun doute.


Notre opinion, sur ce premier point , n'est pas contre-
dite même par les Conseils coloniaux : elle est conforme à
celle qu'ont exprimée, dans les documents qui nous ont été
adressés, la.plupart des magistrats métropolitains.


Question relatives à l'abolition « L'émancipation prochaine des noirs, écrivait le i o mars,
de l'esclavage. ? partie, pilibé- <( l 8 4 l M l e g o u v e r n e u r de la Guadeloupe, est à mes
ration du Conseil spécial de la ° 1


Guadeloupe, p. 5. « yeux une nécessité : tout semble se réunir pour le dé-
« montrer. Je ne suis point de ceux qui désespèrent du
». succès. Je crois à la possibilité d'une solution favorable,




( 7 )


«si l'œuvre est conduite avec justice, prudence et fer-
« meté. »


« Le moment est venu, disait le 8 mars, dans le Conseil Questions relatives « i'<iM<-
( A î - T i / T i ' * o n de l'esclavage, 3' partie.


«spécial de la même colonie, M. le procureur gênerai, le Délibération du Conseil spécial,le
«moment est venu de restituer l'esclave à la dignité h u - iaGaai^0llPc• I'-
«maine, en le faisant entrer dans la vie civile; et (s'il n'est
«pas encore permis de l'abandonner à lui-même dans une
«carrière qui lui est inconnue), en ne se réservant sur son
« indépendance que ce qui est indispensable pour la conser-
«vation de l'ordre et du travail, dans l'intérêt de tous. »


« Si la métropole, disait enfin M. l'inspecteur colonial,
«accorde une indemnité égale à la valeur des esclaves, et ibid., p. 139.
«si elle abandonne l'idée de recouvrer cette indemnité, l'a-
«bolition de l'esclavage immédiate, simultanée, sans tran-
«sition, pourrait ê t re prononcée, sous la garantie d'un code
«rural. »


Dans le Conseil spécial de la Martinique, les mêmes
idées ont été exprimées.


« On a SOUVeilt Opposé, a dit M. l'ordonnateur de ]a Ibid. W partie. Délibération du
M . . . j . m i l i . ' i i> Consed spécial de la Martinique, artimque, dans un travail remarquable adopte a I una-


« nimité par ses collègues, on a souvent opposé aux mesures
« d'émancipation l'exemple de Saint-Domingue. Je ne crois
« pas qu'il faille s'abandonner à l'opinion de ceux qui me-
«nacent la colonie d'un pareil sort: les éléments n'étant pas
«les mêmes, les mêmes conséquences n'en sortiront pas. »


Etcctadministraleur sebâte d'ajouter, très judicieusement,
que les événements de Saint-Domingue ont été, en quelque
sorte, le retentissement, le contre-eoup des scènes d'hor-
reur qui épouvantèrent la France en 1793 , et que la faute
en a été bien moins aux noirs qu'aux partis qui leur ont
mis les armes à la main pour s'exterminer mutuellement.


«L'émancipation, dit M. le capitaine Layrle, s'est Opé- Publications de la marine,
«rée sans secousse, sans réaction dans les colonies a n - 4 v°l--p-368.
«glaises: elle s'opérerait de même dans les nôtres. »


Les magistrats de la Guyane et de l'île Bourbon n'ont
point traité cette question, qui n'était pas posée ex professo
aux Conseils spéciaux des colonies; mais rien, dans leur
langage, rien dans leurs observations, n'indique la moindre
inquiétude quant à la possibilité de maintenir, après l'éman-
cipation, l'ordre matériel, la soumission aux lois, la police des




( 8 )


villes et des campagnes. Toutes leurs appréhensions portent
sur un autre point que nous examinerons tout à l'heure.


Le résultat de l'émancipation, telle qu'elle s'accomplit,
depuis huit ans, dans les colonies anglaises, changerait au
besoin ces conjectures en certitude.


Aciedu28août 1833, art.1", Depuis huit ans, en effet, c'est-à-dire, pour être exact,
ifn"rLT™l2%â.)Uh*cat[onsdeBi depuis le iO T août i 8 3 4 , l'émancipation est proclamée dans


, „ T r , ,. les colonies à esclaves de la Grande-Bretagne. Ces co-
llappoH de M. J. Lechevalier. _ °


(Annexe, i" partie, p. 157, 160, lonies sont au nombre de dix-neuf. Elles contiennent en-
161, éid, 21 paitw, p. 12. v i r on huit cent mille noirs, tandis que la France ne possède
u'thrèalle JoSTnt?'p*Í7-36 i l u e q u a t r e colonies à esclaves qui ne contiennent que deux


cent cinquante mille noirs environ. Elles sont dispersées
C O L O N I E S D E F O N D A T I O N X _ . . .


A N G L A I S E . entre la mer des Antilles, l'extrémité méridionale de l'A-
Antajoa, la IJarbade, Mont- f r £q U e e t l'entrée de la mer des Indes. Leur origine est


serrai, Ptevis, Saint-Cnristopne, 1 °


Tórtola, Amjaillc. les Bahamas, très-diverse. Les unes ont été fondées par le gouvernement
les linmudes. britannique lui-même; les autres ont été conquises S U C -


C O L O N I E S C O N Q U I S E S c e s s i v c m e n t sur la France, l'Espagne et la Hollande.
SUR L A F R A N C E . I O


Dominique, Grenade, Saint:- Toutes portent encore profondément l'empreinte des
lude. Saint-Vmccnt, Tabaao, m œ u r s des habitudes de leurs premiers fondateurs et
Maurice. ' *


des lois de leurs métropoles primitives. Douze se eou-
C O L O N I E S C O N Q U I S E S X 1 ; °


S C R L ' E S P A G H E . vernent, en quelque sorte, elles-mêmes, par leurs législa-
La Jamaïque, la Tnmté,Hon. t u r e s propres; sept relèvent directement de la Couronne.


Juras. i . . . .
Sous l'empire de conditions climatériques, sociales et poli-


COI.ONIES C O N Q U I S E S . . . . , , ,


S U R L A H O L L A N D E . tiques si üitlerentes, partout 1 émancipation s est opérée,
LaGayane, h cap de Bonne- e n i 8 3 4 , et poursuivie depuis lors, paisiblement et sans


Espérance. . , -~ 1 ) A


violence. Un peut avancer sans crainte d être démenti,
que cet événement, au premier aspect si formidable, que
cet appel de près de 800,000 esclaves à la liberté, le même
jour, à la même heure, n'a pas causé, en huit ans, dans
toutes les colonies anglaises, la dixième partie des troubles
que cause d'ordinaire, chez les nations les plus civilisées de
l'Europe, la moindre question politique qui agite tant soit
peu les esprits.


Il suffit, en effet, de jeter les yeux sur les documents
officiels publiés par le gouvernement anglais, pour appré-
cier, par comparaison , les désordres partiels dont le grand
fait de l'émancipation peut être légitimement rendu res-
ponsable.




311,070 noirs sur 678,022.


( 9 )


La Jamaïque est la-plus importante des colonies an- Capital S8,125,298l.st.
glaises. Située à l'entrée du golfe du Mexique, en face de ^ « i T ^ Í l3i,052,m
Panama, elle représente à elle seule plus du tiers du ca- Revenu 11,169,661
pital et presque la moitié du revenu général des posses- finirai deT". 22M6.672
sions britanniques aux Indes occidentales. Elle contenait, (Pullications de la marine, 1"
en 1 8 3 a , plus de 3oo,ooo noirs, c'est-à-dire près de ] a />• S 4 )
moitié du nombre total des esclaves dans ces mêmes pos-


r, i , , i - n i - a (Annexes au rapport de M. J.


sessions, oa population blanche n excédait pas oo,ooo ames. Lechevalier, 2' partie, p. 11.)
C'est à la Jamaïque que l'émancipation s'est accomplie dans
les circonstances les plus défavorables. Les planteurs avaient


, , i , . • i i . i , . i Annexes au Rapport de M. J.


protesté, par 1 entremise de leurs agents, contre lacté du £ e c f t C T o f e r p a r t i e , p . 3 7 .
Parlement. Depuis .1834, jusqu'en i 8 4 o , la législature co- jud.
loniale s'est constituée en lutte ouverte contre le gouverne- ibid.
ment britannique. Rejet des propositions métropolitaines; Publications de la marine, 2'
refus de sanction aux propositions coloniales ; dissolutions v o 1 ' ' 1 0 7 ~ i 0 9 ,


réitérées; refus de concours non moins réitérés; tout s'est
réuni pour entretenir les esprits dans une agitation conti-
nuelle , et la lutte n'a pas seulement existé entre la législa-
ture coloniale et le gouvernement métropolitain, elle a été
encore plus vive, s'il se peut, entre les planteurs et les -,
sociétés religieuses, qui exercent à la Jamaïque un aseen- Annexes an Rapport de M. J.
, , . . . , . Lechevalier, 1" partie, p. 38.


dant immense sur les noirs ; entre les planteurs et les noirs P a b l i c a t i o n s d e l a m a r i n e > 2 -
eux-mêmes, à l'occasion du loyer des cases et des jardins, vol, p. 103-108; p, 124.


Au milieu de tous ces éléments de discorde constam- Rapport du procureur qênéml
ment entretenus et envenimés par la violence de la presse, de la Guadeloupe. (Ibid, $• vol.,
voici les seuls actes reprehensibles que les documents pu- Rapport du capitaine Inyrle.
bliés jusqu'aujourd'hui imputent à la population noire: {Ibid., p. 81-88-89.)


t , „ „ , , , . f o . a Dépêche desirCharlesMetcalj,


« En 1 8 3 4 , les apprentis de la paroisse de Sainte-Anne ont 16octobre 1839.(Annexesau rap-
refusétle travailler, et manifesté quelques symptômes ¿ e portd^J-LeehevalUr,2'par-
rébellion ; la présence de deux compagnies les à fait rentrer Dépêche du Marquis de Sligo,
dans le devoir, sans aucune effiision de sang. f


A la même époque, quelque tumulte a eu lieu dans les p. U6i.)
paroisses de S'-James, de Westmoreland et de Sainte-Élisa- Ibid.
beth. Il a été réprimé sans l'intervention de la force armée. »


Le gouverneur attribue le premier de ces deux événe-
ments à la difficulté de faire comprendre aux noirs le sys-
tème de l'apprentissage, c'est-à-dire le travail gratuit et con-
traint, sous un régime de liberté. Il attribue le second à la
conduite brutale des directeurs, et aux exactions des pro-
priétaires et de leurs agents. « On a refusé aux mères, dit-il, le


RAPPORT DE LA COMMISSION COL. 2




( 1 0 )


temps d'allaiter leurs enfants; les vieilles femmes qu'on avait
l'habitude de leur fournir pour garder leurs enfants leur
ont été retirées ; les sentiers qui mènent à leurs chaumières
*et à leurs terrains ont été fermés. »


Quelques mois plus tard, le feu a été mis à une case à
Dépêche da marquis de Sligo, bagasse, à Belveder. C'est un noir de l'habitation qui a mis


ii octobre l83û. j e £ e u ^ ( } a n g \ e ^ e faciliter l'évasion de plusieurs de ses


Ibid. camarades, détenus en punition. Quelques autres noirs ont
refusé de concourir à éteindre l'incendie, et ont poussé
quelques cris au moment de la translation des prisonniers.
L'événement n'a point eu d'autres suites.


Publications de la marine, Vers le milieu de février i 8 3 6 , quelques symptômes
1 vol, p. 94. d'insubordination se sont manifestés sur plusieurs habita-


tions; ils se sont dissipés promptement, grâce aux précau-
tions prises par l'autorité.


ibid., 2" vol.,p. 101-102. Au mois d'août i 8 3 8 , le bruit s'étant répandu qu'un
ministre anabaptiste, M. Knibb, avait été d'abord menacé,
par les planteurs, d'être pendu en effigie, puis ensuite effec-
tivement assassiné, toute la population noire de Trelaw-
ney se soideva à deux reprises différentes, mais sans se
porter à aucun acte de violence ; et , la fausseté de ce bruit
étant reconnue, l'attroupement se dissipa de lui-même.


Publications de la marine, Vers la fin de 1 8 3 g , quelques noirs travaillant sur lha-
1 0 " ( ' ' bitation de Spring-Hill, dans la partie montagneuse du dis-


trict de Saint-Georges, ont fait résistance aux officiers publics
qui venaient saisir leurs meubles; il y a eu des pierres
lancées: la présence d'un détachement du a 6 régiment des
Indes occidentales a tout fait rentrer dans l'ordre.


Nous ne parlons point d'un conflit qui aurait eu lieu,
durant le cours des fêtes de Noël ( 1 8 4 1 ), entre la police
de Kingston et la population noire de cette ville, parce que
ce conflit, survenu à l'occasion d'un bal avec mascarade, est


Rapport du capitaine Layde, complètement étranger à notre sujet. C'est ce que déclare
ï^"S:fî^ïfW'fefa M - i e capitaine Layrle, témoin oculaire de l'événement. Il


déclare en même temps que la Jamaïque est tranquille;
que les campagnes ne donnent aucune inquiétude, et qu'il n'y
a rien à craindre des populations affranchies. « Le temps des
rébellions est passé, dit-il, et celui des empoisonnements
n'existe plus. »


Voilà tout; exactement tout.




( H )


2 .


Du reste, les­rapports des magistrats, les rapports des Dépêches da marquis DE Sligo,
gouverneurs attestent, à chaque page, la parfaite sécurité % - ^ ¡ ¡ j ¡ / i 8 i 9 ® * 1 8 8 5 ' •
dont la colonie n'a pas cessé de jouir, et la conduite exem­
plaire de la population noire. Ds attestent que les délits sont CIA^^Vo^rpMi^TWNTA^LAML
peu nombreux, que les punitions diminuent. Dès i 8 3 5 , les ^^w^í/á Ví5 m ? í 2 P « ó j
chiffres officiels ne donnaient qu'une condamnation sur
3 , 6 2 3 apprentis : e'était la première année de l'apprentissage. Fe/rî^ i « S ^ ' i i
En 18З8, première année de la liberté complète, dans le d f M- J- ^chevalier, 2' partie,


. . . . . chop. IX.
district de Sainte­Catherine, choisi comme spécimen par le
gouverneur, et comprenant a0,000 noirs au moins, le
nombre des noirs emprisonnés n'excédait pas six.


Ces résultats contrastent étrangement, il faut bien en
convenir, avec la situation de la colonie sous le régime de
l'esclavage. Depuis le commencement du siècle actuel, sans
remonter plus haut, on n'y compte pas moins de cinq
grandes révoltes accompagnées d'incendie et de massacre.
A la dernière, qui a eu lieu en 183 2 , deux cents personnes I b ¡ i i f. a r t l ­ e й 6
périrent sur le champ de bataille; plus de cinq cents noirs
furent exécutés. La dépense occasionnée par l'insurrection
fut de à 161 ,596 livres sterling; les dommages s'élevèrent u,038,900fr
à 1 , 1 5 k ,583 livres sterling ; et le Parlementfut contraint de 2 g 8 6 6 5 y 5 j r
voter un prêt de 5oo ,oooi ivres sterling pour venir au se­
cours des planteurs ruinés.


Après la Jamaïque, la Guyane est la plus importante des
colonies anglaises dans les Indes occidentales; elle comp­
tait, en i 8 3 4 , au moins 80,000 esclaves. Par sa situation % о г ' л M- J-Le^EVA'.Ur


annexes, 2 PARTIE, CHAP. i, p. 11.
continentale, par sa proximité des lieux où plus de 10,000


c . ,p 1 , , n Publications de la marine ,
noirs fugitifs ont trouvé, à diverses époques, un refuge 1»vol.,p.lll.
inaccessible, cette colonie pouvait être plus facilement que
toute autre un théâtre­ de rébellion. Pendant les quatre IUd., p. 117,120,122,123.
années qu'a duré l'apprentissage, elle a joui d'une tranquil­
lité parfaite". Au début, le gouverneur n'a pas fait com­
prendre aux noirs, sans quelque difficulté, les obligations
de l'apprentissage ; quelques rassemblements ont eu lieu ; le
gouverneur les a dissipés par voie de persuasion, sans même


1
avoir recours à des démonstrations armées.


De i 835 à 18З7, la décroissance progressive des châti­
ments présenta les résultats suivants :


1 8 3 5 • • 4 4 9 ­ ш > ? m .
18З7 10З.




( 12 )


(1) Londres, 4 mai 1842.
Nous sommes heureux d'annoncer que, le 1" du mois de mars, la cessation


du travail qui a eu lieu au commencement de l'année, par suite d'une coalition
mal conçue et mal conduite de la part des planteurs, peut être considérée
comme terminée Nous ne pouvons nous défendre de faire remarquer,
la conduite singulièrement paisible et tranquille des travailleurs, qui n'ont
causé aucun tumulte et porté aucune atteinte à la paix publique, ni à la pro­
priété , et qui , tout en montrant la résolution la plus obstinée de ne point se
laisser imposer une réduction de salaires, ont toujours eu grand soin de se
renfermer dans les limites de la loi. ( Extrait du Guiana Gazette and Adver-
iiser.)


i


Depuis l'abolition de l'apprentissage et la proclamation
de la liberté complète, jusqu'aux dernières nouvelles reçues
de cette colonie, aucun événement n'était, venu troubler
l'ordre public ; les gouverneurs qui s'y sont succédé n'avaient


Publications de la marine, pas cessé de rendre témoignage des excellentes dispositions
2" vol., p. 215, 224,228,231. , . , . ? , .


de la population noire. «Les bons sentiments, on pourrait
dire le dévouement des noirs, écrivait, au commencementde
1 8 З 9 , le gouverneur sir Henry Light, viennent de se ma­
nifester avec force pendant les quatre dernières semaines.
Ils ont arrêté les progrès alarmants de l'incendie des bois et
des savanes qui entourent la plupart des habitations, et qui
ne sont séparées des cultures que par les canaux et les
criques.» Les dernières nouvelles annoncent, néanmoins,


Pièces communiquées à кг Сот- 4 й ' k i a s u i t e d'une sorte de coalition entre les planteurs,
mission par M. l'amiral de Mac- p o u r abaisser le* taux des salaires, il y aurait eu refus de tra­
каи, dans sa séance du 28 février ( A
1842. (Procès-verbaux, 3e par- vail dans les environs de Demérary. Il ne parait pas que
ue; p. 108.) c e r e f u s j j e travail ait été accompagné d'insurrection à main


armée , ni de violence contre les propriétés (1).
Les magistrats et officiers français que le département de


la marine a successivement chargés de visiter les colonies
anglaises, rendent, en ce qui concerne la Jamaïque et la
Guyane, précisément le même témoignage.


Publications de la marine, M. le procureur général Bernard a visité la Jamaïque en
4 vol.,p. 65. 18З6; voici ce qu'on trouve à la fin de son rapport :


« Il est un point que j e me suis attaché à bien reconnaître,
et qui, heureusement, dans sa généralité, m'a paru commun
à toutes les paroisses; c'est celui de la subordination de la
classe ouvrière. Quelques plaintes se sont fait entendre à
cet égard, mais ces plaintes m'ont semblé dénuées de fon­
dement. »




( 13 )


me,


M. Vidal de Lingende, procureur général à la Martinique,
a parcouru la Guyane anglaise en 1 8 3 8 , vers la fin de Té- Publications de la r


• , • t , a
v


»<>'•• P- 292-335.


poque de l'apprentissage. Il reconnaît positivement que les
rassemblements qui s'étaient formés, sur quelques points ,
au début de ce régime intermédiaire, se sont dissipés à la Page 322.
voix du gouverneur. Il appréhende, à la vérité, des révoltes
à venir; mais ce sont là, de sa part, de pures conjectures: il
avoue, quant à présent, que la liberté complète n'en produit Page 329.
pas plus que n'en a produit l'apprentissage.


M. Guillet, ordonnateur à la Guyane française, s'est rendu ' P- 350-380.
à Demérary en avril 183g. Il atteste la parfaite tranquillité
des villes et des districts. P a ^ e 3 5 2 '


M . le capitaine de corvette Layrle a visité les mêmes
lieux au mois de novembre 1 8 / u . Voici ses propres ex- ibid., 5° vol., p. 3&.
pressions :


« Si , sous le rapport des produits, l'émancipation n'a pas
réalisé les espérances des partisans du travail, il faut cepen-
dant reconnaître que, sous le point de vue moral, elle s'est
opérée de façon à satisfaire les esprits les plus exigeants.
Chacun a pris sa place dans la société nouvelle , sans que
l'on pût reprocher aux noirs aucune action blâmable. A la
Guyane anglaise, la cessation de l'apprentissage n'a été l'é-
poque d'aucun trouble, d'aucun tiraillement ; c'est là un
fait important à constater, et que les adversaires les plus
prononcés du régime actuel ne peuvent s'empêcher de
reconnaître. Voilà le premier moment de la transforma-
tion sociale. Plus tard, les populations affranchies ne se
sont pas montrées moins dociles qu'au premier .jour de la
liberté. »


Saint-Christophe est une petite colonie gui dépend du Publications de lamarii
, i - , . , I"vol.,p.i01.


gouvernement général des îles sous le vent, dont le siège
est à Antigoa. La législature d'Antigoa , ayant volontairement Ihld-' P-m-
renoncé au bénéfice de l'apprentissage et conféré aux noirs de Rapport de M. J. Lechevalier.
cette île la liberté immédiate et complète , la législature de p."tf&V.?4 et m . ' C l m p '
Saint-Chistophe prit le parti contraire et maintint l'appren-
tissage. Il de vint, très-difficile de faire comprendre aux noirs ^, . , , ',


c • / - > ! _ - î • - î > • Dépêche adressée par M. Ro-
de Saint-Christophe pourquoi ils n'étaient pas aussi bien ieri CUxion au gouverneur sir
traités que leurs frères d'Antigoa. Cette difficulté fut encore S ' J ~ M a e " G r ^ o r ' 3 a o A i
aggravée par le parti que prirent plusieurs propriétaires , Lettre au même par le mis-
entre autres lord Rodney, d'affranchir complètement leurs f s Z t m t ^ C°*'


Ml.




( 14 )


Lettre du lieutenant-gouverneur, esclaves. De là résultèrent des manifestations assez pronon-
18 juillet 1834. c ^ e - g d ' m 8 U } j 0 n j m a t î o n plusieurs paroisses* Un sur-


veillant de plantation fut maltraité en présence du lieute-
^ Lettre du missionnaire James n a n t _ g c . u v e r n e u r . l a v o i t u r e de celui-ci fut menacée ; nulles


violences néanmoins ne furent exercées contre les pro-
I b l d ' priétés ni contre les propriétaires. Les moyens de persuasion


Le 6 août 1834 n'ayant pas suffi pour dissoudre le rassemblement, la loi
martiale a été proclamée ; les chefs des mutins ont été
saisis : sept ont été transportés à Honduras, sept autres punis
d'une moindre peine; le surplus des récalcitrants, au nombre


„ , , .. . T , de quatre-vingts environ, a été relâché, et tout est rentré
Rapport au capitaine Layrle. ' 0


(Pallicationsdelamarine,4'vol., dans l'ordre. C'est l'événement le plus grave de ces huit
paae 159-161. )


années d épreuve.
22,266 esclaves , , r , . »» .


Rapport de M. J. Lecli£va!ier. Saint-Vincent est une autre petite lie qui ne contient que
Annexes,2epartie,chap.l,p. 11. 2 3 ) 0 0 0 noirs-environ. Sur trois habitations , les noirs, au


premier moment, ont refusé de travailler à titre d'apprentis;
t T a l Z 3 i s i e r ' m n k 1 8 3 5 ' leur résistance a cédé sans aucune intervention de la force


p. 310-0/0.
armée,


83,150 esclaves.


Rapport de M. J. Lechevalier, Rien qui soit digne de remarque n'est arrivé à la Bar-
, / / 1 ' S ; 2 r t P ' / f - L v , bade, colonie où se trouvaient plus de 80,000 esclaves.
2lvol.,p.l6l-183;4'vol.,p.93- Dans son rapport du mois d'avril i 8 4 o , M. le capitaine
119, 464-498. _ , . „ . , ,


Layrle avait parle incidemment, et sur la 101 de quelques
Ibid.,p.i39. conversations, de troubles et d'incendies <jui auraient eu


lieu dans cette colonie. Mieux informé à son second passage,
lbid.,p.483. en 1 8 4 1 , il reconnaît que les affranchis n'ont commis, à


l'égard des planteurs, aucun acte répréhensible.
' 66,613 esclaves.


Rapport de M. J. Lechevalier. R j e n a Maurice, qui comptait plus de 66 ,000 esclaves.
(Annexes, 2' partie, p. 11.) \ 1 , r > • 1 1 ^


Publications de la marine, Le rapport de M. Dejean de la Bâtie, colon de l u e Bour-
P 245-256 Tvol*^. 380-4°63. h o n > r a P P o r t très-défavorable d'ailleurs à toute idée d'éman-


cipation, n'allègue aucun fait de violence, aucun acte tu-
multueux à la charge de la population émancipée.


29,121 esclaves. ^ e n à Antigoa, qui comptait environ 30,000 esclaves,
Publications de la marine, f e t o u j a liberté a été immédiate et complète dès le premier


vol.,p. 101-111;2" vol.,p. 140- r *
149; 4' vol., p. 162-231. instant.


^ S l i S l t l k , ? R i e n à Sainte-Lucie, ancienne colonie française, qui
vol,p. 185-193;4' vol.,p. 120- comptait près de 1 /1,000 esclaves.
159.


14,175 esclaves. Rien à la Dominique, autre colonie d'origine française,
Publications de la marine, 2" . .. ( , »


vol p 150-159. C l m e n comptait près de 10,000.




( 15 )


Rien à ia Grenade , qui en comptait à peu près 23,638 esdav.s.
^ Publications de la marine, V > 0 0 ° - vol., p. 120-159.


Enfin, à la Trinité, île qui comptait plus de 20,000 es- 20,651 esclaves.
claves, une démonstration de refus de travail, qui n'a Annexes au rapport de M. J. Le-


chevaher, 2° parti'', chap. vi,
guère résisté plus de vingt-quatre heures aux sollicitations p. 123.
du gouverneur, a été réprimée Sans proclamation de la loi (Publications de la marine,
martiale, sans intervention de la force armée, par l'arres- ^ 2M-29'l * 9 i ~ 2 0 9 : 4 < v n l "
tation et le châtiment de quelques mutins.


En racontant à la Commission cet événement, dont il a
été témoin oculaire, M. Burnley, planteur de la Trinité, J ^ ^ t i T * ^ T 7 o
ami éclairé de l'émancipation, mais adversaire très-décidé Sérier 1842, p. 24-27.
des mesures prises à ce sujet par le gouvernement britan-
nique, nous a déclaré à plusieurs reprises qu'il ne connais-
sait pas de race plus douce, plus docile et plus facile à
gouverner que la race noire.


Il est inutile d'ajouter que dans les très-petites îles, telles
que les Bahamas ou les Bermudes dans l'océan Atlantique,
ou les Séchelles dans la mer des Indes, la population noire
étant très-peu nombreuse, la pensée même de la révolte ne
pouvait guère naître. « L'ordre n'a pas été troublé u n seul ins- p M i c a l ; o n s d r l a t m r i n e > y
tant aux Séchelles, dit M. le capitaine de corvette Jehenne ; V0^>P-108-109.
une petite garnisoa, composée de i k hommes, presque
tous de couleur et de nations diverses, plutôt gens de po-
lice que soldats, suffit pour maintenir la discipline parmi
une population nouvellement affranchie, qui s'élève à plus
de /i,ooo âmes.»


Tous ces faits sont de nature, ce nous semble, à dissiper
chez les plus timides la crainte de voir l'émancipation des
noirs devenir, dans nos colonies, u n signal de dévastation,
de piiLage et de massacre. Mais peut-on raisonnablement
espérer que les noirs, devenus libres, continueront à se li- /
vrer au travail? L'attrait d'un salaire remplarera-t-il effica-
cement, à leur égard, les moyens de contrainte employés
jusqu'ici et la discipline rigoureuse des ateliers P N'est-il pas
à craindre, au . contraire, que, cédant à l'influence éner-
vante du climat, à la paresse naturelle, à la facilité de vivre
de peu sous le ciel des tropiques, ils ne désertent en masse
les habitations, abandonnant sans retour la culture et la
fabrication des denrées coloniales, et que la ru jncdes co-




( 16 )


lonies ne soit, en définitive, la conséquence d'une mesure
que la raison désavouerait après y avoir applaudi?


Sous ce nouveau point de vue, la question est infiniment
plus complexe, infiniment plus délicate.


L'opinion des colons est bien connue.
Les Conseils coloniaux, dans leurs dernières délibérations,


Q.mtions relatives à l'abolition n'ont-fait que la reproduire. Le Conseil colonial de la Guade-
deïesclavage, ? partie, Dêlibé- loupe déclare à l'unanimité « que le problème du travail sa-
ratton du Consed colonial de la


•Guadeloupe, p. 53. larié et de la libre concurrence est insoluble dans les données
ibid. Délibération du Conseil actuelles de la société coloniale. » Le Conseil colonial de la


colonial de la Martinique,p.39. Martinique adhère à cette déclaration. «L'expérience nous
ibid. Délibération du Conseil enseigne, dit le Conseil colonial de la Guyane, que, partout


colonial de la Guyane, p. M. o u fa n o j r s Q n t é t e m J s e n f a c e j u n e J i b e r t é s o u c | a m e , l e S
habitudes de la vie sauvage ont repris leur cours, malgré les
efforts des lois, demeurées sans puissance devant la force
d'inertie que le noir leur a opposée. Le fait est consacré ; la
race africaine, par sa tendance antisociale, n'a de penchant
que vers le retour à la barbarie. » Le Conseil colonial de


Ibid. Réponse du Conseil co- Bourbon proclame à l'unanimité «qu'il est convaincu, par
hmal de Bourbon, p. 235. s a p r 0 p r e étude, par celle d'autrui, par son expérience, et.


par les exemples <ju'il a pu consulter, que le travail n'étant
pas nécessaire au noir, dans les colonies, pour la satisfaction
de ses besoins, ne peut être obtenu que par la contrainte. »


Ibid. Voir, en particulier, les C'estune proposition que ce Conseil développe à chaque
pages 165,167, 169. p a g e ^ ^ o n T a m g - ^ j g S Q n m é m o j r e


Sans désespérer ainsi de l'avenir, les Conseils spéciaux
ibid.3" partie, Délibération du des colonies manifestent de grandes appréhensions. Tous


Conseil spécial de la Guadeloupe, i . •> . i . < • i


p a s s i m r admettent qu en prenant le temps nécessaire, en ménageant
prudemment la transition, en s'armant de précautions sages
et sévères, il est possible, à la rigueur, d'obtenir la conti-
nuation du travail; mais le Conseil spécial de la Martinique


Ibid. Vpartie. Délibération du pense que les mesures législatives ou administratives
Conseil spécial de la Martinique, , . . . ., , ,


p. 7 qu exigerait une telle œuvre sont incompatibles avec les
mœurs et les opinions de l'époque; et, dans le sein des
autres conseils, la diversité même des avis, quant à la
nature de ces mesures, prouve assez combien le succès leur
en paraît difficile.


Ce qu'il importe de remarquer, c'est l'opinion défavorable
que ces Conseils se sont formée de l'émancipation qui sac-




( 17 )


complit dans les colonies anglaises, en ce qui concerne le
maintien du travail et la continuation des cultures. Le juge-
ment qu'ils en portent n'est guère moins sévère que celui
des Conseils coloniaux eux-mêmes; quelquefois il l'est
davantage; quelquefois, à les entendre, on serait tenté de
considérer l'entreprise comme désespérée, et les colonies
britanniques comme des établissements qui marchent à leur
perte.


« L'apprentissage andáis, dit M. le procureur général de la . °'« relatives à l'abolition
i L o o i o de t esclavage, 3 partie. Detibe-


Guadeloupe, est jugé par l'expérience et mis hors de cause. » ration du Conseil spécial de la
«Le système anglais, dit M. l'ordonnateur, est jugé par GuadclonPe- P-10i-


ses résultats L'émancipation qui succède à l'appren-
tissage , en rendant tout à coup aux noirs la disposition • ^
absolue d'eux-mêmes, amène la dislocation des ateliers et la
désorganisation de la société coloniale. »


Dans le travail de M. l'ordonnateur de la Martinique, Md., ? partie. Délibération du
. . . . Conseil spécial de la Martinique,


travail, ainsi que nous i avons dit, adopté a 1 unanimité par p . 225. >
le Conseil, les résultats de l'expérience anglaise sont dépeints
sous des couleurs très-sombres.


Le Conseil spécial de la Guyane y voit un salutaire et Ibid., 5'partie. Délibération du
Conseil spécial de la Guyane, p. 7.


triste avertissement.
Au moment même où ces sinistres prévisions se faisaient


jour dans le sein des Conseils spéciaux de nos colonies,
voici quel était, en plein Parlement, le langage du gouver-
nement anglais lui-même, dans la séance du y mai 18A i :


«Je veux parler, disait lord John Russell, alors ministre
«des Colonies, des heureux effets du grand acte de l'éman- Publications de la marine,


. . , , t i • - i i i i - i <? vol., p. 520.


«cipation des esclaves.... 11 est impossible de tire sans la
« satisfaction la plus vive les rapports officiels qui nous
«Sont transmis à ce sujet. » Ici, le ministre donnait lecture
à la Chambre d'une série de rapports officiels, et terminait
en ces mots : « Tels sont les renseignements satisfaisants qui


_ ° lbui., page i>2o.


«nous parviennent de nos colonies. »
Son successeur futur, lord Stanley, aujourdhui ministre ,page 536.


des colonies, s'en félicitait avec lui.
Le premier ministre actuel, sir Robert Peel, en décla-


rant que, quant à lui, il n'avait jamais pris une part active
à l'abolition de l'esclavage, qu'il avait toujours, considéré
cette entreprise comme très-hasardeuse, faisait en quelque Ibid., pages 539-542.
sorte amende honorable , et tenait à justice de reconnaître


RAPPORT DE LA COMMISSION COL. 3




( 18 )
que c'était la plus heureuse réforme dont le monde civilisé
pût Offrir l'exemple.


Enfin, dans la séance du 22 mars i 8 4 a , lord Stanley,
ministre des colonies, s'exprimait ainsi :


« En somme, le résultat delà grande expérience d'éman-
« cipation, tentée sur l'ensemble de la population des Indes
« occidentales, a surpassé les espérances les plus vives des
« amis même les plus ardents de la prospérité coloniale. »


Cette contradiction entre les témoignages d'hommes
dignes de foi, et presque également à portée de puiser leurs


Enquête de 1836. informations aux meilleures sources, ne se rencontre pas
Témoignage de M. Miller; té- seulement entre les magistrats des colonies françaises et


moignage de M. Oldham. , - .


(Publications de la marine, ceux des a l o m e s l^itanniques ; elle se rencontre dans le
3' vol., p. 194-195.) résultat des enquêtes instituées par le Parlement, soit durant


Enquête de 18í0. (Ibid. j j e c o u r s ¿ e } a période intermédiaire qu'on a nommée l'ap-
Comparer les témoiqnagcs de . . 1 .


M. Macqueen, de M. BaMey et de prentissage, soit depuis la libération complète des noirs ; elle
M. Barrett, avec ceux de M. Nu- s e rencontre dans les récits des voyageurs les plus recom-
qent, de M. Prescod et de M. Burn- . .


ley. (Ibid., p. 22Í-388.) mandables. Que Ton place en regard, par curiosité, les lettres
Un hiver aux Antilles en 1839 s u r l'état des Indes occidentales adressées à M. Clay, illustre


etl840, par Joseph-John Gurney; , •>


traduit par J-J. Pacaud. citoyen des Etats-Unis, par M. Gurney, l'un des hommes le
„ „ .. . plus justement respectés dont l'Angleterre puisse s'honorer,
Comparer Gurney (Antigoa, 1 J 1 .


p. 75, 107), avec le rapport de et quelques-uns des rapports insérés dans le à" volume des
M. Bernard ( publications de la v j . ! , . •


marine, t. 4,p. 162-181 ),et ce- publications ne la marine, et on ne pourra croire, au pre-
La-yrk (ibid., p. 188- micr aspect, qu'il s'agisse des mêmes contrées, des mêmes


Comparer Gurney ( la Domi- événements, des mêmes hommes, des mêmes choses. Ce
mque , p. 109,133) avec lesrap- qui rend , s'il se peut, le contraste encore plus frappant,
ports du 4' vol. des publications de ,
la marine, passira. cest que ces allégations, qui paraissent directement oppo-


Comparer Gurney (Saint-Chris- sécS , s'appuient, pour la plupart, SUr des documents au-
tophe, p. 59,13) avec le rapport . r r r „
du capitaine Layrle (publications tnenhque.*, sur des déclarations faites par les autorités lo-
de la marine v vol p. 159,161). c a i e s > s u r d e s r e n s e i g n e m e n t s d'une exactitude presque


Comparer Gurney (la Jamaïque, . .
p. 135.212) avec Us rapports du minutieuse, sur des calculs dont les uns ont été relevés et
( p b t a ^ ï iTmlt^VZ a i î i r m é s P;* l e s a g e n t s d » fisc- e t l e s a u t r e s d r e s s é s P a r d e s
5 ' v o 1 - ) - hommes d'une expérience consommée, par des hommes éga-
MCmTqZ!Z cel^M."Mot ^ n t v e r s é s dansla connaissance des mouvements généraux
gommery-Martin, 3e vol., (publica- du commerce et dans l'appréciation des intérêts coloniaux.
ions de la marine, p. 221, 246. ) v , 7 . . . . . . .


íNous n essayerons pomt de concilier ces dissentiments ;
ils s'expliquent, sans doute, paria diversité des lieux , des
temps et des esprits. L'émancipation des esclaves, dans les
colonies anglaises, est la plus grande des transformations
sociales qu'une nation ait jamais entreprises : elle se pour-




( 1 9 )


(i) «Avant de rentrer en ville, dit M. Gurney, nous visitâmes deux habita- Un hiver aux Antilles, p. 180-
tions voisines, également étendues, à ce que je crois, également fertiles, 181.
toutes les deux au nombre des plus belles propriétés que j'aie vues dans aucun Voir le rapport de M. le capi-
quarticr de la Jamaïque, pour les avantages naturels et locaux. L'une était en taine Layrle sur Saint- Vincent,
souffrance, l'autre prospérait. La première est celle dont j'ai déjà parlé, et Sainte-Lucie et la Grenade. ( Pu-


. , . . 1 1 / • , - i î i blications de la marine, 4 vol.,
qui s était vue abandonnée par une si grande partie de son monde; et cela ^ 5 )
parce qu'on avait inutilement essayé de forcer au travail des hommes libres:
on pouvait encore voir en passant les traces non équivoques de ces actes de ,
violence brutale, qui avaient mis ces hommes dans la nécessité de s'établir
ailleurs. L'autre habitation, appelée Dawkins-Caymanas, était sous l'admi-
nistration éclairée du juge Bernard. Les travailleurs étalent, sur cette pro-
priété, locataires indépendante. La taxe de leur loyer était réglée d'après
la valeur, en argent, des terrains qu'ils occupaient, et, du reste, ils avaient
pleine et entière liberté d'aller offrir leurs bras et leur travail au marché
le plus avantageux. Tout naturellement, ils donnaient la préférence à
cette habitation, qui si longtemps ^vait été jusqu'à un certain point leur foyer
domestique, et ils travaillaient avec autant de bonne volonté que de zèle sur
la propriété de leurs anciens maîtres. Gérant, inspecteur, travailleurs, tous
paraissaient également contents, également heureux. Ainsi donc, voilà, conti-
guës l'une à l'autre, deux propriétés dont l'une donnerait lieu à un rapport défa-
vorable et l'autre à un rapport favorable, relativement à la Jamaïque; et ces
deux rapports, si différents, sont pourtant également vrais, et ils offrent les
résultats respectifs de deux modes d'administration opposés. »


suit, depuis huit années, au sein de vingt colonies diffé-
rentes , sous l'influence des circonstances les plus variées ;
elle n'a point présenté à Antigoa, par exemple, ou à la
Barbade, les mêmes caractères qu'à la Jamaïque. L'état éco-
nomique de la Guyane, lorsque le capitaine Layrle l'a vi-
sitée en 18/11, était tout autre que l'état économique de la
Guyane, lorsque M. Vidal de Lingende l'a visitée en 1838.
Dans un événement de cette immensité, ce qui est vrai ici
ne l'est pas là; ce qui est vrai à telle époque ne l'est plus
à telle autre ; il y a place pour des faits de toutes les sortes ;
toutes les opinions y peuvent puiser par milliers des exem-
ples en leur faveur; selon la pente des idées de l'observa-
teur, ce qui frappe celui-ci est méconnu par celui-là, et
réciproquement. L'impartialité est dans l'intention de tous ;
la préoccupation est dans l'esprit de chacun : les faits admis
de part et d'autre sont interprétés différemment, quant à
leur nature, leur tendance, leur portée; les calculs que l'on
déduit de ces faits, tous vrais, tous exacts, quand on les
limite aux cas qui les suggèrent, deviennent téméraires et
bientôt erronés, dès qu'on prétend les généraliser par voie
d'induction et de conjecture ( î ) .


3.




( 20 )


Pour apprécier les résultats de l'expérience anglaise, pour
constater jusqu'à quel pointus sont favorables ou contraires
aux idées des colons, aux espérances des amis de l'humanité,
au caractère des noirs, en un mot , à la possibilité ou à l'im-
possibilité d'introduire dans les colonies le travail libre et
salarié, il est, • ce semble, un moyen plus court et plus
sûr. C'est de s'élever, de prime-abord, à cette hauteur où
les faits partiels se confondent et se compensent-, c'est de se
placer sur un terrain entièrement neutre , où les données du
raisonnement échappent à tout soupçon, en raison de leur
généralité même; où les bases des calculs soient, en quel-
que sorte, désintéressées, les chiffres n'ayant été ni préparés,
ni groupés dans aucun but déterminé.


En Angleterre comme en France, la métropole est le
grand marché, le marché définitif des colonies ; c'est à ce
marché que viennent aboutir à peu près tous les produits
du travail colonial, ce qui se consomme de denrées tropi-
cales dans les colonies elles-mêmes étant proportionnelle-
ment fort peu de chose. C'est sur ce marché que les colons
viennent s'approvisionner, en échange, des objets de leur
consommation usuelle ; ils ne fabriquent rien ou presque
rien pour eux-mêmes. La quantité des produits coloniaux
importés annuellement dans la métropole représente, par
conséquent, avec toute l'exactitude désirable, la quantité
annuelle du travail colonial, sauf les différences purement
accidentelles qui peuvent résulter de l'influence des saisons.
Avant de pénétrer dans le marché de la métropole, les pro-
duits coloniaux traversent la douane et y acquittent un
droit; les quantités introduites sont inscrites, jour par jour,
sur les registres de la douane, au fur et à mesure de leur
introduction , dans un but de pure comptabilité fiscale. Les
chiffres relevés sur ces registres sont irrécusables; ce sont
des témoins indifférents à toutes les conséquences qu'on en
peut tirer, des témoins impartiaux, et auxquels personne ne
peut faire la leçon avant de les interroger.


Les trois tableaux annexés à ce rapport présentent le
mouvement annuel des importations coloniales en Angle-
terre , avant et après l'émancipation, en ce qui concerne le
sucre, le rhum et le café. Ce sont les trois principales dén-
iées coloniales; les autres ne jouent dans l'ensemble de la




( 2.1 )


production, et par conséquent dans i'emploi du travail,
qu'un rôle très-secondaire.


Ces tableaux sont officiels. Le premier a été traduit, les
deux autres ont été dressés sur les documents publiés ou
communiqués par le Gouvernement lui-même, et transmis
par notre consul général à Londres. Ils sont établis avec dis-
tinction des provenances. Les prix moyens, certifiés par le
ministère du commerce, sont placés en regard des importa-
tions de chaque année, aussi bien que le montant des droits
acquittés.


Examinons d'abord ce qu'ils nous enseignent, quant à la
production du sucre.


Prenant pour termes à comparer, d'une part, les huit
années qui ont précédé l'émancipation, de 1826 à 1834 ,
et , d'une autre part, les huit années qui ont suivi l'émanci-
pation, de 1834 à 1841 inclusivement, l'extrait ci-joint
présente en regard :


i° Le mouvement annuel et le résultat total des impor-
tations en sucre, pour toutes les colonies à esclaves, pen-
dant la première période ;


2° Les prix de vente, année par année;
3° Le produit, en argent, des quantités vendues;
4° Le mouvement annuel et le résultat total des impor-


tations en sucre pour toutes les colonies à esclaves, pendant
la seconde période;


5° Les prix de vente, année par année;
6° Le produit, en argent, des quantités vendues.


Produit comparé de la vente des sucres provenant des Indes occidentales et de
Maurice, importés en Angleterre pendant la période des huit années qui ont
précédé l'abolition de l'esclavage, et pendant les huit années qui se sont écoulées
depuis 1834, jusques et y compris 1841.


AHHÉES


QUANTITES


V E K D O B S .


PRIX
de


TEHTB


par
tilog.


PRODUIT. AHÏTÉES
QUANTITÉS


V E N D U E S .


PRIX
de


T E S T E


par
l i l o g .


PRODUIT.


1826. .
1821 . .
1828. .
1829. .
1830. .
1831 . .
1832. .
1833. .


. La pi
surpasse


J u l o g .


212,727,983
195,157,645
237,384,059
226,010,253
233,380,103
234,669,563
219,675,042
212,512,472


fr. c.
0 75 28
0 87 83
0 77 95
0 70 36
0 61 34
0 58 26
0 68 10
0 73 03


sente un e
roduit, de


fr.
160,141,625
171,406,959
185,040,873
159,020,813
137,021,354
136,718,481
149,598,703
155,197,857


1834 . .
1835 . .
1836 , .
1837 . .
1838 . .
1839 . .
1840 . .
1841 . .


é de 271


küog.
223,437,282
207,293,354
208,087,299
195,157,645
209,523,612
174,506,333
139,535,417


' 142,809,715


fr. c.
0 72 42
0 82 20
1 00 52
0 85 13
0 82 90
0 96 42
1 20 83
0 98 05


ependant, 1


fr.
161,813,279
170,519,512
209,169,352
166,137,703
173,695,074
168,259,006
108,600,644
140,024,925


1,771,517,120


emière période pr
la première, en p


1,254,146,605


[cédant en qoanti
04,072,830 fr.


1,500,350,657


166,463 kUog. ;c


1,358,219,495


a seconde période




( 2 2 )


Il ressort de ce petit tableau, fidèlement extrait du grand
tableau n° 1 a , deux faits également importants, également
dignes de remarque : l'un, c'est que la quantité de sucre pro-
duite dans toutes les colonies à esclaves, pendant la pre-
mière période , n'a excédé que d'un sixième environ la
quantité de sucre produite dans ces mêmes colonies pendant
la seconde période; l'autre, c'est que le revenu brut des
colons, attendu l'élévation des prix, a augmenté au lieu
de diminuer, puisque la quantité moindre de la période
dite de liberté, réalisée en argent, a produit une somme
supérieure d'un douzième environ à la somme produite
par la quantité plus grande de la période d'esclavage.


Vdr dans les publications de la En présence de ces deux faits généraux, de ces deux faits
marine incontestables, que signifient désormais, quant à leur portée,


Rapportée M. Bernard sur la quant au fonds même des choses, tous les faits partiels ac-
3amaique,i836. (4 vol.,p. 11, c u m a ^ s ^ rlisséminés dam les rapports adressés au dèparte-


Rapport du capitaine Layrle sur m m t de la marine? que deviennent les pronostics désas-
la Jamaïque, juillet 1840. (Bld., ^ . r


p. 69,74,87.92.) treux tondes sur ces laits? Les taits partiels s annulent réci-
ma^7eP%'wiernm2Sar(y vil', proquement; les pronostics désastreux s'évanouissent faute
p. 96-97,104-105.) de base : non, sans doute, que dans ces faits partiels il n'y


Rapport de M. Bernard sur la . . ,


Barbâde, avril 1836, (4' vol., ait eu beaucoup de vérité ; non que ces pronostics désastreux
p. 115-116.) . . ne fussent Irès-naturels et très-fondés en apparence. Le sort


Rapport du capitaine Layrle sur 1 1


la Barbade. juin 1841. (Ibid., des colons n'a pas été le même dans toutes les colonies ; la
^RalportVcapitaine Layrle sur diminution de produits, l'augmentation de valeur ne se
Saint-Christophe. (Ibid., p. 160.) s o n t p 0 i n t réparties proportionnellement entre les pian-


Rapport du même sur Saint- o î t • ' î • • •


Vincent, la Grenade et Sainte- teurs. Selon la diversité des circonstances, des positions,
-^IT 131^39^153^5^) m ' ^ e s c o n d " i t e s , les uns ont perdu, les autres ont gagné; ceux


Rapport de M. Bernard sur An- q U j o n t perdu ont jeté les hauts cris; ceux qui ont gagné
Aiqoa, avril 1836. (Ibid.,p.l87.) ^ , , , ,. A A ., , • ,


Rapport du capitaine Layrle ont ete plus discrets, peut-être même, se sont-ils plaints de
s'iron4ntoox ']""" m L ^ I M " l e u r c o t e : * a c n o s e n ' e s t P a s s a n s exemple; mais les deux'faits


Rapport du même sur la Tri- qui viennent d'être signalés subsistent; ils sont à l'abri de
p'aéZ-S^M™' 1 8 ! > 0 ' ^ ^ " t o u t e contestation raisonnable.


Rapport de M. Vidal de Lin- fjn troisième fait, non moins digne d'attention, qui res-
ijcnde sur la Guyane, déambre f > , î.»


J838. ( Ibid., p.''292-335.) sort du tableau n° i e r , cest qu'a l'île Maurice la production
G a y ^ ^ r i U S ^ . ^ p ^ ^ S U C T e 3 toujours été croissante , dans une proportion
373.) rapide, sous le régime de la liberté comme sous celui de


Ranportdu capituine Layrle sur . _ o /» î ' i • « » î i î •


la Guyane, avril 1841, (5e vol., 1 esclavage. iUn i02b , le chiflre de la production ne depas-
p. 80. 81,82, 83. ) s a j t p a s 0,48/1,790 kil. ; en 1 8 3 3 , dernière année d'escla-


vage, elle s'élevait à 26,880,94a kil. : depuis cette époque




( 23 )


elle s'est élevée graduellement d 'année en année jusqu'en
i 8 4 i , où elle a atteint 3 5 , 3 7 5 , 7 8 g lui.


En présence de ce fait, que faut-il penser des prévisions
alarmantes contenues dans le rapport de M. Dejean de la
Bâtie?


Il est juste, néanmoins, de rappeler ici que , dans l'île
Maurice, les noirs affranchis ont été assistés par un certain v m l d e s p a b U c a t i o n s d e l a
nombre de travailleurs libres importés des Indes orientales; m«"' n«»p-420-431.
mais ces importations , qui ont donné naissance à des diffi-
cultés sans nombre entre les autorités de Calcutta et celles de T, • ,


\oir les annexes an rapport
la colonie, ont fini par être à peu près interdites dès 1838 , et d e M- J- Leckevalier, 2' partie,


m . , A ,. „ . ch. vu. p. 205-2:9. ne suturaient pas, a coup sur, pour expliquer 1 accroissement
rapide de la production, si la population noire était réelle- d e /inX_ jifuilleVisTs3"™™1


ment dans l'état de désordre et de désœuvrement où le rap- ^
port qui vient d'être indiqué la dépeint. L e n o m h r e d e s I l u U e n s i m p o r l é s


Des trois faits que nous venons de mettre en lumière , le à Maurice, s'élevait, à la fin de
H . . . . . . . 1839, à 8,690. [Publications de


plus important, le plus significatif dans la question qui nous lamarine, 1er vol., p. 144.)
occupe en ce moment, ce serait le premier ; ce serait l'exi- Une pétition, adressée parles


. . , -, , T t r r • î , . . . • principaux habitants de l île Mau-


guité de la différence qui se rencontre entre 1 importation rice, à la reine, en 1839, porte à
du sucre dans la métropole , sous le régime de l'esclavage, 20^°P ^-nombre des Indiens k-


: . 0 traduits depuis 1835, mais il est
et la même importation , SOUS le régime de la liberté. Une évident que ce chiffre est exagéré;
différence d'un sixième est si peu de chose quelle pourrait K ^ l i S ^
s'expliquer de vingt manières, sans inculper en rien l 'aptitude tivement interdite en juin 1838.


, . - î i i I I I , T Le chiffre, précédent est le seul
des noirs au travail et leur bonne volonté de s y livrer; et officiel.
si Ce fait pouvait être admis Sans distinction , sans restriction, L'introduction des Indiens
., , dans T île Maurice vient d'être an-


îl serait décisif, ît prouverait irresistibtement fa possibifite / o n s ( ! e d e nouveau, soas diverses
de maintenir le travail et de continuer les cultures sous un p!ic™^m.Pa?0™lr?J" fonseil


au 15 janvier 1842. ( Voir le texte
régime de liberté. de cet ordre au conseil dans les


„ • . . - • . . . i i i p - Annexes, au dernier rapport du
Mais il y a ici une remarque importante a faire : capitaine Layrieintitulé: Abolition
La période qui s'est écoulée entre 1834 et 1 8 / u , la pé- d e ^esclavage dans les colonies


1 , „ . anglaises, p. 290 et suivantes.)


riode dite de lib erté, comprend quatre années d'apprentissage;
or, sous le régime de l'apprentissage, le travail n'était libre
qu'en partie. Chaque apprenti devait à son maître quarante-
cinq heures au plus de travail par semaine , lesquelles qua- Acte du Parlement du 28 août
rante-cinq heures , en général , ont été réduites par les ^ 3 , art (Publications delà


t. ' o 1 manne, 2 vol., p. 266. )
actes locaux à quarante et une heures et demie. L'apprenti
pouvait être contraint, en cas de besoin, à cette prestation; ^ e ^ ^ ^ r t ^ Y l î i d '
les témoignages reçus dans l 'enquête parlementaire de 1836 3 e vol., p. 431. j
prouvent que le cas s'est présenté plus d'une fois ; et , bien
que les moyens de contrainte ne fussent plus à la discrétion




( 2 4 )


ANNÉES.
QUANTITÉS


PRIX
de


V E S T E


PRODUIT


de ANNÉES.
QUANTITÉS


PRIX
de


V E S T E


PRODUIT


de
REÇUES, p a r


kilogr. V E S T E .
B E Ç U E 8 . par


kilogr. V E R T E .


kit. fr. c . fr. kil. fr. c . 'fr.


PÉRIODES D'ESCLAVAGE.


1 8 2 6 . . . 212,727,983 0 75 28 160,141,625 1 8 3 0 . . . 233,380,103 0 01 34 137,021,354


1 8 2 7 . . . 195,157,645 0 87 83 171,400,959 1 8 3 1 . . . 234,669,563 0 58 26 136,718,481


1828... 237,384,059 0 77 95 185,040,873 1 8 3 2 . . . 219,675,»42 0 68 10 149,598,703


1 8 2 9 . . . 226,010,253 0 70 36 159,020,813 1 8 3 3 . . . 212,512,472 0 73 03 155,197,857


871,279,940 675,610,270 900,237,180 578,536,395


PERIODE D'APPRENTISSAGE. PÉRIODE DE LIBER TÉ.


1 8 3 4 . . . 223,437,282 0 72 42 161,813,279 1 8 3 8 . . . 209,523,612 0 82 90 173,695,074


1 8 3 5 . . . 207,293,354 0 82 26 170,519,512 1 8 3 9 . . . 174,500,333 0 90 42 108,259,006


1 8 3 0 . . . 208,087,299 1 00 52 209,109,352 1 8 4 0 . . . 139,535,417 1 20 83 168,600,044


1 8 3 7 . . . 195,157,645 0 85 13 166,137,703 1 8 4 1 . . . 142,809,715 0 98 05 140,024,925


833,975,580 707,639,846 666,375,077 650,570,649


NOTA. Les quantités reçues en 1 8 4 2 , d'après un relevé récemment par-


venu de Londres, se sont élevées à 160 ,058 ,900 kilogrammes, dont le prix


de vente n'a pas été inférieur au prix moyen de 1841 . Il y a donc, en 1842 ,


une certaine augmentation comparativement aux deux années précédentes.


du maître, bien que l'emploi n'en pût être ordonné et réglé
Publications de la marine, que par l'autorité du magistrat, la contrainte subsistait


5 e vol.,p. 97-126, passim. néanmoins, et le temps d'apprentissage ne doit être compté,


a r t ï ï ( n i d " 1 " " ' v o i a 0 p Ú \ i 8 ) í c o m m e I e temps de liberté, qu'en ce qui concerne seule-
ment le nombre d'heures où l'apprenti disposait de lui-même.


Il convient donc, pour apprécier les faits exactement,
de sous-diviser la période dite de liberté en deux époques,
l'époque d'apprentissage, de i 834à 1 8 3 8 ; l'époque de liberté
complète, de i 8 3 8 à i 8 4 i inclusivement; et, cela fait, de
comparer les importations de chaque époque, entre elles
d'abord, puis avec les importations des quatre années d'es-
clavage qui ont précédé immédiatement l'émancipation.


Voici les résultats de cette analyse raisonnée des éléments
mêmes de la question :


SUCRE.


Produit comparé de la vente dés sacres provenant des Indes occidentales et de
Maurice, importés en Angleterre, par périodes de quatre années, depuis
1818 jusqu'en IBH, c'est-à-dire pendant deux périodes d'esclavage,
pendant lapériode d'apprentissage et pendant la période de travail libre.




(251


-- (1) Le ministre des colonies, lord Stanley, a présenté en bloc les mêmes
résultats, dans son discours du 22 mars 1842 .


«Pendant les six années antérieures à l'émancipation, dit-il, la moyenne


des importations a été de 3 ,965 ,000 quintaux.


Pendant l'apprentissage, de 3 ,058 ,000


P e n d a n t l a p r e m i e r e a n n e e d e l i b e r t e . d e 2 ,824 ,000


En 1 8 4 0 , de , 2 ,810 ,000


H est vrai, ajouta-t-il, que la diminution des sucres a été compensée, pour
Jes planteurs, par l'élévation des prix.


î Dans les six années antérieures à l'émancipation, les sucres ont produit à l a
çsnte 2 6 , 6 0 0 , 0 0 0 t


Dans les quatre années de l'apprentissage; 31 ,115 ,000


Pendant la première année de liberté 32 ,650 ,000


Pendant l'année suivante 2 9 , 1 2 0 , 0 0 0


RAPPORT DE LA COMMISSION COL. " 4


" On voit car Va :


i" Que de 183o à 183Zt, période d'esclavage, les impor-
tations en sucre, provenant de toutes les colonies anglaises
à esclaves, se sont élevées à 900,237,180 kil. ;


2° Que de 1834 à 1 8 3 8 , période d'apprentissage, ces
mêmes importations, se sont élevées à 833 ,975,580 kil.


Différence en moins : 66,261,600 kJJ., soit un peu plus
Wxm quinzième.


2>° Que àe î&^o a i&ln , période de nnertè complète,
ces mêmes importations se sont élevées à 666,375 ,077 kil.


Différence en moins entre la période de la liberté com-
plète et la période d'apprentissage : 1 67,600,503 kil., soit un
peu plus d'un cinquième.


Différence en moins entre la période de liberté complète
et la période d'esclavage: 233,862,1 o3 kil., soit un peu plus
3u quart.


ijP- En passant du régime d'esclavage au régime de liberté
îlomplète, la production du sucre, dans les colonies à es-
claves de la Grande-Bretagne, a donc jusqu'ici diminué
d'un quart environ (1).




( 2 6 )


R H U M .
Produit comparé du Rhum provenant des Indes occidentales, importé en Angleterre pendant


seize années, de 1826 à 1841, en quatre périodes, dont deux d'esclavage, une d'appren-
tissage et une de liberté.


ANNÉES.
QUANTITÉS


R E Ç U E S .


PRIX
DE VEXTBi


p a r


l i t r e .


PRODUIT


d e


V M t T E .


ANNÉES.
QUANTITÉS


B E Ç C E S .


PRIX
DB V E N T E


p a r


l i t r e .


PRODUIT


d e


Y E X T E .


l i t . f r . C. f r . l i t . f r . c . f r .


PÉRIODES D'ESCLAVAGE.


1826 18,123,765 0 80 25 14,544,321 1 8 3 0 . . . 30,659,843 0 61 90 18,978,442
1827 21,203,898 0 80 25 17,016,426 1 8 3 1 . . . 35,406,852 0 61 90 21,916,841
1828 33,035,301 0 94 00 31,054,182 1 8 3 2 . . . 21,481,770 0 61 90 13,297,215
1 8 2 9 . . . . 31,654,000 0 94 00 29,754,760 1 8 3 3 . . . 23,195,176 0 61 90 14,169,893


104.016,964 92,369,689 110,743,641 08,362,391


P E R I O D E D A P P R E N T I S S A G E . PÉRIODE DE LIBERTÉ.


1834 23,225,605 0 61 90 14,376,649 1 8 3 8 . . . 21,085,017 1 07 75 22,719,105
1 8 3 5 . . . . 24,772,910 0 61 90 15,334,431 1 8 3 9 . . . 18,271,114 1 26 10 23,039,874
1836 22,116,000 0 61 90 13,689,804 1 8 4 0 . . . 17,176,896 1 51 32 25,992,079
1 8 3 7 . . . . 20,072,686 0 96 30 19,329,996 1 8 4 1 . . . 17,854,984 1 28 40 22,964,971


90,187,201 62,730,880 74,388,011 (1)94,716,029


(1) Il n'y a aucune indication de provenance pour 1841 f cependant ce chiffre ferait croire qu'il ne s'agît que des
Indes occidentales.


Le tableau ci-dessus prouve que, pendant les huit an-
nées qui ont précédé immédiatement l'émancipation, l'im-
portation du rhum s'est élevée à 214,760,605 litres, et,
pendant les huit années qui ont suivi immédiatement l'é-
mancipation, elle s'est élevée à 1 6 4 , 5 7 5 , 2 1 2 lit.


Différence en moins : 5 o, 18 5,4 9 3 lit., soit moins du quart.
Mais cette différence a été à peu près compensée, au profit


des colons, par le prix de vente. Le produit des huit années
antérieures à l'émancipation a été vendu 160,782,080 fr.;
le produit des huit années postérieures à l'émancipation a
été vendu 157 ,446,909 francs.


Noies de M. LavolUe,? qaes- B n'y a eu de perte que sur le café, sorte de culture qui
tion, /!. 36—37


Les résultats qu'on obtient, en soumettant à la même
analyse le mouvement annuel d'importation, en ce qui
concerne le rhum et le café, sans être précisément identiques,
sont analogues, ou du moins ne diffèrent pas essentielle-
ment , savoir :




( 27 )


C A F É


3" vol,, p. 249.


Produit comparé du Café provenant des Indes occidentales, importé en Angleterre pendant


les années 1826 à 18âl, divisées en quatre périodes, dont deux d'esclavage, une d'ap-


prentissage et une de travail libre.


QUANTITÉS
PRIX PRODUIT QUANTITÉS


PRIX PRODUIT


ANNÉES.
DE V E S T E


de ANNÉES.
OE V E S T E


de
REÇUES. par HEÇOE5. par


kilog. V E S T E . kilog. V E S T E .


kilog. fr. fr. kilog. fr. fr.


PÉRIODES D'ESCLAVAGE.


LS26 . . . . 11,237,800 1 42 77 16,039,923 1830 12,322,550 1 00 92 12,435,917
1 8 2 7 . . . . 12,951,650 I 47 70 19,129,587 1 8 3 1 . . . . 8,962,900 1 42 77 12,796,332
1 8 2 8 . . . . 13,214,250 I 23 55 10,326,205 1832 11,015,150 1 92 00 21,149,088
1829 . . . . 11,993,900 1 13 24 13,581,902 1833 8,485,850 2 06 78 17,547,040


49,394,600 65,077,617 40,786,450 63,928,377


PÉRIODE D'APPRENTISSAGE, PÉRIODE DE LIBERTÉ.


1S34 9,857,700 1 79 70 17,714,286 1 8 3 8 . . . . 7,852,052 2 28 93 17,975,698
1835 6,636,900 2 24 00 14,806,656 1839 5,127,500 2 51 08 12,874,127
153B. . . . 8,439,000 2 06 78 17,450,164 1840 5,713,000 2 36 32 13,500,961
1 8 3 7 . . . . 6,953,500 1 87 08 13,008,607 1841 7,388,650 1 96 93 14,550,468


31,887,100 63,039,713 26,081,200 (1)58,901,254


(1) Les renseignements n'établissent pas clairement les provenances. Celte .quantité comprend les Indes orientales.


Il résulte du tableau ci - dessus que l'importation du
café, pendant les huit années antérieures à l'émancipation,
s'est élevé à g o , i 8 i , o 5 o kil., tandis que, dans les huit an-
nées qui ont suivi l'émancipation, elle ne s'est élevée qu'à
57,g68,3oo kil.


Différence en moins : 32 ,212 ,760 kil., soit au delà du
tiers (1).


Le produit des huit années de la première période s'est
vendu 129,005,99 / i francs; celui des huit années de la se-
conde période s'est vendu 12 1,940,967 francs.


Si maintenant on décompose les deux tableaux ci-dessus,


(1) D'après un relevé récemment parvenu de Londre3, les quantités de café


reçues en 1842 se sont élevées à 9 ,244 ,600 kilogrammes. Il y a donc, dans


cette dernière année, une augmentation assez considérable comparativement


aux cinq années précédentes.


par suite d'une maladie dont l'arbuste est atteint, paraît en Annexes au rapport de M. J.
. . . - i i i a Lechevalier. (f* partie, p. 90.)
décroissance rapide dans toutes les Antilles. Publications de la marine,


II.




( 2 8 )


( 1 ) Les importations en café des Indes orientales paraissent comprises dans
la quantité relative à l'année i 8 4 i .


pour en obtenir la comparaison entre les résultats de quatre
années d'esclavage complet qui ont précédé immédiatement
l'émancipation, et les résultats des quatre années de liberté
complète qui ont suivi la période d'apprentissage, on arrive
enfin à ceci :


Rhum.. . i r e période . . . . i io ,743 ,64 i litres.


2* période . . . . . 7/1,388,011


D I F F É R E N C E en moins . . 36,355,63o
soit à peu près un tiers.


Café.. . . i"période . . . . ¿0,786,450 kilogr.


2 e période . . . . 26,081,200


D I F F É R E N C E en moins . . i4 ,7o5 ,2Ôo
soit à peu près un tiers.


Ainsi, réduction d'un quart dans les importations en
sucre provenant des colonies à esclaves, réduction d'un-
tiers dans les importations en rhum et en café, voilà, quant
à présent, les faits qui correspondent à l'introduction du
travail libre dans ces mêmes colonies. Il faut ajouter que
cette différence, du quart au tiers dans la réduction entre
les sucres, d'une part, et, d'une autre part , le rhum et le café,
provient, selon toute apparence, de ce que, dans le tableau des
importations en sucre sont compris les produits de l'île Mau-
rice, où la production a toujours été croissant, ainsi qu'on
l'a vu plus haut, tandis que, dans les tableaux relatifs au
rhum et au café, les importations des Indes occidentales
sopt seules comprises (1).


A s'en tenir là, les résultats de l'émancipation anglaise ne
justifieraient pas, à beaucoup près, les appréhensions des
magistrats de colonies. Comment soutenir, en effet, que
les colonies anglaises soient dans une situation désespérée,
lorsqu'il est certain que , durant le cours des huit dernières
années, les colons , pris en masse, indépendamment de l'in-
demnité qu'ils ont reçue, ont vendu leurs récoltes à plus
haut prix que durant les huit années précédentes, et obtenu,




( 2 9 )


par conséquent, un revenu brut supérieur à celui qu'ils
obtenaient auparavant? Gomment soutenir que la race
noire soit décidément, radicalement incapable de travail sous
un régime de liberté, lorsqu'il est certain que, dans les quatre
premières années de ce régime, les noirs ont consacré vo-
lontairement au travail colonial les trois quarts du temps
qu'ils étaient forcés d'y consacrer dans l'état d'esclavage ?


Mais ce n'est pas tout.


La parité, l'équation, s'il est permis de parler ainsi, entre
la diminution des produits coloniaux et la diminution de la
quantité de travail employé à la production, ne peut, dans
cette occasion \ être admise que sous la réserve des observa-,
tions suivantes :


i° Pour qu'on soit fondé à conclure rigoureusement,
entre deux périodes données, de la diminution dans la
quantité des produits à la diminution dans la quantité du
travail employé dans la production, il faut que dans chaque
période l'influence des saisons ait été à peu près pareille. Si
l'une des deux périodes se compose de bonnes années, et
l'autre de mauvaises années, la réduction dans la quantité
des produits n'accusera pas nécessairement une diminution
correspondante dans la quantité du travail.


Or, c'est ici le cas.


Les documents communiqués à la Commission attestent
que les quatre années dont se compose la période d'esclavage
qui a précédé immédiatement l'émancipation ont été des . , . ,


1 Annexes au rapport de M. J. Le-


années moyennes, des années en général favorables à la chevalier, 2' partie, ch. vin,
production, tandis que les quatre années dont se compose p a s s i m "
là période de liberté complète ont été plus où moins mau-
vaises.


Sur ce point, les témoignages sont nombreux et décisifs.


D. Avez-vous quelques données sur le chiffre de la récolte P M i c a t i o n s < l e l a m a r i n e ,
annuelle (demande-1-on, dans l'enquête parlementaire de ^ vol, p. 260.
\ 8 k o , à M. Nugent, propriétaire à Antigoa, où il a présidé
pendant vingt-trois ans l'assemblée coloniale ) ?


R. Non; je sais seulement que, jusqu'au mois de janvier
dernier, la récolte se présentait sous l'aspect le plus favo-
rable , et qu'elle aurait sans doute dépassé la moyenne ordi-




( 3 0 )


naire, sans la sécheresse qui a désolé toutes les colonies
anglaises des Indes occidentales, au commencement de i Qko.


D. Dans quelle proportion estimez-vous que cette séche-
resse pourra diminuer la récolte ? '


R. Probablement d'un quart.


D. Cette sécheresse a-t-elle affecté de même la récolte
de nos autres colonies?


R. Je 1« présume.


t Publications de la marine, D '
E s t " i i v r a i ' demande-t-on à M. Prescod, habitant de


3" v o l , p. 261. la Barbade, que la récolte sera beaucoup moindre que celle
des années précédentes?


R. Oui; elle ne s'élèvera guère qu'au tiers de celle de
l'année dernière.


D. A quoi attribuez-vous cette différence?


R, Je ne l'attribue absolument qu'à la sécheresse.


D. Les sécheresses sont-elles fréquentes à la Barbade ?


R. Pas plus que dans le reste des Antilles. Celle de
l'année dernière a été désastreuse; elle s'est étendue sur
toutes nos petites colonies; et s'est fait sentir jusqu'à la
Guyane. Plusieurs planteurs m'ont assuré qu'ils n'en avaient
jamais vu de semblable.


D. Dure-t-elle encore?


R. Non; mais elle a tellement desséché la terre, que
son influence paraît devoir se faire sentir même sur la ré-
colte de l'année prochaine.


Les rapports adressés au département de la marine
confirment ces dépositions. «Les sécheresses incessantes de
1840 et de 18 /n , dit M. le capitaine Layrle, ont empêché


Rapport du capituine Layrle. , , , , , . , , . ,


(Publications de la marine. 4'vql., l e développement de la canne, qui n a guère atteint que la
P- **73-) jnoitié de ses dimensions ordinaires. »


Cette sécheresse datait de 1 836 , d'après le même obser-
vateur. «Il faut remarquer, dit-il, dans son rapport sur
Antigoa, que l'année i 836 a été mauvaise, à cause de la


ilul., p. 195. sécheresse, et celle qui l'a suivie a été calamiteuse, par la
continuation du même fléau. »


Il ajoute, ailleurs, que c'est maintenant le contraire-




( 31 )


précisément que l'on doit craindre, en raison de cette réaction
naturelle qui fait succéder des pluies excessives aux grandes Rapport du capitaine Layrie.


. , T i î . i o / i 1 nn • T x - i j . (Publicationsde ta marine.à' vol.


sécheresses. «La récolte de i84o a la l n n i t é , dit-il, restera p 259.)
un peu au-dessous de la précédente ; mais, à ce que m'ont
assuré les plus notables habitants de l'île et les gens intéressés
à la production, il faut attribuer cette diminution à la fré-
quence des pluies, qui n'a pas permis de faire passer au
moulin des cannes dont on aurait pu disposer dans des
conditions meilleures. »


Ainsi, saisons plus OU moins favorables de l83o à 1 834 , , V o i r néanmoins le témoignage
de M. Macqueen, qui est en con-


Saisonsplus OU moins défavorables de 1 838 à l8/ l l ; la dl- tradiction directe avec les témoins
minution dans la quantité des produits s'explique, en partie, « o î ^ ^ ' ^ ' 0 / 4 *
autrement que par la diminution dans la quantité de travail. Voir aussi un passage sur Anti-


goa, où M. le capitaine Layrie
2 ° H ne serait pas exact non plus d'attribuer exclusive- s e m h l e m contradiction avec lui-


. . . . . f . . , même. (Ibid., vol. i,p. 198.)
ment la diminution dans les produits coloniaux à la paresse
ou à la mauvaise volonté des noirs. Les documents que nous
avons sous les yeux attestent que, dans maintes circon-
stances, les propriétaires eux-mêmes ont volontairement
abandonné la culture des denrées coloniales, et que les
petites habitations surtout ont été souvent transformées en
pens: On appelle ainsi, dans les colonies anglaises, Ce qu'on AnnexesaurapportdeM. J.Le-
' 1 . , chevalier, r partie, p. 62.
nomme fiaftes dans les nôtres; ce sont des terrains consacres


Ibid., témoignage de M. Os-


au pâturage. born,P.80..
Nous trouvons, à ce sujet, dans l'enquête parlementaire de


i84o , un témoignage singulièrement curieux. On demande p a b l i c a t i o n s d e l a m a r i n e
à M. Barelt, employé sur une habitation à la Jamaïque: 3?vol.,p. 256.


D . La Jamaïque n'a-t-elle pas beaucoup souffert de là
sécheresse de l'année dernière ?


R. Oui, mais cette sécheresse n'est pas la seule cause de
la diminution de ses récoltes.


D . Voulez-vous faire part à la Commission de ce que
vous savez à ce sujet?


R. Plusieurs habitants n'ont pas voulu planter l'année
dernière; ils ont mieux aimé sacrifier leur revenu, et pou-
voir dire que la population affranchie se refusait au travail.
Les noirs leur demandaient du travail, et ils ne pouvaient
en obtenir.




( 32 )


D. Quel pouvait être le but de ces habitants ?


R. Je ne puis le dire ; mais je sais que sur plusieurs
habitations, dont je puis citer les noms, on a augmenté les
troupeaux sans planter une canne. Sur l'habitation d'Oxford,
on a clos de haies les anciennes plantations et on les a con-
verties en savanes. Je fus très-étonné, un jour que je pas-
sais dans le voisinage, de voir des champs de cannes tout


• couverts d'herbes; et ayant demandé à un homme que je
trouvai sur la route, pourquoi on laissait ces terres en friche:
Que voulez-vous, me disait-il, nous ne pouvons pas les cul-
tiver malgré leurs propriétaires. Plusieurs autres habitants
ont fait comme celui-là.


D. Ainsi, ces habitants ont eux-mêmes sacrifié leurs
récoltes.?


R. Oui.


Voir h rapport de M. Guillet, Sans donner à cette déclaration plus de portée qu'elle
tmAnf*l™voi^^368U)'nSnen a v o u * ' o n conçoit fort bien qu'un certain nombre


de propriétaires obérés, contraints de faire abandon de leur
part d'indemnité à leurs créanciers, n'aient pas trouvé, dans
les premiers moments, les fonds nécessaires pour continuer
leur exploitation et pour satisfaire à l'obligation toute nou-
velle de salarier les travailleurs. On conçoit encore mieux
que, l'élève des bestiaux exigeant une moindre quantité
de bras et un fonds de roulement moins considérable, les pe-
tits propriétaires aient préféré convertir leurs champs de
cannes en pâturages.


3° Ce serait également aller trop loin de considérer
comme perdus pour le travail, en général, tous les bras qui
se sont retirés de la production du sucre et des autres den-


Publieaiions de la marine, rées coloniales. Beaucoup de noirs, en abandonnant les
' l 0 ' " ''' m ~ 1 0 5 - habitations, ont afflué vers les villes; beaucoup y ont trouvé


Rapport de M. Bcmard. (ibid., d e l ' e m T > l 0 i e t s'y sont fixés. « La ville de Saint-Jean, à Anti-
•i vol.,p. 185. I . .


goa, nous dit M. le capitaine Layrle, ne comptait avant
Ibid., p. 193. l'émancipation que 8,ooo âmes; elle en compte aujourd'hui
Ibid., p.469. de i 2 à î /i,ooo. LaBarbade, dit le même observateur, a
Ibid., p. 261. aussi vu diminuer le nombre des travailleurs des campagnes,
Ibid p 288. depuis l'émancipation. Beaucoup d'affranchis ont quitté les


champs pour s'utiliser ailleurs ; c'est un fait que constate
l'augmentation de la population des villes.» Au co:n-




( 33 )
mencement la tendance était générale; c'était une ten-
dance fâcheuse qu'il eût fallut prévoir et prévenir; mais
il ne serait pas juste de regarder comme voués à une pa-
resse incorrigible des hommes qui ont simplement voulu
changer de profession : cela serait d'autant moins.juste, que,
dans plusieurs Colonies, Ceux de ces noirs qui n'ont pu Rapport de M. Bernard sur An-
tTOUVer de l'emploi dans les villes SOnt retournés, plus tjgoa.(Publications de la marine;


L 1 4 vol.,p. 185.)


tard, aux travaux des champs. «Le planteur, dit M. le capi-
taine Layrle, dans son rapport sur la Guyane, croyait à l'ha- I b u l " 5 l 0 ' " ''' 2 0 '
bandon des cultures, à la Cessation du t r a v a i l . . . . Eh bien , Témoignage de M. Burnley de-


i • • . , • • t . i i i i vaut la commission. (Proces-ver-
aucune de ces sinistres prévisions ne s est réalisée. Apres b a i u c , 3- partie ; séance du 10 fé-
quelques moments donnés à la curiosité, au désir de con- vrierl842,p.27.)
naître ce qui se passait au delà de la plantation, et dont la
plupart n'avait jamais franchi les limites, quel a été l'éton-
nement du planteur de revoir sur ses terres des bras qui ne
les avaient abandonnées que pour essayer si la liberté qu'on
venait de leur accorder était réelle! »


4° Autant en faut-il penser, à plus forte raison, des noirs
qui, après avoir abandonné les cultures, au lieu de se fixer
dans les villes, ont employé leurs petites économies, et les
avances qui leur étaient faites par les sociétés religieuses
auxquelles ils appartenaient, pour acquérir de petites pro-
priétés et fonder des villages libres', où ils vivent de leur
travail, sous la direction d'un missionnaire. C'est encore là
une tendance fâcheuse, sans doute. Nous aurons occasion
de revenir, dans la suite de ce rapport, sur ce fait impor-
tant et sur les circonstances qui l 'ont déterminé; mais, pris
en soi, s'il compromet jusqu'à un certain point la produc-
tion des denrées coloniales, il prouve plutôt en faveur de
l'aptitude des noirs au travail libre et volontaire.


Voici comment s'exprime à ce sujet un Français qui a vi-
sité ces villages libres à la Jamaïque, en 1 8 3 9 :


«Le missionnaire présent à cette réunion, M. PhilippO, Annexes au rapport deM.J. Le-
va a. proposé de venir dans les montagnes visiter un village ^ier,f-partie, P . il.
libre, fondé sous sa direction, groupé autour d'une chapelle
qu'il a bâtie, et composé de familles noires vivant en état
de mariage. J'ai saisi avec empressement l'occasion de voir
un établissement de ce genre, d'autant plus que la fondation


RAPPORT DE LA COMMISSION COL. 5




( 34 )


de ces villages libres a déconcerté jusqu'aux propriétaires
d'Antigoa, plus sensés et plus habiles que tous les autres.


« Le missionnaire a d'abord acheté un terrain, puis il l'a
vendu par lots d'environ une demi-acre aux divers chefs de
familles qui sont venus s'établir autour de sa chapelle. Le
village, situé sur une haute montagne, et loin des habita-
tions à sucré, se compose d'environ trente cases fort pro-
pres , couvertes dé paille, et bâties par les noirs eux-mêmes;
il porte lë nom de Slrgovillé. La petite famille vit en général
en bon .ordre et en bonne intelligence. Le jardin est cul-
tivé avec goût, en racines et en végétaux alimentaires,
l'igname et la banane particulièrement.


« G'est sansdôùte ce fait dé la fondation àesfree-villages qui
a donné lieu à la fable rapportée, par quelques visiteurs,
d'unefuite des noirs danslesmontagnes Bleues. Lesmontagnes
Bleues, qui n'ont pas même la propriété assez ordinaire aux
montagnes, d'être couvertes de bois, sont entièrement in-
habitées, et regardées jusqu'ici comme inhabitables même
par les noirs. Les anciens esclaves qui ont quitté le travail
de la canne à sucre ne sont devenus, il faut le reconnaître,
ni vagabonds, ni vicieux; cette espèce de gens ne se trouve
que dans les villes, et jusqu'ici on n'a pas vu de villes euro-
péennes, américaines, asiatiques ou africaines, dans lesquelles
elle ne se rencontre pas. Les déserteurs de la canne à sucre
ne se sont pas séparés de la race blanche et de la civilisa-
tion chrétienne, mais il est également juste de reconnaître
que les free-viilages sont une attaque directe contre la culture
exclusive des denrées dites coloniales, surtout de la canne
à sucre. »


Cette tentative, de la part des noirs, de s'établir pour
leur propre compte, de vivre à titre de petits propriétaires,
a été faite à peu près partout, avec des succès divers, selon
les localités. « Partout où ils ont pu se faire une position in-
dépendante , dit M. le capitaine Layrie, ils n'ont pas balancé
à travailler pour leur compte, et conséquemment ont di-
minué les bras naguère employés aux champs; c'est ce qui
est arrivé à Sainte-Lucie, à Saint-Vincent et à la Grenade.


« Des terres ont été achetées à Antigoa, dit le même obser-
vateur; des villages se sont formés.» Mais il ajoute que la créa-
tion des villages à Antigoa a fait peu de progrès.




( 35 )


5.


«Moins encore à la Trinité», pays de bois, plat et SOUYent Publications de la marine,
sous l'eau. Là, le noir est obligé de se tenir dans le voisinage v o 1 ' ' p - 2 6 3 '
des habitations dans 1'ÍmpOSSÍbÍlÍté OÙ il est de Se livrer à , Comparer avec le témoignage


r de M. Burnlej. (Ibid., 3" vol.,
de petites productions que les pluies abondantes de l'année p. 217.)
ne souffriraient pas. «Moins à la Barbade, où, la terre et l'état , Publication de la marine,


. „ , . . 6'ml-,p-494.
atmosphérique ne se prêtant pas à la petite culture, le noir Témoignage de M Prescod.
des campagnes ne trouve d'existence que dans le salaire que ^ b u í ' S t">'' ' p ' S 1 ¿ > ' ^
lui donne le planteur. »


Maisen revanche, dans les grandes colonies delà Jamaïque
et de la Guyane, cette tendance s'est développée sur une
vaste échelle. C'est ce qui résulte, quant à la Jamaïque, du
témoignage de M. Barkley, associé à une grande maison de
commerce de Londres, et récemment revenu d'une tournée
générale dans les Indes occidentales. , pf k a t i o n . s l f A ^ T L '
° 3 vol., enquête de 1H40, p. 206.


D. Un grand nombre de nouveaux libres n'ont-ils pas
fait des épargnes assez considérables pour se rendre acqué-
reurs de petites propriétés ?


fi. Oui.


D. Ne se sont-ils pas quelquefois associés pour acheter
collectivement de grandes propriétés?


R. On ne cite guère d'exemples d'associations de ce genre
à la Jamaïque, mais je sais qu'il s'en est formé plusieurs
dans d'autres colonies, et principalement à la Guyane.


D. Ce goût de la propriété qui s'éveille chez la popula-
tion noire ne doit-il pas stimuler son industrie?


R. Oui; mais aussi enlever des bras à la culture coloniale.


D. Cependant ils ne peuvent sans travail arriver à possé-
der une somme suffisante pour se rendre acquéreurs de ces
petites propriétés, objet de leur ambition?


R. Leur ambition peut être satisfaite à très-bon marché.
Que désirent-ils en général? Posséder une acre ou deux de
terre. Eh bien! il n'y a pas de nègre, s'il a travaillé avec
quelque régularité depuis son émancipation, qui ne soit
aujourd'hui en état de faire une telle acquisition. Il y a à
vendre à la Jamaïque une immense quantité de terrains
dont l'acre ne vaut pas plus de 3 à 6 livres sterling: cette 75àl50fr.
somme est le prix de quelques mois de salaire.




( 36 )
D . En travaillant régulièrement, les noirs peuvent-ils


faire des épargnes considérables?
R. Oui.


D. Lorsqu'ils sont possesseurs de leur petite propriété,
s'en contentent-ils, et se retirent-ils du travail des habita-
tions?


R. Oui. Je ne veux pas dire néanmoins qu'il en soit
toujours ainsi : un grand nombre d'entre eux ne considèrent
leur petit bien que comme une ressource en cas de ma-
ladie, ou un refuge pour le temps de la vieillesse ; mais, en
somme, ces acquisitions nous enlèvent des bras et diminuent
notre production. ,


» , i » T T Une dépêche de sir Charles Metcalfe, gouverneur de la
Annexes au rapport de M. J. Le- r o


chevalier, 2" partie, chap. vm-, Jamaïque, en date du i4 décembre 18/10, donne la statis-
détails complémentaires sar la . r . . t ...


Jamaïque, p. 406-407. tique et le mouvement progressif de ces établissements.
«L'état suivant, .écrit-il à lord John Russell, alors mi-


nistre des colonies, indique qu'un grand accroissement a eu
lieu de i 8 3 8 à i8ào, dans le nombre des propriétaires de
petis lots de terrain de diverses paroisses rurales de cette
île. Cet accroissement provient presque en totalité des nègres


loir également,à ce sujet, le émancipés. Le nombre recensé en i838 était de 2,01 / i , et,
discours de hrd Stanley, èLs la e n , 8 4 d e „ 3 4 8 » . Suit l'état comparatif, paroisse par
séance du 22 mars 1642. (Publi- 1 c ' r i r
cation de la marine, 5' vol., p. 134 paroisse.


^ A la Guyane, ainsi que cela est indiqué dans le témoi-
gnage précédent, c'est, en général, par voie d'association
que les noirs ont procédé.


_ ,,. . , , D. Pouvez-vous fournir à la Commission, demande-t-on
Publications de la manne,


X vol. p. 221. a M. Warren, quelques détails circonstanciés sur les achats
de terre faits à la Guyane par la population noire ?


R. A la Guyane, les noirs ont acheté une grande quantité
de petits terrains de deux à trois acres, et plusieurs fois ils
se sont associés pour acheter des habitations entières. Avant
mon départ de la colonie, l'habitation Middlesex et Beau-
séjour a été achetée de cette façon par une association de
noirs, composée de vingt à trente individus environ.


£). Cette habitation était-elle considérable ?


H. C'était une ancienne caféière assez vaste, mais qui




( 37 )


était abandonnée depuis plusieurs années, et qui venait de
passer dans les mains de trois ou quatre spéculateurs, quand
a eu lieu le marché dont il s'agit.


D. Ainsi elle a dû être vendue bon marché ?


R. Oui.


D. Les acquéreurs l'ont-ils payée comptant ?


R. Oui.


D. Comment avaient-ils en leur possession une somme
aussi considérable ?


R. C'était le fruit des économies qu'ils avaient amassées
pendant l'apprentissage.


D. Jusqu'alors, qu'avaient-ils fait de leur argent?


R. La plupart l'avaient placé dans les caisses d'épargne ;
d'autres, plus méfiants, s'étaient contentés de le laisser
s'accumuler chez eux.


D. Ont-fls mis leur nouvelle propriété en culture ?
R. Non; en s'en rendant acquéreurs, ils n'ont eu, je le


crois, d'autre but que de s'y établir en squatters, d'y vivre
du produit de leur pêche et de leur jardinage, d'en couper
le bois pour faire du charbon, et de vendre en détail tout
ce qu'ils pourraient.


D. Ainsi, vous ne pensez pas qu'ils aient l'intention de
se livrer à la grande culture, à la culture des denrées colo-
niales ? -


R. Non, certainement.


D. N'y a-t-il pas d'autres habitations qui aient ainsi été
achetées par les noire?


R. L'habitation Northbrook, ancienne cotonnerie aban-
donnée, sur laquelle il ne se trouvait plus que quelques
bestiaux, a été achetée, l'année dernière par soixante-trois
noirs, pour la somme de 2 , 2 0 0 liv. sterling.


D. Ces soixante-trois noirs étaient-ils constitués en société
régulière ?


R. Non; ce n'était qu'une réunion d'individus agissant
dans le même intérêt.




( 38 )


D. Savez-vous dans quel but ils ont fait cette acqui-
sition ? ,


R. Je ne puis le dire; je sais seulement, comme les jour-
naux et la correspondance du Gouvernement l'ont publié,
qu'ils ont demandé à S. M. de vouloir bien prendre leur
propriété sous son patronage, e t les autoriser à l'appeler
l'habitation Victoria.


D. Quel parti ont-ils tiré de cette habitation depuis qu'ils
l'ont achetée ?


R. Jusqu'à la fin d'avril, date des dernières lettres que
j'ai reçues, ils s'étaient bornés à cultiver des vivres.


D. Pensez-vous qu'ils puissent jamais y cultiver les den-
rées coloniales pour l'exportation ?


R. Deux ou trois d'entre eux peuvent être assez familia-
risés avec les routines coloniales pour être capables de con-
duire une habitation ; mais il faudrait, pour faire un essai
de grande culture, que les autres voulussent bien consentir
à mettre entre les mains de ceux-là la direction de la pro-
priété commune.


D. Les deux exemples que vous venez de citer, d'habita-
tions achetées par les noirs, sont-ils les seuls qui soient à
vQtre connaissance ?


R. Non ; quelques autres achats semblables ont eu lieu
depuis le commencement de l'année : 1 0 l'habitation Beter-
Vermagling, achetée en mars dernier pourle prix de 5, o o o liv.
sterling : c'était une habitation presque tout à fait aban-
donnée, sur laquelle il ne se trouvait plus que quelques
pieds de café et quelque peu de manioc ; a° l'habitation
Orange-Nassau, qui avait une récolte de coton et de ma-
nioc sur pied, et qu ia été achetée, en avril dernier, pour
Je prix de io ,5oo livres sterling; 3° l'habitation Belair, à
Berbice, achetée vers la même époque au prix de ti,ooo liv.
sterling. Des lettres récemment venues de Londres, annon-
cent qu'une société de noirs vient de proposer 4o,ooo dol-
lars de l'habitation Plaisance, à Demerara.


Les derniers renseignements qui aient été communiqués
an Parlement d'Angleterre expliquent, en grand détail, ces




( 39 )


(1) «En 1 8 4 0 , a dit lord Stanley, dans la séance du 2 4 mars 1 8 4 2 , une
propriété dans le voisinage de Annandale, sur la côte orientale, a été acquise
par cent quarante ou cent cinquante cultivateurs, au prix de 2 5 0 , 0 0 0 francs.
Il avait été offert 100 ,000 francs d'une autre propriété, mais le marché n'a
pas été conclu. La même chose est arrivée à Berbicc : on a voulu traiter pour
100,000 francs d'une plantation sur la côte occidentale. Dans ces circonstances,
le prix offert était payable comptant. Le dernier renseignement est d'une date
toute récente. Le 30 novembre 1 8 4 1 , le gouverneur Light écrivait qu'une
plantation sur la côte orientale a été achetée 4 0 0 , 0 0 0 francs, sur laquelle
somme 150,000 francs ont été payés comptant; 25 ,000 francs un mois après
le contrat; le reste était exigible peu de temps après la mise en possession. Sur
les deux cents noirs qui s'étaient associés pour cette acquisition, cent avaient
déjà payé chacun 2 ,000 francs. »


diverses transactions, donnent le nom des souscripteurs et
le chiffre des souscriptions (1) .


Le gouverneur de la Guyane, sir Henry Light, se félicite
hautement de ces résultats.


Les mêmes renseignements font connaître que ce genre Compte rendu par le révérend
> / i . . i i i i i r • - . M . Pickton. (Annexes au rapport


de spéculation a commence récemment a la Jamaïque, ou , d e A L j . Lechevalier, 2- p'Jtie,.
jusque-là, les acquisitions, même lorsqu'elles étaient faites cliaP- vl">P-!'07-)
en commun, avaient pour but des établissements individuels. Témoignage de M. Montgo-


. ^ mery-Murtin. (Publications de la


5° Enfin, admettant, ce qui nous paraît naturel, et ce que marine, 3" vol. p. 208.)
prouvent d'ailleurs une foute de renseignements, que les Témoignage d e K M a c q a < e l t
noirs, durant les quatre dernières années, ont abusé plus (publications de la marine,P. 227,


>. , s , , -, , . , . „ . . , . . 3" vol.) et de M. Berhler (ibid..
ou moins de la liberte quiis venaient d acquérir; quils se p. 251-256).
SOnt m o n t r é s , dans mainte Occasion, indolents OU incons- Témoignage de M. Burnley.


. . . ,., .„ , , (Ibid., p. 267-268.)
tantS, exigeants O U Capricieux ; qu ils Ont travaille, très-SOU- Témoignage de M. Warren.
vent, d'une manière irrégulière; qu'ils ont montré tantôt (Ibid.,p. 270-276.)
une répugnance fâcheuse pour certains travaux, tantôt une u t b t ^ î . Z
méfiance, une aversion mal fondée pour certaines personnes; publications de la marine, p. 71-
en un mot, qu'il y a eu, jusqu'à un certain point, désordre B a p p o r , d u m é m e m r & . n ( e _
dans le travail et perturbation dans la production, le tort en Lucie, Saint-Vincent et la Gre-


.. , . . _ „ ,, , , nade. (Ibid.,p. 125.)


est-il a eux seuls ? Le Gouvernement d une part, les planteurs B a p p g r t d e m G ¡ ; ¡ U e t m r k
de l'autre, ne doivent-ils pas s'imputer une partie du mal? Guyane. (Ibid., p. 368.)


Rapport de M. Dcjean de la


C'est l'opinion du Gouvernement, en ce qui concerne les Bâtie. (Ibid., p. 620-626.)
planteurs; c'est l'opinion des planteurs, en ce qui concerne , l^PPorl Capitaine Layrie sur
R R R » . 1 la Guyane, (ibid., 5 vol., pat¡.
le Gouvernement. ' 19-26.)


Nous avons déjà fait mention tout à l'heure de quelques-
uns des reproches que le gouvernement britannique n'a




( 4 0 )


cessé d'adresser aux planteurs; tous les documents en four-
millent.


Sir Georges Grey, sous-secrétaire d'État des colonies, a
été entendu plus d'une fois dans l'enquête de 1836.


Publications de la marine, «N'avez-vous pas dit, lui demande-t-on, que les noirs
3"vol.,p.5j. avaient souvent refusé le travail salarié au commencement


de l'apprentissage ? »


R. O u i ; mais, selon moi, c'est parce que le système du
travail salarié n'a été généralement compris ni par eux, ni
par ceux qui les employaient; il n'a pas été compris par les
géreurs, ainsi que cela est prouvé par plus d'un exemple.
Il est évident, pour moi, que, si on leur avait mieux expli-
qué les termes de la proposition qui leur était faite de louer
leur travail, on aurait obtenu bien plus qu'on n'a obtenu dans
la première période d'apprentissage. La plupart des géreurs
désespéraient du succès de ce système ; ils croyaient inutile de
faire des efforts semblables à ceux qu'ont faits M. Shirley et
quelques autres propriétaires. Je ne doute pas que partout
où l'on aura pris de meilleurs moyens, on n'obtienne main-
tenant, pour un salaire convenable, le travail des noirs du-
rant le temps qui leur appartient.


D. Dans le cas de refus de travail salarié, lord Siigo n'a-
t-il pas remarqué que la cause de ce refus était plutôt dans la
conduite du maître que dans la mauvaise volonté des ap-
prentis?


R. Suivant l'opinion de lord Sligo, ce refus provenait,
soit de la modicité des salaires qui avaient été offerts, soit
de la dureté des régisseurs.»


. Hansard, Pariiamentary De- 0 n P e u t également consulter, à ce sujet, le discours pro-
bates, 3"série, tome40,p. 1317- nonce par lord Glenelg, secrétaire d'État des colonies, dans


la séance du 20 février 1838 .


Publication de la marine, « J e n'hésite pas à déclarer à votre seigneurie, écrivait,
2*vol. ,p. 108-109. l e 3 décembre i 8 3 8 , le gouverneur de la Jamaïque, qu'il


ne manque au succès du travail libre, à la Jamaïque, qu'un
traitement équitable accordé au travailleur. La nécessité,
ce grand régulateur des intérêts humains, peut encore ame-
ner ce succès; mais, d'une part, les mauvais procédés, de
l'autre, le mécontentement, ont gravement interrompu le




( 41 )


travail ; U en est résulté une grande perturbation dans la
culture de l'île. »


« Par diverses causes, écrivait-il encore le 8 j anvier 1 8 3 9,
la disposition au travail ne s'est pas accrue certainement :
les deux parties sont déraisonnables, parce qu'aucune loi
n'assure à l'une le salaire, à l'autre le travail convenu. »


Tout le monde est d'accord que dans la grande querelle
survenue entre les planteurs et les noirs, à propos du loye :
des cases et jardins, plus de la moitié des torts était du côté
des planteurs.


«Il m'est pénible, écrivait, à ce Sujet, le gouverneur de Publications de la marine,
la Jamaïque, de ne pouvoir adresser à votre seigneurie un 5 v o l ' P - 1 0 i -
rapport plus satisfaisant de l'état de l'île, mais deux faits des
plus importants sont établis par l'expérience : le noir libre
s'est partout montré désireux de travailler, moyennant une
juste rémunération. Bien^loin de se retirer dans les bois
pour y croupir dans l'indolence, comme le prédisaient les
ennemis de l'émancipation, il se soumet aux plus mauvais
traitements plutôt que de se laisser chasser de sa case. »


Et plus bas :


« Malgré beaucoup de tentatives faites pour produire une
baisse factice dans le prix du travail, et quel que soit le joug
qui s'appesantisse sur les classes des travailleurs, leur con-
duite a été patiente et soumise au delà de tout éloge. Je suis
sans crainte pour la tranquillité de l'île, quoique je sois
impuissant à prévenir les cruels excès dont ces classes ont
à souffrir. »


Quant aux griefs des planteurs contre le Gouvernement,
on les trouvera résumés dans le témoignage de M. Burnley, Proch-vcrbaux de la commis-
et dans la brochure que ce colon très-éclairé a publiée à s i o n -f.f^*- *<""*Aai0J(-
Londres, en 1862 : ils portent principalement sur la fai-
blesse que le Gouvernement n'a cessé de montrer vis-à-vis le
parti abolitioniste; sur la suppression des deux dernières
années du régime d'apprentissage ; sur l'absence de toute
précaution par lui prise pour ménager la transition de
l'esclavage à la liberté, pour empêcher que la rareté des bras
n'élève démesurément le taux des salaires, pour maintenir
les grandes cultures et prévenir les changements brusques
dans la direction et la distribution du travail : griefs qui,


RAPPORT DE LA COMMISSION COL. 6




( 4 2 )
nous aurons dcrjâsiôtt de' l'expliquer1 plus tafd, rte paraissent
que trop bien forfdés.


î i suit de tout ceci qu* ïarépagftanee des nnirsàtf travail
en gé&ét?ai, que leur éloigftement p o w le travail suivi, ré-*
guJiev, pénible,, «pr'exigèftt la culture et la fabrication dés
denréestropicales," n'entrent point comme élément unique
dans la perturbation qu'a éprouvée depuis huit ans la pro-
duction coloniale; g/ïe l'iafluenee des saisons y es* pour
quelque chose-, que les; planteurs y ont contribué, soit en
changeant volontairement leur mode de culture, stiit en
exerçant sur les noirs des exaction?" réprébensibles, et que
le Gouvernement y a contribué de son côté on montrant, à
plusieurs égards, de 1* mollesse et de l'imprévoyance ; que
le travail proprement dit a plutôt changé d'emploi et de
but qu'il n'a réellement diminué (r).


Il s'ensuit également que cette cette perturbation, très-
fâcheuse , très-déplorable sans doute, n'a point altéré essen-
tiellement , et pour l'avenir, les conditions de la prospérité
coloniale , puisque les planteurs ont reçu, d'une part, l'in-
demnité qui les'a mis en état de faire face aux charges nou-
velles que leur impose l'obligation de salarier les travail-
leurs ('a-), et dè l'autre, grâce à l'élévation des prix, un revenu
en'-argent au moins égal à leur revenu antérieur.


C'est un fait que nous avons établi directement'en invo-


Publicalions de la marine (1) « Les noirs, d i t l e capitaine Layrle, n'ont pas abandonnées cultures; c'est
5' vol ,p. 21. urifàitïMàmténatft'si 1, par'travaH, ari entend celui qui rapporte au planteur,


Voir le rapport du même ojfi- celui qui, sous le régime précédent, profitait à une poignée de blancs, qui le
cier sur ̂ Saint-Vincent, ^Sainte- monopolisaient, ilse fait moins de travail-à présent, c'est vrai, c'est incontes--
Mcieet^a nena e.(lbm.,6 vol., jj^jj^ ASàis", si l'on fait entrer en ligne de compte le travail des noirs sur leurs


prôpïfe6!ieffainfe*(c'at>i!' est-notoire qu'il a été fait, depuis trois ans-, pour cent
mille livrés sterlirigj'-abbkts( 2 , 5 0 0 , 0 0 0 f ) par les affrancbi», on trouve-que la-
diminution de travail n-'estpas aussi considérable qu'elle le paraît d'abord;
seulement le travail a pris une autre direction. »


a On est vraiment surpris, disait récemment à la Chambre des communes, le
ministre-dos colonies, de la masso'do travaux qui ont été exécutés& la Jdmatque,
soit en constructions, plantations, terrassements et clôtures, sans qu'il y ait eu
ralentissement trop sensible dans le travail journalier de la population. La
raison en est que , dans le pàsSagë'de'sonnouvel état à'une'situation'où des
désira nouveaux;, dis'dspéranoes nouvelles lui étaient periAis, et ou une* res-
ponsabilité nouvelle lui était imposée; les forceskle l'esclave se sont accrues'et
l'ont rendu capable de cultiver sa propre terre et de travailler en même temps
suriiss plantations. »


(2) Vob'ntSttomom»; à c e s t ^ e t ; la 3? partie* S 4 du présent rapport.




( w )


quant l'autorité irrécusable de» registres de la douane mé-
tropolitaine s nous pouvons l'établir indireetement, mais
non moins irrésistiblement par un procédé inverse, c'est-à-
dire en prouvant que , depuis l'émancipation, lies exporta-
tions de la métropole dans les colonies à esclaves n'ont pas
cessé d'augmenter d'année en année.


Si l'état des colonies était tel, en effet, que les colons
anglais et, d'après eux, les magistrats et officiers français en-
voyés dans les colonies anglaises le dépeignent quelquefois, si
les colons anglais étaient ruinés, sans crédit, sans ressources;
si leurs propriétés étaient sans valeur vénale, sans revenu,
sans avenir; si la race noire était une race stupide, brutale,
croupissant dans l'indolence, insensible à l'attrait d'un
salaire et aux jouissances de la civilisation, que devrait-il
arriver?


Les exportations de la métropole dans les colonies de-
vraient progressivement diminuer. Entre des contrées qui
commercent ensemble, les importations et les exportations
se commandent réciproquent ; elles se provoquent, se dé-
terminent, et, en définitive, se compensent. Qui n'a rien
ou peu de chose à offrir, n'a rien ou peu de chose à rece-
voir.


Voici les faits :


Ils sont puisés dans un document officiel publié annuel-
lement parle département du commerce (Board oftrade),
sous le nom de Tables of ihe revenue, population, COtH7ïl6rC€oj Usuellement désigné sous le
the United Kingdom 'and its depe'ndencies. "om f Iff'',™"; fP°*-


y r fer est chej au bureau statistique
au département du commerce.


Produits exportés de la Grande-Bretagne aux Indes occidentales a nnexes au rapport de M. J. Le-
età Maurice {évalués en francs.) f"¡£t' * ^


P É R I O D E D ' E S C L A V A G E .


INDES OCCIDENTALES. MAURICE.


; ••• — -


i83o. 70,961,200' 4 ,oa5,725 f


i83i 64,54.8,725 3,711,875


i832 60,995,200 4,079,775


i833 64,939,726 2,085,600


261,444,85o 13,902,975


6.




( 4 4 )


P É R I O D E D ' A P P R E N T I S S A G E .


Iodes occidentales. Maurice,


i 8 3 4 67,600,000' 3,732,975'
i 8 3 5 67,968,850 A ,g i3 ,975
i 8 3 6 . . . . . . . . 94,66i ,3a5 6,521,375
1837 86,418,625 8,327,200


3i6 , 648 ,8oo 23,495,525


P E R I O D E D E L I B E R T E .


i 8 3 8 84.836 ,02 5' n , 6 8 3 , 5 5 o f


1839 99,664^950 5,ig3,225


Les Porter s Tables pour les années i 8 4 o et 1841 ne sont
pas encore publiées; mais le ministre des colonies, lord
Stanley, a indiqué, dans la séance du 22 ma*6 1842, que
les exportations des deux dernières années s'élevaient,
l 'une, au delà de 100 millions, l'autre, à environ 87 mil-
lions.


O t S chiffres parlent plus haut que tous les raisonne-
ments. Est-il possible de considérer comme en décadence
des sociétés où la consommation, c'est-à-dire l'aisance et
le bien-être s'accroissent avec cette rapidité.


M. le capitaine Layrle, dans son rapport sur la Ja-
PubUcaiwns de la marine, maïque (juin i84o) , s'est efforcé d'expliquer un tel ac-


4 vol.,p.91. croissement d'importation, en représentant cette île
comme un centre commercial d'où les marchandises an-


Voir les annexes au rapport de glaises se répandaient sur le continent de l'Amérique ; mais
M. J.Lechevalicr, 2" partie,chap. . , „ , . „ . .


v m . cette explication, qu elle qu en puisse être la valeur, ne
Honduras,,p. 303; s'appliquerait qu'à la Jamaïque exclusivement, tandis que
Tabagot,p'.,3l3; l'accroissement d'importations a eu lieu dans toutes les co-
l a Grenade, p. 318; lonies anglaises indistinctement, sauf les deux petites colo-
Saint-Vincent, p. 323-328; ° r


La Barbade, p. 329-332; nies de Montserrat et de Névis, où la balance s'est à peu
Sainte-Lacie, p. 333 ; , . .
La Dominique, p. 338; P r e S maintenue.
Saint-Christophe, p. 343; Qe qu'il e s t V ra i de dire et juste de faire remarquer, c'est
Antigoa, p. 351-356; ^ . J • „ . ,


Nhis, p. 356; que cet accroissement de consommation, d aisance, de jouis-
Us Bdiamas p 364 «ances, ne semble pas s'être partagé également entre les
Les Bermudes, p. 368; propriétaires et les travailleurs. La part des noirs paraît avoir
Maurice']p'. 38*6. ' été de beaucoup la plus considérable en raison de l'élévation
LOIR aussi le rapport de M. le ^ e s s a i a i r e s ; e t c e c i n'a pas été sans inconvénient pour leur


capitaine Layrle sur la Guyane. ± • *•
(Publicationsdelamarine,5' vol., caractère moral.
P . 17.)




( 4 5 )


« Le luxe n'a-t-il pas fait des progrès chez les nègres de la Ja- E n i ) u ê t e ¿ i m ( P M i c a t i o n
maïque depuis l'apprentissage? » demande-t-on à M. Barkley. d e l a ™»™«> 5* vol., ?, 207.)


fi. Oui; c'est particulièrement les jours de fête qu'ils
aiment à se mettre en frais. Ils achètent alors du riz, du por-
ter, des jambons, et des articles de luxe, de toilette, à profu-
sion.


D. Le désir de se procurer ces objets ne les pousse-t-il
pas au travail ? •


fi. Sans doute; ils ne travaillent plus aujourd'hui que
pour ce seul motif.


«Le goût du luxe et de la toilette ne va-t-il pas toujours Md.,p. 216.
croissant chez,les noirs?» demande-t-on à M. Macqueen.


fi. Beaucoup trop.


D. Mais, pour satisfaire ce goût, ils doivent être obligés
de travailler?


fi. Les noirs avaient fait des épargnes considérables
pendant l'esclavage : on m'a assuré qu'au moment de
l'émancipation, ceux de la Jamaïque se trouvaient pos-
sesseurs d'un million et demi sterling, au moins; cette
somme a été follement dépensée en objets de luxe et de
toilette. Les négociants se sont empressés d'exploiter la
circonstance, et y ont trouvé une source féconde de bénéfices.
C'est pour cela sans doute qu'ils affirment avec tant d'assu-
rance que les affaires coloniales sont dans^ine situation
meilleure que jamais.


D. Ce goût, aujourd'hui qu'il est éveillé chez la popula-
tion noire, ne doit-il pas, à l'avenir, la solliciter au travail?
N'en ^era-t-il pas de nos Indes occidentales comme de nos
villes manufacturières, dont les populations contractent des
habitudes de comfort qu'elles ne peuvent satisfaire ensuite
qu'à force d'activité et d'industrie ?


fi. En Angleterre, l'ouvrier industrieux qui est parvenu
à amasser quelques économies, craint, avant tout, de les
voir diminuer. Il travaille sans cesse à les augmenter, en même
temps qu'il cherche à accroître son bien-être. 11 n'en est pas
de même de la population noire, qui n'amasse pas pour
améliorer sa situation, mais pour se procurer quelques
jouissances momentanées qui flattent sa vanité. Ainsi vous




( 46 )


voyez les f e m m e s employer à l̂ eur toilette les ctpffqs les
plus élégantes, les hommes froire du pprter et du vin $e
Champagne; les plus pauyres familles servir sur leujFs tables
des mets fins et dispendieux. Peut-on croire que jamais ces
extravagances tournent au profit du travail et de la prospé-
rité commune? J'ai habité Glascow pendant plusieurs années,
et j 'y ai constamment observé que les ouvriers les plus
sujets à la misère étaient ceux qui se créaient des besoins
supérieurs à leur condition.


Enquête de 1840. (Publications « Les femmes ne dépensent-elles pas beaucoup d'argent
!lamarine,3'vol,r.217.) p o u r l e u r toilette?» demande-t-on â M. Burnley.


R. Leur façon de se vêtir me paraît une véritable extra-
vagance, et je ne pense pas que le taux actuel du salaire
soit aucunement favorable à leur amélioration morale. Elles
gagnent aujourd'hui plus d'argent que ne le comporte leur
condition.


«pVSavez-VQus, si, à la Guyane anglaise, l'importation
lbid.,p. 225. d e s objets de consommation destinés à la population noire


a augmenté depuis la période d'apprentissage?» demande-t-
on à M. Warren.


R. Gui; mais seulement en ce qui concerne certains
objets qui né sont pas de première nécessité pour cette po-
pulation, tels que les souliers, les bas, les gants, les étoffes
de Manchester, les ombrelles, les parapluies, les articles de
joaillerie et de bijouterie, les chapeaux fins d'hommes et
de femmes, les dentelles, les fusils, la poudre et le plomb,
les liqueurs, les vins étrangers, le genièvre, le sucre en pam,
la farine de froment, le charbon de terre; le beurre, les
conserves et les salajs.QnSj le jambon. Quant aux objets de
première nécessité, tels que les couvertures de laine bise,
les étoffes grossières, les chapeaux communs, les toiles de
Guinée , le riz , les céréales, la morue, les poissons salés, les
merrains, les toiles à sac, l'importation au contraire, en a
sensiblement diminué.


D. Cpmptez-vous le vin de Champagne au nombre des
vins étrangers?


R. Oui ; les noirs en font un usage fréquent dans toutes
leurs fêtes.




( 4 7 )
£>. Lés aHfeiès que vrÀrs1 venez de désigner comme objets


dé luxe sÔnt-ils1 l'objet d'une consommation' considérable
de lâ : paît dés1 noirs?


JR. Oui ; les noirs en sont les principaux consomma-
teurs.


D. Ainsi vous attribuez l'accroissement de l'importation
de ces objets a la plus grande consommation qui en a été
faite, depuis l'émancipation, par la population rioire ?


R. Oui.


D. A votre avis, quel sera l'effet de ces nouvelles habi-
tudes de luxe et de dépense sur la population noire ?


R. En thèse générale, le luxé est un fléau pour la popu-
lation ouvrière; cependant, il est certains cas où il peut
exercer sur elle une sorte d'influence utile, en stimulant leur
industrie ; mais ce ne peut être là qu'un mobile accidentel,
et l'on ne saurait évidemment y compter pour obtenir un
travail constant et régulier.


Les rapports adressés au département delà marine s'ac- Rapport du capitaine Lay de sur
i . . i , T i f i J i t ' a Trinité. (Publications de la


cordent avec ces témoignages. Us lont cependant exception, n i a n - n e < 4 « ^ p 211 )
en ce qui concerne la Jamaïque, où le bien-être de la po- R a p p o r t d a c a p M n e L a j r i e m r
pulatiôn' noire ne semble pas, aux observateurs français, la Guyane. (IMd., 5'vol., p. 40.)
avoir augmenté dans la même proportion que dans les'au- Rapport du capitaineLayrle sur


, . . m r v • T , la Jamaïque, 1840. ( Ibid, 4'vol.,


très colonies; en ce qui concerne Maurice, M'. Dejean dë p 88.)
la Batié s'efforce de prouver, par des calculs qu'il n'est pas' R a p p o r l d a c a p i t a i n e L a y A e s u r
toujours aisé de saisir, que le bien-être des noirs a diminué lu même tu, 1841. (Ibid., 5'vol.,
dans cette île. Il est cependant forcé de convenir que, sous P ^
, . , 1 • Rapport de M. Dejean de la


le point de vue des- objets de luxe, la consommation a Bâtie, (ibid., 4'vol., P . 395 et
suivi les progrès de l'élévation des salaires. passim.J


Quoi qu'il en soit, i l ésÇcbhstaiftt1 que te'cbngdmïfiatioh
des objets^ d'utilité ét d'agrément' àgrandement augmenté
dans les colonies anglaises depuis l'émancipation ; il est
constant que la population rtoire a grandement participé à
cet aceVOissërrientde!consommation; il est cohstaitt qùtfl'é-
lévation des-salaires1 a été pour'elle là* causé de cet accrois-
sement de bien-être; par conséquent, il est constant, d'une
parti que la population' noire a travaillé ; d'une autre part,
qu'elle n'est nullement indifférente aux jouissances dé'la ci-
vilisation. Qu'ensuite, dans les premiers'nltoments d'une




( 48 )


liberté nouvelle, les noirs en aient plus ou moins abusé pour
travailler, comme nous l'avons dit tout à l'heure, d'une
manière irrégulière et capricieuse, au grand détriment des
planteurs; que, dans les premiers moments d'une aisance
nouvelle, les noirs en aient plus ou moins abusé pour
se livrer à certains dérèglements , il n'y a rien là, mal-
heureusement , que de naturel, et la faute peut-être en est
moins à eux qu'au gouvernement métropolitain ou local,
qui les a livrés brusquement et sans garantie à ces tenta-
tions périlleuses.


Nous ne trouvons donc rien, dans l'expérience anglaise ,
qui justifie ni les assertions péremptoires des conseils
coloniaux, ni même les appréhensions excessives des ma-
gistrats qui composent les conseils spéciaux de nos colonies ;
et nous persistons à penser qu'en prenant le temps nécessaire
et les précautions convenables, en profitant de l'exemple
de l'Angleterre pour éviter les fautes dans lesquelles le gou-
vernement anglais paraît être tombé, on peut espérer rai-
sonnablement de ménager, dans les colonies françaises, le
passage de l'esclavage à la liberté, du travail contraint au
travail salarié, sans compromettre la fortune des colons
dans ce qu'elle a de réel, et le maintien des grandes cultures
dans ce qu'elles ont d'essentiel à la prospérité coloniale.


Dès qu'on le peut, on le doit ; nous l'avons dit tout à
l 'heure, et nous n'hésitons point à le répéter : dès que la
raison permet d'affranchir les esclaves, la justice l'exige,
l'humanité en fait un devoir. Mais, indépendamment de ces
considérations purement morales, il en est d'autres non
moins pressantes : ce que la justice commande, la saine po-
litique le conseille; la prudence, la prévoyance la plus vul-
gaire parlent aussi haut que l'humanité.


Que l'on ne se méprenne point sur notre pensée.
Nous ne disons point qu'il soit à propos d'émanciper


immédiatement les esclaves; nous ne l'avons jamais dit.
Nous avons dit, l'année dernière, et nous disons aujour-
d'hui que le moment est venu de faire cesser, à ce sujet,
l'état d'incertitude qui pèse sur les colonies, d'assigner
l'époque et les conditions de l'émancipation, de régler défi-
nitivement la position respective des blancs et des noirs,
des piopriétaires et des travailleurs, d'ouvrir une ère nou-




( 49 )


RAPPORT DE LA COMMISSION COL. 7


veile, en assurant aux uns comme aux autres un avenir sur
lequel il leur soit permis de compter.


Les raisons qui nous déterminent à en juger ainsi sont
si simples et si claires, qu'il suffit en quelque sorte de les
énoncer.


Les colonies françaises sont, pour la France, ce que
sont toutes les colonies pour toutes les métropoles : en
temps de guerre, des postes militaires; en temps de paix,
des établissements commerciaux.


La France n'est pas la première des puissances maritimes,
mais elle est la seconde. Il importe à la France d'avoir, en
temps de guerre, dans les mers que parcourent ses es-
cadres, des lieux de relâche, bien fortifiés, où les vais-
seaux français puissent trouver un abri contre les tempêtes,
et, au besoin, un point d'appui contre des forces supé-
rieures. Pour intercepter le commerce de l'ennemi, il im-
porte à la France d'avoir sur tous les grands embranche-
ments des voies commerciales, des stations, des croisières.
Sans colonies, nos stations, nos croisières, seraient à
chaque instant compromises. Nos colonies, situées, les unes
à l'entrée du golfe des Antilles, les autres sur la grande
route des Indes orientales, sont très - propres à concourir
ainsi au succès de nos armes. La baie du Fort-Royal, à la
Martinique, est le plus beau port des Antilles, et des flottes
nombreuses peuvent, en tout temps, y mouiller sans dan-
ger. Le port de la Pointe-à-Pitre est également très-beau, jvofice* statistiques sur les co-
très-sûr et très-commode. Mais pour que nos colonies de- /ravises, publiées par le


* _ x département de la manne, ï par-


meurent, en temps de guerre, au niveau du rôle que leur tié,p.ii,154.
assigne leur position géographique, il ne suffit pas d'en
fortifier les dehors; il faut avant tout les pacifier au de-
dans.


Maintenir désormais l'esclavage, c'est risquer de les livrer
à l'ennemi. Aujourd'hui que l'esclavage est aboli dans
toutes les colonies adjacentes, supposons une guerre avec
l'Angleterre ; le premier coup de canon serait un appel au
soulèvement de la population esclave à la Martinique et à
Bourbon, à la Guyane et à la Guadeloupe.


A la Martinique, à Bourbon, la population esclave est




( 50 )


double de la population libre ; à la Guyane, elle est triple;
à la Guadeloupe, elle est presque quadruple. Si cet appel
était soutenu par des démonstrations vigoureuses, par l'ap-


Notices statistiques, F partie, parition d'escadres nombreuses, par le débarquement de
;; 51-165; 2' partie, p. 35-182. r , . l , . - , , , , ,
' • régiments noirs déployant, à grands cris, 1 étendard de ia


' l iberté, qu'arriverait-il?
. X .


Ni les Conseils coloniaux, ni les Conseils spéciaux de
nos colonies, ne semblent avoir osé regarder en face cette
éventualité formidable.


Questions relatives à l'abolition L e Conseil colonial de la Martinique tremble, dit-il, à la
de l'esclavage, 2* partie. ,


Délibération du Conseil coh- seule pensée de voir la guerre surprendre les colonies au
niai de la Martinique, p. 33. m i J i e u d - u n e transformation sociale. Mais, si c'est la guerre


elle-même qui opère cette transformation, la guerre, avec
les désordres, avec les violences qu'elle entraîne, à plus
forte raison, n'y a-t-il pas là de quoi trembler ?


Le Conseil spécial de la Guadeloupe se borne à faire re-
ibid. Délibération da Conseil marquer « qu'une guerre avec l'Angleterre augmenterait sans


spécial de la Guadeloupe, p. 98— , , , , ., 1 . , A


127-U3 doute beaucoup les périls du stata quo; mais qu elle accroî-
trait peut-être, à un égal degré, les difficultés de l'éman-
cipation. » Rien n'est plus vrai; mais raison de plus , ce nous
semble, pour mettre à profit le temps de paix, et ne pas se
laisser prendre au dépourvu par les événements.


A notre avis, dans l'hypothèse d'une guerre avec l'An-
gleterre , il arriverait inévitablement de deux choses l'une :
ou les colonies seraient perdues pour la France ; il devien-
drait impossible de contenir une population esclave double,
triple, quadruple en nombre de la population l ibre, et de
repousser en même temps l'ennemi; ou le Gouvernement
français prendrait les devants ; il se hâterait lui-même d af-
franchir lapopulation esclave; l'émancipation serait brusque,
précipitée, dépourvue des préparatifs indispensables et des
ménagements nécessaires. Dans l'un comme dans l'autre cas,
l'ordre public serait compromis et les intérêts des colons
sacrifiés ; il leur faudrait renoncer, ou à peu près, dans ces
conjonctures violentes, à toute espérance d'indemnité. Com-
bien n'est-il pas plus raisonnable de commencer dès aujour-
d'hui une opération difficile et de longue haleine, et d'em-
ployer le temps au lieu de le perdre ?




( 51 )


Mais, en laissant maintenant de côté cette hypothèse de
guerre avec l'Angleterre, hypothèse qu'il ne faut pourtant
jamais perdre de vue, puisque c'est principalement à titre
de postes militaires que les colonies sont utiles à la métro-
pole; en oubliant, si l'on veut, ce qu'il ne faut pourtant ja-
mais oublier, à savoir, que le vrai, l'unique moyen d'éviter
la guerre, c'est d'être en mesure de ne pas la craindre, si
nous considérons les colonies françaises exclusivement
comme des établissements commerciaux, à ce titre, la sécu-
rité, le progrès, voilà leurs premiers besoins. Nous disons
la sécurité et le progrès; car, de nos jours , l 'un ne va pas
sans l'autre : sans sécurité, point de progrès possible; sans
progrès, point de sécurité véritable. Dans le mouvement
rapide qui entraîne désormais les sociétés humaines, ne pas
avancer, c'est dépérir, et dépérir, c'est marcher infaillible-
ment à sa perte.


Sous le point de vue de la sécurité, la position actuelle
des colonies françaises est-elle tenable ? Le maintien perpé-
tuel ou provisoire de l'esclavage est-il compatible avec la
durée des établissements en vue desquels l'esclavage serait
maintenu ?


Selon leur usage, les conseils coloniaux n 'en doutent 'Q^tions relatives à l'abolition
° _ del esclavage, 2? partie.


point. Ils affirment, sans hésiter, «que nul danger n'existe, Réponse da Conseil colonial
pour les colonies, dans le maintien de l'esclavage; qu'au d e ^ 0 W ^ o n ' P - i l > 9 -
contraire, la tranquillité, la facilité, l'économie de leur
gouvernement tiennent au maintien de cette institution. »
Ils déclarent « que les colonies , environnées d'exemples Ibid. Délibération du Conseil


. • i j •. .• • colonial de la Guadeloupe,p. U2.


contagieux, poussées par des excitations extérieures vers
une voie fatale, présentent le phénomène de l'ordre le plus
parfait ; que tOUS les ferments de dissolution , Soulevés in- Ibid. Délibération du Conseil
cessamment, ont bouillonné dans le sein des^sociétés colo- c o h " l i a l d e l a G n y a n e ' p ' m '
niales sans les ébranler dans leurs bases ; » — « que la con- T i m o i ^ e de M. de Cooh,
naissance que les noirs Ont eue de Ce qui Se passe dans les délégué de la Martinique. (Annexe


. . . au rapport de M. de Tocqueville,
colonies britanniques n a point excite chez eux de senti- p. 67.)
ments hostiles ; « — « que, tant que l'esclavage sera mainte- Rapport sur rtle Maurice, pur
nu, il n'est pas à craindre que les colonies françaises cornent M--DeJeian de l,anPaUe> Mlé9"é


* 4 * de Bourbon, p. bob.


de véritables dangers. » Ce langage est bien nouveau dans
la bouche de ceux qui le tiennent. Il n'y a pas dix ans, les
colons prétendaient encore que le seul mot de liberté des
nojrjs, prononcé dans les Chambres françaises, deviendrait




( 52 )


/


le signal d'une conflagration générale ; il n'y a pas vingt ans,
sous le poids des préventions coloniales, trois hommes de
couleur ont été condamnés aux1 travaux forcés à perpétuité,
pour le simple fait d'avoir reçu d'Europe une brochure où
l'on réclamait pour eux les droits que la métropole leur a
depuis accordés. Et maintenant il nous faut admettre que la
liberté, la liberté elle-même, la liberté proclamée, établie,
prêchée sur les toits, à portée de canon de nos colonies,
n'exerce sur l'esprit des noirs aucune action quelconque !
Encore un coup, cela serait extraordinaire. Lesquelles
croire, entre des déclarations si contraires? Ou les ap-
préhensions d'hier étaient bien mal fondées, ou la confiance
est bien téméraire aujourd'hui.


Les magistrats dont se composent les Conseils spéciaux
n'ont pas cette confiance aumême degré. Us reconnaissent, à


K regret, que les événements de ces dernières années ont in-
troduit un grand relâchement dans la discipline des ateliers.
A les en croire, il s'en faut de beaucoup que les côlons
eux-mêmes soient aussi tranquilles qu'ils prétendent l'être.


«Qu'est-ce aujourd'hui que l'esclavage, disait dans le
sein du Conseil spécial de la Guadeloupe M. l'ordonnateur,


Questions relatives à.l'abolition répétant une locution, selon lui, devenue proverbe dans la
^mlblmtionda Conseil spécial colonie? C'est un état de choses où le noir travaille cinq
de la Guadeloupe,p. 128. jours par semaine, le moins qu'il peut, pour son maître,


sans que celui-ci ose lui rien dire. »


«Le pouvoir du maître, dit M. le procureur général de
Exécution de l'ordonnance Bourbon, dans une instruction à ses substituts, doit être


royale du 5 janvier 1840, Exposé m a m t e n u d a n s t o u t e s o n a u t 0 r i t é , déjà si puissamment ébranlée
sommaire, T partie, p.'10. " '


par les espérances exagérées des noirs. »
Le procureur général de la Martinique a constaté, dans


Ihid., 2' partie, p. 47, sa tournée du deuxième trimestre de 1 8 4 1 , que les maîtres
n'osaient plus ni vendre ni acheter les esclaves sans obte-
nir, au préalable, leur consentement formel.


lbid.,p, 55. «La discipline des ateliers, dit ailleurs le même magis-
trat, paraît modérée à la Martinique; et, d'après les rensei-
gnements que j 'ai pris, et ce que j 'ai vu moi-même, il y a
une tendance continuelle à l'adoucir. Cela même devient une
nécessité parles ménagements auxquels oblige la force d'inertie
des esclaves.




Ibid.


( 53 )


Le juge de paix de Saint-Martin, dépendance de ia Gua- 'Exécution de l'ordonnance
deioupe, a constaté dans sa tournée que la portion travail- r o y ^ du 5 janvier 1840. Exposé


r ; sommaire, 2? partie, p. 77.


lante des ateliers était très-faible, tant, dit-il, on a pear de
leur déplaire.


Au moment de son passage dans le quartier de laGrande-
Case, le suppléant du juge de paix a appris «qu'il existait,
ou paraissait exister, une grande fermentation dans les ate-
liers de l'île ; que, sur quelques habitations, les noirs avaient
déclaré ne vouloir rien faire; qu'ils désiraient la liberté,
mais que, si on ne la leur donnait pas, ils sauraient bien la
prendre. »


Tout ceci est assez significatif : aussi ne faut-il pas s'é- Questions relatives à l'abolition


tonner si la plupart de ces magistrats pensent, comme
de mubtZnl^il spécial


nOUS, qu'il est non-seulement bon, mais urgent de fixer, <*? l a Guadeloupe. (Opinion du
. , . . . • i A directeur de [intérieur, p. 98.)


sur un pied nouveau, la situation respective des maîtres et
, i . . , • . . r 11 lbid. (Opinion de l'ordonna-


des travailleurs; que nos observations a c e sujet sont fondées teur,p.ll5.)
sur h vérité; que la soumission des noirs tient, en grande Jbid., 4-partie. Délibération du
partie, aux espérances qu'ils Conçoivent d'une libération Gonseil spécial de la Martinique.


,., „ , , ,., . (Opinion du procureur général,


prochaine, au ils lattendent et s en inaawtent : «qu i ! serait p. 9.)
aussi contraire à la prudence qu'à l'humanité d'ajourner 5« p a r t i e . (Opinion du
des espérances dont on n'exalterait pas sans danger l'in- ^ ^ " ^ ^ ^ " J ™ ' ^ G a a * -
quiétude par des perspectives trop éloignées ; que les colo- Témoignage da procureur gè-


. . j . . .• • 1 . 1 . nêral de la Guadeloupe, devant la


nies, en un mot, sont dans une situation violente, pleine C o m m i s s i o n . ( P r J h ' . v e r b a a X i
d'incertitude, et qui ne saurait se prolonger sans péril. » partie. Séance du 12 juin


Nous nous empressons d'ajouter que, tout en signalant
cet état des choses, ces mêmes magistrats n'en conçoivent


~ » tout., passim.


aucune appréhension prochaine; qu'ils redouteraient bien
davantage une émancipation téméraire, précipitée ; que c'est Questions relatives à (abolition
là surtout l'objet de leurs alarmes; qu'à leurs yeux, les deo'ptZ^'ltdonateur de la
symptômes d'insurrection rappelés par quelques témoins, Martinique,p.207-220.
dans l'enquête de l'année dernière, n'avaient eu ni l'im-
portance ni les caractères que ces témoins leur attribuaient.
Ils affirment que, si les noirs attendent une liberté pro- lbid. ( Opinion du procureur


, . , , , qénéral de la Martinique, p. 9.1


chaîne, c est avec tranquillité, et que, le moment venu, ils
se soumettront aux conditions qui leur seront imposés par
le Gouvernement.


, , „ lbid, 3" partie. Délibération du
« Que le Gouvernement, dit M. 1 ordonnateur de la Gua- Conseil spécial de la Guadeloupe.


deioupe, se prononce dès à présent sur le changement qu'il 1 ° ^ ^ d i r e c t e u r d e l'inti~




( 54 )


entend apporter dans l'organisation de la société coloniale,
sur les phases de ce changement ; qu'il assigne le moment
où la liberté sera complète; qu'une fois ces trois points
fixés, il marche vers le but avec persévérance , faisant res-
pecter également à tous ses décisions, faisant respecter éga-
lement par et pour tous les dispositions qui doivent précéder
et accompagner cette grande œuvre : le noir, dont certaine-
ment on aura pris soin d'améliorer sensiblement la situation,
dont l'esprit sera rassuré sur l'issue de l'état de transition
auquel il restera soumis, le noir attendra, sinon de tout
gré, au moins dans le calme, l'instant qui viendra combler
tous ses vœux. »


Nous entrons pleinement dans cette pensée prévoyante
et vraiment politique.


Oui, disons-nous, s'il faut de la fermeté, il faut aussi de
la prudence; toute émancipation précipitée serait dange-
reuse : il faut prendre le temps nécessaire, il faut une époque
de transition entre l'esclavage etlaliberté; mais cette époque
de transition, plus on la réclame longue, plus tôt il importe
d'en fixer le point de départ. Pour arriver, il faut partir; pour
avancer, il faut marcher; le statu cjuo n'aide à rien , ne mène
à rien ; c'est un impasse où tout se perd en pure perte.


Oui, disons-nous encore, le temps nécessaire, nousl'avons:
les dispositions des noirs n'ont rien jusqu'ici de très-alarmant ;
jusqu'ici, ils ne se montrent ni trop impatients , ni trop
exigeants; il sont encore très-faciles à contenir et à contenter;
mais c'est précisément par cette raison qu'il faut se hâter,
c'est pour cela qu'il faut mettre à profit ces dispositions
favorables. Si nous agissons, nous resterons maîtres du
terrain; si nous n'agissons pas, d'autres agiront à notre
place.


Que la sainte cause de l'abolition de l'esclavage trouve,
en effet, dans un pays libre, des voix qui retentissent et
retentiront au delà des mers , tant que subsistera l'escla-
vage , on ne saurait ni s'en étonner, ni s'en plaindre. Qu'il
se rencontre dans le sein des Chambres des hommes dé-
cidés à rendre l'émancipation nécessaire, disposés à seconder
le Gouvernement, pourvu que le Gouvernement entre dans
cette voie, mais résolus, dans le cas contraire, à en appeler




( 5 5 )
sans cesse et sans relâche à l'opinion , cela est certain; le
passé, sur ce point, nous est garant de l'avenir. Qu'il y ait
dans les colonies, comme partout, plus que partout ailleurs,
des instigateurs de désordre, des hommes toujours prêts à
exploiter, au profit de leurs intérêts ou de leurs passions,
les dangers d'une situation critique et précaire, le témoi- Questions relatives à l'abolition


i . . . , 1 . • • de l'esclavaqe, à" partie.


gnage des magistrats, les proclamations des gouverneurs D m é r J i ? n d u Conseil spécial
nous l'attestent; au besoin, et à leur défaut, le bon sens de la Martinique, p. 9-207.
l'indiquerait. Qu'il soit enfin très-facile, sinon de pous-
ser les noirs à la révolte, du moins de les pousser à la
résistance passive, à l'inertie, à cette fainéantise qui tarit la
production dans sa source, et dont il devient de plus en
plus impossible d'avoir raison, attendu la timidité des maîtres
et la douceur de nos mœurs, les exemples que nous venons
de rappeler le prouvent; mais ce n'est pas là, pour les colo-
nies, le plus grand danger. Le plus grand danger, c'est la
facilité des évasions : les noirs ne sont pas seulement en
position de se refuser plus ou moins à l'obligation du tra-
vail gratuit, il dépend d'eux de s'y soustraire entièrement.


'La Martini^ie n'est qu'à huit lieues de Sainte-Lucie, an-
cienne colonie française, et à douze lieues de la Dominique, Notices statistiques, l"partie,
autre colonie de même origine ; la Guadeloupe n'est qu'à P '
onze lieues de la Dominique et à huit.lieues d'Antigoa; un
bon vent, l'obscurité de la nuit, la moindre embarcation
suffisent à la fuite de tout ou partie d'un atelier.


Bourbon n'est qu'à trente-cinq lieues de Maurice, colonie ihid., 2epartie,p. 13.
française jusqu'en 1 8 1 5. Questions relatives à l'abolition


La Guyane est un territoire continental, sur les confins < l e l e s ^ a S e > 11 partie.
, , , • i c • , , , . , Opinion du procureur général


duquel se trouvent des noirs de Surinam en pleine indépen- ^ ta Martinique, p. 9.
dance *


Déposition de M. Vidal île
Qu'il y ait là péril, péril réel, péril imminent et à peu Lingende. (Annexes au rapport de


près inévitable, ni les colons", ni les Conseils coloniaux ne le M' d e T o c l m m l l e ' P ' 6 8 - )
contestent. Tous, au contraire, ils s'en prévalent d'ordinaire u^^Jti^^Jbidf'
pour prouver combien les noirs, en négligeant cette extrême „ , , , x , ,„, , , .
x _ _ 0 0 DeM.deJabrun,delegacdcta
facilité de s'évader, se montrent peu impatients de la liberté. Guadeloupe. (lbid.,p. 68.)
Hs ajoutent, qu'en 1 834 , au moment O Ù l'acte d'émancipa- Exécution de T ordonnance
tion a été promulgué dans les colonies anglaises, les évasions r0*f' d u -5 Ja™ier !8U0-


1 0 ° posé sommaire, 2 partie, p. 70.
ont été très-multipliées et leur ont inspiré de très-vives „, . , , ,


, 1 Temoiqnage de M. le procureur


inquiétudes ; mais que le mauvais accueil fait aux fugitifs, général Bernard devant la Com-
la condition déplorable où ils ont trouvé la population ^ ! 5 5 H * M ' f > ' ' '




( 5 6 )


Questions relatives à l'abolition émancipée sous le régime de l'apprentissage, les ont peu à


"'muZf^cts'eilspicial P e U d é S ° Û t é s d e C C t t e l i b e r t é S i V a n t é e e t P l u s i e U F S


de la Guadeloupe,p. 99-100. étant revenus près de leurs maîtres, leur exemple et leurs
récits ont profité à tous les autres.


Si tout cela a été vrai, tout cela ne l'est déjà plus.
D'après les dernières nouvelles reçues de nos colonies,


les évasions, qui n'ont jamais été complètement suspendues,
ontrepris plus d'activité. D'après les détails dans lesquels nous
venons d'entrer tout à l 'heure, la population noire anglaise,
encore esclave de fait sous le régime de l'apprentissage, est
libre aujourd'hui, et jouit de toutes les douceurs de la vie.
Bien autre est par conséquent le spectacle qu'elle présente,
et bien autre sera désormais l'accueil que recevront les fu-
gitifs.


Exécution de l'ordonnance « Les évasions des noirs, dit M. le procureur du Roi de
royale du5janvier1840. Exposé Fort-Royal (novembre i 8 Z n ) , sont assez fréquentes dans
sommaire ,2?partie, p. 62. J \ / ' T.


les quartiers de Sainte-Anne et de Saint-Martin, facilitées
qu'elles sont par la proximité de Sainte-Lucie, qui est à peine
distante de sept lieues. »


Ibid., p. 78. " Les nègres de Saint-Martin, dit M. le procureur du Roi
de la Basse-Terre, sont, en général, très-paresseux et très-
insolents; on n'ose plus les punir, car au moindre châti-
ment l'esclave puni s'évade, entraînant avec lui toute sa
famille. On parlait de cent cinquante esclaves qui devaient
quitter l'île au premier jour , en cernant, à cet effet, les
postes militaires et s'emparant des canots attachés sur le
littoral de la Grande-Case. (Septembre 18A1.)»


nid.,p. 83. «Les évasions d'esclaves hors de l'île, dit le même ma-
gistrat, évasions que semble favoriser le peu d'étendue du
canal qui sépare Marie-Galante de la Dominique, étaient
devenues fort rares; il n'y en avait même pas eu depuis
deux ans, lorsque, en un fort court espace de temps, vingt-
neuf esclaves sesont évadés; et, sur ces vingt-neuf esclaves,
dix-huit appartenaient à une habitation dont la bonne ad-
ministration semblait devoir mettre le propriétaire à l'abri
d'une telle perle. »


Au moment où le procureur du Roi de Marie-Galante ré-
digeait le rapport où sont consignés les faits ci-dessus, un
nouveau complot d'évasion venait de lui être dévoilé, mai$
il avait pu en prévenir l'exécution.




( 57 )


Comment s'étonner de ces tentatives, comment douter
que le main'aille croissant et rapidement, lorsque, indépen-
damment de la liberté, d'une liberté maintenant complète
et sans restriction, les noirs de nos colonies sont certains
de trouver, en mettant le pied sur le sol anglais, une con-
dition telle, que jamais, peut-être, population laborieuse
n'en a, nulle part, trouvé de pareille?


A Antigoa, par exemple, et c'est, en raison de circons-
tances locales sur lesquelles nous aurons occasion de re-
venir dans la suite de ce rapport , la colonie anglaise où
le travail est le plus mal payé, les noirs reçoivent d'abord Témoignage de M. Nagent.
une case, un jardin, un terrain qu'ils cultivent pour leur j ï ^ ^ ' ^ "
compte; ils reçoivent en outre, gratuitement, les soins mé-
dicaux, en cas de maladie ou d'infirmités; ils ont le droit
d'élever, sur la propriété de celui qui les emploie, toutes
sortes d'animaux domestiques, et leur travail leur est payé
à raison de 2 schellings (environ i f 35°) par journée,
monnaie coloniale. Le travail extraordinaire leur est payé
en sus, à raison d'un denier et demi par heure.


Le taux des salaires augmente d'année en année. lbid., p. 298.


«A la Jamaïque, dit M. Macqueen, le prix moyen de la Témoignage de M. OwenPell.
journée de travail peut être évalué à j schelling ou 1 schel- ibid.,31 vol.,p.215-216.
ling 6 deniers sterling (de 2 5 à 36 sous). Outre cette Comp arer le taux énoncé ci-
somme, tous les noirs établis sur l'habitation reçoivent la dess™ 7 e dont il est fait


5 mention dans le rapport de M. le
concession d'une case et d'un jardin, le traitement médical procureur général Bernard, en


, , ,. . . , , 1836. (Publications de la marine,


en cas de maladie, et jouissent encore de quelques autres w vol., p. 186.)
avantages. Ces allocations en nature, qu'ils reçoivent en L e taux du salaire est tres-dif-
tout temps et en toutes circonstances, jeunes ou vieux, fc^f à évaluer au juste à la Ja-
présents au travail ou non, augmentent beaucoup plus


, , ( . • • 1 p • 1 i • Comparer les témoiqnaqes de


qu on ne le pense communément ici les Irais des exploita- m. Montgommery - Martin, de
tions coloniales. Je ne crois rien exagérer en estimant à .?arretiJî i e A n ^ r s o n .


° (lbid.,p. 219-294.)
9 deniers et demi par jour ce que les noirs coûtent ainsi à
„ , . . . . . . . . . . , , , , Voir le rapport du capitaine


1 habitation, ce qui porterait le prix de la journée de 2 schel- Layrle, 1841. (lbid., 5' vol.,
lings à 3 schellings et demi (un peu plus de l\ francs). » p ' 9 7 ' ^


A la Trinité, le travail est payé à raison d'un dollar la Témoignage de M. Burnley,
, _ r T . . (Publications de la marine, 31 vol.,


journée, environ 5 Irancs. Les noirs reçoivent, en outre, p. 303-305.)
une case, un jardin, les soins médicaux gratuits, et, à titre Rapport de M. le conseiller
„ . . . n i r • . Aubert-Armand. (lbid., 4' vol.
dallocation, en nature, un gallon de larme par semaine, p.246.)
deux livres de porc, quatre livres de morue, et deux bou- '


RAPPORT D E L A COMMISSION COL. 8




( 5 8 ) .


teilles de rhum. Malgré tous ces avantages, les planteurs ne
réussissent pas à réunir un nombre suffisant d'ouvriers.


Rapport de M. le capitaine M. le capitaine Layrle nous apprend que ces salaires
LayrU (Ihd.,p.275 278.) é n o r m e s n e s o n t p a s j e résultat du haut prix des denrées;


qu'à la Trinité, au contraire, la vie est à très-bon marché.
Témoignage de M. Wanen. A la Guyane, la première tâche se paye à raison d'un


( ibid., 3" vol., p. 305-310. ) schelling 5 deniers sterling (environ 3 o sous ) ; les suivantes,


M^^Zn^btdTp3^),^ à r a i s o n d e 2 s c h e l l i n g s 2 d e n i e r s (environ 55 sous). Un
celuideM.Montgommery-Martin, homme laborieux peut gagner jusqu'à 7 schellings (entre 8
(ibid., p. 280.) r ,


et 9 francs) par jour.
«Indépendamment de leur salaire, dit M. Warren, nous


leur accordons une case, un jardin, et le traitement mé-
dical en cas de maladie. Nous fournissons de l'eau sucrée
et du punch aux femmes et aux enfants qui sont au travail.
Nous allouons la nourriture en nature, ou un supplément


Voir le rapport du capitaine en argent, à tous les ouvriers employés aux travaux inté-
^^^/J^vo^^s^-sp. 'j rieurs de la sucrerie, et deux drachmes de rhum, par jour,


à ceux qui portent les cannes aux moulins. Sur plusieurs
habitations, les noirs jouissent, en outre, du privilège d'é-
lever des animaux domestiques et particulièrement des co-
chons. »


Publications de la marine, Le salaire des noirs serait très-élevé à Maurice, selon
io ., p. 408. jyi j ) e j e a u (jg j a Bâtie. « J'ai vu, dit-il, des travailleurs qui re-


venaient à leur maître à i o livres sterling par mois (c'est-à-
dire à environ 5oo francs, ce qui ferait ressortir la journée
à plus de 1 6 francs). » (î)


«C'est surtout à Saint-Vincent et à la Grenade, dit le
ibid p 144 capitaine Layrle, que j 'ai été frappé du bien-être des noirs.


J'ai visité les nouvelles cases que les propriétaires leur ont
fait construire : ce sont de charmantes maisons en bois,
planchéiées à l'intérieur ; elles sont décorées, par les affran-
chis, des objets nécessaires à la vie, et le tout est d'une
propreté et d'un confortable qui contraste avec les anciennes
cases de bambou, couvertes en chaume, qui, dans cer-
taines localités, rappellent encore le temps de l'esclavage.
Chacune de ces nouvelles et jolies maisonnettes coûte î oo
ou 15o gourdes aux propriétaires. »


(1) Il résulte de l'enquête faite, en 1842 , par les soins du comité institué
sur la proposition de lord Stanley, que les salaires ont un peu diminué. (Voir
Publications de lamarine, vol. 5, p. 1 6 4 , 1 6 5 , 1 6 9 , 1 8 5 , 1 9 0 , 1 9 5 , 199 , 206. )




( 59 )


«Les casés de l'esclavage, à la Guyane, dit le même Publications de la marine,
observateur, ne pouvaient plus convenir à des populations 5 v o 1 ' ' 4 2 '
qui s'attachaient à imiter leurs anciens maîtres dans le luxe
et le confortable de la vie. Les cases en terre et en bam-
bous ont donc fait place à de jolies maisons en bois cou-
vertes en aissantes, élevées du sol, planchéiées et peintes à
l'extérieur et à l'intérieur. Chacune de ces maisons contient
ordinairement deux ménages. Chacun de ces ménages a
deux chambres au-dessus du rez-de-chaussée, une troisième
sous la flèche, et une cuisine extérieure placée de façon à
ne gêner ni par la chaleur, ni par la fumée qu'elle répand.
Dans la construction de ces nouvelles maisons, les proprié-
taires ont enchéri les uns sur les autres, et sont parvenus à
un point de perfectionnement qui ferait que bien d'autres
que les noirs s'accommoderaient de ces charmantes habi-
tations. L'arrangement intérieur correspond à l'élégance de
l'édifice; mais, comme je l'ai déjà dit, c'est une affaire qui
regarde les noirs, et en cela ils ne sont pas en arrière. »


La vraie cause, la cause unique, évidente de cette énor-
mité des salaires, de ces avantages inouïs assurés à la popu-
lation noire, c'est la rareté des bras, c'est la lutte engagée,
non point entre la paresse des noirs et l'activité des pro-
priétaires , mais entre la tendance des noirs à s'établir pour
leur propre compte, à travailler pour eux-mêmes, et le
besoin impérieux que les propriétaires ont de leur travail.
Ce qu'il y a de critique dans la position des colonies an-
glaises, c'est cela, cela seul. Ce qu'il y a de vrai dans les
alarmes, dans les souffrances des planteurs, c'est cela : le
travail prend un autre cours, les travailleurs leur échappent.
Qu'on juge dès lors comment seront reçus, accueillis doré-
navant les évadés de nos colonies ! Reçus n'est pas le mot,
il faut bien le craindre, il faut bien le dire : qu'on juge à
quel point ils seront appelés, attirés, assistés, dans leurs
efforts pour s'évader, par tous les moyens et sous tous les
prétextes !


Les colonies anglaises demandent des bras; elles en de-
mandent à grand cris; elles en demandent à toutes les
parties du monde habité.


Dès 1 8 3 6 , la Jamaïque en a demandé à l'Allemagne, Publications de la marine,
aux trois royaumes de la Grande-Bretagne, à l'île de Malte, v vol->P-53-


8.




( 60 )


Annexes au rapport de M. J, Le- aux îles Açores. En 1 8 3 9 , l'assemblée coloniale a voté une
cavalier, V partie, chap. vil, s o m m e , 5 0 ) 0 0 0 livres sterling ( 3 , 5 o o , 0 0 O fr.) , à titre


Publications de la marine, de primes d'encouragement pour l'immigration. En i 8 4 o ,
4 vol. p. 82. u n e gQçjgVfé nouvelle s'est formée dans le but d'organiser un


lbid., 5' vol.,p. 102. plan d'immigration conçu sur la plus vaste échelle. Un acte
Voir le texte de l'acte de so- de l'assemblée coloniale en a posé les bases et les condi-


cieleet celui de lacté de lassem- i - o m J e n d é c e m b r e l8/tO. Les agents doivent s'adresser
blee coloniale de la Jamaïque dans ° ,
les annexes au rapport de M. J. à l'Amérique du Nord anglaise, aux Etats-Unis, aux côtes
Lechevalier, 2' partie, chap. vu, , • %• , , , , • p . n n • t J


p.2'i0etsuiv méridionales de 1 Afrique, au rloyaume-Uni, aux Indes
lbid p 243-245 orientales ; et l'entreprise se poursuit malgré les protestations


des sociétés religieuses lesquelles voient là, non sans raison,
Voir les documents insères dans . î î i • 1 1 i M 1 n


le 3' volume des publications de de grandes déceptions et de grands pénis pour les Euro-
la marine, p. 691-512. péens qui se laissent entraîner sous un ciel dévorant, et


dans des conditions de vie si différentes des leurs : les plan-
Témoignage de 31. Burnley teurs ajoutent que les sociétés religieuses y voient aussi une


devant la Commission, séance du , i • î • î
10février 1842,p. 28. concurrence dangereuse pour les noirs, objet de toute leur


sollicitude.
Publications de la marine, A la Grenade, à Saint-Vincent, à Sainte-Lucie, même à


4'vol., p. 164-148,222-225. * j -i rr . . 4 .


' Antigoa, de pareils ellorts sont tentes, quoique sur une
échelle moindre.


Antigoa, Sainte-Lucie, deux colonies situées à quelques
lieues des nôtres!


Rid., p. 279-283. La Trinité s'est signalée de bonne heure dans cette voie:
Témoignage de M. Burnley fa i m m J V r a t i o n s q u ' e H e a r e ç u e s é l è v e n t déjà au cinquième


devant ta Commission, séance du O T . s J u


10février, p. 28. de la population totale de l'île ; elle a tiré des noirs libres des
_ f*,ip/ ^dépêchesde sir États-Unis; elle en demande à la côte méridionale de l'A-
Frédéric Hill a tord Stanley,
ministre des colonies, l'acte du friqiie; elle frappe à toutes les portes, et son gouvernement
uouvernement. local du 10 novem- , , 1 • 1 1 t •• 1 • 1 > 1


\re 1838. (Annexes au rapport de l ° c a ' > comme celui de la Jamaïque, lutte en ceci de zèle,
M. J. Lechevalier, 2e partie, d'instances et de sacrifices avec les particuliers.
ohap.vn.p.229.) 1


Voir aussi la brochure publiée
à Londres par M. Burnley, 1862.


Appendice,passim. \\ a fallu, ainsi que nous l'avons dit plus haut, que le
Voir l'ordre du gouverneur gé- g 0 u v e r n e m e n t général de l'Inde suspendît pendant quelque


lierai,du 11 juillet 1838, ellacte 0 D r I 1 1
réglant la condition de l'engage- temps toute exportation de travailleurs des Indes orientales
ment, du 20 novembre 1837. , . , , , . , n o 1


. , , T a Maurice, les règlements imposes en 1 0 0 7 n avant pas
Annexes au rapport de M. J. ~ L 1 J r


Lechevalier, 2° partie, chap. vu, suffi pour prévenir les plus graves abus. Cette source étant
P. 205 et saiv. . . r « • • > 1 *


Supportfait k 28 février 1832, P r °™oirement fermée, un renseignement puise à une source
ù la Commission, par une sous- officielle nous apprend qu'on s'est adressé à Madagascar,
commission chargée d'examiner la . 0 / 1 1 1 i 1 11
proposition de MM. Cabrol et e t <lae' e n • P l u s d e a>ooo naturels malgaches ont été
Vigneau, (séance du 18 février, introduits au lieu et place des Indiens.
proces-verbat, p. 106.) 1




( 61 )


On peut l ire, dans le dernier rapport de M. le capitaine Publications de la manne,
Layrie, un exposé plein d'intérêt, de vie et d'impartialité, du ^ vo1- ' P- 5 3 ~ 6 7 -
progrès des immigrations dans la Guyane anglaise, et de
l'état des diverses classes d'immigrants, Européens, Afri-
cains, Portugais de Madère, Coolies de l'Inde, etc., etc. Il
n'y a pas jusqu'aux noirs de traite, capturés sur les navires
négriers par les croisières de tous les pays, et mis en liberté
parles commissions mixtes, qui ne soient devenus l'objet de
ce genre de spéculation.


«J'ai vu, dit cet officier, le Venezuela revenir de son se- lbid.,p. 63.
cond voyage au Brésil; il était chargé de noirs pris sur les
pontons de Rio-Janeiro. Ainsi les Anglais en sont arrivés
à ce point que, plus on fera la traite, plus ils auront de
chances d'introduire des bras dans leurs colonies. C'est ce
qu'on peut appeler tirer parti de tout; et cependant il ne
faut pas blâmer une mesure qui a pour résultat de rendre à
la liberté des malheureux qui succombent sur les pontons
de la Havane, de Rio-Janeiro, etc., ou qui , sous la déno-
mination d'apprentis, vont grossir l'esclavage dans ces colo-
nies ; car il est notoire que la commission mixte ne remplit
pas ses obligations, et que ses opérations, toutes philanthro-
piques qu'elles paraissent, cachent de graves abus et sont
entachées de cupidité. »


«Mais, je le répète, ajoute-t-il, quelle que soit la prove-
nance des noirs introduits à la Guyane anglaise, ils sont
libres en y arrivant, tout à fait libres. Ils choisissent leurs
employeurs et débattent le prix de leur travail. L'agence de
l'immigration intervient, sans doute, mais c'est dans l'in-
térêt des noirs, et pour les éclairer sur les choses qu'ils ne
connaissent pas. Cette intervention est tout à fait paternelle.
Elle ne pourrait pas être autre, sous la surveillance de l'au-
torité, qui se défie des planteurs, et qui a les instructions les
plus sévères du gouvernement métropolitain, pour que les
choses se passent avec loyauté. »


Suit un tableau des émigrants arrivés à la Guyane, du Voir également à ce sujet le
18 février au 20 octobre 18A1 : leur nombre s'est élevé, en 7^înnJIfdeLil-nf


~ ' ** (Publications de lamarme,b vol.,
six mois, à 5 , 7 0 9 . p. 313et suiv.J


Dans cet état de choses, quoi de plus aisé pour l'esprit
de spéculation, pour cet esprit qui ne respecte rien, que




( 62 )


d'appeler les noirs de nos colonies dans les colonies ad-
jacentes, de les attirer à prix d'argent, ou par des promesses
splendides, de leur fournir, sous main, des moyens d'é-
vasion? Il y a, dans nos colonies, 2 5o,ooo noirs à mettre
en liberté ! Combien n'est-il pas simple de s'adresser à
cette population nombreuse, et placée en quelque sorte
sous la main, plutôt que d'aller chercher, à grands frais,
quelques centaines de Maltais dans la Méditerranée, ou de
Coolies au Bengale ! Quoi de plus aisé que de faire, des co-
lonies anglaises qui touchent aux nôtres, des entrepôts de
noirs évadés, et de les aller chercher là pour les transporter
partout où besoin sera ?


Au demeurant, ceci n'est déjà plus une simple appré-
hension; c'est un fait déjà en cours d'exécution, c'est une


Questions relativesàlabolition entreprise qui commence à petit bruit.
de l esclavage. «Les seules manifestations dont il soit permis de se pré-


lJeliberation du Conseil spécial x 4


de la Martinique, p. 207. occuper, dit M. l'ordonnateur de la Martinique, résident
Déposition de M. de Jahrun, d a n s j a séduction que peut offrir le régime nouveau des co-


delégue de ta Guadeloupe, devant . . . .
la Commission de la Chambre des lonies anglaises voisines, et surtout dans l'attrait des profits
? r l ï ^ , / a p ^ ^ 7 m p S C a ï c «F*3 r e t i r e n t d e c e t e t a t d e c h o s e s i e s entrepreneurs d'é-
le rapport. vasion. C'est là un mal réel, on ne peut le nier; il tend


à l'affaiblissement graduel des ateliers; il ajoute sans cesse
à l'anxiété des colons. »


Témoignage de M. le procu- Ce même magistrat ajoute, il est vrai, qu'une surveillance
Z £ l V " X ! : a c t i v e ' P ™ d e n t e > ^rgicjue, atténue les effets du mal.
iSUi, p. 94, procis - verbaux, Jusqu'ici cela peut être, mais M. le procureur général de


f m 7 i ' e ' la Guadeloupe a fait connaître à la Commission combien,
à cet égard, les moyens de surveillance étaient peu de
chose. On ne peut pas tenir les colonies françaises dans
un état de blocus perpétuel.


lbid.,p. 82. «Dans une mission que j 'a i remplie, nous a-t-il dit en-
core, relativement à une évasion qui avait eu lieu dans la
partie française de Saint-Martin, j 'ai trouvé dans une île
voisine, Saint-Barthélemy, colonie suédoise, oà se trouve
établi, par l'intermédiaire de la petite île anglaise dAnguille,
un centre d'embauchage pour les noirs évadés, j 'ai trouvé là,
dis-je, des registres bien tenus, faisant connaître la prove-
nance et la destination des noirs évadés. »


Il ne faut pas se faire illusion. Ge genre de spéculation




( 6 3 )


est de nature à s'étendre de jour en jour, à gagner, de
proche en proche. Les recruteurs en fait de travail, les
trafiquants en hommes, ne sont pas toujours très-scrupu-
leux. On peut apprendre, en détail, dans les rapports
adressés au département de la marine, à quelles ma- Publications de la marine,
nœuvres plusieurs d'entre eux se livrent pour surprendre 4 ml->P-279-
l'ignorance des malheureuses familles européennes, et . Rapport da comité d'enquête


, c i * i . /- i i institué à Calcutta, pour informer


mettre a proht leur indigence. Ce sont des manœuvres sur les abus signalés dans l'expor-
plus coupables encore, et accompagnées de circonstances û»K«. (Annexes««
r r • r o . rapport de M. J. Lechevalier,


cruelles, qui avaient provoqué la résolution, prise par le gou- S*partie, chap. vu, p. 205 et suk.)
verneùr général du Bengale, d'interdire l'exportation des Autre rapport sur le même su-
Indiens. Il en coûtera sans doute infiniment moins à l a J e t ' l h l d '
conscience des entrepreneurs d'imiriigrations, d'appeler à la
liberté les noirs de nos colonie?, et de leur procurer de
bons salaires. La crainte n'arrêtera pas davantage ceux que
n'arrêterait pas le scrupule. Sans examiner quel serait le
le danger, s'il n'a pas été possible, depuis près de qua-
rante ans, de supprimer complètement la traite des noirs,
malgré les peines terribles dont ce crime est menacé,
malgré les croisières qui couvrent la côte d'Afrique,
malgré le droit de visite que la plupart des puissances
maritimes se sont mutuellement concédé; si, malgré de
tels obstacles, l'importation des noirs au Brésil, par
exemple, a été telle que la population esclave de cet em-
pire, qui ne s'élevait qu'à 600,000 âmes en 1 8 1 8 , avant
le démembrement des provinces montévidéennes, s'élève
aujourd'hui à 2,5oo ,ooo; si celle de Cuba, qui ne s'élevait,
en 1808, qu'à i i 3 , 2 5 a âmes, s'élève aujourd'hui à près
de 600,000; si celle de Porto-Bico s'est élevée, dans la
même période, de l5 ,000 à 6o,000; 011 peut juger de Témoignage de M. Macqueen,
quel secours seront pour nos colonies quelques barques àe Z^n^^Zl^ftP ^
douanes disséminées dans un canal de quelques lieues, et . ,


1 1 1 emoignage au procureur gc-
quelques réclamations adressées par le gouvernement nèral delà Guadeloupe. (Procès-


r . , . . verbaux, f partie, p. 94.) français au gouvernement britannique ? r '
iZ , . • 1 1 < i i i i • Comparer le iémoiqnaae de
Quy pourrait d ailleurs le gouvernement britannique M. Macqueen avec l'ouvrage du


lui-même? Serait-il maître de faire droit à nos plaintes? oolZe} fltier/rUrF0Tto;Ric!'\
r p. 204 et 205. (Londres, 1834.)


Serait-il de force à faire j ustice des délinquants ? En
pareille matière, le gouvernement britannique ne dispose
plu& entièrement de ses propres résolutions : dominé par
l'ascendant de la situation, chaque jour il cède, chaque




( 64 )


(1) Les nègres esclaves à bord du navire américain la Créole s'étant soult
vés, et ayant mis aux fers le capitaine et l'équipage, se sont réfugiés dans I
port de Nassau, où ils ont été déclarés libres. Le gouvernement anglais se re
fuse positivement, à les restituer au gouvernement des États-Unis; c'est l'u
des différents qui semblaient menacer, l'année dernière, la paix entre les deu
pays.


jour il est entraîné plus loin peut-être qu'il ne voudrait.
Lorsque pour la première fois les colons ou leurs agents
ont demandé à importer dans les Antilles des noirs libres,
engagés volontairement sur la côte d'Afrique, dans la
colonie de Sierra-Leone, il a refusé, en déclarant positive-


Dèpêche de lord Normanly, ment qu'aucune des précautions qu[on pourrait prendre ne sujjt-
ministre des colonies, an gonver- . , , „ ,


neurLigkt,15 août 1839. (An- ra" P o u r empêcher qaune telle mesure ne stimulât le com-


nexes au rapport de M J. Le- m e r c e fa e s c i a v e s dans l'intérieur du continent. En 18A0 , il
chevalier, 2 partie, chap. VU,


p. 236.) a cédé-, les noirs libres de Sierra-Leone ont été placés
Dépêche de lerd John Russell dans l'alternative ou d'émigrer aux Indes occidentales, ou


î o mZ7s7l.d( P^cTvilbaZ d e v o i r l e gouvernement anglais leur retirer tout secours.
d e 102 j : ° m m i s s i o n ' y p a r i i e ' O n hn demande aujourd'hui de permettre qu'un système


d'enrôlement soit pratiqué sur tous les points de la côte
Témoiqnaqe 'de M. Burnlev î , « r • î • f ' i i i i -r


devant h Commission. (Prochi d Afrique, combiné avec un système de rachat des captifs,
verbaux, 3e partie, p. 30.) Sans aller jusque-là, le ministre des colonies vient de pro


Séance de h. Chambre des com- poser à la Chambre des communes d'instituer un comit<
munes du 22 mars 1842. . . „


d enquête sur 1 état des possessions anglaises de ia cOt<
occidentale de l'Afrique, et sur leurs relations avec les tribu
environnantes. Engagé dans cette voie, pourrait-il entre
prendre de protéger les colons français contre les colon
anglais, de créer de nouveaux délits et de nouvelles péna
lités au profit de ceux-là contre ceux-ci; pourrait-il inter
dire aux colons anglais d'accueillir nos noirs fugitifs, e
réintégrer dans la servitude des hommes devenus libres ai
moment où ils auraient touché le sol anglais? (i).


Sous le point de vue de la sécurité, le maintien d
statu quo pur et simple, du statu quo indéfini, ne saurait don
être raisonnablement défendu. Pour tirer parti désormai
des noirs, il faut les exciter au travail ; pour les retenir dan
les ateliers, il faut leur offrir des espérances réelles, cer
taines, suffisantes. Sous le point de vue du progrès, di
progrès indispensable, du progrès considéré comme condi




( 6 b )
tion d'existence et de durée, le maintien du statu quo, à
tout hasard et vaille que vaille, ne se défend pas mieux.


Nos colonies font du sucre, et ne font guère que du sucre.
Comme toutes les colonies,, elles tirent de la métropole Notices statistiques, f partie,


la plupart des choses qu'elles consomment; l'étranger leur ^^^^m^^^lL
fournit ce que la métropole ne leur fournit pas; elles ne 256.
cultivent pour elles-mêmes que des vivres, elles ne fabri-
quent que des objets grossiers et sans aucune valeur.


La culture des denrées tropicales, autres que le sucre, y
est en pleine décadence, ou n'y figure plus que pour mé-
moire. En 1 780 il V avait, à la Martinique, 6,1 a3 hectares


, , r „ Notes de M. l'inspecteur des fi-


consacrés a la culture du café; en 1802 il n y en avait plus nances LavolUe, 3e question,
que 3 ,ooo. L'exportation de cette denrée s'élevait encore, f ' U '
à la dernière époque, à 5oo ,ooo kilogrammes; en 1837
elle ne dépassait pas 275,000 kilogrammes. Même résultat
à la Guadeloupe. En 1790 on cultivait, en café, 8 , i 7 4 h e c - lbid.,p.29.
tares; en i83o , seulement 5 , 3 o o ; en 1790 l'exportation
s'élevait à 3,700,000 kilogrammes; en i 83o , à i , i 3 o , o o o
kilogrammes; en 1837, seulement à 635,000 kilogrammes.
La culture du coton , celle du cacao, disparaissent succès- ibid.
sivement; celle du girofle a disparu; il en est de même de
l'indigo , de la casse, de la cannelle.


C'est donc exclusivement comme manufactures de sucre
que nos établissements coloniaux existent, et qu'ils enten-
dent exister à l'avenir.


A ce titre, ils ont fort à faire; ils rencontrent sur le mar-
ché du monde en général, et sur le marché de la métropole
en particulier, de redoutables concurrents , des concurrents
en progrès rapide.


« Pouvez-vous donner, a-t-on demandé, dans l'enquête de
l 8 4 o , à M. Macqucen, quelques renseignements circons- Publications de la marine,
tanciés sur la production du sucre au Brésil, à Cuba et à ^ vol-'P- 2 i S -
Porto-Rico ? »


jR.. Oui; je puis mettre sous vos yeux le relevé des pro-
ductions et de la population de ces pays, pendant les der-
nières années. Ce document, dont tous les chiffres sont
dans une progression croissante, est un effrayant avertisse-
ment pour nous. La production moyenne du sucre, en
1838 et i 8 3 g , s'est élevée, dans l'île de Cuba seule, à
à 3,68i,3/i2 quintaux; ce qui excède celle de toutes nos


RAPPORT DE LA COMMISSION COL. 9




( 66 )


colonies des Indes occidentales et de Maurice réunies; celle
du café, à /19,80,0,000 livres. La valeur totale des expor-
tations de la colonie dépasse aujourd'hui la somme de
5o millions de dollars. A Porto-Rico, la récolte du sucre,
de cette année est estimée à un million de quintaux ou
100,000 boucauts de la colonie, et l'on m'a assuré que
cette évaluation est de beaucoup au-dessous de la vérité.
Or , cette île, en 1808, n'exportait qué 1,428 quintaux de
sucre, et quelques années auparavant elle était même
obligée d'en faire venir du dehors pour sa consommation.
Le Brésil, qu ien 1808 n'avait exporté que ¿00,000 quin-
taux de sucre, et 2 A millions de livres de café, a exporté,
en 1 8 3 7 , 2,A00,000 quintaux de sucré, et 135 millions
de livres de café. »


Nous voyons, dans le tableau ci-joint, n° 1 , quelle pro-
gression ascendante a suivi, depuis dix ans, la production
du sucre dans les Indes orientales anglaises :


i832 4,481,690 kil.
1833 5 ,673,700


i834 3,890,611
J S 3 5 5 , i45 ,588
i836 7 ,730,189
1837 i5 ,o65 ,36o
i 8 3 8 2 1 , 7 7 7 , 2 0 6
i 83g 26 ,351 ,012
i 84o 2 4 , 5 i 8 , 4 i 2
i 8 4 i 57 ,851 ,064


Elle a marché plus rapidement encore, s'il est possible,
dans les Indes orientales hollandaises. L'île de Java, rétro-
cédée , en 1 8 1 5 , à la Hollande par l'Angleterre, mais dont
la conquête sur les naturels du pays n'a été "achevée qu'en
1831 , n'avait à peu près rien produit jusque-là, soit entre
les mains des Anglais, soit entre les mains des Hollandais.
Aujourd'hui, les exportations en sucre, nous dit un ex-
plorateur récent de ces contrées, s'élèvent à 1 million
138,000 quintaux ordinaires, soit 56 millions de kilo-


Java, Singapore d Manille, grammes ; la production ordinaire du café y dépassé
parMauriced'Argout,p.9.-i8i2. . ,. ,
(M. ^Argout a voyagé par ordre 90o ,ooo quintaux ordinaires. Java, écrivait 1 année der-
du Gouvernement.) n i è r e à M Jg m i m s í r e ¿ef a f f a i r e S étrangères notre en-


voyé à La Haye, livre déjà au commerce trois fois plus de




( 67 )


Dépêche de M. Bois-leComie,
da 3 janvier 1861, n° 14k.


Ibid., n" 143-144 bis, f 4 5 -
148-149-153.


Opinion de M. le baron Charles
Dupin.


A ssembléegénérale des Conseils
de l'agriculture, des manufactures
et du commerce. ( Séance du 26
décembre 1841, p. 20.)


Loi du 18 juillet 1837.


Loi du 3 juillet 1840.


Fabriques en non-activité.
1838 5 Mi.
1839 94
1840 30


Production connue.
1838 39,199,408
1839 22,748,957
1840 26,939,897
( Question des sucres. Publica-


tion da ministère du commerce,
p. 26.)


Le prix moyen du sucre de nos
colonies, distraction faite des
droits et des frais de transport, est
évalué par l'administration de la
Guadeloupe à 25fr. les 50 Mlog •


Ce'ui du sucre de Cuba et de


9.


sucre que tout le continent indien : et Java n'est que l'une
de ces immenses îles de l'archipel indien dont l'Angleterre,
par le traité de 182 A, a fait abandon à la Hollande. Ame-
sure que l'autorité de cette dernière puissance s'étend et
s'affermit à Sumatra, à Celèbes, aux Moluques, sous
l'influence de son habile administration , la production-se
règle et s'organise etle même essor d'exportation se prépare.


En même temps, le sucre indigène se naturalise dans
toute l'Europe. En France, grâce aux progrès des bonnes
méthodes agricoles, grâce à l'application des procédés de
la chimie moderne à l'extraction de la matière saccharine,
le sucre indigène envahit progressivement le marché inté-
rieurs 3,'il en faut croire un savant dont les colonies ne ré-
cuseront point le témoignage, et dont les assertions, d'ail-
leurs, confirmées parle Gouvernement lui-même, n'ont été
contredites par personne dans le sein de nos conseils con-
sultatifs , voici quelle aurait été la marche ascendante de
cette industrie :


1828 / i ,3oo ,ooo kil.
1833 7 ,296,000


183 A i3 ,23o , ooo
183 5 3o,/i3g ,ooo
i836 4 8 , 9 6 8 , 8 o 5


Depuis, il est vrai, la fabrication du sucre indigène ayant
été soumise à l'impôt, et l'impôt s'étant élevé de 10 fr.
à i 5 francs et de i 5 francs à 25 francs (décime non com-
pris), la production apparente a diminué : quelques fa-
briques se sont fermées ; mais il y a tout lieu de penser que
cette diminution n'est qu'apparente, et qu'en tenant compte
des quantités introduites en fraude du droit, on retrou-
verait tout au moins le chiffre atteint en 1836, ce qui,
sous le poids de l'impôt, atteste une continuation de progrès.


En butte à cette double concurrence, la position de nos
colonies, depuis longtemps misérable et précaire, s'aggrave
de jour en jour.


Pour les préserver de la concurrence étrangère, il faut
maintenirleurs produits sous la protection d'une surtaxe ; et,
par là, faire payer aux consommateurs métropolitains le sucre
un tiers plus cher qu'il ne vaut sur le marché général du
monde.




( 68 )


Torto-mœ est évalué, parla même Pour les préserver de la concurrence intérieure, il faut
St!%0"'C''Vin>''àfôrtW/' t r a P P e r l'industrie indigène d'un nouvel impôt, à chaque


nouveau progrès que fait cette industrie.
Celai du sucre da Brésil et du Nos colonies rencontrent, par conséquent, pour àdver-


Bengah a éUJvidaé dans l'en- s ^ r e s | métropole, d'une part, les intérêts descbn-
quêtedei829,àl5fr.les50hlo3. 1 f
(NotesdeM.l'inspecteurLavollée, sommateurs, e t , de l'autre, les intérêts des producteurs.
H question,p. U5.) C'est une lutte redoutable, une lutte qui recommence


chaque année, et dans laquelle elles ne peuvent espérer de
triompher, en définitive, qu'autant qu'elles auront quelque


• chose, et quelque chose d'important à promettre à la mé-
tropole en échange des sacrifices qu'elles lui demandent. Il
faut tout au moins pouvoir lui promettre que ces sacrifices
auront un but et un terme-, qu'ils ne seront pas perpétuelle-
.ment sans compensation; qu'ils ne se résoudront pas en pure
perte. Il faut pouvoir dire à la métropole : Assistez-nous
dans un moment de détresse ; aidez-nous à traverser des cir-
constances difficiles, c'est votre intérêt autant que le nôtre;
plus tard, vous en recueillerez les fruits. Vous aurez à ce
prix des colonies florissantes, et dont la prospérité contri-
buera grandement à la vôtre. Une fois tirés d'embarras, nous
ferons merveille; en améliorant notre agriculture, nous
nous mettrons«en mesure de lutter contre nos rivaux, et de
vous livrer dorénavant le sucre à bon marché. En appli-
quant à l'extraction du sucre de canne les procédés de la
science, nous ferons en sorte que vous n'ayez point lieu de
regretter les entraves mises au développement de l'indus-
trie indigène.


Nos colonies sont-elles en position de nous tenir un pareil
langage? Peuvent-elles, à bon droit, nous faire de sem-
blables promesses?


Oui sans doute; mais c'est à la condition d'agir et de tirer
parti d'elles-mêmes. Les sources de leur prospérité ne sont
point taries ; elles ont encore du champ, beaucoup de champ
devant elles. Tel est l'état de leur agriculture qu'en renou-
velant les plants qui s'épuisent et se détériorent, en multi-
pliant l'usage de la charrue et des autres instruments
aratoires, en augmentant l'élève des bestiaux, en multipliant
les engrais, on y peut changer la face du sol. «Lorsque
l'usage du labour, dit M. Lavollée, dispensera les nègres
des longues et premières façons de la culture, lorsque leur




( 69 )
tâche se bornera à la feuille et au sarclage des cannes, les
ateliers, concentrés aujourd'hui sur un petit nombre d'hec-
tares, pourront s'étendre sur ces immenses quantités de
terres laissées, jusqu'à cette heure, improductives, et les
colons obtiendront ainsi, sans accroissement de dépenses, une
augmentation d'un tiers, peut-être même de moitié dans
leurs produits actuels. »


La même carrière de progrès leur est ouverte, en ce qui
touche la partie industrielle des exploitations. « Les pro-
cédés de fabrication usités aujourd'hui à la Martinique,
nous dit le même observateur, sont restés ce qu'ils étaient
\Y<J -a. CAW\. ^\vv^rav\&%&s>t k ta « M ^ M s a % , \<es> -ap-
pareils ont conservé toutes leurs imperfections primitives. »
Et plus bas : «En somme, les procédés de fabrication sont
tellement imparfaits, qu'on est étonné qu'il soit possible
d'obtenir du sucre en travaillant ainsi. »


Rien par conséquent ne s'oppose, en thèse générale, aux
réclamations de nos colonies; on peut raisonnablement les
accueillir. Il dépend des colons d'assurer à la métropole une
compensation suffisante, dans un avenir qui ne dépasse
point les limites de la prévoyance humaine; mais, encore
un coup, c'est à la condition de mettre à profit leurs
pro'pres ressources ; c'est à la condition de faire dès à présent,
avec vigueur et décision, ce qu'il leur faut faire pour re-
naître enfin à cette vie d'activité et de libre concurrence
qui est la vie même des nations modernes ; c'est à la con-
dition d'écarter, d'une main ferme, tous les obstacles qui
s'opposent à leur régénération économique et sociale.


Maintenir l'esclavage, c'est faire précisément le contraire.
Maintenir désormais l'esclavage, sans espoir de le con-


server, uniquement pour tenir bon jusqu'au bout, avec la
certitude de le voir attaqué chaque jour, et démoli pièce à
pièce; ajourner l'émancipation, l'ajourner sans but , sans
plan, sans projet, uniquement pour gagner du temps;
laisser une telle question suspendue sur toutes les têtes,
c'est consolider la routine, et perpétuer l'inertie ; c'est cou-
per court à toute chance de progrès. Les propriétés colo-
niales sont actuellement sans valeur; sans valeur elles res-
teront : on n'achète point ce qui n'a point d'avenir. Les
propriétaires coloniaux sont sans crédit, sans ressources;
ils resteront sans ressources, sans crédit; quel insensé con-




( 7 0 )


sentirait à leur c o n f i e r ses capitaux, et à s'associer à leurs
destinées? On ne prête point à l'inconnu. Tous nos,efforts
pour eux seront vains : nous pouvons bien soulager quelques
instants leur misère; nous ne pouvons pas les remettre à
flot. L'esclavage est d'ailleurs, par lui-même, un obstacle à


Notes de M. Lavollée, V ques- tout. «L'esclave, routinier par nature, dit M. Lavollée,
n ' n - i j - devient, par position, ennemi de toute amélioration.


Comme aucun intérêt personnel ne l'attache à la terre,
comme il ne doit résulter, pour lui, aucun bénéfice d'une
augmentation de produits, le changement lui déplaît, et il
le repousse tout d'abord , sans aucun raisonnement. Le co-
lon cherche souvent en vain à lui démontrer que, par l'adop-
tion d'un nouveau procédé, sa tâche deviendra moins longue
et moins pénible. Soit que son intelligence ne puisse saisir
la portée d'une semblable explication, soit plutôt qu'un
changement, qui pourrait finir par lui être avantageux, ne
lui paraisse pas valoir la perturbation présente de ses habi-
tudes, ce n'est qu'à la longue et avec la plus grande peine que
les colons ont introduit chez eux quelques changements. »


Que la métropole le sache donc bien, car, après tout,
il importe de n e point s'abuser sur ce que l'on fait;
dans un pareil état de choses, les colonies n'ont au-
cune espérance à lui offrir en échange des sacrifices
qu'elles lui demandent ; en définitive, tant de sacrifices
demeureront en pure perte pour c e u x qui les feront, et
n'aboutiront tout au plus qu'à maintenir ces possessions
lointaines daps l'état de découragement et de dépérissement
où elles languissent depuis si longtemps. Le remède n'at-
teignant pas à Ja racine du mal, le mal subsistera, et l'ave-
nir ne vaudra pas mieux que le passé.


Ces tristes vérités n'ont déjà que trop pénétré dans tous
les esprits; elles n'y sont jusqu'ici, sans doute, qu'à l'état
d'aperçus fugitifs et de pressentiments confus ; mais quand
les discussions qui se préparent les auront bien mises en
lumière; quand elles seront enfin bien comprises des
Chambres et du public, combien n'ajouteront-elles pas
de force aux réclamations de l'agriculture française en fa-
veur de l'industrie indigène; combien aux réclamations des
économistes et des financiers, en faveur de l'abaissement
des surtaxes et de l'introduction des sucres étrangers? Com-
bien n'ajouteront-elles pas de voix aux voix déjà nom-




( 7 1 )


On doit envisager, ce nous semble, l'abolition de l'escla-
vage sous quatre points de vue très-distincts :


x° Dans ses rapports avec le maintien de l'ordre public :
le maintien de l'ordre public est la condition et la garantie
de tous les intérêts; c'est par conséquent l'intérêt prédomi-
nant, l'intérêt suprême ;


2 ° Dans ses rapports avec l'intérêt réel de la population
esclave ; la liberté n'est pas un bien exempt de mélange ; elle
a ses charges et ses périls ;


3° Dans ses rapports avec l'intérêt des colons ; il v a là
des droits acquis, des positions faites, des capitaux engagés ;


k" Enfin dans ses rapports avec le maintien du système
colonial; quelque opinion que l'on s'en forme, en théorie,


breuses qui se sont élevées, cette année, dans le sein de Résumé des DISCUSSIONS des Con-
nOS Conseils Consultatifs, pour demander l'émancipation ^Us généraux deïagriculture.des


' r r manufactures et du commerce SUR
des COtonieS, c'est-à-dire, à mots COUVertS, la Conservation la question des sucres. (Session de
des colonies comme établissements militaires, et l'abandon p ' 3 0 3 i ' ^
des établissements commerciaux à leur mauvais sort!


Il n'est, à notre avis, ni dans l'intérêt des colons, ni dans
l'intérêt bien entendu de personne, de laisser de telles idées
s'accréditer et prendre pied. Il n'est dans l'intérêt bien en-
tendu de personne d'attendre, pour s'en aviser, qu'elles
aient ouvertement gagné du terrain. Attendre, d'ailleurs,
est sage, à la condition d'attendre quelque chose; mais
attendre pour attendre , attendre par pure insouciance ou
par pure irrésolution, faute d'avoir assez de bon sens pour
se décider et assez de courage pour se mettre à l'œuvre,
c'est le pire de tous les partis, et le plus certain de tous
les dangers.


Après avoir ainsi justifié, bien moins par des raisonne-
ments, que l'on peut toujours contester, que par des faits
nombreux et constants, concordants et concluants, notre
opinion sur la nécessité de préparer dès aujourd'hui l'a-
bolition de l'esclavage, il nous reste à poser les principes
qui doivent présider, selon nous , à cette grande et difficile
entreprise; à faire l'application de ces principes aux cir-
constances actuelles et à la position de nos colonies; il
nous reste enfin à présenter nos vues sous une forme po-
sitive et pratique.




( 72 )


le système colonial existe; il ne doit être modifié, s'il doit
l'être, qu'avec précaution, discernement et mesure.


Ces intérêts sont différents sans être contraires : il n'est
pas impossible de les concilier; mais, pour bien s'en rendre
compte, pour en apprécier convenablement la nature, la
portée, les exigences diverses, il est bon de ne pas les con-
fondre.


I.


L ' A B O L I T I O N D E L ' E S C L A V A G E E N V I S A G É E D A N S S E S R A P P O R T S


A V E C L E M A I N T I E N D E x ' O R D R E P U B L I C .


Dans les contrées soumises au régime de l'esclavage, les
esclaves composent entièrement, ou peu s'en faut, la classe
ouvrière, la classe qui vit du travail de ses mains, et n'existe
qu'à la sueur de son front; dans nos colonies, par exemple,


Notices statistiques, 1" partie, il ne se rencontre qu'un très-petit nombre d'ouvriers libres.
p'9UM9'239-2M2'2'Partie' L a c l a s s e 0 i w i e r e > partout la plus nombreuse, la plus


pauvre, la plus exposée, par tout , # en raison de son dénû-
ment, à tous les genres de tentation, ne relève point direc-
tement, là où elle est esclave, de l'autorité publique. Elle
est placée légalement sous l'œil et sous la main des maîtres


Edit du mois de mars 168.% qui l'emploient. Légalement, les esclaves ne sont pas des
« * i m s o u s h nom de Code noir, p e r s o n n e S j c e s o n t d e s c h o s e s . d a n s j e s v i U e S ) l e s e s c l a Y e s


r *, m i j sont choses meubles; dans les campagnes, ils sont im-
txapporl Jait à la Chambre des _ .


Députés, le 12juin 1838, p. 15. meubles par destination. La puissance publique n'inter-
vient, à leur égard, que pour tempérer, dans certains cas,
la rigueur de cette fiction, pour contenir ou protéger, selon
l'occurrence, la puissance dominicale.


Privés ainsi de tous droits civils, de toute participation à .
l'existence sociale, les esclaves vivent cantonnés dans les
maisons, dans les habitations. Chaque habitation, chaque
maison est un enclos d'où l'esclave ne peut s'éloigner sans
l'autorisation du maître; chaque exploitation rurale est un
atelier où le travail s'exécute par voie de contrainte. Toute
habitation forme, en quelque sorte, une société à part,
qui cultive ses vivres, construit, fabrique pour elle-même ;
une société soumise à des règles particulières, où la justice
s'administre à certain degré, selon des formes qui lui sont
propres; un état au petit pied, qui a son culte privé, sa
prison pour les délinquants, sa salie d'asile pour l'enfance,
son infirmerie pour les malades, son hospice pour les
vieillards et les invalides.




( 7 3 )


Abolir l'esclavage, c'est abolir cette foule de petits États
dans un même État; c'est couper court à ce démembrement
de la souveraineté entre la puissance publique et la puis-
sance domestique; c'est appeler la classe ouvrière, la classe
ouvrière tout entière, à l'exercice des droits civils, au bien-
fait de l'égalité sociale, sous l'autorité de la loi commune et
la tutelle directe des magistrats.


L'entreprise est grande et difficile. Sans parler de la dis-
tinction des races, de la différence des couleurs, — il ne paraît
point que la race noire soit plus turbulente que la race
blanche ; — sans tenir compte des sentiments hostiles, vindi-
catifs , que l'esclavage engendre d'ordinaire, — rien n'indique
l'existence de ces sentiments chea les noirs de nos colonies ; —
en prenant les choses dans toute leur simplicité, l'événe-
ment est sérieux, considérable : l'émancipation complète
de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, au sein
d'une vieille société, c'est presque une révolution; c'est une
révolution légitime, raisonnable, pacifique, et qui peut être
menée à bien, mais qui ne peut l'être qu'à la condition de
ne rien livrer au hasard, et de ne pas briser surtout les
cadres de l'ancienne organisation avant d'avoir constitué les
cadres de l'organisation nouvelle.


Le Parlement britannique en a j ugé ainsi :
« Considérant, dit le préambule de l'acte d'émancipation, Acte du] 28 août 1833. (Pu-


qu'il est nécessaire de mettre les lois actuellement en ^'^TJ mar'ne' 2 t0'"
vigueur dans lesdites colonies en harmonie avec les diverses
relations sociales que doit amener cette émancipation gé-
nérale des esclaves, et que, pour donner le temps de mo-
difier en ce sens la législation dont il s'agit, il y a nécessité
de laisser écouler un certain intervalle avant que l'éman-
cipation commence d'avoir lieu, le roi, etc., etc. »


Et le même acte procède à rénumération détaillée des Art. 16, S§ l, 2,3,6, 5, 6, 7
changements qu'il paraît convenable d'introduire dans la 8 ' S ' 1 0 e t í í -


législation des colonies anglaises, dans leur régime inté-
rieur; impose, tant à la Couronne qu'aux législatures colo- S12.
niales, l'obligation d'y pourvoir; place enfin cette obligation ' Art.bd.
sous la garantie d'une sanction pénale, en faisant dépendre
de son accomplissement le droit de chaque colonie à sa
part proportionnelle dans l'indemnité.


Cé qu'a fait le gouvernement anglais en i 8 3 3 , tout gou-
RAPPORT DE LA COMMISSION COL. 10




( 74 )
vernement placé dans les mêmes circonstances sera, plus
ou moins, forcé de le faire. Entre l'émancipation proclamée
et l'émancipation en cours d'exécution, il faut, il faudra
toujours un délai; cela est d'absolue nécessité.


•Dès l'instant, en effet, qu'abolir l'esclavage c'est faire
disparaître la surveillance que la classe supérieure exerce,
à titre de propriétaire, sur la classe ouvrière, et remplacer
cette surveillance par celle de l'autorité publique, il faut
armer l'autorité publique en raison et en proportion de la
mission qu'on lui confie ; il faut accroître dans une certaine
mesure le nombre des magistrats, celui des agents de la
force publique. Ce qui suffit pour maintenir le statu qua,
pour prévenir toute altercation, toute collision, là où les
ouvriers sont, en quelque sorte, casernes et gardés à vue,
ne saurait suffire là où les deux classes vont jouir de la
même liberté et-traiter ensemble sur un pied d'égalité re-
lative.


En réintégrant la classe ouvrière dans la faculté d'aller,
de venir, de disposer à son gré de son temps et de son
travail, il faut prévoir les abus inséparables de toute faculté
librement exercée ; il faut pourvoir à l'oisiveté et aux dé-
sordres que l'oisiveté enfante. Le vagabondage, la mendi-
cité de profession, impossibles ou à peu près sous le régime
de l'esclavage, sont à craindre sous un régime de liberté,
sous un régime surtout de liberté nouvelle, et doivent être
réprimés par des dispositions sévères.


On supprime la discipline des ateliers en ce qu'elle a de
pénal ; on supprime la justice sommaire, les châtiments
privés, les prisons domestiques. Il faut s'attendre naturelle-
ment à voir un plus grand nombre de petits délits portés
devant les tribunaux; il faut que la loi elle-même en pré-
voie un plus grand nombre ; il faut multiplier les prisons
publiques ou les rendre plus spacieuses.


En affranchissant les ouvriers envers les propriétaires, on
affranchit réciproquement les propriétaires vis-à-vis les ou-
vriers ; plus d'obligation pour les propriétaires de prendre
à leur charge l'entretien des jeunes noirs, et de leur donner
une éducation telle quelle : il faut créer des salles d'asile,
des écoles, des chapelles; plus d'obligation pour les pro-
priétaires de faire soigner à leurs frais les ouvriers malades,




( 7 5 ) .


1 0 .


de conserver chez eux les vieillards, les infirmes : il faut
ouvrir de nouveaux hôpitaux, de nouveaux hospices, ou
du moins agrandir ceux qui existent déjà.


Enfin, l'invasion, s'il est permis de s'exprimer ainsi, de
la classe ouvrière au sein de la société coloniale exige, en
ce qui concerne la police des villes et des campagnes, en
Ce qui Concerne les rapports nouveaux entre les Ouvriers Publications de la marine,
et les maîtres, une foule de précautions réglementaires, une v o 1 ' i e t 2 '


foule de dispositions de détail, dont on ne peut se faire ^n^vol'l1263-320)*5*~
une juste idée qu'en lisant attentivement cette foule d'actes T . ,


J * _ Jamaïque. (1" vol., p. 229-


successivement passés à ce sujet, soit par le Parlement bri- 252-, 2' vol.,p. 344-347.)
tannique, soit par le conseil, privé de la Couronne, soit Antigoa.fi"vol.,P.258-302;
par les législatures coloniales, actes dont les plus importants 2 v o 1 " p ' 3 5 9 ' ^
ont été insérés in extenso dans la collection des documents ^y^-(i'r^ol,p 304-315-,


2 vol., p. 395-414.)
publiés par le département de la marine.


~ " , , - . ' Maurice. (1" vol., p. 318-332;


Dans létat actuel des colonies françaises, quel sera le 2rvol.,p.419-420.)
délai nécessaire pour préparer à l'émancipation le matériel Barbade. [2' vol., p. 375-378.)
du régime colonial, s'il est permis de parler ainsi, pour D o m M q u e , (2'vol.,p. 371.)
constituer les cadres de la société nouvelle? Quelles dé- Sainte Lucie (2'vol 383-
penses entraîneront ces établissements nouveaux, ou, du 386.)
moins, remodelés, agrandis en vue de nouvelles circons- Trinité. (2" vol, p. 298-


• 393 )
tances? Comment, par quisera-t-il pourvu aux dispositions ''
législatives ou réglementaires que présuppose leur création? hJ/prJslf™f8ï0 %
Qu'y a-t-il à faire, en Un mot, avant d'affranchir les esclaves, gislature de la Jamaïque, et la


. . , ' i . , , , correspondance curituse à la-


quel que soit le système d allranchissement auquel on s ar- vaelU-plusieurs de ces bills ont
rête en définitive, quel que soit le plan d'émancipation qui d o n n ? lifu e7,trf l e s m^ionnai-


• * ces baptistes, te gouverneur sir
• paraisse , tOUt Compensé, mériter la préférence ? . . Ch. Metcalfe,et ledépartement des


Ce sont là des questions très-diverses et très-complexes, ^ ^ h t S T n a l ^ T
qui, toutes, ne comportent pas également une solution po- maïca, part, a, p. 254 et suiv.)
sitive, mais dont aucune ne saurait rester absolument sans
réponse.


Nous les examinerons successivement dans l'ordre qui
suit :


Force armée ;
Tribunaux;
Prisons et autres lieux de détention;
Etablissements d'éducation;
Établissements de bienfaisance;
Culte;
Règlements d'ordre et de police.




( 7 6 )


t


§ 1 e r . Force armée.


Pour assurer le maintien de l'ordre durant tout le cours
d'une grande transformation sociale, le premier soin, le
premier devoir, c'est d'armer l'autorité, c'est de placer
dans ses mains une force telle que la pensée même
de la résistance ne puisse venir à personne; c'est de
mettre l'autorité en position de se montrer partout l'œil
ouvert , le bras levé, également prête à protéger et à
punir.


Le Gouvernement français a déjà beaucoup fait à cet
égard; en présence du grand événement qui s'accomplissait
dans les colonies anglaises, les nôtres ne sont point restées
désarmées; il reste peu de choses à ajouter aux précautions
déjà prises, et ces précautions, consacrées jusqu'ici au
maintien de l'esclavage, serviront, quand le moment en
sera venu, à régler, à faciliter la transition de l'esclavage à
la liberté.


Tableaux de population, de La population de la Guadeloupe et des îles qui en dé-
culure, etc., année 1839, p. 4. p e n d e n t f s a y o i r . l a D é s i r a d e , l a Marie-Galante, les Saintes


et Saint-Martin, se composent en tout de 36,36o hommes
libres et de q3,6/16 esclaves : c'est un peu moins de trois
esclaves par homme libre. La garnison de la Guadeloupe se
compose en ce moment:


Note communiquée parle dépar- D'un régiment d'infanterie 2,5 12
lement de la marine. t - . , • I J • / o


D u n e compagnie de gendarmerie 1 4 0
De deux compagnies d'artillerie et d'un dé-


tachement d'ouvriers 2 52


2,912


Notices statistiques, r partie, La milice coloniale de la Guadeloupe est forte de
f-iS!>- 6,708 hommes.


En comparant cette situation à celle de la Jamaïque, par
exemple, on peut voir combien elle est déjà rassurante. La


35,000'aviron ( Tableau J a m a ï n e c o m p t e „ u e f e q u ' u n e population blanche
place en tete de la statistique des 1 1 o T. J. J.
colonies anglaises par Montgo- de trente et quelques mille âmes; mais cette popula-
mery-Martin. Ouvraqe officiel, . . i , i , , i> i < i


édition de 1839.) t l 0 n blanche est placée en lace d une population noire
Ibid. ou de couleur qui s'élève à 3a 6,000 âmes; c'est un peu




( 7 7 )


(1) H est bon de faire observer que le parallèle n'est pas rigoureusement
exacULa population de couleur devrait être distraite ici de la population noire,
et comptée avec la population blanche; mais ce détail statistique manque dans
l'ouvrage de M. Montgomery-Martin.


plus de neuf contre un ( 1) . La garnison de la Jamaïque
se compose d'un régiment de troupes européennes, fort Rapport de M. le procureur
d . r i_ î 1 î . î • î qénèral Bernard. IPublications de e 2 ,5po hommes; de 2 0 0 hommes de troupes coloniales, j a marine;vol.4,p.&2.)
et d'une force de police de 1 ,126 hommes.


A la vérité, il existe à la Jamaïque une milice qui est
portée sur les cadres à raison de 1 2 , 0 0 0 hommes.


Le Conseil spécial de la Guadeloupe réclame pour com- Avis du Conseil spécial de la
pléter l'armement de la colonie : Guadeloupe. P . 50.


i° La formation d'une troisième compagnie d'artillerie;
2° La création d'un corps auxiliaire de gendarmerie à


pied, soumis aux mêmes règles de discipline et d'adminis-
tration intérieure que la gendarmerie royale, et à un mode
de recrutement qui permette de recevoir les hommes du
pays reconnus propres au service.


La dépense qu'entraînerait cet accroissement de forces
est évaluée comme il suit :


Compagnie d'artillerie 1 9 0 , 0 0 0 ' Notes remises par le départe*
z - . i i . ment de la marine.
Corps de gendarmerie 9 4 0 , 0 0 0


E N T O U T . . . 1, i 3 o , o o o


La dépense annuelle de la compagnie d'artillerie, une
fois formée, serait d e . . i o 5 , o o o f


Celle du corps de gendarmerie, une fois créée,
serait de 5 i 3 , 8 o o


E N T O U T 6 1 8 , 0 0 0


La population de la Martinique se compose en tout de Tableaux de population, cuih
4 o , 7 3 3 hommes libres et de 7 4 , 3 3 3 esclaves : c'est un peu f u r e s ' a n n é e 1 8 3 9 - P- *•
moins de deux esclaves par homme libre. La garnison de la
Martinique se compose en ce moment :


Troupe de ligne 2,5 1 2 h NoUs remises par le départe.
Gendarmerie l 4 8 mentde la marine.
Deux compagnies d'artillerie et d'un déta-


chement d'ouvriers.. 366


3 , 0 2 6




( 78 )


En TOUT 1 ,211 000


| i ) Même observation qu'à la page 77


Notices statistiques, 2e partie, La milice coloniale de la Martinique est forte de
p S Í ' -li,io3 hommes.


Tableau ci-dessus indiqué. En comparant cette situation avec celle de la Barbade,
colonie à peu près de même importance, la différence est
encore plus frappante à notre avantage. La Barbade ne
compte guère que i5 , ooo blancs en face de 85,ooo noirs
ou hommes de couleur : c'est presque six contre un ( i ) . La
garnison de la Barbade consiste dans 5oo hommes de
troupes européennes, 100 hommes de troupes coloniales,


Rapport du capitaine Layrle..et une force de police de 2 5o hommes. La milice est de
(Publicationsdekmarine,i>vol., 2 ) 5 0 0 hommes.
p. 483.)


Avis du Conseil spécial de la Le Conseil spécial de la Martinique demande qu'en ac-
Marhmque.p. m. croissement des forces déjà réunies dans cette île, le corps


de gendarmerie soit porté de 148 hommes à 5oo hommes,
et qu'il soit formé en même temps un corps de chasseurs
de montagnes, égal en nombre au corps de gendarmerie.


lbid.,p. 117. M. l'ordonnateur estime à 2 ,o85,ooo francs la dépense


qu'occasionnerait la création du corps de gendarmerie, et à
958,000 francs, celle du corps de chasseurs de mon-
tagnes ; mais il y a lieu de penser que ces évaluations, pré-
sentées dans le cours d'une argumentation assez vive contre
l'un des systèmes d'émancipation, sont empreintes de
quelque exagération. Le Gouvernement les réduit ainsi qu'il
suit :


Notes remises par le départe- Création de trois compagnies et demie de gendarmerie,
m.-nt de la marine.


Cl 1,200,000


Création de quatre compagnies de chasseurs
de montagnes, 1 a5 hommes par compagnie. 9/16,000


E N T O U T . . 2,196,000


La dépense annuelle du premier corps, une fois créé, se-
rait de 590,000'


Celle du second corps, une fois créé, serait
d e . . 62 1,000




( 79 )


La milite de la Guyane est forte de 337 hommes, et Notices statistiques, p. 209.
pourrait, au besoin, être portée à 467.


La Guyane anglaise ne compte qu'une population de Tableau ci-dessus indiqué.
3,710 blancs, en face de 96,000 noirs ou hommes de cou-
leur; c'est presque trente-deux contre un. (1). La garnison
de la Guyane anglaise.se compose de 700 hommes de
troupes européennes, de 3oo hommes de troupes colo-
niales et d'une force de police de 22 3 hommes; la milice de Rapport du capitaine Layrle.
k /-, 1 • . j c t 1 (Publications de la marine,5'vol. Guyane anglaise est de 5 ,5oo hommes. p-M-)


Le Gouvernement français ayant créé récemment la demi-
compagnie de gendarmerie ci-dessus énoncée, n'estime pas
qu'il soit nécessaire d'ajouter aux forces de la colonie.


La population de l'île Bourbon se compose, en tout, de Tableaux de population, de cul-
3 7 , 7 2 5 hommes libres et de 66,013 esclaves; ce n'est t a r e ' e t c " a n n é e 1 8 3 9 ' P- 8-
pas tout à fait deux contre un. La garnison de Bourbon se
compose, en ce moment :


De douze compagnies d'infanterie... . i , 4 i a hommes. Notes communiquées par le dé-
D'une compagnie et demie d'artillerie. 156 parlement de la marine.
D'une demi-compagnie d'ouvriers.. . . 01
D'une compagnie de gendarmerie à


cheval 100


E N T O U T 1 ,719


[ 1 ) Voir la note, page 77.


La population de la Guyane française se compose de Tableaux de population de cni-
5 ,654 hommes libres et de 15,516 esclaves; c'est i m t B " - e t c - ' a a n i e i S S 9 > P-6-
peu plus de trois contre un. La garnison de la Guyane
se compose, en ce moment :


D'un bataillon d'infanterie et d'une com-
pagnie noire 868 hommes. Notes remises par le départe-


D'une demi-compagnie d'artillerie et d'un m e n f d e l a m a n n e -
détachement d'ouvriers 67


D'une demi-compagnie de gendarmerie.. 5o


T O T A L 985




( 80 )


3,326 ,ooo


Et cette dépense se réduirait, dès l'année suivante,
peu près à moitié , savoir :


Guadeloupe 6 i 8 , o o o f


Martinique 1 ,211,000


1,829,000


Notes remises par le départe- Dans ces évaluations sont comprises les dépenses de ca-
<nt de la manne. sernement, d'armement, de première mise. Il faudrait au


moins un an pour effectuer ces créations nouvelles.


§ 2 . Tribunuux.


En donnant de l'extension au service de police et de su
r c t é . e n augmentant la gendarmerie, la force publique,
on agit dans la prévision d'un certain degré d'accroisse-
ment dans le nombre des crimes, des délits, des désor


(1) Voir la note , page 77.


Notices statistiques, 2'partie, La milice de Bourbon est forte de 6 ,5q3 hommes.


' ' „ ,, . , L'île Maurice, située à 35 lieues de Bourbon et placée
tableau ci-dessus indique. 1


à peu près dans les mêmes conditions, ne compte qu'une
population de i 5 , ooo blancs, en face d'une population
noire ou de couleur de 75,000 âmes; c'est précisément
cinq contre un (1). La garnison de Maurice est de 2,000
hommes de troupes européennes et 100 hommes de troupes
coloniales ; point de milice.


Le Gouvernement ayant doublé depuis deux ans la gar-
nison de Bourbon , et créé dans cette île une compagnie de
gendarmerie, estime que les forces de la garnison sont
maintenant suffisantes.


La dépense totale se répartirait comme il suit :


Guadeloupe i , i 3 o , o o o '
Martinique.. , 2,196,000




( 81 )


dres ; cela est inévitable : quand la population libre, la
population justiciable de l'autorité publique, s'accroît elle-
même dans la proportion du double ou du triple, il devient
par conséquent nécessaire d'augmenter en même temps,
dans une certaine mesure, le nombre des juridictions, ou
tout au moins le nombre des magistrats.


La justice est rendue dans nos 'olonies :


Enmatière civile, par des juges de paix, par des tribunaux Notices statistiques, i" partie,
n 15—17 70—71—72 183-190•


de première instance, composés d'un juge royal, d'un lieu- i-partie,'P. 55-63,199-206. '
tenant de juge et de deux auditeurs; et par une cour royale,
composée de cinq, sept ou neuf conseillers, selon l'impor-
tance de la colonie ;


En matière correctionnelle, par la cour royale elle-
même : les juges de paix ne connaissent que des contraven-
tions de simple police, et les tribunaux de première ins-
tance , que des contraventions de douanes ;


En matière criminelle enfin, par des cours d'assises,
composées de trois conseillers de cour royale, et de quatre
assesseurs coloniaux, pris à tour de rôle dans un collège de
soixante membres, qui réunissent les conditions de capa-
cité en vertu desquelles on figure en France sur la liste du


J^y-
Tous ces tribunaux sont de droit commun; leur juridic-


tion est réglée par la nature et la gravité des faits, et non
par la qualité des personnes; elle s'étend à toute la popu-
lation blanche, de couleur., ou noire; libre, affranchie ou
esclave; sauf toutefois la puissance disciplinaire du maître
sur l'esclave.


Quelques Conseils spéciaux demandent qu'au moment
de l'émancipation, i l S O i t créé des juridictions nouvelles Avis du Conseil spécial de la


, , i • i • / Martinique, p. 33-69 et suiv.


qui, sous le nom de juges ruraux, ou déjuges de pava spé- du Conseil spécial de h
ciaax, connaîtraient, en matière civile, des contestations Guyane, p. 27 et smv.
entre les anciens maîtres et les ouvriers affranchis ; en ma-
tière correctionnelle, des délits et contraventions commis
en infraction aux lois, ordonnances et règlements relatifs
à l'émancipation.


A notre avis, cette proposition ne saurait être accueillie.
Ces juges de paix spéciaux, en effet, ces juges ruraux,


quelque nom qu'on leur donne, ne seraient autre chose
RAPPORT DE LA C O M M I S S I O N C O L . 11




( 82 )


sur
sur


que ies jugea sajarías [stipendiwy magistrats), institués
Acte du 28 août I833,art. 14- dans les colonies anglaises, par l'acte d'émancipation, pour


15-18-19. , , x f , a , . ,


prononcer sur ies conteatanons entre le^ maîtres et les apr
prentis, et sur les torts respectifs de ces deux classes. i'up,e
envers l'autre, pendant toute la durée de l'apprentissage.


Or, c'est une juridiction tout exceptionnelle., qui a fort
mal réussi.


Les magistrats salariés, étrangers pour la plupart aux
colqnies, chojsjs, en général, par des motifs d'économie,
parmi les anciens officiers, et les anciens fonctionnaires
publics déjà pourvus d'une pension de retraite, appelés à
s'interposer, pendant quelques années, entre deux classes
que le fait de l'émancipation plaçait nécessairement dans
un état de jalousie, et trop souvent d'irritation réciproque,
ne pouvaient manquer de se trouver en butte aux soup-
çons, aux inculpations, aux récriminations de- toute na-


Enqmtede 1836. ture. D'une part , les apprentis et leurs protecteurs,
Témoignage de M. Madden, \ e s missionnaires, les congrégations religieuses n'ont cessé


p.l71;deM.Beaumoni,p.l75- *• . . > 6 5 5


182. (Publications delà marine, de reprocher amèrement à ces magistrats de se laisser ga-
v o gner par les prévenances des anciens maîtres, de subir le


joug de la classe supérieure, de sacrifier aux influences co-
loniales, au désir de se faire une position dans les cercles


Rapport de M. le procureur de la haute société. D'une autre part , les anciens maîtres et
général Bernard, sur la Ja- . . , . , . ,
maïque.p. 30;dumême, sur la le parti qui les sou tient leur ont, non moins amèrement, re-
i^r^sJr''ujaLa^Japi,ne- P r o c h é d e f a i r e pencher sans cesse la balance en faveur des
du même, sur Antigoa, p. 213; noirs, d'entretenir les apprentis dans un état complet d'in-
du même, sur la Trinité, p. 277. , ,,. , ,. . „ , •


(Publicationsdelà marine,4'vol.) soience, dinsubordination ; d épouser, en un mot, toutes
les passions du parti abolitioniste.


Rapport sur l'enquête de 1836, Beaucoup de ces magistrats ont rapidement succombé à
3' v o ¿ J a b í ' c a t i o n s d e l a m a r m e ' l'influence du climat et au dégoût de leur position; pour la


Témoignage de sir Georges r e n d r e S t t P Ï * » - t a b l e , ü a fallu, dans certains cas, les inves-
Grey, p. 187-190; de M. Oldrey, tir d'une protection spéciale, les garantir eontre des pour-


P . 190-192; de M. Jérémie. -t , . ., *?„ , * \ ff F


p. 192-193. suites vexatoires; il a fallu, dans d autres cas, etlacer en
Témoignage de sir Georges E U X * E T " S L E CAI"»Çtère de jllgeS d'exception, en leur COnfé-


Grey, p. 174-175. rant la plénitude de pouvoirs de juges ordinaires, c'est-à-
Rapport du capitaine LayrU, dire en les- plaçant dans la commission générale des juges
' la Jamaïque, p. 74 ; du même , . . , „ . r . , , .


la Barbade, p. 477. (publi-
d e P a l x - Au moment ou i apprentissage a un i , on réclamait


cations de la marine, 4' vol.). ¿ e toutes parts leur suppression et leur remplacement par
des juridictions de droit commun.


Cet exemple ne doit pas être perdu pour nous.




( 8 3 )
Point de juridictions exceptionnelles; point de juridic-


tions temporaires, transitoires} point de tribunaux appelés
à juger telle ou telle classe de justiciables par suspicion et
pafc privilège. Si l'on estime nécessaire d'augmenter le
nombre des juges de paix, et tout porte à croire que
eêla est effectivement nécessaire, il faut augmenter le
nombre des ressorts dans les ville» et dans les campagnes.
Si l'on estime nécessaire d'étendre la compétence des juges
de paix, soit én matière civile, soit en matière correction-
nelle, comme, au reste, on l'a déjà fait récemment, if Ordonnance ..du 16 septembre


i 1841.


faut que cette extension de compétence soit indistincte-
ment attribuée à tous les juges de paix, et réglée, non
par la qualité des personnes, mais pat1 la nature des
faits. L'ascendant du magistrat, le respect qu'il inspire, la
confiance qui s'attache à ses dédisions, dépendent avant
tout de son impartialité et non-seulement de son impartialité
réelle, mais de son impartialité apparente } des juges spé-
ciaux sont toujours, pour le public, des hommes de parti.


En procédant ainsi d'ailleurs, le Gouvernement se mon-
trera conséquent à lui-même et fidèle à ses propres maximes.
Lorsqu'il a prescrit en i 8 3 3 e t régularisé en i83q le re- n , , , ..


* 1 ° J Ordonnance du 4 août Isoo;


censément exact de la population esclave ;• lorsqu'il lui a ordonnance du 11 juin 1839.
conféré par là le bienfait de l'état civil, en ordonnant que
des registres seraient ouverts dans chaque commune, et
que les naissances, les décès, les mariages des esclaves se-
raient inscrits sur ces registres, au lieu de confier cette ordre en conseil du 26 mars
opération, comme on l'a fait dans les colonies anglaises, k m 2 : M " Poar, H M % l e n ' e ;


r _ ' _ . gistrement des esclaves. 12 juillet


des magistrats créés ad hoc,. il l'a confiée au» autorités admi- 1819.
nistratives établies, aux officiers ordinaires de L'état civil;. Ordonnance du 4 août 1833,
et l'exécution de cette mesure, au lieu de devenu?, eonaaae 2^3^176duiijm"
daris- les eeleiniesr anglaises,. l'oceasio» d'une lutté de virigt B rt ^ ia chambre des pé-
années entre l'autorité coloniale et l'autorité métropolitaine, pûtes, da 12 juin 1838,p. 21-22.
s'est accomplie presque sans résistance. Lorsqu'il a créé „ , , 40,*


r r 4 _ * Ordonnance du 5 janvier 1840,


l'institutroTr du patronage en 18A0; lorsqu'il a prescrit la art. 5 , 6 et 7.
visite périodique des habitations et l'inspection régulière des
ateliers, en empruntant tes* trait* principaux de Gettè* insti- Ordreenconseildu.2 novembre
. . . , , , , i ., i r o o 1831, art. 1-25. (Publicationsde


tution au célèbre ordre en conseil du 2 novembre 180 iv iamarine, 1" vol.p. 151-157.)
il s'est bien gardé d'imiter cet acte, précurseur de l'émarfr-
cigatictn, dans, la création de magistrats protecteurs des
esclaves; il a confié les fonctions du patronage au» officiers


11.




( 84 )


La Guadeloupe est divisée en six cantons ou ressorts de
Notice, statistiques, f partie, P a i x ' comprenant vingt : quatre communes. Trois juges


p. 156-157. de paix reçoivent un traitement de 6,000 francs; trois
Notes communiquées par le di- autres un traitement de 4,5oo francs; un seul a un sup-


partement de la marine. , , , . .
pléant salarié.


Exécution de l'ordonnance du du ministère public : qu'en est-il résulté ? C'est que l'ordon-
5 janvier 1840, f partie, p. 16- , - . . n , 11 • . i i n


22-23-28-37. nance du 5 janvier i o 4 o , en dépit de quelques démons-
lbid 2° partie p 41-46 48 t r a t * o n s d'opposition purement passive, en dépit de quelques


-50-53-56-60-62-66-67-86 protestations vaines et sans valeur, soit de la part des
-89-95-98-99-101-130. n . , , . •„ j i . j i


Conseils coloniaux, soit de la part des colons eux-mêmes,
s'est exécutée et s'exécute paisiblement, sans exciter la
moindre fermentation dans les ateliers ; tandis que l'ordre
en conseil du a novembre r 8 3 i a réellement mis le feu


Publications de la marine, dans les colonies anglaises, armé les esclaves à la Jamaïque,
v " p ' ' les colons à l'île Maurice, et précipité avec violence le cours


des événements : c'est l'effet qu'avait déjà produit en 1823
la circulaire de lord Bathurst, qui posait les bases de l'ordre
en conseil de i 8 3 i .


Nous ne saurions donc trop exhorter le Gouvernement à
persister dans la voie qu'il a suivie jusqu'ici, et à ne créer
que des magistratures régulières et permanentes.


•Notices statistiques, i"partie, La Martinique est divisée en quatre cantons ou ressorts
de justices de paix, comprenant vingt-six communes. Les-


Notes communiquées par le dé- . j • j n ^ t j I t J a • x t v • x
parlement de la marine. j u 8 e s " e P a i x d u Fort-Royal et de Saint-Pierre reçoivent un


traitement de 6,000 francs; les juges de paix du Marin eï
de la Trinité reçoivent un traitement de 4,500 francs : tous
ces juges de paix ont chacun un suppléant dont les fonctions-
sont gratuites.


H paraîtrait convenable,
i° De limiter leur ressort à la commune où ils résident;
^° De leur donner à chacun deux suppléants, dont l'un'


serait payé à raison de 3,ooo francs.
3° De créer autant de nouvelles justices de paix qu'il y


a de communes, indépendamment des quatre communes
principales.


Voici la dépense qu'entraînerait cette organisation nouvelle :
li suppléants, à 3,ooo francs 12,000*
22 juges de paix, à 4,500 francs. . 99,000


1 1 1 , 0 0 0




( 85 )


La Guyane est divisée en trois cantons, comprenant qua- Notices statistiques, 5* partie,
torze communes. Le juge de paix de Cayenne a 4,5oo francs p '
de traitement-, le juge de paix de Sinnamary, 3,ooo francs, Notes communiquées par Udé-
Cellli d'ApprOUagUe, 3,000 francs :jù l'un ni l'autre n'ont de Paiement de la marine.
suppléant salarié. Il paraîtrait convenable de leur donner à
chacun deux suppléants dont un salarié, et de créer douze
justices de paix nouvelles.


3 suppléants, à i ,5oo francs 4 ,5oo r


12 juges de paix, à 3,ooo francs . . 36,000


4o,5oo


LUe Bourbon est divisée en six justices de paix, compre- Notices statistiques, 2" partie,
nant douze communes. ' p ' 2 1 '


L'un de ces juges de paix a . . . . 4 ,5oo f de traitement. Notes communiquées par ledé-
Un autre 4,OOO parlement de la marine.
Deux . 3,5oo
Deux 3 , i oo


Les deux premiers ont chacun un suppléant salarié, dont
le traitement est de 1,5oo francs pour l'un et de 1,000 francs
pour l'autre.


Il paraîtrait convenable de donner un suppléant salarié à-
chacuri des quatre autres, et de créer six nouvelles justices*
de paix.


à suppléants, à 1,000 francs . . 4 ,ooo f


6 juges de paix, à 3,ooo francs i 8 , o o o f


22,000


Il paraîtrait convenable de leur donner à chacun deux sup-
pléants, dont l'un serait salarié, de limiter leur ressort à la
commune où ils résident, et de créer autant de nouvelles
justices de paix qu'il y a de communes, indépendamment
des six communes principales.


5 suppléants, à 3,ooo francs i5 ,ooo £


18 juges de paix, à &,5oo francs . . 81,000


96,000




( 86 )


111 ,000
96,000


4o,5oo
22,000


3. Prisons et autres lieux de détention.


Sous le régime de l'esclavage, chaque habitation, avons-
nous dit, est, par elle-même, un lieu d'où l'ouvrier ne peut
sortir qu'avec la permission! dm maître. Chaque habitation
contient en outre, pour son propre compte, une prison
domestique.


En stipprimant cet état de choses, il devient indispen-
sable d'aviser à d'autres moyens de répression. De combien
s'accroîtra, par suite de l'émancipation, le nombre des in-
dividus à détenir dans les prisons publiques, soit comme
condamnés, soit comme simples prévenus? C'est un point
dont l'appréciation offre de grandes difficultés, et qu'on ne
peut déterminer approximativement que par voie d'induc-
tion., d'analogie, de conjecture.


Si nous consultons le dernier compte rendu de l'admi-
nistration de la justice criminelle en France (année 183g) ,


Tableau 21. p. 30. nous y verrons que, sur 7 ,858 individus accusés de crimes,
la classe ouvrière figure pour 6 , 7 6 2 , c'est-à-dire à peu
près pour les cinq sixièmes.


Notices statistiques, 1"parie, En i 8 3 6 , sur 98 accusations de crimes, à la Martinique,
Ç>k étaient imputés à la classe esclave; c'est u n peu plus
dasr deux tiers. Â la Guadeloupe, sur 65 accusations de


lbid.,p. 188. crimes, 29 seulement étaient imputés à la classe esclave;
cl est moins de moitié. Â la Guyane, sur %k accusations


lbid., 2? partie, p. 204. de crimes, 14 étaient imputés à la classe esclave ; c'est un
peu plus de moitié. A Bourbon, sur 6 7 accusations, 3-2


lbid., p. 62. seulement étaient imputées à la classe esclave; c'est moins
de moitié.


Le. nombre des crimes que la classe ouvrière se trouve
exposée à commettre est donc beaucoup moins grand là


.75.


DISPENSE TOTALE.


La M a r t i n i q u e . . . . . . . . .
La G u a d e l o u p e . . . . . . . .
La Guyane
Bourbon


269,500




( 87 )


où elle est esclave que là où elle est l ibre, et cela s'ex-
plique très-inaturellement,


i° Par l'état de restreinte habituelle où vivent les
esclaves, et la surveillance constante dont ils sont l'objet.


2° Par leur exclusion de la plupart des transactions
civiles. Que l'on ouvre le Code pénal, on verra combien
2 prévoit de crimes dont la pensée même ne peut pas
tomber dans la tête d 'un esclave.


3° Par l'absence des tentations extrêmes, de l'entraîne-
ment du moment, Les esclaves sont logés, nourris, vêtus
par les maîtres; s'ils n'ont que le nécessaire, ils ont le
nécessaire ; s'ils vivent ou plutôt végètent dans la misère,
ils ne sont jamais pressés, par le besoin ;


k° Par l'ignorance, enfin, ou l'oubli des meilleurs senti-
ments de la nature, et des plus impérieux devoirs de l'hu-
manité. Il y a des crimes, en effet, qui ne se commettent
qu'autant que ces sentiments existent dans les masses, et
que ces devoirs sont imposés aux individus* L'infanticide,
par exemple, doit être un crime à peu près inconnu là où
le sentiment de la pudeur n'existe pas chez les femmes, là
où la promiscuité de, sçxes n'entraîne aucun déshonneur,
là où les parents ne se. regardent, pas comme chargés du
soin d'élever leurs enfants. C'est une réflexion que M. le
capitaine Layrle ne semble pas avoir faite, lorsqu'il
s'est indigné de voir apparaître, tout à coup, à Antigoa, à
l _ r p . . . , . . , , , t , , r , , Publications de la marine,


la Irimté, ce crime jusque-là sans exemple. II eût été plus w vol., p. 686.
juste de remarquer que les causes qui en avaient préservé
jusque-là ces colonies, et probablement toutes les autres.,
étaient plus déplorables encore que le crime lui-même.
L'infanticide, en effet, tout odieux qu'il soit, n'est qu'un
crime individuel; la dégradation, la dépravation de toute
une classe, est un t r ime social.


A ne consulter donc que le raisonnement et la vraisem-
blance , il n'y aurait nullement lieu de s'étonner si la pro-
gression ascendante des accusations criminelles que signale
M. Dejean de la Bâtie, dans son rapport sur File Maurice, $ 7
se réalisait, par suite de l'émancipation dans toutes les co- 65
lonies. Il ne serait nullement extraordinaire que le nombre 1 8 3 9 . . . . . . . . . in


des accusations criminelles s'accrût dans la proportion d'un u^tï^T Je h m°""e'




•( 8 8 )


à t rois , là où la population libre s'accroît dans^la propor-
tion d'un à cinq. Il existe à Maurice environ 100,000 âmes
libres; il existe à Bourbon environ 100,000 âmes, dont les
deux tiers sont esclaves; 1 1 7 accusations d'un côté, 67
accusations de l 'autre, il n'y a rien là qu'on puisse consi-
dérer comme dépassant toute prévision.


Mais ce qui est vraiment extraordinaire, c'est que cette
progression ascendante de crimes paraît ne s'être réalisée
qu'à Maurice. Nous n'en trouvons aucune trace dans les
autres colonies. M. Bernard a visité la Jamaïque en i 8 3 6 ,


Publications de la marine, M. le capitaine Layrle l'a visitée deux fois, l'une en i84o ,
4 et 5 vol, l'autre en 18/12. Ils s'expriment l'un et l'autre dans un


langage sévère, sur le résultat de l'émancipation dans cette
île; ils ne signalent aucun accroissement dans le nombre
des crimes. Les gouverneurs qui s'y sont succédé, ont cons-


lbid.,1" vol., p. 93-94,2'vol, tamment annoncé, dans leur correspondance avec le dé-
p ' ' partement des colonies, une diminution au lieu d'une


6 iTtmtp^SS. ( S i augmentation de crimes, et les rapports des magistrats
from papers by orders of the spéciaux sont d'accord, sur ce point, avec les déclarations
House of commons, 1839.) 1 _ . 1 , 1 ,


. des gouverneurs». Le seul document qui semble déposer en
Parhamentary papers. Jamai- 0 *


c a , p a r t . I V , p . 136-160-229. sens contraire est émané, en i 8 3 o , du grand jury du
comté de Middlesex; mais les assertions contenues dans
cette pièce, assertions d'ailleurs assez vagues, sont directe-
ment contredites par les magistrats du même comté.


Il en est de même de la Guyane.
Les rapports du gouverneur, ceux des magistrats infé-


PubUcations de la marine, rieurs, s'accordent à signaler une décroissance dans les
1"vol.. p. 125-130-131:2e vol., . . , • f . „ i


226 crimes, et les olhciers irançais qui ont parcouru cette colo-
nie, à diverses époques, confirment ces déclarations.


Voici, d'après M. Guillet, ordonnateur à la Guyane fran-
Publkations de la marine, c a i s e quelle a été cette décroissance.


ffvol.,p.353.
Causes criminelles portées devant la cour suprême :


1833 . . 60
1834 , . , 90


1835 . . 43


.x836 35


J 8 3 7 18


83,8 . . . 29




( 8 9 )
M, le capitaine Layrle, qui a visité la Guyane â la fin de


18/11 , déclare qu'à cette époque, les offenses envers la P M i c a t l o n s d e k m a r i n e i
société n'étaient pas plus nombreuses qu'il y a trois ans, 5*vol.,p. 52.
c'est-à-dire en 1838, au moment de la liberté définitive.
Les documents relatifs aux autres îles ne font mention
d'aucun accroissement dans le nombre des crimes. C'est un
résultat contraire à toutes les données du raisonnement, et
qui ne peut s'expliquer que par cette douceur naturelle de
la population noire, dont parlait M. Burnley à la Commis-
sion : « La race africaine, disait-il, est douce, maniable ; et, Pncis-verbaux de la Commis-
dans l'état d'esclavage, elle a peut-être moins de défauts ™£ a n œ d a 2 2 f i ~


que n'en pourrait avoir toute autre race; » ou, si l'on veut
à toute force des explications plus sévères, par cette asser-
tion du capitaine Layrle: «que le noir n'a ni vices ni vertus; Publications de la marine,


• • 1 1 1 . J 1 . V vol., P . 268. quil est aussi incapable dun grand crime que dune
grande action; aussi, ajoute cet officier, les annales des
tribunaux ne présentent-elles l'exemple d'aucun meurt re ,
au milieu des sentiments haineux dont on pourrait croire
les affranchis animés, et que la sévérité du régime anglais
aurait en quelque sorte justifiés. »


Quant aux simples délits, quant aux infractions légères,
quant aux désordres de peu d'importance, l'expérience ne • ,
p . . . p . . Dépêche du marquis de Sligo,
fournit que des renseignements confus et contradictoires. 28 novembre 1835.
Tandis que les gouverneurs et les magistrats locaux affir- Wpéchedumême, 5 décembre
ment, en général, qu'il n'y a aucune proportion entre le L M r e de M . Chamberlain,
nombre des châtiments infligés par les maîtres sous le Té- Ja9e ? P è c i a } ' a a m a r , , a i s d e Sligo,


6 r 6 juillet 1836.
gime de l'esclavage, et le nombre des châtiments infligés par R a p p o r t d u j a g e s p é c i a l B a j _
la justice sous le régime de la liberté; tandis qu'ils affirment nes> 20 septembre 1838.


j . v j . . , , 1 . . i , . . , Rapport des maqistrats salariés


que ce dernier nombre, déjà réduit, va décroissant d année de la Âision de Sainte-Catherine,
en année; qu'ils apportent, en preuve, des calculs précis, 1 2 Janm,erJi39; ( Ap-nexes e t


rapport de M. Lechevaher, 2' par-
et justifient ces calculs par des raisonnements plus ou moins tie, p. 1121-1125. )
plausibles ( l ) ; les missionnaires, le parti abolitioniste, SOU- Enquête de 1836, témoignage


de sir Georges Grey, p. 97-98.
• (Publications delamarinc ,3"vol.)


(1) «On a dit que depuis l'abolition de l'esclavage, le nombre de fautes s'é-
tait accru-, voici mon opinion à cet égard : Quoique les cas jugés en audience
publique soient plus nombreux, je crois qu'autrefois il ne se commettait pas
moins de fautes. La seule différence existante, c'est qu'autrefois les coupables Dépêche du marquis de Sligo,
étaient punis sur-le-champ, ou sur les plantations m ê m e , et ne se trouvaient 9nuy^'ieur e . a Jamaïque, à


r . . . r wrdGlenelg, ministre des colonies,
point exposés au grand jour. Aussi, à mon avis, le nombre des fautes ne s'est 28 novembre 1835.
point accru; seulement, on y fait une plus grande attention, à cause de la
publicité qui leur est donnée. »


RAPPORT D E L A COMMISSION COL. 12




( 90 )
tiennent, au contraire, que les juges spéciaux se sont mon-


BriSlTaKurl,?,ft!.^rt t r é s b i e n P1™5 r i g o u r e u x <ï«e les anciens maîtres.; que les
de M. J. Lechevcdier, annexes, rigueurs, bien loin de s'adoucir graduellement, ont toujours
2 partie, p. 1109.) été croissant : ils produisent, de leur côté, des calculs non
d ^ & i i n ^ & S ' S m o i n s positifs, et se livrent à des argumentations.non moins
la marine 3° vol., p. I09etsuiv.) concluantes en apparence. Viennent enfin les observateurs


Publications de la marine, français, qui prétendent savoir, de bonne source, que le
V vol., p. 212-269-301. I j j . . . . i i - i


nombre des délits, des contuaventions, des desordres, est
infiniment plus grand sous le régime de la liberté que sous
le régime de l'esclavage-, mais que le nombre des châti-
ments infligés est cependant infiniment moindre, soit en


Dépêche du marquis de Sligo à « Autrefois, lorsqu'un esclave commettait-une d e ces fautes pour lesquelles
lord Glenelg, 5décembre 1835. les apprentis sont aujourd'hui traduits devant une cour de justice, il recevait


un châtiment sévère dans la plantation, et le public ignorait la faute commise.
Maintenant toutes les fautes sont connues; qu'en résulte-t-il ? que l'on s'ima-
gine qu'il y a eu accroissement de fautes, ce que ces faits ne justifient en au-
cune-manière. »


,, , , .. «Pendant les. quatre apnées de l'apprentissage,' le, bruit- <Jue les crimes
happortdes magistrats salaries r '> • i


de la division de Sainte-Catherine allaient augmentant fut propage par le parti des planteurs avec autant de force
au gouverneur de la Jamaïque, qu'il était nié par les partisans de l'émancipation. Les premiers, pour soutenir
12 janvier 1839. leur assertion, s'étaient accoutumés à mettre sans cesse en avant le nombre


des causes jugées, dans.quelques occasions et dans quelques paroisses (car ceci
infime .n'est pas général) devant les cours de session trimestrielle. Or, si cette
augmentation dans le nombre de crimes prouvait quelque |chose, ce n'était
certainement pas contre lés apprentis, mais contre leurs maîtres: car plus de
la moitié de chaquel isteétait ordinairementicon»pasé_e de violences exercées
par ces derniers sur leurs domestiques; mais,, dansla réalité, cela ne prouvait
rien autre chose, sinon que les nègres ne pouvaient plus être maltraités.impu-
nément, et qu'ils savaient quelquefois profiter de la loi faite en leur faveur, ou,
tout au plus , que parmi les nègres, comme pendant l'esclavage, et comme
dans toutes les sociétés civilisées et non civilisées, le sentiment du droit:de pro-
priété était encore, chei quelques individus, surpassé par le cri du besoin et
le désir d'acquérir.


« Les personnes qui prétendent que-les crimes ont augmenté cachent volon-
tairement aux; autres un fait qu'elle connaissent, c'est!qu'il'n'iy arvaifc auttefoi»
que les crimes énormes et atroces qui devinssent l e sujet d'une enquête et d'un
châtiment judiciaire; toutes les fautes d'un degré moindre étaient punies par
une discipline particulière, quand elles touchaient aux intérêts du proprié-
taire; quand elles n'y touchaient pas et que îe public seul en souffrait, le maître
nelivrait que rarement un esclave coupable à la justice, excepté dans les ca^
qui emportaient la peine de mort, ou d e l à déportation, parce que le maître
était, dans ces deux cas, remboursé de sa perte , et que, dans tous les autres,
il se trouvait, pour un moment , privé du service de son esclave. Malgré tout
ce qui a été dit des souffrances des nègres dans l'esclavage, il y a des raisons
de croire que là moitié des horreurs de cette position n'ont jamais été connues,
et qu'on ne rendait pas publique la centième partie dès délits qui sont main-
tenant jugés par les cours de session trimestrielle. »̂




( 91 )


raison de la faiblesse, soit en raison de la partialité des ma-
gistrats locaux, soit même parce qu'il y aurait connivence
entre ces derniers et les propriétaires, qui s'abstiennent
de déférer à la justice les délits de leurs ouvriers, aimant
encore mieux les conserver au travail que de les envoyer
en prison.


Il n'y a évidemment aucun fonds à faire sur ces asser-
tions , qui se détruisent l'une l'autre, et le plus sûr est de À n


1 í A consulter comme termes de
se tenir prêt à tOUt événement. comparaison: acte de la Jamaïque,


. . t du i juillet 183b. (Publications de


Le département de la marine estime qu'il est prudent de la marine, fvol.p. 2U.)
créer huit prisons nouvelles, savoir : deux à la Martinique, Acte da 29 novembre 1838
deux à la Guadeloupe, une dans l'île de Marie-Galante, une ( l b i d " 2 ' v o l > P - 3 i 7 - )
à Cayenne et deux à Bourbon: il évalue, en moyenne, la Règlement des prisons d'Ami-


J ., . 9oa- ilbid.,p. 359.)
construction et l'établissement complet de chaque prison
i o r • f i c Notes communiquées par le dé-
à 00,000 tranCS, SOlt en tOUt, 0a0,000 i ranCS. partemerdde la marine


Il porte à quarante-quatre le nombre de geôles qu'il
faut créer à proximité des nouvelles justices de paix, savoir :
douze à la Martinique, douze à la Guadeloupe, deux à Ma-
rie-Galante, six à la Guyane, e t douze à Bourbon; il éva-
lue, en moyenne, à i5 ,ooo francs l'établissement complet
de chaque geôle, soit.en tout, 660,000 francs.


Il se propose enfin d'établir seize ateliers de discipline,
dont le but et l'utilité Seront expliqués dans Une autre par- Avis du Conseil spécial de la
tie de ce rapport, savoir : quatre à la Martinique, quatre à la G u a d e l o a P e ' Pa3e 6 8 •


1 m • y - i 1 . • \ n Avis du conseil spécial de la


Guadeloupe, u n à Marie-Galante, trois a Layenne et quatre Guyane, p. 25.
à Bourbon; il évalue, en moyenne, à 20,000 francs l'éta-
blissement de chaque atelier, soit en tout, 3a0,000 francs.


Moyennant ces diverses créations, il y a lieu d e croire que
la répression serait complètement assurée. Les dépenses de
premier établissement seraient réparties comme il suit :


La Martinique 420 ,ooo f


La Guadeloupe y compris Marie-Ga-
lante.^ 55o,ooo


La Guyane 23o ,ooo
Bourbon 420,000


t ——————
1,620,000


Il faudrait prévoir, en outre, pour ces divers établisse-
ments, une dépense annuelle de 34,000 francs. Ils pour-


1 2 .




( 9 2 )


raient être terminés dans un délai de deux ans, ils sont
conformes, ou peu s'en faut, aux vœux exprimés par les
conseils spéciaux des colonies.


S 4. Etablissements d'éducation.


11 existait en 1838 , à la Martinique, cinquante-deux écoles
Notices statistiques, r partie, ou institutions élémentaires, et quatre pensionnats. Les pen-


p ' ' sionnats, consacrés comme les écoles au premier degré de
l'instruction, étaient exclusivement fréquentés par les en-
fants de race blanche; les écoles, tenues en général par des
hommes de couleur, étaient à peu près exclusivement fré-
quentées par des enfants de cette classe.


Trois de ces écoles, à savoir une école de garçons et une
de filles au Fort-Royal, et une école de garçons à Saint-
Pierre, suivaient la méthode de l'enseignement mutuel.


Rapport fait à la Chambre des Les fonds consacrés, dans la colonie, à l'instruction
Députés, le 12 juin 1838. p. M. . . . , . „ _ p


primaire ne dépassaient pas ib ,5oo Irancs.
Aucun effort n'avait été fait jusque-là par le Gouverne-


ment pour porter le bienfait de l'éducation, dans l'intérieur
des habitations, aux enfants de la race noire. Quant à l'é-
ducation qu'ils y recevaient par les soins des maîtres , voici
comment elle était décrite par l'autorité locale :


Observations sur les notes de « L e s enfants sont tous les jours confiés à une femme
M.Lavollée,l(r question, p. 136. r J , . , „ , / > .


âgée, qui les réunit dans un local à ce destine; elle les fait
prier Dieu, baigner et manger en sa présence. Quand ils
sont malades, ils sont portés à l'hôpital, la plupart du temps,
dans la maison même du maître. Si l'enfant est en nourrice,
sa mère demeure auprès de lui pour le soigner et l'allaiter.
A dix ou douze ans, il commence à être employé à la garde
des bestiaux; il n'entre au travail du petit atelier qu'à quinze
ou seize ans. »


c J Z p ^ X e / ^ r t L e . ]" " o v e m b r e l 8 3 8 > M - i e P r é f e t apostolique de la
Royal, 1388. Martinique, par un règlement adressé à son clergé et ac-


compagné d'une lettre pastorale, a ordonné :
Règlement, art. 1. !» Qu'il serait fait, tous les dimanches et jours de fête,


au prône, une explication familière de l'évangile du jour;
Art. 2.


2 ° Qu'il serait fait, deux fois par semaine, dans l'église




( 9 3 )


une instruction religieuse, dans un langage approprié aux
enfants comme aux adultes;


3° Que les curés et leurs vicaires iraient, deux fois par Art. 3.
mois, faire l'instruction religieuse dans les habitations oà ils
auraient été préalablement appelés ou dont l'accès leur aurait
été ouvert par les maîtres;


h° Que dans ces habitations deux personnes seraient Art. 4.
choisies par le maître, avec l'agrément de l'autorité ecclé-
siastique , pour faire les prières le matin et le soir, et exercer
les enfants à chanter des cantiques ;


5° Qu'à la fin de chaque trimestre, un rapport sur la Art. 7-8.
matche et les résultats de l'instruction religieuse, sur le
nombre des personnes de tout sexe et de tout âge qui sui-
vraient le catéchisme, et les divers enseignements donnés,
soit à l'église, soit à domicile, serait adressé à la préfecture
apostolique et transmis par elle au Gouverneur.


NOUS avons SOUS les yeux un état récapitulatif de Ces di- ÉtalcomnmniquéparM lep
J r Jet apostolique, 28 mars 1840.


vers rapports pour l'année 1839 :
Sur 3 ,171 habitations rurales, 151 seulement avaient CafèHres....'.'.'.. 908


admis l'instruction religieuse; il est juste d'observer que les Vénères 1,769
habitations vivrières méritent à peine ce nom. l o t AL.. 3,171


Sur une population de , i 5 , o 6 6 âmes , 2 , 8 3 8 fréquen- ^ ^ ^ ^ 3 9 .
taient le catéchisme. Cette population de i i 5 , o 6 6 âmes p- 3-%6-)
comprenait 35 ,66o enfants au-dessous de quatorze ans. , Lf G0™™»™*évalue à600


1 ' • l e s habitations proprement dites.
Sur 23 paroisses, il y en avait 17 portées, à lâ colonne (Exécution de l'ordonnance du 5


Progrès de l'instruction religieuse, pour néant. janvier , partie, p. 8.)
« Les maîtres, est-il dit à la colonne Observations générales,


ne secondent point ou ne veulent point la propagation de
l'instruction religieuse. »


C'est, au reste, ce que M. le préfet apostolique nous a . Procès-verlaux de la Commis-
l r , , • . . sioUfS"partie. (Séance du 29 avril
déclare im-meme. 1842, P. 318.)


D. Les propriétaires se prêtent-ils facilement ou opposent-
ils des obstacles à la propagation de l'enseignement religieux
parmi les noirs ?


R: Il y en a un certain nombre qui prêtent, en effet, leur *
concours au clergé, et qui vont même au-devant de lui ;
mais il en est d'autres, et malheureusement ce n'est pas la
minorité, qui voient avec défiance tous les efforts qu'on peut
faire pour la moralisation des noirs par l'enseignement reli-




( M )


1,970


Le nombre des habitations où se font les instructions
lhd.,p.8. religieuses s'est élevé à 237.


Les renseignements relatifs à l'année 18A1 ne sont pas
Ibid.,2'partie.p. 8. encore parvenus, dans un état complet et régulier, au dé-


partement de la marine.


Le nombre des enfants esclaves, âgés de moins de qua-
Tableaux et relevés depopula- torze ans, s'élevant à la Martinique à a 2 , 5 1 8 , c'est environ


tien, de cultures. etc.. 1839. P . 2. i e n f a n t s u r 2 5 q U i r e ç o i t les premiers éléments de la religion.


Il ne faut point s'étonner dès lors de trouver, dans les


gieux. Ce n'est pas que ces derniers preprié**ffies! soient
opposés , en principe, à toute amélioration morale; iWais ils
croient voir, dans les mesures prises par le Gouverûêirïent,
le prélude de l'émancipation, qui doit entraîner, selon ên«v
la ruine du travail.


Pour triompher de cette résistance, l'ordonnance du
5 janvier 18Ao a prescrit :


Art. 1. Aux ministres du culte, de faire, au moins «ne fois par
mois, une visite sur les habitations dépendantes de leur
paroisse, et de pourvoir, par des exercices religieux et par
l'enseignement d'un catéchisme spécial, au moins une fois
par semaine, â l'instruction des enfants esclaves;


A rt. 2. Aux gouverneurs, dé régler administrativement les jours
et heures de l'instruction religieuse ;


Aux maîtres, de faire conduire à l'église, pour l'ensei-
gnement du catéchisme, les enfants esclaves âgés de moins
de quatorze ans.


„ , , „ , Le gouverneur de la Martinique a pris un arrêté, à cet
éxecution de l ordonnance ° » 1


royale du 5 janvier 1840, f par- effet, le 21 mai 18A0; et voici quels ont été, dans le cours
p ' 5 ' de l'année, les résultats de ces dispositions nouvelles :


Individus qui ont fréquenté l'instruction paroissiale, l\, l\ o 3.


i b i d 7 Dans ce nombre les «nfants âgés de moins de quatorze
ans figurent pour î , 9 7 0 , savoir;


Libres. . . . 1,088


Esclaves.. . 882




( 9 5 )


rapports des magistrats chargés de visiter périodiquement
les habitations, des passages tels que ceux-ci :


«L'instruction reliciëUSe est à peu près nulle sur 7 0 habi- r Exécution deï ordonnance du
_ ~ . . . 5 janvier 1841,2 partie, p. 9.


tarions que les trois magistrats viennent de visiter dans les
10 communes susénoncées. Les esclaves savent plus ou
moins bien leurs prières, mais ils les répètent pour la plupart
machinalement; quelques-uns vont à la messe, se confessent
et communient : c'est le petit nombre; enfin quelques vieil-
lards , qui savent les prières un peu mieux que lés autres, les
apprennent aux petits enfants; voilà à peu près toute l'ins-
truction religieuse sur ces habitations. »


Ces magistrats constatent également ou l'indifférence, ou
° . • • lbid., p. 9.


même la répugnance des propriétaires aux progrès de l'ins-
truction religieuse chez les noirs, et en donnent la même
raison que M. le préfet apostolique.


Mécontent d'un pareil état de choses, M. le ministre de ( 1 ^ % d a " a ° & t m L


la marine a cru devoir adresser, à ce sujet, une circulaire
fort pressante â MM. les gouverneurs des colonies; et M. le
gouverneur de la Martiniqne avait devancé ces observations Leureduil juillet 1841 (lbid
en entrant dans des explications qui ne font que trop bien p- M-)
comprendre les difficultés qu'il rencontre;, et qu'il s'efforce
de surmonter. n , , „


Ordonnance da 6 septembre


Sur le crédit ouvert en 1839 au ministre de la marine i 8 3 9 - a r t -
( chap. 2 1 , sect. 2 ) , 200,000 francs sont consacrés,
chaque année, depuis 1 8 3 g , à l'encouragement de l'instruc-
tion primaire dans les colonies. En conséquence de cette
allocation, il a été établi, à la Martinique trois écoles tenues communiquées par le dé-


„ , 1 „ . . i t v i - 1 • parlement delà marine.
par des ireres de i institut de Ploermel, savoir :


1 au Fort-Roysî^


2 à Saint-Pierre.


Le nombre des frères envoyés dans la colonie est de 11\ ,
sous la direction d'un supérieur.


Le Gouvernement estime qu'il conviendrait d'établir
douze autres écoles dans les principaux centres de popu^
lation.


Il estime qu'en portant à k 7 le nombre de frères de ce'




( 9 6 )


Sur cette somme, il n'y aurait que 138,000 francs de dé-
pense annuelle.


Il est entendu que de nouveaux efforts seraient provo-
qués, par le gouverneur, de la part de la colonie elle-
même -, cela serait d'autant plus juste, qu'elle reçoit du
département de la marine une somme annuelle de 10,000 f.


} b i d t à titre d'encouragement pour l'établissement d'écoles élé-
mentaires dans les communes.


Notion siaUstigues, 1" partie, n e x i s t a i t e n 1 8 3 8 ' à i a Guadeloupe, 51 établissements
P- %37- d'instruction publique, savoir :


39 écoles de garçons,
12 écoles de filles.


Une seule de ces écoles suivait la méthode de l'ensei-
gnement mutuel-, elle était à peu près exclusivement fré-
quentée par des enfants de couleur.


Il existait, en outre, un pensionnat de garçons, et une
maison royale d'éducation, fondée en 1822, pour les jeunes
demoiselles de la colonie.


même institut, établis ou à établir dans la colonie, on ne
resterait pas au-dessous des besoins de la populatioa.


Six sœurs de l'institut de Saint-Joseph ont été également
envoyées à la Martinique pour fonder des écoles de filles,
sous la direction d'une supérieure.


Le Gouvernement estime que le nombre en devrait être
porté à 5 4 , tant pour les écoles proprement dites, que
pour les salles d'asile à établir dans la colonie.


Voici "quelle serait la dépense :


1 s écoles de garçons, à î 5 , o o o francs pour chaque école,
mobilier compris 18o ,ooo f


i a écoles de filles ; même dépense 180,000
12 salles d'asile, à 10,000 francs pour chaque


salle, mobilier compris 120,000
36 frères en plus, à raison de 1,700 francs


de traitement pour chaque frère , 61,200
48 sœurs, à raison de 1,600 francs de trai-


tement pour chaque sœur 76,8,00


618,000




( 9 7 )
Les fonds Consacrés, dans la colonie, à l'instruction Rapport fait à la Chambre des


primaire, s'élevaient à 18,088 francs. Députés, le и juin 1838, p. i,t,.
Même absence d'éducation publique, pour les enfants es­


claves, que dans la colonie delà Martinique; même négli­
gence dans l'éducation domestique donnée sur les habi­
tations.


Le 5 décembre 1 8 З 9 , M. le préfet apostolique de la
Guadeloupe a suivi l'exemple qui lui avait été donné, l'an­
née précédente , par M. le préfet apostolique de la Marti­ Exécution de l'ordonnance du
nique, et a adressé à son clergé un règlement semblable, 5 J a n m e r i S i 0 > f partie, p. й.
ou à peu près, à celui dont nous avons donné plus haut
l'analyse.


Ce premier essai ayant en partie réussi, M. le gouver­
neur de la Guadeloupe a jugé prudent de laisser1 agir la Rid., 2" partie, p. 16. (Lettre du
persuasion , et de ne pas insister sur la partie coercitive de fgj^fg^fj111 G u a d e l o u P e - d t t
l'ordonnance du 5 janvier 18Д0.


Dans les trois premiers trimestres de i 8 4 i , le nombre
des individus assistant aux instructions paroissiales s'est I b ­ d ^
élevé à 10,237, savoir:


Affranchis au­dessous de i 4 ans Ы 9 7
­Affranchis au­dessus de \L\ ans 1,927
Esclaves au­dessous de i 4 ans г'7^7
Esclaves au­dessus de i 4 ans 5 , 3 o i


10,237


«Le nombre des noirs affranchis depuis 18З0 étant
d'environ i i ' , 5 o o , et le nombre total des esclaves de lbid.
93,600, il en résulte qu'en 1 84 1 , près du quart de ces
affranchis, et environ 1 esclave sur 1 3 , ont assisté aux
instructions paroissiales.


« Le nombre des habitations où se sont faits régulière­
ment, en i 8 4 i , le catéchisme et des instructions morales
et religieuses, s'est élevé à 192. Le nombre total des habi­ lbid., p.15.
tations de la Guadeloupe étant de 2,626, le catéchisme et
les instructions morales et religieuses se sont faits réguliè­
rement sur le 13 e environ des habitations ; et sur les 19,47/1
noirs composant les ateliers réunis des 192 habitations,
16,462 ont été présents à ces instructions. »


RAPPORT D E LA COMMISSION COL. 13




( 98 )


La dépense annuelle serait de i46,3 'oo francs.


Tableaux et relevés de popula- Le nombre des enfants esclaves au-dessous de quatorze
tion. dt: culture, etc., année 1839, ^ _ q u i e x i s t e n t à la Guadeloupe, étant de a8,3 a 6, c'e»tun


peu moins de un sur quatorze qui a reçu, en i 8 / u , les
• premiers éléments de la religion dans l'église paroissiale.


Le rapport adressé, le 1 e r décembre 1 8 4 1 , à M. le gou-
verneur de la Guadeloupe, par M. le préfet apostolique,


Exèçuûon de ïordonnance du t ^ s a t i s f a i s a n t en ce qui concerne le district de la
•/ ftiwmr 1840, 2 partie, p. 15. *


Basse-Terre; il ne l'est pas autant en ce qui concerne celui
Jbid. ,p. 17-18. de la Grande-Terre.


Les rapports des officiers du ministère public sont, en
Notes communiquées parle dé- général, très-défavorables aux maîtres et aux esclaves.


purtement de la manne. Depuis i83o, il a été établi, à la Guadeloupe, quatre
écoles de frères de l'institut de Ploërmel, savoir :


2 à la Pointe-à-Pitre,
i à la Basse-Terre,
) à Marie-Galante.


Quinze frères sont employés dans ces quatre écoles.
Le Gouvernement estime qu'il conviendrait d'établir


douze écoles de plus; il estime qu'on devrait porter le
nombre de frères employés à 54.


Sept sœurs de la congrégation de Saint-Joseph ont été
également envoyées à la Guadeloupe pour fonder des écoles
de fdles. Le Gouvernement estime que le nombre en de^
vrait être porté à 54 , tant pour les écoles proprement
dites, que pour les salles d'asile à établir dans les divers
quartiers de la colonie.


DÉPENSE.


12 écoles de garçons., à i5 ,ooo francs par
chaque école i8o ,ooo f


12 écoles de filles 180,000
i 4 salles d'asile i4o ,ooo
3g f r è r e s . . . . ' 66,3oo
5o sœurs 80,000


646,3oo




ï l existait à la Guyane, en 1838 , deux établissements Notices statistiques, 2'pat de,
d'instruction primaire, savoir : P- 2 6 ° - 2 6 i -


Une école primaire de garçons, tenue autrefois par trois
frères de la doctrine chrétienne, confiée depuis à deux
instituteurs laïques : cet établissement comptait i 2 3 élèves,
dont 12 appartenaient à la population blanche, et 1 1 1 à la
population de couleur;


Une école de filles tenue par six soeurs de la congrégation
de Saint-Joseph : cet établissement comptait 129 élèves,
dont 33 appartenaient à la population blanche, et 96 à la
population de couleur.


Les fonds consacrés à l'instruction primaire s'élevaient Rapport fait ci la Chambre d-JS
à 19 f6o-5 francs. • - • épatés le 11 juin 1838, P . ii.


Jusqu'à la promulgation de l'ordonnance du 5 janvier
i84o, aucune précaution n'avait été prise, aucun effort n'a-
vait été fait pour porter, dans l'intérieur des habitations,
aux enfants esclaves, quelque élément d'éducation morale
et religieuse.


Le 2 0 juillet l84o, M. le gouverneur de la Guyane a Exécution de l'ordonnance dit
. • , 1 .• 1 , . j 5 janvier 1860, f partie. ». Ç.


pris un arrête en exécution de cette ordonnance. J '
Les résultats de cette première tentative ont été médio-


cres en i84o; 5oo individus seulement ont assisté aux ins» ibhl.p. s.
tractions paroissiales, savoir:


Affranchis au-dessous de i4 ans. . . . . . . . 189
au-dessus de 14 a n s . . . . . . . . 62


Esclaves au-dessous de i4 ans 156
— a u - d e s s u s de 1 4 ans g3


5oo


Le nombre des habitations où s'est fait régulièrement le
catéchisme s'est élevé à 4s .


En 1841 , le progrès a été sensible; 1364 individus ont lhd., 2epartie,P. 21
assisté aux instructions paroissiales, savoir :


Affranchis au-dessous de 14 ans 4 1 6
au-dessus de i 4 ans 52 5


Esclaves au-dessous de 1 4 ans 2 2 9
au-dessus de i4 ans 194


i 364


1 3 .




( 100)
Exécution de l'ordonnance du <i Ce nombre paraîtra bien faible si on le rapproche du


5 janvier 1840,2-partie, P . 21. c n j f f r e d e j a p 0 p U l a t i o n totale affranchie et esclave de la


colonie, qui se compose de près de 20,000 individus
(A,200 affranchis, i 5 , 8 o o esclaves); mais, sur les quatorze
quartiers de la colonie, trois seulement, la ville de Cayenne,
Sinnamary et Approuague, possèdent jusqu'à présent des
églises, et ce n'est qu'à la population noire des deux pre-
miers, laquelle est de 4 ou 5,000 individus, qu'il faut rap-
porter le chiffre de 1,364 dont il vient d'être parlé. »


Tableaux et relevés de popula- £, a population esclave au-dessous de quatorze ans étant
iion, culture, etc., année 1839, , „ . . „ . , . . , ; , r ,


p 6. de 0,000 individus, cest a peu près un entant esclave sur
quinze qui reçoit à l'église les premiers éléments de la reli-
gion.


Tableaux et relevés de popula- Le nombre des habitations où se fait le catéchisme s'est
tion, de culture, etc., année 1839, e n l 8 4 l ) à 2 l 6 > s u r A 3 0 habitations rurale».
p. x>o.


Exécution de l'ordonnance « Le nombre total des habitations proprement dites étant
royahduSjanvier 1840,2-partie, d - e n v i r 0 n 4 o o , il en résulterait que le catéchisme et les


instructions morales et religieuses se font aujourd'hui sur
plus de la moitié des habitations de la colonie. Ces 2 16 ha-
bitations sont, au reste, celles de neuf quartiers seulement,
et sur les 8 , Q 5 O esclaves dont se composent leurs ateliers,
plus de 6,160 ont assisté aux instructions religieuses. »


Les rapports du préfet apostolique sont tristes et défavo
Exécution de l'ordonnance du rables. La difficulté de communiquer entre les diverse;


5 janvier 1840, 2" partie, p. 23. • , , , . , î . i .• i \ i
J parties de la colonie est un obstacle continuel à la propa-


gation de l'instruction religieuse; mais, là même où cet
obstacle ne se rencontre pas, d'autres obstacles d'une na-
ture plus fâcheuse se manifestent. •


« Dans la ville de Cayenne, dit cet ecclésiastique, on a
toute facilité pour se rendre aux instructions ; un catéchisme
a été établi trois fois la semaine ; 5oo enfants esclave des deux
sexes, d'âge de quatorze ans et au-dessous, pourraient s'y
rendre; le cinquième seulement s'est fait inscrire, et à peine
y vient-il le quart de ce cinquième. Les enfants de couleur
libres sont plus nombreux encore dans la ville. On fait pour
eux un catéchisme cinq jours de la semaine, pendant huit
mois de l'année; ils s'y rendent en si petit nombre, que, l'é-
poque de la première communion arrivée, à peine s'en
trouve-t-il une cinquantaine capables de la faire. Cela tient